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KMOIRES
DE LA SOCIETE DES
SCIENCES PHYSIQUES ET NATURELLES
DE BORDEAUX
MÉMOIRES
DE LA SOCIÉTÉ
DES SCIENCES
PHYSIQUES ET NATURELLES
DE BORDEAUX
5" SÉRIE
TOME I
PARIS
OAUTHIER-VILLARS & FILS
» J.
IMPRIMEURS -LIBRAIRES DE L ECOLE POLYTECHNIQUE, DU BUREAU
DES LONGITUDES, SUCCESSEURS DE MALLET-RACHELIER,
Qaai des Angnstins, 55.
A BORDEAUX
CHEZ FEREX ET* FILS, LIBRAIRES
15, cours de Tlntendance, 15
1896
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LISTE
DES
PRÉSIDENTS ET VICE-PRÉSIDENTS DE LA SOCIÉTÉ
de 18B3 A *8e6
ANNÉE
PBÉSIDENT
BAZIN.
VIGE-PRésmBNT
1853-1854
DELBOS.
1854-1855
BAZIN.
>
1855-1856
BAZIN.
»
1856-1857
ORÉ.
»
1857-1858
BAUDRIMONT,
»
1858-1850
BAZIN.
p
1859-1860
BAUDRIMONT.
>
1860-1861
ABRIA.
»
1861-1862
LE8PIAULT.
ORÉ.
1862-1868
BAUDRIMONT.
ROYBR.
1863-1864
ORÉ.
AZAM.
1864-1865
AZAM.
ROYER.
1865-1866
ROYBR.
H. GINTRAC.
1866-1867
H. GINTRAC.
0. DE LACOLONGE.
1867-1868
0. DE LACOLONGE.
GLOTIN.
1868-1869
GLOTIN.
JEANNEL.
1869-1870
LINDER.
DELFORTERIE.
1870-1871
LINDER.
DELFORTERTE.
1871-1872
DELFORTERIE.
ABRIA.
1872-1873
ABRIA.
RATHEAU.
1873-1874
BAUDRIMONT.
SERRÉ-GUINO.
1874-Ï875
SERRÊ-GUINO.
BAYSSELLANCK.
1875-1876
BAYSSELLANCE.
LOQUIN.
o
4Ô713
ANNÉE
PBKSIDENT
VICE-PRESIDENT
1876-1877
1877-1878
1878-1879
1879-1880
1880-1881
1881-1882
1882-1883
1883-1884
1884-1885
1885-1886
1886-1887
1887-1888
1888-1889
1889-1890
1890-1891
1891-1892
1892-1893
1893-1894
1894-1895
1895-1896
LOQUIN.
HAUTREUX.
E. BOUT AN.
DUPUY.
MILLARDET.
DE LAGRANDVAL.
G. RAYET.
G. RAYET.
G. RAYET.
G. RAYET.
G. RAYET.
G. RAYET.
G. RAYET.
TANNERY.
AZAM.
DUPUY.
DROGUET.
BAYSSELLANCE.
BLAREZ.
DE LAGRANDVAL.
HAUTREUX.
E. BOUTAN.
MICÉ.
MILLARDET.
DE LAGRANDVAL,
G. RAYET.
FOURNET.
FOURNET.
FOURNET.
BOUCHARD.
BOUCHARD.
AZAM.
TANNERY.
GAYON,
GAYON.
GAYON.
BLAREZ.
BLAREZ.
HAUTREUX.
HAUTREUX.
LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
pendant Tannée 1895-1896.
Membres du Cfmtêil,
Composition dn Bureau pour l'aunje 1896-1896.
MM. FOURNBT, Q A., Président hoHorêirê.
DB LâGRANDVAL, j|^, Président.
HAUTRBUX, ^, Viee-Présidênt.
RAYBT, ^, Secrétaire général,
CROIZIBE, #, < „ ' , . .. . ,
HUGOT { ^^^^*<^^^^J^^^*''
BRUNBL, ArckivisU,
CHEVALLIER, Trésorier.
GAYON,*,
MILLARDBT, ^,
FIGUIER,
PÉREZ, ^,
BAYSSELLANCB, O. 'Sfé,
BOUCHARD, 0. «,
MORISOT,
JOLYET,
LESPIAULT, ^,
ELLIE,
BLARBZ,
DROGUET, #,
Membres titulaires (*).
MM.AIGNAN, inspecteur d'Académie.
*ASTOR, professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble.
AUGER, professeur à la Faculté des Sciences.
AUGIS, ^, ingénieur de la Compagnie du Midi.
AVRIL, j^, ingénieur de la Compagnie du Gaz.
BARCKHAUSEN, 0. ^, professeur à la Faculté de Droit.
BARTHB, professeur à la Faculté de Médecine.
BAYSSELLANCB, 0. #, ingénieur des Constructions navales en retraite,
ancien maire de Bordeaux.
BERGONIÉ, professeur à la Faculté de Médecine.
BICHON, licencié es sciences.
BLAREZ, professeur à la Faculté de Médecine.
BORDIER, docteur-médecin, à Lyon.
BOUCHARD, 0. ijff, professeur à la Faculté de Médecine.
BOULOUCH, professeur au Lycée.
, BOUTIN^JVPi pharmacien -major de 1^' classe.
(*) Les membres dont le nom est précédé d'un astérisque sont membres à vie.
MM. BRUNKL, professeur de calcul infinitésimal à la Faculté des Sciences.
CâGNIEUL. ancien préparateur t\ la Faculté des Sciences.
Carde, ingénieur civil.
CARLES, agrégé à la Faculté de Médecine.
CARMIGNAC-DBSC0MBb;S,ingénieurde8 Manufactures de VKtatàMorlaix.
CARON, professeur de Mathématiques au Lycée en retraite.
CAUBET, chef de travaux à la Faculté des Sciences.
CHADU, professeur de Mathématiques au Lycée.
CHAVANNAZ, licencié ôs sciences, docteur en médecine.
CHENEVIER. chimiste au Chemin de fer du Midi.
CHEVALLIER, préparateur à la Faculté des Sciences.
CHBVASTELON, professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble.
COLOT, licencié es sciences, professeur de Mathématiques.
CROIZIER, ^, capitaine en retraite.
DELMAS, ^, docteur en médecine, direct, de Thydrothérapie des Hôpiiaus.
DELMAS, ancien élève de TÉcole polytechnique.
DBNIGËS, professeur à la Faculté de Médecine.
DE VAUX, professeur à la Faculté des Sciences.
DOUBLET, aide-astronome àTObservatoire.
DROGUET, ^, directeur des postes et télégraphes en retraite.
DUBOURG, chimiste à la Douane.
DUHEM, professeur à la Faculté des Sciences.
DUPOUY, préparateur à la Faculté de Médecine.
DURËGNE, ingénieur au Télégraphe.
ELGOYHEN, négociant-propriétaire.
ELLIE, ingénieur civil.
FALLÛT, professeur de géologie à la Faculté des Sciences.
FAVREL, préparateur à la Faculté de Médecine.
FIGUIER, ^, professeur & la Faculté de Médecine.
FOUGEROUX, percepteur des Contributions directes.
GADEN, négociant.
GAULNE (db), propriétaire.
*GAYON, ^, professeur de Chimie à la Faculté des Sciences, chimiste en chef
à la Douane.
GELBLUM, ingénicttr>agronome.
GENDRON, électricien.
GOGUEL, chargé de conférences à la Faculté des Sciences.
GOUTTES, inspecteur divisionnaire du travail à Bordeaux.
GOSS.'VRT, professeur à la Faculté des Sciences.
GOUTTES, inspecteur divisionnaire du Travail.
GUBSTIER (Daniel), négociant.
GUIMARAES, officier du Génie portugais.
HADAMARD, professeur de mécanique à la Faculté des Sciences.
HAUSSER, 0. ^, ingtîoieur en chef des Chemins de fer du Midi.
HAUTRBU}^, ^, lieutenant de vaisseiiu, directeur des mouv&rmtnts du port
en retraite.
HUGOT, c)ibF<Iâ tfivuttX à Ift FatruUé des ^ci^ncôB.
flCM. ISSÂLY (l'abbé), licencié es sciences mathématiques.
JOaNNIS, professeur à la Faculté des Sciences de Paris.
JOLYBT, professeur à la Faculté de Médecine.
JOUBT, propriétaire.
KOWALSKI, professeur de Mathématiques.
KUNSTLBR, professeur à la Faculté des Sciences.
LABAT, ^, ingénieur des constructions maritimes, député de la Gironde.
LABORDE, préparateur de la Station agronomique.
LACROIX, professeur de Mathématiques au Lycée.
LAGACHE, ingénieur des Arts et Manufactures.
LAGRANDVAL (db), ^y professeur honoraire de Mathématiques spéciales
au Lycée.
LAMEY, chimiste.
LANDE, e|f5, agrégé à la Faculté de Médecine, médecin adjoio^ des hôpitaux.
LASSERRE, préparateur à la Faculté des Sciences»
LAVERGNE (comte ï>n), ^, propriétaire.
*LESPIAULT, ^t doyen honoraire de la Faculté des Sciences.
LAPORTE (Michel), ancien professeur de Mathématiques.
MICE, ^, recteur de F Académie de Clermont.
MILLARDET, ^, correspondant de l'Institut, professeur de Botanique à lu
Faculté des Sciences.
MORISOT, professeur à la Faculté des Sciences.
PALMADE, professeur au Lycée.
PÉREZ, ^, professeur de Zoologie k la Faculté des Sciences.
PETIT, docteur es Sciences naturelles, chef des travaux de botanique à la
Faculté des Sciences.
PICART, astronome adjoint à l'Observatoire, chargé de cours à la Faculté
des Sciences.
PIÉCHAUD, agrégé à la Faculté de Médecine.
PIONCHON, professeur & la Faculté des Sciences de Grenoble.
PRÉVOST, ingénieur civil des Mines.
RAGAIN, licencié es sciences, professeur de dessin graphique au Lycée.
RAYBT (G.), O. ^, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des
Sciences, directeur de rObservatoire de Bordeaux.
RIVIÈRE, piépaiateur à la Faculté de Médecine.
ROCH, chixmste.
RODBERG, iagénieur^directeur de la Compagnie du Gaz.
RODIBR, professeur au Lycée, directeur du Jardin botanique*
ROZIER, professeur de Mathématiques.
SANSON, pxofeseur da Mathéxnatiques au Lycée.
DB SAINT-MARTIN, propriéiaire.
•TANNERY (P.), ingénieur des Manufactures de VÉtat, à ParU.
TURPAIN, préparateur k la Faculté des Sciences.
VALLANDË (db), licencié ôs sciences.
VERGBLY, ^, professeur à la Faculté de Médetine.
VfiZEB, tn%fâ8$eur k lu Farulté des Sdenbcs.
MefflbfftB hottôrairefi.
MM. DARBOUX(G.),^, membre de l'Institut, doyen d« la Faculté d«« Sciences
de Paris.
DE TILLY, major d* Artillerie, directeur de rafgélial d'AnvêrB.
FORTI (Angelo), ancien profêM. de Mathématiques au Lycée Royal de Pise.
FRBNBT, 4^, (irofeftseur honoraire à la Faculté des J3<iience8 de Lyon, à
Périgueux.
KOWALSKI, directeur de l'Observatoire de l'Uniteraité impériale de Kazan
(Russie).
LINDBR, O. ^, inspecteur générai.des Mines, à Paris.
RUBINI (R.), professeur à l'Uniyersité Royale de Naples.
Membres ourrespondants.
MM. ANDREEFF, professeur à l'Université de Kharkof.
ARDISSONE, professeur de Botanique à TÉcole Royale d'Agriculture de
Milan.
ARIËS, capitaine du Génie.
fiJERKNES, professeur à l'Université de Christiania.
CURTZE (Max.), professeur au Gymnase de Thorn.
DILLNER (G.)» professeur à l'Université d'Upsal.
ÉLIE, professeur au collège d'AbbeyiUe*
ERNST (A.), professeur d'Histoire naturelle à l'Université de Caracas*
GAR6IGLIËTTI, docteur en médecine, à Turin.
GAUTHIERrVILLARS, 0. ^, ancien élève de l'École Polytechnique, libraire
éditeur, à Paris. *
GOMES TEIXEIRA (F.), professeur à l'Université de Coimbre.
GRAINDORGE, professeur à l'École des Mines, à Liège.
GUNTHER (Dr. Sig.) professeur au Gymnase d'Ansbach.
HAILLECOURT, inspecteur d'Académie en retraite, à Périgueux.
HAYDEN, géologue du Gouvernement des États-Unis.
IMCHBNBTSKY, membre de l'Académie Impériale de Saint-Pétersbourg.
LAISANT, j^, ancien ofBcier du Génie, député de la Loire-Inférieure.
MUELLER (baron Ferd. von), membre de la Société Royale de Londres,
directeur du Jardin Botanique de Melbourne (Australie)^
PEAUCELLIER, 0. «, général du génie.
PICART, professeur de Botanique en retraite, à Marmande (Lot-et>Garonne).
PONSOT (M°>«), propriétaire aux Annereaux, près Libourne*
ROIG Y TORRES (D. Rafaël), naturaliste à Barcelone, directeur de la
Crônica Ci9nt{fica»
ROUX, ^, docteur en Médecine, à Paris.
TRÉVISAN DB SAINT-LÉON (comte de), à Milan.
WEYR (Ed.), professeur à l'Université de Prague.
CONTRIBUTION
A L'ÉTDDE
DES HYDRATES DE CARBONE
ÉTUDE CHIMIQUE ET PHYSIOLOGIQUE
de ceux contenus dans PAU, TÉchaloUe et roignon
PAR U. RAOUL CHEVASTELOM,
CHEF DES TRATAUX CBIMIQUES A LA FACULTÉ DES SCIERCU DE BORDEAUX.
INTRODUCTION
Les végétaux colorés en vert par la chlorophylle décom-
posent seuls, à la lumière, Tacide carbonique de Taiff et en
assimilent le carbone pour former, entre autres corps impor-
tants, des hydrates de carbone.
La chlorophylle est nécessaire à ce phénomène d'assimi-
lation, et, quelle que soit Torigine de cette substance, l'analyse
spectrale démontre Tunité de sa composition.
Donc, les produits immédiats de son action sur Tacide
carbonique senties mêmes, quels que soient les végétaux;
mais ces produits nous échappent, ainsi que le mécanisme de
leurs transformations; nous ne connaissons que quelques
résultantes, parmi lesquelles des hydrates de carbone.
Ceux-ci, formés dans les organes verts, sont en partie
consommés, en partie mis en réserve par la plante sous forme
non assimilable, et destinés à des usages ultérieurs.
L'amidon a été longtemps considéré par un grand nombre
de physiologistes comme le premier hydrate de carbone tan-
gible issu de Faction chlorophyllienne; quelques-uns sont
encore de cet avis.
On constate en effet sa présence dans beaucoup de végétaux,
mais il n'a pu être décelé ni dans les feuilles ni dans les
T. I (S« S^-ie). 1
2 R. CHEVASTELOK.
parties souterraines d'un certain nombre de liliacées, les
Allium par exemple, où on ne connaît aucun autre hydrate
de carbone insoluble dans le liquide cellulaire.
Dans ces végétaux, ce sont des corps solubles qui prennent
naissance dans les feuilles et constituent dans les bulbes ou
les caïeux la réserve hydrocarbonée.
M. A. Meyer (*) a constaté dans les feuilles d'oignon et de
ciboulette l'existence de sucres réducteurs, sans définir leur
composition. Dans les feuilles de yucca et de poireau, il a
trouvé des corps appartenant aux groupes inuline et sucre de
canne; mais il n'a déterminé ni la nature des hydrates de
réserve ni les relations pouvant exister entre eux et ceux
formés dans les feuilles.
Je me suis proposé, pour compléter ces recherches,
d'étudier :
1^ La nature des substances sucrées ou saccharifiables
mises en réserve par quelques Alliunij dans leurs bulbes ou
leurs caïeux, au moment où ils passent à l'état de vie ralentie ;
2° La nature des substances sucrées ou saccharifiables
contenues, à différents moments, dans les difierentes parties
de ces végétaux lorsqu'ils se développent dans les conditions
normales (*);
3** De rechercher les relations pouvant exister entre celles
formées dans les feuilles et celles mises en réserve dans les
parties souterraines.
Le présent travail se divise en cinq chapitres :
Chapitre L — Méthode d'extraction des hvdrates de carbone
solubles dans le liquide cellulaire.
Chapitre IL — Étude des caïeux d'ail.
Mode de préparation et propriétés d'un corps nouveau rencontré
dans l'ail.
(t) A. Méyer, Bot. Zeit., 1885.
(*) On sait que des végétaux normalement dépourvus d*ainidon peuvent en
former lorsqu^on les place à la lumière dans une atmosphère plus riche que
Tair en acide carbonique.
HYDRATES DE CARBONE. 3
Chapitre III. — Études des bulbes d'échalotte et d'oignon.
Les hydrates de carbone non réducteurs contenus dans ces bulbes
sont différents de celui trouvé dans l'ail et nouveaux également.
Chapitre IV. — Recherche dans les bulbes ou rhizomes d'autres
roonocotylédones voisins des Allium, des hydrates de carbone ren-
contrés dans ces derniers.
Chapitre V. — Nature et dosage des substances sucrées ou sac-
charifiables contenues dans les différentes régions d'un Allium (ail,
échalotte, oignon) et dans ces végétaux à différents degrés de déve-
loppement.
Conclusions générales.
Ces recherches ont été exécutées dans le laboratoire de
chimie organique de la Faculté des sciences de Bordeaux.
Qu'il me soit permis d'exprimer ici à M. Gayon ma profonde
gratitude pour la bienveillance qu'il m'a toujours témoignée.
B. CHEVASTELON.
CHAPITRE I
Méthode d'extraction des hydrates de carbone solubles
dans le liquide cellulaire.
Dans les cellules végétales vivantes et à Tétat physiologique^
le liquide cellulaire est emprisonné dans le protoplasma et ne
peut en être séparé facilement par de simples procédés méca-
niques. Malgré la division préalable des tissus en petits frag-
ments et remploi de presses puissantes, malgré la rupture
des membranes cellulaires, ces deux éléments restent toujours
mélangés et constituent un liquide épais, visqueux, difficile à
filtrer, même à Taide du vide. La purification de ce liquide
par filtration est par suite longue et pénible, et Ton peut
craindre pendant ce temps des modifications chimiques dues
aux diastases, au protoplasma lui-même ou à des microbes
qui en altèrent profondément la composition primitive.
Ces difficultés n'existent pas lorsque le protoplasma a été
préalablement coagulé, parce qu'alors le suc cellulaire sort
aisément des cellules soit par diffusion, soit après rupture des
membranes ; il est plus fluide, plus pur et plus propre à une
analyse rapide.
Pour produire cette coagulation, on ne peut employer ni
la chaleur ni les corps susceptibles de réagir sur le liquide
cellulaire et d'en changer la constitution. On réussit bien avec
réther, le chloroforme, le sulfure de carbone, qui sont des
liquides stables, peu solubles dans les sucs végétaux, sans
action chimique sur eux et qui, en outre, sont très volatils et
faciles par suite à éliminer.
C'est l'éther qui m'a donné les meilleurs résultats et que
j'ai exclusivement employé dans mes recherches.
La méthode, d'ailleurs très simple, à laquelle j'ai été conduit,
HYDRATES DE CARBOXB. 5
et basée sur les propriétés coagulantes de Téther vis-à-vis du
protoplasma, n'est pas nouvelle. Elle a été indiquée pour la
première fois, sous le nom de diœthéralyse, en 1876, par
Legrip (^); mais Fauteur ne semble pas avoir soupçonné le
principal rôle de Téther dans le phénomène.
Voici comment on procède : On découpe les plantes ou
parties de plantes à étudier en petits fragments que Ton pro-
jette immédiatement dans un flacon à moitié rempli d'éther ;
on ferme le flacon et Ton agite de temps en temps pour mettre
les fragments solides en contact avec Téther, puis on laisse
reposer.
On ne tarde pas à voir couler au fond du flacon un liquide
lourd, insoluble dans Téther, tandis que les portions de
végétal rendues plus légères flottent à la surface du liquide
aqueux tout en restant immergées dans Téther; en même
temps, elles changent d'aspect et de consistance : elles
deviennent translucides, friables et faciles à presser.
Lorsque le volume du liquide aqueux n'augmente plus, on
le sépare 4e Téther surnageant, on presse les fragments, on
ajoute le jus au précédent et Ton obtient, même sans filtrer,
une liqueur limpide qui n'est autre que le liquide cellulaire.
Ainsi préparé, ce liquide peut être conservé indéfiniment
dans des récipients clos; il est stérilisé pour les microbes
et les moisissures par l'éther dissous, et ne peut éprouver
d'autres modifications que celles qu'apporte le temps.
Grâce à cette méthode, on peut étudier les végétaux ou
parties de végétaux en voie de développement; ils sont, pour
ainsi dire, surpris dans la vie et ne peuvent plus être le siège
d'aucun phénomène physiologique venant encore compliquer
leur étude. Le liquide recueilli a, très vraisemblablement,
du moins au point de vue des hydrates de carbone solubles,
la composition de celui contenu dans les cellules de la plante
vivante.
(*) Legrip, Répertoire de Pharmacie, 1876.
6 R. CHEVASTELON.
Enfin, la méthode est applicable à toutes parties d'un être
organisé renfermant un liquide: j'ai pu extraire des liquides
du foie, du poumon, du cerveau.
Dans l'étude que j'ai entreprise, l'éther rend d'autres
services : en effet, les Allium renferment des huiles essen-
tielles qui auraient de l'influence sur la réduction des sucres,
et ces substances sont en grande partie enlevées par l'éther.
Ainsi, celui qui a été en contact avec l'ail abandonne par
évaporation l'essence mélangée d'une petite quantité d'huile
fixe. Cette essence est, on le sait, un éther sulfhydrique de
l'alcool allylique dépourvu de pouvoir rotatoire ; mais chauffé
avec la liqueur de Fehling, il est partiellement saponifié, et
l'acide sulfhydrique qui entrait dans sa constitution réagis-
sant sur le sel de cuivre que renferme la liqueur, donne un
précipité de sulfure de cuivre.
Celui qui a séjourné avec l'oignon et Téchalotte laisse
comme résidu, après évaporation, un corps amorphe de cou-
leur jaune verdâtre, ayant une odeur moins marquée que celle
des bulbes eux-mêmes. Cette odeur s'atténue à l'air au bout
de quelques jours, et on perçoit alors assez nettement celle
d'huile rance. On avait donc un mélange d'huile essentielle et
d'huile fixe.
Une solution alcoolique de ce mélange est sans action sur
la lumière polarisée, mais jouit de propriétés réductrices très
marquées.
Ainsi, elle réduit, à chaud, les sels d'argent, d'or et même
de platine; elle fait passer au vert la solution bleue de sulfate
de cuivre.
Elle donne avec l'acétate neutre ou basique de plomb, sur-
tout à chaud, un très beau précipité rouge orangé. Cette par-
ticularité n'avait pas échappé à Fourcroy et Vauquelin (*) dans
une étude sur l'oignon qu'ils firent en 1807.
(^)Sur Vanalyae chimique de l'oignon, — Foarcroy et Vauquelin, Annales de
chimie, t. LXV, p. 161, 1808.
HYURATES DE CARBONE. 7
Enfin^ elle prend au contact d*une solution alcaline une
coloration jaune assez intense.
Ce mélange a donc des propriétés différentes de celles que
fournit Tessence d'ail, et deux au moins rendaient son élimi-
nation nécessaire, car la liqueur de Fehling est alcaline et elle
renferme un sel de cuivre.
Procédés de recherche et de dosage des hydrates de carbone
solables dans le liquide cellnlaire.
Traitement des liquides, — Dans le liquide aqueux, filtré
ou non, débarrassé par le vide et une chaleur faible (30*" environ)
de la plus grande partie de Téther dissous, on précipite les
matières albuminoïdes et les corps pectiques par le sous-
acétate de plomb en solution saturée.
Si la liqueur filtrée est encore trop colorée pour être obser-
vée au polarimètre, on la décolore par du noir animal lavé à
l'acide et on filtre à nouveau.
Il peut arriver qu'au contact de l'air, une partie de l'oxyde
de plomb se transforme en carbonate, et la liqueur se trouble.
On obvie à cet inconvénient en faisant passer dans la liqueur
un courant d'acide carbonique ; on sépare par filtration le car-
bonate de plomb précipité. On évite ainsi le traitement par
l'acide sulfhydrique, et pour chasser le gaz en excès, l'inter-
vention de la chaleur (^).
Examen des liquides, — On mesure au moyen d'un pola-
rimètre Laurent à pénombre, portant une graduation en degrés
(^) Le sulfare de carbone et Téthcr de pétrole dissolvent mal les essences :
c'est l'une des raisons qui m*ont fait renoncer à leur emploi ; mais profitant de
leurs propriétés négatives à ce point de vue, j'ai enlevé par le sulfure de carbone
les huiles fixes que contient la masse pâteuse laissée par Tévaporation de Téther ;
pais redissolvant dans Talcool le résidu du traitement par le sulfare de carbone,
et abandonnant la solution alcoolique à une évaporation lente sous une cloche,
j'ai constaté la forme de cristaux jaunes; ces cristaux ont les propriétés du lésidu
étbéré brut et l'odeur marquée d'oignon et d'échalotte. Il sera donc possible
d'étudier ce corps à l'état de pureté.
8 R. CHEYASTELON.
polarimétriques et une autre en divisions saccharimétriques,
et à la lumière jaune du sodium, la rotation donnée par le
liquide ainsi épuré et contenu dans un tube de 2 décimètres
de longueur.
On dose |les sucres réducteurs existants par la liqueur de
Fehling titrée de manière que 10 centimètres cubes correspon-
dent à 0*^,05 de glucose.
On répète les mêmes opérations après hydratation par les
acides.
Enfin, quand il y a lieu d'admettre que les sucres réduc-
teurs sont constitués par un mélange de glucose et de lévulose,
on a, pour calculer la proportion de chacun des sucres, les
équations suivantes :
a? -h y = P,
100 a; 100 y
l
= ±p.
dans lesquelles
X est le poids de glucose contenu dans le mélange,
y B 1 lévulose 1 » B
F le poids total des sucres réducteurs,
de irlucose ) ^^'' dissous dans 100 centimètres
? 1 H I [ cubes d'eau, donnent une rotation
/ B de lévulose ) je 100 divisions saccharîmétriques,
p la rotation observée en divisions saccharimétriques avec
son signe.
On déduit de là
^~100(< + ^)"*'/4-flf'
= P — a?;
en prenant pour la température de 15**
(glucose) Mb = + 8*»,Î50 + 0,018796 X P (*)
(lévulose) [a]i> = — 92^,97,
(i)p =s poids de glacose contenu dans 100 centimètres cubes de liqueur.
HYDRATES DB CARBONE. 9
et en eCTectuant les opérations, on tire
as = 0,6383 P ± 0,0748 p,
formules appliquées depuis longtemps dans le laboratoire de
H. Gayon.
Afin d'éviter les corrections dues à Tinfluence de la tempé-
rature sur le pouvoir rotatoire du lévulose en particulier^ on
fait toutes les observations polarimétriques à des tempéra-
tures comprises entre 14^5 et i5^|5.
On y arrive aisément de la manière suivante :
On entoure les tubes destinés à recevoir les liquides d'un
manchon en liège de 1 centimètre environ d'épaisseur, formé
de deux demi-cylindres réunis par ^un collier de caoutchouc
ou de métal.
On les place ensuite à Tintérieur d'un calorimètre à double
enceinte, de vingt litres de capacité et muni d'un couvercle ;
celui-ci est percé d'une ouverture par laquelle passe la tige
d'un thermomètre plongeant dans l'un des tubes rempli d'eau.
Lorsque la température du laboratoire est supérieure à 15^,
on met dans l'eau qui occupe l'espace annulaire du calori-
mètre quelques fragments de glace, qui la ramènent à 12^
environ.
On retire alors tous les tubes, et lorsque le thermomètre
marque 14^5 environ, on procède à l'observation.
Enfin j'ai eu recours, pour rechercher la nature des hydrates
de carbone non réducteurs, à l'emploi de levures pures, inver-
sives et non inversives, que MM. Gayon et Dubourg ont bien
voulu mettre à ma disposition.
iO R. CHEVASTELON.
CHAPITRE II
Étude des hydrates de carbone solubles
contenus dans les caïeuz d'ail à l'état de vie ralentie.
Un poids de 650 grammes de caïeux, soigneusement
dépouillés de leurs enveloppes et découpés en petits fragments,
a été traité par Téther dans les conditions déjà décrites ; au
bout de quarante-huit heures on a séparé le liquide cellulaire
accumulé au fond du flacon de Téther surnageant; on a pressé
les fragments de caïeux; à deux reprises on les a lavés avec de
l'eau et pressés à nouveau.
Tous les liquides ainsi recueillis avaient un volume total de
1,400 centimètres cubes.
Après traitement au sous-acétate de plomb et décoloration
de la liqueur par un peu de noir animal lavé, on en a fait
l'analyse, qui a donné les résultats suivants :
ROTATION RÉDUCTION
en divis. saccharimétriq. en glucose.
Avant raction des acides. . — SS'^^'^jS traces
Après raction des acides . . — 94*»^,0 H err,i i 0/0
En appliquant aux sucres réducteurs, formés sous l'action
de l'acide chlorhydrique, la formule établie plus haut, on
trouve qu'ils se décomposent en
Glucose = 0,06
Lévulose = 44,05
En négligeant les traces de glucose ainsi trouvé, on voit que
l'hydratation n'a produit que du lévulose.
Or, le corps connu qui est transformé par les acides en
lévulose est l'inuline; le liquide cellulaire extrait de l'ail
HYDRATES DE CARBONE. 11
g
renfermait donc 11,11 X7â = 10 grammes d'inuline pour
100 centimètres cubes de liquide analysé.
On peut même dire quMl ne renfermait que de Tinuline,
car, en adoptant, comme on le justifiera plus loin, la valeur
[a] = - 3»>
pour le pouvoir rotatoire de cette inuline, on en déduit qu'une
solution de 1 gramme pour 100 centimètres cubes donne une
rotation, en divisions saccharimélriques de — 3**%6 et, par
suite, que 10 grammes donneraient — 36"^
La rotation observée étant — 35**^,3
La différence. ... — 0*%7
est négligeable.
D'après cela, les 650 grammes de caïeux renfermaient
140 grammes d'inulipe, soit 215 grammes par kilogramme.
En appliquant le même traitement à des caïeux abandonnés
quelque temps dans un endroit obscur, et dans lesquels la
végétation avait repris (les pousses avaient de 1 centimètre à
1"",5 de long), on constate qu'il s'est formé des sucres réduc-
teurs exclusivement constitués par du lévulose.
En effet, le liquide extrait donne :
Rotation.
Rédaction.
Avant Taction des acides. . . .
. — 70«T.Mecb.^2
3flrr,61 0/0
Après Faction des acides. . . .
— i404iT
lôff^jâ? 0/0
d'où l'on dédiiit pour l'ensemble des sucres réducteurs la
composition
Glucose = 0,09
Lévulose = 16,48
Les sucres réducteurs initiaux étaient donc du lévulose à
peu près pur résultant de l'hydratation d'une partie de
l'inuline.
Nous allons voir, après l'avoir isolée, que cette inuline est
différente de celle retirée du topinambour ou du dahlia.
12 R. CHEVASTELON.
Préparation. — En 1815, Gauthier de Claubry (*), répétant
les expériences de Rose (') qui avait découvert Tinuline, cons-
tata que ce corps, comme Tamidon, formait avec la baryte un
précipité insoluble dans Teau de baryte en excès. 11 concluai'^
même que cette propriété, commune à Tinuline et à Tamidon,
n'était pas suffisante pour identifier les deux corps.
M. TanretO a basé sur cette propriété un procédé de pré-
paration à rétat pur de Tinuline extraite du topinambour.
Ce procédé est également applicable à Tinuline de Tail ; il
est préférable à celui que j'avais employé jusqu'alors.
Le liquide cellulaire extrait des caïeux d'ail, après le traite-
ment à l'éther, est déféqué par le sous-acétate de plomb. Après
filtration, on le décolore par du noir animal et on l'additionne
ensuite d'un grand excès d'eau de baryte à saturation ; il se
forme un abondant précipité que l'on sépare par filtration. On
lave celui-ci à l'eau de baryte et on l'essore à l'aide d'une
essoreuse à force centrifuge.
On délaie la masse blanche, demi-solide, ainsi obtenue dans
un faible volume d'eau, et on fait passer un courant d'acide
carbonique pur.
Au bout de quelques instants, tandis que le carbonate de
baryte est maintenu en suspension par l'agitation due au cou-
rant de gaz, la combinaison barytique d'inuline s'agglomère
au fond du vase sous forme pâteuse, s'étirant facilement sans
se rompre. Pour en opérer rapidement la dissolution, il faut
malaxer constamment.
Lorsque la liqueur n'a plus qu'une réaction alcaline très
faible, on la porte à l'ébullition pendant quelques minutes
pour dissocier le bicarbonate de baryte existant dans la liqueur,
et on filtre à chaud.
On ajoute à la liqueur filtrée, contenant l'inuline en disso-
lution, deux ou trois volumes d'alcool à 95% puis de l'éther; il
(I) Gauthier de Claabry, Ânn, de chimie, t. XCIV, p. 200, 1815.
(*) Rose Gehlen's, Joum, der Chertiief t. III, p. 217.
(*) Tanret, C. R., 4 mars 1803.
HYDRATES DE CARBONE. 13
se produit par Tagitation un trouble persistant; on laisse
reposer pendant quelques heures et on voit se déposer un
sirop épais renfermant la presque totalité de Tinuline (^).
On augmente sMl est nécessaire la proportion d'éther jus-
qu'à ce qu'une nouvelle aifusion détermine seulement un
léger trouble.
On décante ensuite le liquide hydro-éthéro-alcoolique; on
agite le sirop avec un mélange d'alcool et d'éther^ à volumes
égauX; qui lui enlève encore une nouvelle quantité d'eau;
après plusieurs opérations semblables, la masse est encore
pâteuse; on pousse plus loin la déshydratation par des lavages
à l'alcool absolu et ensuite à l'éther anhydre.
On obtient fmalement des grumeaux solides, blancs, que
l'on dessèche d'abord dans le vide sec, puis à 100*". Pour faci-
liter la dessiccation, il est bon de pulvériser les grumeaux,
précédemment recueillis, après leur séjour dans le vide.
On peut préparer rapidement de grandes quantités d'inuline
d'ail, sans traitement préalable des caïeux par l'éther.
Pour cela, il suffît de projeter les caïeux, écrasés à l'aide
d'un maillet, dans de l'eau à ébullition tenant en suspension
du carbonate de baryte ou de chaux. Au bout d'un quart
d'heure environ, on presse à chaud et on filtre; le liquide
recueilli est traité ensuite comme plus haut.
L'inuline ainsi obtenue est sensiblement pure, mais elle a
encore une odeur marquée d'ail. Cette odeur disparait si on
traite de nouveau par l'eau de baryte la solution sirupeuse
résultant d'une première opération.
Propriétés physiques, — Amenée à dessiccation complète,
l'inuline de l'ail est une poudre blanche, amorphe, sans odeur,
d'une saveur fade.
(1) Le phénomène est analogue à celai qae Ton observe en versant une quan-
tité snfQsante d'alcool dans nne solution de carbonate de soude ou de potasse.
L*alcooI enlève la plus grande partie de Teau et il se forme deux couches : la
supérieure est un mélange d'alcool et d'eau; l'inférieure une solution sursaturée
de carbonate de soude ou de potasse insoluble dans le liquide surnageant.
14 R. CHEVASTELON.
Elle renferme environ O^^^'S 0/0 de matières minérales dont
on ne peut se débarrasser.
Elle fond à 175-176^
Exposée à l'air, elle absorbe rapidement l'humidité en for-
mant une pâte épaisse.
Sa solution ne réduit pas la liqueur de Fehling, et dialyse à
travers une membrane de parchemin.
Analyse élémentaire. — La matière, desséchée et pesée,
est introduite dans le tube à analyses en évitant soigneusement
le contact de Tair ; on procède ensuite à la combustion dans
un courant d'oxygène sec.
PREMIÈRE SÉRIE D'EXPÉRIENCES.
Poids de matière (<).
C0« trouvé.
HïO trouvée.
CO/0.
H 0/0.
io 0,223
0gr,36i
0ff^i28
44,14
6,37
20 0,221
»
08i-,i24
»
6,23
30 0,310
]»
0»r,175
»
6,27
Il importe, pour ces analyses, de faire les pesées dans un
tube clos et bien sec, car, au contact de l'air, la matière
absorbe, même dans un court espace de temps, une certaine
quantité d'eau qui fausse les résultats de l'analyse, ainsi qu'en
témoignent les poids d'hydrogène fournis par une 2® série
d'analyses.
Poids de matière.
C0« trouve.
H<0 trouvée.
CO/0.
H 0/0.
10
0,731
lffr,18
0ff%441
43,98
6,69
20
0,366
0«r,592
Oin-,220
43,99
6,66
30
0,421
08',68
0«',246
43,94
6,48
Si maintenant on compare ces nombres à ceux qui corres-
pondraient à la formule CW®0*, soit
C 0/0. H 0/0.
44,44 6,17
on constate que la composition centésimale du corps étudié
est celle des corps en C'H^^O* ; on doit donc attribuer à l'inu-
(1) Poids de matière, déduction faite des cendres.
UYURATES bE CARBONE. 15
Une de Tail la même formule qu'à celle du topinambour, soit
C«H**0» ou (Cni«*08)-.
Solubilité. — Ce corps est soluble en toutes proportions
dans Teau froide, très soluble dans Talcool à 70^ peu soluble
dans Talcool à 95^ et dans Talcool absolu.
Ce caractère établit une différence entre cette inuline et
celle du topinambour et du dahlia.
Hygroscopicilé, — 0^337 de matière placés dans une
atmosphère saturée de vapeur d'eau à des températures qui
ont varié de 17° à 21°, ont absorbé
Après 17 heures, Os^fiiS de vapeur d*eau, soit i4ffr,24 0/0
Après 5 jours, 0?r,068 » » soit 20ffr,i0 0/0
Dans l'air du laboratoire, le poids de vapeur d'eau absorbée
par 100 grammes de matière a été, avec des oscillations dues
à la variation de l'état hygrométrique de l'air,
Après 17 heures 10«r,63
Après 5 jours 12«',62
C'est donc une substance très hygroscopique.
Dialyse. — 50 centimètres cubes d'une solution d'ail à
10 0/0 sont versés sur un dialyseur. Le cristallisoir sur lequel
repose le dialyseur contient 725 centimètres cubes d'eau. De
part et d'autre de la membrane dialysante, la stérilisation est
assurée au moyen d'une solution de thymol.
Au bout de quarante heures, le volume recueilli à l'exté-
rieur du dialyseur était de 713 centimètres cubes ; ce volume,
réduit par évaporation à 65 centimètres cubes, a donné
Rotation.
Réduction.
Avant Faction des acides
— 8^»^
0
Après Faction des acides « . . . ,
— 20
2»»-,38 0/0
Les sucres réducteurs sont du lévulose, et les 65 centime^
très cubes en contenaient lfi^54'7.
Le poids d'inuline correspondant est de 1,547 X 0,9 = 1,393
, inuh'ne diaivsée 1,393 ^ ^
«t ^« '■«PP"''* inaline totale = "H" = ^'^-
16 R. GHEVÂSTELON.
Pouvoir rotatoire. — Après dessiccation complète la
matière est pesée dans un tube sec et clos.
Poids de matière + les cendres es 2«fyB0O
Poids des cendres, 2,03 X 0,002 = 0ï',0046
Poids de matière active = 2?f,295
On fait dissoudre dans une petite quantité d'eau et on com-
plète le volume à 25 centimètres cubes.
Le poids de matière active contenu dans 100 centimètres
cubes était donc de 9«''i8.
La rotation observée dans un tube de 2 décimètres et à 15^
était de — 33*»M.
On déduit de cette observation^ en appliquant la formule de
Biot, que le pouvoir rotatoire, en divisions saccharimétriques,
de la substance est
OU en degrés, car 1"* = 4^^"*^,615,
[a]„ = — 390.
D'après cela, le poids de matière qui, dissoute dans Teau^
le volume de la solution étant 100 centimètres cubes, donne-
rait une rotation de 100 divisions sacchari métriques serait
J1002<JIM _
^ = 180,282 X 2 - *' ^"*-
Et 1 gramme de matière dans le même volume de dissol-
vant donnerait une rotation de — 3**'',6.
Influence de la température et de la dilution sur lepou^
voir rotatoire. — Comme pour Tinuline ordinaire, ni la
température, ni la dilution n'ont d'action sur le pouvoir rota-
toire. En efiTet, une solution d'inuline d'ail a donné la même
rotation de — 20 divisions saccharimétriques aux températures
comprises entre 14°6 et 40°; et, après dédoublement, la rota*
tion était de — W\
HYDRATES DE CARBONE. 17
Infltience du temps. — Le pouvoir rotatoire ne se modifie
pas non plus avec le temps.
Influence du borax et de Vacide borique. — Ces deux
corps, qui exaltent le pouvoir rotatoire de certaines substances,
sont sans action sur celui de l'inuline de Tail.
Action hydratante des a^des. — Les acides minéraux et
les acides organiques en solutions étendues saccharifient com-
plètement ce corps et le transforment en lévulose. C'est ce que
montre Texpérience suivante :
Une solution à 5^799 de matière active, bien desséchée,
pour 100 centimètres cubes, portée pendant cinq minutes à
rébullition après addition de 1/2 0/0 d'acide chlorhydrique a
donné
Rotation en divisions saccharimétriques à 15^, — 55<^^^
Rédaction en glucose, = G^fi 0/0
Le pouvoir rotatoire du sucre réducteur déduit de cette expé-
rience est
C'est-à-dire celui que MM. Jungfleisch et Grimbert assignent
au lévulose existant dans le sucre interverti, et que j'ai adopté
dans mes calculs.
Action de la chaleur. — Si on chauffe l'inuline d'ail dans
un bain de chlorure de calcium de plus en plus riche en chlo-
rure, et bouillant par suite à des températures fixes mais de
plus en plus élevées, on voit vers 140^ la masse se boursoufler
et prendre une légère teinte brune, sans éprouver cependant
de modifications profondes. •
En effet, si à ce moment on dissout le corps dans l'eau, la
solution, décolorée par un peu de noir animal, donne
Rotation. Rédactioa.
Avant Taction des acides...» — G'^M traces
Après Faction des acides. ... — 16^'' fi 2,04
et le pouvoir rotatoire du sucre réducteur est
soit un nombre un peu inférieur à celui précédemment trouvé.
T. 1(5» Série). î
18 R. CHEVASTELON.
 160^ le boursouflement et la coloration augmentent; enfin
à 175-176^ la fusion a lieu avec décomposition; il distille un
liquide à odeur âcre^ à réaction acide, qui réduit le nitrate
d'argent.
Action des bases. — Une solution d'inuline d'ail, comme
celle de Tinuline du topinambour, forme, nous l'avons déjà
vu, avec la baryte en solution aqueuse, une combinaison
insoluble dans un excès^de réactif.
Les combinaisons formées avec la soude, la potasse, la
chaux et la strontiane sont précipitées par l'alcool.
Tandis que l'acétate neutre et l'acétate basique de plomb
laissent la solution limpide, l'acétate de plomb ammoniacal
donne un abondant précipité.
Action des diastases. — La diastase de malt ou amylase
est sans action, aussi bien que la sucrase ou invertine sécrétée
par une levure inversive.
L'expérience suivante montre que VAspergillus niger sécrète
une diastase capable de saccharifier l'inuline.
Trois matras, A, B, G, contiennent chacun 50 centimètres
cubes d'une solution à 5 0/0 d'inuline d'ail.
Dans  et B on ajoute 40 centimètres cubes de la solution
diastasique d'aspergillus.
Dans G on ajoute 40 centimètres cubes d'eau.
On porte A à l'ébullition ; après refroidissement, on le place
avec B et G dans une étuve à 48''-50^.
Après 2 h. 30 de séjour, la réduction est
^ . ^ ^ , inuline saccharifiée
Pour A • 0 le rapport — : — r — -—-; = 0
'^^ inuline totale
» B 0,62 » 9 c= 0,248
» G 0 » » =0
Cette solution diastasique renfermait donc un ferment solu-
ble différent de l'amylase et de la sucrase. Go ferment est
l'inulase, que Green avait en 1888 rencontrée dans le dalhia et
l'artichaut. Dans une récente communication (^) M. Bourquelot
(0 Em. Bonrqaelot, Journ» depharm, et de ehim,, 3 mai 1898.
HYDRATES DE CARBONE.
a montré que ce ferment diastasique transforme de la même
manière Tinuline de topinambour.
La découverte par ce dernier savant de la tréhalase (^), de
la maltase et de Témulsine (*) porte à six le nombre des dias-
tases, sécrétées par Taspergillus niger et capables de rendre
assimilables des saccharoses comme le sucre de canne^ des
glucosides comme la salicine ou des polysaccbarides comme
Tamidon et Tinuline; ce sont: la sucrase^ Tamylase, Tinulase^
la maltase, la tréhalase et Témulsine.
L'aspergillus niger se développe dans un milieu nutritif ne
contenant que cette inuline comme matière hydrocarbonée.
Mais pour arriver à fructification , il met trois fois plus de
temps que dans le même milieu renfermant Tinuline saccha-
rifiée, c'est-à-dire le lévulose. Cette différence peut tenir à ce
que, dans Tun des cas, elle trouve tout formé l'hydrate de
carbone assimilable, tandis que dans Tautre, elle a dû, avant
de Tutiliser, rendre assimilable un corps qui ne Tétait pas.
On constate en effet qu'une partie de Tinuline a été con-
sommée, car, avant ensemencement, le poids d'inuline était
de &«^,&& 0/0 de liqueur, et après le développement de la moi-
sissure 1^%8 seulement; le poids de l'inuline disparue est de
4^,86.
Dès 1886, M. Bourquelot avait observé un phénomène ana-
logue avec Tinuline de topinambour.
Action des levures inversives et non inversives. — L'inu-
line de l'ail n'est pas directement assimilable; elle n'est pas
non plus fermentescible.
En effet, une solution de cette inuline, additionnée d'eau
de levure, n'a montré, au bout de dix jours, aucune variation
dans sa composition, que la levure employée fût inversive
ou non. .
O Em. Bourquelot, Journ. de pharm. et de chim,, 12 avril 1893.
(-> Ëm. Bourquelot, C. R. des séances de la Soc, de Biologie, juin 1893.
20 R. CHBVASTELON.
CHAPITRE III
étude des hydrates de carbone solublee contenve dans
les bulbes d'échalotte et d'oignon à Tétat de vie ralentie.
Un poids de 500 grammes de bulbes d'échalottes dépouillés
de leurs enveloppes^ et dont quelques-uns présentent un com-
mencement de germination^ ont été soumis au traitement par
Téther.
Après pression le volume total de liquide recueilli était de
400 centimètres cubes.
100 centimètres cubes déféqués avec 10 centimètres cubes
de la solution de sous-acétate de plomb ont donné
Rotalion. Réduction.
Avant Faction des acides — 35**^,1 S«^,91 OA)
Après l'action des acides — 90"%0 i3«T,65
d'où, pour le poids total des sucres réducteurs après sacchari-
fication,
Glucose = lïP,98
Lévulose = iU^fil
Ici, le poids de glucose n'est plus négligeable comme pour
Tail, et il y a lieu de rechercher s'il faisait déjà partie des
sucres réducteurs primitivement contenus dans la liqueur, ou
s'il s'est formé par l'action hydratante de l'acide chlorhy-
drique.
Dans le premier cas, les 3«*',27 de matière réductrice se
composeraient de
'lfirr,08 de glucose
is%29 de lévulose
Total. 3fff,27
et il s'est formé 10ff«-,38 de lévulose
Total. 13p-,65
HYDRATES DE CARBONE. 21
Et dans ce cas, les hydrates de carbone contenus dans la
plante seraient
Glucose lflrr,98
Lévulose iirr,29
Inuline 9p-,34 =-. 10,38 X 0,9
Dans le second cas^ les sucres réducteurs initiaux seraient
tout entiers du lévulose, et les acides auraient engendré
Glucose i^^OS
Lévulose 8?i',40
Total... i0ff%38
Ce glucose résulterait vraisemblablement de Tinversion du
saccharose, dont le poids serait 1,98 X 2 X 0,95 = 3»^76.
Et l'excès de lévulose 6»^42 correspondrait à 6,42 X 0,9
= 5,78 d'inuline.
Dans ce cas la liqueur renfermerait
Lévulose 3fi^,27
Saccharose 30^,76
Inuline 5firr,78
Contrôlons ces hypothèses à Taide des pouvoirs rotatoires.
Dans la première, la rotation en divisions saccharimétriques
de 1^,98 de glucose est + 9,64
de i«r,29 de lévulose est — 11,00
de 9fl^^34 d'inuline est —33,62
et la rotation calculée est — 34,98
la rotation observée était — 35,10
La différence — 0,12
est négligeable et la première hypothèse parait exacte.
La seconde au contraire est inadmissible, car on aurait la
rotation en divisions saccharimétriques de
3fl^,27 de lévulose étant — 27,89
3ffr,76 de saccharose étant + 23,20
5firr,78 d'inuline étant —20,90
une rotation calculée = — 25,19
celle observée a été — 35,10
La différence — 9,51
22 R. GHEVASTELON.
n'étant plus négligeable^ il n'y a pas de saccharose dans Técha-
lotte. Le liquide cellulaire paraît renfermer seulement un
mélange de glucose, de lévulose et dMnuline.
On. arrive aux mêmes conclusions par le raisonnement
suivant :
Quelle que soit la composition des sucres réducteurs initiaux,
leur pouvoir rotatoire ne sera probablement pas modifié sous
l'influence des acides; on devra donc retrouver pour eux la
même rotation après et avant l'action des acides.
Soit K leur rotation en divisions saccharimélriques. Suppo-
sons, comme dans la première des hypothèses faites plus haut,
que la différence de poids des sucres réducteurs trouvés après
et avant l'intervention des acides, lO^^SS représentent du
lévulose, leur rotation est — p = — 88**%4
Le poids correspondant d'inuline 9^,34
donne une rotation — a = — 33**%6
On peut donc écrire les deux équations suivantes :
(1) K — a = — 35,1,
(2) K — p = — 90,0,
d'où l'on tire
(1) K = — 35,1 + 33,6 = — 1,5,
(2) K = — 90,0 + 38,4 = — 1,6.
Les valeurs de K sont les mêmes.
Les sucres réducteurs qui ont pris naissance sous l'in-
fluence hydratante des acides paraissent donc exclusivement
formés de lévulose, et on serait amené à conclure comme
pour l'ail à la présence de l'inuline.
Mais une étude plus approfondie va nous montrer qu'il n'y
a là qu'une simple coïncidence et que les matières saccharifla-
bles de l'échalotte ne sont pas une véritable inuline, car elles
ne se comportent pas comme cette dernière, ni avec l'eau de
baryte, ni avec une levure inversive.
Ainsi, avec l'eau de baryte en excès, on n'obtient aucun
précipité avec le liquide cellulaire de l'échalotte, après déféca-
HYDRATES DE CARBONE. 23
tion, quel que soit son degré de concentration, tandis que celui
de Tail se comporte, comme on Ta vu, vis-à-vis de ce réactif,
exactement comme le jus de topinambour.
Avec une levure alcoolique, inversive ou non, nous savons
que le liquide cellulaire de Tail ne perd par fermentation que
ses sucres réducteurs et qu'il conserve inaltérée toute son
inuline. Ici, au contraire, tous les hydrates de carbone, réduc-
teurs ou non, fermentent, en milieu nutritif, avec une levure
inversive et les premiers seuls disparaissent en présence d'une
levure non inversive.
Yoici un exemple des deux modes de fermentation :
Six matras contenant chacun 100 centimètres cubes d'un
mélange d'eau de levure et du liquide extrait des bulbes
d'échalotte, préalablement concentré à une douce température,
ont été stérilisés à Tautoclave.
Le 23 septembre on a ensemencé trois d'entre eux avec une
levure inversive pure ; deux avec une levure non inversive, et
on a placé les cinq matras dans une étuve à 15-20^.
On a analysé le même jour le contenu du sixième et succes-
sivement celui des matras ensemencés dans lesquels la fer-
mentation s'est établie et maintenue pure.
Les résultats obtenus ont été :
avec la levure inversive,
RÉDCGTION
avant acides. aprè^ acides. ^
23 septembre, avant ensemencement. 2?»',47 0/0 41,10 0/0 0 0/0
3 octobre très faible 2,10 9,00
ii id traces 1,00 10,10
14 id id. traces 11,10
avec la levure non inversive,
3 octobre traces 8,59 2,51
44 id id. 8,54 2,56
Dans ces deux expériences il y a eu un dégagement d'acide
carbonique ' et une production d'alcool proportionnels aux
poids des hydrates de carbone disparus.
24 R. CBEVASTELON,
Ainsi, les matières saccharifiables de Téchalotte diffèrent de
celle de Tail ; physiologiquement elles se comportent comme le
sucre de canne ; comme celui-^i, elles ne sont pas directement
assimilables par les levures alcooliques.
On utilisera de nouveau plus loin ces propriétés des levures
alcooliques.
Pour les étudier plus complètement, il était nécessaire de
les isoler de leur solution. Voici comment j'ai procédé.
Préparation. — Le liquide cellulaire retiré des bulbes
d'échalotte par le traitement à Téther est déféqué au moyen
de sous-acétate de plomb, puis traité, non par Teau de baryte
seule, mais par Teau de baryte et Talcool. Dans ces condi-
tions, les hydrates de carbone précipitent complètement à
rétat de combinaison avec la baryte. On filtre, on lave le pré-
cipité à Teau de baryte alcoolique ; on Tessore, on le délaie
ensuite dans une petite quantité d'eau et on le décompose
par un courant d'acide carbonique en chauffant légèrement.
Comme avec Tinuline de Pail, le précipité ne tarde pas à s'agglo-
mérer sous forme pâteuse que l'on dissout en le malaxant.
Lorsque la liqueur n'a plus qu'une réaction faiblement alca-
line, on porte à l'ébullition et on filtre pour séparer le carbo-
nate de baryte.
On concentre ensuite et on termine comme pour l'inuline de
l'ail.
La matière pulvérulente flnalement recueillie est un peu
colorée; on l'obtient blanche en réitérant le traitement à la
baryte.
Sa saveur est faiblement sucrée.
En solution aqueuse, elle réduit légèrement la liqueur de
Fehling parce qu'elle renferme encore une faible quantité de
sucres réducteurs qui l'accompagnaient et qui s'étaient préci-
pités avec elle.
Pour enlever à peu près complètement ces derniers, on
utilise la propriété, que nous avons déjà signalée, d'une levure
non inversive.
HYDRATES DE CARBONE. 25
A cet effet; on redissout la masse solide dans Teau^ on
additionne la solution d'eau de levure, bien exempte de dex-
trine et de maltose, et Ton ensemence le mélange avec une
levure non înversive.
Au bout de quelques jours, la liqueur de Fehling n'accuse
plus que des traces de réduction et on traite alors le liquide
comme la liqueur primitive.
Des essais de cristallisation en solutions très concentrées
n'ont donné jusqu'ici aucun résultat, peut-être à cause des
impuretés que renferment encore les hydrates de carbone
ainsi préparés.
En effet, outre une notable proportion de matières minérales,
S^8 0/0, ils contiennent encore des traces de sucres réduc-
teurs et des matières organiques de nature indéterminée, non
saccharifiables. Cela résulte des essais suivants ayant pour but
la détermination du pouvoir rotatoire de la matière solide et
celui des sucres réducteurs en provenant par hydratation.
On dissout un certain poids de matière, déduction faite des
cendres, dans une certaine quantité d'eau, et on complète le
volume à iOO centimètres cubes.
On détermine la rotation et la réduction avant et après
l'action de l'acide chlorhydrique.
ier essai. — Poids de matière aciiye contenue dans iQO^^ = 3«fJ2
Rotation. Rédaction.
Avant l'action des acides. .. . — 6^^"***>-,5 traces
Après l'action des acides. ... — 24 3ffi',424 0/0
2o essai. — Poids de matière active contenue dans lOO^'o = 4fl^<',886
Rotation. Rédaction
Avant l'action des acides.... — S""*,? traces
Après l'action des acides .... — 32 4?'', 544
On remarque dans les deux essais que le poids des sucres
réducteurs, dosés au moyen d'une liqueur de Fehling parfaite-
ment titrée, au lieu d'être supérieur, est inférieur à celui de la
matière dissoute, et en évaluant les sucres réducteurs en
saccharose, on trouve que dans le premier essai cette différence
26 R. CHEVASTELON.
est de O^^e?, soit 12^5 pour 100 grammes de matière; dans
le deuxième, la différence est de 0^569, soit 1l"6 pour
100 grammes de matière; en moyenne 12 grammes pour
100 grammes de matière, indépendamment du poids des
cendres.
On ne peut donc, dans ces conditions, déterminer exacte-
ment le pouvoir rotatoire de ces hydrates de carbone non
réducteurs, ni celui des sucres réducteurs en résultant.
Les chiffres obtenus ne conduisent, dès lors, qu'à une pre-
mière approximation.
Dans ce cas, le pouvoir rotatoire des sucres réducteurs
serait
1««^ essai, [«]» = — 75^94,
moyenne [a]D = — 76^1!.
2« essai, [a]» = — 76^29.
En supposant que les hydrates de carbone non réducteurs
soient analogues au sucre de canne, leur poids, déduit de
celui des sucres réducteurs, serait
1« essai, 3,424 X ^ = 3»',253,
2« essai, 4,844 X ^ = 4^%317,
et, dans cette hypothèse, leur pouvoir rotatoire serait
!•' essai, [«]» = — 21^68,
moyenne [ajo = — 21**,73.
2« essai, [a]i, = — 2^^8I.
Les chiffres obtenus sont notablement plus forts si, au lieu
d'opérer sur une solution de la substance solide, on prend le
liquide provenant directement de Téchalotte, après l'avoir
soumis à l'action d'une levure non inversive.
Voici quels sont les résultats :
Première expérience.
Rotation
en dhis. saccbarimétriq. RéiacUon.
Avant Taction des acides. ... — il^^ traces
Après Taction des acides. ... — 36,8 49i',90
HYDRATES DE CARBONE. 27
d*oû Ton déduit pour les produits de Thydratation
[a]o = — 81%36,
et pour les corps non réducteurs évalués en saccharose
[a]o = — 25%60.
Deuxième expérience.
Rotation. Rédactloii.
Avant l'action des acides .... — 15*^,5 Off'jiS 0/0
Après l'action des acides .... — 60**^,5 6^,78
d'où pour les produits de Thydratation
[a]D = — 800,69,
et pour les corps non réducteurs, en tenant compte des 0^,15
de sucres réducteurs initiaux,
[a] o = — 240,94.
La moyenne des deux expériences donne :
4^ Pour les sucres réducteurs
30 Pour les corps non réducteurs
[a]„ = — 250,27.
Les différences entre les résultats obtenus suivant que Ton
opère sur les corps amenés d'abord à Tétat solide ou sur leur
solution d^ns le liquide cellulaire ne peuvent être expliquées
actuellement d'une manière satisfaisante; elles appellent de
nouvelles études que nous nous réservons de poursuivre
plus tard.
Néanmoins et provisoirement, nous adopterons pour la
suite, dans le calcul des expériences relatives au développe-
ment de réchalotte, les pouvoirs rotatoires suivants :
Pour les corps non réducteurs [aj^ = — 28o,27.
Pour les corps réducteurs [aj^ = — 8I0.
Leur emploi se trouve justifié par ce fait qu'ils s'applique-
28 R. CHEVASTBLON.
l'ont non aux hydrates de carbone préparés à Tétat solide,
mais au liquide cellulaire, c'est-à-dire dans les conditions
mêmes où ils ont été obtenus.
Du reste Terreur dont ils peuvent être entachés se répétant
dans des expériences en série où Ton veut déterminer non des
quantités absolues, mais des rapports, ne saurait changer les
conclusions générales. .
D'après cela, on trouve que :
1 gramme de corps non réducteurs dissous dans 100 centi-
mètres cubes d'eau donne une rotation en divisions sacchari-
métriques de — 2*%33
et 1 gramme de corps réducteurs dans le même
volume de dissolvant — 7**^,47
Ces derniers chiffres vont nous permettre de déterminer,
quelle que soit la véritable nature des corps non réducteurs,
en supposant seulement qu'ils ont la constitution du saccha-
rose, la composition des sucres réducteurs initiaux existant
dans le liquide cellulaire de l'échalotte que nous avons ana-
lysé en tête de ce chapitre, afin de pouvoir le comparer, dans
la cinquième partie, avec celle des mêmes sucres existant
dans le liquide cellulaire des bulbes d'échalotte à différents
degrés de développement.
Les résultats de cette analyse étaient :
Rotation. Rédaction.
Avant Taction des acides — 35"»^1 3«r,27 0/0
Après Taction des acides .... — 90^"^ fi 13*^,65
Différence.... 10«^38
La rotation de ces 10^, SS est
- P = 10,38 X 7,47 = - n^'\ti.
Le poids correspondant des hydrates de carbone non réduc*
teurs, évalué en saccharose, serait
10,38 X -^ = 9«',86,
HYDRATBS DE CARBONE. 29
et leur rotation
— a= 9,86 X 2,33 = — 22«%K.
K étant la rotation des sucres réducteurs initiaux, on doit
avoir
(1) K-a = — 35,1,
(2) K-p = -90,
d'où Ton tire
(!) K = - 35,1 -*- 22,9 = — 12,2,
(2) K = - 10 -h 77,6 = - 12,5;
en moyenne K = — 12**^,3.
Et le calcul donne pour la composition des 3^,27 de sucres
réducteurs initiaux
Glucose = 1,16
Lévulose = 2,11
Lévulose _ . j.
Glucose "~ '
Dès lors, en tenant compté de la dilution due au sous-
acétate de plomb, on trouve que 1,000 grammes de bulbes
contenaient :
Hydrates de carbone non réducteurs B = 86^,74
Hydrates de carbone réducteurs A = 28fi^%77
et répartis en :
Glucose =10,21
Lévulose = 18,56
Lévulose
Glucose ~" '
B
J= 3«rr,01
La comparaison des pouvoirs rotatoires que nous avons
adoptés avec ceux de Tinuline de Fail et du lévulose en résul-
tant par hydratation va nous expliquer comment, par la dis-
cussion précédemment faite, on était amené à conclure à la
présence, dans le liquide cellulaire de Téchalotte, d'une inuline
identique à celle de Tail.
90 n. CREVAtiTeLos.
Kii Mht, nul pouvoirs rotatoires sont :
l'itui' rinullna de I'bII
ISiur lt> Idvuloi»
IVitif iv* mrpi non l'éducteurs de l'échalott
IStiir loi luoivi i4ductciurs en provenant. .
\a tUtn^rtMivo ftittrp les pouvoirs rotad
IVwr (<H ï^TiMi non rMuctAora — 39 — <
tSmr h* otwp» TiMuelenr» — 9&,91
\W \Ut(mw*s^ tWjà voisiiws. se i
«^w l<Mn«ir<4tw> «(M I irrainiue de cor'
t<^ir k^vtraUlK^tt un |KùiI$ suixèriou
»v\t*.-V«i^ Kt. daaw U vliscusàon
v*r vvv'w k\vï?.",i* swf ofJ'cs 'les *-■.
>ivvitJr'ii^iW'ii> h: .Viiit-MV'. •-■■
t«v >v>ltiitnt'ii, n 'i nr s: ;
pw a 'oi-*niiii' iii'iiipiiw ." "
.MitiTW » RMSssnrT"iT'- ■
r,;;,'f .'.îsï. -.lit- i' ;■
Ito^Ak-^^o*.
l-, »
hE CAnBONR. 33
re on a fait dissoudre un
" de réchalotte, et dans
(lo canne, afin de
itc dans Teau de
y mol au g^S" ®^^*
iiymol par le sous-
réducteurs par la
Rédaction.
11»r,36 0,/0
orlée à 100°. . traces
.0 d'échalotte . . traces
portée à iOO*. . id.
iiditionsy cette expérience
Al sucre de canne dans les
IIS, on peut rendre sensibles
[)roposition de sucrase sécrétée
a^ant cette levure à une tempé-
lile.
.1 diastase en déterminant sa pro-
rme à étudier.
lire inversive pure et bien lavée dans
. qui avait été portée à 100^ On ajoute
' tout dans une étuve à 40-45°. Après
^ sucres réducteurs avant et après Tac-
(hUerminer la proportion de ces sucres
iiastase.
R^DDCTIOK
après TactioD de la sucrase
avant acides. après acides.
;tionB 2firr,22 5»r,76
ti volume d'eau.. 0 0
3
•
^
32 B. CHBVASTEUm.
Pour arriver à séparer la plus grande parUe du lévulosate
restant après ce premier traitement, on fait passer dans la
liqueur un courant diacide carbonique qui forme avec la chaux
du carbonate de chaux insoluble ; on filtre, on concentre par
évaporation à une douce température la nouvelle liqueur et on
la soumet à un nouveau traitement à la chaux.
Cette opération répétée plusieurs fois, en éliminant chaque
fois le précipité de lévulosate de chaux qui se forme lorsqu'on
amène la température à 0^, une dernière liqueur dans laqueUe
on précipite la chaux par Tacide oxalique.
Séparée de Toxalate, elle donne :
RoUtion + d^
Rédaction Sr-^S?
dont la composition est
Glucose =l8r,67
LéTolose =: 0sr,eD
LéTolose
la rotation droite, ainsi que la valeur du rapport p démon-
trent Texistence du glucose.
Ainsi se trouve justifié l'emploi de la formule pour le calcul
des poids de glucose et de lévulose contenus dans un mélange
de ces deux corps.
Nous avons établi jusqu'ici que les hydrates de carbone non
réducteurs contenus dans Téchalotte diffèrent de Tinuline par
leur action sur Feau de baryte et par la propriété d'être fer-
mentescibles, et du saccharose par leur pouvoir rotatoire qui
lévogyre. Ils se comportent également d'une manière différente
vis-à-vis des diastases les plus connues.
L'étude de l'action de ces ferments a été faite en prenant les
hydrates de carbone à 1 état solide.
Action de la dtMtase du malt. — Elle est nulle.
Action de la sucrase. — De Teau de levure faite à froid,
et bien exempte de dextrine et de maltose, a été divisée en
HYDRATES DE CARBONE. 33
deux parties égales; dans la première on a fait dissoudre un
certain poids des hydrates de carbone de Téchalotte, et dans
la seconde partie un certain poids de sucre de canne, afin de
s'assurer de Tactivité de la sucrase dissoute dans Teau de
levure.
1
Les solutions, stérilisées au moyen de thymol au r^« sont
placées dans une étuve à 30-^5^.
Au bout de 24 heures, on précipite le thymol par le sous-
acétate de plomb et on dose les sucres réducteurs par la
liqueur de Fehling.
Résultats :
RédaclioB.
A Solation desncrase + sucre de canne 11^,36 0/0
I Id. 4- id. portée à 100°. . traces
jA Solution de sucrase + hydrate de carbone d'échalotte . . traces
^{ Id. + ' id. portée à 100». . id.
Quoique négative, dans ces conditions, cette expérience
démontre néanmoins Tabsence du sucre de canne dans les
solutions B.
Mais en modifiant les conditions, on peut rendre sensibles
les effets de la sucrase.
On sait que Ton augmente la proposition de sucrase sécrétée
par une levure inversive en plaçant cette levure à une tempé-
rature où sa vie devient pénible.
On évite la dilution de la diastase en déterminant sa pro-
duction dans la solution même à étudier.
On délaie donc de la levure inversive pure et bien lavée dans
la solution précédente B, qui avait été portée à 100^ On ajoute
le thymol et on place le tout dans une étuve à 40-45^. Après
24 heures, on dose les sucres réducteurs avant et après Tac-
tion des acides, pour déterminer la proportion de ces sucres
due à Taction de la diastase.
Résultats :
R^.DCCT101f
après l'actioD de la sucrase
avant acides. après acides.
Levure -h solution B 28^,22 ôff^Jô
Levure + égal Tolume d'eau . . 0 0
T. I & Série). 3
34 R. GHEVASTELOX.
Le rapport des sucres réducteurs formés par l'action de la
diastasc aux sucres réducteurs totaux contenus dans la liqueur
après Faclion des acides est de 0,38.
Les résultats sont sensiblement les mêmes lorsqu'on opère
avec une levure de brasserie à peu près pure.
La sucrase est donc capable d'hydrater une certaine propor-
tion des hydrates de carbone non réducteurs de Téchalotte;
mais ceux-ci semblent opposer une assez grande résistance à
son action.
Action des diastases de VAspergillus niger. — Ces dias-
tases très actives, transforment ces hydrates de carbone moins
rapidement que le sucre de canne.
L'étude, faite ainsi en bloc, de leur action, ne permet pas
de déterminer celle à laquelle sont dus les résultats suivants :
RÉDCCTION
iprès rictioB des diasUses
ayant acides, après acides.
Diastases, + sucre de canne 15^,47 15ffi'.47
Id. -*- id. àiOQo 0 0
Diastases + hydrate de carbone d'échalotte. 48^i',19 S^^ylO
Id. -4- id. àiOOo 0 0
Ainsi, toutes choses égales d'ailleurs, le sucre de canne a été
complètement interverti, tandis que la proportion de sucres
réducteurs dus à Taction des diastases est de 0,82 seulement.
Yis-à-vis des diastases de l'aspergillus, comme de la sucrase,
les hydrates de carbone non réducteurs de l'échalotte sont plus
résistants que le sucre de canne à leur action hydratante.
En résumé, la matière hydrocarbonée non réductrice retirée
de l'échalotte et obtenue à l'état solide est blanche, très soluble
dans Peau et dans l'alcool à 65^, peu soluble dans Talcool à
95^ presque insoluble dans l'alcool absolu froid. Sa saveur
est faiblement sucrée.
Nous avons admis comme pouvoir rotatoire,
[a]«=-28^27,
sa solution ne réduit pas la liqueur de Fehiing.
HYDBATES DE CARBONE. 35
Les acides la transforment en un mélange de glucose et de
G 1
lévulose, dans le rapport r = Jô' ^* ^^"* ^® pouvoir rotatoire
est
[ali>=-81^
En solution, elle précipite par Teau de baryte et Talcool
et non par Teau de baryte seule, froide ou tiède. Elle est
fermentescible.
Ces deux dernières propriétés la différencient nettement de
Tinuline du topinambour ou de celle de Tail.
Son pouvoir rotatoire est voisin de celui de Tinulénine (^),
pour laquelle le pouvoir rotatoire est
mais ce dernier corps précipite par Teau de baryte tiède et
n'est pas fermentescible.
Enfin son pouvoir rotatoire et le pouvoir rotatoire des sucres
réducteurs provenant de son hydratation ne permettent pas
de la confondre avec Thélianthénine et la synanthrine, corps
fermentescibles rencontrés avec la pseudo-inuline et Tinulénine
par le même auteur (^) dans le topinambour.
En effet, M. Tanret attribue comme pouvoirs rotatoires
à rbélianthénine
[a]. = -23^8,
à la synanthrine - ... . r...:-^--.
et aux sucres réducteurs en résultant par hydratation
avec rbélianthénine
[(z]^ = -63%8,
avec la synanthrine
[a]D = — 64%5.
Si donc cette matière hydrocarbonée constitue un corps
(^) M. Tanret, Journ, de pharm. et de chimie, t. XXVII.
(') M. Tanret, Joum. de pharm. et de cJûmie, t. XXVIII.
36 R. GHEVASTELON.
unique, il est nouveau. Si elle est formée d'un mélange d'hy-
drates de carbone fermentescibles, ce mélange renferme au
moins un corps nouveau lévogyre.
Une étude ultérieure élucidera ces divers points.
OIGNONS.
Les analyses ont porté sur des bulbes récoltés depuis quatre
mois environ et appartenant aux variétés
oignon blanc,
— jaune de Toulouse,
— rose.
Pour chaque variété, le liquide examiné résulte de la pres-
sion après le traitement à Téther ; il est ensuite déféqué avec
10 centimètres cubes de la solution de sous-acétate de plomb
pour 100 centimètres cubes de liquide cellulaire. Dans le
calcul de la proportion des hydrates de carbone, réducteurs
ou non, contenus dans 1,000 grammes de bulbes, il est tenu
compte de cette dilution.
Oignon blanc.
Rotation. RédocUon.
Avant Taction des acides. ... — 9^^, 5 ùerfiS Q/O
Après Taction des acides. ... — i5*^%8 7^,26
Différence. l9r,20
L'expérience démontre que les hydrates de carbone, réduc*
teurs ou non, fermentent totalement sous l'influence d'une
levure inversive.
De plus, le pouvoir rotatoire des corps non réducteurs est le
même que celui trouvé pour les mêmes corps contenus dans
l'échalotte.
Dès lors, pour déterminer la composition des sucres réduc-
teurs, on prendra les mêmes nombres que pour l'échalotte.
HYDRATES DE CARBONE. 37
La rotation calculée de 6^,06 de sucres réducteurs initiaux
est K = — 6%9, et leur composition,
Glucose — 3ff»-,35
Lévulose = 2»r,71
Lévulose
Glucose '
Poids de matière traitée
= 720»'
Volume recueilli
= 550«»
Et pour 1000 grammes de matière,
' Le poids des sucres réducteurs initiaux A = 50^^,87,
répartis en :
Glucose =28^,13
Lévulose = 22»«',74
Lévulose ^ -^
rT = 0,80
Glucose '
Le poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 9,57
1=0,18
I >'»»'»'
Oignon faune.
RoialioB. Rédaetioa.
Avant l'action des acides. ... — 4^%8 4ffr,84 0/0
Après Taction des acides. ... — 8***,0 5g«',40
Différence. O^fià
La valeur calculée de K pour la rotation des 4^,84 de sucres
réducteurs initiaux est — 3%7, et leur composition.
Glucose =2ffr,81
Lévulose = 2»«',03
Lévulose
7m = 0>72
Glucose '
Poids de matière traitée = 5409r
Volume recueilli = 430**
Et pour 1000 grammes de matière.
Le poids des sucres réducteurs initiaux A = 42'i',36,
répartis en :
Glucose =24sr,60
Lévulose = i7««',76
'M
R. CHEVASTELON,
Lévulose
Glucose
= 0,72
l.e poids des hydrates de carbone non réducteurs B
B
4,
0,41
Oignon rose.
RoUtioB.
Arant l'action des acides . . • . — 2^^J
Après Faction des acides .... — S^
Rédaction.
3»',97 00
4»r,79
Différence. 0^,82
La rotation calculée K de S" ,91 de sucres réducteurs initiaux
est — 1**^,9, et leur composition,
Glucose =2^,39
Lévulose t= iP'jSS
Lévulose
771 = 0,66
Glucose '
Poids de matière traitée = 800err
Volume recueilli =660««
Et pour 1000 grammes de matière,
Le poids des sucres réducteurs initiaux A = 35ff<*,97,
répartis en :
Glucose =2iirr,65
Lévulose = i4flrr,32
Lévulose
= 0,66
Glucose
Le poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 7,04
TABLEAU RÉSUMÉ DES ANALYSES.
VARIÉTÉS
8UCRIS
rédueteurt
initiiux
ArrL+G
GLUCOSE
G
LÉVDLOSg
L
RAPPORT
L
G
■TDRATES
de cirbone
non
réducrean
B
RAPPORT
B
A
Oignon blanc.
Oignon jaune..
Oignon rose...
50^,87
42ffr,36
35ffr,97
28«r,43
24»r,60
2l«',65
22»',74
47»r,76
14g',32
1
0,80
0,72
0,66
9^,57
4»r,e9
7firr,04
0,18
0,11
0,19
HYDRATES DE CARBONE. 39
Remarques. — Dans Toignon^ la réserve hydrocarbonée non
directement assimilable est très faible. Elle représente un peu
plus de T^ du poids des hydrates de carbone directement assi-
milables. Ces derniers aussi en petite quantité, et Toignon
blanc est le plus riche.
Le rapport ^ montre que leur composition est assez éloignée
de celle du sucre interverti; dans tous les cas, le glucose
domine.
L'inuline soluble trouvée dans Tail et les hydrates de car-
bone lévogyres et fermentescibles qui constituent la réserve
hydrocarbonée non assimilable directement, sont-ils particu-
liers au genre Allium?
N'existent-ils pas, seuls ou mélangés avec d'autres hydrates
de carbone également sol ubles, dans les bulbes, rhizomes ou
tubercules des monocotylédones voisins des Allium et contenant
ou non de Tamidon?
Ce dernier corps, lorsqu'il existé, a été signalé seulement et
non dosé.
Cette étude va faire l'objet du quatrième chapitre.
40 R. CHEVASTELON.
CHAPITRE IV
Études des bulbes, rhizomes ou tubercules de quelques
monoootylédones au point de vue des hydrates de car»
bone solubles de réserve.
Tableau indicatif de$ genres et des familles auxquels appartiennent
les végétaux étudiés.
Ordre des Liliacées.
Famille des Liliinées.
Tribu des Liliées.
Genres : Hyaclntus (Jacinthe).
Tulipa (Tulipe).
Âsphodelus (Asphodèle).
Ordre des Iridinées.
Famille des Amaryllidées.
Tribu des Amaryllées.
Genres : Amaryllis (Amaryllis).
Polyanthes (Tubéreuse).
Famille des Iridées.
Tribu des Morées.
Genre Iris (Iris).
Tribu des Sisyrinchiées.
Genre Crocus (Crocus).
Tribu des Ixiées.
Genre Gladiolus (Glaïeul).
Jacinthe blanche double de Hollande.
A Texamen microscopique, les cellules du bulbe se mon-
trent riches en amidon.
HYDRATES DE CARBONE. 41
L'analyse du liquide cellulaire donne
RotaiioB. Rédaction.
Avant ractioo des acides . . . • ^ bS^^B Ofl^,60 0/0
Après l'action des acides .... — 139^^,8 i6flrr,30
Et la composition des sucres réducteurs totaux est
Glucose = 0^,00
Lévulose = 16^,90
Lévulose
Glucose
Les sucres réducteurs initiaux étaient du lévulose pur aussi
bien que ceux qui ont pris naissance sous Tinfluence hydra-
tante des acides.
Donc^ la jacinthe ne contient comme réserve hydrocarbonée
soluble et non assimilable directement que de Tinuline.
Poids de matière traitée = 325^
Volume recueilli ^ . . . . = 240^*
Et pour 1000 grammes de matière,
Poids du lévulose = 4flT,43
Poids de Tinuline = i04ffr,34
inuline
^^^^"^ûi^I^ = ^'^
Dans le but d'extraire ou de doser Tinuline dans la jacinthe,
on peut substituer au traitement des bulbes par Téther, celui
par Teau à Tébullition en présence du carbonate de chaux.
Malgré Texistence de Tamidon, si l'opération n'est pas de trop
longue durée, une demi-heure au maximum, le procédé donne
de bons résultats.
»
L'empois formé est complètenient précipité par le sous-
acétate de plomb, et la quantité d'inuline saccharifiée est
faible. En effet, la liqueur ainsi obtenue donne après déféca-
tion
Rotation. Réduction.
Avant raclion des acides. ... — 27"'' ■•«'^- 0ffr,46 0/0
Après Taction des acides. ... — 65*'^ 7^,53
42 R. CHRYASTELON.
et on a encore :
Glucose = 0
Lévulose = T^'jSa
Lévulose
Glucose
= «
Cette inuline est identique à celle rencontrée dans Tail.
Les variétés (Bleue de Paris, Blanche simple de Paris, Bleue
de Hollande) donnent les mêmes résultats que la variété Blan-
che double de Hollande.
L'existence simultanée dans les bulbes de jacinthe de
l'amidon et de Tinuline présente, au point de vue des conclu-
sions que nous tirerons plus tard, un intérêt particulier. Aussi
ai-je dosé, dans ce cas spécial, les deux sucres qui prennent
naissance en même temps, sous Tinfluence hydratante des
acides, aux dépens de Tamidon et de Tinuline.
Pour cela, des bulbes de jacinthe découpés en menus frag-
ments et additionnés d'une solution d'acide sulfuriqua à 2 0/0
sont portés dans un autoclave à la température de 120^ pen-
dant trente-cinq à quarante minutes.
Dans ces conditions, ainsi que l'a établi M. Grimbert (^),
l'amidon est transformé complètement en glucose et l'inuline
en lévulose ; la cellulose n'est pas attaquée.
Ensuite, on filtre, on traite la liqueur par du sous-acétate
de plomb en solution, et on la décolore au moyen de noir
animal. A l'analyse cette liqueur donne
Rotation. Réduction.
^ 2^r.»ooh. gfffjTT 0/0
d'où l'on déduit pour la composition :
Glucose = 5firr,74
Lévulose = SflT'jOS
Lévulose
Glucose '
Un deuxième essai a donné pour le rapport -^ la même valeur.
(*) M. Grimbert, Thèiies.
HYDRATES DE CARBONE. 43
Malgré les causes d'erreur que peut comporter ce procédé
de dosage en bloc du glucose et du lévulose, la différence entre
les poids de glucose et de lévulose est assez grande pour que
Ton puisse sûrement conclure que la liqueur renfermait plus
de glucose que de lévulose. Par suite, les bulbes contenaient
plus d'amidon que d'inuline. Pour le moment, cette constata-
tion suffit.
Tulipe.
11 existe beaucoup d'amidon dans le bulbe.
Le liquide donne à l'analyse
Rotation. Rédnetton.
Avant l'action des acides 4- 21**^,3 i^,06 0/0
Après Faction des acides. ... — 35^^,4 8^,76
Et la composition de l'ensemble des sucres réducteurs est :
Glucose = 2ffr,82
Lévulose = 5^,74
Lévulose
• Glucose '
Comme on le voit, la tulipe diffère des plantes étudiées plus
haut; son liquide cellulaire est en effet réducteur et dextrogyre.
La rotation droite, avant l'action des acides, ne peut être
due tout entière aux Sucres réducteurs initiaux, car même
s'ils étaient formés par du glucose seul, ils ne donneraient
qu'une rotation de + 6*%5 au lieu de + 24*%3 observée.
Il existe donc dans la liqueur un hydrate de carbone solu-
ble, non réducteur et dextrogyre, du sucre de canne probable-
ment.
D'autre part, l'excès du lévulose constaté dans la totalité des
sucres réducteurs démontre que l'inuline se trouve aussi
parmi les corps non réducteurs.
Pour vérifier ces hypothèses, on peut recourir à l'emploi
d'une levure inversive; le sucre de canne, s'il existe, dispa-
raîtra par fermentation et l'inuline non attaquée restera dans
41 R. GHEVASTELON.
la liqueur. La rotation primitivement droite, passera à gauche
sans qu'il reste dans cette liqueur des sucres réducteurs.
A cet effet, un matras renfermant volumes égaux de liquide
cellulaire et d'eau de levure est, après stérilisation, ensemencé
avec une levure inversive pure et placé dans une étuve à 25^
Après dix jours, la fermentation étant terminée, on fait
l'analyse et Ton trouve, en doublant les résultats pour les
rendre comparables aux chiffres précédents :
Rotation. Rédaction.
Avant Taction des acides. ... — 7**%8 traces
Après l'action des acides .... — 21^^,4 2^^,50 0/0
Les produits de la saccharification se composent de :
Glucose = 0
Lévulose =s 2ffr,50 .
Lévulose
Glucose
= 0
Le corps dextrogyre a disparu et, après l'action des acides,
la liqueur ne renferme plus que du lévulose provenant de
l'inuline. Donc le liquide cellulaire contenait 2^,50 X 0,9
= ^,% d'inuline.
On peut, au moyen de cette donnée expérimentale, démon-
trer que le corps dextrogyre et non réducteur qui a disparu
par fermentation était du sucre de canne.
En effet, dans le liquide cellulaire, après l'action des acides,
le poids des sucres réducteurs était 8'',76 et la rotation
— 35**%4 ; le poids du lévulose provenant de l'inuline était
2'',50, et sa rotation — 24"^4.
Le reste des sucres réducteurs, 6'',26, a pour rotation
— 44^^, et leur composition est
Glucose =2fff,95
Lévulose = 3ffr,31
Lévulose . ,^
= 1 12
Glucose '
Elle n'est pas très éloignée de celle du sucre interverti et
HYDRATES DE CARBONE. 45
Ton peut admettre qu'ils proviennent en partie du sucre de
canne.
Et le poids des sucres réducteurs initiaux étant l''^06, le
poids du sucre interverti issu du saccharose serait 6^^26
— l^Oe = 5»',20.
Dès lors, le poids du saccharose serait5«',20 X 0,95 = 4^,94,
Le liquide cellulaire extrait de la tulipe renfermait donc du
sucre interverti, du sucre de canne et de Tinuline.
Et la rotation calculée du mélange déterminé plus haut est
sensiblement la même que celle observée. En effet
Rotation calculée = + 20**^5
Rotation observée = + 21*^,3
Différence. 4- 0**»,8
Poids de matière traitée = 900^''
Volume recueilli = 200^^
Et pour 1000 grammes de matière.
Poids des sucres réducteurs s 79^,06
Poids du saccharose = 32sr,94
Poids de Tinuline = ib^r
Asphodèle.
Les racines renflées en tubercules ne renferment pas d*ami-
don. Le liquide cellulaire a donné :
Rolalion. Réduction.
Avant Faction des acides. ... — 25**^ 48rr^l7 0/0
Après l'action des acides.. , . — 49"***,5 S«^,10
Différence. 48rr,53
La composition de Tensemble des sucres réducteurs est:
Glucose =i»^,85
Lévulose = eff»,85
Lévulose
Glucose "~ * ~
46 R- CHBVASTELON.
Le poids du lévulose ne peut provenir tout entier des sucres
réducteurs initiaux dont le poids est seulement 4'', 17.
L'existence de Tinuline dans le liquide cellulaire se démontre
par la formation d^un précipité abondant avec Teau de baryte
en excès et par le raisonnement suivant :
Le poids des sucres réducteurs formés par Faction des acides
est 4»%53 ; si on les considère comme représentant du lévulose,
leur rotation est — g = — 38%6.
9
Le poids d'inuline correspondant est 4*%53 X t^ = 4»',08,
et sa rotation — a = — 44*'',7, et si K est la rotation des
sucres réducteurs initiaux, on doit avoir :
(1) K — a = — 25-"'
(2) K - 3 = - 49«%5,
d'où Ton tire :
(i) K = — 25 -4- 14,7 = - 10,3,
moyenne — i0**\6,
(2) K = - 49,5 4- 38,6 = - i0,9.
Et la composition des sucres réducteurs initiaux serait :
Glucose =1»',87
Lévulose = 2?r,30
Lévulose
=z 1 22
Glucose '
Ils contenaient donc plus de glucose que de lévulose.
L'è poids de glucose trouvé, dans rhypôfhêséfàîtè 'plus Mut,
est identique à celui de 4'',85 déduit par le calcul dans l'en-
semble des sucres réducteurs après Taction des acides. Cette
concordance est encore une preuve de son exactitude.
La réserve hydrocarbonée non assimilable était donc consti-
tuée uniquement par de Tinuline.
Poids de matière traitée r ^ 2709^
Volume recueilli = 18Cc«
Et pour 1000 grammes de matière,
Poids des sucres réducteurs initiaux = 27ffi',77
Poids de i'inuline ! : . . . = 27^^,43
HYDRATES DE CARBONE. 47
Amaryllis.
Le bulbe renferme de Tamidon.
Le liquide extrait a Taspect et la consistance d'un mucilage;
son analyse conduit aux résultats suivants :
Rotation. Rédaction.
Avant raction des acides. ... -h 10**^,2 0«',20 0/0
Après raction des acides — 44iT S^fjOS
Différence. 1^,88
Et Tensemble des sucres réducteurs se compose de :
Glucose = i^TfiS
Lévulose = i^,05
Lévulose
Glucose
C'est exactement la composition du sucre interverti.
Le calcul démontre que Thydrate de carbone soluble» dex-
trogyre et non réducteur, existant dans le bulbe en même
temps que les sucres réducteurs, était du saccharose.
Poids de matière traitée = 230^
Volume recueilli = 90*6
Pour 1000 grammes de matièrç,
Poids des sucres réducteurs = 0^,78
Poids du saccharose -, . . = 7ffr,76
Tubéreuse.
Le bulbe ne renferme pas d'amidon (*).
L^analyse du liquide extrait donne :
Rotation. Réduclioa.
Avant raction des acides» ... — 44**^ ifirr,42 0/0
Après raction des acides^ * . . — 86*"^ il»f,12
(<) Les cellules sont extrêmement riches ^n gros cristaux d'oxalate de chaux.
48 R. CHEVASTELON.
L'ensemble des sucres réducteurs est formé de :
Glucose = 0»',00
Lévulose = ilfi^',12
Lévulose
Glucose
Puisque après Taction des acides la liqueur ne renferme
que du lévulose^ c'est que les sucres réducteurs initiaux étaient
aussi du lévulose.
L'inuline constitue à elle seule toute la réserve hydrocar-
bonée non assimilable.
Cette inuline est identique à celle retirée de Tail, ou de la
jacinthe.
Poids de matière traitée == dO0«^
Volume recueilli = iOO«c
Et pour 1000 grammes de matière :
Le poids du lévulose = 4^^,73
Le poids de Tinuline = 2è^f,i
Iris.
Les rhizomes ont des pousses de 3 centimètres environ de
longueur ; comme ils renferment beaucoup de faisceaux ligneux,
ils ont d'abord été râpés^ afin de faciliter la pression, puis
traités par l'éther.
On trouve dans les cellules des grains d'amidon de grosseur
très variable.
Le liquide cellulaire a donné :
RottlioB. Rédaction.
Avant Taction des acides — 3*^,2 2?',73 0/0
Après Taction des acides — 9**^ 3»',47
Différence. 0«',74
L'ensemble des sucres réducteurs se compose de :
Glucose = lffr^54
Lévulose = lfirr,93
. Lévulose _ . j, - -
Glucose ~" '
HYDRATES DE CARBONE. 49
Par le calcul^ on trouve que Taugmentation du poids des
sucres réducteurs après l'action des acides est due à l'existence
de saccharose dans la liqueur.
Les sucres réducteurs initiaux ont une composition voisine
de celle du sucre interverti^ avec un léger excès de lévulose.
Poids de matière traitée = 320»'
Volume recueiUi = 280**
Pour 4000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs = 239<',82
Poids du saccharose = 6ff>',12
Glaïeuls.
Les cellules du bulbe renferment beaucoup d'amidon. On a
pour le liquide cellulaire :
Rotation. Rédactioa.
Avant Taction des acides + 3^^,3 iffi-,30 0/0
Après l'action des acides — 5^'',2 29<',30
Différence 1,00
L'ensemble des sucres réducteurs est formé de :
Glucose = i^flS
Lévulose = i»r,22
Lévulose __ . .
Glucose ~" '
Comme dans Tiris^ le calcul montre que la liqueur renferme
du sucre de canne en même temps que les sucres réducteurs,
dont la composition est à peu près celle du sucre interverti
avec un léger excès de lévulose.
Poids de matière traitée = 490»^
Volume recueilli / = 190"
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs = 5»',04
Poids du sucre de canne = 3^^,29
T. 1 {5« Série). V
50
R. CHEVASTIlLON.
Crocus.
La tige souterraine, renflée en bulbe, est gorgée d'amidon et
son tissu est très dense ; elle a été râpée avant le traitement
par l'éther.
Poids de la pulpe.
Volume recueilli.,
= 500^
= 8^«
Ce volume est très faible par rapport au poids de matière ;
additionné de trois fois son volume d'eau, le liquide ne donne,
après Faction des acides, qu'une réduction faible.
On peut donc, sans erreur appréciable, admettre que cette
plante ne renferme que des traces d'hydrates de carbone solu-
bles; la réserve hydrocarbonée est constituée par de l'amidon.
Le tableau suivant résume les résultats de ce quatrième
chapitre.
PLANTES ÉTUDIÉES.
DISTRIBUTION
Ordre
des
Liliacées
■(
Ordre
des
Iridinées.
/ Famille des Liliinées.
Tribu des Liliées.
Genres : Hyacinthus (Jacinthe).
Tulipa (Tulipe).
Asphodelus (Asphodèle)
Famille des Amaryllidées.
Tribu des Amar^llées.
Genres : Amaryllis (Amaryllis).
Polyanthes (Tubéreuse)
Famille des Iridées.
Tribu des Morées.
Genre : Iris (Iris).
Tribu des Ixiées.
Genre : Gladiolus <G1aîeul).
Tribu des Sisyrinchiées.
Genre : Crocus (Crocus).
AMIDON
Amidon.
Amidon.
0
Amidon.
0
Amidon.
Amidon.
Amidon.
INULINE
soluble
1O40%34
27«r,i3
0
29b',10
0
0
81JCSE
de canne
0
329^,94
0
7g',76
0
6or,12
39S29
0
SUCRES
rNietcm
initiaai
4»»,43
7s%06
27»%77
0fr,78
4t',73
238%83
RTDRATES DE CARBONE. SI
Le tableau précédent montre que :
1^ Les végétaux étudiés présentent^ au point de vue des
hydrates de carbone solubles, des différences qualitatives et
quantitatives très grandes ;
S'' Dans aucun d'eux on ne rencontre les hydrates de carbone
trouvés dans Téchalotte et dans Toignon ;
S"^ LMnuline soluble, identique à celle de Tail, existe seule
comme réserve hydrocarbonée, non directement assimilable
dans un genre voisin du genre Allium (genre Asphodelus) et
dans le genre Polyanthes (tubéreuse) appartenant à une famille
et à un ordre différents; en mélange avec l'amidon dans le
genre Hyacinthxis (jacinthe), en mélange avec Tamidon et le
sucre de canne dans le genre Tulipa (tulipe), faisant partie,
avec le genre Allium, d'une même tribu.
Ce corps n'est donc pas particulier à un genre ;
A^ La présence ou l'absence de l'amidon est indépendante
de l'ordre, de la tribu et même du genre auxquels appartient
le végétal étudié; ainsi, l'asphodèle et la tubéreuse en sont
dépourvues, tandis que la jacinthe, l'amaryllis et tous les
autres en renferment.
Dans la jacinthe, il est remarquable que l'amidon existe
comme matière hydrocarbonée de réserve, bien que à aucun
moment de son développement on n'en trouve dans les feuilles,
tandis que la tubéreuse qui n'en a pas dans les feuilles, n'en
contienne pas non plus à l'état de réserve.
Nous savons en outre que le bulbe de jacinthe renferme plus
d'amidon que d'inuline ;
5° Au point de vue de la nature de leurs réserves hydro-
carbonées, les plantes étudiées présentent cinq types bien
distincts :
1^ Plantes renfermant de Tinuline soluble seule (asphodèle, tubé-
reuse) ;
2** Plantes renfermant de rainidon seul (crocus) ;
3^ Plantes renfermant de l'amidon et de Tinulioe soluble (ja-
cinthe) ;
52 R. CHEVASTELON.
4^ Plantes renfermant de l'amidon et du sucre de canne (amaryllis,
iris, glaïeul);
5^ Plantes renfermant de Tamidon, de Tinuline et du sucre de
canne (tulipe).
C'est là un fait important^ car si Toti y joignait les types :
6o Plantes renfermant de Tinuline ordinaire et du s^Tianthrose ou
lévuline (topinambour);
70 Plantes renfermant du trétralose {Aspergillus niger et beaucoup
d'autres champignons),
on aurait la liste à peu près complète de tous les hydrates de
carbone que les représentants du monde végétal peuvent, à
une certaine période de leur existence, mettre en réserve pour
leur développement ultérieur.
Cette liste permettra de savoir à quel végétal on pourra
s'adresser lorsqu'on voudra rechercher, par exemple, le mode
de formation de ces hydrates de carbone lorsqu'ils existent
seuls; Tordre de Tapparition ou de la disparition de plusieurs
de ces hydrates de carbone, lorsqu'ils sont mélangés dans une
même plante.
HYDRATES DE CARBONE. 83
CHAPITRE V
Répartition des hydrates de carbone dans un alliutai
tout entier à différents degrés de développement.
Dans cette étude, chaque végétal est divisé en trois parties :
1^ Extrémité des feuilles jusqu'à la région engainante;
S^ Région engainante jusqu'à la naissance du caïeu ou du
bulbe ;
3*» Caïeu ou bulbe.
Chaque partie est traitée séparément par Téther suivant le
mode déjà décrit et soumise ensuite à une forte pression.
Le liquide cellulaire est, avant examen, déféqué par addition
de 10 centimètres cubes de la solution de sous-acétate de
plomb dans 100 centimètres cubes de liquide.
Ail.
a. Ail très jeune; les caïeux commei nt à se dessiner. Les
extrémités seules des feuilles ont été étudiées.
Le liquide extrait a donné à l'analyse :
Rotation. Rédoetion.
Avant l'action des acides — 7**^,6 2^^,92 0/0
Après l'action des acides ^ g^t^ 3^^,00
d'où pour la composition des sucres réducteurs :
Glucose = lfir',32
Lévulose = ivr,68
Lévulose
Glucose '
54 R. Cfl&VilSTBLON.
Cette composition est voisine de celle du sucre interverti,
avec un léger excès de lévulose.
Ces sucres réducteurs sont fermentescibles.
En effet, une partie du liquide cellulaire, débarrassé à froid
de réther dissous et additionné d'un dixième de son volume
d'eau de levure, est, après stérilisation, soumis à Faction d'une
levure înversive.
Au bout de huit jours, la fermentation est terminée; la
liqueur de Fehling n'accuse plus, dans le liquide fermenté, que
des traces de réduction, après comme avant Faction des acides,
et la rotation est à peu près nulle.
Indépendamment des sucres réducteurs, le liquide cellulaire
ne renfermait donc aucun autre corps susceptible de fausser
les résultats de l'analyse.
6. Âil plus âgé; les gousses commencent à se différencier
dans le caïeu.
i<^ Extrémité des feuilles :
Rotation. Réduction.
Avant Taction des acides — 8«^ 3»',10 0/0
Après raction des acides — 8^^ 3^,10
d'où, pour les sucres réducteurs, la composition :
Glucose = lfif^,4
LéTulose = lfff,7
Lévulose
= 12
Glucose '
Ces résultats sont identiques à ceux de l'expérience précé-
dente.
Poids de matière traitée = ISOOffi*
Volume recueilli = 1000*«
Pour 1000 grammes de matière, en tenant compte de la
dilution due à l'acétate de plomb :
Poids des sucres réducteurs = 27»'',12
HYDRATES DE CAHBO.NE. 35
répartis en :
Glucose = 12«r,56
Lévulose = 14«>',56
Lévulose
Glucose '
Inuline = 0
2^ Région engainante :
RotttioB. RédaciioD.
Avant l'action des acides — 25*»' A^'fil 0/0
Après Faction des acides. ... — 48"^ 98^%09
En admettant^ comme on va le prouver, que le corps non
réducteur est de Tinuline et que dans Thydratation il ne se soit
formé que du lévulose, le poids de ce dernier est
9,09 - 4,67 = 4«^^42,
et sa rotation — ^ = — 37**%7.
Le poids d'inuline correspondant est
4,42 X ^ = 3^,98,
et sa rotation — a =; — 44*^^,3.
K étant la rotation des sucres réducteurs initiaux, on doit
avoir :
(1) — a + K = — 25,
(2) — g -H K = — 48,
d'où
(1) K = - 25 + 14,3 = — «)**%7,
moyenne — i0^^,5,
(2) K = - 48 + 37,7 = - «0*%3,
ce qui donne pour les sucres réducteurs initiaux :
Glucose =:2ffr,20
Lévulose = 2?«',27
Lévulose , _
T. = 1,12
Glucose '
Comme dans les feuilles, ils présentent sur le sucre interverti
un léger excès de lévulose.
56 R. CHEVASTELON.
On est bion assuré de Texactitude réelle et non accidentelle
des valeurs de K, lorsqu'on a constaté : 1^ par remploi de Teau
de baryte, la formation dans la liqueur du précipité caractéris-
tique de Tinuline; 3^ par la fermentation, Texistence d*un
résidu non fermentescible donnant du lévulose par hydratation.
L'expérience suivante fournit cette dernière preuve.
Un matras contenant 100 centimètres du liquide analysé est,
après stérilisation, ensemencé de levure inversive et placé dans
une étuve à 25**.
Après dix jours, la fermentation a cessé et l'analyse de la
liqueur donne :
Rotation.
Rédaction.
Avant Taction des acides — 14^'^
traces
Après l'action des acides — 36'^',3
4firr,ao 0/0
d'où
Glucose =0
Lévulose = 4tfr,a0
g
Le poids d'inuline correspondant est 4^,20 X 7â = 3^>78.
Ce chiffre est un peu plus faible que celui trouvé 3^,98 par le
calcul dans le même liquide avant fermentation. La différence
0^,20 0/0 peut provenir de ce que, soit pendant la stérilisation
à l'autoclave, soit pendant son séjour à Pétuve, cette petite
quantité d'inuline a été saccharifiée et utilisée par la levure.
Poids de matière traitée = 1200^
Volume recueilli = iOOO^^
Donc, pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . = 40^,83
répartis en :
Glucose ==19ffr,22
Lévulose ;= 2i9r,63
Lévulose . .^
. = 1 12
Glucose *
Poids d'inuline L • = SS^r^GS
I
• •
= 0,94
HYDRATES OE CABBONE. SS7
30 Caïeu :
Rotation. Réduction*
Avant l'action des acides. ... — 30^^ 38rr,57 0,1)
Après Taction des acides. ... — IB^^,^ liff'^
Par un raisonnement identique à celui déjà appliqué à la
, région engainante^ on trouve pour la rotation des sucres réduc-
teurs initiaux, K = — 9**'',5 et pour leur composition :
Glucose =i 9^,60
Lévulose = i««',97
Lévulose _ . <jQ
Glucose '
La composition de ces sucres est à peu près constante dans
tout le végétal.
100 centimètres cubes du liquide examiné^ c'est-à-dire après
défécation, contenaient 1^,5 d'inuline.
Poids des caîeux traités ». = 900^
Volume recueilli = 650*»
Donc, pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . = 279>^,08
répartis en :
Glucose =:129r,i3
Lévulose = 149r,95
Lévulose , ,^
= 1,23
Glucose
Poids d'inuline !.. = 56^^,85
I
A
= 2,1
Le tableau suivant résume les résultats précédents et ceux
fournis antérieurement par l'étude des caîeux raiirs et récollés
depuis quatre mois.
A = sucres réducteurs initiaux = L
L = lévulose.
G = glucose.
I =: inuline.
58
R. CIIEVASIELOS.
PARTIES DU VÉGÉLVL
A
L
G
L
G
1
A
Extrémité des feaillcs.
Région engainante. . . .
Caîeax jeunes
•
279',12
40«',85
27fl«-,08
14,56.
21,63
14,95
12,56
19,22
12,13
1,20
1,12
1,23
0,00
38,65
56,85
0,00
0,94
2,10
Caîeax mûrs
0
0
0
0
215,00
X
De ce tableau, il résulte immédiatement que:
1^ Les extrémités libres des feuilles, colorées seules par de
la chlorophylle, ne renferment que des sucres réducteurs; ce
sont donc les premiers hydrates de carbone tangibles résultant
de l'assimilation chlorophyllienne.
Ces corps s'accumulent temporairement dans la région
engainante pour s'écouler ensuite dans les caieux. Quelle que
soit leur quantité absolue, et quelle que soit la partie du
végétal, en voie de développement, que Ton considère, ils se
composent toujours de poids sensiblement égaux de glucose
et de lévulose, car le rapport ^ est voisin de 1;
Ces sucres réducteurs font défaut dans les caïeux mûrs et
récoltés depuis quelques mois.
2"^ L'inuline, absente dans la partie verte des feuilles, appa-
raît dans la région engainante et va s'immobiliser dans les
caïeux où, après maturation, elle forme à elle seule toute la
réserve hydrocarbonée.
La proportion d'inuline formée va en augmentant du haut
en bas du végétal par rapport aux sucres réducteurs et le
rapport - varie de 0 à oo.
S^ De son absence dans la partie verte des feuilles, on peut
conclure qu'elle n'est pas un produit direct de l'assimilation.
Elle procède donc des sucres réducteurs, glucose et lévulose
déjà formés ; de l'un d'eux seulement ou des deux à la fois.
Mais de ces deux sucres, l'un est dextrogyre et l'autre lévo-
gyre; quoique de même composition centésimale, ils ont une
constitution moléculaire différente; ils se comportent, par
HYDRATES OE CARBONE. 59
exemple, de manière différente dans les réactioiis hydrogé-
nantes d'ordre chimique ou physiologique : ainsi sous Tinfluence
de Pamalgame de sodium (M, Bouchardat) ou d'un ferment
organisé, récemment isolé par MM. Gayon et Dubourg, le lévu-
lose seul donne de la mannite.
Enfin, tandis que le glucose dextrogyre résulte de Thydra-
tation de Tamidon, dextrogyre aussi, le lévulose résulte de
Tinuline également lévogyre ; et, en admettant la réversibilité
du phénomène, Tamidon dériverait du glucose, comme Tinu-
line, du lévulose, par déshydratation. On n'aurait pas, pour
expliquer la formation de l'amidon ou de l'inuline, à faire
intervenir des modifications moléculaires capables de changer
le sens de la rotation.
Dès lors, du glucose et du lévulose, issus de l'action chloro-
phyllienne et cheminant ensemble dans les différentes parties
du végétal, le lévulose, en totalité ou en partie, se mettrait en
réserve sous forme non assimilable, l'inuline, tandis que tout
le glucose et aussi peut-être une faible quantité de lévulose
participeraient aux phénomènes vitaux.
De plus, la constance dans la composition des sucres
réducteurs existant en différents points de la même plante,
indiquerait la fixation d'une quantité de lévulose égale à celle
du glucose disparu.
Ëchalotte.
a. Ëchalottes jeunes dans lesquelles les bulbes sont des-
sinés.
Comme pour l'ail, chaque végétal est divisé en trois parties,
et les liquides extraits de chacune d'elles sont traités comme
précédemment.
i^ Extrémité des feuilles :
RoUlioD. RéduclioD.
Avant Taction des acides. ... — 3**^,5 l^^^go 0/0
Après Taction des acides. ... — 3*^^,5 i«^,SO
60 R. CHEVASTELON.
d'où Ton déduit pour la composition :
Glucose =0«',89
Lévulose = 0^,91
Lévulose
Glucose '
soit celle du sucre interverti.
Poids de matière traitée = 1500^
Volume recueilli = 1400®»
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sacres rédacteurs == 18ff*',47
répartis en :
Glucose = 9sr,44
Lévulose = 9fff ,34
Lévulose
Glucose '
Hydrates de carbone non réducteurs. . • =0.
Les extrémités des feuilles ne renferment donc que des
hydrates de carbone réducteurs.
2^ Région engainante des feuilles :
Rotation. Réduction.
Avant l'action des acides. ... — II^ut^S 4irr,85 0/0
Après l'action des acides. ... -- 45**^,2 B^'jSS
La région engainante renferme des corps réducteurs comme
les feuilles, et en même temps des corps non réducteurs.
Pour déterminer la composition des sucres réducteurs
initiaux, nous prendrons, ainsi que nous Tavons déjà fait
dans le troisième chapitre, comme pouvoir rotatoire des
sucres réducteurs résultant de Thydratalion des hydrates de
carbone non réducteurs le nombre
et pour les corps non réducteurs, en leur attribuant la compo-
sition du saccharose, celui de
[a]o = - 25^27.
HYDRATES DE CARBONE. 61
Et nous avons vu que la rotation donnée par des solutions
à i 0/0 est
Pour les corps réducteurs — 7^*^- ■•«»»-,47
Pour les corps non réducteurs. — 2"^-"^*'',33
Dans Texpérience précédente, on a :
Sucres réducteurs initiaux = 4?r^g5
Sucres réducteurs totaux = 5ff'',55
Sucres réducteurs formés = 0»'',70
dont la rotation 0,70 X 8,47 = — p = — 5'*%2.
Le poids correspondant des corps non réducteurs est :
0,70 X j^ = 0,66,
et leur rotation 0,66 X 2,33 = — a = — 1,5.
Donc
(1) _ a + K = — 11*»»%8,
(2) - p 4- K = — 15«%2,
d*où
(1) K = — H,8 + 1,8 = - 10^%3,
moyenne = — 10**^1,
(2) K = -^ 15,2 + 8,2 = - W'%0.
Et la composition des sucres réducteurs initiaux 4^,85, dont
la rotation = — iO**%l est :
Glucose = 2ffr,34
Lévulose = 2firr,54
Lévulose
Glucose '
soit encore à peu près celle du sucre interverti :
Poids de matière traitée = 1000^^
Volume recueilli = 950"
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . • = 50ffi',63
62
R. GHEVASTELON.
répartis en :
Glucose =:24ffr^43
Lévulose — 26firr,20
Lévulose
■7m — i,07
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 6^,95
I =«'*«
3" Bulbes :
RoUlioD. Réduction.
Avant l'action des acides — 32«'^ 4»'",00 0/0
Après l'action des acides. ... — 87<>»'^ 14fir'',37
Le ealcul donne pour la rotation des 4 grammes de sucres
réducteurs initiaux K = — 9^^,3.
Leur composition est :
Glucose =i»r,86
LévuloSe 8= 2ffr,i4
Lévulose
Glucose '
Elle n'est pas très éloignée de celle du sucre interverti, mais
l'excès du lévulose sur le glucose va en augmentant.
Tandis que le poids des sucres réducteurs initiaux diffère
peu de celui existant dans la région engainante, le poids des
hydrates de carbone non réducteurs augmente notablement et
la réserve se constitue.
Poids de matière traitée • = lOOO^»*
Volume recueiUi = 1500*^'=
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . == 34«f,74
répartis en :
Glucose =16«^i6
Lévulose = iS^^oS
Lévulose
Glucose "^ '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B =858^'', 56
B
- =24
A '
HYDRATES DE CARBONE. 63
b. Echaloltes jeunes ayant souffert de la chaleur et de la
sécheresse. Les bulbes sont formés.
1^ Extrémité des feuilles :
Rotation. Réduction.
Avant l'action des acides. ... — i**^ 0»r,55 O/t)
Après Taction des acides. ... — i**^ Osr'jSS
d'où la composition :
Glucose =0^,28
Lévulose = Oïff ,27
Lévulose
77i = 0,95
Glucose '
Bien que la proportion des sucres réducteurs qui ont pris
naissance dans les parties vertes des feuilles soit plus faible
que dans a, leur composition est encore celle du sucre interverti.
Poids de matière traitée = iOO^
Volume recueilli = 84°<5
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . . = 59^,00
répartis en :
Glucose = 2flrr,54
Lévulose = 2eT,46
Lévulose
Glucose '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B =0
2*^ Région engainante :
Avant l'action des acides. . . .
Après l'action des acides. . . .
Contrairement à ce qu'on a observé dans la région engai-
nante des plantes développées dans des conditions normales
de température et d'humidité, on ne trouve pas ici d'hydrates
de carbone non réducteurs.
La proportion des sucres réducteurs est aussi plus faible
que dans l'expérience précédente.
L'apport par les feuilles est trèp faible ; il n'y a probablement
? =»
Rotation.
Rédcction.
— 8**^
3»r,85 0/0
— 8^^
3ffr,85
6i R. CHEVASTELON.
pas d'excédent de la production sur la consommation et par
suite pas de formation de réserve dans cette région. Du reste,
la composition des sucres réducteurs est dans la région engai-
nante ce qu'elle était dans les extrémités vertes.
On a en effet :
Glucose — l»r,86
Lévulose = i8^,99
Lévulose
Glucose '
Poids de matière traitée = 300?''
Volume recueilli ^ ■= 250c«
Et pour iOOO grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux Â.. • = 35?>',23
répartis en :
Glucose =178^,03
Lévulose = iS^ï-jîO
Lévulose
Glucose '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = O^r
3° Bulbes :
Rotation. Réduction.
Avant Faction des acides. ... — 37^^ 48«',27 0,0
Après Faction des acides .... — 89^^,4 146^,28
La rotation calculée des sucres réducteurs initiaux i^"",^!
est K = — i4**%8, d'où la composition :
Glucose =1»f,52
Lévulose = 2fff,75
Lévulose
Glucose '
Poids de matière traitée • = 650^^
Volume recueilli = b40^
Et pour iOOO grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . • = 389r,96
répartis en :
Glucose =i3tf'',86
Lévulose = 25flf,i0
Lévulose
TTï = i,88
Glucose '
HYDRATES DE CARBONE. 65
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 866 '',89
B
- 2 =23
A ' ^
On voit cependant que, en qualité comme en quantité, les
hydrates de carbone sont les mêmes que dans les bulbes jeunes
précédemment étudiés.
Probablement donc, avant Télévation de la température, les
plantes b avaient dû fonctionner comme les plantes a.
c. Échalottes à peu près mûres :
Les feuilles sont jaunes et en partie fanées.
Les bulbes seuls ont été étudiés.
Roiation. Réduction.
Avant l'action des acides. ... — ^^\3 4ff«-,39 0/0
Après l'action des acides. ... — 95**^ iLe'',44
La rotation calculée K des sucres réducteurs initiaux est
— 12%7, d'où la composition :
Glucose =1ff',85
Lévulose = 2»r,54
Lévulose
Glucose ' .
Poids de matière traitée • = 550&'"
Volume recueilli = 420*^«
Et pour 1000 grammes de matière,
Poids des sucres réducteurs initiaux A.. . = 36» ,87
répartis en :
Glucose =i5»«",54
Lévulose = 2U'-,33
Lévulose
Glucose '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 88^''^ 12
B
X = 2,39
d. Echalottes mûres :
L'extrémité des feuilles et la région engainante sont presque
desséchées complètement.
RotatioD. Heduction.
Avant Taction des acides. ... — 42**^,6 4»-,50 0/0
Après Taction des acides. ... — 107**^,3 16», 75
T. I (5* Strie;. 5
66 R. CHEVASTËLON.
La rotation calculée des 4»',50 de sucres réducteurs est
- 15%7, d'où leur composition :
Glucose = Iff^TO
Lévulose = 2Grr,80
Lévulose
K =
Glucose ~
Poids de matière traitée,
Volume recueilli
1,64
= 530^^
-^ 34ïf'',98
Et pour 4000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A.. .
répartis en :
Glucose = 13»%22
Lévulose = 21e:r,76
Lévulose
Glucuse '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 90?<',38
B
À = 2,58
Dans le tableau suivant^ qui résume les résultats de cette
étude, ne figurent pas les nombres fournis par les extrémités
des feuilles et la région engainante des plantes 6, comme
n'étant pas, au moment de leur analyse, dans des conditions
normales.
On y a joint ceux fournis par des bulbes récoltés depuis
quatre mois, et consignés dans le chapitre III (échalotte).
Échalotte.
PARTIES DU VÉGÉFAL
SUCRES
réducteurs
initiaux
GL'GOSK
Extrémité des feuilles a
Région engainante... a
Bulbes a
Id b
Id c
Id d
Id. vieux
18flr,47
50flr,63
34fls74
389 ',96
36fl%87
349^,08
îWo',78
UVCLOSE
9ar,14
V49r,43
ie3Br,16
139S86
159r,5i
13as22
iOor,2l
99r,33
269^,20
i 9r,58
2^9^33
2l9r, 76
i8fl%56
RAPPORT
JL
G
1,02
4,07
1,15
1,88
1,37
1,64
1,80
HYDRATES
DECAhB05E
DOn
réducteurs
B
0
6«sa5
85Br,86
8G9S89
b89Sl2
iX)Br,38
88«',74
RAPPORT
_B
A
0
0,13
2,10
2,23
2,39
2,58
3,01
HYDRATES DK CARBONE. 67
Du tableau précédent il résulte que :
1** Dans un même végétal, le poids des sucres réducteurs
initiaux est maximum dans la région engainante; ceux-ci,
formés dans la partie verte des feuilles, s'accumulent donc
temporairement dans la région engainante avant de s'écouler
•dans le bulbe.
Quels que soient les poids absolus, leur composition est
voisine de celle du sucre interverti, mais dans tous les cas le
poids de lévulose est un peu supérieur à celui du glucose, et
cette différence croît de l'extrémité des feuilles au bulbe.
2^ Les hydrates de carbone non réducteurs, qui représentent
la réserve non assimilable, absents dans les parties terminales
des feuilles colorées en vert par la chlorophylle, apparaissent
dans la région engainante et vont s'accumuler dans le bulbe.
3° De leur absence dans les extrémités vertes des feuilles,
on doit conclure qu'ils ne sont pas un produit direct de l'assi-
milation du carbone, ils n'ont pu prendre naissance qu'aux
dépens du glucose et du lévulose déjà existants.
Or nous savons que ces hydrates de carbone donnent par
hydratation un mélange de glucose et de lévulose dans le
c 1
rapport T- = -t;^, et si l'on admet, hypothèse bien vraisemblable,
que le glucose qu'ils renferment provienne exclusivement de
celui formé dans les cellules vertes et non du lévulose, comme
le lévulose proviendrait exclusivement du lévulose de même
origine que le glucose, le dépôt de 13 grammes de ces hydrates
de carbone de réserve immobiliserait donc 12 grammes de
lévulose pour un gramme de glucose. Dès lors les 11 grammes
de glucose qui ne participeraient pas à la combinaison devraient
se retrouver dans les sucres réducteurs existant en même
temps que les hydrates de carbone non réducteurs. Mais le
rapport p montre que dans ces sucres réducteurs îl y a au
contraire plus de lévulose que de glucose.
Donc ce glucose a été utilisé par la plante, soit seul, soit en
même temps qu'une certaine quantité de lévulose. Du reste,
68 U. CHEVASTELON.
cette préférence de la plante pour le glucose devient mani-
feste, si Ton considère la composition des sucres réducteurs,
dont la proportion varie peu et qui existent dans les bulbes
à différents degrés de développement, depuis leur formation
jusqu'à leur maturité et môme après la récolte. En effet le
rapport ~ varie de 1,15 à 1,80 avec un maximum 1,88.
A"" La formation de ces hydrates de carbone non assimila-
bles pourrait s'expliquer ainsi :
Les cellules à chlorophylle seules fixent le carbone de
Tacide carbonique pour en faire du glucose et du lévulose en
proportions égales.
Ces deux sucres circulent ensemble du haut en bas de la
plante. Dans les régions où l'apport dépasse la consommation,
ils se mettent en réserve, et la constitution de cette réserve
serait réglée par l'emploi même que ferait la plante des sucres
réducteurs existants. Comme dans ce cas, elle consomme le
glucose de préférence au lévulose ; ce dernier non utilisé immé-
diatement s'immobilise en totalité ou en partie, en même temps
qu'une faible proportion de glucose.
5° Dans le temps qui s'est écoulé depuis leur récolte, quatre
mois environ, les bulbes, pendant cette période de repos, ont
employé une partie des sucres réducteurs et aussi une partie
de la réserve.
Oignon.
J'ai suivi le développement de la variété oignon blanc seule-
ment.
Gomme précédemment, chaque partie du végétal a été, avant
pression, traitée par l'éther.
Le liquide cellulaire recueilli est déféqué par le sous-acétate
de plomb, dans la proportion de 10 centimètres cubes de sous-
acétate pour 100 centimètres cubes de liquide.
a. Les bulbes ovoïdes sont de la Grosseur d'une noix.
HYDRATES DE CARBONE. 60
1** Extrémité des feuilles :
Rolalion. Réducliuu.
Avant Taction des acides — 6*»'^ 2ff%40 0 0
Après Taction des acides. ... — 6**^ 2t^«*,40
d'où la composition
Différence. 0«%00
Glucose = Iflr'jOS
Lévulose = iffï'jSS
Lévulose
Glucose ~~. '
Si par évapopation on réduit 300 centimètres cubes à 50 cen-
timètres cubes^ on a :
Rotation; . Rédaclioo.
Avant Faction des acides .... — 35**^,5 1 i^^^OO 0 0
Après l'action des acides. ... — 35*^^,5 i4ff^00
d'où
Glucose = 6ïn',28
Lévulose = 7ffr,72
Lévulose
Glucose ~ '"*
Les extrémités des feuilles ne renferment donc que des
sucres réducteurs^ dont la composition est voisine de celle du
sucre interverti (*), et qui disparaissent en totalité sous l'in-
fluence d'une levure alcoolique.
Poids de matière traitée = 1390^
Volume recueilli = 4i60*^''
Et poui^ 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . == 22e^,G3
(1) M. A. Meyer (Bot, Zeit., 4885, et Annales agronomiques, t. II, p. 30(5)
a trouvé dans les feuilles d'oignoil 29'',5 de sucres réducteurs pour 100 centimètres
cubes et en même temps Ogi',7 de sucres non réducteurs. L'existence de corps
non réducteui*s dans le liquide cellulaire analysé tient peut- être à ce que
M. Meyer a pris en même temps que les extrémités libres des feuilles une faible
partie de la région engainante où l'on trouve en effet des corps non réducteurs.
Dans ce cas, les résultats seraient tout à fait concordants.
Le même auteur a trouvé que les sucres réducteurs existant dans les feuilles
de poireau ont à peu près la composition du sucre interverti. J'ai répété l'expé-
rience et j'ai obtenu les mêmes résultats.
70 n. CKEVASTBLON.
répartis en :
Glucose = fiSf.M
Lévulose = i2P,ii
LéiuloBe
Glucose
Poids des hydrales de carbone non réducteurs
:^1,2
3° Région engainante :
Ri><illan. RédiitlïiHi.
Avant l'aclion des acides — 8*".5 3b'.« 0/0
Après l'action des acides. ... — iV'-'fi Sn'fil
DifTérence, 0b'-,46
Le calcul donne, pour la rotation des sucres réductenrs
initiaux :\«',Ai< ^ = 7'" ,3, et leur composition est :
Glucose = U',63
Lévulose = iBr,73
Lévulose
Glucose ^ '
Il existe donc des sucres réducteurs de même composition
que dans tes extrémités et aussi une Taible quantité de corps
non réducteurs.
Poids de matière traitée ■= OOOxr
Volume recueilli =- 440"
Etpour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs iniliau:( A.. . — - 27»', 50
répartis
Glucose =i3i<-M
Lévulose = i4Bf.38
Lévulose
Glucose "^ '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 3»i,47
3ulbes :
Avantlactioa des acides.... - 9"%t*
Après l'action des acides. ... — 25*'
niffér-nce
3ïr,25 01)
Oï'.flS
HYDRATES DE CARDONE. 71
Valeur calculée de K = — 3**^?, d'où la composition des
sucres réducteurs initiaux 3»^25
Glucose =1ffr^80
Lévulose == i9'',45
Lévulose
Glucose "~ '
Poids de matière traitée — 650e«*
Volume recueilli = 480««
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A.. . = 28fff,36
répartis en :
Glucose =44Kr,59
Lévulose = Hffr,77
Lévulose
77i = 0,80
Glucose
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = âU'jSI
1 -0,83
Les sucres réducteurs initiaux ont> comme dans les parties
supérieures du même végétal, une composition qui s'éloigne
peu de celle du sucre interverti.
Mais tandis que dans les régions aériennes le lévulose
domine^ dans le bulbe au contraire il y a excès de glucose.
Le poids des hydrates de carbone non réducteurs est pres-
que égal, dans ces jeunes bulbes, à celui des sucres réducteurs.
b. Les bulbes ont la grosseur d'un œuf.
1^ Région engainante :
Rotation. Réduction.
Avant l'action des acides — 10^^ 4firr,34 0/0
Après Taction des acides .... — ib^^^fi 58rr,37
Différence. 1ff^03
La valeur calculée de K = — 8*^^,5, et la composition des
4^,34 de sucres réducteurs initiaux est :
Glucose =2fff,i4
Lévulose = 2ffr,20
Lévulose __ . f^
Glucose ~ ^
72 R. CIIEVASTELON. •
Poids de matière traitée = 610»' ■
Volume recueilli = 430^^
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . = 33«f»',62
répartis en :
Glucose =i6ffr,58
Lévulose = il«^,OA
Lévulose •. ^^
Glucose
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B . = i5»''^i3
- = 044
Sauf une plus grande proportion d'hydrates de carbone de
réserve, les résultats sont identiques à ceux fournis par Tana-
lyse de la même partie de a.
2° Bulbes :
Rotation. Réduction.
Avant l'action des acides. ... — i5«',3 4^,46 0^0
Après Taction des acides . • . . — 45^'",5 9«^fiO
Différence. 5»»',64
La valeur calculée de K = — 3*'%6, et la composition des
A^'jlô de sucres réducteurs initiaux est :
Glucose =2err,39
Lévulose = ie^yll
Lévulose
Glucose ~~ '
Poids de matière traitée = iOOO»'
Volume recueilli = IW^^
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . rrzz 34ff',27
répartis en :
Glucose =19firr,69
Lévulose = 1 4^^,58
Lévulose
Glucose '
Poids des hvdrates de carbone non réducteurs B = 44«^'',23
HYDRATES DE CAItBONE. 73
c. Bulbes un peu plus gros que les précédents.
Rotation.
Réduction.
Avant Taction des acides. . . .
— lo*«'
4err,54 00
Après l'action des acides. . . .
- 41**^
9err,43
Différence. 4err,89
4
La valeur calculée de K = — 4**%3, et la composition des
sucres réducteurs initiaux 4^^,54 est :
Glucose —28^,57
Lévulose — lff',97
Lévulose
77; 0,76
Glucose
Poids de matière traitée
— CBO^r
Volume recueilli
-500c«
Et pour 1000 grammes de matière :
. Poids des sucres réducteurs initiaux B. . . = 38^^,38
répartis en :
Gluci)8e =2ifirf,73
Lévulose = 16?f ,65
Lévulose
TTi = 0,76
Glucose '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B == 39^^,31
l =1.02
d. Les bulbes ont à peu près terminé leur accroissement ; la
région engainante a perdu sa turgescence; son diamètre a
diminué, et elle ne soutient plus qu'avec peine les parties
terminales des feuilles, presque toutes jaunes.
Rotation. Réduction.
Avant l'action des acides — 16*»^ 5^^,00 0/0
Après Faction des acides. ... — 35*^^ 8?'',55
Différence. 3«^^h5
La valeur calculée de K = — 8**'',3, et la composition des
sucres réducteurs initiaux 5 grammes est :
Glucose =2»r^57
Lévulose = 2^,43
Lévulose
Glucose "~ '
74 R. CHEYASTELOX.
Poids de matière traitée = SÛO»»"
Volume recueilli = 600^
Et pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. , . = 41?',35
répartis en :
Glucose =21««',20
Lévulose = a0ffp,04
Lévulose
Glucose '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 27«f,lS
e. Bulbes mûrs. La partie engainante n'est cependant pas
complètement desséchée.
Rotation, Réduclinn.
Avant Taction des acides. ... — 14**^ 5ff*',45 0/0
Après Faction des acides — 25«^,3 7firr,6î
Différence. 2^yil
La valeur calculée de K = — 9**%3, et la composition des
sucres réducteurs initiaux 5^%i5 est :
Glucose =2?»',78
Lévulose = 2?r,67
Lévulose
— = 0,96
Glucose
Poids de matière traitée = TOO»»"
Volume recueilli = SIS'**
Pour 1000 grammes de matière :
Poids des sucres réducteurs initiaux A. . . — 44?i',14
répartis en :
Glucose =t22«r'',51
Lévulose = 21ffr,63
Lévulose
Glucose """ '
Poids des hydrates de carbone non réducteurs B = 16trr,64
I =0.37
Le tableau suivant résume les résultats de cette étude et
HYDRATES DE CARBONE.
ceux fournis par les bulbes d'oignon blanc récoltés depuis
quatre mois environ. (Chapitre III: Oignon.)
PARTIES DU VÉGÉTAL
Extrémité des feuilles a
Région engainante. . . a
Id. ... 6
Balbes a
Id b
Id c
Id d
Id e
Id. vieux f
réducteurs
initiaux
A = L + C
228r,03
279', 50
a;8se2
26>'.36
349', 27
389S38
419S23
419M4
509r,87
CLFCOSE
G
99r,W
139', 14
ie9r,58
149r,59
19f',69
2l9',73
2l9r,22
229r,51
280', 13
LÉVVLOSK
L
129', 12
n9r,36
179',04
H9r,77
149',58
I69',e5
209r,04
2l9r,63
229',74
KAPPORT
G
1.20
1,10
1,02
0,80
0,74
0,76
0,94
0,U6
0,80
ITERATES
DBCARBOflE
DOB
réducteurs
B
0
39',47
159r,13
2l9',81
4t8',23
8M9r.31
279',78
169',64
99',57
RAPPORT
B
A
0
0,13
0,44
0,83
1,29
1,02
0,67
0,37
0,18
De ce tableau, il résulte que :
i^ Dans les différentes parties d'une même plante et au même
moment, les sucres réducteurs qui existent seuls à Textrémité
verte des feuilles s'accumulent dans la région engainante et le
bulbe. Leur poids est à très peu près le même dans ces deux
dernières portions (a et b).
Quels que soient leurs poids absolus, ils sont formés de
glucose et de lévulose dans des proportions peu éloignées de
celles qui constituent le sucre interverti. Cependant leur com*
position varie selon la région considérée : tandis que le lévulose
domine à l'extrémité des feuilles, le glucose est en excès dans
lo bulbe, et la diminution relative du lévulose est graduelle du
haut en bas de la plante; on a en effet :
L
a. Extrémité des feuilles — =1,20
G
Région engainante » =1,10
Bulbe » = 0,80
b. Région engainante = 1 ,02
Bulbe =0,74
^° Dans les différentes parties d'une même plante et au même
76 R. CHEVASTELON.
moment^ les hydrates de carbone non réducteurs^ absents à
Textrémité des feuilles, apparaissent dans la région engainante
et atteignent leur maximum dans le bulbe. En effet, le tableau
indique pour ces corps :
n. Extrémité des feuiUes. .. . = 0
Région engainante = 3^,47
Bulbe r=21firr^81
b. Région engainante = 15err,i3
Bulbe =44»fr,23
Ces corps étant identiques à ceux contenus dans Téchalotte,
leur formation s'expliquerait de la même manière.
L
La diminution croissante du rapport p , à mesure que prend
naissance la réserve hydrocarbonée, pourrait provenir de ce
que dans Toignon le lévulose passe plus rapidement que dans
réchalotte à Tétat non assimilable.
S"^ Dans les bulbes à différents états de développement, la
réserve, après avoir passé par un maximum (b) décroît jusqu'à
la maturité (e) et aussi après la récolte des bulbes mûrs, jusqu'à
l'époque de leur analyse (f). La différence de l'état b à l'état f
est de 34^,46.
Donc à partir de l'état & la dépense étant supérieure à
l'apport, une partie de la réserve a repris la forme assimilable.
En effet, la proportion des sucres réducteurs trouvés dans les
bulbes a augmenté de 16^^60 de l'état b à l'état f.
Mais ce poids est de beaucoup inférieur même à celui de la
réserve disparue, 34^,46, et à plus forte raison inférieur à
celui des sucres réducteurs que, par hydratation, donneraient
ces M^^,i6; donc une partie de ces sucres réducteurs a été
consommée par la plante.
Le retour à la forme assimilable des hydrates de carbone de
réserve rend disponible un poids de lévulose douze fois plus grand
que celui du glucose, et si la plante continuait à utiliser princi-
palement le glucose, on devrait trouver dans les sucres réduc-
teurs existants une augmentation de la proportion de lévulose.
HYDRATES DE CAllBONE. 77
Or le rapport ^ accuse, au contraire, partout, de l'état b à
rétat f, une légère prédominance du glucose; il faut donc
admettre qu'à partir de Tétat b la plante a consommé plus de
lévulose que de glucose.
Dès lors, suivant la période du développement des bulbes,
les cellules ne traiteraient pas toujours de la même manière
un mélange de glucose et de lévulose; elles consommeraient
de préférence tantôt l'un, tantôt l'autre de ces sucres.
CONCLUSIONS DU CHAPITRE V
L'étude du développement de trois représentants du genre
AUium (Ail, Échalotte, Oignon) nous montre que, pour les trois,
les hydrates de carbone issus de l'action chlorophyllienne, et
formés dans les cellules vertes des feuilles, sont un mélange
de glucose et de lévulose à peu près dans les proportions qui
constituent le sucre interverti.
Ces deux sucres participent aux phénomènes de la vie en
quantités inégales : dans l'ail, tout le glucose disparait, et
tout ou partie du lévulose se met en réserve sous forme d'inu-
line soluble ; dans l'échalotte et l'oignon, une partie seulement
du glucose est utilisée par la plante, et le reste s'immobilise
en même temps que tout ou partie du lévulose, en donnant
des hydrates de carbone dans lesquels, après hydratation, le
rapport j- =12-
On a même vu l'oignon manifester, dans la première période
de son développement, période d'accumulation de la réserve,
une préférence marquée pour le glucose, tandis que dans la
deuxième, où il s'attaque à la réserve déjà formée, il cdhsommc
plus de lévulose que de glucose.
Donc dans les végétaux étudiés les cellules ne traitent pas
78 R. CHEVA8TEL0N.
de la même manière le glucose et le lévulose que leuf a fournis
rassimilation chlorophyllienne.
Ce sont là des phénomènes de même nature que ceux
signalés en 1856 par Dubrunfaut (*), étudiés par MM. Bour-
quelot (*), Gayon et Dubourg (^) sur la fermentation élective des
sucres.
Certaines levures font fermenter le glucose de préférence au
lévulose ; d'autres font fermenter le lévulose de préférence au
glucose. Les unes utilisent exclusivement Tun des sucres avant
de s'attaquera l'autre, qui disparaîtà son tour; les autres utili-
sent les deux en même temps, mais en proportions différentes.
N'est-ce pas en profitant des propriétés électives des moisis-
sures que M. Pasteur (*) a, le premier, démontré l'existence
des racémates; que plus tard M. Lebel (^) a pu constater
dans l'alcool amylique l'existence d'alcools isomères de pou-
voirs rotatoires différents; que M. Fischer a pu vérifier sur les
sucres synthétiques, obtenus par lui, quelques points de ses
idées théoriques? Enfin M. Grimbert(^), dans son travail sur
le Bacilliis orthobutylictis, a vu que sur 200 parties de sucie
interverti soumises à l'influence de cet infiniment petit, il
restait à la fin d'une fermentation :
Glucose.... 0
Lévulose ... 80
Il semble donc que la cellule végétale, qu'elle vive isolée,
comme la levure, ou en colonies dans un végétal pïuricellulairc,
agit, dans sa jeunesse au moins, avant une différenciation
profonde, de la même manière sur les aliments hydrocarbonés
assimilables. Elle prend tantôt le glucose de préférence au
lévulose, tantôt le lévulose de préférence au glucose, tantôt
l'un ou l'autre indifféremment.
(») Dubiunfaut, C. i?., t. XLII, p. UOI, 1856.
(*) M. Bourqaelot, Ann, de ci. et de / hys., 6« série, t. IX, 1886.
()) M.»f. Gayon et Dubourg, C. A., avril 1800.
(^) M. Pasteur, C. R., t XL VI, 1858.
(») M. Ubel, L\ H., l87o.
(«) M. Grimborl, thèses (Pari<), 1893.
HYDRATES DK CARBOfCI-:. 79
RESUME ET COxNCLUSIONS GÉNÉRALES
Dans le premier chapitre^ nous avons indiqué la méthode
suivie pour Textraction du liquide cellulaire contenu dans une
plante quelconque.
Cette méthode est applicable à toute partie d'un être organisé.
Dans le deuxième chapitre, nous avons constaté que les
caïeux d'ail à Tétat de vie ralentie renferment une réserve
hydrocarbonée constituée par un corps unique et nouveau :
Tinuline soluble.
L'état de cette inuline établit qu'elle diffère essentiellement
de celle retirée du topinambour ou du dalhia par une solubilité
en toutes proportions dans l'eau.
Elle ne se dépose pas dans les cellules, comme celle du topi-
nambour, sous forme de sphéro-cristaux, lorsqu'on traite les
caïeux d'ail par de l'alcool concentré.
Le microscope ne peut donc pas déceler ga présence dans
les cellules.
Dans le troisième chapitre, on a vu que les hydrates de car-
bone non assimilables et solubles contenus dans les bulbes
d'échalotte et d'oignon à l'état de vie ralentie, sont lévogyres
et non réducteurs comme Tinuline de l'ail; mais ils fermentent
en présence d'une levure alcoolique, tandis que, dans les mêmes
conditions, l'inuliiie de l'ail n'est pas attaquée.
Ils se distinguent encore de ce dernier corps en ce qu'ils no
ferment pas de précipité avec l'eau de baryte en excès.
80 R. GHEVASTËLON.
Ils sont différents et de Tinuline et de tous les hydrates de
carbone connus.
Ils se présentent donc comme des corps nouveaux; leur
étude plus complète a été remise à une date ultérieure.
iiCs sucres réducteurs assimilables qui existent en même
temps dans les bulbes d'échalotte et d'oignon sont un mélange
de glucose et de lévulose, avec prédominance légère du lévu-
lose dans réchalotte, du glucose dans Toignon. Donc les
hydrates de carbone mis en réserve par des végétaux d'un
même genre peuvent être différents.
Dans aucun des monocotylédones étudiés dans le quatrième
chapitre, on n'a trouvé les hydrates de carbone que contiennent
les bulbes d'échalotte ou d'oignon. Au contraire, l'inuline
soluble existe seule dans la tubéreuse, l'asphodèle ; en mélange
avec l'amidon dans la jacinthe; en mélange avec l'amidon et
le saccharose dans la tulipe.
Comme pour l'amidon, sa présence ou son absence sont
indépendantes de l'ordre, de la famille et du genre auxquels
appartiennent les végétaux considérés.
L'amidon formant à lui seul la réserve hydrocarbonée dans
le crocus, il en résulte une assez grande diversité dans la
nature des hydrates de carbone mis en réserve dans les parties
souterraines de plantes voisines du groupe des monocotylé-
dones.
Nous avons vu qu'à ce point de vue elles présentent cinq
types bien distincts.
L'étude, faite dans le cinquième chapitre, du développement
de trois représentants du genre Allium établit que :
l"" Dans les trois, les extrémités vertes des feuilles ne con-
tiennent que du glucose et du lévulose dans des proportions
très voisines de celles qui constituent le sucre interverti ;
2^ La réserve prend naissance aux dépens de ces sucres ;
3^ La formation de cette réserve résulte d'une action diffé-
rente des cellules sur le glucose et le lévulose.
HYDRATES DE CARBONE. 81
L'exemple de la jacinthe va nous permettre d'appliquer à des
végétaux renfermant de Tamidon comme réserve hydrocar- |
bonée, les conclusions tirées du genre Allium.
Nous avons vu (quatrième chapitre) que les bulbes de cette
plante, à Tétat de vie ralentie, contiennent de Tinuline soluble
et de Tamidon en proportions inégales ; il y a plus d'amidon
que dMnuline.
Or, il n'existe à aucun moment d'amidon dans les feuilles;
Bœhm (^) a le premier constaté le fait. Donc l'amidon du bulbe |
n'a pu, comme l'inuline, prendre naissance qu'aux dépens des
sucres réducteurs formés dans les feuilles.
La présence simultanée et en proportions inégales de deux
corps donnant par hydratation, exclusivement l'un du glucose,
l'autre du lévulose, s'expliquerait en supposant que la plante a
eu pour le glucose et le lévulose une préférence alternative.
Dès le printemps, nous tenterons la vérification expérimen- *
taie de cette hypothèse.
Mais l'observation de la jacinthe serait à elle seule suffisante
pour éliminer l'amidon comme produit direct de l'assimilation
chlorophyllienne.
C'est l'opinion de M. Schimper (^), qui, dans un mémoire
sur la formation des hydrates de carbone dans les feuilles,
conclut nettement de ses recherches :
1^ Que la formation du glucose précède toujours celle de
l'amidon ;
2^ Que l'amidon formé pendant l'assimilation provient du
glucose ;
3^ Hais que l'amidon ne se développe dans les plastides que
lorsque la solution de glucose contenue dans les feuilles
dépasse un certain degré de concentration, variable d'une
espèce à l'autre, de sorte que certaines plantes ne forment
jamais d'amidon dans les conditions normales, tandis que
d'autres, dont les plastides sont moins exigeants, en forment
(}) Bœhm, Bot. ZeU, 1883.
(•) M. Schimper, Bot. ZeU, 1885.
T. 1 (5« Sôfie). 6
8^ R. CHEVASTEM)N. — HYDRATES DE CARBONE.
avec abondance alors que la solution de glucose est relative-
ment faible.
Au point de vue de la formation de ranfiidon, l'exemple de
la jacinthe serait une nouvelle preuve de l'exactitude des con-
clusions de M, Schimper.
Enfin, la chlorophylle ayant dans tous les végétaux verts
une constitution constante, il parait rationnel d'admettre que
les produits hydrocarbonés résultant de son action sur l'acide
carbonique à la lumière solaire sont constants.
Si, comme nous le pensons, ils apparaissent sous forme de
sucre interverti, la nature des hydrates de carbone mis en
réserve dans un même végétal ou dans des végétaux différents
serait la conséquence, soit d'une préférence, exclusive ou
relative, continue ou alternative, des cellules pour le glucose
ou le lévulose, soit pour les mêmes corps d'une égale indiffé-
rence.
En un mot, les cellules productrices des hydrates de carbone
suivraient une loi unique; celles qui les consomment les utili-
seraient de manières différentes, suivant leur aptitude ou leur
nécessité; leur action serait comparable à celle qu'elles
exercent sur les éléments minéraux ou organiques constitutifs
des milieux où elles vivent et se développent.
Nous espérons reprendre bientôt ces recherches.
CONTRIBUTION
A L*ÉTUDE
MUfflimS II iS AlliNliîES CRlSîiLLISlS
PRÉPARÉS PAR VOIE HUMIDE
PAR U. H. GOGUEL,
CHARGÉ DE GOHrËRCRCfiS DE MIRÉRALOGIE A LA FACULTÉ DES SCIEXCU DE BO&OEADl.
INTRODUCTION
Dans rétat actuel de la science il est généralement facile,
étant donné un arséniate naturel, de Tidentifier avec une
espèce déjà décrite, ou de l'en différencier, par la seule obser-
vation de ses propriétés cristallographiques et optiques, et
cela, sans avoir besoin de recourir à l'analyse chimique.
Au contraire, pour les arséniates qui ne sont connus qu'arti-
ficiels, ce précieux moyen d'îdenlificanon manque complète-
ment ou à peu près. Lorsqu'on a fait la synthèse d'un de ces
arséniates, on ne peut, sans analyse préalable, rien préjuger
sur son identité, sous peine de grossières erreurs.
C'est que les propriétés physiques de ces corps ont été fort
peu étudiées. Si, en effet, on excepte les arséniates artificiels
qui sont les reproductions d'espèces minérales et qui ont à
ce titre intéressé les minéralogistes: adamine, olivénite,
scorodilc, pharmacolite, et les arséniates alcalins, en parti-
culier ceux de soude si complètement étudiés par M. Dufet
arvee ceux d'argent, on ne trouve plus sur les arséniates pro-
duits par vaîe humide que quelques données vagues et incom-
plètes réparties dans les dictionnaires, les traités de chimie et
les rares travaux spéciaux publiés sur cette question (^).
(*) Notamment : Coïoriano, thèse de la Faculté des sciences de Paris s»)r les
arséniates cristaliisos, i«86. — Lefèvre, dans une thèse portant le même titiv, a
étudié spécialement les arséniates produits par voie sèche. Paris, i891.
Si H. GOGUKL.
La remarque que je viens de faire à propos d'une classe de
sels pourrait d'ailleurs ôtre étendue à tous les cas où la
synthèse chimique ne fournit que des produits mal cristallisés
ou en cristaux très petits, car les chimistes sont, en général,
bien peu familiarisés avec la pratique cristallographique et, en
particulier, avec les procédés d'observation si élégants qui
emploient le microscope polarisant à platine tournante.
Il en résulte ce contraste frappant que, tandis que le pétro-
graphe peut, presque toujours, reconnaître une espèce miné-
rale, même en très petits cristaux inclus dans une roche, par
une simple observation optique, le chimiste qui se trouve en
présence d'un corps que Ton ne peut obtenir qu'à l'état micro-
cristallin, est rarement pourvu de données suffisantes pour en
faire la reconnaissance exacte à l'aide du microscope et sans
analyse quantitative. C'est à propos des arséniates que ce fait
m'avait vivement frappé, et ainsi je fus amené à former le
projet de contribuer à compléter l'étude cristallographique de
ceux de ces sels qui étaient déjà connus.
Pour cela, il me fallait les reproduire. J'utilisai d'abord les
procédés déjà essayés avec succès, ce qui me procura
Toccasion de les appliquer à quelques cas nouveaux,
comme on le verra à propos des métaux : baryum, cobalt,
mercure.
D'autre part, les produits obtenus de la sorte n'étant pas
toujours suffisants pour les observations microscopiques que
je désirais faire, je dus m'ingénîer à trouver de nouveaux
procédés qui, parfois, me donnèrent des sels déjà connus,
mais en échantillons plus beaux, et d'autres fois, me donnè-
rent des produits tout à fait inédits.
Parmi tous les corps que j'ai étudiés, j'ai réuni, pour consti-
tuer ce travail, d'une part, ceux déjà connus dont j'ai pu
faire une observation cristallographique présentant quelque
intérêt, et, d'autre part, parmi les arséniates nouveaux que
j'ai préparés, ceux dont je pouvais indiquer le procédé de
AltSÉMATES ET AXTIMOXIVTES. 85
»
préparation d'une façon suffisamment précise pour qu'on pût
les reproduire à volonté.
En ce qui concerne la classe des sels dont je me suis
occupé, les procédés de synthèse employés jusqu'à ce jour
se résument ainsi :
1^ Attaque du métal par Tacide arsénique en solution plus
ou moins concentrée, à une température convenable.
2° Double décomposition d'un sel du métal et d'un arsé-
niate alcalin.
3° Attaque d'un arsénîate par l'eau, qui le transforme en un
autre plus basique.
Dans le premier cas, c'est la solution d'acide arsénique qui
est le dissolvant qui permet la cristallisation. Dans le deuxième
cas, l'agent permettant la cristallisation parait être plutôt la
solution du sel alcalin pour les arséniates alcalino-terreux,
et la solution du sel du métal lourd dans les autres cas ; mais
alors la cristallisation est longue à se produire et nécessite
souvent des températures élevées, le dissolvant étant très faible.
Dans le troisième cas, le dissolvant est l'eau acidulée par
l'acide enlevé au sel métallique attaqué; il est encore très
faible; aussi ce procédé ne fournit*il, le plus souvent, que des
produits médiocres au point de vue cristallographique. Le
produit obtenu est toujours basique.
C'est le premier procédé, où l'acide arsénique est le dissol-
vant, quelquefois énergique, si la solution est concentrée, qui
fournit les corps les mieux cristallisés, généralement des sels
acides. Mais les métaux autres que les alcalinoterreux ne sont
souvent attaqués que bien faiblement par l'acide arsénique en
dissolution. Les difficultés sont grandes alors pour obtenir un
arséniate cristallisé par ce procédé. Il faut un temps parfois
très long, des températures élevées et, par suite, des tubes
scellés, dont la petite capacité limite la quantité du produit
obtenu, qui est souvent très minime, et dont la rupture aux
86 H. GOGUKL.
fortes températures occasionne parfois de fâcheux contre-
temps.
J'ai constaté qu'il est très possible d'attaquer plus facilement,
non pas le métal, mais son oxyde, par l'acide arsénique; cette
méthode réussit entre autres pour le nickel, le cobalt et Talu-
minium; mais voici un procédé beaucoup plus général que
j'ai employé avec succès :
Il consiste à faire réagir, à une température convenable,
l'acido arsL-nique sur un sel du métal tel que son acide mis en
liberté soit un dissolvant nul ou très faible de l'arséniate à
obtenir.
L'acétate m'a donné de très bons résultats pour une longue
série de métaux comprenant le baryum, le strontium, le cal-
cium, le zinc, le cuivre, le nickel, le cobalt et l'uranium.
Si à une solution d'un acétate on ajoute une solution d'acide
arsénique, on obtient un précipité floconneux qui, générale-
ment, se redissout dans un léger excès d'acide arsénique. Si
on chauffe alors le mélange, au besoin en tube scellé, on voit
toute la liqueur se prendre en gelée à une température variable
suivant le métal de l'acétate; puis, à une température supé-
rieure, celte gelée se contracte, perd son eau et cristallise.
Cette production préalable de gelée se retrouve encore lors-
qu'on attaque un métal par l'acide arsénique et même dans
d'autres cas; c'est, en somme, un fait très fréquent dans la
synthèse des arséniates.
Dans certains cas, l'arséniate obtenu en tube scellé est
susceptible de se redissoudre complètement par refroidissement
dans la liqueur acide, et il m'a paru qu'à peu d'exceptions
près ces sels, lorsqu'ils sont solubles dans l'acide arsénique,
le sont plus à froid qu'à chaud, ce qui est souvent important à
considérer pour la récolte des produits de synthèse obtenus.
La méthode que je viens d'indiquer ne donne pas de résultats
lorsque l'arséniate à produire est totalement insoluble dans
ARSÉMATËS ET ANTlMONfATES. 87
Tacide acétique et dans Tacide arsénique; mais alors on peut,
au lieu de Tacétate, s'adresser à un sel dont Tacide puisse
intervenir comme dissolvant plus énergique. L'azotate m'a
réussi pour le mercure et aussi pour le plomb ; dans ce dernier
cas, avec une légère modification du procédé.
Pour ce qui est de l'analyse des produits obtenus, j'ai trouvé
dans les traités classiques ou dans les travaux de mes devan-
ciers des méthodes suffisantes. 11 m'est cependant arrivé d'y
faire quelques modifications que l'on trouvera indiquées à
propos des sels d'aluminium et d'uranium.
Les procédés que j'ai cités ne sont pas les seuls par lesquels
j'ai tenté da faire des arséniates. J'aurais, dès l'origine de mes
recherches, vivement désiré reproduire la série naturelle des
orthoarséniates tribasiques à huit molécules d'eau du type
érythrine. C'est malheureusement sans succès que j'ai multiplié
les expériences dans ce but. Je n'ai obtenu qu'un arséniate de
zinc ayant même composition brute, mais probablement une
autre formule.
M. Hautefeuille m'avait donné le conseil d'étudier parallèle-
ment les antimoniates. C'est avec une grande persistance que
j'ai multiplié les essais en vue d'obtenir des sels de cette famille
nettement cristallisés. Je n'en ai obtenu que trois : de magné-
sium, nickel et cobalt, dont j'ai pu faire une étude assez
complète qui me paraît présenter quel-que intérêt, surtout au
point de vue de leur type chimique.
Avant de passer en revue les résultats de mes recherches,
je tiens, en terminant cette courte introduction, à remercier
très vivement M* le docteur Ch. Blarez, professeur de chimie à
la Faculté de médecine de Bordeaux, qui a bien voulu m'ac-
88 H. GOGUEL.
corder dans ses laboratoires une hospitalité qui m'a permis
d'exécuter ces recherches ;
Ainsi que mon excellent ami M. Alfred Lacroix, professeur au
Muséum, dans le laboratoire duquel j'ai pu parfaire autant que
possible la partie cris^allographique de ce travail ;
Et, enfin, MM. Denigès et fiarthe, professeurs agrégés de
la Faculté de médecine de Bordeaux, et Laborde, chimiste
de la Station agronomique, qui ont bien voulu y contribuer
en mettant à ma disposition soit leurs instruments, soit leurs
connaissances sur certains points spéciaux.
ARSÉSÏATES ET ANTIMONIATES. 89
PREMIÈRE PARTIE
A RS É N I ATES
Calcium.
Historique. — Sur les arséniates de calcium on trouve des
renseignements sommaires dans le Dictionnaire de Wurtz (^)
et dans TEncycIopédie, ainsi que dans certains traités de
chimie.
Dans ces ouvrages on cite : Tarséniate monocalcique soluble
et cristallisable^ mais sans renseignements cristallographiques;
Tarséniate bicalbique^ qui se prépare en ajoutant de Tarséniate
disodique à du chlorure de calcium. Il est dit (^) que^ quant à
sa teneur en eau, on admet As*0*,2CaO,6H"0.
Ailleurs (') on mentionne AsO^CaH, sous l'autorité de Sal-
kowski, mais sans indiquer de teneur en eau de cristallisation
et aussi sans indication cristallographique.
Mieux connu est l'arséniate AsO^CaH + 2H*0, ou pharmacolite,
bien étudié soit comme produit naturel par M.DesCloizeaux(^),
soit comme produit artificiel par MM. Joly et Dufet (^).
La haïdingérite, arséniate naturel de formule AsO*CaH + H"0,
a été étudiée par M. Des Cloizeaux (*) très complètement au
point de vue cristallographique ; mais en ce qui concerne sa
composition chimique, elle est moins certainement connue. En
(*) Wortz, Dictionnaire, art. Arséniate,
(*) Ni voit, Encyclopédie, art. Calcium, 3* cahier, p. 9().
(3) Wurtz, Dictionnaire, 1*' supplément, p. 28.
(«) Des Cloizeaux, Bull, Soc. Min., t. XI, p. 192.
(*) Dufet, Bull. Soc. Min., t. XI, p. 187 et 192.
(•) Des Cloizeaux, Manuel d^ minéralogie, t. II, p. 366 et 367, et Bull. Soc.
Min., t. XI, p. 196.
90 H. GOGURL.
effet, tandis que les minéralogistes (^) s'accordent en général
sur la formule AsO*CalI + H*0, Debray (^) a donné comme haï-
dingéri le artificielle un arséniate de formule AsO^CaH + ijH'O,
et M. Des Cloizeaux, dans son ouvrage récemment paru, attribue
également cette formule à la haïdingérite naturelle.
En somme, la pharmacolite naturelle ou artificielle est seule
bien connue; la haïdingérite est encore douteuse. Les autres
arséniates de chaux n'ont pas été étudiés cristallographique-
ment.
J'ai cherché à élucider cette question; voici les recherches
que j'ai faites et leurs résultats.
Orthoarséniate bibasique de calcium.
AsO*CaH.
Je l'ai préparé de la façon suivante : On dissout un équiva-
lent de carbonate de chaux dans un peu plus d'un équivalent
d'acide arsénique en solution dans l'eau; soit 5 grammes envi-
ron de carbonate dans 80 centimètres cubes d'une solution
contenant 15 grammes d*acide.
La liqueur filirée, mise en tube scellé et chauffée entre 150""
et 200"^, laisse déposer une certaine quantité de petits cristaux
d'arséniate de chaux qu'il faut recueillir rapidement, le tube
étant encore chaud, car par un refroidissement lent au sein de
la liqueur mère, ils s'y redissoudraient complètement.
Analyse, — Pour analyser ce corps, j'y ai dosé l'eau par
perte de poids; puis, la matière anhydre ayant été dissoute
dans l'acide chlorhydrique étendu, la chaux a été séparée à
Tétat de sulfate en présence de l'alcool, et, après évaporation
de ce dernier et reprise par l'eau, l'arsenic a été séparé et pesé
à l'état d'arséniate ammoniaco-magnésien.
Voici les résultats fournis par mes plus beaux échantillons,
(*) Groth, Tabêllarinches UbersiclU der Mlneralien.
(*) Annales de chimie et de physique, 3* série, t. LXI, p. 419.
ARSÉNIATES KT ANTIMONiATES. 91
reconnus très homogènes après examen au microscope pola-
risant :
I II Calculé.
H'O . . . • 5, 14 0/0 5,12 0/0 5,00 0/0
CaO.... 30,70 30,91 31,11
As'OV.. 63,56 63,61 63,88
99,40 99,04 . 99,99
La matière ayant été bien convenablement desséchée dans
Tair sec, on ne constate aucun départ d'eau au-dessous de 180*^.
Cette eau doit donc être considérée comme étant de constitu-
tion, et ranalyse conduit à la formule
^Ca
AsO* f
Ce corps est parfaitement soluble dans les acides forts et dans
Tacide arsénique en solution concentrée.
Propriétés physiques. — C'est une belle matière formée de
petits cristaux pouvant atteindre jusqu^à un
millimètre de diamètre, incolores et transpa-
rents, brillants, de forme parallélipipédique,
un peu aplatis suivant une de leurs faces.
Ils appartiennent au système tricli nique
et peuvent être représentés par le symbole
p, m, t, (001) (irO) (110), conformément à la
flgure 1, si on prend pour face ( (110) la face
habituellement la plus développée.
Malgré leur petitesse, ils sont mesurables;
on trouve au goniomètre :
ANGLES DES NORMALES.
F». 1.
mt (HO) (110)
pm (001) (110)
p t (001) (110)
Les cristaux sont en général sensiblement allongés parallèle*
ment à Tarète m t.
56^68',
10«°57'.
92 H. GOGUEL.
En lumière polarisée^ les extinctions se font :
Dans m, à 38** de l'arête m t, cette direction est positive.
Dans t, à 18® id. id., cette direction est positive.
En lumière convergente^ on voit dans t un des axes optiques
incliné sur cette face; un autre axe se voit incliné sur la
face m.
C'est donc la normale optique qui se projette sur les faces m
et t, suivant les directions d'extinction indiquées plus haut et
sur la figure, et le corps est biaxe négatif.
Arséniate bibasique de calcium (haldingérite),
AsO*CaH 4- H'O.
A. À une solution de chlorure de calcium en excès (30 gram-
mes environ dans 200 centimètres cubes d'eau) on ajoute
i-2 centimètres cubes d'acide arsénique pur en solution à
50 0/0, puis de Tarséniate disodique.
Les premières additions de ce corps ne produisent pas de
précipité; mais bientôt il apparaît. Lorsqu'il est assez abon-
dant, on place le tout dans une étuve à 70®, où le précipité,
d'abord floconneux, ne tarde pas à cristalliser. On peut alors
ajouter de nouvelles quantités d'arséniate disodique, produisant
de nouveaux précipités qui cristallisent à leur tour. On obtient
ainsi une notable quantité du produit cherché.
Si la température était plus élevée, voisine du point d'ébulli-
tion de la solution de chlorure de calcium, c'est le corps pré-
cédent que l'on obtiendrait.
B. A 45 centimètres cubes d'une dissolution à 10 0/0 d'acé-
tate de calcium on ajoute 5 centimètres cubes d'une dissolution
d'acide arsénique à 50 0/0. La liqueur reste limpide ; mais si
on la place dans une étuve chauffée à 100M05®, il s'y dépose
bientôt d'abondants cristaux d'arséniate de chaux.
Analyse. — Pour analyser ce corps, j'ai, comme pour le
précédent, dosé l'eau par perte de poids, la chaux à l'état de
ARSÉMATCS ET AMINOMATES. 93
suIFale, et Tacide arsénique à Tétat d'arséniate ammoniaco-
magnésien ou par différence.
Trouvé
B
H 0« • • . . •
CaO
As»0'
I
13,59
28,24
87,81
II
13,7
28,1
88,2
III
13,83
28,36
87,81
IV
13,88
28,26
87,86
Calculé
pour
AsO*CaH H- H'O.
13,63
58,08
99,34 100,0 J00,00 100,00
100,00
L'eau part complètement entre 150** et 300°, la molécule d'eau
d'hydratation partant entre 150® et 180® environ, ce qui con-
duit à la formule
yCa
AsO* ^ 4- H»0,
admise par Groth et quelques autres pour la haïdingérite.
Propriétés physiques. — Les propriétés physiques du corps
que nous éludions concordent du reste avec celles de ce miné-
ral. Il est blanc, formé de lamelles souvent rec-
tangulaires, aplaties suivant un clivage (fig. 2).
Elles s'éteignent parallèlement à leurs côtés et
montrent, en lumière convergente, des phéno-
mènes indiquant une bissectrice obtuse néga-
tive, perpendiculaire à la face d'aplatissement.
Le système cristallin est donc bien déterminé
ainsi comme étant orthorhombique. Les lamelles
sont positives suivant l'allongement ; elles sont
peu biréfringentes.
On se rappelle que M. Des Cloizeaux donne de
la haïdingérite la description suivante :
c Rhombique, clivage g\ axes optiques dans h\ bissectrice
:» obtuse négative perpendiculaire à g\ >
Ce qui concorde complètement avec les propriétés du produit
étudié, si on y prend la face d'aplatissement pour g\
94 H. GOGORL.
J'ai donc lieu de penser que c'est bien là de la haldingérite
artificielle; la Tormule A80'CaH+ IPO serait alors bien établie
pour ce minéral.
Strontium.
J'extrais de l'article Strontium de l'Encyclopédie chimique (*)
ce qui suit : c Arséniate de strontiane As*0'(StO)S ressemble à
:»rarséniate de baryte; il cristallise dans l'acide acétique en
)» lamelles presque rectangulaires; il peut aussi se combiner
D avec l'ammoniaque... (Baumann). :»
Je n'ai rien trouvé de plus complet sur les arséniatcs de
strontium.
Orlhoarséniate distrontianique.
AsO^SrH.
Préparation. — En appliquant au strontium les procédés
qui m'avaient réussi pour le calcium, j'ai obtenu un produit
bien cristallisé.
A. Un premier procédé est le suivant : 10 grammes de chlo*
rure de strontium sont dissous dans 100 centimètres cubes
d'eau, et la liqueur est portée à l'ébullition après qu'on l'a
additionnée de â grammes environ d'acide arsénique; puis, le
ballon étant retiré du feu, on y ajoute de l'arséniate disodique
tant qu'il se forme un précipité, et on maintient ensuite le
tout à 100^ dans une étuve, où le précipité na tarda pas à
cristalliser.
Ce procédé donne un produit abondant, mais moins beau et
moins homogène que le suivant.
B. A un équivalent d'acétate de strontium en solution à
10 0/0 on ajoute un équivalent d'acide arsénique en solution
concentrée, et on place le vase contenant le tout dans une
0) Encyclopêtlie, Stfontimn, t. III, 4« cahier, p. Ô0«
AnSÉNIATSS ET ANTINONIATES. 95
étuve à 100^-105'', où il se produit rapidement un beau préci-
pité cristallin.
Analyse. — Les produits obtenus ont été soumis à l'analyse
de la façon suivante : L'eau, qui dans les échantillons bien
homogènes part au-dessus de M^^, et au-dessous de la tempé-
rature de Tusion du zinc, a été dosée par perte de poids; f uis,
le corps ayant été dissous dans Tacide chlorhydriqte, la stron-
tîane a été pesée à Pétat de sulfate et Tacide arsénique à Tétai
d'arséniate ammoniaco-magnésien. On déduit par différence :
Trouvé Calculé
" ■■!• ^ I "!■" ■ --- pour
A B AsÛ'SrH.
H*0 4,69 4,03 4,10 3.96
SrO 45,21 4K,3i 4S,!£9 45,49
As'O»... (pesé) 49,31 (diff.) 50.66 (pesé) 60,47 60,65
99,^1 100,00 99,66 100,00
Les échantillons sur lesquels j'ai fait les analyses B étaient
très beaux et très homogènes; les nombres trouvés pour eux
conduisent très exactement à la formule
/Sr
Ce corps est facilement soluble dans les acides.
Propriétés physiques. — Petits cristaux incolores transpa-
rents assez frustes. Cependant, par un examen attentif, on
reconnaît qu'ils sont tricliniques, tout à fait comparables à
ceux de l'arséniate de chaux de même formule.
Ils sont aplatis suivant la faee t, et les angles plans qu'elle
présente sont très voisins de ceux que l'on calculerait d'après
les données angulaires de la page 91.
Les propriétés optiques sont tout à fait analogues à celles
de AsO^CaH (voir p. 91, âg. 1) : l'extinction dans t se fait a 31^
environ de l'arôte m t. Dans la face t on voit un axe optique
incliné, et le plan des axes est voisin d'un plan perpendiculaire
à l'arête m L Le corps est biaxe négatif.
96 H. GOGUEL.
Orthoarséniate distronUanigue hydraté,
AsO*SrH + H*0.
En refaisant Tarséniate AsO^SrNa + 9H*0 décrit déjà par
M. Joly (*) et en suivant son procédé, c'est-à-dire en mettant
en présence dans deux vases concentriques deux dissolutions^
Tune d'azotate de strontium, Tautre d'arséniate disodique,
communiquant entre elles par une mince couche de liquide,
j'ai constaté que, en outre des cristaux cubiques de cet
arséniate, il se produisait dans le vase contenant le sel stron-
tianique des cristaux différents, prismatiques, assez beaux,
ayant jusqu'à un centimètre et plus de long.
Analyse. — Analysés comme le sel précédent, ils m'ont
donné :
TrouYé. Calculé.
H*0(H'0àl60o).... 7,2) 7.33 I H no
(i H'Oaurouge). 3,6 ) * ' 3,67 ) '""
SrO 42,0 42,16
As'O» 47,3 46,84
100,0 100,00
L'eau partant à raison de une molécule au-dessous delBO^
le reste, pour la plus grande part, entre iGS"" et 240^ on est
conduit à admettre une demi-molécule d'eau de constitution
et une molécule d'eau d'hydratation.
Ce qui conduit à la formule
AsO* f -i- H«0.
Propriétés physiques. — Ce corps se présente sous la forme
de beaux prismes incolores appartenant au système ortho-
rhombique, terminés par un pointement à quatre faces {fig. 3).
(») Joly, C. R., . CIV, p. 905.
J
ARSÉMATES ET ANTiMONlATES. 97
Les faces de ce pointement sont très arrondies et leurs
angles ne sont pas mesurables; mais les faces latérales du
l^;;;;^ prisme sont très nettes et donnent avec une bonne
.. r exactitude les mesures suivantes :
tnjif
n
m h' (110) (100) 44<'5' (normales),
mm (Î10)(110) 8»>10'.
Ces cristaux présentent un clivage très facile sui-
i vantfc*..
[y^j^j Si on observe une lame de clivage en lumière pola-
Fifi. 3. risée, on constate qu'elle est perpendiculaire à une
bissectrice obtuse positive, les axes optiques se trouvant dans
le plan g*.
On voit que les propriétés optiques par rapport au clivage
sont les mêmes que dans la haïdingérite.
Baryum.
Les renseignements bibliographiques que Ton peut trouver
sur les arséniates de baryum sont identiques à ceux que Ton
trouve sur les sels de strontium et tout aussi incomplets.
Orthoarséniate hibarytique anhydre.
AsO'BaH.
Comme les sels correspondants de calcium et de strontium,
ce sel n'a encore été décrit nulle part.
Préparation. — A. On met en tube clos 20 centimètres
cubes d'une solution d'acétate de baryum à 10 0/0 avec 5 cen-
timètres cubes d'une solution d'acide arsénique à 50 0/0, et
Ton chauffe aux environs de 200°. La solution, d'abord limpide,
* laisse déposer à cette température une matière blanche cris-
tallisée.
J5. En préparant Tarséniate décrit dans le paragraphe sui-
T. 1 (5e Série)- 7
98 H. GOGUEl..
vant, il m'est arrivé, dans des conditions que je ne saurais
préciser exactement comme température et proportions, d'ob-
tenir» en faisant cristalliser dans Tacide acétique rarsciiiale de
baryum obtenu en précipitant un sel barytique par Tarséniate
disodique, des cristaux relativement volumineux ayant même
composition que le corps précédent.
Analy&e. — L'eau a été dosée dans ce produit par perte de
poids; son départ n'a lieu qu'au-dessus de 180**, et elle doit
être considérée comme étant de constitution^
Dans la solution du produit anhydre dans une petite quantité
d'acide chlorhydrique, la baryte a été séparée à l'état de sulfate
et pesée sous cette forme; Tacide arsénique reste déduit par
différence,
Voici les résultats obtenus :
Troufé.
A B
3,5 3,4
Calculé
pour
AsO'BaH.
H 0
BaO 58,1
As»0».... 41,4
100,0
Ce qui conduit à la formule
AsO
85,0
41,6
100,0
3,23
85,24
41,81
100,00
\
Ba
H.
Ce sel est facilement soluble dans les acides.
Propriétés physiques. — Préparé par le procédé A, il se
présente sous la forme de paillettes blanches très déchiquetées,
mais appartenant sûrement au
système triclinique.
Préparé par le procédé JB, il
présente de jolis cristaux tricli*
y;; ^^ niques ayant jusqu'à un demi-
1' -^'"''^ centimètre de long (/j^. 4). lia
sont très mesurables au gonio-
njètro et dniinont, à 5 ou 0 minutes près, les angles suivants :
Klc. i.
ARSÉXIATES ET ANTIMONIATES. 99
ANGLES DES NORMALES
m t 56^30'
p m 85<>4'
p t 103«S3'30'
t g' Sff'W
Les cristaux sont un peu aplatis. suivant p et allongés sui-
vant p m; la face h^ est très petite quand elle existe.
*
Orthoarséniate bîbarytique hydraté.
AsO*BaH 4- H'O.
Dans les ouvrages de chimie on trouve^ en plusieurs endroits,
qu'il est facile d'obtenir Tarséniate bibarytique cristallisé. Le
Dictionnaire de Wurtz dit entre autres (^) : c L'arséniate
3> BallAsO* + Il'O s'obtient en versant goutte à goutte un arsé-
> niate alcalin bimétallique dans du chlorure de baryum ; le
» précipité qui se forme d'abord disparait, et Ton obtient bientôt
> une masse cristalline» peu solubie dans l'eau» soluble dans
]^ l'acide acétique, d'où il cristallise facilement en octaè Ires à
> base carrée. (SchiefiTer.) i> Cette indication cristallographique
est la seule que j'aie pu trouver sur ce sel» et on verra qu'elle
ne coïncide nullement avec les faits que j'ai observés.
Cette non-coïncidence m'a» comme conséquence» conduit à
chercher à varier les moyens employés pour reproduire cet
arséniate cristallisé. Voici les divers procédés de préparation
que j'ai essayés :
Préparation. —A. Onleprépare, comme l'indique M. Joly(*),
en neutralisant l'acide arsénique par la baryte en présence de
la phtaléïne du phénol. On obtient ainsi un précipité gélatineux
qui se transforme en un sel cristallisé parfois en grandes
lamelles identiques à celles que l'on obtient :
A'. En opérant pour le baryum comme M. Dufet a opéré pour
(•) Wurlz, Dictionnaire, 1. 1, p. 403.
W Joly, C. JR., t. eu, p. ai6.
100 H. GOGLEL.
le calcium lorsqu'il a fait la synthèse de la pharmacolite {^)y
c'est-à-dire en mettant en présence dans deux vases concentri-
ques de Tazotate de baryte et de Tarséniate disodique^ les deux
dissolutions étant réunies par une mince couche d'eau supé-
rieure. Sur les parois se forment de beaux cristaux lamellaires
d'arséniate bibarytique ayant jusqu'à un demi-centimètre de
large sur un centimètre de long.
B. J'ai aussi produit cet arséniate cristallisé en précipitant
l'acétate de baryum par l'acide arsénique et laissant le précipité
quelque temps en digestion dans la liqueur mère à 60°.
C En précipitant le chlorure de baryum par l'arséniate
disodique et laissant le précipité digérer à froid dans la liqueur
mère.
D. Enfin, en laissant digérer et cristalliser dans l'acide acéti-
que l'arséniate bibarytique préparé rapidement par le procédé
précédent.
Analyse. — Tous ces procédés m'ont donné le même corps
sous différents aspects.
Pour analyser les produits obtenus, après les avoir convena-
blement desséchés dans l'air sec, j'ai dosé l'eau par perte de
poids; puis, la matière ayant été dissoute dans une petite
quantité d'acide chlorhydrique, où elle jest facilement soluble,
j'ai précipité la baryte et l'ai pesée à l'état de sulfate. L'arsenic
a été dosé à l'état d'arséniate ammoniaco-magnésien ou par
différence.
Voici les résultats obtenus :
Trouvé.
^ ■ ■ I " '^ " — Calculé.
A B C D
H*0 per ju au-dessois it 240^ 6,10) 6,0S|
i H*0 au rouge 3,0o) 9,15 9,2 3,24) 9,29 9,2 9,15
BaO 51,80 61,6 51,60 51,7 51,86
iAsW 39,00 39,2 39,10 38,7 38,98
99,95 100,0 100,00 99,6 99»99
(1) Dufet, Bull, iSoc. Min., t. XI, p. 103.
:—: .; • . • •
. • î : %• \ .'
ARSKNIATES ET ANTIMOMATËS.
101
Comme il est indiqué dans deux de ces analyses, ce corps
perd une molécule d'eau au-dessous de 240*^ et une demi-
molécule au rouge seulement. C'est donc bien un orthoarsé-
niate bibasique à une molécule d'eau d'hydratation de formule
(AsO*)
\
Ba
H
4-H»0.
Comme l'ont indiqué les différents auteurs, il est très soluble
dans les acides et décomposable par l'eau chaude.
Propriétés physiques. — De quelque façon qu'il ait été
préparé, ce corps est toujours rhombique. Préparé par les
procédés A et A', il se présente en
grandes lamelles rectangulaires allon-
gées et accolées par groupes (fig, 5).
^ Leurs angles sont abattus par des tron-
catures à 45^, et elles sont striées pa-
rallèlement à leur longueur.!
Elles polarisent vivement et s'étei-
gnent parallèlement à leurs côtés.
La direction de l'allongement est
positive ; le plan des axes est perpendi-
culaire à cette face d'aplatissement,
ainsi que la bissectrice obtuse (^).
Par les procédés B et C, le corps s'obtient en lamelles
aplaties et allongées, très déchiquetées, appartenant évidem-
ment aux mêmes formes que les précédentes.
Par le procédé D, cristallisation dans l'acide acétique à froid,
l'arséniate bibarytique s'obtient en cristaux épais ayant trois à
quatre millimètres de long et une forme extérieure analogue à
celle du sulfate de baryte (fig. 6).
Les faces de ces cristaux, quoique n'étant pas très réfléchîs-
Fic. 5.
0) Lorsqu'on emploie le procédé A' on obtient en méme< temps des petits
cristaux cubiques qui sont, comme M. Joly Ta montré, des cristaux d'arséniate
double de banmra et de. sodium.
m m sur A*
m A'
102 H. r.ocuRL.
santés, se prêtent cependant assez bien aux mesures goriiomo-
triques.
Ils sont nettement rhombiques.
Et si nous les orientons comme sur la figure ci-contre, les
faces m feront entre elles un angle voisin de celui que nous
avons constaté dans Tarséniate strontianique de même formule.
Nous verrons alors que ces cristaux présentent les formes
dominantes m /i\
Le goniomètre nous fournit les résultats suivants :
ANGLES OBSERVÉS (NORMALES).
(110) (110) Se^'îO' avec une erreur max. de 10'.
(100) (110) 43*^10'
(100) (121) 68*^15'
7n e^ (110) (121) 4i°32' moins exact.
Ce qui conduit aux paramètres
a : b : c : : 0,938 ; 1 : 0,573.
Au point de vue optique, ces cristaux sont biaxcs; le plan
des axes optiques est g*; la bissectrice
aiguë positive est parallèle di g^ h\ et
par conséquent la bissectrice obtuse
négative perpendiculaire à h\
J'ai pu tailler ces cristaux et, malgré
leur petitesse, mesurer Técartement des
axes optiques.
2E = 34'' environ, avec une faible
dispersion p < v. 11 existe un clivage
parallèle à h\
Ces cristaux sont isomorphes de ceux
de stronliane de même formule, et pro-
bablement aussi de ceux de chaux
AsO*CaIl+H'0.
Fi«.e. n, — n« = 0,007.
JDPf
jBn
ARSKXIATES ET ANTIMONIATES. 103
Zinc.
Historique. — Pour ce qui concerne les arséniates de zinc
préparés par voie humide, on connaît jusqu'à présent :
Un arséniate monozincique cité par Berzélius et assez peu
connu ;
Un arséniate bibasique AsO*ZnH + H'O ;
Un arséniate tribasique amorphe cité par Saikowski, et un
arséniate naturel, la kôttigite, à huit équivalents d'eau;
Enfin, l'adamine AsO*Zn(ZnOH), ce dernier parfaitement
étudié par M. Friedel (^) tant comme produit naturel que
comme produit artificiel.
C'est le seul dont les propriétés physiques soient connues.
Arséniate bibasique de zinc hydratf.
AsO*ZnH + H*0.
Debray (*) a préparé ce corps en précipitant le sulfate de
zinc par Tarséniate d'ammoniaque, et laissant cristalliser le
précipité par digestion dans la liqueur à lUO^ pendant quinze
jours; Demcl (^), en évaporant une solution de six parties
d'oxyde de zinc dans cent parties d'acide arsénique en solution
aqueuse; Coloriano (^), en maintenant à l'ébuUition avec de
l'eau distillée la liqueur filtrée provenant de l'attaque du zinc
par l'acide arsénique dissous.
De ces trois auteurs, ce dernier parle seul des propriétés
physiques de ce sel en disant : (c Ce corps cristallise en aiguilles
» blanches groupées on houppes, appartenant au système ortho
}) ou clinorhombique. »
Pour mieux étudier ce corps, j'ai dû le préparer, et après
(1) Friedel, B. S. M., t. II. - Des Cloizeaux, id., 1, 30. — Coloriano, thèse, p. 20.
(<) Debray, BulL Soc, Ch'mi. (2), II, p. 14.
(') Demel, Deulsc/ie chem. des., XII, p. 1279.
(*) Coloriano, thèse, p. 18.
iOi H. GOGUEL.
avoir essayé les procédés que je viens d'éniimérer, je me suis
arrêté au suivant :
Préparation, — A 100 centimètres cubes d'une solution
d'acétate de zinc à 40 0/0 on ajoute 30 centimètres cubes d'une
solution d'acide arsénique à 50 0/0, et on porte le tout dans
rétuve à 100°. Là, le précipité gélatineux qui s'était d'abord
formé cristallise.
Pour arriver à une cristallisation complète, il m'a fallu, en
général, moins de vingt heures. Le corps cristallisé n'a qu'à
être lavé par décantation et recueilli sur un filtre.
Analyse. — Pour l'analyse, j'ai, après l'avoir suffisamment
desséché dans l'air sec, dosé l'eau par perte de poids; celle-ci
s'en va en partie au-dessous de 180**, — une molécule à très
peu près, — puis le reste à la température de fusion du plomb.
Le zinc a été dosé par voie sèche à l'état de sulfure, en trans-
formant l'arséniate par le soufre au rouge dans un courant
d'hydrogène. L'arsenic a été déduit par différence.
Trouvé.
H'O..
ZnO..
As'O»
12,2
39,9
Si, 9
100,0
Ce qui conduit bien à la formule
.Zn
AsO*^
12.3,
36,0
81,7
100,0
Calcalé.
12,10
36,33
81,67
100,00
\
+ H»0.
H
Propinétés physiques, — C'est une belle matière blanche à
j» éclat soyeux, appartenant au système mono-
0/ ^^ -/ clinique, se présentant en fins cristaux sou-
vent aplatis et développés suivant g" (010).
Dans cette face, les extinctions se font, sui-
vant la figure 7 ci-contre, à 23° de l'arête d'al-
longement dans pW obtus. Cette direction est
positive, et par elle passe un plan perpendi-
culaire à g" contenant les axes optiques dont
la bissectrice obtuse est perpendiculaire à g\
Fin. 7.
ARSÊMATES ET ANTIMONIATES. 105
Le signe optique de ces cristaux est donc positif; ils sont peu
biréfringents.
Si on admet, comme cela est indiqué sur la figure, que les
lamelles g^ observées sont limitées par des faces v% et e" for-
mant biseaux et des faces o\ on trouve au réticule du micro-
scope : h^ 0^ = 40^5', h^ p = 87°25' (angles des normales).
Ces lamelles présentent parfois une mâcle suivant h^ qui les
fait paraître rhombiques.
Orihoarséniate de sine.
As*0"Zn»H'.
N'ayant pas réussi du premier coup(*) à préparer Tarséniale
bibasique de zinc par le procédé Coloriano, J'ai fait quelques
essais en ayant recours au tube scellé. Ces essais m'ont fourni
un arséniate bien cristallisé, mais que je n'ai trouvé cité nulle
part comme ayant déjà été obtenu.
Préparation. — Voici exactement comment il a été préparé:
Du zinc en excès a été attaqué par une dissolution concentrée
d'acide arsénique (à 50 0/0 environ). Après deux Jours de
digestion, la liqueur surnageante a été filtrée et mise en tube
clos avec son volume d'acide arsénique à 25 0/0, puis chauffée
au bloc Wisnegg.
Au-dessous de 100®, on voit se précipiter une gelée blanche
dont la cristallisation commence vers 180** et se complète après
quelques heures de chauffe vers 200®.
Pour recueillir ce produit, plus soluble à froid qu'à chaud
dans la liqueur mère, il est très nécessaire de laisser refroidir
et d'ouvrir le plus rapidement possible le tube, en recevant
immédiatement son contenu dans un vase plein d'eau distillée
froide.
J'ai analysé cet arséniate comme le précédent. L'eau ne
(i) J*ai réussi plus tard en lube scellé, au voisinagre de i20f>, et j'ai eu le corps
précédent.
106
H. GOGUKL.
Tabandonne qu'à une température assez élevée pour qu^on
doive la considérer comme étant de constitution.
Trouvé.
H'O
ZnO
A8«0». . . .
I
1,7
46,1
82.2
lUO.O
II
1,9
46,0
62.1
100,0
Calculé
pour
As*0"Zn«HV
2,04
4»,86
82,09
100,00
Ces résultats peuvent être représentés ainsi :
AsO* = Zn
\Zn
AsO* ^ H
\
Zn
AsO* f- H
\
/
Zn
AsO* = Zn
l'analyse indiquant cependant un très loger déficit d'eau et un
très léger excédent de zinc> qui se compensent.
Ce corps est soluble à froid : facilement dans l'acide chlor-
hydrique, moins dans l'acide azotique; soluble à chaud dans
la potasse et la soude.
Propriétés physiques. — Il se présente en belles paillettes
blanches nacrées, groupées en rosettes.
Ces lamelles, aplaties, ont la forme de
parallélogrammes dont l'angle obtus est de
430°; l'angle aigu est souvent abattu par
une petite facette.
Comme l'indique la figure 8, Tcxtinction
se fait à 14^ de la direction d'un clivage,
qui est rendu visible par des stries parallèles
au plus grand côté du parallélogramme.
Cette direction est positive. En lumière
convergente, on constate que ces cristaux
sont biaxes et que l'un des axes est à peu
près perpendiculaire sur la face d'aplatissement.
Ce caractère, joint à l'extinction, détermine les cristaux que
FiG.8.
i
AUSKMATES ET ANTIMONIATES. 107
nous étudions comm«) tricliniqueSj à moins toutefois qu'ils ne
soient aplatis suivant une face m d'un prisme monoclinique,
ce qui parait cependant peu probable, la Tace m, dans le sys-
tème monoclinique, n'étant pas une direction d*aplatissement
bien fréquente.
Pyroarséniate trUincique hydraté.
As«OXZDOH)»Zn + 7H«0.
Debray (*) a, comme nous l'avons vu, en précipitant une
solution de sulfate de zinc par l'arséniate d'ammoniaque, pro-
duit un arséniate acide. Cherchant à obtenir le même produit,
j'ai précipité l'acétate de zinc par l'arséniate disodique; mais le
produit obtenu, tout différent de celui de Debray, s'est trouvé
être un arséniate trizincique.
Salkowski (^) avait déjà constaté que si on précipite le sulfate
de zinc par une solution d'arséniate neutre de soude, il se
forme un précipité gélatineux qui, séché à 100**, a pour formule
(AsO*)»Zn'3H'0.
De mon côté, ajoutant à 100 centimètres cubes d'une solu-
tion d'acétate de zinc à 10 0/0, 10 centimètres cubes d'une
solution d'arséniate de zinc à 25 0/0, puis laissant le précipité
gélatineux en digestion dans la liqueur pendant plusieurs
semaines, je l'ai vu cristalliser.
La matière recueillie, bien homogène et entièrement cris-
tallisée, a été soumise à l'analyse suivant le même procédé que
les arséniates précédents.
Voici les résultats obtenus :
Trouvé. Calculé.
H*0 22,92 23,:« 23,33
ZnO 39,41 39,61 39,40
As'O» 37,67 37,06 37,27
100,00 100,00 100,00
ce qui conduit à la formule brute
(AsO*)*Zn\8H*0,
- I I II - r
(i) BulU Soc. Chim, (2), II, 24.
(«) Salkowski, Journ. fûrpraki. Chem., CIV. p. ittî.
108
H. GOGUEL.
analogue à la formule de la kôttigite, cet arséniate naturel que
l'on trouve ayant la composition
(A80*)*(Zn.Co.NÎ.)'.8H*0,
et dont la cristallographie est peu connue.
La formule développée de ce corps serait alors
(AsO*)^Zn
J)Zn 4- 8H*0.
(AsO*)^Zn
Mais si on étudie de près la façon dont il perd son eau, on
constate les faits suivants :
De 0 à 98**, le corps ne perd pas d'eau ;
A 400^ elle commence à partir; la perte est déjà de 3,39 0/0
à 405^ (H*0 = 2,92 0/0); à i55S elle est de 18,9 0/0, et à 200°,
de 20,5 0/0 (7H*0 = 20,419 0/0); à 220^ elle est de 20,9 0/0;
à 275% 21 0/0 ; enfin, entre 300° et le rouge faible, elle atteint
23,3 0/0. On voit que la perte d'eau subit une sorte d'arrêt
entre le départ de la septième molécule d'eau et le départ de
la huitième.
•mttimin
M^^MMa^a
!» *■■
21%
29
80
18
16
14
12
la
a
6
2
O
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/
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H)'
Zn*
7 H
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/
/
f
/
/
r
/
8H'o
6H'o
60*
lOO« 150* SOO* «SX)"^ 300» 350* 400* WS^ 500*
>**»<
PiG. 9.
Ce fait est plus visible sur la figure 9, où il se traduit par un
palier dans la courbe de départ de l'eau,
ARSÊMATBS ET ANTIMONIATËS. )09
Il semble donc que Ton doit considérer la huitième molécule
d'eau comme étant de constitution et non d'hydratation^ la
formule du corps devenant alors
As'O'Zn'H' + 7H«0,
qui peut s'interpréter ainsi :
As*0''Zn (ZnOH)« + 7H«0,
ou en développant,
AsO' ;: — ZnOH
0 > Zn -+- 7H*0
AsO» /— ZnOH.
Le corps que nous étudions serait alors un pyroarséniate
basique.
Propriétés physiques. — Les propriétés cristallographiques
sont difficiles à établir; la matière se présentant avec un aspect
blanc, soyeux, est formée d'aiguilles excessivement fines à
extinctions obliques.
Tout ce que l'on peut en dire avec certitude, c'est qu'elles
appartiennent à un système oblique, qu'elles sont optiquement
positives suivant leur allongement, peu biréfringentes, et que
l'angle maximum d'extinction dans la zone d'allongement est
de SO^ à 35^
Cadmium.
Ce qui est connu (^) sur les arséniates de cadmium peut se
résumer ainsi : il en a été préparé répondant aux types
(AsO^)*Cd*, AsO*CdH+H*0, (AsO^)^Cd»H' + 2H*0, puis unarsé-
nîate basique (AsO^)*Gd' + Aq.
(1) Encyclopédie chimique: Cadmium, p. 314. — Salkowski, Journ, fur
prakU Cliem., CIV, p. 129. — Demel, Deutsche chem, GeselL, 1879, p. 12S1. —
ColoriMio, fhése, p. 45.
110 H. GuGURL.
Le second seul a été obtenu cristallisé par Demel et Coloriano,
qui ne Tont cependant pas décrit au point de vue cristallogra-
phique.
De mon côté, j'ai obtenu à Tétat cristallin le pyroarséniate
anhydre.
Pyroarséniate bibaaique de cadmium.
As'O'Cd».
Préparation, — On introduit dans un tube scellé 15 centi-
mètres cubes d'une solution contenant 25 0/0 d'azotate de
cadmium, 10 centimètres cubes d'eau contenant i gramme
d'acide arsénique libre et 8 centimètres cubes d'une solution
d'arséniate disodique à 20 0/0.
La liqueur reste limpide, mais il s'y produit un précipité
amorphe, gélatineux dès que l'on commence à la chauflTer.
Ce précipité cristallise en quelques heures entre 180** et 200°.
Analyse. — Après avoir constaté que ce corps est anhydre,
je l'ai dissous dans une petite quantité diacide chlorhydriqne;
puis, api es avoir ajouté assez d'acide tiVlrique pour qu^nsuite,
en saturant la dissolution par l'ammoniaque, la liqueur reste
claire, j'ai précipité l'acide arsénique à l'état d'arséniate ammo*
niaco-magnésien, qui a été séché à 102^ et pesé.
Dans la liqueur filtrée, le cadmium a été précipité par le
sulfhydrate d'ammoniaque et pesé, après lavages -convenables
au sulfure de carbone et dessiccation à 100^.
Trouvé. Calculé.
As*0* 47,3 47,33
CdO 83,1 «2,(57
100,4 100,00
ce qui conduit à la formule
/. Cd
As'O' (
pour laquelle les nombres ont été calculés. Le corps est donc
un pyroarséniate de cadmium anhydre.
ARSéMATES ET ANTINONIATES. IH
PropriéU's physiques. — C'est une matière cristalline d'un
blanc jaunâtre, appartenant au système rhombique, en très
petits cristaux groupés par quatre, et difficiles à étudier plus
complètement.
Cuivre.
Orlhoaraéniate bibasique de cuivre.
AsO*CuH -H H'O.
Analyse. — Debray (*) a déjà préparé ce corps en maintenant
en digestion avec de l'eau à 70<* le liquide provenant de Tattaque
du cart)onate de cuivre parTacide arsénique, mais il n'a donné
sur lui aucun renseignement cristallographique.
Pour combler cette lacune, j*ai d'abord reproduit ce corps
par le procédé de Debray, mais sans résultat bien satisfaisant
au point de vue de Tobservation microscopique des cristaux.
J'en ai obtenu de bien plus nets par un procédé qui consiste
à abandonner à une évaporation tente une liqueur d'acélate ào
cuivre précipitée par un très léger excès d'acide arsénique.
La gelée d'arséniate de cuivre cristallise peu à peu pendant
révaporation du liquide, et, en fin d'opération, un simple
lavage enlève au produit cristallin obtenu son léger excès
d'acide arsénique.
Analyse. — J'ai dosé l'eau par perte de poids, le cuivre à
l'état de sulfure et l'acide arsénique à l'état d'arséniate amnio-
niaco-magnésîen .
Trouvé. Calcalé.
H'O de lOO^àaSO". 8,17 ) 2H«0 = 8,13 )
aa rouge.... 3,83) 12,00 0/0 H'O 4,06)12,20
CuO 36,10 2CaO 35,86
As'O' 51,42 As»0' 51,94
99,52 100,00
(*) Debray, Annaleê de chimm et de physique, 3* série, t; LXI, p. 419.
112
H. GOGUEL.
Le corps que j'ai obtenu est donc bien le même que celui de
Debray; il a pour formule
(AsO*)
//
\
Cu
H
-f H*0.
FiG. 10.
Il est soluble dans les acides et décomposé par Teau bouil-
lante, qui, à la longue, le transforme en olivénite.
Propriétés physiques. — C'est une
matière bien cristallisée, d'un vert d'eau
clair, se présentant en lamelles paral-
lèles au plangf^ d'un prisme monoclini-
que (^g. 10).
La face d'aplatissement est limitée
par un contour hexagonal légèrement
allongé, suivant un des côtés que nous
admettrons comme représentant la
face h\ prenant pour trace de la face p
celui des deux autres côtés qui fait avec h^ l'angle le plus
voisin de 90^; l'autre sera a\
Au réticule du microscope, on trouve alors :
p h' obtus (001) (100) = 96O30' *
p h' aigu (001) (100) 35^12'
A* a* (100) (ÏOl) 126^30' *
Ces mesures permettent d'avoir le rapport de deux des para-
mètres
a : b : c = 1 : ? : 0,8219 p = 83030.
La biréfringence est énergique :
d;- Dp = 0,0782(0;
l'extinction dans g' a lieu à 13° environ de h\ dans l'angle
aigu ph\ Cette direction correspond à n,, la direction perpen-
diculaire dans g^ à Up, n^ étant perpendiculaire à cette face.
Le plan des axes optiques est en effet parallèle à g\
0) Par la méthode G, FrieJel, B. S, 3/., t. XVl, p. 22.
ARSÉNIATËS ET ANTIMONIÀTES.
il3
Orthoarséniate irlhaaique de cuiore.
(AsO*)*Cu».
Ce corps a été préparé par Coloriano (*) par l'attaque directe
du cuivre par Tacide arsénique.
Au point de vue physique, cet auteur dit seulement que les
cristaux en sont clinorhombi-
ques ou tricliniques, s'éteignant
à 26**, et d'un dichroïsme remar-
quable.
Je dois à l'obligeance de M. Frie-
j^ del quelques cristaux de ce corps
préparés par Coloriano. Voici leur
description cristallographique :
Ce sont tantôt de petits pris-
mes, tantôt des paillettes appar-
tenant au système monoclinique
(fig. 11). Lorsque ces cristaux
sont aplatis, c'est suivant g\ et
au réticule du microscope on
Fie. 11.
peut faire les mesures suivantes :
p h' aigu (001) (ÏOO)
a' p (ICI) (001)
ce qui conduit à
78024'
142^24',
a : b : c = ! : ? ; 0,6790 p = 78024'.
En lumière polarisée, l'extinction se fait à 23° de h^ dans ph^
aigu. Cette direction est négative; elle correspond à Up, et celle
qui lui est perpendiculaire dans g^ à Ug, car, en lumière con-
vergente, on constatequeleplan des axes optiques est parallèle
On peut du reste parfois observer h^ et y voir un axe très
(^) Coloriano, thèse, p. 30.
T. I (5« Série).
8
a
114 H. GOGUEL.
oblique dont la position indique np comme bissectrice aiguë;
le corps est donc optiquement négatif.
Les cristaux observés suivant g* sont nettement polycJiPOi-
ques; ils sont :
Suivant np, vert ;
:» n,, bleu. ;
Argent.
Orihoarséniate triargentique.
AsO*Ag'.
MM. Joly et Dufet (*), après avoir étudié Tarsénîate mono-
argentique^ passent à l'arsénia'te triargentique, et ce dernier
auteur dit : o: Il appartient au système cubique et est connu
1» cristallisé sous la forme b\ :»
En faisant des essais infructueux pour obtenir Tarséniate
diargentique cristallisé, j'ai pu compléter la connaissance cris-
tallographique de ce sel.
Voici dans quelles circonstances :
Si à une solution concentrée chaude d'acide arsénique on
ajoute de l'azotate d'argent, il se forme un précipité qui se
dissout et, par refroidissement, la liqueur laisse déposer des
cristaux d'arséniate tria rgen tique.
Si on réchauffe la liqueur, si on y ajoute une nouvelle quan-
tité d'azotate d'argent, on peut par refroidissement obtenir une
nouvelle récolte de cristaux, et ainsi de suite.
Mais il arrive parfois que, après plusieurs opérations et pro-
bablement sous l'influence de l'acide azotique rais en liberté,
les cristaux, qui étaient d'abord des dodécaèdres rhomboïdaux,
finissent par être, d'abord pour un certain nombre, puis tous,
(») Joly et Diilot, C. /i., t. CV, p. 1073. — Dufet, 8. 5^. 3/,, XI, p. 36 el 276.
ARSltiNrATBS ET ANTIMOMATES. 115
de longs prismes noirs d'aspect à [jeu près liexagonal, terminés
par un pointement à trois faces.
Analyse. — Soumis à l'analyse, je leur ai trouvé la compo-
sition suivante, en dosant l'argent à l'état de chlorure et l'acide
arsénique par différence :
TrouȎ.
Calculé.
Ag'O
76,8
75,31
As«0'
2i,«
24,60
100,0
100,00
t bien à
/Ag
AsO* ^ Ag
^Ag
J'ai encore obtenu de ces prismes en faisant réagir en tube
clos l'acide arsénique sur le sulfate d'argent et, dans des cir-
constances un peu différentes, une poussière rouge de petits
tétraèdres ayant la même composition.
C'était en étendant d'eau la liqueur qui m'avait donné les
prismes dont j'ai parlé en premier lieu.
Propriétés physiques. — Quelle que soit sa forme exté-
rieure, l'arséniate triargentique est toujours rouge rubis par
transparence et isotrope, comme on peut s'en convaincre en
taillant en lames très minces ses cristaux, inclus dans de la
gomme laque, par exemple.
Il est donc toujours cubique, mais tétraédrique. Les prismes
obtenus se trouvent, du reste, presque toujours groupés, et
souvent par quatre, orientés suivant les directions des axes
ternaires du cube. Les faces de leurs pointements correspon-
dent alors aux faces b' du dodécaèdre rhomboïdal.
Ces groupements, souvent plus complexes, sont en réalité
des squelettes de tétraèdres cubiques.
Quant à cette forme, elle se rencontre également, comme il
a été dit, dans des cristaux très petits.
Ce corps est donc bien cubique mais hémiaxe non centré.
116 H. GOGIEL.
Mercure.
Aucun arséniate de mercufe n'avait été indiqué comme
ayant été obtenu cristallisé avant que Coloriano (*) ne publiât
son procédé de synthèse de l'arséniate trimercureux, qu'il a
d'ailleurs étudié bien sommairement au point de vue physique,
se contentant de dire qu'il est rhombique et polychroïque.
Auparavant, on avait préparé : l'arséniate (Hg')H AsO* obtenu
en ajoutant de l'acide arsénique à de l'azotate mercureux, et le
pyroarséniate Hg' As*0^ obtenu en chauffant le précédent.
Le métaarséniate (Hg')(AsO*)* obtenu en traitant le précé-
dent par l'acide arsénique, ou en faisant bouillir l'oxyde mer-
cureux avec un excès de cet acide ; il se présente sous la forme
d'une poudre blanche.
Enfin, l'arséniate mercurique que l'on obtenait sous forme de
poudre jaune en ajoutant de l'arséniate disodique à une solu-
tion de bichlorure de mercure.
Tous ces sels restaient inconnus au point de vue cristallo-
graphique (*).
Pour ma part, j'ai réussi à préparer et à étudier à l'état de
cristaux trois arséniates de mercure.
Méiaarséniate niercureux.
(AsO»)»(Hg»).
En chauffant, en tube clos, du mercure métallique avec une
solution d'acide arsénique, en suivant les indications données
par Coloriano dans sa thèse (^), j'ai bien obtenu le même pro-
duit que lui, comme je l'indique plus loin; mais, m'étant
proposé de rechercher si on pourrait obtenir le même résultat
(0 Coloriano, thèse, p. 40.
(2) Wurtz, Dictionnaire, I, 403. — Joannis, Encyclopédie, t. III, 14* cahier,
p.2â2.
(3) Loc, cit.
AnSf:X'ATES KT ANTIMOXIATtS. 1 17
9
ù plus basse température, j'employai de Tacide arsénique plus
concentré (50 à 75 0/0) et suivis attentivement l'opéra tion,
inspectant de temps à autre le contenu de mon tube.
Je constatai alors que, dans ces conditions, le mercure était
déjà attaqué à 150° après plusieurs ^heures de chauffe et que
ces globules s'encroûtaient de petits cristaux blancs formant
parfois autour d'eux de véritables coques.
L'opération, poursuivie assez longtemps et refaite plusieurs
fois, me donna de ce corps une quantité suffisante pour l'étude
et l'analyse.
Propriétés chimiques et analyse, — Cette matière blanche
se dissout assez facilement à froid dans l'acide azotique, d'où
son mercure est précipité par l'acide chlorhydrique. C'est donc
un sel mercureux.
Chauffé en tube fermé, il se décompose en changeant de
couleur, il devient jaune, rouge et brun, et perd du mercure,
mais ne perd pas d'eau ; c'est donc un sel anhydre.
La quantité du corps dont je pouvais disposer étant trop
petite pour me permettre une analyse en poids suffisamment
exacte, j'ai employé pour le dosage du mercure dans ce corps
le procédé indiqué par M. Laborde. 46 centigrammes une fois,
18 une autre fçis du corps à étudier, ont été dissous dans l'eau
régale. Celle-ci respecte le mercure métallique finement divisé
qui se trouve mélangé à la prise d'essai, de sorte que l'on peut
recueillir celui-ci, le sécher, le peser et corriger de son poids
celui de la prise d'essai.
Dans la solution, le mercure est ramené à l'état de sel mer-
curique que Ton dose volumétriquement par la liqueur de
protochlorure d'étain(*); l'acide arsénique est déduit par
différence.
0) Dans ce cas, pour ne pas être gêné pat* le dissolvant si fortement oxydant, il
faut procéder de la façon suivante : le corps étant dissous dans la plus petite
quantité possible d'eau régale, on*|rétend à un titre connu, puis à une quantité
de dissolution contenant 09%1 de matière à analyser ; on ajoute 5 centimètres cubes
d'une dissolution d'acétate d'ammoniaque à 10 0/0 et on sature par l'ammoniaque;
enfin, on rend de nouveau la liqueur acide par un léger excès d*acide acétique.
On dose alors le mercure par la liqueur titrée de protochlornre d'étain.
11^ H. GOGUKL.
M. Denigès, le savant agrégé de chimie de la Faculté de
médecine, a bien voulu contrôler les nombres ainsi trouvés en
employant le procédé Personne tel qu'il a été amené récem-
ment à le modifier (^). Je donne son résultat dans la deuxième
colonne :
Hg«0
As«0»
Trouvé.
I II
Calculé
pour
(AsO»)\Hg»)
63.3 63,8
64,4
36,7 36,2
3K.6
100,0 100,0 100,0
ce qui conduit à la formule d'un métaarséniate mercureux.
AsO* — Hg
I I
(AsO»)XHg«) ou 0 0 I
I I
AsO* — Hg.
Propriétés physiques. — Ce corps, dans les belles prépara-
tions, se présente en petits cristaux brillants et transparents,
d'un blanc légèrement jaunâtre, sensibles à la lumière, sous
l'action de laquelle ils noircissent à leur surface.
Ils appartiennent au système hexagonal et revêtent la forme
(1) Procédai de dosage du mei^cure dans un sel mercureux par le p x>cédé Per-
sonne, modifié par M. Denigès : 1 grarrme du produit est dissous à chaud dans
quelques centimètres cubes de HCl additionnés d'un peu d'AzO'H ou de CIO'H et
d'eau. La dissolution effectuée, le tout est purté a Tébullition pendant quelques
minutes, puis étendu après refroidissement à 100 centimètres cubes.
D'autre part, on a mis dans un vase de Bohème 10 centimètres cubes d'une
fiolution d'iodure de potassium équivalant, volume à volume, à une solution de
sublimé corrosif N/10, et on y a ajouté 2 gouttes de bisulfite de soude liquide du
commerce à 40», destiné à empêcher la mise en liberté d'iode par les produits
chlorés de la solution du corps à analy^^er.
Cette solution est alors versée dans Tiodure jusqu'à Tappa ition d'un précipité
rouge permanent très léger, identique à celui obtenu dans le titrage de UC par
HgCI».
On lit alors la quantité employée de la solution du corps à analyser. Ce volume
contenait 08r,01 de llg. H est facile de calculer la teneur en mercure de la prise
d'essai.
ARSÉMATES ET ANTIMOMATES. 119
de prismes courts aplatis suivant p et limités par des faces 6''*.
Quelques-uns peuvent
P jîv atteindre jusqu'à un
millimètre de largeur et
'^ ^"^ se prêtent à une mesure
F»*î- ^«- goniométrique (flgA^).
On trouve pour les angles des normales :
p 6*'* (0001) (ITOI) 60^12' calculai R0M9'
b"^b'f* (1Ï0I)(1Î0Î) 59"41'*
avec une approximation de 5' environ pour l'angle b^ *6^" qui
conduit aux paramètres :
b ; c = 1 ; 4,8096.
Optiquement, ces cristaux sont très réfringents et très biré-
fringents; ils sont uniaxes positifs, montrant très nettement
la croix noire et ses anneaux.
Orthoarséniate irimercureux.
Ce corps a été produit pour la première fois par Coloriano (^)
en faisant « réagir en tube clos vers 230° 35 centimètres cubes
» d'une solution d'acide arsénique contenant 5 grammes d'acide
» sur 5 grammes de mercure métallique. La réaction a lieu
j^très lentement; ainsi, après huit heures de chauffe, à peine
» aperçoit-on quelques cristaux adhérents à la surface du mer-
>cure; ce n'est qu'après soixante heures de chauffe que la
» cristallisation est un peu plus avancée, c'est-à-dire que les
» cristaux sont assez gros mais pas très nombreux y^.
Ce procédé, comme on le voit, est fort long, puisqu'il exige
soixante heures pour obtenir une très petite quantité du corps»
sans compter que la température de 230° est déjà si élevée que
les tubes n'y résistent pas toujours, faisant éprouver quelque-
fois à l'expérimentateur d'ennuyeux déboires par leur explosion.
(*) Coloiiano, thôse, p. 49.
1^0 M, COCUKL.
VA encore, Colorïano ajoute que, dans le produit obtenu,
u 1)1 alheiireu sèment il y a du mercure très finement divisé qui
i> st> sépare dans la réaction et qui adhère à la surface des cris-
<i liiux, fi en sorte qu'il faut trier à la loupe les quantités à
^uinlyser.
Après avoir usé du procédé ci-tlessus, j'ai eu la bonne fo^
lune, au cours de mes recherches, d'en trouver un autre infi-
iinnent plus commode pour préparer en abondance l'arséniate
lilmercureux.
Le voici dans toute sa simplicité : de l'azotate mercureux
l'&t dissous dans une quantité d'eau modérée à la faveur d'un
li'tîer excès d'acide azotique. On y ajoute de l'acide arsénique
L-Ti solution, qui produit dans la liqueur un précipité. On porte
le tout dans une étuve que l'on chauffe lentement à 50" ou 60°
cl que l'on maintient un certain temps à cette température.
Les proportions qui m'ont paru les plus favorables sont :
Azotate roercnretix ti^
Acide azotique !■="
Eau ÎSO"»
In dissolution étant faite et froide ('), on y ajoute une solution
rnntenant
Acide arsèaique S^
Dans l'étuve, le précipité, d'abord jaune, se transforme en
linéiques instants en arséniate trimercureux anhydre, bien
crislallisé, de couleur variant du rouge brun au brun, suivant
<{iio les éléments cristallins sont plus ou moins gros.
I.e corps ainsi obtenu est absolument homogène; toutefois,
^i un laissait trop longtemps la préparation à l'étuve, il s'y
hansformerait en partie en arséniate morcurique jaune.
Propriétés chimiques et analyse. — Les propriétés chiini-
(|iie3de ce corps ont été indiquées par Coloriano. H est anhydre;
( M Si la liqueur est dûjù ehaude avant d'élre mise à l'éludr, la tranRrormnIion
>•< rrop rapide et le pi-odult peu joli.
ARSÉMATES ET ANTIMUMATES.
m
pour Tanalyser, je Tai dissous dans l'acide azotique en très
petite quantité^ d'où le mercure a été précipité par le chlorure
de sodium et pesé à l'état de protochlorure. L'acide arsénique
est déterminé par différence (colonne 1).
J'ai aussi déterminé le mercure par le procédé Laborde (II) et
le procédé Denigès (III), indiqués au chapitre précédent.
Hg«0.
As»0'
100,0 100,0 100,00
Calculé.
84,4i
15,56
100,00
On voit que le procédé Denigès m'a donné le meilleur des
résultats ; ceux-ci conduisent à la formule :
sO*~(Hg«)
;(Hg«)
AsO*^(Hg«).
Propriétés physiques. — Obtenu par le nouveau procédé que
je viens d'indiquer, ce sel se présente en petits cristaux bruns
ou rouges, bruns s'ils sont plus petits, apparte-
nant au système rhombique.
Ils sont trop petits pour être mesurables au
goniomètre, quoique d'une grande netteté.
Les formes qu'ils présentent (fig. 13) peuvent
être désignées par m, p, e^ ; dans ce cas, ils
sont allongés suivant pg^ et aplatis suivant p.
Mesuré au réticule du microscope, l'angle
mm = 118° environ, d'où
a : b : c = 0,601 ; 1 : ?
En lumière polarisée, leur biréfringence est très énergique,
leur extinction se fait parallèlement kph^ et pflf\
Perpendiculairement à p, ils montrent deux axes optiques
peu écartés autour d'une bissectrice aiguë négative. La disper-
»-
ap
Hi
122
H. r.OGUBL.
sion des axes est très remarquable et comparable seulement à
celle de la brookite. Le plan des axes est perpendiculaire à
p g\ comme l'indique la figure ci-contre.
Ces cristaux jouissent d'un polychroïsme très mar-
qué; leur couleur est
Suivant n», vert brunâtre;
» Dm, brun;
» Dp brun plus clair.
Lorsque ce corps est préparé suivant la méthode
de Coloriano, il se présente en longues paillettes
allongées suivant g^ et aplaties suivant p.
Dans certaines préparations faites avec de l'acide
arsénique très concentré (75 0/0), les paillettes ont
généralement revêtu la forme dessinée ci-contre
{fig. 14) d'un rectangle plus ou moins allongé,
auquel seraient venus se souder des triangles de
FiG. u. plus en plus aigus.
Orthoarséniate irimercurique.
(AsO*)•Hg^
Cet arséniate n'a jamais été signalé, à ma connaissance,
comme ayant été obtenu cristallisé.
Préparation, — Dans une petite quantité d'eau chaude
additionnée de 1 centimètre cube d'acide azotique on dissout
6 grammes d'azotate mercureux et l'on complète à 25 centi-
mètres cubes. On introduit alors cette solution dans un tube
et on y ajoute 5 centimètres d'une solution d'acide arsénique
à 50 0/0; on. ferme le tube et on le chauffe jusque vers 180^.
Au bout de quelques heures de chauffe, le précipité amorphe
que l'on avait obtenu à froid est entièrement cristallisé. Les
cristaux sont alors des prismes plus ou moins allongés, jaune
de miel. Si on emploie une liqueur beaucoup plus acide, en
doublant, par exemple, les proportions des acides azotique et
akséniàtës et A>T1H0NIATES. 123
arsénique, on obtient à ia même température de fines aiguilles
très longues et très fragiles jaune verdAtre; mais, dans les deux
cas, les cristaux obtenus ont la même composition.
Propriétés chimiques^ analyse. — Dissous à froid dans
Tacide azotique, ce corps ne donne pas de précipité par Tacide
chlorhydrique, dans lequel il se dissout d'ailleurs facilement.
C'est donc un composé mercurique.
Chauffé en tube fermé, il brunit en dégageant du mercure,
fond au rouge, puis se volatilise au rouge vif en continuant à
se décomposer. On n'y constate pas la présence de l'eau.
Pour l'analyser, j'ai d'abord employé la séparation du mer-
cure et de l'arsenic par le sulfhydrate d'ammoniaque; mais
j'ai bientôt préféré le procédé de M. Laborde, et j'ai dosé le
mercure parla liqueur titrée de protochlorure d'étain, l'arsenic
restant déduit par différence.
Le premier résultat se rapporte aux cristaux jaune de miel,
les deux autres aux cristaux jaune verdâtre :
I
HgO 73,6
As*0» 26.4
Trouvé.
Cdeulé.
II
III
(A80«)»Hg«.
74,2
73,5
73,8
28,8
26,5
26,2
100,0 100,0 100,0 100,0
Ce qui conduit à là formule
AsO* - Hg
>Hg
AsO*^Hg
Propriétés physiques. — Ce corps, comme je l'ai déjà dit
plus haut, se présente, suivant le mode de sa préparation, soit
en prismes jaune de miel pouvant atteindre jusqu'à un demi-
centimètre de longueur, soit en aiguilles jaune verdâtre plus
longues et plus unes.
Dans les deux cas, ces cristaux appartiennent au système
monoclinique; ils sont limités par les mêmes formes domi-
124
II. GOGUEL.
nanles mh^ (T^'g^ avec une face b" trop petite pour être mesu-
rable.
Certains cristaux sont mesurables au goniomètre, avec une
grande exactitude pour les faces du
prisme. On y relève :
m A* (HO) (100) 39^54'
m m sur h' (HO) (110) 79059'
di/tdi/î (lîi) (iJi) 47018'
Le plan des axes optiques est g\
un axe très oblique est visible dans h'
(fig. 15).
L'extinction dans m se fait à 14-15**
demh^; dansg^ à 18° environ de m ft^
dans l'angle pft^ obtus (fig, 16).
Cette direction est positive.
Ces cristaux, étant donnée la position de Taxe visible dans A*
qui est très oblique vers n„ ont donc pour bissectrice aiguë
cette direction n^ et sont, par conséquent, biaxes positifs.
Fie. 15.
Fig. 16.
Nickel.
11 a déjà été produit un certain nombre d'arséniates de
nickel cristallisés (*) par voie humide, sans toutefois que l'on
puisse trouver sur eux de renseignements cristallographiques
bien intéressants. Cela tient, sans aucun doute, à ce que les
échantillons obtenus ne se prêtaient guère à ce genre d'obser-
vations. Pour ma part, je n'ai pas eu plus grand succès pour
les arséniates déjà connus, mais j'ai pu en étudier assez bien
un nouveau.
(1) Meunier, Encyclopédie : Nickel, p. 218. — Coloriano, thèse^ p. 33 et suiv.
ARSÉMATES ET ANTIMONIATES. 125
Pyroarsèniaie de nickeL
As«0\NiOH)«H«.
Préparation. — Ce corps s'obtient en faisant agir Tacide
areénique sur l'acétate de nickel. Toutefois, les proportions de
l'un et de l'autre doivent, je crois, être très exactement mesu-
rées. Ce n'est, en effet, qu'après une longue série d'essais et
un peu aidé par le hasard que j'ai réussi à préparer ce corps
par celte voie. Voici comment j'ai opéré : à 10 centimètres
cubes d'une solution contenant 1^%25 d'acétate de nickel, j'ai
ajouté 0«%5 d'acide arsénique à 50 0/0, enfin j'ai étendu de
10-15 centimètres cubes d'eau.
Cette liqueur mise en tube clos est limpide; mais, chauffée,
elle se prend en gelée au-dessous de 150^* et commence à cris-
talliser à 180°; à SSO'^, la cristallisation se termine rapidement.
Analyse. — Pour analyser cette matière, j'ai dosé l'eau par
perte de poids; le nickel a été dosé à l'état de sulfate, en le
transformant d'abord en sulfure par le soufre dans un courant
d'hydrogène et convertissant le sulfure en sulfate anhydre;
l'acide arsénique a été dosé par différence.
Trouvé. Calculé.
H»0 8,9 9,0 8,65
NiO 37,1 36,2 36,06
As»0» 84,0 54,8 85,29
100,0 100,0 100,00
L'eau ne partant qu'au-dessus de 180°, et de telle façon que
son départ n'est complet que bien au-dessus de la température
de fusion du plomb, on doit la considérer comme étant de
constitution; le corps se représente alors par la formule
AsO'— NiOH
0
I /H
AsO»— NiOH
Il est facilement soluble dans les acides et décomposable
par Teau bouillante.
126
H. GOGUEL.
Propriétés physiques, — C'est une belle matière cristalline
vert pomme, qui, au microscope, se présente sous la forme
de lamelles aplaties appartenant au système monoclinique,
ayant la forme de parallélogrammes allongés {fig, 17), dont
les courts côtés sont formés par
des biseaux.
Si nous prenons ces biseaux
pour faces m et le long côté pourp,
la face d'aplatissement étant g\
comme le montrent les phéno-
mènes optiques en lumière con-
vergente, au réticule du micros-
cope on constate que Tangle p h'
L'extinction se fait à 28^ de h\
Cette direction dans g^ est posi-
tive et correspond à la bissectrice
obtuse des axes.
On voit fort bien ceux-ci en
lumière convergente, et on cons-
tate que leur bissectrice aiguë négative est perpendiculaire à g\
Ils sont assez biréfringents.
Remarque. — En employant les procédés de synthèse de Coloriano, j'ai
produit un arséniate de nickel en belles paillettes octogonales d'un beau
vert jaune, appartenant au système quadratique, optiquement uniaxes
négatives.
Je n'ai pu, par leurs propriétés physiques, les identifier à aucun des
produits obtenus par cet auteur. J'espère en obtenir ultérieurement une
quantité suffisante pour l'analyse.
Fie. 17.
Cobalt.
Pyroarséniate de cobalt.
As»0^(CoOH)»H'.
Préparation. — On n'avait pas encore, jusqu'à présent,
AR8ÉNIATES ET ANTINONIATFS. 137
essayé Taction directe de Tacide arsénique sur le cobalt
métallique.
Cette action donnant de bons résultats avec les autres
métaux du même groupe, j'ai cru devoir la tenter pour ce
métal.
A. Un gramme de cobalt métallique en petits fragments est
introduit dans un tube fermé à la lampe avec 20 centimètres
cubes d'une solution d'acide arsénique pur à 50 0/0 ; l'attaque
commence déjà à froid, et la liqueur devient rose en peu de
temps. Si on chauffe le tube vers ISO*", la réaction marche
beaucoup plus vite, et l'on voit se former en abondance de
petits cristaux prismatiques.
Ceux-ci sont nettement plus solubles à froid qu'à chaud
dans la liqueur mère; et si à un moment donné on laisse
le tube refroidir un peu lentement, on les voit disparaître,
ou tout au moins diminuer notablement de quantité, tandis
qu'apparaissent de nombreux cristaux d'acide arsénieux.
Il est donc bon, pour recueillir ce produit, d'ouvrir le tube
lorsqu'il est encore chaud, dès qu'on peut le faire sans
danger, vers 100^ et de refroidir brusquement son contenu
en le versant rapidement dans un vase contenant de l'eau dis-
tillée froide. En opérant de la sorte, on obtient une matière
cristallisée bien homogène et parfaitement exempte d'acide
arsénieux.
Verneuil et Bourgeois, après avoir décrit leur reproduction
de la scorodite (*), ont émis Thypothèse qu'en traitant le
cobalt comme ils avaient traité le fer, on obtiendrait proba*
blement une scorodite de cobalt. C'est bien ce que j'ai fait;
mais le corps obtenu, comme le montrera l'analyse, ne res-
semble en rien à la scorodite.
B. J'ai encore obtenu le même corps en chauffant en tube
scellé un mélange d'acétate de cobalt et d'acide arsénique
dissous. Les proportions qui m'ont donné les plus beaux
(}) Vcmeuil et Bourgeois, BitU. Soc. Min,, III, p. 32.
J
128 H. GOGUEL.
produits sont : acétate de cobalt en solution à 30 0/0, 30 cen-
timètres cubes; acide arsénique à 50 0/0, 10 centimètres
cubes. Il faut chauffer pendant quelques heures à 180^ au
moins.
C. Enfin, en employant le procédé qui a donné à Colo-
riano (*) le sel (As*0»)*5Co03H*0, c'est-à-dire en mettant
30 centimètres cubes d'une solution contenant 5 grammes
d'acide arsénique en digestion sur 3 grammes de carbonate
de cobalt; puis, au bout de quelques heures, étendant 15 cen-
timètres cubes de cette liqueur filtrée de 35 centimètres d'eau
et chauffant en tube clos à 235°, c'est encore le même corps
que j'ai obtenu.
Analyse, — La matière ayant été convenablement dessé-
chée dans l'air sec, l'eau y a été déterminée par perte de poids.
La perte d'eau n'y commence qu'au-dessus de 300"*. Dans la
matière desséchée, le cobalt a élé transformé en sulfure par
le soufre dans un courant d'hydrogène, puis oxydé par l'acide
azotique, et transformé, avec les précautions d'usage, en
sulfate de cobalt, qui a élé pesé. L'acide arsénique ainsi reste
déduit par différence.
Voici les résultats obtenus par les différents produits :
Trouvé. Calculé.
B^^ C As«0*Co«H*
I II ni IV V
H'O.... 8,8 8,6 8,6 8,7 8,7 8,65
CoO.... 36,8 38,8 38,7 35,7 36,05
As«0»..- 84,7 88,6 8?5,7 88,6 85,30
100,0 100,0 100,0 100,0 100,00
Ces analyses conduisent à la formule brute
As»0»Co«HS
que Ton pourrait interpréter
2(AsO*CoH^- iH*0),
(<) Coloriano, thèse, p. 41.
ARSÉiNIATES ET ANTIMONIATES. 129
en considérant ce corps comme un orthoarséniate hydraté;
mais la perte d'eau ne se faisant, comme il a été dit, sentir
qu'au-dessus de 300% il paraît plus rationnel d'adopter la
formule
AsO» — CoOH
0
T /H
AsO» —CoOH
qui représente le corps comme un pyroarséniate sans eau
d'hydratation.
Ce corps est facilement soluble dans les acides.
Propriétés physiques. — La matière obtenue dans le pre-
mier mode de préparation est en flnes aiguilles, se feutrant
facilement entre elles, d'un rose clair.
Les procédés B et C fournissent un produit en petits prismes
radiés un peu plus gros que les précédents, d'un rose pourpre
un peu plus foncé.
Tous ces cristaux appartiennent au système monoclinique,
présentant les formes dominantes g^h\ Dans g\ l'extinction
se fait à 16° de g^ h^ pour les produits des procédés B et C,
et à 6-7° pour les autres. Dans les deux cas, cette direction
est positive; elle correspond à n^, et la direction qui lui est
perpendiculaire dans g\ à n„. On constate, en effet, en lumière
convergente, que les axes sont dans un plan perpendiculaire
à g\ passant par n^, et que la bissectrice obtuse négative
est perpendiculaire à g\ Ces cristaux sont donc optiquement
biaxes positifs.
Ils ne sont pas polychroïques.
Chrome.
J'ai essayé pour le chrome tous les procédés qui avaient
réussi, soit à d'autres, soit à moi pour préparer par voie
humide des arséniates d'autres métaux.
T. I & Série). 9
130 H. GOGUEL.
Mais malgré la variété de mes tentatives^ je n'ai jamais pu
obtenir d'arséniate cristallisé de ce métal.
Je pense qu'il n'y a guère lieu de s'en étonner, si Ton con-
sidère que le seul arséniate cristallisé de chrome qui soit
connu, le pyroarséniate, et même Torthoarséniate de chrome
et de potasse, préparés par voie sèche par M. Lefèvre (*),
ont été trouvés par lui insolubles dans les acides, même
concentrés.
Manganèse.
Orthoarséniaiê bibasique de manganèse*
AsO*MnH + H«0-
Ce sel a été préparé par Coloriano (^) en maintenant pendant
quelque temps à Tébullition, avec de l'eau, la liqueur filtrée
provenant de la digestion de 4 grammes de carbonate de man-
ganèse avec 60 centimètres cubes d'une dissolution d'acide
arsénique à 20 0/0.
Cet auteur ne donne aucune description physique du pro-
duit qu'il a obtenu, se contentant de dire à ce sujet qu'c il est
très bien cristallisé ]> et qu'a: il a déjà été obtenu par Debray
en suivant une autre méthode y>.
Debray (•) l'avait en eflTet préparé en ajoutant de l'arséniate
d'ammoniaque à un sel de manganèse. Il obtenait un précipité
gélatineux, transformable, en huit à quinze jours, en un produit
cristallisé; mais de ses propriétés physiques il dit seulement
qu'<!c il est de forme plus difficile à mesurer que le phosphate
correspondant ».
Désireux, pour ma part, d'étudier les propriétés cristallogra-
phiques de ce corps, je l'ai d'abord préparé par la méthode de
Coloriano ; mais je n'ai su obtenir ainsi qu'un produit très mal
cristallisé, dont les cristaux fibreux et corrodés ne présen-
(^) Lefèvre, Sur les arséniates cristallisés, thèse, p. 42 et 43.
(>) Coloriano, thèse, p. 22 et 28.
(^ Debray, Bull. Soc. Chim. (2), II, p. 14.
AHSKNIATKS ET ANTIMOMATES. 131
taient que rarement un angle mesurable et n'étaient pas sus-
ceptibles d'études microscopiques.
La méthode de Debray ne m'ayant pas mieux réussi, j'ai dû
me préoccuper d'en trouver une autre. Voici celle à laquelle
je me suis arrêté ; elle donne réellement un beau produit.
Préparation. — A une dissolution d'acétate de manganèse
à iO 0/0 environ on ajoute, en léger excès, de l'acide arsénique
en solution concentrée. Il se précipite une gelée blanche qui
est laissée en digestion dans la liqueur à une température voi-
sine de 75^. Au bout de vingt-quatre heures la gelée est presque
totalement transformée en une belle matière cristalline d'un
rose franc clair, qu'une simple décantation sépare du peu de
gelée amorphe restée en suspension dans la liqueur mère.
11 est bon d'opérer dans une fiole ou un ballon complète-
ment rempli de liquide et à peu près bouché, de façon à éviter
autant que possible le contact de l'air. Si en effet on opérait
dans un vase largement ouvert, une bonne partie de la gelée
se suroxyderait, deviendrait brune, donnant difïîcilement un
produit assez mal cristallisé et de couleur jaunâtre ou brunâtre.
Cet inconvénient m'a paru se produire dans le procédé Goloriano.
Analyse. — Pour analyser le produit obtenu j'ai dosé l'eau
par dessiccation à différentes températures, le manganèse à
rétatde sulfure par voie sèche, et l'arsenic par différence. Voici
les chiffres obtenus. Je place en regard les résultats de Golo-
riano ;
Trouvé. Calculé.
I II Goloriano
H'0 12,74 «,80 12,91 12,67
MnO 33,24 33,25 33,54 33,93
As^O' 84,02 53,95 54,55 53.99
100,00 100,00 100,00 100,00
Ce qui conduit à la formule
AsO* f -h H»0
L'eau part entre 460 et 220**. Comme l'indique Goloriano, ce
l:]^ 11. GOGtIEL.
corps est facilement soluble dans les acides, et décomposable
[lar l'eau chaude.
Propriétés physiques. — Matière d'un rose franc, clair (et
non rose chair), en petits cristaux lamellaires très nets, très
groupés en rosettes.
Ces cristaux (fig. 18) appartiennent au système raonocli-
mqae, ils sont aplatis suivant g' et montrent sous la forme de
siries les traces d'un clivage parallèle à h'. Ce clivage permet
[larfois d'étudier sous le microscope des sections parallèles à
/(' et de bien établir, par conséquent, la symétrie du corps.
iians la zone perpendiculaire it g', les cristaux sont limités
\<i\v h' et par trois autres faces très nettes que j'ai appelées
it\ p' et o', puis, par d'autres plus petites et peu mesurables.
Au réticule du microscope Nachet, j'ai pu faire avec assez
d'exactitude les mesures d'angles suivantes :
Angle) ira». Veiurù. Cllcuki.
a't' (101) (101)
WS4'
h>0' (100) (101)
134"1S'
h'a' (100) (101)
186"64'
î> *' sur a' (001) (100)
83"30'
83"39'
ph'smo' (001) (100)
96»30'
96^1'
Les trois premiers angles mesurés m'ont permis de calculer
/*_ les paramètres de deux des axes
cristallographiques :
a : b ; c = 1 : ? : 0,8006
En observant ces lamelles en
lumière polarisée parallèle, on
constate que leur extinction a lieu
h 20" de Vartiie h' g' dans l'angle
aigu ph\ Cette direction, dans le
plan g', correspond à n, tandis
que la direction perpendiculaire
correspond à n,; en lumière con-
ARSÉNIATES ET AXTIMONIATES. W»
vergente on constate en effet que les axes optiques sont dans
le plan g\
Dg - Dp = 0,057.
Il faut remarquer l'isomorphisrae de cet arséniate avec celi^i
de cuivre du même type chimique et peut-être aussi avec l'ar-
séniate de nickel, si on donne à ce dernier la notation g^h^o\
Aluminium.
Orthoarséniate d'aluminium.
AsO*Al.
Coloriano (') le premier a préparé cet arséniate d'aluminium
en chauffant à 200^ des solutions mélangées d'arséniate tri-
sodique et de sulfate d'aluminium.
s
Le corps qu'il obtenait ainsi se présentait en cristaux lenti-
culaires.
J'ai réussi à produire le même corps en cristaux plus nets,
en attaquant directement, en tube clos, l'alumine pure par
l'acide arsénique en solution très concentrée : un gramme
au plus d'alumine par 25 centimètres cubes d'une solution
d'acide arsénique à 75 0/0.
Analyse. — Je dois à propos de l'analyse de ce corps faire
une remarque : Coloriano s'est servi d'un procédé indiqué par
M. Friedel, qui consiste à réduire l'arséniate par l'hydrogène
au rouge et à peser l'alumine. Dans la plupart des essais que
j'ai faits par cette méthode, l'alumine est restée grise, retenant
de Tarsenic.
Pareille chose du reste a dû arriver à M. Lefèvre (*), puis-
qu'il prend, lui, la précaution de transformer d'abord l'arsenic
en sulfure par le soufre avant de réduire par l'hydrogène ; opé-
O Coloriano, thèse, p. 47; C- H., t. QII, p. 274.
0) Lefèvre, thèse, p. 40.
l'ilt H. GOGUEL.
ration qu'il est obligé de répéter plusieurs fois avant d'obtenir
une alumine de poids invariable.
Pour ma part j'ai procédé de la façon suivante: après avoir
réduit autant que possible l'arsénîate d'aluminium chauffé
ilans un tube de porcelaine par un courant prolongé d'hydro-
^'ène, j'ai purgé le tube par un courant d'acide carbonique,
puis j'ai fait passer sur l'alumine du chlore, dilué d'abord
iJans de l'acide carbonique, alîn d'éviter toute projection de
matière. Ce gaz enlève le peu d'arsenic restant à l'état de
c;hIorure très volatil.
L'alumine même au rouge retient du chlore et devient ver-
'lâtre, mais on le lui enlève facilement en purgeant de nou-
veau l'appareil avec de l'acide carbonique et finalement
remplaçant progressivement ce gaz par de l'hydrogène qui
enlève Jill'alumine les dernières traces de chlore. .
L'alumine est pesée et l'acide arsénique déduit par différence.
TiouTé.
OIctIc
I
II
AsO'Al
Al'O'
30,7
30,8
30,93
As'O-
60,3
100,0
69,î
100,0
69,07
100,00
Ces résultats conduisent bien à la formule
AsO'Al
du corps étudié déjà par Coloriano.
Propriétés physiques. — Ce corps se présente en très petits
cristaux blancs très brillants, octaédriques, très nets dans cer-
tniHes préparations; ils appartiennent au système monocli-
[lique, comme on peut s'en assurer par leur observation en
lumière polarisée, surtout en lumière convergente, à l'aide de
laquelle on peut constater qu'ils possèdent deux axes optiques
moyennement écartés, dans un plan perpendiculaire à g' avec
une bissectrice aiguë dans j'.
La petitesse et la forme de ces cristaux ne permet guère de
ars!;:niates et antimoniatbs. 135
préciser davantage leurs propriétés, avec quelque chance
d'exactitude.
Plomb.
Orthoaraéniais diplomhique.
AsOTbH.
Je n'ai trouvé dans mes recherches bibliographiques aucune
mention d'arséniate de plomb' cristallisé obtenu par la voie
humide. Il est bien dit quelque part (*) que, si on étend d'eau
une dissolution d'arséniate de plomb dans Tacide azotique
bouillant, on obtient par refroidissement un dépôt de lamelles
cristallines d'arséniate de plomb; mais les essais que j'ai faits
en suivant cette indication ne m'ont pas conduit à ce résultat.
Pour ma part, en étendant modérément d'eau une solution
d'arséniate de plomb dans l'acide azotique bouillant, j'ai bien
obtenu par refroidissement un dépôt de cristaux, mais qui
était toujours constitué par de l'azotate de plomb qui se dis-
solvait complètement par l'adjonction d'une plus grande quan-
tité d'eau.
Ce n'est qu'après une longue série d'essais aussi infructueux
que variés, que j'ai réussi à préparer par voie humide un arsé-
niate de plomb cristallisé, et cela, par le procédé bien simple
que voici :
On emplit un ballon d'une dissolution d'azotate de plomb à
5 0/0 que l'on porte à l'ébullition. On cesse de chauffer, et, le
liquide étant en repos, on ajoute, pour chaque centaine de
centimètres cubes de liqueur, d'abord 1 centimètre cube
d'acide azotique pur, puis, par petites portions, 6 grammes
environ d'acide arsénique en solution concentrée. Celui-ci,
arrivant sur la liqueur plombique, y produit un précipité qui
tombe immédiatement au fond du vase en une brillante pluie
de lamelles cristallines.
O c. n., t. cin.
136 H. GOGUEL.
Les cristaux ainsi formés sont très déchiquetés et se prê-
tent mal à une observation physique. Mais si, après avoir opéré
ainsi que je viens de le dire, on s'empresse de décanter la
liqueur mère, et si on la laisse refroidir, il s'y forme encore
de nombreux cristaux de même composition dont beaucoup,
surtout ceux qui surnagent à la surface de la liqueur, sont
susceptibles d'une très bonne étude microscopique.
Analyse. — Le corps ainsi obtenu perd son eau au-dessus
de 200°, il ne se décompose pas au rouge. J'ai donc dosé l'eau
par perte de poids à cette température. Le plomb a été dosé à
l'état de sulfate, et l'acide arsénique à l'état d'arséniate ammo-
niaco-magnésien ou par différence.
Les résultats obtenus sont les suivants :
Observé. Calcalé
I II AsO^*pÎ)H.
H*0 2,27 2,30 2,59
PbO 63,73 63,77 64,27
As'O'^ 33,27 33,93 (par diflf.) 33,14
99,27 100,00 100,00
Ce qui conduit à la formule :
AsO*f
Propriétés chimiques et physiques. — Ce sel est insoluble
dans l'eau, soluble dans l'acide azotique, même étendu.
Il se présente sous la forme de lamelles micacées d'un beau
blanc d'argent, à éclat argentin, onctueuses au toucher comme
du talc.
Les échantillons bien cristallisés sont constitués par de
petites lamelles parallélogrammes qui doivent être considérées
comme des sections g^ d'un prisme monoclinique. Elles sont
généralement un peu allongées suivant un des côtés et souvent
limitées sur leurs bords par des biseaux (fig. 19).
ARSÉNIATES ET ANTIMONIATRS. 137
Si on appelle h' le côté le plus allongé de cette section g\
on trouve au réticule du microscope
pA*(aîgo)=83«2V.
L'extinction en lumière polarisée se fait à 21-22° de h' dans
l'angle p h' obtus. Cette direction
est négative.
La face d'aplatissement g^ étant
observée en lumière convergente,
on constate qu'elle contient le plan
, / des axes, et, d'après les courbes
isochromatiques observées, il est
très probable que ceux-ci ont une
bissectrice aiguë positive.
La position des indices est donc n,
et Up dans g^, et n„ perpendicu-
laire à g\
La biréfringence assez peu éner-
gique ne peut être déterminée avec exactitude, les lamelles
étant beaucoup trop minces.
Fie. 19.
Uranium.
Historique. — Dans le Dictionnaire de Wurtz, on trouve la
mention suivante (*), que je cite dans sa brièveté : € Arséniate
d'uranium U*0*As'0' + 5H'0, poudre insoluble jaune clair. »
L'Encyclopédie (*), un peu plus complète, ajoute: «... il se
précipite quand on verse un arséniate de soude dans une solu*
tion d'azotate d'uranyle. »
Je n'ai rien trouvé d'autre sur les arséniates d'uranium ;
j'ai donc cherché à en préparer.
(0 Wurtz, Dictionnaire, 1. 1, p. 465.
(*) Encyclopédie : Uranium, p. 11.
138 H. GOGLEL.
Orthoarséniate bibasique d'uranyle,
As*0\[(U»0*)OH]»H» H- 8H»0.
.rai cherché à préparer un arséniate bibasique d'uranyle;
j'y suis parvenu très facilement par la méthode de Tacétate et
de l'acide arsénique, qui m'en a fourni un très bien cristallisé.
Voici comment il faut opérer pour l'obtenir. On introduit
dans un ballon une certaine quantité d'une solution d'acide
arsénique à un taux quelconque^ 10 0/0 par exemple; on place
le ballon dans l'éluve à 75° environ, puis on y ajoute par
petites quantités une solution d'acétato d'uranyle en quantité
un peu moindre que celle qui produirait un précipité perma-
nent. Laissant alors refroidir lentement la liqueur, on voit se
former au fond du vase un précipité cristallin. Celui-ci étant
formé, on reporte le tout à 75® et on y ajoute successivement
de nouvelles quantités d'acétate; le précipité qui se forme
chaque fois cristallise peu à peu sans qu'il soit désormais
nécessaire de laisser refroidir la liqueur.
Propriétés chimiques, analyse. — Le corps obtenu est faci-
lement soluble dans les acides forts.
Il perd une grande quantité d'eau, déjà bien au-dessous de
100^ et ne la perd entièrement qu'au rouge franc.
La chaleur ne décomposant pas l'arséniate lorsqu'il est
anhydre, j'ai pu y doser l'eau par perte de poids.
Pour déterminer l'arsenic et l'urane, j'ai d'abord employé le
procédé indiqué par Rivot (^). L'arséniate d'urane est dissous
dans l'acide chlorhydrique, puis l'acide arsénique est ramené
à l'état d'acide arsénieux par un courant prolongé d'acide sul-
fureux. Ce réactif est ensuite expulsé par la chaleur et l'arsenic
précipité à l'état de sulfure par l'hydrogène sulfuré, séparé par
filtration, lavé convenablement, séché et pesé.
On chauffe alors la liqueur contenant l'urane pour expulser
l'hydrogène sulfuré et rassembler le soufre. Celui-ci ayant été
(') Rivot, Traité de docimasie, IH, p. 188.
ARSÉMATES ET ANTIMONIATES. 139
éliminé par filtration, on précipite Turane en faisant agir sur
la liqueur de Tammoniaque en grand excès» pendant un temps
très long, jusqu'à ce qu'elle ne présente plus de coloration
jaune. L'uranate d'ammoniaque qui s'est formé, long et difficile
à laver, est recueilli sur un filtre, grillé au moufle et ramené
à l'état de U«0\
Ce procédé est fort long et présente plusieurs difficultés,
surtout pour la précipitation complète, le lavage et le grillage
de l'uranate d'ammoniaque; aussi, quoiqu'il m'ait donné un
assez bon résultat, j'ai cherché à opérer plus simplement.
J'ai constaté qu'on pouvait fort hUn réduire Tarséniale
d'urane par un courant d'hydrogène dans un creuset de por-
celaine chauffé progressivement jusqu'au bon rouge. Après un
temps suffisant, il ne reste qu'un oxyde d'urane, qui, par un
grillage au moufle, est bientôt ramené à l'état de U*0\
On obtient ainsi un bel oxyde vert dont la pesée donne un
résultat très exact qui permet de déduire l'acide arsénique par
diflTérence. Ce procédé a sur le précédent le grand avantage de
h rapidité, jointe à une exactitude au moins égale.
Les résultats que j'ai obtenus sont les suivants, la première
analyse étant faite par le procédé Hivot :
Trouvé. Calculé
I u''^ ÎÏT As»O».2D'OM0H«O
H*0 17,8 18,52 18,6 18.34
n»0» ■ 89,3 88,42 88,3 88,22
As»0» 23,0 23,06 23,1 23,44
100,1 100,00 100,0 100.00
Ces analyses fixent déjà la formule brute de cet arséniate,
qui est
As*O».2U»OM0H'O.
Hais pour mieux apprécier la valeur comparative des deux
procédés de dosage de l'uranium que j'ai employés, il est pré-
férable de faire abstraction de l'eau, qui, comme on vient de
le voir, présente des variations notables d'une analyse à
\\(i H. COCUEL.
l'autre, et de rapporter les résultats à la matière anhydre, par-
failement privée d'eau par un chaufTage suffisant au rouge
franc. On trouve alors :
Trunit. Cilcnlê
I II III As'O'olSV)'.
U'O' 7i,8 71.6 71.7 7i,76
As'O' 28.1 28,4 28,3 28,54
99,9 100,0 100,0 100,00
et Ton voit que le procédé rapide ne le cède en rien comme
oxactitude au procédé Rivot.
L'eau, ai-je dit, commence k partir au-dessous de 100°. Il
est intéressant d'étudier de plus près son dosage, pour arriver
à établir ta formule exacte, probable, du corps que nous
étudions.
On peut constater qu'il perd :
TroBH.
Ai'O'în'O'lOH'O.
de90»àl0(l"-115».
10,6 0/0
OH'O
= 11,00 0/0
entre ISV et 200°.
1!,7
7
= IJ.ÎO
de 2fi»'-30O"
14,5
.8
U,70
aaroage sombre...
16,S
g
16,50
au ronge Tif
18,5
10
18,34
Jusqu'à 100° le corps perd de l'eau sans changer de couleur.
En môme temps qu'il perd la 9"" molécule d'eau, il devient
jaune verdâtre, puis brun, et reste brun tombac quand il est
anhydre.
Si on le chaulTait trop longtemps au rouge blanc, il pourrait
peutêtre subir une très légère décomposition.
De ce qui précède, il parait résulter que deux molécules
d'eau au moins doivent être comptées comme eau de combi-
naison, celles qui partent au rouge et dont le départ est accom-
pagné d'un changement de couleur.
Pour interpréter (es faits dans ce sens, je propose la formule
suivante :
AnSÊMATGS ET ANTIMO lATES. 141
(U*0*)OH
AsO«— H
0 ♦ + 8H*0
AsO'— H
^(U'0*)OH
représentant le corps étudié comme un pyroarséniate hydraté.
Propriétés physiques. — En paillettes micacées d'un beau
jaune citron; ce sont des lamelles p d'un prisme quadratique.
Optiquement, elles sont uniaxes négatives et, malgré leur
Taible épaisseur, montrent très nettement la croix noire en
lumière convergente.
Si l'on veut en faire une préparation dans le baume de
Canada, on cesse presque complètement d'en voir les contours.
Leur indice n^ est donc bien voisin de celui de ce milieu.
Remarque. — Si on chauffe à 100^ le corps qui vient d'être décrit, on a
vu qu'il perdait à cette température 6 molécules d*eau ; et cependant, si
pendant plusieurs jours on maintient des cristaux de cet arséniate à
rétuve à 100<>, on constate avec surprise qu'ils sont restés biréfringents et
qu'ils ne paraissent avoir perdu aucune de leurs propriétés optiques.
A-t-on alors affaire à un nouvel arséniate distinct du précédent? Il aurait
pour formule
As*0'.(U»0'H)»H« + H*0.
Les analyses précédentes rapportées à la matière à 10CK> donnent en
effet:
Calculé.
Trouvé.
I ù~^ m
H'0 8,26 8 8,03 8,25
U»0» 66,00 » 68,98 65,41
As'O" (pesé) 25,34 » (diff.) 26,99 26,34
99,60 100,00 100,00
ARSÉNIATES ET ANTIMONIATES. 143
DEUXIÈME PARTIE
ANTIMONIATES
Les antimoniates alcalins ont fait Tobjet de nombreux
travaux; il n'en est pas de même des antimoniates des autres
métaux.
Dans les dictionnaires (^) et traités de chimie, on trouve
indiquée la préparation d'un certain nombre d'entre eux par
double décomposition. Ils sont tous décrits comme amorphes,
ou si peu cristallisés qu'on n'en peut donner de description
cristallogpaphique. On ne dit rien, en général, de leur teneur
en eau.
Les travaux les plus récents faits sur les sels de cette famille
sont dus : l'^ à Beilstein et Blaese (^), qui ont émis l'opinion
qu'il n'y a qu'un seul acide antimonique SbO^H' donnant
comme sels des orthoantimoniates monobasiques ou des
méta-antimoniates. Leurs études ont porté surtout sur les
sels alcalins.
Postérieurement, Ebel (') a étudié un certain nombre d'an-
timoniates terreux au point de vue, dit-il, de leur constitution
et de leurs propriétés. 11 en cite quatorze sans indiquer sur
eux autre chose que leur composition, et parmi ceux-ci se
0) Sauf le 2* soppl. de Wartz qui analyse les ti'avaux cités plus bas.
O Beilstein et Blaese, Bull, de l'Acad^ des Se, de Saint-Pétersbourg, X. S., I
(XXXIII), p. 97-117, et Deutsche chem, Gesell., 22 : Referate, p. 530.
(') Ebel, Deutsche chem» GeselL, t. XXII, p. 30ii (année 1889).
Ui H. GOCUEL.
trouvent les antimoniates de nickel et de cobalt, doot il va
être question plus loin.
11 émet sur eux tous I^avis que ce sont des m^ta-antimo-
niates, à rexception des sels de sesquioxyde de Ter et d'alu-
mine.
Pour ma part, j'ai pu obtenir et étudier trois antimoniates
bien cristallisés, et voici les résultats des études que j'ai pu
faire sur eux.
Orlltoanliinoniale de magnésium hydraté.
(SbO')'MgH' + tOH'O.
Dans le DicLionnairc de Wurtz, on cite s le méta-antimoniate
de raaynesium {Sbû')'Mg, flocons volumineux non cristallins >.
ie n'ai rien trouvé d'autre sur ce sel.
Préparation. — 11 s'obtient en ajoutant, jusqu'à formation
d'un précipité permanent, une solution de pyroantimoniate
de potasse (bi-méta-antimoniate de Fremy) à une solution
bouillante de sulfate de magnésium, et laissant refroidir après
filtration.
On recueille une matière blanche cristallisée très adhérente
aux parois du vase.
Analyse. — Avant de l'analyser, j'ai parfaitement desséché
dans l'air sec la matière à analyser, finement pulvérisée; puis
j'ai dosé l'eau par perte de poids, après m'étre assuré que ce
corps, sous l'action de la chaleur, ne subit aucune autre perte
de poids que celle due au départ de l'eau.
Sur une autre prise d'essai, j'ai dosé la magnésie après
avoir dissous la matière dans une petite quantité d'acide
chlorhydrique et avoir précipité l'antimoine de la dissolution,
convenablement additionnée d'acide tartrique, par un courant
prolongé d'acide sulfhydrique passant dans la solution chauf-
fée à l'ébullilion. Après filtration, dans la liqueur claire, la
magnésie était précipitée, puis pesée à l'état de pyrophosphale
anliydre.
arséniatës et antimoniates. 145
L^acide antimonique a été déduit par différence.
Troavé. Calculé.
H'0 37,8 37,4 37,54
MgO 7,1 6,99
Sb*0' 58,8 55,47
100,0 100,00
Ce qui conduit à la formule brute
Sb'0».Mg0.12H*0.
La teneur en eau méritant un examen plus attentif^ j'ai dosé
l'eau à différentes températures pour savoir s'il n'y en avait pas
une partie jouant le râle d'eau de constitution.
Voici les résultats obtenus : le départ de l'eau commence
au-dessous de 100^ et se continue ainsi qu'il suit :
Températore.
Perte observée.
Perte calculée pour
iOO»
23,4 0/0
7H»0 = 21,90 0/0
ii(y>
28,7
130°
31,7
10H'0 = 31,28
140°
33,2
180°
33,5
180°
34,9
12H*0 — 34,41
200°
37,5 (moy.)
12H'0 — 37,54
De 200^ au rouge blanc la perte est nulle.
Ce corps perd donc toute son eau au-dessous de 200''. Mais,
jusqu'à cette température, il est intéressant de construire la
courbe des quantités d'eau perdue en prenant ces quantités
pour ordonnées et les températures pour abscisses.
Voici cette courbe entre 100^ et 200°. On voit qu'elle présente
une inflexion très notable entre 440° et 480°, inflexion qui
indique, je pense, qu'une partie de l'eau est de constitution.
Cette opinion me parait bien appuyée par ce fait que ce corps
contient le môme nombre de molécules d'eau que les deux que
je vais décrire plus loin, qu'il leur paraît très voisin oristallo-
T. I (5« Série). 10
I4C H. fiOGUKL,
graphiquement, et que ceux-ci, comme on va le voir, sont
nettement des orthoantîmoniates monobasiques.
Anhmoniai^ d*f Maffi
llH-o
10H*o
9H'o
7H'o
.'.'/.'.
^.' ''."'.
^
Teny JOO* MO" 120° 130° 140" I50* IBO» I70" 18 0" I90» COO*
La formule du corps que nous étudions paraît donc, par
analogie, devoir être
SbO*~H
0
SbO'
Hg + lOH'O
H
formule très compatible avec la courbe ci-dessus.
Propriétés physiques. — Pendant l'analyse déjà, on est
l'rappé par Tune d'elles; le corps, en effet, qui est resté blanc
jusqu'à 200", ou n'est devenu que très légèrement jaumUre,
ilmient, si on le chauffe au rouge, complètement gris noirâtre,
l'C qui est assez remarquable pour un sel de magnésium.
De plus, tandis que jusqu'à 200° il reste soluble facilement
dans les acides, après avoir été chauffé au rouge il devient
inattaquable, même par l'eau régale bouillante.
.\u microscope, on constate que cette poudre cristalline est
AHS^.MATES ET ANTIMOMATES. 147
formée de petits prismes hexagonaux^ parfaitement réguliers
en apparence. Leur observation optique seule révèle en lumière
polarisée qu'ils sont rhombiques pseudo-hexagonaux, car elle
fait constater des macles multiples.
Ces cristaux sont formés de deux pyramides hexagonales
opposées par le sommet et formées chacune de 6 tétraèdres
diversement orientés et d'un remplissage complétant le prisme
hexagonal.
Si, en effet, on observe attentivement la base de ces cristaux
avec Taide du quartz teinte sensible, on la
voit se diviser en six secteurs (fig. 21) opti-
quement positifs suivant leurs hauteurs. En
lumière convergente on ne voit rien.
Si on observe les faces du prisme en
lumière folarisée parallèle, on remarque avec
surprise que chaque cristal présente une croix
ou une hyperbole noire qui limite trois zones (fig. 22) : deux
appuyées sur les bases, positives suivant Taxe du prisme, et
Tautre médiane positive suivant une
direction perpendiculaire.
La croix ou les hyperboles sont le
résultat de la compensation de ces
trois 2ones à leur contact.
Pareil phénomène est rare dans
Fig. 81.
Fie. n.
les corps extérieurement hexagonaux.
Orthoantimoniate de nickel monobasique hydraté.
(SbO*)'NîH* + lOH'O.
Ce corps est simplement cité par Ebel (*), qui n'indique ni
son mode de préparation ni ses propriétés optiques.
Préparation. — Si, à une solution froide et concentrée de
chlorure de nickel, on ajoute quelques centimètres cubes
d'une solution de pyroanlimoniate de potasse, on obtient un
(*) Ebel, Deutsche chem. Gesell., 22: Referate, p. 530.
lis H. GOGUEL.
précipité qui peut se transformer de manière à donner après
plusieurs semaines quelques milligrammes d'antimoniate de
nickel cristallisé.
On peut opérer plus rapidement en portant la solution de
chlorure de nickel à Tébullition, ajoutant un peu d'antimo-
niate de potasse^ filtrant après quelques instants de digestion
à rébuUition et laissant refroidir pendant un jour, puis ré-
chauffant la solution de chlorure, lui refaisant dissoudre un
peu d'antimoniate de nickel et laissant de nouveau refroidir.
11 faut cependant renouveler l'opération un très grand
nombre de fois pour obtenir une quantité analysable d'arsé-
niate cristallisé. Celui-ci adhère assez fortement aux parois du
vase, ce qui permet, pour l'avoir pur et propre, d'en brosser
légèrement les cristaux pour les débarrasser du peu de matière
amorphe qui les accompagne.
Analyse. — Sur une première prise d'essai, l'eau a été
dosée par perte de poids à différentes températures. Une
deuxième prise d'essai a été dissoute dans une petite quantité
d'acide chlorhydrique. La solution étendue a été additionnée
d'acide tartrique, et le tout porté à une température voisine
de l'ébuUition, soumis dans un ballon à un courant prolongé
d'acide sulfhydrique. Le précipité d'antimoine bien rassemblé
par l'ébuUition a été séparé par flltration et lavé avec de l'eau
additionnée d'acide sulfhydrique.
La liqueur filtrée a été évaporée et le résidu, grillé au
moufle, a été transformé en sulfure par le soufre dans un cou-
rant d'hydrogène, puis en sulfate anhydre, et pesé à cet état.
Étant donné le peu de matière dont il était possible de dis-
poser, l'antimoine a été déduit par différence, aucun autre
procédé ne pouvant d'ailleurs être plus exact.
Trouvé. Calculé.
H'0 35,4 35,41
NiO 12,3 12,24
Sb*0' «2.3 82,35
100,0 100,00
ARSdiMATKS ET ANTIXONIATES. 140
Les nombres calculés se rapportent à la formule brûle
Sb*0'.Ni0.12H*0.
Il est intéressant d'étudier de plus près comment se fait le
départ de Teau, afin d'établir exactement le type chimique du
corps étudié.
La matière commence à perdre son eau au-dessous de 100"*,
bien que toutes les précautions aient été prises pour la sécher
auparavant, d'une façon complète, dans l'air sec. Elle en perd
d'une façon régulière jusqu'aux environs de 200° ; entre 200**
et 250°, on constate un temps d'arrêt dans la perte d'eau, puis
un changement de couleur; la matière, de verdâtre qu'elle
était, devient jaune, et perd le reste de son eau au rouge
sombre.
Voici le détail des pesées; en regard des pertes de poids
constatées, je mets les nombres théoriques correspondant à
certaines pertes de poids définies :
Température.
Perle obserTée.
Perle calculée pour
100»
21,2 0/0
6H*0 = 21,61 0/0
180°
26,4
9H'0 — 26,86
198°
29,2
lOH'O = 29,38
208°
*»'*)|g
280°
29.8 II
ronge
38.4 ) 5«
12H'0 = 38,41
Ce temps d'arrêt dans la perle de l'eau, accompagné en
outre d'un changement de couleur, indique bien que deux
molécules d'eau sont de constitution.
II faut donc attribuer au corps la formule
Sb«0»Ni02H'0 + 10H»0,
ou
SbO*^H
^Ni + 10H»0
SbO*^H
ITlO H. GOGUEL.
C'est uu orthoantimoniate monobasique^ dont Tanalyse
donne nettement raison à Thypothèse de Beilstein et Blaese.
Ce corps, lorsqu'il est hydraté ou lorsqu'il contient encore
deux molécules d'eau, est soluble dans les acides. Complè-
tement déshydraté, il est insoluble même dans l'eau régale
bouillante.
Propriétés physiques, — C'est une belle matière de cou-
leur vert bleuâtre en cristaux tabulaires hexagonaux très nets.
Constamment éteints en lumière polarisée parallèle, ils mon-
trent en lumière convergente une croix noire correspondant
à un axe optique positif. Ils paraissent assez biréfringents.
Orthoantimoniate de cobalt monohcmque hydraté,
(SbO*)'CoH* + iOH'O.
Ce que l'on peut écrire sur ce sel est la répétition textuelle
de ce qui a été dit sur le sel correspondant de nickel ; il est
également cité par Ebel (^), qui n'indique que sa formule.
Préparation. — Elle peut encore se faire, soit à froid, soit
à chaud, identiquement comme il a été dit pour le nickel, et
dans les mêmes conditions.
Analyse. — Elle aussi a été faite par le procédé décrit au
paragraphe précédent, dans lequel il suffit de substituer le
mot cobalt au mot nickel.
Les résultats trouvés sont les suivants :
TroufA. Galeulé.
H'0 34,92 38,7 38,41
CoO U,9 12,24
Sb'O» 82,4 82,38
100,0 100,00
Le premier dosage d'eau se rapportait à un échantillon
préparé à froid.
Les mêmes remarques que précédemment peuvent se faire
ici en ce qui concerne le départ de l'eau.
ARSÉNIATES ET ANTIMONIATES. 151
Si on l'étudié de près, on constate, à différentes tempéra-
tures, les pertes suivantes :
Température.
Perle observée.
Perte calcalée pour
100»
22,1 0/0
6H'0 — 21,61 0/0
«3»
27,7
170»
28,2
180»
29,9
lOH'O = 29,38
196»
•
29,6
240°
29,7 C)
fusion da
plomb 34,2
rouge
33,7
12H'0 — 35,41
De 100® à 180®, la matière passe du rose au violet et au
bleu. A 240®, elle est gris bleu; mais à la température de
fusion du plomb, elle devient noire et en même temps inso-
luble dans les acides forts.
On remarque que de 180° à 240®, la perte d'eau est nulle.
La formule du corps que nous étudions est donc identique
à celle du corps précédent.
SbO*;-H
Co + lOH'O
SbO*^H
C'est aussi un orthoantimoniate monobasique hydraté.
Propriétés physiques. — C'est une belle matière rose chair
qui, préparée par le chlorure bouillant, se présente en cris-
taux hexagonaux; ce sont de minces paillettes à contours
hexagonaux. Constamment éteintes entre les niçois croisés;
optiquement uniaxes positives.
Cependant, dans certaines préparations faites à froid, les
lamelles hexagonales sont légèrement allongées suivant une
0) Le gain apparent provient de ce que les chiffres à 180® et à 196" n'ont pas 6iâ
obtenus sur le même échantillon.
15j H. GOGUEL.
de leurs diagonales; et bien que leurs angles soient de 130",
elles sont légiÏPCinent biréfringentes et positives suivant leur
plus grand diamètre.
Ce corps pourrait donc, en réalité, être pseudo-liexagonal.
ARSÉNIATES KT ANTIMONIATES. 153
CONCLUSIONS
ARSÉ38IATES.
Désireux de contribuer à l'étude cristallographique des arsé-
niateSy j'ai commencé, pour me procurer des matériaux, par
chercher à reproduire les corps déjà connus, en me servant
des procédés indiqués par les auteurs précédents.
Ces procédés m'ont, en outre, donné des corps nouveaux
susceptibles d'études cristallographiques, tandis que, d'autre
part, parmi ceux déjà connus, certains se prêtaient mal à ce
genre d'études.
Pour ceux-ci, j'ai dû chercher des méthodes nouvelles de
préparation, et celles que j'ai trouvées, ayant une certaine
généralité, m'ont encore fourni quelques sels inédits.
De la sorte, j'ai pu étudier les propriétés cristallographiques
des arséniates suivants, que j'énumère en les classant suivant
leur type chimique, en indiquant leur système de symétrie :
Môtaarsénlate.
(AsO')»(Hg') hexagonal.
Pyroaraéniates.
Às'O^Cd' rhombiqne.
As»0'(NiOH)*H* monoclinique.
As'0^(CoOH)»H' id.
As'OXZnOH)»H» 4- 7H'0 triclinique.
As»0'[(U'0»)OH]»H' + 8H*0 quadratique.
Anhydres :
OrlhoarsAnlaleB-
AsO'Ag'^ cubique létraédrique
(AsO*)' (Hg')* rhoinbique.
AsO'Al monocliniqoe.
(AsO')'Ca'
U.
(AsO')'Hg-
id.
kso'na
id.
AsO'CaH
Iricliniqne.
AsO'SrH
id.
AsU'BaH
id.
As'O'-Zn'H'
id.
Hydratés :
AsO'CaH + H'O rlloml)iqae.
AsO'SrH + H'O id.
AsO'BaH + H'O id.
AsO'ZiiH + H'O monoclinique.
AsO'CuH + H'O id.
AsO'UnH+H'O id.
J'ai donné de ces corps une description cristallograpllique
parfois très complète et, pouf presque tous, entièrement inédite.
.Mais en outre, parmi eux, un certain nombre sont aussi inédits
quant à leur préparation que quant à leurs propriétés physi-
ques. Ce sont :
(AsO-)'(Hg').
As'O'lCd').
As'0'(NiOH)'H'.
As'0'(CoOH)'H'.
As'0'(ZiiOH)'H' + 7H'0.
As'0'[(L"0')OH]'H' + 8H'0.
(AsO')'llg'.
AsO'CaH.
AsO'SrH.
AsO'BaH,
As'0"Zii'H'.
AsO'CaH + H'O.
AsO'SrH + H'O,
AhSÉNUTES ET ANTIMOMATBS. 155
Enfin, je crois avoir eu le premier, à Tétat cristallisé,
l'arséniate
AsOTbH.
Comme conséquence de ce travail ressort Texistence d'un
certain nombre de groupes isomorphes, dans la famille des
arséniates : ainsi, les arséniates alcalinoterreux du type
AsO^M'H, formant une série de corps tricliniques ; les arsé-
niates alcalinoterreux du type AsO^M'H + H*0, formant une
série rhombique qui paraît également isomorphe; de même
que la série du même type chimique comprenant le zinc,
cuivre, manganèse, qui est monoclinique.
Pour la synthèse des arséniates des types pyroarséniate ou
orthoarséniate bibasique, j'ai employé un procédé consistant
en ceci : faire réagir Tacide arsénique pur sur un acétate à
une température convenable. On peut juger maintenant de sa
valeur par Ténuméralion des corps bien cristallisés qu'il m'a
fournis.
Il me parait intéressant de mettre en regard de leur formule
la température à laquelle ils ont été obtenus :
AsO'CuH + H'O
lempératore ordinaire.
AsO'MnH 4- H»0
l(y environ.
As'0'[(U'0')OH]'H«
+ 8H'0
»
AsO'CaH H- H'O
100»-108«.
AsO'ZnH ■+■ H»0
»
AsO'SrH
,
>
AsO'CaH
180°.
AsO*BaH
»
As»0'(CoH)'H»
>
A8'0'(NiOH)«H»
200^-230°.
On remarque dans ce tableau que, au-dessus de 180^ on ne
produit pas, même par voie humide, de sel hydraté, tout au
moins par ce procédé.
Une autre méthode : action de Tacide arsénique sur un
ifiCi H VOGUBl.
azotate, m'a donné AsO'Hg' et AsO*(Hg')', tandis que l'action
de l'arséniate disodique sur l'azotate de plomb, en présence
d'acide azotique libre, me donnait AsO*PblI cristallisé.
Au point de vue analytique, j'ai indiqué une méthode
nouvelle pour l'analyse des arséniates d'uranium et une légère
modification du procédé de M. Friedel pour t'analyse de
l'nrséniale d'aluminium.
ANTIHONIATBS.
Je n'ai pu préparer et étudier que trois antimoniates
cristallisés. Ce sont, jusqu'à présent, les seuls qui aient été
étudiés cristallographiquement.
Comme on l'a vu, tous les trois ont la même formule brute
et peuvent être considérés comme étant isomorphes, étant
tous hexagonaux ou pseudo-hexagonaux.
J'en ai Tait l'analyse avec le plus grand soin, afm de bien
établir le type chimique auquel ils appartiennent, et j'ai cons-
taté que tous les trois contiennent de l'eau de combinaison. Je
présente ici en un tableau d'ensemble les courbes indiquant
AntùnonÀaùs _ Ptrtt diaa^-"^ MiÀicalts
lOO- i»0'
aao* ctK>*
leurs pertes d'eau, dressées à la même échelle, prenant pour
ARSÉXIATES ET AKTIMOMATES. 1.^7
abscisses les températures et pour ordonnées les quantités
d'eau perdues exprimées en molécules.
Pour deux d'entre eux on doit, sans hésitation, admettre
deux molécules d'eau de combinaison. C'est pour ceux de
cobalt et de nickel, justement ceux dont les formules sont
déjà citées par Ebel, lorsqu'il émet l'avis que tous les
anlimoniates, sauf ceux d'aluminium et de fer, sont des
méta-antimoniates.
Quant au sel de magnésium, dont j'ai le premier donné
la formule complète, on voit aussi qu'il contient de l'eau
de combinaison. Son isomorphisme apparent avec les deux
précédents m'a amené à lui attribuer la môme formule.
En somme, les trois antimoniates cristallisés connus n'ap-
partenant pas aux métaux alcalins sont des orthoanlimoniates
a dix molécules d'eau d'hydratation du type
/H
. M' + 10H»0
SbO'^H
H
Hexagonaux ou pseudo-hexagonaux.
ÉTUVAGE
DES
FARINES D'ARMEMENT
PAR U. LE D' P. CABLES.
L'expansion coloniale française rend plus urgent que jamais
le besoin d'assurer la conservation des matières alimentaires
destinées à nos compatriotes d'outre-mer et surtout de la
farine de froment qui doit former la base de leur alimentation.
Pour arriver à ces résultats, on s'est contenté pendant fort
longtemps de ne traiter que des blés indigènes tendres récoltés
dans des régions où le terrain et l'atmosphère sont générale*
ment secs ; on les passait à la meule sans mouillage et enfln
on préservait leur farine de l'humidité marine en les logeant
dans des tonneaux de bois bien clos. Ce système a suffi pen-
dant de longues années.
Mais à la suite des facilités de communications qu'a pro-
curées la vapeur, le commerce a trouvé plus avantageux, pour
abaisser le prix des farines sans nuire à leurs qualités nutri-
tives, de mélanger pour la mouture non seulement les blés des
diverses contrées de l'Europe, mais même ceux du monde
entier. Les blés demi-durs, plus substantiels, moins hygrosco-
piques et de conservation plus facile, sont entrés ainsi de
plain-pied dans les minoteries. Mais comme leur texture est
plus cornée, à cause de leur richesse en gluten, et qu'ils four^
nissent une farine moins blanche, on a pris l'habitude de
mouiller ces blés avant la mouture, parce que cette humidité
160 D'^ p. GARLES.
artificielle détruit la consistance cornée (^) du gluten, rend la
mouture plus facile et surtout produit une farine plus divisée,
plus opaque et plus mate, c'est-à-dire plus blanche. Si nous
ajoutons que ce mouillage facilite la séparation de la pellicule
ou son du blé, ce qui augmente le rendement en farine et
est un des facteurs de sa blancheur, on comprendra que les
minotiers aient une tendance à généraliser l'application du
mouillage préalable à toutes sortes de froment. Enfin, comme
Tobtention de la blancheur reste toujours une des principales
préoccupations des meuniers, qu'ils la produisent mieux avec
les nouveaux moulins à cylindres en graduant la désagrégation
du grain, et que cette désagrégation est facilitée par le
mouillage, on en est arrivé non seulement à mouiller, mais
même à laver à Teau courante les blés avant la mouture afin
d'entraîner les impuretés grisâtres adhérentes.
Malheureusement, en opposition avec tous ces avantages, le
mouillage offre de grands inconvénients qu'on peut résumer
en ces mots : Il est la cause principale de Valtératitm des
farines i^).
Voilà pourquoi les farines d'aujourd'hui sont de moins
bonne conservation que celles d'autrefois, provenant de grains
non lavés et non mouillés, et pourquoi les minoteries qui fabri*
quent des farines de conserve sont obligées de les dessécher
avant de les livrer à la boulangerie. Et comme, d'une part,
cette altérabilité est d'autant plus grande que les produits sont
plus anciens et transportés dans des régions à la fois plus
humides et plus chaudes, telles que la plupart de nos colo-
nies, et que, d'autre part, on n'a aucun moyen de vérifier si
une farine provient de blés mouillés o& non mouillés, on com-
prend que l'administration de la marine et celle des colonies
prennent leurs mesures pour assurer la conservation de cette
(i) Cette action bienfaisante du mouillage préalable du grain est plus sensible
encore avec le riz, le salep qui ne donneraient à sec qn*une poudre rude et
grisâti'e.
{}) Balland, Recfierches sur les blés, les farines et le pain, page 122.
ÉTUVAGE DES FARINES D'aRMEMENT. 161
denrée dans des pays et dans des milieux essentiellement
défavorables à une longue garde.
Mais pour bien discuter les traitements imposés aux soumis-
sionnaires^ il y a lieu d'établir que Thumidité n'est que la
cause secondaire du mal et que les causes directes ou pre-
mières sont multiples, comme nous allons le voir.
Parmi les principales, on distingue, en effet :
1^ Les (Bfuf$ que les insectes d'espèces nombreuses (charan-
çons; alucites, mites diverses, etc.), ont déposés sur les grains
de froment sur pied ou en grenier ;
2^ Les spores ou graines de moisissures, sans cesse trans-
portées par les vents et retenues par le blé dans les mêmes
conditions que précédemment (rouille, carie, charbon, pénicil-
lium, oïdium );
3° Les germes de microbes de toute nature, libres dans
l'atmosphère, et tout aussi nombreux partout où les blés sont
conservés ou moulus;
4o Enfin les ferments solubles ou diastases (céréaline et
autres) que le blé porte en réserve au-dessous de sa robe et
autour de son embryon (*) et auxquels viennent se joindre
plus tard ceux que sécrètent les insectes, les spores et les
microbes dès qu'ils prennent vie, afin de rendre les éléments
constituants du froment propres à leur assimilation (2).
Or, pour que les œufs des insectes que nous avons nommés
les premiers, éclosent, il faut que la température s'élève
au-dessus de 12 degrés. Mais il suffît, d'autre part, de les
chauffer vers 55 degrés pour empêcher leur éclosion, pour les
stériliser, comme on dit communément aujourd'hui. Cette
action de la chaleur s'explique par la propriété qu'ont les
albuminoïdes qui les constituent de se coaguler de 55 à
0) BaUand, loc. cU., p. 82-83.
(*) C'est pour une cause absolument semblable que l'homme et les animaux
supérieurs sécrètent de la pepsine dans Testomac, de la pancréatine dans l'in-
testin.. ., afin de rendre liquides et assimilables le gluten et Tamidon du pain ou
des graines.
T. I (5« Série). 11
162 H' P- CARLBS.
75 degrés, comme cela arrive au blanc d'oeuf au contact
du feu.
Les spores des moisissures sont les pires ennemis de la.
farine. Elles ont l'évolution plus facile et la vie plus tenace;
c'est-à-dire qu'elles éclosent à une température plus basse {')
et que pour les stériliser sûrement on est obligé d'atteindre de
plus hauts degrés {*). Ainsi, Payen a vu les spores d'un cham-
pignon qui pousse dans la mie de pain, V Oïdium aurantiacum,
résister à une chaleur de 120 degrés, et Pasteur des spores de
PeniciîHum glaucam, moisissure tout aussi commune, germer
après avoir été portées à 108 degrés ('). Mais il ne faut pas
oublier que ces spores périssent à une température beaucoup
plus basse si elles se trouvent dans l'eau (*) ou même dans un
milieu humide ("). Enfin, notons bien que si leur température
de prédilection est 30-40 degrés, la dose d'humidité du milieu
dans lequel elles se trouzent alors possède sur leur germina-
tion et leur prolifération une influence capitale {^).
Quant aux microbes : levures, mycodermes, micrococcus,
bactéries, bacilles, vibrions, leur histoire est, au point de vue
qui nous intéresse, assez semblable à celle des spores des
moisissures. L'action du calorique sur leurs germes est
pareille, mais les adultes sont plus sensibles à l'influence de
la chaleur et plus encore à celle du froid qui, dès -(- iâ -1- 10
+ 8 degrés, les fait tomber en léthargie. Eux aussi n'ont
d'action que si le milieu est fort humide.
Lorsque l'humidité gagne lentement la farine, ils agissent par
ilôts, par places, en liquéfiant le gluten de cette farine, le rendant
acide, en déterminant la formation irrégulière d'a^lomérations
désignées en minoterie sous le nom de matons. Si l'humidité
(<) If-S* Voir Chim. hM. Ouclaux, p. 97. Le PtnieMuim glaucwm poune ti^
bieD dani les caves de Roquefort, dout 1b température csI voisine deâ et 3 degrés.
(*) Jd.p, 101.
(') îd., p. 101.
(') D'après i)chmi<lt, le Peniciftium fflaufuni péril dans l'eau i6t>(i(J.ip,101)>
<*i 58", 62', 74', 78°. 70», 73». Hoffmann, loc. cit., p. IW.
(•j Id., p. 98.
ÉTUVÀGE DES FARINES D'àRMEMENT. 163
envahit plus brusquement la masse^ ils sont précédés ou
agissent de concert avec les moisissures qui, elles aussi, liqué-
fient et acidifient le gluten.
Les diastases ne préexistent guère à Tétat de liberté dans
la farine fraîche ; elles sont plutôt, comme nous Tavons déjà
fait pressentir, la conséquence de révolution de tous les fer-
ments figurés que nous venons de passer en revue. Cependant
leur préexistence est admise par certains chimistes, tels que
Mège-Mouriès, Balland (*) et Girard (*). Quoi qu'il en soit, nous
devons retenir que ces ferments solubles sont stérilisés vers
55-60° degrés; et que pour exercer leur action nocive ils
exigent impérieusemenit la présence d'une certaine quantité
d'eau anormale, de ce qu'on est convenu d'appeler humidité.
En résumé, de toutes ces espèces de parasites et d'agents
nocifs des farines, il n'en est qu'une seule qui puisse exercer
son action nuisible sans l'intervention de l'humidité, ce sont
les œufs d'insectes divers. Tous les autres réclament absolu-
ment l'intervention de l'eau et leur rôle powtrci être d'autant
plus actif et partant ^?iw préjudiciable que la proportion de
cette eau sera pltis élevée, que le degré d*hydratation des
farines sera plus fort.
Par conséquent, stériliser les œufs d'insectes, atteindre
autant que possible les spores des moisissures ainsi que
certains germes microbiens et surtout réduire l'humidité à son
minimum, tel doit être rationnellement le but à poursuivra
pour assurer la conservation des farines d'armement.
Voyons maintenant quels sont les moyens qu'emploie pour
cela l'industrie et ceux que réclament les Administrations
françaises.
Dans certaines régions du Midi, surtout pendant les mois
secs de l'été, on a la prétention d'arriver à communiquer aux
(^) Loco cUato, p. 207 et 127. Balland attiibne à ces diastases, peut-être à tort, la
décomposition lente du gluten et la production d^alcaloîdes toxiques dans les
vieilles farines.
(^Documents sur les falsifications des matières alimentaires, pi 505.
164 H^ p. CARLES.
farines les qualités requises pour l'exportation en les exposant
à l'air sur de vastes surfaces qu'on renouvelle et qu'on mul-
tiplie sans cesse à l'aide du pelletage à bras ou mécanique.
II nous semble difficile, pour ne pas dire impossible, d'at-
teindre par ce moyen le but poursuivi. Que l'aérage, que le
pelletage invitent les insectes parfaits à abandonner la farine ;
que ces manœuvres gênent l'évolution de leurs œufs en iacu-
bation, on n'en saurait douter ; mais la majeure partie des œufs
résiste et ne manquera pas, à l'heure de l'éclosion, de produire
des dégâts. Quant aux spores et aux germes de microbes, un
pareil traitement n'est pas fait pour les gêner beaucoup. Reste
l'humidité. Comme la dose que retient la farine est toujours en
relation constante d'équilibre avec l'état hygrométrique de l'air,
il est difficile par ce moyen de réduire sensiblement le taux
d'hydratation initial. Dans tous les cas, il est impossible que
CCS farines aient les mêmes chances de conservation que celles
dont il va être parlé.
Aujourd'hui, en effet, les Administrations françaises chargées
de ravitalllef les colonies et certaines places fortes exigent que
les farines, avant la mise en baril ou en caisses métalliques,
soient étuvées dans un courant d'air chaud. En principe, l'étu-
Vage est une opération des plus logiques, puisqu'il a pour but
non seulement d'enlever à la farine l'eau de mouillage et une
partie de l'eau de végétation, mais même de stériliser les œufs
d'insecles et quelques spores microbiens. Son application à
nos denrées peut être toujours vérifiée, car toute farine dess^
chée de façon à perdre à la fois l'eau de mouillage du blé et
les deux centièmes de celle que possédait normalement le
tjrain, augmente toujours de poids lorsqu'on l'expose vingt-
ijuatre heures à l'air. On a bien dit et cru longtemps que cette
reprise était constamment égale à la proportion d'eau normale
enlevée par l'étuvage; mais les faits démontrent que c'est là
une hypothèse gratuite. Toute reprise à l'air est influencée par
son degré hygrométrique, si bien que telle farine qui reprend
aujourd'hui 2 0/0 s'arrêtera de 0,80 à 1,20 si le temps est très
ÉTUVAGE DBS FARINES d'ARMEMENT. 168
sec et le baromètre haut, et pourra^ au contraire, dépasser 2,50
si Tatmosphère est pluvieuse et saturée d'humidité.
Mais par cela seul qu'une farine titre H 0/0 d'hydratation (*)
et que son aptitude de reprise à l'air est positive, il ne s'ensuit
pas qu'elle possède absolument les qualités d'une farine de
longue conserve ou d'exportation ; car elle peut très bien avoir
été étuvée à une température trop basse et impuissante à porter
atteinte à la vitalité des œufs d'insectes, des spores de moisis-
sure et des germes microbiens.
C'est assurément sous l'empire de cette idée que, depuis peu
de temps, les cahiers des charges de certains ports français,
plus sévères, à cause de la destination de la marchandise, ou
désireux d'être plus logiques que d'autres, imposent à leurs
fournisseurs un étuvage de la farine à 105 degrés pendant cinq
heures; mais ils tolèrent encore 11 0/0 d'hydratation.
Il est sûr qu'en théorie et comme conséquence de ce que
nous avons écrit sur l'action de la chaleur à l'endroit des para-
sites de la farine, c'est là un moyen ferme d'avoir une farine
de conservation assurée. Du reste, l'expérience démontre qu^une
farine préparée dans ces conditions et mise en bouillie avec
de l'eau ordinaire est essentiellement résistante à l'aigrisse-
ment et à l'envahissement des moisissures et des microbes.
Mais que penser de cette tolérance de 11 0/0 d'hydratation
accordée à une farine restée pendant cinq heures dans un cou-
rant d'air à 105 degrés? Cette dernière clause n'est-elle pas
infirmative de la première? C'est ce dont nous sommes abso-
lument convaincu.
En dehors de cette considération, il faut reconnaître que
l'application de la chaleur à 105 degrés est difficile sur de
grandes masses, qu'elle est onéreuse et dans les circonstances
ordinaires impraticable.
Pour qu'on s'en rende compte, rappelons que, comme l'Ad-
ministration se réserve d'assister aux opérations prescrites, le
minotier ne peut les commencer que le lendemain de l'adjudi-
(A) Qui a été le degré exigé pendant fort longtemps.
166 D^ P. G ARLES.
cation ; et qu'on ne lui accorde que douze jours en moyenne
pour faire ses livraisons. Eh bien! supposons le cas d'une
fourniture très ordinaire, de 100,000 kilogrammes par exemple,
échue à une minoterie de bonne importance pouvant sécher
1,000 kilogrammes à l'heure, soit 25,000 par jour, réclamant
par conséquent quatre jours pour le lot total. Avec le séjour
ordinaire d'une heure à l'étuve, le minotier pourra arriver à
temps. Mais si au lieu de cela on lui impose cinq heures d'étu-
vage, le temps strictement nécessaire à ses opérations devra
être quintuplé et il lui faudra vingt jours pour faire le même
travail. De cette façon, la livraison deviendra impossible non
seulement si l'étuvage est fait à proximité du port d'embar^
quement, mais plus encore, si, comme c'est le cas le plus
ordinaire, il faut envoyer la marchandise sur un point éloigné
*
de la côte française.
Nous espérons démontrer plus loin que de pareilles exigences
sont inutiles.
En présence des difficultés dont nous venons de parler, les
nouveaux cahiers des charges ne fixent plus de durée d'étuvage,
mais ils exigent que le degré de chaleur de l'étuve soit de
72 degrés centigrades et que la farine n'en sorte hydratée
que de 5 à 7 0/0 (en moyenne à 6 0/0).
Il faut convenir qu'au point de vue de la destruction des
parasites, c'est-à-dire de la garantie de sa conservation, la
différence avec les conditions précédentes est bien grande,
et en nous basant sur des essais comparatifs faits avec des
farines déshydratées indttstriellement jusqu'à 5 et 6 0/0, nous
trouvons que le point de chauffe est trop bas. Si ce degré est
suffisant pour stériliser les œufs d'insectes et tuer leurs chry-
salides, il est absolument incapable d'atteindre les spores et
germes de la plupart des microbes ; aussi avons-nous constaté
que des farines livrées par l'industrie en cet état (^) s'aigris-
(^) Non seulement leur degré d'hydratation était bien de 5 et 6 0/0, mais après
exposition à Tair pendant 24 heures, elles reprenaient 6 et 8 0/0 d'humidité.
La dessiccation était donc réelle. — (Cette reprise à l'air était faite sur 5 grammes
de farine étendue dans une capsule de verre plate de ao grammes de capacité.)
ÉTUYAGB DBS FÀRINBS D'ARMEMBNT. 167
saient et se peuplaient de moisissures et de microbes aussi
vite qu'une farine non chauffée^ lorsqu'on mouillait fortement
Tune et Tautre. Du reste, il ne faut pas oublier qu'à cette tem-
pérature, pour réduire l'hydratation à 6 0/0 il est nécessaire de
tenir la fariiie quatre à cinq heures à l'étuve, ce qui, nous
l'avons démontré, peut souvent rendre les livraisons irréali-
sables dans le temps fixé.
Après avoir pesé les intérêts administratifs et ceux des
minotiers, il .nous a semblé que des conditions intermédiaires
entre les deux précédentes concilieraient les parties et donne-
raient satisfaction aux déductions scientifiques. Nous propose-
rions plutôt le chauffage progressif (^) de 50 à 85 degrés
pendant une heure et demie. Les essais que nous avons prati-
qués nous portent à penser que, soumise à cette température,
une farine serait suffisamment stérilisée et que son degré
d'hydratation réduit à 8 ou 9 0/0 serait capable de maintenir
les spores les plus réfractaires. EnQn la durée d'étuvage laisse-
rait aux adjudicataires le temps de faire leurs livraisons dans
les délais voulus sous la surveillance administrative.
Voici au surplus quelques expériences que nous avons faites
sur des lots d'un kilogramme de farine sortant tous d'un
môme sac :
Le premier a été conservé comme type et témoin, sans trai-
tement.
Le second a été chauffé dans une étuve à courant d'air à
72 degrés avec les précautions prescrites jusqu'à ce que l'hy-
dratation soit tombée à 6 0/0.
Le troisième a été chauffé graduellement jusqu'à 85 degrés
pendant une heure et demie. Au sortir de l'étuve son taux
d'hydratation égalait 8 0/0.
Le quatrième a été étuvé avec les mêmes précautions à
105 degrés pendant cinq heures. Il est bien entendu que
{}) Afin d'éviter dans certaines circonstances la saccharification de Tamidon.
168 D^ p. G ARLES.
Tessai de contrôle a démontré que son degré d'hydratation à
100 degrés était nul (*).
En plaçant des prises de ces farines sous la même incidence
lumineuse il était évident que la nuance jaune du type s'atténue
avec le degré de chauffe et qu'à 105 degrés elle devient abso-
lument blanche. Il en est de même du pelotonnage à la main
qui devient presque nul dans cette dernière circonstance.
Chacune de ces prises délayée dans cinq fois |son poids
d'eau a fourni une odeur différente sur laquelle nous allons
revenir; mais au point de vue des modifications chiiniques
nous n'avons pu trouver aucune différence sensible^ ni dans
l'aspect microscopique de Tamidon^ ni dans les doses de gly-
cose ou de dextrine formées, ni dans l'action polarimétrique.
Quant aux modifications lentes, nous avons noté dans ces
bouillies farineuses que le n"* 1, au bout de trente-six heures,
était aigre et le lendemain plein de bactéries.
Le n° 2 ne s'était aigri que le troisième jour.
Le n^ 3 ne s'aigrissait pas, mais prenait le cinquième jour
une odeur d'altération avec apparition de bactéries.
Le n^ 4 se conduisait sensiblement de la même façon que le
précédent.
Mais voici qui se rapproche davantage de la pratique :
Cinq grammes de chacun de ces échantillons ont été placés
dans une nacelle de verre et mis à flotter sur un bain d'eau
recouvert d'une cloche. La température était de 18 à 20 degrés.
Dans cette atmosphère saturée d'humidité, tous les échan-
tillons ont fini par être successivement atteints de moisissures,
mais avec une résistance et un aspect différents (*) : Le n** 1
(témoin non chauffé) était couvert le cinquième jour de moi-
sissures jaunes Oïdium atirantiacum et le sixième, de moisis-
sures bleues Pénicillium glaucum. Pour le n° 2 (chauffé
(}) Si cette farine était restée quelques heures seulement à Tair, elle aurait
certainement repris 1 à 3 0/0 d'humidité.
(*) n nous a para que 15 0/0 était le degré d'hydratation ou d'humidité néces-
saire pour l'évolution facile des moisissures.
ÉTUVÀGB DES FARINES d'aRMBMKNT. 469
à 72 degrés) il y a eu retard de vingt-quatre heures dans Tap-
parition des ménies parasites, mais pas de différence sensible
dans leur proportion ou leur espèce. Le n^ 3 (chaufTé à
85 degrés) non seulement a résisté un jour de plus, mais il
était visible déjà que les spores en germination formaient des
ilôts moins nombreux et moins copieux. Les espèces jaunes
surtout baissaient notablement. Enfin pour le n^ 4 (chauffé
à 105 degrés), le retard s'est encore accentué d'un jour dans la
germination des moisissures, les îlots se sont un peu plus
raréfiés et les moisissures bleues étaient aussi nombreuses
que les jaunes.
Quant aux grosses bactéries^ elles n'ont appai'u en petit
nombre que lorsque le milieu devenu nettement acide était
déjà impropre à tout usage alimentaire, même pour les ani-
maux les moins délicats.
A la suite de ces expériences, nous avons cru nécessaire d*en
faire une dernière, encore plus pratique que les précédentes.
Elle résidait dans une épreuve de panification. A cet effet,
les 4 kilogrammes de farines précédents, munis d'un simple
numéro d'ordre, ont été remis à un boulanger et panifiés sépa-
rément en notre présence, dans des conditions absolument
parallèles. Comme il était facile de le prévoir, l'absorption de
l'eau a varié selon le degré d'hydratation de chaque farine ; les
nombres notés étaient 600-760-800-817. Au pétrissage, le pra-
ticien qui opérait, et qui ignorait les traitements appliqués aux
farines, a vite fait deux catégories : les n"** 1-2 d'une part et 34
de l'autre. Cette différence reposait non seulement sur ce que
les deux derniers avaient, disait-il, plus de corps, mais surtout
parce qu'ils répandaient au pétrissage une odeur très prononcée
de malt (orge germé et desséché des brasseurs).
Quant aux pains, ils n'ont présenté aux sens aucune diffé-
rence, si ce n*est une odeur de gâteau manifeste, le premier
jour, dans les n°* 3 et 4.
Enfin, quoiqu'il soit avéré aujourd'hui que lorsqu'un pain
170 D^ p. CABLES.
est suffisamment cuit et d'un volume ordinaire, tous les germes
qu'il renferme ont été stérilisés {^), nous avons tenu à nous
assurer que chacun des nôtres remplissait ces conditions, du
moins au point de vue des spores de moisissures. A cet effet,
un fragment de chacun d'eux a été soumis à une longue humi-
dité dans les mêmes conditions que les farines. Or, Texpérience
nous a montré que dans les quatre échantillons des moisis-
sures se développaient sur la croûte (*) en nombre et en
espèces semblables, mais que la mie, quoique fort ramollie,
restait vierge de parasites.
CONCLUSIONS.
Comme la pratique du mouillage du blé s'est aujourd'hui
généralisée dans la grande minoterie ; qu'elle est la cause prin-
cipale de l'altération hâtive des farines et qu'il n'y a aucune
façon de vérifier si une farine provient ou non de blés
mouillés, on a dû chercher un moyen d'assurer la conservation
des farines obtenues par un procédé quelconque de meunerie.
L'étuvage seul permet d'arriver à ce résultat, parce qu'il
stérilise les œufs d'iiisectes ainsi que quelques microbes et
spores de moisissures, et surtout parce qu'il fait de la farine
suffisamment desséchée un milieu impropre à la germination
et à la pullulation de ceux de ces spores ou microbes qui ont
résisté à l'action de la chaleur.
Il y a deux moyens de reconnaître que les farines ont été
étuvées :
Le premier consiste à les exposer à l'air. Si elles ont été
desséchées de façon à perdre l'humidité provenant du mouillage
C) A. Balland, loc. cit., p. 237.
0) Gela tient à ce que, dès ]a sortie du four, la croûte s'est ensemencée des
spores qui voltigent toi:gours aussi bien dans les boulangeries que dans nos propres
habitations,
ÉTVUAGE DES FARINES D' ARMEMENT. 171
du blé et aussi S 0/0 de leur hydratation naturelle^ elles
reprendront toujours à l'air une proportion d'humidité qui sera
en rapport avec le degré hygrométrique du jour.
Dans le second moyen> on se borne à doser l'hydratation
actuelle de la farine> parce que le taux de l'hydratation obtenu
est toujours en rapport plus ou moins étroit avec le degré de
chaleur du courant d'air de l'étuve et surtout avec la durée de
l'étuvage.
En principe, une farine sera de conserve d'autant plus cer-
taine qu'elle aura été plus chauffée et plus déshydratée ; mais
en rapprochant les résultats de nos essais de laboratoire de
ceux que l'industrie peut pratiquement réaliser, il nous paraît
qu'une farine sera dans les conditions voulues pour se conserver
longtemps en mer et dans les colonies si elle a été chauffée
à SS-OO"" de façon à ramener son taux d'hydratation à 8
ou 9 0/0 0).
O Le miaimum d'hydratation des farinea premières du commerce est de 11 0/0.
(BaUand, loc. eit.y p. 94.)
DOSAGE
DE
LA GLYCÉRINE
DANS LES LIQUIDES FERMENTES
PAR U. J. LABORDB
FRiPARATEOR A LA 8TATI0H AGROHOIIIQCB DE BOKDEAIX.
I
La glycérine est^ après Talcool et Tacide carbonique^ le
produit le plus important de la fermentation alcoolique. On la
dose d'ordinaire par la méthode bien connue de M. Pasteur;
mais, même avec les modifications de détail qu'on y a appor-
téeSy le procédé est long et peu pratique dans le cas d'analyses
nombreuses et simultanées; il est^ en outre, tout à fait inexact
et inapplicable dans le cas des liquides plus ou moins sucrés.
Les méthodes imaginées depuis M. Pasteur ne sont ni plus
rigoureuses ni plus rapides; aussi les chimistes qui se sont
occupés de l'analyse du vin ont-ils rarement pu procéder avec
fruit à un dosage général et précis de la glycérine dans les
liquides soumis à leur examen.
La méthode que je propose ici me paraît devoir combler cette
lacune, car elle donne des résultats satisfaisants avec tous les
liquides complètement ou incomplètement fermentes.
II
Comme dans les méthodes ordinairement employées, le
dosage comprend deux opérations distinctes : l'extraction de
la glycérine et la détermination de son poids. Nous allons
174 J. LABORDE.
d*abord indiquer la dernière^ qui est générale, la première
étant susceptible de variations suivant les cas.
Pour éviter les longueurs et les incertitudes qu'entraîne la
dessiccation de la glycérine dans le vide, la détermination de
son poids est basée sur Faction qu'exerce sur elle, à chaud,
Tacide sulfurique concentré, et qui est représentée par la formule
suivante :
C»H»0» 4- SO*H« = C» -h S0« 4- 8H»0.
C'est de la quantité de charbon produite qu'on déduit la
quantité de glycérine correspondante. Pour que la réaction
se passe suivant l'équation ci-dessus, il faut opérer comme
suit :
Supposons que l'on ait une solution aqueuse de glycérine
contenant i gramme au plus et 0^^,1 au moins de ce corps;
on l'introduit dans un matras de 250 centimètres cubes, avec
10 gouttes d'acide sulfurique, et l'on fait bouillir au bain de
sable pour concentrer cette dissolution acide. Pendant cette
opération, la glycérine est entièrement retenue par l'acide
sulfurique, car, en liqueur acide, il n'y a pas de pertes par
entraînement si on évite, bien entendu, les projections dues
à une ébuUition trop vive.
Lorsqu'il ne reste plus que 2 centimètres cubes environ de
liquide dans le matras, on ajoute 5 à 6 centimètres cubes
d'acide sulfurique concentré, on ferme avec un bouchon de
caoutchouc portant un tube effilé et ouvert de 50 centimètres
environ de hauteur, et l'on chauffe sur le bain de sable de
façon à élever rapidement la température du liquide, lequel
noircit fortement.
Vers 150^ une réaction vive commence, de l'acide sulfureux
se dégage avec des vapeurs blanches d'eau et d'acide sulfu-
rique; la température monte aux environs de 200"* et s'y
maintient à peu près fixe grâce à l'eau condensée qui retombe
dans l'acide où elle entretient l'ébullition et favorise la décom-
position de la glycérine.
• DOSAGE DE LA GLYCÉRINE. 175
On arrête Tattaque au bout de quelques minutes^ lorsque le
charbon que Ton obtient se présente en grande partie sous
forme de grumeaux baignant dans Tacide^ plus ou moins gros
suivant la quantité produite ; on laisse ensuite refroidir.
Il faut s'attacher à la bonne formation de ces grumeaux^
qui est essentielle pour la réussite du dosage et que Texpé-
rience d'ailleurs apprend vite à obtenir convenablement.
Dans cette manière d'opérer, il n'y a pas à craindre l'action
ultérieure du charbon sur l'acide sulfurique, car cette action
n'a lieu qu'à une température voisine de 300°, tandis qu'on ne
dépasse guère 200^ dans les conditions de l'attaque.
Après refroidissement du matras, on y introduit 5 centimè-
tres cubes d'acide chlorhydrique dilué de moitié, et l'on chauffe
de nouveau au bain de sable jusqu'à réapparition de vapeurs
blanches acides. Cette opération facilite la réunion complète
du charbon en grumeaux.
On procède ensuite au lavage de ce charbon dans le matras
lui-môme ; à cet effet, on remplit presque complètement celui-
ci avec de l'eau distillée, et l'on porte à l'ébuUition ; puis on
décante sur un filtre qui retient les fines particules en suspen-
sion ; sur le résidu on verse de nouveau de l'eau distillée et
l'on fait bouillir; on filtre et on achève le lavage sur le filtre.
Quand l'eau de lavage n'est plus acide, on perce le filtre et
on fait tomber le charbon dans une capsule de platine avec un
jet d'eau chaude ; après addition de quelques centimètres cubes
d'ammoniaque, on évapore l'eau au bain de sable ou à l'étuve
à 110°. Le charbon qui reste est en grains plus ou moins gros,
durs et à cassure brillante, assez semblables à des grains de
poudre; avant de le peser, il faut le débarrasser du peu de
sels ammoniacaux qu'il retient.
Pour cela, on le chauffe dans la capsule à une température
voisine du rouge, mais sans Tatteindre, afin d'éviter la com-
bustion du charbon, lequel d'ailleurs ne s'enflamme pas facile^
ment. L'opération se fait en promenant la capsule dans la
flamme d'un bec Wiesnegg avec couronne à jet vertical jusqu'à
176
J. LABORDE.
ce que toute odeur piquante ait disparu et que le poids reste
constant. En multipliant ce poids par le coefficient 2,56, on a
le poids de glycérine correspondant.
C'est ainsi qu'en opérant sur des poids connus de glycérine
cristallisable, on a obtenu les résultats suivants :
POIDS DB GLTCÉRIKB
POIDS DB CHARBON
POIDS DB GLYCteiRB
employés
troaYés
calculés
OP'IOO
Off'038
08'097
0 ,200
0 ,077
0 ,197
0 ,400
0 ,158
0 ,404
0 ,500
0 ,195
0 ,499
1 ,000
0 ,393
1 ,006
Ces résultats montrent que la décomposition de la glycérine,
dans les conditions ci-dessus, donne bien la quantité théorique
de charbon indiquée par Téquation; d'ailleurs, si on recueille
dans une éprouvette sur le mercure les gaz qui se dégagent
de la réaction, l'analyse montre qu'il n'y a aucun gaz carboné.
III
Pour appliquer ce principe de dosage aux liquides fermentes,
il faut naturellement commencer par en extraire la glycérine
d'une manière complète ; nous allons indiquer maintenant la
manière d'opérer cette extraction.
Nous considérerons d'abord le cas des liquides complètement
fermentes ou renfermant encore moins de 10 grammes de
sucre par litre.
S'il s'agit d'un vin, par exemple, on en prend 50 centimètres
cubes que l'on introduit dans un matras de S50 centimètres
cubes, contenant 100 grammes environ de grenaille de plomb
un peu grosse (le n° 4 convient très bien) et l'on concentre
par distillation presque à sec; il ne doit pas rester plus de
1 centimètre cube de liquide mouillant les grains de plomb.
Grâce à l'acidité naturelle du vin qui joue le même rôle que
DOSAGE DE LA GLYCÉRINE. 177
Tacide sulfurique^ toute la glycérine reste dans le matras ; on
peut le vérifier en évaporant en présence de SO*H* le liquide
distillé, on constate qu'il ne charbonne pas; donc il ne renfenne
pas de glycérine.
Après refroidissement du matras, on ajoute par fractions
1 à 2 grammes de chaux éteinte, non carbonatée, en poudre
très fine, en agitant les grains de plomb pour rendre la pâte
qui se forme bien homogène. Cette pâte doit avoir une consis-
tance telle que chaque grain de plomb puisse rouler séparé-
ment en emportant avec lui une fraction de la masse. L'extrac-
tion de la glycérine peut se faire alors d'une manière complète
et commode.
On verse dans le matras 75 centimètres cubes d'un mélange
à volumes égaux d'alcool et d'éther, et l'on imprime au plomb
un mouvement d'agitation comme s'il s'agissait de nettoyer
le matras.
Il faut, en effet, détacher toutes les parcelles de la pâte
calcaire adhérentes à ses parois et aux billes, pour les mettre
en suspension dans le liquide. L'opération est facile et l'on
finit par obtenir un précipité très fin, déshydraté et privé de
glycérine par le mélange éthéro-alcoolique. Il n'y a plus qu'à
filtrer et laver trois ou quatre fois le précipité avec le môme
mélange, pour avoir toute la glycérine dans le liquide filtré
qui est incolore et qui n'a dissous que des traces de matières
étrangères.
Pour avoir la glycérine en solution aqueuse, on ajoute
10 à 15 gouttes d'acide sulfurique, et l'on chasse l'alcool et
réther par distillation. Lorsqu'il ne reste que quelques centi-
mètres cubes de liquide encore riche en alcool, on ajoute
25 centimètres cubes d'eau et l'on fait bouillir pour chasser
complètement l'alcool. L'opération se termine ensuite comme
il a été dit plus haut pour la décomposition de la glycérine et
la pesée du charbon obtenu.
L^exactitude de cette méthode d'épuisement a été vérifiée
en opérant sur des liquides synthétiques analogues au^vin,
T. I (3« Série). 12
178
J. LADOBDB.
c'est-à-dire contenant de ralcool^ de la crème de tartre^ du
tannin et des quantités connues de glycérine; ces quantités
ont été toujours retrouvées d'une manière parfaite.
D'autre part^ en répétant plusieurs fois le dosage dans un
même vin^ on trouve toujours des résultats concordants ; et si,
une fois ces résultats obtenus^ on ajoute des quantités déter-
minées et croissantes de glycérine dans ce même vin, on
retrouve la proportion théorique. C'est ce que montrent les
chiffres suivants :
CLTCtelME PAR LITRB
GLYC^RIKB
^ — • ^
— ■
pu* litre
Dirrteufcn
Primitive
Ajoutée ,
ToUlo
trouTéo
6«'53
i«K)
7«'53
7«r40
0*rl3
Id.
1 ,5
8 ,03
8 ,00
0 ,03
Id.
2,0
8 ,53
8 ,36
0 ,17
Id.
3 ,0
9 ,53
9 ,43
0,10
Id.
4,0
10 ,53
10 ,50
0 ,03
Pour contrôler encore notre méthode, nous avons prié
M. Dubourg de vouloir bien procéder, comparativement avec
nous, au dosage de la glycérine dans un certain nombre
d'échantillons de vin.
Nous avons trouvé les chiffres suivants :
POIDS DE GLTCÊRIHI
PAR LITRE TRODTÉS
ÉCIARTILLOSIS
par
DirrÉRERGIS
M. Ddbocrg
M. Labordb
«
No 1
3ffr98
38^
0«rl0
No 2
4 ,08
4 ,08
0 ,00
NO 3
8 ,10
7 ,90
0 ,20
No 4
9 ,98
10 ,05
0 ,07
La concordance des résultats est donc aussi parfaite que
possible.
IV
La même méthode d'extraction est encore applicable, avec
une légère modification, lorsque la proportion de sucre qui
reste dans le liquide fermenté est comprise entre iO et
DOSAGE DE LA GLYCÉRINE. 170
20 grammes par litre environ. Lorsqu'on a poussé la concen-
tration aussi loin que possible^ en évitant toutefois la caramé-
lisation du sucre, on ajoute 2 grammes de chaux humectée
avec un peu d'alcool pour en faire une pâte consistante, et
Ton mélange intimement avec le résidu du matras par l'agi-
tation de la grenaille de plomb. La pâte que Ton obtient alors
est durcie, si c'est nécessaire, par l'addition de petites quan-
tités de chaux en poudre, puis épuisée comme précédemment
par le mélange éthéro -alcoolique qui doit être formé dans ce cas
de i volume 1/2 d'éther pour 1 d'alcool. Le liquide filtré ne
contient pas traces de sucre et les résultats sont aussi exacts
que s'il n'y en avait pas eu dans le vin essayé. Ainsi, on a
pris un vin, ne contenant pas de sucre, dont on connaissait la
teneur en glycérine, et l'on a répété le dosage en ajoutant
dans les 50 centimètres cubes de vin primitif des quantités
croissantes de moût de raisin, correspondant à 10, 15, 20 gram-
mes par litre de sucre ; on a obtenu les résultats suivants :
TIN BLAXC
CLTCÉRIRI PAR LITEE
Sans sucre
7flrr75
7 ,80
7 ,80
7 ,65
Avec 10^ de sucre par litre.
— 15 do
— 20 do
On voit que la présence du sucre n'a pas fait varier sensi-
blement la proportion de glycérine trouvée dans lé vin primitif;
elle ne peut donc être une cause d'erreur, si l'on opère comme
il a été dit.
Nous examinerons maintenant le cas où l'on a à doser la
glycérine en présence de quantités considérables de sucre, 50,
100, 200 grammes par litre et même davantage, comme il
arrive pour certains vins de liqueur (*).
(^) Dans ce cas doivent entrer aussi les bières diverses, qui contiennent le
plus souvent des quantités importantes d'hydrates de carbone plus ou moins
infermentescibles.
\
^ ■
t.
l'y
I 180 J. LABORDR.
Dans ces conditions spéciales, l'extraction de la glycérine
est plus difficile; mais on obtient néanmoins des résultats
exacts en opérant de la manière suivante :
On prend un volume de liquide tel que la quantité de sucre
.' qu'il contient ne dépasse guère 5 grammes, et Ton concentre
yi en présence de grenaille de plomb jusqu'à consistance siru-
k;. peuse. Après refroidissement, on ajoute de la chaux en quantité
au plus égale au poids du sucre, délayée dans 10 à SO centi-
mètres cubes d'alcool à 50^, afin d'obtenir une pâte très liquide
que l'on rend parfaitement homogène par l'agitation du plomb.
La masse s'échauffe par suite de la combinaison de la chaux
et du sucre; on doit agiter souvent pendant le refroidissement
pour éviter qu'elle ne fasse prise.
i On dilue ensuite cette pâte avec de l'alcool à 80° incorporé
^} par petites quantités au début ; il se produit quelquefois à ce
moment un coagulum de sucrate de chaux qu'il faut délayer
avec soin toujours en agitant le plomb. Quand on a ajouté 100
à 200 centimètres cubes d'alcool, suivant la quantité de matière
à épuiser, on porte le ballon au bain-marie bouillant, et on l'y
maintient, en agitant souvent, jusqu'à ce que le liquide ait
atteint la température de 75° environ ; le précipité prend alors
une teinte jaune clair; on laisse un peu refroidir et l'on filtre.
Lorsque le précipité est bien égoutté, on lave plusieurs fois à
l'alcool chaud ; le liquide recueilli contient la glycérine avec
un peu de sucre qu'il faut éliminer avant l'attaque par l'acide
sulfurique.
b • Pour cela, on acidifie avec 0^',5 d'acide tartrique, et Ton
chasse l'alcool ; il n'y a plus qu'à traiter le résidu comme un
liquide ordinaire pauvre en sucre.
Des expériences de contrôle, dans lesquelles on a soumis à
ce traitement des poids constants de, glycérine, égaux à 0^,4,
en présence de quantités croissantes de sucre, ont donné
les résultats suivants:
r
l •
J
DOSAGB DE LA GLYCtRINE.
181
POIDS DB GLTCÉaiKB
employés
POIDS DE 80CDB
contenu dtns Tessai
CLTCiDIHB
retrouvée
Dirriuicis
0fir»4
0,4
0 ,4
3*'
4P-
6»'
OP-393
0 ,3d4
0 ,387
0^007
0 ,006
0 ,013
On voit que les différences sont en moins au lieu d'être en
plus, ce qui s'explique par la difficulté d'extraire les dernières
traces de glycérine dans la première partie de l'opération.
Pour éviter le lavage à l'alcool, toujours très long, de quan-
tités abondantes de sucrate de chaux, il suffit d'opérer sur une
partie aliquote seulement de la glycérine à extraire. Connais-
sant le volume du liquide introduit dans le matras pour
délayer la pâte calcaire, on en recueille par filtration les 4/5,
qui contiennent la même fraction du poids total de glycérine,
et on les traite comme il a été dit plus haut. En opérant ainsi,
le dosage est très rapide et les résultats sont au moins aussi
exacts que les précédents.
Par exemple, nous avons ajouté à deux vins blancs presque
complètement fermentes des quantités différentes de sucre,
pour une prise de 25 centimètres cubes, on a mis 2'',5 de sucre
de raisin dans le vin n° 1 et 5 grammes dans le vin n^ 2, ce qui
correspond à des richesses saccharines respectives de 100 et
200 grammes par litre. L'analyse a donné les résultats suivants
Vin no 1.
Vin no 2.
GLTCÉRIHE PAR LITRE
avaat raddition
de sucre
13^25
44 ,28
après l'additioD
de sucre
13firri3
14 ,65
DirrÉREKCRS
0«r08
0 ,37
Les résultats sont donc satisfaisants (^), même dans ces
conditions extrêmes, et la méthode est susceptible d'être
(I) Une autre expérience de contrôle a été provoquée par M. Du bourg, qui nous
a remis un vin rouge additionné par lui de 200 grammes de sucre par litre environ.
Nous y avons trouvé l^rfiô de glycérine par litre, alors que, de la quantité trouvée
dans le vin primitif par M. Dubourg, et en tenant compte de la variation de
volume due au sucre, nous aurions dû trouver 79>',65, chiffre identique au
précédent.
182 i. LABORDE.
appliquée à beaucoup de liquides intéressants qui n'avaient pu
être étudiés jusqu'à présent.
Le cas des liquides très sucrés se ramène ainsi au cas des
liquides pauvres en sucre.
VI
On vient de voir que Ton peut toujours, en définitive, séparer
complètement la glycérine du sucre par le mélange éthéro-
alcoolique; mais, que le liquide analysé soit sucré ou non
sucré, la solution de glycérine contient souvent des traces
d'autres matières organiques dont la présence est accusée par
une légère coloration qui se développe dans cette solution
lorsqu'on la concentre.
Pour déterminer l'importance de cette cause d'erreur, on
a fait deux essais parallèles sur le même vin : dans le premier
essai, la solution éthéro-alcoolique de glycérine a été traitée
directement par la méthode indiquée ; dans le second essai, elle
a été évaporée sans addition d'acide sulfurique pour chasser
l'éther et la majeure partie de l'alcool, puis le résidu a été
introduit dans un appareil métallique permettant de distiller
dans un courant de vapeur. On a chauffé graduellement au
bain de sable jusque vers le point d'ébullition de la glycérine
et on a maintenu cette température une demi-heure environ.
L'eau de condensation qui contenait la glycérine entraînée
a été évaporée en présence d'un peu d'acide sulfurique, et la
solution concentrée de glycérine a été traitée comme dans le
premier essai.
En opérant, par exemple, sur un vin blanc contenant encore
10 grammes de sucre par litre, on a obtenu, dans le premier
essai, 0^%200 de charbon, correspondant à 0»',512 de glycérine
pour 50 centimètres cubes, soit i0^%24 par litre, et dans le
second, 08^,192 de charbon, correspondant à 0^,492 de glycé-
rine, soit 9^,84 par litre.
L'écart entre les deux résultats est assez faible, malgré les
pertes inhérentes à la distillation de la glycérine.
DOSAGE DE U GLYCÉRINE. 183
On voit donc que la cause d'erreur pouvant résulter de Pen-
trainement de traces de matières organiques par le mélange
éthéro-alcoolique est négligeable ; s'il arrivait pourtant, dans
certains cas, que la solution de glycérine fût fortement colorée
au moment de Tattaque par SO^H', on n'aurait qu'à la traiter
par un 1 gramme de noir animal, lequel, après un lavage suffi-
sant à l'eau chaude, ne retient pas la glycérine en quantité
sensible, ainsi que nous l'avons vérifié.
VII
Nous avons appliqué notre méthode de dosage de la glycérine
à un assez grand nombre d'échantillons de nature et de prove-
nance diverses; les résultats sont consignés dans les deux
tableaux suivants.
Le premier tableau, qui contient exclusivement des vins
rouges et blancs complètement fermentes, donne, avec la gly-
cérine par litre, la richesse alcoolique en volume pour cent et
en poids par litre, et le rapport alcool-glycérine.
Le second tableau, relatif à des liquides plus ou moins
sucrés, donne, outre les indications du tableau précédent, la
quantité de sucre restant dans ces liquides.
TABLEAU No 1. (Liquides complètement fermentè$.)
KATniB tu laURTILLOSS
ALCOOL 0/0
on
Tolume
ALCOOL
en poids
par litre
GLTCÉMKB
par litre
h
BAPPORT
a
T
/ Médocl878
10,8
10,8
10,8
11,2
10,4
10,4
10,8
10,0
10,0
9,0
ffr
86,4
86,4
86,4
89,6
81,2
83,2
86,4
80,0
80,0
72,0
8^40
8,00
8,40
8,67
7,50
6,40
7,90
6,40
6,90
6,72
10,3
10,8
10,3
10,3
11,1
13,0
10,9
12,5
11,6
10,7
^ Id. 1892 (grand cra) . .
1 Id. 1893 id.
» Id. 1893 id.
» 1 Id. 1894 id.
1 ] Id. 1894 id.
g j Id. 1893 (ordinaire). . .
g f Id. 1894 id.
^ Graves 1873
1 \ Id. 1883*
184
1. LABORDS,
TABLEAU No 1 (Suite).
RATCKI Wa ÉCIAXTILLONS
•S
e
o
u
•S
E
e
M
a
l
e
I
I
>
Graves 1893,
Id. 1893
Id. 1893
Id. 1883
Id. 1893......
Id. 1893
Id. 1894
Id. 1894
Id. 1894
Id. 1894 (vin de sucre).
Id. 1894 (n|i«it texan).
Côtes 1887
1891
4893
1893
1893
Id. 1893(St-Émilion)..
Id. 1894
1894
1894
1894
1894
Palus 1892
Id. 1893
Id. 1894
Id. 1894
Vin de l'Hérault 1894 ....
Id. de Tunisie 1892
Id. d'Espagne 1894
Id. de Grèce 1892
Id. de Grimée 1892
Id. de Galifomie
Vin de la Gironde 1893 . .
Id. 1893 . .
Id. 1894 . .
Id. 1894 . .
Vin d'Espagne 1894 . .
Id. 1894 . .
Id. 1894 . .
Vin de Turquie 1894 . .
\ Id. d'Algérie 1894 . .
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
ALCOOL 0/0
en
Tolume
11,0
11,5
10,6
10,8
10,4
10,8
10,4
10,6
11,4
8,8
9,6
10,8
10,5
12,2
10,2
9,4
10,2
8,0
8,8
8,0
9,6
10,0
10,4
9,0
9,2
8,9
9,0
13,0
14,5
13,0
15,8
12,2
10,4
11,4
11,8
14,8
12,6
12,8
14,8
12,0
12,0
ALCOOL
en poids
par lUre
88,0
92,0
84,8
86,4
83,2
86,4
83,2
84,8
91,2
70,4
76.8
86,4
84,0
97,6
81,6
75,2
81,6
64,0
70,4
64,0
76,8
80,0
83,2
72,0
73,6
71,2
72,0
104,0
116,0
104,0
126,4
97,6
83,2
91,2
94,4
118,4
100,8
102,4
118,4
96,0
96
8,26
7,75
8,16
7,90
7,40
6,48
6,00
8,90
5,60
6,00
7,14
5,90
8,50
7,00
6,88
7,65
4,00
5,80
5,25
5,10
6,88
8,00
6,90
4,60
4,40
5,86
8,40
10,96
9,00
10,10
7,65
6,40
6,80
7,65
9,20
7,14
7,50
9,00
7,90
7,70
10,5
11,1
10,9
10,6
10,5
11,6
12,8
14,1
10,2
12,6
12,6
12,1
14,2
11,5
11,6
10,8
10,6
16,0
12,1
12,2
15,0 '
11,6
10,4
i2,4
iO,5
ii,5
12,5
12,5
13,0
13,4
12,3
13.8
13,9
13,6
13,1
12,1
12,4
DOSAGE DB LA GLYCÉRINE
185
TABLEAU N<» 2. f Liquides incomplètement fermentes,)
e
o
o
e
ca
2
«o
a
Sauternes 1883.
Id. 1885.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Id.
Barsac
Id.
\ Gérons
1888
1888
1888 (fni4 en) .
1889 id. .
1889 id. .
1893 id. .
1893 id. .
1893 id. .
1894 id. .
1889 id. .
1894 id. .
1887
Cidre de Normandie.. . .
Id. Id
Cidre iait uUWntoirc, 1890.
Haute
Basse
Id
Blonde
Brune
Hydromel 1887
Id. 1890
Yin de Malvoisie 1879
«9
O
il
10,0
14,7
15,0
18,0
5,0
6,0
25,6
20,4
13,4
20,0
11,6
22,0
12,0
20,0
15,0
5,0
»
20,0
80,0
80,0
ALCOOL 0/0
ALCOOL
eo poids
CLTCÉRINE
en
Tolume
par litre
a
ptr litre
b
11,0
8^,0
8,67
11,4
•^,2
10,20
15,2
121,6
10,24
14,6
116,8
9,72
14,0
112,0
12,06
15,2
121,6
10,95
11,6
92,8
8,45
17,5
140,0
14,80
16,5
132,0
14,28
15,8
126,4
13,25
13,2
105,6
8,28
11,6
92,8
8,70
13,0
104,0
8,00
15,2
121,6
10,20
2,4
19,2
1,90
3,0
24,0
2,30
5,0
40,0
5,10
3,0
24,0
1,43
4,6
36,8
2,30
4,5
36,0
2,22
»
»
2,30
»
»
2,30
14,2
113,6
7,65
13,2
105,6
9,20
16,0
128,0
9,20
RAPPORT
a
T
10,1
9,0
11,9
12,0
9,3
11,0
10,9
9,5
9,2
9,6
12,7
10,6
13,0
11,9
10,4
10,4
7,8
16,8
16,0
16,2
»
»
14,8
11,4
14,0
Il ressort des chiffres du premier tableau que le rapport
alcool-glycérine est très variable pour les vins rouges (la
moyenne est de 12 environ), et qu'il pourrait difficilement
servir à caractériser un vin naturel, puisque les limites de
ses variations peuvent aller de 10 à 16, dépassant ainsi de
beaucoup le chiffre 14 indiqué par M. Gautier comme un
minimum.
Le tableau n^ 2 montre également de très grandes variations
du rapport alcool-glycérine parmi les liquides de nature diffé-
186 i, LABORDE^
rente et aussi p<armi les différents échantillons des liquides de
même nature. Dans ce tableau ne figurent pas les vins blancs
très liquoreux du pays de Sauternes^ qui présentent certaines
particularités méritant une étude complémentaire. Nous en
ferons Tobjet d'une publication ultérieure.
NOTICE RELATIVE
A UMB
CARTE GÉOLOGIQUE
DES ENVIRONS DE BORDEAUX
PAR U. E. FALLOT,
nOTESSEim A. LA rACVLTlt DES SCIKNCES.
La carte géologique à grande échelle 7—^ que j'ai dressée
à Toccasion de la XIIP Exposition de la Société Philomathique
à Bordeaux, comprend une portion assez considérable du
département de la Gironde, à savoir Tespace qui s'étend, du
Sud au Nord, depuis Langon jusqu'au Bec-d'Âmbès, et, de
TEst à rOuest, depuis Sauveterre et la basse vallée du Dropt
jusqu'à une ligne passant, en pleine lande, de Castelnau vers
le Barp.
Elle est destinée à donner une idée de la constitution géolo-
gique des environs de Bordeaux, ou plutôt de la distribution
des terrains dans la partie de la Gironde dont Bordeaux occupe
à peu près le centre.
C'est une carte murale, sans indication du relief et sans
détails topographiques, et, bien qu'elle ait été faite avec autant
de soin que possible, elle ne peut avoir la prétention de rem-
placer la carte géologique détaillée de la Gironde à grande
échelle, qui est encore à faire. Mais c'est là une œuvre consi-
dérable, demandant de longues années de patientes recherches,
que la monotonie de la région et la difficulté d'observation
rendent extrêmement fastidieuse et compliquée.
Quoi qu'il en soit, malgré ses imperfections, dues surtout
aux difficultés que je viens de signaler et à la rapidité avec
laquelle il a dû être exécuté, le travail que j'expose aujourd'hui
188 E. FALLOT.
me semble constituer un progrès réel sur les cartes précé-
demment publiées de cette région.
C'est la première fois qu'un essai semblable a été tentée les
cartes géologiques existantes jusqu'ici étant, en effet, ou bien
à petite échelle et assez anciennes, ou bien à échelle assez
grande, mais alors très incomplètes. Je vais, du reste, les
énumérer.
La première carte géologique de la Gironde a été commencée
en 1836 par Drouot, ingénieur des mines à Bordeaux. Cette
carte, continuée dès 1838 par son successeur Pigeon, ne fut
achevée, d'après M. Raulin (*), qu'en 1856 et gravée à une
petite échelle (n^ôôô environ). Elle a figuré, paraît-il, à l'Expo-
sition de Londres en 1861 ; mais, par suite de la mort de son
auteur qui n'avait pas fait de notice explicative, elle n'a pas
été mise en vente et je ne l'ai jamais vue.
En 1876, M. Raulin publia une carte géologique de la Gi-
ronde, à une échelle à peu près semblable à celle de Pigeon ;
cette carte, accompagnée d'une notice (*) et d'une légende en
huit couleurs, avait été exécutée d'après une esquisse manus-
crite datant de 1848. C'est dire que la figuration des terrains
est faite d'après une classification fort ancienne qui n'est plus
en rapport avec la science actuelle; de plus, elle présente de
nombreuses inexactitudes.
En 1889, sur une demande spéciaic qui m'avait été adres-
sée de publier une esquisse géologique du département de
la Gironde, j'ai été obligé d'annexer à ce travail une petite
carte au jôijvs environ qui présentait déjà quelques modifica-
tions relativement à la précédente, mais qui, vu sa petitesse et
le peu de temps qui m'avait été donné pour la faire, ne pouvait
prétendre à une valeur sérieuse (*).
Dans l'intervalle, la Direction de la Carte géologique de la
France avait fait exécuter deux feuilles au ^ôoôî» celles de Bo^
(i) Bull, Soc, Géogr, comm,, 1. 1, p. 1, 1874.
(>) Feuille des Jeunes Naturalistes, 18S9.
CARTE GÉOLOGIQUE. 189
deaux et de la Teste-de-Buch. Elles ont été dressées par M. Linder,
actuellement inspecteur général des mines, et ont paru en 1882.
Ces cartes, bien supérieures à celles qui ont été faites
antérieurement, au point de vue de la classification adoptée,
témoignent également d'un progrès considérable dans Tobser-
vation géologique ,et la figuration des terrains ; mais elles ne
s'appliquent qu'à une portion restreinte du département, c'est-
à-dire à la partie occidentale de la région que j'ai figurée.
Elles m'ont été fort utiles pour la confection de cette partie
de ma carte, mais j'ai été, à plusieurs reprises, obligé, par
mes observations directes sur le terrain, de modifier les con-
tours figurés ou d'ajouter certains afQeurements non constatés
par l'auteur. On pourra s'en rendre compte aisément, surtout
en ce qui concerne la partie comprise dans les communes de
Villenave-d'Ornon, Léognan, Martillac, La Brède, Saint-Moril-
lon, Saint-Selve et la vallée du Gua-Mort(*).
La région de l'Entre-deux-Mers, que j'ai tout spécialement
étudiée, et quelques parties de la rive gauche de la Garonne
(celles placées à partir de la rive droite du Gua-Mort, en allant
vers le Sud) sont absolument nouvelles et paraîtront bien diffé-
rentes de ce qu'elles sont, soit sur la carte de M. Raulin, soit
sur les cartes générales de la France d'E. de Beaumont et de
MM. Garez et Yasseur.
En terminant cet exposé, je tiens à faire une remarque
indispensable relativement à la carte.
La nature même de la constitution géologique de la Gironde,
où les formations de recouvrement prennent une importance
qu'elles n'ont pas dans d'autres régions de la France, laisse à
l'interprétation de la figuration des terrains une certaine lati-
tude. Si l'on s'en tenait aux règles qu'on a suivies ailleurs, il
est certain que la carte géologique des environs de Bordeaux
(i) Dans la ville de Bordeaux et dans ses environs immédiats, j'ai généralement
adopté la figuration de M. Linder, qui a fait ses observations à une époque où les
Constructions étaient moins nombreuses^ et où les observations pouvaient se faire
avec plus de facilité qu'aujourd'hui*
190 E. PALLOT.
ne pourrait guère montrer, à part quelques coupures profondes
et quelques escarpements, qu'une seule et unique teinte, celle
des formations de recouvrement.
Il y a donc là une difficulté de figuration qui n'a pas laissé
de m'embarrasser maintes et maintes fois, et j'ai cru, en cer-
tains cas, devoir marquer comme afQeurant, des assises qui
sont à une profondeur appréciable, ou augmenter certains
afQeurements pour les rendre facilement visibles. Je ne me
dissimule pas que d'autres observateurs auraient pu avoir une
appréciation différente et qu'ils pourront m'accuser quelquefois
de timidité ou de hardiesse; mais c'est là la pierre d'achoppe-
ment de toutes les cartes géologiques, qui ne sont après tout
qu'un procédé graphique artificiel destiné à représenter l'aspect
complexe de la disposition naturelle des assises géologiques.
En présence de ces difficultés, j'ai souvent regretté de ne
pouvoir représenter les dépôts superficiels par un système de
points ou de hachures placés sur les formations que j'appelle-
rais volontiers formations constitutives. Mais j'ai craint, en
employant ce système, d'être un peu trop révolutionnaire d'une
part, et, d'autre part, il m'eût semblé excessif de ne représen-
ter que comme un dépôt superficiel une formation aussi
importante que celle du Sable des Landes, qui, dans le dépar-
tement, atteint jusqu'à 50 mètres d'épaisseur (sondages de
Marcheprime, d'Arcachon). Enfin, malgré l'allure générale des
couches et les documents assez nombreux que nous possédons
actuellement sur l'extension en profondeur des divers étages,
j'aurais été souvent assez embarrassé de tracer les contours
exacts des formations néogènes dans la région landaise, par
exemple. C'est pour ces diverses raisons que j'ai adopté la
figuration la plus ordinairement employée.
Les divisions représentées sur la carte sont au nombre de
huit(*).
Q) Pour les représenter, je n*ai pu adopter les couleurs conventionnelles
admises par le Congrès international de Bologne, par la bonne raison que, le
Crétacé à part, je n'aurais guère eu i employer qu'une couleur (le jaune) en diffé-
CARTE GÉOLOGIQUE. 191
Ce sont : le Crétacé supérieur (Campanien et Maëstrichtien),
TEocène supérieur (Priabonien, M. Ch. et de Lapp) ('), le Ton-
grien avec ses deux sous-étages, rAquitanien, THelvétien, les
formations de recouvrement anciennes (Sable des Landes,
Dépôt de TEntre-deux-Mers, Alluvions anciennes), enfin, les
AUuvions récentes.
Je vais donner successivement une idée de ces différents
étages.
TERRAINS SECONDAIRES.
CRÉTACÉ SUPÉRIEUR.
Le terrain le pkts ancien qui puisse se constater dans le
département de la Gironde est le Crétacé supérieur, représenté
par deux étages : le Campanien et le Maëstrichtien. Il forme
deux pointements placés sur une ligne anticlinale à peu près
parallèle à Taxe des Pyrénées, et dont j'ai donné ailleurs la
description (*). L'un affleure dans les environs de Haut-Villa-
grains, l'autre au sud de Landiras. Ce dernier est en dehors
des limites de la carte.
Quant au premier, il se voit surtout le long du Gua-Mort, au
sud du village, et on peut le suivre au Nord jusqu'au delà du
moulin de Peyot. Il apparaît encore un peu à l'Est sous la
forme d'un petit massif isolé au milieu du Sable des Landes et
naguère exploité.
A la base de la formation, vers l'emplacement de l'ancien
rentes teintes, et que, d*aatre part, je faisais plus de divisions qu^il n^en a été
prévu dans la nomenclature officielle relative à la carte géologique d*£urope.
(*) J'ai adopté à regret cette appellation nouvelle en remplacement du terme
de Ligurien qui aujourd'hui peut prêter à confusion, M. Sacco ayant démontré
qu'on a réuni sous ce terme des faciès analogues répandus dans le Crétacé supé-
rieur et dans l'Ëocène de Tltalie septentrionale. Je ferai remarquer, de plus, que
le parallélisme des assises se rapportant à TËocène supérieur est encore assez mal
établi, et que la science est loin d'avoir dit son dernier mot sur ce sujet : le type
même de l'étage, celui qui devrait lui donner son nom, est encore à trouver et à
délimiter.
(S) Bull. Soc. Gèol. Fr., dfi série, t. XX, p. 350.
192 E. FALLOT.
moulin de la Nère, au lieu dit Peyrotte, sur la capte au ï^i^^ de
la Gironde, dans le fond même du ruisseau, on rencontre un
calcaire blanchâtre un peu crayeux, avec Micraster aturiais,
Héb., de petite taille, Echinocorys Heberti, Sennes, Offaster
cf. pilula, Desor., Echinoconus Raulini, d'Orb., Inocéra-
mes, etc., que je rapporte au Campanien.
Ce calcaire passe en aval à des couches plus jaunâtres, très
visibles surtout dans Tescarpement situé sur la rive droite, à
quelques centaines d.e mètres en amont du pont de la route de
Bordeaux. Ce calcaire est rempli de Spongiaires (Tragos pisi-
forme, Goldf.). J'y ai trouvé un Ebhinocorys Heberti de
grande taille, usé, et des fragments d'autres espèces du même
genre. Plus loin vers le pont, toujours en amont, on peut
récolter VEchinocorys vulgaris, Breyn., var. acuminée, et
dans une tranchée placée immédiatement en aval, j'ai rencontré
avec cette espèce des Echinoconus (E, gigas, Cott.), des
Off aster et une Ostrea vesicularis, Lam. Cette couche, qui se
lie intimement à la précédente, forme probablement la base du
Maëstrichtien, qui se termine à Peyot par un calcaire compact,
à cassure translucide, lardé d'Orbitoïdes indéterminables. Ce
dernier calcaire ressemble beaucoup à celui de Landiras.
Le Crétacé supérieur de Yillagrains est presque partout
recouvert par le Sable des Landes. Cependant, entre le pont et
Peyot, on voit l'Aquitanien formé d'un calcaire à Bythinies et
Potamides reposer directement sur lui.
TERRAINS TERTIAIRES.
ÉOCÈNB.
Le terrain éocène n'afHeure pour ainsi dire pas dans la
partie du département que j'ai figurée : on ne voit guère que
l'étage supérieur vers le Nord (Médoc).
Je rappellerai cependant succinctement ses divisions dans
la Gironde.
CARTE GÉOLOGIQUE. 193
VÉocène inférieur (Suessonien) n'est pas visible; il est
même fort douteux dans la profondeur. M. Benoist a cependant
signalé des Alveolina oblonga, d'Orb., dans le sondage de
LamarquOy vers 150 mètres, mais ces fossiles mériteraient
d'être réétudiés (*), et la question ne pourra être tranchée
qu'avec de nouveaux matériaux fournis par les forages arté-
siens.
VÉocène moyen présente, dans la Gironde, ses deux étages
typiques, le Lutétien et le Bartonien.
Le Lutétien est formé par les sables et argiles à Nummu-
iites à la base, par le calcaire grossier de Blaye à la partie
supérieure. Les couches à Nummulites (N. perforata, d'Orb.,
lucasana, Defr., Ixvigata, Lamk. var. aquitanica, Ben.) et à
Assilines (A. granulosa, d'Arch., mamillata, d'Arch.) n'affleu-
rent nulle part, mais elles se montrent dans tous les sondages
de Bordeaux et des environs et offrent quelquefois une grande
épaisseur (Parc-Bordelais p. ex.).
Le calcaire grossier de Blaye se divise en deux assises : le
calcaire grossier inférieur, surtout caratérisé par VEchino-
lampas stelliferus, Des Moul. (Citadelle de Blaye), et le cal-
caire grossier supérieur avec Echinolampas similis, Ag.,
Laganum marginale, Ag. Cette dernière couche, représentée
dans la falaise entre Blaye et Plassac, se relie à la précédente
par les assises à Echinanthus Des Moulinsi, Desor. et Echi-
nolampas blaviensis, Cott., des carrières du haut de la ville
de Blaye.
Le calcaire grossier, qui est très développé dans le Blayais,
n'apparaîtrait guère dans le Médoc que vers le Château-Mon-
trose, dans les berges de la Gironde, encore n'y verrait-on que
l'assise supérieure.
Le Bartonien est formé dans le Blayais par des argiles à
Ostrea cucullaris, Lamk., surmontées par le calcaire d'eau
(^) n en est de même des Nummulites planulata, Sow. var. indiquées par le
même aatenr dans la nappe aquifère des puits artésiens de Tabattoir de Blaye.
T. I (5« Série). 13
IM E. FALLÛT.
douce de Plassac à Limnœa îongiscata, Brong. Dans le
Médoc, il est surtout représenté par des argiles et marnes à
Corbula avec débris de calcaire lacustre('). Ce dernier est
un peu plus net dans les communes de Moulis et de Listrac et
il existerait aussi dans celle de Margaux; l'apparition de cette
assise aurait lieu juste à la limite supérieure de la carte.
VÉocène supérieur {Priabonien ou Ludien) le surmonte (*)
et est formé par le calcaire de Saint-Estèphe à Sismondta
occitana, Desor., Echinolampas ovalis, Des Moul., Ostrea
bersonensis, Math. Assez développée dans le Blayais et dans le
Médoc, cette partie de l'Éocène est la seule qui affleure nette-
ment dans la région de la carte, et encore seulement à l'estré-
mtté Nord-Ouest, vers Caatelnau-de-Médoc. Il n'est même bien
visible qu'immédiatement en dehors de ses limites, vers Barreau
(commune de Moulis), des deux côtés de la Jalle de Tiquetorte,
oj il est exploité sous forme d'un calcaire blanc rempli de
Miliolea. C'est, sans doute, lui qui affleure aussi à l'ouest des
maisons du hameau du Pont, sur la route de Moulis à Avensan.
Ses limites sont fort difficiles à voir, et j'ai dû renoncer à les
établir d'une façon définitive. Du reste, on se trouve là en
présence d'une difficulté de classification qui, bien que tran- ,
chée par M. Vasseur, n'en est pas moins très réelle. Les
couches à Anomies qui surmontent le calcaire et qui ont été,
pendant longtemps, rapportées par les auteurs à la partie
supérieure de l'Éocène supérieur, ont été rangées par lui à la
base de l'Oligocène.
C'est probablement ces argiles que l'on rencontre dans les
Ibssés creusés entre Barreau et les Granges-d'Ëve; je n'y
ai point vu d'Anomies; je n'y ai rencontré que des débris
d'Ostrea indéterminables avec quelques petits morceaux de
calcaire d'apparence marine. Les couches à Anomies existent
au château de Mauvezin,
(') Voy. surtoal Benoist, Description géol. dei communei de Saiit^Ettiphe et
VertheuiHActeâ Soc. lÀn., 1885).
C) A ChJteau-MargaDx il ne serait guère qa'en débris.
CARTE GÉOLOGIQUE. 195
J'ai indiqué un autre affleurement d'Éocène supérieur, à la
pointe de TEntre-deux-Mers, à la limite des alluvions anciennes
et des alluvions actuelles, vers le Château-Peychaud. C'est un
calcaire criblé de Milioles, inexploité maintenant et à peine
visible dans une ancienne carrière aujourd'hui recouverte par
la végétation. Je n'ai pu y trouver un seul fossile caractéris-
tique, mais, étant donnés sa position et son aspect, je ne fais
aucune difficulté, jusqu'à preuve du contraire, à le rapporter
au calcaire de Saint-Estèphe, comme l'a fait M. Linder sur la
feuille de Bordeaux au j^^. Je dirai seulement que la position
exacte de l'affleurement n'est pas tout à fait celle qu'a figurée
l'auteur précité. C'est immédiatement à l'extrémité Nord-Est
du domaine du Château-Peychaud que se trouve l'ancienne
exploitation que j'ai en vue.
OLIGOCÈNE.
C'est, de tous les terrains, celui qui occupe, sur la carte,
l'espace le plus considérable. On le divise en Tongrien et
en Aquitanien.
I. Tongrien.
Cet étage forme, on peut le dire, la charpente de la région,
surtout le Tongrien supérieur; c'est lui qui lui donne son
relief principal. Quant au Tongrien inférieur, il se rencontre
surtout dans les vallées, principalement au Nord, vers la
Dordogne.
Tongrien inférieur. — Le Tongrien inférieur (Infrà-ton-
grien) est représenté par la Mollasse du Fronsadais, si
visible sur la rive droite de la Dordogne, et par un système
d'argiles assez puissant, exploité d'ordinaire pour la fabrication
des tuiles. Le plus généralement, les argiles sont sous la
Mollasse, de là le nom d'infrà-mollassiques que je leur ai
donné ; mais il y en a aussi de supérieures, et il arrive fréquem-
ment que les deux formations argiles et mollasse se remplacent
mutuellement et latéralement. L*étude de la vallée du Dropt,
196 E. PALLOT.
de Morizès à son embouchure, est très instructive à cet égard*
On peut, du reste, étudier facilement cette formation dans un
grand nombre de points, dans les vallées qui s'ouvrent vers la
Dordogne, ou le long de cette rivière dans la partie Nord-Est
de la carte, où elle atteint une assez grande altitude (près de
50 mètres). Je citerai surtout les environs de Branne, Cabara,
Saint-Jean-de-Blaignac, Rauzan, les bords du ruisseau d'Ar-
veyres, vers Saint-Germain-du-Puch, les bords du ruisseau de
Gestas, principalement sous Beychac ; puis, plus au Sud, les
tuileries d'Haux, la base des coteaux de Casseuil, la vallée
du Dropt. On en trouve aussi des lambeaux sous Bouliac,
Baurech, mais, en général, elle disparait sous le calcaire à
Astéries, sur la rive droite de la Garonne.
Il y a là un plongement manifeste Nord-Sud des couches,
que Ton peut facilement observer. Ainsi, dans la vallée du
Tourne, la Mollasse ne se voit que sporadiquement (sous Haux,
sous le château de Peyruche), et à Tembouchure (Langoiran),
elle est au niveau du ruisseau, c'est-à-dire à quelques mètres
d'altitude seulement.
Sur la rive gauche, elle apparaît à l'entrée de la vallée du
Beuve et sous Castets-en-Dorthe, le long du canal du Midi.
Pour la retrouver plus au Nord il faut aller jusqu'aux environs
de Blanquefort, et encore est-elle peu visible.
Au delà, dans les limites de la carte, on ne voit pas de
Mollasse, et c'est avec quelque hésitation que je rapporte au
Tongrien inférieur les argiles, avec ou sans Anomies, des
environs de Margaux et de Castelnau. Entre le village et la
gare d'Avensan, on voit bien ces argiles sans fossiles; elles
étaient exploitées autrefois.
On sait que vers Castillon-sur-Dordogne se développe, au-
dessus de la Mollasse du Fronsadais, un calcaire lacustre, dit
Calcaire de Castillon, rempli de silex qui va en s'épaississant
vers l'Est, pour acquérir, vers Sainte-Foy, une assez grande
épaisseur. Delbos lui attribue une puissance maxima de vingt
mètres. J'ai démontré ailleurs qu'il ne dépassait pas les envi-
CARTE GÉOLOGIQUE. J97
rons de Saint-Émilion à rOuest(^), au moins sur la rive droite
de la Dordogne; en effet, il se termine en pointe au-dessous
de Saint-Hippolyte.
Il était intéressant de voir s'il n'existait pas aussi dans la
région de TEntre-deux-Mers, représentée sur la carte. Je puis
dire qu'il manque d'ordinaire, mais on trouve des vestiges de
calcaire d'eau douce dans plusieurs points ; ainsi, à la descente
de Carensac, vers Tizac-de-Curton, sous le calcaire à Astéries
du moulin de Fontats, commune de Morizès (rive gauche
de la Yignague). On le trouve en débris dans des argiles
surmontant la Mollasse du Fronsadais, sous le village de
Beychac.
Dans le Médoc, le calcaire de Castillon est remplacé par celui
de Civrac qui se montre déjà dans les environs de Castelnau,
de Moulis, d'Arsac, où il est assez difficile à observer.
Tongrien supérieur. — Le Tongrien supérieur est cons-
titué presque uniquement par le calcaire à Astéries. Cette
assise, à laquelle j'ai consacré dernièrement une assez longue
étude à laquelle je renvoie pour les détails (^), est souvent
précédée d'argiles à huîtres (Ostrea longirostris, Lamk., et 0.
girondica, n. sp.) ; celle-ci n'est peut-être qu'une variété à côtes
nombreuses de l'O. cyathula^ Lamk., du Nord de la France.
Ces argiles sont très nettes dans quelques points, notamment
à Saint-Aubin-de-Blaignac, où les 0. longirostris atteignent
d'énormes dimensions; à Carensac, dans les tranchées de la
route nationale ; sous le village d'Haux (chemin de Créon à
Langoiran). Elles sont loin d'être constantes et sont quelquefois
remplacées par des argiles vertes à Milioles, d'origine marine,
qu'il ne faut pas confondre avec les argiles d'eau douce qui
surmontent quelquefois la Mollasse du Fronsadais. Les argiles
* 0) Voy. Delbos, Mémoire 8ur la formation d'eau douce de la partie occiden-
tale de la Gironde (Mém. Soc» GéoL de France, 2* série, t. II, 1847), et E. Fallot,
P. V, Soc. Lin. de Bordeaux, 15 juin 1887.
(^Contribution à l'étude de l'étage tongrien dans le département de la
Gironde (Mém, Soc, des Se. phys, et nat., t. V, 1894).
198 E. FALLOT.
à Milioles se voient surtout très bien vers Sainte-Eulalie, dans
une butte placée un peu à TEst du village.
Le calcaire à Astéries forme toute l'ossature de TEntre-deux-
Mers et se retrouve à rentrée de toutes les vallées de la rive
gauche de la Garonne.
Il atteint des altitudes très variables ; tandis qu'on le ren-
contre quelquefois à 90 mètres dans le Nord de l'Entre-deux-
Mers (environs de Rauzan, etc.)^ il s'abaisse beaucoup dans le
Sud, vers le fleuve; ainsi, il ne dépasse pas 55 mètres à
Bouliac, et à Bordeaux sa surface supérieure est à 10 mètres
environ. D plonge également d'une façon très nette vers l'Est,
dans les environs de Cadillac, pour former une sorte de fond
de bateau qui va se relever vers Yerdelais et Saint-Macaire,
afln de permettre aux formations aquitaniennes de Sainte-
Croix-du-Mont, etc., de se développer au-dessus de lui. Il est
généralement visible dans les vallées surtout, tandis qu'il est
ailleurs recouvert par le dépôt superficiel de l'Entre-deux-
Mers. Cependant, il est des points où il affleure à de grandes
altitudes sur les plateaux, et où il est largement exploité ; je
citerai surtout les environs de Grézillac, Daignac, Espiet, que
l'on pourrait, à bon droit, appeler le pays de la pierre. Il
arrive souvent que ce calcaire est exploité en galeries sou*
terraines, soit qu'on y arrive directement de l'extérieur, comme
on peut le voir à Lormont ou dans la vallée de la Pimpine
(environs de Cénac), soit qu'on y pénètre par de véritables
puits verticaux, ainsi qu'on peut l'observer au Sud de Saint-
Germain-du-Puch (*) ou vers Croignon, par exemple, sur le
ruisseau.
On l'exploite aussi activement, mais alors à l'air libre, dans
les environs de Quinsac, Cambes, Langoiran, Sâint-Macaire,
et, sur l'autre rive, dans les communes de Langon, Pujols,
Preignac, Barsac, Gérons, Virelade, Saint-Morillon, etc., etc.
{*) La présence de ces grandes carrières m*a engagé à marquer là le calcaire
comme afflem'ant, bien qae les couches superficielles qui le recouvrent soient
assez épaisses dans ce point.
CARTE GÉOLOGIQUE. 199
Partout il a une faune marine très caractéristique, générale-
ment représentée par des moules intérieurs ou des empreintes
dans lesquels on reconnaît surtout : Cerithium Charpentier i ,
Bast., C. plicatum, Brug., Diastoma Grateloupi, d'Orb.,
Ampullina (Megatylotus) crassatinay Desh., Turbo Parkirir
8om^ Bast., Goniocardium Afat/ierom,Desh., Lucina Delbosi,
d'Orb., Venus Aglaurae^ Brong., et. Les Pecten (P. Billaur
deli. Des M. p. ex.), les Ostrea, les Anomia, sont les seuls
mollusques qu*on trouve partout avec le test. Il en est de
même des Échinides qui sont très bien conservés et dont les
espèces les plus communes sont : Scutella strialula, M. de
Serres, Echinolatnpas Blainvillei, kg, et Echinocyamus
piriformis, Ag. Je rappellerai, en outre, que le calcaire à
Astéries est riche en Crustacés {Palœocarpilius, etc.), et
qu'on y trouve pas mal de Vertébrés, surtout des débris
d'Halitherium (*).
Il y a cependant des points où le calcaire à Astéries présente
les lillollusques avec le test. Je citerai surtout le niveau dit de
Terre-Nègre, dans les communes de Bordeaux et Gaudéran, qu^
semble appartenir à des couches assez inférieures, et celui de
Madère-Sarcignan où on a affaire à un horizon élevé de l'assise.
J'ai donné ailleurs (loc. cit.) les listes complètes des fossiles
de ces localités, qui rappellent tout à fait la faune de Gaas
(Landes).
Les gisements de Terre-Nègre sont généralement à une pro-
fondeur d'environ 6 mètres au-dessous du sol, le calcaire à
Astéries étant presque toujours recouvert dans l'intérieur de
Bordeaux par des formations récentes. On le voit cependant à
fleur de sol vers les rues du Hautoir, Mouneyra, et en général
il n'est pas profondément situé le long des vallées du Peugue
et de la Devèze, ainsi que l'a indiqué M. Linder dans sa carte.
Du reste, sur la rive gauche de la Garonne en général, le cal-
0) Voir, pour plus amples détails : £. Fallot, Contribution à V étude de V étage
tongrien dans le département de la Gironde (Afem. Se. phys. et nat., t. V,
4* série, 1894).
200 E. FALLOT.
caire à Astéries est difficile à délimiter^ et on est toujours tenté
d'amplifier les affleurements lorsqu'il est à une petite profon-
deur du sol : c'est ce qu'avait fait M. Linder et c'est ce que
j'ai fait dans certains cas, bien que j'aie été plusieurs fois
amené à le restreindre par rapport à l'auteur précité. Je Tai, par
contre^ figuré dans les tranchées du chemin de fer du Midi au
sortir de Bordeaux.
Dans la partie supérieure^ le calcaire à Astéries présente
très fréquemment des Nummulites {N. inlermedia, d'Arch.,
vasca, Joly et Leym., etc.), et il se termine fréquemment par
des couches à Bryozoaires, d'aspect plus ou moins mollassique,
ainsi qu'on peut le constater en face de Langon, par exemple
(rive droite), aux environs de Sauveterre (carrières de Meyraud,
à 1,500 mètres au Sud du bourg). Ici, le calcaire à Bryozoaires
qui termine le calcaire à Astéries se charge de quelques pail-
lettes de mica blanc, et passe supérieurement à une Mollasse
plus ou moins grossière, d'autres fois très fine et impossible à
distinguer pétrographiquement de la Mollasse du Fronsadais.
C'est évidemment là la Mollasse inférieure de l'Agenais, qui se
développe plus à l'Est et qui, ainsi que l'a démontré Tournouër,
n'est qu'un faciès latéral du calcaire à Astéries. Ce passage
latéral se voit d'une façon remarquable à Beaupuy (Lot^t-
Garonne), où le calcaire se termine en pointe dans l'épaisseur
de la Mollasse.
Cette dernière est au-dessus du calcaire au Sud de Sauveterre,
et elle a quelques mètres d'épaisseur. C'est probablement à
elle qu'il faut rapporter les bancs mollassiques qui surmontent,
entre Saint-Exupéry et Morizès (dans la tranchée de Cagouille),
les couches argilo-sableuses à huîtres (Ostrea du groupe de
ro. cyathulaj Lamk.), dans lesquelles la partie supérieure
du calcaire à Astéries, très réduit du reste, semble venir se
résoudre (*).
0) Un fait analogue se voit sur la route de Langoiran à Créon, par la vallée du
Tourne. Vers le Galouchey, le calcaire à Astéries se termine supérieurement
par des bancs argileux à Huîtres, mais lA je n*ai pas vu de Mollasse.
CARTE GÉ0L0C1QUB. 201
J'ai suivi la Mollasse des environs de Sauveterre vers TOuest,
où elle est souvent difficile à saisir sous la forme d'une argile
sableuse gris verdâtre ; néanmoins, on peut l'apercevoir près
de Saint-Martial, dans un point de la route qui mène à Yerde-
lais, dans la commune de Mourens, sous Gaillarteau; puis, plus
au Nord, entre Hontpezat et Saint-Pierre-de-Bat, elle forme les
berges d'un lavoir à l'entrée de ce dernier village. J'en ai
retrouvé des vestiges sur la route de Sauveterre à Créon, jusque
dans les environs de Bellebat. Je ne l'ai pas vue plus à l'Ouest ;
au Nord, je l'ai retrouvée vers Rauzan, notamment à cdté de
la route de Blasimon, vers La Yeyrie.
II. Âquitanien.
A. Rive droite. — C'est généralement au-dessus de cette
Mollasse plus ou moins rudimentaire, ou directement sur le
calcaire à Astéries, qu'apparaissent dans l'Entre-deux-Mers des
argiles grisâtres ou verdâtres, avec ou sans concrétions cal-
caires, qui passent à un calcaire très blanc, d'aspect lacustre
plus ou moins continu, dont la position semble correspondre
à celle du calcaire blanc ou inférieur de l'Agenais. C'est ce
qui se voit, par exemple, dans les environs de Mourens, de
Montpezat, Castelvieil; on peut en avoir également une idée
au-dessus de Loupiac, vers l'église, ou bien dans la côte
entre Langon et Yerdelais, ou enfin sur la route de Saint-
Maixant à Sainte-Croix-du-Mont. Ces argiles, passant à des cal-
caires d'eau douce en plaquettes, se voient quelquefois à de
grandes altitudes, comme à LaYeyrie,près Rauzan (112 mètres),
ou à Cazevert (421 mètres). Cette formation d'argiles à concré-
tions ou à débris de calcaire d'aspect lacustre se rencontre
dans un grand nombre de points, notamment sur la route de
Créon à Sauveterre, aux environs de Bellebat, au nord de Targon ;
des débris trouvés dans les champs me font penser qu'elle
existe aussi vers Curton (105 mètres), au nord de La Sauve. Il
arrive quelquefois que le calcaire d'aspect lacustre est déve-
202 E. FALLOT.
loppé presque dès le début de la formation, comme par exemple
à 2 kilomètres au Sud de Créon, sur la route de Saint-Genès-
de-Lombaudy où il forme une assise continue au-dessus des
couches à huîtres qui terminent là le calcaire à Astéries.
Dans l'intérieur de TEntre-deux-Mers, c'est peut-être à
Bellebat que le calcaire lacustre est le plus net et le plus
développé, mais je n'ai pu y trouver de fossiles typiques (*)
comme, par exemple, dans les environs de Violle, Loupiac;
là, vers Gouloumet, le Calcaire est pétri de Planorbis cornus,
Brong. var. solidus, Thom. Parmi les autres localités où le
calcaire lacustre est typique et fossilifère, il faut signaler
Monprimblanc, Gabarnac. A Omet, sur les flancs de la vallée
qui est au Sud du village, le calcaire lacustre repose directe-
ment sur le calcaire à Astéries sans intermédiaire d'argile.
Outre les points que j'ai marqués sur la carte, je n'ignore
pas que des lambeaux insignifiants de calcaire d'eau douce
existent dans d'autres localités de l'Entre-deux-Mers, mais
la plupart du temps ils sont difficiles à constater ou trop peu
importants pour être marqués sur la carte. Je citerai surtout
les communes de Tresses, La Tresne, Fargues, Pompignac,
Villeneuve-de-Rions et Rions, comme présentant des vestiges
épars de cette formation. Celui de Tresses est signalé depuis
longtemps, mais je n'ai pas pu le retrouver jusqu'ici. Enfin,
comme détail intéressant, j'indiquerai la découverte que
M. Reyt a faite, à Bouliac, de morceaux de calcaire à
Planorbes remaniés dans le diluvium du plateau.
Tous ces faits démontrent surabondamment qu'à la fin de
la période tongrienne, au moment du retrait de la mer du
calcaire à Astéries, il s'est constitué dans l'Entre-deux-Mers
un ou plusieurs grands lacs qui ont recouvert la région.
(}) A Gaillarteau, aa Sud de Mourens J'ai recueilli cependant des morceaux de
calcaire bréchoïde grisâtre, rempli de Planorbes, mais je ne sais pas exactement
quelle est la position de ce calcaire dans l'Aquitanien; ces débris étaient mélangés
dans les champs à ceux de TAquitanien moyen, d'origine marine, très net dans
cette localité.
CARTE GÉOLOGIQUE. 203
Ce sont les sédiments déposés par ces lacs qui constituent
TAquitanien inférieur. Malheureusement, ils ont été démantelés
par les érosions quaternaires, et ce n'est que vers le Sud de la
région qu'ils prennent une certaine importance et une certaine
continuité.
Si Ton se rapporte à ce qu'ont écrit les auteurs, TAquitanien
n'est guère représenté dans l'Entre-deux-Mers qu'aux environs
de Sainte-Croix-du-Mont. Il n'en est rien, ainsi que je viens de
le démontrer pour les couches d'eau douce de la division
inférieure, et je vais également le prouver pour TAquitanien
moyen, d'origine marine, qui a pénétré dans l'intérieur, bien
plus loin qu'on ne l'avait pensé jusqu'ici. Sous ce rapport, les
cartes publiées sont absolument inexactes, et j'estime que
celle que j'ai dressée présente un progrès considérable à ce
sujet.
L'Aquitanien moyen est constitué à Sainte-Croix-du-Mont
par des calcaires sableux jaunâtres (Mollasse coquillière de
Drouot) présentant à la base de nombreuses huîtres plissées
(0. producta, R. et D.), des scutelles (Se. cf. Bonali, Tourn.
in coll. (*) et quelques Turritelles. Plus haut, viennent les
bancs d'Oslrea undata, Lamk., tant de fois décrits. Dans la
propriété Dumeau, le banc d'huîtres n'a pas moins de 7 mètres
de puissance et l'on y a creusé des caves et une chapelle.
Sous l'église, il se divise en deux.
A la partie supérieure (même propriété), se voit un banc de
calcaire blanchâtre, à Potamides, Dreissena Brardi, d'Orb.,
qui est probablement un représentant très atténué de l'Aquita-
nien supérieur.
J'ai retrouvé l'Aquitanien marin très net beaucoup plus au
(^) Toumoûer a désigné sous le nom de Scutella Botiali une Scutelle de Pin-
dères (Lot-et-Garonne), déposée au Muséum de Bordeaux, dont les dimensions
sont en quelque sorte intermédiaires entre celles de ScutelUi slriatula, M. de
Serres, da calcaire à Astéries, et Scutella subrotunda, lAmk., de la Mollasse
de Léognan. Néanmoins, je n'ose assimiler complètement l'espèce de Sainte-
Croix à celle du Lot-et-Garonne qui semble être ù peu près du même uge et de
même taille, mais dont les ambulacres sont un peu différents.
204 E. FALLOT.
iNord, dans les communes de Saint-Martial, Mourens, Castelvieîl
et Gornac (*).
Une des localités les plus typic|ues à ce sujet est la butte du
Moulin de Gravetier, au Nord-Est de Saint-Martial.
Lu, on voit, évidemment au-dessus d'un rudiment de mollasse
inférieure de l'Agenais, des argiles grisâtres et blanchâtres à
concrétions calcaires, avec débris d'apparence lacustre (Aqui-
tanien inférieur), surmontées par des argiles à Ostrea aginen-
nis, Tourn. de grande taille, admirablement conservées. Ces
dernières sont recouvertes par un banc de Mollasse marine peu
épaisse, analogue à celle que je vais décrire plus loin.
A Gornac, on a la même succession, en montant au moulin
de Cazeau, oiî la Mollasse marine, épaisse de 1 à 2 mètres,
repose également sur des couches argileuses à 0. aginensiê,
Tourn. Cette même Mollasse se voit du reste en sortant du vil-
lage, sur la route de Saint-Martial, surune assez longue distance.
Il en est de même à Castelvieil. Le village est bâti dessus et
elle repose sur des couches ai^leuses avec petits bancs de
calcaire d'eau douce très nets. Au lieu dit Cabaron (110 mètres),
la Mollasse marine est particuhèrement développée; elle a été
exploitée sur 4 fi 5 mètres de hauteur vers la partie Nord-Ouest
de la butte et nous a offert, dans la tranchée du chemin placé
ù l'Est, de superbes Amphiope sp. ind., de taille remarquable
et d'une conservation parfaite. En descendant la butte du côté
occidental, on peut revoir les argiles avec débris d'Ostrea
aginensis, Tourn.
Enfin, on trouve encore la Mollasse vers le moulin de Gaillar-
teau (commune de Mourens) où elle est remplie de fossiles aqui-
taniens, malheureusement à l'état d'empreintes : Cerithiiim
pUcatum, Brug., corrugatutn, Bast. Elle repose là sur une
argile grise à petites huîtres (0. producta?) qui, elle-même,
surmonte des argiles avec calcaire d'eau douce. Le tout repose
(') Quelqaes hallrca et db ou deai autres débris loisilea provenant trè* proba-
blement d« la collection Pigeon, déposas jadis an Muséum de BordMnx, m'ont
mis sur U voie de cette découverte.
CAKTB GÉOLOGIOUB. 205
sur la Mollasse argileuse inférieure de TAgenais que Ton voit
un peu plus au Sud, sur la route qui va vers Le Gris. C'est
dans les vignes plantées sur la Mollasse marine de Gaillarteau
que j'ai rencontré le calcaire bréchoîde à Planorbes que j'ai
cité plus haut. Mais il était en morceaux, sans qu'on puisse
voir ses rapports stratigraphiques avec les autres couches.
La présence de la Mollasse marine de l'Aquitanien moyen,
en tout cas de sa partie inférieure, aussi loin dans l'Entre-
deux-Mers, est fort intéressante et montre que la mer aquita-
nienne y a pénétré beaucoup plus qu'on ne l'avait pensé. Je
ne l'ai pas trouvée plus au Nord; cependant, quelques
débris vus au sommet de la butte de La Veyrie (route de
Rauzan à Blasimon), à 112 mètres d'altitude, au-dessus des
couches d'eau douce, me laissent quelques doutes à ce sujet.
Peut-être les débris d'apparence marine que j'y ai vus appar-
tiennent-ils au calcaire à Astéries (<) et ont-ils été apportés
lors de la construction d'une maisonnette qui se trouve là.
Quoi qu'il en soit, on sait maintenant que, dans l'Entre-
deux-Mers, partie Sud, on a des chances de rencontrer des
lambeaux d'Aquitanien moyen marin dans les buttes qui
atteignent 105-125 mètres d'altitude (*). Ces buttes sont autant
de témoins qui ont résisté à l'érosion quaternaire. J'ajouterai
qu'un fait intéressant, c'est la présence de VOstrea aginensis,
si fréquente dans le Lot-et-Garonne et dans le Bazadais au
même niveau ('). La partie supérieure de l'Aquitanien moyen
et l'Aquitanien supérieur ne semblent pas exister au Nord de
Sainte-Croix, dans les localités sus-indiquées.
B. Rive gauche. — L'Aquitanien de la rive gauche de la
Garonne est en général assez différent de ce qu'il est sur la
(^) Rien ne ressemble à certains faciès du calcaire à Astéries comme la Mollasse-
marine de TAquitanien moyen.
(*) Je ne Tai pas vue dans la butte des Moulins de Dugot, à Gastelvieil, qui
atteint 104 mètres.
(*) Je n'ai jamais trouvé cette espèce à Sainte-Croix-du-Mont, pas plus que je
n'ai trouvé plus au Nord VOstrea undala, Lamk.
206 E. FALLOT.
rive droite, au moins dans les limites de la carte, qui ne
comprend pas le Bazadais.
Dans les vallées du Bordelais, le caléaire h Astéries est
généralement surmonté d'argiles jaunes et vertes, avec ou sans
concrétions calcaires, sans interposition de Mollasse (Mollasse
inférieure de l'Agenais). Ces argiles se lient d'une façon très
nette à celles qui contiennent la faune saumâtre de l'Aqui-
tanien inférieur. J'ai pu voir ce fait à La Brède, des deux côtés
de la vallée, par suite de tranchées fraîchement réparées, ou
par suite du creusement de nouveaux fossés d'assainissement.
Ainsi, en prenant la route de La Brède à Martillac, on voit les
argiles panachées de vert et de jaune, sans fossiles, qui
affleurent au niveau du moulin dans le bourg et dans les
prairies de la rive gauche du ruisseau, passer insensiblement
à des argiles à Cérithes (Aquitanien type); sur la rive droite,
elles passent à celles de la tranchée du chemin de fer qui
contiennent la faune si caractéristique de l'Aquitanien inférieur.
J'ai revu le même fait à Martillac sous la propriété de La Garde.
Ces argiles sont également visibles le long de la vallée du
Gua-Mort en amont de Saint-Morillon, entre le moulin de Luzié
et Cabanac (Pouquet). Là, en effet, au milieu de l'inextricable
fourré à travers lequel coule le ruisseau, c'est la seule assise
que j'aie pu apercevoir de temps en temps sous le Sable des
Landes.
L'Aquitanien se voit plus ou moins complet le long des
vallées de la rive gauche. C'est dans la vallée de Saucats, le
long du ruisseau de Saint-Jean-d'Estampes, qu'il est le mieux
développé. Il comprend, comme je l'ai dit ailleurs (*) :
1° A la base, des argiles bleues et blanches à Neritina
Ferussaci, Recluz, Cerithium calculosum, Bast., plicatunij
Brug., Lucina dentata, Bast., visibles au moulin de Bernachon
et présentant inférieurement un banc lacustre signalé par
M. Lartet.
(0 Esquisse géologiqtie du département de la Gironde {Feuille des Jeunes
Naturalistes, 1889).
CARTE GÉOLOGIQUE. 207
2* Un calcaire sableux, jaune (dit roche sableuse, jaune),
visible près de Bernachon, et en général dans les berges du
ruisseau jusqu'au moulin de TËglise, et rappelant la Mollasse
de Sainte-Croix-du-Mont et le grès de Bazas, avec une faune
sauraâtre et marine (Cérithes abondants, Lucina incrassata,
Dub., etc.). Ce serait l'Aquitanien moyen.
3^ Un calcaire lacustre (dit de Saucats), facile à voir dans
la tranchée de la route du Son, sur la rive gauche, avant le
moulin de TÉglise.
4^ Un falun saumâtre dans la même tranchée, marin à
Lariey.
5^ Une argile avec banc de calcaire lacustre, formant le
haut de la tranchée, horizon très mince, du reste (*).
Ces trois dernières assises pourraient constituer TAquitanien
supérieur.
Le n° 3 et le n^ 5 ont à peu près la même faune où dominent
Planorbis cornu, Brong., var. soUdus, Thomae, et Limnasa
girondica, Noulet. Les espèces sont plus facilement détacha-
bles dans le n^ 5 que dans le n^ 3.
Quant au falun n^4, son faciès saumâtre présente surtout
des Cérithes (Cmffemm submargaritaceum, d'Orb., plicatunij
Brug.), Cyrena Brongniarti, Bast., etc.
A Lariey, la faune est assez riche. J'y citerai principalement :
Melongena Lainei, Bast.
Murex Lassaignei, Bast.
Buccinum baccatum, Bast. var.
minor.
Nassa aquitooiica, May.
Cerithium corrugatum, Bast.
— 8ubclaoatulatu/n,&'Otb.
— pUcaium, Brug.
— submargaritaceum,
d'Orb.
Trochus Bucklandi, Bast.
Venus ooata, Penn.
Cijiherea unddta, Bast.
Lucina incra,ssata, Dub.
— dentata, Bast.
Corbula carinata, Duj.
Cardita hippopœa, Bast.
Arca cardiifortnis, Bast.
— barbata. Lin.
Myiilus aquitanicus, May, etc.
C'est une faune typique pour l'Aquitanien supérieur. A
(* Voy. Tournouër, Bull Soc. Géol, 2« série, t. XIX, p. 4035 et suiv.
Lariey, te falun, qui reoferme surtout les Mytiltti à sa base,
repose sur le calcaire lacustre perforé. Dans les cavités
abondent : Jouannetiasemicaudata, Des M., PholasBranderi,
Bast., Unguîina unguiformis, ha&t.
L'Aquitanien n'est pas toujours aussi facile à subdiviser que
je viens de l'indiquer aux environs du moulin de l'Église. C'est
ce qu'on peut voir le long du ruisseau de Moras ; c'est ce qu'on
voit aussi entre La Brède et le Gua-Mort.
Ainsi, par exemple, dans la tranchée du chemin de fer, à
500 mètres environ de La Brède, en allant vers Saintr-Morilloo,
on trouve à la base une assise argileuse bleuâtre avec Neritina
Ferussaci, Recluz, Melongena Lairm, Bast., Ceritkiutn
calculosum, Bast., C. plicatum, Brug., C. fallax, Grat.,
C. papaveraceum, Grat., Lucina denlata, Bast., Lucina
incraasata, Dub., Cytherea undata, etc., passant à des
couches plus sableuses jaunâtres se terminant par des pla-
quettes gréseuses à Lucina globulosa, Desh. Cet ensemble
représente au moins l'Aquitanien inférieur et moyen, sinon le
tout; cependant, je n'y ai pas trouvé le calcaire d'eau douce,
qui est assez caractéristique de l'Aquitanien supérieur (au
moins le n" 3, car le n" 5 manque généralement partout).
Plus loin, à Lassalle, en allant vers Saint-Morillon, on
retrouve au-dessus des argiles bleues de l'Aquitanien inférieur
un falun très riche avec :
Cerithiuni cala^oaum. Bait.
— plicatum, Bmg.
— margaritaceum. Broc.
Cytherea undata, Baat.
Cyrena Brongniarti, Baat-, etc.
01(00 sttbclacula, d'Orb.
Buccinam baccatum, Bast. vai
minor.
Proto Basteroti, Ben.
Turrilella terebralis, Lam. var.
Les mêmes assises se revoient vers Rambaud et dans divers
points sur les flancs de la vallée du Gua-Mort; aussi ai-je cru
devoir relier tous ces gisements et marquer une bande continue
d'Aquitanien, comme avait fait M. Linder, bien que leur conti-
nuité soit souvent cachée par le Sable des Landes.
Parmi les plus intéressants, il faut signaler celui qui se
CARTE GÉOLOGIQUE. 200
trouve vers le Pont^u-CIaron, au Sud du hameau de Courrens,
où lesCerithium margaritaceum, Broc, atteignent des dimen-
sions remarquables et présentent généralement Touverture
entière. J'ai trouvé là^ avec tous les Cérithes de TÂquitanien,
la Fasciolaria tarbelliana, Grat.^ espècd langhienne (^).
Sur la rive gauche du Gua-Mort, je citerai encore le gisement
du Plantât, dont M. Benoist a donné la coupe ('); elle com-
prend, surtout en haut, des couches saumâtres à Cérithes avec
intercalations lacustres, et plus bas un falun marin très typique
indiquant apparemment un niveau moyen de TAquitanien, avec:
StromJbua trigonus, (}rat.
Hemifusus tarbellianus, Grat.
Melongena Lainei, Bast.
Turrilella Deamaresti, Bast.
Monodonta elegans, Bast.
Nalica(Cernina) compressa, Bast.
Cytherea undata, Bast.
Lucina incrassata, Dub., etc.
L'Âquitanien inférieur existerait plus bas sous forme d'un
sable argileux bleu.
L'Aquitanien inférieur et TAquitanien moyen se trouvent
aussi à Gassie, d'après Tournouër.
J'ai décrit ailleurs (loc. cil,) le gisement de Pouquet, près
Cabanac, qui présente une faune ayant les plus grandes afR-
nités avec celle de Lariey et qui renferme déjà quelques espèces
langhiennes {Turritella turris, Bast., Fasciolaria tarbeU
liancL, Grat., Cytherea erycina, Lam.). Ce niveau semble, par
sa faune, un peu supérieur à celui qui affleure dans la propriété
de M. Labat, où le faciès argileux rappelle plutôt l'Aquitanien
inférieur, mais où la Neritina Ferussdci est déjà roulée, et où
on trouve pas mal d'espèces de Lariey.
En suivant la rive droite du Gua-Mort, on retrouve des lam-
beaux aquitaniens fossilifères à quelque distance du ruisseau,
vers Darriet, Chiret, Pinot. Ils se rapportent par leur faune,
comme je l'ai montré (3), à l'Aquitanien moyen et supérieur.
(1) E. Fallot, Note sur l'Aquitanien dans la vallée du Gua-Mort (P. -V. Soc.
Lin,, 4 décembre 1889).
<*) Actes Soc. Zrin., t. XXXI, p. xxxviii.
l*) E. FaUot, P.- V. Soc. Lin,, 4 décembre 1889.
T. I (5« Série). 14
310 E. FALLOT.
M. Degrange-Touzin a retrouvé les mêmes couches en allant
vers le château de Saint-Selve. Elles sont particulièrement
fossilifères entre le Raton et Durand. J'ai donc indiqué sur la
carte une bande 'continue d'Aquitanién le long de la vallée du
Gua-Mopt, sur son flarîc droit, mais je n'ai vu nulle part le
contact de cet étage avec le Tongrien (calcaire à Astéries) qui
est exploité le long du Gua-iMort, dans Saint-Morillon (*).
Je n'ai pas retrouvé l'Aquitanien plus au Sud, dans les limites
de la carte, sauf dans le point que j'ai indiqué à propos du
Crétacé supérieur entre Haut-Villagrains et Peyot. Mais il existe
très net entre Landiras et Bommes, en dehors des confins de
la carte (^).
L'Aquitanien réapparaît plus au Nord ; on peut l'étudier dans
les environs de Martillac, Léognan, Canéjan, Talence, Saintr
Médard-en-Jalles et Le Haillan.
A Martillac, l'Aquitanien est beaucoup plus étendu que ne
l'a indiqué M. Linder. On le voit très net entre Lartigue et
Lantic, dans les vignes, et surtout dans la propriété de La Garde,
où des fossés nouvellement creusés permettent de l'étudier. Il
se montre aussi le long du ruisseau, particulièrement vers le
Breyra, et au Nord dans les vigneis, où on peut ramasser de
nombreux fossiles. Il nous a semblé en général très difficile à
subdiviser. Cependant, à la base, il présente ordinairement des
argiles bleues se liant ou se confondant avec les argiles pana-
chées, à concrétions, qui recouvrent le calcaire à Astéries, très
peu développé dans cette vallée. Ces argiles bleues sont fossi-
lifères au Breyra, où j'ai recueilli : CerUhium pseudothiarellaj
d'Orb., C. plicatum, Brug., C girondicum, May., Lucina
dentata, Bast.
Dans la propriété de La Garde, ce qui est surtout visible, ce
sont des calcaires sableux et argileux rappelant les couches de
(}) M. Linder n'avait pas reconna ces gisements et n'avait point indiqué TÂqui-
tanien sur la rive droite.
(*) D'après Tournouêr, les argiles à concrétions calcaires se voient aous Axû*
gués (près Landiras).
CARTE GÉOLOGIQUE. 211
Bazasi Là^ les Cerithium calculosum, margaritaceum, abon-
dent avec les principales espèces de TÂquitanien moyen. Au
Nord du Breyra, j'ai recueilli par contre une faune qui a des
affinités langhiennes très nettes, ainsi qu'on peut le voir par la
liste suivante, et qui doit se placer au niveau de TÂquitanien
supérieur :
Olioa subclaoula, d*Orb.
Melongena cornuta, Ag. (de petite
unie).
Tudiola rusticula, Bast.
Turritella turris, Baat.
Cerithium fallax, Grat.
— margàritaçeum. Broc.
— subclaoatulatum, d'Orb.
— papaoeraceum, Bast.
— calculosum, Bast.
Cerithium bidentatum, Grat.
— plicatum, Brug.
TrochuB BucMundi, Baat.
Cardiia hippopœa, Bast.
Cytherea undata, Bast.
Lucina ornata, Ag.
Corbula gibba, Olfvi.
Arca barbata, Lin.
— clathrata, Desh.
L'Aquitanien reparaît dans la commune de Léognan. Tour-
nouer a fait connaître la succession des couches sur le ruisseau,
et attiré particulièrement l'attention sur le niveau inférieur, les
argiles bleues à Neritina Ferussaci, Recluz, Cerithium caU
culosum, Bast., et plicatum, Brug., du moulin des Sables.
Les couches supérieures sont mal représentées là; cependant
la roche jaune (n'' 2) de la vallée de Saucats y existe, mais for-
tement démantelée.
J'ai pu, par contre, les étudier au château du Thil, sur les
confins des communes de Léognan et de Martillac, dans des
canaux d'irrigation et d'assainijBsement creusés dan« la forêt
au SudrOuest de la propriétéi !
Des blocs épars de calcaire àjCérithes se rencontrent un peu
partout à la surface du sol, et, dans les berges, on peut voir
des argiles sableuses jaunâtres remplies de fossiles dont l'en-
semble indique plutôt la partie supérieure de l'étage aquitanien.
J'y citerai surtout :
Olioa Dufresnei, Bast.
Nassa aquitanica, May.
Buccinum baccatum, var. minor,
Bast.
Turritella Desmaresti, Basjb.
Cerithium calculosum, Bast.
— 8ubclaoaiukUumA*Or\>,
— plicatum, Brug*
Neritina FeroBeaci, Recluz.
Graleloupia dîfficilia. But.
— irreguiaris, Bast.
Lucina încrassata, Dub.
— ornata, Ag.
— colambella, Lk.
Arca barbata. Lin.
212 E. t
CerithiuM margaritaceuni.Bioc.
— pKudothiaretla, d'Orb.
— gîrondicam, Uaj.
— falUue, Orat.
— corrugatun, Baat.
Trochua Bueklandi, Baat.
MoMdotUa Araonis, Baat.
On y aurait aussi trouvé Melongena Lainei, Bast.
J'y ajouterai encore deux ou trois espèces langhiennes, telles
que Oliva clavula (O. subclavula, d'Oi'b.), Bast., ï^n-i-
tella terebralis, Lk. Du reste, ce falun se lie à un niveau
langhien très net dans les mêmes Tossés sans que j'aie vu aucune
trace de calcaire d'eau douce entre les deux. (Voir plus loin.)
L'Âquitanien se retrouve plus au Nord, vers Canéjan, dans
la vallée de l'Eau-Bourde.
On peut le voir aussi dans celle du Peugue, où M. de Sacy a
recueilli dernièrement en amont de la Ferme-École (commune
de Pessac), le long du ruisseau, dans un falun grisâtre :
Conua aquitanicua, Maj, (rare).
OUea Bubclaoula, d'Orb.
P'asus bardigalensia, Baat. (rare).
Murex ccelatus, Qr&t.
Melongena Lainei, Baat.
Turiitella Sandbergeri, May.
— terebralie, Lam. var.
Ccrithium bidentatam, Gnt.
— plicatam, Bru^.
— papaoeraceum. Baat.
— margaritaceum. Broc.
— corrugatwn, Baat.
— girondicum, May.
— galUculum, Maj.
Natica aqaitanica, Maj.
— (Cerntnajcompressa, Baat.
— neglecta, May.
— Josephinia, Rlsoo.
Monodonla (Clanculaa) Araonis,
Bast.
Neritina Feruesaci, Recluz.
Hélix girondica. Noulet (non
roulé).
Corbula carinata, Duj.
Cyiherea Lamarcki, K^.
Venus aglaurce, Broug. (var. do
Uérlgnac).
Lucina incraaaala, Dub.
— ornata, kg.
— coluinbella, Lamk.
— Uonina, Oeah.
Cardiam Grateloupt, Uay.
— burdigalinam, L&m.
Cardila kippopœa, Baat.
Cytherea andala, Bast.
Cyrena Brangniarti, Baat.
Donax afftnis, Oash.
Mytilaa aquîlanicue, Uay.
Ostrea aginensis, Tourn. (roulée).
Etc., etc.
. Ce gisement, qui renferme déjà quelques espèces langhiennes
rares du reste, appartient sans doute à l'Aquitanien supérieur,
CARTE GftOLOGIOUE. 213
et il est recouvert sur la rive droite par des assises à faune
langhienne inférieure qui affleurent dans les fossés delà route,
sans quMl y ait trace de calcaire d'eau douce intercalé, ce qui
rappelle la disposition des assises du château du Thil.
A mesure qu'on va vers le Nord-Ouest, TAquitanien supérieur
présente des affinités langhiennes de plus en plus marquées :
c'est ce que démontre l'étude de la faune célèbre du f alun-
type de Mérignac (propriété Baour), où Ton trouve avec les
Cérithes ordinaires de l'Aquitanien les formes marines typiques
du même étage, comme :
Melongena Lainei, Bast.
Murex cœlatus, Grat.
Turritella Desmaresti, Bast.
NcUica aquitanica, May.
— compressa, Bast.
Trochus Bucklandi, Bast.
Monodonta (Clanculus) Araonis,
Bast.
Cardita hippopœa, Bast.
Tellina aquitanica, May.
Cytherea undcUa, Bast.
Venus aglaurœ, Biongr*, var.
Cyrena Brongniarti, Bast.
Lucina incrassata, Dub.
— glohulosa, Desh.
— dentata, Bast.
Arca cardiifortnis, Bast.
Mytilus aquitanicus^ May.
et en même temps des espèces langhiennes soit des niveaux
inférieurs (Peloua, Thibaudeau), soit même de niveaux plus
élevés :
Ancillaria glandiformiSj Lamk.
Cassis crumena, Lamk.
Ranella tuberosa. Bon.
— suhgranifera, d'Orb.
Melongena cornuta, Ag.
Fusus burdigalensîs, Bast.
Voluta rarispina, Lamk.
Stromhus Bonelli, Brong.
Buccinum suhpoliium, d'Orb.
Calyptrœa deformis^ Lamk.
Cardium Grateloupi, May.
— burdigalinum, Lamk.
Cytherea erycina, Lamk.
Venus islandicoideSj Lamk.
Mactra striatella, Lamk.
Ce niveau est sans doute inférieur à un autre placé dans la
même propriété où la faune langhienne est plus typique (voir
plus loin). Mais déjà ici, le passage de l'Aquitanien au Langhien
est extrêmement marqué, comme dans toute la région avoisi-
nante (Saint-Médard, le Haillan); il y a là une série de faluns
mixtes difficiles à classer, qui fournissent un argument im-
portant en faveur d'une nouvelle classification des assises ter-
ilfk B. FALLÛT.
tiaires. Gellô-cî, déjà défendue par Tournouëp, par M. Mayer,
Eymar les diviserait en deux grands groupes : \e Paléogêne,
comprenant TÉocène et le Tongrien, et le Néogène, formé de
tous les .étages supérieurs, à partir de TAquitanien inclusive-
ment (*).
Enfin, TAquitanien se voit encore plus au Nord, le long de la
Jalle, vers le moulin de Gajac, où M. Degrange-Touzin l'a dé-
crit (*), et vers Saint-Médard-en-Jalle (au camp des Lanciers),
où Tournouër a signalé un affleurement du falun deMérignac.
MIOCÈNE.
Le Miocène n^est représenté dans la Gironde et par consé^
quent sur la carte que par ses deux étages inférieurs, le
Langhien et THelvétien. Ces deux séries ne se montrent que
dans quelques vallées de la rive gauche de la Garonne, vers
leur extrémité occidentale,, c'est-à-dire qu'elles sont en retrait
sur les assises précédentes, la mer semblant s'être retirée
petit à petit du bassin de l'Aquitaine.
Langhien,
Le Langhien (3) peut se diviser en trois sous-étages (inférieur
moyen et supérieur), comme je l'ai indiqué depuis long-
temps (*), mais les analogies du faciès, presque toujours
falunien (calcaires sableux coquilliers, généralement délités
sous forme de sables) et les relations fauniques qui existent
entre les diverses assises rendent cette classification souvent
très difficile à appliquer.
De plus, les affleurements étant très restreints (^), visibles
(i) Voyez snrtoat £. Fallot, Anniuiire géologique universel, t. V et VIII.
(>) Actes Soc. Un,, U XXXIV, p. uv.
(S) Je conserve ce terme de Langhien qui ne me semble pas devoir être proscrit
de la nomenclature et je le préfère à celai de Bardigalien qui me parait inutile
et mal choisi (Voy. surtout, à ce sujet, Bull, Soc, Géol, 3* série, t. XXI, p. lxxvii
et suite).
(0 Esquisse géoU du départ, de la Gironde, 1889.
(^ Ils ont été lé plus souvent très exagérés sur la carte.
CARTE GÉOLOfilQDE. 218
<
presque uniquement dans les berges mêmes des ruisseaux,
ne permettent pas toujours de se rendre compte de la disposi-
tion stratigraphique des couches les unes par rapport aux
autres. Ce n'est donc que par de nombreuses coupes et une
étude très détaillée des faunes que l'on peut arriver à une
succession à peu près exacte.
Sous ce rapport, la vallée de Saucats présente» comme
pour rAquitanien, la série la plus complète.
Le Langhien inférieur repose au moulin de TËglise, sur le
calcaire n° 5 de l'Aquitanien supérieur, sous la forme d'un
falun rosé ou mieux jaune-rougeâtre, que Ton peut voir sur la
rive gauche du ruisseau, en amont de la route du Son. Il était
autrefois visible dans les carrières de Giraudeau, placées près
de là. La faune de ce falun est maintenant très difficile à
étudier, bien qu'on trouve quelques fossiles à la surface des
champs; mais, il y a quelques années, on pouvait la rencontrer
avec une richesse et une abondance de formes incomparables
au lieu dit le Peloua, sur la rive droite.
Le falun, recouvert d'une assez mince couche de terre
végétale, est tout à fait épuisé actuellement; mais on a pu y
recueillir. plus de 400 espèces différentes. Je citerai comme les
plus caractéristiques :
Conus tarbellianus, Grat.
Ancillaria glandiformis, Lamk.
Cassis Rondeleti, Bast.
— sahuron, Lamk.
— crumena, Lamk.
— elegansl Grat. (*).
^ Murex subasperrimus, d'Orb.
— aquitanicus, Grat.
Triton nodiferunij Lamk.
Persona toriuosa, Borson.
Ranella tuberosa. Bon.
— subgranifera, d'Orb.
— marginata, Brong.
Strombus Bonelli, Brong.
*Ficula condiia, Sism.
* Tudicla rusticula, Bast.
* Melongena cornuta, Ag.
* Xenophora Deshayesi, Micht.
*Proto cathedralis, Bluinv.
* Turritella terebralis, Lamk.
Cerithium SalmOj Bast.
*Cardium burdigalinum, Lamk.
Cardita pinnala, d'Orb.
* Pectunculus cor, Bast.
*Pecten burdigalensis, Lamk.
Etc., etc.
{}) Cette espèce est si mal décrite par (jrrateloup qu*bn ne peut Ty assimiler
d*Qne façoD positive.
216 E. FALLOT.
Il y a dans cet ensemble un certain nombre d'espùces qui se
retrouvent abondamment dans la faune typique de Léognan
(CoquîUa); elles sont marquées d'un astérisque, mais à cAté
d'elles il y a une série de formes jusque-là considérées comme
rarissimes dans les faluns de la Gironde, et dont quelques-unes
se retrouvent ailleurs beaucoup plus haut, comme par exemple
Cassis saburon, Ancillaria glandiformis (*), etc.; néan-
moins, la position du falun du Peloua à la base du Langhien
est fixée par ce fait qu'il est recouvert un peu plus loin par le
falun-type de Léognan (à une cinquantaine de mètres au nord-
est du champ), et que, d'autre part, il présente à sa base, avec
de nombreux Polypiers, des blocs à peine roulés du calcaire
d'eau douce de l'Aquitanien supérieur, évidemment démantelé
surplace par la mer langhienne.
J'ajouterai qu'une fouille récente a permis à M, de Sacy de
trouver quelques espèces aquitaniennes dans le sable alleux,
grisâtre et onctueux sur lequel il répose. J'ai pu déterminer,
en effet, les espèces suivantes :
Cerithium pUcaium, Brui?.
Neritina Ferusioci, Reclus.
Lutraria »arma, Bast.
Lttcina incratsaia, Dub.
Lucina globulosa, Desh.
— denlata, Bast.
Circe Deahayesi, Bast.
C'jtherea undata. But.
J'y ajouterai Pïonorbia cornu, Brong., var. solidus. Thom.,
complètement détachés, et une ou deux espèces indiquant
l'approche du Miocène proprement dit, comme par exemple un
Trockus patulus, Broc, de très petite taille.
Enfln, un dernier fait très important, c'est ta présence dans
le falun du Peloua lui-même d'une faune de Cérithes aqui-
taniens, non roulés, qui impriment à la faune un caractère
un peu plus ancien que ne le ferait croire la liste indiquée
plus haut. J'y citerai surtout les Cerithium plicatum, Brug.,
subclavatulatum, d'Orb., corrxigattim, Bast., gîrondicum,
May., etc., etc.
(!) Dana lu Gironde, Ancillaria glandiformU, codiom Cerilhium SaliM
paraisteni caraclériatiques du Lmehien inférieDr.
CARTE GÉOLOGIQUE. 217
Le falun du Peloua, par sa faune mixte, par sa position
stratigraphique, est donc bien à la base du Langhien; il se
rapproche donc surtout, comme les faluns inférieurs de Léo-
gnan que je vais étudier, de certains horizons de Saint-Paul-
les-Dax, de celui de Sausset (Bouches-du-Rhône) et de celui de
Loibersdorf (Autriche); mais il a aussi de grandes analogies
avec le falun-type de Mérignac, que quelques espèces marines
caractéristiques m'engagent à laisser dans TAquitanien supé-
rieur.
Le Langhien moyen est représenté dans la vallée de Saucats
par le falun jaune de Lacassagne, qui semble se lier au falun
rose du moulin de TÉglise et par le falun bleu du moulin do
Laguës qui le surmonte. Ces deux faluns ont la même faune :
celle du Langhien-type de Léognan (falun jaune du Coquilla et
falun bleu du bois de Léognan).
On peut y citer :
Vciginella depressa, Daud.
Buccinum (Cominella) Vénerie,
FauJ.
Melongena cornuta, Ag.
Murex eubasperrimus, d'Orb.
— lingua boots, Bast.
Ficula condita, Sism.
Fusus hurdigalensis, Bast.
Tudicla rusticula, Bast.
Cancellaria acutangula, Fauj.
Xenophora Deshayesi, Micht.
Turritella terehralis, Lamk.
Turritella turris, Bast.
Proto cathedralie, Blainv.
Voluta rariapina, Lamk.
Venus casinoides, Bast.
— islandicoides, Lamk.
Cytherea erycina, Lamk.
Cardium girondicum, May.
— burdigalinum, Lamk.
Tapes velula, Bast.
Arca girondica, May.
Pectunculus cor, Lamk.
Aoicula phalenacea, Lamk.
Pecten Beudanti, Bast.
Pecten burdigalensis, Lamk.
Osirea digitalina, Eich.
Etc., etc.
Le Langhien supérieur est formé à Saucats par les niveaux
de la Coquillière (•) et de Pont-Pourquey. Le premier, surtout
caractérisé par la Mactra striatella, Lamk. et la Lucina
columbella, Lamk. (grande variété) valvée, est immédiatement
surmonté par le falun blanc-jaunâtre de Pont-Pourquey si
(1) Le falun de Gieax semble au même niveau.
ifl8 E. FALLOT.
riche en mollusques, en acéphales surtout. On peut y citer :
Terebra plicaria, Bast.
Terebra Bastèrotij Nyat.
Olioa Basteroti, Defr.
Buccinum baccatum, Bast (grande
variété).
Buccinum aubpolitum, d*Ôrb.
Sigaretus aquensiSj Recluz.
Cerithiutn picéum, Bast.
Mactra striatella, Lamk.
Tellina strigosa, Gmel.
— bipartita, Bast.
— senegalensis, Hanley.
Donax transoersa, Desh.
Lucina omata, Ag.
— columbelUij Lamk.
Grateloupia triangularis, Bast.
Dosinia Basteroti, Ag. .
Ostrea gingensis, Schlot. Etc., etc.
Quelques coquilles d'eau douce existent à la partie supé-
rieure d^ falun de Pont-Pourquey; j'y citerai: Planorbis
cornu, Brong., var. solidus, Thom,, Hélix involuta^ Th.,
mais elles n'y forment point un véritable horizon ; elles indi-
quent peut-être l'embouchure d'un cours d'eau.
Si nous remontons vers le Nord, dans la vallon de Moras,
nous retrouvons le Langhien, où il existe des faluns jaunâtres
qui se terminent par le falun bleu (niveau de Lagues) avec
les fossiles les plus typiques.
On retrouve le même étage à Martillac (Pas-de-Barreau) où
on voit un falun jaune assez analogue au niveau de Léognan
(le Coquilla) et de Saucats (La Cassagne). Dans la commune de
Léognan, le Langhien inférieur et le Langhien moyen sont fort
bien représentés.
Le premier est surtout caractérisé par la Mollasse ossifèresx
typique de la localité et par quelques niveaux faluniens, le
deuxième par le falun jaune du Coquilla et le falun bleu du
bois sur lesquels je ne reviendrai pas, ayant donné une idée
de leur faune en décrivant le Langhien moyen de Saucats.
Quant à la Mollasse ossifère, elle renferme surtout des dents
de poissons (Carcharodon megalodon, Ag., Lamna, Oxy-
rhina, Myliobates, Notidanus), des Échinides tels que
Scutella subrotunda, Lamk., Echinolampas hemisphœ
ricus, Ag., Echinolampas Laurillardi, Ag., Clypeaster
Scillœ, Des Moul., Clypeaster crassicostatus, Ag., et des
Pecten (Pecten burdigalensis). On y a trouvé ancienne-
CARTR GÉOLOGIQUE. 219
ment de superbes débris de vertébrés, Squalodon Grateloupi,
P. Gerv., Zeuglodon vasconum, Delf., Plotomis Delfortriei,
A, Edw., Pelagornis miocenus, Sula pymœa, A. Edw.,
Chdonia girondica, Delf., dont quelques échantillons prove-
nant de la collection Delfortrie figurent au Muséum de Bor-
deaux.
La Mollasse présente quelquefois des niveaux fossilifères
avec coquilles très bien conservées ; c'est ce qu'on peut voir,
par exemple, dans la propriété de M. Thibaudeau, et c'est
également le niveau qui a été rencontré au Château -Olivier.
Les fossiles les plus caractéristiques de cet horizon inférieur
sont :
Conus aquitanicus, Toum.
Ancillaria glandiformis, Lsmk.
Rosiellaria dentata, Grat.
Cerithium Salmo, Bast.
Telllna planaéa. Lin.
— Idcunosaj Chem.
Cardium Grateloupi, May.
Cytherea Lamarcki, Ag. Etc.
Mais à côté d'eux existent beaucoup de formes typiques du
Coquilla.
Dans ces derniers temps, j'ai pu étudier la même zone dans
les fossés d'assainissement de la forêt du château du Thil, sous
forme d'un falun argileux bleuâtre, se liant intimement avec
les couches aquitaniennes que j'ai décrites plus haut. J'y indi-
querai surtout :
OUoa subclaoula, d'Orb.
Tudicla rusticula, Lk.
Ficula condUa^ Sism.
— burdigalensiSj Sow.
Cerithium Salmo, Bast.
Turritella tcrehralis, Lamk.
Sigaretiis aqueuAis, Recluz.
Ancillaria glandiformis, Lamk.
Dônax transoersa, Desh.
Tellina bipartita, Bast.
Cardium Grateloupi, Bast.
— girondicum, May.
Lucina columbella, Lamk.
Lucina ornata, Ag.
Pectunculus cor, Lamk.
Etc., etc.
Le Langhien inférieur se voit le long, du ruisseau de l'Eau-
Bourde, particulièrement vers Canéjan, où la Mollasse dite de
Léognan existe et est fossilifère. Les niveaux qui viennent
au-dessus sont encore peu étudiés; mais à Cestas, vers Fourc
et sous le bourg, dans le ruisseau, comme aussi dans le cime-
220 R. FALLÛT.
tière, on peut retroiiver le Langhien supérieur (falun de Pout-
Pourquey), où j'ai recueilli :
Buccinutn baccatuni, Bast. (grande
variété de Pont-Pourquey).
Buccinum subpolitum, d'Orb.
Olioa Basteroti, Defr.
Tudicla rusticula, Baat.
Sigaretus aquensia, Recluz.
Mactra striatella, Lamk.
Tellina lacunosa, Chem.
Grateloupia irregularis, Bast.
Donax transoersa, Desh.
— af finis, Desh.
Lucina ornaia, Ag.
Pectunculus cor, Lamk.
Etc., etc.
On peut y citer aussi quelques espèces d'eau douce» comme
au même niveau dans la vallée de Saucats : Hélix involula,
Th., H. osculum, Th., y auraient été trouvés par M. Benoist.
Le Langhien existe aussi à Pessac, dans la propriété Esehc-
nauer, sur les bords du ruisseau. M. Benoist y a cité des espèces
typiques de Léognan (Coquilla), telles que Vaginella depressa,
Cancellaria acutangula, Fusus burdigalensis ^ Trochus
patulus, Venus islandicoides, et d'autres de niveaux plus
inférieurs, Cerithium salmo, Turritella Desmaresti, etc. (*).
C'est peut-être aussi au Langhien inférieur ou à un falun mixte
faisant le passage entre l'Aquitanien et le Langhien qu'il faut
rapporter les sables coquilliers de la propriété Grangeneuve. Le
Langhien a aussi été reconnu au Haut-Livrac.
ËnQn, le Muséum de Bordeaux possède quelques espèces
langhiennes ( Turritella terebraliSj Venus islandicoides,
Pectunculus cor, etc.) venant d'une excavation placée à côté
de la propriété Clouzet, à 300 mètres du village de Monteils.
M. Linder, qui a fait don de ces coquilles, avait accompagné
l'envoi d'une note manuscrite dans laquelle il rapporte ce gise-
ment ou falun de Léognan, et indique que le même falun
existe dans un sondage à 9"^o0 sous le sol. Il signale la limite
du falun de Léognan entre Monteils et le moulin d'Arlac, où se
trouve le falun de Mérîgnac.
J'ai indiqué plus haut dans la vallée du Peugue et dans la
même commune vers la Ferme-École l'Aquitanien supérieur;
CO Vcy. sictes Soc, Lin,, l. XXXII, p. viii.
i
CARTE GÉOLOGIQUE. 221
«
il est surmonté par un falun jaunâtre où domine Conus aqui-
tanicus, May., et où Ton peut citer Ancillaria glandiformis,
Lamk., Oliva subclavula, d'Orb., Cassis emmena, Lamk.,
Nalica Josephinia, Risso, Lucina leonina, Desh., etc. C'est
la base du Langhien inférieur sans doute. Un peu plus haut
(toujours dans les fossés de la route), on trouve à peu près les
mêmes espèces avec quelques Pleurotomes du niveau de la
propriété Thibaudeau, et Ficula condita, Sism., Fusus hur-
digalensis, Bast., Turritella terebralis, Lamk., T. Desma-
resti,BdiSt,y T. furris, Bast., Cancellaria acutangula (ieune),
Fauj., Veniis casinoides^ Bast., Corbula carinataj Duj.,
Lucina columbella, Lamk., Peclunculus cor, Lamk. C'est
bien là, dans l'ensemble, une faune langhienne inférieure très
nette.
Le Langhien inférieur existe encore à Mérignac, dans la pro-
priété Baour, où se trouve le falun-type de cette localité, dont
j'ai parlé au sujet de TAquitanien supérieur. M. Degrange-
Touzin, qui y a rencontré des vestiges de calcaire d'eau douce,
débris d'une couche très mince qui séparait peut-être les deux
ruisseaux, a recueilli là une faune qui rappelle beaucoup celles
de Léognan inférieur et du Peloua. Les espèces aquitaniennes
y deviennent rares, et, à côté des espèces typiques du Langhien
inférieur ou des couches de passage telles que Ancillaria
glandiformis, Lamk., Conus aquitanicas, May., Rostellaria
dentata, Grat., Cerithium salmo^ Bast., Cardium Grate-
loupi, May., on peut citer une bonne partie de la faune du
Coquilla :
Vaginella depressa, Daud.
Cancellaria acutangula, FaaJ .
Voluta rarispina, Lamk.
Ficula condita, Sism.
Turritella turris, Bast.
Calyptrœa deformis, Lamk.
Trochus paiulw. Broc.
Euthria contortaj Grat.
Cytherea erycina, Lamk.
Cardium hurdigalinum, Lamk.
— girondicum, May.
Tapes vetula, Bast.
Tellina hipartlta, Bast.
— planata. Lin.
Arca girondica, May.
Btc, etc.
Plus anciennement, Tournouër avait signalé le falun jaurte
222 E. FALLOT.
i ■
de Léognan à Mérignac au delà de l'Église^ dans les jardins à
droite du village.
x • Des faluns analogues comme faune à ceux que je viens de
citer à Mérignac existent dans les communes du Haillan et de
:^\ Saint-Médard, présentant toujours des faunes mixtes.
*
A 500 mètres au Sud du moulin de Gajac, M. Degrange-Touzin
a signalé une assise évidemment supérieure à TAquitanien
visible le long du ruisseau, et qui renferme une faune où les
espèces aquitaniennes se mêlent aux espèces langhiennes.
Celles-ci, parmi lesquelles je remarque bien des formes que je
viens d'inscrire dans la liste ci-dessus, m'ont engagé à placer
ce niveau à la base du Langhien, ce que j'ai indiqué sur la
carte.
Le Muséum possède une petite série du Haillan où je note :
Oliva subclavula, d'Orb., Ancillaria glandiformis, Lamk.,
Natica Josephinia^ Rîsso, Turritella terebralis, Lanik.,
Trochus putulus, Broch., Cytherea Lamarcki, Ag., Venus
casinoides, Bast., etc., que je rapporte aussi au Langhien
inférieur.
A Saint-Médard-en-Jalle, on voit réapparaître dans le Lan-
ghien inférieur le faciès de la Mollasse ossifère de Léognan.
Les bancs exploités à Caupian présentent la même faune qu'a
Léognan, les mêmes dents de Poissons, les mêmes Échinides,
tels que Echinolampas hemisphœricus et Laurillardi, et le
très rare Clypeaster Scillœ, dont un bel échantillon a été
donné dernièrement à la Faculté par le D*" Busquet. Les autres
fossiles {Pecten excepté) sont à l'état de moules et indiquent
bien la faune de Léognan.
Helvétien.
Des mollasses jaunâtres se continuent aussi le long de la
Jalle; mais elles sont impossibles à suivre bien loin, à cause
du fourré inextricable à travers lequel passe le ruisseau. Peut-
être y a-t-il là des représentants du Langhien moyen et du
Langhien supérieur.
CARTE GÉOLOGIQUE. 223
Quoi qu'il en soit, on a cité depuis longtemps vers Martignas,
sur un affluent de la Jalle, une nM)lla8se gris jaunâtre autrefois
exploitée et riche en fossiles, surtout à l'état de moules. La
présence de Panopœa Menardi, Desh., à'Arca turonica, Duj.,
et surtout de Cardita Jouannetiy Desh., et de Pecten Bes-
seri, Andrez(*), a engagé les auteurs à placer cette mollasse à
la base de l'Helvétien. Les Échinides, parmi lesquels domine
V Echinolampas hemisphœricus, rappellent beaucoup la faune
de Saint-Médard. Cependant les collections de la Faculté ren-
ferment Conoclypeus semiglobus, Desor., qui paraît provenir
de cette localité. Cette espèce caractérise, comme on le sait, la
mollasse helvétienne typique de Narrosse (Landes).
Si les dimensions de la carte ne m'ont pas permis de
figurer les lambeaux les plus étendus de cet étage dans
le département, c'est-à-dire ceux de Salles, je n'en dois pas
moins citer les couches qui affleurent au fond de la vallée
de Saucats depuis Cazenave, où elles reposent sur le falun de
Pont-Pourquey, jusqu'à la Sime. Ce falun argilo-sableux ren-
ferme comme espèces caractéristiques : Cardita Jouanneti
Desh., Lucina borealis, Lin., Venus multilamella Lamk
Pectunculus pilosu8,Un., Arca helvetica, May., Trochopora
conica, d'Orb., etc.
C'est la couche tertiaire la plus élevée que l'on rencontre
dans les confins de la carte et je pourrais dire aussi de la
Gironde, car ni le Tortonien, ni le Sarmatien, ni le Messinien,
ni aucun étage du Pliocène marin n'est représenté dans le
département. La mâchoire à'Elephas meridionalis trouvée au
Gurp, près Soulac, sous la grande dune, et déposée au Muséum
de Bordeaux, pourrait seule faire présager la présence d'un
lambeau appartenant à TArnusien ou Sicilien ; encore les dents
offrent-elles déjà, d'après M. Harlé, des caractères qui rappro-
chent l'espèce S'Elephas antiquus, Falc.
(1) Voy. Benoist) Actes Soc. Lin^, t. XXXII, p. 97.
224 E. FALLOT.
FORMATIONS DE RECOUVREMENT.
Ces formations jouent un rôle considérable dans la région ;
elles y sont puissantes et recouvrent d'immenses espaces,
cachant ainsi le plus souvent les formations constitutives.
Je les ai représentées par deux couleurs. Tune indique les
plus anciennes, celles qu'on pourrait appeler quaternaires,
c'est-à-dire le Sable des Landes, le Dépôt superficiel de
l'Ëntre-deux-Mers, les Alluvions anciennes; l'autre représente
les sédiments de l'époque actuelle, ce sont les Alluvions
récentes.
Toutes ces formations se ressemblent; ce sont des cailloux
de diverse nature, en général très bien roulés, des sables, le
tout entremêlé d'argiles. Le Sable des Landes présente toujours
à une certaine profondeur une couche de grès ferrugineux
compact, Valios, qui constitue une assise imperméable ame-
nant la stagnation des eaux.
Dans le Sable des Landes, les cailloux sont surtout quartzeux,
et la partie superficielle, généralement formée de sable fin que
les vents emportent au loin, a pu contribuer à la formation
des dunes. S'il présente, dans la grande lande, dans les
forêts de pins, un faciès bien typique, il est moins bien carac-
térisé vers les bords de la formation et là on ne sait comment
le délimiter.
J'ai donc été amené à réunir sous la même teinte les trois
premières formations sus-indiquées, par le fait qu'il me parait
très ditficile d'établir, d'une part, une limite exacte entre le
Sable des Landes et les Alluvions anciennes qui recouvrent le
flanc gauche de la vallée de la Garonne, d'autre part, entre
ces mêmes Alluvions ou celles de la Dordogne et le Dépôt de
l'Entre-deux-Mers. Cette constatation amènerait logiquement à
la conclusion que toutes ces formations sont de même origine
et de même âge. Ce serait résoudre d'un mot un problème
des plus compliques et des plus obscurs.
CARTE GÉOLOGIQUE. 223
Dans un travail déjà ancien^ M. Linder(^)9 frappé de ces ana-
logies, avait placé les formations susdites à Tépoque quater-
naire, et, ne pouvant renoncer à une origine marine pour le
Sable des Landes, avait tenté de les expliquer par un envahis-
sement de la mer, une sorte de vague énorme qui aurait
remonté jusque vers le Plateau Central, et, en se retirant,
aurait abandonné sur son passage les sables, graviers et
cailloux qui constituent les dépôts que nous étudions.
Cette opinion semble bien improbable et Ton peut se de-
mander si on ne pourrait pas, au contraire, expliquer les faits
par une vaste formation diluvienne dont les caractères se mo-
difieraient un peu suivant certaines circonstances géographi-
ques ou géologiques. C'est cette hypothèse que je vais examiner.
Tout d'abord on peut poser en principe qu'il ne viendra à
l'idée de personne que le Dépôt de l'Entre-deux-Mers, et à plus
forte raison les cailloutis désignés sous le nom d'AUuvions
anciennes soient d'origine marine. A ce taux, il faudrait
admettre que tous les dépôts caillouteux quaternaires de la
France et de l'Europe sont de même origine, ce qui serait
absurde.
Du reste, on a trouvé des restes d'animaux terrestres dans
ces dépôts : ainsi, le Rhinocéros Mercki, à Laroque, commune
de Bassens, à 15 ou 20 mètres d'altitude, VElephas antiquus
dans la tranchée des Quatre-fils-Aymon, près de la station de
Gironde, entre 19 et 24 mètres (^).
<
Les Alluvions anciennes qui recouvrent le calcaire à Astéries
à Cadillac (^) ont fourni, dans le jardin de l'hospice des aliénés^
des restes de Rhinocéros et A'Elephas.
D'autre part, le Sable des Landes, dont l'aspect en grandes
masses, dans l'intérieur des grandes forêts de pins de la région
(*) Actei Soc. Lin., t. XXVI.
(*) Voy. Harlé, Bull. Soc. Géol., 3* série, t. XXII, p. 532.
O Par suite d'ane erreur de coloriage de la carte, on a figaré comme alluvions
récentes la partie de ces formations qui sent à l'Est de la route de Cadillac à
Loupiac, ce sont des alluvions anciennes qui recouvrent là le calcaire à Astéries
T. I (3» Série). 15
226 E. FALLOT.
landaise, rappelle en eifet assez bien les formations littorales,
n'a jamais fourni un seul débris d'origine marine. Or, on sait
que certaines coquilles marines résistent assez bien aux chocs
répétés, au roulement de la vague, et il n'est pas rare de
trouver dans les poudingues actuels, c'est-à-dire au milieu de
cailloux qui ont été fortement roulés, des débris de coquilles
marines fort reconnaissables ; il se forme de nos jours un
poudingue de ce genre vers la pointe de Coubre.
Dans le Sable des Landes on n'a rien trouvé jusqu'ici et cela
sur des étendues immenses (il recouvre environ 1,400 kilo-
mètres carrés dans le S.-O.) et sur des profondeurs considé-,
râbles (les sondages d'Arcachon et de Marcheprime lui donnent
environ 50 mètres d'épaisseur en ces points, et peut-être a-t-il
80 mètres dans quelques endroits).
Il n'y a donc pas un fossile qui puisse amener à considérer
positivement le Sable des Landes comme marin. Je sais bien
qu'on n'y trouve pas de coquilles d'eau douce, ni de coquilles
terrestres, mais celles-ci (Hélix, ClausiliaJÇ) sont si ténues,
si fragiles, qu'elles ne peuvent se comparer aux coquilles
marines et qu'elles ont pu être complètement détruites. Du
reste, on sait combien les cours d'eau en charrient peu. Les
seuls débris organiques qui soient signalés dans le Sable des
Landes, sont des morceaux de bois lignitifié, fait qui se voit
surtout à l'embouchure des fleuves.
Si l'on admettait que le Sable des Landes n'est pas marin,
il faudrait l'expliquer par un transport diluvien provenant de
toutes les parties en relief qui entouraient le Bassin de l'Aqui-
taine (Plateau Central, Pyrénées) à partir de l'époque où la
mer l'a quitté définitivement, et surtout au début de la période
quaternaire, caractérisée partout par les grandes précipitations
atmosphériques.
Dans ce cas, les masses d'eau, suivant la pente naturelle du
(^) n s'agit ici de la masse même de la formation, car à sa base M. Uiider a
signalé quelques coquilles terrestres (Léognan).
CARTE GÉOLOGIQUE. 227
soi, devaient s'accumuler dans la partie la plus déclive du
bassin, c'est-à-dire vers la mer, et pouvaient y constituer le
dépôt que nous connaissons, mélange de sables, de cailloux
et d'argiles. Ce dépôt prenait d'autant plus d'épaisseur que la
région occidentale du bassin constitue, depuis une époque
géologique très reculée, une aire d'affaissement des plus
nettes.
11 suffit, pour s'en convaincre, de jeter un regard sur la
carte; on voit, par exemple, la surface supérieure du calcaire
à Astéries qui est à 90 mètres vers Rauzan (Nord de l'Entre-
deux-Mers), descendre à 10 mètres vers Langon (au S.); on
voit les lambeaux lacustres de l'Aquitanien inférieur attei-
gnant 110 mètres et plus dans la même région, descendre à
des altitudes de 15 à 30 mètres dans le Sud; l'Aquitanien
marin, à 135 mètres à Castelvieil, descend à 30 mètres dans la
Lande. On peut donc admettre que le Nord de l'Ëntre-deux-
Mers est resté en place, tandis que la partie Sud s'affaissait;
mais cet affaissement de la partie émergée, si net surtout à
partir de la période aquitanienne, n'allait pas sans un affaisse-
ment concomitant du fond de la mer avoisinante. Cet affais-
sement explique comment le rivage de la mer langhienne est
en retrait sur le rivage de la mer aquitanienne, et comment celui
de la mer helvétienne est également en retrait sur celui de la
mer langhienne, enfin comment le rivage actuel est en retrait
sur celui de la dernière mer tertiaire. C'est donc par des courbes
concentriques que l'on pourrait représenter ces différents
rivages, la plus intérieure, c'est-à-dire celle qui est le plus près
du centre géométrique du bassin, représentant le rivage le
plus récent (^).
C'est précisément cette grande aire d'affaissement que les
0) L'ailàissement existe encore de nos joars, mais il est lent et la mer tend à
empiéter de ncaveaii sur le territoire qu'elle avait quitté. Ce fait est signalé
aussi bien à Arcachon qu'à la pointe de Grave et dans le sol même de Bordeaux.
M. Harlé, qui semble disposé à admettre cet affaissement [loc. cit.), n'y a peut-
être pas suffisamment insisté.
228 E. FALLOT.
apports diluviaux seraient venus combler sous la forme du
Sable des Landes, et cela, comme je Tai dit, au début de Tère
quaternaire, car M. Linder a signalé à sa base, à Léognan, des
coquilles vivant encore actuellement (Hélix nemoralis,
Cyclostoma elegans) et le même fait existerait à La Brède.
Je ne vois donc aucune raison de placer le Sable des Landes
dans le Pliocène supérieur, comme l'admettent certains
auteurs.
Ce qu'on peut dire, c'est que son dépôt a précédé le creuse-
ment des vallées en général, puisqu'il fallait qu'il existât pour
qu'il fût creusé par les cours d'eau qui le traversent actuelle-
ment (la Leyre, les affluents de. gauche de la Garonne). Mais,
d'autre part, rien ne prouve que les grandes vallées comme
celles de la Garonne n'aient pas déjà été ébauchées à cette
époque.
En résumé, si l'on adoptait l'origine d'eau douce, on pourrait
se représenter le Sable des Landes comme le résultat d'une
sorte de vaste delta torrentiel compris entre deux grandes
artères fluviales, Gironde et Garonne d'une part, Adour d'autre
part, et traversés seulement par quelques cours d'eau, relati-
vement faibles par rapport à sa masse (Leyre, etc.), comme les
deltas actuels en présentent. J'ajouterai que l'expression delta
pourrait^ sembler justifiée par l'allure géographique de tous les
cours d'eau provenant des Pyrénées et par la forme triangulaire
de l'aire de dépôt du Sable des Landes. Ce serait comme si la
quantité d'eau qui Ta formée, étant venue à diminuer, s'était
sépatnAtf petit à petit en cours d'eau parallèles ou convergents,
et que, n'ayant plus la force nécessaire pour traverser la masse
de dépôts que les eaux avaient accumulés devant elles, elles se
soient déversées les unes à gauche, les autres à droite, les
unes vers TAdour, les autres vers la Garonne. Enfin, cette
hypothèse d'une sorte de delta aurait l'avantage de ne pas
supprimer l'action marine qui se serait exercée comme toujours
vers l'extérieur, et de considérer les étangs du littoral actuel
comme les lagunes laissées par la mer, que l'on voit dans cer-
CARTE GÉOLOGIQUE. 229
tains deltas et les dunes comme des dépôts de sable marin
accumulés par les vents (^).
Quant au Dépôt de TEntre-deux-Mers, il parait être un des
résultats du phénomène diluvien, mais se présentant dans
des conditions spéciales. Le Dépôt de TEntre-detaF^ierB est
surtout une formation argilo-siliceuse plus ou moins colorée
en brun ou en rouge par Thydroxyde de fer, et ne présente pas
toujours, tant s'en faut, des nappes de cailloux roulés ; cepen-
dant on peut en voir de beaux exemples dans certains points,
à Saint-Germain-de-Grave par exemple, où ils sont sur une
grande épaisseur, et dans quelques autres localités. Il doit être
en partie le résultat du lavage opéré par les eaux diluviennes
sur les argiles et sur les calcaires tongriens en place. Le
calcaire plus ou moins dissous a été entraîné; la partie
insoluble (argile, silice) est restée en place, recouvrant le tout
d'un manteau uniforme.
Quant aux cailloux quartzeux ou autres, aux sables amenés
par les eaux descendant du Plateau Central, ils ont dû souvent
passer sur TEntre-deux-Mers sans s'y arrêter, ou tout au moins
ne s'y sont-ils accumulés que dans des points particuliers pour
aller s'amonceler dans cette sorte de fosse qui constitue l'aire
du dépôt du Sable des Landes.
On pourrait donc ne voir dans le dépôt de ces deux forma-
tions (Sable des Landes et Dépôt de l'Entre-deux^Mers) qu'un
seul et même phénomène empruntant aux circonstances géo-
graphiques leur aspect particulier. Mais, je le répète, le problème
n'est pas résolu et il faut de nouvelles recherches et de nou-
veaux faits pour être éclairé sur l'origine réelle du Sable des
Landes dont l'allure, comme je le disais en commençant,
rappelle aussi les dépôts littoraux.
Il est évident enfin qu'une fois ces premiers sédiments
formés, il y a eu des points d'élection où les phénomènes de
0) Rien n'empêcherait da reste qne le Sable des Landes soit d*orîgine dilu-
vienne vers rintériear et marine vers Textérieur.
230 E. FALLOT.
creusement ont pu se produire plus particulièrement, et je ne
verrais pour ma part aucune impossibilité à ce que le creuse-
ment primitif et principal de la Garonne ait pu se produire
surtout aux points où les deux principaux courants (celui des
Pyrénées et celui du Plateau Central) venaient se rencontrer.
Il y avait, du reste, là une circonstance adjuvante très nette :
c'est celle d'une dépression naturelle ancienne sur laquelle j'ai
insisté ailleurs, et qui existait entre la ligne anticlinale crétacée
(Yillagrains-Landiras) et la région charentaise. Le fond de cette
dépression devait suivre à peu près remplacement de la vallée
actuelle entre Langon et Bordeaux.
Une fois ébauchées, les grandes vallées ont continué à se
creuser pour arriver à leur état actuel, et à mesure que ce
creusement se produisait, leurs alluvions devaient se spécia-
liser, si je puis ainsi dire. Mais lorsqu'on quitte les bords du
fleuve pour gagner les coteaux restés témoins du creusement
à son origine, on trouve des dépôts qu'on peut de moins en
moins séparer, soit du Sable des Landes, soit des cailloux de
l'Entre-deux-Mers, et on arrive à réunir le tout sous le nom de
formations de recouvrement anciennes.
Cette difficulté de séparation est très visible sur le terrain
d'abord ; d'autre part, il n'y a qu'à regarder, par exemple, la
carte de M. Raulin et les feuilles publiées par M. Linder, pour
voir que ces deux auteurs n'admettent pas la même limite aux
deux formations. M. Raulin a imaginé une ligne fictive qui se
maintient uniformément à une quinzaine de kilomètres environ
de la Garonne actuelle ; d'un côté, à l'Ouest, ce serait le Sable
des Landes; de l'autre côté, à l'Est, les Alluvions anciennes.
M. Linder a compris cette limite d'une autre façon, sans indi-
quer sur quel critérium il s'appuyait; quant à moi, je suis
arrivé jusqu'ici à un résultat négatif et la vérité m'oblige à
l'indiquer. J'ai renoncé à marquer la séparation entre le Sable
des Landes et les terrasses alluviales les plus anciennes, et je
ne sais si je pourrai y arriver plus tard d'une façon positive.
Quant aux Alluvions récentes, elles ne se séparent aussi des
CARTE GÉOLOGIQUE. 231
anciennes que d'une façon fictive; j'ai cru devoir désigner sous
ce nom celles qui correspondent aux crues extraordinaires des
deux fleuves (Garonne et Dordogne), c'est dire qu'elles ne
dépassent généralement pas, dans l'étendue de la carte, l'alti-
tude de 10 mètres et se maintiennent souvent au-dessous dans
les basses vallées (^).
Partout elles recouvrent des alluvions anciennes qui ne
paraisssent pas toujours sur les bords et qui manquent géné-
ralement sur la rive droite de la Garonne où les coteaux
presque à pic, constitués par le Tongrien, viennent pour ainsi
dire jusqu'au bord du fleuve. Enfin, j'en ai marqué généra-
lement une mince ligne le long des principaux afiluents, bien
que, souvent, elles soient peu visibles, cachées^ en tout cas^
par la terre végétale et les prairies.
19 Juin 1895.
<<) Dans la crue de liJ75, la Garonne est montée jasqu'à 13 mëtrea aa^dessvs de
Tétiage.
• * •
Tableau iadiquant la succcsshb des as»ses géologlquts re|)rèsenl^es sur la urU
Aclnelles. — Alluviou ricenlt», correspondwl aux gnudes crues.
QMWrniires 1 AHMlonjtndennra.
PIBiitocèoes I SBlilodMUiidM. — Dép*lMp»rlicielderEntr«-il8in-ller».
Plloctne. — Manque»
\ Mot.— Falunj-tTpes de.Liogna
FtcUi Halteaif u.
. — HollatM oBsinre de Lée-
gDan, Canejan, S<-llédard-
■iU ei HeUmUtt
d« S<^Crolx-dii-
HODI.
•le.aableDinurlii
(Uallaae cwuil-
iSfe) de S-^Croli-
de l'Entre-deDi-
I lien, aiee irglk)
!;riata pasianT in-
iHeu riment tni
argiles k coaett-
lia dn Son.
3- Cale lacmlre
inl. de la roale
Roche lablcaee
gnan, de Lagies, de Hara*.
■. raina Jaane dn CoqalU»
(L<ogDaD},deLaCa3sagne
(SincaU).
FmcUi ftlnieu.
Kilnns lot» de Léognan (Tbi-
bandcaa, ChAlean Ollrier,
Chiteau du ThU inp'): de
SaucalalGInodean on H'* de
l'Egllia, La Pclona); delierl-
Kie(ni>ean lap'deti pinp.
oor); de Peâsac (Ferme-
Bcole) ; dn Chïleaa de Gajac,
Falans de Mérlina'
\vÂw . i
InMePenaelFcr
ma-Ecola Int*), d«
CabuacfPoofnel),
chiea k ooRertlIoot etIcJ
ti MOiiaue arguo-iaiiiflase aes eoTironsde sanvaurn
I Karllal, etc. (Hollaue Inlirienre de l'Ageaa<B}.
. ^-l Calcaire a Asiéries.
-•*i
Cale, lacustre de Careoiac, Horiiis (r«préMOlanl le f
cale, de Caslilion et de Cliracl. (
Hollanedu Fronsadala. 1 Srstème argileui et mol- i
Argile* iDFra-maltuslqnes luslaae de la talli« dui
et argllei i AnoDiee do Dropl. k
(n'allenre pas et douteux daog la prelondenr).
i Garumnlen (nwnquel.
Crâlucé '. HatatrlChUen. — tonehctsn|>trieureadeVlllmtalas.
( CumpsDlen. — CoaebwInKrloDrtsde villigriune.
I
{
L'ÉLEGTRODYNAMIQUE
DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES
PAR P. DUHEtf
nOrUSECR de riTlIQCE théorique a la FACOLTé DES SCIBMCES DE DORDEAOX
PREMIER MÉMOIRE
Propriétés fondamentales des courants de dépUcement.
INTRODUCTION
On sait que Télectrodynainique des milieux diélectriques,
telle que Maxwell Ta esquissée, repose sur des hypothèses
incompatibles avec les théories classiques de Télectricité, ce
qui porte un grand nombre de physiciens à abandonner ces
théories.
Uelmholtz a tenté de rattacher Télectrodynamique des
milieux diélectriques aux doctrines traditionnelles; toutefois,
ses équations ne semblent pas conformes à certaines lois
annoncées par Maxwell et vérifiées par l'expérience.
Notre but est de continuer l'œuvre de Helmholtz et de mon-
trer comment toutes les lois expérimentalement vérifiées qui
découlent des idées de Maxwell, peuvent être également
déduites d'une méthode qui ne brise pas la tradition.
T. I(ô«Série>.
CHAPITRE 1"
Induction exercée, dans les corps conducteurs,
par les courants de déplacement.
§ 1. Définition des flux et des courants de déplacement.
Imaginons un diélectrique polarisé. Soient A), ^, 6 les
valeurs, au point (x, y, z) et à l'instant t, des composantes de
la polarisation. Le point matériel qui se trouve, à l'instant t,
en {x, y, z) se trouve à l'instant (i + dt) en un point
{x + Sx, y + Zy, z + Iz), Sx, ly, Iz n'étant égaux à 0
que si le diélectrique est immobile. Si le diélectrique avait
entraîné avec lui sa polarisation, les composantes de cell&-
ci auraient pour valeurs nouvelles X + SJj, 3Î + iî3ï, C + SC,
lAy, Sâî, 3(3 étant donnés par les égalités
I lA, = em' - S!> c'.
(i) SiB ^ Au' - C w ,
( 8C =âB» - Jb«',
ou ti>, (■)',(■>', sont les composantes de la rotation subie, pendant
le temps dt, par l'élément qui entoure le point {x, y, z).
En général, cet élément n'aura pas simplement entraîné sa
polarisation, mais celle-ci aura changé de grandeur .et de
direction au sein de l'clcment, en sorte que ses composantes
X + dJb, âï + d^, t + dt,k l'instant t + dt, seront en
général différentes de X + SJb, 3Î |- difi, C + SC.
Nous poserons
l dX — lA>~-idt,
(2) j d3!,-l^=idt,
{ dC — se = z <*'•
ÉLECTHODYNAMIQUE DES MILIEUX DlItLECTRIQUES. 235
Nous nommerons les quantités 9> ^ et x ^'^^&i définies les
composantes du flux de déplacement au point (x, y, z), à
Tinstant t. Nous adoptons ce mot fltix de déplacement parce
que, créé par Maxwell^ il est aujourd'hui généralement en
usage; nous ne lui attribuons pas d'autre signification que
celle qui vient d'être définie.
Si le diélectrique est en repos, la définition précédente se
simplifie. Imaginons que les composantes ^^^ % C, de la
polarisation soient exprimées en fonctions des coordonnées
X, tff z et du temps t; il est facile de voir que nous aurons
(3) \ ^ = ^^3i{x,y,z,t),
La notion de flux de déplacement conduit à la notion de
courant de déplacement comme la notion du flux électrique
ordinaire (que nous nommerons dorénavant fliuc de conduo-
tion) conduit à la notion de courant électrique ordinaire (que
nous nommerons dorénavant courant de conduction) :
Imaginons qu'une courbe fermée infiniment petite d'aire û
se déplace et se déforme^ tandis qu'un de ses points décrit la
courbe S, et que son plan demeure constamment normal à
cette courbe. Cette courbe engendre un espace filiforme que
nous supposerons rempli par une substance diélectrique. Nous
imaginerons que ce diélectrique soit le siège de flux de dépla-
cement^ assujettis seulement à être, aux divers points d'une
même section û^ parallèle à la tangente menée à la courbe S
au point où elle rencontre cette section. Si nous convenons de
désigner par la même lettre S la direction de cette tangente^
nous dirons que la quantité
(4) ^ = I 9C0s(S, x) + ^cos(S, y) + xcos (S, z) dû
Q
236 p. DUHEX.
est Vintenaité du courant de déplacement qui traverse la
section dans le sens de la tangente S.
L'intensité j peut varier lorsqu'on passe d'une section Q du
fil diélectrique à une autre section du même fil. Lorsqu'elle a
la même valeur pour toutes les sections droites du fil, le
courant de déplacement est dit uniforme.
§ 2. Force électromotrice d'induction engendrée par un
courant de déplacement dans un fil conducteur.
Imaginons un système formé de fils conducteurs et de fils
diélectriques, les premiers pouvant être parcourus par des
courants de conduction et les seconds par des courants de
déplacement; supposons en outre que tous ces fils soient
mobiles et déformables.
Soit ds nn élément de fil conducteur; à l'instant t, sa
résistance est Kds et il est parcouru par un courant d'inten-
sité J ; RJds est la force électromotrice totale dont cet élément
est le siège à l'instant t.
Si le système ne renfermait pas de fils diélectriques parcou-
rus par des courants de déplacement, l'élément ds serait le
siège d'une force électromotrice déterminée par les lois du
galvanisme et de l'indqction électrodynamique. Soit eds cette
force électromotrice.
Nous regarderons comme un fait d'expérience que si les
fils diélectriques que le système renferme étaient immobiles
et parcourus par des courants de déplacement d'intensité
constante, on aurait
hJds = edSf
tandis que cette égalité n'a plus lieu si les courants de dépla-
cement sont variables ou si les fils diélectriques que traversent
ces courants changent de position par rapport à l'élément ds.
Dans ce cas, nous poserons
(8) RJd« = ed« + 8d«,
et nous dirons que d&s est la force électromolrice d'indue^
ÉLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 237
tion engendrée dans Vêlement conducteur ds par les courants
de déplacement que renferme le système.
Pour déterminer la forme de cette force électromotrice^ nous
établirons des hypothèses et nous développerons des raison-
nements de tout point analogues aux hypothèses et aux
raisonnements qui nous ont servi ailleurs (^) à déterminer
les lois de Tinduction électrodynamique. Nous arriverons ainsi
au résultat suivant:
Soit dS un élément d'un fil diélectrique ;
Soit j Tintensité du courant de déplacement en un point de ,
cet élément ;
Soit r la distance d'un point m de l'élément (2 s à un point M
de l'élément dS ;
Soit 6 l'angle de l'élément ds et de la droite m M ;
Soit 6 l'angle de l'élément d S et de la droite mM;
Soitci) l'angle des deux éléments ds, dS;
Soient B et u deux constantes dont la seconde est purement
numérique ;
Nous aurons
(6) èdsdt = B8 M« r(-i-^ cosecose + -^ cosa)\;rfsT
l'intégrale s'étendant à tous les fils diélectriques que le système
renferme.
§ 8. Induction engendrée par des flux de déplacement
quelconques dans un corps conducteur quelconque.
Imaginons maintenant un corps conducteur isotrope placé en
présence d'un diélectrique parcouru par des courants de dépla-
cement quelconques. Au point {x, y, z), à l'instant t, le corps
conducteur a une résistance spécifique p ; le flux de conduction
a pour composantes u, v, w. Les quantités pu, pv, çw sont les
composantes de la force électromotrice totale qui agit au
point (x, y, z), à l'instant t.
0) p. Dahem, Leçons tur Vélectricité et le magnétisme, Livre XIII, Chapitres I,
II et m (t. III, pp. 67-113).
338 P. DDHCM.
Si le système ne renfermait pas de corps diélectrique paN
couru par des courants de déplacement, les composantes de la
force électromotrice totale, donnée par les lois du galvanisme
et de l'inductioD électrodynamique, auraient pour valeur
)_^(.T + .«l + e)-Ht+*..
— T- feV 4- «D + e j + f, + e„
V étant la fonction potentielle des charges électriques
répandues sur le système ;
0 la fonction potentielle de la polarisation diélectrique ;
a une quantité qui dépend de l'état du conducteur au voisi-
nage du point {x,y, z);
(r. C> ^' 'es composantes de la force électromotrice hydro-
électri(iue ou thermo-électrique ;
Enfln «,, e^, e, les composantes de' la force électromotrice
d'induction électrodynamique.
Rappelons comment on obtient ces dernières:
Soit {x', y', z') un point du système conducteur;
Soient u', v', w' les composantes du flux de conduction au
point (x', y', z'),k l'instant (;
Soit do' un élément de volume entourantle point (x',jr', z');
Soit r la distance des points (x, y, z) et (x', y', z');
Soit X une constante numérique (constante de HelmhoUz);
Posons
Ces formules, oii les signes d'intégration s'étendent 8U
fiLECTRODTNANIQOB DRS MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 239
système conducteur tout entier^ définissent trois fonctions
de X, y, z, t.
Cela posé^ soient Zxy Zy, Zz les composantes du déplacement
subi par le point (x, y, z) pendant le temps dt;
Soit -g- la constante fondamentale de Télectrodynamique ;
Les quantités Cx, ej,y e, sont alors déterminées par les égalités
suivantes ('):
= -f["
dz dz dz J
Les expressions (7) des composantes de la force électromo-
trice deviennent^ en général, inexactes^ lorsque le diélectrique
est parcouru par des courants de déplacement; dans ce cas^
on a
ptl = — — (e V + eO 4- 0) 4- C + ^, + g„
(10) ^ pr = — — (sV + eO + e) + f, -h é?, + g„
QVO= — — (eV + s 0 -4- 0) + ^ -h ^, + g,,
az
g^, gy, ?oty étant les composantes de la force électromotrice
d'induction due aux courants de déplacement.
Pour déterminer les quantités g^, g^, g„ nous nous appuie-
rons sur le résultat obtenu au § précédent, et nous développe-
rons une suite d'hypothèses et de raisonnements analogues à
ceux qui nous ont servi, en un autre endroit (^), à trouver les
expressions de Cxy e^y ^,; nous remplacerons seulement, dans
(}) H. von Helmholtz, Ueher die TIteorie der Elektrodynamik, IIP* Abhandl.:
Die elektrodynamUchen Krafte in bewegten Leitem. (Borchardt's Journal,
t. LXXVIII, p. 309, 1874. — Helmholtz, Wissenschaftliche Abhandlungen, 1. 1.
p. 745.)
(*) P. Dahem, Sur let lois générales de Vinduction électrodynamique (Annales
de la Faculté des sciences de Toulouse, t. VII, B. 1894).
iiO V. DUHEH.
cette suite d'hypothèses et de raisonnements, le mot flux
conduction par le mot /lux de <léplacement. Nous arriverons
ainsi au résultat suivant:
Soient : {x', y', z') un point du diélectrique;
r sa distance au point (x, y, z);
dn' on élément de volume entourant le
point (x', y', r);
?'' '!''> y.' l^B composantes du Hux de déplacement
au point {x', y', z').
Posons
Ces formules, oij les intégrations s'étendent au diélectrique
tout entier, définissent trois Tonctions de x, y, z, l.
Cela posé, nous aurons
I ]_ ax dx âxj
Les formules (10), (H) et (12) résolvent le problème de
l'induction engendrée dans les corps conducteurs par les
courants de déplacement; elles ne laissent plus rien d'inconnu
dans ce problème, sinon les valeurs numériques des deux
constantes B et ix.
dlV,
dtt'.
ÉLECTRODYNANfQUE DBS MILIEUX DI^.LECTRIQUES. 211
CHAPITRE II
Polarisation d'un corps diélectrique sous rinfluence
de courants de conduction on de déplacement.
Considérons un système qui renferme des corps conducteurs
électrisés et des corps diélectriques polarisés ; soient ^^, ^, 6
les composantes de la polarisation en un point (Xy y, z) de
Tun des diélectriques et M l'intensité de cette polarisation;
soit F (âh) une certaine fonction essentiellement positive de Ah.
Si le diélectrique est isotrope et parfaitement doux, et si le
système est exempt de tout courant de déplacement oudç
conduction, on sait (Leçons sur Véleclricité et le magné-
tisme, Livre XI, Chapitre II) que Ton a
(i) ^« = -sF(Jb)^(V+0),
Avec Maxwell, nous admettrons que ces équa.tions demeu-
rent exactes lorsqu'on tout point du système le flux, soit de
conduction,, soit de déplacement, garde une intensité et une
orientation invariables, et que le corps dans lequel circule ce
flux garde une position invariable; mais qu'elles deviennent
en général inexactes lorsque les conditions que nous venons
d'énoncer ne sont pas réalisées. Nous supposerons que l'on a,
en général, au lieu des équations (1), les équations
Jb = -.F(Jll,)[€^(V + 0) -},-;;],
(2) ^ 55 = - FWQ^CV+O) -.},-;;].
e = -F(ai,)[6^(V-hO)-J,-;.].
(3)
(5)
2i2 p. DUREM.
Les quantités j^, j^, j^ sont nulles pour un système qui
ne renferme pas de flux de conduction et les quantités Jx> jfv»
j^, sont nulles pour un système qui ne renferme pas de flux de
déplacement.
Pour déterminer les quantités j^, j^, j„ nous reprendrons
presque textuellement la suite d'hypothèses et de déductions
qui nx)us a servi à déterminer les quantités ex, e^,, e», et nous
parviendrons au résultat suivant :
Soient B, et ja, deux constantes. Considérons les trois fonc-
tions de X, y, z, t définies par les égalités
où les signes d'intégration s'étendent au système conducteur
tout entier. Nous aurons
/iv ) • j. n /» àix diy diz\
(4) j,dt = B. (8p. + «. _ + p. _i^ + „, _j.
Pour déterminer les quantités ^x, },, }z, ^ous repren-
drons textuellement la suite (^hypothèses et de déductions
qui nous a servi à déterminer les quantités &^, 8y> 8«. Nous
arriverons ainsi au résultat suivant:
Soient G et v deux constantes. Considérons les trois fonctions
de X, y, Zy t définies par les égalités
ÊLECTRODYNAMIQUE DBS NILICCX DIÉLECTRIQUES. 243
OÙ les signes d'intégration s'étendent à Tensemble des corps
diélectriques que renferme le système. Nous aurons
},dt=c(it
/ON K , /, /^ ^àlx dly . diz\
(6) jj,rf, = c(8a + f^ + 0-^ + l,^).
Les égalités (3), (3), (4), (5) et (6) déterminent les lois géné-
rales de la polarisation des corps diélectriques ; ou, plutôt,
elles ne laissent plus d'indéterminé dans ces lois que les valeurs
des quatre constantes
CHAPITRE m
L'énergie Interne d'un système qal renferme des courants
de conduction et des courants de déplacement.
§ i. Hypothèse fondamentale sur l'énergie interne.
Considérons un système renfermant des corps électnsés et
des corps diélectriques polarisés, mais supposons qu'aucun flux
de conduction ou de déplacement ne parcoure ce système.
Ce système admet un potentiel thermodynamique interne.
Ce potentiel, connu par d'autres théories, est exprimé par
l'égalilé •
(*)
Dans cette formule,
K est l'équivalent mécanique de la chaleur;
T, la température absolue ;
T, l'énergie interne du système à l'état neutre;
S, l'entropie du système également à l'état neutre ;
q, la charge électrique en un point d'un conducteur;
A\>, l'intensité de polarisation en un point de l'élément da ;
3- (Jb, T), une certaine fonction de cette quantité et de la
température absolue;
Les autres lettres ont la môme signiflcation qu'au Chapitre
précédent;
Les intégrations s'étendent au volume entier du diélectrique.
ÉLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 24S
L'énergie interne U d'un système est liée à son potentiel
thermodynamique interne 9 par la formule générale
Le système considéré a donc pour énergie interne la quan-
tité U définie par Tégalité
(2)
+
^[»(ji.T)-T^*a*i!)],„.
Cette expression de Ténergie interne ne sera plus valable^ en
général, si les conducteurs que renferme le système sont par-
courus par des courants de conduction et les diélectriques par
des courants de déplacement; pour rendre exacte Tégalité (2),
il faudra ajouter au second membre une certaine quantité EU'
qui deviendra égale à 0 lorsque tous les courants s'annuleront
sur le système. C'est la forme de cette quantité EU' que nous
allons chercher à déterminer, en nous servant d'un certain
nombre d'hypothèses.
Pour déterminer EU' nous suivrons exactement une marche
analogue à celle qui nous a conduit à la valeur du terme
correspondant dans le cas où le système ne renfermait que
des courants de conduction; mais les hypothèses énoncées
seulement alors pour les courants de conduction, nous les
énoncerons maintenant pour les courants de conduction et
pour les courants de déplacement.
La première de ces hypothèses consiste à admettre que la
quantité U' garde une valeur invariable toutes les fois que
les corps traversés soit par des courants de conduction, soit
par des courants de déplacement y demeurent immobiles et
que le flux de conduction ou de déplacement qui traverse
chaque élément de ces corps demeure invariable de grandeur
et de direction.
f
I
246 p. DUNEM. '
Cette hypothèse entraine la conséquence suivante :
La quantité U' dépend uniquement de la forme et de la
position des corps, conducteurs ou diélectriques y qui com-
posent le système, et de la^ grandeur et de la direction des
flux soit de conduction^ soit de déplacement, en chaque
point de ces corps. Elle ne dépend pas des paramètres qui,
joints aux précédents, achèvent de déterminer les propriétés
physiques et chimiques du système, la distribution électrique
et Vétat de polarisation diélectrique.
«
§ 2. Extension de la loi de Joule aux systèmes qui
renferment des diélectriques.
A un système qui renferme des conducteurs parcourus par
des courants et des diélectriques polarisés parfaitement doux,
nous appliquerons une hypothèse semblable à celle que, sous
le nom de Loi de Joule généralisée, nous avons appliquée (*)
à un système renfermant des courants électriques et des corps
magnétiques parfaitement doux.
Cette hypothèse s'énonce de la manière suivante :
Soient u, v, w les composantes du flux de conduction au
point {Xy y, 2) d'un conducteur.
Soient E^^ Ey, E« les composantes de la force électromotrice
en ce point;
Soit M Pintensité de polarisation en un point du diélectrique ;
Soit T la température absolue ;
La quantité de chaleur dQ que le système dégage pendant
une modification infiniment petite de durée dta pour valeur
(S)E« = d./[(E.-T^'). + (E,-T^),. + (E.-T§)»]i„
la première intégrale s'étendant aux conducteurs et la
seconde aux diélectriques.
(>) Leçom rat l'électricité et le magnétUme, t. m, p. 387.
' ÉLECTRODYNAMIQUE DES MIUEOX DIÉLECTRIQUES. 247
Nous allons voir tout d'abord que Tapplication de cette équa-
tion à un système immobile conduit à la détermination de la
quantité EU\
§ 3. Détermination de la quantité U'.
Si un système est immobile, nous aurons, en désignant ptff
dQ la quantité de chaleur qu'il dégage dans le temps dtét par
SU la variation d'énergie interne pendant le même temps,
(4) • EdQ = — E8U.
. Or, régalité (2) nous donne aisément, en remarquant que
F(Jb)= "^
à3i{â\,,T)
et que
âM>
. ., MA^ 4- 55835 + eae
*-*^ = ' M
«
(5) E5U = Ejr*2«M6-T|*)
_ j ra»gf(jb, T)
dMdT
iàlada + ESU'.
D'autre part, en vertu des égalités (10) du Chapitre I,
248 p. DUREM.
l'égalité (3) devient :
(6) EdQ = -dj/'[«^(sV + stl + e-.T^)
Mais la théorie des phénomènes hydroélectriques ou thermo-
électriques donne Tégalité
(7) ESr = ~ dtj[{f- T ^) « + {f- T |§) » + {f'- T ^) »] <««
D'autre part, on est convenu, dans toutes les questions du
genre de celles que nous traitons, de négliger les quantités
telles que
iU-l'-r^V
Les égalités (4), (5), (6) et (7) donnent donc :
(8) E8U'= — dt\\(e^+ 8J « + (e, + S,) » + (c,+ g.) ip | do
-/i['îi(^-»>-PW)]'*
Les corps qui composent le système étant immobiles, les
I
I
ÉLBCTRODTNAIIIQDB BE8 MIUBDX DIÉLECTRIQUES. 249
équations (9) et (13) du Chapitre I donnent
«.+ 6. — - 5-^-B-^,
tandis que les égalités (2), (4) et (6) du Chapitre II donnent
A,= -F(Jl)[.±(T + ll)-B.^-cff].
Les équations (8), (9) et (10) donnent alors, en observant
que sur des diélectriques immobiles, en vertu des égalités (2)
du Chapitre I, on a
Posons, comme nous l'avons déjà fait ailleurs (')
(12) n = - Ç Autt +XIV+ Ww) do.
Posons, d'une manière analogue,
(13) n- = - 1 J{{, + r^+ i)x) dn.
■ Il .1111 - I ■ —^
(1) £es acIiOfM électrodynaniiquet et électromagnétiques, Chapitre préliminaire,
égalité (33) (Anmles de la Faculté det sciences de Toulouse, t. VII B., 1898).—
La lettre n figure déjà dans l'expression ci n, qni désigne nn élément de volume
diélectrique ; le lecteur évitera sans peine toute confusion.
T. I(j«Série). 17
2(k) p. DOHEII.
ConsidéroDS ensuite la quantité
(14) n' = — B r(*tt + Wtt + Xip) da.
Cette quantité pourra se mettre sous une autre forme.
D'après la définition des fonctions ^, V, X [Chapitre I,
égalités (il)] on peut écrire
(16)
ff_ Brrr*"*''* ««?' + *'^' + »x'
Désignons par n, x>, v> ce que deviennent les fonctions
tti> »i> Wi [Chapitre II, égalités (3)], lorsqu'on y remplace \L^
par {jl; on verra sans peine que Tégalité (15) peut s'écrire
(14***) n' = — B Mttç + d4* 4- iDx)dn.
Nous avons vu [Les actions électrodynamiqiies et électrth
magnétiques, Chapitre préliminaire, égalité (33)] que Ton
avait
On aura de même
(17, _. = _cJ(-,4-^* + -^x)rfn.
Enfin, régalité (15) donnera sans peine
(18) -- = -BJ(^« + ^« + _«,jdc
Les égalités (11), (16), (17) et (18) donnent alors
<LKXBODTNAItI0UE DES MILIBDX DIÉLECTRIQUES. 251
(19) E8U' + d« i (n + n' 4- n')
Cette égalité (19) peut se mettre sous une forme un peu
différente.
Nous avons, en vertu des égalités (3) du Chapitre II,
ce qui peut encore s'écrire, en désignant par ^i, V„ X, ce
que deviennent les fonctions $, W, X [Chapitre I, égalités (11)]
lorsqu'on y remplace a par ^^,
(20) j(_^,H-^^ + _i^)dn
/»•-
>^(—
On aura de même
Si nous posons
8tt=:-vrdf, 8t>=-r--(IJ, 5tt;=----d/,
a( a» at
les égalités (19), (20) et (20 bis) nous donneront l'égalité
2SS P. DUHEk.
suivante :
(21) E8U' + (it^^(n + n'-4-n')
= rfcBi*!— B*) 8ti -+- (Bi Wi— BW)8t? + (B^Xi— EX) 8» | da
Le premier membre de cette égalité est la variation totale
d'une fonction des flux de conduction u, v, w, et de déplace-
ment 9, ^'j X; 1® second membre, ne dépendant pas des varia-
tions Z(fy ^, Sx, ne peut être une variation totale que si les
trois quantités
B|X| — BX,
sont indépendantes de 9, ^ et 7 ; comme d'ailleurs ces trois
quantités s'annulent si l'on fait 9 = 0, ij; £= 0, x = 0, elles ne
peuvent être indépendantes de 9, ^ et y que si l'on a identi-
quement
/ B,*i — B<h = 0,
(22) ! BjW^— BW=0,
B,X, — BX = 0.
Nous avons [Les actions électrodynamiques et électroma-
gnétiqueSj Chapitre préliminaire, égalités (19)]
"~*J r 4i: àxjm dt r ^ ^
r étant la distance d'un point de l'élément dll' ou dtù' au point
(x, y, z) et 0' la fonction potentielle, en un point de l'élément
du', de la polarisation diélectrique. Les fonctions $„ V*,, X.
vérifient des égalités analogues où jx est remplacé par (x,; nous
les nommerons les égalités (23 bis). Les intégrales qui portent
l'indice E sont étendues à tous les éléments de volume dtù' de
l'espace.
ÉLECTRODTNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLBCTRIOCJES. 253
On sait que Ton a^ en général,
— rfjb' cos(N„ x) + a' cos (N.., y) + C cos (N*,2)l * rfS',
la seconde intégrale s'étendant à la surface qui limite le diélec-
trique ; on a donc
— I ç' cos (N<, X) 4- d;' cos (N,, y) -H x' <^^s (N,, z) I - rfS'*
Considérons, tout d'abord, des flux de déplacement qui véri-
fient en tout point à Tintérieur du diélectrique Tégalité
ox ây âz
et, en tout point de la surface du diélectrique, Tégalité
çcos (Ni, x) -h^ cos (Ni, y) 4- ^cos (N,., z) = 0.
Pour de tels flux, Tégalité (M) donne
et les égalités (23) et {%S bis) donnent
*=*.=Jf rfir,
x = x, = r^dn'.
Gomme ces trois quantités ne sont pas identiquement nulles,
les identités (22) exigent, en premier lieu, que l'on ait
(25) B, = B.
Ce résultat obtenu, les égalités (32) peuvent s'écrire, en
tenant compte des égalités (23) et (23 bis).
254 P. DUHEM.
<-^)^/i^ -;<""•=«•
Pour que ces égalités aient lieu identiquement^ il faut et il
suffit que Ton ait
(26) 1*1 = I*.
Si les égalités (25) et (36) sont vérifiées, le second membre
de régalité (21) devient identiquement nul, et Ton a
(27) E5U' = - df ^ (n + n' + n'),
SU' étant la variation que subit la quantité U' lorsque les flux
de conduction et de déplacement varient sans que les positions
des divers corps qui composent le système éprouvent de modi-
fications. Si Ton remarque que, d'après la proposition établie
au § 1, la quantité U' dépend seulement de la position des
corps qui composent le système et des flux qui les traversent^
on voit que l'égalité (27) permet d'écrire
EU' = - (n + n' + n') + c,
la quantité C ne dépendant que de la forme et de la position
des corps qui forment le système ; il suffit alors de remarquer
que, lorsque tous les flux s'annulent, la quantité U' doit s'annu-
ler par hypothèse, et que, d'ailleurs, la quantité (n + n' + n')
s'annule également dans ces circonstances, pour voir que la
quantité C est identiquement nulle, et que l'on a
(28) EU' = - (n + n' + n').
Les quantités n, n', n', sont données[par les égalités (12), (13),
(14) et (14 bis).
§ 4. Signe des constantes C et y.
Imaginons un système formé seulement de corps diélec-
triques immobiles ne portaiit aucune charge électrique ; en tout
ÉLEGTRODTNAMIQUE DBS MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 2S5
point de ce système, nous aurons, en vertu des égalités (2) et
(7) du Chapitre II,
+ 63-4- C-T7=0,
F {M) dx dt
4- e-r- 4- C rr:=0.
F(Jt) àz dt
Ces égalités (29) sont évidemment vérifiées si Ton suppose
que Ton ait en tout point
Jb = 0, âî = 0, c = o,
?=0, (1^=0, x = 0,
c'est-à-dire que le système soit en équilibre lorsquHl ne porte
ni polarisation diélectrique, ni courant de déplacement. Nous
admettrons comme un fait d'expérience ou comme une hypo-
thèse, que cet équilibre est stable, et nous allons rechercher
les conséquences analytiques d'une pareille supposition.
Multiplions les deux membres de la première égalité (29)
par ç = -Tj, les deux membres dé la seconde par 4 = -^, les
deux membres de la troisième par x = "^> ajoutons membre
à membre les résultats obtenus; multiplions ensuite par dU et
intégrons pour le volume entier du diélectrique. Nous trouvons
L'égalité
1 _ i dg(JV„T)
qui définit F {M,), jointe à l'égalité
256 p. DCHEM.
donne sans peine
D'autre part, on a
J \dx dt "^ ày dt'*"dz dt)
et aussi^ en vertu des égalités (13) et (17),
i d r
En vertu de ces diverses égalités, l'égalité (30) devient
Cette égalité, intégrée entre t = t,ett = t„ donne à son tour
(3i)[/^(ii,)dn-H|/(jbg..«^4.eg)dn
c
■^2
J(?f-4-4;9-4-xlj)dnJ'2'=0.
On sera assuré que l'équililrre défini ci-dessus est stable
si la quantité
C r
est essentiellement positive.
Cette proposition se déduit aisément de Tégalité (31)*.
Imaginons, en effet, qu'à Tinstant t = to, nous donnions
aux quantités
des valeurs infiniment petites ; à ce moment, la quantité entre
crochets au premier membre de Tégalité (31) aura une valeur
ÉLECTRODTNAMIQOE DES MILIEUX BIÉLBCTRIOUBS. 257
infiniment petite. L'égalité (31) exige alors que cette même
quantité ait à tout instant f^, postérieur à t„, une valeur infini-
ment petite, Or^ si Ton est assuré de l'inégalité
(32) ^J(?f+4'fl-Hxl))rfn>0,
la quantité qui figi^re entre crochets^ au premier membre de
régalité (31), ne peut être infiniment petite à moins que toutes
les quantités
ne soient infiniment petites. En effet, si les quantités Jb, % C,
prennent des valeurs finies, les intégrales
prennent assurément des valeurs positives et finies; et si les
quantités ç, ^, x> prennent des valeurs finies, d'après l'inéga-
lité (32), la quantité
prend des valeurs positives et finies.
L'inégalité (33) nous assure donc que si les quantités
c^), a, C, 9, 4», X»
sont infiniment petites à un instant donné, elles sont toujours
infiniment petites, ce qui démontre la proposition énoncée.
La réciproque de cette proposition ne parait pas pouvoir
être démontrée d'une manière générale; nous admettrons
cette réciproque.
Ces préliminaires posés, remarquons que l'on peut écrire
[Les actions électrodynamiques et électromagnétiques.
Chapitre préliminaire, égalités (19)]
J r 4x dxj dt r *
J r 4x dzj dt r
SK8 p. DUBEM.
Considérons, en premiep lieu, des flux de déplacement véri-
fiant régalité
d9 dd; dx ft
en tout point du diélectrique et Tégalité
?cos(Ni, a?) + d/cos(N« y) -h x<^^s(N,., 2:) = 0
en tout point de la surface qui le limite. Pour de tels flux,
nous avons, en vertu de l'égalité (24),
dt
et, par conséquent, pour de tels flux, en vertu des égalités (33),
l'inégalité (32) devient
c Jj9f' + W ■*■ XX' ^n^n- > «.
Mais on sait que l'on a
>^' ^ ^^' •*• ^^' dUdW > 0.
//■
r
Nous arrivons donc à la proposition suivante :
La constante C est positive.
Nous poserons dorénavant
(34) C = j.
L'inégalité (32) devient alors
(?f-+-4'8-hx'))^n>o.
/'
Un théorème bien connu de H. von Helmholtz nous
apprend que, pour que cette inégalité soit vérifiée, il faut et il
suffit que Ton ait
(35) v>0.
§5. Récapitulation.
Les divers résultats établis dans le présent Chapitre modifient
<|U6lques-unes dçs formules établies dans les Chapitres précé-
ÉLECTROOTNAMIQUE DBS 1IILIBUX DIÉLECTRIQUES. 2(S9
dents. Nous allons donner ici une récapitulation des principales
formules sous leur forme définitive :
1® Fonctions employées.
IN ) Qr^ /T* -»- ^ , 1 — X /o?' — 0? , y' —y , z' -- z A y' —» 1 ^ r
/ri + X , l-X/o?' — « , »' — y , «' — « Az'-î'l. ,
W
M) X > 0.
îirj rr* + 1* , i — \K/x' — x, y' — y , ^' — ^ r\y' — yl . ,
^ /T*"+-v , 1— v/a?' — a? , y'— y., 2'— « A a?' — a?!
TI) V > 0.
260 P. DUHEM.
20 Forces électromotrices d'induction.
(VU) I .... = _ ï [« . -a ^J^ . 1, 'A» . ^^^],
, M<=-Br8X+*^ + W^ + x4^1
\ |_ dz az àz j
3° Équations de la polarisation diélectrique.
Jb= - F(il) r« A (V + tJ) + J, + ;. j ,
(IX) ! «= - F(JW,) [s ^ (V+ D) H- },+ à],
e = -Fai) Te ^ (V+ B) + Î. + ;.],
^,d/ = -^cf4-f-^ + 9 — -fl,— j,
^ n j. **À ^di(e âiy . àiz\
(XI) J J,d,= -(3j + f-^ + 8-^+l,-^).
«'/>u -f^5« <^5» . <*82\
avec
et
ÉLF.CTR0DTNAII10UE DES MILIBCX DIÉLECTRIOUES. 261
i" Terme électrodynamique de l'énergie interne.
(Xii) EU' = — (n + n' + n'),
(XIII) n = - ^fcUtt + Vv + Ww) da,
(XIV) n'= — Ç /(f ? +i^ + iiyi)in,
(XV) n'=-B C('Pu + ^fv + \u))dt3
avec
Il»
CHAPITRE IV
Les lorces pondéromotrices.
§ 1. Forces éleetrodynamiques dans un système parcouru par
des flux de conduction et par des flux de déplacement.
Considérons un système de conducteurs et de corps diélec-
triques parcourus par des flux soit de conduction, soit de
déplacement ; imaginons que ce système éprouve une modifi-
cation inQniment petite quelconque.
Son énergie interne croît de SU; sa force vive, de SV -s-;
les forces extérieures qui le sollicitent effectuent un travaildG,;
il dégage une quantité de chaleur dQ, et l'on a
(1) Eda+ i^^ = ~EhV + rfG..
D'autre part, la loi de Joule [Chapitre III, égalité (3)] donne
(.) E.Q = .;f[(E.-T^)..(E,_Ti&).
Les forces intérieures au système effectuent un travail égal,
par dé&nition, à
(3) (iS.= 82^-rfS..
ÉtECTRODTNAMIQtJB DBS MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 263
L'ensemble des égalités (i), (2) et (3) donne
(4) d6, = -E8U-d^y*[ (e.-T^)i*
d^{M, T)
-"/
dT
dn.
Considérons les égalités (2) et (28) du Chapitre III.
Observons que l'on a
que Ton a aussi
Désignons par
la variation que subirait la quantité 2 (^ + '') î ^^> pendant le
déplacement que Ton considère, la charge électrique demeu-
rait invariable sur chaque élément conducteur, et Tintensité de
polarisation invariable en grandeur et en direction (par rapport
à des axes fixes) sur chaque élément diélectrique.
Désignons de même par
la variation que la quantité
subit dans ces conditions.
Enfin, pour abréger, employons une notation dont nous avons
déjà fait usage au tome II de nos Leçons sur l'électricité et
le magnétisme; désignons par ||Â|| la somme (A + B + C)
264 p. DIIHEM.
OÙ B et C sont deux fonctions qui se déduisent de la fonction
A par une permutation circulaire des axes Ox, Oy, Oz.
Nous trouverons sans peine Tégalité suivante:
(5) E8y=Esr4-2î8(e-T^)
_jjr£3:(*,T)„
t||*.v+.
'')ll
do
F(Jb)
iX du
(6)
— 8(in-n' + n').
D'autre part, les égalités (10) du Chapitre I donnent
#--t)«l-
=-/||[£(«-^^-l— >')-^-T^--.-..>
in
et les égalités (2) du Chapitre II donnent
dn
dn.
Les égalités (4), (5), (6) et (7) donnent
(8) dC, = - ESr - dj^l^.- T j|U||do
- 1 D [2(V+ B) q +JII Jb^^^^||dn] +J*gf(JW,.T) S (dn)
-dt (f.+ g,)tt
dxs — dtj (;x + P?|dn
+ S(n + n'+ n').
Or, les diverses théories exposées aux tomes I et II de nus
ÉLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 265
Leçons sur VÉlectricité et le Magnétisme nous laissent faci-
lement reconnaître :
i° Que la quantité
_E8r-8//*||(/;-T^)«||da
représente le travail des actions intérieures au système supposé
ramené à Tétat neutre ;
^ Que si Ton néglige, comme nous sommes convenus de le
faire dans les questions de ce genre, les variations que les
changements d'état dus à Télectrolyse peuvent faire subir à la
quantité 6, la quantité
2?8(e-
représente le travail des forces moléculaires imaginées par
H. von Helmholtz;
3^ Que la quantité
représente le travail des forces et des pressions électrostatiques.
L'égalité (8) nous enseigne donc que le travail élémentaire
des actions électrodynamiques qui s'exercent dans un sys-
tème parcouru par des flux de conduction ou de déplacement
a pour valeur
(9) dT = 8(a + n' + n')
— dn (^,-h8x)u4-(^y-4-gy)t? + e +g,)u? \dxs
- d^/[0*.+P ? 4- o.+P* 4-^.-4- },) wjdn.
Cette égalité conduit aisément à Texpression complète des
actions qui s'exercent dans un système parcouru par des flux
de conduction et de déplacement; il suffit de reprendre les
raisonnements et les calculs développés dans notre Mémoire sur
les forces électrodynamiques et électromagnétiques, l"*® partie,
T. I (5« Série). 18
266 P- DUHEM.
Chapitres II et III, pour obtenir les résultats qui sont contenus
dans le tableau suivant :
1^ Fonctions employées.
Considérons les fonctions
(XVD {a=. [u'-u,' d.,,
que l'on peut écrire encore
_dW dV _ dm dv
^'^'dy dz " dy ^ dz'
dU dW du dm
(xvii) {^=^-'à^=rz-di^
_dV dU _dD dn
dx dy dx dy*
Considérons de même les fonctions
(XVIII) U= U.^-y.T^M,
■S
dn.,
que Ton peut écrire également
dX
ày
(XIX) { % =
dz
dW
dl)
ai
ds
ày'
dz'
dX
d(
di\
dx
~ dz
dx'
d*
-ai
d(
ày
dx
ày'
ÊEKXRODYNANIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES.
267
S"* Force appliquée à nn élément de volume conducteur.
Si do est cet élément de volume ei sWdxsy X dxsy Idxs sont
les composantes de la force qui lui est appliquée, on a
= f — r -h Bp j r — f y ^ + Bxj «?
-(f
«U + B*
m
âv dw
dy dz
)•
(XX)
= ( Y p + Bo j w — ( — r 4- Bp j tt
= (^, + Bx)tt-(^*„ + Bcr)
l
-(ïw.Bx)(f:4%i^).
3"^ Force appliquée à un élément de la surface terminale
d'un conducteur.
Si (2 S est rélément de surface ; si Nj est la normale à cet
élément dirigée vers l'intérieur du conducteur; si SÊdS, ^dS,
SdS sont les composantes de la force appliquée à l'élément
dS, on a
9S=
\2
It + B*
)
(XXI)Jc^=-(Çt) + Bw)
ticos(N<,a?) 4- »cos(Ni,y) 4- u>cos(N,-,z)
ficos(N,.,ip)-f- t?cos(Ni,y) + tt?cos(N<,2)
— i-^W + Bx) rticos(N,,a?)4- «?cos(N..,y) + u;cos(N<,;2)T
4^ Force appliquée à un élément de volume diélectrique.
Si du est cet élément de volume, et si xdïLy idn, idVL sont
les composantes de la force qui lui est appliquée, on a
168
E = (|!i,+ Bp)z-(|p + Bt),
(xxri) / ,-, V /^ ^A dY\
5" forw ajjpMgtt^ à un élément de la surface terminale
d'un diélectrique.
Si dS est cet élément, et si XdS, ÇdS, 3dS sont les compo-
santes de la force qui lui est appliquée, on a
/ x = -{j{+ Bu)rçcos(N„a:)+ *cos(N„y) + -/cos(N,.i)j,
(XXni)! ï = — (y 9 + B») r?cos(N„aî) + <tcos(N„y) + xC0S(N„2)J,
3=— (|-li+Bn))rçcos(Ni,a;)-4-4icos(N(,j)+xcos(Nj,;)J-
ÊLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 269
CHAPITRE Y
Relations diverses entre les constantes fondamentales.
§ 1 . Sur la vitesse de pi'opagation des flux
de déplacement transversaux.
Les équations établies au Chapitre III permettent d'étudier
comment les flux de déplacement se propagent dans un
diélectrique; il suffit de suivre la méthode indiquée par
H. von Helmholtz. Toutefois, Tapplication de cette méthode
exige que, dans le milieu étudié, la fonction de polarisa-
tion Y{M)) se réduise à un coefficient de polarisation k
indépendant de Tintensité Jtb de la polarisation..
On trouve alors que les flux longitudinaux se propagent
dans le diélectrique avec une vitesse
et les flux transversaux avec une vitesse
(2) ^=^-^.
Considérons ce que deviennent ces vitesses de propagation
dans le vide. Si nous désignons par k^ le coeflicient de polari-
sation diélectrique de l'éther, ces vitesses prendront les valeurs
(1») m. =
(2**) U.=
270 P. DUR EH.
D'autre part, le coefficient v de Maxwell, censé mesuré dans
le vide, aurait pour valeur
(3)
^ Kl + Uei,
Les expériences ont montré que v différait très peu de la
vitesse de la lumière dans le vide; d'autre part, Maxwell
suppose que U, est égal à la vitesse de la lumière dans le vide,
et les expériences imaginées par H. Hertz ne semblent pas
contredire cette hypothèse. Sans nous attacher ici à la relation
que les deux quantités v et U„ peuvent présenter avec la
vitesse de la lumière, nous retiendrons seulement que la
théorie de Maxwell exige l'égalité des deux quantité$ v et U.
et nous discuterons les conséquences de cette hypothèse.
Cette hypothèse, jointe aux égalités (â bis) et (3), entraîne
l'égalité
(i)
Pour que cette égalité puisse être vérifiée, il n^est nullement
nécessaire que l'on fasse une hypothèse spéciale sur la valeur
du {)roduit eA:,. On pourra, par exempte, comme nous Pavons
indiqué ailleurs, supposer que tK a une petite valeur; on en
sera quitte pour admettre que le rapport ~ a une grande
valeur, hypothèse qui n'a rien d'étrange.
Depuis Maxwell, les courants de déplacement étaient traités
comme si l'on avait nécessairement
celte égalité (5) n'est compatible avec l'égalité (i) que si l'on
suppose efc, infini, hypothèse qui détruit toute la théorie
classique de l'électrostatique.
L'une des plus grandes difficultés de la théorie de Maxwell
est ainsi éliminée par la manière dont nous avons défini et
traité les flux de déplacement.
ÉLECTRODTNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 271
§ 2. Sur V équivalence des flux de conduction
et des flux de déplacement.
Nous allons maintenant simplifier les résultats obtenus
jusqu'ici par Tintroduction d'une nouvelle hypothèse, très
vraisemblable, mais nullement nécessaire, qui nous rappro-
chera de la manière dont Maxwell, II. von * Helmholtz et
tous les physiciens ont traité jusqu'ici les courants de dépla^
cément.
Cette hypothèse est la suivante :
Considérons un corps diélectrique C traversé par des flux de
déplacement; soient 9, ^, 7 les composantes du flux de dépla-
cement au point (x, y, z) du corps C. Nous admettrons que
ce corps exerce les mêmes actions électromotrices et ponde-
romotrices en tout corps, conducteur ou diélectrique, qWun
certain conducteur de même forme, occupant la même
place et parcouru par des flux de conduction dont les corn--
posantes au point {x, y, z) auraient pour valeur
(6) t» = e9, i? = etj/, M? = ex,
e étant un certain rapport constant et positif.
Cette hypothèse peut s'énoncer abréviativement de la manière
suivante : Ily a équivalence entre un flux de déplacement
(?> ^y y) ^' ^^ fl'^^ ^^ conduction de même direction
{u, V, w)y le rapport d'équivalence ayant une valeur positive
constante 6.
Voyons quelles sont les conséquences de cette hypothèse.
Lorsque le corps C est considéré comme un diélectrique
parcouru par des courants de déplacement, l'action pondéro-
motrice ou électromotrice qu'il exerce sur un conducteur quel-
conque dépend des valeurs prises, en chaque point de l'espace,
par les fonctions
B*, BW, BX.
L'action pondéromotrice ou électro motrice qu'il exerce eiï
272 p. DUHEX. .
un diélectrique quelconque dépend des valeurs prises^ en
chaque point de Tespace, par les fonctions
yf, yj, yl).
Lorsque le corps G est considéré comme un conducteur
parcouru par des courants^ Taction pondéromotrice ou électro-
motrice qu'il exerce en un conducteur quelconque dépend des
valeurs prises^ en chaque point de Tespace^ par les fonctions
^% yU yW.
L'action pondéromotrice ou électromotrice qu'il exerce en
un diélectrique quelconque dépend des valeurs prises^ aux
divers points de l'espace, par les fonctions
Bu, Bo, BiD.
L'hypothèse que nous avons énoncée peut donc encore
s'exprimer de la manière suivante :
Les identités (6) entraînent les identités
(7) B<ï> = yU, BW=:^*U BX = y^W
et
(8) yf=B«, y« = Bi», yl) = BiD.
Imaginons tout d'aboTd que l'on ait, en tout point du dtV-
lectrique G,
(9) ^ + ^ + ^ = 0
^ ^ dx dy dz
eiy en tout point de la surface qui le termine,
(10) f cos (Ni, a?) -f- ^ ros (N„y) -t- x cos (N„z) = 0.
Les égalités (23) et (24) du Ghapitre III nous donneront
(H) *=Xr'^°'' ^^=Xr'^°'' ^=Xr''°''
Nous aurons semblablement
(12)
Jq r Je r Je r.
ÉLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÊLECTBIQUES. S73
D'autre part, en vertu des identités (6), les égalités (9) et (10)
nous montrent que Ton aura, en tout point du conduC'
ieur C,
(9-) ^^.^ + ^ = 0
dx dy dz
ety en tout point de la surface qui le limite,
(lO*'*) iicos(N<, x) -h t?C08(N„ y) -h «;cos(No z) = 0,
Ces égalités (9 bis) et (10 bis) nous permettront d'écrire
(13) u=f^dn\ ^=r-dn', W=f—dn'
Je T Jo r Je f
et, de même,
(U) u=r-dn', v=f^dn\ m=f—dn'.
Jo r Je r . Jq T
Les égalités (6), (11) et (13) montrent que l'on a, dans le
cas particulier qui nous occupe.
Les égalités (6), (12) et (14) donnent de même
tt = ef, 5=68, » = eij.
Les identités (7) et (8) se réduisent alors à
B = f-'e.
Si Ton se souvient que la constante 6 est positive par hypo-
thèse, on voit qu'il en est de même de B ; les égalités précé-
dentes pourront être remplacées par
(18) '^ = "T'
(16) e = ^.
Revenons maintenant au cas où les flux de déplacement qui
parcourent le diélectrique C sont, quelconques. Soit f la fonc-
274 p. DIIHEM.
tion potentielle électrostatique de la polarisation distribuée sur
'■ ' ce corps. Nous aurons [Chapitre III, égalité (24)]
^"^ dt - -je V5^ "^ JF "^ à^l »"
— /[?' cos (No a?) -f- 4»' CCS (N„y) -4- •/ cos (N,, 2)] - dS.
Nous aurons aussi [Chapitre III, égalités (23)]
et de même
""Je r ii: dx Jo ât r
Considérons le conducteur C parcouru par les flui de con-
duction u, V, w que définissent les identités (6). Soit V la fonc-
tion potentielle électrostatique des charges électriques distri-
buées sur ce conducteur. Nous aurons
^f[u^ cos (N..) 4. .' cos (N„ y) ^ «,' cos (N. .)] i dS.
Nous aurons aussi
(21) tt=/ -dn'—.-.—^-r- I -^-dn'.
Jo r k% dx Je at r
D'ailleurs, les égalités (6), (17) et (17 Us) donnent
(SB) e^ = ^.
^ ' dt dt
La première des identités (7) peut donc s'écrire, en vertu
des égalités (18), (20) et (â2),
Ja r (k-K dx Ja dt r
ÊLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTBIQUES. 275
OU bien^ en vertu des égalités (6), (15) et (16),
4ir dx Je dt r
Cette égalité ne peut avoii* lieu identiquement que si Ton a
(23) X = I*.
De même la première des identités (8), jointe aux égalités
(19) et (21), donne
(24) I* = V.
L'hypothèse faite au début de ce § réduit donc à deux les
trois constantes fondamentales
T' ^' 2'
et à une les trois constantes de Helmholtz
La manière dont les courants de déplacement étaient traités
jusqu'ici entraînait Tégalité 6 = 1, ou bien, en vertu de Téga-
lîté (16), l'égalité C = 31, que nous avons vue, au § précédent,
être inadmissible.
Si nous rapprochons les égalités (4) et (16), nous voyons que
Ton aurait
(28) e = l/Lpp.
Ainsi un flux de déplacement, d'intensité ri, serait équivor
lent à un flux de conduction de même direction et d' inten-
sité
§ 3. Stabilité de V équilibre électrique en général.
L'hypothèse énoncée au § précédent et les conséquences qui
s'en déduisent permettent de démontrer la proposition suivante :
Considérons un système formé de corps conducteurs et de
corps diélectriques; les corps conducteurs portent des charges
276 p. DUHEN.
électriques; les corps diélectriques sont polarisés; si les
conditions d'équilibre sont vérifiées en tout point de ce sys-
tème, l'équilibre du système est stable, pourvu que la cons-
tante X rie soit pas négative.
Pour démontrer cette proposition, il suffit évidemment de
démontrer que, tant que X n'est pas négatif, la quantité
(n + n' + n") est positive ; en effet, ce premier point acquis, la
démonstration s'achèvera en combinant la méthode donnée par
M. H. von Helmholtz pour le cas où le système ne renferme que
des conducteurs, avec la méthode indiquée au Chapitre III, § 4,
pour le cas où le système ne renferme que des diélectriques.
Or, en tout point des corps diélectriques que renferme le
système, remplaçons le flux de déplacement (ç, ^, y) P^^ ^^
flux de conduction (u, v, w) tel que Ton ait
Cette substitution effectuée, le système sera transformé en
un système que traversent exclusivement des flux de conduc-
tion. La quantité qui, pour ce système, est analogue à U, quan-
tité que nous désignerons par Uj, est assurément positive, si X
n'est pas négatif. Or, on voit sans peine que Ton a
n^ = n 4- n' 4- n'.
La proposition que nous voulions établir est donc démontrée.
§ 4. Cas où la constante X nHnter vient pas dans les calculs.
Nous avons été amenés à introduire dans nos calculs
trois constantes de Helmholtz, d'origine distincte : la première, X»
est relative aux actions mutuelles des courants de conduction ;
la seconde, ja, est relative aux actions des courants de condue.
tion sur les courants de déplacement; la troisième, v, est
relative aux actions mutuelles des courants de déplacement.
L'hypothèse exposée au § 2 nous a conduits à supposer ces
trois constantes égales entre elles, en sorte que, dorénavant,
nous les représenterons toutes trois par la même lettre X.
ÊLECTRODTNAMIQUE DES MILIEUX OrÉLECTRIQUES. . S77
L'étude de la stabilité de l'équilibre électrique conduit à
admettre que X n'est pas négatif; mais aucune considération
ni théorique, ni expérimentale, ne nous indique si X est nul
ou positif, et, dans ce dernier cas, quelle est la valeur positive
qu'il convient de lui attribuer.
Maxwell, dans ses formules, supprime X, comme si X
était égal à 0. Cette opération ne peut être légitime que dans
le cas où la valeur de X n'influe pas sur les propriétés du
système que l'on étudie. On est donc tenu de résoudre la
question suivante : Dans quel cas les propriétés d^un système
de courants de conduction et de dépUicement sont-elles
indépendantes de la valeur attribuée à X?
Considérons un système formé de conducteurs parcourus
par des courants de conduction et de diélectriques parcourus
par des courants de déplacement.
En un point appartenant à un conducteur, les actions
électromotrices ou pondéromotrices de ce système dépendent
des trois fonctions
f^ 13 -^ BW,
^W-h BX.
En un point appartenant à un diélectrique, les actions
éiectromotrices ou pondéromotrices du système dépendent
des trois fonctions
Bu + y f,
B» -h Y j,
B»-h — !)•
Mais, d'une part, on a
d») B = ^,
Î78 p. DUHEM.
d'ailleurs Tégalité X = fx donna
et régalité jx =^ v donne
O = f, W = 8, X = !)•
Les actions du système en un point appartenant à un
conducteur dépendent donc des fonctions
y(aw + «x),
tandis que les actions en un point appartenant à un diélectrique
dépendent des fonctions
I (au + «4>),
I (aw + «X).
La question posée est donc ramenée à celle-ci : Dans quel
cas les trois fonctions
au 4- €^, Qiv + «w, oiw -f- ex,
ont-elles des valeurs indépendantes de X?
Mais nous avons [Les actions électrodynamiques et électro-
magnétiques, Chapitre préliminaire, égalités (19)]
J r k-R dy J% dt r
•uy
J r i% dz Jji dt r '
les intégrales qui portent Tindice E s'étendant à tous les élé-
ments de volume dtù' de l'espace.
ÉLECTRODTNAIIIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 279
Nous avons de même [Chapitre III, égalités (23)]
J r itT: dxjE dt r ^ *
J r iT: dyjn dt r '
J r 4ic di»/B dï r
Ces égalités nous donnent
4i: dxjz\ dt dt/r
ai) + «W = a r^ dci' + «r^ dn'
4ic àyJtX dt dt/r
aw+exrrar^drf' + ^f^dn'
1 — X <?
4ic <)z,
Par conséquent, pour que les trois quantités considérées
aient des valeurs indépendantes de X, il faut et il suffit que Ton
ait
<^ r^nt à\' ^ à\>'\ i . , -,
D'ailleurs, il est bien facile de voir que ces conditions équi*
valent à la suivante :
On a, en tout point de Vespace,
Cette égalité peut s'écrire autrement.
280 P. DUHEM.
Soient : s une surface par laquelle un conducteur confine
avec le vide impolarisable et n,. la normale à cette surface vers
l'intérieur du conducteur;
S une surface par laquelle un diélectrique cotifine avec le
le vide et N< la normale à cette surface vers l'intérieur du dié-
lectrique;
9 une surface de contact de deux conducteurs différents et
n^, n, les deux directions de la normale à cette surface;
2 une surface de contact de deux diélectriques différents et
Ni, N,, les deux directions de la normale à cette surface;
if une surface de contact entre un conducteur et un diélec-
trique; n la normale à cette surface vers l'intérieur du conduc-
teur et N la normale à cette surface vers Tintérieur du diélec^
trique.
La quantité
dt ^ dt
peut être regardée comme la fonction potentielle d'une distri-
bution fictive définie de la manière suivante :
1^ En tout point d'une masse conductrice continue^ elle a
pour densité solide
-H^
dv dw\
â^ En tout point d'une masse diélectrique continue^ elle a
pour densité solide
«e/^ + ^ + ^V
\dx dy dzj
3"^ En tout point d'une surface Sy elle a pour densité superfi-
cielle
— 31 [fi CCS {ni^x) + V cos (n<,y) -f- w cos (nj,2)];
4^ En tout point d'une surface tSy elle a pour densité superfl*
cielle
— 31 [tii cos (itijO?) -h v^ cos («4, y) -^w cos (iip z)
-f- u^ cos (w^o?) -h , cos (n,, y) •+- m? cos (n,, z)]\
ÊLBCTRODTNAMfQUE DBS MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 281
5® En tout point d'une surface S, elle a pour densité super-
ficielle
— « [9 ces (N,, a?) + 41 CCS (No y) + x cos (N,, z)] ;
6^ En tout point d'une surface 1, elle a pour densité super-
ficielle
— C [ 9i ces (Np x) -f- <^i cos (N|, y) -f- Xi cos (N^, z)
4- 9t cos (N„ a?) -4- ^^ cos (N„ y) -4- Xi cos (N„ ;?)] ;
7^ En tout point d'une surface ^^ elle a pour densité super-
ficielle
— 31 [tt cos {n,OD) + t? cos (n,y) + te? cos (ii,;i^)]
— C [9 cos (N,a?) -h <{/ cos (N,y) + x <5<>s ÇS^z)].
Pour que Tégalité (27) soit vérifiée en tout point de Tespace
et à tout instant, il faut et il suffit que ces diverses densités,
solides ou superficielles, soient nulles à tout instant.
On doit donc avoir :
1° En tout point d'une masse conductrice continue,
2^ En tout point d'une masse diélectrique continue,
3^ En tout point d'une surface s,
(30) Il cos (n,, «) -h t? cos (n<,y) + w cos (n<,;r) = 0;
4^ En tout point d'une surface 9,
(3!) iij cos (iti, x) 4- v^ cos (n^, y) h- iti cos (iti, :r)
+ I», cos («„ 0?) -f- 1?, cos (n„ y) + «7, cos (n„ j:) = 0;
5^ En tout point d'une surface S,
(32) 9 cos (Ni, x) -h ^ cos (Ni, y) -♦- •/ cos (N.., z) = 0;
6^ En tout point d'une surface 2,
(33) 9i cos (N4, x) .4- (J/f cos (N„ y) 4- Xi cos (Np 2)
-f- 9, cos (N„a?) 4- ^, cos (N„y) 4- Xi cos (N,,z) = 0;
T I(3* Série). 19
f
u--t
S-/
r.
282 P. D13HEM.
T" En tout point d'une surface ^y
(34) 31 [ti cos (ii,a?) + t; cos (n,y) + ir ces (n, z)]
+ C [9 bos (N,a?) -4- t^cos (N,y) -4- x ces (N,^)] = 0.
Imaginons, en particulier, que les corps œnducteurs ou
diélectriques qui composent le système soient immobiles;
désignons par e une densité électrique solide et par E une den-
sité électrique superficielle. Les égalités précédentes pourront
l^\ prendre la forme suivante:
^■^- 1^ En tout point d'une masse conductrice continue, on a
(28*^) « = const.;
\l 2^ En tout point d'une masse diélectrique, on a
W-: ,^^^ dA) d^ de
W (29"*) T- -^ T- ^- T- = const. ;
kl
^. 3^ En tout point d'une surface s, on a
%: 30^) E = const.;
k^ 4^ En tout point d'une]surface a, on a
i (31 «0 E = consl. ;
^' ' 5° En tout point d'une surface S, on a
^\ (32 ^) A> cos (Ni, a?) -4- 3Î cos (N^, ») + C cos (N<, z) = consl, ;
&" En tout point d'une surface 2, on a
(33 «•) .t)t cos (Ni, a?) -4- 3îi cos (N^, y) + C^ cos (N^ z)
?v;. -4- e.l£),cos(N„a?) -4- fBjCos (N„y) + C, cos (N„ z) = const ;
7^ En tout point d'une surface ^y on a
(34 ^) 31 E — « [X cos (N, a?) 4- iB cos (N, y) 4- g cos (N, z)] = consl.
Ces conditions ne peuvent être réalisées en général.
Les conditions (28 bis) et (31 bis) rendraient absolument inva-
riable l'état électrique à l'intérieur d'un conducteur homogèDe
ou hétérogène ; or, l'état électrique interne d'un conducteur hété-
rogène parcouru par des courants permanents dépend de
l'intensité de ces courants ; les égalités (28 bis) et (31 his) sont
donc incompatibles avec l'existence de courants permanents
au sein de conducteurs hétérogènes.
ÉLEGTRODTNAMIQUE DB& MILIEUX DIÉLECTRIOUES. 283
Les c(Ni(}itions (29 bis ), (â2 biei) et (33 bis) conduiraient à
cette conséquence qu'un corps diélectrique homogène ou hété-
rogène, continu ou discontinu, qui ne confiim en aucun point
de sa surface à un corps conducteur, exerce, en teut point qui
lui est extérieur, uoe action électrostatique invariable. Or,
Taction électrostatique exercée par un corps diélectrique en un
point extérieur varie, en général, avec le champ dans lequel ce
corps se trouve placé. Les OQndi tiens (S9 bis), (32 bis) et (33 bis)
sont donc incompatibles avec la théorie de l'équilibre de pola-
risation sur les corps diélectriques.
Ainsi, il n'est pas possible d'admettre, d'une manière géné-
rale, l'exactitude des conditions (^ bis) à (34 bis), ni a fortiori
l'exactitude des conditions (28) à (34); il n'est donc pas possible
de construire la théorie générale de V électrodynamique sans
se préoccuper de la valeur qu'il convient d'attribuer d la
constante X.
Les contradictions que nous venons de signaler disparaissent
dans certains cas particuliers.
Considérons, par exemple, des corps conducteurs, dont chacun
est homogène, plongés dans un milieu diélectrique homogène
et illimité, dont le coefficient de polarisation soit indépendant
de l'intensité de la polarisation. On aura, en tout point inté-
rieur à Tun des conducteurs,
r
(ÎS"-) e = coDst.,
et en tout point du diélectrique.
Ces conditions ne sont pas incompatibles avec le passage des
corps conducteurs d'un état permanent à un autre ; car, soit que
cet état permanent soit un état d'équilibre, soit qu'il consiste en
courants constants, on devra avoir, à l'intérieur de chaque con-
ducteur, e = o; elles ne sont pas non plus incompatibles avec
le passage du diélectrique d'un état d'équilibre à un autre, car
\
F
2dit p. DUilEM.
au sein d'un diélectrique dont le coefficient de polarisation est
constant^ on doit toujours avoir, au moment de réquilibre,
dà> d55 de ^
ôx ay ôz
La disparition de toute contradiction entre les hypothèses
précédentes et les lois de rélectrostatique, dans le cas parti-
culier que nous venons d'indiquer, ne prouve pas que ces
hypothèses soient vraies dans ce cas ; on peut même assurer
qu'elles ne le sont pas en général. Pour raisonner en toute
rigueur, il faudrait, dans ce cas comme dans tous les autres,
traiter la détermination des flux de conduction et de dépla-
cement sur le système en partant des équations générales
données dans les chapitres précédents; le résultat de cette
détermination concorderait, dans certains cas, avec les égali-
tés (28) ù (36) ; ces cas seraient les mêmes, quelle que soit la
valeur de X.
L'extrême difficulté du problème analytique auquel conduit
cette méthode, qui est cependant la seule méthode logique,
empêche qu'elle ne soit appliquée, sauf dans des cas extrê-
mement particuliers. Ordinairement, on admet que les égalités
(28 his) et (29 bis) sont vérifiées au moins approximativement
pour des conducteurs homogènes plongés dans un diélectrique
homogène et illimité, et on se sert de ces égalités pour simpli-
fier la détermination des courants de conduction ou de dépla-
cement, qui peut alors s'effectuer sans qu'on connaisse la
valeur de X. C'est ainsi, par exemple, que l'on traitera le pro-
blème de la décharge oscillante du condensateur.
Maxwell et tous les auteurs qui ont, après lui, traité des
courants de déplacement, ont admis que l'on avait
a = «.
Dans ces conditions, l'égalité (34 his) prend la forme
(38) E — [Jb cos (N, 0?) 4- âJ cos (N, y) 4- C cos (N, z)] = const.
La densité électrique E peut bien varier avec le temps à la
J
ÉLECTRODTNAMIOUE DES MILIEUX DIELECTRIQUES. 285
surface de contact du corps conducteur et du diélectrique;
mais la densité superficielle
— [Jb ces (N, a?) 4- 35 ces (N, ») + C cos (N, z)]
de la distribution fictive équivalente au diélectrique subit en
même temps des variations précisément égales et de signe
contraire ; en sorte que Thypothèse de Maxwell semble inappli-
cable à un système dont les actions électrostatiques varient
avec le temps.
Cette contradiction est également évidente si Ton part de
régalité (27). La supposition :3l = C transforme cette égalité
en
(36) ^^(V + »)) = 0.
On voit donc que les hypothèses de Maxwell exigent que la fonc-
tion potentielle électrostatique d*un système électrisé demeure
indépendante du temps.
Il est vrai que Ton ne peut, en toute rigueur, déduire ni de
cette proposition, ni de la proposition équivalente que nous
avons démontrée auparavant, que les hypothèses de Maxwell
entraînent Tinvariabilité des actions électrostatiques d*un sys-
tème quelconque. Ces actions, en efiet, dépendent non pas de
la fonction (V + U), mais de la fonction e (V + 0); or, nous
avons vu que la supposition CH = € exigeait que e fût infini.
Mais, en invoquant cette valeur de s pour expliquer la possibi-
lité de la variation des actions électrostatiques, nous ne faisons^
que déplacer la difficulté.
Rennes, 13 avril 1894.
T7 -^
L' ÉLEGTRODYNAMIQUE
DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES
PAR P. DUHBU
noriMEOR DE nniQDE nioaiosE a u TAcvvtt des scierces oe boiideaox
DEUXIÈME MÉMOIRE
Les équations générales de rélecirodyDamiqne
dais les milieox qoi sont à la fois magoétiqaes et diélectriques.
§ 1. Introduction et notations.
Au cours de la révision des équations de rélectrodynamique
que nous avons entreprise nous avons examiné successivement
les cas dont voici Ténumérâtion :
1^ Systèmes qui ne renferment que des courants de conduc-
tion 0);
^ Systèmes qui renferment des conducteurs parcourus par
des courants de conduction et des corps magnétiques (') ;
S^ Systèmes qui renferment des conducteurs parcourus par
des courants de conduction et des diélectriques parcourus par
des courants de déplacement (').
(*) Sur le9 lois générales de l'induction électrodynamique {Annales de la
Faculté des sciences de Toulouse, t. VII, B. 189S). — Les actions électrody-
namiques et électromagnétiques^ Chapitre préliminaira et 1^* partie : Les actions
électrodynamiques (Annales de la Faculté des sciences de Toulouse, t. VU,
G. 1893).
(^ Les actions électrodynamiques et électromagnétiques, 2* partie : Les
actions électromagnétiques (Annales de la Faculté des sciences de Toulouse,
t. VIII, D. 1894).
(S) Sur les Uns fondamentales de l'électrodynamique dans les milieux dié-
lectriques (Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de
Bordeaux, 5* série, 1. 1, p. 233).
288 p. DUREM.
Il nous reste maintenant à.indiquer brièvement comment les
principes posés s'appliqueront à des corps qui sont à la fois des
conducteurs susceptibles d'être traversés par des courants/ des
substances magnétiques susceptibles d'être aimantées, enfin
des diélectriques capables de polarisation et de courants de
déplacement. Il suffira, d'ailleurs, pour traiter ce cas général,
de réunir tout ce qui a été dit au sujet des trois cas particuliers
ci-dessus énumérés.
Pour éviter toute confusion, nous aurons à modifier quelques-
unes des notations que nous avons employées jusqu'ici.
Dans les travaux traitant du magnétisme, nous avons dési-
gné par
l'intensité d'aimantation, les composantes de l'aimantation et
la fonction magnétisante.
Dans les travaux traitant des diélectriques, nous avons
employé les mêmes lettres
Jlt, A, 55, e, F(Jll),
«
pour désigner l'intensité de polarisation, les composantes de la
polarisation et la fonction de polarisation.
Dorénavant, nous conserverons ces dernières notations,
mais nous désignerons par
l*» a. P> Y» fiv-)»
l'intensité d'aimantation y les composantes de Vaimantation
et la fonction magnétisante.
§ 2. Hypothèses fondamentales.
Nous avons vu que les actions électromagnétiques vérifiaient
toutes la proposition suivante :
Considérons un élément magnétique de moment lidv ; soit
B A ou (22 son axe magnétique. Menons un plan perpendiculaire
à l'axe dl; dans ce plan, traçons un petit circuit C embrassant
ÉLECTRODYNAMIQUE DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 289
une aire û dont dl est la normale positive. Supposons ce cir.
cuit G parcouru par un courant dont l'intensité J est donnée
par la relation
-— Jû = u.rfr.
Cet élément magnétique et ce courant sont équivalents soit à
regard d*un aimant quelconque, soit à Tégard d'un courant
quelconque.
Nous supposerons que cet élément magnétique et ce couv-
rant sont aussi équivalents à l'égard d'un diélectrique tra'
versé par des courants de déplacement quelconques.
Nous avons vu, d'autre part, que les propriétés des courants
de déplacement étaient toutes impliquées dans la proposition
suivante :
Considérons un corps. Supposons, en premier lieu, que ce
corps soit un conducteur parcouru par des courants de conduc-
tion et que le flux au point (x, y, z) ait pour composantes
u, V, w. Supposons, en second lieu, que ce corps soit un diélec-
trique parcouru par des courants de déplacement et que le flux
au point {x, y, z) ait pour composantes ç, ^, 7. Ces deux corps
exerceront les mêmes actions soit sur un conducteur, soit sur
un diélectrique, si l'on a
ç = 9t4,
avec
Nous admettrons que ces deux corps exercent aussi la même
action sur un aimant quelconque.
Il est facile de voir que chacune des deux hypothèses que
nous venons d'indiquer entraîne l'autre à titre de conséquences.
Elles sont rigoureusement équivalentes entre elles.
290 p. DDHCM.
§ 3. Fonctions employées.
Outre jles fonctions %, % W, définies par les égafités (I) de
notre mémoire : Sur les lois fondamentales de Vélectrodyna-
mique dans les milieux diélectriques; outre les fonctions
^> Qy ^9 définies par les égalités (III), les fonctions u, v, m, défi-
nies par les égalités (lY), les fonctions f, q, ï^, définies par les
égalités (V), nous aurons à faire usage *.
1° Des fonctions :
(I)
(II)
dv' étant un élément de volume d'un aimant,
x\ y\ z\ les coordonnées d'un point de cet élément,
et r la*distance des deux points (nr, j/, z)y (x', y', z');
2° Des fonctions
\
R(a^,y.^)=JV«'j^-«''^yd=»',
dxs' étant un élément de volume d'un conducteur,
x\ y', z', les coordonnées d'un point de cet élément,
et r la distance des deux points {x, y, z), (x', y', z);
ÊLECTRODTNAMIQUE DBS MILIEUX DIÉLECTRIQUES •
3"" Des fonctions
291
(HO
1
dJÏ étant un élément de volume d*un diélectrique,
x', y', z', les coordonnées d'un point de cet élément,
et r la distance des deux points (x, y, z), {x', y', z').
Les fonctions ¥{x, y, z), Q(x, y, z), R(Xf y, z), définies par les
égalités (II), sont liées aux fonctions S{x, y, z), Sl{x, y, z\
Si {x, y, z) de notre Mémoire : Sur les actions électromagné-
tiques par les relations
31
â(»,y,») = --Q(a?,y,r).
31
a(a?,y,z) = — :R(ir,y,z).
En outre, comme nous supposons X = pt^^= v, nous aurons
U = tt, ^ = f,
§ 4. Force électromotrice dHnduction.
Les composantes de la force électromotrice d'induction en
un point pourront se mettre sous la forme :
e, "♦" Ox "^ Ex»
^y -f" 8y -f" Eyt
^« -4- Çg + E,,
^j,, €y, e« étant les composantes de la force électromotrice
292 p. DUHEM.
d*induction due aux courants de conduction; 8^9 S,> 8,» les
composantes de la force éiectromotrice d'induction due aux
courants de déplacement, et Ex, E^, E,, les composantes de la
force électromotrice d'induction due aux variations des aimants.
Nous aurons:
2 \ dx dx dxf
y 31* / ' dix div diz\
(IV) j.,d. = -5.(8^+u'^4-<t)^*-^W-^)
2 \ dz dz dz f
8.-"=- "('«-^^^Ç^-»^')
^jV dx * dx dx)
1/2 \ ^y ^y ^y f
01 I dix div diz\
(VI)
§ 5. Équations de la polarisation diélectrique.
Les composantes de la polarisation diélectrique sont données
par
ÉLECTRODYNAMIQUB DBS MILIEUX DIÉLECTRIQUES. 293
avec
(Ï.B) j /...= - B (îD+U^ + ^^+W^')
|/2\ <^y àif dy f
1/2 \ d« àz dzj
§ 6. Équations de V aimantation.
Soit if (x, y, 2) la fonction potentielle magnétique. On aura
(XI) <^ = -A^)U*i71«-^i7i*>
.,,/dîf a_ « \
§ 7. Énergie interne.
L'énergie interne ne renferme aucun terme dépendant à la
fois de Faimantation et des courants de conduction^ non plus
qu'aucun terme dépendant à la fois des aimants et des cou-
rants de déplacement.
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Températures de la Mer
PAR HAUTREUX rj^W
Janvier el ^Février 1835.
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5
OOTE
DES LANDES DE GASCOGNE
ET
BASSIN D'ARCACHON
Étude d'Océanographie en 1893-94 et 18G6
PAR U. HAUTBBUX
Les vents.
Les observations faites, le matin et le soir, à La Coubre,
Arcachon et Biarritz, montrent que l'ensemble des mouve-
ments aériens présente les caractères de brises de terre le
matin, et de brises du large dans l'après-midi.
Les résultantes des poussées de chaque mois donnent une
suite de lignes brisées qui, pour toute une année, donnent les
directions générales suivantes : La Coubre : le matin, vers
rO.-S.-O.; le soir, vers le S.-S.-E.; Arcachon: le matin, vers
rOuest; à midi, vers l'E.-S.-E.; le soir, vers le S.-S.-E.; Biar-
ritz : le matin, vers le Nord; le soir, vers le S.-S.-E.
Le caractère des brises de terre du matin est plus accentué
pendant Thiver que pendant Tété ; celui des brises du large de
raprès-midi plus marqué pendant les mois chauds, de mars à
octobre; les graphiques donnent pendant les mois froids la
notion de vents variables en direction.
Le fond du golfe n'éprouve les effets des dépressions de
TAtlantique que dans les coups de vent.
296 HAUTREUX.
Les courants.
Les corps flottant à la surface de la mer sont portés dans la
direction oii les vents les poussent. Il n'existe pas de courant
régulier et permanent.
Les brises de terre qui descendent des montagnes des Astu-
ries et de la Gallice repoussent au large les objets flottants ;
aussi les atterrissages sont*ils très rares sur les côtes d'Es-
pagne.
Les brises du large, qui soufflent vers les plaines des Landes,
y poussent les épaves qui viennent à terre en grand nombre
sur les rivages des Landes de Gascogne.
Ces mouvements de la surface des eaux se font sentir à
rouvert du golfe, à 200 ou 300 milles de distance du fond du
golfe. A cette distance, le mouvement de dérive est dirigé vers
TE.-S.-E.; en se rapprochant de la côte, à 20 ou 30 milles de
distance, le mouvement de dérive se dirige plus au Sud, vers
le S.-S.-E.
Lès vitesses dé transport sont, au large, de 5 à 6 milles par
vingt-quatre heures ; plus près de terre, elles sont moindres et
n'atteignent que 2 à 3 milles par jour.
La côte exerce une sorte de répulsion, due probablement
aux brises de terre matinales, mais qui cède aux brises du
large de l'après-midi.
Les températures de la mer.
Ces observations sont dues à la collaboration continue et
dévouée de M. Durand, capitaine au long cours aux Pêcheries
de l'Océan d'Arcachon.
Elles forment trois groupes distincts :
1^ Les températures de surface près de la côte des Landes ;
2^ Les températures sous-marines dans ce même champ
d'observation ;
3^ Les températures de surface dans le bassin d'Arcachon.
GÔTB DES UN0E8 DB GASCOGNE ET DU BASSIN d'ABCAGHON. 297
Gôto des Landes.
Les observations de températures de la surface ont com-
mencé à la fin de juillet 18^; elles ont été faites sur place, à
bord des bateaux des Pêcheries de TOcéan, par la même per-
sonne et avec le même instrument, les heures des observa-
tions étant notées, ainsi que le point de la côte où elles se
faisaient, en latitude et longitude.
Il a été très vite constaté que les marées n'avaient aucune
influence sur les modifications thermales. Le champ des obser-
vations s'étendait jusqu'à 30 milles au large et sur une étendue
N.-S. d'environ 70 milles autour de l'entrée du bassin d'Arca-
chon. Aucune différence n'a été constatée entre la région au
Nord du bassin et la région au Sud.
Pendant la première année, du 1"^ août 1893 au 31 juillet
1894, on s'est attaché à observer les températures de la sur-
face, sur toute l'étendue du champ de pêche, lorsque le temps
permettait les sorties; il a été fait environ 90 observations
chaque année. Nous donnons, mois par mois^ le résumé de
ces observations continuées jusqu'au moment actuel; celles
qui ont été faites en rade d'Eyrac, à Arcachon, et, comme
comparaison, les observations de température de l'air faites à
Floirac, à 9 heures du matin, prises cpmme moyenne de l'état
thermal de toute la région arcachonnaise. (Y. graphique n^ 1.)
T. I (Ô« Série). 20
296
HAUTREUX.
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CÔTE DES LANDES DE GASCOGNE ET DU BASSIN D^Aifil^GHON. 299
En lisant ce tableau, on voit d'abord qu'il y a très peu
d'écart entre les maxima et les minima observés dans chaque
mois; et que d'une année à l'autre on retrouve pour le même
mois la même température, au degré près. Les température^
de janvier et février sont toujours identiques, quel qu'ait été
l'hiver; les variations atmosphériques, si considérables de
cette saison, n'ont aucune influence marquée sur l'état ther-
mal de la surface. Pendant le printemps et l'été, on note plus
de sensibilité, sans cependant que cette influence aérienne
dépasse 1^.
Et cependant on voit que pendant l'hiver la différence ther-
male entre l'air et l'eau est considérable ; elle atteint quelque*
fois plus de 20^.
Le chiffre minimum de l'eau est de 11^; il a lieu vers le
20 février.
Le chiffre maximum est de ^^^ ; il a lieu vers le 15 août.
La marche des températures de surface de la mer est régu-
lière et n'éprouve que de faibles modifications des variations
atmosphériques. Celles du jour à la nuit sont insensibles pour
les instruments ordinaires ; celles qui durent plusieurs jours se
font sentir y surtout à l'époque des changements de saison.
Ces modifications sont plus sensibles pendant la saison très
chaude, où des différences dans l'insolation durant plusieurs
jours peuvent amener des changements thermaux oscillant
entre 18 et 22^
Le minimum de l'hiver de 11^ est la température de toute la
masse océanique comprise entre le 40"* méridien W. (Paris) et
nos côtes, depuis la surface jusqu'à 100 mètres de profondeur.
Le maximum de l'été, de 21 à 22^, est au contraire tout à
fait local ; il n'existe, dans le golfe de Gascogne, que près de
la côte des Landes, et s'étend au large jusqu'à environ
100 milles de distance. A cette même époque, les tempéra-
tures de l'Océan, du cap Finisterre à Ouessant, ne dépassent
pas 18**.
Il y a en juillet, août et septembre, le long de la côte des
300 HAUTREUX.
Landes, une surchauffe des eaux de la surface de 3 à 4% qui
se reproduit tous les ans, et est certainement due à des causes
locales.
Nous pensons que ces effets sont produits par la nature
toute spéciale du rivage des Landes, dont les sables s'échauf-
fent bien plus que les rochers couverts d'algues des côtes
voisines, aux moments des marées basses, et que, pendant les
heures de flot, les eaux qui recouvrent ces sables s'y échauf-
fent à leur tour. Peut-être aussi la couleur claire de ces
sables, réfléchissant les rayons solaires dans les faibles pro-
fondeurs, facilitent encore cet emmagasinement de chaleur
par insolation. (Y. graphique n^ 3.)
Températures sous-marInes.
PROFONDEURS EN MÉTRÉS
DATES
Sur-
face
Ho
21.5
22
22
22
20
20
21-2
5
10
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20
20
20*
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»
19o
19
19.5
20
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25
»
19»
»
»
18
18.5
18.5
18«5
30
10»8
»
19
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16
17
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•
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»
15
14
14
15
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•
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15
»
14
13
13".5
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m
60
11-3
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»
»
13»
13"»
1
HiTer
Février 1898.
Été
12 août 1893.
24 août
6 septembre
14 septembre
29 août 1894.
30 août
■•jf IM 4» VM.
Ces températures ont été observées, autant qu'on l'a pu,
par séries, de manière à noter les températures à diverses
profondeurs, dans les limites des fonds où opéraient les
bateaux-pécheurs, c'est-à-dire jusqu'à 100 mètres environ. On
a employé d'abord les thermomètres Miller-Casella en U
puis, comme contrôle, les thermomètres à renversement
ZembrorNegretti.
Les observations de la première année avaient montré qu'au
delà de 75 mètres, on trouvait en toute saison la température
minimum de l'hiver, 11 à 12°; que, par conséquent, les effets
de l'insolation ou d'échauffement dus à la saison ne se pro-
CÔTE DES LANDES PE GASCOGNE ET DU BASSIN d'aRCACHON. 301
duisaient plus à cette profondeur ; à 50 mètres de profondeur,
on notait pendant Tété une augmentation de température, les
eaux atteignant 13 à 14^.
Entre 50 mètres et la surface, si Ton trace le . graphique des
températures, la ligne décrit une courbe à double inflexion,
dont les nœuds sont situés à 25 et à 45 mètres.
Depuis la surface jusqu'à 25 mètres, la diminution de tem-
pérature est de 2^, passant de 21 à 19^, tandis que, de 25 à
50 mètres de profondeur, la diminution s'accélère et tombe
de 5S passant de 19 à 14^.
Ces faits démontrent que l'action solaire, très vive dans les
25 premiers mètres, diminue rapidement entre 25 et 50 mètres,
et devient presque nulle au delà de 50 mètres de profondeur.
Nous avons dit qu'à l'époque du maximum du mois d'août,
l'Océan marquait 18 à 19^
On trouve cette même température, près de la côte des
Landes, à 25 mètres de profondeur; la nappe surchauffée dont
nous avons parlé a donc une épaisseur de 25 mètres près de
nos côtes.
C'est dans cette nappe que doivent se tenir les poissons qui
recherchent les eaux chaudes, et au-dessous de 75 mètres que
l'on peut trouver les poissons qui préfèrent les eaux froides.
Températures de surface dans le bassin d*Arcachon.
Les observations de températures de la mer ont commencé
dans le bassin d'Arcachon au mois de décembre 1893. Dès les
premières recherches, il fut constaté qu'entre la marée basse
et la marée haute, malgré la largeur de communication avec
l'Océan, il n'y avait qu'une très faible modification de tempé-
rature, même lorsque le bassin, étant voisin de la glace fon-
dante, avait une différence de plus de 10^ avec la température
de l'Océan voisin. Pendant la première année, les observations
furent faites à une heure quelconque, et suivant les nécessités
du service des Pêcheries; ce n'est que vers le mois de no-
vembre 1894 qu'un nouveau centre d'observation fut installé
302 HAUTREUX.
à la pointe de rAiguillon et que les températures furent alors
relevées chaque jour^ à marée haute et à marée basse.
Le bassin d'Arcachon est une vaste nappe d'eau, dont la 8u^
face est d'environ 20 kilomètres carrés ; il communique avce
rOcéan par une ouverture de 5,000 mètres de largeur. On y
trouve des profondeurs de 15 mètres dans les rades d'Eyrac et
du Piquey ; des bancs nombreux sont alternativement couverts
et découverts par la marée, dont la hauteur est de 3"^50 en
quadrature et de 5'"50 en syzygie ; le moment de la pleine mer
a lieu à Ares et au Teich une heure après le cap Ferret.
En marée moyenne, les deux tiers de Teau que contenait le
bassin ta la pleine mer, en sortent à la marée basse, et se
trouvent hord des passes en contact direct avec l'Océan.
La vitesse moyenne des courants dans les rades e&t de 1,5
à 3 mètres à la seconde.
Les observations météorologiques ont démontré que toutes
les parties du bassin n'étaient pas soumises au même régime.
Ainsi, il pleut beaucoup plus à Audenge, dans l'Est du bassin,
qu'au Piquey, qui est situé sur le cap Ferret, dans l'Ouest du
bassin. En moyenne, il tombe dans l'année : à Audenge,
1081"»» d'eau ; au Piquey, 849"»».
Ainsi, l'Est du bassin reçoit un quart de plus d'eau de pluie
que la région du cap Ferret.
De même, pour les températures de l'air, la moyenne des
jours de gelée dans un hiver est de 52 jours à Ares et de
33 jours à Arcachon.
Ainsi, l'hiver est toujours plus rigoureux dans l'Est que
dans l'Ouest du bassin, et cela, malgré la présence de cette
nappe d'eau si considérable. Ces différences doivent se réper-
cuter sur les phénomènes marins qui s'accomplissent dans ces
deux régions distinctes. Aussi, doit-on diviser le bassin en
deux zones bien tranchées :
1^ La partie océanique qui s'étend de la barre extérieure
jusqu'à la ligne qui joint le phare à la pointe du Bernet;
3° La partie intérieure qui s'étend de la ligne précédente
jusqu'au fond du bassin, vers Ares et Le Teich.
CÔTB DBS LANDES DE CASC06NE ET DU BASSIN D'aRGAGHON. 303
Dans la partie intérieure, deux centres d'observations oqt
été adoptés : l'un, en rade d'Eyrac, en plein chenal, au ponton
des Pêcheries; Tautre, à la pointe de T Aiguillon, dans le
canalette, au poste des Douanes.
En rade d'Eyrac, on reçoit plus directement le contingent
des eaux océaniennes et toute la décharge des eaux landaises
amenées par la Leyre.
A la pointe de TAiguillon, on est entouré de terrains qui émer-
gent à rnarée basse, et on ne reçoit aucun cours d'eau douce.
Dans ces deux points on a constaté, en toute saison, des
modifications thermales assez étendues en relation étroite avec
les changements dans la température aérienne. On y a constaté
des températures voisines de 1^, en janvier 1894 et en février
1895, avec des oscillations qui atteignaient 5 à 6^ degrés en
quelques jours, tandis qu'au large, la surface se maintenait
constamment entre 10^5 et 11^5.
Nous présentons le tableau des tempérs^tures moyennes de
chaque mois observées en rade d'Ëyrac et à la pointe de l'Ai-
guillon, à mer basse, et, en regard, la température moyenne
de l'air (v. graphique n° 1) :
Température de la Mer. — Bassin d'Areachotu
'Janvier....
Février. ...
Mars
Avril
Mai
Juin.......
Juillet
Août
Septembre.
Octobre . .
Novembre .
Décembre .
RADE D'ETRAG
1893
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1894
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11,2
14,0
16,0
21,3
21,1
21,5
18,9
14,8
11,9
7,7
1895
6o4
4,3
8,5
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»
n
I
POINTE
de l'Aiguillon
1894
»
»
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»
»
MOYENNE DE L*AIR
1893
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1894
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19,2
17,1
13,8
9,1
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1895
2«3
1,9
7,8
12,9
15,8
»
»
»
20Ï
HAUTREUX.
On voit combien les températures se suivent de près dans
ces deux points, et combien elles se rapprochent des tempéra-
tures de Pair, tout en restant sensiblement supérieures.
Pour permettre de mieux suivre ces influences réciproques,
nous donnons le tableau des observations faites à haute mer
et à basse mer, dans les deux points précités, pour le mois de
février 1895 (v. graphique n**2):
Températures de la mer.
Février 1895.
Non N L'iKnUM
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DATES
RADE
d'ETNC
F. M.
B.1I.
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16
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28
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5
6
7.5
2.1
4»3
4*6
4*2
1*89
Ces observations comparées montrent nettement que, dans
ces deux points, les modifications thermales se produisent
d'ensemble : les minima du 6 et du 18, le maximum intermé-
diaire du 11, ont eu lieu en même temps.
Si Ton consulte Tétat thermal de Tair, on voit que les deux
minima du bassin ont coïncidé avec deux minima de Tair
à — 4^ et que le maximum du 11 au 12 a coïncidé avec une
hausse aérienne qui avait atteint +7^.
CÔTE DES UKDES DE GASCOGNE ET DU BASSIN D^ARGAGHON. 305
Enfin, les observations de pleine et basse mer de la pointe
de TAiguillon nous montrent, ainsi que les observations anté-
rieures de la rade d'Eyrac, que les eaux qu'apporte la marée
n'ont pas été modifiées sensiblement par leur contact avec
rOcéan, dont la température était alors de 11^.
Ainsi, que ce soit dans le grand chenal, ou bien dans les
canalettes, dans les parties toujours mouillées ou dans les
parties qui découvrent, les eaux du bassin intérieur subissent
presque immédiatement les eflets des modifications thermales
de l'atmosphère; et les eaux qu'entraine le jusant revienneat
au flot sans s'être mélangées avec les eaux de l'Océan.
Ceci bien démontré, il était intéressant de suivre les modi-
fications successives qui se produisent entre la rade d'Eyrac
et l'Océan. Dans ce but, il fut pris plusieurs séries d'observa-
tions reliées entre les points suivants : canalette de la pointe
de l'Aiguillon, rade d'Eyrac, rade du cap Ferret, grandes dunes
du Pilât, Sémaphore, bouée de la barre extérieure, et au large,
de 10 à 20 milles de la côte. (Y. carte n"" 4.)
Bassin d'Arcaehon. Températures reliées.
*
DATES
o
«1
4
Rade
du Ferret
Grandes
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1
Barre
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II
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»
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8^
9-3
lf4
12«1
I
306 HAUTREUX. I
Sur la barre extérieure, la moyenne est presque la même
que celle de TOcéan.
Au cap Ferret, on n'a pas observé de température plus basse
que 7^ tandis qu'à la pointe de TAiguillon on a eu au mini-
mum 1% et au maximum de février 7^.
Ces observations montrent clairement que, malgré les ma-
rées, chaque partie du bassin conserve un caractère spécial, et
que leS mélanges entre Teau du bassin intérieur et TOcéan se
font dans la partie maritime seulement.
La marée agit comme le ferait le piston sur un corps de
pompe qui se terminerait en pomme d'arrosoir : le liquide qui
touche le piston ne subit pas les mêmes entraînements que
celui qui passe dans les canaux étroits.
Pendant Tété, les différences sont beaucoup moins marquées
que pendant l'hiver ; elles existent cependant, et le bassin inté-
rieur est de 1 ou ^ plus chaud que l'Océan. Dans cette saison,
les causes d'insolation, de pénétration solaire, existent dans le
bassin comme sur la côte des Landes; tandis que, pendant
l'hiver, ce sont les larges surfaces de terrain, émergeant à
marée basse, qui produisent, par contact avec l'atmosphère,
le refroidissement si marqué du bassin intérieur pendant les
périodes des grands froids.
La température du bassin est supérieure à celle de l'Océan
♦
depuis la fin de mars jusqu'au milieu de septembre ; elle lui
est inférieure, quelquefois de 10% depuis le mois d'octobre
jusqu'au mois de mars.
Ces faits montrent la localisation des phénomènes physiques
dans le bassin; ils indiquent la région, située entre la rade du
cap Ferret et la barre extérieure^ dans laquelle se font les
mélanges avec l'Océan.
A chaque marée, les eaux océaniennes ne dépassent pas la
rade du Ferret ; elles n'apportent leur contingent d'eaux plus
pures qu'après s'être mélangées, dans les rades du Ferret et
du Moulleau, avec les eaux provenant du bassin intérieur.
1
ÉLOGE HISTORIQUE
DE
NICOLAS - J. LOBATCHE VSKY
PRONOIIGÉ
d&na là Séance solennelle de VUniveraité impériale de K&z&n
le 22 octobre 1893
PAR 11. LE PROFESSEUR A. VASSILIEF
PRÉSIDENT DB Lk SOaÉTÉ PHYSIQUE ET MATHÉMATIQUE DE KAZAM
TRADUIT DU RUSSE PAR M»** A. FlCHTEIfROLTZ
La vie si noble et si honorable de Phomme dont nous
célébrons aujourd'hui la mémoire est indissolublement liée
à rhistoire de TUniversité de Kazan dans les cinquante
premières années de son existence. A chaque page de cette
histoire, et nous citons ici textuellement le discours prononcé
sur sa tombe, on retrouve mentionné avec reconnaissance et
vénération le nom de Nicolas Lobatchevsky.
Lobatchevsky entra dans notre Université au moment même
de sa fondation. Le 5 novembre 1804 furent signés les statuts
de rUniversité de Kazan, et le 9 novembre 1807 on lisait, sur
la liste des élèves du lycée admis à suivre les cours des
professeurs et de leurs auxiliaires, le nom de Nicolas Lobat-
chevsky, précédé de la mention dignua.
Les premières années de notre Université, avec lesquelles
coïncidèrent les années universitaires de Lobatchevsky, pré-
sentent beaucoup de chaos, de désarroi et d'irrégularités.
L'Université fut ouverte sans ressources affectées à rensei-
gnement. Il y manquait la division des facultés qui devaient
«308 A. VASSILIEF.
la composer^ et cette lacune nuisait certainement au progrès
des études.
En revanche^ dans cette jeune Université, récemment fondée
sur un sol à demi-barbare, dans cette uUima JfuMrum
Thule, comme l'appelèrent les premiers professeurs allemands
qui y étaient arrivés, un profond amour de Tétude et une
ardente soif de savoir s'emparèrent de la jeunesse universitaire.
Le premier professeur de mathématiques, Bartels, se sou-
vint longtemps encore, avec regret, pendant son séjour à
Dorpat, de ses élèves de Kazan, si merveilleusement doués.
A cette ardeur pour le travail s'ajoutait, comme nous
l'atteste un des premiers pupilles de notre Université, S. T.
Aksakof, dans sa Chronique de famille, un mépris profond
pour tout ce qui était bas et vil, et un ardent respect pour
tout ce qui est honnête et noble, fût-ce même une utopie.
L'esprit de cette jeunesse universitaire que nous constatons
dans les actes des jeunes années de Lobatchevsky parvenus
jusqu'à nous, correspond à l'esprit général de cette époque,
que Pouchkine appelait € le sublime commencement des
jours d'Alexandre >, époque que rappelait à notre souvenir
le beau tableau placé dans notre Salle des Actes, et sur
lequel le jeune héritier de la couronne est représenté dans
tout le charme de sa beauté, accordant la charte à l'Université
de Kazan, devant le buste de sa grand'mère Catherine II, à
laquelle il semble obéir.
Il y a peu de périodes dans l'histoire de la civilisation russe
qui soient aussi brillantes et aussi fécondes que cette époque
où l'État, se mettant à la tête du mouvement intellectuel de
notre pays, élabore le programme général de l'instruction
publique, qui, d'après Karamzine, € fut un titre de gloire non
seulement pour la Russie et le tsar, mais pour le siècle tout
entier. » La Russie contribue au développement de l'étude de
la littérature étrangère ; elle rétablit l'Académie russe, fonde
de nouvelles universités et y attire les plus grands savants
étrangers.
N.-i. LOBATCHEVSKT. 309
A cette activité de TÉtat vient s'ajouter l'initiative privée.
Des dons sont offerts, avec un élan tout spontané, dans le but
de favoriser le développement de Tinstruction. C'est à cette
époque que se rapportent les donations de Demidof pour les
universités futures, celle de la noblesse de Kharkof, celle du
comte N.-P. Roumiantsef.
L'enthousiasme en faveur de la littérature et des sciences
porta ses fruits. C'est ainsi que nous devons aux premières
années de ce siècle notre immortel poète national Pouchkine ;
nous lui devons aussi le mathématicien génial dont nous
honorons aujourd'hui la mémoire.
Mais si le milieu extérieur exerce une grande influence sur
les jeunes gens qui entrent dans la vie, l'influence immédiate
des maîtres et des premiers guides dans leurs travaux intellect
tuels n'est pas moins importante.
Nous sommes donc obligés, en ce jour où nous célébrons
la mémoire de Lobatchevsky, de rappeler avec reconnaissance
ses maîtres, et tout d'abord la figure vénérée du premier
professeur de mathématiques de notre Université, Bartels,
dont la protection fut d'un si grand secours à cette nature si
spontanée, si fougueuse dans sa jeunesse.
Jean-Martin-Christian Bartels (n. 1769) occupe une place
prééminente dans l'histoire des mathématiques du xix® siècle.
H eut la bonne fortune d'être non seulement le professeur et
le protecteur de Lobatchevsky, mais aussi de celui des savants
de ce siècle qui, plus que tout autre, imprima son caractère
au développement des mathématiques, de l'illustre Gauss.
Pour pouvoir vivre, Bartels dut se faire, à seize ans, l'aide
d'un maître d'école privée de Brunswick, et pour une faible
rémunération il taillait les plumes aux élèves et les aidait
dans leurs devoirs d'écriture. Au nombre de ces élèves se
trouvait alors Gauss, âgé de huit ans; les aptitudes pour les
mathématiques de cet enfant génial attirèrent l'attention de
Bartels. .
Malgré leur différence d'âge, il s'établit entre eux une étroite
310 A. VASSILIEF.
amitié; ensemble, ils étudièrent les ouvrages de mathéma-
tiques ; ensemble, ils se mirent à résoudre dés problèmes.
Bartels prit plus d'une fois Gauss sous sa protection
Celui-ci admirait son caractère noble et généreux, et il en
conserva jusque dans ses dernières années un souvenir recon-
naissant.
Bartels était lui-même un excellent mathématicien. Ses
leçons : Vorlesungen ûber mathematishe Analyse, éditées
à Dorpat en 183â, occupent un rang élevé dans la littérature
allemande des mathématiques; elles se distinguent par la
rigueur des démonstrations et la clarté de Texposition.
D'après une tradition, on rapporte qu^à cette question posée
à Laplace : Quel est le plus grand mathématicien de TAUe-
magne? il répondit : <c C'est Bartels, car Gauss est le plus
grand mathématicien de Tunivers. >
Grâce à Bartels, renseignement des mathématiques à
l'Université de Kazan fut immédiatement au niveau de celui
des meilleures universités d'Allemagne. Tous les ouvrages
classiques de cette époque, comme : le Calcul différentiel
et intégral d'Euler, la Mécanique analytique de Lagrange,
V Application de Vanalyse à la géométrie de Monge, les Dis-
quisitiones arithmeticœ de Gauss, furent interprétés par
Bartels.
D'après les notes qu'il nous a laissées, il professa l^istoire
des mathématiques et exposa à ses auditeurs le tableau gran-
diose des progrès de l'esprit humain dans ce domaine de la
science.
Lobatchevsky venait d'obtenir (10 juillet 1811) le titre de
licencié (magister) «: pour ses progrès extraordinaires et ses
aptitudes non moins remarquables pour les sciences mathé-
matiques et physiques », ainsi que pour sa thèse : Théorie
du mouvement elliptique des corps célestes. Il travaillait
quatre heures par semaine chez Bartels. Il étudia avec lui
les Disquisiti07ies arithmeticœ et le premier volume de la
Mécanique céleste de Laplace. Le résultat de ces études fut
N.-l. LOBATCHEYSKT. 31J
la thèse présentée par Lobatchevsky en iSfS, intitulée : De la
résolution de Véquation algébrique X* — 1=0, où Lobat-
chevsky s'occupe de l'abaissement du degré de Téquation
binôme quand Texposant, diminué d'une unité, est divisible
par 4.
Une des fonctions du licencié Lobatchevsky était c de prêter
son concours à Bartels comme professeur de mathématiques
pures, et d'expliquer à ses élèves tout ce qu'ils ne compre-
naient pas ». Il est évident que des relations très intimes
durent exister entre ces deux hommes. Non moins étroite fut
l'intimité de Lobatchevsky avec Bronner, professeur de phy-
sique de l'Institut pédagogique, où les jeunes licenciés étaient
forcés d'entrer pour se perfectionner.
C'est une personnalité bien singulière que ce Bronner, qui
avait beaucoup vécu et beaucoup pensé : tantôt moine catho-
lique, tantôt c illuminé », tantôt auteur d'idylles, tantôt méca-
nicien et physicien, ou bien encore historien et statisticien du
canton d'Aargau, où il finit sa vie orageuse, — admirateur
enthousiaste des idées de Rousseau et de la Révolution fran-
çaise, en même temps que de la Critique de la raison pure
de Kant, — il devait exercer une sorte de fascination sur ses
élèves, et sa large éducation philosophique a, sans doute,
beaucoup contribué au développement intellectuel de Lobat-
chevsky et de ses collègues.
Après Bartels et Bronner, Lobatchevsky, encore étudiant,
eut pour professeurs Renner et Littrof, qui venaient d'arriver
à Kazan.
L*ex prvoat'docent de l'Université de Gœttingue, Gaspard
Frédéric Renner, excellent mathématicien et latiniste, se ré-
vèle à nous, à en juger d'après les souvenirs qui en sont
restés, de la façon la plus attrayante; c'était un homme à
qui on pourrait parfaitement appliquer le vers bien connu de
Pouchkine : c Ame ingénieuse de Gœttingue "»,
Quant à Littrof, astronome célèbre, d'une grande érudition,
admirateur de la philosophie de Schelling, il éleva l'ensei-
/
312 A. VASSILIEF.
gnement de Tastronomie dans notre Université au niveau de
celui des mathématiques. Sous sa direction, Lobatchevsky,
ainsi que son collègue M. Simonof, observèrent la comète
de 1811, et la communication faite par Littrof de ces obseN
valions dans les Nouvelles de Kazan, 1811, n^ 31, est la
première trace imprimée des travaux scientifiques de Lobat-
chevsky.
Cest dans cette brillante atmosphère intellectuelle que se
forma la jeunesse de Lobatchevsky, que reflète son rema^
quable discours Sur les objets les plus importants de Védu-
cation; c'est à cette source qu'il a puisé son désir insatiable
de posséder un savoir multiple. L'indépendance de son
esprit, nécessaire pour douter de la véracité de Taxiome
admis par tout le monde pendant deux mille ans et consacré
par l'autorité d'Euclide, son ardent amour pour la vérité
scientifique, lui permirent de poursuivre le développement de
ses idées grâce à une persistance obstinée, en dépit de l'in-
différence ou de l'ironie de ses contemporains. Lobatchevsky
fut-il redevable de quelque chose de plus à ses maîtres, et en
particulier à Bartels? Lui doit-il le choix de son sujet d'étude
préféré, qui le rendit célèbre, — de la question des prin-
cipes de la géométrie? — Ce point restera probablement une
énigme; mais, quel que soit notre enthousiasme patriotique,
l'amour de la vérité nous force à signaler la possibilité de
l'influence de Gauss sur Lobatchevsky par l'intermédiaire de
Bartels.
Le grand mathématicien allemand avait déjà publié en 1816
et 1822 des critiques sur quelques essais tendant à démontrer
le postulat d'Euclide ; et la conviction, catégoriquement expri-
mée dans ces critiques, sur l'inutilité de toutes les tentatives
faites pour combler cette lacune de la géométrie, ne nous
permet pas de douter de l'affirmation de Gauss, contenue dans
sa lettre à Schumacher (en 184'6), qu'il avait entrepris en 1792
de fonder une géométrie différente de celle d'Euclide.
L'époque où se manifeste cette opinion de Gauss fut aussi
N.-J. LOBATCHEVSKT. 313
celle de son étroite amitié avec Bartels, amitié qui avait com-
mencé en 17859 alors que Bartels était âgé de seize ans et
Gauss de huit ans seulement.
Leurs relations amicales continuèrent jusqu'en 1807, date
du départ de Bartels pour Kazan. Â part un intervalle très
court, ils vécurent sans se séparer à Brunswick, où ils
obtinrent tous deux une bourse du duc de Brunswick, qui
se proposait de construire un observatoire dont Gauss eût été
le directeur, et de fonder une école supérieure de mathéma-
tiques avec Gauss et Bartels pour professeurs. Leurs noms
étaient tellement liés, qu'ils reçurent en même temps des
lettres du secrétaire perpétuel de TÂcadémie de Saint-Péters-
bourg, Fuss, proposant à Gauss la place de directeur de
rObservatoire de Saint-Pétersbourg, et à Bartels celle de
professeur à Kazan.
Il y a donc lieu de croire que Gauss a communiqué ses
idées relatives à la question des parallèles à son maître et
ami Bartels (^).
Bartels pouvait-il s'abstenir de faire part de ces opinions
intéressantes et hardies de Gauss à un élève de Kazan aussi
bien doué que Lobatchevsky? En dehors de cette hypothèse, il
y a lieu également de signaler d'autre part quelques-uns des
motifs qui poussèrent Lobatchevsky à s'occuper des principes
de la géométrie et de la théorie des parallèles. Tout d'abord
il faut tenir compte de l'intérêt qui s'attachait à cette théorie,
déjà admise par les mathématiciens grecs (Proclus et Ptolé-
mée), ainsi que par les Arabes (Nassir-Eddin), et que l'on
(*) Une lettre de Gauss, adressée à un antre de ses coUègaes, Wolfgang Bolyai,
père de Jean fiolyai, l'anteur de Touvrage Appendix scientiam spatii absoluti
veram exhibens (1832), est parvenue jusqu*à nous. Dans cette lettre, écrite
en 1799, qui se trouve dans le discours du professeur Schering (V. Schering,
Gedaechtmssrede zum iOO j, GeburMage van Gauss, p. 7, 1877), Gauss a
exposé les principes de la géométrie indépendante du postulat d'Euclide. « On
peut, écrit-il, fonder une géométrie qui ne contienne pas Taxiome des parallèles.
Si nous admettons, toutefois, que la surface d*un triangle est plus grande que
toute limite donnée, la géométrie d'Euclide est démontrée; dans le cas contraire,
noue arrivons à une autre géométrie. »
T. I (5« Série). 21
314 A. VASSIUEF.
retrouve dans les xvi^-xviir siècles ea Europe ; du désir intense
de démontrer le postulatum d'Euclide, qui s'éveilla à la fin
du xvm* et au commencement du xix^ siècle. C'est ainsi que
dans Tespace d'une année^ en I7869 parurent sept traités consa-
crés à la question des parallèles. En 1794 fut publiée la première
édition du célèbre Manuel de géométrie de l'illustre mathéma-
ticien français Legendre, contenant une démonstration du
postulat d'Euclide, fondée sur la loi de l'homogénéité (>).
Par cette démonstration 9 Legendre commença la série de
ses remarquables travaux sur la théorie des parallèles, parus
en partie dans un grand nombre de nouvelles éditions de son
manuel, en partie dans des traités spéciaux. Il tenta, pour
ainsi dire, toutes les voies pour arriver à la solution de cette
question si difficile, et il employa toute la force de son esprit
à donner une démonstration du postulat d'EucIide qui fût à
l'abri de toute contestation.
Ces travaux de Legendre augmentèrent, à leur tour, l'intérêt
qui s'attachait à l'étude des parallèles.
Dans les vingt-cinq ans qui précédèrent l'apparition du
premier ouvrage de Lobatchevsky, il ne se passe pas d'année
sans qu'il paraisse un ou plusieurs essais sur cette théorie.
Rien qu'en langues française et allemande, on connaît près de
trente ouvrages imprimés entre 1813 et 1837. Quelques-uns
de ces traités existent encore dans notre bibliothèque et ont
été acquis, ainsi que le montre le catalogue, aux frais de
Lobatchevsky lui-même (*).
Les tentatives infructueuses pour démontrer le postulat
d'Euclide poussèrent Gauss, en 1816, à émettre ainsi son
opinion : a: Il y a peu de problèmes dans le domaine des
mathématiques sur lesquels on ait autant écrit que sur cette
lacune du commencement de la géométrie. Il ne se passe pas
O Nouvelle Théorie des parallèles. Paris, 1803.
. (') HessUng, Versuch einer neuen Théorie der ParallelUnien, 1818.
Luedicke, Versuch einer neuen Théorie der Parallellinien %m Zusammen*
hange mit den Grundlehren der Géométrie dargesteîU, 1819.
d'année où Ton ne constate des efforts pow la combler. Or,
à parler franc, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés
aujourd'hui que ne Tétait Euclide il y a deux mille ans. Un
aveu franc et loyal nous parait être plus digne de la science
qu'un essai infructueux fait dans le but de dissimuler, sous
un réseau de démonstrations qui ne se tiennent pas, une
lacune qu'il est impossible de combler. >
Cet insuccès de tant d'efforts a pu, en dehors de l'influence
de Gauss et de Bartels, amener Lobatchevsky à étudier, en
même temps que la géométrie fondée sur le postulat d'Eu-
cfide, une géométrie basée sur un système différent et indé-
pendant de ce postulat.
Un savant Jésuite italien, Saccheri (^), avait aussi donné,
dans la première moitié du xviii^ siècle, une solution de cette
question se rapprochant beaucoup.de celle qui a été si bril-
lamment exposée par Lobatchevski.
A peu près en même temps que Lobatchevsky, Jean Bolyai,
fils de Wolfgang Bolyai, l'ami de Gauss, publia une géométrie
différente de celle d'Euclide.
De plus, la philosophie de cette époque portait à douter de
la réalité des axiomes géométriques.
L'époque à laquelle Lobatchevsky entreprit son œuvre origi-
0) Sur Saccheri comme précarseur de Lobatchevsky, voir mon article dans
le Bulletin de la Société physique et mathématique de Kazan, Dans ces der-
nières années, les mathématiciens ont porté ieor attention sur quelques autres
ouTrages où Ton retrouve encore cette même notion d'une géométrie différente
de celle d*Euclide. C'est ainsi qu'appartient à Lambert, philosophe et mathéma-
ticien fort connu, le mémoire publié dans le Leipziger Magazin fur reine und
angewandte Vatheniatik (1786) : Zur Théorie der Parallellinien, Dans ce mé-
moire, Lambert parle de l'impossibilité de démontrer le théorème des parallèles
et de la sphère imaginaire; il affirme qu'il existe une unité de longueur absolue
pour un espace dont les angles ont une somme inférieure à deux angles
droits. Et Taurinus, dans sa Théorie der Parallellinien, dit : c L'idée d'une
géométrie dans laquelle la soqime des angles d'un triangle est plus petite que
deux droits m'a été communiquée il y a quatre ans par mon oncle, prof. S. (a)
à K., habitant encore M.; elle ne m'a pas satisfait à cette époque et me satisfait
encore moins aujourd'hui. »
(s) Il s'agit, probablement, d*après Semikolenof, auteur des études sur la géométrie de
LobatcbéVsly, du prof. Scheikart, dont Gauss fait mention dans sa lettre k Schumacher
(Prtncipet ie giimétrie, édition de la Société physique et mathématique de Kazan).
316 A. VASSILIEP.
nale, en y apportant Tardeur de sa jeunesse et de son aspira-
tion vers la gloire, a été un point culminant dans Thistoire de
la pensée humaine. Elle nous apparaît, comme Ta dit si élo-
quemment Helmholtz dans son discours {^), c comme une
époque riche en dons de Tintelligence, en enthousiasme, en
énergie, en espérances idéales et en pensées créatrices. > C'est
cette époque même qui donna comme but fondamental de
toute science le problème de la théorie de la connaissance :
«: Quelle est la vérité? Jusqu'à quel point nos conceptions
répondent-elles à la réalité? :»
Kant a beaucoup contribué à provoquer des recherches dans
cette voie par sa Critique de la Raison pure et par sa doctrine
de Tespace qui y est contenue.
Le grand philosophe de Kœnigsberg a résolu plusieurs fois
pendant sa vie et de différentes manières, le problème de la
réalité de Tespace.
Dans son premier ouvrage : Gedanken ueber die wahre
Schaetzung der lebendigen Kraefte (1746), Kant, âgé de vingt-
deux ans, souleva, avec toute la hardiesse de sa jeunesse, la
question de la cause des trois dimensions de Tespace; il la
voyait dans ce fait que notre âme reçoit ses impressions en
raison inverse du carré de la distance, conformément à la
loi de Tattraction découverte par Newton.
Plus tard, dans la période où, se trouvant sous Tinfluence de
Newton, il écrivit VHistoire naturelle générale du ciel, il
partagea ses opinions sur Tespace, qui existe objectivement,
qui précède toutes choses et qui les renferme. Dans son traité,
intéressant pour les géomètres : Von dem ersten Grunde des
Unterschieds der Gegenden im Raum^ il se fonda sur l'exis-
tence de deux corps symétriques pour montrer que Tespace
absolu a sa propre réalité, non seulement indépendamment de
Texistence d'une matière quelconque, mais comme condition
nécessaire de cette existence.
(1) Ueber die Thatêochen in der Wahrnehmung»
N.-J. LOBATCHBVSKT. 317
Joutefois, deux ans après, dans son ouvrage : De mundi
sensibilis atque intelligibilis forma atque principiis (1770),
Kant exposa sa doctrine de Tespace existant a priori, précé-
dant toute expérience, comme forme complètement subjective
de notre intuition. C'est là une des doctrines principales de la
CritiqtM de la Raison pure.
L'opinion de Kant sur les axiomes de la géométrie y est
exprimée avec une netteté absolue.
Kant se base sur ce fait évident que les axiomes nous par-
raissent être nécessairement vrais et que nous ne pouvons
même pas nous figurer un espace ne possédant pas les pro-
priétés qui sont formulées par ces axiomes, pour établir qu'ils
existaient avant toute expérience et que, par suite, l'espace
est une forme transcendante de l'intuition, indépendante de
l'expérience.
Cette doctrine de Kant, contraire à celle de Locke, Condillac
et des autres sensualistes, eut un grand nombre d'adver-
saires (*).
C'est ainsi que Gauss s'est prononcé plusieurs fois contre
elle ; il exprimait cet avis, que les principes de la géométrie ne
nous apparaissent pas avec le caractère de nécessité absolue
(et, par conséquent, de vérité certaine) que doit présenter la
science des quantités, c Nous devons avouer humblement que,
si le nombre n'est que le produit de notre esprit, l'espace
possède, en dépit de lui, une réalité à laquelle nous ne pou-
vons, a priori, dicter des lois (*). >
En Russie, la doctrine de l'espace de Kant fut combattue
dans la première année universitaire de Lobatchevsky par un
autre savant mathématicien russe du commencement de ce
siècle, le professeur de l'Université de Kharkof, T. Ossipovsky,
0 Un de ses adversaires fut P.- A. Adam Weishanpt, fondateur bien connu de
Tordre des « Illuminés b, comme le montre son ouvrage: Zweifel ueher die
kantimshen Begriffe wm Zeit und Raum, Nuemberg, 1788. (Sur Weishaupt,
▼. mon livre Bronner et Lobatchevsky; deux épisodes de la vie des premiers
professeurs de Kazan. 1893.)
O Briefwech$el zwi$chen Gauss und Bessel, Leipzig, 1880, p. 407.
318 A. VASSILIEP.
traducteur de la Logique de Condillac. Dans son discours Le
temps et l'espace, Ossipovsky, se plaçant à un point de vue
sensualiste^ se prononce catégoriquement pour Tobjectivité de
Tespace : c L'espace et le temps sont les conditions d'être des
choses. Ils existent dans la nature par eux-mêmes et non pas
seulement dans notre imagination. La conception de Tespace
provient des impressions de nos sens extérieurs sur nos senti-
ments intérieurs. >
On ne peut donc supposer qu'un érudit comme Lobatchevsky
soit resté indifférent à ces questions qui agitaient les esprits
de son époque. En effet, par ses investigations géométriques et
par sa démonstration de la possibilité d'une géométrie stricte-
ment logique, différente de celle d'Euclide, il répondait victo-
rieusement à la question posée par Kant.
 la solution donnée dans la Critique de la Raison pure,
Lobatchevsky en opposa une autre, consistant à regarder un
des principes indispensables de la géométrie, le postulat d'Eu-
clide, comme une loi physique, une «: Donnée empirique » et il
cherche à l'établir par des observations astronomiques.
Lobatchevsky formula de la façon la plus nette sa pensée
géniale à la première page de ses Nouveaux Principes: c On
ne peut encore déduire de la géométrie le principe qu'on a
voulu démontrer et que peuvent seules vérifier, d'une manière
analogue à celle des autres lois physiques, les expériences, les
observations astronomiques par exemple. > Cette pensée est
directement opposée à l'opinion suivant laquelle notre notion
de l'espace serait une notion absolue qu'il n'y a pas lieu de
vérifier par l'expérience.
A cette doctrine de l'espace qui formait une des pierres
angulaires de la Critique de la Raison pure, Lobatchevsky
porta un coup décisif.
On croyait pouvoir affirmer jusqu'alors que ne sachant rien
de la substance des choses qui se produisent dans la nature,
ne voyant que les phénomènes et ne connaissant pas c ces
choses en elles-mêmes :>, nous avions^ en géométrie du moins,
N.-l. LOBATCHBVSKT. 319
une notion absolue de Tespace, qu'il avait les mêmes pro-
priétés ici et là, aujourd'hui, hier et demain.
Après Lobatchevsky, un géomètre quelconque, trouvant
également logique la formule de Fespace donnée par Euclide,
celle donnée par Lobatchevsky, celle, aussi, qui est connue sous
le nom de Riemann, n'affirmera pas qu'il perçoit les propriétés
de l'espace à une grande distance de nous, ni qu'il sait quelles
ont été ces propriétés, pas plus qu'il ne sait quelles sont celles
qu'il aura.
Après les recherches de Lofoatchevsky, de même qu'à la suite
de la découverte de Copernic, l'horizon intellectuel de l'huma-
nité devient infiniment plus vaste.
Après Copernic, les hommes qui croyaient avoir une notion
absolue du cosmos, ayant en son centre la terre entourée de
sphères cristallines et concentriques, se sont trouvés, inopiné-
ment, habiter un grain de sable insignifiant dans l'immense
océan des mondes. Y a-t-il une limite à cet océan? Quelle est-
elle? Telles sont les questions posées par le système de Coper;
nie. Les investigations de Lobatchevsky introduisirent dans la
philosophie de la nature un problème de non moindre impor-
tance, celui des propriétés de l'espace. Sont-elles les mêmes ici
que dans ces mondes éloignés d'où la lumière arrive jusqu'à
nous après des centaines de mille et des millions d'années?
Sont-elles les mêmes maintenant qu'elles étaient lorsque le
système solaire se forma des débris de la nébuleuse? Et que
seront-elles lorsque l'univers se rapprochera de l'état corres-
pondant à une distribution de l'énei^ie partout égale, état dans
lequel les physiciens voient la fin des évolutions du monde?
On voit comment s'établit un parallèle entre Copernic et
Lobatchevsky, parallèle mis en lumière pour la première fois
par Clifford (^) dans sa Philosophy of the pure sciences et
consacré depuis par l'autorité d'un grand nombre de savants.
Le surnom de a: Copernic de la géométrie >, deux fois Qatteur
(^) Lectur$$ and E§tay§. |«on4on, 1S66.
320 A. VA8SILIEP.
pour un cœur slave, est appliqué à Lobatchevsky par le grand
savant anglais Sylyester (^).
En affirmant la relativité de nos notions de Tespace, Lobat-
chevsky nous indique, en même temps, la voie à suivre pour
les acquérir et les étendre : c'est la voie expérimentale.
Sous ce rapport, il se présente comme continuateur de
Tœuvre des grands savants et philosophes : Bacon, Descartes,
Galilée et Newton, qui, laissant de côté les considérations a
priorij commencèrent à interroger la nature, sachant, comme
Ta dit Lobatchevsky, qu'elle répond toujours et d'une manière
satisfaisante (^).
Les investigations de Lobatchevsky sont le développement de
ridée émise par Newton dans la préface de ses Principia, idée
qui consiste à regarder la géométrie comme une partie de la
mécanique :
a: Fundatur igitur geometria in praxi Mechanica et nihil
aliud est quam Mechanicae universalis pars illa quae artem
mensurandi proponit ac demonstrat. 9
Pendant toute la période de son activité scientifique, Lobat-
chevsky nous apparaît comme un représentant parfait de la
clarté ^e Tesprit russe, aspirant à l'évidence des faits et préfé-
rant aux indications douteuses d'un sentiment intérieur et
aux méditations métaphysiques la vérité scientifique basée sur
l'expérience.
Lobatchevsky a exprimé plusieurs fois ses opinions sur la
philosophie de la nature.
a: Dans la nature, dit-il, nous ne connaissons, à proprement
parler, que le mouvement, sans lequel les impressions devien-
nent impossibles. Toutes les autres notions, les notions géomé-
triques, par exemple, ont été produites artificiellement par
notre esprit et sont tirées des propriétés du mouvement. C'est
0 1 cordially join wUh you in the hope that our Engliih mathenuUieiant
may not be wantlng in the manifestation ofan honour due to your ii^tiflrîotit
compatriot, the Cofpemicva of Geometry [Prom a letter ofprof. Sylvetter to
the author of the addressj .
(*) Adresse sur les objets principaux de Téducatioa, Nouvelle* de Kamn.
N.-l. LOBATCHBYSKT. 321
pourquoi Tespace, pris séparément (^), n'existe pas pour nous.
c Les premières données seront incontestablement les notions
que nous acquérons dans la nature au moyen de nos sens; la
raison peut et doit les réduire au plus petit nombre possible
pour qu'elles servent ensuite de base solide à la science. »
(Nouveaux Principes de géométrie.)
Lobatchevsky a encore montré ses tendances vers la méthode
expérimentale dans son remarquable discours : Sur les prin-
cipaux objets de Véducation :
€ Les mathématiciens ont découvert les méthodes directes
pour arriver à la vérité. Mais il n'y a pas longtemps que nous
les utilisons. Elles nous ont été indiquées par l'illustre Bacon.
c Cessez, disait-il, de faire des efforts inutiles, en tâchant de
> tirer toute science de la raison ; interrogez la nature, elle ren-
» ferme toutes les vérités et répondra infailliblement et d'une
> manière satisfaisante à vos questions. :» Enfin, le génie de
Descartes mit heureusement en œuvre cette idée et c'est à lui
que nous devons de voir aujourd'hui presque complètement
dissipées les ténèbres dont une scholastique surannée avait
autrefois rempli nos universités. >
Comme on le voit, Lobatchevsky en rejetant celui des postu-
lats d'Euclide que Kant considérait comme une vérité néces-
saire, en montrant la possibilité de fonder une géométrie en
dehors de ce postulat et en insistant sur la vanité de tous les
efforts tentés pour démontrer ce dernier, n'obéissait pas au
caprice d'un esprit qui veut se singulariser comme le pensèrent
la plupart des mathématiciens de son temps.
Le problème résolu par Lobatchevsky était le problème mis
à l'ordre du jour par les mathématiciens et les philosophes de
son époque.
Or, pour l'entrevoir, il a fallu le génie de Gauss et de Lobat-
(^) U me semble que le mot c séparément » veut dire ici c indépendamment du
monyement et des dimensions >. La question des propriétés de l'espace parait
coïncider alors avec la science des mesures. Cette pensée est à la base des idées
de Cayley et de Klein, dont nous parlerons plus loin, sur la géométrie de Lobat-
chevsky.
221 A. TASSILIEF.
chevsky, et pour le mener à bien, il fallait la persévéraDce et
Tassiduité de ce dernier.
Pour nous autres, ce sera toujours un sujet de pieuse admi-
ration et de joie patriotique de voir qu^un tel problème, posé
par les penseurs des nations civilisées de TEurope, ait été
résolu par un savant qui a vécu à Kàzan, loin de tout centre
intellectuel, sans jamais quitter la Russie, sans s'être jamais
trouvé en communication immédiate avec les philosophes et
les géomètres de TEurope occidentale.
Les recherches auxquelles il se livra pour instituer une
géométrie indépendante de celle d'Euclide, la Géométrie de
Lobatchevsky, furent faites à une époque de la vie de Tuniver-
site de Kazan qui est liée au nom de Magnitsky.
Cette époque ne protégea pas les travaux de science pure.
Mais, pendant que le collègue de Lobatchevsky, le professeur
Nikolsky, entraîné par le courant qui dominait alors, cherche
en son ouvrage : De V Utilité des MathAnatiques, des inter-
prétations mystiques des vérités mathématiques, Lobatchevsky»
qui dans ses travaux avait en vue la vérité scientifique seule,*^
y trouve le repos et Toubli du sombre présent.
On a découvert dans les archives de TUniversité de Kazan
un ouvrage intéressant, qui montre que les travaux de Lobat^-
chevsky sur Texposition systématique de la géométrie ont
commencé avant 1823. Dans cette même année, il présenta à
Magnitsky, pour le faire imprimer aux frais de TÉtat, comme
livre classique, un manuel de géométrie qu'il venait d'écrire.
Magnitsky le fit parvenir à Tacadémicien Fuss, qui jugea ce
livre très sévèrement : c Si Pauteur croit qu'il peut servir de
manuel, il montre par là qu'il n^a pas la notion exacte de ce
que Ton doit exiger d'un ouvrage de ce genre, c'est-à-dire du
rôle capital des principes géométriques qui servent de fonde-
ment à la première partie de cette science, des méthodes
mathématiques, de la nécessité des définitions précises et
claires de toutes les notions, d'un classement logique et
mathématique des sujets, d'une |radoation nécessaire de^
N.-J^ LOBATCHBVSKT. 323
principes géométriques, d'une rigueur indispensable et autant
que possible parfaitement géométrique dans les démonstra*
tions. De toutes ces qualités requises, il n'y a pas la moindre
trace dans la géométrie que je viens d'examiner. >
Conformément à Tesprit et à la manière de voir de son
correspondant, Fuss s'indigne surtout de ce que Tauteur prend
le c mètre > pour unité de mesure des lignes droites, et pour
unité de mesure des arcs la centième partie du quart de la
circonférence, sous le nom de c degré >.
< On sait, écrit-il, que cette division a été imaginée au
moment de la Révolution française, alors que la rage de tout
détruire s'étendit même aux calendriers et aux divisions de la
circonférence. Mais cette nouveauté n'a été adoptée nulle part
et en France elle fut rejetée; l'évidence de ses inconvénients
étant reconnue. >
Fuss, impitoyable dans son jugement, ne pouvait prévoir
que soixante-dix ans plus tard, non seulement les mathémati-
ciens russes, mais encore ceux de l'univers entier, s'intéresse-
raient vivement à ces premiers efforts de Lobatchevsky sur
l'interprétation à donner à la géométrie.
Malheureusement, ce curieux manuscrit a été perdu. On
voit, par les lettres de Fuss, que Lobatchevsky a exposé dans
son manuel des idées originales sur la théorie des parallèles,
mais l'existence de ce manuel montre que ses études géomé-
triques ont commencé avant 1823. Il est probable que c'est peu
de temps après avoir présenté son manuel de géométrie qui
eut un succès si pitoyable, que Lobatchevsky acheva son sys-
tème de géométrie ; il attendit pour le publier une époque plus
favorable.
Il semble que ce n'est pas seulement à un hasard que l'on
doit de voir, le 8 février 1826, le général-major Jeltouchine
arriver à Kazan pour c renouveler l'Université :», tombée en
complet désarroi sous l'influence de Magnitsky, et, trois jours
après, le 11 février 1826, la section physico-mathématique
examiner le nouvel ouvrage de Lobatchevsky : Exposition suc-
324 A. VASSILIEP.
cincte des principes de la géométrie avec une démonstration
rigoureuse du théorème des parallèles (sic). »
La visite de Jeltouchine eut pour conséquence la démis-
sion immédiate de Magnitsky.
C'est alors que commença pour TUniversité de Kazan une
ère nouvelle et plus lumineuse, où se fit sentir le besoin
d'hommes dévoués à la science et à TUniversité.
La confiance que Lobatchevsky inspirait à ses collègues le fit
choisir comme recteur. A partir du 3 mai 1827, il occupa pen-
dant dix-neuf ans la première place à TUniversité de Kazan, la
servant avec un dévouement absolu et une énergie infatigable.
Recteur à trente-trois ans, Lobatchevsky profite de la première
occasion favorable pour exprimer ouvertement ses opinions
sur l'éducation de la jeunesse et sur le but de l'Université,
opinion directement opposée à celles qui y régnaient quel-
ques années auparavant. Dans la séance solennelle du 5 juil-
let 1828, il prononça son remarquable discours sur les points
les plus importants de l'éducation, et c'est sur ce discours que
je demande la permission d'attirer maintenant l'attention. Il
commence par indiquer l'importance de l'éducation : € Imagi-
nez dans quelle situation se trouverait un individu, séparé de
la société, abandonné à ses instincts, luttant contre la nature
sauvage qui l'entoure. Reportez vos pensées, ensuite, sur un
homme qui, au sein d'une société organisée, au milieu de
ses concitoyens élevés dans les derniers siècles de la civilisation,
devient, par son savoir, l'honneur et la gloire de sa patrie.
Quelle différence ! Quelle distance infinie entre ces deux hom-
mes! Cette différence est le résultat de l'éducation. Elle com-
mence au berceau, s'acquiert, tout d'abord, par l'imitation
seule; peu à peu l'esprit, la mémoire, l'imagination, l'amour
du beau se développent. Puis, l'amour-propre, l'amour du pro-
chain, la passion de la gloire, le sentiment de l'honneur, le
désir de jouir de la vie s'éveillent en lui. Toutes les facultés de
l'esprit, tous les talents, toutes les passions se perfection-
nent par l'éducation, qui les fond en un tout harmonieux, et
N.-J. LOBATCHEVSKT. 32B
rhomme, semblant naître une seconde fois, nous paraît réali-
ser l'idéal de la perfection.
> Toutefois, réducation ne doit pas tendre à étouffer ni à
détruire complètement les passions de Thomme ni les aspira-
tions qui lui sont particulières. Tout ce qui est en lai doit
tester en lui, sans cela nous défigurerons sa nature, nous la
violenterons et nous entraverons son bien-être. On entend très
souvent récriminer contre les passions ; or, comme Ta si juste-
ment dit Mably, plus les passions sont fortes, plus elles sont
utiles à la société ; ce n'est que leur direction qui peut être
nuisible.
> Cependant, la culture de l'esprit ne constitue pas seule
l'éducation.
> L'homme qui enrichit son esprit par la scien^ce doit encore
apprendre à jouir de la vie... Je veux parler de l'éducation du
goût. Vivre, c'est sentir, jouir de la vie, éprouver continuelle*
ment quelque sensation nouvelle qui doit nous rappeler que
nous vivons... Rien ne resserre le cours de la vie comme
l'ignorance ; elle nous mène par un chemin tout droit et mono-
tone du berceau à la tombe. Dans les classes inférieures de la
société, le labeur exténuant imposé par la nécessité, alternant
avec le repos, suffit à l'esprit du cultivateur, de l'ouvrier;
mais vous, dont l'existence, par un hasard injuste, est devenue
une charge pour les autres, vous, qui avez l'esprit triste et les
sentiments éteints, vous ne jouissez pas de la vie. Pour vous,
la nature est morte, les beautés de la poésie vous sont étran-
gères, l'architecture n'a pour vous ni charme ni magnificence,
l'histoire des siècles ne vous offre aucun intérêt.
:» Je me console à l'idée qu'il ne sortira jamais de tels produits
de la culture de notre Université, qu'ils n'y entreront même
pas. Ils n'y entreront pas, je le répète, parce que parmi nous
règne l'amour de la gloire, le sentiment de l'honneur et de la
dignité personnelle.
»I1 semble que la nature, qui a doté si généreusement
l'homme à sa naissance, ne s'est pas encore trouvée satisfaite,
326 K. ▼jantinr. .
qu'elle a inspiré à chacun le désir de surpasser les autres, de
s'illustrer, d'être un objet d'admiration, de devenir célèbre, lui
imposatit ainsi le devoir de se perfectionner.
B L'esprit, avec une activité continuelle, aspire aux honneurs,
à sa propre élévation ; toute la race humaine marche d'un per-
fectionnement à l'autre. Où s'arrétera-t-elle?
> Goûtons donc toutes les jouissances de la vie compatiblesavec
notre dignité. Que les exemples de l'histoire, la juste notion de
l'honneur, l'amour de la patrie, éveillés dans les jeunes années
donnent de bonne heure une noble direction à nos passions
et nous inspirent cette force qui nous permettra de triompher
de la mort I »
En parlant de la moralité comme de l'un des objets les plus
importants de l'éducation, Lobatchevsky insiste surtout sur
l'amour du prochain.
a: Duclos, La Rochefoucauld, Knigge ont expliqué comment
l'amour-propre était l'impulsion latente de tous les actes de
l'homme dans la société. Moi, je demande qui a jamais pu
enseigner complètement quels sont les devoirs qui dérivent
de l'amour du prochain (^)? i^
Tout ce discours, dont je viens de citer quelques passages,
est imprégné, comme vous le voyez, d'un profond idéalisme,
4'un grand amour pour l'Université, de respect pour la nature,
pour la raison et la dignité humaines.
Ces belles paroles n'étaient pas démenties par les exemples
de aa vie, consacrée tout entière au développement de la
science et aux progrès de sa chère Université.
Il se distingua surtout, dans ses recherches sur la géo-
métrie, dont nous avons déjà signalé l'importance, non
seulement pour les mathématiques, mais encore pour la
philosophie naturelle. Toutefois, notre grand savant ne fut
pas exclusivement un géomètre, tel que Steiner ou von Staudt,
0) Dans ma brochure citée plus haut, Bronner et Lobatchevsky , y ^i exprimé,
comme hypo^^^» ridée que Lobatchevsky était redevable, en ce qui concerne
ses opinions morales et philosophiques, à son maître Bronner.
N.-l. LORATGHEVSET. 327
et ses travaux sur Talgèbre et Tanalyse présentent aussi un
intérêt considérable.
Nous avons dit plus haut que Lobatchevsky avait étudié,
sous la direction de Bartels, le célèbre ouvrage de Gauss :
IH8qui9tti(mes arithmeticœ. Dans cet ouvrage, Gauss donne
comme couronnement à ses travaux sur la théorie des noni^
bres une de leurs plus remarquables applications.
Les anciens géomètres ont indiqué comment on construit
les côtés d'un triangle régulier, d'un hexagone, d'un décagone,
à l'aide du compas et de la règle. Gauss montra qu'il existe
un nombre infini d'autres polygones réguliers qui peuvent être
construits de la même manière.
Le premier travail que Lobatchevsky présenta à la division
physico-mathématique en i813 : Sur la solution de Véqwv-
tion algébrique X" — 1=0, se rapportait, en effet, à cette
question. Plus tard, il y revint encore dans son mémoire :
Abaissement du degré d^une équation à deux termes,
lorsque Vexposant, diminua d'une unité, est divisible par
huit, et apporta ainsi un complément important à la théorie
de Gauss.
Vers 1820, Lobatchevsky entreprit, paratt-il, d'écrire un
manuel d'algèbre pour les lycées. Quelque temps après, il
termina cet ouvrage, qui devait être, dans sa pensée, à la
fois un guide pour les professeurs et un manuel pour les
étudiants.
Ce livre fut publié en 1834, sous le titre : Algèbre ou CaU
cul des nombres finis, et se distingue parmi des traités
contemporains d'algèbre, publiés non seulement en Russie,
mais aussi à l'étranger, par l'exposition systématique et la
rigoureuse interprétation des principes fondamentaux. « Les
premières notions dans toutes les branches des sciences ma-
thématiques, écrit-il dans sa préface, s'acquièrent facilement^
mais sont toujours sujettes à erreurs. Nous sommes obligés
quelquefois de revenir en arrière, en mettant toute notre
attention à les éviter. >
328 A. VASSILIEF.
D'après Topinion de Lobatchevsky, c c'est avec Tétude de
Talgèbre que commencent à apparaître toute Fexactitude
des données^ toute la profondeur des aperçus que Ton peut
trouver dans les sciences mathématiques, tandis que Tarith-
métique n'est qu'une introduction et sert d'exercice prépara-
toire. :»
C'est pourquoi il commence son algèbre par les premières
notions de l'arithmétique, par les lois fondamentales de ses
opérations, et donne une interprétation systématique des
principes des mathématiques pures, se montrant le digne
précurseur du grand mathématicien et systématicien de notre
époque, du savant allemand Weierstrass.
Le caractère de l'algèbre de Lobatchevsky est de constituer
une algèbre complète ; c'est ainsi qu'il y a introduit l'étude
des fonctions trigonométriques, en leur donnant une défini-
tion purement analytique; sous ce rapport, son manuel est
supérieur même aux ouvrages classiques d'Euler : Intro-
ductio in Analysin infinitorum, et de Cauchy : Analyse
algébrique. Lobatchevsky y expose, entre autres choses, sa
manière particulière dé reconnaître la convergence et la
divergence des séries infinies. Il eut plus tard à revenir sur
cette question dans plusieurs mémoires :
l^ De la convergence des séries trigonométriques (Nou-
velles scientifiques de l'Université impériale de Kazan, 1834);
2^ Méthode pour reconnaître la divergence des séries
infinies et pour déterminer la valeur des fonctions de trois
grands nombres (Notes scientifiques de l'Université de Kazan,
1835);
3^ Veber die Convergenz der unendlichen Reihen (Kazan,
1841).
Déjà, dans le premier de ces mémoires, Lobatchevsky traite
le problème fondamental du calcul différentiel, des relations
entre la continuité et la difierentiation, devançant ainsi,
comme dans la question sur les principes de la géométrie,
ses contemporains d'un demi-siècle.
N*-J. LOBAXCHEVSKT. 329
Les mathématiciens du xviii^ siècle n'ont pas touché à la
question des relations entre la continuité et la différentiation,
présumant que toute fonction continue est^ eo ipso, une fonc-
tion ayant une dérivée. Ampère essaya de le démontrer^ mais
sa démonstration ne fut pas suffisamment probante.
Cette question du rapport entre la continuité et la diffé-
rentiation attira de nouveau Tattention en 1870, lorsque
Weierstrass donna Texemple d'une fonction continue dans
un certain intervalle^ mais n'ayant pas dans cet intervalle de
dérivée définie (c'est-à-dire ne pouvant être différentiée). Or,
Lobatchevsky avait insisté déjà en 1830 sur la nécessité de
distinguer la progression (ce terme étant employé avec le sens
du mot continuité, qui l'a remplacé aujourd'hui) et la conti-
nuité (la diffërentiation) des fonctions.
Il formula très nettement cette différence dans sa méthode
pour reconnaître la convergence... cLa fonction est progres-
sive quand son accroissement tend vers zéro en même temps
que l'accroissement de la variable X. Elle est continue lorsque
le rapport de ces deux accroissements, quand ils décroissent,
conduit à une nouvelle fonction qui sera, par conséquent, un
c coefficient différentiel ». Les intégrales doivent toujours être
prises dans des intervalles tels que les éléments sous chaque
signe d'intégratfon conservent leur gradualité et leur continuité. i^
Lobatchevsky entre dans plus de détails sur cette question
dans sa notice Sur la convergence des séries trigonométri-
queSf qui renferme une discussion générale des fonctions d'un
très grand intérêt.
c II semble, écrit-il, qu'on ne peut douter de la véracité de
tout ce qui est susceptible d'être traduit par des chiffres, et
que toute relation et toute variation se produisant ici-bas
doivent pouvoir s'exprimer par une fonction analytique. Or, la
théorie n'admet généralement l'existence des relations qu'en
tant qu'on considère les nombres unis entre eux comme des
données uniques. Lagrange, dans son calcul des fonctions,
par lequel il a cherché à remplacer le calcul différentiel, en
T. I & Série). 22
330 A. VASSILIBP.
voulant mettre une rigueur expressive dans son raisonnement,
a trouvé dans cette rigueur même une entrave qui a limité
ses efforts, j»
Je ne rappellerai pas les autres ouvrages de Lobatchevsky
sur la théorie des probabilités et sur la mécanique. Toutes ses
œuvres témoignent de son habileté remarquable pour le calcul
et montrent que son génie mathématique pénétrait jusqu'au
fond des questions les plus subtiles de l'analyse. Son amour
pour rétude ne s'arrêtait pas seulement aux mathématiques,
c ce triomphe de Tesprit humain, » il s'étendait à toutes les
branches de la science. La botanique, la phimie, Tanatomie
l'intéressaient également et lui étaient familières ; cependant,
il aimait par-dessus tout les sciences expérimentales.
Ce n'est pas en vain que Lobatchevsky, dans ce passage de
son discours que nous avons cité plus haut, parle avec un tel
enthousiasme de l'importance de l'expérience.
Nous le trouvons, par exemple, prenant une part active aux
observations faites sur la température du sol. Dans ce but, on
fit construire dans la cour de l'Université un puits au fond
duquel, à une profondeur d'environ 31 mètres (15 sagènes),
on plaça près de vingt thermomètres. Entre 1833-34, le nom-
bre de ces observations était de trois mille six cent cinquante.
Elles furent interrompues en 1835, à cause du dégagement
considérable d'acide carbonique qui se produisit dans le puits ;
mais, en 1851, Lobatchevsky recommença ses investigations
et porta surtout son attention sur l'étude de la température
du stratum végétal. Pour les mesures de température, dont
l'importance pour l'agriculture ne commence à être reconnue
que de nos jours, il invente lui-même un thermomètre métal-
lique d'une construction particulière.
Lobatchevsky éprouvait le même intérêt scientifique pour
l'astronomie.
Le S6 juillet 1842, on pouvait voir dans une partie de la
Russie une éclipse totale de soleil. Lobatchevsky se joignit i
l'expédition de Penza, envoyée par l'Université de Kazan, et
N.-l. LOBATCHEVSKT. 331
qui se composait de Tobservateur astronome Liapounof et du
physicien Knorr. Il publia à son retour un rapport des plus
détaillés, qui contenait, entre autres choses, des renseigne^
ments sur le phénomène merveilleux de la couronne solaire
(phénomène qui ne peut être observé que pendant les éclipses
de soleil), ainsi que des critiques et des interprétations de
diverses théories relatives à cette question. Lobatchevsky ne
croit pas à Texplication du phénomène par la présence d'une
atmosphère solaire, ni à celle qui la trouve dans la courbure
des rayons à la surface de la lune. En parlant de cette der-
nière, Lobatchevsky exposait son opinion sur la théorie de la
lumière, c Le système des ondulations, dit-il, ne peut pas être
appelé une théorie ; il ne doit être regardé que comme Texpres-
sion même des phénomènes que Ton veut démontrer. La véri-
table théorie doit être contenue dans un seul et unique principe,
d'où les phénomènes résultent comme condition nécessaire et
avec leurs différentes variétés. Parler des vibrations, c'est rai-
sonner sur une chose qui, en somme, n'existe pas, de même
que nous considérons des lignes et des surfaces, tandis que
dans la nature on ne constate que des corps. »
Non satisfait de la théorie des ondulations, Lobatchevsky
exprima l'idée qu'il serait possible de la combiner avec celle
de l'émission, en admettant que les particules lumineuses
reçoivent à leur origine un mouvement de translation aussi
bien que de vibration.
Le premier serait alors la cause de la lumière et de la cha-
leur, le dernier expliquerait les phénomènes de la polarisation.
On peut, d'après lui, s*en tenir à la théorie de l'émission de
Newton, en y ajoutant que la résistance que l'éther rencontre
sur son chemin serait la cause des ondulations, comme l'eau
d'une rivière qui trouve une digue s'élève en vagues, se divise,
en laissant un espace libre, en deux courants qui se réunissent
bientôt; ou bien, comme l'air qui, venant se heurter à un
obstacle, entre en vibration (ici ces vibrations produisent quel-
(|uefois le son), se partage en deux courants séparés par un
332 A. VASSÎLIEF.
vide, puis le courant primitif reprend son cours. L'eau passée
par-dessus la digue, de même que le vide laissé par Tair, cor-
respondent à Tombre projetée par les corps opaques; la ten-
dance de Teau ou de Tair à couler ensemble de deux côtés
différents nous est représentée par la déviation de la lumière
vers le milieu de Tombre. ]»
Revenant sur le phénomène de la couronne solaire, Lobat-
chevsky admet qu^au contact de la lumière, la surface de
notre atmosphère devient elle-même lumineuse, et que nous
voyons dans Panneau qui entoure la lune la lumière prove-
nant des régions supérieures de Tair. e: C'est ainsi que notre
mince enveloppe terrestre doit paraître briller d'un vif éclat
aux habitants des autres planètes aussi bien qu'à ceux qui
habiteraient la lune. >
La variété des travaux de Lobatchevsky doit nous étonner
d'autant plus que l'activité déployée par lui en tant que profes-
seur et recteur de l'Université pouvait absorber, à elle seule,
tout son temps.
Vers 1820, il ne restait plus à l'Université de Kazan aucun
des anciens professeurs allemands de Lobatchevsky.
L'année 1816 avait vu le départ de Littrof et la mort de
Renner. Un an après Bronner, ayant pris un congé de six mois,
partait pour la Suisse et ne revenait plus à Kazan.
En 1820, Bartels échangeait sa chaire de Kazan pour celle de
professeur à Dorpat. A la faculté (section physico-mathémati-
que), primitivement si riche en hommes de science, il ne
restait que Lobatchevsky, Simonof et Nikolsky.
Le second d'entre eux entreprit bientôt un voyage autour du
monde avec Beliingshausen, et Nikolsky s'adonna tout entier à
la reconstruction de l'Université. Tout le poids de l'enseigne-
ment retomba sur Lobatchevsky, qui professa les mathémati-
ques pures, la physique et l'astronomie (^).
(0 Je vais donner, à titre d'exemple, quelques firagments de la distribution des
cours et des objets d'enseignement à TUniversité impériale de Kazan.
Depuis le 17 août 1824 jusqu'au SB juin 1825, Nicolas Lobatchevsky, doyen de
N.-l. LOBATCflBVSKT . 333
Au retour du voyage autour du monde de Simonof^ Lobat-
chevsky n'enseigna plus Tastronomie; il s'occupa des cours de
mécanique et de physique mathématique. Ce n'est que vers
1840, lorsque la (section) faculté physico- mathématique s'as-
sura le concours de Knorr, comme professeur de mécanique,
et du très regretté Kotelnikof, que beaucoup d'entre nous se
rappellent encore que Lobatchevsky put s'en tenir à l'enseigne-
ment exclusif des mathématiques pures (').
Ne se contentant pas de ses cours officiels, Labatchevsky fit
plus d'une fois des cours de physique publics. Dans un de ces
cours, il traita la théorie de la décomposition chimique et la
la section phynco-mathématiqae, professeur ordinaire de mathématiques pures,
enseigna :
a) Sur les mathématiques :
Aux étudiants de la première dlmion: Les propriétés des nombres entiers. Les
exposants imaginaires. Les racines des équations. Les principes de la géométrie.
La trigonométrie plane et sphérique, d'après ses propres notes.
Aux étudiants de la deuxième division : La géométrie analytique. Le calcul des
différences. Les principes du calcul différentiel, d'après le manuel de Lacroix.
Aux étudiants de la troisième division : Le calcul intégral et le calcul des
variations, d'après Lacroix, et l'application de l'analyse â la géométrie, d'après
Iffonge.
h) Sur la physique :
Aux étudiants de la première division : Les principes de la physique. La manière
de raisonner dans cette science. Les forces d'attaction et de répulsion. Les notions
sur les propriétés physiques des corps. La dilatation des corps par la chaleur. La
résistance des corps et l'évaporation des liquides.
Aux étudiants de la deuxième et de la troisième division : L'électricité. Le
magnétisme. L'optique. La chaleur, en se servant du Traité complet de Phytique
de Biot et de qudques autres savants.
e) S or l'astronomie :
Aux étudiants de la troisième division : L'astronomie sphérique et théoriqu»,
d'après les ouvrages de Delambre.
£n 1826-1827 il professa, outre ses cours sur les mathématiques pures, la sta-
tique et la mécanique des corps solides et liquides d'après Lagrange et Poisson,
ainsi que la physique mathématique d'après Foumier, Laplace, Poisson et
Fresnel.
(<) En 1833/4 Lobatchevsky, se servant des œuvres de Lagrange et de Lacroix,
enseigna : aux étudiants de deuxième année, l'intégration des fonctions, aux étu-
diants de troisième année, l'intégration des équations à une seule variable et
aux étudiants de quatrième année, l'intégration des équations aux dérivées par-
tielles ainsi que le calcul des variations. Il fit ces cours jusqu'à la fin de son pro-
fessorat.
334 A. VASSILIEF.
synthèse des corps à Taide de réiectricté» et il fit en même
temps des expériences.
Pour les classes ouvrières, il organisa en 1839-1840 un cours
spécial de physique sous le nom de : c Physique populaire. »
Le professeur A. Popof, un de ses élèves les plus distingués
et son successeur, a laissé des mémoires sur la manière d'en-
seigner de Lobatchevsky. D'après ces mémoires, Lobatchevsky
savait être devant son auditoire très profond ou très enthou-
siaste, suivant le sujet qu'il avait à traiter.
En général, son langage différait complètement de son
style. Tandis que dans ses écrits il est concis, et même sou-
vent peu clair, dans ses leçons il se préoccupait surtout de la
clarté de l'exposition. Toutefois, il aimait mieux enseigner ses
propres idées que d'interpréter d'autres auteurs et laissait à
ses auditeurs la liberté de se pénétrer eux-mêmes des détails
de la littérature scientifique. Ses cours de physique publics
attirèrent beaucoup de monde ; quant à ceux qui étaient faits
devant un auditoire choisi et dans lesquels Lobatchevsky
expliqua ses c nouveaux principes de géométrie >, on peut les
appeler, avec raison, des cours c supérieurs ».
Nous pouvons juger de la conscience avec laquelle Lobat-
chevsky a rempli jusqu'à la fin ses différentes fonctions par sa
critique imprimée, très complète et remplie de déductions per-
sonnelles, sur la thèse de doctorat de A. T. Popof : De Vin-
tégration des équations différentielles de Vhydrodynamique
réduites à la forme linéaire, Kazan, 1845.
Lobatchevsky attachait une telle importance à la publica-
tion des critiques sur les thèses qu'en sa qualité d'inspecteur
de l'enseignement du district de Kazan, il exprima au ministre
de l'instruction publique son avis que toute thèse de doctorat
devait être accompagnée d'une critique détaillée. Bien qu'on
l'eût laissé libre d'agir à sa guise, il préféra avoir, relativement
à cette question, l'opinion du Conseil de l'Université de Kazan.
Le Conseil ne ratifia pas la proposition de Lobatchevsky,
trouvant < que les critiques imprimées exposées au jugement
N.-J. LOBATCHEYSKY. 335
du public, sans qu'il les eût demandées, devaient entraîner
une sévérité plus grande, pouvant en beaucoup de cas nuire
aux candidats ; qu'elles ne devaient donc pas être considérées
comme indispensables et quMl fallait laisser la liberté aux
professeurs qui les avaient écrites, de les faire ou non im-
primer >.
Dans sa réponse, Lobatchevsky écrivit que c tout auteur est
sujet à être jugé par le public, pour toutes les œuvres qu'il a
publiées. Par suite, si la raison donnée par le Conseil était
suffisante, on pourrait en déduire que MM. les Professeurs
avaient Tintention de ne jamais faire imprimer leurs ouvra-
ges ». Toutefois, ces idées n'ayant pas trouvé d'écho parmi les
membres du Conseil, Lobatchevsky s'en tint à la proposition
suivante : c Exposer, chaque fois, en détail, les causes pour
lesquelles on s'abstient de faire imprimer la critique complète
de la thèse. i>
Étant habitué à remplir rigoureusement ses fonctions,
comme il est facile de s'en convaincre par ce que nous venons
de citer, et désirant trouver ce même sentiment chez les
autres, Lobatchevsky apporta à l'accomplissement de ses
devoirs de recteur toute l'énergie qui le caractérisait; son
ardeur au travail était d'autant plus nécessaire qu'il dut, en
vertu de cette fonction, travailler comme il a été dit à la réor-
ganisation de l'Université et surveiller la construction de quel-
ques-uns de ses bâtiments (du laboratoire de physique, de la
bibliothèque, de la salle de dissection et de l'observatoire).
Administrateur infatigable, entrant dans tous les détails de
la vie économique de l'Université, étudiant l'architecture pour
pouvoir contrôler la construction des bâtiments, Lobatchevsky
s'intéressa tout particulièrement aux sources et aux produits
du mouvement intellectuel de l'Université : à sa bibliothèque
et à ses journaux.
La bibliothèque se trouvait dans un état de confusion
absolue lorsque Lobatchevsky (8 octobre 1B25) prit, à son
compte, les fonctions de bibliothécaire, ^^ois ans de travail
336 A. VASSILIBF.
énergique et assidu remirent la bibliothèque dans un ordre
parfait ; on en fit Tinven taire, on publia des catalogues» on fit
la liste des ouvrages manquants. Lobatehevsky aimait telle-
ment sa bibliothèque, qu'en devenant recteur il conserva sa
fonction de bibliothécaire, et ce n'est qu'en 1835 qu'il la trans-
mit à un autre.
LTniversité de Kazan avait eu avant 1812 son journal, qui
s'appela, tout d'abord. Nouvelles de Kazan, et plus tard.
Courrier de Kazan. Toutefois, ce journal n'avait pas un
caractère essentiellement scientifique ; les articles de science
se perdaient au milieu des traductions, des articles littéraires,
et étaient mêlés aux nouvelles politiques et aux communica-
tions officielles. Sous l'influence de Lobatehevsky ce journal
fut remplacé en 1834 par les Notes scientifiques.
. Les considérations qui amenèrent Lobatchewsky à faire
cette transformation, sont exposées dans la préface du premier
cahier du journal.
Il débute par l'importance de l'imprimerie, € cette seconde
faculté du langage grâce à laquelle la pensée née un soir dans
l'esprit d'un homme est répétée le lendemain à des milliers
d'exemplaires qui la répandent aux quatre coins du globe. >
Tel un point lumineux envoie instantanément ses rayons dans
les espaces lointains, telle l'étincelle du cerveau humain, sem-
blable à la lumière du jour, se propage en éclairant. Aussi les
hommes dévoués à la science ne peuvent-ils résister au désir
de faire imprimer leurs découvertes, leurs opinions et leurs
idées sur toutes choses. Toutefois, de même que dans tout
État civilisé il y a deux sortes d'instruction : l'une générale
et que l'on pourrait appeler populaire, l'autre appartenant au
monde savant, de même les feuilles périodiques doivent être
de deux sortes.
c Les unes doivent être variées dans leur composition,
comme toute instruction publique, intéresser par leur nou-
veauté et charmer en mettant en relief la vie réelle, en
reproduisant fidèlement les passions et les sentiments. Les
N.-J. LOBÀTCHEVSKT. 337
écoles supérieures, les académies et les universités ne peu-
vent les publier. Elles doivent s'imposer un autre devoir:
celui de la publication d'un journal purement scientifique. ]»
Les Notes scientifiqtœs ont réalisé depuis leur fondation
ce type de journal. Le premier article du premier livre, inti-
tulé : € Abaissement du degré d'une équation à deux termes
lorsque Texposant, diminué d'une unités est divisible par
huit, > est dû à Lobatchevsky.
Lobatchevsky trouva une détente pour son esprit et un
repos de l'infatigable activité dépensée par le savant, le pro-
fesseur et le recteur, dans son amour pour la nature, dans
ses humbles occupations de cultivateur campagnard.
A soixante lieues environ de Kazan, en aval du Volga, est
situé un petit village, Bielovoljskaia Slobodka, qui a appartenu
à Lobatchevsky; il y créa un beau jardin, et on y voit encore
un bois de noyers qu'il a planté.
D'après une touchante tradition, conservée dans sa famille,
Lobatchevsky aurait dit avec tristesse, en plantant ces arbres ;
c Je n'en verrai jamais les fruits. > Sa prophétie se réalisa. En
effet, leur première récolte fut faite seulement après sa mort.
Mais même en horticulture et en agriculture, son esprit
investigateur chercha à introduire quelque chose de neuf, à
rompre avec la routine en usage à cette époque. C'est ainsi
qu'il fit construire dans son domaine un moulin à eau, qu'il
inventa une façon particulière de souder les pierres composant
les meules, et qu'il fit venir du guano pour fumer ses terres. Il
s'appliqua surtout à l'horticulture et à l'élevage des moutons,
et dans ce but il acheta des moutons mérinos avec le produit
de l'argent obtenu par la vente d'une bague de diamant, don
de l'empereur Nicolas P**. Il obtint aussi, pour le perfection-
nement apporté dans la manière de travailler la laine, une
médaille d'argent de la Société impériale d'Agriculture de
Moscou.
Ne se bornant pas à l'application à l'agriculture des
données scientifiques, Lobatchevsky chercha à entraîner les
338 A« YASSIUEF.
autres propriétaires de Kazan^ et devint un des membres les
plus actifs de la Société Économique impériale de Kazan,
fondée en 1839, occupant pendant près de quinze ans la fonc-
tion de président d'une de ses divisions.
Le sérieux qu'il apportait dans ses nombreux devoirs le
rendit taciturne et renfermé en lui-même) il paraissait morne
et sévère comme le deviennent ordinairement les passionnés
qui, en raison de la fougue et de Tardeur de leur jeunesse,
ressentent plus fortement les orages de la vie. Et, nous le
savons, il y a eu dans la vie de Lobatchevsky bien des orages
capables d'influer sur son caractère. Toutefois, sous des
dehors sévères, presque rudes, se cachaient un amour vrai
du prochain, un cœur tendre, une profonde sympathie pour
toutes les aspirations élevées et des sentiments tout paternels
pour les jeunes hommes bien doués.
Un jeune employé qui lisait derrière son comptoir un livre
de mathématiques attira son attention; il le fit entrer au
lycée, puis à l'Université, et le jeune employé devint, après
quelques années, le célèbre professeur de TUniversité de
Kazan, Béltsani.
Le fils d'un pauvre prêtre, venu à pied de la Sibérie, entra,
avec le concours de Lobatchevsky, à la Faculté de médecine;
étant arrivé à une haute situation, et pour lui prouver sa
reconnaissance, il légua à l'Université de Lobatchevsky sa pré-
cieuse bibliothèque.
Plus d'une fois Lobatchevsky, recteur, préserva les étudiants
des suites de leurs entraînements, et ceux de notre époque
vénèrent encore sa mémoire.
Les qualités supérieures de son esprit et de son âme lui
attirèrent pendant sa vie la considération générale tant dans
l'Université que dans notre ville.
Ce tribut s'adressait autant à Lobatchevsky recteur qu'à
Lobatchevsky suppléant de l'inspecteur de l'enseignement, à
€ Bélisaire ]», comme on l'appelait lorsqu'il assistait aiix exa-
n^eqs dç l'IJnivçrsité,
N.-l. iOBATCHEVSKT. 339
Cependant, cette estime s'arrètant à l'homme, au proiSesseur
et à Tadministrateur, ne pouvait satisfaire complètement le
savant conscient d'avoir doté la science de principes nou-
veaux.
A ce point de vue, Lobatchevsky rencontre, comme nous
l'avons dit, soit de l'indifférence (^), soit une ironie grossière
et blessante dont est pleine la critique qui se trouve dans un
des journaux de Saint-Pétersbourg (Fils de la Patrie, 1834).
Même parmi ses élèves, aucun ne développa ses idées et ne
fut leur défenseur convaincu. La consolation de Lobatchevsky
fut l'approbation de Gauss, qui, seul, lui rendit justice, et
avec qui il était en correspondance; et, du reste, c les exem-
ples de l'histoire > nous apprennent que les hommes placés
trop au-dessus de leurs contemporains ne sont récompensés
par la postérité qu'après leur mort.
Quarante ans à peine se sont écoulés depuis la mort de
Lobatchevsky, et cette récompense lui est enfin échue.
La satisfaction suprême pour un penseur d'assister au
développement de ses idées, de voir des travaux se poursuivre
dans la voie qu'il a ouverte à la science, cette satisfaction,
Lobatchevsky l'attendit en vain pendant sa vie.
Cette impulsion se fait sentir maintenant dans la patrie de
Lobatchevsky aussi bien que dans les contrées civilisées de
l'Europe : en Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie,
dans l'Espagne, à peine réveillée de son sommeil intellectuel,
et au milieu des forêts vierges du Texas.
Elle a commencé en 1866, lorsque le mathématicien français
Hoûel, mort aujourd'hui, mais dont nous devons rappeler le
nom avec reconnaissance, publia la traduction française du
livre de Lobatchevsky, écrit en allemand (') : Geometrische
Untersiichungen zur Théorie der Parallellinien, en y ajou-
tant des fragments de la correspondance de Gauss et de
(<) Dans son travail sor les pai'allèles, Tacadémicien V. Bonnîakowski ne cite
pas, en iB53, les travaux de Lobatchevsky.
(*) Éîudei çeométriquei iur ^ théorie dei pç^rallèles, etc.
340 A. VASSILIEP.
Schumacher; il consacra, de plus, un ouvrage spécial au
développement des idées de Lobatchevsky (^). .
En 1867 parut rétude de Riemann, qui montrait la possibi-
lité d'une géométrie d'un espace sphérique, d'une géométrie
ne renfermant pas cet axiome : c Deux lignes droites ne peu-
vent contenir un espace (^). i>
Les observations d'optique physiologique amenèrent Ilelm-
holtz, vers cette même époque, à s'occuper de la question
des principes géométriques (').
D'autre part, les recherches d'un savant mathématicien ita-
lien, Eugénie Beltrami, sur la théorie des surfaces courbes (^),
recherches dans lesquelles il fut guidé par les principes
exposés par Gauss dans son remarquable mémoire: Disquisi-
tiones générales circa superficies curvas, l'engagèrent à étu-
dier une forme particulière des surfaces € pseudo-sphériques >,
comme il les appela. Beltrami montra aussi l'identité de la
géométrie de ces surfaces avec la géométrie plane de Lobat-
chevsky.
La combinaison de toutes ces études eut pour résultat
ce fait qu'un espace mathématique homogène (c'est-à-dire
permettant le mouvement du corps solide, invariable) à tfois
dimensions pouvait avoir trois formes différentes.
On attribue de plus en plus à l'une d'elles le nom de Lo-
batchevsky; les deux autres s'appellent l'espace d'Euclide et
l'espace de Riemann.
(1) Essai critique sur les principes fondamentaux de la géométrie, 1867;
seconde édition, 1886.
(*) Ueber die Hypothesen, welche der Géométrie zu Grunde liegen. La tra-
duction russe de ce mémoire, faite par Sintrov, se trouve dans la collection des
Principes de Géométrie, publiée par la Société physique et mathématique de
rUniversité impériale de Kazan, à Toccasion du centenaire de Lobatchevsky.
(*) Veher die Thatsachen, die der Géométrie zu Grunde liegen. Traduction
russe de Vassilief.
O Saggio di interpret(uione deUa geometria non eucUdia.
Theoria degli spazii di curvatura constante»
La traduction russe de ces mémoires, foite par Mée, se trouve dans cette même
collection.
N.-J. LOBATGHEVSRT. 341
La théorie analytique de ces espaces les distingue d'après le
signe d'une expression analogue à celle de la courbure d'une
surface. Pour l'espace d'Euclide, cette expression — courbure
de l'espace — est égale à zéro ; pour l'espace de Lobatchevsky,
elle est négative, et pour celui de Riemann, positive.
L'étude des propriétés des espaces de forme générale cons-
titue la géométrie non euclidienne.
Il est d'une utilité absolue pour cette étude d'avoir recours
à la considération d'un espace à quatre dimensions qui les
renferme.
La géométrie à dimensions multiples peut donc être consi-
dérée comme la suite de la géométrie non euclidienne, qui,
en élucidant bien des questions de la géométrie, fournit en
même temps des ressources sans lesquelles il est impossible
de résoudre un grand nombre de problèmes d'analyse (^).
Je mentionnerai encore les remarquables travaux de
Poincaré sur la théorie des fonctions automorphes, et je
rappellerai de quel secours a été la géométrie à dimensions
multiples à Kronecker, dans le problème de la séparation des
racines des systèmes d'équations.
L'idée de Lobatchevsky, comme cela a lieu pour toutes les
idées géniales, conduit aux questions les plus complexes.
D'une part, c Tespace physique de notre expérience > est-il
véritablement celui d'Euclide, comme nous le supposons et
comme le prouve notre expérience limitée?
Newcomb, Bail, Peirce et les autres, prenant modèle sur
Lobatchevsky, se sont demandé jusqu'à quel point les observa-
tions astronomiques permettaient de résoudre le problème de
la somme des angles d'un triangle, et, en suivant la voie qu'il
a indiquée, ont trouvé la réponse à cette question dans la
détermination des parallaxes des étoiles fixes.
(*) On trouve an exposé très clair des recherches sur les principes de la géo-
métrie à dimensions maltiples dans l'ouvrage du professeur Killing, paru
dernièrement et dédié à notre Société physique et mathématique, Einfuehrung
in die Grundlagen der Geonietrie.
342 A. VASSILIEF.
Voici ce que dit à ce propos le célèbre astronome irlandais
Bail : c Les astronomes ont été souvent désagréablement sur-
pris en obtenant comme résultat de leurs travaux une paral-
laxe négative. Il est certain que cela provient, en général, des
erreurs inévitables dans ces observations si difficiles; cepen-
dant, nous ne devons pas oublier que si l'espace avait vraiment
une courbure, la parallaxe négative pourrait provenir d'obse^
vations d'une exactitude rigoureusement mathématique. >
Le savant américain Peirce va plus loin; il pense avoir
démontré, en se basant sur des recherches astronomiques,
que notre espace est bien celui de Lobatchevsky.
Zœllner, au contraire, se fondant sur les phénomènes de
l'obscurité du ciel et sur des recherches sur la pesanteur des
masses dispersées dans des espaces de différents types, con-
cluait que notre espace appartient au type des espaces de
Riemann.
Beaucoup de savants ont cherché à démontrer les phéno-
mènes physiques par Thypothèse de la courbure de l'espace et
en admettant un espace d'un plus grand nombre de dimen-
sions (*).
Cliffbrd, admirateur enthousiaste de Lobatchevsky, a été
plus loin encore, et a émis l'hypothèse que le mouvement
visible d'un objet n'est autre chose qu'une variation de la
courbure de l'espace.
Voici sur quoi il fonde son intéressaïite hypothèse :
l^' Les parties infinitésimales de l'espace sont, par leur
nature, identiques aux montagnes et aux vallées d'une sur-
face plane en général; les lois usuelles de la géométrie ne
peuvent leur être appliquées;
(t) Mach, Die Geschichte und die Wurzel de* Satzes wm der ÈrhaUung der
Arbeit. Prague, 1872. t Le manque d'une Uiéorie satisfaisante de Télectricité
provient peut-^tre de ce qu'on a essayé d'expliquer les phénomènes électriques
par des variations moléculaires dans un espace à trois dimensions. »
Mach et Bresh se sont servis de l'hypothèse d'un espace à quatre dimensions
pour Teiplication des phénomènes chimiques (Der Chenitimus im Sichie me/ir>
diménsiênaler Raumatiêehauung, Leipzig, 1882).
N.- J . LOBATCHBYSKT. 343
^ La faculté de se déformer et de se redresser passe d*une
façon continue et comme une onde d*un endroit à un autre
de cette surface ;
3^ C'est cette variation même de la courbure de Teàpace
qui constitue ie phénomène appelé c mouvement de Tobjet
pondérable ou éthéré 9 ;
4^ Dans le domaine ^ physique, rien d'autre ne se produit
que la variation de la courbure de Tespace, assujetti lui-même
(peut-être) à la loi de la continuité.
Telle est la spéculation hardie de CliiTord.
Les spéculations analogues sur les propriétés de Tospace
peuventnelles réellement donner de nouvelles hypothèses pour
expliquer les phénomènes du monde? C'est ce que nous dira
l'avenir.
€ Il est important, écrit Riemann, que le travail servant à
démontrer les phénomènes qui se produisent en nous et
autour de nous ne soit pas gêné par Tétroitesse des idées,
et que nos progrès dans la connaissance des relations réci-
proques des choses ne soient pas entravés par les préjugés
traditionnels. >
J'ajouterai, en outre, que non seulement Lobatchevsky (et
cela est très caractéristique pour ses opinions philosophiques)
ne parle jamais des propriétés de l'espace, mais qu'il affirme
que l'espace pris séparément n'existe pas.
Lobatche>isky n'approuverait pas probablement les conclu-
sions actuelles sur les propriétés de l'espace; pourtant, il
reconnaîtrait, il me semble, le développement de ses idées et
de ses opinions dans cette autre manière de poser la question
de la géométrie que nous trouvons chez Cayley et Klein (^).
A en croire ces mathématiciens, le problème quelque peu
métaphysique des propriétés de l'espace doit être remplacé
par celui qu'ils nous donnent sur le moyen de mesurer les
distances.
(0 F. Klein, XJeber nicht euklidiaehe Géométrie (Math, Ann,, Bd IV et VI).
Â. Cayley, Àddre$$ as Président of British AssoeioHon, at South/port, 1883.
344 A. VASSILIEF.
Afin de nous en faire une idée, imaginons que nous mesu-
rons sur une ligne droite ABCDEF des distances absolu-
111
ment égales AB — 1 mètre, BC — 5, CD— r, DE — z, etc.,
avec une mesure (diminuant par exemple sous Tinfluence d*un
brusque changement de température) en passant de AB à BC
de moitié, de BC à CD encore de moitié, etc...
Tous les segments paraîtront égaux à notre mesure, égaux
à 1 mètre, et la distance de deux mètres égale à la somme
111
d'une progression géométrique indéfinie 1 + 5 '*'r"^ 5 "+••••••
sera, subjectivement, égale à un nombre infini de mètres; la
limite ne pourra jamais être atteinte par notre manière de
mesurer. La circonférence décrite autour du point A avec un
rayon égal à 2 mètres sera la circonférence limite de la géo-
métrie de Lobatchevsky.
Le système des relations entre les distances et les angles
est identique, comme Tout montré Cayley et Klein, à celui qui
constitue la géométrie de Lobatchevsky.
Mais, quel que soit Taspect de la question que nous préfé-
rons, il est évident que les questions posées par notre immortel
géomètre n'appartiennent pas seulement au domaine des mathé-
matiques.
A leur solution doivent prendre part la physiologie des sens (en
particulier la vue et le toucher) ainsi que la branche de la philoso-
phie à laquelle on donne le nom de théorie de la connaissance.
Nos opinions sur la philosophie générale de la nature dépen-
dent aussi de cette solution.
C'est en cela que se manifeste la grandeur des idées de
Lobatchevsky.
Plus le choc d'un corps lourd sur une eau dormante est vio-
lent, plus se propage au loin le mouvement des ondes et plus
est étendue la place qu'elles envahissent. Plus l'idée est géné-
rale, plus est considérable le nombre des branches de la
science qui subissent son influence.
N.-l. LOBATCHEVSKT. 348
Lie fait que les idées de Lobatchevsky intéresseront de plus
en plus non seulement les mathématiciens, les astronomes,
mais aussi les physiologistes et les philosophes, constitue la
principale récompense de notre illustre penseur-géomètre.
L'autre récompense, c'est Testime générale accordée à son
nom et prouvée par le nombreux auditoire assemblé ici pour
honorer sa mémoire, les discours que nous venons d'entendre»
ainsi que la sympathie avec laquelle a été accueilli l'appel fait
par notre Société physico-mathématique pour la fondation d'un
prix auquel sera attaché le nom de Lobatchevsky.
Les dons sont arrivés presque de tous les points de l'Europe;
une part considérable nous vient de l'Amérique lointaine.
L'une des institutions savantes les plus célèbres du globe,
la Société Royale de Londres y a pris part et même un collège
d'une petite ville allemande a voulu apporter son tribut et,
non seulement les mathématiciens, mais aussi les philosophes
ont partagé notre enthousiasme.
Grâce à ces dons, le c Prix Lobatchevsky > va être kméé et
contribuera, en soutenant et en encourageant les jeuues mathé-
maticiens, au développement de sa science préférée.
Toutefois, il est encore un autre devoir qui incombe à la
société civilisée russe, et tout d'abord à celle de la ville où
fut élevé, où enseigna, où pensa et agit Lobatchevsky.
Un monument commémoratif en face de sa chère Université
n'est pas une récompense trop grande pour un homme qui
consacra sa vie à développer la civilisation de sa patrie, pour
un penseur qui a tout fait pour la gloire scientifique de la
Russie et de l'Université de Kazan.
Puisse ce monument rappeler aux générations futures des
étudiants et du corps enseignant de l'Université de Kazan la
haute personnalité d'un professeur qui voua sa vie au bien de
son Université, d'un professeur qui considéra que le but de
l'Université devait être non seulement « d^ouvrir l'esprit à la
lumière de la science, mais encore d'inculquer les vertus,
d'inspirer le désir de la gloire, les sentiments de noblesse^
T. I (5« Série). 23
3U' A. VASSIUBT.
de justice et d'honneur, et de cette honnêteté stricte et sacrée
qui donne la force de résister à toutes les tentations et à tous
les entraînements que le châtiment ne peut atteiodre > .
Puisse cette physionomie d'un génial et puissant penseur, qui
apporta une nouvelle lumière et qui introduisit les Nouveaux
Principes dans une des branches les plus importantes de la
science humaine, prouver à la Russie entière : < Que dans te
domaine intellectuel nous ne pouvons ni ne devons reculer .>
RECHERCHES EXPERIMENTALES
L'ADHERENCE DE DEUX SURFACES POLIES
PLANES OU SPHÉRIQUES
séparées par une mince eoTiehe liquide, et en
particulier, sur le maintien des têtes
osseuses articulaires dans leurs cavités;
PAR LE D' H. BORDIER
LICENCIÉ ES SCIENCES PHYSIQUES
Les frères G. et E. Weber (*) ont fait plusieurs expériences
sur Tartieulation coxo-fémorale des cadavres pour dénaontrer
que c'est la pression atmosphérique qui, sur le vivant, main-
tient la tète du fémur dans la cavité cotyloïde. Depuis cette
époque (1843), tous les traités d'anatomie et de physiologie
répètent à Tunisson que la tête du fémur, ainsi que toutes les
autres têtes osseuses, sont maintenues dans leurs cavités artir
culaires par la même pression atmosphérique.
Nous commencerons par faire la remarque suivante : Dire
que c'est la pression atmosphérique qui produit Tadhérence du
fémur avec Tos coxal dans la cavité cotyloïde, c'est dire, évi*
demment, qu'il existe une différence de pression entre les deux
côtés de la tête du fémur, ou encore qu'il existe un espace vide
d'air ou de gaz entre cet os et les parois de la cavité. L'action
de la pression atmosphérique ne peut se traduire que de cette
façon; cette action n'aurait aucun sens physique si on ne la
comprenait pas ainsi.
(i) Traité d*ostéologie et de syndesmologie, par G. et E. Weber, 184^:),
page 331.
348 H. BORUIER.
Mais deux raisons principales s'opposent à l'existence d'un
vide entre la tête du fémur et les parois de la cavité cotyloïde.
La première et la plus importante, c'est que les gaz dissous
dans la synovie et dans les tissus qui forment les parois de
cette cavité se dégageraient dans cet espace vide, lequel, alors,
serait immédiatement détruit. De ce fait, le vide ne peut ni
préexister, ni même tendre à exister dans la cavité articulaire.
La deuxième raison, c'est que les coupes pratiquées dans
plusieurs méridiens à travers l'articulation ont constamment
montré que la tête du fémur et les parois de la cavité se
touchent en tous les points, contrairement à l'opinion de
Palletta qui croyait que la tête du fémur ne touchait la cavité
qu'en un seul point.
Il n'existe donc entre les deux os aucun espace destiné à
loger le vide des frères Weber.
Il y a une troisième raison qui nous parait absolument en
opposition avec cette théorie de la pression atmosphérique,
c'est que le vide ne saurait exister dans un point de notre
organisme : ce serait contraire à toutes les lois physiques et
physiologiques.
Depuis longtemps j'avais résolu de rechercher la véritable
explication du maintien de la tête du fémur en particulier, et
de toutes les autres têtee articulaires dans leurs cavités
respectives.
Mais avant de chercher à expliquer des phénomènes biolo-
giques, il nous parait indispensable d'être exactement fixé
d'abord sur les lois physiques qui interviennent dans ces
phénomènes. Aussi devons-nous commencer par exposer les
expériences sur lesquelles repose notre démonstration.
Lorsqu'on prend deux disques plans entre lesquels est placé
un liquide, par exemple de la glycérine, qui se rapproche
assez bien par son aspect et par sa viscosité de la synovie, on
constate que ces disques adhèrent fortement entre eux et qu'il
faut développer un effort notable pour les séparer. Les condi-
tions de l'expérience sont celles-ci : On place trois ou quatre
ADHÉRENCE DE DEUX SURFAGCS P0L1R8 PLANES OU SPIIÉRIQUES. 349
gouttes de glycérine pure, de densité 1,260, sur un des plans
de Magdebourg, en verre bien rodé, et on applique Tautre par-
dessus, en exerçant une pression assez énergique pour chasser
la plus grande quantité de liquide possible ; on constate que
ces deux disques glissent cependant très facilement Tun sur
Tautre, comme si Ton avait affaire à une articulation plane.
Pour pénétrer plus en avant dans le phénomène, il était
nécessaire de faire des mesures, de façon à connaître la force
capable d'amener la séparation de ces disques enduits de
glycérine. J'ai employé pour cela la méthode suivante : Le
disque inférieur est fixé solidement à un obstacle résistant
pendant que le disque supérieur est suspendu au crochet d'un
dynamomètre à ressort gradué en kilogrammes et vérifié; ce
dynamomètre est attaché à l'extrémité d'un levier du premier
genre, à l'aide duquel on peut exercer un effort lent et régu-
lièrement progressif. Cet effort est à chaque instant indiqué
par le dynamomètre. Si l'on vient, dans ces conditions, à agir
sur la grande branche du levier, pendant qu'un aide a soin de
maintenir les disques, de chaque côté, pour empêcher leur
glissement, il arrive un moment où la séparation des disques
se produit. Il suffit de lire le dynamomètre pour connaître
l'effort développé.
Le diamètre des plans de verre du laboratoire de physique
de la Faculté de médecine est de 72 millimètres; la force
correspondant à la séparation des disques a varié, dans les
différentes expériences, de 17*^500 à 18 kilogrammes.
Si l'on rapproche cette expérience de celles de Gay-Lussac,
avec un seul disque placé sur la surface libre d'un liquide, ou
de Simon, de Metz, avec deux disques séparés par une couche
liquide d'une épaisseur finie et connue, expériences dans
lesquelles les nombres trouvés sont inférieurs à 100 grammes
ou à peine supérieurs, on est obligé d'admettre qu'il s'agit là
d'une autre cause que de la tension superficielle.
Un fait qui prouve que ce n'est pas la tension superficjelle
qui produit cet accolement des disques dans le cas de notre
3S0 H. BORDIRR.
couche liquide infiniment mince, c'est que si Ton fait Texpé
rience en prenant de Teau, dont la tension superficielle est 7,5,
on trouve que Teffort de séparation est à peine de 2 kilogram-
mes, nombre bien inférieur à celui correspondant à la glycé-
rine dont la tension superficielle n'est cependant que de 7,2.
Bien plus, si Ton se sert d'huile d'olives pure, dont la tension
superficielle est encore plus faible, comme l'on sait, et égale 3,5,
l'effort correspondant à la séparation des disques est de 13^500.
Il faut donc écarter cette cause, qui se traduit par un nombre
beaucoup trop faible, dans l'explication du phénomène. Nous
pensons qiie l'adhérence énergique des disques est due à l'adhé-
sion du liquide interposé, sans doute, mais surtout aux forces de
cohésion de ce liquide. Nous avons été ainsi conduite faire une
série d'expériences pour voir si cette hypothèse était vérifiée.
Les forces de cohésion, c'est-à-dire la résistance à la rupture,
sont d'autant plus grandes dans un liquide que celui-ci se
rapproche davantage de l'état solide, état dans lequel ces forces
sont très grandes.
Il en résulte que si la cause qui maintient les disques si forte-
ment accolés l'un à l'autre réside bien dans la cohésion de la
mince couche liquide interposée, on devra trouver que l'effort
à faire pour amener la séparation des disques est d'autant
plus considérable que le liquide est plus visqueux. C'est ce
que l'expérience vérifie exactement.
Voici les résultats trouvés dans un grand nombre de
mesures :
1. Eau 2^ 1
2. Huile d'olives 13 500
3. Sirop de sucre D = 1,3 14 »
4. Glycérine pure 17 500
5. Glucose en pâte 24 »
6« Suif de chandelle (après solidification
de la couche) 25 500
Moins la mobilité de la substance interposée est grande,
plus l'effort de séparation des disques est considéraj^lç
ADHÉRENCE DE DEUX SURFACES POLIES PLANES OU SPHÊRIQUES. 351
Une autre preuve de Timportance qu'offre la cohésion' du
liquide dans ce phénomène^ c'est que si Ton fait varier la
nature de la substance qui constitue les disques, en conser-
vant la même surface, on trouve que pour un même liquide
Interposé, toujours de la même façon, Teffort reste constant.
Ainsi, dans le cas de la glycérine, on a :
Disques dé verre rodé 17^500 à 18"^ »
• — de palissandre 17 i àl8 »"
— de cuivre rouge 17 » à 17 500
On peut aussi, comme nous Tavons fait, associer ces diffé-
rents disques entre eux» de façon à constituer les trois cas :
Verre — Bois
Verre — Cuivre
Bois — Cuivre
et Ton constate que Teffort à développer reste le même.
D'où la loi : La force de séparation des disques est indépen-
dante de la nature des disques.
Nous nous sommes encore demandé comment variait l'effort
que nécessite la séparation des disques avec la surface de ta
couche liquide interposée. Pour cela, nous avons fait faire des
paires de disques en palissandre ayant des surfaces dans le
rapport de 1, 4< et |.
Ces surfaces étaient :
Surfues. Diamètres.
10 40«l71 7^80
^ 20cq35 5^08
30 I3cq57 4c 16
En interposant de la glycérine, les efforts trouvés ont été :
10 17^ » à 18k
20 8 750 à 9
30 6 »
On voit que l'effort etst nettement proportionnel à la surface
de la couche interposée entre les disques. Cette proportion-
iaalité s'^st au$si trouvée exactement vérifiée daâs le cas de
3K2 , H. BORDIER. ,
deux paires de disques de cuivre, dont les surfaces étaient
dans le rapport de 1 à 2.
Les résultats de ces différentes séries d'expériences parais-
sent bien confirmer Tidée que nous avons émise, à savoir
que ce sont surtout les forces de cohésion de la mince couche
liquide interposée qui agissent pour maintenir accolées les
surfaces planes que nous avons considérées.
Il était intéressant, dans le cas qui nous occupe,.de savoir
ce qui se passe lorsque les surfaces enduites sont sphériques
au lieu d'être planes, comme dans îe cas des articulations
appelées énarthroses. C'est ce que nous avons cherché à
obtenir. Pour cela, nous avons pris une sphère en cuivre
ayant le même diamètre que celui du disque (n^ 2) en palis-
sandre, diamètre qui est aussi très sensiblement celui de la
tête du fémur et de la cavité cotyloïde.
Dans une masse de plomb en fusion, nous avons immergé
la boulé de cuivre jusqu'à son équateur et nous avons laissé
la masse se solidifier ; la séparation de la boule s'est très bien
faite ensuite. Nous avons ainsi obtenu deux surfaces sphériques
s'adaptant exactement l'une sur l'autre comme dans le cas de
nos disques. A la sphère de cuivre était fixé un anneau à l'aide
duquel le dynamomètre était relié au système En plaçant de
la glycérine entre ces deux surfaces sphériques, nous avons
trouvé pour la force capable d'amener la séparation 8^750,
déduction faite du poids de la boule (150 gr.); avec du glucose
en pâte, on trouve que l'effort est compris entre H et 12 kilo-
grammes. Si, maintenant, on fait les mêmes expériences avec
les disques de même diamètre que la boule de cuivre, on
trouve dans le premier cas 9 kilogrammes, dans le second
12 kilogrammes. En sorte qu'on a le tableau :
Glycérine. Ghwoie.
Surfaces sphériques de 50™°^ de diamètre. 8^^750 11"^ à 12*^
' Surfaces planes de 50°^ de diamètre .... 9 » 12
. D'où cette loi : L'effort qu'il faut développer pour séparer
ADHtRCMCE H DKDX SURFACES POUES PLAHBS OC SPHtRIdOES. 3t(3
deux surfaces sphériques réunies suivant une demi-sphère par
un liquide donné est le même que celui qu'il faut développer
dans le cas de deux surfaces planes de même diamètre.
Ce résultat expérimental peut être facilement démontré par
le calcul.
Considérons en effet une sphère pleine séparée d'une demi-
sphère creuse de même rayon par uae mince couche liquide,
et soit ê un élément inflniment petit du liquide interposé. Les
forces de cohésion de ce liquide s'opposent à la séparation des
deux surfaces situées de chaque côté de cet élément s ; tout se
passe comme si à la paroi de la sphère pleine était appliquée,
au centre de cet élément, une force excentrique dirigée suivant
le prolongement de Os. Si /"représente la résistance à la rupture
de la couche interposée pour l'unité de surface, la force appli-
quée en 3 est / X s. Cette force peut être considérée comme
appliquée au centreO, commun aux deux surfaces sphériques (').'
Puisque la traction de la sphère pleine s'exerce suivant
OF, il n'y a que la composante verticale de f.s qui agisse
(■) La force Of.» derrail être égale i U force if^; la ^re.s éiè IroDqnëfl k
ce rapport par le gravenr, qui a représenté ces forces cornine inégales.
384 H. BORDIER.
pour faire équilibre à OF; la composante horizontale est
détruite par celle provenant de Vêlement symétrique.
La valeur de la composante verticale c de f,s est, en dési-
gnant par a Tangle que fait le rayon Os avec la verticale^
c = f,8.COSCL,
Mais 8. cosa est l'expression de la projection s, de Télément
s sur le plan horizontal PP\ On a donc
Chaque élément de la demi-sphère fournissant une compo-
sante verticale^ la force qu'il faudra vaincre pour amener la
séparation des deux surfaces aura pour valeur
»
Et puisque ]^ s, est la projection de la demi-sphère sur le
plan PP*, on a
La force OF qu'il faut développer pour vaincre la résistance
à la rupture de la mince couche interposée entre les deux
demi-sphères est donc la même que celle à développer pour
amener la séparation de deux cercles ayant même rayon que
celui de la sphère considérée, et séparés par la même couche
de liquide. Le calcul vérifie donc exactement les résultats de
l'expérience.
Nous avons essayé d'obtenir une surface sphérique se
rapprochant tout à fait de la cavité cotyloïde. Nou^ avons
pratiqué dans le fond de la demi-sphère de plomb une cavité
que nous avons ensuite remplie avec de la cire vierge; de
cette façon, on reproduit la fovea acetabuli qui, dans l'arti-
culation, est comblée par le ligament rond et par du tissu
adipeux (graisse articulaire) qui complète le cartilage man-
quant qn ce point. Comme on pouvait s'y attendre a priori,
l'effort correspondant à la séparation des surfaces est resté le
même que dans le cas où la demi-sphère e^t constituée par
\iQç suli^stancç homo^ne.
ADHÉRENCE DE DEUX SURFACES POLIES PLANES OU SPHÊRIQUES. 358
Pour trancher définitivement la question du maintien des
tétes osseuses dans leurs cavités articulaires, et pour savoir
si les forces de cohésion du liquide interposé entre les surfaces
sont suffisantes à expliquer Texpérience des frères Weber^ il
ne restait plus qu*à faire des expériences en prenant comme
substance interposée entre les disques le liquide articulaire
lui-même, c'est-à-dire la synovie.
On sait que ce liquide est destiné à lubréfier les articulations.
Il est sécrété par Tépithélium qui recouvre la membrane
synoviale. C'est une humeur visqueuse, filante, contenant
des débris de cellules et de noyaux cellulaires. La synovie
renferme une substance analogue à la mucine, mais qui
paraîtrait se rapprocher des nucléo-albumines, et une albu-
mine particulière, synovine, qui communique à Teau une
extrême viscosité, ce qui lui a fait donner le nom de gomme
animale (Landwehir).
Nous avons pu, grâce à la complaisance de notre ami
Breiffel, chef interne de Thâpitai Saint-André, nous procurer
de la synovie sur un cadavre datant de dix-huit heures environ.
Nous avons ouvert Tarticulation du genou, de façon à pouvoir
en récolter une assez grande quantité pour nos expériences.
Nous avons pu alors mesurer à plusieurs reprises la force
nécessaire pour produire la séparation : i^ des plans de
Magdebourg ayant 7â millimètres de diamètre et 40^471 de
surface, et S"" des disques de palissandre ayant un diamètre
très voisin de celui de la tète du fémur, 50 millimètres et
SO^'^SS de surface.
Dans le premier cas, la force a été trouvée égale à
19-20 kilogrammes.
Dans le deuxième cas, il a fallu développer un effort voisin
de 10 kilogrammes (de 9^500 à 10 kilogrammes).
On voit d'abord que ces expériences confirment ce que nous
avons dit plus haut, à savoir la proportionnalité qui existe
entre la surface de la couche liquide interposée et Teifort
développé.
356 H. BORDIER.
De pluSy comme nous avons démontré et par Texpérience,
et par le calcul, que Teifort à développer pour obtenir la
séparation de deux surfaces sphériques est le même que s'il
s'agissait de deux surfaces planes circulaires ayant le même
diamètre, il en résulte que la force qui maintiendrait accolées
la tête fémorale et les parois de la cavité cotyloïde, si elles
étaient séparées par cette même synovie, serait environ de
10 kilogrammes.
Cette force est-elle suffisante pour expliquer Téquilibre du
poids de la jambe lorsque Ton a coupé muscles, tendons,
ligaments et capsule articulaire, comme dans Texpérience des
frères Weber?
D'après ces auteurs, le poids moyen de la jambe ainsi déta-
chée du tronc est d'environ 11 kilogrammes, par conséquent un
peu plus grand que Iç nombre trouvé dans notre expérience.
Mais il faut remarquer, ce qui est très important, que la
synovie dont nous nous sommes servi provenait d'un sujet
mort depuis au moins dix-huit heures, et que dans ces condi-
tions, il y a eu nécessairement une altération de ce liquide
qui a évidemment produit une diminution de la viscosité de
la synovie et, par suite, une diminution de la cohésion. Il est
donc permis d'admettre que si Ton pouvait se procurer de la
synovie fraîche, telle qu'elle existe sur le vivant, la force de
séparation atteindrait 11 à 13 kilogrammes, c'est-à-dire une
valeur plus que suffisante pour faire équilibre au poids
moyen de la jambe.
Dans ces conditions, et sans même qu'il soit utile de refaire
les expériences des frères Weber, ^ui créent des conditions
tout autres que celles qui existent sur le vivant, il est bien
permis de dire que la pression atmosphérique n'a pas besoin
d'être invoquée pour expliquer le maintien des têtes osseuses
articulaires dans leurs cavités. Nous avons dit, au commen-
cement de ce travail, qu'il était inadmissible que le vide
existât ou seulement pût tendre à se produire dans un
point quelconque de l'organisme. Eh bien! puisque nous
ADHÉRENCE DE DEUX SURFACES POLIES PLANES OU SPHÉRIQUES. 387
trouvons une explication qui ne fait intervenir que les condi-
tions mêmes de la vie, sans avoir besoin d'admettre rien de
contraire aux lois physiques et physiologiques^ n'est-il pas
naturel d'adopter cette explication seule et de rejeter absolu-
ment la théorie de la pression atmosphérique Ç), que Ton a
admise jusqu'à ce jour?
Comme conclusions de toutes ces expériences, nous dirons :
i"^ Lorsque deux disques sont séparés par une mince couche
liquide, la force qui s'oppose à la séparation de ces disques
est due aux forces de cohésion de la substance interposée ;
^'^ Cette force est indépendante de la nature des disques ;
elle ne dépend que de la nature du liquide ;
3"^ L'effort qu'il faut développer pour séparer deux disques
entre lesquels est une mince couche liquide est proportionnel :
a) à la viscosité du liquide;
h) à la surface des disques;
4° Lorsque deux surfaces sphériques sont accolées suivant
une demi-sphère, l'effort de séparation est le même que pour
deux surfaces planes circulaires ayant même diamètre ;
(I) Les résultats des expériences des frères Weber doivent d'ailleurs être expli-
qués autrement qu'on le fait d'habitude. La première expérience (production
d'un canal à l'aide d'un foret dans l'os coxal et chute de la jambe dès que le foret
est arrivé dans la cavité ootyloïde) doit s'interpréter de la façon suivante : la cause
de la chute n'est pas la destruction du vide, c'est an contraire la ruptui^ de l'adhé-
rence par la pointe du foret qui vient fatalement buter sur la tête du fémur et
rompre l'homogénéité de la couche de synovie qui entraîne la chute de la jambe.
Dans la deuxième expéi4ence (remise en place de la tête fémorale et occlusion
à l'aide du doigt du canal foré précédemment dans l'os), c'est bien la pression
atmosphérique qui retient le fémur, mais grâce à l'existence d'un espace artifi-
ciellement créé dont l'air est raréfié par suite d'un léger mouvement de descente
de l'os fémoral ; la force élastique de cet air est suffisamment diminuée pour que
la pression atmosphérique t&sae équilibre au poids de la jambe. Ici, le bourrelet
cotyloîdien agit sur la tête du fémur pour empêcher l'entrée de l'air dans la
cavité cotyloide.
Une expérience que l'on pourrait être tenté de croire démonstrative en faveur
du rôle de la pression atmosphérique est celle qui consiste à porter l'articula-
tion débarrassée des muscles et des ligaments sous la cloche de la machine pneu-
matique. La séparation du fémur est due ici an dégagement des gaz de la synovie
sous l'influence de la diminution de pression ; il y a encore rupture de l'homogé-
néité de la couche liquide par les bulles gazeuses qui se forment entre les deux
surfaces articulaires.
388 H. BORDIER.
5^ Si Ton interpose une mince couche de synovie entre deux
disques plans ayant même diamètre que la tête articulaire du
fémur^ la force qui s'oppose à leur séparation est de même
ordre de grandeur que le poids moyen de la jambe d'un sujet;
6^ Il est inutile d'invoquer, pour expliquer le maintien des
têtes o&[seuses articulaires dans leurs cavités, Tintervention de
la pression atmosphérique, autrement dit du vide baromé-
trique ; ce vide ne peut pas exister dans notre organisme, ni
même tendre à exister, pour des raisons à la fois physiques et
physiologiques. Les forces de cohésion de la mince couche de
synovie interposée entre les surfaces articulaires dans les
énarthroses sont suffisantes pour expliquer ce maintien ; c'est
même la seule raison plausible ;
7^ Sur le vivant (et c'est un cas qui doit nous intéresser
davantage que ce qu'ont produit artificiellement les frères
Weber sur le cadavre), la tonicité musculaire vient constam-
ment en aide à la cause physique, dont nous avons démontré
l'efficacité, pour empêcher la séparation des surfaces articulaires.
Les expériences que nous venons de rapporter permettent
de se rendre' facilement compte du mécanisme de certains
actes physiologiques qui se produisent dans notre organisme
à chaque instant de la vie.
C'est ainsi, par exemple, que nous comprendrons aisément,
d'après ce qui précède, le niécanisme de l'occlusion des
paupières pendant le sommeil. Cette occlusion n'est évidem-
ment pas due, comme on le croit généralement, à la contraction
du muscle orbiculaire des paupières : la cause de cette occlu-*
sion est purement physique. L'orbicuiaire des paupières
n'intenmni qu'au dânit du phénomène; pour produire le
rapprochement des bords palpébraux et pour maintenir ce
rapprochement un certain temps, jusqu'à un moment voisin
de l'apparition du sommeil. Lorsque celui-ci se produit, le
muscle orbiciilaire, qui est un muscle strié, se relâche, et
c'est alors qu'intervient la cause physique à laquelle nous
faisons allusion. En effet, les bords des paupières s'adaptent
ADHÉRENCE DE DEUX SURFACES POLIES PLAKES OU SPHÉRIQUES. 3K0
exactement Tun contre Tautre; leur consistance étant cartila-
gineuse (cartilage tarse), ils ont un certain degré de rigidité.
Si on remarque enfin qu'entre ces bords existe toujours une
mince couche liquide due à la glande lacrymale, on reconnaîtra
Tanalogie qui existe entre Tadhérence palpébrale et celle que
nous avons produite entre nos disques humectés soit de
glycérine, soit de synovie. La cohésion de la mince couche
interposée produit et maintient Taccolement des deux bords
palpébraux, d'où occlusion des yeux.
On voit ainsi que le muscle orbiculaire n'a aucun rôle actif
à jouer et qu'il doit, comme son antagoniste, le releveur de
la paupière supérieure et comme les autres muscles striés de
l'organisme, se reposer pendant le sommeil.
Un autre acte physiologique qui trouve une explication
identique et où l'on a voulu voir encore l'action de la pression
atmosphérique, c'est l'occlusion de la cavité buccale.
Landois, dans son Traité de physiologie humaine, dit:
< Quand la bouche est fermée, les mâchoires sont maintenues
appliquées l'une contre l'autre par la pression atmosphérique,
car le videest produit dans la cavité buccale, et les lèvres en avant,
le voile du palais en arrière, empêchent l'air d'y pénétrer (*), >
Nous croyons qu'il est superflu d'insister, et inutile de prendre
cette explication au sérieux.
Si on remarque, au contraire, que les lèvres sont toujours,
sur leur partie commune accolée, recouvertes d'un enduit
plus ou moins visqueux provenant des glandes salivaires, on
comprendra aisément que cette salive, par sa cohésion, main-
tienne l'adhérence des deux lèvres, comme la glycérine celle des
disques dans nos expériences. La contraction des muscles de la
mâchoire inférieure est ainsi mécaniquement rendue moins
utile ; il est même très probable que ces muscles se relâchent,
pendant l'occlusion de la bouche, surtout dans le sommeil.
(^) Landois, Traité de physiologie hunuUne, traduit de l'allemand par
M. Moqain-Tandon, 1893, page 264.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE
7« MÉMOIRE
PROPRIÉTÉS POLARISâTRIGES DES FAISCEAUX DE RAYONS
DE NATURE QUELCONQUE
PAR H. L'ABBÉ ISSALT
INTRODUCTION
L'étude des diverses espèœs de faisceaux de rayons qui a
fait l'objet de notre précédent Mémoire peut être utilement
poursuivie.
On peut faire voir en effets que non seulement tout fais-
ceau, mais même toute surface, soit optique, soit anop tique,
soit dioptique, appelle, comme corrélative, une seconde surface
qu'il y a lieu de nommer (sans ambiguïté possible) Vinverse
de la première, puisque, en les coupant par un même plan
horizontal, les aires des sections produites ont pour moyenne
proportionnelle l'aire de la courbe plane qui sert de directrice
commune aux deux surfaces considérées.
Mais il y a plus : des deux conoïdes que nous avons recon-
nues constituer le lieu général de toute la variété des droites
focales, l'un appartient exclusivement aux surfaces directes,
l'autre à leurs inverses respectives, à condition pourtant que
la directrice p^ne proposée passe par l'origine.
En ce qui concerne l'ellipse déviatrice qu'introduit de lui-
même le liep précédent, un examen plus approfondi nous a
convaincu qu'elle est d'une importance majeure. A elle, en effet,
ou, équivalemment, à la courbure dont elle dérive, peuvent
T. I (5« Série), ti
362 l'abbé fôSALY.
se rattacher sans effort les lois primordiales de Tintensité
lumineuse ou calorifique, et cela parce que, d'une part, la
courbure en question (déviation verticale) mesure, au point
de vue cinén^atique, le carré de la vitesse angulaire hori-
zontale résultante relative à tout mouvement à deux varia-
bles d'un système rigide, et que, d'autre part, au point de vue
dynamique, le carré de cette même vitesse mesure la force
vive du système.
Parmi les nombreuses propriétés dont jouit Tellipse dévia-
trice, nous signalerons, dès à présent, les suivantes : i^ on
peut l'obtenir comme section horizontale faite, à une certaine
distance de l'origine, dans un nouveau cône du second degré
que nous ferons connaître et sur la surface duquel Vantinor-
maie proprement dite que l'on sait ne figure qu'à titre de
simple génératrice (5° Mémoire); ^^ on l'obtjent encore
comme section centrale d'un ellipsoïde particulier dont les
propriétés nous permettront incidemment d'étendre, même
en coordonnées obliques, à la surface normo-directive, la
construction géométrique du premier plan de polarisation n
que nous avions dû restreindre jusqu'ici au cas de la surface
absolue de l'onde.
Il est à remarquer que, vis-à-vis du cône précédent, le plan n
et son corrélatif n^ forment un système de plans diamétraux
conjugués. Bien plus, dans les deux angles adjacents variables
que ces deux plans font entre eux, se trouve comprise tme
double série (moyenne ou complémentaire) d'autres plans dits
déviateurs, lesquels sont conjugués, eux aussi, deux à deux et
ont pour antinormales respectives les diverses génératrices du
cône ; en sorte que le nom de cône déviateur lui revient pour
ainsi dire de droit et comme à double titre.
Ceci nous amènera naturellement à chercher l'expression
générale de l'angle que forme un plan déviateur donné avec le
plan tangent à l'un quelconque des cônes moyens ou complé-
mentaires de Malus. Or, l'expression à laquelle on arrive est,
à notre point de vue, particulièrement digne d'intérêt, puisque
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 363
nous n'en tirons rien moins qu'une interprétation nouvelle et
fort plausible^ à notre sens, du phénomène remarquable connu
sous le nom de polarisation chromatique.
C'est afin d'éclairer cette dernière théorie d'un jour tout
nouveau que nous distinguons, au même lieu, entre la polari-
sation primitive d'un faisceau (lumineux ou calorifique) carac-
térisée par un plan tangent tel que P., et sa polarisation
subséquente ou acquise caractérisée par un plan déviateur tel
que Ufff généralisation lui-même du plan n.
La première, en effet, due exclusivement au polariseur, n'ini-
plique, avec l'obliquité t, que les paramètres quasi extrinsèques
p* et q', les seuls qu'on voie figurer dans les équations des
plans tangents aux divers cônes de Malus et qu'on rencontre
toujours dans les calculs comme inhérents, sinon comme iden-
tiques, aux courbures géodésiques des réseaux tant superfi-
ciels que pseudo-superficiels.
La deuxième, au contraire, produite par la substance sur
laquelle on opère et par l'analyseur, sans rejeter ces mêmes
éléments p'y q'y qui lui servent pour ainsi dire d'intermé-
diaires, utilise surtout, avec une obliquité i', communément
distincte de t, les composantes essentiellement intrinsèques
p, g, p'y q\ en fonction exclusive desquelles, on le sait, s'ex-
priment, en analyse, les directions, soit des lignes de courbure,
soit des lignes asymptotiques et, partant, celles de la double
série des lignes pseudo-conjuguées, lignes remarquables aux
yeux de tout géomètre, sans doute, mais aux nôtres surtout
qui les tenons pour étroitement liées à la constitution Féticu-
laire des corps, en général, et à celle des substances cristal-
lisées, tout spécialement.
Telles sont, en résumé, les questions principales dont nous
aurons à nous occuper dans le présent travail. Entre autres
développements secondaires, le lecteur y trouvera aussi :
l'origine et la signification géométrique de deux groupes de
conditions fondamentales dites maxima et minima, la genèse
de deux pseudo-surfaces singulières, une interprétation aréo-
364 l'abbé issaly.
laire des coefficients des équations des deux plans conjugués
n et lly, etc.
Ajoutons que remploi à peu près continuel qui y sera fait
de coordonnées obliques donnera, dès Fabord, à ce Mémoire
le même degré de généralité que celui tardivement acquis par
son devancier dans ses pages finales.
I
Aperçu préliminaire relatif à quelques conditions-limiteB
remarquables*
1. Reprenons avant tout quelques-unes des principales
formules dont nous avons déjà fait usage (VI, n® 27) pour
le cas où les coordonnées sont obliques.
Étant donnés deux trièdres bi-rectangles supplémentaires
OXYZ et OX.Y.Z, le premier d'angle aigu <&, le second d*angle
obtus n — *, entre las projections obliques (p, g), (p„ g,)
et les projections orthogonales (p, q), (p^, q,) d'un vecteur
horizontal quelconque OA, on a les relations générales
O
Flg. i.
^ p 4- î cos O = p = Pi sin *,
^ ' ( î + p CCS O = q = ji sin O,
ou bien, équivalemment, celles-ci :
( p, -^ î, cos ^ = p, = p sin 4>,
^ ^ ( jj — Pi CCS ^ = qj = j sin *.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 36f(
Comme application immédiate^ soit ^ Tangle que OA fait
avec OX; on aura d'abord, pour la direction de ce vecteur,
m - — î= ^^^^
^^ X p sin(<^ — 4^)'
et, par suite, pour son azimut,
0 sin ^ a
^ ^ ^ p 4- î COS <^ Pj
Deux autres vecteurs OA', OA' donneraient lieu à des for-
mules analogues. En particulier, leurs longueurs auront pour
expressions
iÔÂ = p' •+■ î' 4- 2p î CCS * = wj,
Ôâ"= p'«-i- }'•+ îp'î'cos ^ = <%
ÔÂ"= p'« -f- }'• 4- îp'î'cos * = wî%
ou encore, très utilement, ces autres :
(3') ôâ' = pî 4- q\ — 2piî, CCS* = w»,
2. Conditions psetido-superficielles maocima. — Considé-
rons réquation suivante :
( (Pi s"^ • ^ î ^^^ 0 X* 4- [(îi 4- p1) sin • 4- (p — }') cos t] X Y
^^ j 4-(î;sint4-p'cost)Y« = 0,
qui est celle des tangentes aux lignes pseudo-conjuguées S, de
toute pseudo-surface 9\ en contact à Torigine avec le plan
des XY, tangentes qui reproduisent, remarquons-le, celles des
lignes de courbure ou des lignes asymptotiques de ces mêmes
pseudo-surfaces, selon que * = ô' ou que i = 0.
Si Ton exprime que .cette équation dégénère en celle d'un
cercle évanouissant ou d'un ombilic coïncidant avec Torigine,
on obtiendra pour conditions deux certaines valeurs de tg i
qui, égalées entre elles, donnent
(Pi - Q[y -^ (? + P'Y = 0.
366
l'abbé ISSALY.
On eQ déduit
'
(8)
1 Pi = ïl.
1 «=-P'.
Telles sont les conditions que, par opposition avec celles
qui vont suivre, nous qualifions de conditions maxima. On
peut évidemment, à Taide de (i) et de (1')^ leur donner
diverses formes, par exemple celles-ci :
(K'\ (? = «'"*- *P' ^ *» (K'\ i Pi = 9i^
Substituées dans (4), elles y font apparaître les lignes isotropes
du plan horizontal ou, si Ton veut, le point^ercle
(4') X« + ¥• + 2XY cos 4> = 0,
«
à condition cependant d'exclure Tobliquité tg t = -^^ ou i = <{f,
pour laquelle il n'y a plus de cercle évanouissant possible.
On parviendrait à ces mêmes résultats en partant de Téqua-
tion aux tangentes des lignes complémentaires S,, savoir :
(e^ { (P|C08t + jfsint)X'-+-[(yi-t-p;)cost — (p — jf')8int]XY
^^ ( + (?; 008 1 — p' sin 0 Y* = 0,
équation qui se déduit immédiatement de (4) en y changeant
t en t ± j-
Proposons-nous, comme premier exemple,- d'appliquer les
conditions (5) à l'expression de l'azimut a du plan de polari-
sation n d'un rayon donné OL mis en coïncidence avec l'axe OZ.
Nous avons vu (YI, n^ 28) que l'équation de ce plan peut
s'écrire :
/7^ - — ^''^^ — p'g— g> _ pîgt — 9'iPi _ k;
^'^ X ■" sin (0 - a) ""p'î' -îy "plîî-ïlpî ~ K '
Observant qu'à l'instar de (2') on a tg tji' = -,> on en déduit
Pi
(8) iga = JL!Î5J?_ =_€Î£!JZiΣt = tg(4,._*).
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 367
d'où la valeur simple a = 4*' — 4^ = ^« — ^> ®^ désignant
par a, Tazimut du plan tangent P, à Torthogonale C, du cône Ci
de Malus.
On peut, du reste, vérifier cette valeur à l'aide da celle
de l'obliquité polarisatrice correspondante, dont l'expression
générale est, comme on l'a démontré au même lieu.
(9)
•^ ^ ~ - A, - ft îî*- (ï,+p;) pWi + 9'iP? ~ ^ ^ • ^'
Substituant dans ce rapport les conditions (5), et supprimant
(sous sa double forme) le facteur commun cd,', on trouve
que tg t^ 1^ réduit à tg tL. On a donc t^ = ^, et, conséquem-
ment, à nouveau a = a, — ^^ ='= 'l'" — 'j'-
Comme second exemple, soit le déterminant connu (VI, n°29)
(a) Di=(p,î;— î,p;)î«4-[(p4-?')cost-h(î4— pDsint]!;-*- 1.
On vérifie sans peine que pour t = 4, cas exceptionnel signalé
plus haut, les conditions (5) le réduisent au carré parfait
(ft) D, = (c^ï + 0%
avec cette remarque, vraie d'ailleurs pour toutes les applica-
tions du même genre, que (ù^= (ùI^, et qu'en outre è' -^ <}^ =s= o,
relation fort utile ainsi qu'on le verra dans la suite.
3. Conditions superficielles minima. — Exprimons main-
tenant que les équations (4) et (6), prises chacune à part,
représentent des hyperboles équilatères évanouissantes, c'es^
à-dire des droites rectangulaires ; on aura
(c) (P + ?')tgt-(?,-p;) = 0,
OU bien
(d) (P + ?') + («! -Pi) tgt = 0.
Que si l'on veut, en outre, que chacune /de ces équations soit
satisfaite, qu^l que soit t, il faudra poser
(10) \ '="-"''
(10') \^^ .^L , ^ (10')
^ ( î=p +2} cos4>, ^ ^
368 l\bBË 1S8ALT.
Nous reconnaissons là les conditions minima déjà utilisées
dans notre précédent Mémoire (^). On peut les écrire aussi
Pi = — 9l-*-îplcos*,
et Ton observe que> à Texemple de (5), elles entraînent Téga-
lité CÛ2 = wjj, conjointement avec ^ — 4' = *.
Cela étant, introduisons ces conditions dans (4) et (6) ; on
obtiendra, pour chaque valeur de t, les couples de directions
orthogonales
(11) [iPi sin i — q' cos •) ± wi] X 4- {g[ sin i 4- p' ces t) Y = 0 ;
(11') [(p;cost + î'sint)±w;]X4-(î;cosi~p'sinOY = 0.
Outre cette perpendicularité, à laquelle on devait s'attendre,
on peut vérifier que chacun de ces couples est bissecteur de
Tautre, en sorte que deux directions appartenant à des couples
d'espèce différente sont inclinées entre elles à 45^ (v. Note).
Actuellement, cherchons Texpression que doit prendre, eu
égard aux conditions (iO), Tazimut du plan n. On trouve
aisément
^ ' ^ K-+-K'cos<^ PiP + 9l9
d'où 0. = ^ — ^\ valeur égale et contraire à celle obtenue
dans le premier cas.
Pour la vérifier, observons que, présentement, le rapport (9)
se trouve équivaloir à tg (2 ^' — ^). On a donc f^r= 2d>' — J>,
et, par suite, ci = V — i^ = ^ — 4*'-
En groupant nos deux obliquités polarisatrices maxima et
minima, il vient
(}) Il est bon d'obsei-ver que la valeur de tg i tirée de (c) ou de (d) et mise
dans les relations (4) ou (6), fait de ces dernières Véquation aux cures de
l'ellipse déviatricej de 5" au point O.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 369
Elles se retrouveront plus tard impliquées dans notre théorie
de la polarisation chromatique.
4. Condition curvimétrique (généraliaéej de Gauss. —
Nous nommons ainsi la condition, bien des fois rencontrée
déjà dans nos recherches, à savoir : K'= 0, ou, plus explici-
tement,
condition qu'on peut aussi écrire (1) et (1'):
/ivx P — 9 _ p-^qcos^ _p,
p q p •+- q cos * p\
ou bien
Pi ïi p; — ^icos* p'
Ainsi étendue aux pseudo-surfaces et appliquée notamment
à réquation (7) du plan n, elle réduit celle-ci (abstraction faite
du cas où l'on a p'g — q^p = 0, c'est-à-dire ^ = <j*') à la
forme
Y _ p _ sin (po
X"" p'~sin(<ï>-Ço)'
d'où l'on conclut aussitôt que l'azimut et est ici égal à 9..
D'autre part, l'obliquité i^ ayant, dans ce cas, pour valeur
(VI, n^ 29)
il s'ensuit que a = il" — <a= ?•, ce qui est une vérification.
Pour deuxième exemple, substituons la condition K' =r 0
dans les équations (4) et (6). Elles se décomposeront de la
manière suivante :
l{^\ ( (pi sin » — î cos t) X + {q\ sin t + p' cos f) Y = 0,
^ ' ( (jj sin t 4- p cos 0 X 4- (q\ sin t + p' cos f) Y = 0,
(16') \ ^^^ ^^ * "^ *' ^'° 0 X + {q[ cos f — p' sin f) Y = 0,
( (îi cos f — p sin 0 X + {q[ cos t ■— p' sin t) Y = 0.
370 l'abbé ISSALY.
On reconnaîtra facilement que les premières directions de
chaque couple sont à angle droit, tandis que les secondes
coïncident entre elles et avec la direction 9.. Ceci est la géné-
ralisation (et ce dernier détail est la rectiAcation) de la pro-
priété démontrée, en coordonnées rectangulaires (V, n^ 33), à
propos des lignes S< et S,.
II
Propriétés des faisoeauz optiques ou anoptiques inverses.
5. I. — Faisceaux optiques inverses. — 1^ Nous partirons
du système suivant :
g|X + g;Y_-p,X-p;Y_ t
X-Ç ■" Y-Yî "" T
qui ne diffère de son analogue (VI, n^ 5) qu'en ce que les
coordonnées sont ici obliques, et que, pour la symétrie (uni-
quement) des formules subséquentes, Z y remplace 2[.
Au lieu de résoudre ce système par rapport à X et à Y, ce
qui nous ramènerait aux faisceaux optiques directs si longue-
ment étudiés dans notre précédent Mémoire, résolvons-le par
rapport à ^ et à iq, les variables (X, Y, Z) étant supposées
désigner, à leur tour, les coordonnées d'un point quelconque
de Tespace. On aura
,.-, I Ç=(?.Z + i)X^-j;ZY,
^ ^ (-t;=p.ZX + (p;Z-!)Y.
Pour obtenir, à Tinstar des lieux optiques directs, Téquation
d'un lieu optique inverse, de directrice horizontale plane
donnée f^ (^, iq) = 0, il suffira de substituer dans celle-ci les
valeurs précédentes de ^ et de ij. Si la surface ainsi obtenue
OPnOUB GÉOMÉTRIQUE. 371
est réglée^ ce sera un faisceau ; mais on n'aura plus qu'un
pinceau si la courbe /« devient infinitésimale.
Quoi quMl en soit, lorsque, dans Tun quelconque de ces deux
cas, cette même directrice passe par Torigine et a, par consé-
quent, son équation vérifiée pour ^ = 0, i} = 0^ le système (17)
fournit les rapports simultanés
(18) ^- ___.-__^,
ou, ce qui revient au même (14),
I — _ *^Z— p; _ _
X Çi Jf Z -T- yi
On en déduit
(19) D^ = K'Z*-h(q,-p[)Z-hl = 0.
Ceci nous prouve déjà que, dans notre hypothèse, tout lieu
optique inverse contient deux droites focales {i[) respective-
ment situées dans les deux mêmes plans horizontaux que les
droites focales (i,) relatives au lieu direct correspondant.
Je dis, en outre, que les projections horizontales de ces
deux couples de droites coïncident entre elles d'abord, puis
aussi avec les tangentes aux lignes de courbure obliques S, de
la pseudo-surface 9\
En effet, de l'égalité
g|g H- 1 _ p,Ç
q[r - î.Ç' + l'
qui exprime cette coïncidence, on déduit
(Ptï;-ïî)Z'C'-ît(Z'+O-* = 0,
ce qui, eu égard aux propriétés des racines de l'équation (19),
est une pure identité. On verra du reste, dans la suite, de
quelle manière ces deux couples de droites focales se diffé-'
rentient dans l'espace sur les diverses nappes de leur lieu
^ométrique conoïdaK
372 l'abbé issalt.
Dans le cas exceptionnel où Ton a p, = q^ = 0, les droites
(S,) et (§[) sont toujours réelles, et, de plus, appartiennent aux
plans des ZX et des YZ, en sorte que les lignes de courbure S,
ont alors pour tangentes à Torigine les axes OX et OY.
2^ Examinons maintenant de quelles propriétés jouissent les
sections horizontales de nos divers lieux optiques inverses.
Soit Z = Z, un plan sécant horizontal quelconque. Désignons
par A2, Taire de la section produite, et par A, celle de la direc-
trice plane f. que nous supposerons être une courbe fermée.
De la relation (YI, formule 9) étendue à nos coordonnées
obliques, savoir :
(Çdi3 — t;dÇ) sin * = D^ (XdY — YdX) sin 4>,
A' 1
on déduit -^* = fr' Comparant avec l'expression analogue
A
—^ = Dj qui correspond (VI, formule 9') aux lieux optiques
directs, il vient
A A' — A*
ce qui est la justification péremptoire de la dénomination de
surfaces directe ou inverse que nous avons adoptée dès le
début.
Les cônes asymptotes respectifs donnant lieu, de leur côté,
aux formules ^ = ™i d'une part, et -j-^ =liL'Z* d'autre part,
on en conclut semblablement ;
3^ Venons enfin à la polarisation axiale de nos faisceaux, et
prenons d'abord pour directrice plane la trace horizontale
f^ = p'Ç + q\r^ = 0 du plan tangent P, au cône de Malus, le
long de OZ. En y substituant les formules (17), on trouve
[(p;?i - g\Pi) X - {p[q[ - g[p[) Y] Z H. (p;X + q[Y) = 0,
ou, plus simplement,''
(K' X — K Y) Z + (pJX + q[Y) sin» * = 0, .
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 373
paraboloïde hyperbolique dont le plan directeur vertical n'est
autre (7) que le premier plan de polarisation n.
En prenant de même pour directrice la trace horizontale
/", = g'Ç — p\ = 0, du plan tangent P, à Torthogonal du
cône de Malus, on trouverait
[(P'Pi + î'îi)X -*- (p;p'+ îlî') Y]Z ^- (î'X -p'Y) =0,
ou, plus simplement,
(Ky X + KyY) Z + [q'X — p' Y) sin» 4> = 0,
vu que, dans le plan directeur vertical de ce nouveau parabo-
loïde, on reconnaît le corrélatif Uy du plan n, celui-là même
que nous avons déjà signalé (YI, n"" 31) sous la double forme
m\ Y_ sin ay _ p'p, 4- g' g, _ p[p + q\q ___ K;
^"^x-"sin(*-a^)- py + ?;?•■" p'pî + ?'«;- Ky'
Si Ton observe que, selon que les conditions maxima (5) ou
«
minima (10) sont remplies, on a identiquement
^Q.. K 4- K' ces * = q: KJ sin 4>,
^ ^ K' + Kcos^ = q: KySin*,
on en conclura pour Texpression de Tazimut Oy du plan n^ :
tg^_ -K;sin<l> ^ ^ p'p, -h g'g, _ k;
^^ Ky — K^cos<P p[g, — g[p, "" K'
D'autre part, les formules (8) et (12) nous montrent qu'alors
K'
tg a = q:: gr • Il s'ensuit que tg a . tg o^ = — 1, c'est-à-dire
que, dans les deux cas-limites actuels, les plans n et n^ sont
rectangulaires.
6.' II. — Faisceauix anoptiques inverses. — 1^ Le cône
orthogonal de Malus C, nous fournit, par sa trace, la suite de
rapports égaux
pX-i-p'Y _g\-hq'Y i
374 L^ABCÉ ISSALY.
Cette suite, on le voit, est de même forme que son analogie
(VI, n^ 6), mais elle n'en suppose pas moins les coordonnées
obliques. On en tire
-Ç = (pZ^l)X + p'ZY,
(«*) \-l =
qlX'h(q'Z — l)Y.
Portant ces valeurs dans Téquation donnée f^ (ç, ij) = 0, on
obtiendra celle du lieu anoptique inverse correspondant.
Quand la courbe f. passe par Torigine, on déduit du sys-
tème (22)
ou bien
(«3')
Le lieu passe alors par deux droites focales anoptiques (^,)
respectivement situées dans les plans horizontaux
(24) D, = K'Z" -i- (p -h î') Z 4- 1 = 0.
On vérifie, comme ci-dessus, qu'elles ont mêmes projections
horizontales que les droites focales directes (8,) et que ces
projections communes ne sont autres que les tangentes à
Porigine aux lignes asymptotiques S,.
Lorsque les conditions q=p*=zO sont vérifiées, les droites
{i\) appartiennent (toujours dans Thypothèse de Ç = i) = 0) à
Tun des plans X = 0, Y = 0, et dès lors leurs projections sont
les axes OX, OY, qui sont eux-mêmes les tangentes à Torigine
des lignes S,.
2^ En coupant par un même plan horizontal Z = Z, un lieu
anoptique direct et un lieu anoptique inverse, de même direo-
A A' 1
trice f„ on a j^* = D, pour le premier, ^* if"* = n" pour le
second ; d'où, comme plus haut,
A A' — A*
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 376
Les cdnes asymptotes de ces mêmes lieux donneront, de
même,
3^ Prenons successivement pour directrice plane la trace
/t = g'Ç — Tp\ = 0, du plan tangent P„ puis la trace similaire
^, = p',Ç + g'jiQ = 0, du plan tangent F,; on obtiendra, pour
faisceaux anbptiques correspondants, les paraboloïdes
(K'X — KY) Z + (î'X — p'Y) sin« 4> = 0,
(K^X + Kyy)Z— (pJX 4- q\Y) sin« 4» == 0,
dont les plans directeurs verticaux sont, ici encore, les plans n
et lïy.
III
Principales propriétés de la double série de faisceaux
dioptiques moyens ou complémentaires inverses.
7. Nous pouvons borner sans inconvénient nos calculs à la
première série, puisqu'il suffira d'y cBanger t en t ±: ^ pour
avoir (au signe de Z près) les résultats relatifs à la seconde.
1** Soit donc la suite connue (VI, n° 29)
<^g, sin t 4- Hz cos t _ <ig CCS t — ffg, sin i _ _ Ji
X — Ç ~" Y-t) ~ z'
dans laquelle Z a été substitué à 2[, et où Ton a fait, à nouveau,
,^. ( px + p' Y = fc, p,x + p;y == fc.,
^"^ lîX4-î'Y== „ î,x + j;Y = e,..
On en déduit
l 5 — KP ^s • "+• ?i s'*"* 0 Z -H 1] X 4- {q\ sin t -+- p' cos t) Z Y»
^ ^ ( y;=: (Pj sin t — y cos 0 ZX — [(î' cos t— p1 sin t) Z -h 1] Y.
376 l'aBBÊ ISSALT.
Mises dans Téquation f^ (^y vj) = 0 de la directrice, ces valeurs
fourniront, à chaque fois, le lieu dioptique inverse corres-
pondant.
Lorsque Ç = v) = 0, on tire de ce système
(Vi\ X — -« (p cos 1 4- gj sin t) Z -4- 1 _ (p^sint— ycosQZ
X"" (9|Sint +p'cost)Z "~ (g' cost— p|sint)Z + i*
ou, ce qui revient au même,
(Vi*\ X — *^'Z -4- (g' cos t — pi sin t)_ PtSint — gcost
^ ^X"" jr| sin t + p' cos t """"JT'Z «♦•(pcost + jjSinO^
avec
(SB) D, = A-'Z» + [(p + î')cos t + (î, — pOsîn t]Z -*- 1 = 0.
il existe donc alors, pour chaque valeur de i, deux droites
focales dioptiques inverses (S|), jouissant vis-à-vis des droites
focales {i^ des mêmes propriétés que les droites focales-limites
mises en évidence dans le paragraphe précédent.
Lorsqu'on a, à la fois (4),
Pi sin t — î cos t = 0,
q\ sin t -H p' cos t = 0,
c'est-à-dire tg t = ^ = — -, » les droites (8)) appartiennent aux
plans des ZX et des YZ, en même temps que OX et OY devien-
nent les tangentes à l'origine des lignes S^.
Comme alors les formules (26) et (28) se réduisent à
.«i»,v S Ç=(tt>aZ+l)X,
^^^ \ ^,3 = (c4Z + i)Y,
avec
(Î8') D, = (w,Z 4- i) (<a;z + 1),
le lieu dioptique inverse corre^ondant a pour équation
A[(^Z + 1)X, -(w;Z4-l)Y]=0.
^^ En ce qui concerne les sections horizontales de ces
surfaces inverses supposées coupées par le plan Z c= Z^, la
OPTIO0B «ÉOMÉTIlIQtE. 377
comparaison de leurs aires avec celles des surfaces directes
qui leur correspondent conduit à la relation prévue
. . • . ... ^ ..''•. .
A A' —A*
On a, de méme^ pour les sections faites par le même plan
dans leurs cônes asymptotes respectifs,
3^ Avant de nous occuper de la polarisation axiale de ces
nouvelles surfaces, généralisons la notation que nous avons
antérieurement adoptée pour représenter les deux plans tan-
gents Pi et P^ aux cônes de Malus Q et Cj. On aura (n"» 23 et 31)
/«o^ — — y' cos t — p\ sin t _ g* — plu _ «î
X "" q[ sin t + p' cos t ~ q\u -h p' "" I' '
.jQv Y _^ g' sin t "h p[ cos t _ q'u 4- p[ ^.
X ■" 9Î cos t — p' sin t ~ jj — p'u "^ ^'*
d*où Ton tire aisément pour leurs azimuts o^ et o^ respectifs,
e*» '««,=-|;^=-f=-«>i»--o.
Ceci posé, si Ton prend pour directrice plane la trace
s\^ — ^1) = 0 du plan P<, on obtiendra pour faisceau dioptique
inverse le paraboloïde
K'X — KY) Z -*- («:X — IfY) sîn«4> = 0.
En partant, au contraire, de la trace SyÇ + Çi] = 0 du plan Py,
on trouverait le nouveau paraboloïde
(K^X 4- KyY) Z 4- («;X + l?Y) sin«* = 0.
Ainsi les plans directeurs verticaux sont, comme pour les cas-
limites précédemment analysés, les deux mêmes plans n et IIy«
En rapprochant ces résultats de ceux que notre dernier
Mémoire a rais en évidence, on constate que les faisceaux
T. I (S« Série). 25
378. L^ABBÉ ISSALY.
inverses font intervenir les deux seuls plaiis corrélatifs de'
polarisation n et Dy, là où les faisceaux directs impliquaient
la double série des plans axiaux moyens ou complémentaires
Il,etn;.
IV
Application de ce qui précède au dédoublement du lien
général des droites focales et à l'étude de deux pseudo-
surfaces singulières.
8. I. — Lieu géùmélrique des droites focales de toute
espèce. —^ Ce lieu nous est connu, même en coordonnées,
obliques (YI, n<»30). C'est une surface réglée dii 8® ordre qui se
décompose en deux conoides réciproques du 4^ ordre seule-
ment, et que les notations, abrégées (â5) nous permettent
d'écrire, par exemple, ainsi : . • •
(a) Jir'«(X«4- ¥• + 2XYcos*)Z*— (K+tt* -h 2fc«i,cos4>)=.0,
(6) {K -*-*3 +2|lV<tc6s4»).Z«--(X*4- Y*+ 2XTcos'4>)=à0. '
Ceci rappelé, on peut faire voir que le premier de ces conoïdés
se rattache exclusivement aux faisceaux dioptiques directsi et .
le second aux faisceaux dioptiques inverses.
En effet, si nous étendons aux coordonnées obliques les
formules (40) de notre précédent Mémoire, relatives, on le
saitf aux i^isceaux directs, elles deviendront
TQ _ {g' cos t — pi sin t) g -f- 1 (p^ sin t — g cos i) Ç
i ~ (îisSn i +p' cos i) C : 7" (p cos » + q-^ sin i)( + I
Eliminant sin i et cos t entre elles, on retombe sur le .
conoide (a) exprimé (chose indifférente d'ailleurs) au moyen
des variables Ç^ i), ^.
Que si maintenant on fait une élimination 6embl2d)le entre
OPTIQUE GÉOMÊTBIQUE. 379
les formules (27) ci-dessus, relatives aux faisceaux inverses,
on retombera, sans modification aucune, sur le conoïde (&),
C. Q. F. D.
Voici quelques cas particuliers :
(a) Quand les conditions maxima (5) sont vérifiées, on sait
que (ù^ = CO2. Alors, les deux conoïdes se réduisent aux plans
horizontaux Z. = Z, = ± — •
(§) Quand ce sont les conditions minima (10) qui ont lieu,
nos deux plans deviennent symétriques, de coïncidents quMIs
1
étaient, et l'on a Z. = — Z. = ± —
(y) Enfin, lorsque la condition généralisée de Gauss, K' = 0,
est satisfaite, les deux conoïdes prennent la forme
(pX + p' Y)« = 0,
a)î(pX+p'Y)»Z«— p«(X« + Y«H.2XYcos^) = 0;
d'où Ton voit que Torigine est pour eux un point commun
réel.
9. II. — 1** PseudO' surface singulière moyenne. — Par
analogie avec, la pseudo-sphère et le pseudo-plan (VI, § III),
nous appelons pseudo-surface singulière moyenne une pseudo*
surface telle que toutes les lignes issues de chacun de ses
points sont des lignes pseudo-conjuguées S< correspondantes à
une certaine obliquité { que le calcul suivant va déterminer.
. A cet effet, remarquons d'abord que Téquation des lignes S<
peut se déduire immédiatement de celle de leurs tangentes (4),
à condition d'y remplacer X et Y par ds et ds\ Cela étant, si
Ton écrit que Téquation de ces lignes est identiquement vérifiée,
on aura les conditions
Pi 9i+Px 9i
lesquelles équivalent à celles-ci, plus significatives :
(c) ! = <!», u^=:<4=:k'F.
380 l'abbé ISSALY.
En les introduisant dans (26) et associant convenablement les
signes/ ces dernières deviennent
,^ (Ç = KZ + !jX,
W { Y, = KZ + 1) Y.
Si donc la directrice plane est, par exemple, le cercle
(e) /; = §»-*. v + *5>i ces*- 1 = 0,
le lieu dioptique inverse correspondant sera la surface de
révolution du 4* degré
if) (X« + Y» 4- 2XY cos 4>) ((o^Z 4- i)« - 1 = 0.
Quant au lieu direct corrélatif, on l'obtiendra aisément en
remarquant d'abord qu'à cause de D^ = (waZ + i)% les for-
mules (VI, n^ 29) qui donnent X et Y ne difiFèrent pas (après
transformation^ des formules (d). Si donc on reprend la direc-
trice circulaire (e) sous la forme appropriée
{e') /ô = X» + Y» + 2XY cos <t — 1 =0,
on se trouvera conduit au cône de révolution
Ç« -h V + 2Çt) cos * — {lù^K + *)* = 0,
cône dont le sommet est au point t = situé sur OZ.
En comparant deux sections faites par un même plan hori-
zontal Z = 2[ dans nos deux lieux corrélatifs, on trouvera deux
cercles réciproques, comme il fallait s'y attendre, car leurs
rayons r, r' satisfont à la condition rr'= '^ ,
2^ PseudO" surface singulière complémentaire. — Nous
appelons ainsi une pseudo-surface telle que toutes les lignes
issues de chacun de ses points sont des lignes pseudo-
conjuguées complémentaires et dont l'obliquité, vu ce qui
précède, est nécessairement égale à ^ ± x-
En écrivant, en effet, que les lignes S^, dont les tangentes
^^ ■ - = i.
OPTIQUE GÊOMÊTRIOUE. 381
sont représentées par (6), ont leur équation identiquement
satisfaite, il vient
ou bien, équivalemment,
r.
(C') t = 4,±j, 0). = wi = l/if'.
Ceci suffit pour montrer que la question actuelle n*est
qu^une variante de celle que nous venons de traiter. Il serait
dès lors superflu de s'y arrêter davantage.
Relations nouvelles entre le plan de polarisation d'un rayon
donné et le corrélatif de ce plan* — Parallélogramme dévia-
teur : ses variétés.
10. Dans la Note qui termine notre 6^ Mémoire, Tellipse
déviatrice de toute pseudo-surface dr' tangente au plan hori-
zontal a été représentée par
(31) A>V 4- Jb' Y» 4- 255' X Y = 1.
Voici d'abord quelques expressions, utiles à connaître, de
ces coefiicients remarquables :
(32) { -A- = -^ = -Ai: (p'p;+î'î;)=p;' +î" =p' •+?;•.
«•
= ^^ CCS K, (oi) = pp\ + qq\ = p,p' + îiî'.
sin 4> sm4»
Elles permettent notamment de donner à Téquation (31) la
38i^ L^ABBÊ ISSALY.
forme déjà signalée
(33) (oJX» -*. o>;*Y« 4- 2o)^a>; cos (co^, o4) XT = 1.
Pour que cette ellipse déviatrice devienne un cercle, il faut et
il suffit que les conditions maxima ou minima soient remplies^
car on n'a pas seulement alors co, = tù^y mais aussi (co,, iù^) = 4>
en sorte que Téquation précédente se transforme en celle«ci :
o)| (X« + ¥• + 2XY cos ^) = 1.
Enfin, la même ellipse se réduit aux deux droites parallèles
pX-i-p'Y=±^»
toutes les fois que la condition K' = 0 est vérifiée.
11. Ces remarques faites, venons immédiatement à la plus
importante des relations qui existent entre le plan de polari-
sation n et son corrélatif Ily.
Théorème. — Les traces horizontales, du plan de polari-
sation et de son corrélatif constituent un système de diamè-
tres conjuguas par rapport à V ellipse déviatrice.
Nous rappellerons, en premier lieu, que les équations de
ces deux plans peuvent s'écrire
m^ Y _ p'g — y'p _ p[q, — g\p, _ K'
^""^^ X -"p'î' -^ q'f - p[q[ - q[pl - K '
^'^^ X- py + ?;«'"" p'p; + ?'?;- k^
Cela étant, si Ton multiplie les deux membres de Téquation de
la déviatrice parp'* + g'* + 2p'g' cos* ou cùJ, et qu'on utilise
la seconde expression (3') de ce dernier vecteur, on pourra
transformer l'équation de notre conique en celle-ci :
(36> (K' X - K Y)« 4- (K;X + KyYy = coj» sin**,
qui démontre à elle seule le théorème.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 383
.Rapportée aux diamètres coDJugués que liouB Venons de
mettre en évidence, cette même conique devient
« »
VI» Y'« I
.(37) ■ ^ *
K* + K' » + 2K K' cos * K* + K^« — 2Ky K^; cos * K'X* *
d*où cette conséquence importante qu'au point de vue de la
:déviatrice, les plans n et Jïy se valent.. Si dond le plan ira été
jusqu'ici pour nous le plan de polarisation par excellence,, et
'cela pour les raisons que Ton sait, le plan n^, son conjugulfi,
. mérite à bon droit d'être, désormais appelé second plan ({prin-
cipal) de polarisation. Nous verrons dans la suite qu'entre
eux deux il en existe une double série; mais tenons-no us^n,
pour le moment, à faire ressortir l'étroite connexité de ceux-là
mêmes qui leur servent de limite. C'est ce qui va résulter
essentiellement' des considérations suivantes*. '
.4°-Reprenons la.trace horizontale du cône Gj de Majus, par
exemple, c'est-à-dire les tangentes aux lignes.de. courbure S„
savoir :
(38) ^>XH..,^Y^-p.X-pîY.
.A ■ ' Il
Si l'on ^multiplie les deux termes du premier rapport par jp^, et
ceux* du second par q\, on en pourra déduire, à l'aide d'une
combinaison facile, le rapport équivalent
.' " • : : K^X — KY
• p;x4-?;t'
En multipliant, au contraire, les termes du premier rapport
par q' et ceux du second par j)', on en déduira semblablement
••„^ 1- . • . q'% - P'Y '
La trace horizontale du cône C, ou les tangentes aux. lignés
asymptotiques S, ne feraient d'ailleurs que permuter les dénot*
iminateurs de ces nouveaux rapports. ,
DeU nous concluons que la réciprocité dont jouissent les
3d4 L^ABBÉ ISSALT.
plans n et Uy dérive du lien général commun qui les unit aux
plans tangents (rectangulaires) des cônes de Malus précités.
Au fait, si Ton compare entre elles les équations (34) et (35)
de ces plans n et n^, on constate aussitôt quHl est passible de
passer de Tun à l'autre de la manière suivante :
RÉ6LB. — Changez p', q* en g^, — pj, ou bien p% gj en
Y p'
j", — p'} autrement dit, substituez la trace y =^"^ • du plan P,
Y q^
à la trace ^ = ^ du plan P„ ou vice versa. Par cela seul, les
plans n et Ily se permuteront Tun dans Tautre.
2^ On a vu (YI, n^^ 28) que c'est au moyen de Tun quelconque
des deux systèmes
^'^''^ ( g,X + g;Y -♦- q\Z = 0, ^'''' ^ ( jX 4- «'Y + «'Z = 0,
que Ton obtient les équations
.AAx X Y Z
(40) K=r=r'
de Tantinormale 0L« qui, conjointement avec le rayon donné
•OL (devenu OZ), détermine le plan n. Appliquons à ces
mêmes systèmes la règle précédente ; il viendra
,c I, ( P*X + p;Y + q'Z = 0, ( pX 4- p'Y 4- q\Z = 0.
^**^ ( î,x + «;y -p'z = 0, ^** ^ ( jx + ï'Y -p;z = o,
4'où Ton tire, sous deux formes équivalentes,
\**/ y y» irt
Ce sont là les équations d'une semi-droite OL^ qu*il convient
de nommer Tantinormale conjuguée de OL^. Prise avec OZ^
elle détermine le plan Ily .
3^ L'analogie autant que la réciprocité seront complètes si
nous étendons la même règle aux discriminants bien connus
OPnOUB GÊOMÉTRIQOB.
385
(VI, n» 27) :
(43)
r-\=-^iP[f^+9\^')=Pi9?-i9i+P[)Pl9l + 9[Pl*,
A.=
^(p'TL'-q'K)=qp'* - (p-«')P'î' -P'«'%
des cdnes G, et C,. On obtiendra, de la sorte, deux nouveaux
discriminants :
(44)
"^•= iî^ ^«'"^ +p%)=PiP'*+(.9i-*-p'i)pr + 9W*'
lh,--^^i.9V^-P\^y)=99\* + {P-9')P\9\-P'Pi\
dont nous pourrons apprécier plus tard toute l'importance.
12. Parallélogramme déviateur. — Traçons dans le plan
des XY les trois vecteurs OA, OA', OA' représentés par les
formules (3), et désignons par <{*, ^', ^ leurs azimuts, ce der-
Flg. l
nier n^étant autre, comme on Ta vu (n° 2), que Tazimut a, du
plan tangent P,. Soit aussi, pour abréger,
(45) 4' - 4,' = Y, A' - 4. = Y', ^' — 4» = Y'.
(386 Vk^i iSSALY.
En s'aidant des composantes orthogonales tracées sur la
flgure 1^ on .verra aisément qu'avec — = tgM>, ^ = tg4',elc.,
. •'' . . ' . Pi Pi
on a
^ ^ ( 9sin$ = ii)zsin^, ( j^sin^i = <i)z ces (*—<};),
' avec des valeurs analogues en co^, c4 pour les vecteurs OA', OA'.
Or, si Ton a égard à Texpression de Taire d'un triangle en
.fonction des coordonnées de ses sommets, et qu'on por^e ces
composantes p, q,p\ q'y ... dans l'équation (34) du plan II,
.elle deviendra,- après; suppression haut et bas du facteuricom-
1 coî *
mun — ;;
2sin 4>: ; : :
Y K' p'g-q'P Iri.OAA' wzsinV
■^ ' ' X ' K p'q* — q'p' Iri.OA'A" uî sin V
. . • • . ' • * • . • ' .
• .... -
Cherchons pour le plan n^ une expression analogue.
A cet effet, menons, dans le sens direct, un quatrième
vecteur OB' perpendiculaire à OA' et, par conséquent, dans la
direction de la trace du plan tangent P,. Par des calculs de
même genre que les premiers, on trouvera
(IA\ ^ - '^v - P'Pi -*- g'gj _ tri- OB'A, _ 6), cos V'
^^ X "" Ky "" p;p' + q\q' "~ Iri.OA'B' "" i^i cos V
Ceci posé, nous remarquons que, de nos quatre vecteurs,
deux seulement, OA et'OA', entrent dans les coefficients angu-
laires de nos plans par leurs longueurs co^ et tù^y tandis que
les deux autres, OA', OB', n'y entrent que par leurs directions
~ et — ^* Il nous est donc permis d'arrêter ces derniers, dont
P 9i ^
les longueurs sont arbitraires, au périmètre.du parallélogramme
formé par les deux premiers, ce à quoi nous trouverons cet
avantage,, eatre autres (^), que les coefficients, angulaires
(<) L'ellipse qui est la polaire réciproque de la déviàtrice par rapport aa cercle
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 387
^et — |J deviendront alors respectivement égaux aux rap-
A A* B'A
ports jJTi^^'TEw d^s segments de base des triangles corres-
pondants.
Ajoutons» en ce qui concerne Y, qùè les relations ci-dessus
peuvent être utilement complétées par les suivantes :
/./>x K' r,. , , ^tri.OAA' 0)a<i4. . --/
^ ' sm** sm * sm*
13. Cas particuliers, —(a) Lorsque les conditions mâxima
ou minima sont satisfaites, on a V' = V + V' = 0, avec
cdj = (i>^. Le parallélogramme déviateur ayant ses diagonales
égales est un rectangle, et Ton constate que, sans avoir besoin
de devenir un carré, ce qui impliquerait ¥"=<> = ^> c'est-à-
dire des coordonnées rectangulaires, les plans n et n^ sont
alors orthogonaux, vu que leurs coefBcient» angulaires satisfont
à ridentité caractéristique
1 + l-T-^Sr -\ =-) C08(V + V) 7-^ =r =0.
\8mV cosV/ ^ smVcosV
Dans ces deux cas, en effet, Tellipse déviatrice est un cercle»
et comme les traces de nos deux plans en constituent, d'après
le théorème ci-dessus, deux diamètres conjugués, elles sont
nécessairement perpendjculaires entre elles.
(^) Les coordonnées restant obliques, supposons que Ton
ait V'= -» avec co^^iùâ. Le parallélogramme se transforme
ayant pour équation générale
wj ' w," WjW, 8in'<l»
i\ 8*ensuit que les diagonales d^ parallélogramme déviatc^ur sont toigoars propor-
tionnelles aux segments que la conique précédente intercepte sur les axes (supplé-
mentaires) 0X«, 0Y„ auxquels elle se trouve rapportée. Il y a même égalité entre
ces diagonales et ces segments, lorsque Tangle («>>2 » b>z) où V est égal & n — <|i.
388 L^BBÉ ISSALT.
en losange. Mais les plans n et 11^ ne seront pas pour cela
rectangulaires^ car leurs coefficients angulaires respectifs
^ cot V et r tff V ne satisfont pas à la condition d'ortho-
gonalité.
(y) Lorsque la condition K' = 0 ou 4^ = 4^' est vérifiée, on a,
par hypothèse, V'==0 et, par suite, V= — V'ouV = n — V.
Le parallélogramnr^e s'évanouit en un segment (double) de
ligne droite. Les plans n et Ily coïncident dans ce cas entre
eux et avec la direction 9^ (n^ 4). De son côté, Tellipse dévia-
trice, on Ta vu, se réduit à deux droites parallèles à cette
même direction.
VI
Double série, moyenne ou complémentaire, de plans déviateurs
de polarisation. Cône et ellipsoïde déviataurs.
14. Proposons-nous de généraliser les résultats obtenus
dans le paragraphe précédent.
A cet effet, considérons les deux séries de plans déviateurs
Y_ sino^ _K^sint' -f-K^cost'_K;tt' +K'_K;
^ ^ X""sin(4>-a,.)'"Kcosr— Kysînt' "~"K— Kyti' ~k/
r^n Y_ sintt^ _ K^cost'— K'sint'_ K;— KV_ k;
^ ^ X""sin(^— 0^.)"" Ksint' 4-KyCost' "" Kti' 4- K^ "" k/
la seconde série se déduisant de la première par le change-
ment de t' en i' =1= ^' et Tangle i' ne différant de Tobliquilé
ordinaire i que par sa graduation.
Nous désignerons par n,^ et II^ ces deux systèmes de plans.
On voit aussitôt que, pour i' = 0 ou f = 5» ils reproduisent.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 389
comme limites communes des deux séries^ les plans n et n^
que nous venons d'étudier.
Théorème. — Les traces horizontales de detix plans dévia-
teurs appartenant respectivement à l'une ou à Vautre série,
constituent, pour chaque valeur de Vobliquité, un système
de diamètres conjugués par rapport à l'ellipse déviatrice.
En effet, si Ton multiplie les deux membres de Téquation (31)
de cette ellipse par ©y (sin* t' + cos* t'), on pourra, par des
transformations convenables, récrire
(S2) (KiX - K,, ¥)• + (K;X + KfYy = wî* sin^ 4>,
ce qui démontre le théorème.
Comme vérification, il faut que, lorsque les coefficients
angulaires de nos plans conjugués deviennent égaux, Tellipse
déviatrice s'évanouisse. C'est ce qui a lieu, en effet, vu que
cette condition d'égalité équivaut à K' = 0 (n^^ 13).
Voici une seconde méthode propre à mettre en évidence une
relation très intime entre les plans n,^, 11^ et les plans tangents
Pi», PjT tels que i' = i + •' et ]'=] + j' :
Prenons la trace horizontale du cône C< ou, si l'on veut, les
tangentes aux lignes S., d'obliquité t = t* — i', et mettons-la
sous la forme
pX-hp'Y _ gX + y'Y
X sin (4> — t) — Y sin » "" X sin » 4- Y sin (4> + t)
En multipliant les termes du premier rapport successivement
par Sj,y ^ (30), et ceux du second par ff, C^, on en déduira
v',\ Kl Y
sans peine les rapports équivalents -r^ — rp^ d'abord, puis
-4i= — -^ ' Et comme, d'autre part, la trace du cône CL ou
les tangentes aux lignes Sj ne produiraient qu'un échange dans
ces derniers dénominateurs, il en faut conclure que la relation
(harmonique) qui unit entre eux les plans II,^ et Uf les unit
aussi aux plans tangents rectangulaires P<», Vf, et cela par
390 L^ABBÉ ISSALT.
rintermédiaire des lignes Si, Sj, ou, implicitement, par les
cônes Ci, Çf,
On peut, comme complément, vouloir connaître Texpression
de Tanglé que font nos deux plans conjugués.
Par un calcul qui ne présente d'autre difficulté que sa lon-
gueur, on trouve
f . . ■
tgu =
[u' -- tg (û; - a.)] [ti' 4- col (O; - a.)]
A, désignant une constante, et Q\ le plus petit des angles que
font avec OX les axes de figure de Tellipse suivante :
(pX-îY)« + (p'X-î'Y)«-2(pX-îY)(p'X-î'Y)costt=l,
laquelle se confond avec la déviatrice lorsqu'on a 9 = — p\
c'est-à-dire quand la seconde des conditions maxima (5) est
remplie.
15. Cane déviateur. — Si, généralisant la . règle établie
(n^ 11), on remplace dans les équations (40) de Tantinormale
0L| relative au plan n les composantes p\ q' par C> ^Pf ou
bien p\y q\ par Sf, ^, ces équations deviendront
C'est là évidemment l'antinormale OL^ relative au plan dévia-
teur Dr.
En opérant le^ mimes substitutions dans les équations (42)
de l'antinormale OL^ relative au conjugué lly du plan n, on
trouve
(***} xT ^^^ WT ^^ ^ *
— tkj! Kf fk
ce qui est manifestement l'antinormale OLf relative au plan
déviateur Uj, conjugué de II|i.
Cela posé, éliminons i' entre l'un ou l'autre des systèmes
précédents; nous obtiendrons ainsi le lieu géoméiriqw de
OPTIQUE GtOMÊTIIIQtJE. 301
toutes les antinormalesi k savoir:
(85) (K' X - K Y)' 4- (K;X 4- K^ Y)« = (oj» sin» * .Z*. /
ou, en simplifiant, . •
(58') . i4 X» + <i)i' Y* -f SJwjw; C08 («ij, (4) XY = w;*z», ; •
Ge^t un cône du second degré tel que si on le coupe par les '
plans horizontaux symétriques Z=.d:— > les- sections prp-
duited se projettent en vraie grandeur jsur le plan des XY
suivant une copique commune qui n'est autre que Tellipse
déviatrice (33). De là le nom assigné au lieu géométrique
lui-même. .
Quand les conditions maxima ou minima sont remplies, ce
cône déviateur est de révolution autour de OZ; et si l'on a
K'=0, il dégénère en deux plans sécants réels dont l'inter-
section, située dans le plan des XY^ est la droite connue
V = V d'azimut p..
• • • • '
16. On peut arriver à l'équation du cône déviateur par une
autre voie qu'il importe de faire connaître.
Considérons, à cet effet, le cône moyen rotàtoire de Mahis
qui a pour équation
(m{ [pX+P'Y-^(îïsini'-f-p'cost')Z][Xsint-*-Y5in<4»-hO]
(-[*X+î'Y+(î'cos»'-^p;sin»')Z}[Xsin(*--t)--Ysîni]==0.
Il diffère du cône moyen ordinaire C< en ce que, conformé-
ment à la règle énoncée plus haut, on a remplacé dans celui-ci
p', q' par <^, sj». Or, si l'on exprime que ce nouveau cône (56)
devient évanouissant^ on obtient, ici encore, une équation du
3* degré en tg i (et non en tg %'), dont la racine réelle unique a
pour valeur •
d'où l'on tire
(*) *A, .' = a*' — ^i^ = (at — i') — a<',
392 l'abbé issaly.
ce qui est, remarquons-le, l'extension de la formule i'^= a, -^ et
(n^ 2) relative au plan n et correspondant à i'= 0.
Des deux plans dan^^ lesquels le cône (56) se décompose
actuellement, Tun n'est autre que le plan déviateur n^. déter-
miné par OZ et Tantinormale OL.i, l'autre un certain plan
connexe Br> qui ne saurait être d'aucune utilité pour nous en
ce moment.
>
Cette méthode, on le voit, a le double avantage de généra-
liser la théorie du premier plan de polarisation n, et de
conduire directement à l'antinormale OLj» du plan Iljf sans la
faire dépendre, quant à sa détermination du moins, des anti-
normales-limites 0L| et OL^. Il va sans dire, d'ailleurs, que le
reste du calcul s'achèvera comme ci-dessus par l'élimination
de t'entre les équations OL^*.
Nous ferons observer, en terminant, que la formule (g) peut
aussi s'écrire, d'après (43) et (M),
On verra bientôt que celle-ci n'est ^u'un cas particulier d'une
expression plus générale encore.
17. Ellipsoïde déviateur. — Soit l'ellipsoïde
( <«>ÎX'4-(o;«Y«+<4«Z' + 2(.>XcosV.YZ + 2u)îa)aCOsV'.ZX
^^^^ ( -H 2o>2»;co8V'. XY=1,
dont les coefficients nous sont connus (n^ 12) et qui n'est,
observons-le en passant, qu'un cas particulier de l'ellipsoïde
plus général qu'on obtient en substituant aux carrés des pro-
jections horizontales tùl, iù^ des vitesses angulaires ceux de ces
vitesses elles-mêmes, savoir : w' = p* + g* + r*, etc., les
angles V, V, Y' désignant alors les faces du trièdre sur les
arêtes duquel (axes instantanés de rotation dans un mouve-
ment à trois variables) les vecteurs o, tù', (ù" doivent être
portés. Mais un tel ellipsoïde relevant essentiellement de
OPTIQUE GÊOMÉTRIÛUE. 393
la cinématique, il nous suffira de considérer ici Tellipsolde
précédent.
Nous admettrons donc, comme par le passé, que Ton a
V = V + V, ce qui met le troisième vecteur dans le plan
des deux autres, et nous permet de donner à ce même ellip-
soïde la forme
(57) o)5X«+co;*Y«4-a>;«Z« + ^(KyYZ-f-K^ZX+K^XY)=l,
le coefficient K^ que nous introduisons pour la première fois
n'étant autre (32) que 3î'.
En cherchant, notamment, la courbe d'intersection de cet
ellipsoïde avec le cône déviateur (55'), on trouve qu'elle est
située sur le cylindre hyperbolique
2co,Z (-:% X + -T^ Y + «J'z) = l.
\sm'4> sm*^ /
Or, on peut vérifier que le plan asymptote, non horizontal, de
ce cylindre, plan dont la trace coïncide avec celle du plan Ily,
coïncide lui-même avec le plan tangent au cône déviateur le
long de la première antinormale OL,, c'est-à-dire celle qui
est relative au plan n, savoir :
X_ Y __Z
Mais il y a plus ! si Ton forme les équations du diamètre, lieu
géométrique des centres des ellipses de section horizontale de
l'ellipsoïde déviateur (57'), on retrouvera cette même anti-
normale OL^; et comme, d'autre part, en remplaçant p, g', p', ...
par A, A', B„ ..., il devient loisible (V, n® 32) de prendre, au
lieu de OZ, un rayon OL d'orientation quelconque dans l'espace,
on arrive à la construction générale suivante :
Règle. — Étant donnée la surface normo-directive S»,,
on obtient le premier plan de polarisation géométrique n de
Vun quelconque de ses rayons en menant le plan qui passe
T. I (5« Série). 26
394 l'abbé ISSALY.
•
par ce rayon et par le diamètre, lieu des centres des sections
faites dans Vellipsoïde déviateur correspondant perpendi-
culairement au rayon donné.
Ceci est^ comme nous Tavons annoncé dès le débuts la
généralisation de la règle formulée (V, n^ 12) pour la surface
de Tonde S^.
Lorsque les conditions maxima ou minima sont satisfaites,
l'ellipsoïde déviateur est de révolution autour de OZ.
Si l'on a K' = 0, c'est-à-dire J; = ij;', il se transforme en un
cylindre elliptique représenté par
[a)z (pX + p'Y) 4- ptùl CCS V. Zy H- p»ù)J* sin» V. P =p\
Enfin, si l'on suppose que ^ = ij^' = ^', on n'a plus que les
deux plans parallèles réels
pX-f-p'Y + p'Z=±^.
VII
Expression générale de l'angle que forme le plan tangent
à l'un quelconque des cOnes de Blalus avec un plan déviap
teur donné.
18. Nous prendrons d'abord chacun de nos plans dans la
première des deux séries (moyenne ou complémentaire) aux-
quelles il peut appartenir. En désignant toujours par i l'obli-
quité du plan tangent P., et par i' celle du plan déviateur n^,
leurs équations respectives seront (29) et (50)
Y_q' -p[u Y _ K^tf -f- m
X^îîtt + p*' X"" K — KyU' '
L'angle cherché a^ — a,. = 6 aura, par suite, poar tangente
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 395
trigonométrique (coordonnées obliques)
(58) ige = --?^l— -?^ î \
Ay.tftt' -4- Ay.ti' — A^tt -f- Al
les discriminants qui y figurent étant les mêmes que ceux du
n^H.
Comme vérification, pour % = t', on retrouve la formule (jf')
du no 16.
Si les deux plans appartenaient tous deux aux séries complé-
mentaires, on changerait simplement u en — - et w' en j-
Ceci indique assez ce qu'il y aurait à faire pour les deux autres
combinaisons possibles.
Passons en revue quelques cas importants :
1^ Lorsque les conditions maxima (5) sont vérifiées, il vient
(89) tge = ^""'.-^><"-",?-^^
' ^ PiWtt' + î (14 — u') -f- Pi
et, par suite,
(69') e = ^ - (i — i').
Il en résulte que les deux plans P{ et Up coïncideront ou
seront rectangulaires selon que Ton aura
(59") i — t' = ^, ou i^f = f^± 5,
ce qui, d'après (13), peut aussi s'écrire
w
(69^ t-t'=tf, ou t«i'=tf±^
Vérifions par un calcul direct ces deux derniers cas extrêmes.
On s'assurera d'abord que l'azimut du plan n,. a ici pour
valeur
a désignant l'azimut ^' — ^ du plan n (n® 2).
Gela étant, si l'on égale la valeur i' — à — i' de a<,, soit à
396 l'abbé issalt.
%
a< = ^J^" — t, soit à a^ = (J^' — * ^ 2* ^^ retrouve les rela-
tions (59').
2^ Quand ce sont les conditions minima (10) qui sont satis-
faites^ on a y en faisant, pour un instant, tg (24*' — 4*) == A
/An^ 1er A — f^^' 4- (Il + tf') - /^
^^) ^««-«u'-Au + ti')-!'
et, par suite,
(60') e = m' - *) - (t + t').
Donc, les plans ?< et n.7 seront ou coïncidents ou à angles
droits, selon que Ton aura
(60') t4-i'=2il^' — *, ou Î4-i' = (24/'-*)±^-
Remontant aux relations (13), on peut aussi écrire :
(60^) t + i' = t2;\ ou i^f = q'±l'
Pour vérifier ces deux derniers cas-limites, on constate
d'abord qu'actuellement
a désignant le nouvel azimut <{/ — 4' du plan n (n** 3).
Si, après cela, on égale la valeur actuelle de a»>9 soit à a^,
soit à a,, comme on Ta fait dans le premier cas, on retombera
sur les relations (60').
3^ Supposons, en dernier lieu, que Ton ait K' = 0. Après
avoir supprimé, haut et bas, le facteur commun (K^ u' + K")
qui, lorsqu'il est nul, rend 0 indéterminé et équivaut à la con-
dition f ' = 4' — à, on trouvera
(61) tg e = - ^'P' ~ ^'P^ " ~ ^^' ^' -^ ^'P^-
_ , , p sinoo
Posant, comme au n^ 4 : — ^ = . . . ' — ; ♦ on en conclut
p sm (* — <po)
(61') e = (*' -- ?o) - t.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 397
Donc, les plans P,- et n.i seront coïncidents ou orthogonaux
^lon que Ton aura
(61') • = *'-<Fo. ou t = (*'-<po)±^,
qtMl que 8oit d^ailleurs V .
19. En rapprochant par exemple les formules correspon-
dantes àO = OetO = â obtenues dans les deux premiers cas,
formules qui complètent si heureusement les relations (13),
on a
Plus généralement, nous ferons observer que si, dans cer-
tains phénomènes naturels, le cas du maximum et du minimum
se trouvent coexister pour Fobliquité polarisatrice i^, il faut
qu^on ait alors simultanément, 6 étant quelconque.
Or, il résulte de nos précédents Mémoires que les conditions
minima sont effectivement toujours réalisées par Thyperbo-
loïde générateur du rayon ordinaire. Quant au rayon extraor-
dinaire, Tellipsoïde qui le produit réalise toujours la seconde
des conditions maxima (lY, 15, 4^), et très sensiblement la
première quand ce n'est pas exactement aussi, comme le long
d'un axe de révolution de cet ellipsoïde, par exemple.
Sans insister ici davantage sur ce point, le lecteur trouvera
dans notre Note finale d'intéressants développements sur les
liens analytiques qui unissent les deux obliquités polarisatrices
maxima et minima.
398 L^ABBÊ ISSALT.
vni
Application à la polarisation chromatique.
20. I. — Formules itsuelles, — Notre point de départ, pour
construire tout d'une pièce ces formules, sera Tidentité
suivante :
(a) (sîn*a -*- ces* a) (sin*6 4- ces* 6) = I,
laquelle, développée, devient
(a') sin'asin'ft -4- sin*acos*ft 4- cos*asin*b 4- cos*acos'6=l.
Cela étant, ajoutons et retranchons dans le premier membre de
cette dernière la quantité 2 sina cosa sinb cosb cosS; Tangled
étant quelconque^ le résultat pourra s'écrire :
( ces* (a 4- ft) 4- 2sinasin b cosacosb {i — ces 8)
^ ' (4- sin* (a 4- 6) — Ssinasin b cosacos b{i — cos 8) = 1.
Posant
F 8
-j = ces* (a 4- 6) 4- sinîa svaib sin* - »
-j = sin* (a 4- 6) — sin2a sin26 sîn' -i
ce qui implique la condition F<, + F^ = I, on obtient ainsi, sans
hypothèse d'aucune sorte, deux expressions de même forme
que celles en usage, depuis Fresnel, pour représenter spéciale-
ment dans la théorie des ondulations les intensités résultantes
Fo, Fe des faisceaux ordinaire et extraordinaire suivant lesquels
se partage tout faisceau lumineux tombant normalement sur
une lame de cristal à un axe, par exemple, taillée parallèle-
ment à cet axe.
L'analogie se change en coïncidence lorsqu'on fait 8 = ic r-
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 399
et qu'on suppose que les angles a et b désignent ceux que font
avec l'axe de la lame les traces du plan primitif de polarisation
et de la section principale du prisme biréfringent que le double
faisceau doit traversera sa sortie du cristal.
En résumé, vu Tindétermination originelle de 8, les formules
adoptées dans la théorie classique peuvent être considérées,
on le voit, comme émanant, à la spécification de 8 près, de
simples identités trigonométriques.
21. II. — Formules de Biot. — Nous observons que ces
mêmes formules (6) peuvent aussi s'écrire
~ = cos* (a -♦- b) ces' ^ -♦- cos* (a — b) sîn' ->
) ¥ 8 8
I Y = sin' (a -f- b) ces' - 4- sin' {a — b) sin* - •
Or, si l'on y fait
0 = Icos'L E = Isin«|,
il viendra
i F^= 0 cos'(fl + fr) + E cos*(fl — fr),
^^^ ( F, = 0 sin» (a + 6) 4- E sin» (a - b).
Posant enfin a + b = aeta — b= a — 2t, on obtient exac-
tement les formules par lesquelles Biot a, tout le premier,
représenté les phénomènes constitutifs, voire (si la lumière est
blanche) le phénomène intégral de la polarisation chromatique.
22. III — Théorie analytique nouvelle. — Son exposé
exige que nous reprenions les choses de plus haut.
Lehme. — L'identité (a) de départ peut être envisagée
comme issue de l'expression de la déviation verticale d'une
courbe quelconque S tracée sur toute pseudo-surface 9' tan-
gente, à l'origine, au plan des X Y.
Remontons en çffet à la Note qui termine notre 6"" Mémoire,
400 l'abbé ISSALY.
On y verra (8) qu'en posant
^ p sin ç' + p' sin <p = P sin 4>,
( q siïiff' -h q' sin ç = Q sin *,
le carré de la déviation verticale -^ ou 6i* de la courbe S peut
(14) se mettre sous la forme
Oi^ = p« -i-Q« 4- 2PQ ces 4>.
Il suit, d'autre part, de notre Mémoire sur les congruences
de droites (n** 9), que Ton a aussi pour les courbures de front
ou de profil de cette même ligne S
-ir - r," - ^"
a 'S
(0 désignant l'angle que forme l'élément d S avec la projection
horizontale de l'angle de contingence dt relatif aux pseudo-
normales MN, M'N' menées aux extrémités M et M' de cet arc.
On en conclut
Oi* = Oi] + (Jil = (P« 4- Q" -♦- 2PQ CCS 4>) (sin*(o -*- C08*ci)).
C'est le cas général.
Lorsque les conditions maxima ou minima sont satisfaites^
cette expression revient à celle-ci :
(33* = (p* 4- 9* + 2p9 CCS ^) (sin' <p + sin' ?' 4- 2 sin <p sin <p' ces ^))
X (sin*(o + cos'ii))V
ou plus simplement à cette autre :(?)' = wj sin' *.
Que si les coordonnées deviennent rectangulaires,
(/•) (33* = (p* 4- j') (sin'ç 4- cos'ç) (sin'd) 4- cos'a));
et puisque (33' = p' + g', on retombe de la sorte méthodique-'
ment sur l'identité (a); ce qu'il s'agissait de faire voir.
23. Reprenons-la donc, cette identité, et faisons-en, à notre
tour, comme le pivot de nos propres recherches.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 401
A cet effet, nous ferons remarquer d'abord que puisque les
angles i et i' dont il n'a pas cessé d'être question dans le para-
graphe précédent sont absolument quelconques, nous pouvons
les identifier avec les angles 9 et cd ci-dessus. Faisant, en outre,
p = ± gl, q = ±Po (conditions-limites), on aperçoit sans
peine que l'identité {f)y devenue d'abord
(f) (Ji* = (p;« + gl*) (sin*î 4- cos*t) (sînM' ^ cos'i'),
peut aussi s'écrire :
i (D' = p'o' Lsin' (î - î') 4- cos« (i - î')]
^^ I -*- ql^ [8in« (i + 1') + cos« (t 4- i')].
Cela posé, si l'on remonte aux formules générales (59') et
(60'), savoir :
I - î' = ^1/ - 6 = if — 6,
I 4. t' = 24/' - t|/ - 6 = t^^' — 6,
x'*/ \ _• . _•» A i V • A ^V)
formules pour la simultanéité desquelles, remarquons-le à
nouveau, il faut que l'on ait
puis, qu'on les substitue dans (g), il viendra
( d3* = p? [sin« (d; — 0) 4- cos* {^ — 0)]
^*^ t -f- ql^ [sin* {iy - 4; — 0) 4- cos* (24*' — 4* — 0)].
Par analogie avec (c), ou plutôt pour introduire directement
dans le calcul les deux faisceaux partiels dont se forme (expé-
rimentalement) chacun des deux faisceaux transmis, nous
nous trouvons conduit à poser
m^ { •*'' = P^' ^^^' (* - 0) 4- q'e' CCS» m' - 4/ - 0),
^^^^ ( S!? = PÔ' sin» (i|; - 8) 4- q'e* sin« (24*' - * — 0),
et cela en négligeant un second système similaire qui ne paraît
convenir ni aux phénomènes lumineux ni aux phénomènes
calorifiques.
402 l'abbé issalt.
Avant que de passer outre, il devient nécessaire de fixer la
signification des angles qui entrent dans ces formules.
A cet effet, désignons par 6 (fig. 3) Tazimut XOA du plan P^,
section principale de l'analyseur. La trace OA de cette section
se trouvera ainsi dirigée suivant le vecteur (o^ et aura par
conséquent, avec nos coordonnées rectangulaires actuelles,
pour équation zr = - = tg ^j/.
Soit, en second lieu, ^^ Ta^imut XOA' de Taxe de la lame
cristallisée, axe dont la direction OA' coïncidera par là-même
avec le vecteur w^, puisqu'elle aura, comme ce dernier,
— = 5L=: tg d^' pour équation. Nous désignons subsidiairement
A p
dans la figure par XOtq ou ÇOiq l'angle 2^j/', double de XOA'.
Quant au plan de polarisation primitive II«, nous choisirons
pour le représenter le plan Y = 0 lui-même ; sur quoi on peut
observer que ces deux plans se trouveront coïncider entre eux
et avec le plan tangent P„ toutes les fois, notamment, qu'on
supposera l'angle 0 nul, vu qu'alors l'azimut de ce dernier
T
y
A' Y
Fig. 3.
plan, qui est égal k^' — i, sera nul, lui aussi, en vertu de la
première des relations (h').
Ajoutons, enfin, que l'angle i sera compté positivement ou
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 403
négativement à partir de OX jusqu'à la direction 01, telle
queI0A'=6.
L'angle i' sera compté de la même façon à partir de OA jus-
qu'à OA'.
Ces préliminaires indispensables posés, revenons au sys-
tème (62). Si l'on y fait 6 = 0, il devient
((\^'\ ( A* = Po* C08« ^ + q'e* cos« m' - ^),
^""^ ^ I a« = pi» sin» ^ + ql* sin* (2^;' - 4*),
système qui ne diffère que par la notation de celui de Biot, soit
qu'il s'agisse de la lumière homogène (seul' cas que nous
considérions) ou de la lumière blanche, et qui, par conséquent,
satisfera pleinement comme lui à l'expérience pour toute lame
d'épaisseur donnée. Or, il importe d'observer que l'on peut
obtenir directement ce dernier système (62') sans l'assujettir
à la condition 6 = 0. En effet, si l'on remonte à l'identité (t),
on constatera aisément que le facteur (sîn* 6 + cos' 6) peut
y être mis en évidence, ce qui, en nous ramenant directement
à ce même système (62'), nous permet désormais de l'envi-
sager comme indépendant de 0, simplement.
Il y a plus : si l'on examine avec attention les formules qui
le composent, on reconnaîtra, sans même recourir au n^ 19,
qu'il trahit, pour chacun des faisceaux, une symétrie manifeste
de ses deux éléments constituants, soit autour de OA', soit
autour de OB', directions qui ne sont autres que ce qu'en
cristallographie on nonime les droites d'extinction de tout
cristal soumis à l'action de la lumière.
Ceci posé, utilisons dès maintenant la remarque ci-dessus
relative à l'indépendance de l'angle 0 et introduisons, du
même coup, la double symétrie en question dans les coeffi-
cients, jusqu'ici arbitraires, pôS çl*- Pour cela, ayant égard à ce
que, d'après (ft'), on a A' — 6 = t et ^' + 0 = 2 J/' — i, nous
poserons d'abord 4 = . ,^ , _ .^ > puis, plus explicitement,
r A «'« - y sin» m' ~ 0 , _ D'sin» t
V/ V» — .:„! /a.i.r .\ . „:_! ,•' "' —
sin' (2«!<' — I) + 8in' i ' sin» (2^ — 0 + sin' «
404
i/abbë issaly.
avec
p:* + î:'=Jb«4-â5' = D'
(en remplaçant ici convenablement (Î3* par 3').
Ces relations^ on le vérifiera sans peine, transforment le
cercle X* + Y* = 3*, en une ellipse Ç* + tq' = 3% rapportée à
ses diamètres conjugués égaux, d'angle i^' ou % — 24".
Introduites dans (62'), elles font prendre à ce système la
forme définitive
(62')
Jb'=
35* =
3* [sin' {iy — 0 cos'il; -h sin* i cos« (2(^'— ^)]
sin' (i^— i) 4- sin*i
3' [sin' (JY— i) sin«4; -h sin« i sin« (2^*^ - ^)]
sin* (24>'— 0 -*- sîn't
On voit aussitôt que rien ne change dans ces relations quand
on y remplace ^' par ^' ± 5» mais qu'au contraire Jb' et â5'
permutent leurs valeurs lorsqu'on ajoute àz 5 aux obliquités
polarisatrices (A), en fonction desquelles ^ et 2d^' — ^ sont
exprimables.
Parmi les valeurs les plus remarquables qu'on peut tirer de
ces nouvelles formules, signalons les suivantes :
OBUQUITÉS ET AZIMUTS
INTENSrrÉS
DU FàISCEAU
INTENSITÉS
DU FAISCEID
ORDINAIRE
nTKlOllDnAIllK
/ 2f
3»
0
♦'
3* cos* <^'
3* sin* Y
\ 0
3'
3» sin» Y
0
3» cos» Y
1 ^ (♦•-!)
3*
0
« = 0
*=*i
0
3»
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 405
Il s'agit d'appliquer ces résultats au phénomène de la pola-
risation chromatique dans le cas simple mais constitutif où la
lumière est homogène.
A cet effets admettons d'abord que, durant tout le trajet du
faisceau incident à travers la lame cristallisée, l'angle ^, dont
la valeur ne dépend encore que de l'action combinée du pola-
riseur et de la lame, satisfasse à la condition indiquée i = ^y
sauf à prendre brusquement, à l'émergence du faisceau, la
valeur fixe que la position donnée de l'analyseur lui assigne.
D'après (ft'), cette première hypothèse entraîne que i + 6
= i + i' = ^', et, conséquemment, que OA et 01 coïncident
(fig. 3).
Supposons en deuxième lieu que, pour les épaisseurs crois-
santes 0,e,^eySe,Ae, ,.., dont le pas 6 dépend essentiellement
de l'espèce de lumière employée, les deux angles égaux i et ip
vérifient l'une ou l'autre (selon le signe de la lame) des pro-
t £ t £
portions suivantes • 7i = "' ou = -» de façon à prendre
les valeurs périodiques correspondantes 0, ^\ 2^', ^\ 0, ou
bien 0,*'-^. 2 (4,'- 0,4,^-^,0.
Concevons enfin qu'à ^ l'oscillation des axes des molécules
lumineuses ]> autour de OA' ou de OB', imaginée par Biot, on
substitue celle, équivalente, du plan (dynamique) P^f_< ou P©,
de part et d'autre de ces mêmes axes. En faut-il davantage
pour que se trouve constituée par là -môme, sur une base
inattaquable, une théorie vraiment rationnelle et en parfait
accord avec l'expérience, des phénomènes fondamentaux de
la polarisation chromatique?... Nous laissons aux physiciens-
géomètres, et à eux seuls, le soin d'en décider.
Terminons par quelques remarques :
(a) Si, dans les formules générales (62'), on suppose que
i = ^' = ± 7 » il vient Jfc* = 3î* = 0 3*, et cela quel que soit ^.
La polarisation uniforme que prennent alors les deux faisceaux
406 L^ABBÉ ISSALY.
peut donc être convenablement qualifiée, selon Tusage, de
circulaire.
(^) Elle pourra, de même, être taxée d'elliptique lorsque,
tout en restant égaux entre eux, ces deux angles prendront
une valeur quelconque.
(y) Que la condition i = t]^' suffise pour caractériser les
lames dites quarts d'onde, c'est ce que nous ferons voir
ultérieurement ici ou ailleurs (Cosmos), quand il sera question
d'étendre notre théorie à un nombre quelconque de lames.
(S) Pour passer de la lumière homogène à la lumière blan-
che, il faudra faire la somme d'une infinité d'expressions de
même forme que (62'), ce qui implique la condition générale
IX
Transformations diverses opérées sur la double série des plans
axiaux. — Effets produits par le retournement des couples
de composantes horiiontales.
24. Première transformation, — Il nous paraît utile, avant
tout, de grouper dans un même tableau diverses formules
relatives à la question actuelle, et qui ont été, du reste, déjà
établies dans notre dernier travail, savoir :
«
sm'<I> \ sm'<I> « » '
(64) { "" * (64-) "° *
OPTIQUE GÉOMÉTRIÛtJB. 407
avec cette remarque qu'entre ces divers binômes^ on a les
relations
K(i) sin * = Kj — Kl cos *,
Ceci rappelé, soit Téquation du plan axial moyen Ui
^^ X "" K,tt« 4- [KJ„- KJi)] tt + k/
Celle du plan axial complémentaire n^ s'en déduit, redisons-le,
r. 1
en changeant t en i ± â' c'est-à-dire w en — - •
En introduisant les conditions minima (10), exclusivement,
Y K'
dans chacune d'elles, on trouve v = ]F' ce qui est le premier
plan de polarisation n lui-même. Il fallait s'y attendre, puisque,
d'après (YI, n^ 29), la condition de coïncidence de ces deux
plans est
(0 [(ît - P\)^ + (P + î')] (À^ti + A.) = 0,
laquelle est identiquement vérifiée quand les conditions minima
ont lieu.
Mais supposons qu'avant de les introduire, ces conditions,
on change dans les termes de (65) p\ q' en tî», ^, etp\, q\ en
^, Ç, conformément à la règle généralisée dont il a été déjà
fait usage au n° 15; il viendra alors, après réductions y = v^'
c'est-à-dire que le plan déviateur Or aura pris la place du
plan n, comme on pouvait le prévoir. On retrouverait le
plan Ily en appliquant au plan (65) la règle simple du n** 10
qui est spéciale à ce conjugué.
Cette coïncidence possible du plan axial moyen II,, avec un
plan déviateur llji quelconque, sous la seule réserve que les
conditions minima soient satisfaites, nous conduit à jeter (par
mode de digression) un coup d'œil rétrospectif sur la condi-
tion de coïncidence des plans axiaux II< et Uj eux-mêmes
(YI, n^ 32).
408 l'abbé issalt.
Nous avons trouvé qu'au moment où ces plans n'en font
qu'un, leur équation commune est
Y _ K; + k; _ sinx
X^K, 4-K, sin(<l> — x)'
On en déduit, à Taide du tableau ci-dessus, et sans hypothèse
aucune,
p[ {g + p') -glip-q'-^- 2g cos ^) ^
P'i (Pi- ?1) + îî(?i +Pl — 2PiCOS<l>)
D'autre part, si Ton forme Téquation aux bissectrices des
lignes de courbure
(Si) Pi ds^ 4- (?i + p'i) ds ds' 4- q[ d«'* = 0,
on trouvera, pour celle de ces bissectrices qui fait le plus
1
petit angle co, avec OX, que co, = 5 (x + J'"), ce qui établit
une relation simple entre les trois angles (Op x ^t ^\
En particulier, lorsque X=^' — <^''=a (12), il vient co, = ^>
formule remarquable, mais dont Tapplication physique, s'il en
est, nous échappe complètement.
25. Deuxième transformation. — Il résulte de nos for-
mules préliminaires (i) et (i') que le retournement de deux
composantes horizontales, c'est-à-dire le changement de jp, q
en — p, — q, ou bien celui de p', g' en — p\ — g', entraine
le changement simultané dep„ g, en — p„ — q^, ou dep'„gî
en — p\f — q[f et vice-versa.
Au point de vue géométrique, un tel retournement substitue
— tt>2 à CD2, ou bien — co^ à coâ, de manière à faire passer
(K" devenant négatif) du triangle OAA' du parallélogramme
déviateur (fig. 2) à son adjacent, soit de droite, soit de gauche.
On voit encore que, par le changement de signe qu'elle
entraîne dans les coefficients angulaires des plans n et n^,
l'opération précitée substitue à chacun d'eux son conjugué
harmonique par rapport aux plans X = 0, Y = 0, si les
OPTIQUB GÉOMÉTRIQUE. 409
coordonnées sont obliques^ et son symétrique, si elles sont
rectangulaires.
Quant à la double série des plans axiaux, le retournement
de ces mêmes composantes y produit des modifications plus
profondes, vu que ce sont deux séries tout à fait nouvelles
Tfi et n) qu'on engendre de la sorte.
Ayant le choix d'opérer, dans les premières de ces séries, le
changement de signe sur Tun ou Tautre groupe de compo*
santés, nous conviendrons, pour Tuniformité des calculs, de
le faire porter sur les composantes p', q' etp[y q\f exclmir
vement.
Ceci admis, concevons la présente transformation exécutée
dans le second membre de (65); nous aurons ainsi formé
réquation d'un nouveau plan II^ qu'il y a lieu de comparer au
plan primitif ITf. — Par exemple, on peut se proposer de cher-
cher pour quelles valeurs de i les plans n.* et U\ coïncident?...
En égalant leurs coefficients angulaires, on obtient une
équation du 4""® degré en tg i ou en u, qui se décompose
comme il suit :
(m) (u« + i) (p\u - q') {q[u + f) = 0.
Comparant avec (29), on voit que les valeurs de i cherchées
sont celles qui font coïncider le plan tangent P^, soit avec le
plan Y = 0, soit avec le plan X = 0. Ceci nous rappelle que
c'est le premier de ces cas que nous avons rencontré, au § VIII,
quand nous avons fait de P< le plan primitif de polarisation Ilo.
Un calcul analogue opéré sur les plans de la deuxième série
11/ et n' conduirait à l'équation similaire
(m') (ti« + l) (fu - q[) (î'fi + p[) = 0,
dont les racines, comparées avec (30), donneraient lieu à la
même interprétation.
Il reste à porter dans les équations des plans !!{ et Uj avec
lesquels ni et n] sont actuellement confondus, les couples de
racines des équations (m) et (m'). On n'obtient ainsi que deux
T. I (5« Série). 27
410 l'abbé issalt.
plans distincts qui sont :
Nous les représenterons par !!»,« et !],.§, bien que nous n'ayons
pas à insister davantage sur eux en ce moment. On remar-
quera que leur forme seule peut servir de vérification à nos
calculs^ vu que le retournement des composantes les laisse
intacts^ comme cela devait être, a priori. On constate, du
reste, que les conditions minima rendent ces deux plans iden-
tiques avec le plan n, conformément à ce qui a été vu (n^ 24).
26. Troisième transformation. — Reportons- nous à la
figure (1). On voit immédiatement que substituer p^, q^, par
exemple, à p, q, revient, au facteur constant sin ^ près, à
substituer p, q, à p, g, c'est-à-dire à remplacer les compo-
santes obliques du vecteur Ok ou (ù^ par ses ortho^^ompo-
santes. Le passage inverse de p,, 9i à p, g s'expliquerait d'une
manière analogue à l'aide du trièdre supplémentaire.
Cela étant, nous remarquons que les binômes K, K', K',
comme aussi K^, K^, restent indifférents à une semblable
transformation puisqu'on a, par exemple,
^ = K=p'q'- g'p' =p[q\- q[pl
^ = Ky= p'p\ + q'q\ = p[p' + q[q\
De là cette conséquence importante que la double série des
plans déviateurs et, par suite, l'ellipse déviatrice, sont absolu-
ment indépendants de la transformation qui nous occupe.
Mais supposons qu'il s'agisse des conditions maxima (5) et
des conditions minima (10); on passera bien des unes aux
autres par le simple retournement des composantes p', q' si les
coordonnées sont rectangulaires; mais la permutation des
composantes de même espèce, d'un trièdre à l'autre, s'impose
quand les coordonnées sont obliques. Il y a donc lieu, pour
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 411
préparer et faciliter les calculs subséquents, d'opérer cette
double transformation dans les binômes (63) et (64) qui
deviendront ainsi :
On verra de même que les discriminants fondamentaux (43)
se transforment de la façon suivante :
rfi7^ (-A,., = pg'«-(g-p')pY + ?'A
Comme application, revenons à notre double série de plans
axiaux. Si Ton exprime que le plan II.- ou (65), pris d'abord
tel quel, coïncide avec le plan n, on obtiendra, ainsi que nous
Tavons rappelé, la condition (l) qui est identiquement vérifiée
quand les conditions minima sont satisfaites.
Introduisant maintenant dans Téquation du plan II< les
nouveaux binômes (66), (66'), ..., on. trouvera que, pour que
sous sa nouvelle forme il coïncide avec le conjugué harmO'
nique n' du plan n, il faut avoir
[(? -4- P') tt + (Pi — q[)] (Ai.itt 4- A,.,) = 0,
nouvelle relation qui est identiquement vérifiée lorsqu'on a
p, =g'j et g= — p', c'est-à-dire quand les conditions maxima
ont lieu.
Cet exemple suffit, croyons-nous, pour faire apprécier toute
la portée de ce troisième et dernier ordre de considérations.
X
OénéraUsation de nos principaux résultats. — Clivage continu
des faisceaux de rayons d'espèce quelconque suivant la
double série des plans déviateurs de polarisation.
« ■■ ■
27. Formons, avant tout, comme au début du précédent
paragraphe, le tableau des notations (en partie connues) dont
412 l'abbé ISSALT.
nous aurons à faire usage. Et d^abord nous poserons
(68) r=t + i', r=j+j\
en convenant, comme par le passé, que j = i ± j' Nous
ferons ensuite
(69) i ?;co8.;-PÎsini = rf, ( î'sini4.pîco8i = ,;,
' ^ { q[smt -h p cosi = tj^ ^ ( îï cosi — p' sm i = ç,
n(\\ I K cosi'— KySÎnt' = K,', ( K sini'4-KyC08î'=K/,
^ ^ ( K^sini'-f-K'cos •'=£;., ^^^ ( KyCOsi'-K'sini'=ig;.
On prévoit déjà par ceci que, laissant de côté les plans
axiaux, nous aurons principalement à faire intervenir dans ce
qui suit la double série des plans tangents aux divers cônes
de Malus et celles des plans déviateurs.
28. I. Faisceanx dioptiques directs. — Pour être complets,
il est nécessaire que nous reprenions en sous-œuvre cette
question insuffisamment traitée dans notre précédent Mémoire,
eu égard aux nouveaux éléments dont nous disposons.
1° Soit donc
(71) /; = k;.x-r.y = o,
la directrice plane du faisceau. C'est la trace horizontale du
plan déviateur moyen IT... Il faut y substituer, à la place de X et
de Y, les expressions (VI, n° 29) de ces variables en fonction
de Tangle i, celles-là mêmes qui ont été établies jadis pour les
faisceaux directs, puis tenir compte dans le résultat de ce
que, d'après (68), on a i = i' — i\ On obtiendra ainsi le para-
boloïde hyperbolique
(72) K' («J5 - tWi) î — (K; Ç - K.. y;) = 0.
Son plan directeur est le plan tangent P.,, d'obliquité i"; d'où
Ton voit, chose bien remarquable à notre avis, que, partis
dans (71) de l'angle i', nous arrivons, par l'intermédiaire
dei, à exprimer intégralement les coefficients de ce même plan
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 413
en fonction de i + V ou de i\ qui est l'obliquité caractéris-
tique du plan P^.
Quant au plan tangent à l'origine, c'est le plan II» lui-même.
Pour qu'il coïncide avec P,, il faut avoir ^ = -^ = H, ce qui
nous ramène (au double accent près) à la formule fondamen-
tale de la polarisation chromatique (58), pour le cas où l'on
a 6 = 0.
Lorsque la condition précédent^ est vérifiée, le parabololde
ci-dessus se réduit à
(«J5 - tW;) (K'Ç - H) = 0.
Ce sont deux plans sécants orthogonaux, l'un horizontal,
l'autre vertical.
2^ Prenons maintenant pour directrice
(73) /; = k;x-i-k,.y = o,
c'est-à-dire la trace du plan déviateur complémentaire H.. En
y faisant les mêmes substitutions que dans le cas précédent,
on trouvera le nouveau paraboloïde
(74) K' (a;ç + !;;.,)!: 4- (k;ç -h K,,ï,) = o,
analogue à (72), et qui donne lieu aux mêmes remarques.
Tous deux, du reste, sont compris entre des paraboloïdes
similaires (VI, n^ 29) qu'il nous eût été facile de calculer pour
les plans conjugués-limites n et 11^. La propriété relative à
ceux-ci, se trouvant applicable aux plans conjugués quelcon-
ques n.. et Uyy acquiert par là-même le plus haut degré de
généralisation que la question puisse comporter.
29. n. — Faisceaux dioptiques inverses, — \^ Notre direc-
trice plane sera la trace horizontale du plan tangent P^, savoir :
(76) /; = «;ç-f.;Yi = o.
Mettant dans cette équation les valeurs (26) ci-dessus, correspon-
dantes à ce second genre de faisceaux, on arrive au paraboloïde
«
(76) K* (K;.X — Ki-Y) Z + (»;X - fJY) sin** = 0,
414 L^BBÊ ISSALT.
Comparé à (72), on voit que les plans P^ et n^. s'y trouvent
permutés. On remarque^ en outre, que, partis dans (75) de
Tangle i\ naus sommes parvenus, en passant pari, à exprimer
les coefficients du plan directeur vertical de ce paraboloïde en
fonction de i' — i ou de t' (68).
2^ Soit actuellement
(77) , /;=«;ç + f,^ = o
la trace du plan P^. Un calcul du même genre conduit au
paraboloïde
(78) K' (ig;x + K^. Y) Z + (<;X + îîY) sin*<^ = 0,
qui est manifestement le corrélatif de (76).
30. III. — Relations homographiques. — 1® Nous avons
vu (VI, n^ 30) qu'étant donnée la relation homographique
(79) (Pitt— J) 4- (piti— g') l^-*-(îitt + P) v< -+-(?;« + p')piiVi=0,
particulière à la trace horizontale du cône moyen C.- de Malus,
Si Sj
si Ton y fait v,- égal à ~ * puis à — t; » on obtient pour valeurs
correspondantes de (jl; les coefficients angulaires ^et — U des
deux plans-limites de polarisation n et JI^.
Il ne sera pas sans intérêt de se demander, avec les
ressources nouvelles dont nous disposons, de quelle manière
se fait la transition de Tun à Tautre plan. Est-ce, à nouveau,
par la double série de plans dé\iateurs, ou non?
Pour le voir, tirons de (79) la valeur de v^ et formons, à
son aide, ce qu'on pourrait nommer le plan général (moyen)
d'homographie |l<, savoir :
^^^ X"'* sin(<^-6,)"" (?itt + P)+(î;w + P')l**
L'azimut de ce plan se trouvant ainsi désigné implicitement
par Ci, cherchons la valeur de l'angle Ç< — a< ou Ç^ — ^' -h i
que |lj fait avec le plan tancent P<^ de mêmç oblic|uité cjue lui.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 415
En appelant ^^ cet angle, on trouve
(81) ^^' = v'Zk^'
Cette formule, à laquelle il faut associer cette autre :
sinçf
sin (O — Çi)
%
résoud évidemment la question puisque, pour 3<=0 oud<= ^
elle nous fournit les coefficients angulaires des plans-limites n
et n^ ; d*où Ton voit que, même en coordonnées rectangulaires,
elle n'implique, en aucune façon, la double série des plans
déviateurs.
(a). Il est remarquable que, lorsque les conditions maxima
ou minima sont remplies, la valeur de 5^ prenne Tune ou
Tautre des formes
5, qp ç, = IF a = 4; — ^|;\
lesquelles, simplifiées, se réduisent à
(81') Ç,q:ç,=:*-f,
Tobliquité i pouvant varier de zéro à ^ -
(P). Lorsque K' = 0, on trouve tg^^=z^9 à moins que
Ton n'ait ç, = ç„ (n® 4), cas pour lequel A est indéterminé.
Notons enfin que la relation homographique propre à la
trace du cône C,, savoir :
(82) (jtt+Pi)4-(}'tt-+-p;)|i, — (pu — jjvjr— (p'ii— ?;)iA^v^=0,
conduirait à des résultats analogues, qu'on peut, du reste,
écrire immédiatement, en ajoutant ± ^ aux angles de ceux
déjà obtenus.
2^ Les calculs qui précèdent eussent, en partie, sans doute,
pu prendre place dans notre 6® Mémoire. En voici qui relèvent
çxclusivçinçnt du uQuvçau,
416 L^BBÊ ISSALY.
si
(a). Reprenons la relation (79). Si Ton y fait v,= -71 trace
•<*
du plan Pir, on trouvera que [Li = ~->. trace de 11^.. De même»
pour vi = — -7» trace du plan P,, il vient iu= — ^^ trace
de riy. Ainsi, partant, dans les deux cas, de Tangle i, nous
arrivons, ici encore, par l'interniédiaire de %', c'est-à-dire de
i + r (68), à exprimer les coefficients angulaires de n,. et
de n^ au moyen de leur obliquité caractéristique i',
(^). Considérons, en second lieu, la relation (83). Pour
V; = — -4^ on vérifie que oi prend la valeur — s^ » et, pareille-
s K"
ment, pour v^ = -^, on a u^ = =p- Ce sont encore nos plans
conjugués que nous voyons réapparaître, et cela dans des
conditions de réciprocité absolue.
On remarquera que ces dernières propriétés sont tout à fait
générales. Le lecteur pourra examiner lui-même comment
elles se simplifient lorsqu'on passe aux conditions maxima ou
minima, ou encore au cas de K' = 0.
31. IV. — Clivage continu des faisceaux de rayons d'es-
pèce quelconque. — Notre marche dans cette dernière question
sera la même que celle que nous avons suivie (V, n^ 32) pour
le clivage particulier de ces rayons dans le premier plan de
polarisation n.
A cet effet, écrivons, avant tout, sous la forme suivante, la
trace horizontale du cône moyen C de Malus (n^ 7) :
^^ Xsin(<1>-«) — Ysint~Xsint-+-Ysiu(<1>-M)~" K'Ç "
1"" Si Ton multiplie les deux termes du premier rapport
par s\ et ceux du second par t|r, on en déduira sans peine^
équivalemment, .
(84) KiX-K^ sin:*.
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 417
Faisant i^ = Z, ce qui est permis^ il vient
K' (KiX — K, Y) Z -f- (<JX — ft Y) sJn* ^ = 0.
C'est précisénient le paraboloYde (76) obtenu par une autre
méthode.
Y K*
En particulier, pour « = ^ on a ; = oo, pourvu que K' ne
soit pas nul. Donc, d'après les considérations développées au
lieu précité, ce n'est pas seulement le plan II qui est un plan
de clivage pour les rayons de toute nature, mais tout plan n^r
défini par la normale OZ, et Tune quelconque des arêtes du
cône déviateur (55) ou (55') est susceptible de le devenir à
son tour par la seule variation continue de î'.
2^ Multiplions maintenant par ^j les deux termes du premier
rapport (83), et par Ç ceux du second. On en tirera sans peine
le nouveau rapport équivalent
K>X4-K,Y_ sin*^
et, par suite, pour ^ = Z, le paraboloïde hyperbolique
K' (K;X + K/Y) Z + («;;X -f- ^Y) sin*<^ = 0,
qui ne diffère pas du paraboloïde (78).
En substituant à la trace du cône C^ celle du cône Q qu'on
peut écrire
Xco8(<1>— O-f-Ycost Xco8i-f-Ycos(<t>4-i)"" K"!; '
et procédant comme nous venons de le faire, on retomberait
sur les rapports (84) et (85) dont on aurait permuté les déno-
minateurs. Il n'y a donc pas lieu de nous y arrêter davantage.
418 l'abbê issaly.
NOTE sur les deux obliquités polarisatrices
mazima et minima.
Il résulte des formules (h) du n^ 23 que, lorsque Tangle 0 du
plan tangent P< et du plan déviateur n»*, est nul (notamment),
ces deux obliquités ont pour expression
Introduites dans les formules (62') relatives à la polarisation
chromatique, elles leur font prendre la forme
^ ^ ( a« =pi« sin«i^»'^ 4- ql* 8in« f^.
Cela posé, pour prévenir Tobjection que si cette introduction
simultanée des deux obliquités dans une même formule est
assurément permise, elle n'en parait pas moins artificielle et
gratuite, nous allons établir qu*à Tinstar des directions maxima
et minima des axes de figure de toute conique, ces deux obli*
quités peuvent être obtenues, en même temps, comme racines
d'une même équation du second degré, ce qui prouvera bien
que leur simultanéité n'a rien de factice.
A cet effet, remontons aux tangentes des lignes pseudo-
conjuguées minima (il) et 11'). On a vu qu'elles forment,
pour toute valeur de i, deux couples de directions orthogonales
et, de plus, que chacun de ces couples constitue le système des
bissectrices de l'autre.
Pour préciser, prenons le couple (11) et comparons l'une
quelconque de ces deux directions à l'une ou à l'autre des
traces horizontales des plans tangents F,- et P/ qui sont, elles
aussi, orthogonales entre elles.
Pien (|ue, par son origine n^éme, le système (b) pût qou9
OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE. 419
autoriser à n'employer que des coordonnées rectangulaires,
nous préférons adopter, ici encore, pour plus de généralité,
les coordonnées obliques. C'est pourquoi, entre les deux direc-
tions indiquées, nous poserons la condition générale de coïn-
cidence
?itgt-*-p' îîtgt+p'
utilisant les relations connues
Ky=p'p[ + q'q[ = p[p' -f- q[q\
on en déduit Téquation résultante
(c') K« ?;« - P) lg« • -h îa>;« fq[ Ig 1 4- KV - P)=0,
dont les racines devront, conséquemment, être vérifiées.
En substituant le plan P> au plan P|, on trouverait
{€') Wp' - ^) Ig* i - îoii'p Vt tg i + (a>5 qV - JTJ) = 0 ;
mais comme, dans les deux cas, les calculs sont analogues et
les résultats identiques (à Tinterversion des racines près), nous
pouvons nous borner au premier.
De (c') on tire donc, eu égard aux conditions minima (10),
La première racine, débarrassée du facteur - — , . — > qui est
égal à Tunité, revient à tg i = tg (2 4*' — ^' — ^) ; et comme
on a présentement ^ = ^ — ^(n^3), on en déduit < =2 4*' — 'j^,
valeur qui vérifie Téquation (c) pourvu qu'on prenne devant le
radical le signe + ou le signe — , selon que c'est le plan P< ou
le plan Py qui figure par son coefficient angulaire dans le second
membre.
Quant à la deuxième racine, si Ton y supprime haut et bas
le facteur commun
[«;?'• - ip'iPig; - (?; - «/>; ces ^) ?;•],
420 l'abbé issaly.
qui sert aussi de dénominateur à la première, elle se réduit à
tg< = -^=tg(4'-*).
Il s'ensuit que, selon que les conditions minima ou maxima
sont satisfaites, on a î = ^^ — 2 <E», ou bien î = ^.
En nous attachant ici à ce second cas (tous deux vérifient
réquation initiale), on a donc pour solutions t = i^^ et i = i^\
ce qui démontre la propriété' annoncée.
Terminons par une remarque. Si, aux coefficients angu-
laires des plans P< et P> que nous avons successivement intro*
duits dans le second membre de (c), on substituait tour à tour
ceux des plans IT,^ et n^ , où Ton aurait toutefois remplacé
i' par — i', Téquation, du second degré encore, à laquelle on
parviendrait, après avoir changé i en i' dans le premier
membre, donnerait à nouveau pour racines les deux mêmes
obliquités polarisatrices, avec cette seule particularité que la
première aurait changé de signe. '
EMPOISONNEMENT SPONTANÉ
DES PLANTES AQUATIQUES
PAR LES EAUX DU LABORATOIRE DE BOTANIQUE
PAR H. H. DEVAUX
MAITM DB COHrtfKHICIS A U FACULTÉ DIS SCIIHCIS DB BOftDlAUX
Dépérissement des plantes placées en eau renouvelée. —
J\ai entrepris depuis longtemps des recherches sur les échanges
gazeux des plantes aquatiques submergées. Dans le but de
déterminer quelle est Tinfluence de la pression hydraulique sur
l'atmosphère interne de ces plantes^ j'avais monté un appareil
assez simple^ que je me dispenserai de décrire en détail.
Disons seulement qu'il Consistait essentiellement en quatre
éprouvettes à pied de 300 centimètres cubes environ^ conte-
nant les plantes étudiées (Elodea canadensis, Ceratophyllum,
Lemna trisulca) . Un système de tuyaux munis de robinets et
reliés aux conduites d'eau du laboratoire établissait un courant
d'eau constant, mais lent (environ 3 litres à l'heure) dans deux
des éprouvettes : pour l'une, l'eau était comprimée à 400 milli-
mètres de mercure ; pour l'autre, elle ne l'était pas. Les deux
autres éprouvettes étaient en relation avec les précédentes :
les pressions y étaient semblables, mais l'eau ne s'y renou-
velait pas. Il y avait donc en expérience :
i . Un lot de plantes en eau stagnante i ,
n TT 1 A j 1 « 1 - s « 1^ pression atmosphérique.
2. Un lot de plantes en eau renouvelée f r ^
3. Un lot de plantes en eau stagnante ( à la pression atmosphérique aug-
4. Un lot de plantes en eau renouvelée ) méntée de 400°^°* de mercure.
kVi H. DBVAUX.
Les quatre éprouvettes contenant ced plantes furent placées
côte à côte à une lumière vive devant une fenêtre le 21 janvier
1895, et le courant d'eau immédiatement établi.
Les plantes parurent s'accommoder parfaiteroeot de ces
conditions durant les premiers jours. Mais au bout d'une
quinzaine de jours j'observai une différence manifeste entre
les lots mis en expérience. Dans deux éprouvettes les plantes
paraissaient dépérir, elles prenaient une teinte brunâtre.
Je crus d'abord qu'il s'agissait des plantes placées en eau
comprimée, c'est-à^lire que la compression entravait la vie
des plantes, mais je vis de suite que c'était non la compression
qui était en cause, mais le renouvellement de l'eau : seules les
plantes des éprouvettes m^ 2 et 4 dépérissaient ainsi ; celles
des autres éprouvettes, avec eau stagnante, étaient en bon état.
A priori, on eût pensé le contraire : la stagnation de Teau
paraissant devoir être plutôt défavorable à la vie des plantes
que son renouvellement.
L'expérience fut prolongée jusqu'au iO avril 1895.
A cette époque, les différences s'étaient beaucoup accentuées.
Les éprouvettes à eau renouvelée contenaient surtout des
débris de plantes, avec quelques tronçons encore un peu verts,
mais en train de dépérir; la masse avait une teinte brunâtre
peu foncée. En eau stagnante on voyait aussi des débris en
quantité notable, mais les parties vertes étaient bien plus
abondantes et de grandes dimensions ; et cela dans les deux
éprouvettes, en eau comprimée ou non comprimée.
Examen des plantes. — A l'ouverture des récipients, je
trouvai qu'un assez grand nombre de parasites animaux avaient
envahi toutes les plantes, surtout dans le voisinage des points
végétatifs. C'étaient de petits nématodes. Je pensai tout
d'abord que c'était eux qu'il fallait accuser. Mais un examen
attentif ne tarda pas à me démontrer qu'ils étaient également
abondants dans toutes les éprouvettes, aussi bien dans celles
à eau stagnante que dans celles à eau courante. Ils avaient
BMPOtSOHNBMBNT WS t^LANTBS. 423
donc dû agir également sur tous les sujets, et une autr^ cause
nocive avait dû agir spécialement sur les plantes placées en
eau renouvelée.
L'examen microscopique des plantes n'apporte guère de
renseignements nouveaux. Les plantes en eau courante ne
présentent plus que des tronçons de tige vivants, avec quelques
feuilles en train de dépérir, surtout à la base. La chlorophylle
est devenue brune, en grains plus petits dans les parties
mortes. Dans les autres, elle est verte, et Ton peut observer
nettement le mouvement du protoplasma dans les cellules de
VElodea. La mortification des feuilles commence par le som-
met et gagne peu à peu vers la base; celle des tiges commence
à la base et gagne vers le sommet.
Mais toutes ces modifications s'observent aussi sur les
plantes placées en eau stagnante, avec cette seule différence
que les parties vertes et vivantes sont beaucoup plus abon-
dantes, les tiges de dimensions plus considérables et les feuilles
vertes beaucoup plus nombreuses.
Il résulte de Texamen microscopique, que le dépérissement
spécial qui frappait la moitié des plantes se produisait sans
laisser aucune lésion apparente sur celles-ci. Je songeai, dès
lors, à un empoisonnement. L'eau s'écoulait par des conduites
de plomb ; elle contenait peut-être ce métal en dissolution, et
les plantes étaient empoisonnées par lui. La chose était d'au-
tant plus plausible que cette eau circulait très lentement dans
les conduites, ce qui lui permettait d'attaquer et de dissoudre
les parois de ces conduites, si elles étaient susceptibles d'être
attaquées. II sufBsait dès lors de chercher si l'eau qui arrivait
aux plantes contenait du plomb.
Recherche du plomb dans Veau. — En traitant un litre de
cette eau par une ou deux gouttes de sulfhydrate d'ammo-
niaque, elle prend une coloration brune légère, mais bien
manifeste. On voit surtout bien cette coloration quand le
vase est placé à cdté d'un autre vase semblable sur une
424 H. DEVAUX.
feuille de papier blanc et qu'on compare leurs teintes relatives.
La même chose se produit par un courant d'hydrogène sulfuré
en liqueur acidulée.
La présence d'un métal lourd, précipitant en noir par l'hydro-
gène sulfuré, était désormais bien probable; mais ce métal
n'existait dans l'eau qu'à l'état de traces.
Pour déterminer la nature de ce métal, en acquérant la
certitude de sa présence, il fallait agir sur de grandes quantités
de matière. La recherche faite sur des proportions variant
entre 10 et 25 litres d'eau, réduits par évaporation, ne laissa
aucun doute sur l'existence du plomb en dissolution. Le métal
fut caractérisé par ses principales réactions. Aucun autre métal
voisin n'y existait.
Ce plomb était alors l'unique cause probable du dépéris-
sement constaté sur les plantes ; elles subissaient un empoison*
nement chronique de la part du liquide qui les baignait.
Recherche du plomb dans les plantes, — Il s'agissait dès
lors de chercher à retrouver le plomb dans les plantes elles-
mêmes. A cet effet, j'ai eu l'idée de traiter directement ces
plantes par l'hydrogène sulfuré. L'effet fut des plus concluants.
Il fut particulièrement net pour les Lemna trisulca. Aussitôt
qu'on fait agir l'hydrogène sulfuré, une coloration brune ou
entièrement noire apparaît dans certaines régions de la plante,
surtout dans les racines. Cette coloration ne disparait pas
quand on acidulé la liqueur; elle ne peut être due qu'à du
plomb. Toutefois, il ne m'a pas été possible de révéler ce métal
fixé sur la plante, par ses autres réactions. Gela n'est pas
étonnant, la proportion en était vraiment trop faible, et il aurait
fallu pouvoir agir sur les cendres d'une quantité de plantes
beaucoup plus forte que celle que j'avais à ma dispostion.
L'examen des régions noircies est intéressant. A l'œil nu, on
voit que ce sont uniquement les portions âgées des racines qui
sont plombifères. Le point végétatif, sur une longueur de
plusieurs millimètres, est absolument indemne. Ceci semble
EMPOISONNEMENT DES PLANTES. US
indiquer que Tabsorption est faible ou nulle dans cette région »
ou du moins que le plomb n'a pas eu le temps de s'y amasser
en quantité notable. Du reste^ on retrouve la même chose dans
les autres plantes^ non seulement pour les racines, mais aussi
pour les tiges et les feuilles. Le plomb, indiqué par la colo-
ration brune ou noire que prennent certaines régions par H^S,
est fixé sur les parties âgées dès organes, parties ordinaire-
ment mortes et injectées par Peau ; les parties jeunes en sont
dépourvues en totalité.
L'examen microscopique n'a pas permis de déceler avec
plus de précision la localisation du poison. Je me propose,
du reste, de continuer mes recherches de ce côté.
Proportion du plomb dans Veau. — La recherche quali-
tative du plomb dans l'eau où vivaient les plantes avait montré
que ce métal n'existait dans cette eau qu'à l'état de traces;
car l'eau ne prenait par H*S qu'une teinte brunâtre faible.
Il était d'autant plus intéressant de voir les plantes saisir ces
traces de métal- poison et les fixer dans leurs tissus. J'ai
cherché à doser le plomb dans cette eau. Et du moment
qu'aucun autre métal précipitant en noir par H^S n'existait
dans le liquide, je pouvais essayer un procédé colorimétrique
pour ce dosage.
7 litres d'eau furent évaporés et réduits à 350 grammes,
soit à i/20^. Ce résidu, traité par H'S en liqueur acidulée à
l'acide acétique, donna un trouble brun noirâtre assez foncé.
Sur le même volume d'eau ordinaire (^), saturée d'hydrogène
sulfuré, il fallut ajouter 30 centimètres cubes d'une solution
d'acétate de plomb à i/1 0,000'' pour avoir une teinte et un
trouble à peu près semblables à celui de la solution étudiée.
(I) J'ai employé de Teaa ordinaire, parce que Teau distillée livrée aa laboratoire
8e colore beaucoup plus par }VS que Teau ordinaire. Elle contient soit du cuivre,
soit du plomb. Mais j^indique plus loin un procédé spécial qui me permit d'obtenir
très Tacilement, à Taide des plantes, une eau absolument dépourvue de tout
métal précipitant en noir par H'S.
T. I ©• Séi ie). 28
426 H. DEVAUX.
J*admets qu'alors il y avait autant de plomb dans cette deuxième
que dans la solution titrée. Celle-ci étant à 1/10,000®, contenait
3 milligrammes d'acétate de plomb. On peut donc admettre
qu'il y avait 3 milligrammes de plomb (compté comme acétate)
dans les 350 grammes représentant 7 litres d'eau naturelle.
Ceci correspond à 3/7®= o«*ui«'.^4 pap litre. C'est un poids de
plomb métallique d'environ 0"*^-,2 à 0-^"'-,3.
L'eau qui s'écoulait des conduites et passait sur les plantes
contenait donc en dissolution 0,2 à 0,3 millionièmes de plomb
dissous.
D'autres essais analogues confirmèrent ce résultat. Et je pus
même arriver bientôt à doser le plomb directement dans l'eau
du laboratoire, telle qu'elle s'écoule des tuyaux.
En regardant en effet le tube dans son axe, au-dessus d'un
papier blanc, on voit nettement la différence de teinte qu'il
présente avec un tube exactement semblable, rempli au même
niveau d'une liqueur titrée en plomb, l'une et l'autre après
l'action de l'hydrogène sulfuré.
On arrive très vite, par tâtonnements, à obtenir des liqueurs
plombiques titrées donnant par H^S exactement la même
teinte que l'eau du laboratoire. Je trouve ainsi que lorsque
l'eau s'écoule très lentement à travers les tuyaux, c'est-à-dire
à raison de 2 à 3 litres à l'heure, elle contient 0,33 millio-
nièmes de plomb (compté comme métallique) — quand elle
coule un peu plus vite, elle en contient 0,26 millionièmes. —
Enfin, l'eau coulant à plein robinet (370 litres à l'heure) en
contient encore 0,13 millionièmes. Ces différences indiquent
que le plomb n'existe probablement pas dans les grandes
conduites d'eau de la ville; il provient vraisemblablement d'une
attaque des tuyaux de plomb du laboratoire (^).
0) De nombreux auteurs se sont préoccupés de Timportante question de la
solubilité du plomb dans Veau potable, surtout vers 1873. Je citerai surtout
Dumas, Bertrand, Fordos, de Laval, A. Bobierre, Champouillon, Marais, Baland,
Is. Pierre, Besnon, Mayençon et Bergeret, dont les travaux ont paru dans les
Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1873 et 1874, t. LXXVII et LXXVIII.
L*eau distillée aérée attaque fortement le plomb. Les eaux naturelles, c*est-à-dire
EMPOISONNEMENT DES PLANTES. 427
«
Ces proportions^ quoique très faibles, sont sensibles. Elles
représentent 0,1 à 0,3 milligrammes par litre. Et la constance
des résultats me permet d'affirmer Texactitude de ces chiffres,
au moins pour la première décimale, c'est-à-dire que Veau
coulant des robinets contient certainement de 0,1 à 0,3 mil-
lionièmes de plonib, selon la vitesse d'écoulement.
Doses limites du plomb comme poison. — Quoique le
poison soit si considérablement dilué, il suffit cependant pour
empoisonner peu à peu les plantes aquatiques, en les faisant
lentement dépérir. Il est vrai que Teau était constamment
renouvelée, c'est-à-dire qu'elle gardait sa proportion constante
de plomb dissous malgré la ûxation continuelle de ce métal
par les plantes.
Raulin(*) a trouvé qu'il suffit de 4/1, 600,000* de nitrate
d'argent dans une liqueur pour empêcher la végétation du
Sterigmatocyslis niger; ce qui correspond à 0,4 millioniè-
mes d'argent métallique : telle est la dose poison de l'argent
pour cette plante. Avec le plomb, la dose poison est voisine,
un peu moindre encore, environ 0,3 millionièmes pour les
plantes aquatiques étudiées. C'est, à ma connaissance, la plus
faible dose de substance qu'on ait indiqué comme suffisante
pour empoisonner les plantes. C'est, du reste, une dose très
voisine de la précédente, et il est intéressant de voir que les
doses limites de ces poisons sont aussi rapprochées.
Lenteur de V empoisonnement. — Un autre fait, particuliè-
rement remarquable, est la lenteur de l'empoisonnement. Il
contenant des sels, Tattaquent à peine, surtout si ces eaux sont calcaires ou
sélénitenses (Mayençon et Bergeret). C'est ainsi que Teau qui a séjourné dans les
conduites de plomb contient ce métal en proportions sensibles (Fordos).
Les meilleurs moyens de déceler le plomb sont Tacide sulfhydrique (Marais) et
Félectrolyse (Mayençon et Bergeret). J*ai employé surtout le premier procédé;
mais des recherches confirmatives, faites sur de grandes quantités d*eau et par la
méthode électrolytique, ont permis de reconnaître que la méthode colorimétrique
par rhydrogène sulfuré donnait des résultats très suffisamment exacts.
iS) Raulin, Éiudeê chimiques sur la végétation (Ann. des Se, naturelles
5* séiie, t. XI, p. 289).
428 II. DEVAUX.
s'agit^ non pas d'une action brusque et violente, mais d'un
empoisonnement progressif, contre lequel lutte la plante,
comme Tindiquent la persistance de la vie pendant plus d'un
mois de séjour dans cette eau et Tabsence de poison dans les
points végétatifs.
La proportion de 0,2 à 0,3 millionièmes, où ce métal se
trouve naturellement dans Teau qui s'écoule des conduites,
représente donc la dose limite du plomb comme poison de ces
plantes. Mais ceci n'est vrai que pour les conditions expérimen-
tales où elles se trouvaient; si les autres conditions eussent
été plus favorables, la résistance de ces plantes eût été proba-
blement plus grande; les animaux qui rongeaient ces plantes
(sans du reste paraître incommodés par le plomb) concouraient
avec le poison pour entraver la végétation.
11 serait, je crois, particulièrement intéressant d'étudier de
près Tempoisonnement lent des plantes afm de mieux connaître
le mécanisme intime des phénomènes qui arrêtent la vie.
Absorption du plomb. — Du moment que le plomb est
absorbé par les plantes en expérience, on doit trouver moins
de plomb dans l'eau qui sort de l'appareil après avoir baigné
les plantes ; c'est ce qui semble avoir lieu en effet. Cette eau
ne se colore plus que très faiblement par H'S, beaucoup moins
que celle que l'on recueille sans la faire passer sur les plantes.
Dans une expérience il fallut ajouter à 500 centimètres cubes
de la première eau, à peine colorée par H*S, i^H d'une solution
d'acétate de plomb à i/1 0,000'' pour obtenir exactement la* même
teinte que celle de 500 centimètres cubes de la deuxième eau.
Le passage sur les plantes se manifestait donc par une perte
de 0,22 milligrammes par litre, ou 0,22 millionièmes de
plomb compté comme acétate, ou 0,14 millionièmes de plomb
métallique. La moitié seulement du plomb de l'eau avait donc
été absorbée. Ceci n'est pas étonnant si l'on songe que les
plantes absorbaient ce métal depuis le 2i janvier, c'est-à-dire
depuis 40 jours. Elles avaient dû acquérir une certaine satu-
EMPOISONNEMENT DES PLANTES. 420
ration. Mais alors, des plantes neuves^ placées depuis longtemps
dans Teau du laboratoire^ devaient avoir absorbé la totalité du
plomb de cette eau depuis longtemps. C'est ce que j'ai observé
en effet. L'eau est puisée directement dans les cristallisoirs où
végètent depuis quinze jours environ des plantes aquatiques
diverses (Ceratophyllumj Elodea, Potamogeton, Chara,eic.).
Cette eau présente une teinte très légère^ brunâtre^ due aux
matières humiques dissoutes. J'en mets 500 centimètres cubes
dans deux vases de Bohème^ toujours posés sur une feuille do
papier blanc, et je fais passer un courant d'H^S dans l'un des
échantillons. La teinte n'augmente absolument pas, elle reste
identique dans les deux vases. Il n'y a donc pas trace de
plomb dans Veau qui a séjourné au contact des plantes aqua-
tiques. La même chose doit se trouver dans les eaux naturelles,
mais je n'ai fait aucun essai à ce sujet.
Vitesse d'absorption du plomb. — - Avec quelle vitesse le
plomb est-il absorbé? Pour résoudre cette question, je place
des plantes aquatiques nouvelles et vigoureuses (Lemna tri-
sulca) dans une allonge de 500 centimètres cubes en verre,
maintenue verticalement par un support. Le. paquet de plantes
pèse, légèrement pressé, mais humide, 12 grammes. L'ouver-
ture inférieure de l'allonge est à demi-fermée et placée au-
dessus d'un vase de Bohême destiné à recevoir l'eau filtrée
sur les plantes.
1^ — 500 grammes d'eau ordinaire sont versés par le haut et
s'écoulent en une minute dans le vase inférieur. L'eau qui
s'écotile ne se colore plus du tout par H*S. Les Lemna ont
enlevé tout le plomb. Pour lui donner une coloration équiva-
lente à celle que prend l'eau non passée sur les plantes, il faut
lui ajouter 2°^5 de la solution plombique à 1/10,000®. Ce qui
correspond à 0,33 millionièmes de plomb métallique. II a
donc suffi d'une minute pour absorber la totalité du plomb;
autrement dit l'absorption est à peu près instantanée.
L'expérience plusieurs, fois répétée donne le même résultat.
430 H. DBYAUX.
go — }'avais reconnu déjà que Teau distillée, livrée au labo-
ratoire> se colorait notablement en brun par H*S. Elle contient
du plomb ou du cuivre. Après qu'elle a passé sur les plantes
précédentes dans rallonge, aussi vite que précédemment, elle
ne se colore plus du tout par Thydrogène sulfuré.
Les plantes aquatiques essayées enlèvent donc très vite aux
solutions plombiques très diluées les traces de métal qu'elles
contiennent. C'est par ce procédé, qui me paraît particulière-
ment commode, que je me procurai désormais des eaux, natu-
relles ou distillées, ne prenant aucune coloration par H^S. Ce
liquide était ensuite additionné d'un volume déterminé d'une
solution plombique titrée; de la sorte j'étais certain que la
coloration obtenue ensuite était uniquement due au plomb
ajouté. En préparant ainsi des solutions titrées à 2, 3, 5 dix-
millionièmes d'acétate de plomb, je vis que l'absorption
complète était aussi instantanée que précédemment; mais
quand la solution plombique n'est plus si diluée que dans les
cas précédents, l'absorption est moins rapide.
Dans une solution artificielle à S millionièmes d'acétate de
plomb on trouva encore du plomb après son passage sur les
plantes mêmes quand ce passage fut ralenti |à dessein de
manière à durer 7 minutes. Les deux cinquièmes seulement
du plomb furent absorbés. Mais ceci tenait aussi à ce que
plusieurs litres d'eau ordinaire, plombifère, avaient passé sur
les plantes et leur avaient cédé leur plomb.
Lieu de Vabsorption. — J'ai traité par l'hydrodène sulfuré
un petit échantillon de ces Lemna trisulca qui avaient ainsi
rapidement absorbé du plomb. II a été possible de constater
alors manifestement sur plusieurs racines une coloration plus
ou moins foncée. C'était là que le plomb avait été principale-
ment fixé. Il est intéressant de voir que le pouvoir d'absorption
se trouve localisé dans la racine chez les plantes aquatiques,
comme chez les plantes aériennes.
Résumé et conséquences, — La recherche attentive de la
EMPOISONNEMENT DES PLANTES. 431
cause qui pouvait amener le dépérissement des plantes aqua-
tiques placées dans une eau renouvelée, a donc montré qu'il
s'agissait d'un empoisonnement par le plomb. L'eau attaquait
légèrement les conduites, et contenait une très minime portion
de plomb dissous, 1 à 3 dix-millionièmes. Malgré la petitesse
de cette dose, les plantes y ont été sensibles, et l'ont manifesté
en dépérissant lentement. Le plomb se trouve fixé dans leurs
tissus, principalement sur les réglons âgées des racines. Des
recherches^ secondaires, faites sur des plantes nouvelles, ont
montré que l'absorption du plomb par la plante est instantanée
quand la solution est très diluée, c'est-à-dire quand elle contient
moins de 1 millionième de plomb.
Quelques conséquences intéressantes paraissent se dégager
de ces observations.
D'abord, il est au moins curieux que ce soient de simples
plantes, ordinairement vigoureuses et peu exigeantes, qui aient
révélé l'altération de l'eau des conduites d'une ville par du
plomb. Il y a là une surprise analogue à celle qu'éprouva
Raulin quand il essaya de cultiver le Sterigmatocystis niger
dans des vases d'argent, et que, n'ayant pu y réussir, il dut en
conclure que l'argent était attaqué par le liquide de culture.
VAspergillus servait ainsi de réactif pour une proportion
d'argent dissous infinitésimale, tellement faible que les réactifs
ordinaires ne pouvaient le déceler (^). Les Lemna et autres
plantes que j'ai étudiées ont aussi, par leur mort, servi de
réactifs indiquant l'existence d'un poison très dilué. Nous
avons ici une nouvelle application de l'analyse chimique des
milieux par les plantes. Mais il y a plus. Les plantes fixant
ainsi certaines substances très diluées pourront sans doute
servir aux chimistes pour retirer rapidement d'une grande
masse liquide les traces de substances absorbables, que cette
masse contient.
Au point de vue de la physiologie, il semble bien préférable
(*) Raulin, loc, cit,, p. 293,
432 H. DBVAUX.
d*étudier Taction du poison très dilués que celle des poisons
en doses massives» comme on le fait trop souvent. La lutte
dure beaucoup plus longtemps» il doit être possible d'en
étudier les phases et le mécanisme avec plus de précision.
Il y aurait donc lieu de faire cette étude plus en détail sur
d'autres plantes» et avec d'autres substances. J'ai commencé
cette étude» et j'espère pouvoir donner bientôt le résultat de
mes recherches dans un mémoire plus complet que cette note
ou j'ai cru pouvoir négliger l'historique de la question.
Conclusions. — Cinq conclusions principales me semblent
ressortir de ce qui précède :
1^ iZ suffit d^une proportion très faible de plomb dans
Veau qui baigne les plantes aquatiques pour rendre ces
plantes malades et les faire dépérir lentement. Telle est
par exemple la proportion de 3 dix-millionièmes qui existe
dans une eau passant lentement dans des conduites de plomh.
2^ Uabsorption est continue, de sorte que la plante accu-
mule le poison, et celui-ci doit être renouvelé dans l'eau pour
y garder sa proportion.
3® Uabsorption est très rapide et pour ainsi dire instan-
tanée.
¥ Quand il n'y a que des traces de plomb dans l'eau et
que celle-ci passe au milieu d'une masse de plantes assez
grande» Vabsorption parait absolument complète; du moins
autant que permet de le révéler la sensibilité des réactifs.
5° Uabsorption se fait surtout par les racines, dans
lesquelles il est possible de révéler directement le plomb. Mais
V extrémité jeune de la racine ne fixe pas ce métal.
Ces recherches ont été faites au laboratoire de physiologie
végétale de la Faculté des sciences de Bordeaux. Les sujets
expérimentés ont été présentés à la Société des Sciences physi-
ques et naturelles de Bordeaux dans sa séance du 4 avril 1895»
et l'influence de l'hydrogène sulfuré sur les plantes et sur l'eau
du laboratoire a été montrée aux membres de la Société.
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DENSITES
DE
SURFACE DE LA MER
(Côte des Landes et Bassin d'Arcachon)
PAR V. HADTREUX
Les observations de densité ont été faites, depuis deux ans,
par le capitaine au long cours Durand, des Pêcheries de
l'Océan, d'Arcachon. L'instrument dont on s'est servi est un
uromètte de Bouchardat, réglé à la température de 15^. Les
variations de la température de Feau sont très régulières, et
donneraient lieu à des corrections qui seraient plus faibles que
les erreurs de lecture ; pour cette raisqn, les chiffres recueillis
ont été inscrits tels qu'ils ont été lus sur l'instrument.
Rappelons que la température des eaux de la côte passe de
10^ en hiver à 22<* en été; celle du bassin d'Arcachon passe
de 1** en hiver à 26^ en été.
La densité moyenne de l'eau de l'Océan étant 1027, les
corrections à faire en raison de la température oscilleront
entre 1026 et 1028; et lorsque l'instrument donne des chiffres
notablement supérieurs ou inférieurs à cette moyenne, c'est
que le facteur salinité se sera modifié de façon anormale pour
des causes qui peuvent intéresser les êtres vivant dans les
434 HAUTREUX.
eaux marines^ et les inciter à se fixer ou à changer de milieu.
Cette étude se divise naturellement en deux parties :
l"" La côte des Landes;
2* Le bassin d'Arcachon.
Côte des Landes.
Les observations ont commencé en septembre 4893> pen-
dant une période très pluvieuse^ et se continuent encore
actuellement (novembre 4895). Il en a été pris de six à huit
par mois. Nous donnons dans un tableau les maxima et les
minima observés, et la moyenne arithmétique de toutes les
observations du mois.
Sur ces chiffres, nous avons tracé un graphique qui montre
les oscillations éprouvées par la densité sur la côte des
Landes.
Des maxima notables se sont produits en décembre 4893 et
en mai 1894, sans qu'on puisse nettement les attribuer à des
excès de sécheresse, car il s*est produit d'autres périodes
aussi sèches qui n'ont pas amené d'augmentation de la den-
sité. A partir du mois de juillet 1894 jusqu'à l'automne actuel
de 4895, la courbe des densités se maintient entre 4024 et
1036 presque sans variation.
Les modifications de la salinité dans les eaux côtières
existent certainement, mais on ne peut encore les relier nette-
ment aux variations de la pluviosité ou de la température. On
ne peut pas non plus les attribuer à des directions anormales
des vents, car l'étude de l'état atmosphérique de cette région
nous a montré que si dans la matinée les vents sont variables
en direction, on les trouve au contraire dans l'après-midi
venant généralement du N.-W., depuis le mois de mars jus-
qu'au mois d'octobre.
Cependant nous allons voir, en étudiant les densités du
bassin d'Arcachon, que des variations bien plus considérables
se produisent dans la rade d'Eyrac, et que les époques des
DBNSITÊS DE SURFACE DE U MER. 43$
maxima et des minima de la rade semblent précéder d'en-
yiron un mois les variations de même nature qui s'observent
au large.
Cet intervalle peut paraître long; mais cependant nous
rappellerons que^ dans Testuaire de la Clyde^ la mer d^Aran
n'éprouve les modifications ressenties dans le bassin de la
Clyde qu'au bout de deux mois et demi.
Des expériences faites en diverses saisons sur les eaux
inférieures jusqu'à cent mètres de profondeur ont toujours
donné le chiffre de 1026, qui a été vérifié à la Faculté de^
sciences.
Les modifications de la densité sur la cdte des Landes
paraissent être superficielles.
Bassin d*AFcachon.
Les observations faites par le capitaine Durand ont com-
mencé en décembre 4893, en rade d'Eyrac. Les dispositions
premières n'ont pas permis de les multiplier autant qu'il était
désirable; mais à partir de septembre 1894, ces observations
furent faites chaque jour, au ponton des Pêcheries de l'Océan,
à la pleine mer et à la basse mer.
A partir du mois de novembre 1894, le capitaine des
douanes, M. Sansuc, fit recueillir les mêmes données à la
pointe de l'Aiguillon.
En dernier lieu, en juin 1895, M. Brunen, à la villa Algé-
rienne, commença une nouvelle série d'observations.
Ces observations locales du bassin furent enfin reliées, de
temps en temps, avec les observations faites au large, comme
il a été fait pour les températures, de manière à étudier com-
parativement les différentes parties du bassin entre elles et
avec l'Océan.
Ces observations forment deux séries distinctes.
La première série, prise seulement en rade d'Eyrac, et à des
heures quelconques de la marée, de décembre 1893 à sep-
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436 HAUTREUX.
tembre 1894^ a montré qu'en ce point la densité éprouvait des
oscillations considérables. On y a enregistré :
. En décembre 1893 1030
En février 1894 1011
En avril 1894 1028
En septembre 1894 1020
Comme pour le large^ ces oscillations durent plusieurs
mois et, fait remarquable, se correspondent comme si elles
étaient le résultat des mêmes causes. Seulement, les oscilla-
tions du bassin se produisent plus d'un mois ayant celles du
large.
La seconde série d'observations, prise chaque jour à la
pleine mer et à la basse mer, a commencé le SO septem-
bre 1894 pour la rade d'Eyrac, le l®** novembre 1894 pour la
pointe de TAiguillon, et le 20 juin 1895 pour la villa Algé-
rienne.
Les graphiques journaliers, quelque intéressants qu'ils
soient, demandent un développement beaucoup trop considé-
rable pour être reproduits complètement; nous en donnons
seulement deux exemples : février et juin 1895, et pour le
reste, nous nous bornons dans le graphique général à donner
les inflexions principales de ces courbes journalières.
L'aspect de ces courbes journalières est frappant : dans la
rade d'Eyrac, la courbe des PM est constamment au-dessus
de la courbe des fiM; à la pointe de l'Aiguillon, il n'y a que
de faibles différences entre les deux courbes et leurs tracés
sont enchevêtrés, c'est-à-dire que la densité est tantôt plus
forte, tantôt plus faible à basse mer qu'à pleine mer; à la
villa Algérienne, il en est de même qu'à la pointe de l'Ai-
guillon.
De sorte que ces observations nous montrent clairement
que les variations dues aux courants de marée se font sentir
régulièrement dans la rade d'Eyrac, dans lé grand chenal, où
se déversent les eaux de la Leyre, tandis qu'elles sont insen-
! ' i * •
DENSITÉS DE SURFACE DE LA MER. 437
sibles dans les parties du bassin qui sont situées hors de ce
grand chenal. •
En outre^ les chiffres obtenus pour la pointe de TAiguillon
et pour la villa Algérienne sont toujours supérieurs à ceux
que donne la rade d'Eyrac; ils sont même généralement
supérieurs à ceux que donnent les observations du large.
Ces faits démontrent la localisation des phénomènes dans
les différentes parties du bassin. Ils nous apprennent que
malgré le jeu des marées» et malgré les violents courants
qu'elles engendrent, les eaux des diverses régions du bassin
se cantonnent dans les parties avoisinantes, et ne se mélan-
gent que difficilement les unes avec les autres.
Nous présentons dans un tableau, pour chaque point» les
maxima et minima observés dans chaque mois» et la moyenne
arithmétique de toutes les observations du mois. Dans le gra-
phique» nous avons tracé seulement les oscillations principales
des courbes de la marée basse» les chiffres de basse mer
indiquant mieux les variations de la densité dues aux agents
atmosphériques et aux phases lunaires. (Voir graphique n^ 1.)
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DENSITÉS DE SUHFACE Di, LA MBR. 439
C'est la rade d'Eyrac qui offre le plus d'intérêt dans cette
étude^ puisque c'est elle qui est le plus affectée par ces
influences extérieures.
Du mois de septembre 1894 au mois de novembre 1895,
dans la rade d'Eyrac de marée basse, on a observé :
Minimum absolu, le 24 février 1895 1013,5
Maximum absolu, le 6 octobre 1894 1026
La densité moyenne de basse mer, à Eyrac, a été pour
ces treize mois de 1021,6; et c'est dans le mois de juin 1895
que la salinité a été la plus faible. Nous donnons plus loin une
analyse plus complète de ce mois de juin 1895, où la pluviosité
avait été considérable pendant la première quinzaine.
Les tracés montrent bien le trouble que l'afHux des eaux
douces amène dans le grand chenal au moment des périodes
pluvieuses.
Pendant les périodes sèches, les minima de basse mer
correspondent aux époques des pleines et nouvelles lunes;
dans ces grandes marées, le niveau de basse mer étant très
abaissé, amène un plus fort écoulement des eaux landaises.
Pendant les périodes pluvieuses, la densité décroit progres-
sivement dans le chenal tant que dure la pluie; puis elle
remonte assez vivement pendant les quadratures; mais ce
n'est qu'après une quinzaine de jours de sécheresse et deux
grandes marées que la densité remonte à son chiffre moyen.
Les modifications de la salinité dans le chenal sont donc le
résultat des phénomènes atmosphériques et lunaires, dont les
actions n'agissent pas toujours dans le même sens.
La pointe de l'Aiguillon et la villa Algérienne, qui se trou-
vent en dehors des grands courants, présentent des caractères
absolument différents; non seulement les eaux douces des
Landes ne viennent que rarement dessaler leurs eaux, mais
encore les phases de la lune ne paraissent pas avoir d'action
directe sur elles. Dans ces deux points, par temps de sèche-
440 HAUTREUX.
resse, la densité est supérieure à celle de Teau de TOcéan
voisin ; et pendant les périodes sèches, l'allure des deux points
est semblable; on remarque cependant qu'à la villa Algé-
rienne, au moment des syzygies, la salure augmente, de
même que la température de l'eau, pendant l'été, et proba-
blement les deux faits sont connexes. Les grandes surfaces,
découvertes à marée basse, facilitent réchauffement et
l'évaporation des eaux qui les recouvrent. C'est un fait tout
local, mais ayant de l'importance pour les riverains pêcheurs
ou pisciculteurs.
Les chiffres extrêmes qui ont été observés à basse mer sont
les suivants :
Pointe de rAiguillon. i ^^^^^^> [« JJ ^vril 1895.. 1034
'' ( mmimum, le 20 août 1895.. 1023
^.., 41 ^ . ( maximum, le 23 juillet 1895 1027
villa Aigénenne | minimum, le 23 juin 1895... 1017
On voit par ces chiffres que la villa Algérienne, plus rappro-
chée du canal du Piquey que le canalette de l'Aiguillon ne
l'est du chenal d'Eyrac, est aussi plus sensible aux périodes
de sécheresse ou d'humidité ; et que ces deux stations ont des
caractères différents et spéciaux.
On peut dire que chacun des points du Bassin d'Arcachon
a, tant au point de vue des densités qu'à celui des tempéra-
tures, une physionomie spéciale que chaque pisciculteur
a intérêt à étudier.
Observations reliées. — Dans le but de déterminer la
marche des salinités entre la rade d'Eyrac et l'Océan, il
a été fait des observations reliées entre la rade et le large
au même moment de la marée; ces observations ont été
faites :
Le 14 juin 1895, à basse mer, en quadrature, après une
période pluvieuse.
Et le 19 juin 1895, à pleine mer, vers la syzygie, après une
période sèche de huit jours*
DENSITÉS DE SURFACE DE LA MER.
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Bassin d*Arcachon. — Densités reliées.
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102C
Voir graphique n« 2 el la petite c^rte d'Arcachon.
Ce graphique montre encore plus nettement que celui que nous
ont fourni les températures, que la région comprise entre
le cap Ferret et le Sémaphore est celle où s'opèrent les mélanges
entre les eaux du bassin intérieur et celles de l'Océan,
Tandis que du cap Ferret à la rade d'Eyrac, la salinité s'abaisse
rapidement aussi bien ù la fin du flot qu'à la fin du jr.sant.
Or, le 14 juin, pendant qu'en rade d'Eyrac le densimèlre
marquait 1016, il donnait à la pointe d'Aiguillon 1()25.
La faiblesse de la salinité est donc conflnée aux grands
chenaux d'évacuation des eaux des Landes ; elle ne s'étend pas
sur les crassats et dans les canalettes. En sorte que dans les
périodes de doucin, souvent funestes aux parqueurs, ce sont
les parcs les plus voisins des chenaux du Teichan et du Piquey
fjui doivent souffrir le plus.
Les observations journahcres ont montré que des variations
très sensibles se produisaient d'un jour à l'autre, et que leur
amplitude était plus grande en rade d'Eyrac qu'en dehors des
grands chenaux. Pour apprécier ces variations et déterminer
ainsi à quelle approximation peuvent se faire utilement ces
observations, nous donnons les tableaux et graphiques les
concernant pour les mois de février et juin 1895. (Voir gra-
phique n° 3.)
T. l (5« Série).
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442
HAfJTRËUX.
Densités de surface de la mer.
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En février, les froids furent intenses, et il tomba peu de
pluies; les densités furent très fortes à la pointe de TAiguillon,
et aussi en rade d'Eyrac.
En juin, il y eut de fortes pluies dans la première quinzaine
du mois, et les chaleurs commencèrent vers le 20.
En février, Teau de mer du large marquait 1026. Les den-
sités de la pointe de TÂiguillon sont constamment au-dessus
de ce chiffre. Celles de la rade d'Evrac sont au contraire très
inférieures, surtout à la fin du mois, au moment ou la tempé-
rature de Teau n'était que de 1*^. Il semble qu'à ce moment il
y ait eu, vers le ponton des pêcheries, un afflux d'eau douce
amené par la persistance des vents d'Est.
DENSITÉS DE SURFACE DE LA MER. 443
En juin 1895, Teau du large marquait 1025. Les densités de
la pointe de l'Aiguillon éprouvent à peine quelques variations
journalières; elles s'abaissent de 1026 à 1024 sous l'influence
des grandes pluies de la première quinzaine. Celles de la rade
d'Eyrac éprouvent des soubresauts considérables et s'abais-
sent progressivement jusqu'au 20 juin sous l'influence des
pluies, où elles marquent de basse mer 1014.
Les densités de la villa Algérienne, station voisine du chenal
du Piquey, montrent aussi l'irruption momentanée des eaux
douces du 22 au 24, puis une fixité remarquable dans les
derniers jours du mois*
Les observations ultérieures, jusqu'au milieu d'octobre,
montrent que les densités se rapprochent des chîff'res obtenus
à la pointe de l'Aiguillon sans éprouver les grandes oscilla-
tions de la rade d'Eyrac.
Ces oscillations, dans la rade d'Eyrac, nous paraissent tenir
à ce que le volume des eaux douces qu'apporte la Leyre est
trop faible pour remplir la largeur du chenal. Les difficultés
de mélange des eaux douces et des eaux salées sont connues ;
la petite rivière, en arrivant sur la rade, poursuit son cours
en divaguant d'une rive sur l'autre, suivant les impressions
diverses des vents régnants et des rives conductrices sous-
marines.
En résumé, ces observations sur les densités complètent les
renseignements donnés par Tétude des températures; elles
montrent que dans un bassin, qui communique cependant si
largement avec l'Océan, il existe des différences sensibles
dans la salure de points môme très voisins les uns des
autres.
Les dispositions du sous-sol marin et la direction des vents
produisent des divagations des courants de marée.
Les eaux se cantonnent dans les chenaux profonds et y
oscillent comme si elles étaient renfermées dans un corps de
pompe à plusieurs branchements*
C'est dans la partie comprise entre la rade du cap Ferret et
41 V HAUTRELX.
celle du Sémaphore que se font les mélanges des eaux du
bassin intérieur avec celles de l'Océan ; à la bouée extérieure,
les eaux sont purement oéaniennes.
Les chenaux d'Eyrac et du Piquey reçoivent le contingent
des eaux douces provenant de la Leyre et de la décharge des
étangs de Lacanau et d'Hourtin; ces volumes d'eau, insuffi-
sants pour remplir la largeur des chenaux, y oscillent et pro-
duisent de brusques variations dans la salure. Les canaux
latéraux ne reçoivent pas directement ce tribut des eaux lan-
daises; les eaux de marée qu'y amène le flot se sursalent
dans les régions qui ont été soumises pendant plusieurs
heures à Pévaporation solaire.
Dans les canalettes, la densité est plus forte que dans les
grands chenaux; de même la température de l'eau y est plus
élevée pendant Tété et plus basse pendant Thiver que dans les
grands lits de courants.
Le chenal d'Eyrac forme un véritable estuaire dans Tinlé-
rieur du bassin; c'est la prolongation, au milieu des eaux
marines, du cours de la Leyre; et comme les mélanges se
font lentement, ces eaux douces, suivant leur abondance,
modifient brusquement les salures de cette rade.
Nous espérons que ces observations seront utiles aux ostréi-
culteurs et aux pisciculteurs du bassin.
RECHERCHES
SUR
L'AFFINITÉ CHIMIQUE
PAR 11. A. FIGUIER
Communiqué en séance du 35 juillet iSOù.
L'affinité chimique, c'est-à-dire la résultante des forces qui
entraînent les actions chimiques, suppose entre les éléments
en présence un ensemble de mouvements invisibles, tendant
vers de nouveaux équilibres moléculaires permanents, et spé-
cifiant chacun un corps déterminé.
Les forces physiques qui ont concouru à édifier un système
chimique — un composé défini — peuvent aussi le renverser,
disperser ses débris, en agissant dans d'autres conditions,
suivant des intensités difierentos. C'est ce qui a lieu pour la
chaleur provoquant l'oxydation du mercure ou bien la réduc-
tion de ses oxydes.
L'affinité s'exerce sur des atomes qui échappent, isolément,
à toute observation immédiate. Aussi, faute d'une base suffi-
sante, son étude présente d'inévitables lacunes, auxquelles on
ne peut tenter d'obvier, en partie, que par voie d'induction et
d'hypothèses.
Les équivalents ou les poids atomiques représentent des
quantités égales, ou en rapports simples, de forces vives : la
loi des proportions multiples semble bien l'indiquer, et laisse
entrevoir, en outre, l'existence possible de combinaisons nom-
breuses, en dehors des limites de saturation aujourd'hui
admises.
446 A. FIGUIER.
C'est avec le magnétisme surtout, dont le mode d'action se
révèle directement, au moins dans ses effets extérieurs, que
l'affinité offre le plus de relations. Sans vouloir rechercher si
les phénomènes qui procèdent de ces forces s'accomplissent
suivant un mécanisme semblable, on peut cependant les mettre
en parallèle. Les analogies les plus étroites apparaissent alors
entre les conditions qui les règlent ou les modifient.
La notion actuelle de l'atomicité, qui traduit simplement
pour chaque atome le nombre, variable parfois, de ses centres
d'attraction chimique, conduit à ce rapprochement qui permet
de mieux saisir quelques faits encore un peu obscurs, et
indique à l'expérimentateur un sens bien net.
Les aimants ont en général deux pôles inégaux qui s'in-
fluencent mutuellement, suivant leur distance réciproque.
Si on les divise en menus fragments, l'un des deux pôles
prépondérant restera seul efficace; chaque parcelle devra
constituer un aimant unipolaire.
Par contre, si un barreau est suffisamment long, quel que
soit son mode d'aimantation, il offrira dans ses parties mé-
dianes des points conséquents. Ces centres secondaires d'at-
traction, toujours plus faibles, se montrent surtout dans une
cliaîne d'aimants fixés, bout à bout, par leurs pôles contraires.
On peut, dans quelques circonstances, en faire varier le nombre
et l'intensité.
Les points conséquents s'affaiblissent dès qu'on réunit les
p(Mes extrêmes, ou qu'on en détourne les effets à l'aide d'ar-
matures. Ils disparaîtront les premiers sous l'action d'une
cause quelconque de désaimantation, telle que la chaleur. Ils
pourront, dans ce cas particulier que vérifie l'expérience,
apparaître de nouveau par le refroidissement. Leur nombre,
leur activité, seront liés, par conséquent, à un état thermique.
Les atomes se comportent de même. Par exemple, le fer est
diatomique dans ses composés au minimum où figure un seul
de ses atomes; en se soudant, deux atomes de fer donnent
une molécule hexatomique, ce qui fait considérer nécessaire*
RBCHERCHES SUK L'aFFIMTÉ CHIMIQUE. 447
ment chacun de ses atomes comme tétratomique. L'atome de
fer, en principe, doit posséder quatre ou six centres d'attrac-
tion; deux seulement peuvent agir dans les conditions où
prend naissance un composé ferreux dont la tendance à
s'oxyder, à former des combinaisons moléculaires, à fixer de
Teau de cristallisation, démontre bien refflcacité ultérieure
de points conséquenta chimiques.
Dans une chaîne chimique, le nombre de centres d'attrac-
tion, la valence, en un mot, augmente, suivant une loi déter-
minée, avec le nombre d'anneaux. Plus la charpente d'un
édifice chimique est compliquée, et plus il admettra de maté-
riaux, mais il deviendra aussi plus fragile.
Si l'on pai*vient pour le fer, et d'autres corps simples, à
réunir par soudure un nombre plus considérable d'atomes,
comme on le fait pour le silicium et le carbone, il est probable
qu'on arrivera à des groupes d'une valence élevée. L'extraor-
dinaire multiplicité et la complication des composés organi-
ques enlèvent à cette supposition ce qu'elle peut offrir de trop
gratuit.
On comprend, toutefois, que l'application de procédés autres
que ceux ordinairement usités au laboratoire puisse être indis-
pensable.
Une molécule incomplète, en se saturant, peut se dédoubler,
par suite de l'atténuation des points de soudure. Elle se scin-
dera en tronçons plus stables, à leur tour non saturés, mais
vers lesquels tend la réaction.
Ainsi, le fer est hexatomique dans l'anhydride FeO'. Dans
ses composés au maximum, il se comporte comme tétrato-
mique; enfin il est diatomique seulement dans les composés
où ses pôles chimiques sont le plus puissants.
Le chlorure ferrique Fe*Cl* est saturé de fer, et pourtant sa
molécule peut être envisagée comme incomplète.
Or, si on le met en contact avec un excès de son propre
métal, il en résultera trois molécules séparées de chlorure
ferreux FeCl'.
448 A. FIGUIER.
La surcharge est trop forte, dans les conditions actuelles^
pour le maintien de la soudure du ferricum, Fe*.
Dans les phénomènes de substitution, si rélément introduit
constitue une charge plus grande que celle formée par l'élé-
ment dont il a pris la place, et exige Teffort tout entier du
centre attractif sur lequel il se fixe, les atomicités secondaires
de la molécule initiale, transformée il est vrai, deviendront
inactives: soit du sulfate de soude abandonnant son eau molé-
culaire après substitution du baryum au sodium.
La chaleur, à partir d'une certaine limite, a pour effet de
rendre un aimant inerte, d'une façon permanente ou passa-
gère, suivant la nature de sa substance.
La température s'élevant par degrés successifs, les pôles
secondaires moins puissants abandonnent les premiers leur
charge, comme il a déjà été dit : il y a dissociation magné-
tique partielle ; plus tard, la dissociation sera complète, par
suite de la disparition totale ou tout au moins de Taifaiblisse-
ment plus prononcé des pôles.
Dans les mêmes conditions, une chaîne d'aimants se divisera
en parties distinctes, et fmalement en ses anneaux élémen-
taires; Suivant un ordre inverse, l'état primitif doit se recons-
tituer, si le magnétisme réapparaît par le refroidissement et si
les pôles se retrouvent en présence de leurs charges respec-
tives.
La chaleur agit de même sur les atomes; elle devise et peut
réduire, en ses éléments simples, une chaîne chimique d'au-
tant moins résistante que ses points conséquents satisfaits
sont plus nombreux.
Il est clair que celle-ci ne pourra se former dans les condi-
tions thermiques, ou autres, provoquant un ébranlement
atomique capable de la détruire.
Lorsqu'une molécule se forme rapidement, sa température
primitive peut se trouver assez élevée pour que les pôles
secondaires qu'elle comporte apparaissent seulement après
qu'elle s'est refroidie; alors elle cesse d'être saturée; elle a
RECHERCHES SUR L^FPINITÊ CHIMIQUE. 449
une tendance à la condensation, et attire, s'il y a lieu, de
nouveaux éléments, l'eau de cristallisation, l'oxygène de
l'air. Cet effet consécutif, dû a une faible attraction, s'accom-
plit relativement avec lenteur, et, ce qui la rend possible,
sans que la molécule, en se compliquant, puisse s'échauffer
beaucoup.
On se rend compte ainsi de l'atomicité variable de divers
atomes, du fer et de ses congénères, de l'azote, du phosphore,
de la constitution des sels hydratés, de quelques sels doubles,
et des autres combinaisons, dites moléculaires, dont les termes
les plus élevés sont justement les moins stables. En effet, les
centres d'attraction qui en retiennent les parties dissemblables
ne sont pas identiques, et résistent inégalement aux agents
extérieurs.
En s'échauffant graduellement, si, à un moment donné, un
aimant supporte le maximum de charge (^), sous une masse
unique, le moindre excès de chaleur la lui fera abandonner, à
moins qu'on ne compense, au fur et à mesure, sa déperdition
de force par une pression équivalente convenablement dirigée,
ou bien qu'on ne diminue cette masse dans le même rapport.
La même chose se passerait pour deux aimants en contact
mutuel.
Un composé chimique est assimilable ù un pareil système
dans lequel les atomes que l'on peut considérer comme
opposés, ou en équilibre de mouvement autour de centres
déterminés, figurent des aimants, simples ou multiples, et
leurs armatures.
La dissociation chimique, la dissociation physique sous ses
diverses formes, la vaporisation, la volatilisation des solides,
se rattachent à un ordre semblable d'idées, et s'expliquent
ainsi très aisément, par analogie, d'après cette théorie, qui
s'en trouve môme fortifiée.
La tension de dissociation, correspondant à chaque degré de
(1) Correspondant à sa température.
450 A. FIGCIKR.
chaleur^ mesure Tintensité perdue par rattraction moléculaire
ou atomique.
La cohésion parait dépendre de centres d'attraction secon-
daires bien plus faibles que les centres d'attraction spécifiant
l'affinité.
L'eau, d'après les expériences de M. II. Sainte-Claire Deville,
ne se dissocie chimiquement qu'à une température fort élevée :
elle peut bouillir à une basse température.
Des irrégularités apparaissent forcément dans la courbe des
tensions de dissociation des composés moléculaires, tels que
certains hydrates dont les molécules d'eau se trouvent distri-
buées, sans doute, sur des centres d'attraction inégaux.
Dans quelques cas, la dissociation peut être brusque : une
masse d'eau surchauffée se, réduira subitement en vapeur, si
le vase qui la contient vient à céder.
On comprend, de cette façon, la force d'expansion énorme
qui accompagne l'explosion des chaudières à vapeur.
Des composés fulminants dont l'équilibre est instable fusent
ù l'air libre, surtout quan^ ils sont mélangés avec des matières
inertes qui ne les laissent s'échauffer que de proche en proche,
alors qu'ils détonent violemment dans des espaces restreints
où, subissant d'abord une décomposition partielle, ils éprou-
vent une résistance initiale qui permet à la masse entière de
s'échauffer, pour perdre d'un coup ses attaches, dès que la
résistance est vaincue.
D'une manière générale, toute force capable de transmettre
de l'énergie aux corps mis en présence les prédisposera à
réagir, et déterminera même leur combinaison.
Leur état physique les rend déjà plus aptes à céder ou à
résister.
Le magnétisme agit sur la densité d'un corps.
La trempe, l'écrouissement dû à une action mécanique,
produisent le même effet.
Les modifications allotropiques, quelle que soit leur origine,
enfm toute cause entraînant un nouvel arrangement moiécu-
RECHERCHES SUR l'APPIMTÉ CHIMIQUE. 4SI
laire chez un corps, fera varier aussi ses aptitudes chimiques.
En somme, les conditions auxquelles l'aflinité se trouve
soumtse sont multiples, et sous la dépendance, à la fois, de
forces physiques et mécaniques.
Il est inutile, pour le moment, d'insister davantage sur ce
sujet, qui, toutefois, comporte d'autres développements.
Les corps simples ont été classés suivant le rang qu'ils
occupent dans l'atomicité.
On doit considérer, d'après ce qui précède, qu'il faut
apporter quelques restrictions à cette classification basée sur
l'ensemble de composés obtenus, sans tenir compte, dans
Tacte chimique, des conditions thermiques ou autres influen-
çant la molécule.
L'atomicité d'un élément, telle qu'on l'admet aujourd'hui,
ne peut représenter qu'un minimum, puisque de nouveaux
centres d'attraction se révèlent après que s'est dissipée la cha-
leur chimique représentant l'élimination d'un excès d'énergie.
On peut mettre à profit ces pôles secondaires chimiques,
comme je l'ai fait, dans le but d'obtenir des composés nou-
veaux plus complexes, en favorisant les mouvements atomi-
ques, rendus plus libres; en déterminant, si l'on accepte cette
hypothèse, le départ immédiat de l'excès d'éther détaché des
atmosphères initiales des molécules primitives, et dont les
mouvements, corrélatifs des leurs, radiant sur place sous
foi^me de chaleur, enrayent, dans les conditions ordinaires, la
molécule naissante, et limitent, pour le moins, son atomicité
effective. Tout se réduit à un changement de modalité.
La force vive perdue dans le conflit chimique, au lieu de se
dépenser intégralement sous forme de chaleur, et de lumière
même, s'écoulera plus aisément au dehors à l'aide d'un dispo-
sitif très simple, sous forme de flux voltaïque,
La modalité, réversible, que prend l'énergie libre, dépend
de la nature du milieu qui lui présente le meilleur point d'ap-
pui : elle paraît se modifier en entier, ou partiellement, sui-
vant les résistances qu'elle rencontre.
483 A. FIGUIER.
La méthode que j'emploie est la suivante : Je fais agir un
métal sur une solution dans laquelle plonge un charbon de
cornue rendu impolarisable en l'imprégnantde mousses métal-
liques^ ou mieux charbonneuses.
En réunissant extérieurement par des réophores le métal
et le charbon^ on a ainsi un couple constant^ à un seul
liquide, dont Teffet est des plus réguliers, et qui fonctionne
jusqu'à épuisement de Faction chimique.
J'ai fait connaître, depuis longtemps (*), les modes de
préparation de ces charbons, que certains industriels, peu
scrupuleux ou inconscients, ont voulu s'approprier récemment
— bien qu'ils aient figuré, en outre, à l'Exposition générale
de Bordeaux en 1882, et à l'Exposition universelle de Paris
en 1889.
, Je ne reviendrai pas sur la théorie que j'en ai donnée ; je
rappellerai seulement qu'en activant, le plus possible, l'évolu-
tion du courant voltaïque issu d'une action chimique, ils peu-
vent la rendre possible dans bien des cas, à la température
ordinaire, en laissant à toutes les atomicités leur efficacité
complète.
Ces couples sont des transformateurs d'énergie réalisant
les conditions énumérées plus haut, nécessaires pour saturer,
après coup, les polarités chimiques non satisfaites.
Mes charbons empêchent, en grande partie, l'adhérence des
dépôts insolubles et favorisent le départ du gaz résiduel.
J'ai indiqué leur emploi pour la construction de voltamètres
et d'accumulateurs, et en particulierpourrélectrométallurgie(').
En raison de leurs pointes déliées qui facilitent l'écoulement
de flux exubérants de chaleur, électricité, lumière, ils laissent
moins de prise à leur action détériorante par arrachement.
(^) Recueil de n%édecine et de pharmacie militaires, 1870, t XXIV, 3* série,
p. 442.
(*) Brochure imprimée, 18S2. Congrès scientifique de Grenoble, 1885, t. I,
p. 115.
RECHERCHES SUR l'AFFINITÉ CHIMIQUE. 453
Gêner révolution du courant issu d'une action chimique
sera évidemment gêner celle-ci, annihilée souvent par la
simple ouverture du circuit.
J'ai observé que certains métaux, tels que le mercure, l'ar-
gent, pouvaient rester indemnes, après plusieurs mois consé-
cutifs de contact simple avec diverses solutions salines, et
qu'ils leur abandonnaient, peu à peu, de leur substance en-
circuit fermé.
Il vaut mieux la fermeture directe par les'k^éophores seuls
que par le sol, exigeant, dans la pratique, une plus grande
étendue de fil intermédiaire conducteur : la résistance est
moindre.
La faculté qu'on a de rapprocher les lames polaires et de les
mettre intérieurement presque en contact immédiat, rend
insignifiantes les résistances du couple qui fonctionne isolé-
ment, sans l'intervention d'une force auxiliaire.
On suit mieux ainsi, pour cette étude, le jeu spontané des
affinités libres en présence.
L'action est favorisée, cependant, par l'association en ten-
sion de couples identiques, présentant, par conséquent, cha-
cun la même force électromotrice, et donnant lieu, probable-
ment, par suite de leurs mouvements intimes, au départ
d'ondes chimiques concordantes dont le courant ne serait,
en quelque sorte, que la continuation au dehors.
Un couple épuisé, un couple étranger intercalé dans la bat-
terie, en offrant une résistance trop grande, fonctionneront
inversement, en devenant le lieu d'une décomposition électro-
lytique, dans le circuit général,
La manifestation au galvanomètre d'un courant issu du
couple est l'indication d'une action chimique.
Très faible généralement lorsqu'on agit sur une molécule,
en apparence, saturée, celte action durera alors plusieurs
mois, plusieurs années même, comme je l'ai observé.
On constatera le courant, après interruption momentanée du
circuit, en observant toutes les précautions que j'ai indiquées
4K4 A. FIGUIER.
dans la précédente communication^ sur le coup de fouet
voltaïque, pour obvier aux diverses causes d'erreur.
Les effets obtenus en vase clos, et au contact de l'air,
pourront diflférer entre les mêmes éléments mis en présence.
Dans ce dernier cas il y aura, bien des fois, entraînement de
l'oxygène, de l'acide carbonique extérieurs, qui se fixeront,
pour la compliquer, sur la nouvelle molécule ; le courant s'en
trouvera augmenté.
La séparatioA du composé obtenu ne laisse pas que de pré-
senter, pour certains, quelques difficultés.
Il peut être instable et sa solution s'altérer rapidement au
contact de l'air. Celle-ci, évaporée dans le vide par distillation
à froid, abandonnera des cristaux qu'il faudra égoutter etséeber
dans une atmosphère d'hydrogène. Cela se montre entre autres
pour les corps résultant de l'action du fer sur un sel haloïde.
11 peut se dissoudre, au fur et à mesure qu'il se produit,
dans l'excès du sel initial qui s'en saturera progressivement,
en apportant une résistance croissante à sa formation, dans ce
cas, nécessairement limitée.
Les cristaux recueillis offriront un mélange du sel primilil'
intact et de son dérivé simple, isolé, ou uni avec celui-ci sous
forme de sel soluble, s'ils sont isomorphes.
L'addition d'eau à la liqueur mère peut encore dissocier ou
précipiter le dérivé simplement soluble dans la solution con-
centrée du sel primitif.
Lorsqu'il s'est accompli une combinaison purement molécu-
laire, l'action seule de la chaleur sur sa solution peut la
dissocier.
La rupture des attaches aux points conséquents, ou d'ato-
micité secondaires, sous l'influence de la température, se
révèle ici ; de même que les irrégularités dans les courbes de
solubilité de divers sels traduisent la dissociation successive
de leurs hydrates. La dessiccation à feu nu a donné lieu par*
fois à des décompositions fulminantes, bien que les éléments
employés n'aient laissé prévoir cet effet.
RECHERCHES SUR L^APFIMTÉ CHIMIQUE. 455
Quand Toxygène de l'air intervient, ou bien lorsque Teau de
la dissolution est décomposée, on peut en induire, a priori,
que c'est un oxyde qui s'est introduit dans la molécule primitive.
On peut obtenir, il est vrai, dans des cas nombreux, l'intro-
duction directe d'un oxyde, ou d'un de ses congénères déjà
formés, dans une molécule saline, qui s'en trouvera modifiée.
On doit considérer, cependant, que ce phénomène rentre
dans la classe générale de ceux que j'indique et qui, en plus,
s'accompagnent de la formation synthétique de l'élément
introduit.
Lorsque le métal intervient isolément, il y a lieu d'invoquer
les considérations précédentes sur l'atomicité. Pour quelques
corps, le départ de l'hydrogène peut être attribué à un phéno-
mène de substitution ; par exemple : l'action de l'étain sur le
sulfhydrale d'ammonium.
On conçoit qu'une chaîne chimique formée par un oxyde
diatomique, ou qu'un atome dialomique, puissent s'intercaler
dans une molécule comme un coin, s'encastrer entre ses deux
tronçons, le tout restant uni, pour constituer le composé nou-
veau. Le mécanisme est le même que celui de l'accumulation
d'atomes identiques ou différents, de sélénium ou de soufre,
comme on le constate dans la série thionique. Mais, s'il s'agit
de l'argent introduit dans du chlorure de sodium, ou les autres
haloïdes alcalins, les trois atomes formant la nouvelle molé-
cule ne peuvent plus être envisagés, séparément, comme
monoatomiques, suivant leurs allures ordinaires.
Certains composés obtenus laissent bien entrevoir la triato-
micité de l'iode, la diatomicité de l'argent : on ne saurait s'ap-
puyer sur des faits actuellement isolés, exceptionnels, sans en
discuter l'origine, afin d'en découvrir la clef.
Toujours est-il que la méthode que j'emploie permet de pré-
parer, en confirmant les données théoriques qui m'ont servi
de guide, des genres nouveaux de composés, dont la constitu-
tion s'éloigne de celle des sels doubles, ou mixtes, et qui se
rapprochent plutôt de celle des cyanures polyatomiques.
4S6 A. FIGL'iER.
Le métal introduit ne donne plus ses réactions analytiques
distinctives ; il est plus ou moins dissimulé dans le composé
dont la physionomie est souvent changée ; et il arrive même
(ju'il soit nécessaire de le détruire par Teau régale, ou l'action
de la chaleur, pour retrouver Télément cherché.
J'en ai donné des exemples. dans la communication orale
que résument ces lignes. Plus tard, j'en montrerai d'autres
dans diverses séries.
J'ai cité, à l'appui, le dérivé mercuriel de l'hyposulfile de
soude que décompose la lumière, dont l'action, par ses effets
généraux, se rapproche de celle de la clialeur.
Les cristaux deviennent rouge brun dans leur masse, jus-
qu'à une certaine limite. La partie colorée, formant écran,
garantit les couches plus profondes.
Leur solution, qui ne donne aucune réaction du mercure,
noircit par une ébuUition prolongée. Ils sont très riches en
mercure.
Quant à leur constitution véritable, on pourrait les consi-
dérer comme une combinaison moléculaire de sulfure de
mercure avec le sulfite provenant de Thyposulfite initial
réduit.
Le sulfure mercureux, peu stable à l'état libre, se dissout à
froid dans le sulfite neutre de soude, directement, et la solu-
tion incolore précipite en noir par TébuHition.
Ce n'est la, pour le moment, (|u'un rapprochement, mais
qui indique la formation possible de composés complexes par
l'introduction, directe ou ù l'état naissant, dans le radical non
au maximum, acide ou basique, d'une molécule déjà définie,
d'éléments tels qu'un sulfure, un séléniure et autres simi-
laires.
L'introduction du métal isolé dans un sulfite, qui ne con-
tient qu'un atome de soufre, ne permet pas de donner au
dérivé ainsi obtenu une constitution semblable. De même pour
ses analogues. II possède une structure propre, bien qu'il
puisse former avec l'excès du sel initial un composé double.
RECHERCHES SUR L'aFFINITÉ CHIMIQUE. 4S7
Pour agir plus vite, je remplace souvent la forme de couple
voltaïquc de mes appareils par un dispositif plus simple
d'actions locales.
Des menus de graphite rendus impolarisables, bien purifiés,
sont mélangés u de la grenaille ou à des fragments quelcon-
ques du métal, et le tout est introduit dans la solution chimi-
que, contenue dans un matras bien bouché, ou communiquant
avec l'air par un tube adducteur. Ce dernier, en plongeant
extérieurement dans une auge surmontée d'une couche d'huile
d'amande, permet de clore l'appareil et de donner issue, s'il y
a lieu, au gaz résiduel.
Une légère chaleur, dans quelques cas, peut aider la
réaction.
On augmente ainsi aisément, dans un espace restreint, les
surfaces du métal et du charbon polaires, mais le courant,
noyé dans la masse du liquide, n'indique plus la fin de l'opéra-
tion. Il sera utile d'en prélever, de loin en loin, de faibles
r|uantités, pour en faire l'essai successif dans un petit couple
ù part.
Le charbon du couple local, qui peut être représenté par un
oxyde conducteur, en contact simultané avec le métal et le
liquide, transforme et dissipe, en dehors de la. molécule, l'ex-
cès nuisible d'énergie chimique dont la modalité est changée.
Les conditions voulues sont encore satisfaites.
Dans le phénomène de la rouille du fer, de l'oxydation
spontanée d'autres métaux exposés à l'air humide, et dont la
raison ascendante est rapide, on verra un mécanisme sem-
blable.
De pareilles conditions doivent se présenter fortuitement
dans les profondeurs du sol, où un filon métallique partielle-
ment recouvert d'oxyde, de substances charbonneuses ou
autres, conductrices et inattaquables, éprouve le contact des
eaux souterraines chargées de divers matériaux en solution.
Des composés analogues à ceux que je signale, et provenant
de cette origine, peuvent se rencontrer dans des eaux
T. I (5« Série). 30
458 A. FlGUlBll.
minérales, dont Taction spéciale et énergique sur Téconomie
animale est bien prouvée, et dont la reproduction synthéti(|ne,
d'après les données ordinaires de l'analyse, est inefficace.
Les métaux et autres corps peuvent s'y trouver sous la
forme des composés que j'obtiens, et échapper aux recherciies
du chimiste non prévenu.
L'eau régale, la calcination, en dissociant la molécule dans
le résidu desséché, permettront d'en retrouver les véritables
éléments.
L'instabilité dans certaines circonstances, de divers compo-
sés obtenus comme il a été dit plus haut, explique un fait sin-
gulier à première vue : la durée excessive du courant qui
accompagne leur libre formation.
De nombreux couples, de dilTérente nature, ont fourni un
courant pendant plusieurs années consécutives, au delà, sans
doute, du terme suffisant pour épuiser l'action chimique mise
en œuvre.
Un de ces couples, portant la date de 1877, est formé par
une lame de cuivre rouge, traversant par un bout le cou-
vercle du vase, et repliée en U à l'intérieur, autour du charbon
polaire en graphite carbonisé.
Le liquide actif a été composé avec du chlorate de potasse
pur en solution aqueuse.
Ce couple est bien clos, parfaitement étanche contre Faction
de Tair extérieur. Il avait été laissé dans l'encoignure d'une
étagère.
Actuellement, la liqueur est d'un vert pâle. La lame de
cuivre, très nette, montre, mais exclusivement sur la face qui
est opposée au jour, des cristaux brillants de cuivre, d'une
largeur de 1 à 2 millimètres, d'apparence cubique et fixés isolé-
ment sur la lame, en croissant, en nombre et en grosseur, depuis
sa partie médiane jusqu'au bord vertical le mieux éclairé.
D'autres se sont détachés et reposent parmi des cristaux salins.
Ils ont dû se former par réduction du dérivé cuprique, sous
l'influence de la lumière.
^\
ftECHERCHES SUR l\fFINITÉ CHIMIQUE. 489
Le couple^ essayé dernièrement accusait, après ouverture
momentanée du circuit, un courant à peine sensible. Il avait
été maintenu plusieurs heures dans un endroit peu éclairé.
Laissé en relation avec le galvanomètre, il a été placé
ensuite sur le trajet d'un rayon de soleil, dont l'action, rendue
intermittente a l'aide d'un écran mobile et accomtpagnant les
oscillations de l'aiguille, imprimait à celle-ci, par impulsions
successives, un écart assez étendu.
L'ouverture et la fermeture concordantes du circuit produi-
sent le même effets en laissant agir la lumière sans inter-
ruption.
Cette méthode permet d'opérer avec un instrument peu
sensible.
Le courant s'est montré de sens normal.
Après insolation, soustrait à l'influence directe du soleil,
mais laissé exposé à une lumière diffuse assez intense, ou
placé à l'ombre, le couple a produit aussitôt un courant
inverse.
Ainsi donc, suivant les circonstances, la lumière agit
différemment.
Peut-être y a-t-il simplement, dans une première phase,
accumulation d'une certaine énergie, se dissipant une fois en
dehors de la radiation directe qui l'a transmise, ou par l'af-
faiblissement de celle-ci, pour produire une action contraire.
Ces effets, presque instantanés, varient d'intensité avtjc l'état
du ciel ou l'heure de la journée. Ils ne paraissent pas dus a
l'influence de la chaleur^ car l'approche d'un fer chaud, à peu
près au contact du couple, 41'a pas modiflé sensiblement le
courant.
Ils indiqueraient plutôt, sauf l'interprétation ci-dessus, l'ac-
tion chimique de sens opposé, au moins dans le cas particu-
lier^ de diverses radiations, qu'il faudrait disperser ù l'aide
d'un prisme, en isolant les rayons de chaleur, pour les exami
ner à part'avec certitude.
La lumière solaire tamisée à travers la brume est d'un effet
460 A. FrcuiRR.
nul, ou d'un sens variable, suivant l'épaisseur de la couche
interposée.
Il ressort de celte observation qu^in pareil couple, exposé
pendant le jour à la lumière, ne doit pas être saturé à un
moment donné; la lumière détruisant ainsi, au fur et à
mesure, par le choc dissociant de certaines de ses vibrations,
le travail accompli chimiquement.
Il peut y avoir, surtout dans le voisinage de la saturation,
équilibre entre les deux actions antagonistes, comme aussi
elles peuvent, suivant le cas, l'emporter l'une sur l'autre, et
l'ournir alors, indéfiniment, puisque la matière première se
reconstitue chaque fois, des courants alternalifs qu'il est aisé
de redresser.
Finalement, c'est la lumière qui fournit, par intermédiaire,
l'énergie disponible.
Dans bien des couj 1 s pour lesquels j'ai pu observer une
semblable persistance du courant, il faut rechercher la part
revenant à l'action discontinue de la lumière qui n'atteint pas
toujours, cependant, la réduction complète du composé formé
avec régénération du métal.
Je cite ces faits pour montrer combien le phénomène princi-
pal, qui ftiit l'objet de cette étude, est susceptible de se com-
pliquer, par instant, de causes perturbatrices ou auxiliaires
qui peuvent, à la rigueur, se rencontrer dans la nature, pour
en fixer les pffets, surtout avec l'aide du temps.
J'ai multiplié, le plus possible, mes expériences en faisant
agir divers métaux sur des solutions minérales et organiques,
moins pour obtenir un plus grand nombre de composés que
pour vérifier, dans leur ensemble, les vues que je désirais
démontrer, et que je résume ainsi : utiliser tous les centres
d'attraction chimique, lors de la formation d'un composé, ou
après coup, en dissipant en dehors de la molécule, sous la
modalité voltaïque, l'excès d'énergie.
Ces vues, je les ai même étendues à un phénomène d'ordre
purement physique, la dialyse, dont la force vive, absorbée
V
» 1
1
RECHERCHES SUR l'aFFINITÉ CHINIOUE. 461
parles frottements, apporte urie résistance que Ton peut atté-
nuer en la transformant en courant électrique (^).
Deux conducteurs impolarisables, en relation chacun avec
Fun des liquides séparés par le septum, donnent issue au
courant spontané dont la fermeture augmente la rapidité du
mouvement diifusif.
J'ai entrepris des recherches analogues, non encore termi-
nées, sur la dialyse des gaz et des vapeurs.
Je me réserve, pour le moment, une étude entreprise depuis
plusieurs années, et que des circonstances particulières m'a-
vaient contraint d'interrompre.
Ci-dessous, j'ai tracé une première liste d'expériences. Parm,
les composés obtenus, les uns sont solubles et cristallisables,
les autres insolubles. Je donnerai dans peu de temps, je pense
avec quelques faits complémentaires, les propriétés distinctives
d'un certain nombre de corps ainsi préparés.
Certains, disposés en vase clos, ont donné lieu a un déga-
gement de gaz indiqué sur la liste par le symbole II.
Couples mis en expérience ayant déterminé, après ferme-
ture du circuit, une action chimique accompagnée
d'un courant.
Les produits retirés, solubles et cristallisables, ou insolu-
bles, ont donné des caractères analytiques particuliers.
Sels d*Ajnmonlam.
Sulfate : Étain. — Zinc, H. — Plomb. — Cuivre.
Azotate : Étain, H. — Plomb. — Caivre. — Mercare.
Chlorure: Étain. — Antimoine. — Zinc, H. — Plomb. — Cuivre.
i}) Dialysenr électrique : Bulletin des travaux de la Société de Pfuirmacie de
Bordeaux, 1882, f* 272. — Expositions généiaie de Bordeaux 1882, universelle
de Paris 1889. — Notice imprimée, 1882.
i
Wt A. FIGUIER.
Phoêphate ; ÉUin. — Zinc, H. -- Fer. — Plorob.
Carbonate : Ëtain. — Zïdc, H, — Fer. — Plomb. — Cuivr«.
Acétate: Ëtain, H. — Zinc, H. — Mercure.
Tartrate neutre : Élain, H. — Fer, H. — Plomb. — Cuivre. — Mer-
cure. — Zinc, H.
Citrate : Zinc, H. — Cuivre.
Sels de Potassium.
Potasâe cauil'uiuB : Ëtain, H. — Zinc, H. — Cuivre. — Platine.
Chlorure : Élain. — Argent. — Plomb.
Bromure : Ëtain. — Argent. — Biamoth. — Cuivre. — Mercure. —
Zinc, H, — Fer.
lodure: Ëtain.— Argent. — Cuivre. — Mercure.— Plomb. — Zinc. —
Fer. — Platine.
Azolale : Élain. — Zinc, H. — Fer. — Plomb.
Aiotite: Mercure.
Chlorate : Ëtain. — Fer. — Zinc. — Plomb. — Cuivi-e.
Perchlorate : Ëtain. — Fer. — Zinc, H. — Plomb. — Cuivre.
Chromate: Zinc.
Dichromate : Étain. — Zinc, H. — Plomb. — Cuivre. — Mei'cure.
PermangatMte : Étain. — Zinc. — Mercure.
Silicate : Zinc,
Carbonate : Étain. — Zinc, H.
Tarti'ate, acide : Zinc.
Citrate : ÈVdia.
Sels de Sodium.
Soude cauxtiijue : Plomb.
Cyitoi-ui-e.Ëlain. — Zinc, H.— Fer. — Argent. — Plomb. — Cuivre.—
Plaline.
Fluorure : Élain. — Argent.
Sulfliydrale: Étain, H. — Plomb.
Sulfite neutre : Étain. — Antimoine. — Mercure, — Fer.
Uypomlfite : Ëtain. — Zinc, H, H'S. — Cuivre. — Mercure. — Plomb. —
Argent.
Sulfate: Élain. — Zinc, H. — Fer. — Plomb.
Phosphate : Ëtain. — Zinc, H. — l'Iomb.
Borax : Élain. — Zinc. — Cuivre.
Tartrate neutre : Ëtain. — Zinc, II. - Cuivre.
Saticylate: Fer.
Sels de Calcium.
Eau de chaux : Zinc. — Cuivre.
Chlorure : Étain. — Zinc, — Fer, — Plomb. — Cuivre.
lŒCIIERGHES SUR L'aFFINIT^. CHIMIQUE. 463
Azotate : Zinc. — Cuivre. — Plomb.
Hypophosphite : Ëtain.
Sels de Baryam.
Chlorure : Zinc, H. — Cuivre.
Azotate : Étain. — Plomb.
Hypophosphite : Étain.
Sels de Strontium
Chlorure : Étain. — Zinc, H. — Cuivre.
Sels de Magnésium.
Sulfate : Étain. — Zinc, H.
Acétate : Étain. — Plomb.
Citrate : Étain. — Cuivre.
Sels d'Aluminium.
Alun ordinaire : Zinc, H. — Cuivre.
Sels de Fer.
Chlorure ferrique: Étain. — Zinc— Bismuth. — Cuivre. — Nickel.
Antimoine. — Mercure.
lodure féerique : Fer. — Élain. — Mercure.
Sulfate ferrique: Étain. — Zinc. — Bismuth. — Cuivre.
Acétate fabrique : Étain.
Citrate ferrique : Étain.
Citrate de fer ammoniacal : Étain. — Plomb.
Tartrate de fer et de potassium : Étain.
Sels de Nlclcel.
Chlorure nickeleux : Étain.
Sulfate nickeleux : Étain.
Chrome.
Alun de chrome : Étain. — Zinc, H.
Sels de Zinc.
Chlorure: Élain. — Zinc.
Sulfate : Étain. — Zinc. — Cuivre.
Jodure : Étain. — Fer. — Mercure.
464. A. FIGUIER.
Plomb.
Acétate neutre : Étain. — Cuivre.
Antimoine.
Émétique oi\iinaire : Étain. — Plomb. — Cuivre.
Cyanures.
Cyanure de potassium : Étain. — Argent. — Plomb. — Mercure. —
Cuivre, H. — Zinc, H. — Fer.
FerrO'Cyanure de potassium : Cuivre. — Mercure.
Ferri'Cyanure de potassium : Étain. — Zinc. — Fer. — Plomb. —
Cuivre. — Mercure.
Sulfo-cyanate de potassium : Étain. — Zinc, H. — Plomb. — Cuivre.
SulfO'Cyanate d'ammonium : Étain. — Zinc, H. — Fer, H. — Cuivi*e.
Acide acétique : Étain.
Sulfate de quinine : Étain, H. — Fer. — Zinc, H. — Cuivi'e.
Triméthyl-amine : Cuivre.
lodure de tétraméthyl-ammonium : Cuivre.
Urée : Zinc, H. — Fer, H. — Cadmium. — Nickel.
Nitrate d'urée : Zinc, H. — Fer. — Étain, H. — Nickel. — Cuivre. —
Mercure.
Glycérine : Cuivre.
Glycérine calcaire : Zinc. — Fer. — Étain. — Plomb. — Cuivre.
Sucre de canne : Étain. — Zinc. — Cuivre.
Suci*e en solution ammoniacale : Zinc, H. — Cuivre.
Sucrate de chaux : Étain. — Zinc, H. — Fer. — Plomb. — Cuivre.
Lactose : Zinc, H.
Lactose ammoniacale : Étain, H. — Zinc, H. — Cuivre.
Lactose calcaire : Zinc, H.
Glycii'rhizine ammoniacale : Zinc, H.
Mannite : Étain. — Zinc, H. — Cadmium. — Plomb. — Cuivre.
Hydrate de chloral : Étain. — Zinc, H.
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NOTICE NÉCROLOGIQUE
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vie. Le lendemaiti,
Mraite, H. Nunia
du village, au
\ deux jours
physiques
pouvait
vague-
lue,
NOTICE NECROLOGIQUE
SUR
FRÉDÉRIC FOURNET
PAR U. UICÉ
RFXTErn DE l'académie de clermont
Le 17 juin dernier, dans une des plus modestes communes
du Lot-et-Garonne, loin de toute voie ferrée, un homme suc-
combait à une longue et implacable maladie. Le lendemain^
un ami d'enfance, employé des Postes en retraite, M. Numa
Soulé, élevait la voix sur le seuil de Téglise du village, au
moment du départ du cercueil pour Bordeaux, et, deux jours
après, des représentants de la Société des Sciences physiques
et naturelles suivaient les obsèques; mais aucun ne pouvait
prendre la parole sur la tombe, car, si on connaissait vague-
ment les mérites du collègue disparu, — si on savait que,
parti de peu, il était arrivé à une haute considération et ù une
grande fortune, — il avait fait son chemin dans un passé déjà
nébuleux à une époque où tout va vite, et les membres pré-
sents ne pouvaient dire, au juste, ce qu'il avait été et par
quels efforts persévérants il s'était fait une place au soleil.
J'ai voulu combler cette lacune. Ayant obtenu la promesse
d'une insertion dans nos Mémoires, j'ai prié la veuve de celui
qui fut un de mes maîtres de m'envoyer des renseignements
destinés à compléter ou à préciser mes souvenirs, — ce qu'elle
a fait avec une telle bonne grâce et une telle exactitude de
détails que je ne saurais trop la remercier de sa collaboration.
4C6 MicÉ.
Pierre-Frédéric Fournet naquit à Agen le 8 décembre 1815.
Son père, géomètre en chef du cadastre, n'avait, pour élever
quatre enfants et soutenir de vieux parents peu fortunés, que
le modeste traitement attaché à ses fonctions ; mais il s'était
formé tout seul, connaissait le prix du savoir et du travail, et
il s'employa à procurer à ses fils ce qu'il considérait comme
la meilleure et la plus sûre des dotations. Il confia Frédéric à
un vieux savant, très dur pour ses élèves, Bartayrès, qui,
émerveillé de la précocité de l'enfant, lui fit commencer le
latin dès l'âge de cinq ans. Les délassements du jeune écolier
consistaient à construire, le jour, des écluses, des moulins en
carton, qu'il actionnait avec les petites chutes d'eau se trou-
vait à sa portée, — à jouer, le soir, avec son père, des parties
d'échecs, dans lesquelles il lui arrivait de trouver parfois de
très heureuses combinaisons.
Après quelque temps de séjour au collège d'Agen, il obtint,
à Cahors, le 22 août 18â1, le diplôme de bachelier es lettres.
Il étudia trois ans la médecine auprès du D"* Besançon, et il
eût volontiers continué dans cette voie si son père eût été à
même de lui en fournir les moyens. La pharmacie paraissant
moins longue comme études et plus immédiate comme résul-
tats, on le plaça à Bordeaux chez Magonty, d'où il sortit, avec
un certificat élogieux, pour devenir, peu après, interne à l'hô-
pital Saint^Louis, à Paris.
Mais il fallait arriver à se suffire en utilisant les connais-
sances acquises. Fournet s'adresse à un conseiller d'État,
député du Lot-et-Garonne, qui, par l'entremise du baron
Thénard, le fait entrer, en avril 1838, au laboratoire de Gay-
Lussac. Celui-ci l'observe quelques mois et, par lettre du 18 dé-
cembre, le recommande comme préparateur à Laurent, qui
venait d'être nommé professeur de chimie à la Faculté des
sciences de Bordeaux (récemment créée), et que son éminent
correspondant * ne manquait pas de féliciter d'une situation
définitive, « méritée depuis bien longtemps. » Fournet, agréé
d'emblée, fait le voyage de Paris à Bordeaux en compagnie de
F. POURNET. 467
M"^ Laurent, qui venait rejoindre son mari ; il débute en jan-
vier au laboratoire et est nommé à titre définitif par Salvandy
le 27 mars 1839.
Il était alors logé à la Faculté même, dans une pièce ayant
servi de Conciergerie à la Prison municipale et située au'delà
(en allant vers le jardin de la Mairie) de la partie du bâtiment
de la rue Montbazon occupée par la Faculté des lettres. Un
artiste de Paris, Claire, a fait de cette pièce le cadre de sa
€ Comparution de Thérésia Cabarrus devant Tallien :». C'est là,
pense-t-il, que la belle marquise de Fontenay aurait produit
sur le trop célèbre proconsul la forte impression dont parle
Arsène Houssaye dans Notre-Dame de Thermidor et qu'elle
mit à profit pour adoucir le régime de la Terreur à Bordeaux.
J'ignore si la fantaisie a eu quelque part au choix de ce milieu
pour la scène à reproduire; mais on comprendra que Fournet
— quand, arrivé à la période triomphante de son existence, il
a vu le tableau à Tune des Expositions de la Société des Amis
des Arts — se soit empressé de l'acheter et de mettre en
lumière, dans son salon de la place Tourny, une œuvre lui
rappelant la modeste chambre qu'il avait tout d'abord occupée
dans notre ville.
Mais revenons à notre jeune savant. Le voilà désormais
attaché à un illustre maître, dont le nom, inséparable de celui
de Gerhardt, est resté, dans l'histoire de la chimie, comme
symbole de la hardiesse dans les conceptions unie à la plus
grande loyauté dans le récit des confirmations ou infirmations
de l'expérience.
Aux leçons de ce chef, — dont le petit livre Cristallographie
et Chalumeau, publié vers cette époque, donnerait, au besoin,
une idée, — une nature enthousiaste comme celle de Fournet
ne pouvait que s'éprendre d'un bel amour de l'Enseignement.
Une circonstance particulière acheva de lui démontrer la
puissance d'une parole convaincue quand elle s'exerce sur une
science de la plus grande utilité sociale. Il avait été déjà
maintes fois appelé par le Parquet de Bordeaux pour des
468 MicÊ.
analyses légales, lorsqu'il eut Thonneup d'être coexpert d'Orlila
et de Jules Cloquet à Périgueux, devant la Cour d'assises. Les
illustres professeurs de la Faculté de Paris confièrent à leur
jeune collègue le soin de défendre, à l'audience, le rapport
commun, et Fournet s'en tira avec un tel succès qu'ils le
complimentèrent chaudement; que deux professeurs de l'École
de médecine de Bordeaux, Mabit et Chaumet, se joignirent à
eux, et que ce dernier fut prié par le Préfet de la Dordogne de
lui présenter le jeune savant qu'il avait eu le plaisir d'entendre.
Spontanément, les médecins et les pharmaciens organisèrent
un banquet en l'honneur des deux illustrations de la capitale,
et Fournet, désigné par les chimistes pour porter un toast à
celui qu'on appelait déjà a: le père de la toxicologie », vit
confirmer par un nouveau triomphe celui de la journée. Dans
sa joie, il pensa à son père et lui écrivit, à deux heures du
matin, pour lui raconter tout ce qui s'était passé.
Ce succès, obtenu dans la journée du 8 juillet 1840, lui
donne confiance en lui : il est nommé le 17 novembre suivant
professeur de physique et de chimie de TÉcole supérieure
communale, et il prend magistralement possession de sa
chaire. 11 acquiert, en 4842, à Bordeaux, le diplôme de pliar-
macien. Mais il continue à tirer profit de ses connaissances
pratiques en se livrant aux analyses commerciales, en com-
pagnie de M. Dupouy, fondeur en métaux précieux.
Il nourrissait, d'autre part, l'idée de créer des usines, —
témoin cette inscription, du 20 mars 1840, sur la couverture
d'un de ses cahiers : <: Divagations chimico- industrielles et
vautres. Audaces for tuna juvat. Travail, courage, ambition.
y^ Fournet. » Le jeune homme, on le voit, rêvait l'avenir qu'il
a eu, puisqu'il devait fonder à Bordeaux, dans quelques années,
ce qu'on a appelé avec raison (n la grande industrie chimique »
(c'est le nom qu'on s'accorde à donner à la fabrication de
l'acide sulfurique et des principaux produits commerciaux qui
en dérivent).
Les débuts ne pouvaient être que modestes. Fournet s'as-
F. FOURNET. 469
socie, le 17 octobre 1842, avec Laurent et M... pour fonder,
au chemin de Saint^Genès (qui appartenait alors à la commune
de Talence), une usine destinée à la fabrication du vitriol bleu
par le traitement sulfurique des sables cuprifères de Corocoro
(Bolivie) et à l'exploitation de dolomies de l'Adour. Chargé de
la direction immédiate des ouvriers et du travail, il quitte son
domicile de la Faculté pour aller séjourner à Tusine. Mais le
capital social (5,000 francs pour chacun des trois contractants)
est bientôt absorbé par les annuités à payer aux anciens pro-
priétaires, par la construction des bâtiments, les approvision-
nements, les délais à accorder aux acheteurs : M... demande à
se retirer, Laurent ne tarde pas à être appelé à la Sorbonne;
on liquide honorablement.
Fournet va habiter rue Bouftard, et, resté détenteur du
matériel, il le transporte à THôtel des Monnaies (Hôtel actuel
des Postes), rue du Palais-Gallien, après avoir contracté une
alliance avec le directeur de TÉtablissement, M. V... Il fait
breveter, le 18 octobre 1845, un procédé de fabrication du
sulfate de cuivre, consistant dans le grillage préalable du
métal natif ou oxydulé de Corocoro et devant diminuer de
moitié la quantité d'acide sulfurique nécessaire. (L'acide
sulfureux qu'on produisait antérieurement n'était pas perdu,
mais il fallait le transformer en acide sulfurique, opération
accessoire qui augmentait pas mal les frais.) On utilise là,
comme autre matière première, les eaux-mères cuivreuses de
la Monnaie; on ajoute la fabrication du vitriol vert à celle du
vitriol bleu; enfin, on édifie de petites chambres de plomb
pour avoir sous la main, au lieu de le faire venir de loin,
l'agent principal (l'acide sulfurique).
Tous ces développements exigent des capitaux. V... n'en
manque point; Fournet, ne pouvant fournir sa part, est con-
traint dé céder la place à un autre associé, M. D..., qui reste
seul plus tard et bénéficie des avantages du brevet. L'affaire
marchait encore très bien en 187:2, mais elle ne comprenait
plus la fabrication de l'acide sulfurique. Fournet était devenu
470 MicÉ.
alors le grand fournisseur de ce produit de premier ordre et
D... était^ pour cet objets un de ses tributaires.
Ici se place un événement qui, toujours grave dans la vie, a
exercé sur celle de Foumet une influence exceptionnelle : il
épouse, le 8 février 1846, M""" Castaing, de peu d'avoir, mais
de grand bon sens, modérant Tardeur de son mari et prêle
cependant à le seconder de tout son pouvoir s'il se lance h
nouveau. Désormais tout lui réussira, car si elle a foi en son
savoir, elle le rendra calme et prudent, et ces qualités, tou-
jours utiles^ sont de première nécessité quand on se lance
dans le tourbillon du commerce et de Tindustrie.
Les déboires éprouvés et Tinfluence d'un aimable intérieur
ramènent quelque temps Fournet à la science et à renseigne-
ment : il se fait recevoir à Bordeaux, en 18471 bachelier es
sciences physiques; il entre, le 28 décembre de la même
année, à la Société Philomathique, qui siégeait alors rue
Porte-Dijeaux et était présidée par Duffour-Dubergier, maire
de la ville.
Surviennent les événements de février. Proclamation de la
République, — abolition du serment politique, des titres de
noblesse, de la peine de mort en matière politique, de l'escla-
vage dans les colonies, du suffrage restreint, — tous ces actes
et l'ère nouvelle qu'ils promettent ne pouvaient laisser indiffé-
rent un homme de trente-deux ans, éclairé, judicieux, droit, et
qui fréquentait assidûment le salon politique et littéraire dé
Rabanis, l'éminent doyen et professeur d'histoire de la Faculté
des lettres. Il fut de la plupart des manifestations patriotiques
et libérales du temps et, en vue des élections à l'Assemblée
constituante, un des fondateurs de la Société fraternelle de la
Gironde, dont le programme comportait l'étude des questions
d'organisation du travail, de forme et de responsabilité du
Pouvoir exécutif, de sa nomination, de publicité ou non des
votes des représentants du peuple, d'égalité ou non dans le
recrutement de l'armée, de réforme des lois de douane, d'as-
siette de l'impôt^ d'admissibilité (élection^ concours) aux
F. FOURNET. 471
emplois publics, d'inamovibilité pour certaines fonctions, de
séparation ou non des Églises et de TÉtat, d'enseignement
.(monopole de l'État, gratuité, obligation), etc., etc. Fournet
fut un des secrétaires adjoints (élus) du Bureau de cette
Société, dont Rabanis était président; Eugène Tandonnet,
Bazin, Rollier, Borchard, Delprat, vice- présidents; Duboul,
Abria, secrétaires; Bersot, Boissière, Lebesque, fondateurs.
Notre jeune chimiste était là en bonne compagnie.
Mais le 10 décembre arrive, la République semble définitive-
ment constituée ; Fournet revient à ses études.
Avec Félix Bernard, qui, reçu depuis docteur es sciences
physiques à Bordeaux, devint professeur de physique à Cler-
mont; avec Delbos, un des ouvriers de la première heure de
la Société d'Histoire naturelle de Bordeaux, qui, après avoir
professé à la Société Industrielle de Mulhouse, finit sa carrière
dans la chaire de géologie de la Faculté de Nancy, — Fournet
fonde en 1849, et sous le patronage moral de la Faculté, un
cours de préparation au baccalauréat es sciences physiques.
Pendant cette même année, il est un des secrétaires du Comité
d'administration de la Société Philomathique. Le 30 janvier
1851, il inaugure aux Classes d'adultes un cours public et
gratuit de chimie appliquée.
Les idées de chimie industrielle lui reviennent. Éclairé par
l'expérience, secondé par un aide de tous les instants et dont
le dévouement égale l'intelligence, il compte bien réussir
cette fois. Après deux congés employés à l'étude do so3 projets,
il donne, en mai 1851, sa démission des diverses fonctions
qu'il occupait à Bordeaux et va créer, à Toulouse d'abord, à
Agen ensuite, en exploitant les eaux du gaz de ces villes, des
fabriques de sulfate d'ammoniaque. Les deux usines, bien
installées, bien conduites, donnent des bénéfices; la modeste
dot de M"® Fournet, employée à ces créations, est maintenant
une petite fortune.
Le jeune ménage, devenu concessionnaire des eaux de notre
graïKJle usine à gaz, revient à Bordeaux en 1856, s'installe rue
472 mcÈ.
Pierre, dans le petit coin à lui concédé par la Compagnie, et
produit des masses d'un sulfate d'ammoniaque très blanc et
Tort recherché du commerce. La chaux destinée à dégager le
gaz des eaux était fabriquée là; on la vendait d'ailleurs à la
Compagnie du gaz elle-même pour le service des épurateurs.
Mais tout cela, c'est de la petite industrie : il faut arriver à
faire en grand l'acide sulfurique. Fournet cherche un empla-
cement qui soit à la fois et assez vaste pour permettre à l'usine
qu'il rôve de grands développements, et assez bien situé pour
rendre faciles les approvisionnements et les expéditions, pour
ne pas éveiller les justes susceptibilités du Conseil d'hygiène.
11 trouve enfin la propriété d'Artigues-Vieille, boulevard de
l'Impératrice, sur le territoire de la commune de Caudéran, et
l'achète 18,000 francs après s'être associé à un ami pour
l'ensemble des affaires projetées. Cet immeuble a été accru
depuis par de nombreuses annexions qui l'ont amené ù contenir
trois hectares et à donner sur quatre rues.
On procède immédiatement au transfert des industries
(chaux, sulfate d'ammoniaque) de la rue Pierre et à l'édifica-
tion de vastes chambres de plomb. Le soin apporté par Fournet
à tous les détails était vraiment remarquable : il a présidé à la
soudure autogène de toutes les plaques et je l'ai vu retirer le
chalumeau oxhydrique des mains de l'ouvrier pour s'assurer
par lui-même de la fermeture hermétique de points lui parais-
sant douteux.
Voyant l'engrenage dans lequel sont pris les créateurs d'in-
dustries, Tami demande à se retirer au bout de deux ou trois
ans, alors que l'usine n'est pas encore en rapport. Fournet
redoute de l'avoir effrayé par ses projets et, délicatement, lui
offre de rester seul pour l'affaire principale, se contentant de
continuer la fabrication du sulfate d'ammoniaque. Mais l'as-
socié insiste. Fournet fait flèches de tous bois, vend (avec
sérieux bénéfices) ses usines d'Agen et de Toulouse, s'adresse
pour le complément à la famille, parvient ainsi à rembourser
celui sans lequel il n'aurait peut-être pas entrepris, et sa dame
p. FOURNET. 473
et lui s'installent à Artigues-Vieille (mars 1861) avec des res-
sources presque épuisées^ mais résolus à tous sacriAces et à
tous efforts pour sauver ce qui en reste et le faire fructifier.
Le sulfate d'ammoniaque produit est toujours superbe : il
titre 0,220 d'azote (certificat 24 octobre 1860 du Vérificateur
en chef des engrais de la Gironde), alors que la proportion
théorique est de 0,212, c'est-à-dire qu'il est d'une pureté
absolue. — Une argile de grande blancheur et dépourvue de
fer est découverte près de Coutras : elle est, après cuisson
convenable, facile à broyer par une machine à vapeur, et, en
cet état, elle se transforme aisément en sulfate d'alumine,
qu'on offre au public sous forme de pains. — Les deux sels
précédents, combinés, fournissent un alun qui, dans les grandes
cuves qu'on lui offre, cristallise en octaèdres groupés aussi
gros que limpides; ce produit et le sulfate d'alumine prennent
le chemin des teintureries et des papeteries.
On fait maintenant des chaux grasses, non seulement pour
les usages intérieurs de l'usine et les épurateurs du gaz, mais
aussi pour les stéarineries et tanneries, pour les constructions
et à titre d'amendement des terre^ Fournet fait breveter un
procédé, consistant à chauffer dans un courant d'air la chaux
sortant des épurateurs et à brûler dans le foyer du four les
huiles infectes s'en dégageant, qui permet l'accumulation dans
les usines de cette chaux revivifiée et son emploi en agricul-
ture ou dans les constructions exigeant le a: mortier bâtard 3>
(le sulfure de calcium formé par le sulfhydrate d'ammoniaque
du gaz s'étant transformé en sulfate de chaux lors du grillage).
— Des marnes de qualité ou des argiles comme celle de Cen-
tras servent à la production de chaux hydrauliques naturelles
ou artificielles.
L'acide sulfurique est fabriqué avec du soufre de Girgenti
(Sicile) : aussi est-il exempt d'arsenic et convient-il pour les
laboratoires, particulièrement pour les recherches de médecine
légale; pour la préparation des produits alimentaires (boissons
gazeuses, sirops de glycose, oléomargarine des fabriques
T. I (5« Série). 31
■
1
I
474 MicÊ.
d'acide stéaiique^ etc.); pour celle des produits pharmaceu-
tiques. Par ses brochures, ses notes dans les journaux, ses
démarches, Fournet arrive à le faire accepter (car il coûte plu:*
cher au fabricant) a un prix plus élevé que celui des acides de
Lyon ou de Rouen, préparés avec des pyrites, et qui avaient
usqu'alors presque exclusivement alimenté le marché de Bor-
deaux. La renommée de cet acide pur et quMl garantissait
concentré à 65^5, a fini par être si grande que, parmi les
maisons auxquelles il le livrait, j'en ai trouvé une de Buenos-
Ayres, qui avait traité pour dix tourilles par mois.
Ayant le soufre et une puissante machine à broyer com-
plétée par un tamis mécanique, Fournet prépare pour les
viticulteurs du soufre trituré fm et démontre, par des expé-
riences exécutées chez lui ou dans diverses propriétés, qu'il
est aussi actif contre l'oïdium que le soufre sublimé, tout en
coûtant 30 0/0 moins cher. De novembre 1860 à juillet 4863,
il est peu de séances de la Société d'Agriculture de la Gironde
dans lesquelles il n'ait pas été question de ces deux soufres :
leur lutte dans ce sanctuaire et sur le terrain a été si ardente
qu'elle a donné à un spirituel écrivain au courant des actua-
lités bordelaises l'idée de publier une pièce en un acte et en
vers, intitulée : Les Médecins de Madame Lavigne, dans
laquelle les principaux personnages, « le Sublimé ^ et < le Tri-
turé }^, plaident à tour de rôle leur cause et essaient de
l'emporter dans l'esprit de leur malade.
Fournet prépare et expérimente d'ailleurs d'autres produits
antioïdiques, notamment le sulfure de calcium, qu'il obtient,
par la réduction au rouge et à l'aide du charbon, du sulfate de
chaux résidu des stéarineries.
On fait du sulfate de soude avec le produit des sécheries de
morues et des magasins de La Rousselle qui porte le nom
vulgaire de (c sel de coussin )» : c'est le sel qui a servi à con-
server le poisson et est devenu infect en sMmprégnant de ses
ptomaïnes et des autres produits d'une putréfaction naissante.
Ce sel, rejeté de tous les usages, était détruit sous la sur»
F. FOURNET. 475
veillance de la Douane. Fonrnet Tutilise en le faisant griller
sur la sole d'un four à réverbère brûlant ses émanations^ le
reprenant par le minimum d'eau et le faisant cristalliser; il
s'assure, par un brevet de quinze ans, de cette abondante et
économique matière première, dont les quantités employées
ont été telles, pendant quelques années, que trois agents des
Douanes étaient affectés, pour leur contrôle, à Tusine d'Ârli-
gues-Yieille. Le sulfate de soude, généralement mêlé (à parties
égales) avec le sel reconstitué, est vendu aux verreries. —
L*acide muriatique produit en même temps que lui trouve son
écoulement dans les distilleries de grains.
Une certaine quantité de sulfate de soude est donnée aussi
par la fabrication de Tacide nitrique, pour laquelle on emploie,
bien entendu, le nitrate de soude du Pérou et du Chili.
Le sulfate d'ammoniaque et la chaux fournissent de l'ammo-
niaque à peu près pure, qui est ou vendue au commerce après
dissolution saturée, ou transformée en chlorhydrate, en azotate :
le premier de ces sels est utilisé par les soudeurs, les étameurs,
les fabricants de <t fer galvanisé y> ; le second, pour la production
économique du froid, particulièrement dans la (n glacière des
familles y>.
Le sulfate de soude devient, par le procédé Leblanc, du
carbonate, et celui-ci est utilisé dans les savonneries sous le
nom de e: soude y> ; vendu aux droguistes sous le nom de
c cristaux^ pour servir ensuite, dans les ménages ou les
grands établissements (casernes, collèges, hôpitaux, hospices,
colonies pénitentiaires, etc.), à divers nettoyages ou à la les-
sive artificielle.
Surchargé d'acide carbonique, le carbonate devient du ce sel
de Yichy artificiel », d'autant plus assimilable au a: naturel »
que celui-ci n'est qu'un sel reconstitué par le même procédé,
mais avec l'acide des caves de l'Établissement. Celui d'Ârti-
gues-YieilIe était, aussi bien que l'autre, accepté par les phar-
maciens.
Quantité de traités, trouvés dans les papiers du défunt,
476 MIGÉ.
montrent rimportance des commandes qui lui étaient faites
par les industriels de Bordeaux ou du Sud-Ouest et signalent
le grand nombre d'usines nouvelles qui se sont créées là, se
rangeant autour de la sienne comme des planètes autour de
l'astre central dont elles attendent la chaleur et la vie.
Les cahiers de laboratoire ne sont pas moins intéressants à
consulter : ils démontrent que rien n'était laissé au hasard ;
qu'à chaque nouvelle entreprise, un projet était dressé, com-
prenant appareils, outillage, constructions au besoin, estima-
tion des matières premières, prix de revient et prix courant du
nouveau composé, appréciation du bénéfice par 100 kilos;
qu'aucun achat ne se faisait sans analyses ; que le titre des
produits livrés était également déterminé.
Tant de souplesse d'esprit, d'activité, de savoir et de soin,
allait enfin recevoir sa récompense. Déjà, à l'Exposition de la
Société Philomathique de 1859, le Jury, en décernant une
médaille d'argent, avait prédit l'avenir en ces termes : « Les
» connaissances scientifiques et industrielles de M. Fournet, sa
» persistance, sa ténacité, les heureux résultats qui doivent en
)) découler pour la prospérité de Bordeaux, nous le font classer
y> au premier rang de nos industriels. y> Il n'avait cependant
guère fait jusqu'alors que du sulfate d'ammoniaque, du sulfate
d'alumine, de l'alun et de la chaux. Mais, à l'Exposition sui-
vante (celle de 1865), Artigues-Vieille avait acquis le dévelop-
pement que nous venons d'indiquer, une véritable collection
de produits chimiques était placée sous les yeux du public, et
la Commission, dont faisaient partie Barreswil et Tresca (de
Paris), Salvetat (de Sèvres), Dumas fils (directeur de la Monnaie
de Bordeaux), des professeurs de la Faculté des sciences et de
l'École de médecine, des ingénieurs, des chefs d'institutions,
déclarait, par l'organe de son rapporteur Royer, que M. Four-
net avait « dépassé les prévisions du Jury de 1859 et les espé-
» rances que faisait naître son usine; qu'il avait rendu des
» services réels à la viticulture, dont les produits sont une
y> des bases principales de la production de la Gironde et des
F. FOURNET. 477
:» départements voisins; qu'il avait su se rendre éminemment
» utile à l'industrie et contribuer au développement de la
j> richesse du pays ; y> qu'il méritait, en conséquence, une des
quatre médailles d'or de l'Empereur; et cette haute distinction
lui était accordée.
Dès lors, la période militante de l'existence de ce grand lutteur
est terminée ; son sort est assuré, son usine est classée, le Préfet
le comprend (1867) dans la liste des « Notables commerçants :».
Loin de s'étourdir du triomphe, il songe à l'ami qui l'a un
moment aidé au début et qui cependant a failli tout compro-
mettre par sa brusque retraite : il lui envoie dix mille francs.
Après la guerre, Fournet, toujours au courant des progrès
et à l'affût des besoins locaux, entre dans une voie nouvelle :
Georges Ville a depuis longtemps terminé ses belles expé-
riences ; il est désormais démontré qu'un sol peut largement
rémunérer le capital qu'il représente et le prix du travail qu'il
exige, alors même qu'il ne reçoit, avec la semence, que des
engrais minéraux ; que ces engrais sont, en tout cas, quand on
les compose avec intelligence, l'adjuvant commercial le plus
économique du fumier de ferme.
On a trouvé des quantités de phosphates de chaux dans le
Tam-et-Garonne : Fournet court dans le Lot, avec sa trousse
de minéralogiste, et, guidé par la géologie, il découvre là, à
Larnagol, des nodules qui lui semblent constituer de nouveaux
gisements ; il en reconnaît la nature, la richesse, et s'empresse
(17 juillet 1871) d'acheter le terrain qui les contient. Il traite
avec la manufacture de Saint-Gobain pour une livraison de ce
produit devant s'élever, en cinq ans, à la formidable somme
de trois millions; trouve, du côté de Saint- Sébastien et de
Santander^ de beaux gisements de pyrite, qu'il destine à la
préparation d'un acide à bas prix dans lequel la présence de
composés arsenicaux est sans inconvénient ; parvient à démon
trer dans les colonies l'importance, pour la culture de la canne
à sucre, des phosphates de chaux traités par l'acide sulfurique;
achète alors un navire, V Alice-et-Marie , pour expédier ces
478 MicÉ.
phosphates et apporter à bordeaux les pyrites, les chlorures
de potassium de Stâssfurth ou les nitrates de soude du Chili ;
est prêt enfin à installer chez lui, dans toute son ampleur, la
fabrication des engrais minéraux.
Mais toute cette fièvre inquiète M"*® Fournet. Son mari
compte plus de cinquante-six ans, et ce n'est pas sans une
sérieuse atteinte des voies respiratoires qu'il en a passé trente
dans des émanations acides ou fétides; ils se sont surmenés
l'un et l'autre et n'ont personne à qui transmettre une affaire
aussi vaste. Le 17 juin 1872, ils cèdent à la Société anonyme
des Produits chimiques agricoles, moyennant la somme de
600,000 francs, l'usine, un traité pour l'achat de 10,000 tonnes
de pyrite d'Espagne, 20 carrières de phosphate de chaux, un
traité pour la fourniture à Saint-Gobain de 15 à 30,000 tonnes
de ce phosphate, diverses autres conventions de ventes et le
navire. Ils restent propriétaires des matières premières et des
marchandises en magasin.
Le (T fondateur de la grande industrie chimique à Bordeaux i»
est désormais millionnaire et peut goûter un repos mérité.
Mais il ne saurait être oisif : il demandera quelques joies
scientifiques à notre Société, des satisfactions esthétiques à
celle des Amis des Arts ou à la Société Philharmonique. La
fréquentation des philomathes lui rappellera son ancienne
passion de l'enseignement, et il fera partie, en 1882, de deux
jurj^s (Installation des usines. Produits chimiques), ses collè-
gues du premier l'appelant à l'honneur de les présider. Il lira
les ojivrages ou publications périodiques de nature à le ren-
seigner sur les progrès de l'esprit humain, et, quand une double
cataracte compliquée d'amaurose fera toucher de ses mains le
journal ou le livre, les yeux et la voix de sa femme lui procu-
reront sa nourriture spirituelle quotidienne.
Nous avons dit son culte pour l'amitié. Voici un autre trait
de générosité de la période militante de sa vie :
Il avait pris, le 20 février 1856, un brevet de quinze ans
pour perfectionnement à la préparation des acides citrique et
F. FOURNET. 479
tartrique : le chauifage à feu nu et la présence de Tair pendant
les concentrations ayant pour résultats, comme lorsqu'il s'agit
du sucre, d'altérer les matières organiques accompagnant
l'acide et l'acide lui-même, de colorer les eaux-mères, de
gêner la cristallisation et de diminuer le rendement, il voulait
employer un appareil à évaporer dans le vide, chauflTé à la
vapeur, à surface intérieure revêtue d'un métal préservateur
(plomb ou, mieux, argent). Il s'était assuré en petit, dans son
laboratoire, de la réussite de son idée, et il allait monter la
fabrication lorsqu'il apprit que M™® B..., de Lyon, était, pour
cause de ruine imminente, sur le point d'abandonner son
usine d'acide tartrique. Ému à la pensée du « coup de grâce »
qu'il allait lui donner, fort occupé d'ailleurs à ce moment par
les diverses industries qu'il avait créées ou qu'il songeait à
créer encore, il lui céda son brevet à titre gracieux, lui fit
gagner un gros procès intenté par un concurrent et la remit
bientôt complètement sur pied. Le fils de cette dame, le jeune
ingénieur B..., s*est empressé, en apprenant la mort du bien-
faiteur de sa famille, de remercier M™® Fournet de la grosse
fortune que le brevet lui avait permis d'acquérir.
Mon excellent ami s'est montré aussi généreux après la
victoire qu'il l'avait été pendant la lutte. Il a largement gratifié
ses collaborateurs, secouru des alliés de ses maîtres, aidé des
parents à lui ou à sa femme, et si je connais ces détails, ce
n'est ni par lui, ni par celle qui lui survit et qui s'associait de
tout cœur à ses œuvres, — si j'en parle, c'est avec la certitude
que les ^personnes qu'il a obligées seraient les premières à
proclamer, à l'occasion, tout ce qu'elles lui doivent. — Sa
dame et lui ont fondé chacun un lit à l'Asile Albert-Branden-
burg (Œuvre de l'hospitalité de nuit).
Il a racheté et restauré en 1870 le vieux château de Dau*
bèze, propriété de famille, et acquis, en même temps, là
résidence du général de Gondrecourt, à La Montjoie* C'est là
qu'il a passé ses trois ou quatre dernières années, celles de
souffrance et de cécité ; là qu'il a succombé^ à près de quatre*
480 MICE.
vingts ans, à la bronchite chronique qui Tétreignait depuis
plus d'un quart de siècle. Là aussi il a fait du bien, et beau-
coup : il a doté la commune d'une pompe à incendie, d'un
bureau de poste avec fil télégraphique et d'une foule de riens
qui sont le charme et l'ornement des campagnes.
II a encouragé toutes les Sociétés utiles ou savantes, parti-
culièrement la nôtre : ayant entendu dire, à une de nos
séances, qu'en l'état de nos finances il y aurait peut-être
témérité à faire les frais d'un étalage de nos Œuvres à l'Expo-
sition 188^ de la Société Philomathique, il nous a donné une
somme de dix mille francs. (Voir nos Mémoires, 2® série,
t. V, p. 22 et 23 des Extraits des procès -verbaux, séance du
1'^' juin 1882.) En reconnaissance, la Société l'a porté à la
vice-présidence et, plus tard, prenant possession de la salle
qui lui a été attribuée dans le palais des nouvelles Facultés,
elle l'a nommé, par acclamation, son président d'honneur.
Le Jury du 14® groupe de l'Exposition de 1882 a demandé,
à l'unanimité, à la Société Philomathique qu'à l'occasion d'une
solennité qui consacre d'une façon si éclatante les progrès de
l'industrie chimique, dont M. Fournet a été l'un des fonda-
teurs à Bordeaux, sa candidature à la Légion d'honneur soit
posée à l'Autorité supérieure, bien qu'il ne soit plus exposant.
Le Jury du 12® groupe s'est, à l'unanimité, associé à la péti-
tion; mais la Société a eu le regret de ne pouvoir appuyer le
vœu, des propositions ne lui étant demandées qu'en faveur
des exposants.
Trois ans plus tard, le grand industriel bordelais obtenait
les palmes académiques, et ce souvenir des services qu'il avait
rendus à l'instruction publique était accueilli par lui avec une
véritable joie.
S'il n'a pas été honoré de la haute distinction que nous
aurions voulue pour lui, vous paierez à sa mémoire, Messieurs
et chers Collègues, un juste tribut en faisant insérer cette
notice dans vos Actes. II ne s'agit pas d'ailleurs seulement
d'un membre de la Société, de son bienfaiteur, de son premier
F. FOURNBT. 481
président d'honneur; il s'agit aussi du dernier survivant des
hommes de la première heure de la Faculté des sciences^
(c cette véritable aima mater de notre Société, j> comme le
rappelait Fournet lui-même dans la lettre qui fut l'événement
de la séance du 4®*" juin 4882.
Si la Mort eût attendu encore huit mois, nous célébrions les
noces d'or de M. et de M"® Fournet. Ce rêve d'amis ne s'est
pas réalisé. Je suis heureux, du moins, de pouvoir dater le
présent éloge du jour où nous espérions fêter le cinquantenaire
d'un ménage aussi uni que vaillant.
Glermont-Ferrand, le 8 février 1896.
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