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Full text of "Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux"

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KMOIRES 


DE  LA  SOCIETE  DES 


SCIENCES  PHYSIQUES  ET  NATURELLES 


DE  BORDEAUX 


MÉMOIRES 


DE  LA  SOCIÉTÉ 


DES  SCIENCES 


PHYSIQUES  ET  NATURELLES 


DE  BORDEAUX 


5"  SÉRIE 


TOME  I 


PARIS 


OAUTHIER-VILLARS  &  FILS 


»  J. 


IMPRIMEURS -LIBRAIRES    DE    L  ECOLE    POLYTECHNIQUE,    DU    BUREAU 
DES  LONGITUDES,   SUCCESSEURS  DE  MALLET-RACHELIER, 

Qaai  des  Angnstins,  55. 


A    BORDEAUX 

CHEZ      FEREX      ET*      FILS,      LIBRAIRES 

15,  cours  de  Tlntendance,  15 

1896 


<■■'.:: 


LISTE 


DES 


PRÉSIDENTS  ET  VICE-PRÉSIDENTS  DE  LA  SOCIÉTÉ 


de    18B3    A    *8e6 


ANNÉE 

PBÉSIDENT 

BAZIN. 

VIGE-PRésmBNT 

1853-1854 

DELBOS. 

1854-1855 

BAZIN. 

> 

1855-1856 

BAZIN. 

» 

1856-1857 

ORÉ. 

» 

1857-1858 

BAUDRIMONT, 

» 

1858-1850 

BAZIN. 

p 

1859-1860 

BAUDRIMONT. 

> 

1860-1861 

ABRIA. 

» 

1861-1862 

LE8PIAULT. 

ORÉ. 

1862-1868 

BAUDRIMONT. 

ROYBR. 

1863-1864 

ORÉ. 

AZAM. 

1864-1865 

AZAM. 

ROYER. 

1865-1866 

ROYBR. 

H.  GINTRAC. 

1866-1867 

H.  GINTRAC. 

0.  DE  LACOLONGE. 

1867-1868 

0.  DE  LACOLONGE. 

GLOTIN. 

1868-1869 

GLOTIN. 

JEANNEL. 

1869-1870 

LINDER. 

DELFORTERIE. 

1870-1871 

LINDER. 

DELFORTERTE. 

1871-1872 

DELFORTERIE. 

ABRIA. 

1872-1873 

ABRIA. 

RATHEAU. 

1873-1874 

BAUDRIMONT. 

SERRÉ-GUINO. 

1874-Ï875 

SERRÊ-GUINO. 

BAYSSELLANCK. 

1875-1876 

BAYSSELLANCE. 

LOQUIN. 

o 


4Ô713 


ANNÉE 


PBKSIDENT 


VICE-PRESIDENT 


1876-1877 
1877-1878 
1878-1879 
1879-1880 
1880-1881 
1881-1882 
1882-1883 
1883-1884 
1884-1885 
1885-1886 
1886-1887 
1887-1888 
1888-1889 
1889-1890 
1890-1891 
1891-1892 
1892-1893 
1893-1894 
1894-1895 
1895-1896 


LOQUIN. 

HAUTREUX. 

E.  BOUT  AN. 

DUPUY. 

MILLARDET. 

DE  LAGRANDVAL. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

G.  RAYET. 

TANNERY. 

AZAM. 

DUPUY. 

DROGUET. 

BAYSSELLANCE. 

BLAREZ. 

DE  LAGRANDVAL. 


HAUTREUX. 

E.  BOUTAN. 

MICÉ. 

MILLARDET. 

DE  LAGRANDVAL, 

G.  RAYET. 

FOURNET. 

FOURNET. 

FOURNET. 

BOUCHARD. 

BOUCHARD. 

AZAM. 

TANNERY. 

GAYON, 

GAYON. 

GAYON. 

BLAREZ. 

BLAREZ. 

HAUTREUX. 

HAUTREUX. 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

pendant  Tannée  1895-1896. 


Membres  du  Cfmtêil, 


Composition  dn  Bureau  pour  l'aunje  1896-1896. 

MM.  FOURNBT,  Q  A.,  Président  hoHorêirê. 

DB  LâGRANDVAL,  j|^,  Président. 

HAUTRBUX,  ^,  Viee-Présidênt. 

RAYBT,  ^,  Secrétaire  général, 

CROIZIBE,  #,  <    „  '  ,  .        ..  .  , 
HUGOT  {   ^^^^*<^^^^J^^^*'' 

BRUNBL,  ArckivisU, 

CHEVALLIER,  Trésorier. 

GAYON,*, 

MILLARDBT,  ^, 

FIGUIER, 

PÉREZ,  ^, 

BAYSSELLANCB,  O.  'Sfé, 

BOUCHARD,  0.  «, 

MORISOT, 

JOLYET, 

LESPIAULT,  ^, 

ELLIE, 

BLARBZ, 

DROGUET,  #, 

Membres  titulaires  (*). 

MM.AIGNAN,  inspecteur  d'Académie. 

*ASTOR,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Grenoble. 
AUGER,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
AUGIS,  ^,  ingénieur  de  la  Compagnie  du  Midi. 
AVRIL,  j^,  ingénieur  de  la  Compagnie  du  Gaz. 
BARCKHAUSEN,  0.  ^,  professeur  à  la  Faculté  de  Droit. 
BARTHB,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 

BAYSSELLANCB,  0.  #,  ingénieur  des  Constructions  navales  en  retraite, 

ancien  maire  de  Bordeaux. 
BERGONIÉ,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
BICHON,  licencié  es  sciences. 
BLAREZ,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
BORDIER,  docteur-médecin,  à  Lyon. 
BOUCHARD,  0.  ijff,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
BOULOUCH,  professeur  au  Lycée. 
,    BOUTIN^JVPi  pharmacien -major  de  1^'  classe. 

(*)  Les  membres  dont  le  nom  est  précédé  d'un  astérisque  sont  membres  à  vie. 


MM.  BRUNKL,  professeur  de  calcul  infinitésimal  à  la  Faculté  des  Sciences. 
CâGNIEUL.  ancien  préparateur  t\  la  Faculté  des  Sciences. 
Carde,  ingénieur  civil. 
CARLES,  agrégé  à  la  Faculté  de  Médecine. 

CARMIGNAC-DBSC0MBb;S,ingénieurde8  Manufactures  de  VKtatàMorlaix. 
CARON,  professeur  de  Mathématiques  au  Lycée  en  retraite. 
CAUBET,  chef  de  travaux  à  la  Faculté  des  Sciences. 
CHADU,  professeur  de  Mathématiques  au  Lycée. 
CHAVANNAZ,  licencié  ôs  sciences,  docteur  en  médecine. 
CHENEVIER.  chimiste  au  Chemin  de  fer  du  Midi. 
CHEVALLIER,  préparateur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
CHBVASTELON,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Grenoble. 
COLOT,  licencié  es  sciences,  professeur  de  Mathématiques. 
CROIZIER,  ^,  capitaine  en  retraite. 

DELMAS,  ^,  docteur  en  médecine,  direct,  de  Thydrothérapie  des  Hôpiiaus. 
DELMAS,  ancien  élève  de  TÉcole  polytechnique. 
DBNIGËS,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
DE  VAUX,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
DOUBLET,  aide-astronome  àTObservatoire. 
DROGUET,  ^,  directeur  des  postes  et  télégraphes  en  retraite. 
DUBOURG,  chimiste  à  la  Douane. 
DUHEM,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
DUPOUY,  préparateur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
DURËGNE,  ingénieur  au  Télégraphe. 
ELGOYHEN,  négociant-propriétaire. 
ELLIE,  ingénieur  civil. 

FALLÛT,  professeur  de  géologie  à  la  Faculté  des  Sciences. 
FAVREL,  préparateur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
FIGUIER,  ^,  professeur  &  la  Faculté  de  Médecine. 
FOUGEROUX,  percepteur  des  Contributions  directes. 
GADEN,  négociant. 
GAULNE  (db),  propriétaire. 
*GAYON,  ^,  professeur  de  Chimie  à  la  Faculté  des  Sciences,  chimiste  en  chef 

à  la  Douane. 
GELBLUM,  ingénicttr>agronome. 
GENDRON,  électricien. 

GOGUEL,  chargé  de  conférences  à  la  Faculté  des  Sciences. 
GOUTTES,  inspecteur  divisionnaire  du  travail  à  Bordeaux. 
GOSS.'VRT,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
GOUTTES,  inspecteur  divisionnaire  du  Travail. 
GUBSTIER  (Daniel),  négociant. 
GUIMARAES,  officier  du  Génie  portugais. 
HADAMARD,  professeur  de  mécanique  à  la  Faculté  des  Sciences. 
HAUSSER,  0.  ^,  ingtîoieur  en  chef  des  Chemins  de  fer  du  Midi. 
HAUTRBU}^,  ^,  lieutenant  de  vaisseiiu,  directeur  des  mouv&rmtnts  du  port 

en  retraite. 
HUGOT,  c)ibF<Iâ  tfivuttX  à  Ift  FatruUé  des  ^ci^ncôB. 


flCM.  ISSÂLY  (l'abbé),  licencié  es  sciences  mathématiques. 
JOaNNIS,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Paris. 
JOLYBT,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
JOUBT,  propriétaire. 

KOWALSKI,  professeur  de  Mathématiques. 
KUNSTLBR,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
LABAT,  ^,  ingénieur  des  constructions  maritimes,  député  de  la  Gironde. 
LABORDE,  préparateur  de  la  Station  agronomique. 
LACROIX,  professeur  de  Mathématiques  au  Lycée. 
LAGACHE,  ingénieur  des  Arts  et  Manufactures. 
LAGRANDVAL  (db),  ^y  professeur  honoraire  de  Mathématiques  spéciales 

au  Lycée. 
LAMEY,  chimiste. 

LANDE,  e|f5,  agrégé  à  la  Faculté  de  Médecine,  médecin  adjoio^  des  hôpitaux. 
LASSERRE,  préparateur  à  la  Faculté  des  Sciences» 
LAVERGNE  (comte  ï>n),  ^,  propriétaire. 
*LESPIAULT,  ^t  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  Sciences. 
LAPORTE  (Michel),  ancien  professeur  de  Mathématiques. 
MICE,  ^,  recteur  de  F  Académie  de  Clermont. 
MILLARDET,  ^,  correspondant  de  l'Institut,  professeur  de  Botanique  à  lu 

Faculté  des  Sciences. 
MORISOT,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences. 
PALMADE,  professeur  au  Lycée. 

PÉREZ,  ^,  professeur  de  Zoologie  k  la  Faculté  des  Sciences. 
PETIT,  docteur  es  Sciences  naturelles,  chef  des  travaux  de  botanique  à  la 

Faculté  des  Sciences. 
PICART,  astronome  adjoint  à  l'Observatoire,  chargé  de  cours  à  la  Faculté 

des  Sciences. 
PIÉCHAUD,  agrégé  à  la  Faculté  de  Médecine. 
PIONCHON,  professeur  &  la  Faculté  des  Sciences  de  Grenoble. 
PRÉVOST,  ingénieur  civil  des  Mines. 

RAGAIN,  licencié  es  sciences,  professeur  de  dessin  graphique  au  Lycée. 
RAYBT  (G.),  O.  ^,  correspondant  de  l'Institut,  doyen  de  la  Faculté  des 

Sciences,  directeur  de  rObservatoire  de  Bordeaux. 
RIVIÈRE,  piépaiateur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
ROCH,  chixmste. 

RODBERG,  iagénieur^directeur  de  la  Compagnie  du  Gaz. 
RODIBR,  professeur  au  Lycée,  directeur  du  Jardin  botanique* 
ROZIER,  professeur  de  Mathématiques. 
SANSON,  pxofeseur  da  Mathéxnatiques  au  Lycée. 
DB  SAINT-MARTIN,  propriéiaire. 

•TANNERY  (P.),  ingénieur  des  Manufactures  de  VÉtat,  à  ParU. 
TURPAIN,  préparateur  k  la  Faculté  des  Sciences. 
VALLANDË  (db),  licencié  ôs  sciences. 
VERGBLY,  ^,  professeur  à  la  Faculté  de  Médetine. 
VfiZEB,  tn%fâ8$eur  k  lu  Farulté  des  Sdenbcs. 


MefflbfftB  hottôrairefi. 

MM.  DARBOUX(G.),^,  membre  de  l'Institut,  doyen  d«  la  Faculté  d««  Sciences 

de  Paris. 
DE  TILLY,  major  d* Artillerie,  directeur  de  rafgélial  d'AnvêrB. 
FORTI  (Angelo),  ancien  profêM.  de  Mathématiques  au  Lycée  Royal  de  Pise. 
FRBNBT,  4^,  (irofeftseur  honoraire  à  la  Faculté  des  J3<iience8  de  Lyon,  à 

Périgueux. 
KOWALSKI,  directeur  de  l'Observatoire  de  l'Uniteraité  impériale  de  Kazan 

(Russie). 
LINDBR,  O.  ^,  inspecteur  générai.des  Mines,  à  Paris. 
RUBINI  (R.),  professeur  à  l'Uniyersité  Royale  de  Naples. 

Membres  ourrespondants. 

MM.  ANDREEFF,  professeur  à  l'Université  de  Kharkof. 

ARDISSONE,  professeur  de  Botanique  à  TÉcole  Royale  d'Agriculture  de 

Milan. 
ARIËS,  capitaine  du  Génie. 

fiJERKNES,  professeur  à  l'Université  de  Christiania. 
CURTZE  (Max.),  professeur  au  Gymnase  de  Thorn. 
DILLNER  (G.)»  professeur  à  l'Université  d'Upsal. 
ÉLIE,  professeur  au  collège  d'AbbeyiUe* 

ERNST  (A.),  professeur  d'Histoire  naturelle  à  l'Université  de  Caracas* 
GAR6IGLIËTTI,  docteur  en  médecine,  à  Turin. 
GAUTHIERrVILLARS,  0.  ^,  ancien  élève  de  l'École  Polytechnique,  libraire 

éditeur,  à  Paris.  * 

GOMES  TEIXEIRA  (F.),  professeur  à  l'Université  de  Coimbre. 
GRAINDORGE,  professeur  à  l'École  des  Mines,  à  Liège. 
GUNTHER  (Dr.  Sig.)  professeur  au  Gymnase  d'Ansbach. 
HAILLECOURT,  inspecteur  d'Académie  en  retraite,  à  Périgueux. 
HAYDEN,  géologue  du  Gouvernement  des  États-Unis. 
IMCHBNBTSKY,  membre  de  l'Académie  Impériale  de  Saint-Pétersbourg. 
LAISANT,  j^,  ancien  ofBcier  du  Génie,  député  de  la  Loire-Inférieure. 
MUELLER  (baron  Ferd.  von),  membre  de  la  Société  Royale  de  Londres, 

directeur  du  Jardin  Botanique  de  Melbourne  (Australie)^ 
PEAUCELLIER,  0.  «,  général  du  génie. 

PICART,  professeur  de  Botanique  en  retraite,  à  Marmande  (Lot-et>Garonne). 
PONSOT  (M°>«),  propriétaire  aux  Annereaux,  près  Libourne* 
ROIG  Y  TORRES  (D.  Rafaël),  naturaliste  à  Barcelone,  directeur  de  la 

Crônica  Ci9nt{fica» 
ROUX,  ^,  docteur  en  Médecine,  à  Paris. 
TRÉVISAN  DB  SAINT-LÉON  (comte  de),  à  Milan. 
WEYR  (Ed.),  professeur  à  l'Université  de  Prague. 


CONTRIBUTION 

A  L'ÉTDDE 

DES  HYDRATES  DE  CARBONE 

ÉTUDE  CHIMIQUE  ET  PHYSIOLOGIQUE 
de  ceux  contenus  dans  PAU,  TÉchaloUe  et  roignon 

PAR  U.  RAOUL  CHEVASTELOM, 

CHEF  DES  TRATAUX  CBIMIQUES  A  LA  FACULTÉ  DES  SCIERCU  DE  BORDEAUX. 


INTRODUCTION 

Les  végétaux  colorés  en  vert  par  la  chlorophylle  décom- 
posent seuls,  à  la  lumière,  Tacide  carbonique  de  Taiff  et  en 
assimilent  le  carbone  pour  former,  entre  autres  corps  impor- 
tants, des  hydrates  de  carbone. 

La  chlorophylle  est  nécessaire  à  ce  phénomène  d'assimi- 
lation, et,  quelle  que  soit  Torigine  de  cette  substance,  l'analyse 
spectrale  démontre  Tunité  de  sa  composition. 

Donc,  les  produits  immédiats  de  son  action  sur  Tacide 
carbonique  senties  mêmes,  quels  que  soient  les  végétaux; 
mais  ces  produits  nous  échappent,  ainsi  que  le  mécanisme  de 
leurs  transformations;  nous  ne  connaissons  que  quelques 
résultantes,  parmi  lesquelles  des  hydrates  de  carbone. 

Ceux-ci,  formés  dans  les  organes  verts,  sont  en  partie 
consommés,  en  partie  mis  en  réserve  par  la  plante  sous  forme 
non  assimilable,  et  destinés  à  des  usages  ultérieurs. 

L'amidon  a  été  longtemps  considéré  par  un  grand  nombre 
de  physiologistes  comme  le  premier  hydrate  de  carbone  tan- 
gible issu  de  Faction  chlorophyllienne;  quelques-uns  sont 
encore  de  cet  avis. 

On  constate  en  effet  sa  présence  dans  beaucoup  de  végétaux, 
mais  il  n'a  pu  être  décelé  ni  dans  les  feuilles  ni  dans  les 

T.  I  (S«  S^-ie).  1 


2  R.  CHEVASTELOK. 

parties  souterraines  d'un  certain  nombre  de  liliacées,  les 
Allium  par  exemple,  où  on  ne  connaît  aucun  autre  hydrate 
de  carbone  insoluble  dans  le  liquide  cellulaire. 

Dans  ces  végétaux,  ce  sont  des  corps  solubles  qui  prennent 
naissance  dans  les  feuilles  et  constituent  dans  les  bulbes  ou 
les  caïeux  la  réserve  hydrocarbonée. 

M.  A.  Meyer  (*)  a  constaté  dans  les  feuilles  d'oignon  et  de 
ciboulette  l'existence  de  sucres  réducteurs,  sans  définir  leur 
composition.  Dans  les  feuilles  de  yucca  et  de  poireau,  il  a 
trouvé  des  corps  appartenant  aux  groupes  inuline  et  sucre  de 
canne;  mais  il  n'a  déterminé  ni  la  nature  des  hydrates  de 
réserve  ni  les  relations  pouvant  exister  entre  eux  et  ceux 
formés  dans  les  feuilles. 

Je  me  suis  proposé,  pour  compléter  ces  recherches, 
d'étudier  : 

1^  La  nature  des  substances  sucrées  ou  saccharifiables 
mises  en  réserve  par  quelques  Alliunij  dans  leurs  bulbes  ou 
leurs  caïeux,  au  moment  où  ils  passent  à  l'état  de  vie  ralentie  ; 

2°  La  nature  des  substances  sucrées  ou  saccharifiables 
contenues,  à  différents  moments,  dans  les  difierentes  parties 
de  ces  végétaux  lorsqu'ils  se  développent  dans  les  conditions 
normales  (*); 

3**  De  rechercher  les  relations  pouvant  exister  entre  celles 
formées  dans  les  feuilles  et  celles  mises  en  réserve  dans  les 
parties  souterraines. 

Le  présent  travail  se  divise  en  cinq  chapitres  : 

Chapitre  L  —  Méthode  d'extraction  des  hvdrates  de  carbone 
solubles  dans  le  liquide  cellulaire. 

Chapitre  IL  —  Étude  des  caïeux  d'ail. 

Mode  de  préparation  et  propriétés  d'un  corps  nouveau  rencontré 
dans  l'ail. 


(t)  A.  Méyer,  Bot.  Zeit.,  1885. 

(*)  On  sait  que  des  végétaux  normalement  dépourvus  d*ainidon  peuvent  en 
former  lorsqu^on  les  place  à  la  lumière  dans  une  atmosphère  plus  riche  que 
Tair  en  acide  carbonique. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  3 

Chapitre  III.  —  Études  des  bulbes  d'échalotte  et  d'oignon. 
Les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  contenus  dans  ces  bulbes 
sont  différents  de  celui  trouvé  dans  l'ail  et  nouveaux  également. 

Chapitre  IV.  —  Recherche  dans  les  bulbes  ou  rhizomes  d'autres 
roonocotylédones  voisins  des  Allium,  des  hydrates  de  carbone  ren- 
contrés dans  ces  derniers. 

Chapitre  V.  —  Nature  et  dosage  des  substances  sucrées  ou  sac- 
charifiables  contenues  dans  les  différentes  régions  d'un  Allium  (ail, 
échalotte,  oignon)  et  dans  ces  végétaux  à  différents  degrés  de  déve- 
loppement. 

Conclusions  générales. 

Ces  recherches  ont  été  exécutées  dans  le  laboratoire  de 
chimie  organique  de  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux. 

Qu'il  me  soit  permis  d'exprimer  ici  à  M.  Gayon  ma  profonde 
gratitude  pour  la  bienveillance  qu'il  m'a  toujours  témoignée. 


B.  CHEVASTELON. 


CHAPITRE  I 

Méthode  d'extraction  des  hydrates  de  carbone  solubles 

dans  le  liquide  cellulaire. 


Dans  les  cellules  végétales  vivantes  et  à  Tétat  physiologique^ 
le  liquide  cellulaire  est  emprisonné  dans  le  protoplasma  et  ne 
peut  en  être  séparé  facilement  par  de  simples  procédés  méca- 
niques. Malgré  la  division  préalable  des  tissus  en  petits  frag- 
ments et  remploi  de  presses  puissantes,  malgré  la  rupture 
des  membranes  cellulaires,  ces  deux  éléments  restent  toujours 
mélangés  et  constituent  un  liquide  épais,  visqueux,  difficile  à 
filtrer,  même  à  Taide  du  vide.  La  purification  de  ce  liquide 
par  filtration  est  par  suite  longue  et  pénible,  et  Ton  peut 
craindre  pendant  ce  temps  des  modifications  chimiques  dues 
aux  diastases,  au  protoplasma  lui-même  ou  à  des  microbes 
qui  en  altèrent  profondément  la  composition  primitive. 

Ces  difficultés  n'existent  pas  lorsque  le  protoplasma  a  été 
préalablement  coagulé,  parce  qu'alors  le  suc  cellulaire  sort 
aisément  des  cellules  soit  par  diffusion,  soit  après  rupture  des 
membranes  ;  il  est  plus  fluide,  plus  pur  et  plus  propre  à  une 
analyse  rapide. 

Pour  produire  cette  coagulation,  on  ne  peut  employer  ni 
la  chaleur  ni  les  corps  susceptibles  de  réagir  sur  le  liquide 
cellulaire  et  d'en  changer  la  constitution.  On  réussit  bien  avec 
réther,  le  chloroforme,  le  sulfure  de  carbone,  qui  sont  des 
liquides  stables,  peu  solubles  dans  les  sucs  végétaux,  sans 
action  chimique  sur  eux  et  qui,  en  outre,  sont  très  volatils  et 
faciles  par  suite  à  éliminer. 

C'est  l'éther  qui  m'a  donné  les  meilleurs  résultats  et  que 
j'ai  exclusivement  employé  dans  mes  recherches. 

La  méthode,  d'ailleurs  très  simple,  à  laquelle  j'ai  été  conduit, 


HYDRATES  DE  CARBOXB.  5 

et  basée  sur  les  propriétés  coagulantes  de  Téther  vis-à-vis  du 
protoplasma,  n'est  pas  nouvelle.  Elle  a  été  indiquée  pour  la 
première  fois,  sous  le  nom  de  diœthéralyse,  en  1876,  par 
Legrip  (^);  mais  Fauteur  ne  semble  pas  avoir  soupçonné  le 
principal  rôle  de  Téther  dans  le  phénomène. 

Voici  comment  on  procède  :  On  découpe  les  plantes  ou 
parties  de  plantes  à  étudier  en  petits  fragments  que  Ton  pro- 
jette immédiatement  dans  un  flacon  à  moitié  rempli  d'éther  ; 
on  ferme  le  flacon  et  Ton  agite  de  temps  en  temps  pour  mettre 
les  fragments  solides  en  contact  avec  Téther,  puis  on  laisse 
reposer. 

On  ne  tarde  pas  à  voir  couler  au  fond  du  flacon  un  liquide 
lourd,  insoluble  dans  Téther,  tandis  que  les  portions  de 
végétal  rendues  plus  légères  flottent  à  la  surface  du  liquide 
aqueux  tout  en  restant  immergées  dans  Téther;  en  même 
temps,  elles  changent  d'aspect  et  de  consistance  :  elles 
deviennent  translucides,  friables  et  faciles  à  presser. 

Lorsque  le  volume  du  liquide  aqueux  n'augmente  plus,  on 
le  sépare  4e  Téther  surnageant,  on  presse  les  fragments,  on 
ajoute  le  jus  au  précédent  et  Ton  obtient,  même  sans  filtrer, 
une  liqueur  limpide  qui  n'est  autre  que  le  liquide  cellulaire. 

Ainsi  préparé,  ce  liquide  peut  être  conservé  indéfiniment 
dans  des  récipients  clos;  il  est  stérilisé  pour  les  microbes 
et  les  moisissures  par  l'éther  dissous,  et  ne  peut  éprouver 
d'autres  modifications  que  celles  qu'apporte  le  temps. 

Grâce  à  cette  méthode,  on  peut  étudier  les  végétaux  ou 
parties  de  végétaux  en  voie  de  développement;  ils  sont,  pour 
ainsi  dire,  surpris  dans  la  vie  et  ne  peuvent  plus  être  le  siège 
d'aucun  phénomène  physiologique  venant  encore  compliquer 
leur  étude.  Le  liquide  recueilli  a,  très  vraisemblablement, 
du  moins  au  point  de  vue  des  hydrates  de  carbone  solubles, 
la  composition  de  celui  contenu  dans  les  cellules  de  la  plante 
vivante. 

(*)  Legrip,  Répertoire  de  Pharmacie,  1876. 


6  R.  CHEVASTELON. 

Enfin,  la  méthode  est  applicable  à  toutes  parties  d'un  être 
organisé  renfermant  un  liquide:  j'ai  pu  extraire  des  liquides 
du  foie,  du  poumon,  du  cerveau. 

Dans  l'étude  que  j'ai  entreprise,  l'éther  rend  d'autres 
services  :  en  effet,  les  Allium  renferment  des  huiles  essen- 
tielles qui  auraient  de  l'influence  sur  la  réduction  des  sucres, 
et  ces  substances  sont  en  grande  partie  enlevées  par  l'éther. 

Ainsi,  celui  qui  a  été  en  contact  avec  l'ail  abandonne  par 
évaporation  l'essence  mélangée  d'une  petite  quantité  d'huile 
fixe.  Cette  essence  est,  on  le  sait,  un  éther  sulfhydrique  de 
l'alcool  allylique  dépourvu  de  pouvoir  rotatoire  ;  mais  chauffé 
avec  la  liqueur  de  Fehling,  il  est  partiellement  saponifié,  et 
l'acide  sulfhydrique  qui  entrait  dans  sa  constitution  réagis- 
sant sur  le  sel  de  cuivre  que  renferme  la  liqueur,  donne  un 
précipité  de  sulfure  de  cuivre. 

Celui  qui  a  séjourné  avec  l'oignon  et  Téchalotte  laisse 
comme  résidu,  après  évaporation,  un  corps  amorphe  de  cou- 
leur jaune  verdâtre,  ayant  une  odeur  moins  marquée  que  celle 
des  bulbes  eux-mêmes.  Cette  odeur  s'atténue  à  l'air  au  bout 
de  quelques  jours,  et  on  perçoit  alors  assez  nettement  celle 
d'huile  rance.  On  avait  donc  un  mélange  d'huile  essentielle  et 
d'huile  fixe. 

Une  solution  alcoolique  de  ce  mélange  est  sans  action  sur 
la  lumière  polarisée,  mais  jouit  de  propriétés  réductrices  très 
marquées. 

Ainsi,  elle  réduit,  à  chaud,  les  sels  d'argent,  d'or  et  même 
de  platine;  elle  fait  passer  au  vert  la  solution  bleue  de  sulfate 
de  cuivre. 

Elle  donne  avec  l'acétate  neutre  ou  basique  de  plomb,  sur- 
tout à  chaud,  un  très  beau  précipité  rouge  orangé.  Cette  par- 
ticularité n'avait  pas  échappé  à  Fourcroy  et  Vauquelin  (*)  dans 
une  étude  sur  l'oignon  qu'ils  firent  en  1807. 


(^)Sur  Vanalyae  chimique  de  l'oignon,  —  Foarcroy  et  Vauquelin,  Annales  de 
chimie,  t.  LXV,  p.  161, 1808. 


HYURATES  DE  CARBONE.  7 

Enfin^  elle  prend  au  contact  d*une  solution  alcaline  une 
coloration  jaune  assez  intense. 

Ce  mélange  a  donc  des  propriétés  différentes  de  celles  que 
fournit  Tessence  d'ail,  et  deux  au  moins  rendaient  son  élimi- 
nation nécessaire,  car  la  liqueur  de  Fehling  est  alcaline  et  elle 
renferme  un  sel  de  cuivre. 


Procédés  de  recherche  et  de  dosage  des  hydrates  de  carbone 

solables  dans  le  liquide  cellnlaire. 

Traitement  des  liquides,  —  Dans  le  liquide  aqueux,  filtré 
ou  non,  débarrassé  par  le  vide  et  une  chaleur  faible  (30*" environ) 
de  la  plus  grande  partie  de  Téther  dissous,  on  précipite  les 
matières  albuminoïdes  et  les  corps  pectiques  par  le  sous- 
acétate  de  plomb  en  solution  saturée. 

Si  la  liqueur  filtrée  est  encore  trop  colorée  pour  être  obser- 
vée au  polarimètre,  on  la  décolore  par  du  noir  animal  lavé  à 
l'acide  et  on  filtre  à  nouveau. 

Il  peut  arriver  qu'au  contact  de  l'air,  une  partie  de  l'oxyde 
de  plomb  se  transforme  en  carbonate,  et  la  liqueur  se  trouble. 
On  obvie  à  cet  inconvénient  en  faisant  passer  dans  la  liqueur 
un  courant  d'acide  carbonique  ;  on  sépare  par  filtration  le  car- 
bonate de  plomb  précipité.  On  évite  ainsi  le  traitement  par 
l'acide  sulfhydrique,  et  pour  chasser  le  gaz  en  excès,  l'inter- 
vention de  la  chaleur  (^). 

Examen  des  liquides,  —  On  mesure  au  moyen  d'un  pola- 
rimètre Laurent  à  pénombre,  portant  une  graduation  en  degrés 


(^)  Le  sulfare  de  carbone  et  Téthcr  de  pétrole  dissolvent  mal  les  essences  : 
c'est  l'une  des  raisons  qui  m*ont  fait  renoncer  à  leur  emploi  ;  mais  profitant  de 
leurs  propriétés  négatives  à  ce  point  de  vue,  j'ai  enlevé  par  le  sulfure  de  carbone 
les  huiles  fixes  que  contient  la  masse  pâteuse  laissée  par  Tévaporation  de  Téther  ; 
pais  redissolvant  dans  Talcool  le  résidu  du  traitement  par  le  sulfare  de  carbone, 
et  abandonnant  la  solution  alcoolique  à  une  évaporation  lente  sous  une  cloche, 
j'ai  constaté  la  forme  de  cristaux  jaunes;  ces  cristaux  ont  les  propriétés  du  lésidu 
étbéré  brut  et  l'odeur  marquée  d'oignon  et  d'échalotte.  Il  sera  donc  possible 
d'étudier  ce  corps  à  l'état  de  pureté. 


8  R.  CHEYASTELON. 

polarimétriques  et  une  autre  en  divisions  saccharimétriques, 
et  à  la  lumière  jaune  du  sodium,  la  rotation  donnée  par  le 
liquide  ainsi  épuré  et  contenu  dans  un  tube  de  2  décimètres 
de  longueur. 

On  dose  |les  sucres  réducteurs  existants  par  la  liqueur  de 
Fehling  titrée  de  manière  que  10  centimètres  cubes  correspon- 
dent à  0*^,05  de  glucose. 

On  répète  les  mêmes  opérations  après  hydratation  par  les 
acides. 

Enfin,  quand  il  y  a  lieu  d'admettre  que  les  sucres  réduc- 
teurs sont  constitués  par  un  mélange  de  glucose  et  de  lévulose, 
on  a,  pour  calculer  la  proportion  de  chacun  des  sucres,  les 
équations  suivantes  : 

a?  -h  y  =  P, 
100  a;      100  y 


l 


=  ±p. 


dans  lesquelles 


X  est  le  poids  de  glucose  contenu  dans  le  mélange, 
y       B        1        lévulose       1         »         B 
F  le  poids  total  des  sucres  réducteurs, 

de  irlucose  )  ^^''  dissous  dans  100  centimètres 
?  1   H    I      [   cubes  d'eau,  donnent  une  rotation 

/       B        de  lévulose  )   je  100  divisions  saccharîmétriques, 

p  la  rotation  observée  en  divisions  saccharimétriques  avec 
son  signe. 


On  déduit  de  là 


^~100(<  +  ^)"*'/4-flf' 


=  P  — a?; 

en  prenant  pour  la  température  de  15** 

(glucose)       Mb  =  +  8*»,Î50  +  0,018796  X  P  (*) 
(lévulose)     [a]i>  =  —  92^,97, 

(i)p  =s  poids  de  glacose  contenu  dans  100  centimètres  cubes  de  liqueur. 


HYDRATES  DB  CARBONE.  9 

et  en  eCTectuant  les  opérations,  on  tire 

as  =  0,6383  P  ±  0,0748  p, 

formules  appliquées  depuis  longtemps  dans  le  laboratoire  de 
H.  Gayon. 

Afin  d'éviter  les  corrections  dues  à  Tinfluence  de  la  tempé- 
rature sur  le  pouvoir  rotatoire  du  lévulose  en  particulier^  on 
fait  toutes  les  observations  polarimétriques  à  des  tempéra- 
tures comprises  entre  14^5  et  i5^|5. 

On  y  arrive  aisément  de  la  manière  suivante  : 

On  entoure  les  tubes  destinés  à  recevoir  les  liquides  d'un 
manchon  en  liège  de  1  centimètre  environ  d'épaisseur,  formé 
de  deux  demi-cylindres  réunis  par  ^un  collier  de  caoutchouc 
ou  de  métal. 

On  les  place  ensuite  à  Tintérieur  d'un  calorimètre  à  double 
enceinte,  de  vingt  litres  de  capacité  et  muni  d'un  couvercle  ; 
celui-ci  est  percé  d'une  ouverture  par  laquelle  passe  la  tige 
d'un  thermomètre  plongeant  dans  l'un  des  tubes  rempli  d'eau. 

Lorsque  la  température  du  laboratoire  est  supérieure  à  15^, 
on  met  dans  l'eau  qui  occupe  l'espace  annulaire  du  calori- 
mètre quelques  fragments  de  glace,  qui  la  ramènent  à  12^ 
environ. 

On  retire  alors  tous  les  tubes,  et  lorsque  le  thermomètre 
marque  14^5  environ,  on  procède  à  l'observation. 

Enfin  j'ai  eu  recours,  pour  rechercher  la  nature  des  hydrates 
de  carbone  non  réducteurs,  à  l'emploi  de  levures  pures,  inver- 
sives  et  non  inversives,  que  MM.  Gayon  et  Dubourg  ont  bien 
voulu  mettre  à  ma  disposition. 


iO  R.  CHEVASTELON. 


CHAPITRE  II 

Étude  des  hydrates  de  carbone  solubles 
contenus  dans  les  caïeuz  d'ail  à  l'état  de  vie  ralentie. 


Un  poids  de  650  grammes  de  caïeux,  soigneusement 
dépouillés  de  leurs  enveloppes  et  découpés  en  petits  fragments, 
a  été  traité  par  Téther  dans  les  conditions  déjà  décrites  ;  au 
bout  de  quarante-huit  heures  on  a  séparé  le  liquide  cellulaire 
accumulé  au  fond  du  flacon  de  Téther  surnageant;  on  a  pressé 
les  fragments  de  caïeux;  à  deux  reprises  on  les  a  lavés  avec  de 
l'eau  et  pressés  à  nouveau. 

Tous  les  liquides  ainsi  recueillis  avaient  un  volume  total  de 
1,400  centimètres  cubes. 

Après  traitement  au  sous-acétate  de  plomb  et  décoloration 
de  la  liqueur  par  un  peu  de  noir  animal  lavé,  on  en  a  fait 
l'analyse,  qui  a  donné  les  résultats  suivants  : 

ROTATION  RÉDUCTION 

en  divis.  saccharimétriq.  en  glucose. 

Avant  raction  des  acides. .  —  SS'^^'^jS  traces 

Après  raction  des  acides . .  —  94*»^,0  H  err,i i  0/0 

En  appliquant  aux  sucres  réducteurs,  formés  sous  l'action 
de  l'acide  chlorhydrique,  la  formule  établie  plus  haut,  on 
trouve  qu'ils  se  décomposent  en 

Glucose   =   0,06 
Lévulose  =  44,05 

En  négligeant  les  traces  de  glucose  ainsi  trouvé,  on  voit  que 
l'hydratation  n'a  produit  que  du  lévulose. 

Or,  le  corps  connu  qui  est  transformé  par  les  acides  en 
lévulose  est  l'inuline;  le  liquide  cellulaire   extrait  de  l'ail 


HYDRATES  DE  CARBONE.  11 

g 

renfermait  donc  11,11  X7â  =  10  grammes  d'inuline  pour 

100  centimètres  cubes  de  liquide  analysé. 

On  peut  même  dire  quMl  ne  renfermait  que  de  Tinuline, 
car,  en  adoptant,  comme  on  le  justifiera  plus  loin,  la  valeur 

[a]  =  -  3»> 

pour  le  pouvoir  rotatoire  de  cette  inuline,  on  en  déduit  qu'une 
solution  de  1  gramme  pour  100  centimètres  cubes  donne  une 
rotation,  en  divisions  saccharimélriques  de  —  3**%6  et,  par 

suite,  que  10  grammes  donneraient —  36"^ 

La  rotation  observée  étant —  35**^,3 

La  différence.  ...  —  0*%7 
est  négligeable. 

D'après  cela,  les  650  grammes  de  caïeux  renfermaient 
140  grammes  d'inulipe,  soit  215  grammes  par  kilogramme. 

En  appliquant  le  même  traitement  à  des  caïeux  abandonnés 
quelque  temps  dans  un  endroit  obscur,  et  dans  lesquels  la 
végétation  avait  repris  (les  pousses  avaient  de  1  centimètre  à 
1"",5  de  long),  on  constate  qu'il  s'est  formé  des  sucres  réduc- 
teurs exclusivement  constitués  par  du  lévulose. 

En  effet,  le  liquide  extrait  donne  : 


Rotation. 

Rédaction. 

Avant  Taction  des  acides. . . . 

.          —      70«T.Mecb.^2 

3flrr,61  0/0 

Après  Faction  des  acides. . . . 

—  i404iT 

lôff^jâ?  0/0 

d'où   l'on  dédiiit  pour  l'ensemble  des  sucres  réducteurs  la 
composition 

Glucose    =   0,09 
Lévulose  =  16,48 

Les  sucres  réducteurs  initiaux  étaient  donc  du  lévulose  à 
peu  près  pur  résultant  de  l'hydratation  d'une  partie  de 
l'inuline. 

Nous  allons  voir,  après  l'avoir  isolée,  que  cette  inuline  est 
différente  de  celle  retirée  du  topinambour  ou  du  dahlia. 


12  R.  CHEVASTELON. 

Préparation.  —  En  1815,  Gauthier  de  Claubry  (*),  répétant 
les  expériences  de  Rose  (')  qui  avait  découvert  Tinuline,  cons- 
tata que  ce  corps,  comme  Tamidon,  formait  avec  la  baryte  un 
précipité  insoluble  dans  Teau  de  baryte  en  excès.  11  concluai'^ 
même  que  cette  propriété,  commune  à  Tinuline  et  à  Tamidon, 
n'était  pas  suffisante  pour  identifier  les  deux  corps. 

M.  TanretO  a  basé  sur  cette  propriété  un  procédé  de  pré- 
paration à  rétat  pur  de  Tinuline  extraite  du  topinambour. 

Ce  procédé  est  également  applicable  à  Tinuline  de  Tail  ;  il 
est  préférable  à  celui  que  j'avais  employé  jusqu'alors. 

Le  liquide  cellulaire  extrait  des  caïeux  d'ail,  après  le  traite- 
ment à  l'éther,  est  déféqué  par  le  sous-acétate  de  plomb.  Après 
filtration,  on  le  décolore  par  du  noir  animal  et  on  l'additionne 
ensuite  d'un  grand  excès  d'eau  de  baryte  à  saturation  ;  il  se 
forme  un  abondant  précipité  que  l'on  sépare  par  filtration.  On 
lave  celui-ci  à  l'eau  de  baryte  et  on  l'essore  à  l'aide  d'une 
essoreuse  à  force  centrifuge. 

On  délaie  la  masse  blanche,  demi-solide,  ainsi  obtenue  dans 
un  faible  volume  d'eau,  et  on  fait  passer  un  courant  d'acide 
carbonique  pur. 

Au  bout  de  quelques  instants,  tandis  que  le  carbonate  de 
baryte  est  maintenu  en  suspension  par  l'agitation  due  au  cou- 
rant de  gaz,  la  combinaison  barytique  d'inuline  s'agglomère 
au  fond  du  vase  sous  forme  pâteuse,  s'étirant  facilement  sans 
se  rompre.  Pour  en  opérer  rapidement  la  dissolution,  il  faut 
malaxer  constamment. 

Lorsque  la  liqueur  n'a  plus  qu'une  réaction  alcaline  très 
faible,  on  la  porte  à  l'ébullition  pendant  quelques  minutes 
pour  dissocier  le  bicarbonate  de  baryte  existant  dans  la  liqueur, 
et  on  filtre  à  chaud. 

On  ajoute  à  la  liqueur  filtrée,  contenant  l'inuline  en  disso- 
lution, deux  ou  trois  volumes  d'alcool  à  95%  puis  de  l'éther;  il 

(I)  Gauthier  de  Claabry,  Ânn,  de  chimie,  t.  XCIV,  p.  200, 1815. 
(*)  Rose  Gehlen's,  Joum,  der  Chertiief  t.  III,  p.  217. 
(*)  Tanret,  C.  R.,  4  mars  1803. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  13 

se  produit  par  Tagitation  un  trouble  persistant;  on  laisse 
reposer  pendant  quelques  heures  et  on  voit  se  déposer  un 
sirop  épais  renfermant  la  presque  totalité  de  Tinuline  (^). 

On  augmente  sMl  est  nécessaire  la  proportion  d'éther  jus- 
qu'à ce  qu'une  nouvelle  aifusion  détermine  seulement  un 
léger  trouble. 

On  décante  ensuite  le  liquide  hydro-éthéro-alcoolique;  on 
agite  le  sirop  avec  un  mélange  d'alcool  et  d'éther^  à  volumes 
égauX;  qui  lui  enlève  encore  une  nouvelle  quantité  d'eau; 
après  plusieurs  opérations  semblables,  la  masse  est  encore 
pâteuse;  on  pousse  plus  loin  la  déshydratation  par  des  lavages 
à  l'alcool  absolu  et  ensuite  à  l'éther  anhydre. 

On  obtient  fmalement  des  grumeaux  solides,  blancs,  que 
l'on  dessèche  d'abord  dans  le  vide  sec,  puis  à  100*".  Pour  faci- 
liter la  dessiccation,  il  est  bon  de  pulvériser  les  grumeaux, 
précédemment  recueillis,  après  leur  séjour  dans  le  vide. 

On  peut  préparer  rapidement  de  grandes  quantités  d'inuline 
d'ail,  sans  traitement  préalable  des  caïeux  par  l'éther. 

Pour  cela,  il  suffît  de  projeter  les  caïeux,  écrasés  à  l'aide 
d'un  maillet,  dans  de  l'eau  à  ébullition  tenant  en  suspension 
du  carbonate  de  baryte  ou  de  chaux.  Au  bout  d'un  quart 
d'heure  environ,  on  presse  à  chaud  et  on  filtre;  le  liquide 
recueilli  est  traité  ensuite  comme  plus  haut. 

L'inuline  ainsi  obtenue  est  sensiblement  pure,  mais  elle  a 
encore  une  odeur  marquée  d'ail.  Cette  odeur  disparait  si  on 
traite  de  nouveau  par  l'eau  de  baryte  la  solution  sirupeuse 
résultant  d'une  première  opération. 

Propriétés  physiques,  —  Amenée  à  dessiccation  complète, 
l'inuline  de  l'ail  est  une  poudre  blanche,  amorphe,  sans  odeur, 
d'une  saveur  fade. 


(1)  Le  phénomène  est  analogue  à  celai  qae  Ton  observe  en  versant  une  quan- 
tité snfQsante  d'alcool  dans  nne  solution  de  carbonate  de  soude  ou  de  potasse. 

L*alcooI  enlève  la  plus  grande  partie  de  Teau  et  il  se  forme  deux  couches  :  la 
supérieure  est  un  mélange  d'alcool  et  d'eau;  l'inférieure  une  solution  sursaturée 
de  carbonate  de  soude  ou  de  potasse  insoluble  dans  le  liquide  surnageant. 


14  R.  CHEVASTELON. 

Elle  renferme  environ  O^^^'S  0/0  de  matières  minérales  dont 
on  ne  peut  se  débarrasser. 

Elle  fond  à  175-176^ 

Exposée  à  l'air,  elle  absorbe  rapidement  l'humidité  en  for- 
mant une  pâte  épaisse. 

Sa  solution  ne  réduit  pas  la  liqueur  de  Fehling,  et  dialyse  à 
travers  une  membrane  de  parchemin. 

Analyse  élémentaire.  —  La  matière,  desséchée  et  pesée, 
est  introduite  dans  le  tube  à  analyses  en  évitant  soigneusement 
le  contact  de  Tair  ;  on  procède  ensuite  à  la  combustion  dans 
un  courant  d'oxygène  sec. 

PREMIÈRE  SÉRIE  D'EXPÉRIENCES. 


Poids  de  matière  (<). 

C0«  trouvé. 

HïO  trouvée. 

CO/0. 

H  0/0. 

io           0,223 

0gr,36i 

0ff^i28 

44,14 

6,37 

20           0,221 

» 

08i-,i24 

» 

6,23 

30           0,310 

]» 

0»r,175 

» 

6,27 

Il  importe,  pour  ces  analyses,  de  faire  les  pesées  dans  un 
tube  clos  et  bien  sec,  car,  au  contact  de  l'air,  la  matière 
absorbe,  même  dans  un  court  espace  de  temps,  une  certaine 
quantité  d'eau  qui  fausse  les  résultats  de  l'analyse,  ainsi  qu'en 
témoignent  les  poids  d'hydrogène  fournis  par  une  2®  série 
d'analyses. 


Poids  de  matière. 

C0«  trouve. 

H<0  trouvée. 

CO/0. 

H  0/0. 

10 

0,731 

lffr,18 

0ff%441 

43,98 

6,69 

20 

0,366 

0«r,592 

Oin-,220 

43,99 

6,66 

30 

0,421 

08',68 

0«',246 

43,94 

6,48 

Si  maintenant  on  compare  ces  nombres  à  ceux  qui  corres- 
pondraient à  la  formule  CW®0*,  soit 

C  0/0.  H  0/0. 

44,44  6,17 

on  constate  que  la  composition  centésimale  du  corps  étudié 
est  celle  des  corps  en  C'H^^O*  ;  on  doit  donc  attribuer  à  l'inu- 


(1)  Poids  de  matière,  déduction  faite  des  cendres. 


UYURATES  bE  CARBONE.  15 

Une  de  Tail  la  même  formule  qu'à  celle  du  topinambour,  soit 
C«H**0»  ou  (Cni«*08)-. 

Solubilité.  —  Ce  corps  est  soluble  en  toutes  proportions 
dans  Teau  froide,  très  soluble  dans  Talcool  à  70^  peu  soluble 
dans  Talcool  à  95^  et  dans  Talcool  absolu. 

Ce  caractère  établit  une  différence  entre  cette  inuline  et 
celle  du  topinambour  et  du  dahlia. 

Hygroscopicilé,  —  0^337  de  matière  placés  dans  une 
atmosphère  saturée  de  vapeur  d'eau  à  des  températures  qui 
ont  varié  de  17°  à  21°,  ont  absorbé 

Après  17  heures,  Os^fiiS  de  vapeur  d*eau,  soit  i4ffr,24  0/0 
Après   5  jours,     0?r,068         »         »         soit  20ffr,i0  0/0 

Dans  l'air  du  laboratoire,  le  poids  de  vapeur  d'eau  absorbée 
par  100  grammes  de  matière  a  été,  avec  des  oscillations  dues 
à  la  variation  de  l'état  hygrométrique  de  l'air, 

Après  17  heures 10«r,63 

Après   5  jours 12«',62 

C'est  donc  une  substance  très  hygroscopique. 

Dialyse.  —  50  centimètres  cubes  d'une  solution  d'ail  à 
10  0/0  sont  versés  sur  un  dialyseur.  Le  cristallisoir  sur  lequel 
repose  le  dialyseur  contient  725  centimètres  cubes  d'eau.  De 
part  et  d'autre  de  la  membrane  dialysante,  la  stérilisation  est 
assurée  au  moyen  d'une  solution  de  thymol. 

Au  bout  de  quarante  heures,  le  volume  recueilli  à  l'exté- 
rieur du  dialyseur  était  de  713  centimètres  cubes  ;  ce  volume, 
réduit  par  évaporation  à  65  centimètres  cubes,  a  donné 


Rotation. 

Réduction. 

Avant  Faction  des  acides 

—    8^»^ 

0 

Après  Faction  des  acides  « . . . , 

—  20 

2»»-,38  0/0 

Les  sucres  réducteurs  sont  du  lévulose,  et  les  65  centime^ 

très  cubes  en  contenaient  lfi^54'7. 

Le  poids  d'inuline  correspondant  est  de  1,547  X  0,9  =  1,393 
,  inuh'ne  diaivsée      1,393      ^  ^ 

«t  ^«  '■«PP"''*  inaline  totale  =  "H"  =  ^'^- 


16  R.  GHEVÂSTELON. 

Pouvoir  rotatoire.  —  Après  dessiccation  complète  la 
matière  est  pesée  dans  un  tube  sec  et  clos. 

Poids  de  matière  +  les  cendres   es  2«fyB0O 
Poids  des  cendres,  2,03  X  0,002  =  0ï',0046 
Poids  de  matière  active  =  2?f,295 

On  fait  dissoudre  dans  une  petite  quantité  d'eau  et  on  com- 
plète le  volume  à  25  centimètres  cubes. 

Le  poids  de  matière  active  contenu  dans  100  centimètres 
cubes  était  donc  de  9«''i8. 

La  rotation  observée  dans  un  tube  de  2  décimètres  et  à  15^ 
était  de  — 33*»M. 

On  déduit  de  cette  observation^  en  appliquant  la  formule  de 
Biot,  que  le  pouvoir  rotatoire,  en  divisions  saccharimétriques, 
de  la  substance  est 


OU  en  degrés,  car  1"*  =  4^^"*^,615, 


[a]„  =  — 390. 

D'après  cela,  le  poids  de  matière  qui,  dissoute  dans  Teau^ 
le  volume  de  la  solution  étant  100  centimètres  cubes,  donne- 
rait une  rotation  de  100  divisions  sacchari métriques  serait 

J1002<JIM  _ 
^  =  180,282  X  2  -  *'  ^"*- 

Et  1  gramme  de  matière  dans  le  même  volume  de  dissol- 
vant donnerait  une  rotation  de  —  3**'',6. 

Influence  de  la  température  et  de  la  dilution  sur  lepou^ 
voir  rotatoire.  —  Comme  pour  Tinuline  ordinaire,  ni  la 
température,  ni  la  dilution  n'ont  d'action  sur  le  pouvoir  rota- 
toire. En  efiTet,  une  solution  d'inuline  d'ail  a  donné  la  même 
rotation  de  —  20  divisions  saccharimétriques  aux  températures 
comprises  entre  14°6  et  40°;  et,  après  dédoublement,  la  rota* 
tion  était  de  —  W\ 


HYDRATES  DE  CARBONE.  17 

Infltience  du  temps.  —  Le  pouvoir  rotatoire  ne  se  modifie 
pas  non  plus  avec  le  temps. 

Influence  du  borax  et  de  Vacide  borique.  —  Ces  deux 
corps,  qui  exaltent  le  pouvoir  rotatoire  de  certaines  substances, 
sont  sans  action  sur  celui  de  l'inuline  de  Tail. 

Action  hydratante  des  a^des.  —  Les  acides  minéraux  et 
les  acides  organiques  en  solutions  étendues  saccharifient  com- 
plètement ce  corps  et  le  transforment  en  lévulose.  C'est  ce  que 
montre  Texpérience  suivante  : 

Une  solution  à  5^799  de  matière  active,  bien  desséchée, 
pour  100  centimètres  cubes,  portée  pendant  cinq  minutes  à 
rébullition  après  addition  de  1/2  0/0  d'acide  chlorhydrique  a 
donné 

Rotation  en  divisions  saccharimétriques  à  15^,      —  55<^^^ 
Rédaction  en  glucose,      =  G^fi  0/0 

Le  pouvoir  rotatoire  du  sucre  réducteur  déduit  de  cette  expé- 
rience est 

C'est-à-dire  celui  que  MM.  Jungfleisch  et  Grimbert  assignent 
au  lévulose  existant  dans  le  sucre  interverti,  et  que  j'ai  adopté 
dans  mes  calculs. 

Action  de  la  chaleur.  —  Si  on  chauffe  l'inuline  d'ail  dans 
un  bain  de  chlorure  de  calcium  de  plus  en  plus  riche  en  chlo- 
rure, et  bouillant  par  suite  à  des  températures  fixes  mais  de 
plus  en  plus  élevées,  on  voit  vers  140^  la  masse  se  boursoufler 
et  prendre  une  légère  teinte  brune,  sans  éprouver  cependant 
de  modifications  profondes.  • 

En  effet,  si  à  ce  moment  on  dissout  le  corps  dans  l'eau,  la 
solution,  décolorée  par  un  peu  de  noir  animal,  donne 

Rotation.  Rédactioa. 

Avant  Taction des  acides...»        —  G'^M  traces 

Après  Faction  des  acides. ...        —  16^'' fi  2,04 

et  le  pouvoir  rotatoire  du  sucre  réducteur  est 

soit  un  nombre  un  peu  inférieur  à  celui  précédemment  trouvé. 

T.  1(5»  Série).  î 


18  R.  CHEVASTELON. 

  160^  le  boursouflement  et  la  coloration  augmentent;  enfin 
à  175-176^  la  fusion  a  lieu  avec  décomposition;  il  distille  un 
liquide  à  odeur  âcre^  à  réaction  acide,  qui  réduit  le  nitrate 
d'argent. 

Action  des  bases.  —  Une  solution  d'inuline  d'ail,  comme 
celle  de  Tinuline  du  topinambour,  forme,  nous  l'avons  déjà 
vu,  avec  la  baryte  en  solution  aqueuse,  une  combinaison 
insoluble  dans  un  excès^de  réactif. 

Les  combinaisons  formées  avec  la  soude,  la  potasse,  la 
chaux  et  la  strontiane  sont  précipitées  par  l'alcool. 

Tandis  que  l'acétate  neutre  et  l'acétate  basique  de  plomb 
laissent  la  solution  limpide,  l'acétate  de  plomb  ammoniacal 
donne  un  abondant  précipité. 

Action  des  diastases.  —  La  diastase  de  malt  ou  amylase 
est  sans  action,  aussi  bien  que  la  sucrase  ou  invertine  sécrétée 
par  une  levure  inversive. 

L'expérience  suivante  montre  que  VAspergillus  niger  sécrète 
une  diastase  capable  de  saccharifier  l'inuline. 

Trois  matras,  A,  B,  G,  contiennent  chacun  50  centimètres 
cubes  d'une  solution  à  5  0/0  d'inuline  d'ail. 

Dans  Â  et  B  on  ajoute  40  centimètres  cubes  de  la  solution 
diastasique  d'aspergillus. 

Dans  G  on  ajoute  40  centimètres  cubes  d'eau. 

On  porte  A  à  l'ébullition  ;  après  refroidissement,  on  le  place 
avec  B  et  G  dans  une  étuve  à  48''-50^. 

Après  2  h.  30  de  séjour,  la  réduction  est 

^        .        ^  ^  ,  inuline  saccharifiée 

Pour  A       •  0  le  rapport  — : — r — -—-; =  0 

'^^  inuline  totale 

»     B  0,62  »  9  c=  0,248 

»     G  0  »  »  =0 

Cette  solution  diastasique  renfermait  donc  un  ferment  solu- 
ble  différent  de  l'amylase  et  de  la  sucrase.  Go  ferment  est 
l'inulase,  que  Green  avait  en  1888  rencontrée  dans  le  dalhia  et 
l'artichaut.  Dans  une  récente  communication  (^)  M.  Bourquelot 


(0  Em.  Bonrqaelot,  Journ»  depharm,  et  de  ehim,,  3  mai  1898. 


HYDRATES  DE  CARBONE. 

a  montré  que  ce  ferment  diastasique  transforme  de  la  même 
manière  Tinuline  de  topinambour. 

La  découverte  par  ce  dernier  savant  de  la  tréhalase  (^),  de 
la  maltase  et  de  Témulsine  (*)  porte  à  six  le  nombre  des  dias- 
tases,  sécrétées  par  Taspergillus  niger  et  capables  de  rendre 
assimilables  des  saccharoses  comme  le  sucre  de  canne^  des 
glucosides  comme  la  salicine  ou  des  polysaccbarides  comme 
Tamidon  et  Tinuline;  ce  sont:  la  sucrase^  Tamylase,  Tinulase^ 
la  maltase,  la  tréhalase  et  Témulsine. 

L'aspergillus  niger  se  développe  dans  un  milieu  nutritif  ne 
contenant  que  cette  inuline  comme  matière  hydrocarbonée. 
Mais  pour  arriver  à  fructification ,  il  met  trois  fois  plus  de 
temps  que  dans  le  même  milieu  renfermant  Tinuline  saccha- 
rifiée,  c'est-à-dire  le  lévulose.  Cette  différence  peut  tenir  à  ce 
que,  dans  Tun  des  cas,  elle  trouve  tout  formé  l'hydrate  de 
carbone  assimilable,  tandis  que  dans  Tautre,  elle  a  dû,  avant 
de  Tutiliser,  rendre  assimilable  un  corps  qui  ne  Tétait  pas. 

On  constate  en  effet  qu'une  partie  de  Tinuline  a  été  con- 
sommée, car,  avant  ensemencement,  le  poids  d'inuline  était 
de  &«^,&&  0/0  de  liqueur,  et  après  le  développement  de  la  moi- 
sissure 1^%8  seulement;  le  poids  de  l'inuline  disparue  est  de 
4^,86. 

Dès  1886,  M.  Bourquelot  avait  observé  un  phénomène  ana- 
logue avec  Tinuline  de  topinambour. 

Action  des  levures  inversives  et  non  inversives.  —  L'inu- 
line de  l'ail  n'est  pas  directement  assimilable;  elle  n'est  pas 
non  plus  fermentescible. 

En  effet,  une  solution  de  cette  inuline,  additionnée  d'eau 
de  levure,  n'a  montré,  au  bout  de  dix  jours,  aucune  variation 
dans  sa  composition,  que  la  levure  employée  fût  inversive 
ou  non.    . 


O  Em.  Bourquelot,  Journ.  de  pharm.  et  de  chim,,  12  avril  1893. 

(->  Ëm.  Bourquelot,  C.  R.  des  séances  de  la  Soc,  de  Biologie,  juin  1893. 


20  R.  CHBVASTELON. 


CHAPITRE  III 

étude  des  hydrates  de  carbone  solublee  contenve  dans 
les  bulbes  d'échalotte  et  d'oignon  à  Tétat  de  vie  ralentie. 


Un  poids  de  500  grammes  de  bulbes  d'échalottes  dépouillés 
de  leurs  enveloppes^  et  dont  quelques-uns  présentent  un  com- 
mencement de  germination^  ont  été  soumis  au  traitement  par 
Téther. 

Après  pression  le  volume  total  de  liquide  recueilli  était  de 
400  centimètres  cubes. 

100  centimètres  cubes  déféqués  avec  10  centimètres  cubes 
de  la  solution  de  sous-acétate  de  plomb  ont  donné 

Rotalion.         Réduction. 

Avant  Faction  des  acides —  35**^,1        S«^,91  OA) 

Après  l'action  des  acides —  90"%0      i3«T,65 

d'où,  pour  le  poids  total  des  sucres  réducteurs  après  sacchari- 
fication, 

Glucose    =    lïP,98 
Lévulose  =  iU^fil 

Ici,  le  poids  de  glucose  n'est  plus  négligeable  comme  pour 
Tail,  et  il  y  a  lieu  de  rechercher  s'il  faisait  déjà  partie  des 
sucres  réducteurs  primitivement  contenus  dans  la  liqueur,  ou 
s'il  s'est  formé  par  l'action  hydratante  de  l'acide  chlorhy- 
drique. 

Dans  le  premier  cas,  les  3«*',27  de  matière  réductrice  se 
composeraient  de 

'lfirr,08  de  glucose 
is%29  de  lévulose 

Total.   3fff,27 
et  il  s'est  formé  10ff«-,38  de  lévulose 

Total.  13p-,65 


HYDRATES  DE  CARBONE.  21 

Et  dans  ce  cas,  les  hydrates  de  carbone  contenus  dans  la 
plante  seraient 

Glucose lflrr,98 

Lévulose iirr,29 

Inuline 9p-,34  =-.  10,38  X  0,9 

Dans  le  second  cas^  les  sucres  réducteurs  initiaux  seraient 
tout  entiers  du  lévulose,  et  les  acides  auraient  engendré 

Glucose i^^OS 

Lévulose 8?i',40 

Total...  i0ff%38 

Ce  glucose  résulterait  vraisemblablement  de  Tinversion  du 
saccharose,  dont  le  poids  serait  1,98  X  2  X  0,95  =  3»^76. 

Et  l'excès  de  lévulose  6»^42  correspondrait  à  6,42  X  0,9 
=  5,78  d'inuline. 

Dans  ce  cas  la  liqueur  renfermerait 

Lévulose 3fi^,27 

Saccharose 30^,76 

Inuline 5firr,78 

Contrôlons  ces  hypothèses  à  Taide  des  pouvoirs  rotatoires. 
Dans  la  première,  la  rotation  en  divisions  saccharimétriques 

de  1^,98  de  glucose  est  +  9,64 
de  i«r,29  de  lévulose  est  —  11,00 
de  9fl^^34  d'inuline     est      —33,62 

et  la  rotation  calculée     est      —  34,98 
la  rotation  observée  était     —  35,10 

La  différence      —   0,12 

est  négligeable  et  la  première  hypothèse  parait  exacte. 

La  seconde  au  contraire  est  inadmissible,  car  on  aurait  la 
rotation  en  divisions  saccharimétriques  de 

3fl^,27  de  lévulose  étant  —  27,89 
3ffr,76  de  saccharose  étant  +  23,20 
5firr,78  d'inuline         étant      —20,90 

une  rotation  calculée       =        —  25,19 
celle  observée  a  été      —  35,10 

La  différence      —  9,51 


22  R.  GHEVASTELON. 

n'étant  plus  négligeable^  il  n'y  a  pas  de  saccharose  dans  Técha- 
lotte.  Le  liquide  cellulaire  paraît  renfermer  seulement  un 
mélange  de  glucose,  de  lévulose  et  dMnuline. 

On.  arrive  aux  mêmes  conclusions  par  le  raisonnement 
suivant  : 

Quelle  que  soit  la  composition  des  sucres  réducteurs  initiaux, 
leur  pouvoir  rotatoire  ne  sera  probablement  pas  modifié  sous 
l'influence  des  acides;  on  devra  donc  retrouver  pour  eux  la 
même  rotation  après  et  avant  l'action  des  acides. 

Soit  K  leur  rotation  en  divisions  saccharimélriques.  Suppo- 
sons, comme  dans  la  première  des  hypothèses  faites  plus  haut, 
que  la  différence  de  poids  des  sucres  réducteurs  trouvés  après 
et  avant  l'intervention  des  acides,  lO^^SS  représentent  du 
lévulose,  leur  rotation  est  —  p  =  —  88**%4 

Le  poids  correspondant  d'inuline  9^,34 
donne  une  rotation  —  a  =  —  33**%6 

On  peut  donc  écrire  les  deux  équations  suivantes  : 

(1)  K  —  a  =  —  35,1, 

(2)  K  — p  =  — 90,0, 

d'où  l'on  tire 

(1)  K  =  —  35,1  +  33,6  =  —  1,5, 

(2)  K  =  —  90,0  +  38,4  =  —  1,6. 

Les  valeurs  de  K  sont  les  mêmes. 

Les  sucres  réducteurs  qui  ont  pris  naissance  sous  l'in- 
fluence hydratante  des  acides  paraissent  donc  exclusivement 
formés  de  lévulose,  et  on  serait  amené  à  conclure  comme 
pour  l'ail  à  la  présence  de  l'inuline. 

Mais  une  étude  plus  approfondie  va  nous  montrer  qu'il  n'y 
a  là  qu'une  simple  coïncidence  et  que  les  matières  saccharifla- 
bles  de  l'échalotte  ne  sont  pas  une  véritable  inuline,  car  elles 
ne  se  comportent  pas  comme  cette  dernière,  ni  avec  l'eau  de 
baryte,  ni  avec  une  levure  inversive. 

Ainsi,  avec  l'eau  de  baryte  en  excès,  on  n'obtient  aucun 
précipité  avec  le  liquide  cellulaire  de  l'échalotte,  après  déféca- 


HYDRATES  DE  CARBONE.  23 

tion,  quel  que  soit  son  degré  de  concentration,  tandis  que  celui 
de  Tail  se  comporte,  comme  on  Ta  vu,  vis-à-vis  de  ce  réactif, 
exactement  comme  le  jus  de  topinambour. 

Avec  une  levure  alcoolique,  inversive  ou  non,  nous  savons 
que  le  liquide  cellulaire  de  Tail  ne  perd  par  fermentation  que 
ses  sucres  réducteurs  et  qu'il  conserve  inaltérée  toute  son 
inuline.  Ici,  au  contraire,  tous  les  hydrates  de  carbone,  réduc- 
teurs ou  non,  fermentent,  en  milieu  nutritif,  avec  une  levure 
inversive  et  les  premiers  seuls  disparaissent  en  présence  d'une 
levure  non  inversive. 

Yoici  un  exemple  des  deux  modes  de  fermentation  : 

Six  matras  contenant  chacun  100  centimètres  cubes  d'un 
mélange  d'eau  de  levure  et  du  liquide  extrait  des  bulbes 
d'échalotte,  préalablement  concentré  à  une  douce  température, 
ont  été  stérilisés  à  Tautoclave. 

Le  23  septembre  on  a  ensemencé  trois  d'entre  eux  avec  une 
levure  inversive  pure  ;  deux  avec  une  levure  non  inversive,  et 
on  a  placé  les  cinq  matras  dans  une  étuve  à  15-20^. 

On  a  analysé  le  même  jour  le  contenu  du  sixième  et  succes- 
sivement celui  des  matras  ensemencés  dans  lesquels  la  fer- 
mentation s'est  établie  et  maintenue  pure. 

Les  résultats  obtenus  ont  été  : 
avec  la  levure  inversive, 

RÉDCGTION 

avant  acides.      aprè^  acides.         ^ 

23  septembre,  avant  ensemencement.  2?»',47  0/0  41,10  0/0  0  0/0 

3  octobre très  faible  2,10  9,00 

ii      id traces  1,00  10,10 

14      id id.  traces  11,10 

avec  la  levure  non  inversive, 

3  octobre traces  8,59  2,51 

44      id id.  8,54  2,56 

Dans  ces  deux  expériences  il  y  a  eu  un  dégagement  d'acide 
carbonique  '  et  une  production  d'alcool  proportionnels  aux 
poids  des  hydrates  de  carbone  disparus. 


24  R.  CBEVASTELON, 

Ainsi,  les  matières  saccharifiables  de  Téchalotte  diffèrent  de 
celle  de  Tail  ;  physiologiquement  elles  se  comportent  comme  le 
sucre  de  canne  ;  comme  celui-^i,  elles  ne  sont  pas  directement 
assimilables  par  les  levures  alcooliques. 

On  utilisera  de  nouveau  plus  loin  ces  propriétés  des  levures 
alcooliques. 

Pour  les  étudier  plus  complètement,  il  était  nécessaire  de 
les  isoler  de  leur  solution.  Voici  comment  j'ai  procédé. 

Préparation.  —  Le  liquide  cellulaire  retiré  des  bulbes 
d'échalotte  par  le  traitement  à  Téther  est  déféqué  au  moyen 
de  sous-acétate  de  plomb,  puis  traité,  non  par  Teau  de  baryte 
seule,  mais  par  Teau  de  baryte  et  Talcool.  Dans  ces  condi- 
tions, les  hydrates  de  carbone  précipitent  complètement  à 
rétat  de  combinaison  avec  la  baryte.  On  filtre,  on  lave  le  pré- 
cipité à  Teau  de  baryte  alcoolique  ;  on  Tessore,  on  le  délaie 
ensuite  dans  une  petite  quantité  d'eau  et  on  le  décompose 
par  un  courant  d'acide  carbonique  en  chauffant  légèrement. 

Comme  avec  Tinuline  de  Pail,  le  précipité  ne  tarde  pas  à  s'agglo- 
mérer sous  forme  pâteuse  que  l'on  dissout  en  le  malaxant. 

Lorsque  la  liqueur  n'a  plus  qu'une  réaction  faiblement  alca- 
line, on  porte  à  l'ébullition  et  on  filtre  pour  séparer  le  carbo- 
nate de  baryte. 

On  concentre  ensuite  et  on  termine  comme  pour  l'inuline  de 
l'ail. 

La  matière  pulvérulente  flnalement  recueillie  est  un  peu 
colorée;  on  l'obtient  blanche  en  réitérant  le  traitement  à  la 
baryte. 

Sa  saveur  est  faiblement  sucrée. 

En  solution  aqueuse,  elle  réduit  légèrement  la  liqueur  de 
Fehling  parce  qu'elle  renferme  encore  une  faible  quantité  de 
sucres  réducteurs  qui  l'accompagnaient  et  qui  s'étaient  préci- 
pités avec  elle. 

Pour  enlever  à  peu  près  complètement  ces  derniers,  on 
utilise  la  propriété,  que  nous  avons  déjà  signalée,  d'une  levure 
non  inversive. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  25 

A  cet  effet;  on  redissout  la  masse  solide  dans  Teau^  on 
additionne  la  solution  d'eau  de  levure,  bien  exempte  de  dex- 
trine  et  de  maltose,  et  Ton  ensemence  le  mélange  avec  une 
levure  non  înversive. 

Au  bout  de  quelques  jours,  la  liqueur  de  Fehling  n'accuse 
plus  que  des  traces  de  réduction  et  on  traite  alors  le  liquide 
comme  la  liqueur  primitive. 

Des  essais  de  cristallisation  en  solutions  très  concentrées 
n'ont  donné  jusqu'ici  aucun  résultat,  peut-être  à  cause  des 
impuretés  que  renferment  encore  les  hydrates  de  carbone 
ainsi  préparés. 

En  effet,  outre  une  notable  proportion  de  matières  minérales, 
S^8  0/0,  ils  contiennent  encore  des  traces  de  sucres  réduc- 
teurs et  des  matières  organiques  de  nature  indéterminée,  non 
saccharifiables.  Cela  résulte  des  essais  suivants  ayant  pour  but 
la  détermination  du  pouvoir  rotatoire  de  la  matière  solide  et 
celui  des  sucres  réducteurs  en  provenant  par  hydratation. 

On  dissout  un  certain  poids  de  matière,  déduction  faite  des 
cendres,  dans  une  certaine  quantité  d'eau,  et  on  complète  le 
volume  à  iOO  centimètres  cubes. 

On  détermine  la  rotation  et  la  réduction  avant  et  après 
l'action  de  l'acide  chlorhydrique. 

ier  essai.  —  Poids  de  matière  aciiye  contenue  dans  iQO^^     =  3«fJ2 

Rotation.  Rédaction. 

Avant  l'action  des  acides. .. .        —   6^^"***>-,5      traces 
Après  l'action  des  acides. ...        —  24  3ffi',424  0/0 

2o  essai.  —  Poids  de  matière  active  contenue  dans  lOO^'o     =  4fl^<',886 

Rotation.  Rédaction 

Avant  l'action  des  acides....        —   S""*,?  traces 

Après  l'action  des  acides ....        —  32  4?'',  544 

On  remarque  dans  les  deux  essais  que  le  poids  des  sucres 
réducteurs,  dosés  au  moyen  d'une  liqueur  de  Fehling  parfaite- 
ment titrée,  au  lieu  d'être  supérieur,  est  inférieur  à  celui  de  la 
matière  dissoute,  et  en  évaluant  les  sucres  réducteurs  en 
saccharose,  on  trouve  que  dans  le  premier  essai  cette  différence 


26  R.  CHEVASTELON. 

est  de  O^^e?,  soit  12^5  pour  100  grammes  de  matière;  dans 
le  deuxième,  la  différence  est  de  0^569,  soit  1l"6  pour 
100  grammes  de  matière;  en  moyenne  12  grammes  pour 
100  grammes  de  matière,  indépendamment  du  poids  des 
cendres. 

On  ne  peut  donc,  dans  ces  conditions,  déterminer  exacte- 
ment le  pouvoir  rotatoire  de  ces  hydrates  de  carbone  non 
réducteurs,  ni  celui  des  sucres  réducteurs  en  résultant. 

Les  chiffres  obtenus  ne  conduisent,  dès  lors,  qu'à  une  pre- 
mière approximation. 

Dans  ce  cas,  le  pouvoir  rotatoire  des  sucres  réducteurs 
serait 

1««^  essai,  [«]»  =  — 75^94, 

moyenne  [a]D  =  — 76^1!. 
2«  essai,  [a]»  =  — 76^29. 

En  supposant  que  les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs 
soient  analogues  au  sucre  de  canne,  leur  poids,  déduit  de 
celui  des  sucres  réducteurs,  serait 

1«  essai,  3,424  X  ^  =  3»',253, 

2«  essai,  4,844  X  ^  =  4^%317, 

et,  dans  cette  hypothèse,  leur  pouvoir  rotatoire  serait 

!•' essai,  [«]»  =  — 21^68, 

moyenne  [ajo  =  —  21**,73. 
2«  essai,  [a]i,  =  — 2^^8I. 

Les  chiffres  obtenus  sont  notablement  plus  forts  si,  au  lieu 
d'opérer  sur  une  solution  de  la  substance  solide,  on  prend  le 
liquide  provenant  directement  de  Téchalotte,  après  l'avoir 
soumis  à  l'action  d'une  levure  non  inversive. 

Voici  quels  sont  les  résultats  : 

Première  expérience. 

Rotation 
en  dhis.  saccbarimétriq.      RéiacUon. 

Avant  Taction  des  acides. ...  —  il^^  traces 

Après  Taction  des  acides. ...  —  36,8  49i',90 


HYDRATES  DE  CARBONE.  27 

d*oû  Ton  déduit  pour  les  produits  de  Thydratation 

[a]o  =  — 81%36, 

et  pour  les  corps  non  réducteurs  évalués  en  saccharose 

[a]o  =  —  25%60. 

Deuxième  expérience. 

Rotation.  Rédactloii. 

Avant  l'action  des  acides ....  — 15*^,5  Off'jiS  0/0 

Après  l'action  des  acides ....  —  60**^,5  6^,78 

d'où  pour  les  produits  de  Thydratation 

[a]D  =  —  800,69, 

et  pour  les  corps  non  réducteurs,  en  tenant  compte  des  0^,15 
de  sucres  réducteurs  initiaux, 

[a]  o  =  — 240,94. 

La  moyenne  des  deux  expériences  donne  : 
4^  Pour  les  sucres  réducteurs 

30  Pour  les  corps  non  réducteurs 

[a]„  =  — 250,27. 

Les  différences  entre  les  résultats  obtenus  suivant  que  Ton 
opère  sur  les  corps  amenés  d'abord  à  Tétat  solide  ou  sur  leur 
solution  d^ns  le  liquide  cellulaire  ne  peuvent  être  expliquées 
actuellement  d'une  manière  satisfaisante;  elles  appellent  de 
nouvelles  études  que  nous  nous  réservons  de  poursuivre 
plus  tard. 

Néanmoins  et  provisoirement,  nous  adopterons  pour  la 
suite,  dans  le  calcul  des  expériences  relatives  au  développe- 
ment de  réchalotte,  les  pouvoirs  rotatoires  suivants  : 

Pour  les  corps  non  réducteurs  [aj^  =  —  28o,27. 
Pour  les  corps  réducteurs         [aj^  =  —  8I0. 

Leur  emploi  se  trouve  justifié  par  ce  fait  qu'ils  s'applique- 


28  R.  CHEVASTBLON. 

l'ont  non  aux  hydrates  de  carbone  préparés  à  Tétat  solide, 
mais  au  liquide  cellulaire,  c'est-à-dire  dans  les  conditions 
mêmes  où  ils  ont  été  obtenus. 

Du  reste  Terreur  dont  ils  peuvent  être  entachés  se  répétant 
dans  des  expériences  en  série  où  Ton  veut  déterminer  non  des 
quantités  absolues,  mais  des  rapports,  ne  saurait  changer  les 
conclusions  générales. . 

D'après  cela,  on  trouve  que  : 

1  gramme  de  corps  non  réducteurs  dissous  dans  100  centi- 
mètres cubes  d'eau  donne  une  rotation  en  divisions  sacchari- 

métriques  de —  2*%33 

et  1  gramme  de  corps  réducteurs  dans  le  même 

volume  de  dissolvant —  7**^,47 

Ces  derniers  chiffres  vont  nous  permettre  de  déterminer, 
quelle  que  soit  la  véritable  nature  des  corps  non  réducteurs, 
en  supposant  seulement  qu'ils  ont  la  constitution  du  saccha- 
rose, la  composition  des  sucres  réducteurs  initiaux  existant 
dans  le  liquide  cellulaire  de  l'échalotte  que  nous  avons  ana- 
lysé en  tête  de  ce  chapitre,  afin  de  pouvoir  le  comparer,  dans 
la  cinquième  partie,  avec  celle  des  mêmes  sucres  existant 
dans  le  liquide  cellulaire  des  bulbes  d'échalotte  à  différents 
degrés  de  développement. 

Les  résultats  de  cette  analyse  étaient  : 

Rotation.  Rédaction. 

Avant  Taction  des  acides —  35"»^1  3«r,27  0/0 

Après  Taction  des  acides ....  —  90^"^  fi         13*^,65 

Différence....      10«^38 

La  rotation  de  ces  10^, SS  est 

-  P  =  10,38  X  7,47  =  -  n^'\ti. 

Le  poids  correspondant  des  hydrates  de  carbone  non  réduc* 
teurs,  évalué  en  saccharose,  serait 

10,38  X  -^  =  9«',86, 


HYDRATBS  DE  CARBONE.  29 

et  leur  rotation 

—  a=  9,86  X  2,33  =  — 22«%K. 

K  étant  la  rotation  des  sucres  réducteurs  initiaux,  on  doit 
avoir 

(1)  K-a  =  — 35,1, 

(2)  K-p  =  -90, 

d'où  Ton  tire 

(!)  K  =  -  35,1  -*-  22,9  =  —  12,2, 

(2)  K  =  -  10     -h  77,6  =  -  12,5; 

en  moyenne  K  =  —  12**^,3. 

Et  le  calcul  donne  pour  la  composition  des  3^,27  de  sucres 
réducteurs  initiaux 

Glucose  =  1,16 
Lévulose  =  2,11 

Lévulose  _  .  j. 
Glucose  "~    ' 

Dès  lors,  en  tenant  compté  de  la  dilution  due  au  sous- 
acétate  de  plomb,  on  trouve  que  1,000  grammes  de  bulbes 
contenaient  : 

Hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B  =  86^,74 
Hydrates  de  carbone        réducteurs  A  =  28fi^%77 

et  répartis  en  : 

Glucose   =10,21 
Lévulose  =  18,56 

Lévulose 

Glucose  ~"      ' 

B 

J=   3«rr,01 

La  comparaison  des  pouvoirs  rotatoires  que  nous  avons 
adoptés  avec  ceux  de  Tinuline  de  Fail  et  du  lévulose  en  résul- 
tant par  hydratation  va  nous  expliquer  comment,  par  la  dis- 
cussion précédemment  faite,  on  était  amené  à  conclure  à  la 
présence,  dans  le  liquide  cellulaire  de  Téchalotte,  d'une  inuline 
identique  à  celle  de  Tail. 


90  n.  CREVAtiTeLos. 

Kii  Mht,  nul  pouvoirs  rotatoires  sont  : 

l'itui'  rinullna  de  I'bII 

ISiur  lt>  Idvuloi» 

IVitif  iv*  mrpi  non  l'éducteurs  de  l'échalott 
IStiir  loi  luoivi  i4ductciurs  en  provenant. . 

\a  tUtn^rtMivo  ftittrp  les  pouvoirs  rotad 

IVwr  (<H  ï^TiMi  non  rMuctAora  —  39 — < 
tSmr  h*  otwp»  TiMuelenr»        —  9&,91 

\W  \Ut(mw*s^  tWjà  voisiiws.  se  i 
«^w  l<Mn«ir<4tw>  «(M  I  irrainiue  de  cor' 
t<^ir  k^vtraUlK^tt  un  |KùiI$  suixèriou 
»v\t*.-V«i^  Kt.  daaw  U  vliscusàon 

v*r  vvv'w  k\vï?.",i*  swf  ofJ'cs  'les  *-■. 
>ivvitJr'ii^iW'ii>  h:  .Viiit-MV'.  •-■■ 

t«v  >v>ltiitnt'ii,  n  'i  nr  s:  ; 
pw  a  'oi-*niiii'  iii'iiipiiw  ."  " 

.MitiTW  »  RMSssnrT"iT'-    ■ 

r,;;,'f     .'.îsï. -.lit-     i'  ;■ 


Ito^Ak-^^o*. 


l-,  » 


hE  CAnBONR.  33 

re  on  a  fait  dissoudre  un 
"  de  réchalotte,  et  dans 
(lo  canne,  afin  de 
itc  dans  Teau  de 


y  mol  au  g^S"  ®^^* 


iiymol  par  le  sous- 
réducteurs  par  la 


Rédaction. 

11»r,36  0,/0 

orlée  à  100°. .  traces 
.0  d'échalotte . .  traces 
portée  à  iOO*. .       id. 

iiditionsy  cette  expérience 
Al  sucre  de  canne  dans  les 

IIS,  on  peut  rendre  sensibles 

[)roposition  de  sucrase  sécrétée 
a^ant  cette  levure  à  une  tempé- 
lile. 
.1  diastase  en  déterminant  sa  pro- 
rme  à  étudier. 

lire  inversive  pure  et  bien  lavée  dans 

.  qui  avait  été  portée  à  100^  On  ajoute 

'  tout  dans  une  étuve  à  40-45°.  Après 

^  sucres  réducteurs  avant  et  après  Tac- 

(hUerminer  la  proportion  de  ces  sucres 

iiastase. 

R^DDCTIOK 

après  TactioD  de  la  sucrase 

avant  acides.  après  acides. 

;tionB 2firr,22  5»r,76 

ti  volume  d'eau..  0  0 

3 


• 

^ 


32  B.  CHBVASTEUm. 

Pour  arriver  à  séparer  la  plus  grande  parUe  du  lévulosate 
restant  après  ce  premier  traitement,  on  fait  passer  dans  la 
liqueur  un  courant  diacide  carbonique  qui  forme  avec  la  chaux 
du  carbonate  de  chaux  insoluble  ;  on  filtre,  on  concentre  par 
évaporation  à  une  douce  température  la  nouvelle  liqueur  et  on 
la  soumet  à  un  nouveau  traitement  à  la  chaux. 

Cette  opération  répétée  plusieurs  fois,  en  éliminant  chaque 
fois  le  précipité  de  lévulosate  de  chaux  qui  se  forme  lorsqu'on 
amène  la  température  à  0^,  une  dernière  liqueur  dans  laqueUe 
on  précipite  la  chaux  par  Tacide  oxalique. 

Séparée  de  Toxalate,  elle  donne  : 

RoUtion     +  d^ 
Rédaction  Sr-^S? 

dont  la  composition  est 

Glucose   =l8r,67 
LéTolose  =:  0sr,eD 

LéTolose 

la  rotation  droite,  ainsi  que  la  valeur  du  rapport  p  démon- 
trent Texistence  du  glucose. 

Ainsi  se  trouve  justifié  l'emploi  de  la  formule  pour  le  calcul 
des  poids  de  glucose  et  de  lévulose  contenus  dans  un  mélange 
de  ces  deux  corps. 

Nous  avons  établi  jusqu'ici  que  les  hydrates  de  carbone  non 
réducteurs  contenus  dans  Téchalotte  diffèrent  de  Tinuline  par 
leur  action  sur  Feau  de  baryte  et  par  la  propriété  d'être  fer- 
mentescibles,  et  du  saccharose  par  leur  pouvoir  rotatoire  qui 
lévogyre.  Ils  se  comportent  également  d'une  manière  différente 
vis-à-vis  des  diastases  les  plus  connues. 

L'étude  de  l'action  de  ces  ferments  a  été  faite  en  prenant  les 
hydrates  de  carbone  à  1  état  solide. 

Action  de  la  dtMtase  du  malt.  —  Elle  est  nulle. 

Action  de  la  sucrase.  —  De  Teau  de  levure  faite  à  froid, 
et  bien  exempte  de  dextrine  et  de  maltose,  a  été  divisée  en 


HYDRATES  DE  CARBONE.  33 

deux  parties  égales;  dans  la  première  on  a  fait  dissoudre  un 

certain  poids  des  hydrates  de  carbone  de  Téchalotte,  et  dans 

la  seconde  partie  un  certain  poids  de  sucre  de  canne,  afin  de 

s'assurer  de  Tactivité  de  la  sucrase  dissoute  dans  Teau  de 

levure. 

1 
Les  solutions,  stérilisées  au  moyen  de  thymol  au  r^«  sont 

placées  dans  une  étuve  à  30-^5^. 

Au  bout  de  24  heures,  on  précipite  le  thymol  par  le  sous- 
acétate  de  plomb  et  on  dose  les  sucres  réducteurs  par  la 
liqueur  de  Fehling. 

Résultats  : 

RédaclioB. 

A  Solation desncrase  +  sucre  de  canne 11^,36  0/0 

I  Id.  4-  id.  portée  à  100°. .  traces 

jA  Solution  de  sucrase  +  hydrate  de  carbone  d'échalotte . .  traces 
^{               Id.             +    '       id.               portée  à  100». .       id. 

Quoique  négative,  dans  ces  conditions,  cette  expérience 
démontre  néanmoins  Tabsence  du  sucre  de  canne  dans  les 
solutions  B. 

Mais  en  modifiant  les  conditions,  on  peut  rendre  sensibles 
les  effets  de  la  sucrase. 

On  sait  que  Ton  augmente  la  proposition  de  sucrase  sécrétée 
par  une  levure  inversive  en  plaçant  cette  levure  à  une  tempé- 
rature où  sa  vie  devient  pénible. 

On  évite  la  dilution  de  la  diastase  en  déterminant  sa  pro- 
duction dans  la  solution  même  à  étudier. 

On  délaie  donc  de  la  levure  inversive  pure  et  bien  lavée  dans 
la  solution  précédente  B,  qui  avait  été  portée  à  100^  On  ajoute 
le  thymol  et  on  place  le  tout  dans  une  étuve  à  40-45^.  Après 
24  heures,  on  dose  les  sucres  réducteurs  avant  et  après  Tac- 
tion  des  acides,  pour  déterminer  la  proportion  de  ces  sucres 
due  à  Taction  de  la  diastase. 

Résultats  : 

R^.DCCT101f 

après  l'actioD  de  la  sucrase 
avant  acides.  après  acides. 

Levure  -h  solution  B 28^,22  ôff^Jô 

Levure  +  égal  Tolume  d'eau . .  0  0 

T.  I  &  Série).  3 


34  R.  GHEVASTELOX. 

Le  rapport  des  sucres  réducteurs  formés  par  l'action  de  la 
diastasc  aux  sucres  réducteurs  totaux  contenus  dans  la  liqueur 
après  Faclion  des  acides  est  de  0,38. 

Les  résultats  sont  sensiblement  les  mêmes  lorsqu'on  opère 
avec  une  levure  de  brasserie  à  peu  près  pure. 

La  sucrase  est  donc  capable  d'hydrater  une  certaine  propor- 
tion des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  de  Téchalotte; 
mais  ceux-ci  semblent  opposer  une  assez  grande  résistance  à 
son  action. 

Action  des  diastases  de  VAspergillus  niger.  —  Ces  dias- 
tases  très  actives,  transforment  ces  hydrates  de  carbone  moins 
rapidement  que  le  sucre  de  canne. 

L'étude,  faite  ainsi  en  bloc,  de  leur  action,  ne  permet  pas 
de  déterminer  celle  à  laquelle  sont  dus  les  résultats  suivants  : 

RÉDCCTION 

iprès  rictioB  des  diasUses 
ayant  acides,     après  acides. 

Diastases,  +  sucre  de  canne 15^,47        15ffi'.47 

Id.       -*-  id.  àiOQo 0  0 

Diastases  +  hydrate  de  carbone  d'échalotte.        48^i',19  S^^ylO 

Id.       -4-  id.  àiOOo 0  0 

Ainsi,  toutes  choses  égales  d'ailleurs,  le  sucre  de  canne  a  été 
complètement  interverti,  tandis  que  la  proportion  de  sucres 
réducteurs  dus  à  Taction  des  diastases  est  de  0,82  seulement. 

Yis-à-vis  des  diastases  de  l'aspergillus,  comme  de  la  sucrase, 
les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  de  l'échalotte  sont  plus 
résistants  que  le  sucre  de  canne  à  leur  action  hydratante. 

En  résumé,  la  matière  hydrocarbonée  non  réductrice  retirée 
de  l'échalotte  et  obtenue  à  l'état  solide  est  blanche,  très  soluble 
dans  Peau  et  dans  l'alcool  à  65^,  peu  soluble  dans  Talcool  à 
95^  presque  insoluble  dans  l'alcool  absolu  froid.  Sa  saveur 
est  faiblement  sucrée. 

Nous  avons  admis  comme  pouvoir  rotatoire, 

[a]«=-28^27, 
sa  solution  ne  réduit  pas  la  liqueur  de  Fehiing. 


HYDBATES  DE  CARBONE.  35 

Les  acides  la  transforment  en  un  mélange  de  glucose  et  de 

G       1 

lévulose,  dans  le  rapport  r  =  Jô'  ^*  ^^"*  ^®  pouvoir  rotatoire 

est 

[ali>=-81^ 

En  solution,  elle  précipite  par  Teau  de  baryte  et  Talcool 
et  non  par  Teau  de  baryte  seule,  froide  ou  tiède.  Elle  est 
fermentescible. 

Ces  deux  dernières  propriétés  la  différencient  nettement  de 

Tinuline  du  topinambour  ou  de  celle  de  Tail. 

Son  pouvoir  rotatoire  est  voisin  de  celui  de  Tinulénine  (^), 
pour  laquelle  le  pouvoir  rotatoire  est 

mais  ce  dernier  corps  précipite  par  Teau  de  baryte  tiède  et 
n'est  pas  fermentescible. 

Enfin  son  pouvoir  rotatoire  et  le  pouvoir  rotatoire  des  sucres 
réducteurs  provenant  de  son  hydratation  ne  permettent  pas 
de  la  confondre  avec  Thélianthénine  et  la  synanthrine,  corps 
fermentescibles  rencontrés  avec  la  pseudo-inuline  et  Tinulénine 
par  le  même  auteur  (^)  dans  le  topinambour. 

En  effet,  M.  Tanret  attribue  comme  pouvoirs  rotatoires 
à  rbélianthénine 

[a].  =  -23^8, 

à  la  synanthrine  -  ...      .    r...:-^--. 

et  aux  sucres  réducteurs  en  résultant  par  hydratation 
avec  rbélianthénine 

[(z]^  =  -63%8, 

avec  la  synanthrine 

[a]D  =  —  64%5. 

Si  donc  cette  matière  hydrocarbonée  constitue  un  corps 


(^)  M.  Tanret,  Journ,  de  pharm.  et  de  chimie,  t.  XXVII. 
(')  M.  Tanret,  Joum.  de  pharm.  et  de  cJûmie,  t.  XXVIII. 


36  R.  GHEVASTELON. 

unique,  il  est  nouveau.  Si  elle  est  formée  d'un  mélange  d'hy- 
drates de  carbone  fermentescibles,  ce  mélange  renferme  au 
moins  un  corps  nouveau  lévogyre. 
Une  étude  ultérieure  élucidera  ces  divers  points. 


OIGNONS. 


Les  analyses  ont  porté  sur  des  bulbes  récoltés  depuis  quatre 
mois  environ  et  appartenant  aux  variétés 

oignon  blanc, 

—  jaune  de  Toulouse, 

—  rose. 

Pour  chaque  variété,  le  liquide  examiné  résulte  de  la  pres- 
sion après  le  traitement  à  Téther  ;  il  est  ensuite  déféqué  avec 
10  centimètres  cubes  de  la  solution  de  sous-acétate  de  plomb 
pour  100  centimètres  cubes  de  liquide  cellulaire.  Dans  le 
calcul  de  la  proportion  des  hydrates  de  carbone,  réducteurs 
ou  non,  contenus  dans  1,000  grammes  de  bulbes,  il  est  tenu 
compte  de  cette  dilution. 


Oignon  blanc. 

Rotation.  RédocUon. 

Avant  Taction  des  acides. ...         —  9^^, 5  ùerfiS  Q/O 

Après  Taction  des  acides. ...  —  i5*^%8  7^,26 

Différence.  l9r,20 

L'expérience  démontre  que  les  hydrates  de  carbone,  réduc* 
teurs  ou  non,  fermentent  totalement  sous  l'influence  d'une 
levure  inversive. 

De  plus,  le  pouvoir  rotatoire  des  corps  non  réducteurs  est  le 
même  que  celui  trouvé  pour  les  mêmes  corps  contenus  dans 
l'échalotte. 

Dès  lors,  pour  déterminer  la  composition  des  sucres  réduc- 
teurs, on  prendra  les  mêmes  nombres  que  pour  l'échalotte. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  37 

La  rotation  calculée  de  6^,06  de  sucres  réducteurs  initiaux 
est  K  =  —  6%9,  et  leur  composition, 


Glucose   —  3ff»-,35 

Lévulose  =  2»r,71 

Lévulose 
Glucose         ' 

Poids  de  matière  traitée 

=  720»' 

Volume  recueilli 

=  550«» 

Et  pour  1000  grammes  de  matière, 

'  Le  poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A  =  50^^,87, 

répartis  en  : 

Glucose   =28^,13 
Lévulose  =  22»«',74 

Lévulose        ^  -^ 

rT =    0,80 

Glucose  ' 

Le  poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B  =  9,57 

1=0,18 


I  >'»»'»' 


Oignon  faune. 

RoialioB.  Rédaetioa. 

Avant  l'action  des  acides. ...  —  4^%8  4ffr,84  0/0 

Après  Taction  des  acides. ...  —  8***,0  5g«',40 

Différence.  O^fià 

La  valeur  calculée  de  K  pour  la  rotation  des  4^,84  de  sucres 
réducteurs  initiaux  est  —  3%7,  et  leur  composition. 

Glucose   =2ffr,81 
Lévulose  =  2»«',03 

Lévulose 

7m =  0>72 

Glucose         ' 

Poids  de  matière  traitée =  5409r 

Volume  recueilli =  430** 

Et  pour  1000  grammes  de  matière. 

Le  poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A  =  42'i',36, 

répartis  en  : 

Glucose   =24sr,60 
Lévulose  =  i7««',76 


'M 


R.  CHEVASTELON, 

Lévulose 


Glucose 


=  0,72 


l.e  poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B 

B 


4, 
0,41 


Oignon  rose. 

RoUtioB. 

Arant  l'action  des  acides . .  • .  —  2^^J 

Après  Faction  des  acides ....  —  S^ 


Rédaction. 
3»',97  00 
4»r,79 


Différence.  0^,82 

La  rotation  calculée  K  de  S" ,91  de  sucres  réducteurs  initiaux 
est  —  1**^,9,  et  leur  composition, 

Glucose  =2^,39 
Lévulose  t=  iP'jSS 

Lévulose 

771 =  0,66 

Glucose         ' 

Poids  de  matière  traitée =  800err 

Volume  recueilli =660«« 

Et  pour  1000  grammes  de  matière, 

Le  poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A  =  35ff<*,97, 

répartis  en  : 

Glucose    =2iirr,65 
Lévulose  =  i4flrr,32 

Lévulose 

=    0,66 

Glucose 

Le  poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B  =  7,04 

TABLEAU  RÉSUMÉ  DES  ANALYSES. 


VARIÉTÉS 

8UCRIS 

rédueteurt 

initiiux 

ArrL+G 

GLUCOSE 

G 

LÉVDLOSg 

L 

RAPPORT 

L 
G 

■TDRATES 

de  cirbone 

non 

réducrean 

B 

RAPPORT 
B 

A 

Oignon  blanc. 
Oignon  jaune.. 
Oignon  rose... 

50^,87 
42ffr,36 
35ffr,97 

28«r,43 
24»r,60 
2l«',65 

22»',74 
47»r,76 
14g',32 

1 

0,80 
0,72 
0,66 

9^,57 
4»r,e9 
7firr,04 

0,18 
0,11 
0,19 

HYDRATES  DE  CARBONE.  39 

Remarques.  —  Dans  Toignon^  la  réserve  hydrocarbonée  non 
directement  assimilable  est  très  faible.  Elle  représente  un  peu 

plus  de  T^  du  poids  des  hydrates  de  carbone  directement  assi- 
milables. Ces  derniers  aussi  en  petite  quantité,  et  Toignon 
blanc  est  le  plus  riche. 

Le  rapport  ^  montre  que  leur  composition  est  assez  éloignée 

de  celle  du  sucre  interverti;  dans  tous  les  cas,  le  glucose 
domine. 

L'inuline  soluble  trouvée  dans  Tail  et  les  hydrates  de  car- 
bone lévogyres  et  fermentescibles  qui  constituent  la  réserve 
hydrocarbonée  non  assimilable  directement,  sont-ils  particu- 
liers au  genre  Allium? 

N'existent-ils  pas,  seuls  ou  mélangés  avec  d'autres  hydrates 
de  carbone  également  sol  ubles,  dans  les  bulbes,  rhizomes  ou 
tubercules  des  monocotylédones  voisins  des  Allium  et  contenant 
ou  non  de  Tamidon? 

Ce  dernier  corps,  lorsqu'il  existé,  a  été  signalé  seulement  et 
non  dosé. 

Cette  étude  va  faire  l'objet  du  quatrième  chapitre. 


40  R.  CHEVASTELON. 


CHAPITRE  IV 

Études  des  bulbes,  rhizomes  ou  tubercules  de  quelques 
monoootylédones  au  point  de  vue  des  hydrates  de  car» 
bone  solubles  de  réserve. 


Tableau  indicatif  de$  genres  et  des  familles  auxquels  appartiennent 

les  végétaux  étudiés. 

Ordre  des  Liliacées. 

Famille  des  Liliinées. 

Tribu  des  Liliées. 

Genres  :  Hyaclntus  (Jacinthe). 
Tulipa  (Tulipe). 
Âsphodelus  (Asphodèle). 

Ordre  des  Iridinées. 

Famille  des  Amaryllidées. 

Tribu  des  Amaryllées. 

Genres  :  Amaryllis  (Amaryllis). 
Polyanthes  (Tubéreuse). 

Famille  des  Iridées. 

Tribu  des  Morées. 

Genre  Iris  (Iris). 
Tribu  des  Sisyrinchiées. 

Genre  Crocus  (Crocus). 
Tribu  des  Ixiées. 

Genre  Gladiolus  (Glaïeul). 


Jacinthe  blanche  double  de  Hollande. 

A  Texamen  microscopique,  les  cellules  du  bulbe  se  mon- 
trent riches  en  amidon. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  41 

L'analyse  du  liquide  cellulaire  donne 

RotaiioB.  Rédaction. 

Avant  ractioo  des  acides . . .  •        ^   bS^^B  Ofl^,60  0/0 

Après  l'action  des  acides ....        —  139^^,8         i6flrr,30 

Et  la  composition  des  sucres  réducteurs  totaux  est 

Glucose   =    0^,00 
Lévulose  =  16^,90 

Lévulose 
Glucose 

Les  sucres  réducteurs  initiaux  étaient  du  lévulose  pur  aussi 
bien  que  ceux  qui  ont  pris  naissance  sous  Tinfluence  hydra- 
tante des  acides. 

Donc^  la  jacinthe  ne  contient  comme  réserve  hydrocarbonée 
soluble  et  non  assimilable  directement  que  de  Tinuline. 

Poids  de  matière  traitée =  325^ 

Volume  recueilli ^ . . . .        =  240^* 

Et  pour  1000  grammes  de  matière, 

Poids  du  lévulose =     4flT,43 

Poids  de  Tinuline =  i04ffr,34 

inuline 
^^^^"^ûi^I^ =   ^'^ 

Dans  le  but  d'extraire  ou  de  doser  Tinuline  dans  la  jacinthe, 
on  peut  substituer  au  traitement  des  bulbes  par  Téther,  celui 
par  Teau  à  Tébullition  en  présence  du  carbonate  de  chaux. 
Malgré  Texistence  de  Tamidon,  si  l'opération  n'est  pas  de  trop 
longue  durée,  une  demi-heure  au  maximum,  le  procédé  donne 

de  bons  résultats. 

» 

L'empois  formé  est  complètenient  précipité  par  le  sous- 
acétate  de  plomb,  et  la  quantité  d'inuline  saccharifiée  est 
faible.  En  effet,  la  liqueur  ainsi  obtenue  donne  après  déféca- 
tion 

Rotation.  Réduction. 

Avant  raclion  des  acides. ...        —  27"''  ■•«'^-       0ffr,46  0/0 
Après  Taction  des  acides. ...        —  65*'^  7^,53 


42  R.  CHRYASTELON. 

et  on  a  encore  : 

Glucose  =  0 
Lévulose  =  T^'jSa 

Lévulose 


Glucose 


=  « 


Cette  inuline  est  identique  à  celle  rencontrée  dans  Tail. 

Les  variétés  (Bleue  de  Paris,  Blanche  simple  de  Paris,  Bleue 
de  Hollande)  donnent  les  mêmes  résultats  que  la  variété  Blan- 
che double  de  Hollande. 

L'existence  simultanée  dans  les  bulbes  de  jacinthe  de 
l'amidon  et  de  Tinuline  présente,  au  point  de  vue  des  conclu- 
sions que  nous  tirerons  plus  tard,  un  intérêt  particulier.  Aussi 
ai-je  dosé,  dans  ce  cas  spécial,  les  deux  sucres  qui  prennent 
naissance  en  même  temps,  sous  Tinfluence  hydratante  des 
acides,  aux  dépens  de  Tamidon  et  de  Tinuline. 

Pour  cela,  des  bulbes  de  jacinthe  découpés  en  menus  frag- 
ments et  additionnés  d'une  solution  d'acide  sulfuriqua  à  2  0/0 
sont  portés  dans  un  autoclave  à  la  température  de  120^  pen- 
dant trente-cinq  à  quarante  minutes. 

Dans  ces  conditions,  ainsi  que  l'a  établi  M.  Grimbert  (^), 
l'amidon  est  transformé  complètement  en  glucose  et  l'inuline 
en  lévulose  ;  la  cellulose  n'est  pas  attaquée. 

Ensuite,  on  filtre,  on  traite  la  liqueur  par  du  sous-acétate 
de  plomb  en  solution,  et  on  la  décolore  au  moyen  de  noir 
animal.  A  l'analyse  cette  liqueur  donne 

Rotation.  Réduction. 

^  2^r.»ooh.  gfffjTT  0/0 

d'où  l'on  déduit  pour  la  composition  : 

Glucose   =  5firr,74 
Lévulose  =  SflT'jOS 

Lévulose 
Glucose         ' 

Un  deuxième  essai  a  donné  pour  le  rapport  -^  la  même  valeur. 

(*)  M.  Grimbert,  Thèiies. 


HYDRATES   DE  CARBONE.  43 

Malgré  les  causes  d'erreur  que  peut  comporter  ce  procédé 
de  dosage  en  bloc  du  glucose  et  du  lévulose,  la  différence  entre 
les  poids  de  glucose  et  de  lévulose  est  assez  grande  pour  que 
Ton  puisse  sûrement  conclure  que  la  liqueur  renfermait  plus 
de  glucose  que  de  lévulose.  Par  suite,  les  bulbes  contenaient 
plus  d'amidon  que  d'inuline.  Pour  le  moment,  cette  constata- 
tion suffit. 


Tulipe. 

11  existe  beaucoup  d'amidon  dans  le  bulbe. 
Le  liquide  donne  à  l'analyse 

Rotation.  Rédnetton. 

Avant  l'action  des  acides 4-  21**^,3         i^,06  0/0 

Après  Faction  des  acides. ...  —  35^^,4         8^,76 

Et  la  composition  de  l'ensemble  des  sucres  réducteurs  est  : 

Glucose   =  2ffr,82 
Lévulose  =  5^,74 

Lévulose 
•     Glucose  ' 

Comme  on  le  voit,  la  tulipe  diffère  des  plantes  étudiées  plus 
haut;  son  liquide  cellulaire  est  en  effet  réducteur  et  dextrogyre. 

La  rotation  droite,  avant  l'action  des  acides,  ne  peut  être 
due  tout  entière  aux  Sucres  réducteurs  initiaux,  car  même 
s'ils  étaient  formés  par  du  glucose  seul,  ils  ne  donneraient 
qu'une  rotation  de  +  6*%5  au  lieu  de  +  24*%3  observée. 

Il  existe  donc  dans  la  liqueur  un  hydrate  de  carbone  solu- 
ble,  non  réducteur  et  dextrogyre,  du  sucre  de  canne  probable- 
ment. 

D'autre  part,  l'excès  du  lévulose  constaté  dans  la  totalité  des 
sucres  réducteurs  démontre  que  l'inuline  se  trouve  aussi 
parmi  les  corps  non  réducteurs. 

Pour  vérifier  ces  hypothèses,  on  peut  recourir  à  l'emploi 
d'une  levure  inversive;  le  sucre  de  canne,  s'il  existe,  dispa- 
raîtra par  fermentation  et  l'inuline  non  attaquée  restera  dans 


41  R.  GHEVASTELON. 

la  liqueur.  La  rotation  primitivement  droite,  passera  à  gauche 
sans  qu'il  reste  dans  cette  liqueur  des  sucres  réducteurs. 

A  cet  effet,  un  matras  renfermant  volumes  égaux  de  liquide 
cellulaire  et  d'eau  de  levure  est,  après  stérilisation,  ensemencé 
avec  une  levure  inversive  pure  et  placé  dans  une  étuve  à  25^ 

Après  dix  jours,  la  fermentation  étant  terminée,  on  fait 
l'analyse  et  Ton  trouve,  en  doublant  les  résultats  pour  les 
rendre  comparables  aux  chiffres  précédents  : 

Rotation.  Rédaction. 

Avant  Taction  des  acides. ...  —   7**%8  traces 

Après  l'action  des  acides ....  —  21^^,4  2^^,50  0/0 

Les  produits  de  la  saccharification  se  composent  de  : 

Glucose   =  0 
Lévulose  =s  2ffr,50 . 

Lévulose 


Glucose 


=  0 


Le  corps  dextrogyre  a  disparu  et,  après  l'action  des  acides, 
la  liqueur  ne  renferme  plus  que  du  lévulose  provenant  de 
l'inuline.  Donc  le  liquide  cellulaire  contenait  2^,50  X  0,9 
=  ^,%  d'inuline. 

On  peut,  au  moyen  de  cette  donnée  expérimentale,  démon- 
trer que  le  corps  dextrogyre  et  non  réducteur  qui  a  disparu 
par  fermentation  était  du  sucre  de  canne. 

En  effet,  dans  le  liquide  cellulaire,  après  l'action  des  acides, 
le  poids   des  sucres  réducteurs  était  8'',76  et  la  rotation 

—  35**%4  ;  le  poids  du  lévulose  provenant  de  l'inuline  était 
2'',50,  et  sa  rotation  —  24"^4. 

Le  reste  des  sucres  réducteurs,    6'',26,  a  pour  rotation 

—  44^^,  et  leur  composition  est 

Glucose   =2fff,95 
Lévulose  =  3ffr,31 

Lévulose       .  ,^ 

=  1 12 

Glucose         ' 

Elle  n'est  pas  très  éloignée  de  celle  du  sucre  interverti  et 


HYDRATES  DE  CARBONE.  45 

Ton  peut  admettre  qu'ils  proviennent  en  partie  du  sucre  de 
canne. 

Et  le  poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  étant  l''^06,  le 
poids  du  sucre  interverti  issu  du  saccharose  serait  6^^26 
—  l^Oe  =  5»',20. 

Dès  lors,  le  poids  du  saccharose  serait5«',20  X  0,95  =  4^,94, 

Le  liquide  cellulaire  extrait  de  la  tulipe  renfermait  donc  du 
sucre  interverti,  du  sucre  de  canne  et  de  Tinuline. 

Et  la  rotation  calculée  du  mélange  déterminé  plus  haut  est 
sensiblement  la  même  que  celle  observée.  En  effet 

Rotation  calculée =  +  20**^5 

Rotation  observée =  +  21*^,3 

Différence.  4-   0**»,8 

Poids  de  matière  traitée =  900^'' 

Volume  recueilli =  200^^ 

Et  pour  1000  grammes  de  matière. 

Poids  des  sucres  réducteurs s   79^,06 

Poids  du  saccharose =  32sr,94 

Poids  de  Tinuline =  ib^r 


Asphodèle. 

Les  racines  renflées  en  tubercules  ne  renferment  pas  d*ami- 
don.  Le  liquide  cellulaire  a  donné  : 

Rolalion.  Réduction. 

Avant  Faction  des  acides. ...        —  25**^  48rr^l7  0/0 

Après  l'action  des  acides.. , .        —  49"***,5         S«^,10 

Différence.      48rr,53 

La  composition  de  Tensemble  des  sucres  réducteurs  est: 

Glucose   =i»^,85 
Lévulose  =  eff»,85 

Lévulose 

Glucose  "~    *  ~ 


46  R-  CHBVASTELON. 

Le  poids  du  lévulose  ne  peut  provenir  tout  entier  des  sucres 
réducteurs  initiaux  dont  le  poids  est  seulement  4'',  17. 

L'existence  de  Tinuline  dans  le  liquide  cellulaire  se  démontre 
par  la  formation  d^un  précipité  abondant  avec  Teau  de  baryte 
en  excès  et  par  le  raisonnement  suivant  : 

Le  poids  des  sucres  réducteurs  formés  par  Faction  des  acides 
est  4»%53  ;  si  on  les  considère  comme  représentant  du  lévulose, 
leur  rotation  est  —  g  =  —  38%6. 

9 
Le  poids  d'inuline  correspondant  est  4*%53  X  t^  =  4»',08, 

et  sa  rotation  —  a  =  —  44*'',7,  et  si  K  est  la  rotation  des 
sucres  réducteurs  initiaux,  on  doit  avoir  : 

(1)  K  —  a  =  —  25-"' 

(2)  K  -  3  =  -  49«%5, 

d'où  Ton  tire  : 

(i)  K  =  —  25     -4-  14,7  =  -  10,3, 

moyenne  —  i0**\6, 
(2)  K  =  -  49,5  4-  38,6  =  -  i0,9. 

Et  la  composition  des  sucres  réducteurs  initiaux  serait  : 

Glucose    =1»',87 
Lévulose  =  2?r,30 

Lévulose 

=z  1  22 

Glucose         ' 

Ils  contenaient  donc  plus  de  glucose  que  de  lévulose. 

L'è  poids  de  glucose  trouvé,  dans rhypôfhêséfàîtè 'plus Mut, 
est  identique  à  celui  de  4'',85  déduit  par  le  calcul  dans  l'en- 
semble des  sucres  réducteurs  après  Taction  des  acides.  Cette 
concordance  est  encore  une  preuve  de  son  exactitude. 

La  réserve  hydrocarbonée  non  assimilable  était  donc  consti- 
tuée uniquement  par  de  Tinuline. 

Poids  de  matière  traitée r       ^  2709^ 

Volume  recueilli =  18Cc« 

Et  pour  1000  grammes  de  matière, 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux =  27ffi',77 

Poids  de  i'inuline ! : . . .        =  27^^,43 


HYDRATES  DE  CARBONE.  47 

Amaryllis. 

Le  bulbe  renferme  de  Tamidon. 

Le  liquide  extrait  a  Taspect  et  la  consistance  d'un  mucilage; 
son  analyse  conduit  aux  résultats  suivants  : 

Rotation.  Rédaction. 

Avant  raction  des  acides. ...        -h  10**^,2         0«',20  0/0 
Après  raction  des  acides —  44iT  S^fjOS 

Différence.      1^,88 

Et  Tensemble  des  sucres  réducteurs  se  compose  de  : 

Glucose   =  i^TfiS 
Lévulose  =  i^,05 

Lévulose 
Glucose 

C'est  exactement  la  composition  du  sucre  interverti. 

Le  calcul  démontre  que  Thydrate  de  carbone  soluble»  dex- 
trogyre  et  non  réducteur,  existant  dans  le  bulbe  en  même 
temps  que  les  sucres  réducteurs,  était  du  saccharose. 

Poids  de  matière  traitée =  230^ 

Volume  recueilli =   90*6 

Pour  1000  grammes  de  matièrç, 

Poids  des  sucres  réducteurs =  0^,78 

Poids  du  saccharose -, . .  =  7ffr,76 


Tubéreuse. 

Le  bulbe  ne  renferme  pas  d'amidon  (*). 
L^analyse  du  liquide  extrait  donne  : 

Rotation.  Réduclioa. 

Avant  raction  des  acides» ...        —  44**^  ifirr,42  0/0 

Après  raction  des  acides^  * . .        —  86*"^  il»f,12 

(<)  Les  cellules  sont  extrêmement  riches  ^n  gros  cristaux  d'oxalate  de  chaux. 


48  R.  CHEVASTELON. 

L'ensemble  des  sucres  réducteurs  est  formé  de  : 

Glucose  =  0»',00 
Lévulose  =  ilfi^',12 

Lévulose 
Glucose 

Puisque  après  Taction  des  acides  la  liqueur  ne  renferme 
que  du  lévulose^  c'est  que  les  sucres  réducteurs  initiaux  étaient 
aussi  du  lévulose. 

L'inuline  constitue  à  elle  seule  toute  la  réserve  hydrocar- 
bonée non  assimilable. 

Cette  inuline  est  identique  à  celle  retirée  de  Tail,  ou  de  la 
jacinthe. 

Poids  de  matière  traitée ==  dO0«^ 

Volume  recueilli =  iOO«c 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Le  poids  du  lévulose =   4^^,73 

Le  poids  de  Tinuline =  2è^f,i 


Iris. 

Les  rhizomes  ont  des  pousses  de  3  centimètres  environ  de 
longueur  ;  comme  ils  renferment  beaucoup  de  faisceaux  ligneux, 
ils  ont  d'abord  été  râpés^  afin  de  faciliter  la  pression,  puis 
traités  par  l'éther. 

On  trouve  dans  les  cellules  des  grains  d'amidon  de  grosseur 
très  variable. 

Le  liquide  cellulaire  a  donné  : 

RottlioB.  Rédaction. 

Avant  Taction  des  acides —  3*^,2         2?',73  0/0 

Après  Taction  des  acides —  9**^  3»',47 

Différence.      0«',74 

L'ensemble  des  sucres  réducteurs  se  compose  de  : 

Glucose   =  lffr^54 
Lévulose  =  lfirr,93 

.    Lévulose  _  .  j,  -  - 

Glucose  ~"    ' 


HYDRATES  DE  CARBONE.  49 

Par  le  calcul^  on  trouve  que  Taugmentation  du  poids  des 
sucres  réducteurs  après  l'action  des  acides  est  due  à  l'existence 
de  saccharose  dans  la  liqueur. 

Les  sucres  réducteurs  initiaux  ont  une  composition  voisine 
de  celle  du  sucre  interverti^  avec  un  léger  excès  de  lévulose. 

Poids  de  matière  traitée =  320»' 

Volume  recueiUi =  280** 

Pour  4000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs =  239<',82 

Poids  du  saccharose =   6ff>',12 


Glaïeuls. 

Les  cellules  du  bulbe  renferment  beaucoup  d'amidon.  On  a 
pour  le  liquide  cellulaire  : 

Rotation.  Rédactioa. 

Avant  Taction  des  acides +  3^^,3         iffi-,30  0/0 

Après  l'action  des  acides —  5^'',2         29<',30 

Différence     1,00 

L'ensemble  des  sucres  réducteurs  est  formé  de  : 

Glucose    =  i^flS 
Lévulose  =  i»r,22 

Lévulose  __  .  . 
Glucose  ~"    ' 

Comme  dans  Tiris^  le  calcul  montre  que  la  liqueur  renferme 
du  sucre  de  canne  en  même  temps  que  les  sucres  réducteurs, 
dont  la  composition  est  à  peu  près  celle  du  sucre  interverti 
avec  un  léger  excès  de  lévulose. 

Poids  de  matière  traitée =  490»^ 

Volume  recueilli / =  190" 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs =  5»',04 

Poids  du  sucre  de  canne =  3^^,29 


T.  1  {5«  Série).  V 


50 


R.  CHEVASTIlLON. 


Crocus. 


La  tige  souterraine,  renflée  en  bulbe,  est  gorgée  d'amidon  et 
son  tissu  est  très  dense  ;  elle  a  été  râpée  avant  le  traitement 
par  l'éther. 


Poids  de  la  pulpe. 
Volume  recueilli., 


=  500^ 
=   8^« 


Ce  volume  est  très  faible  par  rapport  au  poids  de  matière  ; 
additionné  de  trois  fois  son  volume  d'eau,  le  liquide  ne  donne, 
après  Faction  des  acides,  qu'une  réduction  faible. 

On  peut  donc,  sans  erreur  appréciable,  admettre  que  cette 
plante  ne  renferme  que  des  traces  d'hydrates  de  carbone  solu- 
bles;  la  réserve  hydrocarbonée  est  constituée  par  de  l'amidon. 

Le  tableau  suivant  résume  les  résultats  de  ce  quatrième 
chapitre. 

PLANTES  ÉTUDIÉES. 


DISTRIBUTION 


Ordre 

des 

Liliacées 


■( 


Ordre 


des 


Iridinées. 


/  Famille  des  Liliinées. 
Tribu  des  Liliées. 

Genres  :  Hyacinthus  (Jacinthe). 
Tulipa  (Tulipe). 
Asphodelus  (Asphodèle) 

Famille  des  Amaryllidées. 
Tribu  des  Amar^llées. 

Genres  :  Amaryllis  (Amaryllis). 
Polyanthes  (Tubéreuse) 

Famille  des  Iridées. 
Tribu  des  Morées. 

Genre  :  Iris  (Iris). 
Tribu  des  Ixiées. 

Genre  :  Gladiolus  <G1aîeul). 
Tribu  des  Sisyrinchiées. 

Genre  :  Crocus  (Crocus). 


AMIDON 


Amidon. 

Amidon. 

0 


Amidon. 
0 


Amidon. 
Amidon. 
Amidon. 


INULINE 

soluble 


1O40%34 
27«r,i3 


0 
29b',10 


0 


0 


81JCSE 

de  canne 


0 

329^,94 

0 


7g',76 
0 


6or,12 
39S29 


0 


SUCRES 

rNietcm 
initiaai 


4»»,43 

7s%06 

27»%77 


0fr,78 
4t',73 


238%83 


RTDRATES  DE  CARBONE.  SI 

Le  tableau  précédent  montre  que  : 

1^  Les  végétaux  étudiés  présentent^  au  point  de  vue  des 
hydrates  de  carbone  solubles,  des  différences  qualitatives  et 
quantitatives  très  grandes  ; 

S''  Dans  aucun  d'eux  on  ne  rencontre  les  hydrates  de  carbone 
trouvés  dans  Téchalotte  et  dans  Toignon  ; 

S"^  LMnuline  soluble,  identique  à  celle  de  Tail,  existe  seule 
comme  réserve  hydrocarbonée,  non  directement  assimilable 
dans  un  genre  voisin  du  genre  Allium  (genre  Asphodelus)  et 
dans  le  genre  Polyanthes  (tubéreuse)  appartenant  à  une  famille 
et  à  un  ordre  différents;  en  mélange  avec  l'amidon  dans  le 
genre  Hyacinthxis  (jacinthe),  en  mélange  avec  Tamidon  et  le 
sucre  de  canne  dans  le  genre  Tulipa  (tulipe),  faisant  partie, 
avec  le  genre  Allium,  d'une  même  tribu. 

Ce  corps  n'est  donc  pas  particulier  à  un  genre  ; 

A^  La  présence  ou  l'absence  de  l'amidon  est  indépendante 
de  l'ordre,  de  la  tribu  et  même  du  genre  auxquels  appartient 
le  végétal  étudié;  ainsi,  l'asphodèle  et  la  tubéreuse  en  sont 
dépourvues,  tandis  que  la  jacinthe,  l'amaryllis  et  tous  les 
autres  en  renferment. 

Dans  la  jacinthe,  il  est  remarquable  que  l'amidon  existe 
comme  matière  hydrocarbonée  de  réserve,  bien  que  à  aucun 
moment  de  son  développement  on  n'en  trouve  dans  les  feuilles, 
tandis  que  la  tubéreuse  qui  n'en  a  pas  dans  les  feuilles,  n'en 
contienne  pas  non  plus  à  l'état  de  réserve. 

Nous  savons  en  outre  que  le  bulbe  de  jacinthe  renferme  plus 
d'amidon  que  d'inuline  ; 

5°  Au  point  de  vue  de  la  nature  de  leurs  réserves  hydro- 
carbonées, les  plantes  étudiées  présentent  cinq  types  bien 
distincts  : 

1^  Plantes  renfermant  de  Tinuline  soluble  seule  (asphodèle,  tubé- 
reuse) ; 

2**  Plantes  renfermant  de  rainidon  seul  (crocus)  ; 

3^  Plantes  renfermant  de  l'amidon  et  de  Tinulioe  soluble  (ja- 
cinthe) ; 


52  R.  CHEVASTELON. 

4^  Plantes  renfermant  de  l'amidon  et  du  sucre  de  canne  (amaryllis, 
iris,  glaïeul); 

5^  Plantes  renfermant  de  Tamidon,  de  Tinuline  et  du  sucre  de 
canne  (tulipe). 

C'est  là  un  fait  important^  car  si  Toti  y  joignait  les  types  : 

6o  Plantes  renfermant  de  Tinuline  ordinaire  et  du  s^Tianthrose  ou 
lévuline  (topinambour); 

70  Plantes  renfermant  du  trétralose  {Aspergillus  niger  et  beaucoup 
d'autres  champignons), 

on  aurait  la  liste  à  peu  près  complète  de  tous  les  hydrates  de 
carbone  que  les  représentants  du  monde  végétal  peuvent,  à 
une  certaine  période  de  leur  existence,  mettre  en  réserve  pour 
leur  développement  ultérieur. 

Cette  liste  permettra  de  savoir  à  quel  végétal  on  pourra 
s'adresser  lorsqu'on  voudra  rechercher,  par  exemple,  le  mode 
de  formation  de  ces  hydrates  de  carbone  lorsqu'ils  existent 
seuls;  Tordre  de  Tapparition  ou  de  la  disparition  de  plusieurs 
de  ces  hydrates  de  carbone,  lorsqu'ils  sont  mélangés  dans  une 
même  plante. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  83 


CHAPITRE  V 

Répartition  des  hydrates  de  carbone  dans  un  alliutai 
tout  entier  à  différents  degrés  de  développement. 


Dans  cette  étude,  chaque  végétal  est  divisé  en  trois  parties  : 

1^  Extrémité  des  feuilles  jusqu'à  la  région  engainante; 

S^  Région  engainante  jusqu'à  la  naissance  du  caïeu  ou  du 
bulbe  ; 

3*»  Caïeu  ou  bulbe. 

Chaque  partie  est  traitée  séparément  par  Téther  suivant  le 
mode  déjà  décrit  et  soumise  ensuite  à  une  forte  pression. 

Le  liquide  cellulaire  est,  avant  examen,  déféqué  par  addition 
de  10  centimètres  cubes  de  la  solution  de  sous-acétate  de 
plomb  dans  100  centimètres  cubes  de  liquide. 


Ail. 

a.  Ail  très  jeune;  les  caïeux  commei     nt  à  se  dessiner.  Les 
extrémités  seules  des  feuilles  ont  été  étudiées. 
Le  liquide  extrait  a  donné  à  l'analyse  : 

Rotation.  Rédoetion. 

Avant  l'action  des  acides —  7**^,6         2^^,92  0/0 

Après  l'action  des  acides ^  g^t^  3^^,00 


d'où  pour  la  composition  des  sucres  réducteurs  : 

Glucose   =  lfir',32 
Lévulose  =  ivr,68 

Lévulose 

Glucose         ' 


54  R.  Cfl&VilSTBLON. 

Cette  composition  est  voisine  de  celle  du  sucre  interverti, 
avec  un  léger  excès  de  lévulose. 

Ces  sucres  réducteurs  sont  fermentescibles. 

En  effet,  une  partie  du  liquide  cellulaire,  débarrassé  à  froid 
de  réther  dissous  et  additionné  d'un  dixième  de  son  volume 
d'eau  de  levure,  est,  après  stérilisation,  soumis  à  Faction  d'une 
levure  înversive. 

Au  bout  de  huit  jours,  la  fermentation  est  terminée;  la 
liqueur  de  Fehling  n'accuse  plus,  dans  le  liquide  fermenté,  que 
des  traces  de  réduction,  après  comme  avant  Faction  des  acides, 
et  la  rotation  est  à  peu  près  nulle. 

Indépendamment  des  sucres  réducteurs,  le  liquide  cellulaire 
ne  renfermait  donc  aucun  autre  corps  susceptible  de  fausser 
les  résultats  de  l'analyse. 

6.  Âil  plus  âgé;  les  gousses  commencent  à  se  différencier 
dans  le  caïeu. 

i<^  Extrémité  des  feuilles  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  Taction  des  acides —  8«^  3»',10  0/0 

Après  raction  des  acides —  8^^  3^,10 

d'où,  pour  les  sucres  réducteurs,  la  composition  : 

Glucose   =  lfif^,4 
LéTulose  =  lfff,7 

Lévulose 

=  12 

Glucose         ' 

Ces  résultats  sont  identiques  à  ceux  de  l'expérience  précé- 
dente. 

Poids  de  matière  traitée =  ISOOffi* 

Volume  recueilli =  1000*« 

Pour  1000  grammes  de  matière,  en  tenant  compte  de  la 
dilution  due  à  l'acétate  de  plomb  : 

Poids  des  sucres  réducteurs =  27»'',12 


HYDRATES  DE  CAHBO.NE.  35 

répartis  en  : 

Glucose    =  12«r,56 
Lévulose  =  14«>',56 

Lévulose 

Glucose  ' 

Inuline     =   0 

2^  Région  engainante  : 

RotttioB.  RédaciioD. 

Avant  l'action  des  acides —  25*»'  A^'fil  0/0 

Après  Faction  des  acides. ...        —  48"^  98^%09 

En  admettant^  comme  on  va  le  prouver,  que  le  corps  non 
réducteur  est  de  Tinuline  et  que  dans  Thydratation  il  ne  se  soit 
formé  que  du  lévulose,  le  poids  de  ce  dernier  est 

9,09  -  4,67  =  4«^^42, 

et  sa  rotation  —  ^  =  —  37**%7. 

Le  poids  d'inuline  correspondant  est 

4,42  X  ^  =  3^,98, 

et  sa  rotation  —  a  =;  —  44*^^,3. 

K  étant  la  rotation  des  sucres  réducteurs  initiaux,  on  doit 
avoir  : 

(1)  —  a  +  K  =  —  25, 

(2)  —  g  -H  K  =  —  48, 

d'où 

(1)  K  =  -  25  +  14,3  =  —  «)**%7, 

moyenne  —  i0^^,5, 

(2)  K  =  -  48  +  37,7  =  -  «0*%3, 

ce  qui  donne  pour  les  sucres  réducteurs  initiaux  : 

Glucose    =:2ffr,20 
Lévulose  =  2?«',27 

Lévulose       ,  _ 

T. =  1,12 

Glucose  ' 

Comme  dans  les  feuilles,  ils  présentent  sur  le  sucre  interverti 
un  léger  excès  de  lévulose. 


56  R.  CHEVASTELON. 

On  est  bion  assuré  de  Texactitude  réelle  et  non  accidentelle 
des  valeurs  de  K,  lorsqu'on  a  constaté  :  1^  par  remploi  de  Teau 
de  baryte,  la  formation  dans  la  liqueur  du  précipité  caractéris- 
tique de  Tinuline;  3^  par  la  fermentation,  Texistence  d*un 
résidu  non  fermentescible  donnant  du  lévulose  par  hydratation. 

L'expérience  suivante  fournit  cette  dernière  preuve. 

Un  matras  contenant  100  centimètres  du  liquide  analysé  est, 
après  stérilisation,  ensemencé  de  levure  inversive  et  placé  dans 
une  étuve  à  25**. 

Après  dix  jours,  la  fermentation  a  cessé  et  l'analyse  de  la 
liqueur  donne  : 


Rotation. 

Rédaction. 

Avant  Taction  des  acides —  14^'^ 

traces 

Après  l'action  des  acides —  36'^',3 

4firr,ao  0/0 

d'où 

Glucose    =0 

Lévulose  =  4tfr,a0 

g 

Le  poids  d'inuline  correspondant  est  4^,20  X  7â  =  3^>78. 

Ce  chiffre  est  un  peu  plus  faible  que  celui  trouvé  3^,98  par  le 
calcul  dans  le  même  liquide  avant  fermentation.  La  différence 
0^,20  0/0  peut  provenir  de  ce  que,  soit  pendant  la  stérilisation 
à  l'autoclave,  soit  pendant  son  séjour  à  Pétuve,  cette  petite 
quantité  d'inuline  a  été  saccharifiée  et  utilisée  par  la  levure. 

Poids  de  matière  traitée =  1200^ 

Volume  recueilli =  iOOO^^ 

Donc,  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. .        =  40^,83 

répartis  en  : 

Glucose  ==19ffr,22 
Lévulose  ;=  2i9r,63 

Lévulose        .  .^ 
.         =    1  12 
Glucose  * 

Poids  d'inuline  L  •        =  SS^r^GS 

I 


•  • 


=  0,94 


HYDRATES  OE  CABBONE.  SS7 

30  Caïeu  : 

Rotation.  Réduction* 

Avant  l'action  des  acides. ...        —  30^^  38rr,57  0,1) 

Après  Taction  des  acides. ...        —  IB^^,^       liff'^ 

Par  un  raisonnement  identique  à  celui  déjà  appliqué  à  la 
,  région  engainante^  on  trouve  pour  la  rotation  des  sucres  réduc- 
teurs initiaux,  K  =  —  9**'',5  et  pour  leur  composition  : 

Glucose   =i  9^,60 
Lévulose  =  i««',97 

Lévulose  _  .  <jQ 
Glucose         ' 

La  composition  de  ces  sucres  est  à  peu  près  constante  dans 
tout  le  végétal. 

100  centimètres  cubes  du  liquide  examiné^  c'est-à-dire  après 
défécation,  contenaient  1^,5  d'inuline. 

Poids  des  caîeux  traités ».        =  900^ 

Volume  recueilli =  650*» 

Donc,  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. .        =  279>^,08 

répartis  en  : 

Glucose    =:129r,i3 
Lévulose  =  149r,95 

Lévulose         ,  ,^ 
=    1,23 


Glucose 

Poids  d'inuline  !..        =  56^^,85 

I 

A 


=  2,1 


Le  tableau  suivant  résume  les  résultats  précédents  et  ceux 
fournis  antérieurement  par  l'étude  des  caîeux  raiirs  et  récollés 
depuis  quatre  mois. 

A  =  sucres  réducteurs  initiaux  =  L 
L  =  lévulose. 
G  =  glucose. 
I  =:  inuline. 


58 


R.  CIIEVASIELOS. 


PARTIES  DU  VÉGÉLVL 

A 

L 

G 

L 
G 

1 

A 

Extrémité  des  feaillcs. 
Région  engainante. . . . 
Caîeax  jeunes 

• 

279',12 
40«',85 
27fl«-,08 

14,56. 

21,63 

14,95 

12,56 
19,22 
12,13 

1,20 
1,12 
1,23 

0,00 
38,65 
56,85 

0,00 
0,94 
2,10 

Caîeax  mûrs 

0 

0 

0 

0 

215,00 

X 

De  ce  tableau,  il  résulte  immédiatement  que: 
1^  Les  extrémités  libres  des  feuilles,  colorées  seules  par  de 
la  chlorophylle,  ne  renferment  que  des  sucres  réducteurs;  ce 
sont  donc  les  premiers  hydrates  de  carbone  tangibles  résultant 
de  l'assimilation  chlorophyllienne. 

Ces  corps  s'accumulent  temporairement  dans  la  région 
engainante  pour  s'écouler  ensuite  dans  les  caieux.  Quelle  que 
soit  leur  quantité  absolue,  et  quelle  que  soit  la  partie  du 
végétal,  en  voie  de  développement,  que  Ton  considère,  ils  se 
composent  toujours  de  poids  sensiblement  égaux  de  glucose 

et  de  lévulose,  car  le  rapport  ^  est  voisin  de  1; 

Ces  sucres  réducteurs  font  défaut  dans  les  caïeux  mûrs  et 
récoltés  depuis  quelques  mois. 

2"^  L'inuline,  absente  dans  la  partie  verte  des  feuilles,  appa- 
raît dans  la  région  engainante  et  va  s'immobiliser  dans  les 
caïeux  où,  après  maturation,  elle  forme  à  elle  seule  toute  la 
réserve  hydrocarbonée. 

La  proportion  d'inuline  formée  va  en  augmentant  du  haut 
en  bas  du  végétal  par  rapport  aux  sucres  réducteurs  et  le 

rapport  -  varie  de  0  à  oo. 

S^  De  son  absence  dans  la  partie  verte  des  feuilles,  on  peut 
conclure  qu'elle  n'est  pas  un  produit  direct  de  l'assimilation. 

Elle  procède  donc  des  sucres  réducteurs,  glucose  et  lévulose 
déjà  formés  ;  de  l'un  d'eux  seulement  ou  des  deux  à  la  fois. 

Mais  de  ces  deux  sucres,  l'un  est  dextrogyre  et  l'autre  lévo- 
gyre;  quoique  de  même  composition  centésimale,  ils  ont  une 
constitution   moléculaire  différente;  ils   se  comportent,  par 


HYDRATES  OE  CARBONE.  59 

exemple,  de  manière  différente  dans  les  réactioiis  hydrogé- 
nantes  d'ordre  chimique  ou  physiologique  :  ainsi  sous  Tinfluence 
de  Pamalgame  de  sodium  (M,  Bouchardat)  ou  d'un  ferment 
organisé,  récemment  isolé  par  MM.  Gayon  et  Dubourg,  le  lévu- 
lose seul  donne  de  la  mannite. 

Enfin,  tandis  que  le  glucose  dextrogyre  résulte  de  Thydra- 
tation  de  Tamidon,  dextrogyre  aussi,  le  lévulose  résulte  de 
Tinuline  également  lévogyre  ;  et,  en  admettant  la  réversibilité 
du  phénomène,  Tamidon  dériverait  du  glucose,  comme  Tinu- 
line,  du  lévulose,  par  déshydratation.  On  n'aurait  pas,  pour 
expliquer  la  formation  de  l'amidon  ou  de  l'inuline,  à  faire 
intervenir  des  modifications  moléculaires  capables  de  changer 
le  sens  de  la  rotation. 

Dès  lors,  du  glucose  et  du  lévulose,  issus  de  l'action  chloro- 
phyllienne et  cheminant  ensemble  dans  les  différentes  parties 
du  végétal,  le  lévulose,  en  totalité  ou  en  partie,  se  mettrait  en 
réserve  sous  forme  non  assimilable,  l'inuline,  tandis  que  tout 
le  glucose  et  aussi  peut-être  une  faible  quantité  de  lévulose 
participeraient  aux  phénomènes  vitaux. 

De  plus,  la  constance  dans  la  composition  des  sucres 
réducteurs  existant  en  différents  points  de  la  même  plante, 
indiquerait  la  fixation  d'une  quantité  de  lévulose  égale  à  celle 
du  glucose  disparu. 


Ëchalotte. 


a.  Ëchalottes  jeunes  dans  lesquelles  les  bulbes  sont  des- 
sinés. 

Comme  pour  l'ail,  chaque  végétal  est  divisé  en  trois  parties, 
et  les  liquides  extraits  de  chacune  d'elles  sont  traités  comme 
précédemment. 

i^  Extrémité  des  feuilles  : 

RoUlioD.  RéduclioD. 

Avant  Taction  des  acides. ...        —  3**^,5  l^^^go  0/0 

Après  Taction  des  acides. ...         —  3*^^,5  i«^,SO 


60  R.  CHEVASTELON. 

d'où  Ton  déduit  pour  la  composition  : 

Glucose  =0«',89 
Lévulose  =  0^,91 

Lévulose 
Glucose    ' 

soit  celle  du  sucre  interverti. 

Poids  de  matière  traitée =  1500^ 

Volume  recueilli =  1400®» 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sacres  rédacteurs ==  18ff*',47 

répartis  en  : 

Glucose   =  9sr,44 
Lévulose  =  9fff  ,34 

Lévulose 

Glucose  ' 

Hydrates  de  carbone  non  réducteurs. .  •      =0. 

Les  extrémités  des  feuilles  ne  renferment  donc  que  des 
hydrates  de  carbone  réducteurs. 

2^  Région  engainante  des  feuilles  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides. ...        —  II^ut^S         4irr,85  0/0 
Après  l'action  des  acides. ...        --  45**^,2         B^'jSS 

La  région  engainante  renferme  des  corps  réducteurs  comme 
les  feuilles,  et  en  même  temps  des  corps  non  réducteurs. 

Pour  déterminer  la  composition  des  sucres  réducteurs 
initiaux,  nous  prendrons,  ainsi  que  nous  Tavons  déjà  fait 
dans  le  troisième  chapitre,  comme  pouvoir  rotatoire  des 
sucres  réducteurs  résultant  de  Thydratalion  des  hydrates  de 
carbone  non  réducteurs  le  nombre 

et  pour  les  corps  non  réducteurs,  en  leur  attribuant  la  compo- 
sition du  saccharose,  celui  de 

[a]o  =  -  25^27. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  61 

Et  nous  avons  vu  que  la  rotation  donnée  par  des  solutions 
à  i  0/0  est 

Pour  les  corps  réducteurs —  7^*^-  ■•«»»-,47 

Pour  les  corps  non  réducteurs.        —  2"^-"^*'',33 

Dans  Texpérience  précédente,  on  a  : 

Sucres  réducteurs  initiaux =  4?r^g5 

Sucres  réducteurs  totaux =  5ff'',55 

Sucres  réducteurs  formés =  0»'',70 

dont  la  rotation  0,70  X  8,47  =  —  p  =  —  5'*%2. 
Le  poids  correspondant  des  corps  non  réducteurs  est  : 

0,70  X  j^  =  0,66, 

et  leur  rotation  0,66  X  2,33  =  —  a  =  —  1,5. 
Donc 

(1)  _  a  +  K  =  —  11*»»%8, 

(2)  -  p  4-  K  =  —  15«%2, 

d*où 

(1)  K  =  —  H,8  +  1,8  =  -  10^%3, 

moyenne  =  —  10**^1, 

(2)  K  =  -^  15,2  +  8,2  =  -  W'%0. 

Et  la  composition  des  sucres  réducteurs  initiaux  4^,85,  dont 
la  rotation  =  —  iO**%l  est  : 

Glucose  =  2ffr,34 
Lévulose  =  2firr,54 

Lévulose 
Glucose  ' 

soit  encore  à  peu  près  celle  du  sucre  interverti  : 

Poids  de  matière  traitée =  1000^^ 

Volume  recueilli =   950" 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. .  •        =  50ffi',63 


62 

R.  GHEVASTELON. 

répartis  en  : 

Glucose   =:24ffr^43 

Lévulose  —  26firr,20 

Lévulose 

■7m —    i,07 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  6^,95 

I  =«'*« 

3"  Bulbes  : 

RoUlioD.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides —  32«'^  4»'",00  0/0 

Après  l'action  des  acides. ...        —  87<>»'^  14fir'',37 

Le  ealcul  donne  pour  la  rotation  des  4  grammes  de  sucres 
réducteurs  initiaux  K  =  —  9^^,3. 
Leur  composition  est  : 

Glucose  =i»r,86 
LévuloSe  8=  2ffr,i4 

Lévulose 
Glucose         ' 

Elle  n'est  pas  très  éloignée  de  celle  du  sucre  interverti,  mais 
l'excès  du  lévulose  sur  le  glucose  va  en  augmentant. 

Tandis  que  le  poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  diffère 
peu  de  celui  existant  dans  la  région  engainante,  le  poids  des 
hydrates  de  carbone  non  réducteurs  augmente  notablement  et 
la  réserve  se  constitue. 

Poids  de  matière  traitée •    =  lOOO^»* 

Volume  recueiUi =  1500*^'= 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . .        ==  34«f,74 

répartis  en  : 

Glucose   =16«^i6 
Lévulose  =  iS^^oS 

Lévulose 

Glucose  "^      ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =858^'', 56 

B 

-     =24 

A  ' 


HYDRATES   DE  CARBONE.  63 

b.  Echaloltes  jeunes  ayant  souffert  de  la  chaleur  et  de  la 
sécheresse.  Les  bulbes  sont  formés. 

1^  Extrémité  des  feuilles  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides. ...  —  i**^  0»r,55  O/t) 

Après  Taction  des  acides. ...  —  i**^  Osr'jSS 

d'où  la  composition  : 

Glucose    =0^,28 
Lévulose  =  Oïff  ,27 

Lévulose 

77i =  0,95 

Glucose  ' 

Bien  que  la  proportion  des  sucres  réducteurs  qui  ont  pris 
naissance  dans  les  parties  vertes  des  feuilles  soit  plus  faible 
que  dans  a,  leur  composition  est  encore  celle  du  sucre  interverti. 

Poids  de  matière  traitée =  iOO^ 

Volume  recueilli =   84°<5 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . . .        =  59^,00 

répartis  en  : 

Glucose   =  2flrr,54 
Lévulose  =  2eT,46 

Lévulose 

Glucose         ' 
Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B       =0 


2*^  Région  engainante  : 

Avant  l'action  des  acides. . . . 
Après  l'action  des  acides. . . . 

Contrairement  à  ce  qu'on  a  observé  dans  la  région  engai- 
nante des  plantes  développées  dans  des  conditions  normales 
de  température  et  d'humidité,  on  ne  trouve  pas  ici  d'hydrates 
de  carbone  non  réducteurs. 

La  proportion  des  sucres  réducteurs  est  aussi  plus  faible 
que  dans  l'expérience  précédente. 

L'apport  par  les  feuilles  est  trèp  faible  ;  il  n'y  a  probablement 


?  =» 

Rotation. 

Rédcction. 

—  8**^ 

3»r,85  0/0 

—  8^^ 

3ffr,85 

6i  R.  CHEVASTELON. 

pas  d'excédent  de  la  production  sur  la  consommation  et  par 
suite  pas  de  formation  de  réserve  dans  cette  région.  Du  reste, 
la  composition  des  sucres  réducteurs  est  dans  la  région  engai- 
nante ce  qu'elle  était  dans  les  extrémités  vertes. 
On  a  en  effet  : 

Glucose    —  l»r,86 
Lévulose  =  i8^,99 

Lévulose 

Glucose         ' 

Poids  de  matière  traitée =  300?'' 

Volume  recueilli ^        ■=  250c« 

Et  pour  iOOO  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  Â..  •        =  35?>',23 

répartis  en  : 

Glucose   =178^,03 
Lévulose  =  iS^ï-jîO 

Lévulose  

Glucose  ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  O^r 

3°  Bulbes  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  Faction  des  acides. ...        —  37^^  48«',27  0,0 

Après  Faction  des  acides ....        —  89^^,4         146^,28 

La  rotation  calculée  des  sucres  réducteurs  initiaux  i^"",^! 
est  K  =  —  i4**%8,  d'où  la  composition  : 

Glucose   =1»f,52 
Lévulose  =  2fff,75 

Lévulose 

Glucose         ' 

Poids  de  matière  traitée •        =  650^^ 

Volume  recueilli =  b40^ 

Et  pour  iOOO  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. .  •        =  389r,96 

répartis  en  : 

Glucose   =i3tf'',86 
Lévulose  =  25flf,i0 

Lévulose 

TTï =   i,88 

Glucose  ' 


HYDRATES  DE  CARBONE.  65 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  866 '',89 

B 

-  2       =23 

A    '  ^ 

On  voit  cependant  que,  en  qualité  comme  en  quantité,  les 
hydrates  de  carbone  sont  les  mêmes  que  dans  les  bulbes  jeunes 
précédemment  étudiés. 

Probablement  donc,  avant  Télévation  de  la  température,  les 
plantes  b  avaient  dû  fonctionner  comme  les  plantes  a. 

c.  Échalottes  à  peu  près  mûres  : 

Les  feuilles  sont  jaunes  et  en  partie  fanées. 
Les  bulbes  seuls  ont  été  étudiés. 

Roiation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides. ...        —  ^^\3  4ff«-,39  0/0 

Après  l'action  des  acides. ...        —  95**^  iLe'',44 

La  rotation  calculée  K  des  sucres  réducteurs  initiaux  est 
—  12%7,  d'où  la  composition  : 

Glucose    =1ff',85 
Lévulose  =  2»r,54 

Lévulose 

Glucose         '  . 

Poids  de  matière  traitée  • =  550&'" 

Volume  recueilli =  420*^« 

Et  pour  1000  grammes  de  matière, 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A.. .        =  36»  ,87 

répartis  en  : 

Glucose   =i5»«",54 
Lévulose  =  2U'-,33 

Lévulose 

Glucose  ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  88^''^  12 

B 

X     =   2,39 

d.  Echalottes  mûres  : 

L'extrémité  des  feuilles  et  la  région  engainante  sont  presque 
desséchées  complètement. 

RotatioD.  Heduction. 

Avant  Taction  des  acides. ...        —   42**^,6  4»-,50  0/0 

Après  Taction  des  acides. ...        —  107**^,3         16», 75 

T.  I  (5*  Strie;.  5 


66  R.  CHEVASTËLON. 

La  rotation  calculée  des  4»',50  de  sucres  réducteurs  est 
-  15%7,  d'où  leur  composition  : 

Glucose    =  Iff^TO 
Lévulose  =  2Grr,80 

Lévulose 


K  = 


Glucose  ~ 
Poids  de  matière  traitée, 
Volume  recueilli 


1,64 


=  530^^ 


-^  34ïf'',98 


Et  pour  4000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A.. . 

répartis  en  : 

Glucose  =  13»%22 
Lévulose  =  21e:r,76 

Lévulose 
Glucuse  ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  90?<',38 

B 
À     =   2,58 

Dans  le  tableau  suivant^  qui  résume  les  résultats  de  cette 
étude,  ne  figurent  pas  les  nombres  fournis  par  les  extrémités 
des  feuilles  et  la  région  engainante  des  plantes  6,  comme 
n'étant  pas,  au  moment  de  leur  analyse,  dans  des  conditions 
normales. 

On  y  a  joint  ceux  fournis  par  des  bulbes  récoltés  depuis 
quatre  mois,  et  consignés  dans  le  chapitre  III  (échalotte). 

Échalotte. 


PARTIES  DU  VÉGÉFAL 


SUCRES 

réducteurs 
initiaux 


GL'GOSK 


Extrémité  des  feuilles  a 
Région  engainante...  a 

Bulbes a 

Id b 

Id c 

Id d 

Id.     vieux 


18flr,47 
50flr,63 
34fls74 
389 ',96 
36fl%87 
349^,08 
îWo',78 


UVCLOSE 


9ar,14 

V49r,43 
ie3Br,16 

139S86 

159r,5i 

13as22 
iOor,2l 


99r,33 
269^,20 

i    9r,58 

2^9^33 

2l9r,  76 

i8fl%56 


RAPPORT 

JL 
G 


1,02 
4,07 
1,15 
1,88 
1,37 
1,64 
1,80 


HYDRATES 

DECAhB05E 

DOn 

réducteurs 
B 


0 

6«sa5 

85Br,86 

8G9S89 
b89Sl2 

iX)Br,38 

88«',74 


RAPPORT 
_B 

A 


0 
0,13 
2,10 
2,23 
2,39 
2,58 
3,01 


HYDRATES  DK  CARBONE.  67 

Du  tableau  précédent  il  résulte  que  : 

1**  Dans  un  même  végétal,  le  poids  des  sucres  réducteurs 

initiaux  est  maximum  dans  la  région  engainante;  ceux-ci, 

formés  dans  la  partie  verte  des  feuilles,  s'accumulent  donc 

temporairement  dans  la  région  engainante  avant  de  s'écouler 

•dans  le  bulbe. 

Quels  que  soient  les  poids  absolus,  leur  composition  est 
voisine  de  celle  du  sucre  interverti,  mais  dans  tous  les  cas  le 
poids  de  lévulose  est  un  peu  supérieur  à  celui  du  glucose,  et 
cette  différence  croît  de  l'extrémité  des  feuilles  au  bulbe. 

2^  Les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs,  qui  représentent 
la  réserve  non  assimilable,  absents  dans  les  parties  terminales 
des  feuilles  colorées  en  vert  par  la  chlorophylle,  apparaissent 
dans  la  région  engainante  et  vont  s'accumuler  dans  le  bulbe. 

3°  De  leur  absence  dans  les  extrémités  vertes  des  feuilles, 
on  doit  conclure  qu'ils  ne  sont  pas  un  produit  direct  de  l'assi- 
milation du  carbone,  ils  n'ont  pu  prendre  naissance  qu'aux 
dépens  du  glucose  et  du  lévulose  déjà  existants. 

Or  nous  savons  que  ces  hydrates  de  carbone  donnent  par 

hydratation  un  mélange  de  glucose  et  de  lévulose  dans  le 

c       1 

rapport  T- = -t;^,  et  si  l'on  admet,  hypothèse  bien  vraisemblable, 

que  le  glucose  qu'ils  renferment  provienne  exclusivement  de 
celui  formé  dans  les  cellules  vertes  et  non  du  lévulose,  comme 
le  lévulose  proviendrait  exclusivement  du  lévulose  de  même 
origine  que  le  glucose,  le  dépôt  de  13  grammes  de  ces  hydrates 
de  carbone  de  réserve  immobiliserait  donc  12  grammes  de 
lévulose  pour  un  gramme  de  glucose.  Dès  lors  les  11  grammes 
de  glucose  qui  ne  participeraient  pas  à  la  combinaison  devraient 
se  retrouver  dans  les  sucres  réducteurs  existant  en  même 
temps  que  les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs.  Mais  le 

rapport  p  montre  que  dans  ces  sucres  réducteurs  îl  y  a  au 

contraire  plus  de  lévulose  que  de  glucose. 

Donc  ce  glucose  a  été  utilisé  par  la  plante,  soit  seul,  soit  en 
même  temps  qu'une  certaine  quantité  de  lévulose.  Du  reste, 


68  U.  CHEVASTELON. 

cette  préférence  de  la  plante  pour  le  glucose  devient  mani- 
feste, si  Ton  considère  la  composition  des  sucres  réducteurs, 
dont  la  proportion  varie  peu  et  qui  existent  dans  les  bulbes 
à  différents  degrés  de  développement,  depuis  leur  formation 
jusqu'à  leur  maturité  et  môme  après  la  récolte.  En  effet  le 

rapport  ~  varie  de  1,15  à  1,80  avec  un  maximum  1,88. 

A""  La  formation  de  ces  hydrates  de  carbone  non  assimila- 
bles pourrait  s'expliquer  ainsi  : 

Les  cellules  à  chlorophylle  seules  fixent  le  carbone  de 
Tacide  carbonique  pour  en  faire  du  glucose  et  du  lévulose  en 
proportions  égales. 

Ces  deux  sucres  circulent  ensemble  du  haut  en  bas  de  la 
plante.  Dans  les  régions  où  l'apport  dépasse  la  consommation, 
ils  se  mettent  en  réserve,  et  la  constitution  de  cette  réserve 
serait  réglée  par  l'emploi  même  que  ferait  la  plante  des  sucres 
réducteurs  existants.  Comme  dans  ce  cas,  elle  consomme  le 
glucose  de  préférence  au  lévulose  ;  ce  dernier  non  utilisé  immé- 
diatement s'immobilise  en  totalité  ou  en  partie,  en  même  temps 
qu'une  faible  proportion  de  glucose. 

5°  Dans  le  temps  qui  s'est  écoulé  depuis  leur  récolte,  quatre 
mois  environ,  les  bulbes,  pendant  cette  période  de  repos,  ont 
employé  une  partie  des  sucres  réducteurs  et  aussi  une  partie 
de  la  réserve. 


Oignon. 

J'ai  suivi  le  développement  de  la  variété  oignon  blanc  seule- 
ment. 

Gomme  précédemment,  chaque  partie  du  végétal  a  été,  avant 
pression,  traitée  par  l'éther. 

Le  liquide  cellulaire  recueilli  est  déféqué  par  le  sous-acétate 
de  plomb,  dans  la  proportion  de  10  centimètres  cubes  de  sous- 
acétate  pour  100  centimètres  cubes  de  liquide. 

a.  Les  bulbes  ovoïdes  sont  de  la  Grosseur  d'une  noix. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  60 

1**  Extrémité  des  feuilles  : 

Rolalion.  Réducliuu. 

Avant  Taction  des  acides —  6*»'^  2ff%40  0  0 

Après  Taction  des  acides. ...  —  6**^  2t^«*,40 


d'où  la  composition 


Différence.      0«%00 


Glucose    =  Iflr'jOS 
Lévulose  =  iffï'jSS 

Lévulose 
Glucose  ~~.    ' 

Si  par  évapopation  on  réduit  300  centimètres  cubes  à  50  cen- 
timètres cubes^  on  a  : 

Rotation;    .  Rédaclioo. 

Avant  Faction  des  acides ....        —  35**^,5  1  i^^^OO  0  0 

Après  l'action  des  acides. ...        —  35*^^,5  i4ff^00 

d'où 

Glucose    =  6ïn',28 
Lévulose  =  7ffr,72 

Lévulose 
Glucose    ~    '"* 

Les  extrémités  des  feuilles  ne  renferment  donc  que  des 
sucres  réducteurs^  dont  la  composition  est  voisine  de  celle  du 
sucre  interverti  (*),  et  qui  disparaissent  en  totalité  sous  l'in- 
fluence d'une  levure  alcoolique. 

Poids  de  matière  traitée =  1390^ 

Volume  recueilli =  4i60*^'' 

Et  poui^  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . .        ==  22e^,G3 


(1)  M.  A.  Meyer  (Bot,  Zeit.,  4885,  et  Annales  agronomiques,  t.  II,  p.  30(5) 
a  trouvé  dans  les  feuilles  d'oignoil  29'',5  de  sucres  réducteurs  pour  100  centimètres 
cubes  et  en  même  temps  Ogi',7  de  sucres  non  réducteurs.  L'existence  de  corps 
non  réducteui*s  dans  le  liquide  cellulaire  analysé  tient  peut- être  à  ce  que 
M.  Meyer  a  pris  en  même  temps  que  les  extrémités  libres  des  feuilles  une  faible 
partie  de  la  région  engainante  où  l'on  trouve  en  effet  des  corps  non  réducteurs. 
Dans  ce  cas,  les  résultats  seraient  tout  à  fait  concordants. 

Le  même  auteur  a  trouvé  que  les  sucres  réducteurs  existant  dans  les  feuilles 
de  poireau  ont  à  peu  près  la  composition  du  sucre  interverti.  J'ai  répété  l'expé- 
rience et  j'ai  obtenu  les  mêmes  résultats. 


70  n.  CKEVASTBLON. 

répartis  en  : 


Glucose  =  fiSf.M 
Lévulose  =  i2P,ii 
LéiuloBe 
Glucose 
Poids  des  hydrales  de  carbone  non  réducteurs 


:^1,2 


3°  Région  engainante  : 

Ri><illan.  RédiitlïiHi. 

Avant  l'aclion  des  acides —   8*".5  3b'.«  0/0 

Après  l'action  des  acides. ...        —  iV'-'fi  Sn'fil 

DifTérence,    0b'-,46 

Le  calcul  donne,  pour  la  rotation  des  sucres  réductenrs 
initiaux  :\«',Ai<  ^  =  7'" ,3,  et  leur  composition  est  : 
Glucose    =  U',63 
Lévulose  =  iBr,73 
Lévulose 
Glucose  ^    ' 

Il  existe  donc  des  sucres  réducteurs  de  même  composition 
que  dans  tes  extrémités  et  aussi  une  Taible  quantité  de  corps 
non  réducteurs. 

Poids  de  matière  traitée ■=  OOOxr 

Volume  recueilli =-  440" 

Etpour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  iniliau:(  A.. .         — -  27»', 50 
répartis 


Glucose    =i3i<-M 
Lévulose  =  i4Bf.38 

Lévulose 
Glucose  "^      ' 
Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B      =  3»i,47 

3ulbes  : 

Avantlactioa  des  acides....         -    9"%t* 
Après  l'action  des  acides. ...        —  25*' 

niffér-nce 

3ïr,25  01) 
Oï'.flS 

HYDRATES  DE  CARDONE.  71 

Valeur  calculée  de  K  =  —  3**^?,  d'où  la  composition  des 
sucres  réducteurs  initiaux  3»^25 

Glucose   =1ffr^80 
Lévulose  ==  i9'',45 

Lévulose 

Glucose  "~    ' 

Poids  de  matière  traitée —  650e«* 

Volume  recueilli =  480«« 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A.. .        =  28fff,36 

répartis  en  : 

Glucose    =44Kr,59 
Lévulose  =  Hffr,77 

Lévulose 

77i =    0,80 

Glucose 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  âU'jSI 

1     -0,83 

Les  sucres  réducteurs  initiaux  ont>  comme  dans  les  parties 
supérieures  du  même  végétal,  une  composition  qui  s'éloigne 
peu  de  celle  du  sucre  interverti. 

Mais  tandis  que  dans  les  régions  aériennes  le  lévulose 
domine^  dans  le  bulbe  au  contraire  il  y  a  excès  de  glucose. 

Le  poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  est  pres- 
que égal,  dans  ces  jeunes  bulbes,  à  celui  des  sucres  réducteurs. 

b.  Les  bulbes  ont  la  grosseur  d'un  œuf. 
1^  Région  engainante  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides —  10^^  4firr,34  0/0 

Après  Taction  des  acides ....        —  ib^^^fi  58rr,37 

Différence.    1ff^03 

La  valeur  calculée  de  K  =  —  8*^^,5,  et  la  composition  des 
4^,34  de  sucres  réducteurs  initiaux  est  : 

Glucose   =2fff,i4 
Lévulose  =  2ffr,20 

Lévulose  __  .  f^ 
Glucose  ~    ^ 


72  R.  CIIEVASTELON.     • 

Poids  de  matière  traitée =  610»'  ■ 

Volume  recueilli =  430^^ 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . .        =  33«f»',62 

répartis  en  : 

Glucose    =i6ffr,58 
Lévulose  =  il«^,OA 

Lévulose       •.  ^^ 
Glucose 
Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B   .  =  i5»''^i3 

-      =  044 

Sauf  une  plus  grande  proportion  d'hydrates  de  carbone  de 
réserve,  les  résultats  sont  identiques  à  ceux  fournis  par  Tana- 
lyse  de  la  même  partie  de  a. 

2°  Bulbes  : 

Rotation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides. ...        —  i5«',3  4^,46  0^0 

Après  Taction  des  acides  .  • . .        —  45^'",5  9«^fiO 

Différence.    5»»',64 

La  valeur  calculée  de  K  =  —  3*'%6,  et  la  composition  des 
A^'jlô  de  sucres  réducteurs  initiaux  est  : 

Glucose    =2err,39 
Lévulose  =  ie^yll 

Lévulose 

Glucose  ~~    ' 

Poids  de  matière  traitée =  iOOO»' 

Volume  recueilli =    IW^^ 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . .        rrzz  34ff',27 

répartis  en  : 

Glucose    =19firr,69 
Lévulose  =  1 4^^,58 

Lévulose 
Glucose  ' 

Poids  des  hvdrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  44«^'',23 


HYDRATES  DE  CAItBONE.  73 

c.  Bulbes  un  peu  plus  gros  que  les  précédents. 


Rotation. 

Réduction. 

Avant  Taction  des  acides. . . . 

—  lo*«' 

4err,54  00 

Après  l'action  des  acides. . . . 

-  41**^ 

9err,43 

Différence.    4err,89 

4 

La  valeur  calculée  de  K  =  —  4**%3,  et  la  composition  des 
sucres  réducteurs  initiaux  4^^,54  est  : 


Glucose   —28^,57 

Lévulose  —  lff',97 

Lévulose 

77; 0,76 

Glucose 

Poids  de  matière  traitée 

—  CBO^r 

Volume  recueilli 

-500c« 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

.  Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  B. . .        =  38^^,38 

répartis  en  : 

Gluci)8e   =2ifirf,73 
Lévulose  =  16?f  ,65 

Lévulose 

TTi =   0,76 

Glucose  ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     ==  39^^,31 

l  =1.02 

d.  Les  bulbes  ont  à  peu  près  terminé  leur  accroissement  ;  la 
région  engainante  a  perdu  sa  turgescence;  son  diamètre  a 
diminué,  et  elle  ne  soutient  plus  qu'avec  peine  les  parties 
terminales  des  feuilles,  presque  toutes  jaunes. 

Rotation.  Réduction. 

Avant  l'action  des  acides —  16*»^  5^^,00  0/0 

Après  Faction  des  acides. ...        —  35*^^  8?'',55 

Différence.    3«^^h5 

La  valeur  calculée  de  K  =  —  8**'',3,  et  la  composition  des 
sucres  réducteurs  initiaux  5  grammes  est  : 

Glucose    =2»r^57 
Lévulose  =  2^,43 

Lévulose 

Glucose  "~    ' 


74  R.  CHEYASTELOX. 

Poids  de  matière  traitée =  SÛO»»" 

Volume  recueilli =  600^ 

Et  pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. , .        =  41?',35 

répartis  en  : 

Glucose   =21««',20 
Lévulose  =  a0ffp,04 

Lévulose 

Glucose  ' 

Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  27«f,lS 

e.  Bulbes  mûrs.  La  partie  engainante  n'est  cependant  pas 
complètement  desséchée. 

Rotation,  Réduclinn. 

Avant  Taction  des  acides. ...        — 14**^  5ff*',45  0/0 

Après  Faction  des  acides —  25«^,3  7firr,6î 

Différence.    2^yil 

La  valeur  calculée  de  K  =  —  9**%3,  et  la  composition  des 
sucres  réducteurs  initiaux  5^%i5  est  : 

Glucose    =2?»',78 
Lévulose  =  2?r,67 

Lévulose 

— =  0,96 

Glucose 

Poids  de  matière  traitée =  TOO»»" 

Volume  recueilli =  SIS'** 

Pour  1000  grammes  de  matière  : 

Poids  des  sucres  réducteurs  initiaux  A. . .        —  44?i',14 

répartis  en  : 

Glucose   =t22«r'',51 
Lévulose  =  21ffr,63 

Lévulose 
Glucose  """     ' 
Poids  des  hydrates  de  carbone  non  réducteurs  B     =  16trr,64 

I     =0.37 

Le  tableau  suivant  résume  les  résultats  de  cette  étude  et 


HYDRATES  DE  CARBONE. 


ceux  fournis  par  les  bulbes  d'oignon  blanc  récoltés  depuis 
quatre  mois  environ.  (Chapitre  III:  Oignon.) 


PARTIES  DU  VÉGÉTAL 


Extrémité  des  feuilles  a 

Région  engainante. . .  a 

Id.  ...  6 

Balbes a 

Id b 

Id c 

Id d 

Id e 

Id.     vieux f 


réducteurs 
initiaux 

A  =  L  +  C 


228r,03 
279',  50 

a;8se2 

26>'.36 
349', 27 
389S38 
419S23 
419M4 

509r,87 


CLFCOSE 

G 


99r,W 

139', 14 

ie9r,58 
149r,59 

19f',69 
2l9',73 

2l9r,22 
229r,51 

280',  13 


LÉVVLOSK 
L 


129',  12 

n9r,36 

179',04 

H9r,77 

149',58 

I69',e5 

209r,04 
2l9r,63 

229',74 


KAPPORT 

G 


1.20 
1,10 
1,02 
0,80 
0,74 
0,76 
0,94 
0,U6 
0,80 


ITERATES 

DBCARBOflE 

DOB 

réducteurs 
B 


0 

39',47 

159r,13 

2l9',81 

4t8',23 

8M9r.31 

279',78 

169',64 

99',57 


RAPPORT 

B 
A 


0 
0,13 
0,44 
0,83 
1,29 
1,02 
0,67 
0,37 
0,18 


De  ce  tableau,  il  résulte  que  : 

i^  Dans  les  différentes  parties  d'une  même  plante  et  au  même 
moment,  les  sucres  réducteurs  qui  existent  seuls  à  Textrémité 
verte  des  feuilles  s'accumulent  dans  la  région  engainante  et  le 
bulbe.  Leur  poids  est  à  très  peu  près  le  même  dans  ces  deux 
dernières  portions  (a  et  b). 

Quels  que  soient  leurs  poids  absolus,  ils  sont  formés  de 
glucose  et  de  lévulose  dans  des  proportions  peu  éloignées  de 
celles  qui  constituent  le  sucre  interverti.  Cependant  leur  com* 
position  varie  selon  la  région  considérée  :  tandis  que  le  lévulose 
domine  à  l'extrémité  des  feuilles,  le  glucose  est  en  excès  dans 
lo  bulbe,  et  la  diminution  relative  du  lévulose  est  graduelle  du 
haut  en  bas  de  la  plante;  on  a  en  effet  : 

L 

a.  Extrémité  des  feuilles —  =1,20 

G 

Région  engainante »  =1,10 

Bulbe »  =  0,80 

b.  Région  engainante =  1 ,02 

Bulbe =0,74 

^°  Dans  les  différentes  parties  d'une  même  plante  et  au  même 


76  R.  CHEVASTELON. 

moment^  les  hydrates  de  carbone  non  réducteurs^  absents  à 
Textrémité  des  feuilles,  apparaissent  dans  la  région  engainante 
et  atteignent  leur  maximum  dans  le  bulbe.  En  effet,  le  tableau 
indique  pour  ces  corps  : 

n.  Extrémité  des  feuiUes. .. .       =    0 

Région  engainante =    3^,47 

Bulbe r=21firr^81 

b.  Région  engainante =  15err,i3 

Bulbe =44»fr,23 

Ces  corps  étant  identiques  à  ceux  contenus  dans  Téchalotte, 

leur  formation  s'expliquerait  de  la  même  manière. 

L 

La  diminution  croissante  du  rapport  p  ,  à  mesure  que  prend 

naissance  la  réserve  hydrocarbonée,  pourrait  provenir  de  ce 
que  dans  Toignon  le  lévulose  passe  plus  rapidement  que  dans 
réchalotte  à  Tétat  non  assimilable. 

S"^  Dans  les  bulbes  à  différents  états  de  développement,  la 
réserve,  après  avoir  passé  par  un  maximum  (b)  décroît  jusqu'à 
la  maturité  (e)  et  aussi  après  la  récolte  des  bulbes  mûrs,  jusqu'à 
l'époque  de  leur  analyse  (f).  La  différence  de  l'état  b  à  l'état  f 
est  de  34^,46. 

Donc  à  partir  de  l'état  &  la  dépense  étant  supérieure  à 
l'apport,  une  partie  de  la  réserve  a  repris  la  forme  assimilable. 
En  effet,  la  proportion  des  sucres  réducteurs  trouvés  dans  les 
bulbes  a  augmenté  de  16^^60  de  l'état  b  à  l'état  f. 

Mais  ce  poids  est  de  beaucoup  inférieur  même  à  celui  de  la 
réserve  disparue,  34^,46,  et  à  plus  forte  raison  inférieur  à 
celui  des  sucres  réducteurs  que,  par  hydratation,  donneraient 
ces  M^^,i6;  donc  une  partie  de  ces  sucres  réducteurs  a  été 
consommée  par  la  plante. 

Le  retour  à  la  forme  assimilable  des  hydrates  de  carbone  de 
réserve  rend  disponible  un  poids  de  lévulose  douze  fois  plus  grand 
que  celui  du  glucose,  et  si  la  plante  continuait  à  utiliser  princi- 
palement le  glucose,  on  devrait  trouver  dans  les  sucres  réduc- 
teurs existants  une  augmentation  de  la  proportion  de  lévulose. 


HYDRATES  DE  CAllBONE.  77 

Or  le  rapport  ^  accuse,  au  contraire,  partout,  de  l'état  b  à 

rétat  f,  une  légère  prédominance  du  glucose;  il  faut  donc 
admettre  qu'à  partir  de  Tétat  b  la  plante  a  consommé  plus  de 
lévulose  que  de  glucose. 

Dès  lors,  suivant  la  période  du  développement  des  bulbes, 
les  cellules  ne  traiteraient  pas  toujours  de  la  même  manière 
un  mélange  de  glucose  et  de  lévulose;  elles  consommeraient 
de  préférence  tantôt  l'un,  tantôt  l'autre  de  ces  sucres. 


CONCLUSIONS  DU  CHAPITRE  V 


L'étude  du  développement  de  trois  représentants  du  genre 
AUium  (Ail,  Échalotte,  Oignon)  nous  montre  que,  pour  les  trois, 
les  hydrates  de  carbone  issus  de  l'action  chlorophyllienne,  et 
formés  dans  les  cellules  vertes  des  feuilles,  sont  un  mélange 
de  glucose  et  de  lévulose  à  peu  près  dans  les  proportions  qui 
constituent  le  sucre  interverti. 

Ces  deux  sucres  participent  aux  phénomènes  de  la  vie  en 
quantités  inégales  :  dans  l'ail,  tout  le  glucose  disparait,  et 
tout  ou  partie  du  lévulose  se  met  en  réserve  sous  forme  d'inu- 
line  soluble  ;  dans  l'échalotte  et  l'oignon,  une  partie  seulement 
du  glucose  est  utilisée  par  la  plante,  et  le  reste  s'immobilise 
en  même  temps  que  tout  ou  partie  du  lévulose,  en  donnant 
des  hydrates  de  carbone  dans  lesquels,  après  hydratation,  le 

rapport  j- =12- 

On  a  même  vu  l'oignon  manifester,  dans  la  première  période 
de  son  développement,  période  d'accumulation  de  la  réserve, 
une  préférence  marquée  pour  le  glucose,  tandis  que  dans  la 
deuxième,  où  il  s'attaque  à  la  réserve  déjà  formée,  il  cdhsommc 
plus  de  lévulose  que  de  glucose. 

Donc  dans  les  végétaux  étudiés  les  cellules  ne  traitent  pas 


78  R.  CHEVA8TEL0N. 

de  la  même  manière  le  glucose  et  le  lévulose  que  leuf  a  fournis 
rassimilation  chlorophyllienne. 

Ce  sont  là  des  phénomènes  de  même  nature  que  ceux 
signalés  en  1856  par  Dubrunfaut  (*),  étudiés  par  MM.  Bour- 
quelot  (*),  Gayon  et  Dubourg  (^)  sur  la  fermentation  élective  des 
sucres. 

Certaines  levures  font  fermenter  le  glucose  de  préférence  au 
lévulose  ;  d'autres  font  fermenter  le  lévulose  de  préférence  au 
glucose.  Les  unes  utilisent  exclusivement  Tun  des  sucres  avant 
de  s'attaquera  l'autre,  qui  disparaîtà  son  tour;  les  autres  utili- 
sent les  deux  en  même  temps,  mais  en  proportions  différentes. 

N'est-ce  pas  en  profitant  des  propriétés  électives  des  moisis- 
sures que  M.  Pasteur  (*)  a,  le  premier,  démontré  l'existence 
des  racémates;  que  plus  tard  M.  Lebel  (^)  a  pu  constater 
dans  l'alcool  amylique  l'existence  d'alcools  isomères  de  pou- 
voirs rotatoires  différents;  que  M.  Fischer  a  pu  vérifier  sur  les 
sucres  synthétiques,  obtenus  par  lui,  quelques  points  de  ses 
idées  théoriques?  Enfin  M.  Grimbert(^),  dans  son  travail  sur 
le  Bacilliis  orthobutylictis,  a  vu  que  sur  200  parties  de  sucie 
interverti  soumises  à  l'influence  de  cet  infiniment  petit,  il 
restait  à  la  fin  d'une  fermentation  : 

Glucose....      0 
Lévulose ...     80 

Il  semble  donc  que  la  cellule  végétale,  qu'elle  vive  isolée, 
comme  la  levure,  ou  en  colonies  dans  un  végétal  pïuricellulairc, 
agit,  dans  sa  jeunesse  au  moins,  avant  une  différenciation 
profonde,  de  la  même  manière  sur  les  aliments  hydrocarbonés 
assimilables.  Elle  prend  tantôt  le  glucose  de  préférence  au 
lévulose,  tantôt  le  lévulose  de  préférence  au  glucose,  tantôt 
l'un  ou  l'autre  indifféremment. 

(»)  Dubiunfaut,  C.  i?.,  t.  XLII,  p.  UOI,  1856. 

(*)  M.  Bourqaelot,  Ann,  de  ci.  et  de  /  hys.,  6«  série,  t.  IX,  1886. 

())  M.»f.  Gayon  et  Dubourg,  C.  A.,  avril  1800. 

(^)  M.  Pasteur,  C.  R.,  t  XL VI,  1858. 

(»)  M.  Ubel,  L\  H.,  l87o. 

(«)  M.  Grimborl,  thèses  (Pari<),  1893. 


HYDRATES   DK  CARBOfCI-:.  79 


RESUME  ET  COxNCLUSIONS  GÉNÉRALES 


Dans  le  premier  chapitre^  nous  avons  indiqué  la  méthode 
suivie  pour  Textraction  du  liquide  cellulaire  contenu  dans  une 
plante  quelconque. 

Cette  méthode  est  applicable  à  toute  partie  d'un  être  organisé. 

Dans  le  deuxième  chapitre,  nous  avons  constaté  que  les 
caïeux  d'ail  à  Tétat  de  vie  ralentie  renferment  une  réserve 
hydrocarbonée  constituée  par  un  corps  unique  et  nouveau  : 
Tinuline  soluble. 

L'état  de  cette  inuline  établit  qu'elle  diffère  essentiellement 
de  celle  retirée  du  topinambour  ou  du  dalhia  par  une  solubilité 
en  toutes  proportions  dans  l'eau. 

Elle  ne  se  dépose  pas  dans  les  cellules,  comme  celle  du  topi- 
nambour, sous  forme  de  sphéro-cristaux,  lorsqu'on  traite  les 
caïeux  d'ail  par  de  l'alcool  concentré. 

Le  microscope  ne  peut  donc  pas  déceler  ga  présence  dans 
les  cellules. 

Dans  le  troisième  chapitre,  on  a  vu  que  les  hydrates  de  car- 
bone non  assimilables  et  solubles  contenus  dans  les  bulbes 
d'échalotte  et  d'oignon  à  l'état  de  vie  ralentie,  sont  lévogyres 
et  non  réducteurs  comme  Tinuline  de  l'ail;  mais  ils  fermentent 
en  présence  d'une  levure  alcoolique,  tandis  que,  dans  les  mêmes 
conditions,  l'inuliiie  de  l'ail  n'est  pas  attaquée. 

Ils  se  distinguent  encore  de  ce  dernier  corps  en  ce  qu'ils  no 
ferment  pas  de  précipité  avec  l'eau  de  baryte  en  excès. 


80  R.  GHEVASTËLON. 

Ils  sont  différents  et  de  Tinuline  et  de  tous  les  hydrates  de 
carbone  connus. 

Ils  se  présentent  donc  comme  des  corps  nouveaux;  leur 
étude  plus  complète  a  été  remise  à  une  date  ultérieure. 

iiCs  sucres  réducteurs  assimilables  qui  existent  en  même 
temps  dans  les  bulbes  d'échalotte  et  d'oignon  sont  un  mélange 
de  glucose  et  de  lévulose,  avec  prédominance  légère  du  lévu- 
lose dans  réchalotte,  du  glucose  dans  Toignon.  Donc  les 
hydrates  de  carbone  mis  en  réserve  par  des  végétaux  d'un 
même  genre  peuvent  être  différents. 

Dans  aucun  des  monocotylédones  étudiés  dans  le  quatrième 
chapitre,  on  n'a  trouvé  les  hydrates  de  carbone  que  contiennent 
les  bulbes  d'échalotte  ou  d'oignon.  Au  contraire,  l'inuline 
soluble  existe  seule  dans  la  tubéreuse,  l'asphodèle  ;  en  mélange 
avec  l'amidon  dans  la  jacinthe;  en  mélange  avec  l'amidon  et 
le  saccharose  dans  la  tulipe. 

Comme  pour  l'amidon,  sa  présence  ou  son  absence  sont 
indépendantes  de  l'ordre,  de  la  famille  et  du  genre  auxquels 
appartiennent  les  végétaux  considérés. 

L'amidon  formant  à  lui  seul  la  réserve  hydrocarbonée  dans 
le  crocus,  il  en  résulte  une  assez  grande  diversité  dans  la 
nature  des  hydrates  de  carbone  mis  en  réserve  dans  les  parties 
souterraines  de  plantes  voisines  du  groupe  des  monocotylé- 
dones. 

Nous  avons  vu  qu'à  ce  point  de  vue  elles  présentent  cinq 
types  bien  distincts. 

L'étude,  faite  dans  le  cinquième  chapitre,  du  développement 
de  trois  représentants  du  genre  Allium  établit  que  : 

l""  Dans  les  trois,  les  extrémités  vertes  des  feuilles  ne  con- 
tiennent que  du  glucose  et  du  lévulose  dans  des  proportions 
très  voisines  de  celles  qui  constituent  le  sucre  interverti  ; 

2^  La  réserve  prend  naissance  aux  dépens  de  ces  sucres  ; 

3^  La  formation  de  cette  réserve  résulte  d'une  action  diffé- 
rente des  cellules  sur  le  glucose  et  le  lévulose. 


HYDRATES  DE  CARBONE.  81 

L'exemple  de  la  jacinthe  va  nous  permettre  d'appliquer  à  des 
végétaux  renfermant  de  Tamidon  comme  réserve  hydrocar-  | 

bonée,  les  conclusions  tirées  du  genre  Allium. 

Nous  avons  vu  (quatrième  chapitre)  que  les  bulbes  de  cette 
plante,  à  Tétat  de  vie  ralentie,  contiennent  de  Tinuline  soluble 
et  de  Tamidon  en  proportions  inégales  ;  il  y  a  plus  d'amidon 
que  dMnuline. 

Or,  il  n'existe  à  aucun  moment  d'amidon  dans  les  feuilles; 
Bœhm  (^)  a  le  premier  constaté  le  fait.  Donc  l'amidon  du  bulbe  | 

n'a  pu,  comme  l'inuline,  prendre  naissance  qu'aux  dépens  des 
sucres  réducteurs  formés  dans  les  feuilles. 

La  présence  simultanée  et  en  proportions  inégales  de  deux 
corps  donnant  par  hydratation,  exclusivement  l'un  du  glucose, 
l'autre  du  lévulose,  s'expliquerait  en  supposant  que  la  plante  a 
eu  pour  le  glucose  et  le  lévulose  une  préférence  alternative. 

Dès  le  printemps,  nous  tenterons  la  vérification  expérimen-  * 
taie  de  cette  hypothèse. 

Mais  l'observation  de  la  jacinthe  serait  à  elle  seule  suffisante 
pour  éliminer  l'amidon  comme  produit  direct  de  l'assimilation 
chlorophyllienne. 

C'est  l'opinion  de  M.  Schimper  (^),  qui,  dans  un  mémoire 
sur  la  formation  des  hydrates  de  carbone  dans  les  feuilles, 
conclut  nettement  de  ses  recherches  : 

1^  Que  la  formation  du  glucose  précède  toujours  celle  de 
l'amidon  ; 

2^  Que  l'amidon  formé  pendant  l'assimilation  provient  du 
glucose  ; 

3^  Hais  que  l'amidon  ne  se  développe  dans  les  plastides  que 
lorsque  la  solution  de  glucose  contenue  dans  les  feuilles 
dépasse  un  certain  degré  de  concentration,  variable  d'une 
espèce  à  l'autre,  de  sorte  que  certaines  plantes  ne  forment 
jamais  d'amidon  dans  les  conditions  normales,  tandis  que 
d'autres,  dont  les  plastides  sont  moins  exigeants,  en  forment 

(})  Bœhm,  Bot.  ZeU,  1883. 

(•)  M.  Schimper,  Bot.  ZeU,  1885. 

T.  1  (5«  Sôfie).  6 


8^  R.  CHEVASTEM)N.  —   HYDRATES  DE  CARBONE. 

avec  abondance  alors  que  la  solution  de  glucose  est  relative- 
ment faible. 

Au  point  de  vue  de  la  formation  de  ranfiidon,  l'exemple  de 
la  jacinthe  serait  une  nouvelle  preuve  de  l'exactitude  des  con- 
clusions de  M,  Schimper. 

Enfin,  la  chlorophylle  ayant  dans  tous  les  végétaux  verts 
une  constitution  constante,  il  parait  rationnel  d'admettre  que 
les  produits  hydrocarbonés  résultant  de  son  action  sur  l'acide 
carbonique  à  la  lumière  solaire  sont  constants. 

Si,  comme  nous  le  pensons,  ils  apparaissent  sous  forme  de 
sucre  interverti,  la  nature  des  hydrates  de  carbone  mis  en 
réserve  dans  un  même  végétal  ou  dans  des  végétaux  différents 
serait  la  conséquence,  soit  d'une  préférence,  exclusive  ou 
relative,  continue  ou  alternative,  des  cellules  pour  le  glucose 
ou  le  lévulose,  soit  pour  les  mêmes  corps  d'une  égale  indiffé- 
rence. 

En  un  mot,  les  cellules  productrices  des  hydrates  de  carbone 
suivraient  une  loi  unique;  celles  qui  les  consomment  les  utili- 
seraient de  manières  différentes,  suivant  leur  aptitude  ou  leur 
nécessité;  leur  action  serait  comparable  à  celle  qu'elles 
exercent  sur  les  éléments  minéraux  ou  organiques  constitutifs 
des  milieux  où  elles  vivent  et  se  développent. 

Nous  espérons  reprendre  bientôt  ces  recherches. 


CONTRIBUTION 


A  L*ÉTUDE 


MUfflimS  II  iS  AlliNliîES  CRlSîiLLISlS 

PRÉPARÉS  PAR  VOIE  HUMIDE 

PAR  U.  H.  GOGUEL, 

CHARGÉ  DE  GOHrËRCRCfiS  DE  MIRÉRALOGIE  A  LA   FACULTÉ  DES  SCIEXCU  DE  BO&OEADl. 


INTRODUCTION 

Dans  rétat  actuel  de  la  science  il  est  généralement  facile, 
étant  donné  un  arséniate  naturel,  de  Tidentifier  avec  une 
espèce  déjà  décrite,  ou  de  l'en  différencier,  par  la  seule  obser- 
vation de  ses  propriétés  cristallographiques  et  optiques,  et 
cela,  sans  avoir  besoin  de  recourir  à  l'analyse  chimique. 

Au  contraire,  pour  les  arséniates  qui  ne  sont  connus  qu'arti- 
ficiels, ce  précieux  moyen  d'îdenlificanon  manque  complète- 
ment ou  à  peu  près.  Lorsqu'on  a  fait  la  synthèse  d'un  de  ces 
arséniates,  on  ne  peut,  sans  analyse  préalable,  rien  préjuger 
sur  son  identité,  sous  peine  de  grossières  erreurs. 

C'est  que  les  propriétés  physiques  de  ces  corps  ont  été  fort 
peu  étudiées.  Si,  en  effet,  on  excepte  les  arséniates  artificiels 
qui  sont  les  reproductions  d'espèces  minérales  et  qui  ont  à 
ce  titre  intéressé  les  minéralogistes:  adamine,  olivénite, 
scorodilc,  pharmacolite,  et  les  arséniates  alcalins,  en  parti- 
culier ceux  de  soude  si  complètement  étudiés  par  M.  Dufet 
arvee  ceux  d'argent,  on  ne  trouve  plus  sur  les  arséniates  pro- 
duits par  vaîe  humide  que  quelques  données  vagues  et  incom- 
plètes réparties  dans  les  dictionnaires,  les  traités  de  chimie  et 
les  rares  travaux  spéciaux  publiés  sur  cette  question  (^). 

(*)  Notamment  :  Coïoriano,  thèse  de  la  Faculté  des  sciences  de  Paris  s»)r  les 
arséniates  cristaliisos,  i«86.  —  Lefèvre,  dans  une  thèse  portant  le  même  titiv,  a 
étudié  spécialement  les  arséniates  produits  par  voie  sèche.  Paris,  i891. 


Si  H.  GOGUKL. 

La  remarque  que  je  viens  de  faire  à  propos  d'une  classe  de 
sels  pourrait  d'ailleurs  ôtre  étendue  à  tous  les  cas  où  la 
synthèse  chimique  ne  fournit  que  des  produits  mal  cristallisés 
ou  en  cristaux  très  petits,  car  les  chimistes  sont,  en  général, 
bien  peu  familiarisés  avec  la  pratique  cristallographique  et,  en 
particulier,  avec  les  procédés  d'observation  si  élégants  qui 
emploient  le  microscope  polarisant  à  platine  tournante. 

Il  en  résulte  ce  contraste  frappant  que,  tandis  que  le  pétro- 
graphe  peut,  presque  toujours,  reconnaître  une  espèce  miné- 
rale, même  en  très  petits  cristaux  inclus  dans  une  roche,  par 
une  simple  observation  optique,  le  chimiste  qui  se  trouve  en 
présence  d'un  corps  que  Ton  ne  peut  obtenir  qu'à  l'état  micro- 
cristallin, est  rarement  pourvu  de  données  suffisantes  pour  en 
faire  la  reconnaissance  exacte  à  l'aide  du  microscope  et  sans 
analyse  quantitative.  C'est  à  propos  des  arséniates  que  ce  fait 
m'avait  vivement  frappé,  et  ainsi  je  fus  amené  à  former  le 
projet  de  contribuer  à  compléter  l'étude  cristallographique  de 
ceux  de  ces  sels  qui  étaient  déjà  connus. 

Pour  cela,  il  me  fallait  les  reproduire.  J'utilisai  d'abord  les 
procédés  déjà  essayés  avec  succès,  ce  qui  me  procura 
Toccasion  de  les  appliquer  à  quelques  cas  nouveaux, 
comme  on  le  verra  à  propos  des  métaux  :  baryum,  cobalt, 
mercure. 

D'autre  part,  les  produits  obtenus  de  la  sorte  n'étant  pas 
toujours  suffisants  pour  les  observations  microscopiques  que 
je  désirais  faire,  je  dus  m'ingénîer  à  trouver  de  nouveaux 
procédés  qui,  parfois,  me  donnèrent  des  sels  déjà  connus, 
mais  en  échantillons  plus  beaux,  et  d'autres  fois,  me  donnè- 
rent des  produits  tout  à  fait  inédits. 

Parmi  tous  les  corps  que  j'ai  étudiés,  j'ai  réuni,  pour  consti- 
tuer ce  travail,  d'une  part,  ceux  déjà  connus  dont  j'ai  pu 
faire  une  observation  cristallographique  présentant  quelque 
intérêt,  et,  d'autre  part,  parmi  les  arséniates  nouveaux  que 
j'ai  préparés,  ceux  dont  je  pouvais  indiquer  le  procédé  de 


AltSÉMATES   ET  AXTIMOXIVTES.  85 

» 

préparation  d'une  façon  suffisamment  précise  pour  qu'on  pût 
les  reproduire  à  volonté. 

En  ce  qui  concerne  la  classe  des  sels  dont  je  me  suis 
occupé,  les  procédés  de  synthèse  employés  jusqu'à  ce  jour 
se  résument  ainsi  : 

1^  Attaque  du  métal  par  Tacide  arsénique  en  solution  plus 
ou  moins  concentrée,  à  une  température  convenable. 

2°  Double  décomposition  d'un  sel  du  métal  et  d'un  arsé- 
niate  alcalin. 

3°  Attaque  d'un  arsénîate  par  l'eau,  qui  le  transforme  en  un 
autre  plus  basique. 

Dans  le  premier  cas,  c'est  la  solution  d'acide  arsénique  qui 
est  le  dissolvant  qui  permet  la  cristallisation.  Dans  le  deuxième 
cas,  l'agent  permettant  la  cristallisation  parait  être  plutôt  la 
solution  du  sel  alcalin  pour  les  arséniates  alcalino-terreux, 
et  la  solution  du  sel  du  métal  lourd  dans  les  autres  cas  ;  mais 
alors  la  cristallisation  est  longue  à  se  produire  et  nécessite 
souvent  des  températures  élevées,  le  dissolvant  étant  très  faible. 

Dans  le  troisième  cas,  le  dissolvant  est  l'eau  acidulée  par 
l'acide  enlevé  au  sel  métallique  attaqué;  il  est  encore  très 
faible;  aussi  ce  procédé  ne  fournit*il,  le  plus  souvent,  que  des 
produits  médiocres  au  point  de  vue  cristallographique.  Le 
produit  obtenu  est  toujours  basique. 

C'est  le  premier  procédé,  où  l'acide  arsénique  est  le  dissol- 
vant, quelquefois  énergique,  si  la  solution  est  concentrée,  qui 
fournit  les  corps  les  mieux  cristallisés,  généralement  des  sels 
acides.  Mais  les  métaux  autres  que  les  alcalinoterreux  ne  sont 
souvent  attaqués  que  bien  faiblement  par  l'acide  arsénique  en 
dissolution.  Les  difficultés  sont  grandes  alors  pour  obtenir  un 
arséniate  cristallisé  par  ce  procédé.  Il  faut  un  temps  parfois 
très  long,  des  températures  élevées  et,  par  suite,  des  tubes 
scellés,  dont  la  petite  capacité  limite  la  quantité  du  produit 
obtenu,  qui  est  souvent  très  minime,  et  dont  la  rupture  aux 


86  H.   GOGUKL. 

fortes  températures  occasionne  parfois  de  fâcheux  contre- 
temps. 

J'ai  constaté  qu'il  est  très  possible  d'attaquer  plus  facilement, 
non  pas  le  métal,  mais  son  oxyde,  par  l'acide  arsénique;  cette 
méthode  réussit  entre  autres  pour  le  nickel,  le  cobalt  et  Talu- 
minium;  mais  voici  un  procédé  beaucoup  plus  général  que 
j'ai  employé  avec  succès  : 

Il  consiste  à  faire  réagir,  à  une  température  convenable, 
l'acido  arsL-nique  sur  un  sel  du  métal  tel  que  son  acide  mis  en 
liberté  soit  un  dissolvant  nul  ou  très  faible  de  l'arséniate  à 
obtenir. 

L'acétate  m'a  donné  de  très  bons  résultats  pour  une  longue 
série  de  métaux  comprenant  le  baryum,  le  strontium,  le  cal- 
cium, le  zinc,  le  cuivre,  le  nickel,  le  cobalt  et  l'uranium. 

Si  à  une  solution  d'un  acétate  on  ajoute  une  solution  d'acide 
arsénique,  on  obtient  un  précipité  floconneux  qui,  générale- 
ment, se  redissout  dans  un  léger  excès  d'acide  arsénique.  Si 
on  chauffe  alors  le  mélange,  au  besoin  en  tube  scellé,  on  voit 
toute  la  liqueur  se  prendre  en  gelée  à  une  température  variable 
suivant  le  métal  de  l'acétate;  puis,  à  une  température  supé- 
rieure, celte  gelée  se  contracte,  perd  son  eau  et  cristallise. 

Cette  production  préalable  de  gelée  se  retrouve  encore  lors- 
qu'on attaque  un  métal  par  l'acide  arsénique  et  même  dans 
d'autres  cas;  c'est,  en  somme,  un  fait  très  fréquent  dans  la 
synthèse  des  arséniates. 

Dans  certains  cas,  l'arséniate  obtenu  en  tube  scellé  est 
susceptible  de  se  redissoudre  complètement  par  refroidissement 
dans  la  liqueur  acide,  et  il  m'a  paru  qu'à  peu  d'exceptions 
près  ces  sels,  lorsqu'ils  sont  solubles  dans  l'acide  arsénique, 
le  sont  plus  à  froid  qu'à  chaud,  ce  qui  est  souvent  important  à 
considérer  pour  la  récolte  des  produits  de  synthèse  obtenus. 

La  méthode  que  je  viens  d'indiquer  ne  donne  pas  de  résultats 
lorsque  l'arséniate  à  produire  est  totalement  insoluble  dans 


ARSÉMATËS  ET  ANTlMONfATES.  87 

Tacide  acétique  et  dans  Tacide  arsénique;  mais  alors  on  peut, 
au  lieu  de  Tacétate,  s'adresser  à  un  sel  dont  Tacide  puisse 
intervenir  comme  dissolvant  plus  énergique.  L'azotate  m'a 
réussi  pour  le  mercure  et  aussi  pour  le  plomb  ;  dans  ce  dernier 
cas,  avec  une  légère  modification  du  procédé. 

Pour  ce  qui  est  de  l'analyse  des  produits  obtenus,  j'ai  trouvé 
dans  les  traités  classiques  ou  dans  les  travaux  de  mes  devan- 
ciers des  méthodes  suffisantes.  11  m'est  cependant  arrivé  d'y 
faire  quelques  modifications  que  l'on  trouvera  indiquées  à 
propos  des  sels  d'aluminium  et  d'uranium. 

Les  procédés  que  j'ai  cités  ne  sont  pas  les  seuls  par  lesquels 
j'ai  tenté  da  faire  des  arséniates.  J'aurais,  dès  l'origine  de  mes 
recherches,  vivement  désiré  reproduire  la  série  naturelle  des 
orthoarséniates  tribasiques  à  huit  molécules  d'eau  du  type 
érythrine.  C'est  malheureusement  sans  succès  que  j'ai  multiplié 
les  expériences  dans  ce  but.  Je  n'ai  obtenu  qu'un  arséniate  de 
zinc  ayant  même  composition  brute,  mais  probablement  une 
autre  formule. 

M.  Hautefeuille  m'avait  donné  le  conseil  d'étudier  parallèle- 
ment les  antimoniates.  C'est  avec  une  grande  persistance  que 
j'ai  multiplié  les  essais  en  vue  d'obtenir  des  sels  de  cette  famille 
nettement  cristallisés.  Je  n'en  ai  obtenu  que  trois  :  de  magné- 
sium, nickel  et  cobalt,  dont  j'ai  pu  faire  une  étude  assez 
complète  qui  me  paraît  présenter  quel-que  intérêt,  surtout  au 
point  de  vue  de  leur  type  chimique. 


Avant  de  passer  en  revue  les  résultats  de  mes  recherches, 
je  tiens,  en  terminant  cette  courte  introduction,  à  remercier 
très  vivement  M*  le  docteur  Ch.  Blarez,  professeur  de  chimie  à 
la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux,  qui  a  bien  voulu  m'ac- 


88  H.   GOGUEL. 

corder  dans  ses  laboratoires  une  hospitalité  qui  m'a  permis 
d'exécuter  ces  recherches  ; 

Ainsi  que  mon  excellent  ami  M.  Alfred  Lacroix,  professeur  au 
Muséum,  dans  le  laboratoire  duquel  j'ai  pu  parfaire  autant  que 
possible  la  partie  cris^allographique  de  ce  travail  ; 

Et,  enfin,  MM.  Denigès  et  fiarthe,  professeurs  agrégés  de 
la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux,  et  Laborde,  chimiste 
de  la  Station  agronomique,  qui  ont  bien  voulu  y  contribuer 
en  mettant  à  ma  disposition  soit  leurs  instruments,  soit  leurs 
connaissances  sur  certains  points  spéciaux. 


ARSÉSÏATES  ET  ANTIMONIATES.  89 


PREMIÈRE  PARTIE 


A  RS  É  N  I  ATES 


Calcium. 

Historique.  —  Sur  les  arséniates  de  calcium  on  trouve  des 
renseignements  sommaires  dans  le  Dictionnaire  de  Wurtz  (^) 
et  dans  TEncycIopédie,  ainsi  que  dans  certains  traités  de 
chimie. 

Dans  ces  ouvrages  on  cite  :  Tarséniate  monocalcique  soluble 
et  cristallisable^  mais  sans  renseignements  cristallographiques; 
Tarséniate  bicalbique^  qui  se  prépare  en  ajoutant  de  Tarséniate 
disodique  à  du  chlorure  de  calcium.  Il  est  dit  (^)  que^  quant  à 
sa  teneur  en  eau,  on  admet  As*0*,2CaO,6H"0. 

Ailleurs  (')  on  mentionne  AsO^CaH,  sous  l'autorité  de  Sal- 
kowski,  mais  sans  indiquer  de  teneur  en  eau  de  cristallisation 
et  aussi  sans  indication  cristallographique. 

Mieux  connu  est  l'arséniate  AsO^CaH + 2H*0,  ou  pharmacolite, 
bien  étudié  soit  comme  produit  naturel  par  M.DesCloizeaux(^), 
soit  comme  produit  artificiel  par  MM.  Joly  et  Dufet  (^). 

La  haïdingérite,  arséniate  naturel  de  formule  AsO*CaH  +  H"0, 
a  été  étudiée  par  M.  Des  Cloizeaux  (*)  très  complètement  au 
point  de  vue  cristallographique  ;  mais  en  ce  qui  concerne  sa 
composition  chimique,  elle  est  moins  certainement  connue.  En 

(*)  Wortz,  Dictionnaire,  art.  Arséniate, 
(*)  Ni  voit,  Encyclopédie,  art.  Calcium,  3*  cahier,  p.  9(). 
(3)  Wurtz,  Dictionnaire,  1*'  supplément,  p.  28. 
(«)  Des  Cloizeaux,  Bull,  Soc.  Min.,  t.  XI,  p.  192. 
(*)  Dufet,  Bull.  Soc.  Min.,  t.  XI,  p.  187  et  192. 

(•)  Des  Cloizeaux,  Manuel  d^  minéralogie,  t.  II,  p.  366  et  367,  et  Bull.  Soc. 
Min.,  t.  XI,  p.  196. 


90  H.  GOGURL. 

effet,  tandis  que  les  minéralogistes  (^)  s'accordent  en  général 
sur  la  formule  AsO*CalI  +  H*0,  Debray  (^)  a  donné  comme  haï- 
dingéri  le  artificielle  un  arséniate  de  formule  AsO^CaH  +  ijH'O, 
et  M.  Des  Cloizeaux,  dans  son  ouvrage  récemment  paru,  attribue 
également  cette  formule  à  la  haïdingérite  naturelle. 

En  somme,  la  pharmacolite  naturelle  ou  artificielle  est  seule 
bien  connue;  la  haïdingérite  est  encore  douteuse.  Les  autres 
arséniates  de  chaux  n'ont  pas  été  étudiés  cristallographique- 
ment. 

J'ai  cherché  à  élucider  cette  question;  voici  les  recherches 
que  j'ai  faites  et  leurs  résultats. 


Orthoarséniate  bibasique  de  calcium. 

AsO*CaH. 

Je  l'ai  préparé  de  la  façon  suivante  :  On  dissout  un  équiva- 
lent de  carbonate  de  chaux  dans  un  peu  plus  d'un  équivalent 
d'acide  arsénique  en  solution  dans  l'eau;  soit  5  grammes  envi- 
ron de  carbonate  dans  80  centimètres  cubes  d'une  solution 
contenant  15  grammes  d*acide. 

La  liqueur  filirée,  mise  en  tube  scellé  et  chauffée  entre  150"" 
et  200"^,  laisse  déposer  une  certaine  quantité  de  petits  cristaux 
d'arséniate  de  chaux  qu'il  faut  recueillir  rapidement,  le  tube 
étant  encore  chaud,  car  par  un  refroidissement  lent  au  sein  de 
la  liqueur  mère,  ils  s'y  redissoudraient  complètement. 

Analyse,  —  Pour  analyser  ce  corps,  j'y  ai  dosé  l'eau  par 
perte  de  poids;  puis,  la  matière  anhydre  ayant  été  dissoute 
dans  l'acide  chlorhydrique  étendu,  la  chaux  a  été  séparée  à 
Tétat  de  sulfate  en  présence  de  l'alcool,  et,  après  évaporation 
de  ce  dernier  et  reprise  par  l'eau,  l'arsenic  a  été  séparé  et  pesé 
à  l'état  d'arséniate  ammoniaco-magnésien. 

Voici  les  résultats  fournis  par  mes  plus  beaux  échantillons, 

(*)  Groth,  Tabêllarinches  UbersiclU  der  Mlneralien. 

(*)  Annales  de  chimie  et  de  physique,  3*  série,  t.  LXI,  p.  419. 


ARSÉNIATES   KT  ANTIMONiATES.  91 

reconnus  très  homogènes  après  examen  au  microscope  pola- 
risant : 

I  II  Calculé. 

H'O . . .  •          5, 14  0/0  5,12  0/0  5,00  0/0 

CaO....        30,70  30,91  31,11 

As'OV..        63,56  63,61  63,88 


99,40  99,04        .     99,99 

La  matière  ayant  été  bien  convenablement  desséchée  dans 
Tair  sec,  on  ne  constate  aucun  départ  d'eau  au-dessous  de  180*^. 
Cette  eau  doit  donc  être  considérée  comme  étant  de  constitu- 
tion, et  ranalyse  conduit  à  la  formule 

^Ca 
AsO*  f 

Ce  corps  est  parfaitement  soluble  dans  les  acides  forts  et  dans 
Tacide  arsénique  en  solution  concentrée. 
Propriétés  physiques.  —  C'est  une  belle  matière  formée  de 

petits  cristaux  pouvant  atteindre  jusqu^à  un 
millimètre  de  diamètre,  incolores  et  transpa- 
rents, brillants,  de  forme  parallélipipédique, 
un  peu  aplatis  suivant  une  de  leurs  faces. 

Ils  appartiennent  au  système  tricli nique 
et  peuvent  être  représentés  par  le  symbole 
p,  m,  t,  (001)  (irO)  (110),  conformément  à  la 
flgure  1,  si  on  prend  pour  face  (  (110)  la  face 
habituellement  la  plus  développée. 
Malgré  leur  petitesse,  ils  sont  mesurables; 
on  trouve  au  goniomètre  : 

ANGLES  DES  NORMALES. 


F».  1. 


mt  (HO)  (110) 
pm  (001)  (110) 
p  t    (001)  (110) 

Les  cristaux  sont  en  général  sensiblement  allongés  parallèle* 
ment  à  Tarète  m  t. 


56^68', 
10«°57'. 


92  H.  GOGUEL. 

En  lumière  polarisée^  les  extinctions  se  font  : 

Dans  m,  à  38**  de  l'arête  m  t,  cette  direction  est  positive. 
Dans  t,   à  18®       id.      id.,  cette  direction  est  positive. 

En  lumière  convergente^  on  voit  dans  t  un  des  axes  optiques 
incliné  sur  cette  face;  un  autre  axe  se  voit  incliné  sur  la 
face  m. 

C'est  donc  la  normale  optique  qui  se  projette  sur  les  faces  m 
et  t,  suivant  les  directions  d'extinction  indiquées  plus  haut  et 
sur  la  figure,  et  le  corps  est  biaxe  négatif. 


Arséniate  bibasique  de  calcium  (haldingérite), 

AsO*CaH  4-  H'O. 

A.  À  une  solution  de  chlorure  de  calcium  en  excès  (30  gram- 
mes environ  dans  200  centimètres  cubes  d'eau)  on  ajoute 
i-2  centimètres  cubes  d'acide  arsénique  pur  en  solution  à 
50  0/0,  puis  de  Tarséniate  disodique. 

Les  premières  additions  de  ce  corps  ne  produisent  pas  de 
précipité;  mais  bientôt  il  apparaît.  Lorsqu'il  est  assez  abon- 
dant, on  place  le  tout  dans  une  étuve  à  70®,  où  le  précipité, 
d'abord  floconneux,  ne  tarde  pas  à  cristalliser.  On  peut  alors 
ajouter  de  nouvelles  quantités  d'arséniate  disodique,  produisant 
de  nouveaux  précipités  qui  cristallisent  à  leur  tour.  On  obtient 
ainsi  une  notable  quantité  du  produit  cherché. 

Si  la  température  était  plus  élevée,  voisine  du  point  d'ébulli- 
tion  de  la  solution  de  chlorure  de  calcium,  c'est  le  corps  pré- 
cédent que  l'on  obtiendrait. 

B.  A  45  centimètres  cubes  d'une  dissolution  à  10  0/0  d'acé- 
tate de  calcium  on  ajoute  5  centimètres  cubes  d'une  dissolution 
d'acide  arsénique  à  50  0/0.  La  liqueur  reste  limpide  ;  mais  si 
on  la  place  dans  une  étuve  chauffée  à  100M05®,  il  s'y  dépose 
bientôt  d'abondants  cristaux  d'arséniate  de  chaux. 

Analyse.  —  Pour  analyser  ce  corps,  j'ai,  comme  pour  le 
précédent,  dosé  l'eau  par  perte  de  poids,  la  chaux  à  l'état  de 


ARSÉMATCS   ET  AMINOMATES.  93 

suIFale,  et  Tacide  arsénique  à  Tétat  d'arséniate  ammoniaco- 
magnésien  ou  par  différence. 


Trouvé 


B 


H  0«  •  • . . • 

CaO 

As»0' 


I 
13,59 
28,24 
87,81 


II 

13,7 
28,1 
88,2 


III 
13,83 
28,36 
87,81 


IV 

13,88 
28,26 
87,86 


Calculé 
pour 

AsO*CaH  H-  H'O. 
13,63 

58,08 


99,34      100,0      J00,00      100,00 


100,00 


L'eau  part  complètement  entre  150**  et  300°,  la  molécule  d'eau 
d'hydratation  partant  entre  150®  et  180®  environ,  ce  qui  con- 
duit à  la  formule 


yCa 


AsO*  ^       4-  H»0, 


admise  par  Groth  et  quelques  autres  pour  la  haïdingérite. 

Propriétés  physiques.  —  Les  propriétés  physiques  du  corps 
que  nous  éludions  concordent  du  reste  avec  celles  de  ce  miné- 
ral. Il  est  blanc,  formé  de  lamelles  souvent  rec- 
tangulaires, aplaties  suivant  un  clivage  (fig.  2). 
Elles  s'éteignent  parallèlement  à  leurs  côtés  et 
montrent,  en  lumière  convergente,  des  phéno- 
mènes indiquant  une  bissectrice  obtuse  néga- 
tive, perpendiculaire  à  la  face  d'aplatissement. 
Le  système  cristallin  est  donc  bien  déterminé 
ainsi  comme  étant  orthorhombique.  Les  lamelles 
sont  positives  suivant  l'allongement  ;  elles  sont 
peu  biréfringentes. 

On  se  rappelle  que  M.  Des  Cloizeaux  donne  de 
la  haïdingérite  la  description  suivante  : 
c  Rhombique,  clivage  g\  axes  optiques  dans  h\  bissectrice 
:»  obtuse  négative  perpendiculaire  à  g\  > 

Ce  qui  concorde  complètement  avec  les  propriétés  du  produit 
étudié,  si  on  y  prend  la  face  d'aplatissement  pour  g\ 


94  H.  GOGORL. 

J'ai  donc  lieu  de  penser  que  c'est  bien  là  de  la  haldingérite 
artificielle;  la  Tormule  A80'CaH+  IPO  serait  alors  bien  établie 
pour  ce  minéral. 


Strontium. 

J'extrais  de  l'article  Strontium  de  l'Encyclopédie  chimique  (*) 
ce  qui  suit  :  c  Arséniate  de  strontiane  As*0'(StO)S  ressemble  à 
:»rarséniate  de  baryte;  il  cristallise  dans  l'acide  acétique  en 
)» lamelles  presque  rectangulaires;  il  peut  aussi  se  combiner 
D  avec  l'ammoniaque...  (Baumann).  :» 

Je  n'ai  rien  trouvé  de  plus  complet  sur  les  arséniatcs  de 
strontium. 

Orlhoarséniate  distrontianique. 

AsO^SrH. 

Préparation.  —  En  appliquant  au  strontium  les  procédés 
qui  m'avaient  réussi  pour  le  calcium,  j'ai  obtenu  un  produit 
bien  cristallisé. 

A.  Un  premier  procédé  est  le  suivant  :  10  grammes  de  chlo* 
rure  de  strontium  sont  dissous  dans  100  centimètres  cubes 
d'eau,  et  la  liqueur  est  portée  à  l'ébullition  après  qu'on  l'a 
additionnée  de  â  grammes  environ  d'acide  arsénique;  puis,  le 
ballon  étant  retiré  du  feu,  on  y  ajoute  de  l'arséniate  disodique 
tant  qu'il  se  forme  un  précipité,  et  on  maintient  ensuite  le 
tout  à  100^  dans  une  étuve,  où  le  précipité  na  tarda  pas  à 
cristalliser. 

Ce  procédé  donne  un  produit  abondant,  mais  moins  beau  et 
moins  homogène  que  le  suivant. 

B.  A  un  équivalent  d'acétate  de  strontium  en  solution  à 
10  0/0  on  ajoute  un  équivalent  d'acide  arsénique  en  solution 
concentrée,  et  on  place  le  vase  contenant  le  tout  dans  une 

0)  Encyclopêtlie,  Stfontimn,  t.  III,  4«  cahier,  p.  Ô0« 


AnSÉNIATSS  ET  ANTINONIATES.  95 

étuve  à  100^-105'',  où  il  se  produit  rapidement  un  beau  préci- 
pité cristallin. 

Analyse.  — Les  produits  obtenus  ont  été  soumis  à  l'analyse 
de  la  façon  suivante  :  L'eau,  qui  dans  les  échantillons  bien 
homogènes  part  au-dessus  de  M^^,  et  au-dessous  de  la  tempé- 
rature de  Tusion  du  zinc,  a  été  dosée  par  perte  de  poids;  f  uis, 
le  corps  ayant  été  dissous  dans  Tacide  chlorhydriqte,  la  stron- 
tîane  a  été  pesée  à  Pétat  de  sulfate  et  Tacide  arsénique  à  Tétai 
d'arséniate  ammoniaco-magnésien.  On  déduit  par  différence  : 

Trouvé  Calculé 

"  ■■!•    ^      I  "!■"  ■    ---  pour 

A  B  AsÛ'SrH. 

H*0 4,69  4,03  4,10  3.96 

SrO 45,21  4K,3i  4S,!£9  45,49 

As'O»...    (pesé)  49,31  (diff.)  50.66  (pesé)  60,47  60,65 

99,^1  100,00  99,66  100,00 

Les  échantillons  sur  lesquels  j'ai  fait  les  analyses  B  étaient 
très  beaux  et  très  homogènes;  les  nombres  trouvés  pour  eux 
conduisent  très  exactement  à  la  formule 

/Sr 

Ce  corps  est  facilement  soluble  dans  les  acides. 

Propriétés  physiques.  —  Petits  cristaux  incolores  transpa- 
rents assez  frustes.  Cependant,  par  un  examen  attentif,  on 
reconnaît  qu'ils  sont  tricliniques,  tout  à  fait  comparables  à 
ceux  de  l'arséniate  de  chaux  de  même  formule. 

Ils  sont  aplatis  suivant  la  faee  t,  et  les  angles  plans  qu'elle 
présente  sont  très  voisins  de  ceux  que  l'on  calculerait  d'après 
les  données  angulaires  de  la  page  91. 

Les  propriétés  optiques  sont  tout  à  fait  analogues  à  celles 
de  AsO^CaH  (voir  p.  91,  âg.  1)  :  l'extinction  dans  t  se  fait  a  31^ 
environ  de  l'arôte  m  t.  Dans  la  face  t  on  voit  un  axe  optique 
incliné,  et  le  plan  des  axes  est  voisin  d'un  plan  perpendiculaire 
à  l'arête  m  L  Le  corps  est  biaxe  négatif. 


96  H.  GOGUEL. 

Orthoarséniate  distronUanigue  hydraté, 
AsO*SrH  +  H*0. 

En  refaisant  Tarséniate  AsO^SrNa  +  9H*0  décrit  déjà  par 
M.  Joly  (*)  et  en  suivant  son  procédé,  c'est-à-dire  en  mettant 
en  présence  dans  deux  vases  concentriques  deux  dissolutions^ 
Tune  d'azotate  de  strontium,  Tautre  d'arséniate  disodique, 
communiquant  entre  elles  par  une  mince  couche  de  liquide, 
j'ai  constaté  que,  en  outre  des  cristaux  cubiques  de  cet 
arséniate,  il  se  produisait  dans  le  vase  contenant  le  sel  stron- 
tianique  des  cristaux  différents,  prismatiques,  assez  beaux, 
ayant  jusqu'à  un  centimètre  et  plus  de  long. 

Analyse.  —  Analysés  comme  le  sel  précédent,  ils  m'ont 
donné  : 

TrouYé.  Calculé. 

H*0(H'0àl60o)....  7,2)  7.33  I  H  no 

(i H'Oaurouge).  3,6  )  *  '  3,67  )     '"" 

SrO 42,0  42,16 

As'O» 47,3  46,84 


100,0         100,00 

L'eau  partant  à  raison  de  une  molécule  au-dessous  delBO^ 
le  reste,  pour  la  plus  grande  part,  entre  iGS""  et  240^  on  est 
conduit  à  admettre  une  demi-molécule  d'eau  de  constitution 
et  une  molécule  d'eau  d'hydratation. 

Ce  qui  conduit  à  la  formule 

AsO*  f      -i-  H«0. 

Propriétés  physiques.  —  Ce  corps  se  présente  sous  la  forme 
de  beaux  prismes  incolores  appartenant  au  système  ortho- 
rhombique,  terminés  par  un  pointement  à  quatre  faces  {fig.  3). 

(»)  Joly,  C.  R.,  .  CIV,  p.  905. 


J 


ARSÉMATES  ET  ANTiMONlATES.  97 

Les  faces  de  ce  pointement  sont  très  arrondies  et  leurs 
angles  ne  sont  pas  mesurables;  mais  les  faces  latérales  du 
l^;;;;^  prisme  sont  très  nettes  et  donnent  avec  une  bonne 
..      r     exactitude  les  mesures  suivantes  : 


tnjif 


n 


m  h'    (110)  (100)       44<'5'    (normales), 
mm    (Î10)(110)       8»>10'. 

Ces  cristaux  présentent  un  clivage  très  facile  sui- 
i  vantfc*.. 

[y^j^j      Si  on  observe  une  lame  de  clivage  en  lumière  pola- 
Fifi.  3.      risée,  on  constate  qu'elle  est  perpendiculaire  à  une 
bissectrice  obtuse  positive,  les  axes  optiques  se  trouvant  dans 
le  plan  g*. 

On  voit  que  les  propriétés  optiques  par  rapport  au  clivage 
sont  les  mêmes  que  dans  la  haïdingérite. 


Baryum. 

Les  renseignements  bibliographiques  que  Ton  peut  trouver 
sur  les  arséniates  de  baryum  sont  identiques  à  ceux  que  Ton 
trouve  sur  les  sels  de  strontium  et  tout  aussi  incomplets. 


Orthoarséniate  hibarytique  anhydre. 
AsO'BaH. 

Comme  les  sels  correspondants  de  calcium  et  de  strontium, 
ce  sel  n'a  encore  été  décrit  nulle  part. 

Préparation.  —  A.  On  met  en  tube  clos  20  centimètres 
cubes  d'une  solution  d'acétate  de  baryum  à  10  0/0  avec  5  cen- 
timètres cubes  d'une  solution  d'acide  arsénique  à  50  0/0,  et 
Ton  chauffe  aux  environs  de  200°.  La  solution,  d'abord  limpide, 
*  laisse  déposer  à  cette  température  une  matière  blanche  cris- 
tallisée. 

J5.  En  préparant  Tarséniate  décrit  dans  le  paragraphe  sui- 

T.  1  (5e  Série)-  7 


98  H.   GOGUEl.. 

vant,  il  m'est  arrivé,  dans  des  conditions  que  je  ne  saurais 
préciser  exactement  comme  température  et  proportions,  d'ob- 
tenir»  en  faisant  cristalliser  dans  Tacide  acétique  rarsciiiale  de 
baryum  obtenu  en  précipitant  un  sel  barytique  par  Tarséniate 
disodique,  des  cristaux  relativement  volumineux  ayant  même 
composition  que  le  corps  précédent. 

Analy&e.  —  L'eau  a  été  dosée  dans  ce  produit  par  perte  de 
poids;  son  départ  n'a  lieu  qu'au-dessus  de  180**,  et  elle  doit 
être  considérée  comme  étant  de  constitution^ 

Dans  la  solution  du  produit  anhydre  dans  une  petite  quantité 
d'acide  chlorhydrique,  la  baryte  a  été  séparée  à  l'état  de  sulfate 
et  pesée  sous  cette  forme;  Tacide  arsénique  reste  déduit  par 
différence, 

Voici  les  résultats  obtenus  : 

Troufé. 

A  B 

3,5         3,4 


Calculé 
pour 

AsO'BaH. 


H  0 

BaO 58,1 

As»0»....      41,4 


100,0 
Ce  qui  conduit  à  la  formule 

AsO 


85,0 
41,6 

100,0 


3,23 
85,24 
41,81 

100,00 


\ 


Ba 
H. 


Ce  sel  est  facilement  soluble  dans  les  acides. 

Propriétés  physiques.  —  Préparé  par  le  procédé  A,  il  se 
présente  sous  la  forme  de  paillettes  blanches  très  déchiquetées, 

mais  appartenant  sûrement  au 
système  triclinique. 

Préparé  par  le  procédé  JB,  il 
présente  de  jolis  cristaux  tricli* 

y;;  ^^  niques  ayant  jusqu'à  un  demi- 

1'     -^'"''^  centimètre  de  long  (/j^.  4).   lia 

sont  très  mesurables  au  gonio- 
njètro  et  dniinont,  à  5  ou  0  minutes  près,  les  angles  suivants  : 


Klc.  i. 


ARSÉXIATES   ET   ANTIMONIATES.  99 

ANGLES  DES  NORMALES 

m  t  56^30' 

p  m  85<>4' 

p  t  103«S3'30' 
t  g'  Sff'W 

Les  cristaux  sont  un  peu  aplatis. suivant  p  et  allongés  sui- 
vant p  m;  la  face  h^  est  très  petite  quand  elle  existe. 

* 

Orthoarséniate  bîbarytique  hydraté. 
AsO*BaH  4-  H'O. 

Dans  les  ouvrages  de  chimie  on  trouve^  en  plusieurs  endroits, 
qu'il  est  facile  d'obtenir  Tarséniate  bibarytique  cristallisé.  Le 
Dictionnaire  de  Wurtz  dit  entre  autres  (^)  :  c  L'arséniate 
3>  BallAsO*  +  Il'O  s'obtient  en  versant  goutte  à  goutte  un  arsé- 

>  niate  alcalin  bimétallique  dans  du  chlorure  de  baryum  ;  le 
»  précipité  qui  se  forme  d'abord  disparait,  et  Ton  obtient  bientôt 

>  une  masse  cristalline»  peu  solubie  dans  l'eau»  soluble  dans 
]^  l'acide  acétique,  d'où  il  cristallise  facilement  en  octaè  Ires  à 

>  base  carrée.  (SchiefiTer.)  i>  Cette  indication  cristallographique 
est  la  seule  que  j'aie  pu  trouver  sur  ce  sel»  et  on  verra  qu'elle 
ne  coïncide  nullement  avec  les  faits  que  j'ai  observés. 

Cette  non-coïncidence  m'a»  comme  conséquence»  conduit  à 
chercher  à  varier  les  moyens  employés  pour  reproduire  cet 
arséniate  cristallisé.  Voici  les  divers  procédés  de  préparation 
que  j'ai  essayés  : 

Préparation.  —A.  Onleprépare,  comme  l'indique  M.  Joly(*), 
en  neutralisant  l'acide  arsénique  par  la  baryte  en  présence  de 
la  phtaléïne  du  phénol.  On  obtient  ainsi  un  précipité  gélatineux 
qui  se  transforme  en  un  sel  cristallisé  parfois  en  grandes 
lamelles  identiques  à  celles  que  l'on  obtient  : 

A'.  En  opérant  pour  le  baryum  comme  M.  Dufet  a  opéré  pour 


(•)  Wurlz,  Dictionnaire,  1. 1,  p.  403. 
W  Joly,  C.  JR.,  t.  eu,  p.  ai6. 


100  H.   GOGLEL. 

le  calcium  lorsqu'il  a  fait  la  synthèse  de  la  pharmacolite  {^)y 
c'est-à-dire  en  mettant  en  présence  dans  deux  vases  concentri- 
ques de  Tazotate  de  baryte  et  de  Tarséniate  disodique^  les  deux 
dissolutions  étant  réunies  par  une  mince  couche  d'eau  supé- 
rieure. Sur  les  parois  se  forment  de  beaux  cristaux  lamellaires 
d'arséniate  bibarytique  ayant  jusqu'à  un  demi-centimètre  de 
large  sur  un  centimètre  de  long. 

B.  J'ai  aussi  produit  cet  arséniate  cristallisé  en  précipitant 
l'acétate  de  baryum  par  l'acide  arsénique  et  laissant  le  précipité 
quelque  temps  en  digestion  dans  la  liqueur  mère  à  60°. 

C  En  précipitant  le  chlorure  de  baryum  par  l'arséniate 
disodique  et  laissant  le  précipité  digérer  à  froid  dans  la  liqueur 
mère. 

D.  Enfin,  en  laissant  digérer  et  cristalliser  dans  l'acide  acéti- 
que l'arséniate  bibarytique  préparé  rapidement  par  le  procédé 
précédent. 

Analyse.  —  Tous  ces  procédés  m'ont  donné  le  même  corps 
sous  différents  aspects. 

Pour  analyser  les  produits  obtenus,  après  les  avoir  convena- 
blement desséchés  dans  l'air  sec,  j'ai  dosé  l'eau  par  perte  de 
poids;  puis,  la  matière  ayant  été  dissoute  dans  une  petite 
quantité  d'acide  chlorhydrique,  où  elle  jest  facilement  soluble, 
j'ai  précipité  la  baryte  et  l'ai  pesée  à  l'état  de  sulfate.  L'arsenic 
a  été  dosé  à  l'état  d'arséniate  ammoniaco-magnésien  ou  par 
différence. 

Voici  les  résultats  obtenus  : 

Trouvé. 

^        ■  ■   I  "        '^         " —        Calculé. 

A  B       C  D 

H*0  per ju au-dessois  it 240^  6,10)  6,0S| 

i  H*0  au  rouge 3,0o)  9,15  9,2  3,24)  9,29  9,2      9,15 

BaO 51,80  61,6          51,60  51,7    51,86 

iAsW 39,00  39,2          39,10  38,7    38,98 

99,95  100,0    100,00  99,6  99»99 

(1)  Dufet,  Bull,  iSoc.  Min.,  t.  XI,  p.  103. 

:—:    .;  •  .  •  • 
.  •  î     :  %•  \ .' 


ARSKNIATES  ET   ANTIMOMATËS. 


101 


Comme  il  est  indiqué  dans  deux  de  ces  analyses,  ce  corps 
perd  une  molécule  d'eau  au-dessous  de  240*^  et  une  demi- 
molécule  au  rouge  seulement.  C'est  donc  bien  un  orthoarsé- 
niate  bibasique  à  une  molécule  d'eau  d'hydratation  de  formule 


(AsO*) 


\ 


Ba 
H 


4-H»0. 


Comme  l'ont  indiqué  les  différents  auteurs,  il  est  très  soluble 
dans  les  acides  et  décomposable  par  l'eau  chaude. 

Propriétés  physiques.  —  De  quelque  façon  qu'il  ait  été 
préparé,  ce  corps  est  toujours  rhombique.  Préparé  par  les 

procédés  A  et  A',  il  se  présente  en 
grandes  lamelles  rectangulaires  allon- 
gées et  accolées  par  groupes  (fig,  5). 
^  Leurs  angles  sont  abattus  par  des  tron- 
catures à  45^,  et  elles  sont  striées  pa- 
rallèlement à  leur  longueur.! 

Elles  polarisent  vivement  et  s'étei- 
gnent parallèlement  à  leurs  côtés. 

La  direction  de   l'allongement  est 
positive  ;  le  plan  des  axes  est  perpendi- 
culaire à  cette  face  d'aplatissement, 
ainsi  que  la  bissectrice  obtuse  (^). 

Par  les  procédés  B  et  C,  le  corps  s'obtient  en  lamelles 
aplaties  et  allongées,  très  déchiquetées,  appartenant  évidem- 
ment aux  mêmes  formes  que  les  précédentes. 

Par  le  procédé  D,  cristallisation  dans  l'acide  acétique  à  froid, 

l'arséniate  bibarytique  s'obtient  en  cristaux  épais  ayant  trois  à 

quatre  millimètres  de  long  et  une  forme  extérieure  analogue  à 

celle  du  sulfate  de  baryte  (fig.  6). 

Les  faces  de  ces  cristaux,  quoique  n'étant  pas  très  réfléchîs- 


Fic.  5. 


0)  Lorsqu'on  emploie  le  procédé  A'  on  obtient  en  méme<  temps  des  petits 
cristaux  cubiques  qui  sont,  comme  M.  Joly  Ta  montré,  des  cristaux  d'arséniate 
double  de  banmra  et  de.  sodium. 


m  m  sur  A* 
m  A' 


102  H.  r.ocuRL. 

santés,  se  prêtent  cependant  assez  bien  aux  mesures  goriiomo- 
triques. 

Ils  sont  nettement  rhombiques. 

Et  si  nous  les  orientons  comme  sur  la  figure  ci-contre,  les 
faces  m  feront  entre  elles  un  angle  voisin  de  celui  que  nous 
avons  constaté  dans  Tarséniate  strontianique  de  même  formule. 

Nous  verrons  alors  que  ces  cristaux  présentent  les  formes 
dominantes  m /i\ 

Le  goniomètre  nous  fournit  les  résultats  suivants  : 

ANGLES  OBSERVÉS  (NORMALES). 

(110)  (110)  Se^'îO'  avec  une  erreur  max.  de  10'. 
(100)  (110)  43*^10' 
(100)  (121)  68*^15' 
7n  e^  (110)  (121)  4i°32'  moins  exact. 

Ce  qui  conduit  aux  paramètres 

a  :  b  :  c  :  :  0,938  ;  1 :  0,573. 

Au  point  de  vue  optique,  ces  cristaux  sont  biaxcs;  le  plan 

des  axes  optiques  est  g*;  la  bissectrice 
aiguë  positive  est  parallèle  di  g^  h\  et 
par  conséquent  la  bissectrice  obtuse 
négative  perpendiculaire  à  h\ 

J'ai  pu  tailler  ces  cristaux  et,  malgré 
leur  petitesse,  mesurer  Técartement  des 
axes  optiques. 

2E  =  34''  environ,  avec  une  faible 
dispersion  p  <  v.  11  existe  un  clivage 
parallèle  à  h\ 

Ces  cristaux  sont  isomorphes  de  ceux 
de  stronliane  de  même  formule,  et  pro- 
bablement aussi  de  ceux  de  chaux 
AsO*CaIl+H'0. 

Fi«.e.  n,  —  n«  =  0,007. 


JDPf 


jBn 


ARSKXIATES  ET  ANTIMONIATES.  103 

Zinc. 

Historique.  —  Pour  ce  qui  concerne  les  arséniates  de  zinc 
préparés  par  voie  humide,  on  connaît  jusqu'à  présent  : 

Un  arséniate  monozincique  cité  par  Berzélius  et  assez  peu 
connu  ; 

Un  arséniate  bibasique  AsO*ZnH  +  H'O  ; 

Un  arséniate  tribasique  amorphe  cité  par  Saikowski,  et  un 
arséniate  naturel,  la  kôttigite,  à  huit  équivalents  d'eau; 

Enfin,  l'adamine  AsO*Zn(ZnOH),  ce  dernier  parfaitement 
étudié  par  M.  Friedel  (^)  tant  comme  produit  naturel  que 
comme  produit  artificiel. 

C'est  le  seul  dont  les  propriétés  physiques  soient  connues. 


Arséniate  bibasique  de  zinc  hydratf. 
AsO*ZnH  +  H*0. 

Debray  (*)  a  préparé  ce  corps  en  précipitant  le  sulfate  de 
zinc  par  Tarséniate  d'ammoniaque,  et  laissant  cristalliser  le 
précipité  par  digestion  dans  la  liqueur  à  lUO^  pendant  quinze 
jours;  Demcl  (^),  en  évaporant  une  solution  de  six  parties 
d'oxyde  de  zinc  dans  cent  parties  d'acide  arsénique  en  solution 
aqueuse;  Coloriano  (^),  en  maintenant  à  l'ébuUition  avec  de 
l'eau  distillée  la  liqueur  filtrée  provenant  de  l'attaque  du  zinc 
par  l'acide  arsénique  dissous. 

De  ces  trois  auteurs,  ce  dernier  parle  seul  des  propriétés 
physiques  de  ce  sel  en  disant  :  (c  Ce  corps  cristallise  en  aiguilles 
»  blanches  groupées  on  houppes,  appartenant  au  système  ortho 
})  ou  clinorhombique.  » 

Pour  mieux  étudier  ce  corps,  j'ai  dû  le  préparer,  et  après 

(1)  Friedel,  B.  S.  M.,  t.  II.  -  Des  Cloizeaux,  id.,  1, 30.  —  Coloriano,  thèse,  p.  20. 
(<)  Debray,  BulL  Soc,  Ch'mi.  (2),  II,  p.  14. 
(')  Demel,  Deulsc/ie  chem.  des.,  XII,  p.  1279. 
(*)  Coloriano,  thèse,  p.  18. 


iOi  H.  GOGUEL. 

avoir  essayé  les  procédés  que  je  viens  d'éniimérer,  je  me  suis 
arrêté  au  suivant  : 

Préparation,  —  A  100  centimètres  cubes  d'une  solution 
d'acétate  de  zinc  à  40  0/0  on  ajoute  30  centimètres  cubes  d'une 
solution  d'acide  arsénique  à  50  0/0,  et  on  porte  le  tout  dans 
rétuve  à  100°.  Là,  le  précipité  gélatineux  qui  s'était  d'abord 
formé  cristallise. 

Pour  arriver  à  une  cristallisation  complète,  il  m'a  fallu,  en 
général,  moins  de  vingt  heures.  Le  corps  cristallisé  n'a  qu'à 
être  lavé  par  décantation  et  recueilli  sur  un  filtre. 

Analyse.  —  Pour  l'analyse,  j'ai,  après  l'avoir  suffisamment 
desséché  dans  l'air  sec,  dosé  l'eau  par  perte  de  poids;  celle-ci 
s'en  va  en  partie  au-dessous  de  180**,  —  une  molécule  à  très 
peu  près,  —  puis  le  reste  à  la  température  de  fusion  du  plomb. 

Le  zinc  a  été  dosé  par  voie  sèche  à  l'état  de  sulfure,  en  trans- 
formant l'arséniate  par  le  soufre  au  rouge  dans  un  courant 
d'hydrogène.  L'arsenic  a  été  déduit  par  différence. 


Trouvé. 


H'O.. 
ZnO.. 
As'O» 


12,2 
39,9 
Si, 9 


100,0 
Ce  qui  conduit  bien  à  la  formule 

.Zn 
AsO*^ 


12.3, 
36,0 
81,7 

100,0 


Calcalé. 

12,10 
36,33 
81,67 

100,00 


\ 


+  H»0. 


H 


Propinétés  physiques,  —  C'est  une  belle  matière  blanche  à 
j»  éclat  soyeux,  appartenant  au  système  mono- 

0/  ^^  -/  clinique,  se  présentant  en  fins  cristaux  sou- 
vent aplatis  et  développés  suivant  g"  (010). 
Dans  cette  face,  les  extinctions  se  font,  sui- 
vant la  figure  7  ci-contre,  à  23°  de  l'arête  d'al- 
longement dans  pW  obtus.  Cette  direction  est 
positive,  et  par  elle  passe  un  plan  perpendi- 
culaire à  g"  contenant  les  axes  optiques  dont 
la  bissectrice  obtuse  est  perpendiculaire  à  g\ 


Fin.  7. 


ARSÊMATES   ET  ANTIMONIATES.  105 

Le  signe  optique  de  ces  cristaux  est  donc  positif;  ils  sont  peu 
biréfringents. 

Si  on  admet,  comme  cela  est  indiqué  sur  la  figure,  que  les 
lamelles  g^  observées  sont  limitées  par  des  faces  v%  et  e"  for- 
mant biseaux  et  des  faces  o\  on  trouve  au  réticule  du  micro- 
scope :  h^  0^  =  40^5',  h^  p  =  87°25'  (angles  des  normales). 
Ces  lamelles  présentent  parfois  une  mâcle  suivant  h^  qui  les 
fait  paraître  rhombiques. 


Orihoarséniate  de  sine. 
As*0"Zn»H'. 

N'ayant  pas  réussi  du  premier  coup(*)  à  préparer  Tarséniale 
bibasique  de  zinc  par  le  procédé  Coloriano,  J'ai  fait  quelques 
essais  en  ayant  recours  au  tube  scellé.  Ces  essais  m'ont  fourni 
un  arséniate  bien  cristallisé,  mais  que  je  n'ai  trouvé  cité  nulle 
part  comme  ayant  déjà  été  obtenu. 

Préparation.  —  Voici  exactement  comment  il  a  été  préparé: 
Du  zinc  en  excès  a  été  attaqué  par  une  dissolution  concentrée 
d'acide  arsénique  (à  50  0/0  environ).  Après  deux  Jours  de 
digestion,  la  liqueur  surnageante  a  été  filtrée  et  mise  en  tube 
clos  avec  son  volume  d'acide  arsénique  à  25  0/0,  puis  chauffée 
au  bloc  Wisnegg. 

Au-dessous  de  100®,  on  voit  se  précipiter  une  gelée  blanche 
dont  la  cristallisation  commence  vers  180**  et  se  complète  après 
quelques  heures  de  chauffe  vers  200®. 

Pour  recueillir  ce  produit,  plus  soluble  à  froid  qu'à  chaud 
dans  la  liqueur  mère,  il  est  très  nécessaire  de  laisser  refroidir 
et  d'ouvrir  le  plus  rapidement  possible  le  tube,  en  recevant 
immédiatement  son  contenu  dans  un  vase  plein  d'eau  distillée 
froide. 

J'ai  analysé  cet  arséniate  comme  le  précédent.  L'eau  ne 


(i)  J*ai  réussi  plus  tard  en  lube  scellé,  au  voisinagre  de  i20f>,  et  j'ai  eu  le  corps 
précédent. 


106 


H.  GOGUKL. 


Tabandonne  qu'à  une  température  assez  élevée  pour  qu^on 
doive  la  considérer  comme  étant  de  constitution. 


Trouvé. 


H'O 

ZnO 

A8«0». . . . 


I 

1,7 
46,1 
82.2 

lUO.O 


II 

1,9 
46,0 
62.1 

100,0 


Calculé 
pour 

As*0"Zn«HV 

2,04 

4»,86 

82,09 


100,00 


Ces  résultats  peuvent  être  représentés  ainsi  : 

AsO*  =  Zn 
\Zn 
AsO*  ^  H 


\ 


Zn 


AsO*  f-  H 


\ 
/ 


Zn 


AsO*  =  Zn 

l'analyse  indiquant  cependant  un  très  loger  déficit  d'eau  et  un 
très  léger  excédent  de  zinc>  qui  se  compensent. 

Ce  corps  est  soluble  à  froid  :  facilement  dans  l'acide  chlor- 
hydrique,  moins  dans  l'acide  azotique;  soluble  à  chaud  dans 
la  potasse  et  la  soude. 

Propriétés  physiques.  —  Il  se  présente  en  belles  paillettes 
blanches  nacrées,  groupées  en  rosettes. 

Ces  lamelles,  aplaties,  ont  la  forme  de 
parallélogrammes  dont  l'angle  obtus  est  de 
430°;  l'angle  aigu  est  souvent  abattu  par 
une  petite  facette. 

Comme  l'indique  la  figure  8,  Tcxtinction 
se  fait  à  14^  de  la  direction  d'un  clivage, 
qui  est  rendu  visible  par  des  stries  parallèles 
au  plus  grand  côté  du  parallélogramme. 

Cette  direction  est  positive.  En  lumière 
convergente,  on  constate  que  ces  cristaux 
sont  biaxes  et  que  l'un  des  axes  est  à  peu 
près  perpendiculaire  sur  la  face  d'aplatissement. 
Ce  caractère,  joint  à  l'extinction,  détermine  les  cristaux  que 


FiG.8. 


i 


AUSKMATES  ET  ANTIMONIATES.  107 

nous  étudions  comm«)  tricliniqueSj  à  moins  toutefois  qu'ils  ne 
soient  aplatis  suivant  une  face  m  d'un  prisme  monoclinique, 
ce  qui  parait  cependant  peu  probable,  la  Tace  m,  dans  le  sys- 
tème monoclinique,  n'étant  pas  une  direction  d*aplatissement 
bien  fréquente. 

Pyroarséniate  trUincique  hydraté. 
As«OXZDOH)»Zn  +  7H«0. 

Debray  (*)  a,  comme  nous  l'avons  vu,  en  précipitant  une 
solution  de  sulfate  de  zinc  par  l'arséniate  d'ammoniaque,  pro- 
duit un  arséniate  acide.  Cherchant  à  obtenir  le  même  produit, 
j'ai  précipité  l'acétate  de  zinc  par  l'arséniate  disodique;  mais  le 
produit  obtenu,  tout  différent  de  celui  de  Debray,  s'est  trouvé 
être  un  arséniate  trizincique. 

Salkowski  (^)  avait  déjà  constaté  que  si  on  précipite  le  sulfate 
de  zinc  par  une  solution  d'arséniate  neutre  de  soude,  il  se 
forme  un  précipité  gélatineux  qui,  séché  à  100**,  a  pour  formule 
(AsO*)»Zn'3H'0. 

De  mon  côté,  ajoutant  à  100  centimètres  cubes  d'une  solu- 
tion d'acétate  de  zinc  à  10  0/0,  10  centimètres  cubes  d'une 
solution  d'arséniate  de  zinc  à  25  0/0,  puis  laissant  le  précipité 
gélatineux  en  digestion  dans  la  liqueur  pendant  plusieurs 
semaines,  je  l'ai  vu  cristalliser. 

La  matière  recueillie,  bien  homogène  et  entièrement  cris- 
tallisée, a  été  soumise  à  l'analyse  suivant  le  même  procédé  que 
les  arséniates  précédents. 

Voici  les  résultats  obtenus  : 

Trouvé.  Calculé. 

H*0 22,92  23,:«  23,33 

ZnO 39,41  39,61  39,40 

As'O» 37,67  37,06  37,27 

100,00  100,00  100,00 

ce  qui  conduit  à  la  formule  brute 

(AsO*)*Zn\8H*0, 

-  I  I  II  -  r 

(i)  BulU  Soc.  Chim,  (2),  II,  24. 

(«)  Salkowski,  Journ.  fûrpraki.  Chem.,  CIV.  p.  ittî. 


108 


H.  GOGUEL. 


analogue  à  la  formule  de  la  kôttigite,  cet  arséniate  naturel  que 
l'on  trouve  ayant  la  composition 

(A80*)*(Zn.Co.NÎ.)'.8H*0, 
et  dont  la  cristallographie  est  peu  connue. 
La  formule  développée  de  ce  corps  serait  alors 

(AsO*)^Zn 

J)Zn  4-  8H*0. 
(AsO*)^Zn 

Mais  si  on  étudie  de  près  la  façon  dont  il  perd  son  eau,  on 
constate  les  faits  suivants  : 

De  0  à  98**,  le  corps  ne  perd  pas  d'eau  ; 

A  400^  elle  commence  à  partir;  la  perte  est  déjà  de  3,39  0/0 
à  405^  (H*0  =  2,92  0/0);  à  i55S  elle  est  de  18,9  0/0,  et  à  200°, 
de  20,5  0/0  (7H*0  =  20,419  0/0);  à  220^  elle  est  de  20,9  0/0; 
à  275%  21  0/0  ;  enfin,  entre  300°  et  le  rouge  faible,  elle  atteint 
23,3  0/0.  On  voit  que  la  perte  d'eau  subit  une  sorte  d'arrêt 
entre  le  départ  de  la  septième  molécule  d'eau  et  le  départ  de 
la  huitième. 


•mttimin 


M^^MMa^a 


!»      *■■ 


21% 

29 

80 

18 

16 

14 

12 

la 
a 

6 

2 
O 

T"     < 


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Zn* 

7  H 

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8H'o 
6H'o 


60* 


lOO«      150*     SOO*      «SX)"^     300»     350*      400*     WS^     500* 


>**»< 


PiG.  9. 


Ce  fait  est  plus  visible  sur  la  figure  9,  où  il  se  traduit  par  un 
palier  dans  la  courbe  de  départ  de  l'eau, 


ARSÊMATBS  ET   ANTIMONIATËS.  )09 

Il  semble  donc  que  Ton  doit  considérer  la  huitième  molécule 
d'eau  comme  étant  de  constitution  et  non  d'hydratation^  la 
formule  du  corps  devenant  alors 

As'O'Zn'H'  +  7H«0, 

qui  peut  s'interpréter  ainsi  : 

As*0''Zn  (ZnOH)«  +  7H«0, 

ou  en  développant, 

AsO'  ;: —  ZnOH 

0        >  Zn       -+-  7H*0 


AsO»  /—  ZnOH. 


Le  corps  que  nous  étudions  serait  alors  un  pyroarséniate 
basique. 

Propriétés  physiques.  —  Les  propriétés  cristallographiques 
sont  difficiles  à  établir;  la  matière  se  présentant  avec  un  aspect 
blanc,  soyeux,  est  formée  d'aiguilles  excessivement  fines  à 
extinctions  obliques. 

Tout  ce  que  l'on  peut  en  dire  avec  certitude,  c'est  qu'elles 
appartiennent  à  un  système  oblique,  qu'elles  sont  optiquement 
positives  suivant  leur  allongement,  peu  biréfringentes,  et  que 
l'angle  maximum  d'extinction  dans  la  zone  d'allongement  est 
de  SO^  à  35^ 


Cadmium. 


Ce  qui  est  connu  (^)  sur  les  arséniates  de  cadmium  peut  se 
résumer  ainsi  :  il  en  a  été  préparé  répondant  aux  types 
(AsO^)*Cd*,  AsO*CdH+H*0,  (AsO^)^Cd»H' +  2H*0,  puis  unarsé- 
nîate  basique  (AsO^)*Gd'  +  Aq. 

(1)  Encyclopédie  chimique:  Cadmium,  p.  314.  —  Salkowski,  Journ,  fur 
prakU  Cliem.,  CIV,  p.  129.  —  Demel,  Deutsche  chem,  GeselL,  1879,  p.  12S1.  — 
ColoriMio,  fhése,  p.  45. 


110  H.  GuGURL. 

Le  second  seul  a  été  obtenu  cristallisé  par  Demel  et  Coloriano, 
qui  ne  Tont  cependant  pas  décrit  au  point  de  vue  cristallogra- 
phique. 

De  mon  côté,  j'ai  obtenu  à  Tétat  cristallin  le  pyroarséniate 
anhydre. 

Pyroarséniate  bibaaique  de  cadmium. 

As'O'Cd». 

Préparation,  —  On  introduit  dans  un  tube  scellé  15  centi- 
mètres cubes  d'une  solution  contenant  25  0/0  d'azotate  de 
cadmium,  10  centimètres  cubes  d'eau  contenant  i  gramme 
d'acide  arsénique  libre  et  8  centimètres  cubes  d'une  solution 
d'arséniate  disodique  à  20  0/0. 

La  liqueur  reste  limpide,  mais  il  s'y  produit  un  précipité 
amorphe,  gélatineux  dès  que  l'on  commence  à  la  chauflTer. 

Ce  précipité  cristallise  en  quelques  heures  entre  180**  et  200°. 

Analyse.  —  Après  avoir  constaté  que  ce  corps  est  anhydre, 
je  l'ai  dissous  dans  une  petite  quantité  diacide  chlorhydriqne; 
puis,  api  es  avoir  ajouté  assez  d'acide  tiVlrique  pour  qu^nsuite, 
en  saturant  la  dissolution  par  l'ammoniaque,  la  liqueur  reste 
claire,  j'ai  précipité  l'acide  arsénique  à  l'état  d'arséniate  ammo* 
niaco-magnésien,  qui  a  été  séché  à  102^  et  pesé. 

Dans  la  liqueur  filtrée,  le  cadmium  a  été  précipité  par  le 
sulfhydrate  d'ammoniaque  et  pesé,  après  lavages  -convenables 
au  sulfure  de  carbone  et  dessiccation  à  100^. 

Trouvé.  Calculé. 

As*0* 47,3  47,33 

CdO 83,1  «2,(57 


100,4  100,00 


ce  qui  conduit  à  la  formule 


/.  Cd 
As'O'  ( 

pour  laquelle  les  nombres  ont  été  calculés.  Le  corps  est  donc 
un  pyroarséniate  de  cadmium  anhydre. 


ARSéMATES  ET  ANTINONIATES.  IH 

PropriéU's  physiques.  —  C'est  une  matière  cristalline  d'un 
blanc  jaunâtre,  appartenant  au  système  rhombique,  en  très 
petits  cristaux  groupés  par  quatre,  et  difficiles  à  étudier  plus 
complètement. 


Cuivre. 

Orlhoaraéniate  bibasique  de  cuivre. 
AsO*CuH  -H  H'O. 

Analyse.  —  Debray  (*)  a  déjà  préparé  ce  corps  en  maintenant 
en  digestion  avec  de  l'eau  à  70<*  le  liquide  provenant  de  Tattaque 
du  cart)onate  de  cuivre  parTacide  arsénique,  mais  il  n'a  donné 
sur  lui  aucun  renseignement  cristallographique. 

Pour  combler  cette  lacune,  j*ai  d'abord  reproduit  ce  corps 
par  le  procédé  de  Debray,  mais  sans  résultat  bien  satisfaisant 
au  point  de  vue  de  Tobservation  microscopique  des  cristaux. 

J'en  ai  obtenu  de  bien  plus  nets  par  un  procédé  qui  consiste 
à  abandonner  à  une  évaporation  tente  une  liqueur  d'acélate  ào 
cuivre  précipitée  par  un  très  léger  excès  d'acide  arsénique. 

La  gelée  d'arséniate  de  cuivre  cristallise  peu  à  peu  pendant 
révaporation  du  liquide,  et,  en  fin  d'opération,  un  simple 
lavage  enlève  au  produit  cristallin  obtenu  son  léger  excès 
d'acide  arsénique. 

Analyse.  —  J'ai  dosé  l'eau  par  perte  de  poids,  le  cuivre  à 
l'état  de  sulfure  et  l'acide  arsénique  à  l'état  d'arséniate  amnio- 
niaco-magnésîen . 

Trouvé.  Calcalé. 

H'O  de  lOO^àaSO".  8,17  )  2H«0  =  8,13  ) 

aa  rouge....  3,83)    12,00  0/0  H'O         4,06)12,20 

CuO 36,10  2CaO  35,86 

As'O' 51,42  As»0'  51,94 

99,52  100,00 

(*)  Debray,  Annaleê  de  chimm  et  de  physique,  3*  série,  t;  LXI,  p.  419. 


112 


H.  GOGUEL. 


Le  corps  que  j'ai  obtenu  est  donc  bien  le  même  que  celui  de 
Debray;  il  a  pour  formule 


(AsO*) 


// 
\ 


Cu 
H 


-f  H*0. 


FiG.  10. 


Il  est  soluble  dans  les  acides  et  décomposé  par  Teau  bouil- 
lante, qui,  à  la  longue,  le  transforme  en  olivénite. 

Propriétés  physiques.  —  C'est  une 
matière  bien  cristallisée,  d'un  vert  d'eau 
clair,  se  présentant  en  lamelles  paral- 
lèles au  plangf^  d'un  prisme  monoclini- 
que (^g.  10). 

La  face  d'aplatissement  est  limitée 

par  un  contour  hexagonal  légèrement 

allongé,  suivant  un  des  côtés  que  nous 

admettrons    comme    représentant   la 

face  h\  prenant  pour  trace  de  la  face  p 

celui  des  deux  autres  côtés  qui  fait  avec  h^  l'angle  le  plus 

voisin  de  90^;  l'autre  sera  a\ 

Au  réticule  du  microscope,  on  trouve  alors  : 

p  h'  obtus    (001)  (100)  =   96O30'  * 
p  h'  aigu     (001)  (100)        35^12' 
A*  a*  (100)  (ÏOl)       126^30'  * 

Ces  mesures  permettent  d'avoir  le  rapport  de  deux  des  para- 
mètres 

a  :  b  :  c  =  1  :  ?  :  0,8219      p  =  83030. 

La  biréfringence  est  énergique  : 

d;- Dp  =  0,0782(0; 

l'extinction  dans  g'  a  lieu  à  13°  environ  de  h\  dans  l'angle 
aigu  ph\  Cette  direction  correspond  à  n,,  la  direction  perpen- 
diculaire dans  g^  à  Up,  n^  étant  perpendiculaire  à  cette  face. 
Le  plan  des  axes  optiques  est  en  effet  parallèle  à  g\ 


0)  Par  la  méthode  G,  FrieJel,  B.  S,  3/.,  t.  XVl,  p.  22. 


ARSÉNIATËS  ET  ANTIMONIÀTES. 


il3 


Orthoarséniate  irlhaaique  de  cuiore. 
(AsO*)*Cu». 

Ce  corps  a  été  préparé  par  Coloriano  (*)  par  l'attaque  directe 
du  cuivre  par  Tacide  arsénique. 
Au  point  de  vue  physique,  cet  auteur  dit  seulement  que  les 

cristaux  en  sont  clinorhombi- 
ques  ou  tricliniques,  s'éteignant 
à  26**,  et  d'un  dichroïsme  remar- 
quable. 
Je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Frie- 
j^  del  quelques  cristaux  de  ce  corps 
préparés  par  Coloriano.  Voici  leur 
description  cristallographique  : 

Ce  sont  tantôt  de  petits  pris- 
mes, tantôt  des  paillettes  appar- 
tenant au  système  monoclinique 
(fig.  11).  Lorsque  ces  cristaux 
sont  aplatis,  c'est  suivant  g\  et 
au   réticule  du    microscope  on 


Fie.  11. 


peut  faire  les  mesures  suivantes  : 

p  h'  aigu    (001)  (ÏOO) 
a'  p  (ICI)  (001) 

ce  qui  conduit  à 


78024' 
142^24', 


a  :  b  :  c  =  !  :  ?  ;  0,6790         p  =  78024'. 

En  lumière  polarisée,  l'extinction  se  fait  à  23°  de  h^  dans  ph^ 
aigu.  Cette  direction  est  négative;  elle  correspond  à  Up,  et  celle 
qui  lui  est  perpendiculaire  dans  g^  à  Ug,  car,  en  lumière  con- 
vergente, on  constatequeleplan  des  axes  optiques  est  parallèle 

On  peut  du  reste  parfois  observer  h^  et  y  voir  un  axe  très 


(^)  Coloriano,  thèse,  p.  30. 
T.  I  (5«  Série). 


8 


a 

114  H.  GOGUEL. 

oblique  dont  la  position  indique  np  comme  bissectrice  aiguë; 

le  corps  est  donc  optiquement  négatif. 

Les  cristaux  observés  suivant  g*  sont  nettement  polycJiPOi- 

ques;  ils  sont  : 

Suivant  np,  vert  ; 

:»       n,,  bleu.  ; 


Argent. 


Orihoarséniate  triargentique. 
AsO*Ag'. 

MM.  Joly  et  Dufet  (*),  après  avoir  étudié  Tarsénîate  mono- 
argentique^  passent  à  l'arsénia'te  triargentique,  et  ce  dernier 
auteur  dit  :  o:  Il  appartient  au  système  cubique  et  est  connu 
1»  cristallisé  sous  la  forme  b\  :» 

En  faisant  des  essais  infructueux  pour  obtenir  Tarséniate 
diargentique  cristallisé,  j'ai  pu  compléter  la  connaissance  cris- 
tallographique  de  ce  sel. 

Voici  dans  quelles  circonstances  : 

Si  à  une  solution  concentrée  chaude  d'acide  arsénique  on 
ajoute  de  l'azotate  d'argent,  il  se  forme  un  précipité  qui  se 
dissout  et,  par  refroidissement,  la  liqueur  laisse  déposer  des 
cristaux  d'arséniate  tria rgen tique. 

Si  on  réchauffe  la  liqueur,  si  on  y  ajoute  une  nouvelle  quan- 
tité d'azotate  d'argent,  on  peut  par  refroidissement  obtenir  une 
nouvelle  récolte  de  cristaux,  et  ainsi  de  suite. 

Mais  il  arrive  parfois  que,  après  plusieurs  opérations  et  pro- 
bablement sous  l'influence  de  l'acide  azotique  rais  en  liberté, 
les  cristaux,  qui  étaient  d'abord  des  dodécaèdres  rhomboïdaux, 
finissent  par  être,  d'abord  pour  un  certain  nombre,  puis  tous, 


(»)  Joly  et  Diilot,  C.  /i.,  t.  CV,  p.  1073.  —  Dufet,  8.  5^.  3/,,  XI,  p.  36  el  276. 


ARSltiNrATBS  ET   ANTIMOMATES.  115 

de  longs  prismes  noirs  d'aspect  à  [jeu  près  liexagonal,  terminés 
par  un  pointement  à  trois  faces. 

Analyse.  —  Soumis  à  l'analyse,  je  leur  ai  trouvé  la  compo- 
sition suivante,  en  dosant  l'argent  à  l'état  de  chlorure  et  l'acide 
arsénique  par  différence  : 


TrouȎ. 

Calculé. 

Ag'O 

76,8 

75,31 

As«0' 

2i,« 

24,60 

100,0 

100,00 

t  bien  à 

/Ag 

AsO*  ^  Ag 

^Ag 

J'ai  encore  obtenu  de  ces  prismes  en  faisant  réagir  en  tube 
clos  l'acide  arsénique  sur  le  sulfate  d'argent  et,  dans  des  cir- 
constances un  peu  différentes,  une  poussière  rouge  de  petits 
tétraèdres  ayant  la  même  composition. 

C'était  en  étendant  d'eau  la  liqueur  qui  m'avait  donné  les 
prismes  dont  j'ai  parlé  en  premier  lieu. 

Propriétés  physiques.  —  Quelle  que  soit  sa  forme  exté- 
rieure, l'arséniate  triargentique  est  toujours  rouge  rubis  par 
transparence  et  isotrope,  comme  on  peut  s'en  convaincre  en 
taillant  en  lames  très  minces  ses  cristaux,  inclus  dans  de  la 
gomme  laque,  par  exemple. 

Il  est  donc  toujours  cubique,  mais  tétraédrique.  Les  prismes 
obtenus  se  trouvent,  du  reste,  presque  toujours  groupés,  et 
souvent  par  quatre,  orientés  suivant  les  directions  des  axes 
ternaires  du  cube.  Les  faces  de  leurs  pointements  correspon- 
dent alors  aux  faces  b'  du  dodécaèdre  rhomboïdal. 

Ces  groupements,  souvent  plus  complexes,  sont  en  réalité 
des  squelettes  de  tétraèdres  cubiques. 

Quant  à  cette  forme,  elle  se  rencontre  également,  comme  il 
a  été  dit,  dans  des  cristaux  très  petits. 

Ce  corps  est  donc  bien  cubique  mais  hémiaxe  non  centré. 


116  H.   GOGIEL. 


Mercure. 


Aucun  arséniate  de  mercufe  n'avait  été  indiqué  comme 
ayant  été  obtenu  cristallisé  avant  que  Coloriano  (*)  ne  publiât 
son  procédé  de  synthèse  de  l'arséniate  trimercureux,  qu'il  a 
d'ailleurs  étudié  bien  sommairement  au  point  de  vue  physique, 
se  contentant  de  dire  qu'il  est  rhombique  et  polychroïque. 

Auparavant,  on  avait  préparé  :  l'arséniate  (Hg')H  AsO*  obtenu 
en  ajoutant  de  l'acide  arsénique  à  de  l'azotate  mercureux,  et  le 
pyroarséniate  Hg'  As*0^  obtenu  en  chauffant  le  précédent. 

Le  métaarséniate  (Hg')(AsO*)*  obtenu  en  traitant  le  précé- 
dent par  l'acide  arsénique,  ou  en  faisant  bouillir  l'oxyde  mer- 
cureux avec  un  excès  de  cet  acide  ;  il  se  présente  sous  la  forme 
d'une  poudre  blanche. 

Enfin,  l'arséniate  mercurique  que  l'on  obtenait  sous  forme  de 
poudre  jaune  en  ajoutant  de  l'arséniate  disodique  à  une  solu- 
tion de  bichlorure  de  mercure. 

Tous  ces  sels  restaient  inconnus  au  point  de  vue  cristallo- 
graphique  (*). 

Pour  ma  part,  j'ai  réussi  à  préparer  et  à  étudier  à  l'état  de 
cristaux  trois  arséniates  de  mercure. 


Méiaarséniate  niercureux. 
(AsO»)»(Hg»). 

En  chauffant,  en  tube  clos,  du  mercure  métallique  avec  une 
solution  d'acide  arsénique,  en  suivant  les  indications  données 
par  Coloriano  dans  sa  thèse  (^),  j'ai  bien  obtenu  le  même  pro- 
duit que  lui,  comme  je  l'indique  plus  loin;  mais,  m'étant 
proposé  de  rechercher  si  on  pourrait  obtenir  le  même  résultat 


(0  Coloriano,  thèse,  p.  40. 

(2)  Wurtz,  Dictionnaire,  I,  403.  —  Joannis,  Encyclopédie,  t.  III,  14*  cahier, 
p.2â2. 

(3)  Loc,  cit. 


AnSf:X'ATES   KT   ANTIMOXIATtS.  1  17 

9 

ù  plus  basse  température,  j'employai  de  Tacide  arsénique  plus 
concentré  (50  à  75  0/0)  et  suivis  attentivement  l'opéra tion, 
inspectant  de  temps  à  autre  le  contenu  de  mon  tube. 

Je  constatai  alors  que,  dans  ces  conditions,  le  mercure  était 
déjà  attaqué  à  150°  après  plusieurs  ^heures  de  chauffe  et  que 
ces  globules  s'encroûtaient  de  petits  cristaux  blancs  formant 
parfois  autour  d'eux  de  véritables  coques. 

L'opération,  poursuivie  assez  longtemps  et  refaite  plusieurs 
fois,  me  donna  de  ce  corps  une  quantité  suffisante  pour  l'étude 
et  l'analyse. 

Propriétés  chimiques  et  analyse,  —  Cette  matière  blanche 
se  dissout  assez  facilement  à  froid  dans  l'acide  azotique,  d'où 
son  mercure  est  précipité  par  l'acide  chlorhydrique.  C'est  donc 
un  sel  mercureux. 

Chauffé  en  tube  fermé,  il  se  décompose  en  changeant  de 
couleur,  il  devient  jaune,  rouge  et  brun,  et  perd  du  mercure, 
mais  ne  perd  pas  d'eau  ;  c'est  donc  un  sel  anhydre. 

La  quantité  du  corps  dont  je  pouvais  disposer  étant  trop 
petite  pour  me  permettre  une  analyse  en  poids  suffisamment 
exacte,  j'ai  employé  pour  le  dosage  du  mercure  dans  ce  corps 
le  procédé  indiqué  par  M.  Laborde.  46  centigrammes  une  fois, 
18  une  autre  fçis  du  corps  à  étudier,  ont  été  dissous  dans  l'eau 
régale.  Celle-ci  respecte  le  mercure  métallique  finement  divisé 
qui  se  trouve  mélangé  à  la  prise  d'essai,  de  sorte  que  l'on  peut 
recueillir  celui-ci,  le  sécher,  le  peser  et  corriger  de  son  poids 
celui  de  la  prise  d'essai. 

Dans  la  solution,  le  mercure  est  ramené  à  l'état  de  sel  mer- 
curique  que  Ton  dose  volumétriquement  par  la  liqueur  de 
protochlorure  d'étain(*);  l'acide  arsénique  est  déduit  par 
différence. 

0)  Dans  ce  cas,  pour  ne  pas  être  gêné  pat*  le  dissolvant  si  fortement  oxydant,  il 
faut  procéder  de  la  façon  suivante  :  le  corps  étant  dissous  dans  la  plus  petite 
quantité  possible  d'eau  régale,  on*|rétend  à  un  titre  connu,  puis  à  une  quantité 
de  dissolution  contenant  09%1  de  matière  à  analyser  ;  on  ajoute  5  centimètres  cubes 
d'une  dissolution  d'acétate  d'ammoniaque  à  10  0/0  et  on  sature  par  l'ammoniaque; 
enfin,  on  rend  de  nouveau  la  liqueur  acide  par  un  léger  excès  d*acide  acétique. 
On  dose  alors  le  mercure  par  la  liqueur  titrée  de  protochlornre  d'étain. 


11^  H.  GOGUKL. 

M.  Denigès,  le  savant  agrégé  de  chimie  de  la  Faculté  de 
médecine,  a  bien  voulu  contrôler  les  nombres  ainsi  trouvés  en 
employant  le  procédé  Personne  tel  qu'il  a  été  amené  récem- 
ment à  le  modifier  (^).  Je  donne  son  résultat  dans  la  deuxième 
colonne  : 


Hg«0 

As«0» 


Trouvé. 

I           II 

Calculé 
pour 

(AsO»)\Hg») 

63.3           63,8 

64,4 

36,7           36,2 

3K.6 

100,0  100,0  100,0 


ce  qui  conduit  à  la  formule  d'un  métaarséniate  mercureux. 

AsO*  — Hg 

I    I 
(AsO»)XHg«)    ou     0  0         I 

I    I 
AsO*  —  Hg. 

Propriétés  physiques.  —  Ce  corps,  dans  les  belles  prépara- 
tions, se  présente  en  petits  cristaux  brillants  et  transparents, 
d'un  blanc  légèrement  jaunâtre,  sensibles  à  la  lumière,  sous 
l'action  de  laquelle  ils  noircissent  à  leur  surface. 

Ils  appartiennent  au  système  hexagonal  et  revêtent  la  forme 


(1)  Procédai  de  dosage  du  mei^cure  dans  un  sel  mercureux  par  le  p  x>cédé  Per- 
sonne, modifié  par  M.  Denigès  :  1  grarrme  du  produit  est  dissous  à  chaud  dans 
quelques  centimètres  cubes  de  HCl  additionnés  d'un  peu  d'AzO'H  ou  de  CIO'H  et 
d'eau.  La  dissolution  effectuée,  le  tout  est  purté  a  Tébullition  pendant  quelques 
minutes,  puis  étendu  après  refroidissement  à  100  centimètres  cubes. 

D'autre  part,  on  a  mis  dans  un  vase  de  Bohème  10  centimètres  cubes  d'une 
fiolution  d'iodure  de  potassium  équivalant,  volume  à  volume,  à  une  solution  de 
sublimé  corrosif  N/10,  et  on  y  a  ajouté  2  gouttes  de  bisulfite  de  soude  liquide  du 
commerce  à  40»,  destiné  à  empêcher  la  mise  en  liberté  d'iode  par  les  produits 
chlorés  de  la  solution  du  corps  à  analy^^er. 

Cette  solution  est  alors  versée  dans  Tiodure  jusqu'à  Tappa  ition  d'un  précipité 
rouge  permanent  très  léger,  identique  à  celui  obtenu  dans  le  titrage  de  UC  par 
HgCI». 

On  lit  alors  la  quantité  employée  de  la  solution  du  corps  à  analyser.  Ce  volume 
contenait  08r,01  de  llg.  H  est  facile  de  calculer  la  teneur  en  mercure  de  la  prise 
d'essai. 


ARSÉMATES  ET  ANTIMOMATES.  119 

de  prismes  courts  aplatis  suivant  p  et  limités  par  des  faces  6''*. 

Quelques-uns    peuvent 


P  jîv     atteindre     jusqu'à    un 

millimètre  de  largeur  et 


'^  ^"^  se  prêtent  à  une  mesure 


F»*î-  ^«-  goniométrique  (flgA^). 

On  trouve  pour  les  angles  des  normales  : 

p    6*'*    (0001)  (ITOI)      60^12'      calculai  R0M9' 
b"^b'f*    (1Ï0I)(1Î0Î)      59"41'* 

avec  une  approximation  de  5'  environ  pour  l'angle  b^  *6^"  qui 
conduit  aux  paramètres  : 

b  ;  c  =  1  ;  4,8096. 

Optiquement,  ces  cristaux  sont  très  réfringents  et  très  biré- 
fringents; ils  sont  uniaxes  positifs,  montrant  très  nettement 
la  croix  noire  et  ses  anneaux. 

Orthoarséniate  irimercureux. 

Ce  corps  a  été  produit  pour  la  première  fois  par  Coloriano  (^) 
en  faisant  «  réagir  en  tube  clos  vers  230°  35  centimètres  cubes 
»  d'une  solution  d'acide  arsénique  contenant  5  grammes  d'acide 
»  sur  5  grammes  de  mercure  métallique.  La  réaction  a  lieu 
j^très  lentement;  ainsi,  après  huit  heures  de  chauffe,  à  peine 
»  aperçoit-on  quelques  cristaux  adhérents  à  la  surface  du  mer- 
>cure;  ce  n'est  qu'après  soixante  heures  de  chauffe  que  la 
»  cristallisation  est  un  peu  plus  avancée,  c'est-à-dire  que  les 
»  cristaux  sont  assez  gros  mais  pas  très  nombreux  y^. 

Ce  procédé,  comme  on  le  voit,  est  fort  long,  puisqu'il  exige 
soixante  heures  pour  obtenir  une  très  petite  quantité  du  corps» 
sans  compter  que  la  température  de  230°  est  déjà  si  élevée  que 
les  tubes  n'y  résistent  pas  toujours,  faisant  éprouver  quelque- 
fois à  l'expérimentateur  d'ennuyeux  déboires  par  leur  explosion. 


(*)  Coloiiano,  thôse,  p.  49. 


1^0  M,    COCUKL. 

VA  encore,  Colorïano  ajoute  que,  dans  le  produit  obtenu, 
u  1)1  alheiireu sèment  il  y  a  du  mercure  très  finement  divisé  qui 
i>  st>  sépare  dans  la  réaction  et  qui  adhère  à  la  surface  des  cris- 
<i  liiux,  fi  en  sorte  qu'il  faut  trier  à  la  loupe  les  quantités  à 
^uinlyser. 

Après  avoir  usé  du  procédé  ci-tlessus,  j'ai  eu  la  bonne  fo^ 
lune,  au  cours  de  mes  recherches,  d'en  trouver  un  autre  infi- 
iinnent  plus  commode  pour  préparer  en  abondance  l'arséniate 
lilmercureux. 

Le  voici  dans  toute  sa  simplicité  :  de  l'azotate  mercureux 
l'&t  dissous  dans  une  quantité  d'eau  modérée  à  la  faveur  d'un 
li'tîer  excès  d'acide  azotique.  On  y  ajoute  de  l'acide  arsénique 
L-Ti  solution,  qui  produit  dans  la  liqueur  un  précipité.  On  porte 
le  tout  dans  une  étuve  que  l'on  chauffe  lentement  à  50"  ou  60° 
cl  que  l'on  maintient  un  certain  temps  à  cette  température. 

Les  proportions  qui  m'ont  paru  les  plus  favorables  sont  : 

Azotate  roercnretix ti^ 

Acide  azotique !■=" 

Eau ÎSO"» 

In  dissolution  étant  faite  et  froide  ('),  on  y  ajoute  une  solution 
rnntenant 

Acide  arsèaique S^ 

Dans  l'étuve,  le  précipité,  d'abord  jaune,  se  transforme  en 
linéiques  instants  en  arséniate  trimercureux  anhydre,  bien 
crislallisé,  de  couleur  variant  du  rouge  brun  au  brun,  suivant 
<{iio  les  éléments  cristallins  sont  plus  ou  moins  gros. 

I.e  corps  ainsi  obtenu  est  absolument  homogène;  toutefois, 
^i  un  laissait  trop  longtemps  la  préparation  à  l'étuve,  il  s'y 
hansformerait  en  partie  en  arséniate  morcurique  jaune. 

Propriétés  chimiques  et  analyse.  —  Les  propriétés  chiini- 
(|iie3de  ce  corps  ont  été  indiquées  par  Coloriano.  H  est  anhydre; 

(  M  Si  la  liqueur  est  dûjù  ehaude  avant  d'élre  mise  à  l'éludr,  la  tranRrormnIion 
>•<  rrop  rapide  et  le  pi-odult  peu  joli. 


ARSÉMATES   ET   ANTIMUMATES. 


m 


pour  Tanalyser,  je  Tai  dissous  dans  l'acide  azotique  en  très 
petite  quantité^  d'où  le  mercure  a  été  précipité  par  le  chlorure 
de  sodium  et  pesé  à  l'état  de  protochlorure.  L'acide  arsénique 
est  déterminé  par  différence  (colonne  1). 

J'ai  aussi  déterminé  le  mercure  par  le  procédé  Laborde  (II)  et 
le  procédé  Denigès  (III),  indiqués  au  chapitre  précédent. 


Hg«0. 
As»0' 


100,0      100,0      100,00 


Calculé. 

84,4i 
15,56 

100,00 


On  voit  que  le  procédé  Denigès  m'a  donné  le  meilleur  des 
résultats  ;  ceux-ci  conduisent  à  la  formule  : 

sO*~(Hg«) 

;(Hg«) 

AsO*^(Hg«). 

Propriétés  physiques.  —  Obtenu  par  le  nouveau  procédé  que 
je  viens  d'indiquer,  ce  sel  se  présente  en  petits  cristaux  bruns 

ou  rouges,  bruns  s'ils  sont  plus  petits,  apparte- 
nant au  système  rhombique. 

Ils  sont  trop  petits  pour  être  mesurables  au 
goniomètre,  quoique  d'une  grande  netteté. 

Les  formes  qu'ils  présentent  (fig.  13)  peuvent 
être  désignées  par  m,  p,  e^  ;  dans  ce  cas,  ils 
sont  allongés  suivant  pg^  et  aplatis  suivant  p. 

Mesuré  au  réticule  du  microscope,  l'angle 
mm  =  118°  environ,  d'où 

a  :  b  :  c  =  0,601  ;  1  :  ? 

En  lumière  polarisée,  leur  biréfringence  est  très  énergique, 
leur  extinction  se  fait  parallèlement  kph^  et  pflf\ 

Perpendiculairement  à  p,  ils  montrent  deux  axes  optiques 
peu  écartés  autour  d'une  bissectrice  aiguë  négative.  La  disper- 


»- 


ap 


Hi 


122 


H.  r.OGUBL. 


sion  des  axes  est  très  remarquable  et  comparable  seulement  à 
celle  de  la  brookite.  Le  plan  des  axes  est  perpendiculaire  à 
p  g\  comme  l'indique  la  figure  ci-contre. 

Ces  cristaux  jouissent  d'un  polychroïsme  très  mar- 
qué; leur  couleur  est 

Suivant  n»,  vert  brunâtre; 
»        Dm,  brun; 
»        Dp    brun  plus  clair. 

Lorsque  ce  corps  est  préparé  suivant  la  méthode 
de  Coloriano,  il  se  présente  en  longues  paillettes 
allongées  suivant  g^  et  aplaties  suivant  p. 

Dans  certaines  préparations  faites  avec  de  l'acide 
arsénique  très  concentré  (75  0/0),  les  paillettes  ont 
généralement  revêtu  la  forme  dessinée  ci-contre 
{fig.  14)  d'un  rectangle  plus  ou  moins  allongé, 
auquel  seraient  venus  se  souder  des  triangles  de 
FiG.  u.      plus  en  plus  aigus. 


Orthoarséniate  irimercurique. 

(AsO*)•Hg^ 

Cet  arséniate  n'a  jamais  été  signalé,  à  ma  connaissance, 
comme  ayant  été  obtenu  cristallisé. 

Préparation,  —  Dans  une  petite  quantité  d'eau  chaude 
additionnée  de  1  centimètre  cube  d'acide  azotique  on  dissout 
6  grammes  d'azotate  mercureux  et  l'on  complète  à  25  centi- 
mètres cubes.  On  introduit  alors  cette  solution  dans  un  tube 
et  on  y  ajoute  5  centimètres  d'une  solution  d'acide  arsénique 
à  50  0/0;  on. ferme  le  tube  et  on  le  chauffe  jusque  vers  180^. 

Au  bout  de  quelques  heures  de  chauffe,  le  précipité  amorphe 
que  l'on  avait  obtenu  à  froid  est  entièrement  cristallisé.  Les 
cristaux  sont  alors  des  prismes  plus  ou  moins  allongés,  jaune 
de  miel.  Si  on  emploie  une  liqueur  beaucoup  plus  acide,  en 
doublant,  par  exemple,  les  proportions  des  acides  azotique  et 


akséniàtës  et  A>T1H0NIATES.  123 

arsénique,  on  obtient  à  ia  même  température  de  fines  aiguilles 
très  longues  et  très  fragiles  jaune  verdAtre;  mais,  dans  les  deux 
cas,  les  cristaux  obtenus  ont  la  même  composition. 

Propriétés  chimiques^  analyse.  —  Dissous  à  froid  dans 
Tacide  azotique,  ce  corps  ne  donne  pas  de  précipité  par  Tacide 
chlorhydrique,  dans  lequel  il  se  dissout  d'ailleurs  facilement. 
C'est  donc  un  composé  mercurique. 

Chauffé  en  tube  fermé,  il  brunit  en  dégageant  du  mercure, 
fond  au  rouge,  puis  se  volatilise  au  rouge  vif  en  continuant  à 
se  décomposer.  On  n'y  constate  pas  la  présence  de  l'eau. 

Pour  l'analyser,  j'ai  d'abord  employé  la  séparation  du  mer- 
cure et  de  l'arsenic  par  le  sulfhydrate  d'ammoniaque;  mais 
j'ai  bientôt  préféré  le  procédé  de  M.  Laborde,  et  j'ai  dosé  le 
mercure  parla  liqueur  titrée  de  protochlorure  d'étain,  l'arsenic 
restant  déduit  par  différence. 

Le  premier  résultat  se  rapporte  aux  cristaux  jaune  de  miel, 
les  deux  autres  aux  cristaux  jaune  verdâtre  : 


I 

HgO 73,6 

As*0» 26.4 


Trouvé. 

Cdeulé. 

II 

III 

(A80«)»Hg«. 

74,2 

73,5 

73,8 

28,8 

26,5 

26,2 

100,0        100,0        100,0  100,0 

Ce  qui  conduit  à  là  formule 

AsO*  -  Hg 

>Hg 

AsO*^Hg 

Propriétés  physiques.  —  Ce  corps,  comme  je  l'ai  déjà  dit 
plus  haut,  se  présente,  suivant  le  mode  de  sa  préparation,  soit 
en  prismes  jaune  de  miel  pouvant  atteindre  jusqu'à  un  demi- 
centimètre  de  longueur,  soit  en  aiguilles  jaune  verdâtre  plus 
longues  et  plus  unes. 

Dans  les  deux  cas,  ces  cristaux  appartiennent  au  système 
monoclinique;  ils  sont  limités  par  les  mêmes  formes  domi- 


124 


II.  GOGUEL. 


nanles  mh^  (T^'g^  avec  une  face  b"  trop  petite  pour  être  mesu- 
rable. 
Certains  cristaux  sont  mesurables  au  goniomètre,  avec  une 

grande  exactitude  pour  les  faces  du 
prisme.  On  y  relève  : 

m  A*  (HO)  (100)        39^54' 

m  m  sur  h'  (HO)  (110)        79059' 
di/tdi/î  (lîi)  (iJi)        47018' 

Le  plan  des  axes  optiques  est  g\ 
un  axe  très  oblique  est  visible  dans  h' 
(fig.  15). 

L'extinction  dans  m  se  fait  à  14-15** 
demh^;  dansg^  à  18°  environ  de  m  ft^ 
dans  l'angle  pft^  obtus  (fig,  16). 
Cette  direction  est  positive. 

Ces  cristaux,  étant  donnée  la  position  de  Taxe  visible  dans  A* 
qui  est  très  oblique  vers  n„  ont  donc  pour  bissectrice  aiguë 
cette  direction  n^  et  sont,  par  conséquent,  biaxes  positifs. 


Fie.  15. 


Fig.  16. 


Nickel. 


11  a  déjà  été  produit  un  certain  nombre  d'arséniates  de 
nickel  cristallisés  (*)  par  voie  humide,  sans  toutefois  que  l'on 
puisse  trouver  sur  eux  de  renseignements  cristallographiques 
bien  intéressants.  Cela  tient,  sans  aucun  doute,  à  ce  que  les 
échantillons  obtenus  ne  se  prêtaient  guère  à  ce  genre  d'obser- 
vations. Pour  ma  part,  je  n'ai  pas  eu  plus  grand  succès  pour 
les  arséniates  déjà  connus,  mais  j'ai  pu  en  étudier  assez  bien 
un  nouveau. 


(1)  Meunier,  Encyclopédie  :  Nickel,  p.  218.  — Coloriano,  thèse^  p.  33  et  suiv. 


ARSÉMATES  ET  ANTIMONIATES.  125 

Pyroarsèniaie  de  nickeL 
As«0\NiOH)«H«. 

Préparation.  —  Ce  corps  s'obtient  en  faisant  agir  Tacide 
areénique  sur  l'acétate  de  nickel.  Toutefois,  les  proportions  de 
l'un  et  de  l'autre  doivent,  je  crois,  être  très  exactement  mesu- 
rées. Ce  n'est,  en  effet,  qu'après  une  longue  série  d'essais  et 
un  peu  aidé  par  le  hasard  que  j'ai  réussi  à  préparer  ce  corps 
par  celte  voie.  Voici  comment  j'ai  opéré  :  à  10  centimètres 
cubes  d'une  solution  contenant  1^%25  d'acétate  de  nickel,  j'ai 
ajouté  0«%5  d'acide  arsénique  à  50  0/0,  enfin  j'ai  étendu  de 
10-15  centimètres  cubes  d'eau. 

Cette  liqueur  mise  en  tube  clos  est  limpide;  mais,  chauffée, 
elle  se  prend  en  gelée  au-dessous  de  150^*  et  commence  à  cris- 
talliser à  180°;  à  SSO'^,  la  cristallisation  se  termine  rapidement. 

Analyse.  —  Pour  analyser  cette  matière,  j'ai  dosé  l'eau  par 
perte  de  poids;  le  nickel  a  été  dosé  à  l'état  de  sulfate,  en  le 
transformant  d'abord  en  sulfure  par  le  soufre  dans  un  courant 
d'hydrogène  et  convertissant  le  sulfure  en  sulfate  anhydre; 
l'acide  arsénique  a  été  dosé  par  différence. 

Trouvé.  Calculé. 

H»0 8,9  9,0  8,65 

NiO 37,1         36,2  36,06 

As»0» 84,0         54,8  85,29 

100,0        100,0  100,00 

L'eau  ne  partant  qu'au-dessus  de  180°,  et  de  telle  façon  que 
son  départ  n'est  complet  que  bien  au-dessus  de  la  température 
de  fusion  du  plomb,  on  doit  la  considérer  comme  étant  de 
constitution;  le  corps  se  représente  alors  par  la  formule 

AsO'— NiOH 

0 

I     /H 
AsO»— NiOH 

Il  est  facilement  soluble  dans  les  acides  et  décomposable 
par  Teau  bouillante. 


126 


H.  GOGUEL. 


Propriétés  physiques,  —  C'est  une  belle  matière  cristalline 
vert  pomme,  qui,  au  microscope,  se  présente  sous  la  forme 
de  lamelles  aplaties  appartenant  au  système  monoclinique, 
ayant  la  forme  de  parallélogrammes  allongés  {fig,  17),  dont 

les  courts  côtés  sont  formés  par 
des  biseaux. 

Si  nous  prenons  ces  biseaux 
pour  faces  m  et  le  long  côté  pourp, 
la  face  d'aplatissement  étant  g\ 
comme  le  montrent  les  phéno- 
mènes optiques  en  lumière  con- 
vergente, au  réticule  du  micros- 
cope on  constate  que  Tangle  p  h' 

L'extinction  se  fait  à  28^  de  h\ 
Cette  direction  dans  g^  est  posi- 
tive et  correspond  à  la  bissectrice 
obtuse  des  axes. 

On  voit  fort  bien  ceux-ci  en 
lumière  convergente,  et  on  cons- 
tate que  leur  bissectrice  aiguë  négative  est  perpendiculaire  à  g\ 
Ils  sont  assez  biréfringents. 

Remarque.  —  En  employant  les  procédés  de  synthèse  de  Coloriano,  j'ai 
produit  un  arséniate  de  nickel  en  belles  paillettes  octogonales  d'un  beau 
vert  jaune,  appartenant  au  système  quadratique,  optiquement  uniaxes 
négatives. 

Je  n'ai  pu,  par  leurs  propriétés  physiques,  les  identifier  à  aucun  des 
produits  obtenus  par  cet  auteur.  J'espère  en  obtenir  ultérieurement  une 
quantité  suffisante  pour  l'analyse. 


Fie.  17. 


Cobalt. 


Pyroarséniate  de  cobalt. 

As»0^(CoOH)»H'. 
Préparation.  —  On  n'avait  pas  encore,  jusqu'à  présent, 


AR8ÉNIATES  ET  ANTINONIATFS.  137 

essayé  Taction   directe    de   Tacide   arsénique  sur  le  cobalt 
métallique. 

Cette  action  donnant  de  bons  résultats  avec  les  autres 
métaux  du  même  groupe,  j'ai  cru  devoir  la  tenter  pour  ce 
métal. 

A.  Un  gramme  de  cobalt  métallique  en  petits  fragments  est 
introduit  dans  un  tube  fermé  à  la  lampe  avec  20  centimètres 
cubes  d'une  solution  d'acide  arsénique  pur  à  50  0/0  ;  l'attaque 
commence  déjà  à  froid,  et  la  liqueur  devient  rose  en  peu  de 
temps.  Si  on  chauffe  le  tube  vers  ISO*",  la  réaction  marche 
beaucoup  plus  vite,  et  l'on  voit  se  former  en  abondance  de 
petits  cristaux  prismatiques. 

Ceux-ci  sont  nettement  plus  solubles  à  froid  qu'à  chaud 
dans  la  liqueur  mère;  et  si  à  un  moment  donné  on  laisse 
le  tube  refroidir  un  peu  lentement,  on  les  voit  disparaître, 
ou  tout  au  moins  diminuer  notablement  de  quantité,  tandis 
qu'apparaissent  de  nombreux  cristaux  d'acide  arsénieux. 

Il  est  donc  bon,  pour  recueillir  ce  produit,  d'ouvrir  le  tube 
lorsqu'il  est  encore  chaud,  dès  qu'on  peut  le  faire  sans 
danger,  vers  100^  et  de  refroidir  brusquement  son  contenu 
en  le  versant  rapidement  dans  un  vase  contenant  de  l'eau  dis- 
tillée froide.  En  opérant  de  la  sorte,  on  obtient  une  matière 
cristallisée  bien  homogène  et  parfaitement  exempte  d'acide 
arsénieux. 

Verneuil  et  Bourgeois,  après  avoir  décrit  leur  reproduction 
de  la  scorodite  (*),  ont  émis  Thypothèse  qu'en  traitant  le 
cobalt  comme  ils  avaient  traité  le  fer,  on  obtiendrait  proba* 
blement  une  scorodite  de  cobalt.  C'est  bien  ce  que  j'ai  fait; 
mais  le  corps  obtenu,  comme  le  montrera  l'analyse,  ne  res- 
semble en  rien  à  la  scorodite. 

B.  J'ai  encore  obtenu  le  même  corps  en  chauffant  en  tube 
scellé  un  mélange  d'acétate  de  cobalt  et  d'acide  arsénique 
dissous.  Les  proportions  qui  m'ont  donné  les  plus  beaux 

(})  Vcmeuil  et  Bourgeois,  BitU.  Soc.  Min,,  III,  p.  32. 


J 


128  H.  GOGUEL. 

produits  sont  :  acétate  de  cobalt  en  solution  à  30  0/0,  30  cen- 
timètres cubes;  acide  arsénique  à  50  0/0,  10  centimètres 
cubes.  Il  faut  chauffer  pendant  quelques  heures  à  180^  au 
moins. 

C.  Enfin,  en  employant  le  procédé  qui  a  donné  à  Colo- 
riano  (*)  le  sel  (As*0»)*5Co03H*0,  c'est-à-dire  en  mettant 
30  centimètres  cubes  d'une  solution  contenant  5  grammes 
d'acide  arsénique  en  digestion  sur  3  grammes  de  carbonate 
de  cobalt;  puis,  au  bout  de  quelques  heures,  étendant  15  cen- 
timètres cubes  de  cette  liqueur  filtrée  de  35  centimètres  d'eau 
et  chauffant  en  tube  clos  à  235°,  c'est  encore  le  même  corps 
que  j'ai  obtenu. 

Analyse,  —  La  matière  ayant  été  convenablement  dessé- 
chée dans  l'air  sec,  l'eau  y  a  été  déterminée  par  perte  de  poids. 
La  perte  d'eau  n'y  commence  qu'au-dessus  de  300"*.  Dans  la 
matière  desséchée,  le  cobalt  a  élé  transformé  en  sulfure  par 
le  soufre  dans  un  courant  d'hydrogène,  puis  oxydé  par  l'acide 
azotique,  et  transformé,  avec  les  précautions  d'usage,  en 
sulfate  de  cobalt,  qui  a  élé  pesé.  L'acide  arsénique  ainsi  reste 
déduit  par  différence. 

Voici  les  résultats  obtenus  par  les  différents  produits  : 

Trouvé.  Calculé. 

B^^  C  As«0*Co«H* 

I  II  ni  IV           V 

H'O....        8,8  8,6  8,6  8,7         8,7  8,65 

CoO....      36,8  38,8  38,7  35,7  36,05 

As«0»..-      84,7  88,6  8?5,7  88,6  85,30 

100,0      100,0      100,0  100,0         100,00 

Ces  analyses  conduisent  à  la  formule  brute 

As»0»Co«HS 

que  Ton  pourrait  interpréter 

2(AsO*CoH^-  iH*0), 


(<)  Coloriano,  thèse,  p.  41. 


ARSÉiNIATES  ET  ANTIMONIATES.  129 

en  considérant  ce  corps  comme  un  orthoarséniate  hydraté; 
mais  la  perte  d'eau  ne  se  faisant,  comme  il  a  été  dit,  sentir 
qu'au-dessus  de  300%  il  paraît  plus  rationnel  d'adopter  la 
formule 

AsO»  — CoOH 

0 

T    /H 

AsO»  —CoOH 

qui  représente  le  corps  comme  un  pyroarséniate  sans  eau 
d'hydratation. 

Ce  corps  est  facilement  soluble  dans  les  acides. 

Propriétés  physiques.  —  La  matière  obtenue  dans  le  pre- 
mier mode  de  préparation  est  en  flnes  aiguilles,  se  feutrant 
facilement  entre  elles,  d'un  rose  clair. 

Les  procédés  B  et  C  fournissent  un  produit  en  petits  prismes 
radiés  un  peu  plus  gros  que  les  précédents,  d'un  rose  pourpre 
un  peu  plus  foncé. 

Tous  ces  cristaux  appartiennent  au  système  monoclinique, 
présentant  les  formes  dominantes  g^h\  Dans  g\  l'extinction 
se  fait  à  16°  de  g^  h^  pour  les  produits  des  procédés  B  et  C, 
et  à  6-7°  pour  les  autres.  Dans  les  deux  cas,  cette  direction 
est  positive;  elle  correspond  à  n^,  et  la  direction  qui  lui  est 
perpendiculaire  dans  g\  à  n„.  On  constate,  en  effet,  en  lumière 
convergente,  que  les  axes  sont  dans  un  plan  perpendiculaire 
à  g\  passant  par  n^,  et  que  la  bissectrice  obtuse  négative 
est  perpendiculaire  à  g\  Ces  cristaux  sont  donc  optiquement 
biaxes  positifs. 

Ils  ne  sont  pas  polychroïques. 


Chrome. 

J'ai  essayé  pour  le  chrome  tous  les  procédés  qui  avaient 
réussi,  soit  à  d'autres,  soit  à  moi  pour  préparer  par  voie 
humide  des  arséniates  d'autres  métaux. 

T.  I  &  Série).  9 


130  H.  GOGUEL. 

Mais  malgré  la  variété  de  mes  tentatives^  je  n'ai  jamais  pu 
obtenir  d'arséniate  cristallisé  de  ce  métal. 

Je  pense  qu'il  n'y  a  guère  lieu  de  s'en  étonner,  si  Ton  con- 
sidère que  le  seul  arséniate  cristallisé  de  chrome  qui  soit 
connu,  le  pyroarséniate,  et  même  Torthoarséniate  de  chrome 
et  de  potasse,  préparés  par  voie  sèche  par  M.  Lefèvre  (*), 
ont  été  trouvés  par  lui  insolubles  dans  les  acides,  même 
concentrés. 


Manganèse. 

Orthoarséniaiê  bibasique  de  manganèse* 

AsO*MnH  +  H«0- 

Ce  sel  a  été  préparé  par  Coloriano  (^)  en  maintenant  pendant 
quelque  temps  à  Tébullition,  avec  de  l'eau,  la  liqueur  filtrée 
provenant  de  la  digestion  de  4  grammes  de  carbonate  de  man- 
ganèse avec  60  centimètres  cubes  d'une  dissolution  d'acide 
arsénique  à  20  0/0. 

Cet  auteur  ne  donne  aucune  description  physique  du  pro- 
duit qu'il  a  obtenu,  se  contentant  de  dire  à  ce  sujet  qu'c  il  est 
très  bien  cristallisé  ]>  et  qu'a:  il  a  déjà  été  obtenu  par  Debray 
en  suivant  une  autre  méthode  y>. 

Debray  (•)  l'avait  en  eflTet  préparé  en  ajoutant  de  l'arséniate 
d'ammoniaque  à  un  sel  de  manganèse.  Il  obtenait  un  précipité 
gélatineux,  transformable,  en  huit  à  quinze  jours,  en  un  produit 
cristallisé;  mais  de  ses  propriétés  physiques  il  dit  seulement 
qu'<!c  il  est  de  forme  plus  difficile  à  mesurer  que  le  phosphate 
correspondant  ». 

Désireux,  pour  ma  part,  d'étudier  les  propriétés  cristallogra- 
phiques  de  ce  corps,  je  l'ai  d'abord  préparé  par  la  méthode  de 
Coloriano  ;  mais  je  n'ai  su  obtenir  ainsi  qu'un  produit  très  mal 
cristallisé,  dont  les  cristaux  fibreux  et  corrodés  ne  présen- 

(^)  Lefèvre,  Sur  les  arséniates  cristallisés,  thèse,  p.  42  et  43. 

(>)  Coloriano,  thèse,  p.  22  et  28. 

(^  Debray,  Bull.  Soc.  Chim.  (2),  II,  p.  14. 


AHSKNIATKS  ET  ANTIMOMATES.  131 

taient  que  rarement  un  angle  mesurable  et  n'étaient  pas  sus- 
ceptibles d'études  microscopiques. 

La  méthode  de  Debray  ne  m'ayant  pas  mieux  réussi,  j'ai  dû 
me  préoccuper  d'en  trouver  une  autre.  Voici  celle  à  laquelle 
je  me  suis  arrêté  ;  elle  donne  réellement  un  beau  produit. 

Préparation.  —  A  une  dissolution  d'acétate  de  manganèse 
à  iO  0/0  environ  on  ajoute,  en  léger  excès,  de  l'acide  arsénique 
en  solution  concentrée.  Il  se  précipite  une  gelée  blanche  qui 
est  laissée  en  digestion  dans  la  liqueur  à  une  température  voi- 
sine de  75^.  Au  bout  de  vingt-quatre  heures  la  gelée  est  presque 
totalement  transformée  en  une  belle  matière  cristalline  d'un 
rose  franc  clair,  qu'une  simple  décantation  sépare  du  peu  de 
gelée  amorphe  restée  en  suspension  dans  la  liqueur  mère. 

11  est  bon  d'opérer  dans  une  fiole  ou  un  ballon  complète- 
ment rempli  de  liquide  et  à  peu  près  bouché,  de  façon  à  éviter 
autant  que  possible  le  contact  de  l'air.  Si  en  effet  on  opérait 
dans  un  vase  largement  ouvert,  une  bonne  partie  de  la  gelée 
se  suroxyderait,  deviendrait  brune,  donnant  difïîcilement  un 
produit  assez  mal  cristallisé  et  de  couleur  jaunâtre  ou  brunâtre. 
Cet  inconvénient  m'a  paru  se  produire  dans  le  procédé  Goloriano. 

Analyse.  —  Pour  analyser  le  produit  obtenu  j'ai  dosé  l'eau 
par  dessiccation  à  différentes  températures,  le  manganèse  à 
rétatde  sulfure  par  voie  sèche,  et  l'arsenic  par  différence.  Voici 
les  chiffres  obtenus.  Je  place  en  regard  les  résultats  de  Golo- 
riano ; 

Trouvé.  Calculé. 

I  II  Goloriano 

H'0 12,74  «,80  12,91  12,67 

MnO 33,24  33,25         33,54  33,93 

As^O' 84,02  53,95         54,55  53.99 

100,00        100,00        100,00  100,00 

Ce  qui  conduit  à  la  formule 

AsO*  f        -h  H»0 

L'eau  part  entre  460  et  220**.  Comme  l'indique  Goloriano,  ce 


l:]^  11.  GOGtIEL. 

corps  est  facilement  soluble  dans  les  acides,  et  décomposable 
[lar  l'eau  chaude. 

Propriétés  physiques.  —  Matière  d'un  rose  franc,  clair  (et 
non  rose  chair),  en  petits  cristaux  lamellaires  très  nets,  très 
groupés  en  rosettes. 

Ces  cristaux  (fig.  18)  appartiennent  au  système  raonocli- 
mqae,  ils  sont  aplatis  suivant  g'  et  montrent  sous  la  forme  de 
siries  les  traces  d'un  clivage  parallèle  à  h'.  Ce  clivage  permet 
[larfois  d'étudier  sous  le  microscope  des  sections  parallèles  à 
/('  et  de  bien  établir,  par  conséquent,  la  symétrie  du  corps. 

iians  la  zone  perpendiculaire  it  g',  les  cristaux  sont  limités 
\<i\v  h'  et  par  trois  autres  faces  très  nettes  que  j'ai  appelées 
it\  p'  et  o',  puis,  par  d'autres  plus  petites  et  peu  mesurables. 

Au  réticule  du  microscope  Nachet,  j'ai  pu  faire  avec  assez 
d'exactitude  les  mesures  d'angles  suivantes  : 

Angle)  ira».  Veiurù.  Cllcuki. 


a't'              (101)  (101) 

WS4' 

h>0'              (100)  (101) 

134"1S' 

h'a'             (100)  (101) 

186"64' 

î>  *'  sur  a'    (001)  (100) 

83"30' 

83"39' 

ph'smo'    (001)  (100) 

96»30' 

96^1' 

Les  trois  premiers  angles  mesurés  m'ont  permis  de  calculer 
/*_  les  paramètres  de  deux  des  axes 

cristallographiques  : 

a  :  b  ;  c  =  1  :  ?  :  0,8006 


En  observant  ces  lamelles  en 
lumière  polarisée  parallèle,  on 
constate  que  leur  extinction  a  lieu 
h  20"  de  Vartiie  h' g'  dans  l'angle 
aigu  ph\  Cette  direction,  dans  le 
plan  g',  correspond  à  n,  tandis 
que  la  direction  perpendiculaire 
correspond  à  n,;  en  lumière  con- 


ARSÉNIATES   ET   AXTIMONIATES.  W» 

vergente  on  constate  en  effet  que  les  axes  optiques  sont  dans 
le  plan  g\ 

Dg  -  Dp  =  0,057. 

Il  faut  remarquer  l'isomorphisrae  de  cet  arséniate  avec  celi^i 
de  cuivre  du  même  type  chimique  et  peut-être  aussi  avec  l'ar- 
séniate  de  nickel,  si  on  donne  à  ce  dernier  la  notation  g^h^o\ 


Aluminium. 

Orthoarséniate  d'aluminium. 
AsO*Al. 

Coloriano  (')  le  premier  a  préparé  cet  arséniate  d'aluminium 
en  chauffant  à  200^  des  solutions  mélangées  d'arséniate  tri- 
sodique  et  de  sulfate  d'aluminium. 

s 

Le  corps  qu'il  obtenait  ainsi  se  présentait  en  cristaux  lenti- 
culaires. 

J'ai  réussi  à  produire  le  même  corps  en  cristaux  plus  nets, 
en  attaquant  directement,  en  tube  clos,  l'alumine  pure  par 
l'acide  arsénique  en  solution  très  concentrée  :  un  gramme 
au  plus  d'alumine  par  25  centimètres  cubes  d'une  solution 
d'acide  arsénique  à  75  0/0. 

Analyse.  —  Je  dois  à  propos  de  l'analyse  de  ce  corps  faire 
une  remarque  :  Coloriano  s'est  servi  d'un  procédé  indiqué  par 
M.  Friedel,  qui  consiste  à  réduire  l'arséniate  par  l'hydrogène 
au  rouge  et  à  peser  l'alumine.  Dans  la  plupart  des  essais  que 
j'ai  faits  par  cette  méthode,  l'alumine  est  restée  grise,  retenant 
de  Tarsenic. 

Pareille  chose  du  reste  a  dû  arriver  à  M.  Lefèvre  (*),  puis- 
qu'il prend,  lui,  la  précaution  de  transformer  d'abord  l'arsenic 
en  sulfure  par  le  soufre  avant  de  réduire  par  l'hydrogène  ;  opé- 

O  Coloriano,  thèse,  p.  47;  C-  H.,  t.  QII,  p.  274. 
0)  Lefèvre,  thèse,  p.  40. 


l'ilt  H.    GOGUEL. 

ration  qu'il  est  obligé  de  répéter  plusieurs  fois  avant  d'obtenir 
une  alumine  de  poids  invariable. 

Pour  ma  part  j'ai  procédé  de  la  façon  suivante:  après  avoir 
réduit  autant  que  possible  l'arsénîate  d'aluminium  chauffé 
ilans  un  tube  de  porcelaine  par  un  courant  prolongé  d'hydro- 
^'ène,  j'ai  purgé  le  tube  par  un  courant  d'acide  carbonique, 
puis  j'ai  fait  passer  sur  l'alumine  du  chlore,  dilué  d'abord 
iJans  de  l'acide  carbonique,  alîn  d'éviter  toute  projection  de 
matière.  Ce  gaz  enlève  le  peu  d'arsenic  restant  à  l'état  de 
c;hIorure  très  volatil. 

L'alumine  même  au  rouge  retient  du  chlore  et  devient  ver- 
'lâtre,  mais  on  le  lui  enlève  facilement  en  purgeant  de  nou- 
veau l'appareil  avec  de  l'acide  carbonique  et  finalement 
remplaçant  progressivement  ce  gaz  par  de  l'hydrogène  qui 
enlève  Jill'alumine  les  dernières  traces  de  chlore.  . 

L'alumine  est  pesée  et  l'acide  arsénique  déduit  par  différence. 


TiouTé. 

OIctIc 

I 

II 

AsO'Al 

Al'O' 

30,7 

30,8 

30,93 

As'O- 

60,3 
100,0 

69,î 
100,0 

69,07 
100,00 

Ces  résultats  conduisent  bien  à  la  formule 
AsO'Al 

du  corps  étudié  déjà  par  Coloriano. 

Propriétés  physiques.  —  Ce  corps  se  présente  en  très  petits 
cristaux  blancs  très  brillants,  octaédriques,  très  nets  dans  cer- 
tniHes  préparations;  ils  appartiennent  au  système  monocli- 
[lique,  comme  on  peut  s'en  assurer  par  leur  observation  en 
lumière  polarisée,  surtout  en  lumière  convergente,  à  l'aide  de 
laquelle  on  peut  constater  qu'ils  possèdent  deux  axes  optiques 
moyennement  écartés,  dans  un  plan  perpendiculaire  à  g'  avec 
une  bissectrice  aiguë  dans  j'. 

La  petitesse  et  la  forme  de  ces  cristaux  ne  permet  guère  de 


ars!;:niates  et  antimoniatbs.  135 

préciser  davantage  leurs  propriétés,    avec    quelque  chance 
d'exactitude. 


Plomb. 


Orthoaraéniais  diplomhique. 
AsOTbH. 

Je  n'ai  trouvé  dans  mes  recherches  bibliographiques  aucune 
mention  d'arséniate  de  plomb'  cristallisé  obtenu  par  la  voie 
humide.  Il  est  bien  dit  quelque  part  (*)  que,  si  on  étend  d'eau 
une  dissolution  d'arséniate  de  plomb  dans  Tacide  azotique 
bouillant,  on  obtient  par  refroidissement  un  dépôt  de  lamelles 
cristallines  d'arséniate  de  plomb;  mais  les  essais  que  j'ai  faits 
en  suivant  cette  indication  ne  m'ont  pas  conduit  à  ce  résultat. 

Pour  ma  part,  en  étendant  modérément  d'eau  une  solution 
d'arséniate  de  plomb  dans  l'acide  azotique  bouillant,  j'ai  bien 
obtenu  par  refroidissement  un  dépôt  de  cristaux,  mais  qui 
était  toujours  constitué  par  de  l'azotate  de  plomb  qui  se  dis- 
solvait complètement  par  l'adjonction  d'une  plus  grande  quan- 
tité d'eau. 

Ce  n'est  qu'après  une  longue  série  d'essais  aussi  infructueux 
que  variés,  que  j'ai  réussi  à  préparer  par  voie  humide  un  arsé- 
niate  de  plomb  cristallisé,  et  cela,  par  le  procédé  bien  simple 
que  voici  : 

On  emplit  un  ballon  d'une  dissolution  d'azotate  de  plomb  à 
5  0/0  que  l'on  porte  à  l'ébullition.  On  cesse  de  chauffer,  et,  le 
liquide  étant  en  repos,  on  ajoute,  pour  chaque  centaine  de 
centimètres  cubes  de  liqueur,  d'abord  1  centimètre  cube 
d'acide  azotique  pur,  puis,  par  petites  portions,  6  grammes 
environ  d'acide  arsénique  en  solution  concentrée.  Celui-ci, 
arrivant  sur  la  liqueur  plombique,  y  produit  un  précipité  qui 
tombe  immédiatement  au  fond  du  vase  en  une  brillante  pluie 
de  lamelles  cristallines. 

O  c.  n.,  t.  cin. 


136  H.  GOGUEL. 

Les  cristaux  ainsi  formés  sont  très  déchiquetés  et  se  prê- 
tent mal  à  une  observation  physique.  Mais  si,  après  avoir  opéré 
ainsi  que  je  viens  de  le  dire,  on  s'empresse  de  décanter  la 
liqueur  mère,  et  si  on  la  laisse  refroidir,  il  s'y  forme  encore 
de  nombreux  cristaux  de  même  composition  dont  beaucoup, 
surtout  ceux  qui  surnagent  à  la  surface  de  la  liqueur,  sont 
susceptibles  d'une  très  bonne  étude  microscopique. 

Analyse.  —  Le  corps  ainsi  obtenu  perd  son  eau  au-dessus 
de  200°,  il  ne  se  décompose  pas  au  rouge.  J'ai  donc  dosé  l'eau 
par  perte  de  poids  à  cette  température.  Le  plomb  a  été  dosé  à 
l'état  de  sulfate,  et  l'acide  arsénique  à  l'état  d'arséniate  ammo- 
niaco-magnésien  ou  par  différence. 

Les  résultats  obtenus  sont  les  suivants  : 

Observé.  Calcalé 

I  II  AsO^*pÎ)H. 

H*0 2,27  2,30  2,59 

PbO 63,73  63,77  64,27 

As'O'^ 33,27  33,93  (par  diflf.)  33,14 

99,27        100,00  100,00 

Ce  qui  conduit  à  la  formule  : 

AsO*f 

Propriétés  chimiques  et  physiques.  —  Ce  sel  est  insoluble 
dans  l'eau,  soluble  dans  l'acide  azotique,  même  étendu. 

Il  se  présente  sous  la  forme  de  lamelles  micacées  d'un  beau 
blanc  d'argent,  à  éclat  argentin,  onctueuses  au  toucher  comme 
du  talc. 

Les  échantillons  bien  cristallisés  sont  constitués  par  de 
petites  lamelles  parallélogrammes  qui  doivent  être  considérées 
comme  des  sections  g^  d'un  prisme  monoclinique.  Elles  sont 
généralement  un  peu  allongées  suivant  un  des  côtés  et  souvent 
limitées  sur  leurs  bords  par  des  biseaux  (fig.  19). 


ARSÉNIATES  ET  ANTIMONIATRS.  137 

Si  on  appelle  h'  le  côté  le  plus  allongé  de  cette  section  g\ 
on  trouve  au  réticule  du  microscope 

pA*(aîgo)=83«2V. 

L'extinction  en  lumière  polarisée  se  fait  à  21-22°  de  h'  dans 

l'angle  p  h'  obtus.  Cette  direction 
est  négative. 

La  face  d'aplatissement  g^  étant 
observée  en  lumière  convergente, 
on  constate  qu'elle  contient  le  plan 
,  /  des  axes,  et,  d'après  les  courbes 
isochromatiques  observées,  il  est 
très  probable  que  ceux-ci  ont  une 
bissectrice  aiguë  positive. 

La  position  des  indices  est  donc  n, 
et  Up  dans  g^,  et  n„  perpendicu- 
laire à  g\ 
La  biréfringence  assez  peu  éner- 
gique ne  peut  être  déterminée  avec  exactitude,  les  lamelles 
étant  beaucoup  trop  minces. 


Fie.  19. 


Uranium. 


Historique.  —  Dans  le  Dictionnaire  de  Wurtz,  on  trouve  la 
mention  suivante  (*),  que  je  cite  dans  sa  brièveté  :  €  Arséniate 
d'uranium  U*0*As'0'  +  5H'0,  poudre  insoluble  jaune  clair.  » 
L'Encyclopédie (*),  un  peu  plus  complète,  ajoute:  «...  il  se 
précipite  quand  on  verse  un  arséniate  de  soude  dans  une  solu* 
tion  d'azotate  d'uranyle.  » 

Je  n'ai  rien  trouvé  d'autre  sur  les  arséniates  d'uranium  ; 
j'ai  donc  cherché  à  en  préparer. 


(0  Wurtz,  Dictionnaire,  1. 1,  p.  465. 
(*)  Encyclopédie  :  Uranium,  p.  11. 


138  H.  GOGLEL. 

Orthoarséniate  bibasique  d'uranyle, 
As*0\[(U»0*)OH]»H»  H-  8H»0. 

.rai  cherché  à  préparer  un  arséniate  bibasique  d'uranyle; 
j'y  suis  parvenu  très  facilement  par  la  méthode  de  Tacétate  et 
de  l'acide  arsénique,  qui  m'en  a  fourni  un  très  bien  cristallisé. 

Voici  comment  il  faut  opérer  pour  l'obtenir.  On  introduit 
dans  un  ballon  une  certaine  quantité  d'une  solution  d'acide 
arsénique  à  un  taux  quelconque^  10  0/0  par  exemple;  on  place 
le  ballon  dans  l'éluve  à  75°  environ,  puis  on  y  ajoute  par 
petites  quantités  une  solution  d'acétato  d'uranyle  en  quantité 
un  peu  moindre  que  celle  qui  produirait  un  précipité  perma- 
nent. Laissant  alors  refroidir  lentement  la  liqueur,  on  voit  se 
former  au  fond  du  vase  un  précipité  cristallin.  Celui-ci  étant 
formé,  on  reporte  le  tout  à  75®  et  on  y  ajoute  successivement 
de  nouvelles  quantités  d'acétate;  le  précipité  qui  se  forme 
chaque  fois  cristallise  peu  à  peu  sans  qu'il  soit  désormais 
nécessaire  de  laisser  refroidir  la  liqueur. 

Propriétés  chimiques,  analyse.  —  Le  corps  obtenu  est  faci- 
lement soluble  dans  les  acides  forts. 

Il  perd  une  grande  quantité  d'eau,  déjà  bien  au-dessous  de 
100^  et  ne  la  perd  entièrement  qu'au  rouge  franc. 

La  chaleur  ne  décomposant  pas  l'arséniate  lorsqu'il  est 
anhydre,  j'ai  pu  y  doser  l'eau  par  perte  de  poids. 

Pour  déterminer  l'arsenic  et  l'urane,  j'ai  d'abord  employé  le 
procédé  indiqué  par  Rivot  (^).  L'arséniate  d'urane  est  dissous 
dans  l'acide  chlorhydrique,  puis  l'acide  arsénique  est  ramené 
à  l'état  d'acide  arsénieux  par  un  courant  prolongé  d'acide  sul- 
fureux. Ce  réactif  est  ensuite  expulsé  par  la  chaleur  et  l'arsenic 
précipité  à  l'état  de  sulfure  par  l'hydrogène  sulfuré,  séparé  par 
filtration,  lavé  convenablement,  séché  et  pesé. 

On  chauffe  alors  la  liqueur  contenant  l'urane  pour  expulser 
l'hydrogène  sulfuré  et  rassembler  le  soufre.  Celui-ci  ayant  été 


(')  Rivot,  Traité  de  docimasie,  IH,  p.  188. 


ARSÉMATES  ET  ANTIMONIATES.  139 

éliminé  par  filtration,  on  précipite  Turane  en  faisant  agir  sur 
la  liqueur  de  Tammoniaque  en  grand  excès»  pendant  un  temps 
très  long,  jusqu'à  ce  qu'elle  ne  présente  plus  de  coloration 
jaune.  L'uranate  d'ammoniaque  qui  s'est  formé,  long  et  difficile 
à  laver,  est  recueilli  sur  un  filtre,  grillé  au  moufle  et  ramené 
à  l'état  de  U«0\ 

Ce  procédé  est  fort  long  et  présente  plusieurs  difficultés, 
surtout  pour  la  précipitation  complète,  le  lavage  et  le  grillage 
de  l'uranate  d'ammoniaque;  aussi,  quoiqu'il  m'ait  donné  un 
assez  bon  résultat,  j'ai  cherché  à  opérer  plus  simplement. 

J'ai  constaté  qu'on  pouvait  fort  hUn  réduire  Tarséniale 
d'urane  par  un  courant  d'hydrogène  dans  un  creuset  de  por- 
celaine chauffé  progressivement  jusqu'au  bon  rouge.  Après  un 
temps  suffisant,  il  ne  reste  qu'un  oxyde  d'urane,  qui,  par  un 
grillage  au  moufle,  est  bientôt  ramené  à  l'état  de  U*0\ 

On  obtient  ainsi  un  bel  oxyde  vert  dont  la  pesée  donne  un 
résultat  très  exact  qui  permet  de  déduire  l'acide  arsénique  par 
diflTérence.  Ce  procédé  a  sur  le  précédent  le  grand  avantage  de 
h  rapidité,  jointe  à  une  exactitude  au  moins  égale. 

Les  résultats  que  j'ai  obtenus  sont  les  suivants,  la  première 
analyse  étant  faite  par  le  procédé  Hivot  : 

Trouvé.  Calculé 

I  u''^  ÎÏT  As»O».2D'OM0H«O 

H*0 17,8  18,52  18,6  18.34 

n»0» ■       89,3  88,42  88,3  88,22 

As»0» 23,0  23,06  23,1  23,44 

100,1        100,00        100,0  100.00 

Ces  analyses  fixent  déjà  la  formule  brute  de  cet  arséniate, 
qui  est 

As*O».2U»OM0H'O. 

Hais  pour  mieux  apprécier  la  valeur  comparative  des  deux 
procédés  de  dosage  de  l'uranium  que  j'ai  employés,  il  est  pré- 
férable de  faire  abstraction  de  l'eau,  qui,  comme  on  vient  de 
le    voir,  présente  des  variations   notables   d'une  analyse  à 


\\(i  H.  COCUEL. 

l'autre,  et  de  rapporter  les  résultats  à  la  matière  anhydre,  par- 
failement  privée  d'eau  par  un  chaufTage  suffisant  au  rouge 
franc.  On  trouve  alors  : 

Trunit. Cilcnlê 

I              II  III  As'O'olSV)'. 

U'O' 7i,8          71.6  71.7              7i,76 

As'O' 28.1          28,4  28,3              28,54 

99,9  100,0  100,0              100,00 

et  Ton  voit  que  le  procédé  rapide  ne  le  cède  en  rien  comme 
oxactitude  au  procédé  Rivot. 

L'eau,  ai-je  dit,  commence  k  partir  au-dessous  de  100°.  Il 
est  intéressant  d'étudier  de  plus  près  son  dosage,  pour  arriver 
à  établir  ta  formule  exacte,  probable,  du  corps  que  nous 
étudions. 

On  peut  constater  qu'il  perd  : 


TroBH. 

Ai'O'în'O'lOH'O. 

de90»àl0(l"-115». 

10,6  0/0 

OH'O 

=  11,00  0/0 

entre  ISV  et  200°. 

1!,7 

7 

=  IJ.ÎO 

de  2fi»'-30O" 

14,5 

.8 

U,70 

aaroage  sombre... 

16,S 

g 

16,50 

au  ronge  Tif 

18,5 

10 

18,34 

Jusqu'à  100°  le  corps  perd  de  l'eau  sans  changer  de  couleur. 
En  môme  temps  qu'il  perd  la  9""  molécule  d'eau,  il  devient 
jaune  verdâtre,  puis  brun,  et  reste  brun  tombac  quand  il  est 
anhydre. 

Si  on  le  chaulTait  trop  longtemps  au  rouge  blanc,  il  pourrait 
peutêtre  subir  une  très  légère  décomposition. 

De  ce  qui  précède,  il  parait  résulter  que  deux  molécules 
d'eau  au  moins  doivent  être  comptées  comme  eau  de  combi- 
naison, celles  qui  partent  au  rouge  et  dont  le  départ  est  accom- 
pagné d'un  changement  de  couleur. 

Pour  interpréter  (es  faits  dans  ce  sens,  je  propose  la  formule 
suivante  : 


AnSÊMATGS  ET  ANTIMO  lATES.  141 

(U*0*)OH 
AsO«— H 

0     ♦  +  8H*0 

AsO'— H 

^(U'0*)OH 

représentant  le  corps  étudié  comme  un  pyroarséniate  hydraté. 

Propriétés  physiques.  —  En  paillettes  micacées  d'un  beau 
jaune  citron;  ce  sont  des  lamelles  p  d'un  prisme  quadratique. 

Optiquement,  elles  sont  uniaxes  négatives  et,  malgré  leur 
Taible  épaisseur,  montrent  très  nettement  la  croix  noire  en 
lumière  convergente. 

Si  l'on  veut  en  faire  une  préparation  dans  le  baume  de 
Canada,  on  cesse  presque  complètement  d'en  voir  les  contours. 
Leur  indice  n^  est  donc  bien  voisin  de  celui  de  ce  milieu. 

Remarque.  —  Si  on  chauffe  à  100^  le  corps  qui  vient  d'être  décrit,  on  a 
vu  qu'il  perdait  à  cette  température  6  molécules  d*eau  ;  et  cependant,  si 
pendant  plusieurs  jours  on  maintient  des  cristaux  de  cet  arséniate  à 
rétuve  à  100<>,  on  constate  avec  surprise  qu'ils  sont  restés  biréfringents  et 
qu'ils  ne  paraissent  avoir  perdu  aucune  de  leurs  propriétés  optiques. 

A-t-on  alors  affaire  à  un  nouvel  arséniate  distinct  du  précédent?  Il  aurait 
pour  formule 

As*0'.(U»0'H)»H«  +  H*0. 

Les  analyses  précédentes  rapportées  à  la  matière  à  10CK>  donnent  en 
effet: 


Calculé. 


Trouvé. 

I      ù~^     m 

H'0 8,26      8  8,03  8,25 

U»0» 66,00      »  68,98  65,41 

As'O" (pesé)  25,34      »  (diff.)  26,99  26,34 


99,60  100,00  100,00 


ARSÉNIATES  ET  ANTIMONIATES.  143 


DEUXIÈME  PARTIE 


ANTIMONIATES 


Les  antimoniates  alcalins  ont  fait  Tobjet  de  nombreux 
travaux;  il  n'en  est  pas  de  même  des  antimoniates  des  autres 
métaux. 

Dans  les  dictionnaires  (^)  et  traités  de  chimie,  on  trouve 
indiquée  la  préparation  d'un  certain  nombre  d'entre  eux  par 
double  décomposition.  Ils  sont  tous  décrits  comme  amorphes, 
ou  si  peu  cristallisés  qu'on  n'en  peut  donner  de  description 
cristallogpaphique.  On  ne  dit  rien,  en  général,  de  leur  teneur 
en  eau. 

Les  travaux  les  plus  récents  faits  sur  les  sels  de  cette  famille 
sont  dus  :  l'^  à  Beilstein  et  Blaese  (^),  qui  ont  émis  l'opinion 
qu'il  n'y  a  qu'un  seul  acide  antimonique  SbO^H'  donnant 
comme  sels  des  orthoantimoniates  monobasiques  ou  des 
méta-antimoniates.  Leurs  études  ont  porté  surtout  sur  les 
sels  alcalins. 

Postérieurement,  Ebel  (')  a  étudié  un  certain  nombre  d'an- 
timoniates  terreux  au  point  de  vue,  dit-il,  de  leur  constitution 
et  de  leurs  propriétés.  11  en  cite  quatorze  sans  indiquer  sur 
eux  autre  chose  que  leur  composition,  et  parmi  ceux-ci  se 

0)  Sauf  le  2*  soppl.  de  Wartz  qui  analyse  les  ti'avaux  cités  plus  bas. 
O  Beilstein  et  Blaese,  Bull,  de  l'Acad^  des  Se,  de  Saint-Pétersbourg,  X.  S.,  I 
(XXXIII),  p.  97-117,  et  Deutsche  chem,  Gesell.,  22  :  Referate,  p.  530. 
(')  Ebel,  Deutsche  chem»  GeselL,  t.  XXII,  p.  30ii  (année  1889). 


Ui  H.  GOCUEL. 

trouvent  les  antimoniates  de  nickel  et  de  cobalt,  doot  il  va 
être  question  plus  loin. 

11  émet  sur  eux  tous  I^avis  que  ce  sont  des  m^ta-antimo- 
niates,  à  rexception  des  sels  de  sesquioxyde  de  Ter  et  d'alu- 
mine. 

Pour  ma  part,  j'ai  pu  obtenir  et  étudier  trois  antimoniates 
bien  cristallisés,  et  voici  les  résultats  des  études  que  j'ai  pu 
faire  sur  eux. 

Orlltoanliinoniale  de  magnésium  hydraté. 
(SbO')'MgH'  +  tOH'O. 

Dans  le  DicLionnairc  de  Wurtz,  on  cite  s  le  méta-antimoniate 
de  raaynesium  {Sbû')'Mg,  flocons  volumineux  non  cristallins  >. 
ie  n'ai  rien  trouvé  d'autre  sur  ce  sel. 

Préparation.  — 11  s'obtient  en  ajoutant,  jusqu'à  formation 
d'un  précipité  permanent,  une  solution  de  pyroantimoniate 
de  potasse  (bi-méta-antimoniate  de  Fremy)  à  une  solution 
bouillante  de  sulfate  de  magnésium,  et  laissant  refroidir  après 
filtration. 

On  recueille  une  matière  blanche  cristallisée  très  adhérente 
aux  parois  du  vase. 

Analyse.  —  Avant  de  l'analyser,  j'ai  parfaitement  desséché 
dans  l'air  sec  la  matière  à  analyser,  finement  pulvérisée;  puis 
j'ai  dosé  l'eau  par  perte  de  poids,  après  m'étre  assuré  que  ce 
corps,  sous  l'action  de  la  chaleur,  ne  subit  aucune  autre  perte 
de  poids  que  celle  due  au  départ  de  l'eau. 

Sur  une  autre  prise  d'essai,  j'ai  dosé  la  magnésie  après 
avoir  dissous  la  matière  dans  une  petite  quantité  d'acide 
chlorhydrique  et  avoir  précipité  l'antimoine  de  la  dissolution, 
convenablement  additionnée  d'acide  tartrique,  par  un  courant 
prolongé  d'acide  sulfhydrique  passant  dans  la  solution  chauf- 
fée à  l'ébullilion.  Après  filtration,  dans  la  liqueur  claire,  la 
magnésie  était  précipitée,  puis  pesée  à  l'état  de  pyrophosphale 
anliydre. 


arséniatës  et  antimoniates.  145 

L^acide  antimonique  a  été  déduit  par  différence. 

Troavé.  Calculé. 

H'0 37,8       37,4  37,54 

MgO 7,1  6,99 

Sb*0' 58,8  55,47 

100,0  100,00 

Ce  qui  conduit  à  la  formule  brute 

Sb'0».Mg0.12H*0. 

La  teneur  en  eau  méritant  un  examen  plus  attentif^  j'ai  dosé 
l'eau  à  différentes  températures  pour  savoir  s'il  n'y  en  avait  pas 
une  partie  jouant  le  râle  d'eau  de  constitution. 

Voici  les  résultats  obtenus  :  le  départ  de  l'eau  commence 
au-dessous  de  100^  et  se  continue  ainsi  qu'il  suit  : 


Températore. 

Perte  observée. 

Perte  calculée  pour 

iOO» 

23,4  0/0 

7H»0  =  21,90  0/0 

ii(y> 

28,7 

130° 

31,7 

10H'0  =  31,28 

140° 

33,2 

180° 

33,5 

180° 

34,9 

12H*0  —  34,41 

200° 

37,5  (moy.) 

12H'0  —  37,54 

De  200^  au  rouge  blanc  la  perte  est  nulle. 

Ce  corps  perd  donc  toute  son  eau  au-dessous  de  200''.  Mais, 
jusqu'à  cette  température,  il  est  intéressant  de  construire  la 
courbe  des  quantités  d'eau  perdue  en  prenant  ces  quantités 
pour  ordonnées  et  les  températures  pour  abscisses. 

Voici  cette  courbe  entre  100^  et  200°.  On  voit  qu'elle  présente 
une  inflexion  très  notable  entre  440°  et  480°,  inflexion  qui 
indique,  je  pense,  qu'une  partie  de  l'eau  est  de  constitution. 
Cette  opinion  me  parait  bien  appuyée  par  ce  fait  que  ce  corps 
contient  le  môme  nombre  de  molécules  d'eau  que  les  deux  que 
je  vais  décrire  plus  loin,  qu'il  leur  paraît  très  voisin  oristallo- 

T.  I  (5«  Série).  10 


I4C  H.  fiOGUKL, 

graphiquement,  et  que  ceux-ci,  comme  on  va  le  voir,  sont 
nettement  des  orthoantîmoniates  monobasiques. 


Anhmoniai^  d*f  Maffi 


llH-o 
10H*o 
9H'o 
7H'o 

.'.'/.'. 

^.' ''."'. 

^ 

Teny  JOO*       MO"        120°       130°      140"      I50*      IBO»       I70"       18  0"      I90»     COO* 


La  formule  du  corps  que  nous  étudions  paraît  donc,  par 
analogie,  devoir  être 


SbO*~H 


0 

SbO' 


Hg  +  lOH'O 


H 


formule  très  compatible  avec  la  courbe  ci-dessus. 

Propriétés  physiques.  —  Pendant  l'analyse  déjà,  on  est 
l'rappé  par  Tune  d'elles;  le  corps,  en  effet,  qui  est  resté  blanc 
jusqu'à  200",  ou  n'est  devenu  que  très  légèrement  jaumUre, 
ilmient,  si  on  le  chauffe  au  rouge,  complètement  gris  noirâtre, 
l'C  qui  est  assez  remarquable  pour  un  sel  de  magnésium. 

De  plus,  tandis  que  jusqu'à  200°  il  reste  soluble  facilement 
dans  les  acides,  après  avoir  été  chauffé  au  rouge  il  devient 
inattaquable,  même  par  l'eau  régale  bouillante. 

.\u  microscope,  on  constate  que  cette  poudre  cristalline  est 


AHS^.MATES   ET  ANTIMOMATES.  147 

formée  de  petits  prismes  hexagonaux^  parfaitement  réguliers 
en  apparence.  Leur  observation  optique  seule  révèle  en  lumière 
polarisée  qu'ils  sont  rhombiques  pseudo-hexagonaux,  car  elle 
fait  constater  des  macles  multiples. 

Ces  cristaux  sont  formés  de  deux  pyramides  hexagonales 

opposées  par  le  sommet  et  formées  chacune  de  6  tétraèdres 

diversement  orientés  et  d'un  remplissage  complétant  le  prisme 

hexagonal. 

Si,  en  effet,  on  observe  attentivement  la  base  de  ces  cristaux 

avec  Taide  du  quartz  teinte  sensible,  on  la 
voit  se  diviser  en  six  secteurs  (fig.  21)  opti- 
quement positifs  suivant  leurs  hauteurs.  En 
lumière  convergente  on  ne  voit  rien. 

Si  on  observe  les  faces  du  prisme  en 
lumière  folarisée  parallèle,  on  remarque  avec 
surprise  que  chaque  cristal  présente  une  croix 
ou  une  hyperbole  noire  qui  limite  trois  zones  (fig.  22)  :  deux 
appuyées  sur  les  bases,  positives  suivant  Taxe  du  prisme,  et 

Tautre  médiane  positive  suivant  une 
direction  perpendiculaire. 

La  croix  ou  les  hyperboles  sont  le 
résultat  de  la  compensation  de  ces 
trois  2ones  à  leur  contact. 
Pareil  phénomène  est  rare  dans 


Fig.  81. 


Fie.  n. 


les  corps  extérieurement  hexagonaux. 

Orthoantimoniate  de  nickel  monobasique  hydraté. 

(SbO*)'NîH*  +  lOH'O. 

Ce  corps  est  simplement  cité  par  Ebel  (*),  qui  n'indique  ni 
son  mode  de  préparation  ni  ses  propriétés  optiques. 

Préparation.  —  Si,  à  une  solution  froide  et  concentrée  de 
chlorure  de  nickel,  on  ajoute  quelques  centimètres  cubes 
d'une  solution  de  pyroanlimoniate  de  potasse,  on  obtient  un 


(*)  Ebel,  Deutsche  chem.  Gesell.,  22:  Referate,  p.  530. 


lis  H.   GOGUEL. 

précipité  qui  peut  se  transformer  de  manière  à  donner  après 
plusieurs  semaines  quelques  milligrammes  d'antimoniate  de 
nickel  cristallisé. 

On  peut  opérer  plus  rapidement  en  portant  la  solution  de 
chlorure  de  nickel  à  Tébullition,  ajoutant  un  peu  d'antimo- 
niate  de  potasse^  filtrant  après  quelques  instants  de  digestion 
à  rébuUition  et  laissant  refroidir  pendant  un  jour,  puis  ré- 
chauffant la  solution  de  chlorure,  lui  refaisant  dissoudre  un 
peu  d'antimoniate  de  nickel  et  laissant  de  nouveau  refroidir. 

11  faut  cependant  renouveler  l'opération  un  très  grand 
nombre  de  fois  pour  obtenir  une  quantité  analysable  d'arsé- 
niate  cristallisé.  Celui-ci  adhère  assez  fortement  aux  parois  du 
vase,  ce  qui  permet,  pour  l'avoir  pur  et  propre,  d'en  brosser 
légèrement  les  cristaux  pour  les  débarrasser  du  peu  de  matière 
amorphe  qui  les  accompagne. 

Analyse.  —  Sur  une  première  prise  d'essai,  l'eau  a  été 
dosée  par  perte  de  poids  à  différentes  températures.  Une 
deuxième  prise  d'essai  a  été  dissoute  dans  une  petite  quantité 
d'acide  chlorhydrique.  La  solution  étendue  a  été  additionnée 
d'acide  tartrique,  et  le  tout  porté  à  une  température  voisine 
de  l'ébuUition,  soumis  dans  un  ballon  à  un  courant  prolongé 
d'acide  sulfhydrique.  Le  précipité  d'antimoine  bien  rassemblé 
par  l'ébuUition  a  été  séparé  par  flltration  et  lavé  avec  de  l'eau 
additionnée  d'acide  sulfhydrique. 

La  liqueur  filtrée  a  été  évaporée  et  le  résidu,  grillé  au 
moufle,  a  été  transformé  en  sulfure  par  le  soufre  dans  un  cou- 
rant d'hydrogène,  puis  en  sulfate  anhydre,  et  pesé  à  cet  état. 

Étant  donné  le  peu  de  matière  dont  il  était  possible  de  dis- 
poser, l'antimoine  a  été  déduit  par  différence,  aucun  autre 
procédé  ne  pouvant  d'ailleurs  être  plus  exact. 

Trouvé.  Calculé. 

H'0 35,4        35,41 

NiO 12,3         12,24 

Sb*0' «2.3         82,35 

100,0        100,00 


ARSdiMATKS    ET  ANTIXONIATES.  140 

Les  nombres  calculés  se  rapportent  à  la  formule  brûle 
Sb*0'.Ni0.12H*0. 

Il  est  intéressant  d'étudier  de  plus  près  comment  se  fait  le 
départ  de  Teau,  afin  d'établir  exactement  le  type  chimique  du 
corps  étudié. 

La  matière  commence  à  perdre  son  eau  au-dessous  de  100"*, 
bien  que  toutes  les  précautions  aient  été  prises  pour  la  sécher 
auparavant,  d'une  façon  complète,  dans  l'air  sec.  Elle  en  perd 
d'une  façon  régulière  jusqu'aux  environs  de  200°  ;  entre  200** 
et  250°,  on  constate  un  temps  d'arrêt  dans  la  perte  d'eau,  puis 
un  changement  de  couleur;  la  matière,  de  verdâtre  qu'elle 
était,  devient  jaune,  et  perd  le  reste  de  son  eau  au  rouge 
sombre. 

Voici  le  détail  des  pesées;  en  regard  des  pertes  de  poids 
constatées,  je  mets  les  nombres  théoriques  correspondant  à 
certaines  pertes  de  poids  définies  : 


Température. 

Perle  obserTée. 

Perle  calculée  pour 

100» 

21,2  0/0 

6H*0  =  21,61  0/0 

180° 

26,4 

9H'0  —  26,86 

198° 

29,2 

lOH'O  =  29,38 

208° 

*»'*)|g 

280° 

29.8    II 

ronge 

38.4  )  5« 

12H'0  =  38,41 

Ce  temps  d'arrêt  dans  la  perle  de  l'eau,  accompagné  en 
outre  d'un  changement  de  couleur,  indique  bien  que  deux 
molécules  d'eau  sont  de  constitution. 

II  faut  donc  attribuer  au  corps  la  formule 

Sb«0»Ni02H'0  +  10H»0, 
ou 

SbO*^H 

^Ni  +  10H»0 
SbO*^H 


ITlO  H.    GOGUEL. 

C'est  uu  orthoantimoniate  monobasique^  dont  Tanalyse 
donne  nettement  raison  à  Thypothèse  de  Beilstein  et  Blaese. 

Ce  corps,  lorsqu'il  est  hydraté  ou  lorsqu'il  contient  encore 
deux  molécules  d'eau,  est  soluble  dans  les  acides.  Complè- 
tement déshydraté,  il  est  insoluble  même  dans  l'eau  régale 
bouillante. 

Propriétés  physiques,  —  C'est  une  belle  matière  de  cou- 
leur vert  bleuâtre  en  cristaux  tabulaires  hexagonaux  très  nets. 
Constamment  éteints  en  lumière  polarisée  parallèle,  ils  mon- 
trent en  lumière  convergente  une  croix  noire  correspondant 
à  un  axe  optique  positif.  Ils  paraissent  assez  biréfringents. 


Orthoantimoniate  de  cobalt  monohcmque  hydraté, 

(SbO*)'CoH*  +  iOH'O. 

Ce  que  l'on  peut  écrire  sur  ce  sel  est  la  répétition  textuelle 
de  ce  qui  a  été  dit  sur  le  sel  correspondant  de  nickel  ;  il  est 
également  cité  par  Ebel  (^),  qui  n'indique  que  sa  formule. 

Préparation.  —  Elle  peut  encore  se  faire,  soit  à  froid,  soit 
à  chaud,  identiquement  comme  il  a  été  dit  pour  le  nickel,  et 
dans  les  mêmes  conditions. 

Analyse.  —  Elle  aussi  a  été  faite  par  le  procédé  décrit  au 
paragraphe  précédent,  dans  lequel  il  suffit  de  substituer  le 
mot  cobalt  au  mot  nickel. 

Les  résultats  trouvés  sont  les  suivants  : 

TroufA.  Galeulé. 

H'0 34,92        38,7  38,41 

CoO U,9  12,24 

Sb'O» 82,4  82,38 

100,0  100,00 

Le  premier  dosage  d'eau  se  rapportait  à  un  échantillon 
préparé  à  froid. 

Les  mêmes  remarques  que  précédemment  peuvent  se  faire 
ici  en  ce  qui  concerne  le  départ  de  l'eau. 


ARSÉNIATES  ET  ANTIMONIATES.  151 

Si  on  l'étudié  de  près,  on  constate,  à  différentes  tempéra- 
tures, les  pertes  suivantes  : 


Température. 

Perle  observée. 

Perte  calcalée  pour 

100» 

22,1  0/0 

6H'0  —  21,61  0/0 

«3» 

27,7 

170» 

28,2 

180» 

29,9 

lOH'O  =  29,38 

196» 

• 

29,6 

240° 

29,7  C) 

fusion  da 

plomb  34,2 

rouge 

33,7 

12H'0  —  35,41 

De  100®  à  180®,  la  matière  passe  du  rose  au  violet  et  au 
bleu.  A  240®,  elle  est  gris  bleu;  mais  à  la  température  de 
fusion  du  plomb,  elle  devient  noire  et  en  même  temps  inso- 
luble dans  les  acides  forts. 

On  remarque  que  de  180°  à  240®,  la  perte  d'eau  est  nulle. 

La  formule  du  corps  que  nous  étudions  est  donc  identique 
à  celle  du  corps  précédent. 

SbO*;-H 

Co  +  lOH'O 
SbO*^H 

C'est  aussi  un  orthoantimoniate  monobasique  hydraté. 

Propriétés  physiques.  —  C'est  une  belle  matière  rose  chair 
qui,  préparée  par  le  chlorure  bouillant,  se  présente  en  cris- 
taux hexagonaux;  ce  sont  de  minces  paillettes  à  contours 
hexagonaux.  Constamment  éteintes  entre  les  niçois  croisés; 
optiquement  uniaxes  positives. 

Cependant,  dans  certaines  préparations  faites  à  froid,  les 
lamelles  hexagonales  sont  légèrement  allongées  suivant  une 


0)  Le  gain  apparent  provient  de  ce  que  les  chiffres  à  180®  et  à  196"  n'ont  pas  6iâ 
obtenus  sur  le  même  échantillon. 


15j  H.   GOGUEL. 

de  leurs  diagonales;  et  bien  que  leurs  angles  soient  de  130", 
elles  sont  légiÏPCinent  biréfringentes  et  positives  suivant  leur 
plus  grand  diamètre. 

Ce  corps  pourrait  donc,  en  réalité,  être  pseudo-liexagonal. 


ARSÉNIATES   KT  ANTIMONIATES.  153 


CONCLUSIONS 


ARSÉ38IATES. 

Désireux  de  contribuer  à  l'étude  cristallographique  des  arsé- 
niateSy  j'ai  commencé,  pour  me  procurer  des  matériaux,  par 
chercher  à  reproduire  les  corps  déjà  connus,  en  me  servant 
des  procédés  indiqués  par  les  auteurs  précédents. 

Ces  procédés  m'ont,  en  outre,  donné  des  corps  nouveaux 
susceptibles  d'études  cristallographiques,  tandis  que,  d'autre 
part,  parmi  ceux  déjà  connus,  certains  se  prêtaient  mal  à  ce 
genre  d'études. 

Pour  ceux-ci,  j'ai  dû  chercher  des  méthodes  nouvelles  de 
préparation,  et  celles  que  j'ai  trouvées,  ayant  une  certaine 
généralité,  m'ont  encore  fourni  quelques  sels  inédits. 

De  la  sorte,  j'ai  pu  étudier  les  propriétés  cristallographiques 
des  arséniates  suivants,  que  j'énumère  en  les  classant  suivant 
leur  type  chimique,  en  indiquant  leur  système  de  symétrie  : 

Môtaarsénlate. 

(AsO')»(Hg')    hexagonal. 

Pyroaraéniates. 

Às'O^Cd'    rhombiqne. 
As»0'(NiOH)*H*    monoclinique. 
As'0^(CoOH)»H'  id. 

As'OXZnOH)»H»  4-  7H'0    triclinique. 
As»0'[(U'0»)OH]»H'  +  8H*0    quadratique. 


Anhydres  : 


OrlhoarsAnlaleB- 


AsO'Ag'^    cubique  létraédrique 

(AsO*)'  (Hg')*    rhoinbique. 

AsO'Al      monocliniqoe. 

(AsO')'Ca' 

U. 

(AsO')'Hg- 

id. 

kso'na 

id. 

AsO'CaH 

Iricliniqne. 

AsO'SrH 

id. 

AsU'BaH 

id. 

As'O'-Zn'H' 

id. 

Hydratés  : 

AsO'CaH  +  H'O    rlloml)iqae. 

AsO'SrH  +  H'O  id. 

AsO'BaH  +  H'O  id. 

AsO'ZiiH  +  H'O    monoclinique. 

AsO'CuH  +  H'O  id. 

AsO'UnH+H'O  id. 

J'ai  donné  de  ces  corps  une  description  cristallograpllique 
parfois  très  complète  et,  pouf  presque  tous,  entièrement  inédite. 
.Mais  en  outre,  parmi  eux,  un  certain  nombre  sont  aussi  inédits 
quant  à  leur  préparation  que  quant  à  leurs  propriétés  physi- 
ques. Ce  sont  : 

(AsO-)'(Hg'). 

As'O'lCd'). 

As'0'(NiOH)'H'. 

As'0'(CoOH)'H'. 

As'0'(ZiiOH)'H'  +  7H'0. 

As'0'[(L"0')OH]'H'  +  8H'0. 

(AsO')'llg'. 

AsO'CaH. 

AsO'SrH. 

AsO'BaH, 

As'0"Zii'H'. 

AsO'CaH  +  H'O. 

AsO'SrH  +  H'O, 


AhSÉNUTES  ET  ANTIMOMATBS.  155 

Enfin,  je  crois  avoir  eu  le  premier,  à  Tétat  cristallisé, 
l'arséniate 

AsOTbH. 

Comme  conséquence  de  ce  travail  ressort  Texistence  d'un 
certain  nombre  de  groupes  isomorphes,  dans  la  famille  des 
arséniates  :  ainsi,  les  arséniates  alcalinoterreux  du  type 
AsO^M'H,  formant  une  série  de  corps  tricliniques  ;  les  arsé- 
niates alcalinoterreux  du  type  AsO^M'H  +  H*0,  formant  une 
série  rhombique  qui  paraît  également  isomorphe;  de  même 
que  la  série  du  même  type  chimique  comprenant  le  zinc, 
cuivre,  manganèse,  qui  est  monoclinique. 

Pour  la  synthèse  des  arséniates  des  types  pyroarséniate  ou 
orthoarséniate  bibasique,  j'ai  employé  un  procédé  consistant 
en  ceci  :  faire  réagir  Tacide  arsénique  pur  sur  un  acétate  à 
une  température  convenable.  On  peut  juger  maintenant  de  sa 
valeur  par  Ténuméralion  des  corps  bien  cristallisés  qu'il  m'a 
fournis. 

Il  me  parait  intéressant  de  mettre  en  regard  de  leur  formule 
la  température  à  laquelle  ils  ont  été  obtenus  : 


AsO'CuH  +  H'O 

lempératore  ordinaire. 

AsO'MnH  4-  H»0 

l(y  environ. 

As'0'[(U'0')OH]'H« 

+  8H'0 

» 

AsO'CaH  H-  H'O 

100»-108«. 

AsO'ZnH  ■+■  H»0 

» 

AsO'SrH 

, 

> 

AsO'CaH 

180°. 

AsO*BaH 

» 

As»0'(CoH)'H» 

> 

A8'0'(NiOH)«H» 

200^-230°. 

On  remarque  dans  ce  tableau  que,  au-dessus  de  180^  on  ne 
produit  pas,  même  par  voie  humide,  de  sel  hydraté,  tout  au 
moins  par  ce  procédé. 

Une  autre  méthode  :  action  de  Tacide  arsénique  sur  un 


ifiCi  H    VOGUBl. 

azotate,  m'a  donné  AsO'Hg'  et  AsO*(Hg')',  tandis  que  l'action 
de  l'arséniate  disodique  sur  l'azotate  de  plomb,  en  présence 
d'acide  azotique  libre,  me  donnait  AsO*PblI  cristallisé. 

Au  point  de  vue  analytique,  j'ai  indiqué  une  méthode 
nouvelle  pour  l'analyse  des  arséniates  d'uranium  et  une  légère 
modification  du  procédé  de  M.  Friedel  pour  t'analyse  de 
l'nrséniale  d'aluminium. 


ANTIHONIATBS. 

Je  n'ai  pu  préparer  et  étudier  que  trois  antimoniates 
cristallisés.  Ce  sont,  jusqu'à  présent,  les  seuls  qui  aient  été 
étudiés  cristallographiquement. 

Comme  on  l'a  vu,  tous  les  trois  ont  la  même  formule  brute 
et  peuvent  être  considérés  comme  étant  isomorphes,  étant 
tous  hexagonaux  ou  pseudo-hexagonaux. 

J'en  ai  Tait  l'analyse  avec  le  plus  grand  soin,  afm  de  bien 
établir  le  type  chimique  auquel  ils  appartiennent,  et  j'ai  cons- 
taté que  tous  les  trois  contiennent  de  l'eau  de  combinaison.  Je 
présente  ici  en  un  tableau  d'ensemble  les  courbes  indiquant 


AntùnonÀaùs  _  Ptrtt  diaa^-"^  MiÀicalts 


lOO-  i»0' 


aao*       ctK>* 


leurs  pertes  d'eau,  dressées  à  la  même  échelle,  prenant  pour 


ARSÉXIATES   ET  AKTIMOMATES.  1.^7 

abscisses  les  températures  et  pour  ordonnées  les  quantités 
d'eau  perdues  exprimées  en  molécules. 

Pour  deux  d'entre  eux  on  doit,  sans  hésitation,  admettre 
deux  molécules  d'eau  de  combinaison.  C'est  pour  ceux  de 
cobalt  et  de  nickel,  justement  ceux  dont  les  formules  sont 
déjà  citées  par  Ebel,  lorsqu'il  émet  l'avis  que  tous  les 
anlimoniates,  sauf  ceux  d'aluminium  et  de  fer,  sont  des 
méta-antimoniates. 

Quant  au  sel  de  magnésium,  dont  j'ai  le  premier  donné 
la  formule  complète,  on  voit  aussi  qu'il  contient  de  l'eau 
de  combinaison.  Son  isomorphisme  apparent  avec  les  deux 
précédents  m'a  amené  à  lui  attribuer  la  môme  formule. 

En  somme,  les  trois  antimoniates  cristallisés  connus  n'ap- 
partenant pas  aux  métaux  alcalins  sont  des  orthoanlimoniates 
a  dix  molécules  d'eau  d'hydratation  du  type 

/H 

.  M'  +  10H»0 
SbO'^H 
H 

Hexagonaux  ou  pseudo-hexagonaux. 


ÉTUVAGE 


DES 


FARINES  D'ARMEMENT 


PAR  U.  LE  D'  P.  CABLES. 


L'expansion  coloniale  française  rend  plus  urgent  que  jamais 
le  besoin  d'assurer  la  conservation  des  matières  alimentaires 
destinées  à  nos  compatriotes  d'outre-mer  et  surtout  de  la 
farine  de  froment  qui  doit  former  la  base  de  leur  alimentation. 

Pour  arriver  à  ces  résultats,  on  s'est  contenté  pendant  fort 
longtemps  de  ne  traiter  que  des  blés  indigènes  tendres  récoltés 
dans  des  régions  où  le  terrain  et  l'atmosphère  sont  générale* 
ment  secs  ;  on  les  passait  à  la  meule  sans  mouillage  et  enfln 
on  préservait  leur  farine  de  l'humidité  marine  en  les  logeant 
dans  des  tonneaux  de  bois  bien  clos.  Ce  système  a  suffi  pen- 
dant de  longues  années. 

Mais  à  la  suite  des  facilités  de  communications  qu'a  pro- 
curées la  vapeur,  le  commerce  a  trouvé  plus  avantageux,  pour 
abaisser  le  prix  des  farines  sans  nuire  à  leurs  qualités  nutri- 
tives, de  mélanger  pour  la  mouture  non  seulement  les  blés  des 
diverses  contrées  de  l'Europe,  mais  même  ceux  du  monde 
entier.  Les  blés  demi-durs,  plus  substantiels,  moins  hygrosco- 
piques  et  de  conservation  plus  facile,  sont  entrés  ainsi  de 
plain-pied  dans  les  minoteries.  Mais  comme  leur  texture  est 
plus  cornée,  à  cause  de  leur  richesse  en  gluten,  et  qu'ils  four^ 
nissent  une  farine  moins  blanche,  on  a  pris  l'habitude  de 
mouiller  ces  blés  avant  la  mouture,  parce  que  cette  humidité 


160  D'^  p.  GARLES. 

artificielle  détruit  la  consistance  cornée  (^)  du  gluten,  rend  la 
mouture  plus  facile  et  surtout  produit  une  farine  plus  divisée, 
plus  opaque  et  plus  mate,  c'est-à-dire  plus  blanche.  Si  nous 
ajoutons  que  ce  mouillage  facilite  la  séparation  de  la  pellicule 
ou  son  du  blé,  ce  qui  augmente  le  rendement  en  farine  et 
est  un  des  facteurs  de  sa  blancheur,  on  comprendra  que  les 
minotiers  aient  une  tendance  à  généraliser  l'application  du 
mouillage  préalable  à  toutes  sortes  de  froment.  Enfin,  comme 
Tobtention  de  la  blancheur  reste  toujours  une  des  principales 
préoccupations  des  meuniers,  qu'ils  la  produisent  mieux  avec 
les  nouveaux  moulins  à  cylindres  en  graduant  la  désagrégation 
du  grain,  et  que  cette  désagrégation  est  facilitée  par  le 
mouillage,  on  en  est  arrivé  non  seulement  à  mouiller,  mais 
même  à  laver  à  Teau  courante  les  blés  avant  la  mouture  afin 
d'entraîner  les  impuretés  grisâtres  adhérentes. 

Malheureusement,  en  opposition  avec  tous  ces  avantages,  le 
mouillage  offre  de  grands  inconvénients  qu'on  peut  résumer 
en  ces  mots  :  Il  est  la  cause  principale  de  Valtératitm  des 
farines  i^). 

Voilà  pourquoi  les  farines  d'aujourd'hui  sont  de  moins 
bonne  conservation  que  celles  d'autrefois,  provenant  de  grains 
non  lavés  et  non  mouillés,  et  pourquoi  les  minoteries  qui  fabri* 
quent  des  farines  de  conserve  sont  obligées  de  les  dessécher 
avant  de  les  livrer  à  la  boulangerie.  Et  comme,  d'une  part, 
cette  altérabilité  est  d'autant  plus  grande  que  les  produits  sont 
plus  anciens  et  transportés  dans  des  régions  à  la  fois  plus 
humides  et  plus  chaudes,  telles  que  la  plupart  de  nos  colo- 
nies, et  que,  d'autre  part,  on  n'a  aucun  moyen  de  vérifier  si 
une  farine  provient  de  blés  mouillés  o&  non  mouillés,  on  com- 
prend que  l'administration  de  la  marine  et  celle  des  colonies 
prennent  leurs  mesures  pour  assurer  la  conservation  de  cette 


(i)  Cette  action  bienfaisante  du  mouillage  préalable  du  grain  est  plus  sensible 

encore  avec  le  riz,  le  salep qui  ne  donneraient  à  sec  qn*une  poudre  rude  et 

grisâti'e. 

{})  Balland,  Recfierches  sur  les  blés,  les  farines  et  le  pain,  page  122. 


ÉTUVAGE  DES  FARINES  D'aRMEMENT.  161 

denrée  dans  des  pays  et  dans  des  milieux  essentiellement 
défavorables  à  une  longue  garde. 

Mais  pour  bien  discuter  les  traitements  imposés  aux  soumis- 
sionnaires^ il  y  a  lieu  d'établir  que  Thumidité  n'est  que  la 
cause  secondaire  du  mal  et  que  les  causes  directes  ou  pre- 
mières sont  multiples,  comme  nous  allons  le  voir. 

Parmi  les  principales,  on  distingue,  en  effet  : 

1^  Les  (Bfuf$  que  les  insectes  d'espèces  nombreuses  (charan- 
çons;  alucites,  mites  diverses,  etc.),  ont  déposés  sur  les  grains 
de  froment  sur  pied  ou  en  grenier  ; 

2^  Les  spores  ou  graines  de  moisissures,  sans  cesse  trans- 
portées par  les  vents  et  retenues  par  le  blé  dans  les  mêmes 
conditions  que  précédemment  (rouille,  carie,  charbon,  pénicil- 
lium, oïdium ); 

3°  Les  germes  de  microbes  de  toute  nature,  libres  dans 
l'atmosphère,  et  tout  aussi  nombreux  partout  où  les  blés  sont 
conservés  ou  moulus; 

4o  Enfin  les  ferments  solubles  ou  diastases  (céréaline  et 
autres)  que  le  blé  porte  en  réserve  au-dessous  de  sa  robe  et 
autour  de  son  embryon  (*)  et  auxquels  viennent  se  joindre 
plus  tard  ceux  que  sécrètent  les  insectes,  les  spores  et  les 
microbes  dès  qu'ils  prennent  vie,  afin  de  rendre  les  éléments 
constituants  du  froment  propres  à  leur  assimilation  (2). 

Or,  pour  que  les  œufs  des  insectes  que  nous  avons  nommés 
les  premiers,  éclosent,  il  faut  que  la  température  s'élève 
au-dessus  de  12  degrés.  Mais  il  suffît,  d'autre  part,  de  les 
chauffer  vers  55  degrés  pour  empêcher  leur  éclosion,  pour  les 
stériliser,  comme  on  dit  communément  aujourd'hui.  Cette 
action  de  la  chaleur  s'explique  par  la  propriété  qu'ont  les 
albuminoïdes  qui   les  constituent  de   se  coaguler  de  55  à 


0)  BaUand,  loc.  cU.,  p.  82-83. 

(*)  C'est  pour  une  cause  absolument  semblable  que  l'homme  et  les  animaux 
supérieurs  sécrètent  de  la  pepsine  dans  Testomac,  de  la  pancréatine  dans  l'in- 
testin.. .,  afin  de  rendre  liquides  et  assimilables  le  gluten  et  Tamidon  du  pain  ou 
des  graines. 

T.  I  (5«  Série).  11 


162  H'  P-    CARLBS. 

75  degrés,  comme  cela  arrive  au  blanc  d'oeuf  au  contact 
du  feu. 

Les  spores  des  moisissures  sont  les  pires  ennemis  de  la. 
farine.  Elles  ont  l'évolution  plus  facile  et  la  vie  plus  tenace; 
c'est-à-dire  qu'elles  éclosent  à  une  température  plus  basse  {') 
et  que  pour  les  stériliser  sûrement  on  est  obligé  d'atteindre  de 
plus  hauts  degrés  {*).  Ainsi,  Payen  a  vu  les  spores  d'un  cham- 
pignon qui  pousse  dans  la  mie  de  pain,  V  Oïdium  aurantiacum, 
résister  à  une  chaleur  de  120  degrés,  et  Pasteur  des  spores  de 
PeniciîHum  glaucam,  moisissure  tout  aussi  commune,  germer 
après  avoir  été  portées  à  108  degrés  (').  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  que  ces  spores  périssent  à  une  température  beaucoup 
plus  basse  si  elles  se  trouvent  dans  l'eau  (*)  ou  même  dans  un 
milieu  humide  (").  Enfin,  notons  bien  que  si  leur  température 
de  prédilection  est  30-40  degrés,  la  dose  d'humidité  du  milieu 
dans  lequel  elles  se  trouzent  alors  possède  sur  leur  germina- 
tion et  leur  prolifération  une  influence  capitale  {^). 

Quant  aux  microbes  :  levures,  mycodermes,  micrococcus, 
bactéries,  bacilles,  vibrions,  leur  histoire  est,  au  point  de  vue 
qui  nous  intéresse,  assez  semblable  à  celle  des  spores  des 
moisissures.  L'action  du  calorique  sur  leurs  germes  est 
pareille,  mais  les  adultes  sont  plus  sensibles  à  l'influence  de 
la  chaleur  et  plus  encore  à  celle  du  froid  qui,  dès  -(-  iâ  -1-  10 
+  8  degrés,  les  fait  tomber  en  léthargie.  Eux  aussi  n'ont 
d'action  que  si  le  milieu  est  fort  humide. 

Lorsque  l'humidité  gagne  lentement  la  farine,  ils  agissent  par 
ilôts,  par  places,  en  liquéfiant  le  gluten  de  cette  farine,  le  rendant 
acide,  en  déterminant  la  formation  irrégulière  d'a^lomérations 
désignées  en  minoterie  sous  le  nom  de  matons.  Si  l'humidité 


(<)  If-S*  Voir  Chim.  hM.  Ouclaux,  p.  97.  Le  PtnieMuim  glaucwm  poune  ti^ 
bieD  dani  les  caves  de  Roquefort,  dout  1b  température  csI  voisine  deâ  et  3  degrés. 
(*)  Jd.p,  101. 
(')  îd.,  p.  101. 

(')  D'après  i)chmi<lt,  le  Peniciftium  fflaufuni  péril  dans  l'eau  i6t>(i(J.ip,101)> 
<*i  58",  62',  74',  78°.  70»,  73».  Hoffmann,  loc.  cit.,  p.  IW. 
(•j  Id.,  p.  98. 


ÉTUVÀGE  DES  FARINES  D'àRMEMENT.  163 

envahit  plus  brusquement  la  masse^  ils  sont  précédés  ou 
agissent  de  concert  avec  les  moisissures  qui,  elles  aussi,  liqué- 
fient et  acidifient  le  gluten. 

Les  diastases  ne  préexistent  guère  à  Tétat  de  liberté  dans 
la  farine  fraîche  ;  elles  sont  plutôt,  comme  nous  Tavons  déjà 
fait  pressentir,  la  conséquence  de  révolution  de  tous  les  fer- 
ments figurés  que  nous  venons  de  passer  en  revue.  Cependant 
leur  préexistence  est  admise  par  certains  chimistes,  tels  que 
Mège-Mouriès,  Balland  (*)  et  Girard  (*).  Quoi  qu'il  en  soit,  nous 
devons  retenir  que  ces  ferments  solubles  sont  stérilisés  vers 
55-60°  degrés;  et  que  pour  exercer  leur  action  nocive  ils 
exigent  impérieusemenit  la  présence  d'une  certaine  quantité 
d'eau  anormale,  de  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  humidité. 

En  résumé,  de  toutes  ces  espèces  de  parasites  et  d'agents 
nocifs  des  farines,  il  n'en  est  qu'une  seule  qui  puisse  exercer 
son  action  nuisible  sans  l'intervention  de  l'humidité,  ce  sont 
les  œufs  d'insectes  divers.  Tous  les  autres  réclament  absolu- 
ment  l'intervention  de  l'eau  et  leur  rôle  powtrci  être  d'autant 
plus  actif  et  partant  ^?iw  préjudiciable  que  la  proportion  de 
cette  eau  sera  pltis  élevée,  que  le  degré  d*hydratation  des 
farines  sera  plus  fort. 

Par  conséquent,  stériliser  les  œufs  d'insectes,  atteindre 
autant  que  possible  les  spores  des  moisissures  ainsi  que 
certains  germes  microbiens  et  surtout  réduire  l'humidité  à  son 
minimum,  tel  doit  être  rationnellement  le  but  à  poursuivra 
pour  assurer  la  conservation  des  farines  d'armement. 

Voyons  maintenant  quels  sont  les  moyens  qu'emploie  pour 
cela  l'industrie  et  ceux  que  réclament  les  Administrations 
françaises. 

Dans  certaines  régions  du  Midi,  surtout  pendant  les  mois 
secs  de  l'été,  on  a  la  prétention  d'arriver  à  communiquer  aux 


(^)  Loco  cUato,  p.  207  et  127.  Balland  attiibne  à  ces  diastases,  peut-être  à  tort,  la 
décomposition  lente  du  gluten  et  la  production  d^alcaloîdes  toxiques  dans  les 
vieilles  farines. 

(^Documents  sur  les  falsifications  des  matières  alimentaires,  pi  505. 


164  H^  p.    CARLES. 

farines  les  qualités  requises  pour  l'exportation  en  les  exposant 
à  l'air  sur  de  vastes  surfaces  qu'on  renouvelle  et  qu'on  mul- 
tiplie sans  cesse  à  l'aide  du  pelletage  à  bras  ou  mécanique. 

II  nous  semble  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  d'at- 
teindre par  ce  moyen  le  but  poursuivi.  Que  l'aérage,  que  le 
pelletage  invitent  les  insectes  parfaits  à  abandonner  la  farine  ; 
que  ces  manœuvres  gênent  l'évolution  de  leurs  œufs  en  iacu- 
bation,  on  n'en  saurait  douter  ;  mais  la  majeure  partie  des  œufs 
résiste  et  ne  manquera  pas,  à  l'heure  de  l'éclosion,  de  produire 
des  dégâts.  Quant  aux  spores  et  aux  germes  de  microbes,  un 
pareil  traitement  n'est  pas  fait  pour  les  gêner  beaucoup.  Reste 
l'humidité.  Comme  la  dose  que  retient  la  farine  est  toujours  en 
relation  constante  d'équilibre  avec  l'état  hygrométrique  de  l'air, 
il  est  difficile  par  ce  moyen  de  réduire  sensiblement  le  taux 
d'hydratation  initial.  Dans  tous  les  cas,  il  est  impossible  que 
CCS  farines  aient  les  mêmes  chances  de  conservation  que  celles 
dont  il  va  être  parlé. 

Aujourd'hui,  en  effet,  les  Administrations  françaises  chargées 
de  ravitalllef  les  colonies  et  certaines  places  fortes  exigent  que 
les  farines,  avant  la  mise  en  baril  ou  en  caisses  métalliques, 
soient  étuvées  dans  un  courant  d'air  chaud.  En  principe,  l'étu- 
Vage  est  une  opération  des  plus  logiques,  puisqu'il  a  pour  but 
non  seulement  d'enlever  à  la  farine  l'eau  de  mouillage  et  une 
partie  de  l'eau  de  végétation,  mais  même  de  stériliser  les  œufs 
d'insecles  et  quelques  spores  microbiens.  Son  application  à 
nos  denrées  peut  être  toujours  vérifiée,  car  toute  farine  dess^ 
chée  de  façon  à  perdre  à  la  fois  l'eau  de  mouillage  du  blé  et 
les  deux  centièmes  de  celle  que  possédait  normalement  le 
tjrain,  augmente  toujours  de  poids  lorsqu'on  l'expose  vingt- 
ijuatre  heures  à  l'air.  On  a  bien  dit  et  cru  longtemps  que  cette 
reprise  était  constamment  égale  à  la  proportion  d'eau  normale 
enlevée  par  l'étuvage;  mais  les  faits  démontrent  que  c'est  là 
une  hypothèse  gratuite.  Toute  reprise  à  l'air  est  influencée  par 
son  degré  hygrométrique,  si  bien  que  telle  farine  qui  reprend 
aujourd'hui  2  0/0  s'arrêtera  de  0,80  à  1,20  si  le  temps  est  très 


ÉTUVAGE  DBS  FARINES  d'ARMEMENT.  168 

sec  et  le  baromètre  haut,  et  pourra^  au  contraire,  dépasser  2,50 
si  Tatmosphère  est  pluvieuse  et  saturée  d'humidité. 

Mais  par  cela  seul  qu'une  farine  titre  H  0/0  d'hydratation  (*) 
et  que  son  aptitude  de  reprise  à  l'air  est  positive,  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'elle  possède  absolument  les  qualités  d'une  farine  de 
longue  conserve  ou  d'exportation  ;  car  elle  peut  très  bien  avoir 
été  étuvée  à  une  température  trop  basse  et  impuissante  à  porter 
atteinte  à  la  vitalité  des  œufs  d'insectes,  des  spores  de  moisis- 
sure et  des  germes  microbiens. 

C'est  assurément  sous  l'empire  de  cette  idée  que,  depuis  peu 
de  temps,  les  cahiers  des  charges  de  certains  ports  français, 
plus  sévères,  à  cause  de  la  destination  de  la  marchandise,  ou 
désireux  d'être  plus  logiques  que  d'autres,  imposent  à  leurs 
fournisseurs  un  étuvage  de  la  farine  à  105  degrés  pendant  cinq 
heures;  mais  ils  tolèrent  encore  11  0/0  d'hydratation. 

Il  est  sûr  qu'en  théorie  et  comme  conséquence  de  ce  que 
nous  avons  écrit  sur  l'action  de  la  chaleur  à  l'endroit  des  para- 
sites de  la  farine,  c'est  là  un  moyen  ferme  d'avoir  une  farine 
de  conservation  assurée.  Du  reste,  l'expérience  démontre  qu^une 
farine  préparée  dans  ces  conditions  et  mise  en  bouillie  avec 
de  l'eau  ordinaire  est  essentiellement  résistante  à  l'aigrisse- 
ment  et  à  l'envahissement  des  moisissures  et  des  microbes. 
Mais  que  penser  de  cette  tolérance  de  11  0/0  d'hydratation 
accordée  à  une  farine  restée  pendant  cinq  heures  dans  un  cou- 
rant d'air  à  105  degrés?  Cette  dernière  clause  n'est-elle  pas 
infirmative  de  la  première?  C'est  ce  dont  nous  sommes  abso- 
lument convaincu. 

En  dehors  de  cette  considération,  il  faut  reconnaître  que 
l'application  de  la  chaleur  à  105  degrés  est  difficile  sur  de 
grandes  masses,  qu'elle  est  onéreuse  et  dans  les  circonstances 
ordinaires  impraticable. 

Pour  qu'on  s'en  rende  compte,  rappelons  que,  comme  l'Ad- 
ministration se  réserve  d'assister  aux  opérations  prescrites,  le 
minotier  ne  peut  les  commencer  que  le  lendemain  de  l'adjudi- 

(A)  Qui  a  été  le  degré  exigé  pendant  fort  longtemps. 


166  D^  P.  G  ARLES. 

cation  ;  et  qu'on  ne  lui  accorde  que  douze  jours  en  moyenne 
pour  faire  ses  livraisons.  Eh  bien!  supposons  le  cas  d'une 
fourniture  très  ordinaire,  de  100,000  kilogrammes  par  exemple, 
échue  à  une  minoterie  de  bonne  importance  pouvant  sécher 
1,000  kilogrammes  à  l'heure,  soit  25,000  par  jour,  réclamant 
par  conséquent  quatre  jours  pour  le  lot  total.  Avec  le  séjour 
ordinaire  d'une  heure  à  l'étuve,  le  minotier  pourra  arriver  à 
temps.  Mais  si  au  lieu  de  cela  on  lui  impose  cinq  heures  d'étu- 
vage,  le  temps  strictement  nécessaire  à  ses  opérations  devra 
être  quintuplé  et  il  lui  faudra  vingt  jours  pour  faire  le  même 
travail.  De  cette  façon,  la  livraison  deviendra  impossible  non 
seulement  si  l'étuvage  est  fait  à  proximité  du  port  d'embar^ 
quement,  mais  plus  encore,  si,  comme  c'est  le  cas  le  plus 

ordinaire,  il  faut  envoyer  la  marchandise  sur  un  point  éloigné 

* 

de  la  côte  française. 

Nous  espérons  démontrer  plus  loin  que  de  pareilles  exigences 
sont  inutiles. 

En  présence  des  difficultés  dont  nous  venons  de  parler,  les 
nouveaux  cahiers  des  charges  ne  fixent  plus  de  durée  d'étuvage, 
mais  ils  exigent  que  le  degré  de  chaleur  de  l'étuve  soit  de 
72  degrés  centigrades  et  que  la  farine  n'en  sorte  hydratée 
que  de  5  à  7  0/0  (en  moyenne  à  6  0/0). 

Il  faut  convenir  qu'au  point  de  vue  de  la  destruction  des 
parasites,  c'est-à-dire  de  la  garantie  de  sa  conservation,  la 
différence  avec  les  conditions  précédentes  est  bien  grande, 
et  en  nous  basant  sur  des  essais  comparatifs  faits  avec  des 
farines  déshydratées  indttstriellement  jusqu'à  5  et  6  0/0,  nous 
trouvons  que  le  point  de  chauffe  est  trop  bas.  Si  ce  degré  est 
suffisant  pour  stériliser  les  œufs  d'insectes  et  tuer  leurs  chry- 
salides, il  est  absolument  incapable  d'atteindre  les  spores  et 
germes  de  la  plupart  des  microbes  ;  aussi  avons-nous  constaté 
que  des  farines  livrées  par  l'industrie  en  cet  état  (^)  s'aigris- 


(^)  Non  seulement  leur  degré  d'hydratation  était  bien  de  5  et  6  0/0,  mais  après 
exposition  à  Tair  pendant  24  heures,  elles  reprenaient  6  et  8  0/0  d'humidité. 
La  dessiccation  était  donc  réelle.  —  (Cette  reprise  à  l'air  était  faite  sur  5  grammes 
de  farine  étendue  dans  une  capsule  de  verre  plate  de  ao  grammes  de  capacité.) 


ÉTUYAGB  DBS  FÀRINBS  D'ARMEMBNT.  167 

saient  et  se  peuplaient  de  moisissures  et  de  microbes  aussi 
vite  qu'une  farine  non  chauffée^  lorsqu'on  mouillait  fortement 
Tune  et  Tautre.  Du  reste,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'à  cette  tem- 
pérature,  pour  réduire  l'hydratation  à  6  0/0  il  est  nécessaire  de 
tenir  la  fariiie  quatre  à  cinq  heures  à  l'étuve,  ce  qui,  nous 
l'avons  démontré,  peut  souvent  rendre  les  livraisons  irréali- 
sables dans  le  temps  fixé. 

Après  avoir  pesé  les  intérêts  administratifs  et  ceux  des 
minotiers,  il  .nous  a  semblé  que  des  conditions  intermédiaires 
entre  les  deux  précédentes  concilieraient  les  parties  et  donne- 
raient satisfaction  aux  déductions  scientifiques.  Nous  propose- 
rions plutôt  le  chauffage  progressif  (^)  de  50  à  85  degrés 
pendant  une  heure  et  demie.  Les  essais  que  nous  avons  prati- 
qués nous  portent  à  penser  que,  soumise  à  cette  température, 
une  farine  serait  suffisamment  stérilisée  et  que  son  degré 
d'hydratation  réduit  à  8  ou  9  0/0  serait  capable  de  maintenir 
les  spores  les  plus  réfractaires.  EnQn  la  durée  d'étuvage  laisse- 
rait aux  adjudicataires  le  temps  de  faire  leurs  livraisons  dans 
les  délais  voulus  sous  la  surveillance  administrative. 

Voici  au  surplus  quelques  expériences  que  nous  avons  faites 
sur  des  lots  d'un  kilogramme  de  farine  sortant  tous  d'un 
môme  sac  : 

Le  premier  a  été  conservé  comme  type  et  témoin,  sans  trai- 
tement. 

Le  second  a  été  chauffé  dans  une  étuve  à  courant  d'air  à 
72  degrés  avec  les  précautions  prescrites  jusqu'à  ce  que  l'hy- 
dratation soit  tombée  à  6  0/0. 

Le  troisième  a  été  chauffé  graduellement  jusqu'à  85  degrés 
pendant  une  heure  et  demie.  Au  sortir  de  l'étuve  son  taux 
d'hydratation  égalait  8  0/0. 

Le  quatrième  a  été  étuvé  avec  les  mêmes  précautions  à 
105  degrés  pendant  cinq  heures.  Il  est  bien  entendu  que 

{})  Afin  d'éviter  dans  certaines  circonstances  la  saccharification  de  Tamidon. 


168  D^  p.   G  ARLES. 

Tessai  de  contrôle  a  démontré  que  son  degré  d'hydratation  à 
100  degrés  était  nul  (*). 

En  plaçant  des  prises  de  ces  farines  sous  la  même  incidence 
lumineuse  il  était  évident  que  la  nuance  jaune  du  type  s'atténue 
avec  le  degré  de  chauffe  et  qu'à  105  degrés  elle  devient  abso- 
lument blanche.  Il  en  est  de  même  du  pelotonnage  à  la  main 
qui  devient  presque  nul  dans  cette  dernière  circonstance. 

Chacune  de  ces  prises  délayée  dans  cinq  fois  |son  poids 
d'eau  a  fourni  une  odeur  différente  sur  laquelle  nous  allons 
revenir;  mais  au  point  de  vue  des  modifications  chiiniques 
nous  n'avons  pu  trouver  aucune  différence  sensible^  ni  dans 
l'aspect  microscopique  de  Tamidon^  ni  dans  les  doses  de  gly- 
cose  ou  de  dextrine  formées,  ni  dans  l'action  polarimétrique. 

Quant  aux  modifications  lentes,  nous  avons  noté  dans  ces 
bouillies  farineuses  que  le  n"*  1,  au  bout  de  trente-six  heures, 
était  aigre  et  le  lendemain  plein  de  bactéries. 

Le  n°  2  ne  s'était  aigri  que  le  troisième  jour. 

Le  n^  3  ne  s'aigrissait  pas,  mais  prenait  le  cinquième  jour 
une  odeur  d'altération  avec  apparition  de  bactéries. 

Le  n^  4  se  conduisait  sensiblement  de  la  même  façon  que  le 
précédent. 

Mais  voici  qui  se  rapproche  davantage  de  la  pratique  : 

Cinq  grammes  de  chacun  de  ces  échantillons  ont  été  placés 
dans  une  nacelle  de  verre  et  mis  à  flotter  sur  un  bain  d'eau 
recouvert  d'une  cloche.  La  température  était  de  18  à  20  degrés. 

Dans  cette  atmosphère  saturée  d'humidité,  tous  les  échan- 
tillons ont  fini  par  être  successivement  atteints  de  moisissures, 
mais  avec  une  résistance  et  un  aspect  différents  (*)  :  Le  n**  1 
(témoin  non  chauffé)  était  couvert  le  cinquième  jour  de  moi- 
sissures jaunes  Oïdium  atirantiacum  et  le  sixième,  de  moisis- 
sures  bleues  Pénicillium  glaucum.   Pour  le  n°  2  (chauffé 


(})  Si  cette  farine  était  restée  quelques  heures  seulement  à  Tair,  elle  aurait 
certainement  repris  1  à  3  0/0  d'humidité. 

(*)  n  nous  a  para  que  15  0/0  était  le  degré  d'hydratation  ou  d'humidité  néces- 
saire pour  l'évolution  facile  des  moisissures. 


ÉTUVÀGB  DES  FARINES  d'aRMBMKNT.  469 

à  72  degrés)  il  y  a  eu  retard  de  vingt-quatre  heures  dans  Tap- 
parition  des  ménies  parasites,  mais  pas  de  différence  sensible 
dans  leur  proportion  ou  leur  espèce.  Le  n^  3  (chaufTé  à 
85  degrés)  non  seulement  a  résisté  un  jour  de  plus,  mais  il 
était  visible  déjà  que  les  spores  en  germination  formaient  des 
ilôts  moins  nombreux  et  moins  copieux.  Les  espèces  jaunes 
surtout  baissaient  notablement.  Enfin  pour  le  n^  4  (chauffé 
à  105  degrés),  le  retard  s'est  encore  accentué  d'un  jour  dans  la 
germination  des  moisissures,  les  îlots  se  sont  un  peu  plus 
raréfiés  et  les  moisissures  bleues  étaient  aussi  nombreuses 
que  les  jaunes. 

Quant  aux  grosses  bactéries^  elles  n'ont  appai'u  en  petit 
nombre  que  lorsque  le  milieu  devenu  nettement  acide  était 
déjà  impropre  à  tout  usage  alimentaire,  même  pour  les  ani- 
maux les  moins  délicats. 

A  la  suite  de  ces  expériences,  nous  avons  cru  nécessaire  d*en 
faire  une  dernière,  encore  plus  pratique  que  les  précédentes. 
Elle  résidait  dans  une  épreuve  de  panification.  A  cet  effet, 
les  4  kilogrammes  de  farines  précédents,  munis  d'un  simple 
numéro  d'ordre,  ont  été  remis  à  un  boulanger  et  panifiés  sépa- 
rément en  notre  présence,  dans  des  conditions  absolument 
parallèles.  Comme  il  était  facile  de  le  prévoir,  l'absorption  de 
l'eau  a  varié  selon  le  degré  d'hydratation  de  chaque  farine  ;  les 
nombres  notés  étaient  600-760-800-817.  Au  pétrissage,  le  pra- 
ticien qui  opérait,  et  qui  ignorait  les  traitements  appliqués  aux 
farines,  a  vite  fait  deux  catégories  :  les  n"**  1-2  d'une  part  et  34 
de  l'autre.  Cette  différence  reposait  non  seulement  sur  ce  que 
les  deux  derniers  avaient,  disait-il,  plus  de  corps,  mais  surtout 
parce  qu'ils  répandaient  au  pétrissage  une  odeur  très  prononcée 
de  malt  (orge  germé  et  desséché  des  brasseurs). 

Quant  aux  pains,  ils  n'ont  présenté  aux  sens  aucune  diffé- 
rence, si  ce  n*est  une  odeur  de  gâteau  manifeste,  le  premier 
jour,  dans  les  n°*  3  et  4. 

Enfin,  quoiqu'il  soit  avéré  aujourd'hui  que  lorsqu'un  pain 


170  D^  p.  CABLES. 

est  suffisamment  cuit  et  d'un  volume  ordinaire,  tous  les  germes 
qu'il  renferme  ont  été  stérilisés  {^),  nous  avons  tenu  à  nous 
assurer  que  chacun  des  nôtres  remplissait  ces  conditions,  du 
moins  au  point  de  vue  des  spores  de  moisissures.  A  cet  effet, 
un  fragment  de  chacun  d'eux  a  été  soumis  à  une  longue  humi- 
dité dans  les  mêmes  conditions  que  les  farines.  Or,  Texpérience 
nous  a  montré  que  dans  les  quatre  échantillons  des  moisis- 
sures se  développaient  sur  la  croûte  (*)  en  nombre  et  en 
espèces  semblables,  mais  que  la  mie,  quoique  fort  ramollie, 
restait  vierge  de  parasites. 


CONCLUSIONS. 

Comme  la  pratique  du  mouillage  du  blé  s'est  aujourd'hui 
généralisée  dans  la  grande  minoterie  ;  qu'elle  est  la  cause  prin- 
cipale de  l'altération  hâtive  des  farines  et  qu'il  n'y  a  aucune 
façon  de  vérifier  si  une  farine  provient  ou  non  de  blés 
mouillés,  on  a  dû  chercher  un  moyen  d'assurer  la  conservation 
des  farines  obtenues  par  un  procédé  quelconque  de  meunerie. 

L'étuvage  seul  permet  d'arriver  à  ce  résultat,  parce  qu'il 
stérilise  les  œufs  d'iiisectes  ainsi  que  quelques  microbes  et 
spores  de  moisissures,  et  surtout  parce  qu'il  fait  de  la  farine 
suffisamment  desséchée  un  milieu  impropre  à  la  germination 
et  à  la  pullulation  de  ceux  de  ces  spores  ou  microbes  qui  ont 
résisté  à  l'action  de  la  chaleur. 

Il  y  a  deux  moyens  de  reconnaître  que  les  farines  ont  été 
étuvées  : 

Le  premier  consiste  à  les  exposer  à  l'air.  Si  elles  ont  été 
desséchées  de  façon  à  perdre  l'humidité  provenant  du  mouillage 


C)  A.  Balland,  loc.  cit.,  p.  237. 

0)  Gela  tient  à  ce  que,  dès  ]a  sortie  du  four,  la  croûte  s'est  ensemencée  des 
spores  qui  voltigent  toi:gours  aussi  bien  dans  les  boulangeries  que  dans  nos  propres 
habitations, 


ÉTVUAGE  DES  FARINES  D' ARMEMENT.  171 

du  blé  et  aussi  S  0/0  de  leur  hydratation  naturelle^  elles 
reprendront  toujours  à  l'air  une  proportion  d'humidité  qui  sera 
en  rapport  avec  le  degré  hygrométrique  du  jour. 

Dans  le  second  moyen>  on  se  borne  à  doser  l'hydratation 
actuelle  de  la  farine>  parce  que  le  taux  de  l'hydratation  obtenu 
est  toujours  en  rapport  plus  ou  moins  étroit  avec  le  degré  de 
chaleur  du  courant  d'air  de  l'étuve  et  surtout  avec  la  durée  de 
l'étuvage. 

En  principe,  une  farine  sera  de  conserve  d'autant  plus  cer- 
taine qu'elle  aura  été  plus  chauffée  et  plus  déshydratée  ;  mais 
en  rapprochant  les  résultats  de  nos  essais  de  laboratoire  de 
ceux  que  l'industrie  peut  pratiquement  réaliser,  il  nous  paraît 
qu'une  farine  sera  dans  les  conditions  voulues  pour  se  conserver 
longtemps  en  mer  et  dans  les  colonies  si  elle  a  été  chauffée 
à  SS-OO""  de  façon  à  ramener  son  taux  d'hydratation  à  8 
ou  9  0/0  0). 

O  Le  miaimum  d'hydratation  des  farinea  premières  du  commerce  est  de  11 0/0. 
(BaUand,  loc.  eit.y  p.  94.) 


DOSAGE 

DE 


LA  GLYCÉRINE 

DANS  LES  LIQUIDES  FERMENTES 
PAR  U.  J.  LABORDB 

FRiPARATEOR  A  LA  8TATI0H  AGROHOIIIQCB  DE  BOKDEAIX. 


I 

La  glycérine  est^  après  Talcool  et  Tacide  carbonique^  le 
produit  le  plus  important  de  la  fermentation  alcoolique.  On  la 
dose  d'ordinaire  par  la  méthode  bien  connue  de  M.  Pasteur; 
mais,  même  avec  les  modifications  de  détail  qu'on  y  a  appor- 
téeSy  le  procédé  est  long  et  peu  pratique  dans  le  cas  d'analyses 
nombreuses  et  simultanées;  il  est^  en  outre,  tout  à  fait  inexact 
et  inapplicable  dans  le  cas  des  liquides  plus  ou  moins  sucrés. 

Les  méthodes  imaginées  depuis  M.  Pasteur  ne  sont  ni  plus 
rigoureuses  ni  plus  rapides;  aussi  les  chimistes  qui  se  sont 
occupés  de  l'analyse  du  vin  ont-ils  rarement  pu  procéder  avec 
fruit  à  un  dosage  général  et  précis  de  la  glycérine  dans  les 
liquides  soumis  à  leur  examen. 

La  méthode  que  je  propose  ici  me  paraît  devoir  combler  cette 
lacune,  car  elle  donne  des  résultats  satisfaisants  avec  tous  les 
liquides  complètement  ou  incomplètement  fermentes. 


II 


Comme  dans  les  méthodes  ordinairement  employées,  le 
dosage  comprend  deux  opérations  distinctes  :  l'extraction  de 
la  glycérine  et  la  détermination  de  son  poids.  Nous  allons 


174  J.   LABORDE. 

d*abord  indiquer  la  dernière^  qui  est  générale,  la  première 
étant  susceptible  de  variations  suivant  les  cas. 

Pour  éviter  les  longueurs  et  les  incertitudes  qu'entraîne  la 
dessiccation  de  la  glycérine  dans  le  vide,  la  détermination  de 
son  poids  est  basée  sur  Faction  qu'exerce  sur  elle,  à  chaud, 
Tacide  sulfurique  concentré,  et  qui  est  représentée  par  la  formule 
suivante  : 

C»H»0»  4-  SO*H«  =  C»  -h  S0«  4-  8H»0. 

C'est  de  la  quantité  de  charbon  produite  qu'on  déduit  la 
quantité  de  glycérine  correspondante.  Pour  que  la  réaction 
se  passe  suivant  l'équation  ci-dessus,  il  faut  opérer  comme 
suit  : 

Supposons  que  l'on  ait  une  solution  aqueuse  de  glycérine 
contenant  i  gramme  au  plus  et  0^^,1  au  moins  de  ce  corps; 
on  l'introduit  dans  un  matras  de  250  centimètres  cubes,  avec 
10  gouttes  d'acide  sulfurique,  et  l'on  fait  bouillir  au  bain  de 
sable  pour  concentrer  cette  dissolution  acide.  Pendant  cette 
opération,  la  glycérine  est  entièrement  retenue  par  l'acide 
sulfurique,  car,  en  liqueur  acide,  il  n'y  a  pas  de  pertes  par 
entraînement  si  on  évite,  bien  entendu,  les  projections  dues 
à  une  ébuUition  trop  vive. 

Lorsqu'il  ne  reste  plus  que  2  centimètres  cubes  environ  de 
liquide  dans  le  matras,  on  ajoute  5  à  6  centimètres  cubes 
d'acide  sulfurique  concentré,  on  ferme  avec  un  bouchon  de 
caoutchouc  portant  un  tube  effilé  et  ouvert  de  50  centimètres 
environ  de  hauteur,  et  l'on  chauffe  sur  le  bain  de  sable  de 
façon  à  élever  rapidement  la  température  du  liquide,  lequel 
noircit  fortement. 

Vers  150^  une  réaction  vive  commence,  de  l'acide  sulfureux 
se  dégage  avec  des  vapeurs  blanches  d'eau  et  d'acide  sulfu- 
rique; la  température  monte  aux  environs  de  200"*  et  s'y 
maintient  à  peu  près  fixe  grâce  à  l'eau  condensée  qui  retombe 
dans  l'acide  où  elle  entretient  l'ébullition  et  favorise  la  décom- 
position de  la  glycérine. 


•  DOSAGE  DE  LA  GLYCÉRINE.  175 

On  arrête  Tattaque  au  bout  de  quelques  minutes^  lorsque  le 
charbon  que  Ton  obtient  se  présente  en  grande  partie  sous 
forme  de  grumeaux  baignant  dans  Tacide^  plus  ou  moins  gros 
suivant  la  quantité  produite  ;  on  laisse  ensuite  refroidir. 

Il  faut  s'attacher  à  la  bonne  formation  de  ces  grumeaux^ 
qui  est  essentielle  pour  la  réussite  du  dosage  et  que  Texpé- 
rience  d'ailleurs  apprend  vite  à  obtenir  convenablement. 

Dans  cette  manière  d'opérer,  il  n'y  a  pas  à  craindre  l'action 
ultérieure  du  charbon  sur  l'acide  sulfurique,  car  cette  action 
n'a  lieu  qu'à  une  température  voisine  de  300°,  tandis  qu'on  ne 
dépasse  guère  200^  dans  les  conditions  de  l'attaque. 

Après  refroidissement  du  matras,  on  y  introduit  5  centimè- 
tres cubes  d'acide  chlorhydrique  dilué  de  moitié,  et  l'on  chauffe 
de  nouveau  au  bain  de  sable  jusqu'à  réapparition  de  vapeurs 
blanches  acides.  Cette  opération  facilite  la  réunion  complète 
du  charbon  en  grumeaux. 

On  procède  ensuite  au  lavage  de  ce  charbon  dans  le  matras 
lui-môme  ;  à  cet  effet,  on  remplit  presque  complètement  celui- 
ci  avec  de  l'eau  distillée,  et  l'on  porte  à  l'ébuUition  ;  puis  on 
décante  sur  un  filtre  qui  retient  les  fines  particules  en  suspen- 
sion ;  sur  le  résidu  on  verse  de  nouveau  de  l'eau  distillée  et 
l'on  fait  bouillir;  on  filtre  et  on  achève  le  lavage  sur  le  filtre. 

Quand  l'eau  de  lavage  n'est  plus  acide,  on  perce  le  filtre  et 
on  fait  tomber  le  charbon  dans  une  capsule  de  platine  avec  un 
jet  d'eau  chaude  ;  après  addition  de  quelques  centimètres  cubes 
d'ammoniaque,  on  évapore  l'eau  au  bain  de  sable  ou  à  l'étuve 
à  110°.  Le  charbon  qui  reste  est  en  grains  plus  ou  moins  gros, 
durs  et  à  cassure  brillante,  assez  semblables  à  des  grains  de 
poudre;  avant  de  le  peser,  il  faut  le  débarrasser  du  peu  de 
sels  ammoniacaux  qu'il  retient. 

Pour  cela,  on  le  chauffe  dans  la  capsule  à  une  température 
voisine  du  rouge,  mais  sans  Tatteindre,  afin  d'éviter  la  com- 
bustion du  charbon,  lequel  d'ailleurs  ne  s'enflamme  pas  facile^ 
ment.  L'opération  se  fait  en  promenant  la  capsule  dans  la 
flamme  d'un  bec  Wiesnegg  avec  couronne  à  jet  vertical  jusqu'à 


176 


J.    LABORDE. 


ce  que  toute  odeur  piquante  ait  disparu  et  que  le  poids  reste 
constant.  En  multipliant  ce  poids  par  le  coefficient  2,56,  on  a 
le  poids  de  glycérine  correspondant. 

C'est  ainsi  qu'en  opérant  sur  des  poids  connus  de  glycérine 
cristallisable,  on  a  obtenu  les  résultats  suivants  : 


POIDS  DB  GLTCÉRIKB 

POIDS  DB  CHARBON 

POIDS  DB  GLYCteiRB 

employés 

troaYés 

calculés 

OP'IOO 

Off'038 

08'097 

0  ,200 

0  ,077 

0  ,197 

0  ,400 

0  ,158 

0  ,404 

0  ,500 

0  ,195 

0  ,499 

1  ,000 

0  ,393 

1  ,006 

Ces  résultats  montrent  que  la  décomposition  de  la  glycérine, 
dans  les  conditions  ci-dessus,  donne  bien  la  quantité  théorique 
de  charbon  indiquée  par  Téquation;  d'ailleurs,  si  on  recueille 
dans  une  éprouvette  sur  le  mercure  les  gaz  qui  se  dégagent 
de  la  réaction,  l'analyse  montre  qu'il  n'y  a  aucun  gaz  carboné. 


III 


Pour  appliquer  ce  principe  de  dosage  aux  liquides  fermentes, 
il  faut  naturellement  commencer  par  en  extraire  la  glycérine 
d'une  manière  complète  ;  nous  allons  indiquer  maintenant  la 
manière  d'opérer  cette  extraction. 

Nous  considérerons  d'abord  le  cas  des  liquides  complètement 
fermentes  ou  renfermant  encore  moins  de  10  grammes  de 
sucre  par  litre. 

S'il  s'agit  d'un  vin,  par  exemple,  on  en  prend  50  centimètres 
cubes  que  l'on  introduit  dans  un  matras  de  S50  centimètres 
cubes,  contenant  100  grammes  environ  de  grenaille  de  plomb 
un  peu  grosse  (le  n°  4  convient  très  bien)  et  l'on  concentre 
par  distillation  presque  à  sec;  il  ne  doit  pas  rester  plus  de 
1  centimètre  cube  de  liquide  mouillant  les  grains  de  plomb. 

Grâce  à  l'acidité  naturelle  du  vin  qui  joue  le  même  rôle  que 


DOSAGE  DE  LA  GLYCÉRINE.  177 

Tacide  sulfurique^  toute  la  glycérine  reste  dans  le  matras  ;  on 
peut  le  vérifier  en  évaporant  en  présence  de  SO*H*  le  liquide 
distillé,  on  constate  qu'il  ne  charbonne  pas;  donc  il  ne  renfenne 
pas  de  glycérine. 

Après  refroidissement  du  matras,  on  ajoute  par  fractions 
1  à  2  grammes  de  chaux  éteinte,  non  carbonatée,  en  poudre 
très  fine,  en  agitant  les  grains  de  plomb  pour  rendre  la  pâte 
qui  se  forme  bien  homogène.  Cette  pâte  doit  avoir  une  consis- 
tance telle  que  chaque  grain  de  plomb  puisse  rouler  séparé- 
ment en  emportant  avec  lui  une  fraction  de  la  masse.  L'extrac- 
tion de  la  glycérine  peut  se  faire  alors  d'une  manière  complète 
et  commode. 

On  verse  dans  le  matras  75  centimètres  cubes  d'un  mélange 
à  volumes  égaux  d'alcool  et  d'éther,  et  l'on  imprime  au  plomb 
un  mouvement  d'agitation  comme  s'il  s'agissait  de  nettoyer 
le  matras. 

Il  faut,  en  effet,  détacher  toutes  les  parcelles  de  la  pâte 
calcaire  adhérentes  à  ses  parois  et  aux  billes,  pour  les  mettre 
en  suspension  dans  le  liquide.  L'opération  est  facile  et  l'on 
finit  par  obtenir  un  précipité  très  fin,  déshydraté  et  privé  de 
glycérine  par  le  mélange  éthéro-alcoolique.  Il  n'y  a  plus  qu'à 
filtrer  et  laver  trois  ou  quatre  fois  le  précipité  avec  le  môme 
mélange,  pour  avoir  toute  la  glycérine  dans  le  liquide  filtré 
qui  est  incolore  et  qui  n'a  dissous  que  des  traces  de  matières 
étrangères. 

Pour  avoir  la  glycérine  en  solution  aqueuse,  on  ajoute 
10  à  15  gouttes  d'acide  sulfurique,  et  l'on  chasse  l'alcool  et 
réther  par  distillation.  Lorsqu'il  ne  reste  que  quelques  centi- 
mètres cubes  de  liquide  encore  riche  en  alcool,  on  ajoute 
25  centimètres  cubes  d'eau  et  l'on  fait  bouillir  pour  chasser 
complètement  l'alcool.  L'opération  se  termine  ensuite  comme 
il  a  été  dit  plus  haut  pour  la  décomposition  de  la  glycérine  et 
la  pesée  du  charbon  obtenu. 

L^exactitude  de  cette  méthode  d'épuisement  a  été  vérifiée 
en  opérant  sur  des  liquides  synthétiques  analogues  au^vin, 

T.  I  (3«  Série).  12 


178 


J.  LADOBDB. 


c'est-à-dire  contenant  de  ralcool^  de  la  crème  de  tartre^  du 
tannin  et  des  quantités  connues  de  glycérine;  ces  quantités 
ont  été  toujours  retrouvées  d'une  manière  parfaite. 

D'autre  part^  en  répétant  plusieurs  fois  le  dosage  dans  un 
même  vin^  on  trouve  toujours  des  résultats  concordants  ;  et  si, 
une  fois  ces  résultats  obtenus^  on  ajoute  des  quantités  déter- 
minées et  croissantes  de  glycérine  dans  ce  même  vin,  on 
retrouve  la  proportion  théorique.  C'est  ce  que  montrent  les 
chiffres  suivants  : 


CLTCtelME  PAR  LITRB 

GLYC^RIKB 

^ — • ^ 

— ■ 

pu*  litre 

Dirrteufcn 

Primitive 

Ajoutée  , 

ToUlo 

trouTéo 

6«'53 

i«K) 

7«'53 

7«r40 

0*rl3 

Id. 

1  ,5 

8  ,03 

8  ,00 

0  ,03 

Id. 

2,0 

8  ,53 

8  ,36 

0  ,17 

Id. 

3  ,0 

9  ,53 

9  ,43 

0,10 

Id. 

4,0 

10  ,53 

10  ,50 

0  ,03 

Pour  contrôler  encore  notre  méthode,  nous  avons  prié 
M.  Dubourg  de  vouloir  bien  procéder,  comparativement  avec 
nous,  au  dosage  de  la  glycérine  dans  un  certain  nombre 
d'échantillons  de  vin. 

Nous  avons  trouvé  les  chiffres  suivants  : 


POIDS  DE  GLTCÊRIHI 

PAR  LITRE  TRODTÉS 

ÉCIARTILLOSIS 

par 

DirrÉRERGIS 

M.  Ddbocrg 

M.  Labordb 

« 

No  1 

3ffr98 

38^ 

0«rl0 

No  2 

4  ,08 

4  ,08 

0  ,00 

NO  3 

8  ,10 

7  ,90 

0  ,20 

No  4 

9  ,98 

10  ,05 

0  ,07 

La  concordance  des  résultats  est  donc  aussi  parfaite  que 
possible. 

IV 

La  même  méthode  d'extraction  est  encore  applicable,  avec 
une  légère  modification,  lorsque  la  proportion  de  sucre  qui 
reste   dans  le  liquide  fermenté  est  comprise  entre  iO  et 


DOSAGE  DE  LA  GLYCÉRINE.  170 

20  grammes  par  litre  environ.  Lorsqu'on  a  poussé  la  concen- 
tration aussi  loin  que  possible^  en  évitant  toutefois  la  caramé- 
lisation du  sucre,  on  ajoute  2  grammes  de  chaux  humectée 
avec  un  peu  d'alcool  pour  en  faire  une  pâte  consistante,  et 
Ton  mélange  intimement  avec  le  résidu  du  matras  par  l'agi- 
tation de  la  grenaille  de  plomb.  La  pâte  que  Ton  obtient  alors 
est  durcie,  si  c'est  nécessaire,  par  l'addition  de  petites  quan- 
tités de  chaux  en  poudre,  puis  épuisée  comme  précédemment 
par  le  mélange  éthéro -alcoolique  qui  doit  être  formé  dans  ce  cas 
de  i  volume  1/2  d'éther  pour  1  d'alcool.  Le  liquide  filtré  ne 
contient  pas  traces  de  sucre  et  les  résultats  sont  aussi  exacts 
que  s'il  n'y  en  avait  pas  eu  dans  le  vin  essayé.  Ainsi,  on  a 
pris  un  vin,  ne  contenant  pas  de  sucre,  dont  on  connaissait  la 
teneur  en  glycérine,  et  l'on  a  répété  le  dosage  en  ajoutant 
dans  les  50  centimètres  cubes  de  vin  primitif  des  quantités 
croissantes  de  moût  de  raisin,  correspondant  à  10, 15, 20  gram- 
mes par  litre  de  sucre  ;  on  a  obtenu  les  résultats  suivants  : 


TIN  BLAXC 

CLTCÉRIRI  PAR  LITEE 

Sans  sucre 

7flrr75 
7  ,80 
7  ,80 
7  ,65 

Avec  10^  de  sucre  par  litre. 

—  15               do 

—  20               do 

On  voit  que  la  présence  du  sucre  n'a  pas  fait  varier  sensi- 
blement la  proportion  de  glycérine  trouvée  dans  lé  vin  primitif; 
elle  ne  peut  donc  être  une  cause  d'erreur,  si  l'on  opère  comme 
il  a  été  dit. 


Nous  examinerons  maintenant  le  cas  où  l'on  a  à  doser  la 
glycérine  en  présence  de  quantités  considérables  de  sucre,  50, 
100,  200  grammes  par  litre  et  même  davantage,  comme  il 
arrive  pour  certains  vins  de  liqueur  (*). 

(^)  Dans  ce  cas  doivent  entrer  aussi  les  bières  diverses,  qui  contiennent  le 
plus  souvent  des  quantités  importantes  d'hydrates  de  carbone  plus  ou  moins 
infermentescibles. 


\ 


^  ■ 


t. 

l'y 


I  180  J.   LABORDR. 

Dans  ces  conditions  spéciales,  l'extraction  de  la  glycérine 

est  plus  difficile;  mais  on  obtient  néanmoins  des  résultats 

exacts  en  opérant  de  la  manière  suivante  : 

On  prend  un  volume  de  liquide  tel  que  la  quantité  de  sucre 

.'  qu'il  contient  ne  dépasse  guère  5  grammes,  et  Ton  concentre 

yi  en  présence  de  grenaille  de  plomb  jusqu'à  consistance  siru- 

k;.  peuse.  Après  refroidissement,  on  ajoute  de  la  chaux  en  quantité 

au  plus  égale  au  poids  du  sucre,  délayée  dans  10  à  SO  centi- 
mètres cubes  d'alcool  à  50^,  afin  d'obtenir  une  pâte  très  liquide 
que  l'on  rend  parfaitement  homogène  par  l'agitation  du  plomb. 
La  masse  s'échauffe  par  suite  de  la  combinaison  de  la  chaux 
et  du  sucre;  on  doit  agiter  souvent  pendant  le  refroidissement 
pour  éviter  qu'elle  ne  fasse  prise. 
i  On  dilue  ensuite  cette  pâte  avec  de  l'alcool  à  80°  incorporé 

^}  par  petites  quantités  au  début  ;  il  se  produit  quelquefois  à  ce 

moment  un  coagulum  de  sucrate  de  chaux  qu'il  faut  délayer 
avec  soin  toujours  en  agitant  le  plomb.  Quand  on  a  ajouté  100 
à  200  centimètres  cubes  d'alcool,  suivant  la  quantité  de  matière 
à  épuiser,  on  porte  le  ballon  au  bain-marie  bouillant,  et  on  l'y 
maintient,  en  agitant  souvent,  jusqu'à  ce  que  le  liquide  ait 
atteint  la  température  de  75°  environ  ;  le  précipité  prend  alors 
une  teinte  jaune  clair;  on  laisse  un  peu  refroidir  et  l'on  filtre. 
Lorsque  le  précipité  est  bien  égoutté,  on  lave  plusieurs  fois  à 
l'alcool  chaud  ;  le  liquide  recueilli  contient  la  glycérine  avec 
un  peu  de  sucre  qu'il  faut  éliminer  avant  l'attaque  par  l'acide 
sulfurique. 
b    •  Pour  cela,  on  acidifie  avec  0^',5  d'acide  tartrique,  et  Ton 

chasse  l'alcool  ;  il  n'y  a  plus  qu'à  traiter  le  résidu  comme  un 
liquide  ordinaire  pauvre  en  sucre. 

Des  expériences  de  contrôle,  dans  lesquelles  on  a  soumis  à 
ce  traitement  des  poids  constants  de,  glycérine,  égaux  à  0^,4, 
en  présence  de  quantités  croissantes  de  sucre,  ont  donné 
les  résultats  suivants: 


r 


l  • 


J 


DOSAGB  DE  LA  GLYCtRINE. 


181 


POIDS  DB  GLTCÉaiKB 

employés 

POIDS  DE  80CDB 

contenu  dtns  Tessai 

CLTCiDIHB 

retrouvée 

Dirriuicis 

0fir»4 
0,4 
0  ,4 

3*' 

4P- 
6»' 

OP-393 
0  ,3d4 
0  ,387 

0^007 
0  ,006 
0  ,013 

On  voit  que  les  différences  sont  en  moins  au  lieu  d'être  en 
plus,  ce  qui  s'explique  par  la  difficulté  d'extraire  les  dernières 
traces  de  glycérine  dans  la  première  partie  de  l'opération. 

Pour  éviter  le  lavage  à  l'alcool,  toujours  très  long,  de  quan- 
tités abondantes  de  sucrate  de  chaux,  il  suffit  d'opérer  sur  une 
partie  aliquote  seulement  de  la  glycérine  à  extraire.  Connais- 
sant le  volume  du  liquide  introduit  dans  le  matras  pour 
délayer  la  pâte  calcaire,  on  en  recueille  par  filtration  les  4/5, 
qui  contiennent  la  même  fraction  du  poids  total  de  glycérine, 
et  on  les  traite  comme  il  a  été  dit  plus  haut.  En  opérant  ainsi, 
le  dosage  est  très  rapide  et  les  résultats  sont  au  moins  aussi 
exacts  que  les  précédents. 

Par  exemple,  nous  avons  ajouté  à  deux  vins  blancs  presque 
complètement  fermentes  des  quantités  différentes  de  sucre, 
pour  une  prise  de  25  centimètres  cubes,  on  a  mis  2'',5  de  sucre 
de  raisin  dans  le  vin  n°  1  et  5  grammes  dans  le  vin  n^  2,  ce  qui 
correspond  à  des  richesses  saccharines  respectives  de  100  et 
200  grammes  par  litre.  L'analyse  a  donné  les  résultats  suivants 


Vin  no  1. 
Vin  no  2. 


GLTCÉRIHE  PAR  LITRE 


avaat  raddition 
de  sucre 


13^25 
44  ,28 


après  l'additioD 
de  sucre 


13firri3 
14  ,65 


DirrÉREKCRS 


0«r08 
0  ,37 


Les  résultats  sont  donc  satisfaisants  (^),  même  dans  ces 
conditions  extrêmes,  et  la    méthode  est  susceptible  d'être 


(I)  Une  autre  expérience  de  contrôle  a  été  provoquée  par  M.  Du  bourg,  qui  nous 
a  remis  un  vin  rouge  additionné  par  lui  de  200  grammes  de  sucre  par  litre  environ. 
Nous  y  avons  trouvé  l^rfiô  de  glycérine  par  litre,  alors  que,  de  la  quantité  trouvée 
dans  le  vin  primitif  par  M.  Dubourg,  et  en  tenant  compte  de  la  variation  de 
volume  due  au  sucre,  nous  aurions  dû  trouver  79>',65,  chiffre  identique  au 
précédent. 


182  i.   LABORDE. 

appliquée  à  beaucoup  de  liquides  intéressants  qui  n'avaient  pu 
être  étudiés  jusqu'à  présent. 

Le  cas  des  liquides  très  sucrés  se  ramène  ainsi  au  cas  des 
liquides  pauvres  en  sucre. 

VI 

On  vient  de  voir  que  Ton  peut  toujours,  en  définitive,  séparer 
complètement  la  glycérine  du  sucre  par  le  mélange  éthéro- 
alcoolique;  mais,  que  le  liquide  analysé  soit  sucré  ou  non 
sucré,  la  solution  de  glycérine  contient  souvent  des  traces 
d'autres  matières  organiques  dont  la  présence  est  accusée  par 
une  légère  coloration  qui  se  développe  dans  cette  solution 
lorsqu'on  la  concentre. 

Pour  déterminer  l'importance  de  cette  cause  d'erreur,  on 
a  fait  deux  essais  parallèles  sur  le  même  vin  :  dans  le  premier 
essai,  la  solution  éthéro-alcoolique  de  glycérine  a  été  traitée 
directement  par  la  méthode  indiquée  ;  dans  le  second  essai,  elle 
a  été  évaporée  sans  addition  d'acide  sulfurique  pour  chasser 
l'éther  et  la  majeure  partie  de  l'alcool,  puis  le  résidu  a  été 
introduit  dans  un  appareil  métallique  permettant  de  distiller 
dans  un  courant  de  vapeur.  On  a  chauffé  graduellement  au 
bain  de  sable  jusque  vers  le  point  d'ébullition  de  la  glycérine 
et  on  a  maintenu  cette  température  une  demi-heure  environ. 

L'eau  de  condensation  qui  contenait  la  glycérine  entraînée 
a  été  évaporée  en  présence  d'un  peu  d'acide  sulfurique,  et  la 
solution  concentrée  de  glycérine  a  été  traitée  comme  dans  le 
premier  essai. 

En  opérant,  par  exemple,  sur  un  vin  blanc  contenant  encore 
10  grammes  de  sucre  par  litre,  on  a  obtenu,  dans  le  premier 
essai,  0^%200  de  charbon,  correspondant  à  0»',512  de  glycérine 
pour  50  centimètres  cubes,  soit  i0^%24  par  litre,  et  dans  le 
second,  08^,192  de  charbon,  correspondant  à  0^,492  de  glycé- 
rine, soit  9^,84  par  litre. 

L'écart  entre  les  deux  résultats  est  assez  faible,  malgré  les 
pertes  inhérentes  à  la  distillation  de  la  glycérine. 


DOSAGE  DE  U  GLYCÉRINE.  183 

On  voit  donc  que  la  cause  d'erreur  pouvant  résulter  de  Pen- 
trainement  de  traces  de  matières  organiques  par  le  mélange 
éthéro-alcoolique  est  négligeable  ;  s'il  arrivait  pourtant,  dans 
certains  cas,  que  la  solution  de  glycérine  fût  fortement  colorée 
au  moment  de  Tattaque  par  SO^H',  on  n'aurait  qu'à  la  traiter 
par  un  1  gramme  de  noir  animal,  lequel,  après  un  lavage  suffi- 
sant à  l'eau  chaude,  ne  retient  pas  la  glycérine  en  quantité 
sensible,  ainsi  que  nous  l'avons  vérifié. 


VII 


Nous  avons  appliqué  notre  méthode  de  dosage  de  la  glycérine 
à  un  assez  grand  nombre  d'échantillons  de  nature  et  de  prove- 
nance diverses;  les  résultats  sont  consignés  dans  les  deux 
tableaux  suivants. 

Le  premier  tableau,  qui  contient  exclusivement  des  vins 
rouges  et  blancs  complètement  fermentes,  donne,  avec  la  gly- 
cérine par  litre,  la  richesse  alcoolique  en  volume  pour  cent  et 
en  poids  par  litre,  et  le  rapport  alcool-glycérine. 

Le  second  tableau,  relatif  à  des  liquides  plus  ou  moins 
sucrés,  donne,  outre  les  indications  du  tableau  précédent,  la 
quantité  de  sucre  restant  dans  ces  liquides. 


TABLEAU  No  1.  (Liquides  complètement  fermentè$.) 


KATniB   tu  laURTILLOSS 

ALCOOL  0/0 

on 
Tolume 

ALCOOL 

en  poids 
par  litre 

GLTCÉMKB 

par  litre 

h 

BAPPORT 

a 
T 

/  Médocl878 

10,8 
10,8 
10,8 
11,2 
10,4 
10,4 
10,8 
10,0 
10,0 
9,0 

ffr 

86,4 
86,4 
86,4 
89,6 
81,2 
83,2 
86,4 
80,0 
80,0 
72,0 

8^40 
8,00 
8,40 
8,67 
7,50 
6,40 
7,90 
6,40 
6,90 
6,72 

10,3 
10,8 
10,3 
10,3 
11,1 
13,0 
10,9 
12,5 
11,6 
10,7 

^          Id.    1892  (grand  cra) . . 
1          Id.    1893       id. 
»          Id.    1893       id. 
»    1     Id.    1894       id. 
1    ]     Id.    1894       id. 
g    j     Id.    1893  (ordinaire). . . 
g    f     Id.    1894       id. 
^       Graves  1873 

1         \      Id.    1883* 

184 


1.  LABORDS, 


TABLEAU  No  1  (Suite). 


RATCKI  Wa  ÉCIAXTILLONS 


•S 

e 

o 
u 


•S 

E 

e 

M 

a 


l 


e 

I 
I 

> 


Graves  1893, 
Id.    1893 


Id.    1893 

Id.    1883 

Id.    1893...... 

Id.    1893 

Id.    1894 

Id.    1894 

Id.    1894 

Id.    1894  (vin  de  sucre). 
Id.    1894  (n|i«it  texan). 

Côtes   1887 

1891 

4893 

1893 

1893 

Id.    1893(St-Émilion).. 

Id.    1894 

1894 

1894 

1894 

1894 

Palus  1892 

Id.    1893 

Id.    1894 

Id.    1894 

Vin  de  l'Hérault  1894 .... 

Id.  de  Tunisie  1892 

Id.  d'Espagne  1894 

Id.  de  Grèce  1892 

Id.  de  Grimée  1892 

Id.  de  Galifomie 

Vin  de  la  Gironde  1893  . . 
Id.  1893 . . 

Id.  1894 . . 

Id.  1894 . . 

Vin  d'Espagne       1894  . . 
Id.  1894 . . 

Id.  1894 . . 

Vin  de  Turquie      1894  . . 
\  Id.  d'Algérie         1894 . . 


Id. 
Id. 
Id. 
Id. 


Id. 
Id. 
Id. 
Id. 


ALCOOL  0/0 

en 
Tolume 


11,0 

11,5 

10,6 

10,8 

10,4 

10,8 

10,4 

10,6 

11,4 

8,8 

9,6 

10,8 

10,5 

12,2 

10,2 

9,4 

10,2 

8,0 

8,8 

8,0 

9,6 

10,0 

10,4 

9,0 

9,2 

8,9 

9,0 

13,0 

14,5 

13,0 

15,8 

12,2 

10,4 

11,4 

11,8 

14,8 

12,6 

12,8 

14,8 

12,0 

12,0 


ALCOOL 

en  poids 
par  lUre 


88,0 
92,0 
84,8 
86,4 
83,2 
86,4 
83,2 
84,8 
91,2 
70,4 
76.8 
86,4 
84,0 
97,6 
81,6 
75,2 
81,6 
64,0 
70,4 
64,0 
76,8 
80,0 
83,2 
72,0 
73,6 
71,2 
72,0 
104,0 
116,0 
104,0 
126,4 
97,6 
83,2 
91,2 
94,4 
118,4 
100,8 
102,4 
118,4 
96,0 
96 


8,26 
7,75 
8,16 
7,90 
7,40 
6,48 
6,00 
8,90 
5,60 
6,00 
7,14 
5,90 
8,50 
7,00 
6,88 
7,65 
4,00 
5,80 
5,25 
5,10 
6,88 
8,00 
6,90 
4,60 
4,40 
5,86 
8,40 

10,96 
9,00 

10,10 
7,65 
6,40 
6,80 
7,65 
9,20 
7,14 
7,50 
9,00 
7,90 
7,70 


10,5 
11,1 
10,9 
10,6 
10,5 
11,6 
12,8 
14,1 
10,2 
12,6 
12,6 
12,1 
14,2 
11,5 
11,6 

10,8 
10,6 
16,0 

12,1 

12,2 

15,0    ' 

11,6 

10,4 

i2,4 

iO,5 

ii,5 

12,5 

12,5 

13,0 

13,4 

12,3 

13.8 

13,9 

13,6 

13,1 

12,1 

12,4 


DOSAGE  DB  LA  GLYCÉRINE 


185 


TABLEAU  N<»  2.  f Liquides  incomplètement  fermentes,) 


e 
o 

o 


e 
ca 


2 

«o 

a 


Sauternes  1883. 
Id.  1885. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Id. 
Barsac 
Id. 
\  Gérons 


1888 

1888 

1888  (fni4  en) . 

1889  id.  . 
1889  id.  . 
1893  id.  . 
1893      id.     . 

1893  id.     . 

1894  id.  . 
1889  id.  . 
1894  id.  . 
1887 

Cidre  de  Normandie.. . . 

Id.  Id 

Cidre  iait  uUWntoirc,  1890. 

Haute 

Basse 

Id 

Blonde 

Brune 

Hydromel  1887 

Id.       1890 

Yin  de  Malvoisie  1879 


«9 
O 

il 


10,0 
14,7 
15,0 
18,0 
5,0 
6,0 
25,6 
20,4 
13,4 
20,0 
11,6 
22,0 
12,0 

20,0 

15,0 

5,0 

» 

20,0 
80,0 
80,0 


ALCOOL  0/0 

ALCOOL 

eo  poids 

CLTCÉRINE 

en 
Tolume 

par  litre 
a 

ptr  litre 
b 

11,0 

8^,0 

8,67 

11,4 

•^,2 

10,20 

15,2 

121,6 

10,24 

14,6 

116,8 

9,72 

14,0 

112,0 

12,06 

15,2 

121,6 

10,95 

11,6 

92,8 

8,45 

17,5 

140,0 

14,80 

16,5 

132,0 

14,28 

15,8 

126,4 

13,25 

13,2 

105,6 

8,28 

11,6 

92,8 

8,70 

13,0 

104,0 

8,00 

15,2 

121,6 

10,20 

2,4 

19,2 

1,90 

3,0 

24,0 

2,30 

5,0 

40,0 

5,10 

3,0 

24,0 

1,43 

4,6 

36,8 

2,30 

4,5 

36,0 

2,22 

» 

» 

2,30 

» 

» 

2,30 

14,2 

113,6 

7,65 

13,2 

105,6 

9,20 

16,0 

128,0 

9,20 

RAPPORT 

a 

T 
10,1 

9,0 
11,9 
12,0 

9,3 
11,0 
10,9 

9,5 

9,2 

9,6 
12,7 
10,6 
13,0 
11,9 
10,4 
10,4 

7,8 
16,8 
16,0 
16,2 

» 

» 
14,8 
11,4 
14,0 


Il  ressort  des  chiffres  du  premier  tableau  que  le  rapport 
alcool-glycérine  est  très  variable  pour  les  vins  rouges  (la 
moyenne  est  de  12  environ),  et  qu'il  pourrait  difficilement 
servir  à  caractériser  un  vin  naturel,  puisque  les  limites  de 
ses  variations  peuvent  aller  de  10  à  16,  dépassant  ainsi  de 
beaucoup  le  chiffre  14  indiqué  par  M.  Gautier  comme  un 
minimum. 

Le  tableau  n^  2  montre  également  de  très  grandes  variations 
du  rapport  alcool-glycérine  parmi  les  liquides  de  nature  diffé- 


186  i,   LABORDE^ 

rente  et  aussi  p<armi  les  différents  échantillons  des  liquides  de 
même  nature.  Dans  ce  tableau  ne  figurent  pas  les  vins  blancs 
très  liquoreux  du  pays  de  Sauternes^  qui  présentent  certaines 
particularités  méritant  une  étude  complémentaire.  Nous  en 
ferons  Tobjet  d'une  publication  ultérieure. 


NOTICE  RELATIVE 

A  UMB 


CARTE  GÉOLOGIQUE 

DES  ENVIRONS  DE  BORDEAUX 


PAR  U.  E.  FALLOT, 

nOTESSEim    A.    LA    rACVLTlt    DES   SCIKNCES. 


La  carte  géologique  à  grande  échelle  7—^  que  j'ai  dressée 
à  Toccasion  de  la  XIIP  Exposition  de  la  Société  Philomathique 
à  Bordeaux,  comprend  une  portion  assez  considérable  du 
département  de  la  Gironde,  à  savoir  Tespace  qui  s'étend,  du 
Sud  au  Nord,  depuis  Langon  jusqu'au  Bec-d'Âmbès,  et,  de 
TEst  à  rOuest,  depuis  Sauveterre  et  la  basse  vallée  du  Dropt 
jusqu'à  une  ligne  passant,  en  pleine  lande,  de  Castelnau  vers 
le  Barp. 

Elle  est  destinée  à  donner  une  idée  de  la  constitution  géolo- 
gique des  environs  de  Bordeaux,  ou  plutôt  de  la  distribution 
des  terrains  dans  la  partie  de  la  Gironde  dont  Bordeaux  occupe 
à  peu  près  le  centre. 

C'est  une  carte  murale,  sans  indication  du  relief  et  sans 
détails  topographiques,  et,  bien  qu'elle  ait  été  faite  avec  autant 
de  soin  que  possible,  elle  ne  peut  avoir  la  prétention  de  rem- 
placer la  carte  géologique  détaillée  de  la  Gironde  à  grande 
échelle,  qui  est  encore  à  faire.  Mais  c'est  là  une  œuvre  consi- 
dérable, demandant  de  longues  années  de  patientes  recherches, 
que  la  monotonie  de  la  région  et  la  difficulté  d'observation 
rendent  extrêmement  fastidieuse  et  compliquée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  malgré  ses  imperfections,  dues  surtout 
aux  difficultés  que  je  viens  de  signaler  et  à  la  rapidité  avec 
laquelle  il  a  dû  être  exécuté,  le  travail  que  j'expose  aujourd'hui 


188  E.   FALLOT. 

me  semble  constituer  un  progrès  réel  sur  les  cartes  précé- 
demment publiées  de  cette  région. 

C'est  la  première  fois  qu'un  essai  semblable  a  été  tentée  les 
cartes  géologiques  existantes  jusqu'ici  étant,  en  effet,  ou  bien 
à  petite  échelle  et  assez  anciennes,  ou  bien  à  échelle  assez 
grande,  mais  alors  très  incomplètes.  Je  vais,  du  reste,  les 
énumérer. 

La  première  carte  géologique  de  la  Gironde  a  été  commencée 
en  1836  par  Drouot,  ingénieur  des  mines  à  Bordeaux.  Cette 
carte,  continuée  dès  1838  par  son  successeur  Pigeon,  ne  fut 
achevée,  d'après  M.  Raulin  (*),  qu'en  1856  et  gravée  à  une 
petite  échelle  (n^ôôô  environ).  Elle  a  figuré,  paraît-il,  à  l'Expo- 
sition de  Londres  en  1861  ;  mais,  par  suite  de  la  mort  de  son 
auteur  qui  n'avait  pas  fait  de  notice  explicative,  elle  n'a  pas 
été  mise  en  vente  et  je  ne  l'ai  jamais  vue. 

En  1876,  M.  Raulin  publia  une  carte  géologique  de  la  Gi- 
ronde, à  une  échelle  à  peu  près  semblable  à  celle  de  Pigeon  ; 
cette  carte,  accompagnée  d'une  notice  (*)  et  d'une  légende  en 
huit  couleurs,  avait  été  exécutée  d'après  une  esquisse  manus- 
crite datant  de  1848.  C'est  dire  que  la  figuration  des  terrains 
est  faite  d'après  une  classification  fort  ancienne  qui  n'est  plus 
en  rapport  avec  la  science  actuelle;  de  plus,  elle  présente  de 
nombreuses  inexactitudes. 

En  1889,  sur  une  demande  spéciaic  qui  m'avait  été  adres- 
sée de  publier  une  esquisse  géologique  du  département  de 
la  Gironde,  j'ai  été  obligé  d'annexer  à  ce  travail  une  petite 
carte  au  jôijvs  environ  qui  présentait  déjà  quelques  modifica- 
tions relativement  à  la  précédente,  mais  qui,  vu  sa  petitesse  et 
le  peu  de  temps  qui  m'avait  été  donné  pour  la  faire,  ne  pouvait 
prétendre  à  une  valeur  sérieuse  (*). 

Dans  l'intervalle,  la  Direction  de  la  Carte  géologique  de  la 
France  avait  fait  exécuter  deux  feuilles  au  ^ôoôî»  celles  de  Bo^ 


(i)  Bull,  Soc,  Géogr,  comm,,  1. 1,  p.  1, 1874. 
(>)  Feuille  des  Jeunes  Naturalistes,  18S9. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  189 

deaux  et  de  la  Teste-de-Buch.  Elles  ont  été  dressées  par  M.  Linder, 
actuellement  inspecteur  général  des  mines,  et  ont  paru  en  1882. 

Ces  cartes,  bien  supérieures  à  celles  qui  ont  été  faites 
antérieurement,  au  point  de  vue  de  la  classification  adoptée, 
témoignent  également  d'un  progrès  considérable  dans  Tobser- 
vation  géologique  ,et  la  figuration  des  terrains  ;  mais  elles  ne 
s'appliquent  qu'à  une  portion  restreinte  du  département,  c'est- 
à-dire  à  la  partie  occidentale  de  la  région  que  j'ai  figurée. 

Elles  m'ont  été  fort  utiles  pour  la  confection  de  cette  partie 
de  ma  carte,  mais  j'ai  été,  à  plusieurs  reprises,  obligé,  par 
mes  observations  directes  sur  le  terrain,  de  modifier  les  con- 
tours figurés  ou  d'ajouter  certains  afQeurements  non  constatés 
par  l'auteur.  On  pourra  s'en  rendre  compte  aisément,  surtout 
en  ce  qui  concerne  la  partie  comprise  dans  les  communes  de 
Villenave-d'Ornon,  Léognan,  Martillac,  La  Brède,  Saint-Moril- 
lon, Saint-Selve  et  la  vallée  du  Gua-Mort(*). 

La  région  de  l'Entre-deux-Mers,  que  j'ai  tout  spécialement 
étudiée,  et  quelques  parties  de  la  rive  gauche  de  la  Garonne 
(celles  placées  à  partir  de  la  rive  droite  du  Gua-Mort,  en  allant 
vers  le  Sud)  sont  absolument  nouvelles  et  paraîtront  bien  diffé- 
rentes de  ce  qu'elles  sont,  soit  sur  la  carte  de  M.  Raulin,  soit 
sur  les  cartes  générales  de  la  France  d'E.  de  Beaumont  et  de 
MM.  Garez  et  Yasseur. 

En  terminant  cet  exposé,  je  tiens  à  faire  une  remarque 
indispensable  relativement  à  la  carte. 

La  nature  même  de  la  constitution  géologique  de  la  Gironde, 
où  les  formations  de  recouvrement  prennent  une  importance 
qu'elles  n'ont  pas  dans  d'autres  régions  de  la  France,  laisse  à 
l'interprétation  de  la  figuration  des  terrains  une  certaine  lati- 
tude. Si  l'on  s'en  tenait  aux  règles  qu'on  a  suivies  ailleurs,  il 
est  certain  que  la  carte  géologique  des  environs  de  Bordeaux 


(i)  Dans  la  ville  de  Bordeaux  et  dans  ses  environs  immédiats,  j'ai  généralement 
adopté  la  figuration  de  M.  Linder,  qui  a  fait  ses  observations  à  une  époque  où  les 
Constructions  étaient  moins  nombreuses^  et  où  les  observations  pouvaient  se  faire 
avec  plus  de  facilité  qu'aujourd'hui* 


190  E.  PALLOT. 

ne  pourrait  guère  montrer,  à  part  quelques  coupures  profondes 
et  quelques  escarpements,  qu'une  seule  et  unique  teinte,  celle 
des  formations  de  recouvrement. 

Il  y  a  donc  là  une  difficulté  de  figuration  qui  n'a  pas  laissé 
de  m'embarrasser  maintes  et  maintes  fois,  et  j'ai  cru,  en  cer- 
tains cas,  devoir  marquer  comme  afQeurant,  des  assises  qui 
sont  à  une  profondeur  appréciable,  ou  augmenter  certains 
afQeurements  pour  les  rendre  facilement  visibles.  Je  ne  me 
dissimule  pas  que  d'autres  observateurs  auraient  pu  avoir  une 
appréciation  différente  et  qu'ils  pourront  m'accuser  quelquefois 
de  timidité  ou  de  hardiesse;  mais  c'est  là  la  pierre  d'achoppe- 
ment de  toutes  les  cartes  géologiques,  qui  ne  sont  après  tout 
qu'un  procédé  graphique  artificiel  destiné  à  représenter  l'aspect 
complexe  de  la  disposition  naturelle  des  assises  géologiques. 

En  présence  de  ces  difficultés,  j'ai  souvent  regretté  de  ne 
pouvoir  représenter  les  dépôts  superficiels  par  un  système  de 
points  ou  de  hachures  placés  sur  les  formations  que  j'appelle- 
rais volontiers  formations  constitutives.  Mais  j'ai  craint,  en 
employant  ce  système,  d'être  un  peu  trop  révolutionnaire  d'une 
part,  et,  d'autre  part,  il  m'eût  semblé  excessif  de  ne  représen- 
ter que  comme  un  dépôt  superficiel  une  formation  aussi 
importante  que  celle  du  Sable  des  Landes,  qui,  dans  le  dépar- 
tement, atteint  jusqu'à  50  mètres  d'épaisseur  (sondages  de 
Marcheprime,  d'Arcachon).  Enfin,  malgré  l'allure  générale  des 
couches  et  les  documents  assez  nombreux  que  nous  possédons 
actuellement  sur  l'extension  en  profondeur  des  divers  étages, 
j'aurais  été  souvent  assez  embarrassé  de  tracer  les  contours 
exacts  des  formations  néogènes  dans  la  région  landaise,  par 
exemple.  C'est  pour  ces  diverses  raisons  que  j'ai  adopté  la 
figuration  la  plus  ordinairement  employée. 

Les  divisions  représentées  sur  la  carte  sont  au  nombre  de 
huit(*). 

Q)  Pour  les  représenter,  je  n*ai  pu  adopter  les  couleurs  conventionnelles 
admises  par  le  Congrès  international  de  Bologne,  par  la  bonne  raison  que,  le 
Crétacé  à  part,  je  n'aurais  guère  eu  i  employer  qu'une  couleur  (le  jaune)  en  diffé- 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  191 

Ce  sont  :  le  Crétacé  supérieur  (Campanien  et  Maëstrichtien), 
TEocène  supérieur  (Priabonien,  M.  Ch.  et  de  Lapp)  ('),  le  Ton- 
grien  avec  ses  deux  sous-étages,  rAquitanien,  THelvétien,  les 
formations  de  recouvrement  anciennes  (Sable  des  Landes, 
Dépôt  de  TEntre-deux-Mers,  Alluvions  anciennes),  enfin,  les 
AUuvions  récentes. 

Je  vais  donner  successivement  une  idée  de  ces  différents 
étages. 


TERRAINS  SECONDAIRES. 

CRÉTACÉ  SUPÉRIEUR. 

Le  terrain  le  pkts  ancien  qui  puisse  se  constater  dans  le 
département  de  la  Gironde  est  le  Crétacé  supérieur,  représenté 
par  deux  étages  :  le  Campanien  et  le  Maëstrichtien.  Il  forme 
deux  pointements  placés  sur  une  ligne  anticlinale  à  peu  près 
parallèle  à  Taxe  des  Pyrénées,  et  dont  j'ai  donné  ailleurs  la 
description  (*).  L'un  affleure  dans  les  environs  de  Haut-Villa- 
grains,  l'autre  au  sud  de  Landiras.  Ce  dernier  est  en  dehors 
des  limites  de  la  carte. 

Quant  au  premier,  il  se  voit  surtout  le  long  du  Gua-Mort,  au 
sud  du  village,  et  on  peut  le  suivre  au  Nord  jusqu'au  delà  du 
moulin  de  Peyot.  Il  apparaît  encore  un  peu  à  l'Est  sous  la 
forme  d'un  petit  massif  isolé  au  milieu  du  Sable  des  Landes  et 
naguère  exploité. 

A  la  base  de  la  formation,  vers  l'emplacement  de  l'ancien 

rentes  teintes,  et  que,  d*aatre  part,  je  faisais  plus  de  divisions  qu^il  n^en  a  été 
prévu  dans  la  nomenclature  officielle  relative  à  la  carte  géologique  d*£urope. 

(*)  J'ai  adopté  à  regret  cette  appellation  nouvelle  en  remplacement  du  terme 
de  Ligurien  qui  aujourd'hui  peut  prêter  à  confusion,  M.  Sacco  ayant  démontré 
qu'on  a  réuni  sous  ce  terme  des  faciès  analogues  répandus  dans  le  Crétacé  supé- 
rieur et  dans  l'Ëocène  de  Tltalie  septentrionale.  Je  ferai  remarquer,  de  plus,  que 
le  parallélisme  des  assises  se  rapportant  à  TËocène  supérieur  est  encore  assez  mal 
établi,  et  que  la  science  est  loin  d'avoir  dit  son  dernier  mot  sur  ce  sujet  :  le  type 
même  de  l'étage,  celui  qui  devrait  lui  donner  son  nom,  est  encore  à  trouver  et  à 
délimiter. 

(S)  Bull.  Soc.  Gèol.  Fr.,  dfi  série,  t.  XX,  p.  350. 


192  E.  FALLOT. 

moulin  de  la  Nère,  au  lieu  dit  Peyrotte,  sur  la  capte  au  ï^i^^  de 
la  Gironde,  dans  le  fond  même  du  ruisseau,  on  rencontre  un 
calcaire  blanchâtre  un  peu  crayeux,  avec  Micraster  aturiais, 
Héb.,  de  petite  taille,  Echinocorys  Heberti,  Sennes,  Offaster 
cf.  pilula,  Desor.,  Echinoconus  Raulini,  d'Orb.,  Inocéra- 
mes,  etc.,  que  je  rapporte  au  Campanien. 

Ce  calcaire  passe  en  aval  à  des  couches  plus  jaunâtres,  très 
visibles  surtout  dans  Tescarpement  situé  sur  la  rive  droite,  à 
quelques  centaines  d.e  mètres  en  amont  du  pont  de  la  route  de 
Bordeaux.  Ce  calcaire  est  rempli  de  Spongiaires  (Tragos  pisi- 
forme,  Goldf.).  J'y  ai  trouvé  un  Ebhinocorys  Heberti  de 
grande  taille,  usé,  et  des  fragments  d'autres  espèces  du  même 
genre.  Plus  loin  vers  le  pont,  toujours  en  amont,  on  peut 
récolter  VEchinocorys  vulgaris,  Breyn.,  var.  acuminée,  et 
dans  une  tranchée  placée  immédiatement  en  aval,  j'ai  rencontré 
avec  cette  espèce  des  Echinoconus  (E,  gigas,  Cott.),  des 
Off aster  et  une  Ostrea  vesicularis,  Lam.  Cette  couche,  qui  se 
lie  intimement  à  la  précédente,  forme  probablement  la  base  du 
Maëstrichtien,  qui  se  termine  à  Peyot  par  un  calcaire  compact, 
à  cassure  translucide,  lardé  d'Orbitoïdes  indéterminables.  Ce 
dernier  calcaire  ressemble  beaucoup  à  celui  de  Landiras. 

Le  Crétacé  supérieur  de  Yillagrains  est  presque  partout 
recouvert  par  le  Sable  des  Landes.  Cependant,  entre  le  pont  et 
Peyot,  on  voit  l'Aquitanien  formé  d'un  calcaire  à  Bythinies  et 
Potamides  reposer  directement  sur  lui. 


TERRAINS  TERTIAIRES. 

ÉOCÈNB. 

Le  terrain  éocène  n'afHeure  pour  ainsi  dire  pas  dans  la 
partie  du  département  que  j'ai  figurée  :  on  ne  voit  guère  que 
l'étage  supérieur  vers  le  Nord  (Médoc). 

Je  rappellerai  cependant  succinctement  ses  divisions  dans 
la  Gironde. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  193 

VÉocène  inférieur  (Suessonien)  n'est  pas  visible;  il  est 
même  fort  douteux  dans  la  profondeur.  M.  Benoist  a  cependant 
signalé  des  Alveolina  oblonga,  d'Orb.,  dans  le  sondage  de 
LamarquOy  vers  150  mètres,  mais  ces  fossiles  mériteraient 
d'être  réétudiés  (*),  et  la  question  ne  pourra  être  tranchée 
qu'avec  de  nouveaux  matériaux  fournis  par  les  forages  arté- 
siens. 

VÉocène  moyen  présente,  dans  la  Gironde,  ses  deux  étages 
typiques,  le  Lutétien  et  le  Bartonien. 

Le  Lutétien  est  formé  par  les  sables  et  argiles  à  Nummu- 
iites  à  la  base,  par  le  calcaire  grossier  de  Blaye  à  la  partie 
supérieure.  Les  couches  à  Nummulites  (N.  perforata,  d'Orb., 
lucasana,  Defr.,  Ixvigata,  Lamk.  var.  aquitanica,  Ben.)  et  à 
Assilines  (A.  granulosa,  d'Arch.,  mamillata,  d'Arch.)  n'affleu- 
rent nulle  part,  mais  elles  se  montrent  dans  tous  les  sondages 
de  Bordeaux  et  des  environs  et  offrent  quelquefois  une  grande 
épaisseur  (Parc-Bordelais  p.  ex.). 

Le  calcaire  grossier  de  Blaye  se  divise  en  deux  assises  :  le 
calcaire  grossier  inférieur,  surtout  caratérisé  par  VEchino- 
lampas  stelliferus,  Des  Moul.  (Citadelle  de  Blaye),  et  le  cal- 
caire grossier  supérieur  avec  Echinolampas  similis,  Ag., 
Laganum  marginale,  Ag.  Cette  dernière  couche,  représentée 
dans  la  falaise  entre  Blaye  et  Plassac,  se  relie  à  la  précédente 
par  les  assises  à  Echinanthus  Des  Moulinsi,  Desor.  et  Echi- 
nolampas  blaviensis,  Cott.,  des  carrières  du  haut  de  la  ville 
de  Blaye. 

Le  calcaire  grossier,  qui  est  très  développé  dans  le  Blayais, 
n'apparaîtrait  guère  dans  le  Médoc  que  vers  le  Château-Mon- 
trose,  dans  les  berges  de  la  Gironde,  encore  n'y  verrait-on  que 
l'assise  supérieure. 

Le  Bartonien  est  formé  dans  le  Blayais  par  des  argiles  à 
Ostrea  cucullaris,  Lamk.,  surmontées  par  le  calcaire  d'eau 


(^)  n  en  est  de  même  des  Nummulites  planulata,  Sow.  var.  indiquées  par  le 
même  aatenr  dans  la  nappe  aquifère  des  puits  artésiens  de  Tabattoir  de  Blaye. 

T.  I  (5«  Série).  13 


IM  E.  FALLÛT. 

douce  de  Plassac  à  Limnœa  îongiscata,  Brong.  Dans  le 
Médoc,  il  est  surtout  représenté  par  des  argiles  et  marnes  à 
Corbula  avec  débris  de  calcaire  lacustre(').  Ce  dernier  est 
un  peu  plus  net  dans  les  communes  de  Moulis  et  de  Listrac  et 
il  existerait  aussi  dans  celle  de  Margaux;  l'apparition  de  cette 
assise  aurait  lieu  juste  à  la  limite  supérieure  de  la  carte. 

VÉocène supérieur  {Priabonien  ou  Ludien)  le  surmonte (*) 
et  est  formé  par  le  calcaire  de  Saint-Estèphe  à  Sismondta 
occitana,  Desor.,  Echinolampas  ovalis,  Des  Moul.,  Ostrea 
bersonensis,  Math.  Assez  développée  dans  le  Blayais  et  dans  le 
Médoc,  cette  partie  de  l'Éocène  est  la  seule  qui  affleure  nette- 
ment dans  la  région  de  la  carte,  et  encore  seulement  à  l'estré- 
mtté  Nord-Ouest,  vers  Caatelnau-de-Médoc.  Il  n'est  même  bien 
visible  qu'immédiatement  en  dehors  de  ses  limites,  vers  Barreau 
(commune  de  Moulis),  des  deux  côtés  de  la  Jalle  de  Tiquetorte, 
oj  il  est  exploité  sous  forme  d'un  calcaire  blanc  rempli  de 
Miliolea.  C'est,  sans  doute,  lui  qui  affleure  aussi  à  l'ouest  des 
maisons  du  hameau  du  Pont,  sur  la  route  de  Moulis  à  Avensan. 

Ses  limites  sont  fort  difficiles  à  voir,  et  j'ai  dû  renoncer  à  les 
établir  d'une  façon  définitive.  Du  reste,  on  se  trouve  là  en 
présence  d'une  difficulté  de  classification  qui,  bien  que  tran-  , 
chée  par  M.  Vasseur,  n'en  est  pas  moins  très  réelle.  Les 
couches  à  Anomies  qui  surmontent  le  calcaire  et  qui  ont  été, 
pendant  longtemps,  rapportées  par  les  auteurs  à  la  partie 
supérieure  de  l'Éocène  supérieur,  ont  été  rangées  par  lui  à  la 
base  de  l'Oligocène. 

C'est  probablement  ces  argiles  que  l'on  rencontre  dans  les 
Ibssés  creusés  entre  Barreau  et  les  Granges-d'Ëve;  je  n'y 
ai  point  vu  d'Anomies;  je  n'y  ai  rencontré  que  des  débris 
d'Ostrea  indéterminables  avec  quelques  petits  morceaux  de 
calcaire  d'apparence  marine.  Les  couches  à  Anomies  existent 
au  château  de  Mauvezin, 


(')  Voy.  surtoal  Benoist,  Description  géol.  dei  communei  de  Saiit^Ettiphe  et 
VertheuiHActeâ  Soc.  lÀn.,  1885). 
C)  A  ChJteau-MargaDx  il  ne  serait  guère  qa'en  débris. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  195 

J'ai  indiqué  un  autre  affleurement  d'Éocène  supérieur,  à  la 
pointe  de  TEntre-deux-Mers,  à  la  limite  des  alluvions  anciennes 
et  des  alluvions  actuelles,  vers  le  Château-Peychaud.  C'est  un 
calcaire  criblé  de  Milioles,  inexploité  maintenant  et  à  peine 
visible  dans  une  ancienne  carrière  aujourd'hui  recouverte  par 
la  végétation.  Je  n'ai  pu  y  trouver  un  seul  fossile  caractéris- 
tique, mais,  étant  donnés  sa  position  et  son  aspect,  je  ne  fais 
aucune  difficulté,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  à  le  rapporter 
au  calcaire  de  Saint-Estèphe,  comme  l'a  fait  M.  Linder  sur  la 
feuille  de  Bordeaux  au  j^^.  Je  dirai  seulement  que  la  position 
exacte  de  l'affleurement  n'est  pas  tout  à  fait  celle  qu'a  figurée 
l'auteur  précité.  C'est  immédiatement  à  l'extrémité  Nord-Est 
du  domaine  du  Château-Peychaud  que  se  trouve  l'ancienne 
exploitation  que  j'ai  en  vue. 

OLIGOCÈNE. 

C'est,  de  tous  les  terrains,  celui  qui  occupe,  sur  la  carte, 
l'espace  le  plus  considérable.  On  le  divise  en  Tongrien  et 
en  Aquitanien. 

I.  Tongrien. 

Cet  étage  forme,  on  peut  le  dire,  la  charpente  de  la  région, 
surtout  le  Tongrien  supérieur;  c'est  lui  qui  lui  donne  son 
relief  principal.  Quant  au  Tongrien  inférieur,  il  se  rencontre 
surtout  dans  les  vallées,  principalement  au  Nord,  vers  la 
Dordogne. 

Tongrien  inférieur.  —  Le  Tongrien  inférieur  (Infrà-ton- 
grien)  est  représenté  par  la  Mollasse  du  Fronsadais,  si 
visible  sur  la  rive  droite  de  la  Dordogne,  et  par  un  système 
d'argiles  assez  puissant,  exploité  d'ordinaire  pour  la  fabrication 
des  tuiles.  Le  plus  généralement,  les  argiles  sont  sous  la 
Mollasse,  de  là  le  nom  d'infrà-mollassiques  que  je  leur  ai 
donné  ;  mais  il  y  en  a  aussi  de  supérieures,  et  il  arrive  fréquem- 
ment que  les  deux  formations  argiles  et  mollasse  se  remplacent 
mutuellement  et  latéralement.  L*étude  de  la  vallée  du  Dropt, 


196  E.  PALLOT. 

de  Morizès  à  son  embouchure,  est  très  instructive  à  cet  égard* 
On  peut,  du  reste,  étudier  facilement  cette  formation  dans  un 
grand  nombre  de  points,  dans  les  vallées  qui  s'ouvrent  vers  la 
Dordogne,  ou  le  long  de  cette  rivière  dans  la  partie  Nord-Est 
de  la  carte,  où  elle  atteint  une  assez  grande  altitude  (près  de 
50  mètres).  Je  citerai  surtout  les  environs  de  Branne,  Cabara, 
Saint-Jean-de-Blaignac,  Rauzan,  les  bords  du  ruisseau  d'Ar- 
veyres,  vers  Saint-Germain-du-Puch,  les  bords  du  ruisseau  de 
Gestas,  principalement  sous  Beychac  ;  puis,  plus  au  Sud,  les 
tuileries  d'Haux,  la  base  des  coteaux  de  Casseuil,  la  vallée 
du  Dropt.  On  en  trouve  aussi  des  lambeaux  sous  Bouliac, 
Baurech,  mais,  en  général,  elle  disparait  sous  le  calcaire  à 
Astéries,  sur  la  rive  droite  de  la  Garonne. 

Il  y  a  là  un  plongement  manifeste  Nord-Sud  des  couches, 
que  Ton  peut  facilement  observer.  Ainsi,  dans  la  vallée  du 
Tourne,  la  Mollasse  ne  se  voit  que  sporadiquement  (sous  Haux, 
sous  le  château  de  Peyruche),  et  à  Tembouchure  (Langoiran), 
elle  est  au  niveau  du  ruisseau,  c'est-à-dire  à  quelques  mètres 
d'altitude  seulement. 

Sur  la  rive  gauche,  elle  apparaît  à  l'entrée  de  la  vallée  du 
Beuve  et  sous  Castets-en-Dorthe,  le  long  du  canal  du  Midi. 
Pour  la  retrouver  plus  au  Nord  il  faut  aller  jusqu'aux  environs 
de  Blanquefort,  et  encore  est-elle  peu  visible. 

Au  delà,  dans  les  limites  de  la  carte,  on  ne  voit  pas  de 
Mollasse,  et  c'est  avec  quelque  hésitation  que  je  rapporte  au 
Tongrien  inférieur  les  argiles,  avec  ou  sans  Anomies,  des 
environs  de  Margaux  et  de  Castelnau.  Entre  le  village  et  la 
gare  d'Avensan,  on  voit  bien  ces  argiles  sans  fossiles;  elles 
étaient  exploitées  autrefois. 

On  sait  que  vers  Castillon-sur-Dordogne  se  développe,  au- 
dessus  de  la  Mollasse  du  Fronsadais,  un  calcaire  lacustre,  dit 
Calcaire  de  Castillon,  rempli  de  silex  qui  va  en  s'épaississant 
vers  l'Est,  pour  acquérir,  vers  Sainte-Foy,  une  assez  grande 
épaisseur.  Delbos  lui  attribue  une  puissance  maxima  de  vingt 
mètres.  J'ai  démontré  ailleurs  qu'il  ne  dépassait  pas  les  envi- 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  J97 

rons  de  Saint-Émilion  à  rOuest(^),  au  moins  sur  la  rive  droite 
de  la  Dordogne;  en  effet,  il  se  termine  en  pointe  au-dessous 
de  Saint-Hippolyte. 

Il  était  intéressant  de  voir  s'il  n'existait  pas  aussi  dans  la 
région  de  TEntre-deux-Mers,  représentée  sur  la  carte.  Je  puis 
dire  qu'il  manque  d'ordinaire,  mais  on  trouve  des  vestiges  de 
calcaire  d'eau  douce  dans  plusieurs  points  ;  ainsi,  à  la  descente 
de  Carensac,  vers  Tizac-de-Curton,  sous  le  calcaire  à  Astéries 
du  moulin  de  Fontats,  commune  de  Morizès  (rive  gauche 
de  la  Yignague).  On  le  trouve  en  débris  dans  des  argiles 
surmontant  la  Mollasse  du  Fronsadais,  sous  le  village  de 
Beychac. 

Dans  le  Médoc,  le  calcaire  de  Castillon  est  remplacé  par  celui 
de  Civrac  qui  se  montre  déjà  dans  les  environs  de  Castelnau, 
de  Moulis,  d'Arsac,  où  il  est  assez  difficile  à  observer. 

Tongrien  supérieur.  —  Le  Tongrien  supérieur  est  cons- 
titué presque  uniquement  par  le  calcaire  à  Astéries.  Cette 
assise,  à  laquelle  j'ai  consacré  dernièrement  une  assez  longue 
étude  à  laquelle  je  renvoie  pour  les  détails  (^),  est  souvent 
précédée  d'argiles  à  huîtres  (Ostrea  longirostris,  Lamk.,  et  0. 
girondica,  n.  sp.)  ;  celle-ci  n'est  peut-être  qu'une  variété  à  côtes 
nombreuses  de  l'O.  cyathula^  Lamk.,  du  Nord  de  la  France. 
Ces  argiles  sont  très  nettes  dans  quelques  points,  notamment 
à  Saint-Aubin-de-Blaignac,  où  les  0.  longirostris  atteignent 
d'énormes  dimensions;  à  Carensac,  dans  les  tranchées  de  la 
route  nationale  ;  sous  le  village  d'Haux  (chemin  de  Créon  à 
Langoiran).  Elles  sont  loin  d'être  constantes  et  sont  quelquefois 
remplacées  par  des  argiles  vertes  à  Milioles,  d'origine  marine, 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  argiles  d'eau  douce  qui 
surmontent  quelquefois  la  Mollasse  du  Fronsadais.  Les  argiles 


*  0)  Voy.  Delbos,  Mémoire  8ur  la  formation  d'eau  douce  de  la  partie  occiden- 
tale de  la  Gironde  (Mém.  Soc»  GéoL  de  France,  2* série,  t.  II,  1847),  et  E.  Fallot, 
P.  V,  Soc.  Lin.  de  Bordeaux,  15  juin  1887. 

(^Contribution  à  l'étude  de  l'étage  tongrien  dans  le  département  de  la 
Gironde  (Mém,  Soc,  des  Se.  phys,  et  nat.,  t.  V,  1894). 


198  E.  FALLOT. 

à  Milioles  se  voient  surtout  très  bien  vers  Sainte-Eulalie,  dans 
une  butte  placée  un  peu  à  TEst  du  village. 

Le  calcaire  à  Astéries  forme  toute  l'ossature  de  TEntre-deux- 
Mers  et  se  retrouve  à  rentrée  de  toutes  les  vallées  de  la  rive 
gauche  de  la  Garonne. 

Il  atteint  des  altitudes  très  variables  ;  tandis  qu'on  le  ren- 
contre quelquefois  à  90  mètres  dans  le  Nord  de  l'Entre-deux- 
Mers  (environs  de  Rauzan,  etc.)^  il  s'abaisse  beaucoup  dans  le 
Sud,  vers  le  fleuve;  ainsi,  il  ne  dépasse  pas  55  mètres  à 
Bouliac,  et  à  Bordeaux  sa  surface  supérieure  est  à  10  mètres 
environ.  D  plonge  également  d'une  façon  très  nette  vers  l'Est, 
dans  les  environs  de  Cadillac,  pour  former  une  sorte  de  fond 
de  bateau  qui  va  se  relever  vers  Yerdelais  et  Saint-Macaire, 
afln  de  permettre  aux  formations  aquitaniennes  de  Sainte- 
Croix-du-Mont,  etc.,  de  se  développer  au-dessus  de  lui.  Il  est 
généralement  visible  dans  les  vallées  surtout,  tandis  qu'il  est 
ailleurs  recouvert  par  le  dépôt  superficiel  de  l'Entre-deux- 
Mers.  Cependant,  il  est  des  points  où  il  affleure  à  de  grandes 
altitudes  sur  les  plateaux,  et  où  il  est  largement  exploité  ;  je 
citerai  surtout  les  environs  de  Grézillac,  Daignac,  Espiet,  que 
l'on  pourrait,  à  bon  droit,  appeler  le  pays  de  la  pierre.  Il 
arrive  souvent  que  ce  calcaire  est  exploité  en  galeries  sou* 
terraines,  soit  qu'on  y  arrive  directement  de  l'extérieur,  comme 
on  peut  le  voir  à  Lormont  ou  dans  la  vallée  de  la  Pimpine 
(environs  de  Cénac),  soit  qu'on  y  pénètre  par  de  véritables 
puits  verticaux,  ainsi  qu'on  peut  l'observer  au  Sud  de  Saint- 
Germain-du-Puch  (*)  ou  vers  Croignon,  par  exemple,  sur  le 
ruisseau. 

On  l'exploite  aussi  activement,  mais  alors  à  l'air  libre,  dans 
les  environs  de  Quinsac,  Cambes,  Langoiran,  Sâint-Macaire, 
et,  sur  l'autre  rive,  dans  les  communes  de  Langon,  Pujols, 
Preignac,  Barsac,  Gérons,  Virelade,  Saint-Morillon,  etc.,  etc. 

{*)  La  présence  de  ces  grandes  carrières  m*a  engagé  à  marquer  là  le  calcaire 
comme  afflem'ant,  bien  qae  les  couches  superficielles  qui  le  recouvrent  soient 
assez  épaisses  dans  ce  point. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  199 

Partout  il  a  une  faune  marine  très  caractéristique,  générale- 
ment représentée  par  des  moules  intérieurs  ou  des  empreintes 
dans  lesquels  on  reconnaît  surtout  :  Cerithium  Charpentier i , 
Bast.,  C.  plicatum,  Brug.,  Diastoma  Grateloupi,  d'Orb., 
Ampullina  (Megatylotus)  crassatinay  Desh.,  Turbo  Parkirir 
8om^ Bast.,  Goniocardium  Afat/ierom,Desh.,  Lucina  Delbosi, 
d'Orb.,  Venus  Aglaurae^  Brong.,  et.  Les  Pecten  (P.  Billaur 
deli.  Des  M.  p.  ex.),  les  Ostrea,  les  Anomia,  sont  les  seuls 
mollusques  qu*on  trouve  partout  avec  le  test.  Il  en  est  de 
même  des  Échinides  qui  sont  très  bien  conservés  et  dont  les 
espèces  les  plus  communes  sont  :  Scutella  strialula,  M.  de 
Serres,  Echinolatnpas  Blainvillei,  kg,  et  Echinocyamus 
piriformis,  Ag.  Je  rappellerai,  en  outre,  que  le  calcaire  à 
Astéries  est  riche  en  Crustacés  {Palœocarpilius,  etc.),  et 
qu'on  y  trouve  pas  mal  de  Vertébrés,  surtout  des  débris 
d'Halitherium  (*). 

Il  y  a  cependant  des  points  où  le  calcaire  à  Astéries  présente 
les  lillollusques  avec  le  test.  Je  citerai  surtout  le  niveau  dit  de 
Terre-Nègre,  dans  les  communes  de  Bordeaux  et  Gaudéran,  qu^ 
semble  appartenir  à  des  couches  assez  inférieures,  et  celui  de 
Madère-Sarcignan  où  on  a  affaire  à  un  horizon  élevé  de  l'assise. 
J'ai  donné  ailleurs  (loc.  cit.)  les  listes  complètes  des  fossiles 
de  ces  localités,  qui  rappellent  tout  à  fait  la  faune  de  Gaas 
(Landes). 

Les  gisements  de  Terre-Nègre  sont  généralement  à  une  pro- 
fondeur d'environ  6  mètres  au-dessous  du  sol,  le  calcaire  à 
Astéries  étant  presque  toujours  recouvert  dans  l'intérieur  de 
Bordeaux  par  des  formations  récentes.  On  le  voit  cependant  à 
fleur  de  sol  vers  les  rues  du  Hautoir,  Mouneyra,  et  en  général 
il  n'est  pas  profondément  situé  le  long  des  vallées  du  Peugue 
et  de  la  Devèze,  ainsi  que  l'a  indiqué  M.  Linder  dans  sa  carte. 
Du  reste,  sur  la  rive  gauche  de  la  Garonne  en  général,  le  cal- 

0)  Voir,  pour  plus  amples  détails  :  £.  Fallot,  Contribution  à  V étude  de  V étage 
tongrien  dans  le  département  de  la  Gironde  (Afem.  Se.  phys.  et  nat.,  t.  V, 
4*  série,  1894). 


200  E.  FALLOT. 

caire  à  Astéries  est  difficile  à  délimiter^  et  on  est  toujours  tenté 
d'amplifier  les  affleurements  lorsqu'il  est  à  une  petite  profon- 
deur du  sol  :  c'est  ce  qu'avait  fait  M.  Linder  et  c'est  ce  que 
j'ai  fait  dans  certains  cas,  bien  que  j'aie  été  plusieurs  fois 
amené  à  le  restreindre  par  rapport  à  l'auteur  précité.  Je  Tai,  par 
contre^  figuré  dans  les  tranchées  du  chemin  de  fer  du  Midi  au 
sortir  de  Bordeaux. 

Dans  la  partie  supérieure^  le  calcaire  à  Astéries  présente 
très  fréquemment  des  Nummulites  {N.  inlermedia,  d'Arch., 
vasca,  Joly  et  Leym.,  etc.),  et  il  se  termine  fréquemment  par 
des  couches  à  Bryozoaires,  d'aspect  plus  ou  moins  mollassique, 
ainsi  qu'on  peut  le  constater  en  face  de  Langon,  par  exemple 
(rive  droite),  aux  environs  de  Sauveterre  (carrières  de  Meyraud, 
à  1,500  mètres  au  Sud  du  bourg).  Ici,  le  calcaire  à  Bryozoaires 
qui  termine  le  calcaire  à  Astéries  se  charge  de  quelques  pail- 
lettes de  mica  blanc,  et  passe  supérieurement  à  une  Mollasse 
plus  ou  moins  grossière,  d'autres  fois  très  fine  et  impossible  à 
distinguer  pétrographiquement  de  la  Mollasse  du  Fronsadais. 
C'est  évidemment  là  la  Mollasse  inférieure  de  l'Agenais,  qui  se 
développe  plus  à  l'Est  et  qui,  ainsi  que  l'a  démontré  Tournouër, 
n'est  qu'un  faciès  latéral  du  calcaire  à  Astéries.  Ce  passage 
latéral  se  voit  d'une  façon  remarquable  à  Beaupuy  (Lot^t- 
Garonne),  où  le  calcaire  se  termine  en  pointe  dans  l'épaisseur 
de  la  Mollasse. 

Cette  dernière  est  au-dessus  du  calcaire  au  Sud  de  Sauveterre, 
et  elle  a  quelques  mètres  d'épaisseur.  C'est  probablement  à 
elle  qu'il  faut  rapporter  les  bancs  mollassiques  qui  surmontent, 
entre  Saint-Exupéry  et  Morizès  (dans  la  tranchée  de  Cagouille), 
les  couches  argilo-sableuses  à  huîtres  (Ostrea  du  groupe  de 
ro.  cyathulaj  Lamk.),  dans  lesquelles  la  partie  supérieure 
du  calcaire  à  Astéries,  très  réduit  du  reste,  semble  venir  se 
résoudre  (*). 


0)  Un  fait  analogue  se  voit  sur  la  route  de  Langoiran  à  Créon,  par  la  vallée  du 
Tourne.  Vers  le  Galouchey,  le  calcaire  à  Astéries  se  termine  supérieurement 
par  des  bancs  argileux  à  Huîtres,  mais  lA  je  n*ai  pas  vu  de  Mollasse. 


CARTE  GÉ0L0C1QUB.  201 

J'ai  suivi  la  Mollasse  des  environs  de  Sauveterre  vers  TOuest, 
où  elle  est  souvent  difficile  à  saisir  sous  la  forme  d'une  argile 
sableuse  gris  verdâtre  ;  néanmoins,  on  peut  l'apercevoir  près 
de  Saint-Martial,  dans  un  point  de  la  route  qui  mène  à  Yerde- 
lais,  dans  la  commune  de  Mourens,  sous  Gaillarteau;  puis,  plus 
au  Nord,  entre  Hontpezat  et  Saint-Pierre-de-Bat,  elle  forme  les 
berges  d'un  lavoir  à  l'entrée  de  ce  dernier  village.  J'en  ai 
retrouvé  des  vestiges  sur  la  route  de  Sauveterre  à  Créon,  jusque 
dans  les  environs  de  Bellebat.  Je  ne  l'ai  pas  vue  plus  à  l'Ouest  ; 
au  Nord,  je  l'ai  retrouvée  vers  Rauzan,  notamment  à  cdté  de 
la  route  de  Blasimon,  vers  La  Yeyrie. 

II.  Âquitanien. 

A.  Rive  droite.  —  C'est  généralement  au-dessus  de  cette 
Mollasse  plus  ou  moins  rudimentaire,  ou  directement  sur  le 
calcaire  à  Astéries,  qu'apparaissent  dans  l'Entre-deux-Mers  des 
argiles  grisâtres  ou  verdâtres,  avec  ou  sans  concrétions  cal- 
caires, qui  passent  à  un  calcaire  très  blanc,  d'aspect  lacustre 
plus  ou  moins  continu,  dont  la  position  semble  correspondre 
à  celle  du  calcaire  blanc  ou  inférieur  de  l'Agenais.  C'est  ce 
qui  se  voit,  par  exemple,  dans  les  environs  de  Mourens,  de 
Montpezat,  Castelvieil;  on  peut  en  avoir  également  une  idée 
au-dessus  de  Loupiac,  vers  l'église,  ou  bien  dans  la  côte 
entre  Langon  et  Yerdelais,  ou  enfin  sur  la  route  de  Saint- 
Maixant  à  Sainte-Croix-du-Mont.  Ces  argiles,  passant  à  des  cal- 
caires d'eau  douce  en  plaquettes,  se  voient  quelquefois  à  de 
grandes  altitudes,  comme  à  LaYeyrie,près  Rauzan  (112  mètres), 
ou  à  Cazevert  (421  mètres).  Cette  formation  d'argiles  à  concré- 
tions ou  à  débris  de  calcaire  d'aspect  lacustre  se  rencontre 
dans  un  grand  nombre  de  points,  notamment  sur  la  route  de 
Créon  à  Sauveterre,  aux  environs  de  Bellebat,  au  nord  de  Targon  ; 
des  débris  trouvés  dans  les  champs  me  font  penser  qu'elle 
existe  aussi  vers  Curton  (105  mètres),  au  nord  de  La  Sauve.  Il 
arrive  quelquefois  que  le  calcaire  d'aspect  lacustre  est  déve- 


202  E.   FALLOT. 

loppé  presque  dès  le  début  de  la  formation,  comme  par  exemple 
à  2  kilomètres  au  Sud  de  Créon,  sur  la  route  de  Saint-Genès- 
de-Lombaudy  où  il  forme  une  assise  continue  au-dessus  des 
couches  à  huîtres  qui  terminent  là  le  calcaire  à  Astéries. 

Dans  l'intérieur  de  TEntre-deux-Mers,  c'est  peut-être  à 
Bellebat  que  le  calcaire  lacustre  est  le  plus  net  et  le  plus 
développé,  mais  je  n'ai  pu  y  trouver  de  fossiles  typiques  (*) 
comme,  par  exemple,  dans  les  environs  de  Violle,  Loupiac; 
là,  vers  Gouloumet,  le  Calcaire  est  pétri  de  Planorbis  cornus, 
Brong.  var.  solidus,  Thom.  Parmi  les  autres  localités  où  le 
calcaire  lacustre  est  typique  et  fossilifère,  il  faut  signaler 
Monprimblanc,  Gabarnac.  A  Omet,  sur  les  flancs  de  la  vallée 
qui  est  au  Sud  du  village,  le  calcaire  lacustre  repose  directe- 
ment sur  le  calcaire  à  Astéries  sans  intermédiaire  d'argile. 

Outre  les  points  que  j'ai  marqués  sur  la  carte,  je  n'ignore 
pas  que  des  lambeaux  insignifiants  de  calcaire  d'eau  douce 
existent  dans  d'autres  localités  de  l'Entre-deux-Mers,  mais 
la  plupart  du  temps  ils  sont  difficiles  à  constater  ou  trop  peu 
importants  pour  être  marqués  sur  la  carte.  Je  citerai  surtout 
les  communes  de  Tresses,  La  Tresne,  Fargues,  Pompignac, 
Villeneuve-de-Rions  et  Rions,  comme  présentant  des  vestiges 
épars  de  cette  formation.  Celui  de  Tresses  est  signalé  depuis 
longtemps,  mais  je  n'ai  pas  pu  le  retrouver  jusqu'ici.  Enfin, 
comme  détail  intéressant,  j'indiquerai  la  découverte  que 
M.  Reyt  a  faite,  à  Bouliac,  de  morceaux  de  calcaire  à 
Planorbes  remaniés  dans  le  diluvium  du  plateau. 

Tous  ces  faits  démontrent  surabondamment  qu'à  la  fin  de 
la  période  tongrienne,  au  moment  du  retrait  de  la  mer  du 
calcaire  à  Astéries,  il  s'est  constitué  dans  l'Entre-deux-Mers 
un  ou  plusieurs  grands  lacs  qui  ont  recouvert  la  région. 


(})  A  Gaillarteau,  aa  Sud  de  Mourens  J'ai  recueilli  cependant  des  morceaux  de 
calcaire  bréchoïde  grisâtre,  rempli  de  Planorbes,  mais  je  ne  sais  pas  exactement 
quelle  est  la  position  de  ce  calcaire  dans  l'Aquitanien;  ces  débris  étaient  mélangés 
dans  les  champs  à  ceux  de  TAquitanien  moyen,  d'origine  marine,  très  net  dans 
cette  localité. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  203 

Ce  sont  les  sédiments  déposés  par  ces  lacs  qui  constituent 
TAquitanien  inférieur.  Malheureusement,  ils  ont  été  démantelés 
par  les  érosions  quaternaires,  et  ce  n'est  que  vers  le  Sud  de  la 
région  qu'ils  prennent  une  certaine  importance  et  une  certaine 
continuité. 

Si  Ton  se  rapporte  à  ce  qu'ont  écrit  les  auteurs,  TAquitanien 
n'est  guère  représenté  dans  l'Entre-deux-Mers  qu'aux  environs 
de  Sainte-Croix-du-Mont.  Il  n'en  est  rien,  ainsi  que  je  viens  de 
le  démontrer  pour  les  couches  d'eau  douce  de  la  division 
inférieure,  et  je  vais  également  le  prouver  pour  TAquitanien 
moyen,  d'origine  marine,  qui  a  pénétré  dans  l'intérieur,  bien 
plus  loin  qu'on  ne  l'avait  pensé  jusqu'ici.  Sous  ce  rapport,  les 
cartes  publiées  sont  absolument  inexactes,  et  j'estime  que 
celle  que  j'ai  dressée  présente  un  progrès  considérable  à  ce 
sujet. 

L'Aquitanien  moyen  est  constitué  à  Sainte-Croix-du-Mont 
par  des  calcaires  sableux  jaunâtres  (Mollasse  coquillière  de 
Drouot)  présentant  à  la  base  de  nombreuses  huîtres  plissées 
(0.  producta,  R.  et  D.),  des  scutelles  (Se.  cf.  Bonali,  Tourn. 
in  coll.  (*)  et  quelques  Turritelles.  Plus  haut,  viennent  les 
bancs  d'Oslrea  undata,  Lamk.,  tant  de  fois  décrits.  Dans  la 
propriété  Dumeau,  le  banc  d'huîtres  n'a  pas  moins  de  7  mètres 
de  puissance  et  l'on  y  a  creusé  des  caves  et  une  chapelle. 
Sous  l'église,  il  se  divise  en  deux. 

A  la  partie  supérieure  (même  propriété),  se  voit  un  banc  de 
calcaire  blanchâtre,  à  Potamides,  Dreissena  Brardi,  d'Orb., 
qui  est  probablement  un  représentant  très  atténué  de  l'Aquita- 
nien  supérieur. 

J'ai  retrouvé  l'Aquitanien  marin  très  net  beaucoup  plus  au 


(^)  Toumoûer  a  désigné  sous  le  nom  de  Scutella  Botiali  une  Scutelle  de  Pin- 
dères  (Lot-et-Garonne),  déposée  au  Muséum  de  Bordeaux,  dont  les  dimensions 
sont  en  quelque  sorte  intermédiaires  entre  celles  de  ScutelUi  slriatula,  M.  de 
Serres,  da  calcaire  à  Astéries,  et  Scutella  subrotunda,  lAmk.,  de  la  Mollasse 
de  Léognan.  Néanmoins,  je  n'ose  assimiler  complètement  l'espèce  de  Sainte- 
Croix  à  celle  du  Lot-et-Garonne  qui  semble  être  ù  peu  près  du  même  uge  et  de 
même  taille,  mais  dont  les  ambulacres  sont  un  peu  différents. 


204  E.  FALLOT. 

iNord,  dans  les  communes  de  Saint-Martial,  Mourens,  Castelvieîl 
et  Gornac  (*). 

Une  des  localités  les  plus  typic|ues  à  ce  sujet  est  la  butte  du 
Moulin  de  Gravetier,  au  Nord-Est  de  Saint-Martial. 

Lu,  on  voit,  évidemment  au-dessus  d'un  rudiment  de  mollasse 
inférieure  de  l'Agenais,  des  argiles  grisâtres  et  blanchâtres  à 
concrétions  calcaires,  avec  débris  d'apparence  lacustre  (Aqui- 
tanien  inférieur),  surmontées  par  des  argiles  à  Ostrea  aginen- 
nis,  Tourn.  de  grande  taille,  admirablement  conservées.  Ces 
dernières  sont  recouvertes  par  un  banc  de  Mollasse  marine  peu 
épaisse,  analogue  à  celle  que  je  vais  décrire  plus  loin. 

A  Gornac,  on  a  la  même  succession,  en  montant  au  moulin 
de  Cazeau,  oiî  la  Mollasse  marine,  épaisse  de  1  à  2  mètres, 
repose  également  sur  des  couches  argileuses  à  0.  aginensiê, 
Tourn.  Cette  même  Mollasse  se  voit  du  reste  en  sortant  du  vil- 
lage, sur  la  route  de  Saint-Martial,  surune  assez  longue  distance. 

Il  en  est  de  même  à  Castelvieil.  Le  village  est  bâti  dessus  et 
elle  repose  sur  des  couches  ai^leuses  avec  petits  bancs  de 
calcaire  d'eau  douce  très  nets.  Au  lieu  dit  Cabaron  (110  mètres), 
la  Mollasse  marine  est  particuhèrement  développée;  elle  a  été 
exploitée  sur  4  fi  5  mètres  de  hauteur  vers  la  partie  Nord-Ouest 
de  la  butte  et  nous  a  offert,  dans  la  tranchée  du  chemin  placé 
ù  l'Est,  de  superbes  Amphiope  sp.  ind.,  de  taille  remarquable 
et  d'une  conservation  parfaite.  En  descendant  la  butte  du  côté 
occidental,  on  peut  revoir  les  argiles  avec  débris  d'Ostrea 
aginensis,  Tourn. 

Enfin,  on  trouve  encore  la  Mollasse  vers  le  moulin  de  Gaillar- 
teau  (commune  de  Mourens)  où  elle  est  remplie  de  fossiles  aqui- 
taniens,  malheureusement  à  l'état  d'empreintes  :  Cerithiiim 
pUcatum,  Brug.,  corrugatutn,  Bast.  Elle  repose  là  sur  une 
argile  grise  à  petites  huîtres  (0.  producta?)  qui,  elle-même, 
surmonte  des  argiles  avec  calcaire  d'eau  douce.  Le  tout  repose 

(')  Quelqaes  hallrca  et  db  ou  deai  autres  débris  loisilea  provenant  trè*  proba- 
blement d«  la  collection  Pigeon,  déposas  jadis  an  Muséum  de  BordMnx,  m'ont 
mis  sur  U  voie  de  cette  découverte. 


CAKTB  GÉOLOGIOUB.  205 

sur  la  Mollasse  argileuse  inférieure  de  TAgenais  que  Ton  voit 
un  peu  plus  au  Sud,  sur  la  route  qui  va  vers  Le  Gris.  C'est 
dans  les  vignes  plantées  sur  la  Mollasse  marine  de  Gaillarteau 
que  j'ai  rencontré  le  calcaire  bréchoîde  à  Planorbes  que  j'ai 
cité  plus  haut.  Mais  il  était  en  morceaux,  sans  qu'on  puisse 
voir  ses  rapports  stratigraphiques  avec  les  autres  couches. 

La  présence  de  la  Mollasse  marine  de  l'Aquitanien  moyen, 
en  tout  cas  de  sa  partie  inférieure,  aussi  loin  dans  l'Entre- 
deux-Mers,  est  fort  intéressante  et  montre  que  la  mer  aquita- 
nienne  y  a  pénétré  beaucoup  plus  qu'on  ne  l'avait  pensé.  Je 
ne  l'ai  pas  trouvée  plus  au  Nord;  cependant,  quelques 
débris  vus  au  sommet  de  la  butte  de  La  Veyrie  (route  de 
Rauzan  à  Blasimon),  à  112  mètres  d'altitude,  au-dessus  des 
couches  d'eau  douce,  me  laissent  quelques  doutes  à  ce  sujet. 
Peut-être  les  débris  d'apparence  marine  que  j'y  ai  vus  appar- 
tiennent-ils au  calcaire  à  Astéries  (<)  et  ont-ils  été  apportés 
lors  de  la  construction  d'une  maisonnette  qui  se  trouve  là. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  sait  maintenant  que,  dans  l'Entre- 
deux-Mers,  partie  Sud,  on  a  des  chances  de  rencontrer  des 
lambeaux  d'Aquitanien  moyen  marin  dans  les  buttes  qui 
atteignent  105-125  mètres  d'altitude  (*).  Ces  buttes  sont  autant 
de  témoins  qui  ont  résisté  à  l'érosion  quaternaire.  J'ajouterai 
qu'un  fait  intéressant,  c'est  la  présence  de  VOstrea  aginensis, 
si  fréquente  dans  le  Lot-et-Garonne  et  dans  le  Bazadais  au 
même  niveau  (').  La  partie  supérieure  de  l'Aquitanien  moyen 
et  l'Aquitanien  supérieur  ne  semblent  pas  exister  au  Nord  de 
Sainte-Croix,  dans  les  localités  sus-indiquées. 

B.  Rive  gauche.  —  L'Aquitanien  de  la  rive  gauche  de  la 
Garonne  est  en  général  assez  différent  de  ce  qu'il  est  sur  la 


(^)  Rien  ne  ressemble  à  certains  faciès  du  calcaire  à  Astéries  comme  la  Mollasse- 
marine  de  TAquitanien  moyen. 

(*)  Je  ne  Tai  pas  vue  dans  la  butte  des  Moulins  de  Dugot,  à  Gastelvieil,  qui 
atteint  104  mètres. 

(*)  Je  n'ai  jamais  trouvé  cette  espèce  à  Sainte-Croix-du-Mont,  pas  plus  que  je 
n'ai  trouvé  plus  au  Nord  VOstrea  undala,  Lamk. 


206  E.   FALLOT. 

rive  droite,  au  moins  dans  les  limites  de  la  carte,  qui  ne 
comprend  pas  le  Bazadais. 

Dans  les  vallées  du  Bordelais,  le  caléaire  h  Astéries  est 
généralement  surmonté  d'argiles  jaunes  et  vertes,  avec  ou  sans 
concrétions  calcaires,  sans  interposition  de  Mollasse  (Mollasse 
inférieure  de  l'Agenais).  Ces  argiles  se  lient  d'une  façon  très 
nette  à  celles  qui  contiennent  la  faune  saumâtre  de  l'Aqui- 
tanien  inférieur.  J'ai  pu  voir  ce  fait  à  La  Brède,  des  deux  côtés 
de  la  vallée,  par  suite  de  tranchées  fraîchement  réparées,  ou 
par  suite  du  creusement  de  nouveaux  fossés  d'assainissement. 
Ainsi,  en  prenant  la  route  de  La  Brède  à  Martillac,  on  voit  les 
argiles  panachées  de  vert  et  de  jaune,  sans  fossiles,  qui 
affleurent  au  niveau  du  moulin  dans  le  bourg  et  dans  les 
prairies  de  la  rive  gauche  du  ruisseau,  passer  insensiblement 
à  des  argiles  à  Cérithes  (Aquitanien  type);  sur  la  rive  droite, 
elles  passent  à  celles  de  la  tranchée  du  chemin  de  fer  qui 
contiennent  la  faune  si  caractéristique  de  l'Aquitanien  inférieur. 
J'ai  revu  le  même  fait  à  Martillac  sous  la  propriété  de  La  Garde. 
Ces  argiles  sont  également  visibles  le  long  de  la  vallée  du 
Gua-Mort  en  amont  de  Saint-Morillon,  entre  le  moulin  de  Luzié 
et  Cabanac  (Pouquet).  Là,  en  effet,  au  milieu  de  l'inextricable 
fourré  à  travers  lequel  coule  le  ruisseau,  c'est  la  seule  assise 
que  j'aie  pu  apercevoir  de  temps  en  temps  sous  le  Sable  des 
Landes. 

L'Aquitanien  se  voit  plus  ou  moins  complet  le  long  des 
vallées  de  la  rive  gauche.  C'est  dans  la  vallée  de  Saucats,  le 
long  du  ruisseau  de  Saint-Jean-d'Estampes,  qu'il  est  le  mieux 
développé.  Il  comprend,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs  (*)  : 

1°  A  la  base,  des  argiles  bleues  et  blanches  à  Neritina 
Ferussaci,  Recluz,  Cerithium  calculosum,  Bast.,  plicatunij 
Brug.,  Lucina  dentata,  Bast.,  visibles  au  moulin  de  Bernachon 
et  présentant  inférieurement  un  banc  lacustre  signalé  par 
M.  Lartet. 

(0  Esquisse  géologiqtie  du  département  de  la  Gironde  {Feuille  des  Jeunes 
Naturalistes,  1889). 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  207 

2*  Un  calcaire  sableux,  jaune  (dit  roche  sableuse,  jaune), 
visible  près  de  Bernachon,  et  en  général  dans  les  berges  du 
ruisseau  jusqu'au  moulin  de  TËglise,  et  rappelant  la  Mollasse 
de  Sainte-Croix-du-Mont  et  le  grès  de  Bazas,  avec  une  faune 
sauraâtre  et  marine  (Cérithes  abondants,  Lucina  incrassata, 
Dub.,  etc.).  Ce  serait  l'Aquitanien  moyen. 

3^  Un  calcaire  lacustre  (dit  de  Saucats),  facile  à  voir  dans 
la  tranchée  de  la  route  du  Son,  sur  la  rive  gauche,  avant  le 
moulin  de  TÉglise. 

4^  Un  falun  saumâtre  dans  la  même  tranchée,  marin  à 
Lariey. 

5^  Une  argile  avec  banc  de  calcaire  lacustre,  formant  le 
haut  de  la  tranchée,  horizon  très  mince,  du  reste  (*). 

Ces  trois  dernières  assises  pourraient  constituer  TAquitanien 
supérieur. 

Le  n°  3  et  le  n^  5  ont  à  peu  près  la  même  faune  où  dominent 
Planorbis  cornu,  Brong.,  var.  soUdus,  Thomae,  et  Limnasa 
girondica,  Noulet.  Les  espèces  sont  plus  facilement  détacha- 
bles dans  le  n^  5  que  dans  le  n^  3. 

Quant  au  falun  n^4,  son  faciès  saumâtre  présente  surtout 
des  Cérithes  (Cmffemm  submargaritaceum,  d'Orb.,  plicatunij 
Brug.),  Cyrena  Brongniarti,  Bast.,  etc. 

A  Lariey,  la  faune  est  assez  riche.  J'y  citerai  principalement  : 


Melongena  Lainei,  Bast. 
Murex  Lassaignei,  Bast. 
Buccinum  baccatum,  Bast.  var. 

minor. 
Nassa  aquitooiica,  May. 
Cerithium  corrugatum,  Bast. 

—  8ubclaoatulatu/n,&'Otb. 

—  pUcaium,  Brug. 

—  submargaritaceum, 

d'Orb. 


Trochus  Bucklandi,  Bast. 
Venus  ooata,  Penn. 
Cijiherea  unddta,  Bast. 
Lucina  incra,ssata,  Dub. 

—      dentata,  Bast. 
Corbula  carinata,  Duj. 
Cardita  hippopœa,  Bast. 
Arca  cardiifortnis,  Bast. 

—    barbata.  Lin. 
Myiilus  aquitanicus,  May,  etc. 


C'est  une  faune  typique  pour  l'Aquitanien   supérieur.   A 


(*  Voy.  Tournouër,  Bull  Soc.  Géol,  2«  série,  t.  XIX,  p.  4035  et  suiv. 


Lariey,  te  falun,  qui  reoferme  surtout  les  Mytiltti  à  sa  base, 
repose  sur  le  calcaire  lacustre  perforé.  Dans  les  cavités 
abondent  :  Jouannetiasemicaudata,  Des  M.,  PholasBranderi, 
Bast.,  Unguîina  unguiformis,  ha&t. 

L'Aquitanien  n'est  pas  toujours  aussi  facile  à  subdiviser  que 
je  viens  de  l'indiquer  aux  environs  du  moulin  de  l'Église.  C'est 
ce  qu'on  peut  voir  le  long  du  ruisseau  de  Moras  ;  c'est  ce  qu'on 
voit  aussi  entre  La  Brède  et  le  Gua-Mort. 

Ainsi,  par  exemple,  dans  la  tranchée  du  chemin  de  fer,  à 
500  mètres  environ  de  La  Brède,  en  allant  vers  Saintr-Morilloo, 
on  trouve  à  la  base  une  assise  argileuse  bleuâtre  avec  Neritina 
Ferussaci,  Recluz,  Melongena  Lairm,  Bast.,  Ceritkiutn 
calculosum,  Bast.,  C.  plicatum,  Brug.,  C.  fallax,  Grat., 
C.  papaveraceum,  Grat.,  Lucina  denlata,  Bast.,  Lucina 
incraasata,  Dub.,  Cytherea  undata,  etc.,  passant  à  des 
couches  plus  sableuses  jaunâtres  se  terminant  par  des  pla- 
quettes gréseuses  à  Lucina  globulosa,  Desh.  Cet  ensemble 
représente  au  moins  l'Aquitanien  inférieur  et  moyen,  sinon  le 
tout;  cependant,  je  n'y  ai  pas  trouvé  le  calcaire  d'eau  douce, 
qui  est  assez  caractéristique  de  l'Aquitanien  supérieur  (au 
moins  le  n"  3,  car  le  n"  5  manque  généralement  partout). 

Plus  loin,  à  Lassalle,  en  allant  vers  Saint-Morillon,  on 
retrouve  au-dessus  des  argiles  bleues  de  l'Aquitanien  inférieur 
un  falun  très  riche  avec  : 


Cerithiuni  cala^oaum.  Bait. 

—  plicatum,  Bmg. 

—  margaritaceum.  Broc. 
Cytherea  undata,  Baat. 
Cyrena  Brongniarti,  Baat-,  etc. 


01(00  sttbclacula,  d'Orb. 
Buccinam  baccatum,  Bast.  vai 

minor. 
Proto  Basteroti,  Ben. 
Turrilella  terebralis,  Lam.  var. 


Les  mêmes  assises  se  revoient  vers  Rambaud  et  dans  divers 
points  sur  les  flancs  de  la  vallée  du  Gua-Mort;  aussi  ai-je  cru 
devoir  relier  tous  ces  gisements  et  marquer  une  bande  continue 
d'Aquitanien,  comme  avait  fait  M.  Linder,  bien  que  leur  conti- 
nuité soit  souvent  cachée  par  le  Sable  des  Landes. 

Parmi  les  plus  intéressants,   il  faut  signaler  celui  qui  se 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  200 

trouve  vers  le  Pont^u-CIaron,  au  Sud  du  hameau  de  Courrens, 
où  lesCerithium  margaritaceum, Broc,  atteignent  des  dimen- 
sions remarquables  et  présentent  généralement  Touverture 
entière.  J'ai  trouvé  là^  avec  tous  les  Cérithes  de  TÂquitanien, 
la  Fasciolaria  tarbelliana,  Grat.^  espècd  langhienne  (^). 

Sur  la  rive  gauche  du  Gua-Mort,  je  citerai  encore  le  gisement 
du  Plantât,  dont  M.  Benoist  a  donné  la  coupe  (');  elle  com- 
prend, surtout  en  haut,  des  couches  saumâtres  à  Cérithes  avec 
intercalations  lacustres,  et  plus  bas  un  falun  marin  très  typique 
indiquant  apparemment  un  niveau  moyen  de  TAquitanien,  avec: 


StromJbua  trigonus,  (}rat. 
Hemifusus  tarbellianus,  Grat. 
Melongena  Lainei,  Bast. 
Turrilella  Deamaresti,  Bast. 


Monodonta  elegans,  Bast. 
Nalica(Cernina)  compressa,  Bast. 
Cytherea  undata,  Bast. 
Lucina  incrassata,  Dub.,  etc. 


L'Âquitanien  inférieur  existerait  plus  bas  sous  forme  d'un 
sable  argileux  bleu. 

L'Aquitanien  inférieur  et  TAquitanien  moyen  se  trouvent 
aussi  à  Gassie,  d'après  Tournouër. 

J'ai  décrit  ailleurs  (loc.  cil,)  le  gisement  de  Pouquet,  près 
Cabanac,  qui  présente  une  faune  ayant  les  plus  grandes  afR- 
nités  avec  celle  de  Lariey  et  qui  renferme  déjà  quelques  espèces 
langhiennes  {Turritella  turris,  Bast.,  Fasciolaria  tarbeU 
liancL,  Grat.,  Cytherea  erycina,  Lam.).  Ce  niveau  semble,  par 
sa  faune,  un  peu  supérieur  à  celui  qui  affleure  dans  la  propriété 
de  M.  Labat,  où  le  faciès  argileux  rappelle  plutôt  l'Aquitanien 
inférieur,  mais  où  la  Neritina  Ferussdci  est  déjà  roulée,  et  où 
on  trouve  pas  mal  d'espèces  de  Lariey. 

En  suivant  la  rive  droite  du  Gua-Mort,  on  retrouve  des  lam- 
beaux aquitaniens  fossilifères  à  quelque  distance  du  ruisseau, 
vers  Darriet,  Chiret,  Pinot.  Ils  se  rapportent  par  leur  faune, 
comme  je  l'ai  montré  (3),  à  l'Aquitanien  moyen  et  supérieur. 


(1)  E.  Fallot,  Note  sur  l'Aquitanien  dans  la  vallée  du  Gua-Mort  (P.  -V.  Soc. 
Lin,,  4  décembre  1889). 
<*)  Actes  Soc.  Zrin.,  t.  XXXI,  p.  xxxviii. 
l*) E.  FaUot,  P.- V.  Soc.  Lin,,  4  décembre  1889. 

T.  I  (5«  Série).  14 


310  E.  FALLOT. 

M.  Degrange-Touzin  a  retrouvé  les  mêmes  couches  en  allant 
vers  le  château  de  Saint-Selve.  Elles  sont  particulièrement 
fossilifères  entre  le  Raton  et  Durand.  J'ai  donc  indiqué  sur  la 
carte  une  bande  'continue  d'Aquitanién  le  long  de  la  vallée  du 
Gua-Mopt,  sur  son  flarîc  droit,  mais  je  n'ai  vu  nulle  part  le 
contact  de  cet  étage  avec  le  Tongrien  (calcaire  à  Astéries)  qui 
est  exploité  le  long  du  Gua-iMort,  dans  Saint-Morillon  (*). 

Je  n'ai  pas  retrouvé  l'Aquitanien  plus  au  Sud,  dans  les  limites 
de  la  carte,  sauf  dans  le  point  que  j'ai  indiqué  à  propos  du 
Crétacé  supérieur  entre  Haut-Villagrains  et  Peyot.  Mais  il  existe 
très  net  entre  Landiras  et  Bommes,  en  dehors  des  confins  de 
la  carte  (^). 

L'Aquitanien  réapparaît  plus  au  Nord  ;  on  peut  l'étudier  dans 
les  environs  de  Martillac,  Léognan,  Canéjan,  Talence,  Saintr 
Médard-en-Jalles  et  Le  Haillan. 

A  Martillac,  l'Aquitanien  est  beaucoup  plus  étendu  que  ne 
l'a  indiqué  M.  Linder.  On  le  voit  très  net  entre  Lartigue  et 
Lantic,  dans  les  vignes,  et  surtout  dans  la  propriété  de  La  Garde, 
où  des  fossés  nouvellement  creusés  permettent  de  l'étudier.  Il 
se  montre  aussi  le  long  du  ruisseau,  particulièrement  vers  le 
Breyra,  et  au  Nord  dans  les  vigneis,  où  on  peut  ramasser  de 
nombreux  fossiles.  Il  nous  a  semblé  en  général  très  difficile  à 
subdiviser.  Cependant,  à  la  base,  il  présente  ordinairement  des 
argiles  bleues  se  liant  ou  se  confondant  avec  les  argiles  pana- 
chées, à  concrétions,  qui  recouvrent  le  calcaire  à  Astéries,  très 
peu  développé  dans  cette  vallée.  Ces  argiles  bleues  sont  fossi- 
lifères au  Breyra,  où  j'ai  recueilli  :  CerUhium  pseudothiarellaj 
d'Orb.,  C.  plicatum,  Brug.,  C  girondicum,  May.,  Lucina 
dentata,  Bast. 

Dans  la  propriété  de  La  Garde,  ce  qui  est  surtout  visible,  ce 
sont  des  calcaires  sableux  et  argileux  rappelant  les  couches  de 

(})  M.  Linder  n'avait  pas  reconna  ces  gisements  et  n'avait  point  indiqué  TÂqui- 
tanien  sur  la  rive  droite. 

(*)  D'après  Tournouêr,  les  argiles  à  concrétions  calcaires  se  voient  aous  Axû* 
gués  (près  Landiras). 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  211 

Bazasi  Là^  les  Cerithium  calculosum,  margaritaceum,  abon- 
dent avec  les  principales  espèces  de  TÂquitanien  moyen.  Au 
Nord  du  Breyra,  j'ai  recueilli  par  contre  une  faune  qui  a  des 
affinités  langhiennes  très  nettes,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  par  la 
liste  suivante,  et  qui  doit  se  placer  au  niveau  de  TÂquitanien 
supérieur  : 


Olioa  subclaoula,  d*Orb. 
Melongena  cornuta,  Ag.  (de  petite 

unie). 

Tudiola  rusticula,  Bast. 
Turritella  turris,  Baat. 
Cerithium  fallax,  Grat. 

—  margàritaçeum.  Broc. 

—  subclaoatulatum,  d'Orb. 

—  papaoeraceum,  Bast. 

—  calculosum,  Bast. 


Cerithium  bidentatum,  Grat. 

—        plicatum,  Brug. 
TrochuB  BucMundi,  Baat. 
Cardiia  hippopœa,  Bast. 
Cytherea  undata,  Bast. 
Lucina  ornata,  Ag. 
Corbula  gibba,  Olfvi. 
Arca  barbata,  Lin. 
—    clathrata,  Desh. 


L'Aquitanien  reparaît  dans  la  commune  de  Léognan.  Tour- 
nouer  a  fait  connaître  la  succession  des  couches  sur  le  ruisseau, 
et  attiré  particulièrement  l'attention  sur  le  niveau  inférieur,  les 
argiles  bleues  à  Neritina  Ferussaci,  Recluz,  Cerithium  caU 
culosum,  Bast.,  et  plicatum,  Brug.,  du  moulin  des  Sables. 
Les  couches  supérieures  sont  mal  représentées  là;  cependant 
la  roche  jaune  (n''  2)  de  la  vallée  de  Saucats  y  existe,  mais  for- 
tement démantelée. 

J'ai  pu,  par  contre,  les  étudier  au  château  du  Thil,  sur  les 
confins  des  communes  de  Léognan  et  de  Martillac,  dans  des 
canaux  d'irrigation  et  d'assainijBsement  creusés  dan«  la  forêt 
au  SudrOuest  de  la  propriétéi    ! 

Des  blocs  épars  de  calcaire  àjCérithes  se  rencontrent  un  peu 
partout  à  la  surface  du  sol,  et,  dans  les  berges,  on  peut  voir 
des  argiles  sableuses  jaunâtres  remplies  de  fossiles  dont  l'en- 
semble indique  plutôt  la  partie  supérieure  de  l'étage  aquitanien. 
J'y  citerai  surtout  : 


Olioa  Dufresnei,  Bast. 
Nassa  aquitanica,  May. 
Buccinum  baccatum,  var.  minor, 
Bast. 


Turritella  Desmaresti,  Basjb. 
Cerithium  calculosum,  Bast. 

—  8ubclaoaiukUumA*Or\>, 

—  plicatum,  Brug* 


Neritina  FeroBeaci,  Recluz. 
Graleloupia  dîfficilia.  But. 

—         irreguiaris,  Bast. 
Lucina  încrassata,  Dub. 

—  ornata,  Ag. 

—  colambella,  Lk. 
Arca  barbata.  Lin. 


212  E.  t 

CerithiuM  margaritaceuni.Bioc. 

—  pKudothiaretla,  d'Orb. 

—  gîrondicam,  Uaj. 

—  falUue,  Orat. 

—  corrugatun,  Baat. 
Trochua  Bueklandi,  Baat. 
MoMdotUa  Araonis,  Baat. 

On  y  aurait  aussi  trouvé  Melongena  Lainei,  Bast. 

J'y  ajouterai  encore  deux  ou  trois  espèces  langhiennes,  telles 
que  Oliva  clavula  (O.  subclavula,  d'Oi'b.),  Bast.,  ï^n-i- 
tella  terebralis,  Lk.  Du  reste,  ce  falun  se  lie  à  un  niveau 
langhien  très  net  dans  les  mêmes  Tossés  sans  que  j'aie  vu  aucune 
trace  de  calcaire  d'eau  douce  entre  les  deux.  (Voir  plus  loin.) 

L'Âquitanien  se  retrouve  plus  au  Nord,  vers  Canéjan,  dans 
la  vallée  de  l'Eau-Bourde. 

On  peut  le  voir  aussi  dans  celle  du  Peugue,  où  M.  de  Sacy  a 
recueilli  dernièrement  en  amont  de  la  Ferme-École  (commune 
de  Pessac),  le  long  du  ruisseau,  dans  un  falun  grisâtre  : 


Conua  aquitanicua,  Maj,  (rare). 
OUea  Bubclaoula,  d'Orb. 
P'asus  bardigalensia,  Baat.  (rare). 
Murex  ccelatus,  Qr&t. 
Melongena  Lainei,  Baat. 
Turiitella  Sandbergeri,  May. 

—  terebralie,  Lam.  var. 
Ccrithium  bidentatam,  Gnt. 

—  plicatam,  Bru^. 

—  papaoeraceum.  Baat. 

—  margaritaceum.  Broc. 

—  corrugatwn,  Baat. 

—  girondicum,  May. 

—  galUculum,  Maj. 
Natica  aqaitanica,  Maj. 

—  (Cerntnajcompressa,  Baat. 

—  neglecta,  May. 

—  Josephinia,  Rlsoo. 
Monodonla  (Clanculaa)  Araonis, 

Bast. 


Neritina  Feruesaci,  Recluz. 
Hélix    girondica.    Noulet     (non 

roulé). 
Corbula  carinata,  Duj. 
Cyiherea  Lamarcki,  K^. 
Venus  aglaurce,  Broug.  (var.  do 

Uérlgnac). 
Lucina  incraaaala,  Dub. 

—  ornata,  kg. 

—  coluinbella,  Lamk. 

—  Uonina,  Oeah. 
Cardiam  Grateloupt,  Uay. 

—  burdigalinam,  L&m. 
Cardila  kippopœa,  Baat. 
Cytherea  andala,  Bast. 
Cyrena  Brangniarti,  Baat. 
Donax  afftnis,  Oash. 
Mytilaa  aquîlanicue,  Uay. 
Ostrea  aginensis,  Tourn.  (roulée). 

Etc.,  etc. 


.   Ce  gisement,  qui  renferme  déjà  quelques  espèces  langhiennes 
rares  du  reste,  appartient  sans  doute  à  l'Aquitanien  supérieur, 


CARTE  GftOLOGIOUE.  213 

et  il  est  recouvert  sur  la  rive  droite  par  des  assises  à  faune 
langhienne  inférieure  qui  affleurent  dans  les  fossés  delà  route, 
sans  quMl  y  ait  trace  de  calcaire  d'eau  douce  intercalé,  ce  qui 
rappelle  la  disposition  des  assises  du  château  du  Thil. 

A  mesure  qu'on  va  vers  le  Nord-Ouest,  TAquitanien  supérieur 
présente  des  affinités  langhiennes  de  plus  en  plus  marquées  : 
c'est  ce  que  démontre  l'étude  de  la  faune  célèbre  du  f alun- 
type  de  Mérignac  (propriété  Baour),  où  Ton  trouve  avec  les 
Cérithes  ordinaires  de  l'Aquitanien  les  formes  marines  typiques 
du  même  étage,  comme  : 


Melongena  Lainei,  Bast. 
Murex  cœlatus,  Grat. 
Turritella  Desmaresti,  Bast. 
NcUica  aquitanica,  May. 

—     compressa,  Bast. 
Trochus  Bucklandi,  Bast. 
Monodonta  (Clanculus)  Araonis, 

Bast. 
Cardita  hippopœa,  Bast. 


Tellina  aquitanica,  May. 
Cytherea  undcUa,  Bast. 
Venus  aglaurœ,  Biongr*,  var. 
Cyrena  Brongniarti,  Bast. 
Lucina  incrassata,  Dub. 

—  glohulosa,  Desh. 

—  dentata,  Bast. 
Arca  cardiifortnis,  Bast. 
Mytilus  aquitanicus^  May. 


et  en  même  temps  des  espèces  langhiennes  soit  des  niveaux 
inférieurs  (Peloua,  Thibaudeau),  soit  même  de  niveaux  plus 
élevés  : 


Ancillaria  glandiformiSj  Lamk. 
Cassis  crumena,  Lamk. 
Ranella  tuberosa.  Bon. 

—      suhgranifera,  d'Orb. 
Melongena  cornuta,  Ag. 
Fusus  burdigalensîs,  Bast. 
Voluta  rarispina,  Lamk. 
Stromhus  Bonelli,  Brong. 


Buccinum  suhpoliium,  d'Orb. 
Calyptrœa  deformis^  Lamk. 
Cardium  Grateloupi,  May. 

—       burdigalinum,  Lamk. 
Cytherea  erycina,  Lamk. 
Venus  islandicoideSj  Lamk. 
Mactra  striatella,  Lamk. 


Ce  niveau  est  sans  doute  inférieur  à  un  autre  placé  dans  la 
même  propriété  où  la  faune  langhienne  est  plus  typique  (voir 
plus  loin).  Mais  déjà  ici,  le  passage  de  l'Aquitanien  au  Langhien 
est  extrêmement  marqué,  comme  dans  toute  la  région  avoisi- 
nante  (Saint-Médard,  le  Haillan);  il  y  a  là  une  série  de  faluns 
mixtes  difficiles  à  classer,  qui  fournissent  un  argument  im- 
portant en  faveur  d'une  nouvelle  classification  des  assises  ter- 


ilfk  B.  FALLÛT. 

tiaires.  Gellô-cî,  déjà  défendue  par  Tournouëp,  par  M.  Mayer, 
Eymar  les  diviserait  en  deux  grands  groupes  :  \e  Paléogêne, 
comprenant  TÉocène  et  le  Tongrien,  et  le  Néogène,  formé  de 
tous  les  .étages  supérieurs,  à  partir  de  TAquitanien  inclusive- 
ment (*). 

Enfin,  TAquitanien  se  voit  encore  plus  au  Nord,  le  long  de  la 
Jalle,  vers  le  moulin  de  Gajac,  où  M.  Degrange-Touzin  l'a  dé- 
crit (*),  et  vers  Saint-Médard-en-Jalle  (au  camp  des  Lanciers), 
où  Tournouër  a  signalé  un  affleurement  du  falun  deMérignac. 


MIOCÈNE. 


Le  Miocène  n^est  représenté  dans  la  Gironde  et  par  consé^ 
quent  sur  la  carte  que  par  ses  deux  étages  inférieurs,  le 
Langhien  et  THelvétien.  Ces  deux  séries  ne  se  montrent  que 
dans  quelques  vallées  de  la  rive  gauche  de  la  Garonne,  vers 
leur  extrémité  occidentale,,  c'est-à-dire  qu'elles  sont  en  retrait 
sur  les  assises  précédentes,  la  mer  semblant  s'être  retirée 
petit  à  petit  du  bassin  de  l'Aquitaine. 

Langhien, 

Le  Langhien  (3)  peut  se  diviser  en  trois  sous-étages  (inférieur 
moyen  et  supérieur),  comme  je  l'ai  indiqué  depuis  long- 
temps (*),  mais  les  analogies  du  faciès,  presque  toujours 
falunien  (calcaires  sableux  coquilliers,  généralement  délités 
sous  forme  de  sables)  et  les  relations  fauniques  qui  existent 
entre  les  diverses  assises  rendent  cette  classification  souvent 
très  difficile  à  appliquer. 

De  plus,  les  affleurements  étant  très  restreints  (^),  visibles 


(i)  Voyez  snrtoat  £.  Fallot,  Anniuiire  géologique  universel,  t.  V  et  VIII. 

(>)  Actes  Soc.  Un,,  U  XXXIV,  p.  uv. 

(S)  Je  conserve  ce  terme  de  Langhien  qui  ne  me  semble  pas  devoir  être  proscrit 
de  la  nomenclature  et  je  le  préfère  à  celai  de  Bardigalien  qui  me  parait  inutile 
et  mal  choisi  (Voy.  surtout,  à  ce  sujet,  Bull,  Soc,  Géol,  3*  série,  t.  XXI,  p.  lxxvii 
et  suite). 

(0  Esquisse  géoU  du  départ,  de  la  Gironde,  1889. 

(^  Ils  ont  été  lé  plus  souvent  très  exagérés  sur  la  carte. 


CARTE  GÉOLOfilQDE.  218 

< 

presque  uniquement  dans  les  berges  mêmes  des  ruisseaux, 
ne  permettent  pas  toujours  de  se  rendre  compte  de  la  disposi- 
tion stratigraphique  des  couches  les  unes  par  rapport  aux 
autres.  Ce  n'est  donc  que  par  de  nombreuses  coupes  et  une 
étude  très  détaillée  des  faunes  que  l'on  peut  arriver  à  une 
succession  à  peu  près  exacte. 

Sous  ce  rapport,  la  vallée  de  Saucats  présente»  comme 
pour  rAquitanien,  la  série  la  plus  complète. 

Le  Langhien  inférieur  repose  au  moulin  de  TËglise,  sur  le 
calcaire  n°  5  de  l'Aquitanien  supérieur,  sous  la  forme  d'un 
falun  rosé  ou  mieux  jaune-rougeâtre,  que  Ton  peut  voir  sur  la 
rive  gauche  du  ruisseau,  en  amont  de  la  route  du  Son.  Il  était 
autrefois  visible  dans  les  carrières  de  Giraudeau,  placées  près 
de  là.  La  faune  de  ce  falun  est  maintenant  très  difficile  à 
étudier,  bien  qu'on  trouve  quelques  fossiles  à  la  surface  des 
champs;  mais,  il  y  a  quelques  années,  on  pouvait  la  rencontrer 
avec  une  richesse  et  une  abondance  de  formes  incomparables 
au  lieu  dit  le  Peloua,  sur  la  rive  droite. 

Le  falun,  recouvert  d'une  assez  mince  couche  de  terre 
végétale,  est  tout  à  fait  épuisé  actuellement;  mais  on  a  pu  y 
recueillir. plus  de  400  espèces  différentes.  Je  citerai  comme  les 
plus  caractéristiques  : 


Conus  tarbellianus,  Grat. 
Ancillaria  glandiformis,  Lamk. 
Cassis  Rondeleti,  Bast. 

—  sahuron,  Lamk. 

—  crumena,  Lamk. 

—  elegansl  Grat.  (*). 

^ Murex  subasperrimus,  d'Orb. 

—      aquitanicus,  Grat. 
Triton  nodiferunij  Lamk. 
Persona  toriuosa,  Borson. 
Ranella   tuberosa.  Bon. 

—  subgranifera,  d'Orb. 

—  marginata,  Brong. 


Strombus  Bonelli,  Brong. 
*Ficula  condiia,  Sism. 

*  Tudicla  rusticula,  Bast. 

*  Melongena  cornuta,  Ag. 

*  Xenophora  Deshayesi,  Micht. 
*Proto  cathedralis,  Bluinv. 

*  Turritella  terebralis,  Lamk. 
Cerithium  SalmOj  Bast. 

*Cardium  burdigalinum,  Lamk. 
Cardita  pinnala,  d'Orb. 

*  Pectunculus  cor,  Bast. 
*Pecten  burdigalensis,  Lamk. 

Etc.,  etc. 


{})  Cette  espèce  est  si  mal  décrite  par  (jrrateloup  qu*bn  ne  peut  Ty  assimiler 
d*Qne  façoD  positive. 


216  E.  FALLOT. 

Il  y  a  dans  cet  ensemble  un  certain  nombre  d'espùces  qui  se 
retrouvent  abondamment  dans  la  faune  typique  de  Léognan 
(CoquîUa);  elles  sont  marquées  d'un  astérisque,  mais  à  cAté 
d'elles  il  y  a  une  série  de  formes  jusque-là  considérées  comme 
rarissimes  dans  les  faluns  de  la  Gironde,  et  dont  quelques-unes 
se  retrouvent  ailleurs  beaucoup  plus  haut,  comme  par  exemple 
Cassis  saburon,  Ancillaria  glandiformis  (*),  etc.;  néan- 
moins, la  position  du  falun  du  Peloua  à  la  base  du  Langhien 
est  fixée  par  ce  fait  qu'il  est  recouvert  un  peu  plus  loin  par  le 
falun-type  de  Léognan  (à  une  cinquantaine  de  mètres  au  nord- 
est  du  champ),  et  que,  d'autre  part,  il  présente  à  sa  base,  avec 
de  nombreux  Polypiers,  des  blocs  à  peine  roulés  du  calcaire 
d'eau  douce  de  l'Aquitanien  supérieur,  évidemment  démantelé 
surplace  par  la  mer  langhienne. 

J'ajouterai  qu'une  fouille  récente  a  permis  à  M,  de  Sacy  de 
trouver  quelques  espèces  aquitaniennes  dans  le  sable  alleux, 
grisâtre  et  onctueux  sur  lequel  il  répose.  J'ai  pu  déterminer, 
en  effet,  les  espèces  suivantes  : 


Cerithium  pUcaium,  Brui?. 
Neritina  Ferusioci,  Reclus. 
Lutraria  »arma,  Bast. 
Lttcina  incratsaia,  Dub. 


Lucina  globulosa,  Desh. 

—  denlata,  Bast. 
Circe  Deahayesi,  Bast. 
C'jtherea  undata.  But. 


J'y  ajouterai  Pïonorbia  cornu,  Brong.,  var.  solidus.  Thom., 
complètement  détachés,  et  une  ou  deux  espèces  indiquant 
l'approche  du  Miocène  proprement  dit,  comme  par  exemple  un 
Trockus  patulus,  Broc,  de  très  petite  taille. 

Enfln,  un  dernier  fait  très  important,  c'est  ta  présence  dans 
le  falun  du  Peloua  lui-même  d'une  faune  de  Cérithes  aqui- 
taniens,  non  roulés,  qui  impriment  à  la  faune  un  caractère 
un  peu  plus  ancien  que  ne  le  ferait  croire  la  liste  indiquée 
plus  haut.  J'y  citerai  surtout  les  Cerithium  plicatum,  Brug., 
subclavatulatum,  d'Orb.,  corrxigattim,  Bast.,  gîrondicum, 
May.,  etc.,  etc. 

(!)  Dana  lu  Gironde,  Ancillaria  glandiformU,  codiom  Cerilhium  SaliM 
paraisteni  caraclériatiques  du  Lmehien  inférieDr. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  217 

Le  falun  du  Peloua,  par  sa  faune  mixte,  par  sa  position 
stratigraphique,  est  donc  bien  à  la  base  du  Langhien;  il  se 
rapproche  donc  surtout,  comme  les  faluns  inférieurs  de  Léo- 
gnan  que  je  vais  étudier,  de  certains  horizons  de  Saint-Paul- 
les-Dax,  de  celui  de  Sausset  (Bouches-du-Rhône)  et  de  celui  de 
Loibersdorf  (Autriche);  mais  il  a  aussi  de  grandes  analogies 
avec  le  falun-type  de  Mérignac,  que  quelques  espèces  marines 
caractéristiques  m'engagent  à  laisser  dans  TAquitanien  supé- 
rieur. 

Le  Langhien  moyen  est  représenté  dans  la  vallée  de  Saucats 
par  le  falun  jaune  de  Lacassagne,  qui  semble  se  lier  au  falun 
rose  du  moulin  de  TÉglise  et  par  le  falun  bleu  du  moulin  do 
Laguës  qui  le  surmonte.  Ces  deux  faluns  ont  la  même  faune  : 
celle  du  Langhien-type  de  Léognan  (falun  jaune  du  Coquilla  et 
falun  bleu  du  bois  de  Léognan). 

On  peut  y  citer  : 


Vciginella  depressa,  Daud. 
Buccinum  (Cominella)    Vénerie, 

FauJ. 
Melongena  cornuta,  Ag. 
Murex  eubasperrimus,  d'Orb. 

—     lingua  boots,  Bast. 
Ficula  condita,  Sism. 
Fusus  hurdigalensis,  Bast. 
Tudicla  rusticula,  Bast. 
Cancellaria  acutangula,  Fauj. 
Xenophora  Deshayesi,  Micht. 
Turritella  terehralis,  Lamk. 
Turritella  turris,  Bast. 
Proto  cathedralie,  Blainv. 


Voluta  rariapina,  Lamk. 
Venus  casinoides,  Bast. 

—     islandicoides,  Lamk. 
Cytherea  erycina,  Lamk. 
Cardium  girondicum,  May. 

—       burdigalinum,  Lamk. 
Tapes  velula,  Bast. 
Arca  girondica,  May. 
Pectunculus  cor,  Lamk. 
Aoicula  phalenacea,  Lamk. 
Pecten  Beudanti,  Bast. 
Pecten  burdigalensis,  Lamk. 
Osirea  digitalina,  Eich. 

Etc.,  etc. 


Le  Langhien  supérieur  est  formé  à  Saucats  par  les  niveaux 
de  la  Coquillière  (•)  et  de  Pont-Pourquey.  Le  premier,  surtout 
caractérisé  par  la  Mactra  striatella,  Lamk.  et  la  Lucina 
columbella,  Lamk.  (grande  variété)  valvée,  est  immédiatement 
surmonté  par  le  falun  blanc-jaunâtre  de  Pont-Pourquey  si 


(1)  Le  falun  de  Gieax  semble  au  même  niveau. 


ifl8  E.   FALLOT. 

riche  en  mollusques,  en  acéphales  surtout.  On  peut  y  citer  : 


Terebra  plicaria,  Bast. 
Terebra  Bastèrotij  Nyat. 
Olioa  Basteroti,  Defr. 
Buccinum  baccatum,  Bast  (grande 

variété). 
Buccinum  aubpolitum,  d*Ôrb. 
Sigaretus  aquensiSj  Recluz. 
Cerithiutn  picéum,  Bast. 
Mactra  striatella,  Lamk. 


Tellina  strigosa,  Gmel. 

—  bipartita,  Bast. 

—  senegalensis,  Hanley. 
Donax  transoersa,  Desh. 
Lucina  omata,  Ag. 

—  columbelUij  Lamk. 
Grateloupia  triangularis,  Bast. 
Dosinia  Basteroti,  Ag. . 

Ostrea  gingensis,  Schlot.  Etc.,  etc. 


Quelques  coquilles  d'eau  douce  existent  à  la  partie  supé- 
rieure d^  falun  de  Pont-Pourquey;  j'y  citerai:  Planorbis 
cornu,  Brong.,  var.  solidus,  Thom,,  Hélix  involuta^  Th., 
mais  elles  n'y  forment  point  un  véritable  horizon  ;  elles  indi- 
quent peut-être  l'embouchure  d'un  cours  d'eau. 

Si  nous  remontons  vers  le  Nord,  dans  la  vallon  de  Moras, 
nous  retrouvons  le  Langhien,  où  il  existe  des  faluns  jaunâtres 
qui  se  terminent  par  le  falun  bleu  (niveau  de  Lagues)  avec 
les  fossiles  les  plus  typiques. 

On  retrouve  le  même  étage  à  Martillac  (Pas-de-Barreau)  où 
on  voit  un  falun  jaune  assez  analogue  au  niveau  de  Léognan 
(le  Coquilla)  et  de  Saucats  (La  Cassagne).  Dans  la  commune  de 
Léognan,  le  Langhien  inférieur  et  le  Langhien  moyen  sont  fort 
bien  représentés. 

Le  premier  est  surtout  caractérisé  par  la  Mollasse  ossifèresx 
typique  de  la  localité  et  par  quelques  niveaux  faluniens,  le 
deuxième  par  le  falun  jaune  du  Coquilla  et  le  falun  bleu  du 
bois  sur  lesquels  je  ne  reviendrai  pas,  ayant  donné  une  idée 
de  leur  faune  en  décrivant  le  Langhien  moyen  de  Saucats. 

Quant  à  la  Mollasse  ossifère,  elle  renferme  surtout  des  dents 
de  poissons  (Carcharodon  megalodon,  Ag.,  Lamna,  Oxy- 
rhina,  Myliobates,  Notidanus),  des  Échinides  tels  que 
Scutella  subrotunda,  Lamk.,  Echinolampas  hemisphœ 
ricus,  Ag.,  Echinolampas  Laurillardi,  Ag.,  Clypeaster 
Scillœ,  Des  Moul.,  Clypeaster  crassicostatus,  Ag.,  et  des 
Pecten  (Pecten  burdigalensis).  On  y  a  trouvé   ancienne- 


CARTR  GÉOLOGIQUE.  219 

ment  de  superbes  débris  de  vertébrés,  Squalodon  Grateloupi, 
P.  Gerv.,  Zeuglodon  vasconum,  Delf.,  Plotomis  Delfortriei, 
A,  Edw.,  Pelagornis  miocenus,  Sula  pymœa,  A.  Edw., 
Chdonia  girondica,  Delf.,  dont  quelques  échantillons  prove- 
nant de  la  collection  Delfortrie  figurent  au  Muséum  de  Bor- 
deaux. 

La  Mollasse  présente  quelquefois  des  niveaux  fossilifères 
avec  coquilles  très  bien  conservées  ;  c'est  ce  qu'on  peut  voir, 
par  exemple,  dans  la  propriété  de  M.  Thibaudeau,  et  c'est 
également  le  niveau  qui  a  été  rencontré  au  Château -Olivier. 
Les  fossiles  les  plus  caractéristiques  de  cet  horizon  inférieur 
sont  : 


Conus  aquitanicus,  Toum. 
Ancillaria  glandiformis,  Lsmk. 
Rosiellaria  dentata,  Grat. 
Cerithium  Salmo,  Bast. 


Telllna  planaéa.  Lin. 

—      Idcunosaj  Chem. 
Cardium  Grateloupi,  May. 
Cytherea  Lamarcki,  Ag.  Etc. 


Mais  à  côté  d'eux  existent  beaucoup  de  formes  typiques  du 
Coquilla. 

Dans  ces  derniers  temps,  j'ai  pu  étudier  la  même  zone  dans 
les  fossés  d'assainissement  de  la  forêt  du  château  du  Thil,  sous 
forme  d'un  falun  argileux  bleuâtre,  se  liant  intimement  avec 
les  couches  aquitaniennes  que  j'ai  décrites  plus  haut.  J'y  indi- 
querai surtout  : 


OUoa  subclaoula,  d'Orb. 
Tudicla  rusticula,  Lk. 
Ficula  condUa^  Sism. 

—      burdigalensiSj  Sow. 
Cerithium  Salmo,  Bast. 
Turritella  tcrehralis,  Lamk. 
Sigaretiis  aqueuAis,  Recluz. 
Ancillaria  glandiformis,  Lamk. 


Dônax  transoersa,  Desh. 
Tellina  bipartita,  Bast. 
Cardium  Grateloupi,  Bast. 
—       girondicum,  May. 
Lucina  columbella,  Lamk. 
Lucina  ornata,  Ag. 
Pectunculus  cor,  Lamk. 
Etc.,  etc. 


Le  Langhien  inférieur  se  voit  le  long,  du  ruisseau  de  l'Eau- 
Bourde,  particulièrement  vers  Canéjan,  où  la  Mollasse  dite  de 
Léognan  existe  et  est  fossilifère.  Les  niveaux  qui  viennent 
au-dessus  sont  encore  peu  étudiés;  mais  à  Cestas,  vers  Fourc 
et  sous  le  bourg,  dans  le  ruisseau,  comme  aussi  dans  le  cime- 


220  R.  FALLÛT. 

tière,  on  peut  retroiiver  le  Langhien  supérieur  (falun  de  Pout- 
Pourquey),  où  j'ai  recueilli  : 


Buccinutn  baccatuni,  Bast.  (grande 

variété  de  Pont-Pourquey). 
Buccinum  subpolitum,  d'Orb. 
Olioa  Basteroti,  Defr. 
Tudicla  rusticula,  Baat. 
Sigaretus  aquensia,  Recluz. 
Mactra  striatella,  Lamk. 


Tellina  lacunosa,  Chem. 
Grateloupia  irregularis,  Bast. 
Donax  transoersa,  Desh. 

—      af finis,  Desh. 
Lucina  ornaia,  Ag. 
Pectunculus  cor,  Lamk. 

Etc.,  etc. 


On  peut  y  citer  aussi  quelques  espèces  d'eau  douce»  comme 
au  même  niveau  dans  la  vallée  de  Saucats  :  Hélix  involula, 
Th.,  H.  osculum,  Th.,  y  auraient  été  trouvés  par  M.  Benoist. 

Le  Langhien  existe  aussi  à  Pessac,  dans  la  propriété  Esehc- 
nauer,  sur  les  bords  du  ruisseau.  M.  Benoist  y  a  cité  des  espèces 
typiques  de  Léognan  (Coquilla),  telles  que  Vaginella  depressa, 
Cancellaria  acutangula,  Fusus  burdigalensis  ^  Trochus 
patulus,  Venus  islandicoides,  et  d'autres  de  niveaux  plus 
inférieurs,  Cerithium  salmo,  Turritella  Desmaresti,  etc.  (*). 
C'est  peut-être  aussi  au  Langhien  inférieur  ou  à  un  falun  mixte 
faisant  le  passage  entre  l'Aquitanien  et  le  Langhien  qu'il  faut 
rapporter  les  sables  coquilliers  de  la  propriété  Grangeneuve.  Le 
Langhien  a  aussi  été  reconnu  au  Haut-Livrac. 

ËnQn,  le  Muséum  de  Bordeaux  possède  quelques  espèces 
langhiennes  (  Turritella  terebraliSj  Venus  islandicoides, 
Pectunculus  cor,  etc.)  venant  d'une  excavation  placée  à  côté 
de  la  propriété  Clouzet,  à  300  mètres  du  village  de  Monteils. 
M.  Linder,  qui  a  fait  don  de  ces  coquilles,  avait  accompagné 
l'envoi  d'une  note  manuscrite  dans  laquelle  il  rapporte  ce  gise- 
ment ou  falun  de  Léognan,  et  indique  que  le  même  falun 
existe  dans  un  sondage  à  9"^o0  sous  le  sol.  Il  signale  la  limite 
du  falun  de  Léognan  entre  Monteils  et  le  moulin  d'Arlac,  où  se 
trouve  le  falun  de  Mérîgnac. 

J'ai  indiqué  plus  haut  dans  la  vallée  du  Peugue  et  dans  la 
même  commune  vers  la  Ferme-École  l'Aquitanien  supérieur; 

CO  Vcy.  sictes  Soc,  Lin,,  l.  XXXII,  p.  viii. 


i 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  221 

« 

il  est  surmonté  par  un  falun  jaunâtre  où  domine  Conus  aqui- 
tanicus,  May.,  et  où  Ton  peut  citer  Ancillaria  glandiformis, 
Lamk.,  Oliva  subclavula,  d'Orb.,  Cassis  emmena,  Lamk., 
Nalica  Josephinia,  Risso,  Lucina  leonina,  Desh.,  etc.  C'est 
la  base  du  Langhien  inférieur  sans  doute.  Un  peu  plus  haut 
(toujours  dans  les  fossés  de  la  route),  on  trouve  à  peu  près  les 
mêmes  espèces  avec  quelques  Pleurotomes  du  niveau  de  la 
propriété  Thibaudeau,  et  Ficula  condita,  Sism.,  Fusus  hur- 
digalensis,  Bast.,  Turritella  terebralis,  Lamk.,  T.  Desma- 
resti,BdiSt,y  T.  furris, Bast.,  Cancellaria  acutangula (ieune), 
Fauj.,  Veniis  casinoides^  Bast.,  Corbula  carinataj  Duj., 
Lucina  columbella,  Lamk.,  Peclunculus  cor,  Lamk.  C'est 
bien  là,  dans  l'ensemble,  une  faune  langhienne  inférieure  très 
nette. 

Le  Langhien  inférieur  existe  encore  à  Mérignac,  dans  la  pro- 
priété Baour,  où  se  trouve  le  falun-type  de  cette  localité,  dont 
j'ai  parlé  au  sujet  de  TAquitanien  supérieur.  M.  Degrange- 
Touzin,  qui  y  a  rencontré  des  vestiges  de  calcaire  d'eau  douce, 
débris  d'une  couche  très  mince  qui  séparait  peut-être  les  deux 
ruisseaux,  a  recueilli  là  une  faune  qui  rappelle  beaucoup  celles 
de  Léognan  inférieur  et  du  Peloua.  Les  espèces  aquitaniennes 
y  deviennent  rares,  et,  à  côté  des  espèces  typiques  du  Langhien 
inférieur  ou  des  couches  de  passage  telles  que  Ancillaria 
glandiformis,  Lamk.,  Conus  aquitanicas,  May.,  Rostellaria 
dentata,  Grat.,  Cerithium  salmo^  Bast.,  Cardium  Grate- 
loupi,  May.,  on  peut  citer  une  bonne  partie  de  la  faune  du 
Coquilla  : 


Vaginella  depressa,  Daud. 
Cancellaria  acutangula,  FaaJ . 
Voluta  rarispina,  Lamk. 
Ficula  condita,  Sism. 
Turritella  turris,  Bast. 
Calyptrœa  deformis,  Lamk. 
Trochus  paiulw.  Broc. 
Euthria  contortaj  Grat. 


Cytherea  erycina,  Lamk. 
Cardium  hurdigalinum,  Lamk. 

—       girondicum,  May. 
Tapes  vetula,  Bast. 
Tellina  hipartlta,  Bast. 

—      planata.  Lin. 
Arca  girondica,  May. 

Btc,  etc. 


Plus  anciennement,  Tournouër  avait  signalé  le  falun  jaurte 


222  E.  FALLOT. 

i  ■ 

de  Léognan  à  Mérignac  au  delà  de  l'Église^  dans  les  jardins  à 
droite  du  village. 
x  •  Des  faluns  analogues  comme  faune  à  ceux  que  je  viens  de 

citer  à  Mérignac  existent  dans  les  communes  du  Haillan  et  de 

:^\  Saint-Médard,  présentant  toujours  des  faunes  mixtes. 

* 

A  500  mètres  au  Sud  du  moulin  de  Gajac,  M.  Degrange-Touzin 
a  signalé  une  assise  évidemment  supérieure  à  TAquitanien 
visible  le  long  du  ruisseau,  et  qui  renferme  une  faune  où  les 
espèces  aquitaniennes  se  mêlent  aux  espèces  langhiennes. 
Celles-ci,  parmi  lesquelles  je  remarque  bien  des  formes  que  je 
viens  d'inscrire  dans  la  liste  ci-dessus,  m'ont  engagé  à  placer 
ce  niveau  à  la  base  du  Langhien,  ce  que  j'ai  indiqué  sur  la 
carte. 

Le  Muséum  possède  une  petite  série  du  Haillan  où  je  note  : 
Oliva  subclavula,  d'Orb.,  Ancillaria  glandiformis,  Lamk., 
Natica  Josephinia^  Rîsso,  Turritella  terebralis,  Lanik., 
Trochus  putulus,  Broch.,  Cytherea  Lamarcki,  Ag.,  Venus 
casinoides,  Bast.,  etc.,  que  je  rapporte  aussi  au  Langhien 
inférieur. 

A  Saint-Médard-en-Jalle,  on  voit  réapparaître  dans  le  Lan- 
ghien inférieur  le  faciès  de  la  Mollasse  ossifère  de  Léognan. 
Les  bancs  exploités  à  Caupian  présentent  la  même  faune  qu'a 
Léognan,  les  mêmes  dents  de  Poissons,  les  mêmes  Échinides, 
tels  que  Echinolampas  hemisphœricus  et  Laurillardi,  et  le 
très  rare  Clypeaster  Scillœ,  dont  un  bel  échantillon  a  été 
donné  dernièrement  à  la  Faculté  par  le  D*"  Busquet.  Les  autres 
fossiles  {Pecten  excepté)  sont  à  l'état  de  moules  et  indiquent 
bien  la  faune  de  Léognan. 

Helvétien. 

Des  mollasses  jaunâtres  se  continuent  aussi  le  long  de  la 
Jalle;  mais  elles  sont  impossibles  à  suivre  bien  loin,  à  cause 
du  fourré  inextricable  à  travers  lequel  passe  le  ruisseau.  Peut- 
être  y  a-t-il  là  des  représentants  du  Langhien  moyen  et  du 
Langhien  supérieur. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  223 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  a  cité  depuis  longtemps  vers  Martignas, 
sur  un  affluent  de  la  Jalle,  une  nM)lla8se  gris  jaunâtre  autrefois 
exploitée  et  riche  en  fossiles,  surtout  à  l'état  de  moules.  La 
présence  de  Panopœa  Menardi,  Desh.,  à'Arca  turonica,  Duj., 
et  surtout  de  Cardita  Jouannetiy  Desh.,  et  de  Pecten  Bes- 
seri,  Andrez(*),  a  engagé  les  auteurs  à  placer  cette  mollasse  à 
la  base  de  l'Helvétien.  Les  Échinides,  parmi  lesquels  domine 
V  Echinolampas  hemisphœricus,  rappellent  beaucoup  la  faune 
de  Saint-Médard.  Cependant  les  collections  de  la  Faculté  ren- 
ferment Conoclypeus  semiglobus,  Desor.,  qui  paraît  provenir 
de  cette  localité.  Cette  espèce  caractérise,  comme  on  le  sait,  la 
mollasse  helvétienne  typique  de  Narrosse  (Landes). 

Si  les  dimensions  de  la  carte  ne  m'ont  pas  permis  de 
figurer  les  lambeaux  les  plus  étendus  de  cet  étage  dans 
le  département,  c'est-à-dire  ceux  de  Salles,  je  n'en  dois  pas 
moins  citer  les  couches  qui  affleurent  au  fond  de  la  vallée 
de  Saucats  depuis  Cazenave,  où  elles  reposent  sur  le  falun  de 
Pont-Pourquey,  jusqu'à  la  Sime.  Ce  falun  argilo-sableux  ren- 
ferme comme  espèces  caractéristiques  :  Cardita  Jouanneti 
Desh.,  Lucina  borealis,  Lin.,  Venus  multilamella  Lamk 
Pectunculus pilosu8,Un.,  Arca  helvetica,  May.,  Trochopora 
conica,  d'Orb.,  etc. 

C'est  la  couche  tertiaire  la  plus  élevée  que  l'on  rencontre 
dans  les  confins  de  la  carte  et  je  pourrais  dire  aussi  de  la 
Gironde,  car  ni  le  Tortonien,  ni  le  Sarmatien,  ni  le  Messinien, 
ni  aucun  étage  du  Pliocène  marin  n'est  représenté  dans  le 
département.  La  mâchoire  à'Elephas  meridionalis  trouvée  au 
Gurp,  près  Soulac,  sous  la  grande  dune,  et  déposée  au  Muséum 
de  Bordeaux,  pourrait  seule  faire  présager  la  présence  d'un 
lambeau  appartenant  à  TArnusien  ou  Sicilien  ;  encore  les  dents 
offrent-elles  déjà,  d'après  M.  Harlé,  des  caractères  qui  rappro- 
chent l'espèce  S'Elephas  antiquus,  Falc. 


(1)  Voy.  Benoist)  Actes  Soc.  Lin^,  t.  XXXII,  p.  97. 


224  E.  FALLOT. 


FORMATIONS  DE  RECOUVREMENT. 

Ces  formations  jouent  un  rôle  considérable  dans  la  région  ; 
elles  y  sont  puissantes  et  recouvrent  d'immenses  espaces, 
cachant  ainsi  le  plus  souvent  les  formations  constitutives. 

Je  les  ai  représentées  par  deux  couleurs.  Tune  indique  les 
plus  anciennes,  celles  qu'on  pourrait  appeler  quaternaires, 
c'est-à-dire  le  Sable  des  Landes,  le  Dépôt  superficiel  de 
l'Ëntre-deux-Mers,  les  Alluvions  anciennes;  l'autre  représente 
les  sédiments  de  l'époque  actuelle,  ce  sont  les  Alluvions 
récentes. 

Toutes  ces  formations  se  ressemblent;  ce  sont  des  cailloux 
de  diverse  nature,  en  général  très  bien  roulés,  des  sables,  le 
tout  entremêlé  d'argiles.  Le  Sable  des  Landes  présente  toujours 
à  une  certaine  profondeur  une  couche  de  grès  ferrugineux 
compact,  Valios,  qui  constitue  une  assise  imperméable  ame- 
nant la  stagnation  des  eaux. 

Dans  le  Sable  des  Landes,  les  cailloux  sont  surtout  quartzeux, 
et  la  partie  superficielle,  généralement  formée  de  sable  fin  que 
les  vents  emportent  au  loin,  a  pu  contribuer  à  la  formation 
des  dunes.  S'il  présente,  dans  la  grande  lande,  dans  les 
forêts  de  pins,  un  faciès  bien  typique,  il  est  moins  bien  carac- 
térisé vers  les  bords  de  la  formation  et  là  on  ne  sait  comment 
le  délimiter. 

J'ai  donc  été  amené  à  réunir  sous  la  même  teinte  les  trois 
premières  formations  sus-indiquées,  par  le  fait  qu'il  me  parait 
très  ditficile  d'établir,  d'une  part,  une  limite  exacte  entre  le 
Sable  des  Landes  et  les  Alluvions  anciennes  qui  recouvrent  le 
flanc  gauche  de  la  vallée  de  la  Garonne,  d'autre  part,  entre 
ces  mêmes  Alluvions  ou  celles  de  la  Dordogne  et  le  Dépôt  de 
l'Entre-deux-Mers.  Cette  constatation  amènerait  logiquement  à 
la  conclusion  que  toutes  ces  formations  sont  de  même  origine 
et  de  même  âge.  Ce  serait  résoudre  d'un  mot  un  problème 
des  plus  compliques  et  des  plus  obscurs. 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  223 

Dans  un  travail  déjà  ancien^  M.  Linder(^)9  frappé  de  ces  ana- 
logies, avait  placé  les  formations  susdites  à  Tépoque  quater- 
naire,  et,  ne  pouvant  renoncer  à  une  origine  marine  pour  le 
Sable  des  Landes,  avait  tenté  de  les  expliquer  par  un  envahis- 
sement de  la  mer,  une  sorte  de  vague  énorme  qui  aurait 
remonté  jusque  vers  le  Plateau  Central,  et,  en  se  retirant, 
aurait  abandonné  sur  son  passage  les  sables,  graviers  et 
cailloux  qui  constituent  les  dépôts  que  nous  étudions. 

Cette  opinion  semble  bien  improbable  et  Ton  peut  se  de- 
mander si  on  ne  pourrait  pas,  au  contraire,  expliquer  les  faits 
par  une  vaste  formation  diluvienne  dont  les  caractères  se  mo- 
difieraient un  peu  suivant  certaines  circonstances  géographi- 
ques ou  géologiques.  C'est  cette  hypothèse  que  je  vais  examiner. 

Tout  d'abord  on  peut  poser  en  principe  qu'il  ne  viendra  à 
l'idée  de  personne  que  le  Dépôt  de  l'Entre-deux-Mers,  et  à  plus 
forte  raison  les  cailloutis  désignés  sous  le  nom  d'AUuvions 
anciennes  soient  d'origine  marine.  A  ce  taux,  il  faudrait 
admettre  que  tous  les  dépôts  caillouteux  quaternaires  de  la 
France  et  de  l'Europe  sont  de  même  origine,  ce  qui  serait 
absurde. 

Du  reste,  on  a  trouvé  des  restes  d'animaux  terrestres  dans 
ces  dépôts  :  ainsi,  le  Rhinocéros  Mercki,  à  Laroque,  commune 
de  Bassens,  à  15  ou  20  mètres  d'altitude,  VElephas  antiquus 
dans  la  tranchée  des  Quatre-fils-Aymon,  près  de  la  station  de 

Gironde,  entre  19  et  24  mètres  (^). 

< 

Les  Alluvions  anciennes  qui  recouvrent  le  calcaire  à  Astéries 
à  Cadillac (^)  ont  fourni,  dans  le  jardin  de  l'hospice  des  aliénés^ 
des  restes  de  Rhinocéros  et  A'Elephas. 

D'autre  part,  le  Sable  des  Landes,  dont  l'aspect  en  grandes 
masses,  dans  l'intérieur  des  grandes  forêts  de  pins  de  la  région 


(*)  Actei  Soc.  Lin.,  t.  XXVI. 

(*)  Voy.  Harlé,  Bull.  Soc.  Géol.,  3*  série,  t.  XXII,  p.  532. 

O  Par  suite  d'ane  erreur  de  coloriage  de  la  carte,  on  a  figaré  comme  alluvions 
récentes  la  partie  de  ces  formations  qui  sent  à  l'Est  de  la  route  de  Cadillac  à 
Loupiac,  ce  sont  des  alluvions  anciennes  qui  recouvrent  là  le  calcaire  à  Astéries 

T.  I  (3»  Série).  15 


226  E.  FALLOT. 

landaise,  rappelle  en  eifet  assez  bien  les  formations  littorales, 
n'a  jamais  fourni  un  seul  débris  d'origine  marine.  Or,  on  sait 
que  certaines  coquilles  marines  résistent  assez  bien  aux  chocs 
répétés,  au  roulement  de  la  vague,  et  il  n'est  pas  rare  de 
trouver  dans  les  poudingues  actuels,  c'est-à-dire  au  milieu  de 
cailloux  qui  ont  été  fortement  roulés,  des  débris  de  coquilles 
marines  fort  reconnaissables  ;  il  se  forme  de  nos  jours  un 
poudingue  de  ce  genre  vers  la  pointe  de  Coubre. 

Dans  le  Sable  des  Landes  on  n'a  rien  trouvé  jusqu'ici  et  cela 
sur  des  étendues  immenses  (il  recouvre  environ  1,400  kilo- 
mètres carrés  dans  le  S.-O.)  et  sur  des  profondeurs  considé-, 
râbles  (les  sondages  d'Arcachon  et  de  Marcheprime  lui  donnent 
environ  50  mètres  d'épaisseur  en  ces  points,  et  peut-être  a-t-il 
80  mètres  dans  quelques  endroits). 

Il  n'y  a  donc  pas  un  fossile  qui  puisse  amener  à  considérer 
positivement  le  Sable  des  Landes  comme  marin.  Je  sais  bien 
qu'on  n'y  trouve  pas  de  coquilles  d'eau  douce,  ni  de  coquilles 
terrestres,  mais  celles-ci  (Hélix,  ClausiliaJÇ)  sont  si  ténues, 
si  fragiles,  qu'elles  ne  peuvent  se  comparer  aux  coquilles 
marines  et  qu'elles  ont  pu  être  complètement  détruites.  Du 
reste,  on  sait  combien  les  cours  d'eau  en  charrient  peu.  Les 
seuls  débris  organiques  qui  soient  signalés  dans  le  Sable  des 
Landes,  sont  des  morceaux  de  bois  lignitifié,  fait  qui  se  voit 
surtout  à  l'embouchure  des  fleuves. 

Si  l'on  admettait  que  le  Sable  des  Landes  n'est  pas  marin, 
il  faudrait  l'expliquer  par  un  transport  diluvien  provenant  de 
toutes  les  parties  en  relief  qui  entouraient  le  Bassin  de  l'Aqui- 
taine (Plateau  Central,  Pyrénées)  à  partir  de  l'époque  où  la 
mer  l'a  quitté  définitivement,  et  surtout  au  début  de  la  période 
quaternaire,  caractérisée  partout  par  les  grandes  précipitations 
atmosphériques. 
Dans  ce  cas,  les  masses  d'eau,  suivant  la  pente  naturelle  du 


(^)  n  s'agit  ici  de  la  masse  même  de  la  formation,  car  à  sa  base  M.  Uiider  a 
signalé  quelques  coquilles  terrestres  (Léognan). 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  227 

soi,  devaient  s'accumuler  dans  la  partie  la  plus  déclive  du 
bassin,  c'est-à-dire  vers  la  mer,  et  pouvaient  y  constituer  le 
dépôt  que  nous  connaissons,  mélange  de  sables,  de  cailloux 
et  d'argiles.  Ce  dépôt  prenait  d'autant  plus  d'épaisseur  que  la 
région  occidentale  du  bassin  constitue,  depuis  une  époque 
géologique  très  reculée,  une  aire  d'affaissement  des  plus 
nettes. 

11  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  jeter  un  regard  sur  la 
carte;  on  voit,  par  exemple,  la  surface  supérieure  du  calcaire 
à  Astéries  qui  est  à  90  mètres  vers  Rauzan  (Nord  de  l'Entre- 
deux-Mers),  descendre  à  10  mètres  vers  Langon  (au  S.);  on 
voit  les  lambeaux  lacustres  de  l'Aquitanien  inférieur  attei- 
gnant 110  mètres  et  plus  dans  la  même  région,  descendre  à 
des  altitudes  de  15  à  30  mètres  dans  le  Sud;  l'Aquitanien 
marin,  à  135  mètres  à  Castelvieil,  descend  à  30  mètres  dans  la 
Lande.  On  peut  donc  admettre  que  le  Nord  de  l'Ëntre-deux- 
Mers  est  resté  en  place,  tandis  que  la  partie  Sud  s'affaissait; 
mais  cet  affaissement  de  la  partie  émergée,  si  net  surtout  à 
partir  de  la  période  aquitanienne,  n'allait  pas  sans  un  affaisse- 
ment concomitant  du  fond  de  la  mer  avoisinante.  Cet  affais- 
sement explique  comment  le  rivage  de  la  mer  langhienne  est 
en  retrait  sur  le  rivage  de  la  mer  aquitanienne,  et  comment  celui 
de  la  mer  helvétienne  est  également  en  retrait  sur  celui  de  la 
mer  langhienne,  enfin  comment  le  rivage  actuel  est  en  retrait 
sur  celui  de  la  dernière  mer  tertiaire.  C'est  donc  par  des  courbes 
concentriques  que  l'on  pourrait  représenter  ces  différents 
rivages,  la  plus  intérieure,  c'est-à-dire  celle  qui  est  le  plus  près 
du  centre  géométrique  du  bassin,  représentant  le  rivage  le 
plus  récent  (^). 

C'est  précisément  cette  grande  aire  d'affaissement  que  les 


0)  L'ailàissement  existe  encore  de  nos  joars,  mais  il  est  lent  et  la  mer  tend  à 
empiéter  de  ncaveaii  sur  le  territoire  qu'elle  avait  quitté.  Ce  fait  est  signalé 
aussi  bien  à  Arcachon  qu'à  la  pointe  de  Grave  et  dans  le  sol  même  de  Bordeaux. 
M.  Harlé,  qui  semble  disposé  à  admettre  cet  affaissement  [loc.  cit.),  n'y  a  peut- 
être  pas  suffisamment  insisté. 


228  E.    FALLOT. 

apports  diluviaux  seraient  venus  combler  sous  la  forme  du 
Sable  des  Landes,  et  cela,  comme  je  Tai  dit,  au  début  de  Tère 
quaternaire,  car  M.  Linder  a  signalé  à  sa  base,  à  Léognan,  des 
coquilles  vivant  encore  actuellement  (Hélix  nemoralis, 
Cyclostoma  elegans)  et  le  même  fait  existerait  à  La  Brède. 
Je  ne  vois  donc  aucune  raison  de  placer  le  Sable  des  Landes 
dans  le  Pliocène  supérieur,  comme  l'admettent  certains 
auteurs. 

Ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  son  dépôt  a  précédé  le  creuse- 
ment des  vallées  en  général,  puisqu'il  fallait  qu'il  existât  pour 
qu'il  fût  creusé  par  les  cours  d'eau  qui  le  traversent  actuelle- 
ment (la  Leyre,  les  affluents  de. gauche  de  la  Garonne).  Mais, 
d'autre  part,  rien  ne  prouve  que  les  grandes  vallées  comme 
celles  de  la  Garonne  n'aient  pas  déjà  été  ébauchées  à  cette 
époque. 

En  résumé,  si  l'on  adoptait  l'origine  d'eau  douce,  on  pourrait 
se  représenter  le  Sable  des  Landes  comme  le  résultat  d'une 
sorte  de  vaste  delta  torrentiel  compris  entre  deux  grandes 
artères  fluviales,  Gironde  et  Garonne  d'une  part,  Adour  d'autre 
part,  et  traversés  seulement  par  quelques  cours  d'eau,  relati- 
vement faibles  par  rapport  à  sa  masse  (Leyre,  etc.),  comme  les 
deltas  actuels  en  présentent.  J'ajouterai  que  l'expression  delta 
pourrait^  sembler  justifiée  par  l'allure  géographique  de  tous  les 
cours  d'eau  provenant  des  Pyrénées  et  par  la  forme  triangulaire 
de  l'aire  de  dépôt  du  Sable  des  Landes.  Ce  serait  comme  si  la 
quantité  d'eau  qui  Ta  formée,  étant  venue  à  diminuer,  s'était 
sépatnAtf  petit  à  petit  en  cours  d'eau  parallèles  ou  convergents, 
et  que,  n'ayant  plus  la  force  nécessaire  pour  traverser  la  masse 
de  dépôts  que  les  eaux  avaient  accumulés  devant  elles,  elles  se 
soient  déversées  les  unes  à  gauche,  les  autres  à  droite,  les 
unes  vers  TAdour,  les  autres  vers  la  Garonne.  Enfin,  cette 
hypothèse  d'une  sorte  de  delta  aurait  l'avantage  de  ne  pas 
supprimer  l'action  marine  qui  se  serait  exercée  comme  toujours 
vers  l'extérieur,  et  de  considérer  les  étangs  du  littoral  actuel 
comme  les  lagunes  laissées  par  la  mer,  que  l'on  voit  dans  cer- 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  229 

tains  deltas  et  les  dunes  comme  des  dépôts  de  sable  marin 
accumulés  par  les  vents  (^). 

Quant  au  Dépôt  de  TEntre-deux-Mers,  il  parait  être  un  des 
résultats  du  phénomène  diluvien,  mais  se  présentant  dans 
des  conditions  spéciales.  Le  Dépôt  de  TEntre-detaF^ierB  est 
surtout  une  formation  argilo-siliceuse  plus  ou  moins  colorée 
en  brun  ou  en  rouge  par  Thydroxyde  de  fer,  et  ne  présente  pas 
toujours,  tant  s'en  faut,  des  nappes  de  cailloux  roulés  ;  cepen- 
dant on  peut  en  voir  de  beaux  exemples  dans  certains  points, 
à  Saint-Germain-de-Grave  par  exemple,  où  ils  sont  sur  une 
grande  épaisseur,  et  dans  quelques  autres  localités.  Il  doit  être 
en  partie  le  résultat  du  lavage  opéré  par  les  eaux  diluviennes 
sur  les  argiles  et  sur  les  calcaires  tongriens  en  place.  Le 
calcaire  plus  ou  moins  dissous  a  été  entraîné;  la  partie 
insoluble  (argile,  silice)  est  restée  en  place,  recouvrant  le  tout 
d'un  manteau  uniforme. 

Quant  aux  cailloux  quartzeux  ou  autres,  aux  sables  amenés 
par  les  eaux  descendant  du  Plateau  Central,  ils  ont  dû  souvent 
passer  sur  TEntre-deux-Mers  sans  s'y  arrêter,  ou  tout  au  moins 
ne  s'y  sont-ils  accumulés  que  dans  des  points  particuliers  pour 
aller  s'amonceler  dans  cette  sorte  de  fosse  qui  constitue  l'aire 
du  dépôt  du  Sable  des  Landes. 

On  pourrait  donc  ne  voir  dans  le  dépôt  de  ces  deux  forma- 
tions (Sable  des  Landes  et  Dépôt  de  l'Entre-deux^Mers)  qu'un 
seul  et  même  phénomène  empruntant  aux  circonstances  géo- 
graphiques leur  aspect  particulier.  Mais,  je  le  répète,  le  problème 
n'est  pas  résolu  et  il  faut  de  nouvelles  recherches  et  de  nou- 
veaux faits  pour  être  éclairé  sur  l'origine  réelle  du  Sable  des 
Landes  dont  l'allure,  comme  je  le  disais  en  commençant, 
rappelle  aussi  les  dépôts  littoraux. 

Il  est  évident  enfin  qu'une  fois  ces  premiers  sédiments 
formés,  il  y  a  eu  des  points  d'élection  où  les  phénomènes  de 


0)  Rien  n'empêcherait  da  reste  qne  le  Sable  des  Landes  soit  d*orîgine  dilu- 
vienne vers  rintériear  et  marine  vers  Textérieur. 


230  E.  FALLOT. 

creusement  ont  pu  se  produire  plus  particulièrement,  et  je  ne 
verrais  pour  ma  part  aucune  impossibilité  à  ce  que  le  creuse- 
ment primitif  et  principal  de  la  Garonne  ait  pu  se  produire 
surtout  aux  points  où  les  deux  principaux  courants  (celui  des 
Pyrénées  et  celui  du  Plateau  Central)  venaient  se  rencontrer. 
Il  y  avait,  du  reste,  là  une  circonstance  adjuvante  très  nette  : 
c'est  celle  d'une  dépression  naturelle  ancienne  sur  laquelle  j'ai 
insisté  ailleurs,  et  qui  existait  entre  la  ligne  anticlinale  crétacée 
(Yillagrains-Landiras)  et  la  région  charentaise.  Le  fond  de  cette 
dépression  devait  suivre  à  peu  près  remplacement  de  la  vallée 
actuelle  entre  Langon  et  Bordeaux. 

Une  fois  ébauchées,  les  grandes  vallées  ont  continué  à  se 
creuser  pour  arriver  à  leur  état  actuel,  et  à  mesure  que  ce 
creusement  se  produisait,  leurs  alluvions  devaient  se  spécia- 
liser, si  je  puis  ainsi  dire.  Mais  lorsqu'on  quitte  les  bords  du 
fleuve  pour  gagner  les  coteaux  restés  témoins  du  creusement 
à  son  origine,  on  trouve  des  dépôts  qu'on  peut  de  moins  en 
moins  séparer,  soit  du  Sable  des  Landes,  soit  des  cailloux  de 
l'Entre-deux-Mers,  et  on  arrive  à  réunir  le  tout  sous  le  nom  de 
formations  de  recouvrement  anciennes. 

Cette  difficulté  de  séparation  est  très  visible  sur  le  terrain 
d'abord  ;  d'autre  part,  il  n'y  a  qu'à  regarder,  par  exemple,  la 
carte  de  M.  Raulin  et  les  feuilles  publiées  par  M.  Linder,  pour 
voir  que  ces  deux  auteurs  n'admettent  pas  la  même  limite  aux 
deux  formations.  M.  Raulin  a  imaginé  une  ligne  fictive  qui  se 
maintient  uniformément  à  une  quinzaine  de  kilomètres  environ 
de  la  Garonne  actuelle  ;  d'un  côté,  à  l'Ouest,  ce  serait  le  Sable 
des  Landes;  de  l'autre  côté,  à  l'Est,  les  Alluvions  anciennes. 
M.  Linder  a  compris  cette  limite  d'une  autre  façon,  sans  indi- 
quer sur  quel  critérium  il  s'appuyait;  quant  à  moi,  je  suis 
arrivé  jusqu'ici  à  un  résultat  négatif  et  la  vérité  m'oblige  à 
l'indiquer.  J'ai  renoncé  à  marquer  la  séparation  entre  le  Sable 
des  Landes  et  les  terrasses  alluviales  les  plus  anciennes,  et  je 
ne  sais  si  je  pourrai  y  arriver  plus  tard  d'une  façon  positive. 

Quant  aux  Alluvions  récentes,  elles  ne  se  séparent  aussi  des 


CARTE  GÉOLOGIQUE.  231 

anciennes  que  d'une  façon  fictive;  j'ai  cru  devoir  désigner  sous 
ce  nom  celles  qui  correspondent  aux  crues  extraordinaires  des 
deux  fleuves  (Garonne  et  Dordogne),  c'est  dire  qu'elles  ne 
dépassent  généralement  pas,  dans  l'étendue  de  la  carte,  l'alti- 
tude de  10  mètres  et  se  maintiennent  souvent  au-dessous  dans 
les  basses  vallées  (^). 

Partout  elles  recouvrent  des  alluvions  anciennes  qui  ne 
paraisssent  pas  toujours  sur  les  bords  et  qui  manquent  géné- 
ralement sur  la  rive  droite  de  la  Garonne  où  les  coteaux 
presque  à  pic,  constitués  par  le  Tongrien,  viennent  pour  ainsi 
dire  jusqu'au  bord  du  fleuve.  Enfin,  j'en  ai  marqué  généra- 
lement une  mince  ligne  le  long  des  principaux  afiluents,  bien 
que,  souvent,  elles  soient  peu  visibles,  cachées^  en  tout  cas^ 
par  la  terre  végétale  et  les  prairies. 

19  Juin  1895. 


<<)  Dans  la  crue  de  liJ75,  la  Garonne  est  montée  jasqu'à  13  mëtrea  aa^dessvs  de 

Tétiage. 


•  *  • 


Tableau  iadiquant  la  succcsshb  des  as»ses  géologlquts  re|)rèsenl^es  sur  la  urU 


Aclnelles.  —  Alluviou  ricenlt»,  correspondwl  aux  gnudes  crues. 

QMWrniires  1  AHMlonjtndennra. 

PIBiitocèoes  I  SBlilodMUiidM.  — Dép*lMp»rlicielderEntr«-il8in-ller». 

Plloctne.  —  Manque» 


\  Mot.—  Falunj-tTpes  de.Liogna 


FtcUi  Halteaif  u. 
.  —  HollatM  oBsinre  de  Lée- 
gDan,  Canejan,  S<-llédard- 


■iU  ei  HeUmUtt 
d«  S<^Crolx-dii- 

HODI. 

•le.aableDinurlii 
(Uallaae  cwuil- 
iSfe)  de  S-^Croli- 


de   l'Entre-deDi- 
I    lien,  aiee  irglk) 

!;riata  pasianT  in- 
iHeu riment  tni 
argiles  k  coaett- 


lia  dn  Son. 
3-  Cale  lacmlre 
inl.  de  la  roale 

Roche  lablcaee 


gnan,  de  Lagies,  de  Hara*. 
■.  raina    Jaane  dn  CoqalU» 
(L<ogDaD},deLaCa3sagne 
(SincaU). 

FmcUi  ftlnieu. 
Kilnns  lot»  de  Léognan  (Tbi- 
bandcaa,  ChAlean  Ollrier, 
Chiteau  du  ThU  inp'):  de 
SaucalalGInodean  on  H'*  de 
l'Egllia,  La  Pclona);  delierl- 

Kie(ni>ean  lap'deti  pinp. 
oor);  de  Peâsac  (Ferme- 
Bcole)  ;  dn  Chïleaa  de  Gajac, 

Falans  de  Mérlina' 


\vÂw .  i 


InMePenaelFcr 
ma-Ecola  Int*),  d« 
CabuacfPoofnel), 


chiea  k  ooRertlIoot  etIcJ 


ti  MOiiaue  arguo-iaiiiflase  aes  eoTironsde  sanvaurn 
I      Karllal,  etc.  (Hollaue  Inlirienre  de  l'Ageaa<B}. 
.  ^-l  Calcaire  a  Asiéries. 


-•*i 


Cale,  lacustre    de    Careoiac,  Horiiis  (r«préMOlanl  le  f 

cale,  de  Caslilion  et  de  Cliracl.  ( 

Hollanedu  Fronsadala.        1  Srstème  argileui  et  mol-    i 

Argile*  iDFra-maltuslqnes        luslaae  de  la  talli«  dui 

et  argllei  i  AnoDiee  do        Dropl.  k 


(n'allenre  pas  et  douteux  daog  la  prelondenr). 
i  Garumnlen  (nwnquel. 
Crâlucé   '.  HatatrlChUen.  — tonehctsn|>trieureadeVlllmtalas. 
(  CumpsDlen.  —  CoaebwInKrloDrtsde  villigriune. 


I 

{ 


L'ÉLEGTRODYNAMIQUE 

DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES 

PAR  P.  DUHEtf 

nOrUSECR  de  riTlIQCE  théorique  a  la  FACOLTé  DES  SCIBMCES  DE  DORDEAOX 


PREMIER  MÉMOIRE 
Propriétés  fondamentales  des  courants  de  dépUcement. 


INTRODUCTION 

On  sait  que  Télectrodynainique  des  milieux  diélectriques, 
telle  que  Maxwell  Ta  esquissée,  repose  sur  des  hypothèses 
incompatibles  avec  les  théories  classiques  de  Télectricité,  ce 
qui  porte  un  grand  nombre  de  physiciens  à  abandonner  ces 
théories. 

Uelmholtz  a  tenté  de  rattacher  Télectrodynamique  des 
milieux  diélectriques  aux  doctrines  traditionnelles;  toutefois, 
ses  équations  ne  semblent  pas  conformes  à  certaines  lois 
annoncées  par  Maxwell  et  vérifiées  par  l'expérience. 

Notre  but  est  de  continuer  l'œuvre  de  Helmholtz  et  de  mon- 
trer comment  toutes  les  lois  expérimentalement  vérifiées  qui 
découlent  des  idées  de  Maxwell,  peuvent  être  également 
déduites  d'une  méthode  qui  ne  brise  pas  la  tradition. 


T.  I(ô«Série>. 


CHAPITRE  1" 

Induction  exercée,  dans  les  corps  conducteurs, 
par  les  courants  de  déplacement. 


§  1.  Définition  des  flux  et  des  courants  de  déplacement. 

Imaginons  un  diélectrique  polarisé.  Soient  A),  ^,  6  les 
valeurs,  au  point  (x,  y,  z)  et  à  l'instant  t,  des  composantes  de 
la  polarisation.  Le  point  matériel  qui  se  trouve,  à  l'instant  t, 
en  {x,  y,  z)  se  trouve  à  l'instant  (i  +  dt)  en  un  point 
{x  +  Sx,  y  +  Zy,  z  +  Iz),  Sx,  ly,  Iz  n'étant  égaux  à  0 
que  si  le  diélectrique  est  immobile.  Si  le  diélectrique  avait 
entraîné  avec  lui  sa  polarisation,  les  composantes  de  cell&- 
ci  auraient  pour  valeurs  nouvelles  X  +  SJj,  3Î  +  iî3ï,  C  +  SC, 
lAy,  Sâî,  3(3  étant  donnés  par  les  égalités 

I   lA,  =  em'  -  S!>  c'. 

(i)  SiB  ^  Au'  -  C  w  , 

(  8C  =âB»  -  Jb«', 

ou  ti>,  (■)',(■>',  sont  les  composantes  de  la  rotation  subie, pendant 
le  temps  dt,  par  l'élément  qui  entoure  le  point  {x,  y,  z). 

En  général,  cet  élément  n'aura  pas  simplement  entraîné  sa 
polarisation,  mais  celle-ci  aura  changé  de  grandeur  .et  de 
direction  au  sein  de  l'clcment,  en  sorte  que  ses  composantes 
X  +  dJb,  âï  +  d^,  t  +  dt,k  l'instant  t  +  dt,  seront  en 
général  différentes  de  X  +  SJb,  3Î  |-  difi,  C  +  SC. 
Nous  poserons 

l  dX  —  lA>~-idt, 
(2)  j  d3!,-l^=idt, 

{  dC  —  se  =  z  <*'• 


ÉLECTHODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DlItLECTRIQUES.  235 

Nous  nommerons  les  quantités  9>  ^  et  x  ^'^^&i  définies  les 
composantes  du  flux  de  déplacement  au  point  (x,  y,  z),  à 
Tinstant  t.  Nous  adoptons  ce  mot  fltix  de  déplacement  parce 
que,  créé  par  Maxwell^  il  est  aujourd'hui  généralement  en 
usage;  nous  ne  lui  attribuons  pas  d'autre  signification  que 
celle  qui  vient  d'être  définie. 

Si  le  diélectrique  est  en  repos,  la  définition  précédente  se 
simplifie.  Imaginons  que  les  composantes  ^^^  %  C,  de  la 
polarisation  soient  exprimées  en  fonctions  des  coordonnées 
X,  tff  z  et  du  temps  t;  il  est  facile  de  voir  que  nous  aurons 

(3)  \  ^  =  ^^3i{x,y,z,t), 

La  notion  de  flux  de  déplacement  conduit  à  la  notion  de 
courant  de  déplacement  comme  la  notion  du  flux  électrique 
ordinaire  (que  nous  nommerons  dorénavant  fliuc  de  conduo- 
tion)  conduit  à  la  notion  de  courant  électrique  ordinaire  (que 
nous  nommerons  dorénavant  courant  de  conduction)  : 

Imaginons  qu'une  courbe  fermée  infiniment  petite  d'aire  û 
se  déplace  et  se  déforme^  tandis  qu'un  de  ses  points  décrit  la 
courbe  S,  et  que  son  plan  demeure  constamment  normal  à 
cette  courbe.  Cette  courbe  engendre  un  espace  filiforme  que 
nous  supposerons  rempli  par  une  substance  diélectrique.  Nous 
imaginerons  que  ce  diélectrique  soit  le  siège  de  flux  de  dépla- 
cement^ assujettis  seulement  à  être,  aux  divers  points  d'une 
même  section  û^  parallèle  à  la  tangente  menée  à  la  courbe  S 
au  point  où  elle  rencontre  cette  section.  Si  nous  convenons  de 
désigner  par  la  même  lettre  S  la  direction  de  cette  tangente^ 
nous  dirons  que  la  quantité 

(4)  ^  =  I    9C0s(S,  x)  +  ^cos(S,  y)  +  xcos  (S,  z)    dû 

Q 


236  p.  DUHEX. 

est  Vintenaité  du  courant  de  déplacement  qui  traverse  la 
section  dans  le  sens  de  la  tangente  S. 

L'intensité  j  peut  varier  lorsqu'on  passe  d'une  section  Q  du 
fil  diélectrique  à  une  autre  section  du  même  fil.  Lorsqu'elle  a 
la  même  valeur  pour  toutes  les  sections  droites  du  fil,  le 
courant  de  déplacement  est  dit  uniforme. 

§  2.  Force  électromotrice  d'induction  engendrée  par  un 
courant  de  déplacement  dans  un  fil  conducteur. 

Imaginons  un  système  formé  de  fils  conducteurs  et  de  fils 
diélectriques,  les  premiers  pouvant  être  parcourus  par  des 
courants  de  conduction  et  les  seconds  par  des  courants  de 
déplacement;  supposons  en  outre  que  tous  ces  fils  soient 
mobiles  et  déformables. 

Soit  ds  nn  élément  de  fil  conducteur;  à  l'instant  t,  sa 
résistance  est  Kds  et  il  est  parcouru  par  un  courant  d'inten- 
sité J  ;  RJds  est  la  force  électromotrice  totale  dont  cet  élément 
est  le  siège  à  l'instant  t. 

Si  le  système  ne  renfermait  pas  de  fils  diélectriques  parcou- 
rus par  des  courants  de  déplacement,  l'élément  ds  serait  le 
siège  d'une  force  électromotrice  déterminée  par  les  lois  du 
galvanisme  et  de  l'indqction  électrodynamique.  Soit  eds  cette 
force  électromotrice. 

Nous  regarderons  comme  un  fait  d'expérience  que  si  les 
fils  diélectriques  que  le  système  renferme  étaient  immobiles 
et  parcourus  par  des  courants  de  déplacement  d'intensité 
constante,  on  aurait 

hJds  =  edSf 

tandis  que  cette  égalité  n'a  plus  lieu  si  les  courants  de  dépla- 
cement sont  variables  ou  si  les  fils  diélectriques  que  traversent 
ces  courants  changent  de  position  par  rapport  à  l'élément  ds. 
Dans  ce  cas,  nous  poserons 

(8)  RJd«  =  ed«  + 8d«, 

et  nous  dirons  que  d&s  est  la  force  électromolrice  d'indue^ 


ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  237 

tion  engendrée  dans  Vêlement  conducteur  ds  par  les  courants 
de  déplacement  que  renferme  le  système. 

Pour  déterminer  la  forme  de  cette  force  électromotrice^  nous 
établirons  des  hypothèses  et  nous  développerons  des  raison- 
nements de  tout  point  analogues  aux  hypothèses  et  aux 
raisonnements  qui  nous  ont  servi  ailleurs  (^)  à  déterminer 
les  lois  de  Tinduction  électrodynamique.  Nous  arriverons  ainsi 
au  résultat  suivant: 

Soit  dS  un  élément  d'un  fil  diélectrique  ; 

Soit  j  Tintensité  du  courant  de  déplacement  en  un  point  de  , 
cet  élément  ; 

Soit  r  la  distance  d'un  point  m  de  l'élément  (2  s  à  un  point  M 
de  l'élément  dS  ; 

Soit  6  l'angle  de  l'élément  ds  et  de  la  droite  m  M  ; 

Soit  6  l'angle  de  l'élément  d S  et  de  la  droite  mM; 

Soitci)  l'angle  des  deux  éléments  ds,  dS; 

Soient  B  et  u  deux  constantes  dont  la  seconde  est  purement 
numérique  ; 

Nous  aurons 

(6)    èdsdt  =  B8  M« r(-i-^  cosecose  +  -^  cosa)\;rfsT 

l'intégrale  s'étendant  à  tous  les  fils  diélectriques  que  le  système 
renferme. 

§  8.  Induction  engendrée  par  des  flux  de  déplacement 
quelconques  dans  un  corps  conducteur  quelconque. 

Imaginons  maintenant  un  corps  conducteur  isotrope  placé  en 
présence  d'un  diélectrique  parcouru  par  des  courants  de  dépla- 
cement quelconques.  Au  point  {x,  y,  z),  à  l'instant  t,  le  corps 
conducteur  a  une  résistance  spécifique  p  ;  le  flux  de  conduction 
a  pour  composantes  u,  v,  w.  Les  quantités  pu,  pv,  çw  sont  les 
composantes  de  la  force  électromotrice  totale  qui  agit  au 
point  (x,  y,  z),  à  l'instant  t. 

0)  p.  Dahem,  Leçons  tur  Vélectricité  et  le  magnétisme,  Livre  XIII,  Chapitres  I, 
II  et  m  (t.  III,  pp.  67-113). 


338  P.  DDHCM. 

Si  le  système  ne  renfermait  pas  de  corps  diélectrique  paN 
couru  par  des  courants  de  déplacement,  les  composantes  de  la 
force  électromotrice  totale,  donnée  par  les  lois  du  galvanisme 
et  de  l'inductioD  électrodynamique,  auraient  pour  valeur 

)_^(.T  +  .«l  +  e)-Ht+*.. 
—  T-  feV  4-  «D  +  e j  +  f,  +  e„ 

V  étant  la  fonction  potentielle  des  charges  électriques 
répandues  sur  le  système  ; 

0  la  fonction  potentielle  de  la  polarisation  diélectrique  ; 

a  une  quantité  qui  dépend  de  l'état  du  conducteur  au  voisi- 
nage du  point  {x,y,  z); 

(r.  C>  ^'  'es  composantes  de  la  force  électromotrice  hydro- 
électri(iue  ou  thermo-électrique  ; 

Enfln  «,,  e^,  e,  les  composantes  de'  la  force  électromotrice 
d'induction  électrodynamique. 

Rappelons  comment  on  obtient  ces  dernières: 

Soit  {x',  y',  z')  un  point  du  système  conducteur; 

Soient  u',  v',  w'  les  composantes  du  flux  de  conduction  au 
point  (x',  y',  z'),k  l'instant  (; 

Soit  do'  un  élément  de  volume  entourantle  point  (x',jr',  z'); 

Soit  r  la  distance  des  points  (x,  y,  z)  et  (x',  y',  z'); 

Soit  X  une  constante  numérique  (constante  de  HelmhoUz); 
Posons 

Ces  formules,   oii  les  signes  d'intégration  s'étendent  8U 


fiLECTRODTNANIQOB  DRS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  239 

système  conducteur  tout  entier^  définissent  trois  fonctions 
de  X,  y,  z,  t. 

Cela  posé^  soient  Zxy  Zy,  Zz  les  composantes  du  déplacement 
subi  par  le  point  (x,  y,  z)  pendant  le  temps  dt; 

Soit  -g-  la  constante  fondamentale  de  Télectrodynamique  ; 

Les  quantités  Cx,  ej,y  e,  sont  alors  déterminées  par  les  égalités 
suivantes  ('): 


=  -f[" 


dz  dz  dz J 

Les  expressions  (7)  des  composantes  de  la  force  électromo- 
trice deviennent^  en  général,  inexactes^  lorsque  le  diélectrique 
est  parcouru  par  des  courants  de  déplacement;  dans  ce  cas^ 
on  a 

ptl  =  —  —  (e V  +  eO  4-  0)  4-  C  +  ^,  +  g„ 

(10)         ^  pr  =  —  —  (sV  +  eO  +  e)  +  f,  -h  é?,  +  g„ 

QVO=  —  —  (eV  +  s  0  -4-  0)  +  ^  -h  ^,  +  g,, 
az 

g^,  gy,  ?oty  étant  les  composantes  de  la  force   électromotrice 
d'induction  due  aux  courants  de  déplacement. 

Pour  déterminer  les  quantités  g^,  g^,  g„  nous  nous  appuie- 
rons sur  le  résultat  obtenu  au  §  précédent,  et  nous  développe- 
rons une  suite  d'hypothèses  et  de  raisonnements  analogues  à 
ceux  qui  nous  ont  servi,  en  un  autre  endroit  (^),  à  trouver  les 
expressions  de  Cxy  e^y  ^,;  nous  remplacerons  seulement,  dans 

(})  H.  von  Helmholtz,  Ueher  die  TIteorie  der  Elektrodynamik,  IIP*  Abhandl.: 
Die  elektrodynamUchen  Krafte  in  bewegten  Leitem.  (Borchardt's  Journal, 
t.  LXXVIII,  p.  309, 1874.  —  Helmholtz,  Wissenschaftliche  Abhandlungen,  1. 1. 
p.  745.) 

(*)  P.  Dahem,  Sur  let  lois  générales  de  Vinduction  électrodynamique  (Annales 
de  la  Faculté  des  sciences  de  Toulouse,  t.  VII,  B.  1894). 


iiO  V.  DUHEH. 

cette  suite  d'hypothèses  et  de  raisonnements,  le  mot  flux 
conduction  par  le  mot  /lux  de  <léplacement.  Nous  arriverons 
ainsi  au  résultat  suivant: 

Soient  :  {x',  y',  z')  un  point  du  diélectrique; 
r  sa  distance  au  point  (x,  y,  z); 
dn'     on     élément    de    volume     entourant     le 

point  (x',  y',  r); 
?''  '!''>  y.'  l^B  composantes  du  Hux  de  déplacement 
au  point  {x',  y',  z'). 
Posons 

Ces  formules,  oij  les  intégrations  s'étendent  au  diélectrique 
tout  entier,  définissent  trois  Tonctions  de  x,  y,  z,  l. 
Cela  posé,  nous  aurons 

I  ]_  ax  dx  âxj 

Les  formules  (10),  (H)  et  (12)  résolvent  le  problème  de 
l'induction  engendrée  dans  les  corps  conducteurs  par  les 
courants  de  déplacement;  elles  ne  laissent  plus  rien  d'inconnu 
dans  ce  problème,  sinon  les  valeurs  numériques  des  deux 
constantes  B  et  ix. 


dlV, 
dtt'. 


ÉLECTRODYNANfQUE  DBS  MILIEUX  DI^.LECTRIQUES.  211 


CHAPITRE  II 

Polarisation  d'un  corps  diélectrique  sous  rinfluence 
de  courants  de  conduction  on  de  déplacement. 


Considérons  un  système  qui  renferme  des  corps  conducteurs 
électrisés  et  des  corps  diélectriques  polarisés  ;  soient  ^^,  ^,  6 
les  composantes  de  la  polarisation  en  un  point  (Xy  y,  z)  de 
Tun  des  diélectriques  et  M  l'intensité  de  cette  polarisation; 
soit  F  (âh)  une  certaine  fonction  essentiellement  positive  de  Ah. 
Si  le  diélectrique  est  isotrope  et  parfaitement  doux,  et  si  le 
système  est  exempt  de  tout  courant  de  déplacement  oudç 
conduction,  on  sait  (Leçons  sur  Véleclricité  et  le  magné- 
tisme, Livre  XI,  Chapitre  II)  que  Ton  a 

(i)  ^«  =  -sF(Jb)^(V+0), 

Avec  Maxwell,  nous  admettrons  que  ces  équa.tions  demeu- 
rent exactes  lorsqu'on  tout  point  du  système  le  flux,  soit  de 
conduction,,  soit  de  déplacement,  garde  une  intensité  et  une 
orientation  invariables,  et  que  le  corps  dans  lequel  circule  ce 
flux  garde  une  position  invariable;  mais  qu'elles  deviennent 
en  général  inexactes  lorsque  les  conditions  que  nous  venons 
d'énoncer  ne  sont  pas  réalisées.  Nous  supposerons  que  l'on  a, 
en  général,  au  lieu  des  équations  (1),  les  équations 

Jb  =  -.F(Jll,)[€^(V  +  0) -},-;;], 
(2)  ^  55  =  - FWQ^CV+O) -.},-;;]. 

e  =  -F(ai,)[6^(V-hO)-J,-;.]. 


(3) 


(5) 


2i2  p.  DUREM. 

Les  quantités  j^,  j^,  j^  sont  nulles  pour  un  système  qui 
ne  renferme  pas  de  flux  de  conduction  et  les  quantités  Jx>  jfv» 
j^,  sont  nulles  pour  un  système  qui  ne  renferme  pas  de  flux  de 
déplacement. 

Pour  déterminer  les  quantités  j^,  j^,  j„  nous  reprendrons 
presque  textuellement  la  suite  d'hypothèses  et  de  déductions 
qui  nx)us  a  servi  à  déterminer  les  quantités  ex,  e^,,  e»,  et  nous 
parviendrons  au  résultat  suivant  : 

Soient  B,  et  ja,  deux  constantes.  Considérons  les  trois  fonc- 
tions de  X,  y,  z,  t  définies  par  les  égalités 

où  les  signes  d'intégration  s'étendent  au  système  conducteur 
tout  entier.  Nous  aurons 

/iv        )  •  j.      n  /»  àix  diy  diz\ 

(4)  j,dt  =  B.  (8p.  +  «.  _  +  p.  _i^  +  „,  _j. 

Pour  déterminer  les  quantités  ^x,  },,  }z,  ^ous  repren- 
drons  textuellement  la  suite  (^hypothèses  et  de  déductions 
qui  nous  a  servi  à  déterminer  les  quantités  &^,  8y>  8«.  Nous 
arriverons  ainsi  au  résultat  suivant: 

Soient  G  et  v  deux  constantes.  Considérons  les  trois  fonctions 
de  X,  y,  Zy  t  définies  par  les  égalités 


ÊLECTRODYNAMIQUE  DBS  NILICCX  DIÉLECTRIQUES.  243 

OÙ  les  signes  d'intégration  s'étendent  à  Tensemble  des  corps 
diélectriques  que  renferme  le  système.  Nous  aurons 


},dt=c(it 


/ON  K  ,        /,  /^        ^àlx        dly      .  diz\ 

(6)  jj,rf,  =  c(8a  +  f^  +  0-^  +  l,^). 

Les  égalités  (3),  (3),  (4),  (5)  et  (6)  déterminent  les  lois  géné- 
rales de  la  polarisation  des  corps  diélectriques  ;  ou,  plutôt, 
elles  ne  laissent  plus  d'indéterminé  dans  ces  lois  que  les  valeurs 
des  quatre  constantes 


CHAPITRE  m 

L'énergie  Interne  d'un  système  qal  renferme  des  courants 
de  conduction  et  des  courants  de  déplacement. 


§  i.  Hypothèse  fondamentale  sur  l'énergie  interne. 

Considérons  un  système  renfermant  des  corps  électnsés  et 
des  corps  diélectriques  polarisés,  mais  supposons  qu'aucun  flux 
de  conduction  ou  de  déplacement  ne  parcoure  ce  système. 

Ce  système  admet  un  potentiel  thermodynamique  interne. 
Ce  potentiel,  connu  par  d'autres  théories,  est  exprimé  par 
l'égalilé  • 


(*) 


Dans  cette  formule, 

K  est  l'équivalent  mécanique  de  la  chaleur; 

T,  la  température  absolue  ; 

T,  l'énergie  interne  du  système  à  l'état  neutre; 

S,  l'entropie  du  système  également  à  l'état  neutre  ; 

q,  la  charge  électrique  en  un  point  d'un  conducteur; 

A\>,  l'intensité  de  polarisation  en  un  point  de  l'élément  da  ; 

3-  (Jb,  T),  une  certaine  fonction  de  cette  quantité  et  de  la 
température  absolue; 

Les  autres  lettres  ont  la  môme  signiflcation  qu'au  Chapitre 
précédent; 

Les  intégrations  s'étendent  au  volume  entier  du  diélectrique. 


ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  24S 

L'énergie  interne  U  d'un  système  est  liée  à  son  potentiel 
thermodynamique  interne  9  par  la  formule  générale 

Le  système  considéré  a  donc  pour  énergie  interne  la  quan- 
tité U  définie  par  Tégalité 


(2) 


+ 


^[»(ji.T)-T^*a*i!)],„. 

Cette  expression  de  Ténergie  interne  ne  sera  plus  valable^  en 
général,  si  les  conducteurs  que  renferme  le  système  sont  par- 
courus par  des  courants  de  conduction  et  les  diélectriques  par 
des  courants  de  déplacement;  pour  rendre  exacte  Tégalité  (2), 
il  faudra  ajouter  au  second  membre  une  certaine  quantité  EU' 
qui  deviendra  égale  à  0  lorsque  tous  les  courants  s'annuleront 
sur  le  système.  C'est  la  forme  de  cette  quantité  EU'  que  nous 
allons  chercher  à  déterminer,  en  nous  servant  d'un  certain 
nombre  d'hypothèses. 

Pour  déterminer  EU'  nous  suivrons  exactement  une  marche 
analogue  à  celle  qui  nous  a  conduit  à  la  valeur  du  terme 
correspondant  dans  le  cas  où  le  système  ne  renfermait  que 
des  courants  de  conduction;  mais  les  hypothèses  énoncées 
seulement  alors  pour  les  courants  de  conduction,  nous  les 
énoncerons  maintenant  pour  les  courants  de  conduction  et 
pour  les  courants  de  déplacement. 

La  première  de  ces  hypothèses  consiste  à  admettre  que  la 
quantité  U'  garde  une  valeur  invariable  toutes  les  fois  que 
les  corps  traversés  soit  par  des  courants  de  conduction,  soit 
par  des  courants  de  déplacement  y  demeurent  immobiles  et 
que  le  flux  de  conduction  ou  de  déplacement  qui  traverse 
chaque  élément  de  ces  corps  demeure  invariable  de  grandeur 
et  de  direction. 


f 
I 


246  p.  DUNEM.  ' 

Cette  hypothèse  entraine  la  conséquence  suivante  : 
La  quantité  U'  dépend  uniquement  de  la  forme  et  de  la 
position  des  corps,  conducteurs  ou  diélectriques  y  qui  com- 
posent le  système,  et  de  la^  grandeur  et  de  la  direction  des 
flux  soit  de  conduction^  soit  de  déplacement,  en  chaque 
point  de  ces  corps.  Elle  ne  dépend  pas  des  paramètres  qui, 
joints  aux  précédents,  achèvent  de  déterminer  les  propriétés 
physiques  et  chimiques  du  système,  la  distribution  électrique 
et  Vétat  de  polarisation  diélectrique. 

« 

§  2.  Extension  de  la  loi  de  Joule  aux  systèmes  qui 

renferment  des  diélectriques. 

A  un  système  qui  renferme  des  conducteurs  parcourus  par 
des  courants  et  des  diélectriques  polarisés  parfaitement  doux, 
nous  appliquerons  une  hypothèse  semblable  à  celle  que,  sous 
le  nom  de  Loi  de  Joule  généralisée,  nous  avons  appliquée  (*) 
à  un  système  renfermant  des  courants  électriques  et  des  corps 
magnétiques  parfaitement  doux. 

Cette  hypothèse  s'énonce  de  la  manière  suivante  : 

Soient  u,  v,  w  les  composantes  du  flux  de  conduction  au 
point  {Xy  y,  2)  d'un  conducteur. 

Soient  E^^  Ey,  E«  les  composantes  de  la  force  électromotrice 
en  ce  point; 

Soit  M  Pintensité  de  polarisation  en  un  point  du  diélectrique  ; 

Soit  T  la  température  absolue  ; 

La  quantité  de  chaleur  dQ  que  le  système  dégage  pendant 
une  modification  infiniment  petite  de  durée  dta  pour  valeur 

(S)E«  =  d./[(E.-T^').  +  (E,-T^),.  +  (E.-T§)»]i„ 

la  première  intégrale  s'étendant  aux  conducteurs  et  la 
seconde  aux  diélectriques. 


(>)  Leçom  rat  l'électricité  et  le  magnétUme,  t.  m,  p.  387. 


'     ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MIUEOX  DIÉLECTRIQUES.  247 

Nous  allons  voir  tout  d'abord  que  Tapplication  de  cette  équa- 
tion à  un  système  immobile  conduit  à  la  détermination  de  la 
quantité  EU\ 

§  3.  Détermination  de  la  quantité  U'. 

Si  un  système  est  immobile,  nous  aurons,  en  désignant  ptff 
dQ  la  quantité  de  chaleur  qu'il  dégage  dans  le  temps  dtét  par 
SU  la  variation  d'énergie  interne  pendant  le  même  temps, 

(4)      •  EdQ  =  — E8U. 

.  Or,  régalité  (2)  nous  donne  aisément,  en  remarquant  que 

F(Jb)=       "^ 


à3i{â\,,T) 


et  que 


âM> 


. .,     MA^  4-  55835  +  eae 

*-*^  =  ' M 


« 

(5)  E5U  =  Ejr*2«M6-T|*) 

_  j  ra»gf(jb,  T) 


dMdT 


iàlada  +  ESU'. 


D'autre  part,  en   vertu   des  égalités  (10)  du  Chapitre  I, 


248  p.  DUREM. 

l'égalité  (3)  devient  : 

(6)         EdQ  =  -dj/'[«^(sV  +  stl  +  e-.T^) 

Mais  la  théorie  des  phénomènes  hydroélectriques  ou  thermo- 
électriques donne  Tégalité 

(7)  ESr  =  ~  dtj[{f-  T  ^)  «  +  {f-  T  |§)  »  +  {f'-  T  ^)  »]  <«« 

D'autre  part,  on  est  convenu,  dans  toutes  les  questions  du 
genre  de  celles  que  nous  traitons,  de  négliger  les  quantités 
telles  que 


iU-l'-r^V 


Les  égalités  (4),  (5),  (6)  et  (7)  donnent  donc  : 
(8)    E8U'=  —  dt\\(e^+  8J  «  +  (e,  +  S,)  »  +  (c,+  g.)  ip  |  do 

-/i['îi(^-»>-PW)]'* 

Les  corps  qui  composent  le  système  étant  immobiles,  les 


I 

I 


ÉLBCTRODTNAIIIQDB  BE8  MIUBDX  DIÉLECTRIQUES.  249 

équations  (9)  et  (13)  du  Chapitre  I  donnent 

«.+  6.  —  - 5-^-B-^, 
tandis  que  les  égalités  (2),  (4)  et  (6)  du  Chapitre  II  donnent 
A,=  -F(Jl)[.±(T  +  ll)-B.^-cff]. 

Les  équations  (8),  (9)  et  (10)  donnent  alors,  en  observant 
que  sur  des  diélectriques  immobiles,  en  vertu  des  égalités  (2) 
du  Chapitre  I,  on  a 

Posons,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  ailleurs  (') 
(12)  n  =  -  Ç  Autt  +XIV+  Ww)  do. 

Posons,  d'une  manière  analogue, 

(13)         n- = - 1  J{{,  +  r^+  i)x)  dn. 

■  Il  .1111  -  I  ■  —^ 

(1)  £es  acIiOfM  électrodynaniiquet  et  électromagnétiques,  Chapitre  préliminaire, 
égalité  (33)  (Anmles  de  la  Faculté  det  sciences  de  Toulouse,  t.  VII B.,  1898).— 
La  lettre  n  figure  déjà  dans  l'expression  ci  n,  qni  désigne  nn  élément  de  volume 
diélectrique  ;  le  lecteur  évitera  sans  peine  toute  confusion. 

T.  I(j«Série).  17 


2(k)  p.  DOHEII. 

ConsidéroDS  ensuite  la  quantité 
(14)     n'  =  —  B  r(*tt  +  Wtt  +  Xip)  da. 

Cette  quantité  pourra  se  mettre  sous  une  autre  forme. 
D'après  la  définition  des  fonctions  ^,  V,  X  [Chapitre  I, 
égalités  (il)]  on  peut  écrire 


(16) 


ff_  Brrr*"*''*  ««?' + *'^' + »x' 

Désignons  par  n,  x>,  v>  ce  que  deviennent  les  fonctions 
tti>  »i>  Wi  [Chapitre  II,  égalités  (3)],  lorsqu'on  y  remplace  \L^ 
par  {jl;  on  verra  sans  peine  que  Tégalité  (15)  peut  s'écrire 

(14***)  n'  =  —  B  Mttç  +  d4*  4-  iDx)dn. 

Nous  avons  vu  [Les  actions  électrodynamiqiies  et  électrth 
magnétiques,  Chapitre  préliminaire,  égalité  (33)]  que  Ton 
avait 

On  aura  de  même 

(17,  _.  =  _cJ(-,4-^*  +  -^x)rfn. 

Enfin,  régalité  (15)  donnera  sans  peine 
(18)  --  =  -BJ(^«  +  ^«  +  _«,jdc 

Les  égalités  (11),  (16),  (17)  et  (18)  donnent  alors 


<LKXBODTNAItI0UE  DES  MILIBDX  DIÉLECTRIQUES.  251 

(19)  E8U'  +  d«  i  (n  +  n'  4-  n') 

Cette  égalité  (19)  peut  se  mettre  sous  une  forme  un  peu 
différente. 
Nous  avons,  en  vertu  des  égalités  (3)  du  Chapitre  II, 

ce  qui  peut  encore  s'écrire,  en  désignant  par  ^i,  V„  X,  ce 
que  deviennent  les  fonctions  $,  W,  X  [Chapitre  I,  égalités  (11)] 
lorsqu'on  y  remplace  a  par  ^^, 

(20)  j(_^,H-^^  +  _i^)dn 


/»•- 

>^(— 


On  aura  de  même 


Si  nous  posons 

8tt=:-vrdf,  8t>=-r--(IJ,  5tt;=----d/, 
a(  a»  at 

les  égalités  (19),  (20)  et  (20  bis)  nous  donneront  l'égalité 


2SS  P.  DUHEk. 

suivante  : 

(21)      E8U'  +  (it^^(n  +  n'-4-n') 

=  rfcBi*!—  B*)  8ti  -+-  (Bi Wi—  BW)8t?  +  (B^Xi—  EX)  8»  |  da 

Le  premier  membre  de  cette  égalité  est  la  variation  totale 
d'une  fonction  des  flux  de  conduction  u,  v,  w,  et  de  déplace- 
ment 9,  ^'j  X;  1®  second  membre,  ne  dépendant  pas  des  varia- 
tions Z(fy  ^,  Sx,  ne  peut  être  une  variation  totale  que  si  les 
trois  quantités 

B|X|  —  BX, 

sont  indépendantes  de  9,  ^  et  7  ;  comme  d'ailleurs  ces  trois 
quantités  s'annulent  si  l'on  fait  9  =  0,  ij;  £=  0,  x  =  0,  elles  ne 
peuvent  être  indépendantes  de  9,  ^  et  y  que  si  l'on  a  identi- 
quement 

/  B,*i  — B<h  =  0, 

(22)  !  BjW^— BW=0, 

B,X,  —  BX  =  0. 

Nous  avons  [Les  actions  électrodynamiques  et  électroma- 
gnétiqueSj  Chapitre  préliminaire,  égalités  (19)] 

"~*J  r  4i:    àxjm  dt  r    ^  ^ 

r  étant  la  distance  d'un  point  de  l'élément  dll'  ou  dtù'  au  point 
(x,  y,  z)  et  0'  la  fonction  potentielle,  en  un  point  de  l'élément 
du',  de  la  polarisation  diélectrique.  Les  fonctions  $„  V*,,  X. 
vérifient  des  égalités  analogues  où  jx  est  remplacé  par  (x,;  nous 
les  nommerons  les  égalités  (23  bis).  Les  intégrales  qui  portent 
l'indice  E  sont  étendues  à  tous  les  éléments  de  volume  dtù'  de 
l'espace. 


ÉLECTRODTNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLBCTRIOCJES.  253 

On  sait  que  Ton  a^  en  général, 

—  rfjb'  cos(N„ x)  +  a' cos (N.., y)  +  C cos (N*,2)l  *  rfS', 

la  seconde  intégrale  s'étendant  à  la  surface  qui  limite  le  diélec- 
trique ;  on  a  donc 

—  I    ç'  cos  (N<,  X)  4-  d;'  cos  (N,,  y)  -H  x'  <^^s  (N,,  z)  I  -  rfS'* 

Considérons,  tout  d'abord,  des  flux  de  déplacement  qui  véri- 
fient en  tout  point  à  Tintérieur  du  diélectrique  Tégalité 

ox      ây      âz 
et,  en  tout  point  de  la  surface  du  diélectrique,  Tégalité 
çcos  (Ni,  x)  -h^  cos  (Ni,  y)  4-  ^cos  (N,.,  z)  =  0. 
Pour  de  tels  flux,  Tégalité  (M)  donne 

et  les  égalités  (23)  et  {%S  bis)  donnent 

*=*.=Jf  rfir, 


x  =  x,  =  r^dn'. 


Gomme  ces  trois  quantités  ne  sont  pas  identiquement  nulles, 
les  identités  (22)  exigent,  en  premier  lieu,  que  l'on  ait 

(25)  B,  =  B. 

Ce  résultat  obtenu,  les  égalités  (32)  peuvent  s'écrire,   en 
tenant  compte  des  égalités  (23)  et  (23  bis). 


254  P.  DUHEM. 


<-^)^/i^ -;<""•=«• 


Pour  que  ces  égalités  aient  lieu  identiquement^  il  faut  et  il 
suffit  que  Ton  ait 
(26)  1*1  =  I*. 

Si  les  égalités  (25)  et  (36)  sont  vérifiées,  le  second  membre 
de  régalité  (21)  devient  identiquement  nul,  et  Ton  a 

(27)  E5U'  =  -  df  ^  (n  +  n'  +  n'), 

SU'  étant  la  variation  que  subit  la  quantité  U'  lorsque  les  flux 
de  conduction  et  de  déplacement  varient  sans  que  les  positions 
des  divers  corps  qui  composent  le  système  éprouvent  de  modi- 
fications. Si  Ton  remarque  que,  d'après  la  proposition  établie 
au  §  1,  la  quantité  U'  dépend  seulement  de  la  position  des 
corps  qui  composent  le  système  et  des  flux  qui  les  traversent^ 
on  voit  que  l'égalité  (27)  permet  d'écrire 

EU'  =  -  (n  +  n'  +  n')  +  c, 

la  quantité  C  ne  dépendant  que  de  la  forme  et  de  la  position 
des  corps  qui  forment  le  système  ;  il  suffit  alors  de  remarquer 
que,  lorsque  tous  les  flux  s'annulent,  la  quantité  U'  doit  s'annu- 
ler par  hypothèse,  et  que,  d'ailleurs,  la  quantité  (n  +  n'  +  n') 
s'annule  également  dans  ces  circonstances,  pour  voir  que  la 
quantité  C  est  identiquement  nulle,  et  que  l'on  a 

(28)  EU'  =  -  (n  +  n'  +  n'). 

Les  quantités  n,  n',  n',  sont  données[par  les  égalités  (12),  (13), 
(14)  et  (14  bis). 

§  4.  Signe  des  constantes  C  et  y. 

Imaginons  un  système  formé  seulement  de  corps  diélec- 
triques immobiles  ne  portaiit  aucune  charge  électrique  ;  en  tout 


ÉLEGTRODTNAMIQUE  DBS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  2S5 

point  de  ce  système,  nous  aurons,  en  vertu  des  égalités  (2)  et 
(7)  du  Chapitre  II, 

+  63-4-  C-T7=0, 


F  {M)        dx         dt 

4-  e-r-  4-  C  rr:=0. 


F(Jt)         àz  dt 

Ces  égalités  (29)  sont  évidemment  vérifiées  si  Ton  suppose 
que  Ton  ait  en  tout  point 

Jb  =  0,    âî  =  0,   c  =  o, 

?=0,     (1^=0,    x  =  0, 

c'est-à-dire  que  le  système  soit  en  équilibre  lorsquHl  ne  porte 
ni  polarisation  diélectrique,  ni  courant  de  déplacement.  Nous 
admettrons  comme  un  fait  d'expérience  ou  comme  une  hypo- 
thèse, que  cet  équilibre  est  stable,  et  nous  allons  rechercher 
les  conséquences  analytiques  d'une  pareille  supposition. 
Multiplions  les  deux  membres  de  la  première  égalité  (29) 

par  ç  =  -Tj,  les  deux  membres  dé  la  seconde  par  4  =  -^,  les 

deux  membres  de  la  troisième  par  x  =  "^>  ajoutons  membre 

à  membre  les  résultats  obtenus;  multiplions  ensuite  par  dU  et 
intégrons  pour  le  volume  entier  du  diélectrique.  Nous  trouvons 


L'égalité 


1     _  i  dg(JV„T) 
qui  définit  F  {M,),  jointe  à  l'égalité 


256  p.  DCHEM. 

donne  sans  peine 

D'autre  part,  on  a 

J  \dx  dt  "^  ày  dt'*"dz  dt) 

et  aussi^  en  vertu  des  égalités  (13)  et  (17), 

i  d  r 

En  vertu  de  ces  diverses  égalités,  l'égalité  (30)  devient 
Cette  égalité,  intégrée  entre  t  =  t,ett  =  t„  donne  à  son  tour 

(3i)[/^(ii,)dn-H|/(jbg..«^4.eg)dn 


c 

■^2 


J(?f-4-4;9-4-xlj)dnJ'2'=0. 


On  sera  assuré  que  l'équililrre  défini  ci-dessus  est  stable 
si  la  quantité 

C  r 

est  essentiellement  positive. 

Cette  proposition  se  déduit  aisément  de  Tégalité  (31)*. 

Imaginons,  en  effet,  qu'à  Tinstant  t  =  to,  nous  donnions 
aux  quantités 

des  valeurs  infiniment  petites  ;  à  ce  moment,  la  quantité  entre 
crochets  au  premier  membre  de  Tégalité  (31)  aura  une  valeur 


ÉLECTRODTNAMIQOE  DES  MILIEUX  BIÉLBCTRIOUBS.  257 

infiniment  petite.  L'égalité  (31)  exige  alors  que  cette  même 
quantité  ait  à  tout  instant  f^,  postérieur  à  t„,  une  valeur  infini- 
ment petite,  Or^  si  Ton  est  assuré  de  l'inégalité 

(32)  ^J(?f+4'fl-Hxl))rfn>0, 

la  quantité  qui  figi^re  entre  crochets^  au  premier  membre  de 
régalité  (31),  ne  peut  être  infiniment  petite  à  moins  que  toutes 
les  quantités 

ne  soient  infiniment  petites.  En  effet,  si  les  quantités  Jb,  %  C, 
prennent  des  valeurs  finies,  les  intégrales 

prennent  assurément  des  valeurs  positives  et  finies;  et  si  les 
quantités  ç,  ^,  x>  prennent  des  valeurs  finies,  d'après  l'inéga- 
lité (32),  la  quantité 

prend  des  valeurs  positives  et  finies. 
L'inégalité  (33)  nous  assure  donc  que  si  les  quantités 

c^),  a,  C,  9, 4»,  X» 

sont  infiniment  petites  à  un  instant  donné,  elles  sont  toujours 
infiniment  petites,  ce  qui  démontre  la  proposition  énoncée. 

La  réciproque  de  cette  proposition  ne  parait  pas  pouvoir 
être  démontrée  d'une  manière  générale;  nous  admettrons 
cette  réciproque. 

Ces  préliminaires  posés,  remarquons  que  l'on  peut  écrire 
[Les  actions  électrodynamiques  et  électromagnétiques. 
Chapitre  préliminaire,  égalités  (19)] 

J   r  4x    dxj    dt  r       * 

J  r  4x    dzj    dt  r 


SK8  p.  DUBEM. 

Considérons,  en  premiep  lieu,  des  flux  de  déplacement  véri- 
fiant régalité 

d9       dd;       dx       ft 

en  tout  point  du  diélectrique  et  Tégalité 

?cos(Ni,  a?)  +  d/cos(N«  y)  -h  x<^^s(N,.,  2:)  =  0 

en  tout  point  de  la  surface  qui  le  limite.  Pour  de  tels  flux, 
nous  avons,  en  vertu  de  l'égalité  (24), 

dt 

et,  par  conséquent,  pour  de  tels  flux,  en  vertu  des  égalités  (33), 
l'inégalité  (32)  devient 

c  Jj9f'  +  W  ■*■  XX'  ^n^n-  >  «. 

Mais  on  sait  que  l'on  a 

>^'  ^  ^^'  •*•  ^^'  dUdW  >  0. 


//■ 


r 

Nous  arrivons  donc  à  la  proposition  suivante  : 
La  constante  C  est  positive. 
Nous  poserons  dorénavant 

(34)  C  =  j. 

L'inégalité  (32)  devient  alors 

(?f-+-4'8-hx'))^n>o. 


/' 


Un  théorème  bien    connu    de    H.   von   Helmholtz    nous 
apprend  que,  pour  que  cette  inégalité  soit  vérifiée,  il  faut  et  il 
suffit  que  Ton  ait 
(35)  v>0. 

§5.  Récapitulation. 

Les  divers  résultats  établis  dans  le  présent  Chapitre  modifient 
<|U6lques-unes  dçs  formules  établies  dans  les  Chapitres  précé- 


ÉLECTROOTNAMIQUE  DBS  1IILIBUX  DIÉLECTRIQUES.  2(S9 

dents.  Nous  allons  donner  ici  une  récapitulation  des  principales 
formules  sous  leur  forme  définitive  : 

1®  Fonctions  employées. 

IN  )  Qr^      /T*  -»-  ^  ,     1  —  X /o?'  —  0?  ,     y'  —y  ,     z'  --  z   A  y'  —»  1  ^  r 
/ri  +  X    ,      l-X/o?'  — «   ,      »'  — y   ,      «'  — «    Az'-î'l.  , 


W 


M)  X  >  0. 


îirj         rr*  + 1*  ,     i  —  \K/x'  —  x,     y' —  y  ,     ^' —  ^  r\y' —  yl .  , 

^      /T*"+-v    ,      1— v/a?'  — a?  ,      y'— y.,      2'— «    A  a?' —  a?! 
TI)  V  >  0. 


260  P.  DUHEM. 

20  Forces  électromotrices  d'induction. 

(VU)  I .... = _  ï  [«  .  -a  ^J^  .  1,  'A»  .  ^^^], 

,  M<=-Br8X+*^  +  W^  +  x4^1 

\  |_  dz  az  àz  j 

3°  Équations  de  la  polarisation  diélectrique. 
Jb=  -  F(il)  r«  A  (V  +  tJ)  +  J,  +  ;. j , 
(IX)  !  «= - F(JW,)  [s  ^ (V+  D)  H-  },+ à], 

e  =  -Fai)  Te  ^  (V+  B)  +  Î.  +  ;.], 

^,d/  =  -^cf4-f-^  +  9  — -fl,— j, 

^  n  j.      **À        ^di(e        âiy      .  àiz\ 
(XI)        J  J,d,=  -(3j  +  f-^  +  8-^+l,-^). 

«'/>u      -f^5«         <^5»      .  <*82\ 


avec 


et 


ÉLF.CTR0DTNAII10UE  DES  MILIBCX  DIÉLECTRIOUES.  261 

i"  Terme  électrodynamique  de  l'énergie  interne. 

(Xii)  EU' =  —  (n  +  n'  +  n'), 


(XIII)  n  =  -  ^fcUtt  +  Vv  +  Ww)  da, 

(XIV)  n'=  — Ç /(f ?  +i^  +  iiyi)in, 

(XV)  n'=-B    C('Pu  +  ^fv  +  \u))dt3 


avec 


Il» 


CHAPITRE  IV 

Les  lorces  pondéromotrices. 


§  1.  Forces  éleetrodynamiques  dans  un  système  parcouru  par 
des  flux  de  conduction  et  par  des  flux  de  déplacement. 

Considérons  un  système  de  conducteurs  et  de  corps  diélec- 
triques parcourus  par  des  flux  soit  de  conduction,  soit  de 
déplacement  ;  imaginons  que  ce  système  éprouve  une  modifi- 
cation inQniment  petite  quelconque. 

Son  énergie  interne  croît  de  SU;  sa  force  vive,  de  SV -s-; 
les  forces  extérieures  qui  le  sollicitent  effectuent  un  travaildG,; 
il  dégage  une  quantité  de  chaleur  dQ,  et  l'on  a 

(1)  Eda+  i^^  =  ~EhV  +  rfG.. 

D'autre  part,  la  loi  de  Joule  [Chapitre  III,  égalité  (3)]  donne 

(.)       E.Q  =  .;f[(E.-T^)..(E,_Ti&). 

Les  forces  intérieures  au  système  effectuent  un  travail  égal, 
par  dé&nition,  à 

(3)  (iS.=  82^-rfS.. 


ÉtECTRODTNAMIQtJB  DBS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  263 

L'ensemble  des  égalités  (i),  (2)  et  (3)  donne 
(4)  d6,  =  -E8U-d^y*[     (e.-T^)i* 

d^{M,  T) 


-"/ 


dT 


dn. 


Considérons  les  égalités  (2)  et  (28)  du  Chapitre  III. 
Observons  que  l'on  a 

que  Ton  a  aussi 
Désignons  par 

la  variation  que  subirait  la  quantité  2  (^  +  '')  î  ^^>  pendant  le 
déplacement  que  Ton  considère,  la  charge  électrique  demeu- 
rait invariable  sur  chaque  élément  conducteur,  et  Tintensité  de 
polarisation  invariable  en  grandeur  et  en  direction  (par  rapport 
à  des  axes  fixes)  sur  chaque  élément  diélectrique. 
Désignons  de  même  par 

la  variation  que  la  quantité 

subit  dans  ces  conditions. 

Enfin,  pour  abréger,  employons  une  notation  dont  nous  avons 
déjà  fait  usage  au  tome  II  de  nos  Leçons  sur  l'électricité  et 
le  magnétisme;  désignons  par  ||Â||  la  somme  (A  +  B  +  C) 


264  p.  DIIHEM. 

OÙ  B  et  C  sont  deux  fonctions  qui  se  déduisent  de  la  fonction 
A  par  une  permutation  circulaire  des  axes  Ox,  Oy,  Oz. 
Nous  trouverons  sans  peine  Tégalité  suivante: 

(5)   E8y=Esr4-2î8(e-T^) 


_jjr£3:(*,T)„ 


t||*.v+. 


'')ll 


do 


F(Jb) 


iX    du 


(6) 


—  8(in-n'  +  n'). 

D'autre  part,  les  égalités  (10)  du  Chapitre  I  donnent 


#--t)«l- 


=-/||[£(«-^^-l— >')-^-T^--.-..> 


in 


et  les  égalités  (2)  du  Chapitre  II  donnent 


dn 


dn. 


Les  égalités  (4),  (5),  (6)  et  (7)  donnent 
(8)  dC,  =  -  ESr  -  dj^l^.-  T  j|U||do 


- 1 D  [2(V+  B)  q  +JII  Jb^^^^||dn]  +J*gf(JW,.T)  S  (dn) 


-dt      (f.+  g,)tt 


dxs  —  dtj  (;x  +  P?|dn 


+  S(n  +  n'+  n'). 
Or,  les  diverses  théories  exposées  aux  tomes  I  et  II  de  nus 


ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  265 

Leçons  sur  VÉlectricité  et  le  Magnétisme  nous  laissent  faci- 
lement reconnaître  : 
i°  Que  la  quantité 

_E8r-8//*||(/;-T^)«||da 

représente  le  travail  des  actions  intérieures  au  système  supposé 
ramené  à  Tétat  neutre  ; 

^  Que  si  Ton  néglige,  comme  nous  sommes  convenus  de  le 
faire  dans  les  questions  de  ce  genre,  les  variations  que  les 
changements  d'état  dus  à  Télectrolyse  peuvent  faire  subir  à  la 
quantité  6,  la  quantité 


2?8(e- 


représente  le  travail  des  forces  moléculaires  imaginées  par 
H.  von  Helmholtz; 
3^  Que  la  quantité 

représente  le  travail  des  forces  et  des  pressions  électrostatiques. 
L'égalité  (8)  nous  enseigne  donc  que  le  travail  élémentaire 
des  actions  électrodynamiques  qui  s'exercent  dans  un  sys- 
tème parcouru  par  des  flux  de  conduction  ou  de  déplacement 
a  pour  valeur 

(9)  dT  =  8(a  +  n'  +  n') 

—  dn     (^,-h8x)u4-(^y-4-gy)t?  +  e  +g,)u?  \dxs 

-  d^/[0*.+P  ?  4-  o.+P*  4-^.-4- },)  wjdn. 

Cette  égalité  conduit  aisément  à  Texpression  complète  des 
actions  qui  s'exercent  dans  un  système  parcouru  par  des  flux 
de  conduction  et  de  déplacement;  il  suffit  de  reprendre  les 
raisonnements  et  les  calculs  développés  dans  notre  Mémoire  sur 
les  forces  électrodynamiques  et  électromagnétiques,  l"*®  partie, 

T.  I  (5«  Série).  18 


266  P-   DUHEM. 

Chapitres  II  et  III,  pour  obtenir  les  résultats  qui  sont  contenus 
dans  le  tableau  suivant  : 

1^  Fonctions  employées. 
Considérons  les  fonctions 


(XVD  {a=.     [u'-u,'     d.,, 


que  l'on  peut  écrire  encore 

_dW  dV  _  dm  dv 

^'^'dy  dz  "  dy  ^  dz' 

dU  dW      du  dm 

(xvii)        {^=^-'à^=rz-di^ 

_dV       dU  _dD       dn 
dx        dy       dx      dy* 

Considérons  de  même  les  fonctions 


(XVIII)  U=      U.^-y.T^M, 


■S 


dn., 


que  Ton  peut  écrire  également 

dX 

ày 

(XIX)  {  %  = 


dz 


dW 

dl) 

ai 

ds 

ày' 

dz' 

dX 

d( 

di\ 

dx 

~  dz 

dx' 

d* 

-ai 

d( 

ày 

dx 

ày' 

ÊEKXRODYNANIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES. 


267 


S"*  Force  appliquée  à  nn  élément  de  volume  conducteur. 

Si  do  est  cet  élément  de  volume  ei  sWdxsy  X dxsy  Idxs  sont 
les  composantes  de  la  force  qui  lui  est  appliquée,  on  a 


=  f  —  r  -h  Bp  j  r  —  f  y  ^  +  Bxj  «? 


-(f 


«U  +  B* 


m 


âv      dw 
dy       dz 


)• 


(XX) 


=  (  Y  p  +  Bo j  w  —  (  —  r  4-  Bp j  tt 
=  (^,  +  Bx)tt-(^*„  +  Bcr) 


l 


-(ïw.Bx)(f:4%i^). 


3"^  Force  appliquée  à  un  élément  de  la  surface  terminale 

d'un  conducteur. 

Si  (2 S  est  rélément  de  surface  ;  si  Nj  est  la  normale  à  cet 
élément  dirigée  vers  l'intérieur  du  conducteur;  si  SÊdS,  ^dS, 
SdS  sont  les  composantes  de  la  force  appliquée  à  l'élément 
dS,  on  a 


9S= 


\2 


It  +  B* 


) 


(XXI)Jc^=-(Çt)  +  Bw) 


ticos(N<,a?)  4-  »cos(Ni,y)  4-  u>cos(N,-,z) 
ficos(N,.,ip)-f-  t?cos(Ni,y)  +  tt?cos(N<,2) 


—  i-^W  +  Bx)  rticos(N,,a?)4-  «?cos(N..,y)  +  u;cos(N<,;2)T 


4^  Force  appliquée  à  un  élément  de  volume  diélectrique. 

Si  du  est  cet  élément  de  volume,  et  si  xdïLy  idn,  idVL  sont 
les  composantes  de  la  force  qui  lui  est  appliquée,  on  a 


168 


E  =  (|!i,+  Bp)z-(|p  +  Bt), 

(xxri)       /  ,-,         V  /^      ^A     dY\ 

5"  forw  ajjpMgtt^  à  un  élément  de  la  surface  terminale 
d'un  diélectrique. 
Si  dS  est  cet  élément,  et  si  XdS,  ÇdS,  3dS  sont  les  compo- 
santes de  la  force  qui  lui  est  appliquée,  on  a 

/  x  =  -{j{+  Bu)rçcos(N„a:)+  *cos(N„y)  +  -/cos(N,.i)j, 

(XXni)!  ï  =  —  (y  9  +  B») r?cos(N„aî)  +  <tcos(N„y)  +  xC0S(N„2)J, 

3=— (|-li+Bn))rçcos(Ni,a;)-4-4icos(N(,j)+xcos(Nj,;)J- 


ÊLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  269 


CHAPITRE  Y 


Relations  diverses  entre  les  constantes  fondamentales. 


§  1 .  Sur  la  vitesse  de  pi'opagation  des  flux 
de  déplacement  transversaux. 

Les  équations  établies  au  Chapitre  III  permettent  d'étudier 
comment  les  flux  de  déplacement  se  propagent  dans  un 
diélectrique;  il  suffit  de  suivre  la  méthode  indiquée  par 
H.  von  Helmholtz.  Toutefois,  Tapplication  de  cette  méthode 
exige  que,  dans  le  milieu  étudié,  la  fonction  de  polarisa- 
tion Y{M))  se  réduise  à  un  coefficient  de  polarisation  k 
indépendant  de  Tintensité  Jtb  de  la  polarisation.. 

On  trouve  alors  que  les  flux  longitudinaux  se  propagent 
dans  le  diélectrique  avec  une  vitesse 


et  les  flux  transversaux  avec  une  vitesse 

(2)  ^=^-^. 

Considérons  ce  que  deviennent  ces  vitesses  de  propagation 
dans  le  vide.  Si  nous  désignons  par  k^  le  coeflicient  de  polari- 
sation diélectrique  de  l'éther,  ces  vitesses  prendront  les  valeurs 


(1»)  m.  = 


(2**)  U.= 


270  P.  DUR  EH. 

D'autre  part,  le  coefficient  v  de  Maxwell,  censé  mesuré  dans 
le  vide,  aurait  pour  valeur 


(3) 


^    Kl  +  Uei, 


Les  expériences  ont  montré  que  v  différait  très  peu  de  la 
vitesse  de  la  lumière  dans  le  vide;  d'autre  part,  Maxwell 
suppose  que  U,  est  égal  à  la  vitesse  de  la  lumière  dans  le  vide, 
et  les  expériences  imaginées  par  H.  Hertz  ne  semblent  pas 
contredire  cette  hypothèse.  Sans  nous  attacher  ici  à  la  relation 
que  les  deux  quantités  v  et  U„  peuvent  présenter  avec  la 
vitesse  de  la  lumière,  nous  retiendrons  seulement  que  la 
théorie  de  Maxwell  exige  l'égalité  des  deux  quantité$  v  et  U. 
et  nous  discuterons  les  conséquences  de  cette  hypothèse. 

Cette  hypothèse,  jointe  aux  égalités  (â  bis)  et  (3),  entraîne 
l'égalité 

(i) 


Pour  que  cette  égalité  puisse  être  vérifiée,  il  n^est  nullement 
nécessaire  que  l'on  fasse  une  hypothèse  spéciale  sur  la  valeur 
du  {)roduit  eA:,.  On  pourra,  par  exempte,  comme  nous  Pavons 
indiqué  ailleurs,  supposer  que  tK  a  une  petite  valeur;  on  en 
sera  quitte  pour  admettre  que  le  rapport  ~  a  une  grande 
valeur,  hypothèse  qui  n'a  rien  d'étrange. 

Depuis  Maxwell,  les  courants  de  déplacement  étaient  traités 
comme  si  l'on  avait  nécessairement 

celte  égalité  (5)  n'est  compatible  avec  l'égalité  (i)  que  si  l'on 
suppose  efc,  infini,  hypothèse  qui  détruit  toute  la  théorie 
classique  de  l'électrostatique. 

L'une  des  plus  grandes  difficultés  de  la  théorie  de  Maxwell 
est  ainsi  éliminée  par  la  manière  dont  nous  avons  défini  et 
traité  les  flux  de  déplacement. 


ÉLECTRODTNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  271 

§  2.  Sur  V équivalence  des  flux  de  conduction 
et  des  flux  de  déplacement. 

Nous  allons  maintenant  simplifier  les  résultats  obtenus 
jusqu'ici  par  Tintroduction  d'une  nouvelle  hypothèse,  très 
vraisemblable,  mais  nullement  nécessaire,  qui  nous  rappro- 
chera de  la  manière  dont  Maxwell,  II.  von  *  Helmholtz  et 
tous  les  physiciens  ont  traité  jusqu'ici  les  courants  de  dépla^ 
cément. 

Cette  hypothèse  est  la  suivante  : 

Considérons  un  corps  diélectrique  C  traversé  par  des  flux  de 
déplacement;  soient  9,  ^,  7  les  composantes  du  flux  de  dépla- 
cement au  point  (x,  y,  z)  du  corps  C.  Nous  admettrons  que 
ce  corps  exerce  les  mêmes  actions  électromotrices  et  ponde- 
romotrices  en  tout  corps,  conducteur  ou  diélectrique,  qWun 
certain  conducteur  de  même  forme,  occupant  la  même 
place  et  parcouru  par  des  flux  de  conduction  dont  les  corn-- 
posantes  au  point  {x,  y,  z)  auraient  pour  valeur 

(6)  t»  =  e9,    i?  =  etj/,    M?  =  ex, 

e  étant  un  certain  rapport  constant  et  positif. 

Cette  hypothèse  peut  s'énoncer  abréviativement  de  la  manière 
suivante  :  Ily  a  équivalence  entre  un  flux  de  déplacement 
(?>  ^y  y)  ^'  ^^  fl'^^  ^^  conduction  de  même  direction 
{u,  V,  w)y  le  rapport  d'équivalence  ayant  une  valeur  positive 
constante  6. 

Voyons  quelles  sont  les  conséquences  de  cette  hypothèse. 

Lorsque  le  corps  C  est  considéré  comme  un  diélectrique 
parcouru  par  des  courants  de  déplacement,  l'action  pondéro- 
motrice  ou  électromotrice  qu'il  exerce  sur  un  conducteur  quel- 
conque dépend  des  valeurs  prises,  en  chaque  point  de  l'espace, 
par  les  fonctions 

B*,      BW,      BX. 
L'action  pondéromotrice  ou  électro motrice  qu'il  exerce  eiï 


272  p.  DUHEX.  . 

un  diélectrique  quelconque  dépend  des  valeurs  prises^   en 
chaque  point  de  Tespace,  par  les  fonctions 

yf,         yj,         yl). 

Lorsque  le  corps  G  est  considéré  comme  un  conducteur 
parcouru  par  des  courants^  Taction  pondéromotrice  ou  électro- 
motrice qu'il  exerce  en  un  conducteur  quelconque  dépend  des 
valeurs  prises^  en  chaque  point  de  Tespace^  par  les  fonctions 

^%        yU        yW. 

L'action  pondéromotrice  ou  électromotrice  qu'il  exerce  en 
un  diélectrique  quelconque  dépend  des  valeurs  prises^  aux 
divers  points  de  l'espace,  par  les  fonctions 

Bu,        Bo,        BiD. 

L'hypothèse  que   nous  avons  énoncée  peut  donc  encore 
s'exprimer  de  la  manière  suivante  : 
Les  identités  (6)  entraînent  les  identités 

(7)  B<ï>  =  yU,        BW=:^*U        BX  =  y^W 
et 

(8)  yf=B«,        y«  =  Bi»,        yl)  =  BiD. 

Imaginons  tout  d'aboTd  que  l'on  ait,  en  tout  point  du  dtV- 
lectrique  G, 

(9)  ^  +  ^  +  ^  =  0 
^  ^  dx      dy      dz 

eiy  en  tout  point  de  la  surface  qui  le  termine, 

(10)  f  cos  (Ni,  a?)  -f-  ^  ros  (N„y)  -t-  x  cos  (N„z)  =  0. 
Les  égalités  (23)  et  (24)  du  Ghapitre  III  nous  donneront 

(H)    *=Xr'^°''       ^^=Xr'^°''       ^=Xr''°'' 
Nous  aurons  semblablement 


(12) 


Jq  r  Je  r  Je  r. 


ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÊLECTBIQUES.  S73 

D'autre  part,  en  vertu  des  identités  (6),  les  égalités  (9)  et  (10) 
nous  montrent  que  Ton  aura,  en  tout  point  du  conduC' 
ieur  C, 

(9-)  ^^.^  +  ^  =  0 

dx      dy      dz 

ety  en  tout  point  de  la  surface  qui  le  limite, 
(lO*'*)       iicos(N<,  x)  -h  t?C08(N„  y)  -h  «;cos(No  z)  =  0, 
Ces  égalités  (9  bis)  et  (10  bis)  nous  permettront  d'écrire 

(13)     u=f^dn\     ^=r-dn',     W=f—dn' 

Je  T  Jo  r  Je  f 

et,  de  même, 

(U)      u=r-dn',     v=f^dn\      m=f—dn'. 

Jo  r  Je  r  .      Jq  T 

Les  égalités  (6),  (11)  et  (13)  montrent  que  l'on  a,  dans  le 
cas  particulier  qui  nous  occupe. 

Les  égalités  (6),  (12)  et  (14)  donnent  de  même 

tt  =  ef,      5=68,        »  =  eij. 
Les  identités  (7)  et  (8)  se  réduisent  alors  à 

B  =  f-'e. 

Si  Ton  se  souvient  que  la  constante  6  est  positive  par  hypo- 
thèse, on  voit  qu'il  en  est  de  même  de  B  ;  les  égalités  précé- 
dentes pourront  être  remplacées  par 

(18)  '^  =  "T' 

(16)  e  =  ^. 

Revenons  maintenant  au  cas  où  les  flux  de  déplacement  qui 
parcourent  le  diélectrique  C  sont,  quelconques.  Soit  f  la  fonc- 


274  p.  DIIHEM. 

tion  potentielle  électrostatique  de  la  polarisation  distribuée  sur 
'■  '  ce  corps.  Nous  aurons  [Chapitre  III,  égalité  (24)] 

^"^      dt  -  -je  V5^  "^  JF  "^  à^l  »" 

—  /[?' cos  (No a?)  -f-  4»' CCS  (N„y)  -4-  •/  cos  (N,, 2)]  - dS. 

Nous  aurons  aussi  [Chapitre  III,  égalités  (23)] 

et  de  même 

""Je  r  ii:     dx  Jo   ât  r 

Considérons  le  conducteur  C  parcouru  par  les  flui  de  con- 
duction u,  V,  w  que  définissent  les  identités  (6).  Soit  V  la  fonc- 
tion potentielle  électrostatique  des  charges  électriques  distri- 
buées sur  ce  conducteur.  Nous  aurons 

^f[u^ cos  (N..)  4.  .'  cos  (N„ y)  ^  «,'  cos  (N. .)]  i  dS. 
Nous  aurons  aussi 

(21)  tt=/  -dn'—.-.—^-r-  I  -^-dn'. 

Jo  r  k%    dx  Je  at  r 

D'ailleurs,  les  égalités  (6),  (17)  et  (17  Us)  donnent 

(SB)  e^  =  ^. 

^    '  dt        dt 

La  première  des  identités  (7)  peut  donc  s'écrire,  en  vertu 
des  égalités  (18),  (20)  et  (â2), 

Ja  r  (k-K    dx  Ja  dt  r 


ÊLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTBIQUES.  275 

OU  bien^  en  vertu  des  égalités  (6),  (15)  et  (16), 

4ir    dx  Je  dt  r 
Cette  égalité  ne  peut  avoii*  lieu  identiquement  que  si  Ton  a 

(23)  X  =  I*. 

De  même  la  première  des  identités  (8),  jointe  aux  égalités 
(19)  et  (21),  donne 

(24)  I*  =  V. 

L'hypothèse  faite  au  début  de  ce  §  réduit  donc  à  deux  les 
trois  constantes  fondamentales 

T'  ^'  2' 

et  à  une  les  trois  constantes  de  Helmholtz 

La  manière  dont  les  courants  de  déplacement  étaient  traités 
jusqu'ici  entraînait  Tégalité  6  =  1,  ou  bien,  en  vertu  de  Téga- 
lîté  (16),  l'égalité  C  =  31,  que  nous  avons  vue,  au  §  précédent, 
être  inadmissible. 

Si  nous  rapprochons  les  égalités  (4)  et  (16),  nous  voyons  que 
Ton  aurait 

(28)  e  =  l/Lpp. 

Ainsi  un  flux  de  déplacement,  d'intensité  ri,  serait  équivor 
lent  à  un  flux  de  conduction  de  même  direction  et  d' inten- 
sité 

§  3.  Stabilité  de  V équilibre  électrique  en  général. 

L'hypothèse  énoncée  au  §  précédent  et  les  conséquences  qui 
s'en  déduisent  permettent  de  démontrer  la  proposition  suivante  : 

Considérons  un  système  formé  de  corps  conducteurs  et  de 
corps  diélectriques;  les  corps  conducteurs  portent  des  charges 


276  p.   DUHEN. 

électriques;  les  corps  diélectriques  sont  polarisés;  si  les 
conditions  d'équilibre  sont  vérifiées  en  tout  point  de  ce  sys- 
tème, l'équilibre  du  système  est  stable,  pourvu  que  la  cons- 
tante X  rie  soit  pas  négative. 

Pour  démontrer  cette  proposition,  il  suffit  évidemment  de 
démontrer  que,  tant  que  X  n'est  pas  négatif,  la  quantité 
(n  +  n'  +  n")  est  positive  ;  en  effet,  ce  premier  point  acquis,  la 
démonstration  s'achèvera  en  combinant  la  méthode  donnée  par 
M.  H.  von  Helmholtz  pour  le  cas  où  le  système  ne  renferme  que 
des  conducteurs,  avec  la  méthode  indiquée  au  Chapitre  III,  §  4, 
pour  le  cas  où  le  système  ne  renferme  que  des  diélectriques. 

Or,  en  tout  point  des  corps  diélectriques  que  renferme  le 
système,  remplaçons  le  flux  de  déplacement  (ç,  ^,  y)  P^^  ^^ 
flux  de  conduction  (u,  v,  w)  tel  que  Ton  ait 

Cette  substitution  effectuée,  le  système  sera  transformé  en 
un  système  que  traversent  exclusivement  des  flux  de  conduc- 
tion. La  quantité  qui,  pour  ce  système,  est  analogue  à  U,  quan- 
tité que  nous  désignerons  par  Uj,  est  assurément  positive,  si  X 
n'est  pas  négatif.  Or,  on  voit  sans  peine  que  Ton  a 

n^  =  n  4-  n'  4-  n'. 

La  proposition  que  nous  voulions  établir  est  donc  démontrée. 
§  4.  Cas  où  la  constante  X  nHnter vient  pas  dans  les  calculs. 

Nous  avons  été  amenés  à  introduire  dans  nos  calculs 
trois  constantes  de  Helmholtz,  d'origine  distincte  :  la  première,  X» 
est  relative  aux  actions  mutuelles  des  courants  de  conduction  ; 
la  seconde,  ja,  est  relative  aux  actions  des  courants  de  condue. 
tion  sur  les  courants  de  déplacement;  la  troisième,  v,  est 
relative  aux  actions  mutuelles  des  courants  de  déplacement. 
L'hypothèse  exposée  au  §  2  nous  a  conduits  à  supposer  ces 
trois  constantes  égales  entre  elles,  en  sorte  que,  dorénavant, 
nous  les  représenterons  toutes  trois  par  la  même  lettre  X. 


ÊLECTRODTNAMIQUE  DES  MILIEUX  OrÉLECTRIQUES.  .  S77 

L'étude  de  la  stabilité  de  l'équilibre  électrique  conduit  à 
admettre  que  X  n'est  pas  négatif;  mais  aucune  considération 
ni  théorique,  ni  expérimentale,  ne  nous  indique  si  X  est  nul 
ou  positif,  et,  dans  ce  dernier  cas,  quelle  est  la  valeur  positive 
qu'il  convient  de  lui  attribuer. 

Maxwell,  dans  ses  formules,  supprime  X,  comme  si  X 
était  égal  à  0.  Cette  opération  ne  peut  être  légitime  que  dans 
le  cas  où  la  valeur  de  X  n'influe  pas  sur  les  propriétés  du 
système  que  l'on  étudie.  On  est  donc  tenu  de  résoudre  la 
question  suivante  :  Dans  quel  cas  les  propriétés  d^un  système 
de  courants  de  conduction  et  de  dépUicement  sont-elles 
indépendantes  de  la  valeur  attribuée  à  X? 

Considérons  un  système  formé  de  conducteurs  parcourus 
par  des  courants  de  conduction  et  de  diélectriques  parcourus 
par  des  courants  de  déplacement. 

En  un  point  appartenant  à  un  conducteur,  les  actions 
électromotrices  ou  pondéromotrices  de  ce  système  dépendent 
des  trois  fonctions 

f^  13  -^  BW, 

^W-h  BX. 

En  un  point  appartenant  à  un  diélectrique,  les  actions 
éiectromotrices  ou  pondéromotrices  du  système  dépendent 
des  trois  fonctions 

Bu  +  y  f, 
B»  -h  Y  j, 
B»-h  — !)• 


Mais,  d'une  part,  on  a 


d»)  B  =  ^, 


Î78  p.    DUHEM. 

d'ailleurs  Tégalité  X  =  fx  donna 

et  régalité  jx  =^  v  donne 

O  =  f,      W  =  8,       X  =  !)• 

Les  actions  du   système  en  un  point  appartenant  à  un 
conducteur  dépendent  donc  des  fonctions 

y(aw  +  «x), 

tandis  que  les  actions  en  un  point  appartenant  à  un  diélectrique 
dépendent  des  fonctions 

I  (au  +  «4>), 

I  (aw  +  «X). 

La  question  posée  est  donc  ramenée  à  celle-ci  :  Dans  quel 
cas  les  trois  fonctions 

au  4-  €^,    Qiv  +  «w,    oiw  -f-  ex, 

ont-elles  des  valeurs  indépendantes  de  X? 

Mais  nous  avons  [Les  actions  électrodynamiques  et  électro- 
magnétiques, Chapitre  préliminaire,  égalités  (19)] 

J  r  k-R    dy  J%  dt  r 


•uy 


J  r  i%    dz  Jji  dt  r       ' 


les  intégrales  qui  portent  Tindice  E  s'étendant  à  tous  les  élé- 
ments de  volume  dtù'  de  l'espace. 


ÉLECTRODTNAIIIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  279 

Nous  avons  de  même  [Chapitre  III,  égalités  (23)] 

J  r  itT:     dxjE  dt  r    ^  * 

J  r  iT:     dyjn  dt  r        ' 

J  r  4ic    di»/B  dï  r 

Ces  égalités  nous  donnent 


4i:    dxjz\      dt  dt/r 


ai)  +  «W  =  a r^  dci'  +  «r^  dn' 


4ic    àyJtX      dt  dt/r 


aw+exrrar^drf'  +  ^f^dn' 


1  — X  <? 


4ic     <)z, 

Par  conséquent,  pour  que  les  trois  quantités  considérées 
aient  des  valeurs  indépendantes  de  X,  il  faut  et  il  suffit  que  Ton 
ait 

<^     r^nt  à\'       ^  à\>'\  i   .   ,       -, 


D'ailleurs,  il  est  bien  facile  de  voir  que  ces  conditions  équi* 
valent  à  la  suivante  : 

On  a,  en  tout  point  de  Vespace, 

Cette  égalité  peut  s'écrire  autrement. 


280  P.    DUHEM. 

Soient  :  s  une  surface  par  laquelle  un  conducteur  confine 
avec  le  vide  impolarisable  et  n,.  la  normale  à  cette  surface  vers 
l'intérieur  du  conducteur; 

S  une  surface  par  laquelle  un  diélectrique  cotifine  avec  le 
le  vide  et  N<  la  normale  à  cette  surface  vers  l'intérieur  du  dié- 
lectrique; 

9  une  surface  de  contact  de  deux  conducteurs  différents  et 
n^,  n,  les  deux  directions  de  la  normale  à  cette  surface; 

2  une  surface  de  contact  de  deux  diélectriques  différents  et 
Ni,  N,,  les  deux  directions  de  la  normale  à  cette  surface; 

if  une  surface  de  contact  entre  un  conducteur  et  un  diélec- 
trique; n  la  normale  à  cette  surface  vers  l'intérieur  du  conduc- 
teur et  N  la  normale  à  cette  surface  vers  Tintérieur  du  diélec^ 
trique. 

La  quantité 

dt  ^      dt 

peut  être  regardée  comme  la  fonction  potentielle  d'une  distri- 
bution fictive  définie  de  la  manière  suivante  : 

1^  En  tout  point  d'une  masse  conductrice  continue^  elle  a 
pour  densité  solide 


-H^ 


dv      dw\ 


â^  En  tout  point  d'une  masse  diélectrique  continue^  elle  a 
pour  densité  solide 

«e/^  +  ^  +  ^V 

\dx      dy      dzj 

3"^  En  tout  point  d'une  surface  Sy  elle  a  pour  densité  superfi- 
cielle 

—  31  [fi  CCS  {ni^x)  +  V  cos  (n<,y)  -f-  w  cos  (nj,2)]; 

4^  En  tout  point  d'une  surface  tSy  elle  a  pour  densité  superfl* 
cielle 

—  31  [tii  cos  (itijO?)  -h  v^  cos  («4,  y)  -^w  cos  (iip  z) 
-f-  u^  cos  (w^o?)  -h   ,  cos  (n,,  y)  •+-  m?  cos  (n,, z)]\ 


ÊLBCTRODTNAMfQUE  DBS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  281 

5®  En  tout  point  d'une  surface  S,  elle  a  pour  densité  super- 
ficielle 

—  «  [9  ces  (N,,  a?)  +  41  CCS  (No  y)  +  x  cos  (N,,  z)]  ; 

6^  En  tout  point  d'une  surface  1,  elle  a  pour  densité  super- 
ficielle 

—  C  [    9i  ces  (Np  x)  -f-  <^i  cos  (N|,  y)  -f-  Xi  cos  (N^,  z) 
4-  9t  cos  (N„  a?)  -4-  ^^  cos  (N„  y)  -4-  Xi  cos  (N„  ;?)]  ; 

7^  En  tout  point  d'une  surface  ^^  elle  a  pour  densité  super- 
ficielle 

—  31  [tt  cos  {n,OD)  +  t?  cos  (n,y)  +  te?  cos  (ii,;i^)] 

—  C  [9  cos  (N,a?)  -h  <{/  cos  (N,y)  +  x  <5<>s  ÇS^z)]. 

Pour  que  Tégalité  (27)  soit  vérifiée  en  tout  point  de  Tespace 
et  à  tout  instant,  il  faut  et  il  suffit  que  ces  diverses  densités, 
solides  ou  superficielles,  soient  nulles  à  tout  instant. 

On  doit  donc  avoir  : 

1°  En  tout  point  d'une  masse  conductrice  continue, 

2^  En  tout  point  d'une  masse  diélectrique  continue, 

3^  En  tout  point  d'une  surface  s, 
(30)         Il  cos  (n,,  «)  -h  t?  cos  (n<,y)  +  w  cos  (n<,;r)  =  0; 
4^  En  tout  point  d'une  surface  9, 

(3!)        iij  cos  (iti,  x)  4-  v^  cos  (n^,  y)  h-  iti  cos  (iti,  :r) 

+  I»,  cos  («„ 0?)  -f- 1?,  cos  (n„  y)  +  «7,  cos  (n„  j:)  =  0; 

5^  En  tout  point  d'une  surface  S, 

(32)  9  cos  (Ni, x)  -h  ^  cos  (Ni, y)  -♦-  •/  cos  (N.., z)  =  0; 
6^  En  tout  point  d'une  surface  2, 

(33)  9i  cos  (N4,  x)  .4-  (J/f  cos  (N„  y)  4-  Xi  cos  (Np  2) 

-f-  9,  cos  (N„a?)  4-  ^,  cos  (N„y)  4-  Xi  cos  (N,,z)  =  0; 

T   I(3*  Série).  19 


f 


u--t 


S-/ 


r. 


282  P.  D13HEM. 

T"  En  tout  point  d'une  surface  ^y 

(34)       31  [ti  cos  (ii,a?)  +  t;  cos  (n,y)  +  ir  ces  (n,  z)] 

+  C  [9  bos  (N,a?)  -4-  t^cos  (N,y)  -4-  x  ces  (N,^)]  =  0. 

Imaginons,  en  particulier,  que  les  corps  œnducteurs  ou 
diélectriques  qui  composent  le  système  soient  immobiles; 
désignons  par  e  une  densité  électrique  solide  et  par  E  une  den- 
sité électrique  superficielle.  Les  égalités  précédentes  pourront 


l^\  prendre  la  forme  suivante: 

^■^-  1^  En  tout  point  d'une  masse  conductrice  continue,  on  a 


(28*^)  «  =  const.; 

\l  2^  En  tout  point  d'une  masse  diélectrique,  on  a 

W-:  ,^^^  dA)      d^      de 

W  (29"*)  T-  -^  T-  ^-  T-  =  const.  ; 

kl 

^.  3^  En  tout  point  d'une  surface  s,  on  a 

%:  30^)  E  =  const.; 

k^  4^  En  tout  point  d'une]surface  a,  on  a 

i  (31  «0  E  =  consl.  ; 

^'  '  5°  En  tout  point  d'une  surface  S,  on  a 

^\  (32  ^)    A>  cos  (Ni,  a?)  -4-  3Î  cos  (N^,  »)  +  C  cos  (N<,  z)  =  consl,  ; 

&"  En  tout  point  d'une  surface  2,  on  a 

(33  «•)    .t)t  cos  (Ni,  a?)  -4-  3îi  cos  (N^,  y)  +  C^  cos  (N^  z) 
?v;.  -4- e.l£),cos(N„a?)  -4-  fBjCos  (N„y)  +  C, cos (N„ z)  =  const ; 

7^  En  tout  point  d'une  surface  ^y  on  a 
(34  ^)   31 E  —  «  [X  cos  (N,  a?)  4-  iB  cos  (N,  y)  4-  g  cos  (N,  z)] = consl. 

Ces  conditions  ne  peuvent  être  réalisées  en  général. 

Les  conditions  (28  bis)  et  (31  bis)  rendraient  absolument  inva- 
riable l'état  électrique  à  l'intérieur  d'un  conducteur  homogèDe 
ou  hétérogène  ;  or,  l'état  électrique  interne  d'un  conducteur  hété- 
rogène parcouru  par  des  courants  permanents  dépend  de 
l'intensité  de  ces  courants  ;  les  égalités  (28  bis)  et  (31  his)  sont 
donc  incompatibles  avec  l'existence  de  courants  permanents 
au  sein  de  conducteurs  hétérogènes. 


ÉLEGTRODTNAMIQUE  DB&  MILIEUX  DIÉLECTRIOUES.  283 

Les  c(Ni(}itions  (29  bis  ),  (â2  biei)  et  (33  bis)  conduiraient  à 
cette  conséquence  qu'un  corps  diélectrique  homogène  ou  hété- 
rogène, continu  ou  discontinu,  qui  ne  confiim  en  aucun  point 
de  sa  surface  à  un  corps  conducteur,  exerce,  en  teut  point  qui 
lui  est  extérieur,  uoe  action  électrostatique  invariable.  Or, 
Taction  électrostatique  exercée  par  un  corps  diélectrique  en  un 
point  extérieur  varie,  en  général,  avec  le  champ  dans  lequel  ce 
corps  se  trouve  placé.  Les  OQndi tiens  (S9  bis),  (32  bis)  et  (33  bis) 
sont  donc  incompatibles  avec  la  théorie  de  l'équilibre  de  pola- 
risation sur  les  corps  diélectriques. 

Ainsi,  il  n'est  pas  possible  d'admettre,  d'une  manière  géné- 
rale, l'exactitude  des  conditions  (^  bis)  à  (34  bis),  ni  a  fortiori 
l'exactitude  des  conditions  (28)  à  (34);  il  n'est  donc  pas  possible 
de  construire  la  théorie  générale  de  V électrodynamique  sans 
se  préoccuper  de  la  valeur  qu'il  convient  d'attribuer  d  la 
constante  X. 

Les  contradictions  que  nous  venons  de  signaler  disparaissent 
dans  certains  cas  particuliers. 

Considérons,  par  exemple,  des  corps  conducteurs,  dont  chacun 
est  homogène,  plongés  dans  un  milieu  diélectrique  homogène 
et  illimité,  dont  le  coefficient  de  polarisation  soit  indépendant 
de  l'intensité  de  la  polarisation.  On  aura,  en  tout  point  inté- 
rieur à  Tun  des  conducteurs, 

r 

(ÎS"-)  e  =  coDst., 

et  en  tout  point  du  diélectrique. 

Ces  conditions  ne  sont  pas  incompatibles  avec  le  passage  des 
corps  conducteurs  d'un  état  permanent  à  un  autre  ;  car,  soit  que 
cet  état  permanent  soit  un  état  d'équilibre,  soit  qu'il  consiste  en 
courants  constants,  on  devra  avoir,  à  l'intérieur  de  chaque  con- 
ducteur, e  =  o;  elles  ne  sont  pas  non  plus  incompatibles  avec 
le  passage  du  diélectrique  d'un  état  d'équilibre  à  un  autre,  car 


\ 

F 


2dit  p.  DUilEM. 

au  sein  d'un  diélectrique  dont  le  coefficient  de  polarisation  est 
constant^  on  doit  toujours  avoir,  au  moment  de  réquilibre, 

dà>      d55      de      ^ 
ôx       ay      ôz 

La  disparition  de  toute  contradiction  entre  les  hypothèses 
précédentes  et  les  lois  de  rélectrostatique,  dans  le  cas  parti- 
culier que  nous  venons  d'indiquer,  ne  prouve  pas  que  ces 
hypothèses  soient  vraies  dans  ce  cas  ;  on  peut  même  assurer 
qu'elles  ne  le  sont  pas  en  général.  Pour  raisonner  en  toute 
rigueur,  il  faudrait,  dans  ce  cas  comme  dans  tous  les  autres, 
traiter  la  détermination  des  flux  de  conduction  et  de  dépla- 
cement sur  le  système  en  partant  des  équations  générales 
données  dans  les  chapitres  précédents;  le  résultat  de  cette 
détermination  concorderait,  dans  certains  cas,  avec  les  égali- 
tés (28)  ù  (36)  ;  ces  cas  seraient  les  mêmes,  quelle  que  soit  la 
valeur  de  X. 

L'extrême  difficulté  du  problème  analytique  auquel  conduit 
cette  méthode,  qui  est  cependant  la  seule  méthode  logique, 
empêche  qu'elle  ne  soit  appliquée,  sauf  dans  des  cas  extrê- 
mement particuliers.  Ordinairement,  on  admet  que  les  égalités 
(28  his)  et  (29  bis)  sont  vérifiées  au  moins  approximativement 
pour  des  conducteurs  homogènes  plongés  dans  un  diélectrique 
homogène  et  illimité,  et  on  se  sert  de  ces  égalités  pour  simpli- 
fier la  détermination  des  courants  de  conduction  ou  de  dépla- 
cement, qui  peut  alors  s'effectuer  sans  qu'on  connaisse  la 
valeur  de  X.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  l'on  traitera  le  pro- 
blème de  la  décharge  oscillante  du  condensateur. 

Maxwell  et  tous  les  auteurs  qui  ont,  après  lui,  traité  des 
courants  de  déplacement,  ont  admis  que  l'on  avait 

a  =  «. 

Dans  ces  conditions,  l'égalité  (34  his)  prend  la  forme 
(38)    E  —  [Jb  cos  (N,  0?)  4-  âJ  cos  (N,  y)  4-  C  cos  (N,  z)]  =  const. 
La  densité  électrique  E  peut  bien  varier  avec  le  temps  à  la 


J 


ÉLECTRODTNAMIOUE  DES  MILIEUX  DIELECTRIQUES.  285 

surface  de  contact  du  corps  conducteur  et  du  diélectrique; 
mais  la  densité  superficielle 

—  [Jb  ces  (N,  a?)  4-  35  ces  (N,  »)  +  C  cos  (N,  z)] 

de  la  distribution  fictive  équivalente  au  diélectrique  subit  en 
même  temps  des  variations  précisément  égales  et  de  signe 
contraire  ;  en  sorte  que  Thypothèse  de  Maxwell  semble  inappli- 
cable à  un  système  dont  les  actions  électrostatiques  varient 
avec  le  temps. 

Cette  contradiction  est  également  évidente  si  Ton  part  de 
régalité  (27).  La  supposition  :3l  =  C  transforme  cette  égalité 
en 

(36)  ^^(V  +  »))  =  0. 

On  voit  donc  que  les  hypothèses  de  Maxwell  exigent  que  la  fonc- 
tion potentielle  électrostatique  d*un  système  électrisé  demeure 
indépendante  du  temps. 

Il  est  vrai  que  Ton  ne  peut,  en  toute  rigueur,  déduire  ni  de 
cette  proposition,  ni  de  la  proposition  équivalente  que  nous 
avons  démontrée  auparavant,  que  les  hypothèses  de  Maxwell 
entraînent  Tinvariabilité  des  actions  électrostatiques  d*un  sys- 
tème quelconque.  Ces  actions,  en  efiet,  dépendent  non  pas  de 
la  fonction  (V  +  U),  mais  de  la  fonction  e  (V  +  0);  or,  nous 
avons  vu  que  la  supposition  CH  =  €  exigeait  que  e  fût  infini. 
Mais,  en  invoquant  cette  valeur  de  s  pour  expliquer  la  possibi- 
lité de  la  variation  des  actions  électrostatiques,  nous  ne  faisons^ 
que  déplacer  la  difficulté. 

Rennes,  13  avril  1894. 


T7  -^ 


L' ÉLEGTRODYNAMIQUE 

DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES 

PAR  P.  DUHBU 

noriMEOR  DE  nniQDE  nioaiosE  a  u  TAcvvtt  des  scierces  oe  boiideaox 


DEUXIÈME   MÉMOIRE 

Les  équations  générales  de  rélecirodyDamiqne 
dais  les  milieox  qoi  sont  à  la  fois  magoétiqaes  et  diélectriques. 


§  1.  Introduction  et  notations. 

Au  cours  de  la  révision  des  équations  de  rélectrodynamique 
que  nous  avons  entreprise  nous  avons  examiné  successivement 
les  cas  dont  voici  Ténumérâtion  : 

1^  Systèmes  qui  ne  renferment  que  des  courants  de  conduc- 
tion 0); 

^  Systèmes  qui  renferment  des  conducteurs  parcourus  par 
des  courants  de  conduction  et  des  corps  magnétiques  (')  ; 

S^  Systèmes  qui  renferment  des  conducteurs  parcourus  par 
des  courants  de  conduction  et  des  diélectriques  parcourus  par 
des  courants  de  déplacement  ('). 

(*)  Sur  le9  lois  générales  de  l'induction  électrodynamique  {Annales  de  la 
Faculté  des  sciences  de  Toulouse,  t.  VII,  B.  189S).  —  Les  actions  électrody- 
namiques  et  électromagnétiques^  Chapitre  préliminaira  et  1^*  partie  :  Les  actions 
électrodynamiques  (Annales  de  la  Faculté  des  sciences  de  Toulouse,  t.  VU, 
G.  1893). 

(^  Les  actions  électrodynamiques  et  électromagnétiques,  2*  partie  :  Les 
actions  électromagnétiques  (Annales  de  la  Faculté  des  sciences  de  Toulouse, 
t.  VIII,  D.  1894). 

(S)  Sur  les  Uns  fondamentales  de  l'électrodynamique  dans  les  milieux  dié- 
lectriques  (Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  physiques  et  naturelles  de 
Bordeaux,  5*  série,  1. 1,  p.  233). 


288  p.  DUREM. 

Il  nous  reste  maintenant  à.indiquer  brièvement  comment  les 
principes  posés  s'appliqueront  à  des  corps  qui  sont  à  la  fois  des 
conducteurs  susceptibles  d'être  traversés  par  des  courants/  des 
substances  magnétiques  susceptibles  d'être  aimantées,  enfin 
des  diélectriques  capables  de  polarisation  et  de  courants  de 
déplacement.  Il  suffira,  d'ailleurs,  pour  traiter  ce  cas  général, 
de  réunir  tout  ce  qui  a  été  dit  au  sujet  des  trois  cas  particuliers 
ci-dessus  énumérés. 

Pour  éviter  toute  confusion,  nous  aurons  à  modifier  quelques- 
unes  des  notations  que  nous  avons  employées  jusqu'ici. 

Dans  les  travaux  traitant  du  magnétisme,  nous  avons  dési- 
gné par 

l'intensité  d'aimantation,  les  composantes  de  l'aimantation  et 
la  fonction  magnétisante. 

Dans  les  travaux  traitant  des  diélectriques,  nous  avons 
employé  les  mêmes  lettres 

Jlt,       A,       55,       e,       F(Jll), 

« 

pour  désigner  l'intensité  de  polarisation,  les  composantes  de  la 
polarisation  et  la  fonction  de  polarisation. 

Dorénavant,  nous  conserverons  ces  dernières  notations, 
mais  nous  désignerons  par 

l*»         a.         P>        Y»        fiv-)» 

l'intensité  d'aimantation  y  les  composantes  de  Vaimantation 
et  la  fonction  magnétisante. 

§  2.  Hypothèses  fondamentales. 

Nous  avons  vu  que  les  actions  électromagnétiques  vérifiaient 
toutes  la  proposition  suivante  : 

Considérons  un  élément  magnétique  de  moment  lidv  ;  soit 
B  A  ou  (22  son  axe  magnétique.  Menons  un  plan  perpendiculaire 
à  l'axe  dl;  dans  ce  plan,  traçons  un  petit  circuit  C  embrassant 


ÉLECTRODYNAMIQUE  DES  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  289 

une  aire  û  dont  dl  est  la  normale  positive.  Supposons  ce  cir. 
cuit  G  parcouru  par  un  courant  dont  l'intensité  J  est  donnée 
par  la  relation 

-— Jû  =  u.rfr. 

Cet  élément  magnétique  et  ce  courant  sont  équivalents  soit  à 
regard  d*un  aimant  quelconque,  soit  à  Tégard  d'un  courant 
quelconque. 

Nous  supposerons  que  cet  élément  magnétique  et  ce  couv- 
rant sont  aussi  équivalents  à  l'égard  d'un  diélectrique  tra' 
versé  par  des  courants  de  déplacement  quelconques. 

Nous  avons  vu,  d'autre  part,  que  les  propriétés  des  courants 
de  déplacement  étaient  toutes  impliquées  dans  la  proposition 
suivante  : 

Considérons  un  corps.  Supposons,  en  premier  lieu,  que  ce 
corps  soit  un  conducteur  parcouru  par  des  courants  de  conduc- 
tion et  que  le  flux  au  point  (x,  y,  z)  ait  pour  composantes 

u,  V,  w.  Supposons,  en  second  lieu,  que  ce  corps  soit  un  diélec- 
trique parcouru  par  des  courants  de  déplacement  et  que  le  flux 
au  point  {x,  y,  z)  ait  pour  composantes  ç,  ^,  7.  Ces  deux  corps 
exerceront  les  mêmes  actions  soit  sur  un  conducteur,  soit  sur 
un  diélectrique,  si  l'on  a 

ç  =  9t4, 

avec 

Nous  admettrons  que  ces  deux  corps  exercent  aussi  la  même 
action  sur  un  aimant  quelconque. 

Il  est  facile  de  voir  que  chacune  des  deux  hypothèses  que 
nous  venons  d'indiquer  entraîne  l'autre  à  titre  de  conséquences. 
Elles  sont  rigoureusement  équivalentes  entre  elles. 


290  p.  DDHCM. 

§  3.  Fonctions  employées. 

Outre  jles  fonctions  %,  %  W,  définies  par  les  égafités  (I)  de 
notre  mémoire  :  Sur  les  lois  fondamentales  de  Vélectrodyna- 
mique  dans  les  milieux  diélectriques;  outre  les  fonctions 
^>  Qy  ^9  définies  par  les  égalités  (III),  les  fonctions  u,  v,  m,  défi- 
nies par  les  égalités  (lY),  les  fonctions  f,  q,  ï^,  définies  par  les 
égalités  (V),  nous  aurons  à  faire  usage  *. 

1°  Des  fonctions  : 


(I) 


(II) 


dv'  étant  un  élément  de  volume  d'un  aimant, 
x\  y\  z\  les  coordonnées  d'un  point  de  cet  élément, 
et  r  la*distance  des  deux  points  (nr,  j/,  z)y  (x',  y',  z'); 
2°  Des  fonctions 


\ 


R(a^,y.^)=JV«'j^-«''^yd=»', 


dxs'  étant  un  élément  de  volume  d'un  conducteur, 
x\  y',  z',  les  coordonnées  d'un  point  de  cet  élément, 
et  r  la  distance  des  deux  points  {x,  y,  z),  (x',  y',  z); 


ÊLECTRODTNAMIQUE  DBS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES • 

3""  Des  fonctions 


291 


(HO 


1 


dJÏ  étant  un  élément  de  volume  d*un  diélectrique, 
x',  y',  z',  les  coordonnées  d'un  point  de  cet  élément, 
et  r  la  distance  des  deux  points  (x,  y,  z),  {x',  y',  z'). 
Les  fonctions  ¥{x,  y,  z),  Q(x,  y,  z),  R(Xf  y,  z),  définies  par  les 
égalités  (II),  sont  liées  aux  fonctions  S{x,  y,  z),  Sl{x,  y,  z\ 
Si  {x,  y,  z)  de  notre  Mémoire  :  Sur  les  actions  électromagné- 
tiques par  les  relations 

31 

â(»,y,»)  =  --Q(a?,y,r). 

31 
a(a?,y,z)  =  — :R(ir,y,z). 

En  outre,  comme  nous  supposons  X  =  pt^^=  v,  nous  aurons 

U  =  tt,  ^  =  f, 

§  4.  Force  électromotrice  dHnduction. 

Les  composantes  de  la  force  électromotrice  d'induction  en 
un  point  pourront  se  mettre  sous  la  forme  : 

e,  "♦"  Ox  "^  Ex» 

^y    -f"    8y    -f"    Eyt 

^«  -4-  Çg  +  E,, 
^j,,  €y,  e«  étant  les  composantes  de  la  force  électromotrice 


292  p.  DUHEM. 

d*induction  due  aux  courants  de  conduction;  8^9  S,>  8,»  les 
composantes  de  la  force  éiectromotrice  d'induction  due  aux 
courants  de  déplacement,  et  Ex,  E^,  E,,  les  composantes  de  la 
force  électromotrice  d'induction  due  aux  variations  des  aimants. 
Nous  aurons: 

2    \  dx  dx  dxf 

y  31*  /  '     dix  div  diz\ 

(IV)    j.,d.  =  -5.(8^+u'^4-<t)^*-^W-^) 

2    \  dz  dz  dz  f 


8.-"=-    "('«-^^^Ç^-»^') 
^jV  dx  *         dx  dx) 

1/2  \  ^y       ^y        ^y  f 

01  I  dix  div  diz\ 


(VI) 


§  5.  Équations  de  la  polarisation  diélectrique. 

Les  composantes  de  la  polarisation  diélectrique  sont  données 
par 


ÉLECTRODYNAMIQUB  DBS  MILIEUX  DIÉLECTRIQUES.  293 

avec 

(Ï.B)  j /...=  - B   (îD+U^  +  ^^+W^') 

|/2\  <^y  àif  dy  f 

1/2  \  d«  àz  dzj 

§  6.  Équations  de  V aimantation. 
Soit  if  (x,  y,  2)  la  fonction  potentielle  magnétique.  On  aura 

(XI)  <^  =  -A^)U*i71«-^i7i*> 

.,,/dîf     a_      «   \ 

§  7.  Énergie  interne. 

L'énergie  interne  ne  renferme  aucun  terme  dépendant  à  la 
fois  de  Faimantation  et  des  courants  de  conduction^  non  plus 
qu'aucun  terme  dépendant  à  la  fois  des  aimants  et  des  cou- 
rants de  déplacement. 


• 

< 

•     ^ 

1 

i 

< 

; 

% 

TeApératures. 

1 

...| 

— 

N 

\ 

, — 



Juillet 

Août 

Septembre 

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ARCACHON 

Températures  de  la  Mer 

PAR  HAUTREUX  rj^W 

Janvier  el ^Février  1835. 


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5 


OOTE 


DES  LANDES  DE  GASCOGNE 


ET 


BASSIN  D'ARCACHON 


Étude    d'Océanographie    en    1893-94    et    18G6 


PAR  U.  HAUTBBUX 


Les  vents. 

Les  observations  faites,  le  matin  et  le  soir,  à  La  Coubre, 
Arcachon  et  Biarritz,  montrent  que  l'ensemble  des  mouve- 
ments aériens  présente  les  caractères  de  brises  de  terre  le 
matin,  et  de  brises  du  large  dans  l'après-midi. 

Les  résultantes  des  poussées  de  chaque  mois  donnent  une 
suite  de  lignes  brisées  qui,  pour  toute  une  année,  donnent  les 
directions  générales  suivantes  :  La  Coubre  :  le  matin,  vers 
rO.-S.-O.;  le  soir,  vers  le  S.-S.-E.;  Arcachon:  le  matin,  vers 
rOuest;  à  midi,  vers  l'E.-S.-E.;  le  soir,  vers  le  S.-S.-E.;  Biar- 
ritz :  le  matin,  vers  le  Nord;  le  soir,  vers  le  S.-S.-E. 

Le  caractère  des  brises  de  terre  du  matin  est  plus  accentué 
pendant  Thiver  que  pendant  Tété  ;  celui  des  brises  du  large  de 
raprès-midi  plus  marqué  pendant  les  mois  chauds,  de  mars  à 
octobre;  les  graphiques  donnent  pendant  les  mois  froids  la 
notion  de  vents  variables  en  direction. 

Le  fond  du  golfe  n'éprouve  les  effets  des  dépressions  de 
TAtlantique  que  dans  les  coups  de  vent. 


296  HAUTREUX. 

Les  courants. 

Les  corps  flottant  à  la  surface  de  la  mer  sont  portés  dans  la 
direction  oii  les  vents  les  poussent.  Il  n'existe  pas  de  courant 
régulier  et  permanent. 

Les  brises  de  terre  qui  descendent  des  montagnes  des  Astu- 
ries  et  de  la  Gallice  repoussent  au  large  les  objets  flottants  ; 
aussi  les  atterrissages  sont*ils  très  rares  sur  les  côtes  d'Es- 
pagne. 

Les  brises  du  large,  qui  soufflent  vers  les  plaines  des  Landes, 
y  poussent  les  épaves  qui  viennent  à  terre  en  grand  nombre 
sur  les  rivages  des  Landes  de  Gascogne. 

Ces  mouvements  de  la  surface  des  eaux  se  font  sentir  à 
rouvert  du  golfe,  à  200  ou  300  milles  de  distance  du  fond  du 
golfe.  A  cette  distance,  le  mouvement  de  dérive  est  dirigé  vers 
TE.-S.-E.;  en  se  rapprochant  de  la  côte,  à  20  ou  30  milles  de 
distance,  le  mouvement  de  dérive  se  dirige  plus  au  Sud,  vers 
le  S.-S.-E. 

Lès  vitesses  dé  transport  sont,  au  large,  de  5  à  6  milles  par 
vingt-quatre  heures  ;  plus  près  de  terre,  elles  sont  moindres  et 
n'atteignent  que  2  à  3  milles  par  jour. 

La  côte  exerce  une  sorte  de  répulsion,  due  probablement 
aux  brises  de  terre  matinales,  mais  qui  cède  aux  brises  du 
large  de  l'après-midi. 

Les  températures  de  la  mer. 

Ces  observations  sont  dues  à  la  collaboration  continue  et 
dévouée  de  M.  Durand,  capitaine  au  long  cours  aux  Pêcheries 
de  l'Océan  d'Arcachon. 

Elles  forment  trois  groupes  distincts  : 

1^  Les  températures  de  surface  près  de  la  côte  des  Landes  ; 

2^  Les  températures  sous-marines  dans  ce  même  champ 
d'observation  ; 

3^  Les  températures  de  surface  dans  le  bassin  d'Arcachon. 


GÔTB  DES  UN0E8  DB  GASCOGNE  ET  DU  BASSIN  d'ABCAGHON.  297 

Gôto  des  Landes. 

Les  observations  de  températures  de  la  surface  ont  com- 
mencé à  la  fin  de  juillet  18^;  elles  ont  été  faites  sur  place,  à 
bord  des  bateaux  des  Pêcheries  de  TOcéan,  par  la  même  per- 
sonne et  avec  le  même  instrument,  les  heures  des  observa- 
tions étant  notées,  ainsi  que  le  point  de  la  côte  où  elles  se 
faisaient,  en  latitude  et  longitude. 

Il  a  été  très  vite  constaté  que  les  marées  n'avaient  aucune 
influence  sur  les  modifications  thermales.  Le  champ  des  obser- 
vations s'étendait  jusqu'à  30  milles  au  large  et  sur  une  étendue 
N.-S.  d'environ  70  milles  autour  de  l'entrée  du  bassin  d'Arca- 
chon.  Aucune  différence  n'a  été  constatée  entre  la  région  au 
Nord  du  bassin  et  la  région  au  Sud. 

Pendant  la  première  année,  du  1"^  août  1893  au  31  juillet 
1894,  on  s'est  attaché  à  observer  les  températures  de  la  sur- 
face, sur  toute  l'étendue  du  champ  de  pêche,  lorsque  le  temps 
permettait  les  sorties;  il  a  été  fait  environ  90  observations 
chaque  année.  Nous  donnons,  mois  par  mois^  le  résumé  de 
ces  observations  continuées  jusqu'au  moment  actuel;  celles 
qui  ont  été  faites  en  rade  d'Eyrac,  à  Arcachon,  et,  comme 
comparaison,  les  observations  de  température  de  l'air  faites  à 
Floirac,  à  9  heures  du  matin,  prises  cpmme  moyenne  de  l'état 
thermal  de  toute  la  région  arcachonnaise.  (Y.  graphique  n^  1.) 


T.  I  (Ô«  Série).  20 


296 


HAUTREUX. 


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CÔTE  DES  LANDES  DE  GASCOGNE  ET  DU  BASSIN  D^Aifil^GHON.    299 

En  lisant  ce  tableau,  on  voit  d'abord  qu'il  y  a  très  peu 
d'écart  entre  les  maxima  et  les  minima  observés  dans  chaque 
mois;  et  que  d'une  année  à  l'autre  on  retrouve  pour  le  même 
mois  la  même  température,  au  degré  près.  Les  température^ 
de  janvier  et  février  sont  toujours  identiques,  quel  qu'ait  été 
l'hiver;  les  variations  atmosphériques,  si  considérables  de 
cette  saison,  n'ont  aucune  influence  marquée  sur  l'état  ther- 
mal de  la  surface.  Pendant  le  printemps  et  l'été,  on  note  plus 
de  sensibilité,  sans  cependant  que  cette  influence  aérienne 
dépasse  1^. 

Et  cependant  on  voit  que  pendant  l'hiver  la  différence  ther- 
male entre  l'air  et  l'eau  est  considérable  ;  elle  atteint  quelque* 
fois  plus  de  20^. 

Le  chiffre  minimum  de  l'eau  est  de  11^;  il  a  lieu  vers  le 
20  février. 

Le  chiffre  maximum  est  de  ^^^  ;  il  a  lieu  vers  le  15  août. 

La  marche  des  températures  de  surface  de  la  mer  est  régu- 
lière et  n'éprouve  que  de  faibles  modifications  des  variations 
atmosphériques.  Celles  du  jour  à  la  nuit  sont  insensibles  pour 
les  instruments  ordinaires  ;  celles  qui  durent  plusieurs  jours  se 
font  sentir  y  surtout  à  l'époque  des  changements  de  saison. 

Ces  modifications  sont  plus  sensibles  pendant  la  saison  très 
chaude,  où  des  différences  dans  l'insolation  durant  plusieurs 
jours  peuvent  amener  des  changements  thermaux  oscillant 
entre  18  et  22^ 

Le  minimum  de  l'hiver  de  11^  est  la  température  de  toute  la 
masse  océanique  comprise  entre  le  40"*  méridien  W.  (Paris)  et 
nos  côtes,  depuis  la  surface  jusqu'à  100  mètres  de  profondeur. 

Le  maximum  de  l'été,  de  21  à  22^,  est  au  contraire  tout  à 
fait  local  ;  il  n'existe,  dans  le  golfe  de  Gascogne,  que  près  de 
la  côte  des  Landes,  et  s'étend  au  large  jusqu'à  environ 
100  milles  de  distance.  A  cette  même  époque,  les  tempéra- 
tures de  l'Océan,  du  cap  Finisterre  à  Ouessant,  ne  dépassent 
pas  18**. 

Il  y  a  en  juillet,  août  et  septembre,  le  long  de  la  côte  des 


300  HAUTREUX. 

Landes,  une  surchauffe  des  eaux  de  la  surface  de  3  à  4%  qui 
se  reproduit  tous  les  ans,  et  est  certainement  due  à  des  causes 
locales. 

Nous  pensons  que  ces  effets  sont  produits  par  la  nature 
toute  spéciale  du  rivage  des  Landes,  dont  les  sables  s'échauf- 
fent bien  plus  que  les  rochers  couverts  d'algues  des  côtes 
voisines,  aux  moments  des  marées  basses,  et  que,  pendant  les 
heures  de  flot,  les  eaux  qui  recouvrent  ces  sables  s'y  échauf- 
fent à  leur  tour.  Peut-être  aussi  la  couleur  claire  de  ces 
sables,  réfléchissant  les  rayons  solaires  dans  les  faibles  pro- 
fondeurs, facilitent  encore  cet  emmagasinement  de  chaleur 
par  insolation.  (Y.  graphique  n^  3.) 

Températures  sous-marInes. 

PROFONDEURS  EN   MÉTRÉS 


DATES 

Sur- 
face 

Ho 

21.5 
22 
22 
22 

20 
20 

21-2 

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10 
11« 

20 
20 

20* 

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19 

19.5 
20 

19*4 

20 

11» 

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18 

18.5 
18.5 

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14 
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14 

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HiTer 

Février  1898. 

Été 

12  août  1893. 

24  août 

6  septembre 
14  septembre 

29  août  1894. 

30  août 

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Ces  températures  ont  été  observées,  autant  qu'on  l'a  pu, 
par  séries,  de  manière  à  noter  les  températures  à  diverses 
profondeurs,  dans  les  limites  des  fonds  où  opéraient  les 
bateaux-pécheurs,  c'est-à-dire  jusqu'à  100  mètres  environ.  On 
a  employé  d'abord  les  thermomètres  Miller-Casella  en  U 
puis,  comme  contrôle,  les  thermomètres  à  renversement 
ZembrorNegretti. 

Les  observations  de  la  première  année  avaient  montré  qu'au 
delà  de  75  mètres,  on  trouvait  en  toute  saison  la  température 
minimum  de  l'hiver,  11  à  12°;  que,  par  conséquent,  les  effets 
de  l'insolation  ou  d'échauffement  dus  à  la  saison  ne  se  pro- 


CÔTE  DES  LANDES  PE  GASCOGNE  ET  DU  BASSIN  d'aRCACHON.         301 

duisaient  plus  à  cette  profondeur  ;  à  50  mètres  de  profondeur, 
on  notait  pendant  Tété  une  augmentation  de  température,  les 
eaux  atteignant  13  à  14^. 

Entre  50  mètres  et  la  surface,  si  Ton  trace  le .  graphique  des 
températures,  la  ligne  décrit  une  courbe  à  double  inflexion, 
dont  les  nœuds  sont  situés  à  25  et  à  45  mètres. 

Depuis  la  surface  jusqu'à  25  mètres,  la  diminution  de  tem- 
pérature est  de  2^,  passant  de  21  à  19^,  tandis  que,  de  25  à 
50  mètres  de  profondeur,  la  diminution  s'accélère  et  tombe 
de  5S  passant  de  19  à  14^. 

Ces  faits  démontrent  que  l'action  solaire,  très  vive  dans  les 
25  premiers  mètres,  diminue  rapidement  entre  25  et  50  mètres, 
et  devient  presque  nulle  au  delà  de  50  mètres  de  profondeur. 

Nous  avons  dit  qu'à  l'époque  du  maximum  du  mois  d'août, 
l'Océan  marquait  18  à  19^ 

On  trouve  cette  même  température,  près  de  la  côte  des 
Landes,  à  25  mètres  de  profondeur;  la  nappe  surchauffée  dont 
nous  avons  parlé  a  donc  une  épaisseur  de  25  mètres  près  de 
nos  côtes. 

C'est  dans  cette  nappe  que  doivent  se  tenir  les  poissons  qui 
recherchent  les  eaux  chaudes,  et  au-dessous  de  75  mètres  que 
l'on  peut  trouver  les  poissons  qui  préfèrent  les  eaux  froides. 

Températures  de  surface  dans  le  bassin  d*Arcachon. 

Les  observations  de  températures  de  la  mer  ont  commencé 
dans  le  bassin  d'Arcachon  au  mois  de  décembre  1893.  Dès  les 
premières  recherches,  il  fut  constaté  qu'entre  la  marée  basse 
et  la  marée  haute,  malgré  la  largeur  de  communication  avec 
l'Océan,  il  n'y  avait  qu'une  très  faible  modification  de  tempé- 
rature, même  lorsque  le  bassin,  étant  voisin  de  la  glace  fon- 
dante, avait  une  différence  de  plus  de  10^  avec  la  température 
de  l'Océan  voisin.  Pendant  la  première  année,  les  observations 
furent  faites  à  une  heure  quelconque,  et  suivant  les  nécessités 
du  service  des  Pêcheries;  ce  n'est  que  vers  le  mois  de  no- 
vembre 1894  qu'un  nouveau  centre  d'observation  fut  installé 


302  HAUTREUX. 

à  la  pointe  de  rAiguillon  et  que  les  températures  furent  alors 
relevées  chaque  jour^  à  marée  haute  et  à  marée  basse. 

Le  bassin  d'Arcachon  est  une  vaste  nappe  d'eau,  dont  la  8u^ 
face  est  d'environ  20  kilomètres  carrés  ;  il  communique  avce 
rOcéan  par  une  ouverture  de  5,000  mètres  de  largeur.  On  y 
trouve  des  profondeurs  de  15  mètres  dans  les  rades  d'Eyrac  et 
du  Piquey  ;  des  bancs  nombreux  sont  alternativement  couverts 
et  découverts  par  la  marée,  dont  la  hauteur  est  de  3"^50  en 
quadrature  et  de  5'"50  en  syzygie  ;  le  moment  de  la  pleine  mer 
a  lieu  à  Ares  et  au  Teich  une  heure  après  le  cap  Ferret. 

En  marée  moyenne,  les  deux  tiers  de  Teau  que  contenait  le 
bassin  ta  la  pleine  mer,  en  sortent  à  la  marée  basse,  et  se 
trouvent  hord  des  passes  en  contact  direct  avec  l'Océan. 

La  vitesse  moyenne  des  courants  dans  les  rades  e&t  de  1,5 
à  3  mètres  à  la  seconde. 

Les  observations  météorologiques  ont  démontré  que  toutes 
les  parties  du  bassin  n'étaient  pas  soumises  au  même  régime. 
Ainsi,  il  pleut  beaucoup  plus  à  Audenge,  dans  l'Est  du  bassin, 
qu'au  Piquey,  qui  est  situé  sur  le  cap  Ferret,  dans  l'Ouest  du 
bassin.  En  moyenne,  il  tombe  dans  l'année  :  à  Audenge, 
1081"»»  d'eau  ;  au  Piquey,  849"»». 

Ainsi,  l'Est  du  bassin  reçoit  un  quart  de  plus  d'eau  de  pluie 
que  la  région  du  cap  Ferret. 

De  même,  pour  les  températures  de  l'air,  la  moyenne  des 
jours  de  gelée  dans  un  hiver  est  de  52  jours  à  Ares  et  de 
33  jours  à  Arcachon. 

Ainsi,  l'hiver  est  toujours  plus  rigoureux  dans  l'Est  que 
dans  l'Ouest  du  bassin,  et  cela,  malgré  la  présence  de  cette 
nappe  d'eau  si  considérable.  Ces  différences  doivent  se  réper- 
cuter sur  les  phénomènes  marins  qui  s'accomplissent  dans  ces 
deux  régions  distinctes.  Aussi,  doit-on  diviser  le  bassin  en 
deux  zones  bien  tranchées  : 

1^  La  partie  océanique  qui  s'étend  de  la  barre  extérieure 
jusqu'à  la  ligne  qui  joint  le  phare  à  la  pointe  du  Bernet; 

3°  La  partie  intérieure  qui  s'étend  de  la  ligne  précédente 
jusqu'au  fond  du  bassin,  vers  Ares  et  Le  Teich. 


CÔTB  DBS  LANDES  DE  CASC06NE  ET  DU  BASSIN  D'aRGAGHON.  303 

Dans  la  partie  intérieure,  deux  centres  d'observations  oqt 
été  adoptés  :  l'un,  en  rade  d'Eyrac,  en  plein  chenal,  au  ponton 
des  Pêcheries;  Tautre,  à  la  pointe  de  T Aiguillon,  dans  le 
canalette,  au  poste  des  Douanes. 

En  rade  d'Eyrac,  on  reçoit  plus  directement  le  contingent 
des  eaux  océaniennes  et  toute  la  décharge  des  eaux  landaises 
amenées  par  la  Leyre. 

A  la  pointe  de  TAiguillon,  on  est  entouré  de  terrains  qui  émer- 
gent à  rnarée  basse,  et  on  ne  reçoit  aucun  cours  d'eau  douce. 

Dans  ces  deux  points  on  a  constaté,  en  toute  saison,  des 
modifications  thermales  assez  étendues  en  relation  étroite  avec 
les  changements  dans  la  température  aérienne.  On  y  a  constaté 
des  températures  voisines  de  1^,  en  janvier  1894  et  en  février 
1895,  avec  des  oscillations  qui  atteignaient  5  à  6^  degrés  en 
quelques  jours,  tandis  qu'au  large,  la  surface  se  maintenait 
constamment  entre  10^5  et  11^5. 

Nous  présentons  le  tableau  des  tempérs^tures  moyennes  de 
chaque  mois  observées  en  rade  d'Ëyrac  et  à  la  pointe  de  l'Ai- 
guillon, à  mer  basse,  et,  en  regard,  la  température  moyenne 
de  l'air  (v.  graphique  n°  1)  : 

Température  de  la  Mer.  —  Bassin  d'Areachotu 


'Janvier.... 
Février. ... 

Mars 

Avril 

Mai 

Juin....... 

Juillet 

Août 

Septembre. 
Octobre . . 
Novembre . 
Décembre  . 


RADE  D'ETRAG 


1893 


9»,5 


1894 


4»9 
8,1 
11,2 
14,0 
16,0 
21,3 
21,1 
21,5 
18,9 
14,8 
11,9 
7,7 


1895 


6o4 

4,3 

8,5 

14,0 

16,5 

» 

n 
I 


POINTE 

de  l'Aiguillon 


1894 


» 

» 

» 
llo9 

7,7 


iS35 


504 

4,2 

8,5 

13,8 

» 

» 


MOYENNE  DE  L*AIR 


1893 


6»9 
4.6 


1894 


4«^ 

7,1 
9,6 
12,5 
12,8 
17,9 
19,0 
19,2 
17,1 
13,8 

9,1 
4,8 


1895 


2«3 

1,9 

7,8 

12,9 

15,8 

» 

» 

» 


20Ï 


HAUTREUX. 


On  voit  combien  les  températures  se  suivent  de  près  dans 
ces  deux  points,  et  combien  elles  se  rapprochent  des  tempéra- 
tures de  Pair,  tout  en  restant  sensiblement  supérieures. 

Pour  permettre  de  mieux  suivre  ces  influences  réciproques, 
nous  donnons  le  tableau  des  observations  faites  à  haute  mer 
et  à  basse  mer,  dans  les  deux  points  précités,  pour  le  mois  de 
février  1895  (v.  graphique  n**2): 


Températures  de  la  mer. 

Février  1895. 

Non  N  L'iKnUM 

— = — f-~i 

9  "" 

DATES 

RADE 

d'ETNC 

F.  M. 

B.1I. 

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1 

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3 

3 

-0.2 

3 

» 

4 

4.5 

P.*Q. 

7.7 

4 

j* 

5.5 

6 

4.3 

5 

j* 

3.5 

4 

-0.8 

6 

2 

2.0 

1.5 

—  3.9 

7 

2.5 

3.5 

3.5 

-0.7 

8 

» 

4  5 

4 

2.8 

9 

» 

6.0 

4.5 

P.*L. 

2.5 

10 

6 

6.0 

4.5 

6.0 

il 

5.6 

7.0 

4 

7.7 

12 

6 

6.5 

4 

-0.1 

13 

5 

7 

4.5 

0.5 

14 

5 

6 

4.5 

1.2 

15 

4.5 

5.5 

4.5 

-1.9 

16 

5 

4 

3 

d.'q 

-3.8 

17 

2 

3.5 

3 

-2.2 

18 

2.5 

1 

2.5 

-0.9 

19 

3 

1.5 

2.5 

0.1 

M 

3.5 

4.5 

3.5 

4.4 

SI 

3.5 

3 

3.5 

6.4 

tt 

S 

6 

4 

4.0 

23 

4 

5.5 

4 

3.0 

24 

4.5 

5 

4 

N.*L. 

5.6 

25 

5 

4 

5.5 

3.9 

26 

5 

5 

7 

5.3 

27 

5.5 

6 

8 

2.6 

28 
lijeiM 

5 

6 

7.5 

2.1 

4»3 

4*6 

4*2 

1*89 

Ces  observations  comparées  montrent  nettement  que,  dans 
ces  deux  points,  les  modifications  thermales  se  produisent 
d'ensemble  :  les  minima  du  6  et  du  18,  le  maximum  intermé- 
diaire du  11,  ont  eu  lieu  en  même  temps. 

Si  Ton  consulte  Tétat  thermal  de  Tair,  on  voit  que  les  deux 
minima  du  bassin  ont  coïncidé  avec  deux  minima  de  Tair 
à  — 4^  et  que  le  maximum  du  11  au  12  a  coïncidé  avec  une 
hausse  aérienne  qui  avait  atteint  +7^. 


CÔTE  DES  UKDES  DE  GASCOGNE  ET  DU  BASSIN  D^ARGAGHON.  305 

Enfin,  les  observations  de  pleine  et  basse  mer  de  la  pointe 
de  TAiguillon  nous  montrent,  ainsi  que  les  observations  anté- 
rieures de  la  rade  d'Eyrac,  que  les  eaux  qu'apporte  la  marée 
n'ont  pas  été  modifiées  sensiblement  par  leur  contact  avec 
rOcéan,  dont  la  température  était  alors  de  11^. 

Ainsi,  que  ce  soit  dans  le  grand  chenal,  ou  bien  dans  les 
canalettes,  dans  les  parties  toujours  mouillées  ou  dans  les 
parties  qui  découvrent,  les  eaux  du  bassin  intérieur  subissent 
presque  immédiatement  les  eflets  des  modifications  thermales 
de  l'atmosphère;  et  les  eaux  qu'entraine  le  jusant  revienneat 
au  flot  sans  s'être  mélangées  avec  les  eaux  de  l'Océan. 

Ceci  bien  démontré,  il  était  intéressant  de  suivre  les  modi- 
fications successives  qui  se  produisent  entre  la  rade  d'Eyrac 
et  l'Océan.  Dans  ce  but,  il  fut  pris  plusieurs  séries  d'observa- 
tions reliées  entre  les  points  suivants  :  canalette  de  la  pointe 
de  l'Aiguillon,  rade  d'Eyrac,  rade  du  cap  Ferret,  grandes  dunes 
du  Pilât,  Sémaphore,  bouée  de  la  barre  extérieure,  et  au  large, 
de  10  à  20  milles  de  la  côte.  (Y.  carte  n""  4.) 


Bassin  d'Arcaehon.  Températures  reliées. 

* 

DATES 

o 

«1 

4 

Rade 
du  Ferret 

Grandes 
Dunes 

1 

Barre 

extérlenre 

II 
^1 

fitè 

. 

4  Juillet  1894 

8  uiUet  - 

21*5 

29» 

» 

18« 

19» 

18 

S1.5 

19 

» 

18.5 

19 

14  nillet  — 

20 

20 

» 

19 

18 

17   uillet  -  ........ 

20.5 

20.5 

» 

20 

19 

îl   uillet  - 

21 

21 

m 

20 

21 

S6  uillet  ^ 

21.5 

21 

» 

20.5 

20 

14  août     - 

Moyenne... 

22 

21.5 

» 

20.5 

21 

21*3 

20*6 

m 

-^ 

19»5 

19«6 

HiTer 

2  déeembre  1884 

e«5 

6 

9 

» 

9 

» 

14* 

8  décembre  — 

7 

7.5 

9 

Jê 

m 

13» 

13.5 

11  anTierl893 

a 

6 

6 

» 

» 

11.5 

12 

S6  an?  ier  — 

7 

7.5 

8.5 

10» 

a* 

11 

11 

30  anvier  —  .  B.  M. 

4 

6 

6.5 

7.5 

8 

» 

11 

»  ôf  rier  — 

4.0 

3.5 

8 

8.5 

9 

9 

11.5 

25  féTrier  —  .  B.  M. 

4.7 

5 

10 

7 

» 

» 

11.5 

Gmars      — 

6.5 

5.5 

7.5 

10.5 

» 

» 

13 

llmars      — 

Moyenne 

7 

8 

8.5 

10 

» 

12.5 

12.5 

5>5 

6H 

8M 

8^ 

9-3 

lf4 

12«1 

I 

306  HAUTREUX.  I 


Sur  la  barre  extérieure,  la  moyenne  est  presque  la  même 
que  celle  de  TOcéan. 

Au  cap  Ferret,  on  n'a  pas  observé  de  température  plus  basse 
que  7^  tandis  qu'à  la  pointe  de  TAiguillon  on  a  eu  au  mini- 
mum 1%  et  au  maximum  de  février  7^. 

Ces  observations  montrent  clairement  que,  malgré  les  ma- 
rées, chaque  partie  du  bassin  conserve  un  caractère  spécial,  et 
que  leS  mélanges  entre  Teau  du  bassin  intérieur  et  TOcéan  se 
font  dans  la  partie  maritime  seulement. 

La  marée  agit  comme  le  ferait  le  piston  sur  un  corps  de 
pompe  qui  se  terminerait  en  pomme  d'arrosoir  :  le  liquide  qui 
touche  le  piston  ne  subit  pas  les  mêmes  entraînements  que 
celui  qui  passe  dans  les  canaux  étroits. 

Pendant  Tété,  les  différences  sont  beaucoup  moins  marquées 
que  pendant  l'hiver  ;  elles  existent  cependant,  et  le  bassin  inté- 
rieur est  de  1  ou  ^  plus  chaud  que  l'Océan.  Dans  cette  saison, 
les  causes  d'insolation,  de  pénétration  solaire,  existent  dans  le 
bassin  comme  sur  la  côte  des  Landes;  tandis  que,  pendant 
l'hiver,  ce  sont  les  larges  surfaces  de  terrain,  émergeant  à 
marée  basse,  qui  produisent,  par  contact  avec  l'atmosphère, 
le  refroidissement  si  marqué  du  bassin  intérieur  pendant  les 
périodes  des  grands  froids. 

La  température  du  bassin  est  supérieure  à  celle  de  l'Océan 

♦ 

depuis  la  fin  de  mars  jusqu'au  milieu  de  septembre  ;  elle  lui 
est  inférieure,  quelquefois  de  10%  depuis  le  mois  d'octobre 
jusqu'au  mois  de  mars. 

Ces  faits  montrent  la  localisation  des  phénomènes  physiques 
dans  le  bassin;  ils  indiquent  la  région,  située  entre  la  rade  du 
cap  Ferret  et  la  barre  extérieure^  dans  laquelle  se  font  les 
mélanges  avec  l'Océan. 

A  chaque  marée,  les  eaux  océaniennes  ne  dépassent  pas  la 
rade  du  Ferret  ;  elles  n'apportent  leur  contingent  d'eaux  plus 
pures  qu'après  s'être  mélangées,  dans  les  rades  du  Ferret  et 
du  Moulleau,  avec  les  eaux  provenant  du  bassin  intérieur. 


1 


ÉLOGE   HISTORIQUE 

DE 

NICOLAS  -  J.  LOBATCHE VSKY 

PRONOIIGÉ 

d&na  là  Séance  solennelle  de  VUniveraité  impériale  de  K&z&n 

le  22  octobre  1893 

PAR  11.  LE  PROFESSEUR  A.  VASSILIEF 

PRÉSIDENT   DB    Lk  SOaÉTÉ   PHYSIQUE    ET    MATHÉMATIQUE    DE   KAZAM 


TRADUIT  DU  RUSSE  PAR  M»**  A.  FlCHTEIfROLTZ 


La  vie  si  noble  et  si  honorable  de  Phomme  dont  nous 
célébrons  aujourd'hui  la  mémoire  est  indissolublement  liée 
à  rhistoire  de  TUniversité  de  Kazan  dans  les  cinquante 
premières  années  de  son  existence.  A  chaque  page  de  cette 
histoire,  et  nous  citons  ici  textuellement  le  discours  prononcé 
sur  sa  tombe,  on  retrouve  mentionné  avec  reconnaissance  et 
vénération  le  nom  de  Nicolas  Lobatchevsky. 

Lobatchevsky  entra  dans  notre  Université  au  moment  même 
de  sa  fondation.  Le  5  novembre  1804  furent  signés  les  statuts 
de  rUniversité  de  Kazan,  et  le  9  novembre  1807  on  lisait,  sur 
la  liste  des  élèves  du  lycée  admis  à  suivre  les  cours  des 
professeurs  et  de  leurs  auxiliaires,  le  nom  de  Nicolas  Lobat- 
chevsky, précédé  de  la  mention  dignua. 

Les  premières  années  de  notre  Université,  avec  lesquelles 
coïncidèrent  les  années  universitaires  de  Lobatchevsky,  pré- 
sentent beaucoup  de  chaos,  de  désarroi  et  d'irrégularités. 

L'Université  fut  ouverte  sans  ressources  affectées  à  rensei- 
gnement. Il  y  manquait  la  division  des  facultés  qui  devaient 


«308  A.  VASSILIEF. 

la  composer^  et  cette  lacune  nuisait  certainement  au  progrès 
des  études. 

En  revanche^  dans  cette  jeune  Université,  récemment  fondée 
sur  un  sol  à  demi-barbare,  dans  cette  uUima  JfuMrum 
Thule,  comme  l'appelèrent  les  premiers  professeurs  allemands 
qui  y  étaient  arrivés,  un  profond  amour  de  Tétude  et  une 
ardente  soif  de  savoir  s'emparèrent  de  la  jeunesse  universitaire. 

Le  premier  professeur  de  mathématiques,  Bartels,  se  sou- 
vint longtemps  encore,  avec  regret,  pendant  son  séjour  à 
Dorpat,  de  ses  élèves  de  Kazan,  si  merveilleusement  doués. 

A  cette  ardeur  pour  le  travail  s'ajoutait,  comme  nous 
l'atteste  un  des  premiers  pupilles  de  notre  Université,  S.  T. 
Aksakof,  dans  sa  Chronique  de  famille,  un  mépris  profond 
pour  tout  ce  qui  était  bas  et  vil,  et  un  ardent  respect  pour 
tout  ce  qui  est  honnête  et  noble,  fût-ce  même  une  utopie. 

L'esprit  de  cette  jeunesse  universitaire  que  nous  constatons 
dans  les  actes  des  jeunes  années  de  Lobatchevsky  parvenus 
jusqu'à  nous,  correspond  à  l'esprit  général  de  cette  époque, 
que  Pouchkine  appelait  €  le  sublime  commencement  des 
jours  d'Alexandre  >,  époque  que  rappelait  à  notre  souvenir 
le  beau  tableau  placé  dans  notre  Salle  des  Actes,  et  sur 
lequel  le  jeune  héritier  de  la  couronne  est  représenté  dans 
tout  le  charme  de  sa  beauté,  accordant  la  charte  à  l'Université 
de  Kazan,  devant  le  buste  de  sa  grand'mère  Catherine  II,  à 
laquelle  il  semble  obéir. 

Il  y  a  peu  de  périodes  dans  l'histoire  de  la  civilisation  russe 
qui  soient  aussi  brillantes  et  aussi  fécondes  que  cette  époque 
où  l'État,  se  mettant  à  la  tête  du  mouvement  intellectuel  de 
notre  pays,  élabore  le  programme  général  de  l'instruction 
publique,  qui,  d'après  Karamzine,  €  fut  un  titre  de  gloire  non 
seulement  pour  la  Russie  et  le  tsar,  mais  pour  le  siècle  tout 
entier.  »  La  Russie  contribue  au  développement  de  l'étude  de 
la  littérature  étrangère  ;  elle  rétablit  l'Académie  russe,  fonde 
de  nouvelles  universités  et  y  attire  les  plus  grands  savants 
étrangers. 


N.-i.   LOBATCHEVSKT.  309 

A  cette  activité  de  TÉtat  vient  s'ajouter  l'initiative  privée. 
Des  dons  sont  offerts,  avec  un  élan  tout  spontané,  dans  le  but 
de  favoriser  le  développement  de  Tinstruction.  C'est  à  cette 
époque  que  se  rapportent  les  donations  de  Demidof  pour  les 
universités  futures,  celle  de  la  noblesse  de  Kharkof,  celle  du 
comte  N.-P.  Roumiantsef. 

L'enthousiasme  en  faveur  de  la  littérature  et  des  sciences 
porta  ses  fruits.  C'est  ainsi  que  nous  devons  aux  premières 
années  de  ce  siècle  notre  immortel  poète  national  Pouchkine  ; 
nous  lui  devons  aussi  le  mathématicien  génial  dont  nous 
honorons  aujourd'hui  la  mémoire. 

Mais  si  le  milieu  extérieur  exerce  une  grande  influence  sur 
les  jeunes  gens  qui  entrent  dans  la  vie,  l'influence  immédiate 
des  maîtres  et  des  premiers  guides  dans  leurs  travaux  intellect 
tuels  n'est  pas  moins  importante. 

Nous  sommes  donc  obligés,  en  ce  jour  où  nous  célébrons 
la  mémoire  de  Lobatchevsky,  de  rappeler  avec  reconnaissance 
ses  maîtres,  et  tout  d'abord  la  figure  vénérée  du  premier 
professeur  de  mathématiques  de  notre  Université,  Bartels, 
dont  la  protection  fut  d'un  si  grand  secours  à  cette  nature  si 
spontanée,  si  fougueuse  dans  sa  jeunesse. 

Jean-Martin-Christian  Bartels  (n.  1769)  occupe  une  place 
prééminente  dans  l'histoire  des  mathématiques  du  xix®  siècle. 
H  eut  la  bonne  fortune  d'être  non  seulement  le  professeur  et 
le  protecteur  de  Lobatchevsky,  mais  aussi  de  celui  des  savants 
de  ce  siècle  qui,  plus  que  tout  autre,  imprima  son  caractère 
au  développement  des  mathématiques,  de  l'illustre  Gauss. 

Pour  pouvoir  vivre,  Bartels  dut  se  faire,  à  seize  ans,  l'aide 
d'un  maître  d'école  privée  de  Brunswick,  et  pour  une  faible 
rémunération  il  taillait  les  plumes  aux  élèves  et  les  aidait 
dans  leurs  devoirs  d'écriture.  Au  nombre  de  ces  élèves  se 
trouvait  alors  Gauss,  âgé  de  huit  ans;  les  aptitudes  pour  les 
mathématiques  de  cet  enfant  génial  attirèrent  l'attention  de 
Bartels.  . 

Malgré  leur  différence  d'âge,  il  s'établit  entre  eux  une  étroite 


310  A.  VASSILIEF. 

amitié;  ensemble,  ils  étudièrent  les  ouvrages  de  mathéma- 
tiques ;  ensemble,  ils  se  mirent  à  résoudre  dés  problèmes. 

Bartels  prit   plus  d'une  fois   Gauss   sous   sa  protection 
Celui-ci  admirait  son  caractère  noble  et  généreux,  et  il  en 
conserva  jusque  dans  ses  dernières  années  un  souvenir  recon- 
naissant. 

Bartels  était  lui-même  un  excellent  mathématicien.  Ses 
leçons  :  Vorlesungen  ûber  mathematishe  Analyse,  éditées 
à  Dorpat  en  183â,  occupent  un  rang  élevé  dans  la  littérature 
allemande  des  mathématiques;  elles  se  distinguent  par  la 
rigueur  des  démonstrations  et  la  clarté  de  Texposition. 

D'après  une  tradition,  on  rapporte  qu^à  cette  question  posée 
à  Laplace  :  Quel  est  le  plus  grand  mathématicien  de  TAUe- 
magne?  il  répondit  :  <c  C'est  Bartels,  car  Gauss  est  le  plus 
grand  mathématicien  de  Tunivers.  > 

Grâce  à  Bartels,  renseignement  des  mathématiques  à 
l'Université  de  Kazan  fut  immédiatement  au  niveau  de  celui 
des  meilleures  universités  d'Allemagne.  Tous  les  ouvrages 
classiques  de  cette  époque,  comme  :  le  Calcul  différentiel 
et  intégral  d'Euler,  la  Mécanique  analytique  de  Lagrange, 
V Application  de  Vanalyse  à  la  géométrie  de  Monge,  les  Dis- 
quisitiones  arithmeticœ  de  Gauss,  furent  interprétés  par 
Bartels. 

D'après  les  notes  qu'il  nous  a  laissées,  il  professa  l^istoire 
des  mathématiques  et  exposa  à  ses  auditeurs  le  tableau  gran- 
diose des  progrès  de  l'esprit  humain  dans  ce  domaine  de  la 
science. 

Lobatchevsky  venait  d'obtenir  (10  juillet  1811)  le  titre  de 
licencié  (magister)  «:  pour  ses  progrès  extraordinaires  et  ses 
aptitudes  non  moins  remarquables  pour  les  sciences  mathé- 
matiques et  physiques  »,  ainsi  que  pour  sa  thèse  :  Théorie 
du  mouvement  elliptique  des  corps  célestes.  Il  travaillait 
quatre  heures  par  semaine  chez  Bartels.  Il  étudia  avec  lui 
les  Disquisiti07ies  arithmeticœ  et  le  premier  volume  de  la 
Mécanique  céleste  de  Laplace.  Le  résultat  de  ces  études  fut 


N.-l.  LOBATCHEYSKT.  31J 

la  thèse  présentée  par  Lobatchevsky  en  iSfS,  intitulée  :  De  la 
résolution  de  Véquation  algébrique  X*  —  1=0,  où  Lobat- 
chevsky s'occupe  de  l'abaissement  du  degré  de  Téquation 
binôme  quand  Texposant,  diminué  d'une  unité,  est  divisible 
par  4. 

Une  des  fonctions  du  licencié  Lobatchevsky  était  c  de  prêter 
son  concours  à  Bartels  comme  professeur  de  mathématiques 
pures,  et  d'expliquer  à  ses  élèves  tout  ce  qu'ils  ne  compre- 
naient pas  ».  Il  est  évident  que  des  relations  très  intimes 
durent  exister  entre  ces  deux  hommes.  Non  moins  étroite  fut 
l'intimité  de  Lobatchevsky  avec  Bronner,  professeur  de  phy- 
sique de  l'Institut  pédagogique,  où  les  jeunes  licenciés  étaient 
forcés  d'entrer  pour  se  perfectionner. 

C'est  une  personnalité  bien  singulière  que  ce  Bronner,  qui 
avait  beaucoup  vécu  et  beaucoup  pensé  :  tantôt  moine  catho- 
lique, tantôt  c  illuminé  »,  tantôt  auteur  d'idylles,  tantôt  méca- 
nicien et  physicien,  ou  bien  encore  historien  et  statisticien  du 
canton  d'Aargau,  où  il  finit  sa  vie  orageuse,  —  admirateur 
enthousiaste  des  idées  de  Rousseau  et  de  la  Révolution  fran- 
çaise, en  même  temps  que  de  la  Critique  de  la  raison  pure 
de  Kant,  —  il  devait  exercer  une  sorte  de  fascination  sur  ses 
élèves,  et  sa  large  éducation  philosophique  a,  sans  doute, 
beaucoup  contribué  au  développement  intellectuel  de  Lobat- 
chevsky et  de  ses  collègues. 

Après  Bartels  et  Bronner,  Lobatchevsky,  encore  étudiant, 
eut  pour  professeurs  Renner  et  Littrof,  qui  venaient  d'arriver 
à  Kazan. 

L*ex  prvoat'docent  de  l'Université  de  Gœttingue,  Gaspard 
Frédéric  Renner,  excellent  mathématicien  et  latiniste,  se  ré- 
vèle à  nous,  à  en  juger  d'après  les  souvenirs  qui  en  sont 
restés,  de  la  façon  la  plus  attrayante;  c'était  un  homme  à 
qui  on  pourrait  parfaitement  appliquer  le  vers  bien  connu  de 
Pouchkine  :  c  Ame  ingénieuse  de  Gœttingue  "», 

Quant  à  Littrof,  astronome  célèbre,  d'une  grande  érudition, 
admirateur  de  la  philosophie  de  Schelling,  il  éleva  l'ensei- 


/ 


312  A.  VASSILIEF. 

gnement  de  Tastronomie  dans  notre  Université  au  niveau  de 
celui  des  mathématiques.  Sous  sa  direction,  Lobatchevsky, 
ainsi  que  son  collègue  M.  Simonof,  observèrent  la  comète 
de  1811,  et  la  communication  faite  par  Littrof  de  ces  obseN 
valions  dans  les  Nouvelles  de  Kazan,  1811,  n^  31,  est  la 
première  trace  imprimée  des  travaux  scientifiques  de  Lobat- 
chevsky. 

Cest  dans  cette  brillante  atmosphère  intellectuelle  que  se 
forma  la  jeunesse  de  Lobatchevsky,  que  reflète  son  rema^ 
quable  discours  Sur  les  objets  les  plus  importants  de  Védu- 
cation;  c'est  à  cette  source  qu'il  a  puisé  son  désir  insatiable 
de  posséder  un  savoir  multiple.  L'indépendance  de  son 
esprit,  nécessaire  pour  douter  de  la  véracité  de  Taxiome 
admis  par  tout  le  monde  pendant  deux  mille  ans  et  consacré 
par  l'autorité  d'Euclide,  son  ardent  amour  pour  la  vérité 
scientifique,  lui  permirent  de  poursuivre  le  développement  de 
ses  idées  grâce  à  une  persistance  obstinée,  en  dépit  de  l'in- 
différence ou  de  l'ironie  de  ses  contemporains.  Lobatchevsky 
fut-il  redevable  de  quelque  chose  de  plus  à  ses  maîtres,  et  en 
particulier  à  Bartels?  Lui  doit-il  le  choix  de  son  sujet  d'étude 
préféré,  qui  le  rendit  célèbre,  —  de  la  question  des  prin- 
cipes de  la  géométrie?  —  Ce  point  restera  probablement  une 
énigme;  mais,  quel  que  soit  notre  enthousiasme  patriotique, 
l'amour  de  la  vérité  nous  force  à  signaler  la  possibilité  de 
l'influence  de  Gauss  sur  Lobatchevsky  par  l'intermédiaire  de 
Bartels. 

Le  grand  mathématicien  allemand  avait  déjà  publié  en  1816 
et  1822  des  critiques  sur  quelques  essais  tendant  à  démontrer 
le  postulat  d'Euclide  ;  et  la  conviction,  catégoriquement  expri- 
mée dans  ces  critiques,  sur  l'inutilité  de  toutes  les  tentatives 
faites  pour  combler  cette  lacune  de  la  géométrie,  ne  nous 
permet  pas  de  douter  de  l'affirmation  de  Gauss,  contenue  dans 
sa  lettre  à  Schumacher  (en  184'6),  qu'il  avait  entrepris  en  1792 
de  fonder  une  géométrie  différente  de  celle  d'Euclide. 

L'époque  où  se  manifeste  cette  opinion  de  Gauss  fut  aussi 


N.-J.   LOBATCHEVSKT.  313 

celle  de  son  étroite  amitié  avec  Bartels,  amitié  qui  avait  com- 
mencé en  17859  alors  que  Bartels  était  âgé  de  seize  ans  et 
Gauss  de  huit  ans  seulement. 

Leurs  relations  amicales  continuèrent  jusqu'en  1807,  date 
du  départ  de  Bartels  pour  Kazan.  Â  part  un  intervalle  très 
court,  ils  vécurent  sans  se  séparer  à  Brunswick,  où  ils 
obtinrent  tous  deux  une  bourse  du  duc  de  Brunswick,  qui 
se  proposait  de  construire  un  observatoire  dont  Gauss  eût  été 
le  directeur,  et  de  fonder  une  école  supérieure  de  mathéma- 
tiques avec  Gauss  et  Bartels  pour  professeurs.  Leurs  noms 
étaient  tellement  liés,  qu'ils  reçurent  en  même  temps  des 
lettres  du  secrétaire  perpétuel  de  TÂcadémie  de  Saint-Péters- 
bourg, Fuss,  proposant  à  Gauss  la  place  de  directeur  de 
rObservatoire  de  Saint-Pétersbourg,  et  à  Bartels  celle  de 
professeur  à  Kazan. 

Il  y  a  donc  lieu  de  croire  que  Gauss  a  communiqué  ses 
idées  relatives  à  la  question  des  parallèles  à  son  maître  et 
ami  Bartels  (^). 

Bartels  pouvait-il  s'abstenir  de  faire  part  de  ces  opinions 
intéressantes  et  hardies  de  Gauss  à  un  élève  de  Kazan  aussi 
bien  doué  que  Lobatchevsky?  En  dehors  de  cette  hypothèse,  il 
y  a  lieu  également  de  signaler  d'autre  part  quelques-uns  des 
motifs  qui  poussèrent  Lobatchevsky  à  s'occuper  des  principes 
de  la  géométrie  et  de  la  théorie  des  parallèles.  Tout  d'abord 
il  faut  tenir  compte  de  l'intérêt  qui  s'attachait  à  cette  théorie, 
déjà  admise  par  les  mathématiciens  grecs  (Proclus  et  Ptolé- 
mée),  ainsi  que  par  les  Arabes  (Nassir-Eddin),  et  que  l'on 

(*)  Une  lettre  de  Gauss,  adressée  à  un  antre  de  ses  coUègaes,  Wolfgang  Bolyai, 
père  de  Jean  fiolyai,  l'anteur  de  Touvrage  Appendix  scientiam  spatii  absoluti 
veram  exhibens  (1832),  est  parvenue  jusqu*à  nous.  Dans  cette  lettre,  écrite 
en  1799,  qui  se  trouve  dans  le  discours  du  professeur  Schering  (V.  Schering, 
Gedaechtmssrede  zum  iOO  j,  GeburMage  van  Gauss,  p.  7,  1877),  Gauss  a 
exposé  les  principes  de  la  géométrie  indépendante  du  postulat  d'Euclide.  «  On 
peut,  écrit-il,  fonder  une  géométrie  qui  ne  contienne  pas  Taxiome  des  parallèles. 
Si  nous  admettons,  toutefois,  que  la  surface  d*un  triangle  est  plus  grande  que 
toute  limite  donnée,  la  géométrie  d'Euclide  est  démontrée;  dans  le  cas  contraire, 
noue  arrivons  à  une  autre  géométrie.  » 

T.  I  (5«  Série).  21 


314  A.  VASSIUEF. 

retrouve  dans  les  xvi^-xviir  siècles  ea  Europe  ;  du  désir  intense 
de  démontrer  le  postulatum  d'Euclide,  qui  s'éveilla  à  la  fin 
du  xvm*  et  au  commencement  du  xix^  siècle.  C'est  ainsi  que 
dans  Tespace  d'une  année^  en  I7869  parurent  sept  traités  consa- 
crés à  la  question  des  parallèles.  En  1794  fut  publiée  la  première 
édition  du  célèbre  Manuel  de  géométrie  de  l'illustre  mathéma- 
ticien français  Legendre,  contenant  une  démonstration  du 
postulat  d'Euclide,  fondée  sur  la  loi  de  l'homogénéité  (>). 

Par  cette  démonstration  9  Legendre  commença  la  série  de 
ses  remarquables  travaux  sur  la  théorie  des  parallèles,  parus 
en  partie  dans  un  grand  nombre  de  nouvelles  éditions  de  son 
manuel,  en  partie  dans  des  traités  spéciaux.  Il  tenta,  pour 
ainsi  dire,  toutes  les  voies  pour  arriver  à  la  solution  de  cette 
question  si  difficile,  et  il  employa  toute  la  force  de  son  esprit 
à  donner  une  démonstration  du  postulat  d'EucIide  qui  fût  à 
l'abri  de  toute  contestation. 

Ces  travaux  de  Legendre  augmentèrent,  à  leur  tour,  l'intérêt 
qui  s'attachait  à  l'étude  des  parallèles. 

Dans  les  vingt-cinq  ans  qui  précédèrent  l'apparition  du 
premier  ouvrage  de  Lobatchevsky,  il  ne  se  passe  pas  d'année 
sans  qu'il  paraisse  un  ou  plusieurs  essais  sur  cette  théorie. 
Rien  qu'en  langues  française  et  allemande,  on  connaît  près  de 
trente  ouvrages  imprimés  entre  1813  et  1837.  Quelques-uns 
de  ces  traités  existent  encore  dans  notre  bibliothèque  et  ont 
été  acquis,  ainsi  que  le  montre  le  catalogue,  aux  frais  de 
Lobatchevsky  lui-même  (*). 

Les  tentatives  infructueuses  pour  démontrer  le  postulat 
d'Euclide  poussèrent  Gauss,  en  1816,  à  émettre  ainsi  son 
opinion  :  a:  Il  y  a  peu  de  problèmes  dans  le  domaine  des 
mathématiques  sur  lesquels  on  ait  autant  écrit  que  sur  cette 
lacune  du  commencement  de  la  géométrie.  Il  ne  se  passe  pas 


O  Nouvelle  Théorie  des  parallèles.  Paris,  1803. 
.    (')  HessUng,  Versuch  einer  neuen  Théorie  der  ParallelUnien,  1818. 

Luedicke,  Versuch  einer  neuen  Théorie  der  Parallellinien  %m  Zusammen* 
hange  mit  den  Grundlehren  der  Géométrie  dargesteîU,  1819. 


d'année  où  Ton  ne  constate  des  efforts  pow  la  combler.  Or, 
à  parler  franc,  nous  ne  sommes  pas  beaucoup  plus  avancés 
aujourd'hui  que  ne  Tétait  Euclide  il  y  a  deux  mille  ans.  Un 
aveu  franc  et  loyal  nous  parait  être  plus  digne  de  la  science 
qu'un  essai  infructueux  fait  dans  le  but  de  dissimuler,  sous 
un  réseau  de  démonstrations  qui  ne  se  tiennent  pas,  une 
lacune  qu'il  est  impossible  de  combler.  > 

Cet  insuccès  de  tant  d'efforts  a  pu,  en  dehors  de  l'influence 
de  Gauss  et  de  Bartels,  amener  Lobatchevsky  à  étudier,  en 
même  temps  que  la  géométrie  fondée  sur  le  postulat  d'Eu- 
cfide,  une  géométrie  basée  sur  un  système  différent  et  indé- 
pendant de  ce  postulat. 

Un  savant  Jésuite  italien,  Saccheri  (^),  avait  aussi  donné, 
dans  la  première  moitié  du  xviii^  siècle,  une  solution  de  cette 
question  se  rapprochant  beaucoup.de  celle  qui  a  été  si  bril- 
lamment exposée  par  Lobatchevski. 

A  peu  près  en  même  temps  que  Lobatchevsky,  Jean  Bolyai, 
fils  de  Wolfgang  Bolyai,  l'ami  de  Gauss,  publia  une  géométrie 
différente  de  celle  d'Euclide. 

De  plus,  la  philosophie  de  cette  époque  portait  à  douter  de 
la  réalité  des  axiomes  géométriques. 

L'époque  à  laquelle  Lobatchevsky  entreprit  son  œuvre  origi- 

0)  Sur  Saccheri  comme  précarseur  de  Lobatchevsky,  voir  mon  article  dans 
le  Bulletin  de  la  Société  physique  et  mathématique  de  Kazan,  Dans  ces  der- 
nières années,  les  mathématiciens  ont  porté  ieor  attention  sur  quelques  autres 
ouTrages  où  Ton  retrouve  encore  cette  même  notion  d'une  géométrie  différente 
de  celle  d*Euclide.  C'est  ainsi  qu'appartient  à  Lambert,  philosophe  et  mathéma- 
ticien fort  connu,  le  mémoire  publié  dans  le  Leipziger  Magazin  fur  reine  und 
angewandte  Vatheniatik  (1786)  :  Zur  Théorie  der  Parallellinien,  Dans  ce  mé- 
moire, Lambert  parle  de  l'impossibilité  de  démontrer  le  théorème  des  parallèles 
et  de  la  sphère  imaginaire;  il  affirme  qu'il  existe  une  unité  de  longueur  absolue 
pour  un  espace  dont  les  angles  ont  une  somme  inférieure  à  deux  angles 
droits.  Et  Taurinus,  dans  sa  Théorie  der  Parallellinien,  dit  :  c  L'idée  d'une 
géométrie  dans  laquelle  la  soqime  des  angles  d'un  triangle  est  plus  petite  que 
deux  droits  m'a  été  communiquée  il  y  a  quatre  ans  par  mon  oncle,  prof.  S.  (a) 
à  K.,  habitant  encore  M.;  elle  ne  m'a  pas  satisfait  à  cette  époque  et  me  satisfait 
encore  moins  aujourd'hui.  » 

(s)  Il  s'agit,  probablement,  d*après  Semikolenof,  auteur  des  études  sur  la  géométrie  de 
LobatcbéVsly,  du  prof.  Scheikart,  dont  Gauss  fait  mention  dans  sa  lettre  k  Schumacher 
(Prtncipet  ie  giimétrie,  édition  de  la  Société  physique  et  mathématique  de  Kazan). 


316  A.  VASSILIEP. 

nale,  en  y  apportant  Tardeur  de  sa  jeunesse  et  de  son  aspira- 
tion vers  la  gloire,  a  été  un  point  culminant  dans  Thistoire  de 
la  pensée  humaine.  Elle  nous  apparaît,  comme  Ta  dit  si  élo- 
quemment  Helmholtz  dans  son  discours  {^),  c  comme  une 
époque  riche  en  dons  de  Tintelligence,  en  enthousiasme,  en 
énergie,  en  espérances  idéales  et  en  pensées  créatrices.  >  C'est 
cette  époque  même  qui  donna  comme  but  fondamental  de 
toute  science  le  problème  de  la  théorie  de  la  connaissance  : 
«:  Quelle  est  la  vérité?  Jusqu'à  quel  point  nos  conceptions 
répondent-elles  à  la  réalité?  :» 

Kant  a  beaucoup  contribué  à  provoquer  des  recherches  dans 
cette  voie  par  sa  Critique  de  la  Raison  pure  et  par  sa  doctrine 
de  Tespace  qui  y  est  contenue. 

Le  grand  philosophe  de  Kœnigsberg  a  résolu  plusieurs  fois 
pendant  sa  vie  et  de  différentes  manières,  le  problème  de  la 
réalité  de  Tespace. 

Dans  son  premier  ouvrage  :  Gedanken  ueber  die  wahre 
Schaetzung  der  lebendigen  Kraefte  (1746),  Kant,  âgé  de  vingt- 
deux  ans,  souleva,  avec  toute  la  hardiesse  de  sa  jeunesse,  la 
question  de  la  cause  des  trois  dimensions  de  Tespace;  il  la 
voyait  dans  ce  fait  que  notre  âme  reçoit  ses  impressions  en 
raison  inverse  du  carré  de  la  distance,  conformément  à  la 
loi  de  Tattraction  découverte  par  Newton. 

Plus  tard,  dans  la  période  où,  se  trouvant  sous  Tinfluence  de 
Newton,  il  écrivit  VHistoire  naturelle  générale  du  ciel,  il 
partagea  ses  opinions  sur  Tespace,  qui  existe  objectivement, 
qui  précède  toutes  choses  et  qui  les  renferme.  Dans  son  traité, 
intéressant  pour  les  géomètres  :  Von  dem  ersten  Grunde  des 
Unterschieds  der  Gegenden  im  Raum^  il  se  fonda  sur  l'exis- 
tence de  deux  corps  symétriques  pour  montrer  que  Tespace 
absolu  a  sa  propre  réalité,  non  seulement  indépendamment  de 
Texistence  d'une  matière  quelconque,  mais  comme  condition 
nécessaire  de  cette  existence. 

(1)  Ueber  die  Thatêochen  in  der  Wahrnehmung» 


N.-J.  LOBATCHBVSKT.  317 

Joutefois,  deux  ans  après,  dans  son  ouvrage  :  De  mundi 
sensibilis  atque  intelligibilis  forma  atque  principiis  (1770), 
Kant  exposa  sa  doctrine  de  Tespace  existant  a  priori,  précé- 
dant toute  expérience,  comme  forme  complètement  subjective 
de  notre  intuition.  C'est  là  une  des  doctrines  principales  de  la 
CritiqtM  de  la  Raison  pure. 

L'opinion  de  Kant  sur  les  axiomes  de  la  géométrie  y  est 
exprimée  avec  une  netteté  absolue. 

Kant  se  base  sur  ce  fait  évident  que  les  axiomes  nous  par- 
raissent  être  nécessairement  vrais  et  que  nous  ne  pouvons 
même  pas  nous  figurer  un  espace  ne  possédant  pas  les  pro- 
priétés qui  sont  formulées  par  ces  axiomes,  pour  établir  qu'ils 
existaient  avant  toute  expérience  et  que,  par  suite,  l'espace 
est  une  forme  transcendante  de  l'intuition,  indépendante  de 
l'expérience. 

Cette  doctrine  de  Kant,  contraire  à  celle  de  Locke,  Condillac 
et  des  autres  sensualistes,  eut  un  grand  nombre  d'adver- 
saires (*). 

C'est  ainsi  que  Gauss  s'est  prononcé  plusieurs  fois  contre 
elle  ;  il  exprimait  cet  avis,  que  les  principes  de  la  géométrie  ne 
nous  apparaissent  pas  avec  le  caractère  de  nécessité  absolue 
(et,  par  conséquent,  de  vérité  certaine)  que  doit  présenter  la 
science  des  quantités,  c  Nous  devons  avouer  humblement  que, 
si  le  nombre  n'est  que  le  produit  de  notre  esprit,  l'espace 
possède,  en  dépit  de  lui,  une  réalité  à  laquelle  nous  ne  pou- 
vons, a  priori,  dicter  des  lois  (*).  > 

En  Russie,  la  doctrine  de  l'espace  de  Kant  fut  combattue 
dans  la  première  année  universitaire  de  Lobatchevsky  par  un 
autre  savant  mathématicien  russe  du  commencement  de  ce 
siècle,  le  professeur  de  l'Université  de  Kharkof,  T.  Ossipovsky, 

0  Un  de  ses  adversaires  fut  P.- A.  Adam  Weishanpt,  fondateur  bien  connu  de 
Tordre  des  «  Illuminés  b,  comme  le  montre  son  ouvrage:  Zweifel  ueher  die 
kantimshen  Begriffe  wm  Zeit  und  Raum,  Nuemberg,  1788.  (Sur  Weishaupt, 
▼.  mon  livre  Bronner  et  Lobatchevsky;  deux  épisodes  de  la  vie  des  premiers 
professeurs  de  Kazan.  1893.) 

O  Briefwech$el  zwi$chen  Gauss  und  Bessel,  Leipzig,  1880,  p.  407. 


318  A.  VASSILIEP. 

traducteur  de  la  Logique  de  Condillac.  Dans  son  discours  Le 
temps  et  l'espace,  Ossipovsky,  se  plaçant  à  un  point  de  vue 
sensualiste^  se  prononce  catégoriquement  pour  Tobjectivité  de 
Tespace  :  c  L'espace  et  le  temps  sont  les  conditions  d'être  des 
choses.  Ils  existent  dans  la  nature  par  eux-mêmes  et  non  pas 
seulement  dans  notre  imagination.  La  conception  de  Tespace 
provient  des  impressions  de  nos  sens  extérieurs  sur  nos  senti- 
ments intérieurs.  > 

On  ne  peut  donc  supposer  qu'un  érudit  comme  Lobatchevsky 
soit  resté  indifférent  à  ces  questions  qui  agitaient  les  esprits 
de  son  époque.  En  effet,  par  ses  investigations  géométriques  et 
par  sa  démonstration  de  la  possibilité  d'une  géométrie  stricte- 
ment logique,  différente  de  celle  d'Euclide,  il  répondait  victo- 
rieusement à  la  question  posée  par  Kant. 

  la  solution  donnée  dans  la  Critique  de  la  Raison  pure, 
Lobatchevsky  en  opposa  une  autre,  consistant  à  regarder  un 
des  principes  indispensables  de  la  géométrie,  le  postulat  d'Eu- 
clide,  comme  une  loi  physique,  une  «:  Donnée  empirique  »  et  il 
cherche  à  l'établir  par  des  observations  astronomiques. 

Lobatchevsky  formula  de  la  façon  la  plus  nette  sa  pensée 
géniale  à  la  première  page  de  ses  Nouveaux  Principes:  c  On 
ne  peut  encore  déduire  de  la  géométrie  le  principe  qu'on  a 
voulu  démontrer  et  que  peuvent  seules  vérifier,  d'une  manière 
analogue  à  celle  des  autres  lois  physiques,  les  expériences,  les 
observations  astronomiques  par  exemple.  >  Cette  pensée  est 
directement  opposée  à  l'opinion  suivant  laquelle  notre  notion 
de  l'espace  serait  une  notion  absolue  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de 
vérifier  par  l'expérience. 

A  cette  doctrine  de  l'espace  qui  formait  une  des  pierres 
angulaires  de  la  Critique  de  la  Raison  pure,  Lobatchevsky 
porta  un  coup  décisif. 

On  croyait  pouvoir  affirmer  jusqu'alors  que  ne  sachant  rien 
de  la  substance  des  choses  qui  se  produisent  dans  la  nature, 
ne  voyant  que  les  phénomènes  et  ne  connaissant  pas  c  ces 
choses  en  elles-mêmes  :>,  nous  avions^  en  géométrie  du  moins, 


N.-l.   LOBATCHBVSKT.  319 

une  notion  absolue  de  Tespace,  qu'il  avait  les  mêmes  pro- 
priétés ici  et  là,  aujourd'hui,  hier  et  demain. 

Après  Lobatchevsky,  un  géomètre  quelconque,  trouvant 
également  logique  la  formule  de  Fespace  donnée  par  Euclide, 
celle  donnée  par  Lobatchevsky,  celle,  aussi,  qui  est  connue  sous 
le  nom  de  Riemann,  n'affirmera  pas  qu'il  perçoit  les  propriétés 
de  l'espace  à  une  grande  distance  de  nous,  ni  qu'il  sait  quelles 
ont  été  ces  propriétés,  pas  plus  qu'il  ne  sait  quelles  sont  celles 
qu'il  aura. 

Après  les  recherches  de  Lofoatchevsky,  de  même  qu'à  la  suite 
de  la  découverte  de  Copernic,  l'horizon  intellectuel  de  l'huma- 
nité devient  infiniment  plus  vaste. 

Après  Copernic,  les  hommes  qui  croyaient  avoir  une  notion 
absolue  du  cosmos,  ayant  en  son  centre  la  terre  entourée  de 
sphères  cristallines  et  concentriques,  se  sont  trouvés,  inopiné- 
ment, habiter  un  grain  de  sable  insignifiant  dans  l'immense 
océan  des  mondes.  Y  a-t-il  une  limite  à  cet  océan?  Quelle  est- 
elle?  Telles  sont  les  questions  posées  par  le  système  de  Coper; 
nie.  Les  investigations  de  Lobatchevsky  introduisirent  dans  la 
philosophie  de  la  nature  un  problème  de  non  moindre  impor- 
tance, celui  des  propriétés  de  l'espace.  Sont-elles  les  mêmes  ici 
que  dans  ces  mondes  éloignés  d'où  la  lumière  arrive  jusqu'à 
nous  après  des  centaines  de  mille  et  des  millions  d'années? 

Sont-elles  les  mêmes  maintenant  qu'elles  étaient  lorsque  le 
système  solaire  se  forma  des  débris  de  la  nébuleuse?  Et  que 
seront-elles  lorsque  l'univers  se  rapprochera  de  l'état  corres- 
pondant à  une  distribution  de  l'énei^ie  partout  égale,  état  dans 
lequel  les  physiciens  voient  la  fin  des  évolutions  du  monde? 

On  voit  comment  s'établit  un  parallèle  entre  Copernic  et 
Lobatchevsky,  parallèle  mis  en  lumière  pour  la  première  fois 
par  Clifford  (^)  dans  sa  Philosophy  of  the  pure  sciences  et 
consacré  depuis  par  l'autorité  d'un  grand  nombre  de  savants. 

Le  surnom  de  a:  Copernic  de  la  géométrie  >,  deux  fois  Qatteur 

(^)  Lectur$$  and  E§tay§.  |«on4on,  1S66. 


320  A.   VA8SILIEP. 

pour  un  cœur  slave,  est  appliqué  à  Lobatchevsky  par  le  grand 
savant  anglais  Sylyester  (^). 

En  affirmant  la  relativité  de  nos  notions  de  Tespace,  Lobat- 
chevsky nous  indique,  en  même  temps,  la  voie  à  suivre  pour 
les  acquérir  et  les  étendre  :  c'est  la  voie  expérimentale. 

Sous  ce  rapport,  il  se  présente  comme  continuateur  de 
Tœuvre  des  grands  savants  et  philosophes  :  Bacon,  Descartes, 
Galilée  et  Newton,  qui,  laissant  de  côté  les  considérations  a 
priorij  commencèrent  à  interroger  la  nature,  sachant,  comme 
Ta  dit  Lobatchevsky,  qu'elle  répond  toujours  et  d'une  manière 
satisfaisante  (^). 

Les  investigations  de  Lobatchevsky  sont  le  développement  de 
ridée  émise  par  Newton  dans  la  préface  de  ses  Principia,  idée 
qui  consiste  à  regarder  la  géométrie  comme  une  partie  de  la 
mécanique  : 

a:  Fundatur  igitur  geometria  in  praxi  Mechanica  et  nihil 
aliud  est  quam  Mechanicae  universalis  pars  illa  quae  artem 
mensurandi  proponit  ac  demonstrat.  9 

Pendant  toute  la  période  de  son  activité  scientifique,  Lobat- 
chevsky nous  apparaît  comme  un  représentant  parfait  de  la 
clarté  ^e  Tesprit  russe,  aspirant  à  l'évidence  des  faits  et  préfé- 
rant aux  indications  douteuses  d'un  sentiment  intérieur  et 
aux  méditations  métaphysiques  la  vérité  scientifique  basée  sur 
l'expérience. 

Lobatchevsky  a  exprimé  plusieurs  fois  ses  opinions  sur  la 
philosophie  de  la  nature. 

a:  Dans  la  nature,  dit-il,  nous  ne  connaissons,  à  proprement 
parler,  que  le  mouvement,  sans  lequel  les  impressions  devien- 
nent impossibles.  Toutes  les  autres  notions,  les  notions  géomé- 
triques, par  exemple,  ont  été  produites  artificiellement  par 
notre  esprit  et  sont  tirées  des  propriétés  du  mouvement.  C'est 

0 1  cordially  join  wUh  you  in  the  hope  that  our  Engliih  mathenuUieiant 
may  not  be  wantlng  in  the  manifestation  ofan  honour  due  to  your  ii^tiflrîotit 
compatriot,  the  Cofpemicva  of  Geometry  [Prom  a  letter  ofprof.  Sylvetter  to 
the  author  of  the  addressj . 

(*)  Adresse  sur  les  objets  principaux  de  Téducatioa,  Nouvelle*  de  Kamn. 


N.-l.   LOBATCHBYSKT.  321 

pourquoi  Tespace,  pris  séparément  (^),  n'existe  pas  pour  nous. 

c  Les  premières  données  seront  incontestablement  les  notions 
que  nous  acquérons  dans  la  nature  au  moyen  de  nos  sens;  la 
raison  peut  et  doit  les  réduire  au  plus  petit  nombre  possible 
pour  qu'elles  servent  ensuite  de  base  solide  à  la  science.  » 
(Nouveaux  Principes  de  géométrie.) 

Lobatchevsky  a  encore  montré  ses  tendances  vers  la  méthode 
expérimentale  dans  son  remarquable  discours  :  Sur  les  prin- 
cipaux objets  de  Véducation  : 

€  Les  mathématiciens  ont  découvert  les  méthodes  directes 
pour  arriver  à  la  vérité.  Mais  il  n'y  a  pas  longtemps  que  nous 
les  utilisons.  Elles  nous  ont  été  indiquées  par  l'illustre  Bacon. 

c  Cessez,  disait-il,  de  faire  des  efforts  inutiles,  en  tâchant  de 

>  tirer  toute  science  de  la  raison  ;  interrogez  la  nature,  elle  ren- 
»  ferme  toutes  les  vérités  et  répondra  infailliblement  et  d'une 

>  manière  satisfaisante  à  vos  questions.  :»  Enfin,  le  génie  de 
Descartes  mit  heureusement  en  œuvre  cette  idée  et  c'est  à  lui 
que  nous  devons  de  voir  aujourd'hui  presque  complètement 
dissipées  les  ténèbres  dont  une  scholastique  surannée  avait 
autrefois  rempli  nos  universités.  > 

Comme  on  le  voit,  Lobatchevsky  en  rejetant  celui  des  postu- 
lats d'Euclide  que  Kant  considérait  comme  une  vérité  néces- 
saire, en  montrant  la  possibilité  de  fonder  une  géométrie  en 
dehors  de  ce  postulat  et  en  insistant  sur  la  vanité  de  tous  les 
efforts  tentés  pour  démontrer  ce  dernier,  n'obéissait  pas  au 
caprice  d'un  esprit  qui  veut  se  singulariser  comme  le  pensèrent 
la  plupart  des  mathématiciens  de  son  temps. 

Le  problème  résolu  par  Lobatchevsky  était  le  problème  mis 
à  l'ordre  du  jour  par  les  mathématiciens  et  les  philosophes  de 
son  époque. 

Or,  pour  l'entrevoir,  il  a  fallu  le  génie  de  Gauss  et  de  Lobat- 

(^)  U  me  semble  que  le  mot  c  séparément  »  veut  dire  ici  c  indépendamment  du 
monyement  et  des  dimensions  >.  La  question  des  propriétés  de  l'espace  parait 
coïncider  alors  avec  la  science  des  mesures.  Cette  pensée  est  à  la  base  des  idées 
de  Cayley  et  de  Klein,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  sur  la  géométrie  de  Lobat- 
chevsky. 


221  A.  TASSILIEF. 

chevsky,  et  pour  le  mener  à  bien,  il  fallait  la  persévéraDce  et 
Tassiduité  de  ce  dernier. 

Pour  nous  autres,  ce  sera  toujours  un  sujet  de  pieuse  admi- 
ration et  de  joie  patriotique  de  voir  qu^un  tel  problème,  posé 
par  les  penseurs  des  nations  civilisées  de  TEurope,  ait  été 
résolu  par  un  savant  qui  a  vécu  à  Kàzan,  loin  de  tout  centre 
intellectuel,  sans  jamais  quitter  la  Russie,  sans  s'être  jamais 
trouvé  en  communication  immédiate  avec  les  philosophes  et 
les  géomètres  de  TEurope  occidentale. 

Les  recherches  auxquelles  il  se  livra  pour  instituer  une 
géométrie  indépendante  de  celle  d'Euclide,  la  Géométrie  de 
Lobatchevsky,  furent  faites  à  une  époque  de  la  vie  de  Tuniver- 
site  de  Kazan  qui  est  liée  au  nom  de  Magnitsky. 

Cette  époque  ne  protégea  pas  les  travaux  de  science  pure. 
Mais,  pendant  que  le  collègue  de  Lobatchevsky,  le  professeur 
Nikolsky,  entraîné  par  le  courant  qui  dominait  alors,  cherche 
en  son  ouvrage  :  De  V  Utilité  des  MathAnatiques,  des  inter- 
prétations mystiques  des  vérités  mathématiques,  Lobatchevsky» 
qui  dans  ses  travaux  avait  en  vue  la  vérité  scientifique  seule,*^ 
y  trouve  le  repos  et  Toubli  du  sombre  présent. 

On  a  découvert  dans  les  archives  de  TUniversité  de  Kazan 
un  ouvrage  intéressant,  qui  montre  que  les  travaux  de  Lobat^- 
chevsky  sur  Texposition  systématique  de  la  géométrie  ont 
commencé  avant  1823.  Dans  cette  même  année,  il  présenta  à 
Magnitsky,  pour  le  faire  imprimer  aux  frais  de  TÉtat,  comme 
livre  classique,  un  manuel  de  géométrie  qu'il  venait  d'écrire. 

Magnitsky  le  fit  parvenir  à  Tacadémicien  Fuss,  qui  jugea  ce 
livre  très  sévèrement  :  c  Si  Pauteur  croit  qu'il  peut  servir  de 
manuel,  il  montre  par  là  qu'il  n^a  pas  la  notion  exacte  de  ce 
que  Ton  doit  exiger  d'un  ouvrage  de  ce  genre,  c'est-à-dire  du 
rôle  capital  des  principes  géométriques  qui  servent  de  fonde- 
ment à  la  première  partie  de  cette  science,  des  méthodes 
mathématiques,  de  la  nécessité  des  définitions  précises  et 
claires  de  toutes  les  notions,  d'un  classement  logique  et 
mathématique  des  sujets,  d'une  |radoation  nécessaire  de^ 


N.-J^  LOBATCHBVSKT.  323 

principes  géométriques,  d'une  rigueur  indispensable  et  autant 
que  possible  parfaitement  géométrique  dans  les  démonstra* 
tions.  De  toutes  ces  qualités  requises,  il  n'y  a  pas  la  moindre 
trace  dans  la  géométrie  que  je  viens  d'examiner.  > 

Conformément  à  Tesprit  et  à  la  manière  de  voir  de  son 
correspondant,  Fuss  s'indigne  surtout  de  ce  que  Tauteur  prend 
le  c  mètre  >  pour  unité  de  mesure  des  lignes  droites,  et  pour 
unité  de  mesure  des  arcs  la  centième  partie  du  quart  de  la 
circonférence,  sous  le  nom  de  c  degré  >. 

<  On  sait,  écrit-il,  que  cette  division  a  été  imaginée  au 
moment  de  la  Révolution  française,  alors  que  la  rage  de  tout 
détruire  s'étendit  même  aux  calendriers  et  aux  divisions  de  la 
circonférence.  Mais  cette  nouveauté  n'a  été  adoptée  nulle  part 
et  en  France  elle  fut  rejetée;  l'évidence  de  ses  inconvénients 
étant  reconnue.  > 

Fuss,  impitoyable  dans  son  jugement,  ne  pouvait  prévoir 
que  soixante-dix  ans  plus  tard,  non  seulement  les  mathémati- 
ciens russes,  mais  encore  ceux  de  l'univers  entier,  s'intéresse- 
raient vivement  à  ces  premiers  efforts  de  Lobatchevsky  sur 
l'interprétation  à  donner  à  la  géométrie. 

Malheureusement,  ce  curieux  manuscrit  a  été  perdu.  On 
voit,  par  les  lettres  de  Fuss,  que  Lobatchevsky  a  exposé  dans 
son  manuel  des  idées  originales  sur  la  théorie  des  parallèles, 
mais  l'existence  de  ce  manuel  montre  que  ses  études  géomé- 
triques ont  commencé  avant  1823.  Il  est  probable  que  c'est  peu 
de  temps  après  avoir  présenté  son  manuel  de  géométrie  qui 
eut  un  succès  si  pitoyable,  que  Lobatchevsky  acheva  son  sys- 
tème de  géométrie  ;  il  attendit  pour  le  publier  une  époque  plus 
favorable. 

Il  semble  que  ce  n'est  pas  seulement  à  un  hasard  que  l'on 
doit  de  voir,  le  8  février  1826,  le  général-major  Jeltouchine 
arriver  à  Kazan  pour  c  renouveler  l'Université  :»,  tombée  en 
complet  désarroi  sous  l'influence  de  Magnitsky,  et,  trois  jours 
après,  le  11  février  1826,  la  section  physico-mathématique 
examiner  le  nouvel  ouvrage  de  Lobatchevsky  :  Exposition  suc- 


324  A.   VASSILIEP. 

cincte  des  principes  de  la  géométrie  avec  une  démonstration 
rigoureuse  du  théorème  des  parallèles  (sic).  » 

La  visite  de  Jeltouchine  eut  pour  conséquence  la  démis- 
sion immédiate  de  Magnitsky. 

C'est  alors  que  commença  pour  TUniversité  de  Kazan  une 
ère  nouvelle  et  plus  lumineuse,  où  se  fit  sentir  le  besoin 
d'hommes  dévoués  à  la  science  et  à  TUniversité. 

La  confiance  que  Lobatchevsky  inspirait  à  ses  collègues  le  fit 
choisir  comme  recteur.  A  partir  du  3  mai  1827,  il  occupa  pen- 
dant dix-neuf  ans  la  première  place  à  TUniversité  de  Kazan,  la 
servant  avec  un  dévouement  absolu  et  une  énergie  infatigable. 

Recteur  à  trente-trois  ans,  Lobatchevsky  profite  de  la  première 
occasion  favorable  pour  exprimer  ouvertement  ses  opinions 
sur  l'éducation  de  la  jeunesse  et  sur  le  but  de  l'Université, 
opinion  directement  opposée  à  celles  qui  y  régnaient  quel- 
ques années  auparavant.  Dans  la  séance  solennelle  du  5  juil- 
let 1828,  il  prononça  son  remarquable  discours  sur  les  points 
les  plus  importants  de  l'éducation,  et  c'est  sur  ce  discours  que 
je  demande  la  permission  d'attirer  maintenant  l'attention.  Il 
commence  par  indiquer  l'importance  de  l'éducation  :  €  Imagi- 
nez dans  quelle  situation  se  trouverait  un  individu,  séparé  de 
la  société,  abandonné  à  ses  instincts,  luttant  contre  la  nature 
sauvage  qui  l'entoure.  Reportez  vos  pensées,  ensuite,  sur  un 
homme  qui,  au  sein  d'une  société  organisée,  au  milieu  de 
ses  concitoyens  élevés  dans  les  derniers  siècles  de  la  civilisation, 
devient,  par  son  savoir,  l'honneur  et  la  gloire  de  sa  patrie. 
Quelle  différence  !  Quelle  distance  infinie  entre  ces  deux  hom- 
mes! Cette  différence  est  le  résultat  de  l'éducation.  Elle  com- 
mence au  berceau,  s'acquiert,  tout  d'abord,  par  l'imitation 
seule;  peu  à  peu  l'esprit,  la  mémoire,  l'imagination,  l'amour 
du  beau  se  développent.  Puis,  l'amour-propre,  l'amour  du  pro- 
chain, la  passion  de  la  gloire,  le  sentiment  de  l'honneur,  le 
désir  de  jouir  de  la  vie  s'éveillent  en  lui.  Toutes  les  facultés  de 
l'esprit,  tous  les  talents,  toutes  les  passions  se  perfection- 
nent par  l'éducation,  qui  les  fond  en  un  tout  harmonieux,  et 


N.-J.   LOBATCHEVSKT.  32B 

rhomme,  semblant  naître  une  seconde  fois,  nous  paraît  réali- 
ser l'idéal  de  la  perfection. 

>  Toutefois,  réducation  ne  doit  pas  tendre  à  étouffer  ni  à 
détruire  complètement  les  passions  de  Thomme  ni  les  aspira- 
tions qui  lui  sont  particulières.  Tout  ce  qui  est  en  lai  doit 
tester  en  lui,  sans  cela  nous  défigurerons  sa  nature,  nous  la 
violenterons  et  nous  entraverons  son  bien-être.  On  entend  très 
souvent  récriminer  contre  les  passions  ;  or,  comme  Ta  si  juste- 
ment dit  Mably,  plus  les  passions  sont  fortes,  plus  elles  sont 
utiles  à  la  société  ;  ce  n'est  que  leur  direction  qui  peut  être 
nuisible. 

>  Cependant,  la  culture  de  l'esprit  ne  constitue  pas  seule 
l'éducation. 

>  L'homme  qui  enrichit  son  esprit  par  la  scien^ce  doit  encore 
apprendre  à  jouir  de  la  vie...  Je  veux  parler  de  l'éducation  du 
goût.  Vivre,  c'est  sentir,  jouir  de  la  vie,  éprouver  continuelle* 
ment  quelque  sensation  nouvelle  qui  doit  nous  rappeler  que 
nous  vivons...  Rien  ne  resserre  le  cours  de  la  vie  comme 
l'ignorance  ;  elle  nous  mène  par  un  chemin  tout  droit  et  mono- 
tone du  berceau  à  la  tombe.  Dans  les  classes  inférieures  de  la 
société,  le  labeur  exténuant  imposé  par  la  nécessité,  alternant 
avec  le  repos,  suffit  à  l'esprit  du  cultivateur,  de  l'ouvrier; 
mais  vous,  dont  l'existence,  par  un  hasard  injuste,  est  devenue 
une  charge  pour  les  autres,  vous,  qui  avez  l'esprit  triste  et  les 
sentiments  éteints,  vous  ne  jouissez  pas  de  la  vie.  Pour  vous, 
la  nature  est  morte,  les  beautés  de  la  poésie  vous  sont  étran- 
gères, l'architecture  n'a  pour  vous  ni  charme  ni  magnificence, 
l'histoire  des  siècles  ne  vous  offre  aucun  intérêt. 

:»  Je  me  console  à  l'idée  qu'il  ne  sortira  jamais  de  tels  produits 
de  la  culture  de  notre  Université,  qu'ils  n'y  entreront  même 
pas.  Ils  n'y  entreront  pas,  je  le  répète,  parce  que  parmi  nous 
règne  l'amour  de  la  gloire,  le  sentiment  de  l'honneur  et  de  la 
dignité  personnelle. 

»I1  semble  que  la  nature,  qui  a  doté  si  généreusement 
l'homme  à  sa  naissance,  ne  s'est  pas  encore  trouvée  satisfaite, 


326  K.  ▼jantinr.    . 

qu'elle  a  inspiré  à  chacun  le  désir  de  surpasser  les  autres,  de 
s'illustrer,  d'être  un  objet  d'admiration,  de  devenir  célèbre,  lui 
imposatit  ainsi  le  devoir  de  se  perfectionner. 

B  L'esprit,  avec  une  activité  continuelle,  aspire  aux  honneurs, 
à  sa  propre  élévation  ;  toute  la  race  humaine  marche  d'un  per- 
fectionnement à  l'autre.  Où  s'arrétera-t-elle? 

>  Goûtons  donc  toutes  les  jouissances  de  la  vie  compatiblesavec 
notre  dignité.  Que  les  exemples  de  l'histoire,  la  juste  notion  de 
l'honneur,  l'amour  de  la  patrie,  éveillés  dans  les  jeunes  années 
donnent  de  bonne  heure  une  noble  direction  à  nos  passions 
et  nous  inspirent  cette  force  qui  nous  permettra  de  triompher 
de  la  mort  I  » 

En  parlant  de  la  moralité  comme  de  l'un  des  objets  les  plus 
importants  de  l'éducation,  Lobatchevsky  insiste  surtout  sur 
l'amour  du  prochain. 

a:  Duclos,  La  Rochefoucauld,  Knigge  ont  expliqué  comment 
l'amour-propre  était  l'impulsion  latente  de  tous  les  actes  de 
l'homme  dans  la  société.  Moi,  je  demande  qui  a  jamais  pu 
enseigner  complètement  quels  sont  les  devoirs  qui  dérivent 
de  l'amour  du  prochain  (^)?  i^ 

Tout  ce  discours,  dont  je  viens  de  citer  quelques  passages, 
est  imprégné,  comme  vous  le  voyez,  d'un  profond  idéalisme, 
4'un  grand  amour  pour  l'Université,  de  respect  pour  la  nature, 
pour  la  raison  et  la  dignité  humaines. 

Ces  belles  paroles  n'étaient  pas  démenties  par  les  exemples 
de  aa  vie,  consacrée  tout  entière  au  développement  de  la 
science  et  aux  progrès  de  sa  chère  Université. 

Il  se  distingua  surtout,  dans  ses  recherches  sur  la  géo- 
métrie, dont  nous  avons  déjà  signalé  l'importance,  non 
seulement  pour  les  mathématiques,  mais  encore  pour  la 
philosophie  naturelle.  Toutefois,  notre  grand  savant  ne  fut 
pas  exclusivement  un  géomètre,  tel  que  Steiner  ou  von  Staudt, 

0)  Dans  ma  brochure  citée  plus  haut,  Bronner  et  Lobatchevsky , y ^i  exprimé, 
comme  hypo^^^»  ridée  que  Lobatchevsky  était  redevable,  en  ce  qui  concerne 
ses  opinions  morales  et  philosophiques,  à  son  maître  Bronner. 


N.-l.   LORATGHEVSET.  327 

et  ses  travaux  sur  Talgèbre  et  Tanalyse  présentent  aussi  un 
intérêt  considérable. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  Lobatchevsky  avait  étudié, 
sous  la  direction  de  Bartels,  le  célèbre  ouvrage  de  Gauss  : 
IH8qui9tti(mes  arithmeticœ.  Dans  cet  ouvrage,  Gauss  donne 
comme  couronnement  à  ses  travaux  sur  la  théorie  des  noni^ 
bres  une  de  leurs  plus  remarquables  applications. 

Les  anciens  géomètres  ont  indiqué  comment  on  construit 
les  côtés  d'un  triangle  régulier,  d'un  hexagone,  d'un  décagone, 
à  l'aide  du  compas  et  de  la  règle.  Gauss  montra  qu'il  existe 
un  nombre  infini  d'autres  polygones  réguliers  qui  peuvent  être 
construits  de  la  même  manière. 

Le  premier  travail  que  Lobatchevsky  présenta  à  la  division 
physico-mathématique  en  i813  :  Sur  la  solution  de  Véqwv- 
tion  algébrique  X"  —  1=0,  se  rapportait,  en  effet,  à  cette 
question.  Plus  tard,  il  y  revint  encore  dans  son  mémoire  : 
Abaissement  du  degré  d^une  équation  à  deux  termes, 
lorsque  Vexposant,  diminua  d'une  unité,  est  divisible  par 
huit,  et  apporta  ainsi  un  complément  important  à  la  théorie 
de  Gauss. 

Vers  1820,  Lobatchevsky  entreprit,  paratt-il,  d'écrire  un 
manuel  d'algèbre  pour  les  lycées.  Quelque  temps  après,  il 
termina  cet  ouvrage,  qui  devait  être,  dans  sa  pensée,  à  la 
fois  un  guide  pour  les  professeurs  et  un  manuel  pour  les 
étudiants. 

Ce  livre  fut  publié  en  1834,  sous  le  titre  :  Algèbre  ou  CaU 
cul  des  nombres  finis,  et  se  distingue  parmi  des  traités 
contemporains  d'algèbre,  publiés  non  seulement  en  Russie, 
mais  aussi  à  l'étranger,  par  l'exposition  systématique  et  la 
rigoureuse  interprétation  des  principes  fondamentaux.  «  Les 
premières  notions  dans  toutes  les  branches  des  sciences  ma- 
thématiques, écrit-il  dans  sa  préface,  s'acquièrent  facilement^ 
mais  sont  toujours  sujettes  à  erreurs.  Nous  sommes  obligés 
quelquefois  de  revenir  en  arrière,  en  mettant  toute  notre 
attention  à  les  éviter.  > 


328  A.  VASSILIEF. 

D'après  Topinion  de  Lobatchevsky,  c  c'est  avec  Tétude  de 
Talgèbre  que  commencent  à  apparaître  toute  Fexactitude 
des  données^  toute  la  profondeur  des  aperçus  que  Ton  peut 
trouver  dans  les  sciences  mathématiques,  tandis  que  Tarith- 
métique  n'est  qu'une  introduction  et  sert  d'exercice  prépara- 
toire. :» 

C'est  pourquoi  il  commence  son  algèbre  par  les  premières 
notions  de  l'arithmétique,  par  les  lois  fondamentales  de  ses 
opérations,  et  donne  une  interprétation  systématique  des 
principes  des  mathématiques  pures,  se  montrant  le  digne 
précurseur  du  grand  mathématicien  et  systématicien  de  notre 
époque,  du  savant  allemand  Weierstrass. 

Le  caractère  de  l'algèbre  de  Lobatchevsky  est  de  constituer 
une  algèbre  complète  ;  c'est  ainsi  qu'il  y  a  introduit  l'étude 
des  fonctions  trigonométriques,  en  leur  donnant  une  défini- 
tion purement  analytique;  sous  ce  rapport,  son  manuel  est 
supérieur  même  aux  ouvrages  classiques  d'Euler  :  Intro- 
ductio  in  Analysin  infinitorum,  et  de  Cauchy  :  Analyse 
algébrique.  Lobatchevsky  y  expose,  entre  autres  choses,  sa 
manière  particulière  dé  reconnaître  la  convergence  et  la 
divergence  des  séries  infinies.  Il  eut  plus  tard  à  revenir  sur 
cette  question  dans  plusieurs  mémoires  : 

l^  De  la  convergence  des  séries  trigonométriques  (Nou- 
velles scientifiques  de  l'Université  impériale  de  Kazan,  1834); 

2^  Méthode  pour  reconnaître  la  divergence  des  séries 
infinies  et  pour  déterminer  la  valeur  des  fonctions  de  trois 
grands  nombres  (Notes  scientifiques  de  l'Université  de  Kazan, 
1835); 

3^  Veber  die  Convergenz  der  unendlichen  Reihen  (Kazan, 
1841). 

Déjà,  dans  le  premier  de  ces  mémoires,  Lobatchevsky  traite 
le  problème  fondamental  du  calcul  différentiel,  des  relations 
entre  la  continuité  et  la  difierentiation,  devançant  ainsi, 
comme  dans  la  question  sur  les  principes  de  la  géométrie, 
ses  contemporains  d'un  demi-siècle. 


N*-J.  LOBAXCHEVSKT.  329 

Les  mathématiciens  du  xviii^  siècle  n'ont  pas  touché  à  la 
question  des  relations  entre  la  continuité  et  la  différentiation, 
présumant  que  toute  fonction  continue  est^  eo  ipso,  une  fonc- 
tion ayant  une  dérivée.  Ampère  essaya  de  le  démontrer^  mais 
sa  démonstration  ne  fut  pas  suffisamment  probante. 

Cette  question  du  rapport  entre  la  continuité  et  la  diffé- 
rentiation  attira  de  nouveau  Tattention  en  1870,  lorsque 
Weierstrass  donna  Texemple  d'une  fonction  continue  dans 
un  certain  intervalle^  mais  n'ayant  pas  dans  cet  intervalle  de 
dérivée  définie  (c'est-à-dire  ne  pouvant  être  différentiée).  Or, 
Lobatchevsky  avait  insisté  déjà  en  1830  sur  la  nécessité  de 
distinguer  la  progression  (ce  terme  étant  employé  avec  le  sens 
du  mot  continuité,  qui  l'a  remplacé  aujourd'hui)  et  la  conti- 
nuité (la  diffërentiation)  des  fonctions. 

Il  formula  très  nettement  cette  différence  dans  sa  méthode 
pour  reconnaître  la  convergence...  cLa  fonction  est  progres- 
sive quand  son  accroissement  tend  vers  zéro  en  même  temps 
que  l'accroissement  de  la  variable  X.  Elle  est  continue  lorsque 
le  rapport  de  ces  deux  accroissements,  quand  ils  décroissent, 
conduit  à  une  nouvelle  fonction  qui  sera,  par  conséquent,  un 
c  coefficient  différentiel  ».  Les  intégrales  doivent  toujours  être 
prises  dans  des  intervalles  tels  que  les  éléments  sous  chaque 
signe  d'intégratfon  conservent  leur  gradualité  et  leur  continuité.  i^ 

Lobatchevsky  entre  dans  plus  de  détails  sur  cette  question 
dans  sa  notice  Sur  la  convergence  des  séries  trigonométri- 
queSf  qui  renferme  une  discussion  générale  des  fonctions  d'un 
très  grand  intérêt. 

c  II  semble,  écrit-il,  qu'on  ne  peut  douter  de  la  véracité  de 
tout  ce  qui  est  susceptible  d'être  traduit  par  des  chiffres,  et 
que  toute  relation  et  toute  variation  se  produisant  ici-bas 
doivent  pouvoir  s'exprimer  par  une  fonction  analytique.  Or,  la 
théorie  n'admet  généralement  l'existence  des  relations  qu'en 
tant  qu'on  considère  les  nombres  unis  entre  eux  comme  des 
données  uniques.  Lagrange,  dans  son  calcul  des  fonctions, 
par  lequel  il  a  cherché  à  remplacer  le  calcul  différentiel,  en 

T.  I  &  Série).  22 


330  A.  VASSILIBP. 

voulant  mettre  une  rigueur  expressive  dans  son  raisonnement, 
a  trouvé  dans  cette  rigueur  même  une  entrave  qui  a  limité 
ses  efforts,  j» 

Je  ne  rappellerai  pas  les  autres  ouvrages  de  Lobatchevsky 
sur  la  théorie  des  probabilités  et  sur  la  mécanique.  Toutes  ses 
œuvres  témoignent  de  son  habileté  remarquable  pour  le  calcul 
et  montrent  que  son  génie  mathématique  pénétrait  jusqu'au 
fond  des  questions  les  plus  subtiles  de  l'analyse.  Son  amour 
pour  rétude  ne  s'arrêtait  pas  seulement  aux  mathématiques, 
c  ce  triomphe  de  Tesprit  humain,  »  il  s'étendait  à  toutes  les 
branches  de  la  science.  La  botanique,  la  phimie,  Tanatomie 
l'intéressaient  également  et  lui  étaient  familières  ;  cependant, 
il  aimait  par-dessus  tout  les  sciences  expérimentales. 

Ce  n'est  pas  en  vain  que  Lobatchevsky,  dans  ce  passage  de 
son  discours  que  nous  avons  cité  plus  haut,  parle  avec  un  tel 
enthousiasme  de  l'importance  de  l'expérience. 

Nous  le  trouvons,  par  exemple,  prenant  une  part  active  aux 
observations  faites  sur  la  température  du  sol.  Dans  ce  but,  on 
fit  construire  dans  la  cour  de  l'Université  un  puits  au  fond 
duquel,  à  une  profondeur  d'environ  31  mètres  (15  sagènes), 
on  plaça  près  de  vingt  thermomètres.  Entre  1833-34,  le  nom- 
bre de  ces  observations  était  de  trois  mille  six  cent  cinquante. 
Elles  furent  interrompues  en  1835,  à  cause  du  dégagement 
considérable  d'acide  carbonique  qui  se  produisit  dans  le  puits  ; 
mais,  en  1851,  Lobatchevsky  recommença  ses  investigations 
et  porta  surtout  son  attention  sur  l'étude  de  la  température 
du  stratum  végétal.  Pour  les  mesures  de  température,  dont 
l'importance  pour  l'agriculture  ne  commence  à  être  reconnue 
que  de  nos  jours,  il  invente  lui-même  un  thermomètre  métal- 
lique d'une  construction  particulière. 

Lobatchevsky  éprouvait  le  même  intérêt  scientifique  pour 
l'astronomie. 

Le  S6  juillet  1842,  on  pouvait  voir  dans  une  partie  de  la 
Russie  une  éclipse  totale  de  soleil.  Lobatchevsky  se  joignit  i 
l'expédition  de  Penza,  envoyée  par  l'Université  de  Kazan,  et 


N.-l.   LOBATCHEVSKT.  331 

qui  se  composait  de  Tobservateur  astronome  Liapounof  et  du 
physicien  Knorr.  Il  publia  à  son  retour  un  rapport  des  plus 
détaillés,  qui  contenait,  entre  autres  choses,  des  renseigne^ 
ments  sur  le  phénomène  merveilleux  de  la  couronne  solaire 
(phénomène  qui  ne  peut  être  observé  que  pendant  les  éclipses 
de  soleil),  ainsi  que  des  critiques  et  des  interprétations  de 
diverses  théories  relatives  à  cette  question.  Lobatchevsky  ne 
croit  pas  à  Texplication  du  phénomène  par  la  présence  d'une 
atmosphère  solaire,  ni  à  celle  qui  la  trouve  dans  la  courbure 
des  rayons  à  la  surface  de  la  lune.  En  parlant  de  cette  der- 
nière, Lobatchevsky  exposait  son  opinion  sur  la  théorie  de  la 
lumière,  c  Le  système  des  ondulations,  dit-il,  ne  peut  pas  être 
appelé  une  théorie  ;  il  ne  doit  être  regardé  que  comme  Texpres- 
sion  même  des  phénomènes  que  Ton  veut  démontrer.  La  véri- 
table théorie  doit  être  contenue  dans  un  seul  et  unique  principe, 
d'où  les  phénomènes  résultent  comme  condition  nécessaire  et 
avec  leurs  différentes  variétés.  Parler  des  vibrations,  c'est  rai- 
sonner sur  une  chose  qui,  en  somme,  n'existe  pas,  de  même 
que  nous  considérons  des  lignes  et  des  surfaces,  tandis  que 
dans  la  nature  on  ne  constate  que  des  corps.  » 

Non  satisfait  de  la  théorie  des  ondulations,  Lobatchevsky 
exprima  l'idée  qu'il  serait  possible  de  la  combiner  avec  celle 
de  l'émission,  en  admettant  que  les  particules  lumineuses 
reçoivent  à  leur  origine  un  mouvement  de  translation  aussi 
bien  que  de  vibration. 

Le  premier  serait  alors  la  cause  de  la  lumière  et  de  la  cha- 
leur, le  dernier  expliquerait  les  phénomènes  de  la  polarisation. 
On  peut,  d'après  lui,  s*en  tenir  à  la  théorie  de  l'émission  de 
Newton,  en  y  ajoutant  que  la  résistance  que  l'éther  rencontre 
sur  son  chemin  serait  la  cause  des  ondulations,  comme  l'eau 
d'une  rivière  qui  trouve  une  digue  s'élève  en  vagues,  se  divise, 
en  laissant  un  espace  libre,  en  deux  courants  qui  se  réunissent 
bientôt;  ou  bien,  comme  l'air  qui,  venant  se  heurter  à  un 
obstacle,  entre  en  vibration  (ici  ces  vibrations  produisent  quel- 
(|uefois  le  son),  se  partage  en  deux  courants  séparés  par  un 


332  A.  VASSÎLIEF. 

vide,  puis  le  courant  primitif  reprend  son  cours.  L'eau  passée 
par-dessus  la  digue,  de  même  que  le  vide  laissé  par  Tair,  cor- 
respondent à  Tombre  projetée  par  les  corps  opaques;  la  ten- 
dance de  Teau  ou  de  Tair  à  couler  ensemble  de  deux  côtés 
différents  nous  est  représentée  par  la  déviation  de  la  lumière 
vers  le  milieu  de  Tombre.  ]» 

Revenant  sur  le  phénomène  de  la  couronne  solaire,  Lobat- 
chevsky  admet  qu^au  contact  de  la  lumière,  la  surface  de 
notre  atmosphère  devient  elle-même  lumineuse,  et  que  nous 
voyons  dans  Panneau  qui  entoure  la  lune  la  lumière  prove- 
nant des  régions  supérieures  de  Tair.  e:  C'est  ainsi  que  notre 
mince  enveloppe  terrestre  doit  paraître  briller  d'un  vif  éclat 
aux  habitants  des  autres  planètes  aussi  bien  qu'à  ceux  qui 
habiteraient  la  lune.  > 

La  variété  des  travaux  de  Lobatchevsky  doit  nous  étonner 
d'autant  plus  que  l'activité  déployée  par  lui  en  tant  que  profes- 
seur et  recteur  de  l'Université  pouvait  absorber,  à  elle  seule, 
tout  son  temps. 

Vers  1820,  il  ne  restait  plus  à  l'Université  de  Kazan  aucun 
des  anciens  professeurs  allemands  de  Lobatchevsky. 

L'année  1816  avait  vu  le  départ  de  Littrof  et  la  mort  de 
Renner.  Un  an  après  Bronner,  ayant  pris  un  congé  de  six  mois, 
partait  pour  la  Suisse  et  ne  revenait  plus  à  Kazan. 

En  1820,  Bartels  échangeait  sa  chaire  de  Kazan  pour  celle  de 
professeur  à  Dorpat.  A  la  faculté  (section  physico-mathémati- 
que), primitivement  si  riche  en  hommes  de  science,  il  ne 
restait  que  Lobatchevsky,  Simonof  et  Nikolsky. 

Le  second  d'entre  eux  entreprit  bientôt  un  voyage  autour  du 
monde  avec  Beliingshausen,  et  Nikolsky  s'adonna  tout  entier  à 
la  reconstruction  de  l'Université.  Tout  le  poids  de  l'enseigne- 
ment retomba  sur  Lobatchevsky,  qui  professa  les  mathémati- 
ques pures,  la  physique  et  l'astronomie  (^). 

(0  Je  vais  donner,  à  titre  d'exemple,  quelques  firagments  de  la  distribution  des 
cours  et  des  objets  d'enseignement  à  TUniversité  impériale  de  Kazan. 
Depuis  le  17  août  1824  jusqu'au  SB  juin  1825,  Nicolas  Lobatchevsky,  doyen  de 


N.-l.  LOBATCflBVSKT .  333 

Au  retour  du  voyage  autour  du  monde  de  Simonof^  Lobat- 
chevsky  n'enseigna  plus  Tastronomie;  il  s'occupa  des  cours  de 
mécanique  et  de  physique  mathématique.  Ce  n'est  que  vers 
1840,  lorsque  la  (section)  faculté  physico- mathématique  s'as- 
sura le  concours  de  Knorr,  comme  professeur  de  mécanique, 
et  du  très  regretté  Kotelnikof,  que  beaucoup  d'entre  nous  se 
rappellent  encore  que  Lobatchevsky  put  s'en  tenir  à  l'enseigne- 
ment exclusif  des  mathématiques  pures  ('). 

Ne  se  contentant  pas  de  ses  cours  officiels,  Labatchevsky  fit 
plus  d'une  fois  des  cours  de  physique  publics.  Dans  un  de  ces 
cours,  il  traita  la  théorie  de  la  décomposition  chimique  et  la 


la  section  phynco-mathématiqae,  professeur  ordinaire  de  mathématiques  pures, 
enseigna  : 

a)  Sur  les  mathématiques  : 

Aux  étudiants  de  la  première  dlmion:  Les  propriétés  des  nombres  entiers.  Les 
exposants  imaginaires.  Les  racines  des  équations.  Les  principes  de  la  géométrie. 
La  trigonométrie  plane  et  sphérique,  d'après  ses  propres  notes. 

Aux  étudiants  de  la  deuxième  division  :  La  géométrie  analytique.  Le  calcul  des 
différences.  Les  principes  du  calcul  différentiel,  d'après  le  manuel  de  Lacroix. 

Aux  étudiants  de  la  troisième  division  :  Le  calcul  intégral  et  le  calcul  des 
variations,  d'après  Lacroix,  et  l'application  de  l'analyse  â  la  géométrie,  d'après 
Iffonge. 

h)  Sur  la  physique  : 

Aux  étudiants  de  la  première  division  :  Les  principes  de  la  physique.  La  manière 
de  raisonner  dans  cette  science.  Les  forces  d'attaction  et  de  répulsion.  Les  notions 
sur  les  propriétés  physiques  des  corps.  La  dilatation  des  corps  par  la  chaleur.  La 
résistance  des  corps  et  l'évaporation  des  liquides. 

Aux  étudiants  de  la  deuxième  et  de  la  troisième  division  :  L'électricité.  Le 
magnétisme.  L'optique.  La  chaleur,  en  se  servant  du  Traité  complet  de  Phytique 
de  Biot  et  de  qudques  autres  savants. 

e)  S  or  l'astronomie  : 

Aux  étudiants  de  la  troisième  division  :  L'astronomie  sphérique  et  théoriqu», 
d'après  les  ouvrages  de  Delambre. 

£n  1826-1827  il  professa,  outre  ses  cours  sur  les  mathématiques  pures,  la  sta- 
tique et  la  mécanique  des  corps  solides  et  liquides  d'après  Lagrange  et  Poisson, 
ainsi  que  la  physique  mathématique  d'après  Foumier,  Laplace,  Poisson  et 
Fresnel. 

(<)  En  1833/4  Lobatchevsky,  se  servant  des  œuvres  de  Lagrange  et  de  Lacroix, 
enseigna  :  aux  étudiants  de  deuxième  année,  l'intégration  des  fonctions,  aux  étu- 
diants de  troisième  année,  l'intégration  des  équations  à  une  seule  variable  et 
aux  étudiants  de  quatrième  année,  l'intégration  des  équations  aux  dérivées  par- 
tielles ainsi  que  le  calcul  des  variations.  Il  fit  ces  cours  jusqu'à  la  fin  de  son  pro- 
fessorat. 


334  A.  VASSILIEF. 

synthèse  des  corps  à  Taide  de  réiectricté»  et  il  fit  en  même 
temps  des  expériences. 

Pour  les  classes  ouvrières,  il  organisa  en  1839-1840  un  cours 
spécial  de  physique  sous  le  nom  de  :  c  Physique  populaire.  » 

Le  professeur  A.  Popof,  un  de  ses  élèves  les  plus  distingués 
et  son  successeur,  a  laissé  des  mémoires  sur  la  manière  d'en- 
seigner de  Lobatchevsky.  D'après  ces  mémoires,  Lobatchevsky 
savait  être  devant  son  auditoire  très  profond  ou  très  enthou- 
siaste, suivant  le  sujet  qu'il  avait  à  traiter. 

En  général,  son  langage  différait  complètement  de  son 
style.  Tandis  que  dans  ses  écrits  il  est  concis,  et  même  sou- 
vent peu  clair,  dans  ses  leçons  il  se  préoccupait  surtout  de  la 
clarté  de  l'exposition.  Toutefois,  il  aimait  mieux  enseigner  ses 
propres  idées  que  d'interpréter  d'autres  auteurs  et  laissait  à 
ses  auditeurs  la  liberté  de  se  pénétrer  eux-mêmes  des  détails 
de  la  littérature  scientifique.  Ses  cours  de  physique  publics 
attirèrent  beaucoup  de  monde  ;  quant  à  ceux  qui  étaient  faits 
devant  un  auditoire  choisi  et  dans  lesquels  Lobatchevsky 
expliqua  ses  c  nouveaux  principes  de  géométrie  >,  on  peut  les 
appeler,  avec  raison,  des  cours  c  supérieurs  ». 

Nous  pouvons  juger  de  la  conscience  avec  laquelle  Lobat- 
chevsky a  rempli  jusqu'à  la  fin  ses  différentes  fonctions  par  sa 
critique  imprimée,  très  complète  et  remplie  de  déductions  per- 
sonnelles, sur  la  thèse  de  doctorat  de  A.  T.  Popof  :  De  Vin- 
tégration  des  équations  différentielles  de  Vhydrodynamique 
réduites  à  la  forme  linéaire,  Kazan,  1845. 

Lobatchevsky  attachait  une  telle  importance  à  la  publica- 
tion des  critiques  sur  les  thèses  qu'en  sa  qualité  d'inspecteur 
de  l'enseignement  du  district  de  Kazan,  il  exprima  au  ministre 
de  l'instruction  publique  son  avis  que  toute  thèse  de  doctorat 
devait  être  accompagnée  d'une  critique  détaillée.  Bien  qu'on 
l'eût  laissé  libre  d'agir  à  sa  guise,  il  préféra  avoir,  relativement 
à  cette  question,  l'opinion  du  Conseil  de  l'Université  de  Kazan. 

Le  Conseil  ne  ratifia  pas  la  proposition  de  Lobatchevsky, 
trouvant  <  que  les  critiques  imprimées  exposées  au  jugement 


N.-J.   LOBATCHEYSKY.  335 

du  public,  sans  qu'il  les  eût  demandées,  devaient  entraîner 
une  sévérité  plus  grande,  pouvant  en  beaucoup  de  cas  nuire 
aux  candidats  ;  qu'elles  ne  devaient  donc  pas  être  considérées 
comme  indispensables  et  quMl  fallait  laisser  la  liberté  aux 
professeurs  qui  les  avaient  écrites,  de  les  faire  ou  non  im- 
primer >. 

Dans  sa  réponse,  Lobatchevsky  écrivit  que  c  tout  auteur  est 
sujet  à  être  jugé  par  le  public,  pour  toutes  les  œuvres  qu'il  a 
publiées.  Par  suite,  si  la  raison  donnée  par  le  Conseil  était 
suffisante,  on  pourrait  en  déduire  que  MM.  les  Professeurs 
avaient  Tintention  de  ne  jamais  faire  imprimer  leurs  ouvra- 
ges ».  Toutefois,  ces  idées  n'ayant  pas  trouvé  d'écho  parmi  les 
membres  du  Conseil,  Lobatchevsky  s'en  tint  à  la  proposition 
suivante  :  c  Exposer,  chaque  fois,  en  détail,  les  causes  pour 
lesquelles  on  s'abstient  de  faire  imprimer  la  critique  complète 
de  la  thèse.  i> 

Étant  habitué  à  remplir  rigoureusement  ses  fonctions, 
comme  il  est  facile  de  s'en  convaincre  par  ce  que  nous  venons 
de  citer,  et  désirant  trouver  ce  même  sentiment  chez  les 
autres,  Lobatchevsky  apporta  à  l'accomplissement  de  ses 
devoirs  de  recteur  toute  l'énergie  qui  le  caractérisait;  son 
ardeur  au  travail  était  d'autant  plus  nécessaire  qu'il  dut,  en 
vertu  de  cette  fonction,  travailler  comme  il  a  été  dit  à  la  réor- 
ganisation de  l'Université  et  surveiller  la  construction  de  quel- 
ques-uns de  ses  bâtiments  (du  laboratoire  de  physique,  de  la 
bibliothèque,  de  la  salle  de  dissection  et  de  l'observatoire). 

Administrateur  infatigable,  entrant  dans  tous  les  détails  de 
la  vie  économique  de  l'Université,  étudiant  l'architecture  pour 
pouvoir  contrôler  la  construction  des  bâtiments,  Lobatchevsky 
s'intéressa  tout  particulièrement  aux  sources  et  aux  produits 
du  mouvement  intellectuel  de  l'Université  :  à  sa  bibliothèque 
et  à  ses  journaux. 

La  bibliothèque  se  trouvait  dans  un  état  de  confusion 
absolue  lorsque  Lobatchevsky  (8  octobre  1B25)  prit,  à  son 
compte,  les  fonctions  de  bibliothécaire,  ^^ois  ans  de  travail 


336  A.  VASSILIBF. 

énergique  et  assidu  remirent  la  bibliothèque  dans  un  ordre 
parfait  ;  on  en  fit  Tinven taire,  on  publia  des  catalogues»  on  fit 
la  liste  des  ouvrages  manquants.  Lobatehevsky  aimait  telle- 
ment sa  bibliothèque,  qu'en  devenant  recteur  il  conserva  sa 
fonction  de  bibliothécaire,  et  ce  n'est  qu'en  1835  qu'il  la  trans- 
mit à  un  autre. 

LTniversité  de  Kazan  avait  eu  avant  1812  son  journal,  qui 
s'appela,  tout  d'abord.  Nouvelles  de  Kazan,  et  plus  tard. 
Courrier  de  Kazan.  Toutefois,  ce  journal  n'avait  pas  un 
caractère  essentiellement  scientifique  ;  les  articles  de  science 
se  perdaient  au  milieu  des  traductions,  des  articles  littéraires, 
et  étaient  mêlés  aux  nouvelles  politiques  et  aux  communica- 
tions officielles.  Sous  l'influence  de  Lobatehevsky  ce  journal 
fut  remplacé  en  1834  par  les  Notes  scientifiques. 
.  Les  considérations  qui  amenèrent  Lobatchewsky  à  faire 
cette  transformation,  sont  exposées  dans  la  préface  du  premier 
cahier  du  journal. 

Il  débute  par  l'importance  de  l'imprimerie,  €  cette  seconde 
faculté  du  langage  grâce  à  laquelle  la  pensée  née  un  soir  dans 
l'esprit  d'un  homme  est  répétée  le  lendemain  à  des  milliers 
d'exemplaires  qui  la  répandent  aux  quatre  coins  du  globe.  > 
Tel  un  point  lumineux  envoie  instantanément  ses  rayons  dans 
les  espaces  lointains,  telle  l'étincelle  du  cerveau  humain,  sem- 
blable à  la  lumière  du  jour,  se  propage  en  éclairant.  Aussi  les 
hommes  dévoués  à  la  science  ne  peuvent-ils  résister  au  désir 
de  faire  imprimer  leurs  découvertes,  leurs  opinions  et  leurs 
idées  sur  toutes  choses.  Toutefois,  de  même  que  dans  tout 
État  civilisé  il  y  a  deux  sortes  d'instruction  :  l'une  générale 
et  que  l'on  pourrait  appeler  populaire,  l'autre  appartenant  au 
monde  savant,  de  même  les  feuilles  périodiques  doivent  être 
de  deux  sortes. 

c  Les  unes  doivent  être  variées  dans  leur  composition, 
comme  toute  instruction  publique,  intéresser  par  leur  nou- 
veauté et  charmer  en  mettant  en  relief  la  vie  réelle,  en 
reproduisant  fidèlement  les  passions  et  les  sentiments.  Les 


N.-J.   LOBÀTCHEVSKT.  337 

écoles  supérieures,  les  académies  et  les  universités  ne  peu- 
vent les  publier.  Elles  doivent  s'imposer  un  autre  devoir: 
celui  de  la  publication  d'un  journal  purement  scientifique.  ]» 

Les  Notes  scientifiqtœs  ont  réalisé  depuis  leur  fondation 
ce  type  de  journal.  Le  premier  article  du  premier  livre,  inti- 
tulé :  €  Abaissement  du  degré  d'une  équation  à  deux  termes 
lorsque  Texposant,  diminué  d'une  unités  est  divisible  par 
huit,  >  est  dû  à  Lobatchevsky. 

Lobatchevsky  trouva  une  détente  pour  son  esprit  et  un 
repos  de  l'infatigable  activité  dépensée  par  le  savant,  le  pro- 
fesseur et  le  recteur,  dans  son  amour  pour  la  nature,  dans 
ses  humbles  occupations  de  cultivateur  campagnard. 

A  soixante  lieues  environ  de  Kazan,  en  aval  du  Volga,  est 
situé  un  petit  village,  Bielovoljskaia  Slobodka,  qui  a  appartenu 
à  Lobatchevsky;  il  y  créa  un  beau  jardin,  et  on  y  voit  encore 
un  bois  de  noyers  qu'il  a  planté. 

D'après  une  touchante  tradition,  conservée  dans  sa  famille, 
Lobatchevsky  aurait  dit  avec  tristesse,  en  plantant  ces  arbres  ; 
c  Je  n'en  verrai  jamais  les  fruits.  >  Sa  prophétie  se  réalisa.  En 
effet,  leur  première  récolte  fut  faite  seulement  après  sa  mort. 

Mais  même  en  horticulture  et  en  agriculture,  son  esprit 
investigateur  chercha  à  introduire  quelque  chose  de  neuf,  à 
rompre  avec  la  routine  en  usage  à  cette  époque.  C'est  ainsi 
qu'il  fit  construire  dans  son  domaine  un  moulin  à  eau,  qu'il 
inventa  une  façon  particulière  de  souder  les  pierres  composant 
les  meules,  et  qu'il  fit  venir  du  guano  pour  fumer  ses  terres.  Il 
s'appliqua  surtout  à  l'horticulture  et  à  l'élevage  des  moutons, 
et  dans  ce  but  il  acheta  des  moutons  mérinos  avec  le  produit 
de  l'argent  obtenu  par  la  vente  d'une  bague  de  diamant,  don 
de  l'empereur  Nicolas  P**.  Il  obtint  aussi,  pour  le  perfection- 
nement apporté  dans  la  manière  de  travailler  la  laine,  une 
médaille  d'argent  de  la  Société  impériale  d'Agriculture  de 
Moscou. 

Ne  se  bornant  pas  à  l'application  à  l'agriculture  des 
données  scientifiques,  Lobatchevsky  chercha  à  entraîner  les 


338  A«  YASSIUEF. 

autres  propriétaires  de  Kazan^  et  devint  un  des  membres  les 
plus  actifs  de  la  Société  Économique  impériale  de  Kazan, 
fondée  en  1839,  occupant  pendant  près  de  quinze  ans  la  fonc- 
tion de  président  d'une  de  ses  divisions. 

Le  sérieux  qu'il  apportait  dans  ses  nombreux  devoirs  le 
rendit  taciturne  et  renfermé  en  lui-même)  il  paraissait  morne 
et  sévère  comme  le  deviennent  ordinairement  les  passionnés 
qui,  en  raison  de  la  fougue  et  de  Tardeur  de  leur  jeunesse, 
ressentent  plus  fortement  les  orages  de  la  vie.  Et,  nous  le 
savons,  il  y  a  eu  dans  la  vie  de  Lobatchevsky  bien  des  orages 
capables  d'influer  sur  son  caractère.  Toutefois,  sous  des 
dehors  sévères,  presque  rudes,  se  cachaient  un  amour  vrai 
du  prochain,  un  cœur  tendre,  une  profonde  sympathie  pour 
toutes  les  aspirations  élevées  et  des  sentiments  tout  paternels 
pour  les  jeunes  hommes  bien  doués. 

Un  jeune  employé  qui  lisait  derrière  son  comptoir  un  livre 
de  mathématiques  attira  son  attention;  il  le  fit  entrer  au 
lycée,  puis  à  l'Université,  et  le  jeune  employé  devint,  après 
quelques  années,  le  célèbre  professeur  de  TUniversité  de 
Kazan,  Béltsani. 

Le  fils  d'un  pauvre  prêtre,  venu  à  pied  de  la  Sibérie,  entra, 
avec  le  concours  de  Lobatchevsky,  à  la  Faculté  de  médecine; 
étant  arrivé  à  une  haute  situation,  et  pour  lui  prouver  sa 
reconnaissance,  il  légua  à  l'Université  de  Lobatchevsky  sa  pré- 
cieuse bibliothèque. 

Plus  d'une  fois  Lobatchevsky,  recteur,  préserva  les  étudiants 
des  suites  de  leurs  entraînements,  et  ceux  de  notre  époque 
vénèrent  encore  sa  mémoire. 

Les  qualités  supérieures  de  son  esprit  et  de  son  âme  lui 
attirèrent  pendant  sa  vie  la  considération  générale  tant  dans 
l'Université  que  dans  notre  ville. 

Ce  tribut  s'adressait  autant  à  Lobatchevsky  recteur  qu'à 
Lobatchevsky  suppléant  de  l'inspecteur  de  l'enseignement,  à 
€  Bélisaire  ]»,  comme  on  l'appelait  lorsqu'il  assistait  aiix  exa- 
n^eqs  dç  l'IJnivçrsité, 


N.-l.  iOBATCHEVSKT.  339 

Cependant,  cette  estime  s'arrètant  à  l'homme,  au  proiSesseur 
et  à  Tadministrateur,  ne  pouvait  satisfaire  complètement  le 
savant  conscient  d'avoir  doté  la  science  de  principes  nou- 
veaux. 

A  ce  point  de  vue,  Lobatchevsky  rencontre,  comme  nous 
l'avons  dit,  soit  de  l'indifférence  (^),  soit  une  ironie  grossière 
et  blessante  dont  est  pleine  la  critique  qui  se  trouve  dans  un 
des  journaux  de  Saint-Pétersbourg  (Fils  de  la  Patrie,  1834). 

Même  parmi  ses  élèves,  aucun  ne  développa  ses  idées  et  ne 
fut  leur  défenseur  convaincu.  La  consolation  de  Lobatchevsky 
fut  l'approbation  de  Gauss,  qui,  seul,  lui  rendit  justice,  et 
avec  qui  il  était  en  correspondance;  et,  du  reste,  c  les  exem- 
ples de  l'histoire  >  nous  apprennent  que  les  hommes  placés 
trop  au-dessus  de  leurs  contemporains  ne  sont  récompensés 
par  la  postérité  qu'après  leur  mort. 

Quarante  ans  à  peine  se  sont  écoulés  depuis  la  mort  de 
Lobatchevsky,  et  cette  récompense  lui  est  enfin  échue. 

La  satisfaction  suprême  pour  un  penseur  d'assister  au 
développement  de  ses  idées,  de  voir  des  travaux  se  poursuivre 
dans  la  voie  qu'il  a  ouverte  à  la  science,  cette  satisfaction, 
Lobatchevsky  l'attendit  en  vain  pendant  sa  vie. 

Cette  impulsion  se  fait  sentir  maintenant  dans  la  patrie  de 
Lobatchevsky  aussi  bien  que  dans  les  contrées  civilisées  de 
l'Europe  :  en  Angleterre,  en  France,  en  Allemagne,  en  Italie, 
dans  l'Espagne,  à  peine  réveillée  de  son  sommeil  intellectuel, 
et  au  milieu  des  forêts  vierges  du  Texas. 

Elle  a  commencé  en  1866,  lorsque  le  mathématicien  français 
Hoûel,  mort  aujourd'hui,  mais  dont  nous  devons  rappeler  le 
nom  avec  reconnaissance,  publia  la  traduction  française  du 
livre  de  Lobatchevsky,  écrit  en  allemand  (')  :  Geometrische 
Untersiichungen  zur  Théorie  der  Parallellinien,  en  y  ajou- 
tant  des  fragments  de  la  correspondance  de  Gauss  et  de 

(<)  Dans  son  travail  sor  les  pai'allèles,  Tacadémicien  V.  Bonnîakowski  ne  cite 
pas,  en  iB53,  les  travaux  de  Lobatchevsky. 

(*)  Éîudei  çeométriquei  iur  ^  théorie  dei  pç^rallèles,  etc. 


340  A.  VASSILIEP. 

Schumacher;  il  consacra,  de  plus,  un  ouvrage  spécial  au 
développement  des  idées  de  Lobatchevsky  (^).  . 

En  1867  parut  rétude  de  Riemann,  qui  montrait  la  possibi- 
lité d'une  géométrie  d'un  espace  sphérique,  d'une  géométrie 
ne  renfermant  pas  cet  axiome  :  c  Deux  lignes  droites  ne  peu- 
vent contenir  un  espace  (^).  i> 

Les  observations  d'optique  physiologique  amenèrent  Ilelm- 
holtz,  vers  cette  même  époque,  à  s'occuper  de  la  question 
des  principes  géométriques  ('). 

D'autre  part,  les  recherches  d'un  savant  mathématicien  ita- 
lien, Eugénie  Beltrami,  sur  la  théorie  des  surfaces  courbes  (^), 
recherches  dans  lesquelles  il  fut  guidé  par  les  principes 
exposés  par  Gauss  dans  son  remarquable  mémoire:  Disquisi- 
tiones  générales  circa  superficies  curvas,  l'engagèrent  à  étu- 
dier une  forme  particulière  des  surfaces  €  pseudo-sphériques  >, 
comme  il  les  appela.  Beltrami  montra  aussi  l'identité  de  la 
géométrie  de  ces  surfaces  avec  la  géométrie  plane  de  Lobat- 
chevsky. 

La  combinaison  de  toutes  ces  études  eut  pour  résultat 
ce  fait  qu'un  espace  mathématique  homogène  (c'est-à-dire 
permettant  le  mouvement  du  corps  solide,  invariable)  à  tfois 
dimensions  pouvait  avoir  trois  formes  différentes. 

On  attribue  de  plus  en  plus  à  l'une  d'elles  le  nom  de  Lo- 
batchevsky; les  deux  autres  s'appellent  l'espace  d'Euclide  et 
l'espace  de  Riemann. 


(1)  Essai  critique  sur  les  principes  fondamentaux  de  la  géométrie,  1867; 
seconde  édition,  1886. 

(*)  Ueber  die  Hypothesen,  welche  der  Géométrie  zu  Grunde  liegen.  La  tra- 
duction russe  de  ce  mémoire,  faite  par  Sintrov,  se  trouve  dans  la  collection  des 
Principes  de  Géométrie,  publiée  par  la  Société  physique  et  mathématique  de 
rUniversité  impériale  de  Kazan,  à  Toccasion  du  centenaire  de  Lobatchevsky. 

(*)  Veher  die  Thatsachen,  die  der  Géométrie  zu  Grunde  liegen.  Traduction 
russe  de  Vassilief. 

O  Saggio  di  interpret(uione  deUa  geometria  non  eucUdia. 

Theoria  degli  spazii  di  curvatura  constante» 

La  traduction  russe  de  ces  mémoires,  foite  par  Mée,  se  trouve  dans  cette  même 
collection. 


N.-J.   LOBATGHEVSRT.  341 

La  théorie  analytique  de  ces  espaces  les  distingue  d'après  le 
signe  d'une  expression  analogue  à  celle  de  la  courbure  d'une 
surface.  Pour  l'espace  d'Euclide,  cette  expression  —  courbure 
de  l'espace  —  est  égale  à  zéro  ;  pour  l'espace  de  Lobatchevsky, 
elle  est  négative,  et  pour  celui  de  Riemann,  positive. 

L'étude  des  propriétés  des  espaces  de  forme  générale  cons- 
titue la  géométrie  non  euclidienne. 

Il  est  d'une  utilité  absolue  pour  cette  étude  d'avoir  recours 
à  la  considération  d'un  espace  à  quatre  dimensions  qui  les 
renferme. 

La  géométrie  à  dimensions  multiples  peut  donc  être  consi- 
dérée comme  la  suite  de  la  géométrie  non  euclidienne,  qui, 
en  élucidant  bien  des  questions  de  la  géométrie,  fournit  en 
même  temps  des  ressources  sans  lesquelles  il  est  impossible 
de  résoudre  un  grand  nombre  de  problèmes  d'analyse  (^). 

Je  mentionnerai  encore  les  remarquables  travaux  de 
Poincaré  sur  la  théorie  des  fonctions  automorphes,  et  je 
rappellerai  de  quel  secours  a  été  la  géométrie  à  dimensions 
multiples  à  Kronecker,  dans  le  problème  de  la  séparation  des 
racines  des  systèmes  d'équations. 

L'idée  de  Lobatchevsky,  comme  cela  a  lieu  pour  toutes  les 
idées  géniales,  conduit  aux  questions  les  plus  complexes. 
D'une  part,  c  Tespace  physique  de  notre  expérience  >  est-il 
véritablement  celui  d'Euclide,  comme  nous  le  supposons  et 
comme  le  prouve  notre  expérience  limitée? 

Newcomb,  Bail,  Peirce  et  les  autres,  prenant  modèle  sur 
Lobatchevsky,  se  sont  demandé  jusqu'à  quel  point  les  observa- 
tions astronomiques  permettaient  de  résoudre  le  problème  de 
la  somme  des  angles  d'un  triangle,  et,  en  suivant  la  voie  qu'il 
a  indiquée,  ont  trouvé  la  réponse  à  cette  question  dans  la 
détermination  des  parallaxes  des  étoiles  fixes. 


(*)  On  trouve  an  exposé  très  clair  des  recherches  sur  les  principes  de  la  géo- 
métrie à  dimensions  maltiples  dans  l'ouvrage  du  professeur  Killing,  paru 
dernièrement  et  dédié  à  notre  Société  physique  et  mathématique,  Einfuehrung 
in  die  Grundlagen  der  Geonietrie. 


342  A.  VASSILIEF. 

Voici  ce  que  dit  à  ce  propos  le  célèbre  astronome  irlandais 
Bail  :  c  Les  astronomes  ont  été  souvent  désagréablement  sur- 
pris en  obtenant  comme  résultat  de  leurs  travaux  une  paral- 
laxe négative.  Il  est  certain  que  cela  provient,  en  général,  des 
erreurs  inévitables  dans  ces  observations  si  difficiles;  cepen- 
dant, nous  ne  devons  pas  oublier  que  si  l'espace  avait  vraiment 
une  courbure,  la  parallaxe  négative  pourrait  provenir  d'obse^ 
vations  d'une  exactitude  rigoureusement  mathématique.  > 

Le  savant  américain  Peirce  va  plus  loin;  il  pense  avoir 
démontré,  en  se  basant  sur  des  recherches  astronomiques, 
que  notre  espace  est  bien  celui  de  Lobatchevsky. 

Zœllner,  au  contraire,  se  fondant  sur  les  phénomènes  de 
l'obscurité  du  ciel  et  sur  des  recherches  sur  la  pesanteur  des 
masses  dispersées  dans  des  espaces  de  différents  types,  con- 
cluait que  notre  espace  appartient  au  type  des  espaces  de 
Riemann. 

Beaucoup  de  savants  ont  cherché  à  démontrer  les  phéno- 
mènes  physiques  par  Thypothèse  de  la  courbure  de  l'espace  et 
en  admettant  un  espace  d'un  plus  grand  nombre  de  dimen- 
sions (*). 

Cliffbrd,  admirateur  enthousiaste  de  Lobatchevsky,  a  été 
plus  loin  encore,  et  a  émis  l'hypothèse  que  le  mouvement 
visible  d'un  objet  n'est  autre  chose  qu'une  variation  de  la 
courbure  de  l'espace. 

Voici  sur  quoi  il  fonde  son  intéressaïite  hypothèse  : 

l^'  Les  parties  infinitésimales  de  l'espace  sont,  par  leur 
nature,  identiques  aux  montagnes  et  aux  vallées  d'une  sur- 
face plane  en  général;  les  lois  usuelles  de  la  géométrie  ne 
peuvent  leur  être  appliquées; 

(t)  Mach,  Die  Geschichte  und  die  Wurzel  de*  Satzes  wm  der  ÈrhaUung  der 
Arbeit.  Prague,  1872.  t  Le  manque  d'une  Uiéorie  satisfaisante  de  Télectricité 
provient  peut-^tre  de  ce  qu'on  a  essayé  d'expliquer  les  phénomènes  électriques 
par  des  variations  moléculaires  dans  un  espace  à  trois  dimensions.  » 

Mach  et  Bresh  se  sont  servis  de  l'hypothèse  d'un  espace  à  quatre  dimensions 
pour  Teiplication  des  phénomènes  chimiques  (Der  Chenitimus  im  Sichie  me/ir> 
diménsiênaler  Raumatiêehauung,  Leipzig,  1882). 


N.-  J .  LOBATCHBYSKT.  343 

^  La  faculté  de  se  déformer  et  de  se  redresser  passe  d*une 
façon  continue  et  comme  une  onde  d*un  endroit  à  un  autre 
de  cette  surface  ; 

3^  C'est  cette  variation  même  de  la  courbure  de  Teàpace 
qui  constitue  ie  phénomène  appelé  c  mouvement  de  Tobjet 
pondérable  ou  éthéré  9  ; 

4^  Dans  le  domaine  ^  physique,  rien  d'autre  ne  se  produit 
que  la  variation  de  la  courbure  de  Tespace,  assujetti  lui-même 
(peut-être)  à  la  loi  de  la  continuité. 

Telle  est  la  spéculation  hardie  de  CliiTord. 

Les  spéculations  analogues  sur  les  propriétés  de  Tospace 
peuventnelles  réellement  donner  de  nouvelles  hypothèses  pour 
expliquer  les  phénomènes  du  monde?  C'est  ce  que  nous  dira 
l'avenir. 

€  Il  est  important,  écrit  Riemann,  que  le  travail  servant  à 
démontrer  les  phénomènes  qui  se  produisent  en  nous  et 
autour  de  nous  ne  soit  pas  gêné  par  Tétroitesse  des  idées, 
et  que  nos  progrès  dans  la  connaissance  des  relations  réci- 
proques des  choses  ne  soient  pas  entravés  par  les  préjugés 
traditionnels.  > 

J'ajouterai,  en  outre,  que  non  seulement  Lobatchevsky  (et 
cela  est  très  caractéristique  pour  ses  opinions  philosophiques) 
ne  parle  jamais  des  propriétés  de  l'espace,  mais  qu'il  affirme 
que  l'espace  pris  séparément  n'existe  pas. 

Lobatche>isky  n'approuverait  pas  probablement  les  conclu- 
sions actuelles  sur  les  propriétés  de  l'espace;  pourtant,  il 
reconnaîtrait,  il  me  semble,  le  développement  de  ses  idées  et 
de  ses  opinions  dans  cette  autre  manière  de  poser  la  question 
de  la  géométrie  que  nous  trouvons  chez  Cayley  et  Klein  (^). 

A  en  croire  ces  mathématiciens,  le  problème  quelque  peu 
métaphysique  des  propriétés  de  l'espace  doit  être  remplacé 
par  celui  qu'ils  nous  donnent  sur  le  moyen  de  mesurer  les 
distances. 

(0  F.  Klein,  XJeber  nicht  euklidiaehe  Géométrie  (Math,  Ann,,  Bd  IV  et  VI). 
Â.  Cayley,  Àddre$$  as  Président  of  British  AssoeioHon,  at  South/port,  1883. 


344  A.  VASSILIEF. 

Afin  de  nous  en  faire  une  idée,  imaginons  que  nous  mesu- 
rons sur  une  ligne  droite  ABCDEF des  distances  absolu- 

111 

ment  égales  AB  —  1  mètre,  BC  —  5,  CD—  r,  DE  —  z,  etc., 

avec  une  mesure  (diminuant  par  exemple  sous  Tinfluence  d*un 
brusque  changement  de  température)  en  passant  de  AB  à  BC 
de  moitié,  de  BC  à  CD  encore  de  moitié,  etc... 

Tous  les  segments  paraîtront  égaux  à  notre  mesure,  égaux 
à  1  mètre,  et  la  distance  de  deux  mètres  égale  à  la  somme 

111 

d'une  progression  géométrique  indéfinie  1  +  5 '*'r"^  5  "+•••••• 

sera,  subjectivement,  égale  à  un  nombre  infini  de  mètres;  la 
limite  ne  pourra  jamais  être  atteinte  par  notre  manière  de 
mesurer.  La  circonférence  décrite  autour  du  point  A  avec  un 
rayon  égal  à  2  mètres  sera  la  circonférence  limite  de  la  géo- 
métrie de  Lobatchevsky. 

Le  système  des  relations  entre  les  distances  et  les  angles 
est  identique,  comme  Tout  montré  Cayley  et  Klein,  à  celui  qui 
constitue  la  géométrie  de  Lobatchevsky. 

Mais,  quel  que  soit  Taspect  de  la  question  que  nous  préfé- 
rons, il  est  évident  que  les  questions  posées  par  notre  immortel 
géomètre  n'appartiennent  pas  seulement  au  domaine  des  mathé- 
matiques. 

A  leur  solution  doivent  prendre  part  la  physiologie  des  sens  (en 
particulier  la  vue  et  le  toucher)  ainsi  que  la  branche  de  la  philoso- 
phie à  laquelle  on  donne  le  nom  de  théorie  de  la  connaissance. 

Nos  opinions  sur  la  philosophie  générale  de  la  nature  dépen- 
dent aussi  de  cette  solution. 

C'est  en  cela  que  se  manifeste  la  grandeur  des  idées  de 
Lobatchevsky. 

Plus  le  choc  d'un  corps  lourd  sur  une  eau  dormante  est  vio- 
lent, plus  se  propage  au  loin  le  mouvement  des  ondes  et  plus 
est  étendue  la  place  qu'elles  envahissent.  Plus  l'idée  est  géné- 
rale, plus  est  considérable  le  nombre  des  branches  de  la 
science  qui  subissent  son  influence. 


N.-l.   LOBATCHEVSKT.  348 

Lie  fait  que  les  idées  de  Lobatchevsky  intéresseront  de  plus 
en  plus  non  seulement  les  mathématiciens,  les  astronomes, 
mais  aussi  les  physiologistes  et  les  philosophes,  constitue  la 
principale  récompense  de  notre  illustre  penseur-géomètre. 

L'autre  récompense,  c'est  Testime  générale  accordée  à  son 
nom  et  prouvée  par  le  nombreux  auditoire  assemblé  ici  pour 
honorer  sa  mémoire,  les  discours  que  nous  venons  d'entendre» 
ainsi  que  la  sympathie  avec  laquelle  a  été  accueilli  l'appel  fait 
par  notre  Société  physico-mathématique  pour  la  fondation  d'un 
prix  auquel  sera  attaché  le  nom  de  Lobatchevsky. 

Les  dons  sont  arrivés  presque  de  tous  les  points  de  l'Europe; 
une  part  considérable  nous  vient  de  l'Amérique  lointaine. 
L'une  des  institutions  savantes  les  plus  célèbres  du  globe, 
la  Société  Royale  de  Londres  y  a  pris  part  et  même  un  collège 
d'une  petite  ville  allemande  a  voulu  apporter  son  tribut  et, 
non  seulement  les  mathématiciens,  mais  aussi  les  philosophes 
ont  partagé  notre  enthousiasme. 

Grâce  à  ces  dons,  le  c  Prix  Lobatchevsky  >  va  être  kméé  et 
contribuera,  en  soutenant  et  en  encourageant  les  jeuues  mathé- 
maticiens, au  développement  de  sa  science  préférée. 

Toutefois,  il  est  encore  un  autre  devoir  qui  incombe  à  la 
société  civilisée  russe,  et  tout  d'abord  à  celle  de  la  ville  où 
fut  élevé,  où  enseigna,  où  pensa  et  agit  Lobatchevsky. 

Un  monument  commémoratif  en  face  de  sa  chère  Université 
n'est  pas  une  récompense  trop  grande  pour  un  homme  qui 
consacra  sa  vie  à  développer  la  civilisation  de  sa  patrie,  pour 
un  penseur  qui  a  tout  fait  pour  la  gloire  scientifique  de  la 
Russie  et  de  l'Université  de  Kazan. 

Puisse  ce  monument  rappeler  aux  générations  futures  des 
étudiants  et  du  corps  enseignant  de  l'Université  de  Kazan  la 
haute  personnalité  d'un  professeur  qui  voua  sa  vie  au  bien  de 
son  Université,  d'un  professeur  qui  considéra  que  le  but  de 
l'Université  devait  être  non  seulement  «  d^ouvrir  l'esprit  à  la 
lumière  de  la  science,  mais  encore  d'inculquer  les  vertus, 
d'inspirer  le  désir  de  la  gloire,  les  sentiments  de  noblesse^ 

T.  I  (5«  Série).  23 


3U'  A.   VASSIUBT. 

de  justice  et  d'honneur,  et  de  cette  honnêteté  stricte  et  sacrée 
qui  donne  la  force  de  résister  à  toutes  les  tentations  et  à  tous 
les  entraînements  que  le  châtiment  ne  peut  atteiodre  > . 

Puisse  cette  physionomie  d'un  génial  et  puissant  penseur,  qui 
apporta  une  nouvelle  lumière  et  qui  introduisit  les  Nouveaux 
Principes  dans  une  des  branches  les  plus  importantes  de  la 
science  humaine,  prouver  à  la  Russie  entière  :  <  Que  dans  te 
domaine  intellectuel  nous  ne  pouvons  ni  ne  devons  reculer  .> 


RECHERCHES    EXPERIMENTALES 

L'ADHERENCE  DE  DEUX  SURFACES  POLIES 

PLANES   OU   SPHÉRIQUES 

séparées  par  une  mince  eoTiehe  liquide,  et  en 
particulier,  sur  le  maintien  des  têtes 
osseuses    articulaires    dans    leurs    cavités; 

PAR  LE  D'  H.  BORDIER 

LICENCIÉ    ES    SCIENCES    PHYSIQUES 


Les  frères  G.  et  E.  Weber  (*)  ont  fait  plusieurs  expériences 
sur  Tartieulation  coxo-fémorale  des  cadavres  pour  dénaontrer 
que  c'est  la  pression  atmosphérique  qui,  sur  le  vivant,  main- 
tient la  tète  du  fémur  dans  la  cavité  cotyloïde.  Depuis  cette 
époque  (1843),  tous  les  traités  d'anatomie  et  de  physiologie 
répètent  à  Tunisson  que  la  tête  du  fémur,  ainsi  que  toutes  les 
autres  têtes  osseuses,  sont  maintenues  dans  leurs  cavités  artir 
culaires  par  la  même  pression  atmosphérique. 

Nous  commencerons  par  faire  la  remarque  suivante  :  Dire 
que  c'est  la  pression  atmosphérique  qui  produit  Tadhérence  du 
fémur  avec  Tos  coxal  dans  la  cavité  cotyloïde,  c'est  dire,  évi* 
demment,  qu'il  existe  une  différence  de  pression  entre  les  deux 
côtés  de  la  tête  du  fémur,  ou  encore  qu'il  existe  un  espace  vide 
d'air  ou  de  gaz  entre  cet  os  et  les  parois  de  la  cavité.  L'action 
de  la  pression  atmosphérique  ne  peut  se  traduire  que  de  cette 
façon;  cette  action  n'aurait  aucun  sens  physique  si  on  ne  la 
comprenait  pas  ainsi. 

(i)  Traité  d*ostéologie  et  de  syndesmologie,    par  G.  et  E.   Weber,  184^:), 
page  331. 


348  H.  BORUIER. 

Mais  deux  raisons  principales  s'opposent  à  l'existence  d'un 
vide  entre  la  tête  du  fémur  et  les  parois  de  la  cavité  cotyloïde. 
La  première  et  la  plus  importante,  c'est  que  les  gaz  dissous 
dans  la  synovie  et  dans  les  tissus  qui  forment  les  parois  de 
cette  cavité  se  dégageraient  dans  cet  espace  vide,  lequel,  alors, 
serait  immédiatement  détruit.  De  ce  fait,  le  vide  ne  peut  ni 
préexister,  ni  même  tendre  à  exister  dans  la  cavité  articulaire. 

La  deuxième  raison,  c'est  que  les  coupes  pratiquées  dans 
plusieurs  méridiens  à  travers  l'articulation  ont  constamment 
montré  que  la  tête  du  fémur  et  les  parois  de  la  cavité  se 
touchent  en  tous  les  points,  contrairement  à  l'opinion  de 
Palletta  qui  croyait  que  la  tête  du  fémur  ne  touchait  la  cavité 
qu'en  un  seul  point. 

Il  n'existe  donc  entre  les  deux  os  aucun  espace  destiné  à 
loger  le  vide  des  frères  Weber. 

Il  y  a  une  troisième  raison  qui  nous  parait  absolument  en 
opposition  avec  cette  théorie  de  la  pression  atmosphérique, 
c'est  que  le  vide  ne  saurait  exister  dans  un  point  de  notre 
organisme  :  ce  serait  contraire  à  toutes  les  lois  physiques  et 
physiologiques. 

Depuis  longtemps  j'avais  résolu  de  rechercher  la  véritable 
explication  du  maintien  de  la  tête  du  fémur  en  particulier,  et 
de  toutes  les  autres  têtee  articulaires  dans  leurs  cavités 
respectives. 

Mais  avant  de  chercher  à  expliquer  des  phénomènes  biolo- 
giques, il  nous  parait  indispensable  d'être  exactement  fixé 
d'abord  sur  les  lois  physiques  qui  interviennent  dans  ces 
phénomènes.  Aussi  devons-nous  commencer  par  exposer  les 
expériences  sur  lesquelles  repose  notre  démonstration. 

Lorsqu'on  prend  deux  disques  plans  entre  lesquels  est  placé 
un  liquide,  par  exemple  de  la  glycérine,  qui  se  rapproche 
assez  bien  par  son  aspect  et  par  sa  viscosité  de  la  synovie,  on 
constate  que  ces  disques  adhèrent  fortement  entre  eux  et  qu'il 
faut  développer  un  effort  notable  pour  les  séparer.  Les  condi- 
tions de  l'expérience  sont  celles-ci  :  On  place  trois  ou  quatre 


ADHÉRENCE  DE  DEUX  SURFAGCS  P0L1R8  PLANES  OU  SPIIÉRIQUES.       349 

gouttes  de  glycérine  pure,  de  densité  1,260,  sur  un  des  plans 
de  Magdebourg,  en  verre  bien  rodé,  et  on  applique  Tautre  par- 
dessus, en  exerçant  une  pression  assez  énergique  pour  chasser 
la  plus  grande  quantité  de  liquide  possible  ;  on  constate  que 
ces  deux  disques  glissent  cependant  très  facilement  Tun  sur 
Tautre,  comme  si  Ton  avait  affaire  à  une  articulation  plane. 

Pour  pénétrer  plus  en  avant  dans  le  phénomène,  il  était 
nécessaire  de  faire  des  mesures,  de  façon  à  connaître  la  force 
capable  d'amener  la  séparation  de  ces  disques  enduits  de 
glycérine.  J'ai  employé  pour  cela  la  méthode  suivante  :  Le 
disque  inférieur  est  fixé  solidement  à  un  obstacle  résistant 
pendant  que  le  disque  supérieur  est  suspendu  au  crochet  d'un 
dynamomètre  à  ressort  gradué  en  kilogrammes  et  vérifié;  ce 
dynamomètre  est  attaché  à  l'extrémité  d'un  levier  du  premier 
genre,  à  l'aide  duquel  on  peut  exercer  un  effort  lent  et  régu- 
lièrement progressif.  Cet  effort  est  à  chaque  instant  indiqué 
par  le  dynamomètre.  Si  l'on  vient,  dans  ces  conditions,  à  agir 
sur  la  grande  branche  du  levier,  pendant  qu'un  aide  a  soin  de 
maintenir  les  disques,  de  chaque  côté,  pour  empêcher  leur 
glissement,  il  arrive  un  moment  où  la  séparation  des  disques 
se  produit.  Il  suffit  de  lire  le  dynamomètre  pour  connaître 
l'effort  développé. 

Le  diamètre  des  plans  de  verre  du  laboratoire  de  physique 
de  la  Faculté  de  médecine  est  de  72  millimètres;  la  force 
correspondant  à  la  séparation  des  disques  a  varié,  dans  les 
différentes  expériences,  de  17*^500  à  18  kilogrammes. 

Si  l'on  rapproche  cette  expérience  de  celles  de  Gay-Lussac, 
avec  un  seul  disque  placé  sur  la  surface  libre  d'un  liquide,  ou 
de  Simon,  de  Metz,  avec  deux  disques  séparés  par  une  couche 
liquide  d'une  épaisseur  finie  et  connue,  expériences  dans 
lesquelles  les  nombres  trouvés  sont  inférieurs  à  100  grammes 
ou  à  peine  supérieurs,  on  est  obligé  d'admettre  qu'il  s'agit  là 
d'une  autre  cause  que  de  la  tension  superficielle. 

Un  fait  qui  prouve  que  ce  n'est  pas  la  tension  superficjelle 
qui  produit  cet  accolement  des  disques  dans  le  cas  de  notre 


3S0  H.  BORDIRR. 

couche  liquide  infiniment  mince,  c'est  que  si  Ton  fait  Texpé 
rience  en  prenant  de  Teau,  dont  la  tension  superficielle  est  7,5, 
on  trouve  que  Teffort  de  séparation  est  à  peine  de  2  kilogram- 
mes, nombre  bien  inférieur  à  celui  correspondant  à  la  glycé- 
rine dont  la  tension  superficielle  n'est  cependant  que  de  7,2. 
Bien  plus,  si  Ton  se  sert  d'huile  d'olives  pure,  dont  la  tension 
superficielle  est  encore  plus  faible,  comme  l'on  sait,  et  égale  3,5, 
l'effort  correspondant  à  la  séparation  des  disques  est  de  13^500. 

Il  faut  donc  écarter  cette  cause,  qui  se  traduit  par  un  nombre 
beaucoup  trop  faible,  dans  l'explication  du  phénomène.  Nous 
pensons  qiie  l'adhérence  énergique  des  disques  est  due  à  l'adhé- 
sion du  liquide  interposé,  sans  doute,  mais  surtout  aux  forces  de 
cohésion  de  ce  liquide.  Nous  avons  été  ainsi  conduite  faire  une 
série  d'expériences  pour  voir  si  cette  hypothèse  était  vérifiée. 

Les  forces  de  cohésion,  c'est-à-dire  la  résistance  à  la  rupture, 
sont  d'autant  plus  grandes  dans  un  liquide  que  celui-ci  se 
rapproche  davantage  de  l'état  solide,  état  dans  lequel  ces  forces 
sont  très  grandes. 

Il  en  résulte  que  si  la  cause  qui  maintient  les  disques  si  forte- 
ment accolés  l'un  à  l'autre  réside  bien  dans  la  cohésion  de  la 
mince  couche  liquide  interposée,  on  devra  trouver  que  l'effort 
à  faire  pour  amener  la  séparation  des  disques  est  d'autant 
plus  considérable  que  le  liquide  est  plus  visqueux.  C'est  ce 
que  l'expérience  vérifie  exactement. 

Voici  les  résultats  trouvés  dans  un  grand  nombre  de 
mesures  : 

1.  Eau 2^  1 

2.  Huile  d'olives 13  500 

3.  Sirop  de  sucre  D  =  1,3 14    » 

4.  Glycérine  pure 17  500 

5.  Glucose  en  pâte 24    » 

6«  Suif  de  chandelle  (après  solidification 

de  la  couche) 25  500 

Moins  la  mobilité  de  la  substance  interposée  est  grande, 
plus  l'effort  de  séparation  des  disques  est  considéraj^lç 


ADHÉRENCE  DE  DEUX  SURFACES  POLIES  PLANES  OU  SPHÊRIQUES.      351 

Une  autre  preuve  de  Timportance  qu'offre  la  cohésion'  du 
liquide  dans  ce  phénomène^  c'est  que  si  Ton  fait  varier  la 
nature  de  la  substance  qui  constitue  les  disques,  en  conser- 
vant la  même  surface,  on  trouve  que  pour  un  même  liquide 
Interposé,  toujours  de  la  même  façon,  Teffort  reste  constant. 

Ainsi,  dans  le  cas  de  la  glycérine,  on  a  : 

Disques  dé  verre  rodé 17^500  à  18"^  » 

•  —      de  palissandre 17    i    àl8    »" 

—      de  cuivre  rouge 17    »   à  17  500 

On  peut  aussi,  comme  nous  Tavons  fait,  associer  ces  diffé- 
rents disques  entre  eux»  de  façon  à  constituer  les  trois  cas  : 

Verre  —  Bois 
Verre  —  Cuivre 
Bois    —  Cuivre 

et  Ton  constate  que  Teffort  à  développer  reste  le  même. 
D'où  la  loi  :  La  force  de  séparation  des  disques  est  indépen- 
dante de  la  nature  des  disques. 

Nous  nous  sommes  encore  demandé  comment  variait  l'effort 
que  nécessite  la  séparation  des  disques  avec  la  surface  de  ta 
couche  liquide  interposée.  Pour  cela,  nous  avons  fait  faire  des 
paires  de  disques  en  palissandre  ayant  des  surfaces  dans  le 
rapport  de  1,  4<  et  |. 

Ces  surfaces  étaient  : 

Surfues.  Diamètres. 

10    40«l71  7^80 

^   20cq35  5^08 

30   I3cq57  4c  16 

En  interposant  de  la  glycérine,  les  efforts  trouvés  ont  été  : 

10  17^  »   à  18k 
20   8  750  à  9 
30   6    » 

On  voit  que  l'effort  etst  nettement  proportionnel  à  la  surface 
de  la  couche  interposée  entre  les  disques.  Cette  proportion- 
iaalité  s'^st  au$si  trouvée  exactement  vérifiée  daâs  le  cas  de 


3K2  ,  H.  BORDIER.    , 

deux  paires  de  disques  de  cuivre,  dont  les  surfaces  étaient 
dans  le  rapport  de  1  à  2. 

Les  résultats  de  ces  différentes  séries  d'expériences  parais- 
sent bien  confirmer  Tidée  que  nous  avons  émise,  à  savoir 
que  ce  sont  surtout  les  forces  de  cohésion  de  la  mince  couche 
liquide  interposée  qui  agissent  pour  maintenir  accolées  les 
surfaces  planes  que  nous  avons  considérées. 

Il  était  intéressant,  dans  le  cas  qui  nous  occupe,.de  savoir 
ce  qui  se  passe  lorsque  les  surfaces  enduites  sont  sphériques 
au  lieu  d'être  planes,  comme  dans  îe  cas  des  articulations 
appelées  énarthroses.  C'est  ce  que  nous  avons  cherché  à 
obtenir.  Pour  cela,  nous  avons  pris  une  sphère  en  cuivre 
ayant  le  même  diamètre  que  celui  du  disque  (n^  2)  en  palis- 
sandre, diamètre  qui  est  aussi  très  sensiblement  celui  de  la 
tête  du  fémur  et  de  la  cavité  cotyloïde. 

Dans  une  masse  de  plomb  en  fusion,  nous  avons  immergé 
la  boulé  de  cuivre  jusqu'à  son  équateur  et  nous  avons  laissé 
la  masse  se  solidifier  ;  la  séparation  de  la  boule  s'est  très  bien 
faite  ensuite.  Nous  avons  ainsi  obtenu  deux  surfaces  sphériques 
s'adaptant  exactement  l'une  sur  l'autre  comme  dans  le  cas  de 
nos  disques.  A  la  sphère  de  cuivre  était  fixé  un  anneau  à  l'aide 
duquel  le  dynamomètre  était  relié  au  système  En  plaçant  de 
la  glycérine  entre  ces  deux  surfaces  sphériques,  nous  avons 
trouvé  pour  la  force  capable  d'amener  la  séparation  8^750, 
déduction  faite  du  poids  de  la  boule  (150  gr.);  avec  du  glucose 
en  pâte,  on  trouve  que  l'effort  est  compris  entre  H  et  12  kilo- 
grammes. Si,  maintenant,  on  fait  les  mêmes  expériences  avec 
les  disques  de  même  diamètre  que  la  boule  de  cuivre,  on 
trouve  dans  le  premier  cas  9  kilogrammes,  dans  le  second 
12  kilogrammes.  En  sorte  qu'on  a  le  tableau  : 

Glycérine.         Ghwoie. 

Surfaces  sphériques  de  50™°^  de  diamètre.    8^^750        11"^  à  12*^ 
'  Surfaces  planes  de  50°^  de  diamètre ....     9    »  12 

.  D'où  cette  loi  :  L'effort  qu'il  faut  développer  pour  séparer 


ADHtRCMCE  H  DKDX  SURFACES  POUES  PLAHBS  OC  SPHtRIdOES.      3t(3 

deux  surfaces  sphériques  réunies  suivant  une  demi-sphère  par 
un  liquide  donné  est  le  même  que  celui  qu'il  faut  développer 
dans  le  cas  de  deux  surfaces  planes  de  même  diamètre. 

Ce  résultat  expérimental  peut  être  facilement  démontré  par 
le  calcul. 


Considérons  en  effet  une  sphère  pleine  séparée  d'une  demi- 
sphère  creuse  de  même  rayon  par  uae  mince  couche  liquide, 
et  soit  ê  un  élément  inflniment  petit  du  liquide  interposé.  Les 
forces  de  cohésion  de  ce  liquide  s'opposent  à  la  séparation  des 
deux  surfaces  situées  de  chaque  côté  de  cet  élément  s  ;  tout  se 
passe  comme  si  à  la  paroi  de  la  sphère  pleine  était  appliquée, 
au  centre  de  cet  élément,  une  force  excentrique  dirigée  suivant 
le  prolongement  de  Os.  Si  /"représente  la  résistance  à  la  rupture 
de  la  couche  interposée  pour  l'unité  de  surface,  la  force  appli- 
quée en  3  est  /  X  s.  Cette  force  peut  être  considérée  comme 
appliquée  au  centreO,  commun  aux  deux  surfaces  sphériques (').' 

Puisque  la  traction  de  la  sphère  pleine  s'exerce  suivant 
OF,  il  n'y  a  que  la  composante  verticale  de  f.s  qui  agisse 


(■)  La  force  Of.»  derrail  être  égale  i  U  force  if^;  la  ^re.s  éiè  IroDqnëfl  k 
ce  rapport  par  le  gravenr,  qui  a  représenté  ces  forces  cornine  inégales. 


384  H.  BORDIER. 

pour  faire  équilibre  à  OF;  la   composante   horizontale  est 
détruite  par  celle  provenant  de  Vêlement  symétrique. 

La  valeur  de  la  composante  verticale  c  de  f,s  est,  en  dési- 
gnant par  a  Tangle  que  fait  le  rayon  Os  avec  la  verticale^ 

c  =  f,8.COSCL, 

Mais  8.  cosa  est  l'expression  de  la  projection  s,  de  Télément 
s  sur  le  plan  horizontal  PP\  On  a  donc 

Chaque  élément  de  la  demi-sphère  fournissant  une  compo- 
sante verticale^  la  force  qu'il  faudra  vaincre  pour  amener  la 
séparation  des  deux  surfaces  aura  pour  valeur 

»  

Et  puisque  ]^  s,  est  la  projection  de  la  demi-sphère  sur  le 
plan  PP*,  on  a 

La  force  OF  qu'il  faut  développer  pour  vaincre  la  résistance 
à  la  rupture  de  la  mince  couche  interposée  entre  les  deux 
demi-sphères  est  donc  la  même  que  celle  à  développer  pour 
amener  la  séparation  de  deux  cercles  ayant  même  rayon  que 
celui  de  la  sphère  considérée,  et  séparés  par  la  même  couche 
de  liquide.  Le  calcul  vérifie  donc  exactement  les  résultats  de 
l'expérience. 

Nous  avons  essayé  d'obtenir  une  surface  sphérique  se 
rapprochant  tout  à  fait  de  la  cavité  cotyloïde.  Nou^  avons 
pratiqué  dans  le  fond  de  la  demi-sphère  de  plomb  une  cavité 
que  nous  avons  ensuite  remplie  avec  de  la  cire  vierge;  de 
cette  façon,  on  reproduit  la  fovea  acetabuli  qui,  dans  l'arti- 
culation, est  comblée  par  le  ligament  rond  et  par  du  tissu 
adipeux  (graisse  articulaire)  qui  complète  le  cartilage  man- 
quant qn  ce  point.  Comme  on  pouvait  s'y  attendre  a  priori, 
l'effort  correspondant  à  la  séparation  des  surfaces  est  resté  le 
même  que  dans  le  cas  où  la  demi-sphère  e^t  constituée  par 
\iQç  suli^stancç  homo^ne. 


ADHÉRENCE  DE  DEUX  SURFACES  POLIES  PLANES  OU  SPHÊRIQUES.      358 

Pour  trancher  définitivement  la  question  du  maintien  des 
tétes  osseuses  dans  leurs  cavités  articulaires,  et  pour  savoir 
si  les  forces  de  cohésion  du  liquide  interposé  entre  les  surfaces 
sont  suffisantes  à  expliquer  Texpérience  des  frères  Weber^  il 
ne  restait  plus  qu*à  faire  des  expériences  en  prenant  comme 
substance  interposée  entre  les  disques  le  liquide  articulaire 
lui-même,  c'est-à-dire  la  synovie. 

On  sait  que  ce  liquide  est  destiné  à  lubréfier  les  articulations. 
Il  est  sécrété  par  Tépithélium  qui  recouvre  la  membrane 
synoviale.  C'est  une  humeur  visqueuse,  filante,  contenant 
des  débris  de  cellules  et  de  noyaux  cellulaires.  La  synovie 
renferme  une  substance  analogue  à  la  mucine,  mais  qui 
paraîtrait  se  rapprocher  des  nucléo-albumines,  et  une  albu- 
mine particulière,  synovine,  qui  communique  à  Teau  une 
extrême  viscosité,  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  gomme 
animale  (Landwehir). 

Nous  avons  pu,  grâce  à  la  complaisance  de  notre  ami 
Breiffel,  chef  interne  de  Thâpitai  Saint-André,  nous  procurer 
de  la  synovie  sur  un  cadavre  datant  de  dix-huit  heures  environ. 
Nous  avons  ouvert  Tarticulation  du  genou,  de  façon  à  pouvoir 
en  récolter  une  assez  grande  quantité  pour  nos  expériences. 

Nous  avons  pu  alors  mesurer  à  plusieurs  reprises  la  force 
nécessaire  pour  produire  la  séparation  :  i^  des  plans  de 
Magdebourg  ayant  7â  millimètres  de  diamètre  et  40^471  de 
surface,  et  S""  des  disques  de  palissandre  ayant  un  diamètre 
très  voisin  de  celui  de  la  tète  du  fémur,  50  millimètres  et 
SO^'^SS  de  surface. 

Dans  le  premier  cas,  la  force  a  été  trouvée  égale  à 
19-20  kilogrammes. 

Dans  le  deuxième  cas,  il  a  fallu  développer  un  effort  voisin 
de  10  kilogrammes  (de  9^500  à  10  kilogrammes). 

On  voit  d'abord  que  ces  expériences  confirment  ce  que  nous 
avons  dit  plus  haut,  à  savoir  la  proportionnalité  qui  existe 
entre  la  surface  de  la  couche  liquide  interposée  et  Teifort 
développé. 


356  H.  BORDIER. 

De  pluSy  comme  nous  avons  démontré  et  par  Texpérience, 
et  par  le  calcul,  que  Teifort  à  développer  pour  obtenir  la 
séparation  de  deux  surfaces  sphériques  est  le  même  que  s'il 
s'agissait  de  deux  surfaces  planes  circulaires  ayant  le  même 
diamètre,  il  en  résulte  que  la  force  qui  maintiendrait  accolées 
la  tête  fémorale  et  les  parois  de  la  cavité  cotyloïde,  si  elles 
étaient  séparées  par  cette  même  synovie,  serait  environ  de 
10  kilogrammes. 

Cette  force  est-elle  suffisante  pour  expliquer  Téquilibre  du 
poids  de  la  jambe  lorsque  Ton  a  coupé  muscles,  tendons, 
ligaments  et  capsule  articulaire,  comme  dans  Texpérience  des 
frères  Weber? 

D'après  ces  auteurs,  le  poids  moyen  de  la  jambe  ainsi  déta- 
chée du  tronc  est  d'environ  11  kilogrammes,  par  conséquent  un 
peu  plus  grand  que  Iç  nombre  trouvé  dans  notre  expérience. 
Mais  il  faut  remarquer,  ce  qui  est  très  important,  que  la 
synovie  dont  nous  nous  sommes  servi  provenait  d'un  sujet 
mort  depuis  au  moins  dix-huit  heures,  et  que  dans  ces  condi- 
tions, il  y  a  eu  nécessairement  une  altération  de  ce  liquide 
qui  a  évidemment  produit  une  diminution  de  la  viscosité  de 
la  synovie  et,  par  suite,  une  diminution  de  la  cohésion.  Il  est 
donc  permis  d'admettre  que  si  Ton  pouvait  se  procurer  de  la 
synovie  fraîche,  telle  qu'elle  existe  sur  le  vivant,  la  force  de 
séparation  atteindrait  11  à  13  kilogrammes,  c'est-à-dire  une 
valeur  plus  que  suffisante  pour  faire  équilibre  au  poids 
moyen  de  la  jambe. 

Dans  ces  conditions,  et  sans  même  qu'il  soit  utile  de  refaire 
les  expériences  des  frères  Weber,  ^ui  créent  des  conditions 
tout  autres  que  celles  qui  existent  sur  le  vivant,  il  est  bien 
permis  de  dire  que  la  pression  atmosphérique  n'a  pas  besoin 
d'être  invoquée  pour  expliquer  le  maintien  des  têtes  osseuses 
articulaires  dans  leurs  cavités.  Nous  avons  dit,  au  commen- 
cement de  ce  travail,  qu'il  était  inadmissible  que  le  vide 
existât  ou  seulement  pût  tendre  à  se  produire  dans  un 
point  quelconque   de  l'organisme.   Eh  bien!  puisque   nous 


ADHÉRENCE  DE  DEUX  SURFACES  POLIES  PLANES  OU  SPHÉRIQUES.      387 

trouvons  une  explication  qui  ne  fait  intervenir  que  les  condi- 
tions mêmes  de  la  vie,  sans  avoir  besoin  d'admettre  rien  de 
contraire  aux  lois  physiques  et  physiologiques^  n'est-il  pas 
naturel  d'adopter  cette  explication  seule  et  de  rejeter  absolu- 
ment la  théorie  de  la  pression  atmosphérique  Ç),  que  Ton  a 
admise  jusqu'à  ce  jour? 

Comme  conclusions  de  toutes  ces  expériences,  nous  dirons  : 

i"^  Lorsque  deux  disques  sont  séparés  par  une  mince  couche 
liquide,  la  force  qui  s'oppose  à  la  séparation  de  ces  disques 
est  due  aux  forces  de  cohésion  de  la  substance  interposée  ; 

^'^  Cette  force  est  indépendante  de  la  nature  des  disques  ; 
elle  ne  dépend  que  de  la  nature  du  liquide  ; 

3"^  L'effort  qu'il  faut  développer  pour  séparer  deux  disques 
entre  lesquels  est  une  mince  couche  liquide  est  proportionnel  : 

a)  à  la  viscosité  du  liquide; 
h)  à  la  surface  des  disques; 

4°  Lorsque  deux  surfaces  sphériques  sont  accolées  suivant 
une  demi-sphère,  l'effort  de  séparation  est  le  même  que  pour 
deux  surfaces  planes  circulaires  ayant  même  diamètre  ; 

(I)  Les  résultats  des  expériences  des  frères  Weber  doivent  d'ailleurs  être  expli- 
qués autrement  qu'on  le  fait  d'habitude.  La  première  expérience  (production 
d'un  canal  à  l'aide  d'un  foret  dans  l'os  coxal  et  chute  de  la  jambe  dès  que  le  foret 
est  arrivé  dans  la  cavité  ootyloïde)  doit  s'interpréter  de  la  façon  suivante  :  la  cause 
de  la  chute  n'est  pas  la  destruction  du  vide,  c'est  an  contraire  la  ruptui^  de  l'adhé- 
rence par  la  pointe  du  foret  qui  vient  fatalement  buter  sur  la  tête  du  fémur  et 
rompre  l'homogénéité  de  la  couche  de  synovie  qui  entraîne  la  chute  de  la  jambe. 

Dans  la  deuxième  expéi4ence  (remise  en  place  de  la  tête  fémorale  et  occlusion 
à  l'aide  du  doigt  du  canal  foré  précédemment  dans  l'os),  c'est  bien  la  pression 
atmosphérique  qui  retient  le  fémur,  mais  grâce  à  l'existence  d'un  espace  artifi- 
ciellement créé  dont  l'air  est  raréfié  par  suite  d'un  léger  mouvement  de  descente 
de  l'os  fémoral  ;  la  force  élastique  de  cet  air  est  suffisamment  diminuée  pour  que 
la  pression  atmosphérique  t&sae  équilibre  au  poids  de  la  jambe.  Ici,  le  bourrelet 
cotyloîdien  agit  sur  la  tête  du  fémur  pour  empêcher  l'entrée  de  l'air  dans  la 
cavité  cotyloide. 

Une  expérience  que  l'on  pourrait  être  tenté  de  croire  démonstrative  en  faveur 
du  rôle  de  la  pression  atmosphérique  est  celle  qui  consiste  à  porter  l'articula- 
tion débarrassée  des  muscles  et  des  ligaments  sous  la  cloche  de  la  machine  pneu- 
matique. La  séparation  du  fémur  est  due  ici  an  dégagement  des  gaz  de  la  synovie 
sous  l'influence  de  la  diminution  de  pression  ;  il  y  a  encore  rupture  de  l'homogé- 
néité de  la  couche  liquide  par  les  bulles  gazeuses  qui  se  forment  entre  les  deux 
surfaces  articulaires. 


388  H.  BORDIER. 

5^  Si  Ton  interpose  une  mince  couche  de  synovie  entre  deux 
disques  plans  ayant  même  diamètre  que  la  tête  articulaire  du 
fémur^  la  force  qui  s'oppose  à  leur  séparation  est  de  même 
ordre  de  grandeur  que  le  poids  moyen  de  la  jambe  d'un  sujet; 
6^  Il  est  inutile  d'invoquer,  pour  expliquer  le  maintien  des 
têtes  o&[seuses  articulaires  dans  leurs  cavités,  Tintervention  de 
la  pression  atmosphérique,  autrement  dit  du  vide  baromé- 
trique ;  ce  vide  ne  peut  pas  exister  dans  notre  organisme,  ni 
même  tendre  à  exister,  pour  des  raisons  à  la  fois  physiques  et 
physiologiques.  Les  forces  de  cohésion  de  la  mince  couche  de 
synovie  interposée  entre  les  surfaces  articulaires  dans  les 
énarthroses  sont  suffisantes  pour  expliquer  ce  maintien  ;  c'est 
même  la  seule  raison  plausible  ; 

7^  Sur  le  vivant  (et  c'est  un  cas  qui  doit  nous  intéresser 
davantage  que  ce  qu'ont  produit  artificiellement  les  frères 
Weber  sur  le  cadavre),  la  tonicité  musculaire  vient  constam- 
ment en  aide  à  la  cause  physique,  dont  nous  avons  démontré 
l'efficacité,  pour  empêcher  la  séparation  des  surfaces  articulaires. 
Les  expériences  que  nous  venons  de  rapporter  permettent 
de  se  rendre'  facilement  compte  du  mécanisme  de  certains 
actes  physiologiques  qui  se  produisent  dans  notre  organisme 
à  chaque  instant  de  la  vie. 

C'est  ainsi,  par  exemple,  que  nous  comprendrons  aisément, 
d'après  ce  qui  précède,  le  niécanisme  de  l'occlusion  des 
paupières  pendant  le  sommeil.  Cette  occlusion  n'est  évidem- 
ment pas  due,  comme  on  le  croit  généralement,  à  la  contraction 
du  muscle  orbiculaire  des  paupières  :  la  cause  de  cette  occlu-* 
sion  est  purement  physique.  L'orbicuiaire  des  paupières 
n'intenmni  qu'au  dânit  du  phénomène;  pour  produire  le 
rapprochement  des  bords  palpébraux  et  pour  maintenir  ce 
rapprochement  un  certain  temps,  jusqu'à  un  moment  voisin 
de  l'apparition  du  sommeil.  Lorsque  celui-ci  se  produit,  le 
muscle  orbiciilaire,  qui  est  un  muscle  strié,  se  relâche,  et 
c'est  alors  qu'intervient  la  cause  physique  à  laquelle  nous 
faisons  allusion.  En  effet,  les  bords  des  paupières  s'adaptent 


ADHÉRENCE  DE  DEUX  SURFACES  POLIES  PLAKES  OU  SPHÉRIQUES.   3K0 

exactement  Tun  contre  Tautre;  leur  consistance  étant  cartila- 
gineuse (cartilage  tarse),  ils  ont  un  certain  degré  de  rigidité. 
Si  on  remarque  enfin  qu'entre  ces  bords  existe  toujours  une 
mince  couche  liquide  due  à  la  glande  lacrymale,  on  reconnaîtra 
Tanalogie  qui  existe  entre  Tadhérence  palpébrale  et  celle  que 
nous  avons  produite  entre  nos  disques  humectés  soit  de 
glycérine,  soit  de  synovie.  La  cohésion  de  la  mince  couche 
interposée  produit  et  maintient  Taccolement  des  deux  bords 
palpébraux,  d'où  occlusion  des  yeux. 

On  voit  ainsi  que  le  muscle  orbiculaire  n'a  aucun  rôle  actif 
à  jouer  et  qu'il  doit,  comme  son  antagoniste,  le  releveur  de 
la  paupière  supérieure  et  comme  les  autres  muscles  striés  de 
l'organisme,  se  reposer  pendant  le  sommeil. 

Un  autre  acte  physiologique  qui  trouve  une  explication 
identique  et  où  l'on  a  voulu  voir  encore  l'action  de  la  pression 
atmosphérique,  c'est  l'occlusion  de  la  cavité  buccale. 

Landois,  dans  son  Traité  de  physiologie  humaine,  dit: 
<  Quand  la  bouche  est  fermée,  les  mâchoires  sont  maintenues 
appliquées  l'une  contre  l'autre  par  la  pression  atmosphérique, 
car  le  videest  produit  dans  la  cavité  buccale,  et  les  lèvres  en  avant, 
le  voile  du  palais  en  arrière,  empêchent  l'air  d'y  pénétrer  (*),  > 

Nous  croyons  qu'il  est  superflu  d'insister,  et  inutile  de  prendre 
cette  explication  au  sérieux. 

Si  on  remarque,  au  contraire,  que  les  lèvres  sont  toujours, 
sur  leur  partie  commune  accolée,  recouvertes  d'un  enduit 
plus  ou  moins  visqueux  provenant  des  glandes  salivaires,  on 
comprendra  aisément  que  cette  salive,  par  sa  cohésion,  main- 
tienne l'adhérence  des  deux  lèvres,  comme  la  glycérine  celle  des 
disques  dans  nos  expériences.  La  contraction  des  muscles  de  la 
mâchoire  inférieure  est  ainsi  mécaniquement  rendue  moins 
utile  ;  il  est  même  très  probable  que  ces  muscles  se  relâchent, 
pendant  l'occlusion  de  la  bouche,  surtout  dans  le  sommeil. 

(^)  Landois,    Traité  de  physiologie  hunuUne,   traduit   de  l'allemand   par 
M.  Moqain-Tandon,  1893,  page  264. 


OPTIQUE   GÉOMÉTRIQUE 


7«  MÉMOIRE 


PROPRIÉTÉS  POLARISâTRIGES  DES  FAISCEAUX  DE  RAYONS 

DE  NATURE  QUELCONQUE 

PAR  H.  L'ABBÉ  ISSALT 


INTRODUCTION 

L'étude  des  diverses  espèœs  de  faisceaux  de  rayons  qui  a 
fait  l'objet  de  notre  précédent  Mémoire  peut  être  utilement 
poursuivie. 

On  peut  faire  voir  en  effets  que  non  seulement  tout  fais- 
ceau, mais  même  toute  surface,  soit  optique,  soit  anop tique, 
soit  dioptique,  appelle,  comme  corrélative,  une  seconde  surface 
qu'il  y  a  lieu  de  nommer  (sans  ambiguïté  possible)  Vinverse 
de  la  première,  puisque,  en  les  coupant  par  un  même  plan 
horizontal,  les  aires  des  sections  produites  ont  pour  moyenne 
proportionnelle  l'aire  de  la  courbe  plane  qui  sert  de  directrice 
commune  aux  deux  surfaces  considérées. 

Mais  il  y  a  plus  :  des  deux  conoïdes  que  nous  avons  recon- 
nues constituer  le  lieu  général  de  toute  la  variété  des  droites 
focales,  l'un  appartient  exclusivement  aux  surfaces  directes, 
l'autre  à  leurs  inverses  respectives,  à  condition  pourtant  que 
la  directrice  p^ne  proposée  passe  par  l'origine. 

En  ce  qui  concerne  l'ellipse  déviatrice  qu'introduit  de  lui- 
même  le  liep  précédent,  un  examen  plus  approfondi  nous  a 
convaincu  qu'elle  est  d'une  importance  majeure.  A  elle,  en  effet, 
ou,  équivalemment,  à  la  courbure  dont  elle  dérive,  peuvent 

T.  I  (5«  Série),  ti 


362  l'abbé  fôSALY. 

se  rattacher  sans  effort  les  lois  primordiales  de  Tintensité 
lumineuse  ou  calorifique,  et  cela  parce  que,  d'une  part,  la 
courbure  en  question  (déviation  verticale)  mesure,  au  point 
de  vue  cinén^atique,  le  carré  de  la  vitesse  angulaire  hori- 
zontale résultante  relative  à  tout  mouvement  à  deux  varia- 
bles d'un  système  rigide,  et  que,  d'autre  part,  au  point  de  vue 
dynamique,  le  carré  de  cette  même  vitesse  mesure  la  force 
vive  du  système. 

Parmi  les  nombreuses  propriétés  dont  jouit  Tellipse  dévia- 
trice,  nous  signalerons,  dès  à  présent,  les  suivantes  :  i^  on 
peut  l'obtenir  comme  section  horizontale  faite,  à  une  certaine 
distance  de  l'origine,  dans  un  nouveau  cône  du  second  degré 
que  nous  ferons  connaître  et  sur  la  surface  duquel  Vantinor- 
maie  proprement  dite  que  l'on  sait  ne  figure  qu'à  titre  de 
simple  génératrice  (5°  Mémoire);  ^^  on  l'obtjent  encore 
comme  section  centrale  d'un  ellipsoïde  particulier  dont  les 
propriétés  nous  permettront  incidemment  d'étendre,  même 
en  coordonnées  obliques,  à  la  surface  normo-directive,  la 
construction  géométrique  du  premier  plan  de  polarisation  n 
que  nous  avions  dû  restreindre  jusqu'ici  au  cas  de  la  surface 
absolue  de  l'onde. 

Il  est  à  remarquer  que,  vis-à-vis  du  cône  précédent,  le  plan  n 
et  son  corrélatif  n^  forment  un  système  de  plans  diamétraux 
conjugués.  Bien  plus,  dans  les  deux  angles  adjacents  variables 
que  ces  deux  plans  font  entre  eux,  se  trouve  comprise  tme 
double  série  (moyenne  ou  complémentaire)  d'autres  plans  dits 
déviateurs,  lesquels  sont  conjugués,  eux  aussi,  deux  à  deux  et 
ont  pour  antinormales  respectives  les  diverses  génératrices  du 
cône  ;  en  sorte  que  le  nom  de  cône  déviateur  lui  revient  pour 
ainsi  dire  de  droit  et  comme  à  double  titre. 

Ceci  nous  amènera  naturellement  à  chercher  l'expression 
générale  de  l'angle  que  forme  un  plan  déviateur  donné  avec  le 
plan  tangent  à  l'un  quelconque  des  cônes  moyens  ou  complé- 
mentaires de  Malus.  Or,  l'expression  à  laquelle  on  arrive  est, 
à  notre  point  de  vue,  particulièrement  digne  d'intérêt,  puisque 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  363 

nous  n'en  tirons  rien  moins  qu'une  interprétation  nouvelle  et 
fort  plausible^  à  notre  sens,  du  phénomène  remarquable  connu 
sous  le  nom  de  polarisation  chromatique. 

C'est  afin  d'éclairer  cette  dernière  théorie  d'un  jour  tout 
nouveau  que  nous  distinguons,  au  même  lieu,  entre  la  polari- 
sation primitive  d'un  faisceau  (lumineux  ou  calorifique)  carac- 
térisée par  un  plan  tangent  tel  que  P.,  et  sa  polarisation 
subséquente  ou  acquise  caractérisée  par  un  plan  déviateur  tel 
que  Ufff  généralisation  lui-même  du  plan  n. 

La  première,  en  effet,  due  exclusivement  au  polariseur,  n'ini- 
plique,  avec  l'obliquité  t,  que  les  paramètres  quasi  extrinsèques 
p*  et  q',  les  seuls  qu'on  voie  figurer  dans  les  équations  des 
plans  tangents  aux  divers  cônes  de  Malus  et  qu'on  rencontre 
toujours  dans  les  calculs  comme  inhérents,  sinon  comme  iden- 
tiques, aux  courbures  géodésiques  des  réseaux  tant  superfi- 
ciels que  pseudo-superficiels. 

La  deuxième,  au  contraire,  produite  par  la  substance  sur 
laquelle  on  opère  et  par  l'analyseur,  sans  rejeter  ces  mêmes 
éléments  p'y  q'y  qui  lui  servent  pour  ainsi  dire  d'intermé- 
diaires, utilise  surtout,  avec  une  obliquité  i',  communément 
distincte  de  t,  les  composantes  essentiellement  intrinsèques 
p,  g,  p'y  q\  en  fonction  exclusive  desquelles,  on  le  sait,  s'ex- 
priment, en  analyse,  les  directions,  soit  des  lignes  de  courbure, 
soit  des  lignes  asymptotiques  et,  partant,  celles  de  la  double 
série  des  lignes  pseudo-conjuguées,  lignes  remarquables  aux 
yeux  de  tout  géomètre,  sans  doute,  mais  aux  nôtres  surtout 
qui  les  tenons  pour  étroitement  liées  à  la  constitution  Féticu- 
laire  des  corps,  en  général,  et  à  celle  des  substances  cristal- 
lisées, tout  spécialement. 

Telles  sont,  en  résumé,  les  questions  principales  dont  nous 
aurons  à  nous  occuper  dans  le  présent  travail.  Entre  autres 
développements  secondaires,  le  lecteur  y  trouvera  aussi  : 
l'origine  et  la  signification  géométrique  de  deux  groupes  de 
conditions  fondamentales  dites  maxima  et  minima,  la  genèse 
de  deux  pseudo-surfaces  singulières,  une  interprétation  aréo- 


364  l'abbé  issaly. 

laire  des  coefficients  des  équations  des  deux  plans  conjugués 
n  et  lly,  etc. 

Ajoutons  que  remploi  à  peu  près  continuel  qui  y  sera  fait 
de  coordonnées  obliques  donnera,  dès  Fabord,  à  ce  Mémoire 
le  même  degré  de  généralité  que  celui  tardivement  acquis  par 
son  devancier  dans  ses  pages  finales. 


I 

Aperçu  préliminaire  relatif  à  quelques  conditions-limiteB 

remarquables* 


1.  Reprenons  avant  tout  quelques-unes  des  principales 
formules  dont  nous  avons  déjà  fait  usage  (VI,  n®  27)  pour 
le  cas  où  les  coordonnées  sont  obliques. 

Étant  donnés  deux  trièdres  bi-rectangles  supplémentaires 
OXYZ  et  OX.Y.Z,  le  premier  d'angle  aigu  <&,  le  second  d*angle 
obtus  n  —  *,  entre  las  projections  obliques  (p,  g),  (p„  g,) 
et  les  projections  orthogonales  (p,  q),  (p^,  q,)  d'un  vecteur 
horizontal  quelconque  OA,  on  a  les  relations  générales 

O 


Flg.  i. 


^  p  4-  î  cos  O  =  p  =  Pi  sin  *, 
^  '  (  î  +  p  CCS  O  =  q  =  ji  sin  O, 

ou  bien,  équivalemment,  celles-ci  : 

(  p,  -^  î,  cos  ^  =  p,  =  p  sin  4>, 
^   ^  (  jj  —  Pi  CCS  ^  =  qj  =  j  sin  *. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  36f( 

Comme  application  immédiate^  soit  ^  Tangle  que  OA  fait 
avec  OX;  on  aura  d'abord,  pour  la  direction  de  ce  vecteur, 

m  -  —  î=      ^^^^ 

^^  X      p      sin(<^  — 4^)' 

et,  par  suite,  pour  son  azimut, 

0  sin  ^  a 

^     ^  ^        p  4-  î  COS  <^        Pj 

Deux  autres  vecteurs  OA',  OA'  donneraient  lieu  à  des  for- 
mules analogues.  En  particulier,  leurs  longueurs  auront  pour 
expressions 

iÔÂ  =  p'  •+■  î'  4-  2p  î  CCS  *  =  wj, 
Ôâ"=  p'«-i-  }'•+  îp'î'cos  ^  =  <% 
ÔÂ"=  p'«  -f-  }'•  4-  îp'î'cos  *  =  wî% 

ou  encore,  très  utilement,  ces  autres  : 

(3')  ôâ'  =  pî  4-  q\  —  2piî,  CCS*  =  w», 


2.  Conditions  psetido-superficielles  maocima.  —  Considé- 
rons réquation  suivante  : 

(  (Pi  s"^  •  ^  î  ^^^  0  X*  4-  [(îi  4-  p1)  sin  •  4-  (p  —  }')  cos  t]  X Y 
^^   j  4-(î;sint4-p'cost)Y«  =  0, 

qui  est  celle  des  tangentes  aux  lignes  pseudo-conjuguées  S,  de 
toute  pseudo-surface  9\  en  contact  à  Torigine  avec  le  plan 
des  XY,  tangentes  qui  reproduisent,  remarquons-le,  celles  des 
lignes  de  courbure  ou  des  lignes  asymptotiques  de  ces  mêmes 

pseudo-surfaces,  selon  que  *  =  ô'  ou  que  i  =  0. 

Si  Ton  exprime  que  .cette  équation  dégénère  en  celle  d'un 
cercle  évanouissant  ou  d'un  ombilic  coïncidant  avec  Torigine, 
on  obtiendra  pour  conditions  deux  certaines  valeurs  de  tg  i 
qui,  égalées  entre  elles,  donnent 

(Pi  -  Q[y  -^  (?  +  P'Y  =  0. 


366 

l'abbé  ISSALY. 

On  eQ  déduit 

' 

(8) 

1  Pi  =  ïl. 
1     «=-P'. 

Telles  sont  les  conditions  que,  par  opposition  avec  celles 
qui  vont  suivre,  nous  qualifions  de  conditions  maxima.  On 
peut  évidemment,  à  Taide  de  (i)  et  de  (1')^  leur  donner 
diverses  formes,  par  exemple  celles-ci  : 

(K'\    (?  =  «'"*-  *P'  ^  *»         (K'\   i  Pi  =  9i^ 

Substituées  dans  (4),  elles  y  font  apparaître  les  lignes  isotropes 
du  plan  horizontal  ou,  si  Ton  veut,  le  point^ercle 

(4')  X«  +  ¥•  +  2XY  cos  4>  =  0, 

« 

à  condition  cependant  d'exclure  Tobliquité  tg  t  =  -^^  ou  i  =  <{f, 

pour  laquelle  il  n'y  a  plus  de  cercle  évanouissant  possible. 

On  parviendrait  à  ces  mêmes  résultats  en  partant  de  Téqua- 
tion  aux  tangentes  des  lignes  complémentaires  S,,  savoir  : 

(e^    {  (P|C08t  + jfsint)X'-+-[(yi-t-p;)cost  — (p  — jf')8int]XY 
^^    (  +  (?;  008 1  — p'  sin  0  Y*  =  0, 

équation  qui  se  déduit  immédiatement  de  (4)  en  y  changeant 

t  en  t  ±  j- 

Proposons-nous,  comme  premier  exemple,- d'appliquer  les 
conditions  (5)  à  l'expression  de  l'azimut  a  du  plan  de  polari- 
sation n  d'un  rayon  donné  OL  mis  en  coïncidence  avec  l'axe  OZ. 

Nous  avons  vu  (YI,  n^  28)  que  l'équation  de  ce  plan  peut 
s'écrire  : 

/7^    -  —    ^''^^    —  p'g— g>  _  pîgt — 9'iPi  _  k; 

^'^      X  ■"  sin  (0  -  a)  ""p'î'  -îy  "plîî-ïlpî  ~  K  ' 

Observant  qu'à  l'instar  de  (2')  on  a  tg  tji'  =  -,>  on  en  déduit 

Pi 

(8)     iga  =  JL!Î5J?_  =_€Î£!JZiΣt  =  tg(4,._*). 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  367 

d'où  la  valeur  simple  a  =  4*'  —  4^  =  ^«  —  ^>  ®^  désignant 
par  a,  Tazimut  du  plan  tangent  P,  à  Torthogonale  C,  du  cône  Ci 
de  Malus. 

On  peut,  du  reste,  vérifier  cette  valeur  à  l'aide  da  celle 
de  l'obliquité  polarisatrice  correspondante,  dont  l'expression 
générale  est,  comme  on  l'a  démontré  au  même  lieu. 


(9) 


•^  ^  ~  -  A,  -  ft îî*- (ï,+p;)  pWi  +  9'iP?  ~  ^  ^  •     ^' 

Substituant  dans  ce  rapport  les  conditions  (5),  et  supprimant 
(sous  sa  double  forme)  le  facteur  commun  cd,',  on  trouve 
que  tg  t^  1^  réduit  à  tg  tL.  On  a  donc  t^  =  ^,  et,  conséquem- 
ment,  à  nouveau  a  =  a,  —  ^^  ='=  'l'"  —  'j'- 
Comme  second  exemple,  soit  le  déterminant  connu  (VI,  n°29) 

(a)  Di=(p,î;— î,p;)î«4-[(p4-?')cost-h(î4— pDsint]!;-*- 1. 

On  vérifie  sans  peine  que  pour  t  =  4,  cas  exceptionnel  signalé 
plus  haut,  les  conditions  (5)  le  réduisent  au  carré  parfait 

(ft)  D,  =  (c^ï  +  0% 

avec  cette  remarque,  vraie  d'ailleurs  pour  toutes  les  applica- 
tions du  même  genre,  que  (ù^=  (ùI^,  et  qu'en  outre  è'  -^  <}^  =s=  o, 
relation  fort  utile  ainsi  qu'on  le  verra  dans  la  suite. 

3.  Conditions  superficielles  minima.  —  Exprimons  main- 
tenant que  les  équations  (4)  et  (6),  prises  chacune  à  part, 
représentent  des  hyperboles  équilatères  évanouissantes,  c'es^ 
à-dire  des  droites  rectangulaires  ;  on  aura 

(c)  (P  +  ?')tgt-(?,-p;)  =  0, 
OU  bien 

(d)  (P +  ?')  +  («! -Pi)  tgt  =  0. 

Que  si  l'on  veut,  en  outre,  que  chacune  /de  ces  équations  soit 
satisfaite,  qu^l  que  soit  t,  il  faudra  poser 

(10)  \ '="-"'' 


(10')  \^^  .^L  ,     ^      (10') 

^    (  î=p  +2}  cos4>,       ^     ^ 


368  l\bBË  1S8ALT. 

Nous  reconnaissons  là  les  conditions  minima  déjà  utilisées 
dans  notre  précédent  Mémoire  (^).  On  peut  les  écrire  aussi 

Pi  =  — 9l-*-îplcos*, 

et  Ton  observe  que>  à  Texemple  de  (5),  elles  entraînent  Téga- 
lité  CÛ2  =  wjj,  conjointement  avec  ^  —  4'  =  *. 

Cela  étant,  introduisons  ces  conditions  dans  (4)  et  (6)  ;  on 
obtiendra,  pour  chaque  valeur  de  t,  les  couples  de  directions 
orthogonales 

(11)    [iPi  sin  i  —  q'  cos  •)  ±  wi]  X  4-  {g[  sin  i  4-  p'  ces  t)  Y  =  0  ; 
(11')  [(p;cost  +  î'sint)±w;]X4-(î;cosi~p'sinOY  =  0. 

Outre  cette  perpendicularité,  à  laquelle  on  devait  s'attendre, 
on  peut  vérifier  que  chacun  de  ces  couples  est  bissecteur  de 
Tautre,  en  sorte  que  deux  directions  appartenant  à  des  couples 
d'espèce  différente  sont  inclinées  entre  elles  à  45^  (v.  Note). 

Actuellement,  cherchons  Texpression  que  doit  prendre,  eu 
égard  aux  conditions  (iO),  Tazimut  du  plan  n.  On  trouve 
aisément 

^    '        ^         K-+-K'cos<^       PiP  +  9l9 

d'où  0.  =  ^  —  ^\  valeur  égale  et  contraire  à  celle  obtenue 
dans  le  premier  cas. 

Pour  la  vérifier,  observons  que,  présentement,  le  rapport  (9) 
se  trouve  équivaloir  à  tg  (2  ^' —  ^).  On  a  donc  f^r=  2d>'  —  J>, 
et,  par  suite,  ci  =  V —  i^  =  ^  —  4*'- 

En  groupant  nos  deux  obliquités  polarisatrices  maxima  et 
minima,  il  vient 


(})  Il  est  bon  d'obsei-ver  que  la  valeur  de  tg  i  tirée  de  (c)  ou  de  (d)  et  mise 
dans  les  relations  (4)  ou  (6),  fait  de  ces  dernières  Véquation  aux  cures  de 
l'ellipse  déviatricej  de  5"  au  point  O. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  369 

Elles  se  retrouveront  plus  tard  impliquées  dans  notre  théorie 
de  la  polarisation  chromatique. 

4.  Condition  curvimétrique  (généraliaéej  de  Gauss.  — 
Nous  nommons  ainsi  la  condition,  bien  des  fois  rencontrée 
déjà  dans  nos  recherches,  à  savoir  :  K'=  0,  ou,  plus  explici- 
tement, 

condition  qu'on  peut  aussi  écrire  (1)  et  (1'): 

/ivx  P  —  9  _  p-^qcos^  _p, 

p       q       p  •+-  q  cos  *      p\ 
ou  bien 

Pi      ïi      p;  — ^icos*      p' 

Ainsi  étendue  aux  pseudo-surfaces  et  appliquée  notamment 

à  réquation  (7)  du  plan  n,  elle  réduit  celle-ci  (abstraction  faite 

du  cas  où  l'on  a  p'g  —  q^p  =  0,  c'est-à-dire  ^  =  <j*')  à  la 

forme 

Y  _      p  _      sin  (po 

X""      p'~sin(<ï>-Ço)' 

d'où  l'on  conclut  aussitôt  que  l'azimut  et  est  ici  égal  à  9.. 

D'autre  part,  l'obliquité  i^  ayant,  dans  ce  cas,  pour  valeur 
(VI,  n^  29) 

il  s'ensuit  que  a  =  il" —  <a=  ?•,  ce  qui  est  une  vérification. 
Pour  deuxième  exemple,  substituons  la  condition  K'  =r  0 
dans  les  équations  (4)  et  (6).  Elles  se  décomposeront  de  la 
manière  suivante  : 

l{^\    (  (pi  sin  »  —  î  cos  t)  X  +  {q\  sin  t  +  p'  cos  f)  Y  =  0, 
^    '    (  (jj  sin  t  4-  p  cos  0  X  4-  (q\  sin  t  +  p'  cos  f)  Y  =  0, 

(16')  \  ^^^  ^^  *  "^  *'  ^'°  0  X  +  {q[  cos  f  —  p'  sin  f)  Y  =  0, 
(  (îi  cos  f  —  p  sin  0  X  +  {q[  cos  t  ■—  p'  sin  t)  Y  =  0. 


370  l'abbé  ISSALY. 

On  reconnaîtra  facilement  que  les  premières  directions  de 
chaque  couple  sont  à  angle  droit,  tandis  que  les  secondes 
coïncident  entre  elles  et  avec  la  direction  9..  Ceci  est  la  géné- 
ralisation (et  ce  dernier  détail  est  la  rectiAcation)  de  la  pro- 
priété démontrée,  en  coordonnées  rectangulaires  (V,  n^  33),  à 
propos  des  lignes  S<  et  S,. 


II 

Propriétés  des  faisoeauz  optiques  ou  anoptiques  inverses. 

5.  I.  —  Faisceaux  optiques  inverses.  —  1^  Nous  partirons 
du  système  suivant  : 

g|X  +  g;Y_-p,X-p;Y_       t 
X-Ç      ■"       Y-Yî        ""      T 

qui  ne  diffère  de  son  analogue  (VI,  n^  5)  qu'en  ce  que  les 
coordonnées  sont  ici  obliques,  et  que,  pour  la  symétrie  (uni- 
quement) des  formules  subséquentes,  Z  y  remplace  2[. 

Au  lieu  de  résoudre  ce  système  par  rapport  à  X  et  à  Y,  ce 
qui  nous  ramènerait  aux  faisceaux  optiques  directs  si  longue- 
ment étudiés  dans  notre  précédent  Mémoire,  résolvons-le  par 
rapport  à  ^  et  à  iq,  les  variables  (X,  Y,  Z)  étant  supposées 
désigner,  à  leur  tour,  les  coordonnées  d'un  point  quelconque 
de  Tespace.  On  aura 

,.-,  I      Ç=(?.Z  +  i)X^-j;ZY, 

^    ^  (-t;=p.ZX  +  (p;Z-!)Y. 

Pour  obtenir,  à  Tinstar  des  lieux  optiques  directs,  Téquation 
d'un  lieu  optique  inverse,  de  directrice  horizontale  plane 
donnée  f^  (^,  iq)  =  0,  il  suffira  de  substituer  dans  celle-ci  les 
valeurs  précédentes  de  ^  et  de  ij.  Si  la  surface  ainsi  obtenue 


OPnOUB  GÉOMÉTRIQUE.  371 

est  réglée^  ce  sera  un  faisceau  ;  mais  on  n'aura  plus  qu'un 
pinceau  si  la  courbe  /«  devient  infinitésimale. 

Quoi  quMl  en  soit,  lorsque,  dans  Tun  quelconque  de  ces  deux 
cas,  cette  même  directrice  passe  par  Torigine  et  a,  par  consé- 
quent, son  équation  vérifiée  pour  ^  =  0,  i}  =  0^  le  système  (17) 
fournit  les  rapports  simultanés 

(18)  ^-         ___.-__^, 

ou,  ce  qui  revient  au  même  (14), 

I  —  _  *^Z— p;  _  _ 


X  Çi  Jf  Z  -T-  yi 

On  en  déduit 

(19)  D^  =  K'Z*-h(q,-p[)Z-hl  =  0. 

Ceci  nous  prouve  déjà  que,  dans  notre  hypothèse,  tout  lieu 
optique  inverse  contient  deux  droites  focales  {i[)  respective- 
ment situées  dans  les  deux  mêmes  plans  horizontaux  que  les 
droites  focales  (i,)  relatives  au  lieu  direct  correspondant. 

Je  dis,  en  outre,  que  les  projections  horizontales  de  ces 
deux  couples  de  droites  coïncident  entre  elles  d'abord,  puis 
aussi  avec  les  tangentes  aux  lignes  de  courbure  obliques  S,  de 
la  pseudo-surface  9\ 

En  effet,  de  l'égalité 

g|g  H-  1  _  p,Ç 

q[r     -      î.Ç'  +  l' 

qui  exprime  cette  coïncidence,  on  déduit 

(Ptï;-ïî)Z'C'-ît(Z'+O-*  =  0, 

ce  qui,  eu  égard  aux  propriétés  des  racines  de  l'équation  (19), 
est  une  pure  identité.  On  verra  du  reste,  dans  la  suite,  de 
quelle  manière  ces  deux  couples  de  droites  focales  se  diffé-' 
rentient  dans  l'espace  sur  les  diverses  nappes  de  leur  lieu 
^ométrique  conoïdaK 


372  l'abbé  issalt. 

Dans  le  cas  exceptionnel  où  Ton  a  p,  =  q^  =  0,  les  droites 
(S,)  et  (§[)  sont  toujours  réelles,  et,  de  plus,  appartiennent  aux 
plans  des  ZX  et  des  YZ,  en  sorte  que  les  lignes  de  courbure  S, 
ont  alors  pour  tangentes  à  Torigine  les  axes  OX  et  OY. 

2^  Examinons  maintenant  de  quelles  propriétés  jouissent  les 
sections  horizontales  de  nos  divers  lieux  optiques  inverses. 

Soit  Z  =  Z,  un  plan  sécant  horizontal  quelconque.  Désignons 
par  A2,  Taire  de  la  section  produite,  et  par  A,  celle  de  la  direc- 
trice plane  f.  que  nous  supposerons  être  une  courbe  fermée. 
De  la  relation  (YI,  formule  9)  étendue  à  nos  coordonnées 
obliques,  savoir  : 

(Çdi3  —  t;dÇ)  sin  *  =  D^  (XdY  —  YdX)  sin  4>, 

A'         1 
on  déduit  -^*  =  fr'  Comparant  avec  l'expression  analogue 

A 

—^  =  Dj  qui  correspond  (VI,  formule  9')  aux  lieux  optiques 

directs,  il  vient 

A   A'   — A* 

ce  qui  est  la  justification  péremptoire  de  la  dénomination  de 
surfaces  directe  ou  inverse  que  nous  avons  adoptée  dès  le 
début. 
Les  cônes  asymptotes  respectifs  donnant  lieu,  de  leur  côté, 

aux  formules  ^  =  ™i  d'une  part,  et  -j-^  =liL'Z*  d'autre  part, 
on  en  conclut  semblablement  ; 

3^  Venons  enfin  à  la  polarisation  axiale  de  nos  faisceaux,  et 
prenons  d'abord  pour  directrice  plane  la  trace  horizontale 
f^  =  p'Ç  +  q\r^  =  0  du  plan  tangent  P,  au  cône  de  Malus,  le 
long  de  OZ.  En  y  substituant  les  formules  (17),  on  trouve 

[(p;?i  -  g\Pi)  X  -  {p[q[  -  g[p[)  Y]  Z  H.  (p;X  +  q[Y)  =  0, 
ou,  plus  simplement,'' 

(K'  X  —  K Y)  Z  +  (pJX  +  q[Y)  sin»  *  =  0,  . 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  373 

paraboloïde  hyperbolique  dont  le  plan  directeur  vertical  n'est 
autre  (7)  que  le  premier  plan  de  polarisation  n. 

En  prenant  de  même  pour  directrice  la  trace  horizontale 
/",  =  g'Ç  —  p\  =  0,  du  plan  tangent  P,  à  Torthogonal  du 
cône  de  Malus,  on  trouverait 

[(P'Pi  +  î'îi)X  -*-  (p;p'+  îlî')  Y]Z  ^-  (î'X  -p'Y)  =0, 

ou,  plus  simplement, 

(Ky X  +  KyY)  Z  +  [q'X  —  p' Y)  sin»  4>  =  0, 

vu  que,  dans  le  plan  directeur  vertical  de  ce  nouveau  parabo- 
loïde, on  reconnaît  le  corrélatif  Uy  du  plan  n,  celui-là  même 
que  nous  avons  déjà  signalé  (YI,  n""  31)  sous  la  double  forme 

m\  Y_      sin  ay      _    p'p,  4-  g' g,  _      p[p  +  q\q  ___     K; 

^"^x-"sin(*-a^)-   py +  ?;?•■"   p'pî +  ?'«;-   Ky' 

Si  Ton  observe  que,  selon  que  les  conditions  maxima  (5)  ou 

« 

minima  (10)  sont  remplies,  on  a  identiquement 

^Q..  K  4-  K'  ces  *  =  q:  KJ  sin  4>, 

^    ^  K' +  Kcos^  =  q:  KySin*, 

on  en  conclura  pour  Texpression  de  Tazimut  Oy  du  plan  n^  : 

tg^_    -K;sin<l>    ^  ^  p'p, -h  g'g,  _      k; 
^^      Ky  —  K^cos<P  p[g,  —  g[p,  ""      K' 

D'autre  part,  les  formules  (8)  et  (12)  nous  montrent  qu'alors 

K' 

tg  a  =  q::  gr  •  Il  s'ensuit  que  tg  a .  tg  o^  =  —  1,  c'est-à-dire 

que,  dans  les  deux  cas-limites  actuels,  les  plans  n  et  n^  sont 
rectangulaires. 

6.' II.  —  Faisceauix  anoptiques  inverses.  —  1^  Le  cône 
orthogonal  de  Malus  C,  nous  fournit,  par  sa  trace,  la  suite  de 
rapports  égaux 

pX-i-p'Y  _g\-hq'Y       i 


374  L^ABCÉ  ISSALY. 

Cette  suite,  on  le  voit,  est  de  même  forme  que  son  analogie 
(VI,  n^  6),  mais  elle  n'en  suppose  pas  moins  les  coordonnées 
obliques.  On  en  tire 

-Ç  =  (pZ^l)X  +  p'ZY, 


(«*)  \-l  = 


qlX'h(q'Z  —  l)Y. 


Portant  ces  valeurs  dans  Téquation  donnée  f^  (ç,  ij)  =  0,  on 
obtiendra  celle  du  lieu  anoptique  inverse  correspondant. 

Quand  la  courbe  f.  passe  par  Torigine,  on  déduit  du  sys- 
tème (22) 

ou  bien 


(«3') 


Le  lieu  passe  alors  par  deux  droites  focales  anoptiques  (^,) 
respectivement  situées  dans  les  plans  horizontaux 

(24)  D,  =  K'Z"  -i-  (p  -h  î')  Z  4- 1  =  0. 

On  vérifie,  comme  ci-dessus,  qu'elles  ont  mêmes  projections 
horizontales  que  les  droites  focales  directes  (8,)  et  que  ces 
projections  communes  ne  sont  autres  que  les  tangentes  à 
Porigine  aux  lignes  asymptotiques  S,. 

Lorsque  les  conditions  q=p*=zO  sont  vérifiées,  les  droites 
{i\)  appartiennent  (toujours  dans  Thypothèse  de  Ç  =  i)  =  0)  à 
Tun  des  plans  X = 0,  Y  =  0,  et  dès  lors  leurs  projections  sont 
les  axes  OX,  OY,  qui  sont  eux-mêmes  les  tangentes  à  Torigine 
des  lignes  S,. 

2^  En  coupant  par  un  même  plan  horizontal  Z  =  Z,  un  lieu 
anoptique  direct  et  un  lieu  anoptique  inverse,  de  même  direo- 

A  A'        1 

trice  f„  on  a  j^*  =  D,  pour  le  premier,  ^*  if"*  =  n"  pour  le 

second  ;  d'où,  comme  plus  haut, 

A    A'   — A* 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  376 

Les  cdnes  asymptotes  de  ces  mêmes  lieux  donneront,  de 
même, 

3^  Prenons  successivement  pour  directrice  plane  la  trace 
/t  =  g'Ç  —  Tp\  =  0,  du  plan  tangent  P„  puis  la  trace  similaire 
^, = p',Ç  +  g'jiQ  =  0,  du  plan  tangent  F,;  on  obtiendra,  pour 
faisceaux  anbptiques  correspondants,  les  paraboloïdes 

(K'X  —  KY)  Z  +  (î'X  —  p'Y)  sin«  4>  =  0, 
(K^X  +  Kyy)Z—  (pJX  4-  q\Y)  sin«  4»  ==  0, 

dont  les  plans  directeurs  verticaux  sont,  ici  encore,  les  plans  n 

et  lïy. 


III 


Principales  propriétés  de  la  double  série  de  faisceaux 
dioptiques  moyens  ou  complémentaires  inverses. 


7.  Nous  pouvons  borner  sans  inconvénient  nos  calculs  à  la 
première  série,  puisqu'il  suffira  d'y  cBanger  t  en  t  ±:  ^  pour 

avoir  (au  signe  de  Z  près)  les  résultats  relatifs  à  la  seconde. 
1**  Soit  donc  la  suite  connue  (VI,  n°  29) 

<^g,  sin  t  4-  Hz  cos  t  _  <ig  CCS  t  —  ffg,  sin  i  _  _  Ji 
X  — Ç  ~"  Y-t)  ~      z' 

dans  laquelle  Z  a  été  substitué  à  2[,  et  où  Ton  a  fait,  à  nouveau, 

,^.         (  px  +  p' Y  =  fc,     p,x  +  p;y  ==  fc., 
^"^         lîX4-î'Y==   „     î,x  +  j;Y  =  e,.. 

On  en  déduit 

l  5  —  KP  ^s  •  "+•  ?i  s'*"*  0  Z  -H  1]  X  4-  {q\  sin  t  -+-  p'  cos  t)  Z  Y» 
^    ^  (  y;=:  (Pj  sin  t  —  y  cos  0  ZX  —  [(î'  cos  t— p1  sin  t)  Z  -h  1]  Y. 


376  l'aBBÊ  ISSALT. 

Mises  dans  Téquation  f^  (^y  vj)  =  0  de  la  directrice,  ces  valeurs 
fourniront,  à  chaque  fois,  le  lieu  dioptique  inverse  corres- 
pondant. 
Lorsque  Ç  =  v)  =  0,  on  tire  de  ce  système 

(Vi\  X  —  -«  (p  cos  1 4-  gj  sin  t)  Z  -4- 1  _     (p^sint— ycosQZ 
X""        (9|Sint +p'cost)Z    "~  (g'  cost— p|sint)Z  +  i* 

ou,  ce  qui  revient  au  même, 

(Vi*\  X  —  *^'Z  -4-  (g'  cos  t — pi  sin  t)_  PtSint  — gcost 

^     ^X""       jr|  sin  t  +  p' cos  t       """"JT'Z  «♦•(pcost  +  jjSinO^ 

avec 

(SB)    D,  =  A-'Z»  +  [(p  +  î')cos  t  +  (î,  — pOsîn  t]Z  -*- 1  =  0. 

il  existe  donc  alors,  pour  chaque  valeur  de  i,  deux  droites 
focales  dioptiques  inverses  (S|),  jouissant  vis-à-vis  des  droites 
focales  {i^  des  mêmes  propriétés  que  les  droites  focales-limites 
mises  en  évidence  dans  le  paragraphe  précédent. 
Lorsqu'on  a,  à  la  fois  (4), 

Pi  sin  t  —  î  cos  t  =  0, 
q\  sin  t  -H  p'  cos  t  =  0, 

c'est-à-dire  tg  t  =  ^  =  —  -,  »  les  droites  (8))  appartiennent  aux 

plans  des  ZX  et  des  YZ,  en  même  temps  que  OX  et  OY  devien- 
nent les  tangentes  à  l'origine  des  lignes  S^. 
Comme  alors  les  formules  (26)  et  (28)  se  réduisent  à 

.«i»,v  S        Ç=(tt>aZ+l)X, 

^^^  \  ^,3  =  (c4Z  +  i)Y, 

avec 

(Î8')  D,  =  (w,Z  4-  i)  (<a;z  +  1), 

le  lieu  dioptique  inverse  corre^ondant  a  pour  équation 

A[(^Z  +  1)X,    -(w;Z4-l)Y]=0. 

^^  En  ce  qui  concerne  les  sections  horizontales   de  ces 
surfaces  inverses  supposées  coupées  par  le  plan  Z  c=  Z^,  la 


OPTIO0B  «ÉOMÉTIlIQtE.  377 

comparaison  de  leurs  aires  avec  celles  des  surfaces  directes 

qui  leur  correspondent  conduit  à  la  relation  prévue 

. .      •  .  ...    ^  ..''•.      . 

A  A'  —A* 

On  a,  de  méme^  pour  les  sections  faites  par  le  même  plan 
dans  leurs  cônes  asymptotes  respectifs, 

3^  Avant  de  nous  occuper  de  la  polarisation  axiale  de  ces 
nouvelles  surfaces,  généralisons  la  notation  que  nous  avons 
antérieurement  adoptée  pour  représenter  les  deux  plans  tan- 
gents  Pi  et  P^  aux  cônes  de  Malus  Q  et  Cj.  On  aura  (n"»  23  et  31) 

/«o^  —  —  y'  cos  t  —  p\  sin  t  _  g*  —  plu  _  «î 

X  ""  q[  sin  t  +  p'  cos  t  ~  q\u  -h  p'  ""  I'  ' 

.jQv      Y  _^      g'  sin  t  "h  p[  cos  t  _      q'u  4-  p[ ^. 

X  ■"      9Î  cos  t  —  p'  sin  t  ~      jj  —  p'u  "^      ^'* 

d*où  Ton  tire  aisément  pour  leurs  azimuts  o^  et  o^  respectifs, 

e*»  '««,=-|;^=-f=-«>i»--o. 

Ceci  posé,  si  Ton  prend  pour  directrice  plane  la  trace 
s\^ — ^1)  =  0  du  plan  P<,  on  obtiendra  pour  faisceau  dioptique 
inverse  le  paraboloïde 

K'X  —  KY) Z  -*-  («:X  —  IfY)  sîn«4>  =  0. 

En  partant,  au  contraire,  de  la  trace  SyÇ  +  Çi]  =  0  du  plan  Py, 
on  trouverait  le  nouveau  paraboloïde 

(K^X  4-  KyY)  Z  4-  («;X  +  l?Y)  sin«*  =  0. 

Ainsi  les  plans  directeurs  verticaux  sont,  comme  pour  les  cas- 
limites  précédemment  analysés,  les  deux  mêmes  plans  n  et  IIy« 
En  rapprochant  ces  résultats  de  ceux  que  notre  dernier 
Mémoire  a  rais  en  évidence,  on  constate  que  les  faisceaux 

T.  I  (S«  Série).  25 


378.  L^ABBÉ  ISSALY. 

inverses  font  intervenir  les  deux  seuls  plaiis  corrélatifs  de' 
polarisation  n  et  Dy,  là  où  les  faisceaux  directs  impliquaient 
la  double  série  des  plans  axiaux  moyens  ou  complémentaires 
Il,etn;. 


IV 

Application  de  ce  qui  précède  au  dédoublement  du  lien 
général  des  droites  focales  et  à  l'étude  de  deux  pseudo- 
surfaces  singulières. 


8.  I.  —  Lieu  géùmélrique  des  droites  focales  de  toute 
espèce. —^  Ce  lieu  nous  est  connu,  même  en  coordonnées, 
obliques  (YI,  n<»30).  C'est  une  surface  réglée  dii  8®  ordre  qui  se 
décompose  en  deux  conoides  réciproques  du  4^  ordre  seule- 
ment, et  que  les  notations,  abrégées  (â5)  nous  permettent 
d'écrire,  par  exemple,  ainsi  :  .     •  • 

(a)  Jir'«(X«4-  ¥•  +  2XYcos*)Z*— (K+tt*  -h  2fc«i,cos4>)=.0, 
(6)  {K  -*-*3  +2|lV<tc6s4»).Z«--(X*4- Y*+  2XTcos'4>)=à0.  ' 

Ceci  rappelé,  on  peut  faire  voir  que  le  premier  de  ces  conoïdés 
se  rattache  exclusivement  aux  faisceaux  dioptiques  directsi  et  . 
le  second  aux  faisceaux  dioptiques  inverses. 

En  effet,  si  nous  étendons  aux  coordonnées  obliques  les 
formules  (40)  de  notre  précédent  Mémoire,  relatives,  on  le 
saitf  aux  i^isceaux  directs,  elles  deviendront 

TQ  _  {g'  cos  t — pi  sin  t)  g  -f- 1 (p^  sin  t  —  g  cos  i)  Ç 

i  ~    (îisSn  i  +p'  cos  i)  C  :  7"      (p  cos  »  +  q-^  sin  i)(  +  I 

Eliminant    sin  i  et  cos  t  entre  elles,  on  retombe  sur  le  . 
conoide  (a)  exprimé  (chose  indifférente  d'ailleurs)  au  moyen 
des  variables  Ç^  i),  ^. 
Que  si  maintenant  on  fait  une  élimination  6embl2d)le  entre 


OPTIQUE  GÉOMÊTBIQUE.  379 

les  formules  (27)  ci-dessus,  relatives  aux  faisceaux  inverses, 
on  retombera,  sans  modification  aucune,  sur  le  conoïde  (&), 
C.  Q.  F.  D. 

Voici  quelques  cas  particuliers  : 

(a)  Quand  les  conditions  maxima  (5)  sont  vérifiées,  on  sait 
que  (ù^  =  CO2.  Alors,  les  deux  conoïdes  se  réduisent  aux  plans 

horizontaux  Z.  =  Z,  =  ±  —  • 

(§)  Quand  ce  sont  les  conditions  minima  (10)  qui  ont  lieu, 

nos  deux  plans  deviennent  symétriques,  de  coïncidents  quMIs 

1 

étaient,  et  l'on  a  Z.  =  —  Z.  =  ±  — 

(y)  Enfin,  lorsque  la  condition  généralisée  de  Gauss,  K'  =  0, 
est  satisfaite,  les  deux  conoïdes  prennent  la  forme 

(pX  +  p' Y)«  =  0, 
a)î(pX+p'Y)»Z«— p«(X«  +  Y«H.2XYcos^)  =  0; 

d'où  Ton  voit  que  Torigine  est  pour  eux  un  point  commun 
réel. 

9.  II.  —  1**  PseudO' surface  singulière  moyenne.  —  Par 
analogie  avec,  la  pseudo-sphère  et  le  pseudo-plan  (VI,  §  III), 
nous  appelons  pseudo-surface  singulière  moyenne  une  pseudo* 
surface  telle  que  toutes  les  lignes  issues  de  chacun  de  ses 
points  sont  des  lignes  pseudo-conjuguées  S<  correspondantes  à 
une  certaine  obliquité  {  que  le  calcul  suivant  va  déterminer. 

.  A  cet  effet,  remarquons  d'abord  que  Téquation  des  lignes  S< 
peut  se  déduire  immédiatement  de  celle  de  leurs  tangentes  (4), 
à  condition  d'y  remplacer  X  et  Y  par  ds  et  ds\  Cela  étant,  si 
Ton  écrit  que  Téquation  de  ces  lignes  est  identiquement  vérifiée, 
on  aura  les  conditions 

Pi  9i+Px  9i 

lesquelles  équivalent  à  celles-ci,  plus  significatives  : 

(c)  !  =  <!»,       u^=:<4=:k'F. 


380  l'abbé  ISSALY. 

En  les  introduisant  dans  (26)  et  associant  convenablement  les 
signes/  ces  dernières  deviennent 

,^  (Ç  =  KZ  +  !jX, 

W  {  Y,  =  KZ  +  1)  Y. 

Si  donc  la  directrice  plane  est,  par  exemple,  le  cercle 

(e)  /;  =  §»-*.  v  +  *5>i  ces*- 1  =  0, 

le  lieu  dioptique  inverse  correspondant  sera  la  surface  de 
révolution  du  4*  degré 

if)  (X«  +  Y»  4-  2XY  cos  4>)  ((o^Z  4-  i)«  -  1  =  0. 

Quant  au  lieu  direct  corrélatif,  on  l'obtiendra  aisément  en 
remarquant  d'abord  qu'à  cause  de  D^  =  (waZ  +  i)%  les  for- 
mules (VI,  n^  29)  qui  donnent  X  et  Y  ne  difiFèrent  pas  (après 
transformation^  des  formules  (d).  Si  donc  on  reprend  la  direc- 
trice circulaire  (e)  sous  la  forme  appropriée 

{e')  /ô  =  X»  +  Y»  +  2XY  cos  <t  —  1  =0, 

on  se  trouvera  conduit  au  cône  de  révolution 

Ç«  -h  V  +  2Çt)  cos  *  —  {lù^K  +  *)*  =  0, 

cône  dont  le  sommet  est  au  point  t  = situé  sur  OZ. 

En  comparant  deux  sections  faites  par  un  même  plan  hori- 
zontal Z  =  2[  dans  nos  deux  lieux  corrélatifs,  on  trouvera  deux 
cercles  réciproques,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  car  leurs 

rayons  r,  r'  satisfont  à  la  condition  rr'=   '^      , 

2^  PseudO"  surface  singulière  complémentaire.  —  Nous 
appelons  ainsi  une  pseudo-surface  telle  que  toutes  les  lignes 
issues  de  chacun  de  ses  points  sont  des  lignes  pseudo- 
conjuguées  complémentaires  et  dont  l'obliquité,  vu  ce  qui 

précède,  est  nécessairement  égale  à  ^  ±  x- 
En  écrivant,  en  effet,  que  les  lignes  S^,  dont  les  tangentes 


^^  ■   -  =  i. 


OPTIQUE  GÊOMÊTRIOUE.  381 

sont  représentées  par  (6),  ont  leur  équation  identiquement 
satisfaite,  il  vient 

ou  bien,  équivalemment, 


r. 


(C')  t  =  4,±j,      0).  =  wi  =  l/if'. 

Ceci  suffit  pour  montrer  que  la  question  actuelle  n*est 
qu^une  variante  de  celle  que  nous  venons  de  traiter.  Il  serait 
dès  lors  superflu  de  s'y  arrêter  davantage. 


Relations  nouvelles  entre  le  plan  de  polarisation  d'un  rayon 
donné  et  le  corrélatif  de  ce  plan*  —  Parallélogramme  dévia- 
teur  :  ses  variétés. 


10.  Dans  la  Note  qui  termine  notre  6^  Mémoire,  Tellipse 
déviatrice  de  toute  pseudo-surface  dr'  tangente  au  plan  hori- 
zontal a  été  représentée  par 

(31)  A>V  4-  Jb'  Y»  4-  255' X Y  =  1. 

Voici  d'abord  quelques  expressions,  utiles  à  connaître,  de 
ces  coefiicients  remarquables  : 


(32)  { -A-  =  -^  =  -Ai:  (p'p;+î'î;)=p;' +î" =p' •+?;•. 


«• 


=  ^^  CCS  K,  (oi)  =  pp\  +  qq\  =  p,p'  +  îiî'. 


sin  4>      sm4» 
Elles  permettent  notamment  de  donner  à  Téquation  (31)  la 


38i^  L^ABBÊ  ISSALY. 

forme  déjà  signalée 

(33)  (oJX»  -*.  o>;*Y«  4-  2o)^a>; cos  (co^,  o4)  XT  =  1. 

Pour  que  cette  ellipse  déviatrice  devienne  un  cercle,  il  faut  et 
il  suffit  que  les  conditions  maxima  ou  minima  soient  remplies^ 
car  on  n'a  pas  seulement  alors  co,  =  tù^y  mais  aussi  (co,,  iù^)  =  4> 
en  sorte  que  Téquation  précédente  se  transforme  en  celle«ci  : 

o)|  (X«  +  ¥•  +  2XY  cos  ^)  =  1. 

Enfin,  la  même  ellipse  se  réduit  aux  deux  droites  parallèles 

pX-i-p'Y=±^» 
toutes  les  fois  que  la  condition  K'  =  0  est  vérifiée. 

11.  Ces  remarques  faites,  venons  immédiatement  à  la  plus 
importante  des  relations  qui  existent  entre  le  plan  de  polari- 
sation n  et  son  corrélatif  Ily. 

Théorème.  —  Les  traces  horizontales,  du  plan  de  polari- 
sation et  de  son  corrélatif  constituent  un  système  de  diamè- 
tres conjuguas  par  rapport  à  V ellipse  déviatrice. 

Nous  rappellerons,  en  premier  lieu,  que  les  équations  de 
ces  deux  plans  peuvent  s'écrire 

m^  Y  _  p'g  —  y'p  _  p[q,  —  g\p,  _  K' 

^""^^  X  -"p'î'  -^  q'f  -  p[q[  -  q[pl  -  K  ' 

^'^^     X-    py +  ?;«'""    p'p; +  ?'?;-    k^ 

Cela  étant,  si  Ton  multiplie  les  deux  membres  de  Téquation  de 
la  déviatrice  parp'*  +  g'*  +  2p'g'  cos*  ou  cùJ,  et  qu'on  utilise 
la  seconde  expression  (3')  de  ce  dernier  vecteur,  on  pourra 
transformer  l'équation  de  notre  conique  en  celle-ci  : 

(36>  (K' X  -  K Y)«  4-  (K;X  +  KyYy  =  coj»  sin**, 

qui  démontre  à  elle  seule  le  théorème. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  383 

.Rapportée  aux  diamètres  coDJugués  que  liouB  Venons  de 
mettre  en  évidence,  cette  même  conique  devient 


«   » 


VI»  Y'«  I 

.(37)  ■  ^  * 


K*  +  K'  »  +  2K  K'  cos  *      K*  +  K^«  —  2Ky  K^;  cos  *      K'X*  * 

d*où  cette  conséquence  importante  qu'au  point  de  vue  de  la 
:déviatrice,  les  plans  n  et  Jïy  se  valent..  Si  dond  le  plan  ira  été 
jusqu'ici  pour  nous  le  plan  de  polarisation  par  excellence,,  et 
'cela  pour  les  raisons  que  Ton  sait,  le  plan  n^,  son  conjugulfi, 
.  mérite  à  bon  droit  d'être,  désormais  appelé  second  plan  ({prin- 
cipal) de  polarisation.  Nous  verrons  dans  la  suite  qu'entre 
eux  deux  il  en  existe  une  double  série;  mais  tenons-no us^n, 
pour  le  moment,  à  faire  ressortir  l'étroite  connexité  de  ceux-là 
mêmes  qui  leur  servent  de  limite.  C'est  ce  qui  va  résulter 
essentiellement' des  considérations  suivantes*.  ' 

.4°-Reprenons  la.trace  horizontale  du  cône  Gj  de  Majus,  par 
exemple,  c'est-à-dire  les  tangentes  aux  lignes.de. courbure  S„ 
savoir  : 
(38)  ^>XH..,^Y^-p.X-pîY. 

.A        ■  '  Il 

Si  l'on  ^multiplie  les  deux  termes  du  premier  rapport  par  jp^,  et 
ceux*  du  second  par  q\,  on  en  pourra  déduire,  à  l'aide  d'une 
combinaison  facile,  le  rapport  équivalent 

.'  "        •    :  :  K^X  — KY 

•  p;x4-?;t' 

En  multipliant,  au  contraire,  les  termes  du  premier  rapport 
par  q'  et  ceux  du  second  par  j)',  on  en  déduira  semblablement 

••„^      1-    .   •  .    q'%  -  P'Y  ' 

La  trace  horizontale  du  cône  C,  ou  les  tangentes  aux.  lignés 
asymptotiques  S,  ne  feraient  d'ailleurs  que  permuter  les  dénot* 
iminateurs  de  ces  nouveaux  rapports.  , 
DeU  nous  concluons  que  la  réciprocité  dont  jouissent  les 


3d4  L^ABBÉ  ISSALT. 

plans  n  et  Uy  dérive  du  lien  général  commun  qui  les  unit  aux 
plans  tangents  (rectangulaires)  des  cônes  de  Malus  précités. 

Au  fait,  si  Ton  compare  entre  elles  les  équations  (34)  et  (35) 
de  ces  plans  n  et  n^,  on  constate  aussitôt  quHl  est  passible  de 
passer  de  Tun  à  l'autre  de  la  manière  suivante  : 

RÉ6LB.  —  Changez  p',  q*  en  g^,  —  pj,  ou  bien  p%  gj  en 

Y         p' 
j",  — p'}  autrement  dit,  substituez  la  trace  y  =^"^  •  du  plan  P, 

Y      q^ 

à  la  trace  ^  =  ^  du  plan  P„  ou  vice  versa.  Par  cela  seul,  les 

plans  n  et  Ily  se  permuteront  Tun  dans  Tautre. 

2^  On  a  vu  (YI,  n^^  28)  que  c'est  au  moyen  de  Tun  quelconque 
des  deux  systèmes 

^'^''^  (  g,X  +  g;Y  -♦-  q\Z  =  0,        ^''''  ^  (  jX  4-  «'Y  +  «'Z  =  0, 

que  Ton  obtient  les  équations 

.AAx  X      Y       Z 

(40)  K=r=r' 

de  Tantinormale  0L«  qui,  conjointement  avec  le  rayon  donné 
•OL  (devenu  OZ),  détermine  le  plan  n.  Appliquons  à   ces 
mêmes  systèmes  la  règle  précédente  ;  il  viendra 

,c I,  (  P*X  +  p;Y  +  q'Z  =  0,  (  pX  4-  p'Y  4-  q\Z  =  0. 

^**^  (  î,x  +  «;y  -p'z  =  0,      ^**  ^  (  jx  +  ï'Y  -p;z  =  o, 

4'où  Ton  tire,  sous  deux  formes  équivalentes, 

\**/  y  y»  irt 

Ce  sont  là  les  équations  d'une  semi-droite  OL^  qu*il  convient 
de  nommer  Tantinormale  conjuguée  de  OL^.  Prise  avec  OZ^ 
elle  détermine  le  plan  Ily . 

3^  L'analogie  autant  que  la  réciprocité  seront  complètes  si 
nous  étendons  la  même  règle  aux  discriminants  bien  connus 


OPnOUB  GÊOMÉTRIQOB. 


385 


(VI,  n»  27)  : 


(43) 


r-\=-^iP[f^+9\^')=Pi9?-i9i+P[)Pl9l  +  9[Pl*, 


A.= 


^(p'TL'-q'K)=qp'*  -  (p-«')P'î' -P'«'% 


des  cdnes  G,  et  C,.  On  obtiendra,  de  la  sorte,  deux  nouveaux 
discriminants  : 


(44) 


"^•= iî^  ^«'"^ +p%)=PiP'*+(.9i-*-p'i)pr + 9W*' 


lh,--^^i.9V^-P\^y)=99\*  +  {P-9')P\9\-P'Pi\ 


dont  nous  pourrons  apprécier  plus  tard  toute  l'importance. 

12.  Parallélogramme  déviateur.  —  Traçons  dans  le  plan 
des  XY  les  trois  vecteurs  OA,  OA',  OA'  représentés  par  les 
formules  (3),  et  désignons  par  <{*,  ^',  ^  leurs  azimuts,  ce  der- 


Flg.  l 


nier  n^étant  autre,  comme  on  Ta  vu  (n°  2),  que  Tazimut  a,  du 
plan  tangent  P,.  Soit  aussi,  pour  abréger, 

(45)         4'  -  4,'  =  Y,      A'  -  4.  =  Y',      ^'  —  4»  =  Y'. 


(386  Vk^i  iSSALY. 

En  s'aidant  des  composantes  orthogonales  tracées  sur  la 

flgure  1^  on  .verra  aisément  qu'avec  —  =  tgM>,  ^  =  tg4',elc., 

.         •'' .  .       '     .     Pi  Pi 

on  a 

^    ^  (  9sin$  =  ii)zsin^,  (  j^sin^i  =  <i)z ces (*—<};), 

'  avec  des  valeurs  analogues  en  co^,  c4  pour  les  vecteurs  OA',  OA'. 

Or,  si  Ton  a  égard  à  Texpression  de  Taire  d'un  triangle  en 
.fonction  des  coordonnées  de  ses  sommets,  et  qu'on  por^e  ces 

composantes  p,  q,p\  q'y ...  dans  l'équation  (34)  du  plan  II, 
.elle  deviendra,- après;  suppression  haut  et  bas  du  facteuricom- 
1    coî       * 

mun  —  ;; 


2sin  4>:     ;  :  : 

Y      K'       p'g-q'P       Iri.OAA'       wzsinV 
■^    '   '     X   '    K       p'q*  —  q'p'      Iri.OA'A"      uî  sin  V 

.  .         •  •  .  '  •  *  •  .         •         '      . 

•  ....  - 

Cherchons  pour  le  plan  n^  une  expression  analogue. 

A  cet  effet,  menons,  dans  le  sens  direct,  un  quatrième 
vecteur  OB'  perpendiculaire  à  OA'  et,  par  conséquent,  dans  la 
direction  de  la  trace  du  plan  tangent  P,.  Par  des  calculs  de 
même  genre  que  les  premiers,  on  trouvera 

(IA\  ^  -      '^v  -     P'Pi  -*-  g'gj  _      tri-  OB'A,  _      6),  cos  V' 
^^  X  ""      Ky  ""      p;p'  +  q\q'  "~      Iri.OA'B'  ""      i^i  cos  V 

Ceci  posé,  nous  remarquons  que,  de  nos  quatre  vecteurs, 
deux  seulement,  OA  et'OA',  entrent  dans  les  coefficients  angu- 
laires de  nos  plans  par  leurs  longueurs  co^  et  tù^y  tandis  que 
les  deux  autres,  OA',  OB',  n'y  entrent  que  par  leurs  directions 

~  et  —  ^*  Il  nous  est  donc  permis  d'arrêter  ces  derniers,  dont 
P  9i  ^ 

les  longueurs  sont  arbitraires,  au  périmètre.du  parallélogramme 
formé  par  les  deux  premiers,  ce  à  quoi  nous  trouverons  cet 
avantage,,  eatre  autres  (^),  que   les   coefficients,  angulaires 


(<)  L'ellipse  qui  est  la  polaire  réciproque  de  la  déviàtrice  par  rapport  aa  cercle 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  387 

^et  —  |J  deviendront  alors  respectivement  égaux  aux  rap- 

A  A*      B'A 
ports  jJTi^^'TEw  d^s  segments  de  base  des  triangles  corres- 
pondants. 

Ajoutons»  en  ce  qui  concerne  Y,  qùè  les  relations  ci-dessus 
peuvent  être  utilement  complétées  par  les  suivantes  : 

/./>x  K'  r,.  ,  ,  ^tri.OAA'  0)a<i4.    .      --/ 

^    '  sm**  sm  *        sm* 

13.  Cas  particuliers,  —(a)  Lorsque  les  conditions  mâxima 
ou  minima  sont  satisfaites,  on  a  V'  =  V  +  V'  =  0,  avec 
cdj  =  (i>^.  Le  parallélogramme  déviateur  ayant  ses  diagonales 
égales  est  un  rectangle,  et  Ton  constate  que,  sans  avoir  besoin 

de  devenir  un  carré,  ce  qui  impliquerait  ¥"=<>  =  ^>  c'est-à- 
dire  des  coordonnées  rectangulaires,  les  plans  n  et  n^  sont 
alors  orthogonaux,  vu  que  leurs  coefBcient»  angulaires  satisfont 
à  ridentité  caractéristique 

1  +  l-T-^Sr  -\ =-)  C08(V  +  V) 7-^ =r  =0. 

\8mV       cosV/        ^  smVcosV 

Dans  ces  deux  cas,  en  effet,  Tellipse  déviatrice  est  un  cercle» 
et  comme  les  traces  de  nos  deux  plans  en  constituent,  d'après 
le  théorème  ci-dessus,  deux  diamètres  conjugués,  elles  sont 
nécessairement  perpendjculaires  entre  elles. 
(^)  Les  coordonnées  restant  obliques,  supposons  que  Ton 

ait  V'= -»  avec  co^^iùâ.  Le  parallélogramme  se  transforme 


ayant  pour  équation  générale 

wj    '   w,"         WjW,  8in'<l» 

i\  8*ensuit  que  les  diagonales  d^  parallélogramme  déviatc^ur  sont  toigoars  propor- 
tionnelles aux  segments  que  la  conique  précédente  intercepte  sur  les  axes  (supplé- 
mentaires) 0X«,  0Y„  auxquels  elle  se  trouve  rapportée.  Il  y  a  même  égalité  entre 
ces  diagonales  et  ces  segments,  lorsque  Tangle  («>>2  »  b>z)  où  V  est  égal  &  n  —  <|i. 


388  L^BBÉ  ISSALT. 

en  losange.  Mais  les  plans  n  et  11^  ne  seront  pas  pour  cela 
rectangulaires^    car   leurs   coefficients   angulaires  respectifs 

^  cot  V  et r  tff  V  ne  satisfont  pas  à  la  condition  d'ortho- 

gonalité. 

(y)  Lorsque  la  condition  K'  =  0  ou  4^  =  4^'  est  vérifiée,  on  a, 
par  hypothèse,  V'==0  et,  par  suite,  V= — V'ouV  =  n — V. 
Le  parallélogramnr^e  s'évanouit  en  un  segment  (double)  de 
ligne  droite.  Les  plans  n  et  Ily  coïncident  dans  ce  cas  entre 
eux  et  avec  la  direction  9^  (n^  4).  De  son  côté,  Tellipse  dévia- 
trice,  on  Ta  vu,  se  réduit  à  deux  droites  parallèles  à  cette 
même  direction. 


VI 

Double  série,  moyenne  ou  complémentaire,  de  plans  déviateurs 
de  polarisation.  Cône  et  ellipsoïde  déviataurs. 


14.  Proposons-nous  de  généraliser  les  résultats  obtenus 
dans  le  paragraphe  précédent. 
A  cet  effet,  considérons  les  deux  séries  de  plans  déviateurs 

Y_     sino^     _K^sint'  -f-K^cost'_K;tt'  +K'_K; 
^  ^     X""sin(4>-a,.)'"Kcosr— Kysînt'  "~"K— Kyti'  ~k/ 

r^n  Y_     sintt^     _     K^cost'— K'sint'_     K;— KV_     k; 
^  ^  X""sin(^— 0^.)""     Ksint'  4-KyCost'  ""     Kti'  4-  K^  ""     k/ 

la  seconde  série  se  déduisant  de  la  première  par  le  change- 
ment  de  t'  en  i'  =1=  ^'  et  Tangle  i'  ne  différant  de  Tobliquilé 

ordinaire  i  que  par  sa  graduation. 
Nous  désignerons  par  n,^  et  II^  ces  deux  systèmes  de  plans. 

On  voit  aussitôt  que,  pour  i'  =  0  ou  f  =  5»  ils  reproduisent. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  389 

comme  limites  communes  des  deux  séries^  les  plans  n  et  n^ 
que  nous  venons  d'étudier. 

Théorème.  —  Les  traces  horizontales  de  detix plans  dévia- 
teurs  appartenant  respectivement  à  l'une  ou  à  Vautre  série, 
constituent,  pour  chaque  valeur  de  Vobliquité,  un  système 
de  diamètres  conjugués  par  rapport  à  l'ellipse  déviatrice. 

En  effet,  si  Ton  multiplie  les  deux  membres  de  Téquation  (31) 
de  cette  ellipse  par  ©y  (sin*  t'  +  cos*  t'),  on  pourra,  par  des 
transformations  convenables,  récrire 

(S2)         (KiX  -  K,, ¥)•  +  (K;X  +  KfYy  =  wî*  sin^  4>, 

ce  qui  démontre  le  théorème. 

Comme  vérification,  il  faut  que,  lorsque  les  coefficients 
angulaires  de  nos  plans  conjugués  deviennent  égaux,  Tellipse 
déviatrice  s'évanouisse.  C'est  ce  qui  a  lieu,  en  effet,  vu  que 
cette  condition  d'égalité  équivaut  à  K'  =  0  (n^^  13). 

Voici  une  seconde  méthode  propre  à  mettre  en  évidence  une 
relation  très  intime  entre  les  plans  n,^,  11^  et  les  plans  tangents 
Pi»,  PjT  tels  que  i'  =  i  +  •'  et  ]'=]  +  j'  : 

Prenons  la  trace  horizontale  du  cône  C<  ou,  si  l'on  veut,  les 
tangentes  aux  lignes  S.,  d'obliquité  t  =  t*  —  i',  et  mettons-la 
sous  la  forme 

pX-hp'Y  _  gX  +  y'Y 

X  sin  (4>  —  t)  —  Y  sin  »  ""  X  sin  »  4-  Y  sin  (4>  +  t) 

En  multipliant  les  termes  du  premier  rapport  successivement 
par  Sj,y  ^  (30),  et  ceux  du  second  par  ff,  C^,  on  en  déduira 

v',\ Kl  Y 

sans  peine  les  rapports  équivalents  -r^ — rp^  d'abord,  puis 

-4i= — -^  '  Et  comme,  d'autre  part,  la  trace  du  cône  CL  ou 

les  tangentes  aux  lignes  Sj  ne  produiraient  qu'un  échange  dans 
ces  derniers  dénominateurs,  il  en  faut  conclure  que  la  relation 
(harmonique)  qui  unit  entre  eux  les  plans  II,^  et  Uf  les  unit 
aussi  aux  plans  tangents  rectangulaires  P<»,  Vf,  et  cela  par 


390  L^ABBÉ  ISSALT. 

rintermédiaire  des  lignes  Si,  Sj,  ou,  implicitement,  par  les 
cônes  Ci,  Çf, 

On  peut,  comme  complément,  vouloir  connaître  Texpression 
de  Tanglé  que  font  nos  deux  plans  conjugués. 

Par  un  calcul  qui  ne  présente  d'autre  difficulté  que  sa  lon- 
gueur, on  trouve 

f  .  .  ■ 


tgu  = 


[u'  --  tg  (û;  -  a.)]  [ti'  4-  col  (O;  -  a.)] 


A,  désignant  une  constante,  et  Q\  le  plus  petit  des  angles  que 
font  avec  OX  les  axes  de  figure  de  Tellipse  suivante  : 

(pX-îY)«  +  (p'X-î'Y)«-2(pX-îY)(p'X-î'Y)costt=l, 

laquelle  se  confond  avec  la  déviatrice  lorsqu'on  a  9  =  —  p\ 
c'est-à-dire  quand  la  seconde  des  conditions  maxima  (5)  est 
remplie. 

15.  Cane  déviateur.  —  Si,  généralisant  la .  règle  établie 
(n^  11),  on  remplace  dans  les  équations  (40)  de  Tantinormale 
0L|  relative  au  plan  n  les  composantes  p\  q'  par  C>  ^Pf  ou 
bien  p\y  q\  par  Sf,  ^,  ces  équations  deviendront 

C'est  là  évidemment  l'antinormale  OL^  relative  au  plan  dévia- 
teur Dr. 

En  opérant  le^  mimes  substitutions  dans  les  équations  (42) 
de  l'antinormale  OL^  relative  au  conjugué  lly  du  plan  n,  on 
trouve 

(***}  xT  ^^^  WT  ^^  ^  * 

—  tkj!  Kf  fk 

ce  qui  est  manifestement  l'antinormale  OLf  relative  au  plan 
déviateur  Uj,  conjugué  de  II|i. 

Cela  posé,  éliminons  i'  entre  l'un  ou  l'autre  des  systèmes 
précédents;  nous  obtiendrons  ainsi  le  lieu  géoméiriqw  de 


OPTIQUE  GtOMÊTIIIQtJE.  301 

toutes  les  antinormalesi k  savoir: 

(85)        (K'  X  -  K Y)'  4-  (K;X  4-  K^  Y)«  =  (oj»  sin»  *  .Z*.  / 

ou,  en  simplifiant,    .    • 

(58') .    i4  X»  +  <i)i' Y*  -f  SJwjw;  C08  («ij,  (4)  XY  =  w;*z»,  ;       • 

Ge^t  un  cône  du  second  degré  tel  que  si  on  le  coupe  par  les  ' 
plans  horizontaux  symétriques  Z=.d:— >  les- sections  prp- 

duited  se  projettent  en  vraie  grandeur  jsur  le  plan  des  XY 
suivant  une  copique  commune  qui  n'est  autre  que  Tellipse 
déviatrice  (33).  De  là  le  nom  assigné  au  lieu  géométrique 
lui-même.        . 

Quand  les  conditions  maxima  ou  minima  sont  remplies,  ce 
cône  déviateur  est  de  révolution  autour  de  OZ;  et  si  l'on  a 
K'=0,  il  dégénère  en  deux  plans  sécants  réels  dont  l'inter- 
section, située  dans  le  plan  des  XY^  est  la  droite  connue 

V  = V  d'azimut  p.. 

•  •  •  •      ' 

16.  On  peut  arriver  à  l'équation  du  cône  déviateur  par  une 
autre  voie  qu'il  importe  de  faire  connaître. 

Considérons,  à  cet  effet,  le  cône  moyen  rotàtoire  de  Mahis 
qui  a  pour  équation 

(m{     [pX+P'Y-^(îïsini'-f-p'cost')Z][Xsint-*-Y5in<4»-hO] 
(-[*X+î'Y+(î'cos»'-^p;sin»')Z}[Xsin(*--t)--Ysîni]==0. 

Il  diffère  du  cône  moyen  ordinaire  C<  en  ce  que,  conformé- 
ment à  la  règle  énoncée  plus  haut,  on  a  remplacé  dans  celui-ci 
p',  q'  par  <^,  sj».  Or,  si  l'on  exprime  que  ce  nouveau  cône  (56) 
devient  évanouissant^  on  obtient,  ici  encore,  une  équation  du 
3*  degré  en  tg  i  (et  non  en  tg  %'),  dont  la  racine  réelle  unique  a 
pour  valeur  • 

d'où  l'on  tire 

(*)  *A, .'  =  a*'  —  ^i^  =  (at  —  i')  —  a<', 


392  l'abbé  issaly. 

ce  qui  est,  remarquons-le,  l'extension  de  la  formule  i'^=  a,  -^  et 
(n^  2)  relative  au  plan  n  et  correspondant  à  i'=  0. 

Des  deux  plans  dan^^  lesquels  le  cône  (56)  se  décompose 
actuellement,  Tun  n'est  autre  que  le  plan  déviateur  n^.  déter- 
miné par  OZ  et  Tantinormale  OL.i,  l'autre  un  certain  plan 
connexe  Br>  qui  ne  saurait  être  d'aucune  utilité  pour  nous  en 
ce  moment. 

> 

Cette  méthode,  on  le  voit,  a  le  double  avantage  de  généra- 
liser la  théorie  du  premier  plan  de  polarisation  n,  et  de 
conduire  directement  à  l'antinormale  OLj»  du  plan  Iljf  sans  la 
faire  dépendre,  quant  à  sa  détermination  du  moins,  des  anti- 
normales-limites 0L|  et  OL^.  Il  va  sans  dire,  d'ailleurs,  que  le 
reste  du  calcul  s'achèvera  comme  ci-dessus  par  l'élimination 
de  t'entre  les  équations  OL^*. 

Nous  ferons  observer,  en  terminant,  que  la  formule  (g)  peut 
aussi  s'écrire,  d'après  (43)  et  (M), 

On  verra  bientôt  que  celle-ci  n'est  ^u'un  cas  particulier  d'une 
expression  plus  générale  encore. 

17.  Ellipsoïde  déviateur.  —  Soit  l'ellipsoïde 

(  <«>ÎX'4-(o;«Y«+<4«Z'  +  2(.>XcosV.YZ  +  2u)îa)aCOsV'.ZX 
^^^^  (  -H 2o>2»;co8V'. XY=1, 

dont  les  coefficients  nous  sont  connus  (n^  12)  et  qui  n'est, 
observons-le  en  passant,  qu'un  cas  particulier  de  l'ellipsoïde 
plus  général  qu'on  obtient  en  substituant  aux  carrés  des  pro- 
jections horizontales  tùl,  iù^  des  vitesses  angulaires  ceux  de  ces 
vitesses  elles-mêmes,  savoir  :  w'  =  p*  +  g*  +  r*,  etc.,  les 
angles  V,  V,  Y'  désignant  alors  les  faces  du  trièdre  sur  les 
arêtes  duquel  (axes  instantanés  de  rotation  dans  un  mouve- 
ment à  trois  variables)  les  vecteurs  o,  tù',  (ù"  doivent  être 
portés.    Mais  un  tel  ellipsoïde  relevant  essentiellement  de 


OPTIQUE  GÊOMÉTRIÛUE.  393 

la  cinématique,  il  nous  suffira  de  considérer  ici  Tellipsolde 
précédent. 

Nous  admettrons  donc,  comme  par  le  passé,  que  Ton  a 
V  =  V  +  V,  ce  qui  met  le  troisième  vecteur  dans  le  plan 
des  deux  autres,  et  nous  permet  de  donner  à  ce  même  ellip- 
soïde la  forme 

(57)    o)5X«+co;*Y«4-a>;«Z«  +  ^(KyYZ-f-K^ZX+K^XY)=l, 

le  coefficient  K^  que  nous  introduisons  pour  la  première  fois 
n'étant  autre  (32)  que  3î'. 

En  cherchant,  notamment,  la  courbe  d'intersection  de  cet 
ellipsoïde  avec  le  cône  déviateur  (55'),  on  trouve  qu'elle  est 
située  sur  le  cylindre  hyperbolique 

2co,Z  (-:%  X  +  -T^  Y  +  «J'z)  =  l. 
\sm'4>         sm*^  / 

Or,  on  peut  vérifier  que  le  plan  asymptote,  non  horizontal,  de 
ce  cylindre,  plan  dont  la  trace  coïncide  avec  celle  du  plan  Ily, 
coïncide  lui-même  avec  le  plan  tangent  au  cône  déviateur  le 
long  de  la  première  antinormale  OL,,  c'est-à-dire  celle  qui 
est  relative  au  plan  n,  savoir  : 

X_  Y  __Z 

Mais  il  y  a  plus  !  si  Ton  forme  les  équations  du  diamètre,  lieu 
géométrique  des  centres  des  ellipses  de  section  horizontale  de 
l'ellipsoïde  déviateur  (57'),  on  retrouvera  cette  même  anti- 
normale OL^;  et  comme,  d'autre  part,  en  remplaçant  p,  g', p', ... 
par  A,  A',  B„  ...,  il  devient  loisible  (V,  n®  32)  de  prendre,  au 
lieu  de  OZ,  un  rayon  OL  d'orientation  quelconque  dans  l'espace, 
on  arrive  à  la  construction  générale  suivante  : 

Règle.  —  Étant  donnée  la  surface  normo-directive  S»,, 
on  obtient  le  premier  plan  de  polarisation  géométrique  n  de 
Vun  quelconque  de  ses  rayons  en  menant  le  plan  qui  passe 

T.  I  (5«  Série).  26 


394  l'abbé  ISSALY. 

• 

par  ce  rayon  et  par  le  diamètre,  lieu  des  centres  des  sections 
faites  dans  Vellipsoïde  déviateur  correspondant  perpendi- 
culairement au  rayon  donné. 

Ceci  est^  comme  nous  Tavons  annoncé  dès  le  débuts  la 
généralisation  de  la  règle  formulée  (V,  n^  12)  pour  la  surface 
de  Tonde  S^. 

Lorsque  les  conditions  maxima  ou  minima  sont  satisfaites, 
l'ellipsoïde  déviateur  est  de  révolution  autour  de  OZ. 

Si  l'on  a  K'  =  0,  c'est-à-dire  J;  =  ij;',  il  se  transforme  en  un 
cylindre  elliptique  représenté  par 

[a)z  (pX  +  p'Y)  4-  ptùl  CCS  V.  Zy  H-  p»ù)J*  sin»  V.  P  =p\ 

Enfin,  si  l'on  suppose  que  ^  =  ij^'  =  ^',  on  n'a  plus  que  les 
deux  plans  parallèles  réels 

pX-f-p'Y  +  p'Z=±^. 


VII 

Expression  générale  de  l'angle  que  forme  le  plan  tangent 
à  l'un  quelconque  des  cOnes  de  Blalus  avec  un  plan  déviap 
teur  donné. 


18.  Nous  prendrons  d'abord  chacun  de  nos  plans  dans  la 
première  des  deux  séries  (moyenne  ou  complémentaire)  aux- 
quelles il  peut  appartenir.  En  désignant  toujours  par  i  l'obli- 
quité du  plan  tangent  P.,  et  par  i'  celle  du  plan  déviateur  n^, 
leurs  équations  respectives  seront  (29)  et  (50) 

Y_q'  -p[u  Y  _  K^tf  -f-  m 

X^îîtt  +  p*'  X""  K  —  KyU'  ' 

L'angle  cherché  a^  —  a,.  =  6  aura,  par  suite,  poar  tangente 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  395 

trigonométrique  (coordonnées  obliques) 

(58)  ige  =  --?^l— -?^ î \ 

Ay.tftt'  -4-  Ay.ti'  —  A^tt  -f-  Al 

les  discriminants  qui  y  figurent  étant  les  mêmes  que  ceux  du 
n^H. 

Comme  vérification,  pour  %  =  t',  on  retrouve  la  formule  (jf') 
du  no  16. 

Si  les  deux  plans  appartenaient  tous  deux  aux  séries  complé- 
mentaires, on  changerait  simplement  u  en  —  -  et  w'  en j- 

Ceci  indique  assez  ce  qu'il  y  aurait  à  faire  pour  les  deux  autres 
combinaisons  possibles. 

Passons  en  revue  quelques  cas  importants  : 

1^  Lorsque  les  conditions  maxima  (5)  sont  vérifiées,  il  vient 

(89)  tge  =  ^""'.-^><"-",?-^^ 

'  ^  PiWtt'  +  î  (14  —  u')  -f-  Pi 

et,  par  suite, 

(69')  e  =  ^  -  (i  —  i'). 

Il  en  résulte  que  les  deux  plans  P{  et  Up  coïncideront  ou 
seront  rectangulaires  selon  que  Ton  aura 

(59")  i  —  t'  =  ^,       ou       i^f  =  f^±  5, 

ce  qui,  d'après  (13),  peut  aussi  s'écrire 


w 


(69^  t-t'=tf,      ou       t«i'=tf±^ 

Vérifions  par  un  calcul  direct  ces  deux  derniers  cas  extrêmes. 
On  s'assurera  d'abord  que  l'azimut  du  plan  n,.  a  ici  pour 
valeur 

a  désignant  l'azimut  ^'  —  ^  du  plan  n  (n®  2). 
Gela  étant,  si  l'on  égale  la  valeur  i'  —  à  —  i'  de  a<,,  soit  à 


396  l'abbé  issalt. 


% 


a<  =  ^J^"  —  t,  soit  à  a^  =  (J^'  —  *  ^  2*  ^^  retrouve  les  rela- 
tions (59'). 

2^  Quand  ce  sont  les  conditions  minima  (10)  qui  sont  satis- 
faites^ on  a  y  en  faisant,  pour  un  instant,  tg  (24*'  —  4*)  ==  A 

/An^  1er  A  —  f^^'  4-  (Il  +  tf')  -  /^ 

^^)  ^««-«u'-Au  +  ti')-!' 

et,  par  suite, 

(60')  e  =  m'  -  *)  -  (t  +  t'). 

Donc,  les  plans  ?<  et  n.7  seront  ou  coïncidents  ou  à  angles 
droits,  selon  que  Ton  aura 

(60')      t4-i'=2il^'  — *,       ou       Î4-i'  =  (24/'-*)±^- 
Remontant  aux  relations  (13),  on  peut  aussi  écrire  : 

(60^)  t  +  i'  =  t2;\       ou      i^f  =  q'±l' 

Pour  vérifier  ces  deux  derniers  cas-limites,  on  constate 
d'abord  qu'actuellement 

a  désignant  le  nouvel  azimut  <{/  —  4'  du  plan  n  (n**  3). 

Si,  après  cela,  on  égale  la  valeur  actuelle  de  a»>9  soit  à  a^, 
soit  à  a,,  comme  on  Ta  fait  dans  le  premier  cas,  on  retombera 
sur  les  relations  (60'). 

3^  Supposons,  en  dernier  lieu,  que  Ton  ait  K'  =  0.  Après 
avoir  supprimé,  haut  et  bas,  le  facteur  commun  (K^  u'  +  K") 
qui,  lorsqu'il  est  nul,  rend  0  indéterminé  et  équivaut  à  la  con- 
dition f  '  =  4'  —  à,  on  trouvera 

(61)  tg  e  =  -  ^'P'  ~  ^'P^  "  ~  ^^'  ^'  -^  ^'P^- 

_        ,  ,         p  sinoo 

Posant,  comme  au  n^  4  :  —  ^  =  .    . .   ' — ;  ♦  on  en  conclut 

p       sm  (*  —  <po) 

(61')  e  =  (*'  --  ?o)  -  t. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  397 

Donc,  les  plans  P,-  et  n.i  seront  coïncidents  ou  orthogonaux 
^lon  que  Ton  aura 

(61')  •  =  *'-<Fo.       ou     t  =  (*'-<po)±^, 

qtMl  que  8oit  d^ailleurs  V . 

19.  En  rapprochant  par  exemple  les  formules  correspon- 

dantes  àO  =  OetO  =  â  obtenues  dans  les  deux  premiers  cas, 

formules  qui  complètent  si  heureusement  les  relations  (13), 
on  a 

Plus  généralement,  nous  ferons  observer  que  si,  dans  cer- 
tains phénomènes  naturels,  le  cas  du  maximum  et  du  minimum 
se  trouvent  coexister  pour  Fobliquité  polarisatrice  i^,  il  faut 
qu^on  ait  alors  simultanément,  6  étant  quelconque. 

Or,  il  résulte  de  nos  précédents  Mémoires  que  les  conditions 
minima  sont  effectivement  toujours  réalisées  par  Thyperbo- 
loïde  générateur  du  rayon  ordinaire.  Quant  au  rayon  extraor- 
dinaire, Tellipsoïde  qui  le  produit  réalise  toujours  la  seconde 
des  conditions  maxima  (lY,  15,  4^),  et  très  sensiblement  la 
première  quand  ce  n'est  pas  exactement  aussi,  comme  le  long 
d'un  axe  de  révolution  de  cet  ellipsoïde,  par  exemple. 

Sans  insister  ici  davantage  sur  ce  point,  le  lecteur  trouvera 
dans  notre  Note  finale  d'intéressants  développements  sur  les 
liens  analytiques  qui  unissent  les  deux  obliquités  polarisatrices 
maxima  et  minima. 


398  L^ABBÊ  ISSALT. 


vni 


Application  à  la  polarisation  chromatique. 


20.  I.  —  Formules  itsuelles,  — Notre  point  de  départ,  pour 
construire   tout  d'une  pièce  ces    formules,  sera  Tidentité 
suivante  : 
(a)  (sîn*a  -*-  ces*  a)  (sin*6  4-  ces*  6)  =  I, 

laquelle,  développée,  devient 

(a')    sin'asin'ft  -4-  sin*acos*ft  4-  cos*asin*b  4-  cos*acos'6=l. 

Cela  étant,  ajoutons  et  retranchons  dans  le  premier  membre  de 
cette  dernière  la  quantité  2  sina  cosa  sinb  cosb  cosS;  Tangled 
étant  quelconque^  le  résultat  pourra  s'écrire  : 

(     ces* (a  4-  ft)  4-  2sinasin b  cosacosb  {i  —  ces  8) 
^   '      (4- sin* (a 4- 6)  —  Ssinasin b cosacos b{i  —  cos 8)  =  1. 

Posant 

F  8 

-j  =  ces*  (a  4-  6)  4-  sinîa  svaib  sin*  -  » 

-j  =  sin*  (a  4-  6)  —  sin2a  sin26  sîn'  -i 

ce  qui  implique  la  condition  F<,  +  F^  =  I,  on  obtient  ainsi,  sans 
hypothèse  d'aucune  sorte,  deux  expressions  de  même  forme 
que  celles  en  usage,  depuis  Fresnel,  pour  représenter  spéciale- 
ment dans  la  théorie  des  ondulations  les  intensités  résultantes 
Fo,  Fe  des  faisceaux  ordinaire  et  extraordinaire  suivant  lesquels 
se  partage  tout  faisceau  lumineux  tombant  normalement  sur 
une  lame  de  cristal  à  un  axe,  par  exemple,  taillée  parallèle- 
ment à  cet  axe. 

L'analogie  se  change  en  coïncidence  lorsqu'on  fait  8  =  ic  r- 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  399 

et  qu'on  suppose  que  les  angles  a  et  b  désignent  ceux  que  font 
avec  l'axe  de  la  lame  les  traces  du  plan  primitif  de  polarisation 
et  de  la  section  principale  du  prisme  biréfringent  que  le  double 
faisceau  doit  traversera  sa  sortie  du  cristal. 

En  résumé,  vu  Tindétermination  originelle  de  8,  les  formules 
adoptées  dans  la  théorie  classique  peuvent  être  considérées, 
on  le  voit,  comme  émanant,  à  la  spécification  de  8  près,  de 
simples  identités  trigonométriques. 

21.  II.  —  Formules  de  Biot.  —  Nous  observons  que  ces 
mêmes  formules  (6)  peuvent  aussi  s'écrire 

~  =  cos*  (a  -♦-  b)  ces'  ^  -♦-  cos*  (a  —  b)  sîn'  -> 

)  ¥  8  8 

I  Y  =  sin'  (a  -f-  b)  ces'  -  4-  sin'  {a  —  b)  sin*  -  • 

Or,  si  l'on  y  fait 

0  =  Icos'L     E  =  Isin«|, 

il  viendra 

i  F^=  0  cos'(fl  +  fr)  +  E  cos*(fl  —  fr), 
^^^  (  F,  =  0  sin»  (a  +  6)  4-  E  sin»  (a  -  b). 

Posant  enfin  a  +  b  =  aeta  —  b=  a  —  2t,  on  obtient  exac- 
tement les  formules  par  lesquelles  Biot  a,  tout  le  premier, 
représenté  les  phénomènes  constitutifs,  voire  (si  la  lumière  est 
blanche)  le  phénomène  intégral  de  la  polarisation  chromatique. 

22.  III  —  Théorie  analytique  nouvelle.  —  Son  exposé 
exige  que  nous  reprenions  les  choses  de  plus  haut. 

Lehme.  —  L'identité  (a)  de  départ  peut  être  envisagée 
comme  issue  de  l'expression  de  la  déviation  verticale  d'une 
courbe  quelconque  S  tracée  sur  toute  pseudo-surface  9'  tan- 
gente, à  l'origine,  au  plan  des  X  Y. 

Remontons  en  çffet  à  la  Note  qui  termine  notre  6""  Mémoire, 


400  l'abbé  ISSALY. 

On  y  verra  (8)  qu'en  posant 

^  p  sin  ç'  +  p'  sin  <p  =  P  sin  4>, 
(  q  siïiff'  -h  q'  sin  ç  =  Q  sin  *, 

le  carré  de  la  déviation  verticale  -^  ou  6i*  de  la  courbe  S  peut 
(14)  se  mettre  sous  la  forme 

Oi^  =  p«  -i-Q«  4-  2PQ  ces  4>. 

Il  suit,  d'autre  part,  de  notre  Mémoire  sur  les  congruences 
de  droites  (n**  9),  que  Ton  a  aussi  pour  les  courbures  de  front 
ou  de  profil  de  cette  même  ligne  S 

-ir  -  r,"  -  ^" 


a  'S 


(0  désignant  l'angle  que  forme  l'élément  d  S  avec  la  projection 
horizontale  de  l'angle  de  contingence  dt  relatif  aux  pseudo- 
normales MN,  M'N'  menées  aux  extrémités  M  et  M' de  cet  arc. 
On  en  conclut 

Oi*  =  Oi]  +  (Jil  =  (P«  4-  Q"  -♦-  2PQ  CCS  4>)  (sin*(o  -*-  C08*ci)). 

C'est  le  cas  général. 

Lorsque  les  conditions  maxima  ou  minima  sont  satisfaites^ 
cette  expression  revient  à  celle-ci  : 

(33*  =  (p*  4-  9*  +  2p9  CCS  ^)  (sin'  <p  +  sin'  ?'  4-  2  sin  <p  sin  <p'  ces  ^)) 

X  (sin*(o  +  cos'ii))V 

ou  plus  simplement  à  cette  autre  :(?)'  =  wj  sin'  *. 
Que  si  les  coordonnées  deviennent  rectangulaires, 

(/•)        (33*  =  (p*  4-  j')  (sin'ç  4-  cos'ç)  (sin'd)  4-  cos'a)); 

et  puisque  (33'  =  p'  +  g',  on  retombe  de  la  sorte  méthodique-' 
ment  sur  l'identité  (a);  ce  qu'il  s'agissait  de  faire  voir. 

23.  Reprenons-la  donc,  cette  identité,  et  faisons-en,  à  notre 
tour,  comme  le  pivot  de  nos  propres  recherches. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  401 

A  cet  effet,  nous  ferons  remarquer  d'abord  que  puisque  les 
angles  i  et  i'  dont  il  n'a  pas  cessé  d'être  question  dans  le  para- 
graphe précédent  sont  absolument  quelconques,  nous  pouvons 
les  identifier  avec  les  angles  9  et  cd  ci-dessus.  Faisant,  en  outre, 
p  =  ±  gl,  q  =  ±Po  (conditions-limites),  on  aperçoit  sans 
peine  que  l'identité  {f)y  devenue  d'abord 

(f)      (Ji*  =  (p;«  +  gl*)  (sin*î  4-  cos*t)  (sînM'  ^  cos'i'), 

peut  aussi  s'écrire  : 

i  (D'  =  p'o'  Lsin'  (î  -  î')  4-  cos«  (i  -  î')] 
^^  I        -*-  ql^  [8in«  (i  + 1')  +  cos«  (t  4-  i')]. 

Cela  posé,  si  l'on  remonte  aux  formules  générales  (59')  et 
(60'),  savoir  : 

I  -  î'  =  ^1/  -  6  =  if  —  6, 

I  4.  t'  =  24/'  -  t|/  -  6  =  t^^'  —  6, 


x'*/  \       _•       .        _•»     A   i  V  •  A  ^V) 


formules  pour  la  simultanéité  desquelles,  remarquons-le  à 
nouveau,  il  faut  que  l'on  ait 

puis,  qu'on  les  substitue  dans  (g),  il  viendra 

(  d3*  =  p?  [sin«  (d;  —  0)  4-  cos*  {^  —  0)] 
^*^      t        -f-  ql^  [sin*  {iy  -  4;  —  0)  4-  cos*  (24*'  —  4*  —  0)]. 

Par  analogie  avec  (c),  ou  plutôt  pour  introduire  directement 
dans  le  calcul  les  deux  faisceaux  partiels  dont  se  forme  (expé- 
rimentalement) chacun  des  deux  faisceaux  transmis,  nous 
nous  trouvons  conduit  à  poser 

m^      {  •*''  =  P^'  ^^^'  (*  -  0)  4-  q'e'  CCS»  m'  -  4/  -  0), 
^^^^      (  S!?  =  PÔ'  sin»  (i|;  -  8)  4-  q'e*  sin«  (24*'  -  *  —  0), 

et  cela  en  négligeant  un  second  système  similaire  qui  ne  paraît 
convenir  ni  aux  phénomènes  lumineux  ni  aux  phénomènes 
calorifiques. 


402  l'abbé  issalt. 

Avant  que  de  passer  outre,  il  devient  nécessaire  de  fixer  la 
signification  des  angles  qui  entrent  dans  ces  formules. 

A  cet  effet,  désignons  par  6  (fig.  3)  Tazimut  XOA  du  plan  P^, 
section  principale  de  l'analyseur.  La  trace  OA  de  cette  section 
se  trouvera  ainsi  dirigée  suivant  le  vecteur  (o^  et  aura  par 
conséquent,  avec  nos  coordonnées  rectangulaires  actuelles, 

pour  équation  zr  =  -  =  tg  ^j/. 

Soit,  en  second  lieu,  ^^  Ta^imut  XOA'  de  Taxe  de  la  lame 
cristallisée,  axe  dont  la  direction  OA'  coïncidera  par  là-même 
avec  le  vecteur  w^,  puisqu'elle   aura,  comme   ce   dernier, 

—  =  5L=:  tg  d^'  pour  équation.  Nous  désignons  subsidiairement 
A      p 

dans  la  figure  par  XOtq  ou  ÇOiq  l'angle  2^j/',  double  de  XOA'. 
Quant  au  plan  de  polarisation  primitive  II«,  nous  choisirons 
pour  le  représenter  le  plan  Y  =  0  lui-même  ;  sur  quoi  on  peut 
observer  que  ces  deux  plans  se  trouveront  coïncider  entre  eux 
et  avec  le  plan  tangent  P„  toutes  les  fois,  notamment,  qu'on 
supposera  l'angle  0  nul,  vu  qu'alors  l'azimut  de  ce  dernier 

T 


y 


A'    Y 

Fig.  3. 

plan,  qui  est  égal  k^'  —  i,  sera  nul,  lui  aussi,  en  vertu  de  la 
première  des  relations  (h'). 
Ajoutons,  enfin,  que  l'angle  i  sera  compté  positivement  ou 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  403 

négativement  à  partir  de  OX  jusqu'à  la  direction  01,  telle 
queI0A'=6. 

L'angle  i'  sera  compté  de  la  même  façon  à  partir  de  OA  jus- 
qu'à OA'. 

Ces  préliminaires  indispensables  posés,  revenons  au  sys- 
tème (62).  Si  l'on  y  fait  6  =  0,  il  devient 

((\^'\  (  A*  =  Po*  C08«  ^  +  q'e*  cos«  m'  -  ^), 

^""^  ^  I  a«  =  pi»  sin»  ^  +  ql*  sin*  (2^;'  -  4*), 

système  qui  ne  diffère  que  par  la  notation  de  celui  de  Biot,  soit 
qu'il  s'agisse  de  la  lumière  homogène  (seul'  cas  que  nous 
considérions)  ou  de  la  lumière  blanche,  et  qui,  par  conséquent, 
satisfera  pleinement  comme  lui  à  l'expérience  pour  toute  lame 
d'épaisseur  donnée.  Or,  il  importe  d'observer  que  l'on  peut 
obtenir  directement  ce  dernier  système  (62')  sans  l'assujettir 
à  la  condition  6  =  0.  En  effet,  si  l'on  remonte  à  l'identité  (t), 
on  constatera  aisément  que  le  facteur  (sîn*  6  +  cos'  6)  peut 
y  être  mis  en  évidence,  ce  qui,  en  nous  ramenant  directement 
à  ce  même  système  (62'),  nous  permet  désormais  de  l'envi- 
sager comme  indépendant  de  0,  simplement. 

Il  y  a  plus  :  si  l'on  examine  avec  attention  les  formules  qui 
le  composent,  on  reconnaîtra,  sans  même  recourir  au  n^  19, 
qu'il  trahit,  pour  chacun  des  faisceaux,  une  symétrie  manifeste 
de  ses  deux  éléments  constituants,  soit  autour  de  OA',  soit 
autour  de  OB',  directions  qui  ne  sont  autres  que  ce  qu'en 
cristallographie  on  nonime  les  droites  d'extinction  de  tout 
cristal  soumis  à  l'action  de  la  lumière. 

Ceci  posé,  utilisons  dès  maintenant  la  remarque  ci-dessus 
relative  à  l'indépendance  de  l'angle  0  et  introduisons,  du 
même  coup,  la  double  symétrie  en  question  dans  les  coeffi- 
cients, jusqu'ici  arbitraires, pôS  çl*-  Pour  cela,  ayant  égard  à  ce 
que,  d'après  (ft'),  on  a  A'  —  6  =  t  et  ^'  +  0  =  2  J/'  —  i,  nous 

poserons  d'abord  4  =  .  ,^  ,  _  .^  >  puis,  plus  explicitement, 
r  A  «'«  -      y  sin»  m'  ~  0  ,  _  D'sin»  t 

V/  V»     —  .:„!  /a.i.r .\    .    „:_!  ,•'        "'    — 


sin'  (2«!<'  —  I)  +  8in'  i      '        sin»  (2^  —  0  +  sin'  « 


404 


i/abbë  issaly. 


avec 


p:*  +  î:'=Jb«4-â5'  =  D' 


(en  remplaçant  ici  convenablement  (Î3*  par  3'). 

Ces  relations^  on  le  vérifiera  sans  peine,  transforment  le 
cercle  X*  +  Y*  =  3*,  en  une  ellipse  Ç*  +  tq'  =  3%  rapportée  à 
ses  diamètres  conjugués  égaux,  d'angle  i^'  ou  %  —  24". 
Introduites  dans  (62'),  elles  font  prendre  à  ce  système  la 
forme  définitive 


(62') 


Jb'= 


35*  = 


3*  [sin'  {iy  —  0  cos'il;  -h  sin*  i  cos«  (2(^'—  ^)] 

sin'  (i^—  i)  4-  sin*i 
3'  [sin'  (JY—  i)  sin«4;  -h  sin«  i  sin«  (2^*^  -  ^)] 

sin*  (24>'—  0  -*-  sîn't 


On  voit  aussitôt  que  rien  ne  change  dans  ces  relations  quand 
on  y  remplace  ^'  par  ^'  ±  5»  mais  qu'au  contraire  Jb'  et  â5' 

permutent  leurs  valeurs  lorsqu'on  ajoute  àz  5  aux  obliquités 

polarisatrices  (A),  en  fonction  desquelles  ^  et  2d^'  —  ^  sont 
exprimables. 

Parmi  les  valeurs  les  plus  remarquables  qu'on  peut  tirer  de 
ces  nouvelles  formules,  signalons  les  suivantes  : 


OBUQUITÉS  ET  AZIMUTS 

INTENSrrÉS 

DU  FàISCEAU 

INTENSITÉS 

DU  FAISCEID 

ORDINAIRE 

nTKlOllDnAIllK 

/          2f 

3» 

0 

♦' 

3*  cos*  <^' 

3*  sin*  Y 

\           0 

3' 
3»  sin»  Y 

0 
3»  cos»  Y 

1  ^  (♦•-!) 

3* 

0 

«  =  0 

*=*i 

0 

3» 

OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  405 

Il  s'agit  d'appliquer  ces  résultats  au  phénomène  de  la  pola- 
risation chromatique  dans  le  cas  simple  mais  constitutif  où  la 
lumière  est  homogène. 

A  cet  effets  admettons  d'abord  que,  durant  tout  le  trajet  du 
faisceau  incident  à  travers  la  lame  cristallisée,  l'angle  ^,  dont 
la  valeur  ne  dépend  encore  que  de  l'action  combinée  du  pola- 
riseur  et  de  la  lame,  satisfasse  à  la  condition  indiquée  i  =  ^y 
sauf  à  prendre  brusquement,  à  l'émergence  du  faisceau,  la 
valeur  fixe  que  la  position  donnée  de  l'analyseur  lui  assigne. 
D'après  (ft'),  cette  première  hypothèse  entraîne  que  i  +  6 
=  i  +  i'  =  ^',  et,  conséquemment,  que  OA  et  01  coïncident 
(fig.  3). 

Supposons  en  deuxième  lieu  que,  pour  les  épaisseurs  crois- 
santes 0,e,^eySe,Ae, ,..,  dont  le  pas  6  dépend  essentiellement 
de  l'espèce  de  lumière  employée,  les  deux  angles  égaux  i  et  ip 
vérifient  l'une  ou  l'autre  (selon  le  signe  de  la  lame)  des  pro- 

t  £  t  £ 

portions  suivantes  •  7i  =  "'  ou =  -»  de  façon  à  prendre 

les  valeurs  périodiques  correspondantes  0,  ^\  2^',  ^\  0,  ou 

bien  0,*'-^.  2  (4,'- 0,4,^-^,0. 

Concevons  enfin  qu'à  ^  l'oscillation  des  axes  des  molécules 
lumineuses  ]>  autour  de  OA'  ou  de  OB',  imaginée  par  Biot,  on 
substitue  celle,  équivalente,  du  plan  (dynamique)  P^f_<  ou  P©, 
de  part  et  d'autre  de  ces  mêmes  axes.  En  faut-il  davantage 
pour  que  se  trouve  constituée  par  là -môme,  sur  une  base 
inattaquable,  une  théorie  vraiment  rationnelle  et  en  parfait 
accord  avec  l'expérience,  des  phénomènes  fondamentaux  de 
la  polarisation  chromatique?...  Nous  laissons  aux  physiciens- 
géomètres,  et  à  eux  seuls,  le  soin  d'en  décider. 

Terminons  par  quelques  remarques  : 

(a)  Si,  dans  les  formules  générales  (62'),  on  suppose  que 

i  =  ^'  =  ±  7  »  il  vient  Jfc*  =  3î*  =  0  3*,  et  cela  quel  que  soit  ^. 
La  polarisation  uniforme  que  prennent  alors  les  deux  faisceaux 


406  L^ABBÉ   ISSALY. 

peut  donc  être  convenablement  qualifiée,  selon  Tusage,  de 
circulaire. 

(^)  Elle  pourra,  de  même,  être  taxée  d'elliptique  lorsque, 
tout  en  restant  égaux  entre  eux,  ces  deux  angles  prendront 
une  valeur  quelconque. 

(y)  Que  la  condition  i  =  t]^'  suffise  pour  caractériser  les 
lames  dites  quarts  d'onde,  c'est  ce  que  nous  ferons  voir 
ultérieurement  ici  ou  ailleurs  (Cosmos),  quand  il  sera  question 
d'étendre  notre  théorie  à  un  nombre  quelconque  de  lames. 

(S)  Pour  passer  de  la  lumière  homogène  à  la  lumière  blan- 
che, il  faudra  faire  la  somme  d'une  infinité  d'expressions  de 
même  forme  que  (62'),  ce  qui  implique  la  condition  générale 


IX 

Transformations  diverses  opérées  sur  la  double  série  des  plans 
axiaux.  —  Effets  produits  par  le  retournement  des  couples 
de  composantes  horiiontales. 


24.  Première  transformation,  —  Il  nous  paraît  utile,  avant 
tout,  de  grouper  dans  un  même  tableau  diverses  formules 
relatives  à  la  question  actuelle,  et  qui  ont  été,  du  reste,  déjà 

établies  dans  notre  dernier  travail,  savoir  : 

« 

sm'<I>  \  sm'<I>  «  »  ' 

(64)  {  ""  *  (64-)    "°  * 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIÛtJB.  407 

avec  cette  remarque  qu'entre  ces  divers  binômes^  on  a  les 
relations 

K(i)  sin  *  =  Kj  —  Kl  cos  *, 
Ceci  rappelé,  soit  Téquation  du  plan  axial  moyen  Ui 

^^  X  ""  K,tt«  4-  [KJ„-  KJi)]  tt  +  k/ 

Celle  du  plan  axial  complémentaire  n^  s'en  déduit,  redisons-le, 

r.  1 

en  changeant  t  en  i  ±  â'  c'est-à-dire  w  en  —  -  • 

En  introduisant  les  conditions  minima  (10),  exclusivement, 

Y      K' 

dans  chacune  d'elles,  on  trouve  v  =  ]F'  ce  qui  est  le  premier 

plan  de  polarisation  n  lui-même.  Il  fallait  s'y  attendre,  puisque, 
d'après  (YI,  n^  29),  la  condition  de  coïncidence  de  ces  deux 
plans  est 

(0  [(ît  -  P\)^  +  (P  +  î')]  (À^ti  +  A.)  =  0, 

laquelle  est  identiquement  vérifiée  quand  les  conditions  minima 
ont  lieu. 

Mais  supposons  qu'avant  de  les  introduire,  ces  conditions, 
on  change  dans  les  termes  de  (65)  p\  q'  en  tî»,  ^,  etp\,  q\  en 
^,  Ç,  conformément  à  la  règle  généralisée  dont  il  a  été  déjà 

fait  usage  au  n°  15;  il  viendra  alors,  après  réductions  y  =  v^' 

c'est-à-dire  que  le  plan  déviateur  Or  aura  pris  la  place  du 
plan  n,  comme  on  pouvait  le  prévoir.  On  retrouverait  le 
plan  Ily  en  appliquant  au  plan  (65)  la  règle  simple  du  n**  10 
qui  est  spéciale  à  ce  conjugué. 

Cette  coïncidence  possible  du  plan  axial  moyen  II,,  avec  un 
plan  déviateur  llji  quelconque,  sous  la  seule  réserve  que  les 
conditions  minima  soient  satisfaites,  nous  conduit  à  jeter  (par 
mode  de  digression)  un  coup  d'œil  rétrospectif  sur  la  condi- 
tion de  coïncidence  des  plans  axiaux  II<  et  Uj  eux-mêmes 
(YI,  n^  32). 


408  l'abbé  issalt. 

Nous  avons  trouvé  qu'au  moment  où  ces  plans  n'en  font 
qu'un,  leur  équation  commune  est 

Y  _  K;  +  k;  _       sinx 
X^K,  4-K,      sin(<l>  — x)' 

On  en  déduit,  à  Taide  du  tableau  ci-dessus,  et  sans  hypothèse 

aucune, 

p[  {g  +  p')  -glip-q'-^-  2g  cos  ^)  ^ 

P'i  (Pi-  ?1)  +  îî(?i  +Pl  — 2PiCOS<l>) 

D'autre  part,  si  Ton  forme  Téquation  aux  bissectrices  des 
lignes  de  courbure 

(Si)  Pi  ds^  4-  (?i  +  p'i)  ds  ds'  4-  q[  d«'*  =  0, 

on  trouvera,  pour  celle  de  ces  bissectrices  qui  fait  le  plus 

1 
petit  angle  co,  avec  OX,  que  co,  =  5  (x  +  J'"),  ce  qui  établit 

une  relation  simple  entre  les  trois  angles  (Op  x  ^t  ^\ 

En  particulier,  lorsque  X=^'  —  <^''=a  (12),  il  vient  co,  =  ^> 

formule  remarquable,  mais  dont  Tapplication  physique,  s'il  en 
est,  nous  échappe  complètement. 

25.  Deuxième  transformation.  —  Il  résulte  de  nos  for- 
mules préliminaires  (i)  et  (i')  que  le  retournement  de  deux 
composantes  horizontales,  c'est-à-dire  le  changement  de  jp,  q 
en  — p,  — q,  ou  bien  celui  de  p',  g'  en  — p\  —  g',  entraine 
le  changement  simultané  dep„  g,  en  — p„  —  q^,  ou  dep'„gî 
en  — p\f  — q[f  et  vice-versa. 

Au  point  de  vue  géométrique,  un  tel  retournement  substitue 
—  tt>2  à  CD2,  ou  bien  —  co^  à  coâ,  de  manière  à  faire  passer 
(K"  devenant  négatif)  du  triangle  OAA'  du  parallélogramme 
déviateur  (fig.  2)  à  son  adjacent,  soit  de  droite,  soit  de  gauche. 

On  voit  encore  que,  par  le  changement  de  signe  qu'elle 
entraîne  dans  les  coefficients  angulaires  des  plans  n  et  n^, 
l'opération  précitée  substitue  à  chacun  d'eux  son  conjugué 
harmonique  par  rapport  aux  plans  X  =  0,  Y  =  0,  si  les 


OPTIQUB  GÉOMÉTRIQUE.  409 

coordonnées  sont  obliques^  et  son  symétrique,  si  elles  sont 
rectangulaires. 

Quant  à  la  double  série  des  plans  axiaux,  le  retournement 
de  ces  mêmes  composantes  y  produit  des  modifications  plus 
profondes,  vu  que  ce  sont  deux  séries  tout  à  fait  nouvelles 
Tfi  et  n)  qu'on  engendre  de  la  sorte. 

Ayant  le  choix  d'opérer,  dans  les  premières  de  ces  séries,  le 
changement  de  signe  sur  Tun  ou  Tautre  groupe  de  compo* 
santés,  nous  conviendrons,  pour  Tuniformité  des  calculs,  de 
le  faire  porter  sur  les  composantes  p',  q'  etp[y  q\f  exclmir 
vement. 

Ceci  admis,  concevons  la  présente  transformation  exécutée 
dans  le  second  membre  de  (65);  nous  aurons  ainsi  formé 
réquation  d'un  nouveau  plan  II^  qu'il  y  a  lieu  de  comparer  au 
plan  primitif  ITf.  —  Par  exemple,  on  peut  se  proposer  de  cher- 
cher pour  quelles  valeurs  de  i  les  plans  n.* et  U\  coïncident?... 

En  égalant  leurs  coefficients  angulaires,  on  obtient  une 
équation  du  4""®  degré  en  tg  i  ou  en  u,  qui  se  décompose 
comme  il  suit  : 

(m)  (u«  +  i)  (p\u  -  q')  {q[u  +  f)  =  0. 

Comparant  avec  (29),  on  voit  que  les  valeurs  de  i  cherchées 
sont  celles  qui  font  coïncider  le  plan  tangent  P^,  soit  avec  le 
plan  Y  =  0,  soit  avec  le  plan  X  =  0.  Ceci  nous  rappelle  que 
c'est  le  premier  de  ces  cas  que  nous  avons  rencontré,  au  §  VIII, 
quand  nous  avons  fait  de  P<  le  plan  primitif  de  polarisation  Ilo. 
Un  calcul  analogue  opéré  sur  les  plans  de  la  deuxième  série 
11/  et  n'  conduirait  à  l'équation  similaire 

(m')  (ti«  +  l)  (fu  -  q[)  (î'fi  +  p[)  =  0, 

dont  les  racines,  comparées  avec  (30),  donneraient  lieu  à  la 
même  interprétation. 

Il  reste  à  porter  dans  les  équations  des  plans  !!{ et  Uj  avec 
lesquels  ni  et  n]  sont  actuellement  confondus,  les  couples  de 
racines  des  équations  (m)  et  (m').  On  n'obtient  ainsi  que  deux 

T.  I  (5«  Série).  27 


410  l'abbé  issalt. 

plans  distincts  qui  sont  : 

Nous  les  représenterons  par  !!»,«  et  !],.§,  bien  que  nous  n'ayons 
pas  à  insister  davantage  sur  eux  en  ce  moment.  On  remar- 
quera que  leur  forme  seule  peut  servir  de  vérification  à  nos 
calculs^  vu  que  le  retournement  des  composantes  les  laisse 
intacts^  comme  cela  devait  être,  a  priori.  On  constate,  du 
reste,  que  les  conditions  minima  rendent  ces  deux  plans  iden- 
tiques avec  le  plan  n,  conformément  à  ce  qui  a  été  vu  (n^  24). 

26.  Troisième  transformation.  —  Reportons- nous  à  la 
figure  (1).  On  voit  immédiatement  que  substituer  p^,  q^,  par 
exemple,  à  p,  q,  revient,  au  facteur  constant  sin  ^  près,  à 
substituer  p,  q,  à  p,  g,  c'est-à-dire  à  remplacer  les  compo- 
santes obliques  du  vecteur  Ok  ou  (ù^  par  ses  ortho^^ompo- 
santes.  Le  passage  inverse  de  p,,  9i  à  p,  g  s'expliquerait  d'une 
manière  analogue  à  l'aide  du  trièdre  supplémentaire. 

Cela  étant,  nous  remarquons  que  les  binômes  K,  K',  K', 
comme  aussi  K^,  K^,  restent  indifférents  à  une  semblable 
transformation  puisqu'on  a,  par  exemple, 

^  =  K=p'q'-  g'p'  =p[q\-  q[pl 
^  =  Ky=  p'p\  +  q'q\  =  p[p'  +  q[q\ 

De  là  cette  conséquence  importante  que  la  double  série  des 
plans  déviateurs  et,  par  suite,  l'ellipse  déviatrice,  sont  absolu- 
ment indépendants  de  la  transformation  qui  nous  occupe. 

Mais  supposons  qu'il  s'agisse  des  conditions  maxima  (5)  et 
des  conditions  minima  (10);  on  passera  bien  des  unes  aux 
autres  par  le  simple  retournement  des  composantes  p',  q'  si  les 
coordonnées  sont  rectangulaires;  mais  la  permutation  des 
composantes  de  même  espèce,  d'un  trièdre  à  l'autre,  s'impose 
quand  les  coordonnées  sont  obliques.  Il  y  a  donc  lieu,  pour 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  411 

préparer  et  faciliter  les  calculs  subséquents,  d'opérer  cette 
double  transformation  dans  les  binômes  (63)  et  (64)  qui 
deviendront  ainsi  : 

On  verra  de  même  que  les  discriminants  fondamentaux  (43) 
se  transforment  de  la  façon  suivante  : 

rfi7^  (-A,.,  =  pg'«-(g-p')pY  +  ?'A 

Comme  application,  revenons  à  notre  double  série  de  plans 
axiaux.  Si  Ton  exprime  que  le  plan  II.-  ou  (65),  pris  d'abord 
tel  quel,  coïncide  avec  le  plan  n,  on  obtiendra,  ainsi  que  nous 
Tavons  rappelé,  la  condition  (l)  qui  est  identiquement  vérifiée 
quand  les  conditions  minima  sont  satisfaites. 

Introduisant  maintenant  dans  Téquation  du  plan  II<  les 
nouveaux  binômes  (66),  (66'),  ...,  on.  trouvera  que,  pour  que 
sous  sa  nouvelle  forme  il  coïncide  avec  le  conjugué  harmO' 
nique  n'  du  plan  n,  il  faut  avoir 

[(?  -4-  P')  tt  +  (Pi  —  q[)]  (Ai.itt  4-  A,.,)  =  0, 

nouvelle  relation  qui  est  identiquement  vérifiée  lorsqu'on  a 
p,  =g'j  et  g=  — p',  c'est-à-dire  quand  les  conditions  maxima 
ont  lieu. 

Cet  exemple  suffit,  croyons-nous,  pour  faire  apprécier  toute 
la  portée  de  ce  troisième  et  dernier  ordre  de  considérations. 


X 

OénéraUsation  de  nos  principaux  résultats.  —  Clivage  continu 
des  faisceaux  de  rayons  d'espèce  quelconque  suivant  la 
double  série  des  plans  déviateurs  de  polarisation. 

«  ■■   ■ 

27.  Formons,  avant  tout,  comme  au  début  du  précédent 
paragraphe,  le  tableau  des  notations  (en  partie  connues)  dont 


412  l'abbé  ISSALT. 

nous  aurons  à  faire  usage.  Et  d^abord  nous  poserons 

(68)  r=t  +  i',       r=j+j\ 

en  convenant,  comme  par  le  passé,  que  j  =  i  ±  j'  Nous 
ferons  ensuite 

(69)  i  ?;co8.;-PÎsini  =  rf,  (  î'sini4.pîco8i  =  ,;, 

'    ^  {  q[smt  -h  p  cosi  =  tj^     ^        (  îï cosi  —  p'  sm  i  =  ç, 

n(\\  I  K  cosi'— KySÎnt'  =  K,',  (  K  sini'4-KyC08î'=K/, 

^    ^  (  K^sini'-f-K'cos  •'=£;.,    ^^^  (  KyCOsi'-K'sini'=ig;. 

On  prévoit  déjà  par  ceci  que,  laissant  de  côté  les  plans 
axiaux,  nous  aurons  principalement  à  faire  intervenir  dans  ce 
qui  suit  la  double  série  des  plans  tangents  aux  divers  cônes 
de  Malus  et  celles  des  plans  déviateurs. 

28.  I.  Faisceanx  dioptiques  directs.  —  Pour  être  complets, 
il  est  nécessaire  que  nous  reprenions  en  sous-œuvre  cette 
question  insuffisamment  traitée  dans  notre  précédent  Mémoire, 
eu  égard  aux  nouveaux  éléments  dont  nous  disposons. 

1°  Soit  donc 

(71)  /;  =  k;.x-r.y  =  o, 

la  directrice  plane  du  faisceau.  C'est  la  trace  horizontale  du 
plan  déviateur  moyen  IT...  Il  faut  y  substituer,  à  la  place  de  X  et 
de  Y,  les  expressions  (VI,  n°  29)  de  ces  variables  en  fonction 
de  Tangle  i,  celles-là  mêmes  qui  ont  été  établies  jadis  pour  les 
faisceaux  directs,  puis  tenir  compte  dans  le  résultat  de  ce 
que,  d'après  (68),  on  a  i  =  i'  —  i\  On  obtiendra  ainsi  le  para- 
boloïde  hyperbolique 

(72)  K'  («J5  -  tWi)  î  —  (K; Ç  -  K..  y;)  =  0. 

Son  plan  directeur  est  le  plan  tangent  P.,,  d'obliquité  i";  d'où 
Ton  voit,  chose  bien  remarquable  à  notre  avis,  que,  partis 
dans  (71)  de  l'angle  i',  nous  arrivons,  par  l'intermédiaire 
dei,  à  exprimer  intégralement  les  coefficients  de  ce  même  plan 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  413 

en  fonction  de  i  +  V  ou  de  i\  qui  est  l'obliquité  caractéris- 
tique du  plan  P^. 
Quant  au  plan  tangent  à  l'origine,  c'est  le  plan  II»  lui-même. 

Pour  qu'il  coïncide  avec  P,,  il  faut  avoir  ^  =  -^  =  H,  ce  qui 

nous  ramène  (au  double  accent  près)  à  la  formule  fondamen- 
tale de  la  polarisation  chromatique  (58),  pour  le  cas  où  l'on 
a  6  =  0. 

Lorsque  la  condition  précédent^  est  vérifiée,  le  parabololde 
ci-dessus  se  réduit  à 

(«J5  -  tW;)  (K'Ç  -  H)  =  0. 

Ce  sont  deux  plans  sécants  orthogonaux,   l'un  horizontal, 
l'autre  vertical. 
2^  Prenons  maintenant  pour  directrice 

(73)  /;  =  k;x-i-k,.y  =  o, 

c'est-à-dire  la  trace  du  plan  déviateur  complémentaire  H..  En 
y  faisant  les  mêmes  substitutions  que  dans  le  cas  précédent, 
on  trouvera  le  nouveau  paraboloïde 

(74)  K' (a;ç +  !;;.,)!:  4- (k;ç -h  K,,ï,)  =  o, 

analogue  à  (72),  et  qui  donne  lieu  aux  mêmes  remarques. 

Tous  deux,  du  reste,  sont  compris  entre  des  paraboloïdes 
similaires  (VI,  n^  29)  qu'il  nous  eût  été  facile  de  calculer  pour 
les  plans  conjugués-limites  n  et  11^.  La  propriété  relative  à 
ceux-ci,  se  trouvant  applicable  aux  plans  conjugués  quelcon- 
ques n..  et  Uyy  acquiert  par  là-même  le  plus  haut  degré  de 
généralisation  que  la  question  puisse  comporter. 

29.  n.  —  Faisceaux  dioptiques  inverses,  —  \^  Notre  direc- 
trice plane  sera  la  trace  horizontale  du  plan  tangent  P^,  savoir  : 

(76)  /;  =  «;ç-f.;Yi  =  o. 

Mettant  dans  cette  équation  les  valeurs  (26)  ci-dessus,  correspon- 
dantes à  ce  second  genre  de  faisceaux,  on  arrive  au  paraboloïde 

« 

(76)         K*  (K;.X  —  Ki-Y)  Z  +  (»;X  -  fJY)  sin**  =  0, 


414  L^BBÊ   ISSALT. 

Comparé  à  (72),  on  voit  que  les  plans  P^  et  n^.  s'y  trouvent 
permutés.  On  remarque^  en  outre,  que,  partis  dans  (75)  de 
Tangle  i\  naus  sommes  parvenus,  en  passant  pari,  à  exprimer 
les  coefficients  du  plan  directeur  vertical  de  ce  paraboloïde  en 
fonction  de  i'  —  i  ou  de  t'  (68). 
2^  Soit  actuellement 

(77)    ,  /;=«;ç  +  f,^  =  o 

la  trace  du  plan  P^.  Un  calcul  du  même  genre  conduit  au 
paraboloïde 

(78)  K'  (ig;x  +  K^. Y)  Z  +  (<;X  +  îîY)  sin*<^  =  0, 
qui  est  manifestement  le  corrélatif  de  (76). 

30.  III.  —  Relations  homographiques.  —  1®  Nous  avons 
vu  (VI,  n^  30)  qu'étant  donnée  la  relation  homographique 

(79)  (Pitt— J)  4- (piti— g')  l^-*-(îitt  +  P)  v< -+-(?;«  + p')piiVi=0, 
particulière  à  la  trace  horizontale  du  cône  moyen  C.-  de  Malus, 

Si  Sj 

si  Ton  y  fait  v,-  égal  à  ~  *  puis  à  —  t;  »  on  obtient  pour  valeurs 

correspondantes  de  (jl;  les  coefficients  angulaires  ^et  —  U  des 

deux  plans-limites  de  polarisation  n  et  JI^. 

Il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  se  demander,  avec  les 
ressources  nouvelles  dont  nous  disposons,  de  quelle  manière 
se  fait  la  transition  de  Tun  à  Tautre  plan.  Est-ce,  à  nouveau, 
par  la  double  série  de  plans  dé\iateurs,  ou  non? 

Pour  le  voir,  tirons  de  (79)  la  valeur  de  v^  et  formons,  à 
son  aide,  ce  qu'on  pourrait  nommer  le  plan  général  (moyen) 
d'homographie  |l<,  savoir  : 

^^^    X"'*      sin(<^-6,)""      (?itt  +  P)+(î;w  +  P')l** 

L'azimut  de  ce  plan  se  trouvant  ainsi  désigné  implicitement 
par  Ci,  cherchons  la  valeur  de  l'angle  Ç<  —  a<  ou  Ç^  —  ^'  -h  i 
que  |lj  fait  avec  le  plan  tancent  P<^  de  mêmç  oblic|uité  cjue  lui. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  415 

En  appelant  ^^  cet  angle,  on  trouve 

(81)  ^^'  =  v'Zk^' 

Cette  formule,  à  laquelle  il  faut  associer  cette  autre  : 

sinçf 
sin  (O  —  Çi) 


% 


résoud  évidemment  la  question  puisque,  pour  3<=0  oud<=  ^ 

elle  nous  fournit  les  coefficients  angulaires  des  plans-limites  n 
et  n^  ;  d*où  Ton  voit  que,  même  en  coordonnées  rectangulaires, 
elle  n'implique,  en  aucune  façon,  la  double  série  des  plans 
déviateurs. 

(a).  Il  est  remarquable  que,  lorsque  les  conditions  maxima 
ou  minima  sont  remplies,  la  valeur  de  5^  prenne  Tune  ou 
Tautre  des  formes 

5,  qp  ç,  =  IF  a  =  4;  —  ^|;\ 

lesquelles,  simplifiées,  se  réduisent  à 

(81')  Ç,q:ç,=:*-f, 

Tobliquité  i  pouvant  varier  de  zéro  à  ^  - 

(P).  Lorsque  K'  =  0,  on  trouve  tg^^=z^9  à  moins  que 

Ton  n'ait  ç,  =  ç„  (n®  4),  cas  pour  lequel  A  est  indéterminé. 

Notons  enfin  que  la  relation  homographique  propre  à  la 
trace  du  cône  C,,  savoir  : 

(82)    (jtt+Pi)4-(}'tt-+-p;)|i,  — (pu  — jjvjr— (p'ii— ?;)iA^v^=0, 

conduirait  à  des  résultats  analogues,  qu'on  peut,  du  reste, 

écrire  immédiatement,  en  ajoutant  ±  ^  aux  angles  de  ceux 
déjà  obtenus. 

2^  Les  calculs  qui  précèdent  eussent,  en  partie,  sans  doute, 
pu  prendre  place  dans  notre  6®  Mémoire.  En  voici  qui  relèvent 
çxclusivçinçnt  du  uQuvçau, 


416  L^BBÊ  ISSALY. 


si 


(a).  Reprenons  la  relation  (79).  Si  Ton  y  fait  v,=  -71  trace 

•<* 

du  plan  Pir,  on  trouvera  que  [Li  =  ~->. trace  de  11^..  De  même» 

pour  vi  =  —  -7»  trace  du  plan  P,,  il  vient  iu= —  ^^  trace 

de  riy.  Ainsi,  partant,  dans  les  deux  cas,  de  Tangle  i,  nous 
arrivons,  ici  encore,  par  l'interniédiaire  de  %',  c'est-à-dire  de 
i  +  r  (68),  à  exprimer  les  coefficients  angulaires  de  n,.  et 
de  n^  au  moyen  de  leur  obliquité  caractéristique  i', 
(^).  Considérons,  en  second   lieu,  la  relation  (83).   Pour 

V;  =  —  -4^  on  vérifie  que  oi  prend  la  valeur  —  s^  »  et,  pareille- 

s  K" 

ment,  pour  v^  =  -^,  on  a  u^  =  =p-  Ce  sont  encore  nos  plans 

conjugués  que  nous  voyons  réapparaître,  et  cela  dans  des 
conditions  de  réciprocité  absolue. 

On  remarquera  que  ces  dernières  propriétés  sont  tout  à  fait 
générales.  Le  lecteur  pourra  examiner  lui-même  comment 
elles  se  simplifient  lorsqu'on  passe  aux  conditions  maxima  ou 
minima,  ou  encore  au  cas  de  K'  =  0. 

31.  IV.  —  Clivage  continu  des  faisceaux  de  rayons  d'es- 
pèce  quelconque.  —  Notre  marche  dans  cette  dernière  question 
sera  la  même  que  celle  que  nous  avons  suivie  (V,  n^  32)  pour 
le  clivage  particulier  de  ces  rayons  dans  le  premier  plan  de 
polarisation  n. 

A  cet  effet,  écrivons,  avant  tout,  sous  la  forme  suivante,  la 
trace  horizontale  du  cône  moyen  C  de  Malus  (n^  7)  : 

^^  Xsin(<1>-«)  — Ysint~Xsint-+-Ysiu(<1>-M)~"       K'Ç  " 

1""  Si  Ton   multiplie  les  deux  termes  du  premier  rapport 
par  s\  et  ceux  du  second  par  t|r,  on  en  déduira  sans  peine^ 
équivalemment,    . 
(84)  KiX-K^  sin:*. 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  417 

Faisant  i^  =  Z,  ce  qui  est  permis^  il  vient 

K'  (KiX  —  K,  Y)  Z  -f-  (<JX  —  ft Y)  sJn*  ^  =  0. 

C'est  précisénient  le  paraboloYde  (76)  obtenu  par  une  autre 

méthode. 

Y      K* 

En  particulier,  pour  «  =  ^  on  a  ;  =  oo,  pourvu  que  K'  ne 

soit  pas  nul.  Donc,  d'après  les  considérations  développées  au 
lieu  précité,  ce  n'est  pas  seulement  le  plan  II  qui  est  un  plan 
de  clivage  pour  les  rayons  de  toute  nature,  mais  tout  plan  n^r 
défini  par  la  normale  OZ,  et  Tune  quelconque  des  arêtes  du 
cône  déviateur  (55)  ou  (55')  est  susceptible  de  le  devenir  à 
son  tour  par  la  seule  variation  continue  de  î'. 

2^  Multiplions  maintenant  par  ^j  les  deux  termes  du  premier 
rapport  (83),  et  par  Ç  ceux  du  second.  On  en  tirera  sans  peine 
le  nouveau  rapport  équivalent 

K>X4-K,Y_      sin*^ 

et,  par  suite,  pour  ^  =  Z,  le  paraboloïde  hyperbolique 

K'  (K;X  +  K/Y)  Z  +  («;;X  -f-  ^Y)  sin*<^  =  0, 

qui  ne  diffère  pas  du  paraboloïde  (78). 

En  substituant  à  la  trace  du  cône  C^  celle  du  cône  Q  qu'on 
peut  écrire 

Xco8(<1>— O-f-Ycost      Xco8i-f-Ycos(<t>4-i)""        K"!;  ' 

et  procédant  comme  nous  venons  de  le  faire,  on  retomberait 
sur  les  rapports  (84)  et  (85)  dont  on  aurait  permuté  les  déno- 
minateurs. Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de  nous  y  arrêter  davantage. 


418  l'abbê  issaly. 


NOTE  sur  les  deux  obliquités  polarisatrices 

mazima  et  minima. 


Il  résulte  des  formules  (h)  du  n^  23  que,  lorsque  Tangle  0  du 
plan  tangent  P<  et  du  plan  déviateur  n»*,  est  nul  (notamment), 
ces  deux  obliquités  ont  pour  expression 

Introduites  dans  les  formules  (62')  relatives  à  la  polarisation 
chromatique,  elles  leur  font  prendre  la  forme 

^  ^  (  a«  =pi«  sin«i^»'^  4-  ql*  8in«  f^. 

Cela  posé,  pour  prévenir  Tobjection  que  si  cette  introduction 
simultanée  des  deux  obliquités  dans  une  même  formule  est 
assurément  permise,  elle  n'en  parait  pas  moins  artificielle  et 
gratuite,  nous  allons  établir  qu*à  Tinstar  des  directions  maxima 
et  minima  des  axes  de  figure  de  toute  conique,  ces  deux  obli* 
quités  peuvent  être  obtenues,  en  même  temps,  comme  racines 
d'une  même  équation  du  second  degré,  ce  qui  prouvera  bien 
que  leur  simultanéité  n'a  rien  de  factice. 

A  cet  effet,  remontons  aux  tangentes  des  lignes  pseudo- 
conjuguées  minima  (il)  et  11').  On  a  vu  qu'elles  forment, 
pour  toute  valeur  de  i,  deux  couples  de  directions  orthogonales 
et,  de  plus,  que  chacun  de  ces  couples  constitue  le  système  des 
bissectrices  de  l'autre. 

Pour  préciser,  prenons  le  couple  (11)  et  comparons  l'une 
quelconque  de  ces  deux  directions  à  l'une  ou  à  l'autre  des 
traces  horizontales  des  plans  tangents  F,-  et  P/  qui  sont,  elles 
aussi,  orthogonales  entre  elles. 

Pien  (|ue,  par  son  origine  n^éme,  le  système  (b)  pût  qou9 


OPTIQUE  GÉOMÉTRIQUE.  419 

autoriser  à  n'employer  que  des  coordonnées  rectangulaires, 
nous  préférons  adopter,  ici  encore,  pour  plus  de  généralité, 
les  coordonnées  obliques.  C'est  pourquoi,  entre  les  deux  direc- 
tions indiquées,  nous  poserons  la  condition  générale  de  coïn- 
cidence 


?itgt-*-p'  îîtgt+p' 

utilisant  les  relations  connues 

Ky=p'p[  +  q'q[  =  p[p'  -f-  q[q\ 

on  en  déduit  Téquation  résultante 

(c')    K« ?;«  -  P)  lg«  •  -h  îa>;«  fq[  Ig  1 4-  KV  -  P)=0, 

dont  les  racines  devront,  conséquemment,  être  vérifiées. 
En  substituant  le  plan  P>  au  plan  P|,  on  trouverait 

{€')      Wp'  -  ^)  Ig*  i  -  îoii'p  Vt  tg  i  +  (a>5  qV  -  JTJ)  =  0  ; 

mais  comme,  dans  les  deux  cas,  les  calculs  sont  analogues  et 
les  résultats  identiques  (à  Tinterversion  des  racines  près),  nous 
pouvons  nous  borner  au  premier. 
De  (c')  on  tire  donc,  eu  égard  aux  conditions  minima  (10), 

La  première  racine,  débarrassée  du  facteur  - — ,   .     — >  qui  est 

égal  à  Tunité,  revient  à  tg  i  =  tg  (2  4*'  —  ^'  —  ^)  ;  et  comme 
on  a  présentement  ^  =  ^ — ^(n^3),  on  en  déduit  <  =2  4*' — 'j^, 
valeur  qui  vérifie  Téquation  (c)  pourvu  qu'on  prenne  devant  le 
radical  le  signe  +  ou  le  signe  — ,  selon  que  c'est  le  plan  P<  ou 
le  plan  Py  qui  figure  par  son  coefficient  angulaire  dans  le  second 
membre. 

Quant  à  la  deuxième  racine,  si  Ton  y  supprime  haut  et  bas 
le  facteur  commun 

[«;?'•  -  ip'iPig;  -  (?;  -  «/>;  ces  ^)  ?;•], 


420  l'abbé  issaly. 

qui  sert  aussi  de  dénominateur  à  la  première,  elle  se  réduit  à 

tg<  =  -^=tg(4'-*). 

Il  s'ensuit  que,  selon  que  les  conditions  minima  ou  maxima 
sont  satisfaites,  on  a  î  =  ^^  —  2  <E»,  ou  bien  î  =  ^. 

En  nous  attachant  ici  à  ce  second  cas  (tous  deux  vérifient 
réquation  initiale),  on  a  donc  pour  solutions  t  =  i^^  et  i  =  i^\ 
ce  qui  démontre  la  propriété' annoncée. 

Terminons  par  une  remarque.  Si,  aux  coefficients  angu- 
laires des  plans  P<  et  P>  que  nous  avons  successivement  intro* 
duits  dans  le  second  membre  de  (c),  on  substituait  tour  à  tour 
ceux  des  plans  IT,^  et  n^ ,  où  Ton  aurait  toutefois  remplacé 
i'  par  —  i',  Téquation,  du  second  degré  encore,  à  laquelle  on 
parviendrait,  après  avoir  changé  i  en  i'  dans  le  premier 
membre,  donnerait  à  nouveau  pour  racines  les  deux  mêmes 
obliquités  polarisatrices,  avec  cette  seule  particularité  que  la 
première  aurait  changé  de  signe.  ' 


EMPOISONNEMENT  SPONTANÉ 

DES  PLANTES  AQUATIQUES 

PAR  LES  EAUX  DU  LABORATOIRE  DE  BOTANIQUE 

PAR  H.  H.  DEVAUX 

MAITM  DB  COHrtfKHICIS  A  U  FACULTÉ  DIS  SCIIHCIS  DB  BOftDlAUX 


Dépérissement  des  plantes  placées  en  eau  renouvelée.  — 
J\ai  entrepris  depuis  longtemps  des  recherches  sur  les  échanges 
gazeux  des  plantes  aquatiques  submergées.  Dans  le  but  de 
déterminer  quelle  est  Tinfluence  de  la  pression  hydraulique  sur 
l'atmosphère  interne  de  ces  plantes^  j'avais  monté  un  appareil 
assez  simple^  que  je  me  dispenserai  de  décrire  en  détail. 
Disons  seulement  qu'il  Consistait  essentiellement  en  quatre 
éprouvettes  à  pied  de  300  centimètres  cubes  environ^  conte- 
nant les  plantes  étudiées  (Elodea  canadensis,  Ceratophyllum, 
Lemna  trisulca) .  Un  système  de  tuyaux  munis  de  robinets  et 
reliés  aux  conduites  d'eau  du  laboratoire  établissait  un  courant 
d'eau  constant,  mais  lent  (environ  3  litres  à  l'heure)  dans  deux 
des  éprouvettes  :  pour  l'une,  l'eau  était  comprimée  à  400  milli- 
mètres de  mercure  ;  pour  l'autre,  elle  ne  l'était  pas.  Les  deux 
autres  éprouvettes  étaient  en  relation  avec  les  précédentes  : 
les  pressions  y  étaient  semblables,  mais  l'eau  ne  s'y  renou- 
velait pas.  Il  y  avait  donc  en  expérience  : 

i .  Un  lot  de  plantes  en  eau  stagnante    i      , 

n    TT    1  A  j      1     «  1  -     s   «  1^  pression  atmosphérique. 

2.  Un  lot  de  plantes  en  eau  renouvelée  f  r       ^ 

3.  Un  lot  de  plantes  en  eau  stagnante    (   à  la  pression  atmosphérique  aug- 

4.  Un  lot  de  plantes  en  eau  renouvelée  )   méntée  de  400°^°*  de  mercure. 


kVi  H.  DBVAUX. 

Les  quatre  éprouvettes  contenant  ced  plantes  furent  placées 
côte  à  côte  à  une  lumière  vive  devant  une  fenêtre  le  21  janvier 
1895,  et  le  courant  d'eau  immédiatement  établi. 

Les  plantes  parurent  s'accommoder  parfaiteroeot  de  ces 
conditions  durant  les  premiers  jours.  Mais  au  bout  d'une 
quinzaine  de  jours  j'observai  une  différence  manifeste  entre 
les  lots  mis  en  expérience.  Dans  deux  éprouvettes  les  plantes 
paraissaient  dépérir,  elles  prenaient  une  teinte  brunâtre. 
Je  crus  d'abord  qu'il  s'agissait  des  plantes  placées  en  eau 
comprimée,  c'est-à^lire  que  la  compression  entravait  la  vie 
des  plantes,  mais  je  vis  de  suite  que  c'était  non  la  compression 
qui  était  en  cause,  mais  le  renouvellement  de  l'eau  :  seules  les 
plantes  des  éprouvettes  m^  2  et  4  dépérissaient  ainsi  ;  celles 
des  autres  éprouvettes,  avec  eau  stagnante,  étaient  en  bon  état. 
A  priori,  on  eût  pensé  le  contraire  :  la  stagnation  de  Teau 
paraissant  devoir  être  plutôt  défavorable  à  la  vie  des  plantes 
que  son  renouvellement. 

L'expérience  fut  prolongée  jusqu'au  iO  avril  1895. 

A  cette  époque,  les  différences  s'étaient  beaucoup  accentuées. 
Les  éprouvettes  à  eau  renouvelée  contenaient  surtout  des 
débris  de  plantes,  avec  quelques  tronçons  encore  un  peu  verts, 
mais  en  train  de  dépérir;  la  masse  avait  une  teinte  brunâtre 
peu  foncée.  En  eau  stagnante  on  voyait  aussi  des  débris  en 
quantité  notable,  mais  les  parties  vertes  étaient  bien  plus 
abondantes  et  de  grandes  dimensions  ;  et  cela  dans  les  deux 
éprouvettes,  en  eau  comprimée  ou  non  comprimée. 

Examen  des  plantes.  —  A  l'ouverture  des  récipients,  je 
trouvai  qu'un  assez  grand  nombre  de  parasites  animaux  avaient 
envahi  toutes  les  plantes,  surtout  dans  le  voisinage  des  points 
végétatifs.  C'étaient  de  petits  nématodes.  Je  pensai  tout 
d'abord  que  c'était  eux  qu'il  fallait  accuser.  Mais  un  examen 
attentif  ne  tarda  pas  à  me  démontrer  qu'ils  étaient  également 
abondants  dans  toutes  les  éprouvettes,  aussi  bien  dans  celles 
à  eau  stagnante  que  dans  celles  à  eau  courante.  Ils  avaient 


BMPOtSOHNBMBNT  WS  t^LANTBS.  423 

donc  dû  agir  également  sur  tous  les  sujets,  et  une  autr^  cause 
nocive  avait  dû  agir  spécialement  sur  les  plantes  placées  en 
eau  renouvelée. 

L'examen  microscopique  des  plantes  n'apporte  guère  de 
renseignements  nouveaux.  Les  plantes  en  eau  courante  ne 
présentent  plus  que  des  tronçons  de  tige  vivants,  avec  quelques 
feuilles  en  train  de  dépérir,  surtout  à  la  base.  La  chlorophylle 
est  devenue  brune,  en  grains  plus  petits  dans  les  parties 
mortes.  Dans  les  autres,  elle  est  verte,  et  Ton  peut  observer 
nettement  le  mouvement  du  protoplasma  dans  les  cellules  de 
VElodea.  La  mortification  des  feuilles  commence  par  le  som- 
met et  gagne  peu  à  peu  vers  la  base;  celle  des  tiges  commence 
à  la  base  et  gagne  vers  le  sommet. 

Mais  toutes  ces  modifications  s'observent  aussi  sur  les 
plantes  placées  en  eau  stagnante,  avec  cette  seule  différence 
que  les  parties  vertes  et  vivantes  sont  beaucoup  plus  abon- 
dantes, les  tiges  de  dimensions  plus  considérables  et  les  feuilles 
vertes  beaucoup  plus  nombreuses. 

Il  résulte  de  Texamen  microscopique,  que  le  dépérissement 
spécial  qui  frappait  la  moitié  des  plantes  se  produisait  sans 
laisser  aucune  lésion  apparente  sur  celles-ci.  Je  songeai,  dès 
lors,  à  un  empoisonnement.  L'eau  s'écoulait  par  des  conduites 
de  plomb  ;  elle  contenait  peut-être  ce  métal  en  dissolution,  et 
les  plantes  étaient  empoisonnées  par  lui.  La  chose  était  d'au- 
tant plus  plausible  que  cette  eau  circulait  très  lentement  dans 
les  conduites,  ce  qui  lui  permettait  d'attaquer  et  de  dissoudre 
les  parois  de  ces  conduites,  si  elles  étaient  susceptibles  d'être 
attaquées.  II  sufBsait  dès  lors  de  chercher  si  l'eau  qui  arrivait 
aux  plantes  contenait  du  plomb. 

Recherche  du  plomb  dans  Veau.  —  En  traitant  un  litre  de 
cette  eau  par  une  ou  deux  gouttes  de  sulfhydrate  d'ammo- 
niaque, elle  prend  une  coloration  brune  légère,  mais  bien 
manifeste.  On  voit  surtout  bien  cette  coloration  quand  le 
vase  est  placé  à  cdté  d'un  autre  vase   semblable  sur  une 


424  H.   DEVAUX. 

feuille  de  papier  blanc  et  qu'on  compare  leurs  teintes  relatives. 
La  même  chose  se  produit  par  un  courant  d'hydrogène  sulfuré 
en  liqueur  acidulée. 

La  présence  d'un  métal  lourd,  précipitant  en  noir  par  l'hydro- 
gène sulfuré,  était  désormais  bien  probable;  mais  ce  métal 
n'existait  dans  l'eau  qu'à  l'état  de  traces. 

Pour  déterminer  la  nature  de  ce  métal,  en  acquérant  la 
certitude  de  sa  présence,  il  fallait  agir  sur  de  grandes  quantités 
de  matière.  La  recherche  faite  sur  des  proportions  variant 
entre  10  et  25  litres  d'eau,  réduits  par  évaporation,  ne  laissa 
aucun  doute  sur  l'existence  du  plomb  en  dissolution.  Le  métal 
fut  caractérisé  par  ses  principales  réactions.  Aucun  autre  métal 
voisin  n'y  existait. 

Ce  plomb  était  alors  l'unique  cause  probable  du  dépéris- 
sement constaté  sur  les  plantes  ;  elles  subissaient  un  empoison* 
nement  chronique  de  la  part  du  liquide  qui  les  baignait. 

Recherche  du  plomb  dans  les  plantes,  —  Il  s'agissait  dès 
lors  de  chercher  à  retrouver  le  plomb  dans  les  plantes  elles- 
mêmes.  A  cet  effet,  j'ai  eu  l'idée  de  traiter  directement  ces 
plantes  par  l'hydrogène  sulfuré.  L'effet  fut  des  plus  concluants. 
Il  fut  particulièrement  net  pour  les  Lemna  trisulca.  Aussitôt 
qu'on  fait  agir  l'hydrogène  sulfuré,  une  coloration  brune  ou 
entièrement  noire  apparaît  dans  certaines  régions  de  la  plante, 
surtout  dans  les  racines.  Cette  coloration  ne  disparait  pas 
quand  on  acidulé  la  liqueur;  elle  ne  peut  être  due  qu'à  du 
plomb.  Toutefois,  il  ne  m'a  pas  été  possible  de  révéler  ce  métal 
fixé  sur  la  plante,  par  ses  autres  réactions.  Gela  n'est  pas 
étonnant,  la  proportion  en  était  vraiment  trop  faible,  et  il  aurait 
fallu  pouvoir  agir  sur  les  cendres  d'une  quantité  de  plantes 
beaucoup  plus  forte  que  celle  que  j'avais  à  ma  dispostion. 

L'examen  des  régions  noircies  est  intéressant.  A  l'œil  nu,  on 
voit  que  ce  sont  uniquement  les  portions  âgées  des  racines  qui 
sont  plombifères.  Le  point  végétatif,  sur  une  longueur  de 
plusieurs  millimètres,  est  absolument  indemne.  Ceci  semble 


EMPOISONNEMENT  DES  PLANTES.  US 

indiquer  que  Tabsorption  est  faible  ou  nulle  dans  cette  région  » 
ou  du  moins  que  le  plomb  n'a  pas  eu  le  temps  de  s'y  amasser 
en  quantité  notable.  Du  reste^  on  retrouve  la  même  chose  dans 
les  autres  plantes^  non  seulement  pour  les  racines,  mais  aussi 
pour  les  tiges  et  les  feuilles.  Le  plomb,  indiqué  par  la  colo- 
ration brune  ou  noire  que  prennent  certaines  régions  par  H^S, 
est  fixé  sur  les  parties  âgées  dès  organes,  parties  ordinaire- 
ment mortes  et  injectées  par  Peau  ;  les  parties  jeunes  en  sont 
dépourvues  en  totalité. 

L'examen  microscopique  n'a  pas  permis  de  déceler  avec 
plus  de  précision  la  localisation  du  poison.  Je  me  propose, 
du  reste,  de  continuer  mes  recherches  de  ce  côté. 

Proportion  du  plomb  dans  Veau.  —  La  recherche  quali- 
tative du  plomb  dans  l'eau  où  vivaient  les  plantes  avait  montré 
que  ce  métal  n'existait  dans  cette  eau  qu'à  l'état  de  traces; 
car  l'eau  ne  prenait  par  H*S  qu'une  teinte  brunâtre  faible. 
Il  était  d'autant  plus  intéressant  de  voir  les  plantes  saisir  ces 
traces  de  métal- poison  et  les  fixer  dans  leurs  tissus.  J'ai 
cherché  à  doser  le  plomb  dans  cette  eau.  Et  du  moment 
qu'aucun  autre  métal  précipitant  en  noir  par  H^S  n'existait 
dans  le  liquide,  je  pouvais  essayer  un  procédé  colorimétrique 
pour  ce  dosage. 

7  litres  d'eau  furent  évaporés  et  réduits  à  350  grammes, 
soit  à  i/20^.  Ce  résidu,  traité  par  H'S  en  liqueur  acidulée  à 
l'acide  acétique,  donna  un  trouble  brun  noirâtre  assez  foncé. 
Sur  le  même  volume  d'eau  ordinaire  (^),  saturée  d'hydrogène 
sulfuré,  il  fallut  ajouter  30  centimètres  cubes  d'une  solution 
d'acétate  de  plomb  à  i/1 0,000''  pour  avoir  une  teinte  et  un 
trouble  à  peu  près  semblables  à  celui  de  la  solution  étudiée. 


(I)  J'ai  employé  de  Teaa  ordinaire,  parce  que  Teau  distillée  livrée  aa  laboratoire 
8e  colore  beaucoup  plus  par  }VS  que  Teau  ordinaire.  Elle  contient  soit  du  cuivre, 
soit  du  plomb.  Mais  j^indique  plus  loin  un  procédé  spécial  qui  me  permit  d'obtenir 
très  Tacilement,  à  Taide  des  plantes,  une  eau  absolument  dépourvue  de  tout 
métal  précipitant  en  noir  par  H'S. 

T.  I  ©•  Séi  ie).  28 


426  H.   DEVAUX. 

J*admets  qu'alors  il  y  avait  autant  de  plomb  dans  cette  deuxième 
que  dans  la  solution  titrée.  Celle-ci  étant  à  1/10,000®,  contenait 
3  milligrammes  d'acétate  de  plomb.  On  peut  donc  admettre 
qu'il  y  avait  3  milligrammes  de  plomb  (compté  comme  acétate) 
dans  les  350  grammes  représentant  7  litres  d'eau  naturelle. 
Ceci  correspond  à  3/7®=  o«*ui«'.^4  pap  litre.  C'est  un  poids  de 
plomb  métallique  d'environ  0"*^-,2  à  0-^"'-,3. 

L'eau  qui  s'écoulait  des  conduites  et  passait  sur  les  plantes 
contenait  donc  en  dissolution  0,2  à  0,3  millionièmes  de  plomb 
dissous. 

D'autres  essais  analogues  confirmèrent  ce  résultat.  Et  je  pus 
même  arriver  bientôt  à  doser  le  plomb  directement  dans  l'eau 
du  laboratoire,  telle  qu'elle  s'écoule  des  tuyaux. 

En  regardant  en  effet  le  tube  dans  son  axe,  au-dessus  d'un 
papier  blanc,  on  voit  nettement  la  différence  de  teinte  qu'il 
présente  avec  un  tube  exactement  semblable,  rempli  au  même 
niveau  d'une  liqueur  titrée  en  plomb,  l'une  et  l'autre  après 
l'action  de  l'hydrogène  sulfuré. 

On  arrive  très  vite,  par  tâtonnements,  à  obtenir  des  liqueurs 
plombiques  titrées  donnant  par  H^S  exactement  la  même 
teinte  que  l'eau  du  laboratoire.  Je  trouve  ainsi  que  lorsque 
l'eau  s'écoule  très  lentement  à  travers  les  tuyaux,  c'est-à-dire 
à  raison  de  2  à  3  litres  à  l'heure,  elle  contient  0,33  millio- 
nièmes de  plomb  (compté  comme  métallique)  —  quand  elle 
coule  un  peu  plus  vite,  elle  en  contient  0,26  millionièmes.  — 
Enfin,  l'eau  coulant  à  plein  robinet  (370  litres  à  l'heure)  en 
contient  encore  0,13  millionièmes.  Ces  différences  indiquent 
que  le  plomb  n'existe  probablement  pas  dans  les  grandes 
conduites  d'eau  de  la  ville;  il  provient  vraisemblablement  d'une 
attaque  des  tuyaux  de  plomb  du  laboratoire  (^). 

0)  De  nombreux  auteurs  se  sont  préoccupés  de  Timportante  question  de  la 
solubilité  du  plomb  dans  Veau  potable,  surtout  vers  1873.  Je  citerai  surtout 
Dumas,  Bertrand,  Fordos,  de  Laval,  A.  Bobierre,  Champouillon,  Marais,  Baland, 
Is.  Pierre,  Besnon,  Mayençon  et  Bergeret,  dont  les  travaux  ont  paru  dans  les 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Sciences,  1873  et  1874,  t.  LXXVII  et  LXXVIII. 
L*eau  distillée  aérée  attaque  fortement  le  plomb.  Les  eaux  naturelles,  c*est-à-dire 


EMPOISONNEMENT  DES  PLANTES.  427 

« 

Ces  proportions^  quoique  très  faibles,  sont  sensibles.  Elles 
représentent  0,1  à  0,3  milligrammes  par  litre.  Et  la  constance 
des  résultats  me  permet  d'affirmer  Texactitude  de  ces  chiffres, 
au  moins  pour  la  première  décimale,  c'est-à-dire  que  Veau 
coulant  des  robinets  contient  certainement  de  0,1  à  0,3  mil- 
lionièmes de  plonib,  selon  la  vitesse  d'écoulement. 

Doses  limites  du  plomb  comme  poison.  —  Quoique  le 
poison  soit  si  considérablement  dilué,  il  suffit  cependant  pour 
empoisonner  peu  à  peu  les  plantes  aquatiques,  en  les  faisant 
lentement  dépérir.  Il  est  vrai  que  Teau  était  constamment 
renouvelée,  c'est-à-dire  qu'elle  gardait  sa  proportion  constante 
de  plomb  dissous  malgré  la  ûxation  continuelle  de  ce  métal 
par  les  plantes. 

Raulin(*)  a  trouvé  qu'il  suffit  de  4/1, 600,000*  de  nitrate 
d'argent  dans  une  liqueur  pour  empêcher  la  végétation  du 
Sterigmatocyslis  niger;  ce  qui  correspond  à  0,4  millioniè- 
mes d'argent  métallique  :  telle  est  la  dose  poison  de  l'argent 
pour  cette  plante.  Avec  le  plomb,  la  dose  poison  est  voisine, 
un  peu  moindre  encore,  environ  0,3  millionièmes  pour  les 
plantes  aquatiques  étudiées.  C'est,  à  ma  connaissance,  la  plus 
faible  dose  de  substance  qu'on  ait  indiqué  comme  suffisante 
pour  empoisonner  les  plantes.  C'est,  du  reste,  une  dose  très 
voisine  de  la  précédente,  et  il  est  intéressant  de  voir  que  les 
doses  limites  de  ces  poisons  sont  aussi  rapprochées. 

Lenteur  de  V empoisonnement.  —  Un  autre  fait,  particuliè- 
rement remarquable,  est  la  lenteur  de  l'empoisonnement.  Il 


contenant  des  sels,  Tattaquent  à  peine,  surtout  si  ces  eaux  sont  calcaires  ou 
sélénitenses  (Mayençon  et  Bergeret).  C'est  ainsi  que  Teau  qui  a  séjourné  dans  les 
conduites  de  plomb  contient  ce  métal  en  proportions  sensibles  (Fordos). 

Les  meilleurs  moyens  de  déceler  le  plomb  sont  Tacide  sulfhydrique  (Marais)  et 
Félectrolyse  (Mayençon  et  Bergeret).  J*ai  employé  surtout  le  premier  procédé; 
mais  des  recherches  confirmatives,  faites  sur  de  grandes  quantités  d*eau  et  par  la 
méthode  électrolytique,  ont  permis  de  reconnaître  que  la  méthode  colorimétrique 
par  rhydrogène  sulfuré  donnait  des  résultats  très  suffisamment  exacts. 

iS)  Raulin,  Éiudeê  chimiques  sur  la  végétation  (Ann.  des  Se,  naturelles 
5*  séiie,  t.  XI,  p.  289). 


428  II.   DEVAUX. 

s'agit^  non  pas  d'une  action  brusque  et  violente,  mais  d'un 
empoisonnement  progressif,  contre  lequel  lutte  la  plante, 
comme  Tindiquent  la  persistance  de  la  vie  pendant  plus  d'un 
mois  de  séjour  dans  cette  eau  et  Tabsence  de  poison  dans  les 
points  végétatifs. 

La  proportion  de  0,2  à  0,3  millionièmes,  où  ce  métal  se 
trouve  naturellement  dans  Teau  qui  s'écoule  des  conduites, 
représente  donc  la  dose  limite  du  plomb  comme  poison  de  ces 
plantes.  Mais  ceci  n'est  vrai  que  pour  les  conditions  expérimen- 
tales où  elles  se  trouvaient;  si  les  autres  conditions  eussent 
été  plus  favorables,  la  résistance  de  ces  plantes  eût  été  proba- 
blement plus  grande;  les  animaux  qui  rongeaient  ces  plantes 
(sans  du  reste  paraître  incommodés  par  le  plomb)  concouraient 
avec  le  poison  pour  entraver  la  végétation. 

11  serait,  je  crois,  particulièrement  intéressant  d'étudier  de 
près  Tempoisonnement  lent  des  plantes  afm  de  mieux  connaître 
le  mécanisme  intime  des  phénomènes  qui  arrêtent  la  vie. 

Absorption  du  plomb.  —  Du  moment  que  le  plomb  est 
absorbé  par  les  plantes  en  expérience,  on  doit  trouver  moins 
de  plomb  dans  l'eau  qui  sort  de  l'appareil  après  avoir  baigné 
les  plantes  ;  c'est  ce  qui  semble  avoir  lieu  en  effet.  Cette  eau 
ne  se  colore  plus  que  très  faiblement  par  H'S,  beaucoup  moins 
que  celle  que  l'on  recueille  sans  la  faire  passer  sur  les  plantes. 
Dans  une  expérience  il  fallut  ajouter  à  500  centimètres  cubes 
de  la  première  eau,  à  peine  colorée  par  H*S,  i^H  d'une  solution 
d'acétate  de  plomb  à  i/1 0,000''  pour  obtenir  exactement  la*  même 
teinte  que  celle  de  500  centimètres  cubes  de  la  deuxième  eau. 
Le  passage  sur  les  plantes  se  manifestait  donc  par  une  perte 
de  0,22  milligrammes  par  litre,  ou  0,22  millionièmes  de 
plomb  compté  comme  acétate,  ou  0,14  millionièmes  de  plomb 
métallique.  La  moitié  seulement  du  plomb  de  l'eau  avait  donc 
été  absorbée.  Ceci  n'est  pas  étonnant  si  l'on  songe  que  les 
plantes  absorbaient  ce  métal  depuis  le  2i  janvier,  c'est-à-dire 
depuis  40  jours.  Elles  avaient  dû  acquérir  une  certaine  satu- 


EMPOISONNEMENT  DES  PLANTES.  420 

ration.  Mais  alors,  des  plantes  neuves^  placées  depuis  longtemps 
dans  Teau  du  laboratoire^  devaient  avoir  absorbé  la  totalité  du 
plomb  de  cette  eau  depuis  longtemps.  C'est  ce  que  j'ai  observé 
en  effet.  L'eau  est  puisée  directement  dans  les  cristallisoirs  où 
végètent  depuis  quinze  jours  environ  des  plantes  aquatiques 
diverses  (Ceratophyllumj  Elodea,  Potamogeton,  Chara,eic.). 
Cette  eau  présente  une  teinte  très  légère^  brunâtre^  due  aux 
matières  humiques  dissoutes.  J'en  mets  500  centimètres  cubes 
dans  deux  vases  de  Bohème^  toujours  posés  sur  une  feuille  do 
papier  blanc,  et  je  fais  passer  un  courant  d'H^S  dans  l'un  des 
échantillons.  La  teinte  n'augmente  absolument  pas,  elle  reste 
identique  dans  les  deux  vases.  Il  n'y  a  donc  pas  trace  de 
plomb  dans  Veau  qui  a  séjourné  au  contact  des  plantes  aqua- 
tiques. La  même  chose  doit  se  trouver  dans  les  eaux  naturelles, 
mais  je  n'ai  fait  aucun  essai  à  ce  sujet. 

Vitesse  d'absorption  du  plomb.  — -  Avec  quelle  vitesse  le 
plomb  est-il  absorbé?  Pour  résoudre  cette  question,  je  place 
des  plantes  aquatiques  nouvelles  et  vigoureuses  (Lemna  tri- 
sulca)  dans  une  allonge  de  500  centimètres  cubes  en  verre, 
maintenue  verticalement  par  un  support.  Le.  paquet  de  plantes 
pèse,  légèrement  pressé,  mais  humide,  12  grammes.  L'ouver- 
ture inférieure  de  l'allonge  est  à  demi-fermée  et  placée  au- 
dessus  d'un  vase  de  Bohême  destiné  à  recevoir  l'eau  filtrée 
sur  les  plantes. 

1^  —  500  grammes  d'eau  ordinaire  sont  versés  par  le  haut  et 
s'écoulent  en  une  minute  dans  le  vase  inférieur.  L'eau  qui 
s'écotile  ne  se  colore  plus  du  tout  par  H*S.  Les  Lemna  ont 
enlevé  tout  le  plomb.  Pour  lui  donner  une  coloration  équiva- 
lente à  celle  que  prend  l'eau  non  passée  sur  les  plantes,  il  faut 
lui  ajouter  2°^5  de  la  solution  plombique  à  1/10,000®.  Ce  qui 
correspond  à  0,33  millionièmes  de  plomb  métallique.  II  a 
donc  suffi  d'une  minute  pour  absorber  la  totalité  du  plomb; 
autrement  dit  l'absorption  est  à  peu  près  instantanée. 

L'expérience  plusieurs,  fois  répétée  donne  le  même  résultat. 


430  H.   DBYAUX. 

go  —  }'avais  reconnu  déjà  que  Teau  distillée,  livrée  au  labo- 
ratoire>  se  colorait  notablement  en  brun  par  H*S.  Elle  contient 
du  plomb  ou  du  cuivre.  Après  qu'elle  a  passé  sur  les  plantes 
précédentes  dans  rallonge,  aussi  vite  que  précédemment,  elle 
ne  se  colore  plus  du  tout  par  Thydrogène  sulfuré. 

Les  plantes  aquatiques  essayées  enlèvent  donc  très  vite  aux 
solutions  plombiques  très  diluées  les  traces  de  métal  qu'elles 
contiennent.  C'est  par  ce  procédé,  qui  me  paraît  particulière- 
ment commode,  que  je  me  procurai  désormais  des  eaux,  natu- 
relles ou  distillées,  ne  prenant  aucune  coloration  par  H^S.  Ce 
liquide  était  ensuite  additionné  d'un  volume  déterminé  d'une 
solution  plombique  titrée;  de  la  sorte  j'étais  certain  que  la 
coloration  obtenue  ensuite  était  uniquement  due  au  plomb 
ajouté.  En  préparant  ainsi  des  solutions  titrées  à  2,  3,  5  dix- 
millionièmes  d'acétate  de  plomb,  je  vis  que  l'absorption 
complète  était  aussi  instantanée  que  précédemment;  mais 
quand  la  solution  plombique  n'est  plus  si  diluée  que  dans  les 
cas  précédents,  l'absorption  est  moins  rapide. 

Dans  une  solution  artificielle  à  S  millionièmes  d'acétate  de 
plomb  on  trouva  encore  du  plomb  après  son  passage  sur  les 
plantes  mêmes  quand  ce  passage  fut  ralenti  |à  dessein  de 
manière  à  durer  7  minutes.  Les  deux  cinquièmes  seulement 
du  plomb  furent  absorbés.  Mais  ceci  tenait  aussi  à  ce  que 
plusieurs  litres  d'eau  ordinaire,  plombifère,  avaient  passé  sur 
les  plantes  et  leur  avaient  cédé  leur  plomb. 

Lieu  de  Vabsorption.  —  J'ai  traité  par  l'hydrodène  sulfuré 
un  petit  échantillon  de  ces  Lemna  trisulca  qui  avaient  ainsi 
rapidement  absorbé  du  plomb.  II  a  été  possible  de  constater 
alors  manifestement  sur  plusieurs  racines  une  coloration  plus 
ou  moins  foncée.  C'était  là  que  le  plomb  avait  été  principale- 
ment fixé.  Il  est  intéressant  de  voir  que  le  pouvoir  d'absorption 
se  trouve  localisé  dans  la  racine  chez  les  plantes  aquatiques, 
comme  chez  les  plantes  aériennes. 

Résumé  et  conséquences,  —  La  recherche  attentive  de  la 


EMPOISONNEMENT  DES  PLANTES.  431 

cause  qui  pouvait  amener  le  dépérissement  des  plantes  aqua- 
tiques placées  dans  une  eau  renouvelée,  a  donc  montré  qu'il 
s'agissait  d'un  empoisonnement  par  le  plomb.  L'eau  attaquait 
légèrement  les  conduites,  et  contenait  une  très  minime  portion 
de  plomb  dissous,  1  à  3  dix-millionièmes.  Malgré  la  petitesse 
de  cette  dose,  les  plantes  y  ont  été  sensibles,  et  l'ont  manifesté 
en  dépérissant  lentement.  Le  plomb  se  trouve  fixé  dans  leurs 
tissus,  principalement  sur  les  réglons  âgées  des  racines.  Des 
recherches^  secondaires,  faites  sur  des  plantes  nouvelles,  ont 
montré  que  l'absorption  du  plomb  par  la  plante  est  instantanée 
quand  la  solution  est  très  diluée,  c'est-à-dire  quand  elle  contient 
moins  de  1  millionième  de  plomb. 

Quelques  conséquences  intéressantes  paraissent  se  dégager 
de  ces  observations. 

D'abord,  il  est  au  moins  curieux  que  ce  soient  de  simples 
plantes,  ordinairement  vigoureuses  et  peu  exigeantes,  qui  aient 
révélé  l'altération  de  l'eau  des  conduites  d'une  ville  par  du 
plomb.  Il  y  a  là  une  surprise  analogue  à  celle  qu'éprouva 
Raulin  quand  il  essaya  de  cultiver  le  Sterigmatocystis  niger 
dans  des  vases  d'argent,  et  que,  n'ayant  pu  y  réussir,  il  dut  en 
conclure  que  l'argent  était  attaqué  par  le  liquide  de  culture. 

VAspergillus  servait  ainsi  de  réactif  pour  une  proportion 
d'argent  dissous  infinitésimale,  tellement  faible  que  les  réactifs 
ordinaires  ne  pouvaient  le  déceler  (^).  Les  Lemna  et  autres 
plantes  que  j'ai  étudiées  ont  aussi,  par  leur  mort,  servi  de 
réactifs  indiquant  l'existence  d'un  poison  très  dilué.  Nous 
avons  ici  une  nouvelle  application  de  l'analyse  chimique  des 
milieux  par  les  plantes.  Mais  il  y  a  plus.  Les  plantes  fixant 
ainsi  certaines  substances  très  diluées  pourront  sans  doute 
servir  aux  chimistes  pour  retirer  rapidement  d'une  grande 
masse  liquide  les  traces  de  substances  absorbables,  que  cette 
masse  contient. 

Au  point  de  vue  de  la  physiologie,  il  semble  bien  préférable 

(*)  Raulin,  loc,  cit,,  p.  293, 


432  H.   DBVAUX. 

d*étudier  Taction  du  poison  très  dilués  que  celle  des  poisons 
en  doses  massives»  comme  on  le  fait  trop  souvent.  La  lutte 
dure  beaucoup  plus  longtemps»  il  doit  être  possible  d'en 
étudier  les  phases  et  le  mécanisme  avec  plus  de  précision. 
Il  y  aurait  donc  lieu  de  faire  cette  étude  plus  en  détail  sur 
d'autres  plantes»  et  avec  d'autres  substances.  J'ai  commencé 
cette  étude»  et  j'espère  pouvoir  donner  bientôt  le  résultat  de 
mes  recherches  dans  un  mémoire  plus  complet  que  cette  note 
ou  j'ai  cru  pouvoir  négliger  l'historique  de  la  question. 

Conclusions.  —  Cinq  conclusions  principales  me  semblent 
ressortir  de  ce  qui  précède  : 

1^  iZ  suffit  d^une  proportion  très  faible  de  plomb  dans 
Veau  qui  baigne  les  plantes  aquatiques  pour  rendre  ces 
plantes  malades  et  les  faire  dépérir  lentement.  Telle  est 
par  exemple  la  proportion  de  3  dix-millionièmes  qui  existe 
dans  une  eau  passant  lentement  dans  des  conduites  de  plomh. 

2^  Uabsorption  est  continue,  de  sorte  que  la  plante  accu- 
mule le  poison,  et  celui-ci  doit  être  renouvelé  dans  l'eau  pour 
y  garder  sa  proportion. 

3®  Uabsorption  est  très  rapide  et  pour  ainsi  dire  instan- 
tanée. 

¥  Quand  il  n'y  a  que  des  traces  de  plomb  dans  l'eau  et 
que  celle-ci  passe  au  milieu  d'une  masse  de  plantes  assez 
grande»  Vabsorption  parait  absolument  complète;  du  moins 
autant  que  permet  de  le  révéler  la  sensibilité  des  réactifs. 

5°  Uabsorption  se  fait  surtout  par  les  racines,  dans 
lesquelles  il  est  possible  de  révéler  directement  le  plomb.  Mais 
V extrémité  jeune  de  la  racine  ne  fixe  pas  ce  métal. 

Ces  recherches  ont  été  faites  au  laboratoire  de  physiologie 
végétale  de  la  Faculté  des  sciences  de  Bordeaux.  Les  sujets 
expérimentés  ont  été  présentés  à  la  Société  des  Sciences  physi- 
ques et  naturelles  de  Bordeaux  dans  sa  séance  du  4  avril  1895» 
et  l'influence  de  l'hydrogène  sulfuré  sur  les  plantes  et  sur  l'eau 
du  laboratoire  a  été  montrée  aux  membres  de  la  Société. 


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DENSITES 


DE 


SURFACE  DE  LA  MER 


(Côte  des  Landes  et  Bassin  d'Arcachon) 


PAR  V.  HADTREUX 


Les  observations  de  densité  ont  été  faites,  depuis  deux  ans, 
par  le  capitaine  au  long  cours  Durand,  des  Pêcheries  de 
l'Océan,  d'Arcachon.  L'instrument  dont  on  s'est  servi  est  un 
uromètte  de  Bouchardat,  réglé  à  la  température  de  15^.  Les 
variations  de  la  température  de  Feau  sont  très  régulières,  et 
donneraient  lieu  à  des  corrections  qui  seraient  plus  faibles  que 
les  erreurs  de  lecture  ;  pour  cette  raisqn,  les  chiffres  recueillis 
ont  été  inscrits  tels  qu'ils  ont  été  lus  sur  l'instrument. 

Rappelons  que  la  température  des  eaux  de  la  côte  passe  de 
10^  en  hiver  à  22<*  en  été;  celle  du  bassin  d'Arcachon  passe 
de  1**  en  hiver  à  26^  en  été. 

La  densité  moyenne  de  l'eau  de  l'Océan  étant  1027,  les 
corrections  à  faire  en  raison  de  la  température  oscilleront 
entre  1026  et  1028;  et  lorsque  l'instrument  donne  des  chiffres 
notablement  supérieurs  ou  inférieurs  à  cette  moyenne,  c'est 
que  le  facteur  salinité  se  sera  modifié  de  façon  anormale  pour 
des  causes  qui  peuvent  intéresser  les  êtres  vivant  dans  les 


434  HAUTREUX. 

eaux  marines^  et  les  inciter  à  se  fixer  ou  à  changer  de  milieu. 
Cette  étude  se  divise  naturellement  en  deux  parties  : 
l""  La  côte  des  Landes; 
2*  Le  bassin  d'Arcachon. 

Côte  des  Landes. 

Les  observations  ont  commencé  en  septembre  4893>  pen- 
dant une  période  très  pluvieuse^  et  se  continuent  encore 
actuellement  (novembre  4895).  Il  en  a  été  pris  de  six  à  huit 
par  mois.  Nous  donnons  dans  un  tableau  les  maxima  et  les 
minima  observés,  et  la  moyenne  arithmétique  de  toutes  les 
observations  du  mois. 

Sur  ces  chiffres,  nous  avons  tracé  un  graphique  qui  montre 
les  oscillations  éprouvées  par  la  densité  sur  la  côte  des 
Landes. 

Des  maxima  notables  se  sont  produits  en  décembre  4893  et 
en  mai  1894,  sans  qu'on  puisse  nettement  les  attribuer  à  des 
excès  de  sécheresse,  car  il  s*est  produit  d'autres  périodes 
aussi  sèches  qui  n'ont  pas  amené  d'augmentation  de  la  den- 
sité. A  partir  du  mois  de  juillet  1894  jusqu'à  l'automne  actuel 
de  4895,  la  courbe  des  densités  se  maintient  entre  4024  et 
1036  presque  sans  variation. 

Les  modifications  de  la  salinité  dans  les  eaux  côtières 
existent  certainement,  mais  on  ne  peut  encore  les  relier  nette- 
ment aux  variations  de  la  pluviosité  ou  de  la  température.  On 
ne  peut  pas  non  plus  les  attribuer  à  des  directions  anormales 
des  vents,  car  l'étude  de  l'état  atmosphérique  de  cette  région 
nous  a  montré  que  si  dans  la  matinée  les  vents  sont  variables 
en  direction,  on  les  trouve  au  contraire  dans  l'après-midi 
venant  généralement  du  N.-W.,  depuis  le  mois  de  mars  jus- 
qu'au mois  d'octobre. 

Cependant  nous  allons  voir,  en  étudiant  les  densités  du 
bassin  d'Arcachon,  que  des  variations  bien  plus  considérables 
se  produisent  dans  la  rade  d'Eyrac,  et  que  les  époques  des 


DBNSITÊS  DE  SURFACE  DE  U  MER.  43$ 

maxima  et  des  minima  de  la  rade  semblent  précéder  d'en- 
yiron  un  mois  les  variations  de  même  nature  qui  s'observent 
au  large. 

Cet  intervalle  peut  paraître  long;  mais  cependant  nous 
rappellerons  que^  dans  Testuaire  de  la  Clyde^  la  mer  d^Aran 
n'éprouve  les  modifications  ressenties  dans  le  bassin  de  la 
Clyde  qu'au  bout  de  deux  mois  et  demi. 

Des  expériences  faites  en  diverses  saisons  sur  les  eaux 
inférieures  jusqu'à  cent  mètres  de  profondeur  ont  toujours 
donné  le  chiffre  de  1026,  qui  a  été  vérifié  à  la  Faculté  de^ 
sciences. 

Les  modifications  de  la  densité  sur  la  cdte  des  Landes 
paraissent  être  superficielles. 

Bassin  d*AFcachon. 

Les  observations  faites  par  le  capitaine  Durand  ont  com- 
mencé en  décembre  4893,  en  rade  d'Eyrac.  Les  dispositions 
premières  n'ont  pas  permis  de  les  multiplier  autant  qu'il  était 
désirable;  mais  à  partir  de  septembre  1894,  ces  observations 
furent  faites  chaque  jour,  au  ponton  des  Pêcheries  de  l'Océan, 
à  la  pleine  mer  et  à  la  basse  mer. 

A  partir  du  mois  de  novembre  1894,  le  capitaine  des 
douanes,  M.  Sansuc,  fit  recueillir  les  mêmes  données  à  la 
pointe  de  l'Aiguillon. 

En  dernier  lieu,  en  juin  1895,  M.  Brunen,  à  la  villa  Algé- 
rienne, commença  une  nouvelle  série  d'observations. 

Ces  observations  locales  du  bassin  furent  enfin  reliées,  de 
temps  en  temps,  avec  les  observations  faites  au  large,  comme 
il  a  été  fait  pour  les  températures,  de  manière  à  étudier  com- 
parativement les  différentes  parties  du  bassin  entre  elles  et 
avec  l'Océan. 

Ces  observations  forment  deux  séries  distinctes. 

La  première  série,  prise  seulement  en  rade  d'Eyrac,  et  à  des 
heures  quelconques  de  la  marée,  de  décembre  1893  à  sep- 


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436  HAUTREUX. 

tembre  1894^  a  montré  qu'en  ce  point  la  densité  éprouvait  des 
oscillations  considérables.  On  y  a  enregistré  : 

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En  février  1894 1011 

En  avril  1894 1028 

En  septembre  1894 1020 

Comme  pour  le  large^  ces  oscillations  durent  plusieurs 
mois  et,  fait  remarquable,  se  correspondent  comme  si  elles 
étaient  le  résultat  des  mêmes  causes.  Seulement,  les  oscilla- 
tions du  bassin  se  produisent  plus  d'un  mois  ayant  celles  du 
large. 

La  seconde  série  d'observations,  prise  chaque  jour  à  la 
pleine  mer  et  à  la  basse  mer,  a  commencé  le  SO  septem- 
bre 1894  pour  la  rade  d'Eyrac,  le  l®**  novembre  1894  pour  la 
pointe  de  TAiguillon,  et  le  20  juin  1895  pour  la  villa  Algé- 
rienne. 

Les  graphiques  journaliers,  quelque  intéressants  qu'ils 
soient,  demandent  un  développement  beaucoup  trop  considé- 
rable pour  être  reproduits  complètement;  nous  en  donnons 
seulement  deux  exemples  :  février  et  juin  1895,  et  pour  le 
reste,  nous  nous  bornons  dans  le  graphique  général  à  donner 
les  inflexions  principales  de  ces  courbes  journalières. 

L'aspect  de  ces  courbes  journalières  est  frappant  :  dans  la 
rade  d'Eyrac,  la  courbe  des  PM  est  constamment  au-dessus 
de  la  courbe  des  fiM;  à  la  pointe  de  l'Aiguillon,  il  n'y  a  que 
de  faibles  différences  entre  les  deux  courbes  et  leurs  tracés 
sont  enchevêtrés,  c'est-à-dire  que  la  densité  est  tantôt  plus 
forte,  tantôt  plus  faible  à  basse  mer  qu'à  pleine  mer;  à  la 
villa  Algérienne,  il  en  est  de  même  qu'à  la  pointe  de  l'Ai- 
guillon. 

De  sorte  que  ces  observations  nous  montrent  clairement 
que  les  variations  dues  aux  courants  de  marée  se  font  sentir 
régulièrement  dans  la  rade  d'Eyrac,  dans  lé  grand  chenal,  où 
se  déversent  les  eaux  de  la  Leyre,  tandis  qu'elles  sont  insen- 


!  '  i    *  • 

DENSITÉS  DE  SURFACE  DE  LA  MER.  437 

sibles  dans  les  parties  du  bassin  qui  sont  situées  hors  de  ce 
grand  chenal.  • 

En  outre^  les  chiffres  obtenus  pour  la  pointe  de  TAiguillon 
et  pour  la  villa  Algérienne  sont  toujours  supérieurs  à  ceux 
que  donne  la  rade  d'Eyrac;  ils  sont  même  généralement 
supérieurs  à  ceux  que  donnent  les  observations  du  large. 

Ces  faits  démontrent  la  localisation  des  phénomènes  dans 
les  différentes  parties  du  bassin.  Ils  nous  apprennent  que 
malgré  le  jeu  des  marées»  et  malgré  les  violents  courants 
qu'elles  engendrent,  les  eaux  des  diverses  régions  du  bassin 
se  cantonnent  dans  les  parties  avoisinantes,  et  ne  se  mélan- 
gent que  difficilement  les  unes  avec  les  autres. 

Nous  présentons  dans  un  tableau,  pour  chaque  point»  les 
maxima  et  minima  observés  dans  chaque  mois»  et  la  moyenne 
arithmétique  de  toutes  les  observations  du  mois.  Dans  le  gra- 
phique» nous  avons  tracé  seulement  les  oscillations  principales 
des  courbes  de  la  marée  basse»  les  chiffres  de  basse  mer 
indiquant  mieux  les  variations  de  la  densité  dues  aux  agents 
atmosphériques  et  aux  phases  lunaires.  (Voir  graphique  n^  1.) 


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DENSITÉS  DE  SUHFACE  Di,   LA  MBR.  439 

C'est  la  rade  d'Eyrac  qui  offre  le  plus  d'intérêt  dans  cette 
étude^  puisque  c'est  elle  qui  est  le  plus  affectée  par  ces 
influences  extérieures. 

Du  mois  de  septembre  1894  au  mois  de  novembre  1895, 
dans  la  rade  d'Eyrac  de  marée  basse,  on  a  observé  : 

Minimum  absolu,  le  24  février  1895 1013,5 

Maximum  absolu,  le  6  octobre  1894 1026 

La  densité  moyenne  de  basse  mer,  à  Eyrac,  a  été  pour 
ces  treize  mois  de  1021,6;  et  c'est  dans  le  mois  de  juin  1895 
que  la  salinité  a  été  la  plus  faible.  Nous  donnons  plus  loin  une 
analyse  plus  complète  de  ce  mois  de  juin  1895,  où  la  pluviosité 
avait  été  considérable  pendant  la  première  quinzaine. 

Les  tracés  montrent  bien  le  trouble  que  l'afHux  des  eaux 
douces  amène  dans  le  grand  chenal  au  moment  des  périodes 
pluvieuses. 

Pendant  les  périodes  sèches,  les  minima  de  basse  mer 
correspondent  aux  époques  des  pleines  et  nouvelles  lunes; 
dans  ces  grandes  marées,  le  niveau  de  basse  mer  étant  très 
abaissé,  amène  un  plus  fort  écoulement  des  eaux  landaises. 

Pendant  les  périodes  pluvieuses,  la  densité  décroit  progres- 
sivement dans  le  chenal  tant  que  dure  la  pluie;  puis  elle 
remonte  assez  vivement  pendant  les  quadratures;  mais  ce 
n'est  qu'après  une  quinzaine  de  jours  de  sécheresse  et  deux 
grandes  marées  que  la  densité  remonte  à  son  chiffre  moyen. 

Les  modifications  de  la  salinité  dans  le  chenal  sont  donc  le 
résultat  des  phénomènes  atmosphériques  et  lunaires,  dont  les 
actions  n'agissent  pas  toujours  dans  le  même  sens. 

La  pointe  de  l'Aiguillon  et  la  villa  Algérienne,  qui  se  trou- 
vent en  dehors  des  grands  courants,  présentent  des  caractères 
absolument  différents;  non  seulement  les  eaux  douces  des 
Landes  ne  viennent  que  rarement  dessaler  leurs  eaux,  mais 
encore  les  phases  de  la  lune  ne  paraissent  pas  avoir  d'action 
directe  sur  elles.  Dans  ces  deux  points,  par  temps  de  sèche- 


440  HAUTREUX. 

resse,  la  densité  est  supérieure  à  celle  de  Teau  de  TOcéan 
voisin  ;  et  pendant  les  périodes  sèches,  l'allure  des  deux  points 
est  semblable;  on  remarque  cependant  qu'à  la  villa  Algé- 
rienne, au  moment  des  syzygies,  la  salure  augmente,  de 
même  que  la  température  de  l'eau,  pendant  l'été,  et  proba- 
blement les  deux  faits  sont  connexes.  Les  grandes  surfaces, 
découvertes  à  marée  basse,  facilitent  réchauffement  et 
l'évaporation  des  eaux  qui  les  recouvrent.  C'est  un  fait  tout 
local,  mais  ayant  de  l'importance  pour  les  riverains  pêcheurs 
ou  pisciculteurs. 

Les  chiffres  extrêmes  qui  ont  été  observés  à  basse  mer  sont 
les  suivants  : 

Pointe  de  rAiguillon.  i  ^^^^^^>  [«  JJ  ^vril  1895..    1034 

''  (  mmimum,  le  20  août  1895..    1023 

^..,    41  ^  .  (  maximum,  le  23  juillet  1895    1027 

villa  Aigénenne |  minimum,  le  23  juin  1895...    1017 

On  voit  par  ces  chiffres  que  la  villa  Algérienne,  plus  rappro- 
chée du  canal  du  Piquey  que  le  canalette  de  l'Aiguillon  ne 
l'est  du  chenal  d'Eyrac,  est  aussi  plus  sensible  aux  périodes 
de  sécheresse  ou  d'humidité  ;  et  que  ces  deux  stations  ont  des 
caractères  différents  et  spéciaux. 

On  peut  dire  que  chacun  des  points  du  Bassin  d'Arcachon 
a,  tant  au  point  de  vue  des  densités  qu'à  celui  des  tempéra- 
tures, une  physionomie  spéciale  que  chaque  pisciculteur 
a  intérêt  à  étudier. 

Observations  reliées.  —  Dans  le  but  de  déterminer  la 
marche  des  salinités  entre  la  rade  d'Eyrac  et  l'Océan,  il 
a  été  fait  des  observations  reliées  entre  la  rade  et  le  large 
au  même  moment  de  la  marée;  ces  observations  ont  été 
faites  : 

Le  14  juin  1895,  à  basse  mer,  en  quadrature,  après  une 
période  pluvieuse. 

Et  le  19  juin  1895,  à  pleine  mer,  vers  la  syzygie,  après  une 
période  sèche  de  huit  jours* 


DENSITÉS  DE  SURFACE  DE  LA  MER. 


4H 


Bassin  d*Arcachon.  —  Densités  reliées. 


le 
uillon 

Ë 

(2* 

C 
3 

o 

.2 

■  2 

3 

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s 
2 

c. 
«s 
s 

a 

Cùte  des 
au  la 

14  juin  B.  M.. 

1025 

1016 

i02r 

1023 

1023 

1021 

1034 

19  juin  P.  M.. 

1025 

1022 

1024 

» 

1026 

» 

102C 

Voir  graphique  n«  2  el  la  petite  c^rte  d'Arcachon. 

Ce  graphique  montre  encore  plus  nettement  que  celui  que  nous 
ont  fourni  les  températures,  que  la  région  comprise  entre 
le  cap  Ferret  et  le  Sémaphore  est  celle  où  s'opèrent  les  mélanges 
entre  les  eaux  du  bassin  intérieur  et  celles  de  l'Océan, 
Tandis  que  du  cap  Ferret  à  la  rade  d'Eyrac,  la  salinité  s'abaisse 
rapidement  aussi  bien  ù  la  fin  du  flot  qu'à  la  fin  du  jr.sant. 

Or,  le  14  juin,  pendant  qu'en  rade  d'Eyrac  le  densimèlre 
marquait  1016,  il  donnait  à  la  pointe  d'Aiguillon  1()25. 

La  faiblesse  de  la  salinité  est  donc  conflnée  aux  grands 
chenaux  d'évacuation  des  eaux  des  Landes  ;  elle  ne  s'étend  pas 
sur  les  crassats  et  dans  les  canalettes.  En  sorte  que  dans  les 
périodes  de  doucin,  souvent  funestes  aux  parqueurs,  ce  sont 
les  parcs  les  plus  voisins  des  chenaux  du  Teichan  et  du  Piquey 
fjui  doivent  souffrir  le  plus. 

Les  observations  journahcres  ont  montré  que  des  variations 
très  sensibles  se  produisaient  d'un  jour  à  l'autre,  et  que  leur 
amplitude  était  plus  grande  en  rade  d'Eyrac  qu'en  dehors  des 
grands  chenaux.  Pour  apprécier  ces  variations  et  déterminer 
ainsi  à  quelle  approximation  peuvent  se  faire  utilement  ces 
observations,  nous  donnons  les  tableaux  et  graphiques  les 
concernant  pour  les  mois  de  février  et  juin  1895.  (Voir  gra- 
phique n°  3.) 


T.  l  (5«  Série). 


29 


442 


HAfJTRËUX. 


Densités  de  surface  de  la  mer. 


'/3 


1 

9 

3 

4 

a 

G 

7 

8 

9 

10 

11 

12 

13 

U 

m 

1G 

i7 

18 
19 
20 
31 
22 
23 
24 
25 
26 
27 
28 
29 
30 


Février  1895 


O 


a 
• 


1027 
1024 


1027 
102(i 
1023 


•^ 


1025,5 


RADE  D'ETRAC 


P.  M. 


1024,5 

1024 

1024 

1023 

1023 ,n 

1023,5 

1024 

1023,5 

1023,5 

1022,5 

1025 

1024,5 

1024  •$ 

1023^ 

1024 

1024 

1023,5 

1019 

1019 

1021 

1021,5 

1017,5 

lOii 

1020 

1020,5 

1021,5 

1020,5 

1023,5 


B.M. 


1022,6 


1021,5 

1022,5 

1022 

1020,5 

1022 

1022,5 

1021,5 

lOtl 

1021 

1021 

1021,5 

1021 

1021,5 

1021 

1021,5 

1020,5 

1020,5 

1014,5 

1013,5 

1016,5 

1019,5 

1015,5 

1020 

1019,5 

1019 

1019,5 

1019,5 

1020,5 


POIHTB 
DE  L'AICUILLOX 


1018,2 


P.  M. 


1026,5 

1026 

1025 

1028,5 

1090 

1029 

1028,5 

1QS7 

1029 

1028,5 

1030 

1028,5 

1027 

1028,5 

1028 

1029,5 


1034 
1027 
1030 
1028 
1027 
1028 
1(»9 
1031 
1027 
1029 


o.  Il< 


1028,8 


1027 

1027,5 

102(î 

1090 

1028 

law 

1030 

1027,5 

1030 

1029 

1028,5 

1028 

1029 

1030 

1019 

1030 


1030 
1029 
1031 
1030 
1081 
1029 
1027 
1029 
1028 
1028,5 


1029,1 


Juin  1895 


H 

S 

ta 


46 


1023,5 
1024,5 


1026 
1026 


RADI  D'KTRAC 


P.  M. 


1025 


1023 

102:1 

1024 

1022 

1021 

1012 

1020 

1080 

1020 

1020 

1024 

1022 

1020 

1018 

1017 

1020 

1021 

1022 

1092 

1020 

1021 

1021 

1020 

1018 

1019 

1021 

1021 

1022 

1020 

1020 


B.M. 


1021 
1021 
1019 
1020 
1010 
tau* 
nuii 

1(120 
1017 
1017 
1017 
1017 
1(H8 
1016 
1015 
1016 
1020 
1020 
lOSO 
1014 
1015 
1019 
1015 
1017 
1015 
1020 
1018 
1021 
1019 
1019 


roivTB 

DE 
L'AtC. 

B.M. 


1020,8 


1017,9 


1026 

1027 

1026 

1026,5 

1026 

1026,5 

1026 

1086 

1025,5 

1025,5 

1025 

1025 

1024,5 

1025 

1025,5 

1025 

1025 

1025 

1024 

1024 

1024 

ir^ 

1024,5 

1025 

1024 

1024 

102i,5 

1025 

1024 

1Qt4 


YilU 


I.  I. 


1025,1 


1010 
1020 
1017 
1018 
1022 
1022 
1022 
1022 

ion 

1020 


13 
2 

11 
8 
3 

23 
2 
1 
9 


89 


En  février,  les  froids  furent  intenses,  et  il  tomba  peu  de 
pluies;  les  densités  furent  très  fortes  à  la  pointe  de  TAiguillon, 
et  aussi  en  rade  d'Eyrac. 

En  juin,  il  y  eut  de  fortes  pluies  dans  la  première  quinzaine 
du  mois,  et  les  chaleurs  commencèrent  vers  le  20. 

En  février,  Teau  de  mer  du  large  marquait  1026.  Les  den- 
sités de  la  pointe  de  TÂiguillon  sont  constamment  au-dessus 
de  ce  chiffre.  Celles  de  la  rade  d'Evrac  sont  au  contraire  très 
inférieures,  surtout  à  la  fin  du  mois,  au  moment  ou  la  tempé- 
rature de  Teau  n'était  que  de  1*^.  Il  semble  qu'à  ce  moment  il 
y  ait  eu,  vers  le  ponton  des  pêcheries,  un  afflux  d'eau  douce 
amené  par  la  persistance  des  vents  d'Est. 


DENSITÉS  DE  SURFACE  DE  LA   MER.  443 

En  juin  1895,  Teau  du  large  marquait  1025.  Les  densités  de 
la  pointe  de  l'Aiguillon  éprouvent  à  peine  quelques  variations 
journalières;  elles  s'abaissent  de  1026  à  1024  sous  l'influence 
des  grandes  pluies  de  la  première  quinzaine.  Celles  de  la  rade 
d'Eyrac  éprouvent  des  soubresauts  considérables  et  s'abais- 
sent progressivement  jusqu'au  20  juin  sous  l'influence  des 
pluies,  où  elles  marquent  de  basse  mer  1014. 

Les  densités  de  la  villa  Algérienne,  station  voisine  du  chenal 
du  Piquey,  montrent  aussi  l'irruption  momentanée  des  eaux 
douces  du  22  au  24,  puis  une  fixité  remarquable  dans  les 
derniers  jours  du  mois* 

Les  observations  ultérieures,  jusqu'au  milieu  d'octobre, 
montrent  que  les  densités  se  rapprochent  des  chîff'res  obtenus 
à  la  pointe  de  l'Aiguillon  sans  éprouver  les  grandes  oscilla- 
tions de  la  rade  d'Eyrac. 

Ces  oscillations,  dans  la  rade  d'Eyrac,  nous  paraissent  tenir 
à  ce  que  le  volume  des  eaux  douces  qu'apporte  la  Leyre  est 
trop  faible  pour  remplir  la  largeur  du  chenal.  Les  difficultés 
de  mélange  des  eaux  douces  et  des  eaux  salées  sont  connues  ; 
la  petite  rivière,  en  arrivant  sur  la  rade,  poursuit  son  cours 
en  divaguant  d'une  rive  sur  l'autre,  suivant  les  impressions 
diverses  des  vents  régnants  et  des  rives  conductrices  sous- 
marines. 

En  résumé,  ces  observations  sur  les  densités  complètent  les 
renseignements  donnés  par  Tétude  des  températures;  elles 
montrent  que  dans  un  bassin,  qui  communique  cependant  si 
largement  avec  l'Océan,  il  existe  des  différences  sensibles 
dans  la  salure  de  points  môme  très  voisins  les  uns  des 
autres. 

Les  dispositions  du  sous-sol  marin  et  la  direction  des  vents 
produisent  des  divagations  des  courants  de  marée. 

Les  eaux  se  cantonnent  dans  les  chenaux  profonds  et  y 
oscillent  comme  si  elles  étaient  renfermées  dans  un  corps  de 
pompe  à  plusieurs  branchements* 

C'est  dans  la  partie  comprise  entre  la  rade  du  cap  Ferret  et 


41 V  HAUTRELX. 

celle  du  Sémaphore  que  se  font  les  mélanges  des  eaux  du 
bassin  intérieur  avec  celles  de  l'Océan  ;  à  la  bouée  extérieure, 
les  eaux  sont  purement  oéaniennes. 

Les  chenaux  d'Eyrac  et  du  Piquey  reçoivent  le  contingent 
des  eaux  douces  provenant  de  la  Leyre  et  de  la  décharge  des 
étangs  de  Lacanau  et  d'Hourtin;  ces  volumes  d'eau,  insuffi- 
sants pour  remplir  la  largeur  des  chenaux,  y  oscillent  et  pro- 
duisent de  brusques  variations  dans  la  salure.  Les  canaux 
latéraux  ne  reçoivent  pas  directement  ce  tribut  des  eaux  lan- 
daises; les  eaux  de  marée  qu'y  amène  le  flot  se  sursalent 
dans  les  régions  qui  ont  été  soumises  pendant  plusieurs 
heures  à  Pévaporation  solaire. 

Dans  les  canalettes,  la  densité  est  plus  forte  que  dans  les 
grands  chenaux;  de  même  la  température  de  l'eau  y  est  plus 
élevée  pendant  Tété  et  plus  basse  pendant  Thiver  que  dans  les 
grands  lits  de  courants. 

Le  chenal  d'Eyrac  forme  un  véritable  estuaire  dans  Tinlé- 
rieur  du  bassin;  c'est  la  prolongation,  au  milieu  des  eaux 
marines,  du  cours  de  la  Leyre;  et  comme  les  mélanges  se 
font  lentement,  ces  eaux  douces,  suivant  leur  abondance, 
modifient  brusquement  les  salures  de  cette  rade. 

Nous  espérons  que  ces  observations  seront  utiles  aux  ostréi- 
culteurs et  aux  pisciculteurs  du  bassin. 


RECHERCHES 

SUR 

L'AFFINITÉ   CHIMIQUE 


PAR  11.  A.  FIGUIER 


Communiqué  en  séance  du  35  juillet  iSOù. 


L'affinité  chimique,  c'est-à-dire  la  résultante  des  forces  qui 
entraînent  les  actions  chimiques,  suppose  entre  les  éléments 
en  présence  un  ensemble  de  mouvements  invisibles,  tendant 
vers  de  nouveaux  équilibres  moléculaires  permanents,  et  spé- 
cifiant chacun  un  corps  déterminé. 

Les  forces  physiques  qui  ont  concouru  à  édifier  un  système 
chimique  —  un  composé  défini  —  peuvent  aussi  le  renverser, 
disperser  ses  débris,  en  agissant  dans  d'autres  conditions, 
suivant  des  intensités  difierentos.  C'est  ce  qui  a  lieu  pour  la 
chaleur  provoquant  l'oxydation  du  mercure  ou  bien  la  réduc- 
tion de  ses  oxydes. 

L'affinité  s'exerce  sur  des  atomes  qui  échappent,  isolément, 
à  toute  observation  immédiate.  Aussi,  faute  d'une  base  suffi- 
sante, son  étude  présente  d'inévitables  lacunes,  auxquelles  on 
ne  peut  tenter  d'obvier,  en  partie,  que  par  voie  d'induction  et 
d'hypothèses. 

Les  équivalents  ou  les  poids  atomiques  représentent  des 
quantités  égales,  ou  en  rapports  simples,  de  forces  vives  :  la 
loi  des  proportions  multiples  semble  bien  l'indiquer,  et  laisse 
entrevoir,  en  outre,  l'existence  possible  de  combinaisons  nom- 
breuses, en  dehors  des  limites  de  saturation  aujourd'hui 
admises. 


446  A.  FIGUIER. 

C'est  avec  le  magnétisme  surtout,  dont  le  mode  d'action  se 
révèle  directement,  au  moins  dans  ses  effets  extérieurs,  que 
l'affinité  offre  le  plus  de  relations.  Sans  vouloir  rechercher  si 
les  phénomènes  qui  procèdent  de  ces  forces  s'accomplissent 
suivant  un  mécanisme  semblable,  on  peut  cependant  les  mettre 
en  parallèle.  Les  analogies  les  plus  étroites  apparaissent  alors 
entre  les  conditions  qui  les  règlent  ou  les  modifient. 

La  notion  actuelle  de  l'atomicité,  qui  traduit  simplement 
pour  chaque  atome  le  nombre,  variable  parfois,  de  ses  centres 
d'attraction  chimique,  conduit  à  ce  rapprochement  qui  permet 
de  mieux  saisir  quelques  faits  encore  un  peu  obscurs,  et 
indique  à  l'expérimentateur  un  sens  bien  net. 

Les  aimants  ont  en  général  deux  pôles  inégaux  qui  s'in- 
fluencent mutuellement,  suivant  leur  distance  réciproque. 

Si  on  les  divise  en  menus  fragments,  l'un  des  deux  pôles 
prépondérant  restera  seul  efficace;  chaque  parcelle  devra 
constituer  un  aimant  unipolaire. 

Par  contre,  si  un  barreau  est  suffisamment  long,  quel  que 
soit  son  mode  d'aimantation,  il  offrira  dans  ses  parties  mé- 
dianes des  points  conséquents.  Ces  centres  secondaires  d'at- 
traction, toujours  plus  faibles,  se  montrent  surtout  dans  une 
cliaîne  d'aimants  fixés,  bout  à  bout,  par  leurs  pôles  contraires. 
On  peut,  dans  quelques  circonstances,  en  faire  varier  le  nombre 
et  l'intensité. 

Les  points  conséquents  s'affaiblissent  dès  qu'on  réunit  les 
p(Mes  extrêmes,  ou  qu'on  en  détourne  les  effets  à  l'aide  d'ar- 
matures. Ils  disparaîtront  les  premiers  sous  l'action  d'une 
cause  quelconque  de  désaimantation,  telle  que  la  chaleur.  Ils 
pourront,  dans  ce  cas  particulier  que  vérifie  l'expérience, 
apparaître  de  nouveau  par  le  refroidissement.  Leur  nombre, 
leur  activité,  seront  liés,  par  conséquent,  à  un  état  thermique. 

Les  atomes  se  comportent  de  même.  Par  exemple,  le  fer  est 
diatomique  dans  ses  composés  au  minimum  où  figure  un  seul 
de  ses  atomes;  en  se  soudant,  deux  atomes  de  fer  donnent 
une  molécule  hexatomique,  ce  qui  fait  considérer  nécessaire* 


RBCHERCHES  SUK  L'aFFIMTÉ  CHIMIQUE.  447 

ment  chacun  de  ses  atomes  comme  tétratomique.  L'atome  de 
fer,  en  principe,  doit  posséder  quatre  ou  six  centres  d'attrac- 
tion; deux  seulement  peuvent  agir  dans  les  conditions  où 
prend  naissance  un  composé  ferreux  dont  la  tendance  à 
s'oxyder,  à  former  des  combinaisons  moléculaires,  à  fixer  de 
Teau  de  cristallisation,  démontre  bien  refflcacité  ultérieure 
de  points  conséquenta  chimiques. 

Dans  une  chaîne  chimique,  le  nombre  de  centres  d'attrac- 
tion, la  valence,  en  un  mot,  augmente,  suivant  une  loi  déter- 
minée, avec  le  nombre  d'anneaux.  Plus  la  charpente  d'un 
édifice  chimique  est  compliquée,  et  plus  il  admettra  de  maté- 
riaux, mais  il  deviendra  aussi  plus  fragile. 

Si  l'on  pai*vient  pour  le  fer,  et  d'autres  corps  simples,  à 
réunir  par  soudure  un  nombre  plus  considérable  d'atomes, 
comme  on  le  fait  pour  le  silicium  et  le  carbone,  il  est  probable 
qu'on  arrivera  à  des  groupes  d'une  valence  élevée.  L'extraor- 
dinaire multiplicité  et  la  complication  des  composés  organi- 
ques enlèvent  à  cette  supposition  ce  qu'elle  peut  offrir  de  trop 
gratuit. 

On  comprend,  toutefois,  que  l'application  de  procédés  autres 
que  ceux  ordinairement  usités  au  laboratoire  puisse  être  indis- 
pensable. 

Une  molécule  incomplète,  en  se  saturant,  peut  se  dédoubler, 
par  suite  de  l'atténuation  des  points  de  soudure.  Elle  se  scin- 
dera en  tronçons  plus  stables,  à  leur  tour  non  saturés,  mais 
vers  lesquels  tend  la  réaction. 

Ainsi,  le  fer  est  hexatomique  dans  l'anhydride  FeO'.  Dans 
ses  composés  au  maximum,  il  se  comporte  comme  tétrato- 
mique; enfin  il  est  diatomique  seulement  dans  les  composés 
où  ses  pôles  chimiques  sont  le  plus  puissants. 

Le  chlorure  ferrique  Fe*Cl*  est  saturé  de  fer,  et  pourtant  sa 
molécule  peut  être  envisagée  comme  incomplète. 

Or,  si  on  le  met  en  contact  avec  un  excès  de  son  propre 
métal,  il  en  résultera  trois  molécules  séparées  de  chlorure 
ferreux  FeCl'. 


448  A.   FIGUIER. 

La  surcharge  est  trop  forte,  dans  les  conditions  actuelles^ 
pour  le  maintien  de  la  soudure  du  ferricum,  Fe*. 

Dans  les  phénomènes  de  substitution,  si  rélément  introduit 
constitue  une  charge  plus  grande  que  celle  formée  par  l'élé- 
ment dont  il  a  pris  la  place,  et  exige  Teffort  tout  entier  du 
centre  attractif  sur  lequel  il  se  fixe,  les  atomicités  secondaires 
de  la  molécule  initiale,  transformée  il  est  vrai,  deviendront 
inactives:  soit  du  sulfate  de  soude  abandonnant  son  eau  molé- 
culaire après  substitution  du  baryum  au  sodium. 

La  chaleur,  à  partir  d'une  certaine  limite,  a  pour  effet  de 
rendre  un  aimant  inerte,  d'une  façon  permanente  ou  passa- 
gère, suivant  la  nature  de  sa  substance. 

La  température  s'élevant  par  degrés  successifs,  les  pôles 
secondaires  moins  puissants  abandonnent  les  premiers  leur 
charge,  comme  il  a  déjà  été  dit  :  il  y  a  dissociation  magné- 
tique  partielle  ;  plus  tard,  la  dissociation  sera  complète,  par 
suite  de  la  disparition  totale  ou  tout  au  moins  de  Taifaiblisse- 
ment  plus  prononcé  des  pôles. 

Dans  les  mêmes  conditions,  une  chaîne  d'aimants  se  divisera 
en  parties  distinctes,  et  fmalement  en  ses  anneaux  élémen- 
taires; Suivant  un  ordre  inverse,  l'état  primitif  doit  se  recons- 
tituer, si  le  magnétisme  réapparaît  par  le  refroidissement  et  si 
les  pôles  se  retrouvent  en  présence  de  leurs  charges  respec- 
tives. 

La  chaleur  agit  de  même  sur  les  atomes;  elle  devise  et  peut 
réduire,  en  ses  éléments  simples,  une  chaîne  chimique  d'au- 
tant  moins  résistante  que  ses  points  conséquents  satisfaits 
sont  plus  nombreux. 

Il  est  clair  que  celle-ci  ne  pourra  se  former  dans  les  condi- 
tions thermiques,  ou  autres,  provoquant  un  ébranlement 
atomique  capable  de  la  détruire. 

Lorsqu'une  molécule  se  forme  rapidement,  sa  température 
primitive  peut  se  trouver  assez  élevée  pour  que  les  pôles 
secondaires  qu'elle  comporte  apparaissent  seulement  après 
qu'elle  s'est  refroidie;  alors  elle  cesse  d'être  saturée;  elle  a 


RECHERCHES  SUR  L^FPINITÊ  CHIMIQUE.  449 

une  tendance  à  la  condensation,  et  attire,  s'il  y  a  lieu,  de 
nouveaux  éléments,  l'eau  de  cristallisation,  l'oxygène  de 
l'air.  Cet  effet  consécutif,  dû  a  une  faible  attraction,  s'accom- 
plit relativement  avec  lenteur,  et,  ce  qui  la  rend  possible, 
sans  que  la  molécule,  en  se  compliquant,  puisse  s'échauffer 
beaucoup. 

On  se  rend  compte  ainsi  de  l'atomicité  variable  de  divers 
atomes,  du  fer  et  de  ses  congénères,  de  l'azote,  du  phosphore, 
de  la  constitution  des  sels  hydratés,  de  quelques  sels  doubles, 
et  des  autres  combinaisons,  dites  moléculaires,  dont  les  termes 
les  plus  élevés  sont  justement  les  moins  stables.  En  effet,  les 
centres  d'attraction  qui  en  retiennent  les  parties  dissemblables 
ne  sont  pas  identiques,  et  résistent  inégalement  aux  agents 
extérieurs. 

En  s'échauffant  graduellement,  si,  à  un  moment  donné,  un 
aimant  supporte  le  maximum  de  charge  (^),  sous  une  masse 
unique,  le  moindre  excès  de  chaleur  la  lui  fera  abandonner,  à 
moins  qu'on  ne  compense,  au  fur  et  à  mesure,  sa  déperdition 
de  force  par  une  pression  équivalente  convenablement  dirigée, 
ou  bien  qu'on  ne  diminue  cette  masse  dans  le  même  rapport. 

La  même  chose  se  passerait  pour  deux  aimants  en  contact 
mutuel. 

Un  composé  chimique  est  assimilable  ù  un  pareil  système 
dans  lequel  les  atomes  que  l'on  peut  considérer  comme 
opposés,  ou  en  équilibre  de  mouvement  autour  de  centres 
déterminés,  figurent  des  aimants,  simples  ou  multiples,  et 
leurs  armatures. 

La  dissociation  chimique,  la  dissociation  physique  sous  ses 
diverses  formes,  la  vaporisation,  la  volatilisation  des  solides, 
se  rattachent  à  un  ordre  semblable  d'idées,  et  s'expliquent 
ainsi  très  aisément,  par  analogie,  d'après  cette  théorie,  qui 
s'en  trouve  môme  fortifiée. 

La  tension  de  dissociation,  correspondant  à  chaque  degré  de 

(1)  Correspondant  à  sa  température. 


450  A.  FIGCIKR. 

chaleur^  mesure  Tintensité  perdue  par  rattraction  moléculaire 
ou  atomique. 

La  cohésion  parait  dépendre  de  centres  d'attraction  secon- 
daires bien  plus  faibles  que  les  centres  d'attraction  spécifiant 
l'affinité. 

L'eau,  d'après  les  expériences  de  M.  II.  Sainte-Claire  Deville, 
ne  se  dissocie  chimiquement  qu'à  une  température  fort  élevée  : 
elle  peut  bouillir  à  une  basse  température. 

Des  irrégularités  apparaissent  forcément  dans  la  courbe  des 
tensions  de  dissociation  des  composés  moléculaires,  tels  que 
certains  hydrates  dont  les  molécules  d'eau  se  trouvent  distri- 
buées, sans  doute,  sur  des  centres  d'attraction  inégaux. 

Dans  quelques  cas,  la  dissociation  peut  être  brusque  :  une 
masse  d'eau  surchauffée  se,  réduira  subitement  en  vapeur,  si 
le  vase  qui  la  contient  vient  à  céder. 

On  comprend,  de  cette  façon,  la  force  d'expansion  énorme 
qui  accompagne  l'explosion  des  chaudières  à  vapeur. 

Des  composés  fulminants  dont  l'équilibre  est  instable  fusent 
ù  l'air  libre,  surtout  quan^  ils  sont  mélangés  avec  des  matières 
inertes  qui  ne  les  laissent  s'échauffer  que  de  proche  en  proche, 
alors  qu'ils  détonent  violemment  dans  des  espaces  restreints 
où,  subissant  d'abord  une  décomposition  partielle,  ils  éprou- 
vent une  résistance  initiale  qui  permet  à  la  masse  entière  de 
s'échauffer,  pour  perdre  d'un  coup  ses  attaches,  dès  que  la 
résistance  est  vaincue. 

D'une  manière  générale,  toute  force  capable  de  transmettre 
de  l'énergie  aux  corps  mis  en  présence  les  prédisposera  à 
réagir,  et  déterminera  même  leur  combinaison. 

Leur  état  physique  les  rend  déjà  plus  aptes  à  céder  ou  à 
résister. 

Le  magnétisme  agit  sur  la  densité  d'un  corps. 

La  trempe,  l'écrouissement  dû  à  une  action  mécanique, 
produisent  le  même  effet. 

Les  modifications  allotropiques,  quelle  que  soit  leur  origine, 
enfm  toute  cause  entraînant  un  nouvel  arrangement  moiécu- 


RECHERCHES  SUR   l'APPIMTÉ  CHIMIQUE.  4SI 

laire  chez  un  corps,  fera  varier  aussi  ses  aptitudes  chimiques. 

En  somme,  les  conditions  auxquelles  l'aflinité  se  trouve 
soumtse  sont  multiples,  et  sous  la  dépendance,  à  la  fois,  de 
forces  physiques  et  mécaniques. 

Il  est  inutile,  pour  le  moment,  d'insister  davantage  sur  ce 
sujet,  qui,  toutefois,  comporte  d'autres  développements. 

Les  corps  simples  ont  été  classés  suivant  le  rang  qu'ils 
occupent  dans  l'atomicité. 

On  doit  considérer,  d'après  ce  qui  précède,  qu'il  faut 
apporter  quelques  restrictions  à  cette  classification  basée  sur 
l'ensemble  de  composés  obtenus,  sans  tenir  compte,  dans 
Tacte  chimique,  des  conditions  thermiques  ou  autres  influen- 
çant la  molécule. 

L'atomicité  d'un  élément,  telle  qu'on  l'admet  aujourd'hui, 
ne  peut  représenter  qu'un  minimum,  puisque  de  nouveaux 
centres  d'attraction  se  révèlent  après  que  s'est  dissipée  la  cha- 
leur chimique  représentant  l'élimination  d'un  excès  d'énergie. 

On  peut  mettre  à  profit  ces  pôles  secondaires  chimiques, 
comme  je  l'ai  fait,  dans  le  but  d'obtenir  des  composés  nou- 
veaux plus  complexes,  en  favorisant  les  mouvements  atomi- 
ques, rendus  plus  libres;  en  déterminant,  si  l'on  accepte  cette 
hypothèse,  le  départ  immédiat  de  l'excès  d'éther  détaché  des 
atmosphères  initiales  des  molécules  primitives,  et  dont  les 
mouvements,  corrélatifs  des  leurs,  radiant  sur  place  sous 
foi^me  de  chaleur,  enrayent,  dans  les  conditions  ordinaires,  la 
molécule  naissante,  et  limitent,  pour  le  moins,  son  atomicité 
effective.  Tout  se  réduit  à  un  changement  de  modalité. 

La  force  vive  perdue  dans  le  conflit  chimique,  au  lieu  de  se 
dépenser  intégralement  sous  forme  de  chaleur,  et  de  lumière 
même,  s'écoulera  plus  aisément  au  dehors  à  l'aide  d'un  dispo- 
sitif très  simple,  sous  forme  de  flux  voltaïque, 

La  modalité,  réversible,  que  prend  l'énergie  libre,  dépend 
de  la  nature  du  milieu  qui  lui  présente  le  meilleur  point  d'ap- 
pui :  elle  paraît  se  modifier  en  entier,  ou  partiellement,  sui- 
vant les  résistances  qu'elle  rencontre. 


483  A.  FIGUIER. 

La  méthode  que  j'emploie  est  la  suivante  :  Je  fais  agir  un 
métal  sur  une  solution  dans  laquelle  plonge  un  charbon  de 
cornue  rendu  impolarisable  en  l'imprégnantde  mousses  métal- 
liques^ ou  mieux  charbonneuses. 

En  réunissant  extérieurement  par  des  réophores  le  métal 
et  le  charbon^  on  a  ainsi  un  couple  constant^  à  un  seul 
liquide,  dont  Teffet  est  des  plus  réguliers,  et  qui  fonctionne 
jusqu'à  épuisement  de  Faction  chimique. 

J'ai  fait  connaître,  depuis  longtemps  (*),  les  modes  de 
préparation  de  ces  charbons,  que  certains  industriels,  peu 
scrupuleux  ou  inconscients,  ont  voulu  s'approprier  récemment 
—  bien  qu'ils  aient  figuré,  en  outre,  à  l'Exposition  générale 
de  Bordeaux  en  1882,  et  à  l'Exposition  universelle  de  Paris 
en  1889. 

,  Je  ne  reviendrai  pas  sur  la  théorie  que  j'en  ai  donnée  ;  je 
rappellerai  seulement  qu'en  activant,  le  plus  possible,  l'évolu- 
tion du  courant  voltaïque  issu  d'une  action  chimique,  ils  peu- 
vent la  rendre  possible  dans  bien  des  cas,  à  la  température 
ordinaire,  en  laissant  à  toutes  les  atomicités  leur  efficacité 
complète. 

Ces  couples  sont  des  transformateurs  d'énergie  réalisant 
les  conditions  énumérées  plus  haut,  nécessaires  pour  saturer, 
après  coup,  les  polarités  chimiques  non  satisfaites. 

Mes  charbons  empêchent,  en  grande  partie,  l'adhérence  des 
dépôts  insolubles  et  favorisent  le  départ  du  gaz  résiduel. 

J'ai  indiqué  leur  emploi  pour  la  construction  de  voltamètres 
et  d'accumulateurs,  et  en  particulierpourrélectrométallurgie('). 

En  raison  de  leurs  pointes  déliées  qui  facilitent  l'écoulement 
de  flux  exubérants  de  chaleur,  électricité,  lumière,  ils  laissent 
moins  de  prise  à  leur  action  détériorante  par  arrachement. 


(^)  Recueil  de  n%édecine  et  de  pharmacie  militaires,  1870,  t  XXIV,  3*  série, 
p.  442. 

(*)  Brochure  imprimée,  18S2.  Congrès  scientifique  de  Grenoble,  1885,  t.  I, 
p.  115. 


RECHERCHES  SUR  l'AFFINITÉ  CHIMIQUE.  453 

Gêner  révolution  du  courant  issu  d'une  action  chimique 
sera  évidemment  gêner  celle-ci,  annihilée  souvent  par  la 
simple  ouverture  du  circuit. 

J'ai  observé  que  certains  métaux,  tels  que  le  mercure,  l'ar- 
gent, pouvaient  rester  indemnes,  après  plusieurs  mois  consé- 
cutifs de  contact  simple  avec  diverses  solutions  salines,  et 
qu'ils  leur  abandonnaient,  peu  à  peu,  de  leur  substance  en- 
circuit  fermé. 

Il  vaut  mieux  la  fermeture  directe  par  les'k^éophores  seuls 
que  par  le  sol,  exigeant,  dans  la  pratique,  une  plus  grande 
étendue  de  fil  intermédiaire  conducteur  :  la  résistance  est 
moindre. 

La  faculté  qu'on  a  de  rapprocher  les  lames  polaires  et  de  les 
mettre  intérieurement  presque  en  contact  immédiat,  rend 
insignifiantes  les  résistances  du  couple  qui  fonctionne  isolé- 
ment, sans  l'intervention  d'une  force  auxiliaire. 

On  suit  mieux  ainsi,  pour  cette  étude,  le  jeu  spontané  des 
affinités  libres  en  présence. 

L'action  est  favorisée,  cependant,  par  l'association  en  ten- 
sion de  couples  identiques,  présentant,  par  conséquent,  cha- 
cun la  même  force  électromotrice,  et  donnant  lieu,  probable- 
ment, par  suite  de  leurs  mouvements  intimes,  au  départ 
d'ondes  chimiques  concordantes  dont  le  courant  ne  serait, 
en  quelque  sorte,  que  la  continuation  au  dehors. 

Un  couple  épuisé,  un  couple  étranger  intercalé  dans  la  bat- 
terie, en  offrant  une  résistance  trop  grande,  fonctionneront 
inversement,  en  devenant  le  lieu  d'une  décomposition  électro- 
lytique,  dans  le  circuit  général, 

La  manifestation  au  galvanomètre  d'un  courant  issu  du 
couple  est  l'indication  d'une  action  chimique. 

Très  faible  généralement  lorsqu'on  agit  sur  une  molécule, 
en  apparence,  saturée,  celte  action  durera  alors  plusieurs 
mois,  plusieurs  années  même,  comme  je  l'ai  observé. 

On  constatera  le  courant,  après  interruption  momentanée  du 
circuit,  en  observant  toutes  les  précautions  que  j'ai  indiquées 


4K4  A.  FIGUIER. 

dans  la  précédente  communication^   sur  le  coup  de  fouet 
voltaïque,  pour  obvier  aux  diverses  causes  d'erreur. 

Les  effets  obtenus  en  vase  clos,  et  au  contact  de  l'air, 
pourront  diflférer  entre  les  mêmes  éléments  mis  en  présence. 

Dans  ce  dernier  cas  il  y  aura,  bien  des  fois,  entraînement  de 
l'oxygène,  de  l'acide  carbonique  extérieurs,  qui  se  fixeront, 
pour  la  compliquer,  sur  la  nouvelle  molécule  ;  le  courant  s'en 
trouvera  augmenté. 

La  séparatioA  du  composé  obtenu  ne  laisse  pas  que  de  pré- 
senter, pour  certains,  quelques  difficultés. 

Il  peut  être  instable  et  sa  solution  s'altérer  rapidement  au 
contact  de  l'air.  Celle-ci,  évaporée  dans  le  vide  par  distillation 
à  froid,  abandonnera  des  cristaux  qu'il  faudra  égoutter  etséeber 
dans  une  atmosphère  d'hydrogène.  Cela  se  montre  entre  autres 
pour  les  corps  résultant  de  l'action  du  fer  sur  un  sel  haloïde. 

11  peut  se  dissoudre,  au  fur  et  à  mesure  qu'il  se  produit, 
dans  l'excès  du  sel  initial  qui  s'en  saturera  progressivement, 
en  apportant  une  résistance  croissante  à  sa  formation,  dans  ce 
cas,  nécessairement  limitée. 

Les  cristaux  recueillis  offriront  un  mélange  du  sel  primilil' 
intact  et  de  son  dérivé  simple,  isolé,  ou  uni  avec  celui-ci  sous 
forme  de  sel  soluble,  s'ils  sont  isomorphes. 

L'addition  d'eau  à  la  liqueur  mère  peut  encore  dissocier  ou 
précipiter  le  dérivé  simplement  soluble  dans  la  solution  con- 
centrée du  sel  primitif. 

Lorsqu'il  s'est  accompli  une  combinaison  purement  molécu- 
laire, l'action  seule  de  la  chaleur  sur  sa  solution  peut  la 
dissocier. 

La  rupture  des  attaches  aux  points  conséquents,  ou  d'ato- 
micité secondaires,  sous  l'influence  de  la  température,  se 
révèle  ici  ;  de  même  que  les  irrégularités  dans  les  courbes  de 
solubilité  de  divers  sels  traduisent  la  dissociation  successive 
de  leurs  hydrates.  La  dessiccation  à  feu  nu  a  donné  lieu  par* 
fois  à  des  décompositions  fulminantes,  bien  que  les  éléments 
employés  n'aient  laissé  prévoir  cet  effet. 


RECHERCHES  SUR  L^APFIMTÉ  CHIMIQUE.  455 

Quand  Toxygène  de  l'air  intervient,  ou  bien  lorsque  Teau  de 
la  dissolution  est  décomposée,  on  peut  en  induire,  a  priori, 
que  c'est  un  oxyde  qui  s'est  introduit  dans  la  molécule  primitive. 

On  peut  obtenir,  il  est  vrai,  dans  des  cas  nombreux,  l'intro- 
duction directe  d'un  oxyde,  ou  d'un  de  ses  congénères  déjà 
formés,  dans  une  molécule  saline,  qui  s'en  trouvera  modifiée. 

On  doit  considérer,  cependant,  que  ce  phénomène  rentre 
dans  la  classe  générale  de  ceux  que  j'indique  et  qui,  en  plus, 
s'accompagnent  de  la  formation  synthétique  de  l'élément 
introduit. 

Lorsque  le  métal  intervient  isolément,  il  y  a  lieu  d'invoquer 
les  considérations  précédentes  sur  l'atomicité.  Pour  quelques 
corps,  le  départ  de  l'hydrogène  peut  être  attribué  à  un  phéno- 
mène de  substitution  ;  par  exemple  :  l'action  de  l'étain  sur  le 
sulfhydrale  d'ammonium. 

On  conçoit  qu'une  chaîne  chimique  formée  par  un  oxyde 
diatomique,  ou  qu'un  atome  dialomique,  puissent  s'intercaler 
dans  une  molécule  comme  un  coin,  s'encastrer  entre  ses  deux 
tronçons,  le  tout  restant  uni,  pour  constituer  le  composé  nou- 
veau. Le  mécanisme  est  le  même  que  celui  de  l'accumulation 
d'atomes  identiques  ou  différents,  de  sélénium  ou  de  soufre, 
comme  on  le  constate  dans  la  série  thionique.  Mais,  s'il  s'agit 
de  l'argent  introduit  dans  du  chlorure  de  sodium,  ou  les  autres 
haloïdes  alcalins,  les  trois  atomes  formant  la  nouvelle  molé- 
cule  ne  peuvent  plus  être  envisagés,  séparément,  comme 
monoatomiques,  suivant  leurs  allures  ordinaires. 

Certains  composés  obtenus  laissent  bien  entrevoir  la  triato- 
micité  de  l'iode,  la  diatomicité  de  l'argent  :  on  ne  saurait  s'ap- 
puyer sur  des  faits  actuellement  isolés,  exceptionnels,  sans  en 
discuter  l'origine,  afin  d'en  découvrir  la  clef. 

Toujours  est-il  que  la  méthode  que  j'emploie  permet  de  pré- 
parer, en  confirmant  les  données  théoriques  qui  m'ont  servi 
de  guide,  des  genres  nouveaux  de  composés,  dont  la  constitu- 
tion s'éloigne  de  celle  des  sels  doubles,  ou  mixtes,  et  qui  se 
rapprochent  plutôt  de  celle  des  cyanures  polyatomiques. 


4S6  A.  FIGL'iER. 

Le  métal  introduit  ne  donne  plus  ses  réactions  analytiques 
distinctives  ;  il  est  plus  ou  moins  dissimulé  dans  le  composé 
dont  la  physionomie  est  souvent  changée  ;  et  il  arrive  même 
(ju'il  soit  nécessaire  de  le  détruire  par  Teau  régale,  ou  l'action 
de  la  chaleur,  pour  retrouver  Télément  cherché. 

J'en  ai  donné  des  exemples. dans  la  communication  orale 
que  résument  ces  lignes.  Plus  tard,  j'en  montrerai  d'autres 
dans  diverses  séries. 

J'ai  cité,  à  l'appui,  le  dérivé  mercuriel  de  l'hyposulfile  de 
soude  que  décompose  la  lumière,  dont  l'action,  par  ses  effets 
généraux,  se  rapproche  de  celle  de  la  clialeur. 

Les  cristaux  deviennent  rouge  brun  dans  leur  masse,  jus- 
qu'à une  certaine  limite.  La  partie  colorée,  formant  écran, 
garantit  les  couches  plus  profondes. 

Leur  solution,  qui  ne  donne  aucune  réaction  du  mercure, 
noircit  par  une  ébuUition  prolongée.  Ils  sont  très  riches  en 
mercure. 

Quant  à  leur  constitution  véritable,  on  pourrait  les  consi- 
dérer comme  une  combinaison  moléculaire  de  sulfure  de 
mercure  avec  le  sulfite  provenant  de  Thyposulfite  initial 
réduit. 

Le  sulfure  mercureux,  peu  stable  à  l'état  libre,  se  dissout  à 
froid  dans  le  sulfite  neutre  de  soude,  directement,  et  la  solu- 
tion incolore  précipite  en  noir  par  TébuHition. 

Ce  n'est  la,  pour  le  moment,  (|u'un  rapprochement,  mais 
qui  indique  la  formation  possible  de  composés  complexes  par 
l'introduction,  directe  ou  ù  l'état  naissant,  dans  le  radical  non 
au  maximum,  acide  ou  basique,  d'une  molécule  déjà  définie, 
d'éléments  tels  qu'un  sulfure,  un  séléniure  et  autres  simi- 
laires. 

L'introduction  du  métal  isolé  dans  un  sulfite,  qui  ne  con- 
tient qu'un  atome  de  soufre,  ne  permet  pas  de  donner  au 
dérivé  ainsi  obtenu  une  constitution  semblable.  De  même  pour 
ses  analogues.  II  possède  une  structure  propre,  bien  qu'il 
puisse  former  avec  l'excès  du  sel  initial  un  composé  double. 


RECHERCHES  SUR   L'aFFINITÉ  CHIMIQUE.  4S7 

Pour  agir  plus  vite,  je  remplace  souvent  la  forme  de  couple 
voltaïquc  de  mes  appareils  par  un  dispositif  plus  simple 
d'actions  locales. 

Des  menus  de  graphite  rendus  impolarisables,  bien  purifiés, 
sont  mélangés  u  de  la  grenaille  ou  à  des  fragments  quelcon- 
ques du  métal,  et  le  tout  est  introduit  dans  la  solution  chimi- 
que, contenue  dans  un  matras  bien  bouché,  ou  communiquant 
avec  l'air  par  un  tube  adducteur.  Ce  dernier,  en  plongeant 
extérieurement  dans  une  auge  surmontée  d'une  couche  d'huile 
d'amande,  permet  de  clore  l'appareil  et  de  donner  issue,  s'il  y 
a  lieu,  au  gaz  résiduel. 

Une  légère  chaleur,  dans  quelques  cas,  peut  aider  la 
réaction. 

On  augmente  ainsi  aisément,  dans  un  espace  restreint,  les 
surfaces  du  métal  et  du  charbon  polaires,  mais  le  courant, 
noyé  dans  la  masse  du  liquide,  n'indique  plus  la  fin  de  l'opéra- 
tion. Il  sera  utile  d'en  prélever,  de  loin  en  loin,  de  faibles 
r|uantités,  pour  en  faire  l'essai  successif  dans  un  petit  couple 
ù  part. 

Le  charbon  du  couple  local,  qui  peut  être  représenté  par  un 
oxyde  conducteur,  en  contact  simultané  avec  le  métal  et  le 
liquide,  transforme  et  dissipe,  en  dehors  de  la.  molécule,  l'ex- 
cès nuisible  d'énergie  chimique  dont  la  modalité  est  changée. 

Les  conditions  voulues  sont  encore  satisfaites. 

Dans  le  phénomène  de  la  rouille  du  fer,  de  l'oxydation 
spontanée  d'autres  métaux  exposés  à  l'air  humide,  et  dont  la 
raison  ascendante  est  rapide,  on  verra  un  mécanisme  sem- 
blable. 

De  pareilles  conditions  doivent  se  présenter  fortuitement 
dans  les  profondeurs  du  sol,  où  un  filon  métallique  partielle- 
ment recouvert  d'oxyde,  de  substances  charbonneuses  ou 
autres,  conductrices  et  inattaquables,  éprouve  le  contact  des 
eaux  souterraines  chargées  de  divers  matériaux  en  solution. 

Des  composés  analogues  à  ceux  que  je  signale,  et  provenant 
de    cette    origine,   peuvent    se   rencontrer  dans    des  eaux 

T.  I  (5«  Série).  30 


458  A.  FlGUlBll. 

minérales,  dont  Taction  spéciale  et  énergique  sur  Téconomie 
animale  est  bien  prouvée,  et  dont  la  reproduction  synthéti(|ne, 
d'après  les  données  ordinaires  de  l'analyse,  est  inefficace. 

Les  métaux  et  autres  corps  peuvent  s'y  trouver  sous  la 
forme  des  composés  que  j'obtiens,  et  échapper  aux  recherciies 
du  chimiste  non  prévenu. 

L'eau  régale,  la  calcination,  en  dissociant  la  molécule  dans 
le  résidu  desséché,  permettront  d'en  retrouver  les  véritables 
éléments. 

L'instabilité  dans  certaines  circonstances,  de  divers  compo- 
sés obtenus  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  explique  un  fait  sin- 
gulier à  première  vue  :  la  durée  excessive  du  courant  qui 
accompagne  leur  libre  formation. 

De  nombreux  couples,  de  dilTérente  nature,  ont  fourni  un 
courant  pendant  plusieurs  années  consécutives,  au  delà,  sans 
doute,  du  terme  suffisant  pour  épuiser  l'action  chimique  mise 
en  œuvre. 

Un  de  ces  couples,  portant  la  date  de  1877,  est  formé  par 
une  lame  de  cuivre  rouge,  traversant  par  un  bout  le  cou- 
vercle du  vase,  et  repliée  en  U  à  l'intérieur,  autour  du  charbon 
polaire  en  graphite  carbonisé. 

Le  liquide  actif  a  été  composé  avec  du  chlorate  de  potasse 
pur  en  solution  aqueuse. 

Ce  couple  est  bien  clos,  parfaitement  étanche  contre  Faction 
de  Tair  extérieur.  Il  avait  été  laissé  dans  l'encoignure  d'une 
étagère. 

Actuellement,  la  liqueur  est  d'un  vert  pâle.  La  lame  de 
cuivre,  très  nette,  montre,  mais  exclusivement  sur  la  face  qui 
est  opposée  au  jour,  des  cristaux  brillants  de  cuivre,  d'une 
largeur  de  1  à  2  millimètres,  d'apparence  cubique  et  fixés  isolé- 
ment sur  la  lame,  en  croissant,  en  nombre  et  en  grosseur,  depuis 
sa  partie  médiane  jusqu'au  bord  vertical  le  mieux  éclairé. 

D'autres  se  sont  détachés  et  reposent  parmi  des  cristaux  salins. 

Ils  ont  dû  se  former  par  réduction  du  dérivé  cuprique,  sous 
l'influence  de  la  lumière. 


^\ 


ftECHERCHES  SUR  l\fFINITÉ  CHIMIQUE.  489 

Le  couple^  essayé  dernièrement  accusait,  après  ouverture 
momentanée  du  circuit,  un  courant  à  peine  sensible.  Il  avait 
été  maintenu  plusieurs  heures  dans  un  endroit  peu  éclairé. 

Laissé  en  relation  avec  le  galvanomètre,  il  a  été  placé 
ensuite  sur  le  trajet  d'un  rayon  de  soleil,  dont  l'action,  rendue 
intermittente  a  l'aide  d'un  écran  mobile  et  accomtpagnant  les 
oscillations  de  l'aiguille,  imprimait  à  celle-ci,  par  impulsions 
successives,  un  écart  assez  étendu. 

L'ouverture  et  la  fermeture  concordantes  du  circuit  produi- 
sent le  même  effets  en  laissant  agir  la  lumière  sans  inter- 
ruption. 

Cette  méthode  permet  d'opérer  avec  un  instrument  peu 
sensible. 

Le  courant  s'est  montré  de  sens  normal. 

Après  insolation,  soustrait  à  l'influence  directe  du  soleil, 
mais  laissé  exposé  à  une  lumière  diffuse  assez  intense,  ou 
placé  à  l'ombre,  le  couple  a  produit  aussitôt  un  courant 
inverse. 

Ainsi  donc,  suivant  les  circonstances,  la  lumière  agit 
différemment. 

Peut-être  y  a-t-il  simplement,  dans  une  première  phase, 
accumulation  d'une  certaine  énergie,  se  dissipant  une  fois  en 
dehors  de  la  radiation  directe  qui  l'a  transmise,  ou  par  l'af- 
faiblissement de  celle-ci,  pour  produire  une  action  contraire. 

Ces  effets,  presque  instantanés,  varient  d'intensité  avtjc  l'état 
du  ciel  ou  l'heure  de  la  journée.  Ils  ne  paraissent  pas  dus  a 
l'influence  de  la  chaleur^  car  l'approche  d'un  fer  chaud,  à  peu 
près  au  contact  du  couple,  41'a  pas  modiflé  sensiblement  le 
courant. 

Ils  indiqueraient  plutôt,  sauf  l'interprétation  ci-dessus,  l'ac- 
tion chimique  de  sens  opposé,  au  moins  dans  le  cas  particu- 
lier^ de  diverses  radiations,  qu'il  faudrait  disperser  ù  l'aide 
d'un  prisme,  en  isolant  les  rayons  de  chaleur,  pour  les  exami 
ner  à  part'avec  certitude. 

La  lumière  solaire  tamisée  à  travers  la  brume  est  d'un  effet 


460  A.  FrcuiRR. 

nul,  ou  d'un  sens  variable,  suivant  l'épaisseur  de  la  couche 
interposée. 

Il  ressort  de  celte  observation  qu^in  pareil  couple,  exposé 
pendant  le  jour  à  la  lumière,  ne  doit  pas  être  saturé  à  un 
moment  donné;  la  lumière  détruisant  ainsi,  au  fur  et  à 
mesure,  par  le  choc  dissociant  de  certaines  de  ses  vibrations, 
le  travail  accompli  chimiquement. 

Il  peut  y  avoir,  surtout  dans  le  voisinage  de  la  saturation, 
équilibre  entre  les  deux  actions  antagonistes,  comme  aussi 
elles  peuvent,  suivant  le  cas,  l'emporter  l'une  sur  l'autre,  et 
l'ournir  alors,  indéfiniment,  puisque  la  matière  première  se 
reconstitue  chaque  fois,  des  courants  alternalifs  qu'il  est  aisé 
de  redresser. 

Finalement,  c'est  la  lumière  qui  fournit,  par  intermédiaire, 
l'énergie  disponible. 

Dans  bien  des  couj  1  s  pour  lesquels  j'ai  pu  observer  une 
semblable  persistance  du  courant,  il  faut  rechercher  la  part 
revenant  à  l'action  discontinue  de  la  lumière  qui  n'atteint  pas 
toujours,  cependant,  la  réduction  complète  du  composé  formé 
avec  régénération  du  métal. 

Je  cite  ces  faits  pour  montrer  combien  le  phénomène  princi- 
pal, qui  ftiit  l'objet  de  cette  étude,  est  susceptible  de  se  com- 
pliquer, par  instant,  de  causes  perturbatrices  ou  auxiliaires 
qui  peuvent,  à  la  rigueur,  se  rencontrer  dans  la  nature,  pour 
en  fixer  les  pffets,  surtout  avec  l'aide  du  temps. 

J'ai  multiplié,  le  plus  possible,  mes  expériences  en  faisant 
agir  divers  métaux  sur  des  solutions  minérales  et  organiques, 
moins  pour  obtenir  un  plus  grand  nombre  de  composés  que 
pour  vérifier,  dans  leur  ensemble,  les  vues  que  je  désirais 
démontrer,  et  que  je  résume  ainsi  :  utiliser  tous  les  centres 
d'attraction  chimique,  lors  de  la  formation  d'un  composé,  ou 
après  coup,  en  dissipant  en  dehors  de  la  molécule,  sous  la 
modalité  voltaïque,  l'excès  d'énergie. 

Ces  vues,  je  les  ai  même  étendues  à  un  phénomène  d'ordre 
purement  physique,  la  dialyse,  dont  la  force  vive,  absorbée 


V 

»  1 
1 


RECHERCHES  SUR   l'aFFINITÉ  CHINIOUE.  461 

parles  frottements,  apporte  urie  résistance  que  Ton  peut  atté- 
nuer en  la  transformant  en  courant  électrique  (^). 

Deux  conducteurs  impolarisables,  en  relation  chacun  avec 
Fun  des  liquides  séparés  par  le  septum,  donnent  issue  au 
courant  spontané  dont  la  fermeture  augmente  la  rapidité  du 
mouvement  diifusif. 

J'ai  entrepris  des  recherches  analogues,  non  encore  termi- 
nées, sur  la  dialyse  des  gaz  et  des  vapeurs. 

Je  me  réserve,  pour  le  moment,  une  étude  entreprise  depuis 
plusieurs  années,  et  que  des  circonstances  particulières  m'a- 
vaient contraint  d'interrompre. 

Ci-dessous,  j'ai  tracé  une  première  liste  d'expériences.  Parm, 
les  composés  obtenus,  les  uns  sont  solubles  et  cristallisables, 
les  autres  insolubles.  Je  donnerai  dans  peu  de  temps,  je  pense 
avec  quelques  faits  complémentaires,  les  propriétés  distinctives 
d'un  certain  nombre  de  corps  ainsi  préparés. 

Certains,  disposés  en  vase  clos,  ont  donné  lieu  a  un  déga- 
gement de  gaz  indiqué  sur  la  liste  par  le  symbole  II. 


Couples  mis  en  expérience  ayant  déterminé,  après  ferme- 
ture du  circuit,  une  action  chimique  accompagnée 
d'un  courant. 

Les  produits  retirés,  solubles  et  cristallisables,  ou  insolu- 
bles, ont  donné  des  caractères  analytiques  particuliers. 


Sels  d*Ajnmonlam. 

Sulfate  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre. 

Azotate  :  Étain,  H.  —  Plomb.  —  Caivre.  —  Mercare. 

Chlorure:  Étain.  —  Antimoine.  —  Zinc,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre. 


i})  Dialysenr  électrique  :  Bulletin  des  travaux  de  la  Société  de  Pfuirmacie  de 
Bordeaux,  1882,  f*  272.  —  Expositions  généiaie  de  Bordeaux  1882,  universelle 
de  Paris  1889. —  Notice  imprimée,  1882. 


i 


Wt  A.  FIGUIER. 

Phoêphate  ;  ÉUin.  —  Zinc,  H.  --  Fer.  —  Plorob. 

Carbonate  :  Ëtain.  —  Zïdc,  H,  —  Fer.  —  Plomb.  —  Cuivr«. 

Acétate:  Ëtain,  H.  —  Zinc,  H.  —  Mercure. 

Tartrate  neutre  :  Élain,  H.  —  Fer,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre.  —  Mer- 
cure. —  Zinc,  H. 

Citrate  :  Zinc,  H.  —  Cuivre. 

Sels  de  Potassium. 

Potasâe  cauil'uiuB  :  Ëtain,  H.  —  Zinc,  H.  —  Cuivre.  —  Platine. 

Chlorure  :  Élain.  —  Argent.  —  Plomb. 

Bromure  :  Ëtain.  —  Argent.  —  Biamoth.  —  Cuivre.  —  Mercure.  — 
Zinc,  H,  —  Fer. 

lodure:  Ëtain.—  Argent. —  Cuivre.  —  Mercure.—  Plomb.  —  Zinc.  — 
Fer.  —  Platine. 

Azolale  :  Élain.  —  Zinc,  H.  —  Fer.  —  Plomb. 

Aiotite:  Mercure. 

Chlorate  :  Ëtain.  —  Fer.  —  Zinc.  —  Plomb.  —  Cuivi-e. 

Perchlorate  :  Ëtain.  —  Fer.  —  Zinc,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre. 

Chromate:  Zinc. 

Dichromate  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre.  —  Mei'cure. 

PermangatMte  :  Étain.  —  Zinc.  —  Mercure. 

Silicate  :  Zinc, 

Carbonate  :  Étain.  —  Zinc,  H. 

Tarti'ate,  acide  :  Zinc. 

Citrate  :  ÈVdia.  

Sels   de   Sodium. 

Soude  cauxtiijue  :  Plomb. 

Cyitoi-ui-e.Ëlain.  —  Zinc,  H.— Fer.  —  Argent.  —  Plomb.  —  Cuivre.— 
Plaline. 

Fluorure  :  Élain.  —  Argent. 

Sulfliydrale:  Étain,  H.  —  Plomb. 

Sulfite  neutre  :  Étain.  —  Antimoine.  —  Mercure,  —  Fer. 

Uypomlfite  :  Ëtain.  —  Zinc,  H,  H'S.  —  Cuivre.  —  Mercure.  —  Plomb.  — 
Argent. 

Sulfate:  Élain.  —  Zinc,  H.  —  Fer.  —  Plomb. 

Phosphate  :  Ëtain.  —  Zinc,  H.  —  l'Iomb. 

Borax  :  Élain.  —  Zinc.  —  Cuivre. 

Tartrate  neutre  :  Ëtain.  —  Zinc,  II.     -  Cuivre. 

Saticylate:  Fer. 

Sels  de  Calcium. 

Eau  de  chaux  :  Zinc.  —  Cuivre. 

Chlorure  :  Étain.  —  Zinc,  —  Fer,  —  Plomb.  —  Cuivre. 


lŒCIIERGHES  SUR  L'aFFINIT^.  CHIMIQUE.  463 


Azotate  :  Zinc.  —  Cuivre.  —  Plomb. 
Hypophosphite  :  Ëtain.  


Sels  de  Baryam. 

Chlorure  :  Zinc,  H.  —  Cuivre. 
Azotate  :  Étain.  —  Plomb. 
Hypophosphite  :  Étain.  

Sels  de  Strontium 

Chlorure  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Cuivre. 


Sels  de  Magnésium. 

Sulfate  :  Étain.  —  Zinc,  H. 

Acétate  :  Étain.  —  Plomb. 

Citrate  :  Étain.  —  Cuivre.         

Sels  d'Aluminium. 

Alun  ordinaire  :  Zinc,  H.  —  Cuivre. 


Sels  de  Fer. 

Chlorure  ferrique:  Étain.  —  Zinc—  Bismuth.  —  Cuivre.  —  Nickel. 
Antimoine.  —  Mercure. 
lodure  féerique  :  Fer.  —  Élain.  —  Mercure. 
Sulfate  ferrique:  Étain.  —  Zinc.  —  Bismuth.  —  Cuivre. 
Acétate  fabrique  :  Étain. 
Citrate  ferrique  :  Étain. 
Citrate  de  fer  ammoniacal  :  Étain.  —  Plomb. 
Tartrate  de  fer  et  de  potassium  :  Étain. 


Sels  de  Nlclcel. 

Chlorure  nickeleux  :  Étain. 
Sulfate  nickeleux  :  Étain. 

Chrome. 

Alun  de  chrome  :  Étain.  —  Zinc,  H. 


Sels  de  Zinc. 

Chlorure:  Élain.  —  Zinc. 
Sulfate  :  Étain.  —  Zinc.  —  Cuivre. 
Jodure  :  Étain.  —  Fer.  —  Mercure. 


464.  A.  FIGUIER. 

Plomb. 

Acétate  neutre  :  Étain.  —  Cuivre. 


Antimoine. 

Émétique  oi\iinaire  :  Étain.  —  Plomb.  —  Cuivre. 


Cyanures. 

Cyanure  de  potassium  :  Étain.  —  Argent.  —  Plomb.  —  Mercure.  — 
Cuivre,  H.  —  Zinc,  H.  —  Fer. 

FerrO'Cyanure  de  potassium  :  Cuivre.  —  Mercure. 

Ferri'Cyanure  de  potassium  :  Étain.  —  Zinc.  —  Fer.  —  Plomb.  — 
Cuivre.  —  Mercure. 

Sulfo-cyanate  de  potassium  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Plomb.  —  Cuivre. 

SulfO'Cyanate  d'ammonium  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Fer,  H.  —  Cuivi*e. 


Acide  acétique  :  Étain. 


Sulfate  de  quinine  :  Étain,  H.  —  Fer.  —  Zinc,  H.  —  Cuivi'e. 
Triméthyl-amine  :  Cuivre. 
lodure  de  tétraméthyl-ammonium  :  Cuivre. 
Urée  :  Zinc,  H.  —  Fer,  H.  —  Cadmium.  —  Nickel. 
Nitrate  d'urée  :  Zinc,  H.  —  Fer.  —  Étain,  H.  —  Nickel.  —  Cuivre.  — 
Mercure. 
Glycérine  :  Cuivre. 

Glycérine  calcaire  :  Zinc.  —  Fer.  —  Étain.  —  Plomb.  —  Cuivre. 
Sucre  de  canne  :  Étain.  —  Zinc.  —  Cuivre. 
Suci*e  en  solution  ammoniacale  :  Zinc,  H.  —  Cuivre. 
Sucrate  de  chaux  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Fer.  —  Plomb.  —  Cuivre. 
Lactose  :  Zinc,  H. 

Lactose  ammoniacale  :  Étain,  H.  —  Zinc,  H.  —  Cuivre. 
Lactose  calcaire  :  Zinc,  H. 
Glycii'rhizine  ammoniacale  :  Zinc,  H. 

Mannite  :  Étain.  —  Zinc,  H.  —  Cadmium.  —  Plomb.  —  Cuivre. 
Hydrate  de  chloral  :  Étain.  —  Zinc,  H. 


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NOTICE   NÉCROLOGIQUE 

SUIl 

'RIC  FOURNET 


>  U.  HICfi 

*>£]!■>[    DE 


«  modeste»  pommuni^s 
Tée,  un  tiomme  sur- 
vie. Le  lendemaiti, 
Mraite,  H.  Nunia 
du  village,  au 
\  deux  jours 
physiques 
pouvait 
vague- 
lue, 


NOTICE   NECROLOGIQUE 


SUR 


FRÉDÉRIC  FOURNET 


PAR  U.  UICÉ 

RFXTErn   DE  l'académie  de  clermont 


Le  17  juin  dernier,  dans  une  des  plus  modestes  communes 
du  Lot-et-Garonne,  loin  de  toute  voie  ferrée,  un  homme  suc- 
combait à  une  longue  et  implacable  maladie.  Le  lendemain^ 
un  ami  d'enfance,  employé  des  Postes  en  retraite,  M.  Numa 
Soulé,  élevait  la  voix  sur  le  seuil  de  Téglise  du  village,  au 
moment  du  départ  du  cercueil  pour  Bordeaux,  et,  deux  jours 
après,  des  représentants  de  la  Société  des  Sciences  physiques 
et  naturelles  suivaient  les  obsèques;  mais  aucun  ne  pouvait 
prendre  la  parole  sur  la  tombe,  car,  si  on  connaissait  vague- 
ment les  mérites  du  collègue  disparu,  —  si  on  savait  que, 
parti  de  peu,  il  était  arrivé  à  une  haute  considération  et  ù  une 
grande  fortune,  —  il  avait  fait  son  chemin  dans  un  passé  déjà 
nébuleux  à  une  époque  où  tout  va  vite,  et  les  membres  pré- 
sents ne  pouvaient  dire,  au  juste,  ce  qu'il  avait  été  et  par 
quels  efforts  persévérants  il  s'était  fait  une  place  au  soleil. 

J'ai  voulu  combler  cette  lacune.  Ayant  obtenu  la  promesse 
d'une  insertion  dans  nos  Mémoires,  j'ai  prié  la  veuve  de  celui 
qui  fut  un  de  mes  maîtres  de  m'envoyer  des  renseignements 
destinés  à  compléter  ou  à  préciser  mes  souvenirs,  —  ce  qu'elle 
a  fait  avec  une  telle  bonne  grâce  et  une  telle  exactitude  de 
détails  que  je  ne  saurais  trop  la  remercier  de  sa  collaboration. 


4C6  MicÉ. 

Pierre-Frédéric  Fournet  naquit  à  Agen  le  8  décembre  1815. 
Son  père,  géomètre  en  chef  du  cadastre,  n'avait,  pour  élever 
quatre  enfants  et  soutenir  de  vieux  parents  peu  fortunés,  que 
le  modeste  traitement  attaché  à  ses  fonctions  ;  mais  il  s'était 
formé  tout  seul,  connaissait  le  prix  du  savoir  et  du  travail,  et 
il  s'employa  à  procurer  à  ses  fils  ce  qu'il  considérait  comme 
la  meilleure  et  la  plus  sûre  des  dotations.  Il  confia  Frédéric  à 
un  vieux  savant,  très  dur  pour  ses  élèves,  Bartayrès,  qui, 
émerveillé  de  la  précocité  de  l'enfant,  lui  fit  commencer  le 
latin  dès  l'âge  de  cinq  ans.  Les  délassements  du  jeune  écolier 
consistaient  à  construire,  le  jour,  des  écluses,  des  moulins  en 
carton,  qu'il  actionnait  avec  les  petites  chutes  d'eau  se  trou- 
vait à  sa  portée,  —  à  jouer,  le  soir,  avec  son  père,  des  parties 
d'échecs,  dans  lesquelles  il  lui  arrivait  de  trouver  parfois  de 
très  heureuses  combinaisons. 

Après  quelque  temps  de  séjour  au  collège  d'Agen,  il  obtint, 
à  Cahors,  le  22  août  18â1,  le  diplôme  de  bachelier  es  lettres. 
Il  étudia  trois  ans  la  médecine  auprès  du  D"*  Besançon,  et  il 
eût  volontiers  continué  dans  cette  voie  si  son  père  eût  été  à 
même  de  lui  en  fournir  les  moyens.  La  pharmacie  paraissant 
moins  longue  comme  études  et  plus  immédiate  comme  résul- 
tats, on  le  plaça  à  Bordeaux  chez  Magonty,  d'où  il  sortit,  avec 
un  certificat  élogieux,  pour  devenir,  peu  après,  interne  à  l'hô- 
pital Saint^Louis,  à  Paris. 

Mais  il  fallait  arriver  à  se  suffire  en  utilisant  les  connais- 
sances acquises.  Fournet  s'adresse  à  un  conseiller  d'État, 
député  du  Lot-et-Garonne,  qui,  par  l'entremise  du  baron 
Thénard,  le  fait  entrer,  en  avril  1838,  au  laboratoire  de  Gay- 
Lussac.  Celui-ci  l'observe  quelques  mois  et,  par  lettre  du  18  dé- 
cembre, le  recommande  comme  préparateur  à  Laurent,  qui 
venait  d'être  nommé  professeur  de  chimie  à  la  Faculté  des 
sciences  de  Bordeaux  (récemment  créée),  et  que  son  éminent 
correspondant  *  ne  manquait  pas  de  féliciter  d'une  situation 
définitive,  «  méritée  depuis  bien  longtemps.  »  Fournet,  agréé 
d'emblée,  fait  le  voyage  de  Paris  à  Bordeaux  en  compagnie  de 


F.   POURNET.  467 

M"^  Laurent,  qui  venait  rejoindre  son  mari  ;  il  débute  en  jan- 
vier au  laboratoire  et  est  nommé  à  titre  définitif  par  Salvandy 
le  27  mars  1839. 

Il  était  alors  logé  à  la  Faculté  même,  dans  une  pièce  ayant 
servi  de  Conciergerie  à  la  Prison  municipale  et  située  au'delà 
(en  allant  vers  le  jardin  de  la  Mairie)  de  la  partie  du  bâtiment 
de  la  rue  Montbazon  occupée  par  la  Faculté  des  lettres.  Un 
artiste  de  Paris,  Claire,  a  fait  de  cette  pièce  le  cadre  de  sa 
€  Comparution  de  Thérésia  Cabarrus  devant  Tallien  :».  C'est  là, 
pense-t-il,  que  la  belle  marquise  de  Fontenay  aurait  produit 
sur  le  trop  célèbre  proconsul  la  forte  impression  dont  parle 
Arsène  Houssaye  dans  Notre-Dame  de  Thermidor  et  qu'elle 
mit  à  profit  pour  adoucir  le  régime  de  la  Terreur  à  Bordeaux. 
J'ignore  si  la  fantaisie  a  eu  quelque  part  au  choix  de  ce  milieu 
pour  la  scène  à  reproduire;  mais  on  comprendra  que  Fournet 
—  quand,  arrivé  à  la  période  triomphante  de  son  existence,  il 
a  vu  le  tableau  à  Tune  des  Expositions  de  la  Société  des  Amis 
des  Arts  —  se  soit  empressé  de  l'acheter  et  de  mettre  en 
lumière,  dans  son  salon  de  la  place  Tourny,  une  œuvre  lui 
rappelant  la  modeste  chambre  qu'il  avait  tout  d'abord  occupée 
dans  notre  ville. 

Mais  revenons  à  notre  jeune  savant.  Le  voilà  désormais 
attaché  à  un  illustre  maître,  dont  le  nom,  inséparable  de  celui 
de  Gerhardt,  est  resté,  dans  l'histoire  de  la  chimie,  comme 
symbole  de  la  hardiesse  dans  les  conceptions  unie  à  la  plus 
grande  loyauté  dans  le  récit  des  confirmations  ou  infirmations 
de  l'expérience. 

Aux  leçons  de  ce  chef,  —  dont  le  petit  livre  Cristallographie 
et  Chalumeau,  publié  vers  cette  époque,  donnerait,  au  besoin, 
une  idée,  —  une  nature  enthousiaste  comme  celle  de  Fournet 
ne  pouvait  que  s'éprendre  d'un  bel  amour  de  l'Enseignement. 
Une  circonstance  particulière  acheva  de  lui  démontrer  la 
puissance  d'une  parole  convaincue  quand  elle  s'exerce  sur  une 
science  de  la  plus  grande  utilité  sociale.  Il  avait  été  déjà 
maintes  fois  appelé  par  le  Parquet  de  Bordeaux  pour  des 


468  MicÊ. 

analyses  légales,  lorsqu'il  eut  Thonneup  d'être  coexpert  d'Orlila 
et  de  Jules  Cloquet  à  Périgueux,  devant  la  Cour  d'assises.  Les 
illustres  professeurs  de  la  Faculté  de  Paris  confièrent  à  leur 
jeune  collègue  le  soin  de  défendre,  à  l'audience,  le  rapport 
commun,  et  Fournet  s'en  tira  avec  un  tel  succès  qu'ils  le 
complimentèrent  chaudement;  que  deux  professeurs  de  l'École 
de  médecine  de  Bordeaux,  Mabit  et  Chaumet,  se  joignirent  à 
eux,  et  que  ce  dernier  fut  prié  par  le  Préfet  de  la  Dordogne  de 
lui  présenter  le  jeune  savant  qu'il  avait  eu  le  plaisir  d'entendre. 
Spontanément,  les  médecins  et  les  pharmaciens  organisèrent 
un  banquet  en  l'honneur  des  deux  illustrations  de  la  capitale, 
et  Fournet,  désigné  par  les  chimistes  pour  porter  un  toast  à 
celui  qu'on  appelait  déjà  a:  le  père  de  la  toxicologie  »,  vit 
confirmer  par  un  nouveau  triomphe  celui  de  la  journée.  Dans 
sa  joie,  il  pensa  à  son  père  et  lui  écrivit,  à  deux  heures  du 
matin,  pour  lui  raconter  tout  ce  qui  s'était  passé. 

Ce  succès,  obtenu  dans  la  journée  du  8  juillet  1840,  lui 
donne  confiance  en  lui  :  il  est  nommé  le  17  novembre  suivant 
professeur  de  physique  et  de  chimie  de  TÉcole  supérieure 
communale,  et  il  prend  magistralement  possession  de  sa 
chaire.  11  acquiert,  en  4842,  à  Bordeaux,  le  diplôme  de  pliar- 
macien.  Mais  il  continue  à  tirer  profit  de  ses  connaissances 
pratiques  en  se  livrant  aux  analyses  commerciales,  en  com- 
pagnie de  M.  Dupouy,  fondeur  en  métaux  précieux. 

Il  nourrissait,  d'autre  part,  l'idée  de  créer  des  usines,  — 
témoin  cette  inscription,  du  20  mars  1840,  sur  la  couverture 
d'un  de  ses  cahiers  :  <:  Divagations  chimico- industrielles  et 
vautres.  Audaces  for tuna  juvat.  Travail,  courage,  ambition. 
y^  Fournet.  »  Le  jeune  homme,  on  le  voit,  rêvait  l'avenir  qu'il 
a  eu,  puisqu'il  devait  fonder  à  Bordeaux,  dans  quelques  années, 
ce  qu'on  a  appelé  avec  raison  (n  la  grande  industrie  chimique  » 
(c'est  le  nom  qu'on  s'accorde  à  donner  à  la  fabrication  de 
l'acide  sulfurique  et  des  principaux  produits  commerciaux  qui 
en  dérivent). 

Les  débuts  ne  pouvaient  être  que  modestes.  Fournet  s'as- 


F.  FOURNET.  469 

socie,  le  17  octobre  1842,  avec  Laurent  et  M...  pour  fonder, 
au  chemin  de  Saint^Genès  (qui  appartenait  alors  à  la  commune 
de  Talence),  une  usine  destinée  à  la  fabrication  du  vitriol  bleu 
par  le  traitement  sulfurique  des  sables  cuprifères  de  Corocoro 
(Bolivie)  et  à  l'exploitation  de  dolomies  de  l'Adour.  Chargé  de 
la  direction  immédiate  des  ouvriers  et  du  travail,  il  quitte  son 
domicile  de  la  Faculté  pour  aller  séjourner  à  Tusine.  Mais  le 
capital  social  (5,000  francs  pour  chacun  des  trois  contractants) 
est  bientôt  absorbé  par  les  annuités  à  payer  aux  anciens  pro- 
priétaires, par  la  construction  des  bâtiments,  les  approvision- 
nements, les  délais  à  accorder  aux  acheteurs  :  M...  demande  à 
se  retirer,  Laurent  ne  tarde  pas  à  être  appelé  à  la  Sorbonne; 
on  liquide  honorablement. 

Fournet  va  habiter  rue  Bouftard,  et,  resté  détenteur  du 
matériel,  il  le  transporte  à  THôtel  des  Monnaies  (Hôtel  actuel 
des  Postes),  rue  du  Palais-Gallien,  après  avoir  contracté  une 
alliance  avec  le  directeur  de  TÉtablissement,  M.  V...  Il  fait 
breveter,  le  18  octobre  1845,  un  procédé  de  fabrication  du 
sulfate  de  cuivre,  consistant  dans  le  grillage  préalable  du 
métal  natif  ou  oxydulé  de  Corocoro  et  devant  diminuer  de 
moitié  la  quantité  d'acide  sulfurique  nécessaire.  (L'acide 
sulfureux  qu'on  produisait  antérieurement  n'était  pas  perdu, 
mais  il  fallait  le  transformer  en  acide  sulfurique,  opération 
accessoire  qui  augmentait  pas  mal  les  frais.)  On  utilise  là, 
comme  autre  matière  première,  les  eaux-mères  cuivreuses  de 
la  Monnaie;  on  ajoute  la  fabrication  du  vitriol  vert  à  celle  du 
vitriol  bleu;  enfin,  on  édifie  de  petites  chambres  de  plomb 
pour  avoir  sous  la  main,  au  lieu  de  le  faire  venir  de  loin, 
l'agent  principal  (l'acide  sulfurique). 

Tous  ces  développements  exigent  des  capitaux.  V...  n'en 
manque  point;  Fournet,  ne  pouvant  fournir  sa  part,  est  con- 
traint dé  céder  la  place  à  un  autre  associé,  M.  D...,  qui  reste 
seul  plus  tard  et  bénéficie  des  avantages  du  brevet.  L'affaire 
marchait  encore  très  bien  en  187:2,  mais  elle  ne  comprenait 
plus  la  fabrication  de  l'acide  sulfurique.  Fournet  était  devenu 


470  MicÉ. 

alors  le  grand  fournisseur  de  ce  produit  de  premier  ordre  et 
D...  était^  pour  cet  objets  un  de  ses  tributaires. 

Ici  se  place  un  événement  qui,  toujours  grave  dans  la  vie,  a 
exercé  sur  celle  de  Foumet  une  influence  exceptionnelle  :  il 
épouse,  le  8  février  1846,  M"""  Castaing,  de  peu  d'avoir,  mais 
de  grand  bon  sens,  modérant  Tardeur  de  son  mari  et  prêle 
cependant  à  le  seconder  de  tout  son  pouvoir  s'il  se  lance  h 
nouveau.  Désormais  tout  lui  réussira,  car  si  elle  a  foi  en  son 
savoir,  elle  le  rendra  calme  et  prudent,  et  ces  qualités,  tou- 
jours utiles^  sont  de  première  nécessité  quand  on  se  lance 
dans  le  tourbillon  du  commerce  et  de  Tindustrie. 

Les  déboires  éprouvés  et  Tinfluence  d'un  aimable  intérieur 
ramènent  quelque  temps  Fournet  à  la  science  et  à  renseigne- 
ment :  il  se  fait  recevoir  à  Bordeaux,  en  18471  bachelier  es 
sciences  physiques;  il  entre,  le  28  décembre  de  la  même 
année,  à  la  Société  Philomathique,  qui  siégeait  alors  rue 
Porte-Dijeaux  et  était  présidée  par  Duffour-Dubergier,  maire 
de  la  ville. 

Surviennent  les  événements  de  février.  Proclamation  de  la 
République,  —  abolition  du  serment  politique,  des  titres  de 
noblesse,  de  la  peine  de  mort  en  matière  politique,  de  l'escla- 
vage dans  les  colonies,  du  suffrage  restreint,  —  tous  ces  actes 
et  l'ère  nouvelle  qu'ils  promettent  ne  pouvaient  laisser  indiffé- 
rent un  homme  de  trente-deux  ans,  éclairé,  judicieux,  droit,  et 
qui  fréquentait  assidûment  le  salon  politique  et  littéraire  dé 
Rabanis,  l'éminent  doyen  et  professeur  d'histoire  de  la  Faculté 
des  lettres.  Il  fut  de  la  plupart  des  manifestations  patriotiques 
et  libérales  du  temps  et,  en  vue  des  élections  à  l'Assemblée 
constituante,  un  des  fondateurs  de  la  Société  fraternelle  de  la 
Gironde,  dont  le  programme  comportait  l'étude  des  questions 
d'organisation  du  travail,  de  forme  et  de  responsabilité  du 
Pouvoir  exécutif,  de  sa  nomination,  de  publicité  ou  non  des 
votes  des  représentants  du  peuple,  d'égalité  ou  non  dans  le 
recrutement  de  l'armée,  de  réforme  des  lois  de  douane,  d'as- 
siette de  l'impôt^  d'admissibilité  (élection^   concours)   aux 


F.  FOURNET.  471 

emplois  publics,  d'inamovibilité  pour  certaines  fonctions,  de 
séparation  ou  non  des  Églises  et  de  TÉtat,  d'enseignement 
.(monopole  de  l'État,  gratuité,  obligation),  etc.,  etc.  Fournet 
fut  un  des  secrétaires  adjoints  (élus)  du  Bureau  de  cette 
Société,  dont  Rabanis  était  président;  Eugène  Tandonnet, 
Bazin,  Rollier,  Borchard,  Delprat,  vice- présidents;  Duboul, 
Abria,  secrétaires;  Bersot,  Boissière,  Lebesque,  fondateurs. 
Notre  jeune  chimiste  était  là  en  bonne  compagnie. 

Mais  le  10  décembre  arrive,  la  République  semble  définitive- 
ment constituée  ;  Fournet  revient  à  ses  études. 

Avec  Félix  Bernard,  qui,  reçu  depuis  docteur  es  sciences 
physiques  à  Bordeaux,  devint  professeur  de  physique  à  Cler- 
mont;  avec  Delbos,  un  des  ouvriers  de  la  première  heure  de 
la  Société  d'Histoire  naturelle  de  Bordeaux,  qui,  après  avoir 
professé  à  la  Société  Industrielle  de  Mulhouse,  finit  sa  carrière 
dans  la  chaire  de  géologie  de  la  Faculté  de  Nancy,  —  Fournet 
fonde  en  1849,  et  sous  le  patronage  moral  de  la  Faculté,  un 
cours  de  préparation  au  baccalauréat  es  sciences  physiques. 
Pendant  cette  même  année,  il  est  un  des  secrétaires  du  Comité 
d'administration  de  la  Société  Philomathique.  Le  30  janvier 
1851,  il  inaugure  aux  Classes  d'adultes  un  cours  public  et 
gratuit  de  chimie  appliquée. 

Les  idées  de  chimie  industrielle  lui  reviennent.  Éclairé  par 
l'expérience,  secondé  par  un  aide  de  tous  les  instants  et  dont 
le  dévouement  égale  l'intelligence,  il  compte  bien  réussir 
cette  fois.  Après  deux  congés  employés  à  l'étude  do  so3  projets, 
il  donne,  en  mai  1851,  sa  démission  des  diverses  fonctions 
qu'il  occupait  à  Bordeaux  et  va  créer,  à  Toulouse  d'abord,  à 
Agen  ensuite,  en  exploitant  les  eaux  du  gaz  de  ces  villes,  des 
fabriques  de  sulfate  d'ammoniaque.  Les  deux  usines,  bien 
installées,  bien  conduites,  donnent  des  bénéfices;  la  modeste 
dot  de  M"®  Fournet,  employée  à  ces  créations,  est  maintenant 
une  petite  fortune. 

Le  jeune  ménage,  devenu  concessionnaire  des  eaux  de  notre 
graïKJle  usine  à  gaz,  revient  à  Bordeaux  en  1856,  s'installe  rue 


472  mcÈ. 

Pierre,  dans  le  petit  coin  à  lui  concédé  par  la  Compagnie,  et 
produit  des  masses  d'un  sulfate  d'ammoniaque  très  blanc  et 
Tort  recherché  du  commerce.  La  chaux  destinée  à  dégager  le 
gaz  des  eaux  était  fabriquée  là;  on  la  vendait  d'ailleurs  à  la 
Compagnie  du  gaz  elle-même  pour  le  service  des  épurateurs. 

Mais  tout  cela,  c'est  de  la  petite  industrie  :  il  faut  arriver  à 
faire  en  grand  l'acide  sulfurique.  Fournet  cherche  un  empla- 
cement qui  soit  à  la  fois  et  assez  vaste  pour  permettre  à  l'usine 
qu'il  rôve  de  grands  développements,  et  assez  bien  situé  pour 
rendre  faciles  les  approvisionnements  et  les  expéditions,  pour 
ne  pas  éveiller  les  justes  susceptibilités  du  Conseil  d'hygiène. 
11  trouve  enfin  la  propriété  d'Artigues-Vieille,  boulevard  de 
l'Impératrice,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Caudéran,  et 
l'achète  18,000  francs  après  s'être  associé  à  un  ami  pour 
l'ensemble  des  affaires  projetées.  Cet  immeuble  a  été  accru 
depuis  par  de  nombreuses  annexions  qui  l'ont  amené  ù  contenir 
trois  hectares  et  à  donner  sur  quatre  rues. 

On  procède  immédiatement  au  transfert  des  industries 
(chaux,  sulfate  d'ammoniaque)  de  la  rue  Pierre  et  à  l'édifica- 
tion de  vastes  chambres  de  plomb.  Le  soin  apporté  par  Fournet 
à  tous  les  détails  était  vraiment  remarquable  :  il  a  présidé  à  la 
soudure  autogène  de  toutes  les  plaques  et  je  l'ai  vu  retirer  le 
chalumeau  oxhydrique  des  mains  de  l'ouvrier  pour  s'assurer 
par  lui-même  de  la  fermeture  hermétique  de  points  lui  parais- 
sant douteux. 

Voyant  l'engrenage  dans  lequel  sont  pris  les  créateurs  d'in- 
dustries, Tami  demande  à  se  retirer  au  bout  de  deux  ou  trois 
ans,  alors  que  l'usine  n'est  pas  encore  en  rapport.  Fournet 
redoute  de  l'avoir  effrayé  par  ses  projets  et,  délicatement,  lui 
offre  de  rester  seul  pour  l'affaire  principale,  se  contentant  de 
continuer  la  fabrication  du  sulfate  d'ammoniaque.  Mais  l'as- 
socié insiste.  Fournet  fait  flèches  de  tous  bois,  vend  (avec 
sérieux  bénéfices)  ses  usines  d'Agen  et  de  Toulouse,  s'adresse 
pour  le  complément  à  la  famille,  parvient  ainsi  à  rembourser 
celui  sans  lequel  il  n'aurait  peut-être  pas  entrepris,  et  sa  dame 


p.  FOURNET.  473 

et  lui  s'installent  à  Artigues-Vieille  (mars  1861)  avec  des  res- 
sources presque  épuisées^  mais  résolus  à  tous  sacriAces  et  à 
tous  efforts  pour  sauver  ce  qui  en  reste  et  le  faire  fructifier. 

Le  sulfate  d'ammoniaque  produit  est  toujours  superbe  :  il 
titre  0,220  d'azote  (certificat  24  octobre  1860  du  Vérificateur 
en  chef  des  engrais  de  la  Gironde),  alors  que  la  proportion 
théorique  est  de  0,212,  c'est-à-dire  qu'il  est  d'une  pureté 
absolue.  —  Une  argile  de  grande  blancheur  et  dépourvue  de 
fer  est  découverte  près  de  Coutras  :  elle  est,  après  cuisson 
convenable,  facile  à  broyer  par  une  machine  à  vapeur,  et,  en 
cet  état,  elle  se  transforme  aisément  en  sulfate  d'alumine, 
qu'on  offre  au  public  sous  forme  de  pains.  —  Les  deux  sels 
précédents,  combinés,  fournissent  un  alun  qui,  dans  les  grandes 
cuves  qu'on  lui  offre,  cristallise  en  octaèdres  groupés  aussi 
gros  que  limpides;  ce  produit  et  le  sulfate  d'alumine  prennent 
le  chemin  des  teintureries  et  des  papeteries. 

On  fait  maintenant  des  chaux  grasses,  non  seulement  pour 
les  usages  intérieurs  de  l'usine  et  les  épurateurs  du  gaz,  mais 
aussi  pour  les  stéarineries  et  tanneries,  pour  les  constructions 
et  à  titre  d'amendement  des  terre^  Fournet  fait  breveter  un 
procédé,  consistant  à  chauffer  dans  un  courant  d'air  la  chaux 
sortant  des  épurateurs  et  à  brûler  dans  le  foyer  du  four  les 
huiles  infectes  s'en  dégageant,  qui  permet  l'accumulation  dans 
les  usines  de  cette  chaux  revivifiée  et  son  emploi  en  agricul- 
ture ou  dans  les  constructions  exigeant  le  a:  mortier  bâtard  3> 
(le  sulfure  de  calcium  formé  par  le  sulfhydrate  d'ammoniaque 
du  gaz  s'étant  transformé  en  sulfate  de  chaux  lors  du  grillage). 
—  Des  marnes  de  qualité  ou  des  argiles  comme  celle  de  Cen- 
tras servent  à  la  production  de  chaux  hydrauliques  naturelles 
ou  artificielles. 

L'acide  sulfurique  est  fabriqué  avec  du  soufre  de  Girgenti 
(Sicile)  :  aussi  est-il  exempt  d'arsenic  et  convient-il  pour  les 
laboratoires,  particulièrement  pour  les  recherches  de  médecine 
légale;  pour  la  préparation  des  produits  alimentaires  (boissons 
gazeuses,  sirops  de  glycose,    oléomargarine   des   fabriques 

T.  I  (5«  Série).  31 


■ 

1 


I 


474  MicÊ. 

d'acide  stéaiique^  etc.);  pour  celle  des  produits  pharmaceu- 
tiques. Par  ses  brochures,  ses  notes  dans  les  journaux,  ses 
démarches,  Fournet  arrive  à  le  faire  accepter  (car  il  coûte  plu:* 
cher  au  fabricant)  a  un  prix  plus  élevé  que  celui  des  acides  de 
Lyon  ou  de  Rouen,  préparés  avec  des  pyrites,  et  qui  avaient 
usqu'alors  presque  exclusivement  alimenté  le  marché  de  Bor- 
deaux. La  renommée  de  cet  acide  pur  et  quMl  garantissait 
concentré  à  65^5,  a  fini  par  être  si  grande  que,  parmi  les 
maisons  auxquelles  il  le  livrait,  j'en  ai  trouvé  une  de  Buenos- 
Ayres,  qui  avait  traité  pour  dix  tourilles  par  mois. 

Ayant  le  soufre  et  une  puissante  machine  à  broyer  com- 
plétée par  un  tamis  mécanique,  Fournet  prépare  pour  les 
viticulteurs  du  soufre  trituré  fm  et  démontre,  par  des  expé- 
riences exécutées  chez  lui  ou  dans  diverses  propriétés,  qu'il 
est  aussi  actif  contre  l'oïdium  que  le  soufre  sublimé,  tout  en 
coûtant  30  0/0  moins  cher.  De  novembre  1860  à  juillet  4863, 
il  est  peu  de  séances  de  la  Société  d'Agriculture  de  la  Gironde 
dans  lesquelles  il  n'ait  pas  été  question  de  ces  deux  soufres  : 
leur  lutte  dans  ce  sanctuaire  et  sur  le  terrain  a  été  si  ardente 
qu'elle  a  donné  à  un  spirituel  écrivain  au  courant  des  actua- 
lités bordelaises  l'idée  de  publier  une  pièce  en  un  acte  et  en 
vers,  intitulée  :  Les  Médecins  de  Madame  Lavigne,  dans 
laquelle  les  principaux  personnages,  «  le  Sublimé  ^  et  <  le  Tri- 
turé }^,  plaident  à  tour  de  rôle  leur  cause  et  essaient  de 
l'emporter  dans  l'esprit  de  leur  malade. 

Fournet  prépare  et  expérimente  d'ailleurs  d'autres  produits 
antioïdiques,  notamment  le  sulfure  de  calcium,  qu'il  obtient, 
par  la  réduction  au  rouge  et  à  l'aide  du  charbon,  du  sulfate  de 
chaux  résidu  des  stéarineries. 

On  fait  du  sulfate  de  soude  avec  le  produit  des  sécheries  de 
morues  et  des  magasins  de  La  Rousselle  qui  porte  le  nom 
vulgaire  de  (c  sel  de  coussin  )»  :  c'est  le  sel  qui  a  servi  à  con- 
server le  poisson  et  est  devenu  infect  en  sMmprégnant  de  ses 
ptomaïnes  et  des  autres  produits  d'une  putréfaction  naissante. 
Ce  sel,  rejeté  de  tous  les  usages,  était  détruit  sous  la  sur» 


F.  FOURNET.  475 

veillance  de  la  Douane.  Fonrnet  Tutilise  en  le  faisant  griller 
sur  la  sole  d'un  four  à  réverbère  brûlant  ses  émanations^  le 
reprenant  par  le  minimum  d'eau  et  le  faisant  cristalliser;  il 
s'assure,  par  un  brevet  de  quinze  ans,  de  cette  abondante  et 
économique  matière  première,  dont  les  quantités  employées 
ont  été  telles,  pendant  quelques  années,  que  trois  agents  des 
Douanes  étaient  affectés,  pour  leur  contrôle,  à  Tusine  d'Ârli- 
gues-Yieille.  Le  sulfate  de  soude,  généralement  mêlé  (à  parties 
égales)  avec  le  sel  reconstitué,  est  vendu  aux  verreries.  — 
L*acide  muriatique  produit  en  même  temps  que  lui  trouve  son 
écoulement  dans  les  distilleries  de  grains. 

Une  certaine  quantité  de  sulfate  de  soude  est  donnée  aussi 
par  la  fabrication  de  Tacide  nitrique,  pour  laquelle  on  emploie, 
bien  entendu,  le  nitrate  de  soude  du  Pérou  et  du  Chili. 

Le  sulfate  d'ammoniaque  et  la  chaux  fournissent  de  l'ammo- 
niaque à  peu  près  pure,  qui  est  ou  vendue  au  commerce  après 
dissolution  saturée,  ou  transformée  en  chlorhydrate,  en  azotate  : 
le  premier  de  ces  sels  est  utilisé  par  les  soudeurs,  les  étameurs, 
les  fabricants  de  <t  fer  galvanisé  y>  ;  le  second,  pour  la  production 
économique  du  froid,  particulièrement  dans  la  (n  glacière  des 
familles  y>. 

Le  sulfate  de  soude  devient,  par  le  procédé  Leblanc,  du 
carbonate,  et  celui-ci  est  utilisé  dans  les  savonneries  sous  le 
nom  de  e:  soude  y>  ;  vendu  aux  droguistes  sous  le  nom  de 
c  cristaux^  pour  servir  ensuite,  dans  les  ménages  ou  les 
grands  établissements  (casernes,  collèges,  hôpitaux,  hospices, 
colonies  pénitentiaires,  etc.),  à  divers  nettoyages  ou  à  la  les- 
sive artificielle. 

Surchargé  d'acide  carbonique,  le  carbonate  devient  du  ce  sel 
de  Yichy  artificiel  »,  d'autant  plus  assimilable  au  a:  naturel  » 
que  celui-ci  n'est  qu'un  sel  reconstitué  par  le  même  procédé, 
mais  avec  l'acide  des  caves  de  l'Établissement.  Celui  d'Ârti- 
gues-YieilIe  était,  aussi  bien  que  l'autre,  accepté  par  les  phar- 
maciens. 

Quantité  de  traités,  trouvés  dans  les  papiers  du  défunt, 


476  MIGÉ. 

montrent  rimportance  des  commandes  qui  lui  étaient  faites 
par  les  industriels  de  Bordeaux  ou  du  Sud-Ouest  et  signalent 
le  grand  nombre  d'usines  nouvelles  qui  se  sont  créées  là,  se 
rangeant  autour  de  la  sienne  comme  des  planètes  autour  de 
l'astre  central  dont  elles  attendent  la  chaleur  et  la  vie. 

Les  cahiers  de  laboratoire  ne  sont  pas  moins  intéressants  à 
consulter  :  ils  démontrent  que  rien  n'était  laissé  au  hasard  ; 
qu'à  chaque  nouvelle  entreprise,  un  projet  était  dressé,  com- 
prenant appareils,  outillage,  constructions  au  besoin,  estima- 
tion des  matières  premières,  prix  de  revient  et  prix  courant  du 
nouveau  composé,  appréciation  du  bénéfice  par  100  kilos; 
qu'aucun  achat  ne  se  faisait  sans  analyses  ;  que  le  titre  des 
produits  livrés  était  également  déterminé. 

Tant  de  souplesse  d'esprit,  d'activité,  de  savoir  et  de  soin, 
allait  enfin  recevoir  sa  récompense.  Déjà,  à  l'Exposition  de  la 
Société  Philomathique  de  1859,  le  Jury,  en  décernant  une 
médaille  d'argent,  avait  prédit  l'avenir  en  ces  termes  :  «  Les 
»  connaissances  scientifiques  et  industrielles  de  M.  Fournet,  sa 
»  persistance,  sa  ténacité,  les  heureux  résultats  qui  doivent  en 
))  découler  pour  la  prospérité  de  Bordeaux,  nous  le  font  classer 
y>  au  premier  rang  de  nos  industriels.  y>  Il  n'avait  cependant 
guère  fait  jusqu'alors  que  du  sulfate  d'ammoniaque,  du  sulfate 
d'alumine,  de  l'alun  et  de  la  chaux.  Mais,  à  l'Exposition  sui- 
vante (celle  de  1865),  Artigues-Vieille  avait  acquis  le  dévelop- 
pement que  nous  venons  d'indiquer,  une  véritable  collection 
de  produits  chimiques  était  placée  sous  les  yeux  du  public,  et 
la  Commission,  dont  faisaient  partie  Barreswil  et  Tresca  (de 
Paris),  Salvetat  (de  Sèvres),  Dumas  fils  (directeur  de  la  Monnaie 
de  Bordeaux),  des  professeurs  de  la  Faculté  des  sciences  et  de 
l'École  de  médecine,  des  ingénieurs,  des  chefs  d'institutions, 
déclarait,  par  l'organe  de  son  rapporteur  Royer,  que  M.  Four- 
net  avait  «  dépassé  les  prévisions  du  Jury  de  1859  et  les  espé- 
»  rances  que  faisait  naître  son  usine;  qu'il  avait  rendu  des 
»  services  réels  à  la  viticulture,  dont  les  produits  sont  une 
y>  des  bases  principales  de  la  production  de  la  Gironde  et  des 


F.  FOURNET.  477 

:»  départements  voisins;  qu'il  avait  su  se  rendre  éminemment 
»  utile  à  l'industrie  et  contribuer  au  développement  de  la 
j>  richesse  du  pays  ;  y>  qu'il  méritait,  en  conséquence,  une  des 
quatre  médailles  d'or  de  l'Empereur;  et  cette  haute  distinction 
lui  était  accordée. 

Dès  lors,  la  période  militante  de  l'existence  de  ce  grand  lutteur 
est  terminée  ;  son  sort  est  assuré,  son  usine  est  classée,  le  Préfet 
le  comprend  (1867)  dans  la  liste  des  «  Notables  commerçants  :». 
Loin  de  s'étourdir  du  triomphe,  il  songe  à  l'ami  qui  l'a  un 
moment  aidé  au  début  et  qui  cependant  a  failli  tout  compro- 
mettre par  sa  brusque  retraite  :  il  lui  envoie  dix  mille  francs. 

Après  la  guerre,  Fournet,  toujours  au  courant  des  progrès 
et  à  l'affût  des  besoins  locaux,  entre  dans  une  voie  nouvelle  : 
Georges  Ville  a  depuis  longtemps  terminé  ses  belles  expé- 
riences ;  il  est  désormais  démontré  qu'un  sol  peut  largement 
rémunérer  le  capital  qu'il  représente  et  le  prix  du  travail  qu'il 
exige,  alors  même  qu'il  ne  reçoit,  avec  la  semence,  que  des 
engrais  minéraux  ;  que  ces  engrais  sont,  en  tout  cas,  quand  on 
les  compose  avec  intelligence,  l'adjuvant  commercial  le  plus 
économique  du  fumier  de  ferme. 

On  a  trouvé  des  quantités  de  phosphates  de  chaux  dans  le 
Tam-et-Garonne  :  Fournet  court  dans  le  Lot,  avec  sa  trousse 
de  minéralogiste,  et,  guidé  par  la  géologie,  il  découvre  là,  à 
Larnagol,  des  nodules  qui  lui  semblent  constituer  de  nouveaux 
gisements  ;  il  en  reconnaît  la  nature,  la  richesse,  et  s'empresse 
(17  juillet  1871)  d'acheter  le  terrain  qui  les  contient.  Il  traite 
avec  la  manufacture  de  Saint-Gobain  pour  une  livraison  de  ce 
produit  devant  s'élever,  en  cinq  ans,  à  la  formidable  somme 
de  trois  millions;  trouve,  du  côté  de  Saint- Sébastien  et  de 
Santander^  de  beaux  gisements  de  pyrite,  qu'il  destine  à  la 
préparation  d'un  acide  à  bas  prix  dans  lequel  la  présence  de 
composés  arsenicaux  est  sans  inconvénient  ;  parvient  à  démon 
trer  dans  les  colonies  l'importance,  pour  la  culture  de  la  canne 
à  sucre,  des  phosphates  de  chaux  traités  par  l'acide  sulfurique; 
achète  alors  un  navire,  V Alice-et-Marie ,  pour  expédier  ces 


478  MicÉ. 

phosphates  et  apporter  à  bordeaux  les  pyrites,  les  chlorures 
de  potassium  de  Stâssfurth  ou  les  nitrates  de  soude  du  Chili  ; 
est  prêt  enfin  à  installer  chez  lui,  dans  toute  son  ampleur,  la 
fabrication  des  engrais  minéraux. 

Mais  toute  cette  fièvre  inquiète  M"*®  Fournet.  Son  mari 
compte  plus  de  cinquante-six  ans,  et  ce  n'est  pas  sans  une 
sérieuse  atteinte  des  voies  respiratoires  qu'il  en  a  passé  trente 
dans  des  émanations  acides  ou  fétides;  ils  se  sont  surmenés 
l'un  et  l'autre  et  n'ont  personne  à  qui  transmettre  une  affaire 
aussi  vaste.  Le  17  juin  1872,  ils  cèdent  à  la  Société  anonyme 
des  Produits  chimiques  agricoles,  moyennant  la  somme  de 
600,000  francs,  l'usine,  un  traité  pour  l'achat  de  10,000  tonnes 
de  pyrite  d'Espagne,  20  carrières  de  phosphate  de  chaux,  un 
traité  pour  la  fourniture  à  Saint-Gobain  de  15  à  30,000  tonnes 
de  ce  phosphate,  diverses  autres  conventions  de  ventes  et  le 
navire.  Ils  restent  propriétaires  des  matières  premières  et  des 
marchandises  en  magasin. 

Le  (T  fondateur  de  la  grande  industrie  chimique  à  Bordeaux  i» 
est  désormais  millionnaire  et  peut  goûter  un  repos  mérité. 
Mais  il  ne  saurait  être  oisif  :  il  demandera  quelques  joies 
scientifiques  à  notre  Société,  des  satisfactions  esthétiques  à 
celle  des  Amis  des  Arts  ou  à  la  Société  Philharmonique.  La 
fréquentation  des  philomathes  lui  rappellera  son  ancienne 
passion  de  l'enseignement,  et  il  fera  partie,  en  1882,  de  deux 
jurj^s  (Installation  des  usines.  Produits  chimiques),  ses  collè- 
gues du  premier  l'appelant  à  l'honneur  de  les  présider.  Il  lira 
les  ojivrages  ou  publications  périodiques  de  nature  à  le  ren- 
seigner sur  les  progrès  de  l'esprit  humain,  et,  quand  une  double 
cataracte  compliquée  d'amaurose  fera  toucher  de  ses  mains  le 
journal  ou  le  livre,  les  yeux  et  la  voix  de  sa  femme  lui  procu- 
reront sa  nourriture  spirituelle  quotidienne. 

Nous  avons  dit  son  culte  pour  l'amitié.  Voici  un  autre  trait 
de  générosité  de  la  période  militante  de  sa  vie  : 

Il  avait  pris,  le  20  février  1856,  un  brevet  de  quinze  ans 
pour  perfectionnement  à  la  préparation  des  acides  citrique  et 


F.  FOURNET.  479 

tartrique  :  le  chauifage  à  feu  nu  et  la  présence  de  Tair  pendant 
les  concentrations  ayant  pour  résultats,  comme  lorsqu'il  s'agit 
du  sucre,  d'altérer  les  matières  organiques  accompagnant 
l'acide  et  l'acide  lui-même,  de  colorer  les  eaux-mères,  de 
gêner  la  cristallisation  et  de  diminuer  le  rendement,  il  voulait 
employer  un  appareil  à  évaporer  dans  le  vide,  chauflTé  à  la 
vapeur,  à  surface  intérieure  revêtue  d'un  métal  préservateur 
(plomb  ou,  mieux,  argent).  Il  s'était  assuré  en  petit,  dans  son 
laboratoire,  de  la  réussite  de  son  idée,  et  il  allait  monter  la 
fabrication  lorsqu'il  apprit  que  M™®  B...,  de  Lyon,  était,  pour 
cause  de  ruine  imminente,  sur  le  point  d'abandonner  son 
usine  d'acide  tartrique.  Ému  à  la  pensée  du  «  coup  de  grâce  » 
qu'il  allait  lui  donner,  fort  occupé  d'ailleurs  à  ce  moment  par 
les  diverses  industries  qu'il  avait  créées  ou  qu'il  songeait  à 
créer  encore,  il  lui  céda  son  brevet  à  titre  gracieux,  lui  fit 
gagner  un  gros  procès  intenté  par  un  concurrent  et  la  remit 
bientôt  complètement  sur  pied.  Le  fils  de  cette  dame,  le  jeune 
ingénieur  B...,  s*est  empressé,  en  apprenant  la  mort  du  bien- 
faiteur de  sa  famille,  de  remercier  M™®  Fournet  de  la  grosse 
fortune  que  le  brevet  lui  avait  permis  d'acquérir. 

Mon  excellent  ami  s'est  montré  aussi  généreux  après  la 
victoire  qu'il  l'avait  été  pendant  la  lutte.  Il  a  largement  gratifié 
ses  collaborateurs,  secouru  des  alliés  de  ses  maîtres,  aidé  des 
parents  à  lui  ou  à  sa  femme,  et  si  je  connais  ces  détails,  ce 
n'est  ni  par  lui,  ni  par  celle  qui  lui  survit  et  qui  s'associait  de 
tout  cœur  à  ses  œuvres, —  si  j'en  parle,  c'est  avec  la  certitude 
que  les  ^personnes  qu'il  a  obligées  seraient  les  premières  à 
proclamer,  à  l'occasion,  tout  ce  qu'elles  lui  doivent.  —  Sa 
dame  et  lui  ont  fondé  chacun  un  lit  à  l'Asile  Albert-Branden- 
burg  (Œuvre  de  l'hospitalité  de  nuit). 

Il  a  racheté  et  restauré  en  1870  le  vieux  château  de  Dau* 
bèze,  propriété  de  famille,  et  acquis,  en  même  temps,  là 
résidence  du  général  de  Gondrecourt,  à  La  Montjoie*  C'est  là 
qu'il  a  passé  ses  trois  ou  quatre  dernières  années,  celles  de 
souffrance  et  de  cécité  ;  là  qu'il  a  succombé^  à  près  de  quatre* 


480  MICE. 

vingts  ans,  à  la  bronchite  chronique  qui  Tétreignait  depuis 
plus  d'un  quart  de  siècle.  Là  aussi  il  a  fait  du  bien,  et  beau- 
coup :  il  a  doté  la  commune  d'une  pompe  à  incendie,  d'un 
bureau  de  poste  avec  fil  télégraphique  et  d'une  foule  de  riens 
qui  sont  le  charme  et  l'ornement  des  campagnes. 

II  a  encouragé  toutes  les  Sociétés  utiles  ou  savantes,  parti- 
culièrement la  nôtre  :  ayant  entendu  dire,  à  une  de  nos 
séances,  qu'en  l'état  de  nos  finances  il  y  aurait  peut-être 
témérité  à  faire  les  frais  d'un  étalage  de  nos  Œuvres  à  l'Expo- 
sition 188^  de  la  Société  Philomathique,  il  nous  a  donné  une 
somme  de  dix  mille  francs.  (Voir  nos  Mémoires,  2®  série, 
t.  V,  p.  22  et  23  des  Extraits  des  procès -verbaux,  séance  du 
1'^'  juin  1882.)  En  reconnaissance,  la  Société  l'a  porté  à  la 
vice-présidence  et,  plus  tard,  prenant  possession  de  la  salle 
qui  lui  a  été  attribuée  dans  le  palais  des  nouvelles  Facultés, 
elle  l'a  nommé,  par  acclamation,  son  président  d'honneur. 

Le  Jury  du  14®  groupe  de  l'Exposition  de  1882  a  demandé, 
à  l'unanimité,  à  la  Société  Philomathique  qu'à  l'occasion  d'une 
solennité  qui  consacre  d'une  façon  si  éclatante  les  progrès  de 
l'industrie  chimique,  dont  M.  Fournet  a  été  l'un  des  fonda- 
teurs à  Bordeaux,  sa  candidature  à  la  Légion  d'honneur  soit 
posée  à  l'Autorité  supérieure,  bien  qu'il  ne  soit  plus  exposant. 
Le  Jury  du  12®  groupe  s'est,  à  l'unanimité,  associé  à  la  péti- 
tion; mais  la  Société  a  eu  le  regret  de  ne  pouvoir  appuyer  le 
vœu,  des  propositions  ne  lui  étant  demandées  qu'en  faveur 
des  exposants. 

Trois  ans  plus  tard,  le  grand  industriel  bordelais  obtenait 
les  palmes  académiques,  et  ce  souvenir  des  services  qu'il  avait 
rendus  à  l'instruction  publique  était  accueilli  par  lui  avec  une 
véritable  joie. 

S'il  n'a  pas  été  honoré  de  la  haute  distinction  que  nous 
aurions  voulue  pour  lui,  vous  paierez  à  sa  mémoire,  Messieurs 
et  chers  Collègues,  un  juste  tribut  en  faisant  insérer  cette 
notice  dans  vos  Actes.  II  ne  s'agit  pas  d'ailleurs  seulement 
d'un  membre  de  la  Société,  de  son  bienfaiteur,  de  son  premier 


F.  FOURNBT.  481 

président  d'honneur;  il  s'agit  aussi  du  dernier  survivant  des 
hommes  de  la  première  heure  de  la  Faculté  des  sciences^ 
(c  cette  véritable  aima  mater  de  notre  Société,  j>  comme  le 
rappelait  Fournet  lui-même  dans  la  lettre  qui  fut  l'événement 
de  la  séance  du  4®*"  juin  4882. 

Si  la  Mort  eût  attendu  encore  huit  mois,  nous  célébrions  les 
noces  d'or  de  M.  et  de  M"®  Fournet.  Ce  rêve  d'amis  ne  s'est 
pas  réalisé.  Je  suis  heureux,  du  moins,  de  pouvoir  dater  le 
présent  éloge  du  jour  où  nous  espérions  fêter  le  cinquantenaire 
d'un  ménage  aussi  uni  que  vaillant. 

Glermont-Ferrand,  le  8  février  1896. 


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