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r;SiLAS VftldHTbtlNNÏNÛ "^1
BEOUtST
UNIVERSITY orMICHIGANi
^.^^ GENERAL LIBRARY ;^
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MÉMOIRES
SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
DU DOUBS
MÉMOIRES
DK LA
SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
DU DO UBS
SEPTIÈME SÉRIE
SEPTIÈME VOI-UME
1902
BESANÇON
IMPRIMERIE DODIVERS ET G'"
Gi andu'-Riie, 87
1903
/J^Cyj ttii
MÉMOIRES
DE
LA SOCIETE D'EMULATION
DU DOUBS
1902 )
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES
Séance dit II janvier iOO'^.
Présidence dk MM. Vaissier et Nargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. VaUsier, Nargaud, présidents sortant et en-
trant; Franceg, premier vice-président; Gauthier, secrétaire;
Fauquignon, trésorier; Kirehner, archiviste.
Membres : MM. les docteurs Bourdin, Bruchon père, H. Bru-
chon, Chapoy et Ledoux; P. Drouhard, Mairot, le chanoine
Rossignot, Souchon, Thuriet, Vautherin et Vernier, résidants;
Tabbé P. Druot, correspondant.
M. Vaissier, avant de remettre la présidence à M. le docteur
Nargaud, nouveau président, prononce l'allocution suivante :
« Messieurs,
» Au moment de quitter la présidence, je dois vous exprimer
Ions mes sentiments de gratitude pour l'indulgente faveur que
vuiis m'avez toujours témoignée, dans l'exercice d'une charge à
l'honneur de laquelle je n'avais jamais osé prétendre.
* Dans notre dernière séance publique, j'ai cru devoir revenir
— VI —
sur le passé de noire coinpjigtûe, mais en y insistant davantage,
afin de montrer que si la vie des sociétés comme celle des indi-
vidus se passe dans des alternatives de satisfactions et de sou-
cis, une réputation noblement acquise permet toujours de pro-
fiter des unes, comme do triompher des autres!
» La preuve nous en fut ofTerte dans le cours de cette année.
La dotation des fri*res Grenier est arrivée pour confirmer la
considération dont vous jouissiez déjà, puis la sagesse de vos
dernières élections, favorisées par la gracieuse acceptation de
vos élus, nous assuie les nuîilleures espérances pour l'avenir.
» Si j'ai à manifester (en votre nom et nu mien) de tous nos
regrets pour la retraite do notre laborieux et dévoué secrétaire
décemial : M. le docteur Meynier, en retour, j'ai la satisfaction
de saluer la bienvenue de son digne successeur : M.Jules Gau-
thier, dont le zèle et la science vont apporter de nouveaux élé-
ments de travail à notre activité et accroître l'intérêt de nos
séances.
i> A côté des nombreuses preuves d'un mérite que vous avez
apprécié, je signalerai, en particulier, lesefibrts de M. Gauthier,
pour combler les vides que les dépaits et la mort font chaque
année dans nos rangs. Celte préoccupation est si importante
que Tarticle unique de mon testament présidentiel sera le souhait
que, par les efforts de tous, chaque année voie s'augmenter
aussi le nombre de nos confrères.
« Je m'adresse maintenant à M. le docteur Nargaud, si digne
de toutes les sympathies, si bien disposé à maintenir nos tradi-
tions, si bien doué pour rallier à noire Société, largement ou-
verte, toutes les bonnes volontés et je l'invite à prendre la pré-
sidence. »
M. le docteur Nargaud prend place au fauteuil et adresse à
son tour ses remercieriienls à ses confrères :
« Messieurs,
» En m'appelant à la présidence de la Société d'Emulation,
vous m'avez fait un honneur insigne qui m'a vivement touché et
dont je vous témoigne ici ma vive et sincère gratitude. Je suis d'au
tant plus confus de celle faveur qu'elle est absolument immé-
ritée, vu que je n'ai jamais joué parmi vous que le rôle modeste
— VII —
d'auditeur. Vous avez sans doute considéré que l'esprit de bonne
camaraderie et d'attachement fidèle à notre Association étaient
à vos yeux des litres suffisants pour autoriser l'occupation de
ce fauteuil, nulle autre raison sérieuse ne pouvait être invoquée
pour justifier votre choix qui devait s'adresser à d'autres beau-
coup plus dignes. Cette distinction, si généreuse de votre part,
va me causer de graves soucis et de sérieuses appréhensions;
je ne me dissimule pas combien il est périlleux d'assumer la
responsabilité d'une si lourde tâche, surtout quand on se pré-
sente en face d'elle avec un bagage scientifique aussi restreint
que celui de votre humble serviteur.
» Etranger, en efîet, à bon nombre de questions qui consti-
tuent le thème ordinaire de nos entretiens, après avoir vu dé-
filer à votre tête une longue série de présidents qui ont comblé
vos Bulletins de riches trésors d'expérience et de savoir, vous
devez comprendre d'emblée combien mes préoccupations doivent
être tout à la fois peu folâtres et légitimement motivées. Mais
qunnd je songe ^ l'extrême bienveillance, à la fraternelle sym-
pathie que vous avez toujours témoignée à vos représentants,
et qui sont de règle dans toutes les perturbations bureaucra-
tiques que les statuts imposent à notre Société, le fardeau d'une
pareille succession s'allège singulièrement, l'horizon parait s'é-
claircir et toute crainte, toute défaillance doivent être bannies
des esprits les plus timorés. En m'asseyant à la place de mes
honorables prédécesseurs, qui ont toujours dirigé vos travaux
avec un talent et une compétence que je leur envie, je tiens à
déclarer hautement que je me considère comme leur rempla-
çant provisoire, et, qu'au moment opportun, ils sauront certai-
nement ressaisir les rênes du char, si bien conduit par eux, dans
l'intérêt de notre Association.
» En m'inspirant de leurs judicieux conseils et en escomptant
d'avance le concours empressé du personnel du bureau, entiè-
rement dévoué à la prospérité de notre œuvre, je ferai tout mon
possible pour tâcher de mener à bien la mission que vous m'a-
vez confiée. Dans ce but, je m'efforcerai de suivre l'exemple sa-
lutaire de noire cher président sortant, le sympathique M. Vais-
sier, qui a rempli son devoir avec un zèle, une sollicitude au-
dessus de tout éloge et qui, le cas échéant, n'hésitera pas â
— VIII —
p«)er de sa perf^oiiiit* [tour «ruiiler, s'il y a lieu, dans la bimne
voie la marche indécise de son successeur. Je nî*em presserai
tout autant de m'assurer les bons offices des deux nouveaux
membres du bureau, que j'ai rîionneur de vous présenter en ma
compagnie, Tun, M. Gauthier, noire secrétaire détîennal. Fa rchi-
visle érudit, digne ém:ile de l'éternellemenl regretté Auguste
Castan. dont le talent si apprécié est sans contredit le plus beau
fleuron de notre couronne scientifique et dont je ne crains pas
de blesser la modestie en le désignant d'ores et déjà comme la
cheville ouvrière de notre Société.
» L'autre, mon ami dVnfance, nuiltre Fraiicey. l'avocat énii-
nent, une des gloires du barreUu bisontin, et dont les connais-
sances juridiques, traduites par une éloquence sans rivale, fait
autorité au Palais.
0 Grâce à Tappui d'auxiliaires aussi précieux, j ose espérer
que votre président actuel ne sera pas trop au-dessous de sa
tâche et que, d'un commun accord, nous pourrons travailler à
la réalisation de noire i<léal, la marche en avant, toujours inces-
sante, dans la voie de la science et du progrès.
• C'est dans ces sentiments, Messieurs, que je salue la Société
d'Emulation du Donbs à laquelle j'apporte, à défaut de qualités
techniques plus sérieuses peut-être, tout au moins mon entier
dévouement et mon entière bonne volonté. *
A ce discours accueilli comme le précédent par de vifs ap-
plaudissements, M. Jules Gauthier, récemment élu secrétaire
décennal et qui vient en cette qualité de prendre place au bu-
reau, ajoute ses remerciements les plus vifs aux confrères et
aux amis qui viennent de lui confier les fonctions honorables
d'annaliste de la Compagnie. Il assure tous et chacun du dé-
vouement qu'il a toujours professé pour eux et pour une Société
dont il est membre depuis trente-six ans et dont il s'honore
d'être l'un des doyens.
M. l'abbé Paul Druot, correspondant, lit une intéressante et
très précise notice archéologique sur une cloche du xv« siècle,
jusrju'ici absolument ignorée, qu'il a découverte dans le clocher
de l'église de Voillans (Doubs). dont il est curé. Il a pu lire
rin.-îcription gothique qui entoure la cloche, déchiffrer le sceau
— IX —
et les armoiries imprimés sur ses flancs et reconnaître l'origine
exacte ^ie ce précieux petit monument, Ki"5ice aux arcliives de
rabt)aye des Dames de Haume, de l'église desfjuelles provient
ce bronze. La cloche, fondue en 1484 ou 141^5, porte le sceau
d'Alix de Montmartin, al)l>esse de Bannie, et dut sonner à toutes
volées ({uand Louis XI, que n'idmaient point et à raison les
Comtois nos aïeux, eut fait place au gouvernement plus débon-
naire de Charles VIII.
Ce mémoire, accompagné de planches, est retenu pour le
Bulletin.
■ M le docteur Henri Bruchon lit une très curieuse étude sur la
vie d'un métiecin bisontin dans la première moitié du xviie siècle,
et initie aux moindres détails et de la position sociale et de la
pratique journalière du docteur Jean Garinet, qui a laissé en
forme sonimaire de très curieux, très précis et très piquants
mémoires, conservés parmi les manuscrits de la Bibliothèque
publique de Besancon.
M. Gautliier comme président de l'Association Franc-Com-
toise, fait une communication verbale sur un projet de Biogra-
phie Comtoise, déjà arrêté en principe, mais dont l'exécution va
suivre par les soins de toutes les Sociétés savantes de la région,
groupées en fédération, et par l'activité de leurs membres les
plus distingués et les plus laborieux. La Société d'Emulation du
Doubs fournira la collaboration de toute une élite et prendra la
direction du mouvement, comme elle a pris déjà l'initiative de
l'Association franc-comtoise.
Après l'élection d'un membre résidant, M. Ckllabd, archi-
tecte, présenté par M. Simonin architecte, et M. le docteur Cha-
poy, la séance est levée.
Les Présidents f Le Secrétaire y
A. Vaissikr, D' Nahgaud. Jules Gauthier.
— X —
Séance du 15 févncr 1902,
Ï*HÉSIDENCE DK M. LE DOCTEUK NaRGAUD.
Sont présents :
Bureau: MM. Nargaud, président; Vaissier^ vice-présideiU;
Gauthier, secrétaire ; tauqmgnon, trésorier ; Kirchner, archi-
viste.
iVÎEMBRES: M^ï. Boname^ Bonnet, Girardot, Ledoux, le cha-
noine Rossignoty Simonin, Thouvenin, Thuriet, G. Vaissier,
Vauthevin et Vernier.
M. le président coniniuniciue une lettre de Madame veuve
A. Castan, annonçant son intention de faire distribuer en mé-
moire deson mari, à tous les membres honoraires, résidants et
correspondants de la Société d'Kinulalion, la seconde édition
illustrée dn volume intitulé « Besançon et ses environs » qu'elle
vient do publier. Il s*est empressé de ren)ercier la généreuse
donatrice au nom de la Société d'I^jindalion cjui, à Tunanimité,
s'associe à ces remerciements.
Le Conseil d'administration de la Société, convoqué le 25 jan-
vier dernier, a pris une délibération pour accepter le legs de
2,400 francs de rente roumaine fait par M. Edouard Grenier dans
son testament du 21 janvier 1900, et prendre l'engagement de
créer à bref délai, dès que les formalités administratives auront
été remplies, la pension des frères Grenier, dont un règlement
ultérieur précisera les conditions. Cette délibération est approu-
vée h main levée.
M. Maurice Thuriet donne communication d'une Notice sur le
garde des sceaux Courvoisier, qui fut avocat général à la Cour
d'appel de Besançon, et fait un exposé rapide de lacarrière bril-
lante et très mouvementée d'im des magistrats les plus distin-
gués qu'ait produits la ville de Besançon. Cette notice est destinée
à la « Biographie fraîic-comtoise » qui paraîtra sous les auspices
des Sociétés savantes de la région.
— Kl —
M le fe^ecrélaire lit une élude sur le peintre Douât Xunnolte,
né à IJesangon le 10 janvier 1708, uiorl à Lyon le 5 février
1785. Fils d'un vijçnerou, neveu d'un peintre très médiocre, Jean
Nonnolle» Donat (|uilla saville natale à vin«,'t ans, devint, l'élève
et le collaborateur à Paris et à Versailles dii peintre du roi,
François Leuïoyne. Quand il eut perdu son maître et protecteur,
il renon(;a h la peinture d'histoire pour se confiner dans le por-
trait. C'est un des meilleurs portraitistes du règne de I ouis XV.
L'éjrlise de Saiuti^-Madeleine de [Jes;nigon possède de lui une
Sainte Famille datée de 1728. Nos musées ont son portrait et ce-
lui de sa ft-nime datés do I7rj et 1758. Le ^'raveur Daullé a
laissé lin juli méilailjon de Donat Nonnotte, dont le cuivre origi-
nal, conservé aux Archives du Doiihs, permettra d'illustrer dans
le Bullelifi la notice cpie la S«»ciélé d'Emulation a décidé de re-
tenir.
MM. Gauthier et Vaissier déposent sur le bureau en raccom-
pagnant de commentaires, un joli bronze grec, provenant de
racadémicien Prosper Mérimée, que MM. Gaston et René Grenier
viennent d'ofTrir au musée archéologicpie. Il a été retrouvé dans
les ruines de la maison qm» Mérimée et Kdouard Grenier habi-
taient rue de Lille et qui fui incendiée par la Commune.
Tne autre communication porte sur un torse de Vénus pudique
découvert à Jougne, dans les ruines de la maison de Téouyer
Ferlin, ami et contemporain de Granvelle. Son style révèle la
première moitié du xvi« siècle, sa facture est la Uiéme que celle
des bas-reliefs de pierre tendre, exécutés en 1527 dans l'église
abbatiale de Montbenoit.
Sont présentés pour faire partie de la Société :
Comme membre résidant :
M. Jean de Buyer, par MM. Vaissier et Gauthier;
Comme correspondants .
M. Gabriel Gensollen , juge d'instruction h Gray, par
iMM. Thuriet et Gauthier:
M. Kené Grenier, médecin de la grande Chancellerie de la
Légion d'honneur, par MM. le docteur Uruchon père et J. Gau-
thier.
— XII —
Est élu :
Membre résidant :
M. Camille Gellard, architecte.
Le Président^ Le Secrétaire,
D"" Nargaud. Jules Gauthier.
Séance du 15 mars fOO^.
Présidence de M. le Docteur Xargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaud. président ; Vaissier, vice-président ;
Gauthier, secrétaire; Fauquignon, trésorier.
Membres : MM. G, deBeauséjour, Bourdin, A. Boysson d'Ecole,
Bruclion pore, Cellard, Drouhard, Ledoux, Pingaud, Thuriet et
Vernier, résidants ; l'abbé P. Druot correspondant.
Le procès- verbal du 15 février est lu et adopté.
M. l'abbé Hermann Druot, ancien professeur au petit sémi-
naire de Consolation, lit un compte-rendu fort intéressant et
fort précis, grâce à un journal méthodique des fouilles, des dé-
couvertes faites, sur son initiative, dans les ruines du château
de Ghâtelneuf-en-Vennes, qui surplombent les sources et les
cascades du Dessoubre et du Lançot. Il décrit les monticules de
rnurs encore debout et de décombres qui apparaissent sur la
droite du chemin conduisant de Guyans- Venues et de Fiiaiis au
fond de la vallée et couvrent un étroit plateau. Sur cet ensemble,
14 mètres de long sur 6 de large ont été explorés et fouillés, en
1897 et 1898, sous la direction de M. l'abbé Druot, par les élèves,
grands et petits, du séminaire. Deux grandes pièces du rez-de-
chaussée du château affleurant au levant le roc, au sud une cour
(l'honneur, à l'ouest et au nord des murs d'enceinte du château
féodal ont livré, pèle mêle, avec des matériaux effondrés, moel-
lons et tuiles, un ensemble considérable d'objets de toute sorte:
— xiri —
instruments aratoires; outils de métier; armes : casques, épées,
éperons, batteries de mousquets, moules à halles; batterie de
cuisine : casseroles, marmites de fonte, de cuivre ou de fer,
chandeliers, crémaillères, andiers, broches, cuillers, fourchettes
et couteaux. L'interprétation d'un pareil groupement d'objets
métalliques de toute sorte est naturelle: c'est le mobilier des
sujets (ou retrahants) de Châtelneuf-en-Vennes, ayant apporté
comme dans un refuge sûr les quelques objets précieux de leurs
pauvres ménages. L'incendie qui consiuna, en 1C89, le chàleau-
fort qui appartenait aux comtes de La Roche, de la maison de
V'arambon et de Ryo détruisit tous les meubles de bois, tons h^s
vêtements et parures sauvés par les retrahants. Le fer, le
cmivre, l'argent ont échappé aux ilanmies et grAce à rintclli-
genle activité de M. l'abbé Druot, reparaissent au jour pour nous
donner sur les arts du xvn« siècle, sur le mobilier i-ural d'une
époque déjà lointaine, les documents les plus circonstanciés.
M. l'abbé Druot prend l'engagement de donner par écrit le
résumé précis et détaillé de sa communication, qui prendra
place dans le Bulletin de 1902.
La Société, sur la proposition de MM. Nargaud, Vaissier et
Gauthier, vote une s'ibvenlion de 50 francs pour la continuation
des fouilles de Chàtelueuf.
M. Vaissier continuant ses études sur l'arc antique de Porte-
Noire étudie le symbolisme des bas-reliefs qui décorent les
jambages ouïes colonnes de ce monument important et restitue
aussi bien par ses observations personnelles que par celles qui
lui ont été suggérées par l'éminent conservateur du musée de
Trêves, les sujets mylhologiques dont les sculpteurs du iii«
siècle ont illustré les membrures de l'arc romain : Dédale s'a-
daptant des ailes, Thésée assommant le Minotaure, etc Accom-
pagnée de planches habilement dessinées par le crayon, si
élégant et si exact de M. Vaissier, cette étude sur Porte-Noire
prendra un rang distingué dans les publications de la Société.
M. Gauthier fait passer sous les yeux de l'assemblée lin pré-
cieux manuscrit appartenant à la Bibliothèque municipale de
Vesoul (où il occupe le n<'2*26). C'est un « Recueil d'Antiquités
trouvées k Luxeuil •, dessinées et expliquées par Jean-François-
— XIV —
Melcliioi* Fonchiuse, compilé en 1778 et comportant soixante
planches de statues, bas-reliefs, statuetics. vases, gemmes et
médailles recueillis par les Bénédictins dans leur bibliothèque
ou par MM. Guin, Fabert, Prinet et Fonclause dans leurs cabi-
nets. Il y aurait à tirer de ce manuscrit dont M. le Secrétaire a
entrepris la copie, nombre d'observations archéologiques im-
portantes, en le confrontant avec les objets découverts depuis
1778 et conservés aux Bains de Luxeuil et dans diverses collec-
tions. Ce pourra être quelque jour l'œuvre de la Société d'Emu-
lation du Doubs.
Pour combler les vides faits par la mort récente de Messieurs
Edouard Grenier et du {général WoHT, ancien commandant
thi 7*^ corps, la Société, sur la proposition de son Bureau, élit
M.M. Bernard Prost, inspecteur général des Archives et des Bi-
l)liolhèques au Ministère de l'Instruclion publique, et Henri
Bouchot, conservateur du Cabinet des Estampes à la Biblio-
thèque nationale. Sortis tous (teux de l'Ecole nationale des
Chartes, collaborateurs distingués de la Gazette des Beaiu:-
Arts et de toutes les grandes revues d'archéologie et d'histoire,
ces deux compatriotes honorent la Franche-Comté h plusieurs
titres et le témoignage de sympathie que la Société d'Emula-
tion leur accorde n'est que l'expression bien légitime de l'es-
time due à leurs personnes et à lein-s travaux.
Sont élus :
Membre résidant :
M. Jean de Buykr, à Saint-Laurent (Besançon);
Membres correspondAnts :
MM. Gabriel Gensollkn, juge «Tins! motion à Gray,
Et le docteur Ilené Grenikh, médecin ih» la Grande Chancelr
lerie de la Légion d'honneur, à Paris.
Est présenté comme membre correspondant, par M. Ui cha-
noine Uossignot, curé de Sainte-.Madeleine, et M. .1. Gauthier :
M. l'abbé Jean-Victoi-Emile Fromono, curé de Crissey (Jura).
Le Président, Le Secrétaire,
D»- Nargaud. Jules Gauthier.
— XV —
Séance du i^ avril iOOi.
Présidence de M. le DoirrEua NARUAri)
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaudy président ; Vaissierj vice-présicJenl ;
Gauthier, secrétaire; Kirchner, archiviste.
Membres : MM. Blondeau, Bruchon père, Ceilatd, P, Drou-
hard, Lieffroy et Simonin, résidants.
M. le Président cotnniuniqiie à la Société les remerciements
îuiressés par MM. Hernard Prost, Inspecteur général des Ar-
chives et des Bibliothèques, et Henri Bouchot, Conservateur
du Cabinet des Estampes à la Bibliothèque nationale, nommés
nnembres honoraires; de M. de Buyer, nommé membre rési-
dant ; de MM. Gensollen et Hené Grenier, élus membres cor-
respondants. 11 dépose sur le bureau, au nom de M. le cha-
noine Rossipnot, une Monographie de l'église Sainte-Madeleine
de Besançon M. Filondeau est prié de faire un rapport sur cet
ouvrage.
M. le Secrétaire rend coniple du Congrès tenu à la Sorbonne
et à TEcole des Beaijx-Arts par les Sociétés savantes de pro-
vince ; trois lectures y ont été faites au nom de la Sociélé d'E-
mulation du Doutas par son Ser.rélaire : une sur Antoiruî Brun
au siège de Dole en 1636, à la section d'histoire; une sur l'Ej^liso
priorale de Uomain-McMior, à la sei;tiou d'archéologie ; une sur
le peintre Donat Nonnolle, à la section des beau.varts. Un
membre de la Société, M. le docteur Magnin, doyen de la P'acidté
des sciences, a fait îi la section des sciences d'importantes com-
munications. MM. Gautliieret Magnin ont été, à diverses reprises,
choisis comme assesseurs de différentes sections du Congrès.
M. Jules tiauthier communique à la Société le texte nïédit
d'un Voyage h Besançon accompli en 1776 par le professeur
strasbourgeois Jerémie-Jacques Oberlin (1735-1806). Cet érudit
consacra plusieurs journées à visiter Besançon, ses monuments,
ses érudils, ses collectionneurs, et recueillit dans ses Notes de
— XVI —
précieux détails sur les personnes, les manuscrits, les livres,
les œuvres d'art qu il eut l'occasion de fréquenter ou d'appré-
cier. Le P. Tiburce, capucin ; le notaire Viguier, le président
Chifflet lui montrèrent leurs collections d'histoire naturelle,
d'antiquités, de médailles, de livres. On lui fit bon accueil dans
la bibliothèque publique, fondée en 1694 à l'abbaye Saint-Vin-
cent par l'abbé Jean-Baptiste Roisol. Il y prit des notes sur di-
vers manuscrits latins ou grecs et sur divers morceaux de
sciilpture ou de pointure, en partie pcnlns aujourd'hui. La hi-
bliothôque et W cabinet du président Cliifflet attirèrent d'une
façon particulière son attention, qu'ils méritaient du reste, cjiv
les G,0(X) volumes qui s'y trouvaicMit (dont plus de 2(X) niantis-
<M'its), entrés dans les (Collections publiques e!i vertu des lois de
conlisc^ilion sur les émigrés, fnrnuMit, plus encore peut-être
que les manuscrits Granvelle, bi fonds \o plus intéressant de la I
bibliothèque actuelle de Besançon.
M. Gauthier donne, en complément du manuscrit d'Oberlin, I
qui mérite d'être publié, certains détails sur l'emplacement de |
l'hôtel du président Ctiifllet et sur les tableaux ou portraits I
restitués sous la Restauration au premier président Chifflet, fils
et héritier du contemporain d'Oberlin.
A la suite de la séance, est élu :
Membre currespondaat :
M. l'abbé Fromond, curé de Crissey (Jura).
Le Président, Le Secrétaire^
I)"* NAnr.AUD. JlJLKS (ÎAUTHIKU.
Séance du 10 mai iiHh2
PnKSiDKNCE i)K M. i,K DoirfKUR Nargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaud, président ; Ka/sj^ter, vice-président ;
Gauthier, secrétaire; Kirchner, archiviste.
— xvn —
Membres : MM. Berdellé^ Boname, Bonnet, Bourdin, Boussey,
Cellard, P. Drouhard, Girardoty V. Guillemin, Ledoux, Sou-
ehan, Thuriet^ de Truchy et 6. Vaissier,
M. Guillemin lit les premières pages d'une Etude sur la peinture
anglaise. Il met en relief rentrée tardive du grand pays industriel
dans le mouvement artistique, longtemps après que la France,
ritalie, TAllemagne et la Flandre eurent constitué de véritables
écoles et des groupements homogènes de peintres habiles et
novateurs. Hogarth, Josuah Reynolds, Gainsborough, Thomas
Lawrence, John Conslable, Wilkie, Mulready, sont tour à tour
étudiés dans leurs œuvres les plus caractéristiques et les plus
remarquables de la « National Gallery » et dans les tableaux
précieux qui sont entrés dans les collections de la ville de Be-
sançon par les legs Gigoux et Chenot. L'école anglaise est ra-
rement représentée dans nos musées français, elle Test mieux
à Besançon que dans la plupart de nos collections de province.
M. le docteur Bourdin communique à la Société une biogra-
phie de Guy-Michel de Lorges, duc de Randan, maréchal
de France, lieutenant-général au gouvernement de Franche-
Comté de 1741 à 1773. Mari de Mlle de Poitiers, une des plus
riches héritières de la province, le duc de Randan posséda la
plus grande fortune territoriale qui existât alors en Fraiielie-
Comté, formée par la réunion des domaines des NeucliAtel, des
LongAvyetdes Rye. Sa résidence lïivori te était le château do
Balançon, sur les bords de TOgnon, entre Dole et Pesmes, qui
fut durant de longues années le IhéAtre de fêtes célèbres et
Toccasion de réunions superbes, où la noblesse, l'armée et les
plus jolies femmes de la province étaient conviées. Très galant,
élevé du reste à bonne école dans la cour voluptueuse et dé-
cadente de la Régence et de Louis XV, le maréchal de Randan,
malgré ses défauts que de moins indulgents pourraient quali-
fier de vices, jouit de son temps, dans son entourage et dans le
ressort de son commandement, d'une réelle popularité. Son
nom et son portrait méritent de trouver place dans la chronitlûe
comtoise du xviii» siècle.
Une proposition relative aux collections Paris est déposée en
11
— XVIII —
Tabsence et au nom de M. EsMgnard, par le Secrétaire; en
voici la substance :
Naguère réunies à la Bibliothèque publique, dans une salle
qui portait le nom de • Cabinet Paris », et qui contenait
bronzes, marbres, antiquités, peintures, dessins de maîtres,
portefeuilles d'architecture et livres d'art, les collections for-
mées par le célèbre architecte bisontin sont aujourd'hui frac-
tionnées entre les divers musées et la Bibliothèque. M. Esti-
gnard émet le vqmi que les dessins et portefeuilles déposés à
la Bibliothèque, où leur existence est quasi ignorée du grand
nombre, soient exposés dans nos musées à côté des peintures
dues à la libéralité de Paris. Sans prendre, jusqu'à nouvel
ordre, parti dans la question soulevée par M. Estignard, la So-
ciété d'Emulation décide qu'elle déléguera trois de ses mem-
bres, MM. Vaissier, Ledoux etGirardot, pour examiner avec les
délégués de l'Académie de Besançon et de la Société des Beaux-
Arts, le vœu de M. Estignard et les moyens pratiques d'y don-
ner suite.
Le Président y Le Secrétaire,
b^ Nargaud. Jules Gauthieb.
Séance du i4 juin UHhJ.
PhKSlDENCE OE M. LE DOCTEUR NaRGAUD.
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaud, président; Vaissier, vice-président;
Gauthier, secrétaire décennal ; Fauquignon, trésorier; Kirch-
ner, archiviste.
M£.MBR£S : MM. Berdellé, Bourdin, Bruchon père, Girardot,
V. Guillemin, Ledoux et Souchon.
M. le président communique une aimable invitation de la So-
ciété d'Emulation de Montbéliard, priant la Société de se faire
représentera la réunion solennelle que nos voisins tiendront le
— XIX —
jeudi 19 juin; sont délégués à Montbéliard : MM. le président
Nargaud et le vice- président A. Vaissier.
L'échange de publications proposé par la Société des Anti-
quaires de rOuest est accepté, et l'on décide qu'une ou deux
séries de publications disponibles seront adressées, à charge
de réciprocité, au président des Antiquaires.
M. Victor Guilleinin continue la lecture de son Elude sur la
peinture anglaise et traite des peintres d'histoire, de genre, de
paysage, de portrait : Burnes-Jones, élève de Uusselli, Princeit,
Paul Falconer-Pool, Fredon Liegthun, Alma-Tadéma.
M. Gauthier fait passer sous les yeux des assistants un Livre
d'Heures enluminé, de la fin du xiv«* siècle, appartenant à la
Bibliothèque publique de Vesoul et inscrit sous le n" 27 des
manuscrits. Composé pour Catherine de Montbozon, femme d'un
chevalier de la Tour Saint-Quentin, il porte les armes de ces
deux maisons, et, grâce à ses vingt-cinq miniatures, de sujets
(rès variés, il fournit une contribution importante à l'histoire
du costume en Franche-Comté de 1300 à WH).
Citons, entre autres sujets de peinture de ce psautier : le
fiortrailde Catherine de Montbozon, en riche costume de châte-
laine; celui de Guyelte de Marnay, sa mère; celui d'un religi»Mix
vêtu de gris, scripteuret enlumineur probable du volume; puis
des archers s'exerçantà la cible sur le corps de saint Sébastien ;
saint Côme et saint Bamien inspectant les urines d'un client,
dans le costume médical de l'époque. Chacune de ces miniatures
est traitée assez môJiocrement et naïvement par le i)iiui6;au de
quelque artiste du crû. Dans la région franc-comtoise, si pauvre
en peintures anciennes, si dénuée de vitraux, de tapisseries,
d'émaux, objets qui foisonnent dans tant de provinces privilé-
giées, le Livre d'Heures de Catherine de Montbozon, ou de la
Tour-Saint-Quentin, prend un réel inléiél pour Ticoiiographie
locale.
Le Pré9ident, Le Secrétaire,
D»- Nargaud. Jules Gauthier.
— XX
Sëatice du i2 juillet i90'2.
Présidence de M. le Docteur Nargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. le !)•• Nargaud, président; A. Vaissier, vice-
président; GoHthier, i^ecrétaire décennal; Fauquignon, tréso-
rier.
Membres : MM. Cellard, V. GuiUemin, Ledoux et H. Savoye.
M. le président rend compte de la séance publique de la So-
ciété d'Emulation de Montbéliard, à laquelle il a assisté, le
29 juin, avec M. le vice-président Vaissier, et du bon accueil
réservé aux délégués de la Société d'Emulation. Ils ont été re-
çus avec la plus grande cordialité par nos bons voisins et amis
de ce petit Etat indépendant et très actif que constitue, au cœur
du département du Doubs, l'ancienne principauté que tour à
tour ont gouvernée les Montfaucon et les Wurtemberg. A la
séance publique, comme au banquet, les sentiments les plus
aimables et les plus sympathiques ont affirmé la bonne entente
de voisins qui rivalisent sur le terrain de l'érudition et de la
science, pour soutenir le bon renom du pays comtois.
L'Académie i\e Màcon propose un échange do publications,
que la Société d'Emulation s'empresse d'accepter, en tenant
lîompte et de l'intérêt des Mémoires publiés par cette Société
très estimée, et des vieux liens historiques qui rattaclient le
pays d'outre-Saône à l'ancien comté de Bourgogne.
M. le secrétaire décennal rend compte de l'envoi à la munici-
palité de Besançon du vœu déposé par M. Estignard pour l'ex-
position, au Musée de peinture, des beaux dessins du cabinet
Paris, déposés dans des cartons quasi ignorés de la Bibliothèque
publique. Il communique le vœu déposé dans la réunion des
délégués de l'Académie, de la Société des Amis des Beaux-Arts
et Arts industriels, de la Société des Architectes et de la Société
d'Emulation, pour que nulle restauration, nul outrage immérité
— XXI —
ne soit désormais infligé aux monuments de Besancon par un bon
plaisir administratif quelconque, et la décision prise de grouper
les quatre Sociétés en commission permanente de protection
des monuments bisontins. La Société d'Emulation, consultée,
ratifie la résolution prise, qui aura pour résultat, dès qu'une
maladresse ou qu'un projet fâcheux menacerait un de nos vieux
monuments, de faire entendre immédiatement d'énergiques
protestations. Dans ce cas, les bureaux et présidents des quatre
Sociétés agiront de concert, sans même consulter les Assem-
blées générales, qui leur donnent mandat à cet effet.
M. V. Guillemin termine la lecture de son Etude sur la pein-
ture anglaise, en esquissant rapidement les principales figures
des aquarellistes d'outre-Manche : Vernoii, Copley, Fielding et
autres. Ses conclusions finales tendent à constater la réelle dé-
cadence de l'art dans un pays que les intérêts matériels absor-
bent tellement que le sens du beau s'y altère et s'y réduit.
Après avoir fait connaître les plus intéressants parmi les ar-
tistes qui ont essayé de ralentir ou d'empêcher cette décadence,
M. Guillemin se réjouit de ce que le testament du peintre Gigoux
ait fait entrer dans les collections publiques de Besançon nombre
de toiles précieuses de la vieille et de la moderne école anglaise.
Après une convocation des membres de la Société à la pro-
chaine réunion de VAasociation franc-comtoise, qui aura lieu à
Gray le jeudi 7 août, la séance est levée.
Le Prèêident, Le Secrétaire ^
Dr Nargaud. Jules Gauthier.
Séance du 15 novembre i902.
Présidence de M. le Docteur Nargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaud ^ président; A. Vaissiery vice-prési-
dent; /. Gauthier^ secrétaire décennal; Fauquignon, trésorier;
Kirchner, archiviste.
— XXII —
Membres : MM. Bourdin, Boussey, Cellard, V. Guilleminy
Parizoty le chanoine Suchet, G. Vaissier,
M. le secrétaire nMid compte du congrès de l'Association
franc-comtoise, tenu à Gray le 7 août dernier, et auquel ont pris
part les huit Sociétés de la région, représentées par une partie
de leurs bureaux et par plus d'une soixantaine de leurs mem-
bres. Comme la réunion de Dole en 1899, comme celle de Mont-
béliard en 1901, celle de Oray en 19()2 a été un véritable succès
pour une œuvre de solidarité et d'entente, «lont la Société d'E-
mulation du Doulis a eu Tinltiative et dont elle recueille le bé-
néfice moral.
La Société Grayloise d'Emulation et son dévoué président,
M. Maire, ont apporté à l'oij^anisalion du Conjj^rès, à la prépa-
ration du banquet, i\{^s séances particulières, générales et pu-
bliques des sections et de l'Association tout entière, leur con-
cours le plus actif et le plus dévoué. M. le maire de Gray a
mis hôtel de ville et tliéàtre à la disposition des congressistes,
fait pavoiser en leur iionneur les monuments publics et pro-
noncé au banquet une ullocution des plus bienveillantes pour
l'œuvre et pour les ouvriers.
Des résolutions prises au Congrès, il en est deux à retenir :
l'adoption du plan et delà publication d'une Biographie franc-
comtoise, dont un spécimen paraîtra en 1903 ; la constitution
de l'Association en Société de protection des monuments franc-
comtois, déléguant k son bureau permanent l'initiative néces-
saire pour protester, en temps opportun, contre toute destruc-
tion ou mutilation d'un édifice du passé.
M. le trésorier, sur l'invitation du président, rend compte des
opérations administratives et financières qui ont fait entrer la
Société en possession du legs d'Edouard Grenier et ont préparé
la constitution du capital de la fondation des frères Grenier.
2,400 francs de rente roumaine ont été vendus et transformés,
par la Trésorerie générale du Doubs, en un titre de rente 3 o/o
de 1,508 francs, dont les arrérages se capitaliseront jusqu'à re-
constitution normale d'nne rente de 2,800 francs taux adopté
pour la pension triennale, dont la Société préparera prochaine-
ment les statuts et règlements.
— XXIII —
M. Jules Gauthier fait une communication sur la vie et l'œuvre
du peintre Jacques Prévost, de Gray, dont une courte notice,
signée du peintre Lancrenon, a paru en 1868 dans les Bulle-
tins de la Société. Depuis, grâce à des recherches poussées sur
divers terrains, on a retrouvé, en Bassigny et en Franche-
Comté, notamment à Dole et à Rahôn, six tableaux de Tartiste
dont on connaissait seulement, et fort mal, le curieux triptyque
de Pesmes, datant de 1361, et, en dégageant un certain nombre
de fçravures qu'on lui attribuait à tort, on est arrivé à constater
qu'il fut tout à la fois graveur, sculpteur et peintre. Entre 1542
et 1551, Jacques Prévost, qui avait été le protégé du cardinal
de Givry, évêque de Langres, fut employé par l'abbé de Saint-
Waast d'Arras à de nombreux travaux de peinture. Ce nom
d'Arras découvi-e un protecteur nouveau : Antoine Perrenot,
évoque d'Arras, qui fut pour les artistes de son pays et de son
temps une vérital)le providence, et dans la collection duquel, à
Besançon, on retrouve à la fois des tableaux, des bas-reliefe,
des statues de marbre ciselées par Prévost. Le triptyque de
Pesmes avec la Descente de croix, l'Annonciation, les volets
représentant les donateurs : Catherin May rot et Jeanne Le-
moyne, nous a heureusement conservé le portrait de Jacques
Prévost, assistant, recueilli, derrière les personnages officiels
de la mise au tombeau, au drame poignant du Calvaire. La bio-
graphie de Jacques Prévost, avec les éléments inédits qu'on
vient de réunir, éclairera d'un jour tout nouveau l'histoire des
arts en Franche-Comté au lendemain de la Renaissance.
Sont présentés, comme membres correspondants :
MM. Fernand Guignard, archiviste paléographe, à Dole;
André Mai^k^ étudiant en Sorbonne, à Paris.
Le Président, Le Secrétaire,
D«" Nargaud. Jules Gauthier.
— XXIV —
Séance du il décembre 1902.
Présidence de M. le Docteur Nargaud.
Sont présents :
Bureau : MM. Nargaud, président; A. Vaissier^ vice-prési-
dent; Fanquignon, trésorier; ATirc/tner, a rcliivisle .
Membres : MM. Bonnet, Cellard, docteur Cornet, V. Guitle-
min, Ledoux, Montenoise, Parizot, le chanoine Rossignot, H. Sa-
voy e, Souchon, résidant s.
M. le président expriniani tous les regrets de la Société de ce
que, pour raison de santé. M. Jules Gauthier ne puisse assister
à la séance, M. Alfred Vaissier le remplacera comme secrétaire.
Après lecture du procès-verbal de la dernière réunion, il est
donné lecture, des réponses faites aux invitations à la séance
publique du lendemain.
L'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon
sera représentée par son président, M. Boutroux, professeur à
la Faculté des Sciences.
M. le docteur Dufour, notre hôte habituel en cette solennité,
fait part de tous ses regrets d'èire obligé de renoncer, pour
cette semaine, au plaisir d'être des nôtres en raison de l'état
de santé de quelqu'un qui lui est cher.
En réponse aux invitations aux membres honoraires ,
M^' Petit espère, sans pouvoir prendre d'engagement, assister
jeudi à la séance publique. Soit en raison d'engagements anté-
rieurs ou de nécessités de service, M. le Général commandant
le 7e corps d'armée, M. le Premier Président, M. le Préfet, M. le
Recteur, et M. l'Inspecteur d'académie, regrettent de ne pouvoir
assister à la séance publique. Toutefois, M. le Préfet charge
M. Cosson, conseiller de préfecture, de le représenter, et M le
Général délègue à cet effet un de ses officiers d'état-major.
M. Baigue, maire de la ville, en mettant à notre disposition
la grande salle de l'ilôtel de Ville pour la tenue de la séance,
— XXV —
exprime également tous ses regrets de ne pouvoir y assister,
retenu par des engagements antérieurs.
M. le trésorier Fauquignon soumet à la Sociétés les comptes
de Tannée. Ces comptes sont approuvés, ainsi que le projet de
budget pour 1903, proposé par lui au Conseil d'administration
de la Société.
Projet de budget pour Tannée 1903.
Kecettks.
1. Subvention du département du Doubs .
2. — de la ville de Besançon. . .
3. Cotisations des membres résidants. . .
4. — — correspondants
5. Droits de diplômes, recettes accidentelles
6. Intérêts du ciipital en caisse et rentes .
Total. .
300 fr.
400
1.250
450
80
3.080 fr.
DÉPENSES.
1. Impressions 2.500 fr.
2. Frais de bureau, chaufTage, éclairage et aménage-
ments 100
3. "Frais de séance publique 100
4. Traitement et indemnité pour recouvrements à
Tagent de la Société 200
5. Crédit pour recherches scientifiques 180
Total 3.080 fr.
De chaleureuses félicitations sont adressées par M. le prési-
dent et la Société entière à son trésorier pour l'excellente et
dévouée gestion de ses finances.
Procédant à ses élections pour le renouvellement du bureau,
la Société nomme, par acclamation, à Tunanimilé, les membres
dont les noms suivent :
— XXVI —
Bureau pour 1 année 1003.
Président annuel : M. Edmond Francey , avocat , vice-prési-
dent du Conseil générai du Doubs.
Premier vice-président : M. le docteur Nargaud, président
sortant.
Deuxième vice-président : M. Maurice Thuriet, avocat géné-
ral à la Cour d'appel.
[Secrétaire décennal : M. Jules Gauthikr. archiviste du dé-
partement. )
Vice-secrélaire : M. Aifrod Vaissier, conservateur du Musée
archéologique.
Trésorier : M. Fauquignon, receveur lionoraire des Postes
et Télégraphes.
Archivistes: MM. KiRCHXER et MaldiiNEV.
Après cette élection, qui assure à TAssociation, comme pré-
sident et vice-président, deux de ses membres les plus distin-
gués et les plus honorables, MM. Francey et Thuriet, M. le
président informe la réunion que le bureau s'est rendu, au
mois d'août dernier, auprès de M. Francey, pour le féliciter de
sa récente nomir)alion comme chevalier de la Légion d'hon-
neur, et lui exprimer la satisfaction et les sympathies de la
Société entière.
En l'absence de M. Gauthier, sous ce titre : Lettres d'un in-
connu à Edouard Grenier ^ M. l'avocat Montenoise communique
une intéressante correspondance, à la fois littéraire et intime,
adressée à notre regretté compatriote par une femme-écrivain
d'un réel talent. Ces lettres, remplies souvent par raclualité,
sont tracées d'une plume alerte, sans répétitions, sans exagé-
rations . avec un sentiment très délicat de la nature et des
nuances très variées pour peindre sensations et sentiments.
Cette inconnue, dont on peut facilement soulever le voile, est
une Parisienne, très éminente par le caractère, l'éducation, le
talent, qui mourut récemment, et dont l'amitié fidèle et tendre
entoura les vieux jours du poète Grenier de sympathie et d'af-
fection, € bien excusée, disait-elle, de ses prévenances, par les
cheveux blancs de tous deux ».
— XXVII —
M. le président ainsi que la réunion remercient MM. Gauthier
et Monlenoise de celte communication d'un réel intérêt.
On procède ensuite h la présentation et à l'élection de nou-
veaux membres résidants et correspondants.
Membres résidants :
M. Rouget, directeur de l'Ecole normale de Besançon, pré-
senté par MM. Nargaud et J. Gauthier;
M. F^KRNARD, pharmacien, présenté par MM. Nardiii et Fau-
qui^non ;
M. l'abhé Outhenin-Chalandre, directeur de la mission
d'Ecolo, présenté par M.M. l'arcliiprêlre lUirlet et J. Gauthier.
Membres correspondants :
M. Charles Kain, ancien conseiller de préfecture du Rhône, h
Champvans-les-Baun}e (Doubs), présenté par MM. J. Gauthier et
Thuriel;
M. André Maire, étudiant à la Sorbonne, présenté par MM.
J. Gauthier et A. Vaissier.
Le Président J Le Secrétaire,
\)r Nargaud. a. Vaissier.
Séance publique du iS décembre i90^.
Présidence de M. le Docteur Nargaud.
La séance s'ouvre à deux heures précises de l'après-midi,
dans la. grande salle de l'Hôtel de Ville, devant un auditoire où,
malgré un très mauvais temps, les dames sont en majorité.
Aux côtés de M. le président, siégeaient sur l'estrade :
Mff' Petit, archevêque de Besançon ; M. Cosson, conseiller
de préfecture, représentant M. le Préfet; M. Spire, capitaine
— XXVIII —
d'élat-major, représentant M. le général Dessirier, comman-
dant le 7« corps d'armée, et M. Boutroux, professeur à la Fa-
culté des Sciences, président de l'Académie de Besançon. M. le
vicaire général Laugant accompagnait Monseigneur l'arche-
vêque.
Etaient présents les membres résidants dont les noms sui-
vent :
MM. DE Beauséjour, Boussey, Ch. Bonnet, H. Bruchon,
docteur Cornet, Gellard, Kkancky, Fauquignon, Victor
GuiLLEMiN, Kirchner, docleur Ledoux, II. Mairot, Parizot,
H. Savoye, Alfred et Georges Vaissier.
Ordre des lectures :
io Là Société d'Emulation du Doubs en i902, par M. le doc-
teur Nargaud, président;
2o Porte-Noire et ses Commentateurs, par M. Alfred Vaissier;
30 L'Enfance d'Edouard Grenier, par M. Jules Gauthier
(lecture faite par M. l'avocat Montenoise).
La séance est levée à trois heures et demie.
Le Président, Le Vice-Secrétaire,
D"" Nargaud. A. Vaissier.
— XXJX —
BANQUET DE 1902
Le soir, dans les salons de M. Colomat, un dîner intime, au-
quel assistait un seul invité officiel, M. Boutroux, président de
r Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon,
réunissait trente convives, parmi lesquels les mem^)res du bu-
reau de la Société d'Emulation et nombre d'anciens présidents
et membres dévoués de l'Association.
Au dessert, des toasts sont portés par M. Nargaud, président
sortant, par M. Francky, président nouveau, par M. Boutroux.
président de l'Académie de Besançon ; puis M. Vaissikr donne
lecture d'une pièce de vers, avec envoi, de M. Jules Oauthikr,
secrétaire décennal, retenu par une sérieuse indisposition,
La carte du menu, illustrée par les soins de M. Vaissikr,
portait l'effigie du cardinal de Granveile, d'après le portrait du
Gaëtano, et le texte d'un sonnet adressé par le Tasse au fameux
cardinal, son protecteur .
Toast de M. le docteur Nargaud. 2)ré8idnil annuel.
Messieurs,
Une des prérogatives présidentielles des plus agréables et
des plus enviables est, sans contredit, celle qui consiste à sa-
luer aujourd'hui les aimables convives qui, répondant à notre
invitation, ont bien voulu assister ce soir î'i cette fête de famille.
Et, tout d'abord, ce serait oublier les convenances les plus élé-
mentaires et certainement faire injure aux saines traditions de
la politesse française que de ne pas remercier ici les hauts di-
gnitaires qui ont honoré de leur présence notre séance publique
et par là même en ont rehaussé tout l'éclat : j'adresse donc à
ces Messieurs l'expression de nos hommages les plus respec-
tueux, les plus affectueux et les plus sincères.
Monsieur le président dé l'Académie, à votre banquet armuel,
' où j'ai eu l'honneur d'être convié, à litre de représentant de la
— XXX —
Société d'Emulation, j'ai tenu à vous déclarer combien nous
avions à cœur d'entretenir vivaces les rapports de bonne har-
monie et de respectueuse déférence qui nous unissent à l'émi-
nente assemblée, élite intellectuelle de notre province. Permet-
tez-moi donc, en vous renouvelant ici l'expression des mêmes
sentiments, de remercier l'Académie d'avoir désigné, pour la
représenter à cette réunion, la haute personnalité de son pré-
sident.
Un dernier mot. Messieurs. Quand vous m'avez appelé, Tan
dernier, à l'honneur insigne de diriger vos travaux, je n'étais
pas sans éprouver les plus vives appréhensions en face du lourd
fardeau qui semblait m'incomber. Je m'empresse d'ajouter que,
grâce à votre extrême indulgence, et grâce surtout à l'exquise
bienveillance du personnel du bureau, ces craintes, ces terreurs
chimériques se sont rapidement dissipées; aussi, je confesse
sincèrement et en toute humilité, que, pendant que tous étaient
à la peine, j'ai dû me contenter d'être seul à l'honneur. Je ne
saurais donc trop vous témoigner mes sentiments de profonde
gratitude. Cependant, je crois déjfi m'acquit ter d'ime partie de
la dette de reconnaissance contractée envers vous en cédant
la place à mon vieil ami Francey, dont il est superflu de faire
l'éloge, et qui, puissamment secondé par un auxiliaire aussi
précieux que M. l'avocat général Thuriet, saura porter haut et
ferme le drapeau de notre Association.
C'est dans ces sentiments. Messieurs, que je lève mon verre
en l'honneur de vous tous, et, en portant votre santé, je bois à
la prospérité éternelle de la Société d'Emulation du Doubs. Je
n'aurais garde, dans ce salut confraternel, d'oublier notre dévoué
secrétaire décennal, dont nous déplorons tous ici l'absence à ce
festin intime, et à qui nous souhaitons, de tout cœur, un prompt
rétablissement.
Toast de M. Francev, préaident élu pour i903.
Messieurs,
Lorsque M. Jules Gauthier, notre dévoué secrétaire décennal,
me fit connaître votre intention do m'élire président de la Société
— XXXI —
et me demanda mon assentiment, j'éprouvai un mouvement
d'hésitation.
Ce très grand Jionneur ne revenait-il pas à beaucoup d'autres
plus dignes, à des hommes connus par leur science et leurs
travaux?
Ensuite, comment remplacer mes honorables prédécesseurs
et notamment M. le président Nargaud, dont les discours et les
écrits sont toujours empreints d'un esprit si fin et si éclairé?
Avec quel art, en quels termes charmants il vous a fait aujour-
d'hui le récil des travaux et des progrès de la Société d'Kmula-
tion pour l'année qui vient de s'écouler? Avec quelle amabilité
il a parlé à ses auditeurs, et notamment à votre modeste nou«
veau président, dont il a fait un éloge inspiré sans doute par
une ancienne amitié, mais que celui-ci est obligé d'accepter
sous réserves.
Je ne vois, en effet, pas d'autres titres pour moi à la prési-
dence que mon ancienneté et mon dévouement à la Société.
Oui, je suis un ancien, mais qui n'a jamais pris une part très
active à vos travaux, se bornant le plus souvent à une lecture
attentive et fort intéressante de votre publication annuelle.
C'est donc mon dévouement que vous avez voulu récompen-
ser, et je vous en remercie du fond du cœur. Dévoué je suis à
cette Société, toujours belle malgré sa vieillesse et surtout à
cause de sa vieillesse, toujours alerte dans la voie du progrès
des arts, des lettres et des sciences, cette Société qui compte
des savants dont la Franche-Comté et môme la France s'ho-
norent.
Je m'efforcerai, avec les vice-présidents émériles que vous
avez bien voulu m'adjoindre, avec les membres du bureau, dont
les noms seuls suffisent à entretenir la renommée et l'éclat de
notre Société, à maintenir les traditions qui ont a.ssuré ses
succès passés et présents.
Je lève mon verre en l'honneur du président sortant, des
membres du bureau, de vous tous, Messieurs, qui contribuerez
à assurer les succès futurs !
k
XXXIÎ
Toast prononcé par M. Boutroux, président de l'Académie.
Messieurs,
Je remercie cordialement M. le président des aimables paroles
qu'il vient de prononcer à l'adresse de l'Académie, que j'ai
l'honneur de représenter aujourd'hui. Je puis vous assurer.
Messieurs, que la sympathie qu'elles expriment est absolument
réciproque.
Je trouve que les Sociétés comme l'Emulation du Doubs et
l'Académie rendent plus de services qu'elles ne semblent. Au-
jourd'hui toutes les branches de connaissance ont pris ijne telle
extension que le travailleur est obligé de se spécialiser de
bonne heure, et alors il est exposé à subir peu à peu une cer-
taine déformation professionnelle de l'esprit. Mais s'il s'associe
à d'autres personnes qui travaillent sur d'autres sujets, s'il
vient de temps en temps entendre de charmantes choses comme
celles que nous avons eu le plaisir d'entendre aujourd'hui, il
sort, malgré lui, du cercle restreint où sa pensée était enfer-
mée; il s'habitue à prendre intérêt à des productions étran-
gères à sa spécialité, et échappe ainsi au danger de voir son
esprit se rétrécir de plus en plus avec le temps.
Je lève donc mon verre à l'union fraternelle, dont TEmulation
du Doubs comme l'Académie donne l'exemple, entre tous ceux
qui savent dérober au labeur quotidien de la vie pratique quelque
temps pour s'adonner à la culture désintéressée d'une science
ou d'un art quelconque, sans autre mobile que le goût des
choses de l'esprit.
A la Société d'Emulation du Doubs,
A son très distingué président, M. le docteur Nargaud.
— XXXIll —
Pièces de vera de M. Julks Gauthier, êeerétaire décennal
{lues par M. Alfred Yaissier).
Besançon, 18 décembre 1iX)2.
C'est avec tristesse vraiment
Qu'au fond d'un lit où je végète,
Quoiqu'il pleuve et fasso grand vent,
J'éprouve un très réel tourment
A déserter un jour de fête.
C'est bien malgré moi, ci'oyez bien.
Et si j'avais bon piedy bon œil,
Rien ne m'arrêterait, non, rien,
Malgré ce véritable temps de chien,
Pour courir vous faire bon accueil.
Marcher, courir, je ne l'ai pu :
Malgré nos excellents confrères
Docteurs et chirurgiens, j'ai dû.
Sans être absolument perdu,
Dire adieu à toutes affaires.
C'est alors que, sans prendre vert,
Vaille que vaille j'ai pondu.
Pour vous être lus au dessert.
Après la salade, ces vers.
Soyez indulgents au perclus !
— XXXIV —
LES VOLONTAIRES DE 1792
( SOUVENIRS DE FAMILLE )
Quaad Tancien régime régnait,
Sous Louis Quinze et Louis Seize encor,
Le soldat, surtout s'il était
Roturier, rarement gagnait
Les épaulettes à franges d'or.
Ce hasard Ijeureux vint pourtant
Au cousin de feu mon grand-père,
Lequel, en mil sept cent et... tant
(Ceci ne fait rien à TalTaire),
Fut un jour nommé lieutenant.
C'était un dragon. A la guerre
Il s'était battu bravement;
Blessé, il revint chez son frère
En congé, et incontinent
Se mit au lit, le pauvre hère!
Les jours passaient, et sa langueur,
Rebelle à toute médecine,
Ne fit que croître, et sa maigreur,
Sa chétive et bien triste mine.
Faisaient présager un malheur.
Un soir, un exempt apporta
Un grand pli aux armes de France;
Le lieutenant se souleva
Sur son chevet et déchira
Cette enveloppe d'ordonnance.
« C'est un brevet de capitaine :
» Vive le Roi! » Et puis il tend
La lettre à son frère : « Tu m'entends,
» Le Roi m'envoie, c'est bien la peine,
» Du pain... quand je n'ai plus de dents! i>
— XXXV —
Au cimetière on conduisit
Le pauvre homme dans la huitaine,
Et de sa carrière lointaine,
Des faits d'armes qu'il accomplit,
Rien ne survit au capitaine.
Dix ans ont passé : la Patrie
Appelle tous ses défenseurs
A la frontière dégarnie.
Pour repousser la tyrannie
Et combattre les oppresseurs.
Les volontaires, en ces alarmes,
Sortent du sol et à grands cris.
Tous les hommes courent aux armes;
Partout s'enrôlent aux districts
Les vieux soldats et les conscrits.
Pris d'une idée singulière,
L'héritier de notre dragon
Prend l'uniforme de son frère :
Casque, épaulettes, ceinturon,
Monte à cheval et part en guerre.
Sous ce brillant harnais, il roule
De Thoraise jusqu'à Quingey,
Et les volontaires en foule,
Electeurs, crient dans la houle :
Vive le commandant Biget!
Et, tambours battants, jusqu'au Rhin,
Le bataillon de volontaires,
Biget en tête, prit soudain
La marche, et, l'épée dans les reins,
Culbuta tous ses adversaires.
Huit ans durant Biget marcha.
Sacrant et sabrant, comme un sourd;
Huit ans son bataillon trembla
Sous sa rude main ; au combat
Sa voix dominait le tambour.
— XXXVl -—
Mais voilà que de Bonâpaile
Le génie apparut, divin !
Adieu vieux jeu et vieille carte,
Des volontaires le destin
Finit. Il faut que Biget parte.
Retraité, avec compliments,
Il se retire en son village
Et lit philosophiquement
Le récit des événements
Qu'alors l'Empereur met en page.
Et chaque fois qu'un Te Deum
De victoire se chante à l'église,
En uniforme le brave liomme,
Qui de combats encor se grise,
Fêtait la Redingote grise.
Jules Gauthier.
MÈMUIRKS
LA
SOCIÉTÉ DlMULATlOiN DU DOUBS
EN 1902
Discours d'ouvertare de la séance publiqoe da jeudi 18 décembre
Par M. le Docteur NARGAUD
PRÉSIDENT ANNUEL
Monseigneur (i),
Mesdames,
Messieurs,
Chaque année, à pareille époque, il est d'usage que la So-
ciété d'Emulation du Doubs procède au recensement du tra-
vail accompli et que son Président vienne, à cette séance
publique, en faire l'exposé sommaire qui puisse permettre
d'en apprécier l'importance et la valeur. C'est donc à moi
qu'incombe aujourd'hui la mission délicate de remplir cette
tâche ; aussi, en adressant à tous mes collègues l'expression
de mes sentiments de profonde gratitude de l'honneur abso-
lument immérité qu'ils m'ont fait en m'appelant à la direction
de leurs travaux, j'escompte en même temps la bienveillance
d'un auditoire d'élite capable de supporter sans trop de fa-
tigue l'aridité de leur nomenclature. Votre présence parmi
nous, Monseigneur, Mesdames et Messieurs, est du reste un
sûr garant de l'intérêt que vous n'avez jamais cessé de té-
moigner à notre Association, ce qui nous autorise à vous
(1) Mil' Petit, archevêque de Besançon.
— 2 —
considérer comme étroitement unis à elle par une commu-
nauté de sentiments, d'estime et de sympathie, et nous im-
pose en retour Tagréable mais périlleux devoir de vous sou-
mettre le compte rendu des résultats obtenus et des progrès
réalisés pendant Tannéequi «'achève.
En jetant un rapide coup d'œil sur le tableau qui va se dé-
rouler sous vos yeux, j'ai tout lieu d*espérer que votre indul-
gence reconnaîtra que nous nous sommes montrés dignes
de la confiance de nos concitoyens, de la sollicitude toute
spéciale des représentants les plus éminents des pouvoirs
publics dont Tassiduité à nos réunions annuelles, tout en re-
haussant l'éclat de l'assemblée, constitue pour nous la plus
haute et la plus enviable des récompenses.
Depuis plus de soixante ans qu'elle existe, la Société d'E-
mulation du Doubs a fait preuve d'une vitalité toujours crois-
sante, d'une activité et d'une^ ardeur infatigables à la re-
cherche des documents de toute sorte destinés à enrichir son
patrimoine scientifique. Les nombreux mémoires qu'elle a
publiés dès sa fondation et qu'elle publie encore sont là pour
l'attester; ses bulletins ofliciels autorisent à prévoir d'avance
ce que le monde savant est en droit d'attendre de sa bonne
volonté.
En 1902 les séances de la Société ont bénéficié des travaux
suivants :
Notre excellent confrère, le docteur Albert Girardot, nous
a communiqué une notice des plus intéressantes sur Alfred
Milliard, le bienfaiteur de notre musée archéologique. Après
avoir achevé ses études de droit à Paris, Milliard s'était oc-
cupé beaucoup de littérature et de poésie, avait écrit dans
des revues littéraires et publié deux volumes de vers remar-
qués. De retour dans son pays natal, à Fédry (Haute-Saôncl,
sans abandonner les lettres il s'adonna plus particulièrement
à l'archéologie et surtout à l'archéologie préhistorique. Il eut
la bonne fortune de rencontrer aux environs de son village
plusieurs stations des âges de la pierre qu'il explora et étudia
— 3 —
avec beaucoup de patience et de sagacité. Les collections
d'armes, d'instruments et d'ustensiles divers qu'il y a re-
cueillis ont une valeur très appréciable. En les donnant au
musée de Besançon il lui a fait un legs précieux, d'autant
plus que notre musée était jusqu'ici assez pauvre en objets
de ce genre provenant de notre province.,
M. l'abbé Paul Druot, curé de Voillans (Doubs), a écrit
pour nous un mémoire archéologique sur une curieuse
cloche cTu xv« siècle qu'il a découverte dans le clocher de son
église. Ayant déchiffré les inscriptions gothiques, le sceau et
les armoiries imprimés sur les flancs de ce bronze, il a pu
en déterminer Torigine exacte, grâce aux archives des Dames
de Baume, d'où il provient.
Le docteur Henri Bruchon, fouillant les archives médicales
du xvii* siècle, nous a fait revivre la portrait d'un Esculape
très considéré à l'époque, le docteur Jean Gavinet, qui fut
un des bourgeois les plus notables de Besançon. Il a écrit
un livre de raison où sont notés chaque année les traits
marquants de sa carrière, les événements contemporains
dignes d'intérêt soit dans la vie de la cité, soit dans l'histoire
de l'Empire ou même dans l'histoire de la France . Les éphé-
mérides de cette autobiographie permettent de reconstituer
la vie d'un praticien aimé et estimé de ses plus illustres con-
citoyens et qui fut en môme temps pendant de longues an-
nées (1626-1641) un de nos premiers magistrats municipaux.
M. l'avocat général Maurice Thuriet, qui, d'emblée, a su
conquérir une place distinguée parmi nos collaborateurs,
nous a donné lecture d'une communication fort attrayante
sur le garde des sceaux Courvoisier (qui fut lui aussi avocat
général à la Cour d'appel de Besançon) en nous décrivant la
carrière brillante et très mouvementée d'un magistrat franc-
comtois des plus célèbres.
Celte notice très précise quoique très concise est destinée
à la Biographie franc comtoise qui paraîtra prochainement
sous les auspices des Sociétés savantes de notre région.
- 4 -
Digne émule de M. le curé de Voillans, dont il porte le
nom et dont il professe la sympathie pour les recherches ar-
chéologiques, M. labbé Hermann Druot, ancien professeur
au séminaire de Consolation, nous a présenté un compte-
rendu très instructif des fouilles et des découvertes faites sur
son initiative et par ses soins dans les ruines du château de
Châtelneuf-en-Vennes qui dominent les sources et les cas-
cades du Dessoubre et du Lançot.
Sous son intelligente direction, les élèves du séminaire ont
consacré les loisirs de leurs récréations à creuser et fureter
dans les décombres du vieux castel féodal, pour exhumer une
collection considérable d'objets variés ; instruments aratoires,
armes, mousijuets, outils de toute nature, médailles, objets
liturgiques qui nous donnent des renseignements précieux
sur les arts du xvii« siècle.
M. Alfred Vaissier, dont la compétence en matière archéo-
logique est bien connue de tous, continuant ses études sur
Tare antique de la Porle-Noire, a expliqué le symbolisme des
bas-reliefs qui décorent ce superbe monument, sans contredit
la plus remarquable des curiosités de notre ville, peut-être
même de notre pays. Avec une sagacité merveilleuse, il a
déchiflré, comme on disait naguère, Ténigme du sphinx et
déchiré, aux yeux des profanes, le voile mystérieux et impé-
nétrable d'un édifice grandiose, érigé en glorification de la
puissance romaine, dont s'enorgueillit notre cité, fière de
posséder un des chefs d'œuvre de l'architecture du m* siècle.
M. le docteur Bourdin, médecin-major au 7* bataillon de
forteresse, un de nos nouveaux collègues, qui consacre les
rares loisirs de sa profession à des études du plus haut inté-
rêt, non seulement au point de vue de la santé publique,
mais aussi dans le domaine des sciences, des lettres et dos
arts, nous a cummuni(|ué une étude très appréciée sur le
maréchal duc de Randan, lieutenant général du gouverne-
ment de Franche-Comté, de 1741 à 1773. Le duc de Randan
était le petit-fils du maréchal duc de Lorges, ancien gou-
^ 5 —
verneur de la province et fils de Gui-Nicolas de Durfort et
de Thérèse de Chamiilard, fille de fun des ministres de
Louis XIV.
Colonel à i9 ans, il prit part à toutes les actions militaires
de son époque et fut appelé, en 1741, au commandement
en second de la Franche- Comté, quMl conserva jusqu'à sa
mort.
Princièrement installé à Besançon dans l'hôtel du com-
mandement (ancien Hôtel Montmartin, occupé aujourd'hui
par les dames du Sacré-Cœur), il possédait aussi le château
de Balançon par suite de son mariage avec Mlle de Poitiers,
héritière de la maison de Rye. Son taste et son luxe sont res-
tés légendaires et les fêtes splendides qu'il donna, tant à
l'hôtel du quartier général qu'en son merveilleux château où
toute la noblesse était conviée, témoignent hautement de son
respect absolu pour les traditions aristocratiques de cette
époque et aussi du vigoureux essor imprimé au commerce
de notre ville, qui bénéficia largement de son administration.
Aussi le nom de Durfort, de Randan, de Lorges, de Duras
est-il écrit en lettres d'or à l'armoriai de notre province.
M. Victor Guillemin, dans une étude très documentée sur
la peinture anglaise, a mis en relief l'entrée bien tardive de
ce grand pays industriel dans le mouvement artistique. De-
vancée depuis longtemps par les écoles italienne, flamande,
française et allemande, fécoie anglaise n'en compte pas
moins dans son sein une pléiade d'artistes originaux dont les
œuvres remarquables méritent à bon droit de fixer l'atten-
tion. Nous voyons défiler Hogarth, Thomas Law^rence, Gains-
borough qui ont enrichi de leurs productions la National
Gailery^ ainsi que les tableaux précieux ofîerts à nos musées
par les legs Gigoux et Chenot, dont les richesses se trouvent,
par là même, considérablement augmentées.
Enfin, M. Jules Gauthier, notre érudit secrétaire dr'»cennal,
digne successeur d'Auguste Castan, à jamais regrellé, s'est
prodigué comme de coutume dans ses recherches vraiment
— 6 —
fébriles et dans des attrayantes publications. Je vous signa-
lerai à son actif :
io Une étude sur l'église romane de Romain-Motier, bâtie
au canton de Vaud, près de la frontière française de Jougne
et Vallorbes. Ce spécimen de Tarchitecture monastique du
XII» siècle est bien conservé, presque intact, moins les ab-
sides et certain porche ajoutés aux xiii®-xv* siècles. Romain-
Motier, Saint-Maurice de Jougne et Sainte-Ursanne, groupés
sous le titre de Trois Eglises romanes du Haut-Jura, fourni-
ront un chapitre intéressant à l'archéologie de la région.
2<> Une notice sur le peintre bisontin Donat Nonnotte (4708-
1785), fils d'un vigneron de larue Saint-Paul. Après quelques
études préliminaires, Nonnotte se rendit à Paris et à Ver-
sailles, où il devint Télève et le collaborateur du peintre du
roi, François Lemoyne. Ce fut un des meilleurs portraitistes
du règne de Louis XV. I/église de la Madeleine possède de
lui une Sainte-Famille datée de 1728, et nos musées son por-
trait et celui de sa femme qui témoignent d'un habile pin-
ceau mis au service d'un talent incontesté.
3o Une note sur un joli bronze grec provenant de l'acadé-
micien Prosper Mérimée, retrouvé rue de Lille dans les dé-
combres de la maison incendiée par la Commune, qu'habi-
taient Mérimée et Edouard Grenier, offert au musée de
Besançon par les héritiers du poète.
4* Une autre note sur un torse de Vénus pudique, en
pierre, du xvi' siècle, trouvé à Jougne dans les ruines de la
maison de l'écuyer Ferlin, contemporain et ami des Gran-
velle.
5* Une note sur le Recueil d'antiquités romaines de
Luxeuil, dessinées et décrites par Jean-François-Melchior
Fonclause. en 1778, et qui, comparées aux objets découverts
depuis, enrichissent encore le domaine de l'archéologie.
6^ Le compte rendu d'un voyage accompli à Besançon, en
1776. par le professeur strasbourgeois Jacques Obertin. Cet
érudit consacra plusieurs journées à visiter notre ville, ses
— 7 —
monuments, ses musées, sans oublier les savants d'alors qui
Taccueillirent avec les plus grands égards.
La bibliothèque et le cabinet du président Chitïlet attirèrent
plus particulièrenïent son attention bien méritée du reste,
étant donné que le groupe important des ouvrages qui s'y
trouvaient (6000 volumes) constitua, en 1792, le fonds le plus
important de la Bibliothèque actuelle de Besançon.
7'* Enfin une étude sur le costume h Besancon à la fin du
XIV* siècle d'après le Livre d'heures de Catherine de Mont-
bozon, femme d'un chevalier de la Tour de Saint-Quentin.
Les miniatures qui décorent le psautier, orné des armoi-
ries des deux maisons, fournissaient une contribution très
précieuse à l'histoire du costume en Franche-Comté à cette
époque.
Tel est. Monseigneur, Mesdames et Messieurs, le tableau
sommaire des travaux du savant préposé à nos archives,
vous pensez sans doute avec moi que tout commentaire se-
rait superflu.
Toujours soucieuse des intérêts de la province, la Société
d'Emulation, de concert avec les trois Sociétés savantes de
notre ville. Académie, Société des Beaux-Arts. Société des
Architectes, a adopté avec empressement un projet dû à
l'initiative de M. Estignard et relatif au transfert des collec-
tions de dessins de l'architecte Paris au musée, dans une
salle spéciale qui prendra le nom de éalle Paris. Ces collec-
tions reléguées jusqu'ici à la bibliothèque restaient ignorées
de la grande majorité du public. En les exposant au grand
Jour, c'est tout à la fois rendre hommage à Téminent artiste
bisontin et permettre à chacun d'apprécier des trésors artis-
tiques jusqu'ici presque inconnus.
Comme corollaire de cette sage résolution, les quatre So-
ciétés, d'un commun accord, se sont groupées en commission
permanente de protection des monuments artistiques de
notre cité et du déparlement du Doubs.
En terminant cette revue, je dois vous informer que le bu-
— 8 —
reau de la Société, représenté par son président et son vice-
président, s'est rendu, comme de coutume, à l'aimable invi-
tation de la Société d'Emulation de Montbéliard pour assister
à la séance publique qui a eu lieu, le 19 juin dernier, au mu-
sée de cette ville. Nous y avons entendu des lectures très
instructives sur les origines de cette principauté tour à tour
gouvernée par les Montfaucon et les Wurtemberg, puis sur
les fouilles pratiquées à Mandeure, d'où furent extraits des
bronzes et des objets d'art merveilleux qui, après un som-
meil léthargique dans les sous-sols de l'ancienne cité ro-
maine, resplendissent aujourd'hui dans de superbes vitrines
disposées en leur honneur. Au banquet qui a couronné la
séance, les sentiments les plus cordiaux et les plus sympa-
thiques ont affirmé hautement la bonne harmonie et l'étroite
solidarité qui unissent les deux Sociétés liées par une véri-
table fraternité d'armes sur le champ de bataille du travail,
de la science et du progrès.
Je suis heureux et fier d'adresser nos félicitations à plu-
sieurs membres de notre Société qui ont été l'objet de dis-
tinctions flatteuses pendant l'année 1902.
M. Joubin, doyen de la Faculté des sciences, conseiller
municipal, a été nommé recteur de l'académie de Chambéry.
Obligé de nous quitter pour se rendre à ce poste éminent,
M. Joubin nous permet d'espérer qu'il sera toujours un de
nos fidèles, et je suis sûr d'être votre interprète en lui sou-
haitant de tout cœur un prompt retour au milieu de nous.
M. le docteur Girod, un de nos concitoyens, a été nommé
directeur de l'école de médecine de Clermont-Ferrand.
C'est là un témoignage éclatant de l'estime et de la consi-
dération que notre compatriote a su conquérir à Clermont
aussi bien que dans sa ville natale.
Enfin, comme couronnement de ces promotions, notre
vice-président, M. l'avocat Edmond Francey, a été nommé
chevalier de la Légion d'honneur. Cette haute dignité, juste
récompense des services rendus à la chose publique, tant au
— 9 -
palais qu'au conseil municipal et au conseil général par Té-
minent avocat du barreau bisontin, a d'autant plus de prix à
nos yeux qu'elle rejaillit pour ainsi dire sur notre Société,
qui s'est grandement honorée en l'appelant aujourd'hui au
fauteuil de la présidence.
Il ne me reste plus (ju'nn pénible mais pieux devoir à
remplir : saluer la mémoire de ceux (jue la mort impitoyable
nous a ravis cette année.
Nous avons perdu parmi nos membres résidants, M. Jules
de Buyer, inspecteur de la Société française d'archéologie,
puis M. Jules» Vaulherin, ancien président des torges de
Franche- Comté, chevaher de la Légion d'honneur, ancien
conseiller général du Doubs. Au mois de décembre dernier
s'éteignait, à Baume-les-Dames, M. Edouard Grenier, dont la
dernière pensée s'est traduite par une libéralité considérable
au profit de la Société d'Emulation, à qui il donne par testa-
ment une somme très importante consacrée à aider dans sa
carrière un jeune homme pauvre se destinant soit aux
sciences, soit aux lettres, soit aux arts.
Cette pension triennale, sous le titre de fondation des
frères Grenier (analogue à la pension Suard que distribue
l'Académie de Besançon), est une preuve éclatante de l'atta-
chement de ce philanthrope à la prospérité de notre associa-
tion. En face d'un pareil souvenir, je regrette qu'il ne me
vienne pas à l'esprit d'expressions assez éloquentes pour tra-
duire les sentiments de profonde gratitude de notre Société
vis-à-vis du poète distingué qui s'est révélé comme le plus
généreux de ses bienfaiteurs.
A cette liste nécrologique il faut ajouter encore M. Adolphe
Jacquot, employé à la préfecture, collaborateur assidu d'une
feuille locale, et M. Joseph Outhenin Chalandre, grand in-
dustriel, véritable providence de la classe ouvrière, qu'il en-
tourait d'une afTection paternelle, et dont la fin prématurée
est vivement regrettée par l'industrie de notre province.
A ces deuils successifs, je dois ajouter ceux de deux mem-
— 40 —
bres correspondants : M. Devaux, ancien juge de paix et an-
cien maire de Gy, qui a laissé une histoire manuscrite de
cette ville; M. de Perpigna, ancien maire de Luxeuil, qui,
pendant Tannée terrible, s'est illustré en combattant brave-
ment dans les rangs de la compagnie franche de l'intrépide
colonel Bourras.
Puisse cet hommage suprême, rendu à nos collègues dé-
funts, atténuer quelque peu la douleur de leurs familles en
leur apportant la certitude que leurs chagrins sont partagés
par des hommes de cœur (jui conservent et conserveront
pieusement le souvenir inoubliable des compagnons d'armes
à jamais disparus!
Tel est. Monseigneur, Mesdames et Messieurs, le bilan de
Tannée qui s'achève. C'est «^ vous de juger en dernier res-
sort. Permettez-moi donc, en vous remerciant encore de Tat-
tention bienveillante que vous avez prêtée à cette lecture,
d'espérer que la Société d'Emulation n'a pas démérité à vos
yeux et de conclure, avec votre assentiment, que, fidèle aux
traditions laborieuses qu'elle tient de ses fondateurs, elle a
continué, sans faillir, sa marche en avant, toujours inces-
sante, toujours infatigable, et tressé de nouveaux fleurons à
la couronne scientifique, si ïichement dotée déjfi, de notre
chère Franche-Comté.
UNE CLOCHE FRANC-COMTOISE
nV X\> SIÈCLE
Par M. l'abbé Paul DRUOT
CCRÉ DE VOILLANS
Séance du ii janvier 1902
Les cloches anciennes sont rares en Franche-ConDté en
raii^on des désastres nombreux que notre pays eut à subir.
Une des plus anciennes peut-être dans tout le diocèse de
Besançon se trouve actuellement dans la tour de Téglise
succursale de Voillans, non loin de Baume-les-Dames, et
sert chaque jour encore, après 420 ans d'existence, à
annoncer les offices paroissiaux.
Cette cloche avait été faite pour Tabbaye de Raume-les-
Dames, voici dans quelles circonstances :
A la suite de la bataille d'iîéricourt, le 13 novembre 1474,
la Comté avait eu cruellenjent à souffrir des conséquences
de la défaite des troupes de Charles-le-Téméraire. Les alliés,
Alsaciens, Autrichiens et Suisses, excités par Louis XI
contre le duc de Bourgogne, se répandirent à travers le
pays. Ils prenaient et pillaient Blamont, Pont-de-Roide,
risle-sur-le-Doubs, Granges, Grammont, Clerval; ils incen-
diaient et saccageaient tous les villages qu'ils traversaient.
Baume n'échappa pas à la ruine. Un diplôme de Charles-
Quint conservé aux archives municipales de cette ville
nous apprend, en effet, que « Baulme-sur-le-Douhs fut
prinse^ brullée et saccagée par les ennemys, désolée et inha-
bitée ».
— i2 —
Les cloches de ces pays furent prises ou brisées pour être
employées à la fabrication d'engins de guerre. Et s'il en
échappa quelques-unes à ces actes de vandalisme, ces der-
nières furent vouées néanmoins à la destruction.
Moins de deux ans après, le 2 mars 1476, Charles-le-
Téméraire subissait à Granson une nouvelle défaite qui le
plongea dans un cruel abattement, mais le désir de la ven-
geance ne tarda pas à faire succéder en lui une activité fié-
vreuse. Il ne songea plus qu'à reformer une nouvelle
armée; il n'avait plus d'artillerie, il fit fondre le reste des
cloches des églises du pays de Vaud et de la Comté pour en
forger des canons, et ordonna même de rechercher dans les
maisons de ses sujets les métaux propres à la guerre.
Saccagée d'un côté par les alliés de Louis XI, dépouillée
par Charles-le-Téméraire, l'abbaye de Baume-les-Dames,
profitant d'un moment d'accalmie après tant de désastres et
la mort du roi de France (1483), fit faire, sous le pontificat
de noble dame Alix de Montmartin, abbesse du il mars 1477
au 11 décembre 1485, deux cloches dont les inventaires de
ladite abbaye nous signalent l'existence. Toutes deux, y est-
il dit, étaient aux armes de Montmartin, la plus grosse
pesant 2000 livres, la plus petite environ 1200.
C'est assurément cette dernière que possède l'église de
Voillans, car elle répond en tout point à celte double indica-
tion et porte des marques indéniables de son ancienneté.
Haute de 72 centimètres, elle a l'n46 de tour au cerveau,
1™51 à la seconde inscription, 1"75 à la gorge précédant la
panse, 2*69 à la base, et pèse approximativement de onze
à douze cents livres. Grâce à sa forte épaisseur de métal,
elle a une grande amplitude de vibrations, un son argentin
distingué et donne la note «t bémol.
Le battant est en fer grossièrement martelé; la panse,
d'une épaisseur presque double de celle des cloches mo-
dernes, est usée en maints endroits par suite des coups du
battant et nombreux aussi sont les éclats qu'on aperçoit à la
— 13 —
patte ou partie inférieure : indices certains de pérégrina-
tions ou d'ascensions mouvementées.
La forme rappelle celle des cloches du xiv* siècle; le cer-
veau en est très aplati, à peine bombé; les salissures pres-
que droites jusqu'aux gorges ou filets en relief qui précèdent
la panse. Particularités à noter : les anses (ou anneaux de
suspension) ne sont pas orientées avec le devant de la
cloche, ce qui se fait toujours depuis longtemps ; et elle a
été frappée aussi par un marteau d'horloge.
La décoration est fort simple : une croix latine de 18 cen-
timètres sur trois degrés; une inscription principale en
beaux caractères gothiques de 33 millimètres de hauteur, qui
forme comme une couronne à la naissance du cerveau de la
cloche : mentem . sanctam . spontaneam-honorem Deo et
PATRIE LiBERATiONEM, puis le uom du fondcur en mômes
caractères et faisant corps avec cette triple invocation :
GuiLLAME FET. Il est intéressant de constater, en passant,
que c'est la première fois qu'on trouve le nom d'un fondeur
du pays. Jusqu'alors, l'industrie du bronze avait fait appel
à des artistes allemands ou lorrains qui excellaient dans la
fabrication des cloches, bombardes ou canons.
Chaque mot de l'inscription est séparé par un joli motif de
décoration en forme d'S majuscule renversé (2), de la même
dimension que les caractères gothiques.
Le commencement de l'inscription est indiqué par une
petite croix de Malte plantée sur quatre gradins.
Huit centimètres plus bas se trouve une inscription plus
petite faisant encore le tour complet de la cloche et obtenue
par ces mots : Laudate Dominum omnes gentes, quatre
fois répétés, et également en caractères gothiques minus-
cules de l'2 millimètres de hauteur.
En considérant ces inscriptions avec attention, on remar-
que que dans la première les caractères qui ont servi à l'im-
primer sur le moule étaient mobiles; dans la seconde, au
contraire, la phrase Laudate Dominum omnes gentes était
— i4 —
clichée et formait comme une matrice dont le fondeur devait
se servir fréquemment.
Entre ces deux inscriptions, pour les relier Tune à
l'autre, quatre médaillons, de 63 millimètres de hauteur,
sont placés à distance égale, et représentent deux motifs
répétés alternativement : le crucifiement avec la sainte
Vierge et saint Jean debout de chaque côté de la croix,
puis saint Sébastien percé de dix flèches horizontales, po-
sées régulièrement, cinq de chaque côté du corps, et bar-
belées de façon artistique. Les figures sont grossières,
d*un dessin naïf et intéressant qui rappelle le style de l'é-
poque.
Sous le nom du fondeur, à égale distance de deux des mé-
daillons précédents, et toujours entre les deux inscriptions,
est placé un sceau ogival haut de 66 •"/'» et large de 40. La
légende est en minuscules gothiques : S. Dame Alix de
Montmartin abbasse de Bulme,
Ce sceau a exactement la même forme et la même dimen-
sion que celui de la même abbesse, trouvé aux archives de
Neuchâtel (Suisse) par M. J. Gauthier (G. '27,, n« 14 : X. 3,
n» 5). Sous un dais d'architecture accosté de colonnettes et
de contreforts servant de soubassement à une Notre-Dame
debout portant l'Enfant, avec l'éou de Montmartin fascé de
onze pièces.
Ce blason nous donne approximativement la date de fabri-
cation de cette cloche, Alix de Montmartin ayant été abbesse
de Baume-les-Dames de 1477 à 1485. D'après le texte de
l'inscription, il semblerait que c'est à la fin de son pontificat
que la dite cloche a dû être fondue. Cette délivrance de la
patrie (patrie liberalionem) qu'on implore pourrait indiquer
qu'on était au lendemain des terribles malheurs qui venaient
de frapper Baume et la Comté tout entière. On objectera,
sans doute, que ces mots patrie liberationem sont une for-
mule qu'on retrouve sur plusieurs cloches du xvr siècle et
pourraient présenter un autre sens : la protection du pays
— 15 —
contre la foudre. La première interprétation paraît plus vrai-
semblable.
Il serait intéressant de savoir comment cette cloche a pu
quitter Tabbaye pour venir trouver un refuge dans le modeste
clocher de Téglise de Voillans.
La tradition locale porte à croire que cette cloche a été
achetée, d'autres même disent volée à l'abbaye de Baum.e.
Depuis le 15 août 177^2, date de la bénédiction de Téglise ac-
tuelle de Voillans, il y a toujours eu une cloche et une seule
jusqu'en 1837. Le dernier inventaire de l'abbaye de Baume,
où elle figure, est celui qui a été dressé le 22 janvier 1725 par
Antoine-Philippe Doroz à la mort de l'abbesse de Thyard de
Bissy : « Dans le cloclier, y est-il écrit, sont trois cloches
dont,, une médiocre, qui pèse environ 1200 est aux armes
de Moatmartin. ù
Elle y reste jusqu'en 1791 où avec les trois autres cloches,
ses compagnes, elle fut descendue du clocher de l'abbaye
pour être transformée en gros sous en vertu d'un décret
royal. Mais la paroisse" "der Batmne réclama et obtint la plus
grosse cloche pesant 2000 livres ; celle de 1200 1. fut « pret-
tée il la municipalité de Voillans, ensuitte d'ordonnance du
département du l"" octobre 1701 (1;. » La commune de Voil-
lans n'en paya jamais qu'une faible part au fondeur Denis
Faivre des Ghaprais près Besancon, chargé de transformer
les cloches en saumons ou « llaons » de cuivre destinés à la
Monnaie de Besançon.
Telle est riiistoire de cette cloche, la plus ancienne peut-
être de toute la Franche-Comté, certainement l'une des trois
ou quatre plus anciennes, et la seule qui, outre une date cer-
taine, possède le nom du fondeur, vraisemblablement Com-
tois, qui l'exécuta. Après avoir appelé pendant deux siècles
k de pompeux oflices d'opulentes religieuses, elle sonna cou-
rageusement, malgré tous les décrets, pendant les heures les
(l) Etat du 2 septembre 1791 (G 389, Arcli. du Doubs).
— 46 -
plus terribles de la Révolution, au grand effroi de Tagent
communal et du commissaire du canton, et elle convoque en-
core aujourd'hui dans une bien pauvre église des Comtois
vigoureux tout de foi et de labeur.
Société d'Emulation duDoubs, 1902.
PLI
.. 47*^6 <Ut0UUL
•in^si .a
ClocKe donnée en 1484-1485 h l'église abbatiale deBaiime
par l'abbesse Alix deMonimSiTiinfI'y/jse<fef6//AnsCûMt6sJ
Société d'Enitihition du Doubs, 1902.
PI. II.
UNE CLOCHE FRANC-COMTOISE DU XVe SIÈCLE.
Médaillons et Sceau de Dame Alix de Montmariin.
Société d*Enittlation du Doubs, 1902.
PI. II.
UNE CLOCHE FRANC-COMTOISE DU XVe SIÈCLE.
Médaillons ei Sceau de Dame Alix de Montmartin.
— 18 —
ner d'une obsession qui prend naissance dans le légitime
désir de connaître la vérité.
Cette patiente et fort honorable curiosité a été tant de fois
mise à l'épreuve, qu'on ne peut songer à la satisfaire qu'en
arrachant, pour une première fois, à Porte-Noire quelques-
uns de ses secrets.
Vous allez apprécier, Messieurs, si ce que vous allez en-
tendre répond à cette condition.
Il y a trente-six ans, l'érudit écrivain qui présida si long-
temps et avec tant de supériorité aux destinées de la Société
d'Emulation du Doubs, Auguste Castan, consacrait à l'Arc de
Besançon un remarquable travail présenté dans une séance
analogue à celle d'aujourd'hui 'V.
Après un résumé sommaire des études antérieures sur
ce sujet, le judicieux critique passait à des considéra-
tions architectoniques tirées de la comparaison des monu-
ments romains durant une période savamment limitée, pour
consolider la thèse déjà soutenue par quelques-uns de ses
prédécesseurs immédiats, à savoir que le monument avait
été construit sous le règne de l'empereur romain Marc-
Aurèle.
Avant de terminer sa dissertation, Castan essaya, avec es-
prit, mais sans trop y réussir, d'interpréter quelques-uns des
bas-reliefs de Porte-Noire, la plupart des autres n'étant pas,
à son gré, « également lisibles ».
Aujourd'hui, de bienveillants confrères m'invitent à re-
prendre ce travail en me laissant libre d'y procéder à ma
guise. J'abuserai peut-être de cette latitude, mais, en retour,
on aura la satisfaction de reconnaître que si notre éminent
confrère et ami n'a pas poursuivi l'œuvre jusqu'au bout,
c'est à sa prévoyante initiative que nous devons des éléments
(1) Contidérations sur l'Arc antique de Porte-Noire j à Besançon,
par A. Castan (Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, année
1866, p. 420).
— 19 —
indispensables, sinon pour l'achever, mais du moins pour la
pousser un peu plus loin (l).
Puissé-je, sous la sauvegarde de ce sympathique souvenir,
obtenir la bienveillante attention de mon auditoire.
Lorsqu'un épigraphiste veut déchiffrer une inscription mu-
tilée, après avoir relevé exactement les lettres certaines, il
scrute, dans les lacunes, les moindres accidents de la pierre,
afln d'y découvrir les traces de caractères intercalés, pour
compléter, s'il est possible, ce qui manque au document, et
cela avec patience et surtout sans parti pris.
Il semble que la même méthode doive être employée quand
il s'agit d'une sculpture détériorée.
D'où vient que dans nos murs un monument antique, le
plus considérable de tous, demeure, depuis au moins trois
siècles, comme une inscription figurée dont des lignes en-
tières passent pour être encore plus impénétrables que des
hiéroglyphes?
Dirons-nous, avec un éminenl critique, M. Emile Faguet,
que « c'est la condition même de tout ce que fait l'homme
ici-bas; il ne réussit qu'au prix de mille tâtonnements et ne
finit par frapper juste qu'à force de s'être trompé ».
Permettez-moi, pour mieux approprier cette pensée au cas
particulier, de répéter avec la Sagesse des nations : Ce n'est
qu'en frappant juste sur la tête du clou qu'on parvient à l'en-
foncer.
Tous ceux, sans exception, qui ont cherché la solution
d'une seule de ces énigmes n'ont pas suivi la méthode de
l'épigraphiste ; ils ont jeté sur les sculptures un regard su-
perficiel, se sont rebutés des difficultés, et, surtout, ont tra-
vaillé avec des opinions préconçues. De là des interprétations
(1) Voir deux précédentes études dans les Mém. de la Soc. d'Emul. du
Doubs, 1897, p. 217, et 1901, p. 161.
— 20 —
d'une stérilité absolue et ne pouvant jamais entrer comme
éléments dans un ensemble bien homogène tel que les cons-
tructeurs ont dû le concevoir.
Que Ton veuille bien ne pas comprendre dans cette appré-
ciation sévère les très estimables études, entreprises pour
suppléer au silence de THistoire, afin de déterminer Tépoque
présumable de Térection du monument II ne sera question
ici que d'un certain nombre de bas-reliefs qui sont comme
les mots de phrases bien faites et où tout se tient. Ne con-
vient il pas qu'il ne soit plus dit que nous n'avons pas pu les
déchiffrer avant leur disparition?
Pour démontrer le vide des interprétations proposées, il
suffit de les signaler, sans qu'il soit besoin d'insister sur le
chapitre des variations. Au moyen d'un exposé chronolo-
gique de la série des commentateurs et de leurs opinions di-
vergentes, vous assisterez à une sorte d'escrime où chacun
des combattants cherche à battre en brèche la thèse adverse
pour recevoir des coups à son tour, sans que jamais personne
puisse sortir victorieux.
Me serait-il permis, Messieurs, de vous considérer comme
les juges du camp?
Mais, direz-vous, en cette matière, il serait nécessaire de
nous faire mieux connaître l'objet en discussion?
Pour vous documenter, laissez-moi user d'un procédé peut-
être étrange, mais à coup sûr fort avantageux dans la cir-
constance actuelle.
Veuillez écouter ce récit : j
« Il y a seize cents ans, un étranger, voyageant pour son
instruction, arrive en face de la cité de Vesontio.
Après avoir admiré le paysage depuis une hauteur, il des-
cend la route «lui, par le faubourg, le conduit à la rivière où
il trouve un pont de pierre dont les solides arcades peuvent j
défier les siècles. A peine a-t-il atteint l'autre rive que s'ouvre
devant lui une longue rue, parfaitement droite, bordée de
- 21 -
trottoirs, et luxueusement pavée de larges dalles bien appa-
reillées.
Tout au bout de la perspective des constructions, il aper-
çoit dans le lointain un édifice transversal qui se détache sur
le fond de tableau formé par la montagne rocheuse.
Bientôt il peut satisfaire sa curiosité, circuler autour d'un
monument décoratif, isolé dans la partie dominante d'une
place publique; c'est une majestueuse arcade dont les deux
façades ainsi que les côtés comportent la plus abondante or-
nementation ; rorientation en est si parfaite que le soleil en
fera pour ainsi dire le tour dans une même journée.
Notre voyageur lit sans peine une grande inscription dé-
dicatoire tracée en lettres de bronze fixées sur la frise du
couronnement, où elle est accostée de deux figures de Gé-
nies agenouillés:
JOVI OPTIMO MAXIMO,
FELICITATIS REIPUBLICE CONSERVATORI.
Il comprend aussitôt qu'il a sous les yeux l'expression élo-
quente de la piété des habitants d'une cité, après l'achève-
ment de grands travaux d'utilité publique dont il aperçoit à
quelques pas de somptueux témoignages.
Il suit de l'œil des lignes architecturales richement fouil-
lées, en même temps qu'il remarque une multitude de fi-
gures, les unes d'un très haut relief, semblables à des sta-
tues, les autres réparties à l'intérieur comme à l'extérieur, et
même sur les seize colonnes qui les encadrent en les faisant
valoir.
Sur la clé de voûte préside le maître suprême Jupiter^ re-
présenté en vainqueur des Titans qui se tordent à ses pieds;
de superbes Renommées avec les guirlandes de l'abondance
lui présentent les palmes de la Victoire dont les glorieux
messagers. Castor et Pollux^ les deux fils du Roi de l'O-
lympe, se dressent de chaque côté, en grandeur colossale,
pour personnifier le Jour et la Ntnt, la Vie et la Mort.
Plus bas les douze Mois de V Année sont symbolisés par
DÉDALE ET Icare
— 22 —
autant de tableaux des scènes de la vie humaine pendant la
paix, sorte de Zodiaque qui unit le ciel à la terre.
Gomme un enseignement
de haute sagesse se succèdent,
sur les colonnes, les beaux
j J llHfî/iT^il / I \ll exemples de travail, de dé-
i î W ( "i \ ^ vouement et de courage don-
iSj Jl Ii^'^^V iVV ^^^ ^^^ hommes par les Héros
légendaires : Dédale, Thésée,
Hercule, etc.
Enfin, pour encadrer cette
figuration religieuse et philoso-
phique mise en première ligne, arrive \di décoration officielle,
qui comprend les com-
bats, les captifs et les
apothéoses des vain-
queurs, mêlés aux tro-
phées militaires, en ré-
sumé la glorification de la
puissance romaine sous
laquelle se maintient la
tranquillité et se déve-
loppe la félicité publique.
— Voilà, se dit l'étranger, un digne hommage de piété et
de reconnaissance rendu par les habitants de ce lieu aux au-
teurs de leur prospérité.
Cela dit, notre visiteur satisfait franchit Tarcade et va
rendre ses devoirs au grand temple de Jupiter qui s'élève à
quelque distance sur le versant de la colline. »
Thésée et le Minotaure.
Ainsi finit notre récit.
— Mais c'est une fable que vous nous racontez !
— Pas tout à fait! Veuillez y voir la projection idéale d'une
réalité trop lointaine pour qu'on puisse la reproduire autre-
ment dans l'intérêt de ce qui suit.
— 23 —
La vue d'ensemble ou la description mise sur le compte
d'un voyageur anonyme du ii" siècle, écarte en de nom-
breuses places les allusions û des faits historiques qu'on y
soupçonnait à tout hasard. - Ce qu'on aurait gagné d'un côté
serait perdu de l'autre. — Il ne resterait plus alors qu'à s'en
prendre uniquement au style de l'architecture, au caractère
ou à la qualité des sculptures, pour déterminer sinon une
date précise d'origine, du moins pour limiter aussi étroite-
ment que possible la période pendant laquelle le inonunicnl
a été construit.
Il est plus facile d'essayer la restitution d'un monument
- 24 —
mutilé que d'en retracer l'histoire quand Jes documents font
défaut.
Dans ce dessein, et d'après ce qui en a été dit de meilleur,
la période cherchée ne peut être comprise qu'entre le début
de la décadence de la sculpture romaine et sa chute rapide
pendant les trente années de la fin du second siècle.
A partir de cette époque, l'agilation incessante du monde
barbare mettant de plus en plus en péril la situation de la
Gaule, devait empêcher toutes les entreprises de construc-
tions luxueuses.
Aux premières invasions si meurtrières du ni* siècle, 253
et 275, après une période relativement pacifique sous Cons-
tantin, succédèrent celles du milieu du quatrième, où une
grande partie du territoire fut de rechef envahie et dévastée.
Parmi les nombreuses villes qui furent saccagées, à une date
indéterminée, nous avons sous les yeux le témoignage de
celle de Mandeure qui, ouverte et dégarnie de ses forces mih-
taires, périt entièrement dans les flammes.
Sous la menace continuelle de ces terribles occupations,
Vesontio, subissant le contre-coup de la misère générale, a
dû voir graduellement sa population décroître et ses cons-
tructions rester inachevées, puis, un jour que nous ne con-
naissons pas, partager le sort commun. Dans quelle mesure
les barbares prirent-ils part à la destruction des édifices?
C'est ce que nous ignorons. Ce ne sont pas de grandes subs-
tructions dont on a arraché par la suite tous les matériaux
utilisables, ni même quelques colonnes renversées et brisées
qui peuvent nous renseigner. Ce piédestal consacré aux
dieux, cette colonne même qui, sur le versant de la citadelle,
se serait effondrée, au premier siècle, à la parole de saint
Lin, n'esl-il pas un indice, bien que légendaire, de ce qui a
pu arriver plus tard, et sans miracle cette fois, comme repré-
sailles des persécutions?
Elle ne nous renseignera pas davantage cette fameuse
lettre que le César Julien adressait, en 360, à son ami le phi-
— 25 —
losophe Maxime, au retour de l'expédition heureuse contre
les Artuaires, et au moment où il passait par Vesontio pour
aller hiverner à Vienne. Ce futur restaurateur du vieux culte
païen savait fort bien à quoi s*en tenir à cet égard, et, quand
on connaît sa prudente dissimulation relativement à la doc-
trine qu'il professait déjà, on comprend pourquoi il n'insiste
pas sur les causes de la destruction des temples somptueux
qui ornaient la citéy grande autrefois, mais réduite alors à
Vétat de petite ville (1).
Quoi qu'il en soit, que l'on fasse i-emonler l'occupation bar-
bare de Vesontio à une époque bien antérieure ou voisine de la
date de 356, il n'est pas douteux que le Philosophe alexandrin
couronné n'ait compris parmi les temples dont nous retrou-
vons aujourd'hui quelques colonnes couchées dans une an-
tique poussière, l'apothéose de Jupiter, dépouillée, après un
siècle et demi au plus, de son éclat primitif. Quelque ardent
(1) TloXCxvtov 6s vuY] l<mv àv£i>r,(i.piév7), icàXat Se iiSYdXv) xt y}v xal tcoXu-
xeXéatv Upoï; 2xex6<r(irjT0 (Lettre de JulitnJ. Cet autrefois (iràXai, olim)
n'impliquerait-il pas Tidée d'un état remontant à plus de six années, 356
étant la date de Tinvasion récente. D'autre part, le qualificatif àvEiXT)iJL{jLévYi
(de àvaXaptéavci)) signifie reprise^ relevée ou réoccupée. Ausbi, les traduc-
teurs ne s'accordent-ils pas : pour les uns, c'est un oppidulum dirutum^
et, pour les autres, une petite ville réparée ou en réparation. Quand on
se représente les préoccupations d'un chef d'armée aussi avisé que Julien,
relativement à la situation et à la conservation des places de guerre qu'il
visite, les pourvoyant de ce qui peut y manquer, on comprend que les di-
verses nuances d'expression de la seconde interprétation soient applicables
dans la circonstance.
L'empereur Constance, meurtrier du père, des frères et des cousins de
son neveu Julien, n'avait envoyé ce dernier à cette expédition des Gaules
que pour le perdre, comptant bien lui faire endosser tous les dangers et
toutes les fautes de cette guerre. Déjouant cette attente, le jeune César,
bien qu'entouré de gens hostiles on incapables (voir son Epilre si curieuse
au Sénat et au peuple d'Athènes), se révéla comme bon général, veillant à
toutes choses, ardent et circonspect. Celui auquel on avait imposé le rôle
passif et périlleux de porter à l'armée les imnges de Tempereur. conduisit
si bien la campagne qu'il rempo: ta sa grande victoire près de Strasbourg
sur le Rhin. C'est ainsi qu'après avoir balayé les Barbares, il opérait en
sûreté son retour par Vesontio en train de se refaire comme petite ville.
— 26 -
que fût son prosélytisme, il lui eût été impossible de fiaîre
lui-même à Vesontio ce que n'avait pu réaliser à Rome son
illustre prédécesseur et aïeul Constantin le Grand. Depuis
longtemps il n'existait plus de sculpteurs capables d'exécuter
de grandes figures, telles que celles des Renommées et des
Titans de notre arc de triomphe W.
Abrégeons cette histoire. Après avoir traversé la longue
période des invasions, la noble arcade, de plus en plus meur-
trie, mais toujours debout, conservera pendant quelques
siècles, sous l'appellation de Porte de Marsy l'auréole des
vieux souvenirs, mais bientôt, protégée par sa masse impo-
sante, elle sera enchaînée dans une muraille d'enceinte, son
ouverture maçonnée et rétrécie sera réduite, sous le nom si-
nistre de Porte-Noire, à l'état de sombre couloir donnant
accès à un quartier fermé.
Si le monument trouvera dans ces conditions un abri pro-
tecteur pendant tout le Moyen âge et bien au delà, les sculp-
tures dégradées et devenues incomprises sur la face apparente
lui maintiendront la considération respectueuse des esprits
éclairés qui se demanderont désormais ce qu'elles pouvaient
signifier.
Au XVI* siècle, un des premiers commentateurs signalés
croit y voir un hommage au conquérant des Gaules, Jules
César; c'était remonter trop haut, et il est fort inutile de
s'arrêter à cette attribution d'un caractère vulgaire.
En 1580, à une époque où l'on commençait tardivement
à mettre à profit les fruits de la Renaissance dans notre ville.
(1; L'empereur Constance, pendjnt son triomphe immérité à Borne, ne
pouvait assez admirer ces monuments devant lesquels il restait stupéfait.
Perdant tout espoir de produire quelque chose de semblable et voulant faire
grand, à son tour, il ne trouva rien de mieux que d'ériger, dans le grand
cirque , un obélisque que la mort avait empêché Constantin de ramener
d'Alexandrie, où un vaisseau . d'une grandeur inouïe, avait été consti^uit
pour le transporter à l'aide de trois cents rameurs. {Ammien MarceUint
LXVI, ch. x; LXVII, ch. iv.)
— 27 —
y naissait le fils d'une famille destiné à illustrer un nom no-
blement soutenu par la descendance et la parenté.
C'était Jean-Jacques Chifflet. Après avoir terminé des
études littéraires et médicales, complétées par des voyages
à l'étranger, surtout en Italie, ce jeune et savant docteur se
livre à de patientes recherches sur l'histoire de sa ville na-
tale. En 1618, toujours enflammé d'une patriotique ardeur, il
publie l'ouvrage intitulé Vesontio qui va le mettre chronolo-
giquement à la tête de nos historiens franc-comtois.
Dans ce livre qui a eu la fortune de faire les délices des
vieux Bisontins, trois chapitres sont consacrés à l'Arc dit
Triomphal, tant pour démontrer que ce monument n'a pu
être élevé qu'en l'honneur de l'empereur Aurélien, vainqueur
sur terre et sur mer, en Orient et en Occident, restaurateur
des Gaules, que pour donner une description soi-disant com-
plète des figures sculptées qui sont censées appuyer cette at-
tribution.
Afin d'illustrer son œuvre d'un frontispice de marque, Chif-
flet commande à un orfèvre et graveur estimable de la cité,
Pierre de Loizy, une planche où sera représentée Porte-Noire
dans une restitution destinée à en faire comprendre toute la
splendeur passée.
Nombreuse comme celle des Chifflet, la lignée des Loizy,
d'un attachement égal pour la patrie, comi)te plusieurs ar-
tistes d'une certaine valeur. Le talent de Pierre de Loizy, in-
férieur à celui de ses deux fils, Jean et Pierre II, pouvait
s'appliquer avec succès à des ciselures d'oi'lèvrerie, à des
images de piété ou d'armoiries gracieusement composées,
mais pour réaliser le rêve de son docte client, en présence
d'un modèle si fruste et si peu accessible pour le regard, son
burin capricieux alors dépaysé ne devait produire qu'une
œuvre de fantaisie.
Comment Chifflet aurait-il pu exiger davantage de son gra-
veur et reprocher à son travail le manque de sincérité?
Il est à croire même que l'inspirateur de cette figuration
— 28 —
inconsciemment grotesque fut satisfait puisque, avec sa
planche supplémentaire, on retrouve les mêmes figures men-
songères trois fois répétées.
Le texte esta Tavenant, tant pour le fond que pour la forme,
déclamatoire et inutilement chargé de citations poétiques se-
lon la mode du temps.
Le respect que commande la vénérable personnalité d'un
citoyen si jaloux du bon renom de sa ville natale ne saurait
interdire la critique de ses défauts.
Les images du Vesonlio^ qui, moins prétentieuses, plus
simples et plus sincères auraient pu encore aujourd'hui avoir
une valeur documentaire, n'ont servi qu'à dérouler beaucoup
trop longtemps ceux qui, dupes de leur premier succès, con-
tinuèrent à lui conserver quelque confiance.
Si dans la collection des figures il y en avait une d'un intérêt
capital, c'était bien celle qui couronnait l'arcade. Au lieu de
s'attacher fidèlement à la reproduction de ce que le temps en
avait encore épargné, Pierre de Loizy mal conseillé n'hésite
pas à composer un type de fantaisie dont l'attitude et les ac-
cessoires diffèrent sur chacune des deux planches.
Le commentateur renchérit encore sur ce sans façon de
mauvaise augure quand il nous décrit le manteau impérial
d'Aurélien (traheatum) et qu'il y ajoute même les couleurs de
la poésie :
In tunica lovis, et pictae Sarrana ferentein
Ëx hume ris aulaea togae
Echauffée par cette érudition trop littéraire, l'imaginîMion
de l'auteur le trouble dans sa vision, au point que le lecteur
ne peut s'empêcher de sourire du résultat
Les sujets représentés vont subir en conséquence des
adaptations étranges au gré des plus aventureuses hypo-
thèses, à commencer par cette figure colossale où l'on n'hé-
sitera plus à voir un des fils de Jupiter, Castor ou Pollux.
Ce personnage, nu et solennel comme un Apollon, tient
— 29 —
à chacune de ses mains des attributs caractéristiques , à
savoir la haste divine et la courte épce dans le fourreau. Ce
glaive entouré du ceinturon se transforme aux yeux de Chif-
flet, et sous le burin du graveur, en une massue noueuse.
On nous impose ainsi, pour les besoins de la cause, soit
« un Apollon déguisé en Hercule, à la façon des Egyptiens
qui, dans leurs Zodiaques, adoptaient les douze travaux
d'Hercule pour désigner les stations du Soleil, soit un Hercule
triomphateur {Hercules triumphalisX lequel présidait aux
triomphes, à Rome {in fora Boario) ». En outre, Ghifflet ne
manque pas de citer une inscription antique oii le nom
d'Hercule est associé à celui d'Aurélien : Aureliani consors,
La préoccupation constante de l'auteur sera de découvrir
dans toutes les scènes des allusions à des triomphes chimé-
riques et d'en préciser la signification.
L'histoire rapporte qu'Aurélien monta au Gapitole sur un
char traîné par des cerfs. — Voici deux cavaliers, l'un pour-
suivant l'autre avec sa lance pendant qu'une femme est ren-
versée sur le terrain — Les chevaux seront des cerfs foulant
aux pieds Zénobie, la reine de Palmyre. « La pierre est bien
dégradée, observe notre auteur, ce seront des chameaux si
vous aimez mieux, je ne m'y oppose pas (non repugno). »
Laissons les grands hauts-reliefs de la façade et toute cette
partie de la décoration que nous appelons officielle, laquelle
sera historique ou de convention suivant ce que les études
de l'avenir en décideront peut-être.
Dans les sujets de moindre dimension, sur les colonnes .
et sur le pilastre de la façade, nous n'avons que l'embarras
du choix pour mettre en évidence ce que le manque de cul-
ture archéologique a permis d'accepter alors d'un écrivain
considéré comme sérieux.
Mettons en regard des croquis sincères des six bas-reliefs
du pilastre, les interprétations de Ghifflet.
Un choix bizarre d'épisodes peu intéressants, mais soit-
disant honorables pour Aurélien, a déjà pris la place de toute
— 30 —
la série des Héros légendaires; ici, au lieu de rallégorie des
Mois ou des Saisons, notre historien va s'ingénier à découvrir
autant de personnalités divines trioniphantes à leur manière.
Premier tableau. - Malgré l'extrême dégradation de ce
tableau du sommet on s'accorderait à voir dans ce person-
nage à tournure athlétique qui serre un arc dans sa main
droite un Hercule chasseur, ou bien un de ces figurants aux
combats des grandes fêtes célébrées au mois de juillet en
PREMIER TABLEAU.
mémoire d'Hercule. — P. de Loizy, estimant sans doute que
nul n'y verra jamais mieux, imagine une figure de fantaisie,
voire même celle d'une femme assise sur un haut tabouret de
forme étrange, et aussitôt Ghifllet de donner cette explica-
tion très alambiquée : a Gomme le temple où brûle le feu sa-
cré, emblème de la puissance divine est toujours placé sur
les hauteurs, nous avons ici Vesta, semblable au triompha-
teur qui se repose [sedens] après la paix conijuise, à côté du
laurier de la virginité î
- 31 —
Deuxième tableau. — Cette figure de jeune femme, nue
et debout, sous une double chute d'eau, curieux rappel de
quelque fontaine décorative où un esclave vient à la provi-
sion, n'allégorise-t-elle pas assez heureusement le signe
zodiacal du mois d'août, la Vierge?— Ghifflet y découvre une
allusion à la continence exemplaire du triomphateur Auré-
DEUXIÈME TABLEAU.
lien vis-à-\'is de Zénobie, et c'est alors Vénus triomphante
repoussant TAmour (Venus victrix amovens Cupidinem).
Troisième tableau. — Cet éphèbe à la chevelure féminine
est en train de cueilHr des fruits. Le panier qui contient la
récolte du mois de septembre est métamorphosé en un mon-
ceau, au pied du dieu Mars, des dépouilles de l'ennemi
vaincu !
— 32 —
Quatrième tableau. — Un personnage imberbe, toujours
jeune, et avec celte chevelure abondante qu'aiïectionne le
sculpteur, est assis dans une pose très sculpturale sous une
vigne grimpante. Il porte la main à des grappes de raisins;
à ses pieds, un récipient quelconque pour la récolte du
mois d'octobi^e.
TROISIKME TABLEAU.
Inous accepterons cette jolie citation poétique :
Hic, qui pœmpineis victor juga flectit habcnis
Liber. . .
(Liber autrement dit Bacchus) , mais nous n'admettrons
pas que Bacchus soit introduit à cette place parce qu'il a
triomphé aux Indes (triumphis aptusy quoniam pnmus om-
nium dicitur de Indis tviumphasse).
Cinquième tableau. — Quel peut être ce vigoureux gail-
lard si fièrement campé et drapé par derrière? Un paysan,
vraisemblablement de la Gaule chevelue; il est imberbe,
Société d'Emuhîion du Doubs, 1902.
PORTE-NOIRE
BCUl-PTURE AU REVBR8 DE LA PaÇaDI
- 33 —
mais les longues mèches de sa coiffure flottent au vent avec
une affectation marquée. — Un seul, parmi les chercheurs
futurs, s'essaiera à trouver une solution raisonnable pour ce
petit problème : Auguste Castan, qui a fort bien compris qu'il
s'agissait d'une offrande ; mais, en donnant à cet acte reli-
gieux un sens ironique, il s'est mis en contradiction formelle
avec le sentiment de sincérité pieuse que comporte le monu-
QUATRIÈME TABLEAU.
ment. Une offrande de prémices agricoles, déposées sur un
autel ne vient-elle pas à point au mois de novembre où l'on
met le blé en sac pour la livraison. Le petit personnage qui
porte sur ses épaules, soit un cochon sacrifié, soit une outre
pleine ne rappelle-t-il pas le travail des salaisons ou des
entonnaisons?
On ne s'imaginerait jamais ce que devient cette scène
dans les images du Veaontio. D'abord on y prend le sac pour
3
- 34 -
une têle de vautour I et, partant de là, Tauteur se demande
si le grand personnage n'est pas : * Romuius en conr)-
pagnie d'Aurélien, encore entant, Romuius ou le A/ars Qai-
rinalis sous la hiératique peau de loup, lequel apercevrait
un oiseau de proie sur sa gauche, signe de bon présage
avant Faction, ainsi qu'il est dit d'Hercule dans Plutarque
'«.^^
CINQUIÈME TABLEAU.
(npud Plutitrclixim in Romulo) ». — Ce que c'est que d'avoir
trop de lecture !
Sixième tableau, — Voici le comble pour nous apprendre
que le graveur ainsi que l'auteur sont de complicité pour
nous égarer davantage. Le bas relief est, il est vrai, fort usé,
toutefois ses lignes principales sont encore saisissables. Im-
possible d'arguer de la difficulté de vision, il est sous la main,
à la hauteur de Toeil. N'importe I II nous faudrait voir au
-SS-
II* 23 de la planche et du texte, Pallas appuyée sur sa lance
(Pallas hastili innixa Trojanis ad Bisontinos transmissa in
arcu 8uum locum occupai) ! Or, le personnage qu'environ
trois cents ans après Chifflet nous voyons encore entière-
ment vêtu comme un homme de peine, au mois de décembre
où Ton fait les provisions pour l'hiver, porte sur sa tète une
vaste corbeille qu'il soutient de la main droite, tandis qu'à sa
SIXIÈME TABLE4U.
gauche est suspendue une paire de volailles. On se demande
où peut être la lance 7
Après cette surabondante exposition de ces interprétations
stériles, bonnes à relever cependant comme termes de com-
paraison, croirait-on qu'il se trouvera encore, sous prétexte
de l'ancienneté de leur émission, des esprits assez candides
pour leur attribuer un autre mérite que celui de la curiosité.
Au xviu* siècle, la thèse de Chifflet commence à perdre de
— 36 -
sa vogue. Néanmoins le jésuite Prost, dans une notice restée
manuscrite (^), lui donnait un si maigre coup d'épaule qu'il
ne pouvait qu'annoncer sa chute définitive d'autant mieux que
Dunod, un historien de plus sérieuse autorité, arrivait pour
la contredire et mettre à la place d'Aurélien, le fils de Cons-
tantin Criapus.
Pour combattre Chifflet, l'auteur de VHistoire des Séqua-
nois publie une reproduction de la gravure du Vesoniio et y
voit Crispas figuré c en différents états » mais toujours
jeune ; or Aurélien triomphant était âgé (2j.
A propos des scènes sculptées sur lacolonne où nous avons
reconnu la série des Héros^ et où Chifflet a cru voir, d'un
bout à l'autre, des exemples de la sévérité d' Aurélien pour le
maintien de la discipline militaire, Dunod estime avec rai-
son que ce n'est pas faire honneur à un prince que d'appeler
ainsi l'attention sur son atroce cruauté. Du reste, le critique
n'ayant rien à mettre à la place, et pour éviter toute espèce
d'explication, se tire d'affaire en disant que « ce sont là de
petites scènes négligeables qui ne doivent pas entrer en
considération «». Il se trompait, comme on dit, du tout au
tout.
Il serait inutile de s'arrêter à la conjecture de l'abbé
Bullet(3),qui voudrait descendre jusqu'à l'empereur Juhen et
en faire le restaurateur de la cité, si l'érudit avocat Perreciot
ne reprenait plus tard pour son compte cette thèse aventu-
reuse, avec une plus savante argumentation mais sans au-
cune chance de la rendre meilleure W.
Enfin arrive don Berthod (5) qui, prenant à partie l'auteur
(1) Ms. à la Bibliothèque de Besançon, p. 280.
(2) Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, p. 118-126. — Bis-'
toire de l'Eglise, ville et diocèse de Besançon^ t. Il, p, 375-380.
(H) Ouvrages manuscrits des membres de l'Académie de Besançon^
t. IV, p. 197.
(4) Dissertation à la fin des concours, ann. 1764.
(5) Mémoires et documents inédits, publiés par FAcadémie de Besan-
çon, t. Il, p. 28a
— 37 —
de l'Histoire des Séquanois lui reproche très judicieusement
de ne s'être expliqué que sur trois des grandes figures et
d'avoir complètement négligé les autres : « Toutes cependant,
dit avec raison le savant bénédictin, paraissent mériter une
attention spéciale » ; et aussitôt il administre cette preuve
qui suffirait pour condamner la thèse de Dunod favorable à
Crispus. — « Vous prétendez que Crispus était le triom-
phateur, mais Crispus était chrétien, ainsi que tout le pays,
depuis Constantin! Or, je ne vois ici, dans les petits bas-
reliefs en particulier, que des dieux et des scènes de paga-
nisme! »
« Je vois, en particulier, un prêtre versant de l'encens sur
un autel. » — Sans infirmer en rien la valeur de l'argumen-
tation de don Berthod, bien au contraire, nous dirons que la
scène à laquelle il fait allusion, plus riche encore de détails
qu'il ne le croyait, représente sur Tavant-dernier bas relief
de la colonne de la façade : Hercule posant sur la flamme
d'un autel son dernier javelot, sacrifice ultime qui consacre
l'héroïsation du personnage légendaire.
Mieux inspiré que tous ses prédécesseurs, don Berthod
est le premier de nos historiens qui ait rattaché l'Arc de
Porte-Noire au règne de l'empereur Marc-Aurèle.
Le président Edouard Clerc (0 et Auguste Castan sont
ensuite venus confirmer cette attribution qui paraît la plus
sage, le premier, en considérant le monument comme un
ouvrage commémoratif de l'arrivée des eaux d'Arcier à Be-
sançon (j'ai fait naguère la critique des détails de cette inter-
prétation) ; le second, en affirmant que Porte-Noire est un
arc de triomphe érigé par la municipalité de Vesontio en
l'honneur des victoires d'un empereur sur des peuples bar-
bares. Sans anticiper sur le travail de l'avenir, on peut faire
quelques réserves relativement à ces affirmations.
En 1840, se tint à Besançon la huitième session de ces
(1) La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 25.
— 38 -
Congrès scientifiques dus à l'activité entraînante du célèbre
M.deCaumont.
Le moment était bien choisi « pour exciter rémulation
» dans notre ville et y opérer le ralliement des hommes d'é-
» tude isolés dans la province ». Telles étaient les paroles du
bibliothécaire Charles Weiss qui présidait à la première
séance générale du Congrès, et tels aussi les vœux de la
Société d'Emulation du Doubs, qui commençait à réunir ses
premiers adhérents.
Dans la section d'histoire et d'archéologie furent commu-
niquées deux dissertations sur Porte-Noire; la première, de
M. Gousset, curé de Lavoncourt, lequel en retard de plus de
deux siècles, reprenait servilement la thèse de Chifflet. On
ne lui reconnut d'autre mérite que l'élégance de sa rédac-
tion. La seconde, d'un ancien officier, M. Ravier, aurait, est-
il dit, 0 jeté tin jour nouveau » sur l'explication des petits
bas-reliefs.
Négligeant, toutefois, de prime abord, ces figures acces-
soires^ exactement comme l'a fait le président Ed. Clerc et tant
d'autres, il se sert quand môme, pour sa dissertation, des
images de Chifflet, dont il se défend d'adopter le commentaire.
Bien qu'on ne se figure pas quelle lumière pouvait jaillir
de ce document, l'ardent collectionneur Duvernoy réclame, à
ce propos, le dépôt sur le bureau des exemplaires du Vesontio
et de V Histoire des Séquanois de Dunod, pour consulter les
gravures !
Il est très singulier qu'il ne soit fait alors aucune mention
de cette excellente planche, dessinée depuis dix-huit ans par
Alexandre Lapret, le neveu de l'architecte de ce nom chargé
des premiers travaux de restauration terminés par M. Mar-
cotte en 1826 (i).
(1) Voir TAnnuaire du Doubs, année 1820. où cette planche a été insé-
rée, et le Discours de réception de M. Marnotte à TAcadémie de Besançon,
Mémoires^ 1875.
— 30 -
n résulta de la discussion « que ni l'un ni l'autre des labo-
rieux archéologues n'avaient cherché des preuves à l'appui
de leur sentiment par une comparaison des monuments de
Farchilecture romaine à ses diverses époques. » — C'était fort
bien jugé. — D'autre part, «r MM. les secrétaires du Congrès
ont sagement pensé que la question devait être remise en
discussion, puisqu'on avait de nouveaux documents à pro-
duire dans des bas-reliefs récemment découverts sur le flanc
gauche de Porte-Noire. »
En conséquence, l'assemblée se transporta en corps à
l'Arc-de-Trioraphe. Sur place, M. de Caumont appela l'at-
tention de l'assistance sur la moulure des bases des colonnes
où il trouvait le signe caractéristique des ouvrages du
ni« siècle (^).
En face de la colonne mise au jour depuis la restauration,
une des parties mieux conservées du monument (Voir la
photogravure ci-jointe), M. Ravier dut soumettre à ses col-
lègues un échantillon de son flair en matière d'interpréta-
tion, qu'il est intéressant de remémorer comme un curieux
exemple du procédé superficiel dont on abusait depuis si
longtemps.
Chacun peut aujourd'hui reconnaître à la partie supérie»ire
de cette colonne, Hercule poursuivant de ses flèches le cen-
taure Nessiis, ravisseur de Déjanire. M. Ravier, la tète pleine
d'actions militaires à découvrir, voit un soldat à l'exercice :
• On se prépare à la guerre » ce sont ses termes mômes. 2*
scène : « Les chefs délibèrent - ; or, c'est Bacchus accosté de
deux bacchants. — Le reste est à l'avenant. — Au vieux Silène,
ivre et assis par terre : « On remporte la victoire » ; après :
• On rend grâce aux dieux, on couronne le vainqueur » ; c'est
cependant une femme, Ariane fêtée par ses compagnes. En
dernier lieu, où vous reconnaissez, sans erreur possible, Af«-
nerve casquée et armée luttant èontre un des Géants qui
(1) La scotie et le tore se transformant en talon.
~ 40 —
brandit un rocher sur sa tête; détrompez- vous, le sculpteur,
au dire du commentateur, a voulu représenter « un genre de
défense particulier aux peuples auxquels on fait la guerre. »
Cette phénoménale élucubration a été publiée dans le vo-
lume du Congrès.
L'année suivante, Alphonse Delacroix insérait dans les Mé-
moires de la Société d'Emulation (1841) une courte notice
sur Porte-Noire, très estimable au point de vue architecto-
nique ou artistique , et , en ce qui concerne l'interpréta-
tion, moins aventureuse que celle qu'il publia vingt ans
plus tard sous la fâcheuse influence de la question d'Alesiai^),
Cinq ans après (1866) Castan lisait le charmant travail auquel
il a été fait allusion au début de cette étude, et c'est alors
qu'il insista sur l'excellente mesure que, sur son initiative et
celle de Delacroix, la Société d'Emulation avait prise de faire
mouler les principales sculptures du monument pour en fa-
ciliter l'étude. Ces plâtres de grande dimension séjournèrent,
sans utilisation sérieuse, pendant une trentaine d'années à
la Bibliothèque de la Ville.
La réinstallation du Musée d'Archéologie, au rez-de-chaus-
sée du bâtiment des Halles, fut l'heureuse circonstance qui
permit d'exposer avec ordre et en bonne lumière les vingt-
et-une pièces de nos précieux moulages. Il fut désormais fa-
cile d'étudier à loisir et de mettre à profit ces éléments indis-
pensables d'étude que l'on doit à Auguste Castan.
Aujourd'hui chacun peut lire dans ce texte authentique la
plus grande partie des choses que je mettais il y a un instant
dans la bouche d'un voyageur idéal.
La besogne de l'avenir sera de mieux éclairer, s'il est pos-
sible, la question historique encore nébuleuse.
En attendant on n'a qu'à se résigner à savoir ne pas savoir :
scire nescire.
(1) Guide de l'étranger à Besançony 1860. p. 87.
— 41 —
Les monuments dits Arcs-de-Triomphe semés à travers le
monde romain, les Gaules et notre région en particulier, au
milieu des groupes les plus compacts de population ont de
toute évidence été érigés pour la glorification de la puissance
romaine. Pas de contestation à cet égard.
Celui que nous possédons, considéré avec raison comme
unique dans son genre pour son architecture, Test encore
bien davantage pour la signification morale de sa décoration
et sa disposition même.
Considérez dans cette disposition deux parties distinctes.
La première, Varcade centrale (archivolte et pilastres), puis-
sante, détachée contre toutes les règles, et spécialement ca-
ractérisée par une décoration absolument religieuse ; la se-
conde, le cadrCy constitué par le couronnement et le double
étage des colonnes, où tout rappelle la force, la puissance
militaire ou la gloire humaine pour faire cortège à une figure
centrale trônant sur la clé de voûte, — et après, vous con-
clurez.
Si ce sont les habitants de Vesontio devenus romains par
la conquête qui ont élevé le monument, ils ont parlé le lan-
— 42 —
gage de Rome, de Rome si grande par ses œuvres et qui pou-
vait parler avec autorité.
Si vous avez bien compris ce langage, Messieurs, que fau-
drait-il de plus pour que vous arrachiez à Porte-Noire un de
ses secrets — je dis un — sans qu'il soit nécessaire de re-
courir à une fiction !
Le personnage du haut de l'arcade, centre de la figura-
tion, et vers lequel tout converge pour exprimer l'union
dans un solennel hommage, c'est la clé de voûte de Védifice
social, c'est Dieu !
I
DONAT NONNOTTE
DE BESANÇON
Par H. Jules 6ADTHIER
Secrétaire déeesMl
Séance du i5 février i902.
Dans Jes polémiques célèbres que Voltaire soutint avec es-
prit toujours, sinon toujours avec succès, avec ceux qui ne
voulaient pas reconnaître son autocratie littéraire, deux Com-
tois lui portèrent et en reçurent de rudes coups. L*un se
nommait Nonnotte, c'était un jésuite; Tautre Patouillet,
c'était un abbé. Et souvent Voltaire, à défaut d'arguments
contre les deux auteurs d'ouvrages qui exaspéraient son or-
gueil, Le» Erreurs de M. de Voltaire et les Lettres de quel-
ques juifs, sortis de la plume un peu lourde des deux apolo-
gistes franc-comtois, se vengea d'eux en appelant tout bête-
ment, à la grande joie de la galerie, l'un Nomiotte, l'autre
Patouillet, croyant les ridiculiser par la vulgarité et l'eupho-
nie médiocre de leurs noms de famille.
Or, ce Nonnotte dont il nous reste un bon portrait, avait
un frère aîné, fils comme lui d'un vigneron bisontin, qui eut
quelque mérite comme peintre d'histoire, mais surtout comme
peintre de portraits, et dont je voudrais essayer d'esquisser
la courte biographie en y apportant quelques éléments nou-
veaux.
Le 10 janvier 1706, Donat Nonnotte, second fils du vigne-
ron Thomas Nonnotte et de Claudine Verrin. était né à Be-
— 44 —
sançon, trois ans avant son frère le jésuite. Au lieu de suivre
la tradition de sa famille qui, depuis plusieurs générations
cultivait les vignes jadis célèbres du terroir de Besançon,
Donat fut engagé dans une autre vie par son propre oncle,
Jean Nonnotte, frère de son père, médiocre peintre, dont il
est ici parlé pour la première fois. Gomme tous ses congé-
nères du sol franc-comtois, ce Jean Nonnotie, qui mourut
garçon, devait vivre en peignant des enseignes, des écussons
pour les enterrements, des portraits de troisième ordre pour
les petites gens des quartiers populaires, tels que la rue
Saint-Paul où habitait Thomas, son frère, et où naquit Donat,
son neveu. C'était en tous cas dans un milieu d'ouvriers que
se révéla au foyer de Jean Nonnotte la vocation artistique de
Donat. De ses premières études il nous est resté un tableau
jusqu'ici inconnu que possède l'église de Sainte-Madeleine
de Besançon et dont voici la nature. C'est un Couronnement
de la Vierge par la sainte Trinité, peint sur une toile haute
de 2 m. 65, large de 1 m, 90, signée et datée en bas de cette
façon : Donat Nonotte, 1728. Au-dessus de la Vierge, à ge-
noux et mains jointes, placée au centre du tableau, plane le
Saint-Esprit sous la forme d'une colombe ; à gauche, on voit
Dieu le fila tenant la croix d'une main ; à droite, Dieu le père
portant le globe du monde, tous deux soutenant au-dessus
de la tête de la Vierge une couronne royale. Autour, dans le
ciel, au milieu des nuages, volètent des tètes ailées de ché-
rubins.
L'œuvre est médiocre, plutôt copie que traduction d'une
idée originale; elle est intéressante toutefois en montranl ce
que pouvait dans un milieu provincial, avec les conseils et
les leçons d'un mauvais peintre, un jeune apprenti de vingt
ans que la fortune allait rapidement conduire plus haut.
Au commencement du dix-huitième siècle, la misère en-
traîna nombre d'artisans et de cultivateurs franc-comtois
vers Paris ou d'autres régions de France, suivant l'exode qui
reste toujours cher aux habitants des froides montagnes qui
— 46 —
vont chercher du pain et demander du travail à de meilleurs
terroirs. Les Nonnotte avaient essaimé; il y en avait à Vau-
girard, à Meudon, à Ronfleur; chez ceux qui habitaient le
voisinage immédiat de Paris, dont un de ses frères nommé
Antoine, et vraisemblablement sur les conseils et de son
oncle et de son frère, novice chez les Jésuites, Donat vint à
Paris en 1728. Il y vécut de son talent pour le portrait, y fré-
quenta quelques ateliers, y fit la connaissance de jeunes
peintres et de graveurs de son âge. dont Tamitié l'aida à se
perfectionner d'abord, de l'autre à se procurer le nécessaire
pour ne pas mourir de faim. Un de ces jeunes artistes était
Jean Daullé, qui devint célèbre par son talent de graveur, et
qui, nommé membre de l'Académie royale de peinture, exé-
cuta pour son ami Nonnotte un fort joli portrait, dont une
chance favorable m'a permis de recueillir le cuivre original ;
ce fut peut-être à lui, mais plus probablement à Boucher,
Natoire et Boizol que Nonnotte dut d'être présenté à Fran-
çois Leraoyne en 1731, trois ans après son arrivée à Paris (i).
« Peu de temps après que je fus entré chez M. Le Moine
pour y étudier, un de mes amis lui dit que j'avais quelques
connaissances de la peinture à fresque. C'était précisément
dans le temps qu'il commençait la sienne à Saint-Sulpice.
M. Le Moine me fit appeler, me demanda si je voulais tra-
vailler pour lui et si je pourrais lui ébaucher tous les matins
l'ouvrage qu'il se proposerait de finir dans la journée, moyen-
nant quoi il m'offrit des honoraires.
* Flatté comme je devais l'être d'une proposition aussi
avantageuse pour mon avancement, je l'acceptay avec joie
sans me trop inquiéter de mes autres intérêts, dont je le
laissai entièrement le maître. L'ouvrage fini, M. Le Moine
(1;< (( Il travaillait pour des esquisses à Saint-Sulpice. .., quand j*eus le
bonheur d'entrer chez lui pour être son élève, au commencement de l'an-
née 1731. » (Ms.de Donat Nonnotte, Vie de Lemoijne, ms 50r> de la Hibl.
de Besançon.)
— 46 —
me récompensa, et je le fus aussi par le curé [de Saînt-Sul-
pice] qui m'avait vu assidu à son travail toutes les fois qu'il
avait montré la coupole <*). »
Dans ce récit de Nonnotte, il s'agit de la fresque bien con-
nue de Lemoyne dans la coupole de la chapelle de la Vierge
à Saint-Salpice, exécutée de 173! à 1732, et représentant
l'Assomption.
Quand la fresque de Saint-Sulpice fut finie, Lemoyne, sur
la commande du duc d'Antin, surintendant des bâtiments du
roi, fut chargé d'un plafond pour le salon d'Hercule, au châ-
teau de Versailles, Nonnotle y fut employé et eut la respon-
sabilité soit des ébauches, soit de l'application des figures en
stuc dont il surveillait le modelage et la pose. Laissons-le
raconter, tout en abrégeant, comment se passèrent les
choses :
« M. Le Moine, avant que de partir pour Versailles, m'ayant
fait l'honneur de m'inviter à le suivre encore dans cette
grande entreprise, je partis avec luy le 13 may 1733, et dès
le lendemain il commença à tracer à la craye les premiers
groupes de ce fameux ouvrage... Je ne le quittai plus. »
Nonnotte, en 1762, consacra à la mémoire de son maître et
de son bienfaiteur une étude consciencieuse et émue qui
prouve autant pour le bon cœur de l'élève que pour la bien-
veillance du peintre du Roi, dont il fut très honoré de recevoir
les leçons. Il y raconte notamment les causes réelles du dé-
couragement, puis du suicide de François Lemoyne, l'un des
plus brillants représentants de l'École française au lendemain
de la disparition des grands artistes qui avaient fait la gloire
du siècle de Louis XIV. La mort du duc d'Antin, son protec-
teur, la mort de sa femme, la médication bizarre qu'il suivait
en buvant « une liqueur où était infusée de la poudre de
vieilles pipes à fumer », un détraquement général du cerveau
(1) Voir Vie de Ijemoyney par Donat Nonnotle, ms. 5(fô de Ja Bibl. de
Besançon.
- 47 -
amenèrent le jeudi 4 juin 1737 le malheureux peintre à se
percer de neuf coups d'épée.
Cette mort fut funeste aux espoirs conçus par Nonnotte,
auquel le duc d'Artois avait promis une bourse de pension-
naire du Roi à Rome, et le mirage de quelques années d'é-
tude sous les cieux d'Italie dut faire place aux soucis plus
terre à terre de l'existence, assurée uniquement par un tra-
vail opiniâtre (i>.
Peu après le décès de Lemoyne, Nonnotte, qui demeurait
à Paris, rue de Beauvais, s'éprit d'une voisine plus âgée que
lui de neuf ans, Marie-Elisabeth Bastard de la Gravière, veuve
d'Antoine Duchâtel, bourgeois de Paris (2). Elle avait, h dé-
faut de jeunesse et de beauté, un caractère aimable et quel-
que fortune. Il l'épousa le 29 octobre 1737, et vécut, grâce à
sa modeste aisance, libre des soucis matériels au milieu des-
quels il avait jusque-là vécu.
Les amitiés qu'il avait formées dans l'atelier de Le Moyne,
les succès de nombreux portraits qu'il fit de 1737 à 1740, lui
ouvrirent en 1741 les portes de l'Académie royale de pein-
ture et sculpture, et dès lors les livrets des salons de 1741,
1742, 1743, 1745, 1746, 1753, 1755 et 1765 enregistrèrent de
continuels envois de portraits.
Ce fut dans le portrait qu'il se confma; il avait trouvé sa
voie, et faute de pouvoir s'élever d'un plus haut vol comme
il l'avait rêvé, alors que sur les échafaudages de Saint-Sulpice
et de Versailles il collaborait aux fresques du premier peintre
du Roi, il eut la sagesse de renoncer à la grande peinture
d'histoire et aux tableaux de genre pour lesquels il n'avait,
à côté d'une facilité réelle de coloris et de dessin, que des
qualités et des études insuffisantes (3).
En 175 i, il fut nommé peintre de la ville de Lyon et diri-
(1) Ms. de Nonnotte, Bibl. de Besançon, no 505.
(3) Jal, Dictionnaire de biographie ei d'hiatoire^ v<» Nonnolte.
(3; n fut reçu le 26 août 1741 sur les portraits de MM. d'Ulin et Lecleic
fib.
— 48 —
gea l'école gratuite de cette ville, jadis florissante sous la di-
rection de MM. Blanchet et Coysevox, et finalement restaurée
de 4754 à 1757 par l'influence d'amateurs distingués. De cette
école, qui fut la première de la province, sortirent nombre
de peintres et d'artistes remarquables qui obtinrent du
peintre bisontin et de son zélé désintéressé et bienveillant
plus de succès qu'il n'en avait cueilli lui-même, malgré sa
persévérance et son labeur.
Disséminés un peu partout : à Lyon, dont le musée conserve
un portrait de magistrat, probableinent celui d'un conseiller
de la cour des monnaies de cette ville, exposé en 1745 (1); à
Orléans, le portrait de Desfriches ; à Besancon, celui de Do-
nat Nonnotte et celui de sa femme, et cent autres, connus ou
inconnus, signés ou non, partagés entre les dépôts publics et
les collections privées, ces portraits de Nonnotte se distin-
guent par un dessin correct, un modelé excellent, un colons
simple et exact, un naturalisme de bon goût. L'élégance en
est réelle et la ressemblance en devait être frappante.
On en jugera par les portraits du musée de Besançon que
nous aurions voulu reproduire à côté de cette étude rapide,
et qui furent peints par Nonnotte en 1758.
Avec le portrait grave par Daullé et celui exécuté vers 1780
par Camille Belle, élève de Nonnotte, ils constituent à la mé-
moire d'un peintre de portraits qui, tout en étant de second
ordre, eut un mérite réel, un hommage très appréciable.
Le portrait de Donat Nonnotte (qui porte le n« 363 du mu-
sée de Besançon) le représente debout à mi-corps, tète nue,
les cheveux poudrés, appuyé sur le dos d'un fauteuil mis en
avant. Il a sa palette et ses pinceaux en mains ; derrière lui
est dressée une toile à peindre au bas de laquelle on lit ces
mots : Nonnotte peint par lui-même en 1758,
Le portrait de Marie-Elisabeth, sa femme, la représente
(1) Ce tableau, mesurant 1 mètre sur 0"«80, a été acquis en 1870 par le
Musée lie Lyon. (Renseignement du cunservateur; M. Oissard.)
t.^*',Sffn*^ ^yttr- /ut nt^otc <V ^jr.n^e fnit\<',m nrntjj,ui/le ^r. ./a K,^i ft Jr f .J.\u/ fmf JJJiiAi'Uf^.
A
— 49 —
assise de trois quarts à droite, à mi-jambes, vêtue d'une robe
de soie bleue et d'une mantille blanche garnie de dentelles,
coiffée d'un bonnet à rubans bleus. De la main gauche, elle
tient une brochure ouverte qu'elle est en train de lire ; sa
main droite tient un éventail, son coude droit est appuyé à
une table où £e trouve une tabatière. Sur la planchette qui
relie les pieds de cette table, celte inscription : Mme Non*
notte, peinte par son mari en il58{^),
Camille Belle a dessiné au crayon noir rehaussé de crayon
blanc le peintre Nonnotte à l'âge de 72 ans environ (2) ; la tête
est massive, l'expression du regard énergique ; on retrouve
dans la physionomie vieillie la môme vivacité et la même ro-
bustesse que dans le portrait du jésuite Nonnotte (171i-1793),
peinte par Donat, son frère, et gravé par G.-A. BoiJy sur un
dessin de Belay (3).
La gravure consacrée à notre peintre par son ami Daullé
doit avoir été exécutée antérieurement à 1758 et postérieure-
ment à 1754. La figure, tournée à gauche, est jeune encore ;
elle est inscrite dans un médaillon rond suspendu par un
ruban. Au bas se lit cette inscription : d. nonnotte, Peintre
du Roy et Membre de l' Académie des Sciences^ Belles-Lct-
très et Arts de Lyon, Et plus bas : Dessiné par lui-même et
gravé par son ami Daullé g }'[aveur] du Roy et de VAcad[émie]
Imp[ériale] d^Ausbourg.
Ces trois portraits inédits donnent à la physionomie de
Donat Nonnotte une saveur toute particulière. Car, nous le
disions tout à l'heure, c'est un hommage que méritait le
peintre de portraits dont le mérite est incontestable comme
praticien et dont l'effort s'est appliqué à inculquer à ses
élèves et à célébrer dans les Académies de Lyon et de Be-
7- ' ' ■- ' . ■ ■ I ■ .
(1) Ces deui portraits à i'huile ont été donnés au Musée de Besançon
par le baron Daclin, ancien maire de la ville. Ils portent les m» 3(33 et 364.
(2) Dessin haut de 0n>50, large de 0"35, don de M. Paul Laurens au
Musée de Besançon.
(3) Voir la planche originale en tête de cette Etude.
— 50 —
sançon les règles de l'art et les principes de la peinture sur-
tout en matière de portraits : < Le portrait est un des genres
qui nous intéressent davantage. C'est Tamitié, Tainour^ l'es-
time et le respect qui lui ont donné naissance, et il sert à
conserver et à exprimer les sentiments du respect, de l'es-
time, de l'amitié et de l'amour. On se tromperait si l'on
croyait que la ressemblance des traits fît tout le mérite d'un
portrait (i). »
A côté de ses tableaux, de ses portraits peints ou gravés,
Nonnotte s'essaya aussi à Tillustration du livre. Nous en
avons la preuve dans huit gravures ou vignettes exécutées
en 1762, d'après ses dessins, par son ami Daullé, pour les
œuvres de la célèbre lyonnaise Louise Labé. Ces dessins
sont inférieurs, il faut l'avouer, aux compositions d'Eisen,
qu'ils semblent vouloir imiter, mais ils ne sont pas sans
mérite.
Outre ses tableaux, ses portraits peints ou gravés, Non-
notte, qui mourut à Lyon le 5 février 1785, entouré de l'es-
time générale, a laissé divers manuscrits sur la peinture ou
sur les peintres dont on trouvera plus loin le détail. Il n'avait
pas eu d'enfants, et sa fortune, modeste d'ailleurs, passa à
une nièce Joséphine Nonnotte, fille de son frère Antoine,
mariée à Honfleur, à charge de servir une pension à ses père
et mère. Les services qu'il a rendus à la classe populaire
comme professeur à l'école de dessin de Lyon, aussi bien
que les nombreux portraits qu'il a consciencieusement exé-
cutés durant sa longue carrière, rendent son nom digne de
reconnaissance et de respect.
(1) Discours prononcé à rAcadamie de Lyon, le 17 novembre 1772, par
Nonnotte, qui y avait été admis en 1754 (n* 12, ms. 505, Bibi. de Besançon).
— 51 ^
APPENDICE
I. Acte de naissance de Donat Konnotte
(Besançon, 10 janvier 1706).
Donatus, filius Thomae Nonnotle el Claudiae Yerrin ejus uxo-
ris, natus est die décima januarii, anno Domini 1708 et sequenti
die baptisatus est, cujus susceptores fuerunl Joannes Nonnotte
el Joanna-Francisca Roy.
Signé : Phiiipus Pierrard.
(Reg. de la paroisse Sainl-Paul. Bibliothèque de Besançon.)
II. Liste des manuscrits de Donat Nonnotte.
1. « Avantages des lettres et des sciences, n
2. c Compte rendu des travaux académiques pour l'année
1706(1). »
3. « Premier discours sur la peinture • du dessin et de la va-
riété de ses caractères selon les âges et selon les sexes... ; lu à
la Société royale de Lyon le 29 novembre 1754, et à l'Académie
royale de peinture et sculpture le 5 avril suivant. *
4. • Deuxième discours sur la peinture : de l'expression gé-
nérale; lu à la Société royale de Lyon, le 28 novembre 1755. »
5. « Troisième discours sur l'expression intérieure des pas-
sions de l'âme ; lu à la Société royale de Lyon le 19 novembre
1756. •
6. « Quatrième discours sur la peinture : de la composition,
première partie ; lu à la Société royale de Lyon, le 12 août
1757. »
7. • Sixième discours de M. Nonnotte : les avantages du por-
trait et la manière de \e traiter ; lu à l'Académie de Lyon, le
13 novembre 1760. »
(1) J -B. Dumas, Histoire de V Académie de Lyon, p. 288.
— 52 —
8. « Septième discours... sur les caractères auxquels on peut
reconnaître les excellents peintres et les vrais connoisseurs; lu
à l'Académie de Lyon le 19 novembre 1761 ; à TAcadémie de
Besançon le *il avril 1762. »
9. « Huitième discours... sur les préjugez d'école relativement
à la peinture...; lu dans une assemblée particulière le 18 no-
vembre 1762, et dans l'assemblée publique de l'Académie de
Lyon le 7 décembre de la même année. »
10. « Neuvième discours... sur les principes dégoût dans la
peinture, lu à l'Académie de Lyon le 17 novembre 1763. »
11. « Dixième discours... sur la couleur naturelle des objets
et sur la perspective aérienne... lu à l'Académie de Lyon le
15 novembre 1764. ».
12. « Onzième discours... sur les parties pratiques de la com-
position... lu à l'Académie de Lyon le 18 novembre 1766. »
13. «< Quinzième discours... observations intéressantes pour
les élèves dans la peinture .. lu à l'Académie de Lyon, le 17 dé-
cembre 177L »
14. « Seizième discours... sur l'histoire de la peinture... lu à
l'Académie de Lyon... le 17 novembre 1772. »
15. « Vie du peintre François Le Moine (1). »
IIL Liste dos tableaux de Donat Nonnotte.
1. — 1728. Couronnement de la Vierge, église Sainte-Made-
leine de Besançon.
2. — 1731-1732. Collaboration à la fresque de la coupole de la
chapelle de la Vierge, à Saint-Sulpice (Paris), avec Lemoyne.
3. - 1733-1737. Collaboration au plafond du salon d'Hercule,
à Versailles, avec Lemoyne.
4. — Salon de 1741. Portrait de M. Le Lorrain, sculpteur du
roi.
5. — Portrait de Mme Lépicié, épouse de M. Lépicié, secré-
taire et historiographe de l'Académie, en muse.
(1) Ms. 5<^ de la Bibl. de Besançon. Autographe, papier, 151 feuillets,
317 sur 209 millim. J'ai publié ce ms. p. 520-540 de la Réunion dûê So-
ciétés des Beaux- Arts des départements ^ 1902.
— 53 —
6. — Portrait de M. d'Ulin, ancien professeur de TAcadémie.
7. — Portrait de M. Le| Clerc, ancien professeur de géomé-
trie et de perspective de TAcadémie.
8. — Portrait en buste de Mme Duvigeon, épouse de M. Du-
vigeon jeune, peintre en miniature.
9. — Salon de 1742. Portrait de M. Fremin, écuyer, conseiller
secrétaire du roi, premier sculpteur du roi d*Espagne et direc-
teur de l'Académie royale de peinture et sculpture.
40. — Portrait de M de L. . . avec une bergère, dont le sujet
est tiré d'un couplet écrit et noté dans le tableau,
il. — Portrait de Mlle Rabon, en habit de bal.
12. — Portrait de Mlle Le***, représentée en Érigone.
13. — Salon de 1743. Portrait de M. Moyreau, graveur ordi-
naire du roi et de l'Académie royale de peinture et sculpture
(musée d*Orléans).
14. — Portrait de Mme *" finissant sa toilette.
15. — Portrait de Mme de Baucheron, représentée en muse,
tenant un globe céleste.
!6. — Portrait de M. l'abbé de***, en robe de trésorier de
France.
17. — Portrait de M. de Yarennes, chevalier de Saint-Louis,
major des chevau-légers.
18. — Portrait de feu M. Hunauld. régent de la Faculté de
médecine en l'Université de Paris.
19. —Salon de 1745. Portrait de M. de ***, conseiller à la Cour
des monnaies de Lyon, peint en robe rouge, tenant un livre
ouvert.
20. — Portrait de M. de***, lieutenant-colonel de cavalerie,
peint en cuirasse.
21. — Une tête représentant MmeLemoyne, épouse de M.Le-
moyne, sculpteur du roi, et adjoint à recteur de l'Académie
royale de peinture et sculpture.
22. — Poitraitde Mme de***, appuyée sur une tal)le de toi-
lette, tenant une brochure.
23. — Portrait de M. Daullé, graveur du roi et de l'Académie
royale de peinture et sculpture.
24. — Portrait de Mme de ***, jouant de la vielle.
— 54 —
25. — Une tête représentant M. Gilquin^ peintre.
26. — Salon de 1745. Un grand tableau représentant MM."*,
père et fils. Le fond de ce tableau est un cabinet d'étude.
27. — Salon de 1748. Portrait jusqu'aux genoux de M."*, dans
son cabinet.
28. - Portrait d'un religieux représentant l'étude, frère de
l'auteur.
29. — Salon de 1753. Portrait de M/", vêtu en robe de
chambre de taffetas rayé.
30. — Salon de 1755. Portrait de Mlle Dumesnil.
31. — Salon de 1765. Un portrait.
32. — 1758 Portrait de Donat Nonnotle (n© 363 du musée de
Besançon).
33. - Portrait de sa femme (n© 364 du même musée).
34. — Portrait de Desgriffes (musée d'Orléans) (i).
35. — V. 1758. Portrait de l'auteur, gravé par Dauilé.
36. — Portrait du sculpteur Lelorrain, gravé par Tardieu(2).
37. — Portrait de Gentil Bernard, gravé par DauUé.
38 — Portrait de Claude-François Nonnotle, gravé par C.
Boily.
IV. Ouvrage imprimé de Donat Nonnotte
Discours sur la peinture (réception à l'Académie de Lyon),
imprimé dans le Mercure de France, 1755.
ANNSXS
1. Manuscrits de Donat Nonnotte conservés à la
Bibliothèque publique de Besançon.
505. » Traité de la peinture et du dessin, suivie de la vie de
M. Le Moine, par Donat Nonnotte, peintre du Koy, doyen de
l'Académie royale de peinture et de sculpture, né à Besançon, •
(1) Dictionnaire des Artistes, de Heluer de la Chavignerie et
AuvRAY, t. II, col. 166.
(2) J.-B. Dumas, Histoire de l'Académie de Lyon, 1839, p. 288.
— 55 —
Treize cahiers distincts :
\o « Premier discours sur la peinture : du dessein (sic) et de
la variété de ses caractères selon les âges et selon les sexes.. ;
lu à la Société royale de Lyon, le 29 novembre 1754, et à l'Aca-
démie royale de peinture et sculpture le 5 avril suivant. »
2o « Deuxième discours sur la peinture : de Texpression gé-
nérale ; lu à la Société royale de Lyon, le 28« novembre 1755 ..»
3<» € Troisième discours sur l'expression extérieure des pas-
sions de l'àme, lu à la Société royale de Lyon, le 12 novembre
1756... »
4o « Quatrième discours sur la peinture : de ht composition,
première partie ; lu à la Société royale de Lyon, le 12 août
1757... »
5o fl Sixième discours de M. Nonnotte : les avantages du por-
trait et la manière de le traiter; lu à l'Académie de Lyon, le
13 novembre 17(50... »
6» « Septième discours... sur les caractères duquels (sic) on
peut reconnaître les excellents peintres et les vrais connois-
seurs... ; lu à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de
Lyon, le 17 novembre 1761 ; lu aussi à l'Académie des sciences,
belles-lettres et arts de Besançon, le 21 avril 1762... »
7® 1 Huitième discours.. . sur les préjugez d'école relative-
ment à la peinture... ; lu dans une assemblée particulière le
18 novembre 1762 et dans l'assemblée publique [de l'Académie
de LyonJ du 7« décembre de la môme année. . . «
S"* « Neuvième discours... sur les principes du goût dans la
peinture, lu à l'Académie de Lyon le 17 novembre 1763. o
9* « Dixième discours... sur la couleur naturelle des objets et
sur la perspective aérienne, lu à l'Académie de Lyon, le 15 no-
vembre 1764. D
lO • Onzième discours sur les parties pratiques de la compo-
sition..., lu à l'Académie, le 18 novembre 1766. »
11» « Quinzième discours : observations intéressantes pour
les élèves dans la peinture...; [discours] lu à l'Académie de
Lyon, le 17 décembre 1771. »
120 c Seizième discours... sur [l'histoire de] la peinture, lu à
l'Académie de Lyon, le 17 novembre 1772. »
13o Vie du peintre François Le Moine.
— 56 —
Le titre du premier cahier porte cette mention d*origine : t Je
certifie que le présent manuscrit est de la main de M. Non-
notle et que j'en suisdevenu possesseur pardroitde succession.
— Besançon, le 25 octobre 1813. (Signé) : A. Laurens, petit-ne-
veu de l'auteur. «
C'est k 1 auteur de cette note que la bibliothèque doit les
treize cahiers dont les titres précèdent.
II. Acte de mariage de Donat Nonnotte et de Marie-
Elisabeth. Bastard de la Grravière
(Paris, 29 octobre 1737).
[Donat Nonnotte natif de Besançon, peintre de portraits, rue
de Beauvais, 29 ans, épouse Marie- Elisabeth Bastard de la
Graviôre, veuve d'Antoine Duchâtel, bourgeois de Paris. Son
père Thomas était mort en 1737. Témoins, Thomas Nonnotte,
son frère, jardinier à Chaillotte, et Claude-François Balanche-
llichard, peintre, demeurant rue Goquillière].
(Reg. paroissiaux de Saint-Germain rAuxerrois. Jai., Dictionnaire de
biographie, 1867, 918.)
lU. Aote de décès de Donat Nonnotte
(Lyon, 5 février 1785/.
Sieur Donat Nonnotte, peintre du Roi, de l'Académie royale
de peinture et de sculpture, de celle des sciences, belles-lettres
et arts de Rouen et peintre de la ville, Agé de 78 ans, décédé
hier à l'hùtel de ville, a été inhumé par moi, curé soussigné ce
6' février 1785; présents sieurs Jean François Arnaud et Nico-
las Berjeon, clercs tonsurés qui ont signé :
Arnaud, Berjon, Demeaujj., curé.
(Reg. paroissiaux de SS. Pierre et Saturnin, 1785, reg. 644, fol. 18, n« 806.
Arch. municip. de Lyon.)
SDR
LA PEINTURE ANGLAISE
Par H. Victor GUILLEMIN
Séances des iO mai, i4 juin et i2 juillet i902
AVANT-PROPOS
On sait combien il est rare de voir chez nous des tableaux
de peintres anglais, et cela n'est pas fréquent même dans
leur pays, car malgré les nombreuses richesses d*art qu'il
possède, elles ne sont point centralisées. Ce n'est pas à la
National Gallery^ formée principalement par des dons et
datant de 47'24, que l'on peut étudier l'histoire de la peinture
en Angleterre. Il faudrait, h cet effet, avoir visité entre
autres collections celle que le riche amateur Robert Vernon
a léguée à ses concitoyens, la salle des tableaux à l'hôpital
de Greenwich remplie de peintures anglaises représentant
des batailles navales, les galeries de Hampton-Court et du
château de Windsor et nombre de collections particulières
qui, en mai 1857, avaient momentanément centralisé leurs
chefs-d'œuvre à l'Exposition de Manchester. On citait parmi
les galeries fameuses celles du duc de Northumberland, la
Grosvenor Gnllery au marquis de Westminster, Brid-
gswater GaUery au comte d'Ellesmere, Sutherland Gallei^y
au duc de Sutherland, etc.
En 1862 on avait encore fait appel aux possesseurs de ta-
bleaux et môme aux musées nationaux : une vaste collection
5
— 58 —
de peintures fut rassemblée à côté de l'Exposition indus-
trielJe au palais de South-Kensinglon. Cet appel s'était
même étendu aux différentes nations, et six mille œuvres
d'art étaient arrivées du continent. Mais une fois ces exposi-
tions finies, toutes ces richesses s'étaient de nouveau dis-
persées.
Nous voyons, chez nous, pour représenter la peinture
anglaise avant 1882, le catalogue des musées du Louvre
mentionner seulement une esquisse et un petit tableau de
Bonington, portés de l'école française parce que, disait-
on, cet artiste venu jeune en France, à l'âge de 15 ans,
y avait étudié, vécu et travaillé. Deux paysages, une marine
et une esquisse de Constable y formaient, en outre, tout le
bagage de la Grande-Bretagne. Actuellement, dans vingt-
cinq tableaux qui composent l'insuffisante exposition de la
salle XIII en ce premier musée de France, on ne trouve
rien de Reynolds, rien de Turner, et seulement un paysage
de Gainsborough, qui fut aussi excellent portraitiste.
Parmi les musées de province, celui de Montpellier peut
montrer seulement une figure d'étude de Josuah Reynolds
pour une de ses compositions : c'est le Jeune Samuel en
prière; le musée du Mans : un Paysage daté de 1821 et
signé : John Constable, et l'on parle en ces derniers temps
de portraits par Hoppner et Josuah Reynolds que le maître
Bonnat a donnés au musée portant son nom, à Rayonne, sa
ville natale.
Le musée de Besancon ne possédait jadis qu'un tableau
de nature cnorle, assez important il est vrai, représentant
un chasseur et du gibier, et acheté en 1840 à un peintie
anglais contemporain nommé Barker, mais le musée s'est
augmenté dernièrement de la collection léguée par notre
regretté maitro comtois Jean Gigoux, et l'on y trouve des
échantillons du talent de plusieurs artistes anglais dont la
postérité a consacré les noms.
Plus récemment, nous trouvions dans la collection léguée
— 59 —
par M. L. Chenot un remarquable petit portrait par un maî-
tre bien connu, et c'est ainsi que Ton peut noter à Besançon
quelques morceaux intéressants de cette peinture britan-
nique absente de presque tous nos musées de province.
A propos de ces spécimens que l'on n'a pas rassemblés^
qui sont dispersés parmi les tableaux et quelques dessins
de la collection Gigoux, nous est venu le désir de faire une
étude sur la peinture anglaise.
Ce que nons avons au musée de Besançon, sauf un ta-
bleau de Barker, consiste en productions de Tancienne
école; nous ne possédons, à vrai dire, rien de l'école mo-
derne.
Pour cette dernière, ce que nous en avons vu dans nos
expositions universelles, et dans les salons de peinture à
Paris nous permettra de rendre compte de nos impressions
en contrôlant notre sentiment par les appréciations de quel-
ques-uns des critiques les plus compétents.
— 60 —
INTRODUCTION
Jusqu'à la fin du xV* siècle on ne trouve point de docu-
ments sur rhistoire de la peinlure en Angleterre ; elle reste
dans une obscurité profonde. Tandis que l'Italie, la France
et TAllemagiie au moyen-âge pouvaient déjà citer des peintres
de quelque valeur, les Anglais n'avaient point conservé le
nom de ceux qui leur auraient appartenu.
Pourtant, comme les érudits, de quelque nation qu'ils
soient, mettent leur orgueil à vouloir prouver que leur pays a
été le foyer primitif de tel art ou de telle science, il s'est ren-
contré au xviu* siècle un honnête Anglais, le graveur George
Vertue (1684-1 757j, pour prétendre donner des preuves qu'a-
vant la renaissance de cet art en Italie la peinture était flo-
rissante dans son pays. Il est certain toutefois que pour l'art
de peindre, l'Angleterre est la dernière des nations qui pour-
rait revendiquer la priorité chronologique.
Tous les manuscrits où étaient consignés les documents
de la longue et incessante enquête de Vertue, enquête qui
dura quarante-quatre ans, furent achetés par Horace Valpole.
Celui-ci, connais^eur émérite, les .coordonna, et après véri-
fication, fit justice des prétentions non justitiées et des illu-
sions du trop patriotique graveur. Il a été publié dans ce but
quatre volumes 0/chez Thomas Kirgate dans une imprimerie
que H. Valpole, ce spirituel correspondant de Madame du
Deffaud, avait établie sur son domaine de Strawberry Hill.
Notons en passant que nos antiquaires et nos érudits fran-
(1> Le titiv lie oet ouvrage e:>t : Atuscdotes of ^tainting in England
coiltcied b:f (■. Veriite; «li^iosteil and puhlisheti Trom hîs original mss.
Ity lioraiv \Val|NiUs Strawberry. — HilL Thomas Kirgate. 1705. 4 tom.
- 61 —
çais ont eu le bon goût d'éviter le ridicule de George Vertue
et de ne point se livrer aux tentatives d'un amour-propre de
clocher pour établir la priorité de notre art national sur ce-
lui de ritalie.
C'est seulement au xiii' siècle, sous Henri III, qu'on peut
mentionner quelques peintures murales, puis, dans des do-
cuments du XIV* siècle, des tableaux où figurent les images
des saints. Un retable d'autel du xv" siècle, dans l'église de
Shen, contenait les portraits d'Henri Vet de plusieurs mem-
bres de sa famille, et la miniature faisait à cette époque son
apparition dans les livres, mais ces peintures étaient l'œuvre
d'artistes étrangers.
A ce moment les beaux-arts florissaient en Italie, et cela
ne fut point sans influencer quelque peu les artistes des
autres nations, même ceux de l'Angleterre ; pourtant ces
derniers ne produisirent point d'œuvres ayant un cachet
d'originalité.
Au temps de la Réforme, les adeptes de la nouvelle religion
proscrivaient les images saintes, et ils détruisirent tous les
tableaux représentant des sujets religieux. Bien avant, du
reste, et jusqu'à la fin du xvii* siècle, les seuls peintres de
quelque talent ne furent point Anglais.
Dès le xvio siècle des artistes italiens sont appelés. On cite
Toto délia Nunziata, disciple de Ghirlandaio, et Luca Penni,
le frère de Francesco Penni, dit le Fattore. Henri VIII, à
l'exemple de François 1*^, avait aussiess ayé, mais en vain, de
retenir des peintres de l'Italie à sa cour. Un Allemand illus-
tre, Hans Holbein, fut le seul maître qui répondit à ces
avances. Il résida en Angleterre pendant 28 ans et il y fit les
portraits de tous les personnages de la cour et des premiers
gentilshommes du royaume.
Citons encore, à ce moment, parmi ceux de l'étranger, le
flamand Gérard Luca Horrebout W qui mourut à Londres en
(1) G. L. Horrebout : Gand, 1498; Londres, 1558.
— 62 —
1558, et Engelbrechsten (D, fils de Cornelisz ; ce dernier fut
maître de Luca de Leyde.
Le Hollandais Antoine Morou Moro (2), peintre de Charles-
Quint dont, entre autres musées de province, celui de Be-
sançon possède deux portraits qui sont des chefs-d'œuvre,
vint aussi à Londres à la demande de la princesse Mary qui
devait épouser Philippe II, et s'y trouva en même temps que
les flamands Joost Van Cleef et Luca de Heere (3). Un peintre
français nommé Jehan de Paris fut adressé par François P
à Henri VIII en 1519, avec la mission de faire le portrait de
ce roi Sous le règne d'Elisabeth, c'est encore des artistes
étrangers : Cornelisz Kate de Gouda, l'italien Federigo Zuc-
chero, le flamand Mark Gérard de Bruges qui sont les seuls
peintres marquants, et l'on n'en cite point d'origine anglaise.
Dans la miniature seulement un certain Nicolas Hilliard,
né à Londres en 1547, et Isaac Oliver, natif aussi de Londres
en 1555, mais tous deux probablement de familles françaises,
imitent la manière d'Holbein.
Deux Hollandais, peintres de marine, Cornelisz W le vieux
de Harlem qui peignit la Victoire du comte de Nottingham
sur l'Armada de Philippe II, et Pieter Van den Velde, peut-
être l'ancêtre de Wilhem, qui fleurit sous les règnes de
Charles I" et de Charles II, doivent aussi être cités du vivant
de la reine Elisabeth.
Sous Jacques I«' des peintres étrangers viennent encore
en Angleterre : c'est Paul Van Somer (5), Cornelisz Janson
Van Ceulen (6), dont nous possédons en la collection léguée
par Gigoux à sa ville natale un morceau remarquable, un
portrait d'adolescent d'un grand eflet avec peu de travail ;
(1) Engelbrechsten. 1468-1533.
(2) Antoine Mor, 1525-1581.
(3) Luca «le Heere, né à Gand en 1534.
(4) Cornelisz Vroom, 1566.
(5) P. van Somer, 1666.
(6) G. J. van Ceulen, 1618.
i
-68 —
c'est encore Daniel Mytens (i) de la Haye. Ces deux derniers
devinrent les peintres officiels de Charles I" et se lièrent
d'amitié avec Van Dyck qui fit le portrait de Mytens.
En 1629, Rubens passe une année en Angleterre et Van
Dyck y demeure en 1632. L'art autochtone n'existe point
encore en ce pays et Tart étranger y brille seul. L'art au-
tochtone n'apparaîtra qu'au xviii* siècle avec Hogarth et
Reynolds. Gainsboroug et Thomas Lawrence ne feront, du
reste, comme tous les portraitistes modernes, que s'inspirer
de Van Dyck et marcher sur ses traces sans jamais l'égaler.
Tous l'imitèrent ou cherchèrent à l'imiter. Georges Jameson
fut le Van Dyck écossais, etJamesGandy le Van Dyck irlandais.
Jameson né à Aberden en 1586 était venu vers 1615 étu-
dier dans les ateliers de Rubens et de Van Dyck; il retourna
dans son pays natal en i620, puis se fixa à Edimbourg où il
mourut en 1644. Sur sa réputation on lui fit la commande
d'un portrait de Charles P'. Il fut assez bon peintre.
James Gandy (2) résida en Irlande et fut un artiste distin-
gué. Henri Stone fils du statuaire de ce nom, gendre du
peintre hollandais Pierre de Keyser, et surnommé Old
Stone (le vieux Stone), peignit aussi dans la manière de
Van Dyck, à Londres où il mourut en 1653, âgé de 37 ans.
En même temps que Van Dyck, et autour de lui, Ton vit
en Angleterre Jean Van Reyn (3) de Dunkirk, David Beck (*)
de Arnheim ou de Delfl qui ont collaboré aux portraits de ce
maître; les hollandais Adrien Hanneman W de la Haye,
dont nous possédons, au musée de Besançon, le portrait du
chancelier Chifflet, le hollandais Veesop et Remigins Van
Lemput, qui furent des imitateurs de ce grand maître fla-
mand. Lemput est mort à Londres en 1675.
(1) Daniel Mytens, 1623.
(2) James Gandy, 1619-1689.
(3) Jan Van Reyn : Dunkirk, 1610; Londres, 1642.
(4) Mort à La Haye en IfôO.
(5) Hanneman : La Haye, 1611-1680.
-64-
Le meilleur des peintres anglais que Van Dyck ait formé
fut William Dobson né à Londres en 1610, mort en 1646
dans la misère, malgré ses titres de premier peintre et valet
de chambre du roi Charles P^ Il avait un grand talent et a
produit des chefs-d'œuvre, notamment le tableau où il s'est
représenté embrassant Charles Cotterel auprès de sir Bal-
thazar Gerbier, Tami de Rubens. On trouve aussi de ses ta-
bleaux représentant des sujets bibliques dans les meilleures
galeries de TAngleterre.
Citons encore Robert Walker dont on ignore les dates de
naissance et de mort, et parmi les peintres de l'école de
Rubens qui séjournèrent plus ou moins en Angleterre,
George Geldorp{l;.de Bois-Ie-Duc; le paysagiste Wouters'S),
Gérard Seghers (3) ; les hollandais W Lievens, Hendrick Pot,
l'ami de Franz Hais ; les italiens (î>) Horatio Gentileschi et
le neveu de Gnerchin, Benedetto Gennaro, sous le règne de
Charles II.
Parmi les principaux peintres étrangers qui travaillèrent
en Angleterre jusqu'au milieu du xvii« siècle, contentons-
nous de signaler Poélenburg (6) et Adrien Van Stalbent, colla«
borateurs d'Henri Steenwick (7) le jeune; Palamède Stevens,
né à Londres en 1607; Terburg (8), Vinkeboom, Jacob Kee-
rinck, Gérard Honthorst et son élève Sandrart (9) ; W^ilhelm
Van den Velde (^0) et Jean Torrentius^l) recherché par les
(1) Geldorp, 1607 ou 1620-1675.
(2) Woulers, 1614-1659.
(3) Gérard Seghers, 1589-1651.
(4) Lievens, 1607-;1663?). Hendrick Pot, 1600-1656.
(5) H. Gentileschi, 1563-1646. B. Gennaro, xvi* siècle, dates inconnues.
(6) Poélenburg, 1586-1665.
(7) H. Steenwick, 1580-1642.
(8) Terburg, 1608-1681. Vinkeboom, 1578-1629. J. Keerinck, 1500-1646.
G. Honthorst, 1592-1666 ou 1680.
(9j Sandrart, 1606-1686?
(10) Wilh. Van den Velde, 1610-1698.
(Il; J. Torrentius, 1589-1649.
- es-
Anglais débauchés pour l'obscénité des sujets qu'il a traités,
gracié et tiré de prison par Charles !•', Abraham Hondius Wy
Van der Plaas (2), Pieter Van der Meulen (3), Norbert Van Blœ-
raen W frère de TOrizonte, les Zeeman (5), les Netscher (6),
les Verelst '7), Simon et Hermann, les Griffier (8), Ede-
ma W élève d'Everdingen , Berestaaten ^0) ^ Samuel Van
Hoogstraeten (l'i) élève de Kembrandt, Dirck Stoop (^2,),
Dirck Maas i^^)^ Egbert Van Heemskerck (i*), Van Huysum
mort à Londres en 1740, et nous ne les nommons pas tous,
la liste en serait trop longue.
Les puritains, comme nous l'avons dit, proscrivant tous
les tableaux d'église, on se borna, après la mort de Van
Dyck, au genre du portrait. Ce fut un Weslphalien, Pierre
Van der Faës (^5) désigné par les Anglais sous le nom de sir
Peter Lely, lequel imita Van Dyck avec talent, mais en
outrant son style et en tombant dans le maniérisme, qui
obtint toute la faveur de la cour. Il récolta des succès égaux
à ceux de Van Dyck dont il était élève, et portraitura
(1) Ab. Hondius, 1638-1691.
(2) Van der Plaas, 1570?.i6a6?
(3) P. Van der Meulen, xvn« siècle.
(4) Norbert Van Blœmen, 1672.
(5) Les Zeeman : Enoch, mort en 1744; Isaac, en 1751, frère d'Enoch,
Paul, fils d*Enoch, dates inconnues.
(6) Les Netscher : Gaspard, 163i)-1684; Théodore, 1661-1732, et Cons-
tantin, 1670-1712, tous deux fils de Gaspard.
(7) Les Verelst, xvii« siècle : Simon et Herman, 1666, en Angleterre,
et Verelst, Comély, fils d'Hennan, 1667.
(8) Griffier, Jean, 1645 ou 1656-1718, et Robert, fils de Jean, 1688, né à
Londres.
(9) Edema, 1652-1700.
(10) Berestaaten, mort en 1687.
(11) S. Van Hoogstraeten, 1627-1678.
(12) D. Sloop, 1610-1686.
(13) Maas, 1656.
(14> E. Van Heemskerck, fils d*Egberl le Vieux, 1645-1704, mort à
Londres.
(15) P. Van der Faës. 1618-1680.
- 66 -
Charles !•' et toutes les plus jolies femmes et les plus ga-
lants seigneurs de la cour de Charles Stuart en 1660.
Il avait adopté la facture de Van Dyck avec une habileté
telle que Ton a vu parfois des connaisseurs s'y tromper. Ses
collaborateurs furent nombreux : ce sont les hollandais
Buckshom et Wissing, les flamands Gaspars et Van den
Eyden, les anglais Greenhill, sir John Gawdie, Sadler,
Dixon, Henry Tilson, les Gibson, etc., et môme deux pein-
tres qui rivalisèrent avec lui : un Westphalien, Gérard Soest,
et un anglais, John Riley (1).
Notre grand portraitiste Largillière vint à Londres, en
1675 et y resta quatre ans. Il était mandé par Charles II
Tannée même où mourait dans cette capitale un autre de
nos fameux peintres de portraits : Claude Lefèvre, qu'il ne
faut pas confondre avec Roland Lefèvre né dans TAnjou et
mort aussi à Londres en Mil,
A la même époque, et jusqu'à la première moitié du
xviip siècle, nombre de peintres français séjournèrent à
Londres, et quelques-uns y moururent, entre autres Phi-
lippe Duval élève de Lebrun, Jacques Parmentier, élève de
Sébastien Bourdon, Paul Mignard i^), le second fils de
Pierre Mignard, Charles de la Fosse (3), Jacques Rous-
seau (*), Jean-Baptiste Monnoyer p^ Louis Chéron, frère de
la célèbre Elisabeth-Sophie Chéron, mort à Londres en 1699,
Desportes (6), Watteau (7), Antoine Pesne 18), Jean-Baptiste
Van Loo (9) et beaucoup d'autres.
(1) J. Uiley (1Ôi6-169l), maître du peintre de portraits Richardson, plus
connu comme littérateur et critique d'art.
(2; Paul Mignard, 1019-1671.
(1^] Ch. de la Fosse, 1640-1716.
(4) Jacques Rousseau, 1630-16113.
(5) J. B. Monnoyer, 1635 1699.
(6) François Desportes, 1661-1743.
(7) J. A. Watteau, 1684-1721.
(8) A. Pesne, xvii* siècle, dates inconnues.
(9) J. B. Van Loo, 1684-1745.
^ en ^
Après la mort de Lely, rallemand Godefroy Kneller, élève
de Rembrandt, sans être son imitateur, arrive à Londres en
1674, y fait les portraits des grands et de presque tous les
princes et souverains. Il fut nommé chevalier, comme
l'avaient été Rubens, Van Dyck et Lely, se fit aider par son
frère aîné Zacharie et de nombreux collaborateurs hollandais
ou flamands.
Un peintre napolitain, Antonio Verrio, pensionné par
Charles II, avait, en 1676, une grande vogue pour ses déco-
rations d'architecture, et le français Louis Laguerre l'aidait
dans ses travaux ; Verrio mourut à Hampton Court en 1707,
et Laguerre continua à peindre en Angleterre où il mourut
aussi en 172i.
L'anglais James Thornhill 1) qui avait voyagé en France,
fit concurrence à Laguerre. Il peignit la coupole de Saint-
Paul k Londres et la grande nef de l'hôpital de Green-
wich. Georges I®» le créa chevalier et on le nomma membre
du parlement. Il fut le beau-père d'Hogarth. C'est par
lui que fut inaugurée en Angleterre ce qu'on appelait alors
la peinture historique ; ce n'était en réalité que des scènes
mythologiques et des allégories dépourvues de- goût. Le
style de Thornhill manque de noblesse, et sa couleur est
terne.
Mentionnons aussi dans ce temps un artiste dessinateur
de jardins William Kent '2) fort à la mode et qui fit une
grande fortune. On le nomma maître des œuvres, architecte
conservateur des peintures, et principal peintre de la cou-
ronne.
A ce moment, l'art des différents états de l'Europe était
en décadence et les grands maîtres, Rubens, Rembrandt,
(1) James Thornhill, né en 1676 à Melcombe Régis, mort le 13 mai 173i,
près de 'Weymouth.
(2) W. Kent, né dans le Yorkshire en 1685, mort à Burlinglon-Hoiise le
12 avril 1748.
Velasquez n'étaient point continués. L'école de Bologne
consommait la ruine de l'art en Italie. Les insignifiants
peintres anglais qui fournissaient encore de portraits l'artis-
tocratie de ce pays ne faisaient prévoir en rien Reynolds et
Gainsborough. C'étaient (i) Jonathan Richardson déjà nommé,
Charles Gervas, élève de Kneller; William Aikman, Jean
Van der Banck, dont l'origine anglaise est douteuse ; George
Knapton; Thomas Hudson, maître de Reynolds: Francis
Hayman maître de Gainsborough, et d'autres encore.
Il ne restait plus en Angleterre de grands peintres étran-
gers ; on ne saurait compter comme tels : Michaël Dahl ^2)^
de Stockolm, Balthazar Denner, Paulus Ferg.
(1) J. Richardson, 1665-1745. Ch. Gervas, 1675-1739. W. Aikman, 1682-
1731. J. Vanderbanck, 1694-1739. George Knapton, 1698-1778. T. Hudson,
1701-1779. F. Hayman, 1708-1776.
(2) Dahl, 1656-1743. B. Denner, 1685-1747. P. Ferg, 1728.
k
ANCIENNE ECOLE
1730-1850
William Hogarth né en 1697, mort en 4764, fut, pour
l'Angleterre, le premier graveur et peintre vraiment origi-
nal. Encore plus moraliste et graveur que peintre, il voulut
réagir contre la barbarie de ses contemporains, et ses com-
positions furent des satires. On peut dire que la beauté de-
meura la moindre de ses préoccupations, et qu'il ne serait
qu'un caricaturiste s'il n'avait eu un but moral. Il repré-
sente des mœurs grossières qui furent sans doute celles des
Anglais de son temps, et il môle le grotesque au terrible.
Telle est, par exemple, dans la Ruelle du gin [Gin lane),
— cette scène révoltante où une femme, une brute en état
d'ivresse, laisse tomber son nourrisson de son sein qui
s'étale pendant et nu. Comme s'il parlait le latin, que, du
reste, il ne connut jamais, il appelle crûment les choses par
leur nom. il décrit un caractère au cours d'une série de ta-
bleaux de la morale en actions, telles sont les six composi-
tions de son Mariage à la mode, un mariage d'argent, et la
Vie d'une Prostituée {flarloVs progreas), — qui la conduit
de la chaumière où elle naquit, dans une auberge, de cette
auberge dans un palais, de ce palais dans un lupanar, de
ce mauvais lieu dans la prison, et de la prison dans l'hôpital
où elle meurt. Les quatre tableaux des élections sont la
peinture et la satire des mœurs politiques anglaises : le Ban-
guet, la Brique, le Vote et la Victoire dans un fauteuil. Ses
Comédiens ambulants s'apprêtant à jouer dans une ferme
sont aussi des types fort ressemblants qui caractérisent son
époque. Cependant les sentiments élevés lui font défaut, et
— 70 -
c'est bien à tort que le chauvinisme de ses compatriotes alla
jusqu'à le comparer à Shakespeare. Les Anglais n'ont ja-
mais eu de Shakespeare en peinture. Hogarlh fut seulement
un sermoneur brutal que révoltait le triomphe de l'injustice.
En dehors du genre qui Ta rendu célèbre, il a peint quel-
quefois des portraits, entre autres celui de la comédienne
Lavinia Fenton dans le rôle de Polly Péachum de l'opéra
Les Gueux par John Gay. Cette actrice de talent devint plus
tard l'épouse d'un lord et duchesse de Belton. Son portrait
date sans doute de l'époque où Hogarth fréquentait Rich, un
fameux directeur de théâtre, ce qui lui permettait de faire
des études d'acteurs pour la série de compositions qu'il a
appelées les Comédiennes ambulantes. Issu d'une famille de
paysans d'Old-Bailey, W. Hogarlh fut le premier peintre
véritablement anglais dans toute la force du terme. Son père
était maiire d'école de village et son grand-père, comme
l'indique l'étymologie de son nom, un sobriquet, avait été
porcher. Hog, en etTet, veut dire pourceau, et /lerd troupeau,
de là le sobriquet de Hogherd dont on fit Hogarth (1).
Quoi(jue son éducation et son instruction eussent été fort
i^égligées — Hogarth ignorait même l'orthographe, — il n'en
écrivit pas moins un ouvrage intitulé Analyse de la beauté,
et ses Mémoires. Dans son adolescence il travaillait chez le
graveur Klhs Gamble à l'enseigne de VAnge doré^ et après y
61 re resté sept ans à graver des chilfres et des ornements sur
lies plateaux, des cuillères et des gobelets, il s'établit à ses
frais dans une boutique. Peu à peu, et sans qu'on puisse af-
iirmer, comme on l'a dit, qu'il reçut des leçons de quelque
peintre hollandais, il devint artiste. \\ commença par graver
^ur une planche quelques sujets du sa fantaisie, puis se mit
a peindre à l'huile. \jn riche marchand de Londres, nommé
il) D'après M. Max UoiJit, son grand-père fui fermier, son père maître
d'école, et son oncle un chansonnier rustique faiseur de quolibets. On re-
ti imve ce caractère caustique cliez llogurth.
L
— 74 —
BowleSy lui acheta ses premières planches. Dès lors il put
vivre daus une aisance relative et s'habiller comme un gen-
tleman. C'est à ce moment qu'il devint amoureux de la fille
de sir James Thornhill, un peintre de la cour, un homme
riche et célèbre, qui peignait des coupoles de cathédrale à
raison de quarante shillings par mètre et qui n'eût certes
point consenti à la lui accorder si Hogarth ne Teût enlevée.
On raconte, à cette occasion, que celle-ci, de concert avec sa
mère, exposa dans la salle à manger du chevalier Thomhill
les six tableaux de la série : la Carrière d'une prostituée
[HarloCsprogress), et que, en venant pourdéjeuner, Tbornhill
ne put qu'exprimer son admiration pour l'auteur en disant :
a Celui qui a un tel talent peut se suffire à lui-même et épou-
» ser ma fille sans que je la dote. » — Le pardon obtenu, le
mariage se fit et Hogarth gagna assez pour devenir proprié-
taire et avoir un carrosse.
Il voulut, mais sans aucun succès, se distinguer dans la
peinture d'histoire parce qu'on lui avait reproché de ne pou-
voir traiter que les sujets de la vie domestique. C'est alors
qu'il produisit ses compositions de la Fille de Pharaon^ de
la PiscinCy de la Prédication de saint Paul, de Danaë^ de Si-
gismonde^ mais on ne les goûta point.
Soupçonné d'être un espion lors de son voyage en France,
et arrêté pour avoir dessiné la porte de la ville de Calais, il
devint gallophobe et se vengea en représentant dans deux
caricatures l'Angleterre symbolisant la politesse, la courtoi-
sie et la bonne humeur, et la France ne représentant que
la grossièreté et la mauvaise humeur.
Il se vengea aussi par des gravures et des vers satiriques
de l'insuccès de son Analyse de la beauté qui lui suscita de
nombreuses et virulentes critiques, et il se brouilla en ma-
tière politique avec Wilkes et Churchill qui l'attaquèrent vi-
vement de sorte que, le caractère aigri et sentant ses forces
s'altérer, il acheva en 1764 son dernier tableau représentant
la figure du Temps sur des ruines et qu'il nomma La fin de
- 72 —
tout. Alors il brisa sa palette en s'écriant: «J'ai fini! • On
l'enterra peu de mois après à Ghiswick où on lui éleva pour
monument une pyramide ornée d'un masque comique avec
une épitaphe en vers par Garrick.
Nous remarquons dans le legs Gigoux un portrait d'homme
que Ton attribue à Hogarth. C'est une tête coiffée d'une per-
ruque; elle manque de distinction, mais est toulefois d'une
exécution permettant de la croire le produit du pinceau de
cet humoristCy comme l'appellent ses corn p«'ïtriotes. La cou-
leur en est aussi terne que colle qui distingue les peintures
d' Hogarth.
Constatons toutefois que son exécution est préférable à
celle d'un tableau de genre ayant la dimension de chacune
de ses peintures de mœurs. Il représente VLitérieur (Van
atelier dliorlogers. L'un d'eux travaille près d'un vitrage d'où
l'on aperçoit des murailles grises, l'autre, près de son établi,
reçoit d'un jeune gentleman une montre à réparer, et Ion
dirait que le troisième explique le mécanisme d'une horloge
à trois personnages en costumes du Levant, tandis que sa
femme répond aux questions d'un de ces visiteurs étrangers.
Cette peinture où règne quelque semblant d'une harmonie
de tons roux a l'aspect éraillé et semble usée, ce qui ne per-
met guère d'en apprécier la fa<"ture. Elle est terne, peu cor-
recte, et c'est même à son monque de correction qu'elle em-
prunte cette expression caricaturale qui fut le propre d'Ho-
garth. Elle est du reste traitée comme une esquisse.
AllanRamsay I , fils d'une famille noble, na(juit à Edimbourg
en 1715, et alla dans sa jeunesse étudier à Rome chez Soli-
mène et Impériale, deux peintres fort en vogue W ce moment.
De retour en Angleterre, il fut recherché par de hauts per-
sonnages dont il fit les portraits, entre autres celui de lord
Bute, président du conseil des ministres. Georges III le
nomma son premi(T peintre, alors que Reynolds eût sans
1) A. Uamsay, 47i5-17H4.
— 73 —
doute mieux mérité cette distinction, mais le roi s'était pris
d'affection pour Ramsay qu'il admettait dans sa famille C'é-
tait, sans doute, parce que celui-ci était de souche aristocra-
tique et avait beaucoup d'instruction. On rapporte que, bon
helléniste et latiniste, il parlait fort bien plusieurs langues
vivantes : le français, l'italien et l'allemand, ce qui lui per-
mettait de s'entretenir longtemps dans cette dernière langue
avec la reine Charlotte dont il eut l'honneur de représenter
les traits. La faveur du roi et des courtisans lui procurèrent
une quantité prodigieuse de portraits dont il peignait seule-
ment les têtes et les mains afin de pouvoir suffire à d'aussi
nombreuses commandes. Il faisait peindre les vêtements à
des collaborateurs parmi lesquels on cite une mistress Blake.
un certain hollandais Van Dyck qui fut très loin de valoir son
illustre homonyme, l'écossais David Martin (^), les allemands
Roth, Eikart, Vesperies et Philippe Reinagle.
Ramsay fut plutôt un fabricant de portraits qu'un artiste. Il
s'occupait avec prédilection de littérature et de politique.
Les lords Bute et Bath, les ducs de Newcastle et de Rich-
mond venaient dîner à sa table et l'appréciaient comme homme
politique.
On a un volume des articles et des mémoires qu'il a pu-
bliés sous le nom d'Investignior. Il mourut à Paris dans l'été
de 1784 après un voyage en Italie et lorsqu'il se disposait
à retourner en Angleterre.
Le musée du Louvre possède de lui, catalogué sous le
n^ 1848 le portrait de Charlotte-Sophie de Mecklembourg-
Strélitz, princesse de Galles.
Il ne restait plus en Angleterre de frrands peintres étran-
gers; tandis que les peuples du continent pouvaient se faire
gloire de leurs artistes de génie, les Anglais seuls montraient
un tempérament rebelle spécialement à la peinture. Ils
avaient des poètes, des littérateurs, des savants, des indus-
(1) D. MarUn, 1736-1798.
- 74 —
triels et des commerçants, mais pas de maîtres peintres ou
sculpteurs. On pourrait en conclure que là où Tesprit de cal-
cul domine, il ne reste rien pour la manifestation de la beauté
par les arts plastiques.
Nous ne voyons point dans les tableaux du legs Gigoux
quelque échantillon du talent d'un peintre dont les œuvres
ont du style, mais sont visiblement imitées de Claude Lorrain.
Ce peintre est Richard Wilson que Ton peut dire avoir inau-
guré le genre du paysage en Angleterre, car on ne cite avant
lui qu'un ou deux noms de paysagistes qui n'ont paslaisséde
traces. Cet artiste, né en 1714, fils d'un clergyman du comté
de Montgomery, reçut une excellente éducation classique,
et, en 1749, lors de son voyage en Italie où il étudia dans l'a-
telier de Zuccarelli, se mit à traiter le genre du paysage his-
torique. Il s'inspira aussi de Joseph Vernet dont il fut Tami ;
c'est sur l'éloge qu'en fit ce dernier qu'on le nomma membre
fondateur de l'Académie.
Mais il arrivait dans un moment où tout le monde s'était
pris d'admiration pour Gainsborough et où Hogarth était en
faveur. Sa peinture, lors de son retour à Londres, fut amè-
rement critiquée par ses conlVères et tomba dans le plus
grand discrédit. Quand Georges III lui demanda une vue des
jardins de Kew. au lieu de rendre la nature de ce site anglais,
Wilson y substitua un paysage dans le goût latin, éclairé
par un soleil d'Italie, de sorte (|ue le roi lui renvoya sans
pitié son tableau. Wilson ne pouvait faire un paysage sans y
placer une scène de l'histoire ancienne et des ruines grecques
ou romaines. Il aurait pu à ce moment avoir grand succès
s'il eût vécu en France, mais en Angleterre il mourut dans
la misère la plus complète au mois de mai 1782.
Maintenant au contraire, on s'y dispute ses œuvres à prix
d'or et on l'appelle hyperboliquement le Claydc anglais.
Après Ramsay, rien ne présageait la venue des peintres
que nous allons citer et qui lurent les plus remaixjuables
des artistes de leur pays : ils inaugurent l'école anglaise.
- 75 —
En premier lieu Josuah Reynolds, né en 1723, jouit des
plus grands succès comme portraitiste, mais n'excelle point
dans la peinture d'histoire. Ce président de l'Académie
Royale de Londres, a, selon ce que dit M. Ernest Chesnéau,
€ le secret de toutes les distinctions de la femme et de Ten-
9 fant. Tous ses personnages, il les met dans leur milieu de
» vie active, poursuivant le geste interrompu par l'arrivée
B du peintre. :s>
Il s'inspira en tout de Van Dyck et c'est peut-être pour
cela qu'il s'appliqua de préférence à se montrer coloriste.
Pourtant, s'il était vrai, comme on l'a dit, que Reynolds
achetait des tableaux dt,' maîtres vénitiens pour y chercher,
en décomposant leurs couleurs, les secrets des fameux
coloristes de la Renaissance, cela indiquerait une ignorance
qu'on ne peut guère lui supposer. Il savait sans doute que le
secret des maîtres coloristes n'est point dans la nature des
couleurs dont ils se servaient, mais dans l'éducation de leur
œil pour apprendre à bien voir. Il nous semble, du reste,
que l'examen des œuvres de Reynolds prouve suffisamment
qu'il était trop intelligent pour chercher ce prétendu secret.
Quelques critiques, à cause des eilets de lumière qu'il a
mis dans ses portraits, l'ont appelé trop prétentieusement le
Rembrandt anglais. Mais, outre qu'il est bien au-dessous de
Van Ryn, il n'a point son extrême sobriété de colorations,
et quoiqu'on l'ait écrit, il ne rechercha point non plus la
couleur des Vénitiens qu'il ne goûtait guère. Dans ses Dis-
cours sur la peinture dont il fit la lecture à l'Académie, il y
professe que l'on doit concentrer l'effet sur l'objet principal
du tableau, et au besoin, négliger les accessoires. La plupart
des peintres anglais modernes sont arrivés, en adoptant ce
système, à produire des effets n'ayant rien de la nature et
sentant la manière.
Reynolds s'est efforcé de mettre en faveur la grande pein-
ture historique pour laquelle ses compatriotes ont toujours
montré peu de goût. Il louait sans cesse Raphaël, Michel-
— 76 —
Ange, Tilieil aussi, qu'il préférait à Véronèse, et malgré cela
Ton peut dire que ses Discours ont propagé bien des idées
fausses et qui égarent, encore aujourd'hui, les peintres de
son t>ays.
Ce fut seulement après la mort de Ramsay, en 1784, qu'on
le nomma peintre ordinaire du roi. Lorsqu'il cessa de vivre,
le 23 février 1792, il était devenu presque aveugle. Le musée
du Louvre ne possède aucune peinture de Reynolds.
Il est regrettable que l'on n'ait rien de lui dans le legs Gi-
goux. Une Tète de jeune Fille qui lui était attribuée et que la
Revue Franc-Comtoise publiée à Dole mentionnait en 1887
dans cette collection (à moins pourtant que ce ne soit une
erreur d'attribution), a peut-être été vendue pendant la vie
de son possesseur.
Pour connaître les conditions du développement de l'art
chez les artistes de la Grande-Bretagne, il importe de savoir
ce qu'est l'Académie Royale dont Josuah Reynolds fut le
premier président.
Fondée en 1768, elle résida premièrement à saint-Martins
Lane; Georges III la transféra à Somerset House, qu'elle
quitta pour Trafiilgar-Scjuare, et elle occupe actuellement
un palais somptueux, sa propriété, qu'elle a fait construire
à Piccadilly pendant les années 1808 et 1869.
On ne peut pas dire que celte institution appartienne à
TEhiL En elTet, quoi(|u'elle soit installée dans un monument
pu)4ic, et que son président, soit, par le fait, Directeur de
ht XttHonal Gallevy et du British- Muséum, quoique pres-
que tous ses membres soient payés par la nation, et ses
('lusses par les contribuables, elle est indépendante et se
gijLïverne elle-même. Le meilleur de son budget vient d'une
exiiosition annuelle d'artistes vivants dont le droit d'entrée
est iTun shilling. On peut faire partie de cette Académie
moUié publicjue moitié privée à trois titres d'fférents; comme
élève, comme associé, ou comme académicien. Il y a quarante
acîidémiciens. que l'élection renouvelle, vingt associés choi-
— 77 —
sis et nommés par les artistes qui ont exposé les ouvrages
jugés les meilleurs, et les élèves doivent produire un
ouvrage qui soit admis par neuf membres y compris le pré-
sident d'un conseil agissant comme pouvoir exécutif de la
Société. Si ce spécimen de leurs aptitudes est trouvé suffi-
sant on les admet pour trois mois, et si pendant ce temps
les professeurs constatent leurs progrès sur le vu de nou-
veaux ouvrages, ils sont définitivement acceptés pour élèves
avec tous les droits que confère ce titre. Ces droits sont :
instruction gratuite dans les différents arts, accès aux cours
publics et usage de la bibliothèque de l'Académie. Tous les
trois ans TAcadémie envoie à Rome avec une pension de
cent livres sterling un élève de son choix et lui paie ses frais
de voyage.
Quoique renseignement soit donné à TAcadémie Royale par
des hommes fort compétents, il n'est point sûr qu'il suffise
pour former des artistes de premier ordre. Il n'y a pas à
Londres, comme chez nous, des ateliers particuliers dirigés
par des maîtres qui se font un point d'amour- propre du
succès de leurs élèves et s'efforcent pour les faire réussir.
Quant aux autres écoles de dessin, elles sont publiques,
comme celle de l'Académie, mais ne l'égalent point. Nombre
de peintres anglais n'ont suivi ni les unes ni les autres, ils
se sont formés au hasard par les cours de n'importe quel pro-
fesseur, de sorte que, faute d'une direction sérieuse, ils de-
meurent inférieurs dans le dessin et cherchent à voiler leur
faiblesse en abusant de la couleur ; toutefois, si les médio-
crités y sont plus choquantes qu'ailleurs, cette absence de
technique â pour résultat, chez ceux qui arrivent à se dis-
tinguer, une originalité toute personnelle et fantaisiste qui
caractérise leurs productions.
Il est regrettable que nous ne trouvions parmi les tableaux
du legs Gigoux aucun portrait par Gainsborough qui fut con-
sidéré comme un des premiers portraitistes de l'Angleterre,
supérieur même à Reynolds, au dire de certains de ses ad-
— 78 -
mirateurs, et qui excella aussi dans le paysage. De ce der-
nier genre nous remarquons un petit tableau où se trouvent
un arbre à droite et des bestiaux dans une prairie, sous un
effet de soleil couchant. Cette peinture d'un bon sentiment
de couleur est pourtant insuffisante pour nous révéler toutes
les qualités qui distinguent le maître.
Gainsborough fut supérieur à Reynolds d'autant qu'en foit
d'art le sentiment, l'inspiration du tempérament l'emportent
sur le savoir. Là où Reynolds raisonne pour arriver à la cou-
leur, Gainsborough s'y trouve entraîné par son intuition de-
vant la nature. Elle lui fait trouver des finesses de ton, des
valeurs délicatement nuancées et des touches expressives.
L'harmonie de sa couleur arrête l'attention. Ses portraits
sont distingués comme s'ils étaient l'œuvre d'un émule de
Van Dyck, dont il eut à tort la vanité de se croire l'égal. La
peinture de Gainsborough est facile, elle donne tout son effet
sans le secours des sacrifices et des supercheries employées
par Reynolds, et l'expression de ses figures n'a point la ymI-
garité de celles d'Hogarth.
Reynolds ayant dit, dans un de ses discours à l'Académie,
qu'il ne fallait pas que le bleu soit la couleur dominante d'un
tableau, et qu'on devait toujours placer au centre les tons les
plus vigoureux, Gainsborough fit, en manière de réponse,
son portrait de Master Buttai, un jeune garçon de quinze
ans vêtu entièrement de satin bleu d'une même teinte, et
que l'on connaît sous le nom de Dlue Boy (^). Ce portrait,
son chef-d'œuvre, donne un éclatant démenti à l'assertion de
Reynolds en montrant que l'agréable harmonie d'un tableau
résulte de la juste valeur des tons et non point de leurs
teintes. Un autre de ses meilleurs portraits est celui d'une
actrice, mistress Siddons, en costume de ville, que Reynolds
avait représentée vêtue en tragédienne, et aussi ceux de
(1) Des gravures de Blue-Boy et de Mistress Graham, par M. L. Fla-
meng, se trouvent dans la Gazette des Beatix-Arts.
— 79 -
mistress Graham, celui de Georgiana Spencer, duchesse de
Devonshire, des mistress Sheridan et Tickell, groupées dans
le même cadre, de William Hallett et de sa femme se pro-
menant dans leur jardin, etc., toutes œuvres où l'on remar-
que de la grâce, de la distinction, et du brio dans l'exécution.
En effet on peut signaler, contrastant avec Hogarth, comme
un progrès dans le sentiment de la beauté, la venue de Rey-
nolds et de Gainsborough. Tous deux s'inspirèrent plus de la
réalité. Le premier en exprimant mieux que ses prédéces-
seurs l'âme des modèles qui posèrent pour ses portraits, et
le second en se laissant aller sincèrement, en toute naïveté,
à son grand amour de la nature. On peut dire que si Rey-
nolds peint surtout avec son savoir, Gainsborough, au con-
traire, n'est guidé que par sa puissante inspiration. Quoique
l'on ait affirmé qu'il faisait ses paysages pour son plaisir, et
ses portraits pour de l'argent, ses portraits ne sont point in-
férieurs à ses paysages, et dans chacun de ces genres il s'est
montré plein de verve. Son caractère était en parfait con-
traste avec celui de Reynolds qui recherchait la société des
hommes politiques, des lettrés et des grands, car il aimait à
fréquenter les acteurs et les jolies femmes. On le trouvait
sans cesse dans la campagne, au milieu des bois, des plaines
de bruyères ou dans les tavernes où il aimait à faire ses re-
pas en compagnie de bons vivants, et presque jamais à l'A-
cadémie. Aussi trouvait-il les sujets de ses tableaux parmi les
paysans et les gens du peuple. La Fille aux cochons et la
Fille à la cruche, que Reynolds paya cent guinées au lieu
des soixante demandées par l'auteur, sont deux de ses chefs-
d'œuvre. Et pourtant, du vivant de Gainsborough, ces ou-
vrages se vendaient peu et à bas prix. Ce n'est qu'après sa
mort qu'ils furent payés au poids de l'or.
De nos jours encore cette vogue s'est si bien maintenue
chez les Anglais qu'elle donna heu, en 1891, à l'histoire sin-
gulière du portrait de la duchesse de Devonshire. Ce por-
trait, dit-on, aurait été volé, il y a de cela vingt-six ans à
— 80-
MM. Agnew, marchands de tableaux de Bond Street, qui
l'avaient acheté, en 1876, dans une vente publique, pour
262.500 francs, prix qui dépasse tout ce qu'on avait jamais
payé pour aucun tableau de ce genre.
Il a couru nombre de légendes sur la façon dont
MM. Agnew, persistant à garder le secret, sont enfin rede-
venus propriétaires de ce portrait. Ils l'ont réinstallé dans
leur galerie, et après l'aventure de la disparition, qui pour-
rait bien n'être qu'une ingénieuse réclame, ils disent ne
vouloir le céder maintenant que pour la bagatelle de
265,000 francs.
Thomas Gainsborough était né à Sudbury en 4727 et il
mourut à Londres en 1788. Notre graveur français Gravelot
aida de ses conseils cet artiste bizarre qui, devenu un pein-
tre original, eut cependant le tort de se croire l'égal de Van
Dyck.
George Homney (t) fît concurrence à Gainsborough et
traita aussi l'histoire. Peu connu chez nous, il a mérité
d'occuper un des premiers rangs parmi les artistes anglais
et peignit surtout des portraits dont il fit un nombre prodi-
gieux. C'est comme délassement qu'il produisit des compo-
sitions historiques ou de genre.
Voici le jugement qu'en a porté le fameux critique Thoré.
« Romney fut un maître : grand coloriste, élégant dessi-
nateur, excellent dans toutes les parties de l'exécution.
L'abondance de ses conceptions était inépuisable, surtout
dans les sujets poétiques. Qu'il peignit l'allégorie, l'histoire,
la vie familière, il a toujours une qualité bien rare : le
charme (1). »
Cela suffisait pour le faire haïr de Reynolds alors au faîte
de sa puissance, et c'est pourquoi Romney ne fut point
nommé de la Royal Academy.
Il faut dire aussi qu'il ne s'astreignit point, pour obéir à la
(1) i73M802.
- 81 —
pudibonderie anglaise, à ne pas faire poser le nu par le mo-
dèle vivant. Il avait, d'ailleurs, un modèle incomparable
dans sa maîtresse, la trop célèbre Emma Heath, bâtarde de
Lord Lyons, devenue plus tard la femme de sir William
Hamilton, ambassadeur d'Angleterre, Tamie de la reine
Caroline de Naples, puis la maîtresse de Tamiral Nelson, et
qui mourut enfin dans la misère. Elle posa aussi pour Rey-
nolds et pour M»»« Vigée-Lebrun. Voici ce que cette artiste en
dit dans ses Mémoires : « Je la peignis couchée au bord de
la mer, tenant une coupe à la main. Sa belle figure était fort
animée, elle excellait à mimer toutes les poses, et toutes les
passions Elle avait une quantité de beaux cheveux châtains
qui pouvaient la couvrir entièrement, et en bacchante, ses
cheveux épars, elle était admirable. Aussi Romney, qui la
faisait poser de toutes les façons, dut-il, sans doute, beau-
coup de sa réputation aux charmes de ce beau modèle. »
Il est regrettable que le musée du Louvre ne possède rien
de Romney.
Lorsque le quaker Benjamin West, né en 1738 à Spring-
field en Pensylvanie, et mort à Londres en 1820, arriva en
Angleterre, les peintres de ce pays étaient presque tous des
excentriques. Voici ce que dit à ce sujet Thoré, sous le nom
de William Biirger :
€ Ce yankee représenta parmi eux un certain bon sens, le
calme, pendant que tous les autres, sauf Reynolds, étaient
plus ou moins maniaques; Gainsborough lui-même était
assez fantasque. Il y en avait de fous aux trois-quarts,
comme James Barry et George Morland , quelques-uns
même tout-à-fait comme William Blake le visionnaire ; West
était un contraste.
» A cela, peut-être, il dut son prodigieux succès, car peu
d'hommes au monde ont été aussi complètement heureux
^ïue lui, de tous les côtés : ambition et gloire, et richesse, et
faveurs et titres, l'estime générale, la paix domestique, une
bonne femme à l'anglaise, des enfants dociles, une bonne
— 82 -
santé, bon tempérament, longue existence ; tout au mieux
possible. Mais de génie point, pas même de talent; ni inven-
tion ni inspiration, ni esprit, ni adresse, ni expression, ni
tournure, ni poésie d'aucune sorte, ni originalité, ni rien.
Et surtout, pas peintre. >»
Ce jugement est peut-être bien sévère. Le tableau que
Ton cite entre autres comme le chef-d'œuvre de West, La
mort du Général Wolf, ne manque point de qualités rela-
tives, et l'on peut dire que West fut, du moins, très fécond,
puisqu'il a produit plus de cinq cents tableaux où quelque-
fois il fit preuve de talent.
On compte au nombre des artistes anglais le Suisse Henry
Fusely(t), de Zurich, qui fut directeur de l'Académie de pein-
ture. Quoique bizarre dans ses compositions qui tiennent de
l'hallucination, il ne manquait pas de talent. Voici ce que dit
de lui le critique Allan Cunningham :
a Ce n'était pas un timide aventurier dans les régions de
l'art, mais un homme singulièrement audacieux. Il ne se
plaisait que dans les sujets grandioses, sauvages, merveil-
leux. Les humbles réalités de la vie, il les considérait comme
indignes de son pinceau, et il ne les consacrait qu'aux drames
terribles où l'imagination peut déployer toute son énergie. »
« Il ne sympathisait qu'avec les demi-dieux de la poésie,
et il rôdait à travers Homère et Dante, Shakespeare et Mil-
ton, pour y trouver de nobles inspirations. Il aimait à se me-
surer avec ce qu'il croyait trop fort pour les autres hommes. »
Citons parmi ses tableaux : Titania et Dottom^ sujet tiré
de Shakespeare, les Sorcières de Macbeth, le Cauchemfir,
etc.
James Barry, peintre irlandais, mort au commencement
du XIX* siècle, avait passé cinq ans à Rome où il s'était livré
à l'étude des meilleures statues antiques d(mt il a marqué le
souvenir dans ses œuvres où il s'efforce d'avoir le style clas-
(1) 1711-1806.
— 83 —
sîque. Il s'en trouve de remarquables, mais ne justifiant
point ses prétentions excessives qui lui firent beaucoup
d'ennemis parmi ses confrères. Sa couleur valait mieux que
son dessin. Il traita les sujets mythologiques et Thistoire. On
cite de lui : Vénus sortant de la mer^ Mercure inventant la
lyre, etc.
En 1877, il peignit, pour la société des arts, six compositions
d'une grandeur excessive, 42 pieds de longueur sur il pieds
6 pouces de hauteur, placées dans la grande salle des Adel-
phi. Elles ont pour sujets : l'» Orphée ; 2' Cérès et Bacchus ;
3** Les Jeux olympiques ; 4* La Navigation ou le Triomphe
de la Tamise ;b° La Distribution des Récompenses à la So-
ciété des Arts ; 6" L'Elysée ou la Récompense finale. Ce
travail lui prit six années et lui fut l'occasion d'une polémi-
que très acerbe contre ses confrères de l'Académie II se disait
supérieur aux plus grands maîtres italiens, et ses compatriotes
finirent par le croire.
James Norlhcote (1), né en 1746, peignait encore en 1830.
Il fut élève de Josuah Reynolds, et, de même que son maître,
produisit de nombreux portraits, mais ses compatriotes le
classent surtout parmi les peintres d'histoire. Son tableau de
la Mort des enfants d'Edouard qu'il exposa en 1 785 avec sept
autres compositions et huit portraits, alors qu'il avait 39 ans,
eut un immense succès et consacra sa réputation. En 1787
il fut nommé membre de l'Académie de peinture et traita dans
son morceau de réception le sujet biblique de Jahèl et Si-
cara. Il avait aussi, à ses débuts, produit des tableaux de
genre d'un dessin quelquefois peu correct, comme celui qui
est intitulé : La Charité,
Robert SmirkeW fut un illustrateur de Shakespeare, de
Cervantes et de nombreux romans. S'il fut peintre, c'est
qu'au siècle dernier les éditeurs de la Grande-Bretagne
(1) 1746-1831.
(2) 1752-1845.
— 84 —
avaient Thabilude de faire graver les illustrations d'après des
tableaux. Aussi la peinture de Sinirke est-elle excessive-
ment sobre de coloration, presque une grisaille ; mais il re-
chercha le clair-obscur
On ne doit pas s'étonner si, pour suffire à tous les livres
qu'on lui fit illustrer, sa production fut très considérable; il
en devait être ainsi. Voici le jugement qu'en a porté notre
fameux criti(|ue Thoré.
« Pour ce qui est de Smirke et de ses illustrations, tout ce
qu'on en peut dire, c'est qu'à l'adresse de l'arrangement, elles
joignent un certain esprit dans les attitudes et les physiono-
mies, mais qu'elles ne vont jamais au fond des caractères.
y> S'il fait sourire parfois, comme l'observe Bryan, il ne fait
guère penser. Une bonne illustration devrait servir à pénétrer
l'esprit du littérateur que l'artiste entend traduire ; au con-
traire, pour bien comprendre Smirke, il faut relire ses au-
teurs, Shakespeare ou Cervantes qui, dans leur langue écrite,
sont mille fois plus expansifs que le peintre, dans sa langue
classique. »
Smirke a quelquefois, en outre de ses illustrations, em-
prunté des sujets à la Bible ou h la Mythologie et a fait aussi
des tableaux de genre d'une intention froidement comique,
comme celui si connu sous le titre de : Le portrait flatté.
Il fut nommé de l'Académie Royale de peinture en 1793 et
mourut à 94 ans en 1845. L'un de ses fils, qui porta aussi le
prénom de Robert, fut l'architecte du British-Museum, mais
ne fut point peintre.
Sir George Howland Beaumont naquit à Dunmow, comté
d'Essex. en 1753, et succéda, en 1762, au titre de baronnet
héréditaire dans sa famille. Ayant fait en 1782, avec lady
Beaumont, un voyage en Italie, il s'adonna tout entier à son
goût pour les beaux-arts et devint peintre de paysages. Il
avait précédemment reçu des leçons de Richard Wilson. Il
fut élu membre du parlement en 1790 et y représenta Bee-
ralston. Il mourut le 7 février 1823, après avoir toujours
— 85 —
aimé et protégé les artistes et en léguant à la National
Gallery sa riche collection de tableaux.
Sir William Beechey lut portraitiste. Il naquit le !•' dé-
cembre 1793 à Burford, dans le Comté d*Oxford, et mourut
à Hampstead en 1839. L'académie Royale se Tassocia en
1793, il devint académicien titulaire en 1798, et reçut le
titre de chevalier après avoir terminé le portrait équestre de
Georges III passant une revue en compagnie du prince de
Galles, du duc d'York, de sir W. Faucett et Goldsworthy.
Reynolds, avant lui, avait reçu ce titre qui fut refusé par
Benjamin West.
Beechey fut extrêmement fécond. On rapporte q\ïï\
exposa, en 64 ans de sa longue vie, trois cent soixante-
deux portraits. Il s'en faut, toutefois, qu'il puisse être mis
sur le même rang que Gainsborough ou Lawrence. C'est un
portraitiste de second ordre.
Son fils George D. Beechey fut peintre médiocre et
exposa aux salons de Londres de 1817 à 1828. On croit qu'il
mourut, pendant la révolte de l'Inde en 1877. à la cour du
roi d'Oude dont il était le peintre attitré.
Le musée du Louvre possède de W. Beechey le père,
sous le no ISCM, deux portraits réunis intitulés Frère et sœur^
don du journal l'Art en 188J, provenant de la vente Wilson
Citons pour mémoire Thomas Stothard W qui ne peut être
compté au nombre des bons peintres de genre du
xviii* siècle, mais dont on a beaucoup parlé à propos d'un
très petit tableau dont le sujet : Pèlerinage à Canterbury^
était inspiré par un poème de Ghaucer. On s'en occupa d'au-
tant plus que William Blacke l'accusait d'avoir pillé sa com-
position originale. On n'a jamais pu dire si c'était à tort ou à
raison.
c C'est assez original, en effet, duns la gravure. Les per-
sonnages ont de la naïveté et un certain caractère. Ils s'en
(I) T. Stolhart, 1735-1834.
— 86 -
vont péleiiiicr comme une file d*oies qui va aux champs.
C'est tranquille et humoristique à la fois, assez intime et
très amusant à voir dans la gravure. On croirait y deviner
un peintre comme Wilkie, même avec plus de style.
» Hélas 1 dans la peinture il n'y a rien; une petite image
débile et incorrecte, au lieu de Timage énergique et subs-
tantielle de Chaucer le vaillant poète ; une vignette comme
en faisait le gracieux Johannot.
» Car Stothard n'est qu'un délicat et spirituel illustrateur de
livres, une espèce d'ornemaniste pour les éditions de luxe,
les keepsakes et les magazine^;. »
Et nous pensons môme que le comparer à Tony Johannot
qui avait beacoup de talent, c'est lui faire trop d'honneur.
Rœburn (sir Henry), né à Strockbridge près Edimbourg
(1756-182;^), peignit le portrait.
On voit de lui au musée du Louvre, catalogué sous le
n° 4817, Le Portrait d'un Invalide de la marine à Green-
wich, — en ovale, — acheté 2,400 fr. par l'Etat en 1886 à la
vente Laurent Richard,
Ce portrait est traité magistralement avec une hardiesse
de touche, un modèle fin et puissant, un sentiment de réalité
bien interprétée qui en font un vrai chef-d'œuvre. Il ne per-
drait rien, a-t-on dit, à côlé d'une œuvre de Chardin.
Et pourtant, ce peintre n'est point apprécié à sa valeur
par les Anglais qui, tout en l'estimant, lui dénient toutes
qualités d'art.
D'abord apprenti orfèvre à Edimbourg, Rieburn sentit
bientôt se révéler sa vocation pour la peinture en s'essayant
à faire quelques miniatures. David Martin, portraitiste, vit
ces essais et lui donna des leçons en lui faisant copier ses
ouvrages. Raeburn avait alors 19 ans. Bientôt il eut quelques
succès, et se maria h 22 ans avec une jeune personne ayant
une médiocre fortune. Reynolds vit quelques-unes de ses
œuvres, l'encouragea, lui donna des conseils et le recom-
uiaiida à ses connaissances. 11 alla passer deux ans en Italie
— 87 —
et revint à Edimbourg en 1787. Nommé président de la
Société des artistes écossais, il fut élu par les peintres de
l'Académie Royale, d'abord associé en 1813, puis académie
cien en 1814. Lorsque George IV passa à Edimbourg, il lui
donna le titre de chevalier en 1822, et Tannée suivante celui
de peintre du roi pour TEcosse. Il mourut dans sa maison de
campagne près d'Edimbourg, après avoir perdu une partie
de sa fortune.
li faut citer dans un genre qui étonne par le grandiose des
édifices et des effets de lumière, Blake , qui fut peintre et
poète. Toutefois, il fut très médiocre dessinateur.
William Blake (1757-1827), que iM. Ernest Chesneau ap-
pelle un génie trop plastique pour la plume et trop mystique
pour le pinceau, fui un peintre visionnaire enfanté par le
mouvement teutonique qu occasionnait la peur des victoires
de Napoléon. Il mêla le mysticisme du Nord Scandinave et
germanique à l'inspiration de la poésie anglaise d'où sor-
tirent le.s œuvres de Wordsworth et celles de Shelley et de
Coleridge. Il illustra de gravures à la pointe sèche des
poèmes inintelligibles.
John Hoppner fut un médiocre portraitiste, et pourtant
un de ses ouvrages, le Portrait de ludy Louiaa Manners^
depuis comtesse Dysart, en costume de paysanne, dans un
fond de paysage, a été, en octobre 1901, adjugé pour la
somme de 14,050 guinées, et quelques jours après, une re-
production de ce portrait, gravé par Charles Turner, se ven-
dait 200 livres. On est surpris de voir estimer si haut l'œuvre
d'un peintre d'un mérite si secondaire. Un portrait de
Mrs Farthing, par le môme, a atteint 8,000 guinées.
Jules-César Ibbertson traita également la figure et le pay-
sage. On raconte que son nom de César lui fut donné parce
qu'il vint au monde à la suite d'une opération appelée césa-
rienne, le 20 décembre 1759. D'abord acteur, puis peintre,
ses tableaux représentent des vues prises aux faubourgs de
Londres, puis des plages, des paysages avec ligures. Ayant
— 88 -
perdu sa femme et huit enfants, il devint Tami du peintre
George Morland et partagea ses dérèglements. Il se maria
de nouveau en 18QI et mourut en 1817. Il fut aussi aquarel-
liste de talent et publia en 1803 un traité de peinture illustré
par lui.
Citons de lui, Fraudeurs sur la côte d'Irlande. Il est né à
Masliam (Yorkshire), en 1759, et mourut à Londres en 1817.
C'est un artiste au faire bien personnel
John Opie(l), auquel on rend une justice tardive, a traité
rhistoire, la mythologie ou les tableaux religieux, mais sur-
tout le portrait mieux que ces différents genres. Sa princi-
pale qualité fut d'être original Sans que Ton puisse dire qu'il
ait jamais fait un chef-d'œuvre, on ne peut pourtant lui con-
tester d'avoir eu beaucoup de talent.
Benjamin West, son rival, a dit de lui : « Il peignait en
maître ce qu'il voyait ; nul peintre ne sut jamais mieux
rendre la perspective aérienne pour placer les objets à leurs
places. La couleur locale dans ses tons variés fut toujours
bien observée par lui. Beaucoup de peintres donnent aux ob-
jets deux couleurs différentes, Tune dans la lumière et l'autre
dans Tombre. Opie ne le fit jamais. Pour lui, aucune cou-
leur, blanche ou noire, primitive ou mixte, ne perd jamais
sa teinte relative »
Cet éloge gagnerait à n'être pas fait par Benjamin West,
qui ne fut jamais coloriste.
II est vrai toutefois qu'Opie l'emporte comme exécution
sur West, sur Fuzely et James Barry, qui durent beaucoup
de leur réputation à une vogue momentanée en Angleterre
pour la peinture d'histoire.
On cite d'Opie : la Mort de Rizio, V Assassinat de Jac-
ques / •* d'Ecosse, une Scène d'évocation, etc. Le musée du
Louvre a de lui un Portrait de femme en blanc, catalogué
sous le n<* 1816, vendu en 1789 à la vente Wilson et donné
(1) John Opie, 1761-1807.
à
par le journal VArt en 1881. C'est une peinture large et so-
lide, fort bien appropriée au genre de beauté vigoureuse et
fraîche de la robuste anglo-saxonne dont elle reproduit les
traits.
Georges Morland(^), malgré sa vie déséquilibrée passée
dans l'ivrognerie, les extra vaganœs qui le firent emprisonner
pour dettes en 1824, et quoiqu'il soit mort à l'âge de qua-
rante ans, emporté par le delirium tremens, a laissé plus de
quatre mille tableaux signés de lui.
Nous disons seulement signés, car il se contentait fort
souvent d'apposer son nom au bas des ouvrages de soi-di-
sant collaborateurs, travaillant dans sa manière, fort recher-
chée par certains amateurs, qui trouvaient du charme à cette
peinture peu faite, assez semblable à une esquisse où do-
mine le sentiment de l'improvisation.
L'Association des marchands de tableaux de Londres ex-
ploitait le talent de ce malheureux qui, poursuivi par ses
créanciers, ne cessait de produire ou de laisser produire
des tableaux qu'on vendait comme siens.
Il est remarquable, toutefois, qu'il avait beaucoup de ta-
lent ; voici comment l'apprécie William Bùrger : c Morland
aimait assez les animaux pour les représenter très bien dans
leur caractère. Aussi faisait-il à merveille les ânes, les co-
chons, les chiens et les chevaux. Ses gros chevaux de ferme
ont certaines analogies avec ceux de Géricault : sincérité de
la tournure, ampleur de l'exécution. Dans la peinture des
animaux comme dans celle du paysage, des intérieurs fami-
liers, des scènes rustiques ou des scènes de pécheurs, il
n'a jamais été plus loin que le premier ; et il était toujours
trop pressé par l'argent ; il a peint presque toutes ses
œuvres « entre deux vins ».
On peut avoir une idée du talent naïf et sincère de Mor-
'land par le tableau de South- Kensington, représentant Le
(1) 1763-1804.
— 90 —
paiement de Vauherge et par La Halte^ qui lui est attribuée,
au musée du Louvre, n° 1814 du catalogue. Ce dernier ta-
bleau a été acheté 8,720 francs en 1881 à la vente de John
Wilson.
Nous devons citer comme peintre de portraits assez re -
marquable Richard Westall (l), reçu de l'Académie royale en
1794, et qui fit en 1830 le portrait de la princesse royale
Victoria, depuis reine d'Angleterre et impératrice des Indes.
John Grome, dit Old Crome pour le distinguer de son fils
aîné, John Bernay Crome, naquit à Norwich, le 21 décem-
bre 1769 et mourutle 2 avril 1824. Fils d'un ouvrier tisserand,
il fut d'abord domestique chez un docteur-médecin, puis
entra chez un peintre d'enseignes,- et se forma seul en étu-
diant d'après nature et d'après une collection de tableaux
des maîtres hollandais. Il fonda en 1805 la société des artistes
de Norwich, et de 1807 à 1818 n'exposa à l'Académie qu'à
peu près une douzaine de tableaux. Sa peinture se distingue
par une étude sincère et naïve de la nature. Ses ciels sont
légers et vaporeux et ses premiers plans corsés et bien étu-
diés. Dessinant mieux que Gainsborough et plus vigoureux
que Morland, il sait faire partager son impression au specta-
teur. On cite de lui son tableau : le Vieux Chêne, et les
Bruyères de Mouse-Hold qui passent pour ses chefs-d'œuvre.
Nous arrivons à Thomas Lawrence : Le portrait du duc Ri-
chelieu dans la collection Gigoux est un morceau qui, eu
égard au petit nombre de peintures anglaises léguées par ce
maître, est bien remarquable. C'est ce même Richelieu dont
Teffigie par Reynolds figurait en 1884 à Paris dans l'Exposition
des portraits du siècle. On en connaît encore d'autres, mais
au dire de critiques compétents, ce portrait-ci serait le meil-
leur. En effet, ce personnage aux cheveux grisonnants et
frisés, a bien la tournure aristocratique, l'expression de
rhomme du grand monde et du diplomate. Il porte la cra-
(1) 1705-1836.
-> 91 —
vale blanche et la plaque de Tordre du Saint-Esprit orne son
habit, dont la coupe, à la mode du temps, lui fait des épaules
tombantes et agrandit son cou hors de proportion. On peut
signaler dans cette peinture la recherche d'une touche facile,
mais des carnations fleuries peu naturelles.
Un second portrait représente la duchesse de Sussex en
robe de satin blanc. Cette jeune femme a les cheveux d'un
blond roux et des yeux d'azur. Près d'elle est placé un bichon
blanc sur un coussin dont la soie de couleur rose a des rap-
pels au rideau rouge du fond. Cette figure ne manque pas
d'un certain attrait, mais il ne faut pas songer, en la voyant,
aux grands portraitistes flamands ou italiens, qui laisseraient
Lawrence au rang bien secondaire que mérite sa poésie d'al-
bum ou de keepsake.
La réputation de Thomas Lawrence, chez lui comme chez
nous, a été surfaite parce que nous écoutons volontiers les
dames qui raffolent des tons frais et roses, des couleurs
fades, et de tout ce qui est maniéré. Lawrence fut surtout
un peintre de dames et la mode eut beaucoup de part à l'en-
gouement dont on se prit pour lui. Un célèbre critique d'art
a dit qu'il eut a le génie de la grâce et du chiffon, et que ce
fut un Reynolds aminci. » Quoique inférieur à ce dernier, il
eut pourtant la réputation du plus grand des portraitistes an-
glais.
Sa peinture, pleine d'artifice, e.^camote ses faiblesses et si-
mule de précieuses qualités. Sans être bien dessinées, ses
figures ont de la vie et ne manquent pas d'éclat quoiqu'il ne
soit pas coloriste. Il semble avoir pour idéal l'aspect des
figures de cire, et les femmes en sont ravies.
Il suffirait de placer ses portraits à côté de ceux de Van
Dyck ou du 'litien dans une des salles du musée du Louvre
pour voir, par comparaison, combien est fausse cette pein-
ture du maître anglais qui ne semble être vraie que quand il
s'agit de portraits d'enfants.
Cet habile peintre, fils d'un aubergiste, naquit à Bristol en
— 92 —
1769 et mourut en 4830. On dit que, dès l'âge de six ans, il
montra la meilleure aptitude pour les beaux-arts et qu'il se
forma sans maîtres. Il fut nommé peintre du roi Georges III
en 1792, et après la mort de West, en 1820, président de
l'Académie royale. La plupart des princes et des célébrités de
l'Europe recherchèient ses portraits où, disait-on, il avait
l'art d'embellir. Il fut académicien en 1794, anobli en 1815,
Il fit le portrait de Charles X et du Dauphin de France. Le
musée du Louvre a de lui le Portrait de lord Whitworthy
acquis en 1887 pour 9,360 francs.
Il est heureux aussi que ce musée ait acquis dernièrement
l'intéressant portrait de M. et Mme Angerstein par le même
maître.
Sir Edwin Landseer est l'ainé et le plus connu de deux
frères qui ont embrassé la carrière des arts, et leur père qui
mourut en 1852, était un graveur distingué.
Ce n'est point par la science anatomique qu'il se distingue,
comme la plupart des animaliers, c'est surtout par l'expres-
sion qu'il donne aux bètes, et Théophile Gautier, dans son
compte rendu de rex[.osition de 1867 a su fort bien apprécier
le caractère de son talent. • Il est, dit-il, dans la confidence
des bêtes : le chien lui donnant une poignée de patte, comme
à un camarade, lui récite la gazette du chenil ; le mouton,
faisant cligner son œil pâle, lui bêle ses chagrins innocents ;
le cerf, qui a le don des larmes comme une femme, vient
pleurer dans son sein la cruauté de l'homme, et l'artiste les
console de son mieux, car il les aime d'une tendresse pro-
fonde, et il n'a point pour leur peine le dédaigneux mépris
du sot. »
Il faut, en définitive, observer que Landseer a donné aux
bètes des sentiments humains, ce qui est plus ingénieux que
naturel.
Le paysage que, dans la collection Gigoux, on attri-
bue à Turner ne nous révèle point le talent de ce peintre,
surnommé pompeusement par ses conipatriotes : Le Messie
de la peinture; c'est un ouvrage médiocre. Loin de tendre
aux effets de lumière que recherche habituellement ce pay-
sagiste (qui fut aussi un célèbre aquarelliste mais resta infé-
rieur lorsqu'il voulut aborder la peinture d'histoire), loin de
nous donner ses contrastes de rayons et d'ombres sa cou-
leur est ici uniformément froide, et pourtant cette pâle étude
doit avoir été peinte en Italie, parce que, dans les fonds, à
droite, on voit un volcan dont la fumée s'élève sur un ciel sans
nuages. Ces fonds se complètent par un horizon de collines
boisées. Aux premiers plans se trouvent deux petites figures.
C'est sans doute postérieurement à 1819, au moment où
après son voyage en Italie la manière de cet artiste changea
notablement, qu'il peignit ce morceau. Dans sa première
manière, l'ombre occupe en ses tableaux plus de place que
la lumière et son faire est vigoureux et ferme; mais, à partir
de ce moment, il recherche le plein air sans contraste et ar-
rive à Teffet par la variété des tons. Enfin, dans ses vingt
dernières années, il ne délimite plus les objets que par des
nuances très subtiles de colorations et de lumière dont il
compose des symphonies comme : Les Abords de Venise
(1843) et Le Convoi de chemin de fer daixs le brouillard {The
great Western railvay).
Le goût pour les eti'ets de lumière sur de vastes étendues
lui venait des éclaircies du ciel changeant de son pays et des
brumes lointaines qui estompent fantastiquement la nature
comme dans un rêve où les rayons, les ombres et les reflets
s'harmonisent et font un merveilleux mirage, par exemple
dans ses tableaux : La grève de Hastings et Le château de
Dunstanborough où le soleil se lève après un orage nocturne.
L'ailiste dont il s'inspira surtout fut Claude Lorrain, et il
s'en inspira à un tel point qu'il imita même la patine que le
temps assombrissant les ombres et jaunissant les lumières a
donnée aux tableaux de ce maître.
Pour lutter avec cet incomparable Claude, il alla jusqu'à
léguer à la National Gallery deux de ses œuvres les plus im-
— 94 —
portantes : La fondation de Carthage et Le Soleil levant
dans les brouillards^ en mettant pour condition qu'ils se-
raient exposés entre deux tableaux de Claude, et cela fut exé-
cuté conformément à sa volonté : Ton plaça, en effet, dans la
salle IX, d'un côté le Mariage d'IsaaCy et, de l'autre, VEm^
barquement de la reine de Saba,
C'est encore pour imiter le Lorrain qu'il publia, pendant
douze ans, une collection d'études gravées d'après ses ta-
bleaux, appelée par lui Liber studiorum, à l'instar du Liber
veritatis (i). Les eaux fortes de ce livre, qui sont de sa main
et qu'on trouve même supérieures à ses dessins originaux,
ont été mises au même rang que celles de Rembrandt par
quelques admirateurs enthousiastes.
Il faut bien reconnaître toutefois que son culte pour Claude
Lorrain ne l'empêcha point d'être original. II se laissait em-
porter par son imagination, ne s'astreignant point assez à
étudier la nature et brodant des variations brillantes où Ton
ne pouvait plus reconnaître le motif qui les avait inspirées.
Il regarda plus en lui-même qu'au dehors et, pour toutdire,
peignit de pratique ce qu'il avait rêvé bien mieux que ce qu'il
voyait, se condanmant ainsi à l'infériorité qui ne peut man-
quer d'atteindre tout artiste oublieux de consulter la réalité.
Ce qu'il rechercha pour plaire au faux goût de ses compa-
triotes, fut l'excentricité, la bizarrerie qu'on ne doit pas con-
fondre avec l'originalité. Un critique d'art a nommé Turner
le Monticelli de l'Angleterre.
Joseph Mallard William Turner était né à Covent-Garden,
dans Maiden Lane, le 23 avril 1775. Son père, un coiffeur,
ne lui fit donner qu'une instruction rudimentaire. Ses re-
lations amicales avec Thomas Girtin, le premier aquarel-
liste fameux de l'Angleterre, et les copies d'après les
maîtres qu'il eut la permission de faire dans la collection
(i) Le Liber veritatis, par Claude Gelée, est dans la riche collection
des ducs de Oevonshire, au château de Chatsworth, comté de Derby.
— 95 —
du docteur Monro, favorisèrent son talent naissant. En
même temps il profitait des leçons de John Robert Co-
zens, un maître de l'aquarelle, ami de Girtin, et devenait de
première force dans ce genre. En 1789 il entre comme élève
à l'Académie royale, et un an après, âgé de 15 ans, il expose
une vue de Lambeth- Palace. Les éditeurs alors lui font des
commandes de dessins, des vues de villes pour illustrer les
livres et il parcourt différentes parties de l'Angleterre, le pays
de Galles, les comtés du centre et le sud du Yorkshire, y
faisant nombre d'aquarelles fort appréciées. Ce n'est qu'en
1793 qu'il expose son premier tableau, une peinture à l'huile
intitulée la Rafale. Il exposa encore en 1796 des Pécheurs
et en 1797 un Lever tic soleil. En 1799 on l'élut associé de
l'Académie royale, et académicien en ISO'i ; puis il y devint
professeur de perspective en 1807, en succédant au peintre
d'histoire et portraitiste Edward Edwards. 11 avait voyagé en
France, en Suisse, sur les bords du Rhin, et plus tard assez
longtemps en Italie. Turner n'était point distingué de ma-
nières ni de visage, et son aspect ne répondait point à la
poésie que l'on trouvait en sa peinture. Misanthrope, aimant
à s'isoler, il mourut subitement dans un pauvre logis où la
femme qui le servait ne le connaissait que sous le faux nom
de Brooks. Il fut enterré dans les caveaux de la cathédrale
de Saint-Paul, à côté de sir Josuah Reynolds.
Il léguait toute sa fortune, tableaux ou rentes, à l'Etat, en
y mettant la condition que dans un délai de dix ans on pla-
cerait convenablement ses tableaux. Ce qu'il laissait d'argent
devait être employée une fondation pour secourir les artistes
dans le malheur.
Un grand collectionneur, bien connu en Angleterre,
M. Vaughan, vient de partager sa collection de tableaux de
Turner entre les diverses galeries nationales de l'Angleterre,
de l'Ecosse et de l'Irlande.
Constable qui ouvrit une voie nouvelle au moment où l'é-
tude de la nature était trop négligée, est représenté dans le
legs Gigoux par deux pages remarquables: tout d'abord, un
tableau d'assez grandes dimensions oii Ton voit un moulin
rustique dont la roue tourne en un rejaillissement d*eau per-
lée. Tout auprès, un toit de chaume est entouré à droite et
à gauche de vieux arbres noueux et dépouillés. Sur Je para-
pet d'un pont de bois grossier un homme en blouse grise se
penche pour parler à une femme dont les épaules sont cou-
vertes d*un mouchoir rouge. Il semble que l'artiste a voulu
seulement rendre le plus fidèlement ce qu'il avait sous les
yeux. Bien avant notre Courbet, il a abusé d'un procédé mé-
canique, du couteau à palette habilement frôlé sur des épais-
seurs pour rendre l'aspect de l'eau écumante, des pierres et
des mousses. Ce paysage, avec ses rehauts de couleur et sa
peinture au couteau, a l'air d'une grande pochade preste-
ment enlevée. Il s'est, par l'effet du temps, quelque peu dé-
fraîchi, mais dans son harmonie rousse on peut goûter en-
core l'impression que cause Taspect de l'ensemble.
L'autre petit tableau de ce maître doit surtout être signalé :
c'est un paysage bien vivant ; sous un ciel gris chargé de
nuées orageuses fort mouvementées que Constable excellait
à peindre et qu'il a placées dans presque toutes ses œuvres,
on aperçoit un cours d'eau, la rivière Stour probablement, si
souvent reproduite par lui, sur laquelle glisse une voile non
loin de deux maisons et d'un moulin à vent. Un bouquet
d'arbres au feuillage bruni par l'automne s'étale dans les
premiers plans sur un terrain d'une teinte chaude et dorée
contrastant avec les tons du ciel. La couleur est excellente
et donne bien l'idée de ce qui distingue ce peintre, le cama-
rade et l'an)! de Bonington. Comme ce dernier, il rappelle
la manière des peintres français de l'école romantique qui se
seraient inspirés de ces deux anglais, au dire de certains cri-
tiques.
John Constable naquit le 11 juin 1776 à East Bergholt,
dans le Comté de Suffolk. Son père, bourgeois à l'aise, pos-
sédait des moulins et destinait John à les exploiter: il l'en-
-^ 97 —
voya donc sur ses terres remplir Toffice de meunier. Cepen-
dant ce jeune homme, dans les intervalles où son métier lui
permettait quelque loisir, se prit à admirer les aspects chan-
geants du ciel, les effets de la lumière et de Tombre sur les
nuages et essaya de les reproduire par le pinceau. Ces
essais attirèrent l'attention des amis de sa famille qui con-
seillèrent de renvoyer faire ses éludes d*art à Londres. Ce
fut assez difficilement que son père finit par y consentir.
Après quelque temps, en 1799, Constable était admis
comme élève à TAcadémie royale, sur un dessin de ce fa-
meux torse antique dont l'original est au musée du Vatican,
et, en 1802, il envoyait pour la première fois un paysage à
l'exposition de cette Académie. Sa manière fut d'abord peu
goûtée, car il voulait rendre la nature telle qu'il la voyait,
et ne point imiter le défaut des artistes de son temps
qui, dit-il, c avaient la prétention de faire au delà de ce qui
est vrai. « Constable n'aimait point leurs ouvrages, mais
ceux-ci, de leur côté, n'admettaient point ses empâtements
et lui reprochaient de peindre salement. Dépité de se voir si
mal compris, on rapporte qu'il répondit un jour à cette cri-
tique : 0 Je peins pour la postérité », et certes, il ne savait
pas si bien 'dire, car la mode du temps a passé, et mainte-
nant on recherche sa peinture.
Cependant, le peu de succès qu'il obtenait le fît, en 1812,
s'essayer dans le portrait, et même dans quelques tableaux
religieux dont il orna les églises de Suffolk. Mais il sentait
bien, que ces deux genres ne convenaient point à son talent
et qu'il était né pour être paysagiste. Deux paysages qu'il
avait exposés à la British Institution furent achetés, l'un par
un des premiers libraires de Londres, M. Carpenter, et l'au-
tre, par un célèbre connaisseur, le père de celui-ci qui fut
conservateur du British Muséum, M. Almutt. Cela lui valut
un succès sérieux, et depuis ce moment sa réputation ne
cessa de s'accroître. En 1819, un de ses tableaux, une
Scène 9ur la rivière Stour, le fit nommer associé de l'Aca-
demie Royale de Londres dont il devint membre en 1829. Il
avait obtenu une médaille d'or à Paris au salon de 1825 où
plusieurs de ses œuvres avaient été fort admirées On cite
parmi ses peintures les plus célèbres : le Parc de Helmin-
gham; en 1831, la Cathédrale de Salisbury vue des prai-
ries, et, en 1835, la Ferme de la vallée^ une de ses meil-
leures peintures qui fut achetée par le célèbre amateur
Vernon.
Constable mourut en 1837, après avoir joui d'une grande
célébrité pendant 25 ans. On cite les mots que la vue de ses
paysages inspirait à des connaisseurs. Bannister disait :
« Il me semble, que l'air frais me souffle au visage », et
Fusely : a Ils me font penser à mon parapluie ».
Le musée du Louvre possède de lui cinq paysages cata-
logués du no 1806 à 1810 inclus : un Cottage, payé
24,500 fr.; VArc-en-ciel donné par John Wiison en 1873; la
Baie de Weymouth payée 56,000 fr. ; Vue de Hampstead
Head, esquisse donnée en 1887 par le journal l'Art, et The
Glehe Farm, payée 3,660 francs
Augustin Vall Calcott ( U . élève de John Hopner (2), portraitiste
de second ordre qui jouissait en même temps que Lawrence
de la faveur des gens du monde, se fit paysagiste et il fut en
cette qualité reçu à l'Académie Royale (1810). La plupart de
ses ouvrages sont dans Jes galeries particulières et les mu-
sées n'en possèdent guère. On recherche ses petits tableaux
qui sont fort lumineux. Il en a peint aussi de grands, et non
moins bien. '
Mentionnons rapidement Thomas Uwins R. A. (1782-
1857), qui fut un très médiocre peintre de genre. D'abord
graveur, puis aquarelliste et illustrateur de livres. En 1842,
la reine le nomma conservateur de la National Gallery.
M. Ernest Ghesneau a dit de lui : « il exposa en tout cent
(i) A. V. Calcotl, 1779-1844.
(2) J. Hoppiier, 1758-1816.
— 99 -
deux tableaux à l'Académie Royale : à peu près cent deux de
trop. 9
 un groupe d'artistes appartiennent John-Sell Cotman,
peintre de paysages et de marines, né à Norwich (178-2-1842),
qui excella dans le rendu des ciels limpides et des eaux trans-
parentes — on cite comme son chef-d'œuvre une galiote pen-
dant la tempête — et James Stark, paysagiste, élève d'Old
Crome (1794-1859), remarquable par la savante simplicité de
sa peinture.
Aux spécimens de la peinture anglaise légués par Gigoux,
notons une indication du talent de Daniel Wilkie. Celte pe-
tite esquisse rappelle les effets de clair-obscur chers à Van
Ostade ou à Rembrandt. Elle représente deux forgerons dans
leur atelier. L'un attise le feu, tandis que l'autre frappe sur
l'enclume. Il y a là de réelles qualités, mais c'est insuffisant
pour juger de ce maître qui, lorsqu'on ne voit que les es-
tampes d'après ses tableaux où il abusa parfois des tons roses,
paraît se rapprocher de l'école flamande du dix-septième
siècle. Du reste, les tableaux de Wilkie gagnent à être gravés
et c'est par la gravure que presque tout le monde connaît
ses principaux ouvrages, consacrés surtout aux scènes vil-
lageoises.
Il ne faut point trop nous plaindre de n'avoir de lui qu'une
esquisse, si nous nous rappelons ce qu'Eugène Delacroix
écrivait à son ami Soulier, en 1825, au retour d'un voyage à
Londres : • J'ai été chez M. Wilkie et je ne l'apprécie que
depuis ce moment. Ses tableaux achevés m'avaient déplu, et,
dans le fait, ses ébauches et ses esquisses'sont au-dessus de
tous les éloges. Comme tous les peintres de tous les âges et
de tous les pays, il gâte régulièrement ce qu'il fait de beau.
Mais il y a à se contenter dans cette contre-épreuve de ses
belles choses. »
Voici, en outre, l'opinion du célèbre critique Ernest Ches-
neau . « L'art était un mot qui, pour lui, signifiait seulement :
image de la vie familière. »
►
— 100 —
« Son esprit n'était nuHement inventeur, mais il était mar-
qué à ce coin dMnnocente causticité, de boutade rapide qu'on
appelle Vhumour. C'est ce qui donne un caractère piquant à
ses compositions
» ... . Ce sont les ridicules qui l'inspirent, les petits travers
des gens, point du tout une arrière-pensée morale. Il s'amuse
lui-même de ses malices ; rien ne le choque, rien ne l'in-
digne, il voit de la vie les côtés de pure comédie ; le drame
noir, la tragédie imposante sont des langues qu il ne com-
prend point. Wilkie est de ces heureuses natures ni cha-
grines, ni rêveuses, ni exaltées, qui ont le bon sens de trou-
ver tout pour le mieux dans le meilleur des mondes pos-
sibles. »
a Si Hogarth n'est guère peintre, Wilkie ne l'était
guère davantage. Les tableaux de Wilkie, même dans son
meilleur temps, accusent une grande sécheresse, une grande
inexpérience de main, et nul sentiment des richesses artis-
tiques de la nature. Il semblerait que ces deux artistes voient
avec leur intelligence et non avec leurs yeux. Le dessin, les
couleurs sont pour eux des procédés graphiques propres à
rendre sensible le résultat de leurs observations, mais assu-
rément il leur eût été aussi agréable, ils eussent été aussi
satisfaits de communiquer avec la foule par d'autres moyens,
par le théâtre ou par le pamphlet. )>
David Wilkie, né en 1785 au village de Fifeshire, en Ecosse,
mourut en mer le l**" mars 1841, près de Gibraltar, au retour
d'un voyage en Orient. Il avait été envoyé d'abord par sa fa-
mille à l'Académie des Trustées à Edimbourg, où on lui fit
peindre des sujets de grand style historique, sous la direction
de John Graham; mais son enfance passée à la campagne
lui inspirait de traiter des sujets villageois. Son premier essai
dans ce genre fut la Foire de Pitlessie, qui reproduisait bien
les mœurs rustiques, mais ne brillait point par la couleur.
Au mois de mal 1805, il vint à I-ondres et mit l'année sui-
vante à l'exposition de l'Académie royale son fameux tableau
— 101 -
des Politiques de village. Sa réputation s'établit, il devint
populaire par ses compositions : les Joueurs de cartes, le
Jour des loyers^ la Guimbarde^ le Doigt coupé, sa Fête de
village, etc. Â l'âge de vingt-quatre ans, il fut associé à l'A-
cadémie royale, dont il devint titulaire deux ans après. Il
alla, en 18i4, passer environ six semaines à Paris; mais, en
4825, après un voyage en France, en Allemagne, en Italie et
en Espagne, où les œuvres de Rembrandt, de Gorrège, de
Velasquez l'influencèrent, il changea de manière et traita,
avec peu de succès, le portrait et l'histoire. Sa Prédication
de John Knox est une composition de cette époque, en 1832.
Dans la collection léguée au musée de Besançon par M. L.
Chenot, il nous faut citer de Mulready un portrait, une tête
fortement empâtée et colorée, pas mal dessinée du reste,
mais où l'on peut constater dans les chairs la prédominance
du rouge. Ce peintre n'a rien dans sa manière qui le caracté-
rise, si ce n'est que cette manière est d'en changer à chaque
nouvelle production de son pinceau, si bien que les apprécia-
tions de la critique ont varié sur son compte. Tandis que
Théophile Gautier le dit coloriste, M. Edmond About, lors
de notre exposition universelle de 1855 où Mulready, presque
octogénaire, avait envoyé neuf petits tableaux de genre pour
lesquels il reçut la croix de la Légion d'honneur, M Edmond
About, tout en les trouvant « fmement pensés et exécutés
avec beaucoup d'esprit, remarquait que sa couleur est • au-
dessous du médiocre » et lui reprochait de ne peindre « que
des figures cramoisies ». . puis, quand il traite le paysage,
de € n'être plus que vert et bleu ou déplorablement jaune
citron ».
€ La couleur de M. Mulready, ajoute-t-il, n'est pas seu-
lement fausse, mais elle est crue. S'il faisait du camaïeu on
le lui passerait, mais il y a je ne sais quoi de discordant et
de dur dans ses excellents petits tableaux. Pour les trouver
harmonieux il faut les placer à côté d'une toile de M. Mac-
Lise. » •
— 402 —
William Muiready, qui traita le genre et le portrait, naquit
à Ennis (Irlande) en 1786 et mourut à Londres en 1863. Il
commença sa carrière en illustrant des livres d'enfants, et
c'est un de ceux qui sont le mieux représentés dans les mu-
sées de TAngleterre, à la suite des libéralités des collection-
neurs Sheepshanks et Vernon qui donnèrent trente-quatre
de ses tableaux. On cite de lui à la British Institution, ï Ate-
lier de menuisiev ; à la National Gallery, le Retour du Ca-
baret dit le Fair time, ouvrage qui consacra son nom. Citons
encore : les Enfants paresseux, le Nouveau, le Passage du
Gué, le Partage du Goûter, le Choix de la Robe de noces, le
Loup et VAgneau, etc. On peut voir de lui au musée du
Louvre un tableau acheté 900 francs et donné par le jour-
nal r^rten 1881. Il porte le n* 1815 du catalogue et a pour
titre : V Abreuvoir,
William Etty (l) vint à Londres en 4806 ; présenté par Fu-
seli, il fut admis à suivre les cours de l'Académie et reçut
pendant un an les leçons de Lawrence qui, surchargé de
commandes, n'avait guère le temps de s'occuper de lui. Il se
forma ensuite en étudiant d'après nature et d'après les ta-
bleaux de la National Gallery. Il est mort en 4849.
Il traitait le genre historique, mais comme il peignait le
nu en faisant poser des modèles, l'hypocrisie anglaise ne l'ap-
précia point tant qu'il vécut. Voici ce qu'il écrit à ce sujet
dans son autobiographie : « Mon caractère n'a pas été com-
pris. J'ai été vivement blâmé parce que j'ai préféré peindre
la divine forme humaine des deux sexes, les glorieuses œu-
vres de Dieu plutôt que celles des tisserands, plutôt que des
draperies, ouvrages des hommes. On m'a accusé d'être sho-
king et immoral... Si quelqu'une de mes peintures décèle
un sentiment immoral, je consens à ce qu'on la brûle. »
De 4824 à 18^27, il peignit pour la gloire des tableaux de
très grandes dimensions, entre autres celui intitulé : Le Com-
[\) W. Etty, 1787-1849.
— 103 —
baty dont il donna un fragment arrangé en tableau pour sa
réception à TAcadémie.
C'est un des meilleurs peintres anglais qui aient traité
l'histoire, mais on s'avisa de son mérite seulement après sa
mort, et sans doute un peu trop, comme il arrive toujours
lorsqu'un artiste a été méconnu.
Voici ce que dit de lui le critique Palgrave dans son étude
sur l'exposition internationale de Londres :
€ Etty est un des plus grands coloristes, peut-être le plus
grand de l'école anglaise. Il avait beaucoup étudié et il des-
sinait avec soin ; il eut un sens délicat de la science des
lignes, un vif instinct du paysage. Seul, parmi ses contem-
porains, il se consacra à représenter la pure forme humaine
qu'il sut peindre avec un éclat et une transparence digne des
Vénitiens. »
C'est peut-être beaucoup dire, mais on a judicieusement
remarqué qu' « il est possible de se montrer digne des Vé-
nitiens de la Renaissance sans être leur égal ».
Etty fut contemporain de notre Louis David qui célébra les
exploits de Napoléon et mit en honneur laformenue classique.
Cela seul eût certainement suffi pour rendre le nu immoral
et antipathique aux Anglais. Le musée du Louvre n'a point
de sa peinture.
Patrick Nasmyth, ou, pour l'appeler de son vrai nom de
baptême, Peter, fils d'Alexandre Nasmyth, fondateur de
l'Ecole écossaise (4787-1831), naquit h Edimbourg, vint à
Londres en 1822 et y fil connaître son talent de paysagiste.
Ses premiers tableaux représentaient des sites d'Ecosse, et
les suivants, les environs de Londres. Il reproduit la nature
avec un sentiment sincère qui caractérise les peintres écos-
sais.
Williams Collins(l}, père du célèbre romancier Wilkie
Collins, s'est fait une réputation par de petits tableaux de
(i) William Collins, 1788-18*7.
— i()4 —
genre qui, vu la médiocrité des peintres anglais au commen-
cement de ce siècle, devaient attirer Tattention. Il les agré-
mentait de fonds de paysage et de figures d'enfants, assez
réussies, mais vers la fin de sa vie, ayant changé de ma-
nière, on ne vit plus de lui que des productions inférieures.
Charles-Robert Leslie, d'origine américaine, naquit à
Glerkenwell, et ses parents remmenèrent d'abord en Amé-
rique, où ils le destinaient au commerce, mais il retourna
en Angleterre en 1811 et devint Télève d'un peintre d'his-
toire, Washington Alston, associé de l'Académie royale,
ainsi que de Benjamin West. Il a publié les Mémoires de
John ConstablCy un Manuel du jeune peintre, et avait écrit
quelques notes dont M. Tom Taylor s'est servi pour sa Vie
de Reynolds II avait été nommé membre de l'Académie
en 1826. Ses premiers ouvrages furent des portraits, mais
il se distingua dans le genre historique, où sa réputation fut
consacrée dès son début. C'était une scène du spectator :
Sir Roger de Caverley allant à Véglise, Outre ses tableaux
représentant : une Fête de mai soas la reine Elisabelh, San-
cho Pança et la duchesse^ les Joyeuses commères de Wind-
sor, Catherine et capucins^ Scène de Henri VII, FaUtaff
jouant le rôle du roi, etc., on cite comme son chef-d'œuvre :
V Oncle Tohy et la veuve Wadmann, sujet tiré du Tristam
Shandy, de Sterne
John Martin (^), avec une exécution faible, traita dans une
manière qui tient du rêve, des sujets immenses comme le
Festin de Balthazar^ le Déluge, la Chute de Ninive, le Juge-
ment dernier
John Bernay Crome, dit Crome le Jeune (1793-1842), fut
l'élève de son père On rencontre moins de vigueur et moins
de variété dans ses ouvrages que dans ceux d'Old Crome, et
pourtant ils ont de la poésie. Citons son Village sur la Yare,
ses Bords de la Yare, clair de lune.
(1) 1789-1854.
- 105 -
James Slark (1794-1859), du groupe des paysagistes de
Norwich, élève aussi d'Oid Grorae, eut beaucoup de succès
à Londres.
Leslie est, avant tout, un illustrateur interprétant avec
esprit Shakespeare, Sterne, Goldsmith, Cervantes et Molière.
Ses tableaux ne valent pas ses illustrations. Il peignit, en
1841, le Couronnement de la reine et le Baptême de la
Princesse royale.
Joseph Wright, mort en 1797, que les Anglais, grands ad-
mirateurs de sa peinture, appellent Wright de Derby, du
nom de son pays, a été surnommé le Claude Lorrain anglais
à cause de certains paysages où il trouvait bon de placer
quelque feu ou même un volcan en éruption, pour produire
des effets de lumière. Il serait tout au plus, comme on Ta dit,
un Schalcken, si Ton considère ses intérieurs, éclairés de
lumière artificielle. La plupart de ses tableaux font partie de
collections particulières. Le plus célèbre, dans la collection
de lord Palmerston, représente une Forge. On peut citer
aussi, dans la collection du marquis de Lansdowne, le ta-
bleau intitulé le Gladiateur.
Vers la même époque, un peintre anglais moderne, David
Roberts, avait la spécialité des Intérieurs d'église, qu'il re-
produisait avec de piquants effets de clair-obscur. On cite,
entre autres un de ses tableaux dans la galerie du célèbre
amateur Vernon.
Il nous faut signaler, dans le legs Gigonx, quelques spé-
cimens du talent de Bonington : !• une charnïante petite
marine, effet gris du matin, avec un navire à l'horizon et
une ville lointaine dans le brouillard ; 2^ une autre petite
marine, effet d'un gris perlé, avec une embarcation dans le
fond, où une aurore aux tons roses se distingue à travers la
brume ; 3* une troisième, où se trouvent des barques de
pêche sur une eau verdàtre, non loin d'une colline, dans un
ciel nuageux mouvementé, la lumière venant de la gauche
du spectateur ; 4» une étude moins remarquable (|ue les trois
8
— 406 —
précédentes, où une embarcation au premier pian occupe
une place importante dans la toile.
Richard Parkes Bonington, qui traita avec succès le genre,
le paysage et les marines et se distingua comme aquarelliste
et lithographe, naquit au village de Arnold, près de Nottin-
gham^ le 25 octobre 1801. Son père avait peint le paysage,
le portrait et gravé à la manière noire plutôt en amateur
qu'en professionnel, et sa mère tenait une école, peu fréquen-
tée, dit-on, à cause du manque de conduite de son mari.
Bonington, venu à Paris dès Tâge de quinze ans, y fit son
éducation artistique à l'Ecole des Beaux-Arts, au Louvre et
dans l'atelier de Gros. Il visita l'Italie en 1824, exposa en
1827, à son retour en Angleterre, à l'Académie royale, et
Tannée suivante trois tableaux : Henri III^ le Grand canal
de Venise et une vue de VEglise Sanla-Maria délia Sainte.
Il envoya aussi à Paris, aux Salons de 1822, 1824 et 1827.
Il étudiait en Normandie en 1828 avec le paysagiste Paul
Huet, lorsqu'il retourna à Londres, où il mourut prématuré-
ment avant la lin de sa vingt-septième année.
Sir Thomas Lawrence avait certainement bien raison
d'écrire à M™* Forster l'épouse du célèbre graveur ami de
Bonington : « Je ne sache pas qu'à notre époque la mort
précoce ait enlevé un artiste qui promit davantage après un
développement si remarquable et si rapide. > Toutefois, La-
wrence en parlant ainsi n'apprécie Bonington que comme
un jeune homme qui promet, peut-être parce qu'il le consi-
dère comme trop français. Et cependant, il est vrai de dire
qu'il fut un des peintres les plus brillants de son époque,
jugé tel par Eugène Delacroix et les meilleurs artistes fran*
çais, ses contemporains.
On voit au Louvre cinq ouvrages de Bonington, catalo-
gués de 1802 à 1805 6t8 : 1° François I"^ et la ducheé$e
d'Etampes, payé 6,700 fr. en 1840; 2® Mazarin et Anne
d'Autriche, donné par Huguet Schubert et Millet ; 3* Vue
du parc de Versatiles, payée 3,050 fr. à la vente Etienne
— 407 —
Arago; 4" une Vue à Venise, donnée en 1883 par Huguet
Schubert et Millet; 5" la Vieille gouvernante de BoningtOHy
la môme qui fut le modèle du portrait de vieille femme que
Delacroix mit à l'exposition universelle de 1855.
Il faut noter en plus une Vue des côtes normandes. Ce
n'est qu'une esquisse, achetée récemment en 1902, mais elle
est fort remarquable par son effet lumineux.
Nous consacrerons un chapitre spécial aux aquarellistes
anglais, mais, pour compléter ce que nous avons à dire de
Bonington, citons dès maintenant deux aquarelles dans la
galerie Gigoux (musée de Besançon) : l'une représente
Quatre figures de femmes en costume vénitien, et l'autre :
V Intérieur d'un salon.
Nous y trouvons les qualités habituelles du maître, mais
à un degré moindre que dans ses fameuses aquarelles du
musée du Louvre.
Nul n'ignore le charme du coloris de Bonington lorsqu'il
traite les sujets de genre historique; sa couleur est non
moins séduisante lorsqu'il peint le paysage et les marines.
Soit que son pinceau reproduise le ciel de Venise ou celui
des côtes de France, il s'assimile la couleur de chaque pays,
de même que les types de leurs habitants, leurs gestes
et leurs attitudes. Pourtant, ses compatriotes, peut-être
parce qu'il fut élève de Gros, le fameux peintre des vic-
toires de Napoléon !•% n'estiment point son talent à sa juste
valeur.
La peinture épigrammatique confinant à la caricature est
un genre tout à fait anglais. Nous remarquons, parmi ceux
qui l'ont cultivée avec assez de succès : Buss qui est peu
connu, et George Lance né en 1802, mort en 1864. Il avait
trois tableaux de genre à l'Exposition universelle de Paris
en 1855. On connaît du premier de ces artistes, entre autres
compositions humoristiques : VOuverture de la Chasse, et du
second : la Pèche au Baquet, maintes fois reproduites par la
gravure. Ce second tableau, avec les cent cinquante-neuf
— 408 -
autres de la collection Vernon, a été légué à la National Gai-
lery en 186i.
Cooper (Thomas Sidney), animalier, naquit à Cantorbéry
en 1803 et mourut dernièrement très pauvre, vers le 5 fé-
vrier 1902, âgé de 98 ans. Il apprit seul la peinture, lit des
décors de théâtre, resta longtemps en Hollande, et peignit
le paysage et les animaux avec un très grand succès En
4867, il fut nommé de l'Académie Royale et peignit jusqu'à
70 ans. Il publia un livre de desnins d'animaux et groupes
rustiques en 1853, et les Beautés de la Poésie et de VArt;
illustrées par lui.
Daniel Maclise R. A. (1806 ou 1811 et 1870). Ce peintre,
de genre historique, dont les mémoires ont été publiés en
1871 par Justin O'Driscoll, quoiqu'il eût remporté en 1831
la médaille d'or au concours de peinture historique, ne mé-
ritait point le premier rang. On cite de lui : La Veille de la
Toussaint en Irlande^ qu'il plaça à l'Académie, Une Scène de
Ldlla Rookh : Mokama devant Selica^ à la British Institution :
deux peintures décoratives au Parlement ; entrevue de Wel-
lington et de Blucher Après Waterloo, et La Mort de Nelson
à Trafalgar. Vers la fm dn sa vie, il fit des illustrations et
plusieurs portraits, entre autres celui de Charles Dickens.
Parmi les paysagistes de moindre réputation, il faut citer
aussi Thomas Cteswick, de la Royal Academy, né à Shef-
field en 1811. mort à Bayswater le 28 décembre 1869. Il vint
à Londres et on lui reçut deux tableaux à l'Académie royale
dès sa vingt-sixième année. Il avait pris le motif de ces ta-
bleaux, ainsi qu'il le fit souvent depuis, dans les paysages
du pays de Galles. On cite parmi ses meilleures œuvres :
England (1847) ; Vieux arbres, Vent sur la Plage, Première
lueur de la mer (1850) ; Lever de la lune dans les monta-
gnes (1852), et Fin de tempête (1855;. Ses derniers tableaux
ont moins de vigueur que ceux qu'il fit dans le milieu de
son existence.
George Vincent, paysagiste et peintre de marines, né à
— 109 —
Norwich à une date inconnue, exposa dans sa ville natale et
à Londres de 1811 à 1830. Il reçut des leçons d'Old Crome
et se fit un nom surtout par sa Vue de VHôpital de Green-
wich exposée à Londres à l'exposition internationale de 1862.
Citons encore son Paysage de Norfold où la lumière est dis-
tribuée aux différents plans avec beaucoup d'art.
Hurlstone, né à Londres en 1800, d'abord élève de TAca-
démie royale en 1820, exposait en 1821 Le Malade imagi-
naire^ en 1822 V Enfant prodigue, en 1824 V Archange Saint-
Michel et Satan se disputant le corps de Moïse ; élu en 1835
président de la société des artistes britanniques, il ne fut ja-
mais nommé de l'Académie royale, et fit à cette institution
une opposition très vive lorsqu'elle fut l'objet d'une enquête
en 1835. 11 obtint une médaille d'or en 1855, à Paris, à l'ex-
position universelle. Ses fneilleurs tableaux sont : Armide,
Ero6^ Christophe Colomb au couvent'jde la Rabida, etc.
Robert Ladbrooke fut un des fondateurs de l'école de
paysage de Norwich. D'abord imprimeur, puis peintre de
portraits à bas prix, à cinq shillings, ce beau-frère d'Old
Crome mourut à Norwich en octobre 1842, âgé de 73 ans.
Il exposa plusieurs fois à l'Académie royale et laissa trois fils,
tous trois paysagistes, mais le deuxième seulement, Henry
Ladbrooke, a fait époque dans l'histoire de l'art. Sa peinture
est harmonieuse, avec un cachet de vérité. Il est mort en
novembre 1870.
Ladbrooke, le père, a suivi ce principe de rendu minutieux
de la nature que reprirent ensuite les préraphaélites. Son
Vieux chêne et ses Bruyères de House Hold sont l'applica-
tion de cette conscience exagérée du détail devant la nature,
qui, chez nous. Français, avait égaré le peintre de Laberge.
On trouve à la National Gallery une Vue d'Oxford par Ro-
bert Ladbrooke.
— 410
CHRONOLOGIE
DBS PRINOIPATTX PBINTRB8 ANaLAIS
DB L*ANCIBNNB ÉOOLB
Hogarlh 1697-1764
Ramsay, 1713 0U. . . 17i5-l784
Wilson 17U-1782
Reynolds I723-17Ï«
Gainsboroiiglj .... 1727-1788
Roinney 1731-1802
H. Wcbt 1738-1820
Fusely !7il-1825
J. Barry 1741—1806
Nortïicote 1746-1831
Smirke 1752 -18i5
Howland Beuninont. . 1753 -1«23
W. Beechey 1753-1839
Rœburn. 175<>-1823
Blake 1757-1827
Hoppner 1758-1816
Ibberlson 1759-1817
Opie 1761-1807
Morlaiïd 1763-1804
Westall 1765-1836
OldCrome 1769-1824
Th. Lawrence .... 1769-1830
Edw. Landseer. . . . 1769-1852
R. Ladbrooke .... 1769 -1842
Turner 1775-1851
Constable 1776—1837
Calcott 1779—1844
Uwins 1782-1837
J.-Sell. Colman. . . . 1782-4837
Wilkie 1785—1841
Mulready 1786-186:1
Etty 1787—1840
A. Cooper 1787 1868
Nasmyth, 1787-1831
W.Collins 1788-1847
John Martin 1789-1834
Crome jeune 1793-4842
James Stark 1794-1859
Ch. Robert Leslie . . 1794-1859
J. Wrigth -^iW
Roberts 1799-1870
Hurlstone 1800-1869
K. P. Bonington . . . 1801-1828
Lance 1802-1864
Maclise,1806ou . . . 1811-1870
Creswick 1811-1869
G.Vincent 1811-1830
(L'abréviation R. A. signifie y dans le texte: Royal Academy.
t ttignifie : wonT.)
— 111 —
ÉCOLE MODERNE
1850- 1900
Si Ton en excepte le genre du paysage, la peinture an-
glaise, jusqu'à la fin du xix* siècle, manque de génie, ou du
moins, le génie anglo-saxon, dur et rude, est tellement dif-
férent de celui des races latines qu'il leur est difficile d'y
sympathiser, ou même de le comprendre.
Il est à noter pourtant que les peintres anglais, instruits
par l'expérience, s'étaient enfin rendu compte de leur im-
puissance pittoresque, et n'en accusant point leur tempéra-
ment, avaient cru voir la cause de cette impuissance dans
les teintes neutres dont se servaient leurs prédécesseurs. Ils
tombèrent d'un extrême dans l'excès opposé. La mode fut
alors de colorier à outrance. Elle régna surtout de 1850 à
1870, et aux expositions universelles de 1855 et de 1867
blessa nos yeux par une lutte de couleurs criardes où le
rouge, le jaune, le vert et le bleu se livraient des combats
acharnés. Les peintres modernes de la Grande-Bretagne
semblaient perdre la raison dans une mêlée de couleurs dis-
cordantes.
Habitués que nous sommes à l'harmonie des tableaux de
maîtres et à la sobriété de tons que recherchent les artistes
de notre école, la première impression que nous éprouvions
à la vue de ces productions était plus saisissante qu'agréable.
Puis, à les considérer plus attentivement, on était frappé
du peu de conformité avec nos idées sur la composition d'un
tableau. Cette absence de composition s'accusait par la pré-
dominance des accessoires et du détail sur l'action princi-
pale, et, telles libertés pouvaient passer pour des contre-
— 142 —
sens. Le cadre venait parfois couper certaines figures à la
hauteur des épaules, horizontalement ou verticalement, à mi-
corps. Du reste on voyait bien, au premier coup d'œil, que
ces tableaux n'étaient point des œuvres françaises, tout s'y
montrait absolument anglais. Le motif, Ja manière dont il est
traité, les figures, les costumes, l'ameublement, tout y dé-
notait une origine britannique, sur tout se trouvait imprimé
le cachet de l'Angleterre.
Il ne faut pas croire que les chefs-d'œuvre des écoles
anciennes du continent dont leurs collections sont si abon-
damment riches aient sur ces peintres la moindre influence.
« Il semble, — a dit M. Chesneau, — que leurs ateliers
soient fermés par un pan du grand mur de la Chine. Ils re-
font, mais à rebours, le blocus continental. Ils ont mis en
interdit l'ait européen. Ils sont, et veulent demeurer
anglais. »
Et le moine critique observe qu'il n'en est pas de même
pour les productions de nos artistes et se demande (juelie
idée la postérité pourrait avoir de l'art français si nous ve-
nions à disparaître comme les empires des Perses, des
Assyriens, des Egyptiens et des Grecs, et ce qu'on pourrait
connaître de nous par les monuments de notre peinture ou
de notre sculpture.
Nous autres, de race latine, nous sommes pénétrés d'admi-
ration pour les chefs-d'œuvre qui excluent les détails per-
sonnels afin d'idéaliser la forme, en la généralisant, et rester
ainsi dans la tradition du grand art, de celui des Phidias
et des Raphaël, dont, il est vrai, se prévalent trop sou-
vent chez nous des nullités prétentieuses, et nous aurions
sans doute beaucoup à gagner en n'abandonnant point
autant l'observation de la réalité dont on s'est souvent trop
éloigné, pour suivre les errements de Louis David.
L'art anglais moderne est tout le contraire : il s'affranchit
de toute tradition, et c'est ainsi que, serrant la reproduction
des détails de la vie actuelle et des mœurs de son pays, il
— «3 —
reste national mieux que tous les autres en Europe. Tout en
conservant un sentiment très pénétré de la vie, cet art de-
meure fort subjectif, l'imagination y prédomine sur l'obser-
vation, et, malgré sa tendance à abuser de l'idéalisme, il
devient expressif lorsqu'il s'y rencontre quelque réalisme.
Somme toute, il y a opposition entre l'art comme nous le
comprenons et celui des Anglo-Saxons
Sans vouloir examiner la question de savoir quel est celui
des deux qui l'emporte sur son voisin, et faisant abstraction,
autant que possible, des goûts venant de notre éducation et
de notre race, nous allons essayer de nous rendre compte
de cet art contradictoire aux œuvres de nos artistes.
La peinture britannique moderne ne vient point de la tra-
dition des anciens peintres anglais, car ceux-ci s'inspiraient
de Rubens et de Van Dyck, comme Reynolds, Gainsborough
et Lawrence, ou des hollandais comme Constable ; elle ne
continue même point Turner épris de Claude Lorrain, ni
llogarth, ni Wilkie qui devaient beaucoup aux écoles hollan-
daise et flamande ; les peintres anglais modernes n'appar-
tiennent à aucune tradition, leur individualisme est com-
plet, sauf de bien rares exceptions.
Comment alors, observe M. Chesneau, concilier le succès
que nous fîmes à cette peinture lors de notre exposition de
1885, et qui s'accorde si peu avec nos préférences pour l!art
grec et celui de la Renaissance italienne?
Nous croyons qu'il faut distinguer chez nous deux sortes
de goût en opposition : celui des œuvres classiques qui
constituent le style élevé, le style d'apparat, et celui de
l'anecdote et de la spirituelle plaisanterie. En même temps
que nous manifestons un respect religieux pour la musique
de Gluck ou les symphonies de Beethoven, nous prenons
plaisir aux refrains de la Belle Hélène ou d'Orphée aux
Enfers et nous accourons aux représentations de Dumas, de
Sardou ou de Labiche, tandis que nous désertons presque la
salle du Théâtre Français les jours où l'on nous sert les
— 114 -
pièces de l'ancien répertoire. C'est, sans doute, que, dans
le culte que nous professons pour elles c il entre souvent
plus de convention que de conviction à l'art sérieux. »
D'un autre côté, les connaisseurs qui n'estiment dans une
œuvre que la beauté plastique, en raison des jouissances
qu'elle procure, se laissent parfois séduire par l'imprévu
d'une naïveté excessive et d'une ignorante gaucherie con-
trastant avec l'art affiné dont ils sont rassasiés. C'est, sans
doute, aussi que cette absence de tout ce à quoi ils sont habi-
tués les a séduits par la nouveauté de la saveur qu'ils pou-
vaient y trouver.
Quant à la masse non initiée aux beaux-arts, ce qui l'attira
seulement fut le côté littéraire et l'humour, et non point la
valeur pittoresque, qu'elle n'aurait pu apprécier.
Toutefois, nous pensons que les initiés à nos doctrines
d'art, s'ils veulent bien examiner avec nous un peu plus
attentivement ces œuvres qui les ont émus, verront proba-
blement diminuer le sentiment qu'ils ont tout d'abord
éprouvé.
Pendant très longtemps, en Angleterre, on demeura fort
en arrière des autres pays pour ce qui est de la culture des
beaux-arts; le gouvernement (de même qu'aujourd'hui, du
reste) ne s'en occupait nullement. Si la noblesse formait à
prix d'or des collections où elle rassemblait les œuvres d'art
des artistes étrangers, tout en ayant la prudence de n'y
point placer celles des peintres anglais, les autres classes de
la société n'éprouvaient pas le besoin de jouissances artis-
tiques qui n'étaient point à leur portée. Par orgueil national
les Anglais riches affectaient de dédaigner ces œuvres inu-
tiles et frivoles, produits des beaux>arts, bons seulement
pour les peuples du continent. On rapporte que lord Ches-
terfield disait à son fils : < Payez les arts^ ne les cultivez
pas ».
Aussi ceux qui, en Angleterre, malgré tant d'obstacles,
avaient le courage d'embrasser la carrière artistique ne pou-
— 115 —
vaient-ils guère produire que des portraits, faute d'autres
commandes, et c'est la raison pour laquelle ce genre prima
tous les autres.
Nous avons vu que sir Josuah Reynolds, sir Thomas Law-
rence et Gainsborough parmi ceux de l'ancienne école,
furent supérieurs comme portraitistes. Ils rendirent bien la
physionomie, l'expression individuelle de leurs modèles;
mais il est vrai de dire qu'ils négligèrent la vérité de la
couleur et abusèrent d'effets fantaisistes. C'est ainsi, en ne
citant qu'un exemple, que sir Thomas Lawrence dans son
Portrait de master Lambton^ met à ce portrait, dont la lête
est vivement éclairée, un fond de ciel sombre où l'on aper-
çoit la lune. L'effet est agréable à l'œil, mais on ne saurait
dire s'il vient du jour ou de la nuit. De plus, nous l'avons
remarqué, le dessin de Lawrence, comme celui de Reynolds,
est fort incorrect. Leur principal mérite, c'est d'avoir
prouvé qu'un Anglais pouvait être peintre. Ceux qui les sui-
virent n'imitèrent d'eux que leur facilité à se servir d'arti-
fices pour arriver à l'effet, en lâchant le dessin et l'étude des
accessoires.
Il n'en était pas ainsi des coloristes de l'école flamande
qui avaient eu pour maîtres des dessinateurs corrects,
comme Otto-Venius pour Rubens; ils ne péchaient point par
la base; mais les artistes anglais, tels que Turner par
exemple, qui avaient, sans savoir bien dessiner, commencé
avec une exécution, lâchée, en se laissant aller à leur
fougue, n'étant pas avertis par une critique éclairée, en arri-
vèrent bientôt à de tels barbouillages que, comme il en fut
pour ce dernier, leur encadreur leur demandait où il devait
placer le piton pour suspendre leurs peintures.
De cet abus de la couleur devait naître une réaction. C'est
ainsi que naquit l'école préraphaélite. De cette école que
nous a révélée à Paris l'exposition universelle de 1855, un
esthéticien subordonnant l'art à la science, John Ruskin,
fut le défenseur et l'apôtre.
— H6 —
A la suite de quelques expositions des tableaux d'une pe-
tite église de peintres, Ruskin, ce philosophe qui n'était
point peintre, né en 1819 et mort récemment le ^21 janvier
1900, entreprit de défendre leur cause contre les critiques
réitérées dont ils furent l'objet.
Turner venait de mourir, et Ruskin prêcha une doctrine
où, pour ramener l'art à un but religieux et moral, il ensei-
gnait que la peinture devait revenir aux principes qui l'a-
vaient guidée avant Raphaël. Il fallait pour cela, selon lui,
rendre la nature naïvement, et avec un soin méticuleux.
On avait vu bien avant ce temps, le même souci engen-
drer en Allemagne une doctrine analogue avec Owerbeck,
Schadow, etc. ; c'est aussi par suite de semblables préoccu-
pations, qu'il se développa en Angleterre. Toutefois, chez les
Anglais, le préraphaélisme n'eut, pour ainsi dire, aucun ca-
ractère archaïque, il ne rappela pas plus les prédécesseurs
de Raphaël que les œuvres des primitifs flamands.
Les préraphaélites, en prenant le conlrepied des principes
de l'art antique, remis en pratique par les grands artistes de
la Renaissance qui s'appuyaient sur la synthèse des formes
pour arriver à l'idéal du Beau, prétendaient ramener la pein-
ture dans les voies qu'avaient suivies les prédécesseurs de
Raphaël et tenaient pour corrupteur l'art de la belle époque
de Léon X et des siècles suivants. Voici ce que dit à ce sujet
M. Ernest Chesneau :
€ Ils assignaient expressément à l'art un but de moralisa-
tion active. Ils prétendaient atteindre ce but : les uns dans
l'art historique, par la représentation de motifs ayant un
caractère de précision et d'exactitude aussi minutieux que
possible ; les autres, dans le paysage, par la représentation
fidèle des plus menus détails, des moindres particularités
spéciales au site choisi par l'artiste et fourni par la nature.
C'était dans l'un et l'autre cas, dans le paysage et dans l'his-
toire, un système d'analyse microscopique poussé jusqu'au
vertige. Par l'analyse ainsi entendue, ils voulaient réaliser.
— m —
épouser étroitement le vrai, principe et fin de toutes choses. »
Le critique Thoré, sous le pseudonyme de William Bùrger
les juge ainsi :
« Une pente logique et irrésistible a précipité les préra-
phaélites vers le réalisme le plus minutieux, parce que dans
la peinture du xv« siècle qu'ils s'imaginent d'abord imiter,
au lieu de saisir ce qui la caractérise, le style sévère et naïf,
l'expression intime et profondément sentie, ils n'y ont vu
que lo détail caressé avec la ferveur des néophytes convertis
h la religion de la nature, après le mysticisme abstrait du
moyen-âge.
» C'est par là aussi que les réalistes anglais se différen-
cient des réalistes français, Courbet peint ce qu'il voit, mais
il voit ce qu'il faut, et comme il le faut : les grands plans d'une
figure ou d'un objet, leur relation avec l'entourage, l'effet
qu'ils font dans le milieu où ils sont. Ce réaliste sait dissi-
muler ce que la réalité dévore et il ne réalise que ce qu'elle
montre en son ensemble.
» Au contraire, les réalistes anglais peignant chaque objet
et presque chaque point d'un objet pour lui-même et dans son
isolement arbitraire, ne donnent pas aux objets leur valeur
réelle. Ils opèrent je ne sais quelle analyse qui conviendrait
à certaines sciences positives, aux mathématiques peut-être,
mais qui n'est plus de l'art ».
Ruskin, ce logicien entraîné par son esprit philosophique,
applique aux beaux-arts la méthode scientifique qui com-
mence par l'analyse la plus minutieuse, pour arriver à la syn-
thèse, tandis que l'artiste procède par le tout ensemble avant
d'arriver aux détails. Ruskin recommanda la recherche du
détail sous tous les rapports, cette recherche est pour lui
celle de la vérité dans l'art, et il la voit avec admiration chez
les gothiques dont il comprend l'art à sa manière. Ils ont
été, selon lui, les seuls peintres religieux, tandis que Ra-
phaël et son école, reprenant le principe de l'art grec, ne sont
que les artistes du savoir-faire, de la pose et du mensonge,
- 418 -
de même que les maîtres de toutes les autres écoles qui ont
suivi leur voie.
C'est pour cela que tous ces réformateurs, défendus par
lui, prirent le nom de préraphaélites et se considérèrent
le plus sérieusement du monde comme les apôtres d'une
religion nouvelle, d'un art régénéré dont la mission était
de propager sa doctrine en combattant l'art de la Renais-
sance, cet apostat né de l'art païen. Pour mieux produire et
se livrer en paix à ses méditations, l'un de ces préraphaé-
lites en arriva à se cloîtrer, et au commencement de leur so-
ciété, les autres signèrent leurs tableaux de ces trois lettres:
P. R. B. Préraphaélite Brothcr: frère préraphaélite.
Une révolution analogue, nous l'avons dit, se produisit en
Allemagne, mais chez les Allemands pas plus que chez les
Anglais, elle ne fut durable.
De ces derniers, quelques-uns seulement persistèrent iso-
lément et, par exemple, M. Holman Hunt qui exposait en 1855
un tableau intitulé : La Lumière du Monde^ représentant
comme un divin Diogène le Christ au milieu des ténèbres,
une lanterne à la main, à la recherche d'un homme juste.
En effet, le symbole associé à la vérité la plus minutieuse,
c'est ainsi que le préraphaélisme anglais interprétait l'Ecri-
ture sainte. On pouvait voir, au Champ de Mars en 1867, à
l'exposition de la peinture britannique, un tableau de William
H. Fisk qui représente Jésus, arrivé à l'âge d'homme, sous
la pâle clarté des étoiles, à l'heure où la nuit va couvrir la
terre. La tête enroulée d'une splendide auréole, il médite
en tant qu'Homme sur la volonté de Dieu, et s'apprête à con-
sommer le divin sacrifice.
Remarquons ici que dans leurs tableaux, les préraphaé-
lites ne reproduisent aucunement les types consacrés par la
tradition catholique. C'est au nom de leur foi sincère et de
la vérité qu'ils rejettent le poncif de ces types si faciles à
imiter de Raphaël et de l'école romaine. Mais on pourrait
objecter qu'ils doivent innover des images plus générales et
— 149 —
plus sublimes par romissinn de détails individuels faisant
obstacle à la réalisation de l'idéal
Il n'en est rien; dans le tableau que nous avons cité de
M. Hunt et celui de M. Fisk intitulé : La dernière noirée de
JésuM'ChrUt à Nazareth, ils ont la prétention de retracer
entièrement, dans ses plus menus détails, la vérité des évé-
nements historiques dont ils veulent ainsi reproduire l'esprit
et la lettre d'une manière absolue. Voici ce que dit à cet
égard M. Ruskin.
V Moïse n'a jamais été peint, Ëlie ne l'a jamais été, David
non plus si ce n'est comme un florissant jouvenceau, Débo-
rah jamais, Gédéon jamais, Isaïe jamais. (Il excepte pour-
tant de ce jugement F. Lippi et Botticelli dont, plus tard, il
admit la peinture). De robustes personnages en cuirasse, ou
des vieillards à barbe flottante, le lecteur peut s'en rappeler
plus d'un qui, dans son catalogue du Louvre ou des Uffizi se
donnaient pour des David ou des Moïse ; mais s'imagine-t-il
que si ces peintures eussent le moins du monde mis son
esprit en présence de ces hommes et de leurs actes, il aurait
pu ensuite, comme il l'a fait, passer au tableau voisin, pro-
bablement à une Diane flanquée de son Actéon, ou de
TAmour en compagnie des Grâces, ou à quelque querelle de
jeu dans un tripot >.
On sait bien pourtant que la vérité historique absolue est
impossible et pour prendre un exemple : sur quels docu-
ment M. Fisk s'est-il basé? — Faisait-il beau? Voyait-on les
étoiles dans cette soirée que Jésus a passée à Nazareth?
Puis, le Christ se tenait-il alors sur la terrasse où l'a placé le
peintre, ou à l'intérieur de la maison ? Puis, était-il vêtu de
la robe à raies que nous voyons dans le tableau ? — Pendant
que l'on se fait toutes ces questions, devant cette peinture,
le doute arrive, et l'émotion qu'elle eût causée disparait.
M. Milsand rapporte que M. Hunt — comme James Tissot
le fit, à son exemple, pour la vie de Jésus, — avait long-
temps séjourné en Judée, visité le pays pour se pénétrer de
— 120 —
son caractère, fait pendant cinq ans de nombreuses lectures,
et recherché tous les documents d'érudition pour rendre
son œuvre irréprochable aux yeux des antiquaires, des
physiognomonistes et des théologiens. Il avait même con-
trôlé la forme des chaussures que portaient les israélites, et
croyait son œuvre parfaite, à Tabri de toute critique. Cepen-
dant, une dame juive observa devant son tableau que l'au-
teur ignorait en quoi les hommes de la tribu de Juda se dis-
tinguaient de ceux de la tribu de Ruben, et lui reprocha
d'avoir donné aux docteurs de Juda les pieds plats qui carac
térisent ceux de Ruben, tandis que les premiers avaient le
cou-de-pied très haut placé
Les préraphaélites sont en même temps symbolistes, et
trouver le mot de Ténigme qu'ils posent au spectateur est
souvent impossible. C'est ainsi que M. Hunt envoyait en
1807 un tableau intitulé : Après le coucher du soleil en
Egypte, Rien qu'à la lecture de ce titre on s'imagine qu'il
s'agit d'un paysage; nullement. — L'artiste nous montre
une femme debout et rigide, enveloppée d'une ample dra-
perie sombre à reflets bleus, ornée de colliers d'or et de
corail, les oreilles percées de larges anneaux, soutenant
d'une main la gerbe d'épis posée sur sa tête, et de l'autre,
une amphore vert pâle en terre vernissée. Tout autour de
cette femme, une nuée de pigeons venus de tous les points
de l'horizon picore la gerbe ou le grain qu'elle répand à ses
pieds, et, derrière elle, l'onde coule sous les fleurs du lotus,
et de nombreuses moissons s'étendent jusqu'aux montagnes
que dorent les derniers feux du jour.
On se demande ce que le peintre a voulu signifier par ce
tableau. Est-ce l'Egypte que personnifie cette figure morne
parée comme une courtisane? L'Egypte moderne déchue de
sa puissance, de son antique royauté, n'ayant plus que la
richesse de son sol fécondé par le limon que dépose le Nil,
et tournant le dos, pour ne les point voir, aux ruines de
ses splendides monumonts\^ ou bien faut-il donner toute
— J2l -
autre explication d'une telle énigme posée au spectateur?
Selon son imagination chacun pourra voir là une chose ou
une autre, et même qui se contrediront. N'est-ce point là
un argument contre cette peinture symbolique qui reste
indéchiffrable?
Toutefois, la peinture de M. Hunt, pour la minutie de dé-
tails, semble vouloir rivaliser avec celle de Balthazar Deu-
ner qui, dans ses portraits, peignait les pores de la peau, —
car cela est conforme à la doctrine de M. John Ruskin.
Selon lui, la mission de l'artiste n'est point de charmer en
appliquant l'idée et les principes des peuples latins dans les
beaux-arts, elle est de faire profiter l'humanité en lui mon-
trant, par une vision supérieure, l'œuvre de Dieu jusque
dans les choses en apparence les plus infimes, dans la cour-
bure et les entrelacements inflnis de l'herbe et des fleu-
rettes, et dans les minuties qui échappent à l'examen du
vulgaire. C'est l'erreur où était tombé en France le peintre
Delaberge qui s'efforçait, en vain, de reproduire une à une
toutes les feuilles d'un arbre, toutes les tuiles d'un toit, ce
qui, somme toute ne pouvait pas même le mener à un résul-
tat égal à celui que ses confrères avaient atteint par une
autre voie.
On a dit que ces derniers sacrifiaient le détail à l'en-
semble, tandis que les préraphaélites sacrifiaient l'ensemble
au détail. Or, si l'on réfléchit qu'il est impossible à notre
vue de voir toutes les feuilles d'un arbre, tous les pores de
la peau, tous les cailloux d'un chemin, que ce qu'elle en saisit
c'est les parties les plus éclairées, tandis que le reste s'es-
tompe dans l'aspect du tout ensemble, on comprendra que
ces mots : sacrifier le détail, sont l'expression de ceux qui,
pour juger de la peinture, ne se servent que de leurs idées
et non de leurs yeux. La seconde proposition do la phrase
citée par nous est seule justifiée car, effectivement, les
préraphaélites sacrifient l'ensemble au détail.
M. Ruskin, parlant de la peinture en philosophe a dit :
9
— 122 —
« Chaque herbe, chaque fleur des champs a sa beauté dis-
tincte et parfaite; elle a son habitat, son expression, son
oflice particulier, et l'art le plus élevé est celui qui saisit ce
caractère spécifique, qui le développe et qui 1 illustre, qui
lui donne sa place appropriée dans l'ensemble du paysage
et par là rehausse et rend plus intense la grande impression
que le tableau est destiné à produire ». Si M. Ruskin eut
été peintre, il eût tout d'abord compris l'impossibilité d'ap-
pliquer celte'.théone.
£n eflet. si le peintre précise chaque détail avec son ca-
ractère propre il le rend trop important pour l'objet princi-
pal de son tableau, et cela arriverait même s'il s'agissait de
littérature, de description dans un roman par exemple. Le
détail étudié scientifiquement comme le veut M. Ruskin,
détruit, contrairement à ce qu'il affirme, l'ampleur et l'har-
monie de lensemble pittoresque; lequel, par cela même,
n'a plus son aspect vrai, n'est plus que mensonge.
Nous avons remarqué que les préraphaélites sont symbo-
listes, et que leurs rébus comme le tableau de M. Hunt :
Coucher de Soleil en Egypte sont impossibles à déchiffrer.
L'excentricité est, du reste, fort goûtée chez les artistes
anglais. Citons entre autres Blake (I), peintre et poète —
nous en avons déjà dit quelques mots à l'ancienne école. —
Cet admirateur de Wordsworth fut un visionnaire. Quel-
(jues-uns des poèmes qu'il publia en dernier lieu et des
dessins qu'il grava, à la pointe sèche, sont le produit d'une
folie mystique, et n'ont aucun sens.
Il faut bien dire que de telles œuvres sont, en Angleterre,
la conséquence de l'esprit public, et que les artistes, pour
devenir riches, ne trouvent rien de mieux que de s'y assu-
jettir.
La peinture considérée comme l'art de la forme ne corres-
pond point à un besoin des Anglais pour l'expression de la
(1) Blake, 1757-1827.
— 423 —
beauté plastique, et ce qu'ils y cherchent n'est point cette in-
time jouissance que procure la contemplation d'un chef-
d'œuvre. Un tableau n'est pour eux qu'un objet de luxe, un
meuble qui marque la richesse et la distinction de celui qui
le possède.
On compi'end dès lors, puisqu'il s'agit surtout de se distin-
guer, de se distraire, qu'on en ait cherché les moyens dans
la bizarrerie, l'excentricité, et que les peintres, comme ils le
font aussi trop souvent chez nous, soient soumis au goût ca«
pricieux de millionnaires enrichis dans le négoce et qui
manquent de culture artistique.
Les artistes, pour ce monde-là, comme l'a fort bien observé
un éminent critique, sont « des instruments hàiis tout exprès
pour amuser et distraire V aristocratie ». Il en est d'eux
comme des fous de cour.
« Est-ce là, poursuit M. Chesneau, un sérieux appel à la
grandeur et à l'élévation de l'art? Aussi ces deux mots : gran-
deur, élévation, doivent-ils être rayés de toute étude sur les
peintres britanniques Leurs qualités sont à eux, cepen-
dant, et ils en ont. Ainsi, dans la peinture de genre ils font
preuve d'observation, dans le paysage, ils réussissent très
bien les ciels, c'est là une de leurs supériorités Mais l'é-
cole anglaise ne montre en réalité, ne fait preuve d'aucun
effort sérieux ; venue après toutes les autres, riche de l'ex-
périence du passé, elle n'a que fort peu produit et encore
rien institué. »
Ceci s'écrivait en 1855 et nous ne voyons pas qu'à ce jour,
en 1902, il y ait eu notable changement ou progrès.
Plus loin, le même critique ajoute : « Son indépendance
n'est même pas un calcul légitime : si ellere jette toute tra-
dition, ce n'est point pour marcher dans une voie nouvelle
tracée d'avance et méditée, c'est par caprice, afin d'obéir au
goût particulier des peintres pour l'excentricité individuelle
qui n'a que bien peu de rapports avec la vertu la plus noble
dans l'art, l'originalité. »
— 424 —
Turner lui-même, avec ses exagérations de lumière et
d'ombre, ne sait point composer un tableau; il manque de
cette ampleur, de cette pondération dans les parties, qui
constitue Tunité sereine des œuvres des grands maîtres et
relève du goût général plutôt que d'un sentiment personnel
à l'individu. On sent devant ses paysages TefTort de tension
de tout son être pour arriver à une seule des expressions que
le peintre doit léaliser dans son œuvre. De telles produc-
tions, en comparaison de celles où sont équilibrés les moyens
des maîtres, sont des exceptions monstrueuses où manque
l'unité qui consacre la sérieuse valeur des œuvres bien pon-
dérées, les seules qui puissent retenir d'une manière durable
TattentiOn de la postérité.
Les peintres anglais ignorent la science de l'art qui est la
seule base certaine par laquelle l'artiste contrôle lui-même
sa pensée, l'exprime sûrement, incontestablement, et peut
toujours progresser.
Gomme ils ne s'appuient point sur un fondement solide, on
ne pourrait citer un seul de leurs tableaux dont il soit pos-
sible de dire, comme cela arrive pour d'autres, que l'idéal
atteint aux plus hauts sommets accessibles à la pensée.
Il faut constater seulement que leurs meilleurs ouvrages
ont un idéal que le spectateur doit compléter par Timagina-
tion.
Deux hommes qui se rapprochent des préraphaélites sans
faire positivement partie de leur école sont : Madox Brown
et Burne Jones.
Le premier, qui exposa assez rarement, fit en 1865, dans
Piccadilly, une exposition d'une centaine de ses œuvres où
l'on remarquait celle intitulée : Adieu à V Angleterre et le
Travail, une composition où les doctrines sociales et la mo-
rale ont plus grande part que la peinture, et qui ne procède
nullement du goût latin.
De 1845 à 1855 cet artiste avait produit, semble-t-il, des
œuvres meilleures : Cordelia et le roi Lear, Cordelia et ses
— 125 —
sœurSy la Vierge et VEnfant, des portraits, des paysages,
des vitraux pour Téglise Saint-Oswald et son tableau
d'Haydée.
Sans s'astreindre à suivre en tous points la doctrine préra-
phaélite qui veut que Ton peigne toujours d'après le modèle
vivant, Madox Browne, fort abstrait en peinture, se laisse aller
à son imagination et selon les sujets qu'il traite exprime des
sentiments divers, par des moyens différents. Epique dans le
Rai Lear partageant ses états, il devient passionné dans
Roméo et Juliette^ et religieux dans le Fils de la veuve de
Naim,
Edward Burne Jones, récemment décédé (t), s'inspirait des
légendes nationales puisées chez les poètes de son pays, et
c'est, sans contredit, le meilleur peintre moderne de la
Grande-Bretagne pour la composition, le dessin et la cou-
leur. Selon Mme Julia Cartwright, sa biographe (2), Burne
Jones fut le lyrique de la peinture moderne dont Puvis de
Chavanne fut le noble idyllique. Né à Birmingham, ce fils
d'un sculpteur et doreur sur bois sentit s'éveiller sa vocation
en voyant une gravure de Dante Gabriel Rossetti. A l'âge de
2B ans, il n'avait point encore fait d'études artistiques. Il re-
çut des leçons de Rossetti et ses premières compositions
ressemblèrent à celles de ce peintre poète. Ce sont de petites
aquarelles tirées de la Mort d'Arthur et des œuvres de
Chaucer : elles ont de la couleur. Il réussit mieux encore
dans les cartons pour vitraux d'église et la composition des
sujets religieux. Il fit des dessins au crayon et à la plume
pour illustrer le Paradis terrestre qu'écrivait son ami Wil-
liam Morris et s'occupa, en même temps, de travaux d'art dé-
coratif et d'industrie artistique en dessinant des carreaux de
faïence et des modèles de tapisseries (^) ainsi que Madox
(1) Le 21 juin 1898.
(2) Gazette des Beaux-Arts, 1" juillet et !«' septembre 1900.
(3) Ces tapisseries ont été exposées à Paris en 1900.
— 126 —
Browne Holman Hunt et J. G. Watts. Ruskin, leur cham-
pion, se joignit à eux pour les aider de ses conseils. Burne-
Jones voyagea avec lui en Italie où il étudia Carpaccio et Bot-
ticelli. C'est à la suite d'un second voyage en Italie, en 4864,
qu'il produisit son tableau intitulé : Le chevalier miséricor-
diexiXy qui lui fut inspiré par une légende italienne ; on y re-
niarque un agréable effet de lumière. A partir de ce moment
il continua toujours dans cette voie, de 1864 à 1890, et de
1890 jusqu'à sa mort, il fit des illustrations, des portiaits et
des compositions, d'après d'anciens cartons. Erudit, pas-
sionné pour la lecture, il recherchait les légendes de tous
les pays et ne voulut s'inspirer que des sujets empruntés aux
époques passées, mythes grecs ou légendes du moyen-âge.
On a trouvé que sa peinture ressemble aux enluminures des
missels du xv« siècle. Son meilleur tableau parmi ceux dont
le sujet est du moyen-àge est: Le roi Cophetua et la men-
diante 6e lîi ballade de Tenuyson. Le roi dépose sa couronne
aux pieds de la mendiante ; puis, deux autres tableaux sont
encore à noter : Chant d'amour et V Amour dans les ruines
surviva7\t à tout.
Les aquarelles de Burne Jones ont la même vigueur que
ses peintures k l'huile, comme on a pu le remarquer dans
celles qu'il envoya à l'exposition de 1878. 1^ peinture an-
glaise ne fait pas de distinction dans les modes de facture.
Ce qui distingue surtout l'œuvre de Burne Jones, c'est la
poésie d'un style dont la mimique et l'expression sont les
qualités dominantes. Mais s'il réussissait dans le domaine du
merveilleux à représenter des fées ou des sirènes, il n'en fut
point de même dans le portrait, comme on a pu, par exem-
ple, le constater dans celui de la petite-fille de M. Gladstone,
Dorothée Drew, à laquelle il donna, dit son biographe, Vair
de quelque génie de contes de fées.
En outre de ses travaux si divers, il a laissé un très grand
nombre de dessins et d'études, dont M. Hollyer a photogra-
phié les plus remarquables, au nombre de deux cents. Ce
— 427 —
sont des esquisses, des projets de tableaux ou des études de
détails. Elles nous montrent comment procédait le maître.
En premier lieu une esquisse sommaire au crayon ou à la
sanguine, puis un carton où il indiquait Teffet soit à Taqua-
relle, soit au pastel, et enfin les études de parties : têtes,
mains ou pieds, dessinées très consciencieusement d'après
nature.
Dans ses dessins, on saisit mieux que dans ses peintures,
son originalité. Il est très humoristique dans certaines
charges, caricatures d'enfants ou d'animaux qui lui servaient
de distraction pour ses heures de loisir. 11 y fait preuve d'es-
prit et d'entrain comme dans son petit tableau : L'Amotir
déguisé en Raison, où l'amour, sous une robe de docteur, ser-
monne deux jolies jeunes filles qui ne se doutent point que
sa dangereuse personne se cache sous un tel costume. Le
21 juin 1898, la mort l'enleva subitement et il repose non
loin de sa maison, sur la côte de Sussex, dans le cimetière de
Rottingham.
Un des plus remarquables artistes de ce groupe de pein-
tres qui s'intitulèrent préraphaélites fut le peintre et poète
Dante Gabriel Rossetti, né à Londres en 1828, mort à Bir-
chington-sur-Mer le 9 avril 1882. Il n'exposa qu'une fois à
Russel Palace plusieurs tableaux et dessins, alors qu'il avait
28 ans. Depuis ce moment, il se contenta de montrer sa
peinture à ses connaissances et à ses amis, et pourtant sa
célébrité n'est point inférieure à celle des peintres anglais
les plus renommés. Il traita les mêmes sujets et dans les
mêmes principes que ses confrères; les [préraphaélites qui
furent grandement à la mode en Angleterre vers 1830. La
plupart de ces peintres abandonnèrent en fin de*compte|leur
doctrine. Rossetti avait, d'une manière invraisemblable, des
prétentions au réahsme dans sa recherche du détail infime,
comme le prouvent la plupart de ses tableaux : la Lune de
miel du roi René; le Songe du Dante, ,qui fait partie de la
galerie de Liverpool ; The seed of David, dans la cathédrale
— 128 -
de IlandalT; Francesca da Rimini, aquarelle en diptyque;
Beata Beatrix Béatrice ; la. Donna délia Finestr a ^ et d'au-
tres tableaux dont les sujets sont empruntés à ses poésies,
car il a publié deux volumes de poèmes intitulés Ballade* et
sonnets Parmi ces compositions — on remarque : — Venus
Verticordin; Sibylla palmifera; la Bella Mano; la Ghir-
landata; Veronica Veronèac^ etc.
A l'Exposition universelle de 1900 on avait placé de
Burne Jones le Rt've de Lancelot, une poétique légende qui
n'était point fi la hauteur de ses compositions exposées au
pavillon briiannicjuo dan.s son exposition rétrospective où
Ton a admii r un iSaint-George (i*une grande tournure, fort
décoratif, et l'ariuaroile intitulée le Conte à la Prieure.
Nous avons cru devoir donner ici quelques détails sur ce
maître de même (pie sur Madox Browne. Ces deux artistes
se rapprochant des préraphaélites par certains côtés sans
faire positivement partie de leur école.
PEINTURE D'HISTOIRE
La peinture d'histoire, telle que nous l'entendons, n'a
jamais eu de succès chez les Anglais. Les meilleurs de leurs
peintres ne furent point classiques et académiques comme,
chez nous, les élèves ou les imitateurs de David. Le résultat
des efforts de ceux qui, en Grande-Bretagne, s'orientèrent
dans cette voie du grand style ne fut point assez brillant
pour engager d'autres artistes à la suivre avec persévérance.
Parmi les peintres d'histoire contemporains, M. V. Prin-
sep, né dans les Indes anglaises et (|ui est venu étudier son
art à Paris dans l'atelier du peintre Gleyre est un des meil-
leurs. On voyait de lui, à l'Exposition universelle de 1855,
deux tableaux remanjuables par la couleur et le dessin
représentant'des types orientaux : l'un avait pour titre Perle
noire et l'autre A la porte d'or^ représentait une femme
blanche à la porte d'un harem. Il avait, en 1900, à l'Exposi-
— 129 —
tion universelle, un tableau où il donnait à la noblesse de la
forme plastique, sans la rendre pour autant moins digne et
moins distinguée, un nom moins prétentieux : il se contente
de la représenter en Cendrillon.
M. Paul Falconer Poole R.-A. (1810-1870), un de ceux qui
jouirent en Angleterre de la plus haute réputation, sembla
avoir voulu amalgamer dans un mélange hétéroclite le style
des maîtres de la Renaissance, du Titien, du Guide avec
celui du Poussin et de Lesueur sans parvenir à se les appro-
prier d'une manière originale On cite comme une de ses
œuvres les plus remarquables, son tableau : Chanson de
Philomèle au bovd du lac.
Le Président de rAcadémio de peinture. Lord Frédéric
Leighton, récemment décédé, représente dans son pays la
grande peinture avec des qualités décoratives. Son exposi-
tion posthume au Salon de 1900 (Exposition universelle),
se compose de trois tableaux : le Retour de PerséphonCy
pastiche des maîtres italiens de la Renaissance, est faible
d'exécution ; Rispah éloignant les corbeaux de ses fils cruci-
fiés est une peinture trop noire, et enfin le petit tableau qui
a pour titre : Atteint rappelle la manière léchée de Bougue-
reau. Deux dessins, une Académie d'après le nu, et une
Etude de draperie, complètent les spécimens du talent de
ce peintre supérieur à ceux de son pays qui voulurent
traiter le genre historique, mais qui reste académique et
froid si Ton vient à le comparer aux artistes du continent
qui sMllustrèrent en traitant la peinture de haut style.
M Goodal, qui exposa jadis à Paris Rachel et son trou-
peau^ envoyait à l'Exposition de 1900 la Tonte des moutons
en Egypte, mais, de même que ceux de Prinsep, ce tableau
n'est point traité dans un style qui s'élève au-dessus du ta-
bleau de genre.
Sir Edward Poynter et L. Alma-Tadema, dans l'anec-
dote historique, ne sont guère satisfaisants. Le premier
essayant, comme son confrère, de reconstituer le passé,
— 430 -
semble prendre pour modèle, dans sa DanseuBCy la peinture
uniformément léchée de Gérôme en ses œuvres moindres.
Alma-Tadema vaut mieux avec le Printemps semé d'inté-
ressants détails.
M, Solomon, avec Laus Deo, se rattache par cette allégorie
aux préraphaélites. Sa couleur est harmonieuse.
Ce que n'ont guère la plupart des peintres que je viens de
nommer, c'est l'inspiration, le sentiment du grand style,
sans lequel il n'est pas de peinture d'histoire, et c'est pour-
quoi je n'ai point parlé, dans l'ancienne école, des Singleton
(176(M839), Howard (1769-1847), Bird (1772-1819), Allan
(1782-1850), Burnett (1784-1868). Jones (1786-1869), East-
Lake (1793-1865), James Ward (1769-1859), qui sont plus ou
moins nuls.
Exceptons toutefois David Scott, de l'Académie royale
d'Ecosse, qui mourut en 1847, dont l'œuvre est considérable
et variée par le choix des sujets. Sa peinture d'une couleur
fort expressive et procédant par hachures, a de l'analogie
avec celle de notre Eugène Delacroix. On remarque surtout
parmi ses tableaux ; Pierre VErmite prêchant la Croisade^
la Reine Elisabeth assistant à la représentation des Joyeuses
commères de Windsor, et Vasco de Gama^ son dernier
ouvrage où l'on voit ce hardi navigateur inspiré par le Génie
du Cap dessiné dans la forme des nuages. Le groupe des
marins qui entoure Vasco exprime Teflroi que lui cause ce
phénomène.
GENRE ET PORTRAITS
Les peintres anglais, dans les scènes de mœurs qu'ils
aiment à traiter, peignent la vie de leurs contemporains, et
si les criti(iues de leur pays les ont quelquefois censurés
pour la préférence qu'ils donnent aux sujets de genre, nous
ne les blâmerons point de rendre ainsi l'intimité ou la vie
publique de leurs concitoyens. Rien du sujet, mais seule-
— 431 —
ment de son interprétation. Ce qu'on y remarque surtout
c'est l'expression des physionomies et l'intérêt des scènes
représentées, soit qu'ils les empruntent à la vie de nos jours
ou à celle des époques passées.
Il nous faut parler ici de Barker (Thomas John Henry), que
nous avons mentionné rapidement dans notre introduction à
la présente étude, et dont nous possédons au musée de Be-
sançon un tableau acheté en 1840 pour 1900 francs, qui fit
partie du salon de 1839. Cette composition intitulée Retour
de la chasse^ représente de grandeur naturelle un jeune chas-
seur coupant du pain dont deux gros épagneuls attendent
une part. En perspective on aperçoit une rue, et au premier
plan des armes de chasse, du gibier de plume et un che-
vreuil.
La couleur de celte peinture est agréable, la touche en est
facile et décèle une étude consciencieuse de la nature. Son
auteur naquit à Bath en 1815 et mourut à Londres en 1882.
Ayant reçu les premières notions d'art de son père, il alla
en 1835 à Paris devint élève d'Horace Vernet, en suivit la
manière, et fut surnommé par certains critiques l'Horace
Vernet de l'Angleterre. Il exposa à Paris aux différents salons
de 1837 à 1850. On cite de lui en outre du tableau dont nous
venons de parler: La Mort de Louis XIV ^ tableau commandé
par le roi Louis-Philippe, et détruit au pillage du Palais-
Royal, en 1848; Beautés de la cour de Charles II; La Fian-
cée de la Mort, peint pour la princesse Marie d'Orléans. En
1845, rentré en Angleterre, il peignit des animaux, des sujets
d'histoire et de genre. En 1870-1871, il suivit les opérations
de la guerre franco-allemande et y trouva plusieurs sujets de
tableaux.
Dans le genre, citons Dickmans dont on voit à la National
Gallery un tableau fort poétique : La Fille de V Aveugle^ et
M. Watts qui, en 1855, avait adopté un parti pris pour attirer
l'attention. C'était, en se servant de couleurs h l'huile, de
faire ressembler sa peinture à du pastel. Préraphaélite à cette
— 132 -
époque de sa carrière, il savait au besoin, dans le portrait de
son confrère Frédéric Leighton, peindre et dessiner d'une
manière plus conforme à la vérité que dans les cinq tableaux
mythologi(|ues qu'il exposait à Paris en 1900 (^).
M. Erskine Nicol, dans son Ecole de village, où un magis-
ter intimide son élève et vient de lui adresser une question
à laquelle il eût été lui-même peut-être embarrassé de ré-
pondre, a bien saisi la naïveté du pauvre petit et Texpression
bourrue du pédagogue. Dans le Paiement du loyer ^ les types
impassibles de Tinlendant du lord et de son commis, tout
entiers à encaisser leurs comptes et sourds aux doléances et
aux requêtes des misérables irlandais qui viennent donner
leurs fermat^es, le caractère des physionomies est bien
rendu. La touche, quoique un peu dure, est d'une assez
bonne couleur, et la composition n'a rien qui puisse choquer
le goût.
M. Thomas Faed peint aussi d'une manière intéressante
l'intérieur des humbles. Tantôt, c'est un pauvre veuf qui es-
saie, de ses grosses mains, des gants à sa fillette, daas un
tableau dont le titre est Père et Mère; tantôt, c'est une mère
qui raccommode l'unique pantalon que son gamin attend
jambes nues. Ces sujets expriment bien le sentiment tendre
de l'artiste.
M. Robert Braithwaite Martineau, né le 19 janvier 1826, à
Londres, mort le 13 février 1869, élève de M. Holman Hunt,
est l'auteur du tableau : Le dernier jour dans la vieille de-
meure. 11 recherchait les sujets dramatiques, qu'il traitait à
un point de vue plus littéraire que pittoresque. Ses produc-
tions sont peu nombreuses car, dans son désir de perfection,
il mit dix ans à peindre ce tableau.
M. William Quiller Orchardson a non moins de succès
dans le genre que dans le portrait. C'est un des peintres an-
(1) M. Watts est décédé en 1903, membre de l'Institut de France et de
la Légion d'honneur.
— 133 —
glais qui sont le plus harmonistes ; la couleur de ses tableaux
n'est jamais criarde, et il excelle dans l'expression de ses
figures. Il se rapproche beaucoup de la facture de nos pein-
tres français contemporains, et il pourrait, sans disparate,
passer pour en faire partie. En 1867, il exposa chez nous
deux tableaux : Tun tiré de Walter-Scott, Le Défi, et l'autre
de Shakespeare, Christophe Sly^ qui eurent un succès bien
mérité. Citons encore : La Reine des épées, V Antichambre,
le Décavé, etc.
D'autres peintres de genre choisissent l'anecdote pour sujet
de leurs tableaux; leur originalité n'a rien d'accentué et, en
général, loin de faire comme les vieux maîtres flamands,
Rembrandt, Terburg ou Metzu, qui généralisent des sujets
familiers : le philosophe en méditation, la conversation, le
concart, etc., ceux-ci, au contraire, spécialisent leur sujet;
tels sont , M. Philippe Galderon ou M. Hayllard avec son ta-
bleau : un mal de dents de la reine Elisabeth, De tels sujets
ne sont pas faciles à comprendre et tournent au rébus.
Parmi les peintres de scènes populaires il faut encore citer :
M. W. Powel Frith, auteur de : Le jour du Derby et de La
Gare du chemin de fer; M. G. Green et MiM. S. Burgess,
F. Bamard et L. Fildes.
N'oublions pas M. Frédéric Walker, mort prématurément
à trente-cinq ans, qui eut un grand succès à notre exposition
universelle de 1878 avec son tableau : La vieille grille, et dix
aquarelles d'une charmante exécution.
M. Sir John Gilbert, membre de l'Académie royale, ré-
cemment décédé, a envoyé à notre exposition universelle de
1900 : Henri VIII et le cardinal Wolseley et une aquarelle :
La Sorcière, qui se distinguent, comme la plupart de ses
compositions, par l'heureux arrangement des figures et une
bonne couleur.
M. John Pettie, membre de l'Académie royale, actuel-
lement décédé, représenté à notre exposition de 1900 par
sa toile intitulée Sylvia, nous rappelle la manière de l'an-
— i\U —
cienne école anglaise dans le portrait, où il s'est distingué.
M. W. Ouless, artiste vivant, se préoccupe de ne point né-
gliger les moindres détails dans le portrait de Sir A Holden
Bart.
Citons encore de M. Charles H. Shannon, L'homme à ta
chemise noive^ qui semble Toeuvre d'un disciple de Wisthler
ou de Legros.
De M. Ralph Peacock, Leportrail d'une dame danHini;de
M. Gotch (Thomas Cooper), L'héritière des siècles^ peinture
violacée se complétant par des tons orangés.
Un peintre célèbre en Angleterre, sir Francis Grant, né
en 1804 et nommé de l'Académie en 1851, ne montre dans
ses ouvrages aucune originalité. Sa manière rappelle celle
d'Horace Vernet, dans un tableau qui représente Le vicomte
Ilarding quittant le champ de bataille de Ferozeshals. Il est
pourtant assez bon portraitiste.
M. E.J.Gregory, de l'Académie royale, traite tous les genres
avec un égal succès. Il envoyait à notre exposition universelle
de 19001e Portrait de M. S. R. Platt, une Vue de la Tamise,
Boutters G.Lock le dimanche, et deux aquarelles : La Fille
du Meunier et La Petite Psfjchée. Cet artiste est, comme
M. Herkomer, un observateur réaliste de la nature.
Citons encore les peintres de genre : A. Hopkins, F. Holl,
G. H.Boughton, l'aquarelliste G. J. Pinvvell, mort à 3^ ans
en 1875, P. R. Morris et M. Marcus Stone qui avait à l'expo-
sition de 1900 son tableau intitulé La bonne amie du matin.
Ce dernier a toujours dans ses ouvrages l'inspiration senti-
mentale plus littéraire que pittoresque. Ses tableaux seraient
charmants si leur exécution répondait à leur invention.
Le réalisme sincère dans l'observation de la nature est re-
présenté par M. Herkomer avec son Portrait de sir G, D,
Tauhman Goldie. Le peintre y arrive à l'expression de la vie
par une facture sobre- et large. Orchardson aussi dans le
Portrait de M. David Stewart et surtout celui de sir W, Gil-
bey exprime bien le caractère de la race anglo-saxonne. D'au-
— 135 —
très portraits sont sérieusement traités par MM. Lavery, Jack
Loudan, Millais, John Hare de Glazebrook.
Il faut citer aussi, parmi les tableaux de genre, à l'exposi-
tion de 1900, celui de M Lorimer intitulé : Au dernier mo-
ment. Une jeune mariée que viennent chercher ses amies,
lorsqu'approche le moment où elle va s'unir à jamais.
N'oublions pas La Maison de poupée^ de M. Rothenstein ;
La Causerie^ de Bramley, et de Hacker Le Cloître ou le
Monde, qui est remarquable par un effet de lumière ; Le
Dîner d'été, de John R. Reid, et de M. Christie, Le Joueur .
de flageolet de Hamelin, etc.
M. G. D. Leslie qui excelle aussi dans la peinture de genre
et l'expression des sentiments intimes, comme il l'a bien
montré, entre autres œuvres, dans son tableau d'une de nos
précédentes expositions universelles, Visite à la pensio7i,
nous envoyait en 1900 un paysage d'Un Village dans les
Cotswolds, moins impressionnant que ses tableaux de genre.
liA PEINTURE DE PAYSAGES — liES ANIMALIERS
LES PEINTRES DE MARINES
Un éminent critique d'art, M. Henri Houssaye, rappelait
dernièrement que si la peinture de paysage est de nos jours
fort en vogue, il n'en était point ainsi chez les anciens qui ne
Testimaient guère. Lucien disait : « Ce que je recherche dans
les tableaux, ce ne sont ni des vallées ni des montagnes,
ce sont des hommes agissants et pensants. » Vitruve n'ap-
préciait point les peintres qui représentaient des marines ou
des arbres au lieu de t scènes héroïques ou religieuses
propres à élever l'âme ».
Or, les Anglais n'ont guère de peintres d'histoire ou de
sujets religieux qui, du reste, ne trouveraient pas leur em-
ploi dans les temples du protestantisme. L'Etat fait très peu
de commandes pour les monuments publics ; cette règle iVa
presque subi d'exceptions que pour le palais du parlement :
les tableaux des peintres d'histoire leur resteraient pour
compte.
Il en résulte qu'ils ont traité les sujets de la vie familière
recherchés par les bourgeois riches et les membres de l'a-
ristocratie payant largement les artistes. Le tableau de genre
et le paysage, voi)à le champ où concourent généralement
les peintres de la Grande-Bretagne, en bornant leur idéal
aux sentiments de la famille et aux scènes agrestes.
Toujours est il que, libre de toute tradition dans le passé.
• leur peinture se signale par le cachet individuel, d'autant pkis
qu'il est dans la nature de l'Anglais de n'admirer rien tant
que sa race et ses mœurs, supérieures, selon lui, à tout ce
qui se voit chez les autres nations On a vu que le principe
préraphaélite est la représentation minutieuse de la réalité,
de telle sorte que les savants puissent reconnaître dans un
paysage la nature géologique d'un terrain, les végétaux
propres à la composition du sol, Us papillons, les insectes, la
race des animaux de tels ou tels pays, etc. Celle manière
scientifique d'envisager l'art est à l'opposition du goût et du
génie des peuples latins, mais c'est l'exagération d'une qua-
lité de consciencieuse observation trop souvent oubliée par
nos artistes.
Les peintres anglais de l'école moderne, sauf un tableau
de Barker dont nous avons parlé et deux aquarelles de Fiel-
ding, ne sont pas représentés au musée de Besançon.
Nous voyons seulement une minime peinture signée Ver-
non pouvant être de A. L. Vernon qui fait partie d'un
groupe de paysagistes naturalistes; toutefois, nous n'affir-
mons rien à cet égard.
Cette petite étude représente un cours d'eau dans une
prairie plantée d'arbres, et vers les premiers plans, bordée
de buissons. Au second plan on aperçoit des lavandières. Le
ciel est nuageux et la verdure d'un aspect sombre.
Ce morceau est trop peu important pour donner une idée
juste du talent de son auteur. C'est le paysage copié, non
— 137 —
composé, comme le pratique un groupe qui comprend, avec
A. L. Vernon, J. C. Adams, A. G. Dodd, Frank Miles déjà
cité, J. G. Todd, T. J. Watson, etc.
D'autres peintres encore, que Ton dirait comme les pré-
curseurs de nos maîtres célèbres : Corot, Troyon, Rous-
seau, Daubigny, tels que, entre autres : Cecil Lawson,
Ernest Parton, J. Aumônier, Edwin Ellis, J. L. Pickering,
Leslie, Tomson, ont été par leurs compatriotes, dénommés
impressionnistes, sans qu*ils aient rien qui ressemble au
faire des peintres français auxquels nous avons donné ce
nom.
Parmi les paysagistes qui suivent la doctrine de John
Ruskin nous devons citer MM. Linnell, Vicat Gole, et surtout
M. Charles Lewis. Son tableau une Pièce d'orge dans le
Berkshire montre au suprême degré la recherche des dé-
tails. Tous les pavots, les bleuets, toutes les herbes parasites
qui s'enlacent ou se mêlent aux tiges d'une blonde moisson
sont rendus avec l'amour d'une scrupuleuse et patiente
étude, avec le culte de l'objectivisme le plus complet.
M. Millais, en fidèle disciple de Turner, s'attache à rendre
les eflets variés de la lumière dans l'atmosphère, soit qu'il
peigne, le Bord d'une Imide, ou le Froid octobre ou Da7is
les montagnes d'Ecosse.
J. E. Millais, né en 1829, fut le plus réputé des préra-
phaélites ; il traite des sujets historiques, des scènes de la
vie anglaise contemporaine, ou empruntées à la poésie. On
cite parmi ses compositions : Ophéliey Les Romains quittant
la Gi'ande Bretagne, Garde royal^ Le Hussard de Bruns-
ivicky Le Whist à trois, et les Portraits de Gladstone et de
RtAskin.
Dans tous ces sujets divers on remarquait une véritable
originalité d'expression. Le peintre s'y montrait, selon
l'occasion, réaliste, comme dans son tableau L'élargisse-
ment, ou mystique dans Le Retour de la colombe à l'Arche,
ou romanesque dans La Mort d'Ophélie,
10
— 138 --
En 1H67, il s'éloignait de sa première manière, et, dans Le
Semeur d'ivraie et Les Eomains quittant la Grande-Bre-
tagne, sacrifiait les fonds de paysages et ne recherchait plus
que Teffet du drame. En 1875, sa peinture tout en conser-
vant son expression poétique devenait de plus en plus
vivante, plus corsée dans les tableaux qu'il exposait au
Champ de Mars, entre autres dans celui-ci tiré d'un poème
de George Meredith intitulé La Couronne d'amour. L'ex-pré-
raphaélite s'y montrait enfm libre dans sa facture qui ne
s'assujeltissait plus à la recherche minutieuse de la réalité
et affirmait sa supériorité dans la diversité des genres. En
1900, John Millais se faisait remarquer à notre Exposition
universelle par la poésie triste de son Vieux Jardin soli-
taire, où Ton ne remarque guère que l'alignement froid des
bordures de buis.
Somme toute, en nous reportant à ce groupe d'artistes
qui avaient pour objectif, s'isolant de leurs confrères, un
idéal où la théorie du réel et du vrai l'emportait sur la pos-
sibilité de la pratique, les préraphaélites, ces disciples
d'une école qui n'existe plus pour être restée étrangère à la
vie de notre époque, n'ont laissé aucune production qui
puisse satisfaire pleinement aux exigences de la saine criti-
que d'art.
Citons cependant, parmi les derniers peintres qui sem-
blent s'inspirer de Hurne Jones : MM. Strudwick , Chevalier
Taylor, et les portraitistes de Glehn, Solomon, Collier, etc.
En août 1901, on signalait aussi une tentative de rénovation
de la peinture à fresque dans le style du xv* siècle italien
par M. Southali et miss Kate Burne, Arthur J. Gaskyn,
Evelyn de Morgan, John D. Batten, etc , à l'exposition de la
New Gallery.
Parmi les paysagistes qui se signalèrent le mieux à l'Ex-
position universelle de 1900 par le sentiment de la nature et
le mérite de l'exécution, il faut citer MM. La Thangue, avec
ses deux tableaux, une Petite propriété et Le Bûcheron^ et
— 139 —
Stanhope A. Forbes, avec La Forge. Tous deux font partie
des peintres réalistes de Glasgow. M. Franck Brangwin, en-
core un de ces artistes écossais dont la peinture se compose
de touches larges et vibrantes, se révélait dans son Marché
de Bushire^ et parmi les tableaux des autres naturalistes
on remarquait : de Lionel Smythe, un Paysage d'automne,
avec glaneurs ; d'Adrien Stokes, \ Avenue dans le marais ;
de Lindner Moiïat, Eclat du soir, Dordrecht.
M. George F, Watts R. A., qui traitait, il y a de cela dix
ans, les sujets de haut style et le nu, tels que L'Amour et la
Mortj Orphée et Eurydice^ avait abandonné, en 1900, ces
sujets mythologiques pour ne nous montrer à Paris qu'une
Vue de NapleSy où il semble s'inspirer de Turner O).
On a prétendu que ce peintre, dégoûté de voir ses ta-
bleaux mal placés dans nos Salons, sans que Ton eût égard
au rang élevé qu'il occupe parmi les artistes de son pays, et
malgré les médailles qu'il avait obtenues chez nous, avait
fini par ne nous envoyer jamais plus de ses œuvres. Il se
peut que, pour ce motif, il ne nous eût pas montré, en 1900,
Tune de ces peintures qu'il aimait surtout à emprunter à la
mythologie. M. Watts, grand coloriste, est actuellement no-
nagénaire ; il ne cesse pourtant point de produire, et au Sa-
lon de la New Gallery, en 1901, on remarquait son tableau
Les Highlands.
Mentionnons enfin, pour terminer, Thomas Sidney Goo-
per, né à Cantorbéry en 1803, mort le 5 février 1902. Il
apprit seul la peinture, fut décorateur de théâtre, paysagiste,
voyagea, resta longtemps en Hollande et peignit avec grand
succès le paysage et les animaux. Nonjmé membre de la
Royal Academy en 1867, il avait publié, en 1853, un livre de
dessins d'animaux et groupes rustiques, et un livre illustré
par lui : Les Beautés de la Poésie et de l'Art,
Parmi les animaliers remarquables, citons M. Swan et
(1) Voir la note précédente au bas de la page 132.
— 140 ^
M. Crawhal, avec un tableau intitulé Coq noir. Quant à
M. Briton-Rivière, qui excelle dans les sujets où il peint les
feuves, il exposait, en 1900, Tentation dans le désert, repré-
sentant le Christ dans un paysage aride, sous les derniers
feux du jour, et Fidèle A mori^ la première de ces composi-
tions rentrant dans le style sérieux de la peinture d'histoire.
Il semble que, dans les Iles-Britanniques, les peintres de
marines devraient être plus nombreux qu'ailleurs ; il n'en
est rien. Nous ne trouvons plus à notre Exposition univer-
selle de 190(), MM. Hamilton, Robert Leslie, Franck Miles,
.1. G. Hook, W. J. Richards, T. R. Hardy, J. G. Naish,
H. Gibbs ; mais nous pouvons signaler dans ce genre : Tho-
mas Graham, Colin Hunter, avec une Afarine par un temps
d'orage. C Napier, Henry John Brett, Lindner. Nous n'y
trouvons rien du chevalier de Martins, peintre de marines
du roi Edouard VII.
En résumant ce que nous avons constaté dans le cours de
la présente étude, nous voyons que les écoles du continent
ont suivi la tradition des écoles italiennes de la Renaissance
et que leurs peintres, pour la plupart, ont puisé leur ensei-
gnement dans les ateliers parisiens.
Mais la race anglaise, malgré ses efforts pour s'assimiler
la tradition du génie latin, est restée essentiellement natio-
nale et quel que soit le sujet traité, que ses figures repré-
sentent César, Mahomet, Agamemnon ou Louis XVI, qu'elles
aient à nous faire voir des Grecs anciens, des Romains ou
des Turcs, elles restent toujours marquées du seul type
anglais.
De 1855 à 1867 et à 1900, si nous en jugeons par ce que
l'Angleterre a envoyé chez nous à nos diverses expositions
universelles, elle semble avoir décliné dans les beaux-arts, et
ses dernières productions sont inférieures. Si elle a paru jadis
suivre la tradition de Van Dyck avec Reynolds, Lawrence et
Gainsborough, actuellement ses peintres se montrent surtout
préoccupés du soin avec lequel ils traiteront les détails, ou
— 141 —
bien ils enfantent des ouvrages que Ton croirait destinés à
être reproduits en illustrations. Ils gagnent à être traduits
en gravure, ce qui n'arrive point pour les vrais maîtres et les
coloristes comme Rubens et Van Dyck. On a dit que l'exécu-
tion mesquine de leurs tableaux produit le même effet que
s'ils étaient vus à travers des lunettes de myopes. La pro-
preté, le détail étudié brin à brin et l'oubli de l'ensemble,
voilà surtout ce qui les caractérise.
Le plus souvent tout s'y trouve papillotant, et disperse
l'attention par cette imitation servile qui paraît vouloir lutter
avec l'objectif photographique, et recherche la propreté d'une
peinture poncée et polie. Balthazar Denner et Biaise Desgoffe,
les modèles de ce genre en Allemagne et en France, se sont
montrés habiles ouvriers, mais nullement artistes.
— 142 —
LES AQUARELLISTES ANCIENS ET MODERNES
Dans les écoles anglaises on enseigne la peinture à Teau
avant la peinture à Thuile, et l'on considère l'aquarelle
comme un art national. Les Anglais disent qu'ils n'y ont
point de rivaux et, plutôt que d'en admettre, ils reconnaî-
traient volontiers, contre leur habitude, que la peinture à
rhuile des étrangers pourrait lutter avec la leur.
C'est bien là l'opinion de gens pour lesquels l'art est sur-
tout une manifestation de Tbabileté matérielle. Pour nous,
quels que soient l'instrument et les couleurs employés, Tart
relève de Tintelligence et du sentiment plutôt que de l'a-
dresse manuelle. Mais, à ne considérer que le côté technique,
ce qui fait le charme de l'aquarelle, c'est une touche légère
et spontanée qui résulte de l'improvisation. Si, en se livrant
à un travail minutieux et détaillé, et en y ajoutant de la
gouache pour simuler les vigoureux empâtements de l'huile,
on paraît vouloir la faire ressembler à un tableau, elle n'a
plus sa raison d'être. C'est ce qui arrive pour la plupart des
aquarelles anglaises.
Les aquarelles de Cattermole, de Kennet Mac Leay, de
David Mac Kewan ont de la vigueur, mais l'emploi de la
gouache leur enlève la fraîcheur, qui e^t une des premières
qualités de ce genre.
Cette absence de technique a pour résultat, chez ceux qui
arrivent à se distinguer, une originalité toute personnelle et
fantaisiste qui caractérise leurs productions.
Comme la centralisation est assez mal vue en Grande-
Bretagne, l'Académie trouva d'assez nombreux concurrents,
et ce fut presque à sa naissance : l'Institution britannique
— 143 —
(BtHtish Insiitution)^ la Société des Artistes {Sociehf of bn-
tish artists) et la Société des Peintres à l'aquarelle {Society
of painters in vjater-colours). En dernier lieu, Tln^ftitut
des aquarellistes, fondé par un Tournaisien, nommé Louis
Hague, s'est installé à Piccadilly, dans un quartier des plus
luxueux, non loin de l'Académie royale.
Les artistes qui composèrent toutes ces sociétés ont eu
pour but de pouvoir exposer leurs ouvrages sans être obligés
au contrôle de l'Académie. Chez chacune d'elles se trouve
une salle d'expositions publiques et de vente des ouvrages de
leurs sociétaires.
On comprendra bien que, puisque l'Etat s'est désintéressé
des beaux-arts, il importe au plus haut point que, sous peine
de ne pouvoir vivre, les artistes fassent une question capitale
de la vente de leurs productions. Les meilleurs peintres ne
font donc aucune difificulté d'exposer pour la vente leurs ta-
bleaux et il faut dire que la classe riche et l'aristocratie
mettent leur orgueil à les payer largement. C'est de la sorte
que les artistes en renom arrivent à une opulente situation
qui ne doit rien à la faveur d'un ministre ou d'un directeur
des beaux-arts ; leur bien-être ne leur vient que de l'opinion
et de Testime du public.
On a inventé des associations que l'on nomme Arts Unions;
chacun de leurs membres paie une cotisation annuelle qui va
d'un shilling à une guinée, et on leur donne en retour un
numéro d'action qui, s'il sort au tirage d'une loterie annuelle,
gagne quelque tableau d'une valeur plus ou moins consé-
quente. Ces unions ont une grand vogue, et par conséquent
de très nombreux souscripteurs, de sorte qu'elles arrivent à
avoir en caisse des sommes considérables qui leur permettent
d'acquérir des œuvres de très grand prix. On en voit qui,
comme la Liverpool Art Union, achètent chaque année pour
jusqu'à 1389 livres sterling de tableaux.
Les artistes qui ne se sont point encore fait un nom, les
commençants, ont recours aux marchands de tableaux, fort
I
— 444 —
nombreux à Londres. Ceux-ci remplissent l'office de jury,
acceptent ou refusent les peintures qui leur sont présentées,
et celles qu'ils refusent n'ont plus, en dernier ressort, qu'à
être présentées aux enchères pour un prix minime, sur le-
quel on leur retient un droit de commission, qui s'élève quel-
quefois jusqu'à soixante-quinze pour cent. Il en résulte que,
si le peintre pauvre vend un tableau cent francs, il n'en
touche que vingt-cinq. Comme dernière ressource, il ne lui
reste que le préteur sur gages, le pawn-hroker, qui est à
Londres à peu près comme notre Mont-de- Piété.
Une autre ressource des peintres malheureux est la res-
tauration dos vieux tableaux, ou encore, la contre.àçon des
maîtres vivants, comme il arriva naguère chez nous, où le
procès des faux Corot par Trouillebert fit sensation. Mais
ce n'est point le contrefacteur qui profite de ce métier
déshonnête, c'est l'entrepreneur qui fait circuler ses pro-
duits.
Avant d'envoyer leurs tableaux à l'Académie Royale de
peinture les peintres de Londres les exposent, aux
approches du printemps, dans leurs ateliers : c'est ce qu'on
appelle le Show sunday (Exposition du Dimanche).
Ce qui distingue ces artistes des artistes français, c'est
que, considérant leur art au point de vue pratique, comme
un husinessy ils ont soin de se placer dans les meilleures
conditions pour faire de l'argent. D'une tenue correcte et
irréprochable, sans rien qui les distingue et dénote par leur
costume quelque originalité^ on les voit recevoir, dans des
ateliers bien cirés et soigneusement époussetés, qui ne
puissent choquer d'aucune façon le snobisme de leurs visi-
teurs mondains.
C'est ainsi qu'ils arrivent à pouvoir vivre en mettant à des
|tt*ix avantageux leurs productions artistiques, comme s'ils
vendaient du drap ou des épices, et leurs relations mon-
tlaines leur sont plus profitables que la contemplation d'un
Itembrandt ou d'un Velasquez. Il leur suffit d'exhiber une
-- 145 —
peinture lisse et propre (1) dans des cadres luisants, en évi-
tant le nu cher à la peinture française, et qu'en Angleterre
les gens bien élevés qualifient de shoking^ pour recueillir les
exclamation» admiratives de : lioiv pi^etty! how beautiful!
Il est vrai de dire pourtant, qu'il est d'honorables excep-
tions, mais généralement il en est ainsi à ciiuse des exi-
gences d'un public qui n'entend rien à l'art, et qui donne
ses préférences à une peinture, correcte et sans originalité,
rappelant la chromolithogi'aphie.
Quelques artistes, il est vrai, font exception à ceux qui se
résignent en sacrifiant l'art afin de subvenir aux besoins de
leur ménage. On pourrait citer parmi ceux-ci : un Sargent,
américain ; un Alma-Tadema, hollandais ; un Herkomer,
allemand, pour un anglais, comme Orchardson.
Mais fermons cette parenthèse et revenons aux aqua-
rellistes anglais. Tout d'abord, ils ne produisirent que des
lavis à l'encre de Chine ou dessins teintés (the stamed dra-
wing). Francis Barlow, né en 1626 dans le Lincolnshire,
inaugura le premier ce genre. Puis, ce lavis devint brun ou
gris bleu renforcé par quelques tons colorés et par un dessin
à la plume vers la fin du xviir siècle avec Michaël Angell
Rooker de la R. A. (1743-4864), Thomas Hearne (4744-1834)
et W. Payne, dont on ignore les dates de naissance et de mort.
Cette manière ne vise point alors à reproduire des effets
corsés de lumière et d'ombre et conserve un aspect pâle.
Les aquarelles de John Robert Cozens (1752-1799) res-
semblent à des gravures enluminées, mais Thomas Girtin
(1773-1802) se servit mieux de la couleur et arriva progres-
sivement à réaliser l'elTet de la nature dans ses dernières
productions, qui ne manquent pas d'une certaine poésie. Il
en est de même pour John Sell Cotman (1782-1842).
(1) En octobre 1901, une Calypso de Bouguereau atteignit en vente pu-
blique le prix de 924 livres.
- 146 —
Parmi les aquarellistes qui traitèrent la figure il faut
signaler, quoique traduisant des impressions différentes,
Josuah Cristall (1767-1847) et Henri Liversepge (1803-1832),
remarquables tous deux par leur vive imagination.
Rappelons encore le visionnaire William Blake (1757-
1827), et Thomas Stothard que nous avons cité pour ses mé-
diocres peintures à Thuile. Il a de Télégance dans la ligne,
mais consulte trop peu la nature.
J M. W. Turner, lorsqu'il peignit à l'aquarelle ne produi-
sit à ses débuts, comme Girtin dont il fut l'élève, qu'une es-
pèce de camaïeu brun ou gris, jusqu'à ce que, après de
longues études de dessin sur nature, il arrive, vers 1800, à
exécuter avec une maîtrise supérieure et une expression
fortement sentie, non plus par un dessin coloré mais en con-
cevant et réalisant son œuvre par la couleur avant tout. Son
exécution est franche, et c'est à tort qu'on lui a attribué les
ficelles du métier, l'enlèvement des clairs au chiffon, au
grattoir ou à l'éponge. Ces expédients sont surtout employés
par Georges Fennel Robson (1790-1833). Quant à Robert
Hills (1769-1844), il arrive à l'effet par une seule application
de la couleur au premier coup W.
Copley Fielding (2), dont Eugène Delacroix fut l'ami, a eu,
comme Turner, le sentiment de l'espace et des mystérieux
effets de brouillard. Il serait pourtant difficile de reconnaître
ce sentiment dans les deux aquarelles de la collection Gigoux
qui lui sont attribuées : l'une représente des oiseaux d'eau,
et l'autre un lévrier ; elles semblent destinées à un livre
d'histoire naturelle.
(1) Citons encore, parmi les meilleurs aquarellistes : John Varley (1778-
1842), David Cox 1788-1859), Peter de Vint (I78i-1849;, Copley Fielding
(1737-1815), Georges Barret (1774-1842), Samuel Prout (1783-1852), Wil-
liam Henri Hunt (1790-1864), George Catlermole (1800-1868), John Frédé-
ric Lewis (1805-1876). Ces artistes, avec des styles vari«*s, ont tous le sen-
timent et Tobservation de la nature.
(2i Copley Fielding, de la Royal Academy, 1737-1815.
— 147 —
Samuel Proat excelle surtout dans les vues d'architecture,
et il se montre plus dessinateur que peintre dans celles qu'il
reproduisit au cours de ses voyages en France, en Allema-
gne, dans les Flandres et en Italie.
David Gox est plus coloriste que ce dernier; sa couleur
rappelle celle de Constable, et il a su donner de Tintérôt aux
scènes les plus simples.
William Hunt et Lewis sont coloristes dans la peinture de
genre : leur faire est simple et large, soit dans les fruits et
les fleurs du premier, soit dans les vues d'Espagne et d'OHent
du second.
La Société des Aquarellistes (') {Tke Society of Painters
in water colours] fut fondée en 1805 et fit sa première expo-
sition le 22 avril de ladite année à Grosvenor square d'abord,
puis dans Bond street, Spring gardent, et enfin dans les
salles de Pall-Mall East.
En 1832, plusieurs artistes fondèrent une autre société dite :
Nouvelle Société des Aquarellistes, et firent leur première
exposition au printemps de ladite année (2\ En 1863, cette so-
ciété adopte un autre nom, celui de The Instiiuie of Pain-
ters in water colours 3),
(I) Nous empruntons à M. Krnest Cliesneau les noms de ses fondateurs :
G. Barrel, J. Crislall, W. S. Gilpin, J. Glover, W. Ilawell. R. Hills, J.
Holworthy, J. G. Nattes, F. Nicholson, N. Pocock, V. H. Pyne, S. Rigaud,
S. ShcUey, J. Varley, C. Varley et W. F. Wels.
(.2) Ses fondateurs, selon M. Chesneau, étaient : W. Cowen, James Fuge,
T. Maisey, G. F. Phillips, J. Powel, V. B. S. Tayler et T. Wageman.
(3) Au second rang, après les artistes déjà nommes, nous devons citer,
dans cette Société : G. Lambert, Paul Sandby, MA. Rooker, F. Weathley,
T. Hearne, J. K. Sherwin, F. Nicholson, J. R. Cozens, N. Pocock, T. Row-
landson, J. C. Ibbetson, D. M. Serres, E. Dayes, J. Glover. S Howit, H.
Edridgfi, J. CristaU, S. Owen, R. Uills, T. Girtin, J. Varley, J. S. Colman,
W. Hawell, J. J. Chalon, W. Turner, L. Cleunel, S. F. Rigaud, G. F.
Robson, F. Nash, R. Westall, E. Dorrell, H. Liverseege, G. Chambers,
G. W. Shephead, J. M. Ince, W. Stanley, W. Oliver, Saustin, G. Cruiks-
hank, W. Arches, S. Cook , W. liennels, J. D. Harding, C. Bentley, S.
Rough.
— 148 —
A l'exposition universelle de 1900, n'oublions pas les aqua-
rellistes Alian, Aumônier et Rainey, MM. Alexander et Da-
wy, avec leurs animaux, Lhermann, avec ses paysages, et
les aquarelles de MM. East, Petersen, Peter Graham, Water-
low, Parsons, Harry Hine, A. Hunt, Brown, Walton, etc.
De tous ces peintres de Técole moderne anglaise, aucun
n*est représenté dans la collection J. Gigoux et dans le mu-
sée de Besançon.
Aux inconnus anglais sont attribués dans le legs Gigoux :
une copie à l'état d'esquisse d'une composition reproduite
souvent par la gravure d'illustration, elle a pour sujet L'In-
nocence représentée par une jeune fille, une enfant relevant
ses jupes et présentant un fruit à un serpent qui se lève de-
vant elle ; un Cavalier que, par euphémisme, nous qualifions
de peinture fort médiocre, et un Paysage largement ébau-
ché où, avec un fond d'arbres aux branches tombantes, on
remarque une italienne sur un âne, un chien et deux paysans
dont l'un est assis dans Tombre.
Nous avons fini de constater la petite place qu'occupent
au musée de Besançon les peintres de ce que l'on nomme
Ecole anglaise. Mais d'autre part, si nous observons, comme
nous l'avons fait, que les musées de France, sans en excepter
celui du Louvre (^), n'en possèdent presque rien et qu'il en
est de même pour ceux des autres pays, il nous faudra bien
avouer que ces spécimens, si minimes qu'ils soient, ne
manquent point d'intérêt. Espérons que de généreux dona-
teurs pourront accroître ce noyau et rendre moins insuffi-
sante dans notre collection la part des peintres de la Grande-
Bretagne.
(1) Au Musée du Louvre, le catalogue indique aux inconnus de TEcole
anglaise du commencement du xw» siècle, sous le n» 1819, un Portrait
d'fiomme, donné en 1882 par le journal VÂrt, et ce Musée ne possède en
tout, y compris ce portrait, que vingt-cinq morceaux de TEcole anglaise.
— 149
CONCLUSION
A cette étude sommaire sur la peinture anglaise j'ajouterai
quelques réflexions qui me semblent en dériver. Et tout d'a-
bord, je ne demanderais pas mieux, afin de ne point donner
prise au soupçon d'avoir d'injustes préventions nationales,
que de rencontrer en Angleterre des maîtres méritant de
notre part une admiration égale à celle que les Anglais
montrent pour notre Claude Lorrain ou notre Nicolas Pous-
sin. En toute impartialité, je regrette de ne pouvoir constater
chez eux aucun peintre qui vaille, je ne dirai certes point un
Murillo, un Rubens, un Velasquez, mais les moindres maîtres
approchant de ces illustres représentants des écoles étran-
gères.
A part le portrait, où se continue la manière de Reynolds,
on ne trouve pas d'originalité dans les productions qui ne se
rattachent entre elles par aucun lien commun. Même en der-
nier lieu, chez les préraphaélites, les différents peintres an-
glais conservent chacun une manière individuelle, et ces in-
dividualités ne sont filles d'aucune tradition qu'elles aient
suivie. Elles ne sauraient être prises en bloc pour constituer
ce que l'on appelle une école, et ce n'est que pour obéir à
l'usage généralement adopté et pour être mieux compris que
nous nous sommes servis de ces dénominations : école an-
cienne, école moderne.
Dans le genre du portrait, comme nous venons de l'obser-
ver, tous les peintres anglais se montrent influencés par la
manière de Reynolds, suggestionné lui môme par le style de
Van Dyck. En ce dernier genre même, aucun de ces peintres
ne peut être égalé aux vrais maîtres des autres écoles, à Ti-
tien, à Rubens, à Van Dyck, non plus que, pour le paysage,
— 15f» —
au Lorrain et à Ruysdaël, leurs modèles de prédilection.
Somme toute, on ne voit guère que les Anglais, malgré les
plus louables eiTorts pour développer chez eux ririteliigence
des beaux-arts, aient traité jusqu'ici d'autres genres que le
portrait, le paysage, les tableaux de genre et les animaux. On
a dit que le protestantisme, prohibant la peinture religieuse
dans les églises, a empêché ce peuple de se distinguer par
les tableaux de haut style; que son puritanisme s*ofTusque de
traiter des sujets empruntés à la mythologie ; on a allégué
que le désir jaloux de conserver son originale et orgueilleuse
personnalité ne s'accommoderait point des règles de la tra-
dition classique. Il nous semble qu'en outre de ces causes,
le tempérament positif des Anglais ne leur permet point de
s'élever aux régions où brille la forme idéale. Leur domaine
est la peinture de genre, ou plutôt la peinture anecdotique.
Ce n'est point celle qui nait du sentiment pittoresque, mais
celle qui s'adresse plus à l'ingéaiosité de l'esprit qu'au plaisir
des yeux.
C'est ce qui a dominé depuis Hogarth dans leur peinture
et a détourné cet art du but auquel il doit tendre, de sa
beauté spécifique. Par son livre, intitulé : Analyse de la
beauté, Hogarth a contribué à répandre chez ses compatriotes
des idées qui ne s'appuient parfois que sur des paradoxes.
Nous ne parlerons pas ici de la caricature, à laquelle ils
semblent prédestinés el où ils ont eu incontestablement du
succès.
On sait que, dans ces derniers temps, ils ont augmenté le
nombre de leurs musées et multiplié leurs écoles d'art. Mais
il est juste de remarquer qu'ils y recherchent pour profes-
seurs nos artistes. C'est ainsi qu'après la guerre de 1870,
Gazin accepta, sur les propositions qui lui furent faites par
des Anglais, une place de professeur au musée de South-
Kensington, en remplacement de celle que laissait libre la
mort de son ami Legros, un Français naturalisé. Leure écoles
sont fondées surtout au point de vue pratique de l'art appli-
— 151 -
que, de Tart industriel, deux mots qui jurent de se trouver
ensemble. L*art industriel, en effet, n'est pas de Fart; c'est
seulement, pour des objets usuels ou de luxe, l'utilisatioji
des idées, des formes et des couleurs que les artistes ont in-
ventées et semées en tous lieux. L'artisan s'ingénie à les re-
cueillir et à s'en servir, mais ce n'est pas dans son métier
que réside l'art, ce n'est point là qu'il prend sa source, et on
ne l'y retrouve que par imitation.
Et d'ailleurs, dyns les industries d'art, les Anglais sont
peu scrupuleux : ils copient nos motifs et les fabriques an-
glaises recherchent nos ouvriers. C'est à ceux des nôtres
qui se sont fixés en Angleterre qu'elles doivent surtout leurs
progrès. C'est ainsi qu'en 1867, la fameuse maison Minton
enrôlait M. Solon Milles, de la manufacture de Sèvres ; que
la fabrique de Wedg>vodd qui, s'inspirant du fameux vase de
Portiand au British Muséum, fabriquait des vases imités de
la poterie grecque ou étrusque, employait, dans un genre
alors tout nouveau, un artiste français, M. Lessore, et que
dans l'orfèvrerie, ayant des lois spéciales dont les Anglais
ne se doutent pas, on trouvait le concours de deux artistes
français, Wechte et Moreil-Ladeuil. Les Anglais, du reste,
nous copient mùme dans ce que nous copions « Le savoir
et le caractère forment seuls les vrais artistes », disait
Maxime Du Camp. — a Dans l'industrie étrangère, on nous
copie comme on parle notre langue, avec un accent étran-
ger f , écrivait M. Louis Reybaud en 1867.
« Ni les musées, ni les écoles, — dit ce même critique -
n'ont pu introduire dans leur goût ce que donnent seuls le
tempérament et la race : le choix, la mesure, l'inspiration ».
De même que l'éminent critique d'art, M. Paul Leroi, je
tiens, du reste, pour barbare l'accouplement de ces deux
mots : industries d'art ou arts industriels ; el si je m'en sers
c'esL parce que, comme il le dit fort bien : « La badauderie
incapable de comprendre que l'art est un, n'a pas seulement
adopté cette locution erronée, mais a réussi à l'imposer et
i*e 5-r:'^-r*c îr- rri -î*^' — r «rrsri :ii îê;?irte être atileiuent
F:«ir 2if !♦ me j:»r.irr^ ri :a Tie j.irii'Oae celte locution
'î'i.^-i^'^ — ^ ::.ime ievm: le? c»ïui<^. c*ef4 à T Ecole des
î*f:iii~Lr-s II-, iiir L.-fr rir:»:ri ;«i-^?er re£L>eîgQement de
."ir*. : ^t?c :^'::-f E:-: -f ri _ ii*: rco:«ir-j^er et êiever le plus
Li^: ;«:-f^5;^e Le^ isv:-r> ; :?.:-rterL: de ses leçons
pr-frinr^"* ^ns: e :m::-- i^fs r:«i-e> L5rïVGtes. Les uns de-
-i.-ri.'.-e'.: i-> in.r-s - i«fz"s rc r-^ lu^es choisissent leur
T r- : •::- l::-c"-^. * ' —'r : ' ", :.ir ex^^tii^ie, les sculp-
t-.*^ : .. v-^r. i^. .: t^*- " •: -i .:\ . r:e\Te< ou aux fabri-
•-•.:- ir \^vx^^ ^ et'- i.:^>t >< i-eintres «pii des-
s :.^: rt \^ ^' -.zr L. :• r .- : . • : vi.îs à\:.'deset de tentures.
L r. : ..a \ i.-<^ j /r :• r ie- N .vjx-arts, la notion des
[•rr..M*rs d? ^ kT\ .|ue c:^ --'; .-> ivocenl aux jeunes géné-
rr. -ns. »> p^:u-e le d.s :: ie r^gn^tîe cnlique M. A de Ca-
kr.ne - . • v.. li > >e-: :.: «yen de rèà iser la beauté des po-
teries, des meub'e-- J s bi; ux et de tous ces objets de
^•'jtique qu'il est de n. -ie aij urd'hui d'exhiber dans les
exf-^jr-iti'Mw de peir.ture et de >ouîpture, oimnie s'il était
«•Mn\>_'njr' e dV.'ver les j iv^ivii;- de Tindustrie et du com-
merce au niveau d'un art supérieur. »
Nou-i savons bien qn'«m a argué de fimpuissance des
écôlrfs en disant : l'art ne s'enseigne pas. D'accord ; mais
ce qui peut et doit s'enseig^ner, c'est les principes. Il a fallu
des siècles \H^\^T les tr»»uver et découvrir les bases im-
muables sur lesquelles ils reposent, et les révolutions les
plus radicales dans l'nrt du laissé l'ont toujours raiiiené à des
lois primordiales initiales, à des renaissances athéniennes,
comme celle qui, partant de ritalie, succéda ;\ Tart du
moyen-ûge.
Les principes ne sont un obstacle qu'aux fantaisies per-
(1) VAri «lu 2H novembre li»>1, pa-e 5il.
(2j Décédé en janvier 190*2.
— 153 —
sonnelles d'individualités sans règle et sans code, aboutis-
sant fatalement à la confusion que nous voyons régner parmi
les impressionnistes, les symbolistes et autres fumistes con-
temporains.
On a beau répéter : Tart ne s'enseigne pas, et rappeler,
comme on Ta fait, ce mot attribué à Eugène Delacroix : - On
sait son métier tout de suite ou on ne le sait jamais », on a
beau prétendre qu'il suffit d'avoir un vrai tempérament d'ar-
tiste pour savoir peindre ou sculpter, il n'en est pas moins
vrai que personne ne vient au monde avec une palette à la
main et la manière de s'en servir.
On a reproché à l'Ecole des beaux-arts de suivre la tradi-
tion de l'antiquité grecque et de faire étudier le nu, alors
que l'idéal de notre civilisation est tout à fait l'opposé de la
civilisation grecque, qui fut païenne.
L'idéal de ces anciens fut le beau physique. Ils divinisaient
la forme humaine pour représenter leurs dieux, ils avaient
établi une métrique de la beauté, ce que Winckelman et
d'autres adorateurs de l'antiquité appelèrent le Beau-canon.
Tant de longueurs de têtes dans le corps, tant pour les bras,
les jambes ou le torse, etc.
Cet idéal du Beau n'est point celui du monde chrétien qui
place la beauté dans l'âme et non plus dans le corps, et il en
résulte que, nous dit-on, les artistes de la Renaissance ita-
lienne ont eu grand tort de suivre la tradition païenne des
anciens grecs. Pour le chrétien, la beauté est toute morale,
et cette beauté ne se manifeste que par l'expression des
figures qui révèle les beautés de l'âme.
Mais il est certain que l'expression n'est point la beauté.
On dit d'une expression qu*elle est belle, et c'est, par cela
même, reconnaître que l'expression et la beauté sont deux
choses distinctes. Il ne faut point les confondre. La beauté
est chose indéfinissable : on l'attribue à nombre de choses
différentes entre elles.
On dit qu'une composition, une harmonie de couleurs, ou
11
— 154 —
leur contraste, que le dessin, que la forme ont de la beauté,
et s'il fallait donner quelque préierence, c'est la forme qui
aurait le prix dans les beaux-arts.
La forme unie à la couleur est largement suffisante pour la
production d'un chef-d'œuvre en peinture. Le statuaire a
seulement besoin de la forme, et c'est pour ce motif que la
sculpture antique n'a jamais eu de rivale.
Or, selon que l'on emploie tel ou tel art, les moyens
employés varient. S'il est possible à l'écrivain, en se servant
des signes conventionnels de la langue écrite ou parlée de
montrer cetle invisible beauté de l'idéal chrétien dans un
être diiïorme, Quasimodo par exemple, ou sous les dehors
d'un masque faunesque comme celui de Socrate, il n'en est
pas de même pour le peintre ou le sculpteur dont le langage
est la forme même. La pureté de l'âme, sa sérénité, son
trouble, sa joie ou ses douleurs, le peintre et le sculpteur
n'ont pour les exprimer que la pureté, la sérénité, la gaîté
ou la tristesse de la forme.
Si les Gre(;s ont, par de belles formes repi'ésenté l'image
de leurs dieux, pourquoi l'artiste moderne, se servant des
mêmes moyens, n'arriverait-il point à exprimer la beauté
morale ? Nous af!cordons volontiers que le corps n'est point
tout, mais enlin il n'est pas rien : ne peut-il donc plus deve-
nir la manifestation de l'âme?
Sous prétexte que, comme on l'a dit, la beauté physique
est contraire à l'égalité, que c'est un privilège, il s'est trouvé
des hommes qui ont voulu la bannir des œuvres d'art, afin,
disent-ils, de démocratiser l'art. Il en résulterait que, jamais
plus, les productions de l'art ne seraient d'un bel exemple,
ne pourraient être suggestives d'un idéal, puisqu'elles ne de-
vraient pas dépasser un nive.m commun.
Sans ce>ser d'admirer les chefs-d'œuvre de l'art antique,
nous reconnaissons toutefois que nous ne devons pas nous
laisser entièrement influencer par eux. Mais il nous est loi-
sible de nous servir des moyens qu'employaient leurs au-
— 155 -^
leurs pour exprimer de grandes choses, différentes de celles
que disaient les anciens, tout en nous gardant de nous appli-
quer un idéal qui n'est point le nôtre.
Nous admettrions volontiers que Ton accordât à Télude du
nu une moins grande importance, et que Ton enseignât
mieux Tétude de la couleur aux peintres, car, contrairement
à ce qu'on accepte trop i'acilement pour vrai, Ton peut deve-
nir coloriste, ou du moins harmoniste, par Téducation de
Toeil toutes les fois que cet organe est dans son état normal,
et l'on peut apprendre à composer TeiTet d'un tableau.
Quand même on aurait naturellement les meilleures apti-
tudes pour être artiste, il est nécessaire d'apprendre à voir
et à bien voir, et c'est pour cela que les écoles de beaux-arts
sont nécessaires. Elles le sont, non point pour enseigner
l'art, mais les principes, les bases sur lesquelles tout art
s'appuie et la méthode qui sert à ne point s'en écarter, en
nous exerçant à reproduire la nature chacun selon notre
tempérament.
On s'est encore servi de cet argument contre ces écoles,
que tous les grands artistes furent profondément indivi-
duels. Par exemple, dans ce que l'on a dénommé assez im-
proprement l'école anglaise, on a cité Gainsborough, Cons-
table, Reynolds, Lawrence, Hogarth, ïurner, Romney, qui,
à eux seuls, représentent toute l'ancienne école des peintres
de la Grande-Bretagne.
Il est pourtant vrai de dire, comme nous l'avons fait, que
Reynolds, Lawrence, Gainsborough et tous les portraitistes
anglais, plus ou moins, mais ceux-là surtout, s'inspiraient
de Van Dyck et de Rubens, et Turner de même pour Claude
Lorrain dont il fut un imitateur plus ou moins déguisé. Res-
tent Hogarth, moraliste mais pas peintre, se servant de la
peinture comme il se fût servi de la parole, pour représenter
une morale en action, et Romney, dont le réalisme s'est ins-
piré de la vieille école flamande.
Les Anglais, race peu artiste, ont toujours procédé par
— 156 —
imitation, comme dernièrement encore les préraphaélites
avec, à leur suite, Madox Browne, Burne Jones, Rosselti,
etc., procédant de Tart italien primitif.
Chez leurs peintres contemporains il y a, pour un grand
nombre, anarchie ou imitation; les individualités ayant quel-
que valeur sont rares, presque absentes.
On a cité comme argument contre renseignement de
notre Ecole des beaux-arts, les romantiques de 1830 et les
hommes de génie qui brillèrent ensuite : Corot, Delacroix.
Millet, Diaz, Courbet, Théodore Rousseau, Barye, Troyon,
Daubigny, en faisant observer que pas un d'eux ne sortait
de cette école.
On trouve pourtant facilement d'autres noms illustres à
opposer à ceux que nous venons de citer : Ingres, Hippolyte
Flandrin, Bouguereau, Hébert, Henner, Delaunay, Achille
Benouville, Gustave Boulanger, Baudry et tant d'autres qui
se formèrent à cette école.
Constatons en terminant que chaque art a sa langue qui
lui est propre. On ne saurait bien parler cette langue si Ton
n'en a pas d'iibord étudié la grammaire.
— 157 —
BIBLIOGRAPHIE
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Babeau (Albert), correspondant de Tlnstitut : Le Louvre et son histoire.
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189i.
ViARDOT (Louis) : Les Muaées d'Angleterre.
Hi'ARD (C.-Lucien) : Les Musées chez soi.
ERRATA
Page 4, ligne 23, au Heu de DefTaud^ lire DelTand.
Page 7, ligne 29, au lieu de Remigins, lire Reinigius.
Page 27, lignes 26 et 27, au lieu de Sicara, lire Sisara.
Page 30, ligne 21, au lieu de modèle, lire modelé.
Page 43, ligne 11, au lieu de Daniel Wilkie. lire David W'ilki«.
Page 62, ligne 27, au lieu de enroulée, lire entourée.
Page 91. ligne 10 des notes, au lieu de Ibbetson, lire Ibbertson.
Page 95, ligne 17, au lieu de dans un genre, lire dans ce genre.
— 158 —
IITIDEi2C
Les lettres R. A. indiquent les membres de la Royal Academy.
Les chiffres renvoient aux pages.
Adains (J. C), 137.
Aikman (W), 68.
Alexander, 148.
Allan (sir William:- U. A., i:iO, 148.
Alma-Tadema (L.) H. A., 145.
Allston (W.), 104.
Arches (W.), 147.
Aumônier (J), 137, 148.
BarkerlT. J. H), 58, 131, 136.
Barlow (Fr.), 145.
Rarnard (F.), 133.
Barye, 156.
Barry (J.) R. A., 81, 82, 83, 88, 110.
Barret (G.) R. A , 147.
Batten (John), 138.
Baudry (P.), 156.
Beechey (sir W.) R. A., 85, 110.
Beechey (sir G.), 85.
Beck (D.), 63.
Beerstraeten, 65.
Benedetto Gennaro 64,.
Bennets (W.), 147.
Benouville (Ach.), 156.
Bentley (C), 147.
Becge (Delà), iœ, 121.
Bird (Edward) R. A., 130.
Bonnat, 58.
Bonington, 58, 96, 105, 106, 107, 110.
Botticelli, 119, 126.
Bougton (G. H.), 134.
Bouguereau, 129, 145, 156.
Boulanger (G.), 156.
Buckshorn, 66.
Burnes (Jones), 124. 125. 196, 138,
156.
Burgess, 133.
Buss, 107.
Blake (mistress), 73.
Blake ( W), 81. 85. 87, 1 10, 122, 146.
Brait hwaite-Martineau, 132>
Bramley, 135.
Brangwin (F.), 139.
Brett (H. J.), 140.
Briton Rivière R. A., 140.
Brown, 148.
Calderon (Ph.) R. A., 133.
Callcolt (sir A. W.) R. A., 98, 110.
Carpaccio, 126.
Cattermole, 142.
Gazin, 150.
Collier, 138.
Collins (W.), R. A, 103, 110.
Conslable (J.) R. A., 58, 95, 96, 97,
98, 110, 113, 155.
Cornelisz (le vieux), 62.
Corot, 137,156.
Cook (S.), 147.
Cotman (J. S.), 99, 110, 145, 147.
Cowen (W.). 147.
Cox (D.), 147.
Cooper (Th. S.) R. A., 108, 139.
Cozens (J. R.), 95, 145, 147.
Chalon (J. J.) R. A , 147.
Chambers (G.), 147.
— 159
Chéron (Louis), 66.
Chardin, 86.
Claude Lorrain, 93, 94, 149, 150.
Cleunel (L ), 147.
Courbet (Gustave), 117, 156.
Crawhal, 140.
Cresswick (Thomas), R. A., 108, 110.
Cristal! (J.), 146, 147.
Crome (J. B.), 90,104, 110.
Crome (Old), 90, 110.
Cruikshank (G.), 147.
Chevalier Taylor, 138.
Christie, 135.
Dahl (Mich.), 68.
Daubigny, 137, 156.
David (Louis;, 112.
Dawy, 148.
Dayes (E.), 147.
Delacroix (Eiig.), 99, 106, 130, 153,
156.
Delaunay, 156.
Denner (Balthazar), 68, 121, 141.
Desgo(res(BI.), 141.
Desportes, 66.
Diaz (N.), 156.
Dicktnans, 131.
Dixon, 66.
Dobson (W.) R. A.. 64.
Dodd (A. C), 137.
Dorrel (E.), 147.
Duval (Ph.), 66.
E
East, 148.
East-Lake (C. Lock sir) R. A.^ 130.
Edema, 65.
Edridge (H.), 147.
Edwards (Edward) R. A., 95.
Eikart, 73. '
Ellis (Edwin), 137.
Engelbrechtsen, 62.
Erskine Nicol, 132.
Etty (William) R. A., 102, 103, 110.
Faed (Th ) R. A., 132.
Falconer Poole R. A., 129.
Ferg (Paulus), 68.
Fielding (Copley), 146.
Fild iL.), 133.
Fisk (W. H.). 118, 119.
Forbes (S. A.), 139.
Fuge (James), 147.
Fusely (Henri) R. A., 82, 88, 98,
110.
Fiandrin (Hip.), 156.
Gainsborough (Th.) R. A , 58, 6:^,
74,77, 78, 80,81, 85. 90, MO, 113,
115, 140, 155.
Gandy (James), 63.
Gaspars, 66.
Gaskyn (A. J.), 138.
Gawdie (sir John), 66.
Geldorp (G), 64.
Gentileschi (Hor), 64.
Gericanlt, 89.
Gervas (Ch.), 68.
Gibson (les), 66.
Gibbs (H).. 140.
Gigoux (Jean), 58.
Gilbert (sir John) R. A , 1^3.
Gilpin (W. S.), 147.
Girtin (Thomas), 94, 145, 146, 147.
Giehn (de), 138.
Goodal (Fred.) R. A.. 129.
Gotch (Th. Cooper), 134.
Gleyre, 128.
Glover (J.). 147.
Graham (Peter), 148.
Graham (Thomas), 140.
Graham (John), 100.
Grant (sir Francis) R. A , 134.
Gravelot, 80.
Green (M. C), 133.
Greenhill, 66.
Gregory (M. E. J.) R. A., 134.
— 160 -
Griffier (Jean et Robert), fi5.
Gros (J. A.), 106.
Hacker. 135.
Hague (Louis), 143.
Haniillon (sir W.), 140.
Hanneman (Aiirian), 63.
Harding (J. D), 147.
Hardy (T. B). 140.
Hare de Glazebrouk, 135.
Hawel (W.), 147.
Haynard,133.
Hayman ^Fr.) R. A , 68.
Hearne (T.\ 145, 147.
Hcrkomer (II j, 134, 145.
Hébert, 1«).
Heere (I.ucade), G2.
Henner, 156.
Hilliard (N.). 62.
Hills(R.), 146. 147.
Hine (Harry), 148.
Hoock (.ï. G.) R. A., liO.
Holbein {U.\ 61.
Holl (F.), 134.
Hondius (Abr.), 65.
Honlhorst (G.). 64
Hopkins (A.)i 1<H.
Hoppner (John), 87, 110.
Hoppner (L.), 58.
Hogarth (W), 63, 69, 70, 74, 78,
100, 110, 113, 150, 155.
Horrebout (G. L.), 61.
Holworthy (J.), 147.
Howard, 130.
Howit (S ), 1i7.
Howland Beaiiinont (sir Georges)
R. A., 84. 110.
Huet (Paul), 106.
Hudson (Th ), 68.
Huiit ru.), 118, 119, 120, 121, 122,
126, 148.
Hunt(\V.),147.
Hunier (Colin) 140.
Hurlstone, 109, 110.
Ibberlson (J. G.), 87, 88, 410, 147.
Impériale. 72.
Ince (J. M.), 147.
Ingres, 156.
Jameson (G.), 63.
Johannot (Tony), 86.
Jones (G.) R. À.. 130.
Kale (Cornelis), 62.
Kate Rurne ^miss), 138.
Keerink (Jacob;, 64.
Kpnt :W.),67.
Kennet, 142.
Knapton (G.\ 68.
Kneller (Godefroy et Zacharie), 67.
Ladbrooke (Henry), 109.
Ladbrooke (R), 109. 110.
Lafosse (Ch. de), 66.
[>aguerre (Louis), 67.
Lambert (G.), 147.
Lance (G.), 107, 110.
Landseer (sir Edwin) R. A., 9i,
110.
Largillière (de), 56.
Lavery, 135.
La Thangue, 138.
Lawrence (sir Thomas) R . A , 63, 85,
90, 91, 92, 106, 110, 113, 115, 140,
155.
Lawson (Cecil), 137.
Lefèvre (Claude), 66.
Lefcvre (Roland), 66.
Legros, 150.
Leigton (lord F..), 129.-
LesHe (Ch. Robert) R. A., 104, 105,
110,137,140.
Leslie (G. D.), 135.
Lessore, 151.
— 161
Lewis (Ch.), 137, -147.
Lieven.s, 64.
Lindner MolTat, 139.
Lindner, 140.
Linnel, 137.
Lippi (Pr.), 119.
Liverseege (H }, 146, 147.
Lorimer, 135.
Loiidan (Jack), 135.
Lhermann, 148.
Maas (Oirck), 65.
Mac Kevvaii, 142.
Mac Leay, 1 42.
Madise(r)aniel,R. A .101, 108, 110.
Madox Urowne, 124, 125, i'iô.
Maisey (T ), 147.
Mark (Gérard), 62.
Martin (D.). 73, 86.
Martin (John), 104. 110.
Marlins (le chevalier de), 140.
Metzu, 133.
Mignard (Paul), 66.
Miles (Franck), 137, 140.
Millais, 140.
Millais fJohn-Everet) R. A., 1^,
137, 138.
Milles (Solon), 151.
Millet. 156.
Monticelli, 94.
Mor ou Moro (Antoine), 62.
Morgan (Ev. de), 138.
Mpnnoyer (J. B.), 66.
Moreil-I^deuil, 151.
Morland (George), 81, 88. 89, 90,
110.
Morris (P. R.), 134.
Mulready (W.) R. A., 101, 102, 110.
Morillo, 149.
Mutens (Daniel;, 63.
Naish (J. G), 140.
Napier (G.), 140.
Nash (F.), 147.
Nasmyth (Peler), 103, 110.
Nattes (J. G.), 147.
Netscher (G. et T.), 66.
Nichelson (F.). 147.
Northcote (James) R. A, 83, 110.
Oliver (I ), 62.
Oliver (W ), 147.
Opie (John), R. A,. 88,80, 110.
Orchardson (W. Quiller), 132, 133.
134, 145.
Otto-Venins, 115.
Oulcss (W.) R. A., 134.
Owen (G.), 147.
Owerbeck, 116.
Paris (Jean de), 62.
Parmentier (Jacques), 66.
Parton (Ernest), 137
Parsons, 148.
Payne(W ), 145.
Peàcock (Ralph.), 134.
Pennl (Luca), 61.
Pettersen, 148
Petlie (sir John) R. A., 133.
Pesne (Ant.), 66.
Pickering (J. L.). 137.
Pinwell (G. J.), 134.
Pocock (N.), 147.
Poëlenburg (G.), 64.
Pot (Hendrick), 64.
Powel-Frilh (M. W.), 133.
Powel (J.). 147.
Povnter ^sir Edward), 129, 130.
Philips (G. F), 147.
Poussin (Nicolas), 149.
Princeps (W), 128.
Prout (Samuel). 147.
Puvis de Ghavannes, 125.
Pyne (V. H), 147.
— 162 -
k
Raeburn (sir Henry) R. A , 86, 87,
110.
Rainey, 148.
Ramsây (Allan), 72, 74, 76, 110.
Raphaël et son école, 117, 118.
Reid (John R.), 135.
Rcinagle (Ph.) R. \ ,TA.
Reynolds (sir Josuah) H. A., 58, 63,
72, 75, 78. 81, 00, 91, 110, 113,
115,140,149. 155.
Rembrandt, 67, 99, 133.
Richards (John Inigo) R. A., 140.
Richjirdson (J.), 68.
Rigaud sir F.) R. A., 147.
Riley (John,, 06.
Roberls (David) R. A , 105, 110.
Robson (G F.}, 146, 147.
Romney (G.), 80,110 155.
Rooker (Mich. Ang ) R. A., 1 45, 147.
Rossetti (Dante Gabriel) 125, 127,
128, 156.
Roth, 73.
Rothenstein, 135.
Rough (G.). 147.
Rousseau (J ), 66.
Rousseau (Théodore), 137, 156.
Rowlandson (T.). 147.
Rubens [V. V ), 63, 67, 113,141,149.
Ruysdaël, 150.
Sadlcr, 66.
Sandby (Paul) R. A.. 147.
Sandrart, 64.
Sargent, 145.
Saustin, 147.
Seghers (Gérard), 6t.
.Serres (D. M ) R. A ,147.
Singleton, 130.
Soliniène, 72.
Solomon. 13(>, 138.
Southall, 138.
Schadow, 116.
Scott (David). 130.
Shannon (Ch. H.), lai.
Shelley (S.), 147.
Shepphead (G. W.), 147.
Sherwin : J. K.), 147.
Sinirke R.) R. A., 83, 84, 110.
Sinylhe (Lionel). 139.
Stanley (W ), 147.
Stark (Jamesj, 99, 105, 110.
Stevens (Palaniède), 64.
Soesl (Gérard), 66.
Stokes (Adrien', 139
Stoop (Dick), 65.
Stone (H.), 6:^.
Slone (Marcus}, 13i.
Slolhard (Thomas) R. A., 85, 86,146.
Strudwick, 138.
Swan, 139.
Tayler (V. B. S.}. 147.
Terburg ,Gérani), 64, 133.
Tilson (H.), 66.
Titien ( Vecelli, dit le), 76, 91, 149.
Tissot (James), 119.
Todd (J. G.), 137.
Tomson, 137.
Torrentius, 64.
Toto délia Nunziata, 61.
Turner (J. M. W.) R. A.. 58, 92,93,
94, 95. 110, 113, 115, 116, 124.
146. 147, 155.
Thornhill (James), 67, 71.
Tronillebert, 144.
Troyon (G ). 137, 146,
U
Uwins (Thomas) R. A , 98, 110.
Vanderbanck f Jean , 68.
Van Rloemen (N.), 65.
Van Geulen (Cornelisz Janson), 02.
Van Cleef, 62.
463 —
Van Dyck, 63, 65, 75, 78, 91, 113,
140, 141, 149.
Van Dyck hollandais (le), 73.
Van der Eyden, 66.
Van der Faés, 65.
Van Heemskerck (Egbert), 65.
Van Hoogstraëten, 65.
Van Huysum, 65
Van Lemput (Remigius), 63.
Van Loo {J. 13.), 66.
Van der Meulen (Pierre), 65.
Van Ostade, 99.
Van der Flaas, 65.
Van Reyn (J.), 63
Van Somer (P.), 62.
Van Slalbent, 6i.
Van de Velde (Pierre), 62.
Van de Velde (Wilhelm:, 64.
Varley (C), 147.
Varley(J.), 147.
Velasquez, 68, 149.
Verelst (S. el «.), 65.
Véniel (Horace), 131, 134.
Vernet (Joseph), 74.
Vernon (A. L.), 136.
Verrio, (Ant.), 67.
Veesop, 63.
Vesperies, 73.
Vicat Cole, 137.
Vigée-Lebrun (M-«), 81.
Vincent (George), 108, 110.
Vinkeboom, 64.
Wageman (T.), 147.
Walker (Fréd.), 133.
Walker (Robert), 64.
Wallon, 148.
Watteaii, 66.
Ward (James) R. A., 130.
Walerlow, 148.
Walson, 137.
Watts (G.) R. A., 126, 131, 139.
Weatley (F.), 147.
Wechte, 151.
Wels (W. F.), 147.
West (Benjamin) R. A.. 81, 82, 88,
104, 110.
Westail (R.) R. A., 90, 110, 147.
Wilkie (David) R. A., 86, 99, 100,
101, 110, 113.
Wilson (Richard) R. A., 74, 110.
Wissing, 66.
Woulers, 64.
Wright (Joseph) R. A., 105, 110.
Z
Zeeman (les), 65.
Ziiccarelli (F.) R. A., 74.
Zucchero (F.), 62.
LE
SAINT-SUAIRE DE BESANÇON
ET SES FÈXjER/IIiTS
Par M. Jules GAUTHIER
SBCRÉTAIRB DÉCENNAL
Séance du iS mai i893
Si, depuis deux raille ans, Besançon garde la réputation
d*une ville pittoresque, il le doit, surtout à présent, à son
heureux site, aux montagnes verdoyantes qui l'enserrent,
au Doubs qui le traverse et aux superbes rochers de sa cita-
delle, bien plus qu*à ses médiocres monuments.
Il n'en a pas toujours été de même et l'on peut juger du
tort que les transformations modernes ont fait ou font encore
à notre ville, en parcourant les peintures ou les estampes
qui nous ont conservé le panorama du vieux Besançon (1).
Sur ces plans la cité impériale apparaît, au temps de son
indépendance, partagée comme aujourd'hui par le même ré-
seau de grandes voies, maintenue par la même ceinture de
remparts ; mais ces remparts épaulés d'un grand nombre de
tours n'ont pas encore été nivelés par les inflexibles calculs
de Vauban ; ces voies sont bordées de maisons étroites à pi-
gnons et k tourelles élancés, construites moitié de pierre,
moitié de bois. Des fontaines et des puits sont creusés de
il; Voir Dotamment les gravures de irv2 (Munster), de 1575 (Hogeii-
berg) 1618 (Spirain), les tableaux de Kvlô (S. Bruley). 1(529 (N...}, Ift»
(Bourrelier}, ces derniers conservés au Musée archéologique de Besançon.
— 165 -
distance en distance, au milieu ou au bord des rues, pareils
aux puits et aux fontaines que Berne, NeuchAtel, Fribourg
gardent encore. Sept églises, vingt-cinq chapelles de cou-
vents, d'ermitages ou d'hôpitaux, sept ou huit palais, de
hauts donjons flanquant des demeures féodales, élèvent au-
dessus des maisons particulières une masse de hautes toi-
tures brillantes, de clochers et de flèches sans cesse ébran -
lées par d'innombrables sonneries. Au pied de la montagne
que l'antiquité avait appelée le Mont Coelius, en la couron-
nant d'un panthéon, la ville municipale vient s'arrêter de-
vant l'arc de triomphe de Porte Noire, qui sert de seuil et
de clôture à la ville ecclésiastique, c'est-à-dire au chapitre
métropolitain.
Entre les deux cathédrales, Suiut-Jean, construit à la base
de la montagne près des cloîtres du palais archiépiscopal, et
Saint-Etienne, bâti sur l'acropole, auprès des ruines d'un
temple romain, s'étage tout un quartier sur les bords du che-
min raboteux qui monte en serpentant à travers les flancs
du Coelius. Arrivé au sommet, à l'endroit précis où s'ouvre
maintenant l'entrée de la Citadelle, une esplanade s'étend
entre le clocher de la cathédrale Saint-Etienne et les deux
églises de Saint-André et de Saint-Michel occupées et des-
servies par des suppôts du chapitre. Du cimetière avoisinant,
dont l'emplacement dominant la ville et regardant le nord,
rappelle le cimetière fameux qui domine Florence et sur-
veille l'Apennin des hauteurs de San-Miniato, la vue em-
brasse un horizon superbe et immense, ouvert sans limite
vers le confluent de la Saône et de l'Ognon.
Pénétrons dans cette seconde cathédrale ; aussi vaste que
celle de Saint-Jean, elle comprend, outre trois nefs, une dou-
zaine de chapelles, un transept et une abside éclairée par les
rayons du soleil levant. On y compte par centaines les tombes
et les épitaphes des archevêques et des chanoines, obligés,
par la coutume, de flxer leur sépulture dans celle des deux
basiliques dont les portiques sont plus voisins du ciel. La
— 466 —
décoration de cette église, la plus célèbre, la plus ancienne
et Tune des plus belles de la région, est digne de ses ori-
gines.
Entre Saint -Etienne et Saint -Jean, quarante-cinq cha-
noines, appartenant à l'aristocratie de la naissance ou de
Tesprit, vivent et circulent, desservant tour à tour chacune
des deux églises. Des revenus suffisants puisés dans les
vastes domaines dont ils sont seigneurs prébendiers, des
distributions Journalières de pain et de vin fournies par les
greniers et les celliers capitulaires, assurent leur existence.
Isolés chacun dans une habitation particulière, nantis, outre
leur prébende, de quelque gros bénéfice, obtenu par d'heu-
reuses influences, ils sont aidés dans les otfices canoniaux
par tout un essaim de chapelains, de familiers, de chantres et
dechoriaux, qui, avec le personnel de Tarchevéché, complè-
tent la population de ce quartier ou plutôt de cette ville ecclé-
siastique.
En face de la ville municipale, où, dans Thôtel consiste-
rial siège un conseil de vingt-huit co-gouverneurs élus, le
chapitre métropolitain se dresse fièrement, prêt à supporter
le choc du flot démocratique qui bruit aux pieds de la mon-
tagne.
Longtemps l'archevêque et Téglise de Besançon ont été
les seuls seigneurs de la cité; mais, depuis le xiii* siècle, où,
par Tappui bienveillant mais non désintéressé des empe-
reurs, la commune naissante a reçu ses premières franchi-
ses, l'église et le peuple, l'hôtel de. ville et le chapitre ont été
sans cesse en guerre. De même que de pôles contraires se
dégage un courant magnétique, de même de celle hostilité
permanente de la commune et des chanoines sans cesse en
contact ou en lutte, résulte une vie intense et une activité
souvent féconde en résultats excellents, quoique inattendus.
Tout était matière à querelle, tout devenait matière à ré-
conciliation et à rapprochement. Les fléaux, les calamités pu-
bliques, réunissaient maintes fois, dans une action commune
— 167 —
et une union sincère, les ennemis de la veille. En temps de
guerre, chanoines et citoyens gardent les remparts, et This-
torien Girardot de Nozeroy raconte qu'il prit plaisir à voir
les prêtres, en robe courte, porter gaiement et d'un air résolu
le mousquet de soldat. En temps de peste, les chanoines,
non contents de provoquer des prières et des processions
publiques auxquelles les bourgeois s^associent sans absten-
tion, distribuent des secours, paient les médecins et les
fossoyeurs.
Enfîn à toutes les fêtes, grandes ou petites, les deux ca-
thédrales rivalisent pour faire entendre aux Bisontins soit la
meilleure musique, soit les plus longs sermons, et ce qui
plaît davantage encore au populaire, pour ajouter à TofQce
régulier des plus grandes solennités quelqu'un de ces
drames liturgiques, qui ont été dans notre vieille Gaule le ré-
veil des représentations théâtrales.
C'est ainsi que, durant la Semaine sainte et à Pâques, le
drame de la Passion et celui de la Résurrection sont repré-
sentés dans nos mères-églises avec un grand luxe d'orne-
ments et de décors; qu'à l'Annonciation l'Ange Gabriel, un
enfant de chœur muni d'une paire d'ailes, descend attaché
par une corde à travers la grande voûte de Saint- Jean, pour
venir réciter à la Vierge modestement agenouillée, les mys-
térieuses paroles de VAve Maria. A l'Epiphanie, les Rois
Mages, dont Tun transformé en nègre eut toujours les pré-
férences de la foule, apportent leurs présents à la crèche du
Sauveur en chantant des hymnes farcis de latin et de français
qui deviendront plus tard des Noëls. Enfin, au jour des Saints
Innocents, après l'occupation tumultueuse des hautes formes
des stalles par tout le personnel du bas chœur ichoriaux,
familiers et chantres), toute une cavalcade, étrangement
costumée, de chanoines, de chapelains et d'enfants de
chœur, escorte, à travers les rues de la cité, le pape, le
cardinal, l'évêque et l'abbé des fous, en chantant ce verset du
Magnificat: Deposuit poientea de sede..., qui restera la for-
— 168 —
mule démocratique jusqu'à la consommation des siècles '4).
Ce fut une représentation de ce genre cjui, en 1523, donna
naissance à une dévotion populaire qui devait, durant près
de trois siècles, jouir en Franche-Comté et même au dehors
d'une faveur prodigieuse
Au mois de mars de cette année, le chapitre de Besançon,
désireux de faire représenter le mystère de la Résurrection
aux prochaines fêtes de Pâques, en rétablissant une coutume
tombée dans Toubli, envoyait chercher à Dijon le texte de ce
Mystère liturgique. Quelques jours après, par Tordre des
chanoines, on faisait confectionner un coffret muni d'une
triple serrure et d'une triple clé, pour renfermer, dit notre
plus ancien texte « le suaire ou linceul qu'il était d'usage de
montrer en représentant le mystère du jour de Pâques », et
l'on donnait au marguillier, chargé de sa garde, Tordre de ne
jamais montrer ce suaire à personne, sans la présence de
deux ou trois membres du chapitre.
D'où venait ce suaire, qui n'est mentionné nulle part dans
les plus anciennes chroniques de la cité et qui, en 1523, n'é-
tait encore considéré que comme un accessoire utile du
drame de la Résurrection ?
L'histoire est muette, une tradition prétend qu'on l'avait
retrouvé, par hasard, d.^ns un recoin de sacristie d'une des
cathédrales ; en tous cas le premier document authentique
qui le mentionne est celui que je viens d'analyser {%.
Au moment où l'assistance, pénétrée d'une religieuse émo-
tion, voyait les saintes femmes pénétrer dans la grotte du
Saint-Sépulcre et où un ange apparaissant en pleine lumière
leur montrait le tombeau vide et prononçait les paroles :
Surrexit, no?i est hic, deux ou trois acteurs, des apôtres ou
disciples, déployaient et montraient au peuple le suaire du
(1) Voir La Fête cUis Fous au chapitre de Besançon, par J. Gauthier
(Bull, (le l'Académie de Besan.on, 1876-1877).
[2) .rai donné ce texte dans mes Notes iconographiques sur le Saint-
Suaire de Besançon (Bull, de l'.Vcad., 1884).
Société J'iimulalioii du Doubs, 1902.
PI. !
^ £•£ fnt*foiuu?i fins 3'irj3r ^rt in temvQre (icuLili^ non frit
SAINT-SUAIRE DE BESANÇON
Gravé, vers 1630, pour une confrérie italienne, par Pierre de Loisy. |
(Coll. de M. l'abbé P. Brune.)
Socictc d'Emulation du Doubs, \*)o2.
pDXEVQVlIlAN^LE-iArKCT ^V^IJ^E AV Q,VrL VOS-TJKi:
SAQ^E CoKtS' Os^TB VZ LAl CIKQXXFVT ENVELOfTB PaJV-
JOSEPH'DAKmATîE'NoVS'AyEZ LAISSE LE^ fAAKQVFS
PEVDirrp.E SAUCTEfAS'SrTQHCOHcBVtZ MCfVS' MlSSfXcO'^
VllVS^MEKTO/B PAR VOS'TPvE MORTic^EPVXTVJMHOVJ'
? VEiTioKy abX^/'BRa la at o ipjr m la PxRTVrbj c tiqn çvî
V[VlZVBJ!XiNEZ AVEC 1.Î PEPvJ SCLE SAIMCT ÏSMITT
las>^^i>^cte oraiyon Delturance $>uiie AtttencTUf^totre
IMAGE DE PÈLERINAGE DU SAINT-SUAIRE DE BESANÇON
Cuivre original, gravé par F. CLtRC en ]68S.
(Coll. de M. l'abbé P. Brune.)
r:.r
\'if\C
— 169 —
Sauveur, une fine toile de lin, longue de huit pieds, large de
quatre, sur laquelle était reproduite en jaune pâle Teffîgie du
corps divin. Cette ostension terminait le Mystère, et le peuple
s'écoulait, recueilli, hors de rêglise, non sans avoir offert,
pour les frais de la cérémonie, quelques menues aumônes,
entre les mains des fabiiciens ou marguilliers.
La représentation du 5 avril 15'23 avait eu un prodigieux
succès, on la recommença à l'Ascension suivante, puis le
3 août, jour de Tlnvention du bras de Saint-Etienne, en déci-
dant qu'à l'avenir on la renouvellerait trois fois l'an à pareilles
dates (1^
C'était Theure où la Réforme, audacieusement prêchée en
Allemagne, commençait à gronder aux frontières de la Fran-
che-Comté et à grouper tous les ambitieux, les déclassés ou
les mécontents de la Souabe, de l'Alsace et de la Lorraine ;
la guerre des Paysans commençait. Une de leurs bandes vint
se faire écraser à Ternuay, au pied des Vosges, par la no-
blesse comtoise, que l'énergique appel de Philiberte de Lu-
xembourg, princesse d'Orange et gouvernante du pays, ainsi
que du clergé bisontin, avait armée. Mais les idées nouvelles
germaient partout et presque partout gagnaient du terrain ;
Bâle, Neuchâtel, Montbéliard étaient de gré ou de force en-
traînés dans l'hérésie ; un cercle de fer étreignait la province
et semblait devoir l'étouffer. La volonté inflexible de l'empe-
reur Charles-Quint, rigoureusement traduite par le bras de
ses lieutenants et les édits du parlement de Dole, le dévoue-
ment obstiné des Bisontins et des Comtois à leur souverain
aussi bien qu'à la religion de leurs ancêtres, la fermeté des
archevêques et de leur clergé triomphèrent, après cinquante
années de lutte, des tentatives dix fuis renouvelées, des in-
trigues sans cesse entretenues des pi-édicants et des hugue-
nots allemands, français et suisses. Mais, chose étrange et
(i) Celle délibération du 8 uoùt 15*2I{ est insérée dans le même travail,
p. 6.
12
— 470 -.
qui n'avait pas encore été relevée, le suaire mystérieux re-
trouvé à Saint-Etienne, inconnu hier encore et que déjà la
vénération publique nommait le Saint-Suaire et proclamait
une relique des plus insignes, devint le pivot de toutes ces
résistances, le bouclier qui préserva Besançon et, par lui,
tout le libre Comté de Bourgogne, de l'introduction d'une
Héforme dans laijuelle la conscience de nos aïeux n'hésitait
pas à reconnaître et à combattre une hérésie et un déshon-
neur.
Du moment où il fut considéré comme une relique, le
Saint-Suaire devait occuper une place des plus honorables;
on l'avait conservé jusque-là sous une triple clé dans la sa-
cristie de Saint- Etienne ; on le porta en 1528 dans la plus
belle des chapelles latérales, bâtie au côté droit du transept,
sous le vocable de saint Maimbœuf, par les comtes de Mont-
béliard de la maison de Montfaucon. Ornée de statues par le
chanoine Henri Garnier, qui Tavait dotée d'un retable, encore
existant il), fermée par des grilles dorées aux frais du cha-
noine Monlrivel, cette chapelle va devenir le sanctuaire le
plus fréquenté des deux Bourgognes. On place dans un ta-
bernacle spécial récrin d'argent armorié que le chanoine
Des Polols vient d'offrir pour renfermer la précieuse relique;
à ce moment, l'official de l'archevêque, le chanoine Léonard
de Gruyères, tombe gravement malade et demande comme
grâce suprême rpie le Saint-Suaire soit apporté dans sa de-
meure. On condescend à son désir, et sa guérison, partout ra-
contée, est réputée miraculeuse et achève de dissiper les
doutes que quehjues incrédules osaient encore exprimer (2).
Aussi, quand reviennent les jours d'ostension solennelle, les
pèlerins affluent. En 1533, à l'Ascension, 30,000 pèlerins
étrangers à la cité l'envahissent et les boulangers déclarent
(t) Ce retable, en pierre, style Renaissance, est encastré dans le collalé-
ral droit de la cathédrale Sainl-.Iean. derrière la chaire.
Ci) Déiib. ynunicip. de BeaançoHy 1535, p. 315.
- 171 -
qu'en vingt-quatre heures ils ont vendu 55,000 petits pains,
à un liard pièce (^).
Cette afïluence incroyable est pour la ville le signal d'une
prospérité sans exemple, pour le chapitre une bonne fortune
qui rehausse singulièrement sa réputation et son influence,
enfin, pour la foi qui se manifeste avec une ardeur crois-
sante, un stimulant des plus actifs.
La réconciliation au moins temporaiie des chanoines et
des citoyens met une trêve à lenrs querelles intestines, et
les gouverneurs de la cité, désireux d'atlirmer leur haine
des nouvelles doctrines, offrent en 1537 au U'»gat du pape de
recevoir à Besançon le concile général que Ton réunira bien-
tôt : ce devait être le fameux concile de Trente.
L'archevêque Antoine de Vergy, surpris dans son château
de Gy par une attaque d'apoplexie, invoque le Saint-Suaire ;
la paralysie cesse, et, bientôt, le prélat guéri vient en grande
pompe remercier Dieu dans sa cathédrale, où désormais une
statue orante conservera la mémoire de l'événement. Après
les gens du peuple, qui de toute part affluent aux jours d'os-
tension publique, les princes et les gentilshommes, les villes
et corporations qui obtiennent une ostension particulière,
se recommandent à leur tour à la protection du Saint-
Suaire (2).
En 15441a peste éclate, le Conseil communal se réunit et
voue la cité de Besançon, en suspendant auprès du Saint-
(1) Ce fut ce chanoine Léonard de Gruyère:», arctiidiacre de Salins, qui.
« inù par une dévotion particulière envers la l^')ssion », demanda que le
Saint-Suaire soit placé dans un endroit en évidence, proposant qu'on enle-
vât les statues de bois qui étaient placées sur Tautel de saint Maimbceuf et
qu'on plaçât dans Tintérieur du retable olTert par feu Henri Garnier la cas-
sette contenant le précieux linge [Délib. capital. ^ 31 sept. 4531).
(2; Pour ce détail et ceux qui suivent, consulter les Dèlibèralions capitu-
laires 1523-1590 (Archives du Doubs); — J.-J. Guifflkt, De linteis Sepul-
chralibus Christi servatoris ct'isis his'orlca, Anvers, I02t cl 1()S8; —
— IHjnod, IJiat. de l'Eglise de tiemnçoHy I7.ji). l, 4<)l-i25; — Vie des
Sainljf de Franche-Comté^ IV, 518.
— ITi —
^.J-•l.r•^'Jri•^ti.'^àa .1^ :.re -n r- -r ^^; \^ repr^^tsette. La pe-te
• •^f.^tr.t. ri.x ^"^r «r- cr.i.ri"- «ie ;^ -r. -^£ L.i r^>»ciiiti -séance
f:«:;r*:rrnr: •^■^i. 'i'r^r.avkn:. l^r -> olh. ti-rc^in rh.i jue anr^rre ses
j/.ear^e:* â--.r*îïî d iH- I-r- •: oi:re> e: .rf> r;«r^ de Sa^tit-Eîtenne.
P iur C'.r.t-r.T 1-^- p*^.»rr'.riS et ^.iri^fciire le ir pielé, rêglise
ca'.h'^Jri.e ►^rait J-ven^^e tr-p êtn:-ite: **n ojastniisit auprès
dj rlr:rierel '""ri'.f^ ;t flia? de iâ crij^e' e de Sainte Made-
i-^.fie, où t^-- dr-^r^'i-r.et ven lient d'ania:?:?er des trésors ar-
li-tiijues. une -orte de théâtre ou dtr vaste lemsse eo maçon-
H'/ne qui -er» it dr^^rmui- à l'exp^^^aioo du iinge merveilleux.
A piitirdr^ I5fli un ne le montm f^-ius que deux fois l'an, à
iViqu^'-i et le dirn.in.;ri»^ après l*A-oen>i»»D, dans la matinée.
Sur ce th»Vjtre oii r«»n a<'«é»Jjit |»ar un escalier depuis la cha-
pelle dr- Ciroud^iel, se pl.iraienl l'arc he\ èi|ue, les prélats
ou abbé.-», cb;jnoines et pers^jnnjges de mapjue, au milieu
ûf: chantres et musiciens. Entourée de cierges allumés, la
ca.-sette d'argent e>t exp^j^ée sur un autel : on ou\Te le re-
liquaire, trois chanoines développent la toile de lin et l'expo-
sent à tous les points de l'horizon, aux regards de la foule
rangée sur.la va>le esplanade, que Jean-Jacques Chifllet dé-
clarait merv._illeu>euienl préparée p4jur contenter tous les
spectateurs. Après une bénédiction donnée avec la relique, la
procession rentrait, dans l'église, on refermait le coffret à
triple serrure, qui reprenait sa place dans le tabernacle de la
chapelle de Saint .Mainibœuf 1 .
Jusqu'au jour malheureux où Vauban sacrifia la cathédrale
de Saint-Etienne au plan gigantesque qui devait faire de Be-
sançon une place de guerre de premier ordre, le cérémonial
de l'ostension publique ne varia pas, mais bien des circons-
tances la modilièrent ou l'empêchèrent. Epidémies, guerres,
(I; Un taliciriacL' décent avait été conslniit, en vertu de délibérations
i\u 7 janvier 15:U, dans ceUe chapelle, mais à côté de Tautel; ce n'est qu'en
ITilii, nous l'avons dit plus haut, que le Saint-Suaire prit place sur l'aulel
lui-môme {Délib. capilul., G liKi, Arcli. du Doubs).
— 173 —
craintes de surprise et de coup de main justifiées par le voi-
sinage de troupes étrangères, firent supprimer souvent cette
cérémonie et fermer la porte aux voyageurs venus de loin.
La piété des Bisontins trouvait d'ailleurs Toccasion de véné-
rer l'effigie sainte soit en fréquentant Tégiise Saint-Etienne
et la chapelle de Saint-Maimbœuf, soit en profilant des os-
tensions particulières pour contempler le Suaire devenu le
palladium de la cité et du diocèse tout entier. La dévotion
des étrangers pouvait élre contentée à son tour, et par des
médailles, des patenôtres, des couronnes, ou des étofTes
qu'on faisait toucher au Saint-Suaire et, à partir du xvii* siè-
cle, par des enseignes de pèlerinage, gravures sur .^oie, sur
toile ou sur papier, reproduisant la sainte image. J*ai re-
cueilli naguère et publié tous les détails de cette pieuse ima-
gerie, dont les échantillons deviennent rares et méritent de
prendre place dans nos grandes collections publiques; j'en
parlerai donc rapidement (l).
En 1573, un religieux comtois, familier de TEscurial, vou-
lut offrir à Philippe II une copie du Saint-Suaire de Besan-
çon ; un peintre nommé Pierre d'Argent l'exécuta en peinture
à l'huile, et son émotion fut telle, au dire de Jean-Jacques
Ghifflet, qu'éblouis, ses yeux ne purent distinguer le modèle
et le reproduire qu'après l'audition d'une messe. Quand la
fille de Charles-Quint, Marguerite de Parme, traversa le
comté de Bourgogne pour aller prendre le gouvernement des
Pays-Bas, d'Argent fit une seconde copie offerte à la princesse
par le cardinal Claude de La Baume. Les Granvelle. les Chif-
flet, multiplièrent ces copies, si bien qu'un beau jour, en
1608, le chapitre, craignant de les voir réputer pouroriginales,
défendit d'en faire de nouvelles et confisqua dans l'atelier du
peintre tous les poncis et toutes les peintures. Mais la gra-
vure en taille douce, et plus tard la gravure sur bois, multi-
(1j Se reporter à mon Iconographie du Saint-Suaire, où l'on trouvera
de plus grands détails et quelques types dMmages pieuses.
— 174 —
plièrent bientôt, sans inconvénient, des images plus porta-
tives ; exécutées par des graveurs dont nous connaissons les
noms et dont nous possédons les œuvres, Pierre et Jean de
Loisy, Benoit Clerc, Labet, et d'autres encore, ces estampes
eurent une vogue et un débit immense et grâce aux pèlerins,
se répandirent au loin. Elles répondent toutes, aussi bien que
les médailles d'argent, de laiton ou d'étain confectionnées
par nos orfèvres, aux types suivants empruntés, j'en suis
convaincu, aux estampes éditées à Turin vers 1625 en l'hon-
neur du Saint -Suaire turinois, provenant, on le sait, de Cham-
pagne par la maison de Charny (I). Tantôt trois chanoines,
dont l'un mitre, revêtus de chapes, tiennent étendu le linceul
qui enveloi)pîi le Christ. Tantôt, et ce sont les modèles les
plus anciens, sept personnages disposés comme ceux qu'on
rencontre dans les sépulcres sculptés du xv* et du xvi* siècles,
la Vierge, les saintes femmes, saint Jean, Joseph d'Arima-
thie et Nicodème entourent et soutiennent le Suaire déve-
loppé. Quelquefois la fantaisie de l'artiste a remplacé tous
ces personnages par des anges, des religieuses, ou a sup-
primé complètement les porteurs, en créant des gravures de
toutes dimensions, munies généralement, en contre-bas, de
quelque oraison française ou latine plus ou moins sommaire.
Du jour où la presse les eut distribuées par milliers, ces
images furent emportées à tous les vents, comme les feuilles
d'automne ; tous les foyers en possédaient suspendues à la
place d'honneur ; on en trouvait dans les anneaux de fian-
çailles, on en plaçait dans les cercueils sur la poitrine des
morts. Quand Dole fut assiégé en 1636 par Condé, on arbora,
sur le clocher de l'église Notre-Dame, un étendard gigan-
tesque reproduisant le Saint-Suaire ; quand, en 1637, la
même ville fut envahie par la peste, cinq des images irapri-
(1' La collection iconographique que j'ai formée aux Archives déparle-
mentales du Doubs renferme deux gravures sur soie, représentant le Saint-
Suaire de Turin, au début du xvir siècle. - Voir, sur le Saint-Suaire de
Turin, J.-J. Chifflet, De linteia.
— 175 —
mées, bénies par le contact du Suaire original, furent affi-
chées aux portes et au centre de la ville pour en chasser la
contagion W. Dans les couvents de femmes les religieuses,
habiles à manier Taiguille, encadraient, dans de riches orne-
ments d'or et de soie, des images du Saint-Suaire tirées en
couleur sanguinolente et brodaient ces fameuses écharpes
qu'on réservait pour les offrir aux plus illustres pèlerins (2).
La Franche-Comté avait pu échapper aux menaces dont le
xvi« siècle avait été si prodigue envers el?e, seule, l'invasion
successive de Tremblecourt et d'Henri IV lui avait appris
tout ce qu'elle pouvait craindre de ses plus redoutables voi-
sins ; le xvii" siècle devait cruellement confirmer cette ex-
périence. Heureusement commencé sous le gouvernement
bienfaisant et léparateur de l'archiduc Albert d'Autriche et
de l'Infante Isabelle-Claire-Eugénie, il lui avait donné pres-
que trente ans de paix quand la peste de 16^29, suivie d'une
guerre de dix années, qui devait consommer sa dépopula-
tion et sa ruine, commencèrent la série de ses malheurs. Les
pèlerinages et les ostentions solennelles du Saint-Suaire
continuaient sans interruption. Les dons précieux, tapisse-
ries, vases sacrés, ornements de velours et de soie couverts
de riches broderies d'or affluaient à Saint-Etienne pour le
service de la chapelle de Saint-Mai mbœuf. Les archiducs
avaient fait les frais d'un jubé entièrement construit de
marbre noir et rouge, dont les bas-reliefs, les ornements
et les inscriptions sur marbre blanc étaient l'œuvre d'un ha-
bile sculpteur champenois. Sur ce jubé, qui coûta plus de
10,000 francs (50,000 francs de notre époque), on devait dé-
sormais déployer hors de toute atteinte le Saint-Suaire pour
le montrer à ses visiteurs : François d'Orival, les chanoines
fi) Nous donnons la reproduction de deux images de 1630 et IG^.
(2) On offrit de ces écharpes à la reine Anne d'Autriche en 16i5, à Marie-
Thérèse d Autriche, en IGKÎ, etc., etc. La confrérie du Saint-Suaire à Thô-
pital de Besançon, et divers particuliers ou musées, possèdent de ces bro-
deries, d'un travail quelquefois remarquable, fréquemment médiocre.
~ 176 —
Pourlier et Philippe (U, Jean-Jacques Chifflet enfin, venaient
d'écrire Thistoire et Téloge de la relique, entourée d'une si
grande vénération.
A ce moment, la peste, plus cruelle qu'elle n'avait été en
1544 et en 1586, éclatait avec fureur dans toute la Franche-
Comté; Besançon s'était voué dès 1G29 au Saint-Suaire pour
conjurer le fléau ; ses suppHcations furent entendues, au mois
de mars iC^O ses co-gouverneurs acquittaient solennellement
le vœu '2;. Les chanoines, craignant de raviver une épidémie
à peine éteinte, ayant refusé de faire l'ostension de Pâques,
suscitèrent parmi les citoyens une véritable émeute et durent
céder, sur les instiinces du parlement et du gouverneur de
la province. D'autres tempêtes plus sérieuses allaient, hélas!
éclater.
En 1631, Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, fuyant
comme jadis le connétable de Bourbon un pays qu'il voulait
trahir, trouva un abri momentané à Besançon et en Fran-
che-Comté P). Son séjour dans ces pays neutres devint le
prétexte, habilement travesti par Richelieu, pour exercer de
terribles représailles sur une nation inoflensive, qui fut sa-
crifiée à de criminelles ambitions. Dix années de guerres et
d'invasions, dont les cruautés furent inouïes, laissèrent
seules debout au milieu d'un pays dépeuplé et ruiné, quatre
villes : Besançon, Dole, Salins et Gray, où continua de battre
le cœur de la nation comtoise. Aux héroïques survivants d'un
petit peuple qui s'était sacrifié pour son roi, le Saint-Suaire
de Besançon, la châsse de Saint-Claude, la statuette de No-
tre-Dame de Gray, apparaissaient comme la suprême conso-
lation des mourants, le dernier espoir de ceux qui résistaient
encore. Dès que des suspensions d'armes eurent été négo-
(1) Le 14 août 1625, l'archidiacre de Luxeuil, les chanoines Pourlier et
Philippe, furent chargés de rédiger les miracles du Saint-Suaire {Délib.
capUuL, G 202).
(2) La ville de Besançon exécute son vœu le 1" février 1630 (Ibid,),
(3) Le chapitre lenvoie saluer le 27 mars 1631 (/frid.)>
— 177 —
ciées, grâce à l'influence d'Anne d'Autriche (dont le confes-
seur avait fait demander, pour la reine, des images du Saint-
Suaire (^);; dès que les paysans et les bourgeois, réfugiés en
Suisse ou cachés dans les cavernes et dans les bois, eurent
commencé k relever leurs villages, Besançon ouvrit ses portes
aux pèlerins de Pâques et de TAscension. Et l'on vit alors ce
spectacle émouvant des débris d'une petite nation brisée par
les privations et les maladies, mais pleine encore de rési-
gnation et de foi, gravissant les flancs de la montagne sainte
avec la même confiance qu'aux jours évanouis de sa prospé-
rité.
De Roïne où s'étaient exilés 10,000 Francs-Comtois chassés
par la guerre et la misère, la confrérie de Saint-Claude des
Bourguignons, voulant rester en communion avec la mère-
patrie, demandait, pour la placer dans son église, une repré-
sentation du Saint-Suaire (2) ; l'Espagne, la Lorraine, les
Pays-Bas, la France, recommençaient à envoyer leurs pè-
lerins. Quand Louis XIV, facilement triomphant d'un pays
affaibli et divisé, conquit en 1668 l'ancien comté de Bourgo-
gne, les gouverneurs de Besançon ne signèrent leur capitu-
lation qu'après y avoir fait insérer cette clause : que le roi
et set successeurs maintiendraient à jamais dans leur ville
le Suaire, qu'ils considéraient comme le plus précieux de
leurs trésors (3).
(1) Les 30-23 octobre 1645, on envoie cette image à la Heine par l'intermé-
diaire du P. Brisegeon, chartreux; on l'avait fait peindre par Jean Maillot;
les remerciements de la Reine n'arrivèrent que le 2 mai 1646 (Délib. capi-
tttl., G a02).
(2) Dominus Borrey, pro parte confratrum congregationis sancti Claudii
Homae institutae rogavit, domino capitulantes quatenus concedere dignen-
tur facultatem depingendi in panno serico imaginem Sanctissimi Sudarii
ad eam exponendara in sacri« œdibus quas Romaï novissinic îedifîcarunt ;
qiiod domini annuerunt, modo exemplar non fiât ejusdem longitudinis et
in eo inscribalur esse effigiem Sanctissimi Sudarii Bisunlini. » {Délib. ca-
piluL, 5 juillet 1662, G. 206.)
(3) Voir le texte des capitulations dans les Edits de Franche-Comté ^
publiés par Droz, I, 1-3.
— 178 —
Le traité d'Aix-la-Cbapelle rendit à rEs,«,c,„e une provinœ
s. longtemps fidèle; aussitôt, sous les ordres du prince dA-
renberg. des ingénieurs hollandais commencent sur le mont
Coel.us une citadelle qui, après avoir nivelé pour ses glaci.
lancen quartier des chanoines, enserre la cathédrale de
ïsaint-Etienne masquée par une courtine et des basticns Le
Chapitre essaie dune résistance inutile , le Saint-Suaire un
instant descendu en .««, remonte dans s;. cha,^lle et son
«..hernacle, 1 ofl.cc. canonial reprend, malgré le bruit des pion-
niers et des maçons de la forteresse. Un ordre du gouver-
neur 1 inl.MTompt et, le t>G avril IGtii). définitivement expulsé
tn. r""T ^«*"'-'=^'*^""«' '« «^.int-Suaire descend à
Si.nl-Jean Cinq ans plus tard. Besançon capitulait aux
mêmes conditions qu'en 16(i8; Saint-Etienne, incendié par
les mousquetaires de Louis XIV, tombait sous le marteau de
Vauban ; conservé dans l'abside Est de la cathédrale de Saint-
Jean pebâlie de 1730 à I7i0 avec une magnificence royale, le
S.ml-buaire continua à être gardé et vénéré comme par le
u h n.r.'"" ; . ' ?" " '"""^••" ^solennellement au peuple
du haut d un balcon du clocher.
II
Apres avoir esquissé dans ces pages compactes déjà et ce-
pendant ecouit.^es, les grandes lignes de l'histoire du Sail
tW,s ,e milieu du moyen-âge, les pèlerinages loin.ains
iaient depuis longtemps entrés dans les mœurs : Jérusak-m
Home, I ore.U., Sainl-Jacquos de Compos.eile avaient, malgré
i.'s ,.,.r,ls de longs voyages, une clientèle des plus nombreu-
se, e des plus choisies. Eternellement amoureux de la nou-
N.-.ml.. et do I imprévu, l'esprit humain ne s'appropriera ja-
mais celle ,na.xi,ne de ITmitation : les Pèlerinages n'amélio-
rent guère, et se fera toujours une loi de colorer son propre
— 179 —
désir, sous l'apparence du devoir. Le pèlerinage bisontin
bénéficiera de cette vogue. Si les grandes masses des pèle-
rins du Saint-Suaire furent toujours empruntées à la région,
dès le milieu du xvi« siècle, des villes entières, Dole, Baume,
Vesoul, Gray, Saint-Claude, et nombre de personnages mar-
quants commencent à apporter leurs hommages, leurs
prières et leurs offrandes au sanctuaire nouveau dont la
renommée se répand. Longtemps les chanoines de Besançon
tentèrent de résister aux pèlerinages individuels, source de
perpétuels dérangements, et essayèrent de linjiter les osten-
sions particulières aux princes et aux ambassadeurs. Mais
les familiers des princes ont souvent autant de crédit et tou-
jours plus de savoir-faire que leurs maîtres ; aussi, tant
désireux qu'on fût au chapitre d'éconduire les importuns,
on eut toujours la main forcée. On pourrait, avec beaucoup
de patience et de temps, dresser une liste complète et cu-
rieuse de tous les gens de marque qui sollicitèrent et obtin-
rent cette faveur particulière, en voici déjà quelques-uns.
Les premiers pèlerins de distinction qui gravirent le
mont Saint-Etienne (je ne parle bien entendu que des étran-
gers), furent des ambassadeurs des cantons catholiques de
Soleure et de Fribourg, venus en 1554 pour renouveler des
traités de neutralité avec le Comté, et en 1579 les traités de
combourgeoisie avec Besançon W. Le 18 mai 1580, une fière
et hautaine princesse qui, comme gouvernante des Pays-
Bas, devait assumer devant l'histoire de lourdes responsabi-
lités, Marguerite, duchesse de Parme, se faisait conduire en
litière jusqu'aux portes de la cathédrale Saint-Etienne (2). Au
dire d'un chroniqueur très véridique, qu'on peut aisément
contrôler, ceux qui faisaient à pied l'ascension avaient en haut
grand besoin de reprendre haleine, voire môme de se reposer.
Après la sœur de Philippe II, Madame de Ligniville qu'es-
(1) Délib. capitul., 7 juin IKi el 19 juin 1579 (Arch. du Doubs, G 195).
(!2) Ibid., 18 mai 1580 (G 198).
— 180 —
corte en d581 le cardinal de La Baume ^\ en 1583 le duc et
la duchesse d'Arschot venant des Flandres (2)^ en d589,
Nicole de Lorraine, princesse de Brunswick se rendant aux
noces de sa nièce avec le grand-duc de Toscane (3), portent
à leur tour leurs supplications et leurs aumônes à la cha-
pelle du Saint-Suaire.
La Franche-Comté était un carrefour où se croisaient les
deux roules les plus tVêquenlées de France en Italie d'une
part, de Flandre en Espagne de l'autre; diplomates on ser-
vice, aventuriers en quête d'emploi, princes détrônés ou
conspirateurs s'y coudoyaient sans cesse, devenant au be-
soin pèlerins s'ils y trouvaient satisfaction à leur piété ou
moyen de dissimuler leurs intrigues. En 1592, on voit se
succéder auprès du Saint-Suaire le maréchal de Saulx-Ta-
vannes (o-. puis deux ligueurs acharnés, le cardinal de Sens,
Nicolas Pellevé, et l'archevêque de Lyon, Pierre d'Epinac,
fuyant devant les rancunes d'Henri de Navarre *). Ce prince
qui n'a pas laissé dans nos mont.ignes la bonne odeur qu'on
lui prête généralement dans l'histoire, faillit, lui aussi, laire
son pèlerinage mais avec 15,000 lances ou mousquets en
guise de cierges. Il s'arrêta heureu.sement à Saint-Vit ayant
trop peu d'artillerie pour assiéger Bes^mçon, qui, se croyant
perdu, lui versa 27,000 écus pour payer ses régiments
suisses et déguerpir; le seul pèlerin, qui, de sa part, péné-
tra dans la place, fut un espion, soldat de Tremblecourt, qui
s'étant targué de dérober le Saint Suaire, partit humilié et
contrit sans avoir pu réaliser sa promesse (6).
A peine Henri IV avail-il disparu que, par la frontière de
Savoie et de Bresse, le Cardinal-Infant, Albert d'Autriche,
tl) Délih, capital., tlJ octobre 15«t (An h. du I)oub^, G. 198).
*2> Jbid., 1"' juin ITiKi iJd.).
i'S) Ibid., il mars 1581) (C. il)*.»,.
{^) Jbid , 'n décembre VAfi (G lOî);.
(o) Ibid., 26 août 1592 'Arch. mnn. de Besan«;on, BB 43 .
i(jj Ibid,, 10 mai 1019 (Arch. du Doubs, G 202î.
— 18d —
entrait en Franche-Comté et venait s'agenouiller à Saint-
Etienne pour y remercier Dieu du départ des Français Cl).
Le maréchal de Biron, qui, avec le Béarnais, s'était taillé, en
pendant et en pillant les gens d'Arbois, de Poligny, de Lons-
le-Saunier, la plus médiocre des réputations, osa, lui aussi,
revenir en pèlerin dans le pays qu'il avait ravagé en soudard.
Le 9 janvier 1602, se rendant en Suisse, il traverse Besan-
çon et va saluer le Saint- Suaire (2; le 31 juillet suivant sa
tête, celle d'un traître, tombait sur un échafaud, dans une des
cours de la Bastille. Un autre pèlerin, bien autrement sym-
pathique, Saint François de Sales, évèque de Genève, arri-
vait à Besançon en 1609, chargé d'une mission du Saint-
Siège. Le 8 novembre, descendant du Gœlius, il s'arrête à
Saint-Jean pour y prêcher devant une foule immense sur ce
texte tout à fait de circonstance : Si tetigero fimhviam vc$ii'
menti Sulva cro («l'. Dix sept ans plus tard, sainte Jeanne de
Chantai venait à son tour vénérer le Saint-Suaire, suivant
pieusement les traces et recueillant avidement les souvenirs
du grand évêque, qu'Annecy avait perdu et que déjà Ttlglise
proclamait un de ses plus grands saints (*).
Kn 1621, la mère du grand Condé, Marguerite de Mont-
morency, faisait en grande dévotion le pèlerinage du Saint-
Suaire. Besançon décerna les plus grands honneurs à la
cousine du roi de France, sans pressentir que son mari vien-
drait, en 16:^6, assiéger et bombarder Dole, et que le (ils
dont, anxieuse, elle sollicitait la naissance, après avoir
écrasé à Rocroy les terces bourguignons de l'armée d'Es-
pagne, conduirait, en 1668 et en 1674, les armées de
Louis XIV à la conrjucte de la Franche-Comté [^),
Cardinaux, prélats, abbés mitres, gentilshommes de haute
(4) Délib, capital , 30 déccml»re iôlb (Arch. du Doubs, G 202).
(2) /6id., 9 janvier 1602 (G 500).
(3) Jbid., 8 novembr»^ 1ti09 (G 201 1.
(4) laid., 22 janvier 1G26 ^G 202).
(5) Ibid., 21 mai 1G21 Jd.).
- 182 —
roce ou de grande fortune, mêlés aux intrigues si compli-
quées qui devancèrent la Guerre de Trente Ans, se ren-
contrent ou se succèdent sur les pentes accidentées de la
montagne Saint-Etienne : l'archevêque de Cambrai (*), l'abbé
de Saint-Germain d'Auxerre (2;, Tabbesse de Remiremont (^),
le comte de Furstemberg, ambassadeur d'Empire (*■, Robert
Miron, ambassadeur de Fiance en Suisse, le vicomte de
Gand l'^), la maréchale d'Aumont 6)^ |e duc François de Lor-
raine (7), sa feTime et sa fille, le [)rince de Nevers '8\ le
maréchal de Bassom pierre ('J), le prince de Condé (10;^ alors
gouverneur de Bourgogne, la princesse de Phalsbourg (*> ,
le duc de Dellegarde, compagnon d'exil de Gaston d'Or-
léans (12), tels sont (iuel(ïucs-uns des hôtes que Besançon et
ses cathédrales reçurent pendant vingt ans, de 1610 à l(i31.
En 1633, un général de 27 ans, le comte de Montecuculli,
qui devait être l'heureux adversaire de Turenne, vint dans
un moment douloureux invoquer le Saint-Suaire de Besan-
çon. Naguère à la cour do Bruxelles, il avait aimé une jeune
et charmante fille d'honneur de larchiduchesse Eugénie,
Isabelle de Bourgogne; un rival heureux, un grand seigneur
franc-comtois, l'avait épousée; à seize ans, elle était devenue
marquise de Marnay et duchesse de Pont-de-Vaux. Veuve
depuis peu, la duchesse vivait retirée au comté de Bour-
gogne, entre les berceaux de ses trois enfants et le tombeau
de son mari ; ce fut au château de Marnay, qu'au printemps
(1) Délib capituL, 21 avril 1GI0.
(2) /6i(i.,2« août 1011.
(3) Ibid., 20 juillet 1018.
(i) 76/rf., 2 juillet lOli.
(5) /6id.,22 juin 1016.
(0 Jbid., 9 octobre 1017.
(7) Ibid,, 27 avril 1022.
(8; Ibid.S novembre 1023.
(U, Ibid., 3 décembre 1023
.10) /6id.,19 juin 1020
(11) /6id., 20 juillet 1028.
(12; /6id.,5avril 1531.
— 183 —
de l'année 1633, Montecuculli vint lui rappeler le rêve de sa
jeunesse et lui demander sa main. Son ûge, sa naissance, sa
qualité de général de TEmpire, glorieusement conquise sur
les champs de bataille de la Guerre de Trente ans. semblaient
lui promettre le succès ; mais Isabelle de Bourgogne, lui
montrant ses enfants, s'était bornée à lui répondre : Je me
dois tout entière à eux, mais je suis et je resterai toujours
infiniment touchée de voire démarche Désespéré d'un re-
lus, résolu à mourir dans une prochaine campagne, Monte-
cuculli ne quitta pas Besançon sans avoir sollicite la faveur de
baiser le Saint-Suaire, et du haut de Sainl-Etienne, son re-
gard, errant dans la plaine, s'arrêta une dernière lois sur les
hautes tours de Marnay, où venait de s'éteindre son plus cher
espoir (l).
Les années se passent et les événements se précipitent. La
duchesse de Lorraine et sa sœur (2), le marquis de Bade P^),
Schauembourg, ambassadeur de l'Empereur (^), le prince de
Cantecroix et. Béatrix de Cusance n»;, Charles IV de Lorraine,
cet imitateur d'Henri VllI, qui fut le précurseur de don
Quichotte (^ , l'abbé de Coursan, ambassadeur de France 7)
sont les pèlerins de la Guerre de Dix ans. Quand après dix
années de deuil et de tortures les armistices préludèrent à la
paix, le pèlerinage reprit son cours et amena successivement
à Besançon le marquis de Luilin, ambassadeur de France en
Angleterre (^), le comte de Nassau (^ , des généraux d'ordres
religieux (10), MM. de Caumartin et de La Balde ■H', l'évèque
(1) Délib, capitul.y 5 mars 1033.
• 2) Ibid.y 30 septembre 1(3:i'{.
(3) Ibid., 19 avril 1634.
(4) Ibid., 26 avril 103t.
(5) Ibid., 27 avril 1635.
(6) Jbid., 7 mai 1635.
(7) Jbid., 20 mai 1635.
(8) Ibid , 16 mai 1646.
(9) Ibid,, 15 juin 1647.
^10) Ibid., 23 août 1647.
(il) Ibid., 11 et 21 janvier 1648.
— 184 —
de Genève, Charles- Auguste de Sales (1), l'abbé de Ci-
teaux (2', l'évêque de Chalon («i), le duc d'Epernon, gouver-
neur de la province de Bourgogne (*\ les comtes d'Arma-
gnac, d'Harcourt et de Grammont A, le duc de Pont de Vaux,
fils d'Isabelle de Bourgogne (6 , Louis Grimani le futur doge
de Venise (7), le maréchal d'Aumont i^», François de l-or-
raine, évoque de Verdun [^).
En 1661^, Béatrix de Cusance, épouse délaissée du duc
Charles IV de Lorraine, vint une dernière fois, peu de jours
avant d'aller dormir son dernier sommeil dans le cloître des
Clarisses, vouer au Saint-Suaire sa fille, la princesse de Lille-
bonne, et son fils, le prince de Vaudémont(>^ . Onze ans>'ô-
coulent, et, du même emplacement, le prince de Vaudêmont
tirait sur l'armée de Louis XIV les derniers coups de canon
qui témoignèrent de l'indépendance comtoise, et quand, le
24 mai 1674, il sortit de la citadelle avec les honneurs de la
guerre, il put, en se retournant, voir brûler la cathédrale
Saint-Etienne, où le Saint-Suaire ne devait plus être montré.
En 1683. dix ans après la conquête, l'archevêque Antoine-
Pierre I de Grammont rroevait, sur le seuil de la cathédrale
de Saint-Jean, où ils vtMiaient s'incliner devant le Saint-
Suaire, les deux plus illustres pèlerins qui l'aient visité :
Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche, cette reine de France
(jue (fuinze jours plus tard la mort devait moissonner (H-.
A cette visite royale, j'arrêterai une nomenclature rapide
(I) JJc'Ub. capilul, U avril 16i8.
»2) Ibid., 20 juillet t6i8.
(3) /6id., 28 mai-1" juin.
(i) Ibid., 4 juillet KiÂ'J (Arch. du Doubs, G 2ai).
(5) /6id., 2-2 .lécembre H353, 15 juin 1655, 1 1 septembre i658 \G 2tXv*20l)).
(6) Ibid., 28 février 1059 (G 200).
(7) Ibid,, 17 mai 1GG0 ild.).
(S) /6id.,10 juin 16()l{/d.).
(9) Ihid., I*"- octobre KkiO {Id ).
(10) Ibid., 5 juin \(m {Id.),
(II) Ibid.y 16-19 juin 1683 (G. 209).
~ 1&5 —
que j'aurais dû peut-être encore raccourcir; mais les noms
que j'ai cités étaient nécessaires uour faire comprendre
combien le pèlerinage du Saint-Suaire avait été universel
et populaire, et combien il avait rencontré de faveur dans
toutes les classes sociales du xvi* et du xvii« siècle. Au
xvin* siècle, la décadence du pèlerinage ^'accentue ; si le
peuple garde encore la foi des vieux jours, un vent de scep-
ticisme et d'incrédulité courbe devant d'autres dieux les têtes
couronnées et les aristocraties. Les théologiens expriment
tout haut leurs doutes sur Tobjet des croyances populaires
et travaillent, sans y penser, aussi bien que les philosophes,
à préparer les années terribles.
Quand, en 1790, le Saint-Suaire cesse d'être montré du
haut du clocher de la cathédrale, le peuple manifeste bruyam-
ment son mécontentement et ses regrets; quand, en 1792, on
le transporte hors de l'église, dans les bureaux du District ;
quand en 1794 on l'expédie à la Convention qui va le détruire,
personne ne se lève pour protester.
La Convention Nationale envoya le Saint-Suaire à l'Hôtel-
Dicu, pour le transformer en charpie, et, depuis, son souve-
nir, pieusement gardé par les survivants du dernier siècle,
est allé sans cesse en s'affaiblissant.
Que serait-il advenu pourtant, si, bravant des lois néfastes,
une main pieuse eût sauvé cette pieuse image si chère à nos
aïeux francs-comtois ?
La réponse est là-bas sur les bords de la Moselle, où la
Sainte Tunique de Trêves compte encore ses pèlerins et ses
croyants par centaines de milliers.
Quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, heureux les
peuples, heureuses les villes qui gardent fidèlement le res-
pect des croyances et la chaîne des traditions !
13
DU DEGRÉ DE CONFIANCE
QUE MÉRITENT
LES GÉNÉALOGIES HISTORIQUES
Par M. Jules GAUTHIER
SBGRÉTAIRB DÉCENNAL
Séance du 8 août i90i (i)
Il ne faut rien négliger en histoire, tout document authen-
tique mérite d'être recueilli, lu, analysé, en attendant qu'on
Tutilise, car le moindre indice, la moindre parcelle de vérité
peut mettre quelque jour sur la voie d'une découverte et
permettre la solution de quelque problème important. Il
n'est pas jusqu'aux généalogies intéressant des maisons ou
des familles de second et môme de troisième ordre qui ne
puissent, si elles sont loyalement dressées, apporter de pré-
cieux secours même à la grande histoire, et fournir un con-
tingent (finrormations qui ne sont point à dédaigner.
Mais combien de généalogies sont-elles restées impecca-
bles, soit dans leur étalage quelquefois prétentieux et naïf,
pour ne pas dire davantage, soit dans leurs réticences sou-
vent habiles quand il s'agit d'origines modestes et par con-
séquent fâcheuses, puisque à tort ou à raison la vanité, ou si
vous voulez l'orgueil, préfère souvent à la vérité toute nue
les chimères ou les fables.
C'est notre rôle, à nous autres chercheurs, de faire la chasse
à ces papillons de nuit que la lumière fait fuir et disparailr e
(I) Lue nii Congrès de TAssociation franc-comtoise, tenu à Monlbêliard,
au nom de la Société d'Emulation du Doubs.
- 187 —
et, sans mettre la moindre causticité à des enquêtes qui pren-
draient ainsi un air de partialité, de faire passer au rang
d'aimables inventions certains degrés généalogiques imaginés
naguère, pour étayer le rang et le crédit de familles qui au-
raient tout gagné à se montrer simplement ce qu'elles étaient,
sans vouloir remonter à Sésostris.
Ces familles du reste ne sont pas toujours coupables; les
princes et les riches n'ont jamais manqué (Je courtisans s'ils
ont toujours eu leurs détracteurs, et la collaboration d'écri-
vains de mauvais aloi n'a jamais fait défaut au parvenu cher-
chant à se créer des ancêtres, au gentilhomme voulant se
hausser à l'égal des vieilles races, en améliorant sa lignée.
Cette monomanie qui, chez nous autres Comtois, a régné
comme ailleurs, fut prodigieusement répandue au xviii» siècle,
et nous a valu à la douzaine des arrêts de cour des comptes
enregistrant des mensonges et des certificats signés et scel-
lés de noms honorables accordant, sous le régime du bon
plaisir, un rang que peu de gens méritaient.
Dès le xv« siècle elle existait déjà, et, autour du cardinal
Jean Jouffroy, qui fut un favori de Louis XI, comme plus
tard autour des deux Granvelle, conseillers préférés de
Charles-Quint et de Philippe II, la jalousie des uns, la flat-
terie des autres la dénoncent ou l'encouragent.
Sans autre préambule je voudrais, par un exemple bien
tranché, caractériser cette fabrication d'aïeux comme la com-
prirent et la pratiquèrent certaines familles du comté de
Bourgogne, et cela, généralement pour obtenir à la cour des
rois ou des empereurs certains titres enviés à moins que ce
ne fût pour contracter quelque opulent mariage.
En 1507 vivait à Dole, simple commis au greffe du parle-
ment, Jean Lallemand, d'une condition très humble et sans
la moindre prétention nobiliaire, comme l'indique suffisam-
ment son emploi l^). Son père se nommait Guillaume, il avait
(1} Jeaii Lallemand, clerc juré au grelTe de la cour, coUateur^ en L'égHiie
— -188 —
épousé Catherine Boudier, d'une honorable mais très plé-
béienne famille de Dole. A ce moment, le parlement de cette
ville, récemment reconstitué par Philippe-le-Beau, était
peuplé de clercs intelligents qu'effleura bientôt Taile de la
Fortune. Marguerile d'Autriche y puisa ses conseillers : Tun
d'eux, Nicolas Perrenot, emmena avec lui et fit accepter
comme secrétaire de l'archiduchesse le commis-greffier Jean
Lallemand. Secrétaire de Marguerite dès 1517, de l'empereur
Charles-Quint dès 1522, Lallemand devint vite un person-
nage influent. Souple, intelligent, insinuant même, il avait
des qualités de diplomate que l'empereur utilisa: Jean Lalle-
mand fut tout simplement, au lendemain de la bataille de
Pdvie, l'un des négociateurs et le rédacteur du fameux traité
de Madrid. Ambitieux, il le devint de plus en plus ; il avait
épousé à Burgos, le 10 juillet 1524, Anne, riche héritière de
l'huissier audiencier de la cour, Philippe Hanneton, comte
d'Ascot ; le titre honoriflque mais secondaire de comte pa-
latin, lui avait été donné par le prince en 1523 ; mais avant
cette date il était devenu seigneur de Bouclans au comté de
Bourgogne, où la fortune de sa femme, jointe aux profits
considérables de sa situation officielle, lui permit d'acheter
successivement de nombreuses seigneuries : Montigny-lez-
Arbois, Augerans, Souvans, Belmont-lez-Dole et bien d'autres.
Mais il advint de son ambition et de ses calculs, ce qui fut
recueil de tant de diplomates des vieux âges; au lieu de se
borner à servir les intérêts du maître absolu qui lui donnait
sa confiance, Jean Lallemand se permit de chasser pour son
c«»mpte, de liar des intrigues dont le nœud devait accroître
sa fortune. Après avoir été comblé de faveurs, nommé tré-
sorier et secrétaire d'Etat, contrôleur général d'Aragon, jeté
en prison en 1528 par l'ordre de l'Empereur, finalement gra-
cié, mais banni à jamais de la Cour où ses ennemis triom-
dc Souvans (Jura<, d'une chapelle dédiée à Notre Dame et à saint Claude,
12 juillet 1540 (B 924, fol 19, Arch. du Douhs).
— 489 —
phaient, Jean Lallemand, qui, en 1534, était encore auprès du
prince, se vit relégué à jamais dans son pays natal. Il y vécut
en grand seigneur, grâce à son opulence, y éleva neuf enfants,
que tinrent à renvi,sur les fonts du baptême, le cardinal de
I^ Baume, le maréchal de Bourgogne, les seigneurs et dames
de la plus haute noblesse (^), dont l'amitié consola Tancien
secrétaire d'Etat de la disgrâce impériale. Ses châteaux de
Bouclans, de Belmont, de Montigny, de Vaite, rebâtis et em-
bellis à grande dépense lui servaient tour à tour de résidence,
et il y notait, dans un Psautier transformé en livre de rai-
son, les événements de sa famille. La dernière mention que
sa plume y traça fut pour consigner la mort de sa femme « à
Bouclans, le 13 juin 1545, à huit heures du soir, ayant dis-
posé de son testament et receu tous ses sacrements, elle
rendit son âme à Dieu, que je supplie icelle colloquer en son
sainct paradis. Amen » (2).
On Tenterra dans la chapelle seigneuriale, en l'église pa-
roissiale de Bouclans, et le 18 septembre 1560, son époux,
mort à Montigny-les Arbois, vint l'y rejoindre. Sur leur
tombe on avait élevé un magnifique mausolée de marbre, sous
lequel Jean Lallemand, le petit clerc du Parlement de 1507,
revêtu de l'armure de chevalier, dormait les mains jointes, à
côté d'Anne son épouse, entouré de seize quartiers armoriés,
attendant et implorant la miséricorde éternelle (3).
(l) Voir dans le ii* I des Pièces justificatives le Livre de raiion de Jean
Lallemand.
(i) Pièce justificative n* I.
(3 L*abbé J.-B. BoisoT nous a conservé la description de ce tombeau
dans ses Manuscrits : « En Téglise de Bouclans se trouve une magnifique
sépulture de pierre relevée, où seront la figure au naturel, armée et habillée
en chevalier, de messire Jean Lallemand, chevalier, seigneur de Bouclans,
Vaittes, etc., et de la dame sa femme, estant tiamande de la maison d'Han-
neton, qui porte : d'aaur à la croix d'argent chargée de cinq roses de
gueules, qui se voyent avec les armes des Lallemand/ en plusieurs endroits
de Téglise, fondée et bastie par led. seigneur. » (Mss. 1215, fol. 314, Bibl.
de Besancon. ) De ce tombeau, il ne reste qu'un fragment de dalle avec ^
— 190 —
Jean Lallemand, un parvenu comme Rolin, comme Jouffroy,
comme Jouard, comme Granvelle, comme tous ces juristes
ou ces lettrés sortis du peuple qui furent le conseil ou le bras
droit des ducs de Bourgogne et de leur descendance, eut
des fils mais n'eut pas d'héritiers de son intelligence, de son
activité, de sa science des hommes, de sa prescience des
événements. Ses enfants, six fils, trois filles, eurent des
terres, des titres, de belles alliances, aucun d'eux ne le con-
tinua. Plusieurs périrent en braves soldats sur les champs
de bataille de l'Empire ou de l'Espagne; la plupart lais-
sèrent postérité masculine ou féminine; on les admit sans
discuter au rang de la bonne noblesse du pays. Au dehors
on les discuta davantage. Ecoutez plutôt ce récit contenu
dans une correspondance de 1565, adressée de Bruxelles au
cardinal de Granvelle par le prévôt Morillon et le capitaine
Pierre Bordey, ses confidents habituels. « Le jour de saint
Nicolas, qui fut avant-hier, advint au soir un stratagème au
lougis de M. de Montmartin qu'il donnoit à soupper à Mons'
de Rye et au comte Charles de Mansfeldt [et autres con-
vives], entre lesquelx esloit le s^ de Vayte, qu'est le petit
Bouclans; lequel, ayant beu au conte Charles [commandant
des armées impériales] et luy réitérant par deux ou trois fois :
J'ai beu à vous, ne me voulès vous point faire raison? Pour ce
qu'il n'usoit point du tiltre de monseigneur et qu'il n'avoit
point le bonnet à la main. Ton dit que M. de RyeJ luy osta le
bonnet de dessus la tête par dédain. Et comme ledit Bou-
clans dit qu'il estoit gentilhomme et en sa qualité aussi bon
que personne que fusse à la compagnie, ledit s' de Rye luy
donna ung démenty et le comte Charles lui jeta des assiettes,
dont de deux qu'il jeta l'une l'ataignit au visage, et, avec
hurlerie, il fut chassé hors de table » W.
ces mots : Jehan Lalemaud , chevalier, baron et seigneur de Bouclans et
deVaites [1560]. (.1. Gauthier, Répertoire archéologique du canton de
Roulans, im).)
(1) « Itruxelles, 9 décembre 1565. — M. le Prince d'Orenge a tant
— 191 —
C'était Charles Lallemand, le fils de Jea^i, auquel arriva,
pour s'être frotté de trop près et « avec trop grande pri-
vauté 3> à de trop grands personnages, cette plaisante mésa-
venture.
On s'en souvint, sans doute, dans sa famille et ses arrière-
neveux, car lui ne laissa point d'enfants légitimes, eurent
peut-être à cœur de se venger de pareil dédain.
Cent ans plus tard, vers 1660, les officiers du bailliage de
. faict, que Lint (la seigneurie de) demeure au docteur Hermès garde des
chartes de Flandres, en paiant i¥ florins au sieur de Vayte, qui pour être
plus favorisé portait les flesches, dont hier pour sa récompense, le comte
Charles de Mansfeld, commandant des armées Impériales, luy rua son plat
après la teste, parce que, veuillant boire à luy il semblait user de trop
grande privante ou qu'il ne lui donna ses liltres; que fut à faire à la table
de M. de S. Martin, où estoit le s»" de Rye qui attisa le feug et plusieurs
aultres qui disoient mille maul\ au petit homme, qui fut saige de se retirer
ou piz luy fut advenu. L'on nte dict qu'il at étA touche au visaige d'un
trenchoir.. » (lettre de Morillon au cardinal de Granvelle, 11, l()5-167, et
Correspond. Papiers d*Etnty Bruxelles, 1877, I, 61.)
Voici comment Pierre Bordey, capitaine de Faucogney, mandait le même
fait au cardinal dans une lettre du 8 décembre 1565 :
« Le jour de S. Nicolas qui fut avant-hier, le petit Monseigneur d'Austrate
partit pour l'Allemagne, et ce mesmo jour au soir, advint un stratagème au
lougis de M. de Montmartin, qu'il donnoit à soupper à Mons** de Rye et au
comte Charles de Mansfeit et à aultres compagnies, entre lesquelx estoit le
s' de Vayte, qu'est le petit Bouclans [il s'agit de Charles Lallemand, sflf de
Vaites, fils de Jean Lallemand, s»' de Bouclans, secrétaire intime de Charles-
Quint, arrêté en 1528, et de Anne Hanneton], lequel ayant beu ou beuvant
au comte Charles et luy réitérant par deux ou trois fois : J'ai beu a vous,
ne me voulés vous point faire raison? parce qu'il n'usoit point du liltre de
seigneurie ou monseigneur et qu'il n'avoit le bonnet à la main, Ion dit que
M. de Rye luy osta le bonnet de dessus la teste par dédain. Et comme ledit
Bouclans dit qu'il estoit gentilhomme, et en sa qualité aussi bon que per-
sonne que fusse a la compagnie, ledit s"" de Rye luy donna ung demnnty et
le comte Charles a luy rua coup d'assietes dont, de deux qu'il luy rua, l'un
Tataignit au visage et avec hurlerie, il fut chassé hors de la salle.
» Ainsi le m'a-t-on au soir compté. Voila comme les choses passent; et
ne luy ont proffilé les flesches qu'il porte. » [Les flèches dont il est ques-
tion servaient de ralliement et d emblème à certains conjurés des Pays-
Bas, au moment où le cardinal de Granvelle dut en abandonner le gouver-
neroenL]
k
~ 192 —
Dole, dans un procès -verbal, dont il nous reste copie, consta-
taient dans la cîiapelle seigneuriale de Souvans, dédiée à
Notre-Dame, l'existence de huit tombes, dalles armoriées
ou simples iiluli, commémoratifs des aïeux de la maison de
Lallemand (^).
Dans Tordre chronologique ces inscriptions énuméraient
successivement :
a. Jacques Lallemand, seigneur d'Aybe près Rochefort,
mort le 13 décembre 1300 (2).
b. Jean Lallemand I, écuyer d'Othon IV, comte de Bour-
gogne, mort en 1302 (3).
c. Wolfrand Lallemand et Conrad son frère, tués sous Be-
sançon, à la suite du duc de Bourgogne, en 133H (*).
(1) « S'ensuit la teneur des escripteaux escriptz sur une chacune des
tombes estant posées et mises en la chappelle fondée à Souvans par les
nobles seigneurs Lalemands (voir plus loin les textes épigraphiques
rangés dans l'ordre chronologique, de 1300 à 1502).
L'escript qui se peult lire sur lad. tombe en datte de l'an mil trois cens
et unze armoyée des mesmcs armes, l'espée d'arme traversant.
La septième se trouve armoyée des mesmes armes ne se pouvant lire
l'escript a cause de la caducité.
La huitième et dernière de la chapelle se trouve de l'an mil quatre cens
et porte icelle ses quatre quartiers scavoir : Lalemand, Jouffroy, Grozon et
Augerans, le tout bien recognut; et est la sépulture de Jean Lalemand,
second fondateur de la chapelle.
Et par ce que le tout estant bien recognu en la forme .... nous et les
susd. préseiitz les avons requis signer en la forme cy dessus par
avec nous en signe de vérité les an jour et mois susd. Ainsy signé sur. .
le besoigné : De Butte, A. Oudot, F. Raclet, F. Brenier, R. Perrenet et
J. Renion ainssy signé comme notaire : Renion. » (Cop. du xvn« s., vol.
2036" du fonds Boisot (auj. ms. 1"206, fol. 75 v«-77 r*, Bibliothèque de
Besançon.)
(2) « Memoria dni. Jacobi Lalemand militis ac domini d'Aybe prope
Rochefort. ObiU autem die sanctae Luciae anno millesitno ccc*. »
(3) « Joannes Lalemand dapifer Othonis comilis Burgundiae, anno
millesimo ccc" secundo dapifici sub hoc tumulo jacet. »
(4) « Wolfrandus Lalemand ac Conrardus ejus frater, olim milites
in servilio ducis comilis Burgundiae^ anno millesimo cccxxxvi occm-
buerunt apud Crisopolin. » [Remarquons que Besançon est appelé Chry-
sopolis, habitude perdue depuis le xii« siècle !]
— 193 —
d. Rodolphe Lallemand, fils de Conrad, écuyer, et Etien-
nelie de Grozon, sa femme; ledit Rodolphe (frère de Tho-
mas, tué à Poitiers en 1356) mort le 4 mars 1388 (1).
e. Jean Lallemand II, écuyer, fils de Rodolphe, maître
d'hôtel de la comtesse Marguerite de Vergy, dame de Sou-
vans, fondateur de la chapelle de ce lieu, mari de Claudine
d'Angerans, 20 août 1392 2).
f. Guillaume Lallemand, écuyer, fils de Jean, et Oudette
de JoufTroy sa feinme, et Jean Lallemand, prêtre, fondateur
de la chapelle avec Etienne Lallemand, fils de Guillaume,
5 décembre 1398 i3 .
g. Etienne Lallemand, écuyer, fils de Guillaume, 21 dé-
cembre 1405 W.
h. Girard Lallemand, tribun des soldats, mort en 1405, à
l'entrée du duc Jean-sans-Peur à Paris (5).
». Hugues Lallemand, chevalier, commandant des troupes
(1) I Cxf gisent Rodolph Lalemand, filz de Conrad, escuier^ et da-
moiêelle Estiennette de Groson, sa femme, lequel Rodolph fut frère de
mee. Thomas, chevalier mort à la bataille de Poictiers, et trespassa
l*an mil trois cens quatre vingt et sent le quart de mars, »
(2; « Cy gist Jean Lalemand, escuier, filz de Rodolph maistre d'hos-
tel de la comtesse Margueritte de Vergy, dame de Souvans, lequel fut
premier fondateur de ceste chapelle et trespassa le vingtiesme d'aost
Van mil trois cens quatre vingt et doute, sa femme damoiselle C/ati-
dine d'Augerans est enterrée aux sosurs de Poulligny, » [Notons en
passant que les sœurs de Polignv% c'est-à-dire les Clarisses, ne Turent fon-
dées que vers 1418.1
(3) « Cy gisent Guillaume Lalemand, escuier, filz de Jean, et Oudette
de Jouffroy, femme dud. Guillaume, et messire Jean Lalemand, père^
fondateur de ceste chapelle avec mee. Estienne enfans desd Guillaume
et Oudette, lequel mee. Jean trespassa le cinquième de décembre l'an
mil ccc im«* XVIII. »
(4) « Cy gist Estienne Lalemand, escuier, filz de Jean Lalemand
fondateur de ceste chapelle avec Jarob son fi'ère, et dalle Bonne de
Plaine fetnme dud, Estienne, lequel treupassa le jour saint Thomas,
M.cccc.v. »
{5) « Hic jacet vir fortissimus olim Gerardus Lalemand tribunus
militum dum Joannes dux et cornes Burgundiœ lictor [Parisios] in-
grederelur anno Dni. cccc.v. y>
— 194 -
à rentrée de Charles-le-Téiuéraire à Liège, en i4()8 0).
j. Pierre Lallemand. écuyer, mort à la bataille de Moral,
en 1476.2).
k Guillaume Lallemand, fils de Guillaume Lallemand le
Vieux et de Louise de Rosey, et Catherine Boudier sa
femme, morts en 1500-1502 (3).
Comme on le voit, tous ces Lallemand avaient su mourir
très honnêtement, très brillamment même en servant et
suivant leur prince à Besançon, à Poitiers, à Paris, à Liège,
à Morat et le dernier en date, Guillaume, le mari de Cathe-
rine Boudier, le père du conmiis-greffier de Dole, semblait
faire tache après tant de héros superbes, quoiqu'on eût amé-
lioré sa condition roturière.
Et cependant, c'était le seul authentique des aïeux de Jean
Lallemand; tout le reste, imaginé pour créer des degrés
fantaisistes, et, qui sait, pour effacer, sous le poids d'actes
héroïques et d'aïeux illustres, Téraflure qu'avait faite à
Charles Lallemand, baron de Vaite, le plat d'étain lancé par
le général impérial Charles de Mansfeldt, était, nous allons
le démontrer rapidement, une pure fantasmagorie.
Et d'abord, toutes les inscriptions transcrites dans la cha-
pelle de Souvans pèchent par leurs caractères intrinsèques,
une seule exceptée, la plus récente et la plus modeste,
gravée, on s'en rend compte, pour relier en apparence Jean
Lallemand, le grand homme de la race, à dix aïeux imagi-
(1) « Memoria Hugonis Laletnand, milUia, legatns in exercitu Philippi
Burgundiue et deinde tribunus mililum dut» Leodium Carrolus ew-
pugn«:rel antio Dni. rniUesimo cccc sexagetdmo octavo »
rî) « Mémoire de Pierre Lalemand, escuier. El mourut au service de
.Iftmseig rieur le duc et comte Charles a la bataille de Morath, contre
U. Snygaes. »
(3 (' Ciigiysent Guillaume Lalemand, escuier. filz Guillaume le viel,
damoi-selle Louijse de Hosei/f sa femme, et Guillaume Lalemand le
jeffiue U'ur^i /Hz, dalle. Catherine lioudier sa femme, lequel Guillaume
U jeusne irespassa le vingt septième de février Van mil cinq cens et
un, sad. femme le vingt cinquième de février l'an mil ei cinq cens. »
— 105 -
naires. On ne voit jamais, dans aucune des i,000 à i,500 épi-
taphes du xii* au xvr siècle, dont le texte nous est parvenu,
des textes lapidaires conçus comme les inscriptions de Sou-
vans. Le tribunus militum de 1405 et de 1468, le Criaopolis
de 1336, ne sont nullement conformes aux habitudes litté-
raires du XV* ou du xiv« siècle.
Les caractères extrinsèques sont encore plus inquiétants.
Les Jouffroy n'étaient pas connus en 1398; les de Plaine
n'avaient pas encore, en 1405, la noblesse qu'ils ne con-
quirent que vers 1450; la chapelle N.-D. de Souvans était
loin d'appartenir à la famille de Lallemand en 1398, lors
d'une soi disant fondation attribuée à Jean Lallemand,
prêtre, et Etienne Lallemand son frère; puisqu'elle appar-
tenait en 1506 aux familles de Darbonnay et d'Anglure (1).
I^ série des tombes et des inscriptions de Souvans cons-
titue donc une création intégrale, faite pour renforcer ses
quartiers, par l'un des descendants de Jean Lallemand.
N'ayant pas reculé devant un groupe pareil d'inscriptions
fictives pour élayer huit degrés généalogiques, l'auteur ano-
nyme de cette création imagina un point d'appui parallèle,
et en faisant graver, dans l'église des Cordeliers de Dole,
une épitaphe par Nicolas Lallemand, fils de Jean, mort le
24 avril 1585, la même main que je n'oserais qualifier de
pieuse, y rappela sommairement « que sa famille a été illus-
trée depuis 1200 par plusieurs chevaliers et grands capi-
taines » (2). Quel était cet auteur, quelle était cette main?
(1) Poiiillé diocésain, v» Souvans, G 1, p. 581-582 (.Arch. dn Doubs).
(2) « Aux Corde. iers de Dole, dans la nef du côté du septentrion, est
rinscriplion de « messire Nicolas de Ijalemand, seigneur de Crissey,
Belmont, etc.^ bienfaiteur du co.ivenl, décédé le ^25 avril i585. Sa
noble famille a été illuntrée depuis iWO par plusieurs chevaliers et
grands capi^.aineSy spécialement par messire Jean de Lalemand, père
de Nicolas, chevalier, baron de ttouclans et Vaite, seigneur de Crissey,
Bellemonty Augerans^ Groson, etc., plénipotentiaire auprès des pHnces
pour sa patrie. » — J. Gauthier. Recueil d*EpUapheSy u* 51 (Bull, de
TÂcadémie de Besançon, 1901).
— 196 —
Tout fait supposer que ces supercheries sont l'œuvre de
Claude François de Lallemand, baron de Vaites, capitaine de
cuirassiers, qui obtint de Philippe IV le titre de baron de
Lavigny, le 20 novembre 1603. Ayant à solliciter un titre de
la faveur royale, il dicta puis produisit le certificat complai-
sant de 16H0, dont la lecture, singulièrement suggestive,
supplée seule aujourd'hui, puisque la chapelle de Souvans
ne contient plus aucune tombe, aux inscriptions funéraires
qui, jadis, vraies ou fausses, ont pu lui servir de dallage. Ce
qui justifie notre hypothèse, c'est, avec la date relative du
certificat émané du baillage de Dole, ce fait très concluant
que les personnages visés dans les soi-disant tombes de
Souvans sont cités dans le même ordre dans les patentes de
Philippe IV (•). Cette série fictive fut du reste insérée in ex-
ie7i80 dans la Chenaye-Desbois où elle remplit à elle seule
dix degrés, tous faux (2).
Notre démonstration est donc finie, mais une conclusion
s'impose. 11 est un texte tiré de la sagesse des nations qui
reste éternellement vrai d.ins tous les temps et sous tous les
régimes: Superhia ascendil semper. Ce texte recommande,
comme nous le recomm«Tndons nous-mêmes, une méfiance
accentuée vis à vis de toutes les généalogies, et une pru-
dence extrême dans l'examen de toutes leurs preuves et la
justification de tous leurs degrés.
(1) Krection de la baronnie de Lavigny, 1663, fol. 92-97 du ms. 1903 [Bi-
bliothèque de Besançon).
(2) La ChenayK'Desbois, Dict. de la Noblesse, 1770, v« de I^llemainl.
— 497 —
PIÈCES JUSTIFIG\T[VES
1. — Livre de raison de Jean Lallemand, baron de
Bouclans, secrétaire d'Btat de Cliarles-Quint (1536-
1560).
1. — [Pierre Lalemand fut né à Montigny le may 1536 (?)]
environ l'iieure de vespre, et fut son parrain M** le cardi-
nal de La Bauhne, evesque de Genefve et depuis archevesque
de Besançon, et marraine dame Guillemette de Ghaussin dame
de Vauldrey, baptisé en l'église S*- Grégoire dudit Montigny et
pour patron la S^e Croix en may et madame S*'^ Anne.
Maiié à damoiselle Jeanne de Montfort.
2. ~ Jean Lalemand fut né à Boudans le 8« aost 1537, baptisé
miraculeusement à Nostre Dame de Beauprel par messire Jean
Boisset, mon chapellain, et enterré audit lieu près le grand
haultel devant le cyboire. Et avoit sa recommandation vouée à
la Visitation Nostre Dame.
3. — Claudine ma fille fut née audit Montigny, le mecredy
dernier jour de septembre 1538, entre cinq et six heures du
soir, baptisée audit lieu. Ses parrains furent damp Jehan de
Maisierres, abbé de Rosières, marraine dame Claude de Rye
dame de Rolle et Costebrunne. Et ast pour patrons Monsieur
S» Hyerosme et Monsieur S^ Claude où elle fut porté au ventre
de sa mère audit an 1538.
Mariée avec Claude de Cicon s^ de Rischecourt et Gevigny,
et est enterré audit Gevigny, a laissé un fils dudit s^* nommé
Marc de Cioons.
4. — Claude Lalemand , mon fils , fut né audit Montigny le
mecredy 22* de may 1540, environ les onze heures devant midy,
baptisé audit lieu. Furent ses parrains mee. Claude de La
Baulme, mareschal de Bourgogne, maraynne dame Antoine de
- 198 —
Longvy, de Rye et de Rahon. e! pour patrons M^S» Claude et le
S* Sacrement son protecteur, car il fut né la veille de la Feste-
Dieu.
Marié a damoiselle Anne de Mailly de laquelle a heu deux
fils, mourut en sa maison a Bel mont le 23' doctobre 1585 et est
enterré en la chapelle dudit lieu ; l'un de ses fils at esté marié
en l'eage de vingt et deux ans avec damoiselle Catherine de
Montrichard, en l'an 1581, que fut quattre ans avant le Irespiis
dudit fils s*" son père.
L^autre fut marié a N. de Chaffoy mère de Mons*" de Vailles
vivant 16CI.
5. — Catherine ma fille fut conceue et engendré audit Monti-
gny porté au ventre de sa mère en Flandres, en Tan 1541 ; au-
quel an, le 22^' d'aost, au retour dudit Flandres, fut né audit
Montigny, environ l'heure de neufz avant midy baptisé ledit
jour et pour parrain damp Vincent Marlet abbé de Billon et da-
moiselle Claudine du Vernoy dame d'Usye.
Fut mariée a Philippe de Sambye s*" de Montjouran.
G. Guillaume Lalemand fut nez audit Montigny, le dernier
jourdaost 1542, par un jeudy à unze heures devant midy. Par-
rains mee. Louys de Vers abbé de Mont-S^e-Marie, maraiime
dame Anne de llay, dame de Uoulans et Poupet, et par sa spé-
ciale advocation la Nativilé Nostre Dame. Sie Anne et S'e Ana-
Ihoille. Louyse sa femme Hit à S* Denys rendre sa dévotion à
pied.
Marié à damoiselle Loyse de Grospain.
7 — Nicolas Lalemand fut nez audit Montigny le sambedy
16« du mois de febvrier 1542, environ les huit heures du soir du-
dit jour, audit Montigny. Et heust pour parrain m^e. Nicolas
Perrenot s»* de Grandvelle, et marraine damoiselle Barbe Faul-
quier, dame de Grandvaux et pour spéciaulx advocatz et protec-
leurs iM"" S^ Jacques et en espéciale recommandation la Purifica-
tion Nostre-Dame.
Marié à damoiselle Eve de Melligny, de laquelle a laissé
lieux filles nommez Françoise et Jeanne Baptiste ; mourut à Dole
le vingt quattrieme du mois de juillet 1585 et est enterré au
cloislre des cordeliers dudit Dole.
i
— im -
8. — Et depuis, assavoir le 13 de juin 1545, dame Anne Hanne-
ton, ma femme, mère desd. enfans, fust malade au lieu de Bou-
clans deux jours après le trépas de feu Monsieur de Domprel.
Et dura sa maladie jusques au mardy rieufvième jour de mars
diid an, jour de lafeste des Quarante Martirs, environ les huict
heures du soir aud. Montigny, la où elle estoit venue la veille
de feste sainct Symon et Jude, précenden lequel jour de mardy,
ayant disposé de son testament et receu tous ses sacrements,
elle rendit son ame à Dieu, que je supplie icelle colloqiier eh
son sainct paradis. Amen. Amen. Et est au charnier de nostre
chapelle de Bouclans.
9. — Et le 18 de septembre de l'an 1560, mce. Jean Lalemand
chevalier, seigneur de Bouclans, Vayte, etc., mary de lad dame
Hanneton et père des susd., mourut aud. Montigny après avoir
deparly et disposé de ses biens à sesd. enfans Dieu le vuiile
colloquer a son sainct paradis. Amen. Est aud. charnier de
nostre chapelle de Bouclans.
(Fol. 74-75, n« 2036», BoisoT. Aujourd'hui ms. 1206, BibL de Besançon.)
H. — Livre de raison de Pierre Lallemand, marié à
Jeanne de Montfort (1568-1574).
Sur les feuillets de garde A-B d'un manuscrit sur vélin ; Heures fla-
mandes du XV* sièclej se lisent, prôcédces des monogrammes, noms et
devises de Pierre Lallemand et de Jeanne de Montfort sa femme [Quoy
qu'il 8oU, Lalemand, 1568; — Nul n'ij peuU, Pierre Liilemand ; — Tel
est l'heur^ Jeanne de .Montforl), les nativités -suivantes, écrites par le pos-
sesseur du volume :
1. — Mathye Lalemand fust née à Montigny, le sanbedy sep-
tiesme jour d*aoust, envyron cinq heures au soir, Tan 1568. Et
furent parain messyre Jacques de ïholonjou dict de Vienne,
S' de Ruffey et chev. de l'Ordre de France, et dame Mathye de
Cleremonf, ausmonyère de Remyremont, marrayne. Loué soit
[Dieu] escript a nobis a 1 transnotavi septimus decembris
anno 1568.
2. — L'an mil cinq cens soixante treize, Anne Pierre Lale-
mand fust né le dymanche jour de feste saincte Trinité 17 de
- 200 —
may, environ les trpîs heures au malin avec le poinct du jour el
la plainne la lune, vint au monde et fust tenus sur les fonts par
messire Pierre de Grachault, chev., s' de Raucourt , et dame
de Coue dame de Montfort. Dieu soit loué le 17 de (Amen) may
1573.
3. — Claude Lalemand fut né à Montigny le dy manche huic-
tiesme d'aoust, Tan 1574, environ neuf heures el demye du
matin et fust baptizé le 11 dud. moys sur les fonts de Téglise
dud. lieu et furent ses parain Claude Lalemand, s** de Bermont,
et dame Dorothé de Montfort, dame de Kemi remont, commère.
Dieu soit loué. Amen.
(Feuillets de garde du ms. 125. BiOl de Besançon.)
Société d'Émulation du Doubs, 1902
Sceau et aianatures de Jean LaN6mflnd-1525-tS35
UN MÉDECIN GOGOUYERNEUa DE BESANCON
AU XVII< SIÈCLE
ÉTUDE
JEAN GARINET
(1575-1657)
Par le D' Henri BRDGHON
MEMBRE RÉSIDANT
Séance du ii janvier i902
La grande obligeance d'un collègue a fait arriver entre mes
mains la copie du Livre de raisoji d'un des médecins les plus
appréciés de Besançon, au commencement du xvii*' siècle,
Jean Garinet.
Ce qu'était un livre de raison, la plupart de mes lecteurs
le savent aussi bien que moi ; peut-être en ont-ils trouvé
dans leurs archives familiales. Nos pères avaient l'habitude
de consigner sur un cahier spécial, sur la marge de Tœuvre
de leur auteur favori, sur celle de leur livre d'heures, voire
sur celle de leur registre de commerce, les faits importants
de la vie de famille, de la collectivité à laquelle ils apparte-
naient, les événements intéressant leur région ù tout point
de vue, qu'il s'agisse de phénomènes atmosphériques, cli-
matériques ou de faits politiques ou historiques. Par ces do-
cuments, l'histoire locale se complète ou s'agrémente d'anec-
dotes, d'incidents intéressants. Nous pouvons aussi, grâce
à eux, reconstituer ce que pouvait être la vie d'un noble,
d'un riche bourgeoi.^, d'un négociant, d'un avocat, d'un mé-
decin, à telle ou telle époque.
14
— 202 —
Garinet, qui fut un personnage important de notre cité,
nous a laissé pour ce faire des matériaux nombreux ; car, non
seulement il a rédigé un livre de raison, mais il a annoté les
marges des éphémérides imprimées dans un Prompivairc
qui ne le quittait jamais (';.
Je voudrais vous exposer ce que fut ce docteur en méde-
cine, co-gouverneur de Besancon pendant plusieurs années.
Nous retrouverons au cours de sa vie quelques faits curieux
se rapportant à Thisloire de notre cité.
Nous envisa^-erons Jean Garinet comme homme privé,
comme médecin, comme observateur, et enfin comme ma-
gistrat municipal. Ce dernier titre prouve une fois de plus
qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, et qu'aussi liien au
xviio siècle que de nos jours les disciples d'Hippocrate ne
dédaignaient pas de briguer les suffrages populaires et de
diriger leurs concitoyens.
Père de famille excellent, médecin estimé et aimé de ses
malades, administrateur politiipie intègre et habile, croyant
ctjnvaincu, observateur intelligent de tout ce qui se passait
aulcKir du lui. aussi bien comme laits historiques que connue
phénomènes jihysitjues, Garinet ne devait pas rester un in-
connu pour ses concitoyens actuels. Tel est le but que je me
suis proposé, espérant vous y intéresser.
Les médecins de Besancon étaient déjà, au xvir siècle,
assez nombreux; ils appartenaient pour la pluparlà la bonne
et haute bourgeoisie. Dès le xv^' siècle nous les trouvons
désignés sous le nom de noble honnne ou de sage et hono-
rable mailre. L'und'enire eux, Lyon de Brye, était chevalier
en arnjes et docleur en médecine; d'autres praticiens de notre
région, lurent chanoines ou conseillers des ducs de Bour-
(1) i^romplnaiic de tout ce qui al arrivé de plus digne de wémoii'e
depuis la créalio.t du monde jusques <"/ prrsent, par Jean d'Ongois Moii-
iiien. — i^aris, Jean de IJordoaux, tôT'J.
Voir.1. Gauthier, Livides de raison franc-comtois (Bullelin de l'Acadé-
mie de Besançon, 1886, 135).
— t>03 —
gogne. M. Castan a fait connaître un médecin municipal de
Besançon en 1546 (1). Il devait prendre les mesures néces-
saires pour éviter les épidémies de peste, soigner les ma-
lades môme nécessiteux, surveiller les officines, examiner
avec les commissaires municipaux les nouveaux docteurs
venant exercer dans la ville. Son traitement représentait la
centième partie du revenu de la commune. En 15:?0, parmi
les ordonnances municipales, rédigées parle secrétaire de la
cité, Jean Lambelin, sous les auspices de Gauthiot d^Ancier,
le petit empereur bisontin, nous trouvons des dispositions
relatives à l'exercice de la médecine. « D'autant que les
choses de ce monde sont plus chières et plus précieuses,
d'autant plus est-il nécessaire de pourvoir à icelles avec
plus d'assurance. Or est-il que les corps et créatures rai-
sonnables sont trop plus dignes que les biens de ce
monde : par quoi il faut avoir plus d'esgard sur Tétat des
médecins » (2).
Les médecins devaient, à leur arrivée, se présenter à la
municipalité, passer un examen d'aptitude professionnelle
devant un jury de médecins-députés, et de commissaires de
la ville, prêter serment de fidélité à la commune. Ils devaient
soigner les malades, pauvres ou riches, en toute conscience;
après avoir étudié la maladie, ils formulaient (Dieu aydant)
au profit des dits malades. Ils devaient assistera la prépara-
tion de leurs ordonnances, avaient le droit de constater la
bonne qualité des drogues, et, si elles étaient mauvaises, de
les ruer au feu ou à la charrière (rue) « afin que le malade re-
couvre santé et ne perde ni vie, ni argent et que le médecin
ait honneur et ne le compromette pas ainsi que sa pratique. »
Les docteurs devaient, avec les coininissaires municipaux,
(1) Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1880.
{"2} Manuscrit des Archive* de IJosanron, cilé par B. Prost. — PROST,
Documents pour servir à VhUloire de la Médecine en Franche-Comté,
1881.
— 204 —
inspecter les otticines. Ils devaient dénoncer les cas de peste
« pour qu'on puisse y remédier et sauver le reste de la cité
à 1 aide de Dieu et des bons saints *.
Le praticien qui avait découvert un cas de peste et visité
un pestiféré devait se retirer, s'enfermer dans sa maison et
ne communiquer avec personne d'autre que les siens. C'est
ce que Ton appelait la barre. 11 pouvait, de chez lui, conti-
nuer à soigner ses clients, mais, sans les voir et les appro-
cher ; ce qui ne manque pas pour nous d'un certain piquant.
En cas de peste conlirniée, il y avait des médecins d'épidémie
spéciaux; mais tout praticien pouvait rester auprès de son
ou de st's malades ou dans le quartier atteint, avec la per-
mission de la municipalité ; en ce cas, il ne devait pas ap-
procher des autres maisons et des aulres citoyens, ainsi que
les médecins de la peste. S'il obtenait l'autorisation de sor-
tir, il se tenait au milieu de la rue, en ayant soin d'avertir ou
de faire avertir qu'on ne rapprochât pas. En 1590, l'arche-
vêque de Besançon, Ferdinand de Rje, recommande aux
médecins, dès la première visite, d'exhorter le malade à se
confesser, pour ne pas l'elTraycr et aggraver son état en le
faisant plus tard. Si, au bout de trois jours, le i)atientne s'é-
tait exécuté, le médecin devait l'abandonner, sous peine de
>e voir interdire l'entrée de l'église, d'être taxé d'infamie,
déchu de son grade et frappé d'amende (*;.
En novembre 15D7, une ordonnance de l^hilippc II exige
que les médx^cins soient gradués « es fameuses et appreu-
vées universités, autrement ne seront tenus et réputés des
qualités à eux iloimées par telle promotion. »
Seize ans auparavant, le même souverain, à la réquisition
des Etals de la province, avait « prohibé à tous d'aller étudier
uu résider hors des terres de son obeyssance, sans permission
de la Cour, qui se donnera à temps et pour lieux où notoi-
rement la \\i\)ii religion catholique, apostolique et romaine
(Ij I^H0:ST, d'après Statuta seu deci-eta synodalia JJisunliiiHi diocesis»
— ros-
sera gardée; à charge d*au retour apporter deues attestations
des magistrats, évoques ou curés des lieux où ils auront es-
tudié et résidé, d'avoir vescu catholiquement ; desquelles
attestations seront prinses copies par le greffier de ladite
Cour etenfilacées et gardées ». Le parlement de Dole, en
décembre 1607, promulgue des dispositions analogues, sous
peine d*être déchu et privé du fruit et de l'effet du grade.
Enfin en septembre 1649, un éditdu même parlement décide
que « les docteurs en médecine ne seront admis à Texercer
rière ce pays qu'au préalable ils n'ayent présenté aux officiers
des ressorts des lieux de leurs résidences, non seulement
leurs lettres de docteurs, pour voir s'ils sont gradués en des
universités sizes rière les est«its de Sa Majesté ou en la Sa-
piencede Rome, mais encore seront tenus, à peine arbitraire
et de n'être pas soufferts en l'exercice de leur profession, de
faire voir auxdicts officiers des attestations authentiques de
leurs fréquentations et exercer pendant trois ans et avec as-
siduité et estudes; lesquelles attestations, quant aux études,
seront signées des recteurs, professeurs, et scellées des
sceaux des universités où ils auront estudié, et quant au dit
exercice, il sera attesté avec sceaux par des officiers ou
magistrats des lieux où ils auront pratiqué la médecine » ("l).
Je me suis laissé un peu entraîner par ce court aperçu de
l'histoire de la médecine, mais, il était nécessaire de savoir
quelle était la situation professionnelle de notre concitoyen.
J'aborde maintenant sa véritable biographie.
Jean Garinet est né en 1575, à Montfaucon '2). n quitta
Besançon à l'âge de vingt ans, fut reçu bachelier en philo-
sophie en France à Tournon, en Vivarais. Il fit ses études de
médecine à Avignon et obtint le grade de docteur en 1605.
(1) PÉTRKMAND, Recueil des Ordonnances et Edictz de la Franche-
Comté de Bourgogne. — Jobelot, Suite du Recueil des Ordonnances
et Edicts de la Franche-Comté de Bourgogne. — Prost, loc, cil.
(2) A. Castan, Notes sur l'Histoire municipale de Besançon, 1898,
p. 102.
— t«)6 —
Plusieurs de ses amis lui dédièrent à cette occasion de sa-
vantes ou piquantes épigrammes latines dont je vous fais
grâce. Sur sa soutenance de thèse, nous n*avons que peu de
renseignements. Quand, beaucoup plus tard, en 1650, son
fils Thomas prendra à son tour ses grades dans cette même
Faculté, nous saurons qu'il a été reçu avec approbation una-
nime de tous ses juges et que Tarchevêque lui a fait l'hon-
neur d'argumenter contre lui. De 1600 à 1605, il a vécu assez
modestement et nous apprenons qu'en v icelles années son
profict » ne dépasse pas huit cents francs. Il est vrai que la
monnaie d'alors ne peut se rapprocher de la nôtre. Reçu doc-
teur, Garinet rentre à Besançon et épouse, le 12 novembre
1605, une jeune veuve, Guyonne Marquis, fille d'un médecin
connu de Besançon. En 1606, il est reçu citoyen de la ville,
sans avoir à payer la taxe ordinaire et obtient l'autorisation
d'exercer la médecine. Ces requêtes sont d'autant plus faci-
lement admises que le docteur Marquis est alors co-gouver-
neur. Assez rapidement notre praticien acquit une belle si-
tuation. En 1618, on le nomme prieur de la confrérie médicale
deSaint-Gôme et Saint-Damien. A cette occasion, est donnée
chez Garinet une série de fêtes, précédées d'un concert à
trois chœurs avec orgue, i\ l'église des Cordeliers, et d'un
banquet offert aux trente-quatre musiciens qui ont prêté leur
concours. Sa clientèle était déjà étendue et il en retirait à la
fois honneur et profit, ainsi qu'en témoigne un compte fait
au moment de la mort de sa première femme. La lutte pour
la vie était déjà, paraît-il, dure à cette époque et peut-être
se rappelait-on déjà le vieil adage Medicus medico lupus.
« Voilà le dénombrement, au vrai de ce que j'ai gagné aux
susdites années quoi qu'il n'y ait manqué de gens qui ont
employé tous leurs efforts et le crédit des leurs pour rompre
mes desseins, mais avec l'aide du souverain médecin, de mon
assidu travail, de prévoyance, le tout accompagné de pa-
tience, j'ai vaincu Tenvie. Hic enim quatuor modis semper
hahebis paraium advcrsus invidiae et sycophantarum mor^
— 207 —
sua. » C*est là un sage conseil que l'on peut renouveler de
nos jours.
Parmi les clients de ce médecin-philosophe, nous trouvons
les noms connus de nombre de nobles de notre province,
de riches bourgeois, de présidents et de conseillers des
chambres de justice et ceux encore plus nombreux de cha-
noines, d'abbés, de supérieurs de couvents. Je cite au hasard
Léopold d'Oiselay, comte de Cantecroix, grand écuyer des
Archiducs, chevalier de la Toison d'Or; le comte de Saint-
Amour, le baron de Scey, rarchevèque Claude d'Achey,
MM. de Granvelle, deLoray, d'Auxon, de Saône, lu c imtesse
de FVjussillon, etc. L'année de son veuvage, à la recjuête de
l'abbessede Picrnirernont, à la sollicitation du docteur Nar-
din, Garinet accepte la charge de médecin du duc de Bavière,
à gage de mille écus, train de cour et laquais entretenus. En
1633, il est appelé à donner ses soins à la duchesse de Lor-
raine, pendant son séjour h Besançon. Il la guérit d'une
lièvre ratarrhale et en reçoit une magnifique bague ornée de
diamants. Détail amusant et qui choque un peu nos idées
actuelles, il la revend aussitôt à l'orfèvre qui l'avait fournie, et
après une longue discussion, obtient enfin, malgré de vaines
tentatives de dépréciation, la valeur réelle du bijou.
Médecin d'une grande partie du clergé, on le prie de soi-
gner les sœurs de Sainte-Marie au prix annuel de douze écus
« s'il n'y a pas de maladies; s'il y en a, il recevra une hon-
neste récompense. Nous trouvons en marge l'annotation
naïve suivante : c Je n'en ai été payé que deux fois. » C'est
encore à Garinet que s'adresse la confiance des Carmélites,
des sœurs de la Visitation.
Les nobles personnages de l'époque se faisaient déjà ac-
compagner en voyage et aux eaux par leur médecin ; en
prince de la science, l'auteur du livre de raison se fait ins-
tamment prier et supplier pour accompagner à Spa la com-
tesse de Saint-Amour. Ce déplacement dure quatorze se-
maines et entraîne comme dédommagement la somme ron-
k
— 208 —
delette de cent pistoles (la pistole valant plus de neuf francs).
Praticien très consciencieux et renommé, notre docteur
s'attache à ses malades et les aime. S'il aie malheur, comme
tous ses confrères, de les voir succomber en dépit des res-
sources de l'art, il note mélancoliquement " j'en ai éprouvé
un desplaisir incomparable. Dieu Tait en sa haute grâce. » Il
semble avoir été payé en retour de son affection ; on l'estime,
on l'honore. Ses clients les plus titrés sont parrains de ses
enfants et ne lui marchandent point leur appui dans sa car-
rière politique, dans l'obtention de bénéfices pour les siens.
Chaque année, à l'occasion des grands événements de fa-
mille, ou de ses succès électoraux, Garinet reçoit nombre de
cadeaux ; l'énumération en serait prodigieuse et fastidieuse,
on les adresse à tous les membres de la famille. Ici encore,
nous retrouvons l'esprit plus que pratique qui nous a déjà
surpris ; bon nombre de ces dons sont soumis, quand cela
est possible, à l'estimation de l'orfèvre et souvent convertis
en argent monnayé.
Dans les listes innombrables que contient le livre de rai-
son, dominent les bijoux, les montres, les pièces d'orfèvre-
rie, de vaisselle d'argenterie, les surtouts de table, les reli-
quaires, des œuvres d'art, des objets curieux, horloges, globe
terrestre, tasse de bézoard à l'épreuve des poisons; puis
viennent d'autres objets plus prosaïques, étoffes pour ses
costumes, ceux de sa femme, de ses enfants ; une robe à la
façon de Paris pour sa fille, un chapeau de demi-castor pour
son fils, des bas de soie, enfin des confitures, des flambeaux
de cire, des vins, des viandes de mesnagerie, c'est-à-dire des
salaisons. D'autres de ses concitoyens laissent par testament
à lui, docteur et ami, un reliquaire, un objet d'art, une
somme d'argent; parfois, c'est une donation complète ou de
conséquence, comme une \igne, ou un bénéfice ecclésias-
tique. Un de ses fils reçoit d'un chanoine la chapelle de Saint
Jean-Baptiste de Bregille. Quelquefois la bonne volonté des
donateurs est surprise et annulée. La marquise d'Autriche
»
— 209 -
laisse aussi une chapelle au jeune Garinet. « Je lui suis bien
obligé de sa bonne volonté, dit notre père de famille, bien
qu'elle n'ait pas été suivie d'effet » Un chanoine, membre
de l'officialilé, laisse par testament à son ami un grand ta-
bleau : « Il l'estime par son testament plus qu'il ne vaut, je
ne laisse de lui être obligé, c'est un témoignage de l'amitié
qui a été entre nous par l'espace de 38 ans. »
De la pratique et du savoir professionnel du médecin bi-
sontin, le livre de raison ne nous permet guère de juger.
Les quelques maladies que nous trouvions mentionnées, sont
des fièvres calarrhales, des fièvres pestilentes que nous rap-
procherions volontiers de la fièvre typhoïde, des dyssenle-
ries, des bronchites. En Tannée 1GÎ38, la mortalité fut ter-
rible à Besançon : « La mort m'a ravi la plupart de mes
amis, tant du pays, que de la ville ».
Deux nécropsies sont rapportées dans les éphémérides de
Garinet. L'une d'elles décrit le cas intéressant de l'abbé de
Bellevaux, dont la vessie « contenait quatre pierres du poids
de trois onces » La seconde rappelle la découverte, dans les
reins d'une femme, de deux gros calculs et de huit petits.
Plus intéressantes sont les relations des cas de peste à Be-
sançon. En 1629 la maladie est signalée par Garinet dans le
quartier Saint-Quentin Conformément aux prescriptions, le
médecin est barré, condamné à garder le logis trois semai-
nes ; il en prend gaiement son parti, car il reçoit force ca-
deaux qui, malgré ses aumônes, lui rapportent encore profit.
En 4639, une forte épidémie désole la ville, l'auteur du livre
de raison est encore barré, bien plus, la maladie pénètre chez
lui. Deux servantes meurent, la quarantaine lui fait perdre
une somme considérable « Et me serait encore facile de sup-
porter cette perte patiemment, n'était celle que j'ai fait de
mon second fils, qui, par sa mort contagieuse, m'a laissé un
regret qui ne se peut terminer que par la mienne propre ».
Cette phrase touchante m'amène tout naturellement à vous
parler de la vie privée, de la vie familiale de Garinet. Nous
~ ^0 —
savons (ju'il s'était marié peu après son amvêe à Besançon,
♦îii 1605, avec une jeune veuve, fille d'un médecin apprécié,
co-gouverneur de la ville. Guyenne Marquis moui-ut en 16t>2 :
son époux lui consacre deuxépityphes touchantes. Il se con-
sole rapidement cependant, puisque. Tannée suivante, il
épouse Claudine Henry, fille d*un avocat, docteur en droit.
Les enfants de sa première femme, ses beaux-fils et belles-
filles assistent à la noce, ainsi rpie son premier beau-frère,
et lui font de superbes cadeaux. J'ai déjà insisté suffisamment
sur les dons faits au docteur, en maintes occasions, pour
qu'on prn>e rpjVn celle-ci ils abomlent. La mariée reçoit
cinquante-sept bagues en or enrichies de pierrerie.^. (lelle
seconde union fut féconde, car il en naquit cinq fils et quatre
filles. La niention de chaque naiss lice est accompagnée de
la désignation du signe du zodiaque, du (|uartier de la lune,
du nom du saint dont relève le jour de raccouchement, et le
bébé fait .son entrée dans la famille, accueilli par cette phrase :
« Dieu lui fasse la grâce de bien vivie pour bien mourir ».
Le pauvre père eut la douleur d'assister à la mort de trois de
ses fils et de deux de ses filles. Les parrains des enfants
sont toujours de nobles personnages, le comte et la comtesse
de Cantecroix, le seigneur des Auxons, la comtesse de Rous-
sillon, le prieur de Morleau, Tarchidiacre de Salins. Tous
font à leur filleul de magu'fiques cadeaux ; Taccouchée reçoit
pièces (le confiserie, massepains, pâtés de venaison, volailles
d'un poids extraordinaire, viandes de mesnagerie. On en-
voie à la famille des flambeaux de cire jaune, des confitures
sèches, des dragées ; à la sage-femmti, aux domestiques, on
fait largesse en argent.
L'aîné desjeunesGarinel entra aux Minimes et fil le voyage
de Rome ; il dit sa première messe en iG48 et mourut à l'âge
de trente ans. Le troisième devint le docteur Thomas Garinet
qui se rnaria et eut du vivant de son père plusieurs enfants,
dont un termina le livre de raison.
Des filles, une seule épousa un docteur en droit, les autres
— 211 —
entrèrent au couvent ou moururent en bas âge. De tous les
documents que nous trouvons réunis dcins le livre de vie, il
semble ressortir que Garinet fût un excellent père de fa-
mille, doux et extrêmement bon
11 fit donnera ses enfants une éducation très complète et
à ce propos, il lui arriva une mésaventure; le précepteur de
la famille, sans doute un jeune intellectuel de Tépoque, lui
déroba une somme assez ronde et des bijoux. Bien que le
voleur conservât une partie de ses larcins, au su de son
maître, celui-ci lui fit grâce. « J'ai eu pitié de ce pauvre mi-
sérable et lui ai donné moyen de se sauver et.de faire bon
voyage. Dieu lui fasse la grâce de voir et de bien reconnaître
sa faute. » Ce soubait charitable ne devait pas être exaucé,
car nous trouvons ce post-scriptum. « Il a été depuis pendu
et estranglé à Dijon ». Cette fois il dut regretter les bons
Bisontins.
Croyant convaincu, notre bourgeois se remet, lui et les
siens, aux soins de la Providence, du souverain médecin. Il
est prieur de Saint-Côme et Saint-Damien et plus tard de la
confrérie des co-gouverneurs et des notables, la confrérie
de la Croix. Nous savons que plusieurs de ses enfants en-
trèrent dans les ordres, il fut le médecin et l'ami d'un de
nos archevêques, de nombre de chanoines et d'abbés.
L'obtention d'une place d'honneur, d'un banc au pied de
la chaire de Saint-Pierre, l'achat d'une sépulture dans cette
église ou dans celle des Carmélites sont pour lui choses
d'une importance colossale.
Administrateur zélé de la fortune familiale, il est toujours
prêt à transiger pour éviter les procès « labyrinthe dont il
est difficile de se développer. t> Il n'eût pas été Comtois et
Bisontin s'il n'eut aimé la terre et la vigne. Legs, acquisitions
nous mentionnent la possession de vignobles à la Grette, à
la Croix d'Arènes, à la porte de Charment, à Rognon, les
vergers de la Raye près des fortifications. Les récoltes, pas
moins qu'aujourd'hui, n'allaient sans déboires ; en 1638, nous
— W2 —
trouvons enregistrée, avec forces doléances, la perte géné-
rale (dans la ville) du vin de Tannée précédente.
A côté de la partie prosaïque de sa vie, notre docteur
semble avoir eu des prétentions aux belles-lettres ; c'était
un bel esprit, comme on disait alors. Il compose des épi-
grammes, des épitaphes en français ou en latin. Au cours
de sa vie politique il est seul capable, parmi les gouverneurs,
d'haranguer en latin le général dos i'a[)ucins, de passage en
la ville, et qui, ne connaissant pas un mot de français,
échange des visites avec la municipalité. Il a des nolio^^
étendues pour Tépoque en astronomie, tire l'horoscope de
ses clients, observe avec attention les phénomènes météoro-
logiques, les cataclysmes qu il nous mentionne comme inté-
ressant la région.
Au milieu des événements de la vie de famille, se trouvent
relevées les particularités des saisons. En 16!23, les abrico-
tiers fleurissent en janvier; en 1(>'24, ce sont les violettes et le
bois gentil. Celte dernière année avait été féconde en fruits,
plusieurs pommiers avaieiil porté deux fois leurs récoltes.
Nous savons que le ciel de ïîesançon tient rang iionorable
parmi les ciels pluvieux, c'est peut-être pour maintenir une
vieille réputation. En 16()6 et en 1020, il y eut procession
générale avec le Saint-Suaire et la cliâsse de saint Protliade
pour obtenir la cessation de la pluie qui, avec la grêle, a
presque universellement gâté les biens de la terre. En 1623,
un ouragan violent éclata, le vent a été si fort qu'un charre-
tier et ses chevaux, passant sur le pont de Baume, ont étp
emportés et noyés. Les cheminées de la ville tombent imi
quantité En janvier 1045, une autre bourrasque cause di*s
dégâts pour plus de cent mille écus. Les clochers de l'église
Saint- Vincent, de la Madeleine, celui des Dames de Battant
sont découronnés, ou ont leur toiture enlevée ainsi que la
plupart des mnisonsde la ville, les murs sont renversés. Le
cyclone ravage aussi les propriétés de Garinet, à la Baye et
à Montfaucon.
i
— 213 —
Les inondations «étaient très fréquentes ; en 1G51, elles at-
teignent une intensilô <ju'on ne leur avait point vue (le()uis
1570. Au cours de la crue, les eaux ont envahi l'église du
Saint-Esprit et y atteignent comme hauteur trois pieds de
toise « tellement que pourùter le Saint Sacrement qui était
sur le grand autel il a fallu entrer dans Téglise avec un ba-
teau. Toute la sacristie des Gordehers (1) a été inondée à
trois pieds Les malheureux propriétaires ou amateurs de
bons vins avaient, comme à présent, leurs caves envahies,
et trop souvent les tonneaux • espenchaient leur contenu ».
C'est ce qui arriva en cet»e circonslance, mais notre doc-
teur a été épargné : t Dieu a voulu que ma cave ait été
exempte de ce malheur. »
En 'J615 apparaît une comète (\m annonce, au dire de Ga-
rinet, de grands malheurs : la mort de l'empereur d'Allema-
gne, Maihias, de son frère Maximilien, de Timpératrice, enfin
des guerres qui ravagent l'empire. En 1G50, en l(>5i, on
ressent à Besançon des tremblements de terre. Le premier
fut très marqué, t Le bruit m'a esveillé soudainement et me
semblait que notre maison tombait. Les Mères Cordelières
ont été tellement effrayées qu'elles ont couru en leur chœur,
pour prier Dieu, comme ont fait plusieurs religieux et reli-
gieuses ».
Contemporain des premières incursions des Français en
Franche-Comté, Garinel ne devait les passer sous silence.
En 1620, le duc de Bouillon, de connivence avec quelques
babitants, tente sur Besançon une surprise qui échoue. En
1(339, les incursions des Français s'avancent jusqu'aux
portes de la ville, ils ravagent les fermes de la banlieue,
emmènent bestiaux et récoltes. Notre pauvre père de fa-
mille est particulièieinenl é[)iouvé, c'est la même année où
la peste ravage sa clientèle et lui enlève son fils : « Je puis
dire avec vérité que j'ai perdu tant par la i)este que par la
(1; Ancien Collège catholique.
— 214 —
guerre plus de huit mille francs, Dieu veuille qu'à Tavenir
le même mallieur ne me poursuive plus. Cependant j'ai
entretenu un ménage de plus de douze personnes parmi
une cherté extraordinaire de toutes clioses, à peine ayant
reçu depuis le siège de Dole la somme de cinq cents francs
d'arrérages ». Il s'estime relativement heureux, car il a pu
se maintenir en sa situation malgré le malheur des temps.
« Ainsi le hon Dieu m\i assisté do ses libéralités sur les
grandes pertes que nous faisions, son nom soit béni éter-
nellement ».
De ci, de là, dans les Ephémérides, nous trouvons con-
signés des faits intéressants d'iiistoire générale.
Kn lOtil meurt le pape Paul V, Grégoire XV lui succéda
jusqu'en 1023, puis viennent Urbain VIII (16-23-16ii), Inno-
cent X (1644-1653), Alexandre VII (1655).
En 1626, le prince de Condé vient, à Besançon, en pèlerin,
visiter la relique fameuse du Saint-Suaire. En 1650 est re-
latée son arrestation ainsi que celles du prince de Conliet
du prince de Longevillo, par ordre de Mazarin.
En décembre 1620 se fait, à Besançon, une procession
générale en l'honneur de la prise de Prague par les armées
impériales commandées par le duc de Bavière et le comte
de Bucquoy. Garinet apprend au sermon à Saint-Jean que les
généraux furent convaincus par la prédication d'un canne
déchaussé de l'opportunité de l'assaut qui leur livra la ville
le jour de la Toussaint. « Tous les bienheureux nous prête-
ront la main si vous leur tendez la vôtre », aurait dit le reli-
gieux. En 1633, le duc de Lorraine, Charles IV et sa femme,
la belle franc-comtoise, Béalrix de Gusance se rendirent à
Besançon. L'histoire nous apprend que cette visite d'un de
ses ennemis exaspéra Richelieu contre la ville libre et fut
peut-être une des causes des hostilités qui suivirent.
Le 16 décembre 1638 a lieu le sacre de l'archevêque
Claude d'Achey, protecteur de Garinet.
Somme toute, nous voyons (lue ce médecin, en dehors de
sa besogne journalière et de se.s soucis rte père de frimille,
prévoyant, s'intéressait à bien des choses et Faisait profit de
ce quil voyait, entendait, apprenait; il le notait et nous nous
intéressons aux événements qu'il mentionne.
Il me reste à vous parler de sa vie politique l>.
Permettez-moi de vous rappeler, d'après rintéress.int
ouvrage de M. Gastan, comment s'exerçait le gouvernement
municipal à cette époque. Tous les ans, chacun des sept
quartiers de la cité, ou des sept bannières, car chacun avait
son étendard, éli.sait (|uatre notables, soit vingt-huit en tout.
Ils avaient un président annuel et nommaient les quatorze
gouverneurs ou cogouverneui's connus encore sous le nom
de Messieurs. Chacun de ces dcMuiers présidait leur assem-
blée au gouvernement par huitaine. Ils possédaient le pou-
voir exécutif de la ville pendant un an Deux gouverneurs
étaient affectés à chaque quartier. Ils instruisaient et ju-
geaient avec le juge impérial, résidant à Besançon, les
procès de toute nature. Les sentences étaient prononcées et
exécutées par une des trois cours de justice existant alors, la
régalie, la vicomte, la mairie. Les arrêts étaient définitifs en
matière criminelle ; au civil, ils ne pouvaient être réformés
que par le conseil aulique de l'empire.
Les notables insp?ctaient leurs quartiers sous le rapport
de lu police, de la voirie, de la salubrité, ils dénonçaient les
délits au pouvoir exécutif. Ils avaient le droit de remon-
trance aux gouverneurs comme organes du peuple et de-
vaient être consultés pour toute mesure imputante aux procès
criminels de quelque gravité. Les anciens gouverneurs
(i) De la carrière inuuicipale de Gariiul, il reste un jeton en cuivre re-
présentant : au droit, dans une couronne laurêo, ses armes : un petit jars
[oie, Jarinelus) éployé, le col entouré d'une couronne de laurier^ avec
la devise : nihil consciue siri; au revers les armes de liesançon, avec
celte légende : vesuntio civ. imp. libkha, et cet exergue: iji pour :
LES : COMPTES lit
— 216 —
de la cité étaient appelés pour l'établissement des lois ou
les questions de la politique extérieure.
Nous avons appris que les doux beaux-pères de Garinet
avaient été gouverneurs de notre cité. Lui-même fut élu par-
mi les notables de la bannière de Saint-Pierre en 1626 « par
la faveur de ses amis ». C'était la seconde année de la ré-
forme dite intercalarité (ou renouvellement partiel], qui
avait pour but de réfréner un peu les manoeuvres électo-
rales.
De 1626 à 1641, le praticien bisontin est réélu régulière-
ment. Il ne nous cache pas que les nominations ne se fai-
saient pas sans brigues et sans intrigues, qui ne l'épargnèrent
pas, car il était fort connu. Plusieurs fois il réunit le plus
grand nombre de suffrages sans avoir, il le mentionne avec
orgueil, jamais usé des comproniissions et des offres d'ar-
gent que d'autres de ses collègues n'épargnaient pas. Quand
il est barré pour la pesle, on lui accorde, faveur extraordi-
naire, d'avoir encore voix délibérative. Le secrétaire vient
en face de sa maison chercher le vote de notre bon conseil-
ler municipal pour la nomination des co-gouverneurs et la
présidence des notables, .[ui échut cette année-là au comte
de Saint-Amour.
Cette présidence lui avait été offerte à lui-même dès 1628,
il l'avait refusée à cause des obligations, charges et scru-
pules de sa profession.
En 1641 le sort lui est contraire, il en accuse lui-même
l'indifférence qu'il avait apportée à la campagne électorale.
C'est, en effet, le moment de ses chagrins de famille, de
ses revers de fortune. Ses collègues le regrettent et le loi
manifestent en lui donnant malgré tout quatorze suffrages
pour le faire élire gouverneur. Les nouveaux notables ont
payé cher leur victoire, trois mille francs, somme considé-
rable pour l'époque ; l'un d'eux a dû sacrifier 500 écus.
Dès 1642, il reprend sa place à l'assemblée et est nommé
co gouverneur avec 26 suffrages sur 28 votants. Il reçoit dô
Société d'Émulation duDoubs, 1902.
P1.I.
Armoiries du médecin Jean Garinet
(fU. J045, Bibl. de BesMnçanJ
Société d 'Émulalion du Doubs. 1 902 .
?i. n.
Armoiries de Guigonne /Marquis,
p^emiè^e femme de Jean Garinet.
Société d'Émulation du Doubs, 1902.
PI. m.
Armoiries de Claudine Henr^,
seconde femme de Jean Garinet ,
— 217 —
nombreux présents et donne un festin, il offre le pâté à ses
nouveaux collègues. Son intelligence, sa connaissance des
affaires municipales devaient être très appréciées, car, pen-
dant nombre d'années, il reste au conseil municipal et re-
çoit, comme leur président, le flambeau de redevance des
Jésuites. Ses armes sont gravées à côté de celles de Mes-
sieurs ; il les fait placer, ainsi que celles de sa femme, sur
son banc à l'église Saint-Pierre, sur sa sépulture et sur les
portes, balcons et fenêtres de sa maison. En 1646, de graves
difficultés éclatent entre les gouverneurs et les notables, qui
ne veulent accepter certaines nouvelles dispositions. Ora-
teur estimé, Garinet est désigné pour les conférences entre
les parties, pour haranguer le gouverneur du Comté, le baron
de Scey, et enfin un conseiller privé de Sa Majesté, venu
pour faire une enquête dans la ville. Il doit « aller le visiter
et l'informer de la vérité sur ce que l'on avait écrit à Sa
Majesté de nos desportements ».
La mission réussit, le commissaire impérial repart satis-
fait. « Aussi avait-il sujet de se contenter, puisque nous
payâmes toutes ses dépenses, lui fîmes grande chère en la
maison de ville, où furent appelés les 28 avec nous, payâmes
les habits de deuil qu'il fit ici faire pour la mort de l'impé-
ratrice et de plus, la veille de son départ, je lui présentai de
la part de Messieurs deux cents ducats. » Il eût fallu être
difficile pour ne pas se montrer de bonne composition avec
d'aussi braves gens, aussi apprenons-nous que le conseiller
privé narra à l'empereur merveilles sur la Municipalité et
conclut son rapport en disant que, « s'il y avait au monde
un paradis terrestre, c'était à Besancon »•. Gardons précieu-
sement cette appréciation si flatteuse et probablement unique
d'un grand de l'Empire et efforçons-nous prochainement de
l'obtenir de nos contemporains. C'est un but que je me per-
mets de signaler à nos édiles pour égaler leurs devanciers
du xvii« siècle et répondre aux médisances dont on accable
notre vieux Besançon.
15
— 218 —
Mais l'horizon politique continue à s'assombrir, revoici les
brigues, les offres d'argent au moment des élections. Malgré
tout. Garinet reste gouverneur, il est même élu prieur delà
confrérie municipale de la Croix. Les confrères de la Croix,
ou pénitents noirs, secouraient les pauvres honteux, les or-
phelins, les prisonniers, assistaient les condamnés à mort.
EnlG5I, une nouvelle crise municipale éclate, elle ter-
mine le rôle politi(iue de notre médecin. Tous les gouver-
neurs sont changés à la suite de nouvelles discussions avec
les 28. Il y a, dans la rue, une petite énieute, les serments
qui exécutent les ordres des gouverneurs sont battus par la
populace, excitée par les notables. Ceux-ci sont cités à
rendre compte de leur conduite devant Sa Majesté Impé-
riale, qui leur inflige un blâme, genre de [lunition assez pa-
ternel.
Depuis ce moment, Garinet quitte la vie publique, il reste
au milieu des siens, nous apprenant avec une grande joie la
naissance de ses petits-enfants. En 1657, la situation de la
famille e>t assez florissante pour qu'à la naissance d'un fils
du docteur Thomas on refuse tous les présents. C'est dans
cette même année et trois mois après le baptême, le jour
de la Toussaint, que s'éteint l'auteur du Livre de raison.
Celte mort est mentionnée longtemps après pîir un de ses
petits-enfants, qui termine par quelques annotations person-
nelles le manuscrit dont je viens de vous entretenir. Con-
formément à ses volontés, Garinet dut être enterré près de
ses enfants, dans l'église des Carmélites (^), dans une tombe
qu'il avait fait préparer depuis longtemps*; sur la dalle
étaient gravées les armoiries de la famille, que nous repro-
duisons à la suite de cette étude, et au-dessus devait se
trouver un grand tableau représentant saint Bruno.
J*ai peut être insisté trop longuement sur la vie de celui
(\) Hue de (jlères, aujourd hui maison Charnaux.
— Mo-
que j'appellerai un très honorable et honoré confrère, j'es-
père que ses mânes me permettront cette familiarité. Il
m'avait semblé que c'était une figure originale de notre
vieille bourgeoisie à faire sortir de l'oubli en mettant en lu-
mière le cadre au milieu duquel elle passa, toujours active
et laborieuse, et en faisant connaître dans un tableau rapide
Tétat des mœurs de son pays et de son temps. C'est avec
grand respect qu'un docteur en médecine du w* siècle rend
hommage à un praticien contemporain de Louis XIII et des
premières années du règne du grand roi. C'est faire oeuvre
pie que de révéler chez lui un noble caractère, un grand dé-
vouement professionnel et civique, une curiosité intelligente,
une douce philosophie. Nous avons cru ainsi, pour notre
faible part, atténuer un peu tant de critiques trop vives et
de railleries plus ou moins fondées, adressées aux méde-
cins de son temps.
— 220 —
PIÈGES JUSTIFICATIVES
EXTRAITS DU LIVRE DE RAISON DE JEAN 6ARINET
(Manusciit 1045 de la Bibliothèque de Besançon.)
Page 10.
a L'année 1595, je parli de Besançon le 29 apvril pour aller
en France ou j'ay demeuré environ onze ans.
• Le 26 apvril 1600 je receu a Tuurnon en Vivarès le degré de
bachelier es philosophie et dédia mes thèses a Monsieur de
S«-Marcel d'Urfé.
■ Le 22 mars de l'année 1605, je receu le degré de doctorat
en médecine à Avignon, auquel temps plusieurs de mes amis
me donnèrent quelques épigrammes pour faire imprimer dont
j'en ay icy adjoute deux des principaux :
Ecquid adhuc tentas fatum revocare medelis
Kallcre narn fatis nulla medela datur
Veï'i^e taineii, fatis obsta, si fala secondent
Nuni noinen fatis, capis liisce tuuin.
tilasius PoussoTi^s ,
doctor tnedicu.s.
Page 11.
Anagrammatismus,
Joannes Garinetus,
Aegris nevit annos,
Texere dent superi quos aegris neveris annos
Namquc akgris annos nomina nkvit hal>ent.
Jacobus Petit, Iheol. docior
et Societaii* Jesu*
« Le 2f» juillet de l'année 1605 j'arriva à Besancon, après le
long séjour faict en France. »
« Le 12 novembre 1605 j'espousa Guyonne Marquis ma pre-
mière femme au gré de tous ses parens et fusl en l'église de
— 221 —
S*- Vincent, estant pour lors curé Mons' Doroz en la parroisse
S*-Marjçelin. •
« Le 6 juin 1606 j'ay esté receu citoyen en ceste ville, ayant
seulement faict présent de deux mousquès, ayant esté gratifié
de Messieurs de l'argent que coustumièrement donnent ceulx
qui sont receus, ce que conste par hi lettre de ma réception. »
Page 12.
o Fut Guyenne Marquis, ma première femme mourut le 24
mars de l'année 1622 pour mémoire de laquelle et de l'aftection
que je lui avois je feis graver a S'-Pierre, proclie sa sépulture,
répitaphe suivant :
P. M.
Sla hospes, saxum cui immines, vide
fatum quod imminet praevide. Menti quae
cminet, invide, Saxum vides quo
Guydonae ex nobili Marquisiorum et
Sonetiorum génie corpus clauditur fatum
praevides quo te Matrona praeivit, in
egenos benignissima, Menti invides
quae nihil improbum vidit, nihil non
probum vidit, fato praevidit cum
abesset, fatum secura vidit cum adesset
et votodurum patientibus invidit.
Saxum vides, quod carissimi conjugis
lacrymis intepuit, pauperum quaerelis
ingemuit. Tu saxum vide, sed non
saxeus. Mortem praevide, sed non im-
providus. Menti invide sed non amens.
Hoc te volui ut hoc velles.
Quae jacet hic expers vitae nunc laeta valeat
Quod voluit medicus, si valuisset amor. »
Page 80.
» Mons^ Philippe, chanoine de l'insigne chapitre et officiai, est
décédé le 14 aost 1643 et m'a légué par testament un tableau
peint à huille, qu'il dict bavoir heu jadis estant à Rome de Mon-
seigneur rillustrissime Claude d'Achey, archevesque de ceste
— 222 —
cité. Il Testime par sond. testament plus qu*il ne vault. Je ne
laisse luy en estre obligé puis que c'est un tesmoignage de Ta-
mitié qui a estée continuelle entre nous par Tespace de plus de
38 ans. Dieu lui donne paix. »
Page 81.
« Le 28 octobre 1643 les RR. pères Jésuites m'ont faict pré-
sent d'un très beau plat à bassin avec son vase ou aiguière, ou-
vrage rare et parfaictement faict. Quelques uns ont creu que
c'estoit porcelaine, mais je tien que ce soit piustost ouvrage de
Venise. De plus y ait adjoint deux grands fruictières mesme fa-
çon et couleur. Et encores deux fruictières blanches, percées à
jour, avec deux chouettes blanches et violettes, en Tune des-
quelles se voyent les armes de messire de Salive. Oultre ce
encores un beau pot de la contenance d'environ un tier de
channe, marqueté de diverses couleurs, avec deux aultres petites
pièces. »
Page 82.
c Le 19 janvier 1645, les vents ont estes tellement impétueux
en ceste ville depuis les 4 heures du matin jusques a 9 heures
avant midy que la perte pour le desgat a estée de plus de cent
mille escus. Le clocher de St-Vincenta esté renvercé, celluy de
la Magdeleine, celluy des dames de Baptant et la pluspart des
deux tiers des maisons particulières de la ville ont estées des-
couvertes. J'ay receu un grand interest en ma maison a la
Raye, comme aussi à Montfaucon et en mon logis, ou présente-
ment je demeure. »
Page 84.
• Et comme dois longtemps j'avois choisi Tesglise des R.
Mères Carmelines pour y estre enterré, j'y ay faict porter une
tombe sur laquelle j'ay fait graver les vers suivans :
Adventorum mihi eitremam dum suspicor horam
Gonstitui vivens ossibus hune tumulum.
En la mesme église, près de la susdicte tombe est inhumé fut
Pierre-Bruno Garinel, qui passa de ceste vie à l'immortelle le
30 juin 1645; la mort de ce cher enfant m'a laissé un regret qui
ne s'oubliera qu'avec la mienne. »
— 2^ —
Page 87.
« Le 19 mars, jour S*-Joseph 1648, mon fils aisné a dict 6a
première messe en l'église des R. Mères Visitandines, lesquelles
luy firent présent d'un très beau cingulum de soye à deux cou-
leurs, d'une bouette à hostie et d'un esluy a mettre corporaux.
» Les Mères Garmélittes luy envoyairent un couvre-calice de
taftas rouge, couvert des Mistères de la Passion en or et soye,
en plus grande valeur et beauté qu'aulcun aultre qui soit au
pais. »
Page 91
« Geste année 1651, sur la fin de novembre, les eaux ont esté
tellement desbordées que depuis l'an 1570 l'on ne les uvoit veu
si grandes. Elles sont entré dans l'église du S^-Esprit pour la
haulteur de près de 3 pieds de toise, tellement que pour oster
le Si-Sacrement qui estoit sur le grand hautel, il a faillu entrer
en l'église avec un bateau. Toute la sacristie des Cordeliers a
esté inondée à trois pieds de hault. Plus de (rois quarts des
caves de la ville ont receu un grand interest, les tonneaux
couvert d'eaux, dont quelques uns ont esté espanchés. Dieu a
voulu que ma cave ai esté exempte de ce malheur. »
Page 95.
« Depuis ce temps est mort mon grand-père Jean Garinetqui
est celuy qui a escrit le contenu cy dessus et depuis ais aug-
menter ce qui suit.
• Mon grand-père mourut l'an 1657, la veille de la Toussai net
2 de novembre, et n'at pu escrire les enfants suivant que ma
mère Marie Privé a eust. *
LE
MARÉCHAL DUC DE RANDAN
LiortcMUit-Oéiiéral u GoamBcacat de FhadMXoflité
Par le IK BOURDIH
Séance du iO mai i909
h
Xescio quà natale solum dulcedine cunctos
Ducit, et immerores non sinit esse sui.
(Ch'iD.)
Depuis longtemps il existe dans ma famille le porlrail
d'un ancien lieutenant-général au gouvernement de Franche-
Comté, Guy-Michel de Durfort de Lorges, plus connu géné-
ralement dans ce pays sous le nom de duc de Randan 'A\ et
bien qu'il n'ait laissé dans l'histoire, malgré les hautes si-
tuations qu'il ait occupées, que la réputation d'un galant
(1) En Auvergne il était plus connu sous le nom de maréchal de Handan,
comme l'indique le passage de cette notice: « Guy-Michel de Durfort, ma-
réchal de France, est désigné, tantôt sous le nom de duc, tantôt sous celui
de maréchal de Randan. C est sous ce demie, nom qu'il était plus géné-
ralement connu surtout en Auvergne, où on se rappelle Tavoir vu quel-
quefois. Quant au titre de duc de Randan, on ne le trouve qu'une fois et
on pourrait croire que c'est par erreur. Le duché de Randan était éteint
et la terre redevenue comté. Mais il se peut que dans sa jeunesse, Guy-
Michel de Durfort ait été connu d'abord, non sous le titre de duc mais
bien sous celui de comte de Randan et qu'il, n'ait plus voulu quitter ce
nom. En effet, en 1758. époque de la mort de son père, se voyant sans en-
fants, il céda le titre de duc de Lorge à son frère cadet Louis de Durfort,
lieutenant générai, et qui avait porté jusque-là le titre de comte de Lorge
&i pour nous il ne fut plus connu que sous le titre soit de duc, soit plutôt
de maréchal de Randan. » {Recherches sur Randan, 1 vol. in-4% 1830).
I
— 225 —
homme et d'un homme galant, j'ai pensé qu'il pouvait être
intéressant pour notre Société de retracer, dans une courte
notice biographique, les traits principaux de son passage au
milieu de nous.
Ge portrait, qui n'existe pas dans nos musées comtois et
dont la rareté fait peut-être le seul mérite, représente le
duc en tenue de maréchal de France, avec l'habit et la cu-
lotte écarlates, le bâton fleurdelisé à la main, la poitrine
barrée du grand-cordon bleu de Tordre du Saint-Esprit. Près
de lui se trouvent sa cuirasse et son casque panaché de
blanc. Le cadre, en bois sculpté et doré, surmonté de deux
branches de chêne dont l'enlacement forme une sorte d'au-
réole au-dessus de la tête du sujet, est de style Louis XVI,
et par conséquent légèrement postérieur au portrait lui-
même.
Ce portrait n'est ni daté, ni signé ; mais il est facile de lui
assigner une date voisine de 1768, époque à laquelle le duc
a été promu maréchal de France, et antérieure à 1773, an-
née de sa mort.
Quant à l'auteur, il nous reste inconnu. Plusieurs peintres
croient reconnaître la facture de Wyrsch dans le fini et
le modelé de la figure et des mains et dans la négligence
souvent voulue de cet artiste pour certains détails et surtout
le -manque de correction du dessin dans l'ensemble de la
composition. C'est ainsi que le buste, bien posé d'aplomb,
est parfait, tandis que les jambes, au contraire, vues en
raccourci, paraissent trop courtes, la droite principalement.
Or nous savons que Wyrsch fai.sait toujours asseoir les per-
sonnages dont il peignait les traits et que son attention
principale se portait sur le port de la tête et des épaules,
qu'il soignait tout particulièrement, et-souveni au détriment
du reste de l'ouvrage. D'autre part, cette attribution n'a rion
qui puisse nous étonner, Wyrsch ayant été en quelque
sorte le peintre officiel des personnages manjuants de son
époque.
— 226 —
D'autres amateurs pensent que ce portrait ne serait
que la réduction d'un tableau plus grand que le maréchal
aurait fait reproduire un certain nombre de fois par Wyrsch
pour en faire cadeau à son entourage. Nous ne partageons
pas cette manière de voir, car nous savons combien les ar-
tistes de la valeur de Wyrsch aimaient peu à se répéter,
et il est probable, d'un autre côté, que si ce portrait avait
été plus répandu, on en eût trouvé certainement d'autres
exemplaires en Franche-Comté, où résident encore les
descendants de la plupart des familles qui ont servi le
duc.
Le i]iuséc de Cluilons-sur-Marnc» possè<le un tableau sem-
blable (jue le hasard m'a fait découvrir Tannée dernière en
me rendant au camp de ChAlons. Le catalogue porte simple-
ment la mention suivante : « Portrait d'un maréchal de
France an XVIIP siècle ». Il est entré dans ce musée avec
une collection d'autres tableaux et objets d'art vers 1860, à
la suite du décès d'un généreux donateur, mais sans indi-
cation de provenance ni d'identité.
M. Bellevaux, maire de la commune de Vadans (Haule-
Saône), possède un buste en plâtre du maréchal, monté sur
un pied cannelé, et qui doit dater de la même époque que
notre portrait et celui de Chàlons-sur-Marne. C'est la même
pose, le même costume et surtout la même physionomie im-
posante et majestueuse avec cet air de douceur et de bonté
que chacun lui reconnaissait. Il avait été donné en ca-
deau par le maréchal à son médecin, M. Jeannot(i), ancien
médecin de marine, attaché à sa personne et aïeul mater-
nel de M. Bellevaux ; aussi n'a-t-il jamais quitté cette fa-
mille et se trouve-t'il dans un état de parfaite conservation.
(l) On remarque dans l'église de Thervay (Jura) une pierre tombale avec
l'inscrifition suivante : « Ci-git Monsieur Jeannot, de Thervay, ancien chi-
rurgien de la maiine, généralement aimé et estimé et très legrellé de sa
famille. Décédé le 1i février 1818, âgé de 67 ans. Requiescat in paee.
Amen, d
— 227 —
M. Bellevaux a bien voulu, avec son obligeance habituelle,
nous permettre den prendre la photographie.
Ces deux portraits et le buste dont il vient d'être ques-
tion, rendent assez bien la physionomie du personnage qui,
au dire des mémoires du temps, avait un air imposant et
majestueux, cet air de grandeur auquel on reconnaît de
suite l'homme fait pour commander aux autres et une assu-
rance que seule peut donner l'habitude du pouvoir et du
commandement.
Le duc de Randan, né en 4704, mort en 1773, était le
petit-fils du maréchal duc de Lorges, ancien gouverneur de
Franche Comté, celui tiui, après la mort du maréchal de Tu-
renne, fut mis à la télé de l'armée et releva si bien le cou-
rage des troupes, altérées par une perte aussi sensible, qu'il
put les mener de nouveau au combat et remporter la vic-
toire d'Altenheim. Il était le fils de Guy-Nicolas de Durfort,
duc de Lorges, comte de Quintin, qui avait épousé Thérèse
Chamillart, fille du ministre de ce nom sous Louis XIV.
La terre de Randan, par suite de la mort de la duchesse
de Lauzun, sa tante, survenue en 1740, à laquelle elle ap-
partenait soit comme héritière testamentaire de son mari, le
fameux duc de Lauzun(l), soit plutôt comme exerçant ses
reprises matrimoniales, étant donné le peu d'harmonie qui
régnait dans ce ménage si mal assorti — le duc avait qua-
rante-deux ans de plus qu'elle — la terre de Randan, dis-je,
passa dans la maison de Lorges et Guy-Michel, son neveu,
réunit alors l'usufruit à la propriété, dont sa tante l'avait
déjà investi dès 1723 (2).
Quelques auteurs pensent que ce fut au détriment de son
(1) Le duc de Randan, dont nous nous occupons, était donc le neveu, à
ia mode de Bretagne, du célèbre duc de Lauzun, le favori de Louis XIV,
dont chacun connaît la haute fortune et les malheurs plus grands peut-ôtre
encore que la fortune.
(2; Année de la mort de son mari. (Europe vivante et mourante, par
rabbé D'ESTRÉES).
— ti28 —
frère Louis que cette donation eut lieu ; mais il est à présu-
mer que le duc ne fit que profiter d'un droit indiscutable à
cette époque, le droit d'ainesse, et (|ue c'est pour la même
raison et en vertu de cet usage (jue la duchesse de Lauzun,
sa tante, crut devoir en faire son seul et unique héritier.
Elle avait, en effet, pour les deux frères, la même affection,
car, victime innocente de la jalousie de son vieux mari, elle
ne s'était retirée et enfermée au chAteau de Randan que
pour se consacrer entièrement à Tinstruction et à l'éduca-
tion de ses deux neveux, qu'elle affectionnait tout particu-
lièrement.
Colonel à TA^e de dix-neuf ans suivant les usages du
temps et meslre de camp d'un régiment de cavalerie qui
poitait son nom, il guerroya longtemps en Lombardie, en
Allemagne et en Flandre, prenant une part active à toutes
les actions militaires de cette éi^ocpie. Brigadier de cavalerie
en 17;V4, maréchal de camp en 17 R), il fut investi en 1741
du commandement militaire de la Franche-Comté en rem-
placement de son cousin, le duc de Duras, qui venait d'être
nommé maréclial de France et appelé à Paris.
Par son mariage avec M^**^ Elisabeth Philippine de Poitiers
qui, à la suite d'un procès retentissant dont le dernier mot
ne fut dit qu'au ClirUelet, était entrée en possession de tous
les biens de la famille de Rye{t), grâce au testament de
Ferdinand de Longwy, dit de Uye, archevêque de Besancon,
son grand-oncle, le duc devenait un des plus riches et des
pluH puissants seigneurs de Franche-(^)mté. De plus, il arri-
vait dans notre pays précédé d'une réputation mditaire de
infiriier ordre et avec le titre de cotnmandant en chef pour
h ♦ ^îajesté Très Chrétienne au Comté de Bourgogne.
Sun entrée solennelle dans la ville de Besançon eut lieu le
\ 1 1 Nous f)ossédoiis (i'ins notre collortior» (te monnaies et médailles un
jiHith portant an dioit les aimes des «le Rye et en exerpne : « Girant (te
Hye. seignenr de Balaneon >•, el an réveils les armes de sa femme et en
fiM^n^ue tt Loyse de Long\ y, dame de Vuillafans ».
b
— 229 —
1" juillet 1741 et fut marquée par des réjouissances publi-
ques, des distributions de vivres aux pauvres et des illumi-
nations très réussies, au dire des chroniques (1).
La ville entrevoyait une ère nouvelle de prospérité et de
plaisirs ininterrompus. En elTet, sous les auspices du duc, les
fêtes allaient succéder aux fêtes, les grandes réceptions, avec
leur animation coulumière, allaient commencer et les repré-
sentations scéniques s'installaient brillamment au palais
Granvelle, en attendant que la salle de spectacle, qui était
déjà projetée, pût enfin ouvrir ses portes. Un comédien, du
nom d'Armand, à la fois auteur et acteur, y remporta de
grands succès. Avant de quitter lîesançon pour aller se mon-
trer sur une scène plus grande, à Paris, il adressa au duc de
Randan Tépître suivante :
Monseigneur, pendant l'intervalle
Qu'il faut pour bâtir une salle,
Trouver bon (|u'il me soit permis
D'aller faire un tour à Pans,
Pour voir la face débonnaire
D'un quidam qu'on nomme mon père,
Et lui conter de bonne loi
Vos fréquentes bontés pour moi.
Je m'ébabis quand j'cnvisngc
Tous les frais qu'exige un voyage ;
D'abord, il me faut un b;tbit
Que Carret me l'ail à crédit,
Sur lequel ce tailleur modesie
Ne me volera qu'une veste;
Car je prétends bien faire bonneur
A la troupe de Monseigneur,
Et qu'à Paiis chacun s'écrie,
Considérant ma friperie :
Ces comédiens de Hesançon
Parbleu, se mettent de bon ton î
Comme on le voit, tout lut à la joie et au plaisir et on peut
dire, avec le comte Hugon de Poligny, que le jeune duc arri-
(1) Journal de l'avocat Griment, mss. iOliU-lOil, Bibl. de Besançon,
— 230 —
vait dans la province « avec Tescorte légère des plaisirs
dont il ne pouvait se passer et auxquels beaucoup de gens
étaient empressés de prendre part (^) ».
Princièrement installé dans Thôtel du commandement,
Tancien hôtel Montmartin (2), qui est aujourd'hui la propriété
des Daines du Sacré-Cœur, il possédait à Balançon, dont il
était devenu le seigneur, avec le droit de haute, basse et
moyenne justice par suite de son alliance avec M"« de Poi-
tiers, Théritière des de Rye, un des plus beaux et des
plus anciens châteaux de la province. C'est là surtout qu'il
aimait à séjourner pendant de longs mois, pour s'y reposer
des soucis et des fatigues du commandement, dont il aban-
donnait du reste assez facilement la gérance à son neveu.
Les fêtes qu'il y a données sont restées célèbres entre toutes
et, pendant de longues années, Balançon est devenu le ren-
dez-vous de tout ce que la province comptait de personnages
marquants par leur naissance ou par leurs talents et d'illus-
trations féminines.
Le Ghftteau de Balan(oii.
Le château de Balançon G^), dont l'origine remonte à Te-
ll) HuGON DE Poi.iGNY, La Franchc-Comté ancienne et moderne.
(2) L'hôtel Montmarliii a éUS construit par le maître maçon bisontin Ri-
chard Maire, sur l'emplacement de l'ancienne tour Montmartin, conformé-
ment à l'ordre du cardinal de Granvelle, qui mourut en 1586 avant l'achè-
vement des travaux. Il fut acquis par la ville en 1618, et, après avoir été
pendant quelque temps utilisé comme manège, il fut attribué comme ré-
sidence au lieutenant général. On appela dès lors cette maison a le Gou-
vernement », car le gouverneur qui avait pour résidence le palais Gran-
velle était presque toujours absent de Besançon et c'est à l'hôtel Montmar-
tin que se traitaient réellement les alfaires de l'Etat. En face de l'hôtel, se
trouvait une petite place pavée qui permettait aux attelages de tourner et
de circuler commodément, et que, pour cette raison, on nommait un
« tourne-bride ». La ville vendit l'hôtel en 1793 et les Dames du Sacré-
Cœur l'achetèrent en 1823.
(3^ D'après une légende recueillie dans le pays, il existerait un souterrain
— 231 —
poque romaine, est placé en amphithéâtre sur la rive gauche
de l'Ognon, dont il domine la magniliciue vallée et à rem-
branchement de trois grandes routes, re qui a valu son nom
au village de Thervay 1; (très viae)^ situé en contre-bas à
l'ouest et à quelques centaines de mètres seulement du châ-
teau. Les sires de Pesmes en ont été les premiers posses-
seurs pour passer ensuite aux de Rye et finalement à M'**^ de
Poitiers, épouse du duc (\o Randan.
llousset, dans son dictionnaire historique des communes
du Jura, nous apprend (|uc ce chAteau avait quatre tours, trois
carrées et une ronde, d'une hauteur de vingt à vingt-cinq
mètres, qu'il était entouré d'un fossé de trente-cinq mètres
de largeur et de dix mètres de profondeur, qu'un pont-levis,
flarxjué de deux de ces tours, en défendait l'accès et qu'enfin
sa superficie totale, dépendances comprises, était d'environ
quatre à cinq hectares.
Balançon eut à soutenir des sièges fameux, dont l'histoire
nous entraînerait trop loin. Qu'il nous suffise de rappeler
qu'il a été successivement assiégé par La Trémoille en 1477,
par Tremblecourl en 1595, par La Meilleraie en 1636, par
Beauquemare en 1674 et qu'enfin il servit de base d'opéra-
tions et de centre de ravitaillement, ainsi que les châteaux
voisins de Pesmes et d'Ougney, pendant les conquêtes de
Louis XIV.
C'est ainsi que Bussy-Rabulin s'exprime au commence-
qu! faisait autrerois communiquer le château de Balançon à celui de Mont-
mirey-le-Chàteau. On montre encore dans ce dernier l'entrée présumée de
ce souterrain mais aucune fouille n'est venue encore confirmer ce fait.
D'un autre côté, bien que cela ne soit pas extraordinaire, il ne faut pas
perdre de vue que ces deux châteaux sont distants Tun de l'autre de quatre
à cinq kilomètres en ligne droite.
(l) Jusqu'à la Révolution, Thervay s'écrivait Tervay, sans/i, orthographe
plus conforme à son étymologie. il est vrai que quelques étymologistes
font venir Thervay, Tervay, Trevai, de 8lrata via, rue pavée. En effet, la
voie romaine de Pontailler à Besunçon traversait ce village et était pavée,
comme l'étaieut toutes les voies romaines.
— 232 —
ment de ses mémoires : « Le prince de Gondé entra à la fin
de May dans le comté de Bourgogne par Auxonne avec une
partie de l'armée et le grand maître de Tartillerie par Pon-
tiùller avec l'autre, de laquelle était le régiment de mon père
ffu'il laissa dans la ville de Pesme après Tavoir prise et il me
donna Tordre de me saisir d'un château nommé Balançon à
deux lieues de là et d'y mettre un capitaine avec cinquante
hommes ».
De son côté, l'intendant de l'armée française Tarnelle écri-
vait de Pesïnes au marquis de Louvois : « Nous venons de
prendre les châteaux d'Ougney et de Balançon, tous deux au
marquis de Varernhon, situés entre TOgnon et le Doubs et
qui nous incommodaient fort ».
Le duc afTectionnait tout particulièrement cette princière
demeure, dont il avait lui-même surveillé l'agencement inté-
rieur et (ju'il avait meublée avec un goût exquis. L'inventaire
du mobilier fait après son décès et que M. Gauthier a re-
trouvé et gi-acieusetnent mis à notre disposition ne laisse au-
cun doute à cet égard.
Les jardins, le parc et le boulingrin avaient été dessinés et
tracés suivant la mode anglaise : c'était là une innovation en
Franche-Comté qui devait souvent être imitée par la suite.
On avait répandu à profusion les statues de marbre, de
pierre, de céramique, dont le duc avait fixé lui-même les
emplacements et dont l'inventaire nous donne une curieuse
description II faut citer, entre autres, deux statues représen-
tant l'une un bûcheron et l'autre une baigneuse, puis cinq
autres en terre cuite nous montrant un groupe d'enfants,
une vendangeuse, une marchande de fruits, un joueur de
flûte, etc. Une seule paraît avoir échappé à la tourmente ré-
vululionnaire et se trouve à Jallerange (1), dans une maison
particulière.
« Au centre du parc, qui était superbe, nous dit Marqui-
(1, Chez M. de Jalleraiige.
I
Société d'Emulation du Doubs, 1902.
Le Maréchal duc DE RANDAN
1704- 1773
- 233 -
set dans sa statistique de rarrondissement de Dole, l'artiste
avait su ménager une rotonde de verdure garnie de bancs et
au milieu de laquelle s'élevait une pyramide élégante,
chargée de bas-reliefs sculptés et de galantes devises, t
Le maréchal de Belle Isle vint un jour avec sa femme
rendre visite au duc de Randan à Balançon. La description
qu'il donne de ce château, dans une lettre datée d'Oulins, est
intéressante à citer : « Nous sommes partis de Plombières,
Madame de Belle-Isle et moi, le 9 pour arriver le 13 chez le
duc de Randan à Balançon, après avoir passé par Verdun.
C'est un vieux château sur le bord de la rivière du Doubs
(sic) qui traverse des prairies immenses, terminées par des
coteaux garnis de plusieurs villages. Le duc a pratiqué dans
la cage de l'escalier, qui est vilaine extérieurement, vingt-
huit logements de maître ; ceux que j'ai occupés et que j'ai
été voir sont extrèjiement commodes et agréables, lia fait
un magnifique potager qui communique par des allées dans
un bois qu'il a percé et accommodé dans le modèle de la
Ferté, ce qui procure des promenades à l'infini et d'autant
plus agréables que le terrain est doux comme du velours et
toujours sec par la grande quantité de rigoles et de petits
aqueducs qui en tirent toutes les eaux, quelque pluie qu'il
fasse. En total, c'est une très agréable habitation, d'autant
plus que c'est en même temps une très belle terre. »
C'est dans ce cadre merveilleux et que je ne saurais mieux
dépeindre, que s'est écoulée en grande partie l'existence
franc-comtoise du duc de Randan, et c'est là, dans un vil-
lage des environs, à Thervay, qu'a été retrouvé son portrait,
égaré sans doute pendant la Révolution, et conservé à peu
près intact jusqu'à ce jour: rare épave d'un passé déjà loin-
tain et d'un grand nom disparu.
Aujourd'hui^ en effet, de cette illustre demeure, qui a été
vendue en 4793 comme bien national, il ne reste plus que
des murs délabré^*, des pierres croulantes et retenues à
grand'peine par le lierre qui les enlace, quelques motifs
16
— 23i —
de sculpture finement travaillés dans les encorbellement.^
des portes et des fenêtres et où domine le marbre de Sam-
pans, et dans la cour d'honneur, une colonnade en pierre
polie surmontée de chapiteaux renaissance dont les côtés
intérieurs sont encore bien conservés. Des quatre tours,
deux existaient il y a peu de temps encore et donnaient au
touriste l'illusion plus complète de l'ancien château-fort.
Aujourd'hui il n'en reste plus qu'une seule et nous ne dou-
tons pas que les travaux entrepris par son nouveau proprié-
taire, M. Druhen, ne conservent à notre pays ce dernier
vestige d'une de nos plus puissantes forteresses féodales et
l'un de nos plus précieux souvenirs archéologiques dont les
photographies actuelles ne peuvent malheureusement nous
donner qu'une bien faible idée de son ancienne importance
et de sa grandeur passée.
Rapports du duc de Randan avec la Manicipalité.
Malgré le faslo somptueux dont le duc de Randan entou-
rait son existence et l'accroissement des dépenses qui en ré-
sultait pour la ville de Besançon, les rapports entre le duc
et la Municipalité restèrent empreints d'une grande courtoi-
sie, voisine de la cordialité. C'est à peine, en effet, si de
temps à autre, le magistrat ose élever de timides observa-
tions.
C'est ainsi (|ue lorsque le duc fut nommé pour comman-
der dans la province, en 1741, il exigea que toutes les glaces
de l'hôtel du gouvernement fussent achetées et installées
aux Irais de la ville. C'était là une torte dépense que celle-
ci hésitait à accepter, en faisant valoir la modicité de son
budget et les dépenses toujours croissantes nécessitées par ^a
situation do chef-lieu delà province et de ville de guerre. l\
(I; w Sous ranrien régime, ii était d'usaj^c que les bourgeois des platvs
fortes devaient le logement aux militaires de la garnison. Les villes qui
— 235 —
mais le duc passa outre et nous trouvons dans l'inventaire
dressé après son décès, un certain nombre d'objets mobi-
liers, et parmi eux, beaucoup de glaces avec leurs trumeaux
qui n'entrèrent pas en ligne de compte et furent restituées à
la ville (1).
Lorsque Louis XV, à son retour de Metz, où il venait
d'être si dangereusement malade, traversait la Fiance aux
acclamations unanimes de son peuple, qui l'avait surnommé
le « Bien Aimé », dût s'arrêter à Vesoul, le duc lui présenta
six compagnies très richement équipées et magnifiquement
armées (2). Il reçut, à leur endroit, un compliment flatteur
que suivit de près le grade de lieutenant-général. Pendant
assez longtemps, la ville hésita à solder la dépense de cette
coûteuse intervention, mais elle dut céder à la fin à l'in-
jonction qui lui était faite : le duc était grand et voulait faire
grand.
voulaient exonérer de cette charge leurs habitants devaient construire à
leurs frais des casernes, les meubler et les entretenir. » {Besançon ei ses
environs, par A. Castan, nouvelle édition, complétée et mise à jour par
L. PiNGADD.)
Besançon n'échappait donc pas à la règle générale, et on retrouve au-
jourd'hui encore, dans toutes les casernes de la ville, d'anciennes plaques
de cheminée portant au centre les armes de Besançon, avec la date de leur
fabrication. Ces plaques, qui n'ont plus leur raison d'être, les cheminées
ayant disparu des casernes, sont utilisées comme dessous de poêles pour
protéger les parquets. Aujourd'hui, les villes font parfois des sacrifices
pécuniaires énormes pour posséder des troupes qu'elles considèrent comme
une source de revenus, et TEtat bénélicie, comme autrefois, de cette situa-
tion, en accordant ce qu'on lui demande quand cela est compatible avec
les intérêts de la défense nationale et le service militaire.
(1) « ... Les appartements manquaient de glaces : la municipalité, mal-
gré ses résistances, paya cet embellissement deux mille sept cent quatre-
vingt livres. » {Mon Vieux Besançon^ par G. Coindre.)
(2) c I^cs compagnies bourgeoises faisaient honneur à la ville lorsqu'elles
défilèrent, au mois d'oclobre, devant le roi Louis XV à son passage à Ve-
soul. Equipées de neuf, leur tenue était un habit do drap de Lodève écar-
late, à parements de panne noire et brandebourgs aux couleurs noire,
jaune et rouge. On leur avait adjoint trois hautbois et un basson, dont les
instruments étaient drapés de volants en camelot rouge. » (G. Coindre,
Mon Vieux Besançon,)
— 2a(î —
Plus lard, en 1759. la ville reçoit la duchesse de la Tré-
mouille, fille du due de Uandan^ venue à Besançon avec la
ducliesse s;i mère. I^ municipalité, nous dit Castan dans ses
Soles 8ur V histoire municipale de Besançon^ soupait d'ordi-
naire à riiôlel de ville quand une réception de ce genre
avait lieu, mais la misère des temps et l'épuisement de la
caisse ne le permettaient pas. On se contenta d'offrir à ces
dames des giUeaux et des confitures sèches <^).
Plus tard encore, en 1706, la pauvreté de la ville et les
économies que Ton cherchait à réaliser empêchèrent de faire
ahoutir le pn^jet du gouvernement, éminemment hygiéni(|ue
pourtant, d'augmenter le nombre des lits dans les ca-
.<ernes, alln que clKUfue soldat ait scm lit et que les hoinuies
ne soient plus obligés de coucher deu.v à deux «2 . Les ins-
tances du duc de Uandan restèrent sans succès II est vrai de
dire qu'à cette époque c'était, comme nous le savons, à la
ville (]u'ineombait le soin de meubler les casernes en grande
partie et les dépenses de ce chef s'étaient accrues singuliè-
rement depuis la conquête.
En revanclie, nous allons voir comment le duc savait par-
fois, quand il le voulait, conseiller ol même au besoin im-
poser des économies.
Le G janvier 1708, il est créé maréchal de France, tout en
conservant le conunandement militaire de la province. Les
conseillers nmnicqKiux, cjui se faisaient les interprètes de la
ville entière, voulurent célébrer col événement en grande
pompe 11 s agis-ail de donner un bal et d'organiser des ré-
jouissances publi(iues dont le souvenir fût resté. Le duc s'y
opposa en raison « de la cheveté des vivres el de la rigueur
de Vhivcr ». F.n même temps, il faisait distribuer aux
pauvres de la ville 400 mesures de blé, dont les curés de
(ij Castan, liiatoire municipale de Besançon,
(2i Cette coiituinc a pei>isté jusquà la Kévolution. Seule, l'expressioa
camarade de lit a subsisïtê pour indiquer le voisin de lit.
- 237 —
chaque paroisse furent chargés de faire la répartition, et
6^000 livres de sa cassette particulière aux pauvres de ses
terres, que son intendant, le sieur Isabey, reçut Tordre de
verser. Quant à la municipalilé, malgré la défense qui lui en
avait été faite, elle fit illuminer néanmoins devant Thôtel de
ville et rhôtel du commandement.
Entre temps, le duc de Randan s'occupait des affaires de
la province, dont le gouverneur, qui n'y venait que rare-
ment d), lui avait laissé toute la charge ; mais il ne le faisait
que d*une façon très irrégulière, en raison de ses absences
nombreuses et de longue durée de Besançon Aussi son pre-
niier soin avait- il été de pourvoir son neveu, le vicomte de
Lorges, de la survivance de l'emploi de lieutenant général
en Franche -Comté et quand ce dernier mourut, ce fut son
propre frère, le duc de Lorges, Louis de Durfort, qui lui fut
associé pour commander la province, et qui à la mort du
maréchal, survenue en 4773, réunit sous son nom les terres
de Ilandan et de Lorges et le remplaça effectivement et no-
minativement dans tous ses titres et dignités. Il est même
question dans les chroniques d'un vin d'honneur offert par
la municipalité au duc de Lorges, venu pour commander à
Besançon en l'absence du duc de Randan, son frère.
Les questions militaires semblaient pourtant l'intéresser
davantage et primaient toutes les autres à ses yeux, car tout
en lui rappelant sa jeunesse, qui s'était passée dans les
camps, elles devenaient pour lui l'occasion de fêtes magni-
fiques et d'invitations nombreuses dont il était si prodigue.
A cette époque, en effet, les parades militaires, les re-
vues, les exercices et même ce que nous appelons aujour-
d'hui les grandes manœuvres, étaient à l'ordre du jour.
C'est ainsi qu'au printemps de l'année 1751, eut lieu le si-
(1t C'est ce qui explique pourquoi le duc de Randan est souvent, par
erreur, appelé du titre de go'tverneur^ bien qu'il n'ait été réelleuient que
lieutenant-général au gouvernement de Franche-Comté.
— 238 —
mulacre d'un siège qui fut, paraîl-il, très intéressant. On
avait construit au polygone un fort en miniature muni de
toutes ses défenses. Le duc de Randan vint en personne en
commander Tattaque, et, pour cette manœuvre, le régiment
de Tressel et six compagnies de la milice avaient reçu
Tordre de venir se joindre à la garnison de la place. Ces ma-
nœuvres ne différaient de celles d'aujourd'hui qu'en ce
qu'elles servaient le plus souvent de prétexte à de grandes
réjouissances et à des fêles sans égales. Toute la noblesse des
environs se faisait un devoir d'y assister, les dames suivaient
à cheval ou en carrosse comme s'il se fût agi d'une chasse
à courre, et le soir était généralement réservé à des dîners
de gala, des réceptions brillantes ou des bals improvisés.
En 1752, le comte d'Argenson, alors ministre de la guerre,
voulut réglementer ces manœuvres et institua des camps
d'instruction, dont six furent créés l'année suivante. La ville
de Gray en vit un s'installer sur les bords de la Saône. Une
instruction royale réglementait l'administration et la disci-
pline de ces camps, comme par exemple : « l'obligation pour
tous les officiers, y compris les colonels, de camper avec
leur régiment; l'interdiction faite aux officiers de chasser, de
jouer aux jeux de hasard, etc. Leurs tables seront servies
sans luxe ni recherche, et dans les haltes, il ne devra être
servi que des viandes froides sans aucun ragoût ni autre des-
sert que -du fromage *>.
Ces instructions n'étaient pas précisément suivies à la
lettre, car la chronique nous apprend que chaque soir M. de
Randan recevait plus de cent personnes à sa table, M. de
Beaumont soixante, etc. Ces dîners se prolongeaient fort tard
et duraient une partie de la nuit. Les camps d'instruction de-
vinrent des camps de plaisance et il est peut-être difficile
aujourd'hui de nous faire une idée du faste qui régnait à cette
époque où chacun se disputait les invitations de ces illustres
personnages, à la table desquels c'était un grand honneur
d'être admis.
— 239 —
Le camp d'instruction de Gray fut donc commandé par le
duc de Randan, ayant sous ses ordres le comte de Graulle,
commandant la cavalerie, le marquis de Montconseil, com-
mandant l'infanterie et enfin son propre neveu, le comte de
Lorges.
Ces manœuvres durèrent du l«'au 30 septembre. Les pre-
miers jours furent employés à l'installation et à l'organisation
des troupes. Le 4 septembre, le duc en passa la revue et à
ce propos écrit au ministre qu'il a trouvé toutes les troupes
belles et bien tenues. « Les régiments d'Alsace ont cependant,
dit-il, amené beaucoup de malades, mais j'espère que le
changement d'air et le beau temps les rétabliront complète-
ment. Les troupes témoignent bonne volonté et le début me
donne tout lieu d'espérer que vos instructions seront parfai-
tement remplies ».
Plus loin, il expose le programme qu'il compte appliquer.
€ Messieurs les inspecteurs vont d'abord exercer séparément
les troupes jusqu'à ce qu'elles soient en état d'être rassem-
blées. Je compte qu'elles pourront l'être dans quelques jours
et que, dans les premiers jours de la semaine prochaine, nous
commencerons à faire alternativement avec les exercices et les
évolutions, les manœuvres générales que j'ai projetées et qui
seront très instructives dans les terrains que j'ai reconnus ».
Les exercices continuèrent alors en suivant une progres-
sion marquée. Le 10, il y eut un <r fotin^nge ». Le duc de
Randan en rend compte au ministre de la façon suivante :
«r J'ai fait avant-hier. Monsieur, un fourrage dont vous verrez
ci-joint le détail et la carte. Je ne peux donner assez d'éloges
à l'infanterie. Toutes les manœuvres ont été exécutées avec
la plus grande précision La cavalerie témoigne également
bonne volonté, mais n'est pas aussi instruite. Je vais lui faire
faire un exercice général, etc. ».
On voit de suite que c'est un ancien colonel de cavalerie
qui parle et qui sait reconnaître les moindres fautes d'une
arme dans laquelle il a brillamment servi.
— 240 —
Le 14 septembre eut lieu une manœuvre à double action.
Le parti de l'attaque était commandé par le comte de Lorges
et celui de la défense par le marquis de Montconseil qui oc-
cupait, en avant de Gray, les deux côtés de la route qui s'é-
tend de Gray à Dole. Toutes les instructions générales et de
détail furent données par le duc de Randan, qui rappelle
entre autres les prescriptions du ministre qu'il est expres-
sément défendu à « tous soldats d'avoir aucune balle ni
plomb ou moule pour en couler, de cueillir aucuns fruits,
herbages ni légumes...; de couper aucun arbre fruitier ou
autre, ni aucune haie, ni d'entrer dans les vignes, etc. ».
L'action se déroula entre Champvans et Gray ; il y eut des
attaques, des combats d'infanterie, charges de cavalerie, re-
traites, etc. Tout avait été prévu pour la bonne instruction
de tous.
Le IH, les troupes décampèrent, passèrent la Saône et
vinrent occuper les hauteurs en arrière et au nord de la ville
de Gray, où les exercices continuèrent comme dans la pre-
mière période.
Il y eut, notamment, « un fourrage t le 22 septembre et
une manœuvre générale le 24, à laquelle toutes les troupes,
divisées en deux armées, l'une française, l'autre anglaise,
prirent part. Malgré cela, leur nombre n'était pas très élevé
en raison de la diminution progressive des effectifs parle tait
des malades, aussi le duc de Randan s'appliqua- t-il surtout
« à renfermer dans ce simulacre de combat plusieurs diffé-
rents mouvements d'exercices et à y faire pratiquer les diffé-
rents feux prescrits par les nouvelles instructions ».
La dislocation eut lieu à partir du 29 septembre et les
troupes regagnèrent leurs garnisons respectives (t).
(1) Les camps dinsiruclion réunis en 1753 étaient au nombre de six :
en Hainaut, à Aymeries-sur-Sambre; en Cbampagne, à VUlers près Maixiè-
res; dans le pays Messin, sous Sarrelouis; en Alsace, à Erslin; en Franche-
Comté, près de Gray, et en Languedoc, à Beaucaire. — Leur but était, en
dehors de i'iustruclion à donner aux troupes, de masquer les mouvements
- 241 —
Ces grands rassemblements de troupes, qui avaient pour
but l'instruction militaire, n'étaient pas les seuls en honneur
à celte époque, les revues et les parades étaient fréiiuentes
C'est ainsi que la pose de la première pierre d'une caserne
ou d'un fort servait de prétexte à des solennités militaires ou
à des réjouissances nombreuses, auxquelles le peuple, qui a
toujours aimé les fêtes publiques, prenait une large part.
En 4741, on décide de construire un nouveau pavillon mi-
litaire sur la place des casernes, du côté de Bregille (1). Le
40 août, jour fixé pour la cérémonie, le maréchal donna
Tordre aux compagnies bourgeoises de prendre les armes
avec drapeaux et fanfares Les troupes se réunissent sur la
place, où le duc se rend à clieval, suivi d'une brillante es-
corte, tout en s'étant fait attendre très longtemps. A son ar-
jrivée, il reçoit les compliments de la municipalité et passe
la revue des troupes, qu'il fait ranger ensuite en demi-cercle
autour d'un fossé préparé à l'avance et où devait être posée
la première pierre. Le manuscrit de l'avocat Grimont, qui
nous donne les détails qui vont suivre, nous apprend que le
maréchal descendit alors dans le fossé. Il se revêtit d'un ta-
blier de maçon, on lui présenta une truelle et du mortier sur
deux plats bassins d'argent et ce fut au son des violons, des
hautbois, des timbales et des trompettes et au bruit des
boîtes à mitraille, que l'on faisait éclater sans interruption du
haut des remparts, que le maréchal posa et scella la pre-
mière pierre de la caserne. Cette solennité se termina par un
défilé des troupes, auquel assistaient l'archevêque et son cha-
pitre, les conseillers municipaux et tous les hauts fonction-
naires de la ville. Puis, ce fut aux cris mille fois répétés de
a Vive le maréchal «, a Vive Monseigneur », que le duc fut
ramené triomphalement à son hôtel, dans la rue de Cha-
niars.
et les rasseiiibleinenls en cas dhostilité imprévue. {Revue d'histoire rédi-
gée à Vétal-major de larmée (section hisloiiquc-, aiin«'*<* 11H>2.
(i) Ce pavillon a été construit par Longiii, architecte de la ville.
— 242 —
Nous savons que la police de la ville était assurée à cette
énoque par des militaires qui, parfois, outrepassaient leurs
droits et usaient trop largement de leurs prérogatives en fai-
sant des arrestations qui, aux yeux des bourgeois, pouvaient
paraître arbitraires. Ce fut là souvent un objet de plaintes de
la part du magistrat qui, après de nombreuses requêtes, ob-
tint que chaque patrouille fût accompagnée d*une personne
de la ville. C'est ainsi que le duc. ayant donné Tordre que
les j)()rtes de la ville fussent fermées le soir en toute saison,
riiiver à cinq lieures et demie et l'été à huit heures, ce dont
les hid)il;uits étaient avertis par un c<aip de cloche, une heure
avant la fermeture, la municipalité désigna un certain nombre
de bourgeois qui, chaque jour, au nombre de six, devaient
prendre la garde et accompagner les patrouilles dans toutes
les rues de la ville. C'était un moyen de réprimer ainsi le zèle,
parfois excessif des soldats, tout en évitant les arrestations
arbitraires dont nous venons de parler.
Kn 1702, le duc donna Tordre d'établir, en arrière du corps
de garde de l'hùlel de ville, une piison spéciale pour y rece-
voir les maraudeurs arrêtés pendant la nuit et y enfermer les
filles de mauvaise vie ainsi que les « carillonneurs f, nous
dit Castan, qui « essaieraient de faire violence à la garde ».
C'est le premier essai dans notre pays de ce que Ton appelait
déjà à cette époque « le violon », mot dont Tétymologie reste
néanmoins très obscure d).
Le 6 janvier 1768, le duc de Randan est nommé maréch«il
de France, tout en conservant le commandement militaire de
la province de Franche-Comté. Immédiatement la municipa-
lité, en même temps qu'elle lui adressait ses compliments et
ti, Quelques étvînologistes supposent qu'à celte époque le local de la
prison avait la forme ohlon^ue d'une boile à violon! Mais il nous parait
plus siu){ile (ladmetlve que. coiuine on iie peut pns danser s;ins violon, la
police ollVait le violon à ceux qui chantaient et dansaient dans la rue. c est-
a-dire que Ton conduisait au poste ceux qui faisaient du tapage ou du
scandale dans la rue. à des heures indues.
— 243 —
ses félicitations pour la haute dignité dont il venait d*étre in-
vesti, donnait Tordre d'illuminer et de pavoiser les maisons
et les édifices publics, malgré l'avis qu'elle avait reçu du ma-
réchal, comme nous l'avons déjà vu, de ne faire aucune dé-
pense, <• en raison de la chèreté des vivres et de la rigueur
de l'hiver ».
Peu de temps après, la municipalité eut l'occasion de se
dédommager amplement : l'enirée solennelle du maréchal à
Besançon devait être, en effet, l'occasion de grandes fêtes,
qui eurent lieu le "22 juin suivant. Toutes les troupes étaient
échelonnées le long des rues où devait passer le cortège; les
maisons étaienl décorées de feuillage, d'oriflammes et de dra-
peaux aux armes du duc auxquelles on avait ajouté l'insigne
du maréchalat, deux bâtons croisés en sautoir; d'immenses
transparents avaient été placés de distance en distance avec
cette devise, que la municipalité avait eu le soin de dicter
aux habitants : « Vive Monseigneur le maréclial de Lorges ».
l)e grandes précautions avaient même été prises pour préve-
nir les accidents; c'est ainsi que les rues pavées avaient été
recouvertes de paille pour éviter les glissades des chevaux.
C'est à Château -Farine que le maréchal monta à cheval et,
suivi d'une escorte brillante et nombreuse, il se dirigea sur
Besançon En passant devant le polygone, le cortège est
salué par de nombreux coups de canon qui se succèdent sans
interruption.
A l'entrée de la ville, le maire attendait avec les conseillers
municipaux et les membres du parlement, tous en grand
costume, robe de soie noire rehaussée de satin cramoisi. Il
présenta au duc de Randan les clés de la cité sur un plateau
d'argent. Le peuple fit alors retenlir l'air de ses cris d'allé-
gresse et de ses vivats prolongés, et c'est au milieu d'une
double rangée de soldats, qui contenait à grand'peine la
foule accourue de très loin, que le maréchal fit son entrée à
Besançon, répondant par des saluts aimables à toutes ces ac-
clamations.
— 244 —
Le cortège, qui se composait de vin^t-quatre voitures, en
lèle desquelles marchaient celle de l'archevêque, celle du
chapitre puis celle de la municipalité, qui avait renoncé à
chevaucher à la portière du carrosse du niaréchal. à la suite
d'une aventure malheureuse survenue jadis à quelques-uns
de ses membres, cavaliers improvisés (^), fit son entrée en
ville, sous un arc de triomphe magnifKiuement décoré et se
déroula ainsi à travers les rues jusqu'à riiôtel du commande-
mont, où un nouvel arc de triomphe était dressé.
Les jeux et les amusements continuèrent alors pour les
hahiliints : il y eut notamment des fontaines de vin installées
sur [)lusieurs points de la ville, ce qui était alors une réjouis*-
sance très en honneur dans les fêtes populaires, que n'ont
remplacé que très iniparfaitement nos fontaines lumineuses
de ces dernières années et, le soir, il y eut grand bal public
et illumination générale.
La ville offrit également au duc, en souvenir de son éléva-
tion à la dignité de maréchal, un jeton d'argent dont nous
trouvons la description dans un des annuaires pour le dépar-
tement du Doubs publié sous la direction de M. Gauthier.
« Au droit sur un manteau duc<il, avec deux bâtons de ma-
réchal en sautoir, deux écus : Durfoit de Lorges et Poitiers
avec celte devise : Tutatur et Ornai. »
« Au revers : sur un cartouche de style Louis XV décadent
dans un ovale, les armes de Besançon. Au-dessus Utinam
sur une banderole. A Texergue : Civitas hisuntina 176H. •
Pour l'arrivée de la maréchale, qui eut lieu un mois après,
le *20 juillet, la réception fut beaucoup plus simple et il n'y
;1", « Le procureur moulé nous rappelle que le corps municipal cavalca-
dait aux représenl allons solennelles : les conseillers à clieval étaient coiffes
(l'un chapeau à ganse d'or, mais les bottes et éperons leur étaient interdits,
(^es dievauchées n'étaient pas des plus sportives, et les cavaliers improvi-
s«'*s ayant plusieurs fois couru des danjrers. un jour spécialement aux [>or-
tines du duc de Durfoit. on préféra, pour les députations. des carrosses.
Li cj)mmodité en est restée. » diaston Coinure, Mon Vieux Be*>ançon.\
- 245 —
eut ni illuminations ni réjouissances publiques, en raison du
deuil dans lequel étaient plongées la monarchie et la nation
par suite du décès de la reine.
Le magistrat se contenta d'aller saluer la maréchale à son
arrivée à la porte d'Arènes, qui était garnie de feuillage et
d'écussons à ses armes et h celles de son mari. On lui oiïrit
deux médailles d'or, du poids de vingt-cinq livres les deux,
(jui étaient gravées d'un côté aux armes de la duchesse et,
do l'autre, à celles de la ville, avec deux bourses de jetons
en argent, du poids de (juarante sols. Il y en avait un cent
dans chnciue bourse (^t les bourses étaient de velours cra-
moisi avec franges et broderies d'or.
Nous venons de voir qu'en résumé les ra|)ports entre le duc
et la municipalité de Besançon furent toujours très courtois,
malgré les intérêts souvent opposés qui étaient en présence.
— La pénurie des deniers publics et l'impossibilité qui en
résultait pour la ville de pouvoir répondre comme elle l'eût
désiré aux exigences fastueuses du duc de Randan furent les
seules causes de dissensions passagères que, de coté et
d'autre, une mutuelle bonne volonté sut aplanir avec tous les
ménagements désirables. Puis, il faut bien le <lire, les habi-
tants aimaient leur maréchal, dont le nom est resté longtemps
populaire dans le pays, à cause précisément de la grandeur
et lie la somptuosité de son existence, qui éblouissaient tout
le monde et dont chacun voulait tirer profit. Aussi ne sera-t-il
pa.s étonnant de constater* tout à l'heure que sa mort fut un
deuil public pour la province et en particulier pour la ville
de Besançon.
Liaison du duc de Randan avec W^'' de Ghevigney.
Le mariage du duc de Randan avec M"« de Poitiers n'avait
été que ce qu'il était souvent à celte époque, l'alliance d'un
l^ratid nom avec une grande fortune. C'était avant tout ce
que nous appelons aujourd'hui un mariage de raison où l'in-
— 246 —
clinalion n'avait dû avoir qu'une bien faible part, ce qui n'é-
tait [.as de nature, du reste, à apporter un frein à rexi»tence
galante du maréchal.
De ce mariage était née une fille, mariée en 1751 au duc
de la rrémoille ; elle avait alors dix-sept à dix-huit ans et
son mari quatorze à peine ; aussi la fit on immédiatement
rentrer dans son couvent après la cérémonie et elle ne put
même pas t aller dîner avec son mari ». C'était là dans la
vie réelle ce qu'on ne rencontre plus aujourd'hui que dans
les scènes d'opérette. Cette séparation dura jusqu'à ce que
le jeune duc eût atteint Tûgc d'homme, et sa femme mourut
bientôt après sans enfants, en 1702 '1 ■.
Des nombreuses aventures galantes auxquelles fut mêlé
le duc de Randan et qui furent le plus souvent banales et
sans importance, le mieux est certainement de les passer
sous silence, mais il ne peut en être de même de la pas-
sion que sut lui inspirer M^^** de Chevigney, passion qui ré-
sista au temps en se transformant doucement en un attache-
ment durable et une liaison intime qui ne cessa qu'à la mort
du maréchal en 1773, et qui eut sur la province une in-
fluence considérable. Cette influence lut telle que W^ de
Chevigney mérite plutôt le titre de favorite que celui de
maîtresse, et nous devons reconnaître à sa louange qu'elle
sut ne pas en abuser.
M. de Beauséjoura bien voulu nous communiquer quel-
(|ues notes intéressantes qu'il possède à ce sujet (^\ en
même temps qu'il nous faisait admirer un très beau pastel
(1> M. Gaston de Boaust'jour, dans son discoui-s de réception à TAcndt^-
mic des scionots, lettres et arts de Hesanoon, où il relate les derniers
jours dn ohùtcaii de IVsmes, nous parle d'un mariage analogue entre
M"* de (Ihoiscul , àjïôe de li ans, et son cousin, le (ils du marquis de
Choiseul La Baume, âgé de 17 ans. et qui se termina, après la céréraoïiif,
par la rêinléiîralion , dans son eouvont de Tabbaye au Bois, de la jeune
épouse.
(2) Gaston DE Bf:ai:si'joi:r, Noies inédites sur la Franche-Comté.
— 247 —
représentant M^^^^ de Ghevigney, et que nous sommes heu-
reux de pouvoir reproduire ici.
Dans ce portrait, où la fraîcheur le dispute à la grûce, on
retrouve toutes les qualités de Tépoque si bien synthétisées
plus tard dans les compositions de Greuze : de grands yeux,
une petite bouche, des joues roses et rondes, un moelleux
infini dans l'expression des traits, et enfin cet air à la fois
innocent et mutin qui fait pensera une jeune pensionnaire
échappée de son couvent, si ce n'était le décolleté voulu de
la poitrine, qui montre des formes admirables.
Nous avons eu la bonne lortune de retrouver un second
portrait de Ml'® de Ghevigney, mais à un âge assez avancé,
et nous devons à l'obligeance de M'""» Bressan, la proprié-
taire actuelle du chàleau de Ghevigney, de pouvoir le mettre
en comparaison avec le premier Ce sont bien les mêmes
traits, mais épaissis et parsemés de rides habilement dis-
simulées. L'air est noble et grand, le regard assuré et tout
l'ensemble de la physionomie révèle une femme forte, à vo-
lonté bien arrêtée et en quelque sorte sûre d'elle même et
de son empire. Ce poitrait n'a jamais quitté le château de
Ghevigney, avec lequel il a été vendu par M™^ tle Boudeaux,
héritière testamentaire de W^^ de Ghevigney. C'est un mé-
daillon sur cuivre qui n'est ni signé ni daté, placé dans un
petit cadre ovale de style Louis XVL en bois doré et sculp-
té. M^ï'de Ghevigney est revêtue d'une robe rouge grenat,
légèrement échancrée sur la poitrine et garnie de fines den-
telles. La tète est poudrée à frimas et recouverte en partie
du voile à cornette dont la vogue était si grande à la Vm du
XVIII* siècle 0).
Mil** Gabrielle de Ghe vigne v était la fille cadette de Claude-
Ci/ 11 existait de M"« de Ghevigney un autre portiait, où elle était repré-
àentée en pied, assise près d'une table cliai gée de fruits, et qui est devenu
la propriété de M"« de Résie, sa nièce, qui, frustrée de l'héritage de sa
tante, put obtenir de M"** Boudeaux, l'héritière testamentaire, la permis-
sion d*emporter ce portrait Nous ne savons pas ce qu'il est devenu.
- 248 —
François d'Aubert, seigneur des deux Résies et chevalier à
la chambre des comptes de Dole A).
C'était une fort belle personne, comme nous pouvons en
juger par les deux portraits que nous reproduisons, et bien
capable d'inspirer au duc cotte passion tenace que rien ne
put ellacer et dont les mœurs de Tépoque, comme nous le
savons, paraissaient très bien s*accommoder. Avoir une maî-
tresse n'avait alors rien de particulièrement déshonorant,
et quel rigoriste eût pu blâmer un si haut personnage
qu'était le duc de Randan et un homme aussi puissant. Du
reste, chacun espérait bien en tirer avantage et profit, car la
dame de Chevigney, comme on l'appelait alors, était bien la
personne la plus obligeante et la plus dévouée que Ton pût
rencontrer; aussi le nombre de ses obligés ne tarda-t-il pas
à devenir considérable. Possédant le cœardu duc, elle savait
très aimablement mettre à contribution le crédit dont elle
jouissait et dont la source n^était pourtant ni très honnête,
ni très licite, pour obtenir de son illustre amant des faveur>
et des grâces qui étaient acceptées avec reconnaissance et
qui généralement étaient considérées comme bien méritées.
Bien des gens dont cette « Pompadour au petit pied f^ ac-
cueillait avec bonté les demandes et les placets, n'eurent
qu'à se louer de son intervention et jamais elle n'abusa de
sa situation de favorite pour exercer des rancunes ou pour
nuire à qui que ce soit. C'est ce qui nous explique qu'à la
mort du duc, M'^" de C^hevigney s'étant retirée à Besançon,
dans un appartement de la Grande-Rue(2 , appartenant au
sieur Pocliet que l'annuaire de 1/89 nous donne comme
« receveur des épices du Parlement et négociant >», son sa-
lon continua à être, comme par le passé, le rendez-vous de
il) Le cliàteau de M. d'Aubert de Résie existe encore aujourd'hui au vil-
lage de la Grandc-Hésie, sur la route de (iray à Dole, et appartient à M. le
comte de Sainte-Marie.
(2) La maison porte aujourd'hui le iv 73 G. Coindrk, \fon Vieux Be*
sançon).
— 249 —
tout ce que la ville comptait de personnages marquants et
connus.
Elle mourut à Ghevigney, où elle s'était réfugiée dès le
début delà Révolution, le !«' nivôse, an V de la République,
à ïâige de quatre-vingt-cinq ans, au moment où venait de
sombrer le régime qui avait vu son élévation et sa gran-
deur (^).
Son nom est resté dans le pays comme celui d'une per-
sonne très charitable et qui n'avait profité de la haute situa-
lion qui lui avait été dévolue dans le département des grâces
et des laveurs que pour aider et rendre service à tous ceux
qui l'approchaient. Mallieureusement l'époque troublée pen-
dant laquelle elle mourut ne permit pas qu'elle fût enterrée
suivant sa condition, et rien ne rappelle aujourd'hui l'en-
droit exact où elle fut inhumée dans l'ancien cimetière qui
entoure la petite église de Ghevigney. Au dire des plus
vieux habitants du village, qui tiennent ce renseignement
de leurs parents, le corps de Mi^« de Ghevigney fut déposé
dans le passage qui se trouve entre le mur de clôture des
(1) Voici, à litre de document, l'acte de décès do M"' de Ghevigney, que
nous avons retrouvé en compulsant les registres de l'état civil de la com-
mune de Ghevigney, et où les titres de noblesse sont naturellement sup-
primés :
« Aujourd'hui premier nivôse, an V de la République française une et
indivisible, à huit heures du matin, par-devant moi Etienne Chavanne,
agent municipal et officier public de la commune de Ghevigney, chargé par
la loi du 2 fructidor, autorisé pour constater les actes destinés à contrôler
les naissances, mariages et décès des citoyens, ont comparu en la maison
commune d'une part : Françoise Guychard. âgée de 52 ans, domiciliée en
ladite commune, et Etienne Suchet, âgé de 60 ans, domicilié également
en ladite commune, les deux domestiques de In citoyenne Gabrielle Aubert,
lesquels m'ont déclaré que ladite Jeanne-Gabrielle Aubert était morte hier
soir, à dix heures, en son domicile. D'après cette déclaration, je me suis
assuré du décès de ladite Jeanne-Gabrielle Aubert, et j'en ai dressé le pré-
sent acte, que Françoise Guychard a signé avec moi, et Etienne Suchet a
déclaré être illettré.
1» Fait en la maison commune de Ghevigney les jour, mois et année que
dessus.
» Signé : Chavanne, agent. Guychard. »
17
— 250 —
jardins du château el celui de la petite chapelle latérale
adossée à Téglise, qui lui était réservée, et dont la fenêtre
est encore surmontée de son blason (<>.
Elle habitait, au moment de sa liaison avec le duc, sa
terre de Chevigney, voisine de celle de Balançon, et il est
probable que c'est dans une de ces nombreuses fêtes que
le duc aimait à donner et auxquelles il invitait toute la no-
blesse des environs, qu'il eut occasion de la voir et de s'é-
prendre de ses charmes. Dès lors, chaque matin^ un cour-
rier à cheval r^ partit de Balançon pour porter à Chevigney,
distant de trois à quatre lieues environ, les compliments et
les espérances du duc et eu rapporter les réponses plus
qu'encourageantes de M**« de Chevigney.
Bientôt cette liaison ne fut un secret pour personne et
M"« de Chevigney ne quitta plus le duc, l'accompagnant dans
tous ses déplacements, à Balançon, à Besançon ou à Paris.
Chevigney reçut également, à maintes reprises, la visite de
l'illustre amant et nous retrouvons dans les archives de
M. G. de Beauséjour une pièce intéressante à cet égard, car
elle est datée de Chevigney, du 5 novembre 1772, ce qui in-
dique bien que le duc devait y résider assez souvent.
« Les insolences des nommés Pierre Régnier et Etienne
Foucault commises à notre égard, à la suite d'une plainte qui
nous avait été portée pour un mouton tué par leurs chiens
excités par leurs domestiques, exigent que nous leur fassions
subir une correction de prison qui en arrête le cours. Le sieur
Ménard, exempt de la maréchaussée du département de
Pesmes, les y fera mettre et nous en rendra compte.
» A Chevigney, le 5 novembre 1772.
» Signé : Le maréchal duc de Lorges. »
(1) l\ existait une porte de communicatioti entre le boulingrin, qui est
aujourd'hui transfcrmé en verger, et cette chapelle, et ce serait exactement
dans l'intervalle compris entre ces deux portes qu'aurait été inhumée
M"« de Chevigney.
(2) Renseignements recueillis dans le pays.
— 254 —
Le duc, qui se rendait, comme on le voit, très souvent à
Ghevigney, fit construire un chemin tombant ù angle droit
sur la route de Pesmes à Gray et conduisant directement à
Ghevigneyé en vitant ainsi le long détour par la Grande-Ilôsie.
Il y fit planter une double rangée de noyers, qui n'ont dis-
paru que depuis une vingtaine d'années. Gette allée superbe
et magnifiquement ombragée portait le nom d'allée des
noyers ou plus communément d'allée des soupirs, que cer-
tains médisants lui avaient donné. Elle était dominée par un
petit bois qui existe encore aujourd'hui, connu sous le nom
de bois des amours, où Ton retrouve encore la trace de che-
mins sablés s'enchevétrant les uns dans les autres et formant
un vrai labyrinthe. Là étaient élevés en cage une grande
quantité d'oiseaux de toute espèce et tout y avait été aménagé
et accommodé pour le plaisir. Nous retrouvons ici ce que
nous avons déjà vu dans les jardins et le parc de Balançon,
dont le maréchal de Belie-Isle nous a laissé une si curieuse
description.
Quant au château de Ghevigney, c'était plutôt une demeure
à l'aspect bourgeois, mais qui ne manquait pourtant pas d'une
certaine élégance. Le perron à deux rampes est orné, encore
aujourd'hui, de son toit à la chinoise et l'intérieur des cham-
bres a subi très peu de modifications. On y retrouve à peu
près intactes les boiseries de l'époque, mais privées de leurs
peintures, que le temps et l'humidité avaient dégradées pro-
gressivement et qui finirent par disparaître. Il n'en reste que
deux dans la chambre à coucher de M'*® de Ghevigney, qui
représentent, sous une forme allégorique, l'une la danse,
l'autre la musique. Ge sont des grisailles sur toile qui, au
point de vue de l'art, ne présentent rien de particulièrement
intéressant (1).
Du côté du jardin, les pièces sont au rez-de-chaussée, en
raison de la différence de niveau du terrain et s'ouvrent par
li; Toutes les peintures existaient encore en 1835.
— 252 —
de gi-andes |X)rtes-fenêlres, dont deux ont été transformôes
en simples fenêtres. Le jardin et les vergers subsistent en-
core, mais modifiés complètement et adaptés à de nouveaux
usages. On ne trouve plus trace des cabinets de verdure, des
longues allées de charmille ni du jet d'eau central, qui en
faisait Tomement.
Nous ne savons pas comment la maréchale accueillit les
infidélités de son mari et comment elle accepta la présence
continuelle d'une rivale à côlé d'elle, mais il y a lieu de pen-
ser qu'elle dut sans éclat en prendre son parti, étant donné
l'état d'esprit qui régnait alors dans les mœurs et les exemples
qui venaient de plus haut. Elle vécut, en effet, très effacée,
oubliée à peu près, à tel point que quelques chroniqueurs
relatent sa mort avant celle du duc, auquel elle aurait légué
sa fortune entière. Or, nous savons par l'inventaire fait après
le décès du maréchal et classé aux archives qu'il n'en est
rien, puisqu'il a été dressé en 1773 pour permettre précisé-
ment à la duchesse de Uandan d'exercer les ret)rises aux-
quelles elle pouvait prétendre à la mort de son mari.
Comme toutes les femmes qui aiment sincèrement ou dont
l'empire ne repose que sur des bases éphémères, M^^* de
Chevigney fut extrêmement jalouse et ce n'est jamais sans
douleur ni sans inquiétude qu'elle voyait le duc jeter les
yeux sur une autre femme.
Une certaine visite qu'ils firent ensemble à Arbois, à une
cousine de M"* de Chevigney, M°** P..., est très instructive à
cet égard. Il y eut, le soir de leur arrivée, un grand bal chez
cette dame, auquel toute la noblesse des environs était con-
viée et on profila de la circonstance pour présenter au duc
les plus jolies personnes de la ville. Aussi quel ne fut pas son
étonnemenl le lendemain quand, se promenant dans les rues
d'Arbois, il rencontra une jeune personne de qualité qui n'a-
vait pas assisté à la fête de la veille et dont la beauté l'im-
pressionna vivement. Il s'arrêta longtemps à la contempler,
lui adressa quelques paroles amicales et reprocha à M">« P...
— 253 —
de ne l'avoir pas invitée à la soirée de la veille, ce dont cette
dernière se défendit de son mieux, pendant que M"« de Che-
vigney lançait à la jeune fille des regards courroucés qui
l'obligeaient à rentrer précipitamment chez elle.
Cette entrée à Arbois, au milieu d'une foule immense ac-
courue de très loin pour saluer respectueusement le duc et
sa maîtresse, nous montre bien le peu de honte que Ton at-
tachait généralement k ce titre. Puis ce n'était pas un spec-
tacle banal pour cette petite ville que l'arrivée de si hauts
personnages, accompagnés d'une suite nombreuse et chacun
admirait la beauté des carrosses conduits par des chevaux
magnifiquement harnachés et le grand nombre de valets à
la livrée éclatante. Le coup d'oeil était vraiment admirable et
ce fut une fête pour tous en même temps que cela reste pour
nous un i)récieux document et un enseignement îles mœurs
de l'époque.
Si nous avons parlé assez longuement do la liaison du ma-
réchal de Randan avec M^^^ de Ghevigney, c'est qu'elle eut
sur les afl'aires de la province une infiuence considérable,
influence qui persista même après la mort du maréchal et se
continua jusqu'au début de la Révolution. Que de personnes
haut placées ne lui devaient-elles pas leur avancement et la
reconnaissance n'est pas une vertu assez banale pour qu'on
la passe sous silence, même quand elle s'adresse à des per--
sonnes dont le crédit peut paraître peu licite et certainement
précaire.
Mort da dnc de Randan. — Inventaire de ses biens.
Les excès de tout genre ne tardèrent pas à avoir raison de
la robuste constitution du duc de Randan et il tomba, paraît-
il, dans une sorte de maladie de langueur qui, insensible-
ment, le conduisit au tombeau. Plus que jamais, il fut entouré
des soins assidus de son amie et les médecins lui ordon-
nèrent des remèdes toniques et reconstituants, le séjour à la
— 254 —
campagne et des bains de rivière. C'est dans ce but qu'il fit
construire à Malans (1), petit village voisin de Balançon, un
joli chalet sur les bords de l'Ognon, où il vint régulièrement
passer des journi'es entières avec M^^^ de Chevigney. Est-ce
trop me hasarder en disant que le remède fut pire que le mal
et que, lorsque le duc quitta le séjour enchanteur de Balan-
çon pour se rendre à Paris y suivre un traitement plus effi-
cace et i)lus rationnel, il était déjà trop lard, et il ne tardait
pas à succomber bientôt, dans le courant de Tannée suivante,
à Gourbevoie, le 6 juin 1773.
Pendant tout le cours de sa maladie, des prières publiques
furent dites chaque jour à son intention dans toutes les
églises et chapelles de Besançon et, le 1*' juin 1773, S. Em.
le cardinal de Choiseul envoyait à Paris un mandement spé-
cial à ce sujet. Aussi allons-nous voir toutes les corporations
se réunir pour demander à Dieu de rendre la santé au ma-
réchal.
Le 1" juin, ce sont les conseillers municipaux qui font cé-
lébrer une messe solennelle à l'église des Cordeliers; le 2,
c'est le corps des marchands et la maison du maréchal ; le 3,
ce sont les arquebusiers; le 4, le corps des perruquiers et
des orfèvres; le 5, ces messieurs de l'état-major; le 6, les
officiers des compagnies bourgeoises et les imprimeurs; le 8,
les procureurs du bailliage, etc., etc., et ce n'est que le 9
que l'on reçoit à Besançon la nouvelle de sa mort, survenue
dans la nuit du 5 au 6 juin (2).
Cette longue énumération de gens de toutes les conditions,
réunis dans une pensée commune d'affection et de recon-
(t) Malans est situé sur la rive droite de l'Ognon, qu'il fallait traverser
pour se rendre au chalet. Le duc fît construire à cet effet un bac, qui sub-
sistait encore il y a quelques années, et qui, pendant un siècle, a rendu
de grands services aux habitants du village. II est remplacé aujourd'hui
par un superbe pont de pierre.
("1) C'est le lemps qne mettaient les diligences à cette époque pour par-
courir la distance de Paris à Besançon et apporter le courrier.
— 255 —
naissance pour le maréchal, nous montre combien il était
aimé et quelle grande affliction sa mort provoquait dans
toutes les classes de la société. Il emportait dans la tombe
les regrets de toute la province, des grands et des petits,
nous dit l'avocat Grimont dans ses mémoires, et c'est le plus
bel éloge que Ton puisse faire de lui ».
L'inhumation devant avoir lieu à Chaillot, où se trouvait
un caveau appartenant à la famille Randan, un grand service
funèbre fut organisé, à la chapelle des Gordeliers, par les
soins de la municipalité. C'est le chanoine Mareschal d'Au-
deux qui fut choisi pour faire le panégyrique du défunt ; ce
dont la municipalité le récompensa par un don de vaisselle
d'argent marqué aux armes de la ville.
Par son testament, le duc de Randan laissait à ses domes-
tiques une pension viagère de 150, 250 ou 300 livres, suivant
qu'ils l'avaient servi pendant dix, quinze ou vingt ans. Tous
prirent immédiatement la livrée de deuil. Resançon et sur-
tout Ralançon, qui naguère étaient encore le théAtre de fêtes
somptueuses, retombèrent dans le silence et dans l'oubli et
ne conservèrent plus que quelques serviteurs et un con-
cierge, gardien des scellés, que Ton avait apposés aussitôt
que la nouvelle de la mort du maréchal s'était répandue.
L'inventaire (1) des meubles, immeubles et actions nobi-
liaires du défunt commença le 23 juillet à Resançon pour se
continuer ensuite à Ralançon, où il ne se termina qu'à la fin
de l'année, en raison du retard apporté par la mort imprévue
de la duchesse de Lorges.
Les tableaux de famille, les portraits, les bijoux, les effets
personnels et certains objets d'art donnés en cadeau par les
souverains ou la municipalité de Resançon, entre autres une
tabatière en or, enrichie de diamants et ornée d'un portrait
de Louis XV, offerte au duc par le roi, les jetons d'or et d'ar-
gent aux armes du défunt, offerts par la ville, ne furent pas
(2) Cet inventaire est classé aux Archives du département du Doubs.
— 256 —
inventoriés, mais partagés séance tenante à l*amiable, entre
les différents membres de la famille.
D'une façon générale, on peut dire que le mobilier du duc
de Randan est celui d'un grand seigneur du xviii* siècle.
mais on n'y trouve ni œuvres d*art remarquables ni tableaux
de maîtres dignes d'être notés. On y voit surtout que tout y
était disposé en vue des grandes réceptions, dont le maitre
était si pnnligue.
CVst ainsi (pie Targentorie de table, les cristaux, les mer-
veilleuses laïences de Rouen et de Strasbourg et les fines por-
celaines do ta Chine et de Saint-Cioud y abondent en grande
quantité.
Les caves étaient de même particulièrement bien assorties
en vins et liqueurs de toutes espèces et leur insuffisance
avait même nécessité Tinstallation d'autres caves au palais
Granvelle et au bastion d'Arènes, où le duc possédait une
sorte de maison de réception, dont une demoiselle Didier
avait la garde. Les pièces de vin de Bourgogne et du Jura,
classées par année de récolte, y sont très nombreuses. Cest
par centaines que l'on compte les bouteilles de vin de Cham-
pagne rosé ainsi que celles de vin de Chypre, de Syracuse,
de Nfalaga, de Madère, etc., etc. Les vins de l'Ermitage et de
Meursault, ainsi que le vin blanc d'Arbois, y figurent égale-
ment avec honneur et en quantité respectable. Comme li-
queui*s, ce sont les ratafias à la fleur d'orange, aux cerises,
aux coings qui dominent, ainsi que les vieilles eaux-de-vie
sans dénomination d'origine.
Les chevaux, au nombre de dix-sept, avaient été ramenés
de Balançon à Besançon à la mort du duc. Ce chiffre n'a rien
de bien extraordinaire quand on sait qu'il y en a eu jusqu'à
soixante et que les immenses écuries de Besançon, que sou
prédécesseur avait obligé la municipalité à construire en face
de l'hôtel du gouvernement, dans la partie de la ville occupée
aujourd'hui par l'arsenal, étaient à peine suffisantes pour y
loger sa cavalerie.
— 257 -
Les voitures de tout modèle sont également nombreuses.
Ce sont des berlines recouvertes de velours d'Utrecbt, des
calèches à quatre ou à six places, doublées de maroquin, des
cabriolets garnis de velours cramoisi, des voitures légères
de course, etc. ; enfin, une chaise à porteurs en vernis Mar-
tin, aux armes du défunt.
Quant aux meubles, ce sont surtout ceux en marqueterie
et en bois de rapport, de rose ou d'amaranthe, qui ont eu
tant de vogue dans la deuxième moitié du xviii» siècle, que
Ton rencontre le plus souvent, ainsi que les bergères et les
fauteuils en bois sculpté et doré, et un nombre considérable
de paravents et d'écrans garnis en tapisserie.
Dans le grand cabinet d'assemblée, nous trouvons des
girandoles et des lustres de cristal taillé, des bras de lumière
en cuivre ciselé et doré, une pendule en marqueterie d*é-
caille et de cuivre sur son piédestal, seize fauteuils et cana-
pés en bois sculpté, recouverts de moquette verte, vingt-
quatre chaises assorties, trois chaises à la reine, garnies
également de la même moquette et protégées par leurs sur-
touts d'indienne, deux cabriolets et enfin quatre grands ta-
bleaux représentant le Roi, la Reine, Monsieur et Madame la
Dauphine défunts, « avec leurs bordures dorées ».
Dans le petit cabinet d'assemblée, nous ne relevons d'in-
téressant que le buste en marbre blanc du maréchal, avec
son piédestal et sa console en bois doré. C'est très probable-
ment la reproduction de ce buste que nous avons trouvée
chez M. Bellevaux et que le duc avait dû offrir à son médecin
ordinaire, M. Jeannot, en souvenir de ses soins dévoués.
La bibliothèque n'offre rien de particulièrement intéres-
sant. Ce sont les libraires Pierre-Etienne Fautet et Louis-
Etienne Métoyen, installés à Besançon, qui sont chargés
d'en faire l'inventaire et l'estimation. Les livres sur l'art mi-
litaire que l'on s'apprête à y rencontrer sont relativement peu
nombreux et, à côté des œuvres sérieuses de Boileau, Buffon,
Voltaire, J.-J. Rousseau, de Mesdames de Sévigné et Des-
I-
— 258 —
houlières, on trouve une quantité de livres légers et badins,
dont les titres seuls indiquent quelles étaient les lectures fa-
vorites du maréchal. Ce sont : les Amours diverses, les En-
vhftinemenis de la fortune et de Vamour; les Recueils de
lettres galantes^ les Imitations des odes d'Anacréon, les
Belles solitaires y etc., etc.
A Balanron, à part les statues qui ornaient le parc et le
boulingrin, et dont nous avons déjà eu l'occasion de parler,
nous retrouvons, à peu de chose près, le même mobilier
qu'à Besançon. Ici, l'inventaire devenait relativement facile,
car toutes les chambres étaient numérotées et quelques-uns
de ces numéros sont encore visibles aujourd'hui sur le cham-
branle des portes. C'est ainsi que nous savons que la chambre
du maréchal portait le numéro 47 et la chapelle le numéro 37.
Les caves et les offices ne sont pas moins bien garnis ici
qu'à Besançon : les vins choisis y abondent et la vaisselle
d'îirpent, irétain lin ou do faionce de prix s'y trouve en
grande quantité.
La chambre du duc est entièrement meublée et tendue en
panne rou^e et, à côté des tables, bureaux, commodes en
marqueterie qui la garnissent, nous y trouvons des tableaux
magiques, une longue-vue, une machine électrique, une
machine pneumatique, etc. ; ce qui nous montre les tendances
du maréchal à s'initier aux inventions nouvelles.
Les vingt-huit logements d'an)is, dont parle le maréchal
de Belle-Isle, dans sa lettre sur Balançon, que nous avons
reproduite, sont tous meublés d'une façon à peu près iden-
tique, avec tout le luxe délicat et raffiné du xviir siècle,
mais sans nous montrer là plus qu'ailleurs une œuvre de
grande valeur ou ayant un cachet particulier.
La mort du duc de Randan, n'étaient l'affliction sincère et
le deuil général qu'elle produisit, ne devait pas amener de
grvinds changements dans la province, car c'est son frère,
M, te duc de Lorges qui, le 13 juin 1773, était nommé à sa
— 259 —
place au commandement supérieur, avec le grade de lieute-
nant général et la survivance réservée à son gendre le duc
de Saint-Quentin. Ces décisions étaient enregistrées dès le
lendemain, 44 juin, au parlement de Besançon.
Aussi le nom de Durfort ne devait-il pas encore disparaître
de notre pays et notre histoire locale n'a qu'à s'enorgueillir
d'une famille qui, depuis la conquête de Louis XIV jusqu'à la
Révolution, a donné successivement à Besançon un arche-
vêque, des gouverneurs, des maréchaux, des lieutenants
généraux et dont plusieurs de ses membres, sous les titres
divers de duc de Duras, duc de Lorges, duc de Randan, ont
occupé en î'ranche-Gomté les situations les plus élevées et
exercé les plus hauts commandements militaires.
N. B. — Un accident survenu pendant le tirage des pho-
tographies ne nous a pas permis de reproduire le buste du
maréchal.
LES
FOUILLES DE CHATELNEUF-EN-VENNES
Par M. l'abbé Hemiaim DRDOT
MEMBRE CORRESPONDANT
Séance du i3 mars 1902
Au débouché du Col des Ages, qui met en communication le
plateau de Vercel et l'ancien Val d'Ahon avec le Val de Vennes,
aux abords de Loray et de Flangeboucbe, le haut moyen-âge
avait élevé une forteresse longtemps célèbre, le château de
Venues, relié avec le défilé lui-même par la tour de Montalo.
Plus tard, au xin* siècle, ce système défensif, qui proté-
geait le vieux chemin gaulois, passage des plus fréquentés
de la montagne, fut complété. On éleva à TE., au-dessus de
la source du Dessoubre, un nouveau château, Chàtelneuf-en-
Vennes, tandis (ju'au S., sur la lisière extrême des terres du
prieuré de Morteau, fut bâtie, à côté du Bélieu, dans la pa-
roisse du Bizot, la forteresse de Réaumont.
Châtelneuf, étroit manoir perché sur un roc, où le pied de
rhomme pouvait seul parvenir, remplit, sans grand effort,
son rôle de sentinelle du côté de Tétroite vallée qui conduit
à Saint-Hippolyte. Après avoir changé souvent de maître, il
appartenait, en 1030, à la maison de Rye, une des plus il-
lustres du pays, qui avait recueilli le nom et écartelait les
armes do la maison de Varambon.
Quan'l la Guerre de Trente Ans éclata, dont une période
devait être. si néfaste pour la Franche-Comté tout entière.
Châtelneuf, tel un vétéran mutilé préposé à la garde d'un
poste secondaire, ne devait jouer aucun rôle important. On y
— 261 —
entassa, comme dans un abri presque sur, les meubles les
plus précieux des retrahants d'alentour, puis, sous la garde
de quelques paysans armés, on attendit.
Dès 1636, la Francbe-Comté, attaquée dans sa capitale,
Dole, avait connu les pillages et les massacres de troupes
régulières françaises commandées par un prince du sang ;
en 1637, Weymar la traversa, marchant sur TAlsace; en
1638, du côté des frontières de Bourgogne, du Bassigny, de
Bresse, l'invasion ravagea ses plaines. En 1639, ce fut le
tour des montagnes.
« L'année 1639 est la plus funeste et tragique que la Bour-
gongne ayt eu, car elle a esté toute dans le feu, le sang et la
pe.<te, et sans secours d'aucune part. Les montagnes seules
restoient entières, le surplus du pays estoit désolé et encor
la mortalité du bestail avoit affligé les montagnes et les di-
vers logemens, levées et passages les avoient affaiblies et
despeuplées en plusieurs endrois...
» Le ciel qui a couslume de donner de longs hyvers a noz
montagnes, et leur fournir de grands remparts de neige, re-
tira sa main cette année, si qu'aux mois de janvier et février
noz montagnes furent sans neige, avec un air doux et serein.
Weymar se servit de cet advantage, et sans attendre la sai-
son du printemps ordinaire entra dans noz montagnes par
l'abbaye de Monlbenoist qu'il surprist, et dez icelle prit Mor-
teaux par le liane, tandis que pour néant ils gardoient le
front de leur vallée et ne pensuient point au pas de Montbe-
noist, d'autant qu'il estoit plus reculé... » i^)
En lisant ces quelques lignes empruntées au pittoresque
chroniqueur qui, le premier, a raconté la désolation de la
Franche-Comté envahie par les armées franco-suédoises, on
comprendra quand et comment Châlelneuf-en -Venues fut
pillé et incendié.
Weymar, maitre de Sainl-Hippolyte, où il était arrivé par
(1) GiRARDOT DE NozEROY, Hustoire de Dix Ans.
— 262 —
Délémont et Saint-Ursanne les premiers jours de janvier
4639, s'engagea immédiatement, en profitant d'une tempé-
rature exceptionnelle, dans la vallée du Dessoubre et re-
monta vers Consolation. Au bruit de ses fanfares, de ses
canons, de sa cavalerie, Tépouvante fut au comble, et les
quelques défenseurs du château durent s'enfuir sans essayer
la résistance devant un torrent d'envahisseurs.
Le 12 janvier, Weymar était à Saint- Hippoly te; le 13,1a
ville était prise ; dans la nuit du 14 au 15, Morteau était en-
vahi. Ce fut dans l'espace qui s'écoula entre ces deux dates
que Châtelneuf fut enlevé par les coureurs et l'avantgarde
du duc, préparant la marche sur Montbenoît par Gilley, le
sac de Morteau et celui de Pontarlier. Tel est, reconstitué
sans doute possible, le drame lugubre qui livra à l'incendie
la résidence des comtes de la Roche en montagne, des Va-
rambon et des Rye, dont les ruines ont sommeillé pendant
près de trois siècles avant d'être explorées par les fouilles
que nous allons raconter (i).
I.
Une crête rocheuse d'à peine vingt mètres de largeur à son
maximum d'étranglement et dominant d'une gigantesque
paroi verticale la source du Dessoubre qui jaillit à sa base du
coté Nord. xV l'endroit le plus étroit de cette crête, un rec-
tangle de pelouse unie, encadré de talus vagues, dont la direc-
tion générale fait deviner des substructions rectilignes mais
où l'œil, dans lé chaos des pierres moussues et des buisson-
nets, ne découvre aucun vestige régulier de maçonnerie. Tel
était, à l'automne de 1897, l'aspect de l'emplacement de Chîi-
telneuf-en-Veimes.
(1) L'abbé Devoille dans un roman, M. Tabbé Narbey dans ses Hautes
Montagne» du Doubs, ont évoqué lous deux, avec beaucoup d'imagina-
tion, les souvenirs de Châtelneuf-en-Vennes. Inutile de dire que Phistoire
vraie n'a rien de commun avec ces deux ouvrages.
— 263 —
A la suite de promenades en ce lieu, qu'une immémoriale
tradition appelait le Château, les professeurs du Séminaire
de Consolation, plus d'une fois déjà, avaient rêvé de fouilles.
Mais le résultat semblait d'avance devoir ne pas répondre
aux difficultés et à la longueur de l'entreprise. L'exécution
ne fut donc jamais sérieusement projetée.
Nous sommes au jeudi IG décembre 1897. Par une fraîche
et claire après-midi, je conduis les enfants au Château. Une
a.ssociation d'idées, bien naturelle en cet endroit, me fait ra-
conter à mes jeunes amis une visite que j'avais faite aux
ruines de Carthage. Rêvent-ils des trouvailles analogues à
celles du P. Delattre? — Plus d'un gratte le sol avec son bâ-
ton. Au bout d'un instant : « Monsieur, voici des murs ! »
C'était vrai; en mainte place apparaissaient de menus restes
de maçonnerie régulière.
La genèse de nos travaux se devine ; du désir au dessein
on passe vite : a Venons donc travailler tous au Château à
notre première sortie «, continuaient ces enfants.
Le lendemain 17, on nous octroya le congé de la saint Ni-
colas. Tous les élèves s'armèrent, qui d'un pic, qui d'une
pioche, qui d'un levier, qui d'un morceau quelconque de fer,
qui d'un bâton, et nous prîmes d'assaut les sentiers. Ce fut
un travail enfantin et parfaitement désordonné; mais, le soir,
quelques notables vestiges de nmrs étaient mis à nu : « Sous
tous ces bourrelets, pensais-jo, il y a donc de la maçonnerie ;
or, tous ces bourrelets sont reliés ensemble. Je vais, c'est
sûr, découvrir ainsi le plan de la partie essentielle de Châtel-
neuf ». Il fut dès lors arrêté que les fouilles seraient métho-
diquement entreprises et menées jusqu'au bout. Nous n'es-
périons point, il est vrai, trouver d'objets mobiliers.
Il fallait s'organiser et fournir le maximum de résultats
avec le minimum de dépenses. La grande ressource était le
concours gratuit et libre des élèves : que ferait-on aux jours
de la désertion? L'illusion eût été ridicule de compter sur une
fidélité de plusieurs mois. Ils venaient d'abord nombreux,
— ti64 —
trente, quarante; mais chaque nouvelle promenade était
marquée par un déchet, et je voyais clairement approcher le
jour où une demi-douzaine à peine crmsentiraient, moyen-
nant mille encourajjements, à mener doucement, bien dou-
cement, une œuvre coûteur^e, pénible, interminable.
J'avais compté sans les trouvailles : elles fixèrent les
bonnes volontés et les ranimèrent chaque fois. Je pus ainsi
constituer une- troupe de volontaires qui, à peu près tous,
bien qu a plusieurs reprises la liberté leur fût rendue, demeu-
rèrent fidèles au poste et, une fois chaque semaine pendant
rhiver, tous les jours de promenade pendant Tété, fournirent
une besogne dont la perspective eût effrayé les plus mâles
travailleurs.
On ne soupçonne pas de loin de pareilles difficultés ni une
pareille ardeur ! Je me souviens comme si c'était hier, de
ces bises froides qui nous flagellaient le visage, de cette
neige fine et glacée, de ces pluies opiniâtres, de ces averses
torrentielles, de ces jours embrasés de juin. Je revois mes
porteurs de caisses, mains et visages gelés, se blottir une
seconde dans les coins, en attendant que leur charge fût re-
faite; mes porteurs de sellettes, tabliers et pantalons couverts
de boue et pleins d'eau, regarder avec elTroi l'horrible mor-
tier qu'il fallait soulever; mes piqueurs s'épuiser à casser
d'imperceptibles miettes autour des blocs durcis par l'hiver;
mes petits piocheurs, les mains bleuies et sales, lâcher un
instant l'outil et battre la semelle pour se réchauffer les
pieds. En dépit de tout, pas une fois le courage ne tomba.
A plusieurs reprises, quand le temps faisait trop mauvais vi-
sage : « Mes enfants, disais-je, aujourd'hui c'est ad libitum^
viennent ceux qui veulent ! » Et je les avais presque tous.
Aussi la besogne allait bon train; qu'on en juge par un
chiffre : fin juillet, nous mesurions exactement le volume des
pièces évidées, et nous trouvions au minimum 560 mètres
cubes Par conséquent, en moins de huit mois, dans nos seuls
jours de congé trois petites heures chaque fois, 560 mètres
Socd'Émidation duDoubs, IW
FOUILLES DE CHATELÎ^EUF-EN-VENNES
;
— 265 —
cubes de matériaux serrés, donc plus de mille voitures de ma-
tériaux disjoints avaient été transportés à bras d'élèves, par
une chaussée en plan très rapide, jusqu'au bord du vallon qui
se tord au Sud, derrière le Château, et précipités dans le lit
du torrent.
Veut-on se figurer exactement notre façon de travailler?
Mes dix-huit fidèles sont là, debout sur la crête, en tabliers
gris et bleus. Chacun est armé, les petits de pioches et de
sellettes en bois, les grands de pics ou de caisses à bras.
Toute la bande descend au pied des vieux murs dans la fosse
remuée avant-hier. En avant!... Deux grands garçons lèvent
les pics longs et lourds, puis, vigoureusement, les abattent
dans le réseau des racines, sous les pierres énormes, sur le
bloc compact de la terre gelée ou de la chaux durcie. Il faut
bien que tout cède ; les petits piocheurs, inclinés sur leurs
paniers, y entassent les morceaux arrachés. Quatre vaillants
bras soulèvent les sellettes, remplissent les caisses, et les
couples de porteurs, manches retroussées, muscles tendus,
escaladent la chaussée sous leur charge pesante et font dé-
gringoler dans le val du Bief la cascade de moellons. Oh ! le
plaisir de contempler le grandissime galop des grosses
pierres, le trot tumultueux des caill'jux, les glissades du gra-
vier, et d'entendre ce ramage !
A intervalles inégaux, mais fréquents, un cri retentit; les
piqueurs regardent, les piocheurs se redressent, les porteurs
s'arrêtent ou reviennent vite ; on a trouvé quelque chose.
Chacun accourt pour voir, chacun a vu, et le vieux marteau,
la vieille marmite, la vieille épée vont rejoindre dans un coin
de mur la kyrielle des ferrailles. Ce soir, tous auront leur
portion de butin à descendre au séminaire, et ce ne sera pas
le moins intéressant du spectacle, que ce chapelet de bons-
hommes, joyeux et sales, dé valant de là haut avec leurs vieilles
chaînes, leurs vieilles piques, leurs vieux chandeliers, leurs
vieux chaudrons.
Comme nous l'avons dit, le Dessoubre naît au pied d'une
18
— 266 —
gigantesque roche dont la paroi verticale court de Touest ù
Test : le château des sires de Varambon était construit juste
au dessus de la source, sur la crête rocheuse et étroite, entre
la vallée de Consolation au nord et la gorge resserrée, sau-
vage^ du Val du Bief au sud.
A en juger par les bourrelets de terrain dont chacun re-
couvre un mur, le castel s'élevait autour d'une cour intérieure,
à peu près carrée, en deux ailes de bâtiments perpendicu-
laires aux bords de la crête : c'est une partie de l'aile occi-
dentale, la partie adjacente à la cour, que nous avons fouillée.
Nous y avons découvert deux pièces contiguëes munies de
trois portes, de cinq fenêtres meurtrières dont quatre au sud,
et avoisinées d'une tour ronde à l'angle occidental. Quand
nous disons deux pièces nous indiquons les divisions de
construction mises en évidence par les vestiges de mur : il
n'est pas invraisemblable que des séparations en bois aient
multiphé davantage les pièces ou chambres. Un four était
adossé au mur du milieu et dominait une platine énorme,
haute de plus d'un mètre, pesante d'au moins cent cinquante
kilog., dépourvue de tout cachet tant artistique qu'héraldi-
que, et marquée de la date 4557. Nous devions trouver dans
un autre coin, mais entraînée loin de sa place, une seconde
platine, petite et plus insignifiante encore. £n avant de la
grosse platine, donc sous la cheminée, un dallage retrouvé
intact, fait de pierres de deux ou trois décimètres de long ;
derrière, dans l'autre pièce, un pavage plus menu mais sur
une étendue plus grande. Partout ailleurs nos pics allaient
sans résistance au roc vif: des débris notables de charpentes,
retrouvées à l'état de charbon, y attestaient la présence d'un
plancher détruit. La hauteur des restes de murs varie de deux
à quatre mètres, leur épaisseur de 1 m. 25 à 1 m. 80 ; la lar-
geur des pièces déblayées, de 6 m. à 6 m. 20 ; leur longueur
est de 44 mètres. La construction a été faite avec le calcaire
de la région ; çà et là, un cube de tuf noyé dans le reste de la
maçonnerie. Le ciment s'effrite sans peine et n'a pas la con-
— 267 -
sistance de celui qu'on trouve en de nombreux châteaux. Le
bas des murs a été plus que le reste rougi et calciné par l'in-
tense chaleur de l'incendie ; presque partout sous les dé-
combres écroulés s'est durcie, enveloppant les objets en mé-
tal qu'on en retire avec peine, une couche résistante de
chaux.
C'est seulement à quelques pieds de profondeur, au des-
sous d'une couche de terre végétale mêlée de racines et de
pierrailles, et au coeur même du sable, de la chaux et du
charbon, que les trouvailles commençaient. Nous limes les
premières dès notre quatrième congé : une faux, une large et
longue scie, des casse-noisettes, des entraves, avec Tune des
deux boucles fermant à clef, puis, en paquets dans un trou
de mur, plusieurs milliers de clous forgés, sans tête, et de
forme pyramidale. A partir de ce moment chaque journée de
travail nous donna nombre d'objets : le soir du 5 avril nous
en recueillîmes plus de quatre-vingts.
Il n'y aurait pas d'intérêt spécial pour le lecteur à suivre
nos fouilles pas à pas ; les découvertes se faisaient sans pro-
gression bien marquée : dans une pièce comme dans l'autre,
à la fin de l'été comme au début de Thiver, nos trouvailles
avaient sensiblement la même valeur et d'ailleurs une foule
d'objets se répétaient presque à chaque semaine. Les pre-
mières monnaies, découvertes le 8 mars,, marquent seules le
point de départ d'une période où les surprises agréables
allaient se multiplier. Mais ce détail excepté, la marche du
travail a été seule progressive : l'intérêt des trouvailles s'est
maintenu sans s'accentuer. En dehors donc de quelques dates
clairsemées et marquées par la mise au jour d'un bibelot
moins banal il serait fastidieux de lire Thistoire chronologique
de nos découvertes.
C'est surtout par leur ensemble, en formant comme une
sorte d'encyclopédie de l'outillage des paysans dans nos
montagnes, au début du xvn* siècle, que les objets trouvés
sont intéressants. Très peu d'entre eux pris isolément mé-
— 268 —
ritent une description détaillée. Mais il est curieux de cons-
tater par un coup d'œii global sur cette multitude d'instru-
ments de travail et d'ustensiles de ménage que les choses
n'ont pas varié beaucoup et que, loin de toujours s'améliorer,
plus d'une, de nos jours, n'a ni la même solidité ni la mérae
élégance. Inutile de faire remarquer que l'étain n'ayant pu
résister à la chaleur de Tincendie, le cuivre et le fer seuls
ont gardé leur forme ; encore plus d'un objet en cuivre a-t-il
partiellement fondu, par exemple d'élégantes marmites et des
monnaies.
Pourquoi dans ce château d'aussi nombreux objets de
physionomie paysanne? — Nous en avons recueilli plus de
cinq cents. C'est apparemment que Châtelneuf, au passage
des Suédois, servit de refuge aux habitants du voisinage de
Guyans-Vennes surtout et de Grand-Chaux : chacun de ceux
qui s'y retirèrent y emporta avec son petit pécule le néces-
saire de son outillage. Il dut s'y entasser une multitude de
malles ou coffrets comme l'attestent les 133 serrures et les
200 paumelles ou charnières recueillies. Sans doute aussi
qu'un certain nombre d'objets du culte y furent déposés : on
n'explique guère autrement la présence dans les débris d'un
instrument de paix et de plusieurs croix processionnelles.
Ne pourrait-on aussi rapporter au culte les vestiges carboni-
sés où l'œil suit sans peine à travers la trame brûlée du til un
déhcat et riche brochage d'argent?... Mais il en reste si peu
qu'on ne saurait conclure.
C'est, en résumé, surtout un mobilier paysan qui nous est
tombé sous la main. L'incendie a consumé le bois et la corne
des outils et n'en a laissé que le métal ; encore le travail
souterrain de l'humidité a-t-il mordu profondément et dé-
formé surtout les objets plus menus comme les couteaux,
les pinces, les casse-noisettes. Pourtant ce qui reste se peut
désigner en général nettement, il n'est pas jusqu'à des pa-
quets de lentilles ou de grains d'avoine carbonisés et re-
trouvés abondants sur de vieilles serpes, sur des restes de
poutrelles, qui n'aient consente, la couleur en moins, leur
exacte physionomie.
Les objets trouvés en plus grand nombre sont les gonds,
les pentures et les verrous : deux à trois cents gonds et
pentures n'est point un chiffre exagéré. Nous avons dit tout
à rheure qu'on les explique par les nombreuses caisses ou
malles qu'apportèrent les réfugiés du château. Les serrures
c'est naturel — sont moins nombreuses : cent trente trois
exactement, et il est probable que très peu nous ont échap-
pé. Toutes intéressantes par leur variété, elles sont — sauf
deux ou trois, sauf une surtout, où l'artiste a multiphé les
combinaisons -- très simples de mécanisme. Aucune d'ail-
leurs n'offre de cachet esthétique.
Nous aurions dû retrouver un nombre égal de clefs ; nous
n'en avons recueilli que cinquante-cinq. Beaucoup, les plus
petites surtout, ont passé inaperçues dans les décombres
remués. Ce qui intéresse dans les clefs, plus encore peut-
être que dans les serrures, c'est l'absence totale d'uniformité
entre deux quelconques d'entre elles. La fabrication ac-
tuelle, en répétant sans une variante le même type des mil-
liers de fois, donne l'impression d'une inépuisable monoto-
nie ; jadis l'ouvrier mettait un peu d'agréable fantaisie dans
chaque objet isolé qu'il produisait. Des clefs trouvées à
Cbâtelneuf en sont un exemple. L'une d'elles a plus que de
la fantaisie et atteint presque à l'art ; les artisans d'autrefois
étaient souvent des artistes.
La même fantaisie agréable se retrouve dans tous les ob-
jets qui la pouvaient comporter ; il faut signaler à cet égard
dix-sept casse-noisettes dont aucun ne ressemble au voisin
et dont plusieurs représentent des mâchoires d'animaux, des
tètes de reptiles. La moitié au moins de nos soixante-deux
couteaux sont de lame et de manche élégants, au mouve-
ment gracieux ; le feu a anéanti les détails d'ornementation
des manches : il en reste cependant ici ou là de pauvres
vestiges, par exemples les petits carrés de nacre qui fai-
— 270 —
soient, avec de petits carrés de bois, un damier minuscule
autour de la tige de métal.
L'unique grelot retrouvé était vêtu d'une sorte de gracieux
rinceau en relief. Un fer à gauffres ne porte à l'intérieur que
des rayures enfantines traversées d'une maladroite fleur de
lys. Les deux chandeliers, que l'on peut voir au Musée de
Besançon, dans la vitrine aflectée aux fouilles de Notre-
Dame de Consolation, sont intéressants et de style ; la série
bien comprise des nœuds aigus qui en décorent la tige les
distingue tout à fait des chandeliers qui font aujourd'hui
partie des mobiliers populaires.
Une des plus sensationnelles trouvailles est, sans contre-
dit, celle des crémaillères, torses ou rectilignes, grêles ou
énormes, et des marmites à la panse diversement, mais tou-
jours gracieusement arrondie et aux lèvres non moins gra-
cieusement renversées. Deux ou trois en cui>Te qui eussent
rtê vnii-tMiibl.ibemfnl les plus jolies sont aux trois quarts
fondues et réduites en une masse informe. Tant marmites
que chaudrons, nous en avons retrouvé vingt-deux. Voilà qui
témoigne d'un groupement d'humbles foyers dans l'enceinte
de Châtelneuf au moment de l'invasion des Suédois.
Puisque nous parlons de foyer, il nous faut signaler trois
chenets dont l'un, artistique, figurant une belle tête de chien,
et, avec les landiers, les broches démesurément longues, qui
pouvaient facilement empaler un mouton ou un veau.
Parmi ce que j'appellerai les objets de ménage ou de mé-
tier, je ne vois, en dehors de deux socs de charrue au profil
de gracieuses carènes, plus rien qui exprime un souci
d'art. Tout y est d'un dessin ferme, de fabrication excel-
lente et tend à l'emploi pratique. Nous nous contenterons
donc d'énumérer six ciseaux de couture, cinq clochettes en
cuivre pareilles à celles qu'aujourd'hui encore portent les
troupeaux de nos montagnes, cinq pelles, sept pics, sept
scies, huit tridents, sept binettes et crocs, neuf ciseaux à
tondre les moutons, neuf enclumes à faux (dont la partie
— 271 —
trempée n'était pas oblongue et mince comme à présent,
mais carrée), neuf tenailles, dix chevilles de voitures, dix
gros coins en fer munis d'anneaux pour harponner et enle-
ver les sapins, onze limes, onze pinces très diverses de
grandeur, douze grandes poêles à frire, quatorze faux, dix-
sept chaînes dont plusieurs très longues — Tune de quatre
mètres et demi — feraient aisément leur ancien office, dix-
sept ciseaux d'ébéniste, dix-huit racloirs, dix-neuf serpes
presque toutes d'une courbe plus allongée* moins circulaire
que les serpes actuelles, vingt-cinq vrilles, vingt-cinq mar-
teaux, trente-deux haches, etc. Tous ces objets n'auraient
pas du tout, aux yeux non prévenus, la physionomie d'ob-
jets presque trois fois séculaires ; ils sont d'une étonnante
ressemblance d'aspect avec nos objets actuels. Examinés
plus en détail, ils frappent par je ne sais quoi de plus solide
en même temps que de plus varié. Des ouvriers du val du
Dessoubre, employés journellement au charroi des sapins,
ont estimé supérieures, sous le double rapport de la forme
et du métal aux comailles d'aujourd'hui, les coins en fer
dont nous parlons plus haut et qui servaient à Tenlèvement
des bois.
Pour compléter la liste des humbles objets de ménage ou
de métier que nous avons découverts, il faut ajouter aux
précédents : deux balances ou romaines, un fer à friser, une
roulette à gaufrer, deux petites lampes en cuivre faites d'un
disque évidé avec queue en anneau et bec pointu pour la
mèche, différents tourne\is, dont l'un, grâce à une série de
formes rayonnant au bout de la même tige, pouvait résoudre
les difficultés les plus diverses ; des marques à feu, impri-
mant un dessin d'étoile, sauf une, qui exprime un écusson
avec les lettres P V au-dessus d'une croix ; deux pierres à
aiguiser, de longues pinces de forgeron, un étui en os, un
godet de cuivre ayant peut-être servi d'unité de poids, un
petit rouleau de fil de laiton, deux chapelets, l'un de six
dizaines, au grain noir, banal et uni; des débris de marbre
— 272 —
blanc, de verre à moitié fondu où apparaît un reste de des-
sin ; divers ossements, dont pas un d'humain, etc., etc.
Les objets suivants ont plus de caractère : une sorte de
bracelets (deux exemplaires) faits de mailles souples et fines
de cuivre et terminés d'agrafes rectangulaires où s'épa-
nouissent d'élégants fleurons ; une demi-douzaine d'autres
agrafes de cuivre en forme de rosaces ; un ove en verre très
fin qui s'est délicatement irisé dans le sol et des flancs du-
quel monte une fragile banderole verte ; deux pipes enfin,
apparemment inusagées, en terre blanche, l'une ne gardant
que le fond du foyer, l'autre, quasi intégrale, faite d'un
tuyau uni et d'une Chimère k cornes de bélier, à gueule ou-
verte, qui constitue le fourneau et sous laquelle, dans un
talon évidé, apparaît une petite couronne avec l'inscription
D.V.
Comme objets de culte, il y a d'intéressant, en dehors des
débris d'élofi'e carbonisée que nous avons dit, d'abord un
bras de croix en bronze, trouvé le 24 mai ; il se termine en
fleur de lis et porte au bout opposé, au centre donc de la
croix, une inscription en couronne autour d'un agneau pascal.
Ensuite, trouvée, le 26 mai, une autre croix processionnelle
du xvi« siècle (voir la planche), avec terminaisons en fleurs
de lis et, à la naissance des fleurs, de gros cabochons en
verre que la chaleur a craquelés. Enfin et surtout, un instru-
ment de paix, en cuivre, style italien du xvi« siècle, haut d'à
peine quinze centimètres, portant en bas-relief une pieta de
dessin remarquable et d'expression très vivante. Ce dernier
objet est sans contredit la plus précieuse de nos trouvailles.
On le peut voir au Musée de Besançon.
Le feu a particulièrement ravagé et déformé les vestiges
d'armes que nous avons recueillis. Nous ne possédons
qu'une partie de casque : on y voit une fleur de lis repous-
sée. Voici quatre épées tordues et rongées, trois sans
gardes ; cinq gardes sont retrouvées seules, toutes très dif-
férentes d'aspect, l'une, torse et spécialement intéressante.
— 273 —
Voici encore six piques, quatre canons de pistolets, deux
canons de fusils ou mousquets, treize batteries d'armes à
feu, cinq dessus de poires à poudre, cinq moules à balles,
trois balles, trois éperons, dont deux en jolies rosaces étoi-
lées. Des cinq menottes ou entraves, trois sont complètes; ce
sont de solides et courtes chaînes terminées par deux larges
bracelets de fer dont l'un porte un robuste cadenas ; les clés
en sont perdues.
Les premières monnaies ne Furent trouvées que le 8 mars.
Inutile de dire que cette découverte nous remplit d'un sin-
gulier enthousiasme. La première fois, nous crûmes qu'il
s'agissait de boulons : petits disques vert-de-grisés collés en
un lingot par un commencement de fusion, leur vue nous
surprit seulement. On regarda de plus près, on aperçut des
lettres, des embryons d'effigies, de dates : « Des sous, voici
des sous !» Et il y en avait 425. Une bribe d'étoffe carboni-
sée, sans doute le sachet qui les renfermait, y était encore
attenante.
Le soir du 19 mars, pour la troisième fois, le bienheureux
cri : « Des sous, voici des sous I ». C'était à l'angle du four
et de la platine ; nos enfants, endimanchés, plongeaient leurs
mains jusqu'au blanc poignet dans le sable gris où grouil-
laient les piécettes verdâtres : quatre cent treize ce jour-là,
quel rêve! Le soir du 5 avril, nous en avions recueilli plus
de huit cents.
Mais la moitié totalement illisibles ! Quatre cents res-
taient qu'on pouvait lire, partiellement au moins. En voici
de minuscules avec la croix de Lorraine, de plus grandes,
presque deux cent cinquante, aux armes de Besançon, les
autres aux armes de Bourgogne, à peu près toutes à l'effigie
de Charles-Quint. Elles courent de 1570 à 1637. Deux ans
après cette dernière date, les Suédois féroces, revenus du
sud de la Comté, anéantissaient Châtelneuf, qui couvrait
pour deux cent soixante ans du manteau de ses ruines l'hum-
ble bourse des serviteurs et des soldats d'autrefois.
— 274 —
Liste des types de monnaies trouvécH aux fouilles
de Châtelneuf.
France-Béarn, Louis XIII : Une jolie pièce d'argent.
Monnaie flamande. Bruxelles, 1622 : Demi-tesfon.
Monnaies lorraines : Blanc, denrii-blanc.
Armes de Bourgogne et de Dole : 1622, 1623.
Dole. — Deux gros, 1422.
Dole. — V>\ï gros (bâton noueux), 1622.
Dole. — Un demi-gros (bàtoii noueux), 1588
Dole. — Carolus : 159:1, 1594. 1595, 1596, 1599, el une série de
dates lllisiltles.
Besançon. — Douhle-gros; 1623, 1024.
Besançon. — D'un côté effigie de Charles-Quint, de l'autre deux
colonnes encadrant un B, 1623.
Besançon — Demi-carolus.
Besançon. — Carolus : 15<>4, 157?, 1571, 1572, J58(), 1581, ir)H4.
1588,1589, 159?, 1591, 15^12, 1593, 1594, 1595, 1596, 160?, 1603,
161?, 1611, 1612, 1613, 1614, 1615, 1616, 1617, 1618, 1619, 1630,
1622, 1623, 16:^6, 1637.
On nous perniettra d'ajouter à ces humbles notes le nom
des admirables enfants qui sacrifièrent, un an durant, tous
leurs congés à Toeuvre pénible des fouilles :
Léon Bourgeois, Joseph Loye, Jose[)h Simon, Georges
Chénier, Roger Chénier, Louis Huot, Gustave Perrin, Au-
guste Vaugne, François Dufay, Léon Faradon, Louis Froide-
vaux, Edouard Jcannin, Ahx Renaud, Henri Amiotle-Petit,
Henri Martin, Francis Boillin, Joseph Frantzen, Just Faivre.
II,
Cette seconde période de fouilles s'e.st elTecluée sous la direction de
M. Tabbé Verchot, professeur à Consolation, auquel nous devons ce second
rapport.
En 1îK)2, au moyen d'une double subvention du Musée ar-
chéologique de Besançon devenu dépositaire d'une partie des
— 275 -
trouvailles de M. l'abbé H. Druot, et de la Société d'Emulation
du Doubs, les « fouilles » de Chatelneuf ont été reprises sui-
vant un plan nouveau, après quatre années de délaissement
absolu, pendant lesquelles les murailles des appartements
découverts par M. Druot, furent sérieusement endommagées
par les pluies et la gelée. Le premier directeur n'avait pas
de données précises à sa disposition pour le guider dans son
travail ; il « attaqua • la butte la plus en vue, et il eut la main
heureuse. On sait la quantité d'objets, parfois très intéres-
sants, que ses recherches amenèrent au jour. Dans la suite,
on a pensé qu'il y aurait peut-être quelque intérêt à recons-
tituer le vieux manoir des seigneurs de Varambon, autant du
moins que le permettent les ruines accumulées par le gel et
l'incendie. C'était là un travail énorme qui demandait assuré-
ment beaucoup de temps, mais qui pouvait amener quelque
découverte curieuse ou importante pour l'histoire locale. Dans
ces conditions, on a voulu, pour faciliter les recherches pos-
térieures, déblayer en premier lieu les abords du château, de
façon à retrouver les chemins et les portes qui permettent
d'entrer dans les appartements. Il fallait des « travailleurs »
d'une patience à toute épreuve et d'un « détachement » peu
ordinaire, pour exécuter ces travaux particulièrement péni-
bles, où Ton est rarement stimulé par une découverte quel-
conque. Songez donc, ne rencontrer jamais sous le pic si
lourd ni monnaies, ni armes, ni outils, comme les anciens
travailleurs de M. Druot ; toujours remuer des pierres et des
troncs d'arbres sans aucun résultat appréciable, quelle dé-
cevante perspective pour des enfants! Malgré cela, une
équipe de vingt ouvriers a pu être constituée, et depuis deux
années, personne n'a manqué au rendez-vous du mardi et du
jeudi, malgré la neige ou la pluie.
Aussi, à cette heure, les travaux ont donné quelques ré-
sultats appréciables. Peu d'objets, il est vrai, se sont ajoutés
à ceux que M. Druot avait si bien groupés dans son premier
musée; il fallait s'y attendre. Par contre, la disposition du
— 276 —
château commence à devenir manifeste. Nos efforts se sont
portés en premier lieu sur le puits, dont Torifice était visible
dans un coin de la c haulte cour ■. Nous espérions, en le vi-
dant, faire quelque découverte intéressante : dans la préci-
pitation de la fuite, les assiégés auraient pu y jeter quelque
objet précieux pour les reprendre plus tard Nous en avons
extrait seulement des pierres de taille et des débris d'osse-
ments ou d'objets en cuivre, plus une garde d'épée. Bientôt
le fond de la citerne apparaissait à une profondeur de deux
mètres, et par là croulait la légende fort acciéditée dans le
pays, «l'aprés laquelle le puits communique avec le Des-
soubre. dont la source se trouve à plus de cinquante mètres
au-dessous. Comme on Ta fait remanjuer, il était cependant
plus raisonnable de supposer que les habitants du château
p^iuvaient se procurerde Teau très facilement au moyen d'une
corde et d'une poulie, puisqu'ils se trouvaient exactement au-
dessus de la source en que^tion ; dès lors, à quoi bon creuser
un puits de cinquante mètres de profondeur dans le roc vif?
De là, les écjuipes se sont transportées sur remplacement
Ouest du Château, au-dessus du Val noir, où coule le ruis-
seau qui alimente la Scie Dessus. Les premiers travaux ont
amené la découverte d'une manière de tourelle, profonde de
4 mètres, reposant sur le rocher au-dessous de la porte d'en-
trée du Château, avec un escalier très primitif, creusé dans
le roc, qui permet d'y descendre. La destination de cette cons-
truction, très bien conservée d'ailleurs nous échappe com-
plètement Par la suite» nous avons pu déblayer entièrement
la partie du Château qui regarde le Nord-Ouest et le Nunl :
d'abord remplacement du pont-levis, et la « basse »• cour,
placée au-dessus de la tranchée, qui fait face au plateau de
Grand-Chaux. Cette cour assez longue, étroite, s'étend de lo-
ratoire au Val noir. Pour l'établir, on a taillé le rocher de fa
çon à constituer une surface parfaitement plane qu'on a re-
couvert d'une sorte de ciment, où entre du sable de tuf
comme élément principal. Au milieu de la cour, sur le bord
— 277 —
même de la tranchée, se trouve un gros rocher dans lequel
des escaliers ont été creusés. De ce rocher un pont donnait
accès à la porte d'entrée principale, dont remplacement est
très visible au-dessus de la tourelle dont on a parlé plus haut.
Celte porte est elle-même dominée par une plate-forme tail-
lée à pic de main d'homme, sur laquelle se trouvait le donjon
qui s'étend jusqu'aux salles découvertes par M. Druot, au
Sud, le long du rempart naturel qui domine la source du Des-
soubre. De la porte, un sentier pour les mulets, protégé au
Sud-Ouest par une haute muraille très épaisse, conduit au
donjon et à la « cour haulle », d'où Ton se dirigeait à gauche
vers les habitations communes et à droite vers le logement
des seigneurs encore inexploré. Si le plan général est facile
à saisir, la destination précise des parties mises à nu est en-
core difficile à établir, par le fait qu'on distingue nettement
plusieurs constructions successives. De plus, des passages,
des portes ont été murés, des bases de tourelles comblées
avec du sable de tuf. Sur bien des points, on doit se conten-
ter de probabilités.
Les travaux ont amené la découverte de (juantité d'osse-
ments d'animaux de forte taille, dans une salle sise au dessus
du Val noir, de fragments de vases et de verre, de serpes et
de menus objets de fer. Ils ont eu lieu sur une longueur de
520 mètres environ. L'année prochaine, nou» entrerons par une
porte en ogive en pierre jaune taillée, dite de Morteau, dans
un appartement dont remplacement est visible au Nord des
premières salles Nous rechercherons ensuite la disposition
du donjon et, ce point fixé, nous aborderons le saillant Sud,
où était l'habitation seigneuriale. Puisse notre œuvre bien
modeste apporter un petit surcroit d'intérêt au site de Con-
solation, et mériter d'être appréciée des touristes et des ar-
chéologues !
EDOUARD GRENIER
(i8i9-i90i)
Par M. Jules GAUTHIER
SBCnéTAlRB DÉCENNAL
:Séance publique du i8 décembre i902
I
L'ENFANCE D'UN POÈTE
0 famille, ô foyer où s'alluma mon âme!...
Quel Franc-Comtois ne connaît Baume, un des sites les plus
pittoresques et les plus riants qu'anime le Doubs, alors que,
grossi des eaux du Cuisancin, il roule, argentés et limpides,
ses flots vers Esnans, Deluz et Besançon. Le paysage qu*il
traverse est charmant; laissant sur sa gauche les hauteurs
demi boisées et jadis couvertes d'un riche vignoble qu'on
nomme Gondé et la vallée étroite de Pont-les-Moulins d'où
le Cuisancin débouche, venant du Lomont, la rivière fait
tourner à droite les roues du vieux moulin de Cour, trans-
iornié par une industrie récente, passe en vue de la ville
retranchée au bas de hautes collines, séparée à Touest par
tout un cirque de prairies du gai village de Champvans,
piiiî^, sous un grand pont flanqué du roc et des ruines d'un
vieux château, précipite en murmurant sa course impé-
lueuâe : telle la Loue à Vuillafans !
[a petite ville encadrée d'un frais décor d'arbres fruitiers
i
— 279 —
et de vignes, s'espace et s'étage à la base d'une montagne
où grimpe et serpente la route se dirigeant vers Rouge-
mont. Le haut clocher pointu de son église et le dôme de la
vieille abbaye qui fut son berceau, la dominent ; Ghampvans,
le Château, et par delà les cimes de Gondé et de Châtard
sont tout son horizon.
L'ancien régime n'y a perdu que ses personnages; les cha-
noinesses ont disparu et seul le secret de certaines confi-
tures conserve leur tradition dans les vieilles demeures
qu'elles habitaient ; un sous-préfet a remplacé le subdélégué,
le tribunal a succédé, et dans le même hôtel, au vieux bail-
liage et les logis à poivrières, les maisons surplombantes, à
tourelles et à viorbes, y sont restés debout comme témoins
des âges écoulés.
C'est dans cette humble et jolie petite ville qu'est né, le
20 juin 1819, Edouard Grenier, dans une vieille habitation
qu'on peut voir encore, à l'angle droit de la rue qui descend
de la gare, presque en face du clocher de l'église paroissiale.
C'était la maison de Simon Barbier, maire de Baume,
l'aïeul maternel de l'enfant dont le père, Jean-Pierre Gre-
nier, occupait à Montbéliard les fonctions de receveur des
finances. Les Grenier comme les Barbier étaient des nou-
veaux venus dans la bourgeoisie locale, mais leur honora-
bilité comme leur fortune leur donnaient une situation ex-
ceptionnelle ; leur parenté était très nombreuse.
Tandis qu'on laissait aux grands-parents, pour égayer leur
foyer tranquille, un premier berceau, celui de Jules Grenier,
l'ainé de deux ans du petit Edouard, le nouveau-né prit
avec sa mère le chemin de Montbéliard, ou se passa sa
première enfance.
€ J'ai quatre ans, je m'éveille ; la bonne Tinon me porte
dans la chambre de ma mère. On m'habille ; j'ai une robe
de mérinos rouge et des souliers de cabron jaune, je me
trouve superbe!... Au jardin, il y a des mûriers à fruits
rouges, une grande allée, des arbres et des fleurs ; mais au
— 280 —
milieu, \\ y a du sable el j'y ramasse des cailloux étranges
et des pierres précieuses. Au fond, une porte basse donne
sur un chemin qui conduit à la rivière ; tout cela est mer-
veilieux, et depuis, je n'ai rien vu de pareil au monde î...
» J'ai grandi, je n'ai plus de robes comme les petites filles,
je porte des pantalons et des souliers noirs comme papa,
je vais avoir sept ans, je suis déjà un enfant terrible : je
grimpe aux arbres, je fais la chasse aux papillons et aux nids.
Je suis devenu sauvage, volontaire et dominateur. J'ai un
esclave : Charlie qui madmire, Charlie, le fils du cloutier
voisin ; je commande une bande de gamins avec qui j'entre-
prends des expéditions lointaines dans tous les coins de la
ville, jusqu'à la Citadelle î... »
Jeux d'enfants, amour-propre qui naît, colères qui s'é-
veillent ; pas d'école, la mère d'Edouard lui enseigne à lire,
son père à écrire et tout se passe en famille ; quelles joies,
quand par un soir d'hiver le receveur particulier rentre de
la chasse les favoris saupoudrés de verglas, le carnier rempli
de bécassines, de canards, de poules d'eau, et que tout ce
gibier aux plumes luisantes s'étale ; quand au Vieux-Châ-
teau des montreurs de lanterne magique ou d'ombres chi-
noises jouent le Pont Cassé et même Tartufe^ mais oui,
Tartufe, de Molière, un monsieur qui se cache sous une
table !
En grandissant le cœur s'éveille; à sept ans, Edouard
Grenier aime et soupire. Elle avait deux ans de plus que
lui. Etait-elle belle? plus lard, il jugea que non. Durant
longtemps il l'admira, taisant avec Marie d'interminables
parties de jonchets (un jeu qu'on ne pratique plus guère).
« Un charme l'enveloppait tout entière, son regard, son sou-
rire, le moindre de ses gestes m'enchantait et me faisait
une atmosphère de délices. » Toute une vocation de ten-
dresse s'éveillait pour lui par l'innocente coquetterie d'une
petite fille blonde et douce, tranquille et raisonnable, dont
l'influence transforma un garçonnet turbulent en soupirant
- 281 —
précoce, et je comprends le sentiment qui, soixante ans
après, dictait au vieillard ces lignes reconnaissantes : o Cher
Montbéliard I que de souvenirs, d'impressions premières
inoubliables il m'a laissées, je n'en finirais pas si je voulais
tout dire, et, je le sens bien, cela ne peut intéresser que
moi!... «
Le château de Montbéliard et ses tours s'estompent et
disparaissent dans les brumes de l'Allan, Edouard Grenier
est devenu un collégien et a pris, comme Jules son frère aîné,
le chemin de Fontenay-aux-Roses. Pour comprendre cette
décision il faut tenir compte de l'influence et des conseils
d'un ami fidèle de la famille, le député Clément, de Baume,
dont l'initiative procura ù nombre de ses jeunes compa-
triotes l'accès des grandes écoles ou des grandes adminis-
trations.
C'était un dur sacrifice pour une mère de se séparer d'un
enfant qui ne l'avait jamais quitté ; le sacrifice fut plus rude
encore pour le bambin de dix ans, partant avec un mince
bagage à la conquête de l'avenir.
Les roses de Fontenay, le parc et ses bosquets, tout cela
donnait un air riant à la cage, mais blotti dans son coin,
meurtri et attristé par les brimades, qui dans tout collège
attendent traditionnellement les nouveaux, le pauvre oisil-
lon venu de Baume, pleurait le doux nid déserté. Il fut long
à s'habituer à la discipline et au travail, nouveau pour lui,
se créa peu de camarades, vécut de souvenirs ou d'espoirs et,
petit à petit, de labeur et de résignation.
Parmi les maîtres de Fontenay-aux-Roses, il en était un
dont le nom et la réputation avait déterminé le choix de ce
collège, qui eut de longues années de célébrité et fut consi-
déré comme la Sainte-Barbe des Champs.
Il se nommait H. Ordinaire, et était de Besançon, a II
avait composé une grammaire latine d'après une méthode
qui abrégeait fort l'étude de cette langue. C'était un petit
homme sec et osseux, très dur au physique comme au
19
— 282 —
moral. Il avait inventé aussi une façon de nous inculquer sa
méthode qui était touchante, c'est le cas de le dire. Il se ser-
vait d'une tabatière d'argent pour priser, mais il s'en servait
encore autrement. Aux examens, quand on lui répondait
mal, la tabatière entrait en jeu en môme temps que son
pied. Le pied, fortement chaussé, frappait la jambe du mal-
lîeureux élève, tandis que la tabatière attaquait les côtes ou
la tête. Cette inéthode-là n'était pas bien nouvelle, mais elle
aidait puissamment à l'intelligence de l'autre. »
Les impressions pénibles du début de Fontenay-aux-
Roses, corrigées à la longue par de bonnes camaraderies et
par l'intérêt qu'Edouard Grenier finit par prendre à ses étu-
des, s'effacèrent peu à peu, grâce aux vacances qui lui firent
entrevoir la mer à Saint-Valery avec ses spectacles gracieux
et émouvants, ailleurs d'autres paysages, et le ramenèrent
enfin, en 4829, à Baume, pour y embrasser une petite sœur
née depuis peu et dont son frère et lui se disputèrent l'affec-
tion, en la portant, en la promenant, comme une délicieuse
petite poupée.
Sa première communion en 1831, préparée par Tévèque
du Maroc, l'abbé Guillon, aumônier de Fontenay, son entrée
au grand collège, une grave maladie dont Jules Grenier
foillit mourir, furent les grands événements de cet internat
de Fontenuy-aux-Roses qui dura jusqu'à 1834, c'est-à-dire
jusqu'à la rhétorique, et dont la sortie constitua pour l'es-
prit indépendant du jeune Baumois une véritable délivrance.
Les parents décidèrent, à sa grande joie, que tandis que son
aîné resterait à Paris pour se préparer à l'Ecole polytech-
nique, sous la direction de son cousin Ebelmen, qui venait
d'y entrer premier, Edouard irait à Besançon faire au col-
lège royal sa philosophie, en externe libre, c'est-à-dire en
grand garçon.
Un voyage en Suisse, où les conduisit leur grand-père,
ménagea la transition aussi agréable qu'inespérée entre la
prison et la liberté. « Voir les lacs, les montagnes, les gla-
— 283 —
cierSy quelle joie pour des prisonniers comme nous et des
imaginations de quinze ans
€ L'automne s'écoula et s'inclina sensiblement vers l'hi-
ver. Il y eut encore de belles journées , l'été de la Saint-
Martin comme l'on dit, et c'est précisément l'époque où la
Franche-Comté est dans toute sa beauté. L'été, le paysage
est trop vert et d'un vert un peu crû. L'arrière-saison avec
ses teintes variées, son ciel adouci, ses vapeurs bleuâtres,
prête à nos montagnes un caractère plus fin, plus poétique
en les revêtant d'une grâce, d'une distinction, d'une no-
blesse qu'elles n'ont pas dans le robuste éclat de leur ver-
dure prin tanière...
< C'est ici le lieu de dire quelques mots de notre vieille
maison, elle doit remonter à trois siècles et fut, dit-on, bâtie
par MM. de Lasnans, libres barons d'Empire.
a Malgré ses dimensions restreintes, rien ne lui manque
comme dépendances : double cour en forme de douves, ni
jardins en terrasse. Le jardin qui domine la maison est un
vrai jardin de curé.
« Des carrés de légumes entourés d'arbres fruitiers, de
quenouilles, qu'au printemps, quand leurs branches ploient
sous des fleurs épanouies, mon père comparait volontiers à
des processions de jeunes filles.
« Des pierres moussues bordent les allées, une charmille
au fond avec une treille en berceau que j'y fis planter pour
me rappeler l'Italie ; on le voit, c'est la simplicité même.
a Tel qu'il est, c'est le lieu que j'aime le plus au monde.
Mon grand-père m'y a porté dans ses bras, je m'y suis pro-
mené avec ma mère, j'y ai joué avec ma sœur, pleuré avec
mon frère. >
Et cette vieille demeure et tous les cœurs qui battaient à
l'unisson pour entourer l'enfant de leurs tendresses, dont
il avait été sevré si longtemps dans la geôle de Fontenay-
aux-Roses, il fallut s'en séparer, en gagnant Besançon et
son collège le 15 novembre 1834. On établit le philosophe
— -284 -
chez un professeur du collège qui demeurait dans une
vieille maison du Chapitre, entre la maison Talbert et
rhôtel Hugon d'Augicourt. « Il y restait même, remontant
au moins à 1789, un chanoine grand, mince, avec les ailes
de pigeon poudrées, la culotte noire, les bas de soie. Il jouait
du violon et rien que de vieux airs qui, le soir, me por-
taient à la mélancolie.
« On y accédait par une étroite porte cintrée; de ses
vieilles et étroites fenêtres à meneaux, la vue était superbe
et s'étendait sur une grande partie de la ville, avec les belles
lignes du mont de Bregille comme lointain et tout un groupe
de grands et beaux arbres pour premier plan.
tt Chaque jour en descendant du Chapitre, pour me ren-
dre au collège, je passais sous la Porte Noire. L'arc mutilé
reste un monument de fière allure. Sur la face qui regarde
Saint-Jean, dans un enfoncement obscur qui forme niche,
se dresse en haut-relief une charmante figure de Vénus. La
déesse sort de Tonde amère, ses pieds reposent sur une
conque, une draperie voltige autour de son torse ; les siècles
l'ont décapitée, mais ce beau corps garde néanmoins je ne
sais quelle grâce divine et voluptueuse qui charme le re-
gard et fera toujours rêver un artiste et un poète. — Et j'en
rêvais I
« Tous les matins et tous les soirs, malgré toute ma phi-
losophie, je saluais du cœur et des yeux la Mère des amours,
c'est peut-être à elle que je dois ma prédilection pour la
sculpture.
« La classe de philosophie se composait d'une soixantaine
d'élèves. J'étais le plus jeune et, quoique arrivé six semai-
nes après les autres, je n'en fus pas moins le premier lors
de la composition et j'eus le prix de Pâques, à mon grand
étonnement je l'avoue. Cela donnera une piètre idée de la
classe et de la philosophie qu'on y enseignait. Son profes-
seur était pourtant un homme de mérite, à figure fine ; il se
nommait M. Bénard et traduisit Hegel.
— 285 —
€ Je ne me liai avec personne et sauf Louis Grenier et
Louis Barbier, mes deux cousins, qui étaient de ma classe,
sauf Darlay, fils du professeur chez lequel je logeais et qui
partageait ma chambre, je ne fis pas d*amitiés nouvelles. »
Et Tannée s'écoula, terminée par la consécration du bac-
calauréat qui valut au vainqueur d'amples vacances, parta-
gées avec son frère.
« Nous passâmes ces vacances comme on les passe à Tâge
de l'adolescence, à courir dans les bois, à grimper dans les
rochers, à rêver au bord des rivières ou dans les combes de
notre pays agreste, à lire, h causer, à dessiner. Notre père
était un pêcheur et un chasseur émérite; il ne nous transmit
ce double talent que d'une façon bien imparfaite. Nous
allions cependant quelquefois pêcher avec lui. La chasse,
qui du reste plaisait peu à notre mère, ne nous avait pas
entraînés comme il est d'ordinaire à cet âge ; nous étions
trop rêveurs ! Que de fois suis-je sorti le fusil sur l'épaule
et un livre dans ma poche pour une chasse lointaine. Au
premier buisson je m'asseyais contre un arbre, j'ouvrais
mon livre et adieu les lièvres et les perdreaux ! J'étais parti
pour les régions éthérées de l'illusion et du rêve. »
Les vacances finirent et au lieu de gagner l'Allemagne,
Edouard Grenier et son frère vinrent à Besançon, l'un pour
y travailler son examen de Polytechnique, l'autre, c'est-à-
dire Edouard, pour y apprendre la procédure chez l'avoué
Lonchamp. Ils demeuraient ensemble, au n^ 51 de la Grande-
Hue, vis-à-vis une vieille maison dont la devise : Fac hene
ne iimeas semblait leur dicter le devoir ; au coin de la rue
Saint Antoine et de la rue des Chambrettes, la maison à
tourelle abritait leur pension. Orientés l'un vers l'art, l'autre
vers la littérature, chacun des deux frères avala, huit mois
durant, l'amer breuvage que la volonté paternelle leur ver-
sait, et cela, dans l'intérêt d'une carrière que ni l'un ni l'au-
tre ne devait suivre ; l'été suivant, tous deux l'avaient jetée
aux orties, Jules ne parvenait pas à entrer à Polytechnique,
— 286 —
la procédure n'était pas la Muse qui devait entraîner
Edouard.
Et une fois encore le conseil de famille tenu à Baume
aiguilla sur une autre voie les wagons qui portaient Jules
et Edouard et leur fortune, celui de Jules vers l'Ecole cen-
trale ou Tarchitecture, celui d'Edouard vers l'Allemagne,
c'est-à-dire vers l'inconnu.
Leur mère avait une amie mariée à Stuttgard ; elle pré-
para l'installation d'Edouard, et toute la famille, sauf son
père retenu par ses fonctions et sa grand'mère par ses in-
firmités, l'accompagna par Strasbourg et Baden, à Stuttgard,
où la caravane débarqua le 24 septembre 1836.
« Nous passâmes à Montbéliard où nous ne vîmes pas
Mlle Marie qui venait de se marier ». Le premier amour
d'enfant était, hélas I frappé à mort.
S'il est un pays d'Allemagne où, même après des déchire-
ments inoubliables, le cœur français puisse battre sans haine
et sans révolte, où une commune sympathie puisse naître
et provoquer de part et d'autre une mutuelle confiance, c'est
le Wurtemberg, c'est la Souabe, un pays hospitalier, dont
les mœurs patriarcales survivent et résistent encore à la
corruption.
Malgré les transformations accomplies en un demi-siècle,
je l'ai connu tel encore qu'Edouard Grenier le découvrit à
l'extrême début de sa jeunesse, et je comprends son en-
thousiasme d'y avoir pénétré et vécu.
Quelle jolie ville bâtie en amphithéâtre au pied de hautes
collines, amorce des Alpes de la Forêt-Noire, sur les flancs
desquelles montent des vignes et des forêts de pins parfu-
mées, couronnées par les hauteurs du Bopser et de Deger-
loch.
Tous les palais de Stuttgard sont intéressants : le Vieux
Château, dont les tours massives ont le même profil que
celles de Montbéliard, la Résidence royale avec ses colon-
nades, ses fontaines, ses grands bassins et son parc qui va
- 287 —
jusqu'à Cannstatt retrouver le Neckar; Rosenstein, la Villa
royale et le caprice oriental de la Wilhelma. Et partout, dans
les musées, les bibliothèques, comme dans les magasins ou
les intérieurs bourgeois, quel aimable accueil pour l'étran-
ger, pour le Français surtout, car on n'a pas oublié là-bas ni
le passage ni le séjour des Bonaparte ou des d'Orléans et l'on
s'y souvient que la plume magique du vainqueur d'Iéna a
signé le décret qui créa le royaume de Wurtemberg.
L'amie de M"i<^ Grenier, M'"^' Koch, et ses deux aimables
jeunes filles eurent vite acclimaté Edouard Grenier, confié
aux bons soins d'un docteur en théologie, M. Ostertag, un
pasteur surnuméraire, farci de grec, de latin, voire d'hébreu,
qui s'évertuait en bon scholar à initier aux beautés de la lit-
térature et aux rudesses de la langue allemande tout un lot
déjeunes Anglais et Suisses. M. Ostertag, grand, froid, si-
lencieux, nonchalant, avait bien l'allure d'un prédicant; il
était de la secte rigide des mômiers ou piétisles, ce dont se
ressentait la sévérité de son enseignement. Grâce à la com-
position de la pension, l'anglais était la langue dominante;
l'étudiant venu de Baume se plia au courant, mordit à la fois
aux deux dialectes et se familiarisa avec eux. Plus que les le-
çons du docteur, la lecture et la traduction à coup de diction-
naire et d'efforts personnels de Schiller, de Gœthe, de Les-
sing, firent ce miracle si difficile à réaliser chez nous autres
Français, de faire pénétrer le jeune bachelier dans le génie
tudesque ; et tout lui devint facile désormais grâce à la volonté
inflexible de sortir victorieux de l'entreprise. Cette influence
de la littérature allemande sur sa vocation poétique ne fut
pas moindre que la connaissance de l'allemand courant, écrit
ou parlé, ne le fut pour ses succès futurs dans la carrière di-
plomatique ; sa famille avait été bien inspirée en l'envoyant
à Stuttgard.
Dans ses excursions journalières dans les grandes forêts,
dans les parcs royaux aux mystérieux ombrages, dans les
villages, les petites villes si curieuses qui avoisinent la petite
— 288 —
capitale et sont pleines encore des souvenirs de Schiller,
d'Uhland et de Schubarl, des chefs-d'œuvre de ces tailleurs
d'images qui ont enfanté tant de merveilles d'Ulm à Esslin-
gen, à Heilbronn ou à Tubingen, Edouard Grenier rapportiit
d'heureuses impressions et tout un trésor de sensations nou-
velles. Il était arrivé à Stuttgard à la chute des fruits du mar-
ronnier; quand les marrons commencèrent, en 1837, à sortir
de leurs coques épineuses, un sentiment poignant le fît son-
ger au départ.
Son frère Jules le vint chercher et ce fut une douloureuse
séparation d'avec les objets inanimés et les autres, car aussi
bien les gracieuses filles de M™* Koch qui, avec leur mère,
avaient suppléé les tendresses du foyer, que ses camarades
de la pension Ostertag, les chênes du Bopser ou les bosquets
de la Silberburg, tout cela s'était partagé son âme et avait
pris dans son cœur d'enfant une place qui leur resta à jamais
conquise. L'année passée à Stuttgard, il le déclarait encoreà
ses derniers jours, fut pour Edouard Grenier Tune des plus
belles et des plus heureuses de sa vie ; il en sortait plein de
sève et d'enthousiasme, avec les illusions généreuses, sans
lesquelles, entre Tenfance et la jeunesse, il y aurait tout un
désert aride et morne à traverser.
Il en sortait sûr de cette vocation de poète dont son oreille
avait perçu, bien faibles encore, les voix indécises, dans le
collège de Fontenay-aux-Roses, et dont, sans guide et sans
conseil, il avait presque enfant encore, réussi à affirmer la
vérité et la puissance, par des ébauches de drames en vers
qui, sans être le fruit d'une inspiration sublime, révélaient
du moins, sous une ardeur juvénile, de réelles qualités de
style et une aimable facilité.
Et maintenant nous avons épuisé dans ces courtes et
simples pages ce que nous savions, ce qu'Edouard Grenier
a retenu, a écrit, nous a raconté de son enfance.
Les bienfaits de ses parents, les heures de bonheur plus
nombreuses que celles de tristesse, les tendresses mater-
— 289 —
nelles y tiennent une large place, et rattachement au pays,
à la vieille demeure où tous sont nés, où quelques-uns déjà
sont morts, s'y affirme à chaque pas.
Flétri par l'âge, l'enfant, après avoir salué cette vieille mai-
son dans une pièce vibrante d'émotion et superbe de facture :
0 famille^ ô foyer où s'allutna mon âme. . . , y reviendra comme
l'oiseau blessé retourne au nid, pour s'y coucher et y mourir.
Mais à l'heure où sonnent ses vingt ans et où nous arrê-
tons ce récit des premiers pas de sa vie, il en sort heureux
encore, amoureux de l'existence, allant conquérir à Paris le
rayon de gloire qui sourit à ses espérances, serrant sur sa
poitrine, comme un talisman, tous les souvenirs joyeux
et tristes qu'il a retracés dans ces vers :
Tu m'as laissé d'abord aux rives ignorées
Où le Doubs clair étend ses nappes azurées
Parmi les rocs à pic, les prés verts et les bois.
C'est là que s'é veillant pour la première fois
Ton âme vit au seuil de cette vie amère
Cet ange souriant qu'on appelle une mère.
Ta mère ! ô souvenir ! ineffable trésor,
Le seul qu'en vieillissant le temps augmente encor !
Age heureux où l'enfant fort de son innocence
Est encore dans TEden et croit à sa puissance
Et, quoique né d*hier, s'imagine immortel !
Il a, comme Jacob, sa pierre de Béthel,
Et du ciel à la terre, il voit la nuit, sans trêves,
Des anges descendant l'échelle de ses rêves.
Age heureux! seul heureux! quand au bord du sillon,
Il suffit d'une fleur, d'un nid, d'un papillon
Pour faire déborder notre âme comme un vase !
As- tu donc oublié Fontenay et ses roses,
Et la geôle lettrée aux vieux maîtres moroses
Où l'enfant enfermé dans un cercle de fer
A l'âge du bonheur comprit enfin l'enfer?
— 290 —
Adieu la liberté, Tessor du premier âge
Et dans les prés en fleurs le gai vagabondage!
Adieu le foyer paternel où le jour
Passait libre et joyeux sous des regards d'amour.
Adieu ta mère! adieu ses baisers, ses caresses)
Et ta petite amie et ses calmes tendresses
Et tes jeux innocents avec elle au jardin.
> ....•
— Puis ce n'est plus le Doubs à la teinte azurée
Ni la France. A présent c'est une autre contrée,
Le ciel n'a pas changé c'est le même soleil,
La même terre aussi, pourtant rien n'est pareil.
C'est le Rhin, le Neckar, la sombre Forêt-Noire,
L'Allemagne rêveuse...
Jours d'étude et de paix, d'ardente poésie
Dont chaque heure, apportant sa coupe d'ambroisie,
T'enivrait de bonheur, de génie et d'amour!...
... En avant! en avant!...
— C'est Paris maintenant, le monde et ses orages
C'est la vie à vingt ans avec tous ses mirages
Ses rêves de grandeur, ses folles passions !...
FLORA SEQUANIil EXSICCATA
HERBIER DE LA FLORE DE FRANCHE-COMTÉ
PUBLIÉ
Par M. X VENDRELY
X.
i* Liste do S4* fascicule.
Collaborateurs pour ce fascicule : MM. Brunard, Cardot, Rémond,
J. Strich, X. Vendrely, (Ozamon, Saltel).
Abrév. : D=Doubs, S = Haute-Saône, J:=Jura, Vi= Vosges,
A:=A.in, Sb= Haute-Savoie.
iOCH. Pulsatilla rubra Lam. A.
1002. RanunculuspeltatusSchrank.
S.
1003. — ThoraL. A.
100*. Callha palustris L. S.
1005. Isopyrum thalictroides L. A.
6i06wHutchinsiapetraeaR.Br, A.
1006. Cardamine pratensis L forma
S.
1007. Alyssum Beugesiacum J. F.
A.
1008. Draba muralis L. A.
A. (Thlaspi arenarium Jord. Aveyr.)
15 ter Helianthemum pulverulen-
tum D. C. A.
1009. Viola hirta L. S.
1010. — subtilis Jord. S.
1011. Viola subincisa Bor. S.
1012. — stagnina Kit. A.
584 ter Pyrola minor L. S.
1013. Silène oleracea Bor. S.
1014. Lychnis flos cuculli L. S.
1015. Cerastium pallens Sch. S.
1016. Genista sagitlalis L. S.
1017. Lathyrus sphsericus Retz. A.
1018. Orobub tuberosus L. S.
1019. Prunus erythrocalyx p. ru-
bella Clav. S.
1020. Potentilla rupestris L. A.
1021. Alchemilla (vulgaris) strigu-
losa Bus. S.
1022. Crataegus monogyna Jacq.,
V. Kyrtostyla Beck. S.
1023. Saxifraga aizoidea L. .A.
1024. Heracleum Alpinum L., f. Ju-
ranura Gent. A.
1025. Anthriscus Cerefolium HfTni.
S. c.
— 292 —
1026. Âsperula trinervia Lam. A.
1027. Galium verum L. S
1028. Knautia arvensis Koch. S.
9096Û — intermediaBruegg. S.
1029. Chrysanthemum Parthenium
Pers. S.
81 ter Bellidiastrum Alpinum Mich.
1030 Centaurea Lugdunensis Jord.
A.
1031. Taraxacum officinale Wigg. S.
1032. Hieracium Auricula L. S.
1083. Vaccinium Myi lillus L. S.
5866(8 Arctostaphylos officinalis W.
A.
103i. Pinguicula Alpina L. A.
1035. Ulricularia minor L. A.
1036. MenyanLhes trifoliata L. S.
1037. Convolvulus arvensis L. S.
1038. Lycium vulgare Dun. De.
1039. Echium vulgare L. S.
942 bis Pulmonaria vulgaris Dum.
S.
1040. Borrago officinalis L. S.
1041. Linaria minor Desv. S.
1042. Veronica serpyllifolia L. S.
1043. Melampyrum nemorosum L.
A.
1044. Glechoma hederacea L. S.
1045. Galeobdolon luleum Huds.S.
1046. Lamium album L. S.
1047. — amplexicaule L. S.
1048. Ajuga reptans L. S.
10i9. Plantago média L. S.
1050. — lanceolata L. S.
518 bis Littorella lacustris L. S.
1051. Chenopodium bonus Henri-
cus L. S.
1052. Polygonum aviculare L., for-
ma. S.
1053. Rumex Acelosella L. S.
1054. Daphne Mezereum L. A.
iQS5. Euphorbia palustris L. A.
1056. - Peplus L. S.
1057. — Cyparissias L. S.
1058. — Amygdaloides L.
S.
1059. Ulmus montana Sm. S.
1060. Salix aurita L. S.
1061. Juniperus communis L. A.
1062. Tulipa Celsiana DC. A.
1063. ErythroniumdenscanisL. A.
1064. AUiumSchœnoprasumL.var.
Alpinum Koch. A.
135 bis Leucoium vernum L. A.
1065. Orchis sambucina L. A.
1066. — Traunsteineri Saut. S.
142 bis Ophrys aranifera Huds. A.
1067. Gladiolus palustris Gaud. A.
1008. Sisyrinchium mucronatum
Mich. A.
1069. Iris pseudo-Acorus L. S.
1070. Typha minima L. A.
1071. Scirpus lacustris L. S.
1072. — sylvaticus L S.
678 bis Rhynchospora alba Vahl. A.
1073. Carex brizoides L. S.
1074. — leporina L. S.
1075. — polyrhiza Wallr. D.
1076. — brevicollis DC. A.
1077. — Baldingera arundina-
cea Kth. S.
B. (Echinochloa eruciformis Rchb-
cult.)
1078. Anthoxanthum odoratum L.
S.
1079. Milium effusum L. S.
1080. Arrhenalherum elatius Gaud.
S.
700 bis Selaginella spinulosa A. Br.
A.
^ 293 —
!2« Notes sur quelques espèces.
Nous avons le plaisir de publier dans ce fascicule un cer-
tain nombre de plantes jurassiques intéressantes, recueillies
dans le département de l'Ain, par M. Brunard, instituteur à
Ambléon, qui a bien voulu ajouter les quelques notes dont
nous faisons suivre quelques-unes.
1001. Pulsatilla ruhra Lam. — Plante, plutôt méridionale,
qui remonte, en colonies abondantes, sur tous les coteaux
secs et calcaires des bords du Rhône, exposés au midi, et sur
les coteaux de TAin, — à Villieu.
1003. Ranunculus Thora L. — Cette plante des hauts som
mets jurassiens est venue s'implanter au sommet du Grand-
Colombier, 1534 m. d'altitude, à l'exposition du couchant, où
M. Brunard l'a découverte en 1898; c'est la station la plus
méridionale de l'Ain.
1005. hopyriim thalictroides L. — lligneux-le-Franc.
610 bis. Huichinsia petraea R. Br. — Loves.
1007. Alisstim Beugeaiacum Jord. et Fourr. — Mol lard-de-
Don.
1008. Draba muralis L. — Virieu-le-Grand.
15 ter. L'espèce publiée sous ce numéro, provenant du
Pont-de-Chazey et envoyée sous le nom d*Hclianthemum
pilosum Fers., ne serait pour M. Foucaud, à qui je l'ai com-
muniquée, que //, pulvendentum, DC {= polifolium a au-
gustifolium Koch).
1012. Viola atagnina Kit. — Connue au marais des Echets
(d'où proviennent les échantillons), retrouvée aux marais de
Ck>lliard et aux bords du lac d'Ambléon, ce qui indique qu'elle
doit être plus disséminée qu'on ne l'a notée jusqu'à ce jour.
1017. Lathyrus sphœricm Retz. — Ambléon.
1020. Potentilla rupestris L. — Id
1035. Utriculinna minor L. — Id.
1054. Daphne Mezereum L. — Id.
— 294 —
1023. Saxifraga aizoidea L. — Bellegarde.
1026. AaperiUa trinervia Lam — Le Mollard-de-Don.
81 ter. Dellidiaatrum Alpinum Mich. — Le Grand- Colom-
bier.
1043. Melampyrum nemorosum L. (M. violaceum Lam.).
- Id.
586 bis. Arctostaphylos officinalis Wimm.-Gr. — (Arhuixn
xiva ursi L. — Sothonod.
1034. Pinguicula albifiora Reus. (P. Alpina L.). — Id.
1063. Erythroniutn deiis canis L. (E, biilbosum Saint-Lag.).
— Id.
1065. Orchis sixmbucina L. — Id.
1064. Alliurn Sclioenoprasum var. Alpinum Kodi. —
Brenod.
1024. Henicleum Alpinum L, f. Juranum Genty. — N'a
que deux stations dans l'Ain : forêts de sapins du col de la Ro-
chette (où ont été récoltés les échantillons) et de Planachet.
à 1100 m. d'altitude ; toutes deux exposées au couchant.
1030. Centaurea Lugdunensis Jord. — Quatre stations
dans l'Ain : 1» la Pape, sur les bords du Rhône, à faible alti-
tude; 2^ aux Monts-d'Ain, près de Nantua, à 1000 m. d'alti-
tude; 3° au Reculet; 4» sur le plateau de Retord prairies dé-
calcifiées de la Croix-Jean-Jacques, à 1200 ni. d'altitude),
d'où proviennent nos échantillons.
1062. Tulipa Cchiima, DG. — N'a que la seule station:
les pelouses rocheuses du sommet du Grand-Colombier, à
1534 m. d'altitude, exposition du levant.
1067. Gladiolus pcilu9tris Gaud. — Colliard.
1070. Typha minima Hoppe. Cordon.
1068. Sisynilchium wucronatum Mich. (S. Bermudianuni
V. boréale^ de Boissieu). — Occupe une station de quelques
centaines de pieds, dans un pré marécageux, à Passin, parmi
les joncs et les carex, à 2 kilomètres de toute habitation.
— 295 —
3* Plantes nouvelles pour la Haute- Siaène.
1002. Ranunculus peltatus Schrank. — Ghampagney.
1010. Viola Bubtilis Jord. — Id.
1011. V. suhincisa Bor. — Id.
1013. Silène •oleracea Bor. — Id.
10^15. Cerasiium pallens Sch. — Id.
1019. P7*unu8 eryt/u'ocalyx (&. rubelln) Clav. — Id.
1021. Alchemilla (vulgaris) strigulosa Bus. — Id.
1022. Cratœgus monogijna Jacq. var. Kjfrtostjfla Bech.
- Id.
l'J6tJ. Orchis Traunsteineri Saut. — Id.
942 bis. Pulinonaria vulgaHé Dum. — Amance.
518 bis. Litiorella laciistris L. — Etang Rosbeck, com-
mune de Belonchamp, canton de Melisey.
Ranunculus penicillatxiê Hiein. — Ghagey (V. Rouy et
Fouc.,ri. deFr., I, p. 65.
fo Localités nouvelles.
a. Département du Douba.
Ranunculus aconitifolius L — Bois du Petit-Frêne, près
de Saône (Pailiot).
fiapistriim Linnieanum Boiss. — Fort de Palante, août
1883, a disparu des environs de la gare de Besançon (P.).
Unardia palustris L. — Saint-Vit, Antorpe (P.).
Dorycnium suffruticosum Vill. — FI. Seq., 709. Cette es-
pèce est nommée D. Juranum, par Rouy, FI. Fr., V, p. 136.
Knautia dipaacifolia Host. — Laissey (P.).
Solidago longifolia Schrad. — C'est le nom que Paillot
(manuscrit) donne à l'espèce nommée E. viHoaa Pursh. in
FI. Seq., VI, p. 129.
Helminthia echioides Gaertn. — Besançon (Montoille)
(P. 1883).
— 296 -
Les localités indiquées ci-dessus se trouvent mentionnées
(manuscrites) sur un exemplaire du VI* fasc. du FI. Sequa
niae, provenant de Paillot.
Carex polyrhiza Wallr. — FI. Seq. 1066, rec. à Dung, par
J. Strich.
h. Département de la Haute-Saône.
Monotropa hypopithysL. — Bois de Miellin (D' Poulet).
Evonymus Europœus L. — Champagney (X. V.). FI.
Seq., 860.
Tvifolium Bertrandi Rouy [T. médium X rubens Bertr.).
- Neuvelle-lesScey (Bt); Rouy, FI. de Fr., V, p. 125.
AmeJanchier vulgaris Mnch. — Un échantillon m'a été en-
voyé autreftjis, dans une lettre, de Faucogney, par M. Jo-
lyet; a été publié sous le n° 622 Fi. Seq., de Besançon.
Rubus Sc/ilcicheri Weihe. — Champagney. bois du Ravant
(X. V.). RouyetCam., FI. de Fr., VI. p 111.
Rasa Vendrelyana Flumn. Nouv. Supp. Gâtai. PI. env.
Luxeuil, p. 100; FI. Seq. exsiccata, 713, de Dambenoît. —
Est nommé R. stylosa Ç lanceolata^ Rouy, in R. et Gara ,
FI. de Fr., VI, p. 284.
Anthriscus alpestris Wimm. — FI. Seq , 797. de la forêt
de la Prèle au Col du S talon. Cette espèce est nommée
A. Cicutaria, Duby, in R. et Cam., FI. Fr., VI, p. 304.
Angelica. — Une plante que je prenais pour A. monlana
et qui se trouve à Champagney, le long du Rabin (rivière)
(et non ravin), a été nommée A. sylvealris L. var. grosse-
deniata, dans Rouy et Camus, FI. de Fr., VI, p. 402.
Knautia intermedia Bruegg. — FI. Seq., 909, delà Houil-
lère de Ronchamp; 909 bis, de Champagney (X. V.).
Chenopodium bonus Henricus L. Champagney (X. V ).
FI. Seq , 1051.
Scilla bifolia L. — Plancher-les-Mines, à Malbranche
(Dr Poulet).
Scheuchzeria palustris L. — Etang Billiaux, à Lantenot
— 297 -
(X. V.) (oublié dans FI. Seq., VI, p. 142 (Paillot). Publié dans
FI. Seq. exs. n^ 668, de la Montagne de Ternuay.
Potamogeton crispus L. — Vu à Chemilly (X. V.).
Juneu$ squarrosus L. — Champagney : Noies-d'Enfer
(X. V.).
Bhynchospora fusca Roem. Sch. — FI. Seq., VI, p. 143,
oublié de : la Montagney de Fresse : X. V. (Paillot). Publié
FI. Seq., 679, de la Tourbière de la Pile, à Saint-Germain.
Scirpus lacustris L. — FI. Seq., 1071, de Tétang Rosbeck,
près Melisey.
Scirpus csespitosus L. — FI. Seq., 676 et bis; Ballon de
Servance : plateau du sommet et Tourbière de Bravoure.
Carex elongata L. — Ghagey (X. V.).
Carex fUiformis L. — Etang Billaux, près Lantenot (X. V.).
1006. Cardamine pratensis L. — De Champagney, forme
à étudier.
1052. Polygonum aviciilare L. — Id.
Nota. Les espèces marquées A) Thlaspi arenarium iovd.^
de TAveyron, et B) Echinochloa eruciformis Rchb., Cuit.,
n'appartiennent pas à la Flore de Fr. -Comté (PI. d'abord des-
tinées à l'Herbier Billot, et restées sans emploi).
s» Deseripltoii d'une espèce.
Les descriptions de quelques espèces publiées dans le Fi.
Sequaniae, étant difficile à se procurer, je les donnerai lorsque
j'aurai l'occasion de les avoir. M. Foucaud ayant bien voulu
me donner celle de VArtemisia Verlotorum Lam., publiée
FI. Seq., no633, la voici :
Artcmisia Verlotorum Lamotte, in Mém. Assoc. franc.,
congrès de Clermont-Ferrand, 1876, p. 511. — A. umhrosa
Verl. Gat. gr. Jard. bot. de Grenoble, p. 12, et Exsic. dauph.,
n» 825, non Turz.
Souche peu épaisse, donnant naissance à un grand nombre
de rameaux souterrains, minces, souvent très longs, termi-
20
— 298 —
nés par un bourgeon, garnis d'écaillés très éloignées, rudi-
ments de feuilles avortées. Tiges de 80 cent, à 2 m. de haut,
cylindriques, fortement striées, simples ou rameuses, vertes
ou rougeâtres lorsquelles sont exposées au soleil. Feuilles
vertes et glabres en dessus, blanchâtres-tomenteuses en des-
sous; les inférieures bipinnatifides; les moyennes pinnati-
fides, à 5 k 9 segments entiers ; les supérieures trifîdes ou
simplement entières, lancéolées, aiguës, toutes à lobes lan-
céolés aigus. Inflorescence tantôt en épi simple, penché au
sommet, tantôt en panicule lôrmée d'un grand nombre de
petits rameaux inégaux. Capitules tous sessiles et isolés à
l'aisselle d'une bractée, un peu plus gros que ceux de VAr-
iemisia vulgarif^ d'abord oblongs, puis subarrondis; écailles
de l'involucre ovales-oblongues, obtuses, étroitement sca-
rieuses sur les bords, d'un vert cendré ou rougeâtre, légè-
rement tomenteuses, puis glabres. Fleurs à corolle rou-
geûtre, glabre, à tube allongé, non glanduleux. Akènes. .
tt« Revue de quelque» onvraipes concpruant lu Flore de
Franche-Comté, parus depuis la publication de la
« Flore de la chaîne Jurassique *>« de Ch. Orenier
!• Contejean (G.). Enumération de la Flore de Montbéliard,
3« supplément (1876) et Revue de la Flore de Montbéliard
(1892).
2oF. Renauld (R.). Aperçu phytostatique sur le départe-
ment de la Haute-Saône (1873).
3** Parmentier (P.). FI. nouv. de la chaîne jurass. et de la
Haute-Saône (1895).
4« Paillot, Vendrely, etc. (V.). Flora Sequaniee. notice?:
VI, PI. nouvelles du Doubs et de la Haute Saône (1872 et s ).
50 V. Humnicki (H.) Catalogue des pi. vascul. desenvir.
de Luxeuil (1876) et suppléments (1877, 1883), p. 1-105.
6« R. Maire (M). Fi. Grayloise ou Catal. des pi. de Tarron-
dissement de Gray (1894^, et contributions à Tétude de la
FI. de la Haute-Saône (1896 et s.)
Ranunculus hederacens L. — G. Revue, p. 57. — La loca-
lité Ronchamp ne doit pas m'être attribuée. (Je n'ai jamais
rec. cette esp. àR.).
Corydalia cava Schw. — R., p. 74. — La plante de Ghariez
de THerbier Thiout est le C. solida Sm.
Sinapis cheiranthiis Koch. — R., p. 75 ; G. R., p. 66. —
M. Jolyet, dans une liste de plantes envoyée en juillet 1869,
notait qu'il avait vu quelques pieds de Brassica ochroleuca
Soy. W. (= Erticasirum Pollichii Schp, ou Diplotaxis In^ac-
teata G. G.), sur les roebers bordant la route adroite au delà
de la papeterie de Plancher- Bas. Je n'ai pas trouvé l'espèce
susdite à cette station, mais S. cheiranthus Koch (Br. cheir.
Vill.), que j'ai publié dans le FI. seq. exs., n" 406.
Kirschleger, FI. d'Als., I, p. 58, dit que ces deux espèces
ontqueique ressemblance et M. Jolyet a pu s'y tromper. Con-
tejean (S"* suppl., p. 10, et Revue de la FI. de Montb,, p. 66)
ajoute à tort à ^\ ciieiraêiihm la loc. de Champagney que je
n'ai pas indiquée. P., p. 21, l'indique dans la Ilaute-Saône,
zone vosgienne, rare, mais sans localité.
TurritiB glabra L. {Arahis perfoliata Lam.) — R. p. 77;
G. Revue, p. 62. Renauld l'indique à Plancher-les-Mines et
à Ghampagney : Gontejean ; et Gontejean à Plancher-les-
Mines ! et à Ghampagney : Renauld. -- La loc. de Plancher-
les-Mines doit être attribuée à Gontej., et celle de Ghampa-
gney a été indiquée par moi à Renauld dans la liste que je
lui ai envoyée le 10 févr. 1872.
Raphanus Raphanistrum L. — P., p. 21. Garactères à cor-
riger : les fruits non renflés se séparant en articles.
Viola Riviniana Rchb. — P., p. 33. Se trouve aussi dans
la Haute- Saône. Voir FI. Seq. exs., n<» 171 bis : de Ghampa-
gney.
— :>•» —
Vùjt.i S^tCLsa H^i-. — P.p. :34- LL?ez Vî..I-îte des Su-
Dian'hus deUand'fw L. — R., p. 90. P.. p. 37. Indiqué à
Puncrier-ie^Mint::?. dairr:- TLu.-:at et G-»Dtejean, dans le Ca-
lai : Fieoiiu.d. Gjntrrj*râri n'cQ Liit pas mention dans sa Replie.
La plante de iherb.er Tfi.out e^-t L«.«rn cette espèce représen-
tée pjr un ét"h.tnt-.. jn pns dans ceux de Ravoox (de Neuhof-
fen^ Riir-Rii.f: . é^-ilrrruent daus s«jn Herbier. Kirsohiéger
l'imlique daD:- la vai.rre de 11 H^ute-\lo:^elie, à Saint-Maurice
et au Trnii'jt ni'apr»^s M«jugei»t». Quuh|ue n'ayant pas été
trouvée pur le b' Fuulet et [.<\r luoi, celte es-pêce est à re-
chercrier à cette ic-iaiiié, d'auunt p"as que R. Maire « Conthb.
à ia FI. de la Haute- Sa«>rie» l'indique à Faucogney «également
dans la z«>ne vu-gienne , trou\é par G. Bonali.
Alsine ienuifoiia -; viseida. — P., p. 41. Reproduction de
Gr. FI. juran. = A vUcosa.
Stellaria média. \i\[. — P., p. 43. Lisez feuilles plus petites
qiie dans l'espèce précédente.
Htjpericum lineolatum — P.. p. 49. Sous-espèce de per-
for. et non A'Iiir^uium.
Oxnlis stricta L. — R., p. J08. G. 3« suppl., p. il, et Rev.,
p. 84. Cette plante e:*t dans l'herbier Thioul, de Fougerolles,
et non de Vy-les-Lure, et aucune plante de cette dernière lo-
calité ne figure dans son Herbier. Il est donc probable qu'il
n'y a pas herborisé. Par contre, dans la Phytostatique de
M. Pienauld, deu.x espèces sont indiquées à celte localité par
M. Jolyet iLylhrum hyssopifoHa et Stadtys Germanica). 11
est probable que cette localité doit être attribuée aussi à Jo-
lyet ; à vérifier.
Uiex Europœus L. — R., p. d04. Dans une liste de plantes
du canton de Champagney et de Saint-Remy et environs,
envoyée à M. Renauld, en février 1872, j'ai indiqué cette
plante à Menoux, où je Fai récoltée en 1853: (étant élève à
Saint-Remy;. On la disait semée par un Mariste venant de
Bordeaux. Je Tai publié en 1890 de cette localité dans le FI.
— 3(M —
Seq. exs., sous le n* 773, recueilli le 25 mai 1890. M Re-
nauld l'indique à Menoux, Lure (Jolyet) et à.Champagney
(Jolyet).
Dans FI. Seq., Notices. VI, p. 119, j'ai dit qu'il n'existe pas
àChampagney et qu'on a dû prendre ponr lui le Genista Gev-
manica, qui est assez fréquent dans les bois fomllics, au
nord de Champagney. R. Maire (Gontribut à l'étude de la FI.
de la Haute-Saône. 3« fasc, p. 14) publie une lettre de M. Jo-
lyet à M. Renauld, 6 novembre 1883, ainsi conçue : « M. V.
parait croire que j'ai pris le G. Germanica pour l'Ajonc, dans
les environs de Champagney ; il se trompe : l'Ajonc se trou-
vait dans une fouiliie et je l'ai fait voir à plusieurs personnes
au moment où l'on en a semé sur les talus du chemin de fer
près de Ronchamp. Quelques pieds d'Ajonc ont persisté sur
ces talus et se voyaient encore il y a deux ou trois ans. Je
m'assurerai si l'Ajonc des fouillies existe encore. Il y en
avait plusieurs pieds tout près de la maison la plus haute
(comme altitude) de Champagney, près du sentier qui mène
au Mont de Vanne.
La maison Canet dont parle M. Jolyet m'est bien connue,
et c'est précisément dans les fouillies qui la touchent au
nord que j'ai trouvé le G- Germanica^ mais je n'y ai pas vu
VUlex Europaeus^ et je serais heureux de l'y constater et de
voir que je me suis trompé, et non M. Jolyet (ce qui du reste
n'a pas une importance capitale et peut arriver à tous les
débutants dans l'étude de la botanique, d'autant plus qu'il y a
peu de différence dans les caractères des deux genres, le
calice étant formé de sépales distincts jusqu'à la base dans
VUlex, et tubuleux à deux lèvres dans Genista Germanica qui
est épineux de même que VUlex. Le G. Germanica a été
publié de Champagney dans le FI. seq. exs., n« 42«.
Je sais que VU. Europaeiis a été semé dans le remblai
au-dessous de la gare de Ronchamp, où je l'ai aperçu il y a
longtemps en passant en chemin de fer; mais je ne l'ai plus
vu ces dernières années.
à
— 302 —
M. Jolyet dans une liste envoyée le 7 juiiiet 1869) Findi-
quait seulement dans le bois de la Cuisinière, à Lure. Loca-
lité aussi à vérifier. L'Herbier Thiout contient des exemplai-
res de U. Europaeus^ de Menoux et de Grattery, et non de
Beaujeuet Mereey.
Ulex nanus Sra. — R., p. 104. Se trouve dans THerbier
Tbiout. de Chassey-le^-Scey et Ferrièresfet non de Menoux,
localité qui doit èlre supprimée). Il a été publié, FI. Seq.
exs., n** 616, de Scey-^u^-^>a6ne, buis du Chanoine, rec par
Madiot. — C. Revue, p. 85, mentionne cette espèce décou-
verte à Menoux, près de Lure. Thioul ne Ta pas trouvée à
Menoux, mais dans les localités indiquées ci-dessus. De plus,
Menoux, canton d'Amance, et les autres localités se trouvent
dans l'arrondissement de Vesoul, et par conséquent cette
plante n'appartient pas à la circonscription de la Flore de
Montbéliard, de M. Contejean.
Trigonella muliiflora Humm, — P., p. 57. M. Parmentier
ne donne qu'une localité et y ajoute mon nom. C'est une
erreur : les localités doivent être attribuées à V. Huninicki.
Voir FI. seq.. Notices, VI, p. 119, où sont reproduites les
indications d'Humnicki et où je formule mon appréciation
sur cette plante en disant : qu'elle parait être une monstruo-
sité de Medicago Lupulina (Vendr.). Aujourd'hui, je puis
ajouter que c'est la variété unguictdata Ser in DC Prodr,
2, p. 172. L'abbé Grandclément m'a envoyé, en 1862, de
Saint-Remy, un échantillon sous le nom de Trigonella, qui
doit être la même plante que colle d'Humnicki et que j'ai
nommée dans mon Herbier Af. Lupulina var. vivipare.
Trifolium scahrxim L. — R., p. 108. Dans la liste envoyée
à M. Renauld, la localité de Faverney était attribuée au
Dr Berher (d'Épinal), qui a publié cette espèce dans les
Exsic. de la Soc. vogéso-rhénane.
Ruhus divers. - FI. seq. VI, p. 122 et s. M. Paillot a mis
pour tous Xas Ruhus que j'ai indiqués : haies à Champagney^
— 303 —
ce qui n*est vrai que pour quelques-uns, la plupart se trouvant
dans les bois. (Indication reproduite P., p. 73 et s.).
Potentilla alpestriis Hall. — R., p. 119 (1873). Indiqué
déjà à cette localité (B. Girom.) par Parisot : PI. des environs
de Belfort (1859). Parisot et Pourchot (Notice sur la fl. des
env. de Belfort, p. 40) ajoutent le Ballon de Servance.
Comarum palustre L. — R., 120. G., 95. La localité de
Ghainpagney où se trouve aussi cette plante, n'est pas indi-
quée.
Agrimonia Eupatoria L. sp., 643. — P., p. 92, reproduit
A. Eupatorium comme Grenier Fl. jurass.
Epilobium, Analyse des Genres. — P., p. 92, au lieu de
fl. jaune, lisez 11. blanche ; p. 94, réunir E, obscurum et
E, virgatum,
Myriophyllum »picatum L. — M. cat., p. 38. LefTond, au
lieu de Vendrely, lisez Thiout (herbier).
Herniaria hirsuta L. — R., p. 132. C., 3" suppi., p. 12, et
Rev.,p. 103.
Cbampagney (Thiout;. Je ne Tai pas encore trouvé et
n'existe pas dans THerb. Thiout de cette localité, mais de
Chassey-les-Scey, d'Ovanches et de Saint-Albin. Thiout n*a
jamais herborisé à Champagney et aucune espèce de son
herbier ne porte Tindication de cette localité. A rechercher
et à constater.
J'ai reçu de Madiot, recueillis à Saint-Albin, sous le nom
d'Herniaria hirsuta, des échantillons de Polyçarpon tetra-
phtjllum L. A revoir cette localité.
Corrigiota liitoralis L. — R., p. 132. Après : Plancher-Bas,
Plaucher-les-Mines, Champagney, lisez: Contejean (Enum.,
p. 78 (1884) au lieu de Jolyet.
Sclerantfms perennis L. — C. Rev., p. 103. Au lieu de
Rabin à Champagney^ lisez : le Rhien (hameau de Ronchamp),
près de Champagney.
Herniaria glabra L. —- R., p. 132. Les locahtés Plancher-
Bas, Champagney, ont été indiquées dans Contejean, Enu-
— 30 1 —
mer., p 70 (1854); celle de Ternuay doit être attribuée à
Thiout.
Telephium Jrnperati L — P , p. 101 Arbois (rochers de
Gilly). Signalé à cette local., avant Hétier par Ant. Dumonl.
(Voir Gren., FI. ch. jurass.).
Ribes Alpinum L — H., P ^35. Dans la liste envoyée par
M. Jolyet il Tindique à la forêt de Saint-Antoine (Plancher-
les-Mines), et non dans la vallée du Rabin jusqu'à Charnpa-
gney. Je ne l'ai pas encore vu h Cbampagney.
S axifva g a Ai zoon i'dcq. — R., p. 137. Après B de Giro-
rnagny, ajoutez: Parisot FI env. Helfort (1859). Parisol et
Pourcbot (1882) ajoutent (p 48] Ballon de Servance.
Dans Benauid^ Phjftosiatique, lisez : Tourbière ou vallée
du Rosely (X. V )au lieu de « les Arrachis», pour les espèces
suivantes : p 199 Angelica Pyrenœa, p. 180 Vaccinium uli-
ginosum. p. 220 Sanguisorba officinaliSy p. 253 Juncus squar-
roaus et p. 2(30 Car ex pauciflora.
Chœrophyllum hirsutiim L. — R , p 145 C'est le C. Ci-
cutaria Vill. publié FI. Seq exs., n* 798, de Cbampagney
Aster brumalis Nées. — R., p 158. La pi. de Cbampa-
gney a été publiée, FI. seq. exs. n* 77. Les autres localités
sont douteuses et à vérifier.
Tanacetum vulgare L. — R., p. 160. Après les localités au
lieu de Vendrely mettez : C. Enum, p. 85 (1854). Je Tai
publié dans le FI. Seq. exs., n<> 916, de Cbampagney,
comme échappé de jardins et je Tai récolté au Ban de Chani-
pagney et à la Neuvelle, dans les mêmes conditions.
Matricaria chamomilla L. — R., p. 161. Re|)orter la
localité d'Écbavanne (V.), à l'espèce suivante : M. inodora L.
Helminthia echioides Gaertn. — R., p. 171. Au lieu de
Vt'ndrely, mettez Grandclément !
AnagalliB tenella L. — R., p. 183. Indiqué avec doute à
la tourbière du Rosely, où je ne l'ai pas encore trouvé. Peut-
Hre par contusion avec Oxycoccos^ qui y existe. A rechercher
t-l à vérifier.
— 305 —
Primula vulg Xoff. Nob. qX. Primula vulg,Xelat Nob.
— P., p. 493. Ce « Nobis » appartient à Grenier, FI. jur.
Gentiana cruciata L. — R., p. i86. La localité Le Vernois
est de Thiout ila plupart est dans son herbier); la localité de
Chargey-les-Port est de Jolyet (elle figure dans sa liste).
Symphytum ofp.cinale L. — R., p. 189. — La localité
d*Amance est de moi. J'ai récolté cette plante en 1854 î et Tai
revue à la même place en 1894 !
Solanum nigrum L. — R., p. 191. C'est la forme S. mela-
nocerasum que j'ai indiquée à Champagney. Elle a été
publiée FI. Seq. exs., n» 377.
Atropa Belladona L. — R., p. 192. L'étiquette de l'Herbier
Thiout porte : Chariez, Mont-le-Vernois, Clans et Fresse (et
non Frasne).
Rhinantua major Ehrh. — R., p. 200. C'est \eR. hirsutus
que j'ai indiqué à Champagney (dans la liste envoyée)
Odoitiites rnhra Fers. — R , p. 200. L'espèce de Chariez
dans l'Herbier Thiout est l'O. serolina, celle des Aynans,
VO. ruhra.
Mentha Pulagium L. - R., p. 204. Dans l'Herbier Thiout,
l'étiquette porte Ferrière (et non Chariez).
TeucHum Scordium L. — R., p. 212, C, p. 162. Etangs
deLure X V.). A constater à nouveau , je pourrais avoir pris
pour cette espèce des éciiantillons jeunes et non fleuris de
Lycopu8 Europaeus.
Pohjcnemum arvense L. — R., p 214. Après Ronchamp,
supprimez Thiout ; ces localités sont indiquées par Contejean
(Enum, 1854, p. 108). Chariez : Thiout; dans son Herbier,
c'est le P maju8 Br.
Chenopodium urhicum L. — R., p. 215. L'échantillon de
Scey-sur-Saône (Herbier Thiout) est Ch. murale L.
Euphorhia platyphylla L. — R , p. 223 Lisez : Gratter y :
Laioi?; Saint-Remy : Grandclément.
Mercurialis perennia L. — R, p. 225. Lisez : Anchenon-
court : Grandclément.
k
— 306 —
Junipei*u8 communis L. — R.» p. 233. Après Roncharap,
ajoutez : aux hameaux de Mourière et de Le Rhien
Orchis purpurea Huds. — - R., p. 244. Dans THerbier
Thiout, c'est TO. militaris (sous le nom de purpurea] qui
figure pour la localité de Ghariez.
Potamogeton compressus L. — R, p. 249. Mersuay (Grand-
clément) D'après le D' Magnin à qui j'ai envoyé un échan-
tillon reçu de Grandclément, c'est le P. ohtusifolius (voir FI
des lacs du Jura'.
Potamogeton cœspitosus. Valentin Huinnicki, Gâtai, pi.
env. de Luxeuil, p. 60, avec description. — P., p. 238, l'ap-
pelle P. cœspitosus Pourr. — Luxeuil, prairie de Banuey (et
non Bauney). Y a-t-il un P. aespitosua Pourr?
Lemna trisulca L. — R., p. 250. La local, de Mersuay a été
indiquée par Grandclément.
Sparganium simplex Huds — R., p. 252. Manque dans
l'Herb. Thiout de Boursières, mais il y est de Mont-le-Vernois.
Juncua glaucus Ehrh. — R , p 252. La localité de Ghariez
est de Thiout (in Ilerh.i ; celle de Favernay, de l'abbé Grand-
clément.
Juncus supiiius Mnch. — R., p. 253. La local, de Cham-
pagney figure dans ma liste envoyée à M. Renauld.
Scirpus mucvonatus L — G. Revue, p. 195. Au lieu de :
Etangs de la Mannegoutte, lisez delà Maugenotte.
Carex cane^tcens L, — R, p. 263. Séparez Ghampagney
des autres localités, celle-ci indiquée par X. V.
Carex digitata L. — R., p. 266. Après Ghemilly, Ghariez,
ajoutez Thiout (in Herb ).
Airci prœcox L. — R., 274. Lisez Ronchamp : Paiilotin
Herb. Thiout.
Aira multiculmis Dum. — P, p. 258. Indiqué seulenaent
ilans le Jura, se trouve également dans la Haute-Saône, (C.
Itevue, p. 206) publié dans le FI. seq. exs., no277, de Ron-
champ, rec. par Paillot.
Glijccria aquatica. — P., p. 261-2. Le G.aquatica Koch.,
— 307 —
de la p. 261, est le Catabroaa aqnaticay P. B. ; celui de la
p. 262, G. aqualica Wahl., est le G. apectabilis M. et K.
Poa Sudetica Haenck (P. Ghaixi. Vill.). - R., p. 278. Après
Planche-des- Belles-Filles, aj. Vendrely. Publié in FI. seq.
exs., no 281.
Botrychium Lunaria Sw. — R., p. 286. Un petit bout de
fronde représente cette espèce dans l'Herbier Thiout. Thiout
aurait-il vu VAllosovus crùpus Bernh. que j'ai découvert à
Fresse et Taurait-il pris pour le Botrijchium Lunaria, qu'il
aurait alors représenté par un brin de cette espèce demandé
à PaillotV — A rechercher !
lf« Nouvelles notes sur les Aberrations florales.
Nous avons publié dans la ix« p. p. 180 du Flora Sequaniae
les variations du Colchique observées en 1899 (Soc. d'Emu-
lation 4« vol. 1899). Voici celles que nous avons vues depuis,
en 1901-1902, sur la même plante et sur quelques autres
espèces,
(lo) Renonculacées (p. 4-5 des notes sur Aberrat. florales) :
Anémone nemorosa L. — 9-mère.
Anémone Hepatica L. — 7-mère ; invol. à 4 divis.
Ranunculus Flammula L. — 5-6 pétales.
R. bulbifer Jord. — Gab. à 5 divis., 5 à 8 pétales.
Ficaria ranunculoides Mnch. — 4 sépales, 7 pétales.
Caltha palustris L. — 4 sépales et à 12 sépales plus un 13«
placé plus bas sur le pédoncule.
Aconitum variegatum. — 4 pétales.
(5o) Alsinacées (p. 7 et 17) : Stellaria Holostea L. — 5 sé-
pales, 6 pétales, 12 élamines.
(42°; /fypericacee« (p. 17) : Hypericum h umit'usum L. - 4-
5-mère.
(50o) Parnasaiacéea (nouveau) : Parnassia palustris L. — A
— 308 —
fi. ordinairement 5-mère. Trouvé une fleur 6- mère le 7 sep-
tembre 1903 en montant de Plancher-les-Mines à Belfahy.
(il^) Fragariacées (p. 18) : Comarum palustre L. — 5-
7 mère.
(t3o) Philadelphncées [p. 8) : Philadelphus coronarius L.
— 5-mère et 2 styles.
(51o) Cucurbitacéea : Bryonia dioica L. — FI. maies ordi-
nairement 5-mère, 5 étam. triadelphes, varient à fl. 4-6-mère.
J*ai trouvé une fl. femelle 6-mère (habituellement 5-mèrel.
(24^) Primulacées (p. 10 et 18): Lysimachia nummularia
L. — 6-mère. Michalet, p. 226, le signale 3-mère.
(25") Polémoniacées (p. 10) ;
Polemonium caeruleum L. (cuit.. — Cal. à 5 div. cor. à
6 divis. et seulement 5 étamines.
Phlox subulata L. — G-mère.
Plilox paniculata L. — 4-6-mère.
(^6^) Borraginacéeft (p. 10) :
Borrago officinalis L. — 4-mère et à cal., 5-mère avec cor.,
4-mère et 4 étamines.
Myosotis palustris L. — Cultivé, varie de 5 à 10-mère.
(29o) Ge)}tianacée8 (p. 11) :
Menyanthes trifoliata L. - Cal. à 5 divis., cor. à 6 divis. et
6 étamines et à cal. à 6 divis. et cor. à 7 divis. et 6 étamines
Erythraea Gentaurium L. - Fl. 4, 5, 6-mère.
Gentiana Pneumonanthe L. — Cal. à 5 divis. et cor. à
4-5 divis.
(31«) Oléacées (p. 11> : Syringa vulgaris L. — Flore albo
MiViii : â cal. et cor. à 4 divis., 2 étamines; à cal. et cor. à
'y (iivis. 2 étamines; à cal. à 5 divis., cor. à 6 divis., 2 étam.;
vi\\. et cor. à 7 divis., 3 étam., 1 style et 1 stigmate; cal. el
(*or. Il 3 divisions.
(iOo) Liliacées (p. 14 et 18) : Scilla bifolia L. — 5-raère.
^
(4i«) Amaryllidacées ip A4 ei 19) : Narcissus radiifîorus,
biflore, redevenu 1-flore et 7-mère.
(39o) Colchicacées :
Colchicum autumnale L. :
l» Cal. à 4 divisions, 5 étamines, 3 styles.
~ 6 — 3 —
— 5 — 4 —
— 8 — 3 —
— 4 — 3 -
— 6 - 3 —
— H - 2 —
— 4 — 3 -
— 1 étarnine, plus 2 filets sans anthère et 2 styles.
Champagney, le 20 janvier IQO'i.
20
— .
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4"
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8
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9
TROIS ÉGLISES ROMANES
DU JURA FRANCO-SUISSE
JOUGNE, ROMAIN- MÔTIER, SAINT- URSANNE
Par H. Jules GAUTHIER
SBCRéTAIRB DECENNAL
Séances des 21 juillet 1900, i9 juillet et U décembre iOOi.
Dans le Jura français et suisse, entre Baie et Lausanne,
entre Saint-Dizier ;Haut-Rhin) et les bords de la Saône, les
églises romanes restées debout après des siècles d'invasions,
d'incendies, de destructions faites en temps de paix plus
encore qu'en temps de guerre, sont rares, et leur étude
peut difTicilement produire ces résultats synthétiques qu'on
a obtenus en Bourgogne, en Auvergne ou ailleurs. Il n'en
est pas moins utile de rechercher les vestiges peu nombreux
des édifices que les ordres religieux ont disséminés çâet la
au cours des siècles de ferveur; c'est pourquoi dans ce
Jura, où des pépinières monastiques furent implantées par
Luxeuil d'abord, Saint-Claude, Cluny, ou Agaune, nous
sommes allés étudier de près le plan, le détail, les caractères
généraux de trois églises que le xir siècle a bAties el qui
restent encore intactes sans avoir été jusqu'ici sérieusement
examinées : Jougne, qu'Agaune a élevée dans un col fréquenté
dès l'époque romaine, Romain-Môtier où les architectes qui
bâtirent Tournus ont appliqué leurs principes et leur
méthode, Saint-Ursanne où des moines luxoviens ont
employé des maçons venus de Bâle pour élever une crypte el
— 311 -..
plus tard ériger toute une église à trois nefs, du déclin du
XII* siècle à la fin du xiii*. Ainsi groupées, les trois mono-
graphies que nous réunissons sous un titre unique montre-
ront le contact et Tinfluence de deux écoles d'architecture :
l'influence clunisienne ou bourguignonne à Jougne et à Ro-
main-Môtier l'influence germanique à Saint-Ursanne.
I.
L'église de Saint-Nlaurice-lez-Jougna.
En 523. le roi de Bourgogne Sigismond donna à l'abbaye de
Saint-Maurice d'Agaune, outre d'immenses possessions dans
les cantons de Lyon, Vienne et Grenoble, d'une part Vaud,
Vallis et Aoste, d'autre part Salins, Hracon et iMièges du
canton de Besançon, et ce monastère garda jusqu'à la fin du
Moyen-Age ces domaines qui lui assuraient d'énormes reve-
nus et une influence considérable O). A Salins, le chapitre de
Saint-Maurice et toute une prévôté d'où sortit souche de
gentilshommes, à Jougne l'église Saint-Maurice, église-mère
de plusieurs paroisses, franc-comtoises au point de vue
civil et féodal, rattachées au point de vue ecclésiastique au
diocèse de Lausanne, marquèrent dès l'origine les deux
termes d'un itinéraire que les moines d'Agaune suivirent
longtemps à travers les Monts-Jura, pour venir toucher les
rentes que leur servaient les héritiers du roi Sigismond.
De ces lointains souvenirs, il reste à Jougne un monument
précieux, qui n'a jamais été étudié et que je désirerais faire
connaître, l'église Saint-Maurice, devenue simple chapelle
de cimetière, mais autrefois église conventuelle d'un prieuré
de l'ordre de saint Benoit, relevant immédiatement de la
lointaine abbaye d'Agaune.
(1) L'abbé Guillaume, Histoire des Sires de Salins, II, Preuves, 1.
— 312 —
Extérieurement, cette petite église ou grande chapelle a
peu d*allure. Qu'on s'imagine un édifice rectangulaire, large
de 8 mètres, long de 20 mètres, haut de 6 mètres sur ses
flancs, de 8 à 9 mètres à chaque pignon. Le pignon nord
tourné vers la montagne, c'est-à-dire vers Jougne, est éclairé
d'un oculus amplement évasé mesurant 1 m. 20 de plus
grand diamètre ; le pignon sud regardant l'endroit où bifurque
la vallée, à gauche du côté de l'aiguille de Baulmcs, à droite
du C(Mé de La Ferrière, est percé de trois fenêtres cintrées
posées une et deux ; sur chaque flanc quatre fenestrelles
romanes, hautes de 1 m. 40, larges de 0 m. 66 ébrasement
compris. Ces huit ouvertures latérales correspondent inté-
rieurement à quatre travées irrégulières comme largeur,
uniformément cintrées en berceau à tiers-point, la voûte
étant divisée intérieurement en quatre compartiments par
trois doubleaux et huit formerets en tiers-point ayant forte
saillie. Les murs ont 0 m. 90 li 1 m. 10 d'épaisseur, de
solides contreforts à pente unique, irrégulièrement disposés
et remaniés, épaulent murs et voiJtes à Textérieur.
Dans le chœur, formé par la première travée, côté sud,
sont dessinées en légères saillies sur chaque lace, deux
arcades hautes de 3 m. (30, larges de 2 m. 40, sans pilastre
ni archivolte ; l'arcade de gauche est elle-même entaillée
d'une porte cintrée large de 0 m 80, haute de 2 m. 10 qui
devait conduire aux dépendances de l'église, cloître et bâti-
ments du prieuré.
Dans la seconde travée, côté gauche, l'arcade est plus haute
de 0 m. 40 à 0 m. 50 (soit 4 m. iO au lieu de 3 m. 00) que les
nres latéraux du chœur, indiijuant l'intention ou peut-être
rosistence passée d'un transept; sur le flanc droit l'arcade
est semblable à celles du chœur.
Dans les troisième et quatrième travées les arcades plus
Ltrges , voûtées en anse de panier, révèlent un remanie-
ment, visible du reste dans les profils des doubleaux de la
voûte et de la voûte elle même; ce remaniement, comme du
fe
— 313 —
reste le contour de certains contreforts, fut occasionné par
une destruction partielle du berceau, vers le xv« ou xvi« siècle.
La porte unique de Téglise (outre la petite porte du chœur)
est percée sur le flanc droit de la chapelle, dans la troisième
travée ; le cintre est à redent, la baie intérieure mesurant
1 m. 50 de large sur 2 m. 20 de haut, Tare enveloppant
2 m. 10 sur 2 m. 60. Les murs extérieurs sont sans corniche,
des restaurations ont pu faire disparaître les arcatures
aveugles ou germaniques qui devaient primitivement les dé-
corer et les modillons d'une corniche à présent disparue.
Les trois doubleaux en tiers-point servant de supports à la
voûte en berceau sont portés eux-mêmes par des colonnes
engagées avec bases et chapiteaux. Dans le chœur les chapi-
teaux sont inversés, celui de droite ayant été, dans une
restauration maladroite, employé comme base. Colonne
engagée, chapiteau et socle de gauche sont en revanche
intacts, mesurant ensemble 3 m. 85 de haut. Le chapiteau
représente un homme debout, nu jusqu'aux genoux, la figure
imberbe, la tunique serrée à la taille par une ceinture, les
mains soutenant Tabaque ou table supérieure du chapiteau ;
aux angles deux grosses têtes d'hommes, imberbes, vues de
profil; au bas bordure de palmettes dressées, se continuant
sur les flancs du chapiteau. Le socle, composé d'un tore,
d'une baguette, d'un quart de cercle ou gorge bordé lui-même
de deux baguettes, repose sur une table carrée; deux feuilles
saillantes vont du socle aux angles de la table.
La colonne engagée qui faisait face à droite a perdu son
chapiteau, remplacé par une corbeille fruste, sans ornements,
à bords chantournés; l'ancien chapiteau, décoré à sa partie
inférieure de baguettes, dessinant grossièrement des feuilles,
a son abaque orné de méandres et demi-pal mettes, l'espace
entre l'abaque et les côtés verticaux simulant des feuilles est
couvert de rinceaux en demi-cercle.
Voilà la nef de Saint-Maurice-lez-Jougne dont les carac-
tères architectoniques, conformes à ceux que présentent les
2i
K
— 314 -
églises romanes de Gourtefontaine (Jura), Grandecourt (Hte-
Saône), Saint-Lupicin ou Saint-Lothain (Jura) dans leurs
lignes essentielles, révèlent tous le style roman-bourguignon
du milieu du xiP siècle. Une crypte bâtie sous les première
et seconde travées, c'est-à-dire sous Tautel et le chœur,
offre, encore plus intenses, les mômes caractères et nous
restitue un type précieux, unique à Theure présente dans
notre région, d'une chapelle souteriaine, sans piliers isolés,
avec voûtes supportées uniquement par des doubleaux sur
pilastres.
Deux escaliers de quatorze à dix-sept marches, dont l'un
(celui de droite), aujourd'hui supprimé, y donnaient accès
depuis la seconde travée de l'église, descendant en se dirigeant
vers l'abside ou paroi sud.
Le sol de cette crypte se trouve à 4 mètres environ en
contre-bas du niveau de l'église supérieure.
Trois travées parallèles voûtées d'arêtes, hautes de
3m 70, larges de2 m. 40, longues de 3 mètres, le constituent,
flanquées de trois absidioles (dont une détruite) tournées à
l'est, au sud et à Touest, les deux doubleaux supportant
les voûtes, bâtis dans le sens de la longueur de l'église,
étant supportés par des colonnes engagées avec chapiteaux
décorés d'entrelacs variés, suivant la formule des temps
carolingiens. Une de ces colonnes engagées est hexagone,
les trois autres semi-cylindriques. Chacune des absidioles,
précédée d'un doubleau, avec supports et cintres sans mou-
lures, est voûtée en cul-de-four et semi-cylindrique. Une
fenestrelle cintrée, aujourd'hui aveugle, est percée dans son
axe. En tournant le dos à l'absidiole sud on aperçoit en face,
sous le maître-autel de l'église d'en haut, un loculus quadran-
gulaire, à voûte en berceau cintré, long de i m. 40, profond
de 1 m. 20, haut de 3 mètres. C'est la confession, dont l'autel
contenant naguère les reliques de saint Maurice et de la légion
thébéenne, était jadis éclairé par une ouverture en forme
d'arc amenant obliquement et d'en haut le jour extérieur.
— 315 —
La disposition de cette crypte à trois absidioles est unique
dans notre région 0(1 les cryptes de Saint-Jean de Besançon,
de Saint-Lothainet de Saint-Désiré de Lons-le-Saunier dans
le Jura et de Sainte-Madeleine de Grandecourt dans la Haute-
Saône, comportaient toutes trois nefs et plusieurs piliers
isolés (six ou huit).
Elle se rapproche dans ses dispositions essentielles de la
crypte de Saint-Ursanne au diocèse de Bâle (canton de
Berne) très curieuse elle-même pour l'histoire et Tarchéo-
logie du diocèse de Besançon. L'intérêt de notre crypte,
rareté insigne et jusqu'ici inconnue, est considérable pour
nous ; et nous donnerons satisfaction d'une part aux habitants
de Jougne, très curieux de connaître l'&ge de leur vieille
chapelle, de l'autre aux amateurs d'archéologie comtoise, en
publiant le plan, la coupe et quelques détails de l'église Saint-
Maurice.
Une restauration, peu coûteuse, étant données les faibles
dimensions du monument, sera, nous l'espérons, prompte-
ment ordonnée par la municipalité de Jougne, très éclairée
et très libérale, et mettra en pleine valeur et pleine lumière
l'un des plus anciens et plus curieux sanctuaires du pays.
II.
t'égllsa de Romaln-Môtier au canton da Vaud (Suiaaa).
Au canton de Vaud (Suisse), mais à quelques kilomètres
seulement de la frontière française, se dresse, sur les bords
du Nozon, afQuent de l'Orbe, la très curieuse église prieurale
de Romain-Môtier. Fondé par Contran, roi de Bourgogne au
Vu* siècle, simple ermitage d'abord, puis abbaye, donné à
Çluny en 927 par la comtesse Adélaïde, Romain-Môtier,
jusqu'à ce qu'il fût sécularisé par la Réforme, resta, durant
six siècles, un simple prieuré bénédictin. Son cartulaire a
été publié, en 1844, par la Société d'histoire de la Suisse
— 316 —
romande 1; en même temps qu'une sobre et très médiocre
étude sur les annales du monastère ; quant à Téglise elle n'a
jusqu'à présent été l'objet d'aucune monographie sérieuse, el
les pages que lui a consacrées Blavignac (2) dans son volume
sur l'architecture religieuse des diocèses de Genève, Lau-
sanne et Sion, publié en 1853, sont tout à fait insuffisantes.
Ce fait que Romain-Môtier, quoique étant bâti sur un sol
étranger, fut une dépendance de l'abbaye franc-comtoise de
Baume-les-Moines au diocèse de Besançon, cet autre fait que
le style de son église procède d'une façon absolue du roman
clunisien, tel qu'il dut être employé dans les abbayes et
prieurés bénédictins du versant nord du Jura, autorisent
suifisamment l'incursion que nous allons faire sur un sol ami
et voisin, en prenant notre bien là où il se trouve.
Le prieuré de Romain-Môtier fut, durant tout le Moyen-
Age, le noyau d'un bourg fermé dont subsistent encore en
partie la clôture et les défenses : murailles flanquées de quel-
ques tours, fossés dans lesquels coulaient les eaux du
Nozon. Les bâtiments du monastère, son cloître, son église,
les étables, jardins, vergers en formaient le principal groupe,
sensiblement réduit au cours des ans, particulièrement au
moment de la Réforme, quand furent chassés les religieux. 11
n'en reste aujourd'hui que l'église avec quelques débris d'un
cloître gothique bâti de 1381 à 1432 par le prieur Jean de
Seyssel, sur le flanc droit du vieil édifice roman.
L'église est de faibles dimensions, 63 mètres de longueur
totale y compris le narthex qui précède le vaisseau (12 m. 50)
et le porche qui précède le narthex (7 m.). Au transept la
largeur (dans œuvre) est de 26 mètres, elle n'est que de
16 m. 50 pour la nef et ses collatéraux.
(1) Tome III des Mémoires de la Société d* Histoire de la Suisse ro-
mande, publié à Lausanne.
(2)J.-B. Blavignac, Histoire de r Architecture sacrée, du quatrième
au dixième siècle^ dans lei diocèses de Genève ^ Lausanne et Sion
(Paris-Genève, 1853).
— 317 —
L'église proprement dite se compose d'une nef et de deux
collatéraux comprenant quatre travées; six gros piliers
cylindriques d'un diamètre de 1 m. 20, d'une hauteur totale
de 4 mètres, ayant pour base une pierre rectangulaire, et
coiffés de chapiteaux rudimentaires, soutiennent les murs et
les retombées des arcades. Â la nef succède un transept dont
le carré voûté en coupole est formé par quatre doubleaux
ouvrant sur l'avant-chœur, la grande nef, enfin les bras du
transept. Au delà de ce carré, la nef et ses collatéraux se
prolongent dans la proportion d'une forte travée : ils sont
mis en communication par une arcade géminée séparée par
une colonne cylindrique coiffée d'un chapiteau antique, qu'on
a renforcée de part et d'autre d'un pilastre saillant, pour
qu'elle puisse supporter le poids de l'énorme muraille qui' la
surplombe M). A partir de l'avant-chœur la bâtisse est
moderne, le plan primitif, qui comprenait une abside semi-
circulaire entre deux absidioles, a été modifié au xv* siècle
pour faire place à des chevets droits.
Cette mutilation du chevet n'est pas la seule que l'on ait
à déplorer dans l'édifice, c'est du moins la seule irréparable
autrement que par tâtonnements, car les absides primitives
ont été rasées au niveau du sol lors de la reconstruction faite
par Jean de Seyssel, sous prétexte d'embellissement.
A la fin du xiii» siècle, une mutilation presque aussi
importante, due cette fois à un vice de construction, se
produisit dans la grande nef, ce fut l'effondrement de la
voûte en berceau, trop lourde pour d'insuffisants supports.
Cette chute s'arrêta aux piliers carrés qui supportaient le
carré du transept, voûté nous l'avons déjà dit en coupole,
et dont la masse protégea les voûtes en berceau des bras
du transept et de l'avant-chœur. Grâce à cette digue, le
désastre fut limité, et nous possédons, absolument intactes
(i) Ces deux colonnes et leurs chapiteaux antiques proviennent probable
ment du temple romain d*Orbe.
— 3<8 —
dans leur contexture des plus curieuses, troi^ sections de
voûte innportantes du vaisseau principal, outre les voûtes des
collatéraux épargnées comme elles.
Les voûtes du transept et de Tavant-chœur sont formées
d'un berceau continu se heurtant dans les bras du transept,
d'un côté au mur extérieur (au pignon pointu), de l'autre au
doubleau qui épaule et soutient la coupole ; le berceau qui
couvre Tavant-chœur s'appuie d'un côté à l'un des doubleaux
du carré du transept, de l'autre au doubleau précédant le
chœur. Afin d'alléger autant que possible le poids du berceau,
les constructeurs de Romain-Môtier avaient employé cet
artifice très remarquable de formerets accouplés ou arcs de
décharge, entamant de travée en travée les flancs du berceau;
une colonne engagée, dont le cul de lampe était à la hauteur
du seuil des fenêtres éclairant la nef, recevait les retombées
des formerets, tandis que les deux autres retombées dispa-
raissaient dans la masse semi-cylindrique du berceau.
Cette disposition, que des planches feraient mieux com-
prendre, est intacte, nous le répétons, dans l'avant-chœur et
dans les bras du transept ; elle reste encore apparente dans la
nef, grâce aux colonnes engagées que les constructeurs de la
voûte en croisée d'ogives de l'extrême fin du xiii* siècle ont
eux aussi utilisées comme supports de leurs doubleaux, de
leurs ogives et de leurs formerets, voici de quelle manière.
L'eflbndrement du berceau avait laissé intacts les murs de
la grande nef dans toute leur élévation, les hautes fenestrelles
cintrées percées à la hauteur des colonnes engagées dont le
cul-de-lampe marquait leur seuil, dont le chapiteau orné de
rinceaux ou palmettes dépassait leur cintre, enfin ces
colonnes engagées elles-mêmes. Pour donner à ces six
supports (trois de chaque côté) un peu plus d'ampleur, les
architectes du xiii* siècle imaginèrent de les surhausser en
posant sur le chapiteau un rudiment de colonne engagée d'un
diamètre égal à celui du chapiteau et par conséquent supé-
rieur à celui de la colonne primitive. Sur ce tronçon, ha^^^
— 319 —
de 0 m. 40 environ vient s'asseoir un nouveau chapiteau très
saillant, orné de feuillages, dont l'encorbellement devint, sur
trois faces, la base des doubleaux, des arcs et des formerets
de la nouvelle voûte.
Les voûtes des collatéraux, munies de formerets de
décharge comme la voûte de la nef, sont en berceau, mais
ne comportent pas de colonnettes engagées, les petites
voussures des formerets s'éteignant sans point d'appui dans
le massif des parois.
Nous connaissons le plan et le système de voûtes de
Téglise, reste son éclairage et son décor extérieur.
La coupole qui couvre le carré du transept repose : partie
sur le dos de quatre doubleaux soutenus de massifs piliers
carrés (1 m 16/1 m. 66), partie sur quatre trompes en porte à
faux qui transforment le carré en un octogone. Notons qu'au-
dessus de chacun des doubleaux sont percées autant de
fenestrelles à plein cintre qui, aujourd'hui aveugles, devaient
éclairer autrefois la base du clocher à deux étages qui sur-
monte la coupole ; huit fenêtres cintrées jadis, transformées
par les architectes du xin* siècle en fenêtres en tiers-point
donnent du jour à la nef. Une neuvième fenêtre, placée au-
dessus de la porte d'entrée dont la façade est devenue une
porte de communication entre le premier étage du narthex
et la tribune moderne qui contient les orgues.
Les bas-côtés ont conservé leurs douze fenestrelles
romanes, huit dans les quatre travées côtoyant la grande nef,
quatre dans le prolongement qui côtoie l'avant-chœur. Les
fenêtres du chevet datant de la fin du xiv' siècle ou du
premier tiers du xv* sont sans intérêt. Il n'en est pas de
môme de celles des deux bras du transept. Du côté est, le
flanc de chaque bras est percé de deux fenêtres à la hauteur
de celles de la grande nef du côté ouest, le bras droit en
possède deux faisant face à celles de l'est; le bras gauche en
possède également deux, mais superposées, celle du bas étant
au môme niveau que les fenêtres des bas-côtés. Le pignon
— 320 —
du bras droit du transept, éclairé au sud, a beaucoup souffert
tant à cause de son orientation fâcbeuse qu*à cause de l'appui
du cloître, du chapitre et d'autres bâtiments claustraux; le
pignon opposé (tourné au nord) est resté merveilleusement
intact. Il est percé de trois ocuZt posés un et deux, celui d'en
haut très rapproché de la voûte, et d'une fenêtre cintrée
posée dans l'axe principal à la même hauteur que celles des
bas-côtés. Pour en finir avec les fenêtres, mentionnons sur
chaque face du clocher à deux étages planté sur le carré du
transept, deux fenêtres géminées à l'étage d'en haut, celui
d'en bas n'étant décoré que d'arcatures germaniques aveugles.
Puisque nous parlons de ce décor, constatons que sur
toutes faces, aussi bien sur la fagade principale, masquée à
l'heure présente par le narthex, que sur les deux pignons
du transept, les deux étages du clocher, les flancs des bas-
côtés comme ceux de la nef et du transept, des arcatures
germaniques couvrent la totalité des maçonneries, enserrant
dans leur léger relief toutes les ouvertures de l'édifice et lui
donnant une incontestable élégance.
En présence des détails caractéristiques que nous venons
de relever dans le plan, le système de voûtes, d'ouvertures,
le décor extérieur d'arcatures, à quelle date assigner
l'ensemble de l'église de Romain-Môtier ? A notre avis et en
tenant compte en particulier de la forme des piliers, et de
leur chapiteau rudimen taire et de la structure des voûtes en
berceau, nous sommes tout à fait disposés à attribuer à la
première moitié du xii« siècle la construction de cette église.
L'influence clunisienne y est trop sensible pour qu'on puisse
hésiter sur ce point fort important.
L'église de Romain-Môtier dut posséder un cloître d'un
style analogue au sien, il n'en reste pas le moindre vestige
car deux prieurs qui se succédèrent de 4300 à 1432, Henri de
Sivrier, mort évêque de Rodez (1373-1379), et Jean de
Seyssel (1381-1432), le détruisirent pour le remplacer par un
cloître dans le style ogival, démoli lui-même par les Réforma-
— 321 —
teurs. Sur le flanc sud de l'édifice se voient encore les forme-
rets et les arrachements des arcs, avec des. culs-de-lampes
armoriés des blasons d'Henri de Sivrier et de Jean de
Seyssel ; on peut constater ainsi que le cloître comptait sept
travées sur chaque face, soit, en tenant compte des travées
d'angle, vingt-quatre travées en tout.
Mais très peu de temps après l'achèvement de l'église, à la fin
du xii« siècle, un porche ou narthex à doubleétage vint s'appli-
quer contre sa façade principale. Analogue dans des dimen-
sions plus restreintes au fameux porche de Tournus, attei-
gnant dans son élévation totale la hauteur sous clé de voûte
de l'église elle-même (lHm.50), le narthex, plus étroit qu'elle,
ne mesure que 14 mètres de largeur dans œuvre. Le rez-de-
chaussée partagé en quatre travées par six piliers trois à
droite, trois à gauche, carrés, cantonnés dans l'axe principal
de colonnes engagées, compte trois nefs et par conséquent
douze compartiments couverts en croisées d'arêtes et reliés
de pilier en pilier ou de pilastre en pilastre par des doubleaux
cintrés. L'étage inférieur est éclairé par des fenêtres en
meurtrières; les chapiteaux des piliers ou des pilastres sont
d'une extrême simplicité de contours et de très faible hau-
teur. Un escalier composé de deux rampes, pratiqué à droite
de la porte d'entrée dans l'épaisseur du mur ouest, avec
palier dans l'angle des murs ouest et sud et retour d'équerre
dans ce dernier, conduit au premier étage, dont la disposition
est identique comme plan et comme système de voûtes, à
cela près que les piliers sont cylindriques et que les chapi-
teaux, plus soignés, sont décorés de rinceaux et de palmettes.
Extérieurement, les flancs du narthex sont ornés jusqu'à la
base du second étage de contreforts légèrement saillants
dessinant les quatre travées et soutenant à partir du second
étage des colonnettes engagées sur lesquels reposent des
arcatures germaniques. Les fenestrelles du second étage au
nombre de huit sont uniformément cintrées. De date un peu
plus récente que l'église, le narthex de Romain-Môtier doit
— 322 —
remonter à la seconde moitié du xii* siècle, à 1180 environ.
Inutile d'insister sur l'intérêt considérable de ce porche
unique dans la région.
Quand les architectes du xm* siècle eurent remplacé par
une voûte en croisée d'ogives le berceau effondré de la
grande nef, il leur prit fantaisie d'ajouter au narthex un
second porche conçu dans le nouveau style qui faisait par-
tout des merveilles. Un compartiment de voûte recouvrit un
bâtiment carré large de 7 mètres sur toutes faces, percé à
l'entrée d'un arc en tiers point, sur chaque côté de deux
fenêtres géminées reposant sur un bahut à hauteur d'appui,
outre une troisième fenêtre aveugle placée sous le formeret,
tel est le porche venant encadrer l'ancienne porte cintrée du
narthex sous une porte ogivale à multiples colonnettes et à
nombreux redents, dont d'élégants feuillages, des fleurs de
lis sans nombre, des rosaces, des fleurons couvrent les
arceaux. Au milieu de cette flore deux petites flgurines, un
roi et une reine couronnés, qui sont peut-être la reproduc-
tion traditionnelle de deux figures de rois ou d'empereurs
décorant naguère la porte primitive de l'église de Romain-
Môtier.
De son mobilier qui devait être jadis d'une richesse pro-
portionnée à son architecture Romain-Môtier n'a gardé que
son maître-autel, ses stalles dues à Jean de Seyssel, le tom-
beau de ce dernier remontant à 1432, celui d'Henri de
Sivrier, prieur puis évéque de Maurienne et de Rhodez.
Quelques détails sur chacun de ces petits monuments.
Le maîlre-autel en pierre, du xiii* siècle, sert encore de
table de Gène aux protestants de Romain-Môtier : c'est une
table de pierre chanfreinée, longue de 1 m. 72, large de
0 m. 80, épaisse de 0 m. 15, supportée par quatre colonnettes
de marbre gris, poli, hautes de 0 m. 80, dont les chapiteaux
sont décorés d'un tailloir à multiples moulures, de feuilles
d'eau et de feuillages avec astragale.
Les stalles, incomplètes, ne comptent plus aujourd'hui que
— 323 —
dix stalles hautes avec dossiers trilobés et vingt et une stalles
bas^s ; les jouées de chaque rangée de hautes stalles, jadis
ajourées dans la partie supérieure, pour encadrer en léger
relief la figure de quelque saint aujourd'hui disparue, sont
ornées à la partie inférieure de deux écussons. Le premier
est celui du prieuré de Romain-Môtier : une clef et une épée
la pointe haute, mises en pal ; le second est celui du prieur
Jean de Seyssel : gironné de huit pièces, à un écu fruste mis
en cœur.
Dans le nouveau chœur, contre la paroi gauche, est
encastré un édicule gothique, enserrant un enfeu où repo-
sait peut-être naguère l'image agenouillée ou étendue de Jean
de Seyssel, avec les mêmes armoiries plusieurs fois répétées
et Tépitaphe du personnage gravée entre deux écus :
Johês . de . Seyssello . pôr . romani . monasterii . iacet .
subtuâ . lapidem . existentê . ante . magnû . altare . dicti .
loci .
Cet édicule se compose d'un tombeau en forme d'autel, à
la base de l'enfeu dont la façade est décorée d'une arcade
trilobée très légère, couronnée d'un gable triangulaire, avec
lobes intérieurs finement découpés. Les rampants de ce
gable sont semés de choux, sa pointe, ornée d'un pinacle,
repose sur des panneaux représentant trois fenestrelles
gothiques, avec meneaux et rosaces ; l'ensemble est encadré
dans deux pilastres à triple étage coiffés chacun d'un cloche-
ton. Ce tombeau très élégant est postérieur de fort peu à
l'année 143-2, date de la mort de Jean de Seyssel constructeur
du chœur, des deux chapelles superposées sur l'emplace-
ment de l'absidiole gauche et du chevet droit qui a succédé
à l'absidiole droite.
Le tombeau d'Henri de Sivrier, mort en 1398, est déposé
(car il a été retrouvé seulement il y a soixante ans aux
abords de l'église) à droite de l'entrée, au bas de la nef.
— 324 —
L'image du prélat, sculptée, en plein relief, mitre en tête,
revêtu des ornements pontificaux , repose étendu , lar tête
sommée d*un dais; ses armoiries, sculptées auprès de lui,
représentant cinq coquilles mises en croix. Autour de ce
monument, long de 2 m. 45, large de 0 m. 84, haut de
0 m. 43, on lit Tinscription suivante, en capitales gothiques :
* REVERD9 : IN : XPO : PR : DNS : HENRICUS : DE :
SIVRIACO : OLÎ : POR : HUH : PORAT*^ : POST : EPS:
MAURIAN : NÙC : VERO : EPÙS : RUTHEN : FECIT :
HANC : SEPULTURAM : ANO : DNI : M : CCC : LXXXY^i:
PONTIFICATUS : SCTISSIMI : IN : XPO : PRIS : ET :
DNI : DNI : CLEMENTIS : DIVINA : PVIDENTIA : PAPE:
VII : ANO : NONO :
On conviendra, après avoir parcouru ces lignes et étudié
le plan de Roinain-Môtier, que Tégiise cJunisienne du pays
de Vaud a un intérêt considérahle pour Tarchéoiogie du Haut-
Jura.
III.
L'égllsa collégiale de Saint-Ursanna au Jura bernais.
Dans la boucle que la rivière du Doubs forme sur le terri-
toire suisse, entre Goumois et Bremoncourt, est bâtie, dans
un site extrêmement pittoresque, la jolie bourgade de Saint-
Ursanne. Encore entouré de ses vieilles fortifications du
moyen-ûge, percées encore de trois portes et dominées jadis
par un château détruit, le bourg rayonne autour d'un noyau
primitif : un monastère bénédictin, fondé au vi'* siècle par une
colonie des disciples de saint Colomban, venue de Luxeuil.
Église et cloître reconstruits au cours des âges portent Tem-
pçeinte de divers styles ; des temps primitifs il ne subsiste
— 325 —
plus qu'un sarcophage de pierre, tombeau du fondateur saint
Ursanne, dont la mémoire reste entourée d'un culte respec-
tueux (^).
L'église, longue de 48 m. 25 dans son axe principal, large
de 20 m. 30, se compose d'une nef flanquée de collatéraux,
terminée par une abside à trois pans, précédée d'un clocher
massif servant de porche, accostée sur le flanc droit de cinq
chapelles.
Sous le chœur est une crypte haute de 3 m. 03, éclairée
de trois fenestrelles cintrées, dont quatre piliers cylindriques
supportent les voûtes d'arête et à laquelle conduisait naguère
un double escalier venant des collatéraux. Cette crypte, dont
nous donnons le plan et certains détails, après avoir été re-
maniée au XVI® siècle, comme en témoigne le soubassement à
taille de diamant qui supporte un des piliers, a été restaurée
en 1880, après avoir été transformée en charnier en 1771. Ce
souterrain, dont les contours rectangulaires sous le chœur et
le maître-autel de l'église supérieure, épousent d'un autre côté
la forme à trois pans de l'abside supérieure, mesure 5 m. 10
de longueur sur 0 m. 45 de plus grande largeur, les colonnes
et leurs chapiteaux s'élèvent à 1 m. 52 du sol. Les voûtes
d'arête sont au nombre de onze compartiments, irréguliers,
étant donné le plan de la crypte ; des doubleaux relient les
quatre faces des chapiteaux du groupe central avec les pi-
lastres ou colonnes engagées leur faisant face sur les parois.
C'est dans cette crypte qu'à dû reposer naguère le tombeau
du saint fondateur.
Les chapiteaux ont la plupart la forme caractéristique du
style rhénan, soit un cube dont les angles inférieurs sont
arrondis, dont les faces visibles sont entaillées d'une étroite
rainure; les bases, sauf celle renouvelée au xvi* siècle, sont
arrondies, composées de deux tores séparés par une gorge, le
(i) Ce tombeau, couvert en dos d'âne, formé de trois pierres séparées, est
placé sous le maitre-autel de leglise supérieure.
— 326 —
tore inférieur cantonné, aux angles de la tablette sur laquelle
il repose, de deux feuilles en haut relief.
Le caractère de cette crypte, combiné avec celui du pas-
sage voûté en berceau qui y conduit, et qui fit partie du col-
latéral de l'ancienne église, celui du portail historié qui ouvre
sur le flanc droit de Tédifice, révèlent, sans hésitation pos-
sible, le milieu du xii« siècle. Ceci est fort intéressant pour
les Francs-Comtois, car nous retrouvons là l*idée exacte de
ce que devait être, dans une dimension plus vaste, la crypte
de l'église cathédrale de Besançon, construite au xii* siècle
dans le style roman des bords du Rhin.
Remontons dans l'église supérieure, en gravissant les dix
degrés de Tescalier de la crypte et en passant sous la voûte
en berceau, haute de 2 m. 50 à peine, qui couvre la partie du
collatéral droit précédant Tautel. Cette voûte, contemporaine
de la crypte, s'arrête brusquement en arrivant à la hauteur
du portail, également contemporain, qui s'ouvre sur la
terrasse et les escaliers épaulant le flanc droit de l'édifice.
Ce portail, partie la plus décorée de l'édifice, mérite une
sobre description. On le nomme dans le pays la Porte des
Épousailles. La hauteur totale de la porte est d'environ
3 m. 60, sa largeur totale de 3 m. 10. De chaque côté, trois
colonnettes, placées en retrait successif, supportent une
triple voussure cintrée dont les reliefs en tores ou boudins
alternent avec des moulures concaves, dont deux, la plus
voisine et la plus éloignée du tympan, sont ornées de grosses
perles en relief. Les chapiteaux des six colonnes sont décorés
de figurines, les angles vifs qui séparent les colonnes sont,
ici, décorés de chevrons peints, là, ornés de perles comme
les voussures. Les six chapiteaux historiés représentent à
droite : un loup converti par un moine, en présence des
agneaux qu'il se prépare à dévorer; une sirène attirant les
hommes ; trois aigles ; à gauche : des démons à face bestiale
tenant des livres ouverts (l'enseignement du mensonge) ; des
évangélistes tenant leurs livres (l'enseignement de la vérité;;
— 327 —
des démons et des chimères. Les bases sont identiques à
celles des colonnettes de la crypte et munies de feuilles sur
leurs angles.
Un bas -relief décore le tympan : le Christ assis tenant un
rouleau et un évangile, à ses pieds deux moines nimbés :
saint Ursanne et saint Wandrille, à sa droite saint Pierre, à
sa gauche saint Paul debout, derrière et sur les flancs quatre
anges ailés debout, deux petits anges vus de buste.
1^ porte est enserrée dans un massif rectangulaire haut et
large de 4 mètres, dont la partie supérieure est ornée d'une
corniche à modilions. dont les deux angles supérieurs évidés
en niches cintrées contiennent : à gauche une statue de la
Vierge assise, l'Enfant-Dieu sur les genoux, à droite une
statue de saint Ursanne assis, accosté de deux anges, perchés
sur les bras d'un siège à l'antique. Au xiir siècle la niche de
droite a été détruite et remplacée par un dais ogival, à colon-
nettes. Ce portail de saint Ursanne rappelle comme style et
comme décor les sculptures célèbres du portail latéral gauche
de la cathédrale de Bûle, sur la terrasse du Rhin.
Le portail, le fragment du collatéral voûté en berceau, la
crypte, telle est la part du xii* siècle dans l'église actuelle
de Sa»nt-Ursanne. Il faut y joindre encore le chevet au
moins extérieur de l'église d'en haut. L'abside est à trois
pans, ornée en dehors d'une robuste corniche à multiples
ressauts évidés, soutenue par des arcatures cintrées, style
germanique ; quatre contreforts Tépaulent : deux, ceux du
milieu à double étage et fort relief, ornés de deux statuettes
du Christ et de saint Ursanne ; deux, ceux des flancs de
moindre saillie ; entre ces contreforts apparaissent au ras
du sol les fenestrelles cintrées de la crypte, à 3 ou 4 mètres
du sol, les fenêtres du chœur à redents successifs décorés
de perles espacées et de losanges entaillés dans les mou-
lures. Au dedans, l'abside est voûtée en robustes croisées
d'ogives, la travée du chevet est précédée d'un doubleau en
tiers- point orné sur sa face antérieure de bâtons rompus ou
— 328 —
zigzags ; des colonnettes avec chapiteau massif, un dé sur-
monté d'un abaque très saillant orné de rinceaux, soutiennent
les arcs ogifs. un pilier quadrangulaire accosté de deux co-
lonnettes, le tout sommé de chapiteaux identiques avec aba-
ques ornés de damiers ou de rinceaux, soutient le dou-
bleau; une corniche très saillante, portant semblable décor,
fait le tour de Tabside. Pas de corniches, mais des groupes
de colonnettes analogues dans les sept travées de la nef,
haute d'environ 9 à 10 mètres, large de 8 mètres, commu-
niquant avec les collatéraux par des arcades en tiers-point,
avec ou sans redent. La travée la plus voisine du chœur est
sans arcade ; la seconde en a deux et est percée à la nais-
sance des voûtes de deux fenêtres en tiers-point ; les cinq
autres travées ne comptent sur chaque face qu*une arcade
et qu'une fenêtre.
Si nous n'avons, pour dater la crypte, le portail, les rnurs
(sinon les voûtes de l'abside) (|ue les caractères intrinsèques
de l'architecture du xii'" siècle, les constructeurs de l'église
supérieure ont pris soin de dater chacune des parties de la nef.
La voûte de l'iihside portait, visible encore au xviii*' siècle, la
date de mccux ; celle du clurur (travée à double dimen.^^ion)
la date de mcclxi ; celle de la seconde travée mccc, enfin la
dernière travée, celle de l'orgue adossée au clocher, celle de
MCCCVH. Ces dates s'appliquent naturellement à l'ensemble
de l'édifice, moins les cinq chapelles des xv^-xvr siècles,
dont l'une, la dernière, fait corps au moyen d'un pilier cen-
tral avec la travée du bas du collatéral droit.
Le clocher, couvert en batière, s'appli(}ue contre l'ancienne
façade de l'église. Il comporte, outre le pignon, quatre étages
marqués par des cordons de pierre. Le quatrième étage est
percé de fenêtres gothiques, à meneau avec rose, et de fe-
nestrelles regardant le faîte de la nef A la base, une porte
unique en tiers-point, servant de porche. De 1442 à 1466, le
clocher fut construit par des maçons franc-comtois, comme
l'explique l'inscription suivante :
Société d'Émulation du Doubs, 1902.
n.i.
3
M^*
V4
Êai-I5£ 5.KAUHICE DE JOUGNE ( J>Oir» 5 ) • XII* 5îtfU .
Plan au V200»
A. Cryple.— B. Base» d« colorvne». -^ C. Chapiteaux
Société dtinulation du Doubs, 1902.
PI.U.
Plan au V500«
A. AbftidM , XIV -XV*«iècles.-B. Avanl-chocur, transept, X llfsiédc-
CNefvout^.finduXllIf «iècle. — D.Narthex^ deux él»;ie*,
fin du XII? siècle . — E. Porche . débu.t du XIV^ «Iccle.
Soc. d'ÊmulduDou^be,
mil.
ÉÔLÏtfE -DE SAIKT-lTKSANffK (SVtSSe.).
Planai! VlOO*
A . Cryple.-B. Base decolonnellc— C. Chapiteaux.
— 329 —
H.«C TURRIS EST MURRATA PER WILLM I DE VY . PROPE
BELVOIR ET JO : EJUS FILIUM STE . DE RANDEVILLER . BISONT .
DIOCES . ET PER HUGUEN . HUJUS LOGIS MURATORES.
(Cette tour a été construite par Guillaume de Vy-lez-Bel-
voir et Jean son fils, Etienne de Randevillers, du diocèse de
Besançon, et par Huguenin de ce lieu, maçons.)
Une seconde inscription motive la reconstruction et donne
le nom des chanoines qui décidèrent l'entreprise. En voici
le texte, que nous empruntons au volume publié en 1887
par Mgr Chèvre, ancien curé de Saint-Ursanne, aujourd'hui
curé de Forrentruy i^) :
AnnoDni. mccccxli die xiii mensis maii cecidit ista turris
et die xi mensis apr : per hon : dnos : Jo : de Esuel ppos : Jo :
de Kletzenstein : thés : Heinzt : de Aldorf : Jo : Warmop :
Jo : Prêt : Sp . Biedman : Jo : Molit : Lud : Vinck : Steph :
de Orbath : Fihp : Jo : Herbis : Rud : Bois : canon : hujus
ecchae de novo fundata est anno Dni. mccccxlii. (L'an du
Seigneur 1441, le 13 mai, cette tour s'écroula et le 11 du
mois d'avril 1442, les fondations de la nouvelle tour ont été
posées parles honorables seigneurs Jean d'Asuel, prévôt,
Jean de Kletzenstein, trésorier, Heitzmann d'Altdorf, Jean
Warmop, Jean Prêt, Sp. Biedman, Jean Molitor, Louis Vinck,
Etienne D'Orbath, Philippe, Jean de Herbis, Rodolphe de
Bois, chanoines )
Tel est le plan, tels sont les principaux détails de l'église
de Saint-Ursanne dont le mobilier, moderne, n'offre rien
d'intéressant.
Un mot du cloître qui s'étend sur le flanc gauche de l'é-
difice, vaste quadrilatère long de 33 mètres, large de 23 m.
(1) Histoire de Saint-Ursanne, du chapitre, de la ville et de la pré-
vôté, par Mgr F. Chèvre (Porrenttuy, V. Michel, 1887, volume iu-8'> de
942 pages el 6 pages avec planches.
22
— 330 —
50, dont les allées, couvertes de charpente, ouvertes par des
fenêtres à meneaux et roses, ouvrent sur un préau trans-
formé en cimetièr*i. Ce cloître, reconstruit sur remplace-
ment de l'ancien cloître du xn* siècle, a été rebâti en 1531.
Une jolie porte du xiir ou xiv« siècle, ornée d'une croix,
d'un lion et d'une grande fleur de lis, y conduit depuis le
collatéral gauche de l'église.
Saint-Ursanne a appartenu, aux temps les plus lointains,
au diocèse de Besançon, dont Bâle resta jusqu'à la Révolu-
tion un évèché suffragant. L'influence germanique qui do-
mine dans son église est précieuse à constater, ne fût-ce
que pour rapprocher de cet édifice et de sa crypte les che-
vet et crypte (aujourd'hui mutilés) de la cathédrale Saint-
Jean de Besançon.
mm FAITS A L4 SOCIÉTÉ (4902-1903)
Par le Département du Doubs 300 f.
Par la Ville de Besançon , 400 f.
Par M. le Mlmstre de l'Instruction publique :
Bulletin du Comité des Sociétés savantes : Hisloire et Philologie,
1902, 1-4; — Congrès de 1902 : Section des Sciences écono-
miques et sociales; — Bull, archéologique, 1902,3; 1903,1-2.
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques
de France : t. XXVI, Carpentras; t. XLI (supplément du
t. II) : Caen, Luxeuil.
Bibliographie des travaux historiques et archéologiques des So-
ciétés savantes de la France ^ t. IV, 2.
Annales du Musée Guimet, t. XIV et XV, 1902, et le t. XXX,
in-4o; — Bibliothèque d'étude: l'Evangile du Bouddha, tra-
duction, par M. MiLLOUÉ.
Revue de l'Histoire des religions^ t. XLVII et XLVIII.
Bibliothèque de VEcole des Chartes, t. LVIII, LIX, 3-4. 1903.
Les Testaments de VOfficialité de Besançon, par M. Ulysse
Robert, t. I, 1900.
Bévue des Etudes grecques, 1902-1903, t. XVI.
Par MM.
Massing, membre correspondant : Nouveaux problèmes dé géo-
métrie analytique sur les normales à la parabole, avec solu-
tions, 1902.
Marquiset (Alfred), membre correspondant : deux fascicules
de poésies intitulées : Claironnées, Grayloiseries..
Chambre de commerce de Besançon : Compte-rendu de l'exer-
cice i90i-i90t.
— 332 —
Ville de Besançon . Statistique démographique et médicale
du Bureau d'hygiène, 1902-1903.
Caisse d'Epargne de Besançon : Exercice i902.
Le Préfet de la Cote-d*Or: Inventaire sommaire des Archive»
départementales y rédigé par M. Joseph Garni er : Archives
civiles, série G, clergé séculier, n*** 1 à 1024.
Prinet (Max), membre correspondant : L'Industrie du Sel en
Franche-Comté avant la conquête française.
Roux (Roger) : Le Travail dans les Prisons^ 1902; — Politique
extérieure de Pierre-le-Grand, 1903.
Le Préfet du Doubs : Procès-verbaux, Rapports et Délibéra-
tions du Conseil général du Doubs; sessions d'avril et août
1903.
BiGEARD (R.) : Petite Flore mycologique, 1903.
à
— 333 —
ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (1902 190S)
Académie des Inscr. et Belles- Lettres, Comptes rendus, 1902-1903.
Bévue des Etudes grecques, 1902 et 1903.
Journal des Savants^ année UK)2; 1903 en cours.
Bévue des Etudes historiques, 1902.
Bulletin et Métnoires de la Société des Antiquaires de France,
1902.
Bulletin de la Société française de physique, 1901, 1902, 19a3, 1-3.
Bulletin de la Soc d'anthropologie de Paris, 1902, 3 6; 1903, 1-3.
Bévue épigraphique (Vienne), l^r trim. 1903.
Annuaire de la Société philotechnique de Paris, 1901 et 1902.
Bulletin de la Société de botanique de France, 1902-1903, 1-6.
Bévue épigraphique (M. Espérandieu).
Bulletin de la Société géologique de France, t. XXVII.
Mémoires de la Société zoologique de France, t. XV, 1902.
Société philomatlque de Paris, 1901-1902.
Omis : Bulletin du comité ornithologique international, t. XÏI, 1.
Bulletin et Mémoires de la Société d'Hist. de Paris et de Vite-
de-France, 29* année, 1902, t. XXIX.
Bévue africaine, 246-249, 1902 et 1903.
Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard t. XXIX,
1902, et supplément des t. XXVII et XXVIII; tables, 1850-1900.
Bulletin de la Société Grayloise d'Emulation, année 1P02, t. V.
Bulletin de la Société pour la protection des paysages de France,
1902, 1-2.
Bévue viticolc et horticole de Franche-Comté et de Bourgogne
(Poligny), t. VI, 1902-1903.
Mémoires de V Académie des Sciences, Belles -Lettres et Arts de
Besançon, 1902.
Bulletins de la Société d'Histoire naturelle du Douhs, 1902.
Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, ?« série, t. I, II,
1901, 1902.
Le Sillon (Vesoul), 1902-1903.
— 334 —
Actes de la Société Jurassienne d'Emulation 1900-1901.
Revue scientifique du Bourbonnais, i902, 172; 1903, 1-4.
Bulletin de la Société des scieficcs naturelles et d'archéologie de
VAin, 1902, 4; 1903, 30 et 31.
Annales de la Société d'Emulation de VAin, 1902, 1-10; 1903. 1-3.
Bulletin de la Société histor. et arch. de Langres, 1902; 1903,
janv.-mai.
Annales de la Société d'Emulation du département des Vosges^
1902 et 1903.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de l'Yonne, 1901 et
1902.
Mémoires de l'Académie de Dijon, i° s., t. VII et VIII, 1901-IiK)2.
Bulletin de la Société historique et archéolog. de Langres, t. V'.
Mémoires de la Société Bourguignonne d'histoire et de géogra-
phie, l. XVIX, 1903.
Revue Bourguignonne (Université de Dijon), t. XIII, 1903. 1-2.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire,
1902-1903.
Journal des Naturalistes : Bulletin de la Société d'histoire natu-
relle de Mâcon, décembre 1902; t. II, 1903.
Société d'histoire naturelle d'Autun, 15« buU., 1992.
Mémoires de la Société Eduenne, i. XXX, 1902.
Société des Sciences de Nancy, 1902; 1903, 1-2.
Bulletin de la Société philomatique Vosgienne, 1901-1903.
Mémoires de la Société d'archéologie Lorraine, 1902.
Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, t. XXVI, 1903.
Annales de la Société d'agriculture de Saint-Etienne, 1902-1903.
Bulletin de la Société Dauphinoise d'ethnographie et d'anthro-
pologie, 1902, 1-4; 1903, 1.
Annales de l'Université de Lyon. Nouv. série, t. I et II : science
et médec, fasc. 10; droit et lettres, 10 et 11, 1902-1903.—
Catalogue sommaire du musée des moulages de Lyon.
Annales de la Société d'agricult., sciences et industries de Lyon,
7e série, t. IX et X, 1902.
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de
Lyon, 3e série, t. VII, 1903.
Société Savoisienne d'histoire et d'archéologie (Mémoires et Do-
cuments publiés par la), t. XLI, 1902.
— 335 —
Revue Savoislefinc, 1902; l^-'-Se trim. 1903; — Tables, 1851-1900.
Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, 1902, 1903.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de l'Ouest, 1903, 2.
Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Pau, 1902.
Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de VAveyron :
Dictionnaire des institutions et coutumes du Rouergue, par
M. Affre, 1903.
Bulletin d'Histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse du
diocèse de Valence, etc., 1901 à mars 1903.
Société agricole, scientif. et litt. des Pyrénées-Orientales, 1903.
Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine -inférieure,
t Xll, 3, 1903.
Précis analytique des travaux de V Académie des belles-lettres,
sciences et arts de Rouen, 1901-1902.
Revue de Saintonge et d'Aunis, 1902, 6; 1903, 1-5.
Bulletin de la Société des Antiquaires de V Ouest (Poitiers),
2-4; t. X, 1903, 1-2.
Bulletin de la Société industrielle et agricole d'Angers, 1902. 1-2.
Revue historique et archéologique du Maine, t. L et LI, 1902-1903.
Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe,
1902-1903, 1.
Annales de la Société historique et archéologique de Château-
Thierry, 1901.
Bulletin et Mémoires de la Société historique et archéologique de
la Charente, 1901-1902.
Mémoires de la Société d'Emulation d'Abbeville, L IV in-4«, et
2e partie in-S»; — Géographie historique du département de la
Somme, par M. Gaétan de Vitasse, 1902; — Bulletin trimes-
triel, 1902.
Bulletin de la Société Danoise, 1902, no 131; 132, 1903, 1-2.
Bulletin de la Société archéologique, se. et litt, du Vendômois,
t. XLI, 1902.
Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 4^ an n., 1902.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de l'Ouest de la
France (Nantes), 2^ série, t. II, 1902; t. III, 1903.
Mémoires de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et
arts de Caen, 1903.
Bulletin de la Société académique de Brest, 1901-1902.
— 336 —
Mémoires de la Société nationale des sciences naturelles et ma-
thématiques de Cherbourg, 1902, J .
Bulletin de la Société historique et archéologique du Limousin,
t. LU. 2, 1903.
Bulletin de la Société historique et archéologique de VOrléanais,
t. XIII, 176, 1902.
Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1902, l. IV;
1903, 1-4,
Société historique de Compiègne: Bulletin, t. X, 1902; — Procès-
verbaux, 1888-1891; — t. XI, 1902; — Description des fouilles
archéologiques exécutées dans la forêt de Compiègne, 2« par-
tie. 1902.
Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1902.
Mémoires de la Société d'Emulation de Roubaix, 4® série, t. I et
II, 19a^. .
Académie des sciences et lettres de Montpellier : Sciences, 1903.
Mémoires de la Société archéologique de Montpellier , t. II, 3, 1902;
t. III, 1903.
Bulletin de La Diana (Montbrison), t. XIII, 1902-1903, et siippl.
t. XII.
Bulletin de la Société d'études des sciences nat. de Nimes, 1901.
Mémoires de V Académie de Nimes, t. XXIII, 1902.
Répertoire de la Société de statistique de Marseille, t. YI, 1902.
Société archéologique de Bordeaux, t. XXIII, 1-4, 1900-1903.
Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de
Bordeaux, 6^ série, t. II, 1903; — Procès-verbaux, 1901-1902;
— Observations météorologiques, 1901-1 901Î.
Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 6« série, t. VII, 1902.
Bulletin de la Société archéologique du Midi, noveml>re 1901 à
juillet 1903.
Mémoires de la Société académique d'agriculture, sciences, belles-
lettres et arts du département de VAube, 1902.
Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles de Béziers,
1900-1901.
Bulletin de la Société d'étude des sciences naturelles, de Vienne,
t. l, 1-2.
Bulletin de la Société Vaudoise des sciences naturelles, 1902-
1903, 144-148.
— 337 -
Bévue historique Vaudoise, organe officiel de la Société Vau-
doise d'histoire et d'archéologie, 1903.
Société fThistoire de la Suisse romande (Mémoires et Documents
de la), 2« série, t. IV, 2; t. V : Le Trésor de la Cathédrale de
Lausanne.
Anzeigtr, indicateur des antiquités suisses, 1901, 1; 1902-1903,
2-4.
Société d'histoire et d'archéologie de Genève : Mémoires et Do-
cuments, t. VIII, 1 ; — Bulletin, t. II, 6-7.
Société des sciences naturelles de ZuHch(\ïerie\s'ydhrscïm(l), 1903.
Antiquités de Zurich (Milteilungen), LXVII, 1903.
Yahrbuch fur Schweizerische gesellschaft (Société générale
d'histoire suisse), 1903.
Société des sciences naturelles, à Bâle (Verhandlungen), t. XV et
XVI, 1903.
Société des sciences naturelles, à Berne (Mitteilungen) (1519 à
1550), 1i03.
Annales de V Académie royale d'archéologie de Belgique (Anvers),
5e Série, t. IV, 2-4; — Bulletin, 1902, 7; - t. V, 1903, 1.
Annales de la Société archéologique de Bruxelles, t. XVI et XVII,
1903, 1-2; — Bulletin, 1903, 1 ; — Annuaire 1903.
Académie royale de Belgique : Mémoires, in-4<», t. LIV, n'* 5,
1902; — Mém. couronnés et Mém. des Savants étrangers,
in-4% t. LIX, n» 3, 1902; — Mém. couronnés et autres mém.,
4" et 50 fasc, 1903; — Mémoires, in-S® : lettres, t. LXIÎ, 2-3.
et t. LXIII. 1-2; — Bulletin ; sciences, 1902, 9-11 ; sciences et
lettres, 1903,1-8; — Annuaire 1903.
Bulletin de la Société géologique de Belgique, t. XXIX. 1903.
Analecta hollandiana, t. XXÎ, 1902. 3-4.
Memorie délia reggia Accademia di scienze ed arti in Modena,
3« série, t. III.
Académie royale suédoise des sciences : Collect. de Mémoires,
in-40, vol. XXVIII, 1902-1903; — Ilandlingar, XXXV-XXXVII,
1-2, 1903; — Ofwersight, in-8«, 1901-1902; — Arkiv., 1903.
Manasblad, 1897.
Bull, of the geological Institution of the Universily of Upsala,
1902.
Bulletin de la Société des sciences nat, de Colmar, 1901-1902.
- 338 -
Société des acienceSy agr. et arti de la Basse-Alsace, 1902-1902.
Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Metz, 1902, n» 22.
Société géologique de V Empire d'Autriche : Jahrbuch., 41-42;
Verhandlungen, 1902 et 1903, 1-5; — Jahrgang, 1902-1903.
Annalen der k.k. naturischen Hofmuseum, Vien., 1902.
Académie des sciences de Munich : Bull, philo.-hist., 1902. 3-4;
Mathém., 1903, 2 et 3.
Société des sciences naturelles de Frihourg en Brisgau (Berichte),
1903.
New Heidelberger Jahrsb ficher zu Beidelberg, XII, 1. 1903.
Académie des sciences de Berlin (Sitziingsberichte), 41 à 53, 1902;
1 à 40, 1903.
Société botanique de la province de Brandebourg 1903.
Université de Tubingue (Verzeichnis der...), 1902 et 1903.
Société des sciences physiques et économiques (schriftem de Kœ-
nigsberg, 1902.
Commission du service géologique du Portugal : Le Crétacique
de Conducia, par M. Paul Choffat, 1903.
Transactions of the Academy of Saint-Louis^ t. XI, 7-11; l. XII,
1-8.
Annual reports public Muséum of the city nf MilwaukeCy 1902.
Bull, of the Geographical Society of Philadelphia, t. III, 5, 1903.
United States Geological Survey : 22^ rapport annuel, I-IV, 190O-
1901; 23e rapport, 1901-1902; — Monograph, XLII et XUII,
1903; — Professionnel papers, 1-8, 1902; - Bulletin, 191 à
207 ; — Minerai resources of United states, 1901 ; — Water
supply and irrigations, papeis, n'^» 65 à 79.
Annual report of the Smithsonian Institution^ 1901.
Memoirs of the Boston Society of natural history, t. V, 8 et 9;
— Proceedings, 3-7; 1903, 1.
Memoirs and proceed. of Manchester litt. and philo. Society, 1902
et 1903.
- 339 —
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Au 1" décerabre 1903.
Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique lamiée
de sa réception dans la Société.
Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles
sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément
à l'article 21 du règlement.
Ck>iiseil d'administration pour 1003.
Président MM. Edmond Francey, avocat;
Premier Vice-Président . . Nargaud (le docteur);
Deuxième Vice- Président . Thuriet;
Secrétaire décennal Jules Gauthier ;
Vice-Secrétaire A. Vaissier ;
Trésorier Fauquignon ;
Archivistes Kirchner et Maldiney;
Secrétaires honoraires... MM. Bavoux (Vital).
Meynier (le docteur).
Membres honoraires (21).
MM.
Le Général commandant le 7« corps d'armée (M. le général
Deckherr).
Le Premier Président de la Cour d'appel de Besançon,
(M. GOUGEON).
L'Archevêque de Besançon (S. G. Mer Petit).
Le Préfet du département du Doubs (M. Roger).
Le Gouverneur de la place de Besançon (M. le général Corbin).
— 340 —
MM.
Le Recteur de r Académie de Besançon (M. Laronze).
Le Procureur général près la Cour d'appel de Besançon
(M. MOLINES).
Le Maire de la ville de Besançon (M. Baigue).
L'Inspecteur d'Académie à Besançon (M. Guyon), rue Mon-
cey, 4.
Delisle, Lùopoid, membre de l'Institut (Académie des inscrip-
tions et helles-lettres), administrateur jrénéral de la Biblio-
thèque nationale ; Paris, rue Neuve-des-Pelits-Champs. — 1881.
Weil, Henri, membre de l'Institut (Académie des inscriptions
et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté des lettres
de Besançon; Paris, rue Adolphe Yvon, 16. — 1890.
Dufour, Marc, docteur en médecine, à Lausanne, rue du Midi.
— 1886. Membre honoraire, 1896.
Sire, Georges, correspondant de l'Institut, essayeur de la Ga-
rantie, Besançon, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847.
Membre honoraire, 1896.
Ping AU D, Léonce, correspondant de l'Institut, prof, d'histoire
moderne à la Faculté des lettres de Besançon, rue Saint-
Vincent, 17. — 1874. .Meuïbre honoraire, 1896.
Ghoffat, Paul, attaché à la direction des services géologiques
du Portugal; à Bordeaux et à Lisbonne, rue d'Arco a Jésus,
113. — 1869.
Metzinger (le général), ancien commandant du lô*^ corps d'ar-
mée, membre du Conseil supérieur de la Guerre, à Paris. —
1899.
Uolland, Henri-Marius, capitaine de vaisseau, ancien général
de division du cadre auxiliaire en 1870-71, en retraite à Mar-
seille, boulevard National, 20. — 1899.
Berger, Philippe, membre de l'Institut (Académie des inscrip-
tions et belles-lelires), prof, au collège de France. — 1899.
Bertrand, Marcel, membre de l'Académie des sciences, inspec-
teur général des mines. — 1899.
PROST, Bernard, inspecteur général des archives et des biblio-
lhè(|ues, à Paris, avenue du Trône, 3. — 1901.
Bouchot, Henri, conservateur du cabinet des estampes à la
Bibliothèque Nationale, à Paris. — 1901.
^
— 341 —
Membres résidants (1) (134).
MM.
AuBERT, Louis, directeur des confections militaires, Grande-
Rue, 121. — 1896.
Bader, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870.
Baigcje (le «iocteur), professeur suppléant à l'école de méde-
cine, rue Morand, 5. — 1897.
Baudin, Léon, docleru* en médecine, directeur du Bureau d'hy-
^'iène de Besançon, Grande-ÎUie, 86 bis. — 1885.
• Bavoux, Vital, rect'vcur principal des douanes on retraile;
Fonlaine-Ecu, banlieue de Besan(;on. — ISÔ^Î.
Bkal'<^uier, Charles, arcliiviste-paléo^q-aplie, député du Douhs;
Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879.
de Beauséjour, Gaston, ancien capitaine d'artillerie, place
Saint-Jean, 6 —1897.
Béjanin, Léon, propriétaire, Grande-Rue, 39. — 1885.
' Berdellé, ancien garde général des forêts, Grande-Rue, 112.
— 1880.
Bernard, ancien pharmacien, rue des Ghaprais, 5. — 1902.
• Besson (Paul), lieutenant-colonel au 40® d'artillerie, à Verdun
(Meuse). — 1894.
Boname, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. — 1874.
Blondeau, substitut du Procureur de la République, rue Prou-
dhon, 8. — 1895.
Bonnet, Cliarles, pharmacien, ancien conseiller municipal,
Grande-Rue, 35. — 1882.
BossY, Léon, fabricant d'horlogerie, rue de Lorraine, 9. — 1896.
Bourdin (le docteur), médecin-major au 7^ bataillon de forte-
resse, rue Charles Nodier, 30. — 1900.
• Boussey, professeur agrégé d'histoire au Lycée, ancien secré-
taire perpétuel de l'Académie de Besançon, Grande-Rue, 110.
— 1883.
(1) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile
habituel est hors de Besançon , mais qui ont demandé le litre de résidant
afin de payer le maximum de la cotisation et de contribuer ainsi «l'une
manière plus large aux travaux de la Société.
— 342 —
MM.
BouTTERiN, François-Marcel, architecte, professeur k TEcole
municipale des Beaux-Arts, rue Saint-Antoine, 4. — 1874.
BoYssoN d'Ecole, Alfred, rue de la Préfecture, 24. — 1891.
Bretenet, chef d'escadron d'artillerie, rue St-Pierre, 15. — 1885.
Bretillot, Maurice, banquier, membre de la Chambre de com-
merce, rue Charles Nodier, 9. — 1857.
Bretillot, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857.
Bruchon (le docteur), professeur honoraiœ à l'Ecole de méde-
cine, médecin des hospices, Grande-Rue, 84. — 1860.
BuRLET (l'abbé), chanoine-archiprêlre, curé de Saint-Jean. —
1881.
De Buyer, Jean, propriéïaire, à Besançon et à Saint-Laurent
(banlieue). — 1902.
Cellard, Camille, architecte, rue Saint-Pierre, 3. — 1902.
GÉNAY, pharmacien, avenue Carnot, 26. — 1897.
Chapoy, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de mé-
decine, Grande-Rue, 11. — 1875.
de Chardonnet (le comte), ancien élève de TEcole polytecli-
nique, à Besançon, rue du Perron, 20, et à Paris, rue Cam-
bon, 43. — 1856.
Gharlet, Alcide, avocat, bâtonnier de l'Ordre, rue des Granges,
72. - 1872.
(^HiPON, Maurice, avocat, ancien inaj^islrat, rue de la Préfec-
ture, 25. — 1878.
• Chotard, Henri, doyen honoraire de la Faculté des lettres
de Glermont-Ferrand , rue de Vaugirard , 61 , à Paris. —
1866.
Cj^vey, conseiller à la Cour d'appel, Grande-Rue, 62. — 1902.
Clerc, Edouard-Léon, représentant de commerce, rue du Chas-
not, 12. — 1897.
CoiLLOT, pharmacien, rue Battant, 2, et quai de Strasbourg, 1.
— 1884.
CoLSENET, Edmond, professeur de philosophie et doyen de la
Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, rue Gran-
velle, 4. — 1882.
Cordier, Palmyr, agent principal d'assurances, conseiller mu-
nicipal, rue des Granges, 37. — 1885.
— 343 —
MM.
Cornet, Joseph, docteur en médecine, r^iix Ghaprais, rue de
la Cassotte, il. —1887.
GouLON, Henri, avocat, ancien bâtonnier de l'ordre, rue de la
Lue, 7. — 1856.
GouRGEY, avoué, rue des Granges, 16. — 1873.
CouRTOT, Théodule, commis -greffier à la Gour d'appel; à la
Groix-d'Arènes (banlieue). — 1866.
Dayet, André, receveur d'enregistrement à Besançon ; Fontaine-
Ecu. — 1901.
DiETRiCH, Bernard, ancien néjçociant, Grande-Rue, 71 et Beau-
regard (banlieue). — 1859.
DiETRiCH (le docteur), rue Saint-Pierre, 20. — 1892.
DoDivERS, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875.
• Dreyfus, Victor-Marcel, doct. on médecine, avenue Garnot
(aux Ghaprais). — 1889.
Drouhard, Paul, conservateur des hypothèques en retraite,
rue Saint-Vincent, 18. — 1879.
Drouhard (l'abbé), chanoine, rue Saint-Jean. — 1883.
DuBOURG, Paul, ancien président de la Ghambre de commerce,
ancien membre du Gonseil général du Doubs , rue Gharles
Nodier, 28. — 1891.
Eydoux, Henri-Ernest, administrateur des magasins du Bon-
Marché, Grande-Rue, 73. — 1899
Ethis, Edmond, propriétaire, Grando-Rue, 91. — 1860.
Fauquignon, Gharles, ancien receveur des postes et télé-
graphes, rue des Ghaprais, 5. — 1885.
Flusin, Georges, agent d'assurances, Grande-Rue, 23. — 1898.
FouRNiER, prof, de géologie à l'Université de Besançon. — 1899.
Francey, Edmond, avocat, membre du Gonseil général du
Doubs, ancien adjoint au maire, rue Moncey, 1. — 1884.
Gauderon (le docteur), Eugène, professeur de clinique à l'Ecole
de médecine. Grande- Rue, 110. — 1886.
"Gauthier, Jules, archiviste du département du Doubs,
membre non résidant du Gomité des Travaux historiques et
archéologiques et du Gomité des Beaux-Arts, au Ministère
de l'Instruction publique, secrétaire décennal, rue Gharles-
Nodier, 8. — 1866.
— ai'* —
MM.
Gazier, Georges, conservateur de la Bibliotlièque de la Ville;
rue de la Préfecture, 10. — 1903.
GiRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, rue Saint-
Vincent, 15. — 1876.
Grosrichard, pharmacien, place du Marché, 17. — 1870.
• Gruter, médecin-dentisle, square Saint-Amour, 7. — 1880.
Gl'illeaïin, Victor, artiste peintre, rue des Granges, 21. —
1884.
Haldy, Léon-Emile, rue Saint-Jean, 3. — 1879.
Heitz (le docteur), professtMir à rKcoh» de médecine, Grande-
Hue, 45. — 1888.
Henry, Jean, docteur es sciences, Grande-Hue, 129. — 1857.
IlCTiER, François, botaniste; à Mesnay-Arbois (JuraK — 1895.
D'HoTELANS, Octave, rue Gharles Nodier, 12. — 1890.
KiRCHNER, ancien négociant, quai Veil-Picard , 55 6û. —
1895.
' KoLLER, propriétaire, ancien conseiller municipal, ancien
membre du Conseil d'arrondissem. de Besançon; au Perron-
Chaprais. — 1856.
Lambert, Maurice, avocat, ancien magistrat, quai de Stras-
bourg, 13. - 1879.
Larmet, Jules, médecin-vétérinaire, conseiller municipal, ad-
joint au maire, avenue de Fontaine-Argent, 8. — 1884.
Ledoux, Emile (le docteur), quai de Strasbourg, 13. — 1875.
LiEFFROY, Aimé, propriétaire, conseiller général du Jura, rue
Ciiarles Nodier, 11. — 1864.
Lime, Claude-François, négociant, aux Chaprais. — 1883.
Lui VOT, Emmanuel, notaire, Grande-Rue, 14. — 1885.
XÏACHEREZ, A.; rue Granvelle, 5. — 1901.
M AIRE, Alfred, président à la Cour d'appel, rue du Chaleur, 12.
— 1870.
Maes, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Monl-Saiate-
Marie, 10. — 1879.
Maonin (\e docteur Ant.), professeur h l'Université, doyen de la
Faculté des sciences, ancien directeur de l'Ecole de médecine,
conseiller municipal, ancien adj. au maire, rue Proudhon, î^.
- 1885.
— 3/i5 —
MM.
Mairot, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, pré-
sident du Tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17.
— i881.
Maldiney, Jules, chef des travaux de physique à la Faculté
des sciences. — i889.
Mandrillon, avocat, Grande-Rue, i9. — 1894.
Mandereau (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, ins-
pecteur de l'Abattoir, rue Saint-Antoine, 6. — 1883.
Marchand, Albert, ingénieur, administraleiir déléj,Mié des Sa-
lines de Miserey. — 1888.
' Martin, Jules, manufacturier, rue Sainte-Anne, 8. — 1870.
Masson, Valéry, avocat, rue de la Préfecture, 10. — 1878.
Matile, fabricant d'horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884.
Mauvillier, Pierre-Emile, photographe, rue de la Préfecture, 3.
— 1897.
Métin, Georges, agent-voyer d'arrondissement; à Canot. —
1868.
Michel, Henri, architecte-paysagiste, professeur à l'Ecole des
Beaux-Arts; Fontaine-Ecu (banlieue). — 1886.
Miot, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce,
Grande-Rue, 104. — 1872.
Miot, Louis, avoué à la Cour d'appel, Grande-Rue, 104. —
1897.
Montenoise, avocat, rue de la Madeleine, 2. — 1894.
Mourût (l'abbé), secrétaire h l'archevêché. — 1899.
Nardin, ancien pharmacien, rue de la Mouillère, 1. — 19jX).
Nargaud, Arthur, docteur en médecine, quai Veil-Picard, 17.
- 1875.
NiCKLÈs, pharmacien de l»"» classe, Grande-Rue, 128. — 1887.
Outhenin-Chalandre, directeur des Missionnaires d'Ecole; rue
de la Préfecture, 24. - 1902.
• Ordinaire, Olivier, consul de France, en retraite ; Maiziéres
(Doubs). — 1876.
Parizot, inspecteur honoraire des Enfants assistés, rue du
Mont-Sainte-Marie, 8. — 1892.
Pateu, entrepreneur, ancien conseiller municipal, avenue
Carnot. — 1894.
23
— 346 —
MM.
Perruche de Velna, conseiller à la Cour d'appel, rue Saint-
Vincent, 14. — 1870.
* PiNGAUD, Léonce, correspondant de l'Institut, professeur
d'histoire moderne à la Faculté des lettres, rue Saint-Vin-
cent, 17. — 1874.
RÉMOND, Jules, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881.
' Renaud, Alphonse, docteur en droit, sous-chef à la direc-
tion générale de l'Enregistrement ; Paris, rue Scheffer, 25. —
1869.
RiCKLiN, notaire, rue des Granges, 38; étude : Grande-Rue, 121.
-^ 1879.
Robert, Edmond, fabricant d'aiguilles de montres, faubourg
Tarragnoz. — 1886.
Rocardey, Jean, directeur des contributions indirectes; rue
Charles-Nodier, 4. — 1903.
Roland (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, rue de
l'Orme-de-Ghamars, 10. — 1899.
• RossiGNOT (l'abbé), Auguste, bibliothécaire de l'archevêché;
rue du Mont-Sainte-Marie, 8. — 1885.
RossiGNOT (l'abbé), curé de Sainte-Madeleine, rue de la Made-
leine, 6. — 1901 .
ilouGET, directeur de l'Ecole normale d'instituteurs de Besan-
çon; rue de la Madeleine, 6. — 1902.
8AILLARD, Albin (le docteur), sénateur, membre du conseil gé-
néral du Doubs, place Victor Hugo, et à Paris, rue N.-D.-des-
Champs, 75. — 1866.
Saillard, Eugène, ancien directeur des postes du département
du Doubs; Beauregard (banlieue de Besançon). — 1879.
jjE Sainte- Agathe (le comte Joseph), avocat, archiviste-paléo-
graphe, rue d'Anvers, 3. — 1880.
Sancey, Alfred, négociant, rue d'Alsace. — 1899.
î^AVOVE, Henri, artiste peintre., à la Bouloie (banlieue). —
1901.
Serres, Achille, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. -- 1883.
Simonin, architecte, rue du Lycée, 13. — 1892.
Sire, Georges, correspondant de l'Institut, essayeur de la Ga-
rantie, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847.
À
— 347 —
MM.
SouCHON, Gaston, capitaine de cuirassiers en retraite; Villas
bisontines, 3. — 1901.
SucHËT (le chanoine), rue Casenat, 1. — 1894.
Thouvenin, François-Maurice, pharmacien supérieur, profes-
seur à TEcole de médecine et de pharmacie, Grande-Rue, 136.
— 1890.
Thuriet, Maurice, avocat général à la Cour d'appel de Besan-
çon, rue du Perron, 16. — 1901.
TissoT, H., président du tribunal de commerce, rue Saint-Vin-
cent, 7. — 1899.
Truchi de Varennes (vicomte Albéric oe), rue de la Lue, 9.
— 1900
Vaissier, Alfred, conservateur du Musée archéologique, Grande-
. Rue, 109. — 1876.
Vaissier, Georges (le docteur), chef de clinique médicale de
rhôpital Saint-Jacques, Grande-Rue, 109. — 1898.
• Vandel, Maurice, ingénieur des arts et manufactures, à la
Rochetaillée, par Saint-Uze (Drôme). — 1890.
* Vautherin, Raymond, ancien capitaine du génie, villa Sainte-
Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897.
Vernier, Léon, professeur à la Faculté des lettres, rue Sainte-
Anne, 10. — 1883.
DE Vezet (le comte Edouard), ancien lieutenant-colonel de
l'armée territoriale, rue Charles Nodier, 17 ter. — 1870.
Vieille, Gustave, architecte, inspecteur départemental des
sapeurs-pompiers, rue des Fontenottes, sous Beauregard. —
1882.
V^EHRLÉ, négociant, rue Battant, 11. — 1894*
t
3iS
Membres correspondants (104).
MM.
* Almand, Victor, capitaine du génie, officier d'ordonnance du
général Carette ; à Marseille.
André, Ernest, notaire; rue des Promenades, 17, Gray (Haute-
Saône). — 1877.
' Bardp:t, juge do [)aix; à Brienne (Aube). — 1886,
Barbey, Frédéric, archiviste paléographe; rue de Luxembourg,
32, à Paris, et au château de Valleyres, canton de Vaud. —
190:3.
Bertin, Jules, médecin honoraire des hospices de Gray (Haute-
Saône), quai du Saint-Esprit, 1. — 1897.
Bettend, Abel, imprimeur-lithographe; Lure (Haute-Saône),
— 1862.
Bey-Rozet, Charles, propriétaire et pépiniériste; à Marnay
(Hte-Saône).— 1890.
Bixio, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de
Paris; Paris, quai Voltaire, 17. — 1866.
Bizos, Gaston, recteur de l'Académie de Bordeaux. — 1874.
Boisseleï, Joseph, avocat; Vesoul (Haute-Saône). — 1866.
* Bredin, professeur honoraire; à Gonflandey, par Port-sur-
Saône (Haute-Saône). — 1857.
* Briot, docteur en médecine, membre du conseil général du
Jura; Ghaussin (Jura). — 1869.
DE Broissia (le vicomte Edouard Froissard); fi Blandans, par
Domblans (Jura). — 1892.
Brune (l'abbé), Paul, curé-doyen deMont-sous-Vaudrey, corres-
pondant des Gomités des Travaux historiques et des Monu-
ments historiques au Ministère; Mont-sous-Vaudrey (Jura).—
1903.
■ Bruand, Léon, inspecteur des forêts; Paris, rue de la Planche,
11 bis. —1881.
Burin du Buisson, préfet honoraire; à Besan<;on, rue Moncey,
0, et à Gramans (Jura). — 1878.
Ghapoy, Henri, avocat à la Gour d'appel de Paris; rue des
Saints-Pères, 13. — 1875.
— 349 —
MM.
- Choffat, Paul, attaché à la direction des travaux géologiques
du Portugal ; Lisbonne, rue d*Arco a Jesu, 113. — 1869.
' Cloz, Louis, professeur de dessin; à Salins. — 1863.
• CoNTEJEAN, Charles, géologue, professeur de Faculté hono-
raire et conservateur du musée d'histoire naturelle ; à Paris,
rue de Montessuis, 9. — 1851.
CoNTET, Charles, professeur agrégé de matliématiques en re-
traite; aux Arsures (Jura). — 1884.
CORDiER, Jules Joseph, receveur des domaines; à Dijon, bou-
levard Carnot, 20. — 1862.
CORDiER, Palmyr, médecin des colonies, et à Besançon rue des
Granges, 3. — 181)6.
CosTE, Louis, doct(Mu* vu niéde<.'ino ol pharmacien de l^e classe,
conservateur «le la Bihiioth. de lîi ville de Salins (Jura). — 1866.
Courbet, Ernest, l>il)liophilp, trésorier de la ville» de Paris,
rue de Lille, 1. — 1874.
Daubian-Delisle, Henri, ancien directeur des contributions
direcles, aricien président de la Société d'Emulation du
Doubs; Sauveterre-de-Béarn jBasses-Pyrénées). — 1874.
• Derosne, Charles, maître de forges; à OUans, par Cendrey. —
1880.
• Deullin, Eugène, banquier; Epernay (Marnei. — 1860.
Pruot (l'abbé), Paul, curé de Voillans (Doubs). — 1901.
Druot (l'abbé), Herman, curé de Charmoille (Doubs). — 1901.
' DuFAY, Jules, notaire; Salins (Jura). — 1875.
Feuvrier (l'abbé), chanoine honoraire, curé de Montbéliard
(Doubs). — 1856.
Feuvrier, Julien, professeur au collège de Dole, faubourg
d'Azans. — 1893.
Fromond (l'abbé), curé de Crissey (Jura). — 1902.
Filsjean (l'abbé), licencié en lettres, curé de Pelousey (Doubs),
— 1896.
Gascon, Edouard, conducteur des ponts et chaussées en re-
traite, président du comice agricole du canton de Fontaine-
Française (Côte-d'Or). — 1868.
Gascon, J^ouis, profess. au lycée Ampère; Lyon-Sain t-Rambert.
— 1889.
~ 350 —
MM.
Gaussin, Célestin, secrétaire honoraire des Facultés; Cham-
pagney (Haute-Saône). — 1891.
Gauthier, Léon, archiviste paléographe; Paris, place de la Bas-
tille, 5. — i898.
Gauthier, docteur en médecine, sénateur de la Haute-Saône;
Luxeuil (Haute-Saône). — 1886.
Gensollen, Gabriel, juge d'instruction; Gray (Haute-Saône).—
1902.
Gevrey, Alfred, conseillera la Cour d'appel de Grenoble; rue
des Alpes, 9. — 1860.
GiRARDiER, notaire; à Dole <Jura). — 1897.
GiROD, Paul, professeur, directeur de TEcole de médecine de
Clernionl-Ferrand; rue Blatin,26. — 1882.
* Grenier, René (le docteur), médecin de la Grande Chancelle-
rie de la Légion d'honneur; Paris, 36, rue Ballu. — 1902.
Guignard, Fernand, archiviste paléographe; à Dole (Jura). —
1902.
• Guillemot, Antoine, archiviste de la ville de Thiers (Puy-de-
Dôme). — 1854.
D'HoTEiJiNS, Raoul, ancien officier, maire de Novillars. — 1903.
HuART, Arthur, ancien avocat- gêné rai ; rue Picot, 9, Paris. —
1870.
Jeannolle, Charles, pharmacien ; Fontenay-le-Château (Vosges).
— 1876.
JoLiET, Gaston, préfet de la Vienne; Poitiers. — - 1877.
Laforest (Marcel Pécon de), capitaine d'infanterie coloniale;
à Rochefort et à Besançon, rue du Chateur, 25. — 1895.
Lapret, Paul, artiste peintre; Paris, 17, rue de Chateaubriand.
1901.
Lebault, Armand, docteur en médecine; Saint-Vit (Doubs). —
. 1876.
Lechevalier, Emile, libraire-éditeur; Paris, quai des Grands-
Augustins, 39, à la librairie des provinces. — 1888.
Le Mire , Paul-Noël , avocat ; Mirevent , près Pont-de-Poitte
(Jura) et rue de la Préfecture, à Dijon. — 1876.
Lhomme, botaniste, secrétaire de la mairie de Vesoul (Haute-
Saône), rue de la Mairie. — 1875.
— 351 —
MM.
LoNGiN, Emile, ancien magistrat; rue du Collège, 12, à Dole
(Jura). — 1896.
LouvoT, Fernand (l'abbé), chanoine honoraire de Nîmes, curé
de Gray. — 1876.
Madiot, Victor-François, pharmacien ; Jussey (Haute-Saône). —
1880.
Maire, André, étudiant à la Sorbonne; Paris, rue de Sontay, 4.
- 1903.
Maire, Victor- Louis, capitaine au 22^ régiment colonial, bre-
veté des langues orientales; rue Mégevand, 13, Besançon.—
1903.
Marquiset (le comte Alfred), rue Gounod, 1, à Paris. — 1897.
• Massing, Camille, manufacturier à Puttelange-lez-Sarralbe
(Lorraine allemande). — 1891.
DE Marmier (le duc), membre du Conseil général de lu Haute-
Saône; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). —
1867.
• Mathey, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856.
DE Menthon (le comte René); Menthon-Saint-Bernard (Haute-
Savoie), et château de Saint-Loup-lez-Gray, par Sauvigney-lez-
Angirey (Haute-Saône). — 1854.
Meynier (le docteur), Joseph, médecin principal de l'armée ter-
ritoriale ; à Vallorbes (aux Eterpas), Suisse. — 1876.
• DE Montet, Albert ; Chardonne-sur-Vevey (Suisse). — 1882.
DE MousTiER (le marquis), député et membre du Conseil géné-
ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs), et
Paris, avenue de l'Aima, 15. — 1874.
DE MousTiER, Lionel; château Bournel (Doubs). - 1903.
Paris, doct. en médecine; Paris, rue du Cherche-Midi. — 1866.
Perronne, Marcel, ancien conseiller de préfecture ; Dijon. —
1903.
• Perrot (l'abbé), F.-Xavier, curé-doyen de Mandeure (Doubs).
— 1902.
• Piaget, Arthur, archiviste cantonal et professeur à l'Académie
de Neuchâtel (Suisse). — 1899.
PiDOUX, André, archiviste paléographe, avocat stagiaire, rue
du Collège, à Dole (Jura). — 1901.
i
— 352 —
MM.
PiQUARD, Léon, docteur en médecine; à Chalëze (Doubs). —
1890.
Piquerez, Charles, explorateur; à Besançon, rue de Fontaine-
Argent. — 1898.
PiROUTET, Maurice, géologue; à Salins. — 1898.
QUENOT, Prosper, instituteur à Orchamps-lez-Dole (JuraK —
i9ai
Hambai:i), Alfred, ancien sénaleur, membre du Conseil j^énéral
du Douhs, ancien 'ministre de l'instruction publique et des
Heaux-Arls; Paris, rue d'Assas, 7G. — 1881.
* Ueboul de ijv Julhièhe, au château du Grand-Vaire (Doubs).
— 1903.
IlEED, E., membre correspondant de l'Académie des sciences,
président honoraire de la Société de pharmacie d'Alsace-Lor-
raine; à Strasbourg. — 1901.
Renauld, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais
de Monaco; rue des Templiers, à Vence (Alpes-Maritimes). —
1875.
lUCHARD, Augjisle, pharmacien; Nice, rue Miron, 27, et Autel
(Haute-Saône). — 1876.
* Richard, Louis, médecin-major de I'" classe à Belfort, 5, fau-
bourg de Lyon. — 1878.
RiGNY (le chanoine), à Purgerot (Haute-Saône). —1886.
Ripps (l'abbé), curé d'Arc-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882.
RouzET, Charles-François, architecte; à Dole (Jura). — 1898.
Roux, Roger, juge suppléant au tribunal de Vesoul. — 1903.
Roy, Emile, professeur à la faculté des lettres de Dijon, rue
de Mirande, 9. — 1894.
Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; Paris, rue Spon-
tini, 9. — 1867.
Saglïo, Camille, direct, des forges d'Audincourt (Doubs). — 1896.
* Saillard, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs).
- 1877.
ScHLAGDENHAUFFEN, directeur honoraire de TEcole de pharma-
cie de Nancy, 63, rue de Metz. — 1901.
* DE Saussure, Henri, naturaliste; à Genève, Cité 24, et à Yvoire
(Haute-Savoie). — ia54.
— 353 —
MM.
Travelet, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez-
Morey (Haute-Saône). — 1857.
* Travers, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller
de préfecture; Caen (Calvados), rue des Chanoines, 18.—
1869.
•Tripplin, Julien, représentant de l'horlogerie bisontine et
vice-président de l'Institut des horlogers; Londres : Bartlett's
Buildings, 5 (Holborn Circus), E. C, et Belle-Vue (Heathfield
Gardons, Chiswick, W). — 1868.
TuETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi-
ciaire aux Archives nationales; Paris, quai de Bourbon, 45.
1863.
Vaissier, Jules, fabricant de papiers; Paris, rue Edouard-De-
taille, 5, — 1877.
Vendrely, pharmacien ; Chanipagney (Haute-Saône). — 1863.
Vernerey, notaire, membre du Conseil général du Doubs;
Amancey (Doubs). — 1880.
* Wallon, Henri, agrégé de l'Université, manufacturier; Rouen,
Val d'Eauplet, 48. — 1868.
— 3î4 -
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DÉCÈDES EN 1903-1903
MM.
Heauséjour (de), Eugène, ancien magistrat. 1897
Bouvard, Louis, avocat, ancien bâtonnier de TOrdre,
ancien conseiller municipal. 1868
Bruchon, Henri (le docteur), professeur suppléant à
l'Ecole de médecine de Besançon. 1895
CossoN, Maurice, ancien trésorier-payeur général du
Doubs. 1886
MoRLET, Jean-Baptiste, ancien conseiller municipal,
membre de la Chambre de commerce. 1890
Perpigna (DE), Charles-Antoine), ancien mairede Luxeuil. 1888
Petit, Jean, statuaire. 1866
Robert, Ulysse, inspecteur général des bibliothèques et
des archives. 1896
Vézian, Alexandre, doyen honoraire de la Faculté des
sciences. 1860
ViELLARD, Léon, propriétaire et maître de forges. 1872
I
— 355 —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (175)
Le millésime indique l'année dans laquelle ont commencé les relations.
FRANGE.
Comité des travaux historiques et scientifiques près le
Ministère de l'Instruction publique [cinq exemplairen
des Mémoires) 1856
Ain.
Société d'Emulation de r Ain ; Bourg 1868
Société des sciences naturelles de TÂin ; Bourg 1894
Aisne.
Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri-
culture et industrie de Saint-Quentin 1862
Société historique et archéologique de Château-Thierry. 1898
' AlHer.
Société des sciences médicales de Tarrondissement de
Gannat 1851
Société d'Emulation et des Beaux-arts du Bourbonnais ;
Moulins 1860
Revue scientifique du Bourbonnais et du centre de la
France ; Moulins 1894
Alpes-Maritimes.
Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ;
Nice 1867
Alpes (Hautes-).
Société d'études des Hautes- Alpes; Gap 1884
— 356 —
t
Aube.
Société académique de TAube ; Troyes . . . , 1867
Aveyron.
Société des lettres, sciences et arts de l' Aveyron; Rodez. 1876
Belfort (Territoire de).
Suciélé Bell'urtaine d'Emulation 1872
Bouches-du-Rhône.
Société de statistique de Marseille 1867
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Mai*seiUe. 1867
Calvados.
Académie de Gaen 1868
Charente.
Société historique et archéologique de la Charente;
Angoulôme 1877
Charente-Inférieure .
Société des archives historiques de la Saintonge et de
TAunis; Saintes 1883
Cher.
Société des antiquaires du Centre ; Bourges 1876
Gôte-d'Or.
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . . 1856
Commission des antiquités du département de la Côte-
d'Or; Dijon 1869
Société d'archéologie, d'histoire et de littérature de
Beaune 1877
Société des sciences historiques et naturelles de Semur . 1880
Société bourguignonne de géographie et d'histoire; Dijon. 1888
Revue bourguignonne de l'enseignement supérieur publiée
par les professeurs des Facultés de Dijon 1891
— 357 —
Deux-Sèvres;
Société botanique des Deux-Sèvres; Niort 1901
Doubs.
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besan-
çon 1844
Société d'émulation de Montbéliard 1851
Société de médecine de Besançon 1861
Société de lecture de Besançon 1865
Union artistique de Besançon 1804
Société d'histoire naturelle du Doubs; Besançon 1900
Drôme.
Bulletin d'histoire ecclésiastique ol d'archéologie reli-
gieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Vi-
viers; Romans (Drôme) 1880
£ure-et-Ijoir.
Société Dunoise ; Chàteaudun 1807
Finistère.
Société académique de Brest 1875
Gard.
Académie de Nîmes 1800
Société d'études des sciences naturelles de Nîmes. . . . 1883
Garonne (Haute).
Société arciiéologique du Midi de la France; Toulouse. . 1872
Société des sciences physiques et naturelles de Tou-
louse 1875
Gironde.
Société des sciences physiques et naturelles de Bor-
deaux 1867
Société d'archéologie de Bordeaux 1878
Société Linnéenne de Bordeaux 1878
— 358 —
Hérault.
Académie de Montpellier 1809
Société archéologique de Montpellier 1809
Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . . . 1878
Ule-et-VUaine
Société archéologique du département d'Ule-et-Vilaine ;
Rennes 1894
Isère.
Société de statistique et d'histoire naturelle du départe-
ment de l'Isère ; Grenoble 1857
Société Dauphinoise d'ethnologie et d'anthropologie. . . 1898
Jura.
Société d'Emulation du département du Jura; Lons-le-
Saunier 1844
RevueviticoledeFranche-ComtéetdeBourgogne; Poligny. 1895
Loir-et-Cher.
Société historique et archéologique du Vendomois; Ven-
dôme 1898
Loire.
Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-
lettres du département de la Loire; Saint-Etienne. . . 1866
Société de la Diana, à Mont brison 1895
Loire-Inférieure .
Société des sciences naturelles de l'Ouest de la France ;
Nantes 1891
Loiret. . .
Société archéologique de l'Orléanais ; Orléans 1851
Maine-et-Loire .
Société industrielle d'Angers et du département de Maine-
et-Loire; Angers 1855
Bibliothèque de la Ville; Angers 1857
— 359 —
Manche.
Société des sciences naturelles de Clierbourg 1854
Marne.
Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du dé-
partement de la Marne ; Châlons 1856
Société d'études des sciences naturelles; Reims .... 1903
Marne (Haute-).
Société archéologique de Lan grès 1874
Meurthe-et-Moselle.
Société des sciences de Nancy (ancienne Société des
sciences naturelles de Strasbourg) 1866
Société d'archéologie Lorraine, à Nancy 1886
Meuse .
Société polymathique de Verdun 1851
Morbihan.
Société polymathique du Morbihan; Vannes 1864
Nord
Société d'émulation de Rouhaix 1895
Oise.
Société historique de Compiègne 1880
Pyrénées (Basses-).
Société des sciences, arts et lettres de Pau 1873
Société des sciences et arts de Rayonne 1884
Pyrénées Orientales.
Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-
Orientales; Perpignan 1856
Rhône.
Société d'agriculture et d'histoire naturelle de Lyon . . . 1850
Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. . 1856
— 360 —
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . . 1860
Annales de l'Université de Lyon, quai Claude-Bernard, 18. 189C
Saône-et-Iioire .
Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône. , 1857
Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha-
lon-sur-Saône 1877
Société Eduenne ; Autun 1846
Société d'histoire naturelle d'Aut un 1888
Société d'histoire naturelle de Màcon 1896
Académie des sciences; belles-lettres et arts de Màcon . 1902
Saône (Haute-).
Société d'agr., sciences et arts de la Haute-Saône; Vesoul 1861
Société d'encouragement à l'agriculture ; Vesoul 1881
Société des sciences naturelles; Vesoul 1896
Société grayloise d'Emulation; Gray 1898
Sarthe.
Société d'agricuU., sciences et arts de la Sarthe ; Le Mans. 1869
Société historique et arciiéologique du' Maine ; Le Mans . 1879
Savoie.
Académie de Savoie; Ghambéry 1869
Société Savoisienne d'histoire et d'archéologie; Chambéry. 1898
Savoie (Haute-).
Société Florimontane ; Annecy 1871
Seine.
Institut de France; Seine 187*2
Société des antiquaires de France; Paris 1867
Association française pour l'avancement des sciences . . 1879
Société d'histoire de Paris et de l'Ile de France i88i
Association pour l'encouragement des études grecques
en France; rue de l'Abbaye, 12, Paris 1878
Société de l)Otaniiiue de France ; rue de Grenelle, 24,
Paris ......* ." 1883
Société d'anthropologie de Paris, rue de l'Ecole de Méde-
cine, 15 1883
Société française de physique, rue de Rennes^ 44. . . . 1887
— 3«i —
Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 30 1880
Société de secours des amis des sciences 1858
Société zoologique de France, rue Serpente, 28 1880
Société de biologie, boulevard Saint-Germain, 22 . . . . 1880
Société de spéléologie, rue des Grands-Augustins, 7. . . 1897
Société philomathique de Paris, rue des Grands-Augus-
tins, 7 1880
Société philotechnique de Paris, rue d'Orléans ; Neuilly-
sur-Seine , 1872
Revue épigraphique. Librairie E. Kenoud, rue Bona-
parte, 28 1900
Mélusine , revue folkloriste , librairie Roland , rue des
Chantiers ; Paris 1894
Polybiblion; rue Saint-Simon, 4 et 5, Paris 1894
Omis, bulletin du comité ornithologique international ;
Paris, boulevard Saint-Germain, 120 1900
Seine-Inférieure .
Commission départementale des antiquités de la Seine-
Inférieure; Rouen 1869
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen . 1879
Société libre d'Emulation de la Seine-Inférieure ; Rouen . 1880
Société havraise d'études diverses; le Havre 1801
Seine-et-Oise.
Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et-
Oise; Versailles 18(H
Société des sciences morales, belles-lettres et arts, à
Versailles 1896
Somme
Société des antiquaires de Picardie ; Amiens 1869
Société d'Emulation d'Abbeville 1894
Tam-et-Garonne .
Société d'histoire et d'archéologie de Tam-et-Garonne;
Montauban 1894
Vienne.
Société des antiquaires de rOuest; Poitiers 1867
24
— :^)2 —
Vienne (Haute-).
Société historique et archéolog. du Limousin; Limoges. 1852
Vosges.
Société d'Emulation du département des Vosges ; EpinaK 1855
Société philomath ique vosgienne ; Saint-Dié 1876
Tonne.
Société des scienres historiques et naturelles de l'Yonne;
Auxerre 1852
ALGÉRIE.
Société historique aljçérienne ; Alger 1870
AI^LEMAGNE.
Académie impériale et royale des sciences de Berlin
(Sitzungsberichte) 1879
Société botanique de la province de Brandebourg;
Berlin 1877
Académie royale des sciences de Bavière, à Munich
(Kœnigl. Bayer. Akadeniie der Wissenschaften zu
Munchen; 18()5
Société des sciences naturelles de Brème (Natur^issens-
chafllicher Verein zu Bremen) 1866
Société des sciences naturelles et médicales de la Haute-
Hesse (Oberhessische Gesellschafl fttr Natur und Heil-
kunde) ; Giessen 1853
Société des sciences naturelles de Fribourg en Brisgau
(Bade) 4892
Société royale physico-économique de Kœnigsberg (Kœ-
nigliche physikalich-œkonomische Gesellschafl zu Kœ-
nigsberg); Prusse 180i
Société philosophique et littéraire de Heidelberg (à la bi-
bliothèque de l'Université) 1898
Université de Tubingue (à la Bibliothèque) 19(V1
AliSAGE-LORRAINE
Société d'histoire naturelle de Colmar 1860
— 363 —
Société des sciences, agriculture et arts de la Basse-
Alsace ; Strasbourg 1880
Société d'histoire naturelle de Metz 1895
Commission de la carte géologique de TAlsace-Lorraine ;
Strasbourg 1887
ANGLETERRE.
Société littéraire et philosophique de Manchester (Litte-
rary and philosophical Society of Manchester) 1859
AUTRICHE.
Institut impérial et royal de géologie de Tempire d'Au-
triche (Kaiserlich-kœniglich-geologischeReichsanstalt) ;
Vienne 185v
Muséum impérial et royal d'histoire naturelle de Vienne. 1889
BELGIQUE.
Académie royale de Belgique; Bruxelles 1868
Société géologique de Belgique ; Liège 1876
Académie d'archéologie de Belgique ; Anvers, rue Lozane
22 1885
Société des Bollandistes ; Bruxelles, rue des Ursulines, 14. 1888
Société d'archéologie de Bruxelles, rue Ravenslein n* 11. 1891
Revue bénédictine de l'abbaye de Maredsous 1892
ITALIE.
Académie des sciences, lettres et arts de Modène .... 1879
R. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . 1884
LUXEMBOURG.
Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem-
bourg ; Luxembourg » -, . . . 1854
PORTUGAL.
Direction des services géologiques du Portugal ; Lis-
bonne, rua do Arco a Jesu, 113 1885
SUÈDE ET NORVÈGE.
Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . . . 1869
— 364 -
Université loyale de Christiania 1877
The geological institution of the University of Upsala. . . 1895
Kongl. Vetterhets historié och antiquitets Akademian ,
Stockholm 1898
SUISSE.
Société des sciences naturelles de Bâle 1872
Société des sciences naturelles de Berne 1855
Société jurassienne d'Emulation ; Porrentruy 186!
Société d'histoire et d'archéologie de Genève ; rue de
rKvêché 18fô
Institut national de Genève 1866
Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . . . 1847
Société d'histoire de la Suisse romande ; Lausanne . . . 1878
Société neuchateloise des sciences naturelles; Neuchatel. 1862
Société d'histoire et d'archéologie de Neuchatel 1865
Société neuchateloise de géographie ; Neuchatel 1891
Société des sciences naturelles de Zurich 1857
Société des antiquaires de Zurich (à la Bibl. de Zurich). 1864
Société générale d'histoire suisse (à la Bibliothèque de
Berne) 1880
Indicateur des Antiquités suisses (Anzeiger fur Schweize-
rische Alterthumskunde), Neue Folge, 1, Zurich. . . . 1899
AMÉRIQUE.
Société d'histoire naturelle de Boston Î865
Institut Smithsonien de Washington 1869
United States geological Survey; Washington 1883
Geographical Society of Philadelphia 1896
Academy of St-Louis (Missouri) 1897
Wisconsin Geolog. and Natural History Survey; Madison. 1901
Wisconsin Natural History Society; Milwaukee ... . 1901
Musée national; Montevideo 19(^1
— 365 —
ÉTABLISSEMENTS PIBLICS (32)
Recevant les Mémoires.
Bibliothèque de la ville de Besançon.
Id. populaire de Besançon.
Id. de TEcole d'artillerie de Besançon.
Id. de l'Université de Besançon.
Id. de l'Ecole de médecine de Besançon.
Id. du Chapitre métropolitain de Besançon.
Id. du Séminaire de Besançon.
Id. de l'Ecole normale des instituteurs de Besançon.
Id. du Cercle militaire de Besançon.
Id. de la ville de Montbéliard.
Id. de la ville de Pontarlier.
Id. de la ville de Baume-les-Dames.
Id. de la ville de Vesoul.
Id. de la ville de Gray.
Id. de la ville de Lure.
Id. de la ville de Luxeuil.
Id. de la ville de Lons-le-Saunier.
Id. de la ville de Dole.
Id. de la ville de Poligny.
Id. de la ville de Salins.
Id. de la ville d'Arhois.
Id. de la ville de Saint-Claude.
Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye.
Id. Mazarine, à Paris.
Id. de la Sorbonne, à Paris.
Id. de l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie,
à Fontainebleau.
Id. du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris.
Id. du British Muséum, à Londres. (Librairie Dulau et
C»«, Londres, Soho Square, 37.)
Archives départementales de la Côte-d'Or.
Id. du Doubs.
Id. de la Haute-Saône.
Id. du Jura.
TABLE DES MATIERES DU VOLUME
PROCÈS-VERBAUX.
Allocution de M. Alfred Vaissier en quittant la présidence., p. v
Allocution de M. le docteur Nargaud, nouveau président p. vi
I^ cloche de Voillans (1483-1485;, par M. l'abbé P. Drtot.. p. vin
Jean Garinet, médecin bisontin, par M. le docteur Henri
Brl'chon p. IX
Acceptation du legs d'Edouard Grknieh p. x
Notice sur le garde des sceaux Courvoisier. par M. Maurice
Thuriet p. X
Notice sur le peintre Donat Nonnolte, par M. J Gauthirr... p. xi
Statuette grecque donnée au Musée par les héritiers d*£douard
Grenier p. xi
Statuette de Vénus pudique, trouvée à Jougne, par M. J. Gau-
thier p. XI
Fouilles de Chàtelneur-en-Vennes, par M. Tabbé H. Druot.. p. xii
Symbolisme des bas-reliefs de Porte-Noire, par M. Alfred
Vaissier p. xiii
Antiquités de Luxeuil, manuscrit de Fonclause, présenté par
M. J. Gauthier p. xiii
Compte-rendu du Congrès de la Sorbonne p. xv
Voyage de J.-J. Oberlin à Besançon (47Xv1806), par M. Jules
Gauthier p. xv
Etude sur la peinture anglaise, par M. V. Guiixemin p. xvii
Biographie du maréchal duc de Randan, par M. le docteur
BOURDIN p XVII
Vœu pour le transport au Musée des dessins du cabinet Paris,
par M. ESTIGNARD p. XVII
Le Livre d'Heures de Catherine de Montbozon, par M. Jules
Gauthier p. xix
Compte-rendu de la réunion de la Société d'Emulation âe
Montbéliard p. xx
Commission permanente de protection des monuments bi-
sontins 4 p. XX
- 367 -
Compte-rendu du Congrès de l'Association franc-comtoise, à
Gray p. xxii
Achat de rente pour la fondation Grenier, par M. le trésorier
Fauquignon p. xxn
Nouveaux documents sur le peintre Jacques Prévost, par M. J.
Gauthier p. xxiii
Préparation de la séance publique de décembre p. xxiv
Projet de budget pour Tannée 1903 p. xxv
Election du bureau pour Tannée 1903 p. xxvi
I^ettre d'une inconnue à Edouard Grenier, par M. Jules Gau-
thier p. XXVI
Séance publique du 18 décembre 1902 p. xxvii
Banquet du 18 décembre 19(>2 : Toasts de MM. le président
Nargaud, le vice-président Francey, le président de l'Aca-
démie BouTnoi'x p. XXIX
Les Volontaires' de 1792, pièce de vers avec envoi, par M. J.
Gauthier p. xxxiii
MËMOIRBS.
La Société d'Emulation du Doubs en i90^ : dis-
cours d'ouverture de la séance publique du jeudi
18 décembre 1902, par M. le docteur Nargaud,
président annuel p. 1
Une Cloche franc -comtoise du quijizième siècle^
par M. Tabbé Paul Druot, curé de Voillans
(2 planches! p. 11
Porte-Noire et ses Commentateurs, par M. Alfred
Vaissier (gravures et planche) p. 17
Donat Nonnotte, de Besançon, peintre de portraits^
par M. Jules Gauthier (1 portrait) p. 43
Etude sur la Peinture anglaise, par M. Victor
GUILLEMIN p. 57
Le Saint-Suaire de Besançon et ses Pèlerins, par
M. Jules Gauthier (2 planches) p. 164
Du degré de confiance que méritent les Généalo-
gies historiques, par M. J. Gauthier (1 planche), p. 186
— 368 -
Elude 9ur Jean Garinet, médecin et co-gouverneur
de Besançon (xvii* siècle;, par M. le docteur
Henri Bruchon (3 planches) p. 201
Le maréchal duc de Ilandan, lieutenant-yénéral
au gouvernement de Franche-Comté (1741-1773),
par M. le docteur Bourdin (1 portrait) p. 224
Les Fouilles de Châtelneuf-en-Vennes , par M.
Tabbé Hennann Druot (1 planche) p. 260
Edouard Groiier (1819-1901) : 1 L'Enfance d'un
Poète, par M. Jules Gauthier p. 278
Flora Sequaniœ exsiccata, ou Herbier de la Flore
de Franche-Comté, publié par M. X. Vendrely. p. 291
Ti^ois Eglises romanes du Jura franc-comtois :
Jougne^ Romain- Métier, Saint- Ursanne, par M.
Jules Gauthier (3 planches) p. 310
Dons faits à la Sociélé en 11M)l-l002 p. 331
Knvois (les Sociétés correspondantes p. SXi
Membres «le la Société au !•'' décembre 1901 p. 339
Membres de la Société décédés en 1901-1902 . . / p. ^fôi
Sociétés correspondantes p. 355
Etablissements publics recevant les Mémoires p. 3fô
UliSANOON. — TVl'. I;T LITH. I>Ol>IVKIIS.
MÉMOIRES
y ___ ^
SOCIETE UEMULATION
DU DOUBS
k
MÉMOIRES
DE LA
SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
DU DOUBS
SEPTIÈME SÉRIE
HUITIÈME VOLUME
1903-1904
BESANCON
IMPRIMERIE DODIVERS ET C'»
Grande-Rue, 87
1905
MEMOIRES
DE
LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION
TDXf 3DOXJBS
1903-1904
PROCES- VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 17 janvier i90S.
Présidence de MM. Nargaud et Francey.
Sont présents :
Bureau : MM. le docteur Nargaud, président sortant; Francej/,
président élu pour 1903 ; M. Thuriet, deuxième vice-président ;
Fauquignon, trésorier; Kirchner, archiviste ; A. Kaiwier, vice-
secrétaire.
Membres : MM. Bonnet, Bernard, Gellard, A, Girardot,
Guillemin, docteur Ledoux, Lieffroy, Em. Louvot, Nardin,
chanoine Roasignot, Vernier.
En l'absence de M. Jules Gauthier, secrétaire décennal, re-
tenu par raison de santé, M. le vice-secrétaire donne lecture
des procès- verbaux des deux séances des 17 et 18 décembre
dernier.
M. le pr^^sident remercie la Société de la bienveillance de
chacun de ses confrères pour lui rendre agréable et facile
l'exercice du mandat annuel qu'ils lui avaient confié. En renou-
velant le vœu de ses prédécesseurs de faire appel à la jeunesse
— VI —
studieuse pour continuer à enrichir le patrimoine intellectuel
de notre chère Franche-Comté et maintenir la Société d'Emu-
lation au rang distingué qu'elle occupe dans la province, M. le
Président félicite la Compagnie de l'heureux choix qui va placer
à sa tête un des membres les plus appréciés du barreau de la
ville, M. Edmond Francey, qu'il invite à ce moment b venir
prendre sa place pour la tenue de la séarice.
M. Francey exprime à son tour des sentiments d'un attache-
ment égal à une Société dont il fait partie depuis 20 ans et aux
intérêts de laquelle il ne négligera rien pour répondre aux
marques d'estime qui viennent de lui être témoignées. En pre-
nant pour la première fois la parole dans ses réunions, il ex-
prime le regret d'avoir à signaler un deuil récent pour la Com-
pagnie par suite de la mort soudaine de M. Ch. Kain, élu
membre correspondant à la dernière séance. Fils d'un magis-
tral dont l'honorabilité et les talents ont laissé dans la ville
d'excellents souvenirs, M. Ch. Rain, en qui le goût des études
utiles s'associait à celui des lettres et des arts, nous permettait
d'espérer de sa part un a\'antageux concours.
Passant ensuite à l'ordre du jour, M. le Président donne lec-
ture de la première partie d'un important travail de M.Jules
Gauthier sur les Uéraults d'armes et les Armoriaux franc-com-
tois. Le blason parait chez nous vers ii87 apporté par un légat
impérial, c'est-à-dire par un bailli de Frédéric Barberousse ; au
xiir siècle, tous les gentilshommes Tout adopté, au xiv« siècle
les roturiers l'adoptèrent à leur tour ol, sans être marque de
noblesse, toutes h*s familles bourgeoise^, issues du peuple, k'
portent au xviii" siècle.
M. Gauthier continuera cette élude |iour laquelle il est des
mieux documenté.
MM. Gauthier et Vaissier déposent une proposition ayant
pour but de décrire les Cloches antérieures à 180'i qui sub-
sistent dans les églises, chapelles et communautés du Doubs.
Au point de vue de l'histoire, de l'épigraphie et de l'armoriai
franc-comtois ces bronzes, dont le nombre a été sensiblement
réduit par la Révolution, qui les transforma la plupart en ca-
nons, sont des monuments fort intéressants. On peut en dire
— VII —
autant des Croix de pierre, de fer, môme de bois, qui jalonnent
les limites de chaque commune, de chaque paroisse et, çà et
là, remplacement de crimes ou d'accidents Leur statistique,
avec l'indication du nom des lieuxdits où chacune de ces croix
est plantée serait des plus utiles aux recherches historiques et
archéologiques. La Société décide qu'une démarche sera faite
auprès de l'autorité diocésaine pour obtenir son adhésion et sa
coopération bienveillante au questionnaire relatif aux cloclies
et aux croix, dont la Société fera les frais.
Celte proposition est adoptée.
Le Musée d'archéologie ayant re(;u le don d'une sculpture_en
marbre blanc, profil découpé en bas- relief d'une tête laurée,
M. Vaissier constate que ce morceau, d'une soigneuse exéciir
tion, est bien le complément d'un de ces médaillons en pierre
jaspée et polie que l'on voit encore au nombre de cinq dans le
corridor de l'étage du Palais Granvelle. Ces fonds de médail-
lons, dédiés aux empereurs Othori, Vitellius, Vespasien, Tibère
et Domitien, portent tous, à leur centre, une saillie carrée en
formé de boulon qui correspond exactement à la noyure prati-
quée au revers du bas- relief donné au Musée. M. Vaissier a, de
plus, reconnu dans le champ du médaillon, auprès des n * 8,
9, 10, 11 et 12 gravés, un pci'il briquet de Bourgogne également
gravé, qui serait comme la signature de l'artiste, à savoir du
sculpteur Landry, de Salins, lequel avait fait pour Madame de
Granvelle, femme du chancelier, constructeur du Palais, la
fourniture de trois douzaines de pièces analogues (V. Béchet,
Recherches historiques sur la Ville de Salins, 1830).
M. Nardin Temet pour le musée d'archéologie une hipposan-
dale et une applique circulaire t3n bronze provenant de la voie
romaine de Colombier-Fontaine.
On procède ensuite à la prupoïjition et à l'admission en
qualité de :
Membre résidant :
de M, l'abbé F.-X. Perrot, curé de Mandeure. présenté par
MM. A. Vaissier et le chanoine Rossignot.
Le Président, Le Vice-Secrétaire,
Ed. Francev. Vaissier.
— VIII —
ï
Séance du 15 février J903.
Présidence de M. Edmond Francey.
Sont présents :
Bureau : MM. Ed. Francey , président ; Gauthier , secrétaire ;
Fauquignon, trésorier ; Vaissier,' vice-secrétaire ; Kirchner,
archiviste
Membres: MM. Bernard, Blondeau, Cellard, Courtot, Lxeffron,
Nardin, chanoine Rossignol, Dr G. Vaissier, Vernier.
Après avoir dépouillé la correspondance, M. Gauthier fait re-
marquer qn'il serait utile de consigner au procès-verbal de la
séance les conditions arrêtées pour la Pension des frères
Grenier.
Cette pension triennale fondée par le testament de M. Edouard
Grenier, décédé le 5 décembre 1901, devait, dans sa pensée, re-
présenter une rente de 2,400 francs qui serait attribuée à un
jeune franc-comtois pauvre, pour lui permettre de poursuivre
ses hautes études dans le domaine des lettres, des sciences ou
des arts. La somme léguée était un titre de rente roumaine de
2,400 francs de revenu. La Société d'Emulation a dû se confor-
mer aux dispositions légales et transformer ce titre en rente
française; le nouveau titre à 3 0/0 produit 1,500 fr. de revenu.
Après un examen la Société, d'accord complet avec l'exécuteur
testamentaire du fondateur, a décidé que les intérêts de ce
titre seraient capitalisés jusqu'au moment où une rente de
1,800 francs nets permettrait de servir la pension et d'accom-
plir, dans la mesure du possible, les intentions bienfaisantes
des deux frères Grenier,
M. Jules Gauthier donne lecture d'une étude intitulée : Les
Cloches franc-comtoises. La première trace des cloches se trouve
dans le rituel de saint Prothade, composé au vip siècle, pour
les deux cathédrales de Besançon ; au xiii« siècle, 750 pa-
— IX ~
roisses, 30 abbayes, 100 prieurés ont des cloches ; les guerres
elles invasions les dépendent à maintes reprises ; le grand
maître de l'artillerie de Louis XIV, au lendemain de la con-
quête de 1674, oblige toutes les églises de Besançon à payer la
rançon de leurs beffroys ; au xviii" siècle, le nombre grandis-
sant des paroisses et des succursales et l'amour propre de
clocher en multiplie le nombre. Les lois de 1791 confisquent
les cloches des chapitres et monastères supprimés pour les
transformer en gros sous. Celles de 4793 ne laissent à chaque
église paroissiale qu'une seule cloche et transforment le reste
en canons pour la défense de la patrie. Centralisées à Besan-
çon, i,600 cloches sont alors dirigées sur la fonderie de Pont-
de-Vaux, dans l'Ain, et des 500,000 kilogrammes de bronze
fournis par cette conscription de cloches franc-comtoises on
fabriqua environ 800 canons de campagne. On comprend la ra-
reté des cloches antérieures à 1802; en très petit nombre elles
remontent aux xve etxvi® siècles ; il en reste dans les trois dé-
partements comtois 100 à 150, des xvir et xviir siècles; un re-
cueil de leurs inscriptions, de leurs emblèmes, de leurs armoi-
ries aurait un grand intérêt pour l'histoire régionale.
Au nom de M. Vendrely, membre correspondant, M. Kirch-
ner dépose sur le bureau un travail sur la Flore comtoise :
Flora Sequanise exsiccafa, 22e fascicule d'une série déjà inscrite
dans les Mémoires^ qui y prendra place à son tour.
M. le Secrétaire termine verbalement une communication sur
les Armoriaux et les Héraults d'armes franc-comtois.
Un groupe de membres émettent le vœu que dans la restau-
ration et consolidation de l'Eglise abbatiale de Montbenoit, en-
treprise à frais communs par le Département et cinq communes
co-paroissiales, des ordres précis soient donnés par Tadminis-
tration départementale pour que rien ne vienne altérer le
style et le caractère d'un édifice des plus précieux et pour que
le mobilier : stalles, statues, vitraux, retable, chaire ne subis-
sent aucun outrage ou dégradation.
Sur le vote unanime de l'assemblée, le bureau est chargé de
communiquer ce vœu à l'autorité compétente.
— X —
Sont proposés, pour faire parlie de la Société comme mem-
bres correspondants :
M. l'abbé Brune^ curé doyen de Mont-sous- Vaudt'ey. cor-
respondant du Comité des travaux historiques, présenté par
MM. Tarchiprêtre Burlet et le chanoine Suchet.
M. Barbey (Frédéric), archiviste paléographe à Paris et à Val-
leires, canton dé Vaud, présenté par \rM. Jules Gauthier et
Guignard.
M d*Hotelan$ (Raoul», maire de Novillars, présenté par
MM. Octave d'Hotelans et J. Gauthier.
Le Président, Le Secrétaire,
Ed. Francey. Jules Gauthieh.
Séance du 7 mars I90S.
Présidence de M. Edmond Francey.
Sont présents :
Bureau : MM. Francey, président ; Thuriet, vice-présidenl ;
Gauthier, secrétaire ; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon,
trésorier; Kirchner et Maldiney, archivistes.
Membrks : MM. le docteur Bruchon père, docteur Ledoux,
Lieffroy, docteur Girardoty Macherey.
La Société d'histoire vaudoise, qui vient de se fonder à Lau-
sanne demande à entrer eu relations d'édianges. Adopté.
M. le Président donne lecture d'une notice biographique sur
M. Louis Bouvard, avocat à la Cour d'appel de Besançon, mem-
bre résidant de la Société depuis 1868
Il fait ressortir avec une grande délicatesse de touche les
haute.> qiuilités du jurisconsulte, de l'administrateur et du lettré
qui. malgré de très rares loisirs, trouvait encore le moyen de
s'intéresser à l'art sous toutes ses formes et dans toutes ses
applications.
— xr —
M. le Secrétaire coninj unique une étude sur les Livres de
raison de paysans franc-comtois. Longtemps Tinstruction fut
médiocre dans les campagnes et le paysan, à la différence du
gentilhomme, qui écrivait sur les marges des psautiers les an-,
nales de sa famille, des commerçants ou des bourgeois qui
mettaient leurs remarques à la suite de leurs livres de comptes,
se bornait à compter à la veillée ses minces souvenirs person-
nels. Il vint un jour pourtant où il prit la plume, et, tout en en-
registrant des documents de second ordre, sut mettre dans sa
courte autobiographie de curieux détails de mœurs, tout un pe-
tit tableau d'intérieur rural. Antoine Morel, de Flangebouche.
au XVII» siècle, Adrien Sarrazin, de Landresse et François Mil-
lot, de Recologne, au wiw siècle, sont de ces modestes chro-
niqueurs villageois, d'où l'histoire pourra dégager quelques
lignes intéressantes à divers points de vue.
M. Vaissier, comme corollaire de sa récente étude sur Porte-
Noire, lit une note sur l'époque probable He la destruction par-
tielle des monuments de Vesontio, qui dut précéder d'un certain
nombre d'années la venue de l'empereur Julien dans les Gaules
et en particulier dans la Séquanie vers l'an 360. De l'étude et
de la discussion du texte grec trop laconique, mais inexacte-
ment traduit par les liisloriens modernes, il semble résulter
que sous le choc d'une invasion venue d'outre-Rhin et qui dé-
truisit Mandeure, Besançon, un instant abandonné, puis réoc-
cupé par les troupes romaines, sortit fort amoindri.
M. Gauthier donnn une descripliou de la cheminée monumen-
ialCj en marbres polychromes avec cariatides en marbre noir,
huit bas- reliefs en marbre blanc, un motif central accosté de
deux pyramides, deux colonnettes et deux termes, que le mé-
decin Casenat fit sculpter en 1565 pour décorer le rez-de-chaus-
sée de sa maison de la rue du Clos, n» 25. Vers 1860, les héri-
tiers de M. Dusillet en firent présent au Musée de Dole. Avec
ses bas-reliefs figurant les quatre évangélistes, dont saint
Jean, patron des médecins, q\ù se livre à nu examen urosco-
pique, trois scènes de la Bible, dont Moïse législateur et une
scène allégorique de la vie humaine, ce petit monument dé-
— XII —
paysé a ceci de remarquable quMl fut sculpté pendant le der-
nier et long séjour que fit à Besançon et au Comté de Bour-
gogne le cardinal de Granvelle, et qu'il appartient au style
inspiré d'une façon générale parles travaux d'art dus à l'initia-
tive du prélat. En outre de deux inscriptions latines, le dernier
bas-relief cité porte la signature PH.F. ..D, qui, tout énigma-
tique qu'elle demeure par son laconisme, peut faire soupçonner
deux choses : la première le nom du sculpteur, qui serait peut-
être Journot dit FHOENIX, un des fondeurs de bronze les plus
célèbres de la province dans le troisième quart du xvi« siècle ;
la seconde le nom de la ville : Dole, où se trouvait centralisée,
par le fait même des carrières de Sampans, de Boisset et par
le voisinage de Dijon, l'industrie des marbres ou fart de la
sculpture.
Après un vote en leur faveur, M. le Président proclame
Membres correspondants :
M. l'abbé Brune, curé de Monl-sous-Vaudrey.
M. Frédéric Barbey, archiviste paléographe, à Paris et au
château de Valleires (Suisse).
M. Raoul d'HoTELANS. ancien officier, maire de Novillars.
Le Président, Le Secrétaire,
Ed. Francev. Jules Gauthier.
Séance du 25 avril 1903.
Présidence de M. Alfred Vaissier.
Sont présents ;
Hubeau : : MM. A. Vaissier, remplaçant le président empô-
É*hr; Gauthier, secrétaire; Fauquignon trésorier.
MiiiïBRES : MM. Bonnet, Bernard, Girardot, E. Loavot, Nar-
diti, Purizoty l'abbé Rossignot, Rouget, Vernier.
à
— XIII —
M. Tabbé Rossignol, conservateur de la Bibliothèque de TAr-
chevèché, rend compte des fouilles opérées en sa présence à
Argillières (Haute-Saône), qui ont mis en évidence les fonda-
tions d'une métairie ou centre d'exploitation rurale, représenté
par trois groupes d'habitations à proximité de la Voie antique
conduisant de Pierrecourt à Bourbonne, dont les vestiges sont
encore très nets sur bien des points. On a trouvé dans ces fon-
dations un moyen bronze de l'empereur Claude I*'. M. Rossi-
gnot offre au Musée, par l'intermédiaire de la Société, cette
monnaie et deux hachettes en porphyre vert de Chazoy. trou-
vées l'une, la plus petite, fi Argillières, l'autre à Fontenay- la-
Ville.
M. Vaissier entretient sommairement la Société d'une explo-
ration d'un tronçon de la grande Voie de Vesontio à Epoman-
duodurum et au Rhin dans la traversée de Voillans (Doubs),
l'ancien Velatodurum, M. l'abbé Paul Druot, membre corres-
pondant de la Société, qui a entrepris et dirigé ces fouilles, en
rendra prochainement un compte détaillé.
M. Gauthier communique un document latin inédit intitulé :
De antiquitate et nobilitate urbis Veauntine^ composé en 1552,
au mois de mars, par Hugues Babet de Saint-Ilippolyte, l'ami
et le professeur des deux lettrés comtois qui lui firent hon-
neur : Gilbert Cousin et Jean Natal, originaires, le premier de
Nozeroy, le second de Toulouse (Jura). Ce morceau de littéra-
ture latine fut composé avec ce double objectif de remercier la
cité de Besançon dont les gouverneurs avaient procuré un asile
à la vieillesse pauvre de Babet, dont la notoriété comme éduca-
teur et comme philosophe avait dépassé les limites de la pro-
vince, et de préparer, pour célébrer une vieille et noble cité,
un résumé historique qui devait prendre place dans la Cosmo-
graphie de Sébastien Munster, qui parut à Dole en 1552. Mais
Munster mourut avant la publication de sa Cosmographie, le
texte de Babet n'y fut pas inséré et seule une planche gravée
sur bois, dont le dessin avait été envoyé de Besançon par Ba-
bet y parut, gravé par deux maîtres aux monogrammes C.S. et
H M.D. dont on pourra peut-être éclaircir l'anonymat. En tous
— XIV —
cas cette représentation de la cité de Besançon, publiée en
1542, est la première image à vol d'oiseau de cette ancienne
capitale. C'est à Babet qu'on le doit, comme on devra, en 1552
et 1561, à Gilbert Cousin les vues analogues de Nozeroy, de
Pontarlier, de Bletterans, de Poligny, de la Rivière, qui paraî-
tront dans ses œuvres, insérées par Hogenberg en 1575. dans
une nouvelle Cosmographie avec les armes et la devise de ce
second élève d'Hugues Babet.
La Société décide que la description de Besançon composée
par le vieux professeur de Saint-Hippolyte et illustrée d'une ou
deux reproductions des vues cavalières de la cité au xvi« siècle,
prendra place dans le volume des Mémoires.
M. le Secrétaire rend compte d'un intéressant volume publié
récemment par M. Paul Cottin, conservateur-adjoint à la Bi-
bliothèque de l'Arsenal, à Paris, sous ce titre ; Sophie de Mon-
nier et Mirabeau. On connaît l'aventure piquante, sinon morale,
de Sophie, épouse d'un vieux mari qu'elle sut rendre ridicule,
et de Mirabeau, prisonnier au fort de Joux de 1774 à 1776. Tout
un roman «l'amour s'ébauche et s'échafaude à partir de 1775
entre le prisonnier et la femme du président de la Chambre des
comptes et se termine au mois d'août 1776 par la réunion aux
Verrières-Suisses, à l'hôtel du IJon d'or, de Mirabeau et de ré-
ponse infidèle. Toute une correspondance chiffrée de 1776 à
1781 jusqu'à présent inédite, entre Sophie et Mirabeau et leur
entourage, renouvelle l'intérêt d'un épisode souvent esquissé
et étudié depuis cent ans sans mériter aux deux personnages
mis en scène beaucoup de sympathie ni beaucoup d'estime.
M. Leloir, avait déjà établi à la charge de Mirabeau de
nombreux prélèvements (12,000 livres) sur la caisse de l'infor-
tnné président Monnier; M. Cottin plaide les circonstances
atténuantes pour Sophie, plus passionnée mais plus franche et
plus loyale que son séducteur et qui, dans d'autres conditions,
serait devenue, avec un mari jeune, intelligent et bon, une
femme accomplie et une excellente épouse.
Est proposé pour faire partie de la Société comme membre
correspondant :
— XV —
M. Roux (Uoger), juge suppléant au tribunal de Vesoul, pré-
senté par MM Fran(iey et Maurice Thuriet.
Le Président. Le Secrétaire,
Vaissier. Jules Gauthier.
Séance du "23 mai i90S
Présidence de M. Edmond Frangey.
Sont présents
Bureau : MM. Francexj, président ; Nargaud, vice-président;
Gauthier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire; Fauquignon.
trésorier; Kirchner, archiviste.
Membres : MM. P. Drouhard, Berdelléy Bonnet, Boussey,
V. Guillemin, docteur Ledoux, le chanoine Rofsignotj l'abbé
Rossignotj Rouget, H. Savoye.
La Société belfortaine d'Emulation demande des renseigne-
ments sur la constitution de la Société et ses relations officielles
et de service avec la Municipalité. On décide des diverses ré-
ponses à faire parvenir à Belfort.
M. Alfred Marquiset envoie un volume de vers intitulé Gray-
loiseries. M. A^ictor Guillemin est prié d'en rendre compte.
M. le Président annonce la mort de M. Jean Petit, sculpteur,
membre honoraire de la Compagnie, récemment décédé à Pa-
ris. M. Thuriet est prié de rédiger une notice sur cet artiste
distingué.
Il est donné lecture d'un compte rendu fort élogieux sur un
volume de M. Roger Roux, juge suppléant au tribunal de Ve-
soul, ayant pour titre : Le travail dans les prisons. Cette étude
très remarquable contient un exposé très complet de la ques-
tion et des conclusions très nettes sur le sens dans lequel
doivent être désormais conçus et préparés les règlements péni-
— xvt —
lentiaires. Des remerciements seront adressés à Tauteur pour
son aimable envoi.
M. le Maire de Besançon, président du Conseil de direction
de la Caisse d'Epargne, fait connaître le refus de M. le Ministre
du Commerce d'autoriser la Société d'Emulation à posséder un
livret pouvant contenir le chiffre maximum de 15,000 francs,
cette faveur n'étant accordée qu'aux Sociétés de bienfaisance.
La Société décide que M. le trésorier fera chaque année rem-
ploi des 1,500 fr. de revenu de la pension Grenier en rente 3 0/0,
jusqu'à reconstitution du capital suffisant pour produire 1,800 fr.
de rente.
M. le secrétaire communique un curieux livre d'heures du
xv« Siècle^ particulièrement intéressant parce qu'il a appartenu
à Jean Jouard, président du Parlement de Bourgogne sous
Gharles-le-Téméraire, mort assassiné par les Dijonnais révoltés
en 1477. Ce personnage, dont la carrière est précisée par quel-
ques notes marginales et autographes insérées au calendrier du
livre d'heures appartenant à la bibliothèque publique de Vesoul
(manuscrit n« 13), est représenté dans une miniature du fol. 2'22.
en robe rouge avec hermine, agenouillé aux pieds de saint
Mammès, martyr, patron du diocèse de Langres, auquel Jouard
appartenait par ses origines. Au bas, les armoiries suivantes :
d'azur à la face d'or et trois pommes de même, ne laissent aucun
doute sur l'authenticité du portrait, le seul que nous possédions
du président Jouard. un des magistrats les plus intéressants de
la cour de Bourgogne sous les deux derniers ducs.
M. Gautiiier présente ensuite une épave de la bibliothèque
de Granvelle, recueillie à la bibliothèque de Vesoul. C'est un
volume imprimé à Venise en 1553, contenant les œuvres de Pé-
trarque, et couvert d'une riche reliure mosaïque à quatre cou-
leurs, richement gaufrée et dorée, portant en exergue espagnole
le nom de son premier propriétaire : ESTE LIBRO ES DE
MARTIN DE GANTE. Les deux premiers feuillets ont été à demi
déchirés pour faire disparaître la marque armoriée que le car-
dinal de Granvelle faisait apposer sur tous ses livres. Les volu-
— XVII —
mes ayant apparienu au célèbre diplomate et bibliophile sont
rares. Je n'en connais d'autre qu'un petit volume acheté à Be-
sançon par le duc d'Àumale en 1878, et qui repose dans le ca-
binet des livres de Chantilly ; ce sont les Opère di Bierony.
Benivrani comprese nel présente volume, imprimées à Venise en
153*2 et revêtues d'une élégante reliure de peau verte avec filets
et rinceaux Un troisième volume in-folio, qu'on pouvait voir il
y a quelques mois dans la bibliothèque des Capucins de Besan-
çon, très élégamment relié, était une Etucidatio in omnea Paal-
mos.... Parisiia apud Joanem Boigny.., sub santocol. ... si 1540,
La signature A. Perrenot epiacopi atrebatensis ne laissait aucun
doute sur sa provenance ; Vex Ubria ad usum capucinorum
conventus Bisuntini (xviF s.) aucun doute sur l'époque de ce
précieux volume sorti du palais Granvelle. Usera intéressant de
reproduire en autographies ces trois reliures perdues pour nos
collections. Nicolas Perrenot, le chancelier, marquait ses livres
d'un aigle à deux têtes, en sa qualité de secrétaire d'Etat de
l'Empereur. La bibliothèque des Capucins de Besançon possé-
dait à cette marque un Catalogua annorum atque principium
imprimé vers 1540, in-4o orné de figures sur bois. A Vesoul,
on peut feuilleter, en outre, une Hiatoria de gentibua aepten-
trionalibua, Plantin, 1558, in-12, vraisemblablement à Nurem-
berg, un riToXeitatou in-8», imprimé à Paris en 1546 chez Weckel.
Ils portent tous deux la marque à Vaigle du chancelier, elle se-
cond est revêtu de Vex libria manuscrit de Jean Boudieu de Sa-
lins, contemporain du cardinal Au British Muséum, sous le
n« 21,235 des manuscrits additionnels, repose à jamais le livre
d'heures du chancelier dont j'ai récemment photographié,décrit
et publié Icssuperbes miniatures exécutées en Flandre vers 1534.
A côté de lui, divers manuscrits volés naguère par un éruditpeu
délicat que le nom a protégé contre la punition mais non con-
tre la divulgation de ses méfaits. Telles sont les seules épaves
que j'ai retrouvées hors de Besançon dans les principales biblio-
thèques d'Europe ou de Franche-Comté.
M. le secrétaire donne lecture d'une curieuse lettre publiée
à Besançon vers 1730, qui décrit le cérémonial fort piquant de
« réception et d'intronisation du procureur des Etudiants bizon-
tins ». Cette pièce pourra être imprimée dans l'un des pro-
chains volumes des Mémoires.
La séance se termine par la présentation d'un texte épigra-
phique de 1557, qui contient Tacte de naissance de la rue Sainte-
Anne, de Besancon, qui tire son nom d'une chapelle dont on
vient de retrouver et de placer au square archéologique le
titulus que voici :
A. LHONNEUR. DE. DIEV. DE. LA
GLORIEVSE. VIERGE. MARIE. SA. MÈRE
ET. DE. MA. DAME. SAINCTE. ANNE
HOVNORABLE. HOMME. lEHAN.
BLANCHETESTE. ET. REGONDE.
BELVILLAIN. SA. FEMME. CITOYENS
DE. BESANÇON. FV. ÉDIFIÉE. ET.
FONDÉE LA. PNTE. CHAPPELLE
AN. 1557. PRIEZ. POVR. EVLX.
(Dimension i^ de larg. sur 0<»56 de haut.)
Ce Jean Blancheteste était un notable chirurgien de Tépoque.
Après un vote en sa faveur, M. le Président proclame :
Membre correspondant :
M. Roger Roux, juge suppléant à Yesoul.
Le Président, Le Secrétaire,
Ed. Francev. Jules Gauthier.
Séance du W juin 1903.
Présidence de M. Edmond Frangey
Sont présents :
Bureau : MM. Ed. Francey, président ; Thuriet^ vice-prési-
dent ; Gauthier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire; Fau-
quignon, trésorier ; Kirchner, archiviste.
— xtx —
Membres : MM. Bernard, Blondeau, Cellard^ Guilleminy
Lambert, Satfoye, Vemier,
Des remerciements et des excuses seront adressés à la Société
Nenchâteloise des Sciences naturelles, dont le président avait
très gracieusement convié la Société d'Emulation à se faire re-
présenter à sa réunion générale annuelle, tenue aujourd'hui
même aux Brenels.
M. l'avocat général Thuriet, donne lecture d'une notice bio-
graphique du sculpteur Jean Petit, né àBesançon au PalaisGran-
velle, le 3 février 1819, mort à Paris le 6 mai 1903 Ce fils d'ouvrier
dut à un travail persévérant de devenir un praticien des plus dis-
tinguéSy et s'il n'atteignit pas plus haut, comme d'illustres
compatriotes tels que Perraud et Clésinger, desbustestrès res-
semblants, des bas-reliefs pleins de mouvement, enfin la fière
statue (lu cardinal de Granvelle, qui fut son œuvre capitale, et
le dernier effort de son ciseau, assurent à Jean Petit un souvenir
des plus honorables.
La Société décide que le portrait de l'artiste et la statue de
Granvelle illustreront la biographie de Jean Petit, que M. Thu-
riet s'engage à développer un peu {)oiir le volume des Mémoires
de 1903.
M. Gauthier donne lecture d'une étude critique intitulée : Du
degré de confiance que méritent les généalogÎPê historiques: Ce
morceau, lu au nom de la Société d'Emulation au Congrès de
l'Association franc-comtoise tenu à Montbéliard en août 1901,
prendra place dans le volume des Mémoires de 1902 actuelle-
ment sous presse.
M. Victor Guillemin donne communication d'un compte rendu
du volume de poésies portant le titre de : Grayloiseries. offert
à hi Société par un de ses membres, le comte Alfred Marqui-
set. L'humour et le style de ce franc comtois distingué sont mis
pleinement en lumière par le rapporteur, et des remerciements
sont volés à l'un comme à l'antre.
M. Vaissier met sous les yeux de l'assemblée les originaux et
les moulages de deux statères d'or de l'époque gauloise, trou*
vés en Franche-Comté, conservés au petit séminaire de Vaux-
sur- Pollgn y et communiqués par un professeur de cet établis-
sement, M. l^abbé Marant. Le droit des deux monnaies, en
electrum ou or faible, porte plus ou moins défigurée la tête
d*Apollon, empruntée aux monnaies grecques. Le revers est
emprunté aux mêmes types, il porte, conduisant un char, un
guerrier dont Tunique cheval à tète humaine est lancé au galop
enjambant un autre guerrier armé d'une lance et d'un bouclier
étendu sous les roues. Ces deux monnaies, au même type,
constituent deux variantes intéressantes ; l'une d'elles, moins
bien gravée, étant la contre-épreuve retournée, en négatif, de
la première. D'après l'Album des monnaies gauloises publié
par M. de La Tour, ces pièces rares appartiennent à la peu-
plade des Aulerci Cenomanni, c'est-à-dire la région dont Le
Mans fut la capitale.
Le Président, Le Secrétaire,
Ed. Francey. Jules Gauthier
Séance du iS juillet 1903,
Présidence de M. Edmond Francey.
Sont présents :
Bureau: MM. Francey, président; Gauthier, secrétaire;
Vaiêsier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier.
Membres : MM. Bonnet , Nardin, l'abbé A. RosUgnot, //. .9a-
voye.
Après le dépouillement de la correspondance, M. le Prési-
dent se fait l'interprète de la Société pour adresser à M. Bour-
(iin, njédecin-major au bataillon d'artillerie de forteresse, ses
plus chaleureuses félicitations pour la croix de la Légion d'hon-
neur qui lui a été remise à la revue du 14 juillet. Il fait ressor-
tir, avec beaucoup d'à propos, que non seulement M. le docteur
Bourdin est un praticien fort distingué dont on vient de ré-
- XXI —
compenser les mérites, mais de plus un érudit et un chercheur
qui fait honneur à la Franche-Comté et à la Société d'Emula-
tion du Doubs.
Sur la proposition de M. le Président, la Société adresse à
M. le docteur J. Bruchon, qui sort d'une longue maladie, Tex-
pression très vive de la sympathie et de la haute estime d'une
Compagnie dont il fut le président et dont il reste uti des
membres les plus dévoués.
Communication est donnée d'une lettre de M. le Président de
la Société d'Emulation du Jura, annonçant la réunion du Con-
grès de l'Association franc-comtoise à Lons-le-Saunier le 5 août
prochain, et y convoquant tous les membres de la Société d'E-
mulation du Doubs. 11 est décidé qu'on donnera à cette convo-
cation une large publicité, et dès à présent plusieurs adhésions
ou promesses de lectures sont recueillies et envoyées à Lons-
le-Saunier.
Remerciements et excuses sont adressés a la Société d'his-
toire et d'archéologie de Neuchàtel. dont la réunion annuelle,
à laquelle la Société d Emulation était conviée, se tient aujour-
d'hui môme à Landeron.
M. Almand, chef de bataillon du génie, actuellement en con-
gé à Baume, son pays natal, envoie un intéressant travail sur
L'Egypte^ à la Société dont il est dès longtemps le corres-
pondant Adèle ; ce morceau, d'un grand intérêt d'actualité, est
retenu pour la séance publique de décembre. Il en sera donné
lecture par un suppléant si M. le commandant Almand ne peut
se déplacer lui-même à celte date.
M. le Secrétaire communique une série de renseignements
sur un érudit de réelle valeur, Charles Duvernoyy né à Montbé-
liard le l®'' novembre 1774, mort à Besançon le 19 novembre
1850. Ancien juge de paix, bibliothécaire de la ville de Montbé-
liard de 1818 à ia38, il fut employé, de 1826 à son départ de
Montbéliard, au triage et au classement des archives princières
qui dormaient depuis l'annexion de 1793 dans le château de la
maison de Wurtemberg. Mais au contact de ces trésors histo-
L
— XXII —
riques ses goûts de collectionneur s'éveillèrent et sa conscience
ne sut pas résistera des tentations que l'absence de toute sur-
veillance administrative laissa transformer en actes de dilapi-
dation. A côté des collections partagées, par ordre du Minisire
des finances, entre les départements du Doubs et de la Haute-
Saône d'une part, les Archives nationales de l'autre, Duvernoy,
d'une main légère, fit un quatrième lut, et l'on trouve à Stult-
gard, h Neuchàtel, à Moiiti>éliard, à la Bililiothè(iuu dt* !Usi<ii-
<;on et dans mainlus collections [)rivées des épaves de si's lar
cins. Comme autrefois l'abbé Guillaume, comme dans le dernier
siècle les Libri, ri les Chavin de Malans, Duvernoy a été néfaste
dans son passage aux Arr.hivesde Montbéliard, dans ses visites
aux Archives du Doubs ; malgré ses qualités d*érudit, après
de pareils actes, qui laissent peser des doutes sur la loyauté
de ses écrits historicpies, son nom perd Tauréole indispensable
pour donner à sa mémoire l'estime qu'elle eût pu mériter.
M. Nardin confirme par des exemples probants, tirés de ses
recherches et observations personnelles, l'opinion émise sur
Duvernoy, et cite des correspondances échangées entre ce
dernier et son compatriote Fallet, qui très innocemment s'em-
ploya à Paris à écouler des autographes ou des documents dé-
robés à Montbéliard.
M. Gauthier met sous les yeux de ses confrères un objet qui
se rattache à l'histoire franc-comtoise et aux luttes politiques
qu'inaugura à Besançon la nomination du Parlement Maupeou.
Avocats, magistrats évincés, clercs de procureurs se liguèrent
de 1771 à 1774 pjur chansonner les parlementaires qui sié-
geaient à Besançon. L'un de ceux que Ton ménagea le moins
fut le procureur général Claude-Hippolyte Doroz esprit mé-
diocre auquel on prêta desâneries légendaires. Or un sculpteur
très habile, certainement comtois, inspiré par quelqu'un de ces
railleurs du pouvoir qui avaient berné les conseillers nommés
par Maupeou, traduisit d'un burin spirituel sur les deux plats
d'une râpe à tabac taillée dans le buis l'un des couplets consa-
i:rés à Doroz. On y voit, d'un côté, un moulin à vent avec celte
ilevise topique : Quo flavit beneest (pourvu qu'il vienne du vent
m moulin), méchanceté qui englobe à la fois tout le Parle-
— XXIII —
ment complaisant, de l'autre^un magistrat en costume de palais
embrassant un âne, avec cette légende : Similis simili gaudel^
qui n'est qu'une paraphrase résumée des vers suivants :
L'âne voyant Doroz ne se sentit pas d'aise
Le prend au col, le baise
Et lui gratte le dos,
Doioz dit ; Cette béte est un peu familière !
Kxciisez-moi, dit l'animal,
Je lie croyais point Taire iikiI
Ku eiubrnssant mon frère.
Olte rapo à \n\nic de 1771 est un véritabU* docuniunt histo-
rique, mais dans ce petit bijou, exécuté avec entrain et finesse,
le côté artistique dépasse de beaucoup Tinlérêt d'une anecdote
dès longtemps oubliée.
Procédant à ses élections la Société nomme :
Membres réaidants :
M. RocARDET, Jean, Directeur des contributions directes à
Besançon, présenté par MM. Francey et Gauthier.
M. Gazier, Georges, Conservateur de la Bibliothèque publi-
que de Besançon, présenté par MM. Gauthier et Yaissier.
Le Présidenty Le Secrétaire,
Ed Francey. Jules Gauthier.
. Séance du 94 octobre 1903,
Présidence de M. Thuriet, Vice-Président.
Sont présents :
Bureau : MM. Thuriet^ président ; Gauthier, secrétaire ;
Vaissier, vice-secrétaire ; KirchneTy archiviste.
Membres . MM. Berdellé, Cellardy Guitlemin, docteur Ledoux^
Tabbé Bossignot, Rouget, H, Savoye,
— XXÎV -
En l'ahsence de M. Francey, M. Thuriet, vice-président, oc-
cupe le fauteuil de la présidence. Il annonce à la Société les
décès de M. Henri Bruchon, docteur en médecine, el de M. Cos-
son, ancien trésorier général, membres résidants. Il se fait
l'interprète ému des regrets que ces rports causent à la So-
ciété et leur expression en sera transmise aux familles de ces
anciens confrères.
M. le Secrétaire rend compte du quatrième Congrès de TAs-
sociation comtoise, tenu à Lons-le-Saunier le 5 août, avec un
éclat exceptionnel et un progrès évident sur les précédents
Congrès. GrAce au dévoué concours de la Société d'Emulation
du Jura, de son distingué président, M. Mias, de M. Abel Gi-
rardot, conservateur des musées, de M. l'abbé Perrod, de
M. Libois, archiviste départemental, l'organisation ne laissait
rien à désirer. M. le docteur Chapuis, maire de Lons-le-Sau-
nier, avait mis l'Hôtel de Ville à la disposition des congressistes
et siégeait à la place d'honneur à côté de M. Philippe Berger,
de l'Institut, professeur au Collège de France, dont l'amabilité,
le tact parfait, la parole vive et élégante ont fait le succès de
la réunion.
La section d'histoire, présidée par M. Berger, celle des
sciences par M. l'ingénieur en chef Barrand, celle d'archéolo-
gie par M. l'abbé Paul Brune, curé de Mont-sous-Vaudrey, ont
entendu communication de nombreuses lectures apportées par
des membres de toutes nos Sociétés savantes. Le banquet,
préparé à l'hôtel de Genève, a réuni 80 convives, et a été l'oc-
casion de plusieurs toasts prononcés avec autant d'à propos
que d'aimable abandon par MM. Berger, Chapuis, Mias, Gau-
thier. On a bu à l'union toujours plus absolue et plus profitable
de tous les bons vouloirs comtois, mis au service de la petite et
de la grande patrie. Au sortir du banquet, séance publique, puis
inauguration d'une plaque commémorative de la naissance de
Philibert de Chalon, vice-roi de Naples, sur la façade de l'Hôtel
I le Ville, emplacement de l'ancien château des Chalon ; discours
de M. Berger, de M. Uly.sse Robert, promoteur du monument,
rie M. Mias, de M. le Maire de Lons-le-Saunier.
Avant de se séparer, l'Association franc-comtoise a choisi
— XXV —
Besancon comme le lieu du Congrès de 1904, élu M Tavo-
cat général Thuriet président du Congrès, et M. Gazier, con-
servateur de la Bibliothèque de Besancon, secrétaire général.
M « l'abbé Auguste Rossignot lit ime très intéressante biogra-
phie de Vorientaliate Guillaume Pauthier, originaire de Mami-
rolle (1801-1873). Cette étude, faite avec infiniment de précision
et d'esprit, est retenue pour être lue dans la séance publique
de décembre. M. Tabbé Rossignot est prié de rechercher un
portrait de Faut hier, qui prendrait place avec à-propos à côté
du charmant portrait littéraire dû aux recherches et à la plume
de notre distingué confrère.
Sont proposés pour faire partie de la Société, et admis
comme :
Membres correspondants :
M. Prosper Quenot, instituteur à Orchamps-les-Dole (Jura),
présenté par MM. Vaissier et Sire ;
M. le comte Lionel De Moustieb, au château de Bournel, et
à Paris, rue de TAlma, 17, présenté par MM. le marquis de
Moustier et le duc de Marmier.
M. Marcel Perronne, ancien conseiller de Préfecture à Dijon,
présenté par MM. Thuriet et J. Gauthier.
Le Président, Le Secrétaire^
M. Thuriet. Jules Gauthier.
Séance du 24 novembre i903.
Présidence de M. Nargaud, Vice-Président.
Sont présents :
Bureau : MM. le docteur Nargaud, premier vice-président ;
Thuriet, deuxième vice- président; Gauthier, secrétaire; Fau*
qùignoriy trésorier; Kirehner, archiviste.
— XXVI —
Membres : MM. Baudin^ Dodiven^ Bontiet, Ganer, Nardin.
Parizot, Rocardet, l'abbé Rossignol, Scuwye^ Souchon.
Après le dépouillement de la correspondance l'assemblée
décide Tinsertion d'un supplément de la Flora Sequaniœ exsic-
cala de M. Vendrely.
M. le secrétaire lit une notice biographique sur M, Ulysse Ro-
herl, membre honoraire de la Société, décédé subitement à Paiis
le 5 novembre, et fait ressortir les titres du défunt à la recon-
naissance des érudits et au bon souvenir de ses compatriotes.
La Société fixe au jeudi 17 décembre la date de la séance pu-
blique annuelle, et charge son bureau des instructions et des
démarches nécessaires ; elle décide qu'aux trois lectures déjà
retenues : discours présidentiel, biographie de l'orientaliste
Pauthier, par M. l'abbé A. Rossignot ; voyage en Egypte, par
M. le commandant du génie Almand, on joindra une communi-
cation sur la photographie des couleurs (avec projections), qui
sera demandée à M. Maldiney. MM. Fauquignon et H. Savoye
sont priés de s'entendre avec M. Colomat pour le diner intime
du jeudi soir à 7 heures, auquel sera invité M. le docteur Du-
four, de Lausanne, membre honoraire.
M. le secrétaire communique un travail qui ne paraîtra pas
dans les Mémoires^ ayant pour objet : Les Anciens pouillès et la
géographie historique de l'ancien diocèse de Besançon, A côté
des pouillès déjà connus, le plus récent, celui du P. André de
Saint-JNicolas (ou pouillé des Carmes), composé de 17(X) à 1714,
le plus ancien du xiv« siècle, conservé par un collecteur de la
dîme apostolique, et, s'interposant entre eux deux, les pouillès
connus sous le nom de Luxeuil, de Saint-Vincent, de Montbe-
noit. d'après d'anciennes copies déposées dans ces monastères,
il existe certains fragments très précieux, transcrits du \i^ ait
xiv« siècle sur les marges, ou feuillets de gardes, des leclion-
iiaires pontificaux, livres liturgiques divers. Une transcription
de ces fragments a été faite au Klii' siècle dans les manuscrits
711 et 712 de la Bibliothèque de Besançon sans aucune mé-
thode; on n'y a attaché jusqu'ici aucune importance, et ils en
-— XXVII —
ont beaucoup. Qu'on en juge. Le diocèse de Besancon a calqué
ses divisions ecclésiastiques ou décanats sur des divisions ci-
viles remontant à Tépoque romaine, et perpétuées à Tépoque
barbare dans les divisions des pagrt ou comtés mérovingiens
puis carolingiens. Or, un fait inconnu jusqu'ici, c'est que les
chefs-lieux de ces ministet^ia romains, restés ministeria ecclé-
siastiques (c'est-à-dire archidiaconnés ou décanats), se sont dé-
placés aux xp-xii» siècles, voire même peut-être au xiii"^. —
Kxemple : le ministeriutn Faverniacense ou archidiuconiié dr
Faverney avait pour siège primitif la ville romaine dé Corra,
Corre, ministerium corrense; le ministerium luxoviense avait
pour chef-lieu primitif la ville romaine de Portus, Port-sur-
Saône ministerium porteuse ; le ministerium Rubeimontis, ou
archidiaconné de Hougemont, avait pour siège le ministerium
Longœ Villœ, c'est-à-dire la station romaine de Longevelle-sur-
le-Doubs, que certains textes appellent aussi décanat de Blus-
sans, du village qui fait face à Longevelle, sur la rive gauche du
Doubs. Autre chose que nous apprennent nos fragments de
pouillés très anciens et très inconnus, c'est que l'archidiaconné
de Traves, de Treva^ s'appelait aussi au xiP siècle : ministerium
Constantini. Qu'on rapproche ces deux mots et on aura le type
probable : de Treva Constantini, nom que devait porter ce châ-
teau féodal d'une haute antiquité, jalon possible d'une délimi-
tation territoriale établie par Constantin, après ses victoires et
ses trêves avec les Alaynanni.
f.a publication prochaine des pouillés du diocèse de Besançon
marquera une étape et un progrès dans la géographie historique
du diocèse de Besancon et de l'ancienne Séquanie.
M. Gauthier lit une étude archéologique et historique de
VEglise Saint'Maurice de Besançon, reconstruite de 1550 à 1555
aux frais de Nicole Bonvalot, femme du chancelier Nicolas Per-
renot de Granvelle, et de M. et Mme Lulier de Baucourt, par le
maître architecte Richard Maire. Il produit un plan détaillé de
l'édifice copié aux Archives nationales de Paris dans un recueil
compilé par la congrégation de l'Oratoire en 1686, et donne un
grand nombre de détails sur la reconstruction de l'église ac-
tuelle, effectuée de 1706 à 1719 par l'architecte entrepreneur
— xxvni —
Jacques Tripard. Nombre d'artistes ont collaboré au décor des
deux édifices successifs ; ce furent, au xvi« siècle, les sculpteui*s
Jean et Raymond Julyot, les peintres verriers Rately et Triboulel.
au XYinp, le sculpteur Chambert.le peintre Adrien Richard et bien
d'autres encore La monographie de Saint-Maurice de Besançon
■gagnera de nombreux détails à ces nouvelles recherches, iirées
de deux dépôts : les Archives nationales et les Archives du
Doubs.
Sont proposés et admis au titre de :
Membres oorrespondants :
M. René Bouton, juge suppléant au tribunal civil de Baume-
les-Dames, présenté par MM. l'abbé Paul Druot et Vaissier ;
M Victor Maire, capitaine au 22e régiment colonial, sur la
présentation de MM. A. Vaissier et J. Gauthier.
Le Préiident, Le Secrétaire,
D*" Naroaud. Jules Gauthier.
Séance du iô décembre 1903,
Présidence de M. Edmond Francey
Sont présents :
Bureau : MM. Francey ^ président ; !)•• Nargaud premier vice-
président ', Thuriety deuxième vice président; /. Gaut/iier, se-
crétaire ; A. Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier ;
Kirchner, archiviste
Membres : Berdellé, docteur Bourdin, Cellard, Tabbé Paul
Dritot, Gazier, docteur A. Girardot, capitaine Maire, Henry
Michel, le chanoine Rossignot, l'abbé A. Rossignol, De Truchis,
docteur G. Vaissier , Barbey, correspotidaini»
— XXIX —
tes principales autorités de la ville convoquées à la çéance
publique ont adressé ô M le président leurs remerciements ou
leurs excuses ; M. le jjénéral Corbin, gouverneur, assistera à la
séance publique. MM. le Général en chef, TArchevêque, le
Préfet s'y feront représenter par des délégués.
En reniplacement de MM. Jean Petit et Ulysse Robert, mem-
bres honoraires décédés, l'assemblée élit, sur la proposition du
bureau et par acclamation, MM. Just Becquet, sculpteur, et
Ernest Courbet, trésorier de la ville de Paris, que leurs tra-
vaux, l'estime et la sympathie générale dont ils jouissent re-
commandaient en première ligne aux suffrages de leurs conci-
toyens et confrères
M. l'abbé Paul Druot, curé de Voillans, lit une étude accom-
pagnée de plans, croquis et photographies sur le tracé et la
construction de la Voie romaine du Rhin (de Besançon à Man-
deure) à travers les cantonade Baume et de Clerval, de Luxiol
à Rang-lez-l'Isle. Ce travail intéressant, composé à vue du sol
et après divers creusages qui ont donné le profil et la configu-
ration exacte de cette importante voie antique, est retenu pour
les Mémoires,
M. le docteur Albert Girardot consacre à la mémoire de
M. Alexandre Vézian, ancien Doyen de la Faculté des Sciences
de Besancon, ancien Président de la Société d'Emulation du
Doubs, une notice biographique résumant tous les titres du dé-
funt au souvenir reconnaissant des Comtois (1825-1903).
M. Gauthier expose à grands traits l'histoire du bourg de
Marnay i Haute-Saône), tète de pont sur la limite du départe-
ment du Doubs, où durant tout le Moyen-Age et jusqu'à nos
jours se sont accomplis nombre de faits de guerre. En 1240,
Marnay appartenait au chef de la maison Je Chalon, le comte
Etienne, qui l'avait remis en apanage à sa fille Béatrix, mariée
à Simon de Joinville, père du futur historien de Saint Louis, et
qui vint y mourir en 1241. La maison de Joinville y vécut de
1241 à 1350 et prit part à tous les événements politiques de la
région ; en 1354 la maison de Chalon y était rentrée et doima
au bourg de Marnay ses premières franchises.
La Société discute et vote le budget de 1904 présenté pai
M. le trésorier Fauquignon.
Projet de badget pour Tannée 1904.
Recettes.
i. Subvention du département du Doubs .
2. — de la ville de Besançon. . .
3. Cotisations des membres résidants.
4. — — correspondants
5. Droits de diplômes, recettes accidentelles
6. Intérêts du capital en caisse et rentes .
Total. .
300 fr.
400
1.250
500
150
eoo
3.200 fr.
DÉPENSES.
1 . Impressions 2.500 fr
2. Frais de bureau, chauffage, éclairage et aménage-
ments 150
3. Frais de séanco publique 100
4. Traitement et indemnité pour recouvrements ù
l'agent de la Société 200
5. Crédit pour recherches scientifiques 250
Total 3,200 fr.
Les chitTres du budget sont adoptés à l'unanimité.
M. le Président propose à la Société de faire tirer et de dis-
tribuer à tous les membres résidants le plan de Besancon de
1618, dessiné par Jean Maublanc, gravé par le Dijonnais Nico-
las Spirain, dont le cuivre original est conservé au Musée ar-
chéologique ; la dépense sera minime, 10 à 15 centimes par
exemplaire environ. Adopté.
M. Henri Michel, à l'oocasion d'un Menu par lui dessiné pour
le Congrès des vins, tenu récemment au Palais Granvelle par
la Société d'Agriculture du Doubs, fait une communication sur
les vieilles constructions de l'Hôpital du Saint-Esprit de Besan-
— xxxt —
gon et donne d'ingénieuses explications des motifs de décora-
tion du pilier en forme de bâton noueux qui soutient la galerie
de bois d'une cour intérieure. On le prie de réserver pour les
Mémoires une note et un dessin résumant son intéressante
communication.
Procédant à l'élection du Bureau pour l'année 1904, la' So-
ciété nomme :
Président annuel : M. Maurice Thuriet, avocat général,
deuxième vice-président .
Premier vice-président : M. Edmond Francey, a^ocat, pré
sident en exercice.
Deuxième vice-président : M. Parizot, inspecteur honoraire
des Enfants assistés.
Vice-secrétaire : M. Alfred Vaissier, conservateur du Musée
archéologique.
Trésorier : M. Fauquignon, receveur honoraire des Postes
et Télégraphes.
Archivistes: MM. Kirchner et Maldinev.
Le Président, Le Secrétaire,
Ed. Francev. Jules Gauthier
Séance publique du i9 décembre i903.
Présidence de M. Ed. Francev.
Sont préeents :
Bureau : M. Francey, ayant à sa droite M. le général Ck)B-
BiN, gouverneur ; à sa gauche M. Thuriet, deuxième vice-pjré-
sident, M. le lieutenant d'état-major Bouic, représentant M. le
général Decker, M. Jaloustre, chef de cabinet, délégué par
M. le Préfet du Doubs ; MM. Gauthier, secrétaire ; M. Vaissibr,
vice-secrétaire ; M. l'abbé Hossignot, M. le capitaine Victor
Maire, M. Maldinev, archiviste de la Société.
— XXXII —
Dans la salle, remplie par une assistance nombreuse de
dames en élégantes toilettes et d'invités, MM. Barbey, Ber-
DELLÉ Bernard, Bonnet, l'abbé Paul Druot, Gazier. docteur
Ledoux, Dodivers, Parizot, le chanoine Rossignot, Simonin,
docteur G. Vaissier, Cellard et plusieurs autres membres de
la Société
La séance, ouverte à deux heures est close après lecture des
morceaux suivants :
La Société (V Emulation du Doubs en i90f^^ par M. le Président
Ed. Francey.
L'Orientaliste Guillaume Pauthier, de Mamirolle (f801-!8T3),
par M. Tabbé Auguste Rossignot.
Voyage en Egypte, par M. le commandant du génie, M. V.
Almand (lecture faite par M. Victor Maire).
La photographie des couleurs, état présent de la qurstion, par
M. Maldinev (avec projections par M. J. Dodivers).
Le Président j Le Secrétaire,
Ed. Francky. Jules Gauthier.
Séance du i6 Janvier i90i.
Prêsidknce de mm. Maurice Thuriet et Ed. Francey.
Sont présents :
Bureau : MM. Francey, président sortant; Thuriet^ prési-
dent nouveau; Parizot, vice-président; Gauthier, secrétaire;
Vaissier, vice secrétaire ; Fauquignon, trésorier; Kirchner et
Maldiney, archivistes.
Membres : M.Vf Gaston de Beauséjour, Blondeau, Bonnet,
Boname, Cellard, Dodivers, Gazier, /)•• Girardot, V. Maire,
MauvUlier, Montenoise, Nardin, Rouget, chanoine Rossignol,
l'abbé A. Rossignot. Simonin, de Truchis, Vernier.
— XXXIIt — ^
M. le président Francey ouvre la séance et remet le fauteuil
à M. Maurice Thuriet, nouveau président. Celui-ci remercie la
Société d'Emulation de lui confier la direction de ses travaux,
félicite M. Gauthier de son élection de correspondant de l'Insti-
tut et M. Fauquignon de sa nomination d'officier de l'Instruction
publique.
M. lecomtedeTruchis présente, accompagnée de nombreuses
photographies et des plans soigneusement exécutés, la restitu-
tion du Château de Cicon, dont les ruines couvertes de sapins
dominent le second plateau des montagnes du Doubs. Cette
étude, très consciencieuse, est retenue pour les Mémoires.
M. le secrétaire interprète divers documents inédits relatifs
au Château de Belvoir qui fut, de 1636 à 1641, le séjour très fré-
quent et très prolongé du duc Charles de Lorraine et de Béatrix
de Cuisance, en qui s'éteignirent les deux races illustres de
Cuisance et de Vergy. Ces documents donnent la physionomie
exacte du mobilier d'un château qui, sans être une forteresse
redoutable, reste cependant un des rares manoirs de nos mon-
tagnes qui furent indemnes des invasions franco-suédoises.
Le bureau de la Compagnie communique à la Société le règle-
ment en douze articles qu'il a élaboré pour la pension des frères
Grenier dont la constitution a été homologuée par l'autorité pré-
fectorale en 1902, six mois après le décès de son fondateur,
M. Edouard Grenier. Ce règlement, après lecture, est homologué
parla Société; en voici le texte.
Règlement de la pension des frères Grenier
Article premier. — Il est institué sous le titre de Fondation
des frères Grenier une pension triennale qui sera donnée au
concours au jeune franc-comtois né dans un des trois départe-
ments du Doubs, de la Ilaute-Saône ou du Jura qui donnera le
plus d'espérance sérieuse dans la carrière des sciences, des
lettres ou des arts.
Art. 2. — Pour être admis à concourir, les candidats devront
— XXXIV -
avoir 18 ans au moins/23 ans au plus, au l»' janvier de Tannée
du concours, et jouir d'une médiocre rorttine.
Art. 3. — Le concours sera annoncé trois mois d'avance par
des insertions répétées dans les journaux de la province.
Art 4. — Le chiffre de la pension, qui sera payée par tri-
mestre au candidat choisi, sera de 1,800 fr. par an. Si par une
conversion ou autre événement similaire. le chiffre de la rente
était réduit, la pension sera suspendue jusqu*î'i reconstitution
du capital.
Art. 5. Les candidats fourniront comme pièces justifica-
tives de leur demande leur extrait de naissance sur timbre, leur
diplôme de bachelier ès-sciences ou es- lettres ou des certificats
équivalents, soit sur le terrain pédagogique, soit sur le terrain
artistique : certificats de professeur de dessin, peinture ou sculp-
ture chez qui ils auront étudié. En outre ils produiront l'extrait
d'impositions directes de leur père et môre.
Abt. 6. — En dehors de ces certificats, le Jury d'examen aura
le droit de faire comparaître devant lui les candidats pour les
interroger.
Art. 7. — Le Jury une fois constitué par le bureau de la So-
ciété d'Emulation du Doubs: président, vice-président, secré-
taire, vice-secrétaire, trésorier, archivistes et le représentant de
la famille Grenier, accrédité par le testament et, à son défaut,
choisi parmi les parents les plus proches de la ligne paternelle.
Art. 8. — Les membres du jury prendront individuellement
l'engagement d'honneur de ne se décider dans leur choix que
sur les mérites des candidats et sur les dossiers qu'ils présentent.
Art. 9. La décision sera pri.se aux deux tiers des votants et
l'épreuve durera jusqu'à ce que le quantième soit obtenu.
Art. 10. - Le Conseil d'administration de la Société trans-
formé en jury, avec l'adjonction des représentants de la famille
Grenier, aura droit de surveillance et d'exclusion sur le pen-
sionnaire Grenier qui se rendrait indigne par sa conduite, parsa
paresse ou ses manquements professionnels des bienfaits de la
fondation.
Art. m. — En cas de dissolution de la Société, la pension
des frères Grenier subsistera telle qu'elle est constituée, mais
remise des titres alTeclés à sa dotation sera faite aux parents
— xxxv —
ou groupe de parents les plus rapprochés de la ligne paternelle
des héritiers Grenier qui pourvoiront à sa continuation.
Art. 12 — Il est entendu que le Conseil d'administration
tiendra la Société au courant du choix, des travaux et des succès
du titulaire de la pension Grenier.
Ce règlement est ratifié par l'unanimité de la Société.
M. le président fait distribuer aux nombreux assistants les
exemplaires du plan de Besançon en 1618, tirés à leur intention.
Sont proposés et proclamés élus, après un vote en leur faveur,
comme:
Membre résidant :
M. PiDANCET. avocat, présenté par MM. Francey et Nargaud.
Membre correspondant :
M. Lucien Febvre, élève de l'Ecole normale supérieure, pen-
sionnaire de la fondation Thiers, à Paris, présenté par MM. Ver-
nier et Gauthier.
Le Président, Le Secrétaire,
M. Thuriet. Jules Gauthier.
Séance du 10 février Î90^i,
Présidence de M. Maurice Thurikt.
Sont présents :
Bureau: MM. Thuriet, président; Parizot, vice-président-
Vaissier, vice-secrétaire; Kirchner, archiviste
Membres : MM. Bonnet, Bourdin, Boussey, Cellard, Gazmr
Ledoux, Magnin, V. Maire, Nargaud^ Pidanccf.
— XXXVI —
M. le président exprime, au nom de la Société, de sympathie
ques regrets sur la perte d'un de ses plus estimables membres,
du vénérable Chanoine Sachet, décédé après une longue car-
rière, consacrée au bien et au travail littéraire oCi il témoigna
jusqu'à la fin d'une vigoureuse intelligence. A la prochaine
séance, M. l'abbé Auguste Rossignol lira une notice sur la âeet
les œuvres de ce digne prêtre qui, à partir de 1894, a tenu à as-
sister aussi souvent qu'il le pouvait, à nos réunions mensuelles.
M. Ch. Blondeau, utilisant des récits contemporains, en par-
ticulier le journal ou notes manuscrites de l'avocat Grimonl,
reproduit dans leur abondant détail les fêtes populaires qui ac-
compagnèrent la rentrée des membres du Parlement de Franche-
Comté à Besançon après leur exil de 1759. il est intéressant de
faire connaître les particularités locales de ces manifestations
où l'opinion publique ayant pris parti contre le pouvoir royal
applaudissait avec enthousiasme aux courageuses résistances
des parlements. Mais il ne l'est pas moins de remarquer avec
M. Blondeau que ces mêmes parlements, après l'élimination de
ceux de ses membres sur lesquels on avait versé le ridicule, ne
tarda pas à tromper Tattente du vulgaire par son entêtement, et
par l'enregistrement d'édits trois fois repoussés par les rewia-
nants eux-mêmes : i Trente ans après, observe judicieusement
l'auteur, ce même peuple se soulèvera et, d'un seul coup, ren-
versera le trône et les institutions séculaires du royaume. »
Ce travail est retenu pour les mémoires.
Dans une nouvelle le<îture, M. l'abbé Paul Druot reprend, en
la complétant, son intéressante Elude de la voie romaine dans
les cantons de Baume-les-Dames et de Clerval : 1« Détails nou-
veaux sur la composition matérielle et la façon même de cette
remarquable chaussée qu'on peut considérer lîomme une via
calceata puisque la chaux entre pour moitié, avec le sable, dans
le massif des cailloux sur toute l'épaisseur de lu voie ; 2" Réfu-
tation d'une thèse soutenue par M. Stéphen Leroy, tendant à
expliquer l'étrange variante qui existe entre l'itinéraire d'Anlo-
nin et la Tal)le théodosienne au sujet des stations de Lopoaagium
(Luxiol) et de Velatodurum (Voillans) par la reconnaissance
— XXXVII —
d'une deuxième voie qui se dirigeait sur Mandeure en passant
par Vellerot-les-Belvoir, qui serait Velatodurum. Partisan d'une
voie unique passant soit par Luxiol, soit ensuite par Voillans
pour expliquer la variante des documents, notre confrère soup-
çonne une erreur de mensuration ou de copiste dans le chiffre
donné par la Table de Peutinger. M. l'âbbé Druot est invité à
joindre ces intéressants compléments àson précédent travail en
les accompagnant d'une carte sommaire et d'un croquis abso-
lument typique, d'une coupe de la chaussée prise sur le terri-
toire de Voillans.
Sont présentés et admis comme :
Membre résidant :
M. Alfred Grenier, inspecteur des forêts à Besançon, pré-
senté par MM. Thuriet et Jules Gauthier.
Membre correspondant :
M. Jourdain, président du tribunal de Belfort, présenté par
MM. Thuriet et Nargaud.
Le Président, Le Vice-Secrétaire,
M. Thuriet. Vaissier.
Séance du 26 mars W04.
Présidence de M. Parizot, vice-président.
Sont présents :
Bureau : MM. Parizot. président; Gauthier, secrétaire ; A.
Vaissier, vice- sec ré taire; Kirchner archiviste.
Membres : MM. Gaston de Beauséjour, Boname, Bonnet, Bour-
din, Bousseij, A. Boysson d* Ecole, Chapoy, Gazier, A. Girardot,
— XXXVIII —
Montenoise, Nardin, Nargaud, chanoine Rofsignot, Tabbé A.
Rossignot.
M. le président dépose sur le bureau un volume intitulé : Jé-
rusalem, spirituelle relation d*un pèlerinage exécuté en 1893 par
M. l'abbé F. X. Perrot, curé de Mandeure, un des correspondants
de la Société. Est joint au môme envoi, une brochure du môme
auteur, parue celte année sous uc litre : Mon riï/aj/c, étude sur
les causes de la dépopulation des campagnes. Des remercie-
ments seront adressés à Tauleur ainsi qu*à M Alfred Marquiset
qui a fait l'envoi d'une brochure intitulée : Mon premier livre.
La Société a regu le rapport général sur l'Exposition univer-
selle de 1900, par M. A. Picard, commissaire général, envoyé
par le Ministère du commerce. Cette superbe publication en huit
volumes, illustrés de nombreuses phototypies, est un véritable
monument élevé à la science et à l'art contemporains.
M. Gazier communique une étude originale sur celte double
question intéressant la biographie franc-conïtoise : Où sont nés
à Besançon les deux économistes et philosophes célèbres P. Four-
rier et P.-J. Proudhon. Pour le premier, la démonstration est
faite: une maison formant l'angle sud delà ruelle Baron sur la
Grande-Rue est le berceau avéré de l'inventeur de la phalange;
une gravure parue dans un almanach de 1848 a, de son vivant
môme et sous ses yeux, reproduit la maison duxvP siècle où il
naquit et qui disparut pour faire place h la rue Moncey. Quant
à Proudhon, que certains faisaient naître, qui à Burgille-les-
Marnay, qui à la Mouillère, il est né tout simplement rue du
Petit-Hattant (ancien numéro 930, aujourd'hui 37, dans une mai-
sonnette achetée par l'ouvrier tonnelier, père du philosophe,
peu de mois avant son mariage. Après avoir restitué au Pelil-
Battant sa principale gloire, M. Gazier fait justice de l'erreur
d'un contemporain qui prétendait que Proudhon fut enfant na-
turel, alors que son extrait de naissance prouve sans conteste
possible sa parfaite légitimité. Ce travail très consciencieux et
très concluant est retenu pour les mémoires.
— XXXIX —
M. l'abbé Auguste Rossignol donne lecture d'une biographie
très complète de M. le chanoine Jean-Marie Suchet^ décédé le
il février dernier, et Tait revivre, en quelques pages finement
touchées, la spirituelle physionomie d'un érudit, d'un homme
de bien qu'entouraient l'estime et la sympathie générale. Né à
Pesnies en 1817, tour à tour professeur à Marnay, vicaire à Pon-
larlier, curé à Amblans, professeur au collège Saint-François-
Xiivier, de 1850 à 1863, supérieur du séminaire d'Ornans, de 1863
à 1873, curé de Saint-Jean de Besançon, de 1873 à 1890, M. Suchet
s'était retiré dans sa stalle de chanoine titulaire, non pour se
reposer, mais pour consacrer aux bonnes œuvres et aux lettres
les (fuinze dernières années d'une vie vouée tout entière au de-
voir et au labeur. L'étude de M. llossignot prendra place avec
une bibliographie détaillée de M. Suchet dans un des plus pro-
chains volumes des Mémoires.
M. le secrétaire, sous ce litre : cinq tableaux franc-comtois
du Musée de Dijon, décrit quatre jolis tableautins de Gaspard
Greseli (1720-1756) représentant les scènes enfantines que tra-
duisait si bien son pinceau. Ces tableaux dont les litres pourraient
être ainsi définis : VEducation, la Tentation, le Marchand de
denttlles, \eNid de perdreaux, sont exquis de coloris et de com-
position. Un cinquième tableau: Le sihge de Besançon en i674,
par Van der Meulen, est la grande toile officielle représentant
l'armée de Louis XIV canonnant, avant l'assaut, le corps de
place tel qu'on le voit dans la gravure célèbre de Baudoin.
MM. Gauthier et Vaissier font passer sous les yeux de la So-
ciété les planches photolypiques reproduisant les pièces d'hon-
neur des co-gouverneurs de Besançon au xvi« et xvii« siècles;
ces planches et le travail qu'elles escortent prendront place
dans les publications de la Société.
Le Président, Le Secrétaire,
A. Parizot. Jules Gauthieb
— XL — -
Séance du 14 mai i904
Présidence de M. Maurice Thuriet.
Sont présents
Bureau : MM. Thuriet, président ; Vaissier, vice-président •
Kirchner^ archiviste.
Membres : MM. Berdellé, Bernard, Cellard, V. Guillemin, Ga-
zier, A. Girardot^ Magniriy Nardin.
M. Vaissier annonce la récente découverte de vestiges de
répoque gallo-romaine dans un jardin avoisinant la promenade
des Glacis d'Arènes. C'est d'abord une sorte de caveau en pierre
de vergenne soigneusement construit en deux assises et dont
la couverture avait été dès longtemps brisée et écartée. Des os-
sements trouvés au fond sont ceux d'un gros animal, dépôt
vraisemblablement très postérieur à la construction, fondée sur
un banc de roche parfaitement nivelé sur une grande étendue
(banc du bathonien supérieur, selon M. A. Girardot). A côté de
cette logette était enfoui, la tète en bas. le très haut relief d*un
personnage jeune et portant des fruits dans le pan de son man-
teau. Cette figure d'assez bonne conservation est un Priape des
Jardins, Un enfant nu est à ses pieds. Sur la proposition de M.
le président, une photogravure de cette figure mythologique ori-
ginale et de bonne facture pourra accompagner utilement la no-
tice de M. Vaissier dans le volume des Mémoires.
M. le D"" Ant. Magnin fait ensuite une intéressante conférence
sur les Rouilles des Céréales dont il a bien voulu rédiger ce
compte-rendu sommaire :
« Après avoir analysé les recherches de M. Erickson sur la
multiplicité des rouilles et la possibilité de leur transmission et
de leur propagation par d'autres moyens que les. spores et les
écidiesdes Epines vinettes, Boraginées et Nerprums, M. Magnin
— XLt -
rappelle les observations de 1869, ses communications antérieu-
res faites à la Société de botanique de Lyon (1873-1885), à l'As-
sociation française pour l'avancement des sciences (1883), et
notamment à la Société d'Emulation du Doubs en 1888. M. Ma-
gnin concluait à cette époque que: 1° on s'exagérait le rôle
nuisible attribué au voisinage immédiat des Berberis dans la
production et la propagation des rouilles; 2» on s'illusionnait
sur les résultats qu'on obtiendrait en prescrivant la destruction
des Berberis, même dans des régions étendues; 3<» qu'il fallait
se préoccuper surtout de l'état de réceptivité de la plante tenant
à diverses causes, conditions de climat, de sol, de culture, ap-
titudes de certaines races, etc.
» Ces conditions données, il y a plus de trente ans, dans ses
premières communications, il y a plus de quinze ans, pour les
autres, sont entièrement confirmées parles observations récen-
tes des agronomes. M. Prunet, pour les environs de Toulouse
(1902), M. Mareschall pour la Belgique (1903), par exemple, arri-
vent aux mêmes conclusions : influence très faible ou nulle du
voisinage des Berberis, nécessité de se préoccuper plutôt des
conditions culturales des races réfractaires, etc.
» M. Magiiin termine par des considérations sur la récephuifé,
la prédisposition et V immunité chez l'homme, les animaux et les
plantes et conclut qu'un des rôl^s les plus utiles des Insiituts
botaniques doit être de rechercher et de créer au besoin par les
procédés aujourd'hui bien connus de la sélection et de l'hybri-
dation des races locales, adaptées étroitement aux conditions du
climat et au sol delà contrée, et résistant aux diverses maladies,
aux divers parasites qui peuvent les atteindre. M. Magnin de-
mande enfin qu'on l'aide à faire une enquête sur les diverses
espèces de rouilles et les dégâts qu'elles causent dans le dépar-
tement du Doubs. »
Il est à souhaiter que la Société d'agriculture s'empresse de
répondre au désir formulé par M. Magnin. Les applaudissements
qui accueillent sa savante communication justifient sa prochaine
publication dans les Mémoires.
A l'issue de la séance, M. Vaissier invite les membres présents
— XLII —
à se rendre au Musée pour examiner la sculpture gaUo-romaine
dont il vient de parler.
Le Président, Le Secrétaire,
M. Thuriet. Vaissier.
Séance du 25 juin 1904.
Présidence de M. Maurice Thuriet.
Sont présents ;
Bureau : MM. Thuriet, président ; Vaissier, vice-secrétaire ;
Maldiney, archiviste.
Membres: MM. Boussey, Cellard. Gazier, Nardin, Tabbé Ros-
signol, H. Savoye.
M le président annonce que M. J.edoux prépare pour une
prochaine séance une notice sur M. le D"" J. Bruchon, un de nos
membres les plus distingués et ancien président, décédé le
2 avril dernier
M. le Dr Ant. Magnin, craignant de ne pouvoir assistera la
présente séance, nous fait part de son intention de se rendre à
Paris pour la fête jubilaire que tiendra prochainement la Société
de botanique de France. Si la Société d'Emulation lui en ex-
prime le désir, il la représentera volontiers comme son délégué
dans cette réunion générale. Cette proposition est accueillie
avec reconnaissance.
L'ordre du jour appelle une délibération sur l'organisation du
\^ congrès de l'Association franc-comtoise à Besançon qui doit
se tenir, d'après ce qui a été décidé l'année dernière, dans la
première semaine du mois d'août. Il est admis que l'ouverture
du Congrès aura lieu le lundi l^'août. Sur les observations de M-
— XLIU —
Cellaril sur les iiicoiivénienls qui résuileraient de la limilalion
de la session à une seule journée, on décide que la veille et le
surlendemain il sera possible aux étrangers qui le désireraient
de prolonger utilement leur séjour. Suivant les usages précé-
dents, les séances générales ou des trois sections d'histoire,
d'archéologie et des sciences se tiendront dans le même local,
soit le palais Granvelle, et le banquet chez un restaurant.
Pour l'organisation des détails, une commission composée du
bureau, auquel s'adjoindront MM. Gazier, secrétaire général da
Congrès, D"" Ledoux, Cellard et Savoye, avisera dès maintenant
aux mesures à prendre et à préparer les éléments d'une délibé-
ration à une séance spéciale le samedi 9 juillet à 5 heures du
soir dans la salle de la Société.
M. le président lit un extrait relatif à la période du siège de
Besançon par Louis XIV, en 1674, tiré d'une publication auto-
graphiée par M. le capitaine Jeanneney, étude résumant l'histoire
militaire de la place, au point de vue stratégique, des deux con-
quêtes, du blocus (le 1815 et de la guerre de 1870-1871 aux en-
virons de Besançon.
Sur la demande de la Société historique et biologique de Saint-
Malo, l'échange des publications annuelles est consenti avec
cette compagnie.
Est présenté et admis comme :
Membre résidant :
M. Eugène Charmoillaux, étudiant à la Faculté de Bcs:mçon,
présenté par MM. Boussey et Gazier.
Le Président^ Le Secrétaire ^
M. Thuriet. - Vaissier.
— XLIV —
Séance du 9 juillet t904.
Présidence de M. le vice- président Parizot.
Sont présents :
Bureau: MM. Parizot, président; Gauthier, secrétaire;
Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquignon, trésorier.
Membres : MM. Cellard, Charmoillaux, Dr LedouXy Vabbè
Rosaignotf Savoye.
Après le dépouillement de la correspondance, lettre d'excuses
de MM. Thuriet, M. le secrétaire donne communication de di-
vers documents relatifs au congrès de l'Association franc-com-
toise du l*»" août prochain. Et d'abord la lettre circulaire en-
voyée aux présidents des diverses sociétés f ranc- comte ises ;
ensuite la convocation aux membres des diverses sociétés ; en-
fin une lettre- rapport de M. Gazier, secrétaire général du con-
grès, sur l'ensemble des mesures déjà prises et sur les diverses
questions de détail à régler d'urgence. Ces divers points font
l'objet de délibérations successives qui seront communiquées
par M. le président du Congrès de 1904 à la Commission spé-
ciale qui sera très prochainement convoquée.
1 ' Emplacement des séances du Congrès. — La Société estime
que les séances générales et de sections seront tenues au Pa-
lais Granvelle; celles de l'archéologie dans la salle de la So-
ciété d'Emulation, celles des sciences dans la salle de l'Aca-
démie ; la grande salle du Palais serait attribuée à la section
d'histoire ainsi qu'aux réunions plénières du matin et du soir.
2° Banquet. — Pour deux raisons, proximité du Palais Gran-
velle et tradition constante, la Société souhaite que le banquet
(midi), se tienne salle Colomat, aux Grands Carmes.
S» Durée du congrès. — Une journée, conformément à la tra-
— XLV —
dilion, sauf h organiser une excursion à courte distance, pour
le lendemain, comme en décidera la Commission.
40 Invitations. — Les invitations au banquet seront limitées :
au maire de la ville, auquel revient de droit la place d'honneur
en face du président ; aux membres d'honneur de la Société :
premier président, archevêque, procureur général, général
commandant le corps d'armée, préfet du Doubs, recteur et ins-
pecteur d'académie.
5« Horaire, — La Société est d'avis que l'heure d'ouverture
du Congrès soit lixée à 9 heures du matin.
Sur la proposition de MM. Parizot et Gauthier, un crédit de
200 francs est mis à la disposition du Congrès pour frais géné-
raux.
M. le trésorier avisera aux démarches à faire pour le meilleur
emploi de cette somme en tenant compte des invités etc.; le
prix à débattre avec le restaurant Colomat oscillerait de 6 fr. à
6fr. 50.
Une sou.s-commission de trois membres : MM. Vaissier, Sa-
voye et Cellard, est chargée d'aviser à la confection d'un menu
artistique qui serait confié à l'imprimeur de la Société.
M. le secrétaire fait une brève communication sur une En-
seigne révolutionnaire bisontine qui dut figurer dans les fêtes
de l'Etre suprême, de la déesse Raison et dans les cortèges of-
flciels du département du Doubs, sous la Première République.
Cette enseigne se compose, comme morceau essentiel, d'un
bonnet phrygien rouge avec cocarde tricolore, de grande dimen-
sion, soutenu d'une hallebarde argentée qui s'emmanchait dans
un grand bâton. Emportée de la préfecture du Doubs en 1848,
parle préfet James de Mentry, cette pièce intéressante, échouée
à Nuits-Saint-Georges (Côte-d'Or), sera rapatriée par les soins
de MM. Vaissier et Gauthier, pour prendre place au Musée ar-
chéologique, à côté du relief de la Bastille.
— XLVT —
Est proposé et admis en qualité de :
Membre résideiit :
M. J£ANXENEY, Capitaine au Gtk de ligne, présenté par MM.
Tauriel et Clavey.
Le PrèsidaU, Le Secrétaire,
Ad. Parizot. Jules Gauthier
t>éanee du i9 novembre 1904.
Présidence de M. Maurice Thuriet.
Sont présents :
Bureau: MM. Thuriet, président; Parizot, vice - président ;
Gauthier, secrétaire; Vaissier, vice-secrétaire ; Fauquigfion,
trésorier; Kirchner, areliiviste.
Membres : MM. Berdettè^ Blondeau, Bonnet, Celtard, Gazier,
Guiflemin docteur Ledoux, H. Mairot, Nargaud, Pingaud, lio-
cardey, docteur Roland, abbé Rossignot, Rouget, docteur G.
Vaissier.
M. le président rend compte du Y« congrès de T Association
franc-comtoise qui s*est tenu à Besançon au commencement du
mois d'août, selon ce qui avait été décidé à la session dernière
à Lons-le-Saunier en 1903.
La Commission nommée au mois de juillet pour préparer la ré-
ception desdélégués des sociétés du dehors et obtenir les locaux
pour les séances, de tracer un programme pour la visite des
monuments et des musées, enfin d'arrêter le menu du banquet
a rempli son mandat pour l'exécution duquel le bureau avait
été invité à s'adjoindre MM. Savoye, Cellard. et D' Ledoux. Le
Congrès s'est tenu le lundi, l*'août, à 9 heures du matin dans
— XLvn -r
la grande salle du palais Granvelle. Il était composé d'une
soixantaine de personnes. Quatre sociétés savantes de la pro-
vince y était représentées.
Les congressistes se sont groupés en trois sections : histoire,
archéologie, sciences. Un compte-rendu détaillé sera publié
dans le prochain volume des mémoires. A 11 h. 1/2, séance plé-
nière où Ton a discuté les vœux qui avaient été émis dans les
sections. Parmi ces vœux, il a é(é décidé qu'une Biographie
comtoise, sorte de dictionnaire historique contenant des notices
sur la vie et les œuvres de tous les personnages un peu mar-
quants dans les lettres, les sciences ou les fonctions publiques,
serait dressée en collaboration par toutes les Sociétés savantes
de la région de Franche-Comté et que toutes les notices seraient
centralisées à la Société d'Emulation du Doubs. Un autre vœu a
été approuvé, à savoir qu'il serait créé à la Bibliothèque de la
ville, un dépôt de toutes les photographies intéressant la
Franche-Comté, personnages, monuments, paysages.
A midi 1/2, banquet salle Colomat; les toasts ont été portés
par le président de la Société d'Emulation, par M. Perreau, ad-
joint, remplaçant le maire de la ville, par M. Trigant-Geneste.
remplaçant le préfet, par M. Roux, président de la Société d'E-
mulation de Montbéliard, par M. le docteur Marceau, président
de la Société d'histoire naturelle et par M. Vieille, président de la
Société des architectes du Doubs. La séance publique a eu lieu
à 3 heures de l'après-midi, dans la salle Granvelle. Outre le dis-
cours du président, il y a eu cinq lectures : de M. Gh. Beauquier,
sur les Conventionnels du Doubs; de M. Gazier, une analyse et
des fragments d'une œuvre inédite de Charles Nodier ; de M.
Faivret, de Dole : César à Vesonlio ; de M. Ch. Sandoz. sur la
conservation du monument de l'hôtel de ville de Besançon ; enfin
de M. Gaiffe, professeur au Lycée, sur Arnould Mussot, auteur
dramatique bisontin au xviif siècle.
Aprè*^ ce rapide exposé du Congrès de Besançon en 1904, M.
le président fait connaître que le siège du Congrès de 1905 sera
Belfort, et que le président élu pour cette réunion est M. Phi-
lippe Berger, sénateur, membre de l'Institut, professeur au col-
lège de France, président de la Société bellbrtaine d'Emulation.
— XLVII! —
M. le docteur Ledoux lit une Notice sur M, le Docteur J. Bru-
chon, ancien président de la Société, et fait revivre en termes
émus et d'une façon très précise une figure sympathique à tous
les bisontins. Le parfait homme de bien qui fut notre président
s'était signalé par son zèle éclairé et persévérant dans l'exer-
cice de son art et par son excellent enseignement de professeur
à l'Ecole de médecine. Esprit très ouvert sur toutes les ques-
tions sociales, littéraires et artistiques de son temps, M. J. Bru-
chon fut sincèrement attaché à la Société d'Emulation et sut lui
prodiguer, en maintes circonstances, son entier dévouement. I*a
Société reconnaissante, encore émue des grandes douleurs qui
affligèrent les dernières années de son ancien président, décide,
sur la proposition de M Jules Gauthier, qu'un portrait de
M. Bruchon sera placé en tête du travail de M le docteur Lp-
doux
M. Gazier, bibliothécaire de la ville, donne lecture d'une inté-
ressante étude sur les Evêques constitutionnels du Douhs, en
utilisant des documents inédits provenant de la correspondance
de l'abbé Grégoire, que le père de l'auteur, M. Gazier, secré-
taire du Comité des travaux historiques, a eu la bonne fortune
de recueillir. Ce travail fort suggestif qui comprend de nom-
breuses lettres de Seguin, de Demandre, de Moyse, de Roy et
de beaucoup d'autres prêtres ou évoques constitutionnels, pré-
sente sous un jour nouveau, môme après l'ouvrage magistral
de M. Sauzay, la figure des évoques de notre département pen-
dant la période révolutionnaire, et nous fî^it connaître les négo-
ciations auxquelles leur élection adonné lieu. La Société ap-
prouve avec empressement la publication de celte contribution
à notre histoire locale.
M. le Président fait la communication suivante :
« Depuis notre dernière réunion, la Société d'Emulation a eu
» la douleur de perdre trois de ses membres les plus estimés.
» M. Henri Coulon n'était pas seulement le doyen des avocats
» du barreau de Besançon, c'était encore le doyen de notre so-
» ciétéà laquelle il appartenait depuis 1850. Très afTable et très
i serviable, M. Coulon ne coniplail que des sympathies parmi
— xux —
» nous. Bien que son activité fut absorbée par les affaires du
* palais, il assistait fréquemment à nos séances et venait tou-
» jours s'associer à nos banquets.
• M. le comte Edouard Mareschal de Vezet était des nôtres
» depuis 1859. C'était le digne représentant d'une honorable et
» vieille famille bisontine.
» Nous avons encore à déplorer la perte d'un collègue plus
» jeune : M. Léon Béjanin, mort avant l'âge, miné par le chagrin
» que lui causa la perte d'une fille chérie. M. Béjanin consacrait
f ses loisirs à la peinture et spécialement au paysage. Il était
» depuis plusieurs mois président de la Société des Amis des
» Beaux-Arts. Nous envoyons aux familles de nos collègues dé-
) funts l'expression de nos vives doléances. »
M. le Président donne lecture d'une demande de modification
aux statuts déposée par MM. Bonnet, Ledoux et Nargaud, an-
ciens présidents. Cette demande est renvoyée k une commission
spéciale composée de MM. H. Mairot, Blondeau et Gazier.
M. Kirchner est chargé de faire un rapport sur le volume : Sur
la Végétation des lacs du Jura, ofTerl par M. Magnin, professeur
à la Faculté des sciences.
L'ouvrage intitulé : Armand Marquiset : Histoire de ma vip,
offert par M. le comte Alfred Marquiset, sera présenté à M. le
docteur Baudin, pour lui demander un compte-rendu ou notice
bibliographique.
Sont proposés, puis élus et proclamés :
Membres résidants :
M. Adrien Lecl erg, conseiller à la cour d'appel de Besançon,
présenté par MM. M. Thuriet et Clavey.
M. Gaiffe, professeur au Lycée Victor Hugo, présenté par
MM. Gazier et Ledoux.
Le Préaident, Le Secrétaire^
M. Thuriet. A. Vaissier.
D
— L —
i>t'nnce iiu il décembre iiM)i,
PRt^^iDENci^ d:4 m. Maurick Thuriet.
Sont présents :
Bureau: MM. Thuriet^ président; Parizot, vice-président ;
Vaissier^ vice-secrélaire : Fauquignon^ trésorier; Kirchner^ vu-
chiviste.
Memrres : MM. Berdf*lté, Biond^^au. Bonnet, Bonrdin, Cet-
lardy GazUr, D' Ledottx^ Piiigaad. abl)é Rosaignot, Savoye^ De
Truchis.
M. le président Thuriet donne communication de la première
partie d*une Etude sur les Discours de rentrée, spécialement sur
cetix qui ont été prononcés devant le Parlement de Francbe-
Comté et devant la cour d*appel de Besançon. Une récente dé-
cision des pouvoirs publics a mis fin à Tusage fort ancien qtii
consistait à ouvrir l'année judiciaire par un discours d*apparat.
Après avoir établi Torigine de cette tradition qui disparait,
M. Thuriet en a signalé les principales manifestations dans
l'histoire du Parlement de notre province. Il a cité notamment
les discours prononcés en 1775, lors de la réinstallation de Tan-
cienne magistrature, après la chute de Meaupou. Il a fait en-
suite la revue rétrospective des discours prononcés depuis l'ins-
titution de la Cour d'appel de Besançon jusqu'en 1902, en si-
gnalant plus particulièrement ceux dont le sujet a trait à l'his-
toire locale ou à des personnages comtois.
M. Vaissier, saisissant l'occasion de la trouvaille récente de la
sculpture gallo-romaine de Champforgeron représentant un
Priape jeune, dieu des jardins, en fait le sujet d'un rapproche-
ment avec une des plus précieuses acquisitions du musée d'ar-
chéologie, à savoir le vase en verre violet, décoré de figures en
émail blanc ciselé comme un camée Là, c'est le Priape barbu,
aux oreilles pointues personnifiant la fécondité qu'on pourrait
— LI —
appeler animale, tandis que le tmut relief de Champforgeron
personnifie plutôt la fécondité végétale. Castan qui, il y a 20
ans, n*a pas essayé de pénétrer le sens allégorique probable de
la décoration du vase, en a toutefois ^onné tine très bonne des-
cription. L'intérêt d'une cérémonie priapicjue figurée, peut-être
unif|ue dans son espèce, mérite d'être remémoré et d'être pro-
posé à l'étude des archéologues les plus compétents ; aussi est-
ce dans celte vue que M. Vaissier, répondant à la demande de
M. Furtwengler, l'éminent directeur de la Glyptothèque de Mu-
nich, lui a adressé trois photographies des dilTérentes faces de
l'œnochoê priapique, documents plus sûrs et plus complets que
la simple esquisse du développement de la scène, publiée en
1876, dans nos mémoires.
M. Magnin présente les premières pages d'un Conspectus fa-
milianum regni vegetabilis, envoyé par notre confrère, M. Ven-
drely, et donne des explications sur le plan suivi par Tauteur de
cette nouvelle classification du règne végétal. Considérant l'im-
portance à attribuer aux caractères gradatifset évolutifs, M. Ma-
gnin fait cependant des réserves sur les principes qui paraissent
avoir guidé M. Vcndrely dans l'établissement des grandes divi-
sions de sa classification ; il pense, avec la grande majorité, si-
non la totalité des botanistes actuels, qu'on ne peut plus main-
tenir aujourd'hui les polypôtales superovariés en tête de la série
descendante des familles; leur infériorité comparée aux gamo-
pétales est démontrée par de nombreuses raisons d'ordres di-
vers, tirées de l'organographie, du développement,desloisde la
taxinomie, de la paléontologie etc ivoir Heckel, Rev. se. 1886,
p. 337; de Saporta, Guillaud, rev. se. 1880, p. 536; A. Magnin,
végét. du Lyonnais, 1886, p. 696, 497 etc.).
M. Henri Mairot fait connaître les conclusions de la Commis-
sion nommée à hi séance précédente pour examiner une ques-
tion de modification au Uèglement, proposée par MM. Honnel,
I)»^» Ledoux et Nargaud. A l'unanimité, la Commission a estimé
que cette proposition méritait d'être prise en considération, que
les conditions de l'adjonction des anciens présidents au bureau
delà Société pour la solution de certaines questions intéressant
— LU —
sérieusement l'avenir de la Société, adjonction qui a déjà lieu
dans la pratique, devaient être fixées d'une façon précise. Elle
a pensé toutefois qu'il n'était pas nécessaire pour cela de de-
mander une révision des statuts de la Société approuvés par le
Conseil d'Etat, et qu'une mention au procès-verbal des séances
suffirait pour engager à ce sujet les membres de la Société.
M. Bonnet, en opposition avec ces conclusions, croit nécessaire
une modification des statuts eux-mêmes, et désireux d'obtenir
des renseignements complémentaires, demande à la Société
d'ajourner à une prochaine séance sa décision sur cette ques-
tion. La Société faisant droit à sa requête, ajourne le vote sur
la proposition de modification au règlement présentée par MM.
Bonnet, Ledoux etNargaud.
Après un rapport verbal de M. le trésorier Fauquignon sur
l'état financier de la Société, il est décidé que le budget pour
l'année 1905 sera le môme que celui de l'année 1904.
Aux regrets exprimés à la dernière séance sur la perle de
plusieurs membres décédés récemment, M. le président rappelle
qu'il faut joindre ceux à la mémoire de M. Jules Larmet, ancien
adjoint au maire et membre de la Société depuis vingt ans.
M. l'abbé Hossignot qui avait été prié d'examiner l'ouvrage
ofi^ertà la Société, intitulé: N,D, de Gray depuis i620 et publié
par M. le chanoine Louvot d'après les manuscrits de l'auteur, le
chanoine Villerey, ancien curé de Gray, signale l'intérêt de cette
publication en raison de l'importance historique du pèlerinage
célèbre en l'honneur d'une image vénérée à l'époque des pestes
du xvii" siècle.
L'ordre du jour appelant l'élection du bureau pour l'année 19(fô,
la Société procède à cette nomination par acclamation.
M. Jules Gauthier, notre secrétaire décennal, appelé aux
fonctions d'archiviste de la Côte-d'Or, ayant quitté Besancon,
est d'abord nommé parla Société secrétaire décennal honoraire.
LUI
Bureau pour Tannëe 1905.
Président annuel : M. Adolphe Parizot, inspecteur hono-
raire des Enfants assistés.
Premier vice-prMdent : M. Maurice Thuriet, avocat général.
Deuxième vice- président : M. le D" Ant. Magnin. doyen de la
Faculté des Sciences.
Secrétaire décennal : M. Georges Gazikr, conservateur de la
Bibliothèque de la Ville.
Vice-secrélaire : M. Alfivd Vaissier, conservateur du Musée
archéologique.
Trésorier : M. Fauquignon, receveur honoraire des Postes
et Télégraphes.
Archivistes : MM. Kirchner et Maldinev.
— LIV —
RAPPORT
SUR L'OUVRAGE DE M. le D^ ANT. MAGNIN
LA VÉGÉTATION DES LACS DU JURA
Le gros volume, que le D' Magnin vient d'offrir à la So-
ciété d'Emulation, est le premier ouvrage d'ensemble qui ait
été publié sur les lacs du Jura au point de vue botanique.
Fruit de nombreuses excursions, de sondages parfois pé-
nibles et laborieux, de longues et minutieuses études, il com-
prend deux parties distinctes.
Dans la première, Fauteur a exposé en détail la flore de
74 lacs jurassiens, depuis les bassins rocheux du Doubs aux
Brenets jusqu'au lac du Bourgeten Savoie, avec des plans et
des schémas indiquant la topographie de tous ces lacs, ainsi
que leurs diverses zones de végétation : (phragmitaie, nu-
pharaie, potamaie, charaçaie. Cette partie sera très utile à
consulter à l'avenir.)
Dans la seconde partie, plus générale et plus philosophi-
que, il étudie les ressemblances et les différences qui carac-
térisent la végétation de chacun de ces lacs, et il en recher-
che les causes. On y trouve une intéressante comparaison
de la flore lacustre du Jura avec celle des régions voisines,
Vosges, Alpes, Plateau central, et même Pyrénées. Le cha-
pitre qui suit a des remarques générales sur le milieu aqua-
tique et le milieu lacustre Cette seconde partie est aussi re-
marquable au point de vue de la synthèse que la première
Test au point de vue de l'analyse.
Le volume se termine par des considérations fort curieuses
sur révolution des lacs, dont la durée serait limitée, et qui,
k
~ LV —
passant par différents stades, seraient successivement des
lacs à talus et à eau profonde, des lacs à beine et à mont,
pour finir par ne plus être que des étangs ou des marécages.
Tel est, brièvement résumé, le contenu de cet important
ouvrage, qui a reçu un accueil chaleureux et enthousiaste
parmi les sommités du monde savant. M. le professeur Ma-
gnin y a consacré 10 années d'études et de patientes recher-
ches (de 1890 à 1900). Mais le sujet est si vaste que, malgré
toutes ses peines et ses efforts, il n'est pas épuisé ; il reste
en effet à étudier les microphytes, le plancton végétal, la zone
profonde des cladophores. M. Magnin nous promet un second
volume qui traitera de ces matières. Nous souhaitons que le
temps et la santé lui permettent de mener à bonne fin cette
entreprise.
Ajoutons enfin que la partie bibliographique a été Tobjet
de soins particuliers et que l'ouvrage est orné de nombreuses
photogravures, dont plusieurs très bien réussies.
Besançon, 30 novembre 1904.
A. K
MÉMOIRES
LA
SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS
EN 1908
Discours d'oiifertore de la séance pobliqoe do jeudi 17 décembre
Par M. Edmond FRANGG7
PRÉSIDENT ANNUBL
Mesdames,
Messieurs,
Lorsqu'une année s'achève, il nous plait et il nous est
utile de jeter une vue d'ensemble sur Tœuvre qu'elle a vu
s'accomplir dans notre société, sur les progrès réalisés par
le travail continu de ses chercheurs.
Des documents nouveaux apparaissent, qui jettent la lu-
mière et la vie sur des coins, encore tout remplis d'ombre
et de mystère : le passé du sol natal ressuscite, par frag-
ments, du linceul où le temps l'enveloppait. Les travaux iso-
lés s'agrègent par l'effet d'une inspiration commune ; le
bourdonnement de l'abeille devient le bruit de la ruche. La
source des efforts individuels se découvre : dans les généra-
tions disparues, dans les vestiges de leurs monuments et
de leurs mœurs, nous cherchons à nous mieux connaître, à
nous mieux comprendre. En suivant la chaîne, invisible au
regard superficiel, qui nous relie à nos ancêtres, nous dé-
couvrons mieux le sens de la vie moderne. De même que
la science de Tétymologie permet de saisir en toutes ses
1
nuances la valeur des mots, ainsi l'histoire de notre province
nous en fait pénétrer davantage la richesse et la variété et,
si j'ose dire, le suc intime. Et dans la résurrection de ce
qu'on croyait mort, palpite une mystérieuse poésie, qui
émeut Tâme du savant, lorsque ses doigts touchent à la pous-
sière des vieux parchemins. Ces impressions exquises, vous
vous êtes imposés, Messieurs, la noble tâche de les commu-
niquer à vos concitoyens. Vous voulez que la vue d'un vil-
lage comtois, d'un rocher aride, d'une ruine attristée, peu-
plent vos âmes de vieilles légendes et fassent revivre les
choses et les êtres évanouis. La fin que vous poursuivez est
généreuse et morale; votre but est de restituer à ce qui
n'est plus, par vos patientes recherches, son caractère de
vérité historique et scientifique.
Le volume de vos mémoires de 1902, qui vient de paraître,
contient les œuvres les plus intéressantes, dont mon pré-
décesseur et ami, le savant docteur Nargaud, vous a fait
l'année dernière, à pareille époque, dans un éloquent dis-
cours, une complète analyse.
L'année 1903 a marqué une étape de plus dans la belle
carrière que vous vous êtes ouverte. Mais avant de se réjouir
des fruits de vos labeurs il faut penser aux champions dis-
parus et saluer les morts. Nous avons le devoir de leur
rendre liommage, de les révéler une dernière fois, pour
éveiller cliez les uns des souvenirs attendris, et pour les
rendre familiers à ceux qui, nouveaux venus, doivent en les
remplaçant recueillir leur tradition.
C'est Louis Bouvard qui, pendant de longues années, a
fait partie de la société, lui qui en fût devenu l'oracle si le
barreau, l'administration municipale et hospitalière n'eussent
absorbé la plus grande part d'une incroyable puissance de
travail.
C'est Maurice Cosson, ancien trésorier général du Doubs,
ancien député des Vosges, naturalisé à Besançon franc-com-
tois. Par Tamour qu'il a porté à notre province, par Taina-
-3-
bilité de son caractère, sa courtoisie, son tact parfait, il a
mérité la sympathie et l'estime de tous.
C'est Jean Petit, le sculpteur, né en 1819 dans ce palais
de Granvelle, dont son œuvre préférée, la statue du célèbre
cardinal, embellit la cour intérieure. Fils d'un ouvrier, il
lui a fallu conquérir, à force de travail persévérant, le droit
d*être un véritable artiste. La gêne des premières années ne
Ta pas empêché de multiplier ses créations : statues, bustes,
bas-reliefs qui vont enrichir nos collections publiques. Hom-
mage aussi à l'œuvre de sa bonté, à ces fondations généreuses
en faveur des enfants du peuple, qui témoignent d'une vo-
cation pour l'art et à qui il a voulu épargner les secrètes dé-
tresses d'une âme ardente, aux prises avec la pauvreté.
Alexandre Vézian, qui fut président de la société d'Emula-
tion du Doubs en 1875 et plus tard conseiller municipal.
Doyen de la Faculté des sciences, aimé des jeunes généra-
tions qu'il a formées, il est devenu un des maîtres de la géo-
logie. Ses travaux ont enrichi nos mémoires. Par un juste
retour de notre reconnaissance, ils enregistreront sa vie
d'homme de bien, de savant distingué, sous la plume de notre
confrère M. le docteur Girardot.
Ulysse Robert, membre honoraire, inspecteur général des
bibliothèques et des archives, qui a mis son érudition si sûre
et si étendue au service de la direction du catalogue géné-
ral des manuscrits des bibliothèques de France, en même
temps qu'il publiait l'histoire et le bullaire du pape Calixte II,
les testaments de l'officialité de Besançon, la vie de Philibert
de Châlons.
Eugène de Beauséjour, membre correspondant, ancien
magi.strat à Dole, à Vesoul, à Lons le-Saunier, à Besançon.
Gendre de l'historien Edouard Clerc, il a puisé à son contact
le goût des études historiques. Parmi ses publications, je si-
gnalerai notamment l'histoire du bailliage de Vesoul et des
magistrats qui y ont siégé.
M. Léon Viellard, le grand industriel de Morvillars, admi
nistratcur de la Compagnie de l'Est, dont les rares qualités
d'intelligence et de savoir se sont déployées dans des direc-
tions si diverses. Erudit, M. Yiellard a publié un ouvrage re-
marquable sur la trouée de Belfort et ses souvenirs histo-
riques. Il nous a donné une étude sur la maison féodale
d'Orsans.
M. Jean-Baptiste Morlet, ancien négociant, ancien conseil-
ler municipal, membre de la Chambre de commerce, qui a
donné tout son dévouement à l'assistance publique et à l'ad-
ministration municipale. Il fut, chez nous, le promoteur gé-
néreux de l'établissement du téléphone.
Longue, vous le voyez, est la liste de nos regrettés
membres. Mais si l'âge de ceux qui s'en vont, n'empêche
pas les larmes de couler et si la mort de l'homme de
bien est toujours prématurée, du moins avons-nous la conso-
lation de penser que la plupart de ceux dont j'ai cité le»
noms ont parcouru une pleine carrière et donné la mesure
de leurs talents.
J'arrive au bord d'une tombe qui vient à peine de se fermer
sur un jeune homme, à l'âge où les preuves données se pa-
rent de toutes les promesses de l'avenir. Un caractère de
franchise et de loyauté, une bonté, une douceur sans bornes,
une haute valeur scientifique, nous rendent plus douloureu-
sement cher encore le souvenir d'Henri Bruchon. I..a sym-
pathie s'épanouissait autour de lui comme elle va à son
vénéré père, dont il avait si bien suivi l'exemple. Nous l'a-
vions accueilli avec joie parmi nous ; il nous apparaissait
comme une recrue précieuse et ses premiers travaux avaient
justifié nos espérances. Sa perte laisse parmi nous un vide
immense, comme elle a laissé au cœur de sa famille, dont il
était le juste orgueil, un inguérissable chagrin
Je salue maintenaint les nouveaux venus. Dans les lignes
imparfaites qui viennent de retracer si brièvement les morts,
ils ont vu la tâche à remplir. Ils emploieront, comme l'ont
fait leurs prédécesseurs, les qualités dont ils ont bien voulu
k
— 5 —
nous assurer le concours, en continuant les progrès qui
n'ont pas cessé un instant de signaler la marche en avant de
la Société d'Emulation. Leurs créations viendront s'ajoutera
celles qui constituent notre richesse acquise.
L'année 1903 a vu éclore, elle aussi, des œuvres nom-
breuses et toutes intéressantes à titres divers.
M. Alfred Vaissier, dont il serait superflu aujourd'hui d'en-
treprendre l'éloge, et qui sait recueillir, avec une merveil-
leuse divination, pour en faire sortir l'histoire, les moindres
débris répandus dans notre sol, nous a donné encore toute
une série de notes sur des points mal élucidés.
Il a su déterminer l'époque probable à laquelle les monu-
ments de Vesonlio ont été partiellement détruits (avant la
venue de l'empereur Julien en Séquanie vers l'an 360 de
notre ère). Il conclut à une invasion venue d'outre-Rhin,
anéantissant Mandeure, puis, détruisant, en partie du moins,
Besançon, qui abandonné par les troupes romaines, réfugiées
sans doute au delà de la Saône, ne retrouva jamais son an-
cienne splendeur.
Deux statères d'or pâle des Auberci Cenomanni, c'est-à-
dire du peuple gaulois qui habitait la région du Mans, re-
trouvées aux environs de Poligny, lui ont permis d'affirmer
que longtemps avant César, au lendemain de la mort de Phi-
lippe de Macédoine et d'Alexandre, un commerce très actif
reliait le nord et le midi, l'est et l'ouest de la Gaule indé-
pendante.
M. Jules Gauthier, une fois de plus, nous a offert de nou-
velles preuves de son incroyable activité. De l'heureux mé-
lange de sa vaste érudition et du sentiment si vif de la poésie
qui s'attache aux choses anciennes, nous avons vu jaillir
encore de nouveaux joyaux.
Je signale l'étude sur « les cloches franc-comtoises » his-
toire à grands traits des carillons « tréseaux » et bourdons
qui, du XII* siècle à nos jours, ont animé les beffrois des
vieilles églises et dont la plupart ont péri, au cours des âges,
- 6 -
tantôt dans les incendies^ tantôt dans les pillages des guerres
d'autrefois, pour être anéantis par centaines en 1792-1793
quand la conscription des cloches transforma en canons le
bronze des clochers.
Les armoriaux et les hérauts d'armés- francs-comtois^
étude sur les praticiens d'art héraldique, qui, à partir des
derniers ducs de Bourgogne, pénètrent en Franche-Comté,
y font école, dressent des recueils de noblesse, coiligent les
armoiries et battent souvent monnaie sur la vanité, matière
imposable s*il en fût. Malgré ses côtés puérils en apparence,
Tart héraldique a tenu trop de place dans les siècles écou-
lés pour que sa connaissance ne soit pas indispensable à qui
veut explorer le passé. C'est un critérium auquel on doit et
on devra maintes découvertes en matière d'art et d'archéo-
logie.
Livres de raison des paysans francs-comtois. Saisies sur le
vif, les confidences sincères et modestes, que quelques
paysans des montagnes ou de la plaine conflent, au xii* ou
XIII* siècle, à quelque cahier, renseignent mieux, sur la vie
de nos aïeux de village, que les documents, si nombreux dans
nos archives, émanant des notaires ou des greffiers ne s'oc-
cupant que du terre à terre des contrats : vivant dans la pau-
vreté et surtout très laborieusement, le paysan a fait souche
de descendants robustes et donné à son pays, dans toutes les
catégories sociales, des héritiers qui lui font honneur.
La cheminée du médecin Caseruit de Besançony exilée au
musée de Dole. Curieux souvenir artistique d'un contempo-
rain et d'un commensal du cardinal de Granvelle, ce précieux
morceau de sculpture polychrome, avec bas-reliefs, colonnes
cl iu iiements d'architecture, inscriptions, emblèmes, a de
[iliH le mérite de mettre au concours un petit problème à
résoudre, celui des initiales: PH. F. D. qui doivent repré-
senter le prénom et le nom de quelque artiste dolois de 1565.
7nnté latin de Vantiquité et de la noblesse de la cité de
B**friHCOH, par Hugues Babet, de Saint-Hippolyte. Ce lettré
à
— 7 —
qui fut le professeur de Gilbert Convers et de Jean Matai, fut
aussi leur précurseur dans la louange du pays comtois et fit
entrer dans les cosmographies, éditées de son temps, à Bâle
ou en Allemagne, les premières descriptions du libre comté
de Bourgogne. Il y a, dans cet ordre d'idées, nombre de
choses nouvelles à retrouver et à mettre en lumière dans
Tœuvre de nos rhéteurs de la Renaissance.
Epaves de la bibliothèque de Granvelhy retrouvées dans
les bibliothèques du château de Chantilly, de la ville de
Vesoul, et d'une communauté religieuse de Besançon, sous
forme de belles et curieuses reliures, d'un gi'and caractère,
enserrant de superbes éditions de classiques flamands, alle-
mands ou vénitiens.
Inscription inédite de i557, donnant l'origine du nom
de la rue Sainte-Anne à Besançon.
Après avoir flagellé les pillages d'un collectionneur indé-
licat, qui fut au xviii* siècle le fléau des bibliothèques et des
archives comtoises, M. Gauthier a révélé d'autres pillages
accomplis au xix* siècle par un érudit de valeur, atteint de
cette kleptomanie qui amoindrit fâcheusement les dépôts
publics. Son nom devra, tôt ou tard, être publiquement
honni, ne fut-ce que pour éviter le retour d'exploits de ce
genre.
Les Fouillés du diocèse de Besançon du xi® au xiii' siècle,
étude de géographie historique, précisant un certain nombre
de faits inédits.
Notice surVéglise Saint-Maunce de Besançon^ ses recons-
tructions et ses embellissements de 1550 à 1719, faisant
connaître nombre d'artistes oubliés et d'objets d'art disparus.
Marnay aux X VHP et XIX' siècle^ première page de mono-
graphie d'une charmante bourgade très voisine de Besançon,
qui mire encore dans l'eau de l'Ognon les derniers vestiges
d'un beau château de la Renaissance.
M. l'abbé Auguste Rossignot, bibliothécaire de l'archevêché,
dont nous allons applaudir une biographie des plus atta-
- 8 —
chantes et des mieux établies de rorientalisle Pauthier, ori-
ginaire de Mamirolle, ne s'est pas borné à rendre à notre
distingué compatriote un hommage mérité. Il nous a rendu
compte de fouilles très curieuses qu'il a pratiquées dans la
Haute-Saône, sur le territoire d'Argillières, et qui ont mis en
évidence, près de la route romaine de Pierrecourt à Bour-
bonne, trois groupes de métairies et d'habitations, contempo-
raines de l'empereur Claude II, c'est-à-dire du m* siècle.
M. Maurice Thuriet, qui collabore activement à la biogra-
phie provinciale, que V Association franc-comtoise, dont il
vient d'être nommé président, s'efforce de nous donner, a
consacré à Jean Petit, le sculpteur vigoureux que nous
venons de perdre, une étude biographique très complète, et
a mis en lumière, avec un grand talent, ce qu'un fils d'ou-
vrier, dénué d'appui et d'argent, a pu faire pour rivaliser
avec un maître du ciseau. La notice de M. Thuriet défendra
de l'oubli le nom du sculpteur, qui trouvera dans la posté-
rité reconnaissante plus de justice qu'on ne lui en a rendu
de son vivant.
M. Victor Guillemin qui, dans le volume de nos Mémoires
de 1902, a publié une savante et complète étude sur la pein-
ture anglaise, nous a lu, cette année, une étude sur l'aimable
poète Alfred Marquiset, notre associé, dont la verve et la
muse élégante ont donné déjà à notre théâtre comtois tant
d'oeuvres originales et spirituelles.
M Tabbé Druot a consacré une consciencieuse étude à la
voie romaine de Vesontio à Mandeure, qui traverse les
cantons de Baume et de Clerval, par Luxiol, Autechaux,
Voillans, l'Hopital-Saint-Lieffroy, Rang-les-L'Isle. L'explo-
ration a été faite par lui avec beaucoup de méthode et de
sagacité. Ses creusages et ses observations fort judicieuses,
ajoutent d'intéressants jalons à la carte de la Séquanie
romaine.
Après nous avoir parlé de l'activité qui règne dans nos
séances et dont les fruits se retrouveront en 1904 dans notre
volume de Mémoires, laissez-moi, mesdames et messieurs,
vous entretenir un instant de l'œuvre collective de la société
en 1903.
La Société d'Emulation, après avoir réalisé le capital de la
pension des frères Grenier constituée par le dernier survi-
vant, le poète Edouard, a décidé que cette pension triennale
serait de 1,800 francs par an et que, dans ce but, les intérêts,
aiijourd'hui de 1,550 francs environ, seraient capitalisés
jusqu'à ce que pareille rente puisse être régulièrement
servie. Le délai nécessaire permettra incessamment d'étudier
dans le sens le plus libéral et le plus conforme aux inten-
tions des généreux donateurs, les conditions d'une fondation,
dont notre Société s'honore d'être à jamais la dispensatrice.
En 1899, la Société d'Emulation a fondé l'Association franc-
comtoise, c'est-à-dire le groupement, en un étroit faisceau,
de toutes les sociétés savantes de notre ancienne et chère
province. Tour à tour, à Dole, à Montbéliard, à Gray, l'Asso-
ciation a tenu ses pacifiques assises. Cette année c'était à
Lons-le-Saunier où quatre-vingts congressistes, présidés par
M. Philippe Berger, de l'Institut, professeur au Collège de
France, notre compatriote et notre collègue, ont acclamé
l'union si nécessaire, pour le progrès de la science et le
maintien de cet esprit provincial, qui est une grande force du
patriotisme national L'an prochain, au mois d'août 1904,
l'Association se tiendra à Besançon et ce sera à vous. Mes-
sieurs, à donner à cette fête l'ampleur qui convient. C'est
votre nouveau et distingué président, auquel Je vais remettre
le pouvoir, que votre collaboration m'a rendu facile, qui aura
l'avantage de présider l'association franc-comtoise et qui fera
avec vous, avec notre jeune et aimable bibliothécaire,
M. Gazier, secrétaire général du Congrès, les honneurs de
notre vieille capitale aux délégués venus des bords de la
Saône, du pied des Vosges et du Jura. Le succès du Congrès
de Lons-le-Saunier et des trois réunions qui l'ont précédé, est
un augure favorable pour ses .«uccès futurs, et la Société
— 10 —
d'Emulation peut se flatter d'une initiative qui n'a pas trouvé
et ne trouvera jamais de détracteurs .
Dans la mesure de ses forces, la Société d'Émulation a
mis tout son dévouement, depuis soixante années, à déve-
lopper la prospérité artistique et scientifique de notre ville.
Elle a enrichi le Musée d'archéologie, après avoir fondé et
doté le Musée d'histoire naturelle, après avoir libéralement
distribué ses ressources à nos bibliothèques, à nos labora-
toires.
La lutte pour la vie, si âpre aujourd'hui, engendre l'indiffé-
rence aux choses de l'art et l'égoïsme. Il nous appartient,
Messieurs, de lutter de toutes nos forces contre ces ferments
de corruption et de dépérissement intellectuel et moral.
Cherchons à grouper autour de nous la jeunesse avec sa
sève et son entrain, les hommes plus mûrs, avec leur
science, leur sagesse et leur influence
Nous sommes sûrs d'être secondés dans notre tâche par le
concours de tous nos concitoyens. Les marques de sympathie
et d'estime que les hauts fonctionnaires de notre ville,
présents et absents, ont bien voulu nous donner, nous sont
une précieuse garantie. Qu'iis reçoivent l'expression de
notre sincère et respectueuse gratitude.
Depuis bientôt vingt ans que j'appartiens à la Société, je n'y
ai vu que travail et entente. La lecture de vos mémoires,
qui forment déjà une petite bibliothèque, décèle cette har-
monie qui règne au milieu des plus nobles préoccupations.
Fasse l'avenu' que de si louables eflorts restent féconds et
que votre initiative continue à s'exercer au grand profit des
sciences, des lettres et des arts, dans cette vieille cité dont
vous écrivez les annales, dont vous ressuscitez les traditions,
les gloires, les monuments !
k
LE PROFESSEUR
ALEXANDRE VÉZIAN
Par le D' Albert 6IRARD0T
Séance du i6 décembre i903.
Messieurs,
La Société d'Emulation du Doubs a perdu, au mois d'août
dernier, l'un de ses membres les plus anciens, M. le profes-
seur Alexandre Vézian, qui lui appartenait depuis plus de
quarante ans, et qui avait pris, autrefois, une part active à
ses travaux et à ses publications.
M. Vézian était né à Montpellier, le 29 avril 1825; il avait
fait ses premières études au prytanée de la Flèche, où son
père l'avait placé, le destinant à l'état militaire ; il s'y était
fait remarquer par sa vive et précoce intelligence, et par une
aptitude très marquée pour les sciences d'observation. Celles-
ci prirent bientôt plus d'attrait pour lui que la carrière des
armes, et il quitta la voie dans laquelle sa famille désirait
rengager, pour se consacrer à l'enseignement et entrer dans
l'université. Il y débuta comme professeur de physique au
lycée de Bourg, et, après deux suppléances, l'une à la fa-
culté des sciences de Clermont, l'autre à celle de Rennes, il
fut chargé du cours de minéralogie à la faculté des sciences
de Besançon, le 2 décembre 18«59: puis il devint titulaire de
la chaire de géologie et de minéralogie, le 15 janvier 1862.
En 1878, il fut nommé doyen de cette faculté, et conserva
- 12 -
le décanat jusqu'à l'époque de sa retraite; il reçut, en 1881,
la croix de chevalier de la Légion d'honneur.
La carrière scientifique ae M. Vézian ne fut pas moins
brillante que sa carrière universitaire, et elle l'eût été da-
vantage encore, s'il se fût moins tenu à l'écart, par le fait
d'une modestie excessive et d'une véritable répugnance à se
mettre en avant. Ses premiers travaux de géologie sur la
province de Barcelone attirèrent l'attention sur lui, et son
Prodrome qui parut quelques années après, obtint du monde
savant l'accueil le plus favorable. Cet ouvrage considérable
n'est pas seulement un abrégé de géologie, comme l'indique
trop modestement son auteur, mais un véritable traité de
cette science, dans lequel il passe successivement en revue :
la cosmogonie du globe, les phénomènes dont le siège est à
l'intérieur de l'écorce terrestre, ceux dont le siège est à l'ex-
térieur de cette écorce, la formation des montagnes, la stra-
tigraphie, les modifications de la flore, de la faune et du cli-
mat au cours des temps géologiques; enfin, la géologie
systématique. Le Prodrome renferme sur toutes ces ques-
tions des indications très complètes et des aperçus nouveaux,
pour le moment où il fut composé; aussi son succès fut
grand lorsqu'il parut et il eut rapidement trois éditions, en
1861, 1863 et 1865. Quelques années plus tard, en 1873 et
en 1874, M. Vézian publia, dans les Mémoires de notre So-
ciété, une étude très étendue sur le Jura franc-comtois, sorte
d'histoire géologique de cette partie du massif, comprenant
l'examen de son dépôt, dans un bassin bien défini de la mer
jurassique, de sa structure, des phases qu'il a traversées de-
puis l'achèvement de sa sédimentation jusqu'à l'époque ac-
tuelle, et Texposé des phénomènes dont il a été le siège
pendant cette dernière période. Ce travail, présenté au con-
grès des sociétés savantes, en 1875, valut une médaille d'ar-
gent à son auteur; il témoigne, comme le Prodrome, d'un
labeur intense et prolongé et d'une grande activité intellec-
tuelle. Cette activité, toutefois, ne se borna pas à la publica-
--43-
tion de ces deux ouvrages; M. Vézian fit paraître aussi, soit
dans notre Recueil, soit dans le Bulletin de la Société géolo-
gique de France, ou dans celui de la section du Jura du Club
alpin, plusieurs notices concernant les assises secondaires
de notre province et, dans TAnnuaire du Club alpin français,
une « Esquisse de l'histoire géologique du Mont-Blanc »,
ainsi que divers articles sur les montagnes, leur formation,
leur rôle géologique et les théories orogéniques.
Quelques années déjà se sont écoulées depuis la publica-
tion de ces travaux, pendant lesquelles la science a progressé
d'une manière, pour ainsi dire prodigieuse, et certains d'entre
eux sont aujourd'hui de beaucoup dépassés; bien des idées
qui lui étaient propres, ou qu'il avait adoptées, ont été re-
connues fausses puis abandonnées. On ne saurait voir là,
toutefois, une marque d'infériorité ; ses travaux ont subi la
destinée commune à toutes les œuvres scientifiques qui sont
comme des degrés , sur lesquels la science s'appuie , puis
qu'elle franchit et laisse derrière elle, en s'élevant sans cesse
plus haut; aussi, pour apprécier la valeur du savant, ne
faut-il pas le juger au point de vue du temps actuel, mais de
celui où il écrivait. D'ailleurs, si les théories se sont modi-
fiées, si l'invraisemblance de quelques-unes des hypothèses
qu'il défendait a été démontrée, ses observations person-
nelles demeurent d'une exactitude incontestable et n'ont rien
perdu de leur justesse.
M. Vézian entra dans notre Société en 1860, dès son arrivée
à Besançon ; il vint y continuer la tradition des recherches
de géologie, auxquelles elle a toujours fait bon accueil;
comme ses prédécesseurs, Numa Boyé, Etallon, Lory, Pi-
dancet, pour ne citer que ceux-là, il contribua à augmenter
l'étendue de nos connaissances sur ce pays, non sans jeter
quelque éclat sur notre Compagnie; il fut toujours dévoué à
ses intérêts, enrichit ses Mémoires d'un remarquable travail
et la présida deux fois, en 1863 et en 1875. Il laissera parmi
nous le souvenir d'un confrère bienveillant et de relations
agréables, qui aimait la science et cherchait à la faire aimer^
et qui fit honneur à notre Association ; aussi ne devions-nous
pas le laisser disparaître sans lui adresser ici un dernier
adieu.
L'ORIENTALISTE
GUILLAUME PAUTHIER
(1801-1873)
Par M. l'abbé Angoste ROSSIGNOT
BIBLIOTHÉCAIRE DB L'aRCHEVÊCHÉ
MKMBBE l^tiSXDAKT
Séance publique du il décembre 1903
Le 11 mars 1873 mourait à Paris un de nos compatriotes,
qui a laissé un nom comme orientaliste, et dont aucune pu-
blication franc-comtoise n'a parlé à cette époque. Cet homme
est Guillaume Pauthier, connu dans son pays natal sous le
nom significatit de Pauthier le Chinois. Si nous en croyions
la Grande Encyclopédie, il serait né à Besançon en 1801 ; or,
il est né à Mamirolle le 12 vendémiaire an X (4 octobre 1801),
comme en font foi ses actes de naissance et de baptême (0.
(1) Acte de naissance de Guillaume Pauthier : « Du douze du mois de
vendémiaire, an dix de la République. Acte de naissance de Jean-Pierre-
Guillaume Pauthier, né le douze, à trois heures du soir, fils de Pierre-
François Pauthier et de Jeanne-Baptiste Bideaux, profession de proprié-
taire, demeurant à Mamirolle, mariés, présenté par Jean-François Pauthier,
oncle. Le sexe de l'enfant a été reconnu pour être garçon.
« Premier lémoin. Joseph Bouteillier, Agé de trente-trois ans, domicilié à
Mamirolle.
» Second témoin, Jeanne-Pierrette Bideaux, âgée de vingt-quatre ans,
domiciliée à Bouclans.
n Sur la réquisition à nous faite par François Pauthier, oncle.
j» Et ont signée à l'exception du second témoin, qui a dit être illettré.
» Signatures : J.-F. Pauthier, J>> Bouteillier.
» Constaté par la loi, par moi, Joseph Mercier, maire de Mamirolle,
faisant fonction d officier de létat civil. Les an, mois et jour que dessus.
« Si^snature du maire : Ji' .Mercier. »
^ 16 -
En 1873, le neveu de G. Pauthier, M. Xavier de Ricard,
publia le Catalogue des livres chinois composant la biblio-
thèque de son oncle, avec une courte notice biographique où,
le considérant surtout comme savant, il énumère toutes ses
publications. M. Léon Séché a écrit, il y a deux ans, une vie
d'Alfred de Vigny^ où il parle assez longuement de Guil-
laume Pauthier, lequel étant entré de bonne heure dans l'a-
mitié du poète, y demeura jusqu'à la fin et fut Tun de ses
exécuteurs testamentaires. Il noub montre Pauthier sous une
autre fece, et ces deux ouvrages se complétant, nous pour-
rons en tirer une notice qui ne sera point sans quelque in-
térêt.
Pauthier appartenait à une famille aisée de Mamirolle, et
il fit sans doute quelques études dont sut tirer profit son ar-
deur au travail. A Tâge de vingt-deux ans il était soldat au
55® de ligne, où Alfred de Vigny servait comme capitaine.
Celui-ci était d'un caractère mélancolique et rêveur ; il fré-
quentait peu les officiers de son régiment, et il trouva dans
Pauthier un esprit sympathisant davantage avec le sien, car
Pauthier était poète à ses heures, c'est-à-dire qu'il rimait.
Etant apparenté au général Donzelot — son frère avait épousé
la nièce du général — il devint très vite caporal et sous-
officier. Sa liaison avec Alfred de Vigny commença dès 1823.
Au mois de mars de cette année, le 55« régiment était envoyé
de Strasbourg à Pau. Vigny était en train d écrire son
poème de Satan, Il ramassa sa plume et son manuscrit, mit
le tout, avec sa petite Bible, dans le sac d'un soldat de sa
compagnie et partit. Ce soldat, dont il parle dans une lettre
à Brizeux, était Guillaume Pauthier. Celui-ci raconte qu'en
arrivant à Nancy, le poète, avec qui il avait causé tout le
long de la route, lui fit la surprise de lui donner un billet de
logement d'officier dans une bonne maison bourgeoise (V.
Alfred de Vigny encouragea les premiers essais de son
(1) Cr. Alfred de Vigny et soa temps^ p. 108.
-47 -
soldat, persuadé qu'il était, qu'un jour oîi l'autre, après ces
tâtonnements, sa personnalité finirait par s'accuser. Ceux
qui seraient curieux de connaître les essais de ce poète -
soldat n'auraient qu'à feuilleter le Mémorial Béarnais de
l'année 4824. Ce journal paraissait à Pau, où de Vigny et
Pauthier tenaient garnison. La protection du général Donze-
lot ne valut pas seulement à celui-ci de l'avancement, mais
aussi des faveurs exceptionnelles, comme celle de faire
suivre de son nom et de son grade de caporal ou de sergent
les pièces de vers qu'il publiait dans les journaux. Alfred de
Vigny et Pauthier n'étaient pas plus faits l'un que l'autre
pour la vie militaire, mais si Pauthier n'était point un sol-
dat, il n'était pas plus un poète. Ayant achevé son service,
il continua cependant ses publications. En 4825 et 1836 pa-
rurent, chez Maurice, à Paris : les Helléniennes^ en faveur
de la cause des Grecs, et les Mélodies poétiques et Chants
d'amour. Le titre seul de ces ouvrages fait songer aux Mes-
séniennes et aux Méditations, dont Pauthier s'était effective-
ment inspiré, mais la poésie était médiocre. Voici quelques
vers des Helléniennes :
Une muse chère à la France
Naguère a reproduit ses sublimes concerts.
Sur Taile de Tyrtée elle a franchi les mers,
Portant aux flls des Grecs la gloire et Tespérance.
Quels chants ont retenti sur les murs de Crissa?
Quel luth harmonieux les redit dans Attiène?
Ce sont les beaux accents du chantre de Messèiie 'l),
Et les accents plaintifs de la beUe Héléna (2).
Regardez ! la voilà cette Grèce superbe
Dont le sol protecteur formait des demi-dieux !
Ses dieux mêmes, ses dieux ont disparu sous l'herbe.
Mais il y reste encore la croix, fille des cieux!
(i) Alfred de Vigny.
(2) Casimir Delavlgne.
— 48 —
Levez- vous, fils d*Argos! levez-vous, fils d'Athènes!
0 Sparte, tes héros suivent Léonidas !
Courez ; entendez-vous la voix de Démosthènes?
Voyez— vous ce guerrier? C*esl Epaminondas!
Voici maintenant un extrait des Mélodie* poétiques :
La brise du désert a fait pâlir la fleur
Que l'aurore arrosait de sa main virginale.
Elle était Tamour de mon cœur.
Elle était le parfum de Taube matinale
Elle m'apparaissait comme un rêve charmant.
Comme un flambeau brillant au sein d'une nuit sombre.
Celte illusion d'un moment.
Cette extase d'amour a disparu dans l'ombre.
Hélas! pour mériter ton cœur et ton amour.
Aux champs de l'avenir, j'allais chercher la gloire !
Et je voulais qu'à mon retour
Tu pusses t'applandir et montrer ta victoire.
Mais quand lu seras seule, hélas! pense i\ celui
Qui vit fleurir pour toi le printemps de .sa vie,
Et qui se voit seul ciujourd'hui,
Arraché loin de toi comme une herbe flétrie.
A ces poésies, qui ne révèlent pas un sentiment poétique
bien original, il faut en ajouter quelques autres, publiées
dans difl"érents Recueils, tels que V Album et le Petit Album
franC'ComtoiSy et la pièce sur le Dévouement de Decèze^
récompensée d'une médaille d'or par l'Académie de Besan-
çon, en 1829. Douze concurrents s'étaient présentés ; deux
pièces .seulement furent remarquées, et Pauthier partagea le
prix avec M. Charles de la Villette, de Besançon, connu de-
puis, dans le monde des lettres, sous le nom de Charles de
Bernard. Le rapporteur reconnaît que Pauthier, pénétré de
son sujet, a bien disposé sa composition et qu'il a su placer
son héros de manière à attirer les regards sur lui. Il signale
dans cette pièce un excellent esprit, une marche vraiment
-i9-
logique, un style généralement harmonieux et élevé, une
versification toujours facile, quehjuefois élégante, mais il y
trouve des taches nombreuses et paraissant voulues. En
voici quelques passages :
L'Europe avait sonné raUarme ;
Les rois entre eux s'étaient ligués,
Et par leurs bataillons en arme
Leurs peuples étaient subjugués.
Alors, de terreurs affranchies,
Se reposaient les monarchies ;
Soudain, dans Funivers surpris,
On entendit un bruit immense ;
C'était le vieux Irùne de Franco
Qui s'écroulait sur sos «lôbris.
Paulhier fait parler Decôze dans Ips vers suivants
Entendez d'avance l'iiistoire
Qui redira les vœux si purs
De ce bon roi dont la mémoire
Sera chère aux siècles futurs !
Eloignez d'efTrayans présages !
Songez au jugement des âges.
A leurs arrêts réprobateurs !
Louis n'a-t-il plus de refuges ?
Je cherclie parmi vous ses juges,
Et je ne vois que ses accusateurs.
En 1830, Pauthier rencontra Paulin-Pàris el entreprit avec
lui la traduction des œuvres complètes de lord Byron. Cette
traduction fut publiée en dix volumes chez Dondey-Dupré ;
elle porte le seul nom de Paulin-Pâris, mais les quatrième,
cinquième et sixième volumes sont exclusivement Tœuvre
de Pauthier ; sa collaboration est nettement établie par son
traité avec le libraire et par des notes provenant di lai.
Cependant une nouvelle direction allait être donnée aux
études de Pauthier. Sous la chaude et puissante ialjiiiîî
- 20 - ,
fie ?on capitaine, il avait produit trop hâUvemeDt, et peut-
être fût-il devenu plus tard un vrai poète, bien qu'on le soit
de naissance : naacuntur poetae. En tout cas, les essais aux-
quels il se livra ne lui ont pas été nuisibles ; ils ont formé
son style en le rendant plus souple et plus facile ; mais To-
rientaliste est. chez lui, bien supérieur au poète.
Ce fut sur les conseils d'Abel Rémusat que Pauthier s'a-
donna à Tétude des langues orientales. Il avait enfin trouvé
la voie dans laquelle il allait s'illustrer. « Et comme un bon-
heur n'arrive jamais seul, dit Léon Séché, le général Don-
zelot lui confia dan? le môme temps l'administration de son
château de Ville-Evrard, ce qui lui permit d'étudier en toute
liberté d'esprit le sanscrit et le chinois > (l).
Une série de publications sur les Indes et la Chine cons-
titue l'œuvre proprement dite de Pauthier ; M. de Ricard en
donne la liste complète. Il commença, dès 1829 et 1830, par
quelques articles publiés dans le journal le Globe. En 4831,
il fit paraître un mémoire sur l'origine et la propagation de
doctrine du Tao. Cet ouvrage suscita une première polé-
mique entre Pauthier et Klaproth. De part et d'autre il y eut
des mots assez vifs dont on retrouve les traces dans le Jour-
nal asiatique. Pendant les années suivantes, de nouveaux
articles de Pauthier parurent dans le même journal, dans le
Cabinet de lecture et dans la Revue encyclopédique. Une
Description historique et géographique de la Chine suivit
de près, et en 1837 fut publiée, chez. Didot, la traduction du
Ta-Hio ou Grande étude. Elle était en regard du texte chi-
nois, imprimé en caractères mobiles fondus sous la direc-
tion de Pauthier ; ce ne fut pas le moindre des ser\ices qu'il
rendit à Tétude de cette langue. En 1840, il publia, en un
fort volume in-S'*, à deux colonnes, les Livres sacrés de
VOrient, voulant, dit-il, révéler à l'Europe les trois civilisa-
tions : chinoise, parle Chou-King ; indienne, par les Védas,
(1) Alfred de Vigny et son temps, p. 270.
- 21 —
et musulmane, par le Koran. Sa prétention est quelque peu
exagérée et il nous parait émettre une contre-vérité lors-
qu'il affirme que TOrient, ignoré pendant de longs siècles,
est devenu tout à coup l'arbitre des destinées de l'Europe
qui, engourdie d'épuisement et de lassitude, sent le besoin
d'aller puiser de nouveau sa vie au soleil de l'Orient. Cette
publication fut récompensée par une médaille d'or de
2^500 francs, décernée à Pauthier par l'Institut, dans sa
séance du 30 juin 1842.
Une véritable aptitude pour l'étude des langues ne devait
pas tarder de susciter à Pauthier des contradicteurs. Les
contradictions lui viennent de celui dont il ne devait guère
les attendre, et elles furent si vives, qu'elles font soupçon-
ner leur auteur de jalousie. Quelques pages traduites du
chinois par Pauthier en furent l'occasion. Stanislas Julien,
professeur de langues orientales à l'Institut, en lit la cri-
tique dans le Journal asiatique où elles avaient paru. Pau-
thier lui répondit et la querelle s'envenima. Le but évident
de Stanislas Julien était d'écarter Pauthier de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, à laquelle celui-ci avait posé,
prématurément peut-être, sa candidature. Les pamphlets
succédèrent aux pamphlets et la querelle dura plusieurs
années. Elle semblait depuis longtemps apaisée lorsqu'en
1871, sans aucune provocation, Stanislas Julien recommença
ses attaques contre Pauthier qui, cette fois, se présentait
avec des titres sérieux à l'Institut. Pauthier y répondit et
releva les imputations mensongères lancées contre Âbel Ré-
musat, son ancien maître. Mais n'insistons pas sur ces pé-
nibles incidents et revenons aux travaux scientifiques de
notre orientaliste.
Il serait trop long et fastidieux de les énumérer tous :
chaque année il fait paraître quelque publication nouvelle.
En 1841, ce sont des documents officiels sur la Chine; en
1842, c'est un Essai sur l'origine et la formation similaire
des écritures figuratives chinoises et égyptiennes. Le mé-
— 22 —
moire sur rinscriplion de Si-gnanfoUy stèle cbrétienDe du
VIP siècle ; des études et observations sur la civilisation et
les coutumes chinoises, sur la géographie de ce pays, sur la
grammaire et les alphabets chinois et Japonais, se succèdent
sans intenxiption ; mais l'œuvre capitale de Pauthier est la
publication du Livre de Marco-Polo^ citoyen de Venise,
Marco-Polo, né à Venise vers 1250, était d'une Emilie de
voyageurs. Son père et son oncle avaient déjà pénétré jusque
dans la Tartarie, lorsqu'en 1268 ils remmenèrent avec eux.
Le jeune Vénitien gagna les bonnes grâces du Grand-Kan et
fut envoyé par lui en mission à Pékin. Il visita la Chine, la
Tartarie, l'Inde, le Thibet, pays alors inconnus des Occiden-
taux. A son retour à Venise, il fut reçu avec honneur, et on
lui confia le commandement d'une galère. Il fut fait prison-
nier dans une rencontre avec les Génois. Pendant sa capti-
vité, il mit en ordre les notes qu'il avait recueillies et les
publia. Longtemps on l'accusa d'exagération et de men-
songe ; mais les découvertes modernes ont confirmé son ré-
cit, et l'ouvrage de Pauthier n'a pas peu contribué à en éta-
blir toute la véracité. Cet ouvrage n'est pas une simple tra-
duction. Il s'ouvre par une introduction de 156 pages, qui
est à elle seule tout un livre historique, et le texte de Marco-
Pulo esl suivi de six appendices, tfun index analytique,
géographique, historique, et d'un glossaire des vieux mots
français.
A toutes ces publications de Guillaume Pauthier on pour-
rait ajouter de nombreux articles insérés dans le Journal
asiatique et autres revues scientiliques. Mais ce que nous
venons de dire suffit à nous donner une idée de tout ce que
peut produire un travail assidu; aujourd'hui où notre vie esl
si agitée et répandue sur un trop grand nombre d'objets,
nous avons peine à le comprendre.
Kn 1848, Pauthier fit diversion à ses études par une incur-
sion dans la politique : aux élections législatives il posa sa
vfindidainre dans le département de Seineet-Oise. Malgré la
I
— 23 -
protection de Lamartine il échoua, et Tannée suivante il ne
fut pas plus heureux. Cependant, k sa quaUté d'orientaliste,
il avait pu ajouter celle de cultivateur, puisqu'il gérait le do-
maine du général Donzelot. Il s'était môme donné la peine
de paraître dans les réunions publiques, et, croyant remplir
un devoir politique, il avait fait imprimer une Nouvelle dé-
claraii(ni des Droits et des Devoirs de VHomme^ qu'il avait
répandue à des milliers d'exemplaires. Il faudrait la lire pour
comprendre toute sa droiture et toute la générosité de son
cœur. Mais ses sages paroles dépassaient l'entendement des
populations auxquelles elles s'adressaient, et Pauthier, qui
était gros, trapu et chevelu comme un Gaulois, ne sut pas
sans doute les faire valoir de sa voix lente et embarrassée.
Elles ne produisirent pas plus d'effet sur le corps électoral
que du sanscrit ou du chinois.
Son ancien capitaine, Alfred de Vigny, ne fut pas plus heu-
reux que lui. Bien que, à partir de 1850, Vigny eût cherché
les faveurs du nouveau régime, Pauthier ne lui en demeura
pas moins fidèle ; car, dit Léon Séché, quand il s'était donné
c'était pour toujours. « Depuis qu'il était sorti du régiment,
son admiration pour son ancien capitaine n'avait fait qu'aug-
menter : il l'aurait suivi jusqu'au bout d^i monde. Non qu'il
partageât toutes ses idées et qu'à l'exemple de Pandore, il
trouvât que le brigadier avait toujours raison ; mais il avait
gardé envers lui quelque chose de la déférence du sergent
pour son capitaine, et bien qu'il fût plus libre avec Gigoux,
avec Proudhon, avec Chaudey, ses bons amis de la Franche-
Comté, c'est encore à Vigny qu'il allait de préférence conter
ses peines. Et Vigny, qui souffrait déjà du mal terrible qui
devait l'emporter, trouvait dans son cœur des paroles de
consolation qui servaient de baume aux blessures de Pau-
thier (1). » Alfred de Vigny mourut au mois de septembre 1863.
Quand on ouvrit son testament, Pauthier fut très touché
(i) Alfred de Vigny et son tempe ^ p. 28L
— 24 -
d'apprendre qu'il l'avait choisi pour son exécuteur testa-
mentaire, mais il le fut davantage encore du legs qu'il lui
avait fait de son épée d'académicien.
A cette époque, Guillaume Pauthier fît une courte trêve â
ses travaux ordinaires pour publier une brochure de 1S4 pages
sur les Iles Ioniennes pendant le gouvernement du général
Donzelot. C'est un juste hommage rendu à un homme qui fui
généreux pour lui et au loyal soldat dont vous voyez ici le
portrait (M.
On pouvait croire que le moment d'une juste récompense
était arrivé pour Pauthier. Depuis loni^lemps il était membre
de la société asiatique et faisait partie de son conseil d'admi-
nistration. En 1872, il avait été chargé d'un cours supplé-
mentaire de géographie et d'histoire à l'Ecole spéciale des
langues orientales ; et la mort, en enlevant Stanislas Julien,
avait fait disparaître le plus grand obstacle qu'il eût rencontré
sur sa route. Mais il ne devait pas tarder à être frappé à son
tour. Pauthier était resté à Paris pendant les deux sièges et,
pour son unie ardente et sensible, la double calamité de la
guerre civile et de la guerre étrangère fut une dure épreuve.
A peine put-il ouvrir le cours dont il était chargé, et, déjà
malade dès ses premières leçons, il mourut le 11 mars 1873,
à l'âge do soixante-douze ans.
A la séance du 20 juin 1873 de la Société asiatique, un de
ses collègues, Ernest Renan, lui rendait, dans son harmo-
nieux langage, le témoignage suivant : « Le caprice de la
mort nous oblige justement à rapprocher de M.Julien l'homme
qui semblait destiné à être son émule et que de regrettables
animosités séparèrent de lui. M. Guillaume Pauthier, malgré
un réel mérite, malgré de vrais services rendus à la science.
(1) Lecture de cette Notice a été faite danb la grande salle deTHôtel de
Ville de Besançon, en face du portrait du général Donzelot, faisant partie
de la galerie des généraux franc-comtois.
- 25 —
n'a jamais occupé dans àon pays le rang dont il était digne ;
sa carrière a toujours été troublée et sa vie empoisonnée- par
les plus tristes mécomptes. Nous ayons ie devoir strict, après
la mort de deux confrères qui nous laissent un égal regret,
de ne pas réveiller des controverses que nous avons tout fait
pour étouffer... L'érudition étendue de M. Pauthier lui eut
assuré des droits au haut enseignement. Certes, il n'égalait
pas Julien dans ce don spécial, départi à lui seul, de voir dans
une phrase chinoise ce qui s'y trouve et rien que ce qui s'y
trouve ; mais il avait plus d'instruction comparative ; moins
souvent il se réfugiait derrière cette phrase péremptoire, si
familière à Julien : « Je ne m'occupe pas de cela. » Sa curio-
sité était ouverte, éclairée ; il recueillait avec ardeur et bon-
heur. Son travail sur Marco-Polo, sa dissertation sur Tins
cription de Si-gnan-fou resteront dans la science. Sa mé-
moire vous sera particulièrement chère, messieurs. Après
notre respecté président, personne plus que M. Pauthier n'a
donné à la Société asiatique de son temps et de son activité.
Les épreuves de ces dernières années lui furent cruelles
comme à tant d'autres. Le siège, la Commune, dont il vit à
Passy, qu'il habitait, les scènes les plus terribles, l'ébranlé-
rent au physique et au moral. Le découragement fut chez lui
si fort, que nous cessâmes presque de le voir. Il avait
soixante et onze ans, quand un accident subit Tenleva. Disons
de cœur à cet honnête, franc et loyal confrère un sympathi-
que adieu (t). »
La parole de l'auteur de la Vie de JésuSy si elle est agréable,
manque souvent de précision. Nous avons voulu savoir quel
accident subit enleva Guillaume Pauthier ; nous avons appris
par son neveu, M. Xavier de Ricard, qu'il mourut d'une at-
taque d'apoplexie depuis quelque temps prévue.
Si les travaux de Pauthier n'ont pas été récompensés, pen-
(1) Journal aHalique, 1* série, t. H, p. 18.
- 26 -
dant sa vie, comme ils le méritaient, il ne faut pas que ses
compatriotes négligent sa mémoire. Nous croyons donc que
la Société d'Emulation, qui aiiae à célébrer toutes les gloires
comtoises, lui devait le tardif mais juste hommage que nous
sommes heureux de lui rendre aujourd'hui.
i
EN EGYPTE
DU CAIRE A ASSOUAN
Par M. V. ALHAND
CHEF DE BATAILLON DU GÉNIE
mkmsub cokrkspomdamt
Séance publique du il décembre i903 (*)
Le « Melbourne i» file à toute vitesse pour arriver à Suez
avant la nuit. Les deux rives du golfe sont visibles : celle de
droite, plus éloignée, est une ligne continue de hautes falaises
blanches plongeant dans Teau bleue en arrière de laquelle
se dessine, sur un fond de brume, la silhouette indécise du
massif sinaitique; celle de gauche, faite de collines ro-
cheuses et de dunes de sable, laisse voir les échancrures des
vallées qui la coupent et les promontoires abrupts qu'elle en-
voie dans la mer.
Les passagers impatients, consultent la carte marine sur
laquelle le commandant trace chaque jour le chemin par-
couru et cherchent à contrôler, avec des jumelles, les indi-
cations vagues qu'elle donne sur les reliefs en vue.
Enfin la ligne foncée des palmiers des « Aioun Moussa (U »
barre à tribord le jaune clair de la plage déserte ; le djebel
Âtakah dresse au couchant ses escarpements sombres et en
(*) £n Tabsence de l'auteur, lecture de cette Notice a été faite par M. le
capitaine V. Maire, du 22« régiment coloniaJ.
(1) Sources de Moïse!
— 28 —
face, dans la direction de la marche, une ville blanche et rose
sort des flots
Elle monte rapidement sur la mer, longtemps sans sup-
poil visible ; peu à peu une côte basse se dessine fermant
tout l'horizon, des bouées avancent vers nous l'entrée du
canal, le port de Suez se précise et bientôt l'immense pa-
quebot s'immobilise sur ses ancres.
A Ismaïlia le désert cesse d'être seul mattre. L*oued Tou-
miliot déjà verdoyant, permet l'accès facile de la terre de
Gessen, antique domaine de Jacob et de sa descendance Une
des premières stations, Ramessès, y marque le point où les
Hébreux, opprimés par Sésoslris, construisaient pour lui, en
briques séchées au soleil, une grande ville disparue, boule-
vard de TEgyte contre ses ennemis de Sypie.
Zagazig, non loin des ruines de Bubaste, est le centre de
la culture du coton ; toute la région, plane comme la Beauce,
n'est qu'un immense jardin coupé de bouquets de palmiers,
d'acacias ou de sycomores.
Les fellahs vêtus de bleu sont aux champs, sèment,
binent ou irriguent avec l'eau des canaux d'où l'extraient de
rustiques norias ; de longues files de chameaux, des buffles,
des ânes, des chevaux, des troupeaux de moutons couvrent
les chemins et en soulèvent la poussière; d'innombrables
villages aux maisons basses, délabrées, faites du limon du
-Nil, éveillent l'idée d'une population extrêmement dense dont
la vie est réduite à ses primitifs éléments.
Les Pyramides apparaissent, dominant l'horizon. Elles
s'imposent aux regards qui ne les quittent plus jusqu'à ce
que dans le fracas habituel, le train entrant en gare, elles dis-
paraissent derrière les maisons du Caire.
Le Caire a progressé du Sud au Nord par villes succes-
sives juxtaposées aujourd'hui plus ou moins ruinées.
L'antique forteresse de Babylone, bâtie par les prisonniers
assyriens ramenés d'Asie par Sésostris, cache derrière ses
vieux murs une cité minuscule, presque morte, peuplée de
coptes et de juifs. Abon Sargah y est une vénérable basilique
dont la crypte fut la demeure de la Sainte Famille fuyant la
persécution d'Hérode.
Boutros, notre guide, est maronite; il nous introduit à ce
titre, sans hésiter, derrière l'iconostase d'Abon Sargah oii,
tout en psalmodiant l'office, un prêtre copte allume et lui
présente un cierge pour nous faciliter l'examen d'antiques
peintures, de vieilles boiseries en cèdre sculpté. Notre qua-
lité de français rapidement constatée nous vaut, au surplus,
de visiter le monument sous la conduite de la propre fille de
l'ofQciant ; elle nous conte dans notre langue la sainte histoire
dont l'église consacre le souvenir.
En 640 de J.-C. et l'an 20 de l'hégire, Amrou assiège Baby-
lone. I-,a forteresse prise, il édifie une mosquée à l'emplace-
ment de sa tente (en arabe : fostat), sur laquelle des colombes
ont posé leur nid. La ville de Fostat a été le premier Caire.
La mosquée d'Amrou n'a pour elle que son antiquité et
encore n'est-ce qu'un souvenir, car elle a été incendiée plu-
sieurs fois; une fontaine sans eau, un palmier, quelques ar-
bustes récemment plantés ornent sa cour. Les galeries ser-
vant d'abri pour la prière étaient, dans le principe, suppor-
tées par 366 colonnes de marbre enlevées aux monuments
romains du voisinage; il en reste une centaine.
En 879, Ahmed ibn Touloun cimstruit une nouvelle ville
au nord de Fostat et une mosquée semblable à la Kaaba de
la Mecque. Ce monument grandiose, très beau malgré son
délabrement et son abandon, possède un minaret sans doute
unique dans son genre; son escalier est extérieur, en vis au*
tour d'un massif central.
En 973, le vizir du sultan fatimite Moniz, Gohar, fixant dé-
finitivement la résidence des califes, fonde un nouveau
quartier, Kasr el Kahira, du nom de la planète Mars
-30-
passant au méridien le jour où Ton en pose les fondements.
La mosquée de Kasr el Kahira, érigée en université par le
calife el Âziz a pris le nom d'el Azar.
Edifiée en plein quartier arabe, on y arrive de façon pit-
toresque an cherchant son chemin à travers un dédale de
ruelles étroites et sinueuses. Sur le seuil de la porte des Bar-
biers, il faut chausser des babouches afin qu'aucun contact
impur ne souille les parvis du Prophète et saas autre prépa-
ration, un guide très officiel doublant le nôtre, nous intro-
duit dans la grande cour où une foule bourdonnante s'agite.
Les étudiants de tous les âges, de toutes les races de l'Is-
lam, accroupis à la mode orientale, ont en main des tablettes
ou des feuillets imprimés ; chacun travaille pour son compte
et répète à haute voix la leçon qu'il apprend, le haut du
corps oscillant d'avant en arrière pour forcer l'attention.
La présence d'infidèles comme nous ne cause aucun émoi,
aucun dérangement, et nous avons toutes les peines du
monde à trouver un passage à travers les rangs pressés. Si
l'application est extrême, elle n'est pas absolument générale ;
c'est pour beaucoup, en efTet, l'heure du déjeuner et pour
quelques uns celle de la sieste : ces derniers étendus sur les
dalles dorment à poings fermés à côté de leurs camarades.
Les professeurs tiennent cercle sous les galeries de la
mosquée assis au milieu d'un auditoire attentif, tantôt sur le
sol, tantôt sur un siège élevé. Leur parole est abondante,
rapide, leur geste rare et bref.
Le cycle des études exige de trois à six années ; l'enseigne-
ment se résume dans l'étude du Coran renfermant toute
science. Les étudiants diplômés peuvent à leur tour devenir
professeurs, cheicks de mosquée, cadis ou greffiers dans
leur pays d'origine.
Les ruelles qui avoisinent l'université sont habitées par
d'innombrables libraires et marchands de comestibles tenant
ainsi à la disposition des huit mille étudiants qui la fréquen-
tent, la nourriture du corps et colle de l'esprit.
fai-
sans transition, par une porte basse percée dans le rem-
part, nous passons du bruit et de l'animation d'el Azar, à l'ab-
solu silence de la cité des morts. La nécropole du Caire occupe
au pied de la colline du Mokattam une vallée aride si bien
cachée, qu'aucune rumeur de la grande ville n'y parvient.
A côté d'enclos pleins des tombes des gens du peuple, se
dressent les mausolées des riches, les mosquées funéraires
des califes, pour la plupart décrépites et ruinées ; celles du
sultan Barkouk, de Kait Bey. sont néanmoins dans leur quasi
abandon, des monuments d'un très grand art, autrement in-
téressants que la mosquée rococo du dernier Khédive Tew-
fik, leur très lointain successeur.
Les derniers tombeaux dont ceitains, éventrés, béent à la
surface du sol, vont jusqu'au pied des pentes de la citadelle,
non loin de la mosquée du sultan Hassan.
Ce superbe édifice, construit en 1356, a une cour inté-
rieure presque carrée, bordée de salles ouvertes grandes
comme des travées de cathédrale. La plus vaste, aménagée
en sanctuaire, sert de vestibule à la chapelle dans laquelle le
sultan Hassan repose sous une coupole haute de 55 mètres.
Tout est noble, d'une décoration sobre et élégante dans ce
monument grandiose, le plus beau qui soit au Caire.
Une succession d'escaliers et de rampes permettent d'ac-
céder à la mosquée de Mohammed Ali, terminée en 1857,
sur un éperon du Mokattam, au milieu de la citadelle ; do-
minée par deux minarets d'une sveltesse remarquable enca-
drant une coupole majestueuse, faite de marbre et d'albâtre,
heureusement éclairée, richement ornée, elle est sans con-
tredit le plus bel exemplaire de l'architecture musulmane
moderne.
Son emplacement a d'ailleurs été admirablement choisi et
d'un coin de l'esplanade qui lui sert de support, l'œil em-
brasse un mei'veilleûx panorama.
En face, les Pyramides pointent dans le ciel et se déta-
chent plus sombre sur sa couleur d'or du désert lybique,
— 3i —
fuyant vers le sud en. s' estompant dans une brume qui flam-
boie sous Tardent soleil. Le Nil parait comme une coulée bleue
entre deux lignes jaunes tracées dans les cultures et les bois
de palmiers. Il disparait aux premiers faubourgs derrière les
maisons de la ville dont les rangs se pressent à nos pieds.
Le Caire n'est qu*une surface grise d'oii émergent les dames,
les minarets, la masse des mosquées, les longues lignes des
palais; les très nombreux jardins, les façades blanches des
monuments neufs, marquent seuls de teintes plus vives Té-
tendue un peu terne du décor.
Le ministre de France a, par la voie des journaux du Caire,
invité ses compatriotes à assister avec lui à la messe consu-
laire de Pâques. Nous n'avons garde de manquer à ce devoir
patriotique et si nous ne pouvons nous joindre au cortège
ofliciel, nous sommes du moins, à Theure fixée, dans Téglise
paroissiale du Manski où la nation française est réunie.
Précédés par les cawas chamarrés d'or et armés d'une
haute canne à pomme d'argent, le ministre, les consuls, les
députés de la nation, tout ce que le Caire compte de Français,
font leur entrée dans Téglise fi*ancîscaine brillamment déco-
rée et illuminée pour la circonstance.
Le Père gardien ofQcie assisté de tous ses religieux. Des
honneurs particuliers, plusieurs fois séculaires, sont rendus
au ministre pendant la messe ; on lui présente à baiser le
livre des Evangiles et la paix, cérémonies qui paraissent sin-
gulièrement intéresser l'assistance. Celle-ci composée de ca-
tholiques de tous rites, de toutes races et nationalités, ne
semble pas considérer la protection française comme vaine et
son attilude au passage du cortège n est pas celle qu'inspire
la seule curiosité.
Nous sommes descendus dans le seul hôtel français du
Caire et encore nos voyageurs et touristes Ut trouvent vieux
jeu; il est resté un lieu où, comme dans Téglise du Manski,
-.30-^
la colonie se réunit pour les fêles et cérémonies officielles,
quand la place manque à son cercle ou à la résidence de
France.
On y cause beaucoup de nos affaires et de notre situation
dans le pays.
La bonne harmonie et l'entente ne sont pas les qualités
qui distinguent nos compatriotes et cette division toujours
regrettable Test infiniment dans cette Egypte on l'union
serait si nécessaire pour maintenir nos positions menacées
et déjà si entamées, depuis que les Anglais l'administrent et
disposent à leur gré de ses destinées.
Un excellent observateur a écrit dernièrement que dans
les affaires extérieures, nos passions parlaient plus haut que
l'intérêt national ; si nos échecs d'ensemble découlent de
cet état d'esprit, il n'est pas douteux que dans les limites
d'une moindre France comme sont nos colonies à l'étranger,
ces passions ramenées à la mesure de querelles d'intérêt et
d'amour-propre donnent les plus fâcheux résultats.
Nous perdons du terrain en Egypte comme partout et
cependant en cette fête de Pâques, c'est bien une gaieté fran-
çaise qui se répand dans les rues du quartier d'Ismailliyeh,
déjà si français d'aspect; partout on entend le parler de
France, on crie les journaux français, de grandes affiches
annoncent que ce soir une troupe française jouera la comé-
die au théâtre de l'Ésbékiyeh.
La visite des Pyramides se joint à celle de Memphis et de
la nécropole de Sakkara dont à vrai dire, elle fait aussi partie ;
elle demande dans ces conditions une assez dure journée.
Un train nous dépose dès la première heure à Hélouan-
les-Bains, ville factice, sans intérêt, édifiée au voisinage
d'une source sulfureuse, sur un site où les malades et hiver-
neurs ne peuvent perdre, ni un souffle de vent, ni un rayon
de soleil.
3
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Hêlouan est relié au Nil par une route tracée à travers
2 kilonièlres de désert; elle aboutit sur la berge à une guin-
guette tenue par un Grec où Ton peut attendre la fin des
longs pourparlers engagés par le drogman pour régler le
passage en barque. Mieux vaut encore contempler le vieux
fleuve d*£gypte. Une flotille dont les bateaux sont chargée
jusqu'au bord de doura de blé, de gros amas de paille, des-
cend lentement le Nil dont les eaux d'un bleu pftle paraissent
immobiles : les grandes voiles sont tendues, mais la brise
est morte et voici que les rameurs, debout^ font moiivoir le?
avirons pour accélérer sa marche. On difait un tableau sorti
d'un mastaba aipplifié et mieux peint, exécuté par un artiste
d'il y a cinq mille ans, tant il est vrai de dire que rien n'a
changé dans le pays des Pharaons.
A Bedrachem. sur l'autre rive, des âniers ont été convo-
qués. Ils forment un groupe bruyant, grossi de tous les
enfants du village criant : bakchiche! bàkchiche! où chacun
fait valoir les qualités exceptionnelles de sa bète. Sans s'éraoii-
voir, le dron^man désigne dans le las les bétes qui nous con-
viennent.
Nous enfourchons tout aussilùt les tranquilles baudets
harnachés soiinnairement de lanières multicolores et de
ficelles garnies de verroteries bleues; en une galopade
endiablée, durement pressée du bâton, ils nous amènent en
peu de temps à l'emplacement de Memphis.
Il n'en reste rien, du moins pour les profanes ; il y a beau
temps que les temples et les palais de la capitale du Nôme,
du a mur blanc » ont fourni les matériaux de construction des
mosquées et des remparts du Caire.
Dans un très joli bois de palmiers qui a poussé sur les
ruines amoncelées de l'antique cité, on montre deux statues
de Ilamsès II. Ce sont des colosses, étendus sur îè dos,
longs de 10 mètres environ. L'un, en partie brisé, ne se
voit bien qu'en montant sur sa vaste poitrine ; l'autre, mieux
conservé, est visible du haut d'une passerelle échafaudée
|MDP«*âe88Us. Ce» deux statues^ la dernière surtout, sont
admirables. La physionomie souriante du Pharaon, ses yeux
si doux et grands ouverts. la i^râce sereine répandue sur ses
traits, nous retiennent longuement auprès du favori d'Afnon,
fils du Soleil, gardien de la Vérité.
Sa pure beauté nous poursuit et son tranquille sourire
nous accompagne dans la visite de l'immense nécropole
cachée sous le sable, de Sakkara aux pyramides de Gizeh.
Les merveilles des mastabas de Ti, de Méri» du Sérapeum,
ne parviennent pas à atténuer l'impression baie sur nous par
la troublante image de Sésostris.
Une nouvelle course, de deux heures cette fois, au grand
soleil, dans le sable jusqu'aux pyramides d'Abausir, puis à
travers les champs cultivés, dans la plaine du Nil, nous
conduit au Sphinx et aux Pyramides. Celles-ci dominent
l'étendue de leur masse et sont très imposantes, presque
harmonieuses et belles, tant qu'elles restent sur le piédestal
naturel que leur fait le ressaut de la chaîne lybique. Mais
à mesure qu'on en approche et surtout quand, ayant gravi la
berge, on se trouve sur le môme plan, leur énormité seule
saisit l'esprit confondu devant un tel amoncellement de
pierres et la vanité du si prodigieux effort de leur mise en
œuvre.
Au Sud de la grande Pyramide, sur le chemin conduisant
de Memphis au cœur même de la nécropole, se dresse à
moitié enfoui dans le sable, taillé dans un roc haut de vingt
mètres, le grand Sphinx, image d'Harmakis ou du Soleil le-
vant; éternel gardien de ce vaste cimetière, il personnifiait,
au milieu de tous ces morts, l'idée de la résurrection qui,
comme la lumière du matin, inlassable, triomphe toujours
de l'ombre et de la nuit.
Lorsque, montant du temple de granit, à peine exhumé
des sables, on contemple la silhouette du Sphinx s'élevant
peu à peu sur le ciel, on a le sentiment que rien ne saurait
J
rendre la majesté tranquille, la paix, la sécurité prctfonde
(jui remplissent ses grands yeux tournés vers l'Orient.
Un tramway électrique permet de rentrer au Caire par la
route de Gizeh, ombragée d'acacias et de sycomores. Les
Pyramides, tout à Theure si accablantes, reprennent^ à me-
sure qu'on s'éloigne, toute la sévère beauté que leur donne
leur forme géométrique et le cadre incomparable du désert
dans lequel s'aténuenl leurs dimensions.
Le palais de Gizeh, aujourd'hui vide des collections d'an-
tiquités qui ont fait son renom, est entouré d'un pai'C or-
ganisé en jardin botanique et zoologique, où la faune du
Soudan est déjà très richement représentée. C'est le bois
de Boulogne d'ici, et la large avenue qui y conduit depuis
le pont du Nil est parcourue par les brillants équipages des
riches Egyptiens, à défaut des hiverneurs de marque, qui
ont fui déjà devant les premiers souftles du Khamsin.
L'Egypte est un don du Nil, a dit Hérodote. Le fleuve, en
elTet, a créé le sol de la région cultivable en apportant cha-
que année trente millions de mètres cubes de limons, en
déposant une couche d'ail uvions de 15 à ^20 mètres d'épais-
seur et en créant un delta de 2(K) kilomètres de front sur
presque autant de profondeur.
Le delta commence au Caire ; les branches du Nil, les ca-
naux alimentés par un grand barrage établi un peu en aval,
se développent en éventail, se croisent dans tous les sens,
arrosent cette région extraordinairement fertile, où Ton peut
faire trois récoltes par an, et dont la richesse augmente
d'année en année.
En amont du Caire, la vallée s'allonge sur 800 kilomètres
jusqu'à la première cataracte ; sa largeur varie dans cet in-
tervalle entre 2 et d6 kilomètres, pour se réduire à un ravin,
grand comme le fleuve, avant d'arriver à Assouan.
On sait que la crue du Nil fertilise annuellement cette
- 37 -
vallée; toutes les parties atteintes par les eaux se couvrent
de maisons, d'immenses étendues de canne à sucre, créant
ainsi cette oasis unique au monde^ au contraste violent avec
l'aridité absolue du désert, au milieu duquel elle développe
ses méandres.
La saison avancée n'autorise que le chemin de fer pour
remonter la vallée du Nil, du Caire à Assouan, et encore,
son utilisation n'est pratique que pour un voyage de nuit.
Le train qui nous emporte s'enfonce dans la nuit lumi-
neuse après que nous avons pu contempler à loisir le ma-
gnifique décor d'un couchant embrasé, sur lequel les Pyra-
mides se dessinent dans une gloire, et d'un Orient où, dans
une atmosphère bleue, teintée de rose, se trace la silhouette
délicieusement pale du Caire, du Mokattam et de la chaîne
arabique.
Nous nous réveillons à Hag Hamadi au bruit de la tra-
versée du Nil sur un pont métallique. La vallée, encore
large, très peuplée, est semée de bosquets de palmiers, mais
la verdure des champs a disparu, la moisson est faite par-
tout, et jusqu'à Louksor elle a revêtu la livrée fauve de ses
berges.
Les ruines de Thèbes gisent sur les deux rives du Nil : la
droite était réservée aux vivants et possède les grands tem-
ples ; la gauche, plus spécialement affectée aux morts, ren-
ferme les tombeaux.
Sur le bord du fleuve, à peine exhumées du sous-sol de
la ville, se dressent les colonnades du temple de Louksor.
Elles étonnent par leur nombre et leurs dimensions, mais
l'œil en saisit facilement l'ordonnance malgré les construc-
tions successives ajoutées par les divers Pharaons.
Ramsès II, revenant de guerroyer en Syrie, fit construire
une dernière cour, qui se trouva constituer rentrée du mo*
nument édifié par ses prédécesseurs. Cette cour est iermée
par un gigantesque pylône dont la face extérieure porte en
< reliefs en creux « les épisodes de la campagne, et en par-
ticulier, ceux de la bataille de Qadesch
Six colosses représentant Ramsès II et deux obélisques,
dont Tun est à Paris, étaient dressés en avant de ce pylône.
Le coin N.-O. de la cour, vers l'entrée, est encore sous
les décombres jusqu'à hauteur des colonnes intérieures ; de
la plate-forme ainsi conservée, sur laquelle s'élève une mos-
quée, on a une vue saisissante de l'ensemble des cours et
des colonnades.
Tout Tintérieurdu temple, long de 260 mètres, célèbre
sur ses parois et dans ses chapelles la gloire d'Amon, dieu
de Thèbes et protecteur de ses rois
Des obéhsciues, une avenue bordée de sphinx, retrouvée
dans la ville et ses jardins, conduisait au grand temple de
Karnak, la merveille de la Haute-£gypte. Il est malheureu-
sement bien ruiné, mais la salle hypostyle, en partie debout,
suffit pour donner une idée du monument disparu et remplir
de stupeur l'esprit le mieux préparé ii concevoir de telles
créations.
Prenez douze colonnes Vendôme, faites-en une allée de
dix mètres de largeur et, de part et d'autre, disposez en
quinconce cent vingt-quatre autres colonnes de dimensions
moindres mais encore gigantesques, donnant avec les pre-
mières une surface couverte en terrasse de cent deux mètres
sur cinquante-et-un ; ornez les colonnes et les murs de la
salle ainsi obtenue de représentations religieuses, proces-
sions et ofl"randes aux dieux : peignez sur le plafond, fait de
dalles joinlives, la nuilétoilée : vous aurez ainsi reconstitué
cette œuvie titanesque des Pharaons de Thèbes, panthéon
commémorant les exploits de Séti I, de Ramsès II, vain-
queur des « vils Khili •, de Sheshang I, qui pilla, sous Ro-
boam, le temple de Jérusalem, et de tant d'autres, en roêœe
-39-
teinps qu'il glorifiait la triade illustre : Amon, Maut el
Khansan.
Faut-il ajouter que Ton parcourt 3,800 mètres en faisant le
tour du temple, qu'il a i,400 mètres de longueur du Nord
au Sud et 560 de TEst à l'Ouest.
La petite ville de Louksor est perdue dans l'immense
Thèbes ; ses habitants, coptes et fellahs, presque tous fabri-
cants d'antiquités, vivent de la créduhté et de l'enthousiasme
des touristes.
C'est dans une vallée calcinée dont les parois fauves ren-
voient la chaleur et la lumière du soleil, au fond d*un ravin
découpant sur le ciel, comme à l'emporte-pièce, une bande
d'un bleu éclatant, que s'ouvrent, dans le roc, les tombes
royales.
On ne pouvait choisir, pour la dernière demeure des fils
de Râ, un lieu d'une plus sinistre grandeur, où la puissance
du Père se manifeste avec plus d'éclat, car c'est vraiment le
royaume du soleil que cette vallée des Biban el Moulouk.
Le tombeau de Seti I, le plus remarquable, est d'abord
une succession de corridors et d'escaliers, que suivent des
chambres de toutes dimensions, puis d'autres corridors,
d'autres escaliers, et encore des chambres, sur cent mètres
et plus de longueur. Toutes les scènes du « livre de THadès :»,
du voyage des morts dans l'autre vie, sont retracées et ré^
pétées sur les parois en peintures terrifiantes, dont l'éclat
n a rien perdu depuis cinq mille ans qu'elles ont été exécu-
tées.
Au fond d'une de ces syringues, un Pharaon repose dans
son sarcophage ouvert ; on ne peut dépasser le seuil de la
chambre mortuaire, et rien n'est impressionnant comme la
vue lointaine de la momie royale éclairée par la lumière
blanche d'une lampe électrique.
— 40 -
Un sentier très dur conduit au sommet de la biaise
orientale de la vallée des Tombes, au-<lessus des escarpe-
ments formidables qui dominent la plaine de Thèbes.
Le panorama est d'une superbe magnificence : la vallée
du Nil, semblable à une fournaise oîr l'air flamboie, ne se
voit qu'à travers une brume argentée estompant les détails.
Au loin, la cbalne arabique est blanche de lumière^ et tout
à nos pieds, presque sombres par contraste, s'amoncellent
les ruines des grands temples de Gournah, du Raroesseum,
de Medinet Âban, et se dressent dans leur impassible séré-
nité, les deux colosses de Memnon, seuls debout au milieu
d'une si complète dévastation.
Contre la falaise à pic, aux 'assises dorées, s'étagent les
terrasses du temple de Deir el Babari. Il est dû à une femme
remarquable, la reine Makéré, sœur, épouse et corégeote
de Tbautmosis III.
Les promenoirs de ce temple abritent les surprenantes re^
présentations d'une expédition au pays de Pount, aux ré-
gions de l'encens et des bois précieux. Les bateaux de la
reine naviguent sur la mer Rouge» dont les animaux sont
reproduits dans la transparence de ses flots verts, abordent
aux terres lointaines, chez des peuples dont les maisons co-
niques se dressent à l'ombre des palmiers.
£n atiiont de Louksor, le Nil se tient presque constam-
ment le long de la chaîne arabique, reportant à rOccident
la plaine fertile, dont la largeur va en diminuant progressi-
vement jusqu'au djebel Silsileh (la chaîne), barrant le co^i'^
du fleuve à la manière d'une chaîne dont il a rompu quelques
anneaux.
Jusqu a Asdouan, le^ rives pluâ encaissées, sont merveil-
leusement colorées et pittoresques.. La zone cultivée se ré-
duità une bande étroite au-dessu&.du. fleuve, douUçs e^ux
sont élevées pour rirrigalion k l'aide de norias.; tout le
~ 44 -
terrain utilisable est habilement aménagé en vue (Tune
culture intensive, comme dans les oasis. D'ailleurs la phy*
sionomie de la région change complètement et prend nette-
ment le cachet saharien.
A notre arrivée, le soir, l'atmosphère est embrasée; le
kbamtin soulève d'épais nuages de poussière, le soleil dispa-
raît dans une brume épaisse et les palmiers des jardins,
échevelés, courbés par le vent, donnent à Assouan l'aspect
de toute ville du désert assaillie par la tempête de sable.
La nuit est superbe» claire, sans un souffle d'air, affreuse-
ment chaude ; on entend le concert lamentable des grince-
ments des sakiehs (norias) semblable, dans Tile d'Eléphan-
tine, à celui des fauves hurlant à la lune.
Assouan est la porte Sud de l'Egypte; sa population nu-
bienne diffère profondément de celle de la vallée du Nil avec
laquelle elle sympathise peu. Les Nubiens s'expatrient néan-
moins volontiers au Caire et à Alexandrie, avec le but de re-
venir au pays après avoir amassé un petit pécule.
Cette sauvage vallée du Nil, presque sans verdure, rava-
gée par un soleil implacable, au delà de la première cataracte
jusqu'à Ouadi Halfa, leur tient au cœur à l'égal de la plus sé-
duisante pairie.
Des Bicbarins, bédouins du désert, frères des Somalis,
peut-être des Abyssins, au profil superbe, aux traits fins et
pleins de noblesse, campent à Assouan pendant la saison des
touristes. Ils vendent des verroteries et toute une pacotille
spéciale fabriquée sous la tente avec le poil de chèvre, la
peau de chameau et les coquillages de la mer Rouge.
Le Nil s'est fait un chemin à travers un plateau granitique
qui a découpé en lies et Ilots obstruant son cours, sur près
de dix kilomètres de longueur, du Sud de Chellal à Assouan.
La première cataracte, aujourd'hui détruite par l'incessant
travail d'érosion du fleuve, n'est plus qu'une succession de
rapides auxquels on a remédié par un canal latéral.
On va à Chellal par la voie du désert, à âne ou en chemin
— 42 —
de fer ; elle aboutit à un coude du Nil transformé en lac par
la construction d'un grand barrage, port de Chellal où Ton
s'embarque pour la visite, autrefois classique, des ruines de
Philœ.
Hélas! le site merveilleux, tant admiré, tant célébré depuis
Strabon jusqu'à nos jours, s'est banalisé par l'invasion de
l'activité européenne ; les monuments de Philœ, si beaux, si
harmonieux, ne seront bientôt plus qu'un souvenir.
L'Ile est sous l'eau, et, à cette époque du plus bas niveau,
c'est à peine si le temple d'Isis émerge en son entier ; on en
peut visiter quelques salles, mais l'avant-cour ne s'explore
qu'en barque et l'inscription du grand portail rappelant Tex-
pédition de Bonaparte et le raid de Desaix à la poursuite des
Mamelucks, s'élève de peu au-dessus des eaux.
Un escalier donne accès à la terrasse du temple et permet
d'apprécier l'étendue du danger et l'imminence du désastre ;
dans un avenir prochain ce qui subsiste des ruines s'écrou-
lera et Philœ aura disparu.
Si le barrage, long de 4,500 mètres environ, que les An-
glais viennent de construire, devait assurer sans conteste la
prospérité de l'Egypte, la vallée du Nil ne manque pas assu-
rément de temples superbes pouvant atténuer le regret de la
perte de ceux de Philœ, mais cette œuvre très grande, com-
parable aux Pyramides par Tentassement des matériaux,
n'est destinée qu'à faire fructifier de gros capitaux engagés
dans la culture du coton. Lors des crues médiocres, il n'y
aura plus, dit-on, d'inondation pour les terres du fellah, con-
damné à mourir de faim.
Nous aurions les famines d'Egypte comme nous avous
celles de l'Inde.
Que tous les dieux protecteurs de la terre des Pharaods
écartent ce sinistre présage.
^ 43 ^
Le retour au Caire demande un jour et une nuit.
Il nous restait pour compléter ce rapide voyage à visiter le
musée des antiquités égyptiennes récemment installé dans
un palais magnifique, à Kasr en Nil, digne de l'admirable
collection due en grande partie à deux éminents français^
Mariette et M. Maspéro.
Que dire de ce musée unique en toutes ses parties, tant
par les documents qu'il renferme que par la façon dont ils
sont présentés ; les chefs d'œuvre abondent dans toutes les
salles où la statue en bois du Cheick el beled, celles du Scribe
de Sakkara, de Ra-hoteh, de Nefert, de Khéphren, la tète de
la reine Taia retiennent entre tous Tattention.
Les momies des grands rois de Thèbes, retrouvées péle-
mèle dans un puits de Delr el Bahari, reposent ici dans leur
cercueil ; Seti I, Sésostris, Ramsès II, le buste libre de ban-
delettes, ont d'admirables traits ennoblis par la majesté de
la mort.
Nous ne pouvons saluer ces vénérables dépouilles sans
ressentir une profonde émotion faite du regret de voir ces
pauvres morts hors de leurs tombes violées, exposés à l'irré-
vérencieuse curiosité des foules et du respect que nous ins-
pire le glorieux passé qu'ils représentent, si loin dans la durée
qu'il semble toucher à l'origine du monde.
J'ai eu le très grand avantage de visiter l'Egypte avec un
aimable et obligeant camarade ; nous nous séparons au Caire,
lui pour rentrer en France, moi pour gagner Port Said et
Jaffa.
Si, dans les lignes qui précèdent, j'ai pu d'une façon bien
imparfaite et sommaire résumer nos impressions, je reste
seul pour conclure.
Je serai bref.
Si nous avions connu l'Egypte, les Anglais n'y seraient
pas aujourd'hui à peu près les maîtres.
_ 44 -
Il est encore possible d'atténuer, sinon de réparer, notre
échec et de maintenir du moins notre situation actuelle. Les
intérêts matériels et momux engagés dans ce pays, sans le
nom de la France, sont considérables et doivent être sauve-
gardés. Il n'y faut que de la bonne volonté.
Il est à désirer que tout Français qui voyage^ à n'importe
quel titre, visite l'Egypte, pour se convaincre dé la nécessité
d'agir. Il y trouvera encore comme une autre France, de
fortes impressions d'art et un grand exemple de développe-
ment économique et d'administration à méditer.
Baume les-Dames, le i^^ août 1903.
LA
VOIE ROMAINE DU RHIN
ET SES STATIONS
DANS LUS CANTONS
de BADHE-LES-DAMES et de GLERVAL (Doubs)
Par a* Abbé Paul DRUOT
(Séances du iô Décembre i90S et du i6 Février i904).
Ce n*est pas une question nouvelle que celle des voies
romaines en Franche -Comté. De nombreuses et savantes
études ont été faites à ce sujet et en particulier sur la Voie
(les Provinces Germaniques ou du Rhin, par d'éminents
archéologues. Mais quelques-uns d'entr'eux, malgré leur
compétence, semblent avoir étudié l'itinéraire de cette
dernière voie plutôt sur une carte que sur le terrain m^mo
et en ont donné souvent un tracé absolument fantaisiste.
Il était intéressant de réfuter ces erreurs et de relever la
position exacte de cette grande .roule pendant qu'il en est
encore temps, car ses dernières traces ne tarderont. pas à
disparaître. En maints endroits et surtout lorsque la voie
était en talus, à mi-côte d'une colline ou d'une dépression de
terrain, elle a été envahie par la terre végétale et se trouve
recouverte par des champs cultivés ;. ce n'est alors que
la pioche à la main qu'on peut arriver à la découvrir. Dans
d'autres parties, lorsqu'elle était en levée, les habitants des
pays qu'elle traversait, après l'avoir creusée, en ont tamisé
le cassage afin d'avoir et du sable ou de la groise pour leurs
constructions, et des pierres pour leurs prestations, avec
- 46 -
Tavantage appréciable de les avoir toutes cassées. Parfois
elle disparaît sous des ronces et d'épais buissons, ou est
erapruntée par nos chemins ..actuels. En tous caSv^nsun
avenir peu éloigné, il sera absolument impossible de la
reconnaître. Ce sont ces considérations qui m'ont porté à
suivre pas à pas son parcours dans les cantons de Baume-
les- Dames et de Clerval (laissant à d'autres le soin de l'étu-
dier de Besançon à Sechin et de Rang à Mandeure). J'ai
pu ainsi fixer le tracé exact de cette voie, en relever les
particularités, et en môme temps rechercher remplacement
des différentes mansions, celle de Velatodurum en parti-
culier.
Mais auparavant il n'est pas inutile de rappeler sommaire-
ment l'origine de cette route. De l'avis unanime des
archéologues, ce grand travail fut commencé par Agrippa,
gendre de l'empereur Auguste, dans les dernières années
qui ont précédé l'ère chrétienne, plus de vingt ans après la
mort de Jules Gésari et fut terminé en Tan 40 de iiotre ère,
selon les uns, mais plus vraisemblablement en l'an 98, la
première année du deuxième Consulat de Trajan, d'après la
borne miliiaire de Mathay . Elle reçut certainement de notables
améliorations sous le règne de cet empereur. C'est donc à
tot*t que la dénomination populaire de Chaussée ou Levée de-
Jules César, a été donnée à cette voie. Vèsontio ou
Besançon, capitale de la Séquanie, devint bientôt après la
conquête des Gaules un centre romain important. De nom-
breuses routes partant de Lyon, de Chalon-sur-Saône, sans
compter celles qui venaient d'autres villes telles que les
voies de Langres, de Milan par Genève et Pontarlier, par
exemple, aboutissaient à Besançon.
Dans cette ville, selon M. Ed. Clerc, toutes ces routes
semblaient se fondre en une seule beaucoup plus importante
qui se dirigeait vers la Germanie, par Mandeure, la trouée
des Vosges et Argoniorai ou Strasbourg. D'après les Xe%i^^
anciens, le fragment de voie qui fait l'objet de cette étude
^ il ^
était emprunté simultanément par la route d'Àoste à Stras-
bourg et par celle d'Augst à Langres. C'était la Voie du Rhin
qui a coûté un travail considérable comme on peut s'en ren -
dre compte en étudiant les particularités de sa construction.
Aussi n'est-il pas étonnant que les légions romaines aient mis
tant d'années à l'établir.
Tracé de la Vo^e.
Cette voie, d'après Dunod(t), devait sortir de Besançon
par un pont dont les traces ont disparu mais qui existait près
de Bregille. Après avoir quitté à Palente le territoire de
Besançon, elle passait entre le Doubs et la grande bourgade
romaine des Andiers, près de Tliise et continuait par
Roolie, la Malmaison (mala mansio), Roulans et Seohln,
suivant presque continuellement jusqu'à cet endroit le tracé
de la route actuelle de Besançon à Baume-les-Dames.
A partir du centre de Sechin, la voie romaine prend une
autre direction Elle s'écarte encore davantage de la vallée
du Doubs que jusque là, depuis Rocbe, elle a suivi à plus
d'un kilomètre de distance. Par une pente extrêmement
douce elle gagne le plateau qui forme la partie Nord-Ouest
des cantons de Baume-les-Dames et de Clerval, sur la rive
droite du Doubs.
Le choix de cet itinéraire, le soin que les ingénieurs
romains ont pris d'éviter toute vallée étroite et profonde
indique de façon certaine que cette voie était avant tout une
route militaire, un chemin stratégique, comme nous dirions
aujourd'hui Du reste, le savant Perreciot, qui dans le cou-
rant du xviiP siècle s'est livré avec tant d'ardeur et de
persévérance à l'étude de Baume-les-Dames et de ses
environs, s'en était rendu compte dans ses recherches
archéologiques. Il avait remarqué au-dessous de Grosbois
(1) DUNOD. Histoire des Séquanois. T. I, préface p. xix.
- 48-
une portion de chaussée romaine qu'on peut voir en partie
encore aujourd'hui et qui est indiquée sur là carte de l'Etal-
major, chaussée qui s'écarte de la voie du Rhin pour se
diriger vers le Doubs. Il pensait à tort que ce devait être uo
premier essai de la route dès lors abandonné par les ingé-
nieurs romains. Voici ce qu'il écrivait à ce sujet : • Un reste
de chaussée de 350 toises qui se trouve au-dessous de
Grosbois, donne à penser que la Voye romaine avait d'abord
été tracée par Baume et que ce ne fut que l'extrême difficulté
des lieux et le danger des défilés qui fit changer le plan et
qui engagea à tourner les montagnes de Baume ; que le
plus grand objet des Romains dans la construction des voyes
militaires était de faciliter la marche des troupes, il n'est pas
étonnant qu'ils aient sacrifié l'intérêt d'une petite ville à
l'avantage d'avoir une route plus facile ».
Si la première partie de l'assertion de Perreciot, qui
fait injure à la perspicacité et au talent indiscutable
des ingénieurs romains, est contestable comme on le
verra plus loin, la seconde est assurément des plus
logiques, et cette réflexion d'une grande exactitude pour
tous ceux qui connaissent cette partie des cantons de Baume-
les-Dames et' de Clerval ainsi que le cours très encaissé du
Doubs. De Douvot et Fourbanne jusqu'à Clerval la vallée, au
point de vue militaire, est fort périlleuse : à droite, le
Doubs bordé par des montagnes abruptes, à gauche des
rochers à pics comme de vraies murailles. D'où l'impossibi-
lité à une armée surprise ou poursuivie de fuir ni d'un côté
ni de l'autre. C'est ce que Jules César lui-même avait
remarqué Dans ses Commentaires (t) il indique plusieurs
voies qui conduisaient où Arioviste était campé, lorsque l'ar-
mée romaine s'empara de Besançon, l'une entr'autres, qui
(i) J. Cœsar. Dé hello Gallico, lib. I « qui se ex his minus Xmiéo»
eii^imari volebam, non se hostem vereri sed angustias itinerh et lua*
gnitudinein silvarnrn qum inter oos et Ariovisturn intercédèrent.. . iUneîti
dicebam. »
- 49 -
était la plus courte, remontait le Doubs du côté de Besançon
et de Clerval par des défilés et d'épaisses torôts. Les Ro-
mains, hommes pratiques, avaient donc vu le danger et c'est
pourquoi ils évitèrent ce défilé si étroit, abandonnèrent le
vieux chemin gaulois dont parlait César et créèrent une
nouvelle route, celle qui nous occupe. S'ils s'écartent du
Doubs, dès Roche, s'ils ne suivent pas le tracé de la route
actuelle au sortir de Sechin pour appuyer sur la gauche et
ne retrouver la vallée du Doubs qu'à Clerval, c'est que la
vallée s'élargit alors (Clerval en étant réellement la clé du
côté de Baume, suivant son étymologie, clavis vallis) et
n'offre plus le danger d'une attaque imprévue et désastreuse
pour une armée en marche dans un long défilé sans issues.
Cette autre portion de route qui s'écarte de la voie
principale à partir du milieu du bois du Grand-Val, qui passe
sous Qposbois, cette vie. pnvée que les habitants de ce
village par une délibération du 10 juin 1746 W demandaient
l'autorisation de détruiie et que Perreciot prenait à tort pour
un premier essai de route abandonné, ne serail-ce pas plutôt
un raccordement militaire reliant à la voie du Rhin, Baume
et plus sûrement encore le camp de Buremont qui plus tard
protégea cette ville, alors simple bourgade sans doute, et
l'entrecroisement de quatre autres routes romaines de créa-
tion postérieure et d'importance moindre que la voie de
Mandeure. Sans vouloir de parti pris, comme Perreciot, faire
de Baume un centre romain à l'époque de la création de la
voie du Rhin ou une ville ancienne de quelque importance,
il n'est pas admissible non plus que ce ne fût alors qu'une
simple villa, comme l'affirme l'abbé Besson (2j. Les traces de
chemins celtiques du Corneillet et de la montagne de
Framont sur le versant de la Boussenotte, indiquent égale-
ment que Baume existait et avait une issue au Nord-Est pour
(1) Arch. municip. de Baume-les- Daines BB. 24.
(2) Abbé Besson. Mémoire hisiori'juê sur Vabbaye de Baume^ p. 31.
— 50 -
rejoindre la voie du Rhin du côté de Clerval entre la Yieville
et Autechaux.
L'hypothèse de Perreciot ne semble donc pas soutenable :
cette portion de chaussée n'était certainement point le résul
tat d'une tentative maladroite des ingénieurs romains, mais
un chemin conduisant à Baume depuis la grande voie ;
ce n'est que l'avantage d'une sécurité plus grande et non U
difficulté des lieux qui fit passer la route du Rhin au nord de
Grosbois. Son établissement eût été du reste tout aussi facile
en remontant continuellement la vallée du Doubs depuis
Roche et le Petit-Vaire (^).
Il est donc bien visible qu'on l'éloigné de cette vallée dan-
gereuse et c'est à dessein qu'en sortant de Sechin, elle suit
en bordure sur toute sa longueur le côté méridional du Bois
du Grand-Val, Grosbois se trouvant sur sa droite, passe à
peu de distance de Fontenotte, laisse le bois Orgier-Corabe
sur sa gauche, et de là se poursuit vers Luxiol, le Loposa-
gium de la Carte théodosienne. De Luxiol la voie est suivie
parrallèlement ou empruntée par le chemin vicinal actuel
conduisant de ce village à Autechaux, mais jusqu'à 500
mètres seulement de la ferme de la Vieville, près de laquelle
elle ne passe pas, contrairement à ce qui a toujours été écrit
jusqu'à présent Elle oblique alors vers le Nord-Est et coupe
transversalement le canton de champs dit Liévaux. C'est là
que récemment, au bord de la chaussée, on a retrouvé des
substructions et des escaliers, emplacement probable de
l'ancienne Vieville (viœ villa) ; puis la voie s'engage dans les
Mal planches à l'état de mauvais chemin de défruitement et
vient aboutir sur la route de Baume-les- Dames à Kougemont
qu'elle traverse à angle droit au point de jonction du cherain
de Verne. Cent mètres plus loin elle oblique sur la gauche
1) En plus de ce tronçon dont parle Perreciot, il existe à Grosbois êga;
lement, une portion de route romaine parallèle à la voie du Rhin et qui
semble avoir été abandonnée à cause de sa rapidité. On Taurait rectifiée
eu lui faisant longer le bois du Grand-Val.
-51 -
et laisse à sa droite le château et le village d'AnteoliaiiX.
Elle atteint à cet endroit le point culminant de son parcours
entre Besançon et Mandeure et se dirige ensuite en ligne
droite vers la forêt dite Bois du Fossé ou plus commu-
nément Bois d'Athée qu'elle suit presque en bordure dans
sa partie méridionale. Jusqu'à ce bois depuis la route de
Rougemont elle disparaît sous les champs cultivés, sert
ensuite, pendant un demi-kilomètre, de chemin de déboi-
sement entre le bois communal de Sous-la-Velle et le
commencement du Bois d'Athée, puis se poursuit d'une
façon très visible pour sortir du territoire d'AMtechaux
entre les lieudits la Crochère et la Combe Saint-Germain.
De la Vieville à cet endroit, la voie est pour ainsi dire d'une
horizontalité parfaite qu'elle conserve en traversant le terri-
toire de Voillans où elle longe en ligne droite le sommet
de Champraye, contourne et la Vèze, et la Couibe Pagney,
et la Combe aux Toyons, traverse à mi-côte et directement
la Combe Thesin, passe à l'extrémité de l'Aigle, décrit alors
un long demi-cercle dans le vallon de Ranthes pour éviter
une déclivité un peu prononcée. Ces courbes nombreuses,
ce soin avec lequel les Romains ont fait le tracé de la voie du
Rhin, dans son parcours sur le territoire de Voillans, pour
conserver son horizontalité remarquable, porteraient à contre-
dire les assertions de M. de Matty de Latour. Le savant
ingénieur prétendait que les Romains paraissaient avoir
ignoré l'usage des courbes à grand rayon et que leurs aligne-
ments droits étaient réunis par des raccordements courbes
très courts. Il est vrai que M. de Matty n'a pas étudié toutes les
voies romaines, que leur tracé n'est pas dû au même ingé-
nieur et que celui qui a dirigé les travaux de la voie du Rhin
Ta fait peut-être avec plus de soins et de science que d'autres.
En tout cas, de Sechin aux Glauderey la voie ne présente
aucune déclivité appréciable malgré les nombreux accidents
de terrain.
Bref, à partir de cette dernière courbe de Ranthes dont le
- 52 -
rayon est très grand, elle remonte le Devant de Bermont.
Après quoi, elle coupe à angle droit l'ancienne route de Lyon
à Strasbourg, dite des Intendants, route qui n'emprunte la
voie romaine sur aucun point de son parcours depuis Sechi»,
contrairement à raffirmation de l'Annuaire du Doubs de 1882,
dans la note concernant la commune de Voillans. Elle
traverse ensuite en ligne droite le communal de la Levée,
ainsi dénommé justement à cause du passage de la Levée de
Jules CéBar, A partir de l'extrémité de cette pelouse où elle
a été totalement défoncée, elle est encore utilisée actuelle-
ment comme chemin vicinal de Voillans à Clerval par le
Creux d'Alouettes, hameau peu important à proximité d'un
creux très-profond W. Au sommet des Glauderey, la voie
romaine perd brusquement son horizontalité qu'elle n'aurait
pu conserver qu'en faisant un long demi-cercle de plusieurs
kilomètres. Elle descend alors en ligne droite la rampe rapide
de 10 à 12 ^lo du chemin du Boulot, abandonné depuis cinq
ans comme chemin vicinal, pour aboutir à l'Hôpital-
Saint-Lieffroy. Elle passe sous la maison commune et
une partie des habitations de ce village puis remonte assez
rapidement et directement la Côte des Pins et le sommet des
Vignes de la Craie sur Clerval. Il est visible encore qu'on a
cherché à lui faire suivre les crêtes, les plateaux découverts
et quand il y a un vallon à contourner, c'est aux trois quarts
de sa hauteur ou à son sommet qu'on le lui fait côtoyer. Et
cependant pour la facilité du roulage, il eût été plus pratique
à cet endroit de lui faire suivre dès l'Hôpital-Saint-Lieffroy
le tracé du chemin actuel jusqu'à Santocbe et Pompierre.
C'eût été la plaine pendant six kilomètres* Mais les mêmes
(1 Une ridicule légende veut que le carrosse de Jules César y ait ëlé
englouti accidentellement. Un des propriétaires de ce hameau eut récein»
ment un moment de grande émotion en croyant ramener à restrémité
d'un harpon, une des roues de ce fameux char. Déception profonde, quan*'
il reconnut que c'était une roue de sa propre voiture qu'un mauvais pla»'
sant avait précipitée dans ce gouffre, quelques années auparavant !
— 53 T-
raisons stratégiques qui avaient fait abandonner à Roche la
vallée du Doubs, font éviter à THôpital la vallée trop étroite
qui se dirige sur Glerval entre la Planoise et le bois de
Montfort que très vraisemblablement dominait déjà l'antique
Château de Ranustal,
De sorte que THôpital-Saint-Lieffroy se trouve au bas de
deux rampes assez prononcées de ladite voie et formerait
comme la pointe inférieure d'un V majuscule. UHôpital-
Saint-Lieffroy {liospitium^ gîte) fut certainement une man-
sion romaine. M. Oudot ancien conseiller général et qui
récemment encore y était propriétaire d'une ferme impor-
tante, m'a rapporté qu'il avait trouvé lui-même et recueilli
en cette localité de nombreuses monnaies impériales. La
position de cette station, son étymologie, semblent indiquer
que c'était surtout un relai (ynutatio) rendu nécessaire par
les rampes de la voie pour doubler les attelages et per-
mettre aux convois de gravir la pente de la Planoise et sur-
tout celle du Boulot.
En sortant des vignes de Clerval, la voie du Rhin, tou-
jours pour éviter deux déclivités, fait une courbe, un demi-
cercle complet dans la direction du Bois du Bannal dans le
vallon qui va sur Fontaine, puis se dirige en ligne droite sur
Pompierre. Dès qu'elle a dépassé le chemin de Clerval à
Soye, elle est très visible et figure sur la carte de l'Etat-
Major. Elle sert de cliemin rural jusqu'au bois du Vernois.
Complètement dépouillée de son massif supérieur dans son
parcours sur la lisière de ce bois, il n'en reste que l'assise
pavée. De là elle est empruntée jusqu'à Pompierre par le
chemin de Santoche, l'antique Centusca du Chroniqueur de
Cuisance (1). La chaussée traverse ensuite Pompierre,
passe sous le cimetière et l'église : on la perd complètement
de vue de l'église à la sortie du village. Elle reparait alors
très visible et sert de chemin rural à travers les champs
[i'j BoLLAND. Légende de St-Ermenfroi, 25 sept.
— 54 —
jusqu'à la Maisonnette du garde-barrière du chemin de fer
de Besançon à Belfort, traverse obliquement la voie à gauche
de ce passage à niveau, coupe de même le canal du Rhône
au Rhin et arrive en face de Rasg-lesrisle où elle passait
le Doubs. C'est là que j'ai arrêté mes investigations. J'indi-
que rapidement, pour mémoire, d'après M. Clerc, son tracé
à partir de ce village. Après avoir traversé l'ilot qui fait
face à Rang elle passe au-dessous de l'Isle-sur-le-Doubs,
évite le méandre de la rivière, laisse Blussans sur sa gauche,
gagne Colombier-Chàtelot, Saint-Maurice, Dampierre, Vou-
jeaucourt où elle franchit le Doubs et finalement arrive à
Mandeure après avoir passé une seconde fois cette rivière
sur un des ponts de cette antique cité alors très importante
qui succomba sans doute sous les coups d'Âttila en 451.
Tel est le tracé précis de cette ancienne voie qui desservit
la Franche-Comté depuis la domination romaine jusqu'au
milieu du xviii* siècle. C'est le tracé indiqué autrefois par
Bergier. curé de Flangebouche (*), Trouillet curé dOr-
nansA et, danb le milieu du xix' siècle, par M. le Président
Clerc (3) avec quelques erreurs de détail. C'est donc à tort
que certains auteurs, l'étudiant seulement sur une carte,
lui ont fait remonter la vallée du Doubs, dès Roche, en mon-
tant par Baume-les-Dames, dont ils faisaient le Loposagium
de la Carte thédosienne, ou même par la rive gauche du
Doubs, comme Dom Jourdain W. Trompé par un rapproche-
ment de noms, une illusion philologique, cet auteur suin
par plusieurs autres, comme nous le verrons, s'obslinanl à
faire de Velatodui*um de l'Itinéraire d'Antonin, Vellerot-les-
Belvoir, y faisait passer la voie du Rhin qui en est éloignée
de plus de dix kilomètres.
(i ) Dergier. Biblioth. de Besançon, fonds de l'Académie, concours de
1756, m. 17.
(2) Trouillet. Biblioth. de Besançon, fonds de l'Académie, concours d*
1756, m. 17.
(3^ Ed. Clerc. La Frnnche-Comté à Tépoqoe romaine.
(4) Dom Jourdain. Biblioth. de Besançon, même concours, m- 17.
— 55 —
Mode de Construction.
La voie des Provinces germaniques est également inté-
ressante à étudier dans son mode de construction et on est
justement frappé de la somme considérable de travail qu'a
demandé son établissement.
Bergier, d'après Vitruve, et postérieurement M. Clerc,
trop confiant dans les affirmations du précédent, préten-
daient que les chaussées romaines étaient formées de quatre
couches superposées donnant ensemble une épaisseur cons-
tante d'environ trois pieds.
La première de ces couches {staiumen ou fondation)
aurait été composée d'un ou deux rangs de grosses pierres
noyées dans du mortier.
La seconde {rudu$) était en pierres plus petites, posées à
plat, rangées avec ordre et cimentées comme une maçon-
nerie de blocage.
La troisième (arena ou miclèus) était un béton de gravier
et de chaux.
Enfin la quatrième était la surface de « marchement » et
dans les cités, aurait été soit un pavé, soit une mosaïque,
soit un lit de ciment analogue à notre asphalte ou au maca-
dam.
Si ces données ont pu être exactes pour certaines voies,
elles ne le sont nullement pour la voie de Besançon à Man-
deure, ou dans plus de cinquante coupes étudiées sur des
points différents des cantons de Baume et de Glerval, on ne
trouve que deux couches bien distinctes : une fondation en
pierres faite partout de même manière, puis un agglomérat
d'épaisseur et de composition variables suivant la confor-
mation du sol et les matériaux que les Romains avaient à
leur disposition.
— 56 —
Fondations.
La chaussée repose donc sur toute sa longueur sur une
fondation qui est une vraie maçonnerie de blocage, formée
d'un massif de pierres de grosseur moyenne et d'une épais-
seur de vingt-cinq centimètres. Ces pierres de surface
aplanie, ces « têtes de chat > comme disent assez exactement
nos cultivateurs, étaient disposées comme des pavés, peu
régulièrement cependant, et maçonnés avec du mortier de
chaux. Elles formaient un pavage bien nivelé dans toute la
largeur de l'emprise qui, en moyenne, était de cinq mètres
cinquante centimètres. On ne s'attachait pas à rendre le sol
horizontal dans le sens de la longueur, aussi le pavage
suivait-il les ondulations du terrain sur lequel la voie
devait passer.
Certains auteurs ont prétendu à tort que ces fondations
étaient simplement reliées avec de la terre, d'autres au
contraire comme M. Ed. Clerc, avec du ciment. La vérité est
que ces pierres étaient réellement maçonnées avec du
mortier. C'est à peine si, aujourd'hui, on peut les extraire.
Par suite de l'humidité qui, dans la suite des siècles, a traversé
la chaussée, il s'est formé des infiltrations et une formation
de carbonate de chaux qui a rempli les interstices des fonda-
tions, en a soudé ensemble toutes les pierres qui forment
un bloc presque indestructible.
Dans quelques endroits, lorsque les ouvriers rencontraient
le roc, leur travail était simplifié; ils l'unifiaient simplement
et s'il se trouvait un espace, une fissure entre deux roches,
ils y intercalaient au mortier quelques pierres placées de
champ.
Près de Colombier - Châtelot, en pratiquant des fouilles
pour extraire du sable, on a cru reconnaître qu'il y avait
sous la chaussée romaine des dalles et des rochers présen-
tant des ornières profondes et on en a conclu que c'étaient
— 57 —
des vestiges d'ancien chemin gaulois. Il est fort admissible
que les Romains se soient servis, quand ils les rencontraient
des chemins qui existaient avant la conquête de la Séquanie.
Ils les ont utilisés dans ce cas uniquement comme assise des
nouvelles voies qu'ils construisaient.
Massif supérieur.
Sur ces fondations se trouvait un massif supérieur, un
agglomérat dont l'épaisseur varie suivant les endroits entre
quarante-cinq centimètres et deux mètres. Cette profondeur
différait suivant les ondulations du terrain et des fondations,
car c'est en mettant davantage de béton dans les parties plus
creuses que les Romains arrivaient à réduire et à régulariser
les pentes. Ce massif se compose toujours de couches
successives — dénombre ei d'épaisseur variables — de pierres
cassées, ou de graviers, ou de cailloux roulés, ou même de
gros sable de rivière : le tout amalgamé par du mortier de
chaux et ensuite damé et roulé. L'usure du cassage semble-
rait indiquer que chaque couche aurait été livrée momenta-
nément à la circulation, et que l'ensemble n'aurait pas été
fait du même coup, mais dans un laps de temps assez court
cependant puisqu'on ne remarque aucune ornière dans le
béton. L'examen de plus de cinquante fouilles indique ce
mode de construction et c'est à tort que Bergier et Trouillet,
dans leurs manuscrits présentés au Concours de 1756, pré-
tendent que la chaussée n'était que de la pierre pulvérisée
provenant de recharges successives comme on opère de nos
jours. La coupe transversale d'une de nos routes nationales
offre un aspect tout différent.
Les Romains se servaient dos matériaux qu'ils avaient à
portée de la main Sur le territoire de Voillans, leur béton
était fait avec des pierres cassées de la grosseur de celles
qu'on emploie aujourd'hui pour les prestations et ces pierres
étaient noyées dans du mortier où la chaux figure pour moi-
— 58 —
tié. Dans certains autres endroits la proportion de chaux est
cependant moins forte et certaines couches de béton indi-
quent en même temps la présence de terre argileuse corarae
matière agglomérante, mais c'est là une rare exception. On
préférait évidemment le mortier de chaux, seulement il fallait
trouver à proximité des calcaires et du bois pour les cuire,
ce qui était le cas pour la région baumoise, où le combustible
était abondant. Quant à la nature des pierres employées, elle
dépendait de ce que les Romains trouvaient dans chaque
finage, et, comme le fait remarquer M. de Malty, cela était
bien nécessaire en présence de l'énorme quantité de maté-
riaux que nécessitait le mode de construction adopté. En
voici une preuve palpable. De Santoche à Rang la pierre
cassée disparaît totalement du massif de la chaussée. La
proximité du Doubs procure aux Romains une matière plus
commode à la fabrication de leur béton, et l'agglomérat qui
parlois atteint jusqu'à deux mètres d*épaisseur est fait uni-
quement de chaux et de sable de rivière^ en couches super-
posées d'épaisseur très variable, dont le tout forme un seul
bloc d'une dureté extraordinaire. La somme de travail, de
matériaux nécessaires, ainsi que le prix de revient d'une
telle méthode peuvent paraître fantastique à quelqu'un
qui n'a point vu la coupe d'une voie romaine. Et ce-
pendant rien n'est plus vrai : les voies romaines étaient
à proprement parler des viœ calcealœ^ des chaussées W des
chemins faits à la chaux. La constatation en est facile le
long du bois du Vernois, derrière Santoche, plus que partout
ailleurs, et la simple vue de ce béton, tout de sable, convain-
crait rapidement ceux qui s'obstinent à croire que les voies
romaines étaient établies comme les nôtres.
(1) De ce qui précède, l'étymologie du mot chaussée vient plutôt de
calx, via calceata^ chaux, chemin fait à la chaux, ce qui est aussi ropinion
de Diez, que du féminin du participe passé de calciare, ealdata via,
terre pressée, foulée, comme le prétend M. le D»" Meynier {Mémoires delà
Société d'Emulation du Doubs, 1900, p. 240).
— 50 —
Si cette affirmation rencontrait encore quelques sceptiques,
je les renverrais à la consciencieuse étude de M. de Matty
de Latour sur ce sujet. Le savant ingénieur, qui a étudié plus
de sept cents coupes de voies romaines différentes, conclut
également que ces routes étaient construites à la chaux. J'ap-
porte encore deux documents irréfutables à l'appui de cette
thèse :
C'est tout d'abord une analyse chimique de deux échantil-
lons de mortier pris à Voillans, section des Arbres brûlés, le
21 mars 1903, sur la voie romaine du Rhin, l'un dans les fon-
dations, Tautre au milieu du massif de béton épais à cet en-
droit de 80 centimètres seulement W. Or le bulletin de l'ana-
lyse (2) qui en a été faite à la Station agronomique de Fran-
che-Comté dénote la présence de 50 grammes 35 pour cent
de chaux dans l'échantillon du bas, et 49 grammes 56 pour
cent de chaux dans l'échantillon du massif supérieur. C'était
donc un mortier fait à parties égales de chaux et de sable.
C'est la preuve scientifique et incontestable de cette méthode
de construction, telle que je viens de l'exposer. Le même
bulletin d'analyse ajoute que cette composition chimique est
loin d'être celle du ciment romain, dont on ne trouve au-
cune trace dans les deux échantillons, ce qui détruirait l'o-
pinion de M. Ed. Clerc qui prétendait que les pierres servant
(1) Cette coupe est présentée au croquis de la planche ci-jointe.
(2) Bulletin d'analyse n" 41. — Matière analysée : Deux échantillons
de substances supposées être du ciment romain :
lo Echantillon dénommé bas :
Chaux p. «/ 509^35
Acide silicique «/o 59^^
Magnésie Vo 00^44
Oxyde de fer •/• i«'4
i9 Echantillon dénommé milieu :
Chaux p. Vo 49»'56
Acide silicique 7" ^''8
Magnésie */o • . . Oo'?
Oxyde de fer «/o 09^9
Cette composition chimique est loin d*étre celle approchée d*un ciment
romain. Les analyses faites sur ces substances donnant un maximum de
chaux égal à 60 */o rapporté au ciment sec et décarbonaté.
La même détermination faite sur Téchantillon bas) sec et décarbonaté
a donné 88 */o de chaux. Il n*y a donc aucun espoir d'assimilation.
Besançon, le U avril 1903. Le Directeur de la Station, Parnentier. --
Prix : 30 fr.
— co-
de fondation aux voies romaines étaient reliées entre elles
par du ciment, alors qu'en réalité il n*y a que de la chaux.
Voici maintenant une autre preuve non scientifique, mais
qui cependant a sa valeur. C'est un simple fait d'obser^aLion.
Le 13 mai 1903, sur la même voie de Besançon à Mandeure,
à 600 mètres de distance du champ où j'avais prélevé les
échantillons dont il vient d'être question, un manœuvre était
occupé à creuser la voie au lieudit < le Champ Rond • pour
en extraire le sable, selon l'habitude de nos cultivateurs
quand ils ont quelques constructions à faire. Or sous le mas-
sif même du béton, sur les pavés servant de fondations, que
trou va- 1- il ? Le squelette complet d'un cheval étendu très na-
turellement. D'après sa position et les grosses pierres dont
il était recouvert, il est évident que ce cheval, victime d'un
accident quelconque ou amenant les matériaux nécessaires
à la construction de la voie, fut laissé sur place par les lé-
gionnaires ou les ouvriers. Et ceux-ci, pour ne point se don-
nei- la peine de creuser une fosse afin d'enfouir le cadavre,
l'ont simplement noyé, pour ainsi dire, dans la couche pro-
fonde de béton dont ils composaient le massif de leur route en
cet endroit. Preuve évidente de cette façon de construire,
car si les Romains avaient procédé comme de nos jours à
l'établissement de leurs voies, il leur eût été absolument
impossible d'y laisser le cadavre d'un cheval abattu.
Quant à la surface de marchement ou partie supérieure de
cet agglomérat, elle a disparu. Mais il ne semblait pas qu'elle
devait différer sensiblement de celle nos chemins. M. de
Malty croit que la surface des voies romaines une fois éta-
blies, comme on vient de le voir, était simplement caillou-
tée et entretenue par des rechargements successifs dans des
condilions analogues à nos routes actuelles. En général, si
la base de la voie du Rhin était de 5 mètres 50, sa surface
supérieure ne dépasse guère quatre mètres en moyenne.
On est vraiment étonné de la somme colossale de travail
qu'a exigée la construction de cette voie et il n'est pas élon-
— 61 —
nant que, sur tout son parcours, on remarque sur ses fonda-
tions des ornières très visibles, comme elles sont indiquées
sur le croquis (voir PI.). Bien parallèles, elle sont de soixante-
quinze à quatre-vingts centimètres d'écartement. La plupart
du temps on en remarque cinq et môme six sur la largeur
de Temprise. Gomme ces ornières sont bien marquées et
profondes de cinq à sept centimètres, il est probable que la
voie pavée a dû être livrée au roulage avant de recevoir son
massif de béton. Ne proviendraient-elles pas aussi de Té-
norme quantité de matériaux quUl a fallu amener sur de
lourds chariots pour construire l'agglomérat supérieur. Les
deux hypothèses sont parfaitement admissibles.
Prix de revient kilométrique.
A titre de curiosité, je termine la description de cette voie
en rappelant que Tingénieur de Matty de Latour évalue
à 86.000 francs au minimum, aux prix actuels, la dépense
kilométrique d'une voie ainsi composée. Les voies romaines
étaient construites le plus souvent, soit par les légions
pendant les heures de paix qui suivaient les conquêtes, soit
par des corvées, la main d'œuvre ne comptait guère.
Telle est la voie du Rhin, remarquable dans son tracé,
extraordinaire dans son mode de construction, vrai travail
de Romains, c'est le cas de le dire. On n'est pas étonné que
les siècles l'aient appelé via, la grande voie, et dans nos
campagnes elle est encore aujourd'hui la vie romaine.
Emplacement des Stations.
En étudiant cette partie de la voie des Provinces germa-
niques, il était curieux de rechercher quel pourrait être
exactement l'emplacement des deux seules stations qui y
sont indiquées sur les cartes romaines.
Conformément à l'opinion de Peireciot, c'est sur son trajet
^62-
dans le canton de Baume-les-Datnes qu*il faut les placer sans
aucune hésitation. Ce savant, dans un de ses manuscrits, dit
en effet : « Il est probable que le territoire de Baume a été
cultivé dès la plus haute antiquité. Il était fertile et étendu,
dans une position avantageuse pour le commerce nécessaire
entre la montagne et le plain pays. Son voisinage était rempli
de villages sous la dénomination romaine : Lopasagium et
Vellatudurum sont nommés dans Tltinéraire romain et dans
la Carte de Peutinger entre Besançon et Mandeure, et on
trouve des tuiles romaines dans presque tous les territoires
des environs de Baume. »
Quoique cette question ait été controversée et que le calcul
des distances indiquées par ces documents ne donne pas
exactement la position géographique de ces deux stations, la
situation topographique, les trouvailles archéologiques, et
peut-être aussi Tétymologie de ces noms, fournissent des
indices précieux et incontestables. Avant de les exposer
il ne me paraît pas inutile de rappeler la bibliographie de
cette intéressante question d'autant plus que les ouvrages
qui en parlent sont très rares, même la plupart encore à l'état
de manuscrits.
Deux documents de l'époque romaine nous signalent la
voie du Rhin et ses stations. L'un est la Carte théodosienne
ou Table de Peutinger, établie vers l'an 230, selon M. Ed.
Clerc, plus vraisemblablement après Tan 337, selon le P.
Dunod et M. Auguste Longnon. Cette Table donne un tracé
schématique des voies de l'Empire Romain à cette époque,
les étapes ou mansions, leurs distances intermédiaires et
indique entre Besançon et Mandeure la seule station de Lopo-
sagio, dont l'emplacement n'est plus contesté aujourd'hui.
Loposagium.
On s'accorde généralement à reconnaître que Luxiol,
village situé à 6 kilomètres au nord de Baume-les-Dames
— 63 -
est le Loposagium des Romains et rares sont les auteurs qui
placèrent cette mansion autre part. Du reste les raisons qu'ils
apportent à Tappui de leurs thèses viennent d'une similitude
de noms plus ou moins vague et d'interprétations étymolo-
giques celtiques non moins risquées, comme on va en juger.
t En sortant de Besançon, écrit Chevalier de Poligny (0,
la voie, après avoir côtoyé le Doubs de plus près que ne le
fait la route actuelle et après avoir passé par la Malmaison et
les Longeaux amenait à Loposagivm dont le nom indique
une hauteur sur un lieu où il y a un passage, ce qui parait
fixer cette station auprès de la montagne d' Aigrement,
au-dessus de Laissey, station des mieux placées et des plus
commodes, éloignée de Besançon d'environ quatre lieues et
quart, ce qui correspond aux treize milles romains attribués
à ce poste qu'on ne peut placer ni à Soye ni à Luxiol. »
Chevalier soutient encore la même thèse dans le mémoire
qu'il présenta à l'Académie de Besançon pour le concours de
175H sur les voies romaines en Franche-Comté (-). « Loposa-
giOy écrivait-il, est un nom composé de sagio^ passage, et de
lopo. Ce dernier mot n'est-il point écrit pour polo ? Polus,
hauteur, montagne élevée, aagio^ passage de rivière, ce qui
convient parfaitement à Laissey et au quartier sous le château
de Roulans. » Chevalier ignorait peut-être que Laissey n'était
point sur la voie romaine.
Dom Jourdain (3) place Loposagium à Passavant : <i Je ne
vois, dit-il, aucune analogie entre Luxiol et le Loposagium de
la carte. » Il en découvre plutôt dans Passavant, et le calcul
des distances satisfait trop facilement cet auteur : « Ce lieu
est à treize lieues gauloises de Besançon et à dix-huit de
Mandeure, ce qui répond exactement aux nombres marqués
(1> Cretalier. Histoire de Poligny y I, p. zlxiii.
(2) Chevalier. Bibliothèque de Besançon, fonds de V Académie ma-
nuscrit, 17. !
(3) Dom Jourdain. Biblioth. de Besançon, fonis de V Académie ma- !
nusc. 17. !
- 64 —
sur la carte pour ces deux distances. Je pourrais aussi trouver
quelque affinité entre les mots de Loposagium et de Passiî-
vant, si j'étais instruit dans la langue celtique. » Quand même
il Teût été, Dom Jourdain n'aurait pu corroborer son opinion
d'arguments sérieux , attendu qu'aucun vestige de voie
romaine n'a été relevé sur le territoire de cette commune.
Et je >uis très étonné que l'Académie bisontine ait couronné
son travail alors que seul d'entre tous les concurrents et les
archéologues, il mentionne une voie dont on ne trouve aucun
indice, dont on n'a aucun souvenir dans le pays, qui, par
suite, est très problématique, et qu'au contraire il ne signale
aucunement sur sa carte des routes romaines, la voie du Rhin,
passant par Luxiol, Voillans, l'Hôpital-Saint-Lieffroy, telle
que nous l'avons décrite précédemment et si visible encore
aujourd'hui. Il se contente d'indiquer par un pointillé douteux
une voie longeant le Doubs et passant par Baume-les-Dames.
Cluvier et Valois (l) opinent pour Soye, voyant dans le
nom de ce village une certaine ressemblance avec les derniè-
res syllabes de Loposagium. Cette opinion est absolument
inexacte, car on peut certifier en toute assurance que la voie
romaine en question n'a pas passé par Soye.
D'Anville (2), M. Bial (3), récemment M. Espérandieu (*',
ayant sans aucun doute étudié de très loin la Voie du Rhin,
s'obstinent à lui faire suivre les rives du Doubs et font de
Baume-les-Dames la station de Loposagium,
Walckenaer (5) est moins affirmatif dans cette erreur; il
ne peut pas dire si c'est Baume-les-Dames ou Saint-Ligier,
hauteur qui domine cette ville au Nord et qui, autrefois, en
était un quartier important. On peut opposer à ces auteurs
^i) Ad. \tAi^[S. A/b<Uia GoiZiarum p> 120.
(2) D'Anville. Notice sur l'Ancienne Gaule^ p. 149.
CS) M. Bial. Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, f^«<
p. 401.
(4) M. Espérandieu. Revue épigraphique,n^ 10!, avril 1901, paçe 180.
(5) Walckenaeh. Géographie ancienne des Gaules, t. Il[, p. 93.
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le même démenti formel qu'aux précédents. La voie du I
Rhin, comme nous l'avons vu, en étudiant son tracé, ne pas- |
sait pas plus à Baume qu'à Soye, et c'est le cas de rappeler
cette réflexion pleine de justesse de M. Ed. Clerc <^} : j
a Privés des connaissances qui ne peuvent s'acquérir que I
par des études toutes locales, les savants étrangers à notre
pays éprouvent un insurmontable embarras dans Tappli*
cation des itinéraires romains aux localités modernes. La
nécessité les force à chercher les stutions anciennes dans
les villages dont le nom leur offre quelque analogie avec le
nom écrit dans la carte de Peutinger ou l'itinéraire d'An*
tonin, en calculant au hasard les distances^ et souvent en
dehors du tracé réel des voies romaines ».
Bergier, dans le mémoire qu'il envoya au Concours de
1756 dont il est parlé précédemment, n'ose affirmer mais
croit que Luxiol est l'ancien Loposagium.
Dunod (2} sans en donner la raison, n'hésite pas à dire que
Loposagio c'est Luxio), et il écrit ce nom Lucio tel qu'il est
encore prononcé dans la région. Sont de cet avis tous les
autres auteurs qui out traité des voies romaines en Franche-
Comté : M. Ed. Clerc (3), dernièrement M. J. Gauthier (^), et
au xviii® siècle,Trouillet qui, dans son mémoire du Concours
de l'Académie, semble avoir étudié avec un >oin particulier
la voie de la Germanie : a Lucio, dit-il, où nous plaçons la
première mansion {Loposagium) n est plus qu'un village, au
couchant, à une petite lieue de la ville de Baume. Sa posi-
tion dans un terrain élevé et aquatique nous parait exprimée
par son nom gaulois Loposagio. Ce lieu était considérable.
On y trouve des ruines de grands bâtiments, des briques
anciennes, des marbres gravés, et le peuple y conserve une .
(1) Ed. Clerc. La Franche-Comté à l'époque romaine, p. 87.
(2) OuNOO. Hietoiredes Séquanois, préf. p. xiii.
(3) Ed. Clerc. Ouvrage cité, p. 109.
(4) J. Gadthibr. Mémoires de la Société d'Emul. du Doubs, 1899
p. 391.
5
-66-
vieille tradition que c'était Un passage pour les armées ro-
maines. La voye s*y fait encore remarquer. Dernièrement -
on trouva dans les champs de ce village un marbre gravé qui
fut cassé par les laboureurs avant qu'on ait lu l'inscription ».
Cent ans plus tard, M. Ed. Clerc citait un fait identique :
ne serait-ce pas le même tiré de l'auteur précédent?
De nombreuses monnaies romaines y ont été trouvées an
siècle dernier. Tous ces vestiges, ces découvertes archéo-
logiques et la position topographique agréable de ce pays,
ainsi que l'abondance de Teau, chose si précieuse pour une
étape, donnent la certitude que Luxiol est réellement l'an-
cienne station de Lopomgium mentionnée par la Table de
Peutinger. C'est également l'identification adoptée récem-
ment par M. Ernest Desjardins (^) et Auguste Longnon ('2)
dans leurs géographies de la Gaule romaine.
Velatodiinim.
Si la question semble définitivement élucidée pour Lopo-
mgium, il en est loin d'être de même pour Velatodtmmi,
l'unique station indiquée sur l'itinéraire d'Antonin entre
Besançon et Mandeure. Cet itinéraire, qui est la première
carte romaine que nous possédions (si toutefois on peut
donner le nom de carte à une simple nomenclature des
voies de l'Empire romain), indiquait les stations principales
ou relais que l'on y rencontrait, et, en chiffres, la distance
intermédiaire entre chacune d'elles. Ce livre de poste
certainement antérieur à la Table de Peutinger selon Dunod,
Trouillet et le plupart des auteurs, aurait été dressé pour les
généraux à la fin du m» siècle, après l'an 286 à en croire
M. Aug. Longnon. Or, sur cet itinéraire, il n'est pas question
(1) M. Ern. Dksjardins. Géographie hist. et <idmin. de la Gaule ro-
maine, t. IV, p. 142.
(2 M. Aug. Longnon. Atlas géotfraphique lexie^ p. 29.
de téoposagium^ et seul Velatuduro y est cité entre Besan-
Coo et Mandeure Certains archéologues trompés par le
calcul des distances, d'autres par l'interprétation étymo-
logique de ce nom, placèrent Velatoâm^um un peu de tous
les côtés, même en dehors de la voie du Rhin et de toute
autre voie romaine. Jusqu'à ces temps derniers, les auteurs
étaient unanimes à ne reconnaître qu'une seule voie allan
de la capitale de la Séquanie à Mandeure. Ils s'étaient tou-
jours accordés à dire que Loposagium et Velatodurum
étaient deux gites placés sur cette même voie à laquelle ils
avaient fait suivre souvent un parcours imaginaire pour
donner raison à leurs thèses; récemment il a été émis une
opinion toute nouvelle : l'existence de deux routes diffé-
rentes allant de Besançon â Mandeure Tune ayant Velato-
durtim sur son parcours, l'autre Loposagium^ opinion peu
admissible contre laquelle militent de très sérieuses objec-
tions, comme nous le verrons
Velatodurum a été placé : i^sur la voie du jR/itn,pour des
raisons différentes, très curieuses souvent, à Rang, h Pom-
pierre, à THôpital-Saint-Lieffroy, et à Voillans.
2o En dehûVB de cette voie^ à Viéthorey et à Vellerot. Mais
tout l'intérêt de la discussion se reporte sur Vellerot et
Voillans dont les partisans sont nombreux de part et d'autre.
Aussi ne citerai-je, que pour mémoire, les auteurs des autres
identifications.
Trompé tout à la fois par le calcul des distances indiquées
par une fausse application de l'interprétation étymolo-
gique, M. Ed. Clerc W prétend que Hang est l'ancienne
station Velatodurum : « De Pompierre, la voie mène à
Rang-sur-le-Doubs, où l'on doit reconnaître le Velatodu^
rum de l'Itinéraire, dont le nom de Rang ne conserve
que la dernière syllabe défigurée. » Chose très invraisenibla-
ule, car la désinence dumm étant assez commune dans les
(1} Ed. Clerc Ouvrage cité, p. 110.
— 6» —
noms de lieux gallo-roinains/mèmô'en Franche-Cornté nous
devrions avoir, dans ce cas, deux ou trois Rang. Ce qui. a
poussé cet archéologue à émettre cette opinion, c'est, dit-il
« que la désinence durum indique un lieu sur une rivière, et
le calcul des distances nous y conduit. Ge n'est qu'à Rang
que la route rencontre une rivière à traverser. D'ailleurs de
Besançon à Rang il y a en réalité 50 kilomètres ou 22 lieues
et demie gauloises. » Faux calcul, car en suivant le tracé
exact de la voie du Rhin, le xxii* mille (ou 48kilom. 890)
serait au delà de rHôpital-Saint-Lieflfroy, vis-à-vis Clerval et
non à Rang qui est à 56 kilomètres de Besançon.
Sans en donner la raison, d'Anville (1) veut que ce soit
Pompierre, Pont-de-PieiTe, écrivait-il.
L'Hôpital-Saint-Lieffroy est l'ancien Velatodurum selon
Chevalier (2) : « Ce dernier lieu, dit cet auteur, que l'Itiné-
raire met à xxn milles de Besançon, est suivant cette distance
(en milles romains, l'Hôpital près de Viéthorel : la voie y
passait et non à Voillans (première erreur!) On dira ci-après
qu'une branche de chemin depuis Langres venait près de ce
poste rentrer dans la voie principale (deuxième erreur : cette
route, qui passait à Uzelie, Mancenans, rejoignait la voie du
Rhin vers TIsle-sur-le-Doubs). C'est pourquoi vraisemblable-
ment, continue Chevalier, il portait le nom de Velatwiurtim^
vitty laia, turum^ Viéthorel, poste ou entrée de la grande
voie.
Viéthorey a encore été désigné dans les Mémoires de la
Société d'Emulation du Doubs (?). Peut-être, comme il m'a
été dit, y voyait-on une étymologie celtique, différente de
la précédente (ctU, (/ïodeure, ruisseau). Malheureusement
pour l'exactitude de cette interprétation , Viéthorey ne
possède aucun ruisseau, manque d'eau très souvent et
ri) D*ANViLLK. Notice »ur la Gaule, p. 643.
(*2) Chëvalh^r. Histoire de Poligny, t. I, p. XLix.
(3; Mémoires de la Société d'Ei nidation du Doubs, 1899, p. 391.
surtout se trouve à 6 kilomètres de la voie romaine, et n*y
était nullement relié. Sur son territoire on ne retrouve aucun
vestige de chemin antique. On ne doit donc pas hésitor. à
rejeter cette identification.
Je n'hésite pas à émettre la même affirmation au sujet de
Vellerot-les-Belvoir, malgré ses nombreux partisans, qui
apportent plutôt à l'appui de leurs thèses des rapprochements
étymologiques que des. documents topograpbiques.
Parmi ceux-ci il faut citer Schœpflin (1) qui a vu^une cer-
taine ressemblance entre Velatodurum et .Velierot et.avec
assurance fait passer dans ce village la voie du Rhin qui en est
éloignée de plus de huit kilomètres et qui se trouve sur la
rive opposée du Doubs.
Le même identification a été adoptée par Dom Jourdain
dans son travail présenté au Concours de 1756. Il faisait
passer une voie venant de Genève au Rhin par la Séqua-
nie, par Pontarlier, Etray, Eysson, Vercel, Vyt'les-Belles-
voye» i'^) « où elle se réunissait, dit-il, à la grande route de
Besançon au Rhin et suivait les stations qui sont marquées
dans la Table théodosienne et Tltinéraire d'Antonin ; » et,
en. parlant des stations désignées sur ces deux documents
il ajoute : *- rien n'empêche que ce ne .soient deux gîtes
distingués qui se trouvent sur la même route », assertion
(jui fait supposer que Dom Jourdain ignorait la voie passant
par Luxiol, puisqu'il ne le signale pas et qu'il fait suivre à
la voie du Rhin la rive gauche du Doubs par Passavant,
Vellerot : « Voicy les raisons qui me portent à donner la
préférence à cette direction:. ... 2« Je ne trouve aucune
analogie entre Voillians et le Velatodurum de l'Itinéraire,
(i Schœpflin. Ahatia iUustrata, t. I. p. 199.
(2) L*origine du nom de Vyt-lcs-Belvoir vient de la proximité de cette
localité avec le château et le pays important alors de Belvoir; c'est donc à
tort que Dom Jourdain écrit que « le village de Vy-les-Belles-Voyès par-
fait avoir reçu sa dénomination de son emplacement sur une grande route.
Ce nom vient du latin Via. » [Concours de il56).
— 70 —
3» La distance de Voillians à Besanvoa est toute diBérente
de celle de Velatodurum par rapport à la même ville. 4» La
ressemblance entre les noms de VeUU ^durum et de Vellerot
est de beaucoup plus sensible et la distance de cet endroit
à regard de Besançon suffit pour remplir le nombre de
vingt-deux lieues gauloises que Tltinéraire donne à cet
interval. w
Nous verrons dans la suite que Doin Jourdain a changé
d*opinion.
Samuel Schmitt qui, je crois, e&t luuteur du mémoire en
latin présenté au même concours, partage la manière de voir
du précédent : « Velaiudurum Antonini nec levi conjectura
quaeritur in Vellerot, minus dextre in Voillant. >
Walckenaer désigne aussi Vellerot. Plus récemment ont
émis la même opinion Ernest Desjardins, Auguste Longnon
dans leurs ouvrages de géographie ancienne, ainsi que
M. Bial et d'Arbois de Jubainville qui fait de Velatu-durum
€ la forteresse de Velatus ou Veladus » Vellerot-les-Belvoir
(Doubs).
Dans le Bulletin de la Société grayloise d'Emulation de
Tannée 1903, M. S. Leroy, professeur d'Histoire à Gray (1),
dans une très intéressante étude sur les Milliaire$ trouvés
dans la Séquanie, reprend la théorie de Dom Jourdain, mais
il ne se contente pas comme cet auteur d'une seule voie
passant par Passavant et Vellerot. De la différence de sept
kilomètres qui existe dans les mesures indiquées par l'Itiné-
raire et la Carte théodosienne et du doute qui plane sur
l'emplacement exact de Velatodurum^ M. Leroy conclut
hardiment, et il est le premier à le faire, que « deux voies
romaines ont successivement relié Besançon à Mandeure. »
« La première, dit-il, indiquée par l'Itinéraire d'Antonin,
(1) La partie de cette étude concernant le travail de M. Leroy a été Tob-
jet de la communication faite à la Société d'Emulation du Doubs à la séance
de février 1904.
-. 71 —
remontait la vallée du DoubB à quelque distance de la rive
gauche ; elle se confond en partie dans sa direction générale
avec la route départementale qui va de Besançon jusque vers
Vellevans. Son parcours qui était de 75 kil. 550, était coupé
par la station de Velatoduruniy aujourd'hui Vellerot-les-
Belvoir. »
« La seconde voie romaine, postérieure à la précédente,
était plus courte d'environ 7 kilomètres puisqu'elle mesurait
68 kil 890 d'après la Table de Peutinger. Elle serrait de plus
près le cours du Doubs, qu'elle longeait pour ainsi dire, à
droite cette fois, pendant les deux tiers de son parcours,
avant de le franchir vers Rang, et la station intermédiaire
s'appelait Loposagium^ aujourd'hui Luxiol. »
Je concède volontiers à M. Leroy que Vellerot-les-Belvoir
fut une station romaine — on y a trouvé des tuileaux et des
monnaies — et que la voie dont il parle existait probable-
ment, sur une paitie du parcours désigné par lui, mais elle
n'allait pas à Mandeure. Le président Clerc lui-même, ^
l'autorité duquel M. Leroy fait appel, n'a pu en donner un
tracé certain ; la carte qui accompagne son ouvrage sur la
Franche-Comté à Vépoque romaine ne porte qu'un pointillé
douteux jusqu'à Aïssey. Il en conteste même l'existence
quand il dit que Schœpflin < trouve Velatodurum à Vellerot
en traçant dans notre moyenne montagne une voie militaire
purement idéale. » Il est vrai que les tuileaux et monnaies
trouvés assez nombreux à Aïssey, Vellevans, Randevillers,
Sancey et Vellerot ont donné à penser que ces localités
devaient être desservies par une voie dont il ne reste qu'un
seul tronçon visible entre Tournedoz et Lanthenans. Certains
auteurs ont cru pouvoir affirmer que c'était la voie des salines
venant de Saulnot (H*«-Saône) par Geney, l'Isle, Lanthenans,
Tournedoz, le col de Perrière, seul passage possible de la
chaîne du Lomont en cet endroit, que de là elle descendait
sur Vellerot, Sancey, Randevillers, Vellevans, et suivait
ensuite la route actuelle de Besançon.
— 72 —
Malgré ces hypothèses, il me parait peu admissible qu'on
puisse placer Velatodurum et Laposagium sur deux voies
différentes. Et voici les objections que je fais à la thèse d^^
If. Leroy :
lo L'itinéraire d'ÂDtonin, de même que la Table de Peotin-
ger ne signalent que les routes militaires, chau89ée$ impor-
tantes, viœ ealceaiœ.
Or, de Besançon à Mandeure il n'en existe qu'une de ce
genre, celle dite du Rhin, la plus importante de la Séquanie;
inaugurée en 98 d'après les milliaires de Mathay ; étonnante
dans sa construction, comme nous l'avons vu ; elle passait
par Roulans, Sechin, Luxiol, Pompierre, etc.
La voie des Salines au contraire, par Vellerot et Lanthe-
nans, n'était qu'une simple voie commerciale de créatico
bien postérieure, route secondaire, non calceata, chemin
gaulois réparé et entretenu. Si c'eût été une via cnlceata les
habitants de ces pays en connaîtraient le parcours. Sur le
plateau du Lomont, éloignés de toute rivière et du Doubs,
les indigènes de Vellerot, Vellevans et autres lieux, manquant
de sable pour leurs constructions, auraient certainement
défoncé et exploité, comme on le fait à Voillans, la vieille voie
romaine sur les points où elle n'aurait pas été empruntée par
les chemins actuels ; or, il n'en est rien, ni à Vellerot, ni
a\*ant ou après.
Or comment pourrait-on expliquer que cette voie d'impor-
tance moindre comme construction, moins directe comme
trajet, moins commode par suite des nombreux accidents de
terrain, de rampes plus fortes, fut signalée en l'an 286 sur
ritinéraire d'Antonin^et que Tautre plus importante, plu*
directe, mieux établie, calceata^ antérieure à l'autre qui exi>-
l;nt dès Tan 98, d'après les milliaires de Mathay, voie niiiitairt^
conmie je le démontrais plus haut, fut omise sur cette cart^
établie surtout pour les généraux de l'Empire. Il me semble,
qu'il va là une objection sérieuse.
— 73 —
2* Vellerot-les-Belvoir ne répond pas aux conditions topo -
graphiques, comme le prétend M. Leroy, c'est-à-dire au
calcul des distances indiquées sur l'Itinéraire. La route dé-
partementale dé Besançon à Yelievans ne peut pas être plus
directe ; Velievans se trouvante 4â kil. de Besançon, Vellerot
par Sancey) en est à 55 kil. Or je ferai remarquer que, par
suite de la différence d'altitude et de la dépression du sol,
il est impossible, de Velievans et Randevillers, d'aller plus
directement à Vellerot. Cette distance (55 kil.) ne répond pas
aux 2â milles, 48 kil. 800), de l'Itinéraire.
De Vellerot on pouvait se rendre autrefois à Mandeure en
empruntant deux \(Aes romaines connues : i^ la voie de
Pierre-Pertuis que la route des salines traversait à Lanthe-
nans ; on n'avait alors qu'à passer par Hyémondans, Dam-
beiin, Pont-de-Roide et Mathay — ou 2" celle du Rhin que
ladite voie des Salines traversait entre Blosfiftn&et Tlsle. La
distance de Vellerot à Mandeure ne répond point par ces
deux tracés aux xii milles intermédiaires entre Velatodurxtnf
et Mandeure II n'y aurait qu'en suivant la route actuelle de
Vyt, Valonne, Dampjoux, Villars et Pont-de-Roide que le
calcul des distances serait exact ; mais cette voie n'est pas
connue, il n'en a jamais été question, par conséquent elle
est très problématique. Il n'en serait certainement pas de
même si c'eilt été une voie reliant réellement Mandeure à
Besançon.
8* Vellerot-les-Belvoir ne répond pas non plus aux condi-
tiCns phonétiques. M. Leroy veut absolument que le nom de
Vellerot vienne de Velatodurum. Pour le prouver, il énumère
douze noms anciens dont la désinence est durum, il fait une
étude très approfondie sur les transformations de ces mots,
il en tire des règles et les applique à Velatodurum. c Après
avoir supprimé, dit-il, le T intervocalique dont la chute est
normale, nous aurons quelque chose comme Vellère ou
Velleure et si nous ajoutons le suffixe diminutif ot nous
aurons naturellement Vellerot. » Et M. Leroy termine son
— 74 —
travail en disant que sa solution « a pour elle Tautorité de
M. Longnon. Térudit français le plus autorisé à l'heure
actuelle dans ces questions de géographie ancienne » Il
était intéressant de consulter M. Longnon lui-même à ce sujet
et d'avoir Topinion de ce savant professeur du collège de
France et de TEcole pratique des Hautes-Etudes, dont la
compétence en toponomastique est indiscutable. Or elle n'est
pas favorable à la thèse en question. Si cet auteur dans sa
carte de la Gaule sous la domination romaine porte Vellerot,
c'est qu'il l'a mis de confiance, d'après Ern. Desjardins, car il
prétend a que Velatodurum a pu donner à la rigueur Veleur,
Vêler, d'où le diminutif Vellerot mais que Vellerot est bien
plus certainement le diminutif de villare^ et qu'il ne faut pas
lui chercher une autre origine. »
Pour résoudre la question de façon définitive, il serait
nécessaire d'avoir les formes anciennes de Vellerot. Malheu-
reusement nous n'avons pas de dictionnaire topographique
du Doubs. Je trouve du moins dans le dictionnaire de l'Yonne,
région qui peut au point de vue philologique se rapprocher
de la nôtre, un Vellerot représenté en 1184 par V/Wei'tuf ;
en i255 par Villertum ; en 1267 par Villerot ; en 1399 par
Vellerot, Valeroi ; en 1574 par Vellerot (1). Aucun de ces
noms anciens ne se rapproche de Velatodurum. Du reste
le nombre des localités portant le nom de Vellerot et de ses
variantes Villerot, Villeret, indique suffisamment qu'elles
tirent leur étymologie du commun villare, qui a été rendu
en vieux français par villar, viller, villier, vellar, veller.
4« Enfin voici une dernière remarque qui a son intérêt En
suivant minutieusement au curvimètre le tracé de la voie de
Mandeure par Loposagium (Luxiol), en tenant compte de
toutes les courbes que je (Tonnais pour avoir parcouru cette
voie pas à pas, on arrive à Mandeure avec un total de
(1) Collection des dictionnaires topographiques. Yonne, par M. Quantin,
1872.
-- 75 --
75 kilomètres et demi, seule distance exacte et vraie depuis
Besançon, et non pas de 68 kil. 890, comme le voudrait le
calcul des distances intermédiaires données par la Table de
Peutinger. Pour obtenir ce résultat de 68 kil. 890, il faudrait
que la route allât à peu près en ligne droite de Besançon à
Luxiôl et de Luxiol à Mandeure ce qui est topographiquement
impossible par suite des accidents de terrain. D'où je conclus :
1° qu'il y a erreur de mensuration ou de copiste dans les
chiffres donnés par la Table. 2' La dîstanee exacte de Besajn-
çon à Mandeure en suivant le tracé de la Table par Luxiol
étant de 75 kil. et demi, la distance donnée entre cee deux
mêmes villes par l'Itinéraire d'Antonin en passant par Vêla-
lodurum étant identiquement la même, soit 75 kil. 5&6, je
conclus aussi, de cette égalité de longueur qu'il ne s'agit pa»
de deux voies différentes, mais bien de la même route dési-
gnée et par l'Itinéraire d'Antonin, et par la Table de Peutin-
ger. Il y a la simple différence d'indication d'un relai
intermédiaire, le premier ayant été détruit ou changé pour
une plus gi*ande commodité de service, dans le laps de temps
qui s'est écoulé entre l'établissement de la première et de la
seconde de ces deux cartes que nous possédions de la Séqua-
nie sous la domination romaine.
Velatodurum n'est donc pas Vellerot puisque la voie de
l'Itinéraire n'y pasçe pas. Serait-ce Voillans ? Dunod, dans
son Histoire des Séquanois W l'affirme sans donner les
raisons qui le poussent à émettre cette opinion : « Velatodu-
rum estunemansion qui avait été changée au temps des cartes
de Peutinger, postérieures à l'Itinéraire, et Voillans est un
village auprès de Luciol, Loposagio, nommé dans ces cartes.»
Dom Jourdain, qui a varié dans sa manière de voir, aban-
donne Vellerot pour Voillans : a Voillans, écrit-il, se trouve
assez exactement à la distance de xxii milles italiques attri-
bués à la première station au delà de Besançon, en fixant la
(1) T. I, p. XIX.
-•76 —
valeur du mille au tiers de la lieue de 2.400 toises. Yoillans
est accompagné, au midi et au nord et sur l'alignement de la
voie, de deux villages qui portent Tun le nom d'Autechaux,
l'autre celui de THôpital, dénominations qui annoncent que
la voie passait proche du premier et que l'autre était un gtte
(hospitium). On conclut de ces circonstances que Voillans
est le Velatodurum de l'Itinéraire. »
C'est aussi Voillans pour Trouillet, et Bergier qui ont pris
part au Concours de 1756. Tous deux confondent avec raison
les routes portées sur l'Itinéraire et la Table, et mettent
Velatodurum et Loposagium sur la même voie.
M. Laurens (1) copiant textuellement Bullet (2) voyait dans
Velatodurum Fétymologie celtique bel^ vel : fer ; toddur,
lieu où l'on fond, où il y a un fourneau. Il en concluait que
c'était Voillans, car il y avadt des mines de fer fort abondantes,
où le fer se trouvait pur en certains endroits. L'exploitation
du minerai a duré jusqu'au milieu du xix« siècle et faisait la
fortune des habitants de ce pays. Je ne crois pas qu'il y ait
eu jadis des fourneaux à Voillans.
Le calcul des distances ne peut fournir une indication
précise en faveur de Voillans, qui se trouve à 6 kil. du point
marqué par le xxiio mille. Il est vrai qu'il en est a peu près
de même de Luxiol et qu'on ne doit pourtant pas hésiter à
en faire la station de Loposagium, malgré une différence de
4 kilomètres.
Je me garderai bien de fairn venir de Velatodurum l'éty-
mologie du mot Voillans. Cette forme indique de prime abord
une origine germanique dont la notation ancienne se termi-
nait par hing ou hingen. Quant à l'origine tirée du latin
Velatus^ quelque séduisante qu'elle paraisse, il faut y renon-
cer. Vclatus a donné voilé mais ne peut donner Voillans,
car on ne sait ce qu'un suffixe germanique ou celtique
(i) Aimuaire du Doubs, 1853, Notice sur le canton de Baume.
(2) Bullet. Mémoire sur la langue celtique j 1, 191.
- 77 -
viendrait faire à côté d'un mot latin qui n'est pas môme un
substantif mais seulement un qualificatif. Par contre si Voil-
lans ne peut venir de Velatus^ il n'en est pas de môme de
Velatodvrum, Au lieu de voir dans ce dernier nom un terme
celtique duras, ou douros, et d'en faire < le fort ou la forte
resse de Yelatus » il me semble plus logique et plus simple
de n'y trouver qu'un nom latin composé d'un substantif et
d'un adjectif : velatum, durum. Et alors dans ce cas, par
suite de la signification de ces deux mots et leur parfaite
adaptation à la topographie de ce pays, je suis tenté de croire
que Velatodurum, la station de l'Itinéraire, a été réellement
bâtie sur le territoire môme de Voillans.
Qu'on donne en effet à la désinence durum la signification
de rocher, ou celle de cours d'eau, ruisseau, ou tout autre
sens comme localité ou petite forteresse, le qualificatif de
velaius, caché, convient admirablement bien à toutes ces
versions. Si Ton vient de Besançon ou de Mandeure en sui-
vant la voie romaine, il faut arriver sur Voillans pour l'aper-
cevoir au fond de cette petite vallée de forme oblongue, à
mi-côte de laquelle serpente la voie du Rhin. Cet endroit est
réellement caché aux regards. Il devait l'être encore davan-
tage au moment de la conquête de la Séquanie : l'humus
épais et fertile qui recouvre son territoire indique suffisam-
ment que les flancs de ce vallon étaient boisés autrefois.
Très souvent les noms des lieux ont été tirés de leurs
curiosités naturelles. « La terre, dit le D'J. Meynier, avec
les reliefs^ les dépressions, et les cavités que présente son
sol, avec l'eau qui coule ou stagne à la surface, et celle qui
entoure ses continents et ses îles, avec la végétation qui la
recouvre, devait être, pour la nomenclature territoriale,
d'une grande ressource W, » Ne serait-ce pas le cas pour
Voillans et qui en ferait certainement le Yelatodurum des
(1) D^ J. Meynier. Mt^moirea de la Socitfffi fVEmid. du Dùubft. iH91,
p. 348.
— 78 —
Romains. Non loin du lieu dit Colomhoty où l*on a trouvé
autrefois de nombreux tuileaux, des substructions, des traces
d*un ancien cimetière, une source, qui prend naissance à
proximité d*Âutechaux, s'engouffre presqu'immédiatement
dans un entonnoir, d'où son nom Bief-danstei^re. Après un
parcours souterrain de 1 .800 mètres, ce bief jaillit abondant
dans un bas-fond, sous un rocher bien caché à quelques cents
pas de Voillans et devient on ruisseau qui traverse le village
dans toute sa longueur. Chose curieuse : ce ruisseau arrivé
à la dernière maison du pays, se précipite dans un creux et
fournit une chute de vingt-sept mètres de profondeur qui
actionnait autrefois les trois roues superposées du très ancien
moulin seigneurial de Voillans. Ce nioulin bien modernisé
aujourd'hui est mû par une turbine posée à vingt-cinq
raèlres sous terre. Puis ce ruisseau disparait totalement dans
ce profond et étroit entonnoir de pierre. Des recherches, des
expériences récentes, de fréquents effondrements du sol,
prouvent que ce ruisseau a un lit souterrain jusqu'au lieudit
la Malcombe. De là, toujours sous terre, il va sortir à une
altitude bien inférieure à Hyèvre-Paroisse où il reparaît seu-
lement et actionne encore un moulin. N'est-ce point vraiment
capable de frapper l'imaginai ion. Cette curiosité naturelle a
attiré récemment l'attention de hardis spéléologues. C'est
donc biea le velalum duvrum i^) par excellence, ruisseau
caché, dans son parcours d'Autechaux à Voillans et de Voillans
à Hyèvre. C'est une simple hypothèse que j'émets.
Du reste, pourquoi Tétymologie de Velatodurum ne vien-
drait-elle pas de deux termes latins, alors que partout dan»
le voisinage on ne trouve que des noms d'origine romaine
comme la Vieville,tnae villa ; Montby, monis viae; Fontaine,
(1) La désinence duruèti que jusqu'à ces temps derniers on a toujours
fait venir, non sans raison, de dubrum ou davrum ruisseau, rivière, me
semble plus admissible que toute autre interprétation, attendu que toutes
les localités dont les noms se terminent par durum son! sur un cours
d'eau.
-79-
fontana ; Clerval, Clavh vallis ; YUàpital, hospitium^ etc.
Les Romains créant une étape sur leur grande route lui ont
donné simplement un nom suivant leur langue, nom tiré de
la topographie du terrain ^ ou de la chose qui les y a frappés.
Les trouvailles archéologiques viennent à l'appui pour
donner la certitude qu'une mansion romaine a existé sur le
territoire de Voillans. Une statuette de divinité achetée autre-
fois par M. le Marquis de Moustier, des ustensiles de ménage
et divers autres objets offerts au Musée archéologique de
Besançon par M. Pol Jacquard, des tuileaux nombreux,
recueillis par M. Buliard, au Prélot à proximité du
village ; trois pièces d'or de Néron, Adrien, Marc-Aurèle,
trouvées en 1845, par Simon Petit, dans un murger des
Combes de Vaux et reçues plus tard avec empressement
comme paiement d'impôts par un collectionneur, M. Delacour,
percepteur à Baume, cinq pièces d'or également découvertes
depuis en Ranthes, une autre à Champraye, non loin de la
chaussée, quelques-unes acquises par M. Vuilleret, sans
compter une pièce d'argent à l'effigie de Trajan qu'on a
montée en broche ; enfin de nombreuses monnaies de
bronze et instruments divers, sont des documents sérieux
qui indiquent bien l'emplacement d'une mansion détruite,
car les pièces d'or ne se perdent pas si fréquemment au
bord d'un chemin et surtout si nombreuses au même endroit.
Les murgers qu'on rencontre assez multipliés à peu de
distance de la voie, et composés en partie de moellons, ne
seraient-ils pas aussi des restes d'anciennes demeures détrui-
tes. La vaste pelouse, dénommée t La Levée de Jules César »,
qui domine le vallon et la voie sur un long parcours ne
serait-ce pas, également l'emplacement d'un ancien camp
ou poste (le surveillance ?
La voie romaine, objectera-t-on, ne passe pas à proxi-
mité du ruisseau. C'esl vrai, la voie en est éloignée de 300
mètres au moins et se trouve à un niveau plus élevé. Mais il
est évident qu'elle y était déjà reliée par le chemin actuel
- 80 —
qui couduit du village aux Arbres-Brûlés. L'usure et le délite-
raeat des roches qui le bordent au sortir de Voillans et qui
servent de soubassement aux murs de clôture du Château,
rappellent les chemins celtiques; et Tétonnante largeur de la
chaussée romaine au lieudit « le Champ rond « est un indice
probable que ce chemin rejoignait la voie du Rhin k cet
endroit.
Telles sont les raisons basées sur la topographie et de
nombreuses observations, qui donnent la certitude que
Voillans a été une station romaine, sans grande importance,
il est vrai, composée de maisons échelonnées le long de la
voie, depuis le Bief-dans-terre jusqu'à la Levée, et que cette
mansion était très vraisemblablement le Velatodurum de
l'Itinéraire d'Antonin .
Trouiilet prétend avec ra son que cette étape a été remise
à Luxiol. Choisie probablement comme relai parce qu'elle
était à égale distance de Besançon et de Mandeure, elle a
sans doute été abandonnée dans la suite à cause de la dis-
tance et de la déclivité du terrain depuis la voie au ruisseau.
Les Romains lui ont préféré Ldxiol, seul autre endroit, où,
de Sechin à Rang, (c'est-à-dire dans toute la longueur de la
traversée de la voie sur le plateau des cantons de Baume et
de Clerval), l'eau soit abondante et limpide. A cette condition
importante pour l'établissement d'une étape, s'en joignait
une autre : la voie passait à proximité môme de la source
et nul détour n'y était nécessaire cx)inme k Voillans.
Velatoduvam abandonné d'abord par les Romains, détruit
par les Barbai^es, n'a laissé, aucun souvenir pendant de longs
siècles, et n'a pas même conservé son nom à notre village
actuel de Voillans, bâti dans la suite sur son emplacement.
Société d'Emulation du Doubs, 190^-190.^.
JEAN PETIT
181 9- 1903
KÔTIC2Ê
SUR
LE STATUAIRE JEAN PETIT
(1819-1903)
Par m. Maurice thuriet
Séance du ^0 juin i903.
Au commencement du mois de mai dernier, la Société
d'Emulation perdait un de ses membres honoraires les plus
distingués, dont le nom et Tœuvre ont jeté quelque éclat
dans le monde des arts.
Le sculpteur Jean Petit était né à Besançon le 9 février
1819. Son père était un ouvrier couvreur qui logeait avec
sa famille au palais Granvelle, on ne sait au juste à quel
titre ni à quel étage W. L'enfant fit donc ses premiers pas
sous les arcades de la vieille cour où soixante-dix-huit ans
plus tard il devait voir ériger son œuvre de prédilection.
Le voisinage de Técole municipale de dessin décida peut-
$tre de sa vocation. Gomme les Gigoux, les Baille, les
Machard, les Giacomolti, les Chartran, il fréquenta dès
Tenfance cette école qui a été pour Besançon une pépinière
d'artistes. Encouragé par ses maîtres qui avaient remarqué
ses heureuses dispositions, Jean Petit part pour Paris à
(4) Le Palais Granvelle était alors propriété particulière. Il ne fut acquis
par la Ville de Besançon qu'en 186i.
-82 —
Tâge de quinze ans, dénué d'argeut, mais riche d'espé-
rances. Quel courage et quelle foi dans son art ne &l]ait-il
pas à ce jeune homme pour affronter ainsi, sans protecteurs
et sans fortune, les pénibles débuts d'une carrière difficile
entre toutes. Petit se met avec ardeur au travail : il suit en
1834 et en 1835 les cours de sculpture à Técole des arts
décoratifs où il est médaillé ; il est admis par concours en
1836 à Técole des Beaux-Arts^, devient Télève de David
d'Angers, honneur recherché par tous les débutants, et, sous
la direction de ce maitre travaille au fronton du Panthéon.
Dès 1838 il aborde le concours du prix de Rome; il est
reçu le premier en loge, mais une grave maladie l'oblige à
interrompre la composition définitive (^).
Joseph Droz, de l'Académie française, qui déjà s'intéresse
au jeune sculpteur, déplore ce fâcheux contre-temps dans
un billet adressé à Charles Weiss : « Je ne veux pas, écrit-il,
laisser partir notre jeune compatriote Petit sans lui donner
quelques mots pour vous. Nous avons été cruellement con-
trariés; le triste état de ce jeune statuaire l'a mis dans
l'impossibilité de continuer ses travaux depuis plusieurs
mois et de se présenter au concours où il aurait eu tant de
chances de succès. Sa désolation, vivement partagée par
David et par moi, a encore augmenté son mal. I/air natal le
rétablira et il reviendra poursuivre sa carrière, obtenir les
succès dont le rendent digne son talent, sa persévérance,
son âme noble et pure. Nous désirons beaucoup que la ville
de Besançon lui continue son bienveillant intérêt. C'est de
cœur que je vous recommande ce jeune homme; ayez, je
vous prie, la bonté de le mettre en relations avec les per-
sonnes qui peuvent lui être utiles. •
L'année suivante. Petit obtint le second grand prix avec
un bas-relief représentant « Le serment des sept chefs devant
Thèbes » Le journal le National^ dans son numéro du
{i} Cette composition avait pour sujet: Alexandre-le-Gr.md malade
- 83 -
19 septembre 1839, louait en ces termes l'œuvre du jeuile
artiste : t M. Jean Petit, qui est élève de M. David, avait
montré dans sa composition un talent qui, à nos yeux,
aurait dû le faire préférer à tous ses rivaux ; il n'a obtenu
que le second grand prix. Les têtes de ses personnages, qui
étaient peut-être un peu trop grosses, sont sans doute cause
qu'on ne lui a pas accordé la première place ; seules elles
peuvent expliquer la rigueur des juges à son égard. Du
reste, la composition même de sa page était la plus com-
plète et la plus sculpturale de toutes Le modelé était
d'un beau travail où la fermeté n'enlevait rien à la finesse.
Assurément on peut le dire : c'était là un talent, sinon sans
défaut, au moins mûri et à qui il fallait se hâter d'ouvrir le
chemin des Alpes et les études de la villa Médicis. »
Hélas! Jean Petit devait rester sur ce demï-succès. Au
concours suivant, aucun artiste ne fut admis à l'honneur du
grand prix. Le sujet donné aux concurrents était la statue
d'Ulysse tendant la corde de son arc. Les critiques d'art
louèrent la facture habile et hardie de l'ouvrage de Petit,
mais furent d'accord pour trouver une trop grande ressem-
blance entre son Ulysse et le Philopœmen de David d'An-
gers. « Sans cette fatale réminiscence, disait le Constitu-
tionnel du 23 septembre 1840, et s'il n'eût pas été élève de
M. David, M. Petit aurait obtenu le premier prix; mais les
juges, avec raison ce nous semble, n'ont pas cru qu'un
élève dût pousser à ce point la docilité aux leçons du
maître. « David, en envoyant à la municipalité de Besançon
le moulage de cette-œuvre, écrivait non sans une pointe de
dépit : « H n'y a pas eu de grand prix cette année, à Téton-
nement de beaucoup d'artistes. Mais certes si l'Institut ne
s'était pas montré si sévère, il n'eût pu donner le prix qu'à
M. Petit. M
Les brillants débuts du jeune sculpteur avaient attiré sur
lui l'attention de ses compatriotes. Dès] 1842, Charles Weiss
dans une correspondance affectueuse continuée jusqu'à sa
mort, lui témoigne d'un intérêt qui se transforme bientôt eti
une profonde et solide amitié. Joseph Droz lui continue son
appui et ne manque aucune occasion de le louer. Weiss lui-
même l'atteste dans une lettre qu'il écrit à Petit le 10 juin
1842 : « M. Droz est en ce moment à Besançon ; il vous
porte le plus vif intérêt et j'ai eu le plaisir de Tentendre
parler de vous à M. le Maire, dans une assemblée respec-
table avec tout le zèle et toute la chaleur de Tamitié. J'aurais
pu dire les mêmes choses, mais je ne les aurais pas si bien
dites.... » Ainsi recommandé, Petit obtint de la municipalité
bisontine une subvention pendant trois ans (1839 à 1841).
Victor Hugo était intervenu pour solliciter ce secours en
faveur de l'artiste pauvre. On en trouve la preuve dans une
lettre de Weiss à Petit datée du 8 décembre 1848; le savant
bibliothécaire écrit à son cher Phidias, comme il se plait à
l'appeler ; t M. Victor Hugo vous connaît et vous aime de-
puis longtemps. J'avais oublié que le grand poète a écrit au
Conseil municipal de Besançon en votre faveur une lettre
qui émut vivement les pères conscrits de notre cité. >
En 1844, l'Académie de Besançon, ensuite des démarches
de Joseph Droz, attribua la pension Suard à Jean Petit. On
peut affirmer que jamais subsides ne furent mieux placés ;
ils étaient mérités à un double titre, car ils encourageaient
un labeur opiniâtre et ils venaient au secours d'un véritable
dénùment.
Petit exposa pour la première fois au Salon en 1844. Son
envoi comprenait deux groupes en plâtre représentant des
sujets religieux et plusieurs médaillons, d'une facture éner-
gique, parmi lesquels celui du philosophe JoufTroy et celui
du maréchal Moncey. L'année suivante, il exposait un buste
de Charles Nodier et, en 1846, il obtenait au Salon une mé-
daille d'or pour ses bustes en marbre de Joseph Droz et de
l'abbé Boisol. Cet'e dernière figure est particulièrement
remarquable par la grâce de l'attitude et la finesse du mo-
.— 85 -
delé ; c'est une des plus parfaites qui soient sorties des mains
de l'artiste.
Petit qui avait été si près d'obtenir le prix de Rome consi-
dérait ritalie comme la terre promise et ne désirait rien tant
que de visiter cette éternelle patrie de l'Art et d'y compléter
ses études par la contemplation des chefs d'œuvre de l'Anti-
quité et de la Renaissance. Ses premières éconoinres furent
<'onsacrée.s aux fr..ii.s du ce voyage i|ui dura près d'une anrïée
et qui eut pour étapes Milan, Pise, Carrare, Pérouse, Venise,
Florence, Naples, Pompéi et surtout Rome, où il fit le buste
du pape Pie IX.
Malgré ses succès, Petit avait à lutter avec les difficultés
de la vie. Affranchi des préoccupations matérielles de l'exis-
tence, son talent aurait pu s'épanouir en plein idéal et son
ciseau aurait sans doute produit quelques belles œuvres de
plus; mais l'artiste se voyait obligé d'accepter des com-
mandes de travaux décoratifs et de se résigner à des collabo-
rations anonymes dont un autre avait la gloire et le profit.
En 1849, il exécute avec M. Deligand quatre statues en plâtre
de dimensions colossales pour la décoration du pont de la
Concorde, à l'occasion de la fête nationale du 4 mai. L'année
suivante, pour la même circonstance, il accepte de faire avec
deux autres artistes 18 statues allégoriques En même
temps, il collabore avec Simard aux travaux de décoration
du grand salon du Louvre et il sculpte, d'après une esquisse
de ce maître, pour le tombeau de Napoléon !•' un bas relief
en marbre représentant la Création de la Gourdes Comptes.
Lors de la fête nationale du 15 août 1852, il exécute seul
pour l'ornementation de la place des Innocents quatre énormes
cariatides supportant les tribunes des grands corps de l'Etat.
Ces figures, qui ne devaient vivre qu'un jour, portaient néan-
moins un cachet d'art qui valut au statuaire les éloges de la
presse.
Une certaine renommée venait à Petit qui commençait en-
fin à recevoir des commandes de l'Etat. Il les avait longtemps
attendues en vain et il faisait part à Weiss de ses démarches
infructueuses dans des termes qui méritent d'être cités:
•« J'avais la naïveté de croire, écrit-il à son ami le 4 décembre
1^48, qu'il suffisait d'avoir fait des études consciencieuses
pour arrivera la connaissance approfondie de son art et d'a-
voir obtenu quelques succès pour mériter la faveur de M. le
Ministre. Mais vaines illusions, ce n'est pas tout cela que
Ton demande ; ce sont des protections et de hautes protec-
tions encore, non pas prises dans la classe artistique qui
n'est absolument rien, mais parmi les hommes politiques,
qui disposent de tout. Je Tai vu par ce qui m'est arrivé ces
temps derniers. J'avais adressé une pétition à M. le Ministre
dans laquelle je lui demandais des travaux, en lui exposant
mes titres au nom desquels je sollicitais sa bienveillance. Je
n'eus pas de réponse. Je m'adressai au Directeur des Beaux-
Arts pour savoir où en était ma demande ; je ne fus pas plus
heureux. J'insistai pour avoir audience et toujours pas de
réponse. Je hasardai enfin une dernière lettre que j'adressai
à son domicile et dans laquelle je lui rappelai toutes les pré-
cédentes, mais elle eut le même sort que toutes les autres.
C'est alors que j'allai trouver M. Robelin pour lui conter mes
tri.stes aventures et le prier de m'indiquer les moyens que
je devais employer pour me faire entendre. Il sourit de ma
crédulité et me dit que je pétitionnerais ainsi toute ma vie
sans plus de succès si je n'employais pas Tinfluence de
• quelques personnages puissants. En effet, il me fit avoir une
lettre de son ami Victor Hugo avec laquelle je me présentai
à M, Charles Blanc, directeur des Beaux-Arts, qui me reçut
relte fois avec tous les égards que lui imposait une telle re-
commandation. Mais malheureusement il était trop tard pour
qu'il pût satisfaire ma demande, les travaux étant donnés et
le budget entièrement dépensé, o
Instruit sans doute par l'expérience et sachant mieux s'y
prendre, Petit fut plus heureux les années suivantes. Sur la
recommandation de Scribe, il fut chargé d'exécuter pour la
- 87 -
décoration de la façade de l'hôtel de ville de Paris la statue du
Premier Président de Thou (mai 1849). Ce travail lui fut payé
3,000 francs. Il modela pour les appartements de l'Empereur
un buste du roi Louis Bonaparte, qui fut admiré au Salon de
1853. Il cisela ensuite pour la façade du Louvre et des Tui-
leries la statue du peintre Lebrun (1854-1855) et des figures
en marbre représentant Mars vainqueur (1855-1856), Persée,
vainqueur de Méduse ^H, le Laboureur (1853-1857), Castor
et Pollux (1865-1868) le Poète ou le Chantre de la Nature
(1868). La plupart de ces ouvrages rappellent par leur sujet
comme par la manière dont ils sont traités les plus beaux
morceaux de l'art antique. Entre temps, Petit contribuait
avec Millet et d'autres statuaires à la création d'un monu-
ment colossal élevé, sur une place d'Ajaccio, à la mémoire de
Napoléon P'et de ses frères : c'est lui qui fut chargé d'exé-
cuter la statue du roi Louis Bonaparte qui se dresse à Tun
des angles de ce monument. Il éleva, au cimetière du Père
Lachaise, le mausolée de Louis Duport célèbre danseur et
créateur Je ballets ; au pied du buste de Duport, l'artiste a
figuré deux statues en marbre représentant Zéphyr etTher-
psychore. En 1865, Petit tailla le fronton ouest de l'Opéra. On
y voit les Muses de l'architecture et de Tindustrie assises dos
à dos, tandis que les génies de l'antiquité et du travail jouent
à leurs pieds. Cet important ouvrage lui fut payé douze mille
francs.
Il est impossible de citer tous les bustes et tous les mé-
daillons qui sont sortis des mains de l'artiste. Son buste en
marbre de Joseph Droz a été jugé digne d'orner la salle des
séances de l'Institut. L'école des Chartes a de lui un buste
de Quicherat ; le moulage de cette œuvre figure dans la
salle de l'Académie de Besançon, qui possède aussi le buste
(1) Cette composition, qui fui très remarquée au Salon de 18G3, était pri-
mitivement destinée a orner une des nicheri du rez-de-chaussée de la cour
du Louvre. Elle est actuellement au Palais de Fontainebleau.
— 88 -
en marbre de J.-B. Suard(l) La bibliothèque de notre ville
renferme plusieurs œuvres remarquables de Petit : le buste
de Tabbé Roisot, son fondateur (2), ceux de Charles Nodier
et de Francis Wey ; les médaillons en marbre de Charles
Weiss et d*ÂugusteCastan. Au Musée de Besançon, on peut
voir ses trois compositions pour le prix de Rome ainsi que
le modèle en plâtre du fronton de TOpéra.
Jean Petit avait dressé en 1842 pour sa ville natale un
projet de monument à la mémoire du Maréchal Moncey et,
en 1858, Tesquisse d'une statue équestre de Vercingétorix,
destinée à orner la fontaine de la place de TEtat- Major. Ces
œuvres n'ont jamais été exécutées. En revanche, le
sculpteur eut la satisfaction de voir élever, en 1897, dans la
Cour du Palais Granvelle, son œuvre la plus importante, la
statue du Cardinal, ministre de Charles-Quint et de Phi-
lippe II. Par son testament, Charles Weiss avait légué à la
Ville une somme de 30,000 fr. pour l'érection de ce monu-
ment, en désignant pour l'exécuter son vieil et fidèle ami
Petit; la Ville vota de son côté une subvention de 10,000 fr.
L'artiste a représenté le Cardinal debout, majestueusement
drapé dans sa robe et protégeant de sa main droite étendue
la couronne de la maison d'Autriche. Cette statue a grande
(1) Weiss avait donné à Petit d'utiles conseils pour cette œuvre. Il lui
avait indiqué où il trouverait le meilleur portrait de Suard; il lui avait dé-
conseillé de prendre comme modèle le portrait légué à TAcadémie de Be-
sançon : (c Ce portrait représente M. Suard dans la dernière vieillesse, lui
écrivait-il le 13 octobre 18 14, et si vous faites son buste d*aprêsce modèle,
la postérité n'aura pas une idée des traits et de la physionomie d'un des
hommes les plus beaux et les plus spirituels de France. Quel parti la sculp-
ture peut-elle tirer d'une tête à perruque ? )>
(2) Le 14 octobre 1815, Petit écrivait à M. Weiss: « Le marbre que j'ai
acheté pour l'exécution du buste de l'abbé Ëoisot est admirable jusqu'à
présent et s'il ne survient pas de défauts pendant le cours du travail, chose
que l'on ne peut prévoir, j'ose espérer qu'avec l'aide de cette belle matière
et avec tout le cœur que je mettrai pour reproduire dignement les traits
d'un compatriote aussi généreux que l'était Boisot^Ton reconnaîtra l'admi-
ration de l'artiste pour l'illustre personnage qui avait été si longtemps ou-
blié et qui va enfin reparaître par votre noble et heureuse pensée.
allure. On peut admirer sans réserve la noblesse de Tatti-
tude, mais on trouve généralement que les traits n'ont pas
la vigueur et l'accentuation qu'on remarque dans les por-
traits du CardinaU notamment dans ceux d'Antoine Moore
et du Gaetano. Il y a un peu trop de mollesse dans les lignes
du visage et dans les boucles de la barbe, trop uniformément
frisée. Le piédestal de la statue devait être orné de deux bas-
reliefs dont l'un représentait Granvelle remettant à don
Juan d'Autriche, à son départ pour Lépante l'étendard de la
chrétienté. Il est permis de regretter que ces bas-reliefis
dont Petit avait dressé la maquette n'aient pas été exécutés.
Le monument auquel l'artiste travaillait dès avant 1870 ne
fut mis en place qu'au mois de mai 1897. A défaut d'inaugu-
ration officielle, un punch d'honneur fut offert au vieux sta-
tuaire bisontin, dans la grande salle du Palais Granvelle,
par les Sociétés savantes et artistiques de sa ville natale (i)
qui, à cette occasion, sollicitèrent unanimement pour lui la
croix de la Légion d'honneur. Leur démarche resta sans
succès ; elle n'était pourtant que le rappel d'une proposition
dont l'artiste avait été l'objet en 1870, alors qu'il faisait partie
pour la quatrième fois du jury de concours de l'école des
Beaux-Arts et des grands prix de Rome. Mais Petit était un
modeste et un isolé qui n'appartenait à aucune coterie artis-
tique ou politique et les protections qui lui manquaient en
1848 pour obtenir des commandes de l'Etat lui firent aussi
défaut pour la décoration : il a dû se dire que les choses
n'avaient pas changé depuis cinquante ans.
Replié sur lui-même, il se contenta de souffrir en silence
de l'injuste oubli dans lequel en haut lieu on laissait son
talent. Ses compatriotes l'en avaient consolé par des témoi-
gnages d'estime auxquels il attachait le plus grand prix :
l'Académie de Besançon l'avait élu membre correspondant
en 1856 et la Société d'Emulation, à laquelle il appartenait
(1; Mémoires de la Soc. d'Emul. du Doubs, ?• série, T. II (1897).
— 90 —
depuis 1866 Favait nommé membre d*honneur en 1896.
Jean Petit est mort à Paris, dans son domicile de la me
Denfert-Rochereau le 6 mai 1903, à l'âge de 8i ans. Peu de
temps avant sa mort il avait donné à la bibliothèque de Be-
sancon les maquettes de plusieurs de ses iBuvres, un
groupe de menus objets, en particulier d*anciennes garni-
tures de meubles ainsi qu'une intéressante collection de
minéraux, qui a trouvé place au Musée dliistoire naturelle,
enfin ses livres et ses correspondances, parmi lesquelles de
nombreuses lettres de Charles Weiss, de Joseph Droz, et du
peintre Edouard Baille. Chose remarquable chez un artiste
d'humble origine, qui n'avait pas fait d'études secondaires,
Petit savait manier la plume presque aussi bien que le
ciseau ; l'Académicien Droz louait en ces termes les qualités
de son style : « Je ne venx pas négliger de vous parler d'un
rapport sous lequel votre lettre m'a fort intéressé : elle est
écrite avec facilité; il. y a du naturel dans vos expressions,
jamais de recherche ; et je n'ai aperçu ni un mot impropre,
ni une phrase incorrecte. Cela suppose en vous un esprit
juste et la justesse d'esprit est nécessaire dans tous les arts :
sans. elle on voit mal et par conséquent on ne peut être vrai
dans aucun- genre de compositions, n
Jean. Petit a légué par son testament à la Ville de Besan-
çon; en mémoire'des encouragements et des secours qu'il
avait reçus d'elle.aux jours misérables de ses débuts, une
somme de dix mille. francs dont la renie jservira à soutenir
pendant trois ans les efforts d'un jeune homme se destinant
à la carrière artistique. II. légua en outre à l'Académie de
Besançon une autre somme de 10,000 francs pour la création
d'un concours annuel.de beaux-arts dont les sujets seront re-
latifs à l'histoire du pays comtois. Il était l'esté ti^ès attachée
k sa ville natale où il aimait à venir se retremper et où il
avait compté de solides amitiés : celles-de Weiss, d'Auguste
Castan et- d'Edouard Baille. Pai--6entfe,- il^îeparak -pas-avoir
('•té en rolations suivies avec d'autres artistes comtois. Lors-
- 91 —
qu'il avait son atelier rue de TOuest, 16, à Paris, il fut le
voisin de Clésinger, son aîné de cinq ans, qui avait été connme
lui élève de David ; mais leurs goûts et leur genre de vie
étaient trop dissemblables pour qu'une sympathie véritable
unit ces deux compatriotes. Aussi bien, l'ami intime de Clé-
singer, Armand Barthet, dans des articles de critique parus
vers 1846, avait exercé sa verve railleuse sur Jean Petit et
cherché à ridiculiser ses efforts consciencieux
Petit avait des allures réservées et timides ; il était d'une
taille au-dessous de la moyenne et d*unecomplexion délicate.
Dans sa jeunesse, il avait été souvent malade ; à plusieurs
reprises Weiss et Joseph Droz lui conseillèrent de ménager
sa santé altérée par les excès de travail et sans doute aussi
par les privations. Droz lui écrivait à la date du 1*"' décembre
1845 : • Parmi les jeunes artistes de mérite, j'en ai connu
très peu dont les commencements n'aient pas été difficiles.
J'ai remarqué que la faiblesse de santé n'est pas dangereuse
pour ceux qui ont une bonne conduite. Sous ce rapport, il
n'y a pas de recommandation à vous faire ; je ne connais pas
d'âme plus pure que la vôtre ; vous êtes digne d'aimer le beau,
car vous êtes bon et sage. » Le jeune homme, dont la santé
était si chancelante, grâce à la pureté de ses mœurs et à la
régularité de sa vie, mourut octogénaire. Ce n'était pas seu-
lement par son mérite artistique que Petit avait su conquérir
l'alTection si précieuse de protecteurs tels que Joseph Droz
et Charles Weiss ; c'était aussi par les qualités de son caeur ;
l'honnêteté, la franchise, la bonté et la douceur se lisaient
sur sa physionomie qu'a fidèlement représentée le peintre
Henri Martin dans le portrait de l'artiste lègue au Musée de
Besançon.
Dans la pléiade des artistes franc-comtois, Jean Petit oc-
cupe un rang des plus honorables. Sans doute il ne saurait
être comparé ni à Perraud ni à Clésinger ; il n'eut jamais
comme ces maîtres de belles envolées d'art ; le génie ne l'a-
vait point touché de son aile. Il s'inspirait des chefs d'œuvre
— 92 —
de l'antiquité et se plaisait plutôt dans leur imitation que
dans des créations originales et hardjes. Ses ouvrages ont les
qualités de la sculpture païenne ; ils en ont aussi les défauts.
S'ils sont remarquables par la pureté des lignes et la beauté
plastique, ils manquent en général de chaleur et de mouve-
ment Rompu à toutes les difficultés de la statuaire. Petit
eut au plus haut degré Tamour de son art. On peut juger d'un
mot sa vie et son ^uvre, ce fut un honnête homme et un
vaillant artiste !
OA-TALOà-triD
DES
PRINCIPALES ŒDYRES DE JEAN PETIT
1839. Le serment àes sept chefs devant Thèbes, bas relief qui
valut à son auteur le second grand prix de Rome. —
Au musée de Besançon.
1839. TéUmaquey esquisse;
Idomiénéey esquisse ;
Alexandre- le- Grand maladey esquisse. - Au musée de
Besançon.
1839. Médaillons de Raphaël^ de Michel- Ange et de Jean Gou-
jon. — Ornent la façade d'une maison de la rue
Cambon, à Paris.
1840. Ulysse tendant la corde de (ton arc^ statue. — A l'école
de dessin de Besançon.
1841. Buste de Jacques Cœur. — Orne la façade d'une maison
de la rue Rambuteau.
1842. Projet de monument à la mémoire du maréchal Mon-
cey, donné à la ville de Besançon .
1844. Ange gardien protégeant le sommeil d'un enfant , groupe
en plÂtre;
1844. Médaillons du maréchal Moncey ; de l'archevêque de
ReimSy Gousset ; du philosophe Jouffroxj.
La Vierge et V Enfant Jésus s*offrant en holocauste^ groupe
en plâtre ;
Buste de J.-B. Suard» — A l'Académie de Besançon.
— 94 -
1845. fiusle en marbre de Charles Nodier, A la bibliothèque
municipale de Besancon..
1846. Buste en marbre de Joseph DroZy de TAcadémie fran
çaise;
Buste en marbre de Vabhé Boisot. — A la bibliothèque
municipale de Besançon ;
Huit médaillons de personnages franc-comtois, notam-
ment ceux de Charles H^eiw, de Viancifiy de Ch, de
Saint-Juan et du marquis de Falletans.
4847. Buste du pape Pie^ IX.
1848. Buéte en marbre de M. Robelin.
1849-1850. Statue de de Thou, premier Président au Parlement
de Paris. — Au musée de la Ville de Paris.
1850. Buste en marbre de M. Charles de Rotalier. — Biblia
théque de Besançon.
1851-1852. La Création de la Cour des Comptes, bas- relief en
marbre ornant le tombeau de Napoléon l^^, aux Inva-
lides.
Martin de Gray (médaillon).
1853 La résurrection du Christ, bas-relief.
1853. Buste en marbre du roi Louis Bonaparte;
Buste en marbre de Joseph Droz. — Salle des séances
de l'Institut de France ;
Médaillon en plâtre de Mme Juliette de Latour.
1854-1855. Statue en piei-re du peintre Lebrun. — Fait partie
de la galerie des hommes illustres, place du Carrousel.
1854-1856. Buste de Louis Duport. — Au cimetière de l'Est,
à Paris.
Zéphyr et Therpsichore, statues en marbre ornant le mo-
nument funèbre de Louis Duport. Même cimetière.
1855-1856. Mars vainqueur, slatue en pierre. — Façade du
vieux Louvre. .
- 95 -
!8n6-1857. Le Laboureur, sUiliie en pierre.'— Façade du vieu^
Louvre
1857. Buste en marbre de Mlle Miehelot;
Buste de Mlle Lia Lehaut ;
Buste en plâtre de Af. Florentin Laudet ;
Médaillon en marbre de Charles Weiês. - A la biblio-
thèque de Besançon.
1858. Esquisse d'une statue équestre de Vercingétorix (projet
de fontaine monumentale). — Au musée de Besançon.
1863. Perséej vainqueur de Méduse. — Au Palais de Fontai-
nebleau.
1863. Buste du géologue Nerée-Boubée. — Au cimetière de
Bagnères-de-Luchon .
1864. Statue du roi Louis Bonaparte. — Fait partie du mo-
nument de la famille Napoléon, k Ajaccio;
Médaillon du Premier Président Loiseau et de Gustave
Oudet.
1865-1866. Castor et Pollux, statues en pierre. — Façade du
Palais des Tuileries.
1866-1867. Les Muses de V Architecture et de l'Industrie.— Fron-
ton ouest de la façade principale de l'Opéra.
1868. Le Poète ou le Chantre de la Nature, statue en pierre,
sur la façade du Louvre.
1875-1897. Le Cardinal de Granvelle, statue en marbre élevée
dans la cour du palais Granvelle, à Besançon.
1876. Médaillon en marbre de M. Jules Quicherat.
1882. Buste en marbre de Jules Quicherat — A Técole des
Chartes.
1883. Buste en marbre de Francis Wey, — A la biljliothèque
de Besançon.
- 96 -
1884. Résignation, statue.
1892. Médaillon en marbre d'Auguate Ccutan. — A la biblio-
thèque de Besançon.
Société d'Kmulalion du Doiibs, 1903-1904.
r^*-
Le Cardinal de Granvelle
(Œuvre du sculpteur ]eau Petit).
LA RENTRÉE
DU PARLEMENT DE FRANCHE- COMTÉ
après l'Exil de 1759
Par M. 6. BLONDEAD
SUBSTITUT DU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
MEMBRE RÉSIDANT
Séance du i6 Février 190 A
Trois ans s'étaient écoulés depuis que le Parlement de
Franche-Comté, pour avoir refusé l'enregistrement de la
déclaration du roi établissant un nouveau vingtième, avait
vu délivrer contre trente de ses membres récalcitrants des
lettres de cachet.
Les parlementaires frappés avaient pris en silence la route
de l'exil, mais un tel coup d'autorité avait eu un retentisse-
ment immense non seulement dans la province mais encore
dans tout le royaume. L'opinion publique avait pris nette-
ment parti contre le pouvoir royal. Tandis que plusieurs par-
lements ne craignaient pas d'adresser au roi les plus coura-
geuses remontrances, la plume des pamphlétaires ne ces-
sait de déverser le ridicule sur les conseillers restés en
place (^)que Ton appelait les « rémanants » ou les « filleuls de
(l) Le plus célèbre de ces pamphlets est un poème lyrique dû à la plume
du jésuite Talbert frère d'un parlementaire exilé: Langrognet aux enfers
Un des exemplaires, très rare aujourd'hui de cet opuscule, illustré de gra-
vures assez légères, est conservée à la bibliothèque municipale de Besançon.
Ce dépôt public possède également une gravure satirique de la même épo-
que représentant une séance solennelle du Parlement. On y voit les fau-
- 98 -.
M. de Boynes » . Cet intendant dont les intrigues avaient
réussi à lui faire attribuer le poste de premier président du
Parlement, s'était rapidement attiré le mépris des magistrats
et la haine du peuple par son arrogance, son ambition, et son
despotisme .
Accusé à juste titre d'avoir sollicité du roi Texil des trente
membres de sa compagnie, méprisé de ceux même qui
avaient suivi ses conseils, accablé sous le poids du ridicule
jeté sur sa personne et sur son nom, il avait enfin compris
que sa situation n'était plus tenable et démissionné le 24
avril 1761.
Cette détermination eut le plus heureux résultat ; le chan-
celier ouvrit les yeux; il vit que la voix de la conciliation
était ouverte et que la rigueur devait faire place à la clémence.
Le retour des exilés pouvait seul calmer Teffervescence des
esprits. Aussi le 1®' août les proscrits reçurent-ils Tordre de
se réunir à Belfort pour y attendre les ordres du roi. Sur ces
enirefaites, la nomination à la première présidence de M. Per-
renet de Grosbois, magistrat de carrière et homme de valeur,
arrivée le l^*" septembre 1761, fut bien accueillie par tous.
Bientôt, des lettres patentes rétablirent le Parlement de
Franche Comté dans la même situation qu'avant le conflit et
permirent aux proscrits de quitter la terre d'exil.
Leur retour à Besançon fut pour eux un triomphe qui. on
s'en rendit compte plus tard, dépassa les limites de la sage
raison. « L'opinion publique, dit M. Estignard (t), considérait
encore le Parlement comme le défenseur du droit de la na-
tion et les exilés comme des martyrs de la cause populaire.
Toutes les misères furent oubliées, comme si la main du
Parlement reconstitué eût pu répandre sur la province
leuils des exilés restés vides ; les conseillers et les autorités présentes sont
représentés sous les traits de perroquets et antres oiseaux dans des allures
diverses.
(1) Le Parlement de Franche-Comiéy de son instcUlatioti à Besançon
à sa suppression 1674-1700 tome I, p. 3i0.
-99-
des prospérités sans nombre et y ramener Tâge d*or. »
La réception fut magnifique. Indépendamment de la rela-
tion officielle qui en fut adressée au chancelier W et de quel-
ques notes laissées par le père Dunand, nous possédons sur
cette matière deux documents très intéressants : le journal
de Grimont, dont une copie est conservée à la bibliothèque
municipale de Besançon (2), et un joli petit tableau qui décore
la bibliothèque de Tordre des avocats au Palais de Justice de
notre ville.
La Biographie Universelle ne signale point parmi les ou-
vrages de l'avocat au parlement ce volumineux journal qui
embrasse les trente dernières années de l'ancien régime.
Pourtant cette histoire anecdotique renferme des documents
les plus intéressants, non seulement sur les événements
importants de la province et du royaume, mais encore sur
les menus faits, les incidents de la vie journalière et même
la chronique scandaleuse de l'époque.
Les détails qu'il rapporte sont des plus curieux au point
de vue des mœurs et des habitudes de cette haute société de
Besançon, légère et frivole, à laquelle Grimont appartenait
par sa naissance et qu'il rencontrait dans le salon de madame
de Faltans.
Au début du deuxième tome le journal nous donne le récit,
d'autant plus exact qu'il est pris sur le vif. des fêtes qui eu-
rent lieu lors de la rentrée des parlementaires. La plume
alerte et .souvent mordante du chroniqueur sait à n>erveille
décrire la marche des événements et Tétat d'âme de ses con-
temporains.
Dans le style emphatique et bourré de métaphores à Tan-
tique, déjà en faveur à ce moment, le bon Grimont rapporte
(1) GoniN. — Rapport du 3 décembre 1761 indiqué par Estignard
comme be trouvant aux archives du Doubs, mais que nous n'avons pu
retrouver.
(2) Manuscrits n» i03i), tome 11.
^ 100 -^
que € les exilés arrivèrent à Besançon avec un triomphe plus
êolàiant que Ciiiiiiiie ne Ta jamais eu à Rome après avoir sau-
vé le C;ip.;»>le •.
M liiTrô i.i précaution que l'on avait prise de retarder jus-
qu'à la nuii l'entrée en ville des parlementaires, de scinder
en d» ux paihes le cortège et d'espacer de quatre jours (6 et
In iioveniUre ITtd» la marche du premier et du second, la
P «puIaiiMii toute entière se porta les deux fois sur leur pas-
sive « Vers les neuf heures du soir, écrit un témoin, <^) on
entendit le premier bruit de boites pour donner le signal. Ah !
monsieur, quel instant! il ne fut personne qui ne sentit dans
ce moment >on cœur comme se détacher pour aller au de-
vant de ces messieurs et se donner en reconnaissance. Les
acclamations, les cris continuels de vive le roi, vivent nos
iliu^t^es exilés, qui accompagnaient les voitures, nous les
atmoncèrent. • Le cortège pénétra en ville, dit Grimont, par
« la rue Battant nommée piu- les bourgeois de cette rue, la
rue du triomphe, parce que c'est par celte rue que messieurs
les exilés arrivèrent. »
Les boushots s'étaient mis en frais d'imagination pour dé-
clarer leur quartier. • Dans le milieu de cette rue, il y avoit
un ange (jue Ton descendoit et qui arrestoitles voitures pour
donner à chaque exilé un lorier pour prix de leurs victoires,
pour rappeler Camille, qui pour sauver Rome a quitté son
exil cl qut» me>>ieurs les exilés se sont fait exiler pour sau-
ver la pairie. » l/assimilation entre le guerrier romain et les
paciliqucs magistrats à perruques n'était pas des plus heu-
reuses, mais on n'y regardait pas de si près!
« Kn réjouissance de leur retour, continue le chroniqueur,
les plaisirs, la joye et les réjouissances se poussèrent à un si
haut degré que c'éloit comme un fanatisme répandu chez les
grands comme chez les plus obscurs plcbaihains II n'y avait
plus lie rang, de dignité, tout éloit pelle melle, on ne gardoit
(It EsTHJNMM». liidiitn, p;»}:o \\\0.
— iOI -
aucune mesure, tous chantoient, dansoient ensemble et c'étoit
à qui mieux mieux. Tout ne résonnoit dans la ville que du
nom des exilés». « On n'entendait plus que le son des clo-
ches, des timbales, des trompettes, que les symphonies les
plus harmonieuses, que le bruit de l'artillerie •-. (U
• M. Bizot, conseiller au bailliage et président de Besan-
çon, demeurant rue Charmont, fit tirer cjuatre muids de vin.
A quiconque iroit crier devant chez lui, trois lois vive le roi,
il faisoit donner une bouteille. Ainsi fut vendu son vin. »
€ Devant la boutique de chez un M. Charmet, orfèvre
Grande-rue, il y avoit un cœur enflammé au milieu duquel
il y avoit un robinet par lequel il y couloit du vin pour ceux
qui buvoient à la santé des exilés. »
C'était alors la mode dans les jours de réjouissances pu-
bliques, de placer aux façades des maisons des banderoles de
toile tendues au moyen de baguettes de buis et sur lesquelles
étaient peintes des allégories et des inscriptions. Il y en eut
de tous les genres. Les notes du père Dunand en donnent
quelques spécimens dont les auteurs s étaient piqués d'éru-
dition.
€ Sur un écriteau au puits du marché on lisait: «Et resti-
tuam judices tuos ut fuerunt prius, et conciliarios tuos slcut
antiquitus, post haec vocaberis civitas justi, urbs fidelis. » —
Isaïe Ch. IV. 20. Je ne garantis pas l'exactitude de la citation.
Chez un avocat: « Tibi impiis eraptam cœlum redidit jusli-
tiam. » Sur la façade de l'hôtel de lEvêque de Ran :
Ilic nobililas vera in virlite tnicat
Hic virtus vera in nobititale fulgel
Chez le médecin Meillardet, le vieux cliché virgilien : « 0
prœsidium, o dulce decus nostrum ! ».
Les étudiants en droit et en médecine de l'école des béné-
(1) EsTiUNARD. Ibidem, page 3V1 .
- 102 —
dictins ne pouvaient mieux faire que de tirer du sujet de leurs
études un trait d'esprit ; leur écriteau disait :
Cum juêtitia lœtitia
Cum lastitia sanitas
Sequanis restituntur
Les vignerons de Battant eux-mêmes avaient fait de l'éru-
dition, à leur manière, en patois bisontin :
Rome n'a jaimé eu qu'un Caiton
Main nous en an trente ai Besançon.
Les allusions satiriques aux événements présents ne de-
vaient pas manquer « Un marchand de tabac rue du Cha-
teur (t) a mis une grande statue, menant par la main deux
enfants qui tenaient des pipes et du tabac, et Thomme sem-
blait leur dire :
Fumez fillieux, et fumez fort
C'est du tabac de Belfort.
L'ex-premier président devait naturellement servir de
point de mire aux épigrammes populaires Les écriteaux ne
l'épargnaient point. « Au coin de la rue d'Aresne, dit Gri-
mont, aux fenestres de chez un nommé Marchand, il y avoit
un tableau sur lequel étoit peint un champ, et au bout il y
avoit une borne avec cette inscription en patois de Besançon :
Au bout la boyne ».
Tandis que les pièces d'artillerie annonçaient l'arrivée du
cortège, la ville s'illumina de mille feux. Jacquemard était en-
touré de guirlandes de lampions et on lui avait mis en main
« un drapeau rouge jaune et noir qui est la livrée de la Cité ».
Aux fenêtres de presque toutes les maisons ce n'était que
lanternes en papier colorié, lignes de petites chandelles à lu-
mière vacillante et transparents lumineux.
(1) Manuscrits de Dunako.
— i03 -
u Un particulier, continue Dunand, avait acheté un cent
^e lampions pour illuminer le front de sa maison ; sa femme
lui demanda comment il les arrangeroit. Lui qui n avoit au-
cun dessin, lui répondit bonnement : j'en mettrai trente en
haut et le reste en bas La compagnie saisit cette idée pour
en faire un écriteau qui fut aposé dans l'illumination : trente
en haut, le reste en bas » Allusion au nombre des exilés. « Au
coin de la rue d'Arennes vis-à-vis le Pilory, ceci éloit peint
et dans le dernier cadre il y avoit une main sortant d'un
nuage qui montroit une borne qui étoit tout au bout de la
peinture. Il y avoit six transparents à six fenêtres :
Vive, vive lou roy,
Et nosiés (nos sieurs) trente comtois
Fidèles ai due et au roy
Et que maudit set
Las maichans bourgeois.
Au bout lai boêne.
Le lendemain on ajouta :
Il faut jettié lai boëne au mourgie » (au murger).
Le caustique Bizot n'avait pas oublié sen transparent lu-
mineux que nous connaissons déjà, W dans lequel il fait ex-
pliquer par Jacquemard à un vigneron de la rue Battant les
causes de la joie générale.
€ Quand le dernier exilé fut arrivé, pour faire allusion à la
signification de notre Utinam, on y ajouta tout de suite une
grande bande où était peint en grosses lettres d'or : Adim-
pletum est 9.
Les réjouissances commencées le jour de l'entrée en ville
du premier cortège, se prolongèrent non seulement jusqu'à
l'arrivée du second, mais encore durant six semaines entières.
Le lundi 16 novembre 1761,(2) le parlement au complet
(1) La Jacquema^dade, poème épi-comique et son auteur le conseiller
Bizot, par M. Vaissikk. - Mém. île la Soc d"Kujulation dii Doubs, 1900.
(2) El non le 12 comme l'écrit Ghimont,
— 104 —
fit sa rentrée dans la grande salle du Palais de Justice et ins-
talla M. Perreney de Grosbois comme premier président. En
raison de cette cérémonie et <!rde Taffluence du monde», qui
devait se porter «au devant de ces événements » l'assemblée
municipale s'était réunie dès le samedi précédent. Le maire
Dunod de Charnage, après avoir constaté Theureux effet
produit sur l'esprit de la population bisontine, avait invité le
conseil à délibérer sur « ce qu'il y avait à faire dans ces cir-
constances de plus convenable et de plus décent. » L'assem-
blée avait décidé que le lundi suivant, jour de foire o pour
éviter les désordres et accidents », il serait ordonné « aux mar-
chands tanneurs de conduire et exposer en vente leurs cuirs
dans la cour du Palais Granvelle pour cette fois seulement,
avec défense d'en exposer dans celle de l'hôtel de ville, » —
délicate attention pour les narines des parlementaires. De
plus, il serait défendu « aux marchands faïenciers, pains d'é-
pices, taillandiers et autres de placer leurs bancs et bou-
tiques portatives dans la galerie du Palais, au devant de
rhôtel de ville et sur la place Saint-Pierre. » Ils devaient se
réfugier « sur la place Saint-Maurice, sans encombrer la
Grande Rue, les dessertes de l'église et la ruelle (actuelle-
ment rue de la Bibliothèque). »
Il fut en outre décidé que les commissaires iraient «faire
visite de la part de la compagnie à chacun de MM. les con-
seillers du Parlement qui avoient été exilés et qui demeurent
dans l'étendue de leurs bannières pour leur témoigner sa
joie de leur heureux retour. »
Enfin la municipalité, désireuse de s'associer aux réjouis-
sances populaires, décida !<> que le lundi suivant « la façade
de l'hôtel de ville, le pourtour et la coquille de la fontaine w
seraient «illuminés en lampions dez les six heures du soir,
de la façon la plus galante que MM. les commissaires de
l'hôtel » pourraient « imaginer. »
2® Que f dès cette heure, l'on » ferait « couler une fontaine
— 105 —
de vin de deux niuids pour le peuple à la place de la fontaine
de rhôtel de ville. »
30 Que «les timbales et trompettes de la ville» seraient
« placées au clocher de Saint-Pierre sur un théâtre avancé
hors de la fenêtre qui donne sur la place, pour y annoncer
lajoye publique par des fanfares »
40 Que Ton enverrait « trois torches de goudron par cha-
cun des réchauds qui sont posés aux angles des rues, pour
les faire brûler dez qu'ils feraient nuit, en invitant les
propriétaires des maisons d'y mettre des torches de goudron
successivement pour que le feu y soit entretenu. »
Comme on le voit, le conseil de ville avait bien fait les
choses. Dunod de Charnage y avait tenu personnellement
la main pour atténuer la mauvaise impression produite sur
le peuple par ses relations polies plutôt qu'amicales avec
l'ancien intendant et premier président de Boynes.
Le 10 novembre l'enthousiasme populaire ne fit qu'aug-
menter. Tous les habitants, en vêtements de fête, étaient dans
la rue, acclamant les magistrats qui arrivaient au Palais en
robe dans leurs voitures. A l'issue de l'audience solennelle
les vétérans « entrèrent au Parlement et félicitèrent tous les
magistrats revenus. »
Les exilés eurent non seulement la visite des commissaires
municipaux mais encore celle de tous a les grands et bour-
geois de la ville » ; les enfants de chaque rue leurs portèrent
des cœurs de bonbons et de pain d'épices Les petites filles
de la rue Saint- Vincent portaient une statue de Thémis sur
un brancard avec un étendard sur lequel on lisait: Thémis a
gagné son procès, elle a en poche son arrest; l'une d'elles fil
ce curieux et naïf compliment : « Messieurs, le rapport que
nous avons k votre retour, nous oblige aujourd'hui à vous
donner des bouquets, mais où trouver des fleurs qui soient di-
gnes de vous, et d'ailleurs n'étant point dans la saison (on
était en effet au cœur de l'hiver). Je me trompe, je çait des
jardins sans couleurs qui produisent des fleurs en toute sai-
- 406 —
son, vous êtes ces jardins (!), vos vertus sont deâ fleurs, j'en
compose des bouquets pour vous en faire des dons. »
L'archevêque de Choiseul donna un grand diner auquel il
invita le premier président de Grosbois, les parlementaires
exilés et le duc de Randan gouverneur de la province pour
essayer une réconciliation inter poculn ; mais, dit Grimont,
«sa démarche fut vaine» : les convives restèrent froids et la
réunion ne fut égayée que par Tentrée des vignerons qui, au
dessert, vinrent offrir à Tarchevêque « une glane de raisins
blancs aussi frais que si on venoit de les cueillir. »
Cependant le gouverneur lui-même avait tenu à marquer
sa bienveillance et à laisser libre cours à l'enthousiasme po-
pulaire. Il avait donné « Tordre au major de la place d'aver-
tir les sentinelles et patrouilles de laisser passer tout le
monde sans feu et sans arrêter personne. »
Quelques jours après, la joie redoubla à l'arrivée d'un per-
sonnage que Grimont appelle • M. de Clairon ancien prési-
sident à la cour des comptes à Dole », mais qui était en réa-
lité le chevalier d'honneur de Grammont. Celui-ci, continue
Grimont «avait été exilé pour avoir parlé trop ouvertement
des affaires du Parlement et pour avoir dit à M. Michoté. pré-
sident au Parlement, Johannes foutrus. •• Le latin dans les
mots brave l'honnêteté ; le président s'était cru insulté (cela
est facile à comprendre), et avait porté des plaintes à M. de
Boynes. L'ex-premier président était le fils ou petit-fils d'un
caissier du fameux Law; aussi Grimont ne manque-t-il pas
l'occasion de lui décocher au sujet de cet incident un de ses
traits les plus malveillants. Celui-ci, dit-il «qui était muni
d'autant de lettres de cachet qu'on avait signé de billets de
banque sur le dos de son grand-père Bourgeois, du temps de
l'agio, dans la rue Quinquempois, en envoya une à M. de
Clairon pour le faire taire. »
€ Ce gai chevalier fit sa rentrée à Besançon d'une façon
originale. Il arriva avec « une balle de nez de bois de toutes
les grandeurs et grosseurs suivant les personnes à qui il les
— 107 —
destinoit et leurs noms étaient écrits dessous. » — Certai-
nement celui de Tex-président ne devait pas être des
moindres !
C'est à cette époque que se place l'anecdote connue de la
promenade triomphale de Jacquemard dans les rues de Be-
sançon pour répondre à une fanfaronnade tle i'ex-premier
président. Durant l'exil des parlementaires, de Boynes avait
parié que ceux-ci ne rentreraient que si Jacquemard allait à
la comédie. Bizot, l'auteur de la Jacquemardade, qui était
pour ainsi dire Tàrae du mouvement populaire en faveur du
Parlement, releva le défi. Il se mit à la tête des vignerons
de Battant, promena l'automate sur un cheval et le conduisit
au palais Granvelle pour assister au spectacle. Dunand ra-
conte qu'on lui fit une ovation et qu'on le reçut comme un
grand seigneur. Le lendemain soir, le vieux sonneur fut
porté en triomphe sur un char orné de lampions et de torches
allumées.
Cette chevauchée fut suivie d'autres cavalcades non moins
pittoresques. La plus curieuse fut certainement celle des
femmes des celliers et des charrons que Grimont raconte
ainsi : « madame Poupet femme d'un sellier et madame Dé-
marteaux femme d'un charron, toutes deux habillées en ama-
zone à cheval se trouvaient à la tête de cette cavalcade ;
dans le milieu étoit un carrosse attelé de six chevaux et après
le carrosse se joignoit une cavalcade de loueurs de chevaux.
Et étant ainsi, ils furent rendre visite à messieurs les exilés
qui les reçurent, ainsi qu'ils avoient reçu tous ceux qui
allaient leur rendre visite. »
Grimont ne dit pas quel compliment mesdames Poupet et
Démarteaux adressèrent aux exilés, mais il continue : « Une
autre fête plus brillante et plus belle qui ont paru jusqu'alors
fut celle des laboureurs du côté de Saint-Claude. Celte fête
était touchante, elle faisait couler des larmes de joie. L'on
vit arriver par la porte de Battant plusieurs charrues attelées
avec des boeufs sur lesquelles charrues étoient des loriers,
— 108 —
et aux cornes de chaque bœuf étoit cette inscription : nous
apportons Tabondance. lis étoient encore enjolivés de rubans.
En passant devant chez les exilés, ceux qui conduisoient les
charrues s'arrétoientet disoient : voici notre champ, et quand
ils passoient devant la porte des réinanans, ils disoient : nos
champs sont francs et ne semons point dans les terres main-
mortables. Ce spectable étoit si touchant que Ton eut dit que
la famine avoit été et étoit encore dans la ville, et que cette
fête étoit comme une corne d'abondance qui rentroit dans
cette ville, qui depuis trois ans étoit dans la plus grande mi-
sère »
« Ce fut le procureur Nicod de Besançon qui étoit maistre
de poste, qui fournit les chevaux sans aucun intérêt et qui
plusieurs fois les conduisit lui-même. ••
« Les cavalcades couraient toutes les nuits les rues ; un
jour, dit Griment, (il serait plus exact de dire une nuit),
« trente jeunes gens montèrent à cheval dans le dessein de
se bien divertir ; aussi ne se trompèrent-ils pas. En arrivant
dans la rue de Battant, dite rue du Triomphe, ils aperçurent
que dans le milieu de la rue il y avait une table où des mar-
chands de vin et les vignerons «oupaient ensemble et bu-
vaient à la santé des exilés. Ils montèrent jusqu'où étoit le fes-
tin et ils y furent reçus à bras ouverts ; on les fit boire à la
santé de messieurs les exilés et à chaque coup que l'on bu-
voit pour marquer sa joie, on cassoit un verre. » On voit que
cette coutume existait chez nous bien avant que nos amis les
Russes nous en aient donné le spectacle qui a si fort étonné
nos contemporains.
A cette époque de réveil du sentiment national, on vit non
seulement les notables, mais encore le clergé joindre son en-
thousiasme à la joie naïve du peuple « M. de Chenecey, con-
tinue Grimont, chanoine de la paroisse S'-Paul, faisoit de son
mieux chorus avec la cavalcade. Après quoi, elle rentra à trois
heures du matin on ne peut plus satisfaite de la manière obli-
geante avec laquelle elle avait été reçue. »
« Monsieur de la Corée pendant cet entrefait de réjouis-
sance arriva à Besançon pour y être intendant. Il fut curieux
de se promener par les rues le soir pour voir par lui-môme
ces fêtes continuelles. En passant sur la place S^-Maurice,
malgré la quantité de monde il fut reconnu au clair de lune,
il fut arrêté et fut obligé de danser avec tout le monde et on
ne cessait de crier : Vive la Corée, au diable de Boynes. »
« Malgré la rigueur de la saison, on ne faisait que danser
sur toutes les places » Ces danses appelées branles étaient
accompagnées de chants composés pour la circonstance. Les
rémanants et principalement de Boynes en faisaient les frais.
Grimont cite un de ces branles «• chanté sur Tair de frelove
frelovi, à la paternité duquel il ne fut peut ôtre pas étranger.
Dans une versification exécrable, le poète-amateur raconte
l'exil des parlementaires :
Quand Bourgeois quitta le pays
Il fut frelove, frelovi
n comptait bien revenir
Il fut frelove, frelovi
Puis il apostrophe vertement Tancien premier président :
Tu as trop pillé le pays.
Toy seul s'y est enrichi,
Les exilés te Pont promis
Te faire rendre compte aussi
\ji vérité t'a chassé d'icy.
Le Palais est réuni,
La justice va tout son crédit
Tous les avocats ont repris
Leurs études avec plaisir
Dauxiron plaide, Grimont aussi,
Huot et tous ses amis,
El tout le tableau s*ensuit....
Va-t-en au fleuve de l'oubli.
Si réeUement ces vers sont dus à l'inspiration de Tavocat-
poète, on comprend sans peine, la note suivante du journal,
dans laquelle l'auteur se chansonne lui-même :
- 1^0 -
Ije sieur Grimoiit a éiè siftlé
Dans deux tragédies qu'il a voulu jouer ;
Pour ]e pauvre Gritnoiit il n est plus de remède,
Cet homme faible et languissant
Daus Gaston était expirant,
Mais il est mort dans Tancrède.
Ces infortunes littéraires ne paraissent pas avoir altéré sa
santé ; heureux et vengé par le retour de ses amis, il les ou-
bliait au milieu de Tallégresse générale.
Comme il était d'usage aux plus gi*aves événements de
Tépoque «chaque corps de métiers, pour remercier Dieu,
d'avoir délivré la province d'un fléau aussi terrible que Tavoit
été M. de Boynes. » fit célébrer une messe solennelle avec
gi*ande musique, en action de grâces. Le service fini, chaque
corps en particulier, fesoit son parti pourboire à la santé des
exilés. « Les servantes de chaque quartier, dit Dunand, ont
fait faire un service solennel, aux grands Carmes. Elles por-
taient un grand écriteau qu'on plaça à la porte de l'église et
sur lequel on lisait:
Joignez chrétiens, joignez vos prières aux nôtres,
.\ nos trente seigneurs nous voudrions bien servir
Mais comme ils sont sans taches, ils n'ont rien à blanchir.
Nous prierons Dieu pour eux, et laverons pour d'autres.
Les volaillères en ont fait dire une aux Clarisses, et sur la
porte de la cour, il y avait la représentation d'un coq avec
cette inscription : « Au plus hardi ».
Il n'est pas jusqu'au corps de métier des travailleurs noc-
turnes et odoriférants qui n'ait voulu faire parler de lui en
publiant l'annonce d'une prétendue manifestation d'autant
plus méchante qu'elle était d'un goût plus douteux. « l^^
gadoires de la cité •• raconte le caustique- avocat, « touchés de
compassion de l'atmiction où sont tous messieurs les réma-
nants qui ne se montrent plus, et auxquels il parait que i^er-
sonne ne pense plus, ont délibéré de leur donner un plaide
leur métier, sans que messieurs les cy-devant exilés puissent
y prendre aucune part. En conséquence ils s'assembleront
le jour de l'anniversaire de la mort de monsieur de Belisle
(protecteur de Bourgeois de Boynes), le 24 janvier 176J
dans la salle des pas-perdus des parfums, où ils donneront
une feste assortie de tout le goût, la délicatesse, et la pro-
preté convenable à leur profession, qui commencera vers
la minuit qui est Theure ordinaire h vaquer h leur ministère.
Elle sera précédée dès le matin dudit jour par un service
solennel uniquement pour messieurs les rémanants b.
La prétendue cérémonie est annoncée comme devant avoir
lieu dans Téglise des Jésuites (qui sont à la veille de leur
expulsion); un catafalque est dressé au milieu du chœur où
est représenté «effrayant et au naturel» l'ancien premier
président et intendant «ceint d'une corde et couché dans un
cercueil ^ . Le drap noir est « orné de billets de banque signés
sur le dos d'un nommé Bourgeois dans la rue Quimquem-
pois > . En haut on lit « en gros caractères cet anagramme :
A de Boynes nez de bois » . Les fonctions d'officiants sont
réservées aux personnages amis des rémanants. Chacun est
désigné nominativement avec une allusion méchante au rôle
qu'il a rempli dans les derniers évènemejits. Les présidents
de chambre, conseillers, chanoines, abbés, professeurs, avo-
cats et professeurs se coudoient avec les dames de la société
qui sont « les pleureuses en grande robe noire* tous ont leurs
places réservées ; chaque stalle décorée aux attributs conve-
nables à celui qui doit l'occuper. L'on y voit des seringues,
des enseignes de cabaret, des fouets de poste, des licols de
chevaux, des balles de citrons, d'oranges et de mercerie, des
bancs et couteaux de bouchers, papiers, terriers, en main-
morte, comptes de fermes, le tout si expressif que, sans
équivoque, chacun se placera dans la stalle qui lui est desti-
née. » Enfin le maire de la ville est censé autoriser spéciale-
ment l'affichage de ce programme.
Cette élucubration macabre est de beaucoup la plus cruelle-
- 1-15 -
ment mordante et parfois la plus injuste de toutes les satires
qui émaillent le récit de ces longues réjouissances.
' Ce ne fut que la rigueur de la saison qui mit fin à toutes
ces fêles», durant lesquelles dit Grimont il n'y a eu aucune
dispute parmi les grands ni parmi les petits. Le tout se passa
dans la plus grande union possible. » En écrivant ces Vigm-s
le chroniqueur oublie à dessein les mésaventures arrivées à
deux des rémanants et dont il donne quelques lignes plus
loin le récit : « Monsieur Michotté, doyen des présidents du
parlement, étant dans sa chaise à porteurs, fut insulté par la
populace au sortir du Palais et faillit être assommé à coups
de pierres ; il fut contraint de se sauver chez Monsieur le
duc de Randan, et il fut encore plusieurs fois insulté par les
servantes, lavandières, et autres de cette espèce. »
Maréchal « prieur d'Audeux, conseiller clerc au Parlement
reçut de la part de la bourgeoisie des invectives atroces ainsi
que tous les rémanants. Un jour, venant de souper il étoit
dans une chaise à porteurs, il fut arresté et Ton pria les por-
teurs de mettre à bas la chaise, ce qu'ils firent. Des jeunes
gens prirent la chaise et sautèrent le prieur dedans jusqu'à
ce que le jeu ne leur plaise plus ; il fut secoué d'importance ■>
(on dirait en termes militaires : il fut passé à la couverture !).
De plus il fut arresté un soir par des servantes et elles le
fouettèrent tant qu'elles purent. Ainsi finit son sort, et n'étant
plus regardé de personne, il fut contraint de se défaire de sa
charge. •>
Il ne rentre pas dans ce cadre, déjà trop étendu de relater
le récit fait par Grimont de la noble résistance des avocats,
contre l'abus de l'autorité royale à l'égard des magistrats du
Parlement.
Malgré les rigueurs qui frappèrent plusieurs de ses mem-
bres, le barreau bisontin resta fidèle à ses traditions d'indé-
pendance et de liberté. Aux injonctions du premier prési-
dent et de la cour de paraître à la barre après l'exil des
trente, ils opposèrent un refus formel et se laissèrent con-
o
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C/5
— 143 -
damner à Tamende. Plusieurs démissionnèrent ; il fallut le
départ de M. do Boynes pour les faire sortir du silence.
C'est pour conserver le souvenir de ce noble dévouement
à la magistrature et rappeler aux jeunes stagiaires leurs de-
voirs professionnels qu'une main érudite eut l'heureuse idée
de sauver de la destruction un curieux document de l'époque.
Il y a quelques années, sur les conseils de son frère,
M. Gauthier fit, pour le conseil de l'ordre dont il était alors
bâtonnier, l'acquisition d'un petit tableau qui orne mainte-
nant la bibliothèque des avocats au Palais de Justice.
C'est un dessin à la plume rehaussé d'encre de chine, sur
papier, de vingt centimètres sur trente, très finement exé-
cuté, entouré d'un cadre en bois sculpté et doré qui est son
contemporain.
Dans une salle du Parlement aux tentures fleurdelysées,
sur un siège élevé de trois marches surmonté du buste de
Louis XV, est assise la déesse de la justice, à sa droite, un
amour ailé présente les attributs judiciaires : le faisceau que
surmonte la hache des licteurs et la balance. D'un geste gra-
cieux, Thémis tend les bras aux parlementaires que lui pré-
sente le premier président de Grosbois. Celui-ci drapé dans
l'hermine et coifi*é de la perruque à marteaux tient par la
main un des trois présidents de chambre Ceux-ci sont suivis
des parlementaires en costume d'audience solennelle dont
le cortège se déroule au delà d'une porte entr'ouverte sur-
montée de l'aigle bisontin. Cette scène est couronnée par un
cartouche ovale où on lit ces mots : Ex dono senatus patriîe
reddili M.DCG.LXII.
Les figures des personnages en raison de la jeunesse que
le dessinateur leur a donnée, ne paraissent pas être des por-
traits Cependant cette allégorie constitue une œuvre d'une
valeur réelle par son cachet artistique, le soin et le talent
avec lesquels elle a été exécutée. Malgré nos recherches il
nous a été impossible de découvrir le nom de l'artiste qui en
est l'auteur. Sans aucun doute ce petit dessin parait avoir été
8
- Mi -
tlestiné à orner le salon de quelqu'un de ces exilés auxquels
le peuple avait fait de si bruyantes ovations.
Mais les plus beaux jours ont leur lendemain : à peine réins-
tallés les exilés firent il est vrai casser par le parlement les
arrtHs rendus en leur absence, mais bientôt ils oublièrent
leur ancienne indépendance et la raison même de leur
popularité.
« Avec politesses sur politesses, dit Grimont, ils firent
comme font ordinairement les chats, le coup de patte vient
après » Réconciliés avec les rémanants grâce à l'habiteté du
premier président, les exilés firent cause commune avec
leurs ennemis d*hier. Le peuple apprit bientôt avec stupeur
que le parlement entier avait enregistré Tédit sur les cuirs
trois fois refusé par les rémanants eux-mêmes.
De ce retour des choses d'ici-bas, Grimont tire une morale
I)hilosophique des plus justes. <» A l'instant chacun ouvrit les
yeux, et l'on vit clairement que Ton étoit dupe de sa bonne
foy et croyance et (|iie Ton étoit bien aveuglé sur le compte
des exilés. Car l'on s'était (ïguré que leur exil venoit pour
avoir voulu soutenir les intérêts de la province et par consé-
cjuent du peuple. Mais après avoir examiné les choses de près,
on vit qu'il y avoit autant d'entêtement de leur part pour
les chambres assemblées que M. de Boynes pour le contraire.
On doit pardonner cette erreur au vulgaire qui se laisse aisé-
ment persuader et qui tombe toujours dans de pareils
fanatismes. »
Ce que Grimont n'a pas vu dans cet enthousiasme exagéré
du public bisontin, c'est le réveil du sentiment «ie liberté con-
tre le despotisme royal (»t l'arrogance de ses représentants.
Os manifestations presque méridionales, cet engouement
subit de toute une rite, c'est l'espérance joyeuse d'un peuple
écrasé d'impôts, accablé de vexations qui a cru entrevoir la
fin de ses maux.
Trente ans après, re même peuple se soulèvera et d'un
— 115 —
seul coup renversera le trône et les institutions séculaires du
royaume .
Grimont prendra pour toujours la route de l'exil, et peut-
être, dans la fièvre de ses veilles, rêvera-t-il, lui aussi, d'un
retour dans la cité bisontine par la « rue du triomphe, n
LEO
RUINES DU CHATEAU DE CICON
Par
Le Vicomte A. De TRDGHIS DE TARENNES
MCMDKC RÉSIDANT
Séance du iO Jant'ier i9()4.
Quand on va do Besançon à Morteau, on traverse un vas^e
plateau qui s'étend entre le Doubs et la Loue. Une sombre
ligne de crêtes et de mamelons, couverts de sapins, domine
ce plateau et en borne Thorizon au sud-est. En quittant
FHôpital-du-Grosbois, on aperçoit cette chaîne de montagne
à droite. Elle apparaît de plus en plus distincte à mesure
que Ton se rapproche du Valdahon et d'Avoudrey. Presque
au milieu s'élève un sommet couronné de sapins cente-
naires, profilant sur le ciel leurs silhouettes finement dé-
coupées, et, en avant, sur une pente verdoyante, brille le
toit rouge d'une ferme. C'est le mont de la Vèche et, au-
dessous, Cicon.
Pour s'y rendre, il faut, en quittant le Valdahon, traverser
successivement le village d'Epenoy, coquettement planté
sur un coteau parmi les tilleuls et les frênes, et celui de
Rantechaux, dissinmlé dans un repli de terrain où ses mai-
sons se groupent gracieusement dans la verdure autour de
son église moderne. L'ancienne église e.st un peu sur la
gauche. De nombreuses transformations ont enlevé tout
caractère original à cette petite construction, aujourd'hui
d'sîilTectée et sans clocher. A quelques pas plus loin se
- 117 —
trouve Tancienne maison seigneuriale. Elle est en assez
mauvais état, mais pourtant encore habitée. La qualité des
moellons, plus que les soins du propriétaire, en a, jusqu'à
présent, assuré la durée. Mieux conservée assurément, bien
que paraissant datée de la même époque, est la maison sei-
gneuriale d'Epenoy.
De Rantechaux, on descend à Vanclans, au pied même
des sombres massifs que nous voulons aborder. Laissant à
droite, dans un vallon, le village disséminer ses maisons
entre des prés plantés d'arbres, le chemin que nous suivons
s'élève rapidement par lacets au flanc de la montagne. En
cinq cents mètres à peine, il atteint la lisière des bois. Avant
d'y arriver on voit sur la gauche, tout en haut des prés, la
ferme de Cicon. Par derrière, une arête boisée se prolonge
presque jusqu'en face du chemin. Les sapins clairsemés,
qui on garnissent rextrémité laissent voir derrière eux les
rochers sur lesquels s'élevait autrefois le château de Cicon.
Au-dessous, la montagne s'infléchit en deux gradins succes-
sifs dont le dernier laisse à droite un passage dans un col.
En pénétrant dans la forêt, le chemin côtoie la gauche
d'une combe profonde d'où s'élancent les longs fûts de sapins
majestueux. Bientôt il franchit le col par une brèche faite de
main d'hommes et contourne la montagne II débouche alors
brusquement dans une étroite vallée au milieu de laquelle
il bifurque. A gauche, il la remonte, et à droite il s'enfonce
dans le massif montagneux. L^ne ancienne croix de pierre
orne ce carrefour. Elle y fut placée, il y a une vingtaine
d'années, lors de la reconstruction des fontaines de Van-
clans, dont elle provient.
Sur la gauche du carrefour on voit de nouveau les rochers
qui supportaient le château de Cicon et que l'on a contour-
nés. De ce côté le flanc rapide de la montagne est déboisé.
Rien n'arrête la vue le long des prés qui le tapissent et s'é-
tendent en bas jusqu'à l'autre versant de la vallée. Depuis
le château la surveillance du chemin était donc facile. Mais
— 418 —
plus loin les sapins reprennent possession de la montagne.
Ils la garnissent dans toute sa hauteur et ils masquent ainsi
les rochers à ceux qui descendent la vallée.
Derrière la croix s'élève la masse sombre du mont de la
Voche. Ce mont est entièrement boisé et, par dessus les
rochers de Cicon qu'il domine, il dresse en face de la plaine
la noire colonnade de ses vieux sapins
A SOS pieds le chemin rernonte la vallée Après l'avoir
suivi pendant quelques centaines de mètres, nous le quit-
tons pour prendre à gauche, sous bois, un chemin moins
fréquenté et revenir à flanc de coteau aux ruines de Cicon.
La rampe qui y mène est peu rapide. Ce chemin parait nm-
derne, il a, sans doute, été fait pour desservir la ferme de
Cicon.
Au moment d*atteindre le sommet de la montagne, il en
traverse le faîte dans une profonde crevasse agrandie et
creusée à coups de mines ; mais tandis qu'il tourne à droite
vers la ferme, nous avons à gauche, sur la cime des rochers
remplacement du château féodal.
On y accède aujourd'hui par un sentier, que l'on prend
au sortir de la tranchée et qui s'élève sur le flanc nord de
la njontagne ; c'était l'ancien chemin du château. En quel-
ques pas, on est au sommet, et Ton pénètre dans Fenceinle
des ruines en passant entre deux rochers qui, actuellement,
émergent du sol d'un mètre environ. On se trouve alors sur
une crête très étroite qui s'étend du nord -est au sud-ouest.
Du cO>té du nord-est, cette crête se prolonge régulière-
uïcnt en s'élevant légèrement jusqu'à la tranchée, qui li^re
passage au chemin de la ferme. Au Sud-Est, après l'entrée
du château, elle est, de nouveau, fendue par une crevasse
â parois verticales, large de cinq à six mètres. Au delà
elle se poursuit encore un peu et elle s'arrête brusquement
pour dominer â pic les prés et les bois, qui, de trois côtés,
s'étendent â ses pieds.
La partie nord-est, comprise entre les deux tranchées
mesure cinquante-quatre mètres de long. Des buissons et
de petits arbustes y forment, par endroits, un taillis assez
épais, malgré cela, on reconnaît très l\icilement les vestiges
des murs qui s'élevaient sur cet emplacement ; bien qu'ils
soient recouverts de gazon, ils émergent encore de vingt à
quarante centimètres. Deux murs parallèles, distants de
douze mètres s'étendaient de chaque côté sur les bords
extérieurs de la crête, allant du rocher qui surplombe le
chemin moderne aux deux rochers qui encadraient rentrée.
Un premier mur transversal fcjrmait avec le plus rapproché
de ces derniers une cour ou salle de huit mètres de long,
un .second mur transversal était à dix mètres du premier,
et à dix mètres plus loin, il y en avait encore un troisième.
Leurs fondations dessinent ainsi l'emplacement de deux
pièces semblables de dix mètres sur douze. Elles étaient
suivies d'une quatrième cour ou salle ne mesurant que cinq
à six mètres de large. Dans le milieu est creusée une exca-
vation rectangulaire dont les umrs en moellons réguliers
sont parfaitement conservés. Cette excavation mesure exac-
tement trois mètres dix centimètres dans le sens trans-
versal et quatre mètres dans le sens de la crête. Le bord
supérieur du mur, du côté de l'Est, est entaillé en son mi-
lieu d'une échancrure de soixante-dix centimètres de large.
Elle était probablement destinée à donner passage à une
échelle ou à un escalier de bois. Cette excavation qui devait
servir de citerne, est en partie comblée maintenant ; néan-
moins elle a encore deux à trois mètres de profondeur. Au
delà de la cour oii elle se trouve, existe encore une espèce
de terre-plein surélevé de cinquante centimètres environ
qui mesure douze mètres sur chacun de ses côtés. Il est
formé par le rocher au bas duquel passe le chemin moderne.
Sur toute cette partie devaient s'élever les bâtiments du
château servant de logements.
La partie sud-ouest, (|ui domine de [)lus de deux mètres
la partie nord-est eal beaucoup moins étendue. Elle mesure
— 120 ~
seulement vingt-qualre mètres de long sur sept à huit de
large. Sa superficie n*est pas tout entière sur le même plan
L'on avait conservé et utilisé sans les déformer les rochers
qui émergeaient du sol pour y asseoir les murs extérieurs.
Depuis, les éboulements et les ruines ont laissé un sol très
inégal, qui ne permet pas de se rendre compte de la dis-
position des constructions qui avaient été élevées sur cet
emplacement. Au nord d'une plate-forme de seize mètres
sur huit, on trouve un rocher un peu plus élevé qui en
forme le point culminant et qui surplombe la tranchée. Le
sommet de ce rocher peut avoir quatre mètres sur six. Une
dépression ovale, en forme de cuvette, produite soit par une
excavation en partie comblée, soit par un éboulement par-
tiel dans une cavité inférieure, occupe le centre de la plate-
forme. De celle-ci, on descend à TEst sur une terrasse
triangulaire qui est à un mètre plus bas et qui mesure sept
mètres sur huit. Elle formait de ce côté l'extrémité du
château.
On ne voit pas sur cette partie, comme dans l'autre, des
vestiges de murs. Pourtant c'est là que les constructions
ont subsisté le plus longtemps ; et au commencement du
dix-neuvième siècle il y avait encore des ruines importantes,
restes d'une tour carrée formant donjon, dont font men-
tion les reprises de fief du seizième et du dix-septième
siècle. Mais les murs se sont effondrés dans le vide et sur
les trois côtés, en bas des rochers, les talus qui en garnis
sent le pied sont par place, entièrement recouverts de
moellons et de pierres de taille. Leur abondance montre
que les murs devaient être fort épais et probablement aussi
très élevés. Au contraire au bas de la partie nord- est, on
n'aperçoit ni sur un flanc ni sur l'autre les vestiges d'ébou-
lement de murs. Les constructions y avaient peut-être été
moins importantes, ou leur destruction étant beaucoup plus
ancienne, la terre et le gazon ont tout recouvert.
Le panorama que Ton a de l'extrémité méridioniale des
- 121 -
ruines situées à 916 mètres d'altitude, est des plus étendus.
Du côté du Sud, au delà des pentes de la Vèche, et par
dessus les massifs de sapins qui couvrent les mamelons les
plus rapprochés. Ton aperçoit le Montpelé qui domine
Bugny, et en arrière le Larmont et les monts du Laveron.
Plus à droite se profilent successivement sur le ciel les
sommets de Déservillers, de la Roche de Haute-Pierre et
du Poupet. Enfin si Ton se tourne vers le Nord-Ouest, puis
vers le Nord, on domine le vaste plateau de la moyenne
montagne dont l'horizon est borné par les sommets d'A-
mancey, Ghâtillon-sur-Lizon Gademène, Malbrans et de l'Hô-
pital ; plus loin par ceux de Pugey et de Montfaucon, par la
chaîne des Lomonts, et enfin par le Peu de Laviron et les
Monts de Pierrefontaine.
De la Vèche, doTit le nom vient du mot allemand wuche,
guet, ou wachen, veiller, surveiller, le panorama est encore
plus vaste. La vue s'étend plus à l'Est et peut errer sur le
Chaumont, et sur tout le massif jurassique, qui, au delà de
la vallée supérieure du Doubs, forme de ce côté la frontière
suisse
Il était donc facile aux sires de Gicon de se préserver des
surprises de l'ennemi et de répondre aux signaux d'alarme
de leurs sujets demandant aide et secours.
Au sortir du château, l'ancien chemin faisait un lacet sur
le flanc nord de la montagne et contournait le château en
passant au pied même des murailles et des rochers Les as-
saillants se trouvaient ainsi pendant tout son parcours expo-
sés aux attaques des défenseurs du donjon. Ge chemin rejoi-
gnait non loin de la croix du carrefour, dans la vallée qui
s'étend au pied de la Vèche, celui que nous avons suivi pour
arriver. Par suite de la croissance d'arbustes et de brous-
sailles sur ses bords, cet ancien chemin est, par endroits, ré-
duit à Tétatd'un sentier très étroit et difficilement [jraticable.
La terrasse qui termine au Sud-Est l'emplacement du châ-
teau est supportée par un rocher à pic. A quelques mètres
— 122 —
plus bas, sur le côté regardant le col, s'ouvre une groUedont
Torifice a deux ou trois mètres de haut et à peu prés la même
profondeur. Au fond sur la gauche, est à mi-hauteur une cre-
vx-se assez étroite qui s'enfonce dans la montagne et parait
s'élever en tournant. On y voit la trace très visible de l'êcou-
leinent des eaux qui s'y produit après les pluies. Des enfaiiU
et des jeunes gens s*y sont glissés à diverses reprises et ont
tenté de l'explorer. Quelques-uns sont, dit-on, parvenus à la
>uivre f>endant une dizaine de mètres, mais un courant dan
qui la traverse ou le vol des chauves-souris que l'ondéran-
g».Mit, ont toujours éteint les i)Ougies dont ils se servaient, el
Ir^s ont contraints à ressortir sans en axoir atteint rextrérnil^'.
Li crainte île Tébouleraent des rochers assez friables en cet
fnir«»it et la terreur inspirée par de vieilles légendes, ont
an»i contribué à entraver ces investigations qui n'ont jamais
été liés sérieusement entreprises. Il eût du reste été bien
éi<>nnanlque celte grotte placée en un point aussi iutéress^Q^
\ku' les souvenirs historiques qu'il peut invoquer, n'ait point
in>}iré rniMginalion superstitieuse des anciens habitants de
la région. lU ont réuni en une même légende la vuuivre
gard.enne des trésors et des grottes, et le souvenir de la des
ti notion du château.
La groîto, disent-ils, communique par son étroite creva.v^e
à rinîêneur des caves du donjon, où lors du dernier siège»
le cîiàtoîain aviiil enfoui for et les objets précieux «ju'il po^"
sèvijit. Lesa>siiiliants incendièrent le château dontles ruine>
votîii»l''ivnt rentrée supérieure des caves depuis lorsintrou-
>abie. Ap!è> la mort du cliàtelain, qui s'était évadé parlât
e:v\as>e, une vouivre prit la garde du trésor. Elle habite tou-
ieur> au ;ond de la crevasse et ne sort que la nuit. Le tresoi
.|u e:;e protège ne lui a jamais été dérobé. Mais les sires de
i:.o.'n iiu avaienl-ils réellement confié une aussi délicate
niî»:v'n?
lî e>r bien vrai qu'en 1343, Jean de Chalon-Arlay, q«> ^^*
luA davoir >on château de Chalel-Guyon pris, brâléet de-
- I2â —
moli par les troupes du duc Eudes IV, vint pour se venger,
mettre le siège devant les châteaux de Gicon et de Durfort d».
Tous deux appartenaient à Jean de Cicon, vassal dévoué du
duc, à qui il venait d'en faire hommage. Le château de Dur-
fort fut surpris et pris ; celui de Cicon fut seulement assiégé,
et comme Jean de Cicon reconnut le tenir en lief du comte
de Montbéliard, Tun des confédérés, il fut momentanément
délivré. La continuation des liostilités entre Jean de Clialon-
Arlay et le duc de Bourgogne, ramena les partisans du sire
d'Arlay sous les murs de Cicon en 1345, et Eudes IV envoya
inutilement ses baillis, Jean de Montaigu et Foulque de Ville-
frey pour le débloquer (2). Cicon tomba entre les mains de
Jean de Chalon qui le fit occuper incontinent, en confia la
garde à un châtelain et s'appropria tout ce que Jean de Cicon
possédait dans cette seigneurie. Après la mort du duc Eudes,
le belliqueux chef des confédérés, s'élant allié avec le roi de
France et jugeant ce château inutile, donna en 1354 à son
bailli Jean de Saugey '3) Tordre de faire conduire au château
d'Arguel tout le blé, le vin et les autres provisions qui s'y
trouvaient et de le « démolir de fond en fond ». Cet ordre ne
fut que partiellement exécuté, et le château, plus ou moins
démantelé resta debout. Quelques années plus tard, en 13(55,
Ix)uis d'Arguel, le plus jeune fils de Jean de Chalon-Arlay le
vendit avec la chatellenie pour \&)0 florins de Florence au
comte Etienne de Montbéliard. La petile-fille de ce dernier,
Jeanne de Montbéliard, fiancée dès 1397 à Louis de Chalon-
Arlay, apporta tous ses biens à celte {)uissante maison qui
rentra ainsi en possession de la seigneurie de Cicon. Le châ-
teau en fut restauré en 1406 sur les ordres de Jean III d'Arlay
son futur beau-père. Son fils, Guillaume d'Orange, vendit
(1) Archives du dép. du Doubs. — Comptes. B. 446
(2) Ibidem. B. 4i0
(3) Ibidem. Invnnt.iircs des titres de la maison de Châlou.
— 424 —
cette seigneurie en 1472 à Guillaume de Cicon, seigneur de
Demangevelie (i>.
Quand, en 1479, Louis XI entreprit d'annexer le comté de
Bourgogne à la France, il rencontra une grande résistance
de Ja part des Comtois. La montagne en fut le dernier théâtre.
Charles d'Amboise, à la tête d'une nombreuse armée fran-
çaise Ten vahit au printemps de Tannée 1480, et, dans une cam-
pagne qui dura trois mois, il força toutes les bourgades et
démolit tous les châteaux. Cicon ne devait pas échapper aux
coups de ce vindicatif vainqueur, qui, pas plus que son mai-
Ire, n'était disposé à oublier la démarche faite au mois d'oc-
tobre précédent par Thibaud de Cicon, chantre de S*-Etienne
et les délégués de la ville de Besançon auprès de Claude de
Toulongeon, le lieutenant du prince d'Orange. Le grand-
chantre était le frère de Guillaume de Cicon, seigneur de
Demangevelie qui avait racheté la seigneurie de Cicon quel-
ques années auparavant. Aucun des documents contempo-
rains qui mentionnent les lugubres exploits d'Ambroise ne
parle de la résistance du château de Cicon. Il est donc pro-
bable que, contrairement à la légende, Guillaume de Cicon
ne s'y était pas retiré et que le général français put facile-
ment assouvir sa vengeance en incendiant le château pas ou
mal défendu.
Ce château ne fut pas restauré, mais grâce à leur solidité
les murs restèrent debout et en 1584, nous dit l'inventaire
de la seigneurie de Cicon il y avait encore : « un bien antique
« donjon, une grosse tour carrée et autres édifices et manoirs
« présentement et de longtemps, par fortune de feuxethos-
« tilité des guerres ayant régné en ces pays et comté de
• Bourgogne ruynés et démolis, demeurant à celte cause
«inhabitables (2) «.
Les vestiges de ces ruines si anciennes peuvent encore
(i) Bibl. de Besançon. - Droz n® 35, f» 256.
(2) Archivea du Doubs. \i. 2114. Reprise de p j.
offrir UT) certain intérêt archéologique. L*emplacement du
château à l'extrémité d'un éperon dominant tout le pays en-
vironnant, les circuits du chemin d'accès et la disposition
des différentes parties des constructions présentent une
grande analogie avec ce que Ton observe dans les ruines des
autres châteaux franc-comtois et suisses de la même époque.
Je serais heureux si la description bien sommaire que j'en
donne pouvait être utile à ceux qui voudront écrire Tliistoire
de quelques-uns de ces châteaux.
Le Docteur J. BRUCHON
ANCIEN PRKSfDENT DE lA SOClfrrÉ D'ÉMULATION DU DOUBS
Par M. le D^ LEDOUX
Séance du i9 novembre i904.
Messieurs,
Quand la Société d'Emulation du Doubs appela le docteur
Bruchon (Uà présider ses assemblées en 1897, elle voulut
servir les intérêts de Tinstilution. En rendant hommage au
mérite d'un de ses plus anciens membres, elle jugea que
la sympathie, la confiance, le respect qu'il inspirait à tousses
concitoyens, contribueraient puissamment à l'autorité dans
la direction et à la prospérité de la Compagnie. Vous n'avez
pas oublié. Messieurs, combien vous eûtes à vous féliciter
de l'excellence de cette élection C'est que, comme vous
l'aviez prévu, notre collègue apporta, dans l'accomplissement
de sa mission présidentielle, toutes ces qualités d'exactitude,
de bienveillance, de dignité qui, pendant sa longue camt»re,
l'ont fait toujours et partout distinguer et honorer. Bien
nombreuses étaient les familles qui proclamaient la sollici-
(I) Bruchon, Jusl-Charles-Joseph naquit à Resanvon le 2 septembre 1^.
Docteur en Métlecine (1H5i), proj'esseur suppléant à KEcole de Mé*lecine
de Besançon 1857), il fut nommé, le 28 janvier 181)8, titulaire de la chaire
d'anatomie et poursuivit son enseignement jusqu'en 18ÎB; longtemps
médecin-adjoint de Thôpital Saint-Jacques, médecin en chef du Lvcée de
1870.» lîHyS, il présida lAssociation des Médecins du Doul)s «le 18i« à 1ÎKH,
la Société de Médecine de Besançon et de la Franche-Comté à plusieurs
reprises, et, en 1897. la Société d'Kmulation du Doubs^ à laquelle il appar-
tenait depuis I80(),' oflicier d'Académie et de rinslruction publique, il fut
promu chevalier de la Légion d'honneur en 1897. Le docteur Bpï chon
mourut à Besancon le ^2 avril 1904.
lude active et scrupuleuse du médecin en même temps que
la prudence et la sa^^acité de ses conseils. Dans les services
publics dont il avait la cliar^^e. à Thôpital, au Lycée, son
concours n'était pas moins très hautement apprécié.
Professeur d'anatomie à notre Ecole, il enseigna devant
bien des générations d'étudiants cette science difficile, aride
en raison de sa précision, de ses minuties, que seuls sont
capables d'imposer à l'attention et de rendre intéressante
une méthode rationnelle et un véritable talent dans l'art de
l'exposition. Pendant plus de trente ans, chaque jour de son
semestre de cours, le savant se révéla un maître, vraiment
digne de ce nom. Puisque l'anatomie est, avant la clinique,
le solide fondement des études médicales, le D"" Bruchon a
puissamment contribué à doter notre province d'un corps
de praticiens instruits qui tous proclament unanimement
leur admiration et leur gratitude à l'égard de celui dont les
leçons attiraient sur TUniversité bisontine un nouvel éclat re-
mémorant celui qui avait fondé sa réputation au xyiii® siècle
A la Société de Médecine, il avait d'autres juges, ses
confrères. Quand il y communiquait observations et ré-
flexions (i), la sûreté d'examen du D' Bkuchon, la rectitude
de son jugement, la logique de ses déductions, la netteté
de ses conclusions, préparaient une discussion qui ralliait
bien vite à son opinion. Il convient de signaler chez lui cette
faculté pressentant la voie qui conduira la science à ses pro-
grès futurs : quand on ne soupçonnait guère encore la con-
tagion de la tuberculose, et bien avant sa démonstration
expérimentale (1805), le I)' Bruchon publiait, en 1858, un
mémoire documenté sur la tranumission de la phtisie pul-
monaire nous l'influence de la cohabitation.
L'Association générale des Médecins de France poursuit
(1 Devant l'Assemblée des Médecins du Doiibs, le D' Nargaud, son
président, a publié la liste des principaux travaux du D' Bruchon sur
des sujets de Médecine (iîeu m e médi<'ale de Franche-Comtéy i90\, p. 135
no d'août).
Société d'Hmiihuion du Doubs, 190^-190.4.
PRIAPE JEUNE (Dieu des Jardins)
(Must'e de Besiiiiçoii.j
il
V]<] ^ •}
UN DIEU DES JARDINS
( sculpture gallo-romaine )
KT
L'vENOCHOÉ PRIAPIQUE
(en verre)
du Musée de Besançon
Par M. Alfred VÂISSIER
SéanceB des i4 mai et il décembre i904.
Au milieu d*une de ces petites propriétés en nature de
jardins, autrefois en vignes, qui enserrent à distance respec-
tueuse le corps de la place de Besançon, au glacis d'Arènes,
lieudità Ghampforgeron (parcelle 4483 du plan cadastral) on
découvrait l'année dernière une sculpture gallo romaine d'un
caractère si particulier qu'il y a lieu de mentionner en même
temps des vestiges non moins inattendus, qui accompagnè-
rent sa mise au jour.
La pioche des terrassiers, au cours du creusage d'une cave,
s'arrêtait à deux mètres de profondeur sur une surface ro-
cheuse très dure mais si parfaitement nivelée, bien que légè-
rement inclinée, qu'on la croirait préparée de main
d'homme et cela sur une étendue qui dépasse les limites de
la propriété. En élargissant les côtés de la fouille on rencon-
tra, renversé en pointe, le bloc de pierre tendre sculpté
qui sera l'objet principal de cette notice.
Dans la même fouille, à un mètre cinquante environ de dis-
- 132 -
tance apparut, dressé verticalement, un encastrement
de forme cubique de huit pierres de taille assemblées à clés,
en deux assises égales de 50 centimètres. (1) Le vide intérieur
ménagé par ces sortes de margelles reposant sur le banc de
roche, est de 0,60 dans un sens et de 0,75 dans Tautro. Un
indice que la construction était faite pour rester sous terre,
c'est que les faces extérieures sont rustiquées, tandis que les
parois intérieures sont finement taillées.
La cavité était comblée de terre et d'une très grosse pierre
provenant, sans doute, des débris d'une couverture dont la
coupe était visible sur la tranche verticale de la fouille. Au
fond, on ne recueillit qu'un groupe d'ossements brisés qui
ont appartenu à la carcasse d'un cheval.
Le travail ayant été fait en l'absence de toute préoccupation
archéologique, ce ne fut que par un rapport subséquent que
Ton apprit qu'à une distance de deux à trois mètres on re-
marqua l'assise inférieure d'une construction analogue quoi-
qu'un pou plus allongée dont on utilisa aussitôt un des élé-
ments pour en faire une marche d'escalier.
Malgré l'absence d'ossements humains, ou de poterie, à
l'exception d'un fragment de tuile à rebord, serait-on mal
venu à voir dans ces vestiges des caveaux de sépultures à in-
cinération dépouillés de longue date? Des fouilles présuma-
bles au plus près voisinage confirmeront peut-être un jour
celte hypothèse qui n'a rien d'étrange quand on sait que sur
plusieurs points de ce pourtour de la ville, jusqu'à la gare
de la Viotte et même au delà, des cimetières de même nature
ont été constatés à plusieurs reprises. Quoi qu'il en soit, il ne
reste pas moins à trouver une explication acceptable de la
présence singulière du débris sculpté dont voici la descrip-
tion à l'appui de notre figure. (PI.)
Le bloc en pierre tendre, très blanche et à grain fin, mesure
(1) La piei-re employée est celle dite de vergenne presque exclusivement
reclieirhée pour les bons travaux à Tépoque gallo-romaine à Besançon.
- 433 ~
0,82<^ de hauteur. Il est facile d'y reconnaître le réemploi d'un
tambour de colonne de 0,60 de diamètre, d'après les canne-
lures rudentées qui sillonnent la face du revers. Sur un des
lits de pose apparaît encore un trou de gougeon central (^).
Un personnage, en très haut relief, décore la face opposée
aux cannelures. A première vue on y reconnaît le style et
les procédés de facture de l'époque romaine. L'œuvre très
estimable, sous le rapport artistique, est en outre fort cu-
rieuse par son sujet peu banal, et, en dépit de quelques mu-
tilations, se trouve être une des mieux conservées qui soient
sorties du sol de Besançon.
Sur une plinthe inférieure de 0,07 d'épaisseur se tient de-
bout, les pieds joints et le corps adossé sur un fond aplani
et légèrement incliné en arrière, un adolescent assez court
de bras et de jambes, très lourdement drapé : longue robe
de dessous à manches et ample manteau ou pièce d'étoffe
accrochée sur l'épaule droite. Au premier aspect, on dirait un
enfant habillé trop à Vavantage. Aussi est-il peu de visiteurs
qui ne s'y trompent en croyant y voir une figure de femme
assise : quelque déesse de l'Abondance !
Le visage, en partie mutilé, est encadré de feuilles de vigne
d'où pendent des grappes de raisins. Les deux bras coudés
supportent à pleines mains, dans un vaste pli du manteau,
un étalage de fruits variés où figurent encore des raisins. La
charge fléchit de part et d'autre, tandis que sa partie centrale
est retenue par un support horizontal et proéminent, mais
ostensiblement dissimulé par la robe de dessous. Cet appui
ainsi voilé et épousé par de beau.i plis symétriques qui en
(1) Pour compléter la description de ce tambour de colonne réemployé,
il importe de signaler une profonde échancrure qui se voit au revers en
travers des cannelures. Ces entailles s'observent souvent dans les ruines des
villes antiques. Avant la chute des vieilles murailles et des colonnades, des
pièces de bois y avaient été enpigées pour constituer des abris ou de pau-
vres habitations. Ce simple détail a son importance, car il témoignerait
d*une époque de ruine ayant précédé l'exécution de noln^ sculpture.
- 134-
dissimulent la forme n'est pas emprunté; il appartient bien
en propre au personnage dont Tétat particulier est au mieux
qualifié par le poète :
constantior
Quam nova collibus arbor inhœret.
Horace, Ep. xii
Ce n'est pas tout ; au pied du jeune gaillard est assis un
Ero8 nu et vu de dos; cet enfant s'appuie de la main droite
sur le sol, pendant que de la gauche il s'accroche à la drape-
rie pour l'écarter de dessus sa tête, laquelle s'engage sous le
vide. Il est regrettable que cette figure accessoire curieuse-
ment fouillée, en raison des ajours des bras qui ont disparu
soit en partie brisée. Toutefois ce qui en reste, sous la chute
de l'étoffe soigneusement évidée, l'amorce des mains surtout,
permet de saisir la justesse d'un mouvement fort bien
compris.
L'introduction du petit acteur est une variante originale et
peut être unique comme conservation des représentations
analogues en pierre, la plupart ti*ès dégradées, à savoir celle
du Priape, considéré ici comme le dieu des Jardins^ plulcit
que celui de la Virilité féconde. De cette abstraction personni-
fiée de la Fécondité, surtout animale dans le principe, mais
plus tard végétale, il existe une foule de figurations d'autant
plus sommaires qu'elles sont plus anciennes, depuis la forme
élémentaire d'une grande pierre conique des temps préhisto-
riques jusqu'aux hennés grecs ou termhn romains, non
moins impudiques, où la tête barbue du Priape, confondue
avec celles de Bacohus ou de Mercure, sont acceptées parmi
les œuvres artistiques. Ces bornes de pierre, dressées le
long des chemins, servaient de poteaux indicateurs, ou de
limites aux propriétés qu'elles devaient décorer plus tard.
Le type plus spécialement consacré à Priape se rencontrait
dans les lieux champêtres et dans les jardins où la gaîne
- 135 -
amincie du terme^ inclinée sur son piédestal, rappelle une
primitive sculpture sur bois que Ton peignait en rouge pour
effrayer les oiseaux à la façon d'un vulgaire mannequin. Par-
fois rimage était abritée sous une toiture de planches en
forme de chapelle. Hommes et femmes, sous le pin sacré,
venaient procéder à des sacrifices, apporter leurs offrandes
et faire des libations avec accompagnement de musique. La
superstition populaire s'accommodait sans répugnance de la
grossièreté du symbole, ainsi que le confirment nombre de
pierres gravées très en faveur aux premiers siècles .
A ce témoignage où la fantaisie artistique avait une grande
part, il nous appartient de joindre ici celui d'une pièce rare
de notre Musée, aus.si précieuse qu'un bijou, cette œnochoé
priapique en verre violet ornée de figures en émail blanc ci-
selées comme celles des camées. Il y a vingt ans (l) Castan
nous en donnait une remarquable description, accompagnée
d'une esquisse exacte du développement de la panse du vase.
La cérémonie priapique où figurent quatre personnages et
deux idoles attend depuis, son interprétation ou un commen-
taire quelconque.
Dans la partie centrale de la composition, à l'opposite de
l'anse, une malencontreuse brisure a fait disparaître les deux
tiers du corps du célébrant ou mieux d'une prétresse munie
d'une longue torche (funale) allumée et renversée. Ce flam-
beau aurait-il quelque signification funèbre? Rien n'est pré-
paré sur l'autel adossé à une colonne surmontée de la figure
d'une divinité inconnue, peut-être d'Aphrodite, sans bras et
entièrement vêtue. La flamme de la torche refluant sur le sol
au pied du monument, auquel est fixé le thirse garni d'une
mitra, témoigne de l'accomplissement d'un rite de purifica-
tion plutôt que d'un sacrifice.
A droite, sous un pin sacré, est un trépied supportant trois
(1) Mémoires de la Société d'Emulation du Donhs, 1886, 6»^» série,
T. I, p. 249.
- 136 —
vases ; on voit émerger de celui du milieu une petite plante.
Serait-ce le développement d*un germe apparaissant comme
un symbole de renaissance que surveille et salue un superbe
jeune faune debout tout en garnissant de Técharpe de fête
(mitra) le pedum ou massue recourbée et noueuse.
Sur la gauche, et comme en contraste avec ces préparatifs
cérémonieux, un groupe de deux personnages représente le
public devant un Priape barbu et d'un naturalisme outré. Ct^-
lui-ci dressé sur sa gaine dans une attitude très vivante
avance le bras droit pour verser à un second faune, en-
tièrement nu comme le précédent, un breuvage, du vin sans
aucun doute, que le buveur absorbe à longs traits. Le nez
plongé dans la coupe et le bras élevé perpendiculairement,
ce faune très convaincu communique son enthousiasme à un
petit enfant de sa race qui, les deux mains tendues, se gran-
dit sur la pointe des pieds pour réclamer sa part. Il n'en faut
pas plus pour exprimer la pleine vie sensuelle et bachique.
En amortissement, sous l'anse du vase, le masque de
Méduse ne figure-t-il pas ici comme un symbole de la fata-
lité antique présidant à la continuité ou l'immortalité de la
vie sur la terre.
D'après cette interprétation proposée afin d'en provoquer
une meilleure (ce que nous vous souhaitons) le Priape joue-
rait ici le rôle mythique et fort ancien qui lui était attribué.
Sur notre vase le dieu, avec ses oreilles pointues et sa
barbe de satyre, est bien en famille avec son fervent adora-
teur, l'homme «nimalisé à la queue de cheval. Il ne ressem-
ble guère au jeune dieu des jardins de Champforgeron, moins
prétentieux et plus discret dans Tostention du membre qui
caractérise chacune des deux figurations. L'étalage des fruits
dans un pli du vêtement si fréquemment employé comme
attribut pour les images de Pomone, de Vertume ou de Sylvain
ne pouvait manquer de s'adapter au type du jeune fils de Bac-
chus et de Vénus, d'autant mieux que l'arrangement même
fournissait aux artistes une ressource appropriée pour enca-
- 137 —
drer le signe distinctif priapique d'une pittoresque façon.
On ne saurait expliquer la découverte d'une semblable
sculpture d'un genre, si non lascif, du moins exprimant la
dissipation, qu'en admettant l'existence de jardins d'agrément
au pourtour de la ville antique. Si jamais on acquiert par
de nouvelles fouilles la confirmation de l'attribution des pe-
tits caveaux de Champforgeron à des restes d'un très ancien
lieu de sépulture, il faudra reconnaître qu'après un état d'a-
bandon du champ de repos, la base solide d'un monument
funéraire aura été utilisée pour l'érection d'un autel à Priape,
dans un milieu qui n'avait plus rien de funèbre.
Plus tard quelque bon chrétien voyant dans cette idole
encore debout l'image du démon, l'aura renversée de son pié-
destal et enfouie, avec indignation, la tête en bas.
En reparaissant aujourd'hui cette œuvre originale, plus
complète que ses congénères très maltraitées par le temps,
nous renseigne tant sur l'art gallo-romain que sur la turpi-
tude d'une superstition populaire au moins jusqu'au ni® siè-
cle de notre ère.
Le Chanoine SUCHET
1819-1904
Par H. l'abbé Auguste R0SSI61I0T
BIBLIOTHÉGAIRB DE L' ARCHEVÊCHÉ
Séance du 26 mars i904.
Le lundi 8 février 1904 s'éteignait doucement, à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans, un des prêtres les plus connus et les
plus sympathiques du diocèse de Besançon. Par sa bonté,
plus encore que par les diverses situations qu'il a occupées,
M le chanoine Suchet s'était fait de fidèles et nombreux
amis. Une foule composée de personnes de tous rangs se
pressait à ses obsèques et rendait un hommage bien mérité
à celui qui sut allier le zèle et la charité du prêtre aux labeurs
de la science M. Suchet appartenait à l'Académie de Besan-
çon depuis quarante ans, mais il s'intéressait à toutes les
manifestations de la vie intellectuelle en Franche-Comté, et
depuis l'année 1894 il était membre de la Société d'Emulation
du Doubs. Celle-ci lui doit donc un souvenir et, ayant reçu
des marques particulières de l'amitié du vénéré chanoine, je
suis heureux d'avoir été invité à lui payer cette dette.
Jean Marie Suchet naquit le 8 janvier 1819, d'une famille
modeste mais honorable qui habitait le joli bourg de Pesmes,
sur les rives de TOgnon. Gomme celte rivière, qui dans son
long cours ne quitte pas notre province, M. le chanoine
Suchet, par sa naissance, par son caractère, par ses études,
par son amour du sol natal, par sa vie tout entière appartient
à la Franche-Comté.
I I
. . ■ I l ^ '
Société d'Emulation du Doubs, 1 905-1 90.^.
Le Chanoine Suchi-t
1 8 1 9 - 1 904
- 139 -"
Ayant commencé ses études de bonne heure, il les acheva
brillamment et il n'était encore que clerc minoré lorsqu'il
sortit du séminaire de Besançon. Marnay, Pontarlier, Am-
blans, le collège saint François-Xavier, le séminaire d'Ornans,
la cathédrak, le chapitre : telles sont les étapes de sa vie
sacerdotale II n'avait que vingt-et-un ans lorsqu'il fut
envoyé comme professeur au séminaire de Marnay. Il nous
dit quelque part (1), que pour rassurer son inexpérience on
lui affirmait qu'on n'est pas obligé de savoir tout ce qu'on
enseigne : paradoxe qui renferme une part de vérité en ce
sens que la nécessité d'euï^eigner oblige d'apprendre ce
qu'on ignore. Mais si cette méthode est profitable au profes-
seur, il faut bien convenir qu'elle l'est moins aux élèves.
Pendant les quatre années qu'il passa à Marnay, M. l'abbé
Suchet put donc compléter son instruction classique et se
perfectionner dans les lettres humaines, humanioves
litierae.
Devenu prêtre, il fut envoyé comme vicaire à Pontarlier.
Son heureux caractère, l'agrément et les pointes de son
esprit le rendirent bien vite populaire. C'est alors qu'il
essaya sa plume dans quelques articles de journaux et que,
suivant la méthode scolastique qui de la discussion fait jaillir
la lumière, il collaborait, dit-on, à deux feuilles locales
d'opinions opposées qui accueillaient tour à tour l'attaque et
la réponse. On élait en 1848. Pour marquer l'estime qu'ils
avaient pour leur jeune vicaire, les Pontissaliens l'élurent
conseiller municipal, et il ne fut pas sans exercer une
heureuse influence dans l'assemblée communale.
Après cinq ans de vicariat, M. Suchet fut nommé curé
d'Amblans, près de Lure. Il s'installa dans cet humble
village comme s'il avait dû y demeurer toute sa vie, et
jusqu'à la fin il conserva le meilleur souvenir de la popu-
(1) Association des anciens professeurs et élèves du Séminaire
d'OrnanSf Réunion du il juin 1902, page 16.
Socictc d'Emulation du Doubs, 1905-190.^
Le Chanoine Suchi-t
1819 - 1904
- 142 -
second directeur, M. Tabbé Jeannin, à la cure de Noire- Dame,
M. Suchet reprit cette direction et la conserva du commen-
cement de l'année 1889 jusqu'à la fin de 1900, sans cesser
pourtant de travailler aux Annales Franc-comtoises et d'êlre
toujours assidu aux séances de l'Académie. Il fut plusieurs
fois élu président de cette société et c'est à ce titre qu'en
1897, il prit la parole à Tun de vos banquets pour célébrer
Tunion, qu'il réalisait en sa personne, des deux sociétés sœurs,
V Académie des sciences^ helles-lettres et arts et la Société
d'Emulation. Il fut souvent, à l'Académie, chargé des rapports
sur le§ concours d'histoire, travail qui répondait parfaitement
à son goût et à ses aptitudes. Ajoutons enfin qu'ayant été
nommé supérieur des sœurs de la Retraite des Fontenelles
il écrivit la vie de leur fondateur, le Vénérable P. Receveur.
Voilà quelques-uns de ses nombreux travaux.
M. Suchet était un érudit donnant beaucoup plus au fond
qu'à la forme. Mais si sa science était de bon aloi et ses juge-
ments toujours sûrs, son style était sobre, précis et correct ;
on le lisait avec intérêt parce qu'il écrivait avec méthode et
clarté.
En 1902, il célébra les noces de diamant de son sacerdoce
au séminaire d'Ornans, à la prospérité duquel il avait tant con-
tribué. Il y fit le récit de sa longue carrière devant une nom-
breuse réunion de collaborateurs et d'élèves anciens et nou-
veaux, témoignant aux uns sa sympathique reconnaissance
et donnant aux autres de sages et utiles conseils. Nous aurions
pu nous contenter de reproduire cette autobiographie; mais
à côté de la vérité il y règne une trop grande modestie.
M. le chanoine Suchet s'était acquis un certain renom à
propos de ses mots pleins de sel et d'esprit. Gomme il l'a dit
de lui-môme, étant fils de cloutier il lui était permis de faire
des pointes ; mais s'il avait son franc parler, si d'un trait il
fustigeait un vice ou un travers, c'était toujours sans blesser
la charité chrétienne. Il n'était pas de ceux qui ne savent pas
sacrifier un mot lors même qu'il pourrait froisser. Il apportait
- 443 —
tant de bonté en toute chose que ceux-là même qui étaient
l'objet de quelque trait de sa part ne lui en ont jamais con-
servé rancune.
Combien on était édifié, en ces dernières années, de le voir
traînant ses pas que Tâge avait rendus plus lourds, pour se
rendre à la cathédrale, à sa chère bibliothèque du chapitre,
àTAcadémie, toujours portant la bonté dans son regard, une
certaine finesse sur ses lèvres et, sur son front Téclat d'une
intelligence toujours jeune. L'heureuse vieillesse digne de
faire envie à tous !
Saluons en M. le chanoine -Suchet un modèle de piété et
de dévouement, un exemple pour tous les travailleurs et le
type du vrai Franc-comtois. (^)
(1) La Société d'Emulation avait décidé qu'une bibliographie des ou-
vrages de M. Suchet suivrait cette courte notice. Mais l'impression des
Mémoires de la Société ayant été retardée, cette bibliographie devient sans
objet, puisqu'elle ne pourrait être que la répétition de celle qui a été faite
par M. Pingaud pour les Mémoires de VAcadémie de Besançon, déjà
publiés.
Cettte bibliographie comprend deux parties. Dans la première figurent
les travaux historiques de tout genre, insérés par M. Suchet dans divers re-
cueils locaux : les plus importants de ces travaux ont reçu une nouvelle pu-
blicité par des tirages à part. M. Pingaud n'en énumère pas moins de quatre-
vingts. La seconde partie concerne des écrits de valeur moindre tels que no-
tices nécrologiques, rapports, allocutions, etc , publiés dans des journaux
ou revues de Franche-Comté. Cette bibliographie a été faite avec le plus
grand soin et il serait difficile d'en donner une plus complète.
Les Mémoires de la Société d'Emulation n'ont publié de M. Suchet que
le toast qu'il porta, au banquet de 1897, comme président de l'Académie de
Besançon. l\ y célèbre l'union des deux sociétés savantes, dont mieux que
tout autre il pouvait parler, puisque, comme membre des deux sociétés, il
réalisait cette union en sa personne.
LES MAISONS NATALES
ZDS
FOUR 1ER ET DE PROUDHON
Par M. G. QAZIER
CONSBRVATEOR DE LA BIBUOTHÈQUB DE BESANÇON
Séance du 26 Mars i904.
L'Université Populaire de Besançon ayant décidé d'hono-
rer la mémoire des illustres comtois Fourier el Proudhon par
Tapposition de plaques commémoratives sur leurs maisons
natales, il nous a paru utile de réunir tous les documents
susceptibles de nous renseigner d'une façon précise sur le
lieu de leur naissance. On se rappelle les discussions qui
s'élevèrent entre érudits de notre ville, quand on voulut ren-
dre le même hommage à Victor Hugo, et l'on sait que quel-
ques personnes contestent encore aujourd'hui que la maison
située 140 Grande Rue ait vu naître le grand poète. Nous
avons voulu éviter qu'il en fût de même pour les deux so-
ciologues bisontins, dont l'œuvre a exercé une influence si
profonde sur le développement de notre société contempo-
raine. La question peut paraître à certains d'un bien minime
intérêt : peut-être du moins ceux qui croient que de petites
causes sortent parfois de grands effets, penseront-ils que
cette étude n'est pas absolument stérile.
Les recherches faites pour connaître exactement où est né
— 445 -
Fourier n'ont présenté aucune difQculté. Son acte de nais-
sance conservé dans les registres de la paroisse Saint- Pierre
atteste déjà son origine bisontine : il est ainsi conçu : « Fran-
çois-Marie-Charles, fils de monsieur Charles Fourier, négo-
ciant à Besançon, et de dame Marie Muguet, son épouse, est
né et a été baptisé le sept avril mil sept cent soixante et
douze. Son parrain est monsieur François Muguet le jeune,
négociant à Besançon, et sa marraine mademoiselle Jeanne-
Marie-Françoise Fourier, sa sœur. Ont signé: Vernerey,
vicaire de S'-Pierre, Fourier, François Muguet le jeune».
En outre les disciples de Fourier s'étaient préoccupés, il y
a plus d'un demi-siècle, de conserver à la postérité les détails
les plus circonstanciés sur la maison natale de leur maître.
Voici en effet une description de cette maison qui ne laisse
rien à désirer : elle est empruntée à l'Almanach phalanstérien
pour 1848. (1)
(( La maison où Fourier naquit à Besançon et où il passa
ses quinze premières années, formait dans la Grand'Rue l'an-
gle sud de l'ancienne ruelle Baron. Elle dut disparaître par-
tiellement en 1841, lorsque ce petit passage étroit et obscur
fut remplacé par la belle et large rue Moncey. Ce fut alors
qu'un compatriote et disciple de Fourier, l'auteur de Solida-
rité, (2) voulant faire revivre au moins par le crayon la pre-
mière demeure d'un homme qui restera grand parmi les
hommes, se chargea d'en lever le plan et d'en retracer la dis-
tribution telle qu'elle existait au temps où l'habitait notre
maître et d'en reproduire l'élévation principale. » Une petite
gravure de l'Almanach placée à côté de celte notice, donne
en effet le dessin de la maison de Fourier, jolie demeure du
(1) Alma*iach phalanstérien pour 1848. Paris. Aux bureaux de la Dé-
mocratie Paciflque et à la Librairie sociétaire, rue de Beaune 2, et quai
Voltaire 25. p 124-125 L'article est signé P. de B. (Paul de Boureulé).
(2j Le capitaine Hip. Benaud. Cf. Ck. Pellarin, Cfiarleft Fourier, sa
vie et sa théorie,
10
— 446 -
xvi® siècle, percée au rez-de-chaussée d'une grande baie,
éclairée au pi'emier étage de deux fenêtres à baies géminées,
plus une demi-fenétre isolée, surmontées d'arcs en accolade.
Il existe de cette maison une autre lithograpiiie fort bien
faite, qui a été éditée vers la même époque par la Librairie
phalanstérienne, établie à Paris, 2 rue de Beaune, et dont
un exemplaire subsiste à la Bibliothèque de Besançon L'au-
teur de TAlmanach ajoute encore les indications suivantes:
« Le rez-de-chaussée était entièrement occupé par les maga-
sins et les bureaux du père de Fourier qui était marchand
de draps. La tamille habitait le premier étage : et celte demi-
fenêtre isolée, du côté opposé à la ruelle Baron, éclairait la
chambrette du jeune Charles . Il était né dans une petite
pièce tout à fait semblable et contiguë, la chambre de sa
mère, située en arrière sur la cour. Et Ton peut dire avec
exactitude que ces deux pièces existent encore, car la mai-
son n'a été abattue que sur la droite, pour être rétrécie et
habillée de deux façades nouvelles » .
Ces renseignements si précis ne peuvent donc laisser
aucun doute sur la maison où Fourier naquit, maison qui
porte aujourd'hui le n» 83 de la Grande Rue .
Proudhon n'a pas été comme Fourier un chef d'école:
c'était un esprit trop indépendant pour chercher à soumellre
les autres à'une discipline intellectuelle quelle qu'elle fut. On
s'est donc moins préoccupé de tous les détails de sa biogra-
phie, et c'est ce qui explique les affirmations contradictoires
que l'on trouve sur le lieu exact de sa naissance, (l)
(i) M-oe Catherine Henneguy, fille aînée de Proudhon, qui conserve pieu-
sement la mémoire d'un père vénéré, a bien voulu nous communiquer tous
les renseignements écrits ou oraux qu'elle possédait sur celle question.
M. Bizot sous-inspecteur de l'enregistrement à Besançon, M. Vouillot. em-
ployé à la mairie de Besançon, M. le chanoine Rossignol, curé de la Made-
leine, M. E. Droz, professeur à la Faculté des Lettres, nous ont fourni tous
les documents dont nous nous sommes servis, et c'est à eux que revient
tout le mérite de ce travail.
-^ 147 -
Un joli petit village de la Haute-Saône, situé près de Mar-
nay, sur les bords de l'Ognon, Burgille-lès-Marnay, revendi-
que l'honneur de Tavoir vu naître, et ses habitants montrent
encore avec orgueil la maison de Proudhon. Ils peuvent ci-
ter, à Tappui de leurs dires, les quelques lignes suivantes
écrites par Proudhon le 30 octobre 4849, de Sainte Pélagie
où il était alors enfermé : c Je n'aurai de repos que quand Je
pourrai m'établir sur les bords de TOgnon et finir ma vie là
où elle a commencé.» — En fait, Proudhon a seulement
passé une grande partie de son enfance à Burgille chez les
parents de sa mère Catherine Simonin. C'est là qu'il a puisé
ce goût si ardent de la nature qui apparaît dans toute son
œuvre et qu'il a traduit parfois en des pages d'une poésie
charmante.
La naissance de Proudhon à Besançon est indiscutable et
constatée par les registres officiels. Voici en effet son acte de
naissance, tel qu'il est conservé à la mairie de Besançon où
l'a découvert M. Vouiliot : « L'an 1809, le 17 janvier, à neuf
heures du matin. Nous Charles-Antoine Seguin, adjoint dé-
légué du maire de Besançon, faisant les fonctions d'officier
public de l'Etat civil, avons constaté la naissance de Pierre-
Joseph, né le 15 dudit, à six heures du soir, fils de Claude-
François Proudhon, commis négociant, âgé de ^9 ans, et de
Catherine Simonin son épouse, âgée de 34 ans,[demeurant à
Besançon, 6* aectioriy présenté par ledit sieur Claude-François
Proudhon. Le sexe de l'enfant a été reconnu être masculin
en présence de François-Joseph Proudhon, traiteur, grand-
oncle de l'enfant, âgé de 57 ans, demeurant à Besançon et de
Jean-Claude Fournier, traiteur, âgé de 53 ans, demeurant à
ladite ville, témoins qui ont signé avec nous après lecture.
(Suivent les signatures) » .
Comme on le voit, cet acte donne comme seule indication
du domicile des parents de Proudhon la mention sixième sec-
tion. On sait en effet que, depuis la Révolution jusqu'à la fin
de l'Empire, les registres de l'Etat civil se contentent de faire
— 148 -^
connaître la section (rorigine, sans donner d'autres rensei-
gnements. Ce iaity déjà remarqué pour l*acte de naissance de
Victor HugOy a été la cause de la polémique qui s'est élevée
au sujet de la maison natale de l'illustre poète. Cette absence
de précision des actes officiels a amené le même résultat pour
Proudhon : aujourd'hui deux opinions sont en présence qui
du moins sont d'accord pour le faire naître dans la 6* section.
Pour les uns en efîet, Proudhon serait né dans le quartier de
la Mouillère, dans une maison démolie en 1814 ; pour les au-
tres l'habitation qui porte actuellement le n^ 37 de la rue du
Petit Battant est incontestablement celle où il a vu le jour.
Cette maison est la dernière de la rue, contre le talus des
fortifications.
Ceux qui soutiennent le fait de la naissance de Proudhon
h la Mouillère s'appuient sur une autorité fort sérieuse, celle
de Sainte Beuve lui-même, dans son livre intitulé Proudhon^
Sa vie et sa correspondance W 1838-1848. « Pierre-Joseph
Proudhon, écrit en effet Sainte Beuve, naquit le 15 janvier (et
non juilletj (2) 1809, dans un faubourg de Besançon à la Mouil-
lère. Ses père et mère y étaient occupés à la grande brasserie
de M. Renaud. Le père, bien que cousin de M. le professeur
Proudhon, jurisconsulte de Dijon, et d'une branche cadette
de la même famille était garçon brasseur ; la mère, belle et
forte fille de la campagne y était servante pour les gros ou
vrages. A l'époque du blocus de Besançon, en 1814, le quar-
tier de la Mouillère, bâti sous les murs de la ville, dut être
détruit pour la défense de la place : la brasserie disparut
avec les autres habitations. Le père de Proudhon s'établit
dans le faubourg de Battant, quartier des vignerons. Il y avait
acquis une maison. Il y fit delà tonnellerie pour son compte ».
(i) Paris, Lévy, 1872, in-16.
(2) Il est curieux de constater que Proudhon n'était pas lui même très
bien fixé sur la date de sa naissance. Dans ses Mémoires sur aa vie commu-
niqués par sa fille M^e Catherine Uenneguy, et publiés dans la Revue So-
cialtste (août 1904), il écrivait: «Je suis né à Besançon le 15 juin 1809».
- 149 -
Pour quiconque a tant soit peu pratiqué Sainte Beuve, il
est certain que l'illustre critique n'a rien avancé à la légère,
et qu'il n'a pas inventé de toutes pièces les renseignements
circonstanciés qu'il donne ici. Du reste avec sa précision ha-
bituelle, il nous indique les sources auxquelles il a puisé :
f Je dois infiniment, dit-il, (i) pour tous ces premiers détails
de la vie de Proudhon à M. Weiss (2) lui-même, particulière-
ment à M. Oudet, avocat distingué de Besançon, qui a bien
voulu répondre à toutes mes questions, interroger pour cela
autour de lui ou se souvenir lui-même, et m'envoyer des notes
précieuses, des extraits de correspondance. M. Beauquier
auteur d'un article sur Proudhon publié dans un journal étran-
ger, a bien voulu également mettre à ma disposition tous
les matériaux qu'il avait réunis sur son célèbre compatriote
bisontin . . . » . Weiss et Oudet n'ont rien laissé des notes com-
muniquées à Sainte Beuve, mais nous possédons Tarticle de
M. Beauquier qui a été publié dans la Revue litléraire de la
Franche-Comté, (3) Il suffit de le lire pour se convaincre que
Sainte Beuve s'en est servi .
« Dans un faubourg de Besançon, écrit M. Beauquier, de l'au-
tre côté du Doubs, à la Mouillère, il y avait au commence-
ment du siècle une vaste brasserie. Le propriétaire, M. Re-
naud, entretenait à son service, en qualité de gaiç^n brasseur,
un ouvrier lourd, trapu et rustaud, en somme fort peu avenant.
En même temps se trouvait à la maison, pour faire le gros
ouvrage, une fille de la campagne, d'un extérieur agréable,
aux manières simples et aisées, à l'intelligence ouverte. On
la nommait Catherine. Comment se fit-il que le grossier ou-
vrier sût plaire à cette belle fille? Nous ne nous chargeons
(1) Sainte-Beuve, p. 18, noie 1.
(2) Ch. Weiss, conserv,<leur de la Bibliothèque do Besançon de 1812 à
1866, l'un des principaux collaborateurs de la Biographie Universelle de
Michaud.
(3) Année 1857, 1. v. p. 65 et 19.
— 150 ~
pas d'être TŒdipe des mystères de Tamour. Quoiqu'il en soit,
Catherine se laissa séduire, et bientôt elle mettait au monde
un robuste garçon qui fut baptisé sous le nom de Pierre-Joseph
et qui devait être notre célèbre philosophe. Le maître de la
brasserie qui s'intéressait à Catherine, dont les qualités étaient
vraiment au-dessus de sa condition, exigea que le séducteur
l'épousât. Peu après le jeune couple s'établissait à Battant,
dans le quartier des vignerons, quartier qui a le mieux con-
servé cette rude physionomie franc-comtoise si fortement em-
preinte dans le caractère et dans le style de Pierre-Joseph
Proudhon. Le père fit de la tonnellerie et fut bientôt à même,
avec ses économies, et en escomptant un peu l'avenir, d ache-
ter une petite maison, ce qui pouvait se faire dans ce temps
de bon marché légendaire, moyennant deux à trois mille
francs. Mais ce bien être relatif ne dura pas longtemps ».
Ainsi pour M. Beauquier, qui s'est fait l'écho de traditions
bisontines, pour Sainte Beuve, et aussi en général pour tous
les historiens qui ensuite se sont occupés de Proudhon, ce
dernier serait né à la Mouillère dans une dépendance de la
brasserie Renaud, démolie en 1814, lors du blocus de Besan-
çon. Nous laissons décote ici, pour y revenir dans la suite de
cette notice, l'indication, d'ailleurs erronée, de la naissance
illégitime de Proudhon.
L'autre opinion qui veut que Proudhon soit un fils de Bat-
tant n'a pas pour elle l'appui d'historiens aussi éminents. Par
contre les traditions populaires se trouvent d'accord avec les
documents officiels pour nous convaincre qu'elle est plus
conforme à la vérité historique. Il ne faudrait pas dire aux
vieux habitants de Battant, dont quelques-uns sont encore
fiers d'avoir connu Proudhon, qu'il n'est pas né dans leur
quartier. Mais, fait autrement probant, la même opinion
s'est conservée également chez les enfants de Proudhon. H)
(1) M"« C. HennegUY a touj< urs entendu dire dans sa famille que son
père était né à Battant.
- 154 -
On pourrait croire cependant que cette idée est née de ce
fait que, depuis 1815 incontestablement, les parents de notre
philosophe ont habité au n® 37 de la rue du Petit Battant II
existe en effet dans les registres de l'état civil Tacte de décès
en date du 3 août 1815 d'une petite sœur de Proudhon, âgée
de 4 mois « iille de Claude-François Proudhon brasseur, et
de Catherine Simonin, époux domiciliés rue du Petit Battant
930». Or le n® 930 de la rue Battant correspond au n» 37 de
la rue du Petit Battant, et se lit du reste encore aujourd'hui
au-dessus de la porte d'entrée de cette maison. D'autre part
nous avons des lettres de Proudhon lui-même à ses parents
avec cette adresse (l).
Mais nous possédons de^ pièces officielles qui établissent
d'une façon indiscutable selon nous, que les parents de Prou-
dhon habitaient déjà cette maison de Battant quand naquit
Pierre Joseph.
Un document fort caractéristique a déjà été mis en lumière
par M. le chanoine Rossignol dans son Histoire de Vëglisede
Sainte- Madeleine de Besançon (2). C'est l'acte de baptême de
Pierre-Joseph Proudhon conservé dans les registres de cette
paroisse, ainsi conçu : « Pierre-Joseph, fils de Claude-François
Proudhon, commis marchand, et de Catherine Simonin, son
épouse, a été baptisé le 17 janvier 1809. Il a eu pour par-
rain François-Joseph Proudhon, et pour marraine Anne-Pier-
rette Simonin, épouse de Claude-Louis Simonin, illitérée.
Ont signé : Proudhon, Proudhon, Dumain, vicaire ». On sait
que le baptême doit être administré dans la paroisse des pa-
rents de l'enfant. Or si le quartier de Battant ressortissait, en
1809 comme aujourd'hui, à la paroisse de la Madeleine, alors
comme aujourd'hui, le quartier de la Mouillère faisait partie
(1) Cf. Sainte Beuve. p. 1^ note. Il cile une lettre de Proudhon du 11
novembre 1841 adressée à M. C.-F. Proudhon tonnelier, rue du Petit Battant,
37, a Besançon.
(2) Besançon, Bossane, 1902, in-I8. p. 2i7.
— 452 —
de la paroisse de BregiHe, actuellement paroisse S^-Martin
des Chaprais. La démarcation des paroisses et succursales
de la ville de Besançon fut en effet ainsi fixée à la suite du
Concordat « 3o La paroisse de S'« Magdeleine contiendra le
pont et toute la partie de la ville renfermée entre la rivière
du Doubs et les remparts de Battant, Charmont et Arenne, y
compris le fort Griffon... La succursale de Bregille dépen-
dant de la paroisse de Saint Jean comprendra le village de
Bregille et toutes les maisons situées entre les monts de Bre-
gille et le côté droit de la route de Vesoul ».
Il est donc déjà bien difficile d'admettre que Proudhon ait
été baptisé dans une église dont ses parents n'étaient pas les
paroissiens .
En réalité d'autres documents qui nous font connaître le
domicile des parents de Proudhon avant leur mariage, et nous
disent à quelle époque ils firent l'acquisition de leur maison
de Battant, semblent ne laisser subsister aucun doute à ce
sujet. Claude-François Proudhon figure dans un registre de
dénombrement de 1796 l'I) comme âgé de 16 ans et habitant
chez son oncle Vernier maçon, rue Battant no953. Il ne semble
pas avoir quitté ce quartier, car, quand il voulut se marier, il
produisit un certificat de résidence à Besançon, conservé au-
jourd'hui dans les Archives du greffe du tribunal civil, ainsi
rédigé : « Nous soussigné agent de police des 6® et 7® sections
certifie que le nommé Proudhon Claude-François réside sur
la 6* section n" 954, depuis plus de deux ans, pourquoi nous
lui avons délivré le présent pour lui servir. Besançon le 1" fé-
vrier i808. Signé Détrey ». Quanta sa fiancée, elle n'ha-
bitait pas davantage avant son mariage dans le quartier de la
Mouillère. Comme en fait foi son certificat, joint à celui de
son futur époux « Je soussigné agent de police de la seconde
section certifie que W^^ Catherine Simonin, originaire de
Cordiron, demeurant rue du Clos, no283, est depuis sept ans
(i) Arch, départ, L. 608.
- 453 —
en cette ville en qualité de fille de soins. Besançon 18 janvier
1808. Signé Rudt».
Les recherches faites avec la plus sûre méthode par M. Bi-
zot, sous-inspecteur de Tenregistreinent et des domaines,
dans les archives des notaires, ont prouvé enfin que lors de
leur mariage, les parents de Proudhon étaient propriétaires
de la maison n® 930 de Battant. M. Bizot a eu en effet la bonne
fortune de retrouver un acte notarié, passé le 25 octobre 1807,
devant M. Renaud qualifié d'avocat notaire à Besançon, acte
enregistré aux actes civils publiés en la même ville le 27 du
même mois (vol. 387, f® 68 vo, case l'«) aux termes duquel
« Madame veuve Joseph Vuillemin , née Jussey Jeanne-F^ouise,
demeurant à Arcey, canton de TIsle-sur-le-Doubs, a vendu
à Claude-François Proudhon, ouvrier marchand à Besançon,
rue Battant, une petite maison appartenant à la venderesse
du chef de ses père et mère, située à Besançon, rue du Petit
Battant 930, touchant de couchant Claude-Louis Perrot, du
levant et par derrière les fortifications, par devant la rue, la-
dite maison composée d'une cave voûtée, deux pièces au rez-
de-chaussée, une cour et une écurie, au premier deux pièces
et un grenier au dessus. L'entrée en jouissance et le paie-
ment des impôts doivent avoir lieu à compter du 1*' janvier
1808. Le prix fixé pour la vente est de 1 .000 francs payables
le !•' août suivant avec intérêts à 5 Vo à compter du jour
de rentrée en jouissance».
François Proudhon devait donc entrer en jouissance de
cette maison le l'f janvier 1808. Or c'est un mois après, le
3 février de la même année, qu'il devait épouser Catherine
Simonin. Est-il téméraire de penser que ces deux événements
n'étaient que la conséquence l'un de l'autre V Evidemment le
mariage prochain de François Proudhon était la cause de
l'achat fait par lui d'une petite maison à Battant. Nous avons
vu qu'au moment de leur union, les deux conjoints habitaient
l'un à Battant, l'autre rue du Clos. Peut-on supposer qu'un
modeste ouvrier se soit décidé, à la veille d'entrer en mé-
- 154 -
nage, à faire la grosse dépense de l'acquisition d'une maison,
sinon pour s'y installer? Remarquons d autre part, qu'il n'a-
vait même pas alors la somme disponible pour payer sur le
champ les l.OOO francs qui le rendaient propriétaire. Il avait
besoin d'un délai de 10 mois pour solder sa dette, et peut-être
comptait-il sur les économies faites par la laborieuse com-
pagne qu'il devait é|x>user, pour se libérer. Quoiqu'il en soit,
le i"**^ août 1808, il avait entièrement payé le prix de sa mai-
son de Battant. Il en était donc l'indiscutable propriétaire,
quand le 15 janvier 1809 naissait Pierre- Joseph Proudhon.
M. Coindre dans <on beau livre Besançon qui s'en va repro-
duit la maison de Proudhon, en ajoutant celte mention qu'elle
est aujourd'hui démolie. En réalité il suifit de comparer son
iloîisin et la maison actuelle du n® 37 de la rue du Petit Bat-
tant, pour se convaincre qu'il y a là une erreur. La rue a
seulement été surélevée, ce qui a eu pour effet de couvrir
pivsque entièrement la porte qui donne accès à la cave. De
plus on a ajouté depuis deux étages au bâtiment primitif, et
on a détruit le petit hangar voisin qui servait d'atelier de
tonnellerie au père de Proudhon. Mais la maison de Prou-
dhon est bien encore, sauf ces légères modifications,, celle
qui est sifrnalée dans Tacte de vente de 1807. Le propriétaire
actuel, M. Champion, a bien voulu nous en faire les hon-
neurs avec la plus entière bonne grâce Nous y avons re-
trouvé les '2 pièces au rez-de-chaussée et au 1*»' étage situées
Tune derrière l'autre, et séparées par une mince cloison, et
la cave voûtée, telles qu'elles sont indiquées dans l'acte no-
tarié.
lu* cette fastidieuse énumération de textes, nous tK)uvons
onoore tirer l'alVirmation de la naissance absolument légitime
de Proudhon qui avait été contestée à tort. Le rapprochen^ent
do la date du mariage de ses parents (;î février i808) et de
celle de >a naissance (15 janvier 1809) nous dispense d'insis-
ter davantajze sur ce point. Au reste tout ce que l'on sait du
caracièiv de Callierine Simonin, plus âgée de 6 ans que
^ 155 —
son mari, aurait pu suffire à écarter l'idée d'une séduction :
cette accusation doit avoir eu sa source dans la fureur des
passions politiques qui se déchaînèrent plus d'une fois
contre Proudhon.
En résumé, nous croyons que les textes que nous venons
de citer, suffisent pour établir d'une façon certaine la nais-
sance de Proudhon à Battant. Si certains liistoriens et
Sainte Beuve lui même sur la foi des renseignements qui
lui furent fournis, l'ont fait naître à la Mouillère, cela provient
sans doute de ce que la tradition leur avait appris que le père
et la mère de Pierre-Joseph s'étaient connus h la brasserie
Renaud. L'un y travaillait comme ouvrier brasseur, l'autre
comme fille de soins : on en a conclu que tous deux habitaient
également dans cette brasserie. En réalité, le domicile de
François Proudhon et de sa femme était non loin de là, mais
de l'autre côté des fortifications, à Battant, et l'on peut sans
crainte inscrire sur la plaque commémorative placée sur le
no 37 de la rue du Petit Battant cette inscription : Ici est né
Pierre-Joseph Proudhon.
^
156
UNE PAGE INÉDITE DE PKOllDHON
Au cours de nos recherches, la fille tant aimée de Prou-,
dhon, aujourd'hui M™« Catherine Henneguy, a hien voulu
nous communiquer la page suivante qu'elle a trouvée dans
les papiers de son père. Ce document est pénétré d'une émo-
tion si profonde, et est en même temps si caractéristique
du génie de Proudhon, que nous n'avons pas hésité à le
donner ici à la suite de notre notice :
Mardi 29 mai 1860
c Je reçois en même temps la nouvelle de deux morts: celle
de mon frère Charles-Joseph Proudhon, né le 1" mai 1816 à
Besançon, celle de Melchior Proudhon, mon parent, frère de
M™' Droz, né le 13 février 1767, mort par conséquent à l'âge
de 93 ans 2 mois. Mon frère est mort le 25 ; mon vieux pa-
rent le 13.
B Je m'attendais depuis longtemps à ces deux décès : mon
frère était atteint d'une maladie incurable, et depuis quelques
jours, j'ai déjà dû prendre des mesures et écrire en prévision
de l'événement. Je me trouve légalement tuteur de deux gar-
çons, dont l'un a 13 ans, l'autre 16. La mère, qui dépasse la
cinquantaine est sourde et incapable, je crois, de gagner sa
vie.
»> A cette heure, je reste seul de ma famille ; ce qui m'est
le plus poignant, est que tous les miens sont morts dans le
malheur : mon père, ma mère el mes deux frères. Mais la
conscience a été bonne : ils ont connu comme moi, l'amitié
et les franches joies du devoir, de l'indépendance et de la
famille. Nous n'avons pas été heureux! Comment fmirai-je
h mon tour?... Que je dure encore dix ou quinze ans; que
j'achève mon œuvre telle que je la médite et je suis content.
Le surplus n'est rien. Pauvre frère ! Pauvre mère ! Pauvre
père ! J'aurais voulu cependant leur procurer un peu de bien-
être : ils y comptaient, ils avaient droit d*y compter. Je leur ai
manqué ! Je ne crois pas qu'il y ait précisément ce que l'on
appelle égoïsme dans mon fait; il y a eu du tempérament.
Mes tribulations viennent de là.
» Mon parent Proudhon, prêtre en 89, entré dès ce moment
dans le mouvement révolutionnaire, président du club des
Jacobins, emprisonné après la Terreur, plus tard frère ora-
teur et vénérable de la loge des francs-maçons de Besancon,
dans laquelle j'ai été reçu, homme remarquable dans tout le
cours de sa vie^ par la grande lermeté de son caractère, mon
parent n'a pas soutenu son caractère jusqu'au bout : il n'en
faut accuser que la vieillesse. Depuis deux ou trois ans, il
était retombé en enfance : une espèce de cafard apostat de
la république s était emparé de lui. Obsédé de toutes part$, il
a fini par se confesser, recevoir la communion, en un mot se
réconcilier avec l'Eglise. L'esprit prêtre, dans lequel il avait
été élevé, et que le déisme robespierriste n'avait fait qu'en-
tretenir, lui est revenu. Je le regrette, mais l'Eglise a recueilli
Iti un pauvre trophée.
• Le vieux Proudhon était aisé ; il m'avait témoigné de l'ami-
tié, et je la lui rendais. Mais sa mort ne me laisse pas un sen- •
timent aussi profond que celle de mon frère. Je n'ai pas servi
les miens comme je l'aurais fait si, après 1848, la réaction
avait été moins âpre et moins longue. A présent, je ne puis
plus reculer, pas môme pour mes filles, et je ne le ferai pas
■ Allons, en avant, et vengeance, dût-elle ne venir que
cent ans après ma mort I >
LES PIÈCES D'HONNEUR
DES
CO-GOUVERNEURS DE BESANÇON
iXVI-XMD' SIÈCLES»
Pu* M. Jml«s GAUTHIER
Af-OHtVIcrrS DO DÉPARTKIfCrT DE LA COTB-D'OR
Séance du 26 mars i904.
L'n diplôme de Charles-Quint, daté de Tolède, le 8 mai 15^,
concéda à la ville impériale de Besançon le droit de battre
monnaie pour récompenser son dévouement et sa fldélité à
l'Empire, sa constance dans la foi, son mépris des sectes nou-
velles, particulièrement celle de Luther. (I)
Jusques alors, à trois époques différentes, la cité avait vu
fonctionner divers ateliers monétaires. Les Mérovingiens y
avaient frappé des triens d'or, les Carolingiens des deniers
d'argent ; enfin les archevêques de Besançon, en vertu d'un
diplôme de Charles le Chauve, du 18 novembre 870, y avaient
créé au xi® siècle la monnaie estevenante^ qui eut cours jus-
qu'au xv« siècle sur les deux rives de la Saône, mais surtout
et presque exclusivement au Comté de Bourgogne, c'est-à-
dire dans leur diocèse.
Le diplôme de 1534, concédé malgré ces archevêques et
contrairement à leurs privilèges, était une mesure politique
(l) Pi.ANTET et Jeannez, Essai sur les monnaies du ComU de Bour-
gogne, 1855, Î77.
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destinée à fortifier Besançon contre les idées nouvelles et à
lui procurer les ressources nécessaires pour devenir, à la
frontière ouest de l'Empire, un boulevard de la Chrétienté.
L'hôtel des monnaies ne fut organisé et ne fonctionna qu'en
1537: un général, deux maîtres, deux gardes, un essayeur,
un tailleur ou graveur des coins, tel fut au début son person-
nel, modifié depuis par la suppression de l'emploi de géné-
ral, exercé dès lors par le corps de ville. 0)
Le type des monnaies fut ainsi réglé : au droit la tête de
l'empereur, au revers les armes et le nom de la cité avec le
milliaire, et chose étonnante, il ne varia plus, sauf quelques
différences de module, de métal ou de décor; de 1537 à la
conquête française, c'est-à-dire durant cent trente-sept ans,
la tète de Charles-Quint eut les honneurs du balancier mu-
nicipal. Des marchés de neuf, six, trois ans, quelquefois de
moins encore, étaient passés pour la fabrication des monnaies ;
les initiateurs du monnayage furent deux Piémontais, Jean
Bear et Bertin Varambert, de Chieri (qui firent d'ailleurs dans
la cité souche d'honnêtes gens, élevés plus tard aux honneurs
municipaux et même nobiliaires), les autres officiers furent
immédiatement et dorénavant prélevés sur le personnel,
nombreux alors, des orfèvres bisontins Le premier graveur
institué fut Pierre Du Chemin, qui grava certainement les
espèces émises en 1537, mais on découvrit tardivement qu'il
était lié aux sectes calviniste ou luthérienne et qu'il s'était
occupé de faire imprimer à Genève des bibles françaises ; on
le poursuivit; il s'échappa en 1538, et l'on eut grand'peine à
recouvrer auprès de sa femme les coins des monnaies ; i'^) son
successeur fut Godefroy Flamand.
En réglant la fabrication des monnaies, en novembre 1537,
les co.wuverneurs avaient décidé que les entrepreneurs de la
fabricalion offriraient chaque année aux Quatorze et à leur
<i; Délibérations municipales de ZJe^aapon, 3-15 novembre 1537 ( BB,19).
^2; Délihéralio.i du i^' juillet. 1538 {BB. 20).
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président une pièce d'honneur en argent un, pesant 2 onces,
la première pièce d'honneur devant être livrée le !•' mai 1538 :
il n*est pas resté de trace de cette pièce, peut-être à cause du
départ du graveur huguenot, mais nous avons celle de 1547
qui doit être conforme au prototype aujourd'hui disparu. Le
huste en profil de l'empereur, couronné et cuirassé à l'an-
tique, est d'un faible relief, la légende et l'écusson munici-
pal du revers sont mieux traités. Quant à l'auteur de la pièce
de 1547, ce ne peut être, au vu des monnaies sorties de son
burin, que le graveur Godefroy Flamand, un orfèvre qui tailla
les coins à Besançon de 1538 à 1570. W
En 1564, un second type de pièces d'honneur à l'effigie de
Ferdinand P' apparaît, gravé sans doute en 1556 à l'avène-
ment de ce prince à l'Empire. La facture en est meilleure et
plus ferme que celle de la pièce de Charles-Quint ; le médail-
leur novice qu'était au début Godefroy Flamand s'est façonné
ou s'est inspiré d'un meilleur modèle: expression de la phy-
sionomie, détail des rides, de la barbe, de la chevelure et de
l'armure que porte l'empereur sont assez habilement rendus.
Mais dans le revers, l'habileté du graveur aux prises avec de
simples ornements, comme dans son métier habituel d'orfè-
vre, s'est donné libre carrière, en groupant dans une élégante
composition les armes d'Empire, les armoiries de Besançon,
les sept écussons des sept quartiers de la cité. Au centre,
l'aigle à deux têtes, emprisonnée dans les contours d'un
blason, porte en cœur l'écu municipal ; au-dessus, la cou-
ronne impériale est sommée du mot vesontio, et les sept
(i) « Item peira ledict maistre auxdictz sieurâ gouverneurs, pour le droict
de général, à chascun desdictz gouverneurs, chascun an, le premier jour do
mois de may, tant que ladicte monnoye baptra, une pièce d'argent Kn, pe-
sant deux oncez, que seront marquez de tel coing qu'il plaira auxdictz sieurs
gouverneurs... (à partir du !«'' mai 1533)... et fourniront lesdits sieurs le
coing desdictes pièces. » Délib. du 5 novembre 1531 (BB, 29). V. A. Cas-
tan, Not. sur Briot {Mém. de la Soc. d'Em. du Doubs, 1878. 118). Le maî-
tre de la monnaie fournissait à ses frais les pièces des Quatorze, la ville celles
des Vingt-Huit et du président, 1587 {Arch mua., lay. 89).
- i6i -
bannières avec leur variété de pièces et de décor sont frater-
ternellement reliées par des entrelacs, agrémentés de tètes
barbues autour d'une banderole centrale circulaire sur laquelle
on lit : PLEVT a diev, la devise municipale.
En 4579, le graveur Flamand est mort, (*) et Ton doit assi-
gner à son successeur Charles d\\rgent, orfèvre habile, sinon
le revers de la pièce d'honneur qui n'est autre que celui de
1564, avec la surcharge d'une date, du moins le type d'un
nouvel empereur, Rodolphe II, élu en 1564. Le nouveau coin
a les inconvénients de tout portrait exécuté autrement que
d'après l'original, il est faible et sans relief; on trouverait
certainement dans les recueils ou les collections de numis-
matique allemande, ou peut-être dans les portraits gravés de
l'empereur Rodolphe, le prototype dont Charles d'Argent a
tiré sa médaille.
Il suffit de confronter le type impérial de 1579 avec celui
de 1586 pour attribuer la paternité de ce dernier à Charles
d'Argent : il n'est du reste qu'une réduction de la pièce d'hon-
neur de 1579, et nous savons par des textes positifs que
Charles d'Argent était graveur de la monnaie de Besançon
longtemps encore après 1586. (2)
Mais le revers, tout en étant inspiré et réduit, à vue du
revers gravé jadis par Godefroy Flamand, ne manque pas
d'originalité. Au centre l'écu de Besançon s'est développé,
expulsant l'aigle impériale, tout en gardant pour cimier la
couronne d'Empire et la devise : plevt a diev. Mais les sept
écussons des bannières, séparés par des tètes Renaissance,
à draperie, en forme de mentonnières sont spirituellement
traités et constituent un élégant décor.
Sur la pièce d'honneur de 1601, nouveau type à l'avers et
(i) Sa veuve Jeanne Agnus réglait compte avec l'Hôtel de Ville en 157i-
1575(i4rcA. mj<n., layette. 89).
(2; En 1587. la ville paye xii fr. pour façon de la pièce d'honneur à Charles
d'Argent {Arch, mun.^ layette 89) .
11
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au revers, tous deux en fort relief. La tôle de l'empereur
Rodolphe II (c'est toujours lui qui règne) émerge vigoureuse,
toujours tournée à droite. Charles d'Argent vieilli aurait-il
emprunté un burin plus jeune, ou aurait-il par un adroit sur-
moulage préparé, pour être fondu dans le sable, son type
direct obtenu d'Allemagne? Avec une certaine hésitation pour
l'effigie elle-même, nous n'hésitons nullement à reconnaître
dans le revers de 1601, contenant simplement l'écu munici-
pal, sans ornement accessoire, sinon la devise récemment
créée de deo et cesari fidelis perpetvo, le travail du Bi-
sontin Charles d'Argent.
En 1614, pour créer une pièce d'honneur à la ressem-
blance de l'empereur Mathias (élu en 1612, on s'adressa à
Montbéliard, à François Briot, l'auteur, d'après Castan, de
la délicieuse aiguière et des plats d'étain si merveilleux qui
l'accompagnent dans les collections du musée de Cluny U).
Le coin de cette pièce utilisé en 1615 et sans doute jusqu'à
la mort de Mathias en 1619, n'a laissé aucune trace, aucun
produit connu ; il nous en reste probablement le revers dans
le Vesontio de Jean- Jacques Chifflet publié en 1618, dont
nous extrairons ce passage, en le traduisant : « Quand l'ad-
ministration d'une année a fait approuver sa gestion, il est
d'usage à Besançon que les Quartorze et môme les Vingt-
Huit reçoivent sur la caisse publique des pièces d'argent
dites d'Honneur, les unes pesant deux onces, les autres le
double. Ces pièces d'honneur portent d'un côté le visage de
l'empereur régnant, de l'autre les armoiries de l'Empire ro-
main, de Besançon, et des sept quartiers, groupés comme
on le verra dans notre planche .2) •.
(1) Les origines montbéliardaises de Nicolas et de François Briot par
A. Castan {Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1870, 114).
^ Ce travail, sur un point du moins, Toriginc monlbéliardaise des Briot,
a été réfuté par M. A. Tletey, dans une autre élude, très documentée,
parue en 1880.
{1} J.-J. Chifflet, Vesontio, iQ\H, pars 1. 112.
Or, la planche gravée sur cuivre par Pierre de Loisy, le
Vieux, en 1618, porte un revers analogue au revers de 1564
et de 1579, mais en différant par la suppression dé certains
détails, têtes barbues Renaissance, etc. La médaille affecte
un module de 52 millimètres, il y a lieu de supposer que
Jean-Jacques Ghifflet a fait reproduire le type en usage au
moment où parut son livre, c'est-à-dire le type gravé par
Nicolas Briot à Montbéliard.
Quand Ferdinand II eut succédé à l'empereur Mathias, la
monnaie de Besançon produisit une nouvelle pièce d'hon-
neur dont l'effigie a beaucoup de caractère, tout en trahis-
sant dans mainte partie l'inexpérience de son auteur ; le
buste de Ferdinand, encadré dans une collerette droite et
plissée et emprisonné par en bas dans une armure sur la-
quelle flotte une écharpe et pend la Toison d'or, supporte
une mâle figure, couronnée de lauriers. Pas de signature,
pas plus que de date, ni au droit ni au revers, inspiré (mais
non copié) par les revers de 1564, 1579, 1586. Ce revers ne
manque pas de saveur.
L'auteur de cette pièce, une des plus curieuses de celles
que nous étudions ici, en a donné une réduction, dont le
module tombe de 52 mm. à 34 ; le motif de cette réduction
était de multiplier à moins de frais, en cuivre, en argent,
même en or, le type de la pièce d'honneur dédiée à Ferdi-
nand II. Mais en émettant cette pièce réduite, le graveur l'a
signée, il l'avait même primitivement datée, sans doute de
1619 ou 16-20, et a retranché de son trousseau les deux der-
niers chiffres en laissant très visibles, même sans loupe, les
initiales G. P. Ges initiales correspondent avec le nom du
graveur de la monnaie bisontine en 1620-1655. Glaude Poux
ou Poulx, de Besançon, voilà donc l'auteur de la pièce d'hon-
neur de Ferdinand II retrouvé sans le moindre doute.
Au milieu des guerres de 1632 à 1643, le monnayage fonc-
tionna toujours, mais il est permis de croire que, la pauvreté
étant à son comble, l'émission des pièces d'honneur ne se
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fit pas avec une parfaite régularité, le pain devant passer
avant le luxe î
On renonça momentanément à la confection des pièces de
^rand module et une décision du l!2 mai 1640 porta que dé-
sormais les pièces d'honneur remises aux gouverneurs se-
raient en or •! '. C'était la conséquence logique de celte fabri-
cation en trois métaux, dont deux précieux, appliquée aux
petites médailles ou jetons de Ferdinand II; Claude Poux
pruva dans le même module la petite médaille de Ferdi-
nand III, d'une exécution peut-être un peu plus lâchée et
moins artistique. La physionomie du nouvel empereur est
moms guerrière et la collerette en point de Flandre, qui re-
ci>uvre en partie son armure, nuit au caractère du buste, au
moins autant que labsence relative de relief. Quant au re-
vers : Taigle d'Empire à deux tètes, Taigle de Besançon à
doux colonnes et les sept quartiers de la cité, c'est une réé-
dition du revers de Feitiinand II, faite avec un nouveau coin,
certaines variantes l'attestent.
Ferdinand III mourut en 1657. Claude Poux avait cessé,
le {a avril 1655, d'être graveur de la Monnaie; Pierre de
Loisy le Jeune le remplaçait, plus habile à tirer d'une
planche de cuivre de jolies estampes ou à modeler au
repoussé de fines enseignes de confrérie ou des lampes d'ar-
gent pour les sanctuaires. On lui doit la pièce d'honneur de
Léopold I«»", élu en 1658.
L'avers représente une tête laurée, presque imberbe ; les
épaules sont drapées dans une écharpe voilant à demi une
cuirasse, le relief est faible, l'exécution un peu molle, la lé-
gende médiocrement équilibrée. Quant au revers, c'est le
produit du dernier coin ciselé par Claude Poux.
En 1664-1665, Pierre de Loisy grave les pièces de circons-
tance créées pour célébrer la réunion de Besançon à la
(1) Délibérations municipales de Be!iançon, BB, 76.
— 465 —
Franche Comté, c'est-à-dire au royaume d'Espagne, par
échange avec Frankenthal. La pièce principale est une effigie
de Philippe I«', plus vigoureuse et plus colorée que la plate
médaille de l'empereur Léopold Son revers, représentant
une vue cavalière de Besançon, avec la boucle du Doubs
et la montagne de Saint-Etienne, est une heureuse création.
En 16H8, Charles Labet fait Teffigie du roi et les pièces de
la Saint-Joan(l). 11 avait succédé dès 1667 au graveur Pierre
de Loisy.
En 1671, ce fut Labet qui burina une dernière figure, celle
de Charles II, ce petit roi d'Espagne aux longs cheveux,
aux yeux ronds et perçants, comme tous les infants que
peignit Velasquez ; la figure n'est point mauvaise, malgré
sa petite dimension (2).
Ce fut, sous le régime de l'autonomie franc-comtoise, la
dernière pièce d'honneur que se distribuèrent les co-gou-
verneurs de Besançon. En 1674, le monnayage municipal
disparaissait avec la plupart des franchises et privilèges,
dont le cours des âges avait rendu les Bisontins si fiers.
Une Monnaie royale reprit dès 1679 la suite de la fabrication
de l'Hôtel des Monnaies de la cité et se prolongea à l'Hôtel
de Ville, à quelques chômages près, jusqu'à sa suppression
finale, par édit du 31 mars 1772 (<i).
Sous le régime de la conquête française, les cogouver-
neurs avaient cessé d'être élus et étaient remplacés par
une municipalité nommée ; il n'était plus question de
pièces d'honneur, et les membres de la municipalité rece-
(1) On doit à Charles I^bet une gravure représentant An loi ne- Pierre I*""
de Grammont, montrant le Saint Suaire (v. nos Notes iconographiques
su%* le Saint-Suaire de Besançon, 188? Arch. mun. de Besançon,
laye'te 90).
(2) Jean Laude, taiUandier, fait deux trousseaux pour les pièces d'hon-
neur, a 2 francs l'un et donne quittance le 14 juin 1071 (Arch. munie.
layette 90).
(3) Recueil des édits de Franche-Comté y publié par le conseiller Droz;
Notes sur l'histoire mtinicip. de Besançon^ par feu A. Castan, 3H7.
— 16b —
vaient en échange une gratification annuelle de 6 livres. Le
21 décembre 1738, par un retour à Tancien usage, le Corps
de ville décida que chacun de ses membres, outre le secré-
taire, recevrait désormais, le i®' janvier de chaque année,
une médaille d'argent du poids de quatre onces, portant
d'un côté reffjgie du roi, et de Tautre les armoiries de la
cité La réalisation de cette délibération eut lieu dans le
cours de 1739, ce fut le millésime inscrit sur la première
émission de pièces d'honneur à Teffigie de Louis XV : un
buste assez grossier, exécuté sans doute par le graveur de
la Monnaie, représentant le roi avec de longs cheveux rat-
tachés par un ruban, le visage d'un enfant, un habit brodé
et le grand cordon des Ordres. Au revers, un cartouche
rocaille, renfermant les armes de la cité avec la légende :
VESONTio civiTAS REGiA et la date. Le type de cette pièce
d'honneur était encore en usage en 175i. Il ne fut plus re-
nouvelé, et l'usage de semblables distributions était complè-
tement tombé quand survint la Révolution française (i}.
Pour faire honneur à des personnages qualifiés dont la
ville avait reçu ou espérait quelques services, pour distri-
buer à quelque concitoyen ou à quelque société locale, une
récompense ou des prix, Besançon fit confectionner au
xviii« siècle un certain nombre de jetons ou médailles d'ar-
gent ou d'or devenus fort rares, et dont il est utile de faire
mention. Signalons entre autres une médaille du prix des
Arts, en or, accordée annuellement à l'Académie de Be-
sançon, dès 1753 (2), un jeton d'argent frappé pour le maré-
chal, duc de Loiges, et sa femme, Elisabeth-Philippine de
(1) £n 1772, rifitendant de Franche-Comté avait supprimé toutes les
allocations que s'attribuaient les membres du corps municipal de Be-
sançon (29 déctnibre, Délibérât, municip , BB, 189). Le 2 janvier 1750,
2i médailles de ^ onces sont distribuées, 6B, 172.
(2) Cette médaille dont le coin est conservé à la Monnaie de Paris, por-
tail d'un tôté les armes de la ville, de l'autre cette légende: premiym au-
TIVM IN ACADKMIA VESONTINA.
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Poitiers, en 1768 (i), une médaille d'argent accordée en 1789
à un jeune philanthrope (2).
Mais une série qui se rattache plus directement à nos pièces
d'honneur est la série considérable des jetons de bannières
et de jetons de cogouverneurs, frappée parallèlement aux
jetons décompte de Besançon, de 1623 à 1671. Des jetons
de compte, en cuivre ou laiton, rarement en argent, qui fu-
rent gravés et frappés par THôtel de Ville de Besançon, de
1541 à 1671, nous nous bornerons à dire que dans la variété
des 13 types connus, trois souverains sont représentés par
leur effigie, leurs armes, leurs titres : Charles-Quint (1541-
1592), Ferdinand II (1626-1630) et Charles II, roi d'Espagne
(1671).
Les jetons de bannières et de cogouverneurs, tout à fait
connexes à notre série de pièces d'honneur, méritent une
plus longue mention. Ils furent inaugurés en 1623 et incisés
ou gravés de 1623 à 1648, par Claude Poux, l'artiste émérite
dont nous avons plusieurs fois déjà prononcé le nom et si-
gnalé les œuvres, particulièrement les belles pièces d'honneur
de Ferdinand II. Après avoir groupé les sept bannières dans
un revers, où il réunissait comme en une synthèse les sept
quartiers de Besançon, la cité, l'Empire, caractérisée par une
réunion d'armoiries, Claude Poux établit une série de jetons
pour chacune des sept bannières dont la réunion formait
la cité. Dans une couronne d'olivier ou de laurier, il plaça
successivement l'aigle de Saint- Quentin^ la clé de Saint-
Pierre, le griffon ailé du Bourg, la clé et les croissants de
Chamars, le coupé de Battant, la croix fleurdelisée de Char-
monty le lion d'Arènes. Comme revers, il imagina de donner
(1) V. la description de ce jeton sous le n"16 de V Annexe.
(2) Ce jeune homme nommé Marie-Simon Dubet, élève de quatrième,
avait offert à la caisse des subsistances locales, en 178î>, fiO francs, fruit de
ses économies. La médaille d'argent qui lui fut donnée portait d'un côté
les armes de la ville : vesontio civitas ; au revers dans une couronne de
chêne: prematvra: virtvtis civic^: pra:.mivm.
- 168 -
à ces emblèmes, en 4623 et 1625, Jes armoiries de la ville en-
serrées dans un écu découpé à Tallemande ; en 1624, un buste
de Charles- Quint. La légende resta constante: getz des
COMPTES POVR BESANÇON. Et de la sorte, chacun des sept
quartiers représentés an Conseil par quatre notables, dont
deux gouverneurs, prit une personnalité, grâce à ces jetons,
et la vanité aidant, les cogouverneurs eux-mêmes voulurent
en faire autant. L'Hôtel de Ville les autorisa à en faire graver,
à leurs frais, bien entendu, en inscrivant d*un côté leurs ar-
moiries personnelles, avec des devises soit traditionnelles,
soit composées pour la circonstance, en donnant comme re-
vers commun à ce coin des gouverneurs d'une même année
les armes de la cité, ou quelquefois ces armes mêmes enri-
chies en cœur des armes d'Autriche ou d'Espagne. Et de la
sorte se constitua tout un ensemble de jetons intéressant 57
familles patriciennes de Besançon, dont 106 gravés par Claude
Poux, de 1623 à 1648, 90 gravés par Pierre de Loisy et Claude
Labet, de 1665 à 1671, qui forment, par leur grande rareté,
un trésor fort appréciable pour l'histoire numismatique de
la ville impériale.
En 1690, Claude-Joseph de Loisy, le descendant d'un des
graveurs qui avaient multiplié les jetons armoriés des gou-
verneurs, imagina pour le nouveau Corps municipal nommé
et non plus élu qui se composait d'un vicomte- maïeur, de
3 échevins, 16 conseillers et un secrétaire, une grande réno-
vation des jetons annuels, sous la forme d'une grande gra-
vure que nous décrirons rapidement. W
Une aigle éployée (Besançon) portant en cœur l ecu de
de F'rance, avec Ordres et couronne, et tenant au bec une
banderole avec le mot vtjnam deux fois répété, porte dans
ses senes deux colonnes transformées en pilastres, pour re-
(1) Cette gravure de 1G90 el 4pland)es sur cuivre additioiinelle.s bont
conî-tivres à la IJihIiolhéque publique de Besançon. — Cf. sur les Loisy.
notre élude publiée dans le Congrès des Beaux-Arts de 4892.
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cevoir chacune dix armoiries. Au bas, un 21*écu, celui du
secrétaire, à droite, à gauche, en bas, dans des ovales, les
écussons des sept bannières. Ajoutons que chaque écu, aussi
bien des 21 membres du magistrat que des 7 bannières, est
surmonté d'une banderole avec les noms des uns et des au-
tres Par le nom du vicomte-ma'ieur, M. Philippe, cette gra-
vure est datée de 1690. Pour les années suivantes, afin d'uti-
liser la gravure de 1690 par des reports, Claude-Joseph de
Loisy avait gravé de nouveaux pilastres portant naturelle-
ment les noms de nouveaux conseillers de ville ; l'usage ne
tint pas.
Nous arrêterons ici cette étude sur les pièces d'honneur et
jetons des cogouverneurs de Besançon, en exprimant un vœu
que l'avenir réalisera certainement, sinon pour nous, au
moins pour d'autres : Sur 6.000 pièces d'honneur proprement
dites, et plus encore, en or ou en argent, qui sont sorties de
la Monnaie de Besançon, de 1547 à 1673, et de 1739 à 1772,
nous n'en connaissons guère qu'une vingtaine, soit en tout
12 types différents. En tenant compte de la destruction fatale
de l'immense majorité des pièces en métal précieux, il est
certain qu'en mainte collection publique ou privée de France
ou d'Europe ont été recueillies un certain nombre au moins
d'autres épaves similaires, (l) La nomenclature que nous joi-
gnons à cette étude, les planches et reproductions qui l'ac-
compagnent permettront quelque jour de repérer et derapa-
(1) Les pièces (Thonneur frappées à Besançon avaient fait école ilans la
province de Franche-Comté dés le xvi^ siècle. A Dole, dès 1589, on conver-
tit en médaille les âges du magistrat (Délib, municip. de Dole 1589, 15
janvier et 11 juin 1591). En 1622, le 4 janvier et le 4 septembre, sur la pro-
position du maïeur, on prend la délibération suivante: «Fut résolu que se-
ront faittes des médailles d'argent esquciles sera insculpée l'effigie du roy
noslre souverain d'un côté et les armts de la ville d'autre, et pour ce faire
seront employés les gages de deux ans » (Délib. municip. de Dole, 16.'2).
\ Lons-le-Saunier, en 1710. des médailles d'honneur sont décernées aux
maires, échevins et conseillers, lorsqu'ils quittent leurs fonctions (Rousset,
Dici. du Jura III, 548). A Orgelet, en 1713, le corps de ville fait frapper
une pièce d'honneur signalée par Chabouillet, mais que nous devons dé-
- 170 -
trier ensuite, car c'est le but final auquel doivent tendre toutes
nos recherches, ces précieux souvenirs de l'ancien monnayage
de la vieille et petite République de Besançon.
crire : Médaille ronde, de 56 ram , bordée de filets. Dr. Buste de Louis XVI.
cuirassé et en perruque, tourné à droite: lvdovicvs magnvs fran etkav
REX pp. — Rev. Dans un cartouche ovale sommé du ne couronne com-
tale trois épis d'orge (Orgelet. : orgelet \lYè{Cabinet des médailUs. B N.«
— Nous signalerons encore sans les faire entrer dans la même catégorie,
les médailles disttibuées aux pauvres d'Arbois, comme autorisation de men-
dier, en 1709 (elles étaient frappées <iux armes de la ville). [BoussoN de
Mairet, Annales d'ArboiSj 452.]
- 171 —
DESCRIPTION
DES PIÈCES D'HONNEUR ET DES JETONS
AUX ARMES DES BANNIÈRES
ÉMIS PAR LA CITÉ DE BESANÇON DE I547 A I768
Pièces d^honnetir
i, — 1547. Charles-Quint. — Méd. argent, ronde de 47 mm.,
bordée d'un filet.
Dr. Buste tourné à droite, Tempereur, couronne en tète, re-
vêtu d'une cuirasse à Tantique. carolvs : v : imperator.
Rev. Dans un écu à Tallemande, une aigle éployée tenant
deux colonnes appuyées sur ses serres étendues ; sur les flancs
une data : 15 47.
♦ DEO : ET : CESARI ! FIDELIS ! PERPETVO :
(Cah. des médailles, B. N., publ. par Chabouillet dans le
Trésor de numismatique et de glyptique, médailles allemandes,
pi. XXI, 7 (texte p. 39).
2. — 1564. Ferdinand I. — Méd. argent, ronde, de 52 mm.,
bordée d'un grènetis.
Dr. Buste cuirassé, tourné à droite, tête coiffée de longs che-
veux, front dégarni et ridé, barbe courte.
•t DEC . ET . CES . FIDEL . PERPET . 1564
Rev. Au centre, dans un écu sommé de la couronne impé-
riale, Taigle à deux têtes portant en cœur les armes de Be-
sançon. Au-dessus : veso ntio. Sur une banderole presque
circulaire entourant l'écu, la devise : plevt : a : diev. Autour,
les pointes des écus convergeant vers le centre, sept écussons
— 172 -
armoriés des sept quartiers de Besançon, disposés dans Tordre
suivant : Saint-Quentin, Saint-Pierre, Chamars, le Bourg, Bat-
tant, Charmont, Arènes, et reliés par des lacs et des mufles
de lions.
(Ca6. des médailles^ B. N. ; publ. par Chabouillet dans le
Trésor de numismatique et de glyptique, méd. allem., pi. XXI II,
•12; texte, p. 43-44.)
3. — 1579, Rodolphe II. — Méd. argent, ronde, de 52 mm.,
bordée d'un grènetis.
Dr. Buste cuirassé, tourné à droite, tête laurée, barbe courte
»i< RVDOLPHVS . II . D . G . BO . IMP . AV . GE . ET . BO . REX
liev. Même que le précédent, avec adjonction en haut de la
date 1579.
(Cah. des mèdailleSy B. N.)
4. — 1586. Rodolphe H. — Méd. argent, ronde, de 43 mm.,
bordée d'un filet.
Dr. Buste cuirassé, tête laurée, réduction du type précédent.
*h RVDOLPHVS : II : D : G : BO IMP : GE : ET : BO : REX
(entre 2 filets)
Rev. Au centre, dans un écu découpé à Fallemande, les armes
de Besançon, au-dessus la couronne impériale surmontée de la
devise : plevx a diev ; autour les sept bannières liées par des
rubans et séparées par des têtes barbues (Une seule modifica-
tion est la suppression dans l'écu de la bannière d'Arènes des
deux coquilles mises en chef, qui rappelaient la chapelle de
Saint-Jacques d'Arènes).
{Cabinet des médailles, B. N., et Bibl, publ. de Besançon.}
5. — 1601. Rodolphe II. — Méd. argent doré, ronde, de
50 mm. (poids 55 gr.), bordée d'un filet.
Dr. Buste cuirassé à l'antique, tourné vers la droite, sur Fé-
paiile un mnfle, sur la poitrine la Toison d'Or; tête chevelue et
l)arbue, non laurée.
— \13 —
4* RVDOLPHVS . II . D . G . RO IMP . GE . ET . BO . REX
(entre 2 filets).
Re\>. Dans un écu découpé à rallemande, les armes de Be-
sancon.
♦ DEO : ET : CESAR! : FiDELis : PERPETVO : (entre filets).
(Musée archéologique de Besançon.)
G. — 1619-1637, Ferdinand U. — Mëd. argent, ronde, de
52 mm., bordée de baguettes perlées.
Dr, Buste cuirassé, avec écharpe et Toison d'Or, tourné ù
droite ; tète laurée, moustache royale, ample collerette fraisée
FERDINANOVS : Il . D . G . RO . IMP .S.A. GER . HVN . ET. BOH . REX
Rev. Au centre, Taigle à deux têtes, chargée en cœur de
l'aigle aux deux colonnes, armoiries de Besançon. Au-dessus,
couronne impériale avec ce mot : vesontio. Autour : entre
deux baguettes perlées, les armoiries des sept bannières dis-
posées comme celle des n^^ 2, 3 et 4, mais séparées par des
fleurons réunis en bouquets.
{Cabinet des médailles, B. N.)
7. — 1619-1637. — Médaille ronde ou jeton, or ou cuivre
rouge, 34 mm., réduction de la précédente, bordée d'un grè-
netis.
Dr. Buste cuirassé, avec collerette, collier de la Toison d'Or
et écharpe, tourné à droite ; tête laurée et barbue.
FERDINAND^ . II . D .G.RO.IMP.S. A . ETC. SOUS le buSle : 16.. G P
[Claude Poux], graveur.
Rev. Aigle d'Empire, portant en cœur les armes de Besançon,
couronne impériale : veso ntio, armes des sept bannières,
réduction du type précédent.
(ColL particulière de J. Gauthier.)
8. — 1637-1657. — Médaille ronde ou jeton, or ou cuivre
rouge, 32 nmi., bordée d'un grènetis.
— ir4-
I" ir^:^* ;-i_-fcè-f^, kxe: r ■_L'r-'>r::e ea dentelle rabattue, col-
-'t- kft .1 Z :*^ •! z > c^ raidrpe tx:rné à droite ; tête laurée.
rî3J'i?K.%Ar*3 - ni . D - G . HO . do», s . a . et '
CLk.-i-r Fyn'^ grareur.
5^ Z:^:-.:^*? i:; i-r«:>:i-rLt, sàif que le mot veson tio est
it -^ s^r» ^irr rri ^ :«r .'r^zi d^ la b-inniêre de Battant porte
: t :.- _t :.'_" -^ -rV-eir^ :r, nno^aj. p«3ur dilTérencier le second
• — î'ôv'T'.G Laopold L — M-î-iuilie ronde ou jelon, or ou
r..- *
:r-tf
d un ^rèneli>.
k
r*- r -r . -^'-f-r à îa'^.:::j;e. ave«? éoharpe ; tète à longs
T- - \. .i .r^^ e' .rLi^rr-e-. toimêe à droite.
l^:?':li*-. I î>- .3 . iMP. s . A. ET -entre deux grènetis).
'Rrrrre de b3isy\ $rraveur.
Fà-rr M-^ :.e i .e :e pnr»j<r»it'nt.
C.V* ^jri.SAlière de J. Gauthier.)
!•-» — l'>.4- Philippe IV. — Jeton d'argent, 28 mm., bordé
Dr. B ;>:e c-i.ni<>ê à Tantique. avec éoharpe et Toison d'Or,
lyir..'^ à ^;i ione, oiieveux longs, moustache et royale.
PHILÏPPVS IV.BEX HISPANIARVM
Rec. Vue cavaiière de Besançon, avec la boucle du Doubs et
la monta jne ïfaint-Étienne.
•î» M,\GXO . SVB . REGE . LIBERA . VESONTIO
[Pierre de Loisy], graveur.
{Coll. particulière de J. Gauthier.)
il.— ItiGi. Médaille rondeou jeton d'or, d'argent et de bronze,
28 mm., bordée d'un grènetis.
- 475-
Dr. Tôle de Philippe IV avec légende (même que le numéro
précédent).
Rev. Ghronographe inscrit sur trois lignes, entre deux groupes
de rinceaux.
bIsVn-tInorVM DeLICI.b [mdclxiii]
{BibL publique de Besançon.)
i2. — 1665. Jeton d*or, d'argent, de cuivre, 28 mm , bordé
d*un grènetis.
Dr. Un lion debout (l'Espagne) tient un écu : armoiries de
Besancon, qu'un aigle planant (l'Empire) laisse tomber, dans
ses griffes, allusion à l'échange de Besançon contre Frankenthal.
• LIBERA VTRIMQVE
Rev. Sur une borne, trois têtes adossées (allusion aux trois
Corps municipaux), 1665.
• CONSVLTORVM • SOLIDITAS
(ColL du comte Mareschal de Vezet, Bibl. et Musée de Be-
sançon.)
13. — 1665. Jeton de cuivre ou laiton, 28 mm., bordé d'un
grènetis.
Dr. Deux tours (à gauche celle de Castille, à droite celle des
armoiries de M. de Gastel-Rodrigo, négociateur de la réunion
de Besançon à l'Espagne), au-dessus les armoiries de Besançon.
^ SECVRITAS . CIVITATIS
Rev. Armoiries diverses des co-gouverneurs bisontins pour
l'année 1665.
(Coll. particulière de J . Gauthier.)
14. — 1671 . Ghaples II. — Jeton d'argent ou de cuivre rouge,
28 mm., bordé de grènetis.
Dr. Buste drapé, avec la Toison d'Or, figure d'enfant avec
très longs cheveux, tourné vers la droite.
J-— ^^-t -'.' ' -^ >i •t-^i-L» ' r. "r-iÂit iir.> >e> serres It*s
T — i~T» L«i(X3s XV. — X-ii-^-e -i ariZt-nt ou cuivre ar-
I^ r-^T-.:^. 1^^ : : - Or, ^ji>Ȕ et ^raud cordon des
,.-i-r- -'- r .* • --"- î .--r .-"j-^rl .:*- L-.'iclêe, rattachée sur le
L . ^ . \^ . F LT - XA - REX
Fm^ ' . l - .- :o.** .,:.«r r.-.M^le, itrs armes de Besançon.
• •>.- vt: -• - c:\ :tas . régi a .175!
Ci*r »^c î-*^ «»*^-:îi :^. B. N- : E.hl. et Musée de Besançon;
Cé'é^^ rorr :«.. t« If. fi-v-fr ti£Y-<^OMx, à Besancon.)
1^. _ î7.,>. :^' r. i trreiiî oîTert par la cité au maréchal de
Uosi r. e: a s^ rV-n^e. L.se-Pri.iippine de Poitiers, rond, 29 mm.
I^ori-f iv i:> ::e:.--
ffr. S ;r u:. !i;.i'.:ea i dao.d. avec deux bâtons de maréchal
ea 5^ i*-:r .Jt j\ é-.^as l»'jrfort de Lorges et Poitiers ; tutatl'R
ET ORNAT.
flf»-. < if J!i can.'iioiie de stylo Louis XV, dans un ovale, les
Kfm*'> de B^rsan«:'jii. Au-dessus, vtinam ; sur une bandemle,
à i ♦ xergje : civitas ylsontixa 17G8.
'Musée et Btbl. de Besançon; ce dernier établissement con-
sente en outre le coin du revers, en acier.)
t
A
LA
PHOTOGRAPHIE DES COULEURS
État présent de la Question
Par M. MALDINEY
PROFESSEUR DE PHYSIQUE A L'ÉCOLE DE MéOECINE ET DE PHARMACIE
DE BESANCON
Séance du i6 décembre 1904.
MESDAMKSy Messieurs,
C'est un précepte banal de la sagesse des nations que « des
goûts et des couleurs, point ne faut disputer », ce qui si-
gnifie que la couleur est un de ces nombreux sujets sur les-
quels les hommes ne s'entendent pas. La couleur est-elle
donc chose si rare qu'on n'en puisse rien dire de précis ? Il
faudrait n'avoir jamais vu lever l'aurore pour ignorer de
quelles nuances charmantes elle teint ses voiles. Tous, du
moins, nous savons dans quelles pourpres éclatantes se
couche le soleil. On peut dire de ces visions sans formes
arrêtées, comme le ciel ou les nuages, que la couleur est
leur seule beauté. Sans la couleur, les pierres précieuses
qui brillent des couleurs du saphir, de la lopaze et de Téme-
raude, ne sont plus que des cailloux vulgaires. Les eaux de
la mer, des fleuves et des rivières, roulent un azur dont nos
yeux ne se déshabituent jamais ; dans nos verres, nos bons
vms du pays font étinceler les rubis et les grenats. Les fleurs
égayent nos regards de leurs nuances infinies ; la cuirasse,
12
_J
- 178 -
les ailes des insectes, l'armure des poissons, le plumage des
oiseaux éclatent de njllle feux qui passent du violet au
pourpre, du rouge au bleuâtre, du bleuâtre à tous les tons
du vert.
Je ne sais si Pascal a raison, ni s'il est vrai que « le nez de
Cléopâtre •> a changé la face du monde ; mais nous savons
tous, et vous n'ignorez pas, mesdames, que ce sont les roses
de votre teint, le jais ou le bleu de vos yeux qui, le plus
souvent fixent nos destinées, à nous trop heureux hommes 1
C'est aussi par la couleur que vous ajoutez à votre beauté :
par les soies chatoyantes où vous taillez vos vêtements, par
vos bijoux, etc. Et, l'oserai-je dire ? c'est encore à la couleur
que vous avez recours pour réparer des ans Virréparahle
outrage !
Toutes les passions, tous les états de notre âme, tous les
accidents de notre vie intérieure et sentimentale, la couleur
les exprime : la peur pâlit notre face, la pudeur rougit le
front des jeunes filles, la colère et la rage empourprent les
joues des hommes. La couleur enveloppe toutes choses :
c'est elle qui fait le plaisir des yeux, et pour tout le monde,
l'aveugle qui ne voit plus les couleurs ou la sublime lu-
mière est, de tous les hommes, le plus malheureux. Vous
voyez quelle place la couleur tient dans l'univers, et quel
rôle elle joue dans la vie des mortels !
Aussi la foule de ceux qui se sont intéressés à cette chose
légère et charmante est-elle innombrable. Le psychologue,
le physiologiste, le physicien, le chimiste, le peintre, Thomme
et surtout la femme du monde, et jusqu'au photographe
s'en sont occupés. Tous en disent des merveilles depuis des
siècles, mais ce n'est guère que de nos jours qu'on s'est
attaché à donner une théorie scientifique et complète des
couleurs. Et, malgré des expériences très ingénieuses,
malgré d'admirables découvertes, le dernier mot n'est pas
encore dit.
En vous parlant de la couleur ou des couleurs au point de
vue du physicien et du chimiste, je serais entrauié trop loin
et je sortirais peut-être de la question que la Société d'Emu-
lation du Doubs a bien voulu me faire Thonneur de vous
exposer dans cette courte séance :
LA REPRODUCTION PHOTOGRAPHIQUE DES COULEURS
OU PHOTOCHROMIE.
Le problème de la photographie des couleurs est un de
ceux qui, depuis l'origine de la photographie ont le plus cap-
tivé Tattention des savants et des chercheurs. Il n'est pas
un photographe qui, en voyant Timage produite sur la glace
dépolie d'une chambre noire, n'ait regretté de ne pouvoir la
fixer ainsi avec ses couleurs réelles, avec sa variété de tons
et sa richesse des nuances, que nul pinceau n'a jamais
égalées.
Le problème présente d'autant plus d'intérêt que la pho-
tographie ordinaire, non seulement ne rend pas les couleurs
elles-mêmes, mais encore ne donne pas des tons noirs dont
l'intensité soit en proportion avec l'action des diverses cou-
leurs sur l'œil. Ainsi, le bleu, qui est une couleur foncée
pour l'œil, est une couleur claire sur l'épreuve photogra-
phique ; le rouge, qui est, au contraire une couleur claire
pour l'œil, vient presque noir dans la photographie ordi-
naire.
L'addition de certaines substances colorantes aux émul-
sions sensibles, a permis d'atténuer ce défaut dans une cer-
taine mesure, d'orthochromatiser les plaques ; mais malgré
tout, on n'est pas encore parvenu à préparer des plaques
présentant pour les diverses couleurs une sensibilité qui
soit exactement du môme ordre que celle de l'œil.
A défaut d'un procédé purement photographique pour
obtenir l'image colorée, on a essayé d'obtenir des épreuves
en couleurs, par l'application à la main, de couleurs ordi-
— 180 —
naires sur Tépreuve noire, cette dernière étant simplement
destinée à indi jut-r les contours ou à fournir les demi-teintes.
Ces divers procédés (photominiature, photopeinture, photo-
aquarelle, etc.), ont tous Tinconvénient de mettre la colora-
tion de répreuve à la merci du sentiment personnel de
l'artiste ; l'image ainsi traitée n*a plus le cachet de rigou-
reuse exactitude qui caractérise une œuvre photographique :
c'est un tableau où les teintes sont plus ou moins inexactes,
et où les contours eux-mêmes sont le plus souvent faussés.
(]es procédés imparfaits n'entrant pas dans notre exposé,
nous les laisserons donc de côté.
Notre intention n'est pas ici de rappeler en détail toutes
les tentiitives faites en vue de fixer photographiquement les
couleurs des objets sur des couches sensibles. Il y aurait
un long et intéressant ouvrage tout entier à écrire sur ce
sujet. Il est néanmoins impossible de passer sous silence
quelques noms illustres qui marquent les étapes de cette
difiicile carrière.
Disons d'abord qu'il y a deux méthodes propres à la re-
production des couleurs avec le concours de la photogra-
phie : la méthode de photographie directe^ par voie chi-
mique ou par voie physique, et la méthode de photographie
indirecte ou procédé trichrômCy photographie à l'aide de
trois couleurs.
PROCÉDÉ DIRBCT DE PHOTOCHROMIB
Voie claiinique
Déjà, en 1810, Seebeck, professeur à léna, avait abordé
la question et essayé d'impressionner, à l'aide d'un spectre
solaire, un papier recouvert d'une couche de chlorure d'ar-
gent. Ses expériences eurent peu de retentissement, et il
faut arriver jusqu'en 1839 pour les voir reprises sérieuse-
ment par John Herschel et par Edmond Becquerel.
Herschel mit en œuvre non seulement le chlorure d'ar-
- 481 —
gent, mais encore l'iodure et le bromure du même métal,
ainsi que des produits naturels tels que la racine de gaïac.
Certaines couleurs semblèrent, bien que passagèrement, se
dessiner sur ces papiers sensibles. C'étaient déjà des résul-
tats de nature à encourager les chercheurs, étant donné que
Ton était alors au début de la Photographie ; mais ces résul-
tats furent bien dépassés par ceux d'Edmond Becquerel.
En 1848, cet illustre savant (physicien français) réussit,
en employant une lame de plaqué d'argent recouverte d'une
couche de sous chlorure d'argent violet, à obtenir sur cette
couche, l'impression de toutes les couleurs du spectre solaire.
Malheureusement les couleurs ainsi réalisées s'effaçaient
si l'on exposait l'épreuve à la lumière. Essayait on de fixer
dans un bain fixateur quelconque ? toute coloration dispa-
raissait. L'impression de toutes les couleurs spectrales était
un grand pas fait en avant et qui suffit à placer le nom de
Becquerel en tête de toute histoire de la photographie des
couleurs. Mais les insuccès au point de vue du fixage, in-
succès que n'avaient pu surmonter la science et l'habileté
expérimentale de ce grand physicien, étaient l'obstacle aux-
quels devaient désormais se heurter tous ceux qui abor-
dèrent la photochromie par la voie chimique de la méthode
directe.
Les essais nombreux de Niepce-Saint- Victor, de Poitevin,
etc., n'ont pu arriver à obtenir la fixation des couleurs.
Dans toutes ces expériences faites par voie chimique, on
cherchait des substances susceptibles de s'impressionner
chromatiquement sous l'influence directe des couleurs cor-
respondantes : dans l'état actuel de la science ce problème
n'est pas encore résolu.
Procédé physique, — Métliode Lippxnann
Le 2 février 1891, M. Gabriel Lippmann, profesï-'eur de
physique à la Sorbonne, piêsentait à ses collègues de l'Aca-
démie des sciences, la première photographie directe du
— 182 —
spectre solaire avec toutes ses couleurs reproduites et
fixées dune façon inaltérable. C'était un simple morceau de
verre sur lequel était venue se peindre la radieuse lumière,
la multiple couleur désormais conquise. Et c'est ainsi que
comme en un conte de fées, conte dont la fée est la science
féconde et bienfaisante, un homme a créé d'une pièce une
j-cience nouvelle, tout simplement parce qu'il a su dire :
ceci sera, puisque cela doit être ; que la couleur ^^oit et la
couleur fut. Disciple de la méthode philosophique, de celte
méthode grîlee à laquelle Pascal redécouvrit la géométrie,
Le verrier révéla sa planète, Lippmann par un simple rai-
sonnement que Texpérience vint confirmer, découvrit la
méthode physique permettant de reproduire et de fixer les
couleurs.
La science photographique fut ainsi amenée par celte dé-
couverte à ajouter une nouvelle gloire à notre domaine in-
tellectuel, sans qu'aucune autre nation puisse venir nous
objecter un autre inventeur. C'est de plus un triomphe
pour la science française, car ce mode de reproduction des
couleurs du spectre à l'aide de lames minces formées par
des plaîJs d'argent, constitue une matérialisation réalisée
par un savant français, de ces ondes lumineuses conçues
pour la première fois par le puissant génie d'un autre phy-
sicien français des plus illustres, Augustin Fresnel.
Donnant un nouvel exemple de ce beau désintéressement
scientifique dont nos savants français semblent avoir le
noble i)rivilège, M. Lippmann a voulu que tout le monde
pût s'engager librement et sans contrainte dans la voie qu'il
avait ouverte, et, lelusanl de couvrir par des brevets sa
découverte [)our(ant bien personnelle, il a mis sa méthode
de photographie des couleurs dans le domaine public. Aussi,
de nombreux travailleurs se sont-ils acharnés à perfec-
tionner la méthode interférentielle ou lippmannienne, ap-
portant chacun leur pierre à l'édifice dont le savant profes-
seur de la Sorbonne avait jeté les invariables fondations.
- 183 -
La méthode employée par M. Lippmann ne diffère de la
méthode de photographie ordinaire qu'en ce que le châssis
négatif de Tappareil photographique renferme du mercure
contre lequel s'appuie en contact intime, la face albuminée
ou gélatinobromurée de la plaque sensible. Les rayons lumi-
neux, après leur passage dans Tobjectif, traversent le verre
de la plaque, puis la substance sensible, et, frappant le mer-
cure qui est en contact parfait avec elle, se réfléchissent et
déterminent dans la couche sensible, d'après le phénomène
d'optique physique des interférences, une série de plans al-
ternativement lumineux et obscurs. Ces plans, également
espacés les uns des autres pour une même couleur simple,
sont en plus grand nombre dans le violet que dans le bleu, et
diminuent jusqu'au rouge, car le nombre des vibrations lu-
mineuses qui produisent la couleur violette est plus grand
que pour le bleu, et ainsi de suite jusqu'au rouge. Après
développement de la plaque, dans tous les plans lumineux
formés ainsi à l'intérieur de la couche sensible, nous aurons
un plan métallique formé par l'argent réduit, tandis que dans
les plans obscurs, le sel sensible non réduit, étant enlevé
au fixage par l'hyposulfite, nous aurons des plans transpa-
rents d'albumine ou de gélatine qui sépareront entre eux les
plans métalliques obtenus. La lumière se réfléchissant sur
cette série de lames minces métalliques nous donnera une
couleur déterminée par le nombre qu'il se sera formé de
cps lames dans la couche sensible. C'est exactement ce qui
se passe pour la nacre par exemple, qui est formée d'une
série de plans ou lames calcaires séparées par de l'eau ou
de l'air. MM. Lumière, de Lyon ont obtenu à l'aide de ce
procédé de magnifiques résultats, et nous avons pu admirer,
dans une séance analogue à celle d'aujourd'hui, il y a dix
ans déjà, les beaux spécimens (paysages, portraits, fleurs,
etc.), qu'ils avaient bien voulu mettre gracieusement à notre
disposition pour être projetés (Séance publique du IS dé-
cembre 1894).
— 184-
En suivant exactement les formules et les manipulations
indiquées par MM. Lippmann et Lumière, Tamateur photo-
graphe arrivera certainement à des résultats encourageants,
et il sera tellement émerveillé de voir les nuances et les
couleurs se mettre à leur place sur son cliché, qu'il recom-
mencera sans se lasser.
On peut objecter à cette méthode qu'il est regrettable de
faire une épreuve seulement chaque fois. Nous répondrons :
patience, il y a 60 ans, on se contentait d'une épreuve da-
guerrienne; aujourd'hui, contentons-nous d'une épreuve
lippmannienne.
Ce procédé, par ses délicatesses de manipulations ne sau-
rait encore être classé parmi les méthodes industrielles de
copie photographique. Toutefois, il ne faut pas désespérer
de l'avenir de la science et de la patience des expérimenta-
teurs; il se peut qu'un simple tour de main suffise pour
rendre pratiquement utilisable industriellement dans quel-
que temps, cette méthode qui constitue une découverte de
physique des plus remarquables de notre époque.
Ainsi donc, en résumé, il n'y a pas encore lieu de classer
les reproductions directes des couleurs actuellement connues,
parmi les procédés courants de photographie industrielle
PROOâDÉ INDIRBCT
Procédé aux trois couleurs ou procédé triclirozne
C'est à deux franc/ais, Charles Gros et Louis Ducos du
Hauron, que revient l'honneur de la découverte de ce pro-
cédé indirect de reproduction photographique des couleurs.
Sans se connaître et sans avoir eu la moindre relation, ils
eurent presque en même temps la même idée, et, pour sur-
croît de curieuses coïncidences, ils présentèrent chacun à
une même séance de la Société française de photographie
(7 mai 1869), l'exposé de leurs deux méthodes, sœurs ju-
melles. Des documents qui furent depuis produits dans le
- 185 -
débat, il résulte que la priorité de& recherches et de la dé-
couverte revient à Ducos du Hauron. C'est lui surtout qui a
poursuivi le développement de la méthode indirecte de pho-
tographie des couleurs, et qui a montré quelle pouvait être
la fécondité de ses applications à l'industrie.
Quels sont les principes qui ont guidé et dicté le choix
de trois couleurs dans cette méthode? Permettez moi de
vous les résumer rapidement.
On montre, en physique, que la lumière blanche n'est pas
sin^ple, mais qu'elle est composée d'une multitude de cou-
leurs, de nuances, ou comme l'on dit, de radiations simples.
L'expérience se faitt de la façon suivante: par un trou rond
percé dans le volet d'une chambre obscure, laissons péné-
trer un rayon de lumière blanche ; en recevant ce rayon sur
une feuille de papier blanc, nous y verrons une tache ronde,
blanche. Si maintenant nous plaçons sur le trajet du rayon
lumineux, un prisme de verre triangulaire, la tache blanche,
ronde, produite auparavant sur l'écran par le rayon de lu-
mière blanche, se trouve remplacée par une bande allongée
présentant en une suite de couleurs vives, toutes les nuances
de l'arc en ciel ; c'est ce que l'on nomme le spectre solaire
et nous avons, dans cette expérience, fait l'analyse de la
lumière blanche.
Parmi ces couleurs présentées par le spectre solaire, on
en distingue sept principales, qui sont, en commençant par
celle qui est la plus déviée, le violet, puis l'indigo, le bleu,
le vert, le jaune, l'orangé et le rouge. Ces couleurs super-
posées l'une à l'autre reproduisent la lumière blanche. On
peut même, ramener ces sept couleurs principales, à trois
seulement : l'orangé, le vert et le violet Combinées deux à
deux, ces trois radiations ou couleurs, permettent de repro-
duire toutes les autres: par exemple, l'orangé et le verl,
par leur addition, reproduisent le jaune L'addition des trois
radiations, orangé, vert et violet, reproduit le blanc.
Ces trois radiations : orangé, vert, violet, sont appelées
— 186 —
par les physiciens, des radiations primaires^ parce qu'elles
peuvent, en les additionnant entre elles, reproduire toutes
les autres.
Les chimistes sont des gens plus matériels que les physi-
ciens ; les radiations impondérables, impalpables' ne sont
pas leur fait. Le physicien s'occupe de radiations colorées^
le chimiste étudie des couleurs matérielles solides ou liqui-
des, des substances colorantes naturelles ou artificielles, et
qu'il appelle des pigments.
Quand la lumière blanche tombe sur ces pigments, une
partie de la lumière est réfléchie, tandis qu'une autre est
absorbée par le pigment. Ce papier est blanc parce qu'il
envoie toutes les radiations colorées. Un tableau noir vous
parait noir parce qu'il les absorbe toutes. Un pigment opaque
est jaune parce qu'il réfléchit certaines radiations colorées,
Vorangé et le vert dont les impressions s'additionnant sur
la rétine de l'œil, donnent la sensation du jaune ; le violet
est absorbé. Si le pigment est transparent, un verre jaune
par exemple, nous dirons qu'il tamise les radiations oran^ew
et vertes (ce qui donne, par addition, du jaune) et qu'il «6-
sorbe ou soustrait les radiations violettes.
Un verre rouge nous apparaît rouge parce qu'il laisse
passer les radiations orangées et violettes (ce qui donne du
rouge par addition) et absoibe les radiations vertes. Un piy-
ynent rouge opaque réfléchit les radiations orangées et vio-
lettes (ce qui donne, par addition, du rouge) et absorbe le
vert. Le pigment bleu réfléchit les radiations vertes et violet-
tes et absorbe Vorangé.
Ceci nous explique pourquoi il semble y avoir désaccord
entre le physicien et le chimiste. Si on additionne des pig-
ments vert et orangé qui sont des radiations primaires pour
le physicien, on n'obtiendra pas du jaune comme il l'obtient
en uddilionnnnt ses radiations vertes et orangées. On n'a
qu'une teinte assombrie, parce qu'une partie des radiations
— 187 —
orangées d'une part et vertes de l'autre sont absorbées par
chacun des deux pigments superposés.
Pour le chimiste, il existe trois pigments primaires qui
par leur mélange deux à deux, permettent de reconstituer
toutes les autres couleurs. Ces trois pigments sont le rouge,
le jaune et le bleu. Par une rencontre curieuse, il se trouve
que ce sont précisément ces trois couleurs que l'on obtient
par addition deux à deux des trois radiations primaires
colorées du physicien, qui deviennent les trois primaires
qui servent h composer le violet^ le vert et Vorangé quand
il s'agit de pigments. L'anomalie apparente qui existait
entre physicien et chimiste s'explique ainsi par la sous-
traction ou absorption de certaines radiations qu'opèrent les
pigments. Donc en résumé, si les radiations orangé, verte,
violette sont des radiations primaires, il faut admettre que
les pigments jaune, rouge, bleu sont des pigments primai-
res. La parole est maintenant au photographe.
Le photographe est un homme ingénieux et logicjue. Sur les
données qui lui sont fournies i)ar le physicien et le chimiste,
il fait un raisonnement bien simple : Quand je place une pla-
que sensible dans la chambre noire, se dit-il, et que décou-
vrant l'objectif, je la soumets à l'action de la lumière, la pla-
que subit par le fait même, l'action des radiations colorées
qui composent cette lumière. Puisque, d'après les données
du physicien, ces radiations se réduisent à trois groupes : le
violet, le vert et l'orangé, ne serait-il pas possible de ne lais-
ser impressionner la plaque sensible que par un seul groupe
de radiations à la fois? En me servant de trois plaques succes-
sivement, j'en aurais une qui ne serait impressionnée que par
les radiations \iolettes, Tautre que par les radiations vertes,
la troisième que par les radiations orangées, et les trois me
donneraient ainsi la tonalité des colorations de l'original pho-
tographié. Voilà le problème. Comment le résoudre?
Un verre violet laisse passer les radiations violettes et ab-
sorbe les radiations orangées et vertes dont l'addition forme
~ 188 -
le jaune. Interposons entre l'objectif et la plaque sensible un
verre violet, seuls les rayons violets viendront impressionner
la plaque, et nous aurons un négatif sur lequeltoutes les par-
ties impressionnées par les rayons violets nous apparaîtront
opaques après le développement, les transparences de ce
cliché correspondant aux autres radiations (orangées et ver-
tes, c'est-à-dire jaunes), lesquelles ayant été absorbées, n'ont
pas impressionné la plaque. Nous aurons donc un premier cli-
ché, un négatif dont les transparences traduisent tout le jaune
de Toriginal. Faisons une deuxième opération avec un écran
orangé qui ne laisse passer que des radiations orangées et
qui absorbe les radiations vertes et violettes dont l'addition
donne le bleu, nous aurons un cliché dont les transparences
traduiront tout le bleu de l'original. Nous aurons de même,
en interposant un écran vert, un cliché dont les transparen-
ces traduiront tout le rouge de roriginal.
Qu'allons-nous faire de ces trois clichés? Comment vont-
ils nous servir à reproduire les couleurs? Je ne puis trop m'é-
tendre sur les divers procédés et vous demande la permis-
sion de renvoyer ceux que la question intéresse aux manuels
spéciaux. (Ducos du Hauron, Lumière, etc.). Il > aies pro-
cédés optiques (chromoscope et projections) ; les procédés
photochimiques (imbibitions ou mixtions colorées) et les
procédés photomécaniques.
Procédés photochimiques. - La gélatine additionnée d'un
bichromate est sensible à la lumière, comme les sels d'argent.
De plus, elle durcit et s'insolubilise sous Tinfluence des ra-
diations lumineuses ; au contraire, elle se gonfle dans l'eau
aux endroits que n'a pas touchés la lumière, et elle absorbe
en ces endroits, en même temps que l'eau, les matières co-
lorantes qu'on y a fait dissoudre.
C'est à ces propriétés singulière* de la gélatine bichroma-
tée qu'on a recours dans le procédé de reproduction photo-
graphique des couleurs dit procédé de» imbibitions.
— 489 "-
Trois pellicules au gélatinobromure d'argent (fussent-elles
vieilles et inutilisables pour tout autre emploi) sont sensibi-
lisées dans un bain de bichromate de potasse et insolées cha-
cune sous Tun des trois négatifs. On le slave ensuite pour dis-
soudre le bichromate, et on dissout le bromure d'argent non
réduit par l'action de la lumière en passant la pellicule dans
un bain d'hyposulfite. Puis on les immerge chacune dans un
bain colorant différent qui, en très peu de temps, pénètre uni-
formément la couche de gélatine. Celle qui a été exposée sous
le négatif obtenu avec le verre orangé est plongée dans un
bain bleu ; celle qui est exposée sous le négatif obtenu avec
récran vert est traitée par un bain rouge pourpre, et celle
qui a été exposée sous le négatif obtenu avec Técran violet
est traitée par un bain jaune. Ces trois pellicules uniformé-
ment traitées, sont ensuite immergées dans un bain d'eau
froide où elles se dépouillent de leur couleur, sauf dans les
endroits durcis et insolubilisés qui ont reçu Taction de la lu-
mière sous les transparences des négatifs. On a fmalement
trois positifs pelliculaires, jaune, rouge et bleu. On les super-
pose en les repérant exactement et on les emprisonne entre
deux verres extra minces, ou on les colle sur papier.
Procédé chimique aux mixtions colorées. — La gélatine bi-
chromatée joue encore ici le principal rôle. Mais dans ce pro-
cédé aux mixtions colorées, l'addition des matières coloran-
tes, jaune, rouge, bleu, à la gélatine bichromatée, au lieu de
se faire au trempé comme dans le procédé par imhibilion^
se fait par incorporation. Ces mixtions colorées sont étendues
sur papier ou sur verre. Le tirage et le dépouillement se font
suivant les règles connues pour le procédé au charbon et
sur lesquelles je ne puis m'étendre dans une causerie d'un
caractère aussi général que la nôtre. MM. Louis Ducos du
Huron, Lumière frères, Vidal, Vallot, ont donné pour ce pro-
cédé des manuels opératoires auxquels je me contente de ren-
voyer les praticiens curieux.
— «90 -
Voilà des procédés pour des amateurs, car on ne peut em-
^•ioyer ces mélbDdes dans industrie où il faut produire beau-
«*oup et mpideinent. Voyons les procédés photomécaniques
qu'emploie ce procédé aux trois couleurs.
Procédés photomécanlqaes. — Jusqu'à cette époque, pour
reproduire industriellement un sujet quelconque avec ses
oouit-urs, on employait la chromolithographie. Or, dans ce
pn^cédé. il fallait : !<> Exécuter une peinture à Thuile ou une
iiquart'lle ilu sujet à reproduire, aquarelle qui ne peut
jamais êlre qu'une interprétation plus ou moins habile et
complète de l'original.
2 Déterminer le nombre de couleurs que le chromolitho-
graphe devra employer à l'impression. Si la solution est sim-
ple quand le tableau n'accuse que trois ou quatre tons, elle
devient ardue quand la gamme des nuances est très variée.
30 Dessiner un calque ou trait de ladite peinture.
4* Faire des reports ou fau.x décalques de ce trait, sur au-
tant de pierres différentes qu'il y aura de couleurs dans la re-
production. Pour avoir une reproduction à peu près satisfai-
sante d'un sujet ordinaire, il ne faut pas moins de 10 à 12
couleurs.
5" Etablir autant de dessins sur pierre lithographique
qu'il y a (suivant l'interprétation du chromiste) de couleurs
à reproduire.
G^ Procéder enfin à autant de tirages sur presses lithogra-
phiques qu'il y a de couleurs (10 à 12). Quelle complicaliou
pour n'arriver qu'à peu près.
C'est dans ce monde extraordinaire et compliqué des im-
pressions chromolithographiques que la photographie tri-
chrùme est venue faire tout simplement une révolution. Plus
de ces amas de pierres qui font ressembler les sous-sols des
imprimeries à des carrières, plus de calques, ni de faux dé-
calques, ni même d'aquarelle. Il suffit d'un appareil photo-
graphique et de trois clichés.
On peut désormais reproduire n'importe quel sujet en cou-
leurs avec toutes ses nuances, son modelé, ses demi-teintes,
à nombre iUimité d*exemplairea par le moyen seulement de
trois tirages : le premier avec encre jaune, le second avec
encre rouge, le troisième avec encre bleue.
Voici la suite des opérations :
1° Photographie. — Photographie du modèle (qui peut
être un objet d*après nature aussi bien qu'une aquarelle), de
manière à obtenir trois clichés sur verre correspondant aux
trois couleurs servant à l'impression : jaune, rouge, bleu.
C'est l'analyse chromatique du sujet ou de l'objet.
2® Gravure. — Report de ces trois clichés sur trois plaques
de métal (cuivre ou zinc) ; et gravure à l'acide de ces trois
plaques pour obtenir les creux et les reliefs nécessaires
dans les impressions aux encres grasses.
30 Impression. — Impression successive, par superposi-
tion, des trois plaques gravées (en jaune, en rouge et en
bleu). C'est la synthèse chromatique de l'objet, donnant le
dessin, le modelé, les couleurs avec leurs nuances et leurs
demi teintes si délicates et si nombreuses qu'elles soient.
Avec ces trois couleurs, on obtient une palette excessive-
ment variée. Songez maintenant que ces combinaisons infi-
nies de nuances se font automatiquement, instantanément,
et que nous pouvons tirer à la suite des milliers et des mil-
liers d'exemplaires ! Voilà bien un procédé de reproduction
photographique des couleurs tout à dût industriel ! Une
presse typographique peut tirer, par heure, 1,000 exem-
plaires. Nous en aurons 10,000 dans une journée de 10 heu-
res. \fnis notez que suivant le format de la machine, on
peut disposer sur le marbre 10, 20 clichés du jaune (clichés
obtenus par la galvanoplastie). Si j'en ai placé 10, j'ai
100,000 exemplaires par jour ; si j'en ai placé 20, j'en aurai
200,000 î Vous voyez si j'ai raison de vous dire que ce
- 192 -
procédé est industriel ! A.u surplus, il est aisé de vous con-
vaincre que ces assertions ne sont pas purement théori-
ques : regardez les épreuves de tirage que je vous soumets,
il y en a de toutes les grandeurs.
Si j'ajoute que ce que Ton obtient grâce à la photograhie
trichrôme en typographie, on peut l'obtenir dans tous les
autres procédés d'impression : lithographie, photocollogra-
phie, taille douce, vous aurez compris que la photographie
des couleurs réalisée par l'imprimerie, a bouleversé toutes
les anciennes méthodes de reproduction des couleurs et
ouvert aux arts d'impression des horizons sans limites.
APPLICATIONS INDUSTRIELLES
Disons quelques mots des applications de la photogra-
phie des couleurs ainsi unie à l'imprimerie ; c'est par là que
nous terminerons celte causerie un peu longue avant de
passer aux projections.
Ces applications sont pour ainsi dire indéfinies, et chaque
jour en découvre de nouvelles. Il s'agit ici non plus de ti-
rages à unique ou quelques exemplaires, mais de tirages à
centaines de mille ou à un million d'exemplaires, d'une
reproduction usuelle et universelle, mise à la disposition de
l'industrie, du commerce, de la science et de l'art. Le public
peut ainsi avoir, unis et multipliés par leur fusion, les avan-
tages de la photographie et de la peinture.
Voyons quelques-unes de ces applications.
Industrie. — Les variétés et les accessoires de l'ameu-
blement forment tout un inonde : tissus, papiers peints,
marqueterie, mosaïque, bronze, bijouterie, joaillerie, céra-
mique, modes, tapisserie, ébénisterie, etc. Toutes ces in-
dustries de luxe qui dépensaient de fortes sommes pour
faire copier des modèles dans les musées et les bibliothè-
ques pour envoyer des échantillons ou lancer des prospectus
— 193 -
illustrés, peuvent désormais avoir à volonté, et à des prix
incroyablement réduits, des reproductions et des spécimens
supérieurs pour l'exactitude, la beauté et la commodité.
Commerce. — Au lieu de ces ballots volumieeux, de ces
marmoiles qui forçaient les négociants et les fabricants à
entretenir plusieurs voyageurs, et qu'on ne pouvait exhiber
qu'en courant et après déballage, on peut avoir à bas prix
de magnifiques albums que la poste distribuera dans le
monde entier, et qui resteront dans les familles comme des
publications d'art et des appels incessants. C'est la réclame
incomparable, la publicité de bon goût et de bon aloi em-
ployée par nos grandes manufactures et nos grands maga-
sins. Nous pourrons être débarrassés enfin des petites hor-
reurs qui nous attendent au détour des rues et jusque dans
nos foyers.
Science. — La science trouve son compte à ces reproduc-
tions photographiques. Quel avantage, pour toutes les bran-
ches de l'histoire naturelle, par exemple, d'avoir à leur ser-
vice des planches absolument fidèles, donnant à la fois la
forme, le relief et la couleur, c'est-à dire la vie ! des illustra-
tions sans aucun caprice individuel d'interprétation et d'em-
bellissement, et rigoureusement documentaires I
La minéralogie, la botanique la sylviculture, l'horticul-
ture, la zoologie, l'anatomie comparée, l'entomologie, etc.,
toutes ces sciences trouvent dans ces procédés un complé-
ment utile ou nécessaire à leurs descriptions,, à leur ensei-
gnement, à leur progrès.
De môme pour la géologie, la paléontologie, la physique,
la chimie, la médecine et la chirurgie.
Il en faut dire autant pour les sciences auxiliaires de
l'histoire : qu'il s'agisse de reproduire les portraits des
hommes célèbres, les monuments de l'architecture, de la
sculpture, de la peinture, de la numismatique, ou de mettre
13
— 194 ~
sous les yeux des lecteurs sédentaires ce qu'offrent de plus
intéressant et d'artistique les voyages, les types, les modes,
les altitudes et les usages des différents peuples.
Qu'il s'agisse de livres scolaires ou de grande science,
désormais la vérité remplace la fantaisie. Au lieu d'élucu-
brations personnelles toujours suspectes, on aura la certi-
tude d'une ressemblance minutieuse, complète.
Arts. — Quant à l'art en général, et aux arts optique? en
particulier, il est, ce me semble, superflu d'insister. La pho-
tographie a déjà rendu de grands services, mais elle a le
grand tort de ne présenter que des images mortes, des ca-
davres en quelque sorte carbonisés. Avec la couleur, repa-
rait la vie : c'est une résurrection. Rien de plus facile main-
tenant que de réunir dans de riches albums les chef--
d'œuvre des musées célèbres ou les œuvres des maîtres
anciens et modernes, éparses dans les diverses collections
publiques ou privées. I^ critique sera ainsi éclairée et con-
trôlée par la vue des modèles.
Sans doute, aucun procédé mécanique ne pourra jamais
remplacer la fécondité de l'imagination, donner la puissance
qui crée des types en condensant sur quelques figures ce
qu'on a pu observer dans une multitude d'objets ou ceux
qu'on a découverts dans la méditation solitaire. Le groupe-
ment harmonieux des personnages, la noblesse des attitudes,
l'éloiiuence des contrastes, tout ce qui fait la supériorité
d'un Raphaël, d'un Léonard de Vinci, d'un Lesueur ou d'un
Velasquez sur un adroit copiste ou un prestigieux fabricant
de trompe l'œil, le talent, enfin, et le génie, sont dans l'âme
et ne sauraient se rencontrer dans un instrument. Il n'en
est pas moins vrai que les artistes les plus inspirés et les
plus en possession de tous les dons naturels et de toutes les
qualités acquises, auront désormais à leur portée des moyen?
d'information, d'exécution et de diffusion pour leurs œuvres,
qu'il serait puéril et imprudent de négliger et de dédaigner.
- i95 -
Le décor, le paysage, les draperies et les attitudes des per-
sonnages seront singulièrement plus faciles à rendre et le
naturel y gagnera.
Quant au commun des mortels, à cette masse de plus en
plus nombreuse d'amateurs qui ont moins d'argent que de
goût, s'ils ne peuvent pas réunir des originaux comme les
musées, les princes ou les financiers, ils pourront, du moins,
se procurer des reproductions qui ne seront point des cari-
catures. Les plus humbles pourront avoir des collections
qui leur rappelleront ce qu'ils ont contemplé avec ravisse-
ment ou désiré sans espoir.
Les maîtres distribueront ces images nouvelles à leurs
écoliers comme récompense et comme encouragement. Ils
les habitueront ainsi, de bonne heure, à ce qui est vraiment
beau. C'est par cet ensemble de moyens que le sentiment de
l'art se transmet et grandit dans un peuple.
L'avenir est à ces procédés de reproduction indirecte des
couleurs par la photographie et l'imprimerie, un avenir qui
est déjà commencé et que rien ne saurait empêcher.
La chromolithographie est appelée à disparaître devant
cet art nouveau, comme le calligraphe s'est évanoui devant
l'imprimeur C'était un art charmant entre les mains de
quelques artistes habiles à interpréter l'original et à le ren-
dre tel qu'ils l'avaient compris. Mais, comment pourrait-il
lutter longtemps contre son heureux concurrent, avec ses
monceaux de pierres péniblement gravées, avec ses nom-
breux tirages dès que le nombre des couleurs ou des
nuances s'élevait ! Il lui fallait tant d'opérations délicates,
tant de repérages difficiles, tant de temps pour donner des
résultats comparablement bien minces et bien imparfaits.
Cette évolution se fera comme toutes les autres où d'ingé-
nieuses machines ont supplante l'habileté manuelle, et ce
sera un progrès.
Et pour terminer, Mesdames et Messieurs, en vous re-
merciant de la bienveillante attention que vous n'avez cessé
— 496 —
{\e me témoigner i^endnnt cette cnuserie un peu aride, sa-
luons ces grands nuiis modestes savants : Becquerel, Poite-
vin, Lippmann, Ducos du Hauron, Gros, Lumière frères, qui
par leurs travaux ont opéré une révolution bienfaisante et
pacifique dans la science et dans Findustrie, et donné ainsi
de nouvelles richesses et une nouvelle gloire à notre chère
patrie, à la France.
Note. — Nous tenons à adresser nos plus sincères remercie-
ments à MM. Prieur et Dubois, industriels à Puteaux, à M. Louis
Geisler, imprimeur aux Chatelles (Vosges), et à la Société lyon-
naise de photochromogravure, qui nous ont envoyé si gracieu-
sement les beaux spécimens de photographie en couleurs qui
sont exposés dans la salle, ainsi qu'à MM. Lumière frères de
Lyon, dont les épreuves pour projections, projetées habilement
par M. Dodivers, ont été si justement admirées et applaudies.
BIBLIOCRAPHIE
Ouvrages consultés et ilonnant plus amples détails :
L. Ducos DU Hau nos. — La Photographie indirecte des Couleur$.
P. Prieur. — La Photographie indirecte des Couleurs.
F. Drouin. — La Pfwtographie des Couleurs.
A. Berget. — La Photographie des Couleurs.
Lumière frères. — La Photographie des Couleurs^ (procédé
trichrôme).
Société d'Emulation du Doubs, 190^-190.1.
PI. I.
(\oir l'crplicutiim dos planches, paye 197). \4^,l^J
Sociétc d-Umulalion du Doubs, i9<>v'90.4.
PL 11.
Société dT^mulation du Doubs, 190 5- 1904.
PL m.
Société d'iùinilation du Doubs, 190 5-1904.
FI. IV
^•-'-^
I \#vfc'^/
Sociétc d'Emulation du Doubs, 190 5- 1904.
PI. V
— 197 —
EXPLICATION DES PLANCHES
Reproduction par procédé trichrome d'une peinture à
Thuile due au peintre franc-comtois E. Isenbart ; gravure
de la Société lyonnaise de photochromogravure ; impression
de la maison Dodivers de Besançon.
Planche I. Epreuve du cliché monochrome jaune obtenu à
à l'aide d'un négatif impressionné à travers un écran
violet.
Planche IL Epreuve du cliché monochrome rouge obtenu à
l'aide d'un négatif impressionné à travers un écran vert.
Planche III. Epreuve des monochromes jaune et rouge super-
posés.
Planche IV. Epreuve du cliché monochrome bleu obtenu à
l'aide d'un négatif impressionné à travers un écran orangé.
Planche V. Epreuve obtenue par superposition des trois mo-
nochromes.
LES
ROUILLES DES CÉRÉALES
ET LEUR DÉVELOPPEMENT
dass ses rapports avee les conditions extérieures
et les conditions de réceptivité
Par M. le Dr Ant. MA6NIN
Conférence faite à l<i Société d'Emulation du Doubs.
dans sa séance du 14 mai 1904 {').
I/étudedes Rouilles, c'est-à-dire de ces altérations jaunes,
orangées, brunes ou noires, souvent observées sur les tiges,
les feuilles des diverses Céréales, présente un intérêt à la
fois scientifique et pratique : leur développement révèle de
curieuses particularités d'organisation et de reproduction ;
les dégûls qu'elles peuvent causer sont quelquefois si consi-
dérables qu'elles enlèvent, dans certaines contrées, la moitié
ou les deux tiers des récoltes (2) ; enfin, à propos de leur
propagation, se posent les questions de prédisposition, de
résistance différente des individus et des races, cas particu-
lier de ce fait générai de biologie, la réceptivité ou état spé
cial de l'organisme, végétal ou animal, qui le rend plus ou
moins apte au développement des parasites, plus ou moins
résistant à leurs atteintes ; il nous parait utile de résumer les
(1) Yoy. les journaux de Besançon de celle époque, notam< le Petit
Comtois, la Dépêche Républicaine du 19 mai i9iï4, etc.
2 Lrs perles causées en Suéde par la Rouille «le TAvulnu ont éié esti
nlée^ pour l'année 1881».. à plus de 20 millions !
— 199 —
recherches récentes qui ont été faites sur ce sujet, recher-
ches qui nous intéressent personnellement, puisqu'elles
confirment des idées que nous avons émises il y a plus de
30 ans, comme le prouvent les extraits publiés, en appen-
dice, à la fin de ce travail.
I
Historique et Notions préliminaires
générales sur les Rouilles.
Nous rappellerons brièvement (jue les Rouilles du Blé et
des autres Céréales (Seigle, Orge et Avoine, particulière-
ment) sont dues à des Champignons parasites, du sous-
ordre des Urédinées, famille des Pucciniacées, sous ordre
rapporté aux Basidiomycètes (c'est-à-dire à Tordre renfer-
mant les gros Champignons, comme le Champignon de
couche), dont il constitue le groupe le plus inférieur, les
Protobasidiomycètes ; les Urédinées sont caractérisées par
leur parasitisme, leurs basides cloisonnées, à sporidies en
nombre déterminé et leurs nombreuses spores secondaires
(conidies).
Autrefois, chacune de ces formes de spores (Urédos, Puc-
cinies, etc.) était considérée comme une espèce distincte de
Champignons ; mais des recherches déjà anciennes ont
montré que le même parasite peut produire des appareils
multiplicateurs ou reproducteurs différents, plus ou moins
nombreux.
C*est ainsi que l'espèce la plus commune et la plus nui-
sible, le Puccinia graminis^ le parasite de la Rouille noire,
donne naissance, à la fin du printemps, sur les feuilles, les
gaines, les tiges du HIé, d'abord à une Rouille jaune, formée
de pustules allongées, linéaires, réunies en longues lignes,
se fendant pour laisser échapper les spores multiplicatrices
du parasite, — les Urédos an Trichobasis hneart.t, — puis, en
— 200 —
été, à la Rouille noire, formée par les spores hibernantes,
les léleutospores du P. graminis ; ces dernières germent,
au printemps suivant, sur terre, en un petit filament de
quatre cellules, considéré comme une baside cloisonnée
(phragmobaside, stichobaside), dont chaque cellule produit
une sporidie latérale ; cette sporidie, transportée par le vent,
va germer sur la feuille de TEpine-Vinette (Berberis vul-
garis) et y produit des écidiolispores multij)licatrices (ordi-
nairement à la face supérieure) f^), et des écidiospores, con-
tenues dans des conceptacles à péridies (écidies), s'ouvrant à
la face inférieure de la feuille; les écidiospores, transportées
à leur tour sur le Blé, y germent et donnent naissance au
mycèle (appareil végétatif du parasite) qui envahit la plante
et y produit successivement les Urédos et les Puccinies de
la Rouille.
Ainsi, en résumé : cinq sortes de spores multiplicatrices
ou reproductrices : Urédos, Puccinies, Sporidies, Ecidio-
lispores, Ecidiospores ; développement complet du parasite
divisé en deux tronçons, habitant deux plantes différentes,
le Blé et TEpine-Vinette : cette succession sur deux hôtes
différents constituent Vhétérëcic,
Ces rapports entre le Blé etl'Epine-Vinette, cette relation
entre les parasites des deux plantes soupçonnés d'abord
par les agriculteurs <2ij vérifiés et prouvés dans la suite, par
les recherches et les expériences des botanistes (Schœler,
181*^1817, Œlrsted, Decaisne, etc.) (3) ont été considérés,
justju a ces dernières années, comme une condition néces-
>aire ilu développement du parasite; on pensait que la suc
1 Lt*s tVii1ioli<jt«>iv> spermaties) ont élé ol)servées, mais très rarement,
à b iVeiiiftMiouu» JtANMN,/eMi7. des jeunes na/iir., mars 1899, p. 1>2).
i- IV^ l'an iUH un arrêté du parlement de Rouen, prescrivait l'arra-
ohaj:e do rKpnîo-Vinette.
o Los rtvhoiohe> de Unoer ont montré que les Ecidiole:>et les Ecidies
so doxol^pjMionl sur le n ème mycèle; celles de Tllasne et de Bary, que
lo> rttviï> o< les Puccinies. ou les Ecidies.. Trêdos et IVomyces d'une
IrtHlnit^e au îvnque. comme rr. Fabte, se succédaient auî>^i sur le même
— 201 -
cession des diverses formes d'appareils reproducteurs, no-
tamment ralternance des téleutospores du Blé et des éci-
diospores du Bei'heriSy étaient indispensables pour que la
Rouille se perpétue d'année en année ; que la première in-
fection du Blé, au printemps, ne pouvait être produite que
par les spores des écidies du Bevherû ; qu'en conséquence,
la présence de TEpine-Vinette dans le voisinage des champs
de Blé leur était absolument préjudiciable.
Et ces relations avaient même paru tellement évidentes,
indiscutables, et le voisinage du Berberù si nuisible, que
sur un rapport de M. Max. Cornu et un vœu de la Société
nationale d'agriculture de France (20 nov 1887) une loi
prescrivait, en 1888, l'arrachage de cet arbuste (1).
On savait bien cependant que d'autres Rouilles que celle
provenant du Berberia pouvaient atteindi-e les céréales ; on
connaissait déjà le Puccinia straminis du Blé (VUrcdo ru-
bigo'vera) dont l'écidie se développe sur les Borraginées,
notamment le Lycopsis arvcn.ns ; et le P. coronata de l'A-
voine dont l'écidie croit sur les Nerpruns (Rhamnus cathar-
tica^ etc).
Déjà, logiquement, pour être assuré de la disparition des
diverses Rouilles, il eût fallu prescrire aussi bien la destruc-
mycèle. Pour les espèces hétéiéques, les nombreuses cnllures faites par
De Bary, Magnus, Farlow, Schrœlei-, Plowrighl, Fischer, etc., ont prouve
les relations existant entre les Ecidies et les Téleutospores d'un grand
nombre déjà d'Urédinées.
(1) Voy. procès- verbaux des séances des 3, 10, 17 et 31 août 1887, Rap-
port de M. Max. Cornu; 20 nov. 1887, discussion de ce rapport et vote
d*un vœu demandant « Taddition de l'Epine-Vinette à TEnumération des
plantes nuisibles dont une loi soumise en ce moment au Sénat prescrit
la destruction. » C'est à la suite du vote de ce vœu, de sa publication
dans les journaux d'agriculture, dans les journaux politiques (voy. séance
du 14 nov. de la Soc. d'agnciiïture du Doubs^ dans journaux de He
sançon, notamment la Démocratie franc coin toUe du 11 «léc. 1887). que
je me décidais à entretenir la Soc. d'Etnul. du Douba de celle question,
à rappeler mes observations personnelles et à montrer combien on s'exa-
gérait le rôle du Berberis dans la propagation de la Rouille (11 fév. 1888 ;
voy. appendice n» V).
- 202 —
tion des LycopsU, Rhamnuêy que l'arrachage du Berberis ;
et non seulement dans le voisinage immédiat des champs,
mais encore dans les terres et les bois les plus éloignés,
puisqu'on était^obligé d'admettre la possibilité du transport
des spores à de grandes distances pour expliquer le déve-
loppement de la Rouille dans les contrées où le Berberis
n'existe pas.
Mais le développement des Rouilles ne se fait pas toujours
avec cette succession de formes, cette régularité classique ;
d'autres causes, d'autres facteurs interviennent dans leur
propagation ; j'avais déjà montré, à la suite de recherches
entreprises de 1869 à 1872, que l'influence du Berberis n'é-
tait pas toujours si défavorable qu'on l'aftirmait ; j'avais
aussi indiqué, notamment dans une communication de 1873,
à VAssociation française pour rAvancement des sciences
(voy. Appendice n® II) et dans mon travail de 1876, sur la
Dombes (Appendice, n^ 111), que parmi les autres conditions
étiologiques des Rouilles, il fallait tenir compte de l'in-
fluence du sol, du climat local, de la nature de la plante, de
son état de réceptivité, etc. ; plus tard, je revenais sur ces
considérations, dans mes communications à la Société bota-
nique de Lyon^ en 1885 (Appendice, n® IV) et à la Société
d^Emulation du Doubs^ en 1888 (Appendice, n® V) ; depuis
lors, de nouvelles recherches ont tait voir que les espèces
de Rouilles sont bien plus nombreuses qu'on ne le soup-
çonnait ; que l'évolution de ces diverses espèces est diffé-
rente, les unes nécessitant l'hétérécie ou deux plantes nour-
ricières, d'autres accomplissant les différents stades de leur
cycle évolutif sur la même céréale ; que la transmission de
certaines espèces de Rouilles pourrait même se faire d'une
façon plus simple encore, par une infection du protoplasme
de la graine? Ces notions nouvelles modifient considérable-
ment nos idées sur ces questions : elles ont aussi des consé-
quences importantes au point de vue pratique, comme nous
allons le montrer dans les paragraphes suivants.
— 203 —
II
Pluralité des espèces et des formes
de Rouilles.
Les recherches des mycologues, notamment celles d'E-
riksson(i), ont montré que les Rouilles des Céréales, — et
les espèces voisines de celles-ci et peut-être en rapport
avec elles, génétiquement, au moins pour certaines, — sont
nombreuses : on en compte déjà (pour les Rouilles des Céréa-
les seulement), 12 formes, réparties dans H espèces, pouvant
se rattacher, du reste, aux 3 espèces types, anciennement
connues ; en voici le tableau.
I. Groupe du Puccinia gi^aminis : 2 espèces et 7 formes
(y compris celles des Graminées voisines).
\'* P. graminia Pers. — Hétéroïque : Urédo = Trichobaais
linearis ; Ecidie = Œcidium Berberidis. — C'est la Rouille noire,
ou h. linéai»*e de Prilleux, R. des Chaumes (HalmrosO des
auteurs allemands, à développement tardif (juin-juillet), dont
la germination des téleutospores (Puccinies) se fait après
rhiver ; elle envahit surtout les tiges, les gaines et les feuilles
du Blé, de TOrge et de l'Avoine.
Cette espèce renferme plusieurs formes : d'abord les f. Secalis
et Avetise, qui sont polyphages, c'est-à-dire peuvent se déve-
lopper non seulement sur le Seigle et l'Avoine mais aussi sur
d'autres Graminées : la Rouille du Seigle vient, en effet, aussi
sur l'Orge, le Chiendent {Agropyrum repens^ caninum) ; celle
(1) Eriksson et IIenning, Die Getreideroste, ihre Geschichte und Nadir,
sowie Massregeln gegen dieselben ; Stockolm, 189i. — Ehiksson, Nouv.
Etudes sur la Houille brune des Céréiiles {Ann. des se. nat. Bot., t. IX).
— Les recherches d'Eriksson ont été entreprises à partir de 1890; un
important aperçu en a été donné par l'auteur dans la Bévue générale
de Botanique de M. Bonnier, 15 février 1898, t. X, p. 33 ; puis en janv.
1900, p. 30-39, etc.
j
- 204 —
de l'Avoine, sur différenles espèces d'Avena, A. sativa, elatior,
sterilia, sur le Dactyle, VAlopecurua ; le parasite hiverne sur
les Graminées vivaces (Agropyre, Dactyle). - La 3™e forme, la
plus importante, la plus dangereuse, la Rouille noire du Blé,
f. Tritici, est isophage. c'est-à-dire absolument spécialisée sur
cette céréale; son mode de conservation (en l'absence du Ber-
beris. ce qui est fréquent) n'est pas encore connu. On cite en-
core les formes Airœ, Agrostidis, Poœ, également isophages
La R. noire apparaît rarement dès l'automne, ordinairement
en juin-juillet, sur le Froment, le Seigle et l'Orge, trois à quatre
semaines plus tard sur l'Avoine ; elle se montre d'abord à la
base des chaumes, puis gagne le sommet, en envahissant les
gaines et les bases des limbes; elle peut, à la maturité des épis,
s'établir aussi, mais rarement, sur les glumes et les arêtes.
2. P. Phlei-pratensis Fa: et Hen. — Autoïque,sans écidie : sur
Phleum pratense, Festuca elatior.
IL Groupe du P. rubigo-vera D. G. (le P. straminis Fuck.,
dont l'écidie est VŒ, asperifoliacearum) : 11 formes, sous
4 espèces, dont les deux Rouilles brunes du Blé et du Sei-
gle, la R. jaune du Blé et la R. naine de TOrge ; c'est la
R, tachetée ou Grosse Rouille de Prilleux, la R. des feuilles
(Blattrost) des allemands.
3. P. triticina Eriks. — Rouille brune du Blé; autoïque (sans
écidie); hiverne sur Céréales d'hiver; germe au printemps
(avril-juin), mais peut apparaître dès le mois de septembre
sur les semis naturels; au printemps, en mars-avril, le para-
site se multiplie activement; vers fin juin, des taches déco-
lorées, éparses. apparaissent sur les feuilles ; elles se couvrent
d'urédospores, en sores dispersés sans ordre, puis de téleu-
tospores en pustules ovales, presque noires et recouvertes par
l'épiderme.
4. P dispersa Er. et Hen — Hétéroïque : écidie sur les Bor-
rajîinées (cf. Œc. AnchussL>, etc.). — Rouille brune du Seigle
surtout; germe avant l'hiver; hiberne sur Céréales d'hiver;
f Secalis (écidies sur Lycopsis arvensis et Anchusa off. : in-
fîuetjce aussi du Chiendent); f. Tritici, f. Hordei\ f. Agropyri,
f. Bromi.
5. P. fjlumaruw (Schm.) Er. et Hen. — Autoïque, sans écidie.
- 2«> -
- Houille Jaune, apparaissant sur le limbe des feuilles au
printemps (avril-juin), parfois môme dès l'automne, la ger-
mination ayant lieu avant l'hiver; attaque surtout le Blé, moins
fréquemment le Seigle et l'Orge ; contient les f. Tritici — à pus-
tules arrondies ou ovales, le plus souvent isolées, ou en lignes
continues, parallèles, régulières, non seulement sur les gaines,
les feuilles, mais encore sur les glumes ; dont le mode de con-
servation est encore inconnu) ,• — f. Secalis et Hordei ; et en
dehors des Céréales, f. Elymi, Agropyri ; cette dernière, très
intéressante, donne sur le Chiendent, Triticum {Agropyrum)
repens, des séries d'urédospores capables, dès le mois de no-
vembre, de germer sur les jeunes semis.
6. P, aimplex (Korn.) Er. et Hen. — Autoïque (sans écidie);
sur Hordeum uulgare. C'est la Rouille naine de l'Orge, qui hi-
verne sur Céréales d'hiver, genme au printemps, et produit,
déjà en avril, ses téleutospores la plupart unicellulaires,
III. Groupe du P. coronata Corda. Hétéroïques (Œc.
Rhamni) : 2 espèces, 13 formes, caractérisées par leurs
téleutospores dont la cellule ternninale est couverte d'une
couronne de protubérances irrégulières.
7. P. coronifera Kleb. {Œ.Catharliae): renfeime lesf. Avenœ,
forme spécialisée sur l'Avoine, ou Rouille couronnée, qui germe
après l'hiver et dont le mode de conservation est inconnu ;
f. Alopecuri, Festucœ^ Lolii. Glycerise, Holci
8. P. coronata Kleb. {Œc. Frangulœ) : 1« f. Calamagrostidis,
Phalaridis, Agrostidis, Holci, Agropyri ; 2» f. Epigœi, Melicte.
Et pour mémoire, les P. Zese et P. Sorghi qui attaquent
les 2 faces des feuilles du Maïs et du Sorgho.
En résumé, 12 formes différentes de Rouilles, appartenant
à 6 espèces distinctes, attaquent les 4 Céréales, Blé, Seigle,
Avoine, Orge: 1. P, graminis, f. Secalis, Avenœ, Tritici; —
2. P. glumarum, f. Tritici, Secalis, Hordei ; — 3. P. triti-
cina ; — 4. P. dispersa, f. Seçalis, Tritici, Hordei ; — 5. P.
simplex, de l'Orge ; .— 6. P. coronifera, de T Avoine.
A Texception des îovmes^ Secalis eiAvenie du P. graminis,
ces diverses race^ sont absolument spécialisées, c'cs^l-à-dire
— 206 —
adaptées étroitement et exclusivement à une seule espèce
de plante nourricière, le parasite ne pouvant être inoculé
qu*à la même espèce de Céréale : et cette spécialisation per
siste même après le passage sur l'hôte écidifère, quand cet
hôte nourrit plusieurs espèces difTérentes de Rouilles ; les
diverses formes de Puccinia graminis, par ex., qui ont leurs
écidies sur le Berberis, n'en restent pas moins spécialisées,
c'est-à-dire capables de se développer seulement sur la Cé-
réale spéciale, qui a fourni la sporidie à l'Epine- Vinette.
En terminant ce paragraphe, nous donnerons, d'après
M. Marchai, deux tableaux qui aideront à déterminer les
diverses Rouilles des Céréales (l).
A. D'après les caractères extérieurs.
Froment et Epeautre.
Feuilles présentant des stries jaune citron, et plus tard, de
fines pustules noires disposées en séries linéaires.
[P, glumaram f. Tritici.
F. couvertes de pustules brun rougeàtre dispersées, et plus
tard, de pustules noires, petites et luisantes, non en séries
linéaires P. triticina,
F., mais plus souvent chaumes, couverts de pustules oi^re
brun, allongées (2-5 m/m.), bientôt entremêlées de lonjrs
coussinets de spores noires pulvérulentes (jusqu'à I centi-
mètre) P. graminis, f. TriiieL
Seigle.
F. et chaumes couverts de no.nbreuses pustules brun rou-
geàtre dispersées, puis de pustules noires petites et lui-
santes P. dispersa.
Chaumes, plus rar* feuilles, couverts de pustules ocre brun
allongées, s'entremêlant bientôt de longs coussinets sail-
lants (jusqu'à i cent.), de spores noires.
[P. gramimis f. Seealis.
{■[) Marchal. — Rech. sur la Bouille des Céréales, Bruxelles, 1903.
p. 9 et 10.
•- 207 -
Orge.
F. couvertes de nombreuses petites pustules jaune rougeâlre,
dispersées, entremêlées plus tard de petits coussinets
noirs, épars • P. simplex.
Chaumes, plus rar* feuilles, présentant des pustules longues,
ocre brun, devenant noires et saillantes.
[P. graminis f. Hordei.
Avoine.
Pustules orange vif, les unes grandes, les autres petites, en
groupes irréguliers, entremêlées, plus tard, de pustules
noires entourées d'une zone décolorée sur feuilles, plus rar*
sur chaumes et glumes P. coronifera.
Sur chaumes, moins abond* sur feuilles et glumes, longues
pustules ocre brun et, plus tard, pustules noires, confluentes
comme imprimées dans les tissus. P. graminis, f. Avenœ.
B. D'après las caractères microscopiqnes.
A. Urédospores elliptiques, deux fois aussi longues que larges.
[P. graminiê.
AA. Urédospores globuleuses ou globul. -ovoïdes.
B. Sores d'Urédosp., en stries jaune citron. P. glumarum.
BB. Sores d'Urédosp., dispersés, brun rougeâtre.
C. Téleutospores toutes 2-cellulaires.
D. Cellule terminale des Téleut. sans appendices
rayonnants.
E. Sur Froment P. triticina.
EE. Sur Seigle P. dispersa.
DD. Cell. term. des téleut. avec appendices rayon-
nants P. coronifera.
ce. Téleutosp. la plupart 1-cellul. . . P. simplex.
III
Propagation des diverses Rouilles.
On a vu plus haut qu'à la suite des reniarques faites par
les agriculteurs et des expériences instituées par les bola-
niïîtes, on avait admis, jusqu'ù ces dernières années, que
— âio —
contaminées et les plantes saines; cette distance est toujours
réduite : elle varie de 10 à 25 m. pour la propagation de la
Rouille noire par l'Épine-Vinelte.
L'influence de TEpine-Vinette a été certainement exagé-
rée ; nous avons rappelé plus haut nos anciennes observa-
tions de 1 86 J 1873, faites dans les environs de Lyon et dans
la Dornbes, montrant que la Rouille ne se développe pas
toujours au voisinage du Berberis et qu'elle est au contraire
très fréquente dans certaines régions, comme la Dombes,
où cet arbuste n'existe pas. Aussi, est-ce avec une vive sa-
tisfaction que nous avons vu notre opinion confirmée par
les plus récents observateurs.
Déjà, lors de la discussion du Rapport de M. Max, Cornu,
à la Société 7iationtile d'agriculture de France, des réserves
avaient été exprimées par MM. Blanchard, Chevreuil (1), De-
rennes (2), Doniol P),etc., sur le rôle trop exclusif qu'on attri-
buait au Berberis dans le développement de la Rouille du
Blé.
Plus récemment, Eriksson reconnaît que l'arrachage du
Berberis n'est pas une sauvegarde efficace W,
D'après M. Marchal, l'influence de l'Epine-Vinetle n'est
pas aussi grande qu'on l'a supposé ; il est bien prouvé au-
jourd'hui que cet arbuste n'est pas nécessaire pour assurer
la conservation de la Rouille noire ; le Berberis est rare en
Belgique et est toujours éloigné des champs cultivés ; il est
rarement atteint d'écidies (5).
De même, d'après M. Prunet, à la suite de l'enquête qu'il
a faite en 1902 et 1903, dans la région toulousaine et qui
(1) Séance du 20 nov. 1887.
(2) Séance du 9 nov. 1887 [Journal d'agrie. pratiq.y 17 nov. 1887,
p. 714}.
(3) Séance du 17 août 1887. — Voy. encore les faits cités par M. .\bord.
dans Journal d'Agric. prat.^ 15 déc. 1887, p. 864.
(4) C. H. de VAcad. des sciences, 12 oct. 1903.
'5) Recherches sur la Rouille des Céréales, Bruxelles, 1903, p. 32-36
- 2H -
a porté sur 212 champs de céréales (Blé, Seigle, Orge
et Avoine) : « le Berberis n'existe qu'exceptionnellement
dans la région : il n'est pas plus fréquent dans les localités
très frappées par la Rouille du Blé que dans les autres »(1).
C'est bien la confirmation de ce que nous écrivions en
1873, 1885, 1888, comme on peut le constater dans les
extraits donnés en appendice.
Les mêmes conclusions s'appliquent aux écidies des Bor-
raginées et des Nerpruns ; la germination de leurs écidios-
pores sur le Seigle et l'Avoine est un fait bien établi, mais
elle n'est pas nécessaire et le rôle joué par le Lycopsia ar-
vensis et le Bhamnus cathartica dans le développement de
la Rouille brune du Seigle et de la Rouille couronnée de
l'Avoine est encore moins important que celui de l'écidios-
poredu Berberis pour la Rouille noire du Blé (cf. Marchal,
Op, cit,y p. 34). M Prunet constate de son côté que les
champs d'avoine des environs de Toulouse ont été assez
grièvement attaqués par P. coronifera, quoique le Rhamnus
cathartica manque dans leur voisinage (2) ; on peut donc
conclure, en général, que les hôtes écidifères n'ont qu'une
influence insignifiante sur l'évolution des Rouilles des cé-
réales.
Ajoutons que d'autres plantes paraissent intervenir dans
la conservation et la propagation du parasite, par ex., le
Chiendent qui remplirait un rôle bien démontré, d'après
M. Marchal, dans la propagation de la Rouille noire du Seigle
et de l'Orge, et dont la destruction s'impose (3).
(i) Prunet. La Rouille des Céréales dans la région toulousaine, dans
Asêoc. franc, pour Vavanc^ des sciences^ session de Monlauban, 1902,
t. I, p. 223, et session d'Angers, 1903, t. II, p 731.
(2) Prunet. Op. cil.
(3; Marchal. Op. cit., p. 35-36.
— 212 —
IV
Influences externes et internes ; Réceptivité.
Dans rétude des moyens de propagation de la Rouille, il
faut distinguer :
A. L'infection initiale des jeunes semis (conservation des
germes du parasite) et la propagation par voisinage ;
B. Les conditions externes et internes qui favorisent celte
propagation.
On a vu plus haut que l'infection initiale peut se faire par la
germination des écidiospores de Thôte écidifère pour les
Houilles hétérèques, par la conservation d'autres spores sur
des Céréales d'hiver ou des Graminées vivaces, enfin par
hérédité, parles semences probablement parasitées 'Eriks-
son).
Voici le tableau des principaux modes d'infection, d après
les travaux et les expériences d'Eriksson:
Le Froment peut-être contaminé :
a. De Rouille jaune, par aucune espèce végétale;
b. De R. brune, par les Tritieum compactum^ dieoecum,
Spelta ;
c. De R. noire, dans certaines conditions, par TOrge, l'Avoine,
le Seigle.
Le Seigle peut l'être :
a. De R. brune, par aucune espèce végétale (cependant ex-
ceplionellement par le Puce, hromina) ;
b. De R. noire, par TOrge, le Chiendent, etc.
L'Orge :
a. De R. naine, par aucune espèce végétale ;
6. De R. noire, parle Seigle, le Chiendent.
— 213 —
L'Avoine :
a. De R. couronnée, par aucune espèce végétale;
h. De R. noire, par le Dactyle, TAvoine élevée, le Vulpin des
prés, etc. (i)
Mais dans la propagation de la Rouille, — aussi bien que
dans l'infection initiale, — il importe de tenir compte, non
seulement de Tensemencement par les germes (mycoplasme,
etc.) ou les spores, mais encore des conditions de mi-
lieux : milieux extérieurs, climat, vent, pluie, sol, etc. ;
milieux internes, étal de la plante, sa nature spéciale résul-
tant des qualités de la race à laquelle elle appartient, etc.
Les conditions extérieures ont une influence considérable:
nous les signalions, dès 1872, en indiquant les différences
observées entre les champs de Blé des bons terrains des en-
virons de Lyon, où la Rouille est rare, malgré la présence
du Berberis et ceux des terrains humides de la Bombes où
la Rouille est fréquente, bien que le Berberis n'y existe
pas (voy. Appendice, n® II) : nous y revenions dans notre
travail sur la Dombes, en 1876, où Ton peut lire des conclu-
sions très explicites à cet égard (p. 44, 45 ; voy. Appendice,
n<> III) et dans nos autres publications ultérieures.
Dans la séance du 10 août 1887 de la Soc, nation, d'agri-
culture de France, M. Max. Cornu reconnaît aussi l'in-
fluence des conditions météorologiques, des pluies, des
chaleurs de l'été (qui ont favorisé le développement de la
Rouille noire), du vent (extension de la Rouille à partir d'un
l>\ed de Berberis y ônns la direction du vent régnant, etc.).
Eriksson (1898) conclut aussi de ses observations et de
ses expériences que l'intensité de la maladie dépend : 1<> de
V énergie avec laquelle les circonstances extérieures (de
(1) Il importe de remarquer que les recherches d'Kricksson ont été fuiti's
en Suède et que la spécialisation de chaque forme peut varier avec la
contrée.
— 244 —
temps, de sol, d'engrais, etc.) sont capables de trafismetire
le Champignon de Vétat latent à Vétat mycélien ; 29 de l'in-
tervention de nouvelles matières contagieuses du dehors.
Marchal (1903) insiste de son c^té sur ces causes prédis-
posantes : ii indique particulièrement les conditions météo-
rologiques, l'influence du sol, des engrais, de la rotation,
des conditions des semailles, etc. (op. cie., p. 25 à 32 )
Ces conditions extérieures influent sur la propagation
do la Rouille, en empêchant ou favorisant la germination
des spores (humidité du sol, de Tair, pluie, chaleur, etc.),
en rendant la plante plus robuste ou plus faible et en la
mettant ainsi dans des conditions plus ou moins favorables
à rinvasion parasitaire ou de résistance aux atteintes du
parasite.
C'est ce dernier état de prédisposition ou de réceptivité
dont nous voulons parler un peu plus longuement en ter-
minant cette étude.
L'influence de l'état de réceptivité d'un organisme, plante
ou animal, exposé à une intoxication, à un ensemencement
de germes, de spores, etc., domine toute la pathogénie
des affections contagieuses, parasitaires, aussi bien chez les
végétaux que chez les animaux et l'homme.
Mentschnikoff vient de traiter la question dans un ou-
vrage magistral : L*immunité dans les ^naladies infectieuses
(1902), mais à un point de vue tout spécial.
Je citerai ici quelques faits récents signalés chez les vé-
gétaux.
L'état de plus ou moins grande réceptivité se manifeste
suivant que la plante se trouve dans un état particulier d'af-
faiblissement ou de vigueur, ou bien qu elle appartient à
une race plus ou moins résistante par elle-même (immunité*.
L'influence prédisposante^ en certain cas nécessaire^ de
l'affaiblissement de la plante est indiquée par plusieurs pa-
thologistes ou mycologues ; Wagner, en 1896, Hartig, en
1897, etc concluent très nettement, de leurs observations.
— 215 —
que l'alTaiblissement de la plante est nécessaire pour qu'elle
puisse être infectée.
Wagner n*a pu obtenir Tinfection du Slellaria holostea
par une Puccinie qu'en cultivant la plante dans des condi-
tions anorniales qui la mettaient en état de moindre résis-
tance.
Hartig a vu que le Mucor Mucedo envahissait les faînes
conservées pendant Thiver, mais non celles mises à germer
de suite, à cause du trouble apporté par le ralentissement
hivernal de la végétation.
GuÉGEN [Soc, mycol. de France, !901, p. 296, 298) pense
aussi que le Schizophyllum commune ne peut s'implanter
que sur des arbres affaiblis par une mauvaise hygiène.
Etc..
Mais il faut distinguer, à ce sujet, ainsi que nous l'avons
fait dans nos communications antérieures (Soc. bot. Lyon,
1885, p. 18 ; voy. Appendice, n° IV), la vigueur normale
de l'excès de vigueur, dû par ex. à des engrais intensifs,
qui peut prédisposer, au contraire, la plante à l'invasion
parasitaire et la met dans des conditions défavorables pour
lutter contre la maladie.
Voyez, sur ce point : Tulasne, Des causes qui peuvent
provoquer ou tavoriser le développement des Ustilaginées
(Ann.dessc. naiiu\, 1847, t. VU, p. 17, 40-42) ;.A. Fischer
de Waldheim, Causes du parasitisme sur les Céréales CGon-
grès des natur de Moscou, 1871 ; et appendice n^IV, p. 224);
et dans le travail de Marchal cité plus haut : un excès
d'azote dans le sol ou dans les fumures diminue la résis-
tance à la Rouille {op cit., p. 27) ; les Blés dont le dévelop-
pement foliaire est le plus considérable sont les plus fré-
quemment atteints ; pour une variété donnée, la maladie
fait d'autant plus de dégAts que la semence provient d'un
pays plus sec, en été (cf. Progrès agricole, 15 mai 1898,
p. 631), etc.
— 216 —
Quant à ]a résistance aux maladies qui caractérise certains
îndi\iâus ou des races spéciales d'une espèce donnée, elle
est bien connue : en ce qui concerne les Rouilles, M. de Vil-
morin a signalé, il y a déjà longtemps, la résistance remar-
quable du Blé du Lazistan (Les Meilleurs Blés 1882) W ; plus
récemment on a indiqué le Riéli, le Blé rouge d'Ecosse, le
Dattel, comme résistant d'une façon admirable, tandis que le
Blé de Bordeaux, le Blé de Noé, la Touzelle de Provence, la
Ricbelle de Naples, sont au contraire, très sensibles à la
Rouille.
Pour M. Marchai aussi : • la variété a une grande in
fluence sur Tintensité de la Rouille, au point que c'est dan?
la Viiie de la recherche de variétés résistantes, que la
lutte contre cette affection semble devoir arriver plus sûre-
ment au but » \op, cit,y p. 2t.)
Notez que certaines races de céréales sont réfractaires à
des espèces de Rouilles et sensibles à d'autres; par ex., en
Belgique, M. Marchai cite le Blé Michigan Bronce qui résiste
à la Rouille brune, mais est facilement attaqué par la Rouille
aune, tandis que le Duivendael, très atteint par la R. brune,
est rebté indemne de P. glumarum {op, ait,, p. 25.)
Récemment, M. Delacroix {Soc, mycol. de France, 1903,
p. 373, 374), à propos de l'infection de la pomme de terre par
le Phyiophtoray a constaté, contrairement à l'opinion de De
Barry, que « les différentes variétés de pommes de terre ne ^e
sont pas montrées atteintes au même degré et qu'on a vu
^ouvent des différences quant à la réceptivité vis-à-vis de la
maladie. » Etc.
il nous serait facile de citer d'autres exemples : nous nous
bornerons à rappeler que nous avons signalé cette influence
de la récepiix'iié, dès nos premières communications de 1873
(Voy, Appendice, no II, p. 220.)
(1) Voy. depuis, Ph. de Vii.worin. Lu Récolte des bl«H> en France Soc.
nat d'ÀgricuU.. 11102, p. (561), etc.
- 217 —
CONCLUSIONS
Devant Timpuissance ou le peu d'efficacité des traitements
fongicides (sulfate de fer en pulvérisation, ou incorporé au
sol, par ex.) il faut s'adresser à la plante même et aux condi-
tions culturales ; nous recommandons donc, avec les agrono-
mes et les mycologues, notamment avec M. Marchai, de choi-
sir des variétés résistantes ; semer de bonne heure ; détruire
le chiendent et les autres hôtes de passage des parasites ;
pratiquer le déchaumage ; et surtout donner aux céréales une
nourriture rationnelle, adaptée h la race, au sol, au climat lo-
cal, pour les mettre en état de résister aux atteintes dos pa-
rasites .
La mise en état de résistance, de non réceptivité, est du
reste d'une application générale ; c'est la solution vraie de tous
les problèmes où entre en jeu la contamination ; comme il sera
toujours de plus en plus difficile de se préserver des germes,
des spores, qui par leur diffusion de plus en plus large dans
l'air, l'eau, le sol, envahissent les organismes de toutes parts,
le mieux est encore de mettre ces organismes, animaux et
plantes, en état de non réceptivité (cf notre Hydrographie
souterraine^ 1902, p. 31).
En agriculture, la recherche des races résistantes aux ma-
ladies des plantes est de la plus grande importance ; dans
chaque contrée, il est nécessaire d'essayer les races indiquées
comme résistantes dans d'autres régions, et si elles ne réus-
sissent pas, de chercher à en obtenir par la sélection ou le
croisement ; d'une façon générale, l'essai ou l'obtention de
races à grand rendement ou résistantes aux maladies, bien
adaptées à la contrée, à ses conditions particulières de climat
et de sol, doit être une des principales préoccupations de
l'agriculture scientifique et non plus routinière ; c'est
surtout le rôle des Instituts botaniques, seuls outillés conve-
nablement, comme personnel et matériel, pour entreprendre
— 218 ~
avec méthode de telles recherches ; le vœu suivant adopté,
sur la proposition de notre ami, le D' Trabut, Directeur
du Service botanique de l'Algérie, par V Association fran-
çaise dans sa session d'Angers (1903, t. I, p. 57), le reconnaît
et le précise en d'excellents termes :
« La 9« section, considérant que les progrès de l'agriculture
sont absolument liés à rintroduction, amélioration ou créatiou
des races de plantes mises en œuvre;
» Considérant que l'initiative privée des cultivateurs, que les
efforts, souvent très remarquables des marchands grainiers,
des horticulteurs, peuvent être insuffisants pour poursuivre, à
travers plusieurs générations, les sélections, semis, métissages,
hybridations et autres opérations qui, méthodiquement et scien-
tifiquement conduites, aboutissent à la création de races meil-
leures ;
» L'Afas, réunie en congrès à Angers en 1903, émet le vœu
que les enseignements de la botanique donnés dans une région
naturelle, dans un centre universitaire, soient coordonnés et
groupés en un Institut botanique et que les différents Instituts
botaniques de France et des colonies soient en relations cons-
tantes ;
» Que ces Instituts consacrent une part importante de leurs
travaux à aider au développement et progrès de l'agriculture
locale par l'organisation d'une station botanique pour y procéder
à l'introduction de toutes les espèces ou races de plantes éco-
nomiques pouvant être propagées utilement dans la contrée;
pour y créer les races locales qui sont indispensables à une
bonne exploitation et qui n'ont été, le plus souvent, jusqu'à ce
jour, obtenues que par l'effet du hasard ou de circonstances
particulières, mais rarement par les méthodes scientifiques qui
doivent donner les résultats les plus sftrs en tendant à une amé-
lioration sans limite. »
Nous savons (jue VlJniversité de Besançon^ et particulière-
ment son Institut botanique (services de la Botanique agri-
cole et de la Station agronomique de Franche- Comté) sont
disposés non seulement à persévérer dans cette voie, mais
à l'élargir pour entreprendre les recherches qui font l'objet
de ces conclusions, à la condition cependant qu'on leur en
— 219 —
donne les moyens, sous la forme de champs d'expériences et
de subventions suffisantes pour subvenir à leur entretien.
Pour les Rouilles, comme celte question est complexe, que
leurs diverses espèces, leur mode de vie, leurs procédés de
conservation, peut-être leur spécialisation, varient d'un pays
à l'autre, il est nécessaire de procéder à une étude appro-
fondie de leurs . parasites dans chaque contrée où elles
exercent des ravages. 11 est donc utile de faire, au préalable,
une enquête dans la région franc comtoise, notamment dans
le département du Doubs, portant sur les points suivants:
Quelles sont les diverses espèces de Rouilles ^jU'on y
observe et celles qui y prédominent;
Quelle est l'importance des dégâts qu'elles peuvent causer
aux récoltes;
Comment se comportent à cet égard les diverses céréales,
les différentes variétés ordinairement cultivées;
Quelles différences observe-t-on dans les divei'ses zones
naturelles (Bresse, vignoble, 1'" plateaux, etc.), et dans les
différentes terrains (calcaires, argileux, siliceux, etc.);
Quelle est l'influence des autres conditions locales, des
modes de culture, de la nature des engrais employés, du
voisinage de certaines plantes, etc.
Toutes ces données réunies nous permettront de voir s'il
est nécessaire, dans notre région, de se préoccuper du dé-
veloppement de ces parasites et dans l'affirmative, de cher-
cher les moyens de remédier à leurs effets.
Le Service de la Botajiique agricole, si habilement dirigé
par M. Parmentier, est tout indiqué pour faire ces recher-
ches; mais nous comptons sur Taide des Sociétés savantes
de la région, notamment des Société» d'Emulation, d'Histoire
naturelle, d'Agriculture et d'Horticulture du Doubs, pour
nous faciliter cette étude.
— 220 -
APPENDICE
PIÈCKS JUSTIFICATIVES
(Extraites de uos publications antérieures)
I.
MÎBcellanéAB mycologiques : Les Entophytes du Jardin bota-
nique de Lyon (Soc. botan. de Lyon, l. I, 1873, p. 41).
Simple citation des Trichobasis et Puccinia rubigo-vera obser-
vés au Jardin botanique.
II.
Sur les UrédlBées. — (Assoc. franc, pour Vavanc^ des sciences,
session de Lyon, séance du 28 août 1873, C. R , t. II. p. 483'.
Réceptivité ; influence de la culture, etc. :
Les plantes cultivées dans un Jardin botanique « se trouvant
dans des conditions de végétation souvent difTérentes de celles
({m leur sont habituelles, sont par le fait même dans un étal de
réceptivité spécial qui favorise singulièrement le développement
des parasites végétaux: aussi n'esl-il pas étonnant de voir quel-
ques-unes de ces plantes littéralement couvertes de crypto-
games »
€ Vne étude qui n'est pas sans intérêt et qui fait l*objet de
cette seconde partie, ce sont les causes de l'apparilion si fré-
quente des parasites dans les plantes cultivées .. J*ai parlé, au
début de cette communication, de Tétat maladif dû auxcoudilions
de végétation anormale dans lesquelles se trouvent souvent les
plantes cultivées et qui les prédisposent à l'invasion parasitaire:
rinfluence de cet état morbide est tellement vraie que ce sont
surtout les plantes étrangères, les plantes tout à fait dépaysées,
les plantes alpestres par ex., qui sont envahies par les para-
sites ; c'est ainsi qu'un pied de Statice alpina^ venant des Pyré-
nées,s'est couvert, aussitôt après son arrivée, d'CEcidtum statica;
un autre pied de la même plante, cultivé aussi au jardin et de
provenance inconnue, a vu se développer un bel Uredo statices \
VŒddium valerianacearum a couvert entièrement de jeunes Va-
leriana tuberosa envoyées aussi d'un jardin étranger; je pourrai
en citer davantage Fait singulier, des plantes locales sur les-
quelles on rencontre habituellement des parasites, en sont com-
plètement dépourvues au jardin ; ainsi jamais je n'ai pu en trou-
ver sur les Clématites, Berberis qui, cependant, à deux pas de là,
hors du parc, en sont couverts.
Voici un autre fait démontrant encore la nécessité de cette
prédisposition : il a trait aux relations qui existent entre l'Œct-
dium Berberidis el laPuccinia ou Rouille des Graminées.... (suit
la description du développement du Champignon et des expérien-
ces démontrant les relations de la Rouille avec l'Epine- Vinette) .
0 J'ai voulu voir si, dans la campagne, on pourrait trouver la con-
firmation de ces expériences ; pour cela, en 1869, dans une com-
mune des environs de Lyon, où j'ai l'occasion d'aller souvent, j'ai
pris soin de noter, au printemps, une certaine quantité de Ber-
beris placés à proximité de champs de blé; la plupart do ces
pieds étaient couverts d'Œcidium depuis plusieurs années ; j'ai
visité ensuite, à de courts intervalles et avec le plus grand soin,
les blés voisins : eh bien ! je n'ai pu apercevoir le moindre Ure-
do..,. En interrogeant les moissonneurs, j'ai acquis la certitude
que ces blés, placés à proximité du Berberis, n'avaient pas été
plus attaqués par la rouille que d'autres qui ne se trouvaient pas
dans ces conditions ; j'ai fait ces observations pendant trois an-
nées consécutives; elles m'ont toujours donné les mêmes résul-
tats. Une autre observation qui corrobore celle-ci : le plateau de
la Dombes qui arrive jusqu'au N. delà même commune, ne ren-
ferme pas d'Epine-Vinette, du moins je ne l'y ai jamais rencon-
trée; et cependant» au dire des cultivateurs, les céréales y sont
dans quelques endroits, presque toujours attaquées par la
Rouille.
Comment concilier ces faits avec les expériences citées plus
haut? Les remarques suivantes permettent de les expliquer:
-*•€'»♦ .t '• •: '*?• à -t* "=*. •* i. •■.j=— -. . II :•— -li»-i^..»r. r-.*''—
- . • *<r -* • ;«'• •»-•- *--• ».
;.L
R**ti«rç-e» geolofiqa^s. botaniques r-" -ri" -: ::^'e= 5 *r l'im-
:-"-:■- .« D3iiibes. 18W.
!--.*- '.A .rrr ':-'-.-j 'r ^ î Infiâence a€s ^tanj» »vr le» ri-
f -'. >r j '-î.-f-r-^'.voe ?->ri ci n.a: el de ianatjre du sol àl'en-
st' *w-f/.*r:.! .j^r- j .i:jV> p'tr les ï«ara>Ues. ip. 44, 4ôi, elc.
IV.
Remarques sur les fRridinms du YiUar^ja, du Berberis et
les diverses Rouilles des Céréales iSoc. botanique de Lyon,
-*^i-,.-»- .1 j In f^vhtr 1885 I. -YIII, p. 16).
• II- Dîifi- la di*-<:iis>ioii qui sVst engagée enire MM. Beauvi-
>:i^*:. Ijichrnann el Therry.au sujet de Vlnfluetice du voisinage de
l Epine-Vtnette sur la production de la Rouille^ j'ai vu avec éton-
nefiient que pers^jnne n'avait rappelé les observations déjà an-
ciennes prouvant la multiplicité des rouilles qui attaquenl les
céréales et expliquant ainsi certains faits contradictoires appor-
tés de part et d'autre.
Les cryptopannsles sont, en effet, unanimes, comme Ta dit
avec raison M. Guignard, pour voir dans le Puccinia graminis
la pliase à téleulosporesde VŒcidiumBerberidis; les anciennes
reman|ues des agriculteurs, et mieux encore les expériences di-
rectes de cnllure, l'ont prouvé surabondamment.
— 22S —
Mais il n'en est pas moins vrai, ainsi que M. Therry l'a fait
observer, que les céréales sont souvent atteintes par la rouille
dans une multitude de contrées où il n'existe pas le moindre
pied d'Epine-Vinette.
J*ai, pour ma part, appelé l'attention sur cette particularité,
il y a plus de dix ans, d'abord dans une communication faite lors
de la session de V Association pour V avancement des sciences
(Lyon 1873), puis dans mes Recherches sur la Bombes, (1876) ;
j'y signale les deux séries d'observations suivantes qui semblent
d'abord contraires à l'opinion généralement admise de relations
entre la Rouille et le Berberis ;
1o Dans les plaines et les coteaux du Rhône et de la Saône, où
le Berberis est assez fréquemment cultivé dans les haies, la
Rouille y est, en général rare ; on ne l'observe que dans les ter-
rains humides ou à la suite de saisons pluvieuses; de plus, j'ai
maintes fois constaté, par des enquêtes faites dans do nom-
breuses localités des communes de Miribel, Saint-Maurice, Bey-
nost, La Boisse, etc. , que les champs de blé ne présentaient au-
cune trace de rouille, malgré le voisinage immédiat de pieds de
Berberis, ayant été couverts d'Œcidium. (1)
2o Au contraire, sur le plateau de la Dombes, les champs y
sont fréquemment ravagés en entier par la Rouille; or, tous les
botanistes lyonnais savent qu'il serait très difficile de trouver
dans toute l'étendue de la Dombes d'étangs un seul pied de
Berberis.
Celte dernière constatation me rappelle une observation ana-
logue que je trouve dans Taruffil^) ; cet auteur affirme qu'en
Italie la rouille est très fréquente, bien que le Berberis n'y soit
pas cultivé.
(1) Je neveux évidemment pas affirmer l'absence complète de la Rouille;
mais ce que je puis assurer, c'est que les pied!& atteints étaient tellement
rares qu'on n'aurait pu les découvrir que par une visite minutieuse ; il y
a loin iie là aux champs complètement envahis et dont la récolte est com-
promise.
(2j Deve&i per«) notare che la ruggine délie biade non in ogni luogo puo
avère la suddetta origine, perché per e«. la ruggine in Italia è frequentissima
qnantunque non si cultivi il suddetto Berberis ». (Cesare Tari'FFI, Corn-
pendio di anat. palli. gêner. ^ Bologne, 1870, p. 705 1.
Comment expliquer ces faits en apparence contradictoires?
Disons d'abord que l'absence même complète de Berberis dans
une région ne suffît pas pour préserver les céréales de l'atteinte
des germes de son Œcidium; on connaît la facilité avec laquelle
ces petites sporules peuvent être transportées, par l'atmosphère,
à de grandes distances.
D'autre part, j'ai montré, dans les mêmes publications citées
plus haut, qu'il fallait tenir compte des conditions de milieu, de
climat, d'état particulier dans lequel se trouve le végétal, en un
mot de la prédisposition ou de Vétat de réceptivité de la plante
qui permet aux végétaux sains, vigoureux (1), placés dans des
terrains secs, bien qu'au voisinage d'Epine-Vinette, de ne pas
soufTrir de la présence du parasite, à moins que la saison n'ait
été pluvieuse, tandis que les plantes chétives, développées dans
des terrains compacts, imperméables, sous un climat humide
comme cehii de la Dombes ('2), étaient gravement atteintes par le
paiasite, même à la suite d'un ensemencement à distance.
Dans une étude plus complète que celle que je puis faire ici,
il y aurait lieu de distinguer ces conditions de milieu, de cli-
mat, etc.. qui favorisent la germination des sporules (humidité,
pluie, fréquence des brouillards, etc.), et l'état de prédisposi-
tion du végétal même (santé, débilité ou excès de vigueur) qui
peut entraver ou favoriser l'envahissement de la plante par le
parasite, ou bien lui permettre de résister.
Cette difïérence d'aptitude à prendre la Houille a même été
constatée chez certaines races suivant leur nature ou leur ori-
(1) D'après divers observateurs, entre autres M. Fischer de Waldheim
(Causes du paraaUistne sur les céréales, Congrès des naturalistes de
Moscou, 1870; , « une végétation luxuriante favorise le développement
des parasites... ; la culture, en forçant les céréales à une luxuriante végé-
tation prépare dans la plante un sol propice à un exubérant parasi-
tisme... » Il ne faut donc pas confondre l'état normal de la plante avec
l'excès de vigueur. Consulter, sur cette question : Bonafous, iiisi. nalur.
agric. et économiq. du Maïs, p. 97 ; Tui.asne, Ann des se. nat., 1847,
t VU, p. 17, etc.
(2) La Dombes reçoit une quantité de pluie plus considérable que la
vallée de la Saône et du Rhône .* les brouillards favorisant la dissémination
et la germination des spores y régnent presque en permanence ; enfin, la
ténacité et l'imperméabilité du sol contribuent encore à rendre le climat
et Les terres plus humides, les cultures chétives, etc.
gine; ainsi M. Vilmorin a observé (Bull. Soc. bot, de Francêy
1882). que certains blés d'Orient prennent facilement la Rouille
en France, tandis qu'une autre variété, le blé du Lazistan, n'est
jamais attaqué par VUredo; il est vrai que cette dernière race
est originaire d'un pays humide; n'y aurait-elle pas contracté
un degré de résistance spécial?
Mais il est d'autres parasites attaquant les céréales et qui con-
fondus ordinairement avec la Rouille de l'Epine-Vinette, ne leur
nuisent guère moins que cette dernière; c'est ce que je veux
rappeler, en terminant, pour montrer qu'on a peut-èlre eu tort
de tant incriminer, dans notre contrée, l'Epine-Vinette.
Ces différentes espèces de Rouilles sont :
1" La rouille produite par le Trichobasis lineariSy ou Puccinia
graminis, qui représentent, le premier, l'état d'Urédospores
(Rouille jaune), — le second celui de téleutospores (Rouille noire)
de VŒcidium Berbendis'y c'est cette Rouille qui attaque habi-
tuellement les gaines et les tiges de nos céréales (Blé, Seigle);
2o La Rouille due au Trichobasis rubigo-vera ou Puccinia
Straminis de Fuckel(l); cette dernière espèce, étudiée avec
soin il y a déjà près de 20 ans, par M. de Bary (2), ne nuit guère
moins aux Céréales que le Puccinia graminis ; elle attaque sur-
tout le Froment, le Seigle et aussi l'Orge. Or, ses téleutospores
donnent des sporidies qui ne germent que sur diverses Borra-
ginées, entre autres VAnchusa officinalis et le Lycopsis arvensis
(plante commune dans les champs d'une partie de la France),
sur lesquelles elles produisent VŒcidium Asperifoliœ Pers. ; de
plus, les écidiospores semées sur de jeunes seigles ont donné
naissance à VUredOy puis au Puccinia Straminis Fuck.
C'est donc avec raison que M. de Bary en conclut que les Bor-
raginées sont funestes aux moissons. Ces faits n'ont pas été
infirmés, que je sache; je les vois, du reste, encore résumés
(1) C'est en effet, Fuckel, cryptogamiste allemand, dont M. Therry et
moi avons souvent entretenu la Sociélû, qui a le premier décrit cette
forme de Puccinie (voy. Fungi rhen. 321 ; Symbolae mycol. p. 59).
(2) Deuxième Mémoire bur les Urédinéea^ dans C. R. Ac. de Berlin t
avril 1866, traduit dans les Ann. des Se. nai., 1866, t. V, p. 263.
15
- 226 —
ainsi, sans changement, «lans l'ouvrage récent de Wunsche, tra-
duit par M. de Lîïnessan ;
30 Je signale enfin, mais seulement pour mémoire, le Puccinia
coronata de Corda qui attaque quelques graminées et particu-
lièrement V Avoine cultivée^ et dont VŒcidium est assez fréquent
sur les Nerpruns (Rhamnus Frangula et Rh. cathartica).
Les faits ci-dessus énumérés montrent qu'il n'est pas néces-
saire de supposer, comme on 1' a fait au cours de la discussion,
que t d'autres arbrisseaux que le BerherU servent peut-être de
support à VŒcidiiim Berberidis ».
En résumé :
I0 Dans les contrées à terrains perméables, dans les sols cal-
caires ou d'alluvions des vallées du Rhône ou de la Saône, la
présence du Berberis ne cause pas habituellement de dommages
sérieux aux céréales; cet arbrisseau devient, du reste, de jour
en jour plus rare, l'industrie tinctoriale lyonnaise en faisant une
grande consommation;
2o Dans les régions froides, siliceuses, celle de la Dombes,
par exemple, où la Rouille est fréquente et cause souvent des
dommages aux moissons, le Berberis ne peut précisément pas
y croître; il est donc inutile de recommander aux agriculteurs
de ne pas l'y planter (ou de l'arracher);
Enfin, il n'y a pas que le Berberis à incriminer dans la pro-
duction de la Rouille des Céréales; et si l'on voulait se préoccu-
per ainsi du côté prophylactique de cette question, il faudrait
non seulement arracher les Berberis et n'en plus planter, mais
encore détruire les diverses Borraginées, Anehusa, Lycopsis de
nos champs et de nos terres incultes, et même les Nerpruns de
nos bois. Cette extirpation devrait être faite, non seulement dans
les champs de froment, de seigle, d'avoine, ou dans leur voisi-
nage (haies et bois;, mais encore dans un rayon étendu pour em-
pêcher l'ensemencement à distance contre lequel on ne serait
jamais assuré, du reste, à moins de prendre une mesure géné-
rale difficile à appliquer.
Je le répète, je ne veux pas nier l'influence des Berberis sur
la produclion de la Rouille; mais, dans la discussion à laquelle
- 22? -
je fais allusion, je crois qu'on Ta trop exagéré et qu'il convient
de la réduire à la juste mesure que je viens d'indiquer. »
(Extrait du procès-verbal de la séance du 10 fév. 4885, p. 16 )
V.
Observations sur les Rouilles des céréales et l'in-
fluence DE l' Epine-Vin ETTE sur leur développement. (Soc.
d'Emulation du Doubs, 11 février 1888; t. III, [6« sér.), p. ix).
Le procès-verbal (p. ix) ne contient que ces quelques lignes :
f M. le D"" Magnin, dans une conférence étendue et détaillée,
présente une série d'intéressantes observations sur les rouilles
des céréales et l'influence de l'Epine-Vinette sur leur développe-
ment. Cette savante conférence est accueillie par les applaudis-
sements de la réunion qui en décide l'impression dans notre
prochain volume. •
Mais dans nos Titres et travaux scientifiques imprimés à Be-
sançon, chez Ducret, la môme année 1888, (broch. in-4o, de 54 p.)
nous donnons un résumé plus étendu de cette communication
(p. 43, no 94) :
« A l'occasion des discussions soulevées au sein de la So-
ciété d'agriculture de France dans la seconde moitié de l'année
1887 et du rapport de M. Max. Cornu concluant « à rendre la des-
truction du Berheris obligatoire dans le voisinage des cultures,
a et pour les localités où la Rouille peut devenir un véritable
fléau. » nous avons cru devoir rappeler nos observations anté-
rieures (cf. précéda II, IV), montrant que :
1» On exagère souvent le rôle nuisible attribué au voisinage
immédiat du Berheris dans la production et la propagation des
Rouilles ;
2» On s'illusionne sur le résultat qu'on obtiendra en prescri-
vant la destruction seule des Berheris, môme dans des régions
étendues.
Il faut, en elTel, dans cette question du développement de la
Rouille, tenir compte d'autres circonstances, notamment :
1» De la possibilité du transport des spores à de grandes dis-
lances, prouvée par la présence de la Rouille dans des contrées
— 228 —
où le Berheris n'existe pas (cf. Dombes, Italie, etc.) et de Tim-
possibililé do «lêtruiiv coinplètemerit, non-seulement les Berhe-
ris ^ mais encore les Uorraginées, les Bourdaines qui servent de
supports nourriciers à des Œcidiums produisant des Rouilles
différentes, mais qui attaquent aussi des Céréales;
2o De rétat de réceptivité de la plante, tenant à diverses causes
(conditions de sols, de climat, de culture, aptitudes de certaines
races, etc.), ayant une influence telle que des champs de blé
placés dans de bonnes conditions peuvent rester indemnes
quoiqu'au voisinage de BerheriSy tandis que d'autres en sont
toujours atteints, bien que situés dans des régions où le Berhe-
ris manque complètement, mais où les cultures sont chétives,
le sol humide, etc. (cf. Dombes).
Nous concluons donc que, tout en détruisant rCpine-Vinette,
il ne faut pas négliger les conditions culturales et de milieux,
lesquelles jouent un rôle fort important dans certaines régions. »
{Soc, d'EmuL du Doubs, 1888.)
V CONGRÈS
DE
L'ASSOCIÏÏION FRANC- COMTOISE
TENU A BESANÇON
Le 1" Août 1904
Soc. ii*F.!r.uIa:iorî du l'oubi, i^)o;-<m-
PLI.
Porte du Palais Granvellc, 16^4.
V CONGRÈS
L'ASSOCIATION FRANC-COMTOISE
TENU
A. BBSA.3SrOOIsr
Le 1«^ Août 1904
L'Association Franc-comtoise, réunie à Lons-le-Saunier au
mois d'août 1903, avait décidé de tenir son V« Congrès à Be-
sançon, au mois d'août 1904. M. Maurice Thuriet, avocat
général près la Cour d'appel de Besançon, président de la
Société d'Emulation du Doubs, en avait accepté la présidence.
M. Georges Gazier, conservateur de la Bibliothèque publique
de Besançon, avait été désigné comme secrétaire général. Le
Bureau de l'Association franc-comtoise, conformément aux
statuts, et d'accord avec MM. les membres de la Société d'E-
mulation du Doubs, convoqua les personnes désireuses de
prendre part au Congrès pour le t^*" août.
Soixante congressistes environ répondirent à l'invitation
qui leur avait été adressée. Ils représentaient les Sociétés
savantes adhérentes :
Académie de Besançon ;
Société d'Emulation du Doubs (Besançon; ;
Société d'Emulation du Jura (Lons-le-Saunier) ;
Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Vesoul ;
Société d'Emulation de Montbéliard ;
Société d'Emulation de Gray ;
— 232 —
Société belfortaine d'Emulation (Belfort);
Société d'histoire naturelle du Doubs (Besançon);
Société de Médecine de Besançon ;
Société des Beaux-Arts et Arts industriels de Besançx^n ;
Société des Architectes de Besançon ;
Société d'Agriculture du Doubs;
Photo-Club de Besançon.
1. Réunion plénîère
Le Congrès s'estouvortà 9h. du matin sous la présidence
dt M M. Thuriet, avocat général à Besançon, assisté de
M. Georges Gazieh, conservateur de la Bibliothèque de Be-
sançon, secrétaire général du Congrès. La Municipalité de
Besançon avait mis très gracieusement à la disposition de
l'Association la grande salle du Palais Granvelle. L'Acadé-
mie de Besançon et la Société d'Emulation du Doubs avaient
également offert leurs salles de réunion pour la tenue des
séances des commissions.
Après une courte allocution du Président qui remercie les
membres présents d'avoir répondu avec un si vif empres-
sement à l'appel du Bureau, ceux-ci se constituent, comme
d'usage, en trois sections pour travailler chacune dans une
salle spéciale
IL Seotion d'histoire
Président: M. THumET ; assesseurs : MM. Ch. Beacquier,
député du Doubs, et A. Roux, président de la Société d'E-
mulation de Montbéliard ; secrétaire : M. Roger Roux, substi-
tut du Procureur de la République, à Vesoul.
La séance est ouverte à 9 h. 1/4
La parole est donnée à M. Pajot, professeur au lycée de
Belfort, pour la lecture d'une Note sur la Haute-Alsace «i
- 233 —
V époque de César. L'auteur expose que le pays cédé par les
Séquanes à Arioviste, pour prix de ses services, est la Haute-
Alsace. Les Séquanes durent l'évacuer entièrement pour la
laisser en toute propriété aux Germains. La défaite d'Arioviste
laissa cette région sans maître. M. Pajot combat la conjec-
ture de Perreciot qui prétend qu'elle fut alors réoccupée
par les Tulinges et les Latobriges, alliés, comme les Raura-
ques, des Helvètes. Il n'admet pas davantage l'opinion d'après
laquelle elle fut rendue aux Séquanes, et encore moins l'hy-
pothèse de Mommsen qui dit dans son Histoire romaine que
la Haute-Alsace fut laissée par César aux Germains qui l'oc-
cupaient. M. Pajot pense au contraire que ce pays fut annexé
par le vainqueur à Vngcr publicus^ au domaine de TEtat. Il
s'appuie pour justifier cette opinion sur le droit public de
Rome qui prononçait la confiscation des terres des vaincus,
et sur le fait de la fondation de la colonie de Uauric.a qui fut
établie à Angsi (près de Bâle), précisément en raison de la
proximité des terres vacantes appartenant au peuple romain.
Ces terres formèrent l'apanage de la colonie nouvellement
créée et les limites du pays des Rauraques au nord et à
l'ouest, sous la domination romaine, doivent être les mêmes
que celles du territoire cédé à Arioviste.
M. Pajot cherche ensuite à l'aide de la Carte de Peutinger
et de Vltinéraire Antonin à déterminer les Limites entre le
territoire des Séquanes et celui des Rauraques sous la do-
mination romaine. D'après ces deux documents, il existait
à l'époque romaine, sur les frontières des cités, des stations
où le service de la poste qui était à la charge des provinciaux
passait d'un pays à un autre. Or la localité qui paraît avoir
été la station limitrophe entre les Séquanes et les Rauraques
est Largay sur la rivière du même nom : celle-ci et le ruis-
seau de Traubach qui coule parallèlement et en sens con-
traire, auraient donc formé sous les Romains les limites de
la Séquanieau Nord-Est. Ces limites coïncident, sinon avec
celle des évéchés postérieurs de Bâle et Besançon, du moins
- 234 —
avec la ligne de partage entre les bassins du Rhin et du
Rhône et avec la délimitation des domaines de la langue
française et de la langue allemande.
M. Pajot communique une étude sur Le fondateur et le
nom de la ville de Bàle. Le nom de la ville de Bàle (Basilia)
apparaît en 374 et une trentaine d'années après, cette ville est
désignée par la Notice des Provinces comme la capitale du
pays des Rauraques : civitas Basiliensium, M Pajot estime
que les événements historiques qui s'accomplirent au milieu
du IV* siècle dans ces parages permettent d'en attribuer la
fondation à Julien, en souvenir de ses victoires. Il voit une
corroboration de cette hypothèse dans le nom grec donné à
cette ville PiaiXeii, du mot PxuiXsu:, titre par lequel on dési-
gnait alors en Orient les empereurs romains. L'empereur
Julien élevé dans les idées et dans la pratique de la langue
de la Grèce, semble bien être celui qui a déposé ce nom grec
sur les bords du Rhin.
M. Tabbé Fromond, curé deCrissey (Jura) lit une Note sur
un manuscrit franc-comtois du xvii* siècle. Ce manuscrit,
récemment découvert par lui, concerne l'histoire du Carmel
dans le duché et le comté de Bourgogne, Il a pour auteur une
carmélite, Jeanne Bereur, née à Dole le 15 novembre 159*2,
plus connue sous le nom de mère Thérèse de Jésus. Outre
sa valeur historique incontestable, il est d'autant plus inté-
ressant que de tous les écrits de cette célèbre religieuse do-
loise, il est le seul qui soit parvenu jusqu'à nous.
M. H. Prost, élève de l'Ecole des Chartes, étudie La
composition et V organisation des Etats comtois aux XIV* et
XV^ siècles. Le président Clerc et tous ceux qui se sont
occupés antérieurement de l'histoire des Etats n'ont pas
connu les documents de la Chambre des Comptes de Dijon.
A l'aide de ces documents, M. Prost expose que les Etats de
Franche-Comté apparaissent en 1358. Ils ne sont composés
— 235 -
le plus souvent au xiv« et xv« siècle que de membres des
deux ordres : clergé et Tiers-Etat. Tout d'abord ils siègent
par bailliages, mais à partir du commencement du xv« siècle,
vers 1410, on les voit se réunir simultanément dans la même
ville Dole ou Salins.
M. Tabbé Perrod, aumônier du lycée de Lons-le-Saunier,
donne le résumé d'un important travail sur Moïse, évèque
constitutionnel du Jura. Jusqu'à ce jour, il n'a été publié
que des biographies incomplètes ou inexactes de cet évèque.
M. l'abbé Perrod a retrouvé de Moïse une volumineuse cor-
respondance qu'il eut de 1791 à 1794 avec le procureur syn-
dic du Jura ; cela lui a permis d'établir pour ainsi dire jour
par jour la vie de ce prélat durant cette époque d'organi-
sation du culte constitutionnel. Il a complété ses recherches
par une étude minutieuse des origines et de la fin de ce
prélat et a pu ainsi rédiger avec toute l'ampleur désirable et
d'une façon à peu près définitive la biographie de Moïse.
M. Perrod après avoir donné une substantielle analyse de
son travail, annonce qu'il le publiera in ejctenso très pro-
chainement.
M. A. Roux, président de la Société d'Emulation de Mont-
béliard, lit une note sur Les premiers abnanachs imprimés
à Monthéliard. On ne connaît pas d'exemplaire du premier
almanach daté de 1674, mais la Bibliothèque municipale de
Monthéliard possède celui de 1681, le premier sorti des
presses de l'imprimeur Biber, arrivé à Monthéliard l'année
suivante.
Cet almanach, à peu près inconnu jusqu'ici est fait « dans
le stile ancien et moderne », la réforme grégorienne n'ayant
été appliquée dans les Etats protestants de l'Allemagne qu'en
1700. Il est curieux en ce qu'il renferme des conseils médi-
caux et sanitaires de toutes sortes, et des prédictions atmos-
phériques et astrologiques pour chaque jour de l'année.
- 236 -
Contrairement aux autres almanachs de la même époque, il
ne donne pas le compte rendu des événements contem-
porains, ce qui s'explique par la situation politique de Mont-
béliard, alors sous la domination de Louis XÏV. Ces alma-
nachs se publièrent régulièrement à partir de cette date avec
quelques modifications sans importance pendant tout le
xviir siècle.
M. Tabbé Rossignot présente à la section un Livre de
raison commencé en 1747 par Emmanuel Simon Pourcliet
et continué par celui-ci et ses successeurs, avec des inter-
ruptions, jusqu'en 1830. Les auteurs de ce manuscrit
habitaient Aubonne, village situé sur le second plateau des
montagnes du Doubs, à gauche de la route de Mouthier k
Pontarlier. M. Rossignot donne de ce livre une courte ana-
lyse. Sur les 406 pages qu'il renferme, 193 seulement sont
consacrées aux événements du jour. A partir de la page 494,
il n'est plus guère qu'un recueil de recettes ménagères et
de remèdes. Il contient beaucoup d'observations relatives à
la culture, aux semailles et autres travaux agricoles, de
préceptes moraux et d'avis que l'auteur du livre déclare
« utiles à tous ».
La question de la propriété communale y tient une place
importante ; les récoltes plus ou moins abondantes, les
grandes pluies, les sécheresses, les prix des blés et des vins
y sont soigneusement notés. Un certain nombre de pages
sont consacrées à l'histoire de la province : les unes sont la
reproduction de manuscrits assez répandus à cette époque,
faisant remonter l'origine de Besançon à la guerre de Troie
ou à l'un des petits fils de Noé ; les autres parlent de faits
contemporains qui ne sont point sans intérêt : tel est celui
du conflit qui s'éleva en 1784, entre les avocats et le Parle-
ment de Besançon, à la suite duquel les avocats furent inter-
dits et ne purent plaider pendant un an. Les privilèges
d'Aubonne, l'un des vingt villages rattachés à Pontariier, les
— 237 -
droits seigneuriaux, la généalogie des principales familles
remplissent d'autres pages du manuscrit.
Les réformes de [1789 furent bien accueillies par Simon
Pourchet, mais arrivé au moment de la Terreur, il se tait,
sous le prétexte qu'il y aurait trop à dire.
M. le docteur Blondon présente un texte nouveau de la
Marseillaise, daté de 1792, d'origine savoyarde. Quelques
couplets supplémentaires font allusion aux événements dont
la Savoie était alors le théâtre.
M. Jules Gauthier, archiviste de la Côte d'Or, fait un
exposé du Rôle politique de la maison de Chalon en
Franche-Comté de 1320 à 1320. Un cartulaire qui va paraître
incessamment sous les auspices de la Société d'Emulation du
Jura, le Livre bleu, aujourd'hui exilé au British Muséum,
contient dans une série de 560 chartes les grandes lignes de
l'action politique de quatre générations de princes issues de
la branche cadette des comtes de Bourgogne, qui jouèrent
aux xiii« et xiv^ siècle un rôle considérable dans l'histoire
franc-comtoise.
Le premier de ces princes, Etienne II, comte d'Auxonne
essaie par les armes à diverses reprises d'enlever à la mai-
son des ducs de Méranie la souveraineté du comté de Bour-
gogne et n'y parvient point.
Le second Jean l'Antique, comte de Bourgogne par le
titre, sans l'être de fait, fut assez habile pour reprendre en
1248 cette couronne comtale et en ceindre légalement le
front de son fils aîné, mari d'Alix de Méranie.
Le troisième Jean de Chalon Arlay I«f,fîls de Jean l'Antique
et frère d'Hugues, grâce au riche apanage que lui laissa son
père et qu'il renforça par d'innombrables acquisitions, fut à
la fois le gendre du duc de Bourgogne, l'oncle du comte de
Bourgogne, le beau-frère de l'empereur Rodolphe de Habs-
bourg. Sa prépondérance lit pencher du coté français ie^
— 238 —
hésitations de ]a noblesse comtoise qui se résigna, faute d*un
comte indigène, à subir la souveraineté de Philippe le Bel,
puis de Philippe V, gendre du dernier comte de Bourgogne
Hugues de Chalon, héritier de Jean de Chalon-Arlay, con-
tinuateur de sa politique française, consolida l'œuvre de son
père et prépara les hautes destinées des princes d'Orange
qui illustrèrent sa lignée.
Sous ces quatre générations de princes batailleurs et di-
plomates s'échafauda, appuyé aux Monts Jura, peuplé de for-
teresses redoutables et de seigneuries immenses, le domaine
de la maison de Chalon qui, en étendue, en population, en ri-
chesse, égalait, s'il ne le dépassait point, le domaine comtal,
constitué lui aussi par Hugues de Chalon et Alix de Méranie.
La publication du Cartuiaire bleu ou Cartuiaire d'Hugues
de Chalon, celui qui le fit codifier de 1318 à 13'20, permettra
d'étudier de près io point d'histoire dont nous indiquons les
grandes lignes et sera pour l'histoire de la Franche-Comté
un véritable événement.
La séance est levée à 11 heures 1/2.
HL Section d'arohéologie
Président : M. Jules Gauthier ;
Assesseurs : M. Vaissier, conservateur du Musée archéo-
logique de Besançon, M. l'abbé Brune, curé de Monl-sous-
Vaudrey, correspondant du \finistère de l'Instruction pu-
blique. Secrétaires : MM André Maire, H. Prost, élève de
l'Ecole des Chartes.
M. Louis Abel Girardot, professeur au lycée de Lons-le-
Saunier, empêché d'assister au Congrès, avait envoyé une
communication sur La Cité lacustre de Chalain (Jura), dont
donne lecture M l'abbé Perrod. Dans ce travail, M. Girardot
signale sur le lac de ce nom, l'un des plus grands du Jura
- 239 —
français, une importante station néolithique (dont il avait dès
4889 indiqué l'existence probable), et il donne les premiers
résultats des fouilles effectuées pour le musée de Lons-le-
Saunier, avec Tautorisation gracieuse de la famille de Cha-
lain, propriétaire du lac.
Sur les larges blancs-fonds des bords nord et ouest de ce
lac, laissés à découvert par une récente baisse de 3 mètres
du niveau des eaux, se voient des groupements de nombreux
pilotis, indiquant une vingtaine d'ilôts préhistoriques dis-
tincts, d'où partent parfois des allées de pilotis dirigées vers
le rivage. D'autres îlots existeraient dans la prairie maréca-
geuse située à l'ouest.
De nombreux objets antiques ont déjà été recueillis. Ils
sont à la surface de la craie lacustre pour certains ilôts rap-
prochés du rivage, mais on n'a guère ici que les divers ob-
jets de pierre indiqués ci-après. Pour des ilôts plus éloignés,
ils se trouvent dans une couche archéologique noire, formée
de détritus divers, incluse assez profondément dans cette
vase crayeuse, et qui s'infléchit vers le large selon l'inclinai-
son (15 ou lOo) des dépôts successifs de celle-ci. Outre les
résidus de cuisine, avec os d'animaux sauvages et domesti-
ques (cerf, sanglier, castor, bœuf, chien, cheval, etc ), débris
de noisettes, glands, parfois de l'orge en grains et en épis à
0 rangs et à -J rangs, et par place du véritable fumier de bes-
tiaux, on y trouve des outils et objets variés : silex taillés di-
vers, haches de pierre, avec de nombreuses emmanchures
en bois de cerf et parfois le manche en bois entier, percuteurs
en quartzite, pierres cristallines et grès à broyer les grains,
haches et pioches en bois de cerf, ciseaux et poinçons en os,
poteries, vases en bois, cordes d'écorce, lambeaux de tissus
de Im variés, fil de lin très fin, nombreux andouillers de cerf,
etc.
Une belle pirogue, de 9 m. 35 de long, sur une largeur
de 70 à 80 centimètres et 0 m. 40 de profondeur, creusée
dans un tronc de chêne, a été trouvée par iM. Girardot dans
— 240 —
le haut de la craie lacustre et sera conservée au musée de
Lons-le-Saunier.
Les constructions de cette remarquable station étudiées
jusqu'ici par M. Girardot, paraissent bien néolithiques. De
très rares objets de bronze, trouvés à la surface de la craie
lacustre indiqueraient la persistance, probablement partielle,
de la station jusqu'à l'arrivée du bronze.
M. J Feuvrier, professeur au collège de TArc à Dole,
ajoute quelques observations à cette intéressante communi-
cation et met sous les yeux des congressistes les épreuves
des photographies qu'il a prises au lac de Chalain au cours
de Tune de ses excursions archéologiques. On y distingue
parfaitement les restes des pilotis sur lesquels étaient
construites les cabanes et établies les passerelles d'accès.
M. Grosjean, membre de la Société d'Emulation du Jura,
envoie une note sur la Cité lacustre de Clairvaiix (Jura).
Continuant les fouilles entreprises par lui depuis plusieurs
années dans cette cité lacustre, si riche en objets néolithi-
ques, M. Grosjean vient de mettre à jour trois ébauches d'é-
cuelles de bois, dont l'état de conservation est parfait et le
travail étonnant pour des hommes disposant seulement d'un
outillage si primitif. Chacune de ces ébauches est composée
d'une demi-sphère, sectionnée à l'endroit destiné à Tévide-
ment, avec un prolongement carré destiné à servir de poi-
gnée. Les diamètres sont de 16, 17 et 18 centimètres. Ces
ébauches sont en bois de tilleul et portent très visibles les
coupures de silex avec lequel elles ont été arrondies et tra-
vaillées. Une de ces pièces vient d'être envoyée au Musée de
Lons-le-Saunier.
M. Fevret, professeur au Collège de l'Arc à Dole, conser-
vateur du musée archéologique de Dole, présente une spa-
tule morgienne trouvée en décembre 1903 à Chaussin (Jura),
Cet instrument en bronze, à bords droits et à légers talons,
d'une grande élégance de forme, vu cette époque reculée,
d'une parfaite conservation et d'une admirable patine vert
clair, a une longueur de 0 m. 29, une largeur de 0 m. 035 et
un poids de 220 grammes. Il est extrêmement rare ; on n'en
connaît que quelques exemplaires, entre autres deux apparte-
nant au musée de Saint Germain, un autre à la Bibliothèque-
Musée de Grenoble, et un quatrième au comte Josselin
Costa de Beauregard. Il est indubitablement de l'époque mor-
gienne, c'est-à-dire de la première époque du bronze.
M. Feuvrier signale Une cachette de Vâge de bronze à
Tavnux (Jura). En novembre 1903, un cultivateur de Tavaux
(Jura) mit à jour dans un champ une cachette de fondeur,
se composant de 21 pièces parmi lesquelles 11 haches d'ai-
lerons sortant du même moule. Ces objets, dont M. Feuvrier
produit un dessin se rapportent à l'époque larnaudienne.
M. Feuvrier fait remarquer que le lieu de la découverte se
trouve dans les limites de la station préhistorique de Cleux
(Tavaux et Saint- Aubin), station qu'il avait décrite au Con-
grès de Lons-le-Saunier, et qu'en conséquence, une station
de bronze a, selon lui, succédé sur les bords du Cleux à une
station néolithique
M. Feuvrier rend ensuite compte desf Fouilles archéolo-
giques opérées par son collègue, M. Fevret, et par lui, sur le
territoire de Rochefort^ en 1903. M. Feuvrier produit d'a-
bord des dessins de carreaux vernissés, trouvés en fouillant
les ruines du château. L'un des carreaux, aux armes de
Vaudrey en fixe l'ancienneté qu'il faut faire remonter à la
fin du XVI® siècle.
Il montre ensuite au moyen d'un plan et d'une photo-
graphie, l'éperon rocheux sur lequel est bâti le château, dé-
fendu par une fortification (fossé et vallum) à 190 m. de ce
château. Peut-être ce retranchement est-il un reste des
16
— 242 —
ouvrages élevés par les assiégeants au cours du siège qui fut
tait de la forteresse en 1368.
Enfin des fouilles opérées Taulomne dernier à la grange
d*Haibe ont amené la découverte des substructions d'une
chapelle, autour de laquelle s'étendait un cimetière qui reçut
des inhumations pendant les époques mérovingienne et caro-
lingienne et peut-être postérieurement. On y a trouvé des
sarcophages en pierre tendre, deux plaques de ceinturons
mérovingiennes, deux monnaies carolingiennes, une clef,
etc.
M. Vaissier, conservateur du Musée archéologique de
Besançon, annonce la découverte aux environs de Besançon
d'une sculpture gallo-romaine, représentant un Priape jeune
et entièrement drapé. Une notice descriptive avec figure
sera donnée de ce haut relief d'une assez bonne conservation
dans le prochain volume des Mémoires de la Société d'Emu-
lation du Doubs.
M. Fevret présente quelques monnaies frappées à Dole et.
ne figurant pas sur Touvrage de MM. Plantez et Jeannez :
entre autres -une obole ou demi-tournois de Philippe le Bel,
un fort bourgeois du même roi, deux gros tournotSy l'un de
Philippe le Bel et l'autre de Philippe V, un pcitagon et un
demi'patagon d'Albert et d'Isabelle, et enfin deux deniers
de cuivre à types différents de Philippe III de 1599 et 16. ..
M. Jules Gauthier, archiviste de la Côte d'Or, conteste les
conclusions de M. Fevret, l'archevêque de Besançon ayant
eu jusqu'en 1503 le monopole de la frappe des monnaies en
Franche-Comté, et Philippe le Bel ayant assez de difficultés
dans cette province, sans y ajouter une querelle avec l'arche-
vêché dont il avait besoin. Quant aux deniers de Philippe IH,
M. Gauthier croit, contrairement à l'opinion de M. Fevret,
qu'ils sont d'origine espagnole.
- 2i3 —
M. l'abbé Brune, curé de Mont-sous-Vaudrey, présente les
photographies de trois statues de V école dijonnaise du
xv« siècle, déposées dans le couloir de la maîtrise de la
cathédrale de Besançon, Ce sont une grande et superbe
Vierge et l'enfant Jésus, Sainte Barbe et une autre sainte
indéterminée. Elles faisaient autrefois partie, bien que plus
ancienne du retable de la chapelle Saint-Denis, à la cathé-
drale. M. Tabbé Brune compare ces statues à la Vierge bour-
guignonne de Baume-les-Messieurs et à celle d'Arbois, une
des perles du musée de Cluny, et fait ressortir les diiTéronces
qui existent entre la statuaire dijonnaise et les ateliers de
Troyes également représentés en Franche-Comté.
La séance est levée à 11 h. 1/2.
IV. Seotion des Sciences
Président: M. Merle.
Assesseurs : M. Clemençot, professeur au lycée de Lons-
le-Saunier, M. le docteur Marceau, président de la Société
d'histoire naturelle du Doubs. Secrétaire, M; Maldiney,
professeur à l'Ecole de médecine de Besançon, chef de tra-
vaux à la Faculté des sciences.
M. Merle, ingénieur des Ponts et chaussées, donne lec-
ture d'une note sur Le minerai de fer en Franche-Comté,
Après une courte introduction géotectOTiique, M. Merle passe
en revue les différents gites ferrugineux au point de vue de
leur formation et de leur gisement, ainsi que de Texploita-
tion à laquelle ils ont donné lieu, et fait connaître les réser-
ves qu'ils constituent pour l'avenir.
M. Clemençot présente une Méthode de dosage de Vaci-
dite des inoûts et des vins au moyen de son calcarimètre.
— 244 —
Kn principe, la inôlhode consiste à traiter à chaud Je liquide
acide par un excès de calciiire. On recueille l'eau chassée par
le gaz carbonique. L'expérience est recommencée avec un
liquide acide d'un titre connu et une règle de trois permet
de déterminer l'acidité en acide sulfurique On peut encore
multiplier le volume d'eau recueillie par un coefficient spé-
cial. Pour le vin, l'expérience se fait par comparaison avec
un liquide acide à titre connu et dont la teneur en alcool est
la même que celle du vin. La comparaison des résultats avec
ceux obtenus avec une liqueur titrée de potasse montre que
cette méthode volumétrique gazeuse présente les meilleures
garanties.
M. le docteur Marceau fait une communication sur la
Structure du cœur des mollusques et celle des muscles ad-
ducteurs des acéphales. Les muscles adducteurs des Lamel-
libranches sont formés en général de deux parties, Tune,
d'aspect vitreux et douée de contraction rapide, l'autre d'as-
pect nacré et douée de contraction très lente. Ces deux
pai ties dont les fonctions sont différentes ont aussi une struc-
ture spéciale. La partie nacrée est formée de fibres d'un
assez fort diamètre, munie de fibrilles parallèles à l'axe de la
fibre et anastomosées parallèlement. La partie vitreuse est
formée de fibres d'un plus faible diamètre dont les fibrilles
sont enroulées en hélice à la périphérie de la fibre. La dispo-
sition hélicoïdale des fibrilles est favorable à la rapidité delà
contraction.
Le cœur des mollusques est constitué par des fibres striées
ordinaires anastomosées en réseaux chez les Céphalopodes
et certains Gastéropodes. Chez d'auties Gastéropodes et des
Lamellibranches, les fibrilles striées sont plus simples; elles
sont dépourvues de disques nnnces et ordonnées parfois en
lignes transversales obliques.
M. Maldiney fait connaître l'état actuel de la question de
- 245 —
la Photographie des couleurs et de celle de la Télégraphie
sans fil.
La séance est levée à 11 h. 1/2.
V. Séance plônière
A onze heures et demie, les trois sections se rassemblent
à nouveau, sous la présidence de M. M. Thuriet, dans la
grande salle du Palais Granvelle.
L'Association renouvelle un vœu déjà exprimé dans les
Congrès précédents et relatif à la rédaction d'une Bio-
graphie franc- corn toise. Les membres des diverses Sociétés
savantes sont invités à rédiger le plus tôt possible les notices
des personnages franc-comtois qui sont dignes de figurer
dans cette Biographie. La Société d'Emulation du Doubs se
charge de centraliser ces notices et un comité nommé par
elle assurera l'unité de cette œuvre collective.
Un échange de vues a lieu entre M. Gh. Beauquier et
M. Jules Gauthier au sujet de la rédaction d'un Diction-
naire topographique du Doubs. L'Association émet le vœu
que cet instrument de travail, si nécessaire aux érudits, soit
prochainement publié.
Le Secrétaire donne lecture d'une lettre de M. Godard,
professeur au lycée du Puy, qui, empêché d'assister an Con-
grès, demande aux membres du Congrès d'émettre le vœu
suivant : Que par le concours des municipalités et des So-
ciétés savantes locales, les catalogues des musées qui n'ont
pas encore été livrés à l'impression le soient dans le plus
court délai possible. L'utilité de ce vœu est unanimement re-
connue, mais M. Vaissier, conservateur du Musée archéo-
— 246 —
logique de Besançon et M. Feuvrier, conservateur du Musée
de Dole, font connaître les difficultés matérielles et finan-
cières qui ont empêché jusqu'à ce jour la publication de ces
catalogues. L'Association estime que le plus sûr moyen
d'aboutir serait sans doute d'inviter les diverses Sociétés sa-
vantes à publier elles-mêmes dans leurs bulletins annuels
ces catalogues, qui seraient ensuite tirés à part et mis ainsi
à la disposition du public.
Sur la proposition de M. Maldlney, président du Photo-
Club de Besançon et de M. Georges Gazier, conservateur de
la Bibliothèque de Besançon, l'Association invite les Sociétés
savantes et les amateurs à déposer à la Bibliothèque publique
de Besançon toutes les épreuves photographiques et cartes
postales qui présenteraient un intérêt quelconque sur la
Franche-Comté. Ainsi serait constituée une précieuse collée
tion de documents sur les monuments, les paysages, les
mœurs, les coutumes et les fêtes comtoises. Aujourd'hui
que l'utilité de l'enseignement par l'image est unanimement
reconnue, on peut dire que ce serait là pour l'avenir la
source de renseignements la plus sûre pour notre époque.
L'Assemblée choisit Belfort pour le lieu de sa réunion de
1905.
A l'unanimité, M. Philippe Berger, membre de l'Institut,
sénateur du Haut-Bhin, professeur au Collège de France et
président de la Société belfortaine d'Emulation, est élu prési-
dent pour le prochain Congrès, avec M. Dibail-Roy, secré-
taire de la Société belfortaine d'Emulation, comme secrétaire
général.
La séance est levée à midi.
- 247 -
VI. Banquet
A midi et quart, dans la grande salie du Restaurant
Colomat, une table brillamment dressée et servie réunit dans
un banquet cordial soixante congressistes environ. Avec le
Président avaient pris place à la table d'honneur, M. Per-
reau, professeur à la Faculté des Sciences de Besançon,
adjoint au maire de Besançon, représentant M. le Maire
empêché, M. Trigant-GeiNEste, secrétaire général de la
préfecture du Doubs, M. A. Roux, président de la Société
d'Emulation de Montbéllard, M Ch. Beauquier, député du
Doubs, M. Jules Gauthier, archiviste de la Côte-d'Or,
M. Sandoz, conseiller municipal de Besançon, M. Lebeuf,
directeur de TObservatoire de Besançon, les Présidents et
délégués des Sociétés, etc. f.e menu, pholocollographié par
M. Delagrange, avait été orné d'un charmant dessin de la
Porte-Rivotte dû à l'illustre peintre bisontin E. Isenbart, et
d'une belle photographie de la porte et du cloître du Palais
Granvelle.
Au dessert, iM. M Thuriet remercie les pouvoirs publics
de la bienveillance qu'ils ont témoignée aux organisateurs
du Congrès de Besançon, et porte un toast aux membres des
Sociétés savantes franc-comtoises qui ont bien voulu ré-
pondre à l'appel de l'Association.
M. Perreau, adjoint au maire de Besançon, dit l'intérêt
que porte la municipalité de Besançon à toutes les manifes-
tations scientifiques et littéraires de ce genre, dignes de
tous les encouragements.
M. Trigant-Geneste, secrétaire général de la préfecture
du Doubs, au nom de M. le Préfet empêché, lève son verre
en l'honneur des congressistes.
— 248 —
M. A. Roux, président de la Société d'Emulation de Mont-
béliard, au nom des Sociétés savantes de la Franche-Cîoralé,
et M. le D' Marceau, président de la Société d'Histoire na-
turelle du Doubs au nom des Sociétés savantes de Besançon
boivent à la prospérité de l'Association franc -comtoise.
Enfin M. Vieille, président de la Société des architectes
du Doubs, émet le vœu que des plaques commémoratrices
soient apposées sur les monuments publics et les maisons
célèbres, rappelant les grands événements de l'histoire
de la Franche-Comté dont ils ont été le théâtre. M. Per-
reau, adjoint au maire de Besançon, reconnaissant Tulilité
de cet enseignement démocratique, prend l'engagement de
soutenir ce vœu auprès de qui de droit, sitôt que l'état des
finances municipales le permettra.
VIL Réunion publique
A trois heures, séance publique au Palais Granvelle. On
remarquait sur l'estrade, aux côtés de M. M. Thuriet,
MM. Ch. Beauquier, A. Roux, A. Lebeuf, Jules Gauthier,
Ch. Sandoz, D' Marceau, Parizot, Vaissiep, Maldiney,
Roger Roux, Gaiffe, les abbés Rossignot et Perrod,
Georges Gazier, etc., etc.
M. M, Thuriet prend le premier la parole.
Mesdames,
Messieurs,
Quand Tan dernier, à pareille époque, vous avez choisi
la ville de Besançon comme lieu de réunion du cinquième
Congrès des Sociétés savantes de Franche-Comté, et quand
vous avez confié à la Société d'Emulation du Doubs, repré-
sentée par son président et par un de ses membres les plus
actifs, le soin de préparer vos laborieuses assises, vous avez
— 249 —
fait à Tancienne ville libre et à l'association largement
ouverte qui lui a emprunté sa devise et ses armes, un
honneur dont toutes deux apprécient hautement le prix.
Pour vous témoigner leur reconnaissance, elles se sont
efforcées Tune et Tautre de vous ménager une réception
digne de vouis.
Notre premier souci devait être de vous procurer un
logis convenable.
La municipalité de Besançon, toujours soucieuse de fa-
voriser tout ce qui touche à la science, nous eût volontiers
ouvert les salles de THôtel de Ville, celles de la bibliothèque
ou du moderne Kursaal ; mais nulle part, j*en suis sur,
l'hospitalité ne pouvait vous rXre plus agréable que dans cette
vieille demeure des Granvelle qui évoque tant de souvenirs
histori(|ues et qui a été de tout temps, dans la cité bisontine,
Tasile préféré des lettres et des arts. Ah! si les merveilles
qui s'y trouvaient réunies il y a trois siècles y étaient encore
aujourd'hui, quel magnifique musée vous auriez sous les
yeux! quel vaste champ d'études s'offrirait ici même à vos
esprits chercheurs !
Trois générations d'hommes d'Etat, amateurs d'art et
protecteurs d'artistes, avaient depuis le milieu du xvi" siècle
entassé dans les salles et dans les dépendances de ce Palais
une foule d'objets artistiques et de curiosités déjà rares pour
l'époque : livres précieux, fines estampes, manuscrits riche-
ment enluminés, tapisseries de haute lisse, de satin damassé
ou de fantaisie, meubles sculptés, toute une collection de
médailles grecques et romaines, des ivoires, des bronzes et
des marbres antiques, des statues et des bas-reliefs, un torse
de Jupiter échu depuis au musée du Louvre et surtout une
magnifique galerie de tableaux oîi l'on admirait, parmi des
chefs-d'œuvre d'Albert Durer, (rHolbein, de Léonard de
Vinci, du Titien, du Corrège et du Tintorel, un grand
nombre de paysages et de portraits dus aux pinceaux d'ar-
tistes italiens, flamands et comtois.
— 252 —
se féliciter de l'avoir entreprise ; mais elle a une portée plus
haute et des résultats plus tangibles. Elle nous permet d'é-
laborer en commun des œuvres utiles à la région, d'entre-
prendre des travaux de longue haleine qui exigent du temps,
de la patience, une continuité d'efforts, une somme de tra-
vail et d'érudition qu'un seul homme ou même une seule
société ne pourrait fournir. Notre association franc-comtoise
donne une impression de force en même temps qu'elle éveille
le sentiment de la solidarité ; elle peut émettre, le cas échéant,
dans le domaine des choses de l'intelligence, des vœux qui
auraient d'autant plus d'autorité près des pouvoirs publics
qu'ils émaneraient d'une élite plus nombreuse.
Montrer les avantages de nos congrès, n'est-ce pas déjà
faire l'éloge de celui qui en a eu l'initiative et qui présida
avec tant de compétence et de distinction nos trois premières
assemblées. Vous ne me pardonneriez pas, messieurs, de ne
pas rappeler ici les titres de M. Jules Gauthier à notre recon-
naissance. Je ne voudrais ni blesser sa modestie ni diminuer
les mérites d'aucun de vous, mais je crois exprimer une vé-
rité en disant (ju'il est, parmi nos contemporains el depuis
la mort d'Auguste Castan, Térudit qui a le plus étudié et qui
connaît le mieux la Franche-Comté et son histoire.
Et c'est sans doute parce que les annales de notre pro-
vince n'avaient plus de secret pour lui que sa laborieuse ac-
tivité a cherché des aliments nouveaux dans le riche dépôt
des archives du duché de Bourgogne, actuellement confié à
ses soins vigilants. La réputation scientifique de M. Jules
Gauthier a reçu cette année une haute consécration : l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres l'a élu membre cor-
rospondanl. Ainsi s'est trouvé réalisé le vœ>u que formulait,
il y a un an, au milieu de vous, M. Philippe Berger.
J'ose à peine, Messieurs, prononcer le nom de mon émi-
nent prédécesseur à ce fauteuil, tant je crains que vous n'é-
tablissiez, entre le président de Tannée dernière et celui de
cette année, une comparaison qui me soit par trop défavora-
— 253 —
ble. C'était une rare bonne fortune pour votre quatrième Con-
grès d'avoir à sa tète un membre de l'Institut, dont le nom a
une si haute et si universelle notoriété dans le monde savant,
et qui eut l'honneur d'être le collaborateur et l'émule d'Er-
nest Renan dans l'étude des textes et des inscriptions sémi-
tiques et de lui succéder dans la chaire d'hébreu au Collège
de France. Comme s'il prévoyait que ses concitoyens du ter-
ritoire de Beifort allaient lui créer de nouveaux devoirs et de
nouvelles occupations en lui conférant le plus élevé des man-
dats législatifs, M. Berger s'était excusé dès Tan dernier de
ne pouvoir accepter la présidence de Ja réunion d'aujour-
d'hui ; mais en décidant ce matin que le sixième congrès se-
rait tenu Tan prochain à Beifort, vous avez justement resti-
tué au savant professeur la première place. Ainsi, les regrets
que nous cause aujourd'hui son absence sont atténues par
l'espoir de le revoir dans un an parmi nous.
Quelqu'un que nous ne verrons plus, c'est le compatriote
éminent qui a tenu, lui aussi, un des premiers rôles au con-
grès de Lons-le-Saunier, où il s'est prodigué pour honorer la
mémoire de ce Philibert de Chalon, vaillant homme de
guerre autant qu'habile diplomate, dont il s'était fait l'histo-
rien. En voyant alors M. Ulysse Robert se dépenser avec
tant d'ardeur pour la gloire de son héros, qui eût pu penser
qu'on assistait à une des dernières manifestations de son acti-
vité et de son esprit? La mort Ta terrassé avant que l'année
n'ait fini son cours, avant que lui-même n'ait achevé sa tâche .
Par son travail opiniâtre, Ulysse Robert s'était fait un
nom dans la science, en même temps que par son seul mé-
rite il s'était élevé, jeune encore, au poste envié d'inspecteur
général des archives. Il incarnaît véritableuient les solides
qualités de la race comtoise : la puissance de travail, la téna-
cité, la pénétration de l'esprit, le robuste bon sens, la probi-
té scientifique. 11 avait au plus haut degré l'amour du sol na-
tal et tous ses travaux eurent pour but de mettre en lumière
quelques unes de nos gloires locales. Resté Comtois au mi
— 254 —
lieu de Paris, cet enfant des montagnes du Doubs n'avait pas
de plus grand bonheur que de se retrouver avec des compa-
triotes, et c'est au milieu d'eux, au cours d'un banquet de
l'Association des Gaudes, que la mort est venue le sur-
prendre. *
Ulysse Robert, dont le souvenir ému plane sur cette
assemblée, nous a légué plus d'un exemple à suivre. C'est
en nous efforçant de l'imiter dans sa vie laborieuse, dans ses
patientes études, dans son attachement profond pour la
Franche-Comté que nous arriverons à rendre notre associa-
tion prospère, à contribuer au progrès de la science et à la
grandeur de la patrie I »
Après ce discours, fréquemment interrompu par des applau-
dissements, M. Fevbbt fait une communication très savante
et documentée sur César à Besançon.
La parole est ensuite donnée à M. Ch. Sandoz, conseiller
municipal de Besançon, qui plaide en ces termes la cause de
la Hesiauration de V Hôtel de Ville de Besançon.
Mesdames,
Messieurs,
Je ne saurais prétendre ni au titre d'archéologue, ni à
celui d'historien, et, dans ces conditions, il peut paraître à
mon auditoire distingué qu'il y a quelque prétention de ma
part h traiter ici un sujet qui, pour être développé comme il
devrait, mérite une érudition que je ne possède pas.
Je solliciterai donc votre extrême indulgence. Elle me
sera accordée, je l'espère, lorsque vous saurez le mobile au-
quel j'obéis en prenant la parole devant cette docte assem-
blée : c'est tout simplement d'obtenir lappui de votre asso-
ciation en faveur du maintien et de la restauration de notre
— 2fe -
Hôtel de Ville, dont un certain nombre de personnes récla-
ment la démolition.
Un vote municipal récent a, il est vrai, décidé provisoi-
rement le statu quo ; on fera toutefois quelques travaux, en
vue de la consolidation et l'aménagement des parties du bâ-
timent sectionnées pour rétablissement de la rue qui, depuis
la restauration du Palais de Justice, sépare celui-ci de THôtel
de Ville.
Mais un semblable ajournement ne préjuge rien, car il se
peut que, d*ici quelques années, une proposition de démoli-
tion surgisse à nouveau. Il est donc nécessaire de provoquer,
parmi nos associations comtoises, un courant d'idées en fa-
veur de la restauration en question et je ne pouvais mieux
m'adresser qu'en commençant d'abord par une société qui
a pris pour programme : Servir, aimer et faire aimer la patrie
comtoise ; unir dans son culte et dans son amour tous les
Francs-Comtois.
Un publiciste distingué, Arduin Dumazet; vient de faire
paraître la partie de son ouvrage intitulé « Voyage en
France » qu'il a consacrée à notre province Nous ne pour-
rions chercher à meilleure source l'impression d'un savant
et d'un écrivain sur notre ville.
Voici quelques lignes extraites des pages intéressantes à
tous points de vue qu'il a écrites sur notre cité, et qui ré-
sument l'impression qu'elle lui a causée :
« Besançon peut être comparée aux anciennes cités du-
» cales d'Italie. On a respecté les artères d'autrefois, leurs
» vieux hôteld sculptés aux grilles de fer forgé, ornés de
» fontaines où le xvii« siècle a apporté sa grâce mytholo-
» gique.
9 Le square archéologique est une chose charmante. Une
» partie curieuse est le vieux quartier de Battant dont les
» rues surpeuplées offrent d'amusants tableaux. »
Ainsi donc, ce qui est intéressant à Besançon pour le visi-
- 256 -
leur, ce ne sont pas nos constructions modernes, du reste,
à peu d'exception près, sans grand caractère artistique. Ce
qui retient son attention, et j'en ai fait souvent Texpérience,
c'est tout ce qui subsiste du vieux temps, ce que Gaston
Goindre a si bien retracé ou ressuscité dans son beau travail
d'artiste et d'écrivain sur notre antique localité.
Faites- vous le cicérone d'un étranger; ni le Kûrsaal, ni
les bâtiments de l'Université ou autres monuments neufs ne
retiendront son attention. Mais il stationnera longuement
devant le Palais Granvelle, examinera l'Hôtel de Ville, le
Palais de Justice, les vestiges de l'ancien monastère des
Bénédictins, l'Hôpital, la jolie chapelle du Refuge, etc.
La fontaine de la place Labourey, celle de la place de
l'Etat- Major ne lui diront rien de particulier; il admirera par
contre la jolie fontaine de la rue Ronchaux. œuvre des
sculpteurs Devosges et Perette, celle de la Sirène à l'angle
de la rue des Archives, du statuaire Luc Breton, ou la fon-
taine des Carmes, du sculpteur Claude LuUier. S'il est entré
en ville par Battant, les hautes et monumentales portes mo-
dernes de ce quartier le laisseront indifférent; mais il ira
visiter à Rivotte la porte flanquée de deux tourelles, der-
nière des portes de la fortification espagnole, et qui avec la
curieuse maison Mareschal du xvi* siècle, donne à ce quar-
tier un intérêt que ne lui assureraient pas des constructions
nouvelles.
Promenez votre visiteur sur les nouveaux quais. Ni les
écoles Veil-Picard, ni la Synagogue, ni les constructions
modernes de celte partie de la ville ne l'intéresseront.
Par contre, il s'extasiera sur le pittoresque du vieux bas-
tion d'Arènes, avec ses escaliers, ses murs casemates, ses
hauts parapets, surmontés d'arbres gigantesques. « Oh! mon-
» sieur, me disait, il y a quelques années un journaliste
» américain auquel je faisais visiter la ville, et qui s'extasiait
» devant ce bastion, j'ai lu ce malin dans un journal de Be-
» sançon qu'on voulait démolir les fortifications. C'est très
- 257 -
D bien pour une partie, mais est-ce qu'on va aussi démolir
» ceci*? Oh ! je vous prie, Monsieur, dites bien à vos compa-
» triotes que chez nous, en Amérique, nous paierions bien
» cher, des millions, Monsieur, pour avoir quelque chose
» d'aussi intéressant. »
L'étran«j;er encore promènera ses regards curieux sur le
vieux quai Vauban, de la tour du Saint-Esprit aux remparts
de Ciiamars. Le pont de Battant vous vaudra de sa part quel-
que question; il n'en fera aucune sur les ponts de Bregille,
de Saint-Pierre ou de Canot.
Et combien tout cela intéresserait davantage encore
nos visiteurs, si quelque habitant leur racontait l'histoire de
toutes ces vieilles choses.
Il est vrai que cela n'arriverait pas souvent, car nous
autres nous la connaissons si imparfaitement l'histoire de
notre ville et de ses anciens monuments I C'est peut-être à
cause de cela que l'on rencontre si peu de personnes qui
s'intéressent à la conservation de ceux-ci. C'est aussi pour
ce motif, évidemment, que la proposition de démolition de
l'Hôtel-de-VilIe en vue d'un agrandissement de la place
Saint-Pierre, a pu trouver quelque écho parmi nos conci-
toyens.
Les démolisseurs, outre ce motif d'agrandissement de la
place donnent également pour raison l'amélioration, au point
de vue du coup d'œil, qu'offrirait l'ensemble, une fois la mai-
rie rasée.
Nous verrons plus tard ce que serait cette prétendue
amélioration. Mais en attendant, permettez- moi de vous
faire un peu l'histoire del'HcHel de Ville.
La mairie féodale était située sur la place Labourey. Plus
tard et jusqu'au milieu du xiv« siècle, le logis communal fut
un hôtel loué à la famille Porcelet, formant le n« 8 actuel de
la rue Pasteur.
L'extension du territoire de la commune nécessitant un
logis plus spacieux, on fit choix à cet effet d'une maison face
17
— 258 —
h l'église Saiul-Pierre, puis on y adjoignit deux immeubles
voisins par la suite.
En 1393, on démolit ces trois vieilles maisons et, sur
leur emplacement, fut édifié un Hôtel de Ville neuf dont on
poussa les dépendances jusqu'à la rue Saint- Vmcent.
Cet Hôtel de Ville avait un beffroi sur lequel fut place, en
1440. la première horloge publique. Il devait avoir aussi une
galerie extérieure, car nous voyons qu'en 1465, il est pro-
cédé à une reconstruction des galeries de l'Hôtel de \ille
d^où avait prêché un moine, le frère Vincent Périer.
Knfin, en 1469, on construit une tour y attenant pour la
garde des privilèges -cteiacité.
En 1544, la constructioïT^tTîîMlo^ ^^^^^ communal
est décidée et un premier corps de^bï*^®'^^ ^^^ ^^''^^J
15b9, par les soins du maçon Richard Mayft^ , ^
penlier Outhenin Ronsares, tel qu'il se présente alÇÎ^^^^, .
avec ses pierres à bossage et son architecture sans symS™^ *
mais originale.
En 1582, pour compléter, on reconstruit le deuxième
corps de logis en abandonnant les plans primitifs du maçon
Mayre, et en chargeant Hugues Sambin, le célèbre archi-
tecleur bourguignon, élève de Michel Ange, de cette nou-
velle construction. En 1586, le maçon Pierre Vitte opérait
au nom de la Ville le toisement et la réception de ce second
bâtiment, auquel, en 1588, on adjoignait une chapelle. Dans
ce second corps de logis était également installé le prétoire
où se rendait la justice civile et criminelle.
Les proportions restreintes de ce délicieux ouvrage de
la Renaissance sont ce que Hugues Sambin avait voulu pour
un logis situé dans une cour. C'est une considération qui
mérite de retenir l'attention. S'il avait été destiné à être mis
en façade sur rue ses proportions eussent été toutes diffé-
rentes évidemment.
Diverses délibérations municipales nous apprennent que,
faisant suite au second corps de logis, se trouvait un verger
— 259 —
dans lequel plus tard fut installé le tir de l'arc et à l'arbalète.
De là le nom de rue de l'Arbalète donné encore actuellement
à la rue qui y conduisait. Au bout de ce verger, et en façade
sur la rue Saint-Vincent, on avait édifié l'Arsenal (très impor-
tant pour l'époque) que possédait la ville, car elle mettait sur
pied 4,000 combattants pour la défense de son territoire et
elle possédait une assez forte artillerie.
Voilà sommairement l'histoire de la construction de
l'Hôtel de Ville de Besançon.
Quand dans une ville on veut démolir quelque chose en
vue d'un agrandissement, on devrait toujours chercher à se
rendre compte, jusque dans les moindres détails, de ce que
sera le nouvel état de choses ; autrement on s'expose aux
plus désagréables surprises.
C'est pour avoir négligé cette sage précaution, qu'il y a
une douzaine d'années le Conseil municipal d'alors, déci-
dant, sans étude préalable sérieuse, la démolition des rem-
parts Saint-Pierre-GIères, créait un état de choses, en cet
endroit, du plus déplorable elTet. Au lieu de se borner à
raser les énormes parapets de la fortification à hauteur de la
berme, ce qui, au point de vue du résultat cherché était équi-
valent, et nous eût procuré une jolie terrasse ombragée par
des plantations d'arbres et soutenue par les murs à tracé
bastionné des anciens remparts, on dépensa près de
'200,000 francs pour gratifier la ville d'un nouveau mur de
soutènement disgracieux, qui enserre le lit du Doubs et
enlaidit considérablement cette partie de la ville.
Supposons donc la démolition de l'Hôtel de Ville accom-
plie, que voyons-nous? Une place de forme rectangulaire
allant du péristyle de l'église Saint-Pierre au Palais de Jus-
tice et partagée à peu près en son milieu par la chaussée de
la Grande-Rue. Ce terrain offrirait une telle déclivité qu'il
se terminerait nécessairement par des escaliers descendant
vers le Palais de Justice. 11 est entendu n'est-ce pas que
cette démoHtion se ferait, disent ses partisans, dans l'intérêt
— 260 —
d'un embellissement par la mise en façade au premier plan
de ce dernier bûlimenl. Eh bien, voyez- vous celui-ci enterré
et auquel on accéderait par des escaliers de cave! Ça ne se-
rait déjà pas précisément quelque chose de bien gracieux.
Mais ce n'est rien encore, car si nous considérons l'encadre-
ment de cette portion nouvelle de la place par les construc-
tions mises en vue par la démolition de la Mairie, que
voyons-nous? A une extrémité l'église Saint-Pierre, bâtiment
lourd et sans style dominant et écrasant la façade du Palais
de Justice qui lui fait face à l'autre extrémité.
Puis, sur les côtés latéraux de cette même partie de la
place, d'un côté le hideux bâtiment qui est à l'entrée actuelle
de la rue de l'Arbalète, de l'autre, les constructions bizarres
et sans alignement de la rue de l'Arsenal, et, dans la pers-
pective de la partie qui subsisterait de ces deux rues, des
recoins malpropres, puis une obliquité de lignes qui ferait
paraître le Palais de Justice comme mis de travers sur cette
place.
Pauvre Palais de Justice, déjà si écrasé par le long toit
couvert d'ardoises, dont on l'a affublé et qui est un bel ana-
chronisme, les adjonctions nouvelles qui encadrent la partie
ancienne de sa façade n'ont rien ajouté à l'intérêt de l'œuvre
d'Hugues Sambin, au contraire.
Mais, me dira-t-on, l'Hôtel de Ville est d'un etTet disgra-
cieux. — Dans sa forme présente, c'est vrai. Mais abstrac-
tion faite du toit impossible qui le recouvre, il offre comme
architecture une grande originalité, accentuée encore par le
bossage des pierres de taille de sa façade extérieure.
Lorsqu'à sa couverture on aura substitué un toit élégant
sur lequel s'élèveront de grands louvres et un gracieux
beffroi, le tout dans le style du xvi® siècle, cela modifiera
l'aspect de l'ensemble. Il ne faudra pas par exemple le re-
couvrir en ardoises, mais en tuiles vernissées formant des
dessins en losange aux couleurs de la ville, ainsi que cela se
- 261 —
faisait au xvi« siècle et comme certainement cela existait snr
le toit primitif.
Quant à la place Saint-Pierre, en la transformant en un
joli square ouvert, avec des plantations d'arbres encadrant
les deux passages en croix qui la traversent on ferait plus
pour son embellissement qu'en démolissant THôtel de Ville.
Voilà au point de vue esthétique ce que j'avais à dire en
faveur du maintien de ce monument et de sa restauration
extérieure.
Quant à sa réfection intérieure, elle peut être obtenue
sans dépenses excessives, si l'on maintient la disposition
actuelle des locaux, sauf quelques modifications, telles que
la construction d'un grand escalier desservant les bureaux,
et la transformation en locaux du passage en arcades qui
conduisait autrefois au Palais de Justice.
Il resterait à construire alors le bâtiment en aile sur la
cour du côté droit.
Toutes ces modifications permettraient l'installation des
services municipaux proprement dits dans des conditions
excellentes de commodité et de facilité d'accès au public.
Mais d'autres considérations militent encore en faveur
de cette conservation.
Dans cette petite patrie bisontine, où les uns nous
sommes nés, où d'autres y ont vécu de longues années, pre-
nant intérêt à tout ce qui contribue à sa renommée, soulever
cette question de démolition de l'Hôtel de Ville c'est oublier
tout ce passé si passionnant à étudier d'une ville qui, pen-
dant des siècles n'a cessé de lutter pour la défense de ses
libertés et le maintien de ses privilèges.
C'est dans la maison communale que se sont débattues
les lois de la petite république bisontine, que se sont signés
les traités historiques de la Franche-Comté. C'était la mai-
son du peuple, car c'est le peuple ([ui élisait par un suffrage
à deux degrés ceux qui allaient le gouverner. C'est là que
— 262 —
les pauvres, les faibles, les opprimés sont de tous temps
venus chercher secours ou appui.
Les villes, de quelque pays que ce soit, qui ont une his-
toire professent une véritable vénération pour leur maison
communale, bien que souvent celle-ci n'offre pas le moindre
intérêt architectural. Voyez Mulhouse et son petit Hôtel de
Ville. Il est laid, et bien exigu pour une grande ville de celte
importance, mais il a une histoire ; il a été le siège d'une
magistrature municipale française, et le drapeau français y a
flotté à une époque que ses habitants n'ont pas oubliée.
Allez donc dire aux Mulhousiens que pour raison d'embellis-
sement on va jeter à bas leur Hôtel de Ville.
Allez en Suisse, le pays républicain par excellence, et
voyez avec quel soin nos voisins restaurent tous ces vieux
bâtiments historiques, en leur conservant le cachet de l'épo-
que de leur construction, jusque dans les moindres détails.
jNotre Hôtel de Ville est le témoin vivant du passé de Be-
sançon; sa disparition serait une atteinte portée, je le répète,
à rimportance du rôle de notre vieille cité dans l'histoire.
C'est donc à combattre toutes propositions qui pourraient
être faites ou à soutenir toutes tendances à créer un mouve-
ment d'opinion en faveur de celle démolition que je vous de-
mande, Messieurs, de vous grouper en une union commune.
M. Gaiffe, professeur au lycée de Besançon a fait connaî-
tre en ces termes, la vie, l'œuvre d'Un dramaturge biëontin
an xviil« siècle^ Arnould-Mussot.
Mesdames,
Messieurs,
Il n'est pas donné à une ville, ni même à une région, de
produire un homme de génie par siècle dans chaque genre :
si, dans l'art dramatique, la Franche-Comté peut citer avec
orgueil, au xix*^ siècle, l'auteur de Rinj Blaa, et, dans un
— 263 —
rang plus modeste, mais très honorable encore, celui du
Moineau de LeshiSy si, au xvii*, elle a donné le jour à Jean
Mairet, qui fournit dans sa Sophonisbe le premier modèle de
la tragédie régulière en France, il faut convenir que le xviii*
siècle n'est pas, h beaucoup près, aussi glorieux pour notre
province : dans les études que je poursuis depuis plusieurs
années sur le théâtre de cette époque, je n'ai guère rencon-
tré que trois noms de dramaturges franc-comlois : Falbaire
de Quingey, auteur de V Honnête criminely un drame anti-
clérical qui eut son heure de vogue au début de la Révolu-
tion ; Gabiot de Salins, grand brocheur de mélodrames à la
douzaine, et plagiaire sans vergogne ; enfin mon héros d'au-
jourd'hui, Arnould-Mussot, dont le talent littéraire n'est pas
beaucoup plus relevé, mais dont l'existence accidentée nous
permet de pénétrer dans quelques recoins curieux de la so-
ciété parisienne à la fin de l'ancien régime^!).
Auteur de dixième ordre, mais en même temps acteur
et directeur de troupes, Arnould fut mêlé, en effet, de très
près à la fondation et aux pénibles débuts de l'Ambigu-Co-
mique, qui, avec plusieurs autres petits théâtres, fit, entre
1760 et i79l, une concurrence acharnée aux scènes privilé-
giées et subventionnées. Assez de personnes sont curieuses
de ce qui se passe aujourd'hui dans les coulisses de nos plus
humbles théâtricules, pour s'intéresser à ce qui s'y passait
il y a plus d'un siècle ; et ce recul dans le temps donne d'au-
tre part à un sujet assez frivole en soi quelque chose d'an-
tique et de vénérable qui le rend digne d'être présenté à un
auditoire aussi grave que celui de l'Association franc-comtoise .
Jean-François Mussot, né à Besançon, le 4 juin 1734,
appartenait à une des familles les plus estimées de la ville:
(1) Cf. Archives Municipales de la ville dt: Besançon (Registres des
Paroisses). — Almanachs forains {\1T^ à 1787) — Mémoires secrets de
liachaumont, 1 Ilï et stf. (Mayeur do Saint-Paul). — Le Chroniqueur
désosuvré ou l'Espion des Boulevards^ Londres 1782-178,3, 2 vol. —
Biographie UniversellCj Art. A«nould.
— 264 —
son père, Jean-CJaude Mussol, était avocat au Parlement, et
nous le retrouvons en 1745, investi des fonctions de bâton-
nier; sa mère, Madeleine Arnould, était aussi, sembie-t-il,
d'une famille d'honorable bourgeoisie parlementaire.
Comment le jeune homme, élevé dons les principes
d'une étroite austérité provinciale, fùt-il pris de la pa>sion
irrésistible du théâtre*/
Assista-t-il à Besançon aux brillantes représentations don-
nées alors dans la Grande Salle du Palais Granvelle? Y en-
tendit-il le comédien Armand, du Théâtre-Français, qui, en
1753, gratifia les Bisontins d'une première sensationnelle,
celle du Petit Maitre raisonnable, comédie dont il était
lauteur, et dont notre bibliothèque municipale possède le
texte?
Toujours est il que le jeune Mussot abandonna la vie
régulière pour l'existence errante des histrions, la vénérable
toge pour les oripeaux bariolés du comédien, la paisible
cité bisontine pour la capitale tourbillonnante, et son nom
paternel pour celui d'Arnould, qu'il emprunta à la faïT)ille
de sa mère, pour abriter l'infamie encore attachée à son
nouvel état.
Il fait SCS débuts d'acteur et d'auteur sous la direction
d'Audinot, ancien comédien du Théâtre italien chargé de
recruter pour le prince de Conti une troupe théâtrale, di-
sent les biographes les plus bienveillants, un sérail, assurent
les mauvaises langues du temps. Tandis qu'il fait jouer, en
1763, un petit opéra comique, le Savetier Dupé^ sur un
théâtre des boulevards, il interprète les principaux rôles
du répertoire, et se trouve bientôt assez habile pour dégros-
sir et former aux belles manières et à la diction classique
les débutants assez novices qu'engageait Audinot.
Celui-ci quitte Versailles el TIsle-Adam, — résidence du
prince de Conti, — pour fonder un théâtre à lui, TAmbigu-
Comique, sur ce fameux boulevard du Temple, où la mode
— 265 —
conduisait alors Parisiens et Parisiennes, en quête de di-
vertissements variés et nouveau::.
Au début, ces audacieux concurrents du célèbre Nico-
let, sont obligés de se borner à un modeste spectacle de
marionnettes ; car ces trois grandes scènes, — Opéra,
Français et Italiens - répriment jalousement toute tentative
de concurrence directe. Mais les deux associés ont une idée
de génie : Audinot fait tailler une douzaine de bonshommes
grotesques dont chacun est la frappante caricature d'un de
ses anciens camarades de la Comédie italienne : Arnould
compose une petite pièce où sont impitoyablement mis en
lumière les ridicules des comédiens privilégiés ; et voilà
comme une fois de plus, avec les plus pauvres moyens,
l'esprit français triomphe encore de la tyrannie vaniteuse et
de l'injuste monopole.
Un beau jour, un grotesque et amusant petit gnome, le
nain Moreau, vient mêler ses cabrioles à celles des marion-
nettes, qui n'ont pas un pouce de moins que lui ; puis ce
sont des enfants de huit à quinze ans qui jouent de petites
comédies parfois assez peu appropriées à leur âge. Excel-
lente pépinière de futurs artistes dramatiques ! disent les
amateurs de théâtre. Affreuse école de libertinage, gron-
dent les censeurs moroses. Agréable et prometteuse collec-
tion de fruits verts ! murmurent en dodelinant de la tète les
vieux courtisans blasés.
Le 9 avril 1772, journée mémorable, les petits comédiens
d'Audinot sont appelés à faire admirer leurs talents devant
le roi lui-même et Mme du Barry : ils se transportent à
Choisy pour y jouer: Il n'y a plus d'enfants, saynète de
Nougaret, qui mérite un peu trop son titre : Ln. Gtiinguettc,
de Pleinchesne, tableau de mœurs populaires dans la ma-
nière de Valé, enfin le Chat botté, pantomime réglée par
notre compatriote Arnould lui-même La séance se termine
par la Fricassée, contredanse fort polissonne, disent les Mé-
moires secrets, et tandis que la favorite rit aux éclats devant
— 266 ---
ce spectacle d'une gaîté toute plébéienne, le monarque
rebte, comme toujours, figé dans sou mutisme morose.
L'histoire d'Arnould-Mu^sot continue h être celle du
théâtre auquel son sort est attaché : vojue extraordinaire
auprès du public élégant, lutte incessante contre le mono-
pole des grands théâtres; l'Ambigu représente des ballets-
pantomimes qui éclipsent les divertissements chorégraphi-
que de l'Opéra et de petites pièces touchantes et joyeuses,
qui, pour avoir été le plus souvent refusées par l'aréopage
du Théâtre Français, n'en sont pas plus mauvaises, au
contraire.
En 1785, Audiuot, dépossédé de son privilège par Gail-
lard et Dorfëuille, se transporte pour quelque temps, avec
une partie de sa troupe, à la Muette, en plein Bois de Bou-
logne ; et les paysans de Passy, d'Auteuil et de Chaillot —
où sont-ils aujourd'hui? — protestent contre l'atteinte que
va porter à leurs mœurs candides la présence d'une troupe
d'histrions débauchés.
Mais l'Ambigu ne peut vivre sans Audinot et sans Ar-
nould, son compère; au bout de quelques mois, ils rentrent
triomphalement dans leur ancien théâtre. Cinq ans après, la
Révolution vient compromettre la régularité des recettes et
aussi la bonne harmonie qui régnait jusque là entre les deux
fondateurs de l'Ambigu : dès 1795, ils se séparent, et Ar-
nould depuis longtemps souffrant, meurt la même année.
Ce Bisontin transplanté ii Paris s'était-il quelquefois
souvenu de sa petite patrie? Y était-il revenu? Ses conci-
toyens avaient-ils quelquefois applaudi ses pièces sur leur
scène provinciale ? Autant de questions qu'il nous est im-
possible de résoudre, vu la pénurie des documents concer-
nant le théâtre à Besançon à la fin du xvnr siècle.
Si Arnould ne fut ni un Voltaire, ni un Beaumarchais, ni
un Sednine, on ne peut du moins lui l'efuser le mérite de la
(écondilé.
Weii?s, dans l'article détaillé qu'il lui a consacré dans la
— 267 —
Biographie Universelle^ ne mentionne pas moins de cin-
quante-deux pièces à son actif, dont la plupart ne furent pas
publiées : la Bibliothèque Nationale en possède douze, dont
plusieurs ne figurent pas parmi les quinze que cite Quérard ;
et la Bibliothèque municipale de Besançon en a huit, réunies
dans un recueil assez élégamment relié (^).
La plupart de ces productions appartiennent au genre
de la pantomime, qu'Arnould contribua puissamment à re-
nouveler et à perfectionner.
Ne pouvant représenter des opéras, comme l'Académie
Nationale de musique, ni des drames, comme la Comédie-
Française ou la Comédie-Italienne, le Théâtre de TAmbigu
résolut d'emprunter aux pièces qu'il ne lui était pas permis
d'imiter directement, les éléments qui semblaient exercer
sur le public la plus vive attraction.
Les pantomimes d'Arnould sont des mélodrames à grand
spectacle, dans lesquels le dialogue est remplacé par des
gestes animés, des évolutions militaires, des ballets, des
changements à vue et toutes les splendeurs d'une luxueuse
mise en scène. Bientôt, du reste, la parole s'y glissera su-
brepticement, et l'on verra apparaître — ironie des mots ! —
des pantomimes dialogiiécs contre lesquelles la Comédie-
Française fera entendre des protestations indignées.
Arnould, lui, s'abstient scrupuleusement de faire parler
ses personnages ; il n'est pas embarrassé du reste, pour re-
tenir, par d'autres moyens, l'attention du spectateur. Il met
en scène les sujets les plus divers; tantôt, il les emprunte à
la féerie, comme dans le Chat Botté; tantôt à l'histoire,
comme dans les Quatre Fils Aijmon^ où le Moyen-Age appa-
raît avec ses tournois, ses combats en champ clos, ses chA-
teaux-forts pris d'assaut, sans préjudice de quelques réjouis-
'1^ Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque Natio-
nale, t. IV. p. 528. — Bibliothèque Municipale de Besançon: Belles-
Lettres, 3851. Cf. Quérard, Art. Mlssot.
— 268 —
santsanachronismes auxquels le public ne prenait pas garde.
Dans VHomme nu Masque de Fer. la vérité historique est
traitée fort cavalièrement, mais quelles passionnantes aven-
tures que celles de ce comte de Vermandois, fils de Louis XIV
et de Mlle de la Vallière, rival amoureux du Dauphin lui-
même, injustement emprisonné, transporté des îles Sainte-
Marguerite à la Bastille, où, grâce à un passage secret, il
communique avec le souterrain où gémit sa bienaimée î Et
la poursuite nocturne, au cours de laquelle il tue un de ses
geôliers et le gouverneur de la Bastille lui-même, et la fuite
éperdue à travers les forêts, les montagnes et les hameaux
inconnus! Et le retour triomphal, au milieu des vassaux,
parmi lesquels il va finir en paix son existence accidentée!
Une autre fois, c'est à Molière qu'on emprunte un de ses
sujets ; et le Grand Festin de Pierre nous ofl're un Don Juan
sans paroles, en attendant que Mozart propose à l'admiration
européenne un Don Junn en musique. Quant à la Forêt-Noirc,
c'est une tragique histoire de fille séduite, d'enfant abandon-
née et de voleurs de grand chemin ; du Pixérécourt sans le
dialogue, c'est-à-dire du meilleur
Arnould excelle à profiter de toutes les occasions que lui
offre l'actualité. En 1783, il met en scène, dans une série de
tableaux ironiques la chanson de Mal Brough s'en va-Ven
guerre, alors en pleine vogue. La môme année, il représente
une aventure réelle dont les journaux avaient fait grand bruit :
l'histoire d'une jeune fille qui, attaquée par deux malandrins,
dans la forêt de Villers-Cotterets, avait été sauvée par un
brave et vertueux maréchal-des-logis; le héros assista en
personne à l'une des représentations de la pantomime, et
dut, aux exclamations de l'assemblée, monter sur la scène
pour y être couvert de fleurs. Dans VHéroinc américaine,
nous assistons aux amours infortunées d'une jeune sauvage,
qui comme plus tard Sélika et Lakmé, Azyiadé et Rarahu,
s'éprend de la plus folle passion pour un Européen volage et
cruel. Il n'est pas jusqu'à la \fort du capitaine Cook qui n'ait
— 269 —
été mise en pantomime, avec danses et cérémonies sauvages,
et, pour finir, la pose solennelle d'une croix sur le lieu où
fut massacré le célèbre navigateur.
Notre compatriote ne s'est pas borné à ce seul genre : on
possède de lui une amusante parodie, la Complainte des Bar-
mécides, destinée à célébrer la chute retentissante d'une des
plus mauvaises tragédies de la Harpe; la correspondance de
Grimm raconte avec humour la déconvenue du malheureux
poète, qui, ayant mené sa femme aux Boulevards, rencontra
dans les plus humbles boutiques de sanglantes allusions à ce
four noir ; telles ces cannes à la Barmécide^ qui moyennant
une légère pression sur un bouton habilement dissimulé, fai-
saient entendre un coup de sifflet strident.
Mentionnons encore une curieuse comédie, ie Portefeuille
ou la Fille comme il y en a peu^ composée en collaboration
avec Audinot: c'est l'histoire — réelle aiissi — d'une courti-
sane éminemment vertueuse, qui, traquée de toutes parts,
et par ses créanciers et par un propriétaire aussi rapace que
libertin, rapporte fort honnêtement à monsieur le commis-
saire un portefeuille de cinquante mille écus qu'elle vient de
trouver. Or, — voyez le miracle ! — le propriétaire n'est autre
que le père de son amant; le bonhomme, fort ému, ne va
pas jusqu'à proposer à la tendre et héroïque Rosalie d'épou-
ser son fils, mais il lui donne du moins les moyens de vivre
honorablement
Tout cela n'est h coup sûr ni Marion Delorme^ ni la
Dame aux Camélias, mais c'est une amusante et sincère
peinture de mœurs, comme on n'en trouvera plus, trente
ans plus tard, quand l'Empire, puis la Restauration, auront
jeté leur lourd et hypocrite manteau de décence pharisienne
sur \o Ihéûlre c6mme sur tout le reste.
J'ai gardé pour la fin une piécette fantaisiste que je
considère comme le chef-d'œuvre d'Arnould et qui manque
à nos collections bisontines : le Sérail à VEncan^ dont le
hasard, dieu des collectionneurs, m'a permis d'acquérir un
- 270 —
exemplaire ; sur une donnée badine et sentimentale, qui
rappelle les Trois Sultanes, et semble parfois annoncer iVa-
mouna, cet ouvrage renferme, avec un agréable défilé de
houris de tous les aspects et de toutes les nationalités, une.
suite ininterrompue de ces plaisanteries piquantes que le t)eau
sexe pardonne volontiers, car elles visent ces défauts aux-
quels une femme tient plus qu'aux plus admirables vertus :
la coquetterie, la légèreté, la jalousie, tout ce qui constitue
proprement le charme féminin.
Il y a, dans ce petit acte, des tirades fort bien venues,
qui montrent ce qu'aurait pu faire Arnould avec plus d'é-
tude et de loisir. Voyez plutôt en quels termes le cadi,
chargé de vendre le sérail d'un vizir disgracié, annonce aux
acquéreurs la mise aux enchères d'une chanteuse italienne :
« Numéro trente-trois. La signera Léonore Varina, dont
le gosier brillant a fait pendant longtemps les délices de
l'Italie.
» Vingt amants, poignardés pour elle, à Naples, attestent
ses talents ; autant de lords ruinés par elle, en Angleterre,
ont dûment constaté le pouvoir de ses charmes.
» En France, idolâtrée, chantée, chansonnée, inoculée,
gravée, sculptée, imprimée dans tous les journaux, déchirée
par toutes ses rivales ; rien ne manquait à sa gloire. Mais
l'inoculation altéra ses traits, un petit collet altéra ses mœurs,
la musique germanique altéra sa voix, les petits soupers
altérèrent sa santé, et, pour comble de malheurs, un gen-
tilhomme provençal, plus altéré d'argent que d'amour, al-
téra si bien sa fortune, que, forcée d'abandonner la France
pour retourner dans sa patrie, un corsaire algérien la reprit
sur un pirate anglais qui venait de s'en emparer, et nous la
vendit. »
Voilà parler bien longtemps sans doute d'un compatriote
(l) Le Sérail à VEncan^ se. XI.
— 271 —
obscur, qui n'eut (Vautre gloire que d'amuser, pendant
quelques années, l'oisiveté du public parisien. Après tout,
il avait quelque esprit, et se recommandait par d'autres esti-
mables qualités : il n'y a pas un mot contre ses mœurs dans
VEspion du Boulevard, qui déverse l'ordure sur presque
tous les acteurs des petits théâtres d'alors : les Almanachs
forains ne parlent de lui qu'avec les plus grands éloges.
Peut-être y eut-il chez cet humble cabotin plus de fi-
nesse intellectuelle et plus de tenue morale que chez maint
personnage officiel, pompeux et chamarré, solennel et vide,
auquel les biographies consacrent de complaisantes et co-
pieuses notices.
M. Ch. Beauquier, député du Doubs, donne le résumé
d'une étude qu'il prépare et qui paraîtra prochainement sur
les Conventionnels du département du Doubs.
M. Georges Gazier, conservateur de bi Bibliothèque de
Besançon, lit l'étude suivante sur Un manuscrit autobiogra-
phique inédit de Charles Nodier :
Mesdames,
Messieurs,
Après les savantes communications que vou^ venez
d'entendre, vous serez peut- être étonnés de voir se clore
un congrès sérieux par celle que je vais vous faire, et qui est
d'un caractère beaucoup moins austère.
I^ faute n'en sera pas tant à moi qu'à un de vos plus
grands et aimés compatriotes, Charles Nodier. Et ce que
vous n'excuseriez [)as de ma part, vous le lui pardonnerez,
j'en suis sûr, car c'est à lui que je laisserai la parole le plus
souvent possible — ce dont vous ne vous plaindrez pas Ce
Franc-Comtois, plus français par là qu'espagnol, ne dédai-
gnait pas la verve gauloise, et son élégant badinage vous tera
272
sourire sans vous irriter, d'autant que je le ferai taire quand
il dépassem ia mesure.
Le manuscrit dont je voudrais vous entretenir dans ces
quelques courts instants appartient à la Bibliothèque de Be-
sançon, mais n'avait pas été identifié jusqu'à ce jour. Il se
trouvait au milieu de liasses de papier dont le classement
n'avait pas encore été complètement achevé. II se compose
de quelques feuillets qui semblent avoir été arrachés d'un
cahier. La lin a disparu et il y a des lacunes dans la partie
qui nous reste. Sur la feuille de couverture se trouvait
inscrite au crayon la mention : Nodier, suivie d'un point d'm-
terrogation.
Un rapide examen a suffi pour nous convaincre qu'il
était bien Tœuvre de Tilluslre comtois. La comparaison de
récriture du manuscrit avec celle de Nodier était déjà une
preuve sulïisante, mais, en outre, la personnalité de l'au-
teur apparaît assez clairement pour qu'aucun doute soit
possible. L'auteur se nomme à un moment donné Charles
Anonyme Trois étoiles, faisant allusion aux circonstances
particulières de sa naissance^ et donne la date de cet événe-
ment, 29 avril 1780, date confirmée par les registres de i'élat-
civil. Il parle encore de divers faits dont on retrouve le récit
dans ses « Souvenirs de jeunesse. » Enfin son style, si per-
sonnel et original suffirait à le faire reconnaître à une pre-
mière lecture, comme vous allez vous en rendre comple.
D'autre considérations dans le détail desquelles je ne puis
vous faire entrer, permettent de dater d'une façon certaine la
composition de ce manuscrit écrit par Nodier dans la seconde
moitié de l'année 1799, entre le commencement de juillet
et la fin de septembre, avant et après le 18 brumaire. Nodier,
âgé de 19 ans, était alors bibliothécaire adjoint de 1 Ecole cen-
trale de Besançon, mais sa jeunesse et son inexpérience lui
faisaient considérer ce poste comme une sinécure, et la lit-
térature et d'autres plaisirs moins nobles l'attiraient davan-
tage. C'est même à ce moment qu'il se laissa entraîner, avec
- 273 -
d'autres camarades, à la petite manifestation bien connue du
22 thermidor an vu, sur la place Granvelle. Vous savez
comment ses amis et lui s'amusèrent ce jour là à parodier
sur cette place, devant un public nombreux, une séance
d'un club jacobin. La police s'émut, les jeunes conspirateurs
furent arrêtés, enfermés à l'hôtel de ville et traduits devant
le tribunal criminel. Ils furent acquittés, car on mit sur le
compte d'une légère excitation produite par des libations un
peu trop copieuses cette espièglerie sans conséquence. Mais
Nodier perdit, semble-t-il, sa place à la bibliothèque.
A la fm de son manuscrit, il dit quelques mots de ses
démêlés avec la police, démêlés qui arrêtèrent pendant
quelque temps la composition de son petit travail :
» Il y a un mois que je n'ai écrit ! Un mois que je n'ai pu
écrire I
» La police a trouvé mauvais que je portasse des cheveux
courts et un bonnet de maroquin.
» Je me suis brouillé avec la police...
» La police m'a fait rouer de coups par deux cents de ses
afiîdés et je n'ai rien dit.
» La police a décerné contre moi un mandat d'arrêt et je
me suis sauvé.
>La police me fait rechercher, et me voici... Gomment
diable voulez-vous qu'on écrive... »
Le manuscrit de Nodier est ainsi intitulé :
> Moi-môme, roman qui n'en est pas un, tiré de mon por-
tefeuille gris de lin,
» Pour servir de suite et de complément à toutes les pla-
titudes littéraires du xviii* siècle. »
Comme tous les ouvrages de l'époque, celui-ci débute
par une épitre dédicatoire. Mais à qui Nodier peut-il bien
dédier une telle œuvre? Il se pose à lui-même cette çjueslion :
18
• ^ •-- .'^ '-j^ l'-rz. :• '" :-;.:r-r i-i..^: . e. J*- tin. ri- a
iJ •:":-rr'. : '. j.-^^e qiir.i .. -*rri îiQi. •
•Jr< iii: f*: .r .j-. --r-L q-^e N«>J:er veut é«.'rire et c'esl
:- ^'s ir: \a. : ve^;! prier. Vmu? ne v..us étonnerez i»a5
« -- -. 'jT :re i.-rr ::.uïire «le son roman a fNjur titre: Moi,
{:-r .: ; ' r. t. ^'--^ N.»i.rr D*a jâraiis voulu trouver haïssable.
f J A j.- Il* in^ i'A->fr2'. d*t-iu t|uand j'ai écrit ceci. J'étais
;'.. .r-jx, >ige, [-^ixnt, iiébau«:hé, studieux, indolent, bi-
z-if.--. .l:-L-wL1, •»rguj.jl, quand j*ai écrit ceci. J'avais un
s. :-^ «itr :•:•-. e qujn.j j'ai é^Tit ceci et c'est pour cela que j*ai
> I. Le ;«e*jne li.:e ?e lève dans la fuule et demande si je suis
:-- j j .jU iâ.d? Ni l'un ui rautre.
• L'n |.î«K0-4jpbe, si je suis athée ou catholique? Ni l'un ni
l'autre.
» l'n p»yutique, si je suis jacobin ou chouan? Ni l'un ni
j'autre.
» Je suis bon par caractère, hbertin par étourderie, pares-
--UX par goût, amoureux par caprice, joueur par désœuvre-
ment, malheureux par imagination, modeste par amour-
piMpre, et je barbouille du papier quand je n'ai rien de mieux
à faire.
- 21:, -
«Tout ignorant que je suis, Monsieur, j'ai reçu ce qu*on
appelle de Téducalion. On rn*a donné un maître de musique,
et j'ai fini par savoir la gamme assez couramment. On m'a
fait apprendre des langues et j'ai oublié le français en appre-
nant le lalin. On m'a enseigné les mathématiques et je suis
très sûr que deux et deux font quatre par une raison toute
simple, dont je ne me souviens plus. J'ai abandonné l'histoire
naturelle pour la chimie, la chimie pour le dessin, le dessin
pour la littérature, la littérature, le dessin, la chimie et l'his-
toire naturelle pour une précieuse, la précieuse pour une
prude, la prude pour une comédienne, la comédienne pour
le trente et quarante, le trente et quarante pour une femme
mariée, et j'achève mon éducation.
» Il y a plus. Monsieur, j'ai fréquenté le beau monde et je
m'y suis ennuyé. J'ai vu représenter tous les drames de Me-
nier, toutes les tragédies de Ghénier, tous les opéra scomico-
larmoyants de Marsollier, et je m'y suis ennuyé ! J'ai lu les
discours de la Harpe, les madrigaux de Demoustier, les ro-
mans de Duminil, et je m'y suis ennuyé comme à une séance
de l'Institut.
» J'ai vu, ce qui s'appelle vu, le beau sexe du bon genre ;
j'ai filé le parfait amour, j'ai distillé l'élixir de la galanterie ;
j'ai entendu nos merveilleuses faire de l'esprit à la journée ;
j'applaudissais en baillant, et j'ai failli mourir d'ennui, pa-
role d'honneur.
« Je me suis lancé dans un autre monde. Je suis devenu le
pilier des tavernes et je me suis délectablement enivré. J'ai
passé mes journées à table avec des libertins et mes nuits... t
Ici, je suis obligé de m'arrêter dans ma lecture, car No-
dier a beau dire que ce n'est pas pour les demoiselles qu'il
écrit, il reconnaît lui-même que son quart d'heure de liber-
tinage est arrivé. Et ce quart d'heure va durer d6îs heures
entières et inspirer presque tout le reste du manuscrit. Le
voilà, en effet, qui entame l'histoire de ses amours, et, sur
— 276 —
ce chapitre il eut intarissable et entre dans un luxe de dé-
tails que vuus trouveriez exagéré. Je puis du moins vous lire
les quelques lignes où il nous met au courant de sa première
passion, au reste toute [)latonique.
« Le 12 juillet 1795, je vis pour la première fois Sophie. Je
m'aperçus pour la première fois le 12 juillet de Tan 1795
qu'il y avait de jolies femmes au monde, et pour la première
fois, je fus amoureux le 12 juillet de Tan 1795. Pendant les
six premiers mois, je fis les doux yeux à Sophie, pendant
les six mois d'après, Sophie me fit presque les doux yeux.
L'année suivante elle me bouda, parce que trop longtemps
je ne lui faisais que les doux yeux. L'année suivante, un fat
parut, me débusqua, lui fit les doux yeux pendant un mois...»
Et Nodier fut négligé.
Mais Nodier ne fut pas longtemps aussi timide ! « J'avais
16 ans, nous dit-il, les cheveux bouclés, le teint fleuri, le
menton cotonné. Les femmes commençaient à dire de moi :
voilà un joli enfant, et je commençais à dire d'elles : voilà
de jolies femmes. »
Bref, un jour Nodier rencontra, c'était en 1796, la femme
d'un proconsul, d'un représentant en mission. Celte femme
aimait la comédie, et Nodier alla de temps à autre déclamer
chez elle et répéter avec elle des petites pièces de salon.
Tous deux jouèrent ensemble des rôles d'amoureux et bien-
tôt Nodier nous avoue qu'il joua supérieurement son rôle.
Il le joua même si bien (|ue des choses qui n'étaient pas
dans la comédie se passèrent. Et Nodier fut tout fier d'avoir,
dès sa première chute « trompé » (il emploie un autre terme
que je laisse à Molière), « trompé, dis-je, vingt-cinq mil-
lions de Français dans la personne de leur représentant ».
La bienveillante protection du représentant et de >a
femme fit nommer Nodier secrétaire d'un général. Le gé-
néral avait sa chambre au rez-de-chaussée, la femuie du
général logeait au premier et Nodier au second étage. Mais
— 277 —
un jour le hasard, ou quelque démon le poussant, fît que
Nodier se trompa d*étage. Le même démon amena en même
temps le général chez sa femme, et notre pauvre jeune
homme reçut un billet de logement pendant neuf jours, au
pain et à l'eau, dans la maison d'arrêt de Besançon. Il perdit
sa place, mais non moins la sympathie de la générale qui
s'appliqua ensuite à le consoler de son mieux.
^fais j'en ai déjà assez, sinon trop dit, sur ce chapitre, et
je vous fais grâce de tout ce qui concerne Elisabeth, Juliette,
Louise, la belle Marianne, etc., etc. Je pourrais bien sans
danger vous lire le chapitre 9, intitulé le « meilleur du livre »,
mais c'est une page blanche, uniquement marquée de points
d'interrogations, d'exclamations, de parenthèses, de vir-
gules, de points et de traits. Ce chapitre rappelle ce fameux
sermon d'un orateur qui oublia en montant en chaire le dis-
cours qu'il devait prononcer. Il ne perdit pas cependant
contenance pour si peu, et se contenta d'accumuler des ad-
verbes, des prépositions et des conjonctions : Mais... si...
car., donc... vraiment... en effet... prononcés d'une voix
tonnante et suivis d'éloquents silences. Il eut, dit-on, beau-
coup de succès.
Je me contenterai, en terminant, de vous lire quelques
extraits où Nodier nous parle de sa vocation littéraire et de
son goût d'écrire. Il se propose, dit-il, de faire un livre et
ce livre, selon lui, intéressera tout le monde.
a: Les joyeux y riront avec moi, les mélancoliques y pleu-
reront quand je pleure et cela ne m'arrive pas souvent.
» Les jacobins le prôneront parce que je ne suis pas chouan
et les chouans parce que je ne suis pas jacobin.
» Les jeunes filles promettront à leur mère d'éviter soi-
gneusement les chapitres licencieux, et ne liront que ceux-là.
i> Je plairai aux médisants, aux sages, aux gens sensibles,
aux roués. Si le ciel [)ermet que quelque journaliste bien
lourd dise du mal de moi, je reviendrai à la mode, on me
!
— 278 —
vantera, on m'élèvera aux nues, on me réimprimera peut-
élre.»
Mais Nodier n'a pas toujours cette confiance que son livre
plaii*a à tous. Même si son ouvrage est bon, il craint les cri-
tiques qui l'empêcheront de réussir.
t Un zoïle s*élève contre moi, il trouve le sujet froid, la
conduite extravagante, le style plat, tout l'ouvrage détesta-
ble. Le public répète ses déclamations et mon livre est déprisé.
» Un démagogue me dénonce sourdement au censorat de la
police. Il a vu à toutes les pages des outrages aux républicains,
des provocations à la royauté, des indices de conspiration.
On ne me lit pas... pour cause... mais on me condamne et
mon livre est séquestré.
» Un tartufe... m'accuse hautement d'être le pervertisseur
de la jeunesse, le corrupteur de la morale publique et mon
livre est lacéré.
» Les folliculaires, les jacobins, les cagots hurlent en
chœur et mon libraire est à l'hôpital.
» Triste et fatale existence que celle d'un écrivain. Il croit
avoir imprimé à ses productions le sceau de l'immortalité...
il leur survit ; il compte sur la gloire, on le dénigre. Il espère
acquérir à force de travaux l'aisance d'une heureuse médio-
crité et il meurt de faim dans un galetas. Il ne peut rien pu-
blier, rien écrire qui ne froisse un parti, qui ne choque une
! opmion.»
Aussi Nodier déclare-t-il qu'il ne se fera pas imprimer.
Ou s'il met un livre au jour, ce livre traitera de la fidélité des
épouses, de la vertu des comédiennes, du désintéressement
des fournisseurs, c'est-à-dire, ajoute-t-il, qu'il ne sera com-
posé que de papier blanc.
Et il ajoute cette fière déclaration :
« Moi, je resterai inconnu dans un grenier, avec mon écri-
- 279 —
toire et mes bouquins... Je ferai des couplets qu'on ne chan-
tera pas, des comédies qu'on ne jouera pas, des livres qu'on
enverra à Tépicier. . je barbouillerai du papier sans relâche
et je porterai encore pendant deux ans mon habit brun qui
est troué au coude.»
Heureusement, Charles Nodier n'a pas tenu parole. Il
s'est tait imprimer pour le plus grand charme de ses contem-
porains et de nous-mêmes, et il y a trouvé, par surcroit, l'ai-
sance et la gloire. C'est pourquoi vous m'excuserez de vous
avoir présenté cette œuvre de jeunesse, de première jeu-
nesse, du délicieux conteur, et si même, comme c'est possi-
ble, sinon probable, il a inventé une grande partie de ce
qu'il nous raconte, son récit a encore assez de grâce pour
mériter d'être au moins signalé.
La séance est ensuite levée par M. M. Thuriet, qui dé-
clare clos le y* Congrès de V Association Franc- Comtoise ,
VIII. Visite de la Ville
Après la séance publique, les congressistes se sont divisés
en plusieurs groupes. Les uns ont visité les Musées de pein-
ture et d'archéologie, si renommés et ajuste titre, les Mu-
sées Vuillemoty Grenier et Victor Hugo; les autres sont allés
au Musée d'histoire naturelle; l'un des plus riches de France,
grâce aux legs importants qu'il a reçus. D'autres enfin ont
parcouru les salles de notre belle Bibliothèque municipale^
célèbre en France et à l'étranger par la quantité et la rareté
des livres qu'elle possède, et par les inestimables œuvres
d'art de toute espèce qu'elle renferme.
Le lendemain 2 août, les congressistes ont été voir le beau
panorama qu'on peut admirer du haut de la Citadelle, dont
M. le général gouverneur de Besançon avait, par une mesure
J
— 280 —
gracieuse, autorisé l'accès. Puis ils se sont rendus à la Ca--
ihèdrale où le fameux tableau de TAnnonciation de Fra Bar-
toloméo, le tombeau de Carondelet et la jolie petite chaire
dentelée du xv« siècle où prêcha Saint François de Sales, ont
longtemps retenu leur attention. M. le chanoine de Jallerange
a bien voulu les introduire ensuite dans le Palais de V Arche-
vêché et dans les appartements somptueusement restaurés
et ornés par le cardinal de Rohan. Enfin la curieuse pendule
astronomique de la cathédrale leur a montré une fois de pHis
rhabilelé et le goût de nos vieux horlogers bisontins.
I^ soir, M. Lebeuf directeur de VObservatoire a fait aux
congressistes avec la plus parfaite bonne grâce, les honneurs
de rétablissement qu'il dirige avec tant de compétence et
de succès.
Bref, ceux-ci ont quitté Besançon emportant le meilleur
souvenir de leur réunion dans la vieille cité comtoise et ils
se sont donné rendez- vous pour Tan prochain à Belfort.
- 281 —
LISTE DES MEMBRES DU CONGRÈS
MM.
Maurice Thuriet, avocat général près la Cour d'appel de Be-
sançon, président de la Société d'Emulation du Doubs, Prési-
dent du Congrès.
Georges Gazi£r, conservateur de la Bibliothèque Publique de
Besançon, Secrétaire général du Congrès.
Perreau, professeur à la Faculté des Sciences de Besançon,
adjoint au maire de Besançon.
Trigant-Geneste, secrétaire général de la Préfecture du
Doubs.
L. AUBERT, à Besançon
Dr Baudin, membre de l'Académie de Besançon,
Ch. Beauquier, député du Doubs.
Bonnet, pharmacien, à Besançon.
Abbé P. Brune, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey (Jura).
Dr Brunschwig, membre de la Société de médecine de Be-
sançon.
Dr Blondon, à Besançon.
Cellard, architecte, à Besançon.
Clémençot, professeur au lycée de Lons-le-Saunier.
P. CORDIER, agent principal de la Compagnie d'assurances
r • Union 0, à Besançon.
D"" P. CoRbiER, médecin-major des troupes coloniales.
D' CosTE, bibliothécaire, à Salins.
Henri Coulon, avocat, à Besançon.
Abbé Druot.
DUBAIL-ROY, secrétaire de la Société belfortaine d'Emulation,
à Belfort.
Fauquignon, trésorier de la Société d'Emulation du Doubs,
à Besançon .
Feuvrier, professeur au Collège de Dole.
Fevret, professeur au Collège de Dole.
Abbé Fromond, curé de Crissey (Jura).
— 982 -
Gaiffe, pr«.»fe>>eur a-j lycée de Besancon.
J. Gai-thier. a»vhivî>»e «ie la Cc«te-d'Or.
J'J΀S Gros, an- :en «1^{. jtê «Jîi I>vibs, h Be>an»;on.
Gr'jter. d^^nîi.^te, â Bes-^n^rm
Lebeuf. dire«?(eijr de l'Observatoire de Besancon, professeur
à la Fac-ilté des Sciences de Besançon.
h^ Ledocx. membn> de l' Académie de Besanvon.
Ctianoine Locvor, curé dnyen de Gray
A II J ré Maikk à Pans.
Maldinev, pp.ftfs-eur à l Ecole de Médecine de Besan«;on, chef
lie Irava'ix à la Fa*:ullé des Sciences.
Ir Marceau, président de la Société d'histoire naturelle du
I»oub>.
A. Merle, in;:ériieur des ponts et chanssées, à Besancon.
MoxMER, professeur au lycée de Vesoul.
G. MouRET. injrénieur en chef des ponts et chaussées, à Be-
sani;on.
Abbé MouRLOT, curé de Servigny <Doubs>.
L. Nardin, à Besançon
Pajot, protesseur au lycée de Belfort.
Parizot. vice-président de la Société d'Emulation du Doubs.
à Besançon -
Abbé 5f. Perrod, aumônier du Lycée de Lons-le-Saunier.
Picot d'Aligny. conseiller général du Jura.
H. Prost, élève de TEcole des Chartes, à Paris.
QuiNET, receveur des postes et télégraphes en retraite, à Dole.
Abbé RossiGNOT, bibliothécaire de TArchevèché de Besançon.
Albert Roux, président de la Société d'Emulation de Montbé-
liard, à Montbéliard.
Rojzer Roux, substitut du procureur de la République, à Ve-
soul.
Ch Sandoz, conseiller municipal, à Besançon.
H. S.woYE, artiste peintre, à Besançon.
Vaissier, membre de l'Académie de Besançon, conservateur
du Musée archéologique de Besançon.
Vieille, président de la Société des Architectes de Besançon.
Vuillermet, directeur de la Revue viticole de Franche-Comté
et de Bourgogne, à Poligny (Jura).
283 -
Adhérents qui n'ont pu assister au Congrès
MM.
Ph. Berger, membre de rinstilut, sénateur du Haut-Rhin,
professeur au Collège de France.
GuiLLEMiN, président de l'Académie de Besançon.
D*" Magnin, doyen de la Faculté des Sciences de Besançon.
Maire, président de la Société grayloise d'Emulation, à Gray.
Abbé Babey, curé doyen de Foncine-le Haut (Jura).
D' Bertin, à Gray.
P. Febvre, professeur honoraire de TUniversité, à Besançon.
L. Febvre, ancien élève de TEcole normale supérieure, agrégé
de l'Université, pensionnaire de l'Institut Thiers.
L. Gascon, profes.seur au petit lycée de Lyon.
GiRARDOT, professeur au lycée de Lons-le-Saunier.
Ch. Godard, professeur d'histoire au lycée du Puy.
L. Lebrun, répétiteur au lycée Victor Hugo.
P. Nicolle, bibliothécaire-adjoint de la Ville de Besançon.
A. PiDOUX, archiviste-paléographe, docteur en droit, avocat à
Dole.
M. PiGALLET, archiviste du département du Donhs.
Général F. Schneegans, membre de la Société d'Emulation
de Montbéliard .
- 284 -
TABLE DES MATIÈRES
I. R^uruoQ pléaiere 2S
II. S«t.tion d histoire. — Commanications de MM. Pajot. l'abbé
l'P.oHuND. H. Prost. labbé Perrod A. Rucx. labbé
Rov-i«,N«.»T. k ïy Blondon. Jule» Gaithier .... . 232
III. Sectiin d archéologie. ~ Communicalions de MM. GiR.\RDOT,
<;pf»sjr.%îs. Kevret. Feivrier, Vaissier, l'abbé Brune . . 23«
IV. S^ tion de> Scieures. — Commun ira t ions» de MM. Merle,
U tiii>cuT. le IP Mahceai . Maloineii' 2i3
V. Séance pléniere. — Vœux présentés au Congrès. — Décisions
reiativeà au Congrès de 1905 245
VI. Baii']uet 247
VII. R»*iinion publique 248
Ili>«ours de M. Thcriet. président de rAssociation .... 218
Communication de M. Ch. Saxdoz : La Restaut'uiion de
I Hôtel de Ville de Besançon 254
C>rnmumcalion de M. F. Gaiffe : Un dramaturge bison-
tin au XVII!* siéde, ArnoiUd-Mussot 262
C^mntuuication de M. Georges Gazier : Un mann,scril au-
tobiographique inédit de Ch. Nodier 271
VUI. Vivite delà Ville par les Congressistes 27J
Li>t? des Membres du Congrès 281
LE LIVRE DE RAISON
D'EMMANUEL-SIMON PODRCHET
Lecture faite au Congrès des Sociétés savantes
(Association Franc-Comtoise)
Par M. l'abbé Aufi^ste R0SSI6NOT
BIBLIOTHiCAIRB DE L* ARCHEVÊCHÉ
J'aurais voulu, Messieurs, vous présenter un manuscrit
qui m'a intéressé h première vue, mais n'ayant pas eu le
temps d'en faire une étude complète, j'y jetterai avec vous
un coup d'œil rapide.
Il s'agit d'un livre de raison, et vous savez que, depuis
une trentaine d'années, on a beaucoup étudié ces documents
qui sont aussi précieux pour les historiens que pour les éco-
nomistes. Us sont, avant tout, des livres de comptes, mais à
côté du prix des divers objets de consommation, on y
trouve tout ce qui concerne la famille, la communtiuté, la
paroisse, la province et même la nation Ils nous exposent,
dans toute leur réalité, les multiples manifestations de la vie
religieuse, économique, intellectuelle, politique et sociale
des siècles passés.
L'auteur du Livre qui m'est tombé entre les mains est un
sieur Emmanuel-Simon Pourchet, d'Aubonne, petit village
situé sur le second plateau des montagnes du Doubs, à gau •
che de la route de Mouthier à Pontarlier, canton de Mont-
benoît. Il fut commencé en 1747 et continué par son pre-
mier auteur et ses héritiers jusqu'en 1801 . Sur les 406 pages
qu'il comprend, 193 seulement sont consacrées aux évène-
- 28G -
ment? de chaque jour. A partir de la page 494, il n'est plus
guère qu'un recueil de recettes et de remèdes. Une douzaine
de pages sont consacrées aux généalogies des principales
familles d'Aubonne. Beaucoup d'observations relatives à la
culture, aux semailles et aux autres travaux agricoles y sont
contenues II renferme aussi de nombreux préceptes mo-
raux et des avis qui sont dits utiles à tous.
A côté du sentiment de la propriété individuelle qui est
un des plus développés chez les habitants de nos carap»a-
;»nes, on voit aussi, non moins vif et non moins jaloux,
celui de la propriété commune dans nos villages et paroisses.
C'est par des considérations générales sur la propriété que
s'ouvre notre manuscrit.
• La lerre destinée par le créateur aux besoins de l'homme,
fut abandonnée à ses paisibles travaux ; après la chute
d'Adam, .seul avec sa compagne dans cette immensité, il
posséda d'abord tout. Et la division du globe, fille de l'esprit
d'intérêt et de propriété, ne commença ensuite qu'en faveur
des différents partis qui se réunirent en société ; mais bien-
tôt chaque particulier voulut jouir, et de là est venu que
Ton appelle la terre de Jean et celle de Pierre, etc. La com-
modité des établissements a e.xcité l'envie, et pour se dé-
fendre on s'est ligué. De là sont venues les nations. Les
vainqueurs aux dépens des vaincus, qui ont été faits leurs
seris. se sont divisés entre eux leurs conquêtes. De là sont
venus les seigneurs et les sujets.
« La religion de Jésus-Christ a ensuite réuni nombre de
S(»s adorateurs sous la bannière d'un de ses saints, pour ne
faire qu'une société où tout était en commun, et une circon-
férence de plusieure lieues n'a souvent formé qu'une seule
paroisse composée quelquefois de huit ou dix villages qui
étaient pour lors des hameaux de la paroisse. La suite des
temps les fait ensuite partager leurs terrains, de sorte que
presque tous ces dits hameaux font chacun leur commu-
nauté. Depuis une grande partie de ces dites communautés
ont bâti des églises. Telle serait l'église de Saint-Gorgon,
une des plus anciennes du bailliage de Ponlarlier ; elle était
la paroisse de plusieurs hameaux tels seraient : Aubonne,
Arc-sous-Cicon et autres. Aubonne est ainsi nommé à cause
de l'abondance et de la bonté de ses fontaines. »
Les biens communs étaient, dans la plupart des com-
munautés des montagnes du Doubs, assez considérables,
pour qu'on n'admit pas quiconque à en jouir, a Avant la
conquête française, nous dit Simon Pourchet, les commu-
nautés de villages exigeaient un prix des habitants qui
venaient s'établir dans leur communauté pour avoir une
lettre d'habitantage, lesquels avaient des privilèges de plus
que les étrangers, » Les lettres d'habitantage étaient ana-
logues à celles de bourgeoisie. Les unes et les autres ont été
supprimées ; mais elles avaient leur raison dans les services
rendus. Aujourd'hui encore, dans notre bonne ville de Be-
sançon, et ailleurs, ne faut-il pas certaines conditions de sé-
jour pour avoir droit à l'hospitalisation et aux secours du
bureau de bienfaisance ?
Les délimitations entre les communautés voisines étaient
affaire importante et les livres de raison nous les signalent
avec soin. « En 1743, nous dit le sieur Pourchet, les habi-
tants d'Aubonne délimitèrent avec ceux de Mouthier. Il y
eut un terrible débat, surtout à la grange de Brasse et au
bois de Rappaus. Le bon Dieu veuille qu'aucun n'ait blessé
sa conscience. Il fut nommé des arbitres. Monsieur d'Evillers,
lieutenant général à Ornans, y estoit, Monsieur l'avocat Teste
et autres. Monsieur Maillet de Vuillafans y était pour no-
taire. Heureux ceux qui auront bien lait, mais malheureux
ceux qui auront blessé leur conscience en ce point ; car ils
ont pKinté une borne proche de la maison des Girardet de
là le bois, et l'ancienne s'est retrouvée au-dessus de l'areste
derrière chez Girardet; c'est la seule pierre qu'ils ont trouvée
en y faisant leurs coupes. Et les cercles qu'ils ont faits sur
Aubonne, aux Gombottes Renaud et au-delà du puits de
- 288 —
Uappaus, ainsi qu'à Brasse, dénotent l'avidité et la soigneuse
attention des procureurs spéciaux de Mouthier. »
En 1762, une nouvelle délimitation eut lieu. « Il y a dix
ou onze ans les habitants d'Aubonne convinrent avec ceux
de Saint-Gorgon de planter des limites nouvelles dans les
communaux. Ils» avaient été limités précédemment, mais il
y eut désaccord et les habitants d'Aubonne ne pouvaient pro-
duire de titres. Ceux de Saint-Gorgon les cachaient. Ils con-
vinrent avec leur curé, le sieur Délouillon, de l'endroit où
il fallait les planter. Quelques jours après, les jeunes gens
d'Aubonne s'assemblèrent, réfléchirent, ensuite s'en furent
tirer toutes lesdites bornes à mesuie que les vieux les plan-
taient et ils firent bien, car ils les avaient plantées dans le
bas des Combes, et, après bien du remuement, les choses
en restèrent là.
« Quelques années après les habitants d'Aubonne parta-
geant les bois blancs du bois de Solemant, ils convinrent
qu'il fallait aller faire du bois à la Pille, au revers des Combes,
dessous Saint-Gorgon. Pourquoy ils me firent écrire un mot
de délibération que celui qui serait pris, les autres le sou-
tiendraient ; ce qui fut fait, car nous y fûmes du même jour.
En deux endroits on fit plus de cent voitures de bois ce
jour là. Les forestiers de Saint-Gorgon nous reportèrent dix-
sept et voilà le procès commencé, qui a duré deux ans. Des-
cente se fit par les Messieurs de la gruerie et après bien des
frais, on s'arrangea, mais ceux d'Aubonne gagnèrent bien
du terrain. » Se rendre ainsi justice soi-même était peut-être
le seul moyen qui put attirer l'attention de ceux qui en
étaient chargés et par conséquent le seul efficace pour l'ob-
tenir.
Après la propriété privée ou commune, ce qui intéresse
le plus le cultivateur, ce sont les récoltes. Aussi sont-elles,
chaque année, enregistrées avec soin : la pénurie, fabon-
dance, les sécheresses, les pluies, les prix du blé et du vin
}5ont exactement notés. De mémo que les Romains dataient
— 289 —
les événements par les consulats, le sieur Pourchet com-
mence régulièrement son rapport annuel par ces mots : En
Tannée .... tel et tel étant syndics, le blé se vendit tant, le
vin tant. Il procède ainsi jusqu*en l'année 1790.
En voici quelques exemples avec des chiffres qui pour-
ront intéresser les économistes : « En 1749, Antoine Sancey
et Benoist Sancey échevins, le bled s'est vendu jusqu'à la
S. Jean-Baptiste quatre à cinq livres l'esmire et à la Saint-
Jean il est allé jusqu'à douze livres, mais il est venu pres-
qu'à son prix à la moisson ; le vin trente-six à quarante
livres. En 1750, Jean-Baptiste Aymonin le vieux et Claude
Gourlet échevins, le bled environ quatre livres, le vin en-
viron trente-six livres. En 1755, Louis Sancey et François
Léoutre échevins, voici la bonne année, mes amis, le bled
environ trois livres dix sols et le vin vingt livres. En 1757,
François Viennet et Joseph Sancey échevins, le bled aux
environs de quatre livres, le vin un louis d'or. Mais l'un des
premiers jours du mois de may les vignes gelèrent, le vin
doubla et même tripla de prix. »
Gomme Jean-Glaude Mercier de Mamirolle, dont j'ai étudié
le livre de y^aison, Emmanuel-Simon Pourchet ne veut pas
être ignorant des choses de son pays et il consacre un cer-
tain nombre de pages de son livre à l'histoire de la province.
Ges notes sont tirées de manuscrits assez répandus à cette
époque. L'un d'eux, attribué à Claude-François d'Orival,
faisait remonter l'origine de Besançon jusqu'à la guerre de
Troie: c L'an de la création du monde deux mille sept cent
septante-cinq, avant l'avènement de notre Rédempteur,
deux mil sept cent soixante-neuf, la cité de Ghrysopolis fut
édifiée, après la destruction de Troie, par Achil, fils d'Hec-
tor Françion et par des payens, lesquels passèrent la mer
et vinrent en Gaule, etc ». Ces pages sont textuellement
reproduites par Pourchet et par Jean-Glaude Mercier.
D'autres événements plus rapprochés de nous et plus cer-
tains sont notés par le sieur Pourchet. Il nous apprend d'a-
19
— 290 —
bord que jusqu'en 1537 Aubonne fut un des vingt villages
francs dépenilant i\e Ponlarlier. « Tous les villa^res formés
dans l'étendue de Tancien territoire de Pontarlier s'appe-
laient Bouchoyage. Leur liberté originaire était la même que
celle de Pontarlier et il n'y avait point de vrai seigneur, en
sorte qu'ils n'étaient point gênés pour leur bois comme le?
voisins. Le droit de bouchoyage s'y est conservé plus long-
temps. Vingt villages participèrent au droit de cité, tant
pour les élections des magistrats que pour l'administration
de la commune. Ils n'y ont renoncé qu'en 1537, par un
traité où ils sont tous dénombrés. •
En 1748, le seigneur d' Aubonne était, pour moitié, le
maréchal duc de Randan, en tant que seigneur de Château-
vieux, et pour l'autre moitié, Messieurs Marguier d'Aubonne
qui tenaient cette seigneurie par acquisition du roi depuis
1706. Ils l'avaient acquise pour une somme de 1,800 livres.
Le seigneur avait droit de haute, moyenne et basse justice
pour tous délits, forfaits, battue, rescousse et autres, se
commettant sur le territoire de la seigneurie. Les revenus
de ladite seigneurie se réduisaient à une censé de six livres
estevenantes, appelée la giste d'Aubonne, payable k Chà-
teauvieux, sous peine de trois sous estevenants d'amende.
Voici quelques autres faits intéressant la province.
La présente année 1784, messieurs les avocats de Besançon
sont en procès au conseil avec le parlement au sujet de l'un
d'eux qui a fauté, et les avocats veulent le rayer du cata-
logue des avocats et le parlement ne veut pas ; ces mes-
sieurs les avocats prétendent être indépendants du parle-
ment pour cet objet. En conséquence ils sont tous interdits;
pas un ne plaide, ni ne donne avis, si ce n'est comme en
contrebande, en cachette.
« En 1674 pareille affaire s'était présentée à propos du
nom de Messieurs ou Nosseigneurs à donner à Messieurs
du parlement. Les avocats perdirent leur procès. Celui-ci
— 201 -
sera jugé à la Saint-Martin. C'est le pot de terre contre le
pot de fer. »
Il ne fut jugé qu'en 1785, mais, comme le sieur Pourchet
le prévoyait, les avocats furent condamnés.
Nous trouvons mentionnés dans le livre du sieur Pour-
chet, des faits plus généraux : « En 1755 la terre a tremblé
à plusieurs endroits de Tunivers. La ville de Lisbonne a été
renversée, quelques maisons à Besançon un peu écroulées,
mais peu dans nos environs. C'est dans le mois de novem-
bre et encore plus de décembre que cela est arrivé. »
Le souvenir des guerres de 1636 était encore vivant du
temps de Simon Pourchet ; on le voit à la manière dont il
en parle : « Mon ayeul était Denis Pourchet : c'était le temps
de guerres presque continuelles. Les Suédois, ceux-là,
tuaient tout. Plusieurs camps-volants venaient ravager après
eux. M. Franchet traita avec eux pour une somme d'argent.
On était comme l'oiseau sur la branche, obligé chaque année
plusieurs fois à courir promptement se cacher et quelquefois
y rester plus de deux ou trois mois. Ils fesaient du pain
comme ils pouvaient, dans les rochers, dans les cavernes ;
les habitants de ce temps-là étaient plus curieux de l'argent
que des fonds à cause des guerres. Pendant sept ans de
temps on n'avait pu semer un grain. »
Simon Pourchet nous parle ainsi des événements de l'an
1789 : a L'année 1789, grand remuement dans le royaume
de France. Le roy, se trouvant en besoin d'argent, fit faire
une assemblée nationale des trois ordres, qui sont le clergé,
la noblesse et le tiers état qui sont les roturiers. Toutes les
communautés assemblées ont fait un cahier de plaintes et
ont nommé des députés pour s'assembler dans les bailliages,
là où on refondra les dits cahiers tout en un seul, pour les
porter aux grands bailliages, qu'il y en a quatre dans la pro-
vince, et là encore on refondra lesdits cahiers en un seul
pour chaque grand bailliage, et on a choisi des députés pour
Versailles, qui y ont bien des maux. Mais le peuple de Paris
— 292 —
soutient le tiers état au péril de la vie, qu'il s'y est déjà
bien répandu du sanjjj à Paris, parce que la noblesse et le
giand clergé a de la peine à payer comme nous, c*est-à-dire
sans privilège. On verra cy après. Mais bien des commu-
nautés ont fracassé les châteaux de leurs seignenrs, brûlé
les titres, etc. Dans Aubonne on n'a rien fait de tout cela, et
je crois qu'ils s'en trouvent bien. Le 29 juillet plusieurs
communautés sur les côtes de Vuillafans, y ayant quatre à
cinq cents hommes, ont descendu audit Vuillafans, ont pris
leurs papiers chez M. le châtelain Maillet, les ont brûlés sur
la place. Le bruit répandu à Lod, Mouthier, Aubonne et tout
le val du Sauget, val d'Usier, val de Maillet, toutes contrées
ayant milice bourgeoise sont allées au secours, croyant être
Tennemi, d'une guerre civile formée par la noblesse, mais
ayant appris ce que c'était, on a été appaisé. Pas moins
chaque communauté garde la nuit. Il y a dix hommes cha-
que nuit à Aubonne de garde ; ainsi des autres, à proportion
du nombre des habitants. Plusieurs sauvaient déjà des
paquets.
« Nous avons un bon ministre pour le peuple, nommé
M. Necker, que la noblesse ne peut voir, du moins la grande
noblesse, mais pas tous ; il y en a encore pour le tiers état
ainsi que le petit clergé.
• En 1789, l'assemblée des états-généraux a bien renou-
velé des affaires, levé toutes les gabelles ; tous les droits
honorifiques des seigneurs supprimés sans indemnité ; le
surplus de leurs droits rachelables, etc. Pour ainsi M. d'Au-
bonne a ùté ses bancs de la chapelle, laquelle appartient à
présent en toute propriété à la communauté. Cela est bien
juste ; il n'y a que vingt ans que la communauté l'avait cons-
slruite sans que M. d' Aubonne y ait contribué d'un sol. »
Il semble qu'arrivé au moment de la terreur révolution-
naire, Simon Pourchet n'ait plus osé consigner ses pensées
et ses opinions dans son livre de raison. Il ne dit presque
plus rien des événements, sous prétexte qu'il y aurait trop à
— '203 ~
dire, mais n'est-ce pas plutôt par crainte de voir son livre
tomber entre les mains de gens qui auraient pu le traiter
comme suspect?
€ Les nouvelles sont si abondantes, dit-il, qu'on n'en
peut rien marquer. C'est le monde renversé ; le tiers état
l'emporte sur la noblesse et le clergé, de sorte qu'il n'y a
plus de noble, plus de seigneur et même de nom, plus de
privilège de quelque façon que ce soit pour les deux pre-
miers ordres. Le tout sera accordé par le mérite et ceux du
tiers état ont autant de droits d'être évêques, archevêques,
etc., ainsi qu'aux charges du barreau, le tout au mérite. Cela
est bien juste '^. Deux mots paraissent résumer toutes ses
impressions : • La Révolution a, depuis 1700, fait bien des
ravages; le gouvernement nouveau a réprimé bien des
abus. »
Nous avons dit que le livre de Simon Pourchet renferme
un grand nombre d'observations relatives à la culture et
aux travaux agricoles ; il contient aussi de nombreux pré-
ceptes moraux et hygiéniques, et il semble, dans sa der-
nière partie, n'être plus qu'un recueil de remèdes et de re-
cettes. Nous allons en citer quelques passages pour en avoir
une idée. Voici d'abord i un avis salutaire pour le spirituel
et le temporel, sur la sobriété. »
« Qu'est-ce donc que la sobriété? c*est une vie d'ordre,
de règle et de tempérance. Mais il faut éviter aussi des
excès de chaleur, de froid et de travail. L'intempérance fait
plus mourir de gens que l'épée. On a l'expérience qu'un
homme sobre, sortant de tous ses repas ayant encore un
peu d'appétit, est exempt de toutes maladies, même de la
peste, et mourrait sans être malade, de pure défaillance de
nature, comme une lampe qui s'éteint faute d'huile, et qu'un
homme sobre peut vivre longtemps, même un siècle. Il y a
deux proverbes : l'un est (|ue qui veut manger longtemps
doit manger peu, car moins on mange, plus on vit. L'autre est
— 294 —
que ce qu*on laisse d^aliments fait plus de bien que ce que
I*on prend.
• De toutes sortes d'aliments aucuns ne conviennent
mieux aux personnes infirmes ou avancées en âge qu'une
espèce de panade avec un ou deux œufs. On peut vivre de
cela seul et d'une vie aussi longue que saine. Boire peu de
vin, n'en faire jamais excès, le mêler de quelque peu d'eau,
surtout les plus fumeux. La viande n'est pas saine au corps;
l'excès de viande engendre bien des maladies. De trop man-
ger de viande bouche les organes ; les yeux en sont affaiblis.
Pour trouver la juste mesure de boire et de manger, c'est
(fu'en sortant de ses repas on puisse être en état de s'appli-
quer à des fonctions honnêtes, à l'étude, à donner de sages
conseils, à paraître en des conversations de gens honnêtes,
etc. La nature et la raison demandent que l'on se nourrisse
do manière que la faculté animale et la faculté raisonnable
ne soient point offensées ; la nourriture doit être utile à
ces deux facultés et non être un obstacle à leurs fonctions ;
il faut être aussi en état de s'appliquer après le repas qu'a-
vant. La sobriété rend l'homme vigilant, de bon conseil,
sage, toujours de bonne humeur avec tout le monde, gai,
honnête, etc. »
Voici maintenant une recette que Simon Pourchet donne
comme précieuse : • Recelte pour le vinaigre des quatre
voleurs, qui est un préservatif dans les maladies épidéraiques.
Prenez de la rue, de la sauge, de la menthe, du romarin,
de l'absinthe, de la lavande, de chacun une poignée. Faites
les juslerdans quatre pintes de vinaigre de vin blanc. Mettez
le tout dans un pot de terre neuf, bien couvert, sur les cen-
dres chaudes pendant quatre jours. Ensuite passez la li-
(jueur dans une chausse et mettez-la dans des bouteilles
bien bouchées avec du liège. Mêlez dans chaque bouteille
d'une pinte un quart d'once de camphre. Lavez-vous la
bouche, frottez-vous les reins, les tempes avec cette liqueur.
Respirez-en par les narines. Quand vous irez à l'air, portez
295 —
sur vous un morceau d'épongé imbibée de la liqueur pour
la flairer en toute occasion à l'approche d'un lieu suspect.
La bouteille est celle de Paris qui est une bouteille de tiers. »
Terminons par cet avis sur l'amitié :
« Oe tous les biens le nombre d'amis est le plus utile,
U faut surtout bien en choisir un entre mille,
L éprouver une couple d'années.
S'il vous aime, s'il sait se taire
Le ciel qui vous Ta donné
N'a plus de présent à vous faire.
•OliS FUTS 4 L4 SOCIÉTÉ (1903-IMS)
Par le Dîipabtoient dv Docbs 300 f.
Par la ViLLE DE BESANÇON 400 f.
I\ir M. le Ministre de l'Instrcction pcblique :
BnUttin *iu Conntê des Sociétés savantes : Bulletin archéologi-
•lue. MAf3-l9lU ; hislorique el philologique, 1904, 1-4. scien-
tiî-l le 1914 ; Congrès à Bordeaux, 1903.
/?i^'i'V/ra/»/ii> des travaux historiques et archéologiques publiés
j'or les :>ociHès savanV^s de France^ I. IV, 3.
Hapfort général administratif et économique de l'Exposition
unirerselte internationale de iOOO, par M. Alfred Picard,
!. I à t. VIII et pièces annexes.
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques
de France : Besançon, t. XXXIII et XXXIV ; t. XLI, 3« sup-
piènKitt, Lyon; Orléans, t. XLIII ; Arsenal (Paris), Vitrj-le-
Frai.rois, Beims, t. XXXVIH el XXXIX.
BihlvAhéque de VEcole des Chartes, l. LXIV el LXV, 1903-1905.
Annales du Musée Guimet, t. XVI el XVII, 1905; Revue de
l'Histnire des religions, t. L., n** 3 ; Bibliothèque de Vulgari-
sation, t. XVI ; Jubilé du Musée Guimet, — Conférences 1903-
KX>4.
Par MM.
Le Recteur de l'Académie : Séance de rentrée des Facultés
de Besançon, 1904.
F.-X. Perrot (L'Abbé), membre correspondant : ses deux pu-
blications : Jérusalem (aller et retour) ; Mon Village.
Marquiset <le Comle Alfred), membre correspondant: Pre-
mière levée ; Armand Marquiset (1797-1859) : A travers ma
vie, souAenirs classés el annotés par son petit neveu.
— 297 —
Maonin (le D^ Ant.), membre résidant : VEdaphisme chimique
— Rapport annuel sur Texercice 1903 à l'Université de Be-
sançon ; — La Végétation des Lacs du Jura, 1904.
Jeanneney (capitaine), membre résidant : Conférence iur r his-
toire militaire de Besançon (xvii* et xix' siècles).
Le Préfet du Doubs : Rapports et procès-verbaux du Conseil
général, avril et août 1904.
Janet (Charles) : ses notes et observations sur les fourmis et
les guêpes, 4 broch., 1903-1905.
Maussieh (P. B). anc. membre de la Société : sa notice sur le
chemin gaulois de Roanne à Saint-Just sur Loire.
Lebeuf, directeur de TObservatoire de Besançon : XV^' R,
Bulletin astronomique, chronométrique et météorologique,
1902-1903 et 1903-190'k
Baudin (Docteur), membre résidant : V Année sanitaire et dé-
mographique à Besançon. 1903.
CouRTOT (J.-G.), membre résidant: Catalogue de sa bibliothèque,
ouvrages d'apiculture, 1904
LouvoT (chanoine), membre correspondant : Etude sur Notre-
Dame de Gray, par M. l'abbé Vuillerey.
Maire (capitaine), membre correspondant : Etude sur la Race
Man du Haut- Tonkin.
Prinet (Max), membre correspondant : Recherches sur la
monnaie de Moreium (Morey).
— 298 —
IWm BES SOCIÉTÉS COUESPOIVDAKTES (I9«3 IH5)
Mémoires de la Société zoologique de France, t. XVI, 1903.
Revue de V Histoire de \ersailles, 1903.
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i. XXX, l»iillelin 1903. — Lettres de M. de MarviJIe, Jieu-
tenant-géncral au ministœ Maurepas, 1742-1747, par M. A.
DE BOISLISLE, t. II.
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Revue épigraphique {M. Espérandieu), 1903, t. V, 1904,113-114.
Revue des Etudes grecques, t. XVI et XVII, 1903-1904.
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«Mettensia), 1903 et 1904. Bulletin et mémoires, 7« série, t. III,
1903 ; — Centenaire, 1904.
Revue des Etudes historiqueSy 69^ année, 1903.
Bulletin de la Société de botanique de France, 1903-1904; Tables;
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Comptes rendus de la Société de secours des Amis des Sctences,
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Revue africaine, 250-255, 1904.
Omis, Société omithologique, t. XII, 1903-1904.
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Bulletin de la Société pour la protection des paysages de France,
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Société de botanique de France, 1904.
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Spelunca, 1903, t. V. no' 36 à 39, 1905.
Annuaire de la Société philotechnique de Paris, 1903.
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1902-49^.
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toire de Sancey-le-Grand, par M L. Niepce, t. III.
Bulletin de la Société hist. et archéol. de Langrcs, 1904.
Annales de la Société d'Emulation des Vosges^ 1903 et 1904.
Bulletin de la Société philomatique Vosgienne.
Annales de la Société d'Emulation de VAin, 1903 et 1904.
Le Sillon (Vesoul), 1903-1904.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire^
1903-1904.
Bulletin de la Société belfortaine d'Emulation, 1903.
Annales de l'Académie de Mdcon,3'^s.. t. VII, 1902; t. VHI. 1903.
Revue viticole et horticole de Franche-Comté (Poligny), 1903 et
1904.
Bulletin de la Société des sciences naturelles et d'archéologie de
l'Ain, 1903 et 1904.
Société d'histoire, d'arch. et de litt. de V arrondissement de
Beaune, <901 et 1902.
Bulletin de la Soc. d'agr, se. et arts de la Haute-Saône, n«» 2
et 3, 1902-1903.
Mémoires de la Société d'Emulation de Monthéliard^ t. XXX
et XXXI, 1903 et 1904.
Mémoires de l'Académie des Sciences, Belles -Lettres et Arts de
Besançon, 1903 et 1904.
Bulletin de la Société Grayloise d'Emulation, n»» 6, 7, 1904.
Bulletin des séances de la Société des sciences de Nancy, t. V,
1904.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de l'Yonne, t. VII,
1903 et 1904.
Revue Bourguignonne, publiée par l'Université de Dijon, t. XIV,
1-2, 1903-1904 ; — Le Mystère de la Passion en France du
XIV* au XV I^ siècles, par M. Emile Roy, 2 vol.
Mémoires de la Société Bourguignonne d'histoire et de géogra-
phie, t. XX, 1904.
Mémoires de la Société d'agr. com. se. et arts du département
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Société d'histoire naturelle d'Autun, 16* bull., 1903.
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Annuaire de la Société historique et archéologique de Château-
Thierry, 1902. Tables, 1864-1900.
Bulletin de la Société archéologique, et histoirique du Vende-
mois, t. XLII et t. XLIII, 1904.
Bulletin de la Société historique et archéologique de VOrléanais,
t. XIII, 1904, 1.
Revue de Saintonge et d'Aunis, t. XXIII et XXIV, 1904.
Bulletin de la Société des Antiquaires de VOuest, 2« série,
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Bulletin de la Société des sciences naturelles de VOuest de la
France, 1904 et 1905.
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Recueil des publications de la société hàvraise d'études diverses,
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Mémoires de la Société des sciences naturelles et mathématiques
de Cherbourg, 4" série, t. III et IV, 1903 et 1904.
Bulletin de la Société libre d'Emulation, du Commerce et de
l'Industrie de la Seine-Inférieure (exercice 1902). — Livre
d'or, notices, 1903, 1904.
Bulletin de la Commission des antiquités de la Seine -Inférieure,
l XIII, 1, 1904.
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Thierry, 1903.
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Mémoires de l'Académie de Saint- Quentin, t. XIV, 1899-1900.
Mémoires de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et
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Bulletin de la Société de statistique du département de l'Isère,
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Bulletin de la Société delphinoise d'ethnologie et d'anthropo-
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Société d'agriculture de Saint-Etienne, 1903 et 1904.
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Revue Savoisienne, 1902, 1903.
Société Savoisienne d'histoire et d'archéologie (Mémoires et Do-
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Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres de Savoie,
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Revue scientifique du Bourbonnais et du centre de la France,
1903-1904.
Annales de VUniversité de Lyon, 2« série, 11-15, 1904.
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Bulletin de La Diana (Montbrison), t. XIII, 3, 1903 et 1904,
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Bulletin de la Société historique et archéologique du Limousin,
t. LUI et LIV. 1904, 1. (Le t. LUI, Pouillé historique du dio-
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Académie des sciences de Montpellier : Sciences, t. Ilï et t. IV,
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Bulletin de la Société Vautioise des sciences natur., t. XXXIX,
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Revue historique Vaudoise, organe officiel de la Société Vau-
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Société des sciences naturelles de Zurich (Viertelsjahrschrifli,
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Anliquaires de Zurich, LXVIII, 1904.
Musée national suisse à Zurich, xii« rapport annuel, 1903.
Anzeigtr fur schweizerische Altertumskunde, 1903. 1904, 19(fô,l.
Société des sciences nalurelles, à Baie (Verhandiungen), 1904.
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Bulletin de la Société neuchâteloise des sciences naturelles,
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Bulletin de la Société neuchâteloise de géographie, t. XV, 1904.
Société d'histoire générale de la Suisse (Yahrbuch), 1904.
Société des sciences nalurelles, à Berne, 1903, no« 1551 à lôW.
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Société physico-économique de Kœnigsberg (Schriften), 1903.
Société d'histoire naturelle de Fribourg en Brisgau (Berichte),
1904.
Université de Tuhingue : 3 dissertations, 1903-1904.
Memorie délia regia Accademia^ se, let. ed arti in Modena,
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n. Deputazione sovra gli studi di storia patria, miscellanea^
3e s., 1904.
- 305 —
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Au 30 Juin 1905.
Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique Tannée
de sa réception dans la Société.
Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles
sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément
à Tarticle 21 du règlement.
Conseil d'administration pour 1905.
Président MM. Adolphe Parizot , inspecteur
honor. des Enfants assistés ;
Premier Vice- Président . . M. Thuriet, avocat général.
Deuxième Vice- Président , Magnin (le D' An t.) ;
Secrétaire décennal Georges Gazikr ;
Vice-Secrétaire A. Vaissier ;
Trésorier Fauquignon ;
Archivistes Kirchner et Maldiney;
Secrétaires honoraires.., MM. Bavoux (Vital).
Meynier (le docteur).
Membres honoraires (22).
MM.
Le Général commandant le 7® corps d'armée (M. le général
Dkckherr).
Le Premier Président de la Cour d'appel de Besançon,
(M. Gougeon).
L'Archevêque de Besançon (S. G. M^f Petit).
Le Préfet du département du Doubs (M. Godefrov).
20
- 306 —
MM.
Le Gouverneur {de la place de Besançon (M. le général
DE Maimbray).
Le Ukcteur de rAcadéinie de Besançon (M. Ardaiixon).
Le Procureur général près la Cour d'âp|)el de Besancon
(M. MOLINES).
Le Maire de la ville de Besançon (M. Baigue).
L'Inspecteur d'Académie à Besançon (M. Guyon), rue de
Ville] .
Delisle, Léopold, membre de Tlnslilut (Académie des insorip-
. lions et belles-lell res) , ancien administrateur général de la
Bibliothèque nationale; Paris, rue Neuve-des-Pelits-Champs.—
1881.
Weil, Henri, membre de l'Institut (Académie des inscriptions
et belles-lettres), doyen honoraire de la Faculté des lettres
de Besançon ; Paris, rue Adolphe Yvon, 16. — 1890.
DuFOUR, Marc, docteur en médecine, à Lausanne, rue du Midi.
— 1886. Membre honoraire, 1896.
Sire, (îoorges, correspondant de Tlnstitut, essayeur de la Ga-
rantie, Besançon, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847.
Membre honoraire, 1896.
PiNGAUD, Léonce, correspondant de Tlnstitut, prof, d'histoire
moderne à la Faculté des lettres de Besançon, rue Saint-
Vincent, 17. — 1874. Membre honoraire, 1896.
Choffat, Paul, attaché à la direction des services géologiques
du Portugal; à Bordeaux et à Lisbonne, rue d'Arco a Jésus,
113. — 1869.
Metzinger (le général), ancien commandant du 15« corps d'ar-
mée, membre du Conseil supérieur de la Guerre, h Paris. —
1899.
Rolland, Henri-Marius, capitaine de vaisseau, ancien général
de division du cadre auxiliaire en 1870-71, en retraite à Mar-
seille, boulevard National, 20. — 1899.
Berger, Philippe, membre de l'Institut (Académie des inscrip-
tions et belles-lettres), professeur au collège de France. —
1899.
Bertrand, Marcel, membre de l'Académie des sciences, inspec-
teur général des mines. — 1899.
- ^1 -
pROST, Bernard, inspecteur général des archives et des biblio-
thèques, à Paris, avenue du Trône, 3. — 19(M.
Bouchot, Henri, conservateur du cabinet des estampes .'i la
Bibliothèque Nationale, à Paris. — 1901.
Becquet, Just, statuaire, rue de la Procession, 27, à Paris. —
1904.
— 308 —
Membres résidants (i) (123).
MM.
AuBERT, Louis, directeur des confections militaires, Grande-
Rue, 121. — 1896.
Baoer, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1870.
Baïgue (le docteur), professeur suppléant à Técole de méde-
cine, rue de la Mouillère. — 1897.
Bauoin, Léon, docteur en médecine, directeur du Bureau d'hy-
giène de Besançon, Grande-Rue, 86 bis. — 1885.
' Bavoux, Vital, receveur principal des douanes en retraite;
Fontaine-Ecu, banlieue de Besançon. — 1853,
Heauquier, Charles, archiviste-paléographe, député du Doubs ;
Montjoux, banlieue de Besançon. — 1879.
DE Beauséjour, Gaston, ancien capitaine d'artillerie, place
Saint-Jean, 6. — 1897.
* Berdellé, ancien garde général des forêts, Grande-Rue, 112.
— 1880.
•Besson (Paul), colonel, directeur d'artillerie, à Besançon,
rue Mégevand, 4. — 1894.
Boname, Alfred, photographe, rue de la Préfecture, 10. ~ 1874.
Blondeau, substitut du Procureur de la République, rue Prou-
dhon, 8. — 1895.
Bonnet, Charles, pharmacien, ancien conseiller municipal,
Grande-Rue, 35. — 1882.
Bossv, Léon, fabricant d'horlogerie, rue de Lorraine, 9. — 1896.
FiouRDiN (le docteur), médecin-major au 7« bataillon de forte-
resse, rue Charles Nodier, 30. — 1900.
' BoussEY, professeur agrégé d'histoire au Lycée, président de
l'Académie de Besançon, Grande-Rue, 116. — 1883.
BouTTERiN, François-Marcel, architecte, professeur à l'Ecole
municipale des Beaux-Arts, rue Saint-Antoine, 4. — 1874.
(i) Dans cette catégorie fiçfurent plusieurs membres dont le domicile
habituel esl hors de Besançon, mais qui ont demandé le litre de résidant
atîn de payer le tnaximum de la cotisation et de contribuer ainsi d'une
manière plus large aux travaux de la Société.
— 309 -
MM.
BOYSSON d'Ecole, Alfred, rue de la Préfecture, 24. — 189i.
Bretenet, chef d'escadron d'artillerie, rue St-Pierre, 15.— 1885.
Bretillot, Maurice, banquier, membre de la Chambre de com-
merce, rue Charles Nodier, 9. — 1857.
Bretillot, Paul, propriétaire, rue de la Préfecture, 21. — 1857.
Burlet (l'abbé), chanoine-archiprêtre, curé de Saint-Jean. —
1881.
De Buyer, Jean, propriétaire, à Besançon et à Saint-Laurent
(banlieue). — 1902.
Cellard, Camille, architecte, rue Saint-Pierre, 3. — 1902.
CÉNAY, pharmacien, avenue Carnot, 26. — 1897.
Chapoy, Léon (le docteur), ancien directeur de l'Ecole de mé-
decine, Grande-Rue, 11. — 1875.
DE Chardonnet (le comte), ancien élève de l'Ecole polytech-
nique, à Besançon, rue du Perron, 20, et à Paris, rue Cam-
bon, 43. — 1856.
Charlet, Alcide, avocat, bâtonnier de l'Ordre, rue des Granges,
72. — 1872.
Charmoillaux, Eugène, étudiant, rue du Clos, 9. — 1904.
Chipon, Maurice, avocat, ancien magistrat, rue de la Préfec-
ture, 25. — 1878.
Ci^VEY, président de Chambre à la Cour d'appel, Grande-
Rue, 62. — 1902.
Clerc, Edouard-Léon, représentant de commerce, rue du Chas-
not, 12. — 1897.
Coillot, pharmacien, rue Battant, 2, et quai de Strasbourg, 1.
- 1884.
CoLSENET, Edmond, professeur de piiilosophie et doyen de la
Faculté des lettres, ancien conseiller municipal, rue Gran-
velle, 4. — 1882.
CoRDiER, Palmyr, agent principal d'assurances, conseiller mu-
nicipal, rue des Granges, 37. — 1885.
Cornet, Joseph, docteur en médecine, aux Chaprais, rue de
la Cassotte, 11. — 1887.
CouRGEY, avoué, nie des Granges, 16. — 1873.
CouRTOT, ïhéodule, commis- greffier à la Cour d'appel; à la
Croix-d'Arènes (banlieue). — 1866.
— 3i0 -
MM.
Dayet, André, receveur d'enregistremenl à Besançon ; Fontaine-
Ecu. — 19(M.
DiETRiCH (le docteur), rue Saint-Pierre, 90. — 1892.
DODIVERS, Joseph, imprimeur, Grande-Rue, 87. — 1875.
Dreyfus, Victor-Marcel, doct. en médecine, avenue Carmit
(aux Chaprais). — 1889.
Drouhard, Paul, conser\'ateur des hypothèques en relraile,
rue Saint-Vincent, i8. — 1879.
Drouhard (rabl>é), chanoine, rue Saint-Jean. — 1883.
DuBOURG, Paul, ancien président de la Chambre de commerce,
ancien membre du Conseil général du Doubs, rue Charles
Nodier, 28. — 1891.
Eydoux, Henri-Ernest, administrateur des nuigasiins du Ron-
.Marché, Grande-Rue, 73. — 1899.
Fauquignon, Charles, ancien receveur des postes et têlé-
jrraphes, vue des Chaprais, 5. — 1885.
Febvre, Lucien, ancien élève de l'Ecole normale supérieure.
rue des Fontenottes, 6. — 1904,
Flusin, Georges, industriel, Grande-Rue, 23. — 1898.
FoiRMER, professeur de géologie à l'Université de Besançon.
-1899.
Fran'cev, Edmond, avocat, membre du Conseil général di:
Duubs, ancien adjoint au maire, rue Moncey, i. — 1884.
Gaiffe, professeur au Lycée, aux Villas Bisontines. — 1901.
Gauderon (le docteur), Eugène, professeur de clinique à l'Ecole
de médecine. Grande- Rue, 110. -— 1886.
* Gauthier, Jules, archiviste du département de la Côle-d'Or,
membre non résidant du Comité des Travaux historiques et
archéologiques et du Comité des Beaux-Arts, au Ministère
de l'Instruction publique, à Dijon. — 1866.
Gazier, Georges, conservateur de la Bibliothèque de la Ville;
rue de la Pi-éfecture, 10. — 1903.
GiRARDOT, Albert, géologue, docteur en médecine, rue Saint-
Vincent, 15.— 1876.
Grenier, Alfred, inspecf des forêts, aux Villas Bisontines. —
1904.
' Gruter, médecin-dentiste, square Saint-Amour, 7. — 1880.
— 311 —
MM.
GuiLLEMiN, Victor, artiste peintre, rue des Granges, 2i. —
1884.
Heitz (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, Grande-
Rue, 45. — 1888.
Henry, Jean, docteur es sciences, Grande-Rue, 129. — 1857.
Hétier, François, botaniste; à Mesnay-Arbois (Jura). |-— 1895.
d'Hotelans, Octave, rue Charles Nodier, 12. — 1890.
Jeanneney, capitaine au 60» de ligne, à Montfaucon. — 1904.
Kirchner, ancien négociant, quai Veil-Picard, 5o his. —
1895.
* KoLLER, propriétaire, ancien conseiller municipal, ancien
membre du Conseil d'arrondissera. de Besançon; au Perron-
Chaprais. — 1856.
Lambert, Maurice, avocat, ancien magistrat, quai de Stras-
bourg, 13. — 1879.
Lebrun, Louis, répétiteur au Lycée Victor Hugo. — 1905.
Leclerc, Adrien, conseiller à la Cour d'appel de Besançon,
place du Transmarchement, 6. — 1904.
Ledoux, Emile (le docteur), quai de Strasbourg, 13. — 1875.
LiEFFROY, Aimé, propriétaire, conseiller général du Jura, rue
Charles Nodier, 11. — 1864.
Lime, Claude-François, négociant, aux Chaprais. — 1883.
LouvOT, Emmanuel, notaire, Grande-Rue, 14. — 1885.
Mâcherez, A.; rue Granvelle, 5. — 1901.
Ma ES, Alexandre, serrurier-mécanicien, rue du Mont-Sainte-
Marie, 10. — 1879.
Magnin (le docteur Ant.), professeur à l'Université, doyen de la
Faculté des sciences, ancien direcleur de l'Ecole de médecine,
conseiller municipal, ancien adj. au maire, rue Proudhon, 8.
— 1885.
Mairot, Henri, banquier, ancien conseiller municipal, président
du Tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. —1881.
Mal DINE Y, Jules, chef des travaux de physicjue à la Faculté
des sciences. — 1889.
Mandrillon, avocat, Grande-Rue, 19. — 1894.
Marchand, Albert, ingénieur, administrateur délégué des Sa-
lines de Miserey. — 1888.
— 312 —
MM.
* Martin, Jules, manufacturier, rue Sainte-Anne, 8. — 1870.
Masson, Valéry, avocat, Grande-Rue, 102. — 4878.
Matilk, fabricant d'horlogerie, rue Saint-Pierre, 7. — 1884.
Mai'villier, Pierre-Emile, photographe, rue de la Préfecture, 3.
— 1897.
Métin, Georges, agent-voyer d'arrondissement; à Canot.—
1868.
Michel, Henri, architecte-paysagiste, professeur à TEcole des
Beaux-Arts; Fonlaine-Ecu (banlieue). — 1886.
MiOT, Camille, négociant, membre de la Chambre de commerce,
Grande-Rue, 104. — 1872.
MiOT, Louis, avoué à la Cour d'appel, Grande-Rue, 104. —
1897.
MoNTENOisE, avocat, rue de la Madeleine, 2. — 18ii4.
Mourût (Tabbé), secrétaire h l'archevêché. ~ 1899.
Nardin, ancien pharmacien, rue de la Mouillère, 1. — 19(X).
Nargaud, Arthur, docteur en médecine, quai Veil-Picard, 17.
— 1875.
NiCKLÈs, pharmacien de 1" classe, Grande-Rue, 128. — 1887.
Outhenin-Chalandre, directeur des Missionnaires d'Ecole; rue
de la Préfecture, 24. — 1902.
* Ordi.naire, Olivier, consul de France, en retraite; Maizières
(l)oubs). — 1876.
Parizot, inspecteur honoraire des Enfants assistés, rue du
Mont-Sainte-Marie, 8. — 1892.
Pateu, entrepreneur, ancien conseiller municipal, avenue
Carnot. — 1894.
Perruche de Velna, conseiller à la Cour d'appel, rue du
Perron, 26. — 1870.
Petitjean d'abbé), aumônier des Enfants assistés, à Chàleau-
farine. — 1905.
PiDANCET, avocat, quai Veil-Picard, 31. — 1905.
' PiNGAUD, Léonce, correspondant de Tlnstitut, professeur
d'histoire moderne à la F'aculté des lettres, rue Saint-Vin-
cent, 17. — 1874.
HÉMOND, Jules, notaire, Grande-Rue, 31. — 1881.
— 313 —
MM.
RiCKLiN, notaire, rue des Granges, 38; étude: Grande-Rue, 121.
— 1879.
Robert, Edmond, fabricant d'aiguilles de montres, faubourg
Tarragnoz. — 1886.
RocARDEY, Jean, directeur des contributions indirectes; rue
Charles-Nodier, 4. — 1903.
Roland (le docteur), professeur à l'Ecole de médecine, rue de
rOrme-de-Chamars, 10. — 1899.
Rossignot (l'abbé), curé de Sainte-Madeleine, rue de la Made-
leine, 6. — 1901.
Rouget, directeur de l'Ecole normale d'instituteurs de Besan-
çon; rue de la Madeleine, 6. — 1902.
Saillard, Albin (le docteur), sénateur, membre du conseil gé-
néral du Doubs, place Victor Hugo, et à Paris, rue N.-D.-des-
Champs, 75. — 180().
DE Sainte-Agathe (le comte Joseph), avocat, archiviste-paléo-
graphe, rue d'Anvers, 3. — 1880.
Sangey, Alfred, négociant, rue d'Alsace. — 1899.
Savoye, Henri, artisie peintre, à la Bouloie (banlieue). —
1901.
Simonin, architecte, rue du Lycée Victor Hugo, 13. — 1892.
Sire, Georges, correspondant de l'Institut, essayeur de la Ga-
rantie, rue de la Mouillère, aux Chaprais. — 1847.
Thouvenin, François-Maurice, pharmacien supérieur, profes-
seur à l'Ecole de médecine et de pharmacie. Villa St-Yves, à la
Croix d'Arènes. — 1890.
Thuriet, Maurice, avocat général à la Cour d'appel de Besan-
çon, rue du Perron, 16. - 1901.
Truchi de Varennes (vicomte Albéric de), rue de la Lue, 9.
— 1900
Vaissier, Alfred, conservateur du Musée archéologique, Grande-
Rue, 109. — 1876.
Vaissier, Georges (le docteur), Grande-Rue, 109. — 1898.
' Vandel, Maurice, ingénieur des arts et manufactures, à la
Rochetaillée, par Saint-Uze (Drôme). — 1890.
* Vautherin, Raymond, ancien capitaine du génie, villa Sainte-
Colombe, rue des Vieilles-Perrières. — 1897.
— 314 —
MM.
Vernier, Léon, professeur à la Faculté des lettres, rue Sainte-
Anne, 10. — 1883.
Vieille, Gustave, arcliilecte, inspecteur départemental des
sapeurs- pompiers, rue des Font enot tes, sous Beauregard. —
1882.
Wehrlé, négociant, rue Battant, 11. — 1894.
- 315 —
Membres correspondants (101).
MM.
• Almand, Victor, capitaine du génie, orficier d'ordonnance du
général Carette ; à Marseille.
André, Ernest, notaire; rue des Promenades, 17, Gray (Haute-
Saône). — 1877.
• Bardet, juge de paix; à Brienne (Aube). — 1886.
Barbey, Frédéric, archiviste paléographe; rue de Luxembourg,
32, à Paris, et au château de Valleyres, canton de Vaud. —
1903.
Bertin, Jules, médecin honoraire des hospices de Gray (Haute-
Saône), quai du Saint-Esprit, 1. — 1897.
Bettend, Abel, imprimeur-lithographe; Lure (Haute-Saône).
— 1862.
Bey-Rozet, Charles, propriétaire et pépiniériste; à Marnay
(Hte-Saône). — 1890.
Bixio, Maurice, agronome, membre du conseil municipal de
Paris; Paris, quai Voltaire, 17. — 1866.
Bizos, Gaston, recteur de l'Académie de Bordeaux. — 1874.
KoissELET, Joseph, avocat ; Vesoul (Haute-Saône). — 1866.
Bouton, René, juge au tribunal de Baume-les-Dames. — 1903.
• Bredin, professeur honoraire; à Conflandey, par Port- sur-
Saône (Haute-Saône). — 1857.
• Briot, docteur en médecine, membre du conseil général du
Jura; Chaussin (Jura). — 1809.
DE Broissia (le vicomte Edouard Froissard) ; à Blandans, par
Domblans (Jura). — 1892.
Brune (l'abbé), Paul, curé-doyen de Mont-sous- Vaudrey, corres-
pondant des Comités des Travaux historiques et des Monu-
ments historiques au Ministère; Mont-sous-Vaudrey (Jura).—
1903.
■ Bruand, Léon, inspecteur des forêts; Paris, rue de la Planche,
11 6w. — 1881.
Burin du Buisson, préfet honoraire; à Besançon, rue Moncey,
0, et à Cramans (Jura). — 1878.
Chapoy, Henri, avocat à la Cour d'appel ; Paris (VJc), rue Bona-
parte, 33. — 1875.
- .118 ^
MM.
Madiot, Victor-François, pharmacien ; Jiissey iH.iute-Saône). —
1880.
Maire, André, étudiant à la Sorbonne; Paris, rue de Sontay, i.
— 1903.
Maire, Victor-Louis, capitaine au 22© régiment colonial, bre-
veté des langues orientales; rue Mégevand, 13, Besançon.—
1903.
Marquiset (le comte Alfred), rue Gounod, 1, à Paris. — 1897.
• Massing, Camille, manufacturier à Puttelange-lez-Sarralbe
(Lorraine allemande). — 1891.
DE Marmier (le duc), membre du Conseil général de la Haute-
Saône; au château de Ray-sur-Saône (Haute-Saône). —
1867.
de Menthon (le comte René); Menthon-Saint-Bernard (Haute-
Savoie), et château de Saint-Loup-Iez-Gray, par Sauvigney-Iez-
Angirey (Haute-Saône). — 1854.
Mevnier (le docteur), Joseph, médecin principal de l'armée ter-
ritoriale ; aux Eterpas-Vallorbe (Suisse). — 1876.
' DE Montet, Albert ; Chardon ne-su r-Vevey (Suisse). — 1882.
DE Moustier (le marquis), député et membre du Conseil géné-
ral du Doubs; château Bournel, par Rougemont (Doubs;, et
Paris, avenue de l'Aima, 15. — 1874.
DE Moustier (le Comte Lioneli ; château Bournel (Doubs)
et avenue de l'Aima, 17, à Paris. - 1903.
Paris, docteur en médecine; Paris, rue du Cherche-Midi. —
1866.
Perronne, Marcel, ancien conseiller de préfecture; Dijon. —
1903.
• F^ERROT (l'abbé), F.-Xavier, curé-doyen de Mandeure (Doubs).
— 1902.
' PiAGET, Arthur, archiviste cantonal et professeur à TAcadémie
de Neuchàtel (Suisse). — 1899.
PiDOUX, André, archiviste paléographe, avocat slagiiure, rue
du Collège, à Dole. (Jura). - 1901.
PiQUARD, Léon, docteur en médecine; àChalèze (Doubs).—- 1890.
Piquerez, Charles, explorateur; à Besançon, rue de Fontaine-
Argent. — 1898.
— 3i9 —
MM.
PiROUTET, Maurice, géologue; à Salins. — 1898.
QuENOTjProsper, instituteur à Orchamps-lez Dole (Jura). lOOîf
flAMBAUD, Alfred, ancien sénateur, membre du Conseil général
du Doubs, ancien ministre de l'Instruction publique et des
Beaux-Arts; Paris, rue d'Assas, 76. — 1881.
* Reboul de la Julhière, au chAteau du Grand-Vaire (Doubs).
— 1903.
Reeb, E., membre correspondant de l'Académie des sciences,
président honoraire de la Société de pharmacie d'Alsacc-Lor-
raine; à Strasbourg. — 1901.
Henauld, Ferdinand, botaniste, ancien commandant du palais
de Monaco; rue des Templiers, à Vence (Alpes-Maritimes). —
4875.
Richard, Auguste, pharmacien; Nice, rue Miron, 27, et Autet
(Haute-Saône). — 1876.
* Richard, Louis, médecin-major de 1»** classe fi Belforl, 5, fau-
bourg de Lyon. — 1878.
Ripps (l'abbé), curé d'Arc-lez-Gray (Haute-Saône). — 1882.
RouzET, Charles-François, architecte; à Dole (Jura). -- 1898.
Roux, Roger, substitut du procureur de la République; Vesoul.
— 1903.
RoY, Emile, professeur à la faculté des lettres de Dijon, rue
de Mirande, 9. — 1894.
Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Chartes ; Paris, rue Spon-
tini, 9. — 1867.
* Saillard, Armand, négociant; Villars-lez-Blamont (Doubs).
— 1877.
SCHLAGDENHAUFFEN, directeur honoraire de l'Ecole de pharma-
cie de Nancy, 63, rue de îwetz. — 1901.
Travelet, Nicolas, propriétaire, maire de Bourguignon-lez-
Morey (Haute-Saône). — 1857.
' Travers, Emile, ancien archiviste du Doubs, ancien conseiller
de préfecture; Caen (Calvados), rue des Chanoines,18. — 1869.
•Tripplin, Julien, représentant de l'horlogerie bisontine et
vice-président de l'Institut des horlogers; Londres : Bartlett's
Buildings, 5 (Holborn Circus), E. G., et Belle-Vue (Heathfield
Gardens, Chiswick, W). — 1868.
— 320 —
MM.
TuETEY, Alexandre, sous-chef de la section législative et judi-
ciaire aux Archives nationales; Paris, quai de Bourbon, 45.
1863.
Vaissier, Jules, fabricant de papiers; Nice. — 1877.
Vendrely, pharmacien ; Champagney (Haute-Saône). — 1863.
Vernerev, notaire, membre du Conseil général du Doubs ;
Amancey (Doubs). — 1880.
• Wallon, Henri, agrégé de l'Université, manufacturier; Rouen,
Val d'Eauplet, 48. — 1868.
- â2i --
MEMBRES DE LÀ SOCIÉTÉ DÉGÉDÉS EN 1904-1905
MM.
BÉJANiN, Léon, propriétaire à Besançon. 1885
Bruchon (le docteur), professeur honoraire de l'Ecole
de médecine, médecin des Hospices. 1860
Chotard, ancien professeur, doyen de la Faculté des
Lettres de Glermont-Ferrand, à Paris. 1866
CouLON (Henri), avocat. 1856
Ethis (Edmond). 1860
Gaussin, ancien secrétaire des Facultés, à Blamont. 1891
Grosricharu, pharmacien. 1870
Larmet (Jules), médecin-vétérinaire. 1884
Mathey, pharmacien, à Ornans. 1856
Renaud (Alphonse), sous-chef à la direction générale de
l'Enregistrenjent, à Paris. 1869
HossiGNOT (l'abbé Auguste), bibliothécaire à l'Archevêché. 1885
RiGNY (le chanoine), ancien curé de Saint-Pierre. 1886
Saglio, directeur des Forges d'Audincourt. 1896
Saillard (Eugène), ancien directeur des Postes. 1879
DE Saussure (Henri), à Genève. 1854
SuCHET (le chanoine). 1894
DE Vezet (le Comte Edouard). 1870
21
— 322 —
SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES (f74)
Le iniltésime indique l'année dans laquelle ont commencé les relation<<.
FRANGE.
Comité des travaux [historiques et scientifiques près le
Ministère de l'Instruction publique [cinq exemplairrn
des Mémoires) . . 1856
Ain.
Société dT.mulation de l'Ain ; Bourp 1868
Société des sciences naturelles de rAin; Bour^^ 18^4
Aisne.
Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agri-
culture et industrie de Saint-Quentin 1862
Société historique et archéologique de Clïâleau- Thierry. 1898
Allier.
Société des sciences médicales de l'arrondissement de
(jannat 1851
Société d'Emulation et des Beaux-arts du Bourbonnais ;
Moulins 1860
Revue scientifique du Bourbonnais et du centre de la
France ; Moulins 1894
Alpes-Maritimes.
Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes ;
Nice 1867
Alpes (Hautes-).
Société d'études des Hautes-Alpes; Gap 1884
— 323 —
Aube.
Société académique de l'Aube ; Troyes 4867
Aveypon.
Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron; Rodez. 1876
Belfort (Territoire de).
Société Belfortaine d'Emulation 1872
Bouches-du-Rhône .
Société de statistique de Marseille 1867
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille. 1867
Calvados.
Académie de Caen 1868
Charente.
Société historique et archéologique de la Charente;
Angoulôme 1877
Charente-Inférieure .
Société des archives historiques de la Saintonge et de
l'Aunis; Saintes . 1883
Cher.
Société des antiquaires du Centre ; Bourges 1876
C6te-d'Or.
Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon . . 1856
Commission des antiquités du département de la Côte-
d'Or; Dijon . 1869
Société d'archéologie, d'histoire et de littérature de
Beaune 1877
Société des sciences historiques et naturelles de Semur . 1880
Société bourguignonne de géographie et d'histoire; Dijon. 1888
Revue bourguignonne de renseignement supérieur publiée
par les professeurs des Facultés de Dijon 1891
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Garomie Haute..
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-r 1875
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.\ 1807
- : -• ^ .. ■! .:> J^ Ik.pJe.^a\ 1878
t L .r»r:.iie de Bordejux 1878
— 325 —
Hérault.
Académie de Montpellier 1869
Société archéologique de Montpellier 1869
Société d'étude des sciences naturelles de Béziers . . . 1878
nie -et- Vilaine
Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine ;
Rennes 1894
Isère.
Société de statistique et d'histoire naturelle du départe-
ment de l'Isère ; Grenoble 1857
Société Dauphinoise d'ethnologie et d'anthropologie. . . 1898
Jura.
Société d'Emulation du département du Jura; Lons-le-
Saunier 1844
Revue viticole de Franche-Comté cl de Bourgogne ; Poligny. 1895
lioir-et-CSher.
Société historieiue et archéologique du Vendomois; Ven-
dôme 1898
Loire.
Société d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-
lettres du département delà Loire; Saint-Etienne. . . 1866
Société de la Diana, à Montbrison. . 1895
Loire-Inférieure.
Société des sciences naturelles d.e l'Ouest de la France ;
Nantes 1891
Loiret.
Société archéologique de l'Orléanais ; Orléans 1851
Maine-et-Loire.
Société industrielle d'Angers et du département de Maine-
et-Loire; Angers 1855
Bibliothèque de la Ville ; Angers 1857
— 326 —
Société lies sciences naturelles de Cberh»ourg 18»>4
Marne.
$*jciélé d'a^iriciilture, commerce, sciences et arts du dé-
partement de la Manie; Cliàlons 1856
Société d'études des sciences naturelles; Reims .... !9(G
ICame (Haute- 1.
Société archéologique de Lan grès 1874
Meurthe-et-Moselle.
S<jciélé des s-'iences de Nancy (ancienne S«»ciété des
sritMiues naturelles de Slrasbourji; IStiti
i>«jciélé d'iirchéolo^'ie Lorraine, à Nancy l8St'»
Mense.
Société pol> mathique de Verdun 1851
Morbihan.
Société polymalhique du Morbihan; Vannes 1864
Nord
Société d'émulation de Roubaix 1895
Oise.
Société historique de Compiègne 1886
Pyrénées (Basses-).
Société des sciences, arts et lettres de Pau 1873
Société des sciences et arts de Bayonne 1884
Pyrénées Orientales.
S<:»eiété agricole, scientilîque et littéraire des Pyrénées-
Orientales; Perpignan 1856
Rhône.
ScM'iétê d'agriculture et d'histoire naturelle de Lyon . . . 1850
Société littéraire, historique et archéologique de Lyon. . 1856
— 327 —
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon . . 1860
Annales de l'Université de Lyon, quai Claude-Bernard, 18. 1896
Saône-et-Iioire .
Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône. . 1857
Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire ; Cha-
lon-sur-Saône 1877
Société Eduenne ; Autun 1846
Société d'histoire naturelle d'Aut un 1888
Société d'histoire naturelle de Mâcon 1896
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Màcon . 1902
Saône (Haute-).
Société d'apr. , sciences et arts de la Haute-Saône ; Ve.soul . 1 861
Société d'encouragement à l'agriculture ; Vesoul 1881
Société des sciences naturelles ; Vesoul 1896
Société grayloise d'Emulation; Gray 1898
Sarthe.
>>ociété d'agricult., sciences et arts de la Sarthe-, Le Mans. 1869
Société historique et archéologique du Maine ; Le Mans . 1879
Savoie.
Académie de Savoie; Chambéry 18(>9
Société Savoisienne d'histoire et d'archéologie; Chambéry. 1898
Savoie (Haute-).
Société Florimontane ; Annecy 1871
Seine.
Association française pour l'avancement des sciences . . 1879
Association pour l'encouragement des éludes grecques
en France; rue de l'Abbaye, 12, F^aris 1878
Institut de France; Paris 1872
Musée Guimet; avenue du Trocadéro, 30 1880
Omis, bulletin du comité ornithologique international ;
Paris, boulevard Saint-Gerrnain, 120 1900
Polybiblion; rue Saint-Simon, 4 et 5, Paris 1894
Revue épigraphique, Lihrciirie E. llenoud, rue Bona-
parte, 28 1900
Société des antiquaires de France; Paris 1867
- 328 -
So ciélé d'anthropologie de Paris, rue de TEcole de Méde-
cine, 15 1883
Société de biologie, boulevard Saint-Germain, 22 ... . 1880
Société de botanique de France ; rue de Grenelle, 24. 1883
Société d'histoire de Paris et de Tlle de France 188^
Société philomathique de Paris, rue des Grands-Àugus-
tins, 7 1880
Société philolechnique de Paris, rue d'Orléans ; Neuilly-
sur-Seine 1872
Société française de physique, rue de Rennes, 44. . . . 1887
Société de secours des amis des sciences 1858
Société de spéléologie, rue des Grands-Augustins, 7. . . 1897
Société zoologique de France, rue Serpente, 28 1880
Seine-Inférieure .
Commission dé|)artementale des antiquités de la Seine-
Inférieure; Rouen 1869
Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen . 1879
Société libre d'Emulation de la Seine-Inférieure; Rouen. 1880
Société havraise d'études diverses; le Havre 1891
Seine-et-Oise.
Société des sciences naturelles et médicales de Seine-et-
Oise ; Versailles 18(>i
Société des sciences morales, belles-lettres et arts, à
Versailles 1896
Somme
Société des antiquaires de Picardie; Amiens 1869
Société d'Emulation d'Abbeville 1894
Tarn-et-Garonne.
Société d'histoire et d'archéologie de Tarn-et-Garonne ;
Montauban 1894
Vienne.
Société des antiquaires de l'Ouest; Poitiers 1867
Vienne (Haute-).
Société historique et archéolog. du Limousin; Limoges. 1852
— 329 ~
Vosges.
Société d'Emulation du département des Vosges ; Epinal. 1855
Société philomathique vosgienne; Saint-Dié 1876
Tonne.
Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne;
Auxerre 1852
AIjGERIE.
Société historique algérienne ; Alger 1870
AIiLEMAGIŒ.
Académie impériale et royale des sciences de Berlin
(Sitzungsherichte) 1879
Société botanique de la province de Brandebourg;
Berlin 1877
Société des sciences naturelles de Brème (Naturwissen-
schafilicher Verein zu Bremen) 1866
Société des sciences naturelles de Fribourg en Brisgau
(Bade) 1892
Société des sciences naturelles et médicales de la Ilaute-
Hesse (Oberhessische Gesellschaft fur Natur und Heil-
kunde) ; Giessen 1853
Société philosophique et littéraire de Heidelberg (à la bi-
bliothèque de l'Université) 1898
Société royale physico-économique de Kœnigsberg (Kœ-
nigliche physikalich-œkonomische Gesellschaft zu Kœ-
nigsberg) ; Prusse 1861
Académie royale des sciences de Bavière, à Munich
(Kœnigl. Bayer. Akademie der Wissenschaften zu
Munchen) 1865
Université de Tubingue (à la Bibliothèque) 1901
AIiSAGE-LORRAII9E
Société d'histoire naturelle de Colmar 1860
Société d'histoire naturelle de Metz 1895
Société des sciences, agriculture et arts de la Basse-
Alsace ; Strasbourg 1880
— 330 —
ANGIiETERKB.
Société littéraire et philosophique de Manchester (Litte-
raiy and philosophical Society of Manchester) 1859
AUTRICHE.
Institut impérial et royal de géologie de l'empire d'Au-
triche (Kaiserlich-kœniglich-geologische Reichsanslalt) ;
Vienne ISàO
Muséum impérial et royal d'histoire naturelle de Vienne. 1889
BELGIQUE.
Académie d'archéologie de Belgique; Anvers, rue Lozane,
22 1885
Académie royale de Belgique; Bruxelles 1868
Société d'archéologie de Bruxelles, rue Ravenstein, 11. . 1891
Société des Bollandistes; Bruxelles, rue des Ursulines, 14. 1888
Société géologique de Belgique; Liège 1876
Revue bénédictine de l'abbaye de Maredsous 1892
ITALIE.
Académie des sciences, lettres et arts de Modène .... 1879
H. Deputazione sovra gli Studi di Storia Patria; Torino. . 188^1
LUXEMBOURG.
Société des sciences naturelles du grand duché de Luxem-
bourg; Luxembourg * . . . . 1854
PORTUGAL.
Direction des services géologiques du Portugal ; Lis-
bonne, rua do Arco a Jesu, 113 1885
SUÈDE ET NORVÈGE.
Académie royale suédoise des sciences, Stockholm . . . 1869
Kongl. Vetterhets historié och antiquitets Akademian ,
Sto(îkholm 1898
The gnological institution of the University of Upsala. . . 1895
Université loyale de Christiania 1877
331
sxnssE.
Société des sciences naturelles de Bàle 1872
Société des sciences naturelles de Berne 1855
Société générale d'histoire suisse (à la Bibliothèque de
la Ville), à Berne 1880
Société d'histoire et d'archéologie de Genève; rue de
l'Evèché -. . . . 1863
Institut national de Genève 1866
Société vaudoise des sciences naturelles ; Lausanne . . . 1847
Société d'histoire de la Suisse romande; Lausanne . . . 1878
Société neuchateloise des sciences naturelles; Neuchatel. 1862
Société d'histoire et d'arctiéologie de Neuchatel 1865
Société neucliateloise de géographie : Neuchatel 1891
Société jurassienne d'Emulation; Porrentruy ..... . 1861
Société des sciences naturelles de Zurich 1857
Société des antiquaires de Zurich (à la Bibl. de la Ville). 1864
Indicateur des Antiquités suisses (Anzeiger fur Schweize-
rische Alterthumskunde), Neue Folge, 1, Zurich. . . . 1899
AMÉRIQUE.
Société d'histoire naturelle de Boston 1865
Lloyd Library ; Cincinnati (Ohio) 1904
Wisconsin Geolog. aod Natural History Survey ; Madison. 1901
Wisconsin Natural llistory Society; Milwaukee ... . 1901
Geographical Society of Philadelphia 1896
Academy of St- Louis (Missouri) -1897
Institut Smithsonien de Washington 1869
United States geological Survey; Washington 1883
Musée national ; Montevideo 1901
— 332 —
ÉTABLISSEIEIITS PUBLICS (32)
Recevant les Mémoires.
Bibliothèque de la ville de Besançon.
Id. populaire de Besançon.
Id. de TEcole d'artillerie de Besançon.
Id. de rUniversité de Besançon.
Id de TEcoIe de médecine de Besançon.
Id. du Chiipitre métropolitain de Besançon.
Id. du Séminaire de Besançon.
Id. de TEcole normale des instituteurs de Besançon.
Id. du Cercle militaire de Besançon.
Id. de la ville de Montbéliard.
Id. de la ville de Pontarlier.
Id. de la ville de Baume-les-Dames.
Id. de la ville de Vesoul.
Id. de la ville de Gray.
Id. de la ville de Lure.
Id. de la ville de Luxeuil.
Id. de la ville de Lons-le-Saunier.
Id. de la ville de Dole.
Id. de la ville de Poligny
Id. de la ville de Salins.
Id. de la ville d'Arbois.
Id. de la ville de Saint-Claude.
Id. du Musée national de Saint-Germain-en-Laye.
Id. Mazarine, à Paris.
Id. de la Sorbonne, à Paris.
Id. de TEcole d'application de l'artillerie et du génie,
à Fontainebleau.
Id. du Musée ethnographique du Trocadéro, à Paris.
Id. du British Muséum, à Londres. (Librairie Dulau et
Ci«, Londres, Soho Square, 37.)
Archives départementales de la Côte-d'Or.
Id. du Doubs.
Id. de la Haute-Saône.
Id. du Jura.
TABLE DES MATIERES DU VOLUME
PROCÈS-VERBAUX.
Allocution de MM. Nargaiid et Frangky, présidents sortant
et entrant p. v
Les Héraults d'armes et les Arrnoriaux franc-comtois, par
M J. Gauthier p. vi
Bas-relief donné au musée d'archéologie, décrit par M. A
VaISSIER p. VII
Don au Musée d'archéologie, par M. Nardin p. vu
Régle'nenl de la pension des frères Grenier p. viii
Les Cloches franc-comtoises, par M. J. Galtiiier p. vin
Vœu pour la restauration de l'Eglise abbatiale de Moiilbenoit. p. ix
Notice sur M. Louis Bouvard, par M. Fran'CEY p. x
Les Livres de raison de paysans franc-comtois, par M. J.
Gauthier p. xi
La destruction des monuments de Vesontio, par M. A. Vais-
SIER p. X4
La cheminée monumentale de Casenat au musée de Dole,
par M. J. Gauthier p. xi
Fouilles à Argilliéres (Haute-Saône) par M. l'abbé Rosskjnot. p. xiii
Une description de Besançon, île Hugues Babet, en 1552, par
M. J. Gauthier p. xm
Sophie de Monnier et Mirat>eau, d'après M. Paul Cottin, par
M. J. Gauthier p. xiv
Un livre d'heures du xv^ siècle, par M. J. Gauthier p. xvi
Les épaves de la bibliothèque de Granvelle, hors de Besan-
çon, par M. J. Gauthier p. xvi
Notice sur le sculpteur Jean Petit, par M. Thuriet p. xix
L'Egypte, par M. le commandant Almand p. xxi
Charles Duvernoy, de Montbéliard, par M. J. Gauthier p. xxi
Présentation d'un objet satirique contre un magistrat du par- ^
lement Maupeou, à Besançon, par M. J. Gauthier p. xxii
Compte-rendu du Congrès de l'Association franc-comtoise, h
Lons-le- Saunier p. xxiv