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Full text of "Mémoires de la Société d'émulation du Doubs"

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MÉMOIRES 


SOCIÉTÉ  D'ÉMULATION 


DU     DOUBS 


MÉMOIRES 


DK     LA 


SOCIÉTÉ  D'ÉMULATION 

DU    DO  UBS 

SEPTIÈME  SÉRIE 
SEPTIÈME      VOI-UME 

1902 


BESANÇON 

IMPRIMERIE   DODIVERS    ET    G'" 
Gi  andu'-Riie,    87 


1903 


/J^Cyj  ttii 


MÉMOIRES 


DE 


LA  SOCIETE  D'EMULATION 


DU  DOUBS 

1902  ) 


PROCES-VERBAUX  DES  SÉANCES 

Séance  dit  II  janvier  iOO'^. 
Présidence  dk  MM.  Vaissier  et  Nargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  VaUsier,  Nargaud,  présidents  sortant  et  en- 
trant; Franceg,  premier  vice-président;  Gauthier,  secrétaire; 
Fauquignon,  trésorier;  Kirehner,  archiviste. 

Membres  :  MM.  les  docteurs  Bourdin,  Bruchon  père,  H.  Bru- 
chon,  Chapoy  et  Ledoux;  P.  Drouhard,  Mairot,  le  chanoine 
Rossignot,  Souchon,  Thuriet,  Vautherin  et  Vernier,  résidants; 
Tabbé  P.  Druot,  correspondant. 

M.  Vaissier,  avant  de  remettre  la  présidence  à  M.  le  docteur 
Nargaud,  nouveau  président,  prononce  l'allocution  suivante  : 

«  Messieurs, 

»  Au  moment  de  quitter  la  présidence,  je  dois  vous  exprimer 
Ions  mes  sentiments  de  gratitude  pour  l'indulgente  faveur  que 
vuiis  m'avez  toujours  témoignée,  dans  l'exercice  d'une  charge  à 
l'honneur  de  laquelle  je  n'avais  jamais  osé  prétendre. 

*  Dans  notre  dernière  séance  publique,  j'ai  cru  devoir  revenir 


—  VI   — 

sur  le  passé  de  noire  coinpjigtûe,  mais  en  y  insistant  davantage, 
afin  de  montrer  que  si  la  vie  des  sociétés  comme  celle  des  indi- 
vidus se  passe  dans  des  alternatives  de  satisfactions  et  de  sou- 
cis, une  réputation  noblement  acquise  permet  toujours  de  pro- 
fiter des  unes,  comme  do  triompher  des  autres! 

»  La  preuve  nous  en  fut  ofTerte  dans  le  cours  de  cette  année. 
La  dotation  des  fri*res  Grenier  est  arrivée  pour  confirmer  la 
considération  dont  vous  jouissiez  déjà,  puis  la  sagesse  de  vos 
dernières  élections,  favorisées  par  la  gracieuse  acceptation  de 
vos  élus,  nous  assuie  les  nuîilleures  espérances  pour  l'avenir. 

»  Si  j'ai  à  manifester  (en  votre  nom  et  nu  mien)  de  tous  nos 
regrets  pour  la  retraite  do  notre  laborieux  et  dévoué  secrétaire 
décemial  :  M.  le  docteur  Meynier,  en  retour,  j'ai  la  satisfaction 
de  saluer  la  bienvenue  de  son  digne  successeur  :  M.Jules  Gau- 
thier, dont  le  zèle  et  la  science  vont  apporter  de  nouveaux  élé- 
ments de  travail  à  notre  activité  et  accroître  l'intérêt  de  nos 
séances. 

i>  A  côté  des  nombreuses  preuves  d'un  mérite  que  vous  avez 
apprécié,  je  signalerai,  en  particulier,  lesefibrts  de  M.  Gauthier, 
pour  combler  les  vides  que  les  dépaits  et  la  mort  font  chaque 
année  dans  nos  rangs.  Celte  préoccupation  est  si  importante 
que  Tarticle  unique  de  mon  testament  présidentiel  sera  le  souhait 
que,  par  les  efforts  de  tous,  chaque  année  voie  s'augmenter 
aussi  le  nombre  de  nos  confrères. 

«  Je  m'adresse  maintenant  à  M.  le  docteur  Nargaud,  si  digne 
de  toutes  les  sympathies,  si  bien  disposé  à  maintenir  nos  tradi- 
tions, si  bien  doué  pour  rallier  à  noire  Société,  largement  ou- 
verte, toutes  les  bonnes  volontés  et  je  l'invite  à  prendre  la  pré- 
sidence. » 

M.  le  docteur  Nargaud  prend  place  au  fauteuil  et  adresse  à 
son  tour  ses  remercieriienls  à  ses  confrères  : 

«  Messieurs, 

»  En  m'appelant  à  la  présidence  de  la  Société  d'Emulation, 
vous  m'avez  fait  un  honneur  insigne  qui  m'a  vivement  touché  et 
dont  je  vous  témoigne  ici  ma  vive  et  sincère  gratitude.  Je  suis  d'au 
tant  plus  confus  de  celle  faveur  qu'elle  est  absolument  immé- 
ritée, vu  que  je  n'ai  jamais  joué  parmi  vous  que  le  rôle  modeste 


—  VII   — 

d'auditeur.  Vous  avez  sans  doute  considéré  que  l'esprit  de  bonne 
camaraderie  et  d'attachement  fidèle  à  notre  Association  étaient 
à  vos  yeux  des  litres  suffisants  pour  autoriser  l'occupation  de 
ce  fauteuil,  nulle  autre  raison  sérieuse  ne  pouvait  être  invoquée 
pour  justifier  votre  choix  qui  devait  s'adresser  à  d'autres  beau- 
coup plus  dignes.  Cette  distinction,  si  généreuse  de  votre  part, 
va  me  causer  de  graves  soucis  et  de  sérieuses  appréhensions; 
je  ne  me  dissimule  pas  combien  il  est  périlleux  d'assumer  la 
responsabilité  d'une  si  lourde  tâche,  surtout  quand  on  se  pré- 
sente en  face  d'elle  avec  un  bagage  scientifique  aussi  restreint 
que  celui  de  votre  humble  serviteur. 

»  Etranger,  en  efîet,  à  bon  nombre  de  questions  qui  consti- 
tuent le  thème  ordinaire  de  nos  entretiens,  après  avoir  vu  dé- 
filer à  votre  tête  une  longue  série  de  présidents  qui  ont  comblé 
vos  Bulletins  de  riches  trésors  d'expérience  et  de  savoir,  vous 
devez  comprendre  d'emblée  combien  mes  préoccupations  doivent 
être  tout  à  la  fois  peu  folâtres  et  légitimement  motivées.  Mais 
qunnd  je  songe  ^  l'extrême  bienveillance,  à  la  fraternelle  sym- 
pathie que  vous  avez  toujours  témoignée  à  vos  représentants, 
et  qui  sont  de  règle  dans  toutes  les  perturbations  bureaucra- 
tiques que  les  statuts  imposent  à  notre  Société,  le  fardeau  d'une 
pareille  succession  s'allège  singulièrement,  l'horizon  parait  s'é- 
claircir  et  toute  crainte,  toute  défaillance  doivent  être  bannies 
des  esprits  les  plus  timorés.  En  m'asseyant  à  la  place  de  mes 
honorables  prédécesseurs,  qui  ont  toujours  dirigé  vos  travaux 
avec  un  talent  et  une  compétence  que  je  leur  envie,  je  tiens  à 
déclarer  hautement  que  je  me  considère  comme  leur  rempla- 
çant provisoire,  et,  qu'au  moment  opportun,  ils  sauront  certai- 
nement ressaisir  les  rênes  du  char,  si  bien  conduit  par  eux,  dans 
l'intérêt  de  notre  Association. 

»  En  m'inspirant  de  leurs  judicieux  conseils  et  en  escomptant 
d'avance  le  concours  empressé  du  personnel  du  bureau,  entiè- 
rement dévoué  à  la  prospérité  de  notre  œuvre,  je  ferai  tout  mon 
possible  pour  tâcher  de  mener  à  bien  la  mission  que  vous  m'a- 
vez confiée.  Dans  ce  but,  je  m'efforcerai  de  suivre  l'exemple  sa- 
lutaire de  noire  cher  président  sortant,  le  sympathique  M.  Vais- 
sier,  qui  a  rempli  son  devoir  avec  un  zèle,  une  sollicitude  au- 
dessus  de  tout  éloge  et  qui,  le  cas  échéant,  n'hésitera  pas  â 


—    VIII    — 

p«)er  de  sa  perf^oiiiit*  [tour  «ruiiler,  s'il  y  a  lieu,  dans  la  bimne 
voie  la  marche  indécise  de  son  successeur.  Je  nî*em presserai 
tout  autant  de  m'assurer  les  bons  offices  des  deux  nouveaux 
membres  du  bureau,  que  j'ai  rîionneur  de  vous  présenter  en  ma 
compagnie,  Tun,  M.  Gauthier,  noire  secrétaire  détîennal.  Fa rchi- 
visle  érudit,  digne  ém:ile  de  l'éternellemenl  regretté  Auguste 
Castan.  dont  le  talent  si  apprécié  est  sans  contredit  le  plus  beau 
fleuron  de  notre  couronne  scientifique  et  dont  je  ne  crains  pas 
de  blesser  la  modestie  en  le  désignant  d'ores  et  déjà  comme  la 
cheville  ouvrière  de  notre  Société. 

»  L'autre,  mon  ami  dVnfance,  nuiltre  Fraiicey.  l'avocat  énii- 
nent,  une  des  gloires  du  barreUu  bisontin,  et  dont  les  connais- 
sances juridiques,  traduites  par  une  éloquence  sans  rivale,  fait 
autorité  au  Palais. 

0  Grâce  à  Tappui  d'auxiliaires  aussi  précieux,  j  ose  espérer 
que  votre  président  actuel  ne  sera  pas  trop  au-dessous  de  sa 
tâche  et  que,  d'un  commun  accord,  nous  pourrons  travailler  à 
la  réalisation  de  noire  i<léal,  la  marche  en  avant,  toujours  inces- 
sante, dans  la  voie  de  la  science  et  du  progrès. 

•  C'est  dans  ces  sentiments,  Messieurs,  que  je  salue  la  Société 
d'Emulation  du  Donbs  à  laquelle  j'apporte,  à  défaut  de  qualités 
techniques  plus  sérieuses  peut-être,  tout  au  moins  mon  entier 
dévouement  et  mon  entière  bonne  volonté.  * 

A  ce  discours  accueilli  comme  le  précédent  par  de  vifs  ap- 
plaudissements, M.  Jules  Gauthier,  récemment  élu  secrétaire 
décennal  et  qui  vient  en  cette  qualité  de  prendre  place  au  bu- 
reau, ajoute  ses  remerciements  les  plus  vifs  aux  confrères  et 
aux  amis  qui  viennent  de  lui  confier  les  fonctions  honorables 
d'annaliste  de  la  Compagnie.  Il  assure  tous  et  chacun  du  dé- 
vouement qu'il  a  toujours  professé  pour  eux  et  pour  une  Société 
dont  il  est  membre  depuis  trente-six  ans  et  dont  il  s'honore 
d'être  l'un  des  doyens. 

M.  l'abbé  Paul  Druot,  correspondant,  lit  une  intéressante  et 
très  précise  notice  archéologique  sur  une  cloche  du  xv«  siècle, 
jusrju'ici  absolument  ignorée,  qu'il  a  découverte  dans  le  clocher 
de  l'église  de  Voillans  (Doubs).  dont  il  est  curé.  Il  a  pu  lire 
rin.-îcription  gothique  qui  entoure  la  cloche,  déchiffrer  le  sceau 


—   IX   — 

et  les  armoiries  imprimés  sur  ses  flancs  et  reconnaître  l'origine 
exacte  ^ie  ce  précieux  petit  monument,  Ki"5ice  aux  arcliives  de 
rabt)aye  des  Dames  de  Haume,  de  l'église  desfjuelles  provient 
ce  bronze.  La  cloche,  fondue  en  1484  ou  141^5,  porte  le  sceau 
d'Alix  de  Montmartin,  al)l>esse  de  Bannie,  et  dut  sonner  à  toutes 
volées  ({uand  Louis  XI,  que  n'idmaient  point  et  à  raison  les 
Comtois  nos  aïeux,  eut  fait  place  au  gouvernement  plus  débon- 
naire de  Charles  VIII. 

Ce  mémoire,  accompagné  de  planches,  est  retenu  pour  le 
Bulletin. 

■  M  le  docteur  Henri  Bruchon  lit  une  très  curieuse  étude  sur  la 
vie  d'un  métiecin  bisontin  dans  la  première  moitié  du  xviie  siècle, 
et  initie  aux  moindres  détails  et  de  la  position  sociale  et  de  la 
pratique  journalière  du  docteur  Jean  Garinet,  qui  a  laissé  en 
forme  sonimaire  de  très  curieux,  très  précis  et  très  piquants 
mémoires,  conservés  parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
publique  de  Besancon. 

M.  Gautliier  comme  président  de  l'Association  Franc-Com- 
toise, fait  une  communication  verbale  sur  un  projet  de  Biogra- 
phie Comtoise,  déjà  arrêté  en  principe,  mais  dont  l'exécution  va 
suivre  par  les  soins  de  toutes  les  Sociétés  savantes  de  la  région, 
groupées  en  fédération,  et  par  l'activité  de  leurs  membres  les 
plus  distingués  et  les  plus  laborieux.  La  Société  d'Emulation  du 
Doubs  fournira  la  collaboration  de  toute  une  élite  et  prendra  la 
direction  du  mouvement,  comme  elle  a  pris  déjà  l'initiative  de 
l'Association  franc-comtoise. 

Après  l'élection  d'un  membre  résidant,  M.  Ckllabd,  archi- 
tecte, présenté  par  M.  Simonin  architecte,  et  M.  le  docteur  Cha- 
poy,  la  séance  est  levée. 

Les  Présidents  f  Le  Secrétaire  y 

A.  Vaissikr,  D'  Nahgaud.  Jules  Gauthier. 


—   X  — 


Séance  du  15  févncr  1902, 

Ï*HÉSIDENCE  DK  M.   LE   DOCTEUK   NaRGAUD. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Nargaud,  président;  Vaissier^  vice-présideiU; 
Gauthier,  secrétaire  ;  tauqmgnon,  trésorier  ;  Kirchner,  archi- 
viste. 

iVÎEMBRES:  M^ï.  Boname^  Bonnet,  Girardot,  Ledoux,  le  cha- 
noine Rossignoty  Simonin,  Thouvenin,  Thuriet,  G.  Vaissier, 
Vauthevin  et  Vernier. 

M.  le  président  coniniuniciue  une  lettre  de  Madame  veuve 
A.  Castan,  annonçant  son  intention  de  faire  distribuer  en  mé- 
moire deson  mari,  à  tous  les  membres  honoraires,  résidants  et 
correspondants  de  la  Société  d'Kinulalion,  la  seconde  édition 
illustrée  dn  volume  intitulé  «  Besançon  et  ses  environs  »  qu'elle 
vient  do  publier.  Il  s*est  empressé  de  ren)ercier  la  généreuse 
donatrice  au  nom  de  la  Société  d'I^jindalion  cjui,  à  Tunanimité, 
s'associe  à  ces  remerciements. 

Le  Conseil  d'administration  de  la  Société,  convoqué  le  25  jan- 
vier dernier,  a  pris  une  délibération  pour  accepter  le  legs  de 
2,400  francs  de  rente  roumaine  fait  par  M.  Edouard  Grenier  dans 
son  testament  du  21  janvier  1900,  et  prendre  l'engagement  de 
créer  à  bref  délai,  dès  que  les  formalités  administratives  auront 
été  remplies,  la  pension  des  frères  Grenier,  dont  un  règlement 
ultérieur  précisera  les  conditions.  Cette  délibération  est  approu- 
vée h  main  levée. 

M.  Maurice  Thuriet  donne  communication  d'une  Notice  sur  le 
garde  des  sceaux  Courvoisier,  qui  fut  avocat  général  à  la  Cour 
d'appel  de  Besançon,  et  fait  un  exposé  rapide  de  lacarrière  bril- 
lante et  très  mouvementée  d'im  des  magistrats  les  plus  distin- 
gués qu'ait  produits  la  ville  de  Besançon.  Cette  notice  est  destinée 
à  la  «  Biographie  fraîic-comtoise  »  qui  paraîtra  sous  les  auspices 
des  Sociétés  savantes  de  la  région. 


—  Kl  — 

M  le  fe^ecrélaire  lit  une  élude  sur  le  peintre  Douât  Xunnolte, 
né  à  IJesangon  le  10  janvier  1708,  uiorl  à  Lyon  le  5  février 
1785.  Fils  d'un  vijçnerou,  neveu  d'un  peintre  très  médiocre,  Jean 
Nonnolle»  Donat  (|uilla  saville  natale  à  vin«,'t  ans,  devint,  l'élève 
et  le  collaborateur  à  Paris  et  à  Versailles  dii  peintre  du  roi, 
François  Leuïoyne.  Quand  il  eut  perdu  son  maître  et  protecteur, 
il  renon(;a  h  la  peinture  d'histoire  pour  se  confiner  dans  le  por- 
trait. C'est  un  des  meilleurs  portraitistes  du  règne  de  I  ouis  XV. 
L'éjrlise  de  Saiuti^-Madeleine  de  [Jes;nigon  possède  de  lui  une 
Sainte  Famille  datée  de  1728.  Nos  musées  ont  son  portrait  et  ce- 
lui de  sa  ft-nime  datés  do  I7rj  et  1758.  Le  ^'raveur  Daullé  a 
laissé  lin  juli  méilailjon  de  Donat  Nonnotte,  dont  le  cuivre  origi- 
nal, conservé  aux  Archives  du  Doiihs,  permettra  d'illustrer  dans 
le  Bullelifi  la  notice  cpie  la  S«»ciélé  d'Emulation  a  décidé  de  re- 
tenir. 

MM.  Gauthier  et  Vaissier  déposent  sur  le  bureau  en  raccom- 
pagnant de  commentaires,  un  joli  bronze  grec,  provenant  de 
racadémicien  Prosper  Mérimée,  que  MM.  Gaston  et  René  Grenier 
viennent  d'ofTrir  au  musée  archéologicpie.  Il  a  été  retrouvé  dans 
les  ruines  de  la  maison  qm»  Mérimée  et  Kdouard  Grenier  habi- 
taient rue  de  Lille  et  qui  fui  incendiée  par  la  Commune. 

Tne  autre  communication  porte  sur  un  torse  de  Vénus  pudique 
découvert  à  Jougne,  dans  les  ruines  de  la  maison  de  Téouyer 
Ferlin,  ami  et  contemporain  de  Granvelle.  Son  style  révèle  la 
première  moitié  du  xvi«  siècle,  sa  facture  est  la  Uiéme  que  celle 
des  bas-reliefs  de  pierre  tendre,  exécutés  en  1527  dans  l'église 
abbatiale  de  Montbenoit. 

Sont  présentés  pour  faire  partie  de  la  Société  : 

Comme  membre  résidant  : 

M.  Jean  de  Buyer,  par  MM.  Vaissier  et  Gauthier; 

Comme  correspondants  . 

M.  Gabriel  Gensollen  ,  juge  d'instruction  h  Gray,  par 
iMM.  Thuriet  et  Gauthier: 

M.  Kené  Grenier,  médecin  de  la  grande  Chancellerie  de  la 
Légion  d'honneur,  par  MM.  le  docteur  Uruchon  père  et  J.  Gau- 
thier. 


—    XII   — 

Est  élu  : 

Membre  résidant  : 

M.  Camille  Gellard,  architecte. 

Le  Président^  Le  Secrétaire, 

D""  Nargaud.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  15  mars  fOO^. 
Présidence  de  M.  le  Docteur  Xargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaud.  président  ;  Vaissier,  vice-président  ; 
Gauthier,  secrétaire;  Fauquignon,  trésorier. 

Membres  :  MM.  G,  deBeauséjour,  Bourdin,  A.  Boysson  d'Ecole, 
Bruclion  pore,  Cellard,  Drouhard,  Ledoux,  Pingaud,  Thuriet  et 
Vernier,  résidants  ;  l'abbé  P.  Druot  correspondant. 

Le  procès- verbal  du  15  février  est  lu  et  adopté. 

M.  l'abbé  Hermann  Druot,  ancien  professeur  au  petit  sémi- 
naire de  Consolation,  lit  un  compte-rendu  fort  intéressant  et 
fort  précis,  grâce  à  un  journal  méthodique  des  fouilles,  des  dé- 
couvertes faites,  sur  son  initiative,  dans  les  ruines  du  château 
de  Ghâtelneuf-en-Vennes,  qui  surplombent  les  sources  et  les 
cascades  du  Dessoubre  et  du  Lançot.  Il  décrit  les  monticules  de 
rnurs  encore  debout  et  de  décombres  qui  apparaissent  sur  la 
droite  du  chemin  conduisant  de  Guyans- Venues  et  de  Fiiaiis  au 
fond  de  la  vallée  et  couvrent  un  étroit  plateau.  Sur  cet  ensemble, 
14  mètres  de  long  sur  6  de  large  ont  été  explorés  et  fouillés,  en 
1897  et  1898,  sous  la  direction  de  M.  l'abbé  Druot,  par  les  élèves, 
grands  et  petits,  du  séminaire.  Deux  grandes  pièces  du  rez-de- 
chaussée  du  château  affleurant  au  levant  le  roc,  au  sud  une  cour 
(l'honneur,  à  l'ouest  et  au  nord  des  murs  d'enceinte  du  château 
féodal  ont  livré,  pèle  mêle,  avec  des  matériaux  effondrés,  moel- 
lons et  tuiles,  un  ensemble  considérable  d'objets  de  toute  sorte: 


—  xiri  — 

instruments  aratoires;  outils  de  métier;  armes  :  casques,  épées, 
éperons,  batteries  de  mousquets,  moules  à  halles;  batterie  de 
cuisine  :  casseroles,  marmites  de  fonte,  de  cuivre  ou  de  fer, 
chandeliers,  crémaillères,  andiers,  broches, cuillers,  fourchettes 
et  couteaux.  L'interprétation  d'un  pareil  groupement  d'objets 
métalliques  de  toute  sorte  est  naturelle:  c'est  le  mobilier  des 
sujets  (ou  retrahants)  de  Châtelneuf-en-Vennes,  ayant  apporté 
comme  dans  un  refuge  sûr  les  quelques  objets  précieux  de  leurs 
pauvres  ménages.  L'incendie  qui  consiuna,  en  1C89,  le  chàleau- 
fort  qui  appartenait  aux  comtes  de  La  Roche,  de  la  maison  de 
V'arambon  et  de  Ryo  détruisit  tous  les  meubles  de  bois,  tons  h^s 
vêtements  et  parures  sauvés  par  les  retrahants.  Le  fer,  le 
cmivre,  l'argent  ont  échappé  aux  ilanmies  et  grAce  à  rintclli- 
genle  activité  de  M.  l'abbé  Druot,  reparaissent  au  jour  pour  nous 
donner  sur  les  arts  du  xvn«  siècle,  sur  le  mobilier  i-ural  d'une 
époque  déjà  lointaine,  les  documents  les  plus  circonstanciés. 

M.  l'abbé  Druot  prend  l'engagement  de  donner  par  écrit  le 
résumé  précis  et  détaillé  de  sa  communication,  qui  prendra 
place  dans  le  Bulletin  de  1902. 

La  Société,  sur  la  proposition  de  MM.  Nargaud,  Vaissier  et 
Gauthier,  vote  une  s'ibvenlion  de  50  francs  pour  la  continuation 
des  fouilles  de  Chàtelueuf. 

M.  Vaissier  continuant  ses  études  sur  l'arc  antique  de  Porte- 
Noire  étudie  le  symbolisme  des  bas-reliefs  qui  décorent  les 
jambages  ouïes  colonnes  de  ce  monument  important  et  restitue 
aussi  bien  par  ses  observations  personnelles  que  par  celles  qui 
lui  ont  été  suggérées  par  l'éminent  conservateur  du  musée  de 
Trêves,  les  sujets  mylhologiques  dont  les  sculpteurs  du  iii« 
siècle  ont  illustré  les  membrures  de  l'arc  romain  :  Dédale  s'a- 
daptant  des  ailes,  Thésée  assommant  le  Minotaure,  etc  Accom- 
pagnée de  planches  habilement  dessinées  par  le  crayon,  si 
élégant  et  si  exact  de  M.  Vaissier,  cette  étude  sur  Porte-Noire 
prendra  un  rang  distingué  dans  les  publications  de  la  Société. 

M.  Gauthier  fait  passer  sous  les  yeux  de  l'assemblée  lin  pré- 
cieux manuscrit  appartenant  à  la  Bibliothèque  municipale  de 
Vesoul  (où  il  occupe  le  n<'2*26).  C'est  un  «  Recueil  d'Antiquités 
trouvées  k  Luxeuil  •,  dessinées  et  expliquées  par  Jean-François- 


—    XIV    — 

Melcliioi*  Fonchiuse,  compilé  en  1778  et  comportant  soixante 
planches  de  statues,  bas-reliefs,  statuetics.  vases,  gemmes  et 
médailles  recueillis  par  les  Bénédictins  dans  leur  bibliothèque 
ou  par  MM.  Guin,  Fabert,  Prinet  et  Fonclause  dans  leurs  cabi- 
nets. Il  y  aurait  à  tirer  de  ce  manuscrit  dont  M.  le  Secrétaire  a 
entrepris  la  copie,  nombre  d'observations  archéologiques  im- 
portantes, en  le  confrontant  avec  les  objets  découverts  depuis 
1778  et  conservés  aux  Bains  de  Luxeuil  et  dans  diverses  collec- 
tions. Ce  pourra  être  quelque  jour  l'œuvre  de  la  Société  d'Emu- 
lation du  Doubs. 

Pour  combler  les  vides  faits  par  la  mort  récente  de  Messieurs 
Edouard  Grenier  et  du  {général  WoHT,  ancien  commandant 
thi  7*^  corps,  la  Société,  sur  la  proposition  de  son  Bureau,  élit 
M.M.  Bernard  Prost,  inspecteur  général  des  Archives  et  des  Bi- 
l)liolhèques  au  Ministère  de  l'Instruclion  publique,  et  Henri 
Bouchot,  conservateur  du  Cabinet  des  Estampes  à  la  Biblio- 
thèque nationale.  Sortis  tous  (teux  de  l'Ecole  nationale  des 
Chartes,  collaborateurs  distingués  de  la  Gazette  des  Beaiu:- 
Arts  et  de  toutes  les  grandes  revues  d'archéologie  et  d'histoire, 
ces  deux  compatriotes  honorent  la  Franche-Comté  h  plusieurs 
titres  et  le  témoignage  de  sympathie  que  la  Société  d'Emula- 
tion leur  accorde  n'est  que  l'expression  bien  légitime  de  l'es- 
time due  à  leurs  personnes  et  à  lein-s  travaux. 

Sont  élus  : 

Membre  résidant  : 

M.  Jean  de  Buykr,  à  Saint-Laurent  (Besançon); 

Membres  correspondAnts  : 

MM.  Gabriel  Gensollkn,  juge  «Tins! motion  à  Gray, 
Et  le  docteur  Ilené  Grenikh,  médecin  ih»  la  Grande  Chancelr 
lerie  de  la  Légion  d'honneur,  à  Paris. 

Est  présenté  comme  membre  correspondant,  par  M.  Ui  cha- 
noine Uossignot,  curé  de  Sainte-.Madeleine,  et  M.  .1.  Gauthier  : 
M.  l'abbé  Jean-Victoi-Emile  Fromono,  curé  de  Crissey  (Jura). 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

D»-  Nargaud.  Jules  Gauthier. 


—  XV  — 

Séance  du  i^  avril  iOOi. 
Présidence  de  M.  le  DoirrEua  NARUAri) 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaudy  président  ;  Vaissierj  vice-présicJenl  ; 
Gauthier,  secrétaire;  Kirchner,  archiviste. 

Membres  :  MM.  Blondeau,  Bruchon  père,  Ceilatd,  P,  Drou- 
hard,  Lieffroy  et  Simonin,  résidants. 

M.  le  Président  cotnniuniqiie  à  la  Société  les  remerciements 
îuiressés  par  MM.  Hernard  Prost,  Inspecteur  général  des  Ar- 
chives et  des  Bibliothèques,  et  Henri  Bouchot,  Conservateur 
du  Cabinet  des  Estampes  à  la  Bibliothèque  nationale,  nommés 
nnembres  honoraires;  de  M.  de  Buyer,  nommé  membre  rési- 
dant ;  de  MM.  Gensollen  et  Hené  Grenier,  élus  membres  cor- 
respondants. 11  dépose  sur  le  bureau,  au  nom  de  M.  le  cha- 
noine Rossipnot,  une  Monographie  de  l'église  Sainte-Madeleine 
de  Besançon  M.  Filondeau  est  prié  de  faire  un  rapport  sur  cet 
ouvrage. 

M.  le  Secrétaire  rend  coniple  du  Congrès  tenu  à  la  Sorbonne 
et  à  TEcole  des  Beaijx-Arts  par  les  Sociétés  savantes  de  pro- 
vince ;  trois  lectures  y  ont  été  faites  au  nom  de  la  Sociélé  d'E- 
mulation du  Doutas  par  son  Ser.rélaire  :  une  sur  Antoiruî  Brun 
au  siège  de  Dole  en  1636,  à  la  section  d'histoire;  une  sur  l'Ej^liso 
priorale  de  Uomain-McMior,  à  la  sei;tiou  d'archéologie  ;  une  sur 
le  peintre  Donat  Nonnolle,  à  la  section  des  beau.varts.  Un 
membre  de  la  Société,  M.  le  docteur  Magnin,  doyen  de  la  P'acidté 
des  sciences,  a  fait  îi  la  section  des  sciences  d'importantes  com- 
munications. MM.  Gautliieret  Magnin  ont  été,  à  diverses  reprises, 
choisis  comme  assesseurs  de  différentes  sections  du  Congrès. 

M.  Jules  tiauthier  communique  à  la  Société  le  texte  nïédit 
d'un  Voyage  h  Besançon  accompli  en  1776  par  le  professeur 
strasbourgeois  Jerémie-Jacques  Oberlin  (1735-1806).  Cet  érudit 
consacra  plusieurs  journées  à  visiter  Besançon,  ses  monuments, 
ses  érudils,  ses  collectionneurs,  et  recueillit  dans  ses  Notes  de 


—   XVI    — 

précieux  détails  sur  les  personnes,  les  manuscrits,  les  livres, 
les  œuvres  d'art  qu  il  eut  l'occasion  de  fréquenter  ou  d'appré- 
cier. Le  P.  Tiburce,  capucin  ;  le  notaire  Viguier,  le  président 
Chifflet  lui  montrèrent  leurs  collections  d'histoire  naturelle, 
d'antiquités,  de  médailles,  de  livres.  On  lui  fit  bon  accueil  dans 
la  bibliothèque  publique,  fondée  en  1694  à  l'abbaye  Saint-Vin- 
cent par  l'abbé  Jean-Baptiste  Roisol.  Il  y  prit  des  notes  sur  di- 
vers manuscrits  latins  ou  grecs  et  sur  divers  morceaux  de 
sciilpture  ou  de  pointure,  en  partie  pcnlns  aujourd'hui.  La  hi- 
bliothôque  et  W  cabinet  du  président  Cliifflet  attirèrent  d'une 
façon  particulière  son  attention,  qu'ils  méritaient  du  reste,  cjiv 
les  G,0(X)  volumes  qui  s'y  trouvaicMit  (dont  plus  de  2(X)  niantis- 
<M'its),  entrés  dans  les  (Collections  publiques  e!i  vertu  des  lois  de 
conlisc^ilion  sur  les  émigrés,  fnrnuMit,  plus  encore  peut-être 
que  les  manuscrits  Granvelle,  bi  fonds  \o  plus  intéressant  de  la  I 

bibliothèque  actuelle  de  Besançon. 

M.  Gauthier  donne,  en  complément  du  manuscrit  d'Oberlin,  I 

qui  mérite  d'être  publié,  certains  détails  sur  l'emplacement  de  | 

l'hôtel   du  président  Ctiifllet  et  sur  les  tableaux  ou  portraits  I 

restitués  sous  la  Restauration  au  premier  président  Chifflet,  fils 
et  héritier  du  contemporain  d'Oberlin. 

A  la  suite  de  la  séance,  est  élu  : 

Membre  currespondaat  : 
M.  l'abbé  Fromond,  curé  de  Crissey  (Jura). 

Le  Président,  Le  Secrétaire^ 

I)"*  NAnr.AUD.  JlJLKS   (ÎAUTHIKU. 


Séance  du   10  mai  iiHh2 
PnKSiDKNCE  i)K  M.  i,K  DoirfKUR  Nargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaud,  président  ;  Ka/sj^ter,  vice-président  ; 
Gauthier,  secrétaire;  Kirchner,  archiviste. 


—  xvn  — 

Membres  :  MM.  Berdellé^  Boname,  Bonnet,  Bourdin,  Boussey, 
Cellard,  P.  Drouhard,  Girardoty  V.  Guillemin,  Ledoux,  Sou- 
ehan,  Thuriet^  de  Truchy  et  6.  Vaissier, 

M.  Guillemin  lit  les  premières  pages  d'une  Etude  sur  la  peinture 
anglaise.  Il  met  en  relief  rentrée  tardive  du  grand  pays  industriel 
dans  le  mouvement  artistique,  longtemps  après  que  la  France, 
ritalie,  TAllemagne  et  la  Flandre  eurent  constitué  de  véritables 
écoles  et  des  groupements  homogènes  de  peintres  habiles  et 
novateurs.  Hogarth,  Josuah  Reynolds,  Gainsborough,  Thomas 
Lawrence,  John  Conslable,  Wilkie,  Mulready,  sont  tour  à  tour 
étudiés  dans  leurs  œuvres  les  plus  caractéristiques  et  les  plus 
remarquables  de  la  «  National  Gallery  »  et  dans  les  tableaux 
précieux  qui  sont  entrés  dans  les  collections  de  la  ville  de  Be- 
sançon par  les  legs  Gigoux  et  Chenot.  L'école  anglaise  est  ra- 
rement représentée  dans  nos  musées  français,  elle  Test  mieux 
à  Besançon  que  dans  la  plupart  de  nos  collections  de  province. 

M.  le  docteur  Bourdin  communique  à  la  Société  une  biogra- 
phie de  Guy-Michel  de  Lorges,  duc  de  Randan,  maréchal 
de  France,  lieutenant-général  au  gouvernement  de  Franche- 
Comté  de  1741  à  1773.  Mari  de  Mlle  de  Poitiers,  une  des  plus 
riches  héritières  de  la  province,  le  duc  de  Randan  posséda  la 
plus  grande  fortune  territoriale  qui  existât  alors  en  Fraiielie- 
Comté,  formée  par  la  réunion  des  domaines  des  NeucliAtel,  des 
LongAvyetdes  Rye.  Sa  résidence  lïivori te  était  le  château  do 
Balançon,  sur  les  bords  de  TOgnon,  entre  Dole  et  Pesmes,  qui 
fut  durant  de  longues  années  le  IhéAtre  de  fêtes  célèbres  et 
Toccasion  de  réunions  superbes,  où  la  noblesse,  l'armée  et  les 
plus  jolies  femmes  de  la  province  étaient  conviées.  Très  galant, 
élevé  du  reste  à  bonne  école  dans  la  cour  voluptueuse  et  dé- 
cadente de  la  Régence  et  de  Louis  XV,  le  maréchal  de  Randan, 
malgré  ses  défauts  que  de  moins  indulgents  pourraient  quali- 
fier de  vices,  jouit  de  son  temps,  dans  son  entourage  et  dans  le 
ressort  de  son  commandement,  d'une  réelle  popularité.  Son 
nom  et  son  portrait  méritent  de  trouver  place  dans  la  chronitlûe 
comtoise  du  xviii»  siècle. 

Une  proposition  relative  aux  collections  Paris  est  déposée  en 

11 


—  XVIII   — 

Tabsence  et  au  nom  de  M.  EsMgnard,  par  le  Secrétaire;   en 
voici  la  substance  : 

Naguère  réunies  à  la  Bibliothèque  publique,  dans  une  salle 
qui  portait  le  nom  de  •  Cabinet  Paris  »,  et  qui  contenait 
bronzes,  marbres,  antiquités,  peintures,  dessins  de  maîtres, 
portefeuilles  d'architecture  et  livres  d'art,  les  collections  for- 
mées par  le  célèbre  architecte  bisontin  sont  aujourd'hui  frac- 
tionnées entre  les  divers  musées  et  la  Bibliothèque.  M.  Esti- 
gnard  émet  le  vqmi  que  les  dessins  et  portefeuilles  déposés  à 
la  Bibliothèque,  où  leur  existence  est  quasi  ignorée  du  grand 
nombre,  soient  exposés  dans  nos  musées  à  côté  des  peintures 
dues  à  la  libéralité  de  Paris.  Sans  prendre,  jusqu'à  nouvel 
ordre,  parti  dans  la  question  soulevée  par  M.  Estignard,  la  So- 
ciété d'Emulation  décide  qu'elle  déléguera  trois  de  ses  mem- 
bres, MM.  Vaissier,  Ledoux  etGirardot,  pour  examiner  avec  les 
délégués  de  l'Académie  de  Besançon  et  de  la  Société  des  Beaux- 
Arts,  le  vœu  de  M.  Estignard  et  les  moyens  pratiques  d'y  don- 
ner suite. 

Le  Président  y  Le  Secrétaire, 

b^  Nargaud.  Jules  Gauthieb. 


Séance  du  i4  juin  UHhJ. 

PhKSlDENCE   OE   M.    LE   DOCTEUR   NaRGAUD. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaud,  président;  Vaissier,  vice-président; 
Gauthier,  secrétaire  décennal  ;  Fauquignon,  trésorier;  Kirch- 
ner,  archiviste. 

M£.MBR£S  :  MM.  Berdellé,  Bourdin,  Bruchon  père,  Girardot, 
V.  Guillemin,  Ledoux  et  Souchon. 

M.  le  président  communique  une  aimable  invitation  de  la  So- 
ciété d'Emulation  de  Montbéliard,  priant  la  Société  de  se  faire 
représentera  la  réunion  solennelle  que  nos  voisins  tiendront  le 


—    XIX   — 

jeudi  19  juin;  sont  délégués  à  Montbéliard  :  MM.  le  président 
Nargaud  et  le  vice- président  A.  Vaissier. 

L'échange  de  publications  proposé  par  la  Société  des  Anti- 
quaires de  rOuest  est  accepté,  et  l'on  décide  qu'une  ou  deux 
séries  de  publications  disponibles  seront  adressées,  à  charge 
de  réciprocité,  au  président  des  Antiquaires. 

M.  Victor  Guilleinin  continue  la  lecture  de  son  Elude  sur  la 
peinture  anglaise  et  traite  des  peintres  d'histoire,  de  genre,  de 
paysage,  de  portrait  :  Burnes-Jones,  élève  de  Uusselli,  Princeit, 
Paul  Falconer-Pool,  Fredon  Liegthun,  Alma-Tadéma. 

M.  Gauthier  fait  passer  sous  les  yeux  des  assistants  un  Livre 
d'Heures  enluminé,  de  la  fin  du  xiv«*  siècle,  appartenant  à  la 
Bibliothèque  publique  de  Vesoul  et  inscrit  sous  le  n"  27  des 
manuscrits.  Composé  pour  Catherine  de  Montbozon,  femme  d'un 
chevalier  de  la  Tour  Saint-Quentin,  il  porte  les  armes  de  ces 
deux  maisons,  et,  grâce  à  ses  vingt-cinq  miniatures,  de  sujets 
(rès  variés,  il  fournit  une  contribution  importante  à  l'histoire 
du  costume  en  Franche-Comté  de  1300  à  WH). 

Citons,  entre  autres  sujets  de  peinture  de  ce  psautier  :  le 
fiortrailde  Catherine  de  Montbozon,  en  riche  costume  de  châte- 
laine; celui  de  Guyelte  de  Marnay,  sa  mère;  celui  d'un  religi»Mix 
vêtu  de  gris,  scripteuret  enlumineur  probable  du  volume;  puis 
des  archers  s'exerçantà  la  cible  sur  le  corps  de  saint  Sébastien  ; 
saint  Côme  et  saint  Bamien  inspectant  les  urines  d'un  client, 
dans  le  costume  médical  de  l'époque.  Chacune  de  ces  miniatures 
est  traitée  assez  môJiocrement  et  naïvement  par  le  i)iiui6;au  de 
quelque  artiste  du  crû.  Dans  la  région  franc-comtoise,  si  pauvre 
en  peintures  anciennes,  si  dénuée  de  vitraux,  de  tapisseries, 
d'émaux,  objets  qui  foisonnent  dans  tant  de  provinces  privilé- 
giées, le  Livre  d'Heures  de  Catherine  de  Montbozon,  ou  de  la 
Tour-Saint-Quentin,  prend  un  réel  inléiél  pour  Ticoiiographie 
locale. 

Le  Pré9ident,  Le  Secrétaire, 

D»-  Nargaud.  Jules  Gauthier. 


—   XX 


Sëatice  du  i2  juillet  i90'2. 
Présidence  de  M.  le  Docteur  Nargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  le  !)••  Nargaud,  président;  A.  Vaissier,  vice- 
président;  GoHthier,  i^ecrétaire  décennal;  Fauquignon,  tréso- 
rier. 

Membres  :  MM.  Cellard,  V.  GuiUemin,  Ledoux  et  H.  Savoye. 

M.  le  président  rend  compte  de  la  séance  publique  de  la  So- 
ciété d'Emulation  de  Montbéliard,  à  laquelle  il  a  assisté,  le 
29  juin,  avec  M.  le  vice-président  Vaissier,  et  du  bon  accueil 
réservé  aux  délégués  de  la  Société  d'Emulation.  Ils  ont  été  re- 
çus avec  la  plus  grande  cordialité  par  nos  bons  voisins  et  amis 
de  ce  petit  Etat  indépendant  et  très  actif  que  constitue,  au  cœur 
du  département  du  Doubs,  l'ancienne  principauté  que  tour  à 
tour  ont  gouvernée  les  Montfaucon  et  les  Wurtemberg.  A  la 
séance  publique,  comme  au  banquet,  les  sentiments  les  plus 
aimables  et  les  plus  sympathiques  ont  affirmé  la  bonne  entente 
de  voisins  qui  rivalisent  sur  le  terrain  de  l'érudition  et  de  la 
science,  pour  soutenir  le  bon  renom  du  pays  comtois. 

L'Académie  i\e  Màcon  propose  un  échange  do  publications, 
que  la  Société  d'Emulation  s'empresse  d'accepter,  en  tenant 
lîompte  et  de  l'intérêt  des  Mémoires  publiés  par  cette  Société 
très  estimée,  et  des  vieux  liens  historiques  qui  rattaclient  le 
pays  d'outre-Saône  à  l'ancien  comté  de  Bourgogne. 

M.  le  secrétaire  décennal  rend  compte  de  l'envoi  à  la  munici- 
palité de  Besançon  du  vœu  déposé  par  M.  Estignard  pour  l'ex- 
position, au  Musée  de  peinture,  des  beaux  dessins  du  cabinet 
Paris,  déposés  dans  des  cartons  quasi  ignorés  de  la  Bibliothèque 
publique.  Il  communique  le  vœu  déposé  dans  la  réunion  des 
délégués  de  l'Académie,  de  la  Société  des  Amis  des  Beaux-Arts 
et  Arts  industriels,  de  la  Société  des  Architectes  et  de  la  Société 
d'Emulation,  pour  que  nulle  restauration,  nul  outrage  immérité 


—  XXI  — 

ne  soit  désormais  infligé  aux  monuments  de  Besancon  par  un  bon 
plaisir  administratif  quelconque,  et  la  décision  prise  de  grouper 
les  quatre  Sociétés  en  commission  permanente  de  protection 
des  monuments  bisontins.  La  Société  d'Emulation,  consultée, 
ratifie  la  résolution  prise,  qui  aura  pour  résultat,  dès  qu'une 
maladresse  ou  qu'un  projet  fâcheux  menacerait  un  de  nos  vieux 
monuments,  de  faire  entendre  immédiatement  d'énergiques 
protestations.  Dans  ce  cas,  les  bureaux  et  présidents  des  quatre 
Sociétés  agiront  de  concert,  sans  même  consulter  les  Assem- 
blées générales,  qui  leur  donnent  mandat  à  cet  effet. 

M.  V.  Guillemin  termine  la  lecture  de  son  Etude  sur  la  pein- 
ture anglaise,  en  esquissant  rapidement  les  principales  figures 
des  aquarellistes  d'outre-Manche  :  Vernoii,  Copley,  Fielding  et 
autres.  Ses  conclusions  finales  tendent  à  constater  la  réelle  dé- 
cadence de  l'art  dans  un  pays  que  les  intérêts  matériels  absor- 
bent tellement  que  le  sens  du  beau  s'y  altère  et  s'y  réduit. 

Après  avoir  fait  connaître  les  plus  intéressants  parmi  les  ar- 
tistes qui  ont  essayé  de  ralentir  ou  d'empêcher  cette  décadence, 
M.  Guillemin  se  réjouit  de  ce  que  le  testament  du  peintre  Gigoux 
ait  fait  entrer  dans  les  collections  publiques  de  Besançon  nombre 
de  toiles  précieuses  de  la  vieille  et  de  la  moderne  école  anglaise. 

Après  une  convocation  des  membres  de  la  Société  à  la  pro- 
chaine réunion  de  VAasociation  franc-comtoise,  qui  aura  lieu  à 
Gray  le  jeudi  7  août,  la  séance  est  levée. 

Le  Prèêident,  Le  Secrétaire ^ 

Dr  Nargaud.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  15  novembre  i902. 
Présidence  de  M.  le  Docteur  Nargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaud ^  président;  A.  Vaissiery  vice-prési- 
dent; /.  Gauthier^  secrétaire  décennal;  Fauquignon,  trésorier; 
Kirchner,  archiviste. 


—   XXII  — 

Membres  :  MM.  Bourdin,  Boussey,  Cellard,  V.  Guilleminy 
Parizoty  le  chanoine  Suchet,  G.  Vaissier, 

M.  le  secrétaire  nMid  compte  du  congrès  de  l'Association 
franc-comtoise,  tenu  à  Gray  le  7  août  dernier,  et  auquel  ont  pris 
part  les  huit  Sociétés  de  la  région,  représentées  par  une  partie 
de  leurs  bureaux  et  par  plus  d'une  soixantaine  de  leurs  mem- 
bres. Comme  la  réunion  de  Dole  en  1899,  comme  celle  de  Mont- 
béliard  en  1901,  celle  de  Oray  en  19()2  a  été  un  véritable  succès 
pour  une  œuvre  de  solidarité  et  d'entente,  «lont  la  Société  d'E- 
mulation du  Doulis  a  eu  Tinltiative  et  dont  elle  recueille  le  bé- 
néfice moral. 

La  Société  Grayloise  d'Emulation  et  son  dévoué  président, 
M.  Maire,  ont  apporté  à  l'oij^anisalion  du  Conjj^rès,  à  la  prépa- 
ration du  banquet,  i\{^s  séances  particulières,  générales  et  pu- 
bliques des  sections  et  de  l'Association  tout  entière,  leur  con- 
cours le  plus  actif  et  le  plus  dévoué.  M.  le  maire  de  Gray  a 
mis  hôtel  de  ville  et  tliéàtre  à  la  disposition  des  congressistes, 
fait  pavoiser  en  leur  iionneur  les  monuments  publics  et  pro- 
noncé au  banquet  une  ullocution  des  plus  bienveillantes  pour 
l'œuvre  et  pour  les  ouvriers. 

Des  résolutions  prises  au  Congrès,  il  en  est  deux  à  retenir  : 
l'adoption  du  plan  et  delà  publication  d'une  Biographie  franc- 
comtoise,  dont  un  spécimen  paraîtra  en  1903  ;  la  constitution 
de  l'Association  en  Société  de  protection  des  monuments  franc- 
comtois,  déléguant  k  son  bureau  permanent  l'initiative  néces- 
saire pour  protester,  en  temps  opportun,  contre  toute  destruc- 
tion ou  mutilation  d'un  édifice  du  passé. 

M.  le  trésorier,  sur  l'invitation  du  président,  rend  compte  des 
opérations  administratives  et  financières  qui  ont  fait  entrer  la 
Société  en  possession  du  legs  d'Edouard  Grenier  et  ont  préparé 
la  constitution  du  capital  de  la  fondation  des  frères  Grenier. 
2,400  francs  de  rente  roumaine  ont  été  vendus  et  transformés, 
par  la  Trésorerie  générale  du  Doubs,  en  un  titre  de  rente  3  o/o 
de  1,508  francs,  dont  les  arrérages  se  capitaliseront  jusqu'à  re- 
constitution normale  d'nne  rente  de  2,800  francs  taux  adopté 
pour  la  pension  triennale,  dont  la  Société  préparera  prochaine- 
ment les  statuts  et  règlements. 


—   XXIII   — 

M.  Jules  Gauthier  fait  une  communication  sur  la  vie  et  l'œuvre 
du  peintre  Jacques  Prévost,  de  Gray,  dont  une  courte  notice, 
signée  du  peintre  Lancrenon,  a  paru  en  1868  dans  les  Bulle- 
tins de  la  Société.  Depuis,  grâce  à  des  recherches  poussées  sur 
divers  terrains,  on  a  retrouvé,  en  Bassigny  et  en  Franche- 
Comté,  notamment  à  Dole  et  à  Rahôn,  six  tableaux  de  Tartiste 
dont  on  connaissait  seulement,  et  fort  mal,  le  curieux  triptyque 
de  Pesmes,  datant  de  1361,  et,  en  dégageant  un  certain  nombre 
de  fçravures  qu'on  lui  attribuait  à  tort,  on  est  arrivé  à  constater 
qu'il  fut  tout  à  la  fois  graveur,  sculpteur  et  peintre.  Entre  1542 
et  1551,  Jacques  Prévost,  qui  avait  été  le  protégé  du  cardinal 
de  Givry,  évêque  de  Langres,  fut  employé  par  l'abbé  de  Saint- 
Waast  d'Arras  à  de  nombreux  travaux  de  peinture.  Ce  nom 
d'Arras  découvi-e  un  protecteur  nouveau  :  Antoine  Perrenot, 
évoque  d'Arras,  qui  fut  pour  les  artistes  de  son  pays  et  de  son 
temps  une  vérital)le  providence,  et  dans  la  collection  duquel,  à 
Besançon,  on  retrouve  à  la  fois  des  tableaux,  des  bas-reliefe, 
des  statues  de  marbre  ciselées  par  Prévost.  Le  triptyque  de 
Pesmes  avec  la  Descente  de  croix,  l'Annonciation,  les  volets 
représentant  les  donateurs  :  Catherin  May  rot  et  Jeanne  Le- 
moyne,  nous  a  heureusement  conservé  le  portrait  de  Jacques 
Prévost,  assistant,  recueilli,  derrière  les  personnages  officiels 
de  la  mise  au  tombeau,  au  drame  poignant  du  Calvaire.  La  bio- 
graphie de  Jacques  Prévost,  avec  les  éléments  inédits  qu'on 
vient  de  réunir,  éclairera  d'un  jour  tout  nouveau  l'histoire  des 
arts  en  Franche-Comté  au  lendemain  de  la  Renaissance. 

Sont  présentés,  comme  membres  correspondants  : 

MM.  Fernand  Guignard,  archiviste  paléographe,  à  Dole; 
André  Mai^k^  étudiant  en  Sorbonne,  à  Paris. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

D«"  Nargaud.  Jules  Gauthier. 


—  XXIV    — 

Séance  du  il  décembre  1902. 
Présidence  de  M.  le  Docteur  Nargaud. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Nargaud,  président;  A.  Vaissier^  vice-prési- 
dent; Fanquignon,  trésorier;  ATirc/tner,  a rcliivisle . 

Membres  :  MM.  Bonnet,  Cellard,  docteur  Cornet,  V.  Guitle- 
min,  Ledoux,  Montenoise,  Parizot,  le  chanoine  Rossignot,  H.  Sa- 
voy e,  Souchon,  résidant  s. 

M.  le  président  expriniani  tous  les  regrets  de  la  Société  de  ce 
que,  pour  raison  de  santé.  M.  Jules  Gauthier  ne  puisse  assister 
à  la  séance,  M.  Alfred  Vaissier  le  remplacera  comme  secrétaire. 

Après  lecture  du  procès-verbal  de  la  dernière  réunion,  il  est 
donné  lecture, des  réponses  faites  aux  invitations  à  la  séance 
publique  du  lendemain. 

L'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Besançon 
sera  représentée  par  son  président,  M.  Boutroux,  professeur  à 
la  Faculté  des  Sciences. 

M.  le  docteur  Dufour,  notre  hôte  habituel  en  cette  solennité, 
fait  part  de  tous  ses  regrets  d'èire  obligé  de  renoncer,  pour 
cette  semaine,  au  plaisir  d'être  des  nôtres  en  raison  de  l'état 
de  santé  de  quelqu'un  qui  lui  est  cher. 

En  réponse  aux  invitations  aux  membres  honoraires , 
M^'  Petit  espère,  sans  pouvoir  prendre  d'engagement,  assister 
jeudi  à  la  séance  publique.  Soit  en  raison  d'engagements  anté- 
rieurs ou  de  nécessités  de  service,  M.  le  Général  commandant 
le  7e  corps  d'armée,  M.  le  Premier  Président,  M.  le  Préfet,  M.  le 
Recteur,  et  M.  l'Inspecteur  d'académie,  regrettent  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  séance  publique.  Toutefois,  M.  le  Préfet  charge 
M.  Cosson,  conseiller  de  préfecture,  de  le  représenter,  et  M  le 
Général  délègue  à  cet  effet  un  de  ses  officiers  d'état-major. 

M.  Baigue,  maire  de  la  ville,  en  mettant  à  notre  disposition 
la  grande  salle  de  l'ilôtel  de  Ville  pour  la  tenue  de  la  séance, 


—   XXV  — 

exprime  également  tous  ses  regrets  de  ne  pouvoir  y  assister, 
retenu  par  des  engagements  antérieurs. 

M.  le  trésorier  Fauquignon  soumet  à  la  Sociétés  les  comptes 
de  Tannée.  Ces  comptes  sont  approuvés,  ainsi  que  le  projet  de 
budget  pour  1903,  proposé  par  lui  au  Conseil  d'administration 
de  la  Société. 


Projet  de  budget  pour  Tannée  1903. 


Kecettks. 

1.  Subvention  du  département  du  Doubs     . 

2.  —  de  la  ville  de  Besançon.     .     . 

3.  Cotisations  des  membres  résidants.     .     . 

4.  —  —  correspondants 

5.  Droits  de  diplômes,  recettes  accidentelles 

6.  Intérêts  du  ciipital  en  caisse  et  rentes     . 

Total.     . 


300  fr. 

400 

1.250 

450 

80 


3.080  fr. 


DÉPENSES. 

1.  Impressions 2.500  fr. 

2.  Frais  de  bureau,  chaufTage,  éclairage  et  aménage- 

ments      100 

3.  "Frais  de  séance  publique 100 

4.  Traitement  et  indemnité  pour  recouvrements  à 

Tagent  de  la  Société 200 

5.  Crédit  pour  recherches  scientifiques 180 


Total 3.080  fr. 

De  chaleureuses  félicitations  sont  adressées  par  M.  le  prési- 
dent et  la  Société  entière  à  son  trésorier  pour  l'excellente  et 
dévouée  gestion  de  ses  finances. 


Procédant  à  ses  élections  pour  le  renouvellement  du  bureau, 
la  Société  nomme,  par  acclamation,  à  Tunanimilé,  les  membres 
dont  les  noms  suivent  : 


—  XXVI   — 

Bureau  pour  1  année  1003. 

Président  annuel  :  M.  Edmond  Francey  ,  avocat ,  vice-prési- 
dent du  Conseil  générai  du  Doubs. 

Premier  vice-président  :  M.  le  docteur  Nargaud,  président 
sortant. 

Deuxième  vice-président  :  M.  Maurice  Thuriet,  avocat  géné- 
ral à  la  Cour  d'appel. 

[Secrétaire  décennal  :  M.  Jules  Gauthikr.  archiviste  du  dé- 
partement. ) 

Vice-secrélaire  :  M.  Aifrod  Vaissier,  conservateur  du  Musée 
archéologique. 

Trésorier  :  M.  Fauquignon,  receveur  lionoraire  des  Postes 
et  Télégraphes. 

Archivistes:  MM.  KiRCHXER  et  MaldiiNEV. 

Après  cette  élection,  qui  assure  à  TAssociation,  comme  pré- 
sident et  vice-président,  deux  de  ses  membres  les  plus  distin- 
gués et  les  plus  honorables,  MM.  Francey  et  Thuriet,  M.  le 
président  informe  la  réunion  que  le  bureau  s'est  rendu,  au 
mois  d'août  dernier,  auprès  de  M.  Francey,  pour  le  féliciter  de 
sa  récente  nomir)alion  comme  chevalier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, et  lui  exprimer  la  satisfaction  et  les  sympathies  de  la 
Société  entière. 

En  l'absence  de  M.  Gauthier,  sous  ce  titre  :  Lettres  d'un  in- 
connu à  Edouard  Grenier ^  M.  l'avocat  Montenoise  communique 
une  intéressante  correspondance,  à  la  fois  littéraire  et  intime, 
adressée  à  notre  regretté  compatriote  par  une  femme-écrivain 
d'un  réel  talent.  Ces  lettres,  remplies  souvent  par  raclualité, 
sont  tracées  d'une  plume  alerte,  sans  répétitions,  sans  exagé- 
rations .  avec  un  sentiment  très  délicat  de  la  nature  et  des 
nuances  très  variées  pour  peindre  sensations  et  sentiments. 
Cette  inconnue,  dont  on  peut  facilement  soulever  le  voile,  est 
une  Parisienne,  très  éminente  par  le  caractère,  l'éducation,  le 
talent,  qui  mourut  récemment,  et  dont  l'amitié  fidèle  et  tendre 
entoura  les  vieux  jours  du  poète  Grenier  de  sympathie  et  d'af- 
fection, €  bien  excusée,  disait-elle,  de  ses  prévenances,  par  les 
cheveux  blancs  de  tous  deux  ». 


—  XXVII  — 

M.  le  président  ainsi  que  la  réunion  remercient  MM.  Gauthier 
et  Monlenoise  de  celte  communication  d'un  réel  intérêt. 

On  procède  ensuite  h  la  présentation  et  à  l'élection  de  nou- 
veaux membres  résidants  et  correspondants. 

Membres  résidants  : 

M.  Rouget,  directeur  de  l'Ecole  normale  de  Besançon,  pré- 
senté par  MM.  Nargaud  et  J.  Gauthier; 

M.  F^KRNARD,  pharmacien,  présenté  par  MM.  Nardiii  et  Fau- 
qui^non  ; 

M.  l'abhé  Outhenin-Chalandre,  directeur  de  la  mission 
d'Ecolo,  présenté  par  M.M.  l'arcliiprêlre  lUirlet  et  J.  Gauthier. 

Membres  correspondants  : 

M.  Charles  Kain,  ancien  conseiller  de  préfecture  du  Rhône,  h 
Champvans-les-Baun}e  (Doubs),  présenté  par  MM.  J.  Gauthier  et 
Thuriel; 

M.  André  Maire,  étudiant  à  la  Sorbonne,  présenté  par  MM. 
J.  Gauthier  et  A.  Vaissier. 

Le  Président  J  Le  Secrétaire, 

\)r  Nargaud.  a.  Vaissier. 


Séance  publique  du  iS  décembre  i90^. 
Présidence  de  M.    le  Docteur  Nargaud. 


La  séance  s'ouvre  à  deux  heures  précises  de  l'après-midi, 
dans  la. grande  salle  de  l'Hôtel  de  Ville,  devant  un  auditoire  où, 
malgré  un  très  mauvais  temps,  les  dames  sont  en  majorité. 

Aux  côtés  de  M.  le  président,  siégeaient  sur  l'estrade  : 
Mff'  Petit,  archevêque  de  Besançon  ;   M.  Cosson,  conseiller 
de  préfecture,  représentant  M.  le  Préfet;  M.  Spire,  capitaine 


—   XXVIII  — 

d'élat-major,  représentant  M.  le  général  Dessirier,  comman- 
dant le  7«  corps  d'armée,  et  M.  Boutroux,  professeur  à  la  Fa- 
culté des  Sciences,  président  de  l'Académie  de  Besançon.  M.  le 
vicaire  général  Laugant  accompagnait  Monseigneur  l'arche- 
vêque. 

Etaient  présents  les  membres  résidants  dont  les  noms  sui- 
vent : 

MM.  DE  Beauséjour,  Boussey,  Ch.  Bonnet,  H.  Bruchon, 
docteur  Cornet,  Gellard,  Kkancky,  Fauquignon,  Victor 
GuiLLEMiN,  Kirchner,  docleur  Ledoux,  II.  Mairot,  Parizot, 
H.  Savoye,  Alfred  et  Georges  Vaissier. 

Ordre  des  lectures  : 

io  Là  Société  d'Emulation  du  Doubs  en  i902,  par  M.  le  doc- 
teur Nargaud,  président; 

2o  Porte-Noire  et  ses  Commentateurs,  par  M.  Alfred  Vaissier; 

30  L'Enfance  d'Edouard  Grenier,  par  M.  Jules  Gauthier 
(lecture  faite  par  M.  l'avocat  Montenoise). 

La  séance  est  levée  à  trois  heures  et  demie. 

Le  Président,  Le  Vice-Secrétaire, 

D""  Nargaud.  A.  Vaissier. 


—   XXJX    — 


BANQUET    DE   1902 


Le  soir,  dans  les  salons  de  M.  Colomat,  un  dîner  intime,  au- 
quel assistait  un  seul  invité  officiel,  M.  Boutroux,  président  de 
r Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Besançon, 
réunissait  trente  convives,  parmi  lesquels  les  mem^)res  du  bu- 
reau de  la  Société  d'Emulation  et  nombre  d'anciens  présidents 
et  membres  dévoués  de  l'Association. 

Au  dessert,  des  toasts  sont  portés  par  M.  Nargaud,  président 
sortant,  par  M.  Francky,  président  nouveau,  par  M.  Boutroux. 
président  de  l'Académie  de  Besançon  ;  puis  M.  Vaissikr  donne 
lecture  d'une  pièce  de  vers,  avec  envoi,  de  M.  Jules  Oauthikr, 
secrétaire  décennal,  retenu  par  une  sérieuse  indisposition, 

La  carte  du  menu,  illustrée  par  les  soins  de  M.  Vaissikr, 
portait  l'effigie  du  cardinal  de  Granveile,  d'après  le  portrait  du 
Gaëtano,  et  le  texte  d'un  sonnet  adressé  par  le  Tasse  au  fameux 
cardinal,  son  protecteur . 

Toast  de  M.  le  docteur  Nargaud.  2)ré8idnil  annuel. 

Messieurs, 

Une  des  prérogatives  présidentielles  des  plus  agréables  et 
des  plus  enviables  est,  sans  contredit,  celle  qui  consiste  à  sa- 
luer aujourd'hui  les  aimables  convives  qui,  répondant  à  notre 
invitation,  ont  bien  voulu  assister  ce  soir  î'i  cette  fête  de  famille. 
Et,  tout  d'abord,  ce  serait  oublier  les  convenances  les  plus  élé- 
mentaires et  certainement  faire  injure  aux  saines  traditions  de 
la  politesse  française  que  de  ne  pas  remercier  ici  les  hauts  di- 
gnitaires qui  ont  honoré  de  leur  présence  notre  séance  publique 
et  par  là  même  en  ont  rehaussé  tout  l'éclat  :  j'adresse  donc  à 
ces  Messieurs  l'expression  de  nos  hommages  les  plus  respec- 
tueux, les  plus  affectueux  et  les  plus  sincères. 

Monsieur  le  président  dé  l'Académie,  à  votre  banquet  armuel, 
'  où  j'ai  eu  l'honneur  d'être  convié,  à  litre  de  représentant  de  la 


—    XXX   — 

Société  d'Emulation,  j'ai  tenu  à  vous  déclarer  combien  nous 
avions  à  cœur  d'entretenir  vivaces  les  rapports  de  bonne  har- 
monie et  de  respectueuse  déférence  qui  nous  unissent  à  l'émi- 
nente  assemblée,  élite  intellectuelle  de  notre  province.  Permet- 
tez-moi donc,  en  vous  renouvelant  ici  l'expression  des  mêmes 
sentiments,  de  remercier  l'Académie  d'avoir  désigné,  pour  la 
représenter  à  cette  réunion,  la  haute  personnalité  de  son  pré- 
sident. 

Un  dernier  mot.  Messieurs.  Quand  vous  m'avez  appelé,  Tan 
dernier,  à  l'honneur  insigne  de  diriger  vos  travaux,  je  n'étais 
pas  sans  éprouver  les  plus  vives  appréhensions  en  face  du  lourd 
fardeau  qui  semblait  m'incomber.  Je  m'empresse  d'ajouter  que, 
grâce  à  votre  extrême  indulgence,  et  grâce  surtout  à  l'exquise 
bienveillance  du  personnel  du  bureau,  ces  craintes,  ces  terreurs 
chimériques  se  sont  rapidement  dissipées;  aussi,  je  confesse 
sincèrement  et  en  toute  humilité,  que,  pendant  que  tous  étaient 
à  la  peine,  j'ai  dû  me  contenter  d'être  seul  à  l'honneur.  Je  ne 
saurais  donc  trop  vous  témoigner  mes  sentiments  de  profonde 
gratitude.  Cependant,  je  crois  déjfi  m'acquit  ter  d'ime  partie  de 
la  dette  de  reconnaissance  contractée  envers  vous  en  cédant 
la  place  à  mon  vieil  ami  Francey,  dont  il  est  superflu  de  faire 
l'éloge,  et  qui,  puissamment  secondé  par  un  auxiliaire  aussi 
précieux  que  M.  l'avocat  général  Thuriet,  saura  porter  haut  et 
ferme  le  drapeau  de  notre  Association. 

C'est  dans  ces  sentiments.  Messieurs,  que  je  lève  mon  verre 
en  l'honneur  de  vous  tous,  et,  en  portant  votre  santé,  je  bois  à 
la  prospérité  éternelle  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs.  Je 
n'aurais  garde,  dans  ce  salut  confraternel,  d'oublier  notre  dévoué 
secrétaire  décennal,  dont  nous  déplorons  tous  ici  l'absence  à  ce 
festin  intime,  et  à  qui  nous  souhaitons,  de  tout  cœur,  un  prompt 
rétablissement. 


Toast  de  M.  Francev,  préaident  élu  pour  i903. 

Messieurs, 

Lorsque  M.  Jules  Gauthier,  notre  dévoué  secrétaire  décennal, 
me  fit  connaître  votre  intention  do  m'élire  président  de  la  Société 


—   XXXI   — 

et  me  demanda  mon  assentiment,  j'éprouvai  un  mouvement 
d'hésitation. 

Ce  très  grand  Jionneur  ne  revenait-il  pas  à  beaucoup  d'autres 
plus  dignes,  à  des  hommes  connus  par  leur  science  et  leurs 
travaux? 

Ensuite,  comment  remplacer  mes  honorables  prédécesseurs 
et  notamment  M.  le  président  Nargaud,  dont  les  discours  et  les 
écrits  sont  toujours  empreints  d'un  esprit  si  fin  et  si  éclairé? 
Avec  quel  art,  en  quels  termes  charmants  il  vous  a  fait  aujour- 
d'hui le  récil  des  travaux  et  des  progrès  de  la  Société  d'Kmula- 
tion  pour  l'année  qui  vient  de  s'écouler?  Avec  quelle  amabilité 
il  a  parlé  à  ses  auditeurs,  et  notamment  à  votre  modeste  nou« 
veau  président,  dont  il  a  fait  un  éloge  inspiré  sans  doute  par 
une  ancienne  amitié,  mais  que  celui-ci  est  obligé  d'accepter 
sous  réserves. 

Je  ne  vois,  en  effet,  pas  d'autres  titres  pour  moi  à  la  prési- 
dence que  mon  ancienneté  et  mon  dévouement  à  la  Société. 

Oui,  je  suis  un  ancien,  mais  qui  n'a  jamais  pris  une  part  très 
active  à  vos  travaux,  se  bornant  le  plus  souvent  à  une  lecture 
attentive  et  fort  intéressante  de  votre  publication  annuelle. 

C'est  donc  mon  dévouement  que  vous  avez  voulu  récompen- 
ser, et  je  vous  en  remercie  du  fond  du  cœur.  Dévoué  je  suis  à 
cette  Société,  toujours  belle  malgré  sa  vieillesse  et  surtout  à 
cause  de  sa  vieillesse,  toujours  alerte  dans  la  voie  du  progrès 
des  arts,  des  lettres  et  des  sciences,  cette  Société  qui  compte 
des  savants  dont  la  Franche-Comté  et  môme  la  France  s'ho- 
norent. 

Je  m'efforcerai,  avec  les  vice-présidents  émériles  que  vous 
avez  bien  voulu  m'adjoindre,  avec  les  membres  du  bureau,  dont 
les  noms  seuls  suffisent  à  entretenir  la  renommée  et  l'éclat  de 
notre  Société,  à  maintenir  les  traditions  qui  ont  a.ssuré  ses 
succès  passés  et  présents. 

Je  lève  mon  verre  en  l'honneur  du  président  sortant,  des 
membres  du  bureau,  de  vous  tous,  Messieurs,  qui  contribuerez 
à  assurer  les  succès  futurs  ! 


k 


XXXIÎ 


Toast  prononcé  par  M.  Boutroux,  président  de  l'Académie. 

Messieurs, 

Je  remercie  cordialement  M.  le  président  des  aimables  paroles 
qu'il  vient  de  prononcer  à  l'adresse  de  l'Académie,  que  j'ai 
l'honneur  de  représenter  aujourd'hui.  Je  puis  vous  assurer. 
Messieurs,  que  la  sympathie  qu'elles  expriment  est  absolument 
réciproque. 

Je  trouve  que  les  Sociétés  comme  l'Emulation  du  Doubs  et 
l'Académie  rendent  plus  de  services  qu'elles  ne  semblent.  Au- 
jourd'hui toutes  les  branches  de  connaissance  ont  pris  ijne  telle 
extension  que  le  travailleur  est  obligé  de  se  spécialiser  de 
bonne  heure,  et  alors  il  est  exposé  à  subir  peu  à  peu  une  cer- 
taine déformation  professionnelle  de  l'esprit.  Mais  s'il  s'associe 
à  d'autres  personnes  qui  travaillent  sur  d'autres  sujets,  s'il 
vient  de  temps  en  temps  entendre  de  charmantes  choses  comme 
celles  que  nous  avons  eu  le  plaisir  d'entendre  aujourd'hui,  il 
sort,  malgré  lui,  du  cercle  restreint  où  sa  pensée  était  enfer- 
mée; il  s'habitue  à  prendre  intérêt  à  des  productions  étran- 
gères à  sa  spécialité,  et  échappe  ainsi  au  danger  de  voir  son 
esprit  se  rétrécir  de  plus  en  plus  avec  le  temps. 

Je  lève  donc  mon  verre  à  l'union  fraternelle,  dont  TEmulation 
du  Doubs  comme  l'Académie  donne  l'exemple,  entre  tous  ceux 
qui  savent  dérober  au  labeur  quotidien  de  la  vie  pratique  quelque 
temps  pour  s'adonner  à  la  culture  désintéressée  d'une  science 
ou  d'un  art  quelconque,  sans  autre  mobile  que  le  goût  des 
choses  de  l'esprit. 

A  la  Société  d'Emulation  du  Doubs, 

A  son  très  distingué  président,  M.  le  docteur  Nargaud. 


—   XXXIll   — 


Pièces  de  vera  de  M.  Julks  Gauthier,  êeerétaire  décennal 
{lues  par  M.  Alfred  Yaissier). 


Besançon,  18  décembre  1iX)2. 

C'est  avec  tristesse  vraiment 
Qu'au  fond  d'un  lit  où  je  végète, 
Quoiqu'il  pleuve  et  fasso  grand  vent, 
J'éprouve  un  très  réel  tourment 
A  déserter  un  jour  de  fête. 

C'est  bien  malgré  moi,  ci'oyez  bien. 
Et  si  j'avais  bon  piedy  bon  œil, 
Rien  ne  m'arrêterait,  non,  rien, 
Malgré  ce  véritable  temps  de  chien, 
Pour  courir  vous  faire  bon  accueil. 

Marcher,  courir,  je  ne  l'ai  pu  : 
Malgré  nos  excellents  confrères 
Docteurs  et  chirurgiens,  j'ai  dû. 
Sans  être  absolument  perdu, 
Dire  adieu  à  toutes  affaires. 

C'est  alors  que,  sans  prendre  vert, 
Vaille  que  vaille  j'ai  pondu. 
Pour  vous  être  lus  au  dessert. 
Après  la  salade,  ces  vers. 
Soyez  indulgents  au  perclus  ! 


—  XXXIV  — 

LES  VOLONTAIRES  DE  1792 

(  SOUVENIRS  DE  FAMILLE  ) 

Quaad  Tancien  régime  régnait, 

Sous  Louis  Quinze  et  Louis  Seize  encor, 

Le  soldat,  surtout  s'il  était 

Roturier,  rarement  gagnait 

Les  épaulettes  à  franges  d'or. 

Ce  hasard  Ijeureux  vint  pourtant 
Au  cousin  de  feu  mon  grand-père, 
Lequel,  en  mil  sept  cent  et...  tant 
(Ceci  ne  fait  rien  à  TalTaire), 
Fut  un  jour  nommé  lieutenant. 

C'était  un  dragon.  A  la  guerre 
Il  s'était  battu  bravement; 
Blessé,  il  revint  chez  son  frère 
En  congé,  et  incontinent 
Se  mit  au  lit,  le  pauvre  hère! 

Les  jours  passaient,  et  sa  langueur, 
Rebelle  à  toute  médecine, 
Ne  fit  que  croître,  et  sa  maigreur, 
Sa  chétive  et  bien  triste  mine. 
Faisaient  présager  un  malheur. 

Un  soir,  un  exempt  apporta 

Un  grand  pli  aux  armes  de  France; 

Le  lieutenant  se  souleva 

Sur  son  chevet  et  déchira 

Cette  enveloppe  d'ordonnance. 

«  C'est  un  brevet  de  capitaine  : 

»  Vive  le  Roi!  »  Et  puis  il  tend 

La  lettre  à  son  frère  :  «  Tu  m'entends, 

»  Le  Roi  m'envoie,  c'est  bien  la  peine, 

»  Du  pain...  quand  je  n'ai  plus  de  dents!  i> 


—    XXXV  — 

Au  cimetière  on  conduisit 

Le  pauvre  homme  dans  la  huitaine, 

Et  de  sa  carrière  lointaine, 

Des  faits  d'armes  qu'il  accomplit, 

Rien  ne  survit  au  capitaine. 

Dix  ans  ont  passé  :  la  Patrie 
Appelle  tous  ses  défenseurs 
A  la  frontière  dégarnie. 
Pour  repousser  la  tyrannie 
Et  combattre  les  oppresseurs. 

Les  volontaires,  en  ces  alarmes, 
Sortent  du  sol  et  à  grands  cris. 
Tous  les  hommes  courent  aux  armes; 
Partout  s'enrôlent  aux  districts 
Les  vieux  soldats  et  les  conscrits. 

Pris  d'une  idée  singulière, 
L'héritier  de  notre  dragon 
Prend  l'uniforme  de  son  frère  : 
Casque,  épaulettes,  ceinturon, 
Monte  à  cheval  et  part  en  guerre. 

Sous  ce  brillant  harnais,  il  roule 
De  Thoraise  jusqu'à  Quingey, 
Et  les  volontaires  en  foule, 
Electeurs,  crient  dans  la  houle  : 
Vive  le  commandant  Biget! 

Et,  tambours  battants,  jusqu'au  Rhin, 

Le  bataillon  de  volontaires, 

Biget  en  tête,  prit  soudain 

La  marche,  et,  l'épée  dans  les  reins, 

Culbuta  tous  ses  adversaires. 

Huit  ans  durant  Biget  marcha. 
Sacrant  et  sabrant,  comme  un  sourd; 
Huit  ans  son  bataillon  trembla 
Sous  sa  rude  main  ;  au  combat 
Sa  voix  dominait  le  tambour. 


—  XXXVl  -— 

Mais  voilà  que  de  Bonâpaile 
Le  génie  apparut,  divin  ! 
Adieu  vieux  jeu  et  vieille  carte, 
Des  volontaires  le  destin 
Finit.  Il  faut  que  Biget  parte. 

Retraité,  avec  compliments, 
Il  se  retire  en  son  village 
Et  lit  philosophiquement 
Le  récit  des  événements 
Qu'alors  l'Empereur  met  en  page. 

Et  chaque  fois  qu'un  Te  Deum 
De  victoire  se  chante  à  l'église, 
En  uniforme  le  brave  liomme, 
Qui  de  combats  encor  se  grise, 
Fêtait  la  Redingote  grise. 


Jules  Gauthier. 


MÈMUIRKS 


LA 

SOCIÉTÉ  DlMULATlOiN  DU  DOUBS 

EN    1902 


Discours  d'ouvertare  de  la  séance  publiqoe  da  jeudi  18  décembre 


Par  M.  le  Docteur  NARGAUD 

PRÉSIDENT    ANNUEL 


Monseigneur  (i), 

Mesdames, 

Messieurs, 

Chaque  année,  à  pareille  époque,  il  est  d'usage  que  la  So- 
ciété d'Emulation  du  Doubs  procède  au  recensement  du  tra- 
vail accompli  et  que  son  Président  vienne,  à  cette  séance 
publique,  en  faire  l'exposé  sommaire  qui  puisse  permettre 
d'en  apprécier  l'importance  et  la  valeur.  C'est  donc  à  moi 
qu'incombe  aujourd'hui  la  mission  délicate  de  remplir  cette 
tâche  ;  aussi,  en  adressant  à  tous  mes  collègues  l'expression 
de  mes  sentiments  de  profonde  gratitude  de  l'honneur  abso- 
lument immérité  qu'ils  m'ont  fait  en  m'appelant  à  la  direction 
de  leurs  travaux,  j'escompte  en  même  temps  la  bienveillance 
d'un  auditoire  d'élite  capable  de  supporter  sans  trop  de  fa- 
tigue l'aridité  de  leur  nomenclature.  Votre  présence  parmi 
nous,  Monseigneur,  Mesdames  et  Messieurs,  est  du  reste  un 
sûr  garant  de  l'intérêt  que  vous  n'avez  jamais  cessé  de  té- 
moigner à  notre  Association,  ce  qui  nous  autorise  à  vous 

(1)  Mil'  Petit,  archevêque  de  Besançon. 


—  2  — 

considérer  comme  étroitement  unis  à  elle  par  une  commu- 
nauté de  sentiments,  d'estime  et  de  sympathie,  et  nous  im- 
pose en  retour  Tagréable  mais  périlleux  devoir  de  vous  sou- 
mettre le  compte  rendu  des  résultats  obtenus  et  des  progrès 
réalisés  pendant  Tannéequi  «'achève. 

En  jetant  un  rapide  coup  d'œil  sur  le  tableau  qui  va  se  dé- 
rouler sous  vos  yeux,  j'ai  tout  lieu  d*espérer  que  votre  indul- 
gence reconnaîtra  que  nous  nous  sommes  montrés  dignes 
de  la  confiance  de  nos  concitoyens,  de  la  sollicitude  toute 
spéciale  des  représentants  les  plus  éminents  des  pouvoirs 
publics  dont  Tassiduité  à  nos  réunions  annuelles,  tout  en  re- 
haussant l'éclat  de  l'assemblée,  constitue  pour  nous  la  plus 
haute  et  la  plus  enviable  des  récompenses. 

Depuis  plus  de  soixante  ans  qu'elle  existe,  la  Société  d'E- 
mulation du  Doubs  a  fait  preuve  d'une  vitalité  toujours  crois- 
sante, d'une  activité  et  d'une^  ardeur  infatigables  à  la  re- 
cherche des  documents  de  toute  sorte  destinés  à  enrichir  son 
patrimoine  scientifique.  Les  nombreux  mémoires  qu'elle  a 
publiés  dès  sa  fondation  et  qu'elle  publie  encore  sont  là  pour 
l'attester;  ses  bulletins  ofliciels  autorisent  à  prévoir  d'avance 
ce  que  le  monde  savant  est  en  droit  d'attendre  de  sa  bonne 
volonté. 

En  1902  les  séances  de  la  Société  ont  bénéficié  des  travaux 
suivants  : 

Notre  excellent  confrère,  le  docteur  Albert  Girardot,  nous 
a  communiqué  une  notice  des  plus  intéressantes  sur  Alfred 
Milliard,  le  bienfaiteur  de  notre  musée  archéologique.  Après 
avoir  achevé  ses  études  de  droit  à  Paris,  Milliard  s'était  oc- 
cupé beaucoup  de  littérature  et  de  poésie,  avait  écrit  dans 
des  revues  littéraires  et  publié  deux  volumes  de  vers  remar- 
qués. De  retour  dans  son  pays  natal,  à  Fédry  (Haute-Saôncl, 
sans  abandonner  les  lettres  il  s'adonna  plus  particulièrement 
à  l'archéologie  et  surtout  à  l'archéologie  préhistorique.  Il  eut 
la  bonne  fortune  de  rencontrer  aux  environs  de  son  village 
plusieurs  stations  des  âges  de  la  pierre  qu'il  explora  et  étudia 


—  3  — 

avec  beaucoup  de  patience  et  de  sagacité.  Les  collections 
d'armes,  d'instruments  et  d'ustensiles  divers  qu'il  y  a  re- 
cueillis ont  une  valeur  très  appréciable.  En  les  donnant  au 
musée  de  Besançon  il  lui  a  fait  un  legs  précieux,  d'autant 
plus  que  notre  musée  était  jusqu'ici  assez  pauvre  en  objets 
de  ce  genre  provenant  de  notre  province., 

M.  l'abbé  Paul  Druot,  curé  de  Voillans  (Doubs),  a  écrit 
pour  nous  un  mémoire  archéologique  sur  une  curieuse 
cloche  cTu  xv«  siècle  qu'il  a  découverte  dans  le  clocher  de  son 
église.  Ayant  déchiffré  les  inscriptions  gothiques,  le  sceau  et 
les  armoiries  imprimés  sur  les  flancs  de  ce  bronze,  il  a  pu 
en  déterminer  Torigine  exacte,  grâce  aux  archives  des  Dames 
de  Baume,  d'où  il  provient. 

Le  docteur  Henri  Bruchon,  fouillant  les  archives  médicales 
du  xvii*  siècle,  nous  a  fait  revivre  la  portrait  d'un  Esculape 
très  considéré  à  l'époque,  le  docteur  Jean  Gavinet,  qui  fut 
un  des  bourgeois  les  plus  notables  de  Besançon.  Il  a  écrit 
un  livre  de  raison  où  sont  notés  chaque  année  les  traits 
marquants  de  sa  carrière,  les  événements  contemporains 
dignes  d'intérêt  soit  dans  la  vie  de  la  cité,  soit  dans  l'histoire 
de  l'Empire  ou  même  dans  l'histoire  de  la  France  .  Les  éphé- 
mérides  de  cette  autobiographie  permettent  de  reconstituer 
la  vie  d'un  praticien  aimé  et  estimé  de  ses  plus  illustres  con- 
citoyens et  qui  fut  en  môme  temps  pendant  de  longues  an- 
nées (1626-1641)  un  de  nos  premiers  magistrats  municipaux. 
M.  l'avocat  général  Maurice  Thuriet,  qui,  d'emblée,  a  su 
conquérir  une  place  distinguée  parmi  nos  collaborateurs, 
nous  a  donné  lecture  d'une  communication  fort  attrayante 
sur  le  garde  des  sceaux  Courvoisier  (qui  fut  lui  aussi  avocat 
général  à  la  Cour  d'appel  de  Besançon)  en  nous  décrivant  la 
carrière  brillante  et  très  mouvementée  d'un  magistrat  franc- 
comtois  des  plus  célèbres. 

Celte  notice  très  précise  quoique  très  concise  est  destinée 
à  la  Biographie  franc  comtoise  qui  paraîtra  prochainement 
sous  les  auspices  des  Sociétés  savantes  de  notre  région. 


-  4  - 

Digne  émule  de  M.  le  curé  de  Voillans,  dont  il  porte  le 
nom  et  dont  il  professe  la  sympathie  pour  les  recherches  ar- 
chéologiques, M.  labbé  Hermann  Druot,  ancien  professeur 
au  séminaire  de  Consolation,  nous  a  présenté  un  compte- 
rendu  très  instructif  des  fouilles  et  des  découvertes  faites  sur 
son  initiative  et  par  ses  soins  dans  les  ruines  du  château  de 
Châtelneuf-en-Vennes  qui  dominent  les  sources  et  les  cas- 
cades du  Dessoubre  et  du  Lançot. 

Sous  son  intelligente  direction,  les  élèves  du  séminaire  ont 
consacré  les  loisirs  de  leurs  récréations  à  creuser  et  fureter 
dans  les  décombres  du  vieux  castel  féodal,  pour  exhumer  une 
collection  considérable  d'objets  variés  ;  instruments  aratoires, 
armes,  mousijuets,  outils  de  toute  nature,  médailles,  objets 
liturgiques  qui  nous  donnent  des  renseignements  précieux 
sur  les  arts  du  xvii«  siècle. 

M.  Alfred  Vaissier,  dont  la  compétence  en  matière  archéo- 
logique est  bien  connue  de  tous,  continuant  ses  études  sur 
Tare  antique  de  la  Porle-Noire,  a  expliqué  le  symbolisme  des 
bas-reliefs  qui  décorent  ce  superbe  monument,  sans  contredit 
la  plus  remarquable  des  curiosités  de  notre  ville,  peut-être 
même  de  notre  pays.  Avec  une  sagacité  merveilleuse,  il  a 
déchiflré,  comme  on  disait  naguère,  Ténigme  du  sphinx  et 
déchiré,  aux  yeux  des  profanes,  le  voile  mystérieux  et  impé- 
nétrable d'un  édifice  grandiose,  érigé  en  glorification  de  la 
puissance  romaine,  dont  s'enorgueillit  notre  cité,  fière  de 
posséder  un  des  chefs  d'œuvre  de  l'architecture  du  m*  siècle. 

M.  le  docteur  Bourdin,  médecin-major  au  7*  bataillon  de 
forteresse,  un  de  nos  nouveaux  collègues,  qui  consacre  les 
rares  loisirs  de  sa  profession  à  des  études  du  plus  haut  inté- 
rêt, non  seulement  au  point  de  vue  de  la  santé  publique, 
mais  aussi  dans  le  domaine  des  sciences,  des  lettres  et  dos 
arts,  nous  a  cummuni(|ué  une  étude  très  appréciée  sur  le 
maréchal  duc  de  Randan,  lieutenant  général  du  gouverne- 
ment de  Franche-Comté,  de  1741  à  1773.  Le  duc  de  Randan 
était  le  petit-fils  du  maréchal  duc  de  Lorges,  ancien  gou- 


^  5  — 

verneur  de  la  province  et  fils  de  Gui-Nicolas  de  Durfort  et 
de  Thérèse  de  Chamiilard,  fille  de  fun  des  ministres  de 
Louis  XIV. 

Colonel  à  i9  ans,  il  prit  part  à  toutes  les  actions  militaires 
de  son  époque  et  fut  appelé,  en  1741,  au  commandement 
en  second  de  la  Franche- Comté,  quMl  conserva  jusqu'à  sa 
mort. 

Princièrement  installé  à  Besançon  dans  l'hôtel  du  com- 
mandement (ancien  Hôtel  Montmartin,  occupé  aujourd'hui 
par  les  dames  du  Sacré-Cœur),  il  possédait  aussi  le  château 
de  Balançon  par  suite  de  son  mariage  avec  Mlle  de  Poitiers, 
héritière  de  la  maison  de  Rye.  Son  taste  et  son  luxe  sont  res- 
tés légendaires  et  les  fêtes  splendides  qu'il  donna,  tant  à 
l'hôtel  du  quartier  général  qu'en  son  merveilleux  château  où 
toute  la  noblesse  était  conviée,  témoignent  hautement  de  son 
respect  absolu  pour  les  traditions  aristocratiques  de  cette 
époque  et  aussi  du  vigoureux  essor  imprimé  au  commerce 
de  notre  ville,  qui  bénéficia  largement  de  son  administration. 
Aussi  le  nom  de  Durfort,  de  Randan,  de  Lorges,  de  Duras 
est-il  écrit  en  lettres  d'or  à  l'armoriai  de  notre  province. 

M.  Victor  Guillemin,  dans  une  étude  très  documentée  sur 
la  peinture  anglaise,  a  mis  en  relief  l'entrée  bien  tardive  de 
ce  grand  pays  industriel  dans  le  mouvement  artistique.  De- 
vancée depuis  longtemps  par  les  écoles  italienne,  flamande, 
française  et  allemande,  fécoie  anglaise  n'en  compte  pas 
moins  dans  son  sein  une  pléiade  d'artistes  originaux  dont  les 
œuvres  remarquables  méritent  à  bon  droit  de  fixer  l'atten- 
tion. Nous  voyons  défiler  Hogarth,  Thomas  Law^rence,  Gains- 
borough  qui  ont  enrichi  de  leurs  productions  la  National 
Gailery^  ainsi  que  les  tableaux  précieux  ofîerts  à  nos  musées 
par  les  legs  Gigoux  et  Chenot,  dont  les  richesses  se  trouvent, 
par  là  même,  considérablement  augmentées. 

Enfin,  M.  Jules  Gauthier,  notre  érudit  secrétaire  dr'»cennal, 
digne  successeur  d'Auguste  Castan,  à  jamais  regrellé,  s'est 
prodigué  comme  de  coutume  dans  ses  recherches  vraiment 


—  6  — 

fébriles  et  dans  des  attrayantes  publications.  Je  vous  signa- 
lerai à  son  actif  : 

io  Une  étude  sur  l'église  romane  de  Romain-Motier,  bâtie 
au  canton  de  Vaud,  près  de  la  frontière  française  de  Jougne 
et  Vallorbes.  Ce  spécimen  de  Tarchitecture  monastique  du 
XII»  siècle  est  bien  conservé,  presque  intact,  moins  les  ab- 
sides et  certain  porche  ajoutés  aux  xiii®-xv*  siècles.  Romain- 
Motier,  Saint-Maurice  de  Jougne  et  Sainte-Ursanne,  groupés 
sous  le  titre  de  Trois  Eglises  romanes  du  Haut-Jura,  fourni- 
ront un  chapitre  intéressant  à  l'archéologie  de  la  région. 

2<>  Une  notice  sur  le  peintre  bisontin  Donat  Nonnotte  (4708- 
1785),  fils  d'un  vigneron  de  larue  Saint-Paul.  Après  quelques 
études  préliminaires,  Nonnotte  se  rendit  à  Paris  et  à  Ver- 
sailles, où  il  devint  Télève  et  le  collaborateur  du  peintre  du 
roi,  François  Lemoyne.  Ce  fut  un  des  meilleurs  portraitistes 
du  règne  de  Louis  XV.  I/église  de  la  Madeleine  possède  de 
lui  une  Sainte-Famille  datée  de  1728,  et  nos  musées  son  por- 
trait et  celui  de  sa  femme  qui  témoignent  d'un  habile  pin- 
ceau mis  au  service  d'un  talent  incontesté. 

3o  Une  note  sur  un  joli  bronze  grec  provenant  de  l'acadé- 
micien Prosper  Mérimée,  retrouvé  rue  de  Lille  dans  les  dé- 
combres de  la  maison  incendiée  par  la  Commune,  qu'habi- 
taient Mérimée  et  Edouard  Grenier,  offert  au  musée  de 
Besançon  par  les  héritiers  du  poète. 

4*  Une  autre  note  sur  un  torse  de  Vénus  pudique,  en 
pierre,  du  xvi'  siècle,  trouvé  à  Jougne  dans  les  ruines  de  la 
maison  de  l'écuyer  Ferlin,  contemporain  et  ami  des  Gran- 
velle. 

5*  Une  note  sur  le  Recueil  d'antiquités  romaines  de 
Luxeuil,  dessinées  et  décrites  par  Jean-François-Melchior 
Fonclause.  en  1778,  et  qui,  comparées  aux  objets  découverts 
depuis,  enrichissent  encore  le  domaine  de  l'archéologie. 

6^  Le  compte  rendu  d'un  voyage  accompli  à  Besançon,  en 
1776.  par  le  professeur  strasbourgeois  Jacques  Obertin.  Cet 
érudit  consacra  plusieurs  journées  à  visiter  notre  ville,  ses 


—  7  — 

monuments,  ses  musées,  sans  oublier  les  savants  d'alors  qui 
Taccueillirent  avec  les  plus  grands  égards. 

La  bibliothèque  et  le  cabinet  du  président  Chitïlet  attirèrent 
plus  particulièrenïent  son  attention  bien  méritée  du  reste, 
étant  donné  que  le  groupe  important  des  ouvrages  qui  s'y 
trouvaient  (6000  volumes)  constitua,  en  1792,  le  fonds  le  plus 
important  de  la  Bibliothèque  actuelle  de  Besançon. 

7'*  Enfin  une  étude  sur  le  costume  h  Besancon  à  la  fin  du 
XIV*  siècle  d'après  le  Livre  d'heures  de  Catherine  de  Mont- 
bozon,  femme  d'un  chevalier  de  la  Tour  de  Saint-Quentin. 

Les  miniatures  qui  décorent  le  psautier,  orné  des  armoi- 
ries des  deux  maisons,  fournissaient  une  contribution  très 
précieuse  à  l'histoire  du  costume  en  Franche-Comté  à  cette 
époque. 

Tel  est.  Monseigneur,  Mesdames  et  Messieurs,  le  tableau 
sommaire  des  travaux  du  savant  préposé  à  nos  archives, 
vous  pensez  sans  doute  avec  moi  que  tout  commentaire  se- 
rait superflu. 

Toujours  soucieuse  des  intérêts  de  la  province,  la  Société 
d'Emulation,  de  concert  avec  les  trois  Sociétés  savantes  de 
notre  ville.  Académie,  Société  des  Beaux-Arts.  Société  des 
Architectes,  a  adopté  avec  empressement  un  projet  dû  à 
l'initiative  de  M.  Estignard  et  relatif  au  transfert  des  collec- 
tions de  dessins  de  l'architecte  Paris  au  musée,  dans  une 
salle  spéciale  qui  prendra  le  nom  de  éalle  Paris.  Ces  collec- 
tions reléguées  jusqu'ici  à  la  bibliothèque  restaient  ignorées 
de  la  grande  majorité  du  public.  En  les  exposant  au  grand 
Jour,  c'est  tout  à  la  fois  rendre  hommage  à  Téminent  artiste 
bisontin  et  permettre  à  chacun  d'apprécier  des  trésors  artis- 
tiques jusqu'ici  presque  inconnus. 

Comme  corollaire  de  cette  sage  résolution,  les  quatre  So- 
ciétés, d'un  commun  accord,  se  sont  groupées  en  commission 
permanente  de  protection  des  monuments  artistiques  de 
notre  cité  et  du  déparlement  du  Doubs. 

En  terminant  cette  revue,  je  dois  vous  informer  que  le  bu- 


—  8  — 

reau  de  la  Société,  représenté  par  son  président  et  son  vice- 
président,  s'est  rendu,  comme  de  coutume,  à  l'aimable  invi- 
tation de  la  Société  d'Emulation  de  Montbéliard  pour  assister 
à  la  séance  publique  qui  a  eu  lieu,  le  19  juin  dernier,  au  mu- 
sée de  cette  ville.  Nous  y  avons  entendu  des  lectures  très 
instructives  sur  les  origines  de  cette  principauté  tour  à  tour 
gouvernée  par  les  Montfaucon  et  les  Wurtemberg,  puis  sur 
les  fouilles  pratiquées  à  Mandeure,  d'où  furent  extraits  des 
bronzes  et  des  objets  d'art  merveilleux  qui,  après  un  som- 
meil léthargique  dans  les  sous-sols  de  l'ancienne  cité  ro- 
maine, resplendissent  aujourd'hui  dans  de  superbes  vitrines 
disposées  en  leur  honneur.  Au  banquet  qui  a  couronné  la 
séance,  les  sentiments  les  plus  cordiaux  et  les  plus  sympa- 
thiques ont  affirmé  hautement  la  bonne  harmonie  et  l'étroite 
solidarité  qui  unissent  les  deux  Sociétés  liées  par  une  véri- 
table fraternité  d'armes  sur  le  champ  de  bataille  du  travail, 
de  la  science  et  du  progrès. 

Je  suis  heureux  et  fier  d'adresser  nos  félicitations  à  plu- 
sieurs membres  de  notre  Société  qui  ont  été  l'objet  de  dis- 
tinctions flatteuses  pendant  l'année  1902. 

M.  Joubin,  doyen  de  la  Faculté  des  sciences,  conseiller 
municipal,  a  été  nommé  recteur  de  l'académie  de  Chambéry. 
Obligé  de  nous  quitter  pour  se  rendre  à  ce  poste  éminent, 
M.  Joubin  nous  permet  d'espérer  qu'il  sera  toujours  un  de 
nos  fidèles,  et  je  suis  sûr  d'être  votre  interprète  en  lui  sou- 
haitant de  tout  cœur  un  prompt  retour  au  milieu  de  nous. 

M.  le  docteur  Girod,  un  de  nos  concitoyens,  a  été  nommé 
directeur  de  l'école  de  médecine  de  Clermont-Ferrand. 

C'est  là  un  témoignage  éclatant  de  l'estime  et  de  la  consi- 
dération que  notre  compatriote  a  su  conquérir  à  Clermont 
aussi  bien  que  dans  sa  ville  natale. 

Enfin,  comme  couronnement  de  ces  promotions,  notre 
vice-président,  M.  l'avocat  Edmond  Francey,  a  été  nommé 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  Cette  haute  dignité,  juste 
récompense  des  services  rendus  à  la  chose  publique,  tant  au 


—  9  - 

palais  qu'au  conseil  municipal  et  au  conseil  général  par  Té- 
minent  avocat  du  barreau  bisontin,  a  d'autant  plus  de  prix  à 
nos  yeux  qu'elle  rejaillit  pour  ainsi  dire  sur  notre  Société, 
qui  s'est  grandement  honorée  en  l'appelant  aujourd'hui  au 
fauteuil  de  la  présidence. 

Il  ne  me  reste  plus  (ju'nn  pénible  mais  pieux  devoir  à 
remplir  :  saluer  la  mémoire  de  ceux  (jue  la  mort  impitoyable 
nous  a  ravis  cette  année. 

Nous  avons  perdu  parmi  nos  membres  résidants,  M.  Jules 
de  Buyer,  inspecteur  de  la  Société  française  d'archéologie, 
puis  M.  Jules»  Vaulherin,  ancien  président  des  torges  de 
Franche- Comté,  chevaher  de  la  Légion  d'honneur,  ancien 
conseiller  général  du  Doubs.  Au  mois  de  décembre  dernier 
s'éteignait,  à  Baume-les-Dames,  M.  Edouard  Grenier,  dont  la 
dernière  pensée  s'est  traduite  par  une  libéralité  considérable 
au  profit  de  la  Société  d'Emulation,  à  qui  il  donne  par  testa- 
ment une  somme  très  importante  consacrée  à  aider  dans  sa 
carrière  un  jeune  homme  pauvre  se  destinant  soit  aux 
sciences,  soit  aux  lettres,  soit  aux  arts. 

Cette  pension  triennale,  sous  le  titre  de  fondation  des 
frères  Grenier  (analogue  à  la  pension  Suard  que  distribue 
l'Académie  de  Besançon),  est  une  preuve  éclatante  de  l'atta- 
chement de  ce  philanthrope  à  la  prospérité  de  notre  associa- 
tion. En  face  d'un  pareil  souvenir,  je  regrette  qu'il  ne  me 
vienne  pas  à  l'esprit  d'expressions  assez  éloquentes  pour  tra- 
duire les  sentiments  de  profonde  gratitude  de  notre  Société 
vis-à-vis  du  poète  distingué  qui  s'est  révélé  comme  le  plus 
généreux  de  ses  bienfaiteurs. 

A  cette  liste  nécrologique  il  faut  ajouter  encore  M.  Adolphe 
Jacquot,  employé  à  la  préfecture,  collaborateur  assidu  d'une 
feuille  locale,  et  M.  Joseph  Outhenin  Chalandre,  grand  in- 
dustriel, véritable  providence  de  la  classe  ouvrière,  qu'il  en- 
tourait d'une  afTection  paternelle,  et  dont  la  fin  prématurée 
est  vivement  regrettée  par  l'industrie  de  notre  province. 

A  ces  deuils  successifs,  je  dois  ajouter  ceux  de  deux  mem- 


—  40  — 

bres  correspondants  :  M.  Devaux,  ancien  juge  de  paix  et  an- 
cien maire  de  Gy,  qui  a  laissé  une  histoire  manuscrite  de 
cette  ville;  M.  de  Perpigna,  ancien  maire  de  Luxeuil,  qui, 
pendant  Tannée  terrible,  s'est  illustré  en  combattant  brave- 
ment dans  les  rangs  de  la  compagnie  franche  de  l'intrépide 
colonel  Bourras. 

Puisse  cet  hommage  suprême,  rendu  à  nos  collègues  dé- 
funts, atténuer  quelque  peu  la  douleur  de  leurs  familles  en 
leur  apportant  la  certitude  que  leurs  chagrins  sont  partagés 
par  des  hommes  de  cœur  (jui  conservent  et  conserveront 
pieusement  le  souvenir  inoubliable  des  compagnons  d'armes 
à  jamais  disparus! 

Tel  est.  Monseigneur,  Mesdames  et  Messieurs,  le  bilan  de 
Tannée  qui  s'achève.  C'est  «^  vous  de  juger  en  dernier  res- 
sort. Permettez-moi  donc,  en  vous  remerciant  encore  de  Tat- 
tention  bienveillante  que  vous  avez  prêtée  à  cette  lecture, 
d'espérer  que  la  Société  d'Emulation  n'a  pas  démérité  à  vos 
yeux  et  de  conclure,  avec  votre  assentiment,  que,  fidèle  aux 
traditions  laborieuses  qu'elle  tient  de  ses  fondateurs,  elle  a 
continué,  sans  faillir,  sa  marche  en  avant,  toujours  inces- 
sante, toujours  infatigable,  et  tressé  de  nouveaux  fleurons  à 
la  couronne  scientifique,  si  ïichement  dotée  déjfi,  de  notre 
chère  Franche-Comté. 


UNE  CLOCHE  FRANC-COMTOISE 

nV    X\>    SIÈCLE 

Par  M.  l'abbé  Paul  DRUOT 

CCRÉ  DE  VOILLANS 


Séance    du    ii    janvier    1902 


Les  cloches  anciennes  sont  rares  en  Franche-ConDté  en 
raii^on  des  désastres  nombreux  que  notre  pays  eut  à  subir. 

Une  des  plus  anciennes  peut-être  dans  tout  le  diocèse  de 
Besançon  se  trouve  actuellement  dans  la  tour  de  Téglise 
succursale  de  Voillans,  non  loin  de  Baume-les-Dames,  et 
sert  chaque  jour  encore,  après  420  ans  d'existence,  à 
annoncer  les  offices  paroissiaux. 

Cette  cloche  avait  été  faite  pour  Tabbaye  de  Raume-les- 
Dames,  voici  dans  quelles  circonstances  : 

A  la  suite  de  la  bataille  d'iîéricourt,  le  13  novembre  1474, 
la  Comté  avait  eu  cruellenjent  à  souffrir  des  conséquences 
de  la  défaite  des  troupes  de  Charles-le-Téméraire.  Les  alliés, 
Alsaciens,  Autrichiens  et  Suisses,  excités  par  Louis  XI 
contre  le  duc  de  Bourgogne,  se  répandirent  à  travers  le 
pays.  Ils  prenaient  et  pillaient  Blamont,  Pont-de-Roide, 
risle-sur-le-Doubs,  Granges,  Grammont,  Clerval;  ils  incen- 
diaient et  saccageaient  tous  les  villages  qu'ils  traversaient. 
Baume  n'échappa  pas  à  la  ruine.  Un  diplôme  de  Charles- 
Quint  conservé  aux  archives  municipales  de  cette  ville 
nous  apprend,  en  effet,  que  «  Baulme-sur-le-Douhs  fut 
prinse^  brullée  et  saccagée  par  les  ennemys,  désolée  et  inha- 
bitée ». 


—  i2  — 

Les  cloches  de  ces  pays  furent  prises  ou  brisées  pour  être 
employées  à  la  fabrication  d'engins  de  guerre.  Et  s'il  en 
échappa  quelques-unes  à  ces  actes  de  vandalisme,  ces  der- 
nières furent  vouées  néanmoins  à  la  destruction. 

Moins  de  deux  ans  après,  le  2  mars  1476,  Charles-le- 
Téméraire  subissait  à  Granson  une  nouvelle  défaite  qui  le 
plongea  dans  un  cruel  abattement,  mais  le  désir  de  la  ven- 
geance ne  tarda  pas  à  faire  succéder  en  lui  une  activité  fié- 
vreuse. Il  ne  songea  plus  qu'à  reformer  une  nouvelle 
armée;  il  n'avait  plus  d'artillerie,  il  fit  fondre  le  reste  des 
cloches  des  églises  du  pays  de  Vaud  et  de  la  Comté  pour  en 
forger  des  canons,  et  ordonna  même  de  rechercher  dans  les 
maisons  de  ses  sujets  les  métaux  propres  à  la  guerre. 

Saccagée  d'un  côté  par  les  alliés  de  Louis  XI,  dépouillée 
par  Charles-le-Téméraire,  l'abbaye  de  Baume-les-Dames, 
profitant  d'un  moment  d'accalmie  après  tant  de  désastres  et 
la  mort  du  roi  de  France  (1483),  fit  faire,  sous  le  pontificat 
de  noble  dame  Alix  de  Montmartin,  abbesse  du  il  mars  1477 
au  11  décembre  1485,  deux  cloches  dont  les  inventaires  de 
ladite  abbaye  nous  signalent  l'existence.  Toutes  deux,  y  est- 
il  dit,  étaient  aux  armes  de  Montmartin,  la  plus  grosse 
pesant  2000  livres,  la  plus  petite  environ  1200. 

C'est  assurément  cette  dernière  que  possède  l'église  de 
Voillans,  car  elle  répond  en  tout  point  à  celte  double  indica- 
tion et  porte  des  marques  indéniables  de  son  ancienneté. 

Haute  de  72  centimètres,  elle  a  l'n46  de  tour  au  cerveau, 
1™51  à  la  seconde  inscription,  1"75  à  la  gorge  précédant  la 
panse,  2*69  à  la  base,  et  pèse  approximativement  de  onze 
à  douze  cents  livres.  Grâce  à  sa  forte  épaisseur  de  métal, 
elle  a  une  grande  amplitude  de  vibrations,  un  son  argentin 
distingué  et  donne  la  note  «t  bémol. 

Le  battant  est  en  fer  grossièrement  martelé;  la  panse, 
d'une  épaisseur  presque  double  de  celle  des  cloches  mo- 
dernes, est  usée  en  maints  endroits  par  suite  des  coups  du 
battant  et  nombreux  aussi  sont  les  éclats  qu'on  aperçoit  à  la 


—  13  — 

patte  ou  partie  inférieure  :  indices  certains  de  pérégrina- 
tions ou  d'ascensions  mouvementées. 

La  forme  rappelle  celle  des  cloches  du  xiv*  siècle;  le  cer- 
veau en  est  très  aplati,  à  peine  bombé;  les  salissures  pres- 
que droites  jusqu'aux  gorges  ou  filets  en  relief  qui  précèdent 
la  panse.  Particularités  à  noter  :  les  anses  (ou  anneaux  de 
suspension)  ne  sont  pas  orientées  avec  le  devant  de  la 
cloche,  ce  qui  se  fait  toujours  depuis  longtemps  ;  et  elle  a 
été  frappée  aussi  par  un  marteau  d'horloge. 

La  décoration  est  fort  simple  :  une  croix  latine  de  18  cen- 
timètres sur  trois  degrés;  une  inscription  principale  en 
beaux  caractères  gothiques  de  33  millimètres  de  hauteur,  qui 
forme  comme  une  couronne  à  la  naissance  du  cerveau  de  la 
cloche  :  mentem  .  sanctam  .  spontaneam-honorem  Deo  et 
PATRIE  LiBERATiONEM,  puis  le  uom  du  fondcur  en  mômes 
caractères  et  faisant  corps  avec  cette  triple  invocation  : 
GuiLLAME  FET.  Il  est  intéressant  de  constater,  en  passant, 
que  c'est  la  première  fois  qu'on  trouve  le  nom  d'un  fondeur 
du  pays.  Jusqu'alors,  l'industrie  du  bronze  avait  fait  appel 
à  des  artistes  allemands  ou  lorrains  qui  excellaient  dans  la 
fabrication  des  cloches,  bombardes  ou  canons. 

Chaque  mot  de  l'inscription  est  séparé  par  un  joli  motif  de 
décoration  en  forme  d'S  majuscule  renversé  (2),  de  la  même 
dimension  que  les  caractères  gothiques. 

Le  commencement  de  l'inscription  est  indiqué  par  une 
petite  croix  de  Malte  plantée  sur  quatre  gradins. 

Huit  centimètres  plus  bas  se  trouve  une  inscription  plus 
petite  faisant  encore  le  tour  complet  de  la  cloche  et  obtenue 
par  ces  mots  :  Laudate  Dominum  omnes  gentes,  quatre 
fois  répétés,  et  également  en  caractères  gothiques  minus- 
cules de  l'2  millimètres  de  hauteur. 

En  considérant  ces  inscriptions  avec  attention,  on  remar- 
que que  dans  la  première  les  caractères  qui  ont  servi  à  l'im- 
primer sur  le  moule  étaient  mobiles;  dans  la  seconde,  au 
contraire,  la  phrase  Laudate  Dominum  omnes  gentes  était 


—  i4  — 

clichée  et  formait  comme  une  matrice  dont  le  fondeur  devait 
se  servir  fréquemment. 

Entre  ces  deux  inscriptions,  pour  les  relier  Tune  à 
l'autre,  quatre  médaillons,  de  63  millimètres  de  hauteur, 
sont  placés  à  distance  égale,  et  représentent  deux  motifs 
répétés  alternativement  :  le  crucifiement  avec  la  sainte 
Vierge  et  saint  Jean  debout  de  chaque  côté  de  la  croix, 
puis  saint  Sébastien  percé  de  dix  flèches  horizontales,  po- 
sées régulièrement,  cinq  de  chaque  côté  du  corps,  et  bar- 
belées de  façon  artistique.  Les  figures  sont  grossières, 
d*un  dessin  naïf  et  intéressant  qui  rappelle  le  style  de  l'é- 
poque. 

Sous  le  nom  du  fondeur,  à  égale  distance  de  deux  des  mé- 
daillons précédents,  et  toujours  entre  les  deux  inscriptions, 
est  placé  un  sceau  ogival  haut  de  66  •"/'»  et  large  de  40.  La 
légende  est  en  minuscules  gothiques  :  S.  Dame  Alix  de 
Montmartin  abbasse  de  Bulme, 

Ce  sceau  a  exactement  la  même  forme  et  la  même  dimen- 
sion que  celui  de  la  même  abbesse,  trouvé  aux  archives  de 
Neuchâtel  (Suisse)  par  M.  J.  Gauthier  (G. '27,,  n«  14  :  X.  3, 
n»  5).  Sous  un  dais  d'architecture  accosté  de  colonnettes  et 
de  contreforts  servant  de  soubassement  à  une  Notre-Dame 
debout  portant  l'Enfant,  avec  l'éou  de  Montmartin  fascé  de 
onze  pièces. 

Ce  blason  nous  donne  approximativement  la  date  de  fabri- 
cation de  cette  cloche,  Alix  de  Montmartin  ayant  été  abbesse 
de  Baume-les-Dames  de  1477  à  1485.  D'après  le  texte  de 
l'inscription,  il  semblerait  que  c'est  à  la  fin  de  son  pontificat 
que  la  dite  cloche  a  dû  être  fondue.  Cette  délivrance  de  la 
patrie  (patrie  liberalionem)  qu'on  implore  pourrait  indiquer 
qu'on  était  au  lendemain  des  terribles  malheurs  qui  venaient 
de  frapper  Baume  et  la  Comté  tout  entière.  On  objectera, 
sans  doute,  que  ces  mots  patrie  liberationem  sont  une  for- 
mule qu'on  retrouve  sur  plusieurs  cloches  du  xvr  siècle  et 
pourraient  présenter  un  autre  sens  :  la  protection  du  pays 


—  15  — 

contre  la  foudre.  La  première  interprétation  paraît  plus  vrai- 
semblable. 

Il  serait  intéressant  de  savoir  comment  cette  cloche  a  pu 
quitter  Tabbaye  pour  venir  trouver  un  refuge  dans  le  modeste 
clocher  de  Téglise  de  Voillans. 

La  tradition  locale  porte  à  croire  que  cette  cloche  a  été 
achetée,  d'autres  même  disent  volée  à  l'abbaye  de  Baum.e. 
Depuis  le  15  août  177^2,  date  de  la  bénédiction  de  Téglise  ac- 
tuelle de  Voillans,  il  y  a  toujours  eu  une  cloche  et  une  seule 
jusqu'en  1837.  Le  dernier  inventaire  de  l'abbaye  de  Baume, 
où  elle  figure,  est  celui  qui  a  été  dressé  le  22  janvier  1725  par 
Antoine-Philippe  Doroz  à  la  mort  de  l'abbesse  de  Thyard  de 
Bissy  :  «  Dans  le  cloclier,  y  est-il  écrit,  sont  trois  cloches 
dont,,  une  médiocre,  qui  pèse  environ  1200  est  aux  armes 
de  Moatmartin.  ù 

Elle  y  reste  jusqu'en  1791  où  avec  les  trois  autres  cloches, 
ses  compagnes,  elle  fut  descendue  du  clocher  de  l'abbaye 
pour  être  transformée  en  gros  sous  en  vertu  d'un  décret 
royal.  Mais  la  paroisse"  "der  Batmne  réclama  et  obtint  la  plus 
grosse  cloche  pesant  2000  livres  ;  celle  de  1200  1.  fut  «  pret- 
tée  il  la  municipalité  de  Voillans,  ensuitte  d'ordonnance  du 
département  du  l""  octobre  1701  (1;.  »  La  commune  de  Voil- 
lans n'en  paya  jamais  qu'une  faible  part  au  fondeur  Denis 
Faivre  des  Ghaprais  près  Besancon,  chargé  de  transformer 
les  cloches  en  saumons  ou  «  llaons  »  de  cuivre  destinés  à  la 
Monnaie  de  Besançon. 

Telle  est  riiistoire  de  cette  cloche,  la  plus  ancienne  peut- 
être  de  toute  la  Franche-Comté,  certainement  l'une  des  trois 
ou  quatre  plus  anciennes,  et  la  seule  qui,  outre  une  date  cer- 
taine, possède  le  nom  du  fondeur,  vraisemblablement  Com- 
tois, qui  l'exécuta.  Après  avoir  appelé  pendant  deux  siècles 
k  de  pompeux  oflices  d'opulentes  religieuses,  elle  sonna  cou- 
rageusement, malgré  tous  les  décrets,  pendant  les  heures  les 


(l)  Etat  du  2  septembre  1791  (G  389,  Arcli.  du  Doubs). 


—  46  - 

plus  terribles  de  la  Révolution,  au  grand  effroi  de  Tagent 
communal  et  du  commissaire  du  canton,  et  elle  convoque  en- 
core aujourd'hui  dans  une  bien  pauvre  église  des  Comtois 
vigoureux  tout  de  foi  et  de  labeur. 


Société  d'Emulation  duDoubs,  1902. 


PLI 


.. 47*^6   <Ut0UUL 


•in^si  .a 


ClocKe  donnée  en  1484-1485  h  l'église  abbatiale  deBaiime 
par  l'abbesse  Alix  deMonimSiTiinfI'y/jse<fef6//AnsCûMt6sJ 


Société  d'Enitihition  du  Doubs,    1902. 


PI.   II. 


UNE  CLOCHE  FRANC-COMTOISE  DU  XVe  SIÈCLE. 
Médaillons  et  Sceau  de  Dame  Alix  de  Montmariin. 


Société  d*Enittlation  du  Doubs,   1902. 


PI.   II. 


UNE  CLOCHE  FRANC-COMTOISE  DU  XVe  SIÈCLE. 
Médaillons  ei  Sceau  de  Dame  Alix  de  Montmartin. 


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ner  d'une  obsession  qui  prend  naissance  dans  le  légitime 
désir  de  connaître  la  vérité. 

Cette  patiente  et  fort  honorable  curiosité  a  été  tant  de  fois 
mise  à  l'épreuve,  qu'on  ne  peut  songer  à  la  satisfaire  qu'en 
arrachant,  pour  une  première  fois,  à  Porte-Noire  quelques- 
uns  de  ses  secrets. 

Vous  allez  apprécier,  Messieurs,  si  ce  que  vous  allez  en- 
tendre répond  à  cette  condition. 

Il  y  a  trente-six  ans,  l'érudit  écrivain  qui  présida  si  long- 
temps et  avec  tant  de  supériorité  aux  destinées  de  la  Société 
d'Emulation  du  Doubs,  Auguste  Castan,  consacrait  à  l'Arc  de 
Besançon  un  remarquable  travail  présenté  dans  une  séance 
analogue  à  celle  d'aujourd'hui  'V. 

Après  un  résumé  sommaire  des  études  antérieures  sur 
ce  sujet,  le  judicieux  critique  passait  à  des  considéra- 
tions architectoniques  tirées  de  la  comparaison  des  monu- 
ments romains  durant  une  période  savamment  limitée,  pour 
consolider  la  thèse  déjà  soutenue  par  quelques-uns  de  ses 
prédécesseurs  immédiats,  à  savoir  que  le  monument  avait 
été  construit  sous  le  règne  de  l'empereur  romain  Marc- 
Aurèle. 

Avant  de  terminer  sa  dissertation,  Castan  essaya,  avec  es- 
prit, mais  sans  trop  y  réussir,  d'interpréter  quelques-uns  des 
bas-reliefs  de  Porte-Noire,  la  plupart  des  autres  n'étant  pas, 
à  son  gré,  «  également  lisibles  ». 

Aujourd'hui,  de  bienveillants  confrères  m'invitent  à  re- 
prendre ce  travail  en  me  laissant  libre  d'y  procéder  à  ma 
guise.  J'abuserai  peut-être  de  cette  latitude,  mais,  en  retour, 
on  aura  la  satisfaction  de  reconnaître  que  si  notre  éminent 
confrère  et  ami  n'a  pas  poursuivi  l'œuvre  jusqu'au  bout, 
c'est  à  sa  prévoyante  initiative  que  nous  devons  des  éléments 


(1)  Contidérations  sur  l'Arc  antique  de  Porte-Noire j  à  Besançon, 
par  A.  Castan  (Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs,  année 
1866,  p.  420). 


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indispensables,  sinon  pour  l'achever,  mais  du  moins  pour  la 
pousser  un  peu  plus  loin  (l). 

Puissé-je,  sous  la  sauvegarde  de  ce  sympathique  souvenir, 
obtenir  la  bienveillante  attention  de  mon  auditoire. 


Lorsqu'un  épigraphiste  veut  déchiffrer  une  inscription  mu- 
tilée, après  avoir  relevé  exactement  les  lettres  certaines,  il 
scrute,  dans  les  lacunes,  les  moindres  accidents  de  la  pierre, 
afln  d'y  découvrir  les  traces  de  caractères  intercalés,  pour 
compléter,  s'il  est  possible,  ce  qui  manque  au  document,  et 
cela  avec  patience  et  surtout  sans  parti  pris. 

Il  semble  que  la  même  méthode  doive  être  employée  quand 
il  s'agit  d'une  sculpture  détériorée. 

D'où  vient  que  dans  nos  murs  un  monument  antique,  le 
plus  considérable  de  tous,  demeure,  depuis  au  moins  trois 
siècles,  comme  une  inscription  figurée  dont  des  lignes  en- 
tières passent  pour  être  encore  plus  impénétrables  que  des 
hiéroglyphes? 

Dirons-nous,  avec  un  éminenl  critique,  M.  Emile  Faguet, 
que  «  c'est  la  condition  même  de  tout  ce  que  fait  l'homme 
ici-bas;  il  ne  réussit  qu'au  prix  de  mille  tâtonnements  et  ne 
finit  par  frapper  juste  qu'à  force  de  s'être  trompé  ». 

Permettez-moi,  pour  mieux  approprier  cette  pensée  au  cas 
particulier,  de  répéter  avec  la  Sagesse  des  nations  :  Ce  n'est 
qu'en  frappant  juste  sur  la  tête  du  clou  qu'on  parvient  à  l'en- 
foncer. 

Tous  ceux,  sans  exception,  qui  ont  cherché  la  solution 
d'une  seule  de  ces  énigmes  n'ont  pas  suivi  la  méthode  de 
l'épigraphiste  ;  ils  ont  jeté  sur  les  sculptures  un  regard  su- 
perficiel, se  sont  rebutés  des  difficultés,  et,  surtout,  ont  tra- 
vaillé avec  des  opinions  préconçues.  De  là  des  interprétations 


(1)  Voir  deux  précédentes  études  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  d'Emul.  du 
Doubs,  1897,  p.  217,  et  1901,  p.  161. 


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d'une  stérilité  absolue  et  ne  pouvant  jamais  entrer  comme 
éléments  dans  un  ensemble  bien  homogène  tel  que  les  cons- 
tructeurs ont  dû  le  concevoir. 

Que  Ton  veuille  bien  ne  pas  comprendre  dans  cette  appré- 
ciation sévère  les  très  estimables  études,  entreprises  pour 
suppléer  au  silence  de  THistoire,  afin  de  déterminer  Tépoque 
présumable  de  Térection  du  monument  II  ne  sera  question 
ici  que  d'un  certain  nombre  de  bas-reliefs  qui  sont  comme 
les  mots  de  phrases  bien  faites  et  où  tout  se  tient.  Ne  con- 
vient il  pas  qu'il  ne  soit  plus  dit  que  nous  n'avons  pas  pu  les 
déchiffrer  avant  leur  disparition? 

Pour  démontrer  le  vide  des  interprétations  proposées,  il 
suffit  de  les  signaler,  sans  qu'il  soit  besoin  d'insister  sur  le 
chapitre  des  variations.  Au  moyen  d'un  exposé  chronolo- 
gique de  la  série  des  commentateurs  et  de  leurs  opinions  di- 
vergentes, vous  assisterez  à  une  sorte  d'escrime  où  chacun 
des  combattants  cherche  à  battre  en  brèche  la  thèse  adverse 
pour  recevoir  des  coups  à  son  tour,  sans  que  jamais  personne 
puisse  sortir  victorieux. 

Me  serait-il  permis,  Messieurs,  de  vous  considérer  comme 
les  juges  du  camp? 

Mais,  direz-vous,  en  cette  matière,  il  serait  nécessaire  de 
nous  faire  mieux  connaître  l'objet  en  discussion? 

Pour  vous  documenter,  laissez-moi  user  d'un  procédé  peut- 
être  étrange,  mais  à  coup  sûr  fort  avantageux  dans  la  cir- 
constance actuelle. 

Veuillez  écouter  ce  récit  :  j 

«  Il  y  a  seize  cents  ans,  un  étranger,  voyageant  pour  son 
instruction,  arrive  en  face  de  la  cité  de  Vesontio. 

Après  avoir  admiré  le  paysage  depuis  une  hauteur,  il  des- 
cend la  route  «lui,  par  le  faubourg,  le  conduit  à  la  rivière  où 
il  trouve  un  pont  de  pierre  dont  les  solides  arcades  peuvent  j 

défier  les  siècles.  A  peine  a-t-il  atteint  l'autre  rive  que  s'ouvre 
devant  lui  une  longue  rue,  parfaitement  droite,  bordée  de 


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trottoirs,  et  luxueusement  pavée  de  larges  dalles  bien  appa- 
reillées. 

Tout  au  bout  de  la  perspective  des  constructions,  il  aper- 
çoit dans  le  lointain  un  édifice  transversal  qui  se  détache  sur 
le  fond  de  tableau  formé  par  la  montagne  rocheuse. 

Bientôt  il  peut  satisfaire  sa  curiosité,  circuler  autour  d'un 
monument  décoratif,  isolé  dans  la  partie  dominante  d'une 
place  publique;  c'est  une  majestueuse  arcade  dont  les  deux 
façades  ainsi  que  les  côtés  comportent  la  plus  abondante  or- 
nementation ;  rorientation  en  est  si  parfaite  que  le  soleil  en 
fera  pour  ainsi  dire  le  tour  dans  une  même  journée. 

Notre  voyageur  lit  sans  peine  une  grande  inscription  dé- 
dicatoire  tracée  en  lettres  de  bronze  fixées  sur  la  frise  du 
couronnement,  où  elle  est  accostée  de  deux  figures  de  Gé- 
nies agenouillés: 

JOVI   OPTIMO  MAXIMO, 
FELICITATIS   REIPUBLICE   CONSERVATORI. 

Il  comprend  aussitôt  qu'il  a  sous  les  yeux  l'expression  élo- 
quente de  la  piété  des  habitants  d'une  cité,  après  l'achève- 
ment de  grands  travaux  d'utilité  publique  dont  il  aperçoit  à 
quelques  pas  de  somptueux  témoignages. 

Il  suit  de  l'œil  des  lignes  architecturales  richement  fouil- 
lées, en  même  temps  qu'il  remarque  une  multitude  de  fi- 
gures, les  unes  d'un  très  haut  relief,  semblables  à  des  sta- 
tues, les  autres  réparties  à  l'intérieur  comme  à  l'extérieur,  et 
même  sur  les  seize  colonnes  qui  les  encadrent  en  les  faisant 
valoir. 

Sur  la  clé  de  voûte  préside  le  maître  suprême  Jupiter^  re- 
présenté en  vainqueur  des  Titans  qui  se  tordent  à  ses  pieds; 
de  superbes  Renommées  avec  les  guirlandes  de  l'abondance 
lui  présentent  les  palmes  de  la  Victoire  dont  les  glorieux 
messagers.  Castor  et  Pollux^  les  deux  fils  du  Roi  de  l'O- 
lympe, se  dressent  de  chaque  côté,  en  grandeur  colossale, 
pour  personnifier  le  Jour  et  la  Ntnt,  la  Vie  et  la  Mort. 

Plus  bas  les  douze  Mois  de  V Année  sont  symbolisés  par 


DÉDALE  ET  Icare 


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autant  de  tableaux  des  scènes  de  la  vie  humaine  pendant  la 
paix,  sorte  de  Zodiaque  qui  unit  le  ciel  à  la  terre. 

Gomme  un  enseignement 
de  haute  sagesse  se  succèdent, 
sur  les  colonnes,   les    beaux 

j J  llHfî/iT^il  /      I    \ll      exemples  de   travail,  de   dé- 

i  î     W       (  "i  \  ^        vouement  et  de  courage  don- 
iSj  Jl  Ii^'^^V  iVV  ^^^  ^^^  hommes  par  les  Héros 

légendaires  :  Dédale,  Thésée, 
Hercule,  etc. 

Enfin,  pour  encadrer  cette 
figuration  religieuse  et  philoso- 
phique mise  en  première  ligne,  arrive  \di  décoration  officielle, 

qui   comprend   les    com- 
bats,  les    captifs    et   les 
apothéoses      des      vain- 
queurs,  mêlés  aux  tro- 
phées militaires,  en    ré- 
sumé la  glorification  de  la 
puissance  romaine   sous 
laquelle  se  maintient   la 
tranquillité  et   se    déve- 
loppe la  félicité  publique. 
—  Voilà,  se  dit  l'étranger,  un  digne  hommage  de  piété  et 
de  reconnaissance  rendu  par  les  habitants  de  ce  lieu  aux  au- 
teurs de  leur  prospérité. 

Cela  dit,  notre  visiteur  satisfait  franchit  Tarcade  et  va 
rendre  ses  devoirs  au  grand  temple  de  Jupiter  qui  s'élève  à 
quelque  distance  sur  le  versant  de  la  colline.  » 


Thésée  et  le  Minotaure. 


Ainsi  finit  notre  récit. 

—  Mais  c'est  une  fable  que  vous  nous  racontez  ! 

—  Pas  tout  à  fait!  Veuillez  y  voir  la  projection  idéale  d'une 
réalité  trop  lointaine  pour  qu'on  puisse  la  reproduire  autre- 
ment dans  l'intérêt  de  ce  qui  suit. 


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La  vue  d'ensemble  ou  la  description  mise  sur  le  compte 
d'un  voyageur  anonyme  du  ii"  siècle,  écarte  en  de  nom- 
breuses places  les  allusions  û  des  faits  historiques  qu'on  y 
soupçonnait  à  tout  hasard.  -  Ce  qu'on  aurait  gagné  d'un  côté 


serait  perdu  de  l'autre.  —  Il  ne  resterait  plus  alors  qu'à  s'en 
prendre  uniquement  au  style  de  l'architecture,  au  caractère 
ou  à  la  qualité  des  sculptures,  pour  déterminer  sinon  une 


date  précise  d'origine,  du  moins  pour  limiter  aussi  étroite- 
ment que  possible  la  période  pendant  laquelle  le  inonunicnl 
a  été  construit. 

Il  est  plus  facile  d'essayer  la  restitution  d'un  monument 


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mutilé  que  d'en  retracer  l'histoire  quand  Jes  documents  font 
défaut. 

Dans  ce  dessein,  et  d'après  ce  qui  en  a  été  dit  de  meilleur, 
la  période  cherchée  ne  peut  être  comprise  qu'entre  le  début 
de  la  décadence  de  la  sculpture  romaine  et  sa  chute  rapide 
pendant  les  trente  années  de  la  fin  du  second  siècle. 

A  partir  de  cette  époque,  l'agilation  incessante  du  monde 
barbare  mettant  de  plus  en  plus  en  péril  la  situation  de  la 
Gaule,  devait  empêcher  toutes  les  entreprises  de  construc- 
tions luxueuses. 

Aux  premières  invasions  si  meurtrières  du  ni*  siècle,  253 
et  275,  après  une  période  relativement  pacifique  sous  Cons- 
tantin, succédèrent  celles  du  milieu  du  quatrième,  où  une 
grande  partie  du  territoire  fut  de  rechef  envahie  et  dévastée. 
Parmi  les  nombreuses  villes  qui  furent  saccagées,  à  une  date 
indéterminée,  nous  avons  sous  les  yeux  le  témoignage  de 
celle  de  Mandeure  qui,  ouverte  et  dégarnie  de  ses  forces  mih- 
taires,  périt  entièrement  dans  les  flammes. 

Sous  la  menace  continuelle  de  ces  terribles  occupations, 
Vesontio,  subissant  le  contre-coup  de  la  misère  générale,  a 
dû  voir  graduellement  sa  population  décroître  et  ses  cons- 
tructions rester  inachevées,  puis,  un  jour  que  nous  ne  con- 
naissons pas,  partager  le  sort  commun.  Dans  quelle  mesure 
les  barbares  prirent-ils  part  à  la  destruction  des  édifices? 
C'est  ce  que  nous  ignorons.  Ce  ne  sont  pas  de  grandes  subs- 
tructions  dont  on  a  arraché  par  la  suite  tous  les  matériaux 
utilisables,  ni  même  quelques  colonnes  renversées  et  brisées 
qui  peuvent  nous  renseigner.  Ce  piédestal  consacré  aux 
dieux,  cette  colonne  même  qui,  sur  le  versant  de  la  citadelle, 
se  serait  effondrée,  au  premier  siècle,  à  la  parole  de  saint 
Lin,  n'esl-il  pas  un  indice,  bien  que  légendaire,  de  ce  qui  a 
pu  arriver  plus  tard,  et  sans  miracle  cette  fois,  comme  repré- 
sailles des  persécutions? 

Elle  ne  nous  renseignera  pas  davantage  cette  fameuse 
lettre  que  le  César  Julien  adressait,  en  360,  à  son  ami  le  phi- 


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losophe  Maxime,  au  retour  de  l'expédition  heureuse  contre 
les  Artuaires,  et  au  moment  où  il  passait  par  Vesontio  pour 
aller  hiverner  à  Vienne.  Ce  futur  restaurateur  du  vieux  culte 
païen  savait  fort  bien  à  quoi  s*en  tenir  à  cet  égard,  et,  quand 
on  connaît  sa  prudente  dissimulation  relativement  à  la  doc- 
trine qu'il  professait  déjà,  on  comprend  pourquoi  il  n'insiste 
pas  sur  les  causes  de  la  destruction  des  temples  somptueux 
qui  ornaient  la  citéy  grande  autrefois,  mais  réduite  alors  à 
Vétat  de  petite  ville  (1). 

Quoi  qu'il  en  soit,  que  l'on  fasse  i-emonler  l'occupation  bar- 
bare de  Vesontio  à  une  époque  bien  antérieure  ou  voisine  de  la 
date  de  356,  il  n'est  pas  douteux  que  le  Philosophe  alexandrin 
couronné  n'ait  compris  parmi  les  temples  dont  nous  retrou- 
vons aujourd'hui  quelques  colonnes  couchées  dans  une  an- 
tique poussière,  l'apothéose  de  Jupiter,  dépouillée,  après  un 
siècle  et  demi  au  plus,  de  son  éclat  primitif.  Quelque  ardent 


(1)  TloXCxvtov  6s  vuY]  l<mv  àv£i>r,(i.piév7),  icàXat  Se  iiSYdXv)  xt  y}v  xal  tcoXu- 

xeXéatv  Upoï;  2xex6<r(irjT0 (Lettre  de  JulitnJ.  Cet  autrefois  (iràXai,  olim) 

n'impliquerait-il  pas  Tidée  d'un  état  remontant  à  plus  de  six  années,  356 
étant  la  date  de  Tinvasion  récente.  D'autre  part,  le  qualificatif  àvEiXT)iJL{jLévYi 
(de  àvaXaptéavci))  signifie  reprise^  relevée  ou  réoccupée.  Ausbi,  les  traduc- 
teurs ne  s'accordent-ils  pas  :  pour  les  uns,  c'est  un  oppidulum  dirutum^ 
et,  pour  les  autres,  une  petite  ville  réparée  ou  en  réparation.  Quand  on 
se  représente  les  préoccupations  d'un  chef  d'armée  aussi  avisé  que  Julien, 
relativement  à  la  situation  et  à  la  conservation  des  places  de  guerre  qu'il 
visite,  les  pourvoyant  de  ce  qui  peut  y  manquer,  on  comprend  que  les  di- 
verses nuances  d'expression  de  la  seconde  interprétation  soient  applicables 
dans  la  circonstance. 

L'empereur  Constance,  meurtrier  du  père,  des  frères  et  des  cousins  de 
son  neveu  Julien,  n'avait  envoyé  ce  dernier  à  cette  expédition  des  Gaules 
que  pour  le  perdre,  comptant  bien  lui  faire  endosser  tous  les  dangers  et 
toutes  les  fautes  de  cette  guerre.  Déjouant  cette  attente,  le  jeune  César, 
bien  qu'entouré  de  gens  hostiles  on  incapables  (voir  son  Epilre  si  curieuse 
au  Sénat  et  au  peuple  d'Athènes),  se  révéla  comme  bon  général,  veillant  à 
toutes  choses,  ardent  et  circonspect.  Celui  auquel  on  avait  imposé  le  rôle 
passif  et  périlleux  de  porter  à  l'armée  les  imnges  de  Tempereur.  conduisit 
si  bien  la  campagne  qu'il  rempo:  ta  sa  grande  victoire  près  de  Strasbourg 
sur  le  Rhin.  C'est  ainsi  qu'après  avoir  balayé  les  Barbares,  il  opérait  en 
sûreté  son  retour  par  Vesontio  en  train  de  se  refaire  comme  petite  ville. 


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que  fût  son  prosélytisme,  il  lui  eût  été  impossible  de  fiaîre 
lui-même  à  Vesontio  ce  que  n'avait  pu  réaliser  à  Rome  son 
illustre  prédécesseur  et  aïeul  Constantin  le  Grand.  Depuis 
longtemps  il  n'existait  plus  de  sculpteurs  capables  d'exécuter 
de  grandes  figures,  telles  que  celles  des  Renommées  et  des 
Titans  de  notre  arc  de  triomphe  W. 

Abrégeons  cette  histoire.  Après  avoir  traversé  la  longue 
période  des  invasions,  la  noble  arcade,  de  plus  en  plus  meur- 
trie, mais  toujours  debout,  conservera  pendant  quelques 
siècles,  sous  l'appellation  de  Porte  de  Marsy  l'auréole  des 
vieux  souvenirs,  mais  bientôt,  protégée  par  sa  masse  impo- 
sante, elle  sera  enchaînée  dans  une  muraille  d'enceinte,  son 
ouverture  maçonnée  et  rétrécie  sera  réduite,  sous  le  nom  si- 
nistre de  Porte-Noire,  à  l'état  de  sombre  couloir  donnant 
accès  à  un  quartier  fermé. 

Si  le  monument  trouvera  dans  ces  conditions  un  abri  pro- 
tecteur pendant  tout  le  Moyen  âge  et  bien  au  delà,  les  sculp- 
tures dégradées  et  devenues  incomprises  sur  la  face  apparente 
lui  maintiendront  la  considération  respectueuse  des  esprits 
éclairés  qui  se  demanderont  désormais  ce  qu'elles  pouvaient 
signifier. 

Au  XVI*  siècle,  un  des  premiers  commentateurs  signalés 
croit  y  voir  un  hommage  au  conquérant  des  Gaules,  Jules 
César;  c'était  remonter  trop  haut,  et  il  est  fort  inutile  de 
s'arrêter  à  cette  attribution  d'un  caractère  vulgaire. 

En  1580,  à  une  époque  où  l'on  commençait  tardivement 
à  mettre  à  profit  les  fruits  de  la  Renaissance  dans  notre  ville. 


(1;  L'empereur  Constance,  pendjnt  son  triomphe  immérité  à  Borne,  ne 
pouvait  assez  admirer  ces  monuments  devant  lesquels  il  restait  stupéfait. 
Perdant  tout  espoir  de  produire  quelque  chose  de  semblable  et  voulant  faire 
grand,  à  son  tour,  il  ne  trouva  rien  de  mieux  que  d'ériger,  dans  le  grand 

cirque ,  un  obélisque  que  la  mort  avait  empêché  Constantin  de  ramener 

d'Alexandrie,  où  un  vaisseau .  d'une  grandeur  inouïe,  avait  été  consti^uit 
pour  le  transporter  à  l'aide  de  trois  cents  rameurs.  {Ammien  MarceUint 
LXVI,  ch.  x;  LXVII,  ch.  iv.) 


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y  naissait  le  fils  d'une  famille  destiné  à  illustrer  un  nom  no- 
blement soutenu  par  la  descendance  et  la  parenté. 

C'était  Jean-Jacques  Chifflet.  Après  avoir  terminé  des 
études  littéraires  et  médicales,  complétées  par  des  voyages 
à  l'étranger,  surtout  en  Italie,  ce  jeune  et  savant  docteur  se 
livre  à  de  patientes  recherches  sur  l'histoire  de  sa  ville  na- 
tale. En  1618,  toujours  enflammé  d'une  patriotique  ardeur,  il 
publie  l'ouvrage  intitulé  Vesontio  qui  va  le  mettre  chronolo- 
giquement à  la  tête  de  nos  historiens  franc-comtois. 

Dans  ce  livre  qui  a  eu  la  fortune  de  faire  les  délices  des 
vieux  Bisontins,  trois  chapitres  sont  consacrés  à  l'Arc  dit 
Triomphal,  tant  pour  démontrer  que  ce  monument  n'a  pu 
être  élevé  qu'en  l'honneur  de  l'empereur  Aurélien,  vainqueur 
sur  terre  et  sur  mer,  en  Orient  et  en  Occident,  restaurateur 
des  Gaules,  que  pour  donner  une  description  soi-disant  com- 
plète des  figures  sculptées  qui  sont  censées  appuyer  cette  at- 
tribution. 

Afin  d'illustrer  son  œuvre  d'un  frontispice  de  marque,  Chif- 
flet commande  à  un  orfèvre  et  graveur  estimable  de  la  cité, 
Pierre  de  Loizy,  une  planche  où  sera  représentée  Porte-Noire 
dans  une  restitution  destinée  à  en  faire  comprendre  toute  la 
splendeur  passée. 

Nombreuse  comme  celle  des  Chifflet,  la  lignée  des  Loizy, 
d'un  attachement  égal  pour  la  patrie,  comi)te  plusieurs  ar- 
tistes d'une  certaine  valeur.  Le  talent  de  Pierre  de  Loizy,  in- 
férieur à  celui  de  ses  deux  fils,  Jean  et  Pierre  II,  pouvait 
s'appliquer  avec  succès  à  des  ciselures  d'oi'lèvrerie,  à  des 
images  de  piété  ou  d'armoiries  gracieusement  composées, 
mais  pour  réaliser  le  rêve  de  son  docte  client,  en  présence 
d'un  modèle  si  fruste  et  si  peu  accessible  pour  le  regard,  son 
burin  capricieux  alors  dépaysé  ne  devait  produire  qu'une 
œuvre  de  fantaisie. 

Comment  Chifflet  aurait-il  pu  exiger  davantage  de  son  gra- 
veur et  reprocher  à  son  travail  le  manque  de  sincérité? 

Il  est  à  croire  même  que  l'inspirateur  de  cette  figuration 


—  28  — 

inconsciemment  grotesque  fut  satisfait  puisque,  avec  sa 
planche  supplémentaire,  on  retrouve  les  mêmes  figures  men- 
songères trois  fois  répétées. 

Le  texte  esta  Tavenant,  tant  pour  le  fond  que  pour  la  forme, 
déclamatoire  et  inutilement  chargé  de  citations  poétiques  se- 
lon la  mode  du  temps. 

Le  respect  que  commande  la  vénérable  personnalité  d'un 
citoyen  si  jaloux  du  bon  renom  de  sa  ville  natale  ne  saurait 
interdire  la  critique  de  ses  défauts. 

Les  images  du  Vesonlio^  qui,  moins  prétentieuses,  plus 
simples  et  plus  sincères  auraient  pu  encore  aujourd'hui  avoir 
une  valeur  documentaire,  n'ont  servi  qu'à  dérouler  beaucoup 
trop  longtemps  ceux  qui,  dupes  de  leur  premier  succès,  con- 
tinuèrent à  lui  conserver  quelque  confiance. 

Si  dans  la  collection  des  figures  il  y  en  avait  une  d'un  intérêt 
capital,  c'était  bien  celle  qui  couronnait  l'arcade.  Au  lieu  de 
s'attacher  fidèlement  à  la  reproduction  de  ce  que  le  temps  en 
avait  encore  épargné,  Pierre  de  Loizy  mal  conseillé  n'hésite 
pas  à  composer  un  type  de  fantaisie  dont  l'attitude  et  les  ac- 
cessoires diffèrent  sur  chacune  des  deux  planches. 

Le  commentateur  renchérit  encore  sur  ce  sans  façon  de 
mauvaise  augure  quand  il  nous  décrit  le  manteau  impérial 
d'Aurélien  (traheatum)  et  qu'il  y  ajoute  même  les  couleurs  de 
la  poésie  : 

In  tunica  lovis,  et  pictae  Sarrana  ferentein 
Ëx  hume  ris  aulaea  togae 

Echauffée  par  cette  érudition  trop  littéraire,  l'imaginîMion 
de  l'auteur  le  trouble  dans  sa  vision,  au  point  que  le  lecteur 
ne  peut  s'empêcher  de  sourire  du  résultat 

Les  sujets  représentés  vont  subir  en  conséquence  des 
adaptations  étranges  au  gré  des  plus  aventureuses  hypo- 
thèses, à  commencer  par  cette  figure  colossale  où  l'on  n'hé- 
sitera plus  à  voir  un  des  fils  de  Jupiter,  Castor  ou  Pollux. 

Ce  personnage,  nu  et  solennel  comme  un  Apollon,  tient 


—  29  — 

à  chacune  de  ses  mains  des  attributs  caractéristiques ,  à 
savoir  la  haste  divine  et  la  courte  épce  dans  le  fourreau.  Ce 
glaive  entouré  du  ceinturon  se  transforme  aux  yeux  de  Chif- 
flet,  et  sous  le  burin  du  graveur,  en  une  massue  noueuse. 
On  nous  impose  ainsi,  pour  les  besoins  de  la  cause,  soit 
«  un  Apollon  déguisé  en  Hercule,  à  la  façon  des  Egyptiens 
qui,  dans  leurs  Zodiaques,  adoptaient  les  douze  travaux 
d'Hercule  pour  désigner  les  stations  du  Soleil,  soit  un  Hercule 
triomphateur  {Hercules  triumphalisX  lequel  présidait  aux 
triomphes,  à  Rome  {in  fora  Boario)  ».  En  outre,  Ghifflet  ne 
manque  pas  de  citer  une  inscription  antique  oii  le  nom 
d'Hercule  est  associé  à  celui  d'Aurélien  :  Aureliani  consors, 

La  préoccupation  constante  de  l'auteur  sera  de  découvrir 
dans  toutes  les  scènes  des  allusions  à  des  triomphes  chimé- 
riques et  d'en  préciser  la  signification. 

L'histoire  rapporte  qu'Aurélien  monta  au  Gapitole  sur  un 
char  traîné  par  des  cerfs.  —  Voici  deux  cavaliers,  l'un  pour- 
suivant l'autre  avec  sa  lance  pendant  qu'une  femme  est  ren- 
versée sur  le  terrain  —  Les  chevaux  seront  des  cerfs  foulant 
aux  pieds  Zénobie,  la  reine  de  Palmyre.  «  La  pierre  est  bien 
dégradée,  observe  notre  auteur,  ce  seront  des  chameaux  si 
vous  aimez  mieux,  je  ne  m'y  oppose  pas  (non  repugno).  » 

Laissons  les  grands  hauts-reliefs  de  la  façade  et  toute  cette 
partie  de  la  décoration  que  nous  appelons  officielle,  laquelle 
sera  historique  ou  de  convention  suivant  ce  que  les  études 
de  l'avenir  en  décideront  peut-être. 

Dans  les  sujets  de  moindre  dimension,  sur  les  colonnes . 
et  sur  le  pilastre  de  la  façade,  nous  n'avons  que  l'embarras 
du  choix  pour  mettre  en  évidence  ce  que  le  manque  de  cul- 
ture archéologique  a  permis  d'accepter  alors  d'un  écrivain 
considéré  comme  sérieux. 

Mettons  en  regard  des  croquis  sincères  des  six  bas-reliefs 
du  pilastre,  les  interprétations  de  Ghifflet. 

Un  choix  bizarre  d'épisodes  peu  intéressants,  mais  soit- 
disant  honorables  pour  Aurélien,  a  déjà  pris  la  place  de  toute 


—  30  — 

la  série  des  Héros  légendaires;  ici,  au  lieu  de  rallégorie  des 
Mois  ou  des  Saisons,  notre  historien  va  s'ingénier  à  découvrir 
autant  de  personnalités  divines  trioniphantes  à  leur  manière. 
Premier  tableau.  -  Malgré  l'extrême  dégradation  de  ce 
tableau  du  sommet  on  s'accorderait  à  voir  dans  ce  person- 
nage à  tournure  athlétique  qui  serre  un  arc  dans  sa  main 
droite  un  Hercule  chasseur,  ou  bien  un  de  ces  figurants  aux 
combats  des  grandes  fêtes  célébrées  au  mois  de  juillet  en 


PREMIER   TABLEAU. 

mémoire  d'Hercule.  —  P.  de  Loizy,  estimant  sans  doute  que 
nul  n'y  verra  jamais  mieux,  imagine  une  figure  de  fantaisie, 
voire  même  celle  d'une  femme  assise  sur  un  haut  tabouret  de 
forme  étrange,  et  aussitôt  Ghifllet  de  donner  cette  explica- 
tion très  alambiquée  :  a  Gomme  le  temple  où  brûle  le  feu  sa- 
cré, emblème  de  la  puissance  divine  est  toujours  placé  sur 
les  hauteurs,  nous  avons  ici  Vesta,  semblable  au  triompha- 
teur qui  se  repose  [sedens]  après  la  paix  conijuise,  à  côté  du 
laurier  de  la  virginité  î 


-  31  — 

Deuxième  tableau.  —  Cette  figure  de  jeune  femme,  nue 
et  debout,  sous  une  double  chute  d'eau,  curieux  rappel  de 
quelque  fontaine  décorative  où  un  esclave  vient  à  la  provi- 
sion, n'allégorise-t-elle  pas  assez  heureusement  le  signe 
zodiacal  du  mois  d'août,  la  Vierge?—  Ghifflet  y  découvre  une 
allusion  à  la  continence  exemplaire  du  triomphateur  Auré- 


DEUXIÈME  TABLEAU. 


lien  vis-à-\'is  de  Zénobie,  et  c'est  alors  Vénus  triomphante 
repoussant  TAmour  (Venus  victrix  amovens  Cupidinem). 

Troisième  tableau.  —  Cet  éphèbe  à  la  chevelure  féminine 
est  en  train  de  cueilHr  des  fruits.  Le  panier  qui  contient  la 
récolte  du  mois  de  septembre  est  métamorphosé  en  un  mon- 
ceau, au  pied  du  dieu  Mars,  des  dépouilles  de  l'ennemi 
vaincu  ! 


—  32  — 

Quatrième  tableau.  —  Un  personnage  imberbe,  toujours 
jeune,  et  avec  celte  chevelure  abondante  qu'aiïectionne  le 
sculpteur,  est  assis  dans  une  pose  très  sculpturale  sous  une 
vigne  grimpante.  Il  porte  la  main  à  des  grappes  de  raisins; 
à  ses  pieds,  un  récipient  quelconque  pour  la  récolte  du 
mois  d'octobi^e. 


TROISIKME  TABLEAU. 

Inous  accepterons  cette  jolie  citation  poétique  : 

Hic,  qui  pœmpineis  victor  juga  flectit  habcnis 
Liber. . . 

(Liber  autrement  dit  Bacchus) ,  mais  nous  n'admettrons 
pas  que  Bacchus  soit  introduit  à  cette  place  parce  qu'il  a 
triomphé  aux  Indes  (triumphis  aptusy  quoniam  pnmus  om- 
nium dicitur  de  Indis  tviumphasse). 

Cinquième  tableau.  —  Quel  peut  être  ce  vigoureux  gail- 
lard si  fièrement  campé  et  drapé  par  derrière?  Un  paysan, 
vraisemblablement  de  la  Gaule  chevelue;  il   est  imberbe, 


Société   d'Emuhîion  du   Doubs,   1902. 


PORTE-NOIRE 

BCUl-PTURE    AU    REVBR8     DE     LA     PaÇaDI 


-  33  — 

mais  les  longues  mèches  de  sa  coiffure  flottent  au  vent  avec 
une  affectation  marquée.  —  Un  seul,  parmi  les  chercheurs 
futurs,  s'essaiera  à  trouver  une  solution  raisonnable  pour  ce 
petit  problème  :  Auguste  Castan,  qui  a  fort  bien  compris  qu'il 
s'agissait  d'une  offrande  ;  mais,  en  donnant  à  cet  acte  reli- 
gieux un  sens  ironique,  il  s'est  mis  en  contradiction  formelle 
avec  le  sentiment  de  sincérité  pieuse  que  comporte  le  monu- 


QUATRIÈME  TABLEAU. 

ment.  Une  offrande  de  prémices  agricoles,  déposées  sur  un 
autel  ne  vient-elle  pas  à  point  au  mois  de  novembre  où  l'on 
met  le  blé  en  sac  pour  la  livraison.  Le  petit  personnage  qui 
porte  sur  ses  épaules,  soit  un  cochon  sacrifié,  soit  une  outre 
pleine  ne  rappelle-t-il  pas  le  travail  des  salaisons  ou  des 
entonnaisons? 

On  ne  s'imaginerait  jamais  ce  que  devient  cette  scène 
dans  les  images  du  Veaontio.  D'abord  on  y  prend  le  sac  pour 

3 


-  34  - 

une  têle  de  vautour  I  et,  partant  de  là,  Tauteur  se  demande 
si  le  grand  personnage  n'est  pas  :  *  Romuius  en  conr)- 
pagnie  d'Aurélien,  encore  entant,  Romuius  ou  le  A/ars  Qai- 
rinalis  sous  la  hiératique  peau  de  loup,  lequel  apercevrait 
un  oiseau  de  proie  sur  sa  gauche,  signe  de  bon  présage 
avant  Faction,  ainsi  qu'il  est  dit  d'Hercule  dans  Plutarque 


'«.^^ 


CINQUIÈME  TABLEAU. 

(npud  Plutitrclixim  in  Romulo)  ».  —  Ce  que  c'est  que  d'avoir 
trop  de  lecture  ! 

Sixième  tableau,  —  Voici  le  comble  pour  nous  apprendre 
que  le  graveur  ainsi  que  l'auteur  sont  de  complicité  pour 
nous  égarer  davantage.  Le  bas  relief  est,  il  est  vrai,  fort  usé, 
toutefois  ses  lignes  principales  sont  encore  saisissables.  Im- 
possible d'arguer  de  la  difficulté  de  vision,  il  est  sous  la  main, 
à  la  hauteur  de  Toeil.  N'importe  I  II  nous  faudrait   voir  au 


-SS- 
II* 23  de  la  planche  et  du  texte,  Pallas  appuyée  sur  sa  lance 
(Pallas  hastili  innixa  Trojanis  ad  Bisontinos  transmissa  in 
arcu  8uum  locum  occupai)  !  Or,  le  personnage  qu'environ 
trois  cents  ans  après  Chifflet  nous  voyons  encore  entière- 
ment vêtu  comme  un  homme  de  peine,  au  mois  de  décembre 
où  Ton  fait  les  provisions  pour  l'hiver,  porte  sur  sa  tète  une 
vaste  corbeille  qu'il  soutient  de  la  main  droite,  tandis  qu'à  sa 


SIXIÈME  TABLE4U. 


gauche  est  suspendue  une  paire  de  volailles.  On  se  demande 
où  peut  être  la  lance  7 

Après  cette  surabondante  exposition  de  ces  interprétations 
stériles,  bonnes  à  relever  cependant  comme  termes  de  com- 
paraison, croirait-on  qu'il  se  trouvera  encore,  sous  prétexte 
de  l'ancienneté  de  leur  émission,  des  esprits  assez  candides 
pour  leur  attribuer  un  autre  mérite  que  celui  de  la  curiosité. 

Au  xviu*  siècle,  la  thèse  de  Chifflet  commence  à  perdre  de 


—  36  - 

sa  vogue.  Néanmoins  le  jésuite  Prost,  dans  une  notice  restée 
manuscrite  (^),  lui  donnait  un  si  maigre  coup  d'épaule  qu'il 
ne  pouvait  qu'annoncer  sa  chute  définitive  d'autant  mieux  que 
Dunod,  un  historien  de  plus  sérieuse  autorité,  arrivait  pour 
la  contredire  et  mettre  à  la  place  d'Aurélien,  le  fils  de  Cons- 
tantin Criapus. 

Pour  combattre  Chifflet,  l'auteur  de  VHistoire  des  Séqua- 
nois  publie  une  reproduction  de  la  gravure  du  Vesoniio  et  y 
voit  Crispas  figuré  c  en  différents  états  »  mais  toujours 
jeune  ;  or  Aurélien  triomphant  était  âgé  (2j. 

A  propos  des  scènes  sculptées  sur  lacolonne  où  nous  avons 
reconnu  la  série  des  Héros^  et  où  Chifflet  a  cru  voir,  d'un 
bout  à  l'autre,  des  exemples  de  la  sévérité  d' Aurélien  pour  le 
maintien  de  la  discipline  militaire,  Dunod  estime  avec  rai- 
son que  ce  n'est  pas  faire  honneur  à  un  prince  que  d'appeler 
ainsi  l'attention  sur  son  atroce  cruauté.  Du  reste,  le  critique 
n'ayant  rien  à  mettre  à  la  place,  et  pour  éviter  toute  espèce 
d'explication,  se  tire  d'affaire  en  disant  que  «  ce  sont  là  de 
petites  scènes  négligeables  qui  ne  doivent  pas  entrer  en 
considération  «».  Il  se  trompait,  comme  on  dit,  du  tout  au 
tout. 

Il  serait  inutile  de  s'arrêter  à  la  conjecture  de  l'abbé 
Bullet(3),qui  voudrait  descendre  jusqu'à  l'empereur  Juhen  et 
en  faire  le  restaurateur  de  la  cité,  si  l'érudit  avocat  Perreciot 
ne  reprenait  plus  tard  pour  son  compte  cette  thèse  aventu- 
reuse, avec  une  plus  savante  argumentation  mais  sans  au- 
cune chance  de  la  rendre  meilleure  W. 

Enfin  arrive  don  Berthod  (5)  qui,  prenant  à  partie  l'auteur 

(1)  Ms.  à  la  Bibliothèque  de  Besançon,  p.  280. 

(2)  Dunod  de  Charnage,  Histoire  des  Séquanois,  p.  118-126.  —  Bis-' 
toire  de  l'Eglise,  ville  et  diocèse  de  Besançon^  t.  Il,  p,  375-380. 

(H)  Ouvrages  manuscrits  des  membres  de  l'Académie  de  Besançon^ 
t.  IV,  p.  197. 

(4)  Dissertation  à  la  fin  des  concours,  ann.  1764. 

(5)  Mémoires  et  documents  inédits,  publiés  par  FAcadémie  de  Besan- 
çon, t.  Il,  p.  28a 


—  37  — 

de  l'Histoire  des  Séquanois  lui  reproche  très  judicieusement 
de  ne  s'être  expliqué  que  sur  trois  des  grandes  figures  et 
d'avoir  complètement  négligé  les  autres  :  «  Toutes  cependant, 
dit  avec  raison  le  savant  bénédictin,  paraissent  mériter  une 
attention  spéciale  »  ;  et  aussitôt  il  administre  cette  preuve 
qui  suffirait  pour  condamner  la  thèse  de  Dunod  favorable  à 
Crispus.  —  «  Vous  prétendez  que  Crispus  était  le  triom- 
phateur, mais  Crispus  était  chrétien,  ainsi  que  tout  le  pays, 
depuis  Constantin!  Or,  je  ne  vois  ici,  dans  les  petits  bas- 
reliefs  en  particulier,  que  des  dieux  et  des  scènes  de  paga- 
nisme! » 

«  Je  vois,  en  particulier,  un  prêtre  versant  de  l'encens  sur 
un  autel.  »  —  Sans  infirmer  en  rien  la  valeur  de  l'argumen- 
tation de  don  Berthod,  bien  au  contraire,  nous  dirons  que  la 
scène  à  laquelle  il  fait  allusion,  plus  riche  encore  de  détails 
qu'il  ne  le  croyait,  représente  sur  Tavant-dernier  bas  relief 
de  la  colonne  de  la  façade  :  Hercule  posant  sur  la  flamme 
d'un  autel  son  dernier  javelot,  sacrifice  ultime  qui  consacre 
l'héroïsation  du  personnage  légendaire. 

Mieux  inspiré  que  tous  ses  prédécesseurs,  don  Berthod 
est  le  premier  de  nos  historiens  qui  ait  rattaché  l'Arc  de 
Porte-Noire  au  règne  de  l'empereur  Marc-Aurèle. 

Le  président  Edouard  Clerc  (0  et  Auguste  Castan  sont 
ensuite  venus  confirmer  cette  attribution  qui  paraît  la  plus 
sage,  le  premier,  en  considérant  le  monument  comme  un 
ouvrage  commémoratif  de  l'arrivée  des  eaux  d'Arcier  à  Be- 
sançon (j'ai  fait  naguère  la  critique  des  détails  de  cette  inter- 
prétation) ;  le  second,  en  affirmant  que  Porte-Noire  est  un 
arc  de  triomphe  érigé  par  la  municipalité  de  Vesontio  en 
l'honneur  des  victoires  d'un  empereur  sur  des  peuples  bar- 
bares. Sans  anticiper  sur  le  travail  de  l'avenir,  on  peut  faire 
quelques  réserves  relativement  à  ces  affirmations. 

En  1840,  se  tint  à  Besançon  la  huitième  session  de  ces 

(1)  La  Franche-Comté  à  l'époque  romaine,  p.  25. 


—  38  - 

Congrès  scientifiques  dus  à  l'activité  entraînante  du  célèbre 
M.deCaumont. 

Le  moment  était  bien  choisi  «  pour  exciter  rémulation 
»  dans  notre  ville  et  y  opérer  le  ralliement  des  hommes  d'é- 
»  tude  isolés  dans  la  province  ».  Telles  étaient  les  paroles  du 
bibliothécaire  Charles  Weiss  qui  présidait  à  la  première 
séance  générale  du  Congrès,  et  tels  aussi  les  vœux  de  la 
Société  d'Emulation  du  Doubs,  qui  commençait  à  réunir  ses 
premiers  adhérents. 

Dans  la  section  d'histoire  et  d'archéologie  furent  commu- 
niquées deux  dissertations  sur  Porte-Noire;  la  première, de 
M.  Gousset,  curé  de  Lavoncourt,  lequel  en  retard  de  plus  de 
deux  siècles,  reprenait  servilement  la  thèse  de  Chifflet.  On 
ne  lui  reconnut  d'autre  mérite  que  l'élégance  de  sa  rédac- 
tion. La  seconde,  d'un  ancien  officier,  M.  Ravier,  aurait,  est- 
il  dit,  0  jeté  tin  jour  nouveau  »  sur  l'explication  des  petits 
bas-reliefs. 

Négligeant,  toutefois,  de  prime  abord,  ces  figures  acces- 
soires^ exactement  comme  l'a  fait  le  président  Ed.  Clerc  et  tant 
d'autres,  il  se  sert  quand  môme,  pour  sa  dissertation,  des 
images  de  Chifflet,  dont  il  se  défend  d'adopter  le  commentaire. 

Bien  qu'on  ne  se  figure  pas  quelle  lumière  pouvait  jaillir 
de  ce  document,  l'ardent  collectionneur  Duvernoy  réclame,  à 
ce  propos,  le  dépôt  sur  le  bureau  des  exemplaires  du  Vesontio 
et  de  V Histoire  des  Séquanois  de  Dunod,  pour  consulter  les 
gravures  ! 

Il  est  très  singulier  qu'il  ne  soit  fait  alors  aucune  mention 
de  cette  excellente  planche,  dessinée  depuis  dix-huit  ans  par 
Alexandre  Lapret,  le  neveu  de  l'architecte  de  ce  nom  chargé 
des  premiers  travaux  de  restauration  terminés  par  M.  Mar- 
cotte en  1826  (i). 


(1)  Voir  TAnnuaire  du  Doubs,  année  1820.  où  cette  planche  a  été  insé- 
rée, et  le  Discours  de  réception  de  M.  Marnotte  à  TAcadémie  de  Besançon, 
Mémoires^  1875. 


—  30  - 

n  résulta  de  la  discussion  «  que  ni  l'un  ni  l'autre  des  labo- 
rieux archéologues  n'avaient  cherché  des  preuves  à  l'appui 
de  leur  sentiment  par  une  comparaison  des  monuments  de 
Farchilecture  romaine  à  ses  diverses  époques.  »  —  C'était  fort 
bien  jugé.  —  D'autre  part,  «r  MM.  les  secrétaires  du  Congrès 
ont  sagement  pensé  que  la  question  devait  être  remise  en 
discussion,  puisqu'on  avait  de  nouveaux  documents  à  pro- 
duire dans  des  bas-reliefs  récemment  découverts  sur  le  flanc 
gauche  de  Porte-Noire.  » 

En  conséquence,  l'assemblée  se  transporta  en  corps  à 
l'Arc-de-Trioraphe.  Sur  place,  M.  de  Caumont  appela  l'at- 
tention de  l'assistance  sur  la  moulure  des  bases  des  colonnes 
où  il  trouvait  le  signe  caractéristique  des  ouvrages  du 
ni«  siècle  (^). 

En  face  de  la  colonne  mise  au  jour  depuis  la  restauration, 
une  des  parties  mieux  conservées  du  monument  (Voir  la 
photogravure  ci-jointe),  M.  Ravier  dut  soumettre  à  ses  col- 
lègues un  échantillon  de  son  flair  en  matière  d'interpréta- 
tion, qu'il  est  intéressant  de  remémorer  comme  un  curieux 
exemple  du  procédé  superficiel  dont  on  abusait  depuis  si 
longtemps. 

Chacun  peut  aujourd'hui  reconnaître  à  la  partie  supérie»ire 
de  cette  colonne,  Hercule  poursuivant  de  ses  flèches  le  cen- 
taure Nessiis,  ravisseur  de  Déjanire.  M.  Ravier,  la  tète  pleine 
d'actions  militaires  à  découvrir,  voit  un  soldat  à  l'exercice  : 

•  On  se  prépare  à  la  guerre  »  ce  sont  ses  termes  mômes.  2* 
scène  :  «  Les  chefs  délibèrent  -  ;  or,  c'est  Bacchus  accosté  de 
deux  bacchants.  —  Le  reste  est  à  l'avenant.  —  Au  vieux  Silène, 
ivre  et  assis  par  terre  :  «  On  remporte  la  victoire  »  ;  après  : 

•  On  rend  grâce  aux  dieux,  on  couronne  le  vainqueur  »  ;  c'est 
cependant  une  femme,  Ariane  fêtée  par  ses  compagnes.  En 
dernier  lieu,  où  vous  reconnaissez,  sans  erreur  possible,  Af«- 
nerve  casquée  et  armée  luttant  èontre  un  des  Géants  qui 

(1)  La  scotie  et  le  tore  se  transformant  en  talon. 


~  40  — 

brandit  un  rocher  sur  sa  tête;  détrompez- vous,  le  sculpteur, 
au  dire  du  commentateur,  a  voulu  représenter  «  un  genre  de 
défense  particulier  aux  peuples  auxquels  on  fait  la  guerre.  » 

Cette  phénoménale  élucubration  a  été  publiée  dans  le  vo- 
lume du  Congrès. 

L'année  suivante,  Alphonse  Delacroix  insérait  dans  les  Mé- 
moires de  la  Société  d'Emulation  (1841)  une  courte  notice 
sur  Porte-Noire,  très  estimable  au  point  de  vue  architecto- 
nique  ou  artistique ,  et ,  en  ce  qui  concerne  l'interpréta- 
tion, moins  aventureuse  que  celle  qu'il  publia  vingt  ans 
plus  tard  sous  la  fâcheuse  influence  de  la  question  d'Alesiai^), 
Cinq  ans  après  (1866)  Castan  lisait  le  charmant  travail  auquel 
il  a  été  fait  allusion  au  début  de  cette  étude,  et  c'est  alors 
qu'il  insista  sur  l'excellente  mesure  que,  sur  son  initiative  et 
celle  de  Delacroix,  la  Société  d'Emulation  avait  prise  de  faire 
mouler  les  principales  sculptures  du  monument  pour  en  fa- 
ciliter l'étude.  Ces  plâtres  de  grande  dimension  séjournèrent, 
sans  utilisation  sérieuse,  pendant  une  trentaine  d'années  à 
la  Bibliothèque  de  la  Ville. 

La  réinstallation  du  Musée  d'Archéologie,  au  rez-de-chaus- 
sée du  bâtiment  des  Halles,  fut  l'heureuse  circonstance  qui 
permit  d'exposer  avec  ordre  et  en  bonne  lumière  les  vingt- 
et-une  pièces  de  nos  précieux  moulages.  Il  fut  désormais  fa- 
cile d'étudier  à  loisir  et  de  mettre  à  profit  ces  éléments  indis- 
pensables d'étude  que  l'on  doit  à  Auguste  Castan. 

Aujourd'hui  chacun  peut  lire  dans  ce  texte  authentique  la 
plus  grande  partie  des  choses  que  je  mettais  il  y  a  un  instant 
dans  la  bouche  d'un  voyageur  idéal. 

La  besogne  de  l'avenir  sera  de  mieux  éclairer,  s'il  est  pos- 
sible, la  question  historique  encore  nébuleuse. 

En  attendant  on  n'a  qu'à  se  résigner  à  savoir  ne  pas  savoir  : 
scire  nescire. 


(1)  Guide  de  l'étranger  à  Besançony  1860.  p.  87. 


—  41  — 

Les  monuments  dits  Arcs-de-Triomphe  semés  à  travers  le 
monde  romain,  les  Gaules  et  notre  région  en  particulier,  au 
milieu  des  groupes  les  plus  compacts  de  population  ont  de 
toute  évidence  été  érigés  pour  la  glorification  de  la  puissance 
romaine.  Pas  de  contestation  à  cet  égard. 


Celui  que  nous  possédons,  considéré  avec  raison  comme 
unique  dans  son  genre  pour  son  architecture,  Test  encore 
bien  davantage  pour  la  signification  morale  de  sa  décoration 
et  sa  disposition  même. 

Considérez  dans  cette  disposition  deux  parties  distinctes. 
La  première,  Varcade  centrale  (archivolte  et  pilastres),  puis- 
sante, détachée  contre  toutes  les  règles,  et  spécialement  ca- 
ractérisée par  une  décoration  absolument  religieuse  ;  la  se- 
conde, le  cadrCy  constitué  par  le  couronnement  et  le  double 
étage  des  colonnes,  où  tout  rappelle  la  force,  la  puissance 
militaire  ou  la  gloire  humaine  pour  faire  cortège  à  une  figure 
centrale  trônant  sur  la  clé  de  voûte,  —  et  après,  vous  con- 
clurez. 

Si  ce  sont  les  habitants  de  Vesontio  devenus  romains  par 
la  conquête  qui  ont  élevé  le  monument,  ils  ont  parlé  le  lan- 


—  42  — 

gage  de  Rome,  de  Rome  si  grande  par  ses  œuvres  et  qui  pou- 
vait parler  avec  autorité. 

Si  vous  avez  bien  compris  ce  langage,  Messieurs,  que  fau- 
drait-il de  plus  pour  que  vous  arrachiez  à  Porte-Noire  un  de 
ses  secrets  —  je  dis  un  —  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  re- 
courir à  une  fiction  ! 

Le  personnage  du  haut  de  l'arcade,  centre  de  la  figura- 
tion, et  vers  lequel  tout  converge  pour  exprimer  l'union 
dans  un  solennel  hommage,  c'est  la  clé  de  voûte  de  Védifice 
social,  c'est  Dieu  ! 


I 


DONAT  NONNOTTE 

DE    BESANÇON 

Par  H.  Jules  6ADTHIER 

Secrétaire  déeesMl 


Séance  du    i5   février   i902. 


Dans  Jes  polémiques  célèbres  que  Voltaire  soutint  avec  es- 
prit toujours,  sinon  toujours  avec  succès,  avec  ceux  qui  ne 
voulaient  pas  reconnaître  son  autocratie  littéraire,  deux  Com- 
tois lui  portèrent  et  en  reçurent  de  rudes  coups.  L*un  se 
nommait  Nonnotte,  c'était  un  jésuite;  Tautre  Patouillet, 
c'était  un  abbé.  Et  souvent  Voltaire,  à  défaut  d'arguments 
contre  les  deux  auteurs  d'ouvrages  qui  exaspéraient  son  or- 
gueil, Le»  Erreurs  de  M.  de  Voltaire  et  les  Lettres  de  quel- 
ques juifs,  sortis  de  la  plume  un  peu  lourde  des  deux  apolo- 
gistes franc-comtois,  se  vengea  d'eux  en  appelant  tout  bête- 
ment, à  la  grande  joie  de  la  galerie,  l'un  Nomiotte,  l'autre 
Patouillet,  croyant  les  ridiculiser  par  la  vulgarité  et  l'eupho- 
nie médiocre  de  leurs  noms  de  famille. 

Or,  ce  Nonnotte  dont  il  nous  reste  un  bon  portrait,  avait 
un  frère  aîné,  fils  comme  lui  d'un  vigneron  bisontin,  qui  eut 
quelque  mérite  comme  peintre  d'histoire,  mais  surtout  comme 
peintre  de  portraits,  et  dont  je  voudrais  essayer  d'esquisser 
la  courte  biographie  en  y  apportant  quelques  éléments  nou- 
veaux. 

Le  10  janvier  1706,  Donat  Nonnotte,  second  fils  du  vigne- 
ron Thomas  Nonnotte  et  de  Claudine  Verrin.  était  né  à  Be- 


—  44  — 

sançon,  trois  ans  avant  son  frère  le  jésuite.  Au  lieu  de  suivre 
la  tradition  de  sa  famille  qui,  depuis  plusieurs  générations 
cultivait  les  vignes  jadis  célèbres  du  terroir  de  Besançon, 
Donat  fut  engagé  dans  une  autre  vie  par  son  propre  oncle, 
Jean  Nonnotte,  frère  de  son  père,  médiocre  peintre,  dont  il 
est  ici  parlé  pour  la  première  fois.  Gomme  tous  ses  congé- 
nères du  sol  franc-comtois,  ce  Jean  Nonnotie,  qui  mourut 
garçon,  devait  vivre  en  peignant  des  enseignes,  des  écussons 
pour  les  enterrements,  des  portraits  de  troisième  ordre  pour 
les  petites  gens  des  quartiers  populaires,  tels  que  la  rue 
Saint-Paul  où  habitait  Thomas,  son  frère,  et  où  naquit  Donat, 
son  neveu.  C'était  en  tous  cas  dans  un  milieu  d'ouvriers  que 
se  révéla  au  foyer  de  Jean  Nonnotte  la  vocation  artistique  de 
Donat.  De  ses  premières  études  il  nous  est  resté  un  tableau 
jusqu'ici  inconnu  que  possède  l'église  de  Sainte-Madeleine 
de  Besançon  et  dont  voici  la  nature.  C'est  un  Couronnement 
de  la  Vierge  par  la  sainte  Trinité,  peint  sur  une  toile  haute 
de  2  m.  65,  large  de  1  m,  90,  signée  et  datée  en  bas  de  cette 
façon  :  Donat  Nonotte,  1728.  Au-dessus  de  la  Vierge,  à  ge- 
noux et  mains  jointes,  placée  au  centre  du  tableau,  plane  le 
Saint-Esprit  sous  la  forme  d'une  colombe  ;  à  gauche,  on  voit 
Dieu  le  fila  tenant  la  croix  d'une  main  ;  à  droite,  Dieu  le  père 
portant  le  globe  du  monde,  tous  deux  soutenant  au-dessus 
de  la  tête  de  la  Vierge  une  couronne  royale.  Autour,  dans  le 
ciel,  au  milieu  des  nuages,  volètent  des  tètes  ailées  de  ché- 
rubins. 

L'œuvre  est  médiocre,  plutôt  copie  que  traduction  d'une 
idée  originale;  elle  est  intéressante  toutefois  en  montranl  ce 
que  pouvait  dans  un  milieu  provincial,  avec  les  conseils  et 
les  leçons  d'un  mauvais  peintre,  un  jeune  apprenti  de  vingt 
ans  que  la  fortune  allait  rapidement  conduire  plus  haut. 

Au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  la  misère  en- 
traîna nombre  d'artisans  et  de  cultivateurs  franc-comtois 
vers  Paris  ou  d'autres  régions  de  France,  suivant  l'exode  qui 
reste  toujours  cher  aux  habitants  des  froides  montagnes  qui 


—  46  — 

vont  chercher  du  pain  et  demander  du  travail  à  de  meilleurs 
terroirs.  Les  Nonnotte  avaient  essaimé;  il  y  en  avait  à  Vau- 
girard,  à  Meudon,  à  Ronfleur;  chez  ceux  qui  habitaient  le 
voisinage  immédiat  de  Paris,  dont  un  de  ses  frères  nommé 
Antoine,  et  vraisemblablement  sur  les  conseils  et  de  son 
oncle  et  de  son  frère,  novice  chez  les  Jésuites,  Donat  vint  à 
Paris  en  1728.  Il  y  vécut  de  son  talent  pour  le  portrait,  y  fré- 
quenta quelques  ateliers,  y  fit  la  connaissance  de  jeunes 
peintres  et  de  graveurs  de  son  âge.  dont  Tamitié  l'aida  à  se 
perfectionner  d'abord,  de  l'autre  à  se  procurer  le  nécessaire 
pour  ne  pas  mourir  de  faim.  Un  de  ces  jeunes  artistes  était 
Jean  Daullé,  qui  devint  célèbre  par  son  talent  de  graveur,  et 
qui,  nommé  membre  de  l'Académie  royale  de  peinture,  exé- 
cuta pour  son  ami  Nonnotte  un  fort  joli  portrait,  dont  une 
chance  favorable  m'a  permis  de  recueillir  le  cuivre  original  ; 
ce  fut  peut-être  à  lui,  mais  plus  probablement  à  Boucher, 
Natoire  et  Boizol  que  Nonnotte  dut  d'être  présenté  à  Fran- 
çois Leraoyne  en  1731,  trois  ans  après  son  arrivée  à  Paris  (i). 
«  Peu  de  temps  après  que  je  fus  entré  chez  M.  Le  Moine 
pour  y  étudier,  un  de  mes  amis  lui  dit  que  j'avais  quelques 
connaissances  de  la  peinture  à  fresque.  C'était  précisément 
dans  le  temps  qu'il  commençait  la  sienne  à  Saint-Sulpice. 
M.  Le  Moine  me  fit  appeler,  me  demanda  si  je  voulais  tra- 
vailler pour  lui  et  si  je  pourrais  lui  ébaucher  tous  les  matins 
l'ouvrage  qu'il  se  proposerait  de  finir  dans  la  journée,  moyen- 
nant quoi  il  m'offrit  des  honoraires. 

*  Flatté  comme  je  devais  l'être  d'une  proposition  aussi 
avantageuse  pour  mon  avancement,  je  l'acceptay  avec  joie 
sans  me  trop  inquiéter  de  mes  autres  intérêts,  dont  je  le 
laissai  entièrement  le  maître.  L'ouvrage  fini,  M.  Le  Moine 


(1;<  ((  Il  travaillait  pour  des  esquisses  à  Saint-Sulpice. ..,  quand  j*eus  le 
bonheur  d'entrer  chez  lui  pour  être  son  élève,  au  commencement  de  l'an- 
née 1731.  »  (Ms.de  Donat  Nonnotte,  Vie  de  Lemoijne,  ms  50r>  de  la  Hibl. 
de  Besançon.) 


—  46  — 

me  récompensa,  et  je  le  fus  aussi  par  le  curé  [de  Saînt-Sul- 
pice]  qui  m'avait  vu  assidu  à  son  travail  toutes  les  fois  qu'il 
avait  montré  la  coupole  <*).  » 

Dans  ce  récit  de  Nonnotte,  il  s'agit  de  la  fresque  bien  con- 
nue de  Lemoyne  dans  la  coupole  de  la  chapelle  de  la  Vierge 
à  Saint-Salpice,  exécutée  de  173!  à  1732,  et  représentant 
l'Assomption. 

Quand  la  fresque  de  Saint-Sulpice  fut  finie,  Lemoyne,  sur 
la  commande  du  duc  d'Antin,  surintendant  des  bâtiments  du 
roi,  fut  chargé  d'un  plafond  pour  le  salon  d'Hercule,  au  châ- 
teau de  Versailles,  Nonnotle  y  fut  employé  et  eut  la  respon- 
sabilité soit  des  ébauches,  soit  de  l'application  des  figures  en 
stuc  dont  il  surveillait  le  modelage  et  la  pose.  Laissons-le 
raconter,  tout  en  abrégeant,  comment  se  passèrent  les 
choses  : 

«  M.  Le  Moine,  avant  que  de  partir  pour  Versailles,  m'ayant 
fait  l'honneur  de  m'inviter  à  le  suivre  encore  dans  cette 
grande  entreprise,  je  partis  avec  luy  le  13  may  1733,  et  dès 
le  lendemain  il  commença  à  tracer  à  la  craye  les  premiers 
groupes  de  ce  fameux  ouvrage...  Je  ne  le  quittai  plus.  » 

Nonnotte,  en  1762,  consacra  à  la  mémoire  de  son  maître  et 
de  son  bienfaiteur  une  étude  consciencieuse  et  émue  qui 
prouve  autant  pour  le  bon  cœur  de  l'élève  que  pour  la  bien- 
veillance du  peintre  du  Roi,  dont  il  fut  très  honoré  de  recevoir 
les  leçons.  Il  y  raconte  notamment  les  causes  réelles  du  dé- 
couragement, puis  du  suicide  de  François  Lemoyne,  l'un  des 
plus  brillants  représentants  de  l'École  française  au  lendemain 
de  la  disparition  des  grands  artistes  qui  avaient  fait  la  gloire 
du  siècle  de  Louis  XIV.  La  mort  du  duc  d'Antin,  son  protec- 
teur, la  mort  de  sa  femme,  la  médication  bizarre  qu'il  suivait 
en  buvant  «  une  liqueur  où  était  infusée  de  la  poudre  de 
vieilles  pipes  à  fumer  »,  un  détraquement  général  du  cerveau 


(1)  Voir  Vie  de  Ijemoyney  par  Donat  Nonnotle,  ms.  5(fô  de  Ja  Bibl.  de 
Besançon. 


-  47  - 

amenèrent  le  jeudi  4  juin  1737  le  malheureux  peintre  à  se 
percer  de  neuf  coups  d'épée. 

Cette  mort  fut  funeste  aux  espoirs  conçus  par  Nonnotte, 
auquel  le  duc  d'Artois  avait  promis  une  bourse  de  pension- 
naire du  Roi  à  Rome,  et  le  mirage  de  quelques  années  d'é- 
tude sous  les  cieux  d'Italie  dut  faire  place  aux  soucis  plus 
terre  à  terre  de  l'existence,  assurée  uniquement  par  un  tra- 
vail opiniâtre  (i>. 

Peu  après  le  décès  de  Lemoyne,  Nonnotte,  qui  demeurait 
à  Paris,  rue  de  Beauvais,  s'éprit  d'une  voisine  plus  âgée  que 
lui  de  neuf  ans,  Marie-Elisabeth  Bastard  de  la  Gravière,  veuve 
d'Antoine  Duchâtel,  bourgeois  de  Paris  (2).  Elle  avait,  h  dé- 
faut de  jeunesse  et  de  beauté,  un  caractère  aimable  et  quel- 
que fortune.  Il  l'épousa  le  29  octobre  1737,  et  vécut,  grâce  à 
sa  modeste  aisance,  libre  des  soucis  matériels  au  milieu  des- 
quels il  avait  jusque-là  vécu. 

Les  amitiés  qu'il  avait  formées  dans  l'atelier  de  Le  Moyne, 
les  succès  de  nombreux  portraits  qu'il  fit  de  1737  à  1740,  lui 
ouvrirent  en  1741  les  portes  de  l'Académie  royale  de  pein- 
ture et  sculpture,  et  dès  lors  les  livrets  des  salons  de  1741, 
1742,  1743,  1745,  1746, 1753, 1755  et  1765  enregistrèrent  de 
continuels  envois  de  portraits. 

Ce  fut  dans  le  portrait  qu'il  se  confma;  il  avait  trouvé  sa 
voie,  et  faute  de  pouvoir  s'élever  d'un  plus  haut  vol  comme 
il  l'avait  rêvé,  alors  que  sur  les  échafaudages  de  Saint-Sulpice 
et  de  Versailles  il  collaborait  aux  fresques  du  premier  peintre 
du  Roi,  il  eut  la  sagesse  de  renoncer  à  la  grande  peinture 
d'histoire  et  aux  tableaux  de  genre  pour  lesquels  il  n'avait, 
à  côté  d'une  facilité  réelle  de  coloris  et  de  dessin,  que  des 
qualités  et  des  études  insuffisantes  (3). 

En  175  i,  il  fut  nommé  peintre  de  la  ville  de  Lyon  et  diri- 

(1)  Ms.  de  Nonnotte,  Bibl.  de  Besançon,  no  505. 
(3)  Jal,  Dictionnaire  de  biographie  ei  d'hiatoire^  v<»  Nonnolte. 
(3;  n  fut  reçu  le  26  août  1741  sur  les  portraits  de  MM.  d'Ulin  et  Lecleic 
fib. 


—  48  — 

gea  l'école  gratuite  de  cette  ville,  jadis  florissante  sous  la  di- 
rection de  MM.  Blanchet  et  Coysevox,  et  finalement  restaurée 
de  4754  à  1757  par  l'influence  d'amateurs  distingués.  De  cette 
école,  qui  fut  la  première  de  la  province,  sortirent  nombre 
de  peintres  et  d'artistes  remarquables  qui  obtinrent  du 
peintre  bisontin  et  de  son  zélé  désintéressé  et  bienveillant 
plus  de  succès  qu'il  n'en  avait  cueilli  lui-même,  malgré  sa 
persévérance  et  son  labeur. 

Disséminés  un  peu  partout  :  à  Lyon,  dont  le  musée  conserve 
un  portrait  de  magistrat,  probableinent  celui  d'un  conseiller 
de  la  cour  des  monnaies  de  cette  ville,  exposé  en  1745  (1);  à 
Orléans,  le  portrait  de  Desfriches  ;  à  Besancon,  celui  de  Do- 
nat  Nonnotte  et  celui  de  sa  femme,  et  cent  autres,  connus  ou 
inconnus,  signés  ou  non,  partagés  entre  les  dépôts  publics  et 
les  collections  privées,  ces  portraits  de  Nonnotte  se  distin- 
guent par  un  dessin  correct,  un  modelé  excellent,  un  colons 
simple  et  exact,  un  naturalisme  de  bon  goût.  L'élégance  en 
est  réelle  et  la  ressemblance  en  devait  être  frappante. 

On  en  jugera  par  les  portraits  du  musée  de  Besançon  que 
nous  aurions  voulu  reproduire  à  côté  de  cette  étude  rapide, 
et  qui  furent  peints  par  Nonnotte  en  1758. 

Avec  le  portrait  grave  par  Daullé  et  celui  exécuté  vers  1780 
par  Camille  Belle,  élève  de  Nonnotte,  ils  constituent  à  la  mé- 
moire d'un  peintre  de  portraits  qui,  tout  en  étant  de  second 
ordre,  eut  un  mérite  réel,  un  hommage  très  appréciable. 

Le  portrait  de  Donat  Nonnotte  (qui  porte  le  n«  363  du  mu- 
sée de  Besançon)  le  représente  debout  à  mi-corps,  tète  nue, 
les  cheveux  poudrés,  appuyé  sur  le  dos  d'un  fauteuil  mis  en 
avant.  Il  a  sa  palette  et  ses  pinceaux  en  mains  ;  derrière  lui 
est  dressée  une  toile  à  peindre  au  bas  de  laquelle  on  lit  ces 
mots  :  Nonnotte  peint  par  lui-même  en  1758, 

Le  portrait  de  Marie-Elisabeth,  sa  femme,  la  représente 


(1)  Ce  tableau,  mesurant  1  mètre  sur  0"«80,  a  été  acquis  en  1870  par  le 
Musée  lie  Lyon.  (Renseignement  du  cunservateur;  M.  Oissard.) 


t.^*',Sffn*^  ^yttr-    /ut  nt^otc        <V   ^jr.n^e fnit\<',m  nrntjj,ui/le  ^r.  ./a  K,^i   ft  Jr  f  .J.\u/  fmf  JJJiiAi'Uf^. 


A 


—  49  — 

assise  de  trois  quarts  à  droite,  à  mi-jambes,  vêtue  d'une  robe 
de  soie  bleue  et  d'une  mantille  blanche  garnie  de  dentelles, 
coiffée  d'un  bonnet  à  rubans  bleus.  De  la  main  gauche,  elle 
tient  une  brochure  ouverte  qu'elle  est  en  train  de  lire  ;  sa 
main  droite  tient  un  éventail,  son  coude  droit  est  appuyé  à 
une  table  où  £e  trouve  une  tabatière.  Sur  la  planchette  qui 
relie  les  pieds  de  cette  table,  celte  inscription  :  Mme  Non* 
notte,  peinte  par  son  mari  en  il58{^), 

Camille  Belle  a  dessiné  au  crayon  noir  rehaussé  de  crayon 
blanc  le  peintre  Nonnotte  à  l'âge  de  72  ans  environ  (2)  ;  la  tête 
est  massive,  l'expression  du  regard  énergique  ;  on  retrouve 
dans  la  physionomie  vieillie  la  môme  vivacité  et  la  même  ro- 
bustesse que  dans  le  portrait  du  jésuite  Nonnotte  (171i-1793), 
peinte  par  Donat,  son  frère,  et  gravé  par  G.-A.  BoiJy  sur  un 
dessin  de  Belay  (3). 

La  gravure  consacrée  à  notre  peintre  par  son  ami  Daullé 
doit  avoir  été  exécutée  antérieurement  à  1758  et  postérieure- 
ment à  1754.  La  figure,  tournée  à  gauche,  est  jeune  encore  ; 
elle  est  inscrite  dans  un  médaillon  rond  suspendu  par  un 
ruban.  Au  bas  se  lit  cette  inscription  :  d.  nonnotte,  Peintre 
du  Roy  et  Membre  de  l' Académie  des  Sciences^  Belles-Lct- 
très  et  Arts  de  Lyon,  Et  plus  bas  :  Dessiné  par  lui-même  et 
gravé  par  son  ami  Daullé  g }'[aveur]  du  Roy  et  de  VAcad[émie] 
Imp[ériale]  d^Ausbourg. 

Ces  trois  portraits  inédits  donnent  à  la  physionomie  de 
Donat  Nonnotte  une  saveur  toute  particulière.  Car,  nous  le 
disions  tout  à  l'heure,  c'est  un  hommage  que  méritait  le 
peintre  de  portraits  dont  le  mérite  est  incontestable  comme 
praticien  et  dont  l'effort  s'est  appliqué  à  inculquer  à  ses 
élèves  et  à  célébrer  dans  les  Académies  de  Lyon  et  de  Be- 
7-  '  '  ■-  '      .     ■  ■     I  ■ . 

(1)  Ces  deui  portraits  à  i'huile  ont  été  donnés  au  Musée  de  Besançon 
par  le  baron  Daclin,  ancien  maire  de  la  ville.  Ils  portent  les  m»  3(33  et  364. 

(2)  Dessin  haut  de  0n>50,  large  de  0"35,  don  de  M.  Paul  Laurens  au 
Musée  de  Besançon. 

(3)  Voir  la  planche  originale  en  tête  de  cette  Etude. 


—  50  — 

sançon  les  règles  de  l'art  et  les  principes  de  la  peinture  sur- 
tout en  matière  de  portraits  :  <  Le  portrait  est  un  des  genres 
qui  nous  intéressent  davantage.  C'est  Tamitié,  Tainour^  l'es- 
time et  le  respect  qui  lui  ont  donné  naissance,  et  il  sert  à 
conserver  et  à  exprimer  les  sentiments  du  respect,  de  l'es- 
time, de  l'amitié  et  de  l'amour.  On  se  tromperait  si  l'on 
croyait  que  la  ressemblance  des  traits  fît  tout  le  mérite  d'un 
portrait  (i).  » 

A  côté  de  ses  tableaux,  de  ses  portraits  peints  ou  gravés, 
Nonnotte  s'essaya  aussi  à  Tillustration  du  livre.  Nous  en 
avons  la  preuve  dans  huit  gravures  ou  vignettes  exécutées 
en  1762,  d'après  ses  dessins,  par  son  ami  Daullé,  pour  les 
œuvres  de  la  célèbre  lyonnaise  Louise  Labé.  Ces  dessins 
sont  inférieurs,  il  faut  l'avouer,  aux  compositions  d'Eisen, 
qu'ils  semblent  vouloir  imiter,  mais  ils  ne  sont  pas  sans 
mérite. 

Outre  ses  tableaux,  ses  portraits  peints  ou  gravés,  Non- 
notte, qui  mourut  à  Lyon  le  5  février  1785,  entouré  de  l'es- 
time générale,  a  laissé  divers  manuscrits  sur  la  peinture  ou 
sur  les  peintres  dont  on  trouvera  plus  loin  le  détail.  Il  n'avait 
pas  eu  d'enfants,  et  sa  fortune,  modeste  d'ailleurs,  passa  à 
une  nièce  Joséphine  Nonnotte,  fille  de  son  frère  Antoine, 
mariée  à  Honfleur,  à  charge  de  servir  une  pension  à  ses  père 
et  mère.  Les  services  qu'il  a  rendus  à  la  classe  populaire 
comme  professeur  à  l'école  de  dessin  de  Lyon,  aussi  bien 
que  les  nombreux  portraits  qu'il  a  consciencieusement  exé- 
cutés durant  sa  longue  carrière,  rendent  son  nom  digne  de 
reconnaissance  et  de  respect. 


(1)  Discours  prononcé  à  rAcadamie  de  Lyon,  le  17  novembre  1772,  par 
Nonnotte,  qui  y  avait  été  admis  en  1754  (n*  12,  ms.  505,  Bibi.  de  Besançon). 


—  51  ^ 


APPENDICE 


I.  Acte  de  naissance  de  Donat  Konnotte 
(Besançon,  10  janvier  1706). 

Donatus,  filius  Thomae  Nonnotle  el  Claudiae  Yerrin  ejus  uxo- 

ris,  natus  est  die  décima  januarii,  anno  Domini  1708  et  sequenti 

die  baptisatus  est,  cujus  susceptores  fuerunl  Joannes  Nonnotte 

el  Joanna-Francisca  Roy. 

Signé  :  Phiiipus  Pierrard. 

(Reg.  de  la  paroisse  Sainl-Paul.  Bibliothèque  de  Besançon.) 

II.  Liste  des  manuscrits  de  Donat  Nonnotte. 

1.  «  Avantages  des  lettres  et  des  sciences,  n 

2.  c  Compte  rendu  des  travaux  académiques  pour  l'année 
1706(1).  » 

3.  «  Premier  discours  sur  la  peinture  •  du  dessin  et  de  la  va- 
riété de  ses  caractères  selon  les  âges  et  selon  les  sexes...  ;  lu  à 
la  Société  royale  de  Lyon  le  29  novembre  1754,  et  à  l'Académie 
royale  de  peinture  et  sculpture  le  5  avril  suivant.  * 

4.  •  Deuxième  discours  sur  la  peinture  :  de  l'expression  gé- 
nérale; lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  28  novembre  1755.  » 

5.  «  Troisième  discours  sur  l'expression  intérieure  des  pas- 
sions de  l'âme  ;  lu  à  la  Société  royale  de  Lyon  le  19  novembre 

1756.  • 

6.  «  Quatrième  discours  sur  la  peinture  :  de  la  composition, 
première  partie  ;  lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  12  août 

1757.  » 

7.  •  Sixième  discours  de  M.  Nonnotte  :  les  avantages  du  por- 
trait et  la  manière  de  \e  traiter  ;  lu  à  l'Académie  de  Lyon,  le 
13  novembre  1760.  » 

(1)  J  -B.  Dumas,  Histoire  de  V Académie  de  Lyon,  p.  288. 


—  52  — 

8.  «  Septième  discours...  sur  les  caractères  auxquels  on  peut 
reconnaître  les  excellents  peintres  et  les  vrais  connoisseurs;  lu 
à  l'Académie  de  Lyon  le  19  novembre  1761  ;  à  TAcadémie  de 
Besançon  le  *il  avril  1762.  » 

9.  «  Huitième  discours...  sur  les  préjugez  d'école  relativement 
à  la  peinture...;  lu  dans  une  assemblée  particulière  le  18  no- 
vembre 1762,  et  dans  l'assemblée  publique  de  l'Académie  de 
Lyon  le  7  décembre  de  la  même  année.  » 

10.  «  Neuvième  discours...  sur  les  principes  dégoût  dans  la 
peinture,  lu  à  l'Académie  de  Lyon  le  17  novembre  1763.  » 

11.  «  Dixième  discours...  sur  la  couleur  naturelle  des  objets 
et  sur  la  perspective  aérienne...  lu  à  l'Académie  de  Lyon  le 
15  novembre  1764.  ». 

12.  «  Onzième  discours...  sur  les  parties  pratiques  de  la  com- 
position... lu  à  l'Académie  de  Lyon  le  18  novembre  1766.  » 

13.  «<  Quinzième  discours...  observations  intéressantes  pour 
les  élèves  dans  la  peinture  ..  lu  à  l'Académie  de  Lyon,  le  17  dé- 
cembre 177L  » 

14.  «  Seizième  discours...  sur  l'histoire  de  la  peinture...  lu  à 
l'Académie  de  Lyon...  le  17  novembre  1772.  » 

15.  «  Vie  du  peintre  François  Le  Moine  (1).  » 

IIL  Liste  dos  tableaux  de  Donat  Nonnotte. 

1.  — 1728.  Couronnement  de  la  Vierge,  église  Sainte-Made- 
leine de  Besançon. 

2.  —  1731-1732.  Collaboration  à  la  fresque  de  la  coupole  de  la 
chapelle  de  la  Vierge,  à  Saint-Sulpice  (Paris),  avec  Lemoyne. 

3.  -  1733-1737.  Collaboration  au  plafond  du  salon  d'Hercule, 
à  Versailles,  avec  Lemoyne. 

4.  —  Salon  de  1741.  Portrait  de  M.  Le  Lorrain,  sculpteur  du 
roi. 

5.  —  Portrait  de  Mme  Lépicié,  épouse  de  M.  Lépicié,  secré- 
taire et  historiographe  de  l'Académie,  en  muse. 


(1)  Ms.  5<^  de  la  Bibl.  de  Besançon.  Autographe,  papier,  151  feuillets, 
317  sur  209  millim.  J'ai  publié  ce  ms.  p.  520-540  de  la  Réunion  dûê  So- 
ciétés  des  Beaux- Arts  des  départements ^  1902. 


—  53  — 

6.  —  Portrait  de  M.  d'Ulin,  ancien  professeur  de  TAcadémie. 

7.  —  Portrait  de  M.  Le|  Clerc,  ancien  professeur  de  géomé- 
trie et  de  perspective  de  TAcadémie. 

8.  —  Portrait  en  buste  de  Mme  Duvigeon,  épouse  de  M.  Du- 
vigeon  jeune,  peintre  en  miniature. 

9.  —  Salon  de  1742.  Portrait  de  M.  Fremin,  écuyer,  conseiller 
secrétaire  du  roi,  premier  sculpteur  du  roi  d*Espagne  et  direc- 
teur de  l'Académie  royale  de  peinture  et  sculpture. 

40.  —  Portrait  de  M  de  L. . .  avec  une  bergère,  dont  le  sujet 
est  tiré  d'un  couplet  écrit  et  noté  dans  le  tableau, 
il.  —  Portrait  de  Mlle  Rabon,  en  habit  de  bal. 

12.  —  Portrait  de  Mlle  Le***,  représentée  en  Érigone. 

13.  —  Salon  de  1743.  Portrait  de  M.  Moyreau,  graveur  ordi- 
naire du  roi  et  de  l'Académie  royale  de  peinture  et  sculpture 
(musée  d*Orléans). 

14.  —  Portrait  de  Mme  *"  finissant  sa  toilette. 

15.  —  Portrait  de  Mme  de  Baucheron,  représentée  en  muse, 
tenant  un  globe  céleste. 

!6.  —  Portrait  de  M.  l'abbé  de***,  en  robe  de  trésorier  de 
France. 

17.  —  Portrait  de  M.  de  Yarennes,  chevalier  de  Saint-Louis, 
major  des  chevau-légers. 

18.  —  Portrait  de  feu  M.  Hunauld.  régent  de  la  Faculté  de 
médecine  en  l'Université  de  Paris. 

19.  —Salon  de  1745.  Portrait  de  M.  de ***, conseiller  à  la  Cour 
des  monnaies  de  Lyon,  peint  en  robe  rouge,  tenant  un  livre 
ouvert. 

20.  —  Portrait  de  M.  de***,  lieutenant-colonel  de  cavalerie, 
peint  en  cuirasse. 

21.  —  Une  tête  représentant  MmeLemoyne,  épouse  de  M.Le- 
moyne,  sculpteur  du  roi,  et  adjoint  à  recteur  de  l'Académie 
royale  de  peinture  et  sculpture. 

22.  —  Poitraitde  Mme  de***,  appuyée  sur  une  tal)le  de  toi- 
lette, tenant  une  brochure. 

23.  —  Portrait  de  M.  Daullé,  graveur  du  roi  et  de  l'Académie 
royale  de  peinture  et  sculpture. 

24.  —  Portrait  de  Mme  de  ***,  jouant  de  la  vielle. 


—  54  — 

25.  —  Une  tête  représentant  M.  Gilquin^  peintre. 

26.  —  Salon  de  1745.  Un  grand  tableau  représentant  MM."*, 
père  et  fils.  Le  fond  de  ce  tableau  est  un  cabinet  d'étude. 

27.  —  Salon  de  1748.  Portrait  jusqu'aux  genoux  de  M."*,  dans 
son  cabinet. 

28.  -  Portrait  d'un  religieux  représentant  l'étude,  frère  de 
l'auteur. 

29.  —  Salon   de  1753.    Portrait   de  M/",  vêtu   en  robe  de 
chambre  de  taffetas  rayé. 

30.  —  Salon  de  1755.  Portrait  de  Mlle  Dumesnil. 

31.  —  Salon  de  1765.  Un  portrait. 

32.  —  1758  Portrait  de  Donat  Nonnotle  (n©  363  du  musée  de 
Besançon). 

33.  -  Portrait  de  sa  femme  (n©  364  du  même  musée). 

34.  —  Portrait  de  Desgriffes  (musée  d'Orléans)  (i). 

35.  —  V.  1758.  Portrait  de  l'auteur,  gravé  par  Dauilé. 

36.  —  Portrait  du  sculpteur  Lelorrain,  gravé  par  Tardieu(2). 

37.  —  Portrait  de  Gentil  Bernard,  gravé  par  DauUé. 

38  — Portrait  de  Claude-François  Nonnotle,  gravé  par  C. 
Boily. 

IV.  Ouvrage  imprimé  de  Donat  Nonnotte 

Discours  sur  la  peinture  (réception  à  l'Académie  de  Lyon), 
imprimé  dans  le  Mercure  de  France,  1755. 


ANNSXS 

1.  Manuscrits  de  Donat  Nonnotte  conservés  à   la 
Bibliothèque  publique  de  Besançon. 

505.  »  Traité  de  la  peinture  et  du  dessin,  suivie  de  la  vie  de 
M.  Le  Moine,  par  Donat  Nonnotte,  peintre  du  Koy,  doyen  de 
l'Académie  royale  de  peinture  et  de  sculpture,  né  à  Besançon,  • 

(1)  Dictionnaire  des  Artistes,  de  Heluer  de  la  Chavignerie  et 
AuvRAY,  t.  II,  col.  166. 

(2)  J.-B.  Dumas,  Histoire  de  l'Académie  de  Lyon,  1839,  p.  288. 


—  55  — 

Treize  cahiers  distincts  : 

\o  «  Premier  discours  sur  la  peinture  :  du  dessein  (sic)  et  de 
la  variété  de  ses  caractères  selon  les  âges  et  selon  les  sexes..  ; 
lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  29  novembre  1754,  et  à  l'Aca- 
démie royale  de  peinture  et  sculpture  le  5  avril  suivant.  » 

2o  «  Deuxième  discours  sur  la  peinture  :  de  Texpression  gé- 
nérale ;  lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  28«  novembre  1755  ..» 

3<»  €  Troisième  discours  sur  l'expression  extérieure  des  pas- 
sions de  l'àme,  lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  12  novembre 
1756...  » 

4o  «  Quatrième  discours  sur  la  peinture  :  de  ht  composition, 
première  partie  ;  lu  à  la  Société  royale  de  Lyon,  le  12  août 
1757...  » 

5o  fl  Sixième  discours  de  M.  Nonnotte  :  les  avantages  du  por- 
trait et  la  manière  de  le  traiter;  lu  à  l'Académie  de  Lyon,  le 
13  novembre  17(50...  » 

6»  «  Septième  discours...  sur  les  caractères  duquels  (sic)  on 
peut  reconnaître  les  excellents  peintres  et  les  vrais  connois- 
seurs...  ;  lu  à  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Lyon,  le  17  novembre  1761  ;  lu  aussi  à  l'Académie  des  sciences, 
belles-lettres  et  arts  de  Besançon,  le  21  avril  1762...  » 

7®  1  Huitième  discours..  .  sur  les  préjugez  d'école  relative- 
ment à  la  peinture...  ;  lu  dans  une  assemblée  particulière  le 
18  novembre  1762  et  dans  l'assemblée  publique  [de  l'Académie 
de  LyonJ  du  7«  décembre  de  la  môme  année. . .  « 

S"*  «  Neuvième  discours...  sur  les  principes  du  goût  dans  la 
peinture,  lu  à  l'Académie  de  Lyon  le  17  novembre  1763.  o 

9*  «  Dixième  discours...  sur  la  couleur  naturelle  des  objets  et 
sur  la  perspective  aérienne,  lu  à  l'Académie  de  Lyon,  le  15  no- 
vembre 1764.  D 

lO  •  Onzième  discours  sur  les  parties  pratiques  de  la  compo- 
sition..., lu  à  l'Académie,  le  18  novembre  1766.  » 

11»  «  Quinzième  discours  :  observations  intéressantes  pour 
les  élèves  dans  la  peinture...;  [discours]  lu  à  l'Académie  de 
Lyon,  le  17  décembre  1771.  » 

120  c  Seizième  discours...  sur  [l'histoire  de]  la  peinture,  lu  à 
l'Académie  de  Lyon,  le  17  novembre  1772.  » 

13o  Vie  du  peintre  François  Le  Moine. 


—  56  — 

Le  titre  du  premier  cahier  porte  cette  mention  d*origine  :  t  Je 
certifie  que  le  présent  manuscrit  est  de  la  main  de  M.  Non- 
notle  et  que  j'en  suisdevenu  possesseur  pardroitde  succession. 
—  Besançon,  le  25  octobre  1813.  (Signé)  :  A.  Laurens,  petit-ne- 
veu de  l'auteur.  « 

C'est  k  1  auteur  de  cette  note  que  la  bibliothèque  doit  les 
treize  cahiers  dont  les  titres  précèdent. 

II.  Acte  de  mariage  de  Donat  Nonnotte  et  de  Marie- 
Elisabeth.  Bastard  de  la  Grravière 

(Paris,  29  octobre  1737). 

[Donat  Nonnotte  natif  de  Besançon,  peintre  de  portraits,  rue 
de  Beauvais,  29  ans,  épouse  Marie- Elisabeth  Bastard  de  la 
Graviôre,  veuve  d'Antoine  Duchâtel,  bourgeois  de  Paris.  Son 
père  Thomas  était  mort  en  1737.  Témoins,  Thomas  Nonnotte, 
son  frère,  jardinier  à  Chaillotte,  et  Claude-François  Balanche- 
llichard,  peintre,  demeurant  rue  Goquillière]. 

(Reg.  paroissiaux  de  Saint-Germain  rAuxerrois.  Jai.,  Dictionnaire  de 
biographie,  1867,  918.) 

lU.  Aote  de  décès  de  Donat  Nonnotte 
(Lyon,  5  février  1785/. 

Sieur  Donat  Nonnotte,  peintre  du  Roi,  de  l'Académie  royale 
de  peinture  et  de  sculpture,  de  celle  des  sciences,  belles-lettres 
et  arts  de  Rouen  et  peintre  de  la  ville,  Agé  de  78  ans,  décédé 
hier  à  l'hùtel  de  ville,  a  été  inhumé  par  moi,  curé  soussigné  ce 
6'  février  1785;  présents  sieurs  Jean  François  Arnaud  et  Nico- 
las Berjeon,  clercs  tonsurés  qui  ont  signé  : 

Arnaud,  Berjon,  Demeaujj.,  curé. 

(Reg.  paroissiaux  de  SS.  Pierre  et  Saturnin,  1785,  reg.  644,  fol.  18,  n«  806. 
Arch.  municip.  de  Lyon.) 


SDR 


LA  PEINTURE  ANGLAISE 

Par  H.  Victor  GUILLEMIN 


Séances  des  iO  mai,  i4  juin  et  i2  juillet  i902 


AVANT-PROPOS 

On  sait  combien  il  est  rare  de  voir  chez  nous  des  tableaux 
de  peintres  anglais,  et  cela  n'est  pas  fréquent  même  dans 
leur  pays,  car  malgré  les  nombreuses  richesses  d*art  qu'il 
possède,  elles  ne  sont  point  centralisées.  Ce  n'est  pas  à  la 
National  Gallery^  formée  principalement  par  des  dons  et 
datant  de  47'24,  que  l'on  peut  étudier  l'histoire  de  la  peinture 
en  Angleterre.  Il  faudrait,  h  cet  effet,  avoir  visité  entre 
autres  collections  celle  que  le  riche  amateur  Robert  Vernon 
a  léguée  à  ses  concitoyens,  la  salle  des  tableaux  à  l'hôpital 
de  Greenwich  remplie  de  peintures  anglaises  représentant 
des  batailles  navales,  les  galeries  de  Hampton-Court  et  du 
château  de  Windsor  et  nombre  de  collections  particulières 
qui,  en  mai  1857,  avaient  momentanément  centralisé  leurs 
chefs-d'œuvre  à  l'Exposition  de  Manchester.  On  citait  parmi 
les  galeries  fameuses  celles  du  duc  de  Northumberland,  la 
Grosvenor  Gnllery  au  marquis  de  Westminster,  Brid- 
gswater  GaUery  au  comte  d'Ellesmere,  Sutherland  Gallei^y 
au  duc  de  Sutherland,  etc. 

En  1862  on  avait  encore  fait  appel  aux  possesseurs  de  ta- 
bleaux et  môme  aux  musées  nationaux  :  une  vaste  collection 

5 


—  58  — 

de  peintures  fut  rassemblée  à  côté  de  l'Exposition  indus- 
trielJe  au  palais  de  South-Kensinglon.  Cet  appel  s'était 
même  étendu  aux  différentes  nations,  et  six  mille  œuvres 
d'art  étaient  arrivées  du  continent.  Mais  une  fois  ces  exposi- 
tions finies,  toutes  ces  richesses  s'étaient  de  nouveau  dis- 
persées. 

Nous  voyons,  chez  nous,  pour  représenter  la  peinture 
anglaise  avant  1882,  le  catalogue  des  musées  du  Louvre 
mentionner  seulement  une  esquisse  et  un  petit  tableau  de 
Bonington,  portés  de  l'école  française  parce  que,  disait- 
on,  cet  artiste  venu  jeune  en  France,  à  l'âge  de  15  ans, 
y  avait  étudié,  vécu  et  travaillé.  Deux  paysages,  une  marine 
et  une  esquisse  de  Constable  y  formaient,  en  outre,  tout  le 
bagage  de  la  Grande-Bretagne.  Actuellement,  dans  vingt- 
cinq  tableaux  qui  composent  l'insuffisante  exposition  de  la 
salle  XIII  en  ce  premier  musée  de  France,  on  ne  trouve 
rien  de  Reynolds,  rien  de  Turner,  et  seulement  un  paysage 
de  Gainsborough,  qui  fut  aussi  excellent  portraitiste. 

Parmi  les  musées  de  province,  celui  de  Montpellier  peut 
montrer  seulement  une  figure  d'étude  de  Josuah  Reynolds 
pour  une  de  ses  compositions  :  c'est  le  Jeune  Samuel  en 
prière;  le  musée  du  Mans  :  un  Paysage  daté  de  1821  et 
signé  :  John  Constable,  et  l'on  parle  en  ces  derniers  temps 
de  portraits  par  Hoppner  et  Josuah  Reynolds  que  le  maître 
Bonnat  a  donnés  au  musée  portant  son  nom,  à  Rayonne,  sa 
ville  natale. 

Le  musée  de  Besancon  ne  possédait  jadis  qu'un  tableau 
de  nature  cnorle,  assez  important  il  est  vrai,  représentant 
un  chasseur  et  du  gibier,  et  acheté  en  1840  à  un  peintie 
anglais  contemporain  nommé  Barker,  mais  le  musée  s'est 
augmenté  dernièrement  de  la  collection  léguée  par  notre 
regretté  maitro  comtois  Jean  Gigoux,  et  l'on  y  trouve  des 
échantillons  du  talent  de  plusieurs  artistes  anglais  dont  la 
postérité  a  consacré  les  noms. 

Plus  récemment,  nous  trouvions  dans  la  collection  léguée 


—  59  — 

par  M.  L.  Chenot  un  remarquable  petit  portrait  par  un  maî- 
tre bien  connu,  et  c'est  ainsi  que  Ton  peut  noter  à  Besançon 
quelques  morceaux  intéressants  de  cette  peinture  britan- 
nique absente  de  presque  tous  nos  musées  de  province. 

A  propos  de  ces  spécimens  que  l'on  n'a  pas  rassemblés^ 
qui  sont  dispersés  parmi  les  tableaux  et  quelques  dessins 
de  la  collection  Gigoux,  nous  est  venu  le  désir  de  faire  une 
étude  sur  la  peinture  anglaise. 

Ce  que  nons  avons  au  musée  de  Besançon,  sauf  un  ta- 
bleau de  Barker,  consiste  en  productions  de  Tancienne 
école;  nous  ne  possédons,  à  vrai  dire,  rien  de  l'école  mo- 
derne. 

Pour  cette  dernière,  ce  que  nous  en  avons  vu  dans  nos 
expositions  universelles,  et  dans  les  salons  de  peinture  à 
Paris  nous  permettra  de  rendre  compte  de  nos  impressions 
en  contrôlant  notre  sentiment  par  les  appréciations  de  quel- 
ques-uns des  critiques  les  plus  compétents. 


—  60  — 


INTRODUCTION 


Jusqu'à  la  fin  du  xV*  siècle  on  ne  trouve  point  de  docu- 
ments sur  rhistoire  de  la  peinlure  en  Angleterre  ;  elle  reste 
dans  une  obscurité  profonde.  Tandis  que  l'Italie,  la  France 
et  TAllemagiie  au  moyen-âge  pouvaient  déjà  citer  des  peintres 
de  quelque  valeur,  les  Anglais  n'avaient  point  conservé  le 
nom  de  ceux  qui  leur  auraient  appartenu. 

Pourtant,  comme  les  érudits,  de  quelque  nation  qu'ils 
soient,  mettent  leur  orgueil  à  vouloir  prouver  que  leur  pays  a 
été  le  foyer  primitif  de  tel  art  ou  de  telle  science,  il  s'est  ren- 
contré au  xviu*  siècle  un  honnête  Anglais,  le  graveur  George 
Vertue  (1684-1 757j,  pour  prétendre  donner  des  preuves  qu'a- 
vant la  renaissance  de  cet  art  en  Italie  la  peinture  était  flo- 
rissante dans  son  pays.  Il  est  certain  toutefois  que  pour  l'art 
de  peindre,  l'Angleterre  est  la  dernière  des  nations  qui  pour- 
rait revendiquer  la  priorité  chronologique. 

Tous  les  manuscrits  où  étaient  consignés  les  documents 
de  la  longue  et  incessante  enquête  de  Vertue,  enquête  qui 
dura  quarante-quatre  ans,  furent  achetés  par  Horace  Valpole. 
Celui-ci,  connais^eur  émérite,  les  .coordonna,  et  après  véri- 
fication, fit  justice  des  prétentions  non  justitiées  et  des  illu- 
sions du  trop  patriotique  graveur.  Il  a  été  publié  dans  ce  but 
quatre  volumes  0/chez  Thomas  Kirgate  dans  une  imprimerie 
que  H.  Valpole,  ce  spirituel  correspondant  de  Madame  du 
Deffaud,  avait  établie  sur  son  domaine  de  Strawberry  Hill. 

Notons  en  passant  que  nos  antiquaires  et  nos  érudits  fran- 


(1>  Le  titiv  lie  oet  ouvrage  e:>t  :  Atuscdotes  of  ^tainting  in  England 
coiltcied  b:f  (■.  Veriite;  «li^iosteil  and  puhlisheti  Trom  hîs  original  mss. 
Ity  lioraiv  \Val|NiUs  Strawberry.  —  HilL  Thomas  Kirgate.  1705.  4  tom. 


-  61  — 

çais  ont  eu  le  bon  goût  d'éviter  le  ridicule  de  George  Vertue 
et  de  ne  point  se  livrer  aux  tentatives  d'un  amour-propre  de 
clocher  pour  établir  la  priorité  de  notre  art  national  sur  ce- 
lui de  ritalie. 

C'est  seulement  au  xiii'  siècle,  sous  Henri  III,  qu'on  peut 
mentionner  quelques  peintures  murales,  puis,  dans  des  do- 
cuments du  XIV*  siècle,  des  tableaux  où  figurent  les  images 
des  saints.  Un  retable  d'autel  du  xv"  siècle,  dans  l'église  de 
Shen,  contenait  les  portraits  d'Henri  Vet  de  plusieurs  mem- 
bres de  sa  famille,  et  la  miniature  faisait  à  cette  époque  son 
apparition  dans  les  livres,  mais  ces  peintures  étaient  l'œuvre 
d'artistes  étrangers. 

A  ce  moment  les  beaux-arts  florissaient  en  Italie,  et  cela 
ne  fut  point  sans  influencer  quelque  peu  les  artistes  des 
autres  nations,  même  ceux  de  l'Angleterre  ;  pourtant  ces 
derniers  ne  produisirent  point  d'œuvres  ayant  un  cachet 
d'originalité. 

Au  temps  de  la  Réforme,  les  adeptes  de  la  nouvelle  religion 
proscrivaient  les  images  saintes,  et  ils  détruisirent  tous  les 
tableaux  représentant  des  sujets  religieux.  Bien  avant,  du 
reste,  et  jusqu'à  la  fin  du  xvii*  siècle,  les  seuls  peintres  de 
quelque  talent  ne  furent  point  Anglais. 

Dès  le  xvio  siècle  des  artistes  italiens  sont  appelés.  On  cite 
Toto  délia  Nunziata,  disciple  de  Ghirlandaio,  et  Luca  Penni, 
le  frère  de  Francesco  Penni,  dit  le  Fattore.  Henri  VIII,  à 
l'exemple  de  François  1*^,  avait  aussiess  ayé,  mais  en  vain,  de 
retenir  des  peintres  de  l'Italie  à  sa  cour.  Un  Allemand  illus- 
tre, Hans  Holbein,  fut  le  seul  maître  qui  répondit  à  ces 
avances.  Il  résida  en  Angleterre  pendant  28  ans  et  il  y  fit  les 
portraits  de  tous  les  personnages  de  la  cour  et  des  premiers 
gentilshommes  du  royaume. 

Citons  encore,  à  ce  moment,  parmi  ceux  de  l'étranger,  le 
flamand  Gérard  Luca  Horrebout  W  qui  mourut  à  Londres  en 

(1)  G.  L.  Horrebout  :  Gand,  1498;  Londres,  1558. 


—  62  — 

1558,  et  Engelbrechsten  (D,  fils  de  Cornelisz  ;  ce  dernier  fut 
maître  de  Luca  de  Leyde. 

Le  Hollandais  Antoine  Morou  Moro  (2),  peintre  de  Charles- 
Quint  dont,  entre  autres  musées  de  province,  celui  de  Be- 
sançon possède  deux  portraits  qui  sont  des  chefs-d'œuvre, 
vint  aussi  à  Londres  à  la  demande  de  la  princesse  Mary  qui 
devait  épouser  Philippe  II,  et  s'y  trouva  en  même  temps  que 
les  flamands  Joost  Van  Cleef  et  Luca  de  Heere  (3).  Un  peintre 
français  nommé  Jehan  de  Paris  fut  adressé  par  François  P 
à  Henri  VIII  en  1519,  avec  la  mission  de  faire  le  portrait  de 
ce  roi  Sous  le  règne  d'Elisabeth,  c'est  encore  des  artistes 
étrangers  :  Cornelisz  Kate  de  Gouda,  l'italien  Federigo  Zuc- 
chero,  le  flamand  Mark  Gérard  de  Bruges  qui  sont  les  seuls 
peintres  marquants,  et  l'on  n'en  cite  point  d'origine  anglaise. 

Dans  la  miniature  seulement  un  certain  Nicolas  Hilliard, 
né  à  Londres  en  1547,  et  Isaac  Oliver,  natif  aussi  de  Londres 
en  1555,  mais  tous  deux  probablement  de  familles  françaises, 
imitent  la  manière  d'Holbein. 

Deux  Hollandais,  peintres  de  marine,  Cornelisz  W  le  vieux 
de  Harlem  qui  peignit  la  Victoire  du  comte  de  Nottingham 
sur  l'Armada  de  Philippe  II,  et  Pieter  Van  den  Velde,  peut- 
être  l'ancêtre  de  Wilhem,  qui  fleurit  sous  les  règnes  de 
Charles  I"  et  de  Charles  II,  doivent  aussi  être  cités  du  vivant 
de  la  reine  Elisabeth. 

Sous  Jacques  I«'  des  peintres  étrangers  viennent  encore 
en  Angleterre  :  c'est  Paul  Van  Somer  (5),  Cornelisz  Janson 
Van  Ceulen  (6),  dont  nous  possédons  en  la  collection  léguée 
par  Gigoux  à  sa  ville  natale  un  morceau  remarquable,  un 
portrait  d'adolescent  d'un  grand  eflet  avec  peu  de  travail  ; 


(1)  Engelbrechsten.  1468-1533. 

(2)  Antoine  Mor,  1525-1581. 

(3)  Luca  «le  Heere,  né  à  Gand  en  1534. 

(4)  Cornelisz  Vroom,  1566. 

(5)  P.  van  Somer,  1666. 

(6)  G.  J.  van  Ceulen,  1618. 


i 


-68  — 

c'est  encore  Daniel  Mytens  (i)  de  la  Haye.  Ces  deux  derniers 
devinrent  les  peintres  officiels  de  Charles  I"  et  se  lièrent 
d'amitié  avec  Van  Dyck  qui  fit  le  portrait  de  Mytens. 

En  1629,  Rubens  passe  une  année  en  Angleterre  et  Van 
Dyck  y  demeure  en  1632.  L'art  autochtone  n'existe  point 
encore  en  ce  pays  et  Tart  étranger  y  brille  seul.  L'art  au- 
tochtone n'apparaîtra  qu'au  xviii*  siècle  avec  Hogarth  et 
Reynolds.  Gainsboroug  et  Thomas  Lawrence  ne  feront,  du 
reste,  comme  tous  les  portraitistes  modernes,  que  s'inspirer 
de  Van  Dyck  et  marcher  sur  ses  traces  sans  jamais  l'égaler. 
Tous  l'imitèrent  ou  cherchèrent  à  l'imiter.  Georges  Jameson 
fut  le  Van  Dyck  écossais,  etJamesGandy  le  Van  Dyck  irlandais. 

Jameson  né  à  Aberden  en  1586  était  venu  vers  1615  étu- 
dier dans  les  ateliers  de  Rubens  et  de  Van  Dyck;  il  retourna 
dans  son  pays  natal  en  i620,  puis  se  fixa  à  Edimbourg  où  il 
mourut  en  1644.  Sur  sa  réputation  on  lui  fit  la  commande 
d'un  portrait  de  Charles  P'.  Il  fut  assez  bon  peintre. 

James  Gandy  (2)  résida  en  Irlande  et  fut  un  artiste  distin- 
gué. Henri  Stone  fils  du  statuaire  de  ce  nom,  gendre  du 
peintre  hollandais  Pierre  de  Keyser,  et  surnommé  Old 
Stone  (le  vieux  Stone),  peignit  aussi  dans  la  manière  de 
Van  Dyck,  à  Londres  où  il  mourut  en  1653,  âgé  de  37  ans. 

En  même  temps  que  Van  Dyck,  et  autour  de  lui,  Ton  vit 
en  Angleterre  Jean  Van  Reyn  (3)  de  Dunkirk,  David  Beck  (*) 
de  Arnheim  ou  de  Delfl  qui  ont  collaboré  aux  portraits  de  ce 
maître;  les  hollandais  Adrien  Hanneman  W  de  la  Haye, 
dont  nous  possédons,  au  musée  de  Besançon,  le  portrait  du 
chancelier  Chifflet,  le  hollandais  Veesop  et  Remigins  Van 
Lemput,  qui  furent  des  imitateurs  de  ce  grand  maître  fla- 
mand. Lemput  est  mort  à  Londres  en  1675. 

(1)  Daniel  Mytens,  1623. 

(2)  James  Gandy,  1619-1689. 

(3)  Jan  Van  Reyn  :  Dunkirk,  1610;  Londres,  1642. 

(4)  Mort  à  La  Haye  en  IfôO. 

(5)  Hanneman  :  La  Haye,  1611-1680. 


-64- 

Le  meilleur  des  peintres  anglais  que  Van  Dyck  ait  formé 
fut  William  Dobson  né  à  Londres  en  1610,  mort  en  1646 
dans  la  misère,  malgré  ses  titres  de  premier  peintre  et  valet 
de  chambre  du  roi  Charles  P^  Il  avait  un  grand  talent  et  a 
produit  des  chefs-d'œuvre,  notamment  le  tableau  où  il  s'est 
représenté  embrassant  Charles  Cotterel  auprès  de  sir  Bal- 
thazar  Gerbier,  Tami  de  Rubens.  On  trouve  aussi  de  ses  ta- 
bleaux représentant  des  sujets  bibliques  dans  les  meilleures 
galeries  de  TAngleterre. 

Citons  encore  Robert  Walker  dont  on  ignore  les  dates  de 
naissance  et  de  mort,  et  parmi  les  peintres  de  l'école  de 
Rubens  qui  séjournèrent  plus  ou  moins  en  Angleterre, 
George  Geldorp{l;.de  Bois-Ie-Duc;  le  paysagiste  Wouters'S), 
Gérard  Seghers  (3)  ;  les  hollandais  W  Lievens,  Hendrick  Pot, 
l'ami  de  Franz  Hais  ;  les  italiens  (î>)  Horatio  Gentileschi  et 
le  neveu  de  Gnerchin,  Benedetto  Gennaro,  sous  le  règne  de 
Charles  II. 

Parmi  les  principaux  peintres  étrangers  qui  travaillèrent 
en  Angleterre  jusqu'au  milieu  du  xvii«  siècle,  contentons- 
nous  de  signaler  Poélenburg  (6)  et  Adrien  Van  Stalbent,  colla« 
borateurs  d'Henri  Steenwick  (7)  le  jeune;  Palamède  Stevens, 
né  à  Londres  en  1607;  Terburg  (8),  Vinkeboom,  Jacob  Kee- 
rinck,  Gérard  Honthorst  et  son  élève  Sandrart  (9)  ;  W^ilhelm 
Van  den  Velde  (^0)  et  Jean  Torrentius^l)  recherché  par  les 


(1)  Geldorp,  1607  ou  1620-1675. 

(2)  Woulers,  1614-1659. 

(3)  Gérard  Seghers,  1589-1651. 

(4)  Lievens,  1607-;1663?).  Hendrick  Pot,  1600-1656. 

(5)  H.  Gentileschi,  1563-1646.  B.  Gennaro,  xvi*  siècle,  dates  inconnues. 

(6)  Poélenburg,  1586-1665. 

(7)  H.  Steenwick,  1580-1642. 

(8)  Terburg,  1608-1681.  Vinkeboom,  1578-1629.  J.  Keerinck,  1500-1646. 
G.  Honthorst,  1592-1666  ou  1680. 

(9j  Sandrart,  1606-1686? 

(10)  Wilh.  Van  den  Velde,  1610-1698. 

(Il;  J.  Torrentius,  1589-1649. 


-  es- 
Anglais  débauchés  pour  l'obscénité  des  sujets  qu'il  a  traités, 
gracié  et  tiré  de  prison  par  Charles  !•',  Abraham  Hondius  Wy 
Van  der  Plaas  (2),  Pieter  Van  der  Meulen  (3),  Norbert  Van  Blœ- 
raen  W  frère  de  TOrizonte,  les  Zeeman  (5),  les  Netscher  (6), 
les  Verelst  '7),  Simon  et  Hermann,  les  Griffier  (8),  Ede- 
ma  W  élève  d'Everdingen ,  Berestaaten  ^0)  ^  Samuel  Van 
Hoogstraeten  (l'i)  élève  de  Kembrandt,  Dirck  Stoop  (^2,), 
Dirck  Maas  i^^)^  Egbert  Van  Heemskerck  (i*),  Van  Huysum 
mort  à  Londres  en  1740,  et  nous  ne  les  nommons  pas  tous, 
la  liste  en  serait  trop  longue. 

Les  puritains,  comme  nous  l'avons  dit,  proscrivant  tous 
les  tableaux  d'église,  on  se  borna,  après  la  mort  de  Van 
Dyck,  au  genre  du  portrait.  Ce  fut  un  Weslphalien,  Pierre 
Van  der  Faës  (^5)  désigné  par  les  Anglais  sous  le  nom  de  sir 
Peter  Lely,  lequel  imita  Van  Dyck  avec  talent,  mais  en 
outrant  son  style  et  en  tombant  dans  le  maniérisme,  qui 
obtint  toute  la  faveur  de  la  cour.  Il  récolta  des  succès  égaux 
à  ceux   de  Van  Dyck    dont   il   était  élève,    et  portraitura 


(1)  Ab.  Hondius,  1638-1691. 

(2)  Van  der  Plaas,  1570?.i6a6? 

(3)  P.  Van  der  Meulen,  xvn«  siècle. 

(4)  Norbert  Van  Blœmen,  1672. 

(5)  Les  Zeeman  :  Enoch,  mort  en  1744;  Isaac,  en  1751,  frère  d'Enoch, 
Paul,  fils  d*Enoch,  dates  inconnues. 

(6)  Les  Netscher  :  Gaspard,  163i)-1684;  Théodore,  1661-1732,  et  Cons- 
tantin, 1670-1712,  tous  deux  fils  de  Gaspard. 

(7)  Les  Verelst,  xvii«  siècle  :  Simon  et  Herman,  1666,  en  Angleterre, 
et  Verelst,  Comély,  fils  d'Hennan,  1667. 

(8)  Griffier,  Jean,  1645  ou  1656-1718,  et  Robert,  fils  de  Jean,  1688,  né  à 
Londres. 

(9)  Edema,  1652-1700. 

(10)  Berestaaten,  mort  en  1687. 

(11)  S.  Van  Hoogstraeten,  1627-1678. 

(12)  D.  Sloop,  1610-1686. 

(13)  Maas,  1656. 

(14>  E.  Van  Heemskerck,  fils  d*Egberl  le  Vieux,   1645-1704,  mort  à 
Londres. 
(15)  P.  Van  der  Faës.  1618-1680. 


-  66  - 

Charles  !•'  et  toutes  les  plus  jolies  femmes  et  les  plus  ga- 
lants seigneurs  de  la  cour  de  Charles  Stuart  en  1660. 

Il  avait  adopté  la  facture  de  Van  Dyck  avec  une  habileté 
telle  que  Ton  a  vu  parfois  des  connaisseurs  s'y  tromper.  Ses 
collaborateurs  furent  nombreux  :  ce  sont  les  hollandais 
Buckshom  et  Wissing,  les  flamands  Gaspars  et  Van  den 
Eyden,  les  anglais  Greenhill,  sir  John  Gawdie,  Sadler, 
Dixon,  Henry  Tilson,  les  Gibson,  etc.,  et  môme  deux  pein- 
tres qui  rivalisèrent  avec  lui  :  un  Westphalien,  Gérard  Soest, 
et  un  anglais,  John  Riley  (1). 

Notre  grand  portraitiste  Largillière  vint  à  Londres,  en 
1675  et  y  resta  quatre  ans.  Il  était  mandé  par  Charles  II 
Tannée  même  où  mourait  dans  cette  capitale  un  autre  de 
nos  fameux  peintres  de  portraits  :  Claude  Lefèvre,  qu'il  ne 
faut  pas  confondre  avec  Roland  Lefèvre  né  dans  TAnjou  et 
mort  aussi  à  Londres  en  Mil, 

A  la  même  époque,  et  jusqu'à  la  première  moitié  du 
xviip  siècle,  nombre  de  peintres  français  séjournèrent  à 
Londres,  et  quelques-uns  y  moururent,  entre  autres  Phi- 
lippe Duval  élève  de  Lebrun,  Jacques  Parmentier,  élève  de 
Sébastien  Bourdon,  Paul  Mignard  i^),  le  second  fils  de 
Pierre  Mignard,  Charles  de  la  Fosse  (3),  Jacques  Rous- 
seau (*),  Jean-Baptiste  Monnoyer  p^  Louis  Chéron,  frère  de 
la  célèbre  Elisabeth-Sophie  Chéron,  mort  à  Londres  en  1699, 
Desportes  (6),  Watteau  (7),  Antoine  Pesne  18),  Jean-Baptiste 
Van  Loo  (9)  et  beaucoup  d'autres. 


(1)  J.  Uiley  (1Ôi6-169l),  maître  du  peintre  de  portraits  Richardson,  plus 
connu  comme  littérateur  et  critique  d'art. 
(2;  Paul  Mignard,  1019-1671. 
(1^]  Ch.  de  la  Fosse,  1640-1716. 

(4)  Jacques  Rousseau,  1630-16113. 

(5)  J.  B.  Monnoyer,  1635  1699. 

(6)  François  Desportes,  1661-1743. 

(7)  J.  A.  Watteau,  1684-1721. 

(8)  A.  Pesne,  xvii*  siècle,  dates  inconnues. 

(9)  J.  B.  Van  Loo,  1684-1745. 


^  en  ^ 

Après  la  mort  de  Lely,  rallemand  Godefroy  Kneller,  élève 
de  Rembrandt,  sans  être  son  imitateur,  arrive  à  Londres  en 
1674,  y  fait  les  portraits  des  grands  et  de  presque  tous  les 
princes  et  souverains.  Il  fut  nommé  chevalier,  comme 
l'avaient  été  Rubens,  Van  Dyck  et  Lely,  se  fit  aider  par  son 
frère  aîné  Zacharie  et  de  nombreux  collaborateurs  hollandais 
ou  flamands. 

Un  peintre  napolitain,  Antonio  Verrio,  pensionné  par 
Charles  II,  avait,  en  1676,  une  grande  vogue  pour  ses  déco- 
rations d'architecture,  et  le  français  Louis  Laguerre  l'aidait 
dans  ses  travaux  ;  Verrio  mourut  à  Hampton  Court  en  1707, 
et  Laguerre  continua  à  peindre  en  Angleterre  où  il  mourut 
aussi  en  172i. 

L'anglais  James  Thornhill  1)  qui  avait  voyagé  en  France, 
fit  concurrence  à  Laguerre.  Il  peignit  la  coupole  de  Saint- 
Paul  k  Londres  et  la  grande  nef  de  l'hôpital  de  Green- 
wich.  Georges  I®»  le  créa  chevalier  et  on  le  nomma  membre 
du  parlement.  Il  fut  le  beau-père  d'Hogarth.  C'est  par 
lui  que  fut  inaugurée  en  Angleterre  ce  qu'on  appelait  alors 
la  peinture  historique  ;  ce  n'était  en  réalité  que  des  scènes 
mythologiques  et  des  allégories  dépourvues  de-  goût.  Le 
style  de  Thornhill  manque  de  noblesse,  et  sa  couleur  est 
terne. 

Mentionnons  aussi  dans  ce  temps  un  artiste  dessinateur 
de  jardins  William  Kent  '2)  fort  à  la  mode  et  qui  fit  une 
grande  fortune.  On  le  nomma  maître  des  œuvres,  architecte 
conservateur  des  peintures,  et  principal  peintre  de  la  cou- 
ronne. 

A  ce  moment,  l'art  des  différents  états  de  l'Europe  était 
en  décadence  et  les  grands  maîtres,  Rubens,  Rembrandt, 


(1)  James  Thornhill,  né  en  1676  à  Melcombe  Régis,  mort  le  13  mai  173i, 
près  de  'Weymouth. 

(2)  W.  Kent,  né  dans  le  Yorkshire  en  1685,  mort  à  Burlinglon-Hoiise  le 
12  avril  1748. 


Velasquez  n'étaient  point  continués.  L'école  de  Bologne 
consommait  la  ruine  de  l'art  en  Italie.  Les  insignifiants 
peintres  anglais  qui  fournissaient  encore  de  portraits  l'artis- 
tocratie  de  ce  pays  ne  faisaient  prévoir  en  rien  Reynolds  et 
Gainsborough.  C'étaient  (i)  Jonathan  Richardson  déjà  nommé, 
Charles  Gervas,  élève  de  Kneller;  William  Aikman,  Jean 
Van  der  Banck,  dont  l'origine  anglaise  est  douteuse  ;  George 
Knapton;  Thomas  Hudson,  maître  de  Reynolds:  Francis 
Hayman  maître  de  Gainsborough,  et  d'autres  encore. 

Il  ne  restait  plus  en  Angleterre  de  grands  peintres  étran- 
gers ;  on  ne  saurait  compter  comme  tels  :  Michaël  Dahl  ^2)^ 
de  Stockolm,  Balthazar  Denner,  Paulus  Ferg. 


(1)  J.  Richardson,  1665-1745.  Ch.  Gervas,  1675-1739.  W.  Aikman,  1682- 
1731.  J.  Vanderbanck,  1694-1739.  George  Knapton,  1698-1778.  T.  Hudson, 
1701-1779.  F.  Hayman,  1708-1776. 

(2)  Dahl,  1656-1743.  B.  Denner,  1685-1747.  P.  Ferg,  1728. 


k 


ANCIENNE    ECOLE 

1730-1850 


William  Hogarth  né  en  1697,  mort  en  4764,  fut,  pour 
l'Angleterre,  le  premier  graveur  et  peintre  vraiment  origi- 
nal. Encore  plus  moraliste  et  graveur  que  peintre,  il  voulut 
réagir  contre  la  barbarie  de  ses  contemporains,  et  ses  com- 
positions furent  des  satires.  On  peut  dire  que  la  beauté  de- 
meura la  moindre  de  ses  préoccupations,  et  qu'il  ne  serait 
qu'un  caricaturiste  s'il  n'avait  eu  un  but  moral.  Il  repré- 
sente des  mœurs  grossières  qui  furent  sans  doute  celles  des 
Anglais  de  son  temps,  et  il  môle  le  grotesque  au  terrible. 
Telle  est,  par  exemple,  dans  la  Ruelle  du  gin  [Gin  lane), 
—  cette  scène  révoltante  où  une  femme,  une  brute  en  état 
d'ivresse,  laisse  tomber  son  nourrisson  de  son  sein  qui 
s'étale  pendant  et  nu.  Comme  s'il  parlait  le  latin,  que,  du 
reste,  il  ne  connut  jamais,  il  appelle  crûment  les  choses  par 
leur  nom.  il  décrit  un  caractère  au  cours  d'une  série  de  ta- 
bleaux de  la  morale  en  actions,  telles  sont  les  six  composi- 
tions de  son  Mariage  à  la  mode,  un  mariage  d'argent,  et  la 
Vie  d'une  Prostituée  {flarloVs  progreas),  —  qui  la  conduit 
de  la  chaumière  où  elle  naquit,  dans  une  auberge,  de  cette 
auberge  dans  un  palais,  de  ce  palais  dans  un  lupanar,  de 
ce  mauvais  lieu  dans  la  prison,  et  de  la  prison  dans  l'hôpital 
où  elle  meurt.  Les  quatre  tableaux  des  élections  sont  la 
peinture  et  la  satire  des  mœurs  politiques  anglaises  :  le  Ban- 
guet,  la  Brique,  le  Vote  et  la  Victoire  dans  un  fauteuil.  Ses 
Comédiens  ambulants  s'apprêtant  à  jouer  dans  une  ferme 
sont  aussi  des  types  fort  ressemblants  qui  caractérisent  son 
époque.  Cependant  les  sentiments  élevés  lui  font  défaut,  et 


—  70    - 

c'est  bien  à  tort  que  le  chauvinisme  de  ses  compatriotes  alla 
jusqu'à  le  comparer  à  Shakespeare.  Les  Anglais  n'ont  ja- 
mais eu  de  Shakespeare  en  peinture.  Hogarlh  fut  seulement 
un  sermoneur  brutal  que  révoltait  le  triomphe  de  l'injustice. 

En  dehors  du  genre  qui  Ta  rendu  célèbre,  il  a  peint  quel- 
quefois des  portraits,  entre  autres  celui  de  la  comédienne 
Lavinia  Fenton  dans  le  rôle  de  Polly  Péachum  de  l'opéra 
Les  Gueux  par  John  Gay.  Cette  actrice  de  talent  devint  plus 
tard  l'épouse  d'un  lord  et  duchesse  de  Belton.  Son  portrait 
date  sans  doute  de  l'époque  où  Hogarth  fréquentait  Rich,  un 
fameux  directeur  de  théâtre,  ce  qui  lui  permettait  de  faire 
des  études  d'acteurs  pour  la  série  de  compositions  qu'il  a 
appelées  les  Comédiennes  ambulantes.  Issu  d'une  famille  de 
paysans  d'Old-Bailey,  W.  Hogarlh  fut  le  premier  peintre 
véritablement  anglais  dans  toute  la  force  du  terme.  Son  père 
était  maiire  d'école  de  village  et  son  grand-père,  comme 
l'indique  l'étymologie  de  son  nom,  un  sobriquet,  avait  été 
porcher.  Hog,  en  etTet,  veut  dire  pourceau,  et /lerd  troupeau, 
de  là  le  sobriquet  de  Hogherd  dont  on  fit  Hogarth  (1). 

Quoi(jue  son  éducation  et  son  instruction  eussent  été  fort 
i^égligées —  Hogarth  ignorait  même  l'orthographe,  —  il  n'en 
écrivit  pas  moins  un  ouvrage  intitulé  Analyse  de  la  beauté, 
et  ses  Mémoires.  Dans  son  adolescence  il  travaillait  chez  le 
graveur  Klhs  Gamble  à  l'enseigne  de  VAnge  doré^  et  après  y 
61  re  resté  sept  ans  à  graver  des  chilfres  et  des  ornements  sur 
lies  plateaux,  des  cuillères  et  des  gobelets,  il  s'établit  à  ses 
frais  dans  une  boutique.  Peu  à  peu,  et  sans  qu'on  puisse  af- 
iirmer,  comme  on  l'a  dit,  qu'il  reçut  des  leçons  de  quelque 
peintre  hollandais,  il  devint  artiste.  \\  commença  par  graver 
^ur  une  planche  quelques  sujets  du  sa  fantaisie,  puis  se  mit 
a  peindre  à  l'huile.  \jn  riche  marchand  de  Londres,  nommé 


il)  D'après  M.  Max  UoiJit,  son  grand-père  fui  fermier,  son  père  maître 
d'école,  et  son  oncle  un  chansonnier  rustique  faiseur  de  quolibets.  On  re- 
ti  imve  ce  caractère  caustique  cliez  llogurth. 


L 


—  74  — 

BowleSy  lui  acheta  ses  premières  planches.  Dès  lors  il  put 
vivre  daus  une  aisance  relative  et  s'habiller  comme  un  gen- 
tleman. C'est  à  ce  moment  qu'il  devint  amoureux  de  la  fille 
de  sir  James  Thornhill,  un  peintre  de  la  cour,  un  homme 
riche  et  célèbre,  qui  peignait  des  coupoles  de  cathédrale  à 
raison  de  quarante  shillings  par  mètre  et  qui  n'eût  certes 
point  consenti  à  la  lui  accorder  si  Hogarth  ne  Teût  enlevée. 
On  raconte,  à  cette  occasion,  que  celle-ci,  de  concert  avec  sa 
mère,  exposa  dans  la  salle  à  manger  du  chevalier  Thomhill 
les  six  tableaux  de  la  série  :  la  Carrière  d'une  prostituée 
[HarloCsprogress),  et  que,  en  venant  pourdéjeuner,  Tbornhill 
ne  put  qu'exprimer  son  admiration  pour  l'auteur  en  disant  : 
a  Celui  qui  a  un  tel  talent  peut  se  suffire  à  lui-même  et  épou- 
»  ser  ma  fille  sans  que  je  la  dote.  »  —  Le  pardon  obtenu,  le 
mariage  se  fit  et  Hogarth  gagna  assez  pour  devenir  proprié- 
taire et  avoir  un  carrosse. 

Il  voulut,  mais  sans  aucun  succès,  se  distinguer  dans  la 
peinture  d'histoire  parce  qu'on  lui  avait  reproché  de  ne  pou- 
voir traiter  que  les  sujets  de  la  vie  domestique.  C'est  alors 
qu'il  produisit  ses  compositions  de  la  Fille  de  Pharaon^  de 
la  PiscinCy  de  la  Prédication  de  saint  Paul,  de  Danaë^  de  Si- 
gismonde^  mais  on  ne  les  goûta  point. 

Soupçonné  d'être  un  espion  lors  de  son  voyage  en  France, 
et  arrêté  pour  avoir  dessiné  la  porte  de  la  ville  de  Calais,  il 
devint  gallophobe  et  se  vengea  en  représentant  dans  deux 
caricatures  l'Angleterre  symbolisant  la  politesse,  la  courtoi- 
sie et  la  bonne  humeur,  et  la  France  ne  représentant  que 
la  grossièreté  et  la  mauvaise  humeur. 

Il  se  vengea  aussi  par  des  gravures  et  des  vers  satiriques 
de  l'insuccès  de  son  Analyse  de  la  beauté  qui  lui  suscita  de 
nombreuses  et  virulentes  critiques,  et  il  se  brouilla  en  ma- 
tière politique  avec  Wilkes  et  Churchill  qui  l'attaquèrent  vi- 
vement de  sorte  que,  le  caractère  aigri  et  sentant  ses  forces 
s'altérer,  il  acheva  en  1764  son  dernier  tableau  représentant 
la  figure  du  Temps  sur  des  ruines  et  qu'il  nomma  La  fin  de 


-  72  — 

tout.  Alors  il  brisa  sa  palette  en  s'écriant:  «J'ai  fini!  •  On 
l'enterra  peu  de  mois  après  à  Ghiswick  où  on  lui  éleva  pour 
monument  une  pyramide  ornée  d'un  masque  comique  avec 
une  épitaphe  en  vers  par  Garrick. 

Nous  remarquons  dans  le  legs  Gigoux  un  portrait  d'homme 
que  Ton  attribue  à  Hogarth.  C'est  une  tête  coiffée  d'une  per- 
ruque; elle  manque  de  distinction,  mais  est  toulefois  d'une 
exécution  permettant  de  la  croire  le  produit  du  pinceau  de 
cet  humoristCy  comme  l'appellent  ses  corn p«'ïtriotes.  La  cou- 
leur en  est  aussi  terne  que  colle  qui  distingue  les  peintures 
d' Hogarth. 

Constatons  toutefois  que  son  exécution  est  préférable  à 
celle  d'un  tableau  de  genre  ayant  la  dimension  de  chacune 
de  ses  peintures  de  mœurs.  Il  représente  VLitérieur  (Van 
atelier  dliorlogers.  L'un  d'eux  travaille  près  d'un  vitrage  d'où 
l'on  aperçoit  des  murailles  grises,  l'autre,  près  de  son  établi, 
reçoit  d'un  jeune  gentleman  une  montre  à  réparer,  et  Ion 
dirait  que  le  troisième  explique  le  mécanisme  d'une  horloge 
à  trois  personnages  en  costumes  du  Levant,  tandis  que  sa 
femme  répond  aux  questions  d'un  de  ces  visiteurs  étrangers. 

Cette  peinture  où  règne  quelque  semblant  d'une  harmonie 
de  tons  roux  a  l'aspect  éraillé  et  semble  usée,  ce  qui  ne  per- 
met guère  d'en  apprécier  la  fa<"ture.  Elle  est  terne,  peu  cor- 
recte, et  c'est  même  à  son  monque  de  correction  qu'elle  em- 
prunte cette  expression  caricaturale  qui  fut  le  propre  d'Ho- 
garth.  Elle  est  du  reste  traitée  comme  une  esquisse. 

AllanRamsay  I  ,  fils  d'une  famille  noble,  na(juit  à  Edimbourg 
en  1715,  et  alla  dans  sa  jeunesse  étudier  à  Rome  chez  Soli- 
mène  et  Impériale,  deux  peintres  fort  en  vogue  W  ce  moment. 
De  retour  en  Angleterre,  il  fut  recherché  par  de  hauts  per- 
sonnages dont  il  fit  les  portraits,  entre  autres  celui  de  lord 
Bute,  président  du  conseil  des  ministres.  Georges  III  le 
nomma  son   premi(T  peintre,  alors  que  Reynolds  eût  sans 


1)  A.  Uamsay,  47i5-17H4. 


—  73  — 

doute  mieux  mérité  cette  distinction,  mais  le  roi  s'était  pris 
d'affection  pour  Ramsay  qu'il  admettait  dans  sa  famille  C'é- 
tait, sans  doute,  parce  que  celui-ci  était  de  souche  aristocra- 
tique et  avait  beaucoup  d'instruction.  On  rapporte  que,  bon 
helléniste  et  latiniste,  il  parlait  fort  bien  plusieurs  langues 
vivantes  :  le  français,  l'italien  et  l'allemand,  ce  qui  lui  per- 
mettait de  s'entretenir  longtemps  dans  cette  dernière  langue 
avec  la  reine  Charlotte  dont  il  eut  l'honneur  de  représenter 
les  traits.  La  faveur  du  roi  et  des  courtisans  lui  procurèrent 
une  quantité  prodigieuse  de  portraits  dont  il  peignait  seule- 
ment les  têtes  et  les  mains  afin  de  pouvoir  suffire  à  d'aussi 
nombreuses  commandes.  Il  faisait  peindre  les  vêtements  à 
des  collaborateurs  parmi  lesquels  on  cite  une  mistress  Blake. 
un  certain  hollandais  Van  Dyck  qui  fut  très  loin  de  valoir  son 
illustre  homonyme,  l'écossais  David  Martin  (^),  les  allemands 
Roth,  Eikart,  Vesperies  et  Philippe  Reinagle. 

Ramsay  fut  plutôt  un  fabricant  de  portraits  qu'un  artiste.  Il 
s'occupait  avec  prédilection  de  littérature  et  de  politique. 
Les  lords  Bute  et  Bath,  les  ducs  de  Newcastle  et  de  Rich- 
mond  venaient  dîner  à  sa  table  et  l'appréciaient  comme  homme 
politique. 

On  a  un  volume  des  articles  et  des  mémoires  qu'il  a  pu- 
bliés sous  le  nom  d'Investignior.  Il  mourut  à  Paris  dans  l'été 
de  1784  après  un  voyage  en  Italie  et  lorsqu'il  se  disposait 
à  retourner  en  Angleterre. 

Le  musée  du  Louvre  possède  de  lui,  catalogué  sous  le 
n^  1848  le  portrait  de  Charlotte-Sophie  de  Mecklembourg- 
Strélitz,  princesse  de  Galles. 

Il  ne  restait  plus  en  Angleterre  de  frrands  peintres  étran- 
gers; tandis  que  les  peuples  du  continent  pouvaient  se  faire 
gloire  de  leurs  artistes  de  génie,  les  Anglais  seuls  montraient 
un  tempérament  rebelle  spécialement  à  la  peinture.  Ils 
avaient  des  poètes,  des  littérateurs,  des  savants,  des  indus- 

(1)  D.  MarUn,  1736-1798. 


-  74  — 

triels  et  des  commerçants,  mais  pas  de  maîtres  peintres  ou 
sculpteurs.  On  pourrait  en  conclure  que  là  où  Tesprit  de  cal- 
cul domine,  il  ne  reste  rien  pour  la  manifestation  de  la  beauté 
par  les  arts  plastiques. 

Nous  ne  voyons  point  dans  les  tableaux  du  legs  Gigoux 
quelque  échantillon  du  talent  d'un  peintre  dont  les  œuvres 
ont  du  style,  mais  sont  visiblement  imitées  de  Claude  Lorrain. 
Ce  peintre  est  Richard  Wilson  que  Ton  peut  dire  avoir  inau- 
guré le  genre  du  paysage  en  Angleterre,  car  on  ne  cite  avant 
lui  qu'un  ou  deux  noms  de  paysagistes  qui  n'ont  paslaisséde 
traces.  Cet  artiste,  né  en  1714,  fils  d'un  clergyman  du  comté 
de  Montgomery,  reçut  une  excellente  éducation  classique, 
et,  en  1749,  lors  de  son  voyage  en  Italie  où  il  étudia  dans  l'a- 
telier de  Zuccarelli,  se  mit  à  traiter  le  genre  du  paysage  his- 
torique. Il  s'inspira  aussi  de  Joseph  Vernet  dont  il  fut  Tami  ; 
c'est  sur  l'éloge  qu'en  fit  ce  dernier  qu'on  le  nomma  membre 
fondateur  de  l'Académie. 

Mais  il  arrivait  dans  un  moment  où  tout  le  monde  s'était 
pris  d'admiration  pour  Gainsborough  et  où  Hogarth  était  en 
faveur.  Sa  peinture,  lors  de  son  retour  à  Londres,  fut  amè- 
rement critiquée  par  ses  conlVères  et  tomba  dans  le  plus 
grand  discrédit.  Quand  Georges  III  lui  demanda  une  vue  des 
jardins  de  Kew.  au  lieu  de  rendre  la  nature  de  ce  site  anglais, 
Wilson  y  substitua  un  paysage  dans  le  goût  latin,  éclairé 
par  un  soleil  d'Italie,  de  sorte  (|ue  le  roi  lui  renvoya  sans 
pitié  son  tableau.  Wilson  ne  pouvait  faire  un  paysage  sans  y 
placer  une  scène  de  l'histoire  ancienne  et  des  ruines  grecques 
ou  romaines.  Il  aurait  pu  à  ce  moment  avoir  grand  succès 
s'il  eût  vécu  en  France,  mais  en  Angleterre  il  mourut  dans 
la  misère  la  plus  complète  au  mois  de  mai  1782. 

Maintenant  au  contraire,  on  s'y  dispute  ses  œuvres  à  prix 
d'or  et  on  l'appelle  hyperboliquement  le  Claydc  anglais. 

Après  Ramsay,  rien  ne  présageait  la  venue  des  peintres 
que  nous  allons  citer  et  qui  lurent  les  plus  remaixjuables 
des  artistes  de  leur  pays  :  ils  inaugurent  l'école  anglaise. 


-  75  — 

En  premier  lieu  Josuah  Reynolds,  né  en  1723,  jouit  des 
plus  grands  succès  comme  portraitiste,  mais  n'excelle  point 
dans  la  peinture  d'histoire.  Ce  président  de  l'Académie 
Royale  de  Londres,  a,  selon  ce  que  dit  M.  Ernest  Chesnéau, 
€  le  secret  de  toutes  les  distinctions  de  la  femme  et  de  Ten- 
9  fant.  Tous  ses  personnages,  il  les  met  dans  leur  milieu  de 
»  vie  active,  poursuivant  le  geste  interrompu  par  l'arrivée 
B  du  peintre.  :s> 

Il  s'inspira  en  tout  de  Van  Dyck  et  c'est  peut-être  pour 
cela  qu'il  s'appliqua  de  préférence  à  se  montrer  coloriste. 

Pourtant,  s'il  était  vrai,  comme  on  l'a  dit,  que  Reynolds 
achetait  des  tableaux  dt,'  maîtres  vénitiens  pour  y  chercher, 
en  décomposant  leurs  couleurs,  les  secrets  des  fameux 
coloristes  de  la  Renaissance,  cela  indiquerait  une  ignorance 
qu'on  ne  peut  guère  lui  supposer.  Il  savait  sans  doute  que  le 
secret  des  maîtres  coloristes  n'est  point  dans  la  nature  des 
couleurs  dont  ils  se  servaient,  mais  dans  l'éducation  de  leur 
œil  pour  apprendre  à  bien  voir.  Il  nous  semble,  du  reste, 
que  l'examen  des  œuvres  de  Reynolds  prouve  suffisamment 
qu'il  était  trop  intelligent  pour  chercher  ce  prétendu  secret. 

Quelques  critiques,  à  cause  des  eilets  de  lumière  qu'il  a 
mis  dans  ses  portraits,  l'ont  appelé  trop  prétentieusement  le 
Rembrandt  anglais.  Mais,  outre  qu'il  est  bien  au-dessous  de 
Van  Ryn,  il  n'a  point  son  extrême  sobriété  de  colorations, 
et  quoiqu'on  l'ait  écrit,  il  ne  rechercha  point  non  plus  la 
couleur  des  Vénitiens  qu'il  ne  goûtait  guère.  Dans  ses  Dis- 
cours sur  la  peinture  dont  il  fit  la  lecture  à  l'Académie,  il  y 
professe  que  l'on  doit  concentrer  l'effet  sur  l'objet  principal 
du  tableau,  et  au  besoin,  négliger  les  accessoires.  La  plupart 
des  peintres  anglais  modernes  sont  arrivés,  en  adoptant  ce 
système,  à  produire  des  effets  n'ayant  rien  de  la  nature  et 
sentant  la  manière. 

Reynolds  s'est  efforcé  de  mettre  en  faveur  la  grande  pein- 
ture historique  pour  laquelle  ses  compatriotes  ont  toujours 
montré  peu  de  goût.  Il  louait  sans  cesse  Raphaël,  Michel- 


—  76  — 

Ange,  Tilieil  aussi,  qu'il  préférait  à  Véronèse,  et  malgré  cela 
Ton  peut  dire  que  ses  Discours  ont  propagé  bien  des  idées 
fausses  et  qui  égarent,  encore  aujourd'hui,  les  peintres  de 
son  t>ays. 

Ce  fut  seulement  après  la  mort  de  Ramsay,  en  1784,  qu'on 
le  nomma  peintre  ordinaire  du  roi.  Lorsqu'il  cessa  de  vivre, 
le  23  février  1792,  il  était  devenu  presque  aveugle.  Le  musée 
du  Louvre  ne  possède  aucune  peinture  de  Reynolds. 

Il  est  regrettable  que  l'on  n'ait  rien  de  lui  dans  le  legs  Gi- 
goux.  Une  Tète  de  jeune  Fille  qui  lui  était  attribuée  et  que  la 
Revue  Franc-Comtoise  publiée  à  Dole  mentionnait  en  1887 
dans  cette  collection  (à  moins  pourtant  que  ce  ne  soit  une 
erreur  d'attribution),  a  peut-être  été  vendue  pendant  la  vie 
de  son  possesseur. 

Pour  connaître  les  conditions  du  développement  de  l'art 
chez  les  artistes  de  la  Grande-Bretagne,  il  importe  de  savoir 
ce  qu'est  l'Académie  Royale  dont  Josuah  Reynolds  fut  le 
premier  président. 

Fondée  en  1768,  elle  résida  premièrement  à  saint-Martins 
Lane;  Georges  III  la  transféra  à  Somerset  House,  qu'elle 
quitta  pour  Trafiilgar-Scjuare,  et  elle  occupe  actuellement 
un  palais  somptueux,  sa  propriété,  qu'elle  a  fait  construire 
à  Piccadilly  pendant  les  années  1808  et  1869. 

On  ne  peut  pas  dire  que  celte  institution  appartienne  à 
TEhiL  En  elTet,  quoi(|u'elle  soit  installée  dans  un  monument 
pu)4ic,  et  que  son  président,  soit,  par  le  fait,  Directeur  de 
ht  XttHonal  Gallevy  et  du  British- Muséum,  quoique  pres- 
que tous  ses  membres  soient  payés  par  la  nation,  et  ses 
('lusses  par  les  contribuables,  elle  est  indépendante  et  se 
gijLïverne  elle-même.  Le  meilleur  de  son  budget  vient  d'une 
exiiosition  annuelle  d'artistes  vivants  dont  le  droit  d'entrée 
est  iTun  shilling.  On  peut  faire  partie  de  cette  Académie 
moUié  publicjue  moitié  privée  à  trois  titres  d'fférents;  comme 
élève,  comme  associé,  ou  comme  académicien.  Il  y  a  quarante 
acîidémiciens.  que  l'élection  renouvelle,  vingt  associés  choi- 


—  77  — 

sis  et  nommés  par  les  artistes  qui  ont  exposé  les  ouvrages 
jugés  les  meilleurs,  et  les  élèves  doivent  produire  un 
ouvrage  qui  soit  admis  par  neuf  membres  y  compris  le  pré- 
sident d'un  conseil  agissant  comme  pouvoir  exécutif  de  la 
Société.  Si  ce  spécimen  de  leurs  aptitudes  est  trouvé  suffi- 
sant on  les  admet  pour  trois  mois,  et  si  pendant  ce  temps 
les  professeurs  constatent  leurs  progrès  sur  le  vu  de  nou- 
veaux ouvrages,  ils  sont  définitivement  acceptés  pour  élèves 
avec  tous  les  droits  que  confère  ce  titre.  Ces  droits  sont  : 
instruction  gratuite  dans  les  différents  arts,  accès  aux  cours 
publics  et  usage  de  la  bibliothèque  de  l'Académie.  Tous  les 
trois  ans  TAcadémie  envoie  à  Rome  avec  une  pension  de 
cent  livres  sterling  un  élève  de  son  choix  et  lui  paie  ses  frais 
de  voyage. 

Quoique  renseignement  soit  donné  à  TAcadémie  Royale  par 
des  hommes  fort  compétents,  il  n'est  point  sûr  qu'il  suffise 
pour  former  des  artistes  de  premier  ordre.  Il  n'y  a  pas  à 
Londres,  comme  chez  nous,  des  ateliers  particuliers  dirigés 
par  des  maîtres  qui  se  font  un  point  d'amour- propre  du 
succès  de  leurs  élèves  et  s'efforcent  pour  les  faire  réussir. 
Quant  aux  autres  écoles  de  dessin,  elles  sont  publiques, 
comme  celle  de  l'Académie,  mais  ne  l'égalent  point.  Nombre 
de  peintres  anglais  n'ont  suivi  ni  les  unes  ni  les  autres,  ils 
se  sont  formés  au  hasard  par  les  cours  de  n'importe  quel  pro- 
fesseur, de  sorte  que,  faute  d'une  direction  sérieuse,  ils  de- 
meurent inférieurs  dans  le  dessin  et  cherchent  à  voiler  leur 
faiblesse  en  abusant  de  la  couleur  ;  toutefois,  si  les  médio- 
crités y  sont  plus  choquantes  qu'ailleurs,  cette  absence  de 
technique  â  pour  résultat,  chez  ceux  qui  arrivent  à  se  dis- 
tinguer, une  originalité  toute  personnelle  et  fantaisiste  qui 
caractérise  leurs  productions. 

Il  est  regrettable  que  nous  ne  trouvions  parmi  les  tableaux 
du  legs  Gigoux  aucun  portrait  par  Gainsborough  qui  fut  con- 
sidéré comme  un  des  premiers  portraitistes  de  l'Angleterre, 
supérieur  même  à  Reynolds,  au  dire  de  certains  de  ses  ad- 


—  78  - 

mirateurs,  et  qui  excella  aussi  dans  le  paysage.  De  ce  der- 
nier genre  nous  remarquons  un  petit  tableau  où  se  trouvent 
un  arbre  à  droite  et  des  bestiaux  dans  une  prairie,  sous  un 
effet  de  soleil  couchant.  Cette  peinture  d'un  bon  sentiment 
de  couleur  est  pourtant  insuffisante  pour  nous  révéler  toutes 
les  qualités  qui  distinguent  le  maître. 

Gainsborough  fut  supérieur  à  Reynolds  d'autant  qu'en  foit 
d'art  le  sentiment,  l'inspiration  du  tempérament  l'emportent 
sur  le  savoir.  Là  où  Reynolds  raisonne  pour  arriver  à  la  cou- 
leur, Gainsborough  s'y  trouve  entraîné  par  son  intuition  de- 
vant la  nature.  Elle  lui  fait  trouver  des  finesses  de  ton,  des 
valeurs  délicatement  nuancées  et  des  touches  expressives. 
L'harmonie  de  sa  couleur  arrête  l'attention.  Ses  portraits 
sont  distingués  comme  s'ils  étaient  l'œuvre  d'un  émule  de 
Van  Dyck,  dont  il  eut  à  tort  la  vanité  de  se  croire  l'égal.  La 
peinture  de  Gainsborough  est  facile,  elle  donne  tout  son  effet 
sans  le  secours  des  sacrifices  et  des  supercheries  employées 
par  Reynolds,  et  l'expression  de  ses  figures  n'a  point  la  ymI- 
garité  de  celles  d'Hogarth. 

Reynolds  ayant  dit,  dans  un  de  ses  discours  à  l'Académie, 
qu'il  ne  fallait  pas  que  le  bleu  soit  la  couleur  dominante  d'un 
tableau,  et  qu'on  devait  toujours  placer  au  centre  les  tons  les 
plus  vigoureux,  Gainsborough  fit,  en  manière  de  réponse, 
son  portrait  de  Master  Buttai,  un  jeune  garçon  de  quinze 
ans  vêtu  entièrement  de  satin  bleu  d'une  même  teinte,  et 
que  l'on  connaît  sous  le  nom  de  Dlue  Boy  (^).  Ce  portrait, 
son  chef-d'œuvre,  donne  un  éclatant  démenti  à  l'assertion  de 
Reynolds  en  montrant  que  l'agréable  harmonie  d'un  tableau 
résulte  de  la  juste  valeur  des  tons  et  non  point  de  leurs 
teintes.  Un  autre  de  ses  meilleurs  portraits  est  celui  d'une 
actrice,  mistress  Siddons,  en  costume  de  ville,  que  Reynolds 
avait  représentée  vêtue  en   tragédienne,  et  aussi  ceux  de 


(1)  Des  gravures  de  Blue-Boy  et  de  Mistress  Graham,  par  M.  L.  Fla- 
meng,  se  trouvent  dans  la  Gazette  des  Beatix-Arts. 


—  79  - 

mistress  Graham,  celui  de  Georgiana  Spencer,  duchesse  de 
Devonshire,  des  mistress  Sheridan  et  Tickell,  groupées  dans 
le  même  cadre,  de  William  Hallett  et  de  sa  femme  se  pro- 
menant dans  leur  jardin,  etc.,  toutes  œuvres  où  l'on  remar- 
que de  la  grâce,  de  la  distinction,  et  du  brio  dans  l'exécution. 
En  effet  on  peut  signaler,  contrastant  avec  Hogarth,  comme 
un  progrès  dans  le  sentiment  de  la  beauté,  la  venue  de  Rey- 
nolds et  de  Gainsborough.  Tous  deux  s'inspirèrent  plus  de  la 
réalité.  Le  premier  en  exprimant  mieux  que  ses  prédéces- 
seurs l'âme  des  modèles  qui  posèrent  pour  ses  portraits,  et 
le  second  en  se  laissant  aller  sincèrement,  en  toute  naïveté, 
à  son  grand  amour  de  la  nature.  On  peut  dire  que  si  Rey- 
nolds peint  surtout  avec  son  savoir,  Gainsborough,  au  con- 
traire, n'est  guidé  que  par  sa  puissante  inspiration.  Quoique 
l'on  ait  affirmé  qu'il  faisait  ses  paysages  pour  son  plaisir,  et 
ses  portraits  pour  de  l'argent,  ses  portraits  ne  sont  point  in- 
férieurs à  ses  paysages,  et  dans  chacun  de  ces  genres  il  s'est 
montré  plein  de  verve.  Son  caractère  était  en  parfait  con- 
traste avec  celui  de  Reynolds  qui  recherchait  la  société  des 
hommes  politiques,  des  lettrés  et  des  grands,  car  il  aimait  à 
fréquenter  les  acteurs  et  les  jolies  femmes.  On  le  trouvait 
sans  cesse  dans  la  campagne,  au  milieu  des  bois,  des  plaines 
de  bruyères  ou  dans  les  tavernes  où  il  aimait  à  faire  ses  re- 
pas en  compagnie  de  bons  vivants,  et  presque  jamais  à  l'A- 
cadémie. Aussi  trouvait-il  les  sujets  de  ses  tableaux  parmi  les 
paysans  et  les  gens  du  peuple.  La  Fille  aux  cochons  et  la 
Fille  à  la  cruche,  que  Reynolds  paya  cent  guinées  au  lieu 
des  soixante  demandées  par  l'auteur,  sont  deux  de  ses  chefs- 
d'œuvre.  Et  pourtant,  du  vivant  de  Gainsborough,  ces  ou- 
vrages se  vendaient  peu  et  à  bas  prix.  Ce  n'est  qu'après  sa 
mort  qu'ils  furent  payés  au  poids  de  l'or. 

De  nos  jours  encore  cette  vogue  s'est  si  bien  maintenue 
chez  les  Anglais  qu'elle  donna  heu,  en  1891,  à  l'histoire  sin- 
gulière du  portrait  de  la  duchesse  de  Devonshire.  Ce  por- 
trait, dit-on,  aurait  été  volé,  il  y  a  de  cela  vingt-six  ans  à 


—  80- 

MM.  Agnew,  marchands  de  tableaux  de  Bond  Street,  qui 
l'avaient  acheté,  en  1876,  dans  une  vente  publique,  pour 
262.500  francs,  prix  qui  dépasse  tout  ce  qu'on  avait  jamais 
payé  pour  aucun  tableau  de  ce  genre. 

Il  a  couru  nombre  de  légendes  sur  la  façon  dont 
MM.  Agnew,  persistant  à  garder  le  secret,  sont  enfin  rede- 
venus propriétaires  de  ce  portrait.  Ils  l'ont  réinstallé  dans 
leur  galerie,  et  après  l'aventure  de  la  disparition,  qui  pour- 
rait bien  n'être  qu'une  ingénieuse  réclame,  ils  disent  ne 
vouloir  le  céder  maintenant  que  pour  la  bagatelle  de 
265,000  francs. 

Thomas  Gainsborough  était  né  à  Sudbury  en  4727  et  il 
mourut  à  Londres  en  1788.  Notre  graveur  français  Gravelot 
aida  de  ses  conseils  cet  artiste  bizarre  qui,  devenu  un  pein- 
tre original,  eut  cependant  le  tort  de  se  croire  l'égal  de  Van 
Dyck. 

George  Homney  (t)  fît  concurrence  à  Gainsborough  et 
traita  aussi  l'histoire.  Peu  connu  chez  nous,  il  a  mérité 
d'occuper  un  des  premiers  rangs  parmi  les  artistes  anglais 
et  peignit  surtout  des  portraits  dont  il  fit  un  nombre  prodi- 
gieux. C'est  comme  délassement  qu'il  produisit  des  compo- 
sitions historiques  ou  de  genre. 

Voici  le  jugement  qu'en  a  porté  le  fameux  critique  Thoré. 

«  Romney  fut  un  maître  :  grand  coloriste,  élégant  dessi- 
nateur, excellent  dans  toutes  les  parties  de  l'exécution. 
L'abondance  de  ses  conceptions  était  inépuisable,  surtout 
dans  les  sujets  poétiques.  Qu'il  peignit  l'allégorie,  l'histoire, 
la  vie  familière,  il  a  toujours  une  qualité  bien  rare  :  le 
charme  (1).  » 

Cela  suffisait  pour  le  faire  haïr  de  Reynolds  alors  au  faîte 
de  sa  puissance,  et  c'est  pourquoi  Romney  ne  fut  point 
nommé  de  la  Royal  Academy. 

Il  faut  dire  aussi  qu'il  ne  s'astreignit  point,  pour  obéir  à  la 


(1)  i73M802. 


-  81  — 

pudibonderie  anglaise,  à  ne  pas  faire  poser  le  nu  par  le  mo- 
dèle vivant.  Il  avait,  d'ailleurs,  un  modèle  incomparable 
dans  sa  maîtresse,  la  trop  célèbre  Emma  Heath,  bâtarde  de 
Lord  Lyons,  devenue  plus  tard  la  femme  de  sir  William 
Hamilton,  ambassadeur  d'Angleterre,  Tamie  de  la  reine 
Caroline  de  Naples,  puis  la  maîtresse  de  Tamiral  Nelson,  et 
qui  mourut  enfin  dans  la  misère.  Elle  posa  aussi  pour  Rey- 
nolds et  pour  M»»«  Vigée-Lebrun.  Voici  ce  que  cette  artiste  en 
dit  dans  ses  Mémoires  :  «  Je  la  peignis  couchée  au  bord  de 
la  mer,  tenant  une  coupe  à  la  main.  Sa  belle  figure  était  fort 
animée,  elle  excellait  à  mimer  toutes  les  poses,  et  toutes  les 
passions  Elle  avait  une  quantité  de  beaux  cheveux  châtains 
qui  pouvaient  la  couvrir  entièrement,  et  en  bacchante,  ses 
cheveux  épars,  elle  était  admirable.  Aussi  Romney,  qui  la 
faisait  poser  de  toutes  les  façons,  dut-il,  sans  doute,  beau- 
coup de  sa  réputation  aux  charmes  de  ce  beau  modèle.  » 

Il  est  regrettable  que  le  musée  du  Louvre  ne  possède  rien 
de  Romney. 

Lorsque  le  quaker  Benjamin  West,  né  en  1738  à  Spring- 
field  en  Pensylvanie,  et  mort  à  Londres  en  1820,  arriva  en 
Angleterre,  les  peintres  de  ce  pays  étaient  presque  tous  des 
excentriques.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  Thoré,  sous  le  nom 
de  William  Biirger  : 

€  Ce  yankee  représenta  parmi  eux  un  certain  bon  sens,  le 
calme,  pendant  que  tous  les  autres,  sauf  Reynolds,  étaient 
plus  ou  moins  maniaques;  Gainsborough  lui-même  était 
assez  fantasque.  Il  y  en  avait  de  fous  aux  trois-quarts, 
comme  James  Barry  et  George  Morland ,  quelques-uns 
même  tout-à-fait  comme  William  Blake  le  visionnaire  ;  West 
était  un  contraste. 

»  A  cela,  peut-être,  il  dut  son  prodigieux  succès,  car  peu 
d'hommes  au  monde  ont  été  aussi  complètement  heureux 
^ïue  lui,  de  tous  les  côtés  :  ambition  et  gloire,  et  richesse,  et 
faveurs  et  titres,  l'estime  générale,  la  paix  domestique,  une 
bonne  femme  à  l'anglaise,  des  enfants  dociles,  une  bonne 


—  82  - 

santé,  bon  tempérament,  longue  existence  ;  tout  au  mieux 
possible.  Mais  de  génie  point,  pas  même  de  talent;  ni  inven- 
tion ni  inspiration,  ni  esprit,  ni  adresse,  ni  expression,  ni 
tournure,  ni  poésie  d'aucune  sorte,  ni  originalité,  ni  rien. 
Et  surtout,  pas  peintre.  >» 

Ce  jugement  est  peut-être  bien  sévère.  Le  tableau  que 
Ton  cite  entre  autres  comme  le  chef-d'œuvre  de  West,  La 
mort  du  Général  Wolf,  ne  manque  point  de  qualités  rela- 
tives, et  l'on  peut  dire  que  West  fut,  du  moins,  très  fécond, 
puisqu'il  a  produit  plus  de  cinq  cents  tableaux  où  quelque- 
fois il  fit  preuve  de  talent. 

On  compte  au  nombre  des  artistes  anglais  le  Suisse  Henry 
Fusely(t),  de  Zurich,  qui  fut  directeur  de  l'Académie  de  pein- 
ture. Quoique  bizarre  dans  ses  compositions  qui  tiennent  de 
l'hallucination,  il  ne  manquait  pas  de  talent.  Voici  ce  que  dit 
de  lui  le  critique  Allan  Cunningham  : 

a  Ce  n'était  pas  un  timide  aventurier  dans  les  régions  de 
l'art,  mais  un  homme  singulièrement  audacieux.  Il  ne  se 
plaisait  que  dans  les  sujets  grandioses,  sauvages,  merveil- 
leux. Les  humbles  réalités  de  la  vie,  il  les  considérait  comme 
indignes  de  son  pinceau,  et  il  ne  les  consacrait  qu'aux  drames 
terribles  où  l'imagination  peut  déployer  toute  son  énergie.  » 

«  Il  ne  sympathisait  qu'avec  les  demi-dieux  de  la  poésie, 
et  il  rôdait  à  travers  Homère  et  Dante,  Shakespeare  et  Mil- 
ton,  pour  y  trouver  de  nobles  inspirations.  Il  aimait  à  se  me- 
surer avec  ce  qu'il  croyait  trop  fort  pour  les  autres  hommes.  » 

Citons  parmi  ses  tableaux  :  Titania  et  Dottom^  sujet  tiré 
de  Shakespeare,  les  Sorcières  de  Macbeth,  le  Cauchemfir, 
etc. 

James  Barry,  peintre  irlandais,  mort  au  commencement 
du  XIX*  siècle,  avait  passé  cinq  ans  à  Rome  où  il  s'était  livré 
à  l'étude  des  meilleures  statues  antiques  d(mt  il  a  marqué  le 
souvenir  dans  ses  œuvres  où  il  s'efforce  d'avoir  le  style  clas- 

(1)  1711-1806. 


—  83  — 

sîque.  Il  s'en  trouve  de  remarquables,  mais  ne  justifiant 
point  ses  prétentions  excessives  qui  lui  firent  beaucoup 
d'ennemis  parmi  ses  confrères.  Sa  couleur  valait  mieux  que 
son  dessin.  Il  traita  les  sujets  mythologiques  et  Thistoire.  On 
cite  de  lui  :  Vénus  sortant  de  la  mer^  Mercure  inventant  la 
lyre,  etc. 

En  1877,  il  peignit,  pour  la  société  des  arts,  six  compositions 
d'une  grandeur  excessive,  42  pieds  de  longueur  sur  il  pieds 
6  pouces  de  hauteur,  placées  dans  la  grande  salle  des  Adel- 
phi.  Elles  ont  pour  sujets  :  l'»  Orphée  ;  2'  Cérès  et  Bacchus  ; 
3**  Les  Jeux  olympiques  ;  4*  La  Navigation  ou  le  Triomphe 
de  la  Tamise  ;b°  La  Distribution  des  Récompenses  à  la  So- 
ciété  des  Arts  ;  6"  L'Elysée  ou  la  Récompense  finale.  Ce 
travail  lui  prit  six  années  et  lui  fut  l'occasion  d'une  polémi- 
que très  acerbe  contre  ses  confrères  de  l'Académie  II  se  disait 
supérieur  aux  plus  grands  maîtres  italiens,  et  ses  compatriotes 
finirent  par  le  croire. 

James  Norlhcote  (1),  né  en  1746,  peignait  encore  en  1830. 
Il  fut  élève  de  Josuah  Reynolds,  et,  de  même  que  son  maître, 
produisit  de  nombreux  portraits,  mais  ses  compatriotes  le 
classent  surtout  parmi  les  peintres  d'histoire.  Son  tableau  de 
la  Mort  des  enfants  d'Edouard  qu'il  exposa  en  1 785  avec  sept 
autres  compositions  et  huit  portraits,  alors  qu'il  avait  39  ans, 
eut  un  immense  succès  et  consacra  sa  réputation.  En  1787 
il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  de  peinture  et  traita  dans 
son  morceau  de  réception  le  sujet  biblique  de  Jahèl  et  Si- 
cara.  Il  avait  aussi,  à  ses  débuts,  produit  des  tableaux  de 
genre  d'un  dessin  quelquefois  peu  correct,  comme  celui  qui 
est  intitulé  :  La  Charité, 

Robert  SmirkeW  fut  un  illustrateur  de  Shakespeare,  de 
Cervantes  et  de  nombreux  romans.  S'il  fut  peintre,  c'est 
qu'au  siècle  dernier  les   éditeurs  de   la  Grande-Bretagne 


(1)  1746-1831. 

(2)  1752-1845. 


—  84  — 

avaient  Thabilude  de  faire  graver  les  illustrations  d'après  des 
tableaux.  Aussi  la  peinture  de  Sinirke  est-elle  excessive- 
ment sobre  de  coloration,  presque  une  grisaille  ;  mais  il  re- 
chercha le  clair-obscur 

On  ne  doit  pas  s'étonner  si,  pour  suffire  à  tous  les  livres 
qu'on  lui  fit  illustrer,  sa  production  fut  très  considérable;  il 
en  devait  être  ainsi.  Voici  le  jugement  qu'en  a  porté  notre 
fameux  criti(|ue  Thoré. 

«  Pour  ce  qui  est  de  Smirke  et  de  ses  illustrations,  tout  ce 
qu'on  en  peut  dire,  c'est  qu'à  l'adresse  de  l'arrangement,  elles 
joignent  un  certain  esprit  dans  les  attitudes  et  les  physiono- 
mies, mais  qu'elles  ne  vont  jamais  au  fond  des  caractères. 

y>  S'il  fait  sourire  parfois,  comme  l'observe  Bryan,  il  ne  fait 
guère  penser.  Une  bonne  illustration  devrait  servir  à  pénétrer 
l'esprit  du  littérateur  que  l'artiste  entend  traduire  ;  au  con- 
traire, pour  bien  comprendre  Smirke,  il  faut  relire  ses  au- 
teurs, Shakespeare  ou  Cervantes  qui,  dans  leur  langue  écrite, 
sont  mille  fois  plus  expansifs  que  le  peintre,  dans  sa  langue 
classique.  » 

Smirke  a  quelquefois,  en  outre  de  ses  illustrations,  em- 
prunté des  sujets  à  la  Bible  ou  h  la  Mythologie  et  a  fait  aussi 
des  tableaux  de  genre  d'une  intention  froidement  comique, 
comme  celui  si  connu  sous  le  titre  de  :  Le  portrait  flatté. 

Il  fut  nommé  de  l'Académie  Royale  de  peinture  en  1793  et 
mourut  à  94  ans  en  1845.  L'un  de  ses  fils,  qui  porta  aussi  le 
prénom  de  Robert,  fut  l'architecte  du  British-Museum,  mais 
ne  fut  point  peintre. 

Sir  George  Howland  Beaumont  naquit  à  Dunmow,  comté 
d'Essex.  en  1753,  et  succéda,  en  1762,  au  titre  de  baronnet 
héréditaire  dans  sa  famille.  Ayant  fait  en  1782,  avec  lady 
Beaumont,  un  voyage  en  Italie,  il  s'adonna  tout  entier  à  son 
goût  pour  les  beaux-arts  et  devint  peintre  de  paysages.  Il 
avait  précédemment  reçu  des  leçons  de  Richard  Wilson.  Il 
fut  élu  membre  du  parlement  en  1790  et  y  représenta  Bee- 
ralston.   Il  mourut  le  7  février  1823,  après  avoir  toujours 


—  85  — 

aimé  et  protégé  les  artistes  et  en  léguant  à  la  National 
Gallery  sa  riche  collection  de  tableaux. 

Sir  William  Beechey  lut  portraitiste.  Il  naquit  le  !•' dé- 
cembre 1793  à  Burford,  dans  le  Comté  d*Oxford,  et  mourut 
à  Hampstead  en  1839.  L'académie  Royale  se  Tassocia  en 
1793,  il  devint  académicien  titulaire  en  1798,  et  reçut  le 
titre  de  chevalier  après  avoir  terminé  le  portrait  équestre  de 
Georges  III  passant  une  revue  en  compagnie  du  prince  de 
Galles,  du  duc  d'York,  de  sir  W.  Faucett  et  Goldsworthy. 
Reynolds,  avant  lui,  avait  reçu  ce  titre  qui  fut  refusé  par 
Benjamin  West. 

Beechey  fut  extrêmement  fécond.  On  rapporte  q\ïï\ 
exposa,  en  64  ans  de  sa  longue  vie,  trois  cent  soixante- 
deux  portraits.  Il  s'en  faut,  toutefois,  qu'il  puisse  être  mis 
sur  le  même  rang  que  Gainsborough  ou  Lawrence.  C'est  un 
portraitiste  de  second  ordre. 

Son  fils  George  D.  Beechey  fut  peintre  médiocre  et 
exposa  aux  salons  de  Londres  de  1817  à  1828.  On  croit  qu'il 
mourut,  pendant  la  révolte  de  l'Inde  en  1877.  à  la  cour  du 
roi  d'Oude  dont  il  était  le  peintre  attitré. 

Le  musée  du  Louvre  possède  de  W.  Beechey  le  père, 
sous  le  no  ISCM,  deux  portraits  réunis  intitulés  Frère  et  sœur^ 
don  du  journal  l'Art  en  188J,  provenant  de  la  vente  Wilson 
Citons  pour  mémoire  Thomas  Stothard  W  qui  ne  peut  être 
compté  au  nombre  des  bons  peintres  de  genre  du 
xviii*  siècle,  mais  dont  on  a  beaucoup  parlé  à  propos  d'un 
très  petit  tableau  dont  le  sujet  :  Pèlerinage  à  Canterbury^ 
était  inspiré  par  un  poème  de  Ghaucer.  On  s'en  occupa  d'au- 
tant plus  que  William  Blacke  l'accusait  d'avoir  pillé  sa  com- 
position originale.  On  n'a  jamais  pu  dire  si  c'était  à  tort  ou  à 
raison. 

c  C'est  assez  original,  en  effet,  duns  la  gravure.  Les  per- 
sonnages ont  de  la  naïveté  et  un  certain  caractère.  Ils  s'en 

(I)  T.  Stolhart,  1735-1834. 


—  86  - 

vont  péleiiiicr  comme  une  file  d*oies  qui  va  aux  champs. 
C'est  tranquille  et  humoristique  à  la  fois,  assez  intime  et 
très  amusant  à  voir  dans  la  gravure.  On  croirait  y  deviner 
un  peintre  comme  Wilkie,  même  avec  plus  de  style. 

»  Hélas  1  dans  la  peinture  il  n'y  a  rien;  une  petite  image 
débile  et  incorrecte,  au  lieu  de  Timage  énergique  et  subs- 
tantielle de  Chaucer  le  vaillant  poète  ;  une  vignette  comme 
en  faisait  le  gracieux  Johannot. 

»  Car  Stothard  n'est  qu'un  délicat  et  spirituel  illustrateur  de 
livres,  une  espèce  d'ornemaniste  pour  les  éditions  de  luxe, 
les  keepsakes  et  les  magazine^;.  » 

Et  nous  pensons  môme  que  le  comparer  à  Tony  Johannot 
qui  avait  beacoup  de  talent,  c'est  lui  faire  trop  d'honneur. 

Rœburn  (sir  Henry),  né  à  Strockbridge  près  Edimbourg 
(1756-182;^),  peignit  le  portrait. 

On  voit  de  lui  au  musée  du  Louvre,  catalogué  sous  le 
n°  4817,  Le  Portrait  d'un  Invalide  de  la  marine  à  Green- 
wich,  —  en  ovale,  —  acheté  2,400  fr.  par  l'Etat  en  1886  à  la 
vente  Laurent  Richard, 

Ce  portrait  est  traité  magistralement  avec  une  hardiesse 
de  touche,  un  modèle  fin  et  puissant,  un  sentiment  de  réalité 
bien  interprétée  qui  en  font  un  vrai  chef-d'œuvre.  Il  ne  per- 
drait rien,  a-t-on  dit,  à  côlé  d'une  œuvre  de  Chardin. 

Et  pourtant,  ce  peintre  n'est  point  apprécié  à  sa  valeur 
par  les  Anglais  qui,  tout  en  l'estimant,  lui  dénient  toutes 
qualités  d'art. 

D'abord  apprenti  orfèvre  à  Edimbourg,  Rieburn  sentit 
bientôt  se  révéler  sa  vocation  pour  la  peinture  en  s'essayant 
à  faire  quelques  miniatures.  David  Martin,  portraitiste,  vit 
ces  essais  et  lui  donna  des  leçons  en  lui  faisant  copier  ses 
ouvrages.  Raeburn  avait  alors  19  ans.  Bientôt  il  eut  quelques 
succès,  et  se  maria  h  22  ans  avec  une  jeune  personne  ayant 
une  médiocre  fortune.  Reynolds  vit  quelques-unes  de  ses 
œuvres,  l'encouragea,  lui  donna  des  conseils  et  le  recom- 
uiaiida  à  ses  connaissances.  11  alla  passer  deux  ans  en  Italie 


—  87  — 

et  revint  à  Edimbourg  en  1787.  Nommé  président  de  la 
Société  des  artistes  écossais,  il  fut  élu  par  les  peintres  de 
l'Académie  Royale,  d'abord  associé  en  1813,  puis  académie 
cien  en  1814.  Lorsque  George  IV  passa  à  Edimbourg,  il  lui 
donna  le  titre  de  chevalier  en  1822,  et  Tannée  suivante  celui 
de  peintre  du  roi  pour  TEcosse.  Il  mourut  dans  sa  maison  de 
campagne  près  d'Edimbourg,  après  avoir  perdu  une  partie 
de  sa  fortune. 

li  faut  citer  dans  un  genre  qui  étonne  par  le  grandiose  des 
édifices  et  des  effets  de  lumière,  Blake ,  qui  fut  peintre  et 
poète.  Toutefois,  il  fut  très  médiocre  dessinateur. 

William  Blake  (1757-1827),  que  iM.  Ernest  Chesneau  ap- 
pelle un  génie  trop  plastique  pour  la  plume  et  trop  mystique 
pour  le  pinceau,  fui  un  peintre  visionnaire  enfanté  par  le 
mouvement  teutonique  qu  occasionnait  la  peur  des  victoires 
de  Napoléon.  Il  mêla  le  mysticisme  du  Nord  Scandinave  et 
germanique  à  l'inspiration  de  la  poésie  anglaise  d'où  sor- 
tirent le.s  œuvres  de  Wordsworth  et  celles  de  Shelley  et  de 
Coleridge.  Il  illustra  de  gravures  à  la  pointe  sèche  des 
poèmes  inintelligibles. 

John  Hoppner  fut  un  médiocre  portraitiste,  et  pourtant 
un  de  ses  ouvrages,  le  Portrait  de  ludy  Louiaa  Manners^ 
depuis  comtesse  Dysart,  en  costume  de  paysanne,  dans  un 
fond  de  paysage,  a  été,  en  octobre  1901,  adjugé  pour  la 
somme  de  14,050  guinées,  et  quelques  jours  après,  une  re- 
production de  ce  portrait,  gravé  par  Charles  Turner,  se  ven- 
dait 200  livres.  On  est  surpris  de  voir  estimer  si  haut  l'œuvre 
d'un  peintre  d'un  mérite  si  secondaire.  Un  portrait  de 
Mrs  Farthing,  par  le  môme,  a  atteint  8,000  guinées. 

Jules-César  Ibbertson  traita  également  la  figure  et  le  pay- 
sage. On  raconte  que  son  nom  de  César  lui  fut  donné  parce 
qu'il  vint  au  monde  à  la  suite  d'une  opération  appelée  césa- 
rienne, le  20  décembre  1759.  D'abord  acteur,  puis  peintre, 
ses  tableaux  représentent  des  vues  prises  aux  faubourgs  de 
Londres,  puis  des  plages,  des  paysages  avec  ligures.  Ayant 


—  88  - 

perdu  sa  femme  et  huit  enfants,  il  devint  Tami  du  peintre 
George  Morland  et  partagea  ses  dérèglements.  Il  se  maria 
de  nouveau  en  18QI  et  mourut  en  1817.  Il  fut  aussi  aquarel- 
liste de  talent  et  publia  en  1803  un  traité  de  peinture  illustré 
par  lui. 

Citons  de  lui,  Fraudeurs  sur  la  côte  d'Irlande.  Il  est  né  à 
Masliam  (Yorkshire),  en  1759,  et  mourut  à  Londres  en  1817. 
C'est  un  artiste  au  faire  bien  personnel 

John  Opie(l),  auquel  on  rend  une  justice  tardive,  a  traité 
rhistoire,  la  mythologie  ou  les  tableaux  religieux,  mais  sur- 
tout le  portrait  mieux  que  ces  différents  genres.  Sa  princi- 
pale qualité  fut  d'être  original  Sans  que  Ton  puisse  dire  qu'il 
ait  jamais  fait  un  chef-d'œuvre,  on  ne  peut  pourtant  lui  con- 
tester d'avoir  eu  beaucoup  de  talent. 

Benjamin  West,  son  rival,  a  dit  de  lui  :  «  Il  peignait  en 
maître  ce  qu'il  voyait  ;  nul  peintre  ne  sut  jamais  mieux 
rendre  la  perspective  aérienne  pour  placer  les  objets  à  leurs 
places.  La  couleur  locale  dans  ses  tons  variés  fut  toujours 
bien  observée  par  lui.  Beaucoup  de  peintres  donnent  aux  ob- 
jets deux  couleurs  différentes,  Tune  dans  la  lumière  et  l'autre 
dans  Tombre.  Opie  ne  le  fit  jamais.  Pour  lui,  aucune  cou- 
leur, blanche  ou  noire,  primitive  ou  mixte,  ne  perd  jamais 
sa  teinte  relative    » 

Cet  éloge  gagnerait  à  n'être  pas  fait  par  Benjamin  West, 
qui  ne  fut  jamais  coloriste. 

II  est  vrai  toutefois  qu'Opie  l'emporte  comme  exécution 
sur  West,  sur  Fuzely  et  James  Barry,  qui  durent  beaucoup 
de  leur  réputation  à  une  vogue  momentanée  en  Angleterre 
pour  la  peinture  d'histoire. 

On  cite  d'Opie  :  la  Mort  de  Rizio,  V Assassinat  de  Jac- 
ques /  •*  d'Ecosse,  une  Scène  d'évocation,  etc.  Le  musée  du 
Louvre  a  de  lui  un  Portrait  de  femme  en  blanc,  catalogué 
sous  le  n<*  1816,  vendu  en  1789  à  la  vente  Wilson  et  donné 


(1)  John  Opie,  1761-1807. 


à 


par  le  journal  VArt  en  1881.  C'est  une  peinture  large  et  so- 
lide, fort  bien  appropriée  au  genre  de  beauté  vigoureuse  et 
fraîche  de  la  robuste  anglo-saxonne  dont  elle  reproduit  les 
traits. 

Georges  Morland(^),  malgré  sa  vie  déséquilibrée  passée 
dans  l'ivrognerie,  les  extra vaganœs  qui  le  firent  emprisonner 
pour  dettes  en  1824,  et  quoiqu'il  soit  mort  à  l'âge  de  qua- 
rante ans,  emporté  par  le  delirium  tremens,  a  laissé  plus  de 
quatre  mille  tableaux  signés  de  lui. 

Nous  disons  seulement  signés,  car  il  se  contentait  fort 
souvent  d'apposer  son  nom  au  bas  des  ouvrages  de  soi-di- 
sant collaborateurs,  travaillant  dans  sa  manière,  fort  recher- 
chée par  certains  amateurs,  qui  trouvaient  du  charme  à  cette 
peinture  peu  faite,  assez  semblable  à  une  esquisse  où  do- 
mine le  sentiment  de  l'improvisation. 

L'Association  des  marchands  de  tableaux  de  Londres  ex- 
ploitait le  talent  de  ce  malheureux  qui,  poursuivi  par  ses 
créanciers,  ne  cessait  de  produire  ou  de  laisser  produire 
des  tableaux  qu'on  vendait  comme  siens. 

Il  est  remarquable,  toutefois,  qu'il  avait  beaucoup  de  ta- 
lent ;  voici  comment  l'apprécie  William  Bùrger  :  c  Morland 
aimait  assez  les  animaux  pour  les  représenter  très  bien  dans 
leur  caractère.  Aussi  faisait-il  à  merveille  les  ânes,  les  co- 
chons, les  chiens  et  les  chevaux.  Ses  gros  chevaux  de  ferme 
ont  certaines  analogies  avec  ceux  de  Géricault  :  sincérité  de 
la  tournure,  ampleur  de  l'exécution.  Dans  la  peinture  des 
animaux  comme  dans  celle  du  paysage,  des  intérieurs  fami- 
liers, des  scènes  rustiques  ou  des  scènes  de  pécheurs,  il 
n'a  jamais  été  plus  loin  que  le  premier  ;  et  il  était  toujours 
trop  pressé  par  l'argent  ;  il  a  peint  presque  toutes  ses 
œuvres  «  entre  deux  vins  ». 

On  peut  avoir  une  idée  du  talent  naïf  et  sincère  de  Mor- 
'land  par  le  tableau  de  South- Kensington,  représentant  Le 

(1)  1763-1804. 


—  90  — 

paiement  de  Vauherge  et  par  La  Halte^  qui  lui  est  attribuée, 
au  musée  du  Louvre,  n°  1814  du  catalogue.  Ce  dernier  ta- 
bleau a  été  acheté  8,720  francs  en  1881  à  la  vente  de  John 
Wilson. 

Nous  devons  citer  comme  peintre  de  portraits  assez  re  - 
marquable  Richard  Westall  (l),  reçu  de  l'Académie  royale  en 
1794,  et  qui  fit  en  1830  le  portrait  de  la  princesse  royale 
Victoria,  depuis  reine  d'Angleterre  et  impératrice  des  Indes. 

John  Grome,  dit  Old  Crome  pour  le  distinguer  de  son  fils 
aîné,  John  Bernay  Crome,  naquit  à  Norwich,  le  21  décem- 
bre 1769  et  mourutle  2  avril  1824.  Fils  d'un  ouvrier  tisserand, 
il  fut  d'abord  domestique  chez  un  docteur-médecin,  puis 
entra  chez  un  peintre  d'enseignes,-  et  se  forma  seul  en  étu- 
diant d'après  nature  et  d'après  une  collection  de  tableaux 
des  maîtres  hollandais.  Il  fonda  en  1805  la  société  des  artistes 
de  Norwich,  et  de  1807  à  1818  n'exposa  à  l'Académie  qu'à 
peu  près  une  douzaine  de  tableaux.  Sa  peinture  se  distingue 
par  une  étude  sincère  et  naïve  de  la  nature.  Ses  ciels  sont 
légers  et  vaporeux  et  ses  premiers  plans  corsés  et  bien  étu- 
diés. Dessinant  mieux  que  Gainsborough  et  plus  vigoureux 
que  Morland,  il  sait  faire  partager  son  impression  au  specta- 
teur. On  cite  de  lui  son  tableau  :  le  Vieux  Chêne,  et  les 
Bruyères  de  Mouse-Hold  qui  passent  pour  ses  chefs-d'œuvre. 

Nous  arrivons  à  Thomas  Lawrence  :  Le  portrait  du  duc  Ri- 
chelieu dans  la  collection  Gigoux  est  un  morceau  qui,  eu 
égard  au  petit  nombre  de  peintures  anglaises  léguées  par  ce 
maître,  est  bien  remarquable.  C'est  ce  même  Richelieu  dont 
Teffigie  par  Reynolds  figurait  en  1884 à  Paris  dans  l'Exposition 
des  portraits  du  siècle.  On  en  connaît  encore  d'autres,  mais 
au  dire  de  critiques  compétents,  ce  portrait-ci  serait  le  meil- 
leur. En  effet,  ce  personnage  aux  cheveux  grisonnants  et 
frisés,  a  bien  la  tournure  aristocratique,  l'expression  de 
rhomme  du  grand  monde  et  du  diplomate.  Il  porte  la  cra- 

(1)  1705-1836. 


->  91  — 

vale  blanche  et  la  plaque  de  Tordre  du  Saint-Esprit  orne  son 
habit,  dont  la  coupe,  à  la  mode  du  temps,  lui  fait  des  épaules 
tombantes  et  agrandit  son  cou  hors  de  proportion.  On  peut 
signaler  dans  cette  peinture  la  recherche  d'une  touche  facile, 
mais  des  carnations  fleuries  peu  naturelles. 

Un  second  portrait  représente  la  duchesse  de  Sussex  en 
robe  de  satin  blanc.  Cette  jeune  femme  a  les  cheveux  d'un 
blond  roux  et  des  yeux  d'azur.  Près  d'elle  est  placé  un  bichon 
blanc  sur  un  coussin  dont  la  soie  de  couleur  rose  a  des  rap- 
pels au  rideau  rouge  du  fond.  Cette  figure  ne  manque  pas 
d'un  certain  attrait,  mais  il  ne  faut  pas  songer,  en  la  voyant, 
aux  grands  portraitistes  flamands  ou  italiens,  qui  laisseraient 
Lawrence  au  rang  bien  secondaire  que  mérite  sa  poésie  d'al- 
bum ou  de  keepsake. 

La  réputation  de  Thomas  Lawrence,  chez  lui  comme  chez 
nous,  a  été  surfaite  parce  que  nous  écoutons  volontiers  les 
dames  qui  raffolent  des  tons  frais  et  roses,  des  couleurs 
fades,  et  de  tout  ce  qui  est  maniéré.  Lawrence  fut  surtout 
un  peintre  de  dames  et  la  mode  eut  beaucoup  de  part  à  l'en- 
gouement dont  on  se  prit  pour  lui.  Un  célèbre  critique  d'art 
a  dit  qu'il  eut  a  le  génie  de  la  grâce  et  du  chiffon,  et  que  ce 
fut  un  Reynolds  aminci.  »  Quoique  inférieur  à  ce  dernier,  il 
eut  pourtant  la  réputation  du  plus  grand  des  portraitistes  an- 
glais. 

Sa  peinture,  pleine  d'artifice,  e.^camote  ses  faiblesses  et  si- 
mule de  précieuses  qualités.  Sans  être  bien  dessinées,  ses 
figures  ont  de  la  vie  et  ne  manquent  pas  d'éclat  quoiqu'il  ne 
soit  pas  coloriste.  Il  semble  avoir  pour  idéal  l'aspect  des 
figures  de  cire,  et  les  femmes  en  sont  ravies. 

Il  suffirait  de  placer  ses  portraits  à  côté  de  ceux  de  Van 
Dyck  ou  du  'litien  dans  une  des  salles  du  musée  du  Louvre 
pour  voir,  par  comparaison,  combien  est  fausse  cette  pein- 
ture du  maître  anglais  qui  ne  semble  être  vraie  que  quand  il 
s'agit  de  portraits  d'enfants. 

Cet  habile  peintre,  fils  d'un  aubergiste,  naquit  à  Bristol  en 


—  92  — 

1769  et  mourut  en  4830.  On  dit  que,  dès  l'âge  de  six  ans,  il 
montra  la  meilleure  aptitude  pour  les  beaux-arts  et  qu'il  se 
forma  sans  maîtres.  Il  fut  nommé  peintre  du  roi  Georges  III 
en  1792,  et  après  la  mort  de  West,  en  1820,  président  de 
l'Académie  royale.  La  plupart  des  princes  et  des  célébrités  de 
l'Europe  recherchèient  ses  portraits  où,  disait-on,  il  avait 
l'art  d'embellir.  Il  fut  académicien  en  1794,  anobli  en  1815, 
Il  fit  le  portrait  de  Charles  X  et  du  Dauphin  de  France.  Le 
musée  du  Louvre  a  de  lui  le  Portrait  de  lord  Whitworthy 
acquis  en  1887  pour  9,360  francs. 

Il  est  heureux  aussi  que  ce  musée  ait  acquis  dernièrement 
l'intéressant  portrait  de  M.  et  Mme  Angerstein  par  le  même 
maître. 

Sir  Edwin  Landseer  est  l'ainé  et  le  plus  connu  de  deux 
frères  qui  ont  embrassé  la  carrière  des  arts,  et  leur  père  qui 
mourut  en  1852,  était  un  graveur  distingué. 

Ce  n'est  point  par  la  science  anatomique  qu'il  se  distingue, 
comme  la  plupart  des  animaliers,  c'est  surtout  par  l'expres- 
sion qu'il  donne  aux  bètes,  et  Théophile  Gautier,  dans  son 
compte  rendu  de  rex[.osition  de  1867  a  su  fort  bien  apprécier 
le  caractère  de  son  talent.  •  Il  est,  dit-il,  dans  la  confidence 
des  bêtes  :  le  chien  lui  donnant  une  poignée  de  patte,  comme 
à  un  camarade,  lui  récite  la  gazette  du  chenil  ;  le  mouton, 
faisant  cligner  son  œil  pâle,  lui  bêle  ses  chagrins  innocents  ; 
le  cerf,  qui  a  le  don  des  larmes  comme  une  femme,  vient 
pleurer  dans  son  sein  la  cruauté  de  l'homme,  et  l'artiste  les 
console  de  son  mieux,  car  il  les  aime  d'une  tendresse  pro- 
fonde, et  il  n'a  point  pour  leur  peine  le  dédaigneux  mépris 
du  sot.  » 

Il  faut,  en  définitive,  observer  que  Landseer  a  donné  aux 
bètes  des  sentiments  humains,  ce  qui  est  plus  ingénieux  que 
naturel. 

Le  paysage  que,  dans  la  collection  Gigoux,  on  attri- 
bue à  Turner  ne  nous  révèle  point  le  talent  de  ce  peintre, 
surnommé  pompeusement  par  ses  conipatriotes  :  Le  Messie 


de  la  peinture;  c'est  un  ouvrage  médiocre.  Loin  de  tendre 
aux  effets  de  lumière  que  recherche  habituellement  ce  pay- 
sagiste (qui  fut  aussi  un  célèbre  aquarelliste  mais  resta  infé- 
rieur lorsqu'il  voulut  aborder  la  peinture  d'histoire),  loin  de 
nous  donner  ses  contrastes  de  rayons  et  d'ombres  sa  cou- 
leur est  ici  uniformément  froide,  et  pourtant  cette  pâle  étude 
doit  avoir  été  peinte  en  Italie,  parce  que,  dans  les  fonds,  à 
droite,  on  voit  un  volcan  dont  la  fumée  s'élève  sur  un  ciel  sans 
nuages.  Ces  fonds  se  complètent  par  un  horizon  de  collines 
boisées.  Aux  premiers  plans  se  trouvent  deux  petites  figures. 

C'est  sans  doute  postérieurement  à  1819,  au  moment  où 
après  son  voyage  en  Italie  la  manière  de  cet  artiste  changea 
notablement,  qu'il  peignit  ce  morceau.  Dans  sa  première 
manière,  l'ombre  occupe  en  ses  tableaux  plus  de  place  que 
la  lumière  et  son  faire  est  vigoureux  et  ferme;  mais,  à  partir 
de  ce  moment,  il  recherche  le  plein  air  sans  contraste  et  ar- 
rive à  Teffet  par  la  variété  des  tons.  Enfin,  dans  ses  vingt 
dernières  années,  il  ne  délimite  plus  les  objets  que  par  des 
nuances  très  subtiles  de  colorations  et  de  lumière  dont  il 
compose  des  symphonies  comme  :  Les  Abords  de  Venise 
(1843)  et  Le  Convoi  de  chemin  de  fer  daixs  le  brouillard  {The 
great  Western  railvay). 

Le  goût  pour  les  eti'ets  de  lumière  sur  de  vastes  étendues 
lui  venait  des  éclaircies  du  ciel  changeant  de  son  pays  et  des 
brumes  lointaines  qui  estompent  fantastiquement  la  nature 
comme  dans  un  rêve  où  les  rayons,  les  ombres  et  les  reflets 
s'harmonisent  et  font  un  merveilleux  mirage,  par  exemple 
dans  ses  tableaux  :  La  grève  de  Hastings  et  Le  château  de 
Dunstanborough  où  le  soleil  se  lève  après  un  orage  nocturne. 

L'ailiste  dont  il  s'inspira  surtout  fut  Claude  Lorrain,  et  il 
s'en  inspira  à  un  tel  point  qu'il  imita  même  la  patine  que  le 
temps  assombrissant  les  ombres  et  jaunissant  les  lumières  a 
donnée  aux  tableaux  de  ce  maître. 

Pour  lutter  avec  cet  incomparable  Claude,  il  alla  jusqu'à 
léguer  à  la  National  Gallery  deux  de  ses  œuvres  les  plus  im- 


—  94  — 

portantes  :  La  fondation  de  Carthage  et  Le  Soleil  levant 
dans  les  brouillards^  en  mettant  pour  condition  qu'ils  se- 
raient exposés  entre  deux  tableaux  de  Claude,  et  cela  fut  exé- 
cuté conformément  à  sa  volonté  :  Ton  plaça,  en  effet,  dans  la 
salle  IX,  d'un  côté  le  Mariage  d'IsaaCy  et,  de  l'autre,  VEm^ 
barquement  de  la  reine  de  Saba, 

C'est  encore  pour  imiter  le  Lorrain  qu'il  publia,  pendant 
douze  ans,  une  collection  d'études  gravées  d'après  ses  ta- 
bleaux, appelée  par  lui  Liber  studiorum,  à  l'instar  du  Liber 
veritatis  (i).  Les  eaux  fortes  de  ce  livre,  qui  sont  de  sa  main 
et  qu'on  trouve  même  supérieures  à  ses  dessins  originaux, 
ont  été  mises  au  même  rang  que  celles  de  Rembrandt  par 
quelques  admirateurs  enthousiastes. 

Il  faut  bien  reconnaître  toutefois  que  son  culte  pour  Claude 
Lorrain  ne  l'empêcha  point  d'être  original.  II  se  laissait  em- 
porter par  son  imagination,  ne  s'astreignant  point  assez  à 
étudier  la  nature  et  brodant  des  variations  brillantes  où  Ton 
ne  pouvait  plus  reconnaître  le  motif  qui  les  avait  inspirées. 
Il  regarda  plus  en  lui-même  qu'au  dehors  et,  pour  toutdire, 
peignit  de  pratique  ce  qu'il  avait  rêvé  bien  mieux  que  ce  qu'il 
voyait,  se  condanmant  ainsi  à  l'infériorité  qui  ne  peut  man- 
quer d'atteindre  tout  artiste  oublieux  de  consulter  la  réalité. 
Ce  qu'il  rechercha  pour  plaire  au  faux  goût  de  ses  compa- 
triotes, fut  l'excentricité,  la  bizarrerie  qu'on  ne  doit  pas  con- 
fondre avec  l'originalité.  Un  critique  d'art  a  nommé  Turner 
le  Monticelli  de  l'Angleterre. 

Joseph  Mallard  William  Turner  était  né  à  Covent-Garden, 
dans  Maiden  Lane,  le  23  avril  1775.  Son  père,  un  coiffeur, 
ne  lui  fit  donner  qu'une  instruction  rudimentaire.  Ses  re- 
lations amicales  avec  Thomas  Girtin,  le  premier  aquarel- 
liste fameux  de  l'Angleterre,  et  les  copies  d'après  les 
maîtres  qu'il  eut  la  permission  de  faire  dans  la  collection 


(i)  Le  Liber  veritatis,  par  Claude  Gelée,  est  dans  la  riche  collection 
des  ducs  de  Oevonshire,  au  château  de  Chatsworth,  comté  de  Derby. 


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du  docteur  Monro,  favorisèrent  son  talent  naissant.  En 
même  temps  il  profitait  des  leçons  de  John  Robert  Co- 
zens,  un  maître  de  l'aquarelle,  ami  de  Girtin,  et  devenait  de 
première  force  dans  ce  genre.  En  1789  il  entre  comme  élève 
à  l'Académie  royale,  et  un  an  après,  âgé  de  15  ans,  il  expose 
une  vue  de  Lambeth- Palace.  Les  éditeurs  alors  lui  font  des 
commandes  de  dessins,  des  vues  de  villes  pour  illustrer  les 
livres  et  il  parcourt  différentes  parties  de  l'Angleterre,  le  pays 
de  Galles,  les  comtés  du  centre  et  le  sud  du  Yorkshire,  y 
faisant  nombre  d'aquarelles  fort  appréciées.  Ce  n'est  qu'en 
1793  qu'il  expose  son  premier  tableau,  une  peinture  à  l'huile 
intitulée  la  Rafale.  Il  exposa  encore  en  1796  des  Pécheurs 
et  en  1797  un  Lever  tic  soleil.  En  1799  on  l'élut  associé  de 
l'Académie  royale,  et  académicien  en  ISO'i  ;  puis  il  y  devint 
professeur  de  perspective  en  1807,  en  succédant  au  peintre 
d'histoire  et  portraitiste  Edward  Edwards.  11  avait  voyagé  en 
France,  en  Suisse,  sur  les  bords  du  Rhin,  et  plus  tard  assez 
longtemps  en  Italie.  Turner  n'était  point  distingué  de  ma- 
nières ni  de  visage,  et  son  aspect  ne  répondait  point  à  la 
poésie  que  l'on  trouvait  en  sa  peinture.  Misanthrope,  aimant 
à  s'isoler,  il  mourut  subitement  dans  un  pauvre  logis  où  la 
femme  qui  le  servait  ne  le  connaissait  que  sous  le  faux  nom 
de  Brooks.  Il  fut  enterré  dans  les  caveaux  de  la  cathédrale 
de  Saint-Paul,  à  côté  de  sir  Josuah  Reynolds. 

Il  léguait  toute  sa  fortune,  tableaux  ou  rentes,  à  l'Etat,  en 
y  mettant  la  condition  que  dans  un  délai  de  dix  ans  on  pla- 
cerait convenablement  ses  tableaux.  Ce  qu'il  laissait  d'argent 
devait  être  employée  une  fondation  pour  secourir  les  artistes 
dans  le  malheur. 

Un  grand  collectionneur,  bien  connu  en  Angleterre, 
M.  Vaughan,  vient  de  partager  sa  collection  de  tableaux  de 
Turner  entre  les  diverses  galeries  nationales  de  l'Angleterre, 
de  l'Ecosse  et  de  l'Irlande. 

Constable  qui  ouvrit  une  voie  nouvelle  au  moment  où  l'é- 
tude de  la  nature  était  trop  négligée,  est  représenté  dans  le 


legs  Gigoux  par  deux  pages  remarquables:  tout  d'abord,  un 
tableau  d'assez  grandes  dimensions  oii  Ton  voit  un  moulin 
rustique  dont  la  roue  tourne  en  un  rejaillissement  d*eau  per- 
lée. Tout  auprès,  un  toit  de  chaume  est  entouré  à  droite  et 
à  gauche  de  vieux  arbres  noueux  et  dépouillés.  Sur  Je  para- 
pet d'un  pont  de  bois  grossier  un  homme  en  blouse  grise  se 
penche  pour  parler  à  une  femme  dont  les  épaules  sont  cou- 
vertes d*un  mouchoir  rouge.  Il  semble  que  l'artiste  a  voulu 
seulement  rendre  le  plus  fidèlement  ce  qu'il  avait  sous  les 
yeux.  Bien  avant  notre  Courbet,  il  a  abusé  d'un  procédé  mé- 
canique, du  couteau  à  palette  habilement  frôlé  sur  des  épais- 
seurs pour  rendre  l'aspect  de  l'eau  écumante,  des  pierres  et 
des  mousses.  Ce  paysage,  avec  ses  rehauts  de  couleur  et  sa 
peinture  au  couteau,  a  l'air  d'une  grande  pochade  preste- 
ment enlevée.  Il  s'est,  par  l'effet  du  temps,  quelque  peu  dé- 
fraîchi, mais  dans  son  harmonie  rousse  on  peut  goûter  en- 
core l'impression  que  cause  Taspect  de  l'ensemble. 

L'autre  petit  tableau  de  ce  maître  doit  surtout  être  signalé  : 
c'est  un  paysage  bien  vivant  ;  sous  un  ciel  gris  chargé  de 
nuées  orageuses  fort  mouvementées  que  Constable  excellait 
à  peindre  et  qu'il  a  placées  dans  presque  toutes  ses  œuvres, 
on  aperçoit  un  cours  d'eau,  la  rivière  Stour  probablement,  si 
souvent  reproduite  par  lui,  sur  laquelle  glisse  une  voile  non 
loin  de  deux  maisons  et  d'un  moulin  à  vent.  Un  bouquet 
d'arbres  au  feuillage  bruni  par  l'automne  s'étale  dans  les 
premiers  plans  sur  un  terrain  d'une  teinte  chaude  et  dorée 
contrastant  avec  les  tons  du  ciel.  La  couleur  est  excellente 
et  donne  bien  l'idée  de  ce  qui  distingue  ce  peintre,  le  cama- 
rade et  l'an)!  de  Bonington.  Comme  ce  dernier,  il  rappelle 
la  manière  des  peintres  français  de  l'école  romantique  qui  se 
seraient  inspirés  de  ces  deux  anglais,  au  dire  de  certains  cri- 
tiques. 

John  Constable  naquit  le  11  juin  1776  à  East  Bergholt, 
dans  le  Comté  de  Suffolk.  Son  père,  bourgeois  à  l'aise,  pos- 
sédait des  moulins  et  destinait  John  à  les  exploiter:  il  l'en- 


-^  97  — 

voya  donc  sur  ses  terres  remplir  Toffice  de  meunier.  Cepen- 
dant ce  jeune  homme,  dans  les  intervalles  où  son  métier  lui 
permettait  quelque  loisir,  se  prit  à  admirer  les  aspects  chan- 
geants du  ciel,  les  effets  de  la  lumière  et  de  Tombre  sur  les 
nuages  et  essaya  de  les  reproduire  par  le  pinceau.  Ces 
essais  attirèrent  l'attention  des  amis  de  sa  famille  qui  con- 
seillèrent de  renvoyer  faire  ses  éludes  d*art  à  Londres.  Ce 
fut  assez  difficilement  que  son  père  finit  par  y  consentir. 
Après  quelque  temps,  en  1799,  Constable  était  admis 
comme  élève  à  TAcadémie  royale,  sur  un  dessin  de  ce  fa- 
meux torse  antique  dont  l'original  est  au  musée  du  Vatican, 
et,  en  1802,  il  envoyait  pour  la  première  fois  un  paysage  à 
l'exposition  de  cette  Académie.  Sa  manière  fut  d'abord  peu 
goûtée,  car  il  voulait  rendre  la  nature  telle  qu'il  la  voyait, 
et  ne  point  imiter  le  défaut  des  artistes  de  son  temps 
qui,  dit-il,  c  avaient  la  prétention  de  faire  au  delà  de  ce  qui 
est  vrai.  «  Constable  n'aimait  point  leurs  ouvrages,  mais 
ceux-ci,  de  leur  côté,  n'admettaient  point  ses  empâtements 
et  lui  reprochaient  de  peindre  salement.  Dépité  de  se  voir  si 
mal  compris,  on  rapporte  qu'il  répondit  un  jour  à  cette  cri- 
tique :  0  Je  peins  pour  la  postérité  »,  et  certes,  il  ne  savait 
pas  si  bien  'dire,  car  la  mode  du  temps  a  passé,  et  mainte- 
nant on  recherche  sa  peinture. 

Cependant,  le  peu  de  succès  qu'il  obtenait  le  fît,  en  1812, 
s'essayer  dans  le  portrait,  et  même  dans  quelques  tableaux 
religieux  dont  il  orna  les  églises  de  Suffolk.  Mais  il  sentait 
bien,  que  ces  deux  genres  ne  convenaient  point  à  son  talent 
et  qu'il  était  né  pour  être  paysagiste.  Deux  paysages  qu'il 
avait  exposés  à  la  British  Institution  furent  achetés,  l'un  par 
un  des  premiers  libraires  de  Londres,  M.  Carpenter,  et  l'au- 
tre, par  un  célèbre  connaisseur,  le  père  de  celui-ci  qui  fut 
conservateur  du  British  Muséum,  M.  Almutt.  Cela  lui  valut 
un  succès  sérieux,  et  depuis  ce  moment  sa  réputation  ne 
cessa  de  s'accroître.  En  1819,  un  de  ses  tableaux,  une 
Scène  9ur  la  rivière  Stour,  le  fit  nommer  associé  de  l'Aca- 


demie  Royale  de  Londres  dont  il  devint  membre  en  1829.  Il 
avait  obtenu  une  médaille  d'or  à  Paris  au  salon  de  1825  où 
plusieurs  de  ses  œuvres  avaient  été  fort  admirées  On  cite 
parmi  ses  peintures  les  plus  célèbres  :  le  Parc  de  Helmin- 
gham;  en  1831,  la  Cathédrale  de  Salisbury  vue  des  prai- 
ries, et,  en  1835,  la  Ferme  de  la  vallée^  une  de  ses  meil- 
leures peintures  qui  fut  achetée  par  le  célèbre  amateur 
Vernon. 

Constable  mourut  en  1837,  après  avoir  joui  d'une  grande 
célébrité  pendant  25  ans.  On  cite  les  mots  que  la  vue  de  ses 
paysages  inspirait  à  des  connaisseurs.  Bannister  disait  : 
«  Il  me  semble,  que  l'air  frais  me  souffle  au  visage  »,  et 
Fusely  :  a  Ils  me  font  penser  à  mon  parapluie  ». 

Le  musée  du  Louvre  possède  de  lui  cinq  paysages  cata- 
logués du  no  1806  à  1810  inclus  :  un  Cottage,  payé 
24,500  fr.;  VArc-en-ciel  donné  par  John  Wiison  en  1873;  la 
Baie  de  Weymouth  payée  56,000  fr.  ;  Vue  de  Hampstead 
Head,  esquisse  donnée  en  1887  par  le  journal  l'Art,  et  The 
Glehe  Farm,  payée  3,660  francs 

Augustin  Vall  Calcott  (  U .  élève  de  John  Hopner  (2),  portraitiste 
de  second  ordre  qui  jouissait  en  même  temps  que  Lawrence 
de  la  faveur  des  gens  du  monde,  se  fit  paysagiste  et  il  fut  en 
cette  qualité  reçu  à  l'Académie  Royale  (1810).  La  plupart  de 
ses  ouvrages  sont  dans  Jes  galeries  particulières  et  les  mu- 
sées n'en  possèdent  guère.  On  recherche  ses  petits  tableaux 
qui  sont  fort  lumineux.  Il  en  a  peint  aussi  de  grands,  et  non 
moins  bien.    ' 

Mentionnons  rapidement  Thomas  Uwins  R.  A.  (1782- 
1857),  qui  fut  un  très  médiocre  peintre  de  genre.  D'abord 
graveur,  puis  aquarelliste  et  illustrateur  de  livres.  En  1842, 
la  reine  le  nomma  conservateur  de  la  National  Gallery. 
M.  Ernest  Ghesneau  a  dit  de  lui  :  «  il  exposa  en  tout  cent 


(i)  A.  V.  Calcotl,  1779-1844. 
(2)  J.  Hoppiier,  1758-1816. 


—  99  - 

deux  tableaux  à  l'Académie  Royale  :  à  peu  près  cent  deux  de 
trop.  9 

  un  groupe  d'artistes  appartiennent  John-Sell  Cotman, 
peintre  de  paysages  et  de  marines,  né  à  Norwich  (178-2-1842), 
qui  excella  dans  le  rendu  des  ciels  limpides  et  des  eaux  trans- 
parentes —  on  cite  comme  son  chef-d'œuvre  une  galiote  pen- 
dant la  tempête  —  et  James  Stark,  paysagiste,  élève  d'Old 
Crome  (1794-1859),  remarquable  par  la  savante  simplicité  de 
sa  peinture. 

Aux  spécimens  de  la  peinture  anglaise  légués  par  Gigoux, 
notons  une  indication  du  talent  de  Daniel  Wilkie.  Celte  pe- 
tite esquisse  rappelle  les  effets  de  clair-obscur  chers  à  Van 
Ostade  ou  à  Rembrandt.  Elle  représente  deux  forgerons  dans 
leur  atelier.  L'un  attise  le  feu,  tandis  que  l'autre  frappe  sur 
l'enclume.  Il  y  a  là  de  réelles  qualités,  mais  c'est  insuffisant 
pour  juger  de  ce  maître  qui,  lorsqu'on  ne  voit  que  les  es- 
tampes d'après  ses  tableaux  où  il  abusa  parfois  des  tons  roses, 
paraît  se  rapprocher  de  l'école  flamande  du  dix-septième 
siècle.  Du  reste,  les  tableaux  de  Wilkie  gagnent  à  être  gravés 
et  c'est  par  la  gravure  que  presque  tout  le  monde  connaît 
ses  principaux  ouvrages,  consacrés  surtout  aux  scènes  vil- 
lageoises. 

Il  ne  faut  point  trop  nous  plaindre  de  n'avoir  de  lui  qu'une 
esquisse,  si  nous  nous  rappelons  ce  qu'Eugène  Delacroix 
écrivait  à  son  ami  Soulier,  en  1825,  au  retour  d'un  voyage  à 
Londres  :  •  J'ai  été  chez  M.  Wilkie  et  je  ne  l'apprécie  que 
depuis  ce  moment.  Ses  tableaux  achevés  m'avaient  déplu,  et, 
dans  le  fait,  ses  ébauches  et  ses  esquisses'sont  au-dessus  de 
tous  les  éloges.  Comme  tous  les  peintres  de  tous  les  âges  et 
de  tous  les  pays,  il  gâte  régulièrement  ce  qu'il  fait  de  beau. 
Mais  il  y  a  à  se  contenter  dans  cette  contre-épreuve  de  ses 
belles  choses.  » 

Voici,  en  outre,  l'opinion  du  célèbre  critique  Ernest  Ches- 
neau  .  «  L'art  était  un  mot  qui,  pour  lui,  signifiait  seulement  : 
image  de  la  vie  familière.  » 


► 


—  100  — 

«  Son  esprit  n'était  nuHement  inventeur,  mais  il  était  mar- 
qué à  ce  coin  dMnnocente  causticité,  de  boutade  rapide  qu'on 
appelle  Vhumour.  C'est  ce  qui  donne  un  caractère  piquant  à 
ses  compositions 

»  ...  .  Ce  sont  les  ridicules  qui  l'inspirent,  les  petits  travers 
des  gens,  point  du  tout  une  arrière-pensée  morale.  Il  s'amuse 
lui-même  de  ses  malices  ;  rien  ne  le  choque,  rien  ne  l'in- 
digne, il  voit  de  la  vie  les  côtés  de  pure  comédie  ;  le  drame 
noir,  la  tragédie  imposante  sont  des  langues  qu  il  ne  com- 
prend point.  Wilkie  est  de  ces  heureuses  natures  ni  cha- 
grines, ni  rêveuses,  ni  exaltées,  qui  ont  le  bon  sens  de  trou- 
ver tout  pour  le  mieux  dans  le  meilleur  des  mondes  pos- 
sibles. » 

a  Si  Hogarth  n'est  guère  peintre,  Wilkie  ne  l'était 

guère  davantage.  Les  tableaux  de  Wilkie,  même  dans  son 
meilleur  temps,  accusent  une  grande  sécheresse,  une  grande 
inexpérience  de  main,  et  nul  sentiment  des  richesses  artis- 
tiques de  la  nature.  Il  semblerait  que  ces  deux  artistes  voient 
avec  leur  intelligence  et  non  avec  leurs  yeux.  Le  dessin,  les 
couleurs  sont  pour  eux  des  procédés  graphiques  propres  à 
rendre  sensible  le  résultat  de  leurs  observations,  mais  assu- 
rément il  leur  eût  été  aussi  agréable,  ils  eussent  été  aussi 
satisfaits  de  communiquer  avec  la  foule  par  d'autres  moyens, 
par  le  théâtre  ou  par  le  pamphlet.  )> 

David  Wilkie,  né  en  1785  au  village  de  Fifeshire,  en  Ecosse, 
mourut  en  mer  le  l**"  mars  1841,  près  de  Gibraltar,  au  retour 
d'un  voyage  en  Orient.  Il  avait  été  envoyé  d'abord  par  sa  fa- 
mille à  l'Académie  des  Trustées  à  Edimbourg,  où  on  lui  fit 
peindre  des  sujets  de  grand  style  historique,  sous  la  direction 
de  John  Graham;  mais  son  enfance  passée  à  la  campagne 
lui  inspirait  de  traiter  des  sujets  villageois.  Son  premier  essai 
dans  ce  genre  fut  la  Foire  de  Pitlessie,  qui  reproduisait  bien 
les  mœurs  rustiques,  mais  ne  brillait  point  par  la  couleur. 
Au  mois  de  mal  1805,  il  vint  à  I-ondres  et  mit  l'année  sui- 
vante à  l'exposition  de  l'Académie  royale  son  fameux  tableau 


—  101  - 

des  Politiques  de  village.  Sa  réputation  s'établit,  il  devint 
populaire  par  ses  compositions  :  les  Joueurs  de  cartes,  le 
Jour  des  loyers^  la  Guimbarde^  le  Doigt  coupé,  sa  Fête  de 
village,  etc.  Â  l'âge  de  vingt-quatre  ans,  il  fut  associé  à  l'A- 
cadémie royale,  dont  il  devint  titulaire  deux  ans  après.  Il 
alla,  en  18i4,  passer  environ  six  semaines  à  Paris;  mais,  en 
4825,  après  un  voyage  en  France,  en  Allemagne,  en  Italie  et 
en  Espagne,  où  les  œuvres  de  Rembrandt,  de  Gorrège,  de 
Velasquez  l'influencèrent,  il  changea  de  manière  et  traita, 
avec  peu  de  succès,  le  portrait  et  l'histoire.  Sa  Prédication 
de  John  Knox  est  une  composition  de  cette  époque,  en  1832. 

Dans  la  collection  léguée  au  musée  de  Besançon  par  M.  L. 
Chenot,  il  nous  faut  citer  de  Mulready  un  portrait,  une  tête 
fortement  empâtée  et  colorée,  pas  mal  dessinée  du  reste, 
mais  où  l'on  peut  constater  dans  les  chairs  la  prédominance 
du  rouge.  Ce  peintre  n'a  rien  dans  sa  manière  qui  le  caracté- 
rise, si  ce  n'est  que  cette  manière  est  d'en  changer  à  chaque 
nouvelle  production  de  son  pinceau,  si  bien  que  les  apprécia- 
tions de  la  critique  ont  varié  sur  son  compte.  Tandis  que 
Théophile  Gautier  le  dit  coloriste,  M.  Edmond  About,  lors 
de  notre  exposition  universelle  de  1855  où  Mulready,  presque 
octogénaire,  avait  envoyé  neuf  petits  tableaux  de  genre  pour 
lesquels  il  reçut  la  croix  de  la  Légion  d'honneur,  M  Edmond 
About,  tout  en  les  trouvant  «  fmement  pensés  et  exécutés 
avec  beaucoup  d'esprit,  remarquait  que  sa  couleur  est  •  au- 
dessous  du  médiocre  »  et  lui  reprochait  de  ne  peindre  «  que 
des  figures  cramoisies  ».  .  puis,  quand  il  traite  le  paysage, 
de  €  n'être  plus  que  vert  et  bleu  ou  déplorablement  jaune 
citron  ». 

€  La  couleur  de  M.  Mulready,  ajoute-t-il,  n'est  pas  seu- 
lement fausse,  mais  elle  est  crue.  S'il  faisait  du  camaïeu  on 
le  lui  passerait,  mais  il  y  a  je  ne  sais  quoi  de  discordant  et 
de  dur  dans  ses  excellents  petits  tableaux.  Pour  les  trouver 
harmonieux  il  faut  les  placer  à  côté  d'une  toile  de  M.  Mac- 
Lise.  »    • 


—  402  — 

William  Muiready,  qui  traita  le  genre  et  le  portrait,  naquit 
à  Ennis  (Irlande)  en  1786  et  mourut  à  Londres  en  1863.  Il 
commença  sa  carrière  en  illustrant  des  livres  d'enfants,  et 
c'est  un  de  ceux  qui  sont  le  mieux  représentés  dans  les  mu- 
sées de  TAngleterre,  à  la  suite  des  libéralités  des  collection- 
neurs Sheepshanks  et  Vernon  qui  donnèrent  trente-quatre 
de  ses  tableaux.  On  cite  de  lui  à  la  British  Institution,  ï Ate- 
lier de  menuisiev  ;  à  la  National  Gallery,  le  Retour  du  Ca- 
baret dit  le  Fair  time,  ouvrage  qui  consacra  son  nom.  Citons 
encore  :  les  Enfants  paresseux,  le  Nouveau,  le  Passage  du 
Gué,  le  Partage  du  Goûter,  le  Choix  de  la  Robe  de  noces,  le 
Loup  et  VAgneau,  etc.  On  peut  voir  de  lui  au  musée  du 
Louvre  un  tableau  acheté  900  francs  et  donné  par  le  jour- 
nal r^rten  1881.  Il  porte  le  n*  1815  du  catalogue  et  a  pour 
titre  :  V Abreuvoir, 

William  Etty  (l)  vint  à  Londres  en  4806  ;  présenté  par  Fu- 
seli,  il  fut  admis  à  suivre  les  cours  de  l'Académie  et  reçut 
pendant  un  an  les  leçons  de  Lawrence  qui,  surchargé  de 
commandes,  n'avait  guère  le  temps  de  s'occuper  de  lui.  Il  se 
forma  ensuite  en  étudiant  d'après  nature  et  d'après  les  ta- 
bleaux de  la  National  Gallery.  Il  est  mort  en  4849. 

Il  traitait  le  genre  historique,  mais  comme  il  peignait  le 
nu  en  faisant  poser  des  modèles,  l'hypocrisie  anglaise  ne  l'ap- 
précia point  tant  qu'il  vécut.  Voici  ce  qu'il  écrit  à  ce  sujet 
dans  son  autobiographie  :  «  Mon  caractère  n'a  pas  été  com- 
pris. J'ai  été  vivement  blâmé  parce  que  j'ai  préféré  peindre 
la  divine  forme  humaine  des  deux  sexes,  les  glorieuses  œu- 
vres de  Dieu  plutôt  que  celles  des  tisserands,  plutôt  que  des 
draperies,  ouvrages  des  hommes.  On  m'a  accusé  d'être  sho- 
king  et  immoral...  Si  quelqu'une  de  mes  peintures  décèle 
un  sentiment  immoral,  je  consens  à  ce  qu'on  la  brûle.  » 

De  4824  à  18^27,  il  peignit  pour  la  gloire  des  tableaux  de 
très  grandes  dimensions,  entre  autres  celui  intitulé  :  Le  Com- 

[\)  W.  Etty,  1787-1849. 


—  103  — 

baty  dont  il  donna  un  fragment  arrangé  en  tableau  pour  sa 
réception  à  TAcadémie. 

C'est  un  des  meilleurs  peintres  anglais  qui  aient  traité 
l'histoire,  mais  on  s'avisa  de  son  mérite  seulement  après  sa 
mort,  et  sans  doute  un  peu  trop,  comme  il  arrive  toujours 
lorsqu'un  artiste  a  été  méconnu. 

Voici  ce  que  dit  de  lui  le  critique  Palgrave  dans  son  étude 
sur  l'exposition  internationale  de  Londres  : 

€  Etty  est  un  des  plus  grands  coloristes,  peut-être  le  plus 
grand  de  l'école  anglaise.  Il  avait  beaucoup  étudié  et  il  des- 
sinait avec  soin  ;  il  eut  un  sens  délicat  de  la  science  des 
lignes,  un  vif  instinct  du  paysage.  Seul,  parmi  ses  contem- 
porains, il  se  consacra  à  représenter  la  pure  forme  humaine 
qu'il  sut  peindre  avec  un  éclat  et  une  transparence  digne  des 
Vénitiens.  » 

C'est  peut-être  beaucoup  dire,  mais  on  a  judicieusement 
remarqué  qu'  «  il  est  possible  de  se  montrer  digne  des  Vé- 
nitiens de  la  Renaissance  sans  être  leur  égal  ». 

Etty  fut  contemporain  de  notre  Louis  David  qui  célébra  les 
exploits  de  Napoléon  et  mit  en  honneur  laformenue  classique. 
Cela  seul  eût  certainement  suffi  pour  rendre  le  nu  immoral 
et  antipathique  aux  Anglais.  Le  musée  du  Louvre  n'a  point 
de  sa  peinture. 

Patrick  Nasmyth,  ou,  pour  l'appeler  de  son  vrai  nom  de 
baptême,  Peter,  fils  d'Alexandre  Nasmyth,  fondateur  de 
l'Ecole  écossaise  (4787-1831),  naquit  h  Edimbourg,  vint  à 
Londres  en  1822  et  y  fil  connaître  son  talent  de  paysagiste. 
Ses  premiers  tableaux  représentaient  des  sites  d'Ecosse,  et 
les  suivants,  les  environs  de  Londres.  Il  reproduit  la  nature 
avec  un  sentiment  sincère  qui  caractérise  les  peintres  écos- 
sais. 

Williams  Collins(l},  père  du  célèbre  romancier  Wilkie 
Collins,  s'est  fait  une  réputation  par  de  petits  tableaux  de 

(i)  William  Collins,  1788-18*7. 


—  i()4  — 

genre  qui,  vu  la  médiocrité  des  peintres  anglais  au  commen- 
cement de  ce  siècle,  devaient  attirer  Tattention.  Il  les  agré- 
mentait de  fonds  de  paysage  et  de  figures  d'enfants,  assez 
réussies,  mais  vers  la  fin  de  sa  vie,  ayant  changé  de  ma- 
nière, on  ne  vit  plus  de  lui  que  des  productions  inférieures. 

Charles-Robert  Leslie,  d'origine  américaine,  naquit  à 
Glerkenwell,  et  ses  parents  remmenèrent  d'abord  en  Amé- 
rique, où  ils  le  destinaient  au  commerce,  mais  il  retourna 
en  Angleterre  en  1811  et  devint  Télève  d'un  peintre  d'his- 
toire, Washington  Alston,  associé  de  l'Académie  royale, 
ainsi  que  de  Benjamin  West.  Il  a  publié  les  Mémoires  de 
John  ConstablCy  un  Manuel  du  jeune  peintre,  et  avait  écrit 
quelques  notes  dont  M.  Tom  Taylor  s'est  servi  pour  sa  Vie 
de  Reynolds  II  avait  été  nommé  membre  de  l'Académie 
en  1826.  Ses  premiers  ouvrages  furent  des  portraits,  mais 
il  se  distingua  dans  le  genre  historique,  où  sa  réputation  fut 
consacrée  dès  son  début.  C'était  une  scène  du  spectator  : 
Sir  Roger  de  Caverley  allant  à  Véglise,  Outre  ses  tableaux 
représentant  :  une  Fête  de  mai  soas  la  reine  Elisabelh,  San- 
cho  Pança  et  la  duchesse^  les  Joyeuses  commères  de  Wind- 
sor, Catherine  et  capucins^  Scène  de  Henri  VII,  FaUtaff 
jouant  le  rôle  du  roi,  etc.,  on  cite  comme  son  chef-d'œuvre  : 
V Oncle  Tohy  et  la  veuve  Wadmann,  sujet  tiré  du  Tristam 
Shandy,  de  Sterne 

John  Martin  (^),  avec  une  exécution  faible,  traita  dans  une 
manière  qui  tient  du  rêve,  des  sujets  immenses  comme  le 
Festin  de  Balthazar^  le  Déluge,  la  Chute  de  Ninive,  le  Juge- 
ment dernier 

John  Bernay  Crome,  dit  Crome  le  Jeune  (1793-1842),  fut 
l'élève  de  son  père  On  rencontre  moins  de  vigueur  et  moins 
de  variété  dans  ses  ouvrages  que  dans  ceux  d'Old  Crome,  et 
pourtant  ils  ont  de  la  poésie.  Citons  son  Village  sur  la  Yare, 
ses  Bords  de  la  Yare,  clair  de  lune. 


(1)  1789-1854. 


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James  Slark  (1794-1859),  du  groupe  des  paysagistes  de 
Norwich,  élève  aussi  d'Oid  Grorae,  eut  beaucoup  de  succès 
à  Londres. 

Leslie  est,  avant  tout,  un  illustrateur  interprétant  avec 
esprit  Shakespeare,  Sterne,  Goldsmith,  Cervantes  et  Molière. 
Ses  tableaux  ne  valent  pas  ses  illustrations.  Il  peignit,  en 
1841,  le  Couronnement  de  la  reine  et  le  Baptême  de  la 
Princesse  royale. 

Joseph  Wright,  mort  en  1797,  que  les  Anglais,  grands  ad- 
mirateurs de  sa  peinture,  appellent  Wright  de  Derby,  du 
nom  de  son  pays,  a  été  surnommé  le  Claude  Lorrain  anglais 
à  cause  de  certains  paysages  où  il  trouvait  bon  de  placer 
quelque  feu  ou  même  un  volcan  en  éruption,  pour  produire 
des  effets  de  lumière.  Il  serait  tout  au  plus,  comme  on  Ta  dit, 
un  Schalcken,  si  Ton  considère  ses  intérieurs,  éclairés  de 
lumière  artificielle.  La  plupart  de  ses  tableaux  font  partie  de 
collections  particulières.  Le  plus  célèbre,  dans  la  collection 
de  lord  Palmerston,  représente  une  Forge.  On  peut  citer 
aussi,  dans  la  collection  du  marquis  de  Lansdowne,  le  ta- 
bleau intitulé  le  Gladiateur. 

Vers  la  même  époque,  un  peintre  anglais  moderne,  David 
Roberts,  avait  la  spécialité  des  Intérieurs  d'église,  qu'il  re- 
produisait avec  de  piquants  effets  de  clair-obscur.  On  cite, 
entre  autres  un  de  ses  tableaux  dans  la  galerie  du  célèbre 
amateur  Vernon. 

Il  nous  faut  signaler,  dans  le  legs  Gigonx,  quelques  spé- 
cimens du  talent  de  Bonington  :  !•  une  charnïante  petite 
marine,  effet  gris  du  matin,  avec  un  navire  à  l'horizon  et 
une  ville  lointaine  dans  le  brouillard  ;  2^  une  autre  petite 
marine,  effet  d'un  gris  perlé,  avec  une  embarcation  dans  le 
fond,  où  une  aurore  aux  tons  roses  se  distingue  à  travers  la 
brume  ;  3*  une  troisième,  où  se  trouvent  des  barques  de 
pêche  sur  une  eau  verdàtre,  non  loin  d'une  colline,  dans  un 
ciel  nuageux  mouvementé,  la  lumière  venant  de  la  gauche 
du  spectateur  ;  4»  une  étude  moins  remarquable  (|ue  les  trois 

8 


—  406  — 

précédentes,  où  une  embarcation  au  premier  pian  occupe 
une  place  importante  dans  la  toile. 

Richard  Parkes  Bonington,  qui  traita  avec  succès  le  genre, 
le  paysage  et  les  marines  et  se  distingua  comme  aquarelliste 
et  lithographe,  naquit  au  village  de  Arnold,  près  de  Nottin- 
gham^  le  25  octobre  1801.  Son  père  avait  peint  le  paysage, 
le  portrait  et  gravé  à  la  manière  noire  plutôt  en  amateur 
qu'en  professionnel,  et  sa  mère  tenait  une  école,  peu  fréquen- 
tée, dit-on,  à  cause  du  manque  de  conduite  de  son  mari. 
Bonington,  venu  à  Paris  dès  Tâge  de  quinze  ans,  y  fit  son 
éducation  artistique  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  au  Louvre  et 
dans  l'atelier  de  Gros.  Il  visita  l'Italie  en  1824,  exposa  en 
1827,  à  son  retour  en  Angleterre,  à  l'Académie  royale,  et 
Tannée  suivante  trois  tableaux  :  Henri  III^  le  Grand  canal 
de  Venise  et  une  vue  de  VEglise  Sanla-Maria  délia  Sainte. 
Il  envoya  aussi  à  Paris,  aux  Salons  de  1822,  1824  et  1827. 
Il  étudiait  en  Normandie  en  1828  avec  le  paysagiste  Paul 
Huet,  lorsqu'il  retourna  à  Londres,  où  il  mourut  prématuré- 
ment avant  la  lin  de  sa  vingt-septième  année. 

Sir  Thomas  Lawrence  avait  certainement  bien  raison 
d'écrire  à  M™*  Forster  l'épouse  du  célèbre  graveur  ami  de 
Bonington  :  «  Je  ne  sache  pas  qu'à  notre  époque  la  mort 
précoce  ait  enlevé  un  artiste  qui  promit  davantage  après  un 
développement  si  remarquable  et  si  rapide.  >  Toutefois,  La- 
wrence en  parlant  ainsi  n'apprécie  Bonington  que  comme 
un  jeune  homme  qui  promet,  peut-être  parce  qu'il  le  consi- 
dère comme  trop  français.  Et  cependant,  il  est  vrai  de  dire 
qu'il  fut  un  des  peintres  les  plus  brillants  de  son  époque, 
jugé  tel  par  Eugène  Delacroix  et  les  meilleurs  artistes  fran* 
çais,  ses  contemporains. 

On  voit  au  Louvre  cinq  ouvrages  de  Bonington,  catalo- 
gués de  1802  à  1805  6t8  :  1°  François  I"^  et  la  ducheé$e 
d'Etampes,  payé  6,700  fr.  en  1840;  2®  Mazarin  et  Anne 
d'Autriche,  donné  par  Huguet  Schubert  et  Millet  ;  3*  Vue 
du  parc  de  Versatiles,  payée  3,050  fr.  à  la  vente  Etienne 


—  407  — 

Arago;  4"  une  Vue  à  Venise,  donnée  en  1883  par  Huguet 
Schubert  et  Millet;  5"  la  Vieille  gouvernante  de  BoningtOHy 
la  môme  qui  fut  le  modèle  du  portrait  de  vieille  femme  que 
Delacroix  mit  à  l'exposition  universelle  de  1855. 

Il  faut  noter  en  plus  une  Vue  des  côtes  normandes.  Ce 
n'est  qu'une  esquisse,  achetée  récemment  en  1902,  mais  elle 
est  fort  remarquable  par  son  effet  lumineux. 

Nous  consacrerons  un  chapitre  spécial  aux  aquarellistes 
anglais,  mais,  pour  compléter  ce  que  nous  avons  à  dire  de 
Bonington,  citons  dès  maintenant  deux  aquarelles  dans  la 
galerie  Gigoux  (musée  de  Besançon)  :  l'une  représente 
Quatre  figures  de  femmes  en  costume  vénitien,  et  l'autre  : 
V Intérieur  d'un  salon. 

Nous  y  trouvons  les  qualités  habituelles  du  maître,  mais 
à  un  degré  moindre  que  dans  ses  fameuses  aquarelles  du 
musée  du  Louvre. 

Nul  n'ignore  le  charme  du  coloris  de  Bonington  lorsqu'il 
traite  les  sujets  de  genre  historique;  sa  couleur  est  non 
moins  séduisante  lorsqu'il  peint  le  paysage  et  les  marines. 
Soit  que  son  pinceau  reproduise  le  ciel  de  Venise  ou  celui 
des  côtes  de  France,  il  s'assimile  la  couleur  de  chaque  pays, 
de  même  que  les  types  de  leurs  habitants,  leurs  gestes 
et  leurs  attitudes.  Pourtant,  ses  compatriotes,  peut-être 
parce  qu'il  fut  élève  de  Gros,  le  fameux  peintre  des  vic- 
toires de  Napoléon  !•%  n'estiment  point  son  talent  à  sa  juste 
valeur. 

La  peinture  épigrammatique  confinant  à  la  caricature  est 
un  genre  tout  à  fait  anglais.  Nous  remarquons,  parmi  ceux 
qui  l'ont  cultivée  avec  assez  de  succès  :  Buss  qui  est  peu 
connu,  et  George  Lance  né  en  1802,  mort  en  1864.  Il  avait 
trois  tableaux  de  genre  à  l'Exposition  universelle  de  Paris 
en  1855.  On  connaît  du  premier  de  ces  artistes,  entre  autres 
compositions  humoristiques  :  VOuverture  de  la  Chasse,  et  du 
second  :  la  Pèche  au  Baquet,  maintes  fois  reproduites  par  la 
gravure.  Ce  second  tableau,  avec  les  cent  cinquante-neuf 


—  408  - 

autres  de  la  collection  Vernon,  a  été  légué  à  la  National  Gai- 
lery  en  186i. 

Cooper  (Thomas  Sidney),  animalier,  naquit  à  Cantorbéry 
en  1803  et  mourut  dernièrement  très  pauvre,  vers  le  5  fé- 
vrier 1902,  âgé  de  98  ans.  Il  apprit  seul  la  peinture,  lit  des 
décors  de  théâtre,  resta  longtemps  en  Hollande,  et  peignit 
le  paysage  et  les  animaux  avec  un  très  grand  succès  En 
4867,  il  fut  nommé  de  l'Académie  Royale  et  peignit  jusqu'à 
70  ans.  Il  publia  un  livre  de  desnins  d'animaux  et  groupes 
rustiques  en  1853,  et  les  Beautés  de  la  Poésie  et  de  VArt; 
illustrées  par  lui. 

Daniel  Maclise  R.  A.  (1806  ou  1811  et  1870).  Ce  peintre, 
de  genre  historique,  dont  les  mémoires  ont  été  publiés  en 
1871  par  Justin  O'Driscoll,  quoiqu'il  eût  remporté  en  1831 
la  médaille  d'or  au  concours  de  peinture  historique,  ne  mé- 
ritait point  le  premier  rang.  On  cite  de  lui  :  La  Veille  de  la 
Toussaint  en  Irlande^  qu'il  plaça  à  l'Académie,  Une  Scène  de 
Ldlla  Rookh  :  Mokama  devant  Selica^  à  la  British  Institution  : 
deux  peintures  décoratives  au  Parlement  ;  entrevue  de  Wel- 
lington et  de  Blucher  Après  Waterloo,  et  La  Mort  de  Nelson 
à  Trafalgar.  Vers  la  fm  dn  sa  vie,  il  fit  des  illustrations  et 
plusieurs  portraits,  entre  autres  celui  de  Charles  Dickens. 

Parmi  les  paysagistes  de  moindre  réputation,  il  faut  citer 
aussi  Thomas  Cteswick,  de  la  Royal  Academy,  né  à  Shef- 
field  en  1811.  mort  à  Bayswater  le  28  décembre  1869.  Il  vint 
à  Londres  et  on  lui  reçut  deux  tableaux  à  l'Académie  royale 
dès  sa  vingt-sixième  année.  Il  avait  pris  le  motif  de  ces  ta- 
bleaux, ainsi  qu'il  le  fit  souvent  depuis,  dans  les  paysages 
du  pays  de  Galles.  On  cite  parmi  ses  meilleures  œuvres  : 
England  (1847)  ;  Vieux  arbres,  Vent  sur  la  Plage,  Première 
lueur  de  la  mer  (1850)  ;  Lever  de  la  lune  dans  les  monta- 
gnes (1852),  et  Fin  de  tempête  (1855;.  Ses  derniers  tableaux 
ont  moins  de  vigueur  que  ceux  qu'il  fit  dans  le  milieu  de 
son  existence. 

George  Vincent,  paysagiste  et  peintre  de  marines,  né  à 


—  109  — 

Norwich  à  une  date  inconnue,  exposa  dans  sa  ville  natale  et 
à  Londres  de  1811  à  1830.  Il  reçut  des  leçons  d'Old  Crome 
et  se  fit  un  nom  surtout  par  sa  Vue  de  VHôpital  de  Green- 
wich  exposée  à  Londres  à  l'exposition  internationale  de  1862. 
Citons  encore  son  Paysage  de  Norfold  où  la  lumière  est  dis- 
tribuée aux  différents  plans  avec  beaucoup  d'art. 

Hurlstone,  né  à  Londres  en  1800,  d'abord  élève  de  TAca- 
démie  royale  en  1820,  exposait  en  1821  Le  Malade  imagi- 
naire^ en  1822  V Enfant  prodigue,  en  1824  V Archange  Saint- 
Michel  et  Satan  se  disputant  le  corps  de  Moïse  ;  élu  en  1835 
président  de  la  société  des  artistes  britanniques,  il  ne  fut  ja- 
mais nommé  de  l'Académie  royale,  et  fit  à  cette  institution 
une  opposition  très  vive  lorsqu'elle  fut  l'objet  d'une  enquête 
en  1835.  11  obtint  une  médaille  d'or  en  1855,  à  Paris,  à  l'ex- 
position universelle.  Ses  fneilleurs  tableaux  sont  :  Armide, 
Ero6^  Christophe  Colomb  au  couvent'jde  la  Rabida,  etc. 

Robert  Ladbrooke  fut  un  des  fondateurs  de  l'école  de 
paysage  de  Norwich.  D'abord  imprimeur,  puis  peintre  de 
portraits  à  bas  prix,  à  cinq  shillings,  ce  beau-frère  d'Old 
Crome  mourut  à  Norwich  en  octobre  1842,  âgé  de  73  ans. 
Il  exposa  plusieurs  fois  à  l'Académie  royale  et  laissa  trois  fils, 
tous  trois  paysagistes,  mais  le  deuxième  seulement,  Henry 
Ladbrooke,  a  fait  époque  dans  l'histoire  de  l'art.  Sa  peinture 
est  harmonieuse,  avec  un  cachet  de  vérité.  Il  est  mort  en 
novembre  1870. 

Ladbrooke,  le  père,  a  suivi  ce  principe  de  rendu  minutieux 
de  la  nature  que  reprirent  ensuite  les  préraphaélites.  Son 
Vieux  chêne  et  ses  Bruyères  de  House  Hold  sont  l'applica- 
tion de  cette  conscience  exagérée  du  détail  devant  la  nature, 
qui,  chez  nous.  Français,  avait  égaré  le  peintre  de  Laberge. 

On  trouve  à  la  National  Gallery  une  Vue  d'Oxford  par  Ro- 
bert Ladbrooke. 


—  410 


CHRONOLOGIE 

DBS    PRINOIPATTX    PBINTRB8    ANaLAIS 
DB    L*ANCIBNNB    ÉOOLB 


Hogarlh 1697-1764 

Ramsay,  1713  0U.   .   .  17i5-l784 

Wilson 17U-1782 

Reynolds I723-17Ï« 

Gainsboroiiglj  ....  1727-1788 

Roinney 1731-1802 

H.  Wcbt 1738-1820 

Fusely !7il-1825 

J.  Barry 1741—1806 

Nortïicote 1746-1831 

Smirke 1752 -18i5 

Howland  Beuninont.   .  1753 -1«23 

W.  Beechey 1753-1839 

Rœburn. 175<>-1823 

Blake      1757-1827 

Hoppner 1758-1816 

Ibberlson 1759-1817 

Opie 1761-1807 

Morlaiïd 1763-1804 

Westall 1765-1836 

OldCrome 1769-1824 

Th.  Lawrence  ....  1769-1830 

Edw.  Landseer.   .   .   .  1769-1852 

R.  Ladbrooke  ....  1769  -1842 


Turner 1775-1851 

Constable 1776—1837 

Calcott 1779—1844 

Uwins 1782-1837 

J.-Sell.  Colman.  .   .   .  1782-4837 

Wilkie 1785—1841 

Mulready 1786-186:1 

Etty 1787—1840 

A.  Cooper 1787    1868 

Nasmyth, 1787-1831 

W.Collins 1788-1847 

John  Martin 1789-1834 

Crome  jeune 1793-4842 

James  Stark 1794-1859 

Ch.  Robert  Leslie  .   .  1794-1859 

J.  Wrigth -^iW 

Roberts 1799-1870 

Hurlstone 1800-1869 

K.  P.  Bonington  .   .   .  1801-1828 

Lance 1802-1864 

Maclise,1806ou  .   .  .  1811-1870 

Creswick 1811-1869 

G.Vincent 1811-1830 


(L'abréviation  R.  A.  signifie  y  dans  le  texte:  Royal  Academy. 
t  ttignifie  :  wonT.) 


—  111  — 
ÉCOLE   MODERNE 

1850- 1900 


Si  Ton  en  excepte  le  genre  du  paysage,  la  peinture  an- 
glaise, jusqu'à  la  fin  du  xix*  siècle,  manque  de  génie,  ou  du 
moins,  le  génie  anglo-saxon,  dur  et  rude,  est  tellement  dif- 
férent de  celui  des  races  latines  qu'il  leur  est  difficile  d'y 
sympathiser,  ou  même  de  le  comprendre. 

Il  est  à  noter  pourtant  que  les  peintres  anglais,  instruits 
par  l'expérience,  s'étaient  enfin  rendu  compte  de  leur  im- 
puissance pittoresque,  et  n'en  accusant  point  leur  tempéra- 
ment, avaient  cru  voir  la  cause  de  cette  impuissance  dans 
les  teintes  neutres  dont  se  servaient  leurs  prédécesseurs.  Ils 
tombèrent  d'un  extrême  dans  l'excès  opposé.  La  mode  fut 
alors  de  colorier  à  outrance.  Elle  régna  surtout  de  1850  à 
1870,  et  aux  expositions  universelles  de  1855  et  de  1867 
blessa  nos  yeux  par  une  lutte  de  couleurs  criardes  où  le 
rouge,  le  jaune,  le  vert  et  le  bleu  se  livraient  des  combats 
acharnés.  Les  peintres  modernes  de  la  Grande-Bretagne 
semblaient  perdre  la  raison  dans  une  mêlée  de  couleurs  dis- 
cordantes. 

Habitués  que  nous  sommes  à  l'harmonie  des  tableaux  de 
maîtres  et  à  la  sobriété  de  tons  que  recherchent  les  artistes 
de  notre  école,  la  première  impression  que  nous  éprouvions 
à  la  vue  de  ces  productions  était  plus  saisissante  qu'agréable. 

Puis,  à  les  considérer  plus  attentivement,  on  était  frappé 
du  peu  de  conformité  avec  nos  idées  sur  la  composition  d'un 
tableau.  Cette  absence  de  composition  s'accusait  par  la  pré- 
dominance des  accessoires  et  du  détail  sur  l'action  princi- 
pale, et,  telles  libertés  pouvaient  passer  pour  des  contre- 


—  142  — 

sens.  Le  cadre  venait  parfois  couper  certaines  figures  à  la 
hauteur  des  épaules,  horizontalement  ou  verticalement,  à  mi- 
corps.  Du  reste  on  voyait  bien,  au  premier  coup  d'œil,  que 
ces  tableaux  n'étaient  point  des  œuvres  françaises,  tout  s'y 
montrait  absolument  anglais.  Le  motif,  Ja  manière  dont  il  est 
traité,  les  figures,  les  costumes,  l'ameublement,  tout  y  dé- 
notait une  origine  britannique,  sur  tout  se  trouvait  imprimé 
le  cachet  de  l'Angleterre. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  chefs-d'œuvre  des  écoles 
anciennes  du  continent  dont  leurs  collections  sont  si  abon- 
damment riches  aient  sur  ces  peintres  la  moindre  influence. 

«  Il  semble,  —  a  dit  M.  Chesneau,  —  que  leurs  ateliers 
soient  fermés  par  un  pan  du  grand  mur  de  la  Chine.  Ils  re- 
font, mais  à  rebours,  le  blocus  continental.  Ils  ont  mis  en 
interdit  l'ait  européen.  Ils  sont,  et  veulent  demeurer 
anglais.  » 

Et  le  moine  critique  observe  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
pour  les  productions  de  nos  artistes  et  se  demande  (juelie 
idée  la  postérité  pourrait  avoir  de  l'art  français  si  nous  ve- 
nions à  disparaître  comme  les  empires  des  Perses,  des 
Assyriens,  des  Egyptiens  et  des  Grecs,  et  ce  qu'on  pourrait 
connaître  de  nous  par  les  monuments  de  notre  peinture  ou 
de  notre  sculpture. 

Nous  autres,  de  race  latine,  nous  sommes  pénétrés  d'admi- 
ration pour  les  chefs-d'œuvre  qui  excluent  les  détails  per- 
sonnels afin  d'idéaliser  la  forme,  en  la  généralisant,  et  rester 
ainsi  dans  la  tradition  du  grand  art,  de  celui  des  Phidias 
et  des  Raphaël,  dont,  il  est  vrai,  se  prévalent  trop  sou- 
vent chez  nous  des  nullités  prétentieuses,  et  nous  aurions 
sans  doute  beaucoup  à  gagner  en  n'abandonnant  point 
autant  l'observation  de  la  réalité  dont  on  s'est  souvent  trop 
éloigné,  pour  suivre  les  errements  de  Louis  David. 

L'art  anglais  moderne  est  tout  le  contraire  :  il  s'affranchit 
de  toute  tradition,  et  c'est  ainsi  que,  serrant  la  reproduction 
des  détails  de  la  vie  actuelle  et  des  mœurs  de  son  pays,  il 


—  «3  — 

reste  national  mieux  que  tous  les  autres  en  Europe.  Tout  en 
conservant  un  sentiment  très  pénétré  de  la  vie,  cet  art  de- 
meure fort  subjectif,  l'imagination  y  prédomine  sur  l'obser- 
vation, et,  malgré  sa  tendance  à  abuser  de  l'idéalisme,  il 
devient  expressif  lorsqu'il  s'y  rencontre  quelque  réalisme. 
Somme  toute,  il  y  a  opposition  entre  l'art  comme  nous  le 
comprenons  et  celui  des  Anglo-Saxons 

Sans  vouloir  examiner  la  question  de  savoir  quel  est  celui 
des  deux  qui  l'emporte  sur  son  voisin,  et  faisant  abstraction, 
autant  que  possible,  des  goûts  venant  de  notre  éducation  et 
de  notre  race,  nous  allons  essayer  de  nous  rendre  compte 
de  cet  art  contradictoire  aux  œuvres  de  nos  artistes. 

La  peinture  britannique  moderne  ne  vient  point  de  la  tra- 
dition des  anciens  peintres  anglais,  car  ceux-ci  s'inspiraient 
de  Rubens  et  de  Van  Dyck,  comme  Reynolds,  Gainsborough 
et  Lawrence,  ou  des  hollandais  comme  Constable  ;  elle  ne 
continue  même  point  Turner  épris  de  Claude  Lorrain,  ni 
llogarth,  ni  Wilkie  qui  devaient  beaucoup  aux  écoles  hollan- 
daise et  flamande  ;  les  peintres  anglais  modernes  n'appar- 
tiennent à  aucune  tradition,  leur  individualisme  est  com- 
plet, sauf  de  bien  rares  exceptions. 

Comment  alors,  observe  M.  Chesneau,  concilier  le  succès 
que  nous  fîmes  à  cette  peinture  lors  de  notre  exposition  de 
1885,  et  qui  s'accorde  si  peu  avec  nos  préférences  pour  l!art 
grec  et  celui  de  la  Renaissance  italienne? 

Nous  croyons  qu'il  faut  distinguer  chez  nous  deux  sortes 
de  goût  en  opposition  :  celui  des  œuvres  classiques  qui 
constituent  le  style  élevé,  le  style  d'apparat,  et  celui  de 
l'anecdote  et  de  la  spirituelle  plaisanterie.  En  même  temps 
que  nous  manifestons  un  respect  religieux  pour  la  musique 
de  Gluck  ou  les  symphonies  de  Beethoven,  nous  prenons 
plaisir  aux  refrains  de  la  Belle  Hélène  ou  d'Orphée  aux 
Enfers  et  nous  accourons  aux  représentations  de  Dumas,  de 
Sardou  ou  de  Labiche,  tandis  que  nous  désertons  presque  la 
salle  du  Théâtre  Français  les  jours  où  l'on  nous  sert  les 


—  114  - 

pièces  de  l'ancien  répertoire.  C'est,  sans  doute,  que,  dans 
le  culte  que  nous  professons  pour  elles  c  il  entre  souvent 
plus  de  convention  que  de  conviction  à  l'art  sérieux.  » 

D'un  autre  côté,  les  connaisseurs  qui  n'estiment  dans  une 
œuvre  que  la  beauté  plastique,  en  raison  des  jouissances 
qu'elle  procure,  se  laissent  parfois  séduire  par  l'imprévu 
d'une  naïveté  excessive  et  d'une  ignorante  gaucherie  con- 
trastant avec  l'art  affiné  dont  ils  sont  rassasiés.  C'est,  sans 
doute,  aussi  que  cette  absence  de  tout  ce  à  quoi  ils  sont  habi- 
tués les  a  séduits  par  la  nouveauté  de  la  saveur  qu'ils  pou- 
vaient y  trouver. 

Quant  à  la  masse  non  initiée  aux  beaux-arts,  ce  qui  l'attira 
seulement  fut  le  côté  littéraire  et  l'humour,  et  non  point  la 
valeur  pittoresque,  qu'elle  n'aurait  pu  apprécier. 

Toutefois,  nous  pensons  que  les  initiés  à  nos  doctrines 
d'art,  s'ils  veulent  bien  examiner  avec  nous  un  peu  plus 
attentivement  ces  œuvres  qui  les  ont  émus,  verront  proba- 
blement diminuer  le  sentiment  qu'ils  ont  tout  d'abord 
éprouvé. 

Pendant  très  longtemps,  en  Angleterre,  on  demeura  fort 
en  arrière  des  autres  pays  pour  ce  qui  est  de  la  culture  des 
beaux-arts;  le  gouvernement  (de  même  qu'aujourd'hui,  du 
reste)  ne  s'en  occupait  nullement.  Si  la  noblesse  formait  à 
prix  d'or  des  collections  où  elle  rassemblait  les  œuvres  d'art 
des  artistes  étrangers,  tout  en  ayant  la  prudence  de  n'y 
point  placer  celles  des  peintres  anglais,  les  autres  classes  de 
la  société  n'éprouvaient  pas  le  besoin  de  jouissances  artis- 
tiques qui  n'étaient  point  à  leur  portée.  Par  orgueil  national 
les  Anglais  riches  affectaient  de  dédaigner  ces  œuvres  inu- 
tiles et  frivoles,  produits  des  beaux>arts,  bons  seulement 
pour  les  peuples  du  continent.  On  rapporte  que  lord  Ches- 
terfield  disait  à  son  fils  :  <  Payez  les  arts^  ne  les  cultivez 
pas  ». 

Aussi  ceux  qui,  en  Angleterre,  malgré  tant  d'obstacles, 
avaient  le  courage  d'embrasser  la  carrière  artistique  ne  pou- 


—  115  — 

vaient-ils  guère  produire  que  des  portraits,  faute  d'autres 
commandes,  et  c'est  la  raison  pour  laquelle  ce  genre  prima 
tous  les  autres. 

Nous  avons  vu  que  sir  Josuah  Reynolds,  sir  Thomas  Law- 
rence et  Gainsborough  parmi  ceux  de  l'ancienne  école, 
furent  supérieurs  comme  portraitistes.  Ils  rendirent  bien  la 
physionomie,  l'expression  individuelle  de  leurs  modèles; 
mais  il  est  vrai  de  dire  qu'ils  négligèrent  la  vérité  de  la 
couleur  et  abusèrent  d'effets  fantaisistes.  C'est  ainsi,  en  ne 
citant  qu'un  exemple,  que  sir  Thomas  Lawrence  dans  son 
Portrait  de  master  Lambton^  met  à  ce  portrait,  dont  la  lête 
est  vivement  éclairée,  un  fond  de  ciel  sombre  où  l'on  aper- 
çoit la  lune.  L'effet  est  agréable  à  l'œil,  mais  on  ne  saurait 
dire  s'il  vient  du  jour  ou  de  la  nuit.  De  plus,  nous  l'avons 
remarqué,  le  dessin  de  Lawrence,  comme  celui  de  Reynolds, 
est  fort  incorrect.  Leur  principal  mérite,  c'est  d'avoir 
prouvé  qu'un  Anglais  pouvait  être  peintre.  Ceux  qui  les  sui- 
virent n'imitèrent  d'eux  que  leur  facilité  à  se  servir  d'arti- 
fices pour  arriver  à  l'effet,  en  lâchant  le  dessin  et  l'étude  des 
accessoires. 

Il  n'en  était  pas  ainsi  des  coloristes  de  l'école  flamande 
qui  avaient  eu  pour  maîtres  des  dessinateurs  corrects, 
comme  Otto-Venius  pour  Rubens;  ils  ne  péchaient  point  par 
la  base;  mais  les  artistes  anglais,  tels  que  Turner  par 
exemple,  qui  avaient,  sans  savoir  bien  dessiner,  commencé 
avec  une  exécution,  lâchée,  en  se  laissant  aller  à  leur 
fougue,  n'étant  pas  avertis  par  une  critique  éclairée,  en  arri- 
vèrent bientôt  à  de  tels  barbouillages  que,  comme  il  en  fut 
pour  ce  dernier,  leur  encadreur  leur  demandait  où  il  devait 
placer  le  piton  pour  suspendre  leurs  peintures. 

De  cet  abus  de  la  couleur  devait  naître  une  réaction.  C'est 
ainsi  que  naquit  l'école  préraphaélite.  De  cette  école  que 
nous  a  révélée  à  Paris  l'exposition  universelle  de  1855,  un 
esthéticien  subordonnant  l'art  à  la  science,  John  Ruskin, 
fut  le  défenseur  et  l'apôtre. 


—  H6  — 

A  la  suite  de  quelques  expositions  des  tableaux  d'une  pe- 
tite église  de  peintres,  Ruskin,  ce  philosophe  qui  n'était 
point  peintre,  né  en  1819  et  mort  récemment  le  ^21  janvier 
1900,  entreprit  de  défendre  leur  cause  contre  les  critiques 
réitérées  dont  ils  furent  l'objet. 

Turner  venait  de  mourir,  et  Ruskin  prêcha  une  doctrine 
où,  pour  ramener  l'art  à  un  but  religieux  et  moral,  il  ensei- 
gnait que  la  peinture  devait  revenir  aux  principes  qui  l'a- 
vaient guidée  avant  Raphaël.  Il  fallait  pour  cela,  selon  lui, 
rendre  la  nature  naïvement,  et  avec  un  soin  méticuleux. 

On  avait  vu  bien  avant  ce  temps,  le  même  souci  engen- 
drer en  Allemagne  une  doctrine  analogue  avec  Owerbeck, 
Schadow,  etc.  ;  c'est  aussi  par  suite  de  semblables  préoccu- 
pations, qu'il  se  développa  en  Angleterre.  Toutefois,  chez  les 
Anglais,  le  préraphaélisme  n'eut,  pour  ainsi  dire,  aucun  ca- 
ractère archaïque,  il  ne  rappela  pas  plus  les  prédécesseurs 
de  Raphaël  que  les  œuvres  des  primitifs  flamands. 

Les  préraphaélites,  en  prenant  le  conlrepied  des  principes 
de  l'art  antique,  remis  en  pratique  par  les  grands  artistes  de 
la  Renaissance  qui  s'appuyaient  sur  la  synthèse  des  formes 
pour  arriver  à  l'idéal  du  Beau,  prétendaient  ramener  la  pein- 
ture dans  les  voies  qu'avaient  suivies  les  prédécesseurs  de 
Raphaël  et  tenaient  pour  corrupteur  l'art  de  la  belle  époque 
de  Léon  X  et  des  siècles  suivants.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet 
M.  Ernest  Chesneau  : 

€  Ils  assignaient  expressément  à  l'art  un  but  de  moralisa- 
tion  active.  Ils  prétendaient  atteindre  ce  but  :  les  uns  dans 
l'art  historique,  par  la  représentation  de  motifs  ayant  un 
caractère  de  précision  et  d'exactitude  aussi  minutieux  que 
possible  ;  les  autres,  dans  le  paysage,  par  la  représentation 
fidèle  des  plus  menus  détails,  des  moindres  particularités 
spéciales  au  site  choisi  par  l'artiste  et  fourni  par  la  nature. 
C'était  dans  l'un  et  l'autre  cas,  dans  le  paysage  et  dans  l'his- 
toire, un  système  d'analyse  microscopique  poussé  jusqu'au 
vertige.  Par  l'analyse  ainsi  entendue,  ils  voulaient  réaliser. 


—  m  — 

épouser  étroitement  le  vrai,  principe  et  fin  de  toutes  choses.  » 

Le  critique  Thoré,  sous  le  pseudonyme  de  William  Bùrger 
les  juge  ainsi  : 

«  Une  pente  logique  et  irrésistible  a  précipité  les  préra- 
phaélites vers  le  réalisme  le  plus  minutieux,  parce  que  dans 
la  peinture  du  xv«  siècle  qu'ils  s'imaginent  d'abord  imiter, 
au  lieu  de  saisir  ce  qui  la  caractérise,  le  style  sévère  et  naïf, 
l'expression  intime  et  profondément  sentie,  ils  n'y  ont  vu 
que  lo  détail  caressé  avec  la  ferveur  des  néophytes  convertis 
h  la  religion  de  la  nature,  après  le  mysticisme  abstrait  du 
moyen-âge. 

»  C'est  par  là  aussi  que  les  réalistes  anglais  se  différen- 
cient des  réalistes  français,  Courbet  peint  ce  qu'il  voit,  mais 
il  voit  ce  qu'il  faut,  et  comme  il  le  faut  :  les  grands  plans  d'une 
figure  ou  d'un  objet,  leur  relation  avec  l'entourage,  l'effet 
qu'ils  font  dans  le  milieu  où  ils  sont.  Ce  réaliste  sait  dissi- 
muler ce  que  la  réalité  dévore  et  il  ne  réalise  que  ce  qu'elle 
montre  en  son  ensemble. 

»  Au  contraire,  les  réalistes  anglais  peignant  chaque  objet 
et  presque  chaque  point  d'un  objet  pour  lui-même  et  dans  son 
isolement  arbitraire,  ne  donnent  pas  aux  objets  leur  valeur 
réelle.  Ils  opèrent  je  ne  sais  quelle  analyse  qui  conviendrait 
à  certaines  sciences  positives,  aux  mathématiques  peut-être, 
mais  qui  n'est  plus  de  l'art  ». 

Ruskin,  ce  logicien  entraîné  par  son  esprit  philosophique, 
applique  aux  beaux-arts  la  méthode  scientifique  qui  com- 
mence par  l'analyse  la  plus  minutieuse,  pour  arriver  à  la  syn- 
thèse, tandis  que  l'artiste  procède  par  le  tout  ensemble  avant 
d'arriver  aux  détails.  Ruskin  recommanda  la  recherche  du 
détail  sous  tous  les  rapports,  cette  recherche  est  pour  lui 
celle  de  la  vérité  dans  l'art,  et  il  la  voit  avec  admiration  chez 
les  gothiques  dont  il  comprend  l'art  à  sa  manière.  Ils  ont 
été,  selon  lui,  les  seuls  peintres  religieux,  tandis  que  Ra- 
phaël et  son  école,  reprenant  le  principe  de  l'art  grec,  ne  sont 
que  les  artistes  du  savoir-faire,  de  la  pose  et  du  mensonge, 


-  418  - 

de  même  que  les  maîtres  de  toutes  les  autres  écoles  qui  ont 
suivi  leur  voie. 

C'est  pour  cela  que  tous  ces  réformateurs,  défendus  par 
lui,  prirent  le  nom  de  préraphaélites  et  se  considérèrent 
le  plus  sérieusement  du  monde  comme  les  apôtres  d'une 
religion  nouvelle,  d'un  art  régénéré  dont  la  mission  était 
de  propager  sa  doctrine  en  combattant  l'art  de  la  Renais- 
sance, cet  apostat  né  de  l'art  païen.  Pour  mieux  produire  et 
se  livrer  en  paix  à  ses  méditations,  l'un  de  ces  préraphaé- 
lites en  arriva  à  se  cloîtrer,  et  au  commencement  de  leur  so- 
ciété, les  autres  signèrent  leurs  tableaux  de  ces  trois  lettres: 
P.  R.  B.  Préraphaélite  Brothcr:  frère  préraphaélite. 

Une  révolution  analogue,  nous  l'avons  dit,  se  produisit  en 
Allemagne,  mais  chez  les  Allemands  pas  plus  que  chez  les 
Anglais,  elle  ne  fut  durable. 

De  ces  derniers,  quelques-uns  seulement  persistèrent  iso- 
lément et,  par  exemple,  M.  Holman  Hunt  qui  exposait  en  1855 
un  tableau  intitulé  :  La  Lumière  du  Monde^  représentant 
comme  un  divin  Diogène  le  Christ  au  milieu  des  ténèbres, 
une  lanterne  à  la  main,  à  la  recherche  d'un  homme  juste. 

En  effet,  le  symbole  associé  à  la  vérité  la  plus  minutieuse, 
c'est  ainsi  que  le  préraphaélisme  anglais  interprétait  l'Ecri- 
ture sainte.  On  pouvait  voir,  au  Champ  de  Mars  en  1867,  à 
l'exposition  de  la  peinture  britannique,  un  tableau  de  William 
H.  Fisk  qui  représente  Jésus,  arrivé  à  l'âge  d'homme,  sous 
la  pâle  clarté  des  étoiles,  à  l'heure  où  la  nuit  va  couvrir  la 
terre.  La  tête  enroulée  d'une  splendide  auréole,  il  médite 
en  tant  qu'Homme  sur  la  volonté  de  Dieu,  et  s'apprête  à  con- 
sommer le  divin  sacrifice. 

Remarquons  ici  que  dans  leurs  tableaux,  les  préraphaé- 
lites ne  reproduisent  aucunement  les  types  consacrés  par  la 
tradition  catholique.  C'est  au  nom  de  leur  foi  sincère  et  de 
la  vérité  qu'ils  rejettent  le  poncif  de  ces  types  si  faciles  à 
imiter  de  Raphaël  et  de  l'école  romaine.  Mais  on  pourrait 
objecter  qu'ils  doivent  innover  des  images  plus  générales  et 


—  149  — 

plus  sublimes  par  romissinn  de  détails  individuels  faisant 
obstacle  à  la  réalisation  de  l'idéal 

Il  n'en  est  rien;  dans  le  tableau  que  nous  avons  cité  de 
M.  Hunt  et  celui  de  M.  Fisk  intitulé  :  La  dernière  noirée  de 
JésuM'ChrUt  à  Nazareth,  ils  ont  la  prétention  de  retracer 
entièrement,  dans  ses  plus  menus  détails,  la  vérité  des  évé- 
nements historiques  dont  ils  veulent  ainsi  reproduire  l'esprit 
et  la  lettre  d'une  manière  absolue.  Voici  ce  que  dit  à  cet 
égard  M.  Ruskin. 

V  Moïse  n'a  jamais  été  peint,  Ëlie  ne  l'a  jamais  été,  David 
non  plus  si  ce  n'est  comme  un  florissant  jouvenceau,  Débo- 
rah  jamais,  Gédéon  jamais,  Isaïe  jamais.  (Il  excepte  pour- 
tant de  ce  jugement  F.  Lippi  et  Botticelli  dont,  plus  tard,  il 
admit  la  peinture).  De  robustes  personnages  en  cuirasse,  ou 
des  vieillards  à  barbe  flottante,  le  lecteur  peut  s'en  rappeler 
plus  d'un  qui,  dans  son  catalogue  du  Louvre  ou  des  Uffizi  se 
donnaient  pour  des  David  ou  des  Moïse  ;  mais  s'imagine-t-il 
que  si  ces  peintures  eussent  le  moins  du  monde  mis  son 
esprit  en  présence  de  ces  hommes  et  de  leurs  actes,  il  aurait 
pu  ensuite,  comme  il  l'a  fait,  passer  au  tableau  voisin,  pro- 
bablement à  une  Diane  flanquée  de  son  Actéon,  ou  de 
TAmour  en  compagnie  des  Grâces,  ou  à  quelque  querelle  de 
jeu  dans  un  tripot  >. 

On  sait  bien  pourtant  que  la  vérité  historique  absolue  est 
impossible  et  pour  prendre  un  exemple  :  sur  quels  docu- 
ment M.  Fisk  s'est-il  basé?  —  Faisait-il  beau?  Voyait-on  les 
étoiles  dans  cette  soirée  que  Jésus  a  passée  à  Nazareth? 
Puis,  le  Christ  se  tenait-il  alors  sur  la  terrasse  où  l'a  placé  le 
peintre,  ou  à  l'intérieur  de  la  maison  ?  Puis,  était-il  vêtu  de 
la  robe  à  raies  que  nous  voyons  dans  le  tableau  ?  —  Pendant 
que  l'on  se  fait  toutes  ces  questions,  devant  cette  peinture, 
le  doute  arrive,  et  l'émotion  qu'elle  eût  causée  disparait. 

M.  Milsand  rapporte  que  M.  Hunt  —  comme  James  Tissot 
le  fit,  à  son  exemple,  pour  la  vie  de  Jésus,  —  avait  long- 
temps séjourné  en  Judée,  visité  le  pays  pour  se  pénétrer  de 


—  120  — 

son  caractère,  fait  pendant  cinq  ans  de  nombreuses  lectures, 
et  recherché  tous  les  documents  d'érudition  pour  rendre 
son  œuvre  irréprochable  aux  yeux  des  antiquaires,  des 
physiognomonistes  et  des  théologiens.  Il  avait  même  con- 
trôlé la  forme  des  chaussures  que  portaient  les  israélites,  et 
croyait  son  œuvre  parfaite,  à  Tabri  de  toute  critique.  Cepen- 
dant, une  dame  juive  observa  devant  son  tableau  que  l'au- 
teur ignorait  en  quoi  les  hommes  de  la  tribu  de  Juda  se  dis- 
tinguaient de  ceux  de  la  tribu  de  Ruben,  et  lui  reprocha 
d'avoir  donné  aux  docteurs  de  Juda  les  pieds  plats  qui  carac 
térisent  ceux  de  Ruben,  tandis  que  les  premiers  avaient  le 
cou-de-pied  très  haut  placé 

Les  préraphaélites  sont  en  même  temps  symbolistes,  et 
trouver  le  mot  de  Ténigme  qu'ils  posent  au  spectateur  est 
souvent  impossible.  C'est  ainsi  que  M.  Hunt  envoyait  en 
1807  un  tableau  intitulé  :  Après  le  coucher  du  soleil  en 
Egypte,  Rien  qu'à  la  lecture  de  ce  titre  on  s'imagine  qu'il 
s'agit  d'un  paysage;  nullement.  —  L'artiste  nous  montre 
une  femme  debout  et  rigide,  enveloppée  d'une  ample  dra- 
perie sombre  à  reflets  bleus,  ornée  de  colliers  d'or  et  de 
corail,  les  oreilles  percées  de  larges  anneaux,  soutenant 
d'une  main  la  gerbe  d'épis  posée  sur  sa  tête,  et  de  l'autre, 
une  amphore  vert  pâle  en  terre  vernissée.  Tout  autour  de 
cette  femme,  une  nuée  de  pigeons  venus  de  tous  les  points 
de  l'horizon  picore  la  gerbe  ou  le  grain  qu'elle  répand  à  ses 
pieds,  et,  derrière  elle,  l'onde  coule  sous  les  fleurs  du  lotus, 
et  de  nombreuses  moissons  s'étendent  jusqu'aux  montagnes 
que  dorent  les  derniers  feux  du  jour. 

On  se  demande  ce  que  le  peintre  a  voulu  signifier  par  ce 
tableau.  Est-ce  l'Egypte  que  personnifie  cette  figure  morne 
parée  comme  une  courtisane?  L'Egypte  moderne  déchue  de 
sa  puissance,  de  son  antique  royauté,  n'ayant  plus  que  la 
richesse  de  son  sol  fécondé  par  le  limon  que  dépose  le  Nil, 
et  tournant  le  dos,  pour  ne  les  point  voir,  aux  ruines  de 
ses  splendides  monumonts\^  ou  bien  faut-il  donner  toute 


—  J2l  - 

autre  explication  d'une  telle  énigme  posée  au  spectateur? 
Selon  son  imagination  chacun  pourra  voir  là  une  chose  ou 
une  autre,  et  même  qui  se  contrediront.  N'est-ce  point  là 
un  argument  contre  cette  peinture  symbolique  qui  reste 
indéchiffrable? 

Toutefois,  la  peinture  de  M.  Hunt,  pour  la  minutie  de  dé- 
tails, semble  vouloir  rivaliser  avec  celle  de  Balthazar  Deu- 
ner  qui,  dans  ses  portraits,  peignait  les  pores  de  la  peau,  — 
car  cela  est  conforme  à  la  doctrine  de  M.  John  Ruskin. 
Selon  lui,  la  mission  de  l'artiste  n'est  point  de  charmer  en 
appliquant  l'idée  et  les  principes  des  peuples  latins  dans  les 
beaux-arts,  elle  est  de  faire  profiter  l'humanité  en  lui  mon- 
trant, par  une  vision  supérieure,  l'œuvre  de  Dieu  jusque 
dans  les  choses  en  apparence  les  plus  infimes,  dans  la  cour- 
bure et  les  entrelacements  inflnis  de  l'herbe  et  des  fleu- 
rettes, et  dans  les  minuties  qui  échappent  à  l'examen  du 
vulgaire.  C'est  l'erreur  où  était  tombé  en  France  le  peintre 
Delaberge  qui  s'efforçait,  en  vain,  de  reproduire  une  à  une 
toutes  les  feuilles  d'un  arbre,  toutes  les  tuiles  d'un  toit,  ce 
qui,  somme  toute  ne  pouvait  pas  même  le  mener  à  un  résul- 
tat égal  à  celui  que  ses  confrères  avaient  atteint  par  une 
autre  voie. 

On  a  dit  que  ces  derniers  sacrifiaient  le  détail  à  l'en- 
semble, tandis  que  les  préraphaélites  sacrifiaient  l'ensemble 
au  détail.  Or,  si  l'on  réfléchit  qu'il  est  impossible  à  notre 
vue  de  voir  toutes  les  feuilles  d'un  arbre,  tous  les  pores  de 
la  peau,  tous  les  cailloux  d'un  chemin,  que  ce  qu'elle  en  saisit 
c'est  les  parties  les  plus  éclairées,  tandis  que  le  reste  s'es- 
tompe dans  l'aspect  du  tout  ensemble,  on  comprendra  que 
ces  mots  :  sacrifier  le  détail,  sont  l'expression  de  ceux  qui, 
pour  juger  de  la  peinture,  ne  se  servent  que  de  leurs  idées 
et  non  de  leurs  yeux.  La  seconde  proposition  do  la  phrase 
citée  par  nous  est  seule  justifiée  car,  effectivement,  les 
préraphaélites  sacrifient  l'ensemble  au  détail. 

M.  Ruskin,  parlant  de  la  peinture  en  philosophe  a  dit  : 

9 


—  122  — 

«  Chaque  herbe,  chaque  fleur  des  champs  a  sa  beauté  dis- 
tincte et  parfaite;  elle  a  son  habitat,  son  expression,  son 
oflice  particulier,  et  l'art  le  plus  élevé  est  celui  qui  saisit  ce 
caractère  spécifique,  qui  le  développe  et  qui  1  illustre,  qui 
lui  donne  sa  place  appropriée  dans  l'ensemble  du  paysage 
et  par  là  rehausse  et  rend  plus  intense  la  grande  impression 
que  le  tableau  est  destiné  à  produire  ».  Si  M.  Ruskin  eut 
été  peintre,  il  eût  tout  d'abord  compris  l'impossibilité  d'ap- 
pliquer celte'.théone. 

£n  eflet.  si  le  peintre  précise  chaque  détail  avec  son  ca- 
ractère propre  il  le  rend  trop  important  pour  l'objet  princi- 
pal de  son  tableau,  et  cela  arriverait  même  s'il  s'agissait  de 
littérature,  de  description  dans  un  roman  par  exemple.  Le 
détail  étudié  scientifiquement  comme  le  veut  M.  Ruskin, 
détruit,  contrairement  à  ce  qu'il  affirme,  l'ampleur  et  l'har- 
monie de  lensemble  pittoresque;  lequel,  par  cela  même, 
n'a  plus  son  aspect  vrai,  n'est  plus  que  mensonge. 

Nous  avons  remarqué  que  les  préraphaélites  sont  symbo- 
listes, et  que  leurs  rébus  comme  le  tableau  de  M.  Hunt  : 
Coucher  de  Soleil  en  Egypte  sont  impossibles  à  déchiffrer. 
L'excentricité  est,  du  reste,  fort  goûtée  chez  les  artistes 
anglais.  Citons  entre  autres  Blake  (I),  peintre  et  poète  — 
nous  en  avons  déjà  dit  quelques  mots  à  l'ancienne  école.  — 
Cet  admirateur  de  Wordsworth  fut  un  visionnaire.  Quel- 
(jues-uns  des  poèmes  qu'il  publia  en  dernier  lieu  et  des 
dessins  qu'il  grava,  à  la  pointe  sèche,  sont  le  produit  d'une 
folie  mystique,  et  n'ont  aucun  sens. 

Il  faut  bien  dire  que  de  telles  œuvres  sont,  en  Angleterre, 
la  conséquence  de  l'esprit  public,  et  que  les  artistes,  pour 
devenir  riches,  ne  trouvent  rien  de  mieux  que  de  s'y  assu- 
jettir. 

La  peinture  considérée  comme  l'art  de  la  forme  ne  corres- 
pond point  à  un  besoin  des  Anglais  pour  l'expression  de  la 

(1)  Blake,  1757-1827. 


—  423  — 

beauté  plastique,  et  ce  qu'ils  y  cherchent  n'est  point  cette  in- 
time jouissance  que  procure  la  contemplation  d'un  chef- 
d'œuvre.  Un  tableau  n'est  pour  eux  qu'un  objet  de  luxe,  un 
meuble  qui  marque  la  richesse  et  la  distinction  de  celui  qui 
le  possède. 

On  compi'end  dès  lors,  puisqu'il  s'agit  surtout  de  se  distin- 
guer,  de  se  distraire,  qu'on  en  ait  cherché  les  moyens  dans 
la  bizarrerie,  l'excentricité,  et  que  les  peintres,  comme  ils  le 
font  aussi  trop  souvent  chez  nous,  soient  soumis  au  goût  ca« 
pricieux  de  millionnaires  enrichis  dans  le  négoce  et  qui 
manquent  de  culture  artistique. 

Les  artistes,  pour  ce  monde-là,  comme  l'a  fort  bien  observé 
un  éminent  critique,  sont  «  des  instruments  hàiis  tout  exprès 
pour  amuser  et  distraire  V aristocratie  ».  Il  en  est  d'eux 
comme  des  fous  de  cour. 

«  Est-ce  là,  poursuit  M.  Chesneau,  un  sérieux  appel  à  la 
grandeur  et  à  l'élévation  de  l'art?  Aussi  ces  deux  mots  :  gran- 
deur, élévation,  doivent-ils  être  rayés  de  toute  étude  sur  les 
peintres  britanniques Leurs  qualités  sont  à  eux,  cepen- 
dant, et  ils  en  ont.  Ainsi,  dans  la  peinture  de  genre  ils  font 
preuve  d'observation,  dans  le  paysage,  ils  réussissent  très 
bien  les  ciels,  c'est  là  une  de  leurs  supériorités Mais  l'é- 
cole anglaise  ne  montre  en  réalité,  ne  fait  preuve  d'aucun 
effort  sérieux  ;  venue  après  toutes  les  autres,  riche  de  l'ex- 
périence du  passé,  elle  n'a  que  fort  peu  produit  et  encore 
rien  institué.  » 

Ceci  s'écrivait  en  1855  et  nous  ne  voyons  pas  qu'à  ce  jour, 
en  1902,  il  y  ait  eu  notable  changement  ou  progrès. 

Plus  loin,  le  même  critique  ajoute  :  «  Son  indépendance 
n'est  même  pas  un  calcul  légitime  :  si  ellere  jette  toute  tra- 
dition, ce  n'est  point  pour  marcher  dans  une  voie  nouvelle 
tracée  d'avance  et  méditée,  c'est  par  caprice,  afin  d'obéir  au 
goût  particulier  des  peintres  pour  l'excentricité  individuelle 
qui  n'a  que  bien  peu  de  rapports  avec  la  vertu  la  plus  noble 
dans  l'art,  l'originalité.  » 


—  424  — 

Turner  lui-même,  avec  ses  exagérations  de  lumière  et 
d'ombre,  ne  sait  point  composer  un  tableau;  il  manque  de 
cette  ampleur,  de  cette  pondération  dans  les  parties,  qui 
constitue  Tunité  sereine  des  œuvres  des  grands  maîtres  et 
relève  du  goût  général  plutôt  que  d'un  sentiment  personnel 
à  l'individu.  On  sent  devant  ses  paysages  TefTort  de  tension 
de  tout  son  être  pour  arriver  à  une  seule  des  expressions  que 
le  peintre  doit  léaliser  dans  son  œuvre.  De  telles  produc- 
tions, en  comparaison  de  celles  où  sont  équilibrés  les  moyens 
des  maîtres,  sont  des  exceptions  monstrueuses  où  manque 
l'unité  qui  consacre  la  sérieuse  valeur  des  œuvres  bien  pon- 
dérées, les  seules  qui  puissent  retenir  d'une  manière  durable 
TattentiOn  de  la  postérité. 

Les  peintres  anglais  ignorent  la  science  de  l'art  qui  est  la 
seule  base  certaine  par  laquelle  l'artiste  contrôle  lui-même 
sa  pensée,  l'exprime  sûrement,  incontestablement,  et  peut 
toujours  progresser. 

Gomme  ils  ne  s'appuient  point  sur  un  fondement  solide,  on 
ne  pourrait  citer  un  seul  de  leurs  tableaux  dont  il  soit  pos- 
sible de  dire,  comme  cela  arrive  pour  d'autres,  que  l'idéal 
atteint  aux  plus  hauts  sommets  accessibles  à  la  pensée. 

Il  faut  constater  seulement  que  leurs  meilleurs  ouvrages 
ont  un  idéal  que  le  spectateur  doit  compléter  par  Timagina- 
tion. 

Deux  hommes  qui  se  rapprochent  des  préraphaélites  sans 
faire  positivement  partie  de  leur  école  sont  :  Madox  Brown 
et  Burne  Jones. 

Le  premier,  qui  exposa  assez  rarement,  fit  en  1865,  dans 
Piccadilly,  une  exposition  d'une  centaine  de  ses  œuvres  où 
l'on  remarquait  celle  intitulée  :  Adieu  à  V Angleterre  et  le 
Travail,  une  composition  où  les  doctrines  sociales  et  la  mo- 
rale ont  plus  grande  part  que  la  peinture,  et  qui  ne  procède 
nullement  du  goût  latin. 

De  1845  à  1855  cet  artiste  avait  produit,  semble-t-il,  des 
œuvres  meilleures  :  Cordelia  et  le  roi  Lear,  Cordelia  et  ses 


—  125  — 

sœurSy  la  Vierge  et  VEnfant,  des  portraits,  des  paysages, 
des  vitraux  pour  Téglise  Saint-Oswald  et  son  tableau 
d'Haydée. 

Sans  s'astreindre  à  suivre  en  tous  points  la  doctrine  préra- 
phaélite qui  veut  que  Ton  peigne  toujours  d'après  le  modèle 
vivant,  Madox  Browne,  fort  abstrait  en  peinture,  se  laisse  aller 
à  son  imagination  et  selon  les  sujets  qu'il  traite  exprime  des 
sentiments  divers,  par  des  moyens  différents.  Epique  dans  le 
Rai  Lear  partageant  ses  états,  il  devient  passionné  dans 
Roméo  et  Juliette^  et  religieux  dans  le  Fils  de  la  veuve  de 
Naim, 

Edward  Burne  Jones,  récemment  décédé  (t),  s'inspirait  des 
légendes  nationales  puisées  chez  les  poètes  de  son  pays,  et 
c'est,  sans  contredit,  le  meilleur  peintre  moderne  de  la 
Grande-Bretagne  pour  la  composition,  le  dessin  et  la  cou- 
leur. Selon  Mme  Julia  Cartwright,  sa  biographe  (2),  Burne 
Jones  fut  le  lyrique  de  la  peinture  moderne  dont  Puvis  de 
Chavanne  fut  le  noble  idyllique.  Né  à  Birmingham,  ce  fils 
d'un  sculpteur  et  doreur  sur  bois  sentit  s'éveiller  sa  vocation 
en  voyant  une  gravure  de  Dante  Gabriel  Rossetti.  A  l'âge  de 
2B  ans,  il  n'avait  point  encore  fait  d'études  artistiques.  Il  re- 
çut des  leçons  de  Rossetti  et  ses  premières  compositions 
ressemblèrent  à  celles  de  ce  peintre  poète.  Ce  sont  de  petites 
aquarelles  tirées  de  la  Mort  d'Arthur  et  des  œuvres  de 
Chaucer  :  elles  ont  de  la  couleur.  Il  réussit  mieux  encore 
dans  les  cartons  pour  vitraux  d'église  et  la  composition  des 
sujets  religieux.  Il  fit  des  dessins  au  crayon  et  à  la  plume 
pour  illustrer  le  Paradis  terrestre  qu'écrivait  son  ami  Wil- 
liam Morris  et  s'occupa,  en  même  temps,  de  travaux  d'art  dé- 
coratif et  d'industrie  artistique  en  dessinant  des  carreaux  de 
faïence  et  des  modèles  de  tapisseries  (^)  ainsi  que  Madox 


(1)  Le  21  juin  1898. 

(2)  Gazette  des  Beaux-Arts,  1"  juillet  et  !«'  septembre  1900. 

(3)  Ces  tapisseries  ont  été  exposées  à  Paris  en  1900. 


—  126  — 

Browne  Holman  Hunt  et  J.  G.  Watts.  Ruskin,  leur  cham- 
pion, se  joignit  à  eux  pour  les  aider  de  ses  conseils.  Burne- 
Jones  voyagea  avec  lui  en  Italie  où  il  étudia  Carpaccio  et  Bot- 
ticelli.  C'est  à  la  suite  d'un  second  voyage  en  Italie,  en  4864, 
qu'il  produisit  son  tableau  intitulé  :  Le  chevalier  miséricor- 
diexiXy  qui  lui  fut  inspiré  par  une  légende  italienne  ;  on  y  re- 
niarque  un  agréable  effet  de  lumière.  A  partir  de  ce  moment 
il  continua  toujours  dans  cette  voie,  de  1864  à  1890,  et  de 
1890  jusqu'à  sa  mort,  il  fit  des  illustrations,  des  portiaits  et 
des  compositions,  d'après  d'anciens  cartons.  Erudit,  pas- 
sionné pour  la  lecture,  il  recherchait  les  légendes  de  tous 
les  pays  et  ne  voulut  s'inspirer  que  des  sujets  empruntés  aux 
époques  passées,  mythes  grecs  ou  légendes  du  moyen-âge. 
On  a  trouvé  que  sa  peinture  ressemble  aux  enluminures  des 
missels  du  xv«  siècle.  Son  meilleur  tableau  parmi  ceux  dont 
le  sujet  est  du  moyen-àge  est:  Le  roi  Cophetua  et  la  men- 
diante 6e  lîi  ballade  de  Tenuyson.  Le  roi  dépose  sa  couronne 
aux  pieds  de  la  mendiante  ;  puis,  deux  autres  tableaux  sont 
encore  à  noter  :  Chant  d'amour  et  V Amour  dans  les  ruines 
surviva7\t  à  tout. 

Les  aquarelles  de  Burne  Jones  ont  la  même  vigueur  que 
ses  peintures  k  l'huile,  comme  on  a  pu  le  remarquer  dans 
celles  qu'il  envoya  à  l'exposition  de  1878.  1^  peinture  an- 
glaise ne  fait  pas  de  distinction  dans  les  modes  de  facture. 
Ce  qui  distingue  surtout  l'œuvre  de  Burne  Jones,  c'est  la 
poésie  d'un  style  dont  la  mimique  et  l'expression  sont  les 
qualités  dominantes.  Mais  s'il  réussissait  dans  le  domaine  du 
merveilleux  à  représenter  des  fées  ou  des  sirènes,  il  n'en  fut 
point  de  même  dans  le  portrait,  comme  on  a  pu,  par  exem- 
ple, le  constater  dans  celui  de  la  petite-fille  de  M.  Gladstone, 
Dorothée  Drew,  à  laquelle  il  donna,  dit  son  biographe,  Vair 
de  quelque  génie  de  contes  de  fées. 

En  outre  de  ses  travaux  si  divers,  il  a  laissé  un  très  grand 
nombre  de  dessins  et  d'études,  dont  M.  Hollyer  a  photogra- 
phié les  plus  remarquables,  au  nombre  de  deux  cents.  Ce 


—  427  — 

sont  des  esquisses,  des  projets  de  tableaux  ou  des  études  de 
détails.  Elles  nous  montrent  comment  procédait  le  maître. 
En  premier  lieu  une  esquisse  sommaire  au  crayon  ou  à  la 
sanguine,  puis  un  carton  où  il  indiquait  Teffet  soit  à  Taqua- 
relle,  soit  au  pastel,  et  enfin  les  études  de  parties  :  têtes, 
mains  ou  pieds,  dessinées  très  consciencieusement  d'après 
nature. 

Dans  ses  dessins,  on  saisit  mieux  que  dans  ses  peintures, 
son  originalité.  Il  est  très  humoristique  dans  certaines 
charges,  caricatures  d'enfants  ou  d'animaux  qui  lui  servaient 
de  distraction  pour  ses  heures  de  loisir.  11  y  fait  preuve  d'es- 
prit et  d'entrain  comme  dans  son  petit  tableau  :  L'Amotir 
déguisé  en  Raison,  où  l'amour,  sous  une  robe  de  docteur,  ser- 
monne deux  jolies  jeunes  filles  qui  ne  se  doutent  point  que 
sa  dangereuse  personne  se  cache  sous  un  tel  costume.  Le 
21  juin  1898,  la  mort  l'enleva  subitement  et  il  repose  non 
loin  de  sa  maison,  sur  la  côte  de  Sussex,  dans  le  cimetière  de 
Rottingham. 

Un  des  plus  remarquables  artistes  de  ce  groupe  de  pein- 
tres qui  s'intitulèrent  préraphaélites  fut  le  peintre  et  poète 
Dante  Gabriel  Rossetti,  né  à  Londres  en  1828,  mort  à  Bir- 
chington-sur-Mer  le  9  avril  1882.  Il  n'exposa  qu'une  fois  à 
Russel  Palace  plusieurs  tableaux  et  dessins,  alors  qu'il  avait 
28  ans.  Depuis  ce  moment,  il  se  contenta  de  montrer  sa 
peinture  à  ses  connaissances  et  à  ses  amis,  et  pourtant  sa 
célébrité  n'est  point  inférieure  à  celle  des  peintres  anglais 
les  plus  renommés.  Il  traita  les  mêmes  sujets  et  dans  les 
mêmes  principes  que  ses  confrères;  les  [préraphaélites  qui 
furent  grandement  à  la  mode  en  Angleterre  vers  1830.  La 
plupart  de  ces  peintres  abandonnèrent  en  fin  de*compte|leur 
doctrine.  Rossetti  avait,  d'une  manière  invraisemblable,  des 
prétentions  au  réahsme  dans  sa  recherche  du  détail  infime, 
comme  le  prouvent  la  plupart  de  ses  tableaux  :  la  Lune  de 
miel  du  roi  René;  le  Songe  du  Dante,  ,qui  fait  partie  de  la 
galerie  de  Liverpool  ;  The  seed  of  David,  dans  la  cathédrale 


—  128  - 

de  IlandalT;  Francesca  da  Rimini,  aquarelle  en  diptyque; 
Beata  Beatrix  Béatrice  ;  la.  Donna  délia  Finestr a ^  et  d'au- 
tres tableaux  dont  les  sujets  sont  empruntés  à  ses  poésies, 
car  il  a  publié  deux  volumes  de  poèmes  intitulés  Ballade*  et 
sonnets  Parmi  ces  compositions  —  on  remarque  :  —  Venus 
Verticordin;  Sibylla  palmifera;  la  Bella  Mano;  la  Ghir- 
landata;  Veronica  Veronèac^  etc. 

A  l'Exposition  universelle  de  1900  on  avait  placé  de 
Burne  Jones  le  Rt've  de  Lancelot,  une  poétique  légende  qui 
n'était  point  fi  la  hauteur  de  ses  compositions  exposées  au 
pavillon  briiannicjuo  dan.s  son  exposition  rétrospective  où 
Ton  a  admii  r  un  iSaint-George  (i*une  grande  tournure,  fort 
décoratif,  et  l'ariuaroile  intitulée  le  Conte  à  la  Prieure. 

Nous  avons  cru  devoir  donner  ici  quelques  détails  sur  ce 
maître  de  même  (pie  sur  Madox  Browne.  Ces  deux  artistes 
se  rapprochant  des  préraphaélites  par  certains  côtés  sans 
faire  positivement  partie  de  leur  école. 

PEINTURE   D'HISTOIRE 

La  peinture  d'histoire,  telle  que  nous  l'entendons,  n'a 
jamais  eu  de  succès  chez  les  Anglais.  Les  meilleurs  de  leurs 
peintres  ne  furent  point  classiques  et  académiques  comme, 
chez  nous,  les  élèves  ou  les  imitateurs  de  David.  Le  résultat 
des  efforts  de  ceux  qui,  en  Grande-Bretagne,  s'orientèrent 
dans  cette  voie  du  grand  style  ne  fut  point  assez  brillant 
pour  engager  d'autres  artistes  à  la  suivre  avec  persévérance. 

Parmi  les  peintres  d'histoire  contemporains,  M.  V.  Prin- 
sep,  né  dans  les  Indes  anglaises  et  (|ui  est  venu  étudier  son 
art  à  Paris  dans  l'atelier  du  peintre  Gleyre  est  un  des  meil- 
leurs. On  voyait  de  lui,  à  l'Exposition  universelle  de  1855, 
deux  tableaux  remanjuables  par  la  couleur  et  le  dessin 
représentant'des  types  orientaux  :  l'un  avait  pour  titre  Perle 
noire  et  l'autre  A  la  porte  d'or^  représentait  une  femme 
blanche  à  la  porte  d'un  harem.  Il  avait,  en  1900,  à  l'Exposi- 


—  129  — 

tion  universelle,  un  tableau  où  il  donnait  à  la  noblesse  de  la 
forme  plastique,  sans  la  rendre  pour  autant  moins  digne  et 
moins  distinguée,  un  nom  moins  prétentieux  :  il  se  contente 
de  la  représenter  en  Cendrillon. 

M.  Paul  Falconer  Poole  R.-A.  (1810-1870),  un  de  ceux  qui 
jouirent  en  Angleterre  de  la  plus  haute  réputation,  sembla 
avoir  voulu  amalgamer  dans  un  mélange  hétéroclite  le  style 
des  maîtres  de  la  Renaissance,  du  Titien,  du  Guide  avec 
celui  du  Poussin  et  de  Lesueur  sans  parvenir  à  se  les  appro- 
prier d'une  manière  originale  On  cite  comme  une  de  ses 
œuvres  les  plus  remarquables,  son  tableau  :  Chanson  de 
Philomèle  au  bovd  du  lac. 

Le  Président  de  rAcadémio  de  peinture.  Lord  Frédéric 
Leighton,  récemment  décédé,  représente  dans  son  pays  la 
grande  peinture  avec  des  qualités  décoratives.  Son  exposi- 
tion posthume  au  Salon  de  1900  (Exposition  universelle), 
se  compose  de  trois  tableaux  :  le  Retour  de  PerséphonCy 
pastiche  des  maîtres  italiens  de  la  Renaissance,  est  faible 
d'exécution  ;  Rispah  éloignant  les  corbeaux  de  ses  fils  cruci- 
fiés est  une  peinture  trop  noire,  et  enfin  le  petit  tableau  qui 
a  pour  titre  :  Atteint  rappelle  la  manière  léchée  de  Bougue- 
reau.  Deux  dessins,  une  Académie  d'après  le  nu,  et  une 
Etude  de  draperie,  complètent  les  spécimens  du  talent  de 
ce  peintre  supérieur  à  ceux  de  son  pays  qui  voulurent 
traiter  le  genre  historique,  mais  qui  reste  académique  et 
froid  si  Ton  vient  à  le  comparer  aux  artistes  du  continent 
qui  sMllustrèrent  en  traitant  la  peinture  de  haut  style. 

M  Goodal,  qui  exposa  jadis  à  Paris  Rachel  et  son  trou- 
peau^ envoyait  à  l'Exposition  de  1900  la  Tonte  des  moutons 
en  Egypte,  mais,  de  même  que  ceux  de  Prinsep,  ce  tableau 
n'est  point  traité  dans  un  style  qui  s'élève  au-dessus  du  ta- 
bleau de  genre. 

Sir  Edward  Poynter  et  L.  Alma-Tadema,  dans  l'anec- 
dote historique,  ne  sont  guère  satisfaisants.  Le  premier 
essayant,  comme  son  confrère,  de   reconstituer  le  passé, 


—  430  - 

semble  prendre  pour  modèle,  dans  sa  DanseuBCy  la  peinture 
uniformément  léchée  de  Gérôme  en  ses  œuvres  moindres. 
Alma-Tadema  vaut  mieux  avec  le  Printemps  semé  d'inté- 
ressants détails. 

M,  Solomon,  avec  Laus  Deo,  se  rattache  par  cette  allégorie 
aux  préraphaélites.  Sa  couleur  est  harmonieuse. 

Ce  que  n'ont  guère  la  plupart  des  peintres  que  je  viens  de 
nommer,  c'est  l'inspiration,  le  sentiment  du  grand  style, 
sans  lequel  il  n'est  pas  de  peinture  d'histoire,  et  c'est  pour- 
quoi je  n'ai  point  parlé,  dans  l'ancienne  école,  des  Singleton 
(176(M839),  Howard  (1769-1847),  Bird  (1772-1819),  Allan 
(1782-1850),  Burnett  (1784-1868).  Jones  (1786-1869),  East- 
Lake  (1793-1865),  James  Ward  (1769-1859),  qui  sont  plus  ou 
moins  nuls. 

Exceptons  toutefois  David  Scott,  de  l'Académie  royale 
d'Ecosse,  qui  mourut  en  1847,  dont  l'œuvre  est  considérable 
et  variée  par  le  choix  des  sujets.  Sa  peinture  d'une  couleur 
fort  expressive  et  procédant  par  hachures,  a  de  l'analogie 
avec  celle  de  notre  Eugène  Delacroix.  On  remarque  surtout 
parmi  ses  tableaux  ;  Pierre  VErmite  prêchant  la  Croisade^ 
la  Reine  Elisabeth  assistant  à  la  représentation  des  Joyeuses 
commères  de  Windsor,  et  Vasco  de  Gama^  son  dernier 
ouvrage  où  l'on  voit  ce  hardi  navigateur  inspiré  par  le  Génie 
du  Cap  dessiné  dans  la  forme  des  nuages.  Le  groupe  des 
marins  qui  entoure  Vasco  exprime  Teflroi  que  lui  cause  ce 
phénomène. 

GENRE   ET   PORTRAITS 

Les  peintres  anglais,  dans  les  scènes  de  mœurs  qu'ils 
aiment  à  traiter,  peignent  la  vie  de  leurs  contemporains,  et 
si  les  criti(iues  de  leur  pays  les  ont  quelquefois  censurés 
pour  la  préférence  qu'ils  donnent  aux  sujets  de  genre,  nous 
ne  les  blâmerons  point  de  rendre  ainsi  l'intimité  ou  la  vie 
publique  de  leurs  concitoyens.  Rien  du  sujet,  mais  seule- 


—  431  — 

ment  de  son  interprétation.  Ce  qu'on  y  remarque  surtout 
c'est  l'expression  des  physionomies  et  l'intérêt  des  scènes 
représentées,  soit  qu'ils  les  empruntent  à  la  vie  de  nos  jours 
ou  à  celle  des  époques  passées. 

Il  nous  faut  parler  ici  de  Barker  (Thomas  John  Henry),  que 
nous  avons  mentionné  rapidement  dans  notre  introduction  à 
la  présente  étude,  et  dont  nous  possédons  au  musée  de  Be- 
sançon un  tableau  acheté  en  1840  pour  1900  francs,  qui  fit 
partie  du  salon  de  1839.  Cette  composition  intitulée  Retour 
de  la  chasse^  représente  de  grandeur  naturelle  un  jeune  chas- 
seur coupant  du  pain  dont  deux  gros  épagneuls  attendent 
une  part.  En  perspective  on  aperçoit  une  rue,  et  au  premier 
plan  des  armes  de  chasse,  du  gibier  de  plume  et  un  che- 
vreuil. 

La  couleur  de  celte  peinture  est  agréable,  la  touche  en  est 
facile  et  décèle  une  étude  consciencieuse  de  la  nature.  Son 
auteur  naquit  à  Bath  en  1815  et  mourut  à  Londres  en  1882. 
Ayant  reçu  les  premières  notions  d'art  de  son  père,  il  alla 
en  1835  à  Paris  devint  élève  d'Horace  Vernet,  en  suivit  la 
manière,  et  fut  surnommé  par  certains  critiques  l'Horace 
Vernet  de  l'Angleterre.  Il  exposa  à  Paris  aux  différents  salons 
de  1837  à  1850.  On  cite  de  lui  en  outre  du  tableau  dont  nous 
venons  de  parler:  La  Mort  de  Louis  XIV ^  tableau  commandé 
par  le  roi  Louis-Philippe,  et  détruit  au  pillage  du  Palais- 
Royal,  en  1848;  Beautés  de  la  cour  de  Charles  II;  La  Fian- 
cée de  la  Mort,  peint  pour  la  princesse  Marie  d'Orléans.  En 
1845,  rentré  en  Angleterre,  il  peignit  des  animaux,  des  sujets 
d'histoire  et  de  genre.  En  1870-1871,  il  suivit  les  opérations 
de  la  guerre  franco-allemande  et  y  trouva  plusieurs  sujets  de 
tableaux. 

Dans  le  genre,  citons  Dickmans  dont  on  voit  à  la  National 
Gallery  un  tableau  fort  poétique  :  La  Fille  de  V Aveugle^  et 
M.  Watts  qui,  en  1855,  avait  adopté  un  parti  pris  pour  attirer 
l'attention.  C'était,  en  se  servant  de  couleurs  h  l'huile,  de 
faire  ressembler  sa  peinture  à  du  pastel.  Préraphaélite  à  cette 


—  132  - 

époque  de  sa  carrière,  il  savait  au  besoin,  dans  le  portrait  de 
son  confrère  Frédéric  Leighton,  peindre  et  dessiner  d'une 
manière  plus  conforme  à  la  vérité  que  dans  les  cinq  tableaux 
mythologi(|ues  qu'il  exposait  à  Paris  en  1900  (^). 

M.  Erskine  Nicol,  dans  son  Ecole  de  village,  où  un  magis- 
ter  intimide  son  élève  et  vient  de  lui  adresser  une  question 
à  laquelle  il  eût  été  lui-même  peut-être  embarrassé  de  ré- 
pondre, a  bien  saisi  la  naïveté  du  pauvre  petit  et  Texpression 
bourrue  du  pédagogue.  Dans  le  Paiement  du  loyer ^  les  types 
impassibles  de  Tinlendant  du  lord  et  de  son  commis,  tout 
entiers  à  encaisser  leurs  comptes  et  sourds  aux  doléances  et 
aux  requêtes  des  misérables  irlandais  qui  viennent  donner 
leurs  fermat^es,  le  caractère  des  physionomies  est  bien 
rendu.  La  touche,  quoique  un  peu  dure,  est  d'une  assez 
bonne  couleur,  et  la  composition  n'a  rien  qui  puisse  choquer 
le  goût. 

M.  Thomas  Faed  peint  aussi  d'une  manière  intéressante 
l'intérieur  des  humbles.  Tantôt,  c'est  un  pauvre  veuf  qui  es- 
saie, de  ses  grosses  mains,  des  gants  à  sa  fillette,  daas  un 
tableau  dont  le  titre  est  Père  et  Mère;  tantôt,  c'est  une  mère 
qui  raccommode  l'unique  pantalon  que  son  gamin  attend 
jambes  nues.  Ces  sujets  expriment  bien  le  sentiment  tendre 
de  l'artiste. 

M.  Robert  Braithwaite  Martineau,  né  le  19  janvier  1826,  à 
Londres,  mort  le  13  février  1869,  élève  de  M.  Holman  Hunt, 
est  l'auteur  du  tableau  :  Le  dernier  jour  dans  la  vieille  de- 
meure. 11  recherchait  les  sujets  dramatiques,  qu'il  traitait  à 
un  point  de  vue  plus  littéraire  que  pittoresque.  Ses  produc- 
tions sont  peu  nombreuses  car,  dans  son  désir  de  perfection, 
il  mit  dix  ans  à  peindre  ce  tableau. 

M.  William  Quiller  Orchardson  a  non  moins  de  succès 
dans  le  genre  que  dans  le  portrait.  C'est  un  des  peintres  an- 

(1)  M.  Watts  est  décédé  en  1903,  membre  de  l'Institut  de  France  et  de 
la  Légion  d'honneur. 


—  133  — 

glais  qui  sont  le  plus  harmonistes  ;  la  couleur  de  ses  tableaux 
n'est  jamais  criarde,  et  il  excelle  dans  l'expression  de  ses 
figures.  Il  se  rapproche  beaucoup  de  la  facture  de  nos  pein- 
tres français  contemporains,  et  il  pourrait,  sans  disparate, 
passer  pour  en  faire  partie.  En  1867,  il  exposa  chez  nous 
deux  tableaux  :  Tun  tiré  de  Walter-Scott,  Le  Défi,  et  l'autre 
de  Shakespeare,  Christophe  Sly^  qui  eurent  un  succès  bien 
mérité.  Citons  encore  :  La  Reine  des  épées,  V Antichambre, 
le  Décavé,  etc. 

D'autres  peintres  de  genre  choisissent  l'anecdote  pour  sujet 
de  leurs  tableaux;  leur  originalité  n'a  rien  d'accentué  et,  en 
général,  loin  de  faire  comme  les  vieux  maîtres  flamands, 
Rembrandt,  Terburg  ou  Metzu,  qui  généralisent  des  sujets 
familiers  :  le  philosophe  en  méditation,  la  conversation,  le 
concart,  etc.,  ceux-ci,  au  contraire,  spécialisent  leur  sujet; 
tels  sont  ,  M.  Philippe  Galderon  ou  M.  Hayllard  avec  son  ta- 
bleau :  un  mal  de  dents  de  la  reine  Elisabeth,  De  tels  sujets 
ne  sont  pas  faciles  à  comprendre  et  tournent  au  rébus. 

Parmi  les  peintres  de  scènes  populaires  il  faut  encore  citer  : 
M.  W.  Powel  Frith,  auteur  de  :  Le  jour  du  Derby  et  de  La 
Gare  du  chemin  de  fer;  M.  G.  Green  et  MiM.  S.  Burgess, 
F.  Bamard  et  L.  Fildes. 

N'oublions  pas  M.  Frédéric  Walker,  mort  prématurément 
à  trente-cinq  ans,  qui  eut  un  grand  succès  à  notre  exposition 
universelle  de  1878  avec  son  tableau  :  La  vieille  grille,  et  dix 
aquarelles  d'une  charmante  exécution. 

M.  Sir  John  Gilbert,  membre  de  l'Académie  royale,  ré- 
cemment décédé,  a  envoyé  à  notre  exposition  universelle  de 
1900  :  Henri  VIII  et  le  cardinal  Wolseley  et  une  aquarelle  : 
La  Sorcière,  qui  se  distinguent,  comme  la  plupart  de  ses 
compositions,  par  l'heureux  arrangement  des  figures  et  une 
bonne  couleur. 

M.  John  Pettie,  membre  de  l'Académie  royale,  actuel- 
lement décédé,  représenté  à  notre  exposition  de  1900  par 
sa  toile  intitulée  Sylvia,  nous  rappelle  la  manière  de  l'an- 


—  i\U  — 

cienne  école  anglaise  dans  le  portrait,  où  il  s'est  distingué. 

M.  W.  Ouless,  artiste  vivant,  se  préoccupe  de  ne  point  né- 
gliger les  moindres  détails  dans  le  portrait  de  Sir  A  Holden 
Bart. 

Citons  encore  de  M.  Charles  H.  Shannon,  L'homme  à  ta 
chemise  noive^  qui  semble  Toeuvre  d'un  disciple  de  Wisthler 
ou  de  Legros. 

De  M.  Ralph  Peacock,  Leportrail  d'une  dame  danHini;de 
M.  Gotch  (Thomas  Cooper),  L'héritière  des  siècles^  peinture 
violacée  se  complétant  par  des  tons  orangés. 

Un  peintre  célèbre  en  Angleterre,  sir  Francis  Grant,  né 
en  1804  et  nommé  de  l'Académie  en  1851,  ne  montre  dans 
ses  ouvrages  aucune  originalité.  Sa  manière  rappelle  celle 
d'Horace  Vernet,  dans  un  tableau  qui  représente  Le  vicomte 
Ilarding  quittant  le  champ  de  bataille  de  Ferozeshals.  Il  est 
pourtant  assez  bon  portraitiste. 

M.  E.J.Gregory,  de  l'Académie  royale,  traite  tous  les  genres 
avec  un  égal  succès.  Il  envoyait  à  notre  exposition  universelle 
de  19001e  Portrait  de  M.  S.  R.  Platt,  une  Vue  de  la  Tamise, 
Boutters  G.Lock  le  dimanche,  et  deux  aquarelles  :  La  Fille 
du  Meunier  et  La  Petite  Psfjchée.  Cet  artiste  est,  comme 
M.  Herkomer,  un  observateur  réaliste  de  la  nature. 

Citons  encore  les  peintres  de  genre  :  A.  Hopkins,  F.  Holl, 
G.  H.Boughton,  l'aquarelliste  G.  J.  Pinvvell,  mort  à  3^  ans 
en  1875,  P.  R.  Morris  et  M.  Marcus  Stone  qui  avait  à  l'expo- 
sition de  1900  son  tableau  intitulé  La  bonne  amie  du  matin. 
Ce  dernier  a  toujours  dans  ses  ouvrages  l'inspiration  senti- 
mentale plus  littéraire  que  pittoresque.  Ses  tableaux  seraient 
charmants  si  leur  exécution  répondait  à  leur  invention. 

Le  réalisme  sincère  dans  l'observation  de  la  nature  est  re- 
présenté par  M.  Herkomer  avec  son  Portrait  de  sir  G,  D, 
Tauhman  Goldie.  Le  peintre  y  arrive  à  l'expression  de  la  vie 
par  une  facture  sobre-  et  large.  Orchardson  aussi  dans  le 
Portrait  de  M.  David  Stewart  et  surtout  celui  de  sir  W,  Gil- 
bey  exprime  bien  le  caractère  de  la  race  anglo-saxonne.  D'au- 


—  135  — 

très  portraits  sont  sérieusement  traités  par  MM.  Lavery,  Jack 
Loudan,  Millais,  John  Hare  de  Glazebrook. 

Il  faut  citer  aussi,  parmi  les  tableaux  de  genre,  à  l'exposi- 
tion de  1900,  celui  de  M  Lorimer  intitulé  :  Au  dernier  mo- 
ment. Une  jeune  mariée  que  viennent  chercher  ses  amies, 
lorsqu'approche  le  moment  où  elle  va  s'unir  à  jamais. 

N'oublions  pas  La  Maison  de  poupée^  de  M.  Rothenstein  ; 
La  Causerie^  de  Bramley,  et  de  Hacker  Le  Cloître  ou  le 
Monde,  qui  est  remarquable  par  un  effet  de  lumière  ;  Le 
Dîner  d'été,  de  John  R.  Reid,  et  de  M.  Christie,  Le  Joueur . 
de  flageolet  de  Hamelin,  etc. 

M.  G.  D.  Leslie  qui  excelle  aussi  dans  la  peinture  de  genre 
et  l'expression  des  sentiments  intimes,  comme  il  l'a  bien 
montré,  entre  autres  œuvres,  dans  son  tableau  d'une  de  nos 
précédentes  expositions  universelles,  Visite  à  la  pensio7i, 
nous  envoyait  en  1900  un  paysage  d'Un  Village  dans  les 
Cotswolds,  moins  impressionnant  que  ses  tableaux  de  genre. 

liA  PEINTURE  DE  PAYSAGES  —  liES  ANIMALIERS 
LES  PEINTRES   DE  MARINES 

Un  éminent  critique  d'art,  M.  Henri  Houssaye,  rappelait 
dernièrement  que  si  la  peinture  de  paysage  est  de  nos  jours 
fort  en  vogue,  il  n'en  était  point  ainsi  chez  les  anciens  qui  ne 
Testimaient  guère.  Lucien  disait  :  «  Ce  que  je  recherche  dans 
les  tableaux,  ce  ne  sont  ni  des  vallées  ni  des  montagnes, 
ce  sont  des  hommes  agissants  et  pensants.  »  Vitruve  n'ap- 
préciait point  les  peintres  qui  représentaient  des  marines  ou 
des  arbres  au  lieu  de  t  scènes  héroïques  ou  religieuses 
propres  à  élever  l'âme  ». 

Or,  les  Anglais  n'ont  guère  de  peintres  d'histoire  ou  de 
sujets  religieux  qui,  du  reste,  ne  trouveraient  pas  leur  em- 
ploi dans  les  temples  du  protestantisme.  L'Etat  fait  très  peu 
de  commandes  pour  les  monuments  publics  ;  cette  règle  iVa 
presque  subi  d'exceptions  que  pour  le  palais  du  parlement  : 


les  tableaux  des  peintres  d'histoire  leur  resteraient  pour 
compte. 

Il  en  résulte  qu'ils  ont  traité  les  sujets  de  la  vie  familière 
recherchés  par  les  bourgeois  riches  et  les  membres  de  l'a- 
ristocratie payant  largement  les  artistes.  Le  tableau  de  genre 
et  le  paysage,  voi)à  le  champ  où  concourent  généralement 
les  peintres  de  la  Grande-Bretagne,  en  bornant  leur  idéal 
aux  sentiments  de  la  famille  et  aux  scènes  agrestes. 

Toujours  est  il  que,  libre  de  toute  tradition  dans  le  passé. 
•  leur  peinture  se  signale  par  le  cachet  individuel,  d'autant  pkis 
qu'il  est  dans  la  nature  de  l'Anglais  de  n'admirer  rien  tant 
que  sa  race  et  ses  mœurs,  supérieures,  selon  lui,  à  tout  ce 
qui  se  voit  chez  les  autres  nations  On  a  vu  que  le  principe 
préraphaélite  est  la  représentation  minutieuse  de  la  réalité, 
de  telle  sorte  que  les  savants  puissent  reconnaître  dans  un 
paysage  la  nature  géologique  d'un  terrain,  les  végétaux 
propres  à  la  composition  du  sol,  Us  papillons,  les  insectes,  la 
race  des  animaux  de  tels  ou  tels  pays,  etc.  Celle  manière 
scientifique  d'envisager  l'art  est  à  l'opposition  du  goût  et  du 
génie  des  peuples  latins,  mais  c'est  l'exagération  d'une  qua- 
lité de  consciencieuse  observation  trop  souvent  oubliée  par 
nos  artistes. 

Les  peintres  anglais  de  l'école  moderne,  sauf  un  tableau 
de  Barker  dont  nous  avons  parlé  et  deux  aquarelles  de  Fiel- 
ding,  ne  sont  pas  représentés  au  musée  de  Besançon. 

Nous  voyons  seulement  une  minime  peinture  signée  Ver- 
non  pouvant  être  de  A.  L.  Vernon  qui  fait  partie  d'un 
groupe  de  paysagistes  naturalistes;  toutefois,  nous  n'affir- 
mons rien  à  cet  égard. 

Cette  petite  étude  représente  un  cours  d'eau  dans  une 
prairie  plantée  d'arbres,  et  vers  les  premiers  plans,  bordée 
de  buissons.  Au  second  plan  on  aperçoit  des  lavandières.  Le 
ciel  est  nuageux  et  la  verdure  d'un  aspect  sombre. 

Ce  morceau  est  trop  peu  important  pour  donner  une  idée 
juste  du  talent  de  son  auteur.   C'est  le  paysage  copié,  non 


—  137  — 

composé,  comme  le  pratique  un  groupe  qui  comprend,  avec 
A.  L.  Vernon,  J.  C.  Adams,  A.  G.  Dodd,  Frank  Miles  déjà 
cité,  J.  G.  Todd,  T.  J.  Watson,  etc. 

D'autres  peintres  encore,  que  Ton  dirait  comme  les  pré- 
curseurs de  nos  maîtres  célèbres  :  Corot,  Troyon,  Rous- 
seau, Daubigny,  tels  que,  entre  autres  :  Cecil  Lawson, 
Ernest  Parton,  J.  Aumônier,  Edwin  Ellis,  J.  L.  Pickering, 
Leslie,  Tomson,  ont  été  par  leurs  compatriotes,  dénommés 
impressionnistes,  sans  qu*ils  aient  rien  qui  ressemble  au 
faire  des  peintres  français  auxquels  nous  avons  donné  ce 
nom. 

Parmi  les  paysagistes  qui  suivent  la  doctrine  de  John 
Ruskin  nous  devons  citer  MM.  Linnell,  Vicat  Gole,  et  surtout 
M.  Charles  Lewis.  Son  tableau  une  Pièce  d'orge  dans  le 
Berkshire  montre  au  suprême  degré  la  recherche  des  dé- 
tails. Tous  les  pavots,  les  bleuets,  toutes  les  herbes  parasites 
qui  s'enlacent  ou  se  mêlent  aux  tiges  d'une  blonde  moisson 
sont  rendus  avec  l'amour  d'une  scrupuleuse  et  patiente 
étude,  avec  le  culte  de  l'objectivisme  le  plus  complet. 

M.  Millais,  en  fidèle  disciple  de  Turner,  s'attache  à  rendre 
les  eflets  variés  de  la  lumière  dans  l'atmosphère,  soit  qu'il 
peigne,  le  Bord  d'une  Imide,  ou  le  Froid  octobre  ou  Da7is 
les  montagnes  d'Ecosse. 

J.  E.  Millais,  né  en  1829,  fut  le  plus  réputé  des  préra- 
phaélites ;  il  traite  des  sujets  historiques,  des  scènes  de  la 
vie  anglaise  contemporaine,  ou  empruntées  à  la  poésie.  On 
cite  parmi  ses  compositions  :  Ophéliey  Les  Romains  quittant 
la  Gi'ande  Bretagne,  Garde  royal^  Le  Hussard  de  Bruns- 
ivicky  Le  Whist  à  trois,  et  les  Portraits  de  Gladstone  et  de 
RtAskin. 

Dans  tous  ces  sujets  divers  on  remarquait  une  véritable 
originalité  d'expression.  Le  peintre  s'y  montrait,  selon 
l'occasion,  réaliste,  comme  dans  son  tableau  L'élargisse- 
ment, ou  mystique  dans  Le  Retour  de  la  colombe  à  l'Arche, 
ou  romanesque  dans  La  Mort  d'Ophélie, 

10 


—  138  -- 

En  1H67,  il  s'éloignait  de  sa  première  manière,  et,  dans  Le 
Semeur  d'ivraie  et  Les  Eomains  quittant  la  Grande-Bre- 
tagne, sacrifiait  les  fonds  de  paysages  et  ne  recherchait  plus 
que  Teffet  du  drame.  En  1875,  sa  peinture  tout  en  conser- 
vant son  expression  poétique  devenait  de  plus  en  plus 
vivante,  plus  corsée  dans  les  tableaux  qu'il  exposait  au 
Champ  de  Mars,  entre  autres  dans  celui-ci  tiré  d'un  poème 
de  George  Meredith  intitulé  La  Couronne  d'amour.  L'ex-pré- 
raphaélite  s'y  montrait  enfm  libre  dans  sa  facture  qui  ne 
s'assujeltissait  plus  à  la  recherche  minutieuse  de  la  réalité 
et  affirmait  sa  supériorité  dans  la  diversité  des  genres.  En 
1900,  John  Millais  se  faisait  remarquer  à  notre  Exposition 
universelle  par  la  poésie  triste  de  son  Vieux  Jardin  soli- 
taire, où  Ton  ne  remarque  guère  que  l'alignement  froid  des 
bordures  de  buis. 

Somme  toute,  en  nous  reportant  à  ce  groupe  d'artistes 
qui  avaient  pour  objectif,  s'isolant  de  leurs  confrères,  un 
idéal  où  la  théorie  du  réel  et  du  vrai  l'emportait  sur  la  pos- 
sibilité de  la  pratique,  les  préraphaélites,  ces  disciples 
d'une  école  qui  n'existe  plus  pour  être  restée  étrangère  à  la 
vie  de  notre  époque,  n'ont  laissé  aucune  production  qui 
puisse  satisfaire  pleinement  aux  exigences  de  la  saine  criti- 
que d'art. 

Citons  cependant,  parmi  les  derniers  peintres  qui  sem- 
blent s'inspirer  de  Hurne  Jones  :  MM.  Strudwick ,  Chevalier 
Taylor,  et  les  portraitistes  de  Glehn,  Solomon,  Collier,  etc. 
En  août  1901,  on  signalait  aussi  une  tentative  de  rénovation 
de  la  peinture  à  fresque  dans  le  style  du  xv*  siècle  italien 
par  M.  Southali  et  miss  Kate  Burne,  Arthur  J.  Gaskyn, 
Evelyn  de  Morgan,  John  D.  Batten,  etc  ,  à  l'exposition  de  la 
New  Gallery. 

Parmi  les  paysagistes  qui  se  signalèrent  le  mieux  à  l'Ex- 
position universelle  de  1900  par  le  sentiment  de  la  nature  et 
le  mérite  de  l'exécution,  il  faut  citer  MM.  La  Thangue,  avec 
ses  deux  tableaux,  une  Petite  propriété  et  Le  Bûcheron^  et 


—  139  — 

Stanhope  A.  Forbes,  avec  La  Forge.  Tous  deux  font  partie 
des  peintres  réalistes  de  Glasgow.  M.  Franck  Brangwin,  en- 
core un  de  ces  artistes  écossais  dont  la  peinture  se  compose 
de  touches  larges  et  vibrantes,  se  révélait  dans  son  Marché 
de  Bushire^  et  parmi  les  tableaux  des  autres  naturalistes 
on  remarquait  :  de  Lionel  Smythe,  un  Paysage  d'automne, 
avec  glaneurs  ;  d'Adrien  Stokes,  \  Avenue  dans  le  marais  ; 
de  Lindner  Moiïat,  Eclat  du  soir,  Dordrecht. 

M.  George  F,  Watts  R.  A.,  qui  traitait,  il  y  a  de  cela  dix 
ans,  les  sujets  de  haut  style  et  le  nu,  tels  que  L'Amour  et  la 
Mortj  Orphée  et  Eurydice^  avait  abandonné,  en  1900,  ces 
sujets  mythologiques  pour  ne  nous  montrer  à  Paris  qu'une 
Vue  de  NapleSy  où  il  semble  s'inspirer  de  Turner  O). 

On  a  prétendu  que  ce  peintre,  dégoûté  de  voir  ses  ta- 
bleaux mal  placés  dans  nos  Salons,  sans  que  Ton  eût  égard 
au  rang  élevé  qu'il  occupe  parmi  les  artistes  de  son  pays,  et 
malgré  les  médailles  qu'il  avait  obtenues  chez  nous,  avait 
fini  par  ne  nous  envoyer  jamais  plus  de  ses  œuvres.  Il  se 
peut  que,  pour  ce  motif,  il  ne  nous  eût  pas  montré,  en  1900, 
Tune  de  ces  peintures  qu'il  aimait  surtout  à  emprunter  à  la 
mythologie.  M.  Watts,  grand  coloriste,  est  actuellement  no- 
nagénaire ;  il  ne  cesse  pourtant  point  de  produire,  et  au  Sa- 
lon de  la  New  Gallery,  en  1901,  on  remarquait  son  tableau 
Les  Highlands. 

Mentionnons  enfin,  pour  terminer,  Thomas  Sidney  Goo- 
per,  né  à  Cantorbéry  en  1803,  mort  le  5  février  1902.  Il 
apprit  seul  la  peinture,  fut  décorateur  de  théâtre,  paysagiste, 
voyagea,  resta  longtemps  en  Hollande  et  peignit  avec  grand 
succès  le  paysage  et  les  animaux.  Nonjmé  membre  de  la 
Royal  Academy  en  1867,  il  avait  publié,  en  1853,  un  livre  de 
dessins  d'animaux  et  groupes  rustiques,  et  un  livre  illustré 
par  lui  :  Les  Beautés  de  la  Poésie  et  de  l'Art, 

Parmi  les  animaliers  remarquables,  citons  M.  Swan  et 

(1)  Voir  la  note  précédente  au  bas  de  la  page  132. 


—  140  ^ 

M.  Crawhal,  avec  un  tableau  intitulé  Coq  noir.  Quant  à 
M.  Briton-Rivière,  qui  excelle  dans  les  sujets  où  il  peint  les 
feuves,  il  exposait,  en  1900,  Tentation  dans  le  désert,  repré- 
sentant le  Christ  dans  un  paysage  aride,  sous  les  derniers 
feux  du  jour,  et  Fidèle  A  mori^  la  première  de  ces  composi- 
tions rentrant  dans  le  style  sérieux  de  la  peinture  d'histoire. 

Il  semble  que,  dans  les  Iles-Britanniques,  les  peintres  de 
marines  devraient  être  plus  nombreux  qu'ailleurs  ;  il  n'en 
est  rien.  Nous  ne  trouvons  plus  à  notre  Exposition  univer- 
selle de  190(),  MM.  Hamilton,  Robert  Leslie,  Franck  Miles, 
.1.  G.  Hook,  W.  J.  Richards,  T.  R.  Hardy,  J.  G.  Naish, 
H.  Gibbs  ;  mais  nous  pouvons  signaler  dans  ce  genre  :  Tho- 
mas Graham,  Colin  Hunter,  avec  une  Afarine  par  un  temps 
d'orage.  C  Napier,  Henry  John  Brett,  Lindner.  Nous  n'y 
trouvons  rien  du  chevalier  de  Martins,  peintre  de  marines 
du  roi  Edouard  VII. 

En  résumant  ce  que  nous  avons  constaté  dans  le  cours  de 
la  présente  étude,  nous  voyons  que  les  écoles  du  continent 
ont  suivi  la  tradition  des  écoles  italiennes  de  la  Renaissance 
et  que  leurs  peintres,  pour  la  plupart,  ont  puisé  leur  ensei- 
gnement dans  les  ateliers  parisiens. 

Mais  la  race  anglaise,  malgré  ses  efforts  pour  s'assimiler 
la  tradition  du  génie  latin,  est  restée  essentiellement  natio- 
nale et  quel  que  soit  le  sujet  traité,  que  ses  figures  repré- 
sentent César,  Mahomet,  Agamemnon  ou  Louis  XVI,  qu'elles 
aient  à  nous  faire  voir  des  Grecs  anciens,  des  Romains  ou 
des  Turcs,  elles  restent  toujours  marquées  du  seul  type 
anglais. 

De  1855  à  1867  et  à  1900,  si  nous  en  jugeons  par  ce  que 
l'Angleterre  a  envoyé  chez  nous  à  nos  diverses  expositions 
universelles,  elle  semble  avoir  décliné  dans  les  beaux-arts,  et 
ses  dernières  productions  sont  inférieures.  Si  elle  a  paru  jadis 
suivre  la  tradition  de  Van  Dyck  avec  Reynolds,  Lawrence  et 
Gainsborough,  actuellement  ses  peintres  se  montrent  surtout 
préoccupés  du  soin  avec  lequel  ils  traiteront  les  détails,  ou 


—  141  — 

bien  ils  enfantent  des  ouvrages  que  Ton  croirait  destinés  à 
être  reproduits  en  illustrations.  Ils  gagnent  à  être  traduits 
en  gravure,  ce  qui  n'arrive  point  pour  les  vrais  maîtres  et  les 
coloristes  comme  Rubens  et  Van  Dyck.  On  a  dit  que  l'exécu- 
tion mesquine  de  leurs  tableaux  produit  le  même  effet  que 
s'ils  étaient  vus  à  travers  des  lunettes  de  myopes.  La  pro- 
preté, le  détail  étudié  brin  à  brin  et  l'oubli  de  l'ensemble, 
voilà  surtout  ce  qui  les  caractérise. 

Le  plus  souvent  tout  s'y  trouve  papillotant,  et  disperse 
l'attention  par  cette  imitation  servile  qui  paraît  vouloir  lutter 
avec  l'objectif  photographique,  et  recherche  la  propreté  d'une 
peinture  poncée  et  polie.  Balthazar  Denner  et  Biaise  Desgoffe, 
les  modèles  de  ce  genre  en  Allemagne  et  en  France,  se  sont 
montrés  habiles  ouvriers,  mais  nullement  artistes. 


—  142  — 


LES  AQUARELLISTES  ANCIENS  ET  MODERNES 


Dans  les  écoles  anglaises  on  enseigne  la  peinture  à  Teau 
avant  la  peinture  à  Thuile,  et  l'on  considère  l'aquarelle 
comme  un  art  national.  Les  Anglais  disent  qu'ils  n'y  ont 
point  de  rivaux  et,  plutôt  que  d'en  admettre,  ils  reconnaî- 
traient volontiers,  contre  leur  habitude,  que  la  peinture  à 
rhuile  des  étrangers  pourrait  lutter  avec  la  leur. 

C'est  bien  là  l'opinion  de  gens  pour  lesquels  l'art  est  sur- 
tout une  manifestation  de  Tbabileté  matérielle.  Pour  nous, 
quels  que  soient  l'instrument  et  les  couleurs  employés,  Tart 
relève  de  Tintelligence  et  du  sentiment  plutôt  que  de  l'a- 
dresse manuelle.  Mais,  à  ne  considérer  que  le  côté  technique, 
ce  qui  fait  le  charme  de  l'aquarelle,  c'est  une  touche  légère 
et  spontanée  qui  résulte  de  l'improvisation.  Si,  en  se  livrant 
à  un  travail  minutieux  et  détaillé,  et  en  y  ajoutant  de  la 
gouache  pour  simuler  les  vigoureux  empâtements  de  l'huile, 
on  paraît  vouloir  la  faire  ressembler  à  un  tableau,  elle  n'a 
plus  sa  raison  d'être.  C'est  ce  qui  arrive  pour  la  plupart  des 
aquarelles  anglaises. 

Les  aquarelles  de  Cattermole,  de  Kennet  Mac  Leay,  de 
David  Mac  Kewan  ont  de  la  vigueur,  mais  l'emploi  de  la 
gouache  leur  enlève  la  fraîcheur,  qui  e^t  une  des  premières 
qualités  de  ce  genre. 

Cette  absence  de  technique  a  pour  résultat,  chez  ceux  qui 
arrivent  à  se  distinguer,  une  originalité  toute  personnelle  et 
fantaisiste  qui  caractérise  leurs  productions. 

Comme  la  centralisation  est  assez  mal  vue  en  Grande- 
Bretagne,  l'Académie  trouva  d'assez  nombreux  concurrents, 
et  ce  fut  presque  à  sa  naissance  :  l'Institution  britannique 


—  143  — 

(BtHtish  Insiitution)^  la  Société  des  Artistes  {Sociehf  of  bn- 
tish  artists)  et  la  Société  des  Peintres  à  l'aquarelle  {Society 
of  painters  in  vjater-colours).  En  dernier  lieu,  Tln^ftitut 
des  aquarellistes,  fondé  par  un  Tournaisien,  nommé  Louis 
Hague,  s'est  installé  à  Piccadilly,  dans  un  quartier  des  plus 
luxueux,  non  loin  de  l'Académie  royale. 

Les  artistes  qui  composèrent  toutes  ces  sociétés  ont  eu 
pour  but  de  pouvoir  exposer  leurs  ouvrages  sans  être  obligés 
au  contrôle  de  l'Académie.  Chez  chacune  d'elles  se  trouve 
une  salle  d'expositions  publiques  et  de  vente  des  ouvrages  de 
leurs  sociétaires. 

On  comprendra  bien  que,  puisque  l'Etat  s'est  désintéressé 
des  beaux-arts,  il  importe  au  plus  haut  point  que,  sous  peine 
de  ne  pouvoir  vivre,  les  artistes  fassent  une  question  capitale 
de  la  vente  de  leurs  productions.  Les  meilleurs  peintres  ne 
font  donc  aucune  difificulté  d'exposer  pour  la  vente  leurs  ta- 
bleaux et  il  faut  dire  que  la  classe  riche  et  l'aristocratie 
mettent  leur  orgueil  à  les  payer  largement.  C'est  de  la  sorte 
que  les  artistes  en  renom  arrivent  à  une  opulente  situation 
qui  ne  doit  rien  à  la  faveur  d'un  ministre  ou  d'un  directeur 
des  beaux-arts  ;  leur  bien-être  ne  leur  vient  que  de  l'opinion 
et  de  Testime  du  public. 

On  a  inventé  des  associations  que  l'on  nomme  Arts  Unions; 
chacun  de  leurs  membres  paie  une  cotisation  annuelle  qui  va 
d'un  shilling  à  une  guinée,  et  on  leur  donne  en  retour  un 
numéro  d'action  qui,  s'il  sort  au  tirage  d'une  loterie  annuelle, 
gagne  quelque  tableau  d'une  valeur  plus  ou  moins  consé- 
quente. Ces  unions  ont  une  grand  vogue,  et  par  conséquent 
de  très  nombreux  souscripteurs,  de  sorte  qu'elles  arrivent  à 
avoir  en  caisse  des  sommes  considérables  qui  leur  permettent 
d'acquérir  des  œuvres  de  très  grand  prix.  On  en  voit  qui, 
comme  la  Liverpool  Art  Union,  achètent  chaque  année  pour 
jusqu'à  1389  livres  sterling  de  tableaux. 

Les  artistes  qui  ne  se  sont  point  encore  fait  un  nom,  les 
commençants,  ont  recours  aux  marchands  de  tableaux,  fort 


I 


—  444  — 

nombreux  à  Londres.  Ceux-ci  remplissent  l'office  de  jury, 
acceptent  ou  refusent  les  peintures  qui  leur  sont  présentées, 
et  celles  qu'ils  refusent  n'ont  plus,  en  dernier  ressort,  qu'à 
être  présentées  aux  enchères  pour  un  prix  minime,  sur  le- 
quel on  leur  retient  un  droit  de  commission,  qui  s'élève  quel- 
quefois jusqu'à  soixante-quinze  pour  cent.  Il  en  résulte  que, 
si  le  peintre  pauvre  vend  un  tableau  cent  francs,  il  n'en 
touche  que  vingt-cinq.  Comme  dernière  ressource,  il  ne  lui 
reste  que  le  préteur  sur  gages,  le  pawn-hroker,  qui  est  à 
Londres  à  peu  près  comme  notre  Mont-de- Piété. 

Une  autre  ressource  des  peintres  malheureux  est  la  res- 
tauration dos  vieux  tableaux,  ou  encore,  la  contre.àçon  des 
maîtres  vivants,  comme  il  arriva  naguère  chez  nous,  où  le 
procès  des  faux  Corot  par  Trouillebert  fit  sensation.  Mais 
ce  n'est  point  le  contrefacteur  qui  profite  de  ce  métier 
déshonnête,  c'est  l'entrepreneur  qui  fait  circuler  ses  pro- 
duits. 

Avant  d'envoyer  leurs  tableaux  à  l'Académie  Royale  de 
peinture  les  peintres  de  Londres  les  exposent,  aux 
approches  du  printemps,  dans  leurs  ateliers  :  c'est  ce  qu'on 
appelle  le  Show  sunday  (Exposition  du  Dimanche). 

Ce  qui  distingue  ces  artistes  des  artistes  français,  c'est 
que,  considérant  leur  art  au  point  de  vue  pratique,  comme 
un  husinessy  ils  ont  soin  de  se  placer  dans  les  meilleures 
conditions  pour  faire  de  l'argent.  D'une  tenue  correcte  et 
irréprochable,  sans  rien  qui  les  distingue  et  dénote  par  leur 
costume  quelque  originalité^  on  les  voit  recevoir,  dans  des 
ateliers  bien  cirés  et  soigneusement  époussetés,  qui  ne 
puissent  choquer  d'aucune  façon  le  snobisme  de  leurs  visi- 
teurs mondains. 

C'est  ainsi  qu'ils  arrivent  à  pouvoir  vivre  en  mettant  à  des 
|tt*ix  avantageux  leurs  productions  artistiques,  comme  s'ils 
vendaient  du  drap  ou  des  épices,  et  leurs  relations  mon- 
tlaines  leur  sont  plus  profitables  que  la  contemplation  d'un 
Itembrandt  ou  d'un  Velasquez.  Il  leur  suffit  d'exhiber  une 


--  145  — 

peinture  lisse  et  propre  (1)  dans  des  cadres  luisants,  en  évi- 
tant le  nu  cher  à  la  peinture  française,  et  qu'en  Angleterre 
les  gens  bien  élevés  qualifient  de  shoking^  pour  recueillir  les 
exclamation»  admiratives  de  :  lioiv  pi^etty!  how  beautiful! 

Il  est  vrai  de  dire  pourtant,  qu'il  est  d'honorables  excep- 
tions, mais  généralement  il  en  est  ainsi  à  ciiuse  des  exi- 
gences d'un  public  qui  n'entend  rien  à  l'art,  et  qui  donne 
ses  préférences  à  une  peinture,  correcte  et  sans  originalité, 
rappelant  la  chromolithogi'aphie. 

Quelques  artistes,  il  est  vrai,  font  exception  à  ceux  qui  se 
résignent  en  sacrifiant  l'art  afin  de  subvenir  aux  besoins  de 
leur  ménage.  On  pourrait  citer  parmi  ceux-ci  :  un  Sargent, 
américain  ;  un  Alma-Tadema,  hollandais  ;  un  Herkomer, 
allemand,  pour  un  anglais,  comme  Orchardson. 

Mais  fermons  cette  parenthèse  et  revenons  aux  aqua- 
rellistes anglais.  Tout  d'abord,  ils  ne  produisirent  que  des 
lavis  à  l'encre  de  Chine  ou  dessins  teintés  (the  stamed  dra- 
wing).  Francis  Barlow,  né  en  1626  dans  le  Lincolnshire, 
inaugura  le  premier  ce  genre.  Puis,  ce  lavis  devint  brun  ou 
gris  bleu  renforcé  par  quelques  tons  colorés  et  par  un  dessin 
à  la  plume  vers  la  fin  du  xviir  siècle  avec  Michaël  Angell 
Rooker  de  la  R.  A.  (1743-4864),  Thomas  Hearne  (4744-1834) 
et  W.  Payne,  dont  on  ignore  les  dates  de  naissance  et  de  mort. 
Cette  manière  ne  vise  point  alors  à  reproduire  des  effets 
corsés  de  lumière  et  d'ombre  et  conserve  un  aspect  pâle. 

Les  aquarelles  de  John  Robert  Cozens  (1752-1799)  res- 
semblent à  des  gravures  enluminées,  mais  Thomas  Girtin 
(1773-1802)  se  servit  mieux  de  la  couleur  et  arriva  progres- 
sivement à  réaliser  l'elTet  de  la  nature  dans  ses  dernières 
productions,  qui  ne  manquent  pas  d'une  certaine  poésie.  Il 
en  est  de  même  pour  John  Sell  Cotman  (1782-1842). 


(1)  En  octobre  1901,  une  Calypso  de  Bouguereau  atteignit  en  vente  pu- 
blique le  prix  de  924  livres. 


-  146  — 

Parmi  les  aquarellistes  qui  traitèrent  la  figure  il  faut 
signaler,  quoique  traduisant  des  impressions  différentes, 
Josuah  Cristall  (1767-1847)  et  Henri  Liversepge  (1803-1832), 
remarquables  tous  deux  par  leur  vive  imagination. 

Rappelons  encore  le  visionnaire  William  Blake  (1757- 
1827),  et  Thomas  Stothard  que  nous  avons  cité  pour  ses  mé- 
diocres peintures  à  Thuile.  Il  a  de  Télégance  dans  la  ligne, 
mais  consulte  trop  peu  la  nature. 

J  M.  W.  Turner,  lorsqu'il  peignit  à  l'aquarelle  ne  produi- 
sit à  ses  débuts,  comme  Girtin  dont  il  fut  l'élève,  qu'une  es- 
pèce de  camaïeu  brun  ou  gris,  jusqu'à  ce  que,  après  de 
longues  études  de  dessin  sur  nature,  il  arrive,  vers  1800,  à 
exécuter  avec  une  maîtrise  supérieure  et  une  expression 
fortement  sentie,  non  plus  par  un  dessin  coloré  mais  en  con- 
cevant et  réalisant  son  œuvre  par  la  couleur  avant  tout.  Son 
exécution  est  franche,  et  c'est  à  tort  qu'on  lui  a  attribué  les 
ficelles  du  métier,  l'enlèvement  des  clairs  au  chiffon,  au 
grattoir  ou  à  l'éponge.  Ces  expédients  sont  surtout  employés 
par  Georges  Fennel  Robson  (1790-1833).  Quant  à  Robert 
Hills  (1769-1844),  il  arrive  à  l'effet  par  une  seule  application 
de  la  couleur  au  premier  coup  W. 

Copley  Fielding  (2),  dont  Eugène  Delacroix  fut  l'ami,  a  eu, 
comme  Turner,  le  sentiment  de  l'espace  et  des  mystérieux 
effets  de  brouillard.  Il  serait  pourtant  difficile  de  reconnaître 
ce  sentiment  dans  les  deux  aquarelles  de  la  collection  Gigoux 
qui  lui  sont  attribuées  :  l'une  représente  des  oiseaux  d'eau, 
et  l'autre  un  lévrier  ;  elles  semblent  destinées  à  un  livre 
d'histoire  naturelle. 


(1)  Citons  encore,  parmi  les  meilleurs  aquarellistes  :  John  Varley  (1778- 
1842),  David  Cox  1788-1859),  Peter  de  Vint  (I78i-1849;,  Copley  Fielding 
(1737-1815),  Georges  Barret  (1774-1842),  Samuel  Prout  (1783-1852),  Wil- 
liam Henri  Hunt  (1790-1864),  George  Catlermole  (1800-1868),  John  Frédé- 
ric Lewis  (1805-1876).  Ces  artistes,  avec  des  styles  vari«*s,  ont  tous  le  sen- 
timent et  Tobservation  de  la  nature. 

(2i  Copley  Fielding,  de  la  Royal  Academy,  1737-1815. 


—  147  — 

Samuel  Proat  excelle  surtout  dans  les  vues  d'architecture, 
et  il  se  montre  plus  dessinateur  que  peintre  dans  celles  qu'il 
reproduisit  au  cours  de  ses  voyages  en  France,  en  Allema- 
gne, dans  les  Flandres  et  en  Italie. 

David  Gox  est  plus  coloriste  que  ce  dernier;  sa  couleur 
rappelle  celle  de  Constable,  et  il  a  su  donner  de  Tintérôt  aux 
scènes  les  plus  simples. 

William  Hunt  et  Lewis  sont  coloristes  dans  la  peinture  de 
genre  :  leur  faire  est  simple  et  large,  soit  dans  les  fruits  et 
les  fleurs  du  premier,  soit  dans  les  vues  d'Espagne  et  d'OHent 
du  second. 

La  Société  des  Aquarellistes  (')  {Tke  Society  of  Painters 
in  water  colours]  fut  fondée  en  1805  et  fit  sa  première  expo- 
sition le  22  avril  de  ladite  année  à  Grosvenor  square  d'abord, 
puis  dans  Bond  street,  Spring  gardent,  et  enfin  dans  les 
salles  de  Pall-Mall  East. 

En  1832,  plusieurs  artistes  fondèrent  une  autre  société  dite  : 
Nouvelle  Société  des  Aquarellistes,  et  firent  leur  première 
exposition  au  printemps  de  ladite  année  (2\  En  1863,  cette  so- 
ciété adopte  un  autre  nom,  celui  de  The  Instiiuie  of  Pain- 
ters in  water  colours  3), 


(I)  Nous  empruntons  à  M.  Krnest  Cliesneau  les  noms  de  ses  fondateurs  : 
G.  Barrel,  J.  Crislall,  W.  S.  Gilpin,  J.  Glover,  W.  Ilawell.  R.  Hills,  J. 
Holworthy,  J.  G.  Nattes,  F.  Nicholson,  N.  Pocock,  V.  H.  Pyne,  S.  Rigaud, 
S.  ShcUey,  J.  Varley,  C.  Varley  et  W.  F.  Wels. 

(.2)  Ses  fondateurs,  selon  M.  Chesneau,  étaient  :  W.  Cowen,  James  Fuge, 
T.  Maisey,  G.  F.  Phillips,  J.  Powel,  V.  B.  S.  Tayler  et  T.  Wageman. 

(3)  Au  second  rang,  après  les  artistes  déjà  nommes,  nous  devons  citer, 
dans  cette  Société  :  G.  Lambert,  Paul  Sandby,  MA.  Rooker,  F.  Weathley, 
T.  Hearne,  J.  K.  Sherwin,  F.  Nicholson,  J.  R.  Cozens,  N.  Pocock,  T.  Row- 
landson,  J.  C.  Ibbetson,  D.  M.  Serres,  E.  Dayes,  J.  Glover.  S  Howit,  H. 
Edridgfi,  J.  CristaU,  S.  Owen,  R.  Uills,  T.  Girtin,  J.  Varley,  J.  S.  Colman, 
W.  Hawell,  J.  J.  Chalon,  W.  Turner,  L.  Cleunel,  S.  F.  Rigaud,  G.  F. 
Robson,  F.  Nash,  R.  Westall,  E.  Dorrell,  H.  Liverseege,  G.  Chambers, 
G.  W.  Shephead,  J.  M.  Ince,  W.  Stanley,  W.  Oliver,  Saustin,  G.  Cruiks- 
hank,  W.  Arches,  S.  Cook ,  W.  liennels,  J.  D.  Harding,  C.  Bentley,  S. 
Rough. 


—  148  — 

A  l'exposition  universelle  de  1900,  n'oublions  pas  les  aqua- 
rellistes Alian,  Aumônier  et  Rainey,  MM.  Alexander  et  Da- 
wy,  avec  leurs  animaux,  Lhermann,  avec  ses  paysages,  et 
les  aquarelles  de  MM.  East,  Petersen,  Peter  Graham,  Water- 
low,  Parsons,  Harry  Hine,  A.  Hunt,  Brown,  Walton,  etc. 

De  tous  ces  peintres  de  Técole  moderne  anglaise,  aucun 
n*est  représenté  dans  la  collection  J.  Gigoux  et  dans  le  mu- 
sée de  Besançon. 

Aux  inconnus  anglais  sont  attribués  dans  le  legs  Gigoux  : 
une  copie  à  l'état  d'esquisse  d'une  composition  reproduite 
souvent  par  la  gravure  d'illustration,  elle  a  pour  sujet  L'In- 
nocence représentée  par  une  jeune  fille,  une  enfant  relevant 
ses  jupes  et  présentant  un  fruit  à  un  serpent  qui  se  lève  de- 
vant elle  ;  un  Cavalier  que,  par  euphémisme,  nous  qualifions 
de  peinture  fort  médiocre,  et  un  Paysage  largement  ébau- 
ché où,  avec  un  fond  d'arbres  aux  branches  tombantes,  on 
remarque  une  italienne  sur  un  âne,  un  chien  et  deux  paysans 
dont  l'un  est  assis  dans  Tombre. 

Nous  avons  fini  de  constater  la  petite  place  qu'occupent 
au  musée  de  Besançon  les  peintres  de  ce  que  l'on  nomme 
Ecole  anglaise.  Mais  d'autre  part,  si  nous  observons,  comme 
nous  l'avons  fait,  que  les  musées  de  France,  sans  en  excepter 
celui  du  Louvre  (^),  n'en  possèdent  presque  rien  et  qu'il  en 
est  de  même  pour  ceux  des  autres  pays,  il  nous  faudra  bien 
avouer  que  ces  spécimens,  si  minimes  qu'ils  soient,  ne 
manquent  point  d'intérêt.  Espérons  que  de  généreux  dona- 
teurs pourront  accroître  ce  noyau  et  rendre  moins  insuffi- 
sante dans  notre  collection  la  part  des  peintres  de  la  Grande- 
Bretagne. 


(1)  Au  Musée  du  Louvre,  le  catalogue  indique  aux  inconnus  de  TEcole 
anglaise  du  commencement  du  xw»  siècle,  sous  le  n»  1819,  un  Portrait 
d'fiomme,  donné  en  1882  par  le  journal  VÂrt,  et  ce  Musée  ne  possède  en 
tout,  y  compris  ce  portrait,  que  vingt-cinq  morceaux  de  TEcole  anglaise. 


—  149 


CONCLUSION 


A  cette  étude  sommaire  sur  la  peinture  anglaise  j'ajouterai 
quelques  réflexions  qui  me  semblent  en  dériver.  Et  tout  d'a- 
bord, je  ne  demanderais  pas  mieux,  afin  de  ne  point  donner 
prise  au  soupçon  d'avoir  d'injustes  préventions  nationales, 
que  de  rencontrer  en  Angleterre  des  maîtres  méritant  de 
notre  part  une  admiration  égale  à  celle  que  les  Anglais 
montrent  pour  notre  Claude  Lorrain  ou  notre  Nicolas  Pous- 
sin. En  toute  impartialité,  je  regrette  de  ne  pouvoir  constater 
chez  eux  aucun  peintre  qui  vaille,  je  ne  dirai  certes  point  un 
Murillo,  un  Rubens,  un  Velasquez,  mais  les  moindres  maîtres 
approchant  de  ces  illustres  représentants  des  écoles  étran- 
gères. 

A  part  le  portrait,  où  se  continue  la  manière  de  Reynolds, 
on  ne  trouve  pas  d'originalité  dans  les  productions  qui  ne  se 
rattachent  entre  elles  par  aucun  lien  commun.  Même  en  der- 
nier lieu,  chez  les  préraphaélites,  les  différents  peintres  an- 
glais conservent  chacun  une  manière  individuelle,  et  ces  in- 
dividualités ne  sont  filles  d'aucune  tradition  qu'elles  aient 
suivie.  Elles  ne  sauraient  être  prises  en  bloc  pour  constituer 
ce  que  l'on  appelle  une  école,  et  ce  n'est  que  pour  obéir  à 
l'usage  généralement  adopté  et  pour  être  mieux  compris  que 
nous  nous  sommes  servis  de  ces  dénominations  :  école  an- 
cienne, école  moderne. 

Dans  le  genre  du  portrait,  comme  nous  venons  de  l'obser- 
ver, tous  les  peintres  anglais  se  montrent  influencés  par  la 
manière  de  Reynolds,  suggestionné  lui  môme  par  le  style  de 
Van  Dyck.  En  ce  dernier  genre  même,  aucun  de  ces  peintres 
ne  peut  être  égalé  aux  vrais  maîtres  des  autres  écoles,  à  Ti- 
tien, à  Rubens,  à  Van  Dyck,  non  plus  que,  pour  le  paysage, 


—  15f»  — 

au  Lorrain  et  à  Ruysdaël,  leurs  modèles  de   prédilection. 

Somme  toute,  on  ne  voit  guère  que  les  Anglais,  malgré  les 
plus  louables  eiTorts  pour  développer  chez  eux  ririteliigence 
des  beaux-arts,  aient  traité  jusqu'ici  d'autres  genres  que  le 
portrait,  le  paysage,  les  tableaux  de  genre  et  les  animaux.  On 
a  dit  que  le  protestantisme,  prohibant  la  peinture  religieuse 
dans  les  églises,  a  empêché  ce  peuple  de  se  distinguer  par 
les  tableaux  de  haut  style;  que  son  puritanisme  s*ofTusque de 
traiter  des  sujets  empruntés  à  la  mythologie  ;  on  a  allégué 
que  le  désir  jaloux  de  conserver  son  originale  et  orgueilleuse 
personnalité  ne  s'accommoderait  point  des  règles  de  la  tra- 
dition classique.  Il  nous  semble  qu'en  outre  de  ces  causes, 
le  tempérament  positif  des  Anglais  ne  leur  permet  point  de 
s'élever  aux  régions  où  brille  la  forme  idéale.  Leur  domaine 
est  la  peinture  de  genre,  ou  plutôt  la  peinture  anecdotique. 
Ce  n'est  point  celle  qui  nait  du  sentiment  pittoresque,  mais 
celle  qui  s'adresse  plus  à  l'ingéaiosité  de  l'esprit  qu'au  plaisir 
des  yeux. 

C'est  ce  qui  a  dominé  depuis  Hogarth  dans  leur  peinture 
et  a  détourné  cet  art  du  but  auquel  il  doit  tendre,  de  sa 
beauté  spécifique.  Par  son  livre,  intitulé  :  Analyse  de  la 
beauté,  Hogarth  a  contribué  à  répandre  chez  ses  compatriotes 
des  idées  qui  ne  s'appuient  parfois  que  sur  des  paradoxes. 

Nous  ne  parlerons  pas  ici  de  la  caricature,  à  laquelle  ils 
semblent  prédestinés  el  où  ils  ont  eu  incontestablement  du 
succès. 

On  sait  que,  dans  ces  derniers  temps,  ils  ont  augmenté  le 
nombre  de  leurs  musées  et  multiplié  leurs  écoles  d'art.  Mais 
il  est  juste  de  remarquer  qu'ils  y  recherchent  pour  profes- 
seurs nos  artistes.  C'est  ainsi  qu'après  la  guerre  de  1870, 
Gazin  accepta,  sur  les  propositions  qui  lui  furent  faites  par 
des  Anglais,  une  place  de  professeur  au  musée  de  South- 
Kensington,  en  remplacement  de  celle  que  laissait  libre  la 
mort  de  son  ami  Legros,  un  Français  naturalisé.  Leure  écoles 
sont  fondées  surtout  au  point  de  vue  pratique  de  l'art  appli- 


—  151  - 

que,  de  Tart  industriel,  deux  mots  qui  jurent  de  se  trouver 
ensemble.  L*art  industriel,  en  effet,  n'est  pas  de  Fart;  c'est 
seulement,  pour  des  objets  usuels  ou  de  luxe,  l'utilisatioji 
des  idées,  des  formes  et  des  couleurs  que  les  artistes  ont  in- 
ventées et  semées  en  tous  lieux.  L'artisan  s'ingénie  à  les  re- 
cueillir et  à  s'en  servir,  mais  ce  n'est  pas  dans  son  métier 
que  réside  l'art,  ce  n'est  point  là  qu'il  prend  sa  source,  et  on 
ne  l'y  retrouve  que  par  imitation. 

Et  d'ailleurs,  dyns  les  industries  d'art,  les  Anglais  sont 
peu  scrupuleux  :  ils  copient  nos  motifs  et  les  fabriques  an- 
glaises recherchent  nos  ouvriers.  C'est  à  ceux  des  nôtres 
qui  se  sont  fixés  en  Angleterre  qu'elles  doivent  surtout  leurs 
progrès.  C'est  ainsi  qu'en  1867,  la  fameuse  maison  Minton 
enrôlait  M.  Solon  Milles,  de  la  manufacture  de  Sèvres  ;  que 
la  fabrique  de  Wedg>vodd  qui,  s'inspirant  du  fameux  vase  de 
Portiand  au  British  Muséum,  fabriquait  des  vases  imités  de 
la  poterie  grecque  ou  étrusque,  employait,  dans  un  genre 
alors  tout  nouveau,  un  artiste  français,  M.  Lessore,  et  que 
dans  l'orfèvrerie,  ayant  des  lois  spéciales  dont  les  Anglais 
ne  se  doutent  pas,  on  trouvait  le  concours  de  deux  artistes 
français,  Wechte  et  Moreil-Ladeuil.  Les  Anglais,  du  reste, 
nous  copient  mùme  dans  ce  que  nous  copions  «  Le  savoir 
et  le  caractère  forment  seuls  les  vrais  artistes  »,  disait 
Maxime  Du  Camp.  —  a  Dans  l'industrie  étrangère,  on  nous 
copie  comme  on  parle  notre  langue,  avec  un  accent  étran- 
ger f ,  écrivait  M.  Louis  Reybaud  en  1867. 

«  Ni  les  musées,  ni  les  écoles,  —  dit  ce  même  critique  - 
n'ont  pu  introduire  dans  leur  goût  ce  que  donnent  seuls  le 
tempérament  et  la  race  :  le  choix,  la  mesure,  l'inspiration  ». 

De  même  que  l'éminent  critique  d'art,  M.  Paul  Leroi,  je 
tiens,  du  reste,  pour  barbare  l'accouplement  de  ces  deux 
mots  :  industries  d'art  ou  arts  industriels  ;  el  si  je  m'en  sers 
c'esL  parce  que,  comme  il  le  dit  fort  bien  :  «  La  badauderie 
incapable  de  comprendre  que  l'art  est  un,  n'a  pas  seulement 
adopté  cette  locution  erronée,  mais  a  réussi  à  l'imposer  et 


i*e  5-r:'^-r*c  îr-  rri  -î*^' — r  «rrsri  :ii   îê;?irte  être  atileiuent 

F:«ir  2if  !♦  me  j:»r.irr^  ri  :a  Tie  j.irii'Oae  celte  locution 
'î'i.^-i^'^  —  ^  ::.ime  ievm:  le?  c»ïui<^.  c*ef4  à  T  Ecole  des 
î*f:iii~Lr-s  II-,  iiir  L.-fr  rir:»:ri  ;«i-^?er  re£L>eîgQement  de 
."ir*.  : ^t?c  :^'::-f  E:-:  -f  ri  _  ii*:  rco:«ir-j^er  et  êiever  le  plus 
Li^:  ;«:-f^5;^e  Le^  isv:-r>  ;  :?.:-rterL:  de  ses  leçons 
pr-frinr^"*  ^ns:  e  :m::--  i^fs  r:«i-e>  L5rïVGtes.  Les  uns  de- 
-i.-ri.'.-e'.:  i->  in.r-s  -  i«fz"s  rc  r-^  lu^es  choisissent  leur 
T  r-  :  •::-  l::-c"-^.  *  '  —'r  :  '  ",  :.ir  ex^^tii^ie,  les  sculp- 
t-.*^  :  ..  v-^r. i^. .:  t^*-  "  •:  -i  .:\  .  r:e\Te<  ou  aux  fabri- 
•-•.:-  ir  \^vx^^  ^  et'-  i.:^>t  ><  i-eintres  «pii  des- 
s  :.^:  rt  \^  ^'  -.zr  L.  :•  r  .-  :  .  •  :  vi.îs  à\:.'deset  de  tentures. 
L  r.  :  ..a  \  i.-<^  j  /r  :•  r  ie-  N  .vjx-arts,  la  notion  des 
[•rr..M*rs  d?  ^  kT\  .|ue  c:^  --';  .->  ivocenl  aux  jeunes  géné- 
rr.  -ns.  »>  p^:u-e  le  d.s  ::  ie  r^gn^tîe  cnlique  M.  A  de  Ca- 
kr.ne  -  .  •  v..  li  >  >e-:  :.:  «yen  de  rèà  iser  la  beauté  des  po- 
teries, des  meub'e--  J  s  bi;  ux  et  de  tous  ces  objets  de 
^•'jtique  qu'il  est  de  n. -ie  aij  urd'hui  d'exhiber  dans  les 
exf-^jr-iti'Mw  de  peir.ture  et  de  >ouîpture,  oimnie  s'il  était 
«•Mn\>_'njr' e  dV.'ver  les  j  iv^ivii;-  de  Tindustrie  et  du  com- 
merce au  niveau  d'un  art  supérieur.  » 

Nou-i  savons  bien  qn'«m  a  argué  de  fimpuissance  des 
écôlrfs  en  disant  :  l'art  ne  s'enseigne  pas.  D'accord  ;  mais 
ce  qui  peut  et  doit  s'enseig^ner,  c'est  les  principes.  Il  a  fallu 
des  siècles  \H^\^T  les  tr»»uver  et  découvrir  les  bases  im- 
muables sur  lesquelles  ils  reposent,  et  les  révolutions  les 
plus  radicales  dans  l'nrt  du  laissé  l'ont  toujours  raiiiené  à  des 
lois  primordiales  initiales,  à  des  renaissances  athéniennes, 
comme  celle  qui,  partant  de  ritalie,  succéda  ;\  Tart  du 
moyen-ûge. 

Les  principes  ne  sont  un  obstacle  qu'aux  fantaisies  per- 


(1)  VAri  «lu  2H  novembre  li»>1,  pa-e  5il. 
(2j  Décédé  en  janvier  190*2. 


—  153  — 

sonnelles  d'individualités  sans  règle  et  sans  code,  aboutis- 
sant fatalement  à  la  confusion  que  nous  voyons  régner  parmi 
les  impressionnistes,  les  symbolistes  et  autres  fumistes  con- 
temporains. 

On  a  beau  répéter  :  Tart  ne  s'enseigne  pas,  et  rappeler, 
comme  on  Ta  fait,  ce  mot  attribué  à  Eugène  Delacroix  :  -  On 
sait  son  métier  tout  de  suite  ou  on  ne  le  sait  jamais  »,  on  a 
beau  prétendre  qu'il  suffit  d'avoir  un  vrai  tempérament  d'ar- 
tiste pour  savoir  peindre  ou  sculpter,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  personne  ne  vient  au  monde  avec  une  palette  à  la 
main  et  la  manière  de  s'en  servir. 

On  a  reproché  à  l'Ecole  des  beaux-arts  de  suivre  la  tradi- 
tion de  l'antiquité  grecque  et  de  faire  étudier  le  nu,  alors 
que  l'idéal  de  notre  civilisation  est  tout  à  fait  l'opposé  de  la 
civilisation  grecque,  qui  fut  païenne. 

L'idéal  de  ces  anciens  fut  le  beau  physique.  Ils  divinisaient 
la  forme  humaine  pour  représenter  leurs  dieux,  ils  avaient 
établi  une  métrique  de  la  beauté,  ce  que  Winckelman  et 
d'autres  adorateurs  de  l'antiquité  appelèrent  le  Beau-canon. 
Tant  de  longueurs  de  têtes  dans  le  corps,  tant  pour  les  bras, 
les  jambes  ou  le  torse,  etc. 

Cet  idéal  du  Beau  n'est  point  celui  du  monde  chrétien  qui 
place  la  beauté  dans  l'âme  et  non  plus  dans  le  corps,  et  il  en 
résulte  que,  nous  dit-on,  les  artistes  de  la  Renaissance  ita- 
lienne ont  eu  grand  tort  de  suivre  la  tradition  païenne  des 
anciens  grecs.  Pour  le  chrétien,  la  beauté  est  toute  morale, 
et  cette  beauté  ne  se  manifeste  que  par  l'expression  des 
figures  qui  révèle  les  beautés  de  l'âme. 

Mais  il  est  certain  que  l'expression  n'est  point  la  beauté. 
On  dit  d'une  expression  qu*elle  est  belle,  et  c'est,  par  cela 
même,  reconnaître  que  l'expression  et  la  beauté  sont  deux 
choses  distinctes.  Il  ne  faut  point  les  confondre.  La  beauté 
est  chose  indéfinissable  :  on  l'attribue  à  nombre  de  choses 
différentes  entre  elles. 

On  dit  qu'une  composition,  une  harmonie  de  couleurs,  ou 

11 


—  154  — 

leur  contraste,  que  le  dessin,  que  la  forme  ont  de  la  beauté, 
et  s'il  fallait  donner  quelque  préierence,  c'est  la  forme  qui 
aurait  le  prix  dans  les  beaux-arts. 

La  forme  unie  à  la  couleur  est  largement  suffisante  pour  la 
production  d'un  chef-d'œuvre  en  peinture.  Le  statuaire  a 
seulement  besoin  de  la  forme,  et  c'est  pour  ce  motif  que  la 
sculpture  antique  n'a  jamais  eu  de  rivale. 

Or,  selon  que  l'on  emploie  tel  ou  tel  art,  les  moyens 
employés  varient.  S'il  est  possible  à  l'écrivain,  en  se  servant 
des  signes  conventionnels  de  la  langue  écrite  ou  parlée  de 
montrer  cetle  invisible  beauté  de  l'idéal  chrétien  dans  un 
être  diiïorme,  Quasimodo  par  exemple,  ou  sous  les  dehors 
d'un  masque  faunesque  comme  celui  de  Socrate,  il  n'en  est 
pas  de  même  pour  le  peintre  ou  le  sculpteur  dont  le  langage 
est  la  forme  même.  La  pureté  de  l'âme,  sa  sérénité,  son 
trouble,  sa  joie  ou  ses  douleurs,  le  peintre  et  le  sculpteur 
n'ont  pour  les  exprimer  que  la  pureté,  la  sérénité,  la  gaîté 
ou  la  tristesse  de  la  forme. 

Si  les  Gre(;s  ont,  par  de  belles  formes  repi'ésenté  l'image 
de  leurs  dieux,  pourquoi  l'artiste  moderne,  se  servant  des 
mêmes  moyens,  n'arriverait-il  point  à  exprimer  la  beauté 
morale  ?  Nous  af!cordons  volontiers  que  le  corps  n'est  point 
tout,  mais  enlin  il  n'est  pas  rien  :  ne  peut-il  donc  plus  deve- 
nir la  manifestation  de  l'âme? 

Sous  prétexte  que,  comme  on  l'a  dit,  la  beauté  physique 
est  contraire  à  l'égalité,  que  c'est  un  privilège,  il  s'est  trouvé 
des  hommes  qui  ont  voulu  la  bannir  des  œuvres  d'art,  afin, 
disent-ils,  de  démocratiser  l'art.  Il  en  résulterait  que,  jamais 
plus,  les  productions  de  l'art  ne  seraient  d'un  bel  exemple, 
ne  pourraient  être  suggestives  d'un  idéal,  puisqu'elles  ne  de- 
vraient pas  dépasser  un  nive.m  commun. 

Sans  ce>ser  d'admirer  les  chefs-d'œuvre  de  l'art  antique, 
nous  reconnaissons  toutefois  que  nous  ne  devons  pas  nous 
laisser  entièrement  influencer  par  eux.  Mais  il  nous  est  loi- 
sible de  nous  servir  des  moyens  qu'employaient  leurs  au- 


—  155  -^ 

leurs  pour  exprimer  de  grandes  choses,  différentes  de  celles 
que  disaient  les  anciens,  tout  en  nous  gardant  de  nous  appli- 
quer un  idéal  qui  n'est  point  le  nôtre. 

Nous  admettrions  volontiers  que  Ton  accordât  à  Télude  du 
nu  une  moins  grande  importance,  et  que  Ton  enseignât 
mieux  Tétude  de  la  couleur  aux  peintres,  car,  contrairement 
à  ce  qu'on  accepte  trop  i'acilement  pour  vrai,  Ton  peut  deve- 
nir coloriste,  ou  du  moins  harmoniste,  par  Téducation  de 
Toeil  toutes  les  fois  que  cet  organe  est  dans  son  état  normal, 
et  l'on  peut  apprendre  à  composer  TeiTet  d'un  tableau. 

Quand  même  on  aurait  naturellement  les  meilleures  apti- 
tudes pour  être  artiste,  il  est  nécessaire  d'apprendre  à  voir 
et  à  bien  voir,  et  c'est  pour  cela  que  les  écoles  de  beaux-arts 
sont  nécessaires.  Elles  le  sont,  non  point  pour  enseigner 
l'art,  mais  les  principes,  les  bases  sur  lesquelles  tout  art 
s'appuie  et  la  méthode  qui  sert  à  ne  point  s'en  écarter,  en 
nous  exerçant  à  reproduire  la  nature  chacun  selon  notre 
tempérament. 

On  s'est  encore  servi  de  cet  argument  contre  ces  écoles, 
que  tous  les  grands  artistes  furent  profondément  indivi- 
duels. Par  exemple,  dans  ce  que  l'on  a  dénommé  assez  im- 
proprement l'école  anglaise,  on  a  cité  Gainsborough,  Cons- 
table,  Reynolds,  Lawrence,  Hogarth,  ïurner,  Romney,  qui, 
à  eux  seuls,  représentent  toute  l'ancienne  école  des  peintres 
de  la  Grande-Bretagne. 

Il  est  pourtant  vrai  de  dire,  comme  nous  l'avons  fait,  que 
Reynolds,  Lawrence,  Gainsborough  et  tous  les  portraitistes 
anglais,  plus  ou  moins,  mais  ceux-là  surtout,  s'inspiraient 
de  Van  Dyck  et  de  Rubens,  et  Turner  de  même  pour  Claude 
Lorrain  dont  il  fut  un  imitateur  plus  ou  moins  déguisé.  Res- 
tent Hogarth,  moraliste  mais  pas  peintre,  se  servant  de  la 
peinture  comme  il  se  fût  servi  de  la  parole,  pour  représenter 
une  morale  en  action,  et  Romney,  dont  le  réalisme  s'est  ins- 
piré de  la  vieille  école  flamande. 

Les  Anglais,  race  peu  artiste,  ont  toujours  procédé  par 


—  156  — 

imitation,  comme  dernièrement  encore  les  préraphaélites 
avec,  à  leur  suite,  Madox  Browne,  Burne  Jones,  Rosselti, 
etc.,  procédant  de  Tart  italien  primitif. 

Chez  leurs  peintres  contemporains  il  y  a,  pour  un  grand 
nombre,  anarchie  ou  imitation;  les  individualités  ayant  quel- 
que valeur  sont  rares,  presque  absentes. 

On  a  cité  comme  argument  contre  renseignement  de 
notre  Ecole  des  beaux-arts,  les  romantiques  de  1830  et  les 
hommes  de  génie  qui  brillèrent  ensuite  :  Corot,  Delacroix. 
Millet,  Diaz,  Courbet,  Théodore  Rousseau,  Barye,  Troyon, 
Daubigny,  en  faisant  observer  que  pas  un  d'eux  ne  sortait 
de  cette  école. 

On  trouve  pourtant  facilement  d'autres  noms  illustres  à 
opposer  à  ceux  que  nous  venons  de  citer  :  Ingres,  Hippolyte 
Flandrin,  Bouguereau,  Hébert,  Henner,  Delaunay,  Achille 
Benouville,  Gustave  Boulanger,  Baudry  et  tant  d'autres  qui 
se  formèrent  à  cette  école. 

Constatons  en  terminant  que  chaque  art  a  sa  langue  qui 
lui  est  propre.  On  ne  saurait  bien  parler  cette  langue  si  Ton 
n'en  a  pas  d'iibord  étudié  la  grammaire. 


—  157  — 


BIBLIOGRAPHIE 

About  (Edmond)  :  Voyage  à  travers  l'Exposition  des  Beaux-Arts^  1855. 
Babeau  (Albert),  correspondant  de  Tlnstitut  :  Le  Louvre  et  son  histoire. 
BuRGER  (William)  :  Thoré^  dans  la  Vie  des  Peintres  de  toutes  les  Ecoles, 

de  Ch.  Blanc;  —  Trésors  d'art  en  Angleterre.  Paris,  veuve  Jules 

Renouard,  1855. 
A   DE  Galonné,  dans  ses  articles  de  critique  d'art  :  passim. 
Cartwright  (Julia)  :  Biographie  de  Burne-Jones,  dans  la  Gazette  des 

Beaux-Arts  des  l*»*  juillet  et  l***  septembre  1900. 
Chesneau  (Ernest)  :  La  Peinture  anglaise.  Paris,  A.  Qunntin. 
DrcAMP  I  Maxime]  :  Les  Beaux- Arts  à  VEocposition  universelle  de  iS61; 

Les  Ecoles  étrangères  et  l'Ecole  française  contemporaine. 
EsQUiROS  (Alphonse,  :  L'Angleterre  et  la  vie  anglaise;  --  Les  Beaux- 
Arts  à  l'Exposition  de  i862;  —  La  Peinture  et  les  Peintres  dans  le 

Royaume-  Uni. 
Leroi  (Paul),  dans  le  journal  VArt,  en  19(H  :  passim. 
Mênard  (R^né)  :  L'Exposition  internationale  de  Ijjndres  en  iSli, 
Milsand  (J.)  :  De  l'influence  littéraire  dans  les  Beaux- Arts;  —  John 

Ruskin  et  ses  idées  sur  la  Peinture, 
Peyre  (Roger)  :  Histoire  générale  des  Beaux-Arts.  Paris,  Ch.  Delagrave, 

189i. 
ViARDOT  (Louis)  :  Les  Muaées  d'Angleterre. 
Hi'ARD  (C.-Lucien)  :  Les  Musées  chez  soi. 


ERRATA 


Page    4,  ligne  23,  au  Heu  de  DefTaud^  lire  DelTand. 

Page    7,  ligne  29,  au  lieu  de  Remigins,  lire  Reinigius. 

Page  27,  lignes  26  et  27,  au  lieu  de  Sicara,  lire  Sisara. 

Page  30,  ligne  21,  au  lieu  de  modèle,  lire  modelé. 

Page  43,  ligne  11,  au  lieu  de  Daniel  Wilkie.  lire  David  W'ilki«. 

Page  62,  ligne  27,  au  lieu  de  enroulée,  lire  entourée. 

Page  91.  ligne  10  des  notes,  au  lieu  de  Ibbetson,  lire  Ibbertson. 

Page  95,  ligne  17,  au  lieu  de  dans  un  genre,  lire  dans  ce  genre. 


—  158  — 


IITIDEi2C 


Les  lettres  R.  A.  indiquent  les  membres  de  la  Royal  Academy. 
Les  chiffres  renvoient  aux  pages. 


Adains  (J.  C),  137. 

Aikman  (W),  68. 

Alexander,  148. 

Allan  (sir  William:-  U.  A.,  i:iO,  148. 

Alma-Tadema  (L.)  H.  A.,  145. 

Allston  (W.),  104. 

Arches  (W.),  147. 

Aumônier  (J),  137,  148. 


BarkerlT.  J.  H),  58,  131,  136. 

Barlow  (Fr.),  145. 

Rarnard  (F.),  133. 

Barye,  156. 

Barry  (J.)  R.  A.,  81,  82,  83,  88,  110. 

Barret  (G.)  R.  A  ,  147. 

Batten  (John),  138. 

Baudry  (P.),  156. 

Beechey  (sir  W.)  R.  A.,  85,  110. 

Beechey  (sir  G.),  85. 

Beck  (D.),  63. 

Beerstraeten,  65. 

Benedetto  Gennaro  64,. 

Bennets  (W.),  147. 

Benouville  (Ach.),  156. 

Bentley  (C),  147. 

Becge  (Delà),  iœ,  121. 

Bird  (Edward)  R.  A.,  130. 

Bonnat,  58. 

Bonington,  58, 96, 105, 106,  107, 110. 

Botticelli,  119,  126. 

Bougton  (G.  H.),  134. 

Bouguereau,  129,  145, 156. 


Boulanger  (G.),  156. 

Buckshorn,  66. 

Burnes  (Jones),  124.  125.  196,  138, 

156. 
Burgess,  133. 
Buss,  107. 
Blake  (mistress),  73. 
Blake  (  W),  81. 85. 87, 1 10, 122, 146. 
Brait  hwaite-Martineau,  132> 
Bramley,  135. 
Brangwin  (F.),  139. 
Brett  (H.  J.),  140. 
Briton  Rivière  R.  A.,  140. 
Brown,  148. 


Calderon  (Ph.)  R.  A.,  133. 

Callcolt  (sir  A.  W.)  R.  A.,  98, 110. 

Carpaccio,  126. 

Cattermole,  142. 

Gazin,  150. 

Collier,  138. 

Collins  (W.),  R.  A,  103, 110. 

Conslable  (J.)  R.  A.,  58,  95,  96,  97, 

98,  110, 113, 155. 
Cornelisz  (le  vieux),  62. 
Corot,  137,156. 
Cook  (S.),  147. 

Cotman  (J.  S.),  99,  110, 145, 147. 
Cowen  (W.).  147. 
Cox  (D.),  147. 

Cooper  (Th.  S.)  R.  A.,  108,  139. 
Cozens  (J.  R.),  95,  145, 147. 
Chalon  (J.  J.)  R.  A  ,  147. 
Chambers  (G.),  147. 


—  159 


Chéron  (Louis),  66. 

Chardin,  86. 

Claude  Lorrain,  93,  94,  149,  150. 

Cleunel  (L  ),  147. 

Courbet  (Gustave),  117,  156. 

Crawhal,  140. 

Cresswick  (Thomas), R.  A.,  108, 110. 

Cristal!  (J.),  146,  147. 

Crome  (J.  B.),  90,104,  110. 

Crome  (Old),  90,  110. 

Cruikshank  (G.),  147. 

Chevalier  Taylor,  138. 

Christie,  135. 


Dahl  (Mich.),  68. 

Daubigny,  137, 156. 

David  (Louis;,  112. 

Dawy,  148. 

Dayes  (E.),  147. 

Delacroix  (Eiig.),  99,  106,  130, 153, 

156. 
Delaunay,  156. 

Denner  (Balthazar),  68,  121,  141. 
Desgo(res(BI.),  141. 
Desportes,  66. 
Diaz  (N.),  156. 
Dicktnans,  131. 
Dixon,  66. 

Dobson  (W.)  R.  A..  64. 
Dodd  (A.  C),  137. 
Dorrel  (E.),  147. 
Duval  (Ph.),  66. 

E 

East,  148. 

East-Lake  (C.  Lock  sir)  R.  A.^  130. 

Edema,  65. 

Edridge  (H.),  147. 

Edwards  (Edward)  R.  A.,  95. 

Eikart,  73.      ' 

Ellis  (Edwin),  137. 

Engelbrechtsen,  62. 

Erskine  Nicol,  132. 

Etty  (William)  R.  A.,  102, 103, 110. 


Faed  (Th  )  R.  A.,  132. 

Falconer  Poole  R.  A.,  129. 

Ferg  (Paulus),  68. 

Fielding  (Copley),  146. 

Fild  iL.),  133. 

Fisk  (W.  H.).  118, 119. 

Forbes  (S.  A.),  139. 

Fuge  (James),  147. 

Fusely  (Henri)  R.  A.,  82,  88,  98, 

110. 
Fiandrin  (Hip.),  156. 

Gainsborough  (Th.)  R.  A  ,  58,  6:^, 
74,77,  78,  80,81,  85.  90,  MO,  113, 
115,  140,  155. 

Gandy  (James),  63. 

Gaspars,  66. 

Gaskyn  (A.  J.),  138. 

Gawdie  (sir  John),  66. 

Geldorp  (G),  64. 

Gentileschi  (Hor),  64. 

Gericanlt,  89. 

Gervas  (Ch.),  68. 

Gibson  (les),  66. 

Gibbs  (H)..  140. 

Gigoux  (Jean),  58. 

Gilbert  (sir  John)  R.  A  ,  1^3. 

Gilpin  (W.  S.),  147. 

Girtin  (Thomas),  94,  145,  146, 147. 

Giehn  (de),  138. 

Goodal  (Fred.)  R.  A..  129. 

Gotch  (Th.  Cooper),  134. 

Gleyre,  128. 

Glover  (J.).  147. 

Graham  (Peter),  148. 

Graham  (Thomas),  140. 

Graham  (John),  100. 

Grant  (sir  Francis)  R.  A  ,  134. 

Gravelot,  80. 

Green  (M.  C),  133. 

Greenhill,  66. 

Gregory  (M.  E.  J.)  R.  A.,  134. 


—  160  - 


Griffier  (Jean  et  Robert),  fi5. 
Gros  (J.  A.),  106. 


Hacker.  135. 

Hague  (Louis),  143. 

Haniillon  (sir  W.),  140. 

Hanneman  (Aiirian),  63. 

Harding  (J.  D),  147. 

Hardy  (T.  B).  140. 

Hare  de  Glazebrouk,  135. 

Hawel  (W.),  147. 

Haynard,133. 

Hayman  ^Fr.)  R.  A  ,  68. 

Hearne  (T.\  145,  147. 

Hcrkomer  (II  j,  134,  145. 

Hébert,  1«). 

Heere  (I.ucade),  G2. 

Henner,  156. 

Hilliard  (N.).  62. 

Hills(R.),  146.  147. 

Hine  (Harry),  148. 

Hoock  (.ï.  G.)  R.  A.,  liO. 

Holbein  {U.\  61. 

Holl  (F.),  134. 

Hondius  (Abr.),  65. 

Honlhorst  (G.).  64 

Hopkins  (A.)i  1<H. 

Hoppner  (John),  87,  110. 

Hoppner  (L.),  58. 

Hogarth  (W),  63,  69,  70,  74,  78, 

100, 110,  113,  150,  155. 
Horrebout  (G.  L.),  61. 
Holworthy  (J.),  147. 
Howard,  130. 
Howit  (S  ),  1i7. 
Howland   Beaiiinont   (sir  Georges) 

R.  A.,  84.  110. 
Huet  (Paul),  106. 
Hudson  (Th  ),  68. 
Huiit  ru.),   118,  119,  120,  121,  122, 

126,  148. 
Hunt(\V.),147. 
Hunier  (Colin)    140. 
Hurlstone,  109,  110. 


Ibberlson  (J.  G.),  87,  88,  410, 147. 
Impériale.  72. 
Ince  (J.  M.),  147. 
Ingres,  156. 


Jameson  (G.),  63. 
Johannot  (Tony),  86. 
Jones  (G.)  R.  À..  130. 


Kale  (Cornelis),  62. 

Kate  Rurne  ^miss),  138. 

Keerink  (Jacob;,  64. 

Kpnt  :W.),67. 

Kennet,  142. 

Knapton  (G.\  68. 

Kneller  (Godefroy  et  Zacharie),  67. 


Ladbrooke  (Henry),  109. 

Ladbrooke  (R),  109.  110. 

Lafosse  (Ch.  de),  66. 

[>aguerre  (Louis),  67. 

Lambert  (G.),  147. 

Lance  (G.),  107, 110. 

Landseer  (sir   Edwin)   R.  A.,   9i, 

110. 
Largillière  (de),  56. 
Lavery,  135. 
La  Thangue,  138. 
Lawrence  (sir Thomas)  R .  A  ,  63, 85, 

90,  91,  92, 106, 110, 113, 115, 140, 

155. 
Lawson  (Cecil),  137. 
Lefèvre  (Claude),  66. 
Lefcvre  (Roland),  66. 
Legros,  150. 
Leigton  (lord  F..),  129.- 
LesHe  (Ch.  Robert)  R.  A.,  104,  105, 

110,137,140. 
Leslie  (G.  D.),  135. 
Lessore,  151. 


—  161 


Lewis  (Ch.),  137,  -147. 
Lieven.s,  64. 
Lindner  MolTat,  139. 
Lindner,  140. 
Linnel,  137. 
Lippi  (Pr.),  119. 
Liverseege  (H  },  146,  147. 
Lorimer,  135. 
Loiidan  (Jack),  135. 
Lhermann,  148. 


Maas  (Oirck),  65. 

Mac  Kevvaii,  142. 

Mac  Leay,  1 42. 

Madise(r)aniel,R.  A  .101,  108, 110. 

Madox  Urowne,  124,  125,  i'iô. 

Maisey  (T  ),  147. 

Mark  (Gérard),  62. 

Martin  (D.).  73,  86. 

Martin  (John),  104.  110. 

Marlins  (le  chevalier  de),  140. 

Metzu,  133. 

Mignard  (Paul),  66. 

Miles  (Franck),  137,  140. 

Millais,  140. 

Millais  fJohn-Everet)   R.  A.,   1^, 

137, 138. 
Milles  (Solon),  151. 
Millet.  156. 
Monticelli,  94. 
Mor  ou  Moro  (Antoine),  62. 
Morgan  (Ev.  de),  138. 
Mpnnoyer  (J.  B.),  66. 
Moreil-I^deuil,  151. 
Morland  (George),  81,  88.  89,  90, 

110. 
Morris  (P.  R.),  134. 
Mulready  (W.)  R.  A.,  101, 102, 110. 
Morillo,  149. 
Mutens  (Daniel;,  63. 

Naish  (J.  G),  140. 


Napier  (G.),  140. 

Nash  (F.),  147. 

Nasmyth  (Peler),  103,  110. 

Nattes  (J.  G.),  147. 

Netscher  (G.  et  T.),  66. 

Nichelson  (F.).  147. 

Northcote  (James)  R.  A,  83,  110. 


Oliver  (I  ),  62. 

Oliver  (W  ),  147. 

Opie  (John),  R.  A,.  88,80,  110. 

Orchardson  (W.  Quiller),  132,  133. 

134,  145. 
Otto-Venins,  115. 
Oulcss  (W.)  R.  A.,  134. 
Owen  (G.),  147. 
Owerbeck,  116. 


Paris  (Jean  de),  62. 
Parmentier  (Jacques),  66. 
Parton  (Ernest),  137 
Parsons,  148. 
Payne(W  ),  145. 
Peàcock  (Ralph.),  134. 
Pennl  (Luca),  61. 
Pettersen,  148 
Petlie  (sir  John)  R.  A.,  133. 
Pesne  (Ant.),  66. 
Pickering  (J.  L.).  137. 
Pinwell  (G.  J.),  134. 
Pocock  (N.),  147. 
Poëlenburg  (G.),  64. 
Pot  (Hendrick),  64. 
Powel-Frilh  (M.  W.),  133. 
Powel  (J.).  147. 

Povnter  ^sir  Edward),  129,  130. 
Philips  (G.  F),  147. 
Poussin  (Nicolas),  149. 
Princeps  (W),  128. 
Prout  (Samuel).  147. 
Puvis  de  Ghavannes,  125. 
Pyne  (V.  H),  147. 


—  162  - 


k 


Raeburn  (sir  Henry)  R.  A ,  86,  87, 

110. 
Rainey,  148. 

Ramsây  (Allan),  72,  74,  76,  110. 
Raphaël  et  son  école,  117,  118. 
Reid  (John  R.),  135. 
Rcinagle  (Ph.)  R.  \  ,TA. 
Reynolds  (sir  Josuah)  H.  A.,  58,  63, 

72,  75,  78.  81,  00,  91,  110,  113, 

115,140,149.  155. 
Rembrandt,  67,  99,  133. 
Richards  (John  Inigo)  R.  A.,  140. 
Richjirdson  (J.),  68. 
Rigaud    sir  F.)  R.  A.,  147. 
Riley  (John,,  06. 
Roberls  (David)  R.  A  ,  105,  110. 
Robson  (G  F.},  146, 147. 
Romney  (G.),  80,110  155. 
Rooker  (Mich.  Ang  )  R.  A.,  1 45, 147. 
Rossetti  (Dante  Gabriel)    125,  127, 

128,  156. 
Roth,  73. 
Rothenstein,  135. 
Rough  (G.).  147. 
Rousseau  (J  ),  66. 
Rousseau  (Théodore),  137,  156. 
Rowlandson  (T.).  147. 
Rubens  [V.  V  ),  63, 67, 113,141,149. 
Ruysdaël,  150. 


Sadlcr,  66. 

Sandby  (Paul)  R.  A..  147. 
Sandrart,  64. 
Sargent,  145. 
Saustin,  147. 
Seghers  (Gérard),  6t. 
.Serres  (D.  M  )  R.  A  ,147. 
Singleton,  130. 
Soliniène,  72. 
Solomon.  13(>,  138. 
Southall,  138. 
Schadow,  116. 


Scott  (David).  130. 

Shannon  (Ch.  H.),  lai. 

Shelley  (S.),  147. 

Shepphead  (G.  W.),  147. 

Sherwin  :  J.  K.),  147. 

Sinirke   R.)  R.  A.,  83,  84,  110. 

Sinylhe  (Lionel).  139. 

Stanley  (W  ),  147. 

Stark  (Jamesj,  99,  105,  110. 

Stevens  (Palaniède),  64. 

Soesl  (Gérard),  66. 

Stokes  (Adrien',  139 

Stoop  (Dick),  65. 

Stone  (H.),  6:^. 

Slone  (Marcus},  13i. 

Slolhard (Thomas)  R.  A., 85,  86,146. 

Strudwick,  138. 

Swan,  139. 


Tayler  (V.  B.  S.}.  147. 

Terburg  ,Gérani),  64,  133. 

Tilson  (H.),  66. 

Titien  (  Vecelli,  dit  le),  76,  91, 149. 

Tissot  (James),  119. 

Todd  (J.  G.),  137. 

Tomson,  137. 

Torrentius,  64. 

Toto  délia  Nunziata,  61. 

Turner  (J.  M.  W.)  R.  A..  58, 92,93, 

94,  95.  110,    113,  115,  116,  124. 

146. 147, 155. 
Thornhill  (James),  67,  71. 
Tronillebert,  144. 
Troyon  (G  ).  137,  146, 

U 

Uwins  (Thomas)  R.  A  ,  98, 110. 


Vanderbanck  f Jean  ,  68. 

Van  Rloemen  (N.),  65. 

Van  Geulen  (Cornelisz  Janson),  02. 

Van  Cleef,  62. 


463  — 


Van  Dyck,  63,  65,  75,  78,  91,  113, 

140,  141,  149. 
Van  Dyck  hollandais  (le),  73. 
Van  der  Eyden,  66. 
Van  der  Faés,  65. 
Van  Heemskerck  (Egbert),  65. 
Van  Hoogstraëten,  65. 
Van  Huysum,  65 
Van  Lemput  (Remigius),  63. 
Van  Loo  {J.  13.),  66. 
Van  der  Meulen  (Pierre),  65. 
Van  Ostade,  99. 
Van  der  Flaas,  65. 
Van  Reyn  (J.),  63 
Van  Somer  (P.),  62. 
Van  Slalbent,  6i. 
Van  de  Velde  (Pierre),  62. 
Van  de  Velde  (Wilhelm:,  64. 
Varley  (C),  147. 
Varley(J.),  147. 
Velasquez,  68,  149. 
Verelst  (S.  el  «.),  65. 
Véniel  (Horace),  131, 134. 
Vernet  (Joseph),  74. 
Vernon  (A.  L.),  136. 
Verrio,  (Ant.),  67. 
Veesop,  63. 
Vesperies,  73. 
Vicat  Cole,  137. 
Vigée-Lebrun  (M-«),  81. 


Vincent  (George),  108,  110. 
Vinkeboom,  64. 

Wageman  (T.),  147. 

Walker  (Fréd.),  133. 

Walker  (Robert),  64. 

Wallon,  148. 

Watteaii,  66. 

Ward  (James)  R.  A.,  130. 

Walerlow,  148. 

Walson,  137. 

Watts  (G.)  R.  A.,  126, 131,  139. 

Weatley  (F.),  147. 

Wechte,  151. 

Wels  (W.  F.),  147. 

West  (Benjamin)  R.  A..  81,  82,  88, 

104, 110. 
Westail  (R.)  R.  A.,  90,  110, 147. 
Wilkie  (David)  R.  A.,  86,  99, 100, 

101, 110, 113. 
Wilson  (Richard)  R.  A.,  74, 110. 
Wissing,  66. 
Woulers,  64. 
Wright  (Joseph)  R.  A.,  105,  110. 

Z 

Zeeman  (les),  65. 
Ziiccarelli  (F.)  R.  A.,  74. 
Zucchero  (F.),  62. 


LE 

SAINT-SUAIRE  DE  BESANÇON 

ET    SES     FÈXjER/IIiTS 


Par  M.  Jules  GAUTHIER 

SBCRÉTAIRB     DÉCENNAL 


Séance    du     iS    mai     i893 


Si,  depuis  deux  raille  ans,  Besançon  garde  la  réputation 
d*une  ville  pittoresque,  il  le  doit,  surtout  à  présent,  à  son 
heureux  site,  aux  montagnes  verdoyantes  qui  l'enserrent, 
au  Doubs  qui  le  traverse  et  aux  superbes  rochers  de  sa  cita- 
delle, bien  plus  qu*à  ses  médiocres  monuments. 

Il  n'en  a  pas  toujours  été  de  même  et  l'on  peut  juger  du 
tort  que  les  transformations  modernes  ont  fait  ou  font  encore 
à  notre  ville,  en  parcourant  les  peintures  ou  les  estampes 
qui  nous  ont  conservé  le  panorama  du  vieux  Besançon  (1). 

Sur  ces  plans  la  cité  impériale  apparaît,  au  temps  de  son 
indépendance,  partagée  comme  aujourd'hui  par  le  même  ré- 
seau de  grandes  voies,  maintenue  par  la  même  ceinture  de 
remparts  ;  mais  ces  remparts  épaulés  d'un  grand  nombre  de 
tours  n'ont  pas  encore  été  nivelés  par  les  inflexibles  calculs 
de  Vauban  ;  ces  voies  sont  bordées  de  maisons  étroites  à  pi- 
gnons et  k  tourelles  élancés,  construites  moitié  de  pierre, 
moitié  de   bois.  Des   fontaines  et  des  puits  sont  creusés  de 


il;  Voir  Dotamment  les  gravures  de  irv2  (Munster),  de  1575  (Hogeii- 
berg)  1618  (Spirain),  les  tableaux  de  Kvlô  (S.  Bruley).  1(529  (N...},  Ift» 
(Bourrelier},  ces  derniers  conservés  au  Musée  archéologique  de  Besançon. 


—  165  - 

distance  en  distance,  au  milieu  ou  au  bord  des  rues,  pareils 
aux  puits  et  aux  fontaines  que  Berne,  NeuchAtel,  Fribourg 
gardent  encore.  Sept  églises,  vingt-cinq  chapelles  de  cou- 
vents, d'ermitages  ou  d'hôpitaux,  sept  ou  huit  palais,  de 
hauts  donjons  flanquant  des  demeures  féodales,  élèvent  au- 
dessus  des  maisons  particulières  une  masse  de  hautes  toi- 
tures brillantes,  de  clochers  et  de  flèches  sans  cesse  ébran  - 
lées  par  d'innombrables  sonneries.  Au  pied  de  la  montagne 
que  l'antiquité  avait  appelée  le  Mont  Coelius,  en  la  couron- 
nant d'un  panthéon,  la  ville  municipale  vient  s'arrêter  de- 
vant l'arc  de  triomphe  de  Porte  Noire,  qui  sert  de  seuil  et 
de  clôture  à  la  ville  ecclésiastique,  c'est-à-dire  au  chapitre 
métropolitain. 

Entre  les  deux  cathédrales,  Suiut-Jean,  construit  à  la  base 
de  la  montagne  près  des  cloîtres  du  palais  archiépiscopal,  et 
Saint-Etienne,  bâti  sur  l'acropole,  auprès  des  ruines  d'un 
temple  romain,  s'étage  tout  un  quartier  sur  les  bords  du  che- 
min raboteux  qui  monte  en  serpentant  à  travers  les  flancs 
du  Coelius.  Arrivé  au  sommet,  à  l'endroit  précis  où  s'ouvre 
maintenant  l'entrée  de  la  Citadelle,  une  esplanade  s'étend 
entre  le  clocher  de  la  cathédrale  Saint-Etienne  et  les  deux 
églises  de  Saint-André  et  de  Saint-Michel  occupées  et  des- 
servies par  des  suppôts  du  chapitre.  Du  cimetière  avoisinant, 
dont  l'emplacement  dominant  la  ville  et  regardant  le  nord, 
rappelle  le  cimetière  fameux  qui  domine  Florence  et  sur- 
veille l'Apennin  des  hauteurs  de  San-Miniato,  la  vue  em- 
brasse un  horizon  superbe  et  immense,  ouvert  sans  limite 
vers  le  confluent  de  la  Saône  et  de  l'Ognon. 

Pénétrons  dans  cette  seconde  cathédrale  ;  aussi  vaste  que 
celle  de  Saint-Jean,  elle  comprend,  outre  trois  nefs,  une  dou- 
zaine de  chapelles,  un  transept  et  une  abside  éclairée  par  les 
rayons  du  soleil  levant.  On  y  compte  par  centaines  les  tombes 
et  les  épitaphes  des  archevêques  et  des  chanoines,  obligés, 
par  la  coutume,  de  flxer  leur  sépulture  dans  celle  des  deux 
basiliques  dont  les  portiques  sont  plus  voisins  du  ciel.  La 


—  466  — 

décoration  de  cette  église,  la  plus  célèbre,  la  plus  ancienne 
et  Tune  des  plus  belles  de  la  région,  est  digne  de  ses  ori- 
gines. 

Entre  Saint -Etienne  et  Saint -Jean,  quarante-cinq  cha- 
noines, appartenant  à  l'aristocratie  de  la  naissance  ou  de 
Tesprit,  vivent  et  circulent,  desservant  tour  à  tour  chacune 
des  deux  églises.  Des  revenus  suffisants  puisés  dans  les 
vastes  domaines  dont  ils  sont  seigneurs  prébendiers,  des 
distributions  Journalières  de  pain  et  de  vin  fournies  par  les 
greniers  et  les  celliers  capitulaires,  assurent  leur  existence. 
Isolés  chacun  dans  une  habitation  particulière,  nantis,  outre 
leur  prébende,  de  quelque  gros  bénéfice,  obtenu  par  d'heu- 
reuses influences,  ils  sont  aidés  dans  les  otfices  canoniaux 
par  tout  un  essaim  de  chapelains,  de  familiers,  de  chantres  et 
dechoriaux,  qui,  avec  le  personnel  de  Tarchevéché,  complè- 
tent la  population  de  ce  quartier  ou  plutôt  de  cette  ville  ecclé- 
siastique. 

En  face  de  la  ville  municipale,  où,  dans  Thôtel  consiste- 
rial  siège  un  conseil  de  vingt-huit  co-gouverneurs  élus,  le 
chapitre  métropolitain  se  dresse  fièrement,  prêt  à  supporter 
le  choc  du  flot  démocratique  qui  bruit  aux  pieds  de  la  mon- 
tagne. 

Longtemps  l'archevêque  et  Téglise  de  Besançon  ont  été 
les  seuls  seigneurs  de  la  cité;  mais,  depuis  le  xiii*  siècle,  où, 
par  Tappui  bienveillant  mais  non  désintéressé  des  empe- 
reurs, la  commune  naissante  a  reçu  ses  premières  franchi- 
ses, l'église  et  le  peuple,  l'hôtel  de.  ville  et  le  chapitre  ont  été 
sans  cesse  en  guerre.  De  même  que  de  pôles  contraires  se 
dégage  un  courant  magnétique,  de  même  de  celle  hostilité 
permanente  de  la  commune  et  des  chanoines  sans  cesse  en 
contact  ou  en  lutte,  résulte  une  vie  intense  et  une  activité 
souvent  féconde  en  résultats  excellents,  quoique  inattendus. 

Tout  était  matière  à  querelle,  tout  devenait  matière  à  ré- 
conciliation et  à  rapprochement.  Les  fléaux,  les  calamités  pu- 
bliques, réunissaient  maintes  fois,  dans  une  action  commune 


—  167  — 

et  une  union  sincère,  les  ennemis  de  la  veille.  En  temps  de 
guerre,  chanoines  et  citoyens  gardent  les  remparts,  et  This- 
torien  Girardot  de  Nozeroy  raconte  qu'il  prit  plaisir  à  voir 
les  prêtres,  en  robe  courte,  porter  gaiement  et  d'un  air  résolu 
le  mousquet  de  soldat.  En  temps  de  peste,  les  chanoines, 
non  contents  de  provoquer  des  prières  et  des  processions 
publiques  auxquelles  les  bourgeois  s^associent  sans  absten- 
tion, distribuent  des  secours,  paient  les  médecins  et  les 
fossoyeurs. 

Enfîn  à  toutes  les  fêtes,  grandes  ou  petites,  les  deux  ca- 
thédrales rivalisent  pour  faire  entendre  aux  Bisontins  soit  la 
meilleure  musique,  soit  les  plus  longs  sermons,  et  ce  qui 
plaît  davantage  encore  au  populaire,  pour  ajouter  à  TofQce 
régulier  des  plus  grandes  solennités  quelqu'un  de  ces 
drames  liturgiques,  qui  ont  été  dans  notre  vieille  Gaule  le  ré- 
veil des  représentations  théâtrales. 

C'est  ainsi  que,  durant  la  Semaine  sainte  et  à  Pâques,  le 
drame  de  la  Passion  et  celui  de  la  Résurrection  sont  repré- 
sentés dans  nos  mères-églises  avec  un  grand  luxe  d'orne- 
ments et  de  décors;  qu'à  l'Annonciation  l'Ange  Gabriel,  un 
enfant  de  chœur  muni  d'une  paire  d'ailes,  descend  attaché 
par  une  corde  à  travers  la  grande  voûte  de  Saint- Jean,  pour 
venir  réciter  à  la  Vierge  modestement  agenouillée,  les  mys- 
térieuses paroles  de  VAve  Maria.  A  l'Epiphanie,  les  Rois 
Mages,  dont  Tun  transformé  en  nègre  eut  toujours  les  pré- 
férences de  la  foule,  apportent  leurs  présents  à  la  crèche  du 
Sauveur  en  chantant  des  hymnes  farcis  de  latin  et  de  français 
qui  deviendront  plus  tard  des  Noëls.  Enfin,  au  jour  des  Saints 
Innocents,  après  l'occupation  tumultueuse  des  hautes  formes 
des  stalles  par  tout  le  personnel  du  bas  chœur  ichoriaux, 
familiers  et  chantres),  toute  une  cavalcade,  étrangement 
costumée,  de  chanoines,  de  chapelains  et  d'enfants  de 
chœur,  escorte,  à  travers  les  rues  de  la  cité,  le  pape,  le 
cardinal,  l'évêque  et  l'abbé  des  fous,  en  chantant  ce  verset  du 
Magnificat:  Deposuit  poientea  de  sede...,  qui  restera  la  for- 


—  168  — 

mule  démocratique  jusqu'à  la  consommation  des  siècles  '4). 

Ce  fut  une  représentation  de  ce  genre  cjui,  en  1523,  donna 
naissance  à  une  dévotion  populaire  qui  devait,  durant  près 
de  trois  siècles,  jouir  en  Franche-Comté  et  même  au  dehors 
d'une  faveur  prodigieuse 

Au  mois  de  mars  de  cette  année,  le  chapitre  de  Besançon, 
désireux  de  faire  représenter  le  mystère  de  la  Résurrection 
aux  prochaines  fêtes  de  Pâques,  en  rétablissant  une  coutume 
tombée  dans  Toubli,  envoyait  chercher  à  Dijon  le  texte  de  ce 
Mystère  liturgique.  Quelques  jours  après,  par  Tordre  des 
chanoines,  on  faisait  confectionner  un  coffret  muni  d'une 
triple  serrure  et  d'une  triple  clé,  pour  renfermer,  dit  notre 
plus  ancien  texte  «  le  suaire  ou  linceul  qu'il  était  d'usage  de 
montrer  en  représentant  le  mystère  du  jour  de  Pâques  »,  et 
l'on  donnait  au  marguillier,  chargé  de  sa  garde,  Tordre  de  ne 
jamais  montrer  ce  suaire  à  personne,  sans  la  présence  de 
deux  ou  trois  membres  du  chapitre. 

D'où  venait  ce  suaire,  qui  n'est  mentionné  nulle  part  dans 
les  plus  anciennes  chroniques  de  la  cité  et  qui,  en  1523,  n'é- 
tait encore  considéré  que  comme  un  accessoire  utile  du 
drame  de  la  Résurrection  ? 

L'histoire  est  muette,  une  tradition  prétend  qu'on  l'avait 
retrouvé,  par  hasard,  d.^ns  un  recoin  de  sacristie  d'une  des 
cathédrales  ;  en  tous  cas  le  premier  document  authentique 
qui  le  mentionne  est  celui  que  je  viens  d'analyser  {%. 

Au  moment  où  l'assistance,  pénétrée  d'une  religieuse  émo- 
tion, voyait  les  saintes  femmes  pénétrer  dans  la  grotte  du 
Saint-Sépulcre  et  où  un  ange  apparaissant  en  pleine  lumière 
leur  montrait  le  tombeau  vide  et  prononçait  les  paroles  : 
Surrexit,  no?i  est  hic,  deux  ou  trois  acteurs,  des  apôtres  ou 
disciples,  déployaient  et  montraient  au  peuple  le  suaire  du 

(1)  Voir  La  Fête  cUis  Fous  au  chapitre  de  Besançon,  par  J.  Gauthier 
(Bull,  (le  l'Académie  de  Besan.on,  1876-1877). 

[2)  .rai  donné  ce  texte  dans  mes  Notes  iconographiques  sur  le  Saint- 
Suaire  de  Besançon  (Bull,  de  l'.Vcad.,  1884). 


Société  J'iimulalioii  du  Doubs,    1902. 


PI.   ! 


^  £•£  fnt*foiuu?i  fins  3'irj3r  ^rt  in  temvQre  (icuLili^  non  frit 


SAINT-SUAIRE  DE  BESANÇON 
Gravé,  vers  1630,  pour  une  confrérie  italienne,  par  Pierre  de  Loisy.         | 

(Coll.  de  M.  l'abbé  P.  Brune.) 


Socictc  d'Emulation  du  Doubs,    \*)o2. 


pDXEVQVlIlAN^LE-iArKCT  ^V^IJ^E  AV  Q,VrL  VOS-TJKi: 
SAQ^E  CoKtS' Os^TB  VZ  LAl  CIKQXXFVT  ENVELOfTB   PaJV- 
JOSEPH'DAKmATîE'NoVS'AyEZ  LAISSE  LE^  fAAKQVFS 
PEVDirrp.E   SAUCTEfAS'SrTQHCOHcBVtZ  MCfVS'  MlSSfXcO'^ 
VllVS^MEKTO/B  PAR  VOS'TPvE  MORTic^EPVXTVJMHOVJ' 

? VEiTioKy  abX^/'BRa  la  at  o  ipjr  m  la  PxRTVrbj  c  tiqn  çvî 

V[VlZVBJ!XiNEZ  AVEC  1.Î    PEPvJ  SCLE  SAIMCT  ÏSMITT 

las>^^i>^cte  oraiyon  Delturance  $>uiie  AtttencTUf^totre 


IMAGE  DE  PÈLERINAGE  DU  SAINT-SUAIRE  DE  BESANÇON 

Cuivre  original,  gravé  par  F.  CLtRC  en   ]68S. 

(Coll.  de  M.  l'abbé  P.  Brune.) 


r:.r 


\'if\C 


—  169  — 

Sauveur,  une  fine  toile  de  lin,  longue  de  huit  pieds,  large  de 
quatre,  sur  laquelle  était  reproduite  en  jaune  pâle  Teffîgie  du 
corps  divin.  Cette  ostension  terminait  le  Mystère,  et  le  peuple 
s'écoulait,  recueilli,  hors  de  rêglise,  non  sans  avoir  offert, 
pour  les  frais  de  la  cérémonie,  quelques  menues  aumônes, 
entre  les  mains  des  fabiiciens  ou  marguilliers. 

La  représentation  du  5  avril  15'23  avait  eu  un  prodigieux 
succès,  on  la  recommença  à  l'Ascension  suivante,  puis  le 
3  août,  jour  de  Tlnvention  du  bras  de  Saint-Etienne,  en  déci- 
dant qu'à  l'avenir  on  la  renouvellerait  trois  fois  l'an  à  pareilles 
dates  (1^ 

C'était  Theure  où  la  Réforme,  audacieusement  prêchée  en 
Allemagne,  commençait  à  gronder  aux  frontières  de  la  Fran- 
che-Comté et  à  grouper  tous  les  ambitieux,  les  déclassés  ou 
les  mécontents  de  la  Souabe,  de  l'Alsace  et  de  la  Lorraine  ; 
la  guerre  des  Paysans  commençait.  Une  de  leurs  bandes  vint 
se  faire  écraser  à  Ternuay,  au  pied  des  Vosges,  par  la  no- 
blesse comtoise,  que  l'énergique  appel  de  Philiberte  de  Lu- 
xembourg, princesse  d'Orange  et  gouvernante  du  pays,  ainsi 
que  du  clergé  bisontin,  avait  armée.  Mais  les  idées  nouvelles 
germaient  partout  et  presque  partout  gagnaient  du  terrain  ; 
Bâle,  Neuchâtel,  Montbéliard  étaient  de  gré  ou  de  force  en- 
traînés dans  l'hérésie  ;  un  cercle  de  fer  étreignait  la  province 
et  semblait  devoir  l'étouffer.  La  volonté  inflexible  de  l'empe- 
reur Charles-Quint,  rigoureusement  traduite  par  le  bras  de 
ses  lieutenants  et  les  édits  du  parlement  de  Dole,  le  dévoue- 
ment obstiné  des  Bisontins  et  des  Comtois  à  leur  souverain 
aussi  bien  qu'à  la  religion  de  leurs  ancêtres,  la  fermeté  des 
archevêques  et  de  leur  clergé  triomphèrent,  après  cinquante 
années  de  lutte,  des  tentatives  dix  fuis  renouvelées,  des  in- 
trigues sans  cesse  entretenues  des  pi-édicants  et  des  hugue- 
nots allemands,  français  et  suisses.  Mais,  chose  étrange  et 


(i)  Celle  délibération  du  8  uoùt  15*2I{  est  insérée  dans  le  même  travail, 
p.  6. 

12 


—  470  -. 

qui  n'avait  pas  encore  été  relevée,  le  suaire  mystérieux  re- 
trouvé à  Saint-Etienne,  inconnu  hier  encore  et  que  déjà  la 
vénération  publique  nommait  le  Saint-Suaire  et  proclamait 
une  relique  des  plus  insignes,  devint  le  pivot  de  toutes  ces 
résistances,  le  bouclier  qui  préserva  Besançon  et,  par  lui, 
tout  le  libre  Comté  de  Bourgogne,  de  l'introduction  d'une 
Héforme  dans  laijuelle  la  conscience  de  nos  aïeux  n'hésitait 
pas  à  reconnaître  et  à  combattre  une  hérésie  et  un  déshon- 
neur. 

Du  moment  où  il  fut  considéré  comme  une  relique,  le 
Saint-Suaire  devait  occuper  une  place  des  plus  honorables; 
on  l'avait  conservé  jusque-là  sous  une  triple  clé  dans  la  sa- 
cristie de  Saint- Etienne  ;  on  le  porta  en  1528  dans  la  plus 
belle  des  chapelles  latérales,  bâtie  au  côté  droit  du  transept, 
sous  le  vocable  de  saint  Maimbœuf,  par  les  comtes  de  Mont- 
béliard  de  la  maison  de  Montfaucon.  Ornée  de  statues  par  le 
chanoine  Henri  Garnier,  qui  Tavait  dotée  d'un  retable,  encore 
existant  il),  fermée  par  des  grilles  dorées  aux  frais  du  cha- 
noine Monlrivel,  cette  chapelle  va  devenir  le  sanctuaire  le 
plus  fréquenté  des  deux  Bourgognes.  On  place  dans  un  ta- 
bernacle spécial  récrin  d'argent  armorié  que  le  chanoine 
Des  Polols  vient  d'offrir  pour  renfermer  la  précieuse  relique; 
à  ce  moment,  l'official  de  l'archevêque,  le  chanoine  Léonard 
de  Gruyères,  tombe  gravement  malade  et  demande  comme 
grâce  suprême  rpie  le  Saint-Suaire  soit  apporté  dans  sa  de- 
meure. On  condescend  à  son  désir,  et  sa  guérison,  partout  ra- 
contée, est  réputée  miraculeuse  et  achève  de  dissiper  les 
doutes  que  quehjues  incrédules  osaient  encore  exprimer  (2). 
Aussi,  quand  reviennent  les  jours  d'ostension  solennelle,  les 
pèlerins  affluent.  En  1533,  à  l'Ascension,  30,000  pèlerins 
étrangers  à  la  cité  l'envahissent  et  les  boulangers  déclarent 


(t)  Ce  retable,  en  pierre,  style  Renaissance,  est  encastré  dans  le  collalé- 
ral  droit  de  la  cathédrale  Sainl-.Iean.  derrière  la  chaire. 
Ci)  Déiib.  ynunicip.  de  BeaançoHy  1535,  p.  315. 


-  171   - 

qu'en  vingt-quatre  heures  ils  ont  vendu  55,000  petits  pains, 
à  un  liard  pièce  (^). 

Cette  afïluence  incroyable  est  pour  la  ville  le  signal  d'une 
prospérité  sans  exemple,  pour  le  chapitre  une  bonne  fortune 
qui  rehausse  singulièrement  sa  réputation  et  son  influence, 
enfin,  pour  la  foi  qui  se  manifeste  avec  une  ardeur  crois- 
sante, un  stimulant  des  plus  actifs. 

La  réconciliation  au  moins  temporaiie  des  chanoines  et 
des  citoyens  met  une  trêve  à  lenrs  querelles  intestines,  et 
les  gouverneurs  de  la  cité,  désireux  d'atlirmer  leur  haine 
des  nouvelles  doctrines,  offrent  en  1537  au  U'»gat  du  pape  de 
recevoir  à  Besançon  le  concile  général  que  Ton  réunira  bien- 
tôt :  ce  devait  être  le  fameux  concile  de  Trente. 

L'archevêque  Antoine  de  Vergy,  surpris  dans  son  château 
de  Gy  par  une  attaque  d'apoplexie,  invoque  le  Saint-Suaire  ; 
la  paralysie  cesse,  et,  bientôt,  le  prélat  guéri  vient  en  grande 
pompe  remercier  Dieu  dans  sa  cathédrale,  où  désormais  une 
statue  orante  conservera  la  mémoire  de  l'événement.  Après 
les  gens  du  peuple,  qui  de  toute  part  affluent  aux  jours  d'os- 
tension  publique,  les  princes  et  les  gentilshommes,  les  villes 
et  corporations  qui  obtiennent  une  ostension  particulière, 
se  recommandent  à  leur  tour  à  la  protection  du  Saint- 
Suaire  (2). 

En  15441a  peste  éclate,  le  Conseil  communal  se  réunit  et 
voue  la  cité  de  Besançon,  en  suspendant  auprès  du  Saint- 


(1)  Ce  fut  ce  chanoine  Léonard  de  Gruyère:»,  arctiidiacre  de  Salins,  qui. 
«  inù  par  une  dévotion  particulière  envers  la  l^')ssion  »,  demanda  que  le 
Saint-Suaire  soit  placé  dans  un  endroit  en  évidence,  proposant  qu'on  enle- 
vât les  statues  de  bois  qui  étaient  placées  sur  Tautel  de  saint  Maimbceuf  et 
qu'on  plaçât  dans  Tintérieur  du  retable  olTert  par  feu  Henri  Garnier  la  cas- 
sette contenant  le  précieux  linge  [Délib.  capital. ^  31  sept.  4531). 

(2;  Pour  ce  détail  et  ceux  qui  suivent,  consulter  les  Dèlibèralions  capitu- 
laires  1523-1590  (Archives  du  Doubs);  —  J.-J.  Guifflkt,  De  linteis  Sepul- 
chralibus  Christi  servatoris  ct'isis  his'orlca,  Anvers,  I02t  cl  1()S8;  — 
—  IHjnod,  IJiat.  de  l'Eglise  de  tiemnçoHy  I7.ji).  l,  4<)l-i25;  —  Vie  des 
Sainljf  de  Franche-Comté^  IV,  518. 


—  ITi  — 

^.J-•l.r•^'Jri•^ti.'^àa  .1^  :.re  -n  r-  -r  ^^;  \^  repr^^tsette.  La  pe-te 
•  •^f.^tr.t.  ri.x  ^"^r   «r-  cr.i.ri"-  «ie  ;^    -r.  -^£  L.i  r^>»ciiiti -séance 

f:«:;r*:rrnr:  •^■^i.  'i'r^r.avkn:.  l^r  ->  olh.  ti-rc^in  rh.i  jue  anr^rre  ses 
j/.ear^e:*  â--.r*îïî  d  iH-  I-r-  •:  oi:re>  e:  .rf>  r;«r^  de  Sa^tit-Eîtenne. 

P  iur  C'.r.t-r.T  1-^-  p*^.»rr'.riS  et  ^.iri^fciire  le  ir  pielé,  rêglise 
ca'.h'^Jri.e  ►^rait  J-ven^^e  tr-p  êtn:-ite:  **n  ojastniisit  auprès 
dj  rlr:rierel  '""ri'.f^  ;t  flia?  de  iâ  crij^e'  e  de  Sainte  Made- 
i-^.fie,  où  t^--  dr-^r^'i-r.et  ven  lient  d'ania:?:?er  des  trésors  ar- 
li-tiijues.  une  -orte  de  théâtre  ou  dtr  vaste  lemsse  eo  maçon- 
H'/ne  qui  -er»  it  dr^^rmui-  à  l'exp^^^aioo  du  iinge  merveilleux. 
A  piitirdr^  I5fli  un  ne  le  montm  f^-ius  que  deux  fois  l'an,  à 
iViqu^'-i  et  le  dirn.in.;ri»^  après  l*A-oen>i»»D,  dans  la  matinée. 
Sur  ce  th»Vjtre  oii  r«»n  a<'«é»Jjit  |»ar  un  escalier  depuis  la  cha- 
pelle dr- Ciroud^iel,  se  pl.iraienl  l'arc he\  èi|ue,  les  prélats 
ou  abbé.-»,  cb;jnoines  et  pers^jnnjges  de  mapjue,  au  milieu 
ûf:  chantres  et  musiciens.  Entourée  de  cierges  allumés,  la 
ca.-sette  d'argent  e>t  exp^j^ée  sur  un  autel  :  on  ou\Te  le  re- 
liquaire, trois  chanoines  développent  la  toile  de  lin  et  l'expo- 
sent à  tous  les  points  de  l'horizon,  aux  regards  de  la  foule 
rangée  sur.la  va>le  esplanade,  que  Jean-Jacques  Chifllet  dé- 
clarait merv._illeu>euienl  préparée  p4jur  contenter  tous  les 
spectateurs.  Après  une  bénédiction  donnée  avec  la  relique,  la 
procession  rentrait,  dans  l'église,  on  refermait  le  coffret  à 
triple  serrure,  qui  reprenait  sa  place  dans  le  tabernacle  de  la 
chapelle  de  Saint  .Mainibœuf  1  . 

Jusqu'au  jour  malheureux  où  Vauban  sacrifia  la  cathédrale 
de  Saint-Etienne  au  plan  gigantesque  qui  devait  faire  de  Be- 
sançon une  place  de  guerre  de  premier  ordre,  le  cérémonial 
de  l'ostension  publique  ne  varia  pas,  mais  bien  des  circons- 
tances la  modilièrent  ou  l'empêchèrent.  Epidémies,  guerres, 

(I;  Un  taliciriacL'  décent  avait  été  conslniit,  en  vertu  de  délibérations 
i\u  7  janvier  15:U,  dans  ceUe  chapelle,  mais  à  côté  de  Tautel;  ce  n'est  qu'en 
ITilii,  nous  l'avons  dit  plus  haut,  que  le  Saint-Suaire  prit  place  sur  l'aulel 
lui-môme  {Délib.  capilul.,  G  liKi,  Arcli.  du  Doubs). 


—  173  — 

craintes  de  surprise  et  de  coup  de  main  justifiées  par  le  voi- 
sinage de  troupes  étrangères,  firent  supprimer  souvent  cette 
cérémonie  et  fermer  la  porte  aux  voyageurs  venus  de  loin. 
La  piété  des  Bisontins  trouvait  d'ailleurs  Toccasion  de  véné- 
rer l'effigie  sainte  soit  en  fréquentant  Tégiise  Saint-Etienne 
et  la  chapelle  de  Saint-Maimbœuf,  soit  en  profilant  des  os- 
tensions  particulières  pour  contempler  le  Suaire  devenu  le 
palladium  de  la  cité  et  du  diocèse  tout  entier.  La  dévotion 
des  étrangers  pouvait  élre  contentée  à  son  tour,  et  par  des 
médailles,  des  patenôtres,  des  couronnes,  ou  des  étofTes 
qu'on  faisait  toucher  au  Saint-Suaire  et,  à  partir  du  xvii*  siè- 
cle, par  des  enseignes  de  pèlerinage,  gravures  sur  .^oie,  sur 
toile  ou  sur  papier,  reproduisant  la  sainte  image.  J*ai  re- 
cueilli naguère  et  publié  tous  les  détails  de  cette  pieuse  ima- 
gerie, dont  les  échantillons  deviennent  rares  et  méritent  de 
prendre  place  dans  nos  grandes  collections  publiques;  j'en 
parlerai  donc  rapidement  (l). 

En  1573,  un  religieux  comtois,  familier  de  TEscurial,  vou- 
lut offrir  à  Philippe  II  une  copie  du  Saint-Suaire  de  Besan- 
çon ;  un  peintre  nommé  Pierre  d'Argent  l'exécuta  en  peinture 
à  l'huile,  et  son  émotion  fut  telle,  au  dire  de  Jean-Jacques 
Ghifflet,  qu'éblouis,  ses  yeux  ne  purent  distinguer  le  modèle 
et  le  reproduire  qu'après  l'audition  d'une  messe.  Quand  la 
fille  de  Charles-Quint,  Marguerite  de  Parme,  traversa  le 
comté  de  Bourgogne  pour  aller  prendre  le  gouvernement  des 
Pays-Bas,  d'Argent  fit  une  seconde  copie  offerte  à  la  princesse 
par  le  cardinal  Claude  de  La  Baume.  Les  Granvelle.  les  Chif- 
flet,  multiplièrent  ces  copies,  si  bien  qu'un  beau  jour,  en 
1608,  le  chapitre,  craignant  de  les  voir  réputer  pouroriginales, 
défendit  d'en  faire  de  nouvelles  et  confisqua  dans  l'atelier  du 
peintre  tous  les  poncis  et  toutes  les  peintures.  Mais  la  gra- 
vure en  taille  douce,  et  plus  tard  la  gravure  sur  bois,  multi- 


(1j  Se  reporter  à  mon  Iconographie  du  Saint-Suaire,  où  l'on  trouvera 
de  plus  grands  détails  et  quelques  types  dMmages  pieuses. 


—  174  — 

plièrent  bientôt,  sans  inconvénient,  des  images  plus  porta- 
tives ;  exécutées  par  des  graveurs  dont  nous  connaissons  les 
noms  et  dont  nous  possédons  les  œuvres,  Pierre  et  Jean  de 
Loisy,  Benoit  Clerc,  Labet,  et  d'autres  encore,  ces  estampes 
eurent  une  vogue  et  un  débit  immense  et  grâce  aux  pèlerins, 
se  répandirent  au  loin.  Elles  répondent  toutes,  aussi  bien  que 
les  médailles  d'argent,  de  laiton  ou  d'étain  confectionnées 
par  nos  orfèvres,  aux  types  suivants  empruntés,  j'en  suis 
convaincu,  aux  estampes  éditées  à  Turin  vers  1625  en  l'hon- 
neur du  Saint -Suaire  turinois,  provenant,  on  le  sait,  de  Cham- 
pagne par  la  maison  de  Charny  (I).  Tantôt  trois  chanoines, 
dont  l'un  mitre,  revêtus  de  chapes,  tiennent  étendu  le  linceul 
qui  enveloi)pîi  le  Christ.  Tantôt,  et  ce  sont  les  modèles  les 
plus  anciens,  sept  personnages  disposés  comme  ceux  qu'on 
rencontre  dans  les  sépulcres  sculptés  du  xv*  et  du  xvi*  siècles, 
la  Vierge,  les  saintes  femmes,  saint  Jean,  Joseph  d'Arima- 
thie  et  Nicodème  entourent  et  soutiennent  le  Suaire  déve- 
loppé. Quelquefois  la  fantaisie  de  l'artiste  a  remplacé  tous 
ces  personnages  par  des  anges,  des  religieuses,  ou  a  sup- 
primé complètement  les  porteurs,  en  créant  des  gravures  de 
toutes  dimensions,  munies  généralement,  en  contre-bas,  de 
quelque  oraison  française  ou  latine  plus  ou  moins  sommaire. 
Du  jour  où  la  presse  les  eut  distribuées  par  milliers,  ces 
images  furent  emportées  à  tous  les  vents,  comme  les  feuilles 
d'automne  ;  tous  les  foyers  en  possédaient  suspendues  à  la 
place  d'honneur  ;  on  en  trouvait  dans  les  anneaux  de  fian- 
çailles, on  en  plaçait  dans  les  cercueils  sur  la  poitrine  des 
morts.  Quand  Dole  fut  assiégé  en  1636  par  Condé,  on  arbora, 
sur  le  clocher  de  l'église  Notre-Dame,  un  étendard  gigan- 
tesque reproduisant  le  Saint-Suaire  ;  quand,  en  1637,  la 
même  ville  fut  envahie  par  la  peste,  cinq  des  images  irapri- 


(1'  La  collection  iconographique  que  j'ai  formée  aux  Archives  déparle- 
mentales  du  Doubs  renferme  deux  gravures  sur  soie,  représentant  le  Saint- 
Suaire  de  Turin,  au  début  du  xvir  siècle.  -  Voir,  sur  le  Saint-Suaire  de 
Turin,  J.-J.  Chifflet,  De  linteia. 


—  175  — 

mées,  bénies  par  le  contact  du  Suaire  original,  furent  affi- 
chées aux  portes  et  au  centre  de  la  ville  pour  en  chasser  la 
contagion  W.  Dans  les  couvents  de  femmes  les  religieuses, 
habiles  à  manier  Taiguille, encadraient,  dans  de  riches  orne- 
ments d'or  et  de  soie,  des  images  du  Saint-Suaire  tirées  en 
couleur  sanguinolente  et  brodaient  ces  fameuses  écharpes 
qu'on  réservait  pour  les  offrir  aux  plus  illustres  pèlerins  (2). 
La  Franche-Comté  avait  pu  échapper  aux  menaces  dont  le 
xvi«  siècle  avait  été  si  prodigue  envers  el?e,  seule,  l'invasion 
successive  de  Tremblecourt  et  d'Henri  IV  lui  avait  appris 
tout  ce  qu'elle  pouvait  craindre  de  ses  plus  redoutables  voi- 
sins ;  le  xvii"  siècle  devait  cruellement  confirmer  cette  ex- 
périence. Heureusement  commencé  sous  le  gouvernement 
bienfaisant  et  léparateur  de  l'archiduc  Albert  d'Autriche  et 
de  l'Infante  Isabelle-Claire-Eugénie,  il  lui  avait  donné  pres- 
que trente  ans  de  paix  quand  la  peste  de  16^29,  suivie  d'une 
guerre  de  dix  années,  qui  devait  consommer  sa  dépopula- 
tion et  sa  ruine,  commencèrent  la  série  de  ses  malheurs.  Les 
pèlerinages  et  les  ostentions  solennelles  du  Saint-Suaire 
continuaient  sans  interruption.  Les  dons  précieux,  tapisse- 
ries, vases  sacrés,  ornements  de  velours  et  de  soie  couverts 
de  riches  broderies  d'or  affluaient  à  Saint-Etienne  pour  le 
service  de  la  chapelle  de  Saint-Mai mbœuf.  Les  archiducs 
avaient  fait  les  frais  d'un  jubé  entièrement  construit  de 
marbre  noir  et  rouge,  dont  les  bas-reliefs,  les  ornements 
et  les  inscriptions  sur  marbre  blanc  étaient  l'œuvre  d'un  ha- 
bile sculpteur  champenois.  Sur  ce  jubé,  qui  coûta  plus  de 
10,000  francs  (50,000  francs  de  notre  époque),  on  devait  dé- 
sormais déployer  hors  de  toute  atteinte  le  Saint-Suaire  pour 
le  montrer  à  ses  visiteurs  :  François  d'Orival,  les  chanoines 


fi)  Nous  donnons  la  reproduction  de  deux  images  de  1630  et  IG^. 

(2)  On  offrit  de  ces  écharpes  à  la  reine  Anne  d'Autriche  en  16i5,  à  Marie- 
Thérèse  d  Autriche,  en  IGKÎ,  etc.,  etc.  La  confrérie  du  Saint-Suaire  à  Thô- 
pital  de  Besançon,  et  divers  particuliers  ou  musées,  possèdent  de  ces  bro- 
deries, d'un  travail  quelquefois  remarquable,  fréquemment  médiocre. 


~  176  — 

Pourlier  et  Philippe  (U,  Jean-Jacques  Chifflet  enfin,  venaient 
d'écrire  Thistoire  et  Téloge  de  la  relique,  entourée  d'une  si 
grande  vénération. 

A  ce  moment,  la  peste,  plus  cruelle  qu'elle  n'avait  été  en 
1544  et  en  1586,  éclatait  avec  fureur  dans  toute  la  Franche- 
Comté;  Besançon  s'était  voué  dès  1G29  au  Saint-Suaire  pour 
conjurer  le  fléau  ;  ses  suppHcations  furent  entendues,  au  mois 
de  mars  iC^O  ses  co-gouverneurs  acquittaient  solennellement 
le  vœu  '2;.  Les  chanoines,  craignant  de  raviver  une  épidémie 
à  peine  éteinte,  ayant  refusé  de  faire  l'ostension  de  Pâques, 
suscitèrent  parmi  les  citoyens  une  véritable  émeute  et  durent 
céder,  sur  les  instiinces  du  parlement  et  du  gouverneur  de 
la  province.  D'autres  tempêtes  plus  sérieuses  allaient,  hélas! 
éclater. 

En  1631,  Gaston  d'Orléans,  frère  de  Louis  XIII,  fuyant 
comme  jadis  le  connétable  de  Bourbon  un  pays  qu'il  voulait 
trahir,  trouva  un  abri  momentané  à  Besançon  et  en  Fran- 
che-Comté P).  Son  séjour  dans  ces  pays  neutres  devint  le 
prétexte,  habilement  travesti  par  Richelieu,  pour  exercer  de 
terribles  représailles  sur  une  nation  inoflensive,  qui  fut  sa- 
crifiée à  de  criminelles  ambitions.  Dix  années  de  guerres  et 
d'invasions,  dont  les  cruautés  furent  inouïes,  laissèrent 
seules  debout  au  milieu  d'un  pays  dépeuplé  et  ruiné,  quatre 
villes  :  Besançon,  Dole,  Salins  et  Gray,  où  continua  de  battre 
le  cœur  de  la  nation  comtoise.  Aux  héroïques  survivants  d'un 
petit  peuple  qui  s'était  sacrifié  pour  son  roi,  le  Saint-Suaire 
de  Besançon,  la  châsse  de  Saint-Claude,  la  statuette  de  No- 
tre-Dame de  Gray,  apparaissaient  comme  la  suprême  conso- 
lation des  mourants,  le  dernier  espoir  de  ceux  qui  résistaient 
encore.  Dès  que  des  suspensions  d'armes  eurent  été  négo- 

(1)  Le  14  août  1625,  l'archidiacre  de  Luxeuil,  les  chanoines  Pourlier  et 
Philippe,  furent  chargés  de  rédiger  les  miracles  du  Saint-Suaire  {Délib. 
capUuL,  G  202). 

(2)  La  ville  de  Besançon  exécute  son  vœu  le  1"  février  1630  (Ibid,), 

(3)  Le  chapitre  lenvoie  saluer  le  27  mars  1631  (/frid.)> 


—  177  — 

ciées,  grâce  à  l'influence  d'Anne  d'Autriche  (dont  le  confes- 
seur avait  fait  demander,  pour  la  reine,  des  images  du  Saint- 
Suaire  (^);;  dès  que  les  paysans  et  les  bourgeois,  réfugiés  en 
Suisse  ou  cachés  dans  les  cavernes  et  dans  les  bois,  eurent 
commencé  k  relever  leurs  villages,  Besançon  ouvrit  ses  portes 
aux  pèlerins  de  Pâques  et  de  TAscension.  Et  l'on  vit  alors  ce 
spectacle  émouvant  des  débris  d'une  petite  nation  brisée  par 
les  privations  et  les  maladies,  mais  pleine  encore  de  rési- 
gnation et  de  foi,  gravissant  les  flancs  de  la  montagne  sainte 
avec  la  même  confiance  qu'aux  jours  évanouis  de  sa  prospé- 
rité. 

De  Roïne  où  s'étaient  exilés  10,000  Francs-Comtois  chassés 
par  la  guerre  et  la  misère,  la  confrérie  de  Saint-Claude  des 
Bourguignons,  voulant  rester  en  communion  avec  la  mère- 
patrie,  demandait,  pour  la  placer  dans  son  église,  une  repré- 
sentation du  Saint-Suaire  (2)  ;  l'Espagne,  la  Lorraine,  les 
Pays-Bas,  la  France,  recommençaient  à  envoyer  leurs  pè- 
lerins. Quand  Louis  XIV,  facilement  triomphant  d'un  pays 
affaibli  et  divisé,  conquit  en  1668  l'ancien  comté  de  Bourgo- 
gne, les  gouverneurs  de  Besançon  ne  signèrent  leur  capitu- 
lation qu'après  y  avoir  fait  insérer  cette  clause  :  que  le  roi 
et  set  successeurs  maintiendraient  à  jamais  dans  leur  ville 
le  Suaire,  qu'ils  considéraient  comme  le  plus  précieux  de 
leurs  trésors  (3). 

(1)  Les  30-23  octobre  1645,  on  envoie  cette  image  à  la  Heine  par  l'intermé- 
diaire du  P.  Brisegeon,  chartreux;  on  l'avait  fait  peindre  par  Jean  Maillot; 
les  remerciements  de  la  Reine  n'arrivèrent  que  le  2  mai  1646  (Délib.  capi- 
tttl.,  G  a02). 

(2)  Dominus  Borrey,  pro  parte  confratrum  congregationis  sancti  Claudii 
Homae  institutae  rogavit,  domino  capitulantes  quatenus  concedere  dignen- 
tur  facultatem  depingendi  in  panno  serico  imaginem  Sanctissimi  Sudarii 
ad  eam  exponendara  in  sacri«  œdibus  quas  Romaï  novissinic  îedifîcarunt  ; 
qiiod  domini  annuerunt,  modo  exemplar  non  fiât  ejusdem  longitudinis  et 
in  eo  inscribalur  esse  effigiem  Sanctissimi  Sudarii  Bisunlini.  »  {Délib.  ca- 
piluL,  5  juillet  1662,  G.  206.) 

(3)  Voir  le  texte  des  capitulations  dans  les  Edits  de  Franche-Comté ^ 
publiés  par  Droz,  I,  1-3. 


—  178  — 

Le  traité  d'Aix-la-Cbapelle  rendit  à  rEs,«,c,„e  une  provinœ 
s.  longtemps  fidèle;  aussitôt,  sous  les  ordres  du  prince  dA- 
renberg.  des  ingénieurs  hollandais  commencent  sur  le  mont 
Coel.us  une  citadelle  qui,  après  avoir  nivelé  pour  ses  glaci. 
lancen  quartier  des  chanoines,  enserre  la  cathédrale  de 
ïsaint-Etienne  masquée  par  une  courtine  et  des  basticns  Le 
Chapitre  essaie  dune  résistance  inutile  ,  le  Saint-Suaire  un 
instant  descendu  en  .««,  remonte  dans  s;.  cha,^lle  et  son 
«..hernacle,  1  ofl.cc.  canonial  reprend,  malgré  le  bruit  des  pion- 
niers et  des  maçons  de  la  forteresse.  Un  ordre  du  gouver- 
neur 1  inl.MTompt  et,  le  t>G  avril  IGtii).  définitivement  expulsé 

tn.  r""T  ^«*"'-'=^'*^""«'  '«  «^.int-Suaire  descend  à 
Si.nl-Jean  Cinq  ans  plus  tard.  Besançon  capitulait  aux 
mêmes  conditions  qu'en  16(i8;  Saint-Etienne,  incendié  par 
les  mousquetaires  de  Louis  XIV,  tombait  sous  le  marteau  de 
Vauban  ;  conservé  dans  l'abside  Est  de  la  cathédrale  de  Saint- 
Jean  pebâlie  de  1730  à  I7i0  avec  une  magnificence  royale,  le 
S.ml-buaire  continua  à  être  gardé  et  vénéré  comme  par  le 

u  h  n.r.'""  ;  .      '  ?"  "  '"""^••"  ^solennellement  au  peuple 
du  haut  d  un  balcon  du  clocher. 


II 


Apres  avoir  esquissé  dans  ces  pages  compactes  déjà  et  ce- 
pendant ecouit.^es,  les  grandes  lignes  de  l'histoire  du  Sail 

tW,s  ,e  milieu  du  moyen-âge,  les  pèlerinages  loin.ains 
iaient  depuis  longtemps  entrés  dans  les  mœurs  :  Jérusak-m 
Home,  I  ore.U.,  Sainl-Jacquos  de  Compos.eile  avaient,  malgré 
i.'s  ,.,.r,ls  de  longs  voyages,  une  clientèle  des  plus  nombreu- 
se, e  des  plus  choisies.  Eternellement  amoureux  de  la  nou- 
N.-.ml..  et  do  I  imprévu,  l'esprit  humain  ne  s'appropriera  ja- 
mais celle  ,na.xi,ne  de  ITmitation  :  les  Pèlerinages  n'amélio- 
rent guère,  et  se  fera  toujours  une  loi  de  colorer  son  propre 


—  179  — 

désir,  sous  l'apparence  du  devoir.  Le  pèlerinage  bisontin 
bénéficiera  de  cette  vogue.  Si  les  grandes  masses  des  pèle- 
rins du  Saint-Suaire  furent  toujours  empruntées  à  la  région, 
dès  le  milieu  du  xvi«  siècle,  des  villes  entières,  Dole,  Baume, 
Vesoul,  Gray,  Saint-Claude,  et  nombre  de  personnages  mar- 
quants commencent  à  apporter  leurs  hommages,  leurs 
prières  et  leurs  offrandes  au  sanctuaire  nouveau  dont  la 
renommée  se  répand.  Longtemps  les  chanoines  de  Besançon 
tentèrent  de  résister  aux  pèlerinages  individuels,  source  de 
perpétuels  dérangements,  et  essayèrent  de  linjiter  les  osten- 
sions  particulières  aux  princes  et  aux  ambassadeurs.  Mais 
les  familiers  des  princes  ont  souvent  autant  de  crédit  et  tou- 
jours plus  de  savoir-faire  que  leurs  maîtres  ;  aussi,  tant 
désireux  qu'on  fût  au  chapitre  d'éconduire  les  importuns, 
on  eut  toujours  la  main  forcée.  On  pourrait,  avec  beaucoup 
de  patience  et  de  temps,  dresser  une  liste  complète  et  cu- 
rieuse de  tous  les  gens  de  marque  qui  sollicitèrent  et  obtin- 
rent cette  faveur  particulière,  en  voici  déjà  quelques-uns. 

Les  premiers  pèlerins  de  distinction  qui  gravirent  le 
mont  Saint-Etienne  (je  ne  parle  bien  entendu  que  des  étran- 
gers), furent  des  ambassadeurs  des  cantons  catholiques  de 
Soleure  et  de  Fribourg,  venus  en  1554  pour  renouveler  des 
traités  de  neutralité  avec  le  Comté,  et  en  1579  les  traités  de 
combourgeoisie  avec  Besançon  W.  Le  18  mai  1580,  une  fière 
et  hautaine  princesse  qui,  comme  gouvernante  des  Pays- 
Bas,  devait  assumer  devant  l'histoire  de  lourdes  responsabi- 
lités, Marguerite,  duchesse  de  Parme,  se  faisait  conduire  en 
litière  jusqu'aux  portes  de  la  cathédrale  Saint-Etienne  (2).  Au 
dire  d'un  chroniqueur  très  véridique,  qu'on  peut  aisément 
contrôler,  ceux  qui  faisaient  à  pied  l'ascension  avaient  en  haut 
grand  besoin  de  reprendre  haleine,  voire  môme  de  se  reposer. 

Après  la  sœur  de  Philippe  II,  Madame  de  Ligniville  qu'es- 

(1)  Délib.  capitul.,  7  juin  IKi  el  19  juin  1579  (Arch.  du  Doubs,  G  195). 
(!2)  Ibid.,  18  mai  1580  (G  198). 


—  180  — 

corte  en  d581  le  cardinal  de  La  Baume  ^\  en  1583  le  duc  et 
la  duchesse  d'Arschot  venant  des  Flandres  (2)^  en  d589, 
Nicole  de  Lorraine,  princesse  de  Brunswick  se  rendant  aux 
noces  de  sa  nièce  avec  le  grand-duc  de  Toscane  (3),  portent 
à  leur  tour  leurs  supplications  et  leurs  aumônes  à  la  cha- 
pelle du  Saint-Suaire. 

La  Franche-Comté  était  un  carrefour  où  se  croisaient  les 
deux  roules  les  plus  tVêquenlées  de  France  en  Italie  d'une 
part,  de  Flandre  en  Espagne  de  l'autre;  diplomates  on  ser- 
vice, aventuriers  en  quête  d'emploi,  princes  détrônés  ou 
conspirateurs  s'y  coudoyaient  sans  cesse,  devenant  au  be- 
soin pèlerins  s'ils  y  trouvaient  satisfaction  à  leur  piété  ou 
moyen  de  dissimuler  leurs  intrigues.  En  1592,  on  voit  se 
succéder  auprès  du  Saint-Suaire  le  maréchal  de  Saulx-Ta- 
vannes  (o-.  puis  deux  ligueurs  acharnés,  le  cardinal  de  Sens, 
Nicolas  Pellevé,  et  l'archevêque  de  Lyon,  Pierre  d'Epinac, 
fuyant  devant  les  rancunes  d'Henri  de  Navarre  *).  Ce  prince 
qui  n'a  pas  laissé  dans  nos  mont.ignes  la  bonne  odeur  qu'on 
lui  prête  généralement  dans  l'histoire,  faillit,  lui  aussi,  laire 
son  pèlerinage  mais  avec  15,000  lances  ou  mousquets  en 
guise  de  cierges.  Il  s'arrêta  heureu.sement  à  Saint-Vit  ayant 
trop  peu  d'artillerie  pour  assiéger  Bes^mçon,  qui,  se  croyant 
perdu,  lui  versa  27,000  écus  pour  payer  ses  régiments 
suisses  et  déguerpir;  le  seul  pèlerin,  qui,  de  sa  part,  péné- 
tra dans  la  place,  fut  un  espion,  soldat  de  Tremblecourt,  qui 
s'étant  targué  de  dérober  le  Saint  Suaire,  partit  humilié  et 
contrit  sans  avoir  pu  réaliser  sa  promesse  (6). 

A  peine  Henri  IV  avail-il  disparu  que,  par  la  frontière  de 
Savoie  et  de  Bresse,  le  Cardinal-Infant,  Albert  d'Autriche, 


tl)  Délih,  capital.,  tlJ  octobre  15«t  (An  h.  du  I)oub^,  G.  198). 
*2>  Jbid.,  1"'  juin  ITiKi  iJd.). 
i'S)  Ibid.,  il  mars  1581)  (C.  il)*.»,. 
{^)  Jbid  ,  'n  décembre  VAfi  (G  lOî);. 
(o)  Ibid.,  26  août  1592  'Arch.  mnn.  de  Besan«;on,  BB  43  . 
i(jj  Ibid,,  10  mai  1019  (Arch.  du  Doubs,  G  202î. 


—  18d  — 

entrait  en  Franche-Comté  et  venait  s'agenouiller  à  Saint- 
Etienne  pour  y  remercier  Dieu  du  départ  des  Français  Cl). 
Le  maréchal  de  Biron,  qui,  avec  le  Béarnais,  s'était  taillé,  en 
pendant  et  en  pillant  les  gens  d'Arbois,  de  Poligny,  de  Lons- 
le-Saunier,  la  plus  médiocre  des  réputations,  osa,  lui  aussi, 
revenir  en  pèlerin  dans  le  pays  qu'il  avait  ravagé  en  soudard. 
Le  9  janvier  1602,  se  rendant  en  Suisse,  il  traverse  Besan- 
çon et  va  saluer  le  Saint- Suaire  (2;  le  31  juillet  suivant  sa 
tête,  celle  d'un  traître,  tombait  sur  un  échafaud,  dans  une  des 
cours  de  la  Bastille.  Un  autre  pèlerin,  bien  autrement  sym- 
pathique, Saint  François  de  Sales,  évèque  de  Genève,  arri- 
vait à  Besançon  en  1609,  chargé  d'une  mission  du  Saint- 
Siège.  Le  8  novembre,  descendant  du  Gœlius,  il  s'arrête  à 
Saint-Jean  pour  y  prêcher  devant  une  foule  immense  sur  ce 
texte  tout  à  fait  de  circonstance  :  Si  tetigero  fimhviam  vc$ii' 
menti  Sulva  cro  («l'.  Dix  sept  ans  plus  tard,  sainte  Jeanne  de 
Chantai  venait  à  son  tour  vénérer  le  Saint-Suaire,  suivant 
pieusement  les  traces  et  recueillant  avidement  les  souvenirs 
du  grand  évêque,  qu'Annecy  avait  perdu  et  que  déjà  Ttlglise 
proclamait  un  de  ses  plus  grands  saints  (*). 

Kn  1621,  la  mère  du  grand  Condé,  Marguerite  de  Mont- 
morency, faisait  en  grande  dévotion  le  pèlerinage  du  Saint- 
Suaire.  Besançon  décerna  les  plus  grands  honneurs  à  la 
cousine  du  roi  de  France,  sans  pressentir  que  son  mari  vien- 
drait, en  16:^6,  assiéger  et  bombarder  Dole,  et  que  le  (ils 
dont,  anxieuse,  elle  sollicitait  la  naissance,  après  avoir 
écrasé  à  Rocroy  les  terces  bourguignons  de  l'armée  d'Es- 
pagne, conduirait,  en  1668  et  en  1674,  les  armées  de 
Louis  XIV  à  la  conrjucte  de  la  Franche-Comté  [^), 

Cardinaux,  prélats,  abbés  mitres,  gentilshommes  de  haute 

(4)  Délib,  capital  ,  30  déccml»re  iôlb  (Arch.  du  Doubs,  G  202). 

(2)  /6id.,  9  janvier  1602  (G  500). 

(3)  Jbid.,  8  novembr»^  1ti09  (G  201 1. 

(4)  laid.,  22  janvier  1G26  ^G  202). 

(5)  Ibid.,  21  mai  1G21  Jd.). 


-  182  — 

roce  ou  de  grande  fortune,  mêlés  aux  intrigues  si  compli- 
quées qui  devancèrent  la  Guerre  de  Trente  Ans,  se  ren- 
contrent ou  se  succèdent  sur  les  pentes  accidentées  de  la 
montagne  Saint-Etienne  :  l'archevêque  de  Cambrai  (*),  l'abbé 
de  Saint-Germain  d'Auxerre  (2;,  Tabbesse  de  Remiremont  (^), 
le  comte  de  Furstemberg,  ambassadeur  d'Empire  (*■,  Robert 
Miron,  ambassadeur  de  Fiance  en  Suisse,  le  vicomte  de 
Gand  l'^),  la  maréchale  d'Aumont  6)^  |e  duc  François  de  Lor- 
raine (7),  sa  feTime  et  sa  fille,  le  [)rince  de  Nevers '8\  le 
maréchal  de  Bassom pierre  ('J),  le  prince  de  Condé  (10;^  alors 
gouverneur  de  Bourgogne,  la  princesse  de  Phalsbourg  (*>  , 
le  duc  de  Dellegarde,  compagnon  d'exil  de  Gaston  d'Or- 
léans (12),  tels  sont  (iuel(ïucs-uns  des  hôtes  que  Besançon  et 
ses  cathédrales  reçurent  pendant  vingt  ans,  de  1610  à  l(i31. 
En  1633,  un  général  de  27  ans,  le  comte  de  Montecuculli, 
qui  devait  être  l'heureux  adversaire  de  Turenne,  vint  dans 
un  moment  douloureux  invoquer  le  Saint-Suaire  de  Besan- 
çon. Naguère  à  la  cour  do  Bruxelles,  il  avait  aimé  une  jeune 
et  charmante  fille  d'honneur  de  larchiduchesse  Eugénie, 
Isabelle  de  Bourgogne;  un  rival  heureux,  un  grand  seigneur 
franc-comtois,  l'avait  épousée;  à  seize  ans,  elle  était  devenue 
marquise  de  Marnay  et  duchesse  de  Pont-de-Vaux.  Veuve 
depuis  peu,  la  duchesse  vivait  retirée  au  comté  de  Bour- 
gogne, entre  les  berceaux  de  ses  trois  enfants  et  le  tombeau 
de  son  mari  ;  ce  fut  au  château  de  Marnay,  qu'au  printemps 


(1)  Délib  capituL,  21  avril  1GI0. 

(2)  /6i(i.,2«  août  1011. 

(3)  Ibid.,  20  juillet  1018. 
(i)  76/rf.,  2  juillet  lOli. 
(5)  /6id.,22  juin  1016. 
(0    Jbid.,  9  octobre  1017. 
(7)  Ibid,,  27  avril  1022. 

(8;  Ibid.S  novembre  1023. 
(U,  Ibid.,  3  décembre  1023 
.10)  /6id.,19  juin  1020 
(11)  /6id.,  20  juillet  1028. 
(12;  /6id.,5avril  1531. 


—  183  — 

de  l'année  1633,  Montecuculli  vint  lui  rappeler  le  rêve  de  sa 
jeunesse  et  lui  demander  sa  main.  Son  ûge,  sa  naissance,  sa 
qualité  de  général  de  TEmpire,  glorieusement  conquise  sur 
les  champs  de  bataille  de  la  Guerre  de  Trente  ans.  semblaient 
lui  promettre  le  succès  ;  mais  Isabelle  de  Bourgogne,  lui 
montrant  ses  enfants,  s'était  bornée  à  lui  répondre  :  Je  me 
dois  tout  entière  à  eux,  mais  je  suis  et  je  resterai  toujours 
infiniment  touchée  de  voire  démarche  Désespéré  d'un  re- 
lus, résolu  à  mourir  dans  une  prochaine  campagne,  Monte- 
cuculli ne  quitta  pas  Besançon  sans  avoir  sollicite  la  faveur  de 
baiser  le  Saint-Suaire,  et  du  haut  de  Sainl-Etienne,  son  re- 
gard, errant  dans  la  plaine,  s'arrêta  une  dernière  lois  sur  les 
hautes  tours  de  Marnay,  où  venait  de  s'éteindre  son  plus  cher 
espoir  (l). 

Les  années  se  passent  et  les  événements  se  précipitent.  La 
duchesse  de  Lorraine  et  sa  sœur  (2),  le  marquis  de  Bade  P^), 
Schauembourg,  ambassadeur  de  l'Empereur  (^),  le  prince  de 
Cantecroix  et.  Béatrix  de  Cusance  n»;,  Charles  IV  de  Lorraine, 
cet  imitateur  d'Henri  VllI,  qui  fut  le  précurseur  de  don 
Quichotte  (^  ,  l'abbé  de  Coursan,  ambassadeur  de  France  7) 
sont  les  pèlerins  de  la  Guerre  de  Dix  ans.  Quand  après  dix 
années  de  deuil  et  de  tortures  les  armistices  préludèrent  à  la 
paix,  le  pèlerinage  reprit  son  cours  et  amena  successivement 
à  Besançon  le  marquis  de  Luilin,  ambassadeur  de  France  en 
Angleterre  (^),  le  comte  de  Nassau  (^  ,  des  généraux  d'ordres 
religieux  (10),  MM.  de  Caumartin  et  de  La  Balde  ■H',  l'évèque 

(1)  Délib,  capitul.y  5  mars  1033. 
•  2)  Ibid.y  30  septembre  1(3:i'{. 

(3)  Ibid.,  19  avril  1634. 

(4)  Ibid.,  26  avril  103t. 

(5)  Ibid.,  27  avril  1635. 

(6)  Jbid.,  7  mai  1635. 

(7)  Jbid.,  20  mai  1635. 

(8)  Ibid  ,  16  mai  1646. 

(9)  Ibid,,  15  juin  1647. 
^10)  Ibid.,  23  août  1647. 

(il)  Ibid.,  11  et  21  janvier  1648. 


—  184  — 

de  Genève,  Charles- Auguste  de  Sales  (1),  l'abbé  de  Ci- 
teaux  (2',  l'évêque  de  Chalon  («i),  le  duc  d'Epernon,  gouver- 
neur de  la  province  de  Bourgogne  (*\  les  comtes  d'Arma- 
gnac, d'Harcourt  et  de  Grammont  A,  le  duc  de  Pont  de  Vaux, 
fils  d'Isabelle  de  Bourgogne  (6  ,  Louis  Grimani  le  futur  doge 
de  Venise  (7),  le  maréchal  d'Aumont  i^»,  François  de  l-or- 
raine,  évoque  de  Verdun  [^). 

En  1661^,  Béatrix  de  Cusance,  épouse  délaissée  du  duc 
Charles  IV  de  Lorraine,  vint  une  dernière  fois,  peu  de  jours 
avant  d'aller  dormir  son  dernier  sommeil  dans  le  cloître  des 
Clarisses,  vouer  au  Saint-Suaire  sa  fille,  la  princesse  de  Lille- 
bonne,  et  son  fils,  le  prince  de  Vaudémont(>^ .  Onze  ans>'ô- 
coulent,  et,  du  même  emplacement,  le  prince  de  Vaudêmont 
tirait  sur  l'armée  de  Louis  XIV  les  derniers  coups  de  canon 
qui  témoignèrent  de  l'indépendance  comtoise,  et  quand,  le 
24  mai  1674,  il  sortit  de  la  citadelle  avec  les  honneurs  de  la 
guerre,  il  put,  en  se  retournant,  voir  brûler  la  cathédrale 
Saint-Etienne,  où  le  Saint-Suaire  ne  devait  plus  être  montré. 

En  1683.  dix  ans  après  la  conquête,  l'archevêque  Antoine- 
Pierre  I  de  Grammont  rroevait,  sur  le  seuil  de  la  cathédrale 
de  Saint-Jean,  où  ils  vtMiaient  s'incliner  devant  le  Saint- 
Suaire,  les  deux  plus  illustres  pèlerins  qui  l'aient  visité  : 
Louis  XIV  et  Marie-Thérèse  d'Autriche,  cette  reine  de  France 
(jue  (fuinze  jours  plus  tard  la  mort  devait  moissonner  (H-. 

A  cette  visite  royale,  j'arrêterai  une  nomenclature  rapide 

(I)  JJc'Ub.  capilul,  U  avril  16i8. 
»2)  Ibid.,  20  juillet  t6i8. 

(3)  /6id.,  28  mai-1"  juin. 

(i)  Ibid.,  4  juillet  KiÂ'J  (Arch.  du  Doubs,  G  2ai). 

(5)  /6id.,  2-2  .lécembre  H353,  15  juin  1655, 1 1  septembre  i658  \G  2tXv*20l)). 

(6)  Ibid.,  28  février  1059  (G  200). 

(7)  Ibid,,  17  mai  1GG0  ild.). 
(S)  /6id.,10  juin  16()l{/d.). 

(9)  Ihid.,  I*"-  octobre  KkiO  {Id  ). 

(10)  Ibid.,  5  juin  \(m  {Id.), 

(II)  Ibid.y  16-19  juin  1683  (G.  209). 


~  1&5  — 

que  j'aurais  dû  peut-être  encore  raccourcir;  mais  les  noms 
que  j'ai  cités  étaient  nécessaires  uour  faire  comprendre 
combien  le  pèlerinage  du  Saint-Suaire  avait  été  universel 
et  populaire,  et  combien  il  avait  rencontré  de  faveur  dans 
toutes  les  classes  sociales  du  xvi*  et  du  xvii«  siècle.  Au 
xvin*  siècle,  la  décadence  du  pèlerinage  ^'accentue  ;  si  le 
peuple  garde  encore  la  foi  des  vieux  jours,  un  vent  de  scep- 
ticisme et  d'incrédulité  courbe  devant  d'autres  dieux  les  têtes 
couronnées  et  les  aristocraties.  Les  théologiens  expriment 
tout  haut  leurs  doutes  sur  Tobjet  des  croyances  populaires 
et  travaillent,  sans  y  penser,  aussi  bien  que  les  philosophes, 
à  préparer  les  années  terribles. 

Quand,  en  1790,  le  Saint-Suaire  cesse  d'être  montré  du 
haut  du  clocher  de  la  cathédrale,  le  peuple  manifeste  bruyam- 
ment son  mécontentement  et  ses  regrets;  quand,  en  1792,  on 
le  transporte  hors  de  l'église,  dans  les  bureaux  du  District  ; 
quand  en  1794  on  l'expédie  à  la  Convention  qui  va  le  détruire, 
personne  ne  se  lève  pour  protester. 

La  Convention  Nationale  envoya  le  Saint-Suaire  à  l'Hôtel- 
Dicu,  pour  le  transformer  en  charpie,  et,  depuis,  son  souve- 
nir, pieusement  gardé  par  les  survivants  du  dernier  siècle, 
est  allé  sans  cesse  en  s'affaiblissant. 

Que  serait-il  advenu  pourtant,  si,  bravant  des  lois  néfastes, 
une  main  pieuse  eût  sauvé  cette  pieuse  image  si  chère  à  nos 
aïeux  francs-comtois  ? 

La  réponse  est  là-bas  sur  les  bords  de  la  Moselle,  où  la 
Sainte  Tunique  de  Trêves  compte  encore  ses  pèlerins  et  ses 
croyants  par  centaines  de  milliers. 

Quoi  qu'on  en  dise  et  quoi  qu'on  en  pense,  heureux  les 
peuples,  heureuses  les  villes  qui  gardent  fidèlement  le  res- 
pect des  croyances  et  la  chaîne  des  traditions  ! 


13 


DU  DEGRÉ  DE  CONFIANCE 

QUE    MÉRITENT 

LES  GÉNÉALOGIES  HISTORIQUES 

Par  M.  Jules  GAUTHIER 

SBGRÉTAIRB  DÉCENNAL 


Séance    du    8    août    i90i  (i) 


Il  ne  faut  rien  négliger  en  histoire,  tout  document  authen- 
tique mérite  d'être  recueilli,  lu,  analysé,  en  attendant  qu'on 
Tutilise,  car  le  moindre  indice,  la  moindre  parcelle  de  vérité 
peut  mettre  quelque  jour  sur  la  voie  d'une  découverte  et 
permettre  la  solution  de  quelque  problème  important.  Il 
n'est  pas  jusqu'aux  généalogies  intéressant  des  maisons  ou 
des  familles  de  second  et  môme  de  troisième  ordre  qui  ne 
puissent,  si  elles  sont  loyalement  dressées,  apporter  de  pré- 
cieux secours  même  à  la  grande  histoire,  et  fournir  un  con- 
tingent (finrormations  qui  ne  sont  point  à  dédaigner. 

Mais  combien  de  généalogies  sont-elles  restées  impecca- 
bles, soit  dans  leur  étalage  quelquefois  prétentieux  et  naïf, 
pour  ne  pas  dire  davantage,  soit  dans  leurs  réticences  sou- 
vent habiles  quand  il  s'agit  d'origines  modestes  et  par  con- 
séquent fâcheuses,  puisque  à  tort  ou  à  raison  la  vanité,  ou  si 
vous  voulez  l'orgueil,  préfère  souvent  à  la  vérité  toute  nue 
les  chimères  ou  les  fables. 

C'est  notre  rôle,  à  nous  autres  chercheurs,  de  faire  la  chasse 
à  ces  papillons  de  nuit  que  la  lumière  fait  fuir  et  disparailr  e 


(I)  Lue  nii  Congrès  de  TAssociation  franc-comtoise,  tenu  à  Monlbêliard, 
au  nom  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs. 


-  187  — 

et,  sans  mettre  la  moindre  causticité  à  des  enquêtes  qui  pren- 
draient ainsi  un  air  de  partialité,  de  faire  passer  au  rang 
d'aimables  inventions  certains  degrés  généalogiques  imaginés 
naguère,  pour  étayer  le  rang  et  le  crédit  de  familles  qui  au- 
raient tout  gagné  à  se  montrer  simplement  ce  qu'elles  étaient, 
sans  vouloir  remonter  à  Sésostris. 

Ces  familles  du  reste  ne  sont  pas  toujours  coupables;  les 
princes  et  les  riches  n'ont  jamais  manqué  (Je  courtisans  s'ils 
ont  toujours  eu  leurs  détracteurs,  et  la  collaboration  d'écri- 
vains de  mauvais  aloi  n'a  jamais  fait  défaut  au  parvenu  cher- 
chant à  se  créer  des  ancêtres,  au  gentilhomme  voulant  se 
hausser  à  l'égal  des  vieilles  races,  en  améliorant  sa  lignée. 

Cette  monomanie  qui,  chez  nous  autres  Comtois,  a  régné 
comme  ailleurs,  fut  prodigieusement  répandue  au  xviii» siècle, 
et  nous  a  valu  à  la  douzaine  des  arrêts  de  cour  des  comptes 
enregistrant  des  mensonges  et  des  certificats  signés  et  scel- 
lés de  noms  honorables  accordant,  sous  le  régime  du  bon 
plaisir,  un  rang  que  peu  de  gens  méritaient. 

Dès  le  xv«  siècle  elle  existait  déjà,  et,  autour  du  cardinal 
Jean  Jouffroy,  qui  fut  un  favori  de  Louis  XI,  comme  plus 
tard  autour  des  deux  Granvelle,  conseillers  préférés  de 
Charles-Quint  et  de  Philippe  II,  la  jalousie  des  uns,  la  flat- 
terie des  autres  la  dénoncent  ou  l'encouragent. 

Sans  autre  préambule  je  voudrais,  par  un  exemple  bien 
tranché,  caractériser  cette  fabrication  d'aïeux  comme  la  com- 
prirent et  la  pratiquèrent  certaines  familles  du  comté  de 
Bourgogne,  et  cela,  généralement  pour  obtenir  à  la  cour  des 
rois  ou  des  empereurs  certains  titres  enviés  à  moins  que  ce 
ne  fût  pour  contracter  quelque  opulent  mariage. 

En  1507  vivait  à  Dole,  simple  commis  au  greffe  du  parle- 
ment, Jean  Lallemand,  d'une  condition  très  humble  et  sans 
la  moindre  prétention  nobiliaire,  comme  l'indique  suffisam- 
ment son  emploi  l^).  Son  père  se  nommait  Guillaume,  il  avait 

(1}  Jeaii  Lallemand,  clerc  juré  au  grelTe  de  la  cour,  coUateur^  en  L'égHiie 


—  -188  — 

épousé  Catherine  Boudier,  d'une  honorable  mais  très  plé- 
béienne famille  de  Dole.  A  ce  moment,  le  parlement  de  cette 
ville,  récemment  reconstitué  par  Philippe-le-Beau,  était 
peuplé  de  clercs  intelligents  qu'effleura  bientôt  Taile  de  la 
Fortune.  Marguerile  d'Autriche  y  puisa  ses  conseillers  :  Tun 
d'eux,  Nicolas  Perrenot,  emmena  avec  lui  et  fit  accepter 
comme  secrétaire  de  l'archiduchesse  le  commis-greffier  Jean 
Lallemand.  Secrétaire  de  Marguerite  dès  1517,  de  l'empereur 
Charles-Quint  dès  1522,  Lallemand  devint  vite  un  person- 
nage influent.  Souple,  intelligent,  insinuant  même,  il  avait 
des  qualités  de  diplomate  que  l'empereur  utilisa:  Jean  Lalle- 
mand fut  tout  simplement,  au  lendemain  de  la  bataille  de 
Pdvie,  l'un  des  négociateurs  et  le  rédacteur  du  fameux  traité 
de  Madrid.  Ambitieux,  il  le  devint  de  plus  en  plus  ;  il  avait 
épousé  à  Burgos,  le  10  juillet  1524,  Anne,  riche  héritière  de 
l'huissier  audiencier  de  la  cour,  Philippe  Hanneton,  comte 
d'Ascot  ;  le  titre  honoriflque  mais  secondaire  de  comte  pa- 
latin, lui  avait  été  donné  par  le  prince  en  1523  ;  mais  avant 
cette  date  il  était  devenu  seigneur  de  Bouclans  au  comté  de 
Bourgogne,  où  la  fortune  de  sa  femme,  jointe  aux  profits 
considérables  de  sa  situation  officielle,  lui  permit  d'acheter 
successivement  de  nombreuses  seigneuries  :  Montigny-lez- 
Arbois,  Augerans,  Souvans,  Belmont-lez-Dole  et  bien  d'autres. 
Mais  il  advint  de  son  ambition  et  de  ses  calculs,  ce  qui  fut 
recueil  de  tant  de  diplomates  des  vieux  âges;  au  lieu  de  se 
borner  à  servir  les  intérêts  du  maître  absolu  qui  lui  donnait 
sa  confiance,  Jean  Lallemand  se  permit  de  chasser  pour  son 
c«»mpte,  de  liar  des  intrigues  dont  le  nœud  devait  accroître 
sa  fortune.  Après  avoir  été  comblé  de  faveurs,  nommé  tré- 
sorier et  secrétaire  d'Etat,  contrôleur  général  d'Aragon,  jeté 
en  prison  en  1528  par  l'ordre  de  l'Empereur,  finalement  gra- 
cié, mais  banni  à  jamais  de  la  Cour  où  ses  ennemis  triom- 


dc  Souvans  (Jura<,  d'une  chapelle  dédiée  à  Notre  Dame  et  à  saint  Claude, 
12  juillet  1540  (B  924,  fol   19,  Arch.  du  Douhs). 


—  489  — 

phaient,  Jean  Lallemand,  qui,  en  1534,  était  encore  auprès  du 
prince,  se  vit  relégué  à  jamais  dans  son  pays  natal.  Il  y  vécut 
en  grand  seigneur,  grâce  à  son  opulence,  y  éleva  neuf  enfants, 
que  tinrent  à  renvi,sur  les  fonts  du  baptême,  le  cardinal  de 
I^  Baume,  le  maréchal  de  Bourgogne,  les  seigneurs  et  dames 
de  la  plus  haute  noblesse  (^),  dont  l'amitié  consola  Tancien 
secrétaire  d'Etat  de  la  disgrâce  impériale.  Ses  châteaux  de 
Bouclans,  de  Belmont,  de  Montigny,  de  Vaite,  rebâtis  et  em- 
bellis à  grande  dépense  lui  servaient  tour  à  tour  de  résidence, 
et  il  y  notait,  dans  un  Psautier  transformé  en  livre  de  rai- 
son, les  événements  de  sa  famille.  La  dernière  mention  que 
sa  plume  y  traça  fut  pour  consigner  la  mort  de  sa  femme  «  à 
Bouclans,  le  13  juin  1545,  à  huit  heures  du  soir,  ayant  dis- 
posé de  son  testament  et  receu  tous  ses  sacrements,  elle 
rendit  son  âme  à  Dieu,  que  je  supplie  icelle  colloquer  en  son 
sainct  paradis.  Amen  »  (2). 

On  Tenterra  dans  la  chapelle  seigneuriale,  en  l'église  pa- 
roissiale de  Bouclans,  et  le  18  septembre  1560,  son  époux, 
mort  à  Montigny-les  Arbois,  vint  l'y  rejoindre.  Sur  leur 
tombe  on  avait  élevé  un  magnifique  mausolée  de  marbre,  sous 
lequel  Jean  Lallemand,  le  petit  clerc  du  Parlement  de  1507, 
revêtu  de  l'armure  de  chevalier,  dormait  les  mains  jointes,  à 
côté  d'Anne  son  épouse,  entouré  de  seize  quartiers  armoriés, 
attendant  et  implorant  la  miséricorde  éternelle  (3). 


(l)  Voir  dans  le  ii*  I  des  Pièces  justificatives  le  Livre  de  raiion  de  Jean 
Lallemand. 

(i)  Pièce  justificative  n*  I. 

(3  L*abbé  J.-B.  BoisoT  nous  a  conservé  la  description  de  ce  tombeau 
dans  ses  Manuscrits  :  «  En  Téglise  de  Bouclans  se  trouve  une  magnifique 
sépulture  de  pierre  relevée,  où  seront  la  figure  au  naturel,  armée  et  habillée 
en  chevalier,  de  messire  Jean  Lallemand,  chevalier,  seigneur  de  Bouclans, 
Vaittes,  etc.,  et  de  la  dame  sa  femme,  estant  tiamande  de  la  maison  d'Han- 
neton, qui  porte  :  d'aaur  à  la  croix  d'argent  chargée  de  cinq  roses  de 
gueules,  qui  se  voyent  avec  les  armes  des  Lallemand/  en  plusieurs  endroits 
de  Téglise,  fondée  et  bastie  par  led.  seigneur.  »  (Mss.  1215,  fol.  314,  Bibl. 
de  Besancon. )  De  ce  tombeau,  il  ne  reste  qu'un  fragment  de  dalle  avec  ^ 


—  190  — 

Jean  Lallemand,  un  parvenu  comme  Rolin,  comme  Jouffroy, 
comme  Jouard,  comme  Granvelle,  comme  tous  ces  juristes 
ou  ces  lettrés  sortis  du  peuple  qui  furent  le  conseil  ou  le  bras 
droit  des  ducs  de  Bourgogne  et  de  leur  descendance,  eut 
des  fils  mais  n'eut  pas  d'héritiers  de  son  intelligence,  de  son 
activité,  de  sa  science  des  hommes,  de  sa  prescience  des 
événements.  Ses  enfants,  six  fils,  trois  filles,  eurent  des 
terres,  des  titres,  de  belles  alliances,  aucun  d'eux  ne  le  con- 
tinua. Plusieurs  périrent  en  braves  soldats  sur  les  champs 
de  bataille  de  l'Empire  ou  de  l'Espagne;  la  plupart  lais- 
sèrent postérité  masculine  ou  féminine;  on  les  admit  sans 
discuter  au  rang  de  la  bonne  noblesse  du  pays.  Au  dehors 
on  les  discuta  davantage.  Ecoutez  plutôt  ce  récit  contenu 
dans  une  correspondance  de  1565,  adressée  de  Bruxelles  au 
cardinal  de  Granvelle  par  le  prévôt  Morillon  et  le  capitaine 
Pierre  Bordey,  ses  confidents  habituels.  «  Le  jour  de  saint 
Nicolas,  qui  fut  avant-hier,  advint  au  soir  un  stratagème  au 
lougis  de  M.  de  Montmartin  qu'il  donnoit  à  soupper  à  Mons' 
de  Rye  et  au  comte  Charles  de  Mansfeldt  [et  autres  con- 
vives], entre  lesquelx  esloit  le  s^  de  Vayte,  qu'est  le  petit 
Bouclans;  lequel,  ayant  beu  au  conte  Charles  [commandant 
des  armées  impériales]  et  luy  réitérant  par  deux  ou  trois  fois  : 
J'ai  beu  à  vous,  ne  me  voulès  vous  point  faire  raison?  Pour  ce 
qu'il  n'usoit  point  du  tiltre  de  monseigneur  et  qu'il  n'avoit 
point  le  bonnet  à  la  main.  Ton  dit  que  M.  de  RyeJ  luy  osta  le 
bonnet  de  dessus  la  tête  par  dédain.  Et  comme  ledit  Bou- 
clans dit  qu'il  estoit  gentilhomme  et  en  sa  qualité  aussi  bon 
que  personne  que  fusse  à  la  compagnie,  ledit  s'  de  Rye  luy 
donna  ung  démenty  et  le  comte  Charles  lui  jeta  des  assiettes, 
dont  de  deux  qu'il  jeta  l'une  l'ataignit  au  visage,  et,  avec 
hurlerie,  il  fut  chassé  hors  de  table  »  W. 

ces  mots  :  Jehan  Lalemaud ,  chevalier,  baron  et  seigneur  de  Bouclans  et 
deVaites  [1560].  (.1.  Gauthier,  Répertoire  archéologique  du  canton  de 
Roulans,  im).) 
(1)  «  Itruxelles,  9  décembre  1565.  —  M.  le  Prince  d'Orenge  a  tant 


—  191  — 

C'était  Charles  Lallemand,  le  fils  de  Jea^i,  auquel  arriva, 
pour  s'être  frotté  de  trop  près  et  «  avec  trop  grande  pri- 
vauté  3>  à  de  trop  grands  personnages,  cette  plaisante  mésa- 
venture. 

On  s'en  souvint,  sans  doute,  dans  sa  famille  et  ses  arrière- 
neveux,  car  lui  ne  laissa  point  d'enfants  légitimes,  eurent 
peut-être  à  cœur  de  se  venger  de  pareil  dédain. 

Cent  ans  plus  tard,  vers  1660,  les  officiers  du  bailliage  de 


.  faict,  que  Lint  (la  seigneurie  de)  demeure  au  docteur  Hermès  garde  des 
chartes  de  Flandres,  en  paiant  i¥  florins  au  sieur  de  Vayte,  qui  pour  être 
plus  favorisé  portait  les  flesches,  dont  hier  pour  sa  récompense,  le  comte 
Charles  de  Mansfeld,  commandant  des  armées  Impériales,  luy  rua  son  plat 
après  la  teste,  parce  que,  veuillant  boire  à  luy  il  semblait  user  de  trop 
grande  privante  ou  qu'il  ne  lui  donna  ses  liltres;  que  fut  à  faire  à  la  table 
de  M.  de  S.  Martin,  où  estoit  le  s»"  de  Rye  qui  attisa  le  feug  et  plusieurs 
aultres  qui  disoient  mille  maul\  au  petit  homme,  qui  fut  saige  de  se  retirer 
ou  piz  luy  fut  advenu.  L'on  nte  dict  qu'il  at  étA  touche  au  visaige  d'un 
trenchoir..  »  (lettre  de  Morillon  au  cardinal  de  Granvelle,  11,  l()5-167,  et 
Correspond.  Papiers  d*Etnty  Bruxelles,  1877,  I,  61.) 

Voici  comment  Pierre  Bordey,  capitaine  de  Faucogney,  mandait  le  même 
fait  au  cardinal  dans  une  lettre  du  8  décembre  1565  : 

«  Le  jour  de  S.  Nicolas  qui  fut  avant-hier,  le  petit  Monseigneur  d'Austrate 
partit  pour  l'Allemagne,  et  ce  mesmo  jour  au  soir,  advint  un  stratagème  au 
lougis  de  M.  de  Montmartin,  qu'il  donnoit  à  soupper  à  Mons**  de  Rye  et  au 
comte  Charles  de  Mansfeit  et  à  aultres  compagnies,  entre  lesquelx  estoit  le 
s'  de  Vayte,  qu'est  le  petit  Bouclans  [il  s'agit  de  Charles  Lallemand,  sflf  de 
Vaites,  fils  de  Jean  Lallemand,  s»'  de  Bouclans,  secrétaire  intime  de  Charles- 
Quint,  arrêté  en  1528,  et  de  Anne  Hanneton],  lequel  ayant  beu  ou  beuvant 
au  comte  Charles  et  luy  réitérant  par  deux  ou  trois  fois  :  J'ai  beu  a  vous, 
ne  me  voulés  vous  point  faire  raison?  parce  qu'il  n'usoit  point  du  liltre  de 
seigneurie  ou  monseigneur  et  qu'il  n'avoit  le  bonnet  à  la  main,  Ion  dit  que 
M.  de  Rye  luy  osta  le  bonnet  de  dessus  la  teste  par  dédain.  Et  comme  ledit 
Bouclans  dit  qu'il  estoit  gentilhomme,  et  en  sa  qualité  aussi  bon  que  per- 
sonne que  fusse  a  la  compagnie,  ledit  s""  de  Rye  luy  donna  ung  demnnty  et 
le  comte  Charles  a  luy  rua  coup  d'assietes  dont,  de  deux  qu'il  luy  rua,  l'un 
Tataignit  au  visage  et  avec  hurlerie,  il  fut  chassé  hors  de  la  salle. 

»  Ainsi  le  m'a-t-on  au  soir  compté.  Voila  comme  les  choses  passent;  et 
ne  luy  ont  proffilé  les  flesches  qu'il  porte.  »  [Les  flèches  dont  il  est  ques- 
tion servaient  de  ralliement  et  d  emblème  à  certains  conjurés  des  Pays- 
Bas,  au  moment  où  le  cardinal  de  Granvelle  dut  en  abandonner  le  gouver- 
neroenL] 


k 


~  192  — 

Dole,  dans  un  procès -verbal,  dont  il  nous  reste  copie,  consta- 
taient dans  la  cîiapelle  seigneuriale  de  Souvans,  dédiée  à 
Notre-Dame,  l'existence  de  huit  tombes,  dalles  armoriées 
ou  simples  iiluli,  commémoratifs  des  aïeux  de  la  maison  de 
Lallemand  (^). 

Dans  Tordre  chronologique  ces  inscriptions  énuméraient 
successivement  : 

a.  Jacques  Lallemand,  seigneur  d'Aybe  près  Rochefort, 
mort  le  13  décembre  1300  (2). 

b.  Jean  Lallemand  I,  écuyer  d'Othon  IV,  comte  de  Bour- 
gogne, mort  en  1302  (3). 

c.  Wolfrand  Lallemand  et  Conrad  son  frère,  tués  sous  Be- 
sançon, à  la  suite  du  duc  de  Bourgogne,  en  133H  (*). 

(1)  «  S'ensuit  la  teneur  des  escripteaux  escriptz  sur  une  chacune  des 
tombes  estant  posées  et  mises  en  la  chappelle  fondée  à  Souvans  par  les 

nobles  seigneurs  Lalemands (voir  plus  loin  les  textes  épigraphiques 

rangés  dans  l'ordre  chronologique,  de  1300  à  1502). 

L'escript  qui  se  peult  lire  sur  lad.  tombe  en  datte  de  l'an  mil  trois  cens 
et  unze  armoyée  des  mesmcs  armes,  l'espée  d'arme  traversant. 

La  septième  se  trouve  armoyée  des  mesmes  armes  ne  se  pouvant  lire 
l'escript  a  cause  de  la  caducité. 

La  huitième  et  dernière  de  la  chapelle  se  trouve  de  l'an  mil  quatre  cens 
et  porte  icelle  ses  quatre  quartiers  scavoir  :  Lalemand,  Jouffroy,  Grozon  et 
Augerans,  le  tout  bien  recognut;  et  est  la  sépulture  de  Jean  Lalemand, 
second  fondateur  de  la  chapelle. 

Et  par  ce  que  le  tout  estant  bien  recognu  en  la  forme  ....  nous  et  les 

susd.  préseiitz  les  avons  requis  signer  en  la   forme  cy  dessus  par 

avec  nous  en  signe  de  vérité  les  an  jour  et  mois  susd.  Ainsy  signé  sur.  . 
le  besoigné  :  De  Butte,  A.  Oudot,  F.  Raclet,  F.  Brenier,  R.  Perrenet  et 
J.  Renion  ainssy  signé  comme  notaire  :  Renion.  »  (Cop.  du  xvn«  s.,  vol. 
2036"  du  fonds  Boisot  (auj.  ms.  1"206,  fol.  75  v«-77  r*,  Bibliothèque  de 
Besançon.) 

(2)  «  Memoria  dni.  Jacobi  Lalemand  militis  ac  domini  d'Aybe  prope 
Rochefort.  ObiU  autem  die  sanctae  Luciae  anno  millesitno  ccc*.  » 

(3)  «  Joannes  Lalemand  dapifer  Othonis  comilis  Burgundiae,  anno 
millesimo  ccc"  secundo  dapifici  sub  hoc  tumulo  jacet.  » 

(4)  «  Wolfrandus  Lalemand  ac  Conrardus  ejus  frater,  olim  milites 
in  servilio  ducis  comilis  Burgundiae^  anno  millesimo  cccxxxvi  occm- 
buerunt  apud  Crisopolin.  »  [Remarquons  que  Besançon  est  appelé  Chry- 
sopolis, habitude  perdue  depuis  le  xii«  siècle  !] 


—  193  — 

d.  Rodolphe  Lallemand,  fils  de  Conrad,  écuyer,  et  Etien- 
nelie  de  Grozon,  sa  femme;  ledit  Rodolphe  (frère  de  Tho- 
mas, tué  à  Poitiers  en  1356)  mort  le  4  mars  1388  (1). 

e.  Jean  Lallemand  II,  écuyer,  fils  de  Rodolphe,  maître 
d'hôtel  de  la  comtesse  Marguerite  de  Vergy,  dame  de  Sou- 
vans,  fondateur  de  la  chapelle  de  ce  lieu,  mari  de  Claudine 
d'Angerans,  20  août  1392  2). 

f.  Guillaume  Lallemand,  écuyer,  fils  de  Jean,  et  Oudette 
de  JoufTroy  sa  feinme,  et  Jean  Lallemand,  prêtre,  fondateur 
de  la  chapelle  avec  Etienne  Lallemand,  fils  de  Guillaume, 
5  décembre  1398  i3  . 

g.  Etienne  Lallemand,  écuyer,  fils  de  Guillaume,  21  dé- 
cembre 1405  W. 

h.  Girard  Lallemand,  tribun  des  soldats,  mort  en  1405,  à 
l'entrée  du  duc  Jean-sans-Peur  à  Paris  (5). 
».  Hugues  Lallemand,  chevalier,  commandant  des  troupes 


(1)  I  Cxf  gisent  Rodolph  Lalemand,  filz  de  Conrad,  escuier^  et  da- 
moiêelle  Estiennette  de  Groson,  sa  femme,  lequel  Rodolph  fut  frère  de 
mee.  Thomas,  chevalier  mort  à  la  bataille  de  Poictiers,  et  trespassa 
l*an  mil  trois  cens  quatre  vingt  et  sent  le  quart  de  mars,  » 

(2;  «  Cy  gist  Jean  Lalemand,  escuier,  filz  de  Rodolph  maistre  d'hos- 
tel  de  la  comtesse  Margueritte  de  Vergy,  dame  de  Souvans,  lequel  fut 
premier  fondateur  de  ceste  chapelle  et  trespassa  le  vingtiesme  d'aost 
Van  mil  trois  cens  quatre  vingt  et  doute,  sa  femme  damoiselle  C/ati- 
dine  d'Augerans  est  enterrée  aux  sosurs  de  Poulligny,  »  [Notons  en 
passant  que  les  sœurs  de  Polignv%  c'est-à-dire  les  Clarisses,  ne  Turent  fon- 
dées que  vers  1418.1 

(3)  «  Cy  gisent  Guillaume  Lalemand,  escuier,  filz  de  Jean,  et  Oudette 
de  Jouffroy,  femme  dud.  Guillaume,  et  messire  Jean  Lalemand,  père^ 
fondateur  de  ceste  chapelle  avec  mee.  Estienne  enfans  desd  Guillaume 
et  Oudette,  lequel  mee.  Jean  trespassa  le  cinquième  de  décembre  l'an 
mil  ccc  im«*  XVIII.  » 

(4)  «  Cy  gist  Estienne  Lalemand,  escuier,  filz  de  Jean  Lalemand 
fondateur  de  ceste  chapelle  avec  Jarob  son  fi'ère,  et  dalle  Bonne  de 
Plaine  fetnme  dud,  Estienne,  lequel  treupassa  le  jour  saint  Thomas, 
M.cccc.v.  » 

{5)  «  Hic  jacet  vir  fortissimus  olim  Gerardus  Lalemand  tribunus 
militum  dum  Joannes  dux  et  cornes  Burgundiœ  lictor  [Parisios]  in- 
grederelur  anno  Dni. cccc.v.  y> 


—  194  - 

à  rentrée  de  Charles-le-Téiuéraire  à   Liège,  en  i4()8  0). 
j.  Pierre  Lallemand.  écuyer,  mort  à  la  bataille  de  Moral, 
en  1476.2). 

k  Guillaume  Lallemand,  fils  de  Guillaume  Lallemand  le 
Vieux  et  de  Louise  de  Rosey,  et  Catherine  Boudier  sa 
femme,  morts  en  1500-1502  (3). 

Comme  on  le  voit,  tous  ces  Lallemand  avaient  su  mourir 
très  honnêtement,  très  brillamment  même  en  servant  et 
suivant  leur  prince  à  Besançon,  à  Poitiers,  à  Paris,  à  Liège, 
à  Morat  et  le  dernier  en  date,  Guillaume,  le  mari  de  Cathe- 
rine Boudier,  le  père  du  conmiis-greffier  de  Dole,  semblait 
faire  tache  après  tant  de  héros  superbes,  quoiqu'on  eût  amé- 
lioré sa  condition  roturière. 

Et  cependant,  c'était  le  seul  authentique  des  aïeux  de  Jean 
Lallemand;  tout  le  reste,  imaginé  pour  créer  des  degrés 
fantaisistes,  et,  qui  sait,  pour  effacer,  sous  le  poids  d'actes 
héroïques  et  d'aïeux  illustres,  Téraflure  qu'avait  faite  à 
Charles  Lallemand,  baron  de  Vaite,  le  plat  d'étain  lancé  par 
le  général  impérial  Charles  de  Mansfeldt,  était,  nous  allons 
le  démontrer  rapidement,  une  pure  fantasmagorie. 

Et  d'abord,  toutes  les  inscriptions  transcrites  dans  la  cha- 
pelle de  Souvans  pèchent  par  leurs  caractères  intrinsèques, 
une  seule  exceptée,  la  plus  récente  et  la  plus  modeste, 
gravée,  on  s'en  rend  compte,  pour  relier  en  apparence  Jean 
Lallemand,  le  grand  homme  de  la  race,  à  dix  aïeux  imagi- 


(1)  «  Memoria  Hugonis  Laletnand,  milUia,  legatns  in  exercitu  Philippi 
Burgundiue  et  deinde  tribunus  mililum  dut»  Leodium  Carrolus  ew- 
pugn«:rel  antio  Dni.  rniUesimo  cccc  sexagetdmo  octavo   » 

rî)  «  Mémoire  de  Pierre  Lalemand,  escuier.  El  mourut  au  service  de 
.Iftmseig rieur  le  duc  et  comte  Charles  a  la  bataille  de  Morath,  contre 
U.  Snygaes.  » 

(3  ('  Ciigiysent  Guillaume  Lalemand,  escuier.  filz  Guillaume  le  viel, 
damoi-selle  Louijse  de  Hosei/f  sa  femme,  et  Guillaume  Lalemand  le 
jeffiue  U'ur^i  /Hz,  dalle.  Catherine  lioudier  sa  femme,  lequel  Guillaume 
U  jeusne  irespassa  le  vingt  septième  de  février  Van  mil  cinq  cens  et 
un,  sad.  femme  le  vingt  cinquième  de  février  l'an  mil  ei  cinq  cens.  » 


—  105  - 

naires.  On  ne  voit  jamais,  dans  aucune  des  i,000  à  i,500  épi- 
taphes  du  xii*  au  xvr  siècle,  dont  le  texte  nous  est  parvenu, 
des  textes  lapidaires  conçus  comme  les  inscriptions  de  Sou- 
vans.  Le  tribunus  militum  de  1405  et  de  1468,  le  Criaopolis 
de  1336,  ne  sont  nullement  conformes  aux  habitudes  litté- 
raires du  XV*  ou  du  xiv«  siècle. 

Les  caractères  extrinsèques  sont  encore  plus  inquiétants. 
Les  Jouffroy  n'étaient  pas  connus  en  1398;  les  de  Plaine 
n'avaient  pas  encore,  en  1405,  la  noblesse  qu'ils  ne  con- 
quirent que  vers  1450;  la  chapelle  N.-D.  de  Souvans  était 
loin  d'appartenir  à  la  famille  de  Lallemand  en  1398,  lors 
d'une  soi  disant  fondation  attribuée  à  Jean  Lallemand, 
prêtre,  et  Etienne  Lallemand  son  frère;  puisqu'elle  appar- 
tenait en  1506  aux  familles  de  Darbonnay  et  d'Anglure  (1). 

I^  série  des  tombes  et  des  inscriptions  de  Souvans  cons- 
titue donc  une  création  intégrale,  faite  pour  renforcer  ses 
quartiers,  par  l'un  des  descendants  de  Jean  Lallemand. 
N'ayant  pas  reculé  devant  un  groupe  pareil  d'inscriptions 
fictives  pour  élayer  huit  degrés  généalogiques,  l'auteur  ano- 
nyme de  cette  création  imagina  un  point  d'appui  parallèle, 
et  en  faisant  graver,  dans  l'église  des  Cordeliers  de  Dole, 
une  épitaphe  par  Nicolas  Lallemand,  fils  de  Jean,  mort  le 
24  avril  1585,  la  même  main  que  je  n'oserais  qualifier  de 
pieuse,  y  rappela  sommairement  «  que  sa  famille  a  été  illus- 
trée depuis  1200  par  plusieurs  chevaliers  et  grands  capi- 
taines »  (2).  Quel  était  cet  auteur,  quelle  était  cette  main? 


(1)  Poiiillé  diocésain,  v»  Souvans,  G  1,  p.  581-582  (.Arch.  dn  Doubs). 

(2)  «  Aux  Corde. iers  de  Dole,  dans  la  nef  du  côté  du  septentrion,  est 
rinscriplion  de  «  messire  Nicolas  de  Ijalemand,  seigneur  de  Crissey, 
Belmont,  etc.^  bienfaiteur  du  co.ivenl,  décédé  le  ^25  avril  i585.  Sa 
noble  famille  a  été  illuntrée  depuis  iWO  par  plusieurs  chevaliers  et 
grands  capi^.aineSy  spécialement  par  messire  Jean  de  Lalemand,  père 
de  Nicolas,  chevalier,  baron  de  ttouclans  et  Vaite,  seigneur  de  Crissey, 
Bellemonty  Augerans^  Groson,  etc.,  plénipotentiaire  auprès  des  pHnces 
pour  sa  patrie.  »  —  J.  Gauthier.  Recueil  d*EpUapheSy  u*  51  (Bull,  de 
TÂcadémie  de  Besançon,  1901). 


—  196  — 

Tout  fait  supposer  que  ces  supercheries  sont  l'œuvre  de 
Claude  François  de  Lallemand,  baron  de  Vaites,  capitaine  de 
cuirassiers,  qui  obtint  de  Philippe  IV  le  titre  de  baron  de 
Lavigny,  le  20  novembre  1603.  Ayant  à  solliciter  un  titre  de 
la  faveur  royale,  il  dicta  puis  produisit  le  certificat  complai- 
sant de  16H0,  dont  la  lecture,  singulièrement  suggestive, 
supplée  seule  aujourd'hui,  puisque  la  chapelle  de  Souvans 
ne  contient  plus  aucune  tombe,  aux  inscriptions  funéraires 
qui,  jadis,  vraies  ou  fausses,  ont  pu  lui  servir  de  dallage.  Ce 
qui  justifie  notre  hypothèse,  c'est,  avec  la  date  relative  du 
certificat  émané  du  baillage  de  Dole,  ce  fait  très  concluant 
que  les  personnages  visés  dans  les  soi-disant  tombes  de 
Souvans  sont  cités  dans  le  même  ordre  dans  les  patentes  de 
Philippe  IV  (•).  Cette  série  fictive  fut  du  reste  insérée  in  ex- 
ie7i80  dans  la  Chenaye-Desbois  où  elle  remplit  à  elle  seule 
dix  degrés,  tous  faux  (2). 

Notre  démonstration  est  donc  finie,  mais  une  conclusion 
s'impose.  11  est  un  texte  tiré  de  la  sagesse  des  nations  qui 
reste  éternellement  vrai  d.ins  tous  les  temps  et  sous  tous  les 
régimes:  Superhia  ascendil  semper.  Ce  texte  recommande, 
comme  nous  le  recomm«Tndons  nous-mêmes,  une  méfiance 
accentuée  vis  à  vis  de  toutes  les  généalogies,  et  une  pru- 
dence extrême  dans  l'examen  de  toutes  leurs  preuves  et  la 
justification  de  tous  leurs  degrés. 


(1)  Krection  de  la  baronnie  de  Lavigny,  1663,  fol.  92-97  du  ms.  1903  [Bi- 
bliothèque de  Besançon). 

(2)  La  ChenayK'Desbois,  Dict.  de  la  Noblesse,  1770,  v«  de  I^llemainl. 


—  497  — 


PIÈCES  JUSTIFIG\T[VES 


1.  —  Livre  de  raison  de  Jean  Lallemand,  baron  de 
Bouclans,  secrétaire  d'Btat  de  Cliarles-Quint  (1536- 
1560). 

1.  —  [Pierre  Lalemand  fut  né  à  Montigny  le may  1536  (?)] 

environ  l'iieure  de  vespre,  et  fut  son  parrain  M**  le  cardi- 
nal de  La  Bauhne,  evesque  de  Genefve  et  depuis  archevesque 
de  Besançon,  et  marraine  dame  Guillemette  de  Ghaussin  dame 
de  Vauldrey,  baptisé  en  l'église  S*-  Grégoire  dudit  Montigny  et 
pour  patron  la  S^e  Croix  en  may  et  madame  S*'^  Anne. 

Maiié  à  damoiselle  Jeanne  de  Montfort. 

2.  ~  Jean  Lalemand  fut  né  à  Boudans  le  8«  aost  1537,  baptisé 
miraculeusement  à  Nostre  Dame  de  Beauprel  par  messire  Jean 
Boisset,  mon  chapellain,  et  enterré  audit  lieu  près  le  grand 
haultel  devant  le  cyboire.  Et  avoit  sa  recommandation  vouée  à 
la  Visitation  Nostre  Dame. 

3.  —  Claudine  ma  fille  fut  née  audit  Montigny,  le  mecredy 
dernier  jour  de  septembre  1538,  entre  cinq  et  six  heures  du 
soir,  baptisée  audit  lieu.  Ses  parrains  furent  damp  Jehan  de 
Maisierres,  abbé  de  Rosières,  marraine  dame  Claude  de  Rye 
dame  de  Rolle  et  Costebrunne.  Et  ast  pour  patrons  Monsieur 
S»  Hyerosme  et  Monsieur  S^  Claude  où  elle  fut  porté  au  ventre 
de  sa  mère  audit  an  1538. 

Mariée  avec  Claude  de  Cicon  s^  de  Rischecourt  et  Gevigny, 
et  est  enterré  audit  Gevigny,  a  laissé  un  fils  dudit  s^*  nommé 
Marc  de  Cioons. 

4.  —  Claude  Lalemand ,  mon  fils ,  fut  né  audit  Montigny  le 
mecredy  22*  de  may  1540,  environ  les  onze  heures  devant  midy, 
baptisé  audit  lieu.  Furent  ses  parrains  mee.  Claude  de  La 
Baulme,  mareschal  de  Bourgogne,  maraynne  dame  Antoine  de 


-  198  — 

Longvy,  de  Rye  et  de  Rahon.  e!  pour  patrons  M^S»  Claude  et  le 
S*  Sacrement  son  protecteur,  car  il  fut  né  la  veille  de  la  Feste- 
Dieu. 

Marié  a  damoiselle  Anne  de  Mailly  de  laquelle  a  heu  deux 
fils,  mourut  en  sa  maison  a  Bel  mont  le  23'  doctobre  1585  et  est 
enterré  en  la  chapelle  dudit  lieu  ;  l'un  de  ses  fils  at  esté  marié 
en  l'eage  de  vingt  et  deux  ans  avec  damoiselle  Catherine  de 
Montrichard,  en  l'an  1581,  que  fut  quattre  ans  avant  le  Irespiis 
dudit  fils  s*"  son  père. 

L^autre  fut  marié  a  N.  de  Chaffoy  mère  de  Mons*"  de  Vailles 
vivant  16CI. 

5.  —  Catherine  ma  fille  fut  conceue  et  engendré  audit  Monti- 
gny  porté  au  ventre  de  sa  mère  en  Flandres,  en  Tan  1541  ;  au- 
quel an,  le  22^'  d'aost,  au  retour  dudit  Flandres,  fut  né  audit 
Montigny,  environ  l'heure  de  neufz  avant  midy  baptisé  ledit 
jour  et  pour  parrain  damp  Vincent  Marlet  abbé  de  Billon  et  da- 
moiselle Claudine  du  Vernoy  dame  d'Usye. 

Fut  mariée  a  Philippe  de  Sambye  s*"  de  Montjouran. 

G.  Guillaume  Lalemand  fut  nez  audit  Montigny,  le  dernier 
jourdaost  1542,  par  un  jeudy  à  unze  heures  devant  midy.  Par- 
rains mee.  Louys  de  Vers  abbé  de  Mont-S^e-Marie,  maraiime 
dame  Anne  de  llay,  dame  de  Uoulans  et  Poupet,  et  par  sa  spé- 
ciale advocation  la  Nativilé  Nostre  Dame.  Sie  Anne  et  S'e  Ana- 
Ihoille.  Louyse  sa  femme  Hit  à  S*  Denys  rendre  sa  dévotion  à 
pied. 

Marié  à  damoiselle  Loyse  de  Grospain. 

7  —  Nicolas  Lalemand  fut  nez  audit  Montigny  le  sambedy 
16«  du  mois  de  febvrier  1542,  environ  les  huit  heures  du  soir  du- 
dit jour,  audit  Montigny.  Et  heust  pour  parrain  m^e.  Nicolas 
Perrenot  s»*  de  Grandvelle,  et  marraine  damoiselle  Barbe  Faul- 
quier,  dame  de  Grandvaux  et  pour  spéciaulx  advocatz  et  protec- 
leurs  iM""  S^  Jacques  et  en  espéciale  recommandation  la  Purifica- 
tion Nostre-Dame. 

Marié  à  damoiselle  Eve  de  Melligny,  de  laquelle  a  laissé 
lieux  filles  nommez  Françoise  et  Jeanne  Baptiste  ;  mourut  à  Dole 
le  vingt  quattrieme  du  mois  de  juillet  1585  et  est  enterré  au 
cloislre  des  cordeliers  dudit  Dole. 


i 


—  im  - 

8.  —  Et  depuis,  assavoir  le  13  de  juin  1545,  dame  Anne  Hanne- 
ton, ma  femme,  mère  desd.  enfans,  fust  malade  au  lieu  de  Bou- 
clans  deux  jours  après  le  trépas  de  feu  Monsieur  de  Domprel. 
Et  dura  sa  maladie  jusques  au  mardy  rieufvième  jour  de  mars 
diid  an,  jour  de  lafeste  des  Quarante  Martirs,  environ  les  huict 
heures  du  soir  aud.  Montigny,  la  où  elle  estoit  venue  la  veille 
de  feste  sainct  Symon  et  Jude,  précenden  lequel  jour  de  mardy, 
ayant  disposé  de  son  testament  et  receu  tous  ses  sacrements, 
elle  rendit  son  ame  à  Dieu,  que  je  supplie  icelle  colloqiier  eh 
son  sainct  paradis.  Amen.  Amen.  Et  est  au  charnier  de  nostre 
chapelle  de  Bouclans. 

9.  —  Et  le  18  de  septembre  de  l'an  1560,  mce.  Jean  Lalemand 
chevalier,  seigneur  de  Bouclans,  Vayte,  etc.,  mary  de  lad  dame 
Hanneton  et  père  des  susd.,  mourut  aud.  Montigny  après  avoir 
deparly  et  disposé  de  ses  biens  à  sesd.  enfans  Dieu  le  vuiile 
colloquer  a  son  sainct  paradis.  Amen.  Est  aud.  charnier  de 
nostre  chapelle  de  Bouclans. 

(Fol.  74-75,  n«  2036»,  BoisoT.  Aujourd'hui  ms.  1206,  BibL  de  Besançon.) 


H.  —  Livre  de  raison   de   Pierre   Lallemand,   marié   à 
Jeanne  de  Montfort  (1568-1574). 

Sur  les  feuillets  de  garde  A-B  d'un  manuscrit  sur  vélin  ;  Heures  fla- 
mandes du  XV*  sièclej  se  lisent,  prôcédces  des  monogrammes,  noms  et 
devises  de  Pierre  Lallemand  et  de  Jeanne  de  Montfort  sa  femme  [Quoy 
qu'il  8oU,  Lalemand,  1568;  —  Nul  n'ij  peuU,  Pierre  Liilemand  ;  —  Tel 
est  l'heur^  Jeanne  de  .Montforl),  les  nativités  -suivantes,  écrites  par  le  pos- 
sesseur du  volume  : 

1.  —  Mathye  Lalemand  fust  née  à  Montigny,  le  sanbedy  sep- 
tiesme  jour  d*aoust,  envyron  cinq  heures  au  soir,  Tan  1568.  Et 
furent  parain  messyre  Jacques  de  ïholonjou  dict  de  Vienne, 
S' de  Ruffey  et  chev.  de  l'Ordre  de  France,  et  dame  Mathye  de 
Cleremonf,  ausmonyère  de  Remyremont,  marrayne.  Loué  soit 

[Dieu]  escript  a  nobis  a  1 transnotavi  septimus  decembris 

anno  1568. 

2.  —  L'an  mil  cinq  cens  soixante  treize,  Anne  Pierre  Lale- 
mand fust  né  le  dymanche  jour  de  feste  saincte  Trinité  17  de 


-  200  — 

may,  environ  les  trpîs  heures  au  malin  avec  le  poinct  du  jour  el 
la  plainne  la  lune,  vint  au  monde  et  fust  tenus  sur  les  fonts  par 
messire  Pierre  de  Grachault,  chev.,  s'  de  Raucourt ,  et  dame 
de  Coue  dame  de  Montfort.  Dieu  soit  loué  le  17  de  (Amen)  may 
1573. 

3.  —  Claude  Lalemand  fut  né  à  Montigny  le  dy manche  huic- 
tiesme  d'aoust,  Tan  1574,  environ  neuf  heures  el  demye  du 
matin  et  fust  baptizé  le  11  dud.  moys  sur  les  fonts  de  Téglise 
dud.  lieu  et  furent  ses  parain  Claude  Lalemand,  s**  de  Bermont, 
et  dame  Dorothé  de  Montfort,  dame  de  Kemi remont,  commère. 
Dieu  soit  loué.  Amen. 

(Feuillets  de  garde  du  ms.  125.  BiOl  de  Besançon.) 


Société  d'Émulation  du  Doubs,  1902 


Sceau  et  aianatures  de  Jean  LaN6mflnd-1525-tS35 


UN  MÉDECIN  GOGOUYERNEUa  DE  BESANCON 

AU  XVII<  SIÈCLE 


ÉTUDE 


JEAN    GARINET 

(1575-1657) 


Par  le  D'  Henri  BRDGHON 

MEMBRE  RÉSIDANT 


Séance    du    ii   janvier    i902 


La  grande  obligeance  d'un  collègue  a  fait  arriver  entre  mes 
mains  la  copie  du  Livre  de  raisoji  d'un  des  médecins  les  plus 
appréciés  de  Besançon,  au  commencement  du  xvii*'  siècle, 
Jean  Garinet. 

Ce  qu'était  un  livre  de  raison,  la  plupart  de  mes  lecteurs 
le  savent  aussi  bien  que  moi  ;  peut-être  en  ont-ils  trouvé 
dans  leurs  archives  familiales.  Nos  pères  avaient  l'habitude 
de  consigner  sur  un  cahier  spécial,  sur  la  marge  de  Tœuvre 
de  leur  auteur  favori,  sur  celle  de  leur  livre  d'heures,  voire 
sur  celle  de  leur  registre  de  commerce,  les  faits  importants 
de  la  vie  de  famille,  de  la  collectivité  à  laquelle  ils  apparte- 
naient, les  événements  intéressant  leur  région  ù  tout  point 
de  vue,  qu'il  s'agisse  de  phénomènes  atmosphériques,  cli- 
matériques  ou  de  faits  politiques  ou  historiques.  Par  ces  do- 
cuments, l'histoire  locale  se  complète  ou  s'agrémente  d'anec- 
dotes, d'incidents  intéressants.  Nous  pouvons  aussi,  grâce 
à  eux,  reconstituer  ce  que  pouvait  être  la  vie  d'un  noble, 
d'un  riche  bourgeoi.^,  d'un  négociant,  d'un  avocat,  d'un  mé- 
decin, à  telle  ou  telle  époque. 

14 


—  202  — 

Garinet,  qui  fut  un  personnage  important  de  notre  cité, 
nous  a  laissé  pour  ce  faire  des  matériaux  nombreux  ;  car,  non 
seulement  il  a  rédigé  un  livre  de  raison,  mais  il  a  annoté  les 
marges  des  éphémérides  imprimées  dans  un  Prompivairc 
qui  ne  le  quittait  jamais  (';. 

Je  voudrais  vous  exposer  ce  que  fut  ce  docteur  en  méde- 
cine, co-gouverneur  de  Besancon  pendant  plusieurs  années. 
Nous  retrouverons  au  cours  de  sa  vie  quelques  faits  curieux 
se  rapportant  à  Thisloire  de  notre  cité. 

Nous  envisa^-erons  Jean  Garinet  comme  homme  privé, 
comme  médecin,  comme  observateur,  et  enfin  comme  ma- 
gistrat municipal.  Ce  dernier  titre  prouve  une  fois  de  plus 
qu'il  n'y  a  rien  de  nouveau  sous  le  soleil,  et  qu'aussi  liien  au 
xviio  siècle  que  de  nos  jours  les  disciples  d'Hippocrate  ne 
dédaignaient  pas  de  briguer  les  suffrages  populaires  et  de 
diriger  leurs  concitoyens. 

Père  de  famille  excellent,  médecin  estimé  et  aimé  de  ses 
malades,  administrateur  politiipie  intègre  et  habile,  croyant 
ctjnvaincu,  observateur  intelligent  de  tout  ce  qui  se  passait 
aulcKir  du  lui.  aussi  bien  comme  laits  historiques  que  connue 
phénomènes  jihysitjues,  Garinet  ne  devait  pas  rester  un  in- 
connu pour  ses  concitoyens  actuels.  Tel  est  le  but  que  je  me 
suis  proposé,  espérant  vous  y  intéresser. 

Les  médecins  de  Besancon  étaient  déjà,  au  xvir  siècle, 
assez  nombreux;  ils  appartenaient  pour  la  pluparlà  la  bonne 
et  haute  bourgeoisie.  Dès  le  xv^'  siècle  nous  les  trouvons 
désignés  sous  le  nom  de  noble  honnne  ou  de  sage  et  hono- 
rable mailre.  L'und'enire  eux,  Lyon  de  Brye,  était  chevalier 
en  arnjes  et  docleur  en  médecine;  d'autres  praticiens  de  notre 
région,  lurent  chanoines  ou  conseillers  des  ducs  de  Bour- 

(1)  i^romplnaiic  de  tout  ce  qui  al  arrivé  de  plus  digne  de  wémoii'e 
depuis  la  créalio.t  du  monde  jusques  <"/  prrsent,  par  Jean  d'Ongois  Moii- 
iiien.  —  i^aris,  Jean  de  IJordoaux,  tôT'J. 

Voir.1.  Gauthier,  Livides  de  raison  franc-comtois  (Bullelin  de  l'Acadé- 
mie de  Besançon,  1886,  135). 


—  t>03  — 

gogne.  M.  Castan  a  fait  connaître  un  médecin  municipal  de 
Besançon  en  1546  (1).  Il  devait  prendre  les  mesures  néces- 
saires pour  éviter  les  épidémies  de  peste,  soigner  les  ma- 
lades môme  nécessiteux,  surveiller  les  officines,  examiner 
avec  les  commissaires  municipaux  les  nouveaux  docteurs 
venant  exercer  dans  la  ville.  Son  traitement  représentait  la 
centième  partie  du  revenu  de  la  commune.  En  15:?0,  parmi 
les  ordonnances  municipales,  rédigées  parle  secrétaire  de  la 
cité,  Jean  Lambelin,  sous  les  auspices  de  Gauthiot  d^Ancier, 
le  petit  empereur  bisontin,  nous  trouvons  des  dispositions 
relatives  à  l'exercice  de  la  médecine.  «  D'autant  que  les 
choses  de  ce  monde  sont  plus  chières  et  plus  précieuses, 
d'autant  plus  est-il  nécessaire  de  pourvoir  à  icelles  avec 
plus  d'assurance.  Or  est-il  que  les  corps  et  créatures  rai- 
sonnables sont  trop  plus  dignes  que  les  biens  de  ce 
monde  :  par  quoi  il  faut  avoir  plus  d'esgard  sur  Tétat  des 
médecins  »  (2). 

Les  médecins  devaient,  à  leur  arrivée,  se  présenter  à  la 
municipalité,  passer  un  examen  d'aptitude  professionnelle 
devant  un  jury  de  médecins-députés,  et  de  commissaires  de 
la  ville,  prêter  serment  de  fidélité  à  la  commune.  Ils  devaient 
soigner  les  malades,  pauvres  ou  riches,  en  toute  conscience; 
après  avoir  étudié  la  maladie,  ils  formulaient  (Dieu  aydant) 
au  profit  des  dits  malades.  Ils  devaient  assistera  la  prépara- 
tion de  leurs  ordonnances,  avaient  le  droit  de  constater  la 
bonne  qualité  des  drogues,  et,  si  elles  étaient  mauvaises,  de 
les  ruer  au  feu  ou  à  la  charrière  (rue)  «  afin  que  le  malade  re- 
couvre santé  et  ne  perde  ni  vie,  ni  argent  et  que  le  médecin 
ait  honneur  et  ne  le  compromette  pas  ainsi  que  sa  pratique.  » 
Les  docteurs  devaient,  avec  les  coininissaires   municipaux, 


(1)  Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs,  1880. 

{"2}  Manuscrit  des  Archive*  de  IJosanron,  cilé  par  B.  Prost.  —  PROST, 
Documents  pour  servir  à  VhUloire  de  la  Médecine  en  Franche-Comté, 
1881. 


—  204  — 

inspecter  les  otticines.  Ils  devaient  dénoncer  les  cas  de  peste 
«  pour  qu'on  puisse  y  remédier  et  sauver  le  reste  de  la  cité 
à  1  aide  de  Dieu  et  des  bons  saints  *. 

Le  praticien  qui  avait  découvert  un  cas  de  peste  et  visité 
un  pestiféré  devait  se  retirer,  s'enfermer  dans  sa  maison  et 
ne  communiquer  avec  personne  d'autre  que  les  siens.  C'est 
ce  que  Ton  appelait  la  barre.  11  pouvait,  de  chez  lui,  conti- 
nuer à  soigner  ses  clients,  mais,  sans  les  voir  et  les  appro- 
cher ;  ce  qui  ne  manque  pas  pour  nous  d'un  certain  piquant. 
En  cas  de  peste  conlirniée,  il  y  avait  des  médecins  d'épidémie 
spéciaux;  mais  tout  praticien  pouvait  rester  auprès  de  son 
ou  de  st's  malades  ou  dans  le  quartier  atteint,  avec  la  per- 
mission de  la  municipalité  ;  en  ce  cas,  il  ne  devait  pas  ap- 
procher des  autres  maisons  et  des  aulres  citoyens,  ainsi  que 
les  médecins  de  la  peste.  S'il  obtenait  l'autorisation  de  sor- 
tir, il  se  tenait  au  milieu  de  la  rue,  en  ayant  soin  d'avertir  ou 
de  faire  avertir  qu'on  ne  rapprochât  pas.  En  1590,  l'arche- 
vêque de  Besançon,  Ferdinand  de  Rje,  recommande  aux 
médecins,  dès  la  première  visite,  d'exhorter  le  malade  à  se 
confesser,  pour  ne  pas  l'elTraycr  et  aggraver  son  état  en  le 
faisant  plus  tard.  Si,  au  bout  de  trois  jours,  le  i)atientne  s'é- 
tait exécuté,  le  médecin  devait  l'abandonner,  sous  peine  de 
>e  voir  interdire  l'entrée  de  l'église,  d'être  taxé  d'infamie, 
déchu  de  son  grade  et  frappé  d'amende  (*;. 

En  novembre  15D7,  une  ordonnance  de  l^hilippc  II  exige 
que  les  médx^cins  soient  gradués  «  es  fameuses  et  appreu- 
vées  universités,  autrement  ne  seront  tenus  et  réputés  des 
qualités  à  eux  iloimées  par  telle  promotion.  » 

Seize  ans  auparavant,  le  même  souverain,  à  la  réquisition 
des  Etals  de  la  province,  avait  «  prohibé  à  tous  d'aller  étudier 
uu  résider  hors  des  terres  de  son  obeyssance,  sans  permission 
de  la  Cour,  qui  se  donnera  à  temps  et  pour  lieux  où  notoi- 
rement la  \\i\)ii  religion  catholique,  apostolique  et  romaine 

(Ij  I^H0:ST,  d'après  Statuta  seu  deci-eta  synodalia  JJisunliiiHi  diocesis» 


—  ros- 
sera gardée;  à  charge  d*au  retour  apporter  deues  attestations 
des  magistrats,  évoques  ou  curés  des  lieux  où  ils  auront  es- 
tudié  et  résidé,  d'avoir  vescu  catholiquement  ;  desquelles 
attestations  seront  prinses  copies  par  le  greffier  de  ladite 
Cour  etenfilacées  et  gardées  ».  Le  parlement  de  Dole,  en 
décembre  1607,  promulgue  des  dispositions  analogues,  sous 
peine  d*être  déchu  et  privé  du  fruit  et  de  l'effet  du  grade. 
Enfin  en  septembre  1649,  un  éditdu  même  parlement  décide 
que  «  les  docteurs  en  médecine  ne  seront  admis  à  Texercer 
rière  ce  pays  qu'au  préalable  ils  n'ayent  présenté  aux  officiers 
des  ressorts  des  lieux  de  leurs  résidences,  non  seulement 
leurs  lettres  de  docteurs,  pour  voir  s'ils  sont  gradués  en  des 
universités  sizes  rière  les  est«its  de  Sa  Majesté  ou  en  la  Sa- 
piencede  Rome,  mais  encore  seront  tenus,  à  peine  arbitraire 
et  de  n'être  pas  soufferts  en  l'exercice  de  leur  profession,  de 
faire  voir  auxdicts  officiers  des  attestations  authentiques  de 
leurs  fréquentations  et  exercer  pendant  trois  ans  et  avec  as- 
siduité et  estudes;  lesquelles  attestations,  quant  aux  études, 
seront  signées  des  recteurs,  professeurs,  et  scellées  des 
sceaux  des  universités  où  ils  auront  estudié,  et  quant  au  dit 
exercice,  il  sera  attesté  avec  sceaux  par  des  officiers  ou 
magistrats  des  lieux  où  ils  auront  pratiqué  la  médecine  »  ("l). 

Je  me  suis  laissé  un  peu  entraîner  par  ce  court  aperçu  de 
l'histoire  de  la  médecine,  mais,  il  était  nécessaire  de  savoir 
quelle  était  la  situation  professionnelle  de  notre  concitoyen. 
J'aborde  maintenant  sa  véritable  biographie. 

Jean  Garinet  est  né  en  1575,  à  Montfaucon  '2).  n  quitta 
Besançon  à  l'âge  de  vingt  ans,  fut  reçu  bachelier  en  philo- 
sophie en  France  à  Tournon,  en  Vivarais.  Il  fit  ses  études  de 
médecine  à  Avignon  et  obtint  le  grade  de  docteur  en  1605. 


(1)  PÉTRKMAND,  Recueil  des  Ordonnances  et  Edictz  de  la  Franche- 
Comté  de  Bourgogne.  —  Jobelot,  Suite  du  Recueil  des  Ordonnances 
et  Edicts  de  la  Franche-Comté  de  Bourgogne.  —  Prost,  loc,  cil. 

(2)  A.  Castan,  Notes  sur  l'Histoire  municipale  de  Besançon,  1898, 
p.  102. 


—  t«)6  — 

Plusieurs  de  ses  amis  lui  dédièrent  à  cette  occasion  de  sa- 
vantes ou  piquantes  épigrammes  latines  dont  je  vous  fais 
grâce.  Sur  sa  soutenance  de  thèse,  nous  n*avons  que  peu  de 
renseignements.  Quand,  beaucoup  plus  tard,  en  1650,  son 
fils  Thomas  prendra  à  son  tour  ses  grades  dans  cette  même 
Faculté,  nous  saurons  qu'il  a  été  reçu  avec  approbation  una- 
nime de  tous  ses  juges  et  que  Tarchevêque  lui  a  fait  l'hon- 
neur d'argumenter  contre  lui.  De  1600  à  1605,  il  a  vécu  assez 
modestement  et  nous  apprenons  qu'en  v  icelles  années  son 
profict  »  ne  dépasse  pas  huit  cents  francs.  Il  est  vrai  que  la 
monnaie  d'alors  ne  peut  se  rapprocher  de  la  nôtre.  Reçu  doc- 
teur, Garinet  rentre  à  Besançon  et  épouse,  le  12  novembre 
1605,  une  jeune  veuve,  Guyonne  Marquis,  fille  d'un  médecin 
connu  de  Besançon.  En  1606,  il  est  reçu  citoyen  de  la  ville, 
sans  avoir  à  payer  la  taxe  ordinaire  et  obtient  l'autorisation 
d'exercer  la  médecine.  Ces  requêtes  sont  d'autant  plus  faci- 
lement admises  que  le  docteur  Marquis  est  alors  co-gouver- 
neur.  Assez  rapidement  notre  praticien  acquit  une  belle  si- 
tuation. En  1618,  on  le  nomme  prieur  de  la  confrérie  médicale 
deSaint-Gôme  et  Saint-Damien.  A  cette  occasion,  est  donnée 
chez  Garinet  une  série  de  fêtes,  précédées  d'un  concert  à 
trois  chœurs  avec  orgue,  i\  l'église  des  Cordeliers,  et  d'un 
banquet  offert  aux  trente-quatre  musiciens  qui  ont  prêté  leur 
concours.  Sa  clientèle  était  déjà  étendue  et  il  en  retirait  à  la 
fois  honneur  et  profit,  ainsi  qu'en  témoigne  un  compte  fait 
au  moment  de  la  mort  de  sa  première  femme.  La  lutte  pour 
la  vie  était  déjà,  paraît-il,  dure  à  cette  époque  et  peut-être 
se  rappelait-on  déjà  le  vieil  adage  Medicus  medico  lupus. 
«  Voilà  le  dénombrement,  au  vrai  de  ce  que  j'ai  gagné  aux 
susdites  années  quoi  qu'il  n'y  ait  manqué  de  gens  qui  ont 
employé  tous  leurs  efforts  et  le  crédit  des  leurs  pour  rompre 
mes  desseins,  mais  avec  l'aide  du  souverain  médecin,  de  mon 
assidu  travail,  de  prévoyance,  le  tout  accompagné  de  pa- 
tience, j'ai  vaincu  Tenvie.  Hic  enim  quatuor  modis  semper 
hahebis  paraium  advcrsus  invidiae  et  sycophantarum  mor^ 


—  207  — 

sua.  »  C*est  là  un  sage  conseil  que  l'on  peut  renouveler  de 
nos  jours. 

Parmi  les  clients  de  ce  médecin-philosophe,  nous  trouvons 
les  noms  connus  de  nombre  de  nobles  de  notre  province, 
de  riches  bourgeois,  de  présidents  et  de  conseillers  des 
chambres  de  justice  et  ceux  encore  plus  nombreux  de  cha- 
noines, d'abbés,  de  supérieurs  de  couvents.  Je  cite  au  hasard 
Léopold  d'Oiselay,  comte  de  Cantecroix,  grand  écuyer  des 
Archiducs,  chevalier  de  la  Toison  d'Or;  le  comte  de  Saint- 
Amour,  le  baron  de  Scey,  rarchevèque  Claude  d'Achey, 
MM.  de  Granvelle,  deLoray,  d'Auxon,  de  Saône,  lu  c  imtesse 
de  FVjussillon,  etc.  L'année  de  son  veuvage,  à  la  recjuête  de 
l'abbessede  Picrnirernont,  à  la  sollicitation  du  docteur  Nar- 
din,  Garinet  accepte  la  charge  de  médecin  du  duc  de  Bavière, 
à  gage  de  mille  écus,  train  de  cour  et  laquais  entretenus.  En 
1633,  il  est  appelé  à  donner  ses  soins  à  la  duchesse  de  Lor- 
raine, pendant  son  séjour  h  Besançon.  Il  la  guérit  d'une 
lièvre  ratarrhale  et  en  reçoit  une  magnifique  bague  ornée  de 
diamants.  Détail  amusant  et  qui  choque  un  peu  nos  idées 
actuelles,  il  la  revend  aussitôt  à  l'orfèvre  qui  l'avait  fournie,  et 
après  une  longue  discussion,  obtient  enfin,  malgré  de  vaines 
tentatives  de  dépréciation,  la  valeur  réelle  du  bijou. 

Médecin  d'une  grande  partie  du  clergé,  on  le  prie  de  soi- 
gner les  sœurs  de  Sainte-Marie  au  prix  annuel  de  douze  écus 
«  s'il  n'y  a  pas  de  maladies;  s'il  y  en  a,  il  recevra  une  hon- 
neste  récompense.  Nous  trouvons  en  marge  l'annotation 
naïve  suivante  :  c  Je  n'en  ai  été  payé  que  deux  fois.  »  C'est 
encore  à  Garinet  que  s'adresse  la  confiance  des  Carmélites, 
des  sœurs  de  la  Visitation. 

Les  nobles  personnages  de  l'époque  se  faisaient  déjà  ac- 
compagner en  voyage  et  aux  eaux  par  leur  médecin  ;  en 
prince  de  la  science,  l'auteur  du  livre  de  raison  se  fait  ins- 
tamment prier  et  supplier  pour  accompagner  à  Spa  la  com- 
tesse de  Saint-Amour.  Ce  déplacement  dure  quatorze  se- 
maines et  entraîne  comme  dédommagement  la  somme  ron- 


k 


—  208  — 

delette  de  cent  pistoles  (la  pistole  valant  plus  de  neuf  francs). 

Praticien  très  consciencieux  et  renommé,  notre  docteur 
s'attache  à  ses  malades  et  les  aime.  S'il  aie  malheur,  comme 
tous  ses  confrères,  de  les  voir  succomber  en  dépit  des  res- 
sources de  l'art,  il  note  mélancoliquement  "  j'en  ai  éprouvé 
un  desplaisir  incomparable.  Dieu  Tait  en  sa  haute  grâce.  »  Il 
semble  avoir  été  payé  en  retour  de  son  affection  ;  on  l'estime, 
on  l'honore.  Ses  clients  les  plus  titrés  sont  parrains  de  ses 
enfants  et  ne  lui  marchandent  point  leur  appui  dans  sa  car- 
rière politique,  dans  l'obtention  de  bénéfices  pour  les  siens. 
Chaque  année,  à  l'occasion  des  grands  événements  de  fa- 
mille, ou  de  ses  succès  électoraux,  Garinet  reçoit  nombre  de 
cadeaux  ;  l'énumération  en  serait  prodigieuse  et  fastidieuse, 
on  les  adresse  à  tous  les  membres  de  la  famille.  Ici  encore, 
nous  retrouvons  l'esprit  plus  que  pratique  qui  nous  a  déjà 
surpris  ;  bon  nombre  de  ces  dons  sont  soumis,  quand  cela 
est  possible,  à  l'estimation  de  l'orfèvre  et  souvent  convertis 
en  argent  monnayé. 

Dans  les  listes  innombrables  que  contient  le  livre  de  rai- 
son, dominent  les  bijoux,  les  montres,  les  pièces  d'orfèvre- 
rie, de  vaisselle  d'argenterie,  les  surtouts  de  table,  les  reli- 
quaires, des  œuvres  d'art,  des  objets  curieux,  horloges,  globe 
terrestre,  tasse  de  bézoard  à  l'épreuve  des  poisons;  puis 
viennent  d'autres  objets  plus  prosaïques,  étoffes  pour  ses 
costumes,  ceux  de  sa  femme,  de  ses  enfants  ;  une  robe  à  la 
façon  de  Paris  pour  sa  fille,  un  chapeau  de  demi-castor  pour 
son  fils,  des  bas  de  soie,  enfin  des  confitures,  des  flambeaux 
de  cire,  des  vins,  des  viandes  de  mesnagerie,  c'est-à-dire  des 
salaisons.  D'autres  de  ses  concitoyens  laissent  par  testament 
à  lui,  docteur  et  ami,  un  reliquaire,  un  objet  d'art,  une 
somme  d'argent;  parfois,  c'est  une  donation  complète  ou  de 
conséquence,  comme  une  \igne,  ou  un  bénéfice  ecclésias- 
tique. Un  de  ses  fils  reçoit  d'un  chanoine  la  chapelle  de  Saint 
Jean-Baptiste  de  Bregille.  Quelquefois  la  bonne  volonté  des 
donateurs  est  surprise  et  annulée.  La  marquise  d'Autriche 


» 


—  209  - 

laisse  aussi  une  chapelle  au  jeune  Garinet.  «  Je  lui  suis  bien 
obligé  de  sa  bonne  volonté,  dit  notre  père  de  famille,  bien 
qu'elle  n'ait  pas  été  suivie  d'effet  »  Un  chanoine,  membre 
de  l'officialilé,  laisse  par  testament  à  son  ami  un  grand  ta- 
bleau :  «  Il  l'estime  par  son  testament  plus  qu'il  ne  vaut,  je 
ne  laisse  de  lui  être  obligé,  c'est  un  témoignage  de  l'amitié 
qui  a  été  entre  nous  par  l'espace  de  38  ans.  » 

De  la  pratique  et  du  savoir  professionnel  du  médecin  bi- 
sontin, le  livre  de  raison  ne  nous  permet  guère  de  juger. 
Les  quelques  maladies  que  nous  trouvions  mentionnées,  sont 
des  fièvres  calarrhales,  des  fièvres  pestilentes  que  nous  rap- 
procherions volontiers  de  la  fièvre  typhoïde,  des  dyssenle- 
ries,  des  bronchites.  En  Tannée  1GÎ38,  la  mortalité  fut  ter- 
rible à  Besançon  :  «  La  mort  m'a  ravi  la  plupart  de  mes 
amis,  tant  du  pays,  que  de  la  ville  ». 

Deux  nécropsies  sont  rapportées  dans  les  éphémérides  de 
Garinet.  L'une  d'elles  décrit  le  cas  intéressant  de  l'abbé  de 
Bellevaux,  dont  la  vessie  «  contenait  quatre  pierres  du  poids 
de  trois  onces  »  La  seconde  rappelle  la  découverte,  dans  les 
reins  d'une  femme,  de  deux  gros  calculs  et  de  huit  petits. 

Plus  intéressantes  sont  les  relations  des  cas  de  peste  à  Be- 
sançon. En  1629  la  maladie  est  signalée  par  Garinet  dans  le 
quartier  Saint-Quentin  Conformément  aux  prescriptions,  le 
médecin  est  barré,  condamné  à  garder  le  logis  trois  semai- 
nes ;  il  en  prend  gaiement  son  parti,  car  il  reçoit  force  ca- 
deaux qui,  malgré  ses  aumônes,  lui  rapportent  encore  profit. 
En  4639,  une  forte  épidémie  désole  la  ville,  l'auteur  du  livre 
de  raison  est  encore  barré,  bien  plus,  la  maladie  pénètre  chez 
lui.  Deux  servantes  meurent,  la  quarantaine  lui  fait  perdre 
une  somme  considérable  «  Et  me  serait  encore  facile  de  sup- 
porter cette  perte  patiemment,  n'était  celle  que  j'ai  fait  de 
mon  second  fils,  qui,  par  sa  mort  contagieuse,  m'a  laissé  un 
regret  qui  ne  se  peut  terminer  que  par  la  mienne  propre  ». 

Cette  phrase  touchante  m'amène  tout  naturellement  à  vous 
parler  de  la  vie  privée,  de  la  vie  familiale  de  Garinet.  Nous 


~  ^0  — 

savons  (ju'il  s'était  marié  peu  après  son  amvêe  à  Besançon, 
♦îii  1605,  avec  une  jeune  veuve,  fille  d'un  médecin  apprécié, 
co-gouverneur  de  la  ville.  Guyenne  Marquis  moui-ut  en  16t>2  : 
son  époux  lui  consacre  deuxépityphes  touchantes.  Il  se  con- 
sole rapidement  cependant,  puisque.  Tannée  suivante,  il 
épouse  Claudine  Henry,  fille  d*un  avocat,  docteur  en  droit. 
Les  enfants  de  sa  première  femme,  ses  beaux-fils  et  belles- 
filles  assistent  à  la  noce,  ainsi  rpie  son  premier  beau-frère, 
et  lui  font  de  superbes  cadeaux.  J'ai  déjà  insisté  suffisamment 
sur  les  dons  faits  au  docteur,  en  maintes  occasions,  pour 
qu'on  prn>e  rpjVn  celle-ci  ils  abomlent.  La  mariée  reçoit 
cinquante-sept  bagues  en  or  enrichies  de  pierrerie.^.  (lelle 
seconde  union  fut  féconde,  car  il  en  naquit  cinq  fils  et  quatre 
filles.  La  niention  de  chaque  naiss  lice  est  accompagnée  de 
la  désignation  du  signe  du  zodiaque,  du  (|uartier  de  la  lune, 
du  nom  du  saint  dont  relève  le  jour  de  raccouchement,  et  le 
bébé  fait  .son  entrée  dans  la  famille,  accueilli  par  cette  phrase  : 
«  Dieu  lui  fasse  la  grâce  de  bien  vivie  pour  bien  mourir  ». 
Le  pauvre  père  eut  la  douleur  d'assister  à  la  mort  de  trois  de 
ses  fils  et  de  deux  de  ses  filles.  Les  parrains  des  enfants 
sont  toujours  de  nobles  personnages,  le  comte  et  la  comtesse 
de  Cantecroix,  le  seigneur  des  Auxons,  la  comtesse  de  Rous- 
sillon,  le  prieur  de  Morleau,  Tarchidiacre  de  Salins.  Tous 
font  à  leur  filleul  de  magu'fiques  cadeaux  ;  Taccouchée  reçoit 
pièces  (le  confiserie,  massepains,  pâtés  de  venaison,  volailles 
d'un  poids  extraordinaire,  viandes  de  mesnagerie.  On  en- 
voie à  la  famille  des  flambeaux  de  cire  jaune,  des  confitures 
sèches,  des  dragées  ;  à  la  sage-femmti,  aux  domestiques,  on 
fait  largesse  en  argent. 

L'aîné  desjeunesGarinel  entra  aux  Minimes  et  fil  le  voyage 
de  Rome  ;  il  dit  sa  première  messe  en  iG48  et  mourut  à  l'âge 
de  trente  ans.  Le  troisième  devint  le  docteur  Thomas  Garinet 
qui  se  rnaria  et  eut  du  vivant  de  son  père  plusieurs  enfants, 
dont  un  termina  le  livre  de  raison. 

Des  filles,  une  seule  épousa  un  docteur  en  droit,  les  autres 


—  211  — 

entrèrent  au  couvent  ou  moururent  en  bas  âge.  De  tous  les 
documents  que  nous  trouvons  réunis  dcins  le  livre  de  vie,  il 
semble  ressortir  que  Garinet  fût  un  excellent  père  de  fa- 
mille, doux  et  extrêmement  bon 

11  fit  donnera  ses  enfants  une  éducation  très  complète  et 
à  ce  propos,  il  lui  arriva  une  mésaventure;  le  précepteur  de 
la  famille,  sans  doute  un  jeune  intellectuel  de  Tépoque,  lui 
déroba  une  somme  assez  ronde  et  des  bijoux.  Bien  que  le 
voleur  conservât  une  partie  de  ses  larcins,  au  su  de  son 
maître,  celui-ci  lui  fit  grâce.  «  J'ai  eu  pitié  de  ce  pauvre  mi- 
sérable et  lui  ai  donné  moyen  de  se  sauver  et.de  faire  bon 
voyage.  Dieu  lui  fasse  la  grâce  de  voir  et  de  bien  reconnaître 
sa  faute.  »  Ce  soubait  charitable  ne  devait  pas  être  exaucé, 
car  nous  trouvons  ce  post-scriptum.  «  Il  a  été  depuis  pendu 
et  estranglé  à  Dijon  ».  Cette  fois  il  dut  regretter  les  bons 
Bisontins. 

Croyant  convaincu,  notre  bourgeois  se  remet,  lui  et  les 
siens,  aux  soins  de  la  Providence,  du  souverain  médecin.  Il 
est  prieur  de  Saint-Côme  et  Saint-Damien  et  plus  tard  de  la 
confrérie  des  co-gouverneurs  et  des  notables,  la  confrérie 
de  la  Croix.  Nous  savons  que  plusieurs  de  ses  enfants  en- 
trèrent dans  les  ordres,  il  fut  le  médecin  et  l'ami  d'un  de 
nos  archevêques,  de  nombre  de  chanoines  et  d'abbés. 

L'obtention  d'une  place  d'honneur,  d'un  banc  au  pied  de 
la  chaire  de  Saint-Pierre,  l'achat  d'une  sépulture  dans  cette 
église  ou  dans  celle  des  Carmélites  sont  pour  lui  choses 
d'une  importance  colossale. 

Administrateur  zélé  de  la  fortune  familiale,  il  est  toujours 
prêt  à  transiger  pour  éviter  les  procès  «  labyrinthe  dont  il 
est  difficile  de  se  développer.  t>  Il  n'eût  pas  été  Comtois  et 
Bisontin  s'il  n'eut  aimé  la  terre  et  la  vigne.  Legs,  acquisitions 
nous  mentionnent  la  possession  de  vignobles  à  la  Grette,  à 
la  Croix  d'Arènes,  à  la  porte  de  Charment,  à  Rognon,  les 
vergers  de  la  Raye  près  des  fortifications.  Les  récoltes,  pas 
moins  qu'aujourd'hui,  n'allaient  sans  déboires  ;  en  1638,  nous 


—  W2  — 

trouvons  enregistrée,  avec  forces  doléances,  la  perte  géné- 
rale (dans  la  ville)  du  vin  de  Tannée  précédente. 

A  côté  de  la  partie  prosaïque  de  sa  vie,  notre  docteur 
semble  avoir  eu  des  prétentions  aux  belles-lettres  ;  c'était 
un  bel  esprit,  comme  on  disait  alors.  Il  compose  des  épi- 
grammes,  des  épitaphes  en  français  ou  en  latin.  Au  cours 
de  sa  vie  politique  il  est  seul  capable,  parmi  les  gouverneurs, 
d'haranguer  en  latin  le  général  dos  i'a[)ucins,  de  passage  en 
la  ville,  et  qui,  ne  connaissant  pas  un  mot  de  français, 
échange  des  visites  avec  la  municipalité.  Il  a  des  nolio^^ 
étendues  pour  Tépoque  en  astronomie,  tire  l'horoscope  de 
ses  clients,  observe  avec  attention  les  phénomènes  météoro- 
logiques, les  cataclysmes  qu  il  nous  mentionne  comme  inté- 
ressant la  région. 

Au  milieu  des  événements  de  la  vie  de  famille,  se  trouvent 
relevées  les  particularités  des  saisons.  En  16!23,  les  abrico- 
tiers fleurissent  en  janvier;  en  1(>'24,  ce  sont  les  violettes  et  le 
bois  gentil.  Celte  dernière  année  avait  été  féconde  en  fruits, 
plusieurs  pommiers  avaieiil  porté  deux  fois  leurs  récoltes. 

Nous  savons  que  le  ciel  de  ïîesançon  tient  rang  iionorable 
parmi  les  ciels  pluvieux,  c'est  peut-être  pour  maintenir  une 
vieille  réputation.  En  16()6  et  en  1020,  il  y  eut  procession 
générale  avec  le  Saint-Suaire  et  la  cliâsse  de  saint  Protliade 
pour  obtenir  la  cessation  de  la  pluie  qui,  avec  la  grêle,  a 
presque  universellement  gâté  les  biens  de  la  terre.  En  1623, 
un  ouragan  violent  éclata,  le  vent  a  été  si  fort  qu'un  charre- 
tier et  ses  chevaux,  passant  sur  le  pont  de  Baume,  ont  étp 
emportés  et  noyés.  Les  cheminées  de  la  ville  tombent  imi 
quantité  En  janvier  1045,  une  autre  bourrasque  cause  di*s 
dégâts  pour  plus  de  cent  mille  écus.  Les  clochers  de  l'église 
Saint- Vincent,  de  la  Madeleine,  celui  des  Dames  de  Battant 
sont  découronnés,  ou  ont  leur  toiture  enlevée  ainsi  que  la 
plupart  des  mnisonsde  la  ville,  les  murs  sont  renversés.  Le 
cyclone  ravage  aussi  les  propriétés  de  Garinet,  à  la  Baye  et 
à  Montfaucon. 


i 


—  213  — 

Les  inondations  «étaient  très  fréquentes  ;  en  1G51,  elles  at- 
teignent une  intensilô  <ju'on  ne  leur  avait  point  vue  (le()uis 
1570.  Au  cours  de  la  crue,  les  eaux  ont  envahi  l'église  du 
Saint-Esprit  et  y  atteignent  comme  hauteur  trois  pieds  de 
toise  «  tellement  que  pourùter  le  Saint  Sacrement  qui  était 
sur  le  grand  autel  il  a  fallu  entrer  dans  Téglise  avec  un  ba- 
teau. Toute  la  sacristie  des  Gordehers  (1)  a  été  inondée  à 
trois  pieds  Les  malheureux  propriétaires  ou  amateurs  de 
bons  vins  avaient,  comme  à  présent,  leurs  caves  envahies, 
et  trop  souvent  les  tonneaux  •  espenchaient  leur  contenu  ». 
C'est  ce  qui  arriva  en  cet»e  circonslance,  mais  notre  doc- 
teur a  été  épargné  :  t  Dieu  a  voulu  que  ma  cave  ait  été 
exempte  de  ce  malheur.  » 

En  'J615  apparaît  une  comète  (\m  annonce,  au  dire  de  Ga- 
rinet,  de  grands  malheurs  :  la  mort  de  l'empereur  d'Allema- 
gne, Maihias,  de  son  frère  Maximilien,  de  Timpératrice,  enfin 
des  guerres  qui  ravagent  l'empire.  En  1G50,  en  l(>5i,  on 
ressent  à  Besançon  des  tremblements  de  terre.  Le  premier 
fut  très  marqué,  t  Le  bruit  m'a  esveillé  soudainement  et  me 
semblait  que  notre  maison  tombait.  Les  Mères  Cordelières 
ont  été  tellement  effrayées  qu'elles  ont  couru  en  leur  chœur, 
pour  prier  Dieu,  comme  ont  fait  plusieurs  religieux  et  reli- 
gieuses ». 

Contemporain  des  premières  incursions  des  Français  en 
Franche-Comté,  Garinel  ne  devait  les  passer  sous  silence. 
En  1620,  le  duc  de  Bouillon,  de  connivence  avec  quelques 
babitants,  tente  sur  Besançon  une  surprise  qui  échoue.  En 
1(339,  les  incursions  des  Français  s'avancent  jusqu'aux 
portes  de  la  ville,  ils  ravagent  les  fermes  de  la  banlieue, 
emmènent  bestiaux  et  récoltes.  Notre  pauvre  père  de  fa- 
mille est  particulièieinenl  é[)iouvé,  c'est  la  même  année  où 
la  peste  ravage  sa  clientèle  et  lui  enlève  son  fils  :  «  Je  puis 
dire  avec  vérité  que  j'ai  perdu  tant  par  la  i)este  que  par  la 

(1;  Ancien  Collège  catholique. 


—  214  — 

guerre  plus  de  huit  mille  francs,  Dieu  veuille  qu'à  Tavenir 
le  même  mallieur  ne  me  poursuive  plus.  Cependant  j'ai 
entretenu  un  ménage  de  plus  de  douze  personnes  parmi 
une  cherté  extraordinaire  de  toutes  clioses,  à  peine  ayant 
reçu  depuis  le  siège  de  Dole  la  somme  de  cinq  cents  francs 
d'arrérages  ».  Il  s'estime  relativement  heureux,  car  il  a  pu 
se  maintenir  en  sa  situation  malgré  le  malheur  des  temps. 
«  Ainsi  le  hon  Dieu  m\i  assisté  do  ses  libéralités  sur  les 
grandes  pertes  que  nous  faisions,  son  nom  soit  béni  éter- 
nellement ». 

De  ci,  de  là,  dans  les  Ephémérides,  nous  trouvons  con- 
signés des  faits  intéressants  d'iiistoire  générale. 

Kn  lOtil  meurt  le  pape  Paul  V,  Grégoire  XV  lui  succéda 
jusqu'en  1023,  puis  viennent  Urbain  VIII  (16-23-16ii),  Inno- 
cent X  (1644-1653),  Alexandre  VII  (1655). 

En  1626,  le  prince  de  Condé  vient,  à  Besançon,  en  pèlerin, 
visiter  la  relique  fameuse  du  Saint-Suaire.  En  1650  est  re- 
latée son  arrestation  ainsi  que  celles  du  prince  de  Conliet 
du  prince  de  Longevillo,  par  ordre  de  Mazarin. 

En  décembre  1620  se  fait,  à  Besançon,  une  procession 
générale  en  l'honneur  de  la  prise  de  Prague  par  les  armées 
impériales  commandées  par  le  duc  de  Bavière  et  le  comte 
de  Bucquoy.  Garinet  apprend  au  sermon  à  Saint-Jean  que  les 
généraux  furent  convaincus  par  la  prédication  d'un  canne 
déchaussé  de  l'opportunité  de  l'assaut  qui  leur  livra  la  ville 
le  jour  de  la  Toussaint.  «  Tous  les  bienheureux  nous  prête- 
ront la  main  si  vous  leur  tendez  la  vôtre  »,  aurait  dit  le  reli- 
gieux. En  1633,  le  duc  de  Lorraine,  Charles  IV  et  sa  femme, 
la  belle  franc-comtoise,  Béalrix  de  Gusance  se  rendirent  à 
Besançon.  L'histoire  nous  apprend  que  cette  visite  d'un  de 
ses  ennemis  exaspéra  Richelieu  contre  la  ville  libre  et  fut 
peut-être  une  des  causes  des  hostilités  qui  suivirent. 

Le  16  décembre  1638  a  lieu  le  sacre  de  l'archevêque 
Claude  d'Achey,  protecteur  de  Garinet. 

Somme  toute,  nous  voyons  (lue  ce  médecin,  en  dehors  de 


sa  besogne  journalière  et  de  se.s  soucis  rte  père  de  frimille, 
prévoyant,  s'intéressait  à  bien  des  choses  et  Faisait  profit  de 
ce  quil  voyait,  entendait,  apprenait;  il  le  notait  et  nous  nous 
intéressons  aux  événements  qu'il  mentionne. 

Il  me  reste  à  vous  parler  de  sa  vie  politique   l>. 

Permettez-moi  de  vous  rappeler,  d'après  rintéress.int 
ouvrage  de  M.  Gastan,  comment  s'exerçait  le  gouvernement 
municipal  à  cette  époque.  Tous  les  ans,  chacun  des  sept 
quartiers  de  la  cité,  ou  des  sept  bannières,  car  chacun  avait 
son  étendard,  éli.sait  (|uatre  notables,  soit  vingt-huit  en  tout. 
Ils  avaient  un  président  annuel  et  nommaient  les  quatorze 
gouverneurs  ou  cogouverneui's  connus  encore  sous  le  nom 
de  Messieurs.  Chacun  de  ces  dcMuiers  présidait  leur  assem- 
blée au  gouvernement  par  huitaine.  Ils  possédaient  le  pou- 
voir exécutif  de  la  ville  pendant  un  an  Deux  gouverneurs 
étaient  affectés  à  chaque  quartier.  Ils  instruisaient  et  ju- 
geaient avec  le  juge  impérial,  résidant  à  Besançon,  les 
procès  de  toute  nature.  Les  sentences  étaient  prononcées  et 
exécutées  par  une  des  trois  cours  de  justice  existant  alors,  la 
régalie,  la  vicomte,  la  mairie.  Les  arrêts  étaient  définitifs  en 
matière  criminelle  ;  au  civil,  ils  ne  pouvaient  être  réformés 
que  par  le  conseil  aulique  de  l'empire. 

Les  notables  insp?ctaient  leurs  quartiers  sous  le  rapport 
de  lu  police,  de  la  voirie,  de  la  salubrité,  ils  dénonçaient  les 
délits  au  pouvoir  exécutif.  Ils  avaient  le  droit  de  remon- 
trance aux  gouverneurs  comme  organes  du  peuple  et  de- 
vaient être  consultés  pour  toute  mesure  imputante  aux  procès 
criminels   de    quelque    gravité.   Les    anciens    gouverneurs 


(i)  De  la  carrière  inuuicipale  de  Gariiul,  il  reste  un  jeton  en  cuivre  re- 
présentant :  au  droit,  dans  une  couronne  laurêo,  ses  armes  :  un  petit  jars 
[oie,  Jarinelus)  éployé,  le  col  entouré  d'une  couronne  de  laurier^  avec 
la  devise  :  nihil  consciue  siri;  au  revers  les  armes  de  liesançon,  avec 
celte  légende  :  vesuntio  civ.  imp.  libkha,  et  cet  exergue:  iji  pour  : 
LES  :  COMPTES  lit 


—  216  — 

de  la  cité  étaient  appelés  pour  l'établissement  des  lois  ou 
les  questions  de  la  politique  extérieure. 

Nous  avons  appris  que  les  doux  beaux-pères  de  Garinet 
avaient  été  gouverneurs  de  notre  cité.  Lui-même  fut  élu  par- 
mi les  notables  de  la  bannière  de  Saint-Pierre  en  1626  «  par 
la  faveur  de  ses  amis  ».  C'était  la  seconde  année  de  la  ré- 
forme dite  intercalarité  (ou  renouvellement  partiel],  qui 
avait  pour  but  de  réfréner  un  peu  les  manoeuvres  électo- 
rales. 

De  1626  à  1641,  le  praticien  bisontin  est  réélu  régulière- 
ment. Il  ne  nous  cache  pas  que  les  nominations  ne  se  fai- 
saient pas  sans  brigues  et  sans  intrigues,  qui  ne  l'épargnèrent 
pas,  car  il  était  fort  connu.  Plusieurs  fois  il  réunit  le  plus 
grand  nombre  de  suffrages  sans  avoir,  il  le  mentionne  avec 
orgueil,  jamais  usé  des  comproniissions  et  des  offres  d'ar- 
gent que  d'autres  de  ses  collègues  n'épargnaient  pas.  Quand 
il  est  barré  pour  la  pesle,  on  lui  accorde,  faveur  extraordi- 
naire, d'avoir  encore  voix  délibérative.  Le  secrétaire  vient 
en  face  de  sa  maison  chercher  le  vote  de  notre  bon  conseil- 
ler municipal  pour  la  nomination  des  co-gouverneurs  et  la 
présidence  des  notables,  .[ui  échut  cette  année-là  au  comte 
de  Saint-Amour. 

Cette  présidence  lui  avait  été  offerte  à  lui-même  dès  1628, 
il  l'avait  refusée  à  cause  des  obligations,  charges  et  scru- 
pules de  sa  profession. 

En  1641  le  sort  lui  est  contraire,  il  en  accuse  lui-même 
l'indifférence  qu'il  avait  apportée  à  la  campagne  électorale. 
C'est,  en  effet,  le  moment  de  ses  chagrins  de  famille,  de 
ses  revers  de  fortune.  Ses  collègues  le  regrettent  et  le  loi 
manifestent  en  lui  donnant  malgré  tout  quatorze  suffrages 
pour  le  faire  élire  gouverneur.  Les  nouveaux  notables  ont 
payé  cher  leur  victoire,  trois  mille  francs,  somme  considé- 
rable pour  l'époque  ;  l'un  d'eux  a  dû  sacrifier  500  écus. 

Dès  1642,  il  reprend  sa  place  à  l'assemblée  et  est  nommé 
co  gouverneur  avec  26  suffrages  sur  28  votants.  Il  reçoit  dô 


Société  d'Émulation  duDoubs,  1902. 


P1.I. 


Armoiries  du  médecin  Jean  Garinet 
(fU.  J045,  Bibl.  de  BesMnçanJ 


Société  d 'Émulalion  du  Doubs.  1 902 . 


?i.  n. 


Armoiries  de  Guigonne    /Marquis, 
p^emiè^e  femme  de  Jean  Garinet. 


Société  d'Émulation  du  Doubs,  1902. 


PI.  m. 


Armoiries  de  Claudine    Henr^, 
seconde  femme  de  Jean  Garinet , 


—  217  — 

nombreux  présents  et  donne  un  festin,  il  offre  le  pâté  à  ses 
nouveaux  collègues.  Son  intelligence,  sa  connaissance  des 
affaires  municipales  devaient  être  très  appréciées,  car,  pen- 
dant nombre  d'années,  il  reste  au  conseil  municipal  et  re- 
çoit, comme  leur  président,  le  flambeau  de  redevance  des 
Jésuites.  Ses  armes  sont  gravées  à  côté  de  celles  de  Mes- 
sieurs ;  il  les  fait  placer,  ainsi  que  celles  de  sa  femme,  sur 
son  banc  à  l'église  Saint-Pierre,  sur  sa  sépulture  et  sur  les 
portes,  balcons  et  fenêtres  de  sa  maison.  En  1646,  de  graves 
difficultés  éclatent  entre  les  gouverneurs  et  les  notables,  qui 
ne  veulent  accepter  certaines  nouvelles  dispositions.  Ora- 
teur estimé,  Garinet  est  désigné  pour  les  conférences  entre 
les  parties,  pour  haranguer  le  gouverneur  du  Comté,  le  baron 
de  Scey,  et  enfin  un  conseiller  privé  de  Sa  Majesté,  venu 
pour  faire  une  enquête  dans  la  ville.  Il  doit  «  aller  le  visiter 
et  l'informer  de  la  vérité  sur  ce  que  l'on  avait  écrit  à  Sa 
Majesté  de  nos  desportements  ». 

La  mission  réussit,  le  commissaire  impérial  repart  satis- 
fait. «  Aussi  avait-il  sujet  de  se  contenter,  puisque  nous 
payâmes  toutes  ses  dépenses,  lui  fîmes  grande  chère  en  la 
maison  de  ville,  où  furent  appelés  les  28  avec  nous,  payâmes 
les  habits  de  deuil  qu'il  fit  ici  faire  pour  la  mort  de  l'impé- 
ratrice et  de  plus,  la  veille  de  son  départ,  je  lui  présentai  de 
la  part  de  Messieurs  deux  cents  ducats.  »  Il  eût  fallu  être 
difficile  pour  ne  pas  se  montrer  de  bonne  composition  avec 
d'aussi  braves  gens,  aussi  apprenons-nous  que  le  conseiller 
privé  narra  à  l'empereur  merveilles  sur  la  Municipalité  et 
conclut  son  rapport  en  disant  que,  «  s'il  y  avait  au  monde 
un  paradis  terrestre,  c'était  à  Besancon  »•.  Gardons  précieu- 
sement cette  appréciation  si  flatteuse  et  probablement  unique 
d'un  grand  de  l'Empire  et  efforçons-nous  prochainement  de 
l'obtenir  de  nos  contemporains.  C'est  un  but  que  je  me  per- 
mets de  signaler  à  nos  édiles  pour  égaler  leurs  devanciers 
du  xvii«  siècle  et  répondre  aux  médisances  dont  on  accable 
notre  vieux  Besançon. 

15 


—  218  — 

Mais  l'horizon  politique  continue  à  s'assombrir,  revoici  les 
brigues,  les  offres  d'argent  au  moment  des  élections.  Malgré 
tout.  Garinet  reste  gouverneur,  il  est  même  élu  prieur  delà 
confrérie  municipale  de  la  Croix.  Les  confrères  de  la  Croix, 
ou  pénitents  noirs,  secouraient  les  pauvres  honteux,  les  or- 
phelins, les  prisonniers,  assistaient  les  condamnés  à  mort. 

EnlG5I,  une  nouvelle  crise  municipale  éclate,  elle  ter- 
mine le  rôle  politi(iue  de  notre  médecin.  Tous  les  gouver- 
neurs sont  changés  à  la  suite  de  nouvelles  discussions  avec 
les  28.  Il  y  a,  dans  la  rue,  une  petite  énieute,  les  serments 
qui  exécutent  les  ordres  des  gouverneurs  sont  battus  par  la 
populace,  excitée  par  les  notables.  Ceux-ci  sont  cités  à 
rendre  compte  de  leur  conduite  devant  Sa  Majesté  Impé- 
riale, qui  leur  inflige  un  blâme,  genre  de  [lunition  assez  pa- 
ternel. 

Depuis  ce  moment,  Garinet  quitte  la  vie  publique,  il  reste 
au  milieu  des  siens,  nous  apprenant  avec  une  grande  joie  la 
naissance  de  ses  petits-enfants.  En  1657,  la  situation  de  la 
famille  e>t  assez  florissante  pour  qu'à  la  naissance  d'un  fils 
du  docteur  Thomas  on  refuse  tous  les  présents.  C'est  dans 
cette  même  année  et  trois  mois  après  le  baptême,  le  jour 
de  la  Toussaint,  que  s'éteint  l'auteur  du  Livre  de  raison. 
Celte  mort  est  mentionnée  longtemps  après  pîir  un  de  ses 
petits-enfants,  qui  termine  par  quelques  annotations  person- 
nelles le  manuscrit  dont  je  viens  de  vous  entretenir.  Con- 
formément à  ses  volontés,  Garinet  dut  être  enterré  près  de 
ses  enfants,  dans  l'église  des  Carmélites  (^),  dans  une  tombe 
qu'il  avait  fait  préparer  depuis  longtemps*;  sur  la  dalle 
étaient  gravées  les  armoiries  de  la  famille,  que  nous  repro- 
duisons à  la  suite  de  cette  étude,  et  au-dessus  devait  se 
trouver  un  grand  tableau  représentant  saint  Bruno. 

J*ai  peut  être  insisté  trop  longuement  sur  la  vie  de  celui 

(\)  Hue  de  (jlères,  aujourd  hui  maison  Charnaux. 


—  Mo- 
que j'appellerai  un  très  honorable  et  honoré  confrère,  j'es- 
père que  ses  mânes  me  permettront  cette  familiarité.  Il 
m'avait  semblé  que  c'était  une  figure  originale  de  notre 
vieille  bourgeoisie  à  faire  sortir  de  l'oubli  en  mettant  en  lu- 
mière le  cadre  au  milieu  duquel  elle  passa,  toujours  active 
et  laborieuse,  et  en  faisant  connaître  dans  un  tableau  rapide 
Tétat  des  mœurs  de  son  pays  et  de  son  temps.  C'est  avec 
grand  respect  qu'un  docteur  en  médecine  du  w*  siècle  rend 
hommage  à  un  praticien  contemporain  de  Louis  XIII  et  des 
premières  années  du  règne  du  grand  roi.  C'est  faire  oeuvre 
pie  que  de  révéler  chez  lui  un  noble  caractère,  un  grand  dé- 
vouement professionnel  et  civique,  une  curiosité  intelligente, 
une  douce  philosophie.  Nous  avons  cru  ainsi,  pour  notre 
faible  part,  atténuer  un  peu  tant  de  critiques  trop  vives  et 
de  railleries  plus  ou  moins  fondées,  adressées  aux  méde- 
cins de  son  temps. 


—  220  — 
PIÈGES  JUSTIFICATIVES 

EXTRAITS  DU  LIVRE  DE  RAISON  DE  JEAN  6ARINET 

(Manusciit  1045  de  la  Bibliothèque  de  Besançon.) 

Page  10. 

a  L'année  1595,  je  parli  de  Besançon  le  29  apvril  pour  aller 
en  France  ou  j'ay  demeuré  environ  onze  ans. 

•  Le  26  apvril  1600  je  receu  a  Tuurnon  en  Vivarès  le  degré  de 
bachelier  es  philosophie  et  dédia  mes  thèses  a  Monsieur  de 
S«-Marcel  d'Urfé. 

■  Le  22  mars  de  l'année  1605,  je  receu  le  degré  de  doctorat 
en  médecine  à  Avignon,  auquel  temps  plusieurs  de  mes  amis 
me  donnèrent  quelques  épigrammes  pour  faire  imprimer  dont 
j'en  ay  icy  adjoute  deux  des  principaux  : 

Ecquid  adhuc  tentas  fatum  revocare  medelis 

Kallcre  narn  fatis  nulla  medela  datur 
Veï'i^e  taineii,  fatis  obsta,  si  fala  secondent 
Nuni  noinen  fatis,  capis  liisce  tuuin. 

tilasius  PoussoTi^s , 
doctor  tnedicu.s. 

Page  11. 

Anagrammatismus, 
Joannes  Garinetus, 
Aegris  nevit  annos, 

Texere  dent  superi  quos  aegris  neveris  annos 
Namquc  akgris  annos  nomina  nkvit  hal>ent. 

Jacobus  Petit,  Iheol.  docior 
et  Societaii*  Jesu* 

«  Le  2f»  juillet  de  l'année  1605  j'arriva  à  Besancon,  après  le 
long  séjour  faict  en  France.  » 

«  Le  12  novembre  1605  j'espousa  Guyonne  Marquis  ma  pre- 
mière femme  au  gré  de  tous  ses  parens  et  fusl  en  l'église  de 


—  221  — 

S*- Vincent,  estant  pour  lors  curé  Mons'  Doroz  en  la  parroisse 
S*-Marjçelin.  • 

«  Le  6  juin  1606  j'ay  esté  receu  citoyen  en  ceste  ville,  ayant 
seulement  faict  présent  de  deux  mousquès,  ayant  esté  gratifié 
de  Messieurs  de  l'argent  que  coustumièrement  donnent  ceulx 
qui  sont  receus,  ce  que  conste  par  hi  lettre  de  ma  réception.  » 

Page  12. 

o  Fut  Guyenne  Marquis,  ma  première  femme  mourut  le  24 
mars  de  l'année  1622  pour  mémoire  de  laquelle  et  de  l'aftection 
que  je  lui  avois  je  feis  graver  a  S'-Pierre,  proclie  sa  sépulture, 
répitaphe  suivant  : 

P.     M. 
Sla  hospes,  saxum  cui  immines,  vide 

fatum  quod  imminet  praevide.  Menti  quae 

cminet,  invide,  Saxum  vides  quo 

Guydonae  ex  nobili  Marquisiorum  et 

Sonetiorum  génie  corpus  clauditur  fatum 

praevides  quo  te  Matrona  praeivit,  in 

egenos  benignissima,  Menti  invides 

quae  nihil  improbum  vidit,  nihil  non 

probum  vidit,  fato  praevidit  cum 

abesset,  fatum  secura  vidit  cum  adesset 

et  votodurum  patientibus  invidit. 

Saxum  vides,  quod  carissimi  conjugis 

lacrymis  intepuit,  pauperum  quaerelis 

ingemuit.  Tu  saxum  vide,  sed  non 

saxeus.  Mortem  praevide,  sed  non  im- 

providus.  Menti  invide  sed  non  amens. 
Hoc  te  volui  ut  hoc  velles. 

Quae  jacet  hic  expers  vitae  nunc  laeta  valeat 

Quod  voluit  medicus,  si  valuisset  amor.  » 

Page  80. 

»  Mons^  Philippe,  chanoine  de  l'insigne  chapitre  et  officiai,  est 
décédé  le  14  aost  1643  et  m'a  légué  par  testament  un  tableau 
peint  à  huille,  qu'il  dict  bavoir  heu  jadis  estant  à  Rome  de  Mon- 
seigneur rillustrissime  Claude  d'Achey,  archevesque  de  ceste 


—  222  — 

cité.  Il  Testime  par  sond.  testament  plus  qu*il  ne  vault.  Je  ne 
laisse  luy  en  estre  obligé  puis  que  c'est  un  tesmoignage  de  Ta- 
mitié  qui  a  estée  continuelle  entre  nous  par  Tespace  de  plus  de 
38  ans.  Dieu  lui  donne  paix.  » 

Page  81. 

«  Le  28  octobre  1643  les  RR.  pères  Jésuites  m'ont  faict  pré- 
sent d'un  très  beau  plat  à  bassin  avec  son  vase  ou  aiguière,  ou- 
vrage rare  et  parfaictement  faict.  Quelques  uns  ont  creu  que 
c'estoit  porcelaine,  mais  je  tien  que  ce  soit  piustost  ouvrage  de 
Venise.  De  plus  y  ait  adjoint  deux  grands  fruictières  mesme  fa- 
çon et  couleur.  Et  encores  deux  fruictières  blanches,  percées  à 
jour,  avec  deux  chouettes  blanches  et  violettes,  en  Tune  des- 
quelles se  voyent  les  armes  de  messire  de  Salive.  Oultre  ce 
encores  un  beau  pot  de  la  contenance  d'environ  un  tier  de 
channe,  marqueté  de  diverses  couleurs,  avec  deux  aultres  petites 
pièces.  » 

Page  82. 

c  Le  19  janvier  1645,  les  vents  ont  estes  tellement  impétueux 
en  ceste  ville  depuis  les  4  heures  du  matin  jusques  a  9  heures 
avant  midy  que  la  perte  pour  le  desgat  a  estée  de  plus  de  cent 
mille  escus.  Le  clocher  de  St-Vincenta  esté  renvercé,  celluy  de 
la  Magdeleine,  celluy  des  dames  de  Baptant  et  la  pluspart  des 
deux  tiers  des  maisons  particulières  de  la  ville  ont  estées  des- 
couvertes. J'ay  receu  un  grand  interest  en  ma  maison  a  la 
Raye,  comme  aussi  à  Montfaucon  et  en  mon  logis,  ou  présente- 
ment je  demeure.  » 

Page  84. 

•  Et  comme  dois  longtemps  j'avois  choisi  Tesglise  des  R. 
Mères  Carmelines  pour  y  estre  enterré,  j'y  ay  faict  porter  une 
tombe  sur  laquelle  j'ay  fait  graver  les  vers  suivans  : 

Adventorum  mihi  eitremam  dum  suspicor  horam 
Gonstitui  vivens  ossibus  hune  tumulum. 

En  la  mesme  église,  près  de  la  susdicte  tombe  est  inhumé  fut 
Pierre-Bruno  Garinel,  qui  passa  de  ceste  vie  à  l'immortelle  le 
30  juin  1645;  la  mort  de  ce  cher  enfant  m'a  laissé  un  regret  qui 
ne  s'oubliera  qu'avec  la  mienne.  » 


—  2^  — 

Page  87. 

«  Le  19  mars,  jour  S*-Joseph  1648,  mon  fils  aisné  a  dict  6a 
première  messe  en  l'église  des  R.  Mères  Visitandines,  lesquelles 
luy  firent  présent  d'un  très  beau  cingulum  de  soye  à  deux  cou- 
leurs, d'une  bouette  à  hostie  et  d'un  esluy  a  mettre  corporaux. 

»  Les  Mères  Garmélittes  luy  envoyairent  un  couvre-calice  de 
taftas  rouge,  couvert  des  Mistères  de  la  Passion  en  or  et  soye, 
en  plus  grande  valeur  et  beauté  qu'aulcun  aultre  qui  soit  au 
pais.  » 

Page  91 

«  Geste  année  1651,  sur  la  fin  de  novembre,  les  eaux  ont  esté 
tellement  desbordées  que  depuis  l'an  1570  l'on  ne  les  uvoit  veu 
si  grandes.  Elles  sont  entré  dans  l'église  du  S^-Esprit  pour  la 
haulteur  de  près  de  3  pieds  de  toise,  tellement  que  pour  oster 
le  Si-Sacrement  qui  estoit  sur  le  grand  hautel,  il  a  faillu  entrer 
en  l'église  avec  un  bateau.  Toute  la  sacristie  des  Cordeliers  a 
esté  inondée  à  trois  pieds  de  hault.  Plus  de  (rois  quarts  des 
caves  de  la  ville  ont  receu  un  grand  interest,  les  tonneaux 
couvert  d'eaux,  dont  quelques  uns  ont  esté  espanchés.  Dieu  a 
voulu  que  ma  cave  ai  esté  exempte  de  ce  malheur.  » 

Page  95. 

«  Depuis  ce  temps  est  mort  mon  grand-père  Jean  Garinetqui 
est  celuy  qui  a  escrit  le  contenu  cy  dessus  et  depuis  ais  aug- 
menter ce  qui  suit. 

•  Mon  grand-père  mourut  l'an  1657,  la  veille  de  la  Toussai  net 
2  de  novembre,  et  n'at  pu  escrire  les  enfants  suivant  que  ma 
mère  Marie  Privé  a  eust.  * 


LE 

MARÉCHAL  DUC  DE  RANDAN 

LiortcMUit-Oéiiéral  u  GoamBcacat  de  FhadMXoflité 

Par  le  IK  BOURDIH 


Séance   du    iO   mai    i909 


h 


Xescio  quà  natale  solum  dulcedine  cunctos 
Ducit,  et  immerores  non  sinit  esse  sui. 
(Ch'iD.) 

Depuis  longtemps  il  existe  dans  ma  famille  le  porlrail 
d'un  ancien  lieutenant-général  au  gouvernement  de  Franche- 
Comté,  Guy-Michel  de  Durfort  de  Lorges,  plus  connu  géné- 
ralement dans  ce  pays  sous  le  nom  de  duc  de  Randan  'A\  et 
bien  qu'il  n'ait  laissé  dans  l'histoire,  malgré  les  hautes  si- 
tuations qu'il  ait  occupées,  que  la  réputation  d'un  galant 


(1)  En  Auvergne  il  était  plus  connu  sous  le  nom  de  maréchal  de  Handan, 
comme  l'indique  le  passage  de  cette  notice:  «  Guy-Michel  de  Durfort,  ma- 
réchal de  France,  est  désigné,  tantôt  sous  le  nom  de  duc,  tantôt  sous  celui 
de  maréchal  de  Randan.  C  est  sous  ce  demie,  nom  qu'il  était  plus  géné- 
ralement connu  surtout  en  Auvergne,  où  on  se  rappelle  Tavoir  vu  quel- 
quefois. Quant  au  titre  de  duc  de  Randan,  on  ne  le  trouve  qu'une  fois  et 
on  pourrait  croire  que  c'est  par  erreur.  Le  duché  de  Randan  était  éteint 
et  la  terre  redevenue  comté.  Mais  il  se  peut  que  dans  sa  jeunesse,  Guy- 
Michel  de  Durfort  ait  été  connu  d'abord,  non  sous  le  titre  de  duc  mais 
bien  sous  celui  de  comte  de  Randan  et  qu'il,  n'ait  plus  voulu  quitter  ce 
nom.  En  effet,  en  1758.  époque  de  la  mort  de  son  père,  se  voyant  sans  en- 
fants, il  céda  le  titre  de  duc  de  Lorge  à  son  frère  cadet  Louis  de  Durfort, 
lieutenant  générai,  et  qui  avait  porté  jusque-là  le  titre  de  comte  de  Lorge 
&i  pour  nous  il  ne  fut  plus  connu  que  sous  le  titre  soit  de  duc,  soit  plutôt 
de  maréchal  de  Randan.  »  {Recherches  sur  Randan,  1   vol.  in-4%  1830). 


I 


—  225  — 

homme  et  d'un  homme  galant,  j'ai  pensé  qu'il  pouvait  être 
intéressant  pour  notre  Société  de  retracer,  dans  une  courte 
notice  biographique,  les  traits  principaux  de  son  passage  au 
milieu  de  nous. 

Ge  portrait,  qui  n'existe  pas  dans  nos  musées  comtois  et 
dont  la  rareté  fait  peut-être  le  seul  mérite,  représente  le 
duc  en  tenue  de  maréchal  de  France,  avec  l'habit  et  la  cu- 
lotte écarlates,  le  bâton  fleurdelisé  à  la  main,  la  poitrine 
barrée  du  grand-cordon  bleu  de  Tordre  du  Saint-Esprit.  Près 
de  lui  se  trouvent  sa  cuirasse  et  son  casque  panaché  de 
blanc.  Le  cadre,  en  bois  sculpté  et  doré,  surmonté  de  deux 
branches  de  chêne  dont  l'enlacement  forme  une  sorte  d'au- 
réole au-dessus  de  la  tête  du  sujet,  est  de  style  Louis  XVI, 
et  par  conséquent  légèrement  postérieur  au  portrait  lui- 
même. 

Ce  portrait  n'est  ni  daté,  ni  signé  ;  mais  il  est  facile  de  lui 
assigner  une  date  voisine  de  1768,  époque  à  laquelle  le  duc 
a  été  promu  maréchal  de  France,  et  antérieure  à  1773,  an- 
née de  sa  mort. 

Quant  à  l'auteur,  il  nous  reste  inconnu.  Plusieurs  peintres 
croient  reconnaître  la  facture  de  Wyrsch  dans  le  fini  et 
le  modelé  de  la  figure  et  des  mains  et  dans  la  négligence 
souvent  voulue  de  cet  artiste  pour  certains  détails  et  surtout 
le  -manque  de  correction  du  dessin  dans  l'ensemble  de  la 
composition.  C'est  ainsi  que  le  buste,  bien  posé  d'aplomb, 
est  parfait,  tandis  que  les  jambes,  au  contraire,  vues  en 
raccourci,  paraissent  trop  courtes,  la  droite  principalement. 
Or  nous  savons  que  Wyrsch  fai.sait  toujours  asseoir  les  per- 
sonnages dont  il  peignait  les  traits  et  que  son  attention 
principale  se  portait  sur  le  port  de  la  tête  et  des  épaules, 
qu'il  soignait  tout  particulièrement,  et-souveni  au  détriment 
du  reste  de  l'ouvrage.  D'autre  part,  cette  attribution  n'a  rion 
qui  puisse  nous  étonner,  Wyrsch  ayant  été  en  quelque 
sorte  le  peintre  officiel  des  personnages  manjuants  de  son 
époque. 


—  226  — 

D'autres  amateurs  pensent  que  ce  portrait  ne  serait 
que  la  réduction  d'un  tableau  plus  grand  que  le  maréchal 
aurait  fait  reproduire  un  certain  nombre  de  fois  par  Wyrsch 
pour  en  faire  cadeau  à  son  entourage.  Nous  ne  partageons 
pas  cette  manière  de  voir,  car  nous  savons  combien  les  ar- 
tistes de  la  valeur  de  Wyrsch  aimaient  peu  à  se  répéter, 
et  il  est  probable,  d'un  autre  côté,  que  si  ce  portrait  avait 
été  plus  répandu,  on  en  eût  trouvé  certainement  d'autres 
exemplaires  en  Franche-Comté,  où  résident  encore  les 
descendants  de  la  plupart  des  familles  qui  ont  servi  le 
duc. 

Le  i]iuséc  de  Cluilons-sur-Marnc»  possè<le  un  tableau  sem- 
blable (jue  le  hasard  m'a  fait  découvrir  Tannée  dernière  en 
me  rendant  au  camp  de  ChAlons.  Le  catalogue  porte  simple- 
ment la  mention  suivante  :  «  Portrait  d'un  maréchal  de 
France  an  XVIIP  siècle  ».  Il  est  entré  dans  ce  musée  avec 
une  collection  d'autres  tableaux  et  objets  d'art  vers  1860,  à 
la  suite  du  décès  d'un  généreux  donateur,  mais  sans  indi- 
cation de  provenance  ni  d'identité. 

M.  Bellevaux,  maire  de  la  commune  de  Vadans  (Haule- 
Saône),  possède  un  buste  en  plâtre  du  maréchal,  monté  sur 
un  pied  cannelé,  et  qui  doit  dater  de  la  même  époque  que 
notre  portrait  et  celui  de  Chàlons-sur-Marne.  C'est  la  même 
pose,  le  même  costume  et  surtout  la  même  physionomie  im- 
posante et  majestueuse  avec  cet  air  de  douceur  et  de  bonté 
que  chacun  lui  reconnaissait.  Il  avait  été  donné  en  ca- 
deau par  le  maréchal  à  son  médecin,  M.  Jeannot(i),  ancien 
médecin  de  marine,  attaché  à  sa  personne  et  aïeul  mater- 
nel de  M.  Bellevaux  ;  aussi  n'a-t-il  jamais  quitté  cette  fa- 
mille et  se  trouve-t'il  dans  un  état  de  parfaite  conservation. 


(l)  On  remarque  dans  l'église  de  Thervay  (Jura)  une  pierre  tombale  avec 
l'inscrifition  suivante  :  «  Ci-git  Monsieur  Jeannot,  de  Thervay,  ancien  chi- 
rurgien de  la  maiine,  généralement  aimé  et  estimé  et  très  legrellé  de  sa 
famille.  Décédé  le  1i  février  1818,  âgé  de  67  ans.  Requiescat  in  paee. 
Amen,  d 


—  227  — 

M.  Bellevaux  a  bien  voulu,  avec  son  obligeance  habituelle, 
nous  permettre  den  prendre  la  photographie. 

Ces  deux  portraits  et  le  buste  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion, rendent  assez  bien  la  physionomie  du  personnage  qui, 
au  dire  des  mémoires  du  temps,  avait  un  air  imposant  et 
majestueux,  cet  air  de  grandeur  auquel  on  reconnaît  de 
suite  l'homme  fait  pour  commander  aux  autres  et  une  assu- 
rance que  seule  peut  donner  l'habitude  du  pouvoir  et  du 
commandement. 

Le  duc  de  Randan,  né  en  4704,  mort  en  1773,  était  le 
petit-fils  du  maréchal  duc  de  Lorges,  ancien  gouverneur  de 
Franche  Comté,  celui  tiui,  après  la  mort  du  maréchal  de  Tu- 
renne,  fut  mis  à  la  télé  de  l'armée  et  releva  si  bien  le  cou- 
rage des  troupes,  altérées  par  une  perte  aussi  sensible,  qu'il 
put  les  mener  de  nouveau  au  combat  et  remporter  la  vic- 
toire d'Altenheim.  Il  était  le  fils  de  Guy-Nicolas  de  Durfort, 
duc  de  Lorges,  comte  de  Quintin,  qui  avait  épousé  Thérèse 
Chamillart,  fille  du  ministre  de  ce  nom  sous  Louis  XIV. 

La  terre  de  Randan,  par  suite  de  la  mort  de  la  duchesse 
de  Lauzun,  sa  tante,  survenue  en  1740,  à  laquelle  elle  ap- 
partenait soit  comme  héritière  testamentaire  de  son  mari,  le 
fameux  duc  de  Lauzun(l),  soit  plutôt  comme  exerçant  ses 
reprises  matrimoniales,  étant  donné  le  peu  d'harmonie  qui 
régnait  dans  ce  ménage  si  mal  assorti  —  le  duc  avait  qua- 
rante-deux ans  de  plus  qu'elle  —  la  terre  de  Randan,  dis-je, 
passa  dans  la  maison  de  Lorges  et  Guy-Michel,  son  neveu, 
réunit  alors  l'usufruit  à  la  propriété,  dont  sa  tante  l'avait 
déjà  investi  dès  1723  (2). 

Quelques  auteurs  pensent  que  ce  fut  au  détriment  de  son 


(1)  Le  duc  de  Randan,  dont  nous  nous  occupons,  était  donc  le  neveu,  à 
ia  mode  de  Bretagne,  du  célèbre  duc  de  Lauzun,  le  favori  de  Louis  XIV, 
dont  chacun  connaît  la  haute  fortune  et  les  malheurs  plus  grands  peut-ôtre 
encore  que  la  fortune. 

(2;  Année  de  la  mort  de  son  mari.  (Europe  vivante  et  mourante,  par 
rabbé  D'ESTRÉES). 


—  ti28  — 

frère  Louis  que  cette  donation  eut  lieu  ;  mais  il  est  à  présu- 
mer que  le  duc  ne  fit  que  profiter  d'un  droit  indiscutable  à 
cette  époque,  le  droit  d'ainesse,  et  (|ue  c'est  pour  la  même 
raison  et  en  vertu  de  cet  usage  (jue  la  duchesse  de  Lauzun, 
sa  tante,  crut  devoir  en  faire  son  seul  et  unique  héritier. 
Elle  avait,  en  effet,  pour  les  deux  frères,  la  même  affection, 
car,  victime  innocente  de  la  jalousie  de  son  vieux  mari,  elle 
ne  s'était  retirée  et  enfermée  au  chAteau  de  Randan  que 
pour  se  consacrer  entièrement  à  Tinstruction  et  à  l'éduca- 
tion de  ses  deux  neveux,  qu'elle  affectionnait  tout  particu- 
lièrement. 

Colonel  à  TA^e  de  dix-neuf  ans  suivant  les  usages  du 
temps  et  meslre  de  camp  d'un  régiment  de  cavalerie  qui 
poitait  son  nom,  il  guerroya  longtemps  en  Lombardie,  en 
Allemagne  et  en  Flandre,  prenant  une  part  active  à  toutes 
les  actions  militaires  de  cette  éi^ocpie.  Brigadier  de  cavalerie 
en  17;V4,  maréchal  de  camp  en  17 R),  il  fut  investi  en  1741 
du  commandement  militaire  de  la  Franche-Comté  en  rem- 
placement de  son  cousin,  le  duc  de  Duras,  qui  venait  d'être 
nommé  maréclial  de  France  et  appelé  à  Paris. 

Par  son  mariage  avec  M^**^  Elisabeth  Philippine  de  Poitiers 
qui,  à  la  suite  d'un  procès  retentissant  dont  le  dernier  mot 
ne  fut  dit  qu'au  ClirUelet,  était  entrée  en  possession  de  tous 
les  biens  de  la  famille  de  Rye{t),  grâce  au  testament  de 
Ferdinand  de  Longwy,  dit  de  Uye,  archevêque  de  Besancon, 
son  grand-oncle,  le  duc  devenait  un  des  plus  riches  et  des 
pluH  puissants  seigneurs  de  Franche-(^)mté.  De  plus,  il  arri- 
vait dans  notre  pays  précédé  d'une  réputation  mditaire  de 
infiriier  ordre  et  avec  le  titre  de  cotnmandant  en  chef  pour 
h  ♦  ^îajesté  Très  Chrétienne  au  Comté  de  Bourgogne. 

Sun  entrée  solennelle  dans  la  ville  de  Besançon  eut  lieu  le 


\  1 1  Nous  f)ossédoiis  (i'ins  notre  collortior»  (te  monnaies  et  médailles  un 
jiHith  portant  an  dioit  les  aimes  des  «le  Rye  et  en  exerpne  :  «  Girant  (te 
Hye.  seignenr  de  Balaneon  >•,  el  an  réveils  les  armes  de  sa  femme  et  en 
fiM^n^ue  tt  Loyse  de  Long\  y,  dame  de  Vuillafans  ». 


b 


—  229  — 

1"  juillet  1741  et  fut  marquée  par  des  réjouissances  publi- 
ques, des  distributions  de  vivres  aux  pauvres  et  des  illumi- 
nations très  réussies,  au  dire  des  chroniques  (1). 

La  ville  entrevoyait  une  ère  nouvelle  de  prospérité  et  de 
plaisirs  ininterrompus.  En  elTet,  sous  les  auspices  du  duc,  les 
fêtes  allaient  succéder  aux  fêtes,  les  grandes  réceptions,  avec 
leur  animation  coulumière,  allaient  commencer  et  les  repré- 
sentations scéniques  s'installaient  brillamment  au  palais 
Granvelle,  en  attendant  que  la  salle  de  spectacle,  qui  était 
déjà  projetée,  pût  enfin  ouvrir  ses  portes.  Un  comédien,  du 
nom  d'Armand,  à  la  fois  auteur  et  acteur,  y  remporta  de 
grands  succès.  Avant  de  quitter  lîesançon  pour  aller  se  mon- 
trer sur  une  scène  plus  grande,  à  Paris,  il  adressa  au  duc  de 
Randan  Tépître  suivante  : 

Monseigneur,  pendant  l'intervalle 

Qu'il  faut  pour  bâtir  une  salle, 

Trouver  bon  (|u'il  me  soit  permis 

D'aller  faire  un  tour  à  Pans, 

Pour  voir  la  face  débonnaire 

D'un  quidam  qu'on  nomme  mon  père, 

Et  lui  conter  de  bonne  loi 

Vos  fréquentes  bontés  pour  moi. 

Je  m'ébabis  quand  j'cnvisngc 

Tous  les  frais  qu'exige  un  voyage  ; 

D'abord,  il  me  faut  un  b;tbit 

Que  Carret  me  l'ail  à  crédit, 

Sur  lequel  ce  tailleur  modesie 

Ne  me  volera  qu'une  veste; 

Car  je  prétends  bien  faire  bonneur 

A  la  troupe  de  Monseigneur, 

Et  qu'à  Paiis  chacun  s'écrie, 

Considérant  ma  friperie  : 

Ces  comédiens  de  Hesançon 

Parbleu,  se  mettent  de  bon  ton  î 

Comme  on  le  voit,  tout  lut  à  la  joie  et  au  plaisir  et  on  peut 
dire,  avec  le  comte  Hugon  de  Poligny,  que  le  jeune  duc  arri- 

(1)  Journal  de  l'avocat  Griment,  mss.  iOliU-lOil,  Bibl.  de  Besançon, 


—  230  — 

vait  dans  la  province  «  avec  Tescorte  légère  des  plaisirs 
dont  il  ne  pouvait  se  passer  et  auxquels  beaucoup  de  gens 
étaient  empressés  de  prendre  part  (^)  ». 

Princièrement  installé  dans  Thôtel  du  commandement, 
Tancien  hôtel  Montmartin  (2),  qui  est  aujourd'hui  la  propriété 
des  Daines  du  Sacré-Cœur,  il  possédait  à  Balançon,  dont  il 
était  devenu  le  seigneur,  avec  le  droit  de  haute,  basse  et 
moyenne  justice  par  suite  de  son  alliance  avec  M"«  de  Poi- 
tiers, Théritière  des  de  Rye,  un  des  plus  beaux  et  des 
plus  anciens  châteaux  de  la  province.  C'est  là  surtout  qu'il 
aimait  à  séjourner  pendant  de  longs  mois,  pour  s'y  reposer 
des  soucis  et  des  fatigues  du  commandement,  dont  il  aban- 
donnait du  reste  assez  facilement  la  gérance  à  son  neveu. 
Les  fêtes  qu'il  y  a  données  sont  restées  célèbres  entre  toutes 
et,  pendant  de  longues  années,  Balançon  est  devenu  le  ren- 
dez-vous de  tout  ce  que  la  province  comptait  de  personnages 
marquants  par  leur  naissance  ou  par  leurs  talents  et  d'illus- 
trations féminines. 

Le  Ghftteau  de  Balan(oii. 

Le  château  de  Balançon  G^),  dont  l'origine  remonte  à  Te- 


ll) HuGON  DE  Poi.iGNY,  La  Franchc-Comté  ancienne  et  moderne. 

(2)  L'hôtel  Montmarliii  a  éUS  construit  par  le  maître  maçon  bisontin  Ri- 
chard Maire,  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  tour  Montmartin,  conformé- 
ment à  l'ordre  du  cardinal  de  Granvelle,  qui  mourut  en  1586  avant  l'achè- 
vement des  travaux.  Il  fut  acquis  par  la  ville  en  1618,  et,  après  avoir  été 
pendant  quelque  temps  utilisé  comme  manège,  il  fut  attribué  comme  ré- 
sidence au  lieutenant  général.  On  appela  dès  lors  cette  maison  a  le  Gou- 
vernement »,  car  le  gouverneur  qui  avait  pour  résidence  le  palais  Gran- 
velle était  presque  toujours  absent  de  Besançon  et  c'est  à  l'hôtel  Montmar- 
tin que  se  traitaient  réellement  les  alfaires  de  l'Etat.  En  face  de  l'hôtel,  se 
trouvait  une  petite  place  pavée  qui  permettait  aux  attelages  de  tourner  et 
de  circuler  commodément,  et  que,  pour  cette  raison,  on  nommait  un 
«  tourne-bride  ».  La  ville  vendit  l'hôtel  en  1793  et  les  Dames  du  Sacré- 
Cœur  l'achetèrent  en  1823. 

(3^  D'après  une  légende  recueillie  dans  le  pays,  il  existerait  un  souterrain 


—  231  — 

poque  romaine,  est  placé  en  amphithéâtre  sur  la  rive  gauche 
de  l'Ognon,  dont  il  domine  la  magniliciue  vallée  et  à  rem- 
branchement  de  trois  grandes  routes,  re  qui  a  valu  son  nom 
au  village  de  Thervay  1;  (très  viae)^  situé  en  contre-bas  à 
l'ouest  et  à  quelques  centaines  de  mètres  seulement  du  châ- 
teau. Les  sires  de  Pesmes  en  ont  été  les  premiers  posses- 
seurs pour  passer  ensuite  aux  de  Rye  et  finalement  à  M'**^  de 
Poitiers,  épouse  du  duc  (\o  Randan. 

llousset,  dans  son  dictionnaire  historique  des  communes 
du  Jura,  nous  apprend  (|uc  ce  chAteau  avait  quatre  tours,  trois 
carrées  et  une  ronde,  d'une  hauteur  de  vingt  à  vingt-cinq 
mètres,  qu'il  était  entouré  d'un  fossé  de  trente-cinq  mètres 
de  largeur  et  de  dix  mètres  de  profondeur,  qu'un  pont-levis, 
flarxjué  de  deux  de  ces  tours,  en  défendait  l'accès  et  qu'enfin 
sa  superficie  totale,  dépendances  comprises,  était  d'environ 
quatre  à  cinq  hectares. 

Balançon  eut  à  soutenir  des  sièges  fameux,  dont  l'histoire 
nous  entraînerait  trop  loin.  Qu'il  nous  suffise  de  rappeler 
qu'il  a  été  successivement  assiégé  par  La  Trémoille  en  1477, 
par  Tremblecourl  en  1595,  par  La  Meilleraie  en  1636,  par 
Beauquemare  en  1674  et  qu'enfin  il  servit  de  base  d'opéra- 
tions et  de  centre  de  ravitaillement,  ainsi  que  les  châteaux 
voisins  de  Pesmes  et  d'Ougney,  pendant  les  conquêtes  de 
Louis  XIV. 

C'est  ainsi  que  Bussy-Rabulin  s'exprime  au  commence- 


qu!  faisait  autrerois  communiquer  le  château  de  Balançon  à  celui  de  Mont- 
mirey-le-Chàteau.  On  montre  encore  dans  ce  dernier  l'entrée  présumée  de 
ce  souterrain  mais  aucune  fouille  n'est  venue  encore  confirmer  ce  fait. 
D'un  autre  côté,  bien  que  cela  ne  soit  pas  extraordinaire,  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  ces  deux  châteaux  sont  distants  Tun  de  l'autre  de  quatre 
à  cinq  kilomètres  en  ligne  droite. 

(l)  Jusqu'à  la  Révolution,  Thervay  s'écrivait  Tervay,  sans/i,  orthographe 
plus  conforme  à  son  étymologie.  il  est  vrai  que  quelques  étymologistes 
font  venir  Thervay,  Tervay,  Trevai,  de  8lrata  via,  rue  pavée.  En  effet,  la 
voie  romaine  de  Pontailler  à  Besunçon  traversait  ce  village  et  était  pavée, 
comme  l'étaieut  toutes  les  voies  romaines. 


—  232  — 

ment  de  ses  mémoires  :  «  Le  prince  de  Gondé  entra  à  la  fin 
de  May  dans  le  comté  de  Bourgogne  par  Auxonne  avec  une 
partie  de  l'armée  et  le  grand  maître  de  Tartillerie  par  Pon- 
tiùller  avec  l'autre,  de  laquelle  était  le  régiment  de  mon  père 
ffu'il  laissa  dans  la  ville  de  Pesme  après  Tavoir  prise  et  il  me 
donna  Tordre  de  me  saisir  d'un  château  nommé  Balançon  à 
deux  lieues  de  là  et  d'y  mettre  un  capitaine  avec  cinquante 
hommes  ». 

De  son  côté,  l'intendant  de  l'armée  française  Tarnelle  écri- 
vait de  Pesïnes  au  marquis  de  Louvois  :  «  Nous  venons  de 
prendre  les  châteaux  d'Ougney  et  de  Balançon,  tous  deux  au 
marquis  de  Varernhon,  situés  entre  TOgnon  et  le  Doubs  et 
qui  nous  incommodaient  fort  ». 

Le  duc  afTectionnait  tout  particulièrement  cette  princière 
demeure,  dont  il  avait  lui-même  surveillé  l'agencement  inté- 
rieur et  (ju'il  avait  meublée  avec  un  goût  exquis.  L'inventaire 
du  mobilier  fait  après  son  décès  et  que  M.  Gauthier  a  re- 
trouvé et  gi-acieusetnent  mis  à  notre  disposition  ne  laisse  au- 
cun doute  à  cet  égard. 

Les  jardins,  le  parc  et  le  boulingrin  avaient  été  dessinés  et 
tracés  suivant  la  mode  anglaise  :  c'était  là  une  innovation  en 
Franche-Comté  qui  devait  souvent  être  imitée  par  la  suite. 
On  avait  répandu  à  profusion  les  statues  de  marbre,  de 
pierre,  de  céramique,  dont  le  duc  avait  fixé  lui-même  les 
emplacements  et  dont  l'inventaire  nous  donne  une  curieuse 
description  II  faut  citer,  entre  autres,  deux  statues  représen- 
tant l'une  un  bûcheron  et  l'autre  une  baigneuse,  puis  cinq 
autres  en  terre  cuite  nous  montrant  un  groupe  d'enfants, 
une  vendangeuse,  une  marchande  de  fruits,  un  joueur  de 
flûte,  etc.  Une  seule  paraît  avoir  échappé  à  la  tourmente  ré- 
vululionnaire  et  se  trouve  à  Jallerange  (1),  dans  une  maison 
particulière. 

«  Au  centre  du  parc,  qui  était  superbe,  nous  dit  Marqui- 

(1,  Chez  M.  de  Jalleraiige. 


I 


Société  d'Emulation  du  Doubs,   1902. 


Le  Maréchal  duc  DE   RANDAN 

1704- 1773 


-  233  - 

set  dans  sa  statistique  de  rarrondissement  de  Dole,  l'artiste 
avait  su  ménager  une  rotonde  de  verdure  garnie  de  bancs  et 
au  milieu  de  laquelle  s'élevait  une  pyramide  élégante, 
chargée   de  bas-reliefs  sculptés  et  de  galantes  devises,  t 

Le  maréchal  de  Belle  Isle  vint  un  jour  avec  sa  femme 
rendre  visite  au  duc  de  Randan  à  Balançon.  La  description 
qu'il  donne  de  ce  château,  dans  une  lettre  datée  d'Oulins,  est 
intéressante  à  citer  :  «  Nous  sommes  partis  de  Plombières, 
Madame  de  Belle-Isle  et  moi,  le  9  pour  arriver  le  13  chez  le 
duc  de  Randan  à  Balançon,  après  avoir  passé  par  Verdun. 
C'est  un  vieux  château  sur  le  bord  de  la  rivière  du  Doubs 
(sic)  qui  traverse  des  prairies  immenses,  terminées  par  des 
coteaux  garnis  de  plusieurs  villages.  Le  duc  a  pratiqué  dans 
la  cage  de  l'escalier,  qui  est  vilaine  extérieurement,  vingt- 
huit  logements  de  maître  ;  ceux  que  j'ai  occupés  et  que  j'ai 
été  voir  sont  extrèjiement  commodes  et  agréables,  lia  fait 
un  magnifique  potager  qui  communique  par  des  allées  dans 
un  bois  qu'il  a  percé  et  accommodé  dans  le  modèle  de  la 
Ferté,  ce  qui  procure  des  promenades  à  l'infini  et  d'autant 
plus  agréables  que  le  terrain  est  doux  comme  du  velours  et 
toujours  sec  par  la  grande  quantité  de  rigoles  et  de  petits 
aqueducs  qui  en  tirent  toutes  les  eaux,  quelque  pluie  qu'il 
fasse.  En  total,  c'est  une  très  agréable  habitation,  d'autant 
plus  que  c'est  en  même  temps  une  très  belle  terre.  » 

C'est  dans  ce  cadre  merveilleux  et  que  je  ne  saurais  mieux 
dépeindre,  que  s'est  écoulée  en  grande  partie  l'existence 
franc-comtoise  du  duc  de  Randan,  et  c'est  là,  dans  un  vil- 
lage des  environs,  à  Thervay,  qu'a  été  retrouvé  son  portrait, 
égaré  sans  doute  pendant  la  Révolution,  et  conservé  à  peu 
près  intact  jusqu'à  ce  jour:  rare  épave  d'un  passé  déjà  loin- 
tain et  d'un  grand  nom  disparu. 

Aujourd'hui^  en  effet,  de  cette  illustre  demeure,  qui  a  été 
vendue  en  4793  comme  bien  national,  il  ne  reste  plus  que 
des  murs  délabré^*,  des  pierres  croulantes  et  retenues  à 
grand'peine  par  le  lierre  qui  les  enlace,  quelques  motifs 

16 


—  23i  — 

de  sculpture  finement  travaillés  dans  les  encorbellement.^ 
des  portes  et  des  fenêtres  et  où  domine  le  marbre  de  Sam- 
pans, et  dans  la  cour  d'honneur,  une  colonnade  en  pierre 
polie  surmontée  de  chapiteaux  renaissance  dont  les  côtés 
intérieurs  sont  encore  bien  conservés.  Des  quatre  tours, 
deux  existaient  il  y  a  peu  de  temps  encore  et  donnaient  au 
touriste  l'illusion  plus  complète  de  l'ancien  château-fort. 
Aujourd'hui  il  n'en  reste  plus  qu'une  seule  et  nous  ne  dou- 
tons pas  que  les  travaux  entrepris  par  son  nouveau  proprié- 
taire, M.  Druhen,  ne  conservent  à  notre  pays  ce  dernier 
vestige  d'une  de  nos  plus  puissantes  forteresses  féodales  et 
l'un  de  nos  plus  précieux  souvenirs  archéologiques  dont  les 
photographies  actuelles  ne  peuvent  malheureusement  nous 
donner  qu'une  bien  faible  idée  de  son  ancienne  importance 
et  de  sa  grandeur  passée. 

Rapports  du  duc  de  Randan  avec  la  Manicipalité. 

Malgré  le  faslo  somptueux  dont  le  duc  de  Randan  entou- 
rait son  existence  et  l'accroissement  des  dépenses  qui  en  ré- 
sultait pour  la  ville  de  Besançon,  les  rapports  entre  le  duc 
et  la  Municipalité  restèrent  empreints  d'une  grande  courtoi- 
sie, voisine  de  la  cordialité.  C'est  à  peine,  en  effet,  si  de 
temps  à  autre,  le  magistrat  ose  élever  de  timides  observa- 
tions. 

C'est  ainsi  (|ue  lorsque  le  duc  fut  nommé  pour  comman- 
der dans  la  province,  en  1741,  il  exigea  que  toutes  les  glaces 
de  l'hôtel  du  gouvernement  fussent  achetées  et  installées 
aux  Irais  de  la  ville.  C'était  là  une  torte  dépense  que  celle- 
ci  hésitait  à  accepter,  en  faisant  valoir  la  modicité  de  son 
budget  et  les  dépenses  toujours  croissantes  nécessitées  par  ^a 
situation  do  chef-lieu  delà  province  et  de  ville  de  guerre. l\ 


(I;  w  Sous  ranrien  régime,  ii  était  d'usaj^c  que  les  bourgeois  des  platvs 
fortes  devaient  le  logement  aux  militaires  de  la  garnison.  Les  villes  qui 


—  235  — 

mais  le  duc  passa  outre  et  nous  trouvons  dans  l'inventaire 
dressé  après  son  décès,  un  certain  nombre  d'objets  mobi- 
liers, et  parmi  eux,  beaucoup  de  glaces  avec  leurs  trumeaux 
qui  n'entrèrent  pas  en  ligne  de  compte  et  furent  restituées  à 
la  ville  (1). 

Lorsque  Louis  XV,  à  son  retour  de  Metz,  où  il  venait 
d'être  si  dangereusement  malade,  traversait  la  Fiance  aux 
acclamations  unanimes  de  son  peuple,  qui  l'avait  surnommé 
le  «  Bien  Aimé  »,  dût  s'arrêter  à  Vesoul,  le  duc  lui  présenta 
six  compagnies  très  richement  équipées  et  magnifiquement 
armées (2).  Il  reçut,  à  leur  endroit,  un  compliment  flatteur 
que  suivit  de  près  le  grade  de  lieutenant-général.  Pendant 
assez  longtemps,  la  ville  hésita  à  solder  la  dépense  de  cette 
coûteuse  intervention,  mais  elle  dut  céder  à  la  fin  à  l'in- 
jonction qui  lui  était  faite  :  le  duc  était  grand  et  voulait  faire 
grand. 

voulaient  exonérer  de  cette  charge  leurs  habitants  devaient  construire  à 
leurs  frais  des  casernes,  les  meubler  et  les  entretenir.  »  {Besançon  ei  ses 
environs,  par  A.  Castan,  nouvelle  édition,  complétée  et  mise  à  jour  par 

L.   PiNGADD.) 

Besançon  n'échappait  donc  pas  à  la  règle  générale,  et  on  retrouve  au- 
jourd'hui encore,  dans  toutes  les  casernes  de  la  ville,  d'anciennes  plaques 
de  cheminée  portant  au  centre  les  armes  de  Besançon,  avec  la  date  de  leur 
fabrication.  Ces  plaques,  qui  n'ont  plus  leur  raison  d'être,  les  cheminées 
ayant  disparu  des  casernes,  sont  utilisées  comme  dessous  de  poêles  pour 
protéger  les  parquets.  Aujourd'hui,  les  villes  font  parfois  des  sacrifices 
pécuniaires  énormes  pour  posséder  des  troupes  qu'elles  considèrent  comme 
une  source  de  revenus,  et  TEtat  bénélicie,  comme  autrefois,  de  cette  situa- 
tion, en  accordant  ce  qu'on  lui  demande  quand  cela  est  compatible  avec 
les  intérêts  de  la  défense  nationale  et  le  service  militaire. 

(1)  «  ...  Les  appartements  manquaient  de  glaces  :  la  municipalité,  mal- 
gré ses  résistances,  paya  cet  embellissement  deux  mille  sept  cent  quatre- 
vingt  livres.  »  {Mon  Vieux  Besançon^  par  G.  Coindre.) 

(2)  c  I^cs  compagnies  bourgeoises  faisaient  honneur  à  la  ville  lorsqu'elles 
défilèrent,  au  mois  d'oclobre,  devant  le  roi  Louis  XV  à  son  passage  à  Ve- 
soul. Equipées  de  neuf,  leur  tenue  était  un  habit  do  drap  de  Lodève  écar- 
late,  à  parements  de  panne  noire  et  brandebourgs  aux  couleurs  noire, 
jaune  et  rouge.  On  leur  avait  adjoint  trois  hautbois  et  un  basson,  dont  les 
instruments  étaient  drapés  de  volants  en  camelot  rouge.  »  (G.  Coindre, 
Mon  Vieux  Besançon,) 


—  2a(î  — 

Plus  lard,  en  1759.  la  ville  reçoit  la  duchesse  de  la  Tré- 
mouille,  fille  du  due  de  Uandan^  venue  à  Besançon  avec  la 
ducliesse  s;i  mère.  I^  municipalité,  nous  dit  Castan  dans  ses 
Soles  8ur  V histoire  municipale  de  Besançon^  soupait  d'ordi- 
naire à  riiôlel  de  ville  quand  une  réception  de  ce  genre 
avait  lieu,  mais  la  misère  des  temps  et  l'épuisement  de  la 
caisse  ne  le  permettaient  pas.  On  se  contenta  d'offrir  à  ces 
dames  des  giUeaux  et  des  confitures  sèches  <^). 

Plus  tard  encore,  en  1706,  la  pauvreté  de  la  ville  et  les 
économies  que  Ton  cherchait  à  réaliser  empêchèrent  de  faire 
ahoutir  le  pn^jet  du  gouvernement,  éminemment  hygiéni(|ue 
pourtant,  d'augmenter  le  nombre  des  lits  dans  les  ca- 
.<ernes,  alln  que  clKUfue  soldat  ait  scm  lit  et  que  les  hoinuies 
ne  soient  plus  obligés  de  coucher  deu.v  à  deux  «2  .  Les  ins- 
tances du  duc  de  Uandan  restèrent  sans  succès  II  est  vrai  de 
dire  qu'à  cette  époque  c'était,  comme  nous  le  savons,  à  la 
ville  (]u'ineombait  le  soin  de  meubler  les  casernes  en  grande 
partie  et  les  dépenses  de  ce  chef  s'étaient  accrues  singuliè- 
rement depuis  la  conquête. 

En  revanclie,  nous  allons  voir  comment  le  duc  savait  par- 
fois, quand  il  le  voulait,  conseiller  ol  même  au  besoin  im- 
poser des  économies. 

Le  G  janvier  1708,  il  est  créé  maréchal  de  France,  tout  en 
conservant  le  conunandement  militaire  de  la  province.  Les 
conseillers  nmnicqKiux,  cjui  se  faisaient  les  interprètes  de  la 
ville  entière,  voulurent  célébrer  col  événement  en  grande 
pompe  11  s  agis-ail  de  donner  un  bal  et  d'organiser  des  ré- 
jouissances publi(iues  dont  le  souvenir  fût  resté.  Le  duc  s'y 
opposa  en  raison  «  de  la  cheveté  des  vivres  el  de  la  rigueur 
de  Vhivcr  ».  F.n  même  temps,  il  faisait  distribuer  aux 
pauvres  de  la  ville  400  mesures  de  blé,  dont  les  curés  de 


(ij  Castan,  liiatoire  municipale  de  Besançon, 

(2i  Cette  coiituinc  a  pei>isté  jusquà  la  Kévolution.  Seule,  l'expressioa 
camarade  de  lit  a  subsisïtê  pour  indiquer  le  voisin  de  lit. 


-   237  — 

chaque  paroisse  furent  chargés  de  faire  la  répartition,  et 
6^000  livres  de  sa  cassette  particulière  aux  pauvres  de  ses 
terres,  que  son  intendant,  le  sieur  Isabey,  reçut  Tordre  de 
verser.  Quant  à  la  municipalilé,  malgré  la  défense  qui  lui  en 
avait  été  faite,  elle  fit  illuminer  néanmoins  devant  Thôtel  de 
ville  et  rhôtel  du  commandement. 

Entre  temps,  le  duc  de  Randan  s'occupait  des  affaires  de 
la  province,  dont  le  gouverneur,  qui  n'y  venait  que  rare- 
ment d),  lui  avait  laissé  toute  la  charge  ;  mais  il  ne  le  faisait 
que  d*une  façon  très  irrégulière,  en  raison  de  ses  absences 
nombreuses  et  de  longue  durée  de  Besançon  Aussi  son  pre- 
niier  soin  avait- il  été  de  pourvoir  son  neveu,  le  vicomte  de 
Lorges,  de  la  survivance  de  l'emploi  de  lieutenant  général 
en  Franche -Comté  et  quand  ce  dernier  mourut,  ce  fut  son 
propre  frère,  le  duc  de  Lorges,  Louis  de  Durfort,  qui  lui  fut 
associé  pour  commander  la  province,  et  qui  à  la  mort  du 
maréchal,  survenue  en  4773,  réunit  sous  son  nom  les  terres 
de  Ilandan  et  de  Lorges  et  le  remplaça  effectivement  et  no- 
minativement dans  tous  ses  titres  et  dignités.  Il  est  même 
question  dans  les  chroniques  d'un  vin  d'honneur  offert  par 
la  municipalité  au  duc  de  Lorges,  venu  pour  commander  à 
Besançon  en  l'absence  du  duc  de  Randan,  son  frère. 

Les  questions  militaires  semblaient  pourtant  l'intéresser 
davantage  et  primaient  toutes  les  autres  à  ses  yeux,  car  tout 
en  lui  rappelant  sa  jeunesse,  qui  s'était  passée  dans  les 
camps,  elles  devenaient  pour  lui  l'occasion  de  fêtes  magni- 
fiques et  d'invitations  nombreuses  dont  il  était  si  prodigue. 

A  cette  époque,  en  effet,  les  parades  militaires,  les  re- 
vues, les  exercices  et  même  ce  que  nous  appelons  aujour- 
d'hui les  grandes  manœuvres,  étaient  à  l'ordre  du  jour. 
C'est  ainsi  qu'au  printemps  de  l'année  1751,  eut  lieu  le  si- 


(1t  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  le  duc  de  Randan  est  souvent,  par 
erreur,  appelé  du  titre  de  go'tverneur^  bien  qu'il  n'ait  été  réelleuient  que 
lieutenant-général  au  gouvernement  de  Franche-Comté. 


—  238  — 

mulacre  d'un  siège  qui  fut,  paraîl-il,  très  intéressant.  On 
avait  construit  au  polygone  un  fort  en  miniature  muni  de 
toutes  ses  défenses.  Le  duc  de  Randan  vint  en  personne  en 
commander  Tattaque,  et,  pour  cette  manœuvre,  le  régiment 
de  Tressel  et  six  compagnies  de  la  milice  avaient  reçu 
Tordre  de  venir  se  joindre  à  la  garnison  de  la  place.  Ces  ma- 
nœuvres ne  différaient  de  celles  d'aujourd'hui  qu'en  ce 
qu'elles  servaient  le  plus  souvent  de  prétexte  à  de  grandes 
réjouissances  et  à  des  fêles  sans  égales.  Toute  la  noblesse  des 
environs  se  faisait  un  devoir  d'y  assister,  les  dames  suivaient 
à  cheval  ou  en  carrosse  comme  s'il  se  fût  agi  d'une  chasse 
à  courre,  et  le  soir  était  généralement  réservé  à  des  dîners 
de  gala,  des  réceptions  brillantes  ou  des  bals  improvisés. 

En  1752,  le  comte  d'Argenson,  alors  ministre  de  la  guerre, 
voulut  réglementer  ces  manœuvres  et  institua  des  camps 
d'instruction,  dont  six  furent  créés  l'année  suivante.  La  ville 
de  Gray  en  vit  un  s'installer  sur  les  bords  de  la  Saône.  Une 
instruction  royale  réglementait  l'administration  et  la  disci- 
pline de  ces  camps,  comme  par  exemple  :  «  l'obligation  pour 
tous  les  officiers,  y  compris  les  colonels,  de  camper  avec 
leur  régiment;  l'interdiction  faite  aux  officiers  de  chasser,  de 
jouer  aux  jeux  de  hasard,  etc.  Leurs  tables  seront  servies 
sans  luxe  ni  recherche,  et  dans  les  haltes,  il  ne  devra  être 
servi  que  des  viandes  froides  sans  aucun  ragoût  ni  autre  des- 
sert que -du  fromage  *>. 

Ces  instructions  n'étaient  pas  précisément  suivies  à  la 
lettre,  car  la  chronique  nous  apprend  que  chaque  soir  M.  de 
Randan  recevait  plus  de  cent  personnes  à  sa  table,  M.  de 
Beaumont  soixante,  etc.  Ces  dîners  se  prolongeaient  fort  tard 
et  duraient  une  partie  de  la  nuit.  Les  camps  d'instruction  de- 
vinrent des  camps  de  plaisance  et  il  est  peut-être  difficile 
aujourd'hui  de  nous  faire  une  idée  du  faste  qui  régnait  à  cette 
époque  où  chacun  se  disputait  les  invitations  de  ces  illustres 
personnages,  à  la  table  desquels  c'était  un  grand  honneur 
d'être  admis. 


—  239  — 

Le  camp  d'instruction  de  Gray  fut  donc  commandé  par  le 
duc  de  Randan,  ayant  sous  ses  ordres  le  comte  de  Graulle, 
commandant  la  cavalerie,  le  marquis  de  Montconseil,  com- 
mandant l'infanterie  et  enfin  son  propre  neveu,  le  comte  de 
Lorges. 

Ces  manœuvres  durèrent  du  l«'au  30  septembre.  Les  pre- 
miers jours  furent  employés  à  l'installation  et  à  l'organisation 
des  troupes.  Le  4  septembre,  le  duc  en  passa  la  revue  et  à 
ce  propos  écrit  au  ministre  qu'il  a  trouvé  toutes  les  troupes 
belles  et  bien  tenues.  «  Les  régiments  d'Alsace  ont  cependant, 
dit-il,  amené  beaucoup  de  malades,  mais  j'espère  que  le 
changement  d'air  et  le  beau  temps  les  rétabliront  complète- 
ment. Les  troupes  témoignent  bonne  volonté  et  le  début  me 
donne  tout  lieu  d'espérer  que  vos  instructions  seront  parfai- 
tement remplies  ». 

Plus  loin,  il  expose  le  programme  qu'il  compte  appliquer. 
€  Messieurs  les  inspecteurs  vont  d'abord  exercer  séparément 
les  troupes  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  en  état  d'être  rassem- 
blées. Je  compte  qu'elles  pourront  l'être  dans  quelques  jours 
et  que,  dans  les  premiers  jours  de  la  semaine  prochaine,  nous 
commencerons  à  faire  alternativement  avec  les  exercices  et  les 
évolutions,  les  manœuvres  générales  que  j'ai  projetées  et  qui 
seront  très  instructives  dans  les  terrains  que  j'ai  reconnus  ». 

Les  exercices  continuèrent  alors  en  suivant  une  progres- 
sion marquée.  Le  10,  il  y  eut  un  <r  fotin^nge  ».  Le  duc  de 
Randan  en  rend  compte  au  ministre  de  la  façon  suivante  : 
«r  J'ai  fait  avant-hier.  Monsieur,  un  fourrage  dont  vous  verrez 
ci-joint  le  détail  et  la  carte.  Je  ne  peux  donner  assez  d'éloges 
à  l'infanterie.  Toutes  les  manœuvres  ont  été  exécutées  avec 
la  plus  grande  précision  La  cavalerie  témoigne  également 
bonne  volonté,  mais  n'est  pas  aussi  instruite.  Je  vais  lui  faire 
faire  un  exercice  général,  etc.  ». 

On  voit  de  suite  que  c'est  un  ancien  colonel  de  cavalerie 
qui  parle  et  qui  sait  reconnaître  les  moindres  fautes  d'une 
arme  dans  laquelle  il  a  brillamment  servi. 


—  240  — 

Le  14  septembre  eut  lieu  une  manœuvre  à  double  action. 
Le  parti  de  l'attaque  était  commandé  par  le  comte  de  Lorges 
et  celui  de  la  défense  par  le  marquis  de  Montconseil  qui  oc- 
cupait, en  avant  de  Gray,  les  deux  côtés  de  la  route  qui  s'é- 
tend de  Gray  à  Dole.  Toutes  les  instructions  générales  et  de 
détail  furent  données  par  le  duc  de  Randan,  qui  rappelle 
entre  autres  les  prescriptions  du  ministre  qu'il  est  expres- 
sément défendu  à  «  tous  soldats  d'avoir  aucune  balle  ni 
plomb  ou  moule  pour  en  couler,  de  cueillir  aucuns  fruits, 
herbages  ni  légumes...;  de  couper  aucun  arbre  fruitier  ou 
autre,  ni  aucune  haie,  ni  d'entrer  dans  les  vignes,  etc.  ». 
L'action  se  déroula  entre  Champvans  et  Gray  ;  il  y  eut  des 
attaques,  des  combats  d'infanterie,  charges  de  cavalerie,  re- 
traites, etc.  Tout  avait  été  prévu  pour  la  bonne  instruction 
de  tous. 

Le  IH,  les  troupes  décampèrent,  passèrent  la  Saône  et 
vinrent  occuper  les  hauteurs  en  arrière  et  au  nord  de  la  ville 
de  Gray,  où  les  exercices  continuèrent  comme  dans  la  pre- 
mière période. 

Il  y  eut,  notamment,  «  un  fourrage  t  le  22  septembre  et 
une  manœuvre  générale  le  24,  à  laquelle  toutes  les  troupes, 
divisées  en  deux  armées,  l'une  française,  l'autre  anglaise, 
prirent  part.  Malgré  cela,  leur  nombre  n'était  pas  très  élevé 
en  raison  de  la  diminution  progressive  des  effectifs  parle  tait 
des  malades,  aussi  le  duc  de  Randan  s'appliqua- t-il  surtout 
«  à  renfermer  dans  ce  simulacre  de  combat  plusieurs  diffé- 
rents mouvements  d'exercices  et  à  y  faire  pratiquer  les  diffé- 
rents feux  prescrits  par  les  nouvelles  instructions  ». 

La  dislocation  eut  lieu  à  partir  du  29  septembre  et  les 
troupes  regagnèrent  leurs  garnisons  respectives  (t). 

(1)  Les  camps  dinsiruclion  réunis  en  1753  étaient  au  nombre  de  six  : 
en  Hainaut,  à  Aymeries-sur-Sambre;  en  Cbampagne,  à  VUlers  près  Maixiè- 
res;  dans  le  pays  Messin,  sous  Sarrelouis;  en  Alsace,  à  Erslin;  en  Franche- 
Comté,  près  de  Gray,  et  en  Languedoc,  à  Beaucaire.  —  Leur  but  était,  en 
dehors  de  i'iustruclion  à  donner  aux  troupes,  de  masquer  les  mouvements 


-  241  — 

Ces  grands  rassemblements  de  troupes,  qui  avaient  pour 
but  l'instruction  militaire,  n'étaient  pas  les  seuls  en  honneur 
à  celte  époque,  les  revues  et  les  parades  étaient  fréiiuentes 
C'est  ainsi  que  la  pose  de  la  première  pierre  d'une  caserne 
ou  d'un  fort  servait  de  prétexte  à  des  solennités  militaires  ou 
à  des  réjouissances  nombreuses,  auxquelles  le  peuple,  qui  a 
toujours  aimé  les  fêtes  publiques,  prenait  une  large  part. 

En  4741,  on  décide  de  construire  un  nouveau  pavillon  mi- 
litaire sur  la  place  des  casernes,  du  côté  de  Bregille  (1).  Le 
40  août,  jour  fixé  pour  la  cérémonie,  le  maréchal  donna 
Tordre  aux  compagnies  bourgeoises  de  prendre  les  armes 
avec  drapeaux  et  fanfares  Les  troupes  se  réunissent  sur  la 
place,  où  le  duc  se  rend  à  clieval,  suivi  d'une  brillante  es- 
corte, tout  en  s'étant  fait  attendre  très  longtemps.  A  son  ar- 
jrivée,  il  reçoit  les  compliments  de  la  municipalité  et  passe 
la  revue  des  troupes,  qu'il  fait  ranger  ensuite  en  demi-cercle 
autour  d'un  fossé  préparé  à  l'avance  et  où  devait  être  posée 
la  première  pierre.  Le  manuscrit  de  l'avocat  Grimont,  qui 
nous  donne  les  détails  qui  vont  suivre,  nous  apprend  que  le 
maréchal  descendit  alors  dans  le  fossé.  Il  se  revêtit  d'un  ta- 
blier de  maçon,  on  lui  présenta  une  truelle  et  du  mortier  sur 
deux  plats  bassins  d'argent  et  ce  fut  au  son  des  violons,  des 
hautbois,  des  timbales  et  des  trompettes  et  au  bruit  des 
boîtes  à  mitraille,  que  l'on  faisait  éclater  sans  interruption  du 
haut  des  remparts,  que  le  maréchal  posa  et  scella  la  pre- 
mière pierre  de  la  caserne.  Cette  solennité  se  termina  par  un 
défilé  des  troupes,  auquel  assistaient  l'archevêque  et  son  cha- 
pitre, les  conseillers  municipaux  et  tous  les  hauts  fonction- 
naires de  la  ville.  Puis,  ce  fut  aux  cris  mille  fois  répétés  de 
a  Vive  le  maréchal  «,  a  Vive  Monseigneur  »,  que  le  duc  fut 
ramené  triomphalement  à  son  hôtel,  dans  la  rue  de  Cha- 
niars. 

et  les  rasseiiibleinenls  en  cas  dhostilité  imprévue.  {Revue  d'histoire  rédi- 
gée à  Vétal-major  de  larmée  (section  hisloiiquc-,  aiin«'*<*  11H>2. 
(i)  Ce  pavillon  a  été  construit  par  Longiii,  architecte  de  la  ville. 


—  242  — 

Nous  savons  que  la  police  de  la  ville  était  assurée  à  cette 
énoque  par  des  militaires  qui,  parfois,  outrepassaient  leurs 
droits  et  usaient  trop  largement  de  leurs  prérogatives  en  fai- 
sant des  arrestations  qui,  aux  yeux  des  bourgeois,  pouvaient 
paraître  arbitraires.  Ce  fut  là  souvent  un  objet  de  plaintes  de 
la  part  du  magistrat  qui,  après  de  nombreuses  requêtes,  ob- 
tint que  chaque  patrouille  fût  accompagnée  d*une  personne 
de  la  ville.  C'est  ainsi  que  le  duc.  ayant  donné  Tordre  que 
les  j)()rtes  de  la  ville  fussent  fermées  le  soir  en  toute  saison, 
riiiver  à  cinq  lieures  et  demie  et  l'été  à  huit  heures,  ce  dont 
les  hid)il;uits  étaient  avertis  par  un  c<aip  de  cloche,  une  heure 
avant  la  fermeture,  la  municipalité  désigna  un  certain  nombre 
de  bourgeois  qui,  chaque  jour,  au  nombre  de  six,  devaient 
prendre  la  garde  et  accompagner  les  patrouilles  dans  toutes 
les  rues  de  la  ville.  C'était  un  moyen  de  réprimer  ainsi  le  zèle, 
parfois  excessif  des  soldats,  tout  en  évitant  les  arrestations 
arbitraires  dont  nous  venons  de  parler. 

Kn  1702,  le  duc  donna  Tordre  d'établir,  en  arrière  du  corps 
de  garde  de  l'hùlel  de  ville,  une  piison  spéciale  pour  y  rece- 
voir les  maraudeurs  arrêtés  pendant  la  nuit  et  y  enfermer  les 
filles  de  mauvaise  vie  ainsi  que  les  «  carillonneurs  f,  nous 
dit  Castan,  qui  «  essaieraient  de  faire  violence  à  la  garde  ». 
C'est  le  premier  essai  dans  notre  pays  de  ce  que  Ton  appelait 
déjà  à  cette  époque  «  le  violon  »,  mot  dont  Tétymologie  reste 
néanmoins  très  obscure  d). 

Le  6  janvier  1768,  le  duc  de  Randan  est  nommé  maréch«il 
de  France,  tout  en  conservant  le  commandement  militaire  de 
la  province  de  Franche-Comté.  Immédiatement  la  municipa- 
lité, en  même  temps  qu'elle  lui  adressait  ses  compliments  et 


ti,  Quelques  étvînologistes  supposent  qu'à  celte  époque  le  local  de  la 
prison  avait  la  forme  ohlon^ue  d'une  boile  à  violon!  Mais  il  nous  parait 
plus  siu){ile  (ladmetlve  que.  coiuine  on  iie  peut  pns  danser  s;ins  violon,  la 
police  ollVait  le  violon  à  ceux  qui  chantaient  et  dansaient  dans  la  rue.  c  est- 
a-dire que  Ton  conduisait  au  poste  ceux  qui  faisaient  du  tapage  ou  du 
scandale  dans  la  rue.  à  des  heures  indues. 


—  243  — 

ses  félicitations  pour  la  haute  dignité  dont  il  venait  d*étre  in- 
vesti, donnait  Tordre  d'illuminer  et  de  pavoiser  les  maisons 
et  les  édifices  publics,  malgré  l'avis  qu'elle  avait  reçu  du  ma- 
réchal, comme  nous  l'avons  déjà  vu,  de  ne  faire  aucune  dé- 
pense, <•  en  raison  de  la  chèreté  des  vivres  et  de  la  rigueur 
de  l'hiver  ». 

Peu  de  temps  après,  la  municipalité  eut  l'occasion  de  se 
dédommager  amplement  :  l'enirée  solennelle  du  maréchal  à 
Besançon  devait  être,  en  effet,  l'occasion  de  grandes  fêtes, 
qui  eurent  lieu  le  "22  juin  suivant.  Toutes  les  troupes  étaient 
échelonnées  le  long  des  rues  où  devait  passer  le  cortège;  les 
maisons  étaienl  décorées  de  feuillage,  d'oriflammes  et  de  dra- 
peaux aux  armes  du  duc  auxquelles  on  avait  ajouté  l'insigne 
du  maréchalat,  deux  bâtons  croisés  en  sautoir;  d'immenses 
transparents  avaient  été  placés  de  distance  en  distance  avec 
cette  devise,  que  la  municipalité  avait  eu  le  soin  de  dicter 
aux  habitants  :  «  Vive  Monseigneur  le  maréclial  de  Lorges  ». 
l)e  grandes  précautions  avaient  même  été  prises  pour  préve- 
nir les  accidents;  c'est  ainsi  que  les  rues  pavées  avaient  été 
recouvertes  de  paille  pour  éviter  les  glissades  des  chevaux. 

C'est  à  Château -Farine  que  le  maréchal  monta  à  cheval  et, 
suivi  d'une  escorte  brillante  et  nombreuse,  il  se  dirigea  sur 
Besançon  En  passant  devant  le  polygone,  le  cortège  est 
salué  par  de  nombreux  coups  de  canon  qui  se  succèdent  sans 
interruption. 

A  l'entrée  de  la  ville,  le  maire  attendait  avec  les  conseillers 
municipaux  et  les  membres  du  parlement,  tous  en  grand 
costume,  robe  de  soie  noire  rehaussée  de  satin  cramoisi.  Il 
présenta  au  duc  de  Randan  les  clés  de  la  cité  sur  un  plateau 
d'argent.  Le  peuple  fit  alors  retenlir  l'air  de  ses  cris  d'allé- 
gresse et  de  ses  vivats  prolongés,  et  c'est  au  milieu  d'une 
double  rangée  de  soldats,  qui  contenait  à  grand'peine  la 
foule  accourue  de  très  loin,  que  le  maréchal  fit  son  entrée  à 
Besançon,  répondant  par  des  saluts  aimables  à  toutes  ces  ac- 
clamations. 


—  244  — 

Le  cortège,  qui  se  composait  de  vin^t-quatre  voitures,  en 
lèle  desquelles  marchaient  celle  de  l'archevêque,  celle  du 
chapitre  puis  celle  de  la  municipalité,  qui  avait  renoncé  à 
chevaucher  à  la  portière  du  carrosse  du  niaréchal.  à  la  suite 
d'une  aventure  malheureuse  survenue  jadis  à  quelques-uns 
de  ses  membres,  cavaliers  improvisés  (^),  fit  son  entrée  en 
ville,  sous  un  arc  de  triomphe  magnifKiuement  décoré  et  se 
déroula  ainsi  à  travers  les  rues  jusqu'à  riiôtel  du  commande- 
mont,  où  un  nouvel  arc  de  triomphe  était  dressé. 

Les  jeux  et  les  amusements  continuèrent  alors  pour  les 
hahiliints  :  il  y  eut  notamment  des  fontaines  de  vin  installées 
sur  [)lusieurs  points  de  la  ville,  ce  qui  était  alors  une  réjouis*- 
sance  très  en  honneur  dans  les  fêtes  populaires,  que  n'ont 
remplacé  que  très  iniparfaitement  nos  fontaines  lumineuses 
de  ces  dernières  années  et,  le  soir,  il  y  eut  grand  bal  public 
et  illumination  générale. 

La  ville  offrit  également  au  duc,  en  souvenir  de  son  éléva- 
tion à  la  dignité  de  maréchal,  un  jeton  d'argent  dont  nous 
trouvons  la  description  dans  un  des  annuaires  pour  le  dépar- 
tement du  Doubs   publié  sous  la  direction  de  M.  Gauthier. 

«  Au  droit  sur  un  manteau  duc<il,  avec  deux  bâtons  de  ma- 
réchal en  sautoir,  deux  écus  :  Durfoit  de  Lorges  et  Poitiers 
avec  celte  devise  :  Tutatur  et  Ornai.  » 

«  Au  revers  :  sur  un  cartouche  de  style  Louis  XV  décadent 
dans  un  ovale,  les  armes  de  Besançon.  Au-dessus  Utinam 
sur  une  banderole.  A  Texergue  :  Civitas  hisuntina  176H.  • 

Pour  l'arrivée  de  la  maréchale,  qui  eut  lieu  un  mois  après, 
le  *20  juillet,  la  réception  fut  beaucoup  plus  simple  et  il  n'y 


;1",  «  Le  procureur  moulé  nous  rappelle  que  le  corps  municipal  cavalca- 
dait  aux  représenl allons  solennelles  :  les  conseillers  à  clieval  étaient  coiffes 
(l'un  chapeau  à  ganse  d'or,  mais  les  bottes  et  éperons  leur  étaient  interdits, 
(^es  dievauchées  n'étaient  pas  des  plus  sportives,  et  les  cavaliers  improvi- 
s«'*s  ayant  plusieurs  fois  couru  des  danjrers.  un  jour  spécialement  aux  [>or- 
tines  du  duc  de  Durfoit.  on  préféra,  pour  les  députations.  des  carrosses. 
Li  cj)mmodité  en  est  restée.  »  diaston  Coinure,  Mon  Vieux  Be*>ançon.\ 


-  245  — 

eut  ni  illuminations  ni  réjouissances  publiques,  en  raison  du 
deuil  dans  lequel  étaient  plongées  la  monarchie  et  la  nation 
par  suite  du  décès  de  la  reine. 

Le  magistrat  se  contenta  d'aller  saluer  la  maréchale  à  son 
arrivée  à  la  porte  d'Arènes,  qui  était  garnie  de  feuillage  et 
d'écussons  à  ses  armes  et  h  celles  de  son  mari.  On  lui  oiïrit 
deux  médailles  d'or,  du  poids  de  vingt-cinq  livres  les  deux, 
(jui  étaient  gravées  d'un  côté  aux  armes  de  la  duchesse  et, 
do  l'autre,  à  celles  de  la  ville,  avec  deux  bourses  de  jetons 
en  argent,  du  poids  de  (juarante  sols.  Il  y  en  avait  un  cent 
dans  chnciue  bourse  (^t  les  bourses  étaient  de  velours  cra- 
moisi avec  franges  et  broderies  d'or. 

Nous  venons  de  voir  qu'en  résumé  les  ra|)ports  entre  le  duc 
et  la  municipalité  de  Besançon  furent  toujours  très  courtois, 
malgré  les  intérêts  souvent  opposés  qui  étaient  en  présence. 
—  La  pénurie  des  deniers  publics  et  l'impossibilité  qui  en 
résultait  pour  la  ville  de  pouvoir  répondre  comme  elle  l'eût 
désiré  aux  exigences  fastueuses  du  duc  de  Randan  furent  les 
seules  causes  de  dissensions  passagères  que,  de  coté  et 
d'autre,  une  mutuelle  bonne  volonté  sut  aplanir  avec  tous  les 
ménagements  désirables.  Puis,  il  faut  bien  le  <lire,  les  habi- 
tants aimaient  leur  maréchal,  dont  le  nom  est  resté  longtemps 
populaire  dans  le  pays,  à  cause  précisément  de  la  grandeur 
et  lie  la  somptuosité  de  son  existence,  qui  éblouissaient  tout 
le  monde  et  dont  chacun  voulait  tirer  profit.  Aussi  ne  sera-t-il 
pa.s  étonnant  de  constater*  tout  à  l'heure  que  sa  mort  fut  un 
deuil  public  pour  la  province  et  en  particulier  pour  la  ville 
de  Besançon. 

Liaison  du  duc  de  Randan  avec  W^''  de  Ghevigney. 

Le  mariage  du  duc  de  Randan  avec  M"«  de  Poitiers  n'avait 
été  que  ce  qu'il  était  souvent  à  celte  époque,  l'alliance  d'un 
l^ratid  nom  avec  une  grande  fortune.  C'était  avant  tout  ce 
que  nous  appelons  aujourd'hui  un  mariage  de  raison  où  l'in- 


—  246  — 

clinalion  n'avait  dû  avoir  qu'une  bien  faible  part,  ce  qui  n'é- 
tait [.as  de  nature,  du  reste,  à  apporter  un  frein  à  rexi»tence 
galante  du  maréchal. 

De  ce  mariage  était  née  une  fille,  mariée  en  1751  au  duc 
de  la  rrémoille  ;  elle  avait  alors  dix-sept  à  dix-huit  ans  et 
son  mari  quatorze  à  peine  ;  aussi  la  fit  on  immédiatement 
rentrer  dans  son  couvent  après  la  cérémonie  et  elle  ne  put 
même  pas  t  aller  dîner  avec  son  mari  ».  C'était  là  dans  la 
vie  réelle  ce  qu'on  ne  rencontre  plus  aujourd'hui  que  dans 
les  scènes  d'opérette.  Cette  séparation  dura  jusqu'à  ce  que 
le  jeune  duc  eût  atteint  Tûgc  d'homme,  et  sa  femme  mourut 
bientôt  après  sans  enfants,  en  1702  '1  ■. 

Des  nombreuses  aventures  galantes  auxquelles  fut  mêlé 
le  duc  de  Randan  et  qui  furent  le  plus  souvent  banales  et 
sans  importance,  le  mieux  est  certainement  de  les  passer 
sous  silence,  mais  il  ne  peut  en  être  de  même  de  la  pas- 
sion que  sut  lui  inspirer  M^^**  de  Chevigney,  passion  qui  ré- 
sista au  temps  en  se  transformant  doucement  en  un  attache- 
ment durable  et  une  liaison  intime  qui  ne  cessa  qu'à  la  mort 
du  maréchal  en  1773,  et  qui  eut  sur  la  province  une  in- 
fluence considérable.  Cette  influence  lut  telle  que  W^  de 
Chevigney  mérite  plutôt  le  titre  de  favorite  que  celui  de 
maîtresse,  et  nous  devons  reconnaître  à  sa  louange  qu'elle 
sut  ne  pas  en  abuser. 

M.  de  Beauséjoura  bien  voulu  nous  communiquer  quel- 
(|ues  notes  intéressantes  qu'il  possède  à  ce  sujet  (^\  en 
même  temps  qu'il  nous  faisait  admirer  un  très  beau  pastel 


(1>  M.  Gaston  de  Boaust'jour,  dans  son  discoui-s  de  réception  à  TAcndt^- 
mic  des  scionots,  lettres  et  arts  de  Hesanoon,  où  il  relate  les  derniers 
jours  dn  ohùtcaii  de  IVsmes,  nous  parle  d'un  mariage  analogue  entre 
M"*  de  (Ihoiscul ,  àjïôe  de  li  ans,  et  son  cousin,  le  (ils  du  marquis  de 
Choiseul  La  Baume,  âgé  de  17  ans.  et  qui  se  termina,  après  la  céréraoïiif, 
par  la  rêinléiîralion ,  dans  son  eouvont  de  Tabbaye  au  Bois,  de  la  jeune 
épouse. 

(2)  Gaston  DE  Bf:ai:si'joi:r,  Noies  inédites  sur  la  Franche-Comté. 


—  247  — 

représentant  M^^^^  de  Ghevigney,  et  que  nous  sommes  heu- 
reux de  pouvoir  reproduire  ici. 

Dans  ce  portrait,  où  la  fraîcheur  le  dispute  à  la  grûce,  on 
retrouve  toutes  les  qualités  de  Tépoque  si  bien  synthétisées 
plus  tard  dans  les  compositions  de  Greuze  :  de  grands  yeux, 
une  petite  bouche,  des  joues  roses  et  rondes,  un  moelleux 
infini  dans  l'expression  des  traits,  et  enfin  cet  air  à  la  fois 
innocent  et  mutin  qui  fait  pensera  une  jeune  pensionnaire 
échappée  de  son  couvent,  si  ce  n'était  le  décolleté  voulu  de 
la  poitrine,  qui  montre  des  formes  admirables. 

Nous  avons  eu  la  bonne  lortune  de  retrouver  un  second 
portrait  de  Ml'®  de  Ghevigney,  mais  à  un  âge  assez  avancé, 
et  nous  devons  à  l'obligeance  de  M'""»  Bressan,  la  proprié- 
taire actuelle  du  chàleau  de  Ghevigney,  de  pouvoir  le  mettre 
en  comparaison  avec  le  premier  Ce  sont  bien  les  mêmes 
traits,  mais  épaissis  et  parsemés  de  rides  habilement  dis- 
simulées. L'air  est  noble  et  grand,  le  regard  assuré  et  tout 
l'ensemble  de  la  physionomie  révèle  une  femme  forte,  à  vo- 
lonté bien  arrêtée  et  en  quelque  sorte  sûre  d'elle  même  et 
de  son  empire.  Ce  poitrait  n'a  jamais  quitté  le  château  de 
Ghevigney,  avec  lequel  il  a  été  vendu  par  M™^  tle  Boudeaux, 
héritière  testamentaire  de  W^^  de  Ghevigney.  C'est  un  mé- 
daillon sur  cuivre  qui  n'est  ni  signé  ni  daté,  placé  dans  un 
petit  cadre  ovale  de  style  Louis  XVL  en  bois  doré  et  sculp- 
té. M^ï'de  Ghevigney  est  revêtue  d'une  robe  rouge  grenat, 
légèrement  échancrée  sur  la  poitrine  et  garnie  de  fines  den- 
telles. La  tète  est  poudrée  à  frimas  et  recouverte  en  partie 
du  voile  à  cornette  dont  la  vogue  était  si  grande  à  la  Vm  du 
XVIII*  siècle  0). 

Mil**  Gabrielle  de  Ghe vigne v  était  la  fille  cadette  de  Claude- 


Ci/  11  existait  de  M"«  de  Ghevigney  un  autre  portiait,  où  elle  était  repré- 
àentée  en  pied,  assise  près  d'une  table  cliai  gée  de  fruits,  et  qui  est  devenu 
la  propriété  de  M"«  de  Résie,  sa  nièce,  qui,  frustrée  de  l'héritage  de  sa 
tante,  put  obtenir  de  M"**  Boudeaux,  l'héritière  testamentaire,  la  permis- 
sion d*emporter  ce  portrait  Nous  ne  savons  pas  ce  qu'il  est  devenu. 


-  248  — 

François  d'Aubert,  seigneur  des  deux  Résies  et  chevalier  à 
la  chambre  des  comptes  de  Dole  A). 

C'était  une  fort  belle  personne,  comme  nous  pouvons  en 
juger  par  les  deux  portraits  que  nous  reproduisons,  et  bien 
capable  d'inspirer  au  duc  cotte  passion  tenace  que  rien  ne 
put  ellacer  et  dont  les  mœurs  de  Tépoque,  comme  nous  le 
savons,  paraissaient  très  bien  s*accommoder.  Avoir  une  maî- 
tresse n'avait  alors  rien  de  particulièrement  déshonorant, 
et  quel  rigoriste  eût  pu  blâmer  un  si  haut  personnage 
qu'était  le  duc  de  Randan  et  un  homme  aussi  puissant.  Du 
reste,  chacun  espérait  bien  en  tirer  avantage  et  profit,  car  la 
dame  de  Chevigney,  comme  on  l'appelait  alors,  était  bien  la 
personne  la  plus  obligeante  et  la  plus  dévouée  que  Ton  pût 
rencontrer;  aussi  le  nombre  de  ses  obligés  ne  tarda-t-il  pas 
à  devenir  considérable.  Possédant  le  cœardu  duc,  elle  savait 
très  aimablement  mettre  à  contribution  le  crédit  dont  elle 
jouissait  et  dont  la  source  n^était  pourtant  ni  très  honnête, 
ni  très  licite,  pour  obtenir  de  son  illustre  amant  des  faveur> 
et  des  grâces  qui  étaient  acceptées  avec  reconnaissance  et 
qui  généralement  étaient  considérées  comme  bien  méritées. 
Bien  des  gens  dont  cette  «  Pompadour  au  petit  pied  f^  ac- 
cueillait avec  bonté  les  demandes  et  les  placets,  n'eurent 
qu'à  se  louer  de  son  intervention  et  jamais  elle  n'abusa  de 
sa  situation  de  favorite  pour  exercer  des  rancunes  ou  pour 
nuire  à  qui  que  ce  soit.  C'est  ce  qui  nous  explique  qu'à  la 
mort  du  duc,  M'^"  de  C^hevigney  s'étant  retirée  à  Besançon, 
dans  un  appartement  de  la  Grande-Rue(2  ,  appartenant  au 
sieur  Pocliet  que  l'annuaire  de  1/89  nous  donne  comme 
«  receveur  des  épices  du  Parlement  et  négociant  >»,  son  sa- 
lon continua  à  être,  comme  par  le  passé,  le  rendez-vous  de 

il)  Le  cliàteau  de  M.  d'Aubert  de  Résie  existe  encore  aujourd'hui  au  vil- 
lage de  la  Grandc-Hésie,  sur  la  route  de  (iray  à  Dole,  et  appartient  à  M.  le 
comte  de  Sainte-Marie. 

(2)  La  maison  porte  aujourd'hui  le  iv  73  G.  Coindrk,  \fon  Vieux  Be* 
sançon). 


—  249  — 

tout  ce  que  la  ville  comptait  de  personnages  marquants  et 
connus. 

Elle  mourut  à  Ghevigney,  où  elle  s'était  réfugiée  dès  le 
début  delà  Révolution,  le  !«'  nivôse,  an  V  de  la  République, 
à  ïâige  de  quatre-vingt-cinq  ans,  au  moment  où  venait  de 
sombrer  le  régime  qui  avait  vu  son  élévation  et  sa  gran- 
deur (^). 

Son  nom  est  resté  dans  le  pays  comme  celui  d'une  per- 
sonne très  charitable  et  qui  n'avait  profité  de  la  haute  situa- 
lion  qui  lui  avait  été  dévolue  dans  le  département  des  grâces 
et  des  laveurs  que  pour  aider  et  rendre  service  à  tous  ceux 
qui  l'approchaient.  Mallieureusement  l'époque  troublée  pen- 
dant laquelle  elle  mourut  ne  permit  pas  qu'elle  fût  enterrée 
suivant  sa  condition,  et  rien  ne  rappelle  aujourd'hui  l'en- 
droit exact  où  elle  fut  inhumée  dans  l'ancien  cimetière  qui 
entoure  la  petite  église  de  Ghevigney.  Au  dire  des  plus 
vieux  habitants  du  village,  qui  tiennent  ce  renseignement 
de  leurs  parents,  le  corps  de  Mi^«  de  Ghevigney  fut  déposé 
dans  le  passage  qui  se  trouve  entre  le  mur  de  clôture  des 


(1)  Voici,  à  litre  de  document,  l'acte  de  décès  do  M"' de  Ghevigney,  que 
nous  avons  retrouvé  en  compulsant  les  registres  de  l'état  civil  de  la  com- 
mune de  Ghevigney,  et  où  les  titres  de  noblesse  sont  naturellement  sup- 
primés : 

«  Aujourd'hui  premier  nivôse,  an  V  de  la  République  française  une  et 
indivisible,  à  huit  heures  du  matin,  par-devant  moi  Etienne  Chavanne, 
agent  municipal  et  officier  public  de  la  commune  de  Ghevigney,  chargé  par 
la  loi  du  2  fructidor,  autorisé  pour  constater  les  actes  destinés  à  contrôler 
les  naissances,  mariages  et  décès  des  citoyens,  ont  comparu  en  la  maison 
commune  d'une  part  :  Françoise  Guychard.  âgée  de  52  ans,  domiciliée  en 
ladite  commune,  et  Etienne  Suchet,  âgé  de  60  ans,  domicilié  également 
en  ladite  commune,  les  deux  domestiques  de  In  citoyenne  Gabrielle  Aubert, 
lesquels  m'ont  déclaré  que  ladite  Jeanne-Gabrielle  Aubert  était  morte  hier 
soir,  à  dix  heures,  en  son  domicile.  D'après  cette  déclaration,  je  me  suis 
assuré  du  décès  de  ladite  Jeanne-Gabrielle  Aubert,  et  j'en  ai  dressé  le  pré- 
sent acte,  que  Françoise  Guychard  a  signé  avec  moi,  et  Etienne  Suchet  a 
déclaré  être  illettré. 

1»  Fait  en  la  maison  commune  de  Ghevigney  les  jour,  mois  et  année  que 

dessus. 

»  Signé  :  Chavanne,  agent.  Guychard.  » 

17 


—  250  — 

jardins  du  château  el  celui  de  la  petite  chapelle  latérale 
adossée  à  Téglise,  qui  lui  était  réservée,  et  dont  la  fenêtre 
est  encore  surmontée  de  son  blason  (<>. 

Elle  habitait,  au  moment  de  sa  liaison  avec  le  duc,  sa 
terre  de  Chevigney,  voisine  de  celle  de  Balançon,  et  il  est 
probable  que  c'est  dans  une  de  ces  nombreuses  fêtes  que 
le  duc  aimait  à  donner  et  auxquelles  il  invitait  toute  la  no- 
blesse des  environs,  qu'il  eut  occasion  de  la  voir  et  de  s'é- 
prendre de  ses  charmes.  Dès  lors,  chaque  matin^  un  cour- 
rier à  cheval  r^  partit  de  Balançon  pour  porter  à  Chevigney, 
distant  de  trois  à  quatre  lieues  environ,  les  compliments  et 
les  espérances  du  duc  et  eu  rapporter  les  réponses  plus 
qu'encourageantes  de  M**«  de  Chevigney. 

Bientôt  cette  liaison  ne  fut  un  secret  pour  personne  et 
M"«  de  Chevigney  ne  quitta  plus  le  duc,  l'accompagnant  dans 
tous  ses  déplacements,  à  Balançon,  à  Besançon  ou  à  Paris. 

Chevigney  reçut  également,  à  maintes  reprises,  la  visite  de 
l'illustre  amant  et  nous  retrouvons  dans  les  archives  de 
M.  G.  de  Beauséjour  une  pièce  intéressante  à  cet  égard,  car 
elle  est  datée  de  Chevigney,  du  5  novembre  1772,  ce  qui  in- 
dique bien  que  le  duc  devait  y  résider  assez  souvent. 

«  Les  insolences  des  nommés  Pierre  Régnier  et  Etienne 
Foucault  commises  à  notre  égard,  à  la  suite  d'une  plainte  qui 
nous  avait  été  portée  pour  un  mouton  tué  par  leurs  chiens 
excités  par  leurs  domestiques,  exigent  que  nous  leur  fassions 
subir  une  correction  de  prison  qui  en  arrête  le  cours.  Le  sieur 
Ménard,  exempt  de  la  maréchaussée  du  département  de 
Pesmes,  les  y  fera  mettre  et  nous  en  rendra  compte. 

»  A  Chevigney,  le  5  novembre  1772. 

»  Signé  :  Le  maréchal  duc  de  Lorges.  » 


(1)  l\  existait  une  porte  de  communicatioti  entre  le  boulingrin,  qui  est 
aujourd'hui  transfcrmé  en  verger,  et  cette  chapelle,  et  ce  serait  exactement 
dans  l'intervalle  compris  entre  ces  deux  portes  qu'aurait  été  inhumée 
M"«  de  Chevigney. 

(2)  Renseignements  recueillis  dans  le  pays. 


—  254  — 

Le  duc,  qui  se  rendait,  comme  on  le  voit,  très  souvent  à 
Ghevigney,  fit  construire  un  chemin  tombant  ù  angle  droit 
sur  la  route  de  Pesmes  à  Gray  et  conduisant  directement  à 
Ghevigneyé  en  vitant  ainsi  le  long  détour  par  la  Grande-Ilôsie. 
Il  y  fit  planter  une  double  rangée  de  noyers,  qui  n'ont  dis- 
paru que  depuis  une  vingtaine  d'années.  Gette  allée  superbe 
et  magnifiquement  ombragée  portait  le  nom  d'allée  des 
noyers  ou  plus  communément  d'allée  des  soupirs,  que  cer- 
tains médisants  lui  avaient  donné.  Elle  était  dominée  par  un 
petit  bois  qui  existe  encore  aujourd'hui,  connu  sous  le  nom 
de  bois  des  amours,  où  Ton  retrouve  encore  la  trace  de  che- 
mins sablés  s'enchevétrant  les  uns  dans  les  autres  et  formant 
un  vrai  labyrinthe.  Là  étaient  élevés  en  cage  une  grande 
quantité  d'oiseaux  de  toute  espèce  et  tout  y  avait  été  aménagé 
et  accommodé  pour  le  plaisir.  Nous  retrouvons  ici  ce  que 
nous  avons  déjà  vu  dans  les  jardins  et  le  parc  de  Balançon, 
dont  le  maréchal  de  Belie-Isle  nous  a  laissé  une  si  curieuse 
description. 

Quant  au  château  de  Ghevigney,  c'était  plutôt  une  demeure 
à  l'aspect  bourgeois,  mais  qui  ne  manquait  pourtant  pas  d'une 
certaine  élégance.  Le  perron  à  deux  rampes  est  orné,  encore 
aujourd'hui,  de  son  toit  à  la  chinoise  et  l'intérieur  des  cham- 
bres a  subi  très  peu  de  modifications.  On  y  retrouve  à  peu 
près  intactes  les  boiseries  de  l'époque,  mais  privées  de  leurs 
peintures,  que  le  temps  et  l'humidité  avaient  dégradées  pro- 
gressivement et  qui  finirent  par  disparaître.  Il  n'en  reste  que 
deux  dans  la  chambre  à  coucher  de  M'*®  de  Ghevigney,  qui 
représentent,  sous  une  forme  allégorique,  l'une  la  danse, 
l'autre  la  musique.  Ge  sont  des  grisailles  sur  toile  qui,  au 
point  de  vue  de  l'art,  ne  présentent  rien  de  particulièrement 
intéressant  (1). 

Du  côté  du  jardin,  les  pièces  sont  au  rez-de-chaussée,  en 
raison  de  la  différence  de  niveau  du  terrain  et  s'ouvrent  par 

li;  Toutes  les  peintures  existaient  encore  en  1835. 


—  252  — 

de  gi-andes  |X)rtes-fenêlres,  dont  deux  ont  été  transformôes 
en  simples  fenêtres.  Le  jardin  et  les  vergers  subsistent  en- 
core, mais  modifiés  complètement  et  adaptés  à  de  nouveaux 
usages.  On  ne  trouve  plus  trace  des  cabinets  de  verdure,  des 
longues  allées  de  charmille  ni  du  jet  d'eau  central,  qui  en 
faisait  Tomement. 

Nous  ne  savons  pas  comment  la  maréchale  accueillit  les 
infidélités  de  son  mari  et  comment  elle  accepta  la  présence 
continuelle  d'une  rivale  à  côlé  d'elle,  mais  il  y  a  lieu  de  pen- 
ser qu'elle  dut  sans  éclat  en  prendre  son  parti,  étant  donné 
l'état  d'esprit  qui  régnait  alors  dans  les  mœurs  et  les  exemples 
qui  venaient  de  plus  haut.  Elle  vécut,  en  effet,  très  effacée, 
oubliée  à  peu  près,  à  tel  point  que  quelques  chroniqueurs 
relatent  sa  mort  avant  celle  du  duc,  auquel  elle  aurait  légué 
sa  fortune  entière.  Or,  nous  savons  par  l'inventaire  fait  après 
le  décès  du  maréchal  et  classé  aux  archives  qu'il  n'en  est 
rien,  puisqu'il  a  été  dressé  en  1773  pour  permettre  précisé- 
ment à  la  duchesse  de  Uandan  d'exercer  les  ret)rises  aux- 
quelles elle  pouvait  prétendre  à  la  mort  de  son  mari. 

Comme  toutes  les  femmes  qui  aiment  sincèrement  ou  dont 
l'empire  ne  repose  que  sur  des  bases  éphémères,  M^^*  de 
Chevigney  fut  extrêmement  jalouse  et  ce  n'est  jamais  sans 
douleur  ni  sans  inquiétude  qu'elle  voyait  le  duc  jeter  les 
yeux  sur  une  autre  femme. 

Une  certaine  visite  qu'ils  firent  ensemble  à  Arbois,  à  une 
cousine  de  M"*  de  Chevigney,  M°**  P...,  est  très  instructive  à 
cet  égard.  Il  y  eut,  le  soir  de  leur  arrivée,  un  grand  bal  chez 
cette  dame,  auquel  toute  la  noblesse  des  environs  était  con- 
viée et  on  profila  de  la  circonstance  pour  présenter  au  duc 
les  plus  jolies  personnes  de  la  ville.  Aussi  quel  ne  fut  pas  son 
étonnemenl  le  lendemain  quand,  se  promenant  dans  les  rues 
d'Arbois,  il  rencontra  une  jeune  personne  de  qualité  qui  n'a- 
vait pas  assisté  à  la  fête  de  la  veille  et  dont  la  beauté  l'im- 
pressionna vivement.  Il  s'arrêta  longtemps  à  la  contempler, 
lui  adressa  quelques  paroles  amicales  et  reprocha  à  M">«  P... 


—  253  — 

de  ne  l'avoir  pas  invitée  à  la  soirée  de  la  veille,  ce  dont  cette 
dernière  se  défendit  de  son  mieux,  pendant  que  M"«  de  Che- 
vigney  lançait  à  la  jeune  fille  des  regards  courroucés  qui 
l'obligeaient  à  rentrer  précipitamment  chez  elle. 

Cette  entrée  à  Arbois,  au  milieu  d'une  foule  immense  ac- 
courue de  très  loin  pour  saluer  respectueusement  le  duc  et 
sa  maîtresse,  nous  montre  bien  le  peu  de  honte  que  Ton  at- 
tachait généralement  k  ce  titre.  Puis  ce  n'était  pas  un  spec- 
tacle banal  pour  cette  petite  ville  que  l'arrivée  de  si  hauts 
personnages,  accompagnés  d'une  suite  nombreuse  et  chacun 
admirait  la  beauté  des  carrosses  conduits  par  des  chevaux 
magnifiquement  harnachés  et  le  grand  nombre  de  valets  à 
la  livrée  éclatante.  Le  coup  d'oeil  était  vraiment  admirable  et 
ce  fut  une  fête  pour  tous  en  même  temps  que  cela  reste  pour 
nous  un  i)récieux  document  et  un  enseignement  îles  mœurs 
de  l'époque. 

Si  nous  avons  parlé  assez  longuement  do  la  liaison  du  ma- 
réchal de  Randan  avec  M^^^  de  Ghevigney,  c'est  qu'elle  eut 
sur  les  afl'aires  de  la  province  une  infiuence  considérable, 
influence  qui  persista  même  après  la  mort  du  maréchal  et  se 
continua  jusqu'au  début  de  la  Révolution.  Que  de  personnes 
haut  placées  ne  lui  devaient-elles  pas  leur  avancement  et  la 
reconnaissance  n'est  pas  une  vertu  assez  banale  pour  qu'on 
la  passe  sous  silence,  même  quand  elle  s'adresse  à  des  per-- 
sonnes  dont  le  crédit  peut  paraître  peu  licite  et  certainement 
précaire. 

Mort  da  dnc  de  Randan.  —  Inventaire  de  ses  biens. 

Les  excès  de  tout  genre  ne  tardèrent  pas  à  avoir  raison  de 
la  robuste  constitution  du  duc  de  Randan  et  il  tomba,  paraît- 
il,  dans  une  sorte  de  maladie  de  langueur  qui,  insensible- 
ment, le  conduisit  au  tombeau.  Plus  que  jamais,  il  fut  entouré 
des  soins  assidus  de  son  amie  et  les  médecins  lui  ordon- 
nèrent des  remèdes  toniques  et  reconstituants,  le  séjour  à  la 


—  254  — 

campagne  et  des  bains  de  rivière.  C'est  dans  ce  but  qu'il  fit 
construire  à  Malans  (1),  petit  village  voisin  de  Balançon,  un 
joli  chalet  sur  les  bords  de  l'Ognon,  où  il  vint  régulièrement 
passer  des  journi'es  entières  avec  M^^^  de  Chevigney.  Est-ce 
trop  me  hasarder  en  disant  que  le  remède  fut  pire  que  le  mal 
et  que,  lorsque  le  duc  quitta  le  séjour  enchanteur  de  Balan- 
çon pour  se  rendre  à  Paris  y  suivre  un  traitement  plus  effi- 
cace et  i)lus  rationnel,  il  était  déjà  trop  lard,  et  il  ne  tardait 
pas  à  succomber  bientôt,  dans  le  courant  de  Tannée  suivante, 
à  Gourbevoie,  le  6  juin  1773. 

Pendant  tout  le  cours  de  sa  maladie,  des  prières  publiques 
furent  dites  chaque  jour  à  son  intention  dans  toutes  les 
églises  et  chapelles  de  Besançon  et,  le  1*' juin  1773,  S.  Em. 
le  cardinal  de  Choiseul  envoyait  à  Paris  un  mandement  spé- 
cial à  ce  sujet.  Aussi  allons-nous  voir  toutes  les  corporations 
se  réunir  pour  demander  à  Dieu  de  rendre  la  santé  au  ma- 
réchal. 

Le  1"  juin,  ce  sont  les  conseillers  municipaux  qui  font  cé- 
lébrer une  messe  solennelle  à  l'église  des  Cordeliers;  le  2, 
c'est  le  corps  des  marchands  et  la  maison  du  maréchal  ;  le  3, 
ce  sont  les  arquebusiers;  le  4,  le  corps  des  perruquiers  et 
des  orfèvres;  le  5,  ces  messieurs  de  l'état-major;  le  6,  les 
officiers  des  compagnies  bourgeoises  et  les  imprimeurs;  le  8, 
les  procureurs  du  bailliage,  etc.,  etc.,  et  ce  n'est  que  le  9 
que  l'on  reçoit  à  Besançon  la  nouvelle  de  sa  mort,  survenue 
dans  la  nuit  du  5  au  6  juin  (2). 

Cette  longue  énumération  de  gens  de  toutes  les  conditions, 
réunis  dans  une  pensée  commune  d'affection  et  de  recon- 


(t)  Malans  est  situé  sur  la  rive  droite  de  l'Ognon,  qu'il  fallait  traverser 
pour  se  rendre  au  chalet.  Le  duc  fît  construire  à  cet  effet  un  bac,  qui  sub- 
sistait encore  il  y  a  quelques  années,  et  qui,  pendant  un  siècle,  a  rendu 
de  grands  services  aux  habitants  du  village.  II  est  remplacé  aujourd'hui 
par  un  superbe  pont  de  pierre. 

("1)  C'est  le  lemps  qne  mettaient  les  diligences  à  cette  époque  pour  par- 
courir la  distance  de  Paris  à  Besançon  et  apporter  le  courrier. 


—  255  — 

naissance  pour  le  maréchal,  nous  montre  combien  il  était 
aimé  et  quelle  grande  affliction  sa  mort  provoquait  dans 
toutes  les  classes  de  la  société.  Il  emportait  dans  la  tombe 
les  regrets  de  toute  la  province,  des  grands  et  des  petits, 
nous  dit  l'avocat  Grimont  dans  ses  mémoires,  et  c'est  le  plus 
bel  éloge  que  Ton  puisse  faire  de  lui  ». 

L'inhumation  devant  avoir  lieu  à  Chaillot,  où  se  trouvait 
un  caveau  appartenant  à  la  famille  Randan,  un  grand  service 
funèbre  fut  organisé,  à  la  chapelle  des  Gordeliers,  par  les 
soins  de  la  municipalité.  C'est  le  chanoine  Mareschal  d'Au- 
deux  qui  fut  choisi  pour  faire  le  panégyrique  du  défunt  ;  ce 
dont  la  municipalité  le  récompensa  par  un  don  de  vaisselle 
d'argent  marqué  aux  armes  de  la  ville. 

Par  son  testament,  le  duc  de  Randan  laissait  à  ses  domes- 
tiques une  pension  viagère  de  150, 250  ou  300  livres,  suivant 
qu'ils  l'avaient  servi  pendant  dix,  quinze  ou  vingt  ans.  Tous 
prirent  immédiatement  la  livrée  de  deuil.  Resançon  et  sur- 
tout Ralançon,  qui  naguère  étaient  encore  le  théAtre  de  fêtes 
somptueuses,  retombèrent  dans  le  silence  et  dans  l'oubli  et 
ne  conservèrent  plus  que  quelques  serviteurs  et  un  con- 
cierge, gardien  des  scellés,  que  Ton  avait  apposés  aussitôt 
que  la  nouvelle  de  la  mort  du  maréchal  s'était  répandue. 

L'inventaire  (1)  des  meubles,  immeubles  et  actions  nobi- 
liaires du  défunt  commença  le  23  juillet  à  Resançon  pour  se 
continuer  ensuite  à  Ralançon,  où  il  ne  se  termina  qu'à  la  fin 
de  l'année,  en  raison  du  retard  apporté  par  la  mort  imprévue 
de  la  duchesse  de  Lorges. 

Les  tableaux  de  famille,  les  portraits,  les  bijoux,  les  effets 
personnels  et  certains  objets  d'art  donnés  en  cadeau  par  les 
souverains  ou  la  municipalité  de  Resançon,  entre  autres  une 
tabatière  en  or,  enrichie  de  diamants  et  ornée  d'un  portrait 
de  Louis  XV,  offerte  au  duc  par  le  roi,  les  jetons  d'or  et  d'ar- 
gent aux  armes  du  défunt,  offerts  par  la  ville,  ne  furent  pas 

(2)  Cet  inventaire  est  classé  aux  Archives  du  département  du  Doubs. 


—  256  — 

inventoriés,  mais  partagés  séance  tenante  à  l*amiable,  entre 
les  différents  membres  de  la  famille. 

D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que  le  mobilier  du  duc 
de  Randan  est  celui  d'un  grand  seigneur  du  xviii*  siècle. 
mais  on  n'y  trouve  ni  œuvres  d*art  remarquables  ni  tableaux 
de  maîtres  dignes  d'être  notés.  On  y  voit  surtout  que  tout  y 
était  disposé  en  vue  des  grandes  réceptions,  dont  le  maitre 
était  si  pnnligue. 

CVst  ainsi  (pie  Targentorie  de  table,  les  cristaux,  les  mer- 
veilleuses laïences  de  Rouen  et  de  Strasbourg  et  les  fines  por- 
celaines do  ta  Chine  et  de  Saint-Cioud  y  abondent  en  grande 
quantité. 

Les  caves  étaient  de  même  particulièrement  bien  assorties 
en  vins  et  liqueurs  de  toutes  espèces  et  leur  insuffisance 
avait  même  nécessité  Tinstallation  d'autres  caves  au  palais 
Granvelle  et  au  bastion  d'Arènes,  où  le  duc  possédait  une 
sorte  de  maison  de  réception,  dont  une  demoiselle  Didier 
avait  la  garde.  Les  pièces  de  vin  de  Bourgogne  et  du  Jura, 
classées  par  année  de  récolte,  y  sont  très  nombreuses.  Cest 
par  centaines  que  l'on  compte  les  bouteilles  de  vin  de  Cham- 
pagne rosé  ainsi  que  celles  de  vin  de  Chypre,  de  Syracuse, 
de  Nfalaga,  de  Madère,  etc.,  etc.  Les  vins  de  l'Ermitage  et  de 
Meursault,  ainsi  que  le  vin  blanc  d'Arbois,  y  figurent  égale- 
ment avec  honneur  et  en  quantité  respectable.  Comme  li- 
queui*s,  ce  sont  les  ratafias  à  la  fleur  d'orange,  aux  cerises, 
aux  coings  qui  dominent,  ainsi  que  les  vieilles  eaux-de-vie 
sans  dénomination  d'origine. 

Les  chevaux,  au  nombre  de  dix-sept,  avaient  été  ramenés 
de  Balançon  à  Besançon  à  la  mort  du  duc.  Ce  chiffre  n'a  rien 
de  bien  extraordinaire  quand  on  sait  qu'il  y  en  a  eu  jusqu'à 
soixante  et  que  les  immenses  écuries  de  Besançon,  que  sou 
prédécesseur  avait  obligé  la  municipalité  à  construire  en  face 
de  l'hôtel  du  gouvernement,  dans  la  partie  de  la  ville  occupée 
aujourd'hui  par  l'arsenal,  étaient  à  peine  suffisantes  pour  y 
loger  sa  cavalerie. 


—  257  - 

Les  voitures  de  tout  modèle  sont  également  nombreuses. 
Ce  sont  des  berlines  recouvertes  de  velours  d'Utrecbt,  des 
calèches  à  quatre  ou  à  six  places,  doublées  de  maroquin,  des 
cabriolets  garnis  de  velours  cramoisi,  des  voitures  légères 
de  course,  etc.  ;  enfin,  une  chaise  à  porteurs  en  vernis  Mar- 
tin, aux  armes  du  défunt. 

Quant  aux  meubles,  ce  sont  surtout  ceux  en  marqueterie 
et  en  bois  de  rapport,  de  rose  ou  d'amaranthe,  qui  ont  eu 
tant  de  vogue  dans  la  deuxième  moitié  du  xviii»  siècle,  que 
Ton  rencontre  le  plus  souvent,  ainsi  que  les  bergères  et  les 
fauteuils  en  bois  sculpté  et  doré,  et  un  nombre  considérable 
de  paravents  et  d'écrans  garnis  en  tapisserie. 

Dans  le  grand  cabinet  d'assemblée,  nous  trouvons  des 
girandoles  et  des  lustres  de  cristal  taillé,  des  bras  de  lumière 
en  cuivre  ciselé  et  doré,  une  pendule  en  marqueterie  d*é- 
caille  et  de  cuivre  sur  son  piédestal,  seize  fauteuils  et  cana- 
pés en  bois  sculpté,  recouverts  de  moquette  verte,  vingt- 
quatre  chaises  assorties,  trois  chaises  à  la  reine,  garnies 
également  de  la  même  moquette  et  protégées  par  leurs  sur- 
touts  d'indienne,  deux  cabriolets  et  enfin  quatre  grands  ta- 
bleaux représentant  le  Roi,  la  Reine,  Monsieur  et  Madame  la 
Dauphine  défunts,  «  avec  leurs  bordures  dorées  ». 

Dans  le  petit  cabinet  d'assemblée,  nous  ne  relevons  d'in- 
téressant que  le  buste  en  marbre  blanc  du  maréchal,  avec 
son  piédestal  et  sa  console  en  bois  doré.  C'est  très  probable- 
ment la  reproduction  de  ce  buste  que  nous  avons  trouvée 
chez  M.  Bellevaux  et  que  le  duc  avait  dû  offrir  à  son  médecin 
ordinaire,  M.  Jeannot,  en  souvenir  de  ses  soins  dévoués. 

La  bibliothèque  n'offre  rien  de  particulièrement  intéres- 
sant. Ce  sont  les  libraires  Pierre-Etienne  Fautet  et  Louis- 
Etienne  Métoyen,  installés  à  Besançon,  qui  sont  chargés 
d'en  faire  l'inventaire  et  l'estimation.  Les  livres  sur  l'art  mi- 
litaire que  l'on  s'apprête  à  y  rencontrer  sont  relativement  peu 
nombreux  et,  à  côté  des  œuvres  sérieuses  de  Boileau,  Buffon, 
Voltaire,  J.-J.  Rousseau,  de  Mesdames  de  Sévigné  et  Des- 


I- 


—  258  — 

houlières,  on  trouve  une  quantité  de  livres  légers  et  badins, 
dont  les  titres  seuls  indiquent  quelles  étaient  les  lectures  fa- 
vorites du  maréchal.  Ce  sont  :  les  Amours  diverses,  les  En- 
vhftinemenis  de  la  fortune  et  de  Vamour;  les  Recueils  de 
lettres  galantes^  les  Imitations  des  odes  d'Anacréon,  les 
Belles  solitaires  y  etc.,  etc. 

A  Balanron,  à  part  les  statues  qui  ornaient  le  parc  et  le 
boulingrin,  et  dont  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  parler, 
nous  retrouvons,  à  peu  de  chose  près,  le  même  mobilier 
qu'à  Besançon.  Ici,  l'inventaire  devenait  relativement  facile, 
car  toutes  les  chambres  étaient  numérotées  et  quelques-uns 
de  ces  numéros  sont  encore  visibles  aujourd'hui  sur  le  cham- 
branle des  portes.  C'est  ainsi  que  nous  savons  que  la  chambre 
du  maréchal  portait  le  numéro  47  et  la  chapelle  le  numéro  37. 

Les  caves  et  les  offices  ne  sont  pas  moins  bien  garnis  ici 
qu'à  Besançon  :  les  vins  choisis  y  abondent  et  la  vaisselle 
d'îirpent,  irétain  lin  ou  do  faionce  de  prix  s'y  trouve  en 
grande  quantité. 

La  chambre  du  duc  est  entièrement  meublée  et  tendue  en 
panne  rou^e  et,  à  côté  des  tables,  bureaux,  commodes  en 
marqueterie  qui  la  garnissent,  nous  y  trouvons  des  tableaux 
magiques,  une  longue-vue,  une  machine  électrique,  une 
machine  pneumatique,  etc.  ;  ce  qui  nous  montre  les  tendances 
du  maréchal  à  s'initier  aux  inventions  nouvelles. 

Les  vingt-huit  logements  d'an)is,  dont  parle  le  maréchal 
de  Belle-Isle,  dans  sa  lettre  sur  Balançon,  que  nous  avons 
reproduite,  sont  tous  meublés  d'une  façon  à  peu  près  iden- 
tique, avec  tout  le  luxe  délicat  et  raffiné  du  xviir  siècle, 
mais  sans  nous  montrer  là  plus  qu'ailleurs  une  œuvre  de 
grande  valeur  ou  ayant  un  cachet  particulier. 

La  mort  du  duc  de  Randan,  n'étaient  l'affliction  sincère  et 
le  deuil  général  qu'elle  produisit,  ne  devait  pas  amener  de 
grvinds  changements  dans  la  province,  car  c'est  son  frère, 
M,  te  duc  de  Lorges  qui,  le  13  juin  1773,  était  nommé  à  sa 


—  259  — 

place  au  commandement  supérieur,  avec  le  grade  de  lieute- 
nant général  et  la  survivance  réservée  à  son  gendre  le  duc 
de  Saint-Quentin.  Ces  décisions  étaient  enregistrées  dès  le 
lendemain,  44  juin,  au  parlement  de  Besançon. 

Aussi  le  nom  de  Durfort  ne  devait-il  pas  encore  disparaître 
de  notre  pays  et  notre  histoire  locale  n'a  qu'à  s'enorgueillir 
d'une  famille  qui,  depuis  la  conquête  de  Louis  XIV  jusqu'à  la 
Révolution,  a  donné  successivement  à  Besançon  un  arche- 
vêque, des  gouverneurs,  des  maréchaux,  des  lieutenants 
généraux  et  dont  plusieurs  de  ses  membres,  sous  les  titres 
divers  de  duc  de  Duras,  duc  de  Lorges,  duc  de  Randan,  ont 
occupé  en  î'ranche-Gomté  les  situations  les  plus  élevées  et 
exercé  les  plus  hauts  commandements  militaires. 


N.  B.  —  Un  accident  survenu  pendant  le  tirage  des  pho- 
tographies ne  nous  a  pas  permis  de  reproduire  le  buste  du 
maréchal. 


LES 

FOUILLES  DE  CHATELNEUF-EN-VENNES 

Par  M.  l'abbé  Hemiaim  DRDOT 

MEMBRE  CORRESPONDANT 


Séance  du  i3  mars  1902 


Au  débouché  du  Col  des  Ages,  qui  met  en  communication  le 
plateau  de  Vercel  et  l'ancien  Val  d'Ahon  avec  le  Val  de  Vennes, 
aux  abords  de  Loray  et  de  Flangeboucbe,  le  haut  moyen-âge 
avait  élevé  une  forteresse  longtemps  célèbre,  le  château  de 
Venues,  relié  avec  le  défilé  lui-même  par  la  tour  de  Montalo. 

Plus  tard,  au  xin*  siècle,  ce  système  défensif,  qui  proté- 
geait le  vieux  chemin  gaulois,  passage  des  plus  fréquentés 
de  la  montagne,  fut  complété.  On  éleva  à  TE.,  au-dessus  de 
la  source  du  Dessoubre,  un  nouveau  château,  Chàtelneuf-en- 
Vennes,  tandis  (ju'au  S.,  sur  la  lisière  extrême  des  terres  du 
prieuré  de  Morteau,  fut  bâtie,  à  côté  du  Bélieu,  dans  la  pa- 
roisse du  Bizot,  la  forteresse  de  Réaumont. 

Châtelneuf,  étroit  manoir  perché  sur  un  roc,  où  le  pied  de 
rhomme  pouvait  seul  parvenir,  remplit,  sans  grand  effort, 
son  rôle  de  sentinelle  du  côté  de  Tétroite  vallée  qui  conduit 
à  Saint-Hippolyte.  Après  avoir  changé  souvent  de  maître,  il 
appartenait,  en  1030,  à  la  maison  de  Rye,  une  des  plus  il- 
lustres du  pays,  qui  avait  recueilli  le  nom  et  écartelait  les 
armes  do  la  maison  de  Varambon. 

Quan'l  la  Guerre  de  Trente  Ans  éclata,  dont  une  période 
devait  être. si  néfaste  pour  la  Franche-Comté  tout  entière. 
Châtelneuf,  tel  un  vétéran  mutilé  préposé  à  la  garde  d'un 
poste  secondaire,  ne  devait  jouer  aucun  rôle  important.  On  y 


—  261  — 

entassa,  comme  dans  un  abri  presque  sur,  les  meubles  les 
plus  précieux  des  retrahants  d'alentour,  puis,  sous  la  garde 
de  quelques  paysans  armés,  on  attendit. 

Dès  1636,  la  Francbe-Comté,  attaquée  dans  sa  capitale, 
Dole,  avait  connu  les  pillages  et  les  massacres  de  troupes 
régulières  françaises  commandées  par  un  prince  du  sang  ; 
en  1637,  Weymar  la  traversa,  marchant  sur  TAlsace;  en 
1638,  du  côté  des  frontières  de  Bourgogne,  du  Bassigny,  de 
Bresse,  l'invasion  ravagea  ses  plaines.  En  1639,  ce  fut  le 
tour  des  montagnes. 

«  L'année  1639  est  la  plus  funeste  et  tragique  que  la  Bour- 
gongne  ayt  eu,  car  elle  a  esté  toute  dans  le  feu,  le  sang  et  la 
pe.<te,  et  sans  secours  d'aucune  part.  Les  montagnes  seules 
restoient  entières,  le  surplus  du  pays  estoit  désolé  et  encor 
la  mortalité  du  bestail  avoit  affligé  les  montagnes  et  les  di- 
vers logemens,  levées  et  passages  les  avoient  affaiblies  et 
despeuplées  en  plusieurs  endrois... 

»  Le  ciel  qui  a  couslume  de  donner  de  longs  hyvers  a  noz 
montagnes,  et  leur  fournir  de  grands  remparts  de  neige,  re- 
tira sa  main  cette  année,  si  qu'aux  mois  de  janvier  et  février 
noz  montagnes  furent  sans  neige,  avec  un  air  doux  et  serein. 
Weymar  se  servit  de  cet  advantage,  et  sans  attendre  la  sai- 
son du  printemps  ordinaire  entra  dans  noz  montagnes  par 
l'abbaye  de  Monlbenoist  qu'il  surprist,  et  dez  icelle  prit  Mor- 
teaux  par  le  liane,  tandis  que  pour  néant  ils  gardoient  le 
front  de  leur  vallée  et  ne  pensuient  point  au  pas  de  Montbe- 
noist,  d'autant  qu'il  estoit  plus  reculé...  »  i^) 

En  lisant  ces  quelques  lignes  empruntées  au  pittoresque 
chroniqueur  qui,  le  premier,  a  raconté  la  désolation  de  la 
Franche-Comté  envahie  par  les  armées  franco-suédoises,  on 
comprendra  quand  et  comment  Châlelneuf-en -Venues  fut 
pillé  et  incendié. 

Weymar,  maitre  de  Sainl-Hippolyte,  où  il  était  arrivé  par 

(1)  GiRARDOT  DE  NozEROY,  Hustoire  de  Dix  Ans. 


—  262  — 

Délémont  et  Saint-Ursanne  les  premiers  jours  de  janvier 
4639,  s'engagea  immédiatement,  en  profitant  d'une  tempé- 
rature exceptionnelle,  dans  la  vallée  du  Dessoubre  et  re- 
monta vers  Consolation.  Au  bruit  de  ses  fanfares,  de  ses 
canons,  de  sa  cavalerie,  Tépouvante  fut  au  comble,  et  les 
quelques  défenseurs  du  château  durent  s'enfuir  sans  essayer 
la  résistance  devant  un  torrent  d'envahisseurs. 

Le  12  janvier,  Weymar  était  à  Saint- Hippoly te;  le  13,1a 
ville  était  prise  ;  dans  la  nuit  du  14  au  15,  Morteau  était  en- 
vahi. Ce  fut  dans  l'espace  qui  s'écoula  entre  ces  deux  dates 
que  Châtelneuf  fut  enlevé  par  les  coureurs  et  l'avantgarde 
du  duc,  préparant  la  marche  sur  Montbenoît  par  Gilley,  le 
sac  de  Morteau  et  celui  de  Pontarlier.  Tel  est,  reconstitué 
sans  doute  possible,  le  drame  lugubre  qui  livra  à  l'incendie 
la  résidence  des  comtes  de  la  Roche  en  montagne,  des  Va- 
rambon  et  des  Rye,  dont  les  ruines  ont  sommeillé  pendant 
près  de  trois  siècles  avant  d'être  explorées  par  les  fouilles 
que  nous  allons  raconter  (i). 

I. 

Une  crête  rocheuse  d'à  peine  vingt  mètres  de  largeur  à  son 
maximum  d'étranglement  et  dominant  d'une  gigantesque 
paroi  verticale  la  source  du  Dessoubre  qui  jaillit  à  sa  base  du 
coté  Nord.  xV  l'endroit  le  plus  étroit  de  cette  crête,  un  rec- 
tangle de  pelouse  unie,  encadré  de  talus  vagues,  dont  la  direc- 
tion générale  fait  deviner  des  substructions  rectilignes  mais 
où  l'œil,  dans  lé  chaos  des  pierres  moussues  et  des  buisson- 
nets,  ne  découvre  aucun  vestige  régulier  de  maçonnerie.  Tel 
était,  à  l'automne  de  1897,  l'aspect  de  l'emplacement  de  Chîi- 
telneuf-en-Veimes. 

(1)  L'abbé  Devoille  dans  un  roman,  M.  Tabbé  Narbey  dans  ses  Hautes 
Montagne»  du  Doubs,  ont  évoqué  lous  deux,  avec  beaucoup  d'imagina- 
tion, les  souvenirs  de  Châtelneuf-en-Vennes.  Inutile  de  dire  que  Phistoire 
vraie  n'a  rien  de  commun  avec  ces  deux  ouvrages. 


—  263  — 

A  la  suite  de  promenades  en  ce  lieu,  qu'une  immémoriale 
tradition  appelait  le  Château,  les  professeurs  du  Séminaire 
de  Consolation,  plus  d'une  fois  déjà,  avaient  rêvé  de  fouilles. 
Mais  le  résultat  semblait  d'avance  devoir  ne  pas  répondre 
aux  difficultés  et  à  la  longueur  de  l'entreprise.  L'exécution 
ne  fut  donc  jamais  sérieusement  projetée. 

Nous  sommes  au  jeudi  IG  décembre  1897.  Par  une  fraîche 
et  claire  après-midi,  je  conduis  les  enfants  au  Château.  Une 
a.ssociation  d'idées,  bien  naturelle  en  cet  endroit,  me  fait  ra- 
conter à  mes  jeunes  amis  une  visite  que  j'avais  faite  aux 
ruines  de  Carthage.  Rêvent-ils  des  trouvailles  analogues  à 
celles  du  P.  Delattre?  —  Plus  d'un  gratte  le  sol  avec  son  bâ- 
ton. Au  bout  d'un  instant  :  «  Monsieur,  voici  des  murs  !  » 
C'était  vrai;  en  mainte  place  apparaissaient  de  menus  restes 
de  maçonnerie  régulière. 

La  genèse  de  nos  travaux  se  devine  ;  du  désir  au  dessein 
on  passe  vite  :  a  Venons  donc  travailler  tous  au  Château  à 
notre  première  sortie  «,  continuaient  ces  enfants. 

Le  lendemain  17,  on  nous  octroya  le  congé  de  la  saint  Ni- 
colas. Tous  les  élèves  s'armèrent,  qui  d'un  pic,  qui  d'une 
pioche,  qui  d'un  levier,  qui  d'un  morceau  quelconque  de  fer, 
qui  d'un  bâton,  et  nous  prîmes  d'assaut  les  sentiers.  Ce  fut 
un  travail  enfantin  et  parfaitement  désordonné;  mais,  le  soir, 
quelques  notables  vestiges  de  nmrs  étaient  mis  à  nu  :  «  Sous 
tous  ces  bourrelets,  pensais-jo,  il  y  a  donc  de  la  maçonnerie  ; 
or,  tous  ces  bourrelets  sont  reliés  ensemble.  Je  vais,  c'est 
sûr,  découvrir  ainsi  le  plan  de  la  partie  essentielle  de  Châtel- 
neuf  ».  Il  fut  dès  lors  arrêté  que  les  fouilles  seraient  métho- 
diquement entreprises  et  menées  jusqu'au  bout.  Nous  n'es- 
périons point,  il  est  vrai,  trouver  d'objets  mobiliers. 

Il  fallait  s'organiser  et  fournir  le  maximum  de  résultats 
avec  le  minimum  de  dépenses.  La  grande  ressource  était  le 
concours  gratuit  et  libre  des  élèves  :  que  ferait-on  aux  jours 
de  la  désertion?  L'illusion  eût  été  ridicule  de  compter  sur  une 
fidélité  de  plusieurs  mois.  Ils  venaient  d'abord  nombreux, 


—  ti64  — 

trente,  quarante;  mais  chaque  nouvelle  promenade  était 
marquée  par  un  déchet,  et  je  voyais  clairement  approcher  le 
jour  où  une  demi-douzaine  à  peine  crmsentiraient,  moyen- 
nant mille  encourajjements,  à  mener  doucement,  bien  dou- 
cement, une  œuvre  coûteur^e,  pénible,  interminable. 

J'avais  compté  sans  les  trouvailles  :  elles  fixèrent  les 
bonnes  volontés  et  les  ranimèrent  chaque  fois.  Je  pus  ainsi 
constituer  une-  troupe  de  volontaires  qui,  à  peu  près  tous, 
bien  qu  a  plusieurs  reprises  la  liberté  leur  fût  rendue,  demeu- 
rèrent fidèles  au  poste  et,  une  fois  chaque  semaine  pendant 
rhiver,  tous  les  jours  de  promenade  pendant  Tété,  fournirent 
une  besogne  dont  la  perspective  eût  effrayé  les  plus  mâles 
travailleurs. 

On  ne  soupçonne  pas  de  loin  de  pareilles  difficultés  ni  une 
pareille  ardeur  !  Je  me  souviens  comme  si  c'était  hier,  de 
ces  bises  froides  qui  nous  flagellaient  le  visage,  de  cette 
neige  fine  et  glacée,  de  ces  pluies  opiniâtres,  de  ces  averses 
torrentielles,  de  ces  jours  embrasés  de  juin.  Je  revois  mes 
porteurs  de  caisses,  mains  et  visages  gelés,  se  blottir  une 
seconde  dans  les  coins,  en  attendant  que  leur  charge  fût  re- 
faite; mes  porteurs  de  sellettes,  tabliers  et  pantalons  couverts 
de  boue  et  pleins  d'eau,  regarder  avec  elTroi  l'horrible  mor- 
tier qu'il  fallait  soulever;  mes  piqueurs  s'épuiser  à  casser 
d'imperceptibles  miettes  autour  des  blocs  durcis  par  l'hiver; 
mes  petits  piocheurs,  les  mains  bleuies  et  sales,  lâcher  un 
instant  l'outil  et  battre  la  semelle  pour  se  réchauffer  les 
pieds.  En  dépit  de  tout,  pas  une  fois  le  courage  ne  tomba. 
A  plusieurs  reprises,  quand  le  temps  faisait  trop  mauvais  vi- 
sage :  «  Mes  enfants,  disais-je,  aujourd'hui  c'est  ad  libitum^ 
viennent  ceux  qui  veulent  !  »  Et  je  les  avais  presque  tous. 

Aussi  la  besogne  allait  bon  train;  qu'on  en  juge  par  un 
chiffre  :  fin  juillet,  nous  mesurions  exactement  le  volume  des 
pièces  évidées,  et  nous  trouvions  au  minimum  560  mètres 
cubes  Par  conséquent,  en  moins  de  huit  mois,  dans  nos  seuls 
jours  de  congé   trois  petites  heures  chaque  fois,  560  mètres 


Socd'Émidation  duDoubs,  IW 


FOUILLES    DE    CHATELÎ^EUF-EN-VENNES 


; 


—  265  — 

cubes  de  matériaux  serrés,  donc  plus  de  mille  voitures  de  ma- 
tériaux disjoints  avaient  été  transportés  à  bras  d'élèves,  par 
une  chaussée  en  plan  très  rapide,  jusqu'au  bord  du  vallon  qui 
se  tord  au  Sud,  derrière  le  Château,  et  précipités  dans  le  lit 
du  torrent. 

Veut-on  se  figurer  exactement  notre  façon  de  travailler? 

Mes  dix-huit  fidèles  sont  là,  debout  sur  la  crête,  en  tabliers 
gris  et  bleus.  Chacun  est  armé,  les  petits  de  pioches  et  de 
sellettes  en  bois,  les  grands  de  pics  ou  de  caisses  à  bras. 
Toute  la  bande  descend  au  pied  des  vieux  murs  dans  la  fosse 
remuée  avant-hier.  En  avant!...  Deux  grands  garçons  lèvent 
les  pics  longs  et  lourds,  puis,  vigoureusement,  les  abattent 
dans  le  réseau  des  racines,  sous  les  pierres  énormes,  sur  le 
bloc  compact  de  la  terre  gelée  ou  de  la  chaux  durcie.  Il  faut 
bien  que  tout  cède  ;  les  petits  piocheurs,  inclinés  sur  leurs 
paniers,  y  entassent  les  morceaux  arrachés.  Quatre  vaillants 
bras  soulèvent  les  sellettes,  remplissent  les  caisses,  et  les 
couples  de  porteurs,  manches  retroussées,  muscles  tendus, 
escaladent  la  chaussée  sous  leur  charge  pesante  et  font  dé- 
gringoler dans  le  val  du  Bief  la  cascade  de  moellons.  Oh  !  le 
plaisir  de  contempler  le  grandissime  galop  des  grosses 
pierres,  le  trot  tumultueux  des  caill'jux,  les  glissades  du  gra- 
vier, et  d'entendre  ce  ramage  ! 

A  intervalles  inégaux,  mais  fréquents,  un  cri  retentit;  les 
piqueurs  regardent,  les  piocheurs  se  redressent,  les  porteurs 
s'arrêtent  ou  reviennent  vite  ;  on  a  trouvé  quelque  chose. 
Chacun  accourt  pour  voir,  chacun  a  vu,  et  le  vieux  marteau, 
la  vieille  marmite,  la  vieille  épée  vont  rejoindre  dans  un  coin 
de  mur  la  kyrielle  des  ferrailles.  Ce  soir,  tous  auront  leur 
portion  de  butin  à  descendre  au  séminaire,  et  ce  ne  sera  pas 
le  moins  intéressant  du  spectacle,  que  ce  chapelet  de  bons- 
hommes, joyeux  et  sales,  dé  valant  de  là  haut  avec  leurs  vieilles 
chaînes,  leurs  vieilles  piques,  leurs  vieux  chandeliers,  leurs 
vieux  chaudrons. 

Comme  nous  l'avons  dit,  le  Dessoubre  naît  au  pied  d'une 

18 


—  266  — 

gigantesque  roche  dont  la  paroi  verticale  court  de  Touest  ù 
Test  :  le  château  des  sires  de  Varambon  était  construit  juste 
au  dessus  de  la  source,  sur  la  crête  rocheuse  et  étroite,  entre 
la  vallée  de  Consolation  au  nord  et  la  gorge  resserrée,  sau- 
vage^ du  Val  du  Bief  au  sud. 

A  en  juger  par  les  bourrelets  de  terrain  dont  chacun  re- 
couvre un  mur,  le  castel  s'élevait  autour  d'une  cour  intérieure, 
à  peu  près  carrée,  en  deux  ailes  de  bâtiments  perpendicu- 
laires aux  bords  de  la  crête  :  c'est  une  partie  de  l'aile  occi- 
dentale, la  partie  adjacente  à  la  cour,  que  nous  avons  fouillée. 
Nous  y  avons  découvert  deux  pièces  contiguëes  munies  de 
trois  portes,  de  cinq  fenêtres  meurtrières  dont  quatre  au  sud, 
et  avoisinées  d'une  tour  ronde  à  l'angle  occidental.  Quand 
nous  disons  deux  pièces  nous  indiquons  les  divisions  de 
construction  mises  en  évidence  par  les  vestiges  de  mur  :  il 
n'est  pas  invraisemblable  que  des  séparations  en  bois  aient 
multiphé  davantage  les  pièces  ou  chambres.  Un  four  était 
adossé  au  mur  du  milieu  et  dominait  une  platine  énorme, 
haute  de  plus  d'un  mètre,  pesante  d'au  moins  cent  cinquante 
kilog.,  dépourvue  de  tout  cachet  tant  artistique  qu'héraldi- 
que, et  marquée  de  la  date  4557.  Nous  devions  trouver  dans 
un  autre  coin,  mais  entraînée  loin  de  sa  place,  une  seconde 
platine,  petite  et  plus  insignifiante  encore.  £n  avant  de  la 
grosse  platine,  donc  sous  la  cheminée,  un  dallage  retrouvé 
intact,  fait  de  pierres  de  deux  ou  trois  décimètres  de  long  ; 
derrière,  dans  l'autre  pièce,  un  pavage  plus  menu  mais  sur 
une  étendue  plus  grande.  Partout  ailleurs  nos  pics  allaient 
sans  résistance  au  roc  vif:  des  débris  notables  de  charpentes, 
retrouvées  à  l'état  de  charbon,  y  attestaient  la  présence  d'un 
plancher  détruit.  La  hauteur  des  restes  de  murs  varie  de  deux 
à  quatre  mètres,  leur  épaisseur  de  1  m.  25  à  1  m.  80  ;  la  lar- 
geur des  pièces  déblayées,  de  6  m.  à  6  m.  20  ;  leur  longueur 
est  de  44  mètres.  La  construction  a  été  faite  avec  le  calcaire 
de  la  région  ;  çà  et  là,  un  cube  de  tuf  noyé  dans  le  reste  de  la 
maçonnerie.  Le  ciment  s'effrite  sans  peine  et  n'a  pas  la  con- 


—  267  - 

sistance  de  celui  qu'on  trouve  en  de  nombreux  châteaux.  Le 
bas  des  murs  a  été  plus  que  le  reste  rougi  et  calciné  par  l'in- 
tense chaleur  de  l'incendie  ;  presque  partout  sous  les  dé- 
combres écroulés  s'est  durcie,  enveloppant  les  objets  en  mé- 
tal qu'on  en  retire  avec  peine,  une  couche  résistante  de 
chaux. 

C'est  seulement  à  quelques  pieds  de  profondeur,  au  des- 
sous d'une  couche  de  terre  végétale  mêlée  de  racines  et  de 
pierrailles,  et  au  coeur  même  du  sable,  de  la  chaux  et  du 
charbon,  que  les  trouvailles  commençaient.  Nous  limes  les 
premières  dès  notre  quatrième  congé  :  une  faux,  une  large  et 
longue  scie,  des  casse-noisettes,  des  entraves,  avec  Tune  des 
deux  boucles  fermant  à  clef,  puis,  en  paquets  dans  un  trou 
de  mur,  plusieurs  milliers  de  clous  forgés,  sans  tête,  et  de 
forme  pyramidale.  A  partir  de  ce  moment  chaque  journée  de 
travail  nous  donna  nombre  d'objets  :  le  soir  du  5  avril  nous 
en  recueillîmes  plus  de  quatre-vingts. 

Il  n'y  aurait  pas  d'intérêt  spécial  pour  le  lecteur  à  suivre 
nos  fouilles  pas  à  pas  ;  les  découvertes  se  faisaient  sans  pro- 
gression bien  marquée  :  dans  une  pièce  comme  dans  l'autre, 
à  la  fin  de  l'été  comme  au  début  de  Thiver,  nos  trouvailles 
avaient  sensiblement  la  même  valeur  et  d'ailleurs  une  foule 
d'objets  se  répétaient  presque  à  chaque  semaine.  Les  pre- 
mières monnaies,  découvertes  le  8  mars,,  marquent  seules  le 
point  de  départ  d'une  période  où  les  surprises  agréables 
allaient  se  multiplier.  Mais  ce  détail  excepté,  la  marche  du 
travail  a  été  seule  progressive  :  l'intérêt  des  trouvailles  s'est 
maintenu  sans  s'accentuer.  En  dehors  donc  de  quelques  dates 
clairsemées  et  marquées  par  la  mise  au  jour  d'un  bibelot 
moins  banal  il  serait  fastidieux  de  lire  Thistoire  chronologique 
de  nos  découvertes. 

C'est  surtout  par  leur  ensemble,  en  formant  comme  une 
sorte  d'encyclopédie  de  l'outillage  des  paysans  dans  nos 
montagnes,  au  début  du  xvn*  siècle,  que  les  objets  trouvés 
sont  intéressants.  Très  peu  d'entre  eux  pris  isolément  mé- 


—  268  — 

ritent  une  description  détaillée.  Mais  il  est  curieux  de  cons- 
tater par  un  coup  d'œii  global  sur  cette  multitude  d'instru- 
ments de  travail  et  d'ustensiles  de  ménage  que  les  choses 
n'ont  pas  varié  beaucoup  et  que,  loin  de  toujours  s'améliorer, 
plus  d'une,  de  nos  jours,  n'a  ni  la  même  solidité  ni  la  mérae 
élégance.  Inutile  de  faire  remarquer  que  l'étain  n'ayant  pu 
résister  à  la  chaleur  de  Tincendie,  le  cuivre  et  le  fer  seuls 
ont  gardé  leur  forme  ;  encore  plus  d'un  objet  en  cuivre  a-t-il 
partiellement  fondu,  par  exemple  d'élégantes  marmites  et  des 
monnaies. 

Pourquoi  dans  ce  château  d'aussi  nombreux  objets  de 
physionomie  paysanne?  —  Nous  en  avons  recueilli  plus  de 
cinq  cents.  C'est  apparemment  que  Châtelneuf,  au  passage 
des  Suédois,  servit  de  refuge  aux  habitants  du  voisinage  de 
Guyans-Vennes  surtout  et  de  Grand-Chaux  :  chacun  de  ceux 
qui  s'y  retirèrent  y  emporta  avec  son  petit  pécule  le  néces- 
saire de  son  outillage.  Il  dut  s'y  entasser  une  multitude  de 
malles  ou  coffrets  comme  l'attestent  les  133  serrures  et  les 
200  paumelles  ou  charnières  recueillies.  Sans  doute  aussi 
qu'un  certain  nombre  d'objets  du  culte  y  furent  déposés  :  on 
n'explique  guère  autrement  la  présence  dans  les  débris  d'un 
instrument  de  paix  et  de  plusieurs  croix  processionnelles. 
Ne  pourrait-on  aussi  rapporter  au  culte  les  vestiges  carboni- 
sés où  l'œil  suit  sans  peine  à  travers  la  trame  brûlée  du  til  un 
déhcat  et  riche  brochage  d'argent?...  Mais  il  en  reste  si  peu 
qu'on  ne  saurait  conclure. 

C'est,  en  résumé,  surtout  un  mobilier  paysan  qui  nous  est 
tombé  sous  la  main.  L'incendie  a  consumé  le  bois  et  la  corne 
des  outils  et  n'en  a  laissé  que  le  métal  ;  encore  le  travail 
souterrain  de  l'humidité  a-t-il  mordu  profondément  et  dé- 
formé surtout  les  objets  plus  menus  comme  les  couteaux, 
les  pinces,  les  casse-noisettes.  Pourtant  ce  qui  reste  se  peut 
désigner  en  général  nettement,  il  n'est  pas  jusqu'à  des  pa- 
quets de  lentilles  ou  de  grains  d'avoine  carbonisés  et  re- 
trouvés abondants  sur  de  vieilles  serpes,  sur  des  restes  de 


poutrelles,  qui  n'aient  consente,  la  couleur  en  moins,  leur 
exacte  physionomie. 

Les  objets  trouvés  en  plus  grand  nombre  sont  les  gonds, 
les  pentures  et  les  verrous  :  deux  à  trois  cents  gonds  et 
pentures  n'est  point  un  chiffre  exagéré.  Nous  avons  dit  tout 
à  rheure  qu'on  les  explique  par  les  nombreuses  caisses  ou 
malles  qu'apportèrent  les  réfugiés  du  château.  Les  serrures 
c'est  naturel  —  sont  moins  nombreuses  :  cent  trente  trois 
exactement,  et  il  est  probable  que  très  peu  nous  ont  échap- 
pé. Toutes  intéressantes  par  leur  variété,  elles  sont  —  sauf 
deux  ou  trois,  sauf  une  surtout,  où  l'artiste  a  multiphé  les 
combinaisons  --  très  simples  de  mécanisme.  Aucune  d'ail- 
leurs n'offre  de  cachet  esthétique. 

Nous  aurions  dû  retrouver  un  nombre  égal  de  clefs  ;  nous 
n'en  avons  recueilli  que  cinquante-cinq.  Beaucoup,  les  plus 
petites  surtout,  ont  passé  inaperçues  dans  les  décombres 
remués.  Ce  qui  intéresse  dans  les  clefs,  plus  encore  peut- 
être  que  dans  les  serrures,  c'est  l'absence  totale  d'uniformité 
entre  deux  quelconques  d'entre  elles.  La  fabrication  ac- 
tuelle, en  répétant  sans  une  variante  le  même  type  des  mil- 
liers de  fois,  donne  l'impression  d'une  inépuisable  monoto- 
nie ;  jadis  l'ouvrier  mettait  un  peu  d'agréable  fantaisie  dans 
chaque  objet  isolé  qu'il  produisait.  Des  clefs  trouvées  à 
Cbâtelneuf  en  sont  un  exemple.  L'une  d'elles  a  plus  que  de 
la  fantaisie  et  atteint  presque  à  l'art  ;  les  artisans  d'autrefois 
étaient  souvent  des  artistes. 

La  même  fantaisie  agréable  se  retrouve  dans  tous  les  ob- 
jets qui  la  pouvaient  comporter  ;  il  faut  signaler  à  cet  égard 
dix-sept  casse-noisettes  dont  aucun  ne  ressemble  au  voisin 
et  dont  plusieurs  représentent  des  mâchoires  d'animaux,  des 
tètes  de  reptiles.  La  moitié  au  moins  de  nos  soixante-deux 
couteaux  sont  de  lame  et  de  manche  élégants,  au  mouve- 
ment gracieux  ;  le  feu  a  anéanti  les  détails  d'ornementation 
des  manches  :  il  en  reste  cependant  ici  ou  là  de  pauvres 
vestiges,  par  exemples  les  petits  carrés  de  nacre   qui  fai- 


—  270  — 

soient,  avec  de  petits  carrés  de  bois,  un  damier  minuscule 
autour  de  la  tige  de  métal. 

L'unique  grelot  retrouvé  était  vêtu  d'une  sorte  de  gracieux 
rinceau  en  relief.  Un  fer  à  gauffres  ne  porte  à  l'intérieur  que 
des  rayures  enfantines  traversées  d'une  maladroite  fleur  de 
lys.  Les  deux  chandeliers,  que  l'on  peut  voir  au  Musée  de 
Besançon,  dans  la  vitrine  aflectée  aux  fouilles  de  Notre- 
Dame  de  Consolation,  sont  intéressants  et  de  style  ;  la  série 
bien  comprise  des  nœuds  aigus  qui  en  décorent  la  tige  les 
distingue  tout  à  fait  des  chandeliers  qui  font  aujourd'hui 
partie  des  mobiliers  populaires. 

Une  des  plus  sensationnelles  trouvailles  est,  sans  contre- 
dit, celle  des  crémaillères,  torses  ou  rectilignes,  grêles  ou 
énormes,  et  des  marmites  à  la  panse  diversement,  mais  tou- 
jours gracieusement  arrondie  et  aux  lèvres  non  moins  gra- 
cieusement renversées.  Deux  ou  trois  en  cui>Te  qui  eussent 
rtê  vnii-tMiibl.ibemfnl  les  plus  jolies  sont  aux  trois  quarts 
fondues  et  réduites  en  une  masse  informe.  Tant  marmites 
que  chaudrons,  nous  en  avons  retrouvé  vingt-deux.  Voilà  qui 
témoigne  d'un  groupement  d'humbles  foyers  dans  l'enceinte 
de  Châtelneuf  au  moment  de  l'invasion  des  Suédois. 

Puisque  nous  parlons  de  foyer,  il  nous  faut  signaler  trois 
chenets  dont  l'un,  artistique,  figurant  une  belle  tête  de  chien, 
et,  avec  les  landiers,  les  broches  démesurément  longues,  qui 
pouvaient  facilement  empaler  un  mouton  ou  un  veau. 

Parmi  ce  que  j'appellerai  les  objets  de  ménage  ou  de  mé- 
tier, je  ne  vois,  en  dehors  de  deux  socs  de  charrue  au  profil 
de  gracieuses  carènes,  plus  rien  qui  exprime  un  souci 
d'art.  Tout  y  est  d'un  dessin  ferme,  de  fabrication  excel- 
lente et  tend  à  l'emploi  pratique.  Nous  nous  contenterons 
donc  d'énumérer  six  ciseaux  de  couture,  cinq  clochettes  en 
cuivre  pareilles  à  celles  qu'aujourd'hui  encore  portent  les 
troupeaux  de  nos  montagnes,  cinq  pelles,  sept  pics,  sept 
scies,  huit  tridents,  sept  binettes  et  crocs,  neuf  ciseaux  à 
tondre  les  moutons,  neuf  enclumes  à  faux  (dont  la  partie 


—  271  — 

trempée  n'était  pas  oblongue  et  mince  comme  à  présent, 
mais  carrée),  neuf  tenailles,  dix  chevilles  de  voitures,  dix 
gros  coins  en  fer  munis  d'anneaux  pour  harponner  et  enle- 
ver les  sapins,  onze  limes,  onze  pinces  très  diverses  de 
grandeur,  douze  grandes  poêles  à  frire,  quatorze  faux,  dix- 
sept  chaînes  dont  plusieurs  très  longues  —  Tune  de  quatre 
mètres  et  demi  —  feraient  aisément  leur  ancien  office,  dix- 
sept  ciseaux  d'ébéniste,  dix-huit  racloirs,  dix-neuf  serpes 
presque  toutes  d'une  courbe  plus  allongée*  moins  circulaire 
que  les  serpes  actuelles,  vingt-cinq  vrilles,  vingt-cinq  mar- 
teaux, trente-deux  haches,  etc.  Tous  ces  objets  n'auraient 
pas  du  tout,  aux  yeux  non  prévenus,  la  physionomie  d'ob- 
jets presque  trois  fois  séculaires  ;  ils  sont  d'une  étonnante 
ressemblance  d'aspect  avec  nos  objets  actuels.  Examinés 
plus  en  détail,  ils  frappent  par  je  ne  sais  quoi  de  plus  solide 
en  même  temps  que  de  plus  varié.  Des  ouvriers  du  val  du 
Dessoubre,  employés  journellement  au  charroi  des  sapins, 
ont  estimé  supérieures,  sous  le  double  rapport  de  la  forme 
et  du  métal  aux  comailles  d'aujourd'hui,  les  coins  en  fer 
dont  nous  parlons  plus  haut  et  qui  servaient  à  Tenlèvement 
des  bois. 

Pour  compléter  la  liste  des  humbles  objets  de  ménage  ou 
de  métier  que  nous  avons  découverts,  il  faut  ajouter  aux 
précédents  :  deux  balances  ou  romaines,  un  fer  à  friser,  une 
roulette  à  gaufrer,  deux  petites  lampes  en  cuivre  faites  d'un 
disque  évidé  avec  queue  en  anneau  et  bec  pointu  pour  la 
mèche,  différents  tourne\is,  dont  l'un,  grâce  à  une  série  de 
formes  rayonnant  au  bout  de  la  même  tige,  pouvait  résoudre 
les  difficultés  les  plus  diverses  ;  des  marques  à  feu,  impri- 
mant un  dessin  d'étoile,  sauf  une,  qui  exprime  un  écusson 
avec  les  lettres  P  V  au-dessus  d'une  croix  ;  deux  pierres  à 
aiguiser,  de  longues  pinces  de  forgeron,  un  étui  en  os,  un 
godet  de  cuivre  ayant  peut-être  servi  d'unité  de  poids,  un 
petit  rouleau  de  fil  de  laiton,  deux  chapelets,  l'un  de  six 
dizaines,  au  grain  noir,  banal  et  uni;  des  débris  de  marbre 


—  272  — 

blanc,  de  verre  à  moitié  fondu  où  apparaît  un  reste  de  des- 
sin ;  divers  ossements,  dont  pas  un  d'humain,  etc.,  etc. 

Les  objets  suivants  ont  plus  de  caractère  :  une  sorte  de 
bracelets  (deux  exemplaires)  faits  de  mailles  souples  et  fines 
de  cuivre  et  terminés  d'agrafes  rectangulaires  où  s'épa- 
nouissent d'élégants  fleurons  ;  une  demi-douzaine  d'autres 
agrafes  de  cuivre  en  forme  de  rosaces  ;  un  ove  en  verre  très 
fin  qui  s'est  délicatement  irisé  dans  le  sol  et  des  flancs  du- 
quel monte  une  fragile  banderole  verte  ;  deux  pipes  enfin, 
apparemment  inusagées,  en  terre  blanche,  l'une  ne  gardant 
que  le  fond  du  foyer,  l'autre,  quasi  intégrale,  faite  d'un 
tuyau  uni  et  d'une  Chimère  k  cornes  de  bélier,  à  gueule  ou- 
verte, qui  constitue  le  fourneau  et  sous  laquelle,  dans  un 
talon  évidé,  apparaît  une  petite  couronne  avec  l'inscription 
D.V. 

Comme  objets  de  culte,  il  y  a  d'intéressant,  en  dehors  des 
débris  d'élofi'e  carbonisée  que  nous  avons  dit,  d'abord  un 
bras  de  croix  en  bronze,  trouvé  le  24  mai  ;  il  se  termine  en 
fleur  de  lis  et  porte  au  bout  opposé,  au  centre  donc  de  la 
croix,  une  inscription  en  couronne  autour  d'un  agneau  pascal. 
Ensuite,  trouvée,  le  26  mai,  une  autre  croix  processionnelle 
du  xvi«  siècle  (voir  la  planche),  avec  terminaisons  en  fleurs 
de  lis  et,  à  la  naissance  des  fleurs,  de  gros  cabochons  en 
verre  que  la  chaleur  a  craquelés.  Enfin  et  surtout,  un  instru- 
ment de  paix,  en  cuivre,  style  italien  du  xvi«  siècle,  haut  d'à 
peine  quinze  centimètres,  portant  en  bas-relief  une  pieta  de 
dessin  remarquable  et  d'expression  très  vivante.  Ce  dernier 
objet  est  sans  contredit  la  plus  précieuse  de  nos  trouvailles. 
On  le  peut  voir  au  Musée  de  Besançon. 

Le  feu  a  particulièrement  ravagé  et  déformé  les  vestiges 
d'armes  que  nous  avons  recueillis.  Nous  ne  possédons 
qu'une  partie  de  casque  :  on  y  voit  une  fleur  de  lis  repous- 
sée. Voici  quatre  épées  tordues  et  rongées,  trois  sans 
gardes  ;  cinq  gardes  sont  retrouvées  seules,  toutes  très  dif- 
férentes d'aspect,  l'une,  torse  et  spécialement  intéressante. 


—  273  — 

Voici  encore  six  piques,  quatre  canons  de  pistolets,  deux 
canons  de  fusils  ou  mousquets,  treize  batteries  d'armes  à 
feu,  cinq  dessus  de  poires  à  poudre,  cinq  moules  à  balles, 
trois  balles,  trois  éperons,  dont  deux  en  jolies  rosaces  étoi- 
lées.  Des  cinq  menottes  ou  entraves,  trois  sont  complètes;  ce 
sont  de  solides  et  courtes  chaînes  terminées  par  deux  larges 
bracelets  de  fer  dont  l'un  porte  un  robuste  cadenas  ;  les  clés 
en  sont  perdues. 

Les  premières  monnaies  ne  Furent  trouvées  que  le  8  mars. 
Inutile  de  dire  que  cette  découverte  nous  remplit  d'un  sin- 
gulier enthousiasme.  La  première  fois,  nous  crûmes  qu'il 
s'agissait  de  boulons  :  petits  disques  vert-de-grisés  collés  en 
un  lingot  par  un  commencement  de  fusion,  leur  vue  nous 
surprit  seulement.  On  regarda  de  plus  près,  on  aperçut  des 
lettres,  des  embryons  d'effigies,  de  dates  :  «  Des  sous,  voici 
des  sous  !»  Et  il  y  en  avait  425.  Une  bribe  d'étoffe  carboni- 
sée, sans  doute  le  sachet  qui  les  renfermait,  y  était  encore 
attenante. 

Le  soir  du  19  mars,  pour  la  troisième  fois,  le  bienheureux 
cri  :  «  Des  sous,  voici  des  sous  I  ».  C'était  à  l'angle  du  four 
et  de  la  platine  ;  nos  enfants,  endimanchés,  plongeaient  leurs 
mains  jusqu'au  blanc  poignet  dans  le  sable  gris  où  grouil- 
laient les  piécettes  verdâtres  :  quatre  cent  treize  ce  jour-là, 
quel  rêve!  Le  soir  du  5  avril,  nous  en  avions  recueilli  plus 
de  huit  cents. 

Mais  la  moitié  totalement  illisibles  !  Quatre  cents  res- 
taient qu'on  pouvait  lire,  partiellement  au  moins.  En  voici 
de  minuscules  avec  la  croix  de  Lorraine,  de  plus  grandes, 
presque  deux  cent  cinquante,  aux  armes  de  Besançon,  les 
autres  aux  armes  de  Bourgogne,  à  peu  près  toutes  à  l'effigie 
de  Charles-Quint.  Elles  courent  de  1570  à  1637.  Deux  ans 
après  cette  dernière  date,  les  Suédois  féroces,  revenus  du 
sud  de  la  Comté,  anéantissaient  Châtelneuf,  qui  couvrait 
pour  deux  cent  soixante  ans  du  manteau  de  ses  ruines  l'hum- 
ble bourse  des  serviteurs  et  des  soldats  d'autrefois. 


—  274  — 

Liste  des  types  de  monnaies  trouvécH  aux  fouilles 
de  Châtelneuf. 

France-Béarn,  Louis  XIII  :  Une  jolie  pièce  d'argent. 

Monnaie  flamande.  Bruxelles,  1622  :  Demi-tesfon. 

Monnaies  lorraines  :  Blanc,  denrii-blanc. 

Armes  de  Bourgogne  et  de  Dole  :  1622,  1623. 

Dole.  —  Deux  gros,  1422. 

Dole.  —  V>\ï  gros  (bâton  noueux),  1622. 

Dole.  —  Un  demi-gros  (bàtoii  noueux),  1588 

Dole.  —  Carolus  :  159:1,  1594.  1595,  1596,  1599,  el  une  série  de 

dates  lllisiltles. 
Besançon.  —  Douhle-gros;  1623,  1024. 
Besançon.  —  D'un  côté  effigie  de  Charles-Quint,  de  l'autre  deux 

colonnes  encadrant  un  B,  1623. 
Besançon  —  Demi-carolus. 
Besançon.  —  Carolus  :  15<>4,  157?,  1571,  1572,  J58(),  1581,  ir)H4. 

1588,1589,  159?,  1591,  15^12,  1593,  1594,  1595,  1596,  160?,  1603, 

161?,  1611, 1612,  1613,  1614,  1615,  1616,  1617,  1618,  1619, 1630, 

1622, 1623, 16:^6, 1637. 

On  nous  perniettra  d'ajouter  à  ces  humbles  notes  le  nom 
des  admirables  enfants  qui  sacrifièrent,  un  an  durant,  tous 
leurs  congés  à  Toeuvre  pénible  des  fouilles  : 

Léon  Bourgeois,  Joseph  Loye,  Jose[)h  Simon,  Georges 
Chénier,  Roger  Chénier,  Louis  Huot,  Gustave  Perrin,  Au- 
guste Vaugne,  François  Dufay,  Léon  Faradon,  Louis  Froide- 
vaux,  Edouard  Jcannin,  Ahx  Renaud,  Henri  Amiotle-Petit, 
Henri  Martin,  Francis  Boillin,  Joseph  Frantzen,  Just  Faivre. 


II, 


Cette  seconde  période  de  fouilles  s'e.st  elTecluée  sous  la  direction  de 
M.  Tabbé  Verchot,  professeur  à  Consolation,  auquel  nous  devons  ce  second 
rapport. 

En  1îK)2,  au  moyen  d'une  double  subvention  du  Musée  ar- 
chéologique de  Besançon  devenu  dépositaire  d'une  partie  des 


—  275  - 

trouvailles  de  M.  l'abbé  H.  Druot,  et  de  la  Société  d'Emulation 
du  Doubs,  les  «  fouilles  »  de  Chatelneuf  ont  été  reprises  sui- 
vant un  plan  nouveau,  après  quatre  années  de  délaissement 
absolu,  pendant  lesquelles  les  murailles  des  appartements 
découverts  par  M.  Druot,  furent  sérieusement  endommagées 
par  les  pluies  et  la  gelée.  Le  premier  directeur  n'avait  pas 
de  données  précises  à  sa  disposition  pour  le  guider  dans  son 
travail  ;  il  «  attaqua  •  la  butte  la  plus  en  vue,  et  il  eut  la  main 
heureuse.  On  sait  la  quantité  d'objets,  parfois  très  intéres- 
sants, que  ses  recherches  amenèrent  au  jour.  Dans  la  suite, 
on  a  pensé  qu'il  y  aurait  peut-être  quelque  intérêt  à  recons- 
tituer le  vieux  manoir  des  seigneurs  de  Varambon,  autant  du 
moins  que  le  permettent  les  ruines  accumulées  par  le  gel  et 
l'incendie.  C'était  là  un  travail  énorme  qui  demandait  assuré- 
ment beaucoup  de  temps,  mais  qui  pouvait  amener  quelque 
découverte  curieuse  ou  importante  pour  l'histoire  locale.  Dans 
ces  conditions,  on  a  voulu,  pour  faciliter  les  recherches  pos- 
térieures, déblayer  en  premier  lieu  les  abords  du  château,  de 
façon  à  retrouver  les  chemins  et  les  portes  qui  permettent 
d'entrer  dans  les  appartements.  Il  fallait  des  «  travailleurs  » 
d'une  patience  à  toute  épreuve  et  d'un  «  détachement  »  peu 
ordinaire,  pour  exécuter  ces  travaux  particulièrement  péni- 
bles, où  Ton  est  rarement  stimulé  par  une  découverte  quel- 
conque. Songez  donc,  ne  rencontrer  jamais  sous  le  pic  si 
lourd  ni  monnaies,  ni  armes,  ni  outils,  comme  les  anciens 
travailleurs  de  M.  Druot  ;  toujours  remuer  des  pierres  et  des 
troncs  d'arbres  sans  aucun  résultat  appréciable,  quelle  dé- 
cevante perspective  pour  des  enfants!  Malgré  cela,  une 
équipe  de  vingt  ouvriers  a  pu  être  constituée,  et  depuis  deux 
années,  personne  n'a  manqué  au  rendez-vous  du  mardi  et  du 
jeudi,  malgré  la  neige  ou  la  pluie. 

Aussi,  à  cette  heure,  les  travaux  ont  donné  quelques  ré- 
sultats appréciables.  Peu  d'objets,  il  est  vrai,  se  sont  ajoutés 
à  ceux  que  M.  Druot  avait  si  bien  groupés  dans  son  premier 
musée;  il  fallait  s'y  attendre.  Par  contre,  la  disposition  du 


—  276  — 

château  commence  à  devenir  manifeste.  Nos  efforts  se  sont 
portés  en  premier  lieu  sur  le  puits,  dont  Torifice  était  visible 
dans  un  coin  de  la  c  haulte  cour  ■.  Nous  espérions,  en  le  vi- 
dant, faire  quelque  découverte  intéressante  :  dans  la  préci- 
pitation de  la  fuite,  les  assiégés  auraient  pu  y  jeter  quelque 
objet  précieux  pour  les  reprendre  plus  tard  Nous  en  avons 
extrait  seulement  des  pierres  de  taille  et  des  débris  d'osse- 
ments ou  d'objets  en  cuivre,  plus  une  garde  d'épée.  Bientôt 
le  fond  de  la  citerne  apparaissait  à  une  profondeur  de  deux 
mètres,  et  par  là  croulait  la  légende  fort  acciéditée  dans  le 
pays,  «l'aprés  laquelle  le  puits  communique  avec  le  Des- 
soubre.  dont  la  source  se  trouve  à  plus  de  cinquante  mètres 
au-dessous.  Comme  on  Ta  fait  remanjuer,  il  était  cependant 
plus  raisonnable  de  supposer  que  les  habitants  du  château 
p^iuvaient  se  procurerde  Teau  très  facilement  au  moyen  d'une 
corde  et  d'une  poulie,  puisqu'ils  se  trouvaient  exactement  au- 
dessus  de  la  source  en  que^tion  ;  dès  lors,  à  quoi  bon  creuser 
un  puits  de  cinquante  mètres  de  profondeur  dans  le  roc  vif? 
De  là,  les  écjuipes  se  sont  transportées  sur  remplacement 
Ouest  du  Château,  au-dessus  du  Val  noir,  où  coule  le  ruis- 
seau qui  alimente  la  Scie  Dessus.  Les  premiers  travaux  ont 
amené  la  découverte  d'une  manière  de  tourelle,  profonde  de 
4  mètres,  reposant  sur  le  rocher  au-dessous  de  la  porte  d'en- 
trée du  Château,  avec  un  escalier  très  primitif,  creusé  dans 
le  roc,  qui  permet  d'y  descendre.  La  destination  de  cette  cons- 
truction, très  bien  conservée  d'ailleurs  nous  échappe  com- 
plètement Par  la  suite»  nous  avons  pu  déblayer  entièrement 
la  partie  du  Château  qui  regarde  le  Nord-Ouest  et  le  Nunl  : 
d'abord  remplacement  du  pont-levis,  et  la  «  basse  »•  cour, 
placée  au-dessus  de  la  tranchée,  qui  fait  face  au  plateau  de 
Grand-Chaux.  Cette  cour  assez  longue,  étroite,  s'étend  de  lo- 
ratoire  au  Val  noir.  Pour  l'établir,  on  a  taillé  le  rocher  de  fa 
çon  à  constituer  une  surface  parfaitement  plane  qu'on  a  re- 
couvert d'une  sorte  de  ciment,  où  entre  du  sable  de  tuf 
comme  élément  principal.  Au  milieu  de  la  cour,  sur  le  bord 


—  277  — 

même  de  la  tranchée,  se  trouve  un  gros  rocher  dans  lequel 
des  escaliers  ont  été  creusés.  De  ce  rocher  un  pont  donnait 
accès  à  la  porte  d'entrée  principale,  dont  remplacement  est 
très  visible  au-dessus  de  la  tourelle  dont  on  a  parlé  plus  haut. 
Celte  porte  est  elle-même  dominée  par  une  plate-forme  tail- 
lée à  pic  de  main  d'homme,  sur  laquelle  se  trouvait  le  donjon 
qui  s'étend  jusqu'aux  salles  découvertes  par  M.  Druot,  au 
Sud,  le  long  du  rempart  naturel  qui  domine  la  source  du  Des- 
soubre.  De  la  porte,  un  sentier  pour  les  mulets,  protégé  au 
Sud-Ouest  par  une  haute  muraille  très  épaisse,  conduit  au 
donjon  et  à  la  «  cour  haulle  »,  d'où  Ton  se  dirigeait  à  gauche 
vers  les  habitations  communes  et  à  droite  vers  le  logement 
des  seigneurs  encore  inexploré.  Si  le  plan  général  est  facile 
à  saisir,  la  destination  précise  des  parties  mises  à  nu  est  en- 
core difficile  à  établir,  par  le  fait  qu'on  distingue  nettement 
plusieurs  constructions  successives.  De  plus,  des  passages, 
des  portes  ont  été  murés,  des  bases  de  tourelles  comblées 
avec  du  sable  de  tuf.  Sur  bien  des  points,  on  doit  se  conten- 
ter de  probabilités. 

Les  travaux  ont  amené  la  découverte  de  (juantité  d'osse- 
ments d'animaux  de  forte  taille,  dans  une  salle  sise  au  dessus 
du  Val  noir,  de  fragments  de  vases  et  de  verre,  de  serpes  et 
de  menus  objets  de  fer.  Ils  ont  eu  lieu  sur  une  longueur  de 
520  mètres  environ.  L'année  prochaine,  nou»  entrerons  par  une 
porte  en  ogive  en  pierre  jaune  taillée,  dite  de  Morteau,  dans 
un  appartement  dont  remplacement  est  visible  au  Nord  des 
premières  salles  Nous  rechercherons  ensuite  la  disposition 
du  donjon  et,  ce  point  fixé,  nous  aborderons  le  saillant  Sud, 
où  était  l'habitation  seigneuriale.  Puisse  notre  œuvre  bien 
modeste  apporter  un  petit  surcroit  d'intérêt  au  site  de  Con- 
solation, et  mériter  d'être  appréciée  des  touristes  et  des  ar- 
chéologues ! 


EDOUARD   GRENIER 

(i8i9-i90i) 


Par  M.  Jules  GAUTHIER 

SBCnéTAlRB     DÉCENNAL 


:Séance  publique  du  i8  décembre  i902 


I 
L'ENFANCE    D'UN    POÈTE 

0  famille,  ô  foyer  où  s'alluma  mon  âme!... 

Quel  Franc-Comtois  ne  connaît  Baume,  un  des  sites  les  plus 
pittoresques  et  les  plus  riants  qu'anime  le  Doubs,  alors  que, 
grossi  des  eaux  du  Cuisancin,  il  roule,  argentés  et  limpides, 
ses  flots  vers  Esnans,  Deluz  et  Besançon.  Le  paysage  qu*il 
traverse  est  charmant;  laissant  sur  sa  gauche  les  hauteurs 
demi  boisées  et  jadis  couvertes  d'un  riche  vignoble  qu'on 
nomme  Gondé  et  la  vallée  étroite  de  Pont-les-Moulins  d'où 
le  Cuisancin  débouche,  venant  du  Lomont,  la  rivière  fait 
tourner  à  droite  les  roues  du  vieux  moulin  de  Cour,  trans- 
iornié  par  une  industrie  récente,  passe  en  vue  de  la  ville 
retranchée  au  bas  de  hautes  collines,  séparée  à  Touest  par 
tout  un  cirque  de  prairies  du  gai  village  de  Champvans, 
piiiî^,  sous  un  grand  pont  flanqué  du  roc  et  des  ruines  d'un 
vieux  château,  précipite  en  murmurant  sa  course  impé- 
lueuâe  :  telle  la  Loue  à  Vuillafans  ! 

[a  petite  ville  encadrée  d'un  frais  décor  d'arbres  fruitiers 


i 


—  279  — 

et  de  vignes,  s'espace  et  s'étage  à  la  base  d'une  montagne 
où  grimpe  et  serpente  la  route  se  dirigeant  vers  Rouge- 
mont.  Le  haut  clocher  pointu  de  son  église  et  le  dôme  de  la 
vieille  abbaye  qui  fut  son  berceau,  la  dominent  ;  Ghampvans, 
le  Château,  et  par  delà  les  cimes  de  Gondé  et  de  Châtard 
sont  tout  son  horizon. 

L'ancien  régime  n'y  a  perdu  que  ses  personnages;  les  cha- 
noinesses  ont  disparu  et  seul  le  secret  de  certaines  confi- 
tures conserve  leur  tradition  dans  les  vieilles  demeures 
qu'elles  habitaient  ;  un  sous-préfet  a  remplacé  le  subdélégué, 
le  tribunal  a  succédé,  et  dans  le  même  hôtel,  au  vieux  bail- 
liage et  les  logis  à  poivrières,  les  maisons  surplombantes,  à 
tourelles  et  à  viorbes,  y  sont  restés  debout  comme  témoins 
des  âges  écoulés. 

C'est  dans  cette  humble  et  jolie  petite  ville  qu'est  né,  le 
20  juin  1819,  Edouard  Grenier,  dans  une  vieille  habitation 
qu'on  peut  voir  encore,  à  l'angle  droit  de  la  rue  qui  descend 
de  la  gare,  presque  en  face  du  clocher  de  l'église  paroissiale. 

C'était  la  maison  de  Simon  Barbier,  maire  de  Baume, 
l'aïeul  maternel  de  l'enfant  dont  le  père,  Jean-Pierre  Gre- 
nier, occupait  à  Montbéliard  les  fonctions  de  receveur  des 
finances.  Les  Grenier  comme  les  Barbier  étaient  des  nou- 
veaux venus  dans  la  bourgeoisie  locale,  mais  leur  honora- 
bilité comme  leur  fortune  leur  donnaient  une  situation  ex- 
ceptionnelle ;  leur  parenté  était  très  nombreuse. 

Tandis  qu'on  laissait  aux  grands-parents,  pour  égayer  leur 
foyer  tranquille,  un  premier  berceau,  celui  de  Jules  Grenier, 
l'ainé  de  deux  ans  du  petit  Edouard,  le  nouveau-né  prit 
avec  sa  mère  le  chemin  de  Montbéliard,  ou  se  passa  sa 
première  enfance. 

€  J'ai  quatre  ans,  je  m'éveille  ;  la  bonne  Tinon  me  porte 
dans  la  chambre  de  ma  mère.  On  m'habille  ;  j'ai  une  robe 
de  mérinos  rouge  et  des  souliers  de  cabron  jaune,  je  me 
trouve  superbe!...  Au  jardin,  il  y  a  des  mûriers  à  fruits 
rouges,  une  grande  allée,  des  arbres  et  des  fleurs  ;  mais  au 


—  280  — 

milieu,  \\  y  a  du  sable  el  j'y  ramasse  des  cailloux  étranges 
et  des  pierres  précieuses.  Au  fond,  une  porte  basse  donne 
sur  un  chemin  qui  conduit  à  la  rivière  ;  tout  cela  est  mer- 
veilieux,  et  depuis,  je  n'ai  rien  vu  de  pareil  au  monde  î... 

»  J'ai  grandi,  je  n'ai  plus  de  robes  comme  les  petites  filles, 
je  porte  des  pantalons  et  des  souliers  noirs  comme  papa, 
je  vais  avoir  sept  ans,  je  suis  déjà  un  enfant  terrible  :  je 
grimpe  aux  arbres,  je  fais  la  chasse  aux  papillons  et  aux  nids. 
Je  suis  devenu  sauvage,  volontaire  et  dominateur.  J'ai  un 
esclave  :  Charlie  qui  madmire,  Charlie,  le  fils  du  cloutier 
voisin  ;  je  commande  une  bande  de  gamins  avec  qui  j'entre- 
prends des  expéditions  lointaines  dans  tous  les  coins  de  la 
ville,  jusqu'à  la  Citadelle  î...  » 

Jeux  d'enfants,  amour-propre  qui  naît,  colères  qui  s'é- 
veillent ;  pas  d'école,  la  mère  d'Edouard  lui  enseigne  à  lire, 
son  père  à  écrire  et  tout  se  passe  en  famille  ;  quelles  joies, 
quand  par  un  soir  d'hiver  le  receveur  particulier  rentre  de 
la  chasse  les  favoris  saupoudrés  de  verglas,  le  carnier  rempli 
de  bécassines,  de  canards,  de  poules  d'eau,  et  que  tout  ce 
gibier  aux  plumes  luisantes  s'étale  ;  quand  au  Vieux-Châ- 
teau des  montreurs  de  lanterne  magique  ou  d'ombres  chi- 
noises jouent  le  Pont  Cassé  et  même  Tartufe^  mais  oui, 
Tartufe,  de  Molière,  un  monsieur  qui  se  cache  sous  une 
table  ! 

En  grandissant  le  cœur  s'éveille;  à  sept  ans,  Edouard 
Grenier  aime  et  soupire.  Elle  avait  deux  ans  de  plus  que 
lui.  Etait-elle  belle?  plus  lard,  il  jugea  que  non.  Durant 
longtemps  il  l'admira,  taisant  avec  Marie  d'interminables 
parties  de  jonchets  (un  jeu  qu'on  ne  pratique  plus  guère). 
«  Un  charme  l'enveloppait  tout  entière,  son  regard,  son  sou- 
rire, le  moindre  de  ses  gestes  m'enchantait  et  me  faisait 
une  atmosphère  de  délices.  »  Toute  une  vocation  de  ten- 
dresse s'éveillait  pour  lui  par  l'innocente  coquetterie  d'une 
petite  fille  blonde  et  douce,  tranquille  et  raisonnable,  dont 
l'influence  transforma  un  garçonnet  turbulent  en  soupirant 


-  281  — 

précoce,  et  je  comprends  le  sentiment  qui,  soixante  ans 
après,  dictait  au  vieillard  ces  lignes  reconnaissantes  :  o  Cher 
Montbéliard  I  que  de  souvenirs,  d'impressions  premières 
inoubliables  il  m'a  laissées,  je  n'en  finirais  pas  si  je  voulais 
tout  dire,  et,  je  le  sens  bien,  cela  ne  peut  intéresser  que 
moi!...  « 

Le  château  de  Montbéliard  et  ses  tours  s'estompent  et 
disparaissent  dans  les  brumes  de  l'Allan,  Edouard  Grenier 
est  devenu  un  collégien  et  a  pris,  comme  Jules  son  frère  aîné, 
le  chemin  de  Fontenay-aux-Roses.  Pour  comprendre  cette 
décision  il  faut  tenir  compte  de  l'influence  et  des  conseils 
d'un  ami  fidèle  de  la  famille,  le  député  Clément,  de  Baume, 
dont  l'initiative  procura  ù  nombre  de  ses  jeunes  compa- 
triotes l'accès  des  grandes  écoles  ou  des  grandes  adminis- 
trations. 

C'était  un  dur  sacrifice  pour  une  mère  de  se  séparer  d'un 
enfant  qui  ne  l'avait  jamais  quitté  ;  le  sacrifice  fut  plus  rude 
encore  pour  le  bambin  de  dix  ans,  partant  avec  un  mince 
bagage  à  la  conquête  de  l'avenir. 

Les  roses  de  Fontenay,  le  parc  et  ses  bosquets,  tout  cela 
donnait  un  air  riant  à  la  cage,  mais  blotti  dans  son  coin, 
meurtri  et  attristé  par  les  brimades,  qui  dans  tout  collège 
attendent  traditionnellement  les  nouveaux,  le  pauvre  oisil- 
lon venu  de  Baume,  pleurait  le  doux  nid  déserté.  Il  fut  long 
à  s'habituer  à  la  discipline  et  au  travail,  nouveau  pour  lui, 
se  créa  peu  de  camarades,  vécut  de  souvenirs  ou  d'espoirs  et, 
petit  à  petit,  de  labeur  et  de  résignation. 

Parmi  les  maîtres  de  Fontenay-aux-Roses,  il  en  était  un 
dont  le  nom  et  la  réputation  avait  déterminé  le  choix  de  ce 
collège,  qui  eut  de  longues  années  de  célébrité  et  fut  consi- 
déré comme  la  Sainte-Barbe  des  Champs. 

Il  se  nommait  H.  Ordinaire,  et  était  de  Besançon,  a  II 
avait  composé  une  grammaire  latine  d'après  une  méthode 
qui  abrégeait  fort  l'étude  de  cette  langue.  C'était  un  petit 
homme  sec  et  osseux,  très  dur  au  physique  comme   au 

19 


—  282  — 

moral.  Il  avait  inventé  aussi  une  façon  de  nous  inculquer  sa 
méthode  qui  était  touchante,  c'est  le  cas  de  le  dire.  Il  se  ser- 
vait d'une  tabatière  d'argent  pour  priser,  mais  il  s'en  servait 
encore  autrement.  Aux  examens,  quand  on  lui  répondait 
mal,  la  tabatière  entrait  en  jeu  en  môme  temps  que  son 
pied.  Le  pied,  fortement  chaussé,  frappait  la  jambe  du  mal- 
lîeureux  élève,  tandis  que  la  tabatière  attaquait  les  côtes  ou 
la  tête.  Cette  inéthode-là  n'était  pas  bien  nouvelle,  mais  elle 
aidait  puissamment  à  l'intelligence  de  l'autre.  » 

Les  impressions  pénibles  du  début  de  Fontenay-aux- 
Roses,  corrigées  à  la  longue  par  de  bonnes  camaraderies  et 
par  l'intérêt  qu'Edouard  Grenier  finit  par  prendre  à  ses  étu- 
des, s'effacèrent  peu  à  peu,  grâce  aux  vacances  qui  lui  firent 
entrevoir  la  mer  à  Saint-Valery  avec  ses  spectacles  gracieux 
et  émouvants,  ailleurs  d'autres  paysages,  et  le  ramenèrent 
enfin,  en  4829,  à  Baume,  pour  y  embrasser  une  petite  sœur 
née  depuis  peu  et  dont  son  frère  et  lui  se  disputèrent  l'affec- 
tion, en  la  portant,  en  la  promenant,  comme  une  délicieuse 
petite  poupée. 

Sa  première  communion  en  1831,  préparée  par  Tévèque 
du  Maroc,  l'abbé  Guillon,  aumônier  de  Fontenay,  son  entrée 
au  grand  collège,  une  grave  maladie  dont  Jules  Grenier 
foillit  mourir,  furent  les  grands  événements  de  cet  internat 
de  Fontenuy-aux-Roses  qui  dura  jusqu'à  1834,  c'est-à-dire 
jusqu'à  la  rhétorique,  et  dont  la  sortie  constitua  pour  l'es- 
prit indépendant  du  jeune  Baumois  une  véritable  délivrance. 
Les  parents  décidèrent,  à  sa  grande  joie,  que  tandis  que  son 
aîné  resterait  à  Paris  pour  se  préparer  à  l'Ecole  polytech- 
nique, sous  la  direction  de  son  cousin  Ebelmen,  qui  venait 
d'y  entrer  premier,  Edouard  irait  à  Besançon  faire  au  col- 
lège royal  sa  philosophie,  en  externe  libre,  c'est-à-dire  en 
grand  garçon. 

Un  voyage  en  Suisse,  où  les  conduisit  leur  grand-père, 
ménagea  la  transition  aussi  agréable  qu'inespérée  entre  la 
prison  et  la  liberté.  «  Voir  les  lacs,  les  montagnes,  les  gla- 


—  283  — 

cierSy  quelle  joie  pour  des  prisonniers  comme  nous  et  des 
imaginations  de  quinze  ans 

€  L'automne  s'écoula  et  s'inclina  sensiblement  vers  l'hi- 
ver. Il  y  eut  encore  de  belles  journées ,  l'été  de  la  Saint- 
Martin  comme  l'on  dit,  et  c'est  précisément  l'époque  où  la 
Franche-Comté  est  dans  toute  sa  beauté.  L'été,  le  paysage 
est  trop  vert  et  d'un  vert  un  peu  crû.  L'arrière-saison  avec 
ses  teintes  variées,  son  ciel  adouci,  ses  vapeurs  bleuâtres, 
prête  à  nos  montagnes  un  caractère  plus  fin,  plus  poétique 
en  les  revêtant  d'une  grâce,  d'une  distinction,  d'une  no- 
blesse qu'elles  n'ont  pas  dans  le  robuste  éclat  de  leur  ver- 
dure prin  tanière... 

<  C'est  ici  le  lieu  de  dire  quelques  mots  de  notre  vieille 
maison,  elle  doit  remonter  à  trois  siècles  et  fut,  dit-on,  bâtie 
par  MM.  de  Lasnans,  libres  barons  d'Empire. 

a  Malgré  ses  dimensions  restreintes,  rien  ne  lui  manque 
comme  dépendances  :  double  cour  en  forme  de  douves,  ni 
jardins  en  terrasse.  Le  jardin  qui  domine  la  maison  est  un 
vrai  jardin  de  curé. 

«  Des  carrés  de  légumes  entourés  d'arbres  fruitiers,  de 
quenouilles,  qu'au  printemps,  quand  leurs  branches  ploient 
sous  des  fleurs  épanouies,  mon  père  comparait  volontiers  à 
des  processions  de  jeunes  filles. 

«  Des  pierres  moussues  bordent  les  allées,  une  charmille 
au  fond  avec  une  treille  en  berceau  que  j'y  fis  planter  pour 
me  rappeler  l'Italie  ;  on  le  voit,  c'est  la  simplicité  même. 

a  Tel  qu'il  est,  c'est  le  lieu  que  j'aime  le  plus  au  monde. 
Mon  grand-père  m'y  a  porté  dans  ses  bras,  je  m'y  suis  pro- 
mené avec  ma  mère,  j'y  ai  joué  avec  ma  sœur,  pleuré  avec 
mon  frère.  > 

Et  cette  vieille  demeure  et  tous  les  cœurs  qui  battaient  à 
l'unisson  pour  entourer  l'enfant  de  leurs  tendresses,  dont 
il  avait  été  sevré  si  longtemps  dans  la  geôle  de  Fontenay- 
aux-Roses,  il  fallut  s'en  séparer,  en  gagnant  Besançon  et 
son  collège  le  15  novembre  1834.  On  établit  le  philosophe 


—  -284  - 

chez  un  professeur  du  collège  qui  demeurait  dans  une 
vieille  maison  du  Chapitre,  entre  la  maison  Talbert  et 
rhôtel  Hugon  d'Augicourt.  «  Il  y  restait  même,  remontant 
au  moins  à  1789,  un  chanoine  grand,  mince,  avec  les  ailes 
de  pigeon  poudrées,  la  culotte  noire,  les  bas  de  soie.  Il  jouait 
du  violon  et  rien  que  de  vieux  airs  qui,  le  soir,  me  por- 
taient à  la  mélancolie. 

«  On  y  accédait  par  une  étroite  porte  cintrée;  de  ses 
vieilles  et  étroites  fenêtres  à  meneaux,  la  vue  était  superbe 
et  s'étendait  sur  une  grande  partie  de  la  ville,  avec  les  belles 
lignes  du  mont  de  Bregille  comme  lointain  et  tout  un  groupe 
de  grands  et  beaux  arbres  pour  premier  plan. 

tt  Chaque  jour  en  descendant  du  Chapitre,  pour  me  ren- 
dre au  collège,  je  passais  sous  la  Porte  Noire.  L'arc  mutilé 
reste  un  monument  de  fière  allure.  Sur  la  face  qui  regarde 
Saint-Jean,  dans  un  enfoncement  obscur  qui  forme  niche, 
se  dresse  en  haut-relief  une  charmante  figure  de  Vénus.  La 
déesse  sort  de  Tonde  amère,  ses  pieds  reposent  sur  une 
conque,  une  draperie  voltige  autour  de  son  torse  ;  les  siècles 
l'ont  décapitée,  mais  ce  beau  corps  garde  néanmoins  je  ne 
sais  quelle  grâce  divine  et  voluptueuse  qui  charme  le  re- 
gard et  fera  toujours  rêver  un  artiste  et  un  poète.  —  Et  j'en 
rêvais  I 

«  Tous  les  matins  et  tous  les  soirs,  malgré  toute  ma  phi- 
losophie, je  saluais  du  cœur  et  des  yeux  la  Mère  des  amours, 
c'est  peut-être  à  elle  que  je  dois  ma  prédilection  pour  la 
sculpture. 

«  La  classe  de  philosophie  se  composait  d'une  soixantaine 
d'élèves.  J'étais  le  plus  jeune  et,  quoique  arrivé  six  semai- 
nes après  les  autres,  je  n'en  fus  pas  moins  le  premier  lors 
de  la  composition  et  j'eus  le  prix  de  Pâques,  à  mon  grand 
étonnement  je  l'avoue.  Cela  donnera  une  piètre  idée  de  la 
classe  et  de  la  philosophie  qu'on  y  enseignait.  Son  profes- 
seur était  pourtant  un  homme  de  mérite,  à  figure  fine  ;  il  se 
nommait  M.  Bénard  et  traduisit  Hegel. 


—  285  — 

€  Je  ne  me  liai  avec  personne  et  sauf  Louis  Grenier  et 
Louis  Barbier,  mes  deux  cousins,  qui  étaient  de  ma  classe, 
sauf  Darlay,  fils  du  professeur  chez  lequel  je  logeais  et  qui 
partageait  ma  chambre,  je  ne  fis  pas  d*amitiés  nouvelles.  » 

Et  Tannée  s'écoula,  terminée  par  la  consécration  du  bac- 
calauréat qui  valut  au  vainqueur  d'amples  vacances,  parta- 
gées avec  son  frère. 

«  Nous  passâmes  ces  vacances  comme  on  les  passe  à  Tâge 
de  l'adolescence,  à  courir  dans  les  bois,  à  grimper  dans  les 
rochers,  à  rêver  au  bord  des  rivières  ou  dans  les  combes  de 
notre  pays  agreste,  à  lire,  h  causer,  à  dessiner.  Notre  père 
était  un  pêcheur  et  un  chasseur  émérite;  il  ne  nous  transmit 
ce  double  talent  que  d'une  façon  bien  imparfaite.  Nous 
allions  cependant  quelquefois  pêcher  avec  lui.  La  chasse, 
qui  du  reste  plaisait  peu  à  notre  mère,  ne  nous  avait  pas 
entraînés  comme  il  est  d'ordinaire  à  cet  âge  ;  nous  étions 
trop  rêveurs  !  Que  de  fois  suis-je  sorti  le  fusil  sur  l'épaule 
et  un  livre  dans  ma  poche  pour  une  chasse  lointaine.  Au 
premier  buisson  je  m'asseyais  contre  un  arbre,  j'ouvrais 
mon  livre  et  adieu  les  lièvres  et  les  perdreaux  !  J'étais  parti 
pour  les  régions  éthérées  de  l'illusion  et  du  rêve.  » 

Les  vacances  finirent  et  au  lieu  de  gagner  l'Allemagne, 
Edouard  Grenier  et  son  frère  vinrent  à  Besançon,  l'un  pour 
y  travailler  son  examen  de  Polytechnique,  l'autre,  c'est-à- 
dire  Edouard,  pour  y  apprendre  la  procédure  chez  l'avoué 
Lonchamp.  Ils  demeuraient  ensemble,  au  n^  51  de  la  Grande- 
Hue,  vis-à-vis  une  vieille  maison  dont  la  devise  :  Fac  hene 
ne  iimeas  semblait  leur  dicter  le  devoir  ;  au  coin  de  la  rue 
Saint  Antoine  et  de  la  rue  des  Chambrettes,  la  maison  à 
tourelle  abritait  leur  pension.  Orientés  l'un  vers  l'art,  l'autre 
vers  la  littérature,  chacun  des  deux  frères  avala,  huit  mois 
durant,  l'amer  breuvage  que  la  volonté  paternelle  leur  ver- 
sait, et  cela,  dans  l'intérêt  d'une  carrière  que  ni  l'un  ni  l'au- 
tre ne  devait  suivre  ;  l'été  suivant,  tous  deux  l'avaient  jetée 
aux  orties,  Jules  ne  parvenait  pas  à  entrer  à  Polytechnique, 


—  286  — 

la  procédure  n'était  pas  la  Muse  qui  devait  entraîner 
Edouard. 

Et  une  fois  encore  le  conseil  de  famille  tenu  à  Baume 
aiguilla  sur  une  autre  voie  les  wagons  qui  portaient  Jules 
et  Edouard  et  leur  fortune,  celui  de  Jules  vers  l'Ecole  cen- 
trale ou  Tarchitecture,  celui  d'Edouard  vers  l'Allemagne, 
c'est-à-dire  vers  l'inconnu. 

Leur  mère  avait  une  amie  mariée  à  Stuttgard  ;  elle  pré- 
para l'installation  d'Edouard,  et  toute  la  famille,  sauf  son 
père  retenu  par  ses  fonctions  et  sa  grand'mère  par  ses  in- 
firmités, l'accompagna  par  Strasbourg  et  Baden,  à  Stuttgard, 
où  la  caravane  débarqua  le  24  septembre  1836. 

«  Nous  passâmes  à  Montbéliard  où  nous  ne  vîmes  pas 
Mlle  Marie  qui  venait  de  se  marier  ».  Le  premier  amour 
d'enfant  était,  hélas  I  frappé  à  mort. 

S'il  est  un  pays  d'Allemagne  où,  même  après  des  déchire- 
ments inoubliables,  le  cœur  français  puisse  battre  sans  haine 
et  sans  révolte,  où  une  commune  sympathie  puisse  naître 
et  provoquer  de  part  et  d'autre  une  mutuelle  confiance,  c'est 
le  Wurtemberg,  c'est  la  Souabe,  un  pays  hospitalier,  dont 
les  mœurs  patriarcales  survivent  et  résistent  encore  à  la 
corruption. 

Malgré  les  transformations  accomplies  en  un  demi-siècle, 
je  l'ai  connu  tel  encore  qu'Edouard  Grenier  le  découvrit  à 
l'extrême  début  de  sa  jeunesse,  et  je  comprends  son  en- 
thousiasme d'y  avoir  pénétré  et  vécu. 

Quelle  jolie  ville  bâtie  en  amphithéâtre  au  pied  de  hautes 
collines,  amorce  des  Alpes  de  la  Forêt-Noire,  sur  les  flancs 
desquelles  montent  des  vignes  et  des  forêts  de  pins  parfu- 
mées, couronnées  par  les  hauteurs  du  Bopser  et  de  Deger- 
loch. 

Tous  les  palais  de  Stuttgard  sont  intéressants  :  le  Vieux 
Château,  dont  les  tours  massives  ont  le  même  profil  que 
celles  de  Montbéliard,  la  Résidence  royale  avec  ses  colon- 
nades, ses  fontaines,  ses  grands  bassins  et  son  parc  qui  va 


-  287  — 

jusqu'à  Cannstatt  retrouver  le  Neckar;  Rosenstein,  la  Villa 
royale  et  le  caprice  oriental  de  la  Wilhelma.  Et  partout,  dans 
les  musées,  les  bibliothèques,  comme  dans  les  magasins  ou 
les  intérieurs  bourgeois,  quel  aimable  accueil  pour  l'étran- 
ger, pour  le  Français  surtout,  car  on  n'a  pas  oublié  là-bas  ni 
le  passage  ni  le  séjour  des  Bonaparte  ou  des  d'Orléans  et  l'on 
s'y  souvient  que  la  plume  magique  du  vainqueur  d'Iéna  a 
signé  le  décret  qui  créa  le  royaume  de  Wurtemberg. 

L'amie  de  M"i<^  Grenier,  M'"^'  Koch,  et  ses  deux  aimables 
jeunes  filles  eurent  vite  acclimaté  Edouard  Grenier,  confié 
aux  bons  soins  d'un  docteur  en  théologie,  M.  Ostertag,  un 
pasteur  surnuméraire,  farci  de  grec,  de  latin,  voire  d'hébreu, 
qui  s'évertuait  en  bon  scholar  à  initier  aux  beautés  de  la  lit- 
térature et  aux  rudesses  de  la  langue  allemande  tout  un  lot 
déjeunes  Anglais  et  Suisses.  M.  Ostertag,  grand,  froid,  si- 
lencieux, nonchalant,  avait  bien  l'allure  d'un  prédicant;  il 
était  de  la  secte  rigide  des  mômiers  ou  piétisles,  ce  dont  se 
ressentait  la  sévérité  de  son  enseignement.  Grâce  à  la  com- 
position de  la  pension,  l'anglais  était  la  langue  dominante; 
l'étudiant  venu  de  Baume  se  plia  au  courant,  mordit  à  la  fois 
aux  deux  dialectes  et  se  familiarisa  avec  eux.  Plus  que  les  le- 
çons du  docteur,  la  lecture  et  la  traduction  à  coup  de  diction- 
naire et  d'efforts  personnels  de  Schiller,  de  Gœthe,  de  Les- 
sing,  firent  ce  miracle  si  difficile  à  réaliser  chez  nous  autres 
Français,  de  faire  pénétrer  le  jeune  bachelier  dans  le  génie 
tudesque  ;  et  tout  lui  devint  facile  désormais  grâce  à  la  volonté 
inflexible  de  sortir  victorieux  de  l'entreprise.  Cette  influence 
de  la  littérature  allemande  sur  sa  vocation  poétique  ne  fut 
pas  moindre  que  la  connaissance  de  l'allemand  courant,  écrit 
ou  parlé,  ne  le  fut  pour  ses  succès  futurs  dans  la  carrière  di- 
plomatique ;  sa  famille  avait  été  bien  inspirée  en  l'envoyant 
à  Stuttgard. 

Dans  ses  excursions  journalières  dans  les  grandes  forêts, 
dans  les  parcs  royaux  aux  mystérieux  ombrages,  dans  les 
villages,  les  petites  villes  si  curieuses  qui  avoisinent  la  petite 


—  288  — 

capitale  et  sont  pleines  encore  des  souvenirs  de  Schiller, 
d'Uhland  et  de  Schubarl,  des  chefs-d'œuvre  de  ces  tailleurs 
d'images  qui  ont  enfanté  tant  de  merveilles  d'Ulm  à  Esslin- 
gen,  à  Heilbronn  ou  à  Tubingen,  Edouard  Grenier  rapportiit 
d'heureuses  impressions  et  tout  un  trésor  de  sensations  nou- 
velles. Il  était  arrivé  à  Stuttgard  à  la  chute  des  fruits  du  mar- 
ronnier; quand  les  marrons  commencèrent,  en  1837,  à  sortir 
de  leurs  coques  épineuses,  un  sentiment  poignant  le  fît  son- 
ger au  départ. 

Son  frère  Jules  le  vint  chercher  et  ce  fut  une  douloureuse 
séparation  d'avec  les  objets  inanimés  et  les  autres,  car  aussi 
bien  les  gracieuses  filles  de  M™*  Koch  qui,  avec  leur  mère, 
avaient  suppléé  les  tendresses  du  foyer,  que  ses  camarades 
de  la  pension  Ostertag,  les  chênes  du  Bopser  ou  les  bosquets 
de  la  Silberburg,  tout  cela  s'était  partagé  son  âme  et  avait 
pris  dans  son  cœur  d'enfant  une  place  qui  leur  resta  à  jamais 
conquise.  L'année  passée  à  Stuttgard,  il  le  déclarait  encoreà 
ses  derniers  jours,  fut  pour  Edouard  Grenier  Tune  des  plus 
belles  et  des  plus  heureuses  de  sa  vie  ;  il  en  sortait  plein  de 
sève  et  d'enthousiasme,  avec  les  illusions  généreuses,  sans 
lesquelles,  entre  Tenfance  et  la  jeunesse,  il  y  aurait  tout  un 
désert  aride  et  morne  à  traverser. 

Il  en  sortait  sûr  de  cette  vocation  de  poète  dont  son  oreille 
avait  perçu,  bien  faibles  encore,  les  voix  indécises,  dans  le 
collège  de  Fontenay-aux-Roses,  et  dont,  sans  guide  et  sans 
conseil,  il  avait  presque  enfant  encore,  réussi  à  affirmer  la 
vérité  et  la  puissance,  par  des  ébauches  de  drames  en  vers 
qui,  sans  être  le  fruit  d'une  inspiration  sublime,  révélaient 
du  moins,  sous  une  ardeur  juvénile,  de  réelles  qualités  de 
style  et  une  aimable  facilité. 

Et  maintenant  nous  avons  épuisé  dans  ces  courtes  et 
simples  pages  ce  que  nous  savions,  ce  qu'Edouard  Grenier 
a  retenu,  a  écrit,  nous  a  raconté  de  son  enfance. 

Les  bienfaits  de  ses  parents,  les  heures  de  bonheur  plus 
nombreuses  que  celles  de  tristesse,  les  tendresses  mater- 


—  289  — 

nelles  y  tiennent  une  large  place,  et  rattachement  au  pays, 
à  la  vieille  demeure  où  tous  sont  nés,  où  quelques-uns  déjà 
sont  morts,  s'y  affirme  à  chaque  pas. 

Flétri  par  l'âge,  l'enfant,  après  avoir  salué  cette  vieille  mai- 
son dans  une  pièce  vibrante  d'émotion  et  superbe  de  facture  : 
0  famille^  ô  foyer  où  s'allutna  mon  âme. . . ,  y  reviendra  comme 
l'oiseau  blessé  retourne  au  nid,  pour  s'y  coucher  et  y  mourir. 

Mais  à  l'heure  où  sonnent  ses  vingt  ans  et  où  nous  arrê- 
tons ce  récit  des  premiers  pas  de  sa  vie,  il  en  sort  heureux 
encore,  amoureux  de  l'existence,  allant  conquérir  à  Paris  le 
rayon  de  gloire  qui  sourit  à  ses  espérances,  serrant  sur  sa 
poitrine,  comme  un  talisman,  tous  les  souvenirs  joyeux 
et  tristes  qu'il  a  retracés  dans  ces  vers  : 

Tu  m'as  laissé  d'abord  aux  rives  ignorées 

Où  le  Doubs  clair  étend  ses  nappes  azurées 

Parmi  les  rocs  à  pic,  les  prés  verts  et  les  bois. 

C'est  là  que  s'é veillant  pour  la  première  fois 

Ton  âme  vit  au  seuil  de  cette  vie  amère 

Cet  ange  souriant  qu'on  appelle  une  mère. 

Ta  mère  !  ô  souvenir  !  ineffable  trésor, 

Le  seul  qu'en  vieillissant  le  temps  augmente  encor  ! 

Age  heureux  où  l'enfant  fort  de  son  innocence 

Est  encore  dans  TEden  et  croit  à  sa  puissance 

Et,  quoique  né  d*hier,  s'imagine  immortel  ! 

Il  a,  comme  Jacob,  sa  pierre  de  Béthel, 

Et  du  ciel  à  la  terre,  il  voit  la  nuit,  sans  trêves, 

Des  anges  descendant  l'échelle  de  ses  rêves. 

Age  heureux!  seul  heureux!  quand  au  bord  du  sillon, 

Il  suffit  d'une  fleur,  d'un  nid,  d'un  papillon 

Pour  faire  déborder  notre  âme  comme  un  vase  ! 

As- tu  donc  oublié  Fontenay  et  ses  roses, 
Et  la  geôle  lettrée  aux  vieux  maîtres  moroses 
Où  l'enfant  enfermé  dans  un  cercle  de  fer 
A  l'âge  du  bonheur  comprit  enfin  l'enfer? 


—  290  — 

Adieu  la  liberté,  Tessor  du  premier  âge 

Et  dans  les  prés  en  fleurs  le  gai  vagabondage! 

Adieu  le  foyer  paternel  où  le  jour 

Passait  libre  et  joyeux  sous  des  regards  d'amour. 

Adieu  ta  mère!  adieu  ses  baisers,  ses  caresses) 

Et  ta  petite  amie  et  ses  calmes  tendresses 

Et  tes  jeux  innocents  avec  elle  au  jardin. 

> ....• 

—  Puis  ce  n'est  plus  le  Doubs  à  la  teinte  azurée 
Ni  la  France.  A  présent  c'est  une  autre  contrée, 
Le  ciel  n'a  pas  changé  c'est  le  même  soleil, 

La  même  terre  aussi,  pourtant  rien  n'est  pareil. 

C'est  le  Rhin,  le  Neckar,  la  sombre  Forêt-Noire, 

L'Allemagne  rêveuse... 

Jours  d'étude  et  de  paix,  d'ardente  poésie 

Dont  chaque  heure,  apportant  sa  coupe  d'ambroisie, 

T'enivrait  de  bonheur,  de  génie  et  d'amour!... 

...  En  avant!  en  avant!... 

—  C'est  Paris  maintenant,  le  monde  et  ses  orages 
C'est  la  vie  à  vingt  ans  avec  tous  ses  mirages 
Ses  rêves  de  grandeur,  ses  folles  passions  !... 


FLORA  SEQUANIil  EXSICCATA 


HERBIER   DE  LA  FLORE  DE  FRANCHE-COMTÉ 

PUBLIÉ 

Par  M.  X    VENDRELY 


X. 


i*  Liste   do  S4*  fascicule. 


Collaborateurs  pour  ce  fascicule  :  MM.  Brunard,  Cardot,  Rémond, 
J.  Strich,  X.  Vendrely,  (Ozamon,  Saltel). 

Abrév.  :  D=Doubs,  S = Haute-Saône,  J:=Jura,  Vi=  Vosges, 
A:=A.in,  Sb= Haute-Savoie. 


iOCH.  Pulsatilla  rubra  Lam.         A. 

1002.  RanunculuspeltatusSchrank. 

S. 

1003.  —  ThoraL.  A. 
100*.  Callha  palustris  L.  S. 

1005.  Isopyrum  thalictroides  L.  A. 
6i06wHutchinsiapetraeaR.Br,    A. 

1006.  Cardamine  pratensis  L  forma 

S. 

1007.  Alyssum  Beugesiacum  J.  F. 

A. 

1008.  Draba  muralis  L.  A. 
A.  (Thlaspi  arenarium  Jord.  Aveyr.) 
15  ter  Helianthemum  pulverulen- 

tum  D.  C.  A. 

1009.  Viola  hirta  L.  S. 

1010.  —    subtilis  Jord.  S. 

1011.  Viola  subincisa  Bor.  S. 

1012.  —    stagnina  Kit.  A. 


584  ter  Pyrola  minor  L.  S. 

1013.  Silène  oleracea  Bor.  S. 

1014.  Lychnis  flos  cuculli  L.        S. 

1015.  Cerastium  pallens  Sch.       S. 

1016.  Genista  sagitlalis  L.  S. 

1017.  Lathyrus  sphsericus  Retz.  A. 

1018.  Orobub  tuberosus  L.  S. 

1019.  Prunus  erythrocalyx  p.    ru- 

bella  Clav.  S. 

1020.  Potentilla  rupestris  L.        A. 

1021.  Alchemilla  (vulgaris)  strigu- 

losa  Bus.  S. 

1022.  Crataegus   monogyna  Jacq., 

V.  Kyrtostyla  Beck.  S. 

1023.  Saxifraga  aizoidea  L.  .A. 

1024.  Heracleum  Alpinum  L.,  f.  Ju- 

ranura  Gent.  A. 

1025.  Anthriscus  Cerefolium  HfTni. 

S.  c. 


—  292  — 


1026.  Âsperula  trinervia  Lam.     A. 

1027.  Galium  verum  L.  S 

1028.  Knautia  arvensis  Koch.  S. 
9096Û    —      intermediaBruegg.  S. 

1029.  Chrysanthemum  Parthenium 

Pers.  S. 

81  ter  Bellidiastrum  Alpinum  Mich. 
1030    Centaurea  Lugdunensis  Jord. 

A. 

1031.  Taraxacum  officinale Wigg.  S. 

1032.  Hieracium  Auricula  L.  S. 
1083.  Vaccinium  Myi  lillus  L.  S. 
5866(8  Arctostaphylos  officinalis  W. 

A. 
103i.  Pinguicula  Alpina  L.  A. 

1035.  Ulricularia  minor  L.  A. 

1036.  MenyanLhes  trifoliata  L.      S. 

1037.  Convolvulus  arvensis  L.      S. 

1038.  Lycium  vulgare  Dun.        De. 

1039.  Echium  vulgare  L.  S. 
942  bis  Pulmonaria  vulgaris  Dum. 

S. 

1040.  Borrago  officinalis  L.  S. 

1041.  Linaria  minor  Desv.  S. 

1042.  Veronica  serpyllifolia  L.      S. 

1043.  Melampyrum  nemorosum  L. 

A. 

1044.  Glechoma  hederacea  L.       S. 

1045.  Galeobdolon  luleum  Huds.S. 

1046.  Lamium  album  L.  S. 

1047.  —       amplexicaule  L.    S. 

1048.  Ajuga  reptans  L.  S. 
10i9.  Plantago  média  L.                S. 

1050.  —  lanceolata  L.  S. 
518  bis  Littorella  lacustris  L.        S. 

1051.  Chenopodium   bonus    Henri- 

cus  L.  S. 

1052.  Polygonum  aviculare  L.,  for- 

ma. S. 

1053.  Rumex  Acelosella  L.  S. 


1054.  Daphne  Mezereum  L.         A. 
iQS5.  Euphorbia  palustris  L.        A. 

1056.  -         Peplus  L.  S. 

1057.  —        Cyparissias  L.    S. 

1058.  —         Amygdaloides    L. 

S. 

1059.  Ulmus  montana  Sm.  S. 

1060.  Salix  aurita  L.  S. 

1061.  Juniperus  communis  L.      A. 

1062.  Tulipa  Celsiana  DC.  A. 

1063.  ErythroniumdenscanisL.  A. 

1064.  AUiumSchœnoprasumL.var. 

Alpinum  Koch.  A. 

135  bis  Leucoium  vernum  L.      A. 

1065.  Orchis  sambucina  L.  A. 

1066.  —      Traunsteineri  Saut.  S. 
142  bis  Ophrys  aranifera  Huds.    A. 

1067.  Gladiolus  palustris  Gaud.  A. 
1008.  Sisyrinchium    mucronatum 

Mich.  A. 

1069.  Iris  pseudo-Acorus  L.         S. 

1070.  Typha  minima  L.  A. 

1071.  Scirpus  lacustris  L.  S. 

1072.  —      sylvaticus  L  S. 
678  bis  Rhynchospora  alba  Vahl.  A. 

1073.  Carex  brizoides  L.  S. 

1074.  —     leporina  L.  S. 

1075.  —    polyrhiza  Wallr.        D. 

1076.  —    brevicollis  DC.  A. 

1077.  —    Baldingera     arundina- 
cea  Kth.  S. 

B.  (Echinochloa  eruciformis  Rchb- 
cult.) 

1078.  Anthoxanthum  odoratum  L. 

S. 

1079.  Milium  effusum  L.  S. 

1080.  Arrhenalherum  elatius  Gaud. 

S. 
700  bis  Selaginella  spinulosa  A.  Br. 

A. 


^  293  — 
!2«  Notes   sur   quelques   espèces. 

Nous  avons  le  plaisir  de  publier  dans  ce  fascicule  un  cer- 
tain nombre  de  plantes  jurassiques  intéressantes,  recueillies 
dans  le  département  de  l'Ain,  par  M.  Brunard,  instituteur  à 
Ambléon,  qui  a  bien  voulu  ajouter  les  quelques  notes  dont 
nous  faisons  suivre  quelques-unes. 

1001.  Pulsatilla  ruhra  Lam.  —  Plante,  plutôt  méridionale, 
qui  remonte,  en  colonies  abondantes,  sur  tous  les  coteaux 
secs  et  calcaires  des  bords  du  Rhône,  exposés  au  midi,  et  sur 
les  coteaux  de  TAin,  —  à  Villieu. 

1003.  Ranunculus  Thora  L.  —  Cette  plante  des  hauts  som 
mets  jurassiens  est  venue  s'implanter  au  sommet  du  Grand- 
Colombier,  1534  m.  d'altitude,  à  l'exposition  du  couchant,  où 
M.  Brunard  l'a  découverte  en  1898;  c'est  la  station  la  plus 
méridionale  de  l'Ain. 

1005.  hopyriim  thalictroides  L.  —  lligneux-le-Franc. 

610  bis.  Huichinsia  petraea  R.  Br.  —  Loves. 

1007.  Alisstim  Beugeaiacum  Jord.  et  Fourr.  —  Mol  lard-de- 
Don. 

1008.  Draba  muralis  L.  —  Virieu-le-Grand. 

15  ter.  L'espèce  publiée  sous  ce  numéro,  provenant  du 
Pont-de-Chazey  et  envoyée  sous  le  nom  d*Hclianthemum 
pilosum  Fers.,  ne  serait  pour  M.  Foucaud,  à  qui  je  l'ai  com- 
muniquée, que  //,  pulvendentum,  DC  {=  polifolium  a  au- 
gustifolium  Koch). 

1012.  Viola  atagnina  Kit.  —  Connue  au  marais  des  Echets 
(d'où  proviennent  les  échantillons),  retrouvée  aux  marais  de 
Ck>lliard  et  aux  bords  du  lac  d'Ambléon,  ce  qui  indique  qu'elle 
doit  être  plus  disséminée  qu'on  ne  l'a  notée  jusqu'à  ce  jour. 

1017.  Lathyrus  sphœricm  Retz.  —  Ambléon. 

1020.  Potentilla  rupestris  L.  —  Id 

1035.  Utriculinna  minor  L.  —  Id. 

1054.  Daphne  Mezereum  L.  —  Id. 


—  294  — 

1023.  Saxifraga  aizoidea  L.  —  Bellegarde. 

1026.  AaperiUa  trinervia  Lam  —  Le  Mollard-de-Don. 
81  ter.  Dellidiaatrum  Alpinum  Mich.  —  Le  Grand- Colom- 
bier. 
1043.  Melampyrum  nemorosum  L.  (M.  violaceum  Lam.). 

-  Id. 

586  bis.  Arctostaphylos  officinalis  Wimm.-Gr.  —  (Arhuixn 
xiva  ursi  L.  —  Sothonod. 
1034.  Pinguicula  albifiora  Reus.  (P.  Alpina  L.).  —  Id. 

1063.  Erythroniutn  deiis  canis  L.  (E,  biilbosum  Saint-Lag.). 

—  Id. 

1065.  Orchis  sixmbucina  L.  —  Id. 

1064.  Alliurn  Sclioenoprasum  var.  Alpinum  Kodi.  — 
Brenod. 

1024.  Henicleum  Alpinum  L,  f.  Juranum  Genty.  —  N'a 
que  deux  stations  dans  l'Ain  :  forêts  de  sapins  du  col  de  la  Ro- 
chette  (où  ont  été  récoltés  les  échantillons)  et  de  Planachet. 
à  1100  m.  d'altitude  ;  toutes  deux  exposées  au  couchant. 

1030.  Centaurea  Lugdunensis  Jord.  —  Quatre  stations 
dans  l'Ain  :  1»  la  Pape,  sur  les  bords  du  Rhône,  à  faible  alti- 
tude; 2^  aux  Monts-d'Ain,  près  de  Nantua,  à  1000  m.  d'alti- 
tude; 3°  au  Reculet;  4»  sur  le  plateau  de  Retord  prairies  dé- 
calcifiées de  la  Croix-Jean-Jacques,  à  1200  ni.  d'altitude), 
d'où  proviennent  nos  échantillons. 

1062.  Tulipa  Cchiima,  DG.  —  N'a  que  la  seule  station: 
les  pelouses  rocheuses  du  sommet  du  Grand-Colombier,  à 
1534  m.  d'altitude,  exposition  du  levant. 

1067.  Gladiolus  pcilu9tris  Gaud.  —  Colliard. 
1070.  Typha  minima  Hoppe.       Cordon. 

1068.  Sisynilchium  wucronatum  Mich.  (S.  Bermudianuni 
V.  boréale^  de  Boissieu).  —  Occupe  une  station  de  quelques 
centaines  de  pieds,  dans  un  pré  marécageux,  à  Passin,  parmi 
les  joncs  et  les  carex,  à  2  kilomètres  de  toute  habitation. 


—  295  — 

3*  Plantes  nouvelles   pour  la   Haute- Siaène. 

1002.  Ranunculus  peltatus  Schrank.  —  Ghampagney. 

1010.  Viola  Bubtilis  Jord.  —  Id. 

1011.  V.  suhincisa  Bor.  —  Id. 
1013.  Silène  •oleracea  Bor.  —  Id. 
10^15.  Cerasiium  pallens  Sch.  —  Id. 

1019.  P7*unu8  eryt/u'ocalyx  (&.  rubelln)  Clav.  —  Id. 

1021.  Alchemilla  (vulgaris)  strigulosa  Bus.  —  Id. 

1022.  Cratœgus  monogijna  Jacq.  var.  Kjfrtostjfla  Bech. 
-   Id. 

l'J6tJ.  Orchis  Traunsteineri  Saut.  —  Id. 

942  bis.  Pulinonaria  vulgaHé  Dum.  —  Amance. 

518  bis.  Litiorella  laciistris  L.  —  Etang  Rosbeck,  com- 
mune de  Belonchamp,  canton  de  Melisey. 

Ranunculus  penicillatxiê  Hiein.  —  Ghagey  (V.  Rouy  et 
Fouc.,ri.  deFr.,  I,  p.  65. 

fo   Localités    nouvelles. 

a.  Département  du  Douba. 

Ranunculus  aconitifolius  L  — Bois  du  Petit-Frêne,  près 
de  Saône  (Pailiot). 

fiapistriim  Linnieanum  Boiss.  —  Fort  de  Palante,  août 
1883,  a  disparu  des  environs  de  la  gare  de  Besançon  (P.). 

Unardia  palustris  L.  —  Saint-Vit,  Antorpe  (P.). 

Dorycnium  suffruticosum  Vill.  —  FI.  Seq.,  709.  Cette  es- 
pèce est  nommée  D.  Juranum,  par  Rouy,  FI.  Fr.,  V,  p.  136. 

Knautia  dipaacifolia  Host.  —  Laissey  (P.). 

Solidago  longifolia  Schrad.  —  C'est  le  nom  que  Paillot 
(manuscrit)  donne  à  l'espèce  nommée  E.  viHoaa  Pursh.  in 
FI.  Seq.,  VI,  p.  129. 

Helminthia  echioides  Gaertn.  —  Besançon  (Montoille) 
(P.  1883). 


—  296  - 

Les  localités  indiquées  ci-dessus  se  trouvent  mentionnées 
(manuscrites)  sur  un  exemplaire  du  VI*  fasc.  du  FI.  Sequa 
niae,  provenant  de  Paillot. 

Carex  polyrhiza  Wallr.  —  FI.  Seq.  1066,  rec.  à  Dung,  par 
J.  Strich. 

h.  Département  de  la  Haute-Saône. 

Monotropa  hypopithysL.  —  Bois  de  Miellin  (D'  Poulet). 

Evonymus  Europœus  L.  —  Champagney  (X.  V.).  FI. 
Seq.,  860. 

Tvifolium  Bertrandi  Rouy  [T.  médium  X  rubens  Bertr.). 
-  Neuvelle-lesScey  (Bt);  Rouy,  FI.  de  Fr.,  V,  p.  125. 

AmeJanchier  vulgaris  Mnch.  —  Un  échantillon  m'a  été  en- 
voyé autreftjis,  dans  une  lettre,  de  Faucogney,  par  M.  Jo- 
lyet;  a  été  publié  sous  le  n°  622  Fi.  Seq.,  de  Besançon. 

Rubus  Sc/ilcicheri  Weihe.  —  Champagney.  bois  du  Ravant 
(X.  V.).  RouyetCam.,  FI.  de  Fr.,  VI.  p  111. 

Rasa  Vendrelyana  Flumn.  Nouv.  Supp.  Gâtai.  PI.  env. 
Luxeuil,  p.  100;  FI.  Seq.  exsiccata,  713,  de  Dambenoît. — 
Est  nommé  R.  stylosa  Ç  lanceolata^  Rouy,  in  R.  et  Gara , 
FI.  de  Fr.,  VI,  p.  284. 

Anthriscus  alpestris  Wimm.  —  FI.  Seq  ,  797.  de  la  forêt 
de  la  Prèle  au  Col  du  S  talon.  Cette  espèce  est  nommée 
A.  Cicutaria,  Duby,  in  R.  et  Cam.,  FI.  Fr.,  VI,  p.  304. 

Angelica.  —  Une  plante  que  je  prenais  pour  A.  monlana 
et  qui  se  trouve  à  Champagney,  le  long  du  Rabin  (rivière) 
(et  non  ravin),  a  été  nommée  A.  sylvealris  L.  var.  grosse- 
deniata,  dans  Rouy  et  Camus,  FI.  de  Fr.,  VI,  p.  402. 

Knautia  intermedia  Bruegg.  —  FI.  Seq.,  909,  delà  Houil- 
lère de  Ronchamp;  909  bis,  de  Champagney  (X.  V.). 

Chenopodium  bonus  Henricus  L.  Champagney  (X.  V  ). 
FI.  Seq  ,  1051. 

Scilla  bifolia  L.  —  Plancher-les-Mines,  à  Malbranche 
(Dr  Poulet). 

Scheuchzeria  palustris  L.  —  Etang  Billiaux,  à  Lantenot 


—  297  - 

(X.  V.)  (oublié  dans  FI.  Seq.,  VI,  p.  142  (Paillot).  Publié  dans 
FI.  Seq.  exs.  n^  668,  de  la  Montagne  de  Ternuay. 

Potamogeton  crispus  L.  —  Vu  à  Chemilly  (X.  V.). 

Juneu$  squarrosus  L.  —  Champagney  :  Noies-d'Enfer 
(X.  V.). 

Bhynchospora  fusca  Roem.  Sch.  —  FI.  Seq.,  VI,  p.  143, 
oublié  de  :  la  Montagney  de  Fresse  :  X.  V.  (Paillot).  Publié 
FI.  Seq.,  679,  de  la  Tourbière  de  la  Pile,  à  Saint-Germain. 

Scirpus  lacustris  L.  —  FI.  Seq.,  1071,  de  Tétang  Rosbeck, 
près  Melisey. 

Scirpus  csespitosus  L.  —  FI.  Seq.,  676  et  bis;  Ballon  de 
Servance  :  plateau  du  sommet  et  Tourbière  de  Bravoure. 

Carex  elongata  L.  —  Ghagey  (X.  V.). 

Carex  fUiformis  L.  —  Etang  Billaux,  près  Lantenot  (X.  V.). 

1006.  Cardamine  pratensis  L.  —  De  Champagney,  forme 
à  étudier. 

1052.  Polygonum  aviciilare  L.  —  Id. 

Nota.  Les  espèces  marquées  A)  Thlaspi  arenarium  iovd.^ 
de  TAveyron,  et  B)  Echinochloa  eruciformis  Rchb.,  Cuit., 
n'appartiennent  pas  à  la  Flore  de  Fr. -Comté  (PI.  d'abord  des- 
tinées à  l'Herbier  Billot,  et  restées  sans  emploi). 

s»  Deseripltoii  d'une   espèce. 

Les  descriptions  de  quelques  espèces  publiées  dans  le  Fi. 
Sequaniae,  étant  difficile  à  se  procurer,  je  les  donnerai  lorsque 
j'aurai  l'occasion  de  les  avoir.  M.  Foucaud  ayant  bien  voulu 
me  donner  celle  de  VArtemisia  Verlotorum  Lam.,  publiée 
FI.  Seq.,  no633,  la  voici  : 

Artcmisia  Verlotorum  Lamotte,  in  Mém.  Assoc.  franc., 
congrès  de  Clermont-Ferrand,  1876,  p.  511.  —  A.  umhrosa 
Verl.  Gat.  gr.  Jard.  bot.  de  Grenoble,  p.  12,  et  Exsic.  dauph., 
n»  825,  non  Turz. 

Souche  peu  épaisse,  donnant  naissance  à  un  grand  nombre 
de  rameaux  souterrains,  minces,  souvent  très  longs,  termi- 

20 


—  298  — 

nés  par  un  bourgeon,  garnis  d'écaillés  très  éloignées,  rudi- 
ments de  feuilles  avortées.  Tiges  de  80  cent,  à  2  m.  de  haut, 
cylindriques,  fortement  striées,  simples  ou  rameuses,  vertes 
ou  rougeâtres  lorsquelles  sont  exposées  au  soleil.  Feuilles 
vertes  et  glabres  en  dessus,  blanchâtres-tomenteuses  en  des- 
sous; les  inférieures  bipinnatifides;  les  moyennes  pinnati- 
fides,  à  5  k  9  segments  entiers  ;  les  supérieures  trifîdes  ou 
simplement  entières,  lancéolées,  aiguës,  toutes  à  lobes  lan- 
céolés aigus.  Inflorescence  tantôt  en  épi  simple,  penché  au 
sommet,  tantôt  en  panicule  lôrmée  d'un  grand  nombre  de 
petits  rameaux  inégaux.  Capitules  tous  sessiles  et  isolés  à 
l'aisselle  d'une  bractée,  un  peu  plus  gros  que  ceux  de  VAr- 
iemisia  vulgarif^  d'abord  oblongs,  puis  subarrondis;  écailles 
de  l'involucre  ovales-oblongues,  obtuses,  étroitement  sca- 
rieuses  sur  les  bords,  d'un  vert  cendré  ou  rougeâtre,  légè- 
rement tomenteuses,  puis  glabres.  Fleurs  à  corolle  rou- 
geûtre,  glabre,  à  tube  allongé,  non  glanduleux.  Akènes.   . 

tt«  Revue  de  quelque»  onvraipes  concpruant  lu  Flore  de 
Franche-Comté,  parus  depuis  la  publication  de  la 
«  Flore    de    la    chaîne    Jurassique  *>«    de    Ch.    Orenier 

!•  Contejean  (G.).  Enumération  de  la  Flore  de  Montbéliard, 
3«  supplément  (1876)  et  Revue  de  la  Flore  de  Montbéliard 
(1892). 

2oF.  Renauld  (R.).  Aperçu  phytostatique  sur  le  départe- 
ment de  la  Haute-Saône  (1873). 

3**  Parmentier  (P.).  FI.  nouv.  de  la  chaîne  jurass.  et  de  la 
Haute-Saône  (1895). 

4«  Paillot,  Vendrely,  etc.  (V.).  Flora  Sequaniee.  notice?: 
VI,  PI.  nouvelles  du  Doubs  et  de  la  Haute  Saône  (1872  et  s  ). 

50  V.  Humnicki  (H.)  Catalogue  des  pi.  vascul.  desenvir. 
de  Luxeuil  (1876)  et  suppléments  (1877,  1883),  p.  1-105. 

6«  R.  Maire  (M).  Fi.  Grayloise  ou  Catal.  des  pi.  de  Tarron- 


dissement  de  Gray  (1894^,  et  contributions  à  Tétude  de  la 
FI.  de  la  Haute-Saône  (1896  et  s.) 

Ranunculus  hederacens  L.  —  G.  Revue,  p.  57.  —  La  loca- 
lité Ronchamp  ne  doit  pas  m'être  attribuée.  (Je  n'ai  jamais 
rec.  cette  esp.  àR.). 

Corydalia  cava  Schw.  —  R.,  p.  74.  —  La  plante  de  Ghariez 
de  THerbier  Thiout  est  le  C.  solida  Sm. 

Sinapis  cheiranthiis  Koch.  —  R.,  p.  75  ;  G.  R.,  p.  66.  — 
M.  Jolyet,  dans  une  liste  de  plantes  envoyée  en  juillet  1869, 
notait  qu'il  avait  vu  quelques  pieds  de  Brassica  ochroleuca 
Soy.  W.  (=  Erticasirum  Pollichii  Schp,  ou  Diplotaxis  In^ac- 
teata  G.  G.),  sur  les  roebers  bordant  la  route  adroite  au  delà 
de  la  papeterie  de  Plancher- Bas.  Je  n'ai  pas  trouvé  l'espèce 
susdite  à  cette  station,  mais  S.  cheiranthus  Koch  (Br.  cheir. 
Vill.),  que  j'ai  publié  dans  le  FI.  seq.  exs.,  n"  406. 

Kirschleger,  FI.  d'Als.,  I,  p.  58,  dit  que  ces  deux  espèces 
ontqueique  ressemblance  et  M.  Jolyet  a  pu  s'y  tromper.  Con- 
tejean  (S"*  suppl.,  p.  10,  et  Revue  de  la  FI.  de  Montb,,  p.  66) 
ajoute  à  tort  à  ^\  ciieiraêiihm  la  loc.  de  Champagney  que  je 
n'ai  pas  indiquée.  P.,  p.  21,  l'indique  dans  la  Ilaute-Saône, 
zone  vosgienne,  rare,  mais  sans  localité. 

TurritiB  glabra  L.  {Arahis  perfoliata  Lam.)  —  R.  p.  77; 
G.  Revue,  p.  62.  Renauld  l'indique  à  Plancher-les-Mines  et 
à  Ghampagney  :  Gontejean  ;  et  Gontejean  à  Plancher-les- 
Mines  !  et  à  Ghampagney  :  Renauld.  --  La  loc.  de  Plancher- 
les-Mines  doit  être  attribuée  à  Gontej.,  et  celle  de  Ghampa- 
gney a  été  indiquée  par  moi  à  Renauld  dans  la  liste  que  je 
lui  ai  envoyée  le  10  févr.  1872. 

Raphanus  Raphanistrum  L.  —  P.,  p.  21.  Garactères  à  cor- 
riger :  les  fruits  non  renflés  se  séparant  en  articles. 

Viola  Riviniana  Rchb.  —  P.,  p.  33.  Se  trouve  aussi  dans 
la  Haute- Saône.  Voir  FI.  Seq.  exs.,  n<»  171  bis  :  de  Ghampa- 
gney. 


—  :>•»  — 
Vùjt.i  S^tCLsa  H^i-.  —  P.p.  :34-  LL?ez  Vî..I-îte  des  Su- 

Dian'hus  deUand'fw  L.  —  R.,  p.  90.  P..  p.  37.  Indiqué  à 
Puncrier-ie^Mint::?.  dairr:-  TLu.-:at  et  G-»Dtejean,  dans  le  Ca- 
lai :  Fieoiiu.d.  Gjntrrj*râri  n'cQ  Liit  pas  mention  dans  sa  Replie. 
La  plante  de  iherb.er  Tfi.out  e^-t  L«.«rn  cette  espèce  représen- 
tée pjr  un  ét"h.tnt-..  jn  pns  dans  ceux  de  Ravoox  (de  Neuhof- 
fen^  Riir-Rii.f:  .  é^-ilrrruent  daus  s«jn  Herbier.  Kirsohiéger 
l'imlique  daD:-  la  vai.rre  de  11  H^ute-\lo:^elie,  à  Saint-Maurice 
et  au  Trnii'jt  ni'apr»^s  M«jugei»t».  Quuh|ue  n'ayant  pas  été 
trouvée  pur  le  b'  Fuulet  et  [.<\r  luoi,  celte  es-pêce  est  à  re- 
chercrier  à  cette  ic-iaiiié,  d'auunt  p"as  que  R.  Maire  «  Conthb. 
à  ia  FI.  de  la  Haute- Sa«>rie»  l'indique  à  Faucogney  «également 
dans  la  z«>ne  vu-gienne  ,  trou\é  par  G.  Bonali. 

Alsine  ienuifoiia  -;  viseida.  —  P.,  p.  41.  Reproduction  de 
Gr.  FI.  juran.  =  A  vUcosa. 

Stellaria  média. \i\[.  —  P.,  p. 43. Lisez  feuilles  plus  petites 
qiie  dans  l'espèce  précédente. 

Htjpericum  lineolatum  —  P..  p.  49.  Sous-espèce  de  per- 
for.  et  non  A'Iiir^uium. 

Oxnlis  stricta  L.  —  R.,  p.  J08.  G.  3«  suppl.,  p.  il,  et  Rev., 
p.  84.  Cette  plante  e:*t  dans  l'herbier  Thioul,  de  Fougerolles, 
et  non  de  Vy-les-Lure,  et  aucune  plante  de  cette  dernière  lo- 
calité ne  figure  dans  son  Herbier.  Il  est  donc  probable  qu'il 
n'y  a  pas  herborisé.  Par  contre,  dans  la  Phytostatique  de 
M.  Pienauld,  deu.x  espèces  sont  indiquées  à  celte  localité  par 
M.  Jolyet  iLylhrum  hyssopifoHa  et  Stadtys  Germanica).  11 
est  probable  que  cette  localité  doit  être  attribuée  aussi  à  Jo- 
lyet ;  à  vérifier. 

Uiex  Europœus  L.  —  R.,  p.  d04.  Dans  une  liste  de  plantes 
du  canton  de  Champagney  et  de  Saint-Remy  et  environs, 
envoyée  à  M.  Renauld,  en  février  1872,  j'ai  indiqué  cette 
plante  à  Menoux,  où  je  Fai  récoltée  en  1853:  (étant  élève  à 
Saint-Remy;.  On  la  disait  semée  par  un  Mariste  venant  de 
Bordeaux.  Je  Tai  publié  en  1890  de  cette  localité  dans  le  FI. 


—  3(M  — 

Seq.  exs.,  sous  le  n*  773,  recueilli  le  25  mai  1890.  M  Re- 
nauld  l'indique  à  Menoux,  Lure  (Jolyet)  et  à.Champagney 
(Jolyet). 

Dans  FI.  Seq.,  Notices.  VI,  p.  119,  j'ai  dit  qu'il  n'existe  pas 
àChampagney  et  qu'on  a  dû  prendre  ponr  lui  le  Genista  Gev- 
manica,  qui  est  assez  fréquent  dans  les  bois  fomllics,  au 
nord  de  Champagney.  R.  Maire  (Gontribut  à  l'étude  de  la  FI. 
de  la  Haute-Saône.  3«  fasc,  p.  14)  publie  une  lettre  de  M.  Jo- 
lyet à  M.  Renauld,  6  novembre  1883,  ainsi  conçue  :  «  M.  V. 
parait  croire  que  j'ai  pris  le  G.  Germanica  pour  l'Ajonc,  dans 
les  environs  de  Champagney  ;  il  se  trompe  :  l'Ajonc  se  trou- 
vait dans  une  fouiliie  et  je  l'ai  fait  voir  à  plusieurs  personnes 
au  moment  où  l'on  en  a  semé  sur  les  talus  du  chemin  de  fer 
près  de  Ronchamp.  Quelques  pieds  d'Ajonc  ont  persisté  sur 
ces  talus  et  se  voyaient  encore  il  y  a  deux  ou  trois  ans.  Je 
m'assurerai  si  l'Ajonc  des  fouillies  existe  encore.  Il  y  en 
avait  plusieurs  pieds  tout  près  de  la  maison  la  plus  haute 
(comme  altitude)  de  Champagney,  près  du  sentier  qui  mène 
au  Mont  de  Vanne. 

La  maison  Canet  dont  parle  M.  Jolyet  m'est  bien  connue, 
et  c'est  précisément  dans  les  fouillies  qui  la  touchent  au 
nord  que  j'ai  trouvé  le  G-  Germanica^  mais  je  n'y  ai  pas  vu 
VUlex  Europaeus^  et  je  serais  heureux  de  l'y  constater  et  de 
voir  que  je  me  suis  trompé,  et  non  M.  Jolyet  (ce  qui  du  reste 
n'a  pas  une  importance  capitale  et  peut  arriver  à  tous  les 
débutants  dans  l'étude  de  la  botanique,  d'autant  plus  qu'il  y  a 
peu  de  différence  dans  les  caractères  des  deux  genres,  le 
calice  étant  formé  de  sépales  distincts  jusqu'à  la  base  dans 
VUlex,  et  tubuleux  à  deux  lèvres  dans  Genista  Germanica  qui 
est  épineux  de  même  que  VUlex.  Le  G.  Germanica  a  été 
publié  de  Champagney  dans  le  FI.  seq.  exs.,  n«  42«. 

Je  sais  que  VU.  Europaeiis  a  été  semé  dans  le  remblai 
au-dessous  de  la  gare  de  Ronchamp,  où  je  l'ai  aperçu  il  y  a 
longtemps  en  passant  en  chemin  de  fer;  mais  je  ne  l'ai  plus 
vu  ces  dernières  années. 


à 


—  302  — 

M.  Jolyet  dans  une  liste  envoyée  le  7  juiiiet  1869)  Findi- 
quait  seulement  dans  le  bois  de  la  Cuisinière,  à  Lure.  Loca- 
lité aussi  à  vérifier.  L'Herbier  Thiout  contient  des  exemplai- 
res de  U.  Europaeus^  de  Menoux  et  de  Grattery,  et  non  de 
Beaujeuet  Mereey. 

Ulex  nanus  Sra.  —  R.,  p.  104.  Se  trouve  dans  THerbier 
Tbiout.  de  Chassey-le^-Scey  et  Ferrièresfet  non  de  Menoux, 
localité  qui  doit  èlre  supprimée).  Il  a  été  publié,  FI.  Seq. 
exs.,  n**  616,  de  Scey-^u^-^>a6ne,  buis  du  Chanoine,  rec  par 
Madiot.  —  C.  Revue,  p.  85,  mentionne  cette  espèce  décou- 
verte à  Menoux,  près  de  Lure.  Thioul  ne  Ta  pas  trouvée  à 
Menoux,  mais  dans  les  localités  indiquées  ci-dessus.  De  plus, 
Menoux,  canton  d'Amance,  et  les  autres  localités  se  trouvent 
dans  l'arrondissement  de  Vesoul,  et  par  conséquent  cette 
plante  n'appartient  pas  à  la  circonscription  de  la  Flore  de 
Montbéliard,  de  M.  Contejean. 

Trigonella  muliiflora  Humm,  —  P.,  p.  57.  M.  Parmentier 
ne  donne  qu'une  localité  et  y  ajoute  mon  nom.  C'est  une 
erreur  :  les  localités  doivent  être  attribuées  à  V.  Huninicki. 
Voir  FI.  seq..  Notices,  VI,  p.  119,  où  sont  reproduites  les 
indications  d'Humnicki  et  où  je  formule  mon  appréciation 
sur  cette  plante  en  disant  :  qu'elle  parait  être  une  monstruo- 
sité de  Medicago  Lupulina  (Vendr.).  Aujourd'hui,  je  puis 
ajouter  que  c'est  la  variété  unguictdata  Ser  in  DC  Prodr, 
2,  p.  172.  L'abbé  Grandclément  m'a  envoyé,  en  1862,  de 
Saint-Remy,  un  échantillon  sous  le  nom  de  Trigonella,  qui 
doit  être  la  même  plante  que  colle  d'Humnicki  et  que  j'ai 
nommée  dans  mon  Herbier  Af.  Lupulina  var.  vivipare. 

Trifolium  scahrxim  L.  —  R.,  p.  108.  Dans  la  liste  envoyée 
à  M.  Renauld,  la  localité  de  Faverney  était  attribuée  au 
Dr  Berher  (d'Épinal),  qui  a  publié  cette  espèce  dans  les 
Exsic.  de  la  Soc.  vogéso-rhénane. 

Ruhus  divers.  -  FI.  seq.  VI,  p.  122  et  s.  M.  Paillot  a  mis 
pour  tous  Xas  Ruhus  que  j'ai  indiqués  :  haies  à  Champagney^ 


—  303  — 

ce  qui  n*est  vrai  que  pour  quelques-uns,  la  plupart  se  trouvant 
dans  les  bois.  (Indication  reproduite  P.,  p.  73  et  s.). 

Potentilla  alpestriis  Hall.  —  R.,  p.  119  (1873).  Indiqué 
déjà  à  cette  localité  (B.  Girom.)  par  Parisot  :  PI.  des  environs 
de  Belfort  (1859).  Parisot  et  Pourchot  (Notice  sur  la  fl.  des 
env.  de  Belfort,  p.  40)  ajoutent  le  Ballon  de  Servance. 

Comarum  palustre  L.  —  R.,  120.  G.,  95.  La  localité  de 
Ghainpagney  où  se  trouve  aussi  cette  plante,  n'est  pas  indi- 
quée. 

Agrimonia  Eupatoria  L.  sp.,  643.  —  P.,  p.  92,  reproduit 
A.  Eupatorium  comme  Grenier  Fl.  jurass. 

Epilobium,  Analyse  des  Genres.  —  P.,  p.  92,  au  lieu  de 
fl.  jaune,  lisez  11.  blanche  ;  p.  94,  réunir  E,  obscurum  et 
E,  virgatum, 

Myriophyllum  »picatum  L.  —  M.  cat.,  p.  38.  LefTond,  au 
lieu  de  Vendrely,  lisez  Thiout  (herbier). 

Herniaria  hirsuta  L.  —  R.,  p.  132.  C.,  3"  suppi.,  p.  12,  et 
Rev.,p.  103. 

Cbampagney  (Thiout;.  Je  ne  Tai  pas  encore  trouvé  et 
n'existe  pas  dans  THerb.  Thiout  de  cette  localité,  mais  de 
Chassey-les-Scey,  d'Ovanches  et  de  Saint-Albin.  Thiout  n*a 
jamais  herborisé  à  Champagney  et  aucune  espèce  de  son 
herbier  ne  porte  Tindication  de  cette  localité.  A  rechercher 
et  à  constater. 

J'ai  reçu  de  Madiot,  recueillis  à  Saint-Albin,  sous  le  nom 
d'Herniaria  hirsuta,  des  échantillons  de  Polyçarpon  tetra- 
phtjllum  L.  A  revoir  cette  localité. 

Corrigiota  liitoralis  L.  —  R.,  p.  132.  Après  :  Plancher-Bas, 
Plaucher-les-Mines,  Champagney,  lisez:  Contejean  (Enum., 
p.  78  (1884)  au  lieu  de  Jolyet. 

Sclerantfms  perennis  L.  —  C.  Rev.,  p.  103.  Au  lieu  de 
Rabin  à  Champagney^  lisez  :  le  Rhien  (hameau  de  Ronchamp), 
près  de  Champagney. 

Herniaria  glabra  L.  —-  R.,  p.  132.  Les  locahtés  Plancher- 
Bas,  Champagney,  ont  été  indiquées  dans  Contejean,  Enu- 


—  30 1  — 

mer.,  p  70  (1854);  celle  de  Ternuay  doit  être  attribuée  à 
Thiout. 

Telephium  Jrnperati  L  —  P  ,  p.  101  Arbois  (rochers  de 
Gilly).  Signalé  à  cette  local.,  avant  Hétier  par  Ant.  Dumonl. 
(Voir  Gren.,  FI.  ch.  jurass.). 

Ribes  Alpinum  L  —  H.,  P  ^35.  Dans  la  liste  envoyée  par 
M.  Jolyet  il  Tindique  à  la  forêt  de  Saint-Antoine  (Plancher- 
les-Mines),  et  non  dans  la  vallée  du  Rabin  jusqu'à  Charnpa- 
gney.  Je  ne  l'ai  pas  encore  vu  h  Cbampagney. 

S  axifva  g  a  Ai  zoon  i'dcq.  —  R.,  p.  137.  Après  B  de  Giro- 
rnagny,  ajoutez:  Parisot  FI  env.  Helfort  (1859).  Parisol  et 
Pourcbot  (1882)  ajoutent  (p  48]  Ballon  de  Servance. 

Dans  Benauid^  Phjftosiatique,  lisez  :  Tourbière  ou  vallée 
du  Rosely  (X.  V  )au  lieu  de  «  les  Arrachis»,  pour  les  espèces 
suivantes  :  p  199  Angelica  Pyrenœa,  p.  180  Vaccinium  uli- 
ginosum.  p. 220  Sanguisorba  officinaliSy  p.  253  Juncus  squar- 
roaus  et  p.  2(30  Car  ex  pauciflora. 

Chœrophyllum  hirsutiim  L.  —  R  ,  p  145  C'est  le  C.  Ci- 
cutaria  Vill.  publié  FI.  Seq  exs.,  n*  798,  de  Cbampagney 

Aster  brumalis  Nées.  —  R.,  p  158.  La  pi.  de  Cbampa- 
gney a  été  publiée,  FI.  seq.  exs.  n*  77.  Les  autres  localités 
sont  douteuses  et  à  vérifier. 

Tanacetum  vulgare  L.  —  R.,  p.  160.  Après  les  localités  au 
lieu  de  Vendrely  mettez  :  C.  Enum,  p.  85  (1854).  Je  Tai 
publié  dans  le  FI.  Seq.  exs.,  n<>  916,  de  Cbampagney, 
comme  échappé  de  jardins  et  je  Tai  récolté  au  Ban  de  Chani- 
pagney  et  à  la  Neuvelle,  dans  les  mêmes  conditions. 

Matricaria  chamomilla  L.  —  R.,  p.  161.  Re|)orter  la 
localité  d'Écbavanne  (V.),  à  l'espèce  suivante  :  M.  inodora  L. 

Helminthia  echioides  Gaertn.  —  R.,  p.  171.  Au  lieu  de 
Vt'ndrely,  mettez  Grandclément  ! 

AnagalliB  tenella  L.  —  R.,  p.  183.  Indiqué  avec  doute  à 
la  tourbière  du  Rosely,  où  je  ne  l'ai  pas  encore  trouvé.  Peut- 
Hre  par  contusion  avec  Oxycoccos^  qui  y  existe.  A  rechercher 
t-l  à  vérifier. 


—  305  — 

Primula  vulg  Xoff.  Nob.  qX.  Primula  vulg,Xelat  Nob. 
—  P.,  p.  493.  Ce  «  Nobis  »  appartient  à  Grenier,  FI.  jur. 

Gentiana  cruciata  L.  —  R.,  p.  i86.  La  localité  Le  Vernois 
est  de  Thiout  ila  plupart  est  dans  son  herbier);  la  localité  de 
Chargey-les-Port  est  de  Jolyet  (elle  figure  dans  sa  liste). 

Symphytum  ofp.cinale  L.  —  R.,  p.  189.  —  La  localité 
d*Amance  est  de  moi.  J'ai  récolté  cette  plante  en  1854  î  et  Tai 
revue  à  la  même  place  en  1894  ! 

Solanum  nigrum  L.  —  R.,  p.  191.  C'est  la  forme  S.  mela- 
nocerasum  que  j'ai  indiquée  à  Champagney.  Elle  a  été 
publiée   FI.  Seq.  exs.,  n»  377. 

Atropa  Belladona  L.  —  R.,  p.  192.  L'étiquette  de  l'Herbier 
Thiout  porte  :  Chariez,  Mont-le-Vernois,  Clans  et  Fresse  (et 
non  Frasne). 

Rhinantua  major  Ehrh.  —  R.,  p.  200.  C'est  \eR.  hirsutus 
que  j'ai  indiqué  à  Champagney  (dans  la  liste  envoyée) 

Odoitiites  rnhra  Fers.  —  R  ,  p.  200.  L'espèce  de  Chariez 
dans  l'Herbier  Thiout  est  l'O.  serolina,  celle  des  Aynans, 
VO.  ruhra. 

Mentha  Pulagium  L.  -  R.,  p.  204.  Dans  l'Herbier  Thiout, 
l'étiquette  porte  Ferrière  (et  non  Chariez). 

TeucHum  Scordium  L.  —  R.,  p.  212,  C,  p.  162.  Etangs 
deLure  X  V.).  A  constater  à  nouveau ,  je  pourrais  avoir  pris 
pour  cette  espèce  des  éciiantillons  jeunes  et  non  fleuris  de 
Lycopu8  Europaeus. 

Pohjcnemum  arvense  L.  —  R.,  p  214.  Après  Ronchamp, 
supprimez  Thiout  ;  ces  localités  sont  indiquées  par  Contejean 
(Enum,  1854,  p.  108).  Chariez  :  Thiout;  dans  son  Herbier, 
c'est  le  P  maju8  Br. 

Chenopodium  urhicum  L.  —  R.,  p.  215.  L'échantillon  de 
Scey-sur-Saône  (Herbier  Thiout)  est  Ch.  murale  L. 

Euphorhia  platyphylla  L.  —  R  ,  p.  223  Lisez  :  Gratter  y  : 
Laioi?;  Saint-Remy  :  Grandclément. 

Mercurialis  perennia  L.  —  R,  p.  225.  Lisez  :  Anchenon- 
court  :  Grandclément. 


k 


—  306  — 

Junipei*u8  communis  L.  —  R.»  p.  233.  Après  Roncharap, 
ajoutez  :  aux  hameaux  de  Mourière  et  de  Le  Rhien 

Orchis  purpurea  Huds.  — -  R.,  p.  244.  Dans  THerbier 
Thiout,  c'est  TO.  militaris  (sous  le  nom  de  purpurea]  qui 
figure  pour  la  localité  de  Ghariez. 

Potamogeton  compressus  L.  —  R,  p.  249.  Mersuay  (Grand- 
clément)  D'après  le  D'  Magnin  à  qui  j'ai  envoyé  un  échan- 
tillon reçu  de  Grandclément,  c'est  le  P.  ohtusifolius  (voir  FI 
des  lacs  du  Jura'. 

Potamogeton  cœspitosus.  Valentin  Huinnicki,  Gâtai,  pi. 
env.  de  Luxeuil,  p.  60,  avec  description.  —  P.,  p.  238,  l'ap- 
pelle P.  cœspitosus  Pourr.  —  Luxeuil,  prairie  de  Banuey  (et 
non  Bauney).  Y  a-t-il  un  P.  aespitosua  Pourr? 

Lemna  trisulca  L.  —  R.,  p.  250.  La  local,  de  Mersuay  a  été 
indiquée  par  Grandclément. 

Sparganium  simplex  Huds  —  R.,  p.  252.  Manque  dans 
l'Herb.  Thiout  de  Boursières,  mais  il  y  est  de  Mont-le-Vernois. 

Juncua  glaucus  Ehrh.  —  R  ,  p  252.  La  localité  de  Ghariez 
est  de  Thiout  (in  Ilerh.i  ;  celle  de  Favernay,  de  l'abbé  Grand- 
clément. 

Juncus  supiiius  Mnch.  —  R.,  p.  253.  La  local,  de  Cham- 
pagney  figure  dans  ma  liste  envoyée  à  M.  Renauld. 

Scirpus  mucvonatus  L  —  G.  Revue,  p.  195.  Au  lieu  de  : 
Etangs  de  la  Mannegoutte,  lisez  delà  Maugenotte. 

Carex  cane^tcens  L,  —  R,  p.  263.  Séparez  Ghampagney 
des  autres  localités,  celle-ci  indiquée  par  X.  V. 

Carex  digitata  L.  —  R.,  p.  266.  Après  Ghemilly,  Ghariez, 
ajoutez  Thiout  (in  Herb  ). 

Airci  prœcox  L.  —  R.,  274.  Lisez  Ronchamp  :  Paiilotin 
Herb.  Thiout. 

Aira  multiculmis  Dum.  —  P,  p.  258.  Indiqué  seulenaent 
ilans  le  Jura,  se  trouve  également  dans  la  Haute-Saône,  (C. 
Itevue,  p.  206)  publié  dans  le  FI.  seq.  exs.,  no277,  de  Ron- 
champ, rec.  par  Paillot. 

Glijccria  aquatica.  —  P.,  p.  261-2.  Le  G.aquatica  Koch., 


—  307  — 

de  la  p.  261,  est  le  Catabroaa  aqnaticay  P.  B.  ;  celui  de  la 
p.  262,  G.  aqualica  Wahl.,  est  le  G.  apectabilis  M.  et  K. 

Poa  Sudetica  Haenck  (P.  Ghaixi.  Vill.).  -  R.,  p.  278.  Après 
Planche-des- Belles-Filles,  aj.  Vendrely.  Publié  in  FI.  seq. 
exs.,  no  281. 

Botrychium  Lunaria  Sw.  —  R.,  p.  286.  Un  petit  bout  de 
fronde  représente  cette  espèce  dans  l'Herbier  Thiout.  Thiout 
aurait-il  vu  VAllosovus  crùpus  Bernh.  que  j'ai  découvert  à 
Fresse  et  Taurait-il  pris  pour  le  Botrijchium  Lunaria,  qu'il 
aurait  alors  représenté  par  un  brin  de  cette  espèce  demandé 
à  PaillotV  —  A  rechercher  ! 

lf«  Nouvelles  notes  sur  les  Aberrations  florales. 

Nous  avons  publié  dans  la  ix«  p.  p.  180  du  Flora  Sequaniae 
les  variations  du  Colchique  observées  en  1899  (Soc.  d'Emu- 
lation 4«  vol.  1899).  Voici  celles  que  nous  avons  vues  depuis, 
en  1901-1902,  sur  la  même  plante  et  sur  quelques  autres 
espèces, 

(lo)  Renonculacées  (p.  4-5  des  notes  sur  Aberrat.  florales)  : 
Anémone  nemorosa  L.  —  9-mère. 
Anémone  Hepatica  L.  —  7-mère  ;  invol.  à  4  divis. 
Ranunculus  Flammula  L.  —  5-6  pétales. 
R.  bulbifer  Jord.  —  Gab.  à  5  divis.,  5  à  8  pétales. 
Ficaria  ranunculoides  Mnch.  —  4  sépales,  7  pétales. 
Caltha  palustris  L.  —  4  sépales  et  à  12  sépales  plus  un  13« 
placé  plus  bas  sur  le  pédoncule. 
Aconitum  variegatum.  —  4  pétales. 

(5o)  Alsinacées  (p.  7  et  17)  :  Stellaria  Holostea  L.  —  5  sé- 
pales, 6  pétales,  12  élamines. 

(42°; /fypericacee«  (p.  17)  :  Hypericum  h umit'usum  L.  -  4- 
5-mère. 

(50o)  Parnasaiacéea  (nouveau)  :  Parnassia  palustris  L.  —  A 


—  308  — 

fi.  ordinairement  5-mère.  Trouvé  une  fleur  6- mère  le  7  sep- 
tembre 1903  en  montant  de  Plancher-les-Mines  à  Belfahy. 

(il^)  Fragariacées  (p.  18)  :  Comarum  palustre  L.  —  5- 
7  mère. 

(t3o)  Philadelphncées  [p.  8)  :  Philadelphus  coronarius  L. 
—  5-mère  et  2  styles. 

(51o)  Cucurbitacéea  :  Bryonia  dioica  L.  —  FI.  maies  ordi- 
nairement 5-mère,  5  étam.  triadelphes,  varient  à  fl.  4-6-mère. 
J*ai  trouvé  une  fl.  femelle  6-mère  (habituellement  5-mèrel. 

(24^)  Primulacées  (p.  10  et  18):  Lysimachia  nummularia 
L.  —  6-mère.  Michalet,  p.  226,  le  signale  3-mère. 

(25")  Polémoniacées  (p.  10)  ; 

Polemonium  caeruleum  L.  (cuit..  —  Cal.  à  5  div.  cor.  à 
6  divis.  et  seulement  5  étamines. 
Phlox  subulata  L.  —  G-mère. 
Plilox  paniculata  L.  —  4-6-mère. 

(^6^)  Borraginacéeft  (p.  10)  : 

Borrago  officinalis  L.  —  4-mère  et  à  cal.,  5-mère  avec  cor., 
4-mère  et  4  étamines. 

Myosotis  palustris  L.  —  Cultivé,  varie  de  5  à  10-mère. 

(29o)  Ge)}tianacée8  (p.  11)  : 

Menyanthes  trifoliata  L.  -  Cal.  à  5  divis.,  cor.  à  6 divis.  et 
6  étamines  et  à  cal.  à  6  divis.  et  cor.  à  7  divis.  et  6  étamines 

Erythraea  Gentaurium  L.   -  Fl.  4,  5,  6-mère. 

Gentiana  Pneumonanthe  L.  —  Cal.  à  5  divis.  et  cor.  à 
4-5  divis. 

(31«)  Oléacées  (p.  11>  :  Syringa  vulgaris  L.  —  Flore  albo 
MiViii  :  â  cal.  et  cor.  à  4  divis.,  2  étamines;  à  cal.  et  cor.  à 
'y  (iivis.  2  étamines;  à  cal.  à 5  divis.,  cor.  à  6  divis.,  2  étam.; 
vi\\.  et  cor.  à  7  divis.,  3  étam.,  1  style  et  1  stigmate;  cal.  el 
(*or.  Il  3  divisions. 

(iOo)  Liliacées  (p.  14  et  18)  :  Scilla  bifolia  L.  —  5-raère. 


^ 


(4i«)  Amaryllidacées  ip A4  ei  19)  :  Narcissus  radiifîorus, 
biflore,  redevenu  1-flore  et  7-mère. 

(39o)  Colchicacées  : 
Colchicum  autumnale  L.  : 

l»  Cal.  à  4  divisions,  5  étamines,  3  styles. 

~  6       —         3     — 

—  5       —         4     — 

—  8       —         3     — 

—  4        —         3      - 

—  6        -  3     — 

—  H        -  2     — 

—  4        —         3     - 

—  1  étarnine,  plus  2  filets  sans  anthère  et  2  styles. 


Champagney,  le  20  janvier  IQO'i. 


20 

— . 

h 

3» 

— 

5 

4" 

— 

7 

5« 

— 

7 

6" 

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8 

7o 

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8-^ 

— 

8 

9^ 



9 

TROIS  ÉGLISES  ROMANES 

DU    JURA    FRANCO-SUISSE 

JOUGNE,    ROMAIN- MÔTIER,   SAINT- URSANNE 
Par  H.  Jules  GAUTHIER 

SBCRéTAIRB  DECENNAL 


Séances  des  21  juillet  1900,  i9  juillet  et  U  décembre  iOOi. 


Dans  le  Jura  français  et  suisse,  entre  Baie  et  Lausanne, 
entre  Saint-Dizier  ;Haut-Rhin)  et  les  bords  de  la  Saône,  les 
églises  romanes  restées  debout  après  des  siècles  d'invasions, 
d'incendies,  de  destructions  faites  en  temps  de  paix  plus 
encore  qu'en  temps  de  guerre,  sont  rares,  et  leur  étude 
peut  difTicilement  produire  ces  résultats  synthétiques  qu'on 
a  obtenus  en  Bourgogne,  en  Auvergne  ou  ailleurs.  Il  n'en 
est  pas  moins  utile  de  rechercher  les  vestiges  peu  nombreux 
des  édifices  que  les  ordres  religieux  ont  disséminés  çâet  la 
au  cours  des  siècles  de  ferveur;  c'est  pourquoi  dans  ce 
Jura,  où  des  pépinières  monastiques  furent  implantées  par 
Luxeuil  d'abord,  Saint-Claude,  Cluny,  ou  Agaune,  nous 
sommes  allés  étudier  de  près  le  plan,  le  détail,  les  caractères 
généraux  de  trois  églises  que  le  xir  siècle  a  bAties  el  qui 
restent  encore  intactes  sans  avoir  été  jusqu'ici  sérieusement 
examinées  :  Jougne,  qu'Agaune  a  élevée  dans  un  col  fréquenté 
dès  l'époque  romaine,  Romain-Môtier  où  les  architectes  qui 
bâtirent  Tournus  ont  appliqué  leurs  principes  et  leur 
méthode,  Saint-Ursanne  où  des  moines  luxoviens  ont 
employé  des  maçons  venus  de  Bâle  pour  élever  une  crypte  el 


—  311  -.. 

plus  tard  ériger  toute  une  église  à  trois  nefs,  du  déclin  du 
XII*  siècle  à  la  fin  du  xiii*.  Ainsi  groupées,  les  trois  mono- 
graphies que  nous  réunissons  sous  un  titre  unique  montre- 
ront le  contact  et  Tinfluence  de  deux  écoles  d'architecture  : 
l'influence  clunisienne  ou  bourguignonne  à  Jougne  et  à  Ro- 
main-Môtier  l'influence  germanique  à  Saint-Ursanne. 


I. 
L'église  de  Saint-Nlaurice-lez-Jougna. 

En  523.  le  roi  de  Bourgogne  Sigismond  donna  à  l'abbaye  de 
Saint-Maurice  d'Agaune,  outre  d'immenses  possessions  dans 
les  cantons  de  Lyon,  Vienne  et  Grenoble,  d'une  part  Vaud, 
Vallis  et  Aoste,  d'autre  part  Salins,  Hracon  et  iMièges  du 
canton  de  Besançon,  et  ce  monastère  garda  jusqu'à  la  fin  du 
Moyen-Age  ces  domaines  qui  lui  assuraient  d'énormes  reve- 
nus et  une  influence  considérable  O).  A  Salins,  le  chapitre  de 
Saint-Maurice  et  toute  une  prévôté  d'où  sortit  souche  de 
gentilshommes,  à  Jougne  l'église  Saint-Maurice,  église-mère 
de  plusieurs  paroisses,  franc-comtoises  au  point  de  vue 
civil  et  féodal,  rattachées  au  point  de  vue  ecclésiastique  au 
diocèse  de  Lausanne,  marquèrent  dès  l'origine  les  deux 
termes  d'un  itinéraire  que  les  moines  d'Agaune  suivirent 
longtemps  à  travers  les  Monts-Jura,  pour  venir  toucher  les 
rentes  que  leur  servaient  les  héritiers  du  roi  Sigismond. 

De  ces  lointains  souvenirs,  il  reste  à  Jougne  un  monument 
précieux,  qui  n'a  jamais  été  étudié  et  que  je  désirerais  faire 
connaître,  l'église  Saint-Maurice,  devenue  simple  chapelle 
de  cimetière,  mais  autrefois  église  conventuelle  d'un  prieuré 
de  l'ordre  de  saint  Benoit,  relevant  immédiatement  de  la 
lointaine  abbaye  d'Agaune. 

(1)  L'abbé  Guillaume,  Histoire  des  Sires  de  Salins,  II,  Preuves,  1. 


—  312  — 

Extérieurement,  cette  petite  église  ou  grande  chapelle  a 
peu  d*allure.  Qu'on  s'imagine  un  édifice  rectangulaire,  large 
de  8  mètres,  long  de  20  mètres,  haut  de  6  mètres  sur  ses 
flancs,  de  8  à  9  mètres  à  chaque  pignon.  Le  pignon  nord 
tourné  vers  la  montagne,  c'est-à-dire  vers  Jougne,  est  éclairé 
d'un  oculus  amplement  évasé  mesurant  1  m.  20  de  plus 
grand  diamètre  ;  le  pignon  sud  regardant  l'endroit  où  bifurque 
la  vallée,  à  gauche  du  côté  de  l'aiguille  de  Baulmcs,  à  droite 
du  C(Mé  de  La  Ferrière,  est  percé  de  trois  fenêtres  cintrées 
posées  une  et  deux  ;  sur  chaque  flanc  quatre  fenestrelles 
romanes,  hautes  de  1  m.  40,  larges  de  0  m.  66  ébrasement 
compris.  Ces  huit  ouvertures  latérales  correspondent  inté- 
rieurement à  quatre  travées  irrégulières  comme  largeur, 
uniformément  cintrées  en  berceau  à  tiers-point,  la  voûte 
étant  divisée  intérieurement  en  quatre  compartiments  par 
trois  doubleaux  et  huit  formerets  en  tiers-point  ayant  forte 
saillie.  Les  murs  ont  0  m.  90  li  1  m.  10  d'épaisseur,  de 
solides  contreforts  à  pente  unique,  irrégulièrement  disposés 
et  remaniés,  épaulent  murs  et  voiJtes  à  Textérieur. 

Dans  le  chœur,  formé  par  la  première  travée,  côté  sud, 
sont  dessinées  en  légères  saillies  sur  chaque  lace,  deux 
arcades  hautes  de  3  m.  (30,  larges  de  2  m.  40,  sans  pilastre 
ni  archivolte  ;  l'arcade  de  gauche  est  elle-même  entaillée 
d'une  porte  cintrée  large  de  0  m  80,  haute  de  2  m.  10  qui 
devait  conduire  aux  dépendances  de  l'église,  cloître  et  bâti- 
ments du  prieuré. 

Dans  la  seconde  travée,  côté  gauche,  l'arcade  est  plus  haute 
de  0  m.  40  à  0  m.  50  (soit  4  m.  iO  au  lieu  de  3  m.  00) que  les 
nres  latéraux  du  chœur,  indiijuant  l'intention  ou  peut-être 
rosistence  passée  d'un  transept;  sur  le  flanc  droit  l'arcade 
est  semblable  à  celles  du  chœur. 

Dans  les  troisième  et  quatrième  travées  les  arcades  plus 
Ltrges  ,  voûtées  en  anse  de  panier,  révèlent  un  remanie- 
ment, visible  du  reste  dans  les  profils  des  doubleaux  de  la 
voûte  et  de  la  voûte  elle  même;  ce  remaniement,  comme  du 


fe 


—  313  — 

reste  le  contour  de  certains  contreforts,  fut  occasionné  par 
une  destruction  partielle  du  berceau,  vers  le  xv«  ou  xvi«  siècle. 
La  porte  unique  de  Téglise  (outre  la  petite  porte  du  chœur) 
est  percée  sur  le  flanc  droit  de  la  chapelle,  dans  la  troisième 
travée  ;  le  cintre  est  à  redent,  la  baie  intérieure  mesurant 

1  m.  50  de  large  sur  2  m.  20  de  haut,  Tare  enveloppant 

2  m.  10  sur  2  m.  60.  Les  murs  extérieurs  sont  sans  corniche, 
des  restaurations  ont  pu  faire  disparaître  les  arcatures 
aveugles  ou  germaniques  qui  devaient  primitivement  les  dé- 
corer et  les  modillons  d'une  corniche  à  présent  disparue. 

Les  trois  doubleaux  en  tiers-point  servant  de  supports  à  la 
voûte  en  berceau  sont  portés  eux-mêmes  par  des  colonnes 
engagées  avec  bases  et  chapiteaux.  Dans  le  chœur  les  chapi- 
teaux sont  inversés,  celui  de  droite  ayant  été,  dans  une 
restauration  maladroite,  employé  comme  base.  Colonne 
engagée,  chapiteau  et  socle  de  gauche  sont  en  revanche 
intacts,  mesurant  ensemble  3  m.  85  de  haut.  Le  chapiteau 
représente  un  homme  debout,  nu  jusqu'aux  genoux,  la  figure 
imberbe,  la  tunique  serrée  à  la  taille  par  une  ceinture,  les 
mains  soutenant  Tabaque  ou  table  supérieure  du  chapiteau  ; 
aux  angles  deux  grosses  têtes  d'hommes,  imberbes,  vues  de 
profil;  au  bas  bordure  de  palmettes  dressées,  se  continuant 
sur  les  flancs  du  chapiteau.  Le  socle,  composé  d'un  tore, 
d'une  baguette,  d'un  quart  de  cercle  ou  gorge  bordé  lui-même 
de  deux  baguettes,  repose  sur  une  table  carrée;  deux  feuilles 
saillantes  vont  du  socle  aux  angles  de  la  table. 

La  colonne  engagée  qui  faisait  face  à  droite  a  perdu  son 
chapiteau,  remplacé  par  une  corbeille  fruste,  sans  ornements, 
à  bords  chantournés;  l'ancien  chapiteau,  décoré  à  sa  partie 
inférieure  de  baguettes,  dessinant  grossièrement  des  feuilles, 
a  son  abaque  orné  de  méandres  et  demi-pal  mettes,  l'espace 
entre  l'abaque  et  les  côtés  verticaux  simulant  des  feuilles  est 
couvert  de  rinceaux  en  demi-cercle. 

Voilà  la  nef  de  Saint-Maurice-lez-Jougne  dont  les  carac- 
tères architectoniques,  conformes  à  ceux  que  présentent  les 

2i 


K 


—  314  - 

églises  romanes  de  Gourtefontaine  (Jura),  Grandecourt  (Hte- 
Saône),  Saint-Lupicin  ou  Saint-Lothain  (Jura)  dans  leurs 
lignes  essentielles,  révèlent  tous  le  style  roman-bourguignon 
du  milieu  du  xiP  siècle.  Une  crypte  bâtie  sous  les  première 
et  seconde  travées,  c'est-à-dire  sous  Tautel  et  le  chœur, 
offre,  encore  plus  intenses,  les  mômes  caractères  et  nous 
restitue  un  type  précieux,  unique  à  Theure  présente  dans 
notre  région,  d'une  chapelle  souteriaine,  sans  piliers  isolés, 
avec  voûtes  supportées  uniquement  par  des  doubleaux  sur 
pilastres. 

Deux  escaliers  de  quatorze  à  dix-sept  marches,  dont  l'un 
(celui  de  droite),  aujourd'hui  supprimé,  y  donnaient  accès 
depuis  la  seconde  travée  de  l'église,  descendant  en  se  dirigeant 
vers  l'abside  ou  paroi  sud. 

Le  sol  de  cette  crypte  se  trouve  à  4  mètres  environ  en 
contre-bas  du  niveau  de  l'église  supérieure. 

Trois  travées  parallèles  voûtées  d'arêtes,  hautes  de 
3m  70,  larges  de2  m. 40,  longues  de  3  mètres,  le  constituent, 
flanquées  de  trois  absidioles  (dont  une  détruite)  tournées  à 
l'est,  au  sud  et  à  Touest,  les  deux  doubleaux  supportant 
les  voûtes,  bâtis  dans  le  sens  de  la  longueur  de  l'église, 
étant  supportés  par  des  colonnes  engagées  avec  chapiteaux 
décorés  d'entrelacs  variés,  suivant  la  formule  des  temps 
carolingiens.  Une  de  ces  colonnes  engagées  est  hexagone, 
les  trois  autres  semi-cylindriques.  Chacune  des  absidioles, 
précédée  d'un  doubleau,  avec  supports  et  cintres  sans  mou- 
lures, est  voûtée  en  cul-de-four  et  semi-cylindrique.  Une 
fenestrelle  cintrée,  aujourd'hui  aveugle,  est  percée  dans  son 
axe.  En  tournant  le  dos  à  l'absidiole  sud  on  aperçoit  en  face, 
sous  le  maître-autel  de  l'église  d'en  haut,  un  loculus  quadran- 
gulaire,  à  voûte  en  berceau  cintré,  long  de  i  m.  40,  profond 
de  1  m.  20,  haut  de  3  mètres.  C'est  la  confession,  dont  l'autel 
contenant  naguère  les  reliques  de  saint  Maurice  et  de  la  légion 
thébéenne,  était  jadis  éclairé  par  une  ouverture  en  forme 
d'arc  amenant  obliquement  et  d'en  haut  le  jour  extérieur. 


—  315  — 

La  disposition  de  cette  crypte  à  trois  absidioles  est  unique 
dans  notre  région  0(1  les  cryptes  de  Saint-Jean  de  Besançon, 
de  Saint-Lothainet  de  Saint-Désiré  de  Lons-le-Saunier  dans 
le  Jura  et  de  Sainte-Madeleine  de  Grandecourt  dans  la  Haute- 
Saône,  comportaient  toutes  trois  nefs  et  plusieurs  piliers 
isolés  (six  ou  huit). 

Elle  se  rapproche  dans  ses  dispositions  essentielles  de  la 
crypte  de  Saint-Ursanne  au  diocèse  de  Bâle  (canton  de 
Berne)  très  curieuse  elle-même  pour  l'histoire  et  Tarchéo- 
logie  du  diocèse  de  Besançon.  L'intérêt  de  notre  crypte, 
rareté  insigne  et  jusqu'ici  inconnue,  est  considérable  pour 
nous  ;  et  nous  donnerons  satisfaction  d'une  part  aux  habitants 
de  Jougne,  très  curieux  de  connaître  l'&ge  de  leur  vieille 
chapelle,  de  l'autre  aux  amateurs  d'archéologie  comtoise,  en 
publiant  le  plan,  la  coupe  et  quelques  détails  de  l'église  Saint- 
Maurice. 

Une  restauration,  peu  coûteuse,  étant  données  les  faibles 
dimensions  du  monument,  sera,  nous  l'espérons,  prompte- 
ment  ordonnée  par  la  municipalité  de  Jougne,  très  éclairée 
et  très  libérale,  et  mettra  en  pleine  valeur  et  pleine  lumière 
l'un  des  plus  anciens  et  plus  curieux  sanctuaires  du  pays. 

II. 
t'égllsa  de  Romaln-Môtier  au  canton  da  Vaud  (Suiaaa). 

Au  canton  de  Vaud  (Suisse),  mais  à  quelques  kilomètres 
seulement  de  la  frontière  française,  se  dresse,  sur  les  bords 
du  Nozon,  afQuent  de  l'Orbe,  la  très  curieuse  église  prieurale 
de  Romain-Môtier.  Fondé  par  Contran,  roi  de  Bourgogne  au 
Vu*  siècle,  simple  ermitage  d'abord,  puis  abbaye,  donné  à 
Çluny  en  927  par  la  comtesse  Adélaïde,  Romain-Môtier, 
jusqu'à  ce  qu'il  fût  sécularisé  par  la  Réforme,  resta,  durant 
six  siècles,  un  simple  prieuré  bénédictin.  Son  cartulaire  a 
été  publié,  en  1844,  par  la  Société  d'histoire  de  la  Suisse 


—  316  — 

romande  1;  en  même  temps  qu'une  sobre  et  très  médiocre 
étude  sur  les  annales  du  monastère  ;  quant  à  Téglise  elle  n'a 
jusqu'à  présent  été  l'objet  d'aucune  monographie  sérieuse,  el 
les  pages  que  lui  a  consacrées  Blavignac  (2)  dans  son  volume 
sur  l'architecture  religieuse  des  diocèses  de  Genève,  Lau- 
sanne et  Sion,  publié  en  1853,  sont  tout  à  fait  insuffisantes. 
Ce  fait  que  Romain-Môtier,  quoique  étant  bâti  sur  un  sol 
étranger,  fut  une  dépendance  de  l'abbaye  franc-comtoise  de 
Baume-les-Moines  au  diocèse  de  Besançon,  cet  autre  fait  que 
le  style  de  son  église  procède  d'une  façon  absolue  du  roman 
clunisien,  tel  qu'il  dut  être  employé  dans  les  abbayes  et 
prieurés  bénédictins  du  versant  nord  du  Jura,  autorisent 
suifisamment  l'incursion  que  nous  allons  faire  sur  un  sol  ami 
et  voisin,  en  prenant  notre  bien  là  où  il  se  trouve. 

Le  prieuré  de  Romain-Môtier  fut,  durant  tout  le  Moyen- 
Age,  le  noyau  d'un  bourg  fermé  dont  subsistent  encore  en 
partie  la  clôture  et  les  défenses  :  murailles  flanquées  de  quel- 
ques tours,  fossés  dans  lesquels  coulaient  les  eaux  du 
Nozon.  Les  bâtiments  du  monastère,  son  cloître,  son  église, 
les  étables,  jardins,  vergers  en  formaient  le  principal  groupe, 
sensiblement  réduit  au  cours  des  ans,  particulièrement  au 
moment  de  la  Réforme,  quand  furent  chassés  les  religieux.  11 
n'en  reste  aujourd'hui  que  l'église  avec  quelques  débris  d'un 
cloître  gothique  bâti  de  1381  à  1432  par  le  prieur  Jean  de 
Seyssel,  sur  le  flanc  droit  du  vieil  édifice  roman. 

L'église  est  de  faibles  dimensions,  63  mètres  de  longueur 
totale  y  compris  le  narthex  qui  précède  le  vaisseau  (12  m.  50) 
et  le  porche  qui  précède  le  narthex  (7  m.).  Au  transept  la 
largeur  (dans  œuvre)  est  de  26  mètres,  elle  n'est  que  de 
16  m.  50  pour  la  nef  et  ses  collatéraux. 

(1)  Tome  III  des  Mémoires  de  la  Société  d* Histoire  de  la  Suisse  ro- 
mande, publié  à  Lausanne. 

(2)J.-B.  Blavignac,  Histoire  de  r Architecture  sacrée,  du  quatrième 
au  dixième  siècle^  dans  lei  diocèses  de  Genève ^  Lausanne  et  Sion 
(Paris-Genève,  1853). 


—  317  — 

L'église  proprement  dite  se  compose  d'une  nef  et  de  deux 
collatéraux  comprenant  quatre  travées;  six  gros  piliers 
cylindriques  d'un  diamètre  de  1  m.  20,  d'une  hauteur  totale 
de  4  mètres,  ayant  pour  base  une  pierre  rectangulaire,  et 
coiffés  de  chapiteaux  rudimentaires,  soutiennent  les  murs  et 
les  retombées  des  arcades.  Â  la  nef  succède  un  transept  dont 
le  carré  voûté  en  coupole  est  formé  par  quatre  doubleaux 
ouvrant  sur  l'avant-chœur,  la  grande  nef,  enfin  les  bras  du 
transept.  Au  delà  de  ce  carré,  la  nef  et  ses  collatéraux  se 
prolongent  dans  la  proportion  d'une  forte  travée  :  ils  sont 
mis  en  communication  par  une  arcade  géminée  séparée  par 
une  colonne  cylindrique  coiffée  d'un  chapiteau  antique,  qu'on 
a  renforcée  de  part  et  d'autre  d'un  pilastre  saillant,  pour 
qu'elle  puisse  supporter  le  poids  de  l'énorme  muraille  qui' la 
surplombe  M).  A  partir  de  l'avant-chœur  la  bâtisse  est 
moderne,  le  plan  primitif,  qui  comprenait  une  abside  semi- 
circulaire  entre  deux  absidioles,  a  été  modifié  au  xv*  siècle 
pour  faire  place  à  des  chevets  droits. 

Cette  mutilation  du  chevet  n'est  pas  la  seule  que  l'on  ait 
à  déplorer  dans  l'édifice,  c'est  du  moins  la  seule  irréparable 
autrement  que  par  tâtonnements,  car  les  absides  primitives 
ont  été  rasées  au  niveau  du  sol  lors  de  la  reconstruction  faite 
par  Jean  de  Seyssel,  sous  prétexte  d'embellissement. 

A  la  fin  du  xiii»  siècle,  une  mutilation  presque  aussi 
importante,  due  cette  fois  à  un  vice  de  construction,  se 
produisit  dans  la  grande  nef,  ce  fut  l'effondrement  de  la 
voûte  en  berceau,  trop  lourde  pour  d'insuffisants  supports. 
Cette  chute  s'arrêta  aux  piliers  carrés  qui  supportaient  le 
carré  du  transept,  voûté  nous  l'avons  déjà  dit  en  coupole, 
et  dont  la  masse  protégea  les  voûtes  en  berceau  des  bras 
du  transept  et  de  l'avant-chœur.  Grâce  à  cette  digue,  le 
désastre  fut  limité,  et  nous  possédons,  absolument  intactes 


(i)  Ces  deux  colonnes  et  leurs  chapiteaux  antiques  proviennent  probable 
ment  du  temple  romain  d*Orbe. 


—  3<8  — 

dans  leur  contexture  des  plus  curieuses,  troi^  sections  de 
voûte  innportantes  du  vaisseau  principal,  outre  les  voûtes  des 
collatéraux  épargnées  comme  elles. 

Les  voûtes  du  transept  et  de  Tavant-chœur  sont  formées 
d'un  berceau  continu  se  heurtant  dans  les  bras  du  transept, 
d'un  côté  au  mur  extérieur  (au  pignon  pointu),  de  l'autre  au 
doubleau  qui  épaule  et  soutient  la  coupole  ;  le  berceau  qui 
couvre  Tavant-chœur  s'appuie  d'un  côté  à  l'un  des  doubleaux 
du  carré  du  transept,  de  l'autre  au  doubleau  précédant  le 
chœur.  Afin  d'alléger  autant  que  possible  le  poids  du  berceau, 
les  constructeurs  de  Romain-Môtier  avaient  employé  cet 
artifice  très  remarquable  de  formerets  accouplés  ou  arcs  de 
décharge,  entamant  de  travée  en  travée  les  flancs  du  berceau; 
une  colonne  engagée,  dont  le  cul  de  lampe  était  à  la  hauteur 
du  seuil  des  fenêtres  éclairant  la  nef,  recevait  les  retombées 
des  formerets,  tandis  que  les  deux  autres  retombées  dispa- 
raissaient dans  la  masse  semi-cylindrique  du  berceau. 

Cette  disposition,  que  des  planches  feraient  mieux  com- 
prendre, est  intacte,  nous  le  répétons,  dans  l'avant-chœur  et 
dans  les  bras  du  transept  ;  elle  reste  encore  apparente  dans  la 
nef,  grâce  aux  colonnes  engagées  que  les  constructeurs  de  la 
voûte  en  croisée  d'ogives  de  l'extrême  fin  du  xiii*  siècle  ont 
eux  aussi  utilisées  comme  supports  de  leurs  doubleaux,  de 
leurs  ogives  et  de  leurs  formerets,  voici  de  quelle  manière. 

L'eflbndrement  du  berceau  avait  laissé  intacts  les  murs  de 
la  grande  nef  dans  toute  leur  élévation,  les  hautes  fenestrelles 
cintrées  percées  à  la  hauteur  des  colonnes  engagées  dont  le 
cul-de-lampe  marquait  leur  seuil,  dont  le  chapiteau  orné  de 
rinceaux  ou  palmettes  dépassait  leur  cintre,  enfin  ces 
colonnes  engagées  elles-mêmes.  Pour  donner  à  ces  six 
supports  (trois  de  chaque  côté)  un  peu  plus  d'ampleur,  les 
architectes  du  xiii*  siècle  imaginèrent  de  les  surhausser  en 
posant  sur  le  chapiteau  un  rudiment  de  colonne  engagée  d'un 
diamètre  égal  à  celui  du  chapiteau  et  par  conséquent  supé- 
rieur à  celui  de  la  colonne  primitive.  Sur  ce  tronçon,  ha^^^ 


—  319  — 

de  0  m.  40  environ  vient  s'asseoir  un  nouveau  chapiteau  très 
saillant,  orné  de  feuillages,  dont  l'encorbellement  devint,  sur 
trois  faces,  la  base  des  doubleaux,  des  arcs  et  des  formerets 
de  la  nouvelle  voûte. 

Les  voûtes  des  collatéraux,  munies  de  formerets  de 
décharge  comme  la  voûte  de  la  nef,  sont  en  berceau,  mais 
ne  comportent  pas  de  colonnettes  engagées,  les  petites 
voussures  des  formerets  s'éteignant  sans  point  d'appui  dans 
le  massif  des  parois. 

Nous  connaissons  le  plan  et  le  système  de  voûtes  de 
Téglise,  reste  son  éclairage  et  son  décor  extérieur. 

La  coupole  qui  couvre  le  carré  du  transept  repose  :  partie 
sur  le  dos  de  quatre  doubleaux  soutenus  de  massifs  piliers 
carrés  (1  m  16/1  m.  66),  partie  sur  quatre  trompes  en  porte  à 
faux  qui  transforment  le  carré  en  un  octogone.  Notons  qu'au- 
dessus  de  chacun  des  doubleaux  sont  percées  autant  de 
fenestrelles  à  plein  cintre  qui,  aujourd'hui  aveugles,  devaient 
éclairer  autrefois  la  base  du  clocher  à  deux  étages  qui  sur- 
monte la  coupole  ;  huit  fenêtres  cintrées  jadis,  transformées 
par  les  architectes  du  xin*  siècle  en  fenêtres  en  tiers-point 
donnent  du  jour  à  la  nef.  Une  neuvième  fenêtre,  placée  au- 
dessus  de  la  porte  d'entrée  dont  la  façade  est  devenue  une 
porte  de  communication  entre  le  premier  étage  du  narthex 
et  la  tribune  moderne  qui  contient  les  orgues. 

Les  bas-côtés  ont  conservé  leurs  douze  fenestrelles 
romanes,  huit  dans  les  quatre  travées  côtoyant  la  grande  nef, 
quatre  dans  le  prolongement  qui  côtoie  l'avant-chœur.  Les 
fenêtres  du  chevet  datant  de  la  fin  du  xiv'  siècle  ou  du 
premier  tiers  du  xv*  sont  sans  intérêt.  Il  n'en  est  pas  de 
môme  de  celles  des  deux  bras  du  transept.  Du  côté  est,  le 
flanc  de  chaque  bras  est  percé  de  deux  fenêtres  à  la  hauteur 
de  celles  de  la  grande  nef  du  côté  ouest,  le  bras  droit  en 
possède  deux  faisant  face  à  celles  de  l'est;  le  bras  gauche  en 
possède  également  deux,  mais  superposées,  celle  du  bas  étant 
au  môme  niveau  que  les  fenêtres  des  bas-côtés.  Le  pignon 


—  320  — 

du  bras  droit  du  transept,  éclairé  au  sud,  a  beaucoup  souffert 
tant  à  cause  de  son  orientation  fâcbeuse  qu*à  cause  de  l'appui 
du  cloître,  du  chapitre  et  d'autres  bâtiments  claustraux;  le 
pignon  opposé  (tourné  au  nord)  est  resté  merveilleusement 
intact.  Il  est  percé  de  trois  ocuZt  posés  un  et  deux,  celui  d'en 
haut  très  rapproché  de  la  voûte,  et  d'une  fenêtre  cintrée 
posée  dans  l'axe  principal  à  la  même  hauteur  que  celles  des 
bas-côtés.  Pour  en  finir  avec  les  fenêtres,  mentionnons  sur 
chaque  face  du  clocher  à  deux  étages  planté  sur  le  carré  du 
transept,  deux  fenêtres  géminées  à  l'étage  d'en  haut,  celui 
d'en  bas  n'étant  décoré  que  d'arcatures germaniques  aveugles. 

Puisque  nous  parlons  de  ce  décor,  constatons  que  sur 
toutes  faces,  aussi  bien  sur  la  fagade  principale,  masquée  à 
l'heure  présente  par  le  narthex,  que  sur  les  deux  pignons 
du  transept,  les  deux  étages  du  clocher,  les  flancs  des  bas- 
côtés  comme  ceux  de  la  nef  et  du  transept,  des  arcatures 
germaniques  couvrent  la  totalité  des  maçonneries,  enserrant 
dans  leur  léger  relief  toutes  les  ouvertures  de  l'édifice  et  lui 
donnant  une  incontestable  élégance. 

En  présence  des  détails  caractéristiques  que  nous  venons 
de  relever  dans  le  plan,  le  système  de  voûtes,  d'ouvertures, 
le  décor  extérieur  d'arcatures,  à  quelle  date  assigner 
l'ensemble  de  l'église  de  Romain-Môtier  ?  A  notre  avis  et  en 
tenant  compte  en  particulier  de  la  forme  des  piliers,  et  de 
leur  chapiteau  rudimen taire  et  de  la  structure  des  voûtes  en 
berceau,  nous  sommes  tout  à  fait  disposés  à  attribuer  à  la 
première  moitié  du  xii«  siècle  la  construction  de  cette  église. 
L'influence  clunisienne  y  est  trop  sensible  pour  qu'on  puisse 
hésiter  sur  ce  point  fort  important. 

L'église  de  Romain-Môtier  dut  posséder  un  cloître  d'un 
style  analogue  au  sien,  il  n'en  reste  pas  le  moindre  vestige 
car  deux  prieurs  qui  se  succédèrent  de  4300  à  1432,  Henri  de 
Sivrier,  mort  évêque  de  Rodez  (1373-1379),  et  Jean  de 
Seyssel  (1381-1432),  le  détruisirent  pour  le  remplacer  par  un 
cloître  dans  le  style  ogival,  démoli  lui-même  par  les  Réforma- 


—  321  — 

teurs.  Sur  le  flanc  sud  de  l'édifice  se  voient  encore  les  forme- 
rets  et  les  arrachements  des  arcs,  avec  des. culs-de-lampes 
armoriés  des  blasons  d'Henri  de  Sivrier  et  de  Jean  de 
Seyssel  ;  on  peut  constater  ainsi  que  le  cloître  comptait  sept 
travées  sur  chaque  face,  soit,  en  tenant  compte  des  travées 
d'angle,  vingt-quatre  travées  en  tout. 

Mais  très  peu  de  temps  après  l'achèvement  de  l'église,  à  la  fin 
du  xii«  siècle,  un  porche  ou  narthex  à  doubleétage  vint  s'appli- 
quer contre  sa  façade  principale.  Analogue  dans  des  dimen- 
sions plus  restreintes  au  fameux  porche  de  Tournus,  attei- 
gnant dans  son  élévation  totale  la  hauteur  sous  clé  de  voûte 
de  l'église  elle-même  (lHm.50),  le  narthex,  plus  étroit  qu'elle, 
ne  mesure  que  14  mètres  de  largeur  dans  œuvre.  Le  rez-de- 
chaussée  partagé  en  quatre  travées  par  six  piliers  trois  à 
droite,  trois  à  gauche,  carrés,  cantonnés  dans  l'axe  principal 
de  colonnes  engagées,  compte  trois  nefs  et  par  conséquent 
douze  compartiments  couverts  en  croisées  d'arêtes  et  reliés 
de  pilier  en  pilier  ou  de  pilastre  en  pilastre  par  des  doubleaux 
cintrés.  L'étage  inférieur  est  éclairé  par  des  fenêtres  en 
meurtrières;  les  chapiteaux  des  piliers  ou  des  pilastres  sont 
d'une  extrême  simplicité  de  contours  et  de  très  faible  hau- 
teur. Un  escalier  composé  de  deux  rampes,  pratiqué  à  droite 
de  la  porte  d'entrée  dans  l'épaisseur  du  mur  ouest,  avec 
palier  dans  l'angle  des  murs  ouest  et  sud  et  retour  d'équerre 
dans  ce  dernier,  conduit  au  premier  étage,  dont  la  disposition 
est  identique  comme  plan  et  comme  système  de  voûtes,  à 
cela  près  que  les  piliers  sont  cylindriques  et  que  les  chapi- 
teaux, plus  soignés,  sont  décorés  de  rinceaux  et  de  palmettes. 
Extérieurement,  les  flancs  du  narthex  sont  ornés  jusqu'à  la 
base  du  second  étage  de  contreforts  légèrement  saillants 
dessinant  les  quatre  travées  et  soutenant  à  partir  du  second 
étage  des  colonnettes  engagées  sur  lesquels  reposent  des 
arcatures  germaniques.  Les  fenestrelles  du  second  étage  au 
nombre  de  huit  sont  uniformément  cintrées.  De  date  un  peu 
plus  récente  que  l'église,  le  narthex  de  Romain-Môtier  doit 


—  322  — 

remonter  à  la  seconde  moitié  du  xii*  siècle,  à  1180  environ. 
Inutile  d'insister  sur  l'intérêt  considérable  de  ce  porche 
unique  dans  la  région. 

Quand  les  architectes  du  xm*  siècle  eurent  remplacé  par 
une  voûte  en  croisée  d'ogives  le  berceau  effondré  de  la 
grande  nef,  il  leur  prit  fantaisie  d'ajouter  au  narthex  un 
second  porche  conçu  dans  le  nouveau  style  qui  faisait  par- 
tout des  merveilles.  Un  compartiment  de  voûte  recouvrit  un 
bâtiment  carré  large  de  7  mètres  sur  toutes  faces,  percé  à 
l'entrée  d'un  arc  en  tiers  point,  sur  chaque  côté  de  deux 
fenêtres  géminées  reposant  sur  un  bahut  à  hauteur  d'appui, 
outre  une  troisième  fenêtre  aveugle  placée  sous  le  formeret, 
tel  est  le  porche  venant  encadrer  l'ancienne  porte  cintrée  du 
narthex  sous  une  porte  ogivale  à  multiples  colonnettes  et  à 
nombreux  redents,  dont  d'élégants  feuillages,  des  fleurs  de 
lis  sans  nombre,  des  rosaces,  des  fleurons  couvrent  les 
arceaux.  Au  milieu  de  cette  flore  deux  petites  flgurines,  un 
roi  et  une  reine  couronnés,  qui  sont  peut-être  la  reproduc- 
tion traditionnelle  de  deux  figures  de  rois  ou  d'empereurs 
décorant  naguère  la  porte  primitive  de  l'église  de  Romain- 
Môtier. 

De  son  mobilier  qui  devait  être  jadis  d'une  richesse  pro- 
portionnée à  son  architecture  Romain-Môtier  n'a  gardé  que 
son  maître-autel,  ses  stalles  dues  à  Jean  de  Seyssel,  le  tom- 
beau de  ce  dernier  remontant  à  1432,  celui  d'Henri  de 
Sivrier,  prieur  puis  évéque  de  Maurienne  et  de  Rhodez. 

Quelques  détails  sur  chacun  de  ces  petits  monuments. 

Le  maîlre-autel  en  pierre,  du  xiii*  siècle,  sert  encore  de 
table  de  Gène  aux  protestants  de  Romain-Môtier  :  c'est  une 
table  de  pierre  chanfreinée,  longue  de  1  m.  72,  large  de 
0  m.  80,  épaisse  de  0  m.  15,  supportée  par  quatre  colonnettes 
de  marbre  gris,  poli,  hautes  de  0  m.  80,  dont  les  chapiteaux 
sont  décorés  d'un  tailloir  à  multiples  moulures,  de  feuilles 
d'eau  et  de  feuillages  avec  astragale. 

Les  stalles,  incomplètes,  ne  comptent  plus  aujourd'hui  que 


—  323  — 

dix  stalles  hautes  avec  dossiers  trilobés  et  vingt  et  une  stalles 
bas^s  ;  les  jouées  de  chaque  rangée  de  hautes  stalles,  jadis 
ajourées  dans  la  partie  supérieure,  pour  encadrer  en  léger 
relief  la  figure  de  quelque  saint  aujourd'hui  disparue,  sont 
ornées  à  la  partie  inférieure  de  deux  écussons.  Le  premier 
est  celui  du  prieuré  de  Romain-Môtier  :  une  clef  et  une  épée 
la  pointe  haute,  mises  en  pal  ;  le  second  est  celui  du  prieur 
Jean  de  Seyssel  :  gironné  de  huit  pièces,  à  un  écu  fruste  mis 
en  cœur. 

Dans  le  nouveau  chœur,  contre  la  paroi  gauche,  est 
encastré  un  édicule  gothique,  enserrant  un  enfeu  où  repo- 
sait peut-être  naguère  l'image  agenouillée  ou  étendue  de  Jean 
de  Seyssel,  avec  les  mêmes  armoiries  plusieurs  fois  répétées 
et  Tépitaphe  du  personnage  gravée  entre  deux  écus  : 

Johês  .  de  .  Seyssello  .  pôr  .  romani  .  monasterii .  iacet . 
subtuâ .  lapidem  .  existentê  .  ante  .  magnû  .  altare  .  dicti . 
loci . 

Cet  édicule  se  compose  d'un  tombeau  en  forme  d'autel,  à 
la  base  de  l'enfeu  dont  la  façade  est  décorée  d'une  arcade 
trilobée  très  légère,  couronnée  d'un  gable  triangulaire,  avec 
lobes  intérieurs  finement  découpés.  Les  rampants  de  ce 
gable  sont  semés  de  choux,  sa  pointe,  ornée  d'un  pinacle, 
repose  sur  des  panneaux  représentant  trois  fenestrelles 
gothiques,  avec  meneaux  et  rosaces  ;  l'ensemble  est  encadré 
dans  deux  pilastres  à  triple  étage  coiffés  chacun  d'un  cloche- 
ton. Ce  tombeau  très  élégant  est  postérieur  de  fort  peu  à 
l'année  143-2,  date  de  la  mort  de  Jean  de  Seyssel  constructeur 
du  chœur,  des  deux  chapelles  superposées  sur  l'emplace- 
ment de  l'absidiole  gauche  et  du  chevet  droit  qui  a  succédé 
à  l'absidiole  droite. 

Le  tombeau  d'Henri  de  Sivrier,  mort  en  1398,  est  déposé 
(car  il  a  été  retrouvé  seulement  il  y  a  soixante  ans  aux 
abords  de  l'église)  à  droite  de  l'entrée,  au  bas  de  la  nef. 


—  324  — 

L'image  du  prélat,  sculptée,  en  plein  relief,  mitre  en  tête, 
revêtu  des  ornements  pontificaux ,  repose  étendu ,  lar  tête 
sommée  d*un  dais;  ses  armoiries,  sculptées  auprès  de  lui, 
représentant  cinq  coquilles  mises  en  croix.  Autour  de  ce 
monument,  long  de  2  m.  45,  large  de  0  m.  84,  haut  de 
0  m.  43,  on  lit  Tinscription  suivante,  en  capitales  gothiques  : 

*  REVERD9  :  IN  :  XPO  :  PR  :  DNS  :  HENRICUS  :  DE  : 
SIVRIACO  :  OLÎ  :  POR  :  HUH  :  PORAT*^  :  POST  :  EPS: 
MAURIAN  :  NÙC  :  VERO  :  EPÙS  :  RUTHEN  :  FECIT  : 
HANC  :  SEPULTURAM  :  ANO  :  DNI  :  M  :  CCC  :  LXXXY^i: 
PONTIFICATUS  :  SCTISSIMI  :  IN  :  XPO  :  PRIS  :  ET  : 
DNI  :  DNI  :  CLEMENTIS  :  DIVINA  :  PVIDENTIA  :  PAPE: 
VII  :  ANO  :  NONO  : 

On  conviendra,  après  avoir  parcouru  ces  lignes  et  étudié 
le  plan  de  Roinain-Môtier,  que  Tégiise  cJunisienne  du  pays 
de  Vaud  a  un  intérêt  considérahle  pour  Tarchéoiogie  du  Haut- 
Jura. 

III. 
L'égllsa  collégiale  de  Saint-Ursanna  au  Jura  bernais. 

Dans  la  boucle  que  la  rivière  du  Doubs  forme  sur  le  terri- 
toire suisse,  entre  Goumois  et  Bremoncourt,  est  bâtie,  dans 
un  site  extrêmement  pittoresque,  la  jolie  bourgade  de  Saint- 
Ursanne.  Encore  entouré  de  ses  vieilles  fortifications  du 
moyen-ûge,  percées  encore  de  trois  portes  et  dominées  jadis 
par  un  château  détruit,  le  bourg  rayonne  autour  d'un  noyau 
primitif  :  un  monastère  bénédictin,  fondé  au  vi'*  siècle  par  une 
colonie  des  disciples  de  saint  Colomban,  venue  de  Luxeuil. 
Église  et  cloître  reconstruits  au  cours  des  âges  portent  Tem- 
pçeinte  de  divers  styles  ;  des  temps  primitifs  il  ne  subsiste 


—  325  — 

plus  qu'un  sarcophage  de  pierre,  tombeau  du  fondateur  saint 
Ursanne,  dont  la  mémoire  reste  entourée  d'un  culte  respec- 
tueux (^). 

L'église,  longue  de  48  m.  25  dans  son  axe  principal,  large 
de  20  m.  30,  se  compose  d'une  nef  flanquée  de  collatéraux, 
terminée  par  une  abside  à  trois  pans,  précédée  d'un  clocher 
massif  servant  de  porche,  accostée  sur  le  flanc  droit  de  cinq 
chapelles. 

Sous  le  chœur  est  une  crypte  haute  de  3  m.  03,  éclairée 
de  trois  fenestrelles  cintrées,  dont  quatre  piliers  cylindriques 
supportent  les  voûtes  d'arête  et  à  laquelle  conduisait  naguère 
un  double  escalier  venant  des  collatéraux.  Cette  crypte,  dont 
nous  donnons  le  plan  et  certains  détails,  après  avoir  été  re- 
maniée au  XVI®  siècle,  comme  en  témoigne  le  soubassement  à 
taille  de  diamant  qui  supporte  un  des  piliers,  a  été  restaurée 
en  1880,  après  avoir  été  transformée  en  charnier  en  1771.  Ce 
souterrain,  dont  les  contours  rectangulaires  sous  le  chœur  et 
le  maître-autel  de  l'église  supérieure,  épousent  d'un  autre  côté 
la  forme  à  trois  pans  de  l'abside  supérieure,  mesure  5  m.  10 
de  longueur  sur  0  m.  45  de  plus  grande  largeur,  les  colonnes 
et  leurs  chapiteaux  s'élèvent  à  1  m.  52  du  sol.  Les  voûtes 
d'arête  sont  au  nombre  de  onze  compartiments,  irréguliers, 
étant  donné  le  plan  de  la  crypte  ;  des  doubleaux  relient  les 
quatre  faces  des  chapiteaux  du  groupe  central  avec  les  pi- 
lastres ou  colonnes  engagées  leur  faisant  face  sur  les  parois. 
C'est  dans  cette  crypte  qu'à  dû  reposer  naguère  le  tombeau 
du  saint  fondateur. 

Les  chapiteaux  ont  la  plupart  la  forme  caractéristique  du 
style  rhénan,  soit  un  cube  dont  les  angles  inférieurs  sont 
arrondis,  dont  les  faces  visibles  sont  entaillées  d'une  étroite 
rainure;  les  bases,  sauf  celle  renouvelée  au  xvi*  siècle,  sont 
arrondies,  composées  de  deux  tores  séparés  par  une  gorge,  le 


(i)  Ce  tombeau,  couvert  en  dos  d'âne,  formé  de  trois  pierres  séparées,  est 
placé  sous  le  maitre-autel  de  leglise  supérieure. 


—  326  — 

tore  inférieur  cantonné,  aux  angles  de  la  tablette  sur  laquelle 
il  repose,  de  deux  feuilles  en  haut  relief. 

Le  caractère  de  cette  crypte,  combiné  avec  celui  du  pas- 
sage voûté  en  berceau  qui  y  conduit,  et  qui  fit  partie  du  col- 
latéral de  l'ancienne  église,  celui  du  portail  historié  qui  ouvre 
sur  le  flanc  droit  de  Tédifice,  révèlent,  sans  hésitation  pos- 
sible, le  milieu  du  xii«  siècle.  Ceci  est  fort  intéressant  pour 
les  Francs-Comtois,  car  nous  retrouvons  là  l*idée  exacte  de 
ce  que  devait  être,  dans  une  dimension  plus  vaste,  la  crypte 
de  l'église  cathédrale  de  Besançon,  construite  au  xii*  siècle 
dans  le  style  roman  des  bords  du  Rhin. 

Remontons  dans  l'église  supérieure,  en  gravissant  les  dix 
degrés  de  Tescalier  de  la  crypte  et  en  passant  sous  la  voûte 
en  berceau,  haute  de  2  m.  50  à  peine,  qui  couvre  la  partie  du 
collatéral  droit  précédant  Tautel.  Cette  voûte,  contemporaine 
de  la  crypte,  s'arrête  brusquement  en  arrivant  à  la  hauteur 
du  portail,  également  contemporain,  qui  s'ouvre  sur  la 
terrasse  et  les  escaliers  épaulant  le  flanc  droit  de  l'édifice. 

Ce  portail,  partie  la  plus  décorée  de  l'édifice,  mérite  une 
sobre  description.  On  le  nomme  dans  le  pays  la  Porte  des 
Épousailles.  La  hauteur  totale  de  la  porte  est  d'environ 
3  m.  60,  sa  largeur  totale  de  3  m.  10.  De  chaque  côté,  trois 
colonnettes,  placées  en  retrait  successif,  supportent  une 
triple  voussure  cintrée  dont  les  reliefs  en  tores  ou  boudins 
alternent  avec  des  moulures  concaves,  dont  deux,  la  plus 
voisine  et  la  plus  éloignée  du  tympan,  sont  ornées  de  grosses 
perles  en  relief.  Les  chapiteaux  des  six  colonnes  sont  décorés 
de  figurines,  les  angles  vifs  qui  séparent  les  colonnes  sont, 
ici,  décorés  de  chevrons  peints,  là,  ornés  de  perles  comme 
les  voussures.  Les  six  chapiteaux  historiés  représentent  à 
droite  :  un  loup  converti  par  un  moine,  en  présence  des 
agneaux  qu'il  se  prépare  à  dévorer;  une  sirène  attirant  les 
hommes  ;  trois  aigles  ;  à  gauche  :  des  démons  à  face  bestiale 
tenant  des  livres  ouverts  (l'enseignement  du  mensonge) ;  des 
évangélistes  tenant  leurs  livres  (l'enseignement  de  la  vérité;; 


—  327  — 

des  démons  et  des  chimères.  Les  bases  sont  identiques  à 
celles  des  colonnettes  de  la  crypte  et  munies  de  feuilles  sur 
leurs  angles. 

Un  bas -relief  décore  le  tympan  :  le  Christ  assis  tenant  un 
rouleau  et  un  évangile,  à  ses  pieds  deux  moines  nimbés  : 
saint  Ursanne  et  saint  Wandrille,  à  sa  droite  saint  Pierre,  à 
sa  gauche  saint  Paul  debout,  derrière  et  sur  les  flancs  quatre 
anges  ailés  debout,  deux  petits  anges  vus  de  buste. 

1^  porte  est  enserrée  dans  un  massif  rectangulaire  haut  et 
large  de  4  mètres,  dont  la  partie  supérieure  est  ornée  d'une 
corniche  à  modilions.  dont  les  deux  angles  supérieurs  évidés 
en  niches  cintrées  contiennent  :  à  gauche  une  statue  de  la 
Vierge  assise,  l'Enfant-Dieu  sur  les  genoux,  à  droite  une 
statue  de  saint  Ursanne  assis,  accosté  de  deux  anges,  perchés 
sur  les  bras  d'un  siège  à  l'antique.  Au  xiir  siècle  la  niche  de 
droite  a  été  détruite  et  remplacée  par  un  dais  ogival,  à  colon- 
nettes.  Ce  portail  de  saint  Ursanne  rappelle  comme  style  et 
comme  décor  les  sculptures  célèbres  du  portail  latéral  gauche 
de  la  cathédrale  de  Bûle,  sur  la  terrasse  du  Rhin. 

Le  portail,  le  fragment  du  collatéral  voûté  en  berceau,  la 
crypte,  telle  est  la  part  du  xii*  siècle  dans  l'église  actuelle 
de  Sa»nt-Ursanne.  Il  faut  y  joindre  encore  le  chevet  au 
moins  extérieur  de  l'église  d'en  haut.  L'abside  est  à  trois 
pans,  ornée  en  dehors  d'une  robuste  corniche  à  multiples 
ressauts  évidés,  soutenue  par  des  arcatures  cintrées,  style 
germanique  ;  quatre  contreforts  Tépaulent  :  deux,  ceux  du 
milieu  à  double  étage  et  fort  relief,  ornés  de  deux  statuettes 
du  Christ  et  de  saint  Ursanne  ;  deux,  ceux  des  flancs  de 
moindre  saillie  ;  entre  ces  contreforts  apparaissent  au  ras 
du  sol  les  fenestrelles  cintrées  de  la  crypte,  à  3  ou  4  mètres 
du  sol,  les  fenêtres  du  chœur  à  redents  successifs  décorés 
de  perles  espacées  et  de  losanges  entaillés  dans  les  mou- 
lures. Au  dedans,  l'abside  est  voûtée  en  robustes  croisées 
d'ogives,  la  travée  du  chevet  est  précédée  d'un  doubleau  en 
tiers- point  orné  sur  sa  face  antérieure  de  bâtons  rompus  ou 


—  328  — 

zigzags  ;  des  colonnettes  avec  chapiteau  massif,  un  dé  sur- 
monté d'un  abaque  très  saillant  orné  de  rinceaux,  soutiennent 
les  arcs  ogifs.  un  pilier  quadrangulaire  accosté  de  deux  co- 
lonnettes, le  tout  sommé  de  chapiteaux  identiques  avec  aba- 
ques ornés  de  damiers  ou  de  rinceaux,  soutient  le  dou- 
bleau;  une  corniche  très  saillante,  portant  semblable  décor, 
fait  le  tour  de  Tabside.  Pas  de  corniches,  mais  des  groupes 
de  colonnettes  analogues  dans  les  sept  travées  de  la  nef, 
haute  d'environ  9  à  10  mètres,  large  de  8  mètres,  commu- 
niquant avec  les  collatéraux  par  des  arcades  en  tiers-point, 
avec  ou  sans  redent.  La  travée  la  plus  voisine  du  chœur  est 
sans  arcade  ;  la  seconde  en  a  deux  et  est  percée  à  la  nais- 
sance des  voûtes  de  deux  fenêtres  en  tiers-point  ;  les  cinq 
autres  travées  ne  comptent  sur  chaque  face  qu*une  arcade 
et  qu'une  fenêtre. 

Si  nous  n'avons,  pour  dater  la  crypte,  le  portail,  les  rnurs 
(sinon  les  voûtes  de  l'abside)  (|ue  les  caractères  intrinsèques 
de  l'architecture  du  xii'"  siècle,  les  constructeurs  de  l'église 
supérieure  ont  pris  soin  de  dater  chacune  des  parties  de  la  nef. 
La  voûte  de  l'iihside  portait,  visible  encore  au  xviii*'  siècle,  la 
date  de  mccux  ;  celle  du  clurur  (travée  à  double  dimen.^^ion) 
la  date  de  mcclxi  ;  celle  de  la  seconde  travée  mccc,  enfin  la 
dernière  travée,  celle  de  l'orgue  adossée  au  clocher,  celle  de 
MCCCVH.  Ces  dates  s'appliquent  naturellement  à  l'ensemble 
de  l'édifice,  moins  les  cinq  chapelles  des  xv^-xvr  siècles, 
dont  l'une,  la  dernière,  fait  corps  au  moyen  d'un  pilier  cen- 
tral avec  la  travée  du  bas  du  collatéral  droit. 

Le  clocher,  couvert  en  batière,  s'appli(}ue  contre  l'ancienne 
façade  de  l'église.  Il  comporte,  outre  le  pignon,  quatre  étages 
marqués  par  des  cordons  de  pierre.  Le  quatrième  étage  est 
percé  de  fenêtres  gothiques,  à  meneau  avec  rose,  et  de  fe- 
nestrelles  regardant  le  faîte  de  la  nef  A  la  base,  une  porte 
unique  en  tiers-point,  servant  de  porche.  De  1442  à  1466,  le 
clocher  fut  construit  par  des  maçons  franc-comtois,  comme 
l'explique  l'inscription  suivante  : 


Société  d'Émulation  du  Doubs,  1902. 


n.i. 


3 


M^* 


V4 


Êai-I5£  5.KAUHICE    DE  JOUGNE    (  J>Oir»  5  )  •  XII*  5îtfU  . 
Plan  au  V200» 
A.  Cryple.— B.  Base»   d«  colorvne».  -^  C. Chapiteaux 


Société  dtinulation  du  Doubs,  1902. 


PI.U. 


Plan  au  V500« 
A.  AbftidM ,  XIV  -XV*«iècles.-B.  Avanl-chocur, transept, X llfsiédc- 
CNefvout^.finduXllIf  «iècle.  — D.Narthex^  deux   él»;ie*, 
fin  du XII?  siècle  .  —  E.  Porche .  débu.t  du  XIV^  «Iccle. 


Soc.  d'ÊmulduDou^be, 


mil. 


ÉÔLÏtfE  -DE    SAIKT-lTKSANffK    (SVtSSe.). 
Planai!  VlOO* 
A  .  Cryple.-B.  Base  decolonnellc—  C.  Chapiteaux. 


—  329  — 

H.«C  TURRIS  EST  MURRATA  PER  WILLM  I  DE  VY  .  PROPE 
BELVOIR  ET  JO  :  EJUS  FILIUM  STE  .  DE  RANDEVILLER  .  BISONT  . 
DIOCES  .  ET  PER  HUGUEN  .  HUJUS   LOGIS  MURATORES. 

(Cette  tour  a  été  construite  par  Guillaume  de  Vy-lez-Bel- 
voir  et  Jean  son  fils,  Etienne  de  Randevillers,  du  diocèse  de 
Besançon,  et  par  Huguenin  de  ce  lieu,  maçons.) 

Une  seconde  inscription  motive  la  reconstruction  et  donne 
le  nom  des  chanoines  qui  décidèrent  l'entreprise.  En  voici 
le  texte,  que  nous  empruntons  au  volume  publié  en  1887 
par  Mgr  Chèvre,  ancien  curé  de  Saint-Ursanne,  aujourd'hui 
curé  de  Forrentruy  i^)  : 

AnnoDni.  mccccxli  die  xiii  mensis  maii  cecidit  ista  turris 
et  die  xi  mensis  apr  :  per  hon  :  dnos  :  Jo  :  de  Esuel  ppos  :  Jo  : 
de  Kletzenstein  :  thés  :  Heinzt  :  de  Aldorf  :  Jo  :  Warmop  : 
Jo  :  Prêt  :  Sp  .  Biedman  :  Jo  :  Molit  :  Lud  :  Vinck  :  Steph  : 
de  Orbath  :  Fihp  :  Jo  :  Herbis  :  Rud  :  Bois  :  canon  :  hujus 
ecchae  de  novo  fundata  est  anno  Dni.  mccccxlii.  (L'an  du 
Seigneur  1441,  le  13  mai,  cette  tour  s'écroula  et  le  11  du 
mois  d'avril  1442,  les  fondations  de  la  nouvelle  tour  ont  été 
posées  parles  honorables  seigneurs  Jean  d'Asuel,  prévôt, 
Jean  de  Kletzenstein,  trésorier,  Heitzmann  d'Altdorf,  Jean 
Warmop,  Jean  Prêt,  Sp.  Biedman,  Jean  Molitor,  Louis  Vinck, 
Etienne  D'Orbath,  Philippe,  Jean  de  Herbis,  Rodolphe  de 
Bois,  chanoines  ) 

Tel  est  le  plan,  tels  sont  les  principaux  détails  de  l'église 
de  Saint-Ursanne  dont  le  mobilier,  moderne,  n'offre  rien 
d'intéressant. 

Un  mot  du  cloître  qui  s'étend  sur  le  flanc  gauche  de  l'é- 
difice, vaste  quadrilatère  long  de  33  mètres,  large  de  23  m. 


(1)  Histoire  de  Saint-Ursanne,  du  chapitre,  de  la  ville  et  de  la  pré- 
vôté, par  Mgr  F.  Chèvre  (Porrenttuy,  V.  Michel,  1887,  volume  iu-8'>  de 
942  pages  el  6  pages  avec  planches. 

22 


—  330  — 

50,  dont  les  allées,  couvertes  de  charpente,  ouvertes  par  des 
fenêtres  à  meneaux  et  roses,  ouvrent  sur  un  préau  trans- 
formé en  cimetièr*i.  Ce  cloître,  reconstruit  sur  remplace- 
ment de  l'ancien  cloître  du  xn*  siècle,  a  été  rebâti  en  1531. 
Une  jolie  porte  du  xiir  ou  xiv«  siècle,  ornée  d'une  croix, 
d'un  lion  et  d'une  grande  fleur  de  lis,  y  conduit  depuis  le 
collatéral  gauche  de  l'église. 

Saint-Ursanne  a  appartenu,  aux  temps  les  plus  lointains, 
au  diocèse  de  Besançon,  dont  Bâle  resta  jusqu'à  la  Révolu- 
tion un  évèché  suffragant.  L'influence  germanique  qui  do- 
mine dans  son  église  est  précieuse  à  constater,  ne  fût-ce 
que  pour  rapprocher  de  cet  édifice  et  de  sa  crypte  les  che- 
vet et  crypte  (aujourd'hui  mutilés)  de  la  cathédrale  Saint- 
Jean  de  Besançon. 


mm  FAITS  A  L4  SOCIÉTÉ  (4902-1903) 


Par  le  Département  du  Doubs 300  f. 

Par  la  Ville  de  Besançon , 400  f. 


Par  M.  le  Mlmstre  de  l'Instruction  publique  : 

Bulletin  du  Comité  des  Sociétés  savantes  :  Hisloire  et  Philologie, 
1902,  1-4;  —  Congrès  de  1902  :  Section  des  Sciences  écono- 
miques et  sociales;  —  Bull,  archéologique,  1902,3;  1903,1-2. 

Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques 
de  France  :  t.  XXVI,  Carpentras;  t.  XLI  (supplément  du 
t.  II)  :  Caen,  Luxeuil. 

Bibliographie  des  travaux  historiques  et  archéologiques  des  So- 
ciétés savantes  de  la  France ^  t.  IV,  2. 

Annales  du  Musée  Guimet,  t.  XIV  et  XV,  1902,  et  le  t.  XXX, 
in-4o;  —  Bibliothèque  d'étude:  l'Evangile  du  Bouddha,  tra- 
duction, par  M.  MiLLOUÉ. 

Revue  de  l'Histoire  des  religions^  t.  XLVII  et  XLVIII. 

Bibliothèque  de  VEcole  des  Chartes,  t.  LVIII,  LIX,  3-4.  1903. 

Les  Testaments  de  VOfficialité  de  Besançon,  par  M.  Ulysse 
Robert,  t.  I,  1900. 

Bévue  des  Etudes  grecques,  1902-1903,  t.  XVI. 


Par  MM. 
Massing,  membre  correspondant  :  Nouveaux  problèmes  dé  géo- 
métrie analytique  sur  les  normales  à  la  parabole,  avec  solu- 
tions, 1902. 

Marquiset  (Alfred),  membre  correspondant  :  deux  fascicules 
de  poésies  intitulées  :  Claironnées,  Grayloiseries.. 

Chambre  de  commerce  de  Besançon  :  Compte-rendu  de  l'exer- 
cice  i90i-i90t. 


—  332  — 

Ville  de  Besançon  .  Statistique  démographique  et  médicale 
du  Bureau  d'hygiène,  1902-1903. 

Caisse  d'Epargne  de  Besançon  :  Exercice  i902. 

Le  Préfet  de  la  Cote-d*Or:  Inventaire  sommaire  des  Archive» 
départementales  y  rédigé  par  M.  Joseph  Garni  er  :  Archives 
civiles,  série  G,  clergé  séculier,  n***  1  à  1024. 

Prinet  (Max),  membre  correspondant  :  L'Industrie  du  Sel  en 
Franche-Comté  avant  la  conquête  française. 

Roux  (Roger)  :  Le  Travail  dans  les  Prisons^  1902;  —  Politique 
extérieure  de  Pierre-le-Grand,  1903. 

Le  Préfet  du  Doubs  :  Procès-verbaux,  Rapports  et  Délibéra- 
tions du  Conseil  général  du  Doubs;  sessions  d'avril  et  août 
1903. 

BiGEARD  (R.)  :  Petite  Flore  mycologique,  1903. 


à 


—  333  — 


ENVOIS  DES  SOCIÉTÉS  CORRESPONDANTES  (1902  190S) 


Académie  des  Inscr.  et  Belles- Lettres,  Comptes  rendus,  1902-1903. 

Bévue  des  Etudes  grecques,  1902  et  1903. 

Journal  des  Savants^  année  UK)2;  1903  en  cours. 

Bévue  des  Etudes  historiques,  1902. 

Bulletin  et  Métnoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France, 

1902. 
Bulletin  de  la  Société  française  de  physique,  1901, 1902, 19a3, 1-3. 
Bulletin  de  la  Soc  d'anthropologie  de  Paris,  1902,  3  6;  1903, 1-3. 
Bévue  épigraphique  (Vienne),  l^r  trim.  1903. 
Annuaire  de  la  Société  philotechnique  de  Paris,  1901  et  1902. 
Bulletin  de  la  Société  de  botanique  de  France,  1902-1903,  1-6. 
Bévue  épigraphique  (M.  Espérandieu). 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  France,  t.  XXVII. 
Mémoires  de  la  Société  zoologique  de  France,  t.  XV,  1902. 
Société  philomatlque  de  Paris,  1901-1902. 

Omis  :  Bulletin  du  comité  ornithologique  international,  t.  XÏI,  1. 
Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  d'Hist.  de  Paris  et  de  Vite- 

de-France,  29*  année,  1902,  t.  XXIX. 
Bévue  africaine,  246-249,  1902  et  1903. 
Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  de  Montbéliard    t.  XXIX, 

1902,  et  supplément  des  t.  XXVII  et  XXVIII;  tables,  1850-1900. 
Bulletin  de  la  Société  Grayloise  d'Emulation,  année  1P02,  t.  V. 
Bulletin  de  la  Société  pour  la  protection  des  paysages  de  France, 

1902,  1-2. 
Bévue  viticolc  et  horticole  de  Franche-Comté  et  de  Bourgogne 

(Poligny),  t.  VI,  1902-1903. 
Mémoires  de  V  Académie  des  Sciences,  Belles -Lettres  et  Arts  de 

Besançon,  1902. 
Bulletins  de  la  Société  d'Histoire  naturelle  du  Douhs,  1902. 
Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du  Jura,  ?«  série,  t.  I,  II, 

1901,  1902. 
Le  Sillon  (Vesoul),  1902-1903. 


—  334  — 

Actes  de  la  Société  Jurassienne  d'Emulation  1900-1901. 

Revue  scientifique  du  Bourbonnais,  i902,  172;  1903,  1-4. 

Bulletin  de  la  Société  des  scieficcs  naturelles  et  d'archéologie  de 
VAin,  1902,  4;  1903,  30  et  31. 

Annales  de  la  Société  d'Emulation  de  VAin,  1902, 1-10;  1903. 1-3. 

Bulletin  de  la  Société  histor.  et  arch.  de  Langres,  1902;  1903, 
janv.-mai. 

Annales  de  la  Société  d'Emulation  du  département  des  Vosges^ 
1902  et  1903. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  l'Yonne,  1901  et 
1902. 

Mémoires  de  l'Académie  de  Dijon,  i°  s.,  t.  VII  et  VIII,  1901-IiK)2. 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéolog.  de  Langres,  t.  V'. 

Mémoires  de  la  Société  Bourguignonne  d'histoire  et  de  géogra- 
phie, l.  XVIX,  1903. 

Revue  Bourguignonne  (Université  de  Dijon),  t.  XIII,  1903.  1-2. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  Saône-et-Loire, 
1902-1903. 

Journal  des  Naturalistes  :  Bulletin  de  la  Société  d'histoire  natu- 
relle de  Mâcon,  décembre  1902;  t.  II,  1903. 

Société  d'histoire  naturelle  d'Autun,  15«  buU.,  1992. 

Mémoires  de  la  Société  Eduenne,  i.  XXX,  1902. 

Société  des  Sciences  de  Nancy,  1902;  1903,  1-2. 

Bulletin  de  la  Société  philomatique  Vosgienne,  1901-1903. 

Mémoires  de  la  Société  d'archéologie  Lorraine,  1902. 

Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre,  t.  XXVI,  1903. 

Annales  de  la  Société  d'agriculture  de  Saint-Etienne,  1902-1903. 

Bulletin  de  la  Société  Dauphinoise  d'ethnographie  et  d'anthro- 
pologie, 1902,  1-4;  1903,  1. 

Annales  de  l'Université  de  Lyon.  Nouv.  série,  t.  I  et  II  :  science 
et  médec,  fasc.  10;  droit  et  lettres,  10  et  11,  1902-1903.— 
Catalogue  sommaire  du  musée  des  moulages  de  Lyon. 

Annales  de  la  Société  d'agricult.,  sciences  et  industries  de  Lyon, 
7e  série,  t.  IX  et  X,  1902. 

Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Lyon,  3e  série,  t.  VII,  1903. 

Société  Savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie  (Mémoires  et  Do- 
cuments publiés  par  la),  t.  XLI,  1902. 


—  335  — 

Revue  Savoislefinc,  1902;  l^-'-Se  trim.  1903;  —  Tables,  1851-1900. 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes-Alpes,  1902,  1903. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  l'Ouest,  1903,  2. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Pau,  1902. 

Mémoires  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  VAveyron  : 
Dictionnaire  des  institutions  et  coutumes  du  Rouergue,  par 
M.  Affre,  1903. 

Bulletin  d'Histoire  ecclésiastique  et  d'archéologie  religieuse  du 
diocèse  de  Valence,  etc.,  1901  à  mars  1903. 

Société  agricole,  scientif.  et  litt.  des  Pyrénées-Orientales,  1903. 

Bulletin  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Seine -inférieure, 
t    Xll,  3,  1903. 

Précis  analytique  des  travaux  de  V Académie  des  belles-lettres, 
sciences  et  arts  de  Rouen,  1901-1902. 

Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  1902,  6;  1903,  1-5. 

Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  V Ouest  (Poitiers), 
2-4;  t.  X,  1903,  1-2. 

Bulletin  de  la  Société  industrielle  et  agricole  d'Angers,  1902.  1-2. 

Revue  historique  et  archéologique  du  Maine,  t.  L  et  LI,  1902-1903. 

Bulletin  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  la  Sarthe, 
1902-1903,  1. 

Annales  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Château- 
Thierry,  1901. 

Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  historique  et  archéologique  de 
la  Charente,  1901-1902. 

Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  d'Abbeville,  L  IV  in-4«,  et 
2e  partie  in-S»;  —  Géographie  historique  du  département  de  la 
Somme,  par  M.  Gaétan  de  Vitasse,  1902;  —  Bulletin  trimes- 
triel, 1902. 

Bulletin  de  la  Société  Danoise,  1902,  no  131;  132,  1903,  1-2. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  se.  et  litt,  du  Vendômois, 
t.  XLI,  1902. 

Revue  de  l'histoire  de  Versailles  et  de  Seine-et-Oise,  4^  an n.,  1902. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  l'Ouest  de  la 
France  (Nantes),  2^  série,  t.  II,  1902;  t.  III,  1903. 

Mémoires  de  l'Académie  nationale  des  sciences,  belles-lettres  et 
arts  de  Caen,  1903. 

Bulletin  de  la  Société  académique  de  Brest,  1901-1902. 


—  336  — 

Mémoires  de  la  Société  nationale  des  sciences  naturelles  et  ma- 
thématiques de  Cherbourg,  1902,  J . 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Limousin, 
t.  LU.  2,  1903. 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  VOrléanais, 
t.  XIII,  176,  1902. 

Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie,  1902,  l.  IV; 
1903,  1-4, 

Société  historique  de  Compiègne:  Bulletin,  t.  X,  1902;  —  Procès- 
verbaux,  1888-1891;  —  t.  XI,  1902;  —  Description  des  fouilles 
archéologiques  exécutées  dans  la  forêt  de  Compiègne,  2«  par- 
tie. 1902. 

Bulletin  de  la  Société  polymathique  du  Morbihan,  1902. 

Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  de  Roubaix,  4®  série,  t.  I  et 
II,  19a^.  . 

Académie  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier  :  Sciences,  1903. 

Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier ,  t.  II,  3,  1902; 
t.  III,  1903. 

Bulletin  de  La  Diana  (Montbrison),  t.  XIII,  1902-1903,  et  siippl. 
t.  XII. 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  sciences  nat.  de  Nimes,  1901. 

Mémoires  de  V Académie  de  Nimes,  t.  XXIII,  1902. 

Répertoire  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille,  t.  YI,  1902. 

Société  archéologique  de  Bordeaux,  t.  XXIII,  1-4,  1900-1903. 

Mémoires  de  la  Société  des  sciences  physiques  et  naturelles  de 
Bordeaux,  6^  série,  t.  II,  1903;  —  Procès-verbaux,  1901-1902; 
—  Observations  météorologiques,  1901-1 901Î. 

Actes  de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux,  6«  série,  t.  VII,  1902. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Midi,  noveml>re  1901  à 
juillet  1903. 

Mémoires  de  la  Société  académique  d'agriculture,  sciences,  belles- 
lettres  et  arts  du  département  de  VAube,  1902. 

Bulletin  de  la  Société  d'étude  des  sciences  naturelles  de  Béziers, 
1900-1901. 

Bulletin  de  la  Société  d'étude  des  sciences  naturelles,  de  Vienne, 
t.  l,  1-2. 

Bulletin  de  la  Société  Vaudoise  des  sciences  naturelles,  1902- 
1903,  144-148. 


—  337  - 

Bévue  historique  Vaudoise,  organe  officiel  de  la  Société  Vau- 

doise  d'histoire  et  d'archéologie,  1903. 
Société  fThistoire  de  la  Suisse  romande  (Mémoires  et  Documents 

de  la),  2«  série,  t.  IV,  2;  t.  V  :  Le  Trésor  de  la  Cathédrale  de 

Lausanne. 
Anzeigtr,  indicateur  des  antiquités  suisses,  1901,  1;  1902-1903, 

2-4. 
Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève  :  Mémoires  et  Do- 
cuments, t.  VIII,  1  ;  —  Bulletin,  t.  II,  6-7. 
Société  des  sciences  naturelles  de  ZuHch(\ïerie\s'ydhrscïm(l),  1903. 
Antiquités  de  Zurich  (Milteilungen),  LXVII,  1903. 
Yahrbuch  fur   Schweizerische   gesellschaft    (Société    générale 

d'histoire  suisse),  1903. 
Société  des  sciences  naturelles,  à  Bâle  (Verhandlungen),  t.  XV  et 

XVI,  1903. 
Société  des  sciences  naturelles,  à   Berne  (Mitteilungen)  (1519  à 

1550),  1i03. 
Annales  de  V Académie  royale  d'archéologie  de  Belgique  (Anvers), 

5e  Série,  t.  IV,  2-4;  —  Bulletin,  1902,  7;  -  t.  V,  1903,  1. 
Annales  de  la  Société  archéologique  de  Bruxelles,  t.  XVI  et  XVII, 

1903, 1-2;  —  Bulletin,  1903,  1  ;  —  Annuaire  1903. 
Académie  royale  de  Belgique  :  Mémoires,  in-4<»,   t.  LIV,  n'*  5, 

1902;  —  Mém.  couronnés  et  Mém.  des  Savants  étrangers, 

in-4%  t.  LIX,  n»  3, 1902;  —  Mém.  couronnés  et  autres  mém., 

4"  et  50  fasc,  1903;  —  Mémoires,  in-S®  :  lettres,  t.  LXIÎ,  2-3. 

et  t.  LXIII.  1-2;  —  Bulletin  ;  sciences,  1902,  9-11  ;  sciences  et 

lettres,  1903,1-8;  —  Annuaire  1903. 
Bulletin  de  la  Société  géologique  de  Belgique,  t.  XXIX.  1903. 
Analecta  hollandiana,  t.  XXÎ,  1902.  3-4. 
Memorie  délia  reggia  Accademia  di  scienze  ed  arti  in  Modena, 

3«  série,  t.  III. 
Académie  royale  suédoise  des  sciences  :  Collect.  de  Mémoires, 

in-40,  vol.  XXVIII,  1902-1903;  —  Ilandlingar,  XXXV-XXXVII, 

1-2,  1903;  —  Ofwersight,  in-8«,  1901-1902;  —  Arkiv.,  1903. 
Manasblad,  1897. 
Bull,  of  the  geological  Institution  of  the  Universily  of  Upsala, 

1902. 
Bulletin  de  la  Société  des  sciences  nat,  de  Colmar,  1901-1902. 


-  338   - 

Société  des  acienceSy  agr.  et  arti  de  la  Basse-Alsace,  1902-1902. 
Bulletin  de  la  Société  d'Histoire  naturelle  de  Metz,  1902,  n»  22. 
Société  géologique  de  V Empire  d'Autriche  :  Jahrbuch.,  41-42; 

Verhandlungen,  1902  et  1903,  1-5;  —  Jahrgang,  1902-1903. 
Annalen  der  k.k.  naturischen  Hofmuseum,  Vien.,  1902. 
Académie  des  sciences  de  Munich  :  Bull,  philo.-hist.,  1902.  3-4; 

Mathém.,  1903,  2  et  3. 
Société  des  sciences  naturelles  de  Frihourg  en  Brisgau  (Berichte), 

1903. 
New  Heidelberger  Jahrsb ficher  zu  Beidelberg,  XII,  1.  1903. 
Académie  des  sciences  de  Berlin  (Sitziingsberichte),  41  à  53, 1902; 

1  à  40,  1903. 
Société  botanique  de  la  province  de  Brandebourg  1903. 
Université  de  Tubingue  (Verzeichnis  der...),  1902  et  1903. 
Société  des  sciences  physiques  et  économiques  (schriftem  de  Kœ- 

nigsberg,  1902. 
Commission  du  service  géologique  du  Portugal  :  Le  Crétacique 

de  Conducia,  par  M.  Paul  Choffat,  1903. 
Transactions  of  the  Academy  of  Saint-Louis^  t.  XI,  7-11;  l.  XII, 

1-8. 
Annual  reports  public  Muséum  of  the  city  nf  MilwaukeCy  1902. 
Bull,  of  the  Geographical  Society  of  Philadelphia,  t.  III,  5, 1903. 
United  States  Geological  Survey  :  22^  rapport  annuel,  I-IV,  190O- 

1901;  23e  rapport,  1901-1902;  —  Monograph,  XLII  et  XUII, 

1903;  —  Professionnel  papers,  1-8,  1902;  -  Bulletin,  191  à 

207  ;  —  Minerai  resources  of  United  states,  1901  ;  —  Water 

supply  and  irrigations,  papeis,  n'^»  65  à  79. 
Annual  report  of  the  Smithsonian  Institution^  1901. 
Memoirs  of  the  Boston  Society  of  natural  history,  t.  V,  8  et  9; 

—  Proceedings,  3-7;  1903,  1. 
Memoirs  and  proceed.  of  Manchester  litt.  and  philo.  Society,  1902 

et  1903. 


-  339  — 

MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Au  1"  décerabre  1903. 


Le  millésime  placé  en  regard  du  nom  de  chaque  membre  indique  lamiée 
de  sa  réception  dans  la  Société. 

Les  membres  de  la  Société  qui  ont  racheté  leurs  cotisations  annuelles 
sont  désignés  par  un  astérisque  (*)  placé  devant  leur  nom,  conformément 
à  l'article  21  du  règlement. 


Ck>iiseil  d'administration  pour  1003. 

Président MM.  Edmond  Francey,  avocat; 

Premier  Vice-Président . .  Nargaud  (le  docteur); 

Deuxième  Vice- Président .  Thuriet; 

Secrétaire  décennal Jules  Gauthier  ; 

Vice-Secrétaire A.  Vaissier  ; 

Trésorier Fauquignon  ; 

Archivistes Kirchner  et  Maldiney; 

Secrétaires  honoraires...  MM.  Bavoux  (Vital). 

Meynier  (le  docteur). 


Membres  honoraires  (21). 
MM. 
Le  Général  commandant   le  7«  corps  d'armée  (M.  le  général 

Deckherr). 
Le   Premier   Président   de   la  Cour   d'appel    de    Besançon, 

(M.  GOUGEON). 

L'Archevêque  de  Besançon  (S.  G.  Mer  Petit). 

Le  Préfet  du  département  du  Doubs  (M.  Roger). 

Le  Gouverneur  de  la  place  de  Besançon  (M.  le  général  Corbin). 


—  340  — 

MM. 
Le  Recteur  de  r Académie  de  Besançon  (M.  Laronze). 
Le  Procureur  général  près  la  Cour  d'appel  de  Besançon 

(M.  MOLINES). 

Le  Maire  de  la  ville  de  Besançon  (M.  Baigue). 

L'Inspecteur  d'Académie  à  Besançon  (M.  Guyon),  rue  Mon- 
cey,  4. 

Delisle,  Lùopoid,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  inscrip- 
tions et  helles-lettres),  administrateur  jrénéral  de  la  Biblio- 
thèque nationale  ;  Paris,  rue  Neuve-des-Pelits-Champs. — 1881. 

Weil,  Henri,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres),  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  lettres 
de  Besançon;  Paris,  rue  Adolphe  Yvon,  16.  —  1890. 

Dufour,  Marc,  docteur  en  médecine,  à  Lausanne,  rue  du  Midi. 
—  1886.  Membre  honoraire,  1896. 

Sire,  Georges,  correspondant  de  l'Institut,  essayeur  de  la  Ga- 
rantie, Besançon,  rue  de  la  Mouillère,  aux  Chaprais.  — 1847. 
Membre  honoraire,  1896. 

Ping  AU  D,  Léonce,  correspondant  de  l'Institut,  prof,  d'histoire 
moderne  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon,  rue  Saint- 
Vincent,  17.  —  1874.  .Meuïbre  honoraire,  1896. 

Ghoffat,  Paul,  attaché  à  la  direction  des  services  géologiques 
du  Portugal;  à  Bordeaux  et  à  Lisbonne,  rue  d'Arco  a  Jésus, 
113.  —  1869. 

Metzinger  (le  général),  ancien  commandant  du  lô*^  corps  d'ar- 
mée, membre  du  Conseil  supérieur  de  la  Guerre,  à  Paris.  — 
1899. 

Uolland,  Henri-Marius,  capitaine  de  vaisseau,  ancien  général 
de  division  du  cadre  auxiliaire  en  1870-71,  en  retraite  à  Mar- 
seille, boulevard  National,  20.  —  1899. 

Berger,  Philippe,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lelires),  prof,  au  collège  de  France.  —  1899. 

Bertrand,  Marcel,  membre  de  l'Académie  des  sciences,  inspec- 
teur général  des  mines.  —  1899. 

PROST,  Bernard,  inspecteur  général  des  archives  et  des  biblio- 
lhè(|ues,  à  Paris,  avenue  du  Trône,  3.  —  1901. 

Bouchot,  Henri,  conservateur  du  cabinet  des  estampes  à  la 
Bibliothèque  Nationale,  à  Paris.  —  1901. 


^ 


—  341  — 

Membres  résidants  (1)  (134). 
MM. 
AuBERT,  Louis,  directeur  des   confections    militaires,  Grande- 
Rue,  121.  —  1896. 
Bader,  bijoutier,  rue  des  Granges,  21.  —  1870. 
Baigcje  (le  «iocteur),  professeur  suppléant  à  l'école  de  méde- 
cine, rue  Morand,  5.  —  1897. 
Baudin,  Léon,  docleru*  en  médecine,  directeur  du  Bureau  d'hy- 
^'iène  de  Besançon,  Grande-ÎUie,  86  bis.  —  1885. 

•  Bavoux,  Vital,  rect'vcur  principal  des  douanes  on  retraile; 
Fonlaine-Ecu,  banlieue  de  Besan(;on.  —  ISÔ^Î. 

Bkal'<^uier,  Charles,  arcliiviste-paléo^q-aplie,  député  du  Douhs; 

Montjoux,  banlieue  de  Besançon.  —  1879. 
de   Beauséjour,    Gaston,   ancien    capitaine  d'artillerie,  place 

Saint-Jean,  6  —1897. 
Béjanin,  Léon,  propriétaire,  Grande-Rue,  39.  —  1885. 
'  Berdellé,  ancien  garde  général  des  forêts,  Grande-Rue,  112. 

—  1880. 

Bernard,  ancien  pharmacien,  rue  des  Ghaprais,  5.  —  1902. 

•  Besson  (Paul),  lieutenant-colonel  au  40®  d'artillerie,  à  Verdun 

(Meuse).  —  1894. 

Boname,  Alfred,  photographe,  rue  de  la  Préfecture,  10.  —  1874. 

Blondeau,  substitut  du  Procureur  de  la  République,  rue  Prou- 
dhon,  8.  —  1895. 

Bonnet,  Cliarles,  pharmacien,  ancien  conseiller  municipal, 
Grande-Rue,  35.  —  1882. 

BossY,  Léon,  fabricant  d'horlogerie,  rue  de  Lorraine,  9.  —  1896. 

Bourdin  (le  docteur),  médecin-major  au  7^  bataillon  de  forte- 
resse, rue  Charles  Nodier,  30.  —  1900. 

•  Boussey,  professeur  agrégé  d'histoire  au  Lycée,  ancien  secré- 
taire perpétuel  de  l'Académie  de  Besançon,  Grande-Rue,  110. 

—  1883. 


(1)  Dans  cette  catégorie  figurent  plusieurs  membres  dont  le  domicile 
habituel  est  hors  de  Besançon ,  mais  qui  ont  demandé  le  litre  de  résidant 
afin  de  payer  le  maximum  de  la  cotisation  et  de  contribuer  ainsi  «l'une 
manière  plus  large  aux  travaux  de  la  Société. 


—  342  — 

MM. 

BouTTERiN,  François-Marcel,  architecte,  professeur  k  TEcole 
municipale  des  Beaux-Arts,  rue  Saint-Antoine,  4.  —  1874. 

BoYssoN  d'Ecole,  Alfred,  rue  de  la  Préfecture,  24.  —  1891. 

Bretenet,  chef  d'escadron  d'artillerie,  rue  St-Pierre,  15. — 1885. 

Bretillot,  Maurice,  banquier,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, rue  Charles  Nodier,  9.  —  1857. 

Bretillot,  Paul,  propriétaire,  rue  de  la  Préfecture,  21.  —  1857. 

Bruchon  (le  docteur),  professeur  honoraiœ  à  l'Ecole  de  méde- 
cine, médecin  des  hospices,  Grande-Rue,  84.  — 1860. 

BuRLET  (l'abbé),  chanoine-archiprêlre,  curé  de  Saint-Jean.  — 
1881. 

De  Buyer,  Jean,  propriéïaire,  à  Besançon  et  à  Saint-Laurent 
(banlieue).  —  1902. 

Cellard,  Camille,  architecte,  rue  Saint-Pierre,  3.  —  1902. 

GÉNAY,  pharmacien,  avenue  Carnot,  26.  —  1897. 

Chapoy,  Léon  (le  docteur),  ancien  directeur  de  l'Ecole  de  mé- 
decine, Grande-Rue,  11.  —  1875. 

de  Chardonnet  (le  comte),  ancien  élève  de  TEcole  polytecli- 
nique,  à  Besançon,  rue  du  Perron,  20,  et  à  Paris,  rue  Cam- 
bon,  43.  —  1856. 

Gharlet,  Alcide,  avocat,  bâtonnier  de  l'Ordre,  rue  des  Granges, 
72.  -  1872. 

(^HiPON,  Maurice,  avocat,  ancien  inaj^islrat,  rue  de  la  Préfec- 
ture, 25.  —  1878. 

•  Chotard,  Henri,  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  lettres 
de  Glermont-Ferrand ,  rue  de  Vaugirard ,  61 ,  à  Paris.  — 
1866. 

Cj^vey,  conseiller  à  la  Cour  d'appel,  Grande-Rue,  62.  —  1902. 

Clerc,  Edouard-Léon,  représentant  de  commerce,  rue  du  Chas- 
not,  12.  —  1897. 

CoiLLOT,  pharmacien,  rue  Battant,  2,  et  quai  de  Strasbourg,  1. 
—  1884. 

CoLSENET,  Edmond,  professeur  de  philosophie  et  doyen  de  la 
Faculté  des  lettres,  ancien  conseiller  municipal,  rue  Gran- 
velle,  4.  — 1882. 

Cordier,  Palmyr,  agent  principal  d'assurances,  conseiller  mu- 
nicipal, rue  des  Granges,  37.  —  1885. 


—  343  — 

MM. 

Cornet,  Joseph,  docteur  en  médecine,  r^iix  Ghaprais,  rue  de 
la  Cassotte,  il.  —1887. 

GouLON,  Henri,  avocat,  ancien  bâtonnier  de  l'ordre,  rue  de  la 
Lue,  7.  — 1856. 

GouRGEY,  avoué,  rue  des  Granges,  16.  —  1873. 

CouRTOT,  Théodule,  commis -greffier  à  la  Gour  d'appel;  à  la 
Groix-d'Arènes  (banlieue).  —  1866. 

Dayet,  André,  receveur  d'enregistrement  à  Besançon  ;  Fontaine- 
Ecu.  —  1901. 

DiETRiCH,  Bernard,  ancien  néjçociant,  Grande-Rue,  71  et  Beau- 
regard  (banlieue).  —  1859. 

DiETRiCH  (le  docteur),  rue  Saint-Pierre,  20.  —  1892. 

DoDivERS,  Joseph,  imprimeur,  Grande-Rue,  87.  —  1875. 

•  Dreyfus,  Victor-Marcel,  doct.  on  médecine,  avenue  Garnot 
(aux  Ghaprais).  —  1889. 

Drouhard,  Paul,  conservateur  des  hypothèques  en  retraite, 
rue  Saint-Vincent,  18.  —  1879. 

Drouhard  (l'abbé),  chanoine,  rue  Saint-Jean.  —  1883. 

DuBOURG,  Paul,  ancien  président  de  la  Ghambre  de  commerce, 
ancien  membre  du  Gonseil  général  du  Doubs ,  rue  Gharles 
Nodier,  28.  —  1891. 

Eydoux,  Henri-Ernest,  administrateur  des  magasins  du  Bon- 
Marché,  Grande-Rue,  73.  —  1899 

Ethis,  Edmond,  propriétaire,  Grando-Rue,  91.  —  1860. 

Fauquignon,  Gharles,  ancien  receveur  des  postes  et  télé- 
graphes, rue  des  Ghaprais,  5.  —  1885. 

Flusin,  Georges,  agent  d'assurances,  Grande-Rue,  23.  —  1898. 

FouRNiER,  prof,  de  géologie  à  l'Université  de  Besançon. — 1899. 

Francey,  Edmond,  avocat,  membre  du  Gonseil  général  du 
Doubs,  ancien  adjoint  au  maire,  rue  Moncey,  1.  —  1884. 

Gauderon  (le  docteur),  Eugène,  professeur  de  clinique  à  l'Ecole 
de  médecine.  Grande- Rue,  110.  —  1886. 

"Gauthier,  Jules,  archiviste  du  département  du  Doubs, 
membre  non  résidant  du  Gomité  des  Travaux  historiques  et 
archéologiques  et  du  Gomité  des  Beaux-Arts,  au  Ministère 
de  l'Instruction  publique,  secrétaire  décennal,  rue  Gharles- 
Nodier,  8.  —  1866. 


—  ai'*  — 

MM. 

Gazier,  Georges,  conservateur  de  la  Bibliotlièque  de  la  Ville; 
rue  de  la  Préfecture,  10.  —  1903. 

GiRARDOT,  Albert,  géologue,  docteur  en  médecine,  rue  Saint- 
Vincent,  15.  —  1876. 

Grosrichard,  pharmacien,  place  du  Marché,  17.  —  1870. 

•  Gruter,  médecin-dentisle,  square  Saint-Amour,  7.  —  1880. 

Gl'illeaïin,  Victor,  artiste  peintre,  rue  des  Granges,  21.  — 
1884. 

Haldy,  Léon-Emile,  rue  Saint-Jean,  3.  —  1879. 

Heitz  (le  docteur),  professtMir  à  rKcoh»  de  médecine,  Grande- 
Hue,  45.  —  1888. 

Henry,  Jean,  docteur  es  sciences,  Grande-Hue,  129.  —  1857. 

IlCTiER,  François,  botaniste;  à  Mesnay-Arbois  (JuraK  —  1895. 

D'HoTELANS,  Octave,  rue  Gharles  Nodier,  12.  —  1890. 

KiRCHNER,  ancien  négociant,  quai  Veil-Picard ,  55  6û.  — 
1895. 

'  KoLLER,  propriétaire,  ancien  conseiller  municipal,  ancien 
membre  du  Conseil  d'arrondissem.  de  Besançon;  au  Perron- 
Chaprais.  —  1856. 

Lambert,  Maurice,  avocat,  ancien  magistrat,  quai  de  Stras- 
bourg, 13.  -  1879. 

Larmet,  Jules,  médecin-vétérinaire,  conseiller  municipal,  ad- 
joint au  maire,  avenue  de  Fontaine-Argent,  8.  —  1884. 

Ledoux,  Emile  (le  docteur),  quai  de  Strasbourg,  13.  —  1875. 

LiEFFROY,  Aimé,  propriétaire,  conseiller  général  du  Jura,  rue 
Ciiarles  Nodier,  11.  —  1864. 

Lime,  Claude-François,  négociant,  aux  Chaprais.  —  1883. 

Lui  VOT,  Emmanuel,  notaire,  Grande-Rue,  14.  —  1885. 

XÏACHEREZ,  A.;  rue  Granvelle,  5.  —  1901. 

M  AIRE,  Alfred,  président  à  la  Cour  d'appel,  rue  du  Chaleur,  12. 

—  1870. 
Maes,  Alexandre,  serrurier-mécanicien,  rue  du  Monl-Saiate- 

Marie,  10.  —  1879. 
Maonin  (\e  docteur  Ant.),  professeur  h  l'Université,  doyen  de  la 
Faculté  des  sciences,  ancien  directeur  de  l'Ecole  de  médecine, 
conseiller   municipal,  ancien  adj.  au  maire,  rue  Proudhon,  î^. 

-  1885. 


—  3/i5  — 

MM. 

Mairot,  Henri,  banquier,  ancien  conseiller  municipal,  pré- 
sident du  Tribunal  de  commerce,  rue  de  la  Préfecture,  17. 
— i881. 

Maldiney,  Jules,  chef  des  travaux  de  physique  à  la  Faculté 
des  sciences.  —  i889. 

Mandrillon,  avocat,  Grande-Rue,  i9.  —  1894. 

Mandereau  (le  docteur),  professeur  à  l'Ecole  de  médecine,  ins- 
pecteur de  l'Abattoir,  rue  Saint-Antoine,  6.  —  1883. 

Marchand,  Albert,  ingénieur,  administraleiir  déléj,Mié  des  Sa- 
lines de  Miserey.  —  1888. 

'  Martin,  Jules,  manufacturier,  rue  Sainte-Anne,  8.  —  1870. 

Masson,  Valéry,  avocat,  rue  de  la  Préfecture,  10.  —  1878. 

Matile,  fabricant  d'horlogerie,  rue  Saint-Pierre,  7.  —  1884. 

Mauvillier,  Pierre-Emile,  photographe,  rue  de  la  Préfecture,  3. 

—  1897. 

Métin,  Georges,  agent-voyer  d'arrondissement;  à  Canot.  — 

1868. 
Michel,  Henri,  architecte-paysagiste,  professeur  à  l'Ecole  des 

Beaux-Arts;  Fontaine-Ecu  (banlieue).  —  1886. 
Miot,  Camille,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  commerce, 

Grande-Rue,  104.  —  1872. 
Miot,   Louis,  avoué  à    la  Cour  d'appel,  Grande-Rue,  104.   — 

1897. 
Montenoise,  avocat,  rue  de  la  Madeleine,  2.  —  1894. 
Mourût  (l'abbé),  secrétaire  h  l'archevêché.  —  1899. 
Nardin,  ancien  pharmacien,  rue  de  la  Mouillère,  1.  —  19jX). 
Nargaud,  Arthur,  docteur  en  médecine,  quai  Veil-Picard,  17. 

-  1875. 

NiCKLÈs,  pharmacien  de  l»"»  classe,  Grande-Rue,  128.  —  1887. 
Outhenin-Chalandre,  directeur  des  Missionnaires  d'Ecole;  rue 

de  la  Préfecture,  24.  -  1902. 
•  Ordinaire,  Olivier,  consul  de  France,  en  retraite  ;  Maiziéres 

(Doubs).  —  1876. 
Parizot,  inspecteur  honoraire  des  Enfants  assistés,  rue  du 

Mont-Sainte-Marie,  8.  —  1892. 
Pateu,    entrepreneur,    ancien    conseiller    municipal,    avenue 

Carnot.  —  1894. 

23 


—  346  — 

MM. 
Perruche  de  Velna,  conseiller  à  la  Cour  d'appel,  rue  Saint- 
Vincent,  14.  —  1870. 

*  PiNGAUD,  Léonce,  correspondant  de  l'Institut,  professeur 
d'histoire  moderne  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  Saint-Vin- 
cent, 17.  —  1874. 

RÉMOND,  Jules,  notaire,  Grande-Rue,  31.  —  1881. 

'  Renaud,  Alphonse,  docteur  en  droit,  sous-chef  à  la  direc- 
tion générale  de  l'Enregistrement  ;  Paris,  rue  Scheffer,  25.  — 
1869. 

RiCKLiN,  notaire,  rue  des  Granges,  38;  étude  :  Grande-Rue,  121. 
-^  1879. 

Robert,  Edmond,  fabricant  d'aiguilles  de  montres,  faubourg 
Tarragnoz.  —  1886. 

Rocardey,  Jean,  directeur  des  contributions  indirectes;  rue 
Charles-Nodier,  4.  —  1903. 

Roland  (le  docteur),  professeur  à  l'Ecole  de  médecine,  rue  de 
l'Orme-de-Ghamars,  10.  —  1899. 

•  RossiGNOT  (l'abbé),  Auguste,  bibliothécaire  de  l'archevêché; 

rue  du  Mont-Sainte-Marie,  8.  —  1885. 

RossiGNOT  (l'abbé),  curé  de  Sainte-Madeleine,  rue  de  la  Made- 
leine, 6.  —  1901 . 

ilouGET,  directeur  de  l'Ecole  normale  d'instituteurs  de  Besan- 
çon; rue  de  la  Madeleine,  6.  —  1902. 

8AILLARD,  Albin  (le  docteur),  sénateur,  membre  du  conseil  gé- 
néral du  Doubs,  place  Victor  Hugo,  et  à  Paris,  rue  N.-D.-des- 
Champs,  75.  —  1866. 

Saillard,  Eugène,  ancien  directeur  des  postes  du  département 
du  Doubs;  Beauregard  (banlieue  de  Besançon).  —  1879. 

jjE  Sainte- Agathe  (le  comte  Joseph),  avocat,  archiviste-paléo- 
graphe, rue  d'Anvers,  3.  —  1880. 

Sancey,  Alfred,  négociant,  rue  d'Alsace.  —  1899. 

î^AVOVE,  Henri,  artiste  peintre.,  à  la  Bouloie  (banlieue).  — 
1901. 

Serres,  Achille,  pharmacien,  place  Saint-Pierre,  6.  -- 1883. 

Simonin,  architecte,  rue  du  Lycée,  13.  —  1892. 

Sire,  Georges,  correspondant  de  l'Institut,  essayeur  de  la  Ga- 
rantie, rue  de  la  Mouillère,  aux  Chaprais.  —  1847. 


À 


—  347  — 

MM. 

SouCHON,  Gaston,  capitaine  de  cuirassiers  en  retraite;  Villas 
bisontines,  3.  —  1901. 

SucHËT  (le  chanoine),  rue  Casenat,  1.  —  1894. 

Thouvenin,  François-Maurice,  pharmacien  supérieur,  profes- 
seur à  TEcole  de  médecine  et  de  pharmacie,  Grande-Rue,  136. 

—  1890. 

Thuriet,  Maurice,  avocat  général  à  la  Cour  d'appel  de  Besan- 
çon, rue  du  Perron,  16.  —  1901. 

TissoT,  H.,  président  du  tribunal  de  commerce,  rue  Saint-Vin- 
cent, 7.  —  1899. 

Truchi  de  Varennes  (vicomte  Albéric  oe),  rue  de  la  Lue,  9. 

—  1900 

Vaissier,  Alfred,  conservateur  du  Musée  archéologique,  Grande- 
.  Rue,  109.  —  1876. 

Vaissier,  Georges  (le  docteur),  chef  de  clinique  médicale  de 
rhôpital  Saint-Jacques,  Grande-Rue,  109.  —  1898. 

•  Vandel,  Maurice,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  à  la 

Rochetaillée,  par  Saint-Uze  (Drôme).  —  1890. 

*  Vautherin,  Raymond,  ancien  capitaine  du  génie,  villa  Sainte- 
Colombe,  rue  des  Vieilles-Perrières.  —  1897. 

Vernier,  Léon,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  Sainte- 
Anne,  10.  —  1883. 

DE  Vezet  (le  comte  Edouard),  ancien  lieutenant-colonel  de 
l'armée  territoriale,  rue  Charles  Nodier,  17  ter.  —  1870. 

Vieille,  Gustave,  architecte,  inspecteur  départemental  des 
sapeurs-pompiers,  rue  des  Fontenottes,  sous  Beauregard.  — 
1882. 

V^EHRLÉ,  négociant,  rue  Battant,  11.  —  1894* 


t 


3iS 


Membres    correspondants   (104). 

MM. 

*  Almand,  Victor,  capitaine  du  génie,  officier  d'ordonnance  du 
général  Carette  ;  à  Marseille. 

André,  Ernest,  notaire;  rue  des  Promenades,  17,  Gray  (Haute- 
Saône).  —  1877. 

'  Bardp:t,  juge  do  [)aix;  à  Brienne  (Aube).  —  1886, 

Barbey,  Frédéric,  archiviste  paléographe;  rue  de  Luxembourg, 
32,  à  Paris,  et  au  château  de  Valleyres,  canton  de  Vaud.  — 
190:3. 

Bertin,  Jules,  médecin  honoraire  des  hospices  de  Gray  (Haute- 
Saône),  quai  du  Saint-Esprit,  1.  —  1897. 

Bettend,  Abel,  imprimeur-lithographe;  Lure  (Haute-Saône), 
—  1862. 

Bey-Rozet,  Charles,  propriétaire  et  pépiniériste;  à  Marnay 
(Hte-Saône).—  1890. 

Bixio,  Maurice,  agronome,  membre  du  conseil  municipal  de 
Paris;  Paris,  quai  Voltaire,  17.  —  1866. 

Bizos,  Gaston,  recteur  de  l'Académie  de  Bordeaux.  —  1874. 

Boisseleï,  Joseph,  avocat;  Vesoul  (Haute-Saône).  —  1866. 

*  Bredin,  professeur  honoraire;  à  Gonflandey,  par  Port-sur- 
Saône  (Haute-Saône).  —  1857. 

*  Briot,  docteur  en  médecine,  membre  du  conseil  général  du 
Jura;  Ghaussin  (Jura).  —  1869. 

DE  Broissia  (le  vicomte  Edouard  Froissard);  fi  Blandans,  par 
Domblans  (Jura).  —  1892. 

Brune  (l'abbé),  Paul,  curé-doyen  deMont-sous-Vaudrey,  corres- 
pondant des  Gomités  des  Travaux  historiques  et  des  Monu- 
ments historiques  au  Ministère;  Mont-sous-Vaudrey  (Jura).— 
1903. 

■  Bruand,  Léon,  inspecteur  des  forêts;  Paris,  rue  de  la  Planche, 
11  bis.  —1881. 

Burin  du  Buisson,  préfet  honoraire;  à  Besan<;on,  rue  Moncey, 
0,  et  à  Gramans  (Jura).  —  1878. 

Ghapoy,  Henri,  avocat  à  la  Gour  d'appel  de  Paris;  rue  des 
Saints-Pères,  13.  —  1875. 


—  349  — 

MM. 

-  Choffat, Paul,  attaché  à  la  direction  des  travaux  géologiques 

du  Portugal  ;  Lisbonne,  rue  d*Arco  a  Jesu,  113.  —  1869. 
'  Cloz,  Louis,  professeur  de  dessin;  à  Salins.  — 1863. 

•  CoNTEJEAN,  Charles,  géologue,  professeur  de  Faculté  hono- 
raire et  conservateur  du  musée  d'histoire  naturelle  ;  à  Paris, 
rue  de  Montessuis,  9.  —  1851. 

CoNTET,  Charles,  professeur  agrégé  de  matliématiques  en  re- 
traite; aux  Arsures  (Jura).  —  1884. 

CORDiER,  Jules  Joseph,  receveur  des  domaines;  à  Dijon,  bou- 
levard Carnot,  20.  —  1862. 

CORDiER,  Palmyr,  médecin  des  colonies,  et  à  Besançon  rue  des 
Granges,  3.  —  181)6. 

CosTE,  Louis,  doct(Mu*  vu  niéde<.'ino  ol  pharmacien  de  l^e  classe, 
conservateur  «le  la  Bihiioth.  de  lîi  ville  de  Salins  (Jura).  — 1866. 

Courbet,  Ernest,  l>il)liophilp,  trésorier  de  la  ville»  de  Paris, 
rue  de  Lille,  1.  —  1874. 

Daubian-Delisle,  Henri,  ancien  directeur  des  contributions 
direcles,  aricien  président  de  la  Société  d'Emulation  du 
Doubs;  Sauveterre-de-Béarn  jBasses-Pyrénées).  —  1874. 

•  Derosne,  Charles,  maître  de  forges;  à  OUans,  par  Cendrey.  — 

1880. 

•  Deullin,  Eugène,  banquier;  Epernay  (Marnei.  —  1860. 
Pruot  (l'abbé),  Paul,  curé  de  Voillans  (Doubs).  —  1901. 
Druot  (l'abbé),  Herman,  curé  de  Charmoille  (Doubs).  —  1901. 
'  DuFAY,  Jules,  notaire;  Salins  (Jura).  —  1875. 

Feuvrier  (l'abbé),  chanoine  honoraire,  curé  de  Montbéliard 

(Doubs).  —  1856. 
Feuvrier,  Julien,   professeur  au  collège  de  Dole,  faubourg 

d'Azans.  —  1893. 
Fromond  (l'abbé),  curé  de  Crissey  (Jura).  —  1902. 
Filsjean  (l'abbé),  licencié  en  lettres,  curé  de  Pelousey  (Doubs), 

—  1896. 

Gascon,  Edouard,  conducteur  des  ponts  et  chaussées  en  re- 
traite, président  du  comice  agricole  du  canton  de  Fontaine- 
Française  (Côte-d'Or).  —  1868. 

Gascon,  J^ouis,  profess.  au  lycée  Ampère;  Lyon-Sain t-Rambert. 

—  1889. 


~  350  — 

MM. 

Gaussin,  Célestin,  secrétaire  honoraire  des  Facultés;  Cham- 
pagney  (Haute-Saône).  —  1891. 

Gauthier,  Léon,  archiviste  paléographe;  Paris,  place  de  la  Bas- 
tille, 5.  —  i898. 

Gauthier,  docteur  en  médecine,  sénateur  de  la  Haute-Saône; 
Luxeuil  (Haute-Saône).  —  1886. 

Gensollen,  Gabriel,  juge  d'instruction;  Gray  (Haute-Saône).— 
1902. 

Gevrey,  Alfred,  conseillera  la  Cour  d'appel  de  Grenoble;  rue 
des  Alpes,  9.  —  1860. 

GiRARDiER,  notaire;  à  Dole  <Jura).  —  1897. 

GiROD,  Paul,  professeur,  directeur  de  TEcole  de  médecine  de 
Clernionl-Ferrand;  rue  Blatin,26.  —  1882. 

*  Grenier,  René  (le  docteur),  médecin  de  la  Grande  Chancelle- 

rie de  la  Légion  d'honneur;  Paris,  36,  rue  Ballu.  —  1902. 
Guignard,  Fernand,  archiviste  paléographe;  à  Dole  (Jura).  — 
1902. 

•  Guillemot,  Antoine,  archiviste  de  la  ville  de  Thiers  (Puy-de- 
Dôme).  —  1854. 

D'HoTEiJiNS,  Raoul,  ancien  officier,  maire  de  Novillars.  — 1903. 
HuART,  Arthur,  ancien  avocat- gêné  rai  ;  rue  Picot,  9,  Paris.  — 

1870. 
Jeannolle,  Charles,  pharmacien  ;  Fontenay-le-Château  (Vosges). 

— 1876. 
JoLiET,  Gaston,  préfet  de  la  Vienne;  Poitiers.  — -  1877. 
Laforest  (Marcel  Pécon  de),  capitaine  d'infanterie  coloniale; 

à  Rochefort  et  à  Besançon,  rue  du  Chateur,  25.  —  1895. 
Lapret,  Paul,  artiste  peintre;  Paris,  17,  rue  de  Chateaubriand. 

1901. 
Lebault,  Armand,  docteur  en  médecine;  Saint-Vit  (Doubs).  — 
.   1876. 
Lechevalier,  Emile,  libraire-éditeur;  Paris,  quai  des  Grands- 

Augustins,  39,  à  la  librairie  des  provinces.  —  1888. 
Le  Mire  ,  Paul-Noël ,  avocat  ;   Mirevent ,  près   Pont-de-Poitte 

(Jura)  et  rue  de  la  Préfecture,  à  Dijon.  —  1876. 
Lhomme,  botaniste,  secrétaire  de  la  mairie  de  Vesoul  (Haute- 

Saône),  rue  de  la  Mairie.  —  1875. 


—  351  — 

MM. 

LoNGiN,  Emile,  ancien  magistrat;  rue  du  Collège,  12,  à  Dole 

(Jura).  —  1896. 
LouvoT,  Fernand  (l'abbé),  chanoine  honoraire  de  Nîmes,  curé 

de  Gray.  — 1876. 
Madiot,  Victor-François,  pharmacien  ;  Jussey  (Haute-Saône).  — 

1880. 
Maire,  André,  étudiant  à  la  Sorbonne;  Paris,  rue  de  Sontay,  4. 

-  1903. 

Maire,  Victor- Louis,  capitaine  au  22^  régiment  colonial,  bre- 
veté des  langues  orientales;  rue  Mégevand,  13,  Besançon.— 
1903. 

Marquiset  (le  comte  Alfred),  rue  Gounod,  1,  à  Paris.  —  1897. 

•  Massing,  Camille,  manufacturier  à  Puttelange-lez-Sarralbe 
(Lorraine  allemande).  —  1891. 

DE  Marmier  (le  duc),  membre  du  Conseil  général  de  lu  Haute- 
Saône;  au  château  de  Ray-sur-Saône  (Haute-Saône).  — 
1867. 

•  Mathey,  Charles,  pharmacien  ;  Ornans  (Doubs).  —  1856. 

DE  Menthon  (le  comte  René);  Menthon-Saint-Bernard  (Haute- 
Savoie),  et  château  de  Saint-Loup-lez-Gray,  par  Sauvigney-lez- 
Angirey  (Haute-Saône).  —  1854. 

Meynier  (le  docteur),  Joseph,  médecin  principal  de  l'armée  ter- 
ritoriale ;  à  Vallorbes  (aux  Eterpas),  Suisse.  —  1876. 

•  DE  Montet,  Albert  ;  Chardonne-sur-Vevey  (Suisse).  —  1882. 

DE  MousTiER  (le  marquis),  député  et  membre  du  Conseil  géné- 
ral du  Doubs;  château  Bournel,  par  Rougemont  (Doubs),  et 
Paris,  avenue  de  l'Aima,  15.  —  1874. 

DE  MousTiER,  Lionel;  château  Bournel  (Doubs).  -  1903. 
Paris,  doct.  en  médecine;  Paris,  rue  du  Cherche-Midi.  —  1866. 
Perronne,  Marcel,  ancien  conseiller  de  préfecture  ;  Dijon.  — 
1903. 

•  Perrot  (l'abbé),  F.-Xavier,  curé-doyen  de  Mandeure  (Doubs). 

—  1902. 

•  Piaget,  Arthur,  archiviste  cantonal  et  professeur  à  l'Académie 

de  Neuchâtel  (Suisse).  —  1899. 
PiDOUX,  André,  archiviste  paléographe,  avocat  stagiaire,  rue 
du  Collège,  à  Dole  (Jura).  —  1901. 


i 


—  352  — 

MM. 

PiQUARD,  Léon,  docteur  en  médecine;  à  Chalëze  (Doubs).  — 
1890. 

Piquerez,  Charles,  explorateur;  à  Besançon,  rue  de  Fontaine- 
Argent.  — 1898. 

PiROUTET,  Maurice,  géologue;  à  Salins.  —  1898. 

QUENOT,  Prosper,  instituteur  à  Orchamps-lez-Dole  (JuraK  — 
i9ai 

Hambai:i),  Alfred,  ancien  sénaleur,  membre  du  Conseil  j^énéral 
du  Douhs,  ancien 'ministre  de  l'instruction  publique  et  des 
Heaux-Arls;  Paris,  rue  d'Assas,  7G.  —  1881. 

*  Ueboul  de  ijv  Julhièhe,  au  château  du  Grand-Vaire  (Doubs). 

—  1903. 

IlEED,  E.,  membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences, 
président  honoraire  de  la  Société  de  pharmacie  d'Alsace-Lor- 
raine; à  Strasbourg.  —  1901. 

Renauld,  Ferdinand,  botaniste,  ancien  commandant  du  palais 
de  Monaco;  rue  des  Templiers,  à  Vence  (Alpes-Maritimes).  — 
1875. 

lUCHARD,  Augjisle,  pharmacien;  Nice,  rue  Miron,  27,  et  Autel 
(Haute-Saône).  —  1876. 

*  Richard,  Louis,  médecin-major  de  I'"  classe  à  Belfort,  5,  fau- 
bourg de  Lyon.  —  1878. 

RiGNY  (le  chanoine),  à  Purgerot  (Haute-Saône).  —1886. 
Ripps  (l'abbé),  curé  d'Arc-lez-Gray  (Haute-Saône).  —  1882. 
RouzET,  Charles-François,  architecte;  à  Dole  (Jura).  —  1898. 
Roux,  Roger,  juge  suppléant  au  tribunal  de  Vesoul.  —  1903. 
Roy,  Emile,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Dijon,  rue 

de  Mirande,  9.  —  1894. 
Roy,  Jules,  professeur  à  l'Ecole  des  Chartes  ;  Paris,  rue  Spon- 

tini,  9.  —  1867. 
Saglïo,  Camille,  direct,  des  forges  d'Audincourt  (Doubs).  — 1896. 

*  Saillard,  Armand,  négociant;  Villars-lez-Blamont   (Doubs). 

-  1877. 

ScHLAGDENHAUFFEN,  directeur  honoraire  de  TEcole  de  pharma- 
cie de  Nancy,  63,  rue  de  Metz.  —  1901. 

*  DE  Saussure,  Henri,  naturaliste;  à  Genève,  Cité 24,  et  à  Yvoire 

(Haute-Savoie).  —  ia54. 


—  353  — 

MM. 

Travelet,  Nicolas,  propriétaire,  maire  de  Bourguignon-lez- 
Morey  (Haute-Saône).  —  1857. 

*  Travers,  Emile,  ancien  archiviste  du  Doubs,  ancien  conseiller 

de  préfecture;  Caen  (Calvados),  rue  des  Chanoines,  18.— 
1869. 

•Tripplin,  Julien,  représentant  de  l'horlogerie  bisontine  et 
vice-président  de  l'Institut  des  horlogers;  Londres  :  Bartlett's 
Buildings,  5  (Holborn  Circus),  E.  C,  et  Belle-Vue  (Heathfield 
Gardons,  Chiswick,  W).  —  1868. 

TuETEY,  Alexandre,  sous-chef  de  la  section  législative  et  judi- 
ciaire aux  Archives  nationales;  Paris,  quai  de  Bourbon,  45. 
1863. 

Vaissier,  Jules,  fabricant  de  papiers;  Paris,  rue  Edouard-De- 
taille,  5,  —  1877. 

Vendrely,  pharmacien  ;  Chanipagney  (Haute-Saône).  —  1863. 

Vernerey,  notaire,  membre  du  Conseil  général  du  Doubs; 
Amancey  (Doubs).  —  1880. 

*  Wallon,  Henri,  agrégé  de  l'Université,  manufacturier;  Rouen, 

Val  d'Eauplet,  48.  —  1868. 


—  3î4  - 


MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  DÉCÈDES  EN  1903-1903 


MM. 
Heauséjour  (de),  Eugène,  ancien  magistrat.  1897 

Bouvard,  Louis,  avocat,  ancien  bâtonnier  de  TOrdre, 

ancien  conseiller  municipal.  1868 

Bruchon,  Henri  (le  docteur),    professeur   suppléant  à 

l'Ecole  de  médecine  de  Besançon.  1895 

CossoN,  Maurice,   ancien   trésorier-payeur  général    du 

Doubs.  1886 

MoRLET,    Jean-Baptiste,    ancien     conseiller    municipal, 

membre  de  la  Chambre  de  commerce.  1890 

Perpigna  (DE),  Charles-Antoine),  ancien  mairede  Luxeuil.    1888 
Petit,  Jean,  statuaire.  1866 

Robert,  Ulysse,  inspecteur  général  des  bibliothèques  et 

des  archives.  1896 

Vézian,  Alexandre,   doyen  honoraire  de  la  Faculté   des 

sciences.  1860 

ViELLARD,  Léon,  propriétaire  et  maître  de  forges.  1872 


I 


—  355  — 


SOCIÉTÉS  CORRESPONDANTES  (175) 


Le  millésime  indique  l'année  dans  laquelle  ont  commencé  les  relations. 


FRANGE. 

Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques  près  le 
Ministère  de  l'Instruction  publique  [cinq  exemplairen 
des  Mémoires) 1856 

Ain. 

Société  d'Emulation  de  r Ain  ;  Bourg 1868 

Société  des  sciences  naturelles  de  TÂin  ;  Bourg 1894 

Aisne. 

Société  académique  des  sciences,  arts,  belles-lettres,  agri- 
culture et  industrie  de  Saint-Quentin 1862 

Société  historique  et  archéologique  de  Château-Thierry.    1898 

'     AlHer. 

Société  des  sciences  médicales  de  Tarrondissement  de 
Gannat 1851 

Société  d'Emulation  et  des  Beaux-arts  du  Bourbonnais  ; 
Moulins 1860 

Revue  scientifique  du  Bourbonnais  et  du  centre  de  la 
France  ;  Moulins 1894 

Alpes-Maritimes. 

Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes  ; 
Nice 1867 

Alpes  (Hautes-). 
Société  d'études  des  Hautes- Alpes;  Gap 1884 


—  356  — 

t 

Aube. 

Société  académique  de  TAube  ;  Troyes  .   .   .  , 1867 

Aveyron. 

Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  l' Aveyron;  Rodez.     1876 

Belfort  (Territoire  de). 
Suciélé  Bell'urtaine  d'Emulation 1872 

Bouches-du-Rhône. 

Société  de  statistique  de  Marseille 1867 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Mai*seiUe.    1867 

Calvados. 
Académie  de  Gaen 1868 

Charente. 

Société    historique    et    archéologique    de   la    Charente; 
Angoulôme 1877 

Charente-Inférieure . 

Société  des  archives  historiques  de  la  Saintonge  et  de 
TAunis;  Saintes 1883 

Cher. 
Société  des  antiquaires  du  Centre  ;  Bourges 1876 

Gôte-d'Or. 

Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de  Dijon  .  .  1856 
Commission  des  antiquités  du  département  de  la  Côte- 

d'Or;  Dijon 1869 

Société  d'archéologie,   d'histoire    et    de    littérature  de 

Beaune 1877 

Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  Semur  .  1880 

Société  bourguignonne  de  géographie  et  d'histoire;  Dijon.  1888 
Revue  bourguignonne  de  l'enseignement  supérieur  publiée 

par  les  professeurs  des  Facultés  de  Dijon 1891 


—  357  — 

Deux-Sèvres; 
Société  botanique  des  Deux-Sèvres;  Niort 1901 

Doubs. 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Besan- 
çon   1844 

Société  d'émulation  de  Montbéliard 1851 

Société  de  médecine  de  Besançon 1861 

Société  de  lecture  de  Besançon 1865 

Union  artistique  de  Besançon 1804 

Société  d'histoire  naturelle  du  Doubs;  Besançon 1900 

Drôme. 

Bulletin  d'histoire  ecclésiastique  ol  d'archéologie  reli- 
gieuse des  diocèses  de  Valence,  Gap,  Grenoble  et  Vi- 
viers; Romans  (Drôme) 1880 

£ure-et-Ijoir. 

Société  Dunoise  ;   Chàteaudun 1807 

Finistère. 
Société  académique  de  Brest 1875 

Gard. 

Académie  de  Nîmes 1800 

Société  d'études  des  sciences  naturelles  de  Nîmes.   .   .   .     1883 

Garonne  (Haute). 

Société  arciiéologique  du  Midi  de  la  France;  Toulouse.    .     1872 
Société   des   sciences   physiques   et  naturelles  de  Tou- 
louse   1875 

Gironde. 

Société  des  sciences  physiques  et  naturelles  de  Bor- 
deaux   1867 

Société  d'archéologie  de  Bordeaux 1878 

Société  Linnéenne  de  Bordeaux 1878 


—  358  — 

Hérault. 

Académie  de  Montpellier 1809 

Société  archéologique  de  Montpellier 1809 

Société  d'étude  des  sciences  naturelles  de  Béziers  .  .    .     1878 

Ule-et-VUaine 

Société   archéologique  du  département  d'Ule-et-Vilaine  ; 
Rennes 1894 

Isère. 

Société  de  statistique  et  d'histoire  naturelle  du  départe- 
ment de  l'Isère  ;  Grenoble 1857 

Société  Dauphinoise  d'ethnologie  et  d'anthropologie.   .   .     1898 

Jura. 

Société  d'Emulation   du  département  du  Jura;  Lons-le- 

Saunier 1844 

RevueviticoledeFranche-ComtéetdeBourgogne;  Poligny.    1895 

Loir-et-Cher. 

Société  historique  et  archéologique  du  Vendomois;  Ven- 
dôme   1898 

Loire. 

Société  d'agriculture,  industrie,  sciences,  arts  et  belles- 
lettres  du  département  de  la  Loire;  Saint-Etienne.   .   .     1866 
Société  de  la  Diana,  à  Mont brison 1895 

Loire-Inférieure . 

Société  des  sciences  naturelles  de  l'Ouest  de  la  France  ; 
Nantes 1891 

Loiret.         .   . 
Société  archéologique  de  l'Orléanais  ;  Orléans 1851 

Maine-et-Loire . 

Société  industrielle  d'Angers  et  du  département  de  Maine- 
et-Loire;  Angers 1855 

Bibliothèque  de  la  Ville;  Angers 1857 


—  359  — 

Manche. 

Société  des  sciences  naturelles  de  Clierbourg 1854 

Marne. 

Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et  arts  du  dé- 
partement de  la  Marne  ;  Châlons 1856 

Société  d'études  des  sciences  naturelles;  Reims  ....    1903 

Marne  (Haute-). 
Société  archéologique  de  Lan  grès 1874 

Meurthe-et-Moselle. 

Société  des  sciences   de  Nancy   (ancienne   Société  des 

sciences  naturelles  de  Strasbourg) 1866 

Société  d'archéologie  Lorraine,  à  Nancy 1886 

Meuse . 
Société  polymathique  de  Verdun 1851 

Morbihan. 

Société  polymathique  du  Morbihan;  Vannes 1864 

Nord 

Société  d'émulation  de  Rouhaix 1895 

Oise. 

Société  historique  de  Compiègne 1880 

Pyrénées  (Basses-). 

Société  des  sciences,  arts  et  lettres  de  Pau 1873 

Société  des  sciences  et  arts  de  Rayonne 1884 

Pyrénées  Orientales. 

Société  agricole,  scientifique  et  littéraire  des  Pyrénées- 
Orientales;  Perpignan 1856 

Rhône. 

Société  d'agriculture  et  d'histoire  naturelle  de  Lyon  .   .   .     1850 
Société  littéraire,  historique  et  archéologique  de  Lyon.   .     1856 


—  360  — 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Lyon  .   .  1860 

Annales  de  l'Université  de  Lyon,  quai  Claude-Bernard,  18.  189C 

Saône-et-Iioire . 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône.  ,  1857 
Société  des  sciences  naturelles  de  Saône-et-Loire  ;  Cha- 
lon-sur-Saône    1877 

Société  Eduenne  ;  Autun 1846 

Société  d'histoire  naturelle  d'Aut un 1888 

Société  d'histoire  naturelle  de  Màcon 1896 

Académie  des  sciences;  belles-lettres  et  arts  de  Màcon    .  1902 

Saône  (Haute-). 

Société  d'agr.,  sciences  et  arts  de  la  Haute-Saône;  Vesoul  1861 

Société  d'encouragement  à  l'agriculture  ;  Vesoul 1881 

Société  des  sciences  naturelles;  Vesoul 1896 

Société  grayloise  d'Emulation;  Gray 1898 

Sarthe. 

Société  d'agricuU.,  sciences  et  arts  de  la  Sarthe  ;  Le  Mans.  1869 

Société  historique  et  arciiéologique  du' Maine  ;  Le  Mans  .  1879 

Savoie. 

Académie  de  Savoie;  Ghambéry 1869 

Société  Savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie;  Chambéry.  1898 

Savoie  (Haute-). 

Société  Florimontane  ;  Annecy 1871 

Seine. 

Institut  de  France;  Seine 187*2 

Société  des  antiquaires  de  France;  Paris 1867 

Association  française  pour  l'avancement  des  sciences  .    .  1879 

Société  d'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile  de  France i88i 

Association  pour  l'encouragement  des  études  grecques 

en  France;  rue  de  l'Abbaye,  12,  Paris 1878 

Société   de    l)Otaniiiue    de   France  ;  rue  de  Grenelle,  24, 

Paris  ......* ." 1883 

Société  d'anthropologie  de  Paris,  rue  de  l'Ecole  de  Méde- 
cine, 15 1883 

Société  française  de  physique,  rue  de  Rennes^  44.    .   .   .  1887 


—  3«i  — 

Musée  Guimet;  avenue  du  Trocadéro,  30 1880 

Société  de  secours  des  amis  des  sciences 1858 

Société  zoologique  de  France,  rue  Serpente,  28 1880 

Société  de  biologie,  boulevard  Saint-Germain,  22  .    .  .    .  1880 
Société  de  spéléologie,  rue  des  Grands-Augustins,  7.    .   .  1897 
Société  philomathique  de  Paris,  rue  des  Grands-Augus- 
tins, 7 1880 

Société  philotechnique  de  Paris,  rue  d'Orléans  ;  Neuilly- 

sur-Seine , 1872 

Revue  épigraphique.  Librairie  E.  Kenoud,  rue  Bona- 
parte, 28 1900 

Mélusine ,  revue  folkloriste ,  librairie  Roland  ,  rue   des 

Chantiers  ;  Paris 1894 

Polybiblion;  rue  Saint-Simon,  4  et  5,  Paris 1894 

Omis,  bulletin  du  comité  ornithologique  international  ; 

Paris,  boulevard  Saint-Germain,  120 1900 

Seine-Inférieure . 
Commission  départementale  des  antiquités  de  la  Seine- 
Inférieure;  Rouen 1869 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Rouen  .  1879 

Société  libre  d'Emulation  de  la  Seine-Inférieure  ;  Rouen .  1880 

Société  havraise  d'études  diverses;  le  Havre 1801 

Seine-et-Oise. 

Société  des  sciences  naturelles  et  médicales  de  Seine-et- 
Oise;  Versailles 18(H 

Société  des  sciences  morales,  belles-lettres  et  arts,  à 
Versailles 1896 

Somme 

Société  des  antiquaires  de  Picardie  ;  Amiens 1869 

Société  d'Emulation  d'Abbeville 1894 

Tam-et-Garonne . 
Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Tam-et-Garonne; 
Montauban 1894 

Vienne. 

Société  des  antiquaires  de  rOuest;  Poitiers 1867 

24 


—  :^)2  — 

Vienne  (Haute-). 
Société  historique  et  archéolog.  du  Limousin;  Limoges.     1852 

Vosges. 

Société  d'Emulation  du  département  des  Vosges  ;  EpinaK    1855 
Société  philomath ique  vosgienne  ;  Saint-Dié 1876 

Tonne. 

Société  des  scienres  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne; 
Auxerre 1852 

ALGÉRIE. 

Société  historique  aljçérienne  ;  Alger 1870 

AI^LEMAGNE. 

Académie  impériale  et  royale  des  sciences  de  Berlin 
(Sitzungsberichte) 1879 

Société  botanique  de  la  province  de  Brandebourg; 
Berlin 1877 

Académie  royale  des  sciences  de  Bavière,  à  Munich 
(Kœnigl.  Bayer.  Akadeniie  der  Wissenschaften  zu 
Munchen; 18()5 

Société  des  sciences  naturelles  de  Brème  (Natur^issens- 
chafllicher  Verein  zu  Bremen) 1866 

Société  des  sciences  naturelles  et  médicales  de  la  Haute- 
Hesse  (Oberhessische  Gesellschafl  fttr  Natur  und  Heil- 
kunde)  ;  Giessen 1853 

Société  des  sciences  naturelles  de  Fribourg  en  Brisgau 
(Bade) 4892 

Société  royale  physico-économique  de  Kœnigsberg  (Kœ- 
nigliche  physikalich-œkonomische  Gesellschafl  zu  Kœ- 
nigsberg); Prusse 180i 

Société  philosophique  et  littéraire  de  Heidelberg  (à  la  bi- 
bliothèque de  l'Université) 1898 

Université  de  Tubingue  (à  la  Bibliothèque) 19(V1 

AliSAGE-LORRAINE 

Société  d'histoire  naturelle  de  Colmar 1860 


—  363  — 

Société  des  sciences,  agriculture  et  arts  de  la  Basse- 
Alsace  ;  Strasbourg 1880 

Société  d'histoire  naturelle  de  Metz 1895 

Commission  de  la  carte  géologique  de  TAlsace-Lorraine  ; 
Strasbourg 1887 

ANGLETERRE. 

Société  littéraire  et  philosophique  de  Manchester  (Litte- 
rary  and  philosophical  Society  of  Manchester) 1859 

AUTRICHE. 

Institut  impérial  et  royal  de  géologie  de  Tempire  d'Au- 
triche (Kaiserlich-kœniglich-geologischeReichsanstalt)  ; 
Vienne 185v 

Muséum  impérial  et  royal  d'histoire  naturelle  de  Vienne.     1889 

BELGIQUE. 

Académie  royale  de  Belgique;  Bruxelles 1868 

Société  géologique  de  Belgique  ;  Liège 1876 

Académie  d'archéologie  de  Belgique  ;  Anvers,  rue  Lozane 

22 1885 

Société  des  Bollandistes  ;  Bruxelles,  rue  des  Ursulines,  14.  1888 

Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  rue  Ravenslein  n*  11.  1891 

Revue  bénédictine  de  l'abbaye  de  Maredsous 1892 

ITALIE. 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Modène  ....     1879 
R.  Deputazione  sovra  gli  Studi  di  Storia  Patria;  Torino.   .     1884 

LUXEMBOURG. 

Société  des  sciences  naturelles  du  grand  duché  de  Luxem- 
bourg ;  Luxembourg »  -,   .  .    .     1854 

PORTUGAL. 

Direction  des  services  géologiques  du  Portugal  ;  Lis- 
bonne, rua  do  Arco  a  Jesu,  113 1885 

SUÈDE  ET  NORVÈGE. 

Académie  royale  suédoise  des  sciences,  Stockholm  .    .   .     1869 


—  364  - 

Université  loyale  de  Christiania 1877 

The  geological  institution  of  the  University  of  Upsala.  .  .  1895 
Kongl.   Vetterhets  historié  och  antiquitets  Akademian , 

Stockholm 1898 

SUISSE. 

Société  des  sciences  naturelles  de  Bâle 1872 

Société  des  sciences  naturelles  de  Berne 1855 

Société  jurassienne  d'Emulation  ;  Porrentruy 186! 

Société  d'histoire  et  d'archéologie   de  Genève  ;  rue   de 

rKvêché 18fô 

Institut  national  de  Genève 1866 

Société  vaudoise  des  sciences  naturelles  ;  Lausanne  .   .    .  1847 

Société  d'histoire  de  la  Suisse  romande  ;  Lausanne  .   .    .  1878 

Société  neuchateloise  des  sciences  naturelles;  Neuchatel.  1862 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Neuchatel 1865 

Société  neuchateloise  de  géographie  ;  Neuchatel 1891 

Société  des  sciences  naturelles  de  Zurich 1857 

Société  des  antiquaires  de  Zurich  (à  la  Bibl.  de  Zurich).  1864 
Société  générale  d'histoire  suisse  (à  la  Bibliothèque  de 

Berne) 1880 

Indicateur  des  Antiquités  suisses  (Anzeiger  fur  Schweize- 

rische  Alterthumskunde),  Neue  Folge,  1,  Zurich.   .   .   .  1899 

AMÉRIQUE. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Boston Î865 

Institut  Smithsonien  de  Washington 1869 

United  States  geological  Survey;  Washington 1883 

Geographical  Society  of  Philadelphia 1896 

Academy  of  St-Louis  (Missouri) 1897 

Wisconsin  Geolog.  and  Natural  History  Survey;  Madison.  1901 

Wisconsin  Natural  History  Society;  Milwaukee  ...       .  1901 

Musée  national;  Montevideo 19(^1 


—  365  — 

ÉTABLISSEMENTS  PIBLICS  (32) 

Recevant  les  Mémoires. 


Bibliothèque  de  la  ville  de  Besançon. 

Id.  populaire  de  Besançon. 

Id.  de  TEcole  d'artillerie  de  Besançon. 

Id.  de  l'Université  de  Besançon. 

Id.         de  l'Ecole  de  médecine  de  Besançon. 

Id.  du  Chapitre  métropolitain  de  Besançon. 

Id.  du  Séminaire  de  Besançon. 

Id.         de  l'Ecole  normale  des  instituteurs  de  Besançon. 

Id.         du  Cercle  militaire  de  Besançon. 

Id.  de  la  ville  de  Montbéliard. 

Id.         de  la  ville  de  Pontarlier. 

Id.         de  la  ville  de  Baume-les-Dames. 

Id.         de  la  ville  de  Vesoul. 

Id.         de  la  ville  de  Gray. 

Id.         de  la  ville  de  Lure. 

Id.         de  la  ville  de  Luxeuil. 

Id.  de  la  ville  de  Lons-le-Saunier. 

Id.         de  la  ville  de  Dole. 

Id.         de  la  ville  de  Poligny. 

Id.         de  la  ville  de  Salins. 

Id.  de  la  ville  d'Arhois. 

Id.         de  la  ville  de  Saint-Claude. 

Id.  du  Musée  national  de  Saint-Germain-en-Laye. 

Id.  Mazarine,  à  Paris. 

Id.         de  la  Sorbonne,  à  Paris. 

Id.  de  l'Ecole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie, 

à  Fontainebleau. 

Id.         du  Musée  ethnographique  du  Trocadéro,  à  Paris. 

Id.         du  British  Muséum,  à  Londres.  (Librairie  Dulau  et 
C»«,  Londres,  Soho  Square,  37.) 
Archives  départementales  de  la  Côte-d'Or. 
Id.  du  Doubs. 

Id.  de  la  Haute-Saône. 

Id.  du  Jura. 


TABLE  DES  MATIERES  DU  VOLUME 


PROCÈS-VERBAUX. 

Allocution  de  M.  Alfred  Vaissier  en  quittant  la  présidence.,  p.  v 

Allocution  de  M.  le  docteur  Nargaud,  nouveau  président p.  vi 

I^  cloche  de  Voillans  (1483-1485;,  par  M.  l'abbé  P.  Drtot..  p.  vin 
Jean  Garinet,  médecin   bisontin,   par   M.   le  docteur  Henri 

Brl'chon p.  IX 

Acceptation  du  legs  d'Edouard  Grknieh p.  x 

Notice  sur  le  garde  des  sceaux  Courvoisier.  par  M.  Maurice 

Thuriet p.  X 

Notice  sur  le  peintre  Donat  Nonnolte,  par  M.  J  Gauthirr...  p.  xi 
Statuette  grecque  donnée  au  Musée  par  les  héritiers  d*£douard 

Grenier p.  xi 

Statuette  de  Vénus  pudique,  trouvée  à  Jougne,  par  M.  J.  Gau- 
thier    p.  XI 

Fouilles  de  Chàtelneur-en-Vennes,  par  M.  Tabbé  H.  Druot..  p.  xii 
Symbolisme  des  bas-reliefs   de  Porte-Noire,  par  M.  Alfred 

Vaissier p.  xiii 

Antiquités  de  Luxeuil,  manuscrit  de  Fonclause,  présenté  par 

M.  J.  Gauthier p.  xiii 

Compte-rendu  du  Congrès  de  la  Sorbonne p.  xv 

Voyage  de  J.-J.  Oberlin  à  Besançon  (47Xv1806),  par  M.  Jules 

Gauthier p.  xv 

Etude  sur  la  peinture  anglaise,  par  M.  V.  Guiixemin p.  xvii 

Biographie  du  maréchal  duc  de  Randan,  par  M.  le  docteur 

BOURDIN p     XVII 

Vœu  pour  le  transport  au  Musée  des  dessins  du  cabinet  Paris, 

par  M.  ESTIGNARD p.  XVII 

Le  Livre  d'Heures  de  Catherine  de  Montbozon,  par  M.  Jules 
Gauthier p.  xix 

Compte-rendu  de  la  réunion  de  la  Société  d'Emulation  âe 
Montbéliard p.  xx 

Commission  permanente  de  protection  des  monuments  bi- 
sontins   4 p.  XX 


-  367  - 

Compte-rendu  du  Congrès  de  l'Association  franc-comtoise,  à 

Gray p.  xxii 

Achat  de  rente  pour  la  fondation  Grenier,  par  M.  le  trésorier 

Fauquignon p.  xxn 

Nouveaux  documents  sur  le  peintre  Jacques  Prévost,  par  M.  J. 

Gauthier  p.  xxiii 

Préparation  de  la  séance  publique  de  décembre p.  xxiv 

Projet  de  budget  pour  Tannée  1903 p.  xxv 

Election  du  bureau  pour  Tannée  1903 p.  xxvi 

I^ettre  d'une  inconnue  à  Edouard  Grenier,  par  M.  Jules  Gau- 
thier     p.    XXVI 

Séance  publique  du  18  décembre  1902 p.  xxvii 

Banquet  du  18  décembre  19(>2  :  Toasts  de  MM.  le  président 
Nargaud,  le  vice-président  Francey,  le  président  de  l'Aca- 
démie BouTnoi'x p.  XXIX 

Les  Volontaires' de  1792,  pièce  de  vers  avec  envoi,  par  M.  J. 
Gauthier p.  xxxiii 


MËMOIRBS. 

La  Société  d'Emulation  du  Doubs  en  i90^  :  dis- 
cours d'ouverture  de  la  séance  publique  du  jeudi 
18  décembre  1902,  par  M.  le  docteur  Nargaud, 
président  annuel p.       1 

Une  Cloche  franc -comtoise  du  quijizième  siècle^ 
par  M.  Tabbé  Paul  Druot,  curé  de  Voillans 
(2  planches! p.     11 

Porte-Noire  et  ses  Commentateurs,  par  M.  Alfred 
Vaissier  (gravures  et  planche)   p.     17 

Donat  Nonnotte,  de  Besançon,  peintre  de  portraits^ 
par  M.  Jules  Gauthier  (1  portrait) p.     43 

Etude  sur  la  Peinture  anglaise,   par   M.  Victor 

GUILLEMIN p.     57 

Le  Saint-Suaire  de  Besançon  et  ses  Pèlerins,  par 
M.  Jules  Gauthier  (2  planches)  p.  164 

Du  degré  de  confiance  que  méritent  les  Généalo- 
gies historiques,  par  M.  J.  Gauthier  (1  planche),    p.  186 


—  368  - 

Elude  9ur  Jean  Garinet,  médecin  et  co-gouverneur 
de  Besançon  (xvii*  siècle;,  par  M.  le  docteur 
Henri  Bruchon  (3  planches) p.   201 

Le  maréchal  duc  de  Ilandan,  lieutenant-yénéral 
au  gouvernement  de  Franche-Comté  (1741-1773), 
par  M.  le  docteur  Bourdin  (1  portrait) p.  224 

Les  Fouilles  de  Châtelneuf-en-Vennes ,  par  M. 
Tabbé  Hennann  Druot  (1  planche) p.  260 

Edouard  Groiier  (1819-1901)  :  1  L'Enfance  d'un 
Poète,  par  M.  Jules  Gauthier p.  278 

Flora  Sequaniœ  exsiccata,  ou  Herbier  de  la  Flore 
de  Franche-Comté,  publié  par  M.  X.  Vendrely.     p.   291 

Ti^ois  Eglises  romanes  du  Jura  franc-comtois  : 
Jougne^  Romain- Métier,  Saint- Ursanne,  par  M. 
Jules  Gauthier  (3  planches) p.  310 


Dons  faits  à  la  Sociélé  en  11M)l-l002 p.  331 

Knvois  (les  Sociétés  correspondantes p.  SXi 

Membres  «le  la  Société  au  !•''  décembre  1901 p.  339 

Membres  de  la  Société  décédés  en  1901-1902 . .  / p.  ^fôi 

Sociétés  correspondantes p.  355 

Etablissements  publics  recevant  les  Mémoires p.  3fô 


UliSANOON.    —   TVl'.    I;T    LITH.    I>Ol>IVKIIS. 


MÉMOIRES 


y     ___     ^ 


SOCIETE  UEMULATION 

DU     DOUBS 


k 


MÉMOIRES 


DE    LA 


SOCIÉTÉ  D'ÉMULATION 

DU    DOUBS 

SEPTIÈME  SÉRIE 

HUITIÈME      VOLUME 

1903-1904 


BESANCON 

IMPRIMERIE   DODIVERS    ET    C'» 
Grande-Rue,    87 


1905 


MEMOIRES 


DE 


LA  SOCIÉTÉ  D'ÉMULATION 


TDXf    3DOXJBS 

1903-1904 


PROCES- VERBAUX  DES  SÉANCES 

Séance  du  17  janvier  i90S. 
Présidence  de  MM.  Nargaud  et  Francey. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  le  docteur  Nargaud, président  sortant;  Francej/, 
président  élu  pour  1903  ;  M.  Thuriet,  deuxième  vice-président  ; 
Fauquignon,  trésorier;  Kirchner,  archiviste  ;  A.  Kaiwier,  vice- 
secrétaire. 

Membres  :  MM.  Bonnet,  Bernard,  Gellard,  A,  Girardot, 
Guillemin,  docteur  Ledoux,  Lieffroy,  Em.  Louvot,  Nardin, 
chanoine  Roasignot,  Vernier. 

En  l'absence  de  M.  Jules  Gauthier,  secrétaire  décennal,  re- 
tenu par  raison  de  santé,  M.  le  vice-secrétaire  donne  lecture 
des  procès- verbaux  des  deux  séances  des  17  et  18  décembre 
dernier. 

M.  le  pr^^sident  remercie  la  Société  de  la  bienveillance  de 
chacun  de  ses  confrères  pour  lui  rendre  agréable  et  facile 
l'exercice  du  mandat  annuel  qu'ils  lui  avaient  confié.  En  renou- 
velant le  vœu  de  ses  prédécesseurs  de  faire  appel  à  la  jeunesse 


—  VI  — 

studieuse  pour  continuer  à  enrichir  le  patrimoine  intellectuel 
de  notre  chère  Franche-Comté  et  maintenir  la  Société  d'Emu- 
lation au  rang  distingué  qu'elle  occupe  dans  la  province,  M.  le 
Président  félicite  la  Compagnie  de  l'heureux  choix  qui  va  placer 
à  sa  tête  un  des  membres  les  plus  appréciés  du  barreau  de  la 
ville,  M.  Edmond  Francey,  qu'il  invite  à  ce  moment  b  venir 
prendre  sa  place  pour  la  tenue  de  la  séarice. 

M.  Francey  exprime  à  son  tour  des  sentiments  d'un  attache- 
ment égal  à  une  Société  dont  il  fait  partie  depuis  20  ans  et  aux 
intérêts  de  laquelle  il  ne  négligera  rien  pour  répondre  aux 
marques  d'estime  qui  viennent  de  lui  être  témoignées.  En  pre- 
nant pour  la  première  fois  la  parole  dans  ses  réunions,  il  ex- 
prime le  regret  d'avoir  à  signaler  un  deuil  récent  pour  la  Com- 
pagnie par  suite  de  la  mort  soudaine  de  M.  Ch.  Kain,  élu 
membre  correspondant  à  la  dernière  séance.  Fils  d'un  magis- 
tral dont  l'honorabilité  et  les  talents  ont  laissé  dans  la  ville 
d'excellents  souvenirs,  M.  Ch.  Rain,  en  qui  le  goût  des  études 
utiles  s'associait  à  celui  des  lettres  et  des  arts,  nous  permettait 
d'espérer  de  sa  part  un  a\'antageux  concours. 

Passant  ensuite  à  l'ordre  du  jour,  M.  le  Président  donne  lec- 
ture de  la  première  partie  d'un  important  travail  de  M.Jules 
Gauthier  sur  les  Uéraults  d'armes  et  les  Armoriaux  franc-com- 
tois. Le  blason  parait  chez  nous  vers  ii87  apporté  par  un  légat 
impérial,  c'est-à-dire  par  un  bailli  de  Frédéric  Barberousse  ;  au 
xiir  siècle,  tous  les  gentilshommes  Tout  adopté,  au  xiv«  siècle 
les  roturiers  l'adoptèrent  à  leur  tour  ol,  sans  être  marque  de 
noblesse,  toutes  h*s  familles  bourgeoise^,  issues  du  peuple,  k' 
portent  au  xviii"  siècle. 

M.  Gauthier  continuera  cette  élude  |iour  laquelle  il  est  des 
mieux  documenté. 

MM.  Gauthier  et  Vaissier  déposent  une  proposition  ayant 
pour  but  de  décrire  les  Cloches  antérieures  à  180'i  qui  sub- 
sistent dans  les  églises,  chapelles  et  communautés  du  Doubs. 
Au  point  de  vue  de  l'histoire,  de  l'épigraphie  et  de  l'armoriai 
franc-comtois  ces  bronzes,  dont  le  nombre  a  été  sensiblement 
réduit  par  la  Révolution,  qui  les  transforma  la  plupart  en  ca- 
nons, sont  des  monuments  fort  intéressants.  On  peut  en  dire 


—  VII  — 

autant  des  Croix  de  pierre,  de  fer,  môme  de  bois,  qui  jalonnent 
les  limites  de  chaque  commune,  de  chaque  paroisse  et,  çà  et 
là,  remplacement  de  crimes  ou  d'accidents  Leur  statistique, 
avec  l'indication  du  nom  des  lieuxdits  où  chacune  de  ces  croix 
est  plantée  serait  des  plus  utiles  aux  recherches  historiques  et 
archéologiques.  La  Société  décide  qu'une  démarche  sera  faite 
auprès  de  l'autorité  diocésaine  pour  obtenir  son  adhésion  et  sa 
coopération  bienveillante  au  questionnaire  relatif  aux  cloclies 
et  aux  croix,  dont  la  Société  fera  les  frais. 
Celte  proposition  est  adoptée. 

Le  Musée  d'archéologie  ayant  re(;u  le  don  d'une  sculpture_en 
marbre  blanc,  profil  découpé  en  bas- relief  d'une  tête  laurée, 
M.  Vaissier  constate  que  ce  morceau,  d'une  soigneuse  exéciir 
tion,  est  bien  le  complément  d'un  de  ces  médaillons  en  pierre 
jaspée  et  polie  que  l'on  voit  encore  au  nombre  de  cinq  dans  le 
corridor  de  l'étage  du  Palais  Granvelle.  Ces  fonds  de  médail- 
lons, dédiés  aux  empereurs  Othori,  Vitellius,  Vespasien,  Tibère 
et  Domitien,  portent  tous,  à  leur  centre,  une  saillie  carrée  en 
formé  de  boulon  qui  correspond  exactement  à  la  noyure  prati- 
quée au  revers  du  bas- relief  donné  au  Musée.  M.  Vaissier  a,  de 
plus,  reconnu  dans  le  champ  du  médaillon,  auprès  des  n  *  8, 
9,  10,  11  et  12  gravés,  un  pci'il  briquet  de  Bourgogne  également 
gravé,  qui  serait  comme  la  signature  de  l'artiste,  à  savoir  du 
sculpteur  Landry,  de  Salins,  lequel  avait  fait  pour  Madame  de 
Granvelle,  femme  du  chancelier,  constructeur  du  Palais,  la 
fourniture  de  trois  douzaines  de  pièces  analogues  (V.  Béchet, 
Recherches  historiques  sur  la  Ville  de  Salins,  1830). 

M.  Nardin  Temet  pour  le  musée  d'archéologie  une  hipposan- 
dale et  une  applique  circulaire  t3n  bronze  provenant  de  la  voie 
romaine  de  Colombier-Fontaine. 

On   procède   ensuite  à   la   prupoïjition    et  à   l'admission   en 

qualité  de  : 

Membre  résidant  : 

de  M,  l'abbé  F.-X.  Perrot,  curé  de  Mandeure.  présenté  par 
MM.  A.  Vaissier  et  le  chanoine  Rossignot. 

Le  Président,  Le  Vice-Secrétaire, 

Ed.  Francev.  Vaissier. 


—  VIII  — 


ï 


Séance  du  15  février  J903. 
Présidence  de  M.  Edmond   Francey. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Ed.  Francey ,  président  ;  Gauthier ,  secrétaire  ; 
Fauquignon,  trésorier  ;  Vaissier,'  vice-secrétaire  ;  Kirchner, 
archiviste 

Membres:  MM.  Bernard,  Blondeau,  Cellard,  Courtot,  Lxeffron, 
Nardin,  chanoine  Rossignol,  Dr  G.  Vaissier,  Vernier. 

Après  avoir  dépouillé  la  correspondance,  M.  Gauthier  fait  re- 
marquer qn'il  serait  utile  de  consigner  au  procès-verbal  de  la 
séance  les  conditions  arrêtées  pour  la  Pension  des  frères 
Grenier. 

Cette  pension  triennale  fondée  par  le  testament  de  M.  Edouard 
Grenier,  décédé  le  5  décembre  1901,  devait,  dans  sa  pensée,  re- 
présenter une  rente  de  2,400  francs  qui  serait  attribuée  à  un 
jeune  franc-comtois  pauvre,  pour  lui  permettre  de  poursuivre 
ses  hautes  études  dans  le  domaine  des  lettres,  des  sciences  ou 
des  arts.  La  somme  léguée  était  un  titre  de  rente  roumaine  de 
2,400  francs  de  revenu.  La  Société  d'Emulation  a  dû  se  confor- 
mer aux  dispositions  légales  et  transformer  ce  titre  en  rente 
française;  le  nouveau  titre  à  3  0/0  produit  1,500  fr.  de  revenu. 
Après  un  examen  la  Société,  d'accord  complet  avec  l'exécuteur 
testamentaire  du  fondateur,  a  décidé  que  les  intérêts  de  ce 
titre  seraient  capitalisés  jusqu'au  moment  où  une  rente  de 
1,800  francs  nets  permettrait  de  servir  la  pension  et  d'accom- 
plir, dans  la  mesure  du  possible,  les  intentions  bienfaisantes 
des  deux  frères  Grenier, 

M.  Jules  Gauthier  donne  lecture  d'une  étude  intitulée  :  Les 
Cloches  franc-comtoises.  La  première  trace  des  cloches  se  trouve 
dans  le  rituel  de  saint  Prothade,  composé  au  vip  siècle,  pour 
les  deux  cathédrales   de  Besançon  ;  au  xiii«  siècle,    750  pa- 


—   IX   ~ 

roisses,  30  abbayes,  100  prieurés  ont  des  cloches  ;  les  guerres 
elles  invasions  les  dépendent  à  maintes  reprises  ;  le  grand 
maître  de  l'artillerie  de  Louis  XIV,  au  lendemain  de  la  con- 
quête de  1674,  oblige  toutes  les  églises  de  Besançon  à  payer  la 
rançon  de  leurs  beffroys  ;  au  xviii"  siècle,  le  nombre  grandis- 
sant des  paroisses  et  des  succursales  et  l'amour  propre  de 
clocher  en  multiplie  le  nombre.  Les  lois  de  1791  confisquent 
les  cloches  des  chapitres  et  monastères  supprimés  pour  les 
transformer  en  gros  sous.  Celles  de  4793  ne  laissent  à  chaque 
église  paroissiale  qu'une  seule  cloche  et  transforment  le  reste 
en  canons  pour  la  défense  de  la  patrie.  Centralisées  à  Besan- 
çon, i,600  cloches  sont  alors  dirigées  sur  la  fonderie  de  Pont- 
de-Vaux,  dans  l'Ain,  et  des  500,000  kilogrammes  de  bronze 
fournis  par  cette  conscription  de  cloches  franc-comtoises  on 
fabriqua  environ  800  canons  de  campagne.  On  comprend  la  ra- 
reté des  cloches  antérieures  à  1802;  en  très  petit  nombre  elles 
remontent  aux  xve  etxvi®  siècles  ;  il  en  reste  dans  les  trois  dé- 
partements comtois  100  à  150,  des  xvir  et  xviir  siècles;  un  re- 
cueil de  leurs  inscriptions,  de  leurs  emblèmes,  de  leurs  armoi- 
ries aurait  un  grand  intérêt  pour  l'histoire  régionale. 

Au  nom  de  M.  Vendrely,  membre  correspondant,  M.  Kirch- 
ner  dépose  sur  le  bureau  un  travail  sur  la  Flore  comtoise  : 
Flora  Sequanise  exsiccafa,  22e  fascicule  d'une  série  déjà  inscrite 
dans  les  Mémoires^  qui  y  prendra  place  à  son  tour. 

M.  le  Secrétaire  termine  verbalement  une  communication  sur 
les  Armoriaux  et  les  Héraults  d'armes  franc-comtois. 

Un  groupe  de  membres  émettent  le  vœu  que  dans  la  restau- 
ration et  consolidation  de  l'Eglise  abbatiale  de  Montbenoit,  en- 
treprise à  frais  communs  par  le  Département  et  cinq  communes 
co-paroissiales,  des  ordres  précis  soient  donnés  par  Tadminis- 
tration  départementale  pour  que  rien  ne  vienne  altérer  le 
style  et  le  caractère  d'un  édifice  des  plus  précieux  et  pour  que 
le  mobilier  :  stalles,  statues,  vitraux,  retable,  chaire  ne  subis- 
sent aucun  outrage  ou  dégradation. 

Sur  le  vote  unanime  de  l'assemblée,  le  bureau  est  chargé  de 
communiquer  ce  vœu  à  l'autorité  compétente. 


—   X  — 

Sont  proposés,  pour  faire  parlie  de  la  Société  comme  mem- 
bres correspondants  : 

M.  l'abbé  Brune^  curé  doyen  de  Mont-sous- Vaudt'ey.  cor- 
respondant du  Comité  des  travaux  historiques,  présenté  par 
MM.   Tarchiprêtre  Burlet  et  le  chanoine  Suchet. 

M.  Barbey  (Frédéric),  archiviste  paléographe  à  Paris  et  à  Val- 
leires,  canton  dé  Vaud,  présenté  par  \rM.  Jules  Gauthier  et 
Guignard. 

M  d*Hotelan$  (Raoul»,  maire  de  Novillars,  présenté  par 
MM.  Octave  d'Hotelans  et  J.  Gauthier. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francey.  Jules  Gauthieh. 


Séance  du  7  mars   I90S. 
Présidence  de  M.  Edmond  Francey. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Francey,  président  ;  Thuriet,  vice-présidenl  ; 
Gauthier,  secrétaire  ;  Vaissier,  vice-secrétaire;  Fauquignon, 
trésorier;  Kirchner  et  Maldiney,  archivistes. 

Membrks  :  MM.  le  docteur  Bruchon  père,  docteur  Ledoux, 
Lieffroy,  docteur  Girardoty  Macherey. 

La  Société  d'histoire  vaudoise,  qui  vient  de  se  fonder  à  Lau- 
sanne   demande  à  entrer  eu  relations  d'édianges.  Adopté. 

M.  le  Président  donne  lecture  d'une  notice  biographique  sur 
M.  Louis  Bouvard,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Besançon,  mem- 
bre résidant  de  la  Société  depuis  1868 

Il  fait  ressortir  avec  une  grande  délicatesse  de  touche  les 
haute.>  qiuilités  du  jurisconsulte,  de  l'administrateur  et  du  lettré 
qui.  malgré  de  très  rares  loisirs,  trouvait  encore  le  moyen  de 
s'intéresser  à  l'art  sous  toutes  ses  formes  et  dans  toutes  ses 
applications. 


—  xr  — 

M.  le  Secrétaire  coninj unique  une  étude  sur  les  Livres  de 
raison  de  paysans  franc-comtois.  Longtemps  Tinstruction  fut 
médiocre  dans  les  campagnes  et  le  paysan,  à  la  différence  du 
gentilhomme,  qui  écrivait  sur  les  marges  des  psautiers  les  an-, 
nales  de  sa  famille,  des  commerçants  ou  des  bourgeois  qui 
mettaient  leurs  remarques  à  la  suite  de  leurs  livres  de  comptes, 
se  bornait  à  compter  à  la  veillée  ses  minces  souvenirs  person- 
nels. Il  vint  un  jour  pourtant  où  il  prit  la  plume,  et,  tout  en  en- 
registrant des  documents  de  second  ordre,  sut  mettre  dans  sa 
courte  autobiographie  de  curieux  détails  de  mœurs,  tout  un  pe- 
tit tableau  d'intérieur  rural.  Antoine  Morel,  de  Flangebouche. 
au  XVII»  siècle,  Adrien  Sarrazin,  de  Landresse  et  François  Mil- 
lot,  de  Recologne,  au  wiw  siècle,  sont  de  ces  modestes  chro- 
niqueurs villageois,  d'où  l'histoire  pourra  dégager  quelques 
lignes  intéressantes  à  divers  points  de  vue. 

M.  Vaissier,  comme  corollaire  de  sa  récente  étude  sur  Porte- 
Noire,  lit  une  note  sur  l'époque  probable  He  la  destruction  par- 
tielle des  monuments  de  Vesontio,  qui  dut  précéder  d'un  certain 
nombre  d'années  la  venue  de  l'empereur  Julien  dans  les  Gaules 
et  en  particulier  dans  la  Séquanie  vers  l'an  360.  De  l'étude  et 
de  la  discussion  du  texte  grec  trop  laconique,  mais  inexacte- 
ment traduit  par  les  liisloriens  modernes,  il  semble  résulter 
que  sous  le  choc  d'une  invasion  venue  d'outre-Rhin  et  qui  dé- 
truisit Mandeure,  Besançon,  un  instant  abandonné,  puis  réoc- 
cupé par  les  troupes  romaines,  sortit  fort  amoindri. 

M.  Gauthier  donnn  une  descripliou  de  la  cheminée  monumen- 
ialCj  en  marbres  polychromes  avec  cariatides  en  marbre  noir, 
huit  bas- reliefs  en  marbre  blanc,  un  motif  central  accosté  de 
deux  pyramides,  deux  colonnettes  et  deux  termes,  que  le  mé- 
decin Casenat  fit  sculpter  en  1565  pour  décorer  le  rez-de-chaus- 
sée de  sa  maison  de  la  rue  du  Clos,  n»  25.  Vers  1860,  les  héri- 
tiers de  M.  Dusillet  en  firent  présent  au  Musée  de  Dole.  Avec 
ses  bas-reliefs  figurant  les  quatre  évangélistes,  dont  saint 
Jean,  patron  des  médecins,  q\ù  se  livre  à  nu  examen  urosco- 
pique,  trois  scènes  de  la  Bible,  dont  Moïse  législateur  et  une 
scène  allégorique  de  la  vie  humaine,  ce  petit  monument  dé- 


—    XII   — 

paysé  a  ceci  de  remarquable  quMl  fut  sculpté  pendant  le  der- 
nier et  long  séjour  que  fit  à  Besançon  et  au  Comté  de  Bour- 
gogne le  cardinal  de  Granvelle,  et  qu'il  appartient  au  style 
inspiré  d'une  façon  générale  parles  travaux  d'art  dus  à  l'initia- 
tive du  prélat.  En  outre  de  deux  inscriptions  latines,  le  dernier 
bas-relief  cité  porte  la  signature  PH.F. ..D,  qui,  tout  énigma- 
tique  qu'elle  demeure  par  son  laconisme,  peut  faire  soupçonner 
deux  choses  :  la  première  le  nom  du  sculpteur,  qui  serait  peut- 
être  Journot  dit  FHOENIX,  un  des  fondeurs  de  bronze  les  plus 
célèbres  de  la  province  dans  le  troisième  quart  du  xvi«  siècle  ; 
la  seconde  le  nom  de  la  ville  :  Dole,  où  se  trouvait  centralisée, 
par  le  fait  même  des  carrières  de  Sampans,  de  Boisset  et  par 
le  voisinage  de  Dijon,  l'industrie  des  marbres  ou  fart  de  la 
sculpture. 

Après  un  vote  en  leur  faveur,  M.  le  Président  proclame 

Membres  correspondants  : 

M.  l'abbé  Brune,  curé  de  Monl-sous-Vaudrey. 
M.  Frédéric  Barbey,  archiviste  paléographe,  à  Paris  et  au 
château  de  Valleires  (Suisse). 
M.  Raoul  d'HoTELANS.  ancien  officier,  maire  de  Novillars. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francev.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  25  avril  1903. 
Présidence  de  M.  Alfred  Vaissier. 


Sont  présents  ; 

Hubeau  :  :  MM.  A.  Vaissier,  remplaçant  le  président  empô- 
É*hr;  Gauthier,  secrétaire;  Fauquignon   trésorier. 

MiiiïBRES  :  MM.  Bonnet,  Bernard,  Girardot,  E.  Loavot,  Nar- 
diti,  Purizoty  l'abbé  Rossignot,  Rouget,  Vernier. 


à 


—   XIII   — 

M.  Tabbé  Rossignol,  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  TAr- 
chevèché,  rend  compte  des  fouilles  opérées  en  sa  présence  à 
Argillières  (Haute-Saône),  qui  ont  mis  en  évidence  les  fonda- 
tions d'une  métairie  ou  centre  d'exploitation  rurale,  représenté 
par  trois  groupes  d'habitations  à  proximité  de  la  Voie  antique 
conduisant  de  Pierrecourt  à  Bourbonne,  dont  les  vestiges  sont 
encore  très  nets  sur  bien  des  points.  On  a  trouvé  dans  ces  fon- 
dations un  moyen  bronze  de  l'empereur  Claude  I*'.  M.  Rossi- 
gnot  offre  au  Musée,  par  l'intermédiaire  de  la  Société,  cette 
monnaie  et  deux  hachettes  en  porphyre  vert  de  Chazoy.  trou- 
vées l'une,  la  plus  petite,  fi  Argillières,  l'autre  à  Fontenay- la- 
Ville. 

M.  Vaissier  entretient  sommairement  la  Société  d'une  explo- 
ration d'un  tronçon  de  la  grande  Voie  de  Vesontio  à  Epoman- 
duodurum  et  au  Rhin  dans  la  traversée  de  Voillans  (Doubs), 
l'ancien  Velatodurum,  M.  l'abbé  Paul  Druot,  membre  corres- 
pondant de  la  Société,  qui  a  entrepris  et  dirigé  ces  fouilles,  en 
rendra  prochainement  un  compte  détaillé. 

M.  Gauthier  communique  un  document  latin  inédit  intitulé  : 
De  antiquitate  et  nobilitate  urbis  Veauntine^  composé  en  1552, 
au  mois  de  mars,  par  Hugues  Babet  de  Saint-Ilippolyte,  l'ami 
et  le  professeur  des  deux  lettrés  comtois  qui  lui  firent  hon- 
neur :  Gilbert  Cousin  et  Jean  Natal,  originaires,  le  premier  de 
Nozeroy,  le  second  de  Toulouse  (Jura).  Ce  morceau  de  littéra- 
ture latine  fut  composé  avec  ce  double  objectif  de  remercier  la 
cité  de  Besançon  dont  les  gouverneurs  avaient  procuré  un  asile 
à  la  vieillesse  pauvre  de  Babet,  dont  la  notoriété  comme  éduca- 
teur et  comme  philosophe  avait  dépassé  les  limites  de  la  pro- 
vince, et  de  préparer,  pour  célébrer  une  vieille  et  noble  cité, 
un  résumé  historique  qui  devait  prendre  place  dans  la  Cosmo- 
graphie de  Sébastien  Munster,  qui  parut  à  Dole  en  1552.  Mais 
Munster  mourut  avant  la  publication  de  sa  Cosmographie,  le 
texte  de  Babet  n'y  fut  pas  inséré  et  seule  une  planche  gravée 
sur  bois,  dont  le  dessin  avait  été  envoyé  de  Besançon  par  Ba- 
bet y  parut,  gravé  par  deux  maîtres  aux  monogrammes  C.S.  et 
H  M.D.  dont  on  pourra  peut-être  éclaircir  l'anonymat.   En  tous 


—   XIV    — 

cas  cette  représentation  de  la  cité  de  Besançon,  publiée  en 
1542,  est  la  première  image  à  vol  d'oiseau  de  cette  ancienne 
capitale.  C'est  à  Babet  qu'on  le  doit,  comme  on  devra,  en  1552 
et  1561,  à  Gilbert  Cousin  les  vues  analogues  de  Nozeroy,  de 
Pontarlier,  de  Bletterans,  de  Poligny,  de  la  Rivière,  qui  paraî- 
tront dans  ses  œuvres,  insérées  par  Hogenberg  en  1575.  dans 
une  nouvelle  Cosmographie  avec  les  armes  et  la  devise  de  ce 
second  élève  d'Hugues  Babet. 

La  Société  décide  que  la  description  de  Besançon  composée 
par  le  vieux  professeur  de  Saint-Hippolyte  et  illustrée  d'une  ou 
deux  reproductions  des  vues  cavalières  de  la  cité  au  xvi«  siècle, 
prendra  place  dans  le  volume  des  Mémoires. 

M.  le  Secrétaire  rend  compte  d'un  intéressant  volume  publié 
récemment  par  M.  Paul  Cottin,  conservateur-adjoint  à  la  Bi- 
bliothèque de  l'Arsenal,  à  Paris,  sous  ce  titre  ;  Sophie  de  Mon- 
nier  et  Mirabeau.  On  connaît  l'aventure  piquante,  sinon  morale, 
de  Sophie,  épouse  d'un  vieux  mari  qu'elle  sut  rendre  ridicule, 
et  de  Mirabeau,  prisonnier  au  fort  de  Joux  de  1774  à  1776.  Tout 
un  roman  «l'amour  s'ébauche  et  s'échafaude  à  partir  de  1775 
entre  le  prisonnier  et  la  femme  du  président  de  la  Chambre  des 
comptes  et  se  termine  au  mois  d'août  1776  par  la  réunion  aux 
Verrières-Suisses,  à  l'hôtel  du  IJon  d'or,  de  Mirabeau  et  de  ré- 
ponse infidèle.  Toute  une  correspondance  chiffrée  de  1776  à 
1781  jusqu'à  présent  inédite,  entre  Sophie  et  Mirabeau  et  leur 
entourage,  renouvelle  l'intérêt  d'un  épisode  souvent  esquissé 
et  étudié  depuis  cent  ans  sans  mériter  aux  deux  personnages 
mis  en  scène  beaucoup  de  sympathie  ni  beaucoup  d'estime. 
M.  Leloir,  avait  déjà  établi  à  la  charge  de  Mirabeau  de 
nombreux  prélèvements  (12,000  livres)  sur  la  caisse  de  l'infor- 
tnné  président  Monnier;  M.  Cottin  plaide  les  circonstances 
atténuantes  pour  Sophie,  plus  passionnée  mais  plus  franche  et 
plus  loyale  que  son  séducteur  et  qui,  dans  d'autres  conditions, 
serait  devenue,  avec  un  mari  jeune,  intelligent  et  bon,  une 
femme  accomplie  et  une  excellente  épouse. 

Est  proposé  pour  faire  partie  de  la  Société  comme  membre 
correspondant  : 


—  XV  — 

M.  Roux  (Uoger),  juge  suppléant  au  tribunal  de  Vesoul,  pré- 
senté par  MM    Fran(iey  et  Maurice  Thuriet. 

Le  Président.  Le  Secrétaire, 

Vaissier.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  "23  mai  i90S 
Présidence  de  M.  Edmond  Frangey. 


Sont  présents 


Bureau  :  MM.  Francexj,  président  ;  Nargaud,  vice-président; 
Gauthier,  secrétaire;  Vaissier,  vice-secrétaire;  Fauquignon. 
trésorier;  Kirchner,  archiviste. 

Membres  :  MM.  P.  Drouhard,  Berdelléy  Bonnet,  Boussey, 
V.  Guillemin,  docteur  Ledoux,  le  chanoine  Rofsignotj  l'abbé 
Rossignotj  Rouget,  H.  Savoye. 

La  Société  belfortaine  d'Emulation  demande  des  renseigne- 
ments sur  la  constitution  de  la  Société  et  ses  relations  officielles 
et  de  service  avec  la  Municipalité.  On  décide  des  diverses  ré- 
ponses à  faire  parvenir  à  Belfort. 

M.  Alfred  Marquiset  envoie  un  volume  de  vers  intitulé  Gray- 
loiseries.  M.  A^ictor  Guillemin  est  prié  d'en  rendre  compte. 

M.  le  Président  annonce  la  mort  de  M.  Jean  Petit,  sculpteur, 
membre  honoraire  de  la  Compagnie,  récemment  décédé  à  Pa- 
ris. M.  Thuriet  est  prié  de  rédiger  une  notice  sur  cet  artiste 
distingué. 

Il  est  donné  lecture  d'un  compte  rendu  fort  élogieux  sur  un 
volume  de  M.  Roger  Roux,  juge  suppléant  au  tribunal  de  Ve- 
soul, ayant  pour  titre  :  Le  travail  dans  les  prisons.  Cette  étude 
très  remarquable  contient  un  exposé  très  complet  de  la  ques- 
tion et  des  conclusions  très  nettes  sur  le  sens  dans  lequel 
doivent  être  désormais  conçus  et  préparés  les  règlements  péni- 


—  xvt  — 

lentiaires.  Des  remerciements  seront  adressés  à  Tauteur  pour 
son  aimable  envoi. 

M.  le  Maire  de  Besançon,  président  du  Conseil  de  direction 
de  la  Caisse  d'Epargne,  fait  connaître  le  refus  de  M.  le  Ministre 
du  Commerce  d'autoriser  la  Société  d'Emulation  à  posséder  un 
livret  pouvant  contenir  le  chiffre  maximum  de  15,000  francs, 
cette  faveur  n'étant  accordée  qu'aux  Sociétés  de  bienfaisance. 
La  Société  décide  que  M.  le  trésorier  fera  chaque  année  rem- 
ploi des  1,500  fr.  de  revenu  de  la  pension  Grenier  en  rente  3  0/0, 
jusqu'à  reconstitution  du  capital  suffisant  pour  produire  1,800 fr. 
de  rente. 

M.  le  secrétaire  communique  un  curieux  livre  d'heures  du 
xv«  Siècle^  particulièrement  intéressant  parce  qu'il  a  appartenu 
à  Jean  Jouard,  président  du  Parlement  de  Bourgogne  sous 
Gharles-le-Téméraire,  mort  assassiné  par  les  Dijonnais  révoltés 
en  1477.  Ce  personnage,  dont  la  carrière  est  précisée  par  quel- 
ques notes  marginales  et  autographes  insérées  au  calendrier  du 
livre  d'heures  appartenant  à  la  bibliothèque  publique  de  Vesoul 
(manuscrit  n«  13),  est  représenté  dans  une  miniature  du  fol.  2'22. 
en  robe  rouge  avec  hermine,  agenouillé  aux  pieds  de  saint 
Mammès,  martyr,  patron  du  diocèse  de  Langres,  auquel  Jouard 
appartenait  par  ses  origines.  Au  bas,  les  armoiries  suivantes  : 
d'azur  à  la  face  d'or  et  trois  pommes  de  même,  ne  laissent  aucun 
doute  sur  l'authenticité  du  portrait,  le  seul  que  nous  possédions 
du  président  Jouard.  un  des  magistrats  les  plus  intéressants  de 
la  cour  de  Bourgogne  sous  les  deux  derniers  ducs. 

M.  Gautiiier  présente  ensuite  une  épave  de  la  bibliothèque 
de  Granvelle,  recueillie  à  la  bibliothèque  de  Vesoul.  C'est  un 
volume  imprimé  à  Venise  en  1553,  contenant  les  œuvres  de  Pé- 
trarque, et  couvert  d'une  riche  reliure  mosaïque  à  quatre  cou- 
leurs, richement  gaufrée  et  dorée,  portant  en  exergue  espagnole 
le  nom  de  son  premier  propriétaire  :  ESTE  LIBRO  ES  DE 
MARTIN  DE  GANTE.  Les  deux  premiers  feuillets  ont  été  à  demi 
déchirés  pour  faire  disparaître  la  marque  armoriée  que  le  car- 
dinal de  Granvelle  faisait  apposer  sur  tous  ses  livres.  Les  volu- 


—   XVII   — 

mes  ayant  apparienu  au  célèbre  diplomate  et  bibliophile  sont 
rares.  Je  n'en  connais  d'autre  qu'un  petit  volume  acheté  à  Be- 
sançon par  le  duc  d'Àumale  en  1878,  et  qui  repose  dans  le  ca- 
binet des  livres  de  Chantilly  ;  ce  sont  les  Opère  di  Bierony. 
Benivrani  comprese  nel  présente  volume,  imprimées  à  Venise  en 
153*2  et  revêtues  d'une  élégante  reliure  de  peau  verte  avec  filets 
et  rinceaux  Un  troisième  volume  in-folio,  qu'on  pouvait  voir  il 
y  a  quelques  mois  dans  la  bibliothèque  des  Capucins  de  Besan- 
çon, très  élégamment  relié,  était  une  Etucidatio  in  omnea  Paal- 
mos....  Parisiia  apud  Joanem  Boigny..,  sub  santocol.  ...  si  1540, 
La  signature  A.  Perrenot  epiacopi  atrebatensis  ne  laissait  aucun 
doute  sur  sa  provenance  ;  Vex  Ubria  ad  usum  capucinorum 
conventus  Bisuntini  (xviF  s.)  aucun  doute  sur  l'époque  de  ce 
précieux  volume  sorti  du  palais  Granvelle.  Usera  intéressant  de 
reproduire  en  autographies  ces  trois  reliures  perdues  pour  nos 
collections.  Nicolas  Perrenot,  le  chancelier,  marquait  ses  livres 
d'un  aigle  à  deux  têtes,  en  sa  qualité  de  secrétaire  d'Etat  de 
l'Empereur.  La  bibliothèque  des  Capucins  de  Besançon  possé- 
dait à  cette  marque  un  Catalogua  annorum  atque  principium 
imprimé  vers  1540,  in-4o  orné  de  figures  sur  bois.  A  Vesoul, 
on  peut  feuilleter,  en  outre,  une  Hiatoria  de  gentibua  aepten- 
trionalibua,  Plantin,  1558,  in-12,  vraisemblablement  à  Nurem- 
berg, un  riToXeitatou  in-8»,  imprimé  à  Paris  en  1546  chez  Weckel. 
Ils  portent  tous  deux  la  marque  à  Vaigle  du  chancelier,  elle  se- 
cond est  revêtu  de  Vex  libria  manuscrit  de  Jean  Boudieu  de  Sa- 
lins, contemporain  du  cardinal  Au  British  Muséum,  sous  le 
n«  21,235  des  manuscrits  additionnels,  repose  à  jamais  le  livre 
d'heures  du  chancelier  dont  j'ai  récemment  photographié,décrit 
et  publié  Icssuperbes  miniatures  exécutées  en  Flandre  vers  1534. 
A  côté  de  lui,  divers  manuscrits  volés  naguère  par  un  éruditpeu 
délicat  que  le  nom  a  protégé  contre  la  punition  mais  non  con- 
tre la  divulgation  de  ses  méfaits.  Telles  sont  les  seules  épaves 
que  j'ai  retrouvées  hors  de  Besançon  dans  les  principales  biblio- 
thèques d'Europe  ou  de  Franche-Comté. 

M.  le  secrétaire  donne  lecture  d'une  curieuse  lettre  publiée 
à  Besançon  vers  1730,  qui  décrit  le  cérémonial  fort  piquant  de 
«  réception  et  d'intronisation  du  procureur  des  Etudiants  bizon- 


tins  ».  Cette  pièce  pourra  être  imprimée  dans  l'un  des  pro- 
chains volumes  des  Mémoires. 

La  séance  se  termine  par  la  présentation  d'un  texte  épigra- 
phique  de  1557,  qui  contient  Tacte  de  naissance  de  la  rue  Sainte- 
Anne,  de  Besancon,  qui  tire  son  nom  d'une  chapelle  dont  on 
vient  de  retrouver  et  de  placer  au  square  archéologique  le 
titulus  que  voici  : 

A.  LHONNEUR.  DE.  DIEV.  DE.  LA 
GLORIEVSE.  VIERGE.  MARIE.  SA.  MÈRE 
ET.  DE.  MA.  DAME.  SAINCTE.  ANNE 
HOVNORABLE.  HOMME.  lEHAN. 
BLANCHETESTE.  ET.  REGONDE. 
BELVILLAIN.  SA.  FEMME.  CITOYENS 
DE.  BESANÇON.  FV.  ÉDIFIÉE.  ET. 
FONDÉE    LA.  PNTE.  CHAPPELLE 
AN.  1557.  PRIEZ.  POVR.  EVLX. 

(Dimension  i^  de  larg.  sur  0<»56  de  haut.) 
Ce  Jean  Blancheteste  était  un  notable  chirurgien  de  Tépoque. 
Après  un  vote  en  sa  faveur,  M.  le  Président  proclame  : 

Membre  correspondant  : 
M.  Roger  Roux,  juge  suppléant  à  Yesoul. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francev.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  W  juin  1903. 
Présidence  de  M.  Edmond  Frangey 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Ed.  Francey,  président  ;  Thuriet^  vice-prési- 
dent ;  Gauthier,  secrétaire;  Vaissier,  vice-secrétaire;  Fau- 
quignon,  trésorier  ;  Kirchner,  archiviste. 


—  xtx  — 

Membres  :  MM.  Bernard,  Blondeau,  Cellard^  Guilleminy 
Lambert,  Satfoye,  Vemier, 

Des  remerciements  et  des  excuses  seront  adressés  à  la  Société 
Nenchâteloise  des  Sciences  naturelles,  dont  le  président  avait 
très  gracieusement  convié  la  Société  d'Emulation  à  se  faire  re- 
présenter à  sa  réunion  générale  annuelle,  tenue  aujourd'hui 
même  aux  Brenels. 

M.  l'avocat  général  Thuriet,  donne  lecture  d'une  notice  bio- 
graphique du  sculpteur  Jean  Petit,  né  àBesançon  au  PalaisGran- 
velle,  le  3  février  1819,  mort  à  Paris  le  6  mai  1903  Ce  fils  d'ouvrier 
dut  à  un  travail  persévérant  de  devenir  un  praticien  des  plus  dis- 
tinguéSy  et  s'il  n'atteignit  pas  plus  haut,  comme  d'illustres 
compatriotes  tels  que  Perraud  et  Clésinger,  desbustestrès  res- 
semblants, des  bas-reliefs  pleins  de  mouvement,  enfin  la  fière 
statue  (lu  cardinal  de  Granvelle,  qui  fut  son  œuvre  capitale,  et 
le  dernier  effort  de  son  ciseau,  assurent  à  Jean  Petit  un  souvenir 
des  plus  honorables. 

La  Société  décide  que  le  portrait  de  l'artiste  et  la  statue  de 
Granvelle  illustreront  la  biographie  de  Jean  Petit,  que  M.  Thu- 
riet s'engage  à  développer  un  peu  {)oiir  le  volume  des  Mémoires 
de  1903. 

M.  Gauthier  donne  lecture  d'une  étude  critique  intitulée  :  Du 
degré  de  confiance  que  méritent  les  généalogÎPê  historiques:  Ce 
morceau,  lu  au  nom  de  la  Société  d'Emulation  au  Congrès  de 
l'Association  franc-comtoise  tenu  à  Montbéliard  en  août  1901, 
prendra  place  dans  le  volume  des  Mémoires  de  1902  actuelle- 
ment sous  presse. 

M.  Victor  Guillemin  donne  communication  d'un  compte  rendu 
du  volume  de  poésies  portant  le  titre  de  :  Grayloiseries.  offert 
à  hi  Société  par  un  de  ses  membres,  le  comte  Alfred  Marqui- 
set.  L'humour  et  le  style  de  ce  franc  comtois  distingué  sont  mis 
pleinement  en  lumière  par  le  rapporteur,  et  des  remerciements 
sont  volés  à  l'un  comme  à  l'antre. 

M.  Vaissier  met  sous  les  yeux  de  l'assemblée  les  originaux  et 
les  moulages  de  deux  statères  d'or  de  l'époque  gauloise,  trou* 


vés  en  Franche-Comté,  conservés  au  petit  séminaire  de  Vaux- 
sur- Pollgn  y  et  communiqués  par  un  professeur  de  cet  établis- 
sement, M.  l^abbé  Marant.  Le  droit  des  deux  monnaies,  en 
electrum  ou  or  faible,  porte  plus  ou  moins  défigurée  la  tête 
d*Apollon,  empruntée  aux  monnaies  grecques.  Le  revers  est 
emprunté  aux  mêmes  types,  il  porte,  conduisant  un  char,  un 
guerrier  dont  Tunique  cheval  à  tète  humaine  est  lancé  au  galop 
enjambant  un  autre  guerrier  armé  d'une  lance  et  d'un  bouclier 
étendu  sous  les  roues.  Ces  deux  monnaies,  au  même  type, 
constituent  deux  variantes  intéressantes  ;  l'une  d'elles,  moins 
bien  gravée,  étant  la  contre-épreuve  retournée,  en  négatif,  de 
la  première.  D'après  l'Album  des  monnaies  gauloises  publié 
par  M.  de  La  Tour,  ces  pièces  rares  appartiennent  à  la  peu- 
plade des  Aulerci  Cenomanni,  c'est-à-dire  la  région  dont  Le 
Mans  fut  la  capitale. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francey.  Jules  Gauthier 


Séance  du  iS  juillet  1903, 
Présidence  de  M.  Edmond  Francey. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Francey,  président;  Gauthier,  secrétaire; 
Vaiêsier,  vice-secrétaire  ;  Fauquignon,  trésorier. 

Membres  :  MM.  Bonnet ,  Nardin,  l'abbé  A.  RosUgnot,  //.  .9a- 
voye. 

Après  le  dépouillement  de  la  correspondance,  M.  le  Prési- 
dent se  fait  l'interprète  de  la  Société  pour  adresser  à  M.  Bour- 
(iin,  njédecin-major  au  bataillon  d'artillerie  de  forteresse,  ses 
plus  chaleureuses  félicitations  pour  la  croix  de  la  Légion  d'hon- 
neur qui  lui  a  été  remise  à  la  revue  du  14  juillet.  Il  fait  ressor- 
tir, avec  beaucoup  d'à  propos,  que  non  seulement  M.  le  docteur 
Bourdin  est  un    praticien  fort  distingué  dont  on  vient  de  ré- 


-    XXI  — 

compenser  les  mérites,  mais  de  plus  un  érudit  et  un  chercheur 
qui  fait  honneur  à  la  Franche-Comté  et  à  la  Société  d'Emula- 
tion du  Doubs. 

Sur  la  proposition  de  M.  le  Président,  la  Société  adresse  à 
M.  le  docteur  J.  Bruchon,  qui  sort  d'une  longue  maladie,  Tex- 
pression  très  vive  de  la  sympathie  et  de  la  haute  estime  d'une 
Compagnie  dont  il  fut  le  président  et  dont  il  reste  uti  des 
membres  les  plus  dévoués. 

Communication  est  donnée  d'une  lettre  de  M.  le  Président  de 
la  Société  d'Emulation  du  Jura,  annonçant  la  réunion  du  Con- 
grès de  l'Association  franc-comtoise  à  Lons-le-Saunier  le  5  août 
prochain,  et  y  convoquant  tous  les  membres  de  la  Société  d'E- 
mulation du  Doubs.  11  est  décidé  qu'on  donnera  à  cette  convo- 
cation une  large  publicité,  et  dès  à  présent  plusieurs  adhésions 
ou  promesses  de  lectures  sont  recueillies  et  envoyées  à  Lons- 
le-Saunier. 

Remerciements  et  excuses  sont  adressés  a  la  Société  d'his- 
toire et  d'archéologie  de  Neuchàtel.  dont  la  réunion  annuelle, 
à  laquelle  la  Société  d  Emulation  était  conviée,  se  tient  aujour- 
d'hui môme  à  Landeron. 

M.  Almand,  chef  de  bataillon  du  génie,  actuellement  en  con- 
gé à  Baume,  son  pays  natal,  envoie  un  intéressant  travail  sur 
L'Egypte^  à  la  Société  dont  il  est  dès  longtemps  le  corres- 
pondant Adèle  ;  ce  morceau,  d'un  grand  intérêt  d'actualité,  est 
retenu  pour  la  séance  publique  de  décembre.  Il  en  sera  donné 
lecture  par  un  suppléant  si  M.  le  commandant  Almand  ne  peut 
se  déplacer  lui-même  à  celte  date. 

M.  le  Secrétaire  communique  une  série  de  renseignements 
sur  un  érudit  de  réelle  valeur,  Charles  Duvernoyy  né  à  Montbé- 
liard  le  l®''  novembre  1774,  mort  à  Besançon  le  19  novembre 
1850.  Ancien  juge  de  paix,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Montbé- 
liard  de  1818  à  ia38,  il  fut  employé,  de  1826  à  son  départ  de 
Montbéliard,  au  triage  et  au  classement  des  archives  princières 
qui  dormaient  depuis  l'annexion  de  1793  dans  le  château  de  la 
maison  de  Wurtemberg.  Mais  au  contact  de  ces  trésors  histo- 


L 


—    XXII  — 

riques  ses  goûts  de  collectionneur  s'éveillèrent  et  sa  conscience 
ne  sut  pas  résistera  des  tentations  que  l'absence  de  toute  sur- 
veillance administrative  laissa  transformer  en  actes  de  dilapi- 
dation. A  côté  des  collections  partagées,  par  ordre  du  Minisire 
des  finances,  entre  les  départements  du  Doubs  et  de  la  Haute- 
Saône  d'une  part,  les  Archives  nationales  de  l'autre,  Duvernoy, 
d'une  main  légère,  fit  un  quatrième  lut,  et  l'on  trouve  à  Stult- 
gard,  h  Neuchàtel,  à  Moiiti>éliard,  à  la  Bililiothè(iuu  dt*  !Usi<ii- 
<;on  et  dans  mainlus  collections  [)rivées  des  épaves  de  si's  lar 
cins.  Comme  autrefois  l'abbé  Guillaume,  comme  dans  le  dernier 
siècle  les  Libri,  ri  les  Chavin  de  Malans,  Duvernoy  a  été  néfaste 
dans  son  passage  aux  Arr.hivesde  Montbéliard,  dans  ses  visites 
aux  Archives  du  Doubs  ;  malgré  ses  qualités  d*érudit,  après 
de  pareils  actes,  qui  laissent  peser  des  doutes  sur  la  loyauté 
de  ses  écrits  historicpies,  son  nom  perd  Tauréole  indispensable 
pour  donner  à  sa  mémoire  l'estime  qu'elle  eût  pu  mériter. 
M.  Nardin  confirme  par  des  exemples  probants,  tirés  de  ses 
recherches  et  observations  personnelles,  l'opinion  émise  sur 
Duvernoy,  et  cite  des  correspondances  échangées  entre  ce 
dernier  et  son  compatriote  Fallet,  qui  très  innocemment  s'em- 
ploya à  Paris  à  écouler  des  autographes  ou  des  documents  dé- 
robés à  Montbéliard. 

M.  Gauthier  met  sous  les  yeux  de  ses  confrères  un  objet  qui 
se  rattache  à  l'histoire  franc-comtoise  et  aux  luttes  politiques 
qu'inaugura  à  Besançon  la  nomination  du  Parlement  Maupeou. 
Avocats,  magistrats  évincés,  clercs  de  procureurs  se  liguèrent 
de  1771  à  1774  pjur  chansonner  les  parlementaires  qui  sié- 
geaient à  Besançon.  L'un  de  ceux  que  Ton  ménagea  le  moins 
fut  le  procureur  général  Claude-Hippolyte  Doroz  esprit  mé- 
diocre auquel  on  prêta  desâneries  légendaires.  Or  un  sculpteur 
très  habile,  certainement  comtois,  inspiré  par  quelqu'un  de  ces 
railleurs  du  pouvoir  qui  avaient  berné  les  conseillers  nommés 
par  Maupeou,  traduisit  d'un  burin  spirituel  sur  les  deux  plats 
d'une  râpe  à  tabac  taillée  dans  le  buis  l'un  des  couplets  consa- 
i:rés  à  Doroz.  On  y  voit,  d'un  côté,  un  moulin  à  vent  avec  celte 
ilevise  topique  :  Quo  flavit  beneest  (pourvu  qu'il  vienne  du  vent 
m  moulin),  méchanceté  qui   englobe  à  la  fois  tout   le  Parle- 


—  XXIII  — 

ment  complaisant,  de  l'autre^un  magistrat  en  costume  de  palais 
embrassant  un  âne,  avec  cette  légende  :  Similis  simili  gaudel^ 
qui  n'est  qu'une  paraphrase  résumée  des  vers  suivants  : 

L'âne  voyant  Doroz  ne  se  sentit  pas  d'aise 

Le  prend  au  col,  le  baise 

Et  lui  gratte  le  dos, 

Doioz  dit  ;  Cette  béte  est  un  peu  familière  ! 

Kxciisez-moi,  dit  l'animal, 

Je  lie  croyais  point  Taire  iikiI 

Ku  eiubrnssant  mon  frère. 

Olte  rapo  à  \n\nic  de  1771  est  un  véritabU*  docuniunt  histo- 
rique, mais  dans  ce  petit  bijou,  exécuté  avec  entrain  et  finesse, 
le  côté  artistique  dépasse  de  beaucoup  Tinlérêt  d'une  anecdote 
dès  longtemps  oubliée. 

Procédant  à  ses  élections  la  Société  nomme  : 

Membres  réaidants  : 

M.  RocARDET,  Jean,  Directeur  des  contributions  directes  à 
Besançon,  présenté  par  MM.  Francey  et  Gauthier. 

M.  Gazier,  Georges,  Conservateur  de  la  Bibliothèque  publi- 
que de  Besançon,  présenté  par  MM.  Gauthier  et  Yaissier. 

Le  Présidenty  Le  Secrétaire, 

Ed    Francey.  Jules  Gauthier. 


.  Séance  du  94  octobre  1903, 
Présidence  de  M.  Thuriet,  Vice-Président. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Thuriet^  président  ;  Gauthier,  secrétaire  ; 
Vaissier,  vice-secrétaire  ;  KirchneTy  archiviste. 

Membres  .  MM.  Berdellé,  Cellardy  Guitlemin,  docteur  Ledoux^ 
Tabbé  Bossignot,  Rouget,  H,  Savoye, 


—  XXÎV     - 

En  l'ahsence  de  M.  Francey,  M.  Thuriet,  vice-président,  oc- 
cupe le  fauteuil  de  la  présidence.  Il  annonce  à  la  Société  les 
décès  de  M.  Henri  Bruchon,  docteur  en  médecine,  el  de  M.  Cos- 
son,  ancien  trésorier  général,  membres  résidants.  Il  se  fait 
l'interprète  ému  des  regrets  que  ces  rports  causent  à  la  So- 
ciété et  leur  expression  en  sera  transmise  aux  familles  de  ces 
anciens  confrères. 

M.  le  Secrétaire  rend  compte  du  quatrième  Congrès  de  TAs- 
sociation  comtoise,  tenu  à  Lons-le-Saunier  le  5  août,  avec  un 
éclat  exceptionnel  et  un  progrès  évident  sur  les  précédents 
Congrès.  GrAce  au  dévoué  concours  de  la  Société  d'Emulation 
du  Jura,  de  son  distingué  président,  M.  Mias,  de  M.  Abel  Gi- 
rardot,  conservateur  des  musées,  de  M.  l'abbé  Perrod,  de 
M.  Libois,  archiviste  départemental,  l'organisation  ne  laissait 
rien  à  désirer.  M.  le  docteur  Chapuis,  maire  de  Lons-le-Sau- 
nier, avait  mis  l'Hôtel  de  Ville  à  la  disposition  des  congressistes 
et  siégeait  à  la  place  d'honneur  à  côté  de  M.  Philippe  Berger, 
de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de  France,  dont  l'amabilité, 
le  tact  parfait,  la  parole  vive  et  élégante  ont  fait  le  succès  de 
la  réunion. 

La  section  d'histoire,  présidée  par  M.  Berger,  celle  des 
sciences  par  M.  l'ingénieur  en  chef  Barrand,  celle  d'archéolo- 
gie par  M.  l'abbé  Paul  Brune,  curé  de  Mont-sous-Vaudrey,  ont 
entendu  communication  de  nombreuses  lectures  apportées  par 
des  membres  de  toutes  nos  Sociétés  savantes.  Le  banquet, 
préparé  à  l'hôtel  de  Genève,  a  réuni  80  convives,  et  a  été  l'oc- 
casion de  plusieurs  toasts  prononcés  avec  autant  d'à  propos 
que  d'aimable  abandon  par  MM.  Berger,  Chapuis,  Mias,  Gau- 
thier. On  a  bu  à  l'union  toujours  plus  absolue  et  plus  profitable 
de  tous  les  bons  vouloirs  comtois,  mis  au  service  de  la  petite  et 
de  la  grande  patrie.  Au  sortir  du  banquet,  séance  publique,  puis 
inauguration  d'une  plaque  commémorative  de  la  naissance  de 
Philibert  de  Chalon,  vice-roi  de  Naples,  sur  la  façade  de  l'Hôtel 
I  le  Ville,  emplacement  de  l'ancien  château  des  Chalon  ;  discours 
de  M.  Berger,  de  M.  Uly.sse  Robert,  promoteur  du  monument, 
rie  M.  Mias,  de  M.  le  Maire  de  Lons-le-Saunier. 

Avant  de  se  séparer,    l'Association  franc-comtoise  a  choisi 


—   XXV  — 

Besancon  comme  le  lieu  du  Congrès  de  1904,  élu  M  Tavo- 
cat  général  Thuriet  président  du  Congrès,  et  M.  Gazier,  con- 
servateur de  la  Bibliothèque  de  Besancon,  secrétaire  général. 

M  «  l'abbé  Auguste  Rossignot  lit  ime  très  intéressante  biogra- 
phie de  Vorientaliate  Guillaume  Pauthier,  originaire  de  Mami- 
rolle  (1801-1873).  Cette  étude,  faite  avec  infiniment  de  précision 
et  d'esprit,  est  retenue  pour  être  lue  dans  la  séance  publique 
de  décembre.  M.  Tabbé  Rossignot  est  prié  de  rechercher  un 
portrait  de  Faut  hier,  qui  prendrait  place  avec  à-propos  à  côté 
du  charmant  portrait  littéraire  dû  aux  recherches  et  à  la  plume 
de  notre  distingué  confrère. 

Sont  proposés  pour  faire  partie  de  la  Société,  et  admis 
comme  : 

Membres  correspondants  : 

M.  Prosper  Quenot,  instituteur  à  Orchamps-les-Dole  (Jura), 
présenté  par  MM.  Vaissier  et  Sire  ; 

M.  le  comte  Lionel  De  Moustieb,  au  château  de  Bournel,  et 
à  Paris,  rue  de  TAlma,  17,  présenté  par  MM.  le  marquis  de 
Moustier  et  le  duc  de  Marmier. 

M.  Marcel  Perronne,  ancien  conseiller  de  Préfecture  à  Dijon, 
présenté  par  MM.  Thuriet  et  J.  Gauthier. 

Le  Président,  Le  Secrétaire^ 

M.  Thuriet.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  24  novembre  i903. 
Présidence  de  M.  Nargaud,  Vice-Président. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  le  docteur  Nargaud,  premier  vice-président  ; 
Thuriet,  deuxième  vice- président;  Gauthier,  secrétaire;  Fau* 
qùignoriy  trésorier;  Kirehner,  archiviste. 


—  XXVI    — 

Membres  :  MM.  Baudin^  Dodiven^  Bontiet,  Ganer,  Nardin. 
Parizot,  Rocardet,  l'abbé  Rossignol,  Scuwye^  Souchon. 

Après  le  dépouillement  de  la  correspondance  l'assemblée 
décide  Tinsertion  d'un  supplément  de  la  Flora  Sequaniœ  exsic- 
cala  de  M.  Vendrely. 

M.  le  secrétaire  lit  une  notice  biographique  sur  M,  Ulysse  Ro- 
herl,  membre  honoraire  de  la  Société,  décédé  subitement  à  Paiis 
le  5  novembre,  et  fait  ressortir  les  titres  du  défunt  à  la  recon- 
naissance des  érudits  et  au  bon  souvenir  de  ses  compatriotes. 

La  Société  fixe  au  jeudi  17  décembre  la  date  de  la  séance  pu- 
blique annuelle,  et  charge  son  bureau  des  instructions  et  des 
démarches  nécessaires  ;  elle  décide  qu'aux  trois  lectures  déjà 
retenues  :  discours  présidentiel,  biographie  de  l'orientaliste 
Pauthier,  par  M.  l'abbé  A.  Rossignot  ;  voyage  en  Egypte,  par 
M.  le  commandant  du  génie  Almand,  on  joindra  une  communi- 
cation sur  la  photographie  des  couleurs  (avec  projections),  qui 
sera  demandée  à  M.  Maldiney.  MM.  Fauquignon  et  H.  Savoye 
sont  priés  de  s'entendre  avec  M.  Colomat  pour  le  diner  intime 
du  jeudi  soir  à  7  heures,  auquel  sera  invité  M.  le  docteur  Du- 
four,  de  Lausanne,  membre  honoraire. 

M.  le  secrétaire  communique  un  travail  qui  ne  paraîtra  pas 
dans  les  Mémoires^  ayant  pour  objet  :  Les  Anciens  pouillès  et  la 
géographie  historique  de  l'ancien  diocèse  de  Besançon,  A  côté 
des  pouillès  déjà  connus,  le  plus  récent,  celui  du  P.  André  de 
Saint-JNicolas  (ou  pouillé  des  Carmes),  composé  de  17(X)  à  1714, 
le  plus  ancien  du  xiv«  siècle,  conservé  par  un  collecteur  de  la 
dîme  apostolique,  et,  s'interposant  entre  eux  deux,  les  pouillès 
connus  sous  le  nom  de  Luxeuil,  de  Saint-Vincent,  de  Montbe- 
noit.  d'après  d'anciennes  copies  déposées  dans  ces  monastères, 
il  existe  certains  fragments  très  précieux,  transcrits  du  \i^  ait 
xiv«  siècle  sur  les  marges,  ou  feuillets  de  gardes,  des  leclion- 
iiaires  pontificaux,  livres  liturgiques  divers.  Une  transcription 
de  ces  fragments  a  été  faite  au  Klii'  siècle  dans  les  manuscrits 
711  et  712  de  la  Bibliothèque  de  Besançon  sans  aucune  mé- 
thode; on  n'y  a  attaché  jusqu'ici  aucune  importance,  et  ils  en 


-—  XXVII   — 

ont  beaucoup.  Qu'on  en  juge.  Le  diocèse  de  Besancon  a  calqué 
ses  divisions  ecclésiastiques  ou  décanats  sur  des  divisions  ci- 
viles remontant  à  Tépoque  romaine,  et  perpétuées  à  Tépoque 
barbare  dans  les  divisions  des  pagrt  ou  comtés  mérovingiens 
puis  carolingiens.  Or,  un  fait  inconnu  jusqu'ici,  c'est  que  les 
chefs-lieux  de  ces  ministet^ia  romains,  restés  ministeria  ecclé- 
siastiques (c'est-à-dire  archidiaconnés  ou  décanats),  se  sont  dé- 
placés aux  xp-xii»  siècles,  voire  même  peut-être  au  xiii"^.  — 
Kxemple  :  le  ministeriutn  Faverniacense  ou  archidiuconiié  dr 
Faverney  avait  pour  siège  primitif  la  ville  romaine  dé  Corra, 
Corre,  ministerium  corrense;  le  ministerium  luxoviense  avait 
pour  chef-lieu  primitif  la  ville  romaine  de  Portus,  Port-sur- 
Saône  ministerium  porteuse  ;  le  ministerium  Rubeimontis,  ou 
archidiaconné  de  Hougemont,  avait  pour  siège  le  ministerium 
Longœ  Villœ,  c'est-à-dire  la  station  romaine  de  Longevelle-sur- 
le-Doubs,  que  certains  textes  appellent  aussi  décanat  de  Blus- 
sans,  du  village  qui  fait  face  à  Longevelle,  sur  la  rive  gauche  du 
Doubs.  Autre  chose  que  nous  apprennent  nos  fragments  de 
pouillés  très  anciens  et  très  inconnus,  c'est  que  l'archidiaconné 
de  Traves,  de  Treva^  s'appelait  aussi  au  xiP  siècle  :  ministerium 
Constantini.  Qu'on  rapproche  ces  deux  mots  et  on  aura  le  type 
probable  :  de  Treva  Constantini,  nom  que  devait  porter  ce  châ- 
teau féodal  d'une  haute  antiquité,  jalon  possible  d'une  délimi- 
tation territoriale  établie  par  Constantin,  après  ses  victoires  et 
ses  trêves  avec  les  Alaynanni. 

f.a  publication  prochaine  des  pouillés  du  diocèse  de  Besançon 
marquera  une  étape  et  un  progrès  dans  la  géographie  historique 
du  diocèse  de  Besancon  et  de  l'ancienne  Séquanie. 

M.  Gauthier  lit  une  étude  archéologique  et  historique  de 
VEglise  Saint'Maurice  de  Besançon,  reconstruite  de  1550  à  1555 
aux  frais  de  Nicole  Bonvalot,  femme  du  chancelier  Nicolas  Per- 
renot  de  Granvelle,  et  de  M.  et  Mme  Lulier  de  Baucourt,  par  le 
maître  architecte  Richard  Maire.  Il  produit  un  plan  détaillé  de 
l'édifice  copié  aux  Archives  nationales  de  Paris  dans  un  recueil 
compilé  par  la  congrégation  de  l'Oratoire  en  1686,  et  donne  un 
grand  nombre  de  détails  sur  la  reconstruction  de  l'église  ac- 
tuelle, effectuée  de  1706  à  1719  par  l'architecte  entrepreneur 


—  xxvni  — 

Jacques  Tripard.  Nombre  d'artistes  ont  collaboré  au  décor  des 
deux  édifices  successifs  ;  ce  furent,  au  xvi«  siècle,  les  sculpteui*s 
Jean  et  Raymond  Julyot, les  peintres  verriers  Rately  et  Triboulel. 
au  XYinp,  le  sculpteur  Chambert.le  peintre  Adrien  Richard  et  bien 
d'autres  encore  La  monographie  de  Saint-Maurice  de  Besançon 
■gagnera  de  nombreux  détails  à  ces  nouvelles  recherches,  iirées 
de  deux  dépôts  :  les  Archives  nationales  et  les  Archives  du 
Doubs. 

Sont  proposés  et  admis  au  titre  de  : 

Membres  oorrespondants  : 

M.  René  Bouton,  juge  suppléant  au  tribunal  civil  de  Baume- 
les-Dames,  présenté  par  MM.  l'abbé  Paul  Druot  et  Vaissier  ; 

M  Victor  Maire,  capitaine  au  22e  régiment  colonial,  sur  la 
présentation  de  MM.  A.  Vaissier  et  J.  Gauthier. 

Le  Préiident,  Le  Secrétaire, 

D*"  Naroaud.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  iô  décembre  1903, 
Présidence  de  M.  Edmond  Francey 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Francey ^  président  ;  !)••  Nargaud  premier  vice- 
président  ',  Thuriety  deuxième  vice  président;  /.  Gaut/iier,  se- 
crétaire ;  A.  Vaissier,  vice-secrétaire  ;  Fauquignon,  trésorier  ; 
Kirchner,  archiviste 

Membres  :  Berdellé,  docteur  Bourdin,  Cellard,  Tabbé  Paul 
Dritot,  Gazier,  docteur  A.  Girardot,  capitaine  Maire,  Henry 
Michel,  le  chanoine  Rossignot,  l'abbé  A.  Rossignol,  De  Truchis, 
docteur  G.  Vaissier ,  Barbey,  correspotidaini» 


—  XXIX   — 

tes  principales  autorités  de  la  ville  convoquées  à  la  çéance 
publique  ont  adressé  ô  M  le  président  leurs  remerciements  ou 
leurs  excuses  ;  M.  le  jjénéral  Corbin,  gouverneur,  assistera  à  la 
séance  publique.  MM.  le  Général  en  chef,  TArchevêque,  le 
Préfet  s'y  feront  représenter  par  des  délégués. 

En  reniplacement  de  MM.  Jean  Petit  et  Ulysse  Robert,  mem- 
bres honoraires  décédés,  l'assemblée  élit,  sur  la  proposition  du 
bureau  et  par  acclamation,  MM.  Just  Becquet,  sculpteur,  et 
Ernest  Courbet,  trésorier  de  la  ville  de  Paris,  que  leurs  tra- 
vaux, l'estime  et  la  sympathie  générale  dont  ils  jouissent  re- 
commandaient en  première  ligne  aux  suffrages  de  leurs  conci- 
toyens et  confrères 

M.  l'abbé  Paul  Druot,  curé  de  Voillans,  lit  une  étude  accom- 
pagnée de  plans,  croquis  et  photographies  sur  le  tracé  et  la 
construction  de  la  Voie  romaine  du  Rhin  (de  Besançon  à  Man- 
deure)  à  travers  les  cantonade  Baume  et  de  Clerval,  de  Luxiol 
à  Rang-lez-l'Isle.  Ce  travail  intéressant,  composé  à  vue  du  sol 
et  après  divers  creusages  qui  ont  donné  le  profil  et  la  configu- 
ration exacte  de  cette  importante  voie  antique,  est  retenu  pour 
les  Mémoires, 

M.  le  docteur  Albert  Girardot  consacre  à  la  mémoire  de 
M.  Alexandre  Vézian,  ancien  Doyen  de  la  Faculté  des  Sciences 
de  Besancon,  ancien  Président  de  la  Société  d'Emulation  du 
Doubs,  une  notice  biographique  résumant  tous  les  titres  du  dé- 
funt au  souvenir  reconnaissant  des  Comtois  (1825-1903). 

M.  Gauthier  expose  à  grands  traits  l'histoire  du  bourg  de 
Marnay  i Haute-Saône),  tète  de  pont  sur  la  limite  du  départe- 
ment du  Doubs,  où  durant  tout  le  Moyen-Age  et  jusqu'à  nos 
jours  se  sont  accomplis  nombre  de  faits  de  guerre.  En  1240, 
Marnay  appartenait  au  chef  de  la  maison  Je  Chalon,  le  comte 
Etienne,  qui  l'avait  remis  en  apanage  à  sa  fille  Béatrix,  mariée 
à  Simon  de  Joinville,  père  du  futur  historien  de  Saint  Louis,  et 
qui  vint  y  mourir  en  1241.  La  maison  de  Joinville  y  vécut  de 
1241  à  1350  et  prit  part  à  tous  les  événements  politiques  de  la 
région  ;  en  1354  la  maison  de  Chalon  y  était  rentrée  et  doima 
au  bourg  de  Marnay  ses  premières  franchises. 


La  Société  discute  et  vote  le  budget  de  1904  présenté  pai 
M.  le  trésorier  Fauquignon. 


Projet  de  badget  pour  Tannée  1904. 
Recettes. 

i.  Subvention  du  département  du  Doubs     . 

2.  —         de  la  ville  de  Besançon.     .     . 

3.  Cotisations  des  membres  résidants. 

4.  —  —  correspondants 

5.  Droits  de  diplômes,  recettes  accidentelles 

6.  Intérêts  du  capital  en  caisse  et  rentes     . 

Total.     . 


300  fr. 
400 
1.250 
500 
150 

eoo 

3.200  fr. 


DÉPENSES. 

1 .  Impressions 2.500  fr 

2.  Frais  de  bureau,  chauffage,  éclairage  et  aménage- 

ments      150 

3.  Frais  de  séanco  publique 100 

4.  Traitement  et  indemnité  pour  recouvrements  ù 

l'agent  de  la  Société 200 

5.  Crédit  pour  recherches  scientifiques 250 

Total 3,200  fr. 

Les  chitTres  du  budget  sont  adoptés  à  l'unanimité. 

M.  le  Président  propose  à  la  Société  de  faire  tirer  et  de  dis- 
tribuer à  tous  les  membres  résidants  le  plan  de  Besancon  de 
1618,  dessiné  par  Jean  Maublanc,  gravé  par  le  Dijonnais  Nico- 
las Spirain,  dont  le  cuivre  original  est  conservé  au  Musée  ar- 
chéologique ;  la  dépense  sera  minime,  10  à  15  centimes  par 
exemplaire  environ.  Adopté. 

M.  Henri  Michel,  à  l'oocasion  d'un  Menu  par  lui  dessiné  pour 
le  Congrès  des  vins,  tenu  récemment  au  Palais  Granvelle  par 
la  Société  d'Agriculture  du  Doubs,  fait  une  communication  sur 
les  vieilles  constructions  de  l'Hôpital  du  Saint-Esprit  de  Besan- 


—  xxxt  — 

gon  et  donne  d'ingénieuses  explications  des  motifs  de  décora- 
tion du  pilier  en  forme  de  bâton  noueux  qui  soutient  la  galerie 
de  bois  d'une  cour  intérieure.  On  le  prie  de  réserver  pour  les 
Mémoires  une  note  et  un  dessin  résumant  son  intéressante 
communication. 

Procédant  à  l'élection  du  Bureau  pour  l'année  1904,  la' So- 
ciété nomme  : 

Président  annuel  :  M.  Maurice  Thuriet,  avocat  général, 
deuxième  vice-président . 

Premier  vice-président  :  M.  Edmond  Francey,  a^ocat,  pré 
sident  en  exercice. 

Deuxième  vice-président  :  M.  Parizot,  inspecteur  honoraire 
des  Enfants  assistés. 

Vice-secrétaire  :  M.  Alfred  Vaissier,  conservateur  du  Musée 
archéologique. 

Trésorier  :  M.  Fauquignon,  receveur  honoraire  des  Postes 
et  Télégraphes. 

Archivistes:  MM.  Kirchner  et  Maldinev. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francev.  Jules  Gauthier 


Séance  publique  du  i9  décembre  i903. 
Présidence  de  M.  Ed.  Francev. 


Sont  préeents  : 

Bureau  :  M.  Francey,  ayant  à  sa  droite  M.  le  général  Ck)B- 
BiN,  gouverneur  ;  à  sa  gauche  M.  Thuriet,  deuxième  vice-pjré- 
sident,  M.  le  lieutenant  d'état-major  Bouic,  représentant  M.  le 
général  Decker,  M.  Jaloustre,  chef  de  cabinet,  délégué  par 
M.  le  Préfet  du  Doubs  ;  MM.  Gauthier,  secrétaire  ;  M.  Vaissibr, 
vice-secrétaire  ;  M.  l'abbé  Hossignot,  M.  le  capitaine  Victor 
Maire,  M.  Maldinev,  archiviste  de  la  Société. 


—  XXXII   — 

Dans  la  salle,  remplie  par  une  assistance  nombreuse  de 
dames  en  élégantes  toilettes  et  d'invités,  MM.  Barbey,  Ber- 
DELLÉ  Bernard,  Bonnet,  l'abbé  Paul  Druot,  Gazier.  docteur 
Ledoux,  Dodivers,  Parizot,  le  chanoine  Rossignot,  Simonin, 
docteur  G.  Vaissier,  Cellard  et  plusieurs  autres  membres  de 
la  Société 

La  séance,  ouverte  à  deux  heures  est  close  après  lecture  des 
morceaux  suivants  : 

La  Société  (V Emulation  du  Doubs  en  i90f^^  par  M.  le  Président 
Ed.  Francey. 

L'Orientaliste  Guillaume  Pauthier,  de  Mamirolle  (f801-!8T3), 
par  M.  Tabbé  Auguste  Rossignot. 

Voyage  en  Egypte,  par  M.  le  commandant  du  génie,  M.  V. 
Almand  (lecture  faite  par  M.  Victor  Maire). 

La  photographie  des  couleurs,  état  présent  de  la  qurstion,  par 
M.  Maldinev  (avec  projections  par  M.  J.  Dodivers). 

Le  Président j  Le  Secrétaire, 

Ed.  Francky.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  i6  Janvier  i90i. 
Prêsidknce  de  mm.  Maurice  Thuriet  et  Ed.  Francey. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Francey,  président  sortant;  Thuriet^  prési- 
dent nouveau;  Parizot,  vice-président;  Gauthier,  secrétaire; 
Vaissier,  vice  secrétaire  ;  Fauquignon,  trésorier;  Kirchner  et 
Maldiney,  archivistes. 

Membres  :  M.Vf  Gaston  de  Beauséjour,  Blondeau,  Bonnet, 
Boname,  Cellard,  Dodivers,  Gazier,  /)••  Girardot,  V.  Maire, 
MauvUlier,  Montenoise,  Nardin,  Rouget,  chanoine  Rossignol, 
l'abbé  A.  Rossignot.  Simonin,  de  Truchis,  Vernier. 


—  XXXIIt  — ^ 

M.  le  président  Francey  ouvre  la  séance  et  remet  le  fauteuil 
à  M.  Maurice  Thuriet,  nouveau  président.  Celui-ci  remercie  la 
Société  d'Emulation  de  lui  confier  la  direction  de  ses  travaux, 
félicite  M.  Gauthier  de  son  élection  de  correspondant  de  l'Insti- 
tut et  M.  Fauquignon  de  sa  nomination  d'officier  de  l'Instruction 
publique. 

M.  lecomtedeTruchis  présente, accompagnée  de  nombreuses 
photographies  et  des  plans  soigneusement  exécutés,  la  restitu- 
tion du  Château  de  Cicon,  dont  les  ruines  couvertes  de  sapins 
dominent  le  second  plateau  des  montagnes  du  Doubs.  Cette 
étude,  très  consciencieuse,  est  retenue  pour  les  Mémoires. 

M.  le  secrétaire  interprète  divers  documents  inédits  relatifs 
au  Château  de  Belvoir  qui  fut,  de  1636  à  1641,  le  séjour  très  fré- 
quent et  très  prolongé  du  duc  Charles  de  Lorraine  et  de  Béatrix 
de  Cuisance,  en  qui  s'éteignirent  les  deux  races  illustres  de 
Cuisance  et  de  Vergy.  Ces  documents  donnent  la  physionomie 
exacte  du  mobilier  d'un  château  qui,  sans  être  une  forteresse 
redoutable,  reste  cependant  un  des  rares  manoirs  de  nos  mon- 
tagnes qui  furent  indemnes  des  invasions  franco-suédoises. 

Le  bureau  de  la  Compagnie  communique  à  la  Société  le  règle- 
ment en  douze  articles  qu'il  a  élaboré  pour  la  pension  des  frères 
Grenier  dont  la  constitution  a  été  homologuée  par  l'autorité  pré- 
fectorale en  1902,  six  mois  après  le  décès  de  son  fondateur, 
M.  Edouard  Grenier.  Ce  règlement,  après  lecture,  est  homologué 
parla  Société;  en  voici  le  texte. 

Règlement  de  la  pension  des  frères  Grenier 

Article  premier.  —  Il  est  institué  sous  le  titre  de  Fondation 
des  frères  Grenier  une  pension  triennale  qui  sera  donnée  au 
concours  au  jeune  franc-comtois  né  dans  un  des  trois  départe- 
ments du  Doubs,  de  la  Ilaute-Saône  ou  du  Jura  qui  donnera  le 
plus  d'espérance  sérieuse  dans  la  carrière  des  sciences,  des 
lettres  ou  des  arts. 

Art.  2.  —  Pour  être  admis  à  concourir,  les  candidats  devront 


—  XXXIV    - 

avoir  18  ans  au  moins/23  ans  au  plus,  au  l»'  janvier  de  Tannée 
du  concours,  et  jouir  d'une  médiocre  rorttine. 

Art.  3.  —  Le  concours  sera  annoncé  trois  mois  d'avance  par 
des  insertions  répétées  dans  les  journaux  de  la  province. 

Art  4.  —  Le  chiffre  de  la  pension,  qui  sera  payée  par  tri- 
mestre au  candidat  choisi,  sera  de  1,800  fr.  par  an.  Si  par  une 
conversion  ou  autre  événement  similaire.  le  chiffre  de  la  rente 
était  réduit,  la  pension  sera  suspendue  jusqu*î'i  reconstitution 
du  capital. 

Art.  5.  Les  candidats  fourniront  comme  pièces  justifica- 
tives de  leur  demande  leur  extrait  de  naissance  sur  timbre,  leur 
diplôme  de  bachelier  ès-sciences  ou  es- lettres  ou  des  certificats 
équivalents,  soit  sur  le  terrain  pédagogique,  soit  sur  le  terrain 
artistique  :  certificats  de  professeur  de  dessin,  peinture  ou  sculp- 
ture chez  qui  ils  auront  étudié.  En  outre  ils  produiront  l'extrait 
d'impositions  directes  de  leur  père  et  môre. 

Abt.  6.  —  En  dehors  de  ces  certificats,  le  Jury  d'examen  aura 
le  droit  de  faire  comparaître  devant  lui  les  candidats  pour  les 
interroger. 

Art.  7.  —  Le  Jury  une  fois  constitué  par  le  bureau  de  la  So- 
ciété d'Emulation  du  Doubs:  président,  vice-président,  secré- 
taire, vice-secrétaire,  trésorier,  archivistes  et  le  représentant  de 
la  famille  Grenier,  accrédité  par  le  testament  et,  à  son  défaut, 
choisi  parmi  les  parents  les  plus  proches  de  la  ligne  paternelle. 

Art.  8.  —  Les  membres  du  jury  prendront  individuellement 
l'engagement  d'honneur  de  ne  se  décider  dans  leur  choix  que 
sur  les  mérites  des  candidats  et  sur  les  dossiers  qu'ils  présentent. 

Art.  9.  La  décision  sera  pri.se  aux  deux  tiers  des  votants  et 
l'épreuve  durera  jusqu'à  ce  que  le  quantième  soit  obtenu. 

Art.  10.  -  Le  Conseil  d'administration  de  la  Société  trans- 
formé en  jury,  avec  l'adjonction  des  représentants  de  la  famille 
Grenier,  aura  droit  de  surveillance  et  d'exclusion  sur  le  pen- 
sionnaire Grenier  qui  se  rendrait  indigne  par  sa  conduite,  parsa 
paresse  ou  ses  manquements  professionnels  des  bienfaits  de  la 
fondation. 

Art.  m.  —  En  cas  de  dissolution  de  la  Société,  la  pension 
des  frères  Grenier  subsistera  telle  qu'elle  est  constituée,  mais 
remise  des  titres  alTeclés  à  sa   dotation  sera  faite  aux  parents 


—  xxxv  — 

ou  groupe  de  parents  les  plus  rapprochés  de  la  ligne  paternelle 
des  héritiers  Grenier  qui  pourvoiront  à  sa  continuation. 

Art.  12  —  Il  est  entendu  que  le  Conseil  d'administration 
tiendra  la  Société  au  courant  du  choix,  des  travaux  et  des  succès 
du  titulaire  de  la  pension  Grenier. 

Ce  règlement  est  ratifié  par  l'unanimité  de  la  Société. 

M.  le  président  fait  distribuer  aux  nombreux  assistants  les 
exemplaires  du  plan  de  Besançon  en  1618,  tirés  à  leur  intention. 

Sont  proposés  et  proclamés  élus,  après  un  vote  en  leur  faveur, 
comme: 

Membre  résidant  : 

M.  PiDANCET.  avocat,  présenté  par  MM.  Francey  et  Nargaud. 

Membre  correspondant  : 

M.  Lucien  Febvre,  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure,  pen- 
sionnaire de  la  fondation  Thiers,  à  Paris,  présenté  par  MM.  Ver- 
nier  et  Gauthier. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

M.  Thuriet.  Jules  Gauthier. 


Séance  du  10  février  Î90^i, 
Présidence  de  M.  Maurice  Thurikt. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Thuriet,  président;  Parizot,  vice-président- 
Vaissier,  vice-secrétaire;  Kirchner,  archiviste 

Membres  :  MM.  Bonnet,  Bourdin,  Boussey,  Cellard,  Gazmr 
Ledoux,  Magnin,  V.  Maire,  Nargaud^  Pidanccf. 


—   XXXVI  — 

M.  le  président  exprime,  au  nom  de  la  Société,  de  sympathie 
ques  regrets  sur  la  perte  d'un  de  ses  plus  estimables  membres, 
du  vénérable  Chanoine  Sachet,  décédé  après  une  longue  car- 
rière, consacrée  au  bien  et  au  travail  littéraire  oCi  il  témoigna 
jusqu'à  la  fin  d'une  vigoureuse  intelligence.  A  la  prochaine 
séance,  M.  l'abbé  Auguste  Rossignol  lira  une  notice  sur  la  âeet 
les  œuvres  de  ce  digne  prêtre  qui,  à  partir  de  1894,  a  tenu  à  as- 
sister aussi  souvent  qu'il  le  pouvait,  à  nos  réunions  mensuelles. 

M.  Ch.  Blondeau,  utilisant  des  récits  contemporains,  en  par- 
ticulier le  journal  ou  notes  manuscrites  de  l'avocat  Grimonl, 
reproduit  dans  leur  abondant  détail  les  fêtes  populaires  qui  ac- 
compagnèrent la  rentrée  des  membres  du  Parlement  de  Franche- 
Comté  à  Besançon  après  leur  exil  de  1759.  il  est  intéressant  de 
faire  connaître  les  particularités  locales  de  ces  manifestations 
où  l'opinion  publique  ayant  pris  parti  contre  le  pouvoir  royal 
applaudissait  avec  enthousiasme  aux  courageuses  résistances 
des  parlements.  Mais  il  ne  l'est  pas  moins  de  remarquer  avec 
M.  Blondeau  que  ces  mêmes  parlements,  après  l'élimination  de 
ceux  de  ses  membres  sur  lesquels  on  avait  versé  le  ridicule,  ne 
tarda  pas  à  tromper  Tattente  du  vulgaire  par  son  entêtement,  et 
par  l'enregistrement  d'édits  trois  fois  repoussés  par  les  rewia- 
nants  eux-mêmes  :  i  Trente  ans  après,  observe  judicieusement 
l'auteur,  ce  même  peuple  se  soulèvera  et,  d'un  seul  coup,  ren- 
versera le  trône  et  les  institutions  séculaires  du  royaume.  » 

Ce  travail  est  retenu  pour  les  mémoires. 

Dans  une  nouvelle  le<îture,  M.  l'abbé  Paul  Druot  reprend,  en 
la  complétant,  son  intéressante  Elude  de  la  voie  romaine  dans 
les  cantons  de  Baume-les-Dames  et  de  Clerval  :  1«  Détails  nou- 
veaux sur  la  composition  matérielle  et  la  façon  même  de  cette 
remarquable  chaussée  qu'on  peut  considérer  lîomme  une  via 
calceata  puisque  la  chaux  entre  pour  moitié,  avec  le  sable,  dans 
le  massif  des  cailloux  sur  toute  l'épaisseur  de  lu  voie  ;  2"  Réfu- 
tation d'une  thèse  soutenue  par  M.  Stéphen  Leroy,  tendant  à 
expliquer  l'étrange  variante  qui  existe  entre  l'itinéraire d'Anlo- 
nin  et  la  Tal)le  théodosienne  au  sujet  des  stations  de  Lopoaagium 
(Luxiol)  et  de  Velatodurum   (Voillans)   par   la    reconnaissance 


—    XXXVII  — 

d'une  deuxième  voie  qui  se  dirigeait  sur  Mandeure  en  passant 
par  Vellerot-les-Belvoir,  qui  serait  Velatodurum.  Partisan  d'une 
voie  unique  passant  soit  par  Luxiol,  soit  ensuite  par  Voillans 
pour  expliquer  la  variante  des  documents,  notre  confrère  soup- 
çonne une  erreur  de  mensuration  ou  de  copiste  dans  le  chiffre 
donné  par  la  Table  de  Peutinger.  M.  l'âbbé  Druot  est  invité  à 
joindre  ces  intéressants  compléments  àson  précédent  travail  en 
les  accompagnant  d'une  carte  sommaire  et  d'un  croquis  abso- 
lument typique,  d'une  coupe  de  la  chaussée  prise  sur  le  terri- 
toire de  Voillans. 

Sont  présentés  et  admis  comme  : 

Membre  résidant  : 

M.  Alfred   Grenier,  inspecteur  des  forêts  à  Besançon,  pré- 
senté par  MM.  Thuriet  et  Jules  Gauthier. 

Membre  correspondant  : 

M.  Jourdain,  président  du  tribunal  de  Belfort,  présenté  par 
MM.  Thuriet  et  Nargaud. 

Le  Président,  Le  Vice-Secrétaire, 

M.  Thuriet.  Vaissier. 


Séance  du  26  mars  W04. 
Présidence  de  M.  Parizot,  vice-président. 


Sont  présents  : 

Bureau  :  MM.  Parizot.  président;  Gauthier,  secrétaire  ;  A. 
Vaissier,  vice- sec  ré  taire;  Kirchner  archiviste. 

Membres  :  MM.  Gaston  de  Beauséjour,  Boname,  Bonnet,  Bour- 
din,  Bousseij,  A.  Boysson  d* Ecole,  Chapoy,  Gazier,  A.  Girardot, 


—   XXXVIII  — 

Montenoise,   Nardin,  Nargaud,  chanoine  Rofsignot,  Tabbé  A. 
Rossignot. 

M.  le  président  dépose  sur  le  bureau  un  volume  intitulé  :  Jé- 
rusalem, spirituelle  relation  d*un  pèlerinage  exécuté  en  1893  par 
M.  l'abbé  F.  X.  Perrot,  curé  de  Mandeure,  un  des  correspondants 
de  la  Société.  Est  joint  au  môme  envoi,  une  brochure  du  môme 
auteur,  parue  celte  année  sous  uc  litre  :  Mon  riï/aj/c,  étude  sur 
les  causes  de  la  dépopulation  des  campagnes.  Des  remercie- 
ments seront  adressés  à  Tauleur  ainsi  qu*à  M  Alfred  Marquiset 
qui  a  fait  l'envoi  d'une  brochure  intitulée  :  Mon  premier  livre. 

La  Société  a  regu  le  rapport  général  sur  l'Exposition  univer- 
selle de  1900,  par  M.  A.  Picard,  commissaire  général,  envoyé 
par  le  Ministère  du  commerce.  Cette  superbe  publication  en  huit 
volumes,  illustrés  de  nombreuses  phototypies,  est  un  véritable 
monument  élevé  à  la  science  et  à  l'art  contemporains. 

M.  Gazier  communique  une  étude  originale  sur  celte  double 
question  intéressant  la  biographie  franc-conïtoise  :  Où  sont  nés 
à  Besançon  les  deux  économistes  et  philosophes  célèbres  P.  Four- 
rier et  P.-J.  Proudhon.  Pour  le  premier,  la  démonstration  est 
faite:  une  maison  formant  l'angle  sud  delà  ruelle  Baron  sur  la 
Grande-Rue  est  le  berceau  avéré  de  l'inventeur  de  la  phalange; 
une  gravure  parue  dans  un  almanach  de  1848  a,  de  son  vivant 
môme  et  sous  ses  yeux,  reproduit  la  maison  duxvP  siècle  où  il 
naquit  et  qui  disparut  pour  faire  place  h  la  rue  Moncey.  Quant 
à  Proudhon,  que  certains  faisaient  naître,  qui  à  Burgille-les- 
Marnay,  qui  à  la  Mouillère,  il  est  né  tout  simplement  rue  du 
Petit-Hattant  (ancien  numéro  930,  aujourd'hui  37,  dans  une  mai- 
sonnette achetée  par  l'ouvrier  tonnelier,  père  du  philosophe, 
peu  de  mois  avant  son  mariage.  Après  avoir  restitué  au  Pelil- 
Battant  sa  principale  gloire,  M.  Gazier  fait  justice  de  l'erreur 
d'un  contemporain  qui  prétendait  que  Proudhon  fut  enfant  na- 
turel, alors  que  son  extrait  de  naissance  prouve  sans  conteste 
possible  sa  parfaite  légitimité.  Ce  travail  très  consciencieux  et 
très  concluant  est  retenu  pour  les  mémoires. 


—  XXXIX  — 

M.  l'abbé  Auguste  Rossignol  donne  lecture  d'une  biographie 
très  complète  de  M.  le  chanoine  Jean-Marie  Suchet^  décédé  le 
il  février  dernier,  et  Tait  revivre,  en  quelques  pages  finement 
touchées,  la  spirituelle  physionomie  d'un  érudit,  d'un  homme 
de  bien  qu'entouraient  l'estime  et  la  sympathie  générale.  Né  à 
Pesnies  en  1817,  tour  à  tour  professeur  à  Marnay,  vicaire  à  Pon- 
larlier,  curé  à  Amblans,  professeur  au  collège  Saint-François- 
Xiivier,  de  1850  à  1863,  supérieur  du  séminaire  d'Ornans,  de  1863 
à  1873,  curé  de  Saint-Jean  de  Besançon,  de  1873  à  1890,  M.  Suchet 
s'était  retiré  dans  sa  stalle  de  chanoine  titulaire,  non  pour  se 
reposer,  mais  pour  consacrer  aux  bonnes  œuvres  et  aux  lettres 
les  (fuinze  dernières  années  d'une  vie  vouée  tout  entière  au  de- 
voir et  au  labeur.  L'étude  de  M.  llossignot  prendra  place  avec 
une  bibliographie  détaillée  de  M.  Suchet  dans  un  des  plus  pro- 
chains volumes  des  Mémoires. 

M.  le  secrétaire,  sous  ce  litre  :  cinq  tableaux  franc-comtois 
du  Musée  de  Dijon,  décrit  quatre  jolis  tableautins  de  Gaspard 
Greseli  (1720-1756)  représentant  les  scènes  enfantines  que  tra- 
duisait si  bien  son  pinceau.  Ces  tableaux  dont  les  litres  pourraient 
être  ainsi  définis  :  VEducation,  la  Tentation,  le  Marchand  de 
denttlles,  \eNid  de  perdreaux,  sont  exquis  de  coloris  et  de  com- 
position. Un  cinquième  tableau:  Le  sihge  de  Besançon  en  i674, 
par  Van  der  Meulen,  est  la  grande  toile  officielle  représentant 
l'armée  de  Louis  XIV  canonnant,  avant  l'assaut,  le  corps  de 
place  tel  qu'on  le  voit  dans  la  gravure  célèbre  de  Baudoin. 

MM.  Gauthier  et  Vaissier  font  passer  sous  les  yeux  de  la  So- 
ciété les  planches  photolypiques  reproduisant  les  pièces  d'hon- 
neur des  co-gouverneurs  de  Besançon  au  xvi«  et  xvii«  siècles; 
ces  planches  et  le  travail  qu'elles  escortent  prendront  place 
dans  les  publications  de  la  Société. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

A.  Parizot.  Jules  Gauthieb 


—  XL  — - 

Séance  du  14  mai  i904 
Présidence  de  M.  Maurice  Thuriet. 


Sont  présents 


Bureau  :  MM.  Thuriet,  président  ;  Vaissier,  vice-président  • 
Kirchner^  archiviste. 

Membres  :  MM.  Berdellé,  Bernard,  Cellard,  V.  Guillemin,  Ga- 
zier,  A.  Girardot^  Magniriy  Nardin. 

M.  Vaissier  annonce  la  récente  découverte  de  vestiges  de 
répoque  gallo-romaine  dans  un  jardin  avoisinant  la  promenade 
des  Glacis  d'Arènes.  C'est  d'abord  une  sorte  de  caveau  en  pierre 
de  vergenne  soigneusement  construit  en  deux  assises  et  dont 
la  couverture  avait  été  dès  longtemps  brisée  et  écartée.  Des  os- 
sements trouvés  au  fond  sont  ceux  d'un  gros  animal,  dépôt 
vraisemblablement  très  postérieur  à  la  construction,  fondée  sur 
un  banc  de  roche  parfaitement  nivelé  sur  une  grande  étendue 
(banc  du  bathonien  supérieur,  selon  M.  A.  Girardot).  A  côté  de 
cette  logette  était  enfoui,  la  tète  en  bas.  le  très  haut  relief  d*un 
personnage  jeune  et  portant  des  fruits  dans  le  pan  de  son  man- 
teau. Cette  figure  d'assez  bonne  conservation  est  un  Priape  des 
Jardins,  Un  enfant  nu  est  à  ses  pieds.  Sur  la  proposition  de  M. 
le  président,  une  photogravure  de  cette  figure  mythologique  ori- 
ginale et  de  bonne  facture  pourra  accompagner  utilement  la  no- 
tice de  M.  Vaissier  dans  le  volume  des  Mémoires. 

M.  le  D""  Ant.  Magnin  fait  ensuite  une  intéressante  conférence 
sur  les  Rouilles  des  Céréales  dont  il  a  bien  voulu  rédiger  ce 
compte-rendu  sommaire  : 

«  Après  avoir  analysé  les  recherches  de  M.  Erickson  sur  la 
multiplicité  des  rouilles  et  la  possibilité  de  leur  transmission  et 
de  leur  propagation  par  d'autres  moyens  que  les.  spores  et  les 
écidiesdes  Epines  vinettes,  Boraginées  et  Nerprums,  M.  Magnin 


—    XLt    - 

rappelle  les  observations  de  1869,  ses  communications  antérieu- 
res faites  à  la  Société  de  botanique  de  Lyon  (1873-1885),  à  l'As- 
sociation française  pour  l'avancement  des  sciences  (1883),  et 
notamment  à  la  Société  d'Emulation  du  Doubs  en  1888.  M.  Ma- 
gnin  concluait  à  cette  époque  que:  1°  on  s'exagérait  le  rôle 
nuisible  attribué  au  voisinage  immédiat  des  Berberis  dans  la 
production  et  la  propagation  des  rouilles;  2»  on  s'illusionnait 
sur  les  résultats  qu'on  obtiendrait  en  prescrivant  la  destruction 
des  Berberis,  même  dans  des  régions  étendues;  3<»  qu'il  fallait 
se  préoccuper  surtout  de  l'état  de  réceptivité  de  la  plante  tenant 
à  diverses  causes,  conditions  de  climat,  de  sol,  de  culture,  ap- 
titudes de  certaines  races,  etc. 

»  Ces  conditions  données,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  dans  ses 
premières  communications,  il  y  a  plus  de  quinze  ans,  pour  les 
autres, sont  entièrement  confirmées  parles  observations  récen- 
tes des  agronomes.  M.  Prunet,  pour  les  environs  de  Toulouse 
(1902),  M.  Mareschall  pour  la  Belgique  (1903),  par  exemple,  arri- 
vent aux  mêmes  conclusions  :  influence  très  faible  ou  nulle  du 
voisinage  des  Berberis,  nécessité  de  se  préoccuper  plutôt  des 
conditions  culturales  des  races  réfractaires,  etc. 

»  M.  Magiiin  termine  par  des  considérations  sur  la  récephuifé, 
la  prédisposition  et  V immunité  chez  l'homme,  les  animaux  et  les 
plantes  et  conclut  qu'un  des  rôl^s  les  plus  utiles  des  Insiituts 
botaniques  doit  être  de  rechercher  et  de  créer  au  besoin  par  les 
procédés  aujourd'hui  bien  connus  de  la  sélection  et  de  l'hybri- 
dation des  races  locales,  adaptées  étroitement  aux  conditions  du 
climat  et  au  sol  delà  contrée,  et  résistant  aux  diverses  maladies, 
aux  divers  parasites  qui  peuvent  les  atteindre.  M.  Magnin  de- 
mande enfin  qu'on  l'aide  à  faire  une  enquête  sur  les  diverses 
espèces  de  rouilles  et  les  dégâts  qu'elles  causent  dans  le  dépar- 
tement du  Doubs.  » 

Il  est  à  souhaiter  que  la  Société  d'agriculture  s'empresse  de 
répondre  au  désir  formulé  par  M.  Magnin.  Les  applaudissements 
qui  accueillent  sa  savante  communication  justifient  sa  prochaine 
publication  dans  les  Mémoires. 

A  l'issue  de  la  séance,  M.  Vaissier  invite  les  membres  présents 


—    XLII    — 

à  se  rendre  au  Musée  pour  examiner  la  sculpture  gaUo-romaine 
dont  il  vient  de  parler. 

Le  Président,  Le  Secrétaire, 

M.  Thuriet.  Vaissier. 


Séance  du  25  juin  1904. 
Présidence  de  M.  Maurice  Thuriet. 


Sont  présents  ; 

Bureau  :  MM.  Thuriet,  président  ;  Vaissier,  vice-secrétaire  ; 
Maldiney,  archiviste. 

Membres:  MM.  Boussey,  Cellard.  Gazier,  Nardin,  Tabbé  Ros- 
signol, H.  Savoye. 

M  le  président  annonce  que  M.  J.edoux  prépare  pour  une 
prochaine  séance  une  notice  sur  M.  le  D""  J.  Bruchon,  un  de  nos 
membres  les  plus  distingués  et  ancien  président,  décédé  le 
2  avril  dernier 

M.  le  Dr  Ant.  Magnin,  craignant  de  ne  pouvoir  assistera  la 
présente  séance,  nous  fait  part  de  son  intention  de  se  rendre  à 
Paris  pour  la  fête  jubilaire  que  tiendra  prochainement  la  Société 
de  botanique  de  France.  Si  la  Société  d'Emulation  lui  en  ex- 
prime le  désir,  il  la  représentera  volontiers  comme  son  délégué 
dans  cette  réunion  générale.  Cette  proposition  est  accueillie 
avec  reconnaissance. 

L'ordre  du  jour  appelle  une  délibération  sur  l'organisation  du 
\^  congrès  de  l'Association  franc-comtoise  à  Besançon  qui  doit 
se  tenir,  d'après  ce  qui  a  été  décidé  l'année  dernière,  dans  la 
première  semaine  du  mois  d'août.  Il  est  admis  que  l'ouverture 
du  Congrès  aura  lieu  le  lundi  l^'août.  Sur  les  observations  de  M- 


—   XLIU    — 

Cellaril  sur  les  iiicoiivénienls  qui  résuileraient  de  la  limilalion 
de  la  session  à  une  seule  journée,  on  décide  que  la  veille  et  le 
surlendemain  il  sera  possible  aux  étrangers  qui  le  désireraient 
de  prolonger  utilement  leur  séjour.  Suivant  les  usages  précé- 
dents, les  séances  générales  ou  des  trois  sections  d'histoire, 
d'archéologie  et  des  sciences  se  tiendront  dans  le  même  local, 
soit  le  palais  Granvelle,  et  le  banquet  chez  un  restaurant. 

Pour  l'organisation  des  détails,  une  commission  composée  du 
bureau,  auquel  s'adjoindront  MM.  Gazier,  secrétaire  général  da 
Congrès,  D""  Ledoux,  Cellard  et  Savoye,  avisera  dès  maintenant 
aux  mesures  à  prendre  et  à  préparer  les  éléments  d'une  délibé- 
ration à  une  séance  spéciale  le  samedi  9  juillet  à  5  heures  du 
soir  dans  la  salle  de  la  Société. 

M.  le  président  lit  un  extrait  relatif  à  la  période  du  siège  de 
Besançon  par  Louis  XIV,  en  1674,  tiré  d'une  publication  auto- 
graphiée  par  M.  le  capitaine  Jeanneney,  étude  résumant  l'histoire 
militaire  de  la  place,  au  point  de  vue  stratégique,  des  deux  con- 
quêtes, du  blocus  (le  1815  et  de  la  guerre  de  1870-1871  aux  en- 
virons de  Besançon. 

Sur  la  demande  de  la  Société  historique  et  biologique  de  Saint- 
Malo,  l'échange  des  publications  annuelles  est  consenti  avec 
cette  compagnie. 

Est  présenté  et  admis  comme  : 

Membre  résidant  : 

M.  Eugène  Charmoillaux,  étudiant  à  la  Faculté  de  Bcs:mçon, 
présenté  par  MM.  Boussey  et  Gazier. 

Le  Président^  Le  Secrétaire ^ 

M.  Thuriet.  -    Vaissier. 


—  XLIV  — 

Séance  du  9  juillet  t904. 
Présidence  de  M.  le  vice- président  Parizot. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Parizot,  président;  Gauthier,  secrétaire; 
Vaissier,  vice-secrétaire  ;  Fauquignon,  trésorier. 

Membres  :  MM.  Cellard,  Charmoillaux,  Dr  LedouXy  Vabbè 
Rosaignotf  Savoye. 

Après  le  dépouillement  de  la  correspondance, lettre  d'excuses 
de  MM.  Thuriet,  M.  le  secrétaire  donne  communication  de  di- 
vers documents  relatifs  au  congrès  de  l'Association  franc-com- 
toise du  l*»"  août  prochain.  Et  d'abord  la  lettre  circulaire  en- 
voyée aux  présidents  des  diverses  sociétés  f ranc- comte ises  ; 
ensuite  la  convocation  aux  membres  des  diverses  sociétés  ;  en- 
fin une  lettre- rapport  de  M.  Gazier,  secrétaire  général  du  con- 
grès, sur  l'ensemble  des  mesures  déjà  prises  et  sur  les  diverses 
questions  de  détail  à  régler  d'urgence.  Ces  divers  points  font 
l'objet  de  délibérations  successives  qui  seront  communiquées 
par  M.  le  président  du  Congrès  de  1904  à  la  Commission  spé- 
ciale qui  sera  très  prochainement  convoquée. 

1  '  Emplacement  des  séances  du  Congrès.  —  La  Société  estime 
que  les  séances  générales  et  de  sections  seront  tenues  au  Pa- 
lais Granvelle;  celles  de  l'archéologie  dans  la  salle  de  la  So- 
ciété d'Emulation,  celles  des  sciences  dans  la  salle  de  l'Aca- 
démie ;  la  grande  salle  du  Palais  serait  attribuée  à  la  section 
d'histoire  ainsi  qu'aux  réunions  plénières  du  matin  et  du  soir. 

2°  Banquet.  —  Pour  deux  raisons,  proximité  du  Palais  Gran- 
velle  et  tradition  constante,  la  Société  souhaite  que  le  banquet 
(midi),  se  tienne  salle  Colomat,  aux  Grands  Carmes. 

S»  Durée  du  congrès.  —  Une  journée,  conformément  à  la  tra- 


—  XLV  — 

dilion,  sauf  h  organiser  une  excursion  à  courte  distance,  pour 
le  lendemain,  comme  en  décidera  la  Commission. 

40  Invitations.  —  Les  invitations  au  banquet  seront  limitées  : 
au  maire  de  la  ville,  auquel  revient  de  droit  la  place  d'honneur 
en  face  du  président  ;  aux  membres  d'honneur  de  la  Société  : 
premier  président,  archevêque,  procureur  général,  général 
commandant  le  corps  d'armée,  préfet  du  Doubs,  recteur  et  ins- 
pecteur d'académie. 

5«  Horaire,  —  La  Société  est  d'avis  que  l'heure  d'ouverture 
du  Congrès  soit  lixée  à  9  heures  du  matin. 

Sur  la  proposition  de  MM.  Parizot  et  Gauthier,  un  crédit  de 
200  francs  est  mis  à  la  disposition  du  Congrès  pour  frais  géné- 
raux. 

M.  le  trésorier  avisera  aux  démarches  à  faire  pour  le  meilleur 
emploi  de  cette  somme  en  tenant  compte  des  invités  etc.;  le 
prix  à  débattre  avec  le  restaurant  Colomat  oscillerait  de  6  fr.  à 
6fr.  50. 

Une  sou.s-commission  de  trois  membres  :  MM.  Vaissier,  Sa- 
voye  et  Cellard,  est  chargée  d'aviser  à  la  confection  d'un  menu 
artistique  qui  serait  confié  à  l'imprimeur  de  la  Société. 

M.  le  secrétaire  fait  une  brève  communication  sur  une  En- 
seigne révolutionnaire  bisontine  qui  dut  figurer  dans  les  fêtes 
de  l'Etre  suprême,  de  la  déesse  Raison  et  dans  les  cortèges  of- 
flciels  du  département  du  Doubs,  sous  la  Première  République. 
Cette  enseigne  se  compose,  comme  morceau  essentiel,  d'un 
bonnet  phrygien  rouge  avec  cocarde  tricolore,  de  grande  dimen- 
sion, soutenu  d'une  hallebarde  argentée  qui  s'emmanchait  dans 
un  grand  bâton.  Emportée  de  la  préfecture  du  Doubs  en  1848, 
parle  préfet  James  de  Mentry,  cette  pièce  intéressante,  échouée 
à  Nuits-Saint-Georges  (Côte-d'Or),  sera  rapatriée  par  les  soins 
de  MM.  Vaissier  et  Gauthier,  pour  prendre  place  au  Musée  ar- 
chéologique, à  côté  du  relief  de  la  Bastille. 


—   XLVT  — 
Est  proposé  et  admis  en  qualité  de  : 

Membre  résideiit  : 

M.  J£ANXENEY,  Capitaine  au  Gtk  de  ligne,  présenté  par  MM. 
Tauriel  et  Clavey. 

Le  PrèsidaU,  Le  Secrétaire, 

Ad.  Parizot.  Jules  Gauthier 


t>éanee  du  i9  novembre  1904. 
Présidence  de  M.  Maurice  Thuriet. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Thuriet,  président;  Parizot,  vice  -  président  ; 
Gauthier,  secrétaire;  Vaissier,  vice-secrétaire  ;  Fauquigfion, 
trésorier;  Kirchner,  areliiviste. 

Membres  :  MM.  Berdettè^  Blondeau,  Bonnet,  Celtard,  Gazier, 
Guiflemin  docteur  Ledoux,  H.  Mairot,  Nargaud,  Pingaud,  lio- 
cardey,  docteur  Roland,  abbé  Rossignot,  Rouget,  docteur  G. 
Vaissier. 

M.  le  président  rend  compte  du  Y«  congrès  de  T Association 
franc-comtoise  qui  s*est  tenu  à  Besançon  au  commencement  du 
mois  d'août,  selon  ce  qui  avait  été  décidé  à  la  session  dernière 
à  Lons-le-Saunier  en  1903. 

La  Commission  nommée  au  mois  de  juillet  pour  préparer  la  ré- 
ception desdélégués  des  sociétés  du  dehors  et  obtenir  les  locaux 
pour  les  séances,  de  tracer  un  programme  pour  la  visite  des 
monuments  et  des  musées,  enfin  d'arrêter  le  menu  du  banquet 
a  rempli  son  mandat  pour  l'exécution  duquel  le  bureau  avait 
été  invité  à  s'adjoindre  MM.  Savoye,  Cellard.  et  D'  Ledoux.  Le 
Congrès  s'est  tenu  le  lundi,  l*'août,  à  9  heures  du  matin  dans 


—   XLvn  -r 

la  grande  salle  du  palais  Granvelle.  Il  était  composé  d'une 
soixantaine  de  personnes.  Quatre  sociétés  savantes  de  la  pro- 
vince y  était  représentées. 

Les  congressistes  se  sont  groupés  en  trois  sections  :  histoire, 
archéologie,  sciences.  Un  compte-rendu  détaillé  sera  publié 
dans  le  prochain  volume  des  mémoires.  A  11  h.  1/2,  séance  plé- 
nière  où  Ton  a  discuté  les  vœux  qui  avaient  été  émis  dans  les 
sections.  Parmi  ces  vœux,  il  a  é(é  décidé  qu'une  Biographie 
comtoise,  sorte  de  dictionnaire  historique  contenant  des  notices 
sur  la  vie  et  les  œuvres  de  tous  les  personnages  un  peu  mar- 
quants dans  les  lettres,  les  sciences  ou  les  fonctions  publiques, 
serait  dressée  en  collaboration  par  toutes  les  Sociétés  savantes 
de  la  région  de  Franche-Comté  et  que  toutes  les  notices  seraient 
centralisées  à  la  Société  d'Emulation  du  Doubs.  Un  autre  vœu  a 
été  approuvé,  à  savoir  qu'il  serait  créé  à  la  Bibliothèque  de  la 
ville,  un  dépôt  de  toutes  les  photographies  intéressant  la 
Franche-Comté,  personnages,  monuments,  paysages. 

A  midi  1/2,  banquet  salle  Colomat;  les  toasts  ont  été  portés 
par  le  président  de  la  Société  d'Emulation,  par  M.  Perreau,  ad- 
joint, remplaçant  le  maire  de  la  ville,  par  M.  Trigant-Geneste. 
remplaçant  le  préfet,  par  M.  Roux,  président  de  la  Société  d'E- 
mulation de  Montbéliard,  par  M.  le  docteur  Marceau,  président 
de  la  Société  d'histoire  naturelle  et  par  M.  Vieille,  président  de  la 
Société  des  architectes  du  Doubs.  La  séance  publique  a  eu  lieu 
à  3  heures  de  l'après-midi,  dans  la  salle  Granvelle.  Outre  le  dis- 
cours du  président,  il  y  a  eu  cinq  lectures  :  de  M.  Gh.  Beauquier, 
sur  les  Conventionnels  du  Doubs;  de  M.  Gazier,  une  analyse  et 
des  fragments  d'une  œuvre  inédite  de  Charles  Nodier  ;  de  M. 
Faivret,  de  Dole  :  César  à  Vesonlio  ;  de  M.  Ch.  Sandoz.  sur  la 
conservation  du  monument  de  l'hôtel  de  ville  de  Besançon  ;  enfin 
de  M.  Gaiffe,  professeur  au  Lycée,  sur  Arnould  Mussot,  auteur 
dramatique  bisontin  au  xviif  siècle. 

Aprè*^  ce  rapide  exposé  du  Congrès  de  Besançon  en  1904,  M. 
le  président  fait  connaître  que  le  siège  du  Congrès  de  1905  sera 
Belfort,  et  que  le  président  élu  pour  cette  réunion  est  M.  Phi- 
lippe Berger,  sénateur,  membre  de  l'Institut,  professeur  au  col- 
lège de  France,  président  de  la  Société  bellbrtaine  d'Emulation. 


—    XLVII!   — 

M.  le  docteur  Ledoux  lit  une  Notice  sur  M,  le  Docteur  J.  Bru- 
chon,  ancien  président  de  la  Société,  et  fait  revivre  en  termes 
émus  et  d'une  façon  très  précise  une  figure  sympathique  à  tous 
les  bisontins.  Le  parfait  homme  de  bien  qui  fut  notre  président 
s'était  signalé  par  son  zèle  éclairé  et  persévérant  dans  l'exer- 
cice de  son  art  et  par  son  excellent  enseignement  de  professeur 
à  l'Ecole  de  médecine.  Esprit  très  ouvert  sur  toutes  les  ques- 
tions sociales,  littéraires  et  artistiques  de  son  temps,  M.  J.  Bru- 
chon  fut  sincèrement  attaché  à  la  Société  d'Emulation  et  sut  lui 
prodiguer,  en  maintes  circonstances,  son  entier  dévouement.  I*a 
Société  reconnaissante,  encore  émue  des  grandes  douleurs  qui 
affligèrent  les  dernières  années  de  son  ancien  président,  décide, 
sur  la  proposition  de  M  Jules  Gauthier,  qu'un  portrait  de 
M.  Bruchon  sera  placé  en  tête  du  travail  de  M  le  docteur  Lp- 
doux 

M.  Gazier,  bibliothécaire  de  la  ville,  donne  lecture  d'une  inté- 
ressante étude  sur  les  Evêques  constitutionnels  du  Douhs,  en 
utilisant  des  documents  inédits  provenant  de  la  correspondance 
de  l'abbé  Grégoire,  que  le  père  de  l'auteur,  M.  Gazier,  secré- 
taire du  Comité  des  travaux  historiques,  a  eu  la  bonne  fortune 
de  recueillir.  Ce  travail  fort  suggestif  qui  comprend  de  nom- 
breuses lettres  de  Seguin,  de  Demandre,  de  Moyse,  de  Roy  et 
de  beaucoup  d'autres  prêtres  ou  évoques  constitutionnels,  pré- 
sente sous  un  jour  nouveau,  môme  après  l'ouvrage  magistral 
de  M.  Sauzay,  la  figure  des  évoques  de  notre  département  pen- 
dant la  période  révolutionnaire,  et  nous  fî^it  connaître  les  négo- 
ciations auxquelles  leur  élection  adonné  lieu.  La  Société  ap- 
prouve avec  empressement  la  publication  de  celte  contribution 
à  notre  histoire  locale. 

M.  le  Président  fait  la  communication  suivante  : 

«  Depuis  notre  dernière  réunion,  la  Société  d'Emulation  a  eu 
»  la  douleur  de  perdre  trois  de  ses  membres  les  plus  estimés. 

»  M.  Henri  Coulon  n'était  pas  seulement  le  doyen  des  avocats 
»  du  barreau  de  Besançon,  c'était  encore  le  doyen  de  notre  so- 
»  ciétéà  laquelle  il  appartenait  depuis  1850.  Très  afTable  et  très 
i  serviable,  M.    Coulon  ne  coniplail  que  des  sympathies  parmi 


—  xux  — 

»  nous.  Bien  que  son  activité  fut  absorbée  par  les  affaires  du 
*  palais,  il  assistait  fréquemment  à  nos  séances  et  venait  tou- 
»  jours  s'associer  à  nos  banquets. 

•  M.  le  comte  Edouard  Mareschal  de  Vezet  était  des  nôtres 
»  depuis  1859.  C'était  le  digne  représentant  d'une  honorable  et 
»  vieille  famille  bisontine. 

»  Nous  avons  encore  à  déplorer  la  perte  d'un  collègue  plus 
»  jeune  :  M.  Léon  Béjanin,  mort  avant  l'âge,  miné  par  le  chagrin 
»  que  lui  causa  la  perte  d'une  fille  chérie.  M.  Béjanin  consacrait 
f  ses  loisirs  à  la  peinture  et  spécialement  au  paysage.  Il  était 
»  depuis  plusieurs  mois  président  de  la  Société  des  Amis  des 
»  Beaux-Arts.  Nous  envoyons  aux  familles  de  nos  collègues  dé- 
)  funts  l'expression  de  nos  vives  doléances.  » 

M.  le  Président  donne  lecture  d'une  demande  de  modification 
aux  statuts  déposée  par  MM.  Bonnet,  Ledoux  et  Nargaud,  an- 
ciens présidents.  Cette  demande  est  renvoyée  k  une  commission 
spéciale  composée  de  MM.  H.  Mairot,  Blondeau  et  Gazier. 

M.  Kirchner  est  chargé  de  faire  un  rapport  sur  le  volume  :  Sur 
la  Végétation  des  lacs  du  Jura,  ofTerl  par  M.  Magnin,  professeur 
à  la  Faculté  des  sciences. 

L'ouvrage  intitulé  :  Armand  Marquiset  :  Histoire  de  ma  vip, 
offert  par  M.  le  comte  Alfred  Marquiset,  sera  présenté  à  M.  le 
docteur  Baudin,  pour  lui  demander  un  compte-rendu  ou  notice 
bibliographique. 

Sont  proposés,  puis  élus  et  proclamés  : 

Membres  résidants  : 

M.  Adrien  Lecl erg,  conseiller  à  la  cour  d'appel  de  Besançon, 
présenté  par  MM.  M.  Thuriet  et  Clavey. 

M.  Gaiffe,  professeur  au  Lycée  Victor  Hugo,  présenté  par 
MM.  Gazier  et  Ledoux. 

Le  Préaident,  Le  Secrétaire^ 

M.  Thuriet.  A.  Vaissier. 

D 


—  L  — 

i>t'nnce  iiu  il  décembre   iiM)i, 
PRt^^iDENci^  d:4  m.  Maurick  Thuriet. 


Sont  présents  : 

Bureau:  MM.  Thuriet^  président;  Parizot,  vice-président  ; 
Vaissier^  vice-secrélaire :  Fauquignon^  trésorier;  Kirchner^  vu- 
chiviste. 

Memrres  :  MM.  Berdf*lté,  Biond^^au.  Bonnet,  Bonrdin,  Cet- 
lardy  GazUr,  D'  Ledottx^  Piiigaad.  abl)é  Rosaignot,  Savoye^  De 
Truchis. 

M.  le  président  Thuriet  donne  communication  de  la  première 
partie  d*une  Etude  sur  les  Discours  de  rentrée,  spécialement  sur 
cetix  qui  ont  été  prononcés  devant  le  Parlement  de  Francbe- 
Comté  et  devant  la  cour  d*appel  de  Besançon.  Une  récente  dé- 
cision des  pouvoirs  publics  a  mis  fin  à  Tusage  fort  ancien  qtii 
consistait  à  ouvrir  l'année  judiciaire  par  un  discours  d*apparat. 

Après  avoir  établi  Torigine  de  cette  tradition  qui  disparait, 
M.  Thuriet  en  a  signalé  les  principales  manifestations  dans 
l'histoire  du  Parlement  de  notre  province.  Il  a  cité  notamment 
les  discours  prononcés  en  1775,  lors  de  la  réinstallation  de  Tan- 
cienne  magistrature,  après  la  chute  de  Meaupou.  Il  a  fait  en- 
suite la  revue  rétrospective  des  discours  prononcés  depuis  l'ins- 
titution de  la  Cour  d'appel  de  Besançon  jusqu'en  1902,  en  si- 
gnalant plus  particulièrement  ceux  dont  le  sujet  a  trait  à  l'his- 
toire locale  ou  à  des  personnages  comtois. 

M.  Vaissier,  saisissant  l'occasion  de  la  trouvaille  récente  de  la 
sculpture  gallo-romaine  de  Champforgeron  représentant  un 
Priape  jeune,  dieu  des  jardins,  en  fait  le  sujet  d'un  rapproche- 
ment avec  une  des  plus  précieuses  acquisitions  du  musée  d'ar- 
chéologie, à  savoir  le  vase  en  verre  violet,  décoré  de  figures  en 
émail  blanc  ciselé  comme  un  camée  Là,  c'est  le  Priape  barbu, 
aux  oreilles  pointues  personnifiant  la  fécondité  qu'on  pourrait 


—    LI  — 

appeler  animale,  tandis  que  le  tmut  relief  de  Champforgeron 
personnifie  plutôt  la  fécondité  végétale.  Castan  qui,  il  y  a  20 
ans,  n*a  pas  essayé  de  pénétrer  le  sens  allégorique  probable  de 
la  décoration  du  vase,  en  a  toutefois  ^onné  tine  très  bonne  des- 
cription. L'intérêt  d'une  cérémonie  priapicjue  figurée,  peut-être 
unif|ue  dans  son  espèce,  mérite  d'être  remémoré  et  d'être  pro- 
posé à  l'étude  des  archéologues  les  plus  compétents  ;  aussi  est- 
ce  dans  celte  vue  que  M.  Vaissier,  répondant  à  la  demande  de 
M.  Furtwengler,  l'éminent  directeur  de  la  Glyptothèque  de  Mu- 
nich, lui  a  adressé  trois  photographies  des  dilTérentes  faces  de 
l'œnochoê  priapique,  documents  plus  sûrs  et  plus  complets  que 
la  simple  esquisse  du  développement  de  la  scène,  publiée  en 
1876,  dans  nos  mémoires. 

M.  Magnin  présente  les  premières  pages  d'un  Conspectus  fa- 
milianum  regni  vegetabilis,  envoyé  par  notre  confrère,  M.  Ven- 
drely,  et  donne  des  explications  sur  le  plan  suivi  par  Tauteur  de 
cette  nouvelle  classification  du  règne  végétal.  Considérant  l'im- 
portance à  attribuer  aux  caractères  gradatifset  évolutifs,  M.  Ma- 
gnin fait  cependant  des  réserves  sur  les  principes  qui  paraissent 
avoir  guidé  M.  Vcndrely  dans  l'établissement  des  grandes  divi- 
sions de  sa  classification  ;  il  pense,  avec  la  grande  majorité,  si- 
non la  totalité  des  botanistes  actuels,  qu'on  ne  peut  plus  main- 
tenir aujourd'hui  les  polypôtales  superovariés  en  tête  de  la  série 
descendante  des  familles;  leur  infériorité  comparée  aux  gamo- 
pétales est  démontrée  par  de  nombreuses  raisons  d'ordres  di- 
vers, tirées  de  l'organographie,  du  développement,desloisde  la 
taxinomie,  de  la  paléontologie  etc  ivoir  Heckel,  Rev.  se.  1886, 
p.  337;  de  Saporta,  Guillaud,  rev.  se.  1880,  p.  536;  A.  Magnin, 
végét.  du  Lyonnais,  1886,  p.  696,  497  etc.). 

M.  Henri  Mairot  fait  connaître  les  conclusions  de  la  Commis- 
sion nommée  à  hi  séance  précédente  pour  examiner  une  ques- 
tion de  modification  au  Uèglement,  proposée  par  MM.  Honnel, 
I)»^»  Ledoux  et  Nargaud.  A  l'unanimité,  la  Commission  a  estimé 
que  cette  proposition  méritait  d'être  prise  en  considération,  que 
les  conditions  de  l'adjonction  des  anciens  présidents  au  bureau 
delà  Société  pour  la  solution  de  certaines  questions  intéressant 


—  LU  — 

sérieusement  l'avenir  de  la  Société,  adjonction  qui  a  déjà  lieu 
dans  la  pratique,  devaient  être  fixées  d'une  façon  précise.  Elle 
a  pensé  toutefois  qu'il  n'était  pas  nécessaire  pour  cela  de  de- 
mander une  révision  des  statuts  de  la  Société  approuvés  par  le 
Conseil  d'Etat,  et  qu'une  mention  au  procès-verbal  des  séances 
suffirait  pour  engager  à  ce  sujet  les  membres  de  la  Société. 
M.  Bonnet,  en  opposition  avec  ces  conclusions,  croit  nécessaire 
une  modification  des  statuts  eux-mêmes,  et  désireux  d'obtenir 
des  renseignements  complémentaires,  demande  à  la  Société 
d'ajourner  à  une  prochaine  séance  sa  décision  sur  cette  ques- 
tion. La  Société  faisant  droit  à  sa  requête,  ajourne  le  vote  sur 
la  proposition  de  modification  au  règlement  présentée  par  MM. 
Bonnet,  Ledoux  etNargaud. 

Après  un  rapport  verbal  de  M.  le  trésorier  Fauquignon  sur 
l'état  financier  de  la  Société,  il  est  décidé  que  le  budget  pour 
l'année  1905  sera  le  môme  que  celui  de  l'année  1904. 

Aux  regrets  exprimés  à  la  dernière  séance  sur  la  perle  de 
plusieurs  membres  décédés  récemment,  M.  le  président  rappelle 
qu'il  faut  joindre  ceux  à  la  mémoire  de  M.  Jules  Larmet,  ancien 
adjoint  au  maire  et  membre  de  la  Société  depuis  vingt  ans. 

M.  l'abbé  Hossignot  qui  avait  été  prié  d'examiner  l'ouvrage 
ofi^ertà  la  Société,  intitulé:  N,D,  de  Gray  depuis  i620  et  publié 
par  M.  le  chanoine  Louvot  d'après  les  manuscrits  de  l'auteur,  le 
chanoine  Villerey,  ancien  curé  de  Gray,  signale  l'intérêt  de  cette 
publication  en  raison  de  l'importance  historique  du  pèlerinage 
célèbre  en  l'honneur  d'une  image  vénérée  à  l'époque  des  pestes 
du  xvii"  siècle. 

L'ordre  du  jour  appelant  l'élection  du  bureau  pour  l'année  19(fô, 
la  Société  procède  à  cette  nomination  par  acclamation. 

M.  Jules  Gauthier,  notre  secrétaire  décennal,  appelé  aux 
fonctions  d'archiviste  de  la  Côte-d'Or,  ayant  quitté  Besancon, 
est  d'abord  nommé  parla  Société  secrétaire  décennal  honoraire. 


LUI 


Bureau  pour  Tannëe  1905. 

Président  annuel  :  M.  Adolphe  Parizot,  inspecteur  hono- 
raire des  Enfants  assistés. 

Premier  vice-prMdent  :  M.  Maurice  Thuriet,  avocat  général. 

Deuxième  vice- président  :  M.  le  D"  Ant.  Magnin.  doyen  de  la 
Faculté  des  Sciences. 

Secrétaire  décennal  :  M.  Georges  Gazikr,  conservateur  de  la 
Bibliothèque  de  la  Ville. 

Vice-secrélaire  :  M.  Alfivd  Vaissier,  conservateur  du  Musée 
archéologique. 

Trésorier  :  M.  Fauquignon,  receveur  honoraire  des  Postes 
et  Télégraphes. 

Archivistes  :  MM.  Kirchner  et  Maldinev. 


—    LIV   — 

RAPPORT 

SUR   L'OUVRAGE  DE   M.   le    D^   ANT.    MAGNIN 

LA  VÉGÉTATION  DES  LACS  DU  JURA 


Le  gros  volume,  que  le  D'  Magnin  vient  d'offrir  à  la  So- 
ciété d'Emulation,  est  le  premier  ouvrage  d'ensemble  qui  ait 
été  publié  sur  les  lacs  du  Jura  au  point  de  vue  botanique. 

Fruit  de  nombreuses  excursions,  de  sondages  parfois  pé- 
nibles et  laborieux,  de  longues  et  minutieuses  études,  il  com- 
prend deux  parties  distinctes. 

Dans  la  première,  Fauteur  a  exposé  en  détail  la  flore  de 
74  lacs  jurassiens,  depuis  les  bassins  rocheux  du  Doubs  aux 
Brenets  jusqu'au  lac  du  Bourgeten  Savoie,  avec  des  plans  et 
des  schémas  indiquant  la  topographie  de  tous  ces  lacs,  ainsi 
que  leurs  diverses  zones  de  végétation  :  (phragmitaie,  nu- 
pharaie,  potamaie,  charaçaie.  Cette  partie  sera  très  utile  à 
consulter  à  l'avenir.) 

Dans  la  seconde  partie,  plus  générale  et  plus  philosophi- 
que, il  étudie  les  ressemblances  et  les  différences  qui  carac- 
térisent la  végétation  de  chacun  de  ces  lacs,  et  il  en  recher- 
che les  causes.  On  y  trouve  une  intéressante  comparaison 
de  la  flore  lacustre  du  Jura  avec  celle  des  régions  voisines, 
Vosges,  Alpes,  Plateau  central,  et  même  Pyrénées.  Le  cha- 
pitre qui  suit  a  des  remarques  générales  sur  le  milieu  aqua- 
tique et  le  milieu  lacustre  Cette  seconde  partie  est  aussi  re- 
marquable au  point  de  vue  de  la  synthèse  que  la  première 
Test  au  point  de  vue  de  l'analyse. 

Le  volume  se  termine  par  des  considérations  fort  curieuses 
sur  révolution  des  lacs,  dont  la  durée  serait  limitée,  et  qui, 


k 


~  LV   — 

passant  par  différents  stades,  seraient  successivement  des 
lacs  à  talus  et  à  eau  profonde,  des  lacs  à  beine  et  à  mont, 
pour  finir  par  ne  plus  être  que  des  étangs  ou  des  marécages. 

Tel  est,  brièvement  résumé,  le  contenu  de  cet  important 
ouvrage,  qui  a  reçu  un  accueil  chaleureux  et  enthousiaste 
parmi  les  sommités  du  monde  savant.  M.  le  professeur  Ma- 
gnin  y  a  consacré  10  années  d'études  et  de  patientes  recher- 
ches (de  1890  à  1900).  Mais  le  sujet  est  si  vaste  que,  malgré 
toutes  ses  peines  et  ses  efforts,  il  n'est  pas  épuisé  ;  il  reste 
en  effet  à  étudier  les  microphytes,  le  plancton  végétal,  la  zone 
profonde  des  cladophores.  M.  Magnin  nous  promet  un  second 
volume  qui  traitera  de  ces  matières.  Nous  souhaitons  que  le 
temps  et  la  santé  lui  permettent  de  mener  à  bonne  fin  cette 
entreprise. 

Ajoutons  enfin  que  la  partie  bibliographique  a  été  Tobjet 
de  soins  particuliers  et  que  l'ouvrage  est  orné  de  nombreuses 
photogravures,  dont  plusieurs  très  bien  réussies. 

Besançon,  30  novembre  1904. 

A.  K 


MÉMOIRES 


LA 

SOCIÉTÉ  D'ÉMULATION  DU  DOUBS 

EN    1908 


Discours  d'oiifertore  de  la  séance  pobliqoe  do  jeudi  17  décembre 
Par  M.  Edmond  FRANGG7 

PRÉSIDENT    ANNUBL 


Mesdames, 
Messieurs, 

Lorsqu'une  année  s'achève,  il  nous  plait  et  il  nous  est 
utile  de  jeter  une  vue  d'ensemble  sur  Tœuvre  qu'elle  a  vu 
s'accomplir  dans  notre  société,  sur  les  progrès  réalisés  par 
le  travail  continu  de  ses  chercheurs. 

Des  documents  nouveaux  apparaissent,  qui  jettent  la  lu- 
mière et  la  vie  sur  des  coins,  encore  tout  remplis  d'ombre 
et  de  mystère  :  le  passé  du  sol  natal  ressuscite,  par  frag- 
ments, du  linceul  où  le  temps  l'enveloppait.  Les  travaux  iso- 
lés s'agrègent  par  l'effet  d'une  inspiration  commune  ;  le 
bourdonnement  de  l'abeille  devient  le  bruit  de  la  ruche.  La 
source  des  efforts  individuels  se  découvre  :  dans  les  généra- 
tions disparues,  dans  les  vestiges  de  leurs  monuments  et 
de  leurs  mœurs,  nous  cherchons  à  nous  mieux  connaître,  à 
nous  mieux  comprendre.  En  suivant  la  chaîne,  invisible  au 
regard  superficiel,  qui  nous  relie  à  nos  ancêtres,  nous  dé- 
couvrons mieux  le  sens  de  la  vie  moderne.  De  même  que 
la  science  de  Tétymologie  permet  de  saisir  en  toutes  ses 

1 


nuances  la  valeur  des  mots,  ainsi  l'histoire  de  notre  province 
nous  en  fait  pénétrer  davantage  la  richesse  et  la  variété  et, 
si  j'ose  dire,  le  suc  intime.  Et  dans  la  résurrection  de  ce 
qu'on  croyait  mort,  palpite  une  mystérieuse  poésie,  qui 
émeut  Tâme  du  savant,  lorsque  ses  doigts  touchent  à  la  pous- 
sière des  vieux  parchemins.  Ces  impressions  exquises,  vous 
vous  êtes  imposés,  Messieurs,  la  noble  tâche  de  les  commu- 
niquer à  vos  concitoyens.  Vous  voulez  que  la  vue  d'un  vil- 
lage comtois,  d'un  rocher  aride,  d'une  ruine  attristée,  peu- 
plent vos  âmes  de  vieilles  légendes  et  fassent  revivre  les 
choses  et  les  êtres  évanouis.  La  fin  que  vous  poursuivez  est 
généreuse  et  morale;  votre  but  est  de  restituer  à  ce  qui 
n'est  plus,  par  vos  patientes  recherches,  son  caractère  de 
vérité  historique  et  scientifique. 

Le  volume  de  vos  mémoires  de  1902,  qui  vient  de  paraître, 
contient  les  œuvres  les  plus  intéressantes,  dont  mon  pré- 
décesseur et  ami,  le  savant  docteur  Nargaud,  vous  a  fait 
l'année  dernière,  à  pareille  époque,  dans  un  éloquent  dis- 
cours, une  complète  analyse. 

L'année  1903  a  marqué  une  étape  de  plus  dans  la  belle 
carrière  que  vous  vous  êtes  ouverte.  Mais  avant  de  se  réjouir 
des  fruits  de  vos  labeurs  il  faut  penser  aux  champions  dis- 
parus et  saluer  les  morts.  Nous  avons  le  devoir  de  leur 
rendre  liommage,  de  les  révéler  une  dernière  fois,  pour 
éveiller  cliez  les  uns  des  souvenirs  attendris,  et  pour  les 
rendre  familiers  à  ceux  qui,  nouveaux  venus,  doivent  en  les 
remplaçant  recueillir  leur  tradition. 

C'est  Louis  Bouvard  qui,  pendant  de  longues  années,  a 
fait  partie  de  la  société,  lui  qui  en  fût  devenu  l'oracle  si  le 
barreau,  l'administration  municipale  et  hospitalière  n'eussent 
absorbé  la  plus  grande  part  d'une  incroyable  puissance  de 
travail. 

C'est  Maurice  Cosson,  ancien  trésorier  général  du  Doubs, 
ancien  député  des  Vosges,  naturalisé  à  Besançon  franc-com- 
tois. Par  Tamour  qu'il  a  porté  à  notre  province,  par  Taina- 


-3- 

bilité  de  son  caractère,  sa  courtoisie,  son  tact  parfait,  il  a 
mérité  la  sympathie  et  l'estime  de  tous. 

C'est  Jean  Petit,  le  sculpteur,  né  en  1819  dans  ce  palais 
de  Granvelle,  dont  son  œuvre  préférée,  la  statue  du  célèbre 
cardinal,  embellit  la  cour  intérieure.  Fils  d'un  ouvrier,  il 
lui  a  fallu  conquérir,  à  force  de  travail  persévérant,  le  droit 
d*être  un  véritable  artiste.  La  gêne  des  premières  années  ne 
Ta  pas  empêché  de  multiplier  ses  créations  :  statues,  bustes, 
bas-reliefs  qui  vont  enrichir  nos  collections  publiques.  Hom- 
mage aussi  à  l'œuvre  de  sa  bonté,  à  ces  fondations  généreuses 
en  faveur  des  enfants  du  peuple,  qui  témoignent  d'une  vo- 
cation pour  l'art  et  à  qui  il  a  voulu  épargner  les  secrètes  dé- 
tresses d'une  âme  ardente,  aux  prises  avec  la  pauvreté. 

Alexandre  Vézian,  qui  fut  président  de  la  société  d'Emula- 
tion du  Doubs  en  1875  et  plus  tard  conseiller  municipal. 
Doyen  de  la  Faculté  des  sciences,  aimé  des  jeunes  généra- 
tions qu'il  a  formées,  il  est  devenu  un  des  maîtres  de  la  géo- 
logie. Ses  travaux  ont  enrichi  nos  mémoires.  Par  un  juste 
retour  de  notre  reconnaissance,  ils  enregistreront  sa  vie 
d'homme  de  bien,  de  savant  distingué,  sous  la  plume  de  notre 
confrère  M.  le  docteur  Girardot. 

Ulysse  Robert,  membre  honoraire,  inspecteur  général  des 
bibliothèques  et  des  archives,  qui  a  mis  son  érudition  si  sûre 
et  si  étendue  au  service  de  la  direction  du  catalogue  géné- 
ral des  manuscrits  des  bibliothèques  de  France,  en  même 
temps  qu'il  publiait  l'histoire  et  le  bullaire  du  pape  Calixte  II, 
les  testaments  de  l'officialité  de  Besançon,  la  vie  de  Philibert 
de  Châlons. 

Eugène  de  Beauséjour,  membre  correspondant,  ancien 
magi.strat  à  Dole,  à  Vesoul,  à  Lons  le-Saunier,  à  Besançon. 
Gendre  de  l'historien  Edouard  Clerc,  il  a  puisé  à  son  contact 
le  goût  des  études  historiques.  Parmi  ses  publications,  je  si- 
gnalerai notamment  l'histoire  du  bailliage  de  Vesoul  et  des 
magistrats  qui  y  ont  siégé. 

M.  Léon  Viellard,  le  grand  industriel  de  Morvillars,  admi 


nistratcur  de  la  Compagnie  de  l'Est,  dont  les  rares  qualités 
d'intelligence  et  de  savoir  se  sont  déployées  dans  des  direc- 
tions si  diverses.  Erudit,  M.  Yiellard  a  publié  un  ouvrage  re- 
marquable sur  la  trouée  de  Belfort  et  ses  souvenirs  histo- 
riques. Il  nous  a  donné  une  étude  sur  la  maison  féodale 
d'Orsans. 

M.  Jean-Baptiste  Morlet,  ancien  négociant,  ancien  conseil- 
ler municipal,  membre  de  la  Chambre  de  commerce,  qui  a 
donné  tout  son  dévouement  à  l'assistance  publique  et  à  l'ad- 
ministration municipale.  Il  fut,  chez  nous,  le  promoteur  gé- 
néreux de  l'établissement  du  téléphone. 

Longue,  vous  le  voyez,  est  la  liste  de  nos  regrettés 
membres.  Mais  si  l'âge  de  ceux  qui  s'en  vont,  n'empêche 
pas  les  larmes  de  couler  et  si  la  mort  de  l'homme  de 
bien  est  toujours  prématurée,  du  moins  avons-nous  la  conso- 
lation de  penser  que  la  plupart  de  ceux  dont  j'ai  cité  le» 
noms  ont  parcouru  une  pleine  carrière  et  donné  la  mesure 
de  leurs  talents. 

J'arrive  au  bord  d'une  tombe  qui  vient  à  peine  de  se  fermer 
sur  un  jeune  homme,  à  l'âge  où  les  preuves  données  se  pa- 
rent de  toutes  les  promesses  de  l'avenir.  Un  caractère  de 
franchise  et  de  loyauté,  une  bonté,  une  douceur  sans  bornes, 
une  haute  valeur  scientifique,  nous  rendent  plus  douloureu- 
sement cher  encore  le  souvenir  d'Henri  Bruchon.  I..a  sym- 
pathie s'épanouissait  autour  de  lui  comme  elle  va  à  son 
vénéré  père,  dont  il  avait  si  bien  suivi  l'exemple.  Nous  l'a- 
vions accueilli  avec  joie  parmi  nous  ;  il  nous  apparaissait 
comme  une  recrue  précieuse  et  ses  premiers  travaux  avaient 
justifié  nos  espérances.  Sa  perte  laisse  parmi  nous  un  vide 
immense,  comme  elle  a  laissé  au  cœur  de  sa  famille,  dont  il 
était  le  juste  orgueil,  un  inguérissable  chagrin 

Je  salue  maintenaint  les  nouveaux  venus.  Dans  les  lignes 
imparfaites  qui  viennent  de  retracer  si  brièvement  les  morts, 
ils  ont  vu  la  tâche  à  remplir.  Ils  emploieront,  comme  l'ont 
fait  leurs  prédécesseurs,  les  qualités  dont  ils  ont  bien  voulu 


k 


—  5  — 

nous  assurer  le  concours,  en  continuant  les  progrès  qui 
n'ont  pas  cessé  un  instant  de  signaler  la  marche  en  avant  de 
la  Société  d'Emulation.  Leurs  créations  viendront  s'ajoutera 
celles  qui  constituent  notre  richesse  acquise. 

L'année  1903  a  vu  éclore,  elle  aussi,  des  œuvres  nom- 
breuses et  toutes  intéressantes  à  titres  divers. 

M.  Alfred  Vaissier,  dont  il  serait  superflu  aujourd'hui  d'en- 
treprendre l'éloge,  et  qui  sait  recueillir,  avec  une  merveil- 
leuse divination,  pour  en  faire  sortir  l'histoire,  les  moindres 
débris  répandus  dans  notre  sol,  nous  a  donné  encore  toute 
une  série  de  notes  sur  des  points  mal  élucidés. 

Il  a  su  déterminer  l'époque  probable  à  laquelle  les  monu- 
ments de  Vesonlio  ont  été  partiellement  détruits  (avant  la 
venue  de  l'empereur  Julien  en  Séquanie  vers  l'an  360  de 
notre  ère).  Il  conclut  à  une  invasion  venue  d'outre-Rhin, 
anéantissant  Mandeure,  puis,  détruisant,  en  partie  du  moins, 
Besançon,  qui  abandonné  par  les  troupes  romaines,  réfugiées 
sans  doute  au  delà  de  la  Saône,  ne  retrouva  jamais  son  an- 
cienne splendeur. 

Deux  statères  d'or  pâle  des  Auberci  Cenomanni,  c'est-à- 
dire  du  peuple  gaulois  qui  habitait  la  région  du  Mans,  re- 
trouvées aux  environs  de  Poligny,  lui  ont  permis  d'affirmer 
que  longtemps  avant  César,  au  lendemain  de  la  mort  de  Phi- 
lippe de  Macédoine  et  d'Alexandre,  un  commerce  très  actif 
reliait  le  nord  et  le  midi,  l'est  et  l'ouest  de  la  Gaule  indé- 
pendante. 

M.  Jules  Gauthier,  une  fois  de  plus,  nous  a  offert  de  nou- 
velles preuves  de  son  incroyable  activité.  De  l'heureux  mé- 
lange de  sa  vaste  érudition  et  du  sentiment  si  vif  de  la  poésie 
qui  s'attache  aux  choses  anciennes,  nous  avons  vu  jaillir 
encore  de  nouveaux  joyaux. 

Je  signale  l'étude  sur  «  les  cloches  franc-comtoises  »  his- 
toire à  grands  traits  des  carillons  «  tréseaux  »  et  bourdons 
qui,  du  XII*  siècle  à  nos  jours,  ont  animé  les  beffrois  des 
vieilles  églises  et  dont  la  plupart  ont  péri,  au  cours  des  âges, 


-  6  - 

tantôt  dans  les  incendies^  tantôt  dans  les  pillages  des  guerres 
d'autrefois,  pour  être  anéantis  par  centaines  en  1792-1793 
quand  la  conscription  des  cloches  transforma  en  canons  le 
bronze  des  clochers. 

Les  armoriaux  et  les  hérauts  d'armés-  francs-comtois^ 
étude  sur  les  praticiens  d'art  héraldique,  qui,  à  partir  des 
derniers  ducs  de  Bourgogne,  pénètrent  en  Franche-Comté, 
y  font  école,  dressent  des  recueils  de  noblesse,  coiligent  les 
armoiries  et  battent  souvent  monnaie  sur  la  vanité,  matière 
imposable  s*il  en  fût.  Malgré  ses  côtés  puérils  en  apparence, 
Tart  héraldique  a  tenu  trop  de  place  dans  les  siècles  écou- 
lés pour  que  sa  connaissance  ne  soit  pas  indispensable  à  qui 
veut  explorer  le  passé.  C'est  un  critérium  auquel  on  doit  et 
on  devra  maintes  découvertes  en  matière  d'art  et  d'archéo- 
logie. 

Livres  de  raison  des  paysans  francs-comtois.  Saisies  sur  le 
vif,  les  confidences  sincères  et  modestes,  que  quelques 
paysans  des  montagnes  ou  de  la  plaine  conflent,  au  xii*  ou 
XIII*  siècle,  à  quelque  cahier,  renseignent  mieux,  sur  la  vie 
de  nos  aïeux  de  village,  que  les  documents,  si  nombreux  dans 
nos  archives,  émanant  des  notaires  ou  des  greffiers  ne  s'oc- 
cupant  que  du  terre  à  terre  des  contrats  :  vivant  dans  la  pau- 
vreté et  surtout  très  laborieusement,  le  paysan  a  fait  souche 
de  descendants  robustes  et  donné  à  son  pays,  dans  toutes  les 
catégories  sociales,  des  héritiers  qui  lui  font  honneur. 

La  cheminée  du  médecin  Caseruit  de  Besançony  exilée  au 
musée  de  Dole.  Curieux  souvenir  artistique  d'un  contempo- 
rain et  d'un  commensal  du  cardinal  de  Granvelle,  ce  précieux 
morceau  de  sculpture  polychrome,  avec  bas-reliefs,  colonnes 
cl  iu iiements  d'architecture,  inscriptions,  emblèmes,  a  de 
[iliH  le  mérite  de  mettre  au  concours  un  petit  problème  à 
résoudre,  celui  des  initiales:  PH.  F.  D.  qui  doivent  repré- 
senter le  prénom  et  le  nom  de  quelque  artiste  dolois  de  1565. 

7nnté  latin  de  Vantiquité  et  de  la  noblesse  de  la  cité  de 
B**friHCOH,  par  Hugues  Babet,  de  Saint-Hippolyte.  Ce  lettré 


à 


—  7  — 

qui  fut  le  professeur  de  Gilbert  Convers  et  de  Jean  Matai,  fut 
aussi  leur  précurseur  dans  la  louange  du  pays  comtois  et  fit 
entrer  dans  les  cosmographies,  éditées  de  son  temps,  à  Bâle 
ou  en  Allemagne,  les  premières  descriptions  du  libre  comté 
de  Bourgogne.  Il  y  a,  dans  cet  ordre  d'idées,  nombre  de 
choses  nouvelles  à  retrouver  et  à  mettre  en  lumière  dans 
Tœuvre  de  nos  rhéteurs  de  la  Renaissance. 

Epaves  de  la  bibliothèque  de  Granvelhy  retrouvées  dans 
les  bibliothèques  du  château  de  Chantilly,  de  la  ville  de 
Vesoul,  et  d'une  communauté  religieuse  de  Besançon,  sous 
forme  de  belles  et  curieuses  reliures,  d'un  gi'and  caractère, 
enserrant  de  superbes  éditions  de  classiques  flamands,  alle- 
mands ou  vénitiens. 

Inscription  inédite  de  i557,  donnant  l'origine  du  nom 
de  la  rue  Sainte-Anne  à  Besançon. 

Après  avoir  flagellé  les  pillages  d'un  collectionneur  indé- 
licat, qui  fut  au  xviii*  siècle  le  fléau  des  bibliothèques  et  des 
archives  comtoises,  M.  Gauthier  a  révélé  d'autres  pillages 
accomplis  au  xix*  siècle  par  un  érudit  de  valeur,  atteint  de 
cette  kleptomanie  qui  amoindrit  fâcheusement  les  dépôts 
publics.  Son  nom  devra,  tôt  ou  tard,  être  publiquement 
honni,  ne  fut-ce  que  pour  éviter  le  retour  d'exploits  de  ce 
genre. 

Les  Fouillés  du  diocèse  de  Besançon  du  xi®  au  xiii'  siècle, 
étude  de  géographie  historique,  précisant  un  certain  nombre 
de  faits  inédits. 

Notice  surVéglise  Saint-Maunce  de  Besançon^  ses  recons- 
tructions et  ses  embellissements  de  1550  à  1719,  faisant 
connaître  nombre  d'artistes  oubliés  et  d'objets  d'art  disparus. 

Marnay  aux  X  VHP  et  XIX'  siècle^  première  page  de  mono- 
graphie d'une  charmante  bourgade  très  voisine  de  Besançon, 
qui  mire  encore  dans  l'eau  de  l'Ognon  les  derniers  vestiges 
d'un  beau  château  de  la  Renaissance. 

M.  l'abbé  Auguste  Rossignot,  bibliothécaire  de  l'archevêché, 
dont  nous  allons  applaudir  une  biographie  des  plus  atta- 


-  8  — 

chantes  et  des  mieux  établies  de  rorientalisle  Pauthier,  ori- 
ginaire de  Mamirolle,  ne  s'est  pas  borné  à  rendre  à  notre 
distingué  compatriote  un  hommage  mérité.  Il  nous  a  rendu 
compte  de  fouilles  très  curieuses  qu'il  a  pratiquées  dans  la 
Haute-Saône,  sur  le  territoire  d'Argillières,  et  qui  ont  mis  en 
évidence,  près  de  la  route  romaine  de  Pierrecourt  à  Bour- 
bonne,  trois  groupes  de  métairies  et  d'habitations,  contempo- 
raines de  l'empereur  Claude  II,  c'est-à-dire  du  m*  siècle. 

M.  Maurice  Thuriet,  qui  collabore  activement  à  la  biogra- 
phie provinciale,  que  V Association  franc-comtoise,  dont  il 
vient  d'être  nommé  président,  s'efforce  de  nous  donner,  a 
consacré  à  Jean  Petit,  le  sculpteur  vigoureux  que  nous 
venons  de  perdre,  une  étude  biographique  très  complète,  et 
a  mis  en  lumière,  avec  un  grand  talent,  ce  qu'un  fils  d'ou- 
vrier, dénué  d'appui  et  d'argent,  a  pu  faire  pour  rivaliser 
avec  un  maître  du  ciseau.  La  notice  de  M.  Thuriet  défendra 
de  l'oubli  le  nom  du  sculpteur,  qui  trouvera  dans  la  posté- 
rité reconnaissante  plus  de  justice  qu'on  ne  lui  en  a  rendu 
de  son  vivant. 

M.  Victor  Guillemin  qui,  dans  le  volume  de  nos  Mémoires 
de  1902,  a  publié  une  savante  et  complète  étude  sur  la  pein- 
ture anglaise,  nous  a  lu,  cette  année,  une  étude  sur  l'aimable 
poète  Alfred  Marquiset,  notre  associé,  dont  la  verve  et  la 
muse  élégante  ont  donné  déjà  à  notre  théâtre  comtois  tant 
d'oeuvres  originales  et  spirituelles. 

M  Tabbé  Druot  a  consacré  une  consciencieuse  étude  à  la 
voie  romaine  de  Vesontio  à  Mandeure,  qui  traverse  les 
cantons  de  Baume  et  de  Clerval,  par  Luxiol,  Autechaux, 
Voillans,  l'Hopital-Saint-Lieffroy,  Rang-les-L'Isle.  L'explo- 
ration a  été  faite  par  lui  avec  beaucoup  de  méthode  et  de 
sagacité.  Ses  creusages  et  ses  observations  fort  judicieuses, 
ajoutent  d'intéressants  jalons  à  la  carte  de  la  Séquanie 
romaine. 

Après  nous  avoir  parlé  de  l'activité  qui  règne  dans  nos 
séances  et  dont  les  fruits  se  retrouveront  en  1904  dans  notre 


volume  de  Mémoires,  laissez-moi,  mesdames  et  messieurs, 
vous  entretenir  un  instant  de  l'œuvre  collective  de  la  société 
en  1903. 

La  Société  d'Emulation,  après  avoir  réalisé  le  capital  de  la 
pension  des  frères  Grenier  constituée  par  le  dernier  survi- 
vant, le  poète  Edouard,  a  décidé  que  cette  pension  triennale 
serait  de  1,800  francs  par  an  et  que,  dans  ce  but,  les  intérêts, 
aiijourd'hui  de  1,550  francs  environ,  seraient  capitalisés 
jusqu'à  ce  que  pareille  rente  puisse  être  régulièrement 
servie.  Le  délai  nécessaire  permettra  incessamment  d'étudier 
dans  le  sens  le  plus  libéral  et  le  plus  conforme  aux  inten- 
tions des  généreux  donateurs,  les  conditions  d'une  fondation, 
dont  notre  Société  s'honore  d'être  à  jamais  la  dispensatrice. 

En  1899,  la  Société  d'Emulation  a  fondé  l'Association  franc- 
comtoise,  c'est-à-dire  le  groupement,  en  un  étroit  faisceau, 
de  toutes  les  sociétés  savantes  de  notre  ancienne  et  chère 
province.  Tour  à  tour,  à  Dole,  à  Montbéliard,  à  Gray,  l'Asso- 
ciation a  tenu  ses  pacifiques  assises.  Cette  année  c'était  à 
Lons-le-Saunier  où  quatre-vingts  congressistes,  présidés  par 
M.  Philippe  Berger,  de  l'Institut,  professeur  au  Collège  de 
France,  notre  compatriote  et  notre  collègue,  ont  acclamé 
l'union  si  nécessaire,  pour  le  progrès  de  la  science  et  le 
maintien  de  cet  esprit  provincial,  qui  est  une  grande  force  du 
patriotisme  national  L'an  prochain,  au  mois  d'août  1904, 
l'Association  se  tiendra  à  Besançon  et  ce  sera  à  vous.  Mes- 
sieurs, à  donner  à  cette  fête  l'ampleur  qui  convient.  C'est 
votre  nouveau  et  distingué  président,  auquel  Je  vais  remettre 
le  pouvoir,  que  votre  collaboration  m'a  rendu  facile,  qui  aura 
l'avantage  de  présider  l'association  franc-comtoise  et  qui  fera 
avec  vous,  avec  notre  jeune  et  aimable  bibliothécaire, 
M.  Gazier,  secrétaire  général  du  Congrès,  les  honneurs  de 
notre  vieille  capitale  aux  délégués  venus  des  bords  de  la 
Saône,  du  pied  des  Vosges  et  du  Jura.  Le  succès  du  Congrès 
de  Lons-le-Saunier  et  des  trois  réunions  qui  l'ont  précédé,  est 
un  augure  favorable  pour  ses  .«uccès  futurs,  et  la  Société 


—  10  — 

d'Emulation  peut  se  flatter  d'une  initiative  qui  n'a  pas  trouvé 
et  ne  trouvera  jamais  de  détracteurs . 

Dans  la  mesure  de  ses  forces,  la  Société  d'Émulation  a 
mis  tout  son  dévouement,  depuis  soixante  années,  à  déve- 
lopper la  prospérité  artistique  et  scientifique  de  notre  ville. 
Elle  a  enrichi  le  Musée  d'archéologie,  après  avoir  fondé  et 
doté  le  Musée  d'histoire  naturelle,  après  avoir  libéralement 
distribué  ses  ressources  à  nos  bibliothèques,  à  nos  labora- 
toires. 

La  lutte  pour  la  vie,  si  âpre  aujourd'hui,  engendre  l'indiffé- 
rence aux  choses  de  l'art  et  l'égoïsme.  Il  nous  appartient, 
Messieurs,  de  lutter  de  toutes  nos  forces  contre  ces  ferments 
de  corruption  et  de  dépérissement  intellectuel  et  moral. 
Cherchons  à  grouper  autour  de  nous  la  jeunesse  avec  sa 
sève  et  son  entrain,  les  hommes  plus  mûrs,  avec  leur 
science,  leur  sagesse  et  leur  influence 

Nous  sommes  sûrs  d'être  secondés  dans  notre  tâche  par  le 
concours  de  tous  nos  concitoyens.  Les  marques  de  sympathie 
et  d'estime  que  les  hauts  fonctionnaires  de  notre  ville, 
présents  et  absents,  ont  bien  voulu  nous  donner,  nous  sont 
une  précieuse  garantie.  Qu'iis  reçoivent  l'expression  de 
notre  sincère  et  respectueuse  gratitude. 

Depuis  bientôt  vingt  ans  que  j'appartiens  à  la  Société,  je  n'y 
ai  vu  que  travail  et  entente.  La  lecture  de  vos  mémoires, 
qui  forment  déjà  une  petite  bibliothèque,  décèle  cette  har- 
monie qui  règne  au  milieu  des  plus  nobles  préoccupations. 

Fasse  l'avenu'  que  de  si  louables  eflorts  restent  féconds  et 
que  votre  initiative  continue  à  s'exercer  au  grand  profit  des 
sciences,  des  lettres  et  des  arts,  dans  cette  vieille  cité  dont 
vous  écrivez  les  annales,  dont  vous  ressuscitez  les  traditions, 
les  gloires,  les  monuments  ! 


k 


LE  PROFESSEUR 

ALEXANDRE  VÉZIAN 

Par  le  D'  Albert  6IRARD0T 


Séance   du    i6   décembre   i903. 


Messieurs, 

La  Société  d'Emulation  du  Doubs  a  perdu,  au  mois  d'août 
dernier,  l'un  de  ses  membres  les  plus  anciens,  M.  le  profes- 
seur Alexandre  Vézian,  qui  lui  appartenait  depuis  plus  de 
quarante  ans,  et  qui  avait  pris,  autrefois,  une  part  active  à 
ses  travaux  et  à  ses  publications. 

M.  Vézian  était  né  à  Montpellier,  le  29  avril  1825;  il  avait 
fait  ses  premières  études  au  prytanée  de  la  Flèche,  où  son 
père  l'avait  placé,  le  destinant  à  l'état  militaire  ;  il  s'y  était 
fait  remarquer  par  sa  vive  et  précoce  intelligence,  et  par  une 
aptitude  très  marquée  pour  les  sciences  d'observation.  Celles- 
ci  prirent  bientôt  plus  d'attrait  pour  lui  que  la  carrière  des 
armes,  et  il  quitta  la  voie  dans  laquelle  sa  famille  désirait 
rengager,  pour  se  consacrer  à  l'enseignement  et  entrer  dans 
l'université.  Il  y  débuta  comme  professeur  de  physique  au 
lycée  de  Bourg,  et,  après  deux  suppléances,  l'une  à  la  fa- 
culté des  sciences  de  Clermont,  l'autre  à  celle  de  Rennes,  il 
fut  chargé  du  cours  de  minéralogie  à  la  faculté  des  sciences 
de  Besançon,  le  2  décembre  18«59:  puis  il  devint  titulaire  de 
la  chaire  de  géologie  et  de  minéralogie,  le  15  janvier  1862. 
En  1878,  il  fut  nommé  doyen  de  cette  faculté,  et  conserva 


-  12  - 

le  décanat  jusqu'à  l'époque  de  sa  retraite;  il  reçut,  en  1881, 
la  croix  de  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

La  carrière  scientifique  ae  M.  Vézian  ne  fut  pas  moins 
brillante  que  sa  carrière  universitaire,  et  elle  l'eût  été  da- 
vantage encore,  s'il  se  fût  moins  tenu  à  l'écart,  par  le  fait 
d'une  modestie  excessive  et  d'une  véritable  répugnance  à  se 
mettre  en  avant.  Ses  premiers  travaux  de  géologie  sur  la 
province  de  Barcelone  attirèrent  l'attention  sur  lui,  et  son 
Prodrome  qui  parut  quelques  années  après,  obtint  du  monde 
savant  l'accueil  le  plus  favorable.  Cet  ouvrage  considérable 
n'est  pas  seulement  un  abrégé  de  géologie,  comme  l'indique 
trop  modestement  son  auteur,  mais  un  véritable  traité  de 
cette  science,  dans  lequel  il  passe  successivement  en  revue  : 
la  cosmogonie  du  globe,  les  phénomènes  dont  le  siège  est  à 
l'intérieur  de  l'écorce  terrestre,  ceux  dont  le  siège  est  à  l'ex- 
térieur de  cette  écorce,  la  formation  des  montagnes,  la  stra- 
tigraphie, les  modifications  de  la  flore,  de  la  faune  et  du  cli- 
mat au  cours  des  temps  géologiques;  enfin,  la  géologie 
systématique.  Le  Prodrome  renferme  sur  toutes  ces  ques- 
tions des  indications  très  complètes  et  des  aperçus  nouveaux, 
pour  le  moment  où  il  fut  composé;  aussi  son  succès  fut 
grand  lorsqu'il  parut  et  il  eut  rapidement  trois  éditions,  en 
1861, 1863  et  1865.  Quelques  années  plus  tard,  en  1873  et 
en  1874,  M.  Vézian  publia,  dans  les  Mémoires  de  notre  So- 
ciété, une  étude  très  étendue  sur  le  Jura  franc-comtois,  sorte 
d'histoire  géologique  de  cette  partie  du  massif,  comprenant 
l'examen  de  son  dépôt,  dans  un  bassin  bien  défini  de  la  mer 
jurassique,  de  sa  structure,  des  phases  qu'il  a  traversées  de- 
puis l'achèvement  de  sa  sédimentation  jusqu'à  l'époque  ac- 
tuelle, et  Texposé  des  phénomènes  dont  il  a  été  le  siège 
pendant  cette  dernière  période.  Ce  travail,  présenté  au  con- 
grès des  sociétés  savantes,  en  1875,  valut  une  médaille  d'ar- 
gent à  son  auteur;  il  témoigne,  comme  le  Prodrome,  d'un 
labeur  intense  et  prolongé  et  d'une  grande  activité  intellec- 
tuelle. Cette  activité,  toutefois,  ne  se  borna  pas  à  la  publica- 


--43- 

tion  de  ces  deux  ouvrages;  M.  Vézian  fit  paraître  aussi,  soit 
dans  notre  Recueil,  soit  dans  le  Bulletin  de  la  Société  géolo- 
gique de  France,  ou  dans  celui  de  la  section  du  Jura  du  Club 
alpin,  plusieurs  notices  concernant  les  assises  secondaires 
de  notre  province  et,  dans  TAnnuaire  du  Club  alpin  français, 
une  «  Esquisse  de  l'histoire  géologique  du  Mont-Blanc  », 
ainsi  que  divers  articles  sur  les  montagnes,  leur  formation, 
leur  rôle  géologique  et  les  théories  orogéniques. 

Quelques  années  déjà  se  sont  écoulées  depuis  la  publica- 
tion de  ces  travaux,  pendant  lesquelles  la  science  a  progressé 
d'une  manière,  pour  ainsi  dire  prodigieuse,  et  certains  d'entre 
eux  sont  aujourd'hui  de  beaucoup  dépassés;  bien  des  idées 
qui  lui  étaient  propres,  ou  qu'il  avait  adoptées,  ont  été  re- 
connues fausses  puis  abandonnées.  On  ne  saurait  voir  là, 
toutefois,  une  marque  d'infériorité  ;  ses  travaux  ont  subi  la 
destinée  commune  à  toutes  les  œuvres  scientifiques  qui  sont 
comme  des  degrés ,  sur  lesquels  la  science  s'appuie ,  puis 
qu'elle  franchit  et  laisse  derrière  elle,  en  s'élevant  sans  cesse 
plus  haut;  aussi,  pour  apprécier  la  valeur  du  savant,  ne 
faut-il  pas  le  juger  au  point  de  vue  du  temps  actuel,  mais  de 
celui  où  il  écrivait.  D'ailleurs,  si  les  théories  se  sont  modi- 
fiées, si  l'invraisemblance  de  quelques-unes  des  hypothèses 
qu'il  défendait  a  été  démontrée,  ses  observations  person- 
nelles demeurent  d'une  exactitude  incontestable  et  n'ont  rien 
perdu  de  leur  justesse. 

M.  Vézian  entra  dans  notre  Société  en  1860,  dès  son  arrivée 
à  Besançon  ;  il  vint  y  continuer  la  tradition  des  recherches 
de  géologie,  auxquelles  elle  a  toujours  fait  bon  accueil; 
comme  ses  prédécesseurs,  Numa  Boyé,  Etallon,  Lory,  Pi- 
dancet,  pour  ne  citer  que  ceux-là,  il  contribua  à  augmenter 
l'étendue  de  nos  connaissances  sur  ce  pays,  non  sans  jeter 
quelque  éclat  sur  notre  Compagnie;  il  fut  toujours  dévoué  à 
ses  intérêts,  enrichit  ses  Mémoires  d'un  remarquable  travail 
et  la  présida  deux  fois,  en  1863  et  en  1875.  Il  laissera  parmi 
nous  le  souvenir  d'un  confrère  bienveillant  et  de  relations 


agréables,  qui  aimait  la  science  et  cherchait  à  la  faire  aimer^ 
et  qui  fit  honneur  à  notre  Association  ;  aussi  ne  devions-nous 
pas  le  laisser  disparaître  sans  lui  adresser  ici  un  dernier 
adieu. 


L'ORIENTALISTE 

GUILLAUME  PAUTHIER 

(1801-1873) 
Par  M.  l'abbé  Angoste  ROSSIGNOT 

BIBLIOTHÉCAIRE  DB  L'aRCHEVÊCHÉ 

MKMBBE    l^tiSXDAKT 


Séance  publique  du  il  décembre  1903 


Le  11  mars  1873  mourait  à  Paris  un  de  nos  compatriotes, 
qui  a  laissé  un  nom  comme  orientaliste,  et  dont  aucune  pu- 
blication franc-comtoise  n'a  parlé  à  cette  époque.  Cet  homme 
est  Guillaume  Pauthier,  connu  dans  son  pays  natal  sous  le 
nom  significatit  de  Pauthier  le  Chinois.  Si  nous  en  croyions 
la  Grande  Encyclopédie,  il  serait  né  à  Besançon  en  1801  ;  or, 
il  est  né  à  Mamirolle  le  12  vendémiaire  an  X  (4  octobre  1801), 
comme  en  font  foi  ses  actes  de  naissance  et  de  baptême  (0. 

(1)  Acte  de  naissance  de  Guillaume  Pauthier  :  «  Du  douze  du  mois  de 
vendémiaire,  an  dix  de  la  République.  Acte  de  naissance  de  Jean-Pierre- 
Guillaume  Pauthier,  né  le  douze,  à  trois  heures  du  soir,  fils  de  Pierre- 
François  Pauthier  et  de  Jeanne-Baptiste  Bideaux,  profession  de  proprié- 
taire, demeurant  à  Mamirolle,  mariés,  présenté  par  Jean-François  Pauthier, 
oncle.  Le  sexe  de  l'enfant  a  été  reconnu  pour  être  garçon. 

«  Premier  lémoin.  Joseph  Bouteillier,  Agé  de  trente-trois  ans,  domicilié  à 
Mamirolle. 

»  Second  témoin,  Jeanne-Pierrette  Bideaux,  âgée  de  vingt-quatre  ans, 
domiciliée  à  Bouclans. 

n  Sur  la  réquisition  à  nous  faite  par  François  Pauthier,  oncle. 

j»  Et  ont  signée  à  l'exception  du  second  témoin,  qui  a  dit  être  illettré. 
»  Signatures  :  J.-F.  Pauthier,  J>>  Bouteillier. 

»  Constaté  par  la  loi,  par   moi,  Joseph  Mercier,  maire  de   Mamirolle, 
faisant  fonction  d  officier  de  létat  civil.  Les  an,  mois  et  jour  que  dessus. 
«  Si^snature  du  maire  :  Ji'  .Mercier.  » 


^  16  - 

En  1873,  le  neveu  de  G.  Pauthier,  M.  Xavier  de  Ricard, 
publia  le  Catalogue  des  livres  chinois  composant  la  biblio- 
thèque de  son  oncle,  avec  une  courte  notice  biographique  où, 
le  considérant  surtout  comme  savant,  il  énumère  toutes  ses 
publications.  M.  Léon  Séché  a  écrit,  il  y  a  deux  ans,  une  vie 
d'Alfred  de  Vigny^  où  il  parle  assez  longuement  de  Guil- 
laume Pauthier,  lequel  étant  entré  de  bonne  heure  dans  l'a- 
mitié du  poète,  y  demeura  jusqu'à  la  fin  et  fut  Tun  de  ses 
exécuteurs  testamentaires.  Il  noub  montre  Pauthier  sous  une 
autre  fece,  et  ces  deux  ouvrages  se  complétant,  nous  pour- 
rons en  tirer  une  notice  qui  ne  sera  point  sans  quelque  in- 
térêt. 

Pauthier  appartenait  à  une  famille  aisée  de  Mamirolle,  et 
il  fit  sans  doute  quelques  études  dont  sut  tirer  profit  son  ar- 
deur au  travail.  A  Tâge  de  vingt-deux  ans  il  était  soldat  au 
55®  de  ligne,  où  Alfred  de  Vigny  servait  comme  capitaine. 
Celui-ci  était  d'un  caractère  mélancolique  et  rêveur  ;  il  fré- 
quentait peu  les  officiers  de  son  régiment,  et  il  trouva  dans 
Pauthier  un  esprit  sympathisant  davantage  avec  le  sien,  car 
Pauthier  était  poète  à  ses  heures,  c'est-à-dire  qu'il  rimait. 
Etant  apparenté  au  général  Donzelot  —  son  frère  avait  épousé 
la  nièce  du  général  —  il  devint  très  vite  caporal  et  sous- 
officier.  Sa  liaison  avec  Alfred  de  Vigny  commença  dès  1823. 
Au  mois  de  mars  de  cette  année,  le  55«  régiment  était  envoyé 
de  Strasbourg  à  Pau.  Vigny  était  en  train  d  écrire  son 
poème  de  Satan,  Il  ramassa  sa  plume  et  son  manuscrit,  mit 
le  tout,  avec  sa  petite  Bible,  dans  le  sac  d'un  soldat  de  sa 
compagnie  et  partit.  Ce  soldat,  dont  il  parle  dans  une  lettre 
à  Brizeux,  était  Guillaume  Pauthier.  Celui-ci  raconte  qu'en 
arrivant  à  Nancy,  le  poète,  avec  qui  il  avait  causé  tout  le 
long  de  la  route,  lui  fit  la  surprise  de  lui  donner  un  billet  de 
logement  d'officier  dans  une  bonne  maison  bourgeoise  (V. 

Alfred  de  Vigny  encouragea  les  premiers  essais  de  son 


(1)  Cr.  Alfred  de  Vigny  et  soa  temps^  p.  108. 


-47  - 

soldat,  persuadé  qu'il  était,  qu'un  jour  oîi  l'autre,  après  ces 
tâtonnements,  sa  personnalité  finirait  par  s'accuser.  Ceux 
qui  seraient  curieux  de  connaître  les  essais  de  ce  poète - 
soldat  n'auraient  qu'à  feuilleter  le  Mémorial  Béarnais  de 
l'année  4824.  Ce  journal  paraissait  à  Pau,  où  de  Vigny  et 
Pauthier  tenaient  garnison.  La  protection  du  général  Donze- 
lot  ne  valut  pas  seulement  à  celui-ci  de  l'avancement,  mais 
aussi  des  faveurs  exceptionnelles,  comme  celle  de  faire 
suivre  de  son  nom  et  de  son  grade  de  caporal  ou  de  sergent 
les  pièces  de  vers  qu'il  publiait  dans  les  journaux.  Alfred  de 
Vigny  et  Pauthier  n'étaient  pas  plus  faits  l'un  que  l'autre 
pour  la  vie  militaire,  mais  si  Pauthier  n'était  point  un  sol- 
dat, il  n'était  pas  plus  un  poète.  Ayant  achevé  son  service, 
il  continua  cependant  ses  publications.  En  4825  et  1836  pa- 
rurent, chez  Maurice,  à  Paris  :  les  Helléniennes^  en  faveur 
de  la  cause  des  Grecs,  et  les  Mélodies  poétiques  et  Chants 
d'amour.  Le  titre  seul  de  ces  ouvrages  fait  songer  aux  Mes- 
séniennes  et  aux  Méditations,  dont  Pauthier  s'était  effective- 
ment inspiré,  mais  la  poésie  était  médiocre.  Voici  quelques 
vers  des  Helléniennes  : 

Une  muse  chère  à  la  France 
Naguère  a  reproduit  ses  sublimes  concerts. 
Sur  Taile  de  Tyrtée  elle  a  franchi  les  mers, 
Portant  aux  flls  des  Grecs  la  gloire  et  Tespérance. 

Quels  chants  ont  retenti  sur  les  murs  de  Crissa? 
Quel  luth  harmonieux  les  redit  dans  Attiène? 
Ce  sont  les  beaux  accents  du  chantre  de  Messèiie  'l), 
Et  les  accents  plaintifs  de  la  beUe  Héléna  (2). 

Regardez  !  la  voilà  cette  Grèce  superbe 
Dont  le  sol  protecteur  formait  des  demi-dieux  ! 
Ses  dieux  mêmes,  ses  dieux  ont  disparu  sous  l'herbe. 
Mais  il  y  reste  encore  la  croix,  fille  des  cieux! 


(i)  Alfred  de  Vigny. 
(2)  Casimir  Delavlgne. 


—  48  — 

Levez- vous,  fils  d*Argos!  levez-vous,  fils  d'Athènes! 
0  Sparte,  tes  héros  suivent  Léonidas  ! 
Courez  ;  entendez-vous  la  voix  de  Démosthènes? 
Voyez— vous  ce  guerrier?  C*esl  Epaminondas! 

Voici  maintenant  un  extrait  des  Mélodie*  poétiques  : 

La  brise  du  désert  a  fait  pâlir  la  fleur 
Que  l'aurore  arrosait  de  sa  main  virginale. 

Elle  était  Tamour  de  mon  cœur. 
Elle  était  le  parfum  de  Taube  matinale 

Elle  m'apparaissait  comme  un  rêve  charmant. 
Comme  un  flambeau  brillant  au  sein  d'une  nuit  sombre. 

Celte  illusion  d'un  moment. 
Cette  extase  d'amour  a  disparu  dans  l'ombre. 

Hélas!  pour  mériter  ton  cœur  et  ton  amour. 
Aux  champs  de  l'avenir,  j'allais  chercher  la  gloire  ! 

Et  je  voulais  qu'à  mon  retour 
Tu  pusses  t'applandir  et  montrer  ta  victoire. 

Mais  quand  lu  seras  seule,  hélas!  pense  i\  celui 
Qui  vit  fleurir  pour  toi  le  printemps  de  .sa  vie, 

Et  qui  se  voit  seul  ciujourd'hui, 
Arraché  loin  de  toi  comme  une  herbe  flétrie. 

A  ces  poésies,  qui  ne  révèlent  pas  un  sentiment  poétique 
bien  original,  il  faut  en  ajouter  quelques  autres,  publiées 
dans  difl"érents  Recueils,  tels  que  V Album  et  le  Petit  Album 
franC'ComtoiSy  et  la  pièce  sur  le  Dévouement  de  Decèze^ 
récompensée  d'une  médaille  d'or  par  l'Académie  de  Besan- 
çon, en  1829.  Douze  concurrents  s'étaient  présentés  ;  deux 
pièces  .seulement  furent  remarquées,  et  Pauthier  partagea  le 
prix  avec  M.  Charles  de  la  Villette,  de  Besançon,  connu  de- 
puis, dans  le  monde  des  lettres,  sous  le  nom  de  Charles  de 
Bernard.  Le  rapporteur  reconnaît  que  Pauthier,  pénétré  de 
son  sujet,  a  bien  disposé  sa  composition  et  qu'il  a  su  placer 
son  héros  de  manière  à  attirer  les  regards  sur  lui.  Il  signale 
dans  cette  pièce  un  excellent  esprit,  une  marche  vraiment 


-i9- 

logique,  un  style  généralement  harmonieux  et  élevé,  une 
versification  toujours  facile,  quehjuefois  élégante,  mais  il  y 
trouve  des  taches  nombreuses  et  paraissant  voulues.  En 
voici  quelques  passages  : 

L'Europe  avait  sonné  raUarme  ; 
Les  rois  entre  eux  s'étaient  ligués, 
Et  par  leurs  bataillons  en  arme 
Leurs  peuples  étaient  subjugués. 
Alors,  de  terreurs  affranchies, 
Se  reposaient  les  monarchies  ; 
Soudain,  dans  Funivers  surpris, 
On  entendit  un  bruit  immense  ; 
C'était  le  vieux  Irùne  de  Franco 
Qui  s'écroulait  sur  sos  «lôbris. 

Paulhier  fait  parler  Decôze  dans  Ips  vers  suivants 

Entendez  d'avance  l'iiistoire 
Qui  redira  les  vœux  si  purs 
De  ce  bon  roi  dont  la  mémoire 
Sera  chère  aux  siècles  futurs  ! 
Eloignez  d'efTrayans  présages  ! 
Songez  au  jugement  des  âges. 
A  leurs  arrêts  réprobateurs  ! 
Louis  n'a-t-il  plus  de  refuges  ? 
Je  cherclie  parmi  vous  ses  juges, 
Et  je  ne  vois  que  ses  accusateurs. 

En  1830,  Pauthier  rencontra  Paulin-Pàris  el  entreprit  avec 
lui  la  traduction  des  œuvres  complètes  de  lord  Byron.  Cette 
traduction  fut  publiée  en  dix  volumes  chez  Dondey-Dupré  ; 
elle  porte  le  seul  nom  de  Paulin-Pâris,  mais  les  quatrième, 
cinquième  et  sixième  volumes  sont  exclusivement  Tœuvre 
de  Pauthier  ;  sa  collaboration  est  nettement  établie  par  son 
traité  avec  le  libraire  et  par  des  notes  provenant  di  lai. 

Cependant  une  nouvelle  direction  allait  être  donnée  aux 
études  de  Pauthier.  Sous  la  chaude  et  puissante  ialjiiiîî 


-  20  -  , 

fie  ?on  capitaine,  il  avait  produit  trop  hâUvemeDt,  et  peut- 
être  fût-il  devenu  plus  tard  un  vrai  poète,  bien  qu'on  le  soit 
de  naissance  :  naacuntur  poetae.  En  tout  cas,  les  essais  aux- 
quels il  se  livra  ne  lui  ont  pas  été  nuisibles  ;  ils  ont  formé 
son  style  en  le  rendant  plus  souple  et  plus  facile  ;  mais  To- 
rientaliste  est.  chez  lui,  bien  supérieur  au  poète. 

Ce  fut  sur  les  conseils  d'Abel  Rémusat  que  Pauthier  s'a- 
donna à  Tétude  des  langues  orientales.  Il  avait  enfin  trouvé 
la  voie  dans  laquelle  il  allait  s'illustrer.  «  Et  comme  un  bon- 
heur n'arrive  jamais  seul,  dit  Léon  Séché,  le  général  Don- 
zelot  lui  confia  dan?  le  môme  temps  l'administration  de  son 
château  de  Ville-Evrard,  ce  qui  lui  permit  d'étudier  en  toute 
liberté  d'esprit  le  sanscrit  et  le  chinois  >  (l). 

Une  série  de  publications  sur  les  Indes  et  la  Chine  cons- 
titue l'œuvre  proprement  dite  de  Pauthier  ;  M.  de  Ricard  en 
donne  la  liste  complète.  Il  commença,  dès  1829  et  1830,  par 
quelques  articles  publiés  dans  le  journal  le  Globe.  En  4831, 
il  fit  paraître  un  mémoire  sur  l'origine  et  la  propagation  de 
doctrine  du  Tao.  Cet  ouvrage  suscita  une  première  polé- 
mique entre  Pauthier  et  Klaproth.  De  part  et  d'autre  il  y  eut 
des  mots  assez  vifs  dont  on  retrouve  les  traces  dans  le  Jour- 
nal asiatique.  Pendant  les  années  suivantes,  de  nouveaux 
articles  de  Pauthier  parurent  dans  le  même  journal,  dans  le 
Cabinet  de  lecture  et  dans  la  Revue  encyclopédique.  Une 
Description  historique  et  géographique  de  la  Chine  suivit 
de  près,  et  en  1837  fut  publiée,  chez.  Didot,  la  traduction  du 
Ta-Hio  ou  Grande  étude.  Elle  était  en  regard  du  texte  chi- 
nois, imprimé  en  caractères  mobiles  fondus  sous  la  direc- 
tion de  Pauthier  ;  ce  ne  fut  pas  le  moindre  des  ser\ices  qu'il 
rendit  à  Tétude  de  cette  langue.  En  1840,  il  publia,  en  un 
fort  volume  in-S'*,  à  deux  colonnes,  les  Livres  sacrés  de 
VOrient,  voulant,  dit-il,  révéler  à  l'Europe  les  trois  civilisa- 
tions :  chinoise,  parle  Chou-King  ;  indienne,  par  les  Védas, 

(1)  Alfred  de  Vigny  et  son  temps,  p.  270. 


-  21  — 

et  musulmane,  par  le  Koran.  Sa  prétention  est  quelque  peu 
exagérée  et  il  nous  parait  émettre  une  contre-vérité  lors- 
qu'il affirme  que  TOrient,  ignoré  pendant  de  longs  siècles, 
est  devenu  tout  à  coup  l'arbitre  des  destinées  de  l'Europe 
qui,  engourdie  d'épuisement  et  de  lassitude,  sent  le  besoin 
d'aller  puiser  de  nouveau  sa  vie  au  soleil  de  l'Orient.  Cette 
publication  fut  récompensée  par  une  médaille  d'or  de 
2^500  francs,  décernée  à  Pauthier  par  l'Institut,  dans  sa 
séance  du  30  juin  1842. 

Une  véritable  aptitude  pour  l'étude  des  langues  ne  devait 
pas  tarder  de  susciter  à  Pauthier  des  contradicteurs.  Les 
contradictions  lui  viennent  de  celui  dont  il  ne  devait  guère 
les  attendre,  et  elles  furent  si  vives,  qu'elles  font  soupçon- 
ner leur  auteur  de  jalousie.  Quelques  pages  traduites  du 
chinois  par  Pauthier  en  furent  l'occasion.  Stanislas  Julien, 
professeur  de  langues  orientales  à  l'Institut,  en  lit  la  cri- 
tique dans  le  Journal  asiatique  où  elles  avaient  paru.  Pau- 
thier lui  répondit  et  la  querelle  s'envenima.  Le  but  évident 
de  Stanislas  Julien  était  d'écarter  Pauthier  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  à  laquelle  celui-ci  avait  posé, 
prématurément  peut-être,  sa  candidature.  Les  pamphlets 
succédèrent  aux  pamphlets  et  la  querelle  dura  plusieurs 
années.  Elle  semblait  depuis  longtemps  apaisée  lorsqu'en 
1871,  sans  aucune  provocation,  Stanislas  Julien  recommença 
ses  attaques  contre  Pauthier  qui,  cette  fois,  se  présentait 
avec  des  titres  sérieux  à  l'Institut.  Pauthier  y  répondit  et 
releva  les  imputations  mensongères  lancées  contre  Âbel  Ré- 
musat,  son  ancien  maître.  Mais  n'insistons  pas  sur  ces  pé- 
nibles incidents  et  revenons  aux  travaux  scientifiques  de 
notre  orientaliste. 

Il  serait  trop  long  et  fastidieux  de  les  énumérer  tous  : 
chaque  année  il  fait  paraître  quelque  publication  nouvelle. 
En  1841,  ce  sont  des  documents  officiels  sur  la  Chine;  en 
1842,  c'est  un  Essai  sur  l'origine  et  la  formation  similaire 
des  écritures  figuratives  chinoises  et  égyptiennes.  Le  mé- 


—  22  — 

moire  sur  rinscriplion  de  Si-gnanfoUy  stèle  cbrétienDe  du 
VIP  siècle  ;  des  études  et  observations  sur  la  civilisation  et 
les  coutumes  chinoises,  sur  la  géographie  de  ce  pays,  sur  la 
grammaire  et  les  alphabets  chinois  et  Japonais,  se  succèdent 
sans  intenxiption  ;  mais  l'œuvre  capitale  de  Pauthier  est  la 
publication  du  Livre  de  Marco-Polo^  citoyen  de  Venise, 

Marco-Polo,  né  à  Venise  vers  1250,  était  d'une  Emilie  de 
voyageurs.  Son  père  et  son  oncle  avaient  déjà  pénétré  jusque 
dans  la  Tartarie,  lorsqu'en  1268  ils  remmenèrent  avec  eux. 
Le  jeune  Vénitien  gagna  les  bonnes  grâces  du  Grand-Kan  et 
fut  envoyé  par  lui  en  mission  à  Pékin.  Il  visita  la  Chine,  la 
Tartarie,  l'Inde,  le  Thibet,  pays  alors  inconnus  des  Occiden- 
taux. A  son  retour  à  Venise,  il  fut  reçu  avec  honneur,  et  on 
lui  confia  le  commandement  d'une  galère.  Il  fut  fait  prison- 
nier dans  une  rencontre  avec  les  Génois.  Pendant  sa  capti- 
vité, il  mit  en  ordre  les  notes  qu'il  avait  recueillies  et  les 
publia.  Longtemps  on  l'accusa  d'exagération  et  de  men- 
songe ;  mais  les  découvertes  modernes  ont  confirmé  son  ré- 
cit, et  l'ouvrage  de  Pauthier  n'a  pas  peu  contribué  à  en  éta- 
blir toute  la  véracité.  Cet  ouvrage  n'est  pas  une  simple  tra- 
duction. Il  s'ouvre  par  une  introduction  de  156  pages,  qui 
est  à  elle  seule  tout  un  livre  historique,  et  le  texte  de  Marco- 
Pulo  esl  suivi  de  six  appendices,  tfun  index  analytique, 
géographique,  historique,  et  d'un  glossaire  des  vieux  mots 
français. 

A  toutes  ces  publications  de  Guillaume  Pauthier  on  pour- 
rait ajouter  de  nombreux  articles  insérés  dans  le  Journal 
asiatique  et  autres  revues  scientiliques.  Mais  ce  que  nous 
venons  de  dire  suffit  à  nous  donner  une  idée  de  tout  ce  que 
peut  produire  un  travail  assidu;  aujourd'hui  où  notre  vie  esl 
si  agitée  et  répandue  sur  un  trop  grand  nombre  d'objets, 
nous  avons  peine  à  le  comprendre. 

Kn  1848,  Pauthier  fit  diversion  à  ses  études  par  une  incur- 
sion dans  la  politique  :  aux  élections  législatives  il  posa  sa 
vfindidainre  dans  le  département  de  Seineet-Oise.  Malgré  la 


I 


—  23  - 

protection  de  Lamartine  il  échoua,  et  Tannée  suivante  il  ne 
fut  pas  plus  heureux.  Cependant,  k  sa  quaUté  d'orientaliste, 
il  avait  pu  ajouter  celle  de  cultivateur,  puisqu'il  gérait  le  do- 
maine du  général  Donzelot.  Il  s'était  môme  donné  la  peine 
de  paraître  dans  les  réunions  publiques,  et,  croyant  remplir 
un  devoir  politique,  il  avait  fait  imprimer  une  Nouvelle  dé- 
claraii(ni  des  Droits  et  des  Devoirs  de  VHomme^  qu'il  avait 
répandue  à  des  milliers  d'exemplaires.  Il  faudrait  la  lire  pour 
comprendre  toute  sa  droiture  et  toute  la  générosité  de  son 
cœur.  Mais  ses  sages  paroles  dépassaient  l'entendement  des 
populations  auxquelles  elles  s'adressaient,  et  Pauthier,  qui 
était  gros,  trapu  et  chevelu  comme  un  Gaulois,  ne  sut  pas 
sans  doute  les  faire  valoir  de  sa  voix  lente  et  embarrassée. 
Elles  ne  produisirent  pas  plus  d'effet  sur  le  corps  électoral 
que  du  sanscrit  ou  du  chinois. 

Son  ancien  capitaine,  Alfred  de  Vigny,  ne  fut  pas  plus  heu- 
reux que  lui.  Bien  que,  à  partir  de  1850,  Vigny  eût  cherché 
les  faveurs  du  nouveau  régime,  Pauthier  ne  lui  en  demeura 
pas  moins  fidèle  ;  car,  dit  Léon  Séché,  quand  il  s'était  donné 
c'était  pour  toujours.  «  Depuis  qu'il  était  sorti  du  régiment, 
son  admiration  pour  son  ancien  capitaine  n'avait  fait  qu'aug- 
menter :  il  l'aurait  suivi  jusqu'au  bout  d^i  monde.  Non  qu'il 
partageât  toutes  ses  idées  et  qu'à  l'exemple  de  Pandore,  il 
trouvât  que  le  brigadier  avait  toujours  raison  ;  mais  il  avait 
gardé  envers  lui  quelque  chose  de  la  déférence  du  sergent 
pour  son  capitaine,  et  bien  qu'il  fût  plus  libre  avec  Gigoux, 
avec  Proudhon,  avec  Chaudey,  ses  bons  amis  de  la  Franche- 
Comté,  c'est  encore  à  Vigny  qu'il  allait  de  préférence  conter 
ses  peines.  Et  Vigny,  qui  souffrait  déjà  du  mal  terrible  qui 
devait  l'emporter,  trouvait  dans  son  cœur  des  paroles  de 
consolation  qui  servaient  de  baume  aux  blessures  de  Pau- 
thier (1).  »  Alfred  de  Vigny  mourut  au  mois  de  septembre  1863. 
Quand  on  ouvrit  son  testament,  Pauthier  fut  très  touché 

(i)  Alfred  de  Vigny  et  son  tempe ^  p.  28L 


—  24  - 

d'apprendre  qu'il  l'avait  choisi  pour  son  exécuteur  testa- 
mentaire, mais  il  le  fut  davantage  encore  du  legs  qu'il  lui 
avait  fait  de  son  épée  d'académicien. 

A  cette  époque,  Guillaume  Pauthier  fît  une  courte  trêve  â 
ses  travaux  ordinaires  pour  publier  une  brochure  de  1S4  pages 
sur  les  Iles  Ioniennes  pendant  le  gouvernement  du  général 
Donzelot.  C'est  un  juste  hommage  rendu  à  un  homme  qui  fui 
généreux  pour  lui  et  au  loyal  soldat  dont  vous  voyez  ici  le 
portrait  (M. 

On  pouvait  croire  que  le  moment  d'une  juste  récompense 
était  arrivé  pour  Pauthier.  Depuis  loni^lemps  il  était  membre 
de  la  société  asiatique  et  faisait  partie  de  son  conseil  d'admi- 
nistration. En  1872,  il  avait  été  chargé  d'un  cours  supplé- 
mentaire de  géographie  et  d'histoire  à  l'Ecole  spéciale  des 
langues  orientales  ;  et  la  mort,  en  enlevant  Stanislas  Julien, 
avait  fait  disparaître  le  plus  grand  obstacle  qu'il  eût  rencontré 
sur  sa  route.  Mais  il  ne  devait  pas  tarder  à  être  frappé  à  son 
tour.  Pauthier  était  resté  à  Paris  pendant  les  deux  sièges  et, 
pour  son  unie  ardente  et  sensible,  la  double  calamité  de  la 
guerre  civile  et  de  la  guerre  étrangère  fut  une  dure  épreuve. 
A  peine  put-il  ouvrir  le  cours  dont  il  était  chargé,  et,  déjà 
malade  dès  ses  premières  leçons,  il  mourut  le  11  mars  1873, 
à  l'âge  do  soixante-douze  ans. 

A  la  séance  du  20  juin  1873  de  la  Société  asiatique,  un  de 
ses  collègues,  Ernest  Renan,  lui  rendait,  dans  son  harmo- 
nieux langage,  le  témoignage  suivant  :  «  Le  caprice  de  la 
mort  nous  oblige  justement  à  rapprocher  de  M.Julien  l'homme 
qui  semblait  destiné  à  être  son  émule  et  que  de  regrettables 
animosités  séparèrent  de  lui.  M.  Guillaume  Pauthier,  malgré 
un  réel  mérite,  malgré  de  vrais  services  rendus  à  la  science. 


(1)  Lecture  de  cette  Notice  a  été  faite  danb  la  grande  salle  deTHôtel  de 
Ville  de  Besançon,  en  face  du  portrait  du  général  Donzelot,  faisant  partie 
de  la  galerie  des  généraux  franc-comtois. 


-  25  — 

n'a  jamais  occupé  dans  àon  pays  le  rang  dont  il  était  digne  ; 
sa  carrière  a  toujours  été  troublée  et  sa  vie  empoisonnée- par 
les  plus  tristes  mécomptes.  Nous  ayons  ie  devoir  strict,  après 
la  mort  de  deux  confrères  qui  nous  laissent  un  égal  regret, 
de  ne  pas  réveiller  des  controverses  que  nous  avons  tout  fait 
pour  étouffer...  L'érudition  étendue  de  M.  Pauthier  lui  eut 
assuré  des  droits  au  haut  enseignement.  Certes,  il  n'égalait 
pas  Julien  dans  ce  don  spécial,  départi  à  lui  seul,  de  voir  dans 
une  phrase  chinoise  ce  qui  s'y  trouve  et  rien  que  ce  qui  s'y 
trouve  ;  mais  il  avait  plus  d'instruction  comparative  ;  moins 
souvent  il  se  réfugiait  derrière  cette  phrase  péremptoire,  si 
familière  à  Julien  :  «  Je  ne  m'occupe  pas  de  cela.  »  Sa  curio- 
sité était  ouverte,  éclairée  ;  il  recueillait  avec  ardeur  et  bon- 
heur. Son  travail  sur  Marco-Polo,  sa  dissertation  sur  Tins 
cription  de  Si-gnan-fou  resteront  dans  la  science.  Sa  mé- 
moire vous  sera  particulièrement  chère,  messieurs.  Après 
notre  respecté  président,  personne  plus  que  M.  Pauthier  n'a 
donné  à  la  Société  asiatique  de  son  temps  et  de  son  activité. 
Les  épreuves  de  ces  dernières  années  lui  furent  cruelles 
comme  à  tant  d'autres.  Le  siège,  la  Commune,  dont  il  vit  à 
Passy,  qu'il  habitait,  les  scènes  les  plus  terribles,  l'ébranlé- 
rent  au  physique  et  au  moral.  Le  découragement  fut  chez  lui 
si  fort,  que  nous  cessâmes  presque  de  le  voir.  Il  avait 
soixante  et  onze  ans,  quand  un  accident  subit  Tenleva.  Disons 
de  cœur  à  cet  honnête,  franc  et  loyal  confrère  un  sympathi- 
que adieu  (t).  » 

La  parole  de  l'auteur  de  la  Vie  de  JésuSy  si  elle  est  agréable, 
manque  souvent  de  précision.  Nous  avons  voulu  savoir  quel 
accident  subit  enleva  Guillaume  Pauthier  ;  nous  avons  appris 
par  son  neveu,  M.  Xavier  de  Ricard,  qu'il  mourut  d'une  at- 
taque d'apoplexie  depuis  quelque  temps  prévue. 

Si  les  travaux  de  Pauthier  n'ont  pas  été  récompensés,  pen- 

(1)  Journal  aHalique,  1*  série,  t.  H,  p.  18. 


-  26  - 

dant  sa  vie,  comme  ils  le  méritaient,  il  ne  faut  pas  que  ses 
compatriotes  négligent  sa  mémoire.  Nous  croyons  donc  que 
la  Société  d'Emulation,  qui  aiiae  à  célébrer  toutes  les  gloires 
comtoises,  lui  devait  le  tardif  mais  juste  hommage  que  nous 
sommes  heureux  de  lui  rendre  aujourd'hui. 


i 


EN    EGYPTE 


DU    CAIRE    A    ASSOUAN 

Par  M.  V.  ALHAND 

CHEF     DE     BATAILLON     DU     GÉNIE 
mkmsub  cokrkspomdamt 


Séance  publique  du  il  décembre  i903  (*) 


Le  «  Melbourne  i»  file  à  toute  vitesse  pour  arriver  à  Suez 
avant  la  nuit.  Les  deux  rives  du  golfe  sont  visibles  :  celle  de 
droite,  plus  éloignée,  est  une  ligne  continue  de  hautes  falaises 
blanches  plongeant  dans  Teau  bleue  en  arrière  de  laquelle 
se  dessine,  sur  un  fond  de  brume,  la  silhouette  indécise  du 
massif  sinaitique;  celle  de  gauche,  faite  de  collines  ro- 
cheuses et  de  dunes  de  sable,  laisse  voir  les  échancrures  des 
vallées  qui  la  coupent  et  les  promontoires  abrupts  qu'elle  en- 
voie dans  la  mer. 

Les  passagers  impatients,  consultent  la  carte  marine  sur 
laquelle  le  commandant  trace  chaque  jour  le  chemin  par- 
couru et  cherchent  à  contrôler,  avec  des  jumelles,  les  indi- 
cations vagues  qu'elle  donne  sur  les  reliefs  en  vue. 

Enfin  la  ligne  foncée  des  palmiers  des  «  Aioun  Moussa  (U  » 
barre  à  tribord  le  jaune  clair  de  la  plage  déserte  ;  le  djebel 
Âtakah  dresse  au  couchant  ses  escarpements  sombres  et  en 


(*)  £n  Tabsence  de  l'auteur,  lecture  de  cette  Notice  a  été  faite  par  M.  le 
capitaine  V.  Maire,  du  22«  régiment  coloniaJ. 
(1)  Sources  de  Moïse! 


—  28  — 

face,  dans  la  direction  de  la  marche,  une  ville  blanche  et  rose 
sort  des  flots 

Elle  monte  rapidement  sur  la  mer,  longtemps  sans  sup- 
poil  visible  ;  peu  à  peu  une  côte  basse  se  dessine  fermant 
tout  l'horizon,  des  bouées  avancent  vers  nous  l'entrée  du 
canal,  le  port  de  Suez  se  précise  et  bientôt  l'immense  pa- 
quebot s'immobilise  sur  ses  ancres. 

A  Ismaïlia  le  désert  cesse  d'être  seul  mattre.  L*oued  Tou- 
miliot  déjà  verdoyant,  permet  l'accès  facile  de  la  terre  de 
Gessen,  antique  domaine  de  Jacob  et  de  sa  descendance  Une 
des  premières  stations,  Ramessès,  y  marque  le  point  où  les 
Hébreux,  opprimés  par  Sésoslris,  construisaient  pour  lui,  en 
briques  séchées  au  soleil,  une  grande  ville  disparue,  boule- 
vard de  TEgyte  contre  ses  ennemis  de  Sypie. 

Zagazig,  non  loin  des  ruines  de  Bubaste,  est  le  centre  de 
la  culture  du  coton  ;  toute  la  région,  plane  comme  la  Beauce, 
n'est  qu'un  immense  jardin  coupé  de  bouquets  de  palmiers, 
d'acacias  ou  de  sycomores. 

Les  fellahs  vêtus  de  bleu  sont  aux  champs,  sèment, 
binent  ou  irriguent  avec  l'eau  des  canaux  d'où  l'extraient  de 
rustiques  norias  ;  de  longues  files  de  chameaux,  des  buffles, 
des  ânes,  des  chevaux,  des  troupeaux  de  moutons  couvrent 
les  chemins  et  en  soulèvent  la  poussière;  d'innombrables 
villages  aux  maisons  basses,  délabrées,  faites  du  limon  du 
-Nil,  éveillent  l'idée  d'une  population  extrêmement  dense  dont 
la  vie  est  réduite  à  ses  primitifs  éléments. 

Les  Pyramides  apparaissent,  dominant  l'horizon.  Elles 
s'imposent  aux  regards  qui  ne  les  quittent  plus  jusqu'à  ce 
que  dans  le  fracas  habituel,  le  train  entrant  en  gare,  elles  dis- 
paraissent derrière  les  maisons  du  Caire. 


Le  Caire  a  progressé  du  Sud  au  Nord  par  villes  succes- 
sives juxtaposées  aujourd'hui  plus  ou  moins  ruinées. 


L'antique  forteresse  de  Babylone,  bâtie  par  les  prisonniers 
assyriens  ramenés  d'Asie  par  Sésostris,  cache  derrière  ses 
vieux  murs  une  cité  minuscule,  presque  morte,  peuplée  de 
coptes  et  de  juifs.  Abon  Sargah  y  est  une  vénérable  basilique 
dont  la  crypte  fut  la  demeure  de  la  Sainte  Famille  fuyant  la 
persécution  d'Hérode. 

Boutros,  notre  guide,  est  maronite;  il  nous  introduit  à  ce 
titre,  sans  hésiter,  derrière  l'iconostase  d'Abon  Sargah  oii, 
tout  en  psalmodiant  l'office,  un  prêtre  copte  allume  et  lui 
présente  un  cierge  pour  nous  faciliter  l'examen  d'antiques 
peintures,  de  vieilles  boiseries  en  cèdre  sculpté.  Notre  qua- 
lité de  français  rapidement  constatée  nous  vaut,  au  surplus, 
de  visiter  le  monument  sous  la  conduite  de  la  propre  fille  de 
l'ofQciant  ;  elle  nous  conte  dans  notre  langue  la  sainte  histoire 
dont  l'église  consacre  le  souvenir. 

En  640  de  J.-C.  et  l'an  20  de  l'hégire,  Amrou  assiège  Baby- 
lone. I-,a  forteresse  prise,  il  édifie  une  mosquée  à  l'emplace- 
ment de  sa  tente  (en  arabe  :  fostat),  sur  laquelle  des  colombes 
ont  posé  leur  nid.  La  ville  de  Fostat  a  été  le  premier  Caire. 

La  mosquée  d'Amrou  n'a  pour  elle  que  son  antiquité  et 
encore  n'est-ce  qu'un  souvenir,  car  elle  a  été  incendiée  plu- 
sieurs fois;  une  fontaine  sans  eau,  un  palmier,  quelques  ar- 
bustes récemment  plantés  ornent  sa  cour.  Les  galeries  ser- 
vant d'abri  pour  la  prière  étaient,  dans  le  principe,  suppor- 
tées par  366  colonnes  de  marbre  enlevées  aux  monuments 
romains  du  voisinage;  il  en  reste  une  centaine. 

En  879,  Ahmed  ibn  Touloun  cimstruit  une  nouvelle  ville 
au  nord  de  Fostat  et  une  mosquée  semblable  à  la  Kaaba  de 
la  Mecque.  Ce  monument  grandiose,  très  beau  malgré  son 
délabrement  et  son  abandon,  possède  un  minaret  sans  doute 
unique  dans  son  genre;  son  escalier  est  extérieur,  en  vis  au* 
tour  d'un  massif  central. 

En  973,  le  vizir  du  sultan  fatimite  Moniz,  Gohar,  fixant  dé- 
finitivement la  résidence  des  califes,  fonde  un  nouveau 
quartier,   Kasr  el   Kahira,   du    nom    de    la    planète   Mars 


-30- 

passant  au  méridien  le  jour  où  Ton  en  pose  les  fondements. 

La  mosquée  de  Kasr  el  Kahira,  érigée  en  université  par  le 
calife  el  Âziz  a  pris  le  nom  d'el  Azar. 

Edifiée  en  plein  quartier  arabe,  on  y  arrive  de  façon  pit- 
toresque an  cherchant  son  chemin  à  travers  un  dédale  de 
ruelles  étroites  et  sinueuses.  Sur  le  seuil  de  la  porte  des  Bar- 
biers, il  faut  chausser  des  babouches  afin  qu'aucun  contact 
impur  ne  souille  les  parvis  du  Prophète  et  saas  autre  prépa- 
ration, un  guide  très  officiel  doublant  le  nôtre,  nous  intro- 
duit dans  la  grande  cour  où  une  foule  bourdonnante  s'agite. 

Les  étudiants  de  tous  les  âges,  de  toutes  les  races  de  l'Is- 
lam, accroupis  à  la  mode  orientale,  ont  en  main  des  tablettes 
ou  des  feuillets  imprimés  ;  chacun  travaille  pour  son  compte 
et  répète  à  haute  voix  la  leçon  qu'il  apprend,  le  haut  du 
corps  oscillant  d'avant  en  arrière  pour  forcer  l'attention. 

La  présence  d'infidèles  comme  nous  ne  cause  aucun  émoi, 
aucun  dérangement,  et  nous  avons  toutes  les  peines  du 
monde  à  trouver  un  passage  à  travers  les  rangs  pressés.  Si 
l'application  est  extrême,  elle  n'est  pas  absolument  générale  ; 
c'est  pour  beaucoup,  en  efTet,  l'heure  du  déjeuner  et  pour 
quelques  uns  celle  de  la  sieste  :  ces  derniers  étendus  sur  les 
dalles  dorment  à  poings  fermés  à  côté  de  leurs  camarades. 

Les  professeurs  tiennent  cercle  sous  les  galeries  de  la 
mosquée  assis  au  milieu  d'un  auditoire  attentif,  tantôt  sur  le 
sol,  tantôt  sur  un  siège  élevé.  Leur  parole  est  abondante, 
rapide,  leur  geste  rare  et  bref. 

Le  cycle  des  études  exige  de  trois  à  six  années  ;  l'enseigne- 
ment se  résume  dans  l'étude  du  Coran  renfermant  toute 
science.  Les  étudiants  diplômés  peuvent  à  leur  tour  devenir 
professeurs,  cheicks  de  mosquée,  cadis  ou  greffiers  dans 
leur  pays  d'origine. 

Les  ruelles  qui  avoisinent  l'université  sont  habitées  par 
d'innombrables  libraires  et  marchands  de  comestibles  tenant 
ainsi  à  la  disposition  des  huit  mille  étudiants  qui  la  fréquen- 
tent, la  nourriture  du  corps  et  colle  de  l'esprit. 


fai- 
sans transition,  par  une  porte  basse  percée  dans  le  rem- 
part, nous  passons  du  bruit  et  de  l'animation  d'el  Azar,  à  l'ab- 
solu silence  de  la  cité  des  morts.  La  nécropole  du  Caire  occupe 
au  pied  de  la  colline  du  Mokattam  une  vallée  aride  si  bien 
cachée,  qu'aucune  rumeur  de  la  grande  ville  n'y  parvient. 

A  côté  d'enclos  pleins  des  tombes  des  gens  du  peuple,  se 
dressent  les  mausolées  des  riches,  les  mosquées  funéraires 
des  califes,  pour  la  plupart  décrépites  et  ruinées  ;  celles  du 
sultan  Barkouk,  de  Kait  Bey.  sont  néanmoins  dans  leur  quasi 
abandon,  des  monuments  d'un  très  grand  art,  autrement  in- 
téressants que  la  mosquée  rococo  du  dernier  Khédive  Tew- 
fik,  leur  très  lointain  successeur. 

Les  derniers  tombeaux  dont  ceitains,  éventrés,  béent  à  la 
surface  du  sol,  vont  jusqu'au  pied  des  pentes  de  la  citadelle, 
non  loin  de  la  mosquée  du  sultan  Hassan. 

Ce  superbe  édifice,  construit  en  1356,  a  une  cour  inté- 
rieure presque  carrée,  bordée  de  salles  ouvertes  grandes 
comme  des  travées  de  cathédrale.  La  plus  vaste,  aménagée 
en  sanctuaire,  sert  de  vestibule  à  la  chapelle  dans  laquelle  le 
sultan  Hassan  repose  sous  une  coupole  haute  de  55  mètres. 
Tout  est  noble,  d'une  décoration  sobre  et  élégante  dans  ce 
monument  grandiose,  le  plus  beau  qui  soit  au  Caire. 

Une  succession  d'escaliers  et  de  rampes  permettent  d'ac- 
céder à  la  mosquée  de  Mohammed  Ali,  terminée  en  1857, 
sur  un  éperon  du  Mokattam,  au  milieu  de  la  citadelle  ;  do- 
minée par  deux  minarets  d'une  sveltesse  remarquable  enca- 
drant une  coupole  majestueuse,  faite  de  marbre  et  d'albâtre, 
heureusement  éclairée,  richement  ornée,  elle  est  sans  con- 
tredit le  plus  bel  exemplaire  de  l'architecture  musulmane 
moderne. 

Son  emplacement  a  d'ailleurs  été  admirablement  choisi  et 
d'un  coin  de  l'esplanade  qui  lui  sert  de  support,  l'œil  em- 
brasse un  mei'veilleûx  panorama. 

En  face,  les  Pyramides  pointent  dans  le  ciel  et  se  déta- 
chent plus  sombre  sur  sa  couleur  d'or  du  désert  lybique, 


—  3i  — 

fuyant  vers  le  sud  en.  s' estompant  dans  une  brume  qui  flam- 
boie sous  Tardent  soleil.  Le  Nil  parait  comme  une  coulée  bleue 
entre  deux  lignes  jaunes  tracées  dans  les  cultures  et  les  bois 
de  palmiers.  Il  disparait  aux  premiers  faubourgs  derrière  les 
maisons  de  la  ville  dont  les  rangs  se  pressent  à  nos  pieds. 
Le  Caire  n'est  qu*une  surface  grise  d'oii  émergent  les  dames, 
les  minarets,  la  masse  des  mosquées,  les  longues  lignes  des 
palais;  les  très  nombreux  jardins,  les  façades  blanches  des 
monuments  neufs,  marquent  seuls  de  teintes  plus  vives  Té- 
tendue  un  peu  terne  du  décor. 


Le  ministre  de  France  a,  par  la  voie  des  journaux  du  Caire, 
invité  ses  compatriotes  à  assister  avec  lui  à  la  messe  consu- 
laire de  Pâques.  Nous  n'avons  garde  de  manquer  à  ce  devoir 
patriotique  et  si  nous  ne  pouvons  nous  joindre  au  cortège 
ofliciel,  nous  sommes  du  moins,  à  Theure  fixée,  dans  Téglise 
paroissiale  du  Manski  où  la  nation  française  est  réunie. 

Précédés  par  les  cawas  chamarrés  d'or  et  armés  d'une 
haute  canne  à  pomme  d'argent,  le  ministre,  les  consuls,  les 
députés  de  la  nation,  tout  ce  que  le  Caire  compte  de  Français, 
font  leur  entrée  dans  Téglise  fi*ancîscaine  brillamment  déco- 
rée et  illuminée  pour  la  circonstance. 

Le  Père  gardien  ofQcie  assisté  de  tous  ses  religieux.  Des 
honneurs  particuliers,  plusieurs  fois  séculaires,  sont  rendus 
au  ministre  pendant  la  messe  ;  on  lui  présente  à  baiser  le 
livre  des  Evangiles  et  la  paix,  cérémonies  qui  paraissent  sin- 
gulièrement intéresser  l'assistance.  Celle-ci  composée  de  ca- 
tholiques de  tous  rites,  de  toutes  races  et  nationalités,  ne 
semble  pas  considérer  la  protection  française  comme  vaine  et 
son  attilude  au  passage  du  cortège  n  est  pas  celle  qu'inspire 
la  seule  curiosité. 

Nous  sommes  descendus  dans  le  seul  hôtel  français  du 
Caire  et  encore  nos  voyageurs  et  touristes  Ut  trouvent  vieux 
jeu;  il  est  resté  un  lieu  où,  comme  dans  Téglise  du  Manski, 


-.30-^ 

la  colonie  se  réunit  pour  les  fêles  et  cérémonies  officielles, 
quand  la  place  manque  à  son  cercle  ou  à  la  résidence  de 
France. 

On  y  cause  beaucoup  de  nos  affaires  et  de  notre  situation 
dans  le  pays. 

La  bonne  harmonie  et  l'entente  ne  sont  pas  les  qualités 
qui  distinguent  nos  compatriotes  et  cette  division  toujours 
regrettable  Test  infiniment  dans  cette  Egypte  on  l'union 
serait  si  nécessaire  pour  maintenir  nos  positions  menacées 
et  déjà  si  entamées,  depuis  que  les  Anglais  l'administrent  et 
disposent  à  leur  gré  de  ses  destinées. 

Un  excellent  observateur  a  écrit  dernièrement  que  dans 
les  affaires  extérieures,  nos  passions  parlaient  plus  haut  que 
l'intérêt  national  ;  si  nos  échecs  d'ensemble  découlent  de 
cet  état  d'esprit,  il  n'est  pas  douteux  que  dans  les  limites 
d'une  moindre  France  comme  sont  nos  colonies  à  l'étranger, 
ces  passions  ramenées  à  la  mesure  de  querelles  d'intérêt  et 
d'amour-propre  donnent  les  plus  fâcheux  résultats. 

Nous  perdons  du  terrain  en  Egypte  comme  partout  et 
cependant  en  cette  fête  de  Pâques,  c'est  bien  une  gaieté  fran- 
çaise qui  se  répand  dans  les  rues  du  quartier  d'Ismailliyeh, 
déjà  si  français  d'aspect;  partout  on  entend  le  parler  de 
France,  on  crie  les  journaux  français,  de  grandes  affiches 
annoncent  que  ce  soir  une  troupe  française  jouera  la  comé- 
die au  théâtre  de  l'Ésbékiyeh. 


La  visite  des  Pyramides  se  joint  à  celle  de  Memphis  et  de 
la  nécropole  de  Sakkara  dont  à  vrai  dire,  elle  fait  aussi  partie  ; 
elle  demande  dans  ces  conditions  une  assez  dure  journée. 

Un  train  nous  dépose  dès  la  première  heure  à  Hélouan- 
les-Bains,  ville  factice,  sans  intérêt,  édifiée  au  voisinage 
d'une  source  sulfureuse,  sur  un  site  où  les  malades  et  hiver- 
neurs  ne  peuvent  perdre,  ni  un  souffle  de  vent,  ni  un  rayon 
de  soleil. 

3 


-:$4  - 

Hêlouan  est  relié  au  Nil  par  une  route  tracée  à  travers 
2  kilonièlres  de  désert;  elle  aboutit  sur  la  berge  à  une  guin- 
guette tenue  par  un  Grec  où  Ton  peut  attendre  la  fin  des 
longs  pourparlers  engagés  par  le  drogman  pour  régler  le 
passage  en  barque.  Mieux  vaut  encore  contempler  le  vieux 
fleuve  d*£gypte.  Une  flotille  dont  les  bateaux  sont  chargée 
jusqu'au  bord  de  doura  de  blé,  de  gros  amas  de  paille,  des- 
cend lentement  le  Nil  dont  les  eaux  d'un  bleu  pftle  paraissent 
immobiles  :  les  grandes  voiles  sont  tendues,  mais  la  brise 
est  morte  et  voici  que  les  rameurs,  debout^  font  moiivoir  le? 
avirons  pour  accélérer  sa  marche.  On  difait  un  tableau  sorti 
d'un  mastaba  aipplifié  et  mieux  peint,  exécuté  par  un  artiste 
d'il  y  a  cinq  mille  ans,  tant  il  est  vrai  de  dire  que  rien  n'a 
changé  dans  le  pays  des  Pharaons. 

A  Bedrachem.  sur  l'autre  rive,  des  âniers  ont  été  convo- 
qués. Ils  forment  un  groupe  bruyant,  grossi  de  tous  les 
enfants  du  village  criant  :  bakchiche!  bàkchiche!  où  chacun 
fait  valoir  les  qualités  exceptionnelles  de  sa  bète.  Sans  s'éraoii- 
voir,  le  dron^man  désigne  dans  le  las  les  bétes  qui  nous  con- 
viennent. 

Nous  enfourchons  tout  aussilùt  les  tranquilles  baudets 
harnachés  soiinnairement  de  lanières  multicolores  et  de 
ficelles  garnies  de  verroteries  bleues;  en  une  galopade 
endiablée,  durement  pressée  du  bâton,  ils  nous  amènent  en 
peu  de  temps  à  l'emplacement  de  Memphis. 

Il  n'en  reste  rien,  du  moins  pour  les  profanes  ;  il  y  a  beau 
temps  que  les  temples  et  les  palais  de  la  capitale  du  Nôme, 
du  a  mur  blanc  »  ont  fourni  les  matériaux  de  construction  des 
mosquées  et  des  remparts  du  Caire. 

Dans  un  très  joli  bois  de  palmiers  qui  a  poussé  sur  les 
ruines  amoncelées  de  l'antique  cité,  on  montre  deux  statues 
de  Ilamsès  II.  Ce  sont  des  colosses,  étendus  sur  îè  dos, 
longs  de  10  mètres  environ.  L'un,  en  partie  brisé,  ne  se 
voit  bien  qu'en  montant  sur  sa  vaste  poitrine  ;  l'autre,  mieux 
conservé,  est  visible  du  haut  d'une  passerelle  échafaudée 


|MDP«*âe88Us.  Ce»  deux  statues^  la  dernière  surtout,  sont 
admirables.  La  physionomie  souriante  du  Pharaon,  ses  yeux 
si  doux  et  grands  ouverts.  la  i^râce  sereine  répandue  sur  ses 
traits,  nous  retiennent  longuement  auprès  du  favori  d'Afnon, 
fils  du  Soleil,  gardien  de  la  Vérité. 

Sa  pure  beauté  nous  poursuit  et  son  tranquille  sourire 
nous  accompagne  dans  la  visite  de  l'immense  nécropole 
cachée  sous  le  sable,  de  Sakkara  aux  pyramides  de  Gizeh. 
Les  merveilles  des  mastabas  de  Ti,  de  Méri»  du  Sérapeum, 
ne  parviennent  pas  à  atténuer  l'impression  baie  sur  nous  par 
la  troublante  image  de  Sésostris. 

Une  nouvelle  course,  de  deux  heures  cette  fois,  au  grand 
soleil,  dans  le  sable  jusqu'aux  pyramides  d'Abausir,  puis  à 
travers  les  champs  cultivés,  dans  la  plaine  du  Nil,  nous 
conduit  au  Sphinx  et  aux  Pyramides.  Celles-ci  dominent 
l'étendue  de  leur  masse  et  sont  très  imposantes,  presque 
harmonieuses  et  belles,  tant  qu'elles  restent  sur  le  piédestal 
naturel  que  leur  fait  le  ressaut  de  la  chaîne  lybique.  Mais 
à  mesure  qu'on  en  approche  et  surtout  quand,  ayant  gravi  la 
berge,  on  se  trouve  sur  le  môme  plan,  leur  énormité  seule 
saisit  l'esprit  confondu  devant  un  tel  amoncellement  de 
pierres  et  la  vanité  du  si  prodigieux  effort  de  leur  mise  en 
œuvre. 

Au  Sud  de  la  grande  Pyramide,  sur  le  chemin  conduisant 
de  Memphis  au  cœur  même  de  la  nécropole,  se  dresse  à 
moitié  enfoui  dans  le  sable,  taillé  dans  un  roc  haut  de  vingt 
mètres,  le  grand  Sphinx,  image  d'Harmakis  ou  du  Soleil  le- 
vant; éternel  gardien  de  ce  vaste  cimetière,  il  personnifiait, 
au  milieu  de  tous  ces  morts,  l'idée  de  la  résurrection  qui, 
comme  la  lumière  du  matin,  inlassable,  triomphe  toujours 
de  l'ombre  et  de  la  nuit. 

Lorsque,  montant  du  temple  de  granit,  à  peine  exhumé 
des  sables,  on  contemple  la  silhouette  du  Sphinx  s'élevant 
peu  à  peu  sur  le  ciel,  on  a  le  sentiment  que  rien  ne  saurait 


J 


rendre  la  majesté  tranquille,  la  paix,  la  sécurité  prctfonde 
(jui  remplissent  ses  grands  yeux  tournés  vers  l'Orient. 

Un  tramway  électrique  permet  de  rentrer  au  Caire  par  la 
route  de  Gizeh,  ombragée  d'acacias  et  de  sycomores.  Les 
Pyramides,  tout  à  Theure  si  accablantes,  reprennent^  à  me- 
sure qu'on  s'éloigne,  toute  la  sévère  beauté  que  leur  donne 
leur  forme  géométrique  et  le  cadre  incomparable  du  désert 
dans  lequel  s'aténuenl  leurs  dimensions. 

Le  palais  de  Gizeh,  aujourd'hui  vide  des  collections  d'an- 
tiquités qui  ont  fait  son  renom,  est  entouré  d'un  pai'C  or- 
ganisé en  jardin  botanique  et  zoologique,  où  la  faune  du 
Soudan  est  déjà  très  richement  représentée.  C'est  le  bois 
de  Boulogne  d'ici,  et  la  large  avenue  qui  y  conduit  depuis 
le  pont  du  Nil  est  parcourue  par  les  brillants  équipages  des 
riches  Egyptiens,  à  défaut  des  hiverneurs  de  marque,  qui 
ont  fui  déjà  devant  les  premiers  souftles  du  Khamsin. 


L'Egypte  est  un  don  du  Nil,  a  dit  Hérodote.  Le  fleuve,  en 
elTet,  a  créé  le  sol  de  la  région  cultivable  en  apportant  cha- 
que année  trente  millions  de  mètres  cubes  de  limons,  en 
déposant  une  couche  d'ail uvions  de  15  à  ^20  mètres  d'épais- 
seur et  en  créant  un  delta  de  2(K)  kilomètres  de  front  sur 
presque  autant  de  profondeur. 

Le  delta  commence  au  Caire  ;  les  branches  du  Nil,  les  ca- 
naux alimentés  par  un  grand  barrage  établi  un  peu  en  aval, 
se  développent  en  éventail,  se  croisent  dans  tous  les  sens, 
arrosent  cette  région  extraordinairement  fertile,  où  Ton  peut 
faire  trois  récoltes  par  an,  et  dont  la  richesse  augmente 
d'année  en  année. 

En  amont  du  Caire,  la  vallée  s'allonge  sur  800  kilomètres 
jusqu'à  la  première  cataracte  ;  sa  largeur  varie  dans  cet  in- 
tervalle entre  2  et  d6  kilomètres,  pour  se  réduire  à  un  ravin, 
grand  comme  le  fleuve,  avant  d'arriver  à  Assouan. 

On  sait  que  la  crue  du  Nil  fertilise  annuellement  cette 


-  37  - 

vallée;  toutes  les  parties  atteintes  par  les  eaux  se  couvrent 
de  maisons,  d'immenses  étendues  de  canne  à  sucre,  créant 
ainsi  cette  oasis  unique  au  monde^  au  contraste  violent  avec 
l'aridité  absolue  du  désert,  au  milieu  duquel  elle  développe 
ses  méandres. 

La  saison  avancée  n'autorise  que  le  chemin  de  fer  pour 
remonter  la  vallée  du  Nil,  du  Caire  à  Assouan,  et  encore, 
son  utilisation  n'est  pratique  que  pour  un  voyage  de  nuit. 

Le  train  qui  nous  emporte  s'enfonce  dans  la  nuit  lumi- 
neuse après  que  nous  avons  pu  contempler  à  loisir  le  ma- 
gnifique décor  d'un  couchant  embrasé,  sur  lequel  les  Pyra- 
mides se  dessinent  dans  une  gloire,  et  d'un  Orient  où,  dans 
une  atmosphère  bleue,  teintée  de  rose,  se  trace  la  silhouette 
délicieusement  pale  du  Caire,  du  Mokattam  et  de  la  chaîne 
arabique. 

Nous  nous  réveillons  à  Hag  Hamadi  au  bruit  de  la  tra- 
versée du  Nil  sur  un  pont  métallique.  La  vallée,  encore 
large,  très  peuplée,  est  semée  de  bosquets  de  palmiers,  mais 
la  verdure  des  champs  a  disparu,  la  moisson  est  faite  par- 
tout, et  jusqu'à  Louksor  elle  a  revêtu  la  livrée  fauve  de  ses 
berges. 


Les  ruines  de  Thèbes  gisent  sur  les  deux  rives  du  Nil  :  la 
droite  était  réservée  aux  vivants  et  possède  les  grands  tem- 
ples ;  la  gauche,  plus  spécialement  affectée  aux  morts,  ren- 
ferme les  tombeaux. 

Sur  le  bord  du  fleuve,  à  peine  exhumées  du  sous-sol  de 
la  ville,  se  dressent  les  colonnades  du  temple  de  Louksor. 
Elles  étonnent  par  leur  nombre  et  leurs  dimensions,  mais 
l'œil  en  saisit  facilement  l'ordonnance  malgré  les  construc- 
tions successives  ajoutées  par  les  divers  Pharaons. 

Ramsès  II,  revenant  de  guerroyer  en  Syrie,  fit  construire 
une  dernière  cour,  qui  se  trouva  constituer  rentrée  du  mo* 


nument  édifié  par  ses  prédécesseurs.  Cette  cour  est  iermée 
par  un  gigantesque  pylône  dont  la  face  extérieure  porte  en 
<  reliefs  en  creux  «  les  épisodes  de  la  campagne,  et  en  par- 
ticulier, ceux  de  la  bataille  de  Qadesch 

Six  colosses  représentant  Ramsès  II  et  deux  obélisques, 
dont  Tun  est  à  Paris,  étaient  dressés  en  avant  de  ce  pylône. 

Le  coin  N.-O.  de  la  cour,  vers  l'entrée,  est  encore  sous 
les  décombres  jusqu'à  hauteur  des  colonnes  intérieures  ;  de 
la  plate-forme  ainsi  conservée,  sur  laquelle  s'élève  une  mos- 
quée, on  a  une  vue  saisissante  de  l'ensemble  des  cours  et 
des  colonnades. 

Tout  Tintérieurdu  temple,  long  de  260  mètres,  célèbre 
sur  ses  parois  et  dans  ses  chapelles  la  gloire  d'Amon,  dieu 
de  Thèbes  et  protecteur  de  ses  rois 

Des  obéhsciues,  une  avenue  bordée  de  sphinx,  retrouvée 
dans  la  ville  et  ses  jardins,  conduisait  au  grand  temple  de 
Karnak,  la  merveille  de  la  Haute-£gypte.  Il  est  malheureu- 
sement bien  ruiné,  mais  la  salle  hypostyle,  en  partie  debout, 
suffit  pour  donner  une  idée  du  monument  disparu  et  remplir 
de  stupeur  l'esprit  le  mieux  préparé  ii  concevoir  de  telles 
créations. 

Prenez  douze  colonnes  Vendôme,  faites-en  une  allée  de 
dix  mètres  de  largeur  et,  de  part  et  d'autre,  disposez  en 
quinconce  cent  vingt-quatre  autres  colonnes  de  dimensions 
moindres  mais  encore  gigantesques,  donnant  avec  les  pre- 
mières une  surface  couverte  en  terrasse  de  cent  deux  mètres 
sur  cinquante-et-un  ;  ornez  les  colonnes  et  les  murs  de  la 
salle  ainsi  obtenue  de  représentations  religieuses,  proces- 
sions et  ofl"randes  aux  dieux  :  peignez  sur  le  plafond,  fait  de 
dalles  joinlives,  la  nuilétoilée  :  vous  aurez  ainsi  reconstitué 
cette  œuvie  titanesque  des  Pharaons  de  Thèbes,  panthéon 
commémorant  les  exploits  de  Séti  I,  de  Ramsès  II,  vain- 
queur des  «  vils  Khili  •,  de  Sheshang  I,  qui  pilla,  sous  Ro- 
boam,  le  temple  de  Jérusalem,  et  de  tant  d'autres,  en  roêœe 


-39- 

teinps   qu'il    glorifiait  la  triade  illustre  :  Amon,    Maut  el 
Khansan. 

Faut-il  ajouter  que  Ton  parcourt  3,800  mètres  en  faisant  le 
tour  du  temple,  qu'il  a  i,400  mètres  de  longueur  du  Nord 
au  Sud  et  560  de  TEst  à  l'Ouest. 

La  petite  ville  de  Louksor  est  perdue  dans  l'immense 
Thèbes  ;  ses  habitants,  coptes  et  fellahs,  presque  tous  fabri- 
cants d'antiquités,  vivent  de  la  créduhté  et  de  l'enthousiasme 
des  touristes. 


C'est  dans  une  vallée  calcinée  dont  les  parois  fauves  ren- 
voient la  chaleur  et  la  lumière  du  soleil,  au  fond  d*un  ravin 
découpant  sur  le  ciel,  comme  à  l'emporte-pièce,  une  bande 
d'un  bleu  éclatant,  que  s'ouvrent,  dans  le  roc,  les  tombes 
royales. 

On  ne  pouvait  choisir,  pour  la  dernière  demeure  des  fils 
de  Râ,  un  lieu  d'une  plus  sinistre  grandeur,  où  la  puissance 
du  Père  se  manifeste  avec  plus  d'éclat,  car  c'est  vraiment  le 
royaume  du  soleil  que  cette  vallée  des  Biban  el  Moulouk. 

Le  tombeau  de  Seti  I,  le  plus  remarquable,  est  d'abord 
une  succession  de  corridors  et  d'escaliers,  que  suivent  des 
chambres  de  toutes  dimensions,  puis  d'autres  corridors, 
d'autres  escaliers,  et  encore  des  chambres,  sur  cent  mètres 
et  plus  de  longueur.  Toutes  les  scènes  du  «  livre  de  THadès  :», 
du  voyage  des  morts  dans  l'autre  vie,  sont  retracées  et  ré^ 
pétées  sur  les  parois  en  peintures  terrifiantes,  dont  l'éclat 
n  a  rien  perdu  depuis  cinq  mille  ans  qu'elles  ont  été  exécu- 
tées. 

Au  fond  d'une  de  ces  syringues,  un  Pharaon  repose  dans 
son  sarcophage  ouvert  ;  on  ne  peut  dépasser  le  seuil  de  la 
chambre  mortuaire,  et  rien  n'est  impressionnant  comme  la 
vue  lointaine  de  la  momie  royale  éclairée  par  la  lumière 
blanche  d'une  lampe  électrique. 


—  40  - 

Un  sentier  très  dur  conduit  au  sommet  de  la  biaise 
orientale  de  la  vallée  des  Tombes,  au-<lessus  des  escarpe- 
ments formidables  qui  dominent  la  plaine  de  Thèbes. 

Le  panorama  est  d'une  superbe  magnificence  :  la  vallée 
du  Nil,  semblable  à  une  fournaise  oîr  l'air  flamboie,  ne  se 
voit  qu'à  travers  une  brume  argentée  estompant  les  détails. 
Au  loin,  la  cbalne  arabique  est  blanche  de  lumière^  et  tout 
à  nos  pieds,  presque  sombres  par  contraste,  s'amoncellent 
les  ruines  des  grands  temples  de  Gournah,  du  Raroesseum, 
de  Medinet  Âban,  et  se  dressent  dans  leur  impassible  séré- 
nité, les  deux  colosses  de  Memnon,  seuls  debout  au  milieu 
d'une  si  complète  dévastation. 

Contre  la  falaise  à  pic,  aux  'assises  dorées,  s'étagent  les 
terrasses  du  temple  de  Deir  el  Babari.  Il  est  dû  à  une  femme 
remarquable,  la  reine  Makéré,  sœur,  épouse  et  corégeote 
de  Tbautmosis  III. 

Les  promenoirs  de  ce  temple  abritent  les  surprenantes  re^ 
présentations  d'une  expédition  au  pays  de  Pount,  aux  ré- 
gions de  l'encens  et  des  bois  précieux.  Les  bateaux  de  la 
reine  naviguent  sur  la  mer  Rouge»  dont  les  animaux  sont 
reproduits  dans  la  transparence  de  ses  flots  verts,  abordent 
aux  terres  lointaines,  chez  des  peuples  dont  les  maisons  co- 
niques se  dressent  à  l'ombre  des  palmiers. 


£n  atiiont  de  Louksor,  le  Nil  se  tient  presque  constam- 
ment le  long  de  la  chaîne  arabique,  reportant  à  rOccident 
la  plaine  fertile,  dont  la  largeur  va  en  diminuant  progressi- 
vement jusqu'au  djebel  Silsileh  (la  chaîne),  barrant  le  co^i'^ 
du  fleuve  à  la  manière  d'une  chaîne  dont  il  a  rompu  quelques 
anneaux. 

Jusqu  a  Asdouan,  le^  rives  pluâ  encaissées,  sont  merveil- 
leusement colorées  et  pittoresques..  La  zone  cultivée  se  ré- 
duità  une  bande  étroite  au-dessu&.du. fleuve,  douUçs  e^ux 
sont  élevées  pour   rirrigalion  k  l'aide   de   norias.;  tout  le 


~  44   - 

terrain  utilisable  est  habilement  aménagé  en  vue  (Tune 
culture  intensive,  comme  dans  les  oasis.  D'ailleurs  la  phy* 
sionomie  de  la  région  change  complètement  et  prend  nette- 
ment le  cachet  saharien. 

A  notre  arrivée,  le  soir,  l'atmosphère  est  embrasée;  le 
kbamtin  soulève  d'épais  nuages  de  poussière,  le  soleil  dispa- 
raît dans  une  brume  épaisse  et  les  palmiers  des  jardins, 
échevelés,  courbés  par  le  vent,  donnent  à  Assouan  l'aspect 
de  toute  ville  du  désert  assaillie  par  la  tempête  de  sable. 

La  nuit  est  superbe»  claire,  sans  un  souffle  d'air,  affreuse- 
ment chaude  ;  on  entend  le  concert  lamentable  des  grince- 
ments des  sakiehs  (norias)  semblable,  dans  Tile  d'Eléphan- 
tine,  à  celui  des  fauves  hurlant  à  la  lune. 

Assouan  est  la  porte  Sud  de  l'Egypte;  sa  population  nu- 
bienne diffère  profondément  de  celle  de  la  vallée  du  Nil  avec 
laquelle  elle  sympathise  peu.  Les  Nubiens  s'expatrient  néan- 
moins volontiers  au  Caire  et  à  Alexandrie,  avec  le  but  de  re- 
venir au  pays  après  avoir  amassé  un  petit  pécule. 

Cette  sauvage  vallée  du  Nil,  presque  sans  verdure,  rava- 
gée par  un  soleil  implacable,  au  delà  de  la  première  cataracte 
jusqu'à  Ouadi  Halfa,  leur  tient  au  cœur  à  l'égal  de  la  plus  sé- 
duisante pairie. 

Des  Bicbarins,  bédouins  du  désert,  frères  des  Somalis, 
peut-être  des  Abyssins,  au  profil  superbe,  aux  traits  fins  et 
pleins  de  noblesse,  campent  à  Assouan  pendant  la  saison  des 
touristes.  Ils  vendent  des  verroteries  et  toute  une  pacotille 
spéciale  fabriquée  sous  la  tente  avec  le  poil  de  chèvre,  la 
peau  de  chameau  et  les  coquillages  de  la  mer  Rouge. 

Le  Nil  s'est  fait  un  chemin  à  travers  un  plateau  granitique 
qui  a  découpé  en  lies  et  Ilots  obstruant  son  cours,  sur  près 
de  dix  kilomètres  de  longueur,  du  Sud  de  Chellal  à  Assouan. 
La  première  cataracte,  aujourd'hui  détruite  par  l'incessant 
travail  d'érosion  du  fleuve,  n'est  plus  qu'une  succession  de 
rapides  auxquels  on  a  remédié  par  un  canal  latéral. 

On  va  à  Chellal  par  la  voie  du  désert,  à  âne  ou  en  chemin 


—  42  — 

de  fer  ;  elle  aboutit  à  un  coude  du  Nil  transformé  en  lac  par 
la  construction  d'un  grand  barrage,  port  de  Chellal  où  Ton 
s'embarque  pour  la  visite,  autrefois  classique,  des  ruines  de 
Philœ. 

Hélas!  le  site  merveilleux,  tant  admiré,  tant  célébré  depuis 
Strabon  jusqu'à  nos  jours,  s'est  banalisé  par  l'invasion  de 
l'activité  européenne  ;  les  monuments  de  Philœ,  si  beaux,  si 
harmonieux,  ne  seront  bientôt  plus  qu'un  souvenir. 

L'Ile  est  sous  l'eau,  et,  à  cette  époque  du  plus  bas  niveau, 
c'est  à  peine  si  le  temple  d'Isis  émerge  en  son  entier  ;  on  en 
peut  visiter  quelques  salles,  mais  l'avant-cour  ne  s'explore 
qu'en  barque  et  l'inscription  du  grand  portail  rappelant  Tex- 
pédition  de  Bonaparte  et  le  raid  de  Desaix  à  la  poursuite  des 
Mamelucks,  s'élève  de  peu  au-dessus  des  eaux. 

Un  escalier  donne  accès  à  la  terrasse  du  temple  et  permet 
d'apprécier  l'étendue  du  danger  et  l'imminence  du  désastre  ; 
dans  un  avenir  prochain  ce  qui  subsiste  des  ruines  s'écrou- 
lera et  Philœ  aura  disparu. 

Si  le  barrage,  long  de  4,500  mètres  environ,  que  les  An- 
glais viennent  de  construire,  devait  assurer  sans  conteste  la 
prospérité  de  l'Egypte,  la  vallée  du  Nil  ne  manque  pas  assu- 
rément de  temples  superbes  pouvant  atténuer  le  regret  de  la 
perte  de  ceux  de  Philœ,  mais  cette  œuvre  très  grande,  com- 
parable aux  Pyramides  par  Tentassement  des  matériaux, 
n'est  destinée  qu'à  faire  fructifier  de  gros  capitaux  engagés 
dans  la  culture  du  coton.  Lors  des  crues  médiocres,  il  n'y 
aura  plus,  dit-on,  d'inondation  pour  les  terres  du  fellah,  con- 
damné à  mourir  de  faim. 

Nous  aurions  les  famines  d'Egypte  comme  nous  avous 
celles  de  l'Inde. 

Que  tous  les  dieux  protecteurs  de  la  terre  des  Pharaods 
écartent  ce  sinistre  présage. 


^  43  ^ 

Le  retour  au  Caire  demande  un  jour  et  une  nuit. 

Il  nous  restait  pour  compléter  ce  rapide  voyage  à  visiter  le 
musée  des  antiquités  égyptiennes  récemment  installé  dans 
un  palais  magnifique,  à  Kasr  en  Nil,  digne  de  l'admirable 
collection  due  en  grande  partie  à  deux  éminents  français^ 
Mariette  et  M.  Maspéro. 

Que  dire  de  ce  musée  unique  en  toutes  ses  parties,  tant 
par  les  documents  qu'il  renferme  que  par  la  façon  dont  ils 
sont  présentés  ;  les  chefs  d'œuvre  abondent  dans  toutes  les 
salles  où  la  statue  en  bois  du  Cheick  el  beled,  celles  du  Scribe 
de  Sakkara,  de  Ra-hoteh,  de  Nefert,  de  Khéphren,  la  tète  de 
la  reine  Taia  retiennent  entre  tous  Tattention. 

Les  momies  des  grands  rois  de  Thèbes,  retrouvées  péle- 
mèle  dans  un  puits  de  Delr  el  Bahari,  reposent  ici  dans  leur 
cercueil  ;  Seti  I,  Sésostris,  Ramsès  II,  le  buste  libre  de  ban- 
delettes, ont  d'admirables  traits  ennoblis  par  la  majesté  de 
la  mort. 

Nous  ne  pouvons  saluer  ces  vénérables  dépouilles  sans 
ressentir  une  profonde  émotion  faite  du  regret  de  voir  ces 
pauvres  morts  hors  de  leurs  tombes  violées,  exposés  à  l'irré- 
vérencieuse curiosité  des  foules  et  du  respect  que  nous  ins- 
pire le  glorieux  passé  qu'ils  représentent,  si  loin  dans  la  durée 
qu'il  semble  toucher  à  l'origine  du  monde. 


J'ai  eu  le  très  grand  avantage  de  visiter  l'Egypte  avec  un 
aimable  et  obligeant  camarade  ;  nous  nous  séparons  au  Caire, 
lui  pour  rentrer  en  France,  moi  pour  gagner  Port  Said  et 
Jaffa. 

Si,  dans  les  lignes  qui  précèdent,  j'ai  pu  d'une  façon  bien 
imparfaite  et  sommaire  résumer  nos  impressions,  je  reste 
seul  pour  conclure. 

Je  serai  bref. 

Si  nous  avions  connu  l'Egypte,  les  Anglais  n'y  seraient 
pas  aujourd'hui  à  peu  près  les  maîtres. 


_  44  - 

Il  est  encore  possible  d'atténuer,  sinon  de  réparer,  notre 
échec  et  de  maintenir  du  moins  notre  situation  actuelle.  Les 
intérêts  matériels  et  momux  engagés  dans  ce  pays,  sans  le 
nom  de  la  France,  sont  considérables  et  doivent  être  sauve- 
gardés. Il  n'y  faut  que  de  la  bonne  volonté. 

Il  est  à  désirer  que  tout  Français  qui  voyage^  à  n'importe 
quel  titre,  visite  l'Egypte,  pour  se  convaincre  dé  la  nécessité 
d'agir.  Il  y  trouvera  encore  comme  une  autre  France,  de 
fortes  impressions  d'art  et  un  grand  exemple  de  développe- 
ment économique  et  d'administration  à  méditer. 

Baume  les-Dames,  le  i^^  août  1903. 


LA 

VOIE  ROMAINE  DU  RHIN 

ET  SES  STATIONS 

DANS   LUS   CANTONS 

de  BADHE-LES-DAMES  et  de  GLERVAL  (Doubs) 
Par  a* Abbé  Paul  DRUOT 


(Séances  du  iô  Décembre  i90S  et  du  i6  Février  i904). 


Ce  n*est  pas  une  question  nouvelle  que  celle  des  voies 
romaines  en  Franche -Comté.  De  nombreuses  et  savantes 
études  ont  été  faites  à  ce  sujet  et  en  particulier  sur  la  Voie 
(les  Provinces  Germaniques  ou  du  Rhin,  par  d'éminents 
archéologues.  Mais  quelques-uns  d'entr'eux,  malgré  leur 
compétence,  semblent  avoir  étudié  l'itinéraire  de  cette 
dernière  voie  plutôt  sur  une  carte  que  sur  le  terrain  m^mo 
et  en  ont  donné  souvent  un  tracé  absolument  fantaisiste. 

Il  était  intéressant  de  réfuter  ces  erreurs  et  de  relever  la 
position  exacte  de  cette  grande  .roule  pendant  qu'il  en  est 
encore  temps,  car  ses  dernières  traces  ne  tarderont. pas  à 
disparaître.  En  maints  endroits  et  surtout  lorsque  la  voie 
était  en  talus,  à  mi-côte  d'une  colline  ou  d'une  dépression  de 
terrain,  elle  a  été  envahie  par  la  terre  végétale  et  se  trouve 
recouverte  par  des  champs  cultivés  ;.  ce  n'est  alors  que 
la  pioche  à  la  main  qu'on  peut  arriver  à  la  découvrir.  Dans 
d'autres  parties,  lorsqu'elle  était  en  levée,  les  habitants  des 
pays  qu'elle  traversait,  après  l'avoir  creusée,  en  ont  tamisé 
le  cassage  afin  d'avoir  et  du  sable  ou  de  la  groise  pour  leurs 
constructions,  et  des  pierres  pour  leurs  prestations,  avec 


-  46  - 

Tavantage  appréciable  de  les  avoir  toutes  cassées.  Parfois 
elle  disparaît  sous  des  ronces  et  d'épais  buissons,  ou  est 
erapruntée  par  nos  chemins  ..actuels.  En  tous  caSv^nsun 
avenir  peu  éloigné,  il  sera  absolument  impossible  de  la 
reconnaître.  Ce  sont  ces  considérations  qui  m'ont  porté  à 
suivre  pas  à  pas  son  parcours  dans  les  cantons  de  Baume- 
les- Dames  et  de  Clerval  (laissant  à  d'autres  le  soin  de  l'étu- 
dier de  Besançon  à  Sechin  et  de  Rang  à  Mandeure).  J'ai 
pu  ainsi  fixer  le  tracé  exact  de  cette  voie,  en  relever  les 
particularités,  et  en  môme  temps  rechercher  remplacement 
des  différentes  mansions,  celle  de  Velatodurum  en  parti- 
culier. 

Mais  auparavant  il  n'est  pas  inutile  de  rappeler  sommaire- 
ment l'origine  de  cette  route.  De  l'avis  unanime  des 
archéologues,  ce  grand  travail  fut  commencé  par  Agrippa, 
gendre  de  l'empereur  Auguste,  dans  les  dernières  années 
qui  ont  précédé  l'ère  chrétienne,  plus  de  vingt  ans  après  la 
mort  de  Jules  Gésari  et  fut  terminé  en  Tan  40  de  iiotre  ère, 
selon  les  uns,  mais  plus  vraisemblablement  en  l'an  98,  la 
première  année  du  deuxième  Consulat  de  Trajan,  d'après  la 
borne  miliiaire  de  Mathay .  Elle  reçut  certainement  de  notables 
améliorations  sous  le  règne  de  cet  empereur.  C'est  donc  à 
tot*t  que  la  dénomination  populaire  de  Chaussée  ou  Levée  de- 
Jules  César,  a  été  donnée  à  cette  voie.  Vèsontio  ou 
Besançon,  capitale  de  la  Séquanie,  devint  bientôt  après  la 
conquête  des  Gaules  un  centre  romain  important.  De  nom- 
breuses routes  partant  de  Lyon,  de  Chalon-sur-Saône,  sans 
compter  celles  qui  venaient  d'autres  villes  telles  que  les 
voies  de  Langres,  de  Milan  par  Genève  et  Pontarlier,  par 
exemple,  aboutissaient  à  Besançon. 

Dans  cette  ville,  selon  M.  Ed.  Clerc,  toutes  ces  routes 
semblaient  se  fondre  en  une  seule  beaucoup  plus  importante 
qui  se  dirigeait  vers  la  Germanie,  par  Mandeure,  la  trouée 
des  Vosges  et  Argoniorai  ou  Strasbourg.  D'après  les  Xe%i^^ 
anciens,  le  fragment  de  voie  qui  fait  l'objet  de  cette  étude 


^  il  ^ 

était  emprunté  simultanément  par  la  route  d'Àoste  à  Stras- 
bourg et  par  celle  d'Augst  à  Langres.  C'était  la  Voie  du  Rhin 
qui  a  coûté  un  travail  considérable  comme  on  peut  s'en  ren  - 
dre  compte  en  étudiant  les  particularités  de  sa  construction. 
Aussi  n'est-il  pas  étonnant  que  les  légions  romaines  aient  mis 
tant  d'années  à  l'établir. 

Tracé  de  la  Vo^e. 

Cette  voie,  d'après  Dunod(t),  devait  sortir  de  Besançon 
par  un  pont  dont  les  traces  ont  disparu  mais  qui  existait  près 
de  Bregille.  Après  avoir  quitté  à  Palente  le  territoire  de 
Besançon,  elle  passait  entre  le  Doubs  et  la  grande  bourgade 
romaine  des  Andiers,  près  de  Tliise  et  continuait  par 
Roolie,  la  Malmaison  (mala  mansio),  Roulans  et  Seohln, 
suivant  presque  continuellement  jusqu'à  cet  endroit  le  tracé 
de  la  route  actuelle  de  Besançon  à  Baume-les-Dames. 

A  partir  du  centre  de  Sechin,  la  voie  romaine  prend  une 
autre  direction  Elle  s'écarte  encore  davantage  de  la  vallée 
du  Doubs  que  jusque  là,  depuis  Rocbe,  elle  a  suivi  à  plus 
d'un  kilomètre  de  distance.  Par  une  pente  extrêmement 
douce  elle  gagne  le  plateau  qui  forme  la  partie  Nord-Ouest 
des  cantons  de  Baume-les-Dames  et  de  Clerval,  sur  la  rive 
droite  du  Doubs. 

Le  choix  de  cet  itinéraire,  le  soin  que  les  ingénieurs 
romains  ont  pris  d'éviter  toute  vallée  étroite  et  profonde 
indique  de  façon  certaine  que  cette  voie  était  avant  tout  une 
route  militaire,  un  chemin  stratégique,  comme  nous  dirions 
aujourd'hui  Du  reste,  le  savant  Perreciot,  qui  dans  le  cou- 
rant du  xviiP  siècle  s'est  livré  avec  tant  d'ardeur  et  de 
persévérance  à  l'étude  de  Baume-les-Dames  et  de  ses 
environs,  s'en  était  rendu  compte  dans  ses  recherches 
archéologiques.  Il  avait  remarqué  au-dessous  de  Grosbois 


(1)  DUNOD.  Histoire  des  Séquanois.  T.  I,  préface  p.  xix. 


-  48- 

une  portion  de  chaussée  romaine  qu'on  peut  voir  en  partie 
encore  aujourd'hui  et  qui  est  indiquée  sur  là  carte  de  l'Etal- 
major,  chaussée  qui  s'écarte  de  la  voie  du  Rhin  pour  se 
diriger  vers  le  Doubs.  Il  pensait  à  tort  que  ce  devait  être  uo 
premier  essai  de  la  route  dès  lors  abandonné  par  les  ingé- 
nieurs romains.  Voici  ce  qu'il  écrivait  à  ce  sujet  :  •  Un  reste 
de  chaussée  de  350  toises  qui  se  trouve  au-dessous  de 
Grosbois,  donne  à  penser  que  la  Voye  romaine  avait  d'abord 
été  tracée  par  Baume  et  que  ce  ne  fut  que  l'extrême  difficulté 
des  lieux  et  le  danger  des  défilés  qui  fit  changer  le  plan  et 
qui  engagea  à  tourner  les  montagnes  de  Baume  ;  que  le 
plus  grand  objet  des  Romains  dans  la  construction  des  voyes 
militaires  était  de  faciliter  la  marche  des  troupes,  il  n'est  pas 
étonnant  qu'ils  aient  sacrifié  l'intérêt  d'une  petite  ville  à 
l'avantage  d'avoir  une  route  plus  facile  ». 

Si  la  première  partie  de  l'assertion  de  Perreciot,  qui 
fait  injure  à  la  perspicacité  et  au  talent  indiscutable 
des  ingénieurs  romains,  est  contestable  comme  on  le 
verra  plus  loin,  la  seconde  est  assurément  des  plus 
logiques,  et  cette  réflexion  d'une  grande  exactitude  pour 
tous  ceux  qui  connaissent  cette  partie  des  cantons  de  Baume- 
les-Dames  et' de  Clerval  ainsi  que  le  cours  très  encaissé  du 
Doubs.  De  Douvot  et  Fourbanne  jusqu'à  Clerval  la  vallée,  au 
point  de  vue  militaire,  est  fort  périlleuse  :  à  droite,  le 
Doubs  bordé  par  des  montagnes  abruptes,  à  gauche  des 
rochers  à  pics  comme  de  vraies  murailles.  D'où  l'impossibi- 
lité à  une  armée  surprise  ou  poursuivie  de  fuir  ni  d'un  côté 
ni  de  l'autre.  C'est  ce  que  Jules  César  lui-même  avait 
remarqué  Dans  ses  Commentaires  (t)  il  indique  plusieurs 
voies  qui  conduisaient  où  Arioviste  était  campé,  lorsque  l'ar- 
mée romaine  s'empara  de  Besançon,  l'une  entr'autres,  qui 


(i)  J.  Cœsar.  Dé  hello  Gallico,  lib.  I «  qui  se  ex  his  minus  Xmiéo» 

eii^imari  volebam,  non  se  hostem  vereri  sed  angustias  itinerh  et  lua* 
gnitudinein  silvarnrn  qum  inter  oos  et  Ariovisturn  intercédèrent..  .  iUneîti 
dicebam.  » 


-  49  - 

était  la  plus  courte,  remontait  le  Doubs  du  côté  de  Besançon 
et  de  Clerval  par  des  défilés  et  d'épaisses  torôts.  Les  Ro- 
mains, hommes  pratiques,  avaient  donc  vu  le  danger  et  c'est 
pourquoi  ils  évitèrent  ce  défilé  si  étroit,  abandonnèrent  le 
vieux  chemin  gaulois  dont  parlait  César  et  créèrent  une 
nouvelle  route,  celle  qui  nous  occupe.  S'ils  s'écartent  du 
Doubs,  dès  Roche,  s'ils  ne  suivent  pas  le  tracé  de  la  route 
actuelle  au  sortir  de  Sechin  pour  appuyer  sur  la  gauche  et 
ne  retrouver  la  vallée  du  Doubs  qu'à  Clerval,  c'est  que  la 
vallée  s'élargit  alors  (Clerval  en  étant  réellement  la  clé  du 
côté  de  Baume,  suivant  son  étymologie,  clavis  vallis)  et 
n'offre  plus  le  danger  d'une  attaque  imprévue  et  désastreuse 
pour  une  armée  en  marche  dans  un  long  défilé  sans  issues. 
Cette  autre  portion  de  route  qui  s'écarte  de  la  voie 
principale  à  partir  du  milieu  du  bois  du  Grand-Val,  qui  passe 
sous  Qposbois,  cette  vie.  pnvée  que  les  habitants  de  ce 
village  par  une  délibération  du  10  juin  1746  W  demandaient 
l'autorisation  de  détruiie  et  que  Perreciot  prenait  à  tort  pour 
un  premier  essai  de  route  abandonné,  ne  serail-ce  pas  plutôt 
un  raccordement  militaire  reliant  à  la  voie  du  Rhin,  Baume 
et  plus  sûrement  encore  le  camp  de  Buremont  qui  plus  tard 
protégea  cette  ville,  alors  simple  bourgade  sans  doute,  et 
l'entrecroisement  de  quatre  autres  routes  romaines  de  créa- 
tion postérieure  et  d'importance  moindre  que  la  voie  de 
Mandeure.  Sans  vouloir  de  parti  pris,  comme  Perreciot,  faire 
de  Baume  un  centre  romain  à  l'époque  de  la  création  de  la 
voie  du  Rhin  ou  une  ville  ancienne  de  quelque  importance, 
il  n'est  pas  admissible  non  plus  que  ce  ne  fût  alors  qu'une 
simple  villa,  comme  l'affirme  l'abbé  Besson  (2j.  Les  traces  de 
chemins  celtiques  du  Corneillet  et  de  la  montagne  de 
Framont  sur  le  versant  de  la  Boussenotte,  indiquent  égale- 
ment que  Baume  existait  et  avait  une  issue  au  Nord-Est  pour 


(1)  Arch.  municip.  de  Baume-les- Daines  BB.  24. 

(2)  Abbé  Besson.  Mémoire  hisiori'juê  sur  Vabbaye  de  Baume^  p.  31. 


—  50  - 

rejoindre  la  voie  du  Rhin  du  côté  de  Clerval  entre  la  Yieville 
et  Autechaux. 

L'hypothèse  de  Perreciot  ne  semble  donc  pas  soutenable  : 
cette  portion  de  chaussée  n'était  certainement  point  le  résul 
tat  d'une  tentative  maladroite  des  ingénieurs  romains,  mais 
un  chemin  conduisant  à  Baume  depuis  la  grande  voie  ; 
ce  n'est  que  l'avantage  d'une  sécurité  plus  grande  et  non  U 
difficulté  des  lieux  qui  fit  passer  la  route  du  Rhin  au  nord  de 
Grosbois.  Son  établissement  eût  été  du  reste  tout  aussi  facile 
en  remontant  continuellement  la  vallée  du  Doubs  depuis 
Roche  et  le  Petit-Vaire  (^). 

Il  est  donc  bien  visible  qu'on  l'éloigné  de  cette  vallée  dan- 
gereuse et  c'est  à  dessein  qu'en  sortant  de  Sechin,  elle  suit 
en  bordure  sur  toute  sa  longueur  le  côté  méridional  du  Bois 
du  Grand-Val,  Grosbois  se  trouvant  sur  sa  droite,  passe  à 
peu  de  distance  de  Fontenotte,  laisse  le  bois  Orgier-Corabe 
sur  sa  gauche,  et  de  là  se  poursuit  vers  Luxiol,  le  Loposa- 
gium  de  la  Carte  théodosienne.  De  Luxiol  la  voie  est  suivie 
parrallèlement  ou  empruntée  par  le  chemin  vicinal  actuel 
conduisant  de  ce  village  à  Autechaux,  mais  jusqu'à  500 
mètres  seulement  de  la  ferme  de  la  Vieville,  près  de  laquelle 
elle  ne  passe  pas,  contrairement  à  ce  qui  a  toujours  été  écrit 
jusqu'à  présent  Elle  oblique  alors  vers  le  Nord-Est  et  coupe 
transversalement  le  canton  de  champs  dit  Liévaux.  C'est  là 
que  récemment,  au  bord  de  la  chaussée,  on  a  retrouvé  des 
substructions  et  des  escaliers,  emplacement  probable  de 
l'ancienne  Vieville  (viœ  villa)  ;  puis  la  voie  s'engage  dans  les 
Mal  planches  à  l'état  de  mauvais  chemin  de  défruitement  et 
vient  aboutir  sur  la  route  de  Baume-les- Dames  à  Kougemont 
qu'elle  traverse  à  angle  droit  au  point  de  jonction  du  cherain 
de  Verne.  Cent  mètres  plus  loin  elle  oblique  sur  la  gauche 


1)  En  plus  de  ce  tronçon  dont  parle  Perreciot,  il  existe  à  Grosbois  êga; 
lement,  une  portion  de  route  romaine  parallèle  à  la  voie  du  Rhin  et  qui 
semble  avoir  été  abandonnée  à  cause  de  sa  rapidité.  On  Taurait  rectifiée 
eu  lui  faisant  longer  le  bois  du  Grand-Val. 


-51  - 

et  laisse  à  sa  droite  le  château  et  le  village  d'AnteoliaiiX. 
Elle  atteint  à  cet  endroit  le  point  culminant  de  son  parcours 
entre  Besançon  et  Mandeure  et  se  dirige  ensuite  en  ligne 
droite  vers  la  forêt  dite  Bois  du  Fossé  ou  plus  commu- 
nément Bois  d'Athée  qu'elle  suit  presque  en  bordure  dans 
sa  partie  méridionale.  Jusqu'à  ce  bois  depuis  la  route  de 
Rougemont  elle  disparaît  sous  les  champs  cultivés,  sert 
ensuite,  pendant  un  demi-kilomètre,  de  chemin  de  déboi- 
sement entre  le  bois  communal  de  Sous-la-Velle  et  le 
commencement  du  Bois  d'Athée,  puis  se  poursuit  d'une 
façon  très  visible  pour  sortir  du  territoire  d'AMtechaux 
entre  les  lieudits  la  Crochère  et  la  Combe  Saint-Germain. 

De  la  Vieville  à  cet  endroit,  la  voie  est  pour  ainsi  dire  d'une 
horizontalité  parfaite  qu'elle  conserve  en  traversant  le  terri- 
toire de  Voillans  où  elle  longe  en  ligne  droite  le  sommet 
de  Champraye,  contourne  et  la  Vèze,  et  la  Couibe  Pagney, 
et  la  Combe  aux  Toyons,  traverse  à  mi-côte  et  directement 
la  Combe  Thesin,  passe  à  l'extrémité  de  l'Aigle,  décrit  alors 
un  long  demi-cercle  dans  le  vallon  de  Ranthes  pour  éviter 
une  déclivité  un  peu  prononcée.  Ces  courbes  nombreuses, 
ce  soin  avec  lequel  les  Romains  ont  fait  le  tracé  de  la  voie  du 
Rhin,  dans  son  parcours  sur  le  territoire  de  Voillans,  pour 
conserver  son  horizontalité  remarquable,  porteraient  à  contre- 
dire les  assertions  de  M.  de  Matty  de  Latour.  Le  savant 
ingénieur  prétendait  que  les  Romains  paraissaient  avoir 
ignoré  l'usage  des  courbes  à  grand  rayon  et  que  leurs  aligne- 
ments droits  étaient  réunis  par  des  raccordements  courbes 
très  courts.  Il  est  vrai  que  M.  de  Matty  n'a  pas  étudié  toutes  les 
voies  romaines,  que  leur  tracé  n'est  pas  dû  au  même  ingé- 
nieur et  que  celui  qui  a  dirigé  les  travaux  de  la  voie  du  Rhin 
Ta  fait  peut-être  avec  plus  de  soins  et  de  science  que  d'autres. 
En  tout  cas,  de  Sechin  aux  Glauderey  la  voie  ne  présente 
aucune  déclivité  appréciable  malgré  les  nombreux  accidents 
de  terrain. 

Bref,  à  partir  de  cette  dernière  courbe  de  Ranthes  dont  le 


-  52  - 

rayon  est  très  grand,  elle  remonte  le  Devant  de  Bermont. 
Après  quoi,  elle  coupe  à  angle  droit  l'ancienne  route  de  Lyon 
à  Strasbourg,  dite  des  Intendants,  route  qui  n'emprunte  la 
voie  romaine  sur  aucun  point  de  son  parcours  depuis  Sechi», 
contrairement  à  raffirmation  de  l'Annuaire  du  Doubs  de  1882, 
dans  la  note  concernant  la  commune  de    Voillans.    Elle 
traverse  ensuite  en  ligne  droite  le  communal  de  la  Levée, 
ainsi  dénommé  justement  à  cause  du  passage  de  la  Levée  de 
Jules  CéBar,  A  partir  de  l'extrémité  de  cette  pelouse  où  elle 
a  été  totalement  défoncée,  elle  est  encore  utilisée  actuelle- 
ment comme  chemin  vicinal  de  Voillans  à  Clerval  par  le 
Creux  d'Alouettes,  hameau  peu  important  à  proximité  d'un 
creux  très-profond  W.  Au  sommet  des  Glauderey,  la  voie 
romaine  perd  brusquement  son  horizontalité  qu'elle  n'aurait 
pu  conserver  qu'en  faisant  un  long  demi-cercle  de  plusieurs 
kilomètres.  Elle  descend  alors  en  ligne  droite  la  rampe  rapide 
de  10  à  12  ^lo  du  chemin  du  Boulot,  abandonné  depuis  cinq 
ans  comme  chemin   vicinal,  pour  aboutir    à    l'Hôpital- 
Saint-Lieffroy.  Elle  passe  sous  la  maison  commune  et 
une  partie  des  habitations  de  ce  village  puis  remonte  assez 
rapidement  et  directement  la  Côte  des  Pins  et  le  sommet  des 
Vignes  de  la  Craie  sur  Clerval.  Il  est  visible  encore  qu'on  a 
cherché  à  lui  faire  suivre  les  crêtes,  les  plateaux  découverts 
et  quand  il  y  a  un  vallon  à  contourner,  c'est  aux  trois  quarts 
de  sa  hauteur  ou  à  son  sommet  qu'on  le  lui  fait  côtoyer.  Et 
cependant  pour  la  facilité  du  roulage,  il  eût  été  plus  pratique 
à  cet  endroit  de  lui  faire  suivre  dès  l'Hôpital-Saint-Lieffroy 
le  tracé  du  chemin  actuel  jusqu'à  Santocbe  et  Pompierre. 
C'eût  été  la  plaine  pendant  six  kilomètres*  Mais  les  mêmes 


(1  Une  ridicule  légende  veut  que  le  carrosse  de  Jules  César  y  ait  ëlé 
englouti  accidentellement.  Un  des  propriétaires  de  ce  hameau  eut  récein» 
ment  un  moment  de  grande  émotion  en  croyant  ramener  à  restrémité 
d'un  harpon,  une  des  roues  de  ce  fameux  char.  Déception  profonde,  quan*' 
il  reconnut  que  c'était  une  roue  de  sa  propre  voiture  qu'un  mauvais  pla»' 
sant  avait  précipitée  dans  ce  gouffre,  quelques  années  auparavant  ! 


—  53  T- 

raisons  stratégiques  qui  avaient  fait  abandonner  à  Roche  la 
vallée  du  Doubs,  font  éviter  à  THôpital  la  vallée  trop  étroite 
qui  se  dirige  sur  Glerval  entre  la  Planoise  et  le  bois  de 
Montfort  que  très  vraisemblablement  dominait  déjà  l'antique 
Château  de  Ranustal, 

De  sorte  que  THôpital-Saint-Lieffroy  se  trouve  au  bas  de 
deux  rampes  assez  prononcées  de  ladite  voie  et  formerait 
comme  la  pointe  inférieure  d'un  V  majuscule.  UHôpital- 
Saint-Lieffroy  {liospitium^  gîte)  fut  certainement  une  man- 
sion  romaine.  M.  Oudot  ancien  conseiller  général  et  qui 
récemment  encore  y  était  propriétaire  d'une  ferme  impor- 
tante, m'a  rapporté  qu'il  avait  trouvé  lui-même  et  recueilli 
en  cette  localité  de  nombreuses  monnaies  impériales.  La 
position  de  cette  station,  son  étymologie,  semblent  indiquer 
que  c'était  surtout  un  relai  (ynutatio)  rendu  nécessaire  par 
les  rampes  de  la  voie  pour  doubler  les  attelages  et  per- 
mettre aux  convois  de  gravir  la  pente  de  la  Planoise  et  sur- 
tout celle  du  Boulot. 

En  sortant  des  vignes  de  Clerval,  la  voie  du  Rhin,  tou- 
jours pour  éviter  deux  déclivités,  fait  une  courbe,  un  demi- 
cercle  complet  dans  la  direction  du  Bois  du  Bannal  dans  le 
vallon  qui  va  sur  Fontaine,  puis  se  dirige  en  ligne  droite  sur 
Pompierre.  Dès  qu'elle  a  dépassé  le  chemin  de  Clerval  à 
Soye,  elle  est  très  visible  et  figure  sur  la  carte  de  l'Etat- 
Major.  Elle  sert  de  cliemin  rural  jusqu'au  bois  du  Vernois. 
Complètement  dépouillée  de  son  massif  supérieur  dans  son 
parcours  sur  la  lisière  de  ce  bois,  il  n'en  reste  que  l'assise 
pavée.  De  là  elle  est  empruntée  jusqu'à  Pompierre  par  le 
chemin  de  Santoche,  l'antique  Centusca  du  Chroniqueur  de 
Cuisance  (1).  La  chaussée  traverse  ensuite  Pompierre, 
passe  sous  le  cimetière  et  l'église  :  on  la  perd  complètement 
de  vue  de  l'église  à  la  sortie  du  village.  Elle  reparait  alors 
très  visible  et  sert  de  chemin  rural  à  travers  les  champs 


[i'j  BoLLAND.  Légende  de  St-Ermenfroi,  25  sept. 


—  54  — 

jusqu'à  la  Maisonnette  du  garde-barrière  du  chemin  de  fer 
de  Besançon  à  Belfort,  traverse  obliquement  la  voie  à  gauche 
de  ce  passage  à  niveau,  coupe  de  même  le  canal  du  Rhône 
au  Rhin  et  arrive  en  face  de  Rasg-lesrisle  où  elle  passait 
le  Doubs.  C'est  là  que  j'ai  arrêté  mes  investigations.  J'indi- 
que rapidement,  pour  mémoire,  d'après  M.  Clerc,  son  tracé 
à  partir  de  ce  village.  Après  avoir  traversé  l'ilot  qui  fait 
face  à  Rang  elle  passe  au-dessous  de  l'Isle-sur-le-Doubs, 
évite  le  méandre  de  la  rivière,  laisse  Blussans  sur  sa  gauche, 
gagne  Colombier-Chàtelot,  Saint-Maurice,  Dampierre,  Vou- 
jeaucourt  où  elle  franchit  le  Doubs  et  finalement  arrive  à 
Mandeure  après  avoir  passé  une  seconde  fois  cette  rivière 
sur  un  des  ponts  de  cette  antique  cité  alors  très  importante 
qui  succomba  sans  doute  sous  les  coups  d'Âttila  en  451. 

Tel  est  le  tracé  précis  de  cette  ancienne  voie  qui  desservit 
la  Franche-Comté  depuis  la  domination  romaine  jusqu'au 
milieu  du  xviii*  siècle.  C'est  le  tracé  indiqué  autrefois  par 
Bergier.  curé  de  Flangebouche  (*),  Trouillet  curé  dOr- 
nansA  et,  danb  le  milieu  du  xix'  siècle,  par  M.  le  Président 
Clerc  (3)  avec  quelques  erreurs  de  détail.  C'est  donc  à  tort 
que  certains  auteurs,  l'étudiant  seulement  sur  une  carte, 
lui  ont  fait  remonter  la  vallée  du  Doubs,  dès  Roche,  en  mon- 
tant par  Baume-les-Dames,  dont  ils  faisaient  le  Loposagium 
de  la  Carte  thédosienne,  ou  même  par  la  rive  gauche  du 
Doubs,  comme  Dom  Jourdain  W.  Trompé  par  un  rapproche- 
ment de  noms,  une  illusion  philologique,  cet  auteur  suin 
par  plusieurs  autres,  comme  nous  le  verrons,  s'obslinanl  à 
faire  de  Velatodui*um  de  l'Itinéraire  d'Antonin,  Vellerot-les- 
Belvoir,  y  faisait  passer  la  voie  du  Rhin  qui  en  est  éloignée 
de  plus  de  dix  kilomètres. 

(i  )  Dergier.  Biblioth.  de  Besançon,  fonds  de  l'Académie,  concours  de 
1756,  m.  17. 

(2)  Trouillet.  Biblioth.  de  Besançon,  fonds  de  l'Académie,  concours  d* 
1756,  m.  17. 

(3^  Ed.  Clerc.  La  Frnnche-Comté  à  Tépoqoe  romaine. 

(4)  Dom  Jourdain.  Biblioth.  de  Besançon,  même  concours,  m-  17. 


—  55  — 

Mode  de  Construction. 

La  voie  des  Provinces  germaniques  est  également  inté- 
ressante à  étudier  dans  son  mode  de  construction  et  on  est 
justement  frappé  de  la  somme  considérable  de  travail  qu'a 
demandé  son  établissement. 

Bergier,  d'après  Vitruve,  et  postérieurement  M.  Clerc, 
trop  confiant  dans  les  affirmations  du  précédent,  préten- 
daient que  les  chaussées  romaines  étaient  formées  de  quatre 
couches  superposées  donnant  ensemble  une  épaisseur  cons- 
tante d'environ  trois  pieds. 

La  première  de  ces  couches  {staiumen  ou  fondation) 
aurait  été  composée  d'un  ou  deux  rangs  de  grosses  pierres 
noyées  dans  du  mortier. 

La  seconde  {rudu$)  était  en  pierres  plus  petites,  posées  à 
plat,  rangées  avec  ordre  et  cimentées  comme  une  maçon- 
nerie de  blocage. 

La  troisième  (arena  ou  miclèus)  était  un  béton  de  gravier 
et  de  chaux. 

Enfin  la  quatrième  était  la  surface  de  «  marchement  »  et 
dans  les  cités,  aurait  été  soit  un  pavé,  soit  une  mosaïque, 
soit  un  lit  de  ciment  analogue  à  notre  asphalte  ou  au  maca- 
dam. 

Si  ces  données  ont  pu  être  exactes  pour  certaines  voies, 
elles  ne  le  sont  nullement  pour  la  voie  de  Besançon  à  Man- 
deure,  ou  dans  plus  de  cinquante  coupes  étudiées  sur  des 
points  différents  des  cantons  de  Baume  et  de  Glerval,  on  ne 
trouve  que  deux  couches  bien  distinctes  :  une  fondation  en 
pierres  faite  partout  de  même  manière,  puis  un  agglomérat 
d'épaisseur  et  de  composition  variables  suivant  la  confor- 
mation du  sol  et  les  matériaux  que  les  Romains  avaient  à 
leur  disposition. 


—  56  — 

Fondations. 

La  chaussée  repose  donc  sur  toute  sa  longueur  sur  une 
fondation  qui  est  une  vraie  maçonnerie  de  blocage,  formée 
d'un  massif  de  pierres  de  grosseur  moyenne  et  d'une  épais- 
seur de  vingt-cinq  centimètres.  Ces  pierres  de  surface 
aplanie,  ces  «  têtes  de  chat  >  comme  disent  assez  exactement 
nos  cultivateurs,  étaient  disposées  comme  des  pavés,  peu 
régulièrement  cependant,  et  maçonnés  avec  du  mortier  de 
chaux.  Elles  formaient  un  pavage  bien  nivelé  dans  toute  la 
largeur  de  l'emprise  qui,  en  moyenne,  était  de  cinq  mètres 
cinquante  centimètres.  On  ne  s'attachait  pas  à  rendre  le  sol 
horizontal  dans  le  sens  de  la  longueur,  aussi  le  pavage 
suivait-il  les  ondulations  du  terrain  sur  lequel  la  voie 
devait  passer. 

Certains  auteurs  ont  prétendu  à  tort  que  ces  fondations 
étaient  simplement  reliées  avec  de  la  terre,  d'autres  au 
contraire  comme  M.  Ed.  Clerc,  avec  du  ciment.  La  vérité  est 
que  ces  pierres  étaient  réellement  maçonnées  avec  du 
mortier.  C'est  à  peine  si,  aujourd'hui,  on  peut  les  extraire. 
Par  suite  de  l'humidité  qui,  dans  la  suite  des  siècles,  a  traversé 
la  chaussée,  il  s'est  formé  des  infiltrations  et  une  formation 
de  carbonate  de  chaux  qui  a  rempli  les  interstices  des  fonda- 
tions, en  a  soudé  ensemble  toutes  les  pierres  qui  forment 
un  bloc  presque  indestructible. 

Dans  quelques  endroits,  lorsque  les  ouvriers  rencontraient 
le  roc,  leur  travail  était  simplifié;  ils  l'unifiaient  simplement 
et  s'il  se  trouvait  un  espace,  une  fissure  entre  deux  roches, 
ils  y  intercalaient  au  mortier  quelques  pierres  placées  de 
champ. 

Près  de  Colombier  -  Châtelot,  en  pratiquant  des  fouilles 
pour  extraire  du  sable,  on  a  cru  reconnaître  qu'il  y  avait 
sous  la  chaussée  romaine  des  dalles  et  des  rochers  présen- 
tant des  ornières  profondes  et  on  en  a  conclu  que  c'étaient 


—  57  — 

des  vestiges  d'ancien  chemin  gaulois.  Il  est  fort  admissible 
que  les  Romains  se  soient  servis,  quand  ils  les  rencontraient 
des  chemins  qui  existaient  avant  la  conquête  de  la  Séquanie. 
Ils  les  ont  utilisés  dans  ce  cas  uniquement  comme  assise  des 
nouvelles  voies  qu'ils  construisaient. 

Massif  supérieur. 

Sur  ces  fondations  se  trouvait  un  massif  supérieur,  un 
agglomérat  dont  l'épaisseur  varie  suivant  les  endroits  entre 
quarante-cinq  centimètres  et  deux  mètres.  Cette  profondeur 
différait  suivant  les  ondulations  du  terrain  et  des  fondations, 
car  c'est  en  mettant  davantage  de  béton  dans  les  parties  plus 
creuses  que  les  Romains  arrivaient  à  réduire  et  à  régulariser 
les  pentes.  Ce  massif  se  compose  toujours  de  couches 
successives  —  dénombre  ei d'épaisseur  variables —  de  pierres 
cassées,  ou  de  graviers,  ou  de  cailloux  roulés,  ou  même  de 
gros  sable  de  rivière  :  le  tout  amalgamé  par  du  mortier  de 
chaux  et  ensuite  damé  et  roulé.  L'usure  du  cassage  semble- 
rait indiquer  que  chaque  couche  aurait  été  livrée  momenta- 
nément à  la  circulation,  et  que  l'ensemble  n'aurait  pas  été 
fait  du  même  coup,  mais  dans  un  laps  de  temps  assez  court 
cependant  puisqu'on  ne  remarque  aucune  ornière  dans  le 
béton.  L'examen  de  plus  de  cinquante  fouilles  indique  ce 
mode  de  construction  et  c'est  à  tort  que  Bergier  et  Trouillet, 
dans  leurs  manuscrits  présentés  au  Concours  de  1756,  pré- 
tendent que  la  chaussée  n'était  que  de  la  pierre  pulvérisée 
provenant  de  recharges  successives  comme  on  opère  de  nos 
jours.  La  coupe  transversale  d'une  de  nos  routes  nationales 
offre  un  aspect  tout  différent. 

Les  Romains  se  servaient  dos  matériaux  qu'ils  avaient  à 
portée  de  la  main  Sur  le  territoire  de  Voillans,  leur  béton 
était  fait  avec  des  pierres  cassées  de  la  grosseur  de  celles 
qu'on  emploie  aujourd'hui  pour  les  prestations  et  ces  pierres 
étaient  noyées  dans  du  mortier  où  la  chaux  figure  pour  moi- 


—  58  — 

tié.  Dans  certains  autres  endroits  la  proportion  de  chaux  est 
cependant  moins  forte  et  certaines  couches  de  béton  indi- 
quent en  même  temps  la  présence  de  terre  argileuse  corarae 
matière  agglomérante,  mais  c'est  là  une  rare  exception.  On 
préférait  évidemment  le  mortier  de  chaux,  seulement  il  fallait 
trouver  à  proximité  des  calcaires  et  du  bois  pour  les  cuire, 
ce  qui  était  le  cas  pour  la  région  baumoise,  où  le  combustible 
était  abondant.  Quant  à  la  nature  des  pierres  employées,  elle 
dépendait  de  ce  que  les  Romains  trouvaient  dans  chaque 
finage,  et,  comme  le  fait  remarquer  M.  de  Malty,  cela  était 
bien  nécessaire  en  présence  de  l'énorme  quantité  de  maté- 
riaux que  nécessitait  le  mode  de  construction  adopté.  En 
voici  une  preuve  palpable.  De  Santoche  à  Rang  la  pierre 
cassée  disparaît  totalement  du  massif  de  la  chaussée.  La 
proximité  du  Doubs  procure  aux  Romains  une  matière  plus 
commode  à  la  fabrication  de  leur  béton,  et  l'agglomérat  qui 
parlois  atteint  jusqu'à  deux  mètres  d*épaisseur  est  fait  uni- 
quement de  chaux  et  de  sable  de  rivière^  en  couches  super- 
posées d'épaisseur  très  variable,  dont  le  tout  forme  un  seul 
bloc  d'une  dureté  extraordinaire.  La  somme  de  travail,  de 
matériaux  nécessaires,  ainsi  que  le  prix  de  revient  d'une 
telle  méthode  peuvent  paraître  fantastique  à  quelqu'un 
qui  n'a  point  vu  la  coupe  d'une  voie  romaine.  Et  ce- 
pendant rien  n'est  plus  vrai  :  les  voies  romaines  étaient 
à  proprement  parler  des  viœ  calcealœ^  des  chaussées  W  des 
chemins  faits  à  la  chaux.  La  constatation  en  est  facile  le 
long  du  bois  du  Vernois,  derrière  Santoche,  plus  que  partout 
ailleurs,  et  la  simple  vue  de  ce  béton,  tout  de  sable,  convain- 
crait rapidement  ceux  qui  s'obstinent  à  croire  que  les  voies 
romaines  étaient  établies  comme  les  nôtres. 


(1)  De  ce  qui  précède,  l'étymologie  du  mot  chaussée  vient  plutôt  de 
calx,  via  calceata^  chaux,  chemin  fait  à  la  chaux,  ce  qui  est  aussi  ropinion 
de  Diez,  que  du  féminin  du  participe  passé  de  calciare,  ealdata  via, 
terre  pressée,  foulée,  comme  le  prétend  M.  le D»"  Meynier  {Mémoires delà 
Société  d'Emulation  du  Doubs,  1900,  p.  240). 


—  50  — 

Si  cette  affirmation  rencontrait  encore  quelques  sceptiques, 
je  les  renverrais  à  la  consciencieuse  étude  de  M.  de  Matty 
de  Latour  sur  ce  sujet.  Le  savant  ingénieur,  qui  a  étudié  plus 
de  sept  cents  coupes  de  voies  romaines  différentes,  conclut 
également  que  ces  routes  étaient  construites  à  la  chaux.  J'ap- 
porte encore  deux  documents  irréfutables  à  l'appui  de  cette 
thèse  : 

C'est  tout  d'abord  une  analyse  chimique  de  deux  échantil- 
lons de  mortier  pris  à  Voillans,  section  des  Arbres  brûlés,  le 
21  mars  1903,  sur  la  voie  romaine  du  Rhin,  l'un  dans  les  fon- 
dations, Tautre  au  milieu  du  massif  de  béton  épais  à  cet  en- 
droit de  80  centimètres  seulement  W.  Or  le  bulletin  de  l'ana- 
lyse (2)  qui  en  a  été  faite  à  la  Station  agronomique  de  Fran- 
che-Comté dénote  la  présence  de  50  grammes  35  pour  cent 
de  chaux  dans  l'échantillon  du  bas,  et  49  grammes  56  pour 
cent  de  chaux  dans  l'échantillon  du  massif  supérieur.  C'était 
donc  un  mortier  fait  à  parties  égales  de  chaux  et  de  sable. 
C'est  la  preuve  scientifique  et  incontestable  de  cette  méthode 
de  construction,  telle  que  je  viens  de  l'exposer.  Le  même 
bulletin  d'analyse  ajoute  que  cette  composition  chimique  est 
loin  d'être  celle  du  ciment  romain,  dont  on  ne  trouve  au- 
cune trace  dans  les  deux  échantillons,  ce  qui  détruirait  l'o- 
pinion de  M.  Ed.  Clerc  qui  prétendait  que  les  pierres  servant 


(1)  Cette  coupe  est  présentée  au  croquis  de  la  planche  ci-jointe. 

(2)  Bulletin  d'analyse  n"  41.  —  Matière  analysée  :   Deux  échantillons 
de  substances  supposées  être  du  ciment  romain  : 


lo  Echantillon  dénommé  bas  : 

Chaux  p.  «/ 509^35 

Acide  silicique  «/o 59^^ 

Magnésie  Vo 00^44 

Oxyde  de  fer  •/• i«'4 


i9  Echantillon  dénommé  milieu  : 

Chaux  p.  Vo 49»'56 

Acide  silicique  7" ^''8 

Magnésie  */o • . .        Oo'? 

Oxyde  de  fer  «/o 09^9 


Cette  composition  chimique  est  loin  d*étre  celle  approchée  d*un  ciment 
romain.  Les  analyses  faites  sur  ces  substances  donnant  un  maximum  de 
chaux  égal  à  60  */o  rapporté  au  ciment  sec  et  décarbonaté. 

La  même  détermination  faite  sur  Téchantillon  bas)  sec  et  décarbonaté 
a  donné  88  */o  de  chaux.  Il  n*y  a  donc  aucun  espoir  d'assimilation. 

Besançon,  le  U  avril  1903.  Le  Directeur  de  la  Station,  Parnentier.  -- 
Prix  :  30  fr. 


—  co- 
de fondation  aux  voies  romaines  étaient  reliées  entre  elles 
par  du  ciment,  alors  qu'en  réalité  il  n*y  a  que  de  la  chaux. 

Voici  maintenant  une  autre  preuve  non  scientifique,  mais 
qui  cependant  a  sa  valeur.  C'est  un  simple  fait  d'obser^aLion. 
Le  13  mai  1903,  sur  la  même  voie  de  Besançon  à  Mandeure, 
à  600  mètres  de  distance  du  champ  où  j'avais  prélevé  les 
échantillons  dont  il  vient  d'être  question,  un  manœuvre  était 
occupé  à  creuser  la  voie  au  lieudit  <  le  Champ  Rond  •  pour 
en  extraire  le  sable,  selon  l'habitude  de   nos  cultivateurs 
quand  ils  ont  quelques  constructions  à  faire.  Or  sous  le  mas- 
sif même  du  béton,  sur  les  pavés  servant  de  fondations,  que 
trou  va- 1- il  ?  Le  squelette  complet  d'un  cheval  étendu  très  na- 
turellement. D'après  sa  position  et  les  grosses  pierres  dont 
il  était  recouvert,  il  est  évident  que  ce  cheval,  victime  d'un 
accident  quelconque  ou  amenant  les  matériaux  nécessaires 
à  la  construction  de  la  voie,  fut  laissé  sur  place  par  les  lé- 
gionnaires ou  les  ouvriers.  Et  ceux-ci,  pour  ne  point  se  don- 
nei-  la  peine  de  creuser  une  fosse  afin  d'enfouir  le  cadavre, 
l'ont  simplement  noyé,  pour  ainsi  dire,  dans  la  couche  pro- 
fonde de  béton  dont  ils  composaient  le  massif  de  leur  route  en 
cet  endroit.  Preuve  évidente  de  cette  façon  de  construire, 
car  si  les  Romains  avaient  procédé  comme  de  nos  jours  à 
l'établissement  de  leurs  voies,  il  leur  eût  été  absolument 
impossible  d'y  laisser  le  cadavre  d'un  cheval  abattu. 

Quant  à  la  surface  de  marchement  ou  partie  supérieure  de 
cet  agglomérat,  elle  a  disparu.  Mais  il  ne  semblait  pas  qu'elle 
devait  différer  sensiblement  de  celle  nos  chemins.  M.  de 
Malty  croit  que  la  surface  des  voies  romaines  une  fois  éta- 
blies, comme  on  vient  de  le  voir,  était  simplement  caillou- 
tée et  entretenue  par  des  rechargements  successifs  dans  des 
condilions  analogues  à  nos  routes  actuelles.  En  général,  si 
la  base  de  la  voie  du  Rhin  était  de  5  mètres  50,  sa  surface 
supérieure  ne  dépasse  guère  quatre  mètres  en  moyenne. 

On  est  vraiment  étonné  de  la  somme  colossale  de  travail 
qu'a  exigée  la  construction  de  cette  voie  et  il  n'est  pas  élon- 


—  61  — 

nant  que,  sur  tout  son  parcours,  on  remarque  sur  ses  fonda- 
tions des  ornières  très  visibles,  comme  elles  sont  indiquées 
sur  le  croquis  (voir  PI.).  Bien  parallèles,  elle  sont  de  soixante- 
quinze  à  quatre-vingts  centimètres  d'écartement.  La  plupart 
du  temps  on  en  remarque  cinq  et  môme  six  sur  la  largeur 
de  Temprise.  Gomme  ces  ornières  sont  bien  marquées  et 
profondes  de  cinq  à  sept  centimètres,  il  est  probable  que  la 
voie  pavée  a  dû  être  livrée  au  roulage  avant  de  recevoir  son 
massif  de  béton.  Ne  proviendraient-elles  pas  aussi  de  Té- 
norme  quantité  de  matériaux  quUl  a  fallu  amener  sur  de 
lourds  chariots  pour  construire  l'agglomérat  supérieur.  Les 
deux  hypothèses  sont  parfaitement  admissibles. 

Prix  de  revient  kilométrique. 

A  titre  de  curiosité,  je  termine  la  description  de  cette  voie 
en  rappelant  que  Tingénieur  de  Matty  de  Latour  évalue 
à  86.000  francs  au  minimum,  aux  prix  actuels,  la  dépense 
kilométrique  d'une  voie  ainsi  composée.  Les  voies  romaines 
étaient  construites  le  plus  souvent,  soit  par  les  légions 
pendant  les  heures  de  paix  qui  suivaient  les  conquêtes,  soit 
par  des  corvées,  la  main  d'œuvre  ne  comptait  guère. 

Telle  est  la  voie  du  Rhin,  remarquable  dans  son  tracé, 
extraordinaire  dans  son  mode  de  construction,  vrai  travail 
de  Romains,  c'est  le  cas  de  le  dire.  On  n'est  pas  étonné  que 
les  siècles  l'aient  appelé  via,  la  grande  voie,  et  dans  nos 
campagnes  elle  est  encore  aujourd'hui  la  vie  romaine. 

Emplacement  des  Stations. 

En  étudiant  cette  partie  de  la  voie  des  Provinces  germa- 
niques, il  était  curieux  de  rechercher  quel  pourrait  être 
exactement  l'emplacement  des  deux  seules  stations  qui  y 
sont  indiquées  sur  les  cartes  romaines. 

Conformément  à  l'opinion  de  Peireciot,  c'est  sur  son  trajet 


^62- 

dans  le  canton  de  Baume-les-Datnes  qu*il  faut  les  placer  sans 
aucune  hésitation.  Ce  savant,  dans  un  de  ses  manuscrits,  dit 
en  effet  :  «  Il  est  probable  que  le  territoire  de  Baume  a  été 
cultivé  dès  la  plus  haute  antiquité.  Il  était  fertile  et  étendu, 
dans  une  position  avantageuse  pour  le  commerce  nécessaire 
entre  la  montagne  et  le  plain  pays.  Son  voisinage  était  rempli 
de  villages  sous  la  dénomination  romaine  :  Lopasagium  et 
Vellatudurum  sont  nommés  dans  Tltinéraire  romain  et  dans 
la  Carte  de  Peutinger  entre  Besançon  et  Mandeure,  et  on 
trouve  des  tuiles  romaines  dans  presque  tous  les  territoires 
des  environs  de  Baume.  » 

Quoique  cette  question  ait  été  controversée  et  que  le  calcul 
des  distances  indiquées  par  ces  documents  ne  donne  pas 
exactement  la  position  géographique  de  ces  deux  stations,  la 
situation  topographique,  les  trouvailles  archéologiques,  et 
peut-être  aussi  Tétymologie  de  ces  noms,  fournissent  des 
indices  précieux  et  incontestables.  Avant  de  les  exposer 
il  ne  me  paraît  pas  inutile  de  rappeler  la  bibliographie  de 
cette  intéressante  question  d'autant  plus  que  les  ouvrages 
qui  en  parlent  sont  très  rares,  même  la  plupart  encore  à  l'état 
de  manuscrits. 

Deux  documents  de  l'époque  romaine  nous  signalent  la 
voie  du  Rhin  et  ses  stations.  L'un  est  la  Carte  théodosienne 
ou  Table  de  Peutinger,  établie  vers  l'an  230,  selon  M.  Ed. 
Clerc,  plus  vraisemblablement  après  Tan  337,  selon  le  P. 
Dunod  et  M.  Auguste  Longnon.  Cette  Table  donne  un  tracé 
schématique  des  voies  de  l'Empire  Romain  à  cette  époque, 
les  étapes  ou  mansions,  leurs  distances  intermédiaires  et 
indique  entre  Besançon  et  Mandeure  la  seule  station  de  Lopo- 
sagio,  dont  l'emplacement  n'est  plus  contesté  aujourd'hui. 

Loposagium. 

On  s'accorde  généralement  à  reconnaître  que  Luxiol, 
village  situé  à  6  kilomètres  au  nord  de  Baume-les-Dames 


—  63  - 

est  le  Loposagium  des  Romains  et  rares  sont  les  auteurs  qui 
placèrent  cette  mansion  autre  part.  Du  reste  les  raisons  qu'ils 
apportent  à  Tappui  de  leurs  thèses  viennent  d'une  similitude 
de  noms  plus  ou  moins  vague  et  d'interprétations  étymolo- 
giques celtiques  non  moins  risquées,  comme  on  va  en  juger. 

t  En  sortant  de  Besançon,  écrit  Chevalier  de  Poligny  (0, 
la  voie,  après  avoir  côtoyé  le  Doubs  de  plus  près  que  ne  le 
fait  la  route  actuelle  et  après  avoir  passé  par  la  Malmaison  et 
les  Longeaux  amenait  à  Loposagivm  dont  le  nom  indique 
une  hauteur  sur  un  lieu  où  il  y  a  un  passage,  ce  qui  parait 
fixer  cette  station  auprès  de  la  montagne  d' Aigrement, 
au-dessus  de  Laissey,  station  des  mieux  placées  et  des  plus 
commodes,  éloignée  de  Besançon  d'environ  quatre  lieues  et 
quart,  ce  qui  correspond  aux  treize  milles  romains  attribués 
à  ce  poste  qu'on  ne  peut  placer  ni  à  Soye  ni  à  Luxiol.  » 

Chevalier  soutient  encore  la  même  thèse  dans  le  mémoire 
qu'il  présenta  à  l'Académie  de  Besançon  pour  le  concours  de 
175H  sur  les  voies  romaines  en  Franche-Comté  (-).  «  Loposa- 
giOy  écrivait-il,  est  un  nom  composé  de  sagio^  passage,  et  de 
lopo.  Ce  dernier  mot  n'est-il  point  écrit  pour  polo  ?  Polus, 
hauteur,  montagne  élevée,  aagio^  passage  de  rivière,  ce  qui 
convient  parfaitement  à  Laissey  et  au  quartier  sous  le  château 
de  Roulans.  »  Chevalier  ignorait  peut-être  que  Laissey  n'était 
point  sur  la  voie  romaine. 

Dom  Jourdain  (3)  place  Loposagium  à  Passavant  :  <i  Je  ne 
vois,  dit-il,  aucune  analogie  entre  Luxiol  et  le  Loposagium  de 
la  carte.  »  Il  en  découvre  plutôt  dans  Passavant,  et  le  calcul 
des  distances  satisfait  trop  facilement  cet  auteur  :  «  Ce  lieu 
est  à  treize  lieues  gauloises  de  Besançon  et  à  dix-huit  de 
Mandeure,  ce  qui  répond  exactement  aux  nombres  marqués 


(1>  Cretalier.  Histoire  de  Poligny  y  I,  p.  zlxiii. 

(2)  Chevalier.   Bibliothèque  de  Besançon,  fonds  de  V Académie  ma- 
nuscrit, 17.  ! 

(3)  Dom   Jourdain.   Biblioth.  de  Besançon,  fonis  de  V Académie  ma-  ! 
nusc.  17.  ! 


-  64  — 

sur  la  carte  pour  ces  deux  distances.  Je  pourrais  aussi  trouver 
quelque  affinité  entre  les  mots  de  Loposagium  et  de  Passiî- 
vant,  si  j'étais  instruit  dans  la  langue  celtique.  »  Quand  même 
il  Teût  été,  Dom  Jourdain  n'aurait  pu  corroborer  son  opinion 
d'arguments  sérieux ,  attendu  qu'aucun  vestige  de  voie 
romaine  n'a  été  relevé  sur  le  territoire  de  cette  commune. 
Et  je  >uis  très  étonné  que  l'Académie  bisontine  ait  couronné 
son  travail  alors  que  seul  d'entre  tous  les  concurrents  et  les 
archéologues,  il  mentionne  une  voie  dont  on  ne  trouve  aucun 
indice,  dont  on  n'a  aucun  souvenir  dans  le  pays,  qui,  par 
suite,  est  très  problématique,  et  qu'au  contraire  il  ne  signale 
aucunement  sur  sa  carte  des  routes  romaines,  la  voie  du  Rhin, 
passant  par  Luxiol,  Voillans,  l'Hôpital-Saint-Lieffroy,  telle 
que  nous  l'avons  décrite  précédemment  et  si  visible  encore 
aujourd'hui.  Il  se  contente  d'indiquer  par  un  pointillé  douteux 
une  voie  longeant  le  Doubs  et  passant  par  Baume-les-Dames. 

Cluvier  et  Valois  (l)  opinent  pour  Soye,  voyant  dans  le 
nom  de  ce  village  une  certaine  ressemblance  avec  les  derniè- 
res syllabes  de  Loposagium.  Cette  opinion  est  absolument 
inexacte,  car  on  peut  certifier  en  toute  assurance  que  la  voie 
romaine  en  question  n'a  pas  passé  par  Soye. 

D'Anville  (2),  M.  Bial  (3),  récemment  M.  Espérandieu  (*', 
ayant  sans  aucun  doute  étudié  de  très  loin  la  Voie  du  Rhin, 
s'obstinent  à  lui  faire  suivre  les  rives  du  Doubs  et  font  de 
Baume-les-Dames  la  station  de  Loposagium, 

Walckenaer  (5)  est  moins  affirmatif  dans  cette  erreur;  il 
ne  peut  pas  dire  si  c'est  Baume-les-Dames  ou  Saint-Ligier, 
hauteur  qui  domine  cette  ville  au  Nord  et  qui,  autrefois,  en 
était  un  quartier  important.  On  peut  opposer  à  ces  auteurs 


^i)  Ad.  \tAi^[S.  A/b<Uia  GoiZiarum  p>  120. 
(2)  D'Anville.  Notice  sur  l'Ancienne  Gaule^  p.  149. 
CS)  M.  Bial.  Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du    Doubs,  f^«< 
p.  401. 
(4) M.  Espérandieu.  Revue  épigraphique,n^  10!, avril  1901,  paçe  180. 
(5)  Walckenaeh.  Géographie  ancienne  des  Gaules,  t.  Il[,  p.  93. 


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le  même  démenti  formel  qu'aux  précédents.    La  voie  du  I 

Rhin,  comme  nous  l'avons  vu,  en  étudiant  son  tracé,  ne  pas-  | 

sait  pas  plus  à  Baume  qu'à  Soye,  et  c'est  le  cas  de  rappeler 

cette   réflexion    pleine    de  justesse  de  M.  Ed.  Clerc  <^}  :  j 

a  Privés  des  connaissances  qui  ne  peuvent  s'acquérir  que  I 

par  des  études  toutes  locales,  les  savants  étrangers  à  notre 

pays  éprouvent  un  insurmontable  embarras  dans  Tappli* 

cation  des  itinéraires  romains  aux  localités  modernes.   La 

nécessité  les  force  à  chercher  les  stutions  anciennes  dans 

les  villages  dont  le  nom  leur  offre  quelque  analogie  avec  le 

nom  écrit  dans  la  carte  de  Peutinger  ou  l'itinéraire  d'An* 

tonin,  en  calculant  au  hasard  les  distances^  et  souvent  en 

dehors  du  tracé  réel  des  voies  romaines  ». 

Bergier,  dans  le  mémoire  qu'il  envoya  au  Concours  de 
1756  dont  il  est  parlé  précédemment,  n'ose  affirmer  mais 
croit  que  Luxiol  est  l'ancien  Loposagium. 

Dunod  (2}  sans  en  donner  la  raison,  n'hésite  pas  à  dire  que 
Loposagio  c'est  Luxio),  et  il  écrit  ce  nom  Lucio  tel  qu'il  est 
encore  prononcé  dans  la  région.  Sont  de  cet  avis  tous  les 
autres  auteurs  qui  out  traité  des  voies  romaines  en  Franche- 
Comté  :  M.  Ed.  Clerc  (3),  dernièrement  M.  J.  Gauthier  (^),  et 
au  xviii®  siècle,Trouillet  qui,  dans  son  mémoire  du  Concours 
de  l'Académie,  semble  avoir  étudié  avec  un  >oin  particulier 
la  voie  de  la  Germanie  :  a  Lucio,  dit-il,  où  nous  plaçons  la 
première  mansion  {Loposagium)  n  est  plus  qu'un  village,  au 
couchant,  à  une  petite  lieue  de  la  ville  de  Baume.  Sa  posi- 
tion dans  un  terrain  élevé  et  aquatique  nous  parait  exprimée 
par  son  nom  gaulois  Loposagio.  Ce  lieu  était  considérable. 
On  y  trouve  des  ruines  de  grands  bâtiments,  des  briques 
anciennes,  des  marbres  gravés,  et  le  peuple  y  conserve  une  . 


(1)  Ed.  Clerc.  La  Franche-Comté  à  l'époque  romaine,  p.  87. 

(2)  OuNOO.  Hietoiredes  Séquanois,  préf.  p.  xiii. 

(3)  Ed.  Clerc.  Ouvrage  cité,  p.  109. 

(4)  J.  Gadthibr.  Mémoires  de  la  Société  d'Emul.  du  Doubs,  1899 
p.  391. 


5 


-66- 

vieille  tradition  que  c'était  Un  passage  pour  les  armées  ro- 
maines. La  voye  s*y  fait  encore  remarquer.  Dernièrement - 
on  trouva  dans  les  champs  de  ce  village  un  marbre  gravé  qui 
fut  cassé  par  les  laboureurs  avant  qu'on  ait  lu  l'inscription  ». 
Cent  ans  plus  tard,  M.  Ed.  Clerc  citait  un  fait  identique  : 
ne  serait-ce  pas  le  même  tiré  de  l'auteur  précédent? 
De  nombreuses  monnaies  romaines  y  ont  été  trouvées  an 
siècle  dernier.  Tous  ces  vestiges,  ces  découvertes  archéo- 
logiques et  la  position  topographique  agréable  de  ce  pays, 
ainsi  que  l'abondance  de  Teau,  chose  si  précieuse  pour  une 
étape,  donnent  la  certitude  que  Luxiol  est  réellement  l'an- 
cienne station  de  Lopomgium  mentionnée  par  la  Table  de 
Peutinger.  C'est  également  l'identification  adoptée  récem- 
ment par  M.  Ernest  Desjardins  (^)  et  Auguste  Longnon  ('2) 
dans  leurs  géographies  de  la  Gaule  romaine. 

Velatodiinim. 

Si  la  question  semble  définitivement  élucidée  pour  Lopo- 
mgium, il  en  est  loin  d'être  de  même  pour  Velatodtmmi, 
l'unique  station  indiquée  sur  l'itinéraire  d'Antonin  entre 
Besançon  et  Mandeure.  Cet  itinéraire,  qui  est  la  première 
carte  romaine  que  nous  possédions  (si  toutefois  on  peut 
donner  le  nom  de  carte  à  une  simple  nomenclature  des 
voies  de  l'Empire  romain),  indiquait  les  stations  principales 
ou  relais  que  l'on  y  rencontrait,  et,  en  chiffres,  la  distance 
intermédiaire  entre  chacune  d'elles.  Ce  livre  de  poste 
certainement  antérieur  à  la  Table  de  Peutinger  selon  Dunod, 
Trouillet  et  le  plupart  des  auteurs,  aurait  été  dressé  pour  les 
généraux  à  la  fin  du  m»  siècle,  après  l'an  286  à  en  croire 
M.  Aug.  Longnon.  Or,  sur  cet  itinéraire,  il  n'est  pas  question 


(1)  M.  Ern.  Dksjardins.  Géographie  hist.  et  <idmin.  de  la  Gaule  ro- 
maine, t.  IV,  p.  142. 
(2   M.  Aug.  Longnon.  Atlas  géotfraphique  lexie^  p.  29. 


de  téoposagium^  et  seul  Velatuduro  y  est  cité  entre  Besan- 
Coo  et  Mandeure  Certains  archéologues  trompés  par  le 
calcul  des  distances,  d'autres  par  l'interprétation  étymo- 
logique de  ce  nom,  placèrent  Velatoâm^um  un  peu  de  tous 
les  côtés,  même  en  dehors  de  la  voie  du  Rhin  et  de  toute 
autre  voie  romaine.  Jusqu'à  ces  temps  derniers,  les  auteurs 
étaient  unanimes  à  ne  reconnaître  qu'une  seule  voie  allan 
de  la  capitale  de  la  Séquanie  à  Mandeure.  Ils  s'étaient  tou- 
jours accordés  à  dire  que  Loposagium  et  Velatodurum 
étaient  deux  gites  placés  sur  cette  même  voie  à  laquelle  ils 
avaient  fait  suivre  souvent  un  parcours  imaginaire  pour 
donner  raison  à  leurs  thèses;  récemment  il  a  été  émis  une 
opinion  toute  nouvelle  :  l'existence  de  deux  routes  diffé- 
rentes allant  de  Besançon  â  Mandeure  Tune  ayant  Velato- 
durtim  sur  son  parcours,  l'autre  Loposagium^  opinion  peu 
admissible  contre  laquelle  militent  de  très  sérieuses  objec- 
tions, comme  nous  le  verrons 

Velatodurum  a  été  placé  :  i^sur  la  voie  du  jR/itn,pour  des 
raisons  différentes,  très  curieuses  souvent,  à  Rang,  h  Pom- 
pierre,  à  THôpital-Saint-Lieffroy,  et  à  Voillans. 

2o  En  dehûVB  de  cette  voie^  à  Viéthorey  et  à  Vellerot.  Mais 
tout  l'intérêt  de  la  discussion  se  reporte  sur  Vellerot  et 
Voillans  dont  les  partisans  sont  nombreux  de  part  et  d'autre. 
Aussi  ne  citerai-je,  que  pour  mémoire,  les  auteurs  des  autres 
identifications. 

Trompé  tout  à  la  fois  par  le  calcul  des  distances  indiquées 
par  une  fausse  application  de  l'interprétation  étymolo- 
gique, M.  Ed.  Clerc  W  prétend  que  Hang  est  l'ancienne 
station  Velatodurum  :  «  De  Pompierre,  la  voie  mène  à 
Rang-sur-le-Doubs,  où  l'on  doit  reconnaître  le  Velatodu^ 
rum  de  l'Itinéraire,  dont  le  nom  de  Rang  ne  conserve 
que  la  dernière  syllabe  défigurée.  »  Chose  très  invraisenibla- 
ule,  car  la  désinence  dumm  étant  assez  commune  dans  les 

(1}  Ed.  Clerc  Ouvrage  cité,  p.  110. 


—  6»  — 

noms  de  lieux  gallo-roinains/mèmô'en  Franche-Cornté  nous 
devrions  avoir,  dans  ce  cas,  deux  ou  trois  Rang.  Ce  qui. a 
poussé  cet  archéologue  à  émettre  cette  opinion,  c'est,  dit-il 
«  que  la  désinence  durum  indique  un  lieu  sur  une  rivière,  et 
le  calcul  des  distances  nous  y  conduit.  Ge  n'est  qu'à  Rang 
que  la  route  rencontre  une  rivière  à  traverser.  D'ailleurs  de 
Besançon  à  Rang  il  y  a  en  réalité  50  kilomètres  ou  22  lieues 
et  demie  gauloises.  »  Faux  calcul,  car  en  suivant  le  tracé 
exact  de  la  voie  du  Rhin,  le  xxii*  mille  (ou  48kilom.  890) 
serait  au  delà  de  rHôpital-Saint-Lieflfroy,  vis-à-vis  Clerval  et 
non  à  Rang  qui  est  à  56  kilomètres  de  Besançon. 

Sans  en  donner  la  raison,  d'Anville  (1)  veut  que  ce  soit 
Pompierre,  Pont-de-PieiTe,  écrivait-il. 

L'Hôpital-Saint-Lieffroy  est  l'ancien  Velatodurum  selon 
Chevalier  (2)  :  «  Ce  dernier  lieu,  dit  cet  auteur,  que  l'Itiné- 
raire met  à  xxn  milles  de  Besançon,  est  suivant  cette  distance 
(en  milles  romains,  l'Hôpital  près  de  Viéthorel  :  la  voie  y 
passait  et  non  à  Voillans (première  erreur!)  On  dira  ci-après 
qu'une  branche  de  chemin  depuis  Langres  venait  près  de  ce 
poste  rentrer  dans  la  voie  principale  (deuxième  erreur  :  cette 
route,  qui  passait  à  Uzelie,  Mancenans,  rejoignait  la  voie  du 
Rhin  vers  TIsle-sur-le-Doubs).  C'est  pourquoi  vraisemblable- 
ment, continue  Chevalier,  il  portait  le  nom  de  Velatwiurtim^ 
vitty  laia,  turum^  Viéthorel,  poste  ou  entrée  de  la  grande 
voie. 

Viéthorey  a  encore  été  désigné  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  d'Emulation  du  Doubs  (?).  Peut-être,  comme  il  m'a 
été  dit,  y  voyait-on  une  étymologie  celtique,  différente  de 
la  précédente  (ctU,  (/ïodeure,  ruisseau).  Malheureusement 
pour  l'exactitude  de  cette  interprétation ,  Viéthorey  ne 
possède  aucun  ruisseau,   manque  d'eau  très    souvent    et 


ri)  D*ANViLLK.  Notice  »ur  la  Gaule,  p.  643. 

(*2)  Chëvalh^r.  Histoire  de  Poligny,  t.  I,  p.  XLix. 

(3;  Mémoires  de  la  Société  d'Ei nidation  du  Doubs,  1899,  p.  391. 


surtout  se  trouve  à  6  kilomètres  de  la  voie  romaine,  et  n*y 
était  nullement  relié.  Sur  son  territoire  on  ne  retrouve  aucun 
vestige  de  chemin  antique.  On  ne  doit  donc  pas  hésitor.  à 
rejeter  cette  identification. 

Je  n'hésite  pas  à  émettre  la  même  affirmation  au  sujet  de 
Vellerot-les-Belvoir,  malgré  ses  nombreux  partisans,  qui 
apportent  plutôt  à  l'appui  de  leurs  thèses  des  rapprochements 
étymologiques  que  des.  documents  topograpbiques. 

Parmi  ceux-ci  il  faut  citer  Schœpflin  (1)  qui  a  vu^une  cer- 
taine ressemblance  entre  Velatodurum  et .Velierot  et.avec 
assurance  fait  passer  dans  ce  village  la  voie  du  Rhin  qui  en  est 
éloignée  de  plus  de  huit  kilomètres  et  qui  se  trouve  sur  la 
rive  opposée  du  Doubs. 

Le  même  identification  a  été  adoptée  par  Dom  Jourdain 
dans  son  travail  présenté  au  Concours  de  1756.  Il  faisait 
passer  une  voie  venant  de  Genève  au  Rhin  par  la  Séqua- 
nie,  par  Pontarlier,  Etray,  Eysson,  Vercel,  Vyt'les-Belles- 
voye»  i'^)  «  où  elle  se  réunissait,  dit-il,  à  la  grande  route  de 
Besançon  au  Rhin  et  suivait  les  stations  qui  sont  marquées 
dans  la  Table  théodosienne  et  Tltinéraire  d'Antonin  ;  »  et, 
en. parlant  des  stations  désignées  sur  ces  deux  documents 
il  ajoute  :  *-  rien  n'empêche  que  ce  ne  .soient  deux  gîtes 
distingués  qui  se  trouvent  sur  la  même  route  »,  assertion 
(jui  fait  supposer  que  Dom  Jourdain  ignorait  la  voie  passant 
par  Luxiol,  puisqu'il  ne  le  signale  pas  et  qu'il  fait  suivre  à 
la  voie  du  Rhin  la  rive  gauche  du  Doubs  par  Passavant, 
Vellerot  :  «  Voicy  les  raisons  qui  me  portent  à  donner  la 
préférence  à  cette  direction:.  ...  2«  Je  ne  trouve  aucune 
analogie  entre  Voillians  et   le  Velatodurum  de  l'Itinéraire, 


(i   Schœpflin.  Ahatia  iUustrata,  t.  I.  p.  199. 

(2)  L*origine  du  nom  de  Vyt-lcs-Belvoir  vient  de  la  proximité  de  cette 
localité  avec  le  château  et  le  pays  important  alors  de  Belvoir;  c'est  donc  à 
tort  que  Dom  Jourdain  écrit  que  «  le  village  de  Vy-les-Belles-Voyès  par- 
fait avoir  reçu  sa  dénomination  de  son  emplacement  sur  une  grande  route. 
Ce  nom  vient  du  latin  Via.  »  [Concours  de  il56). 


—  70  — 

3»  La  distance  de  Voillians  à  Besanvoa  est  toute  diBérente 
de  celle  de  Velatodurum  par  rapport  à  la  même  ville.  4»  La 
ressemblance  entre  les  noms  de  VeUU  ^durum  et  de  Vellerot 
est  de  beaucoup  plus  sensible  et  la  distance  de  cet  endroit 
à  regard  de  Besançon  suffit  pour  remplir  le  nombre  de 
vingt-deux  lieues  gauloises  que  Tltinéraire  donne  à  cet 
interval.  w 

Nous  verrons  dans  la  suite  que  Doin  Jourdain  a  changé 
d*opinion. 

Samuel  Schmitt  qui,  je  crois,  e&t  luuteur  du  mémoire  en 
latin  présenté  au  même  concours,  partage  la  manière  de  voir 
du  précédent  :  «  Velaiudurum  Antonini  nec  levi  conjectura 
quaeritur  in  Vellerot,  minus  dextre  in  Voillant.  > 

Walckenaer  désigne  aussi  Vellerot.  Plus  récemment  ont 
émis  la  même  opinion  Ernest  Desjardins,  Auguste  Longnon 
dans  leurs  ouvrages  de  géographie  ancienne,  ainsi  que 
M.  Bial  et  d'Arbois  de  Jubainville  qui  fait  de  Velatu-durum 
€  la  forteresse  de  Velatus  ou  Veladus  »  Vellerot-les-Belvoir 
(Doubs). 

Dans  le  Bulletin  de  la  Société  grayloise  d'Emulation  de 
Tannée  1903,  M.  S.  Leroy,  professeur  d'Histoire  à  Gray  (1), 
dans  une  très  intéressante  étude  sur  les  Milliaire$  trouvés 
dans  la  Séquanie,  reprend  la  théorie  de  Dom  Jourdain,  mais 
il  ne  se  contente  pas  comme  cet  auteur  d'une  seule  voie 
passant  par  Passavant  et  Vellerot.  De  la  différence  de  sept 
kilomètres  qui  existe  dans  les  mesures  indiquées  par  l'Itiné- 
raire et  la  Carte  théodosienne  et  du  doute  qui  plane  sur 
l'emplacement  exact  de  Velatodurum^  M.  Leroy  conclut 
hardiment,  et  il  est  le  premier  à  le  faire,  que  «  deux  voies 
romaines  ont  successivement  relié  Besançon  à  Mandeure.  » 

«  La  première,  dit-il,  indiquée  par  l'Itinéraire  d'Antonin, 


(1)  La  partie  de  cette  étude  concernant  le  travail  de  M.  Leroy  a  été  Tob- 
jet  de  la  communication  faite  à  la  Société  d'Emulation  du  Doubs  à  la  séance 
de  février  1904. 


-.  71  — 

remontait  la  vallée  du  DoubB  à  quelque  distance  de  la  rive 
gauche  ;  elle  se  confond  en  partie  dans  sa  direction  générale 
avec  la  route  départementale  qui  va  de  Besançon  jusque  vers 
Vellevans.  Son  parcours  qui  était  de  75  kil.  550,  était  coupé 
par  la  station  de  Velatoduruniy  aujourd'hui  Vellerot-les- 
Belvoir.  » 

«  La  seconde  voie  romaine,  postérieure  à  la  précédente, 
était  plus  courte  d'environ  7  kilomètres  puisqu'elle  mesurait 
68  kil  890  d'après  la  Table  de  Peutinger.  Elle  serrait  de  plus 
près  le  cours  du  Doubs,  qu'elle  longeait  pour  ainsi  dire,  à 
droite  cette  fois,  pendant  les  deux  tiers  de  son  parcours, 
avant  de  le  franchir  vers  Rang,  et  la  station  intermédiaire 
s'appelait  Loposagium^  aujourd'hui  Luxiol.  » 

Je  concède  volontiers  à  M.  Leroy  que  Vellerot-les-Belvoir 
fut  une  station  romaine  —  on  y  a  trouvé  des  tuileaux  et  des 
monnaies  —  et  que  la  voie  dont  il  parle  existait  probable- 
ment,  sur  une  paitie  du  parcours  désigné  par  lui,  mais  elle 
n'allait  pas  à  Mandeure.  Le  président  Clerc  lui-même,  ^ 
l'autorité  duquel  M.  Leroy  fait  appel,  n'a  pu  en  donner  un 
tracé  certain  ;  la  carte  qui  accompagne  son  ouvrage  sur  la 
Franche-Comté  à  Vépoque  romaine  ne  porte  qu'un  pointillé 
douteux  jusqu'à  Aïssey.  Il  en  conteste  même  l'existence 
quand  il  dit  que  Schœpflin  <  trouve  Velatodurum  à  Vellerot 
en  traçant  dans  notre  moyenne  montagne  une  voie  militaire 
purement  idéale.  »  Il  est  vrai  que  les  tuileaux  et  monnaies 
trouvés  assez  nombreux  à  Aïssey,  Vellevans,  Randevillers, 
Sancey  et  Vellerot  ont  donné  à  penser  que  ces  localités 
devaient  être  desservies  par  une  voie  dont  il  ne  reste  qu'un 
seul  tronçon  visible  entre  Tournedoz  et  Lanthenans.  Certains 
auteurs  ont  cru  pouvoir  affirmer  que  c'était  la  voie  des  salines 
venant  de  Saulnot  (H*«-Saône)  par  Geney,  l'Isle,  Lanthenans, 
Tournedoz,  le  col  de  Perrière,  seul  passage  possible  de  la 
chaîne  du  Lomont  en  cet  endroit,  que  de  là  elle  descendait 
sur  Vellerot,  Sancey,  Randevillers,  Vellevans,  et  suivait 
ensuite  la  route  actuelle  de  Besançon. 


—  72  — 

Malgré  ces  hypothèses,  il  me  parait  peu  admissible  qu'on 
puisse  placer  Velatodurum  et  Laposagium  sur  deux  voies 
différentes.  Et  voici  les  objections  que  je  fais  à  la  thèse  d^^ 
If.  Leroy  : 

lo  L'itinéraire  d'ÂDtonin,  de  même  que  la  Table  de  Peotin- 
ger  ne  signalent  que  les  routes  militaires,  chau89ée$  impor- 
tantes,  viœ  ealceaiœ. 

Or,  de  Besançon  à  Mandeure  il  n'en  existe  qu'une  de  ce 
genre,  celle  dite  du  Rhin,  la  plus  importante  de  la  Séquanie; 
inaugurée  en  98  d'après  les  milliaires  de  Mathay  ;  étonnante 
dans  sa  construction,  comme  nous  l'avons  vu  ;  elle  passait 
par  Roulans,  Sechin,  Luxiol,  Pompierre,  etc. 

La  voie  des  Salines  au  contraire,  par  Vellerot  et  Lanthe- 
nans,  n'était  qu'une  simple  voie  commerciale  de  créatico 
bien  postérieure,  route  secondaire,  non  calceata,  chemin 
gaulois  réparé  et  entretenu.  Si  c'eût  été  une  via  cnlceata  les 
habitants  de  ces  pays  en  connaîtraient  le  parcours.  Sur  le 
plateau  du  Lomont,  éloignés  de  toute  rivière  et  du  Doubs, 
les  indigènes  de  Vellerot,  Vellevans  et  autres  lieux,  manquant 
de  sable  pour  leurs  constructions,  auraient  certainement 
défoncé  et  exploité,  comme  on  le  fait  à  Voillans,  la  vieille  voie 
romaine  sur  les  points  où  elle  n'aurait  pas  été  empruntée  par 
les  chemins  actuels  ;  or,  il  n'en  est  rien,  ni  à  Vellerot,  ni 
a\*ant  ou  après. 

Or  comment  pourrait-on  expliquer  que  cette  voie  d'impor- 
tance moindre  comme  construction,  moins  directe  comme 
trajet,  moins  commode  par  suite  des  nombreux  accidents  de 
terrain,  de  rampes  plus  fortes,  fut  signalée  en  l'an  286  sur 
ritinéraire  d'Antonin^et  que  Tautre  plus  importante,  plu* 
directe,  mieux  établie,  calceata^  antérieure  à  l'autre  qui  exi>- 
l;nt  dès  Tan  98,  d'après  les  milliaires  de  Mathay,  voie  niiiitairt^ 
conmie  je  le  démontrais  plus  haut,  fut  omise  sur  cette  cart^ 
établie  surtout  pour  les  généraux  de  l'Empire.  Il  me  semble, 
qu'il  va  là  une  objection  sérieuse. 


—  73  — 

2*  Vellerot-les-Belvoir  ne  répond  pas  aux  conditions  topo - 
graphiques,  comme  le  prétend  M.  Leroy,  c'est-à-dire  au 
calcul  des  distances  indiquées  sur  l'Itinéraire.  La  route  dé- 
partementale dé  Besançon  à  Yelievans  ne  peut  pas  être  plus 
directe  ;  Velievans  se  trouvante  4â  kil.  de  Besançon,  Vellerot 
par  Sancey)  en  est  à  55  kil.  Or  je  ferai  remarquer  que,  par 
suite  de  la  différence  d'altitude  et  de  la  dépression  du  sol, 
il  est  impossible,  de  Velievans  et  Randevillers,  d'aller  plus 
directement  à  Vellerot.  Cette  distance  (55  kil.)  ne  répond  pas 
aux  2â  milles,  48  kil.  800),  de  l'Itinéraire. 

De  Vellerot  on  pouvait  se  rendre  autrefois  à  Mandeure  en 
empruntant  deux  \(Aes  romaines  connues  :  i^  la  voie  de 
Pierre-Pertuis  que  la  route  des  salines  traversait  à  Lanthe- 
nans  ;  on  n'avait  alors  qu'à  passer  par  Hyémondans,  Dam- 
beiin,  Pont-de-Roide  et  Mathay  —  ou  2"  celle  du  Rhin  que 
ladite  voie  des  Salines  traversait  entre  Blosfiftn&et  Tlsle.  La 
distance  de  Vellerot  à  Mandeure  ne  répond  point  par  ces 
deux  tracés  aux  xii  milles  intermédiaires  entre  Velatodurxtnf 
et  Mandeure  II  n'y  aurait  qu'en  suivant  la  route  actuelle  de 
Vyt,  Valonne,  Dampjoux,  Villars  et  Pont-de-Roide  que  le 
calcul  des  distances  serait  exact  ;  mais  cette  voie  n'est  pas 
connue,  il  n'en  a  jamais  été  question,  par  conséquent  elle 
est  très  problématique.  Il  n'en  serait  certainement  pas  de 
même  si  c'eilt  été  une  voie  reliant  réellement  Mandeure  à 
Besançon. 

8*  Vellerot-les-Belvoir  ne  répond  pas  non  plus  aux  condi- 
tiCns  phonétiques.  M.  Leroy  veut  absolument  que  le  nom  de 
Vellerot  vienne  de  Velatodurum.  Pour  le  prouver,  il  énumère 
douze  noms  anciens  dont  la  désinence  est  durum,  il  fait  une 
étude  très  approfondie  sur  les  transformations  de  ces  mots, 
il  en  tire  des  règles  et  les  applique  à  Velatodurum.  c  Après 
avoir  supprimé,  dit-il,  le  T  intervocalique  dont  la  chute  est 
normale,  nous  aurons  quelque  chose  comme  Vellère  ou 
Velleure  et  si  nous  ajoutons  le  suffixe  diminutif  ot  nous 
aurons  naturellement  Vellerot.  »  Et  M.  Leroy  termine  son 


—  74  — 

travail  en  disant  que  sa  solution  «  a  pour  elle  Tautorité  de 
M.  Longnon.  Térudit  français  le  plus  autorisé  à  l'heure 
actuelle  dans  ces  questions  de  géographie  ancienne  »  Il 
était  intéressant  de  consulter  M.  Longnon  lui-même  à  ce  sujet 
et  d'avoir  Topinion  de  ce  savant  professeur  du  collège  de 
France  et  de  TEcole  pratique  des  Hautes-Etudes,  dont  la 
compétence  en  toponomastique  est  indiscutable.  Or  elle  n'est 
pas  favorable  à  la  thèse  en  question.  Si  cet  auteur  dans  sa 
carte  de  la  Gaule  sous  la  domination  romaine  porte  Vellerot, 
c'est  qu'il  l'a  mis  de  confiance,  d'après  Ern.  Desjardins,  car  il 
prétend  a  que  Velatodurum  a  pu  donner  à  la  rigueur  Veleur, 
Vêler,  d'où  le  diminutif  Vellerot  mais  que  Vellerot  est  bien 
plus  certainement  le  diminutif  de  villare^  et  qu'il  ne  faut  pas 
lui  chercher  une  autre  origine.  » 

Pour  résoudre  la  question  de  façon  définitive,  il  serait 
nécessaire  d'avoir  les  formes  anciennes  de  Vellerot.  Malheu- 
reusement nous  n'avons  pas  de  dictionnaire  topographique 
du  Doubs.  Je  trouve  du  moins  dans  le  dictionnaire  de  l'Yonne, 
région  qui  peut  au  point  de  vue  philologique  se  rapprocher 
de  la  nôtre,  un  Vellerot  représenté  en  1184  par  V/Wei'tuf  ; 
en  i255  par  Villertum  ;  en  1267  par  Villerot  ;  en  1399  par 
Vellerot,  Valeroi  ;  en  1574  par  Vellerot  (1).  Aucun  de  ces 
noms  anciens  ne  se  rapproche  de  Velatodurum.  Du  reste 
le  nombre  des  localités  portant  le  nom  de  Vellerot  et  de  ses 
variantes  Villerot,  Villeret,  indique  suffisamment  qu'elles 
tirent  leur  étymologie  du  commun  villare,  qui  a  été  rendu 
en  vieux  français  par  villar,  viller,  villier,  vellar,  veller. 

4«  Enfin  voici  une  dernière  remarque  qui  a  son  intérêt  En 
suivant  minutieusement  au  curvimètre  le  tracé  de  la  voie  de 
Mandeure  par  Loposagium  (Luxiol),  en  tenant  compte  de 
toutes  les  courbes  que  je  (Tonnais  pour  avoir  parcouru  cette 
voie  pas  à  pas,  on  arrive  à  Mandeure  avec  un  total  de 


(1)  Collection  des  dictionnaires  topographiques.  Yonne,  par  M.  Quantin, 
1872. 


--  75  -- 

75  kilomètres  et  demi,  seule  distance  exacte  et  vraie  depuis 
Besançon,  et  non  pas  de  68  kil.  890,  comme  le  voudrait  le 
calcul  des  distances  intermédiaires  données  par  la  Table  de 
Peutinger.  Pour  obtenir  ce  résultat  de  68  kil.  890,  il  faudrait 
que  la  route  allât  à  peu  près  en  ligne  droite  de  Besançon  à 
Luxiôl  et  de  Luxiol  à  Mandeure  ce  qui  est  topographiquement 
impossible  par  suite  des  accidents  de  terrain.  D'où  je  conclus  : 
1°  qu'il  y  a  erreur  de  mensuration  ou  de  copiste  dans  les 
chiffres  donnés  par  la  Table.  2'  La  dîstanee  exacte  de  Besajn- 
çon  à  Mandeure  en  suivant  le  tracé  de  la  Table  par  Luxiol 
étant  de  75  kil.  et  demi,  la  distance  donnée  entre  cee  deux 
mêmes  villes  par  l'Itinéraire  d'Antonin  en  passant  par  Vêla- 
lodurum  étant  identiquement  la  même,  soit  75  kil.  5&6,  je 
conclus  aussi,  de  cette  égalité  de  longueur  qu'il  ne  s'agit  pa» 
de  deux  voies  différentes,  mais  bien  de  la  même  route  dési- 
gnée et  par  l'Itinéraire  d'Antonin,  et  par  la  Table  de  Peutin- 
ger. Il  y  a  la  simple  différence  d'indication  d'un  relai 
intermédiaire,  le  premier  ayant  été  détruit  ou  changé  pour 
une  plus  gi*ande  commodité  de  service,  dans  le  laps  de  temps 
qui  s'est  écoulé  entre  l'établissement  de  la  première  et  de  la 
seconde  de  ces  deux  cartes  que  nous  possédions  de  la  Séqua- 
nie  sous  la  domination  romaine. 

Velatodurum  n'est  donc  pas  Vellerot  puisque  la  voie  de 
l'Itinéraire  n'y  pasçe  pas.  Serait-ce  Voillans  ?  Dunod,  dans 
son  Histoire  des  Séquanois  W  l'affirme  sans  donner  les 
raisons  qui  le  poussent  à  émettre  cette  opinion  :  «  Velatodu- 
rum estunemansion  qui  avait  été  changée  au  temps  des  cartes 
de  Peutinger,  postérieures  à  l'Itinéraire,  et  Voillans  est  un 
village  auprès  de  Luciol,  Loposagio,  nommé  dans  ces  cartes.» 

Dom  Jourdain,  qui  a  varié  dans  sa  manière  de  voir,  aban- 
donne Vellerot  pour  Voillans  :  a  Voillans,  écrit-il,  se  trouve 
assez  exactement  à  la  distance  de  xxii  milles  italiques  attri- 
bués à  la  première  station  au  delà  de  Besançon,  en  fixant  la 

(1)  T.  I,  p.  XIX. 


-•76  — 

valeur  du  mille  au  tiers  de  la  lieue  de  2.400  toises.  Yoillans 
est  accompagné,  au  midi  et  au  nord  et  sur  l'alignement  de  la 
voie,  de  deux  villages  qui  portent  Tun  le  nom  d'Autechaux, 
l'autre  celui  de  THôpital,  dénominations  qui  annoncent  que 
la  voie  passait  proche  du  premier  et  que  l'autre  était  un  gtte 
(hospitium).  On  conclut  de  ces  circonstances  que  Voillans 
est  le  Velatodurum  de  l'Itinéraire.  » 

C'est  aussi  Voillans  pour  Trouillet,  et  Bergier  qui  ont  pris 
part  au  Concours  de  1756.  Tous  deux  confondent  avec  raison 
les  routes  portées  sur  l'Itinéraire  et  la  Table,  et  mettent 
Velatodurum  et  Loposagium  sur  la  même  voie. 

M.  Laurens  (1)  copiant  textuellement  Bullet  (2)  voyait  dans 
Velatodurum  Fétymologie  celtique  bel^  vel  :  fer  ;  toddur, 
lieu  où  l'on  fond,  où  il  y  a  un  fourneau.  Il  en  concluait  que 
c'était  Voillans,  car  il  y  avadt  des  mines  de  fer  fort  abondantes, 
où  le  fer  se  trouvait  pur  en  certains  endroits.  L'exploitation 
du  minerai  a  duré  jusqu'au  milieu  du  xix«  siècle  et  faisait  la 
fortune  des  habitants  de  ce  pays.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait 
eu  jadis  des  fourneaux  à  Voillans. 

Le  calcul  des  distances  ne  peut  fournir  une  indication 
précise  en  faveur  de  Voillans,  qui  se  trouve  à  6  kil.  du  point 
marqué  par  le  xxiio  mille.  Il  est  vrai  qu'il  en  est  a  peu  près 
de  même  de  Luxiol  et  qu'on  ne  doit  pourtant  pas  hésiter  à 
en  faire  la  station  de  Loposagium,  malgré  une  différence  de 
4  kilomètres. 

Je  me  garderai  bien  de  fairn  venir  de  Velatodurum  l'éty- 
mologie  du  mot  Voillans.  Cette  forme  indique  de  prime  abord 
une  origine  germanique  dont  la  notation  ancienne  se  termi- 
nait par  hing  ou  hingen.  Quant  à  l'origine  tirée  du  latin 
Velatus^  quelque  séduisante  qu'elle  paraisse,  il  faut  y  renon- 
cer. Vclatus  a  donné  voilé  mais  ne  peut  donner  Voillans, 
car  on  ne  sait  ce  qu'un  suffixe  germanique  ou  celtique 


(i)  Aimuaire  du  Doubs,  1853,  Notice  sur  le  canton  de  Baume. 
(2)  Bullet.  Mémoire  sur  la  langue  celtique j  1, 191. 


-  77  - 

viendrait  faire  à  côté  d'un  mot  latin  qui  n'est  pas  môme  un 
substantif  mais  seulement  un  qualificatif.  Par  contre  si  Voil- 
lans  ne  peut  venir  de  Velatus^  il  n'en  est  pas  de  môme  de 
Velatodvrum,  Au  lieu  de  voir  dans  ce  dernier  nom  un  terme 
celtique  duras,  ou  douros,  et  d'en  faire  <  le  fort  ou  la  forte 
resse  de  Yelatus  »  il  me  semble  plus  logique  et  plus  simple 
de  n'y  trouver  qu'un  nom  latin  composé  d'un  substantif  et 
d'un  adjectif  :  velatum,  durum.  Et  alors  dans  ce  cas,  par 
suite  de  la  signification  de  ces  deux  mots  et  leur  parfaite 
adaptation  à  la  topographie  de  ce  pays,  je  suis  tenté  de  croire 
que  Velatodurum,  la  station  de  l'Itinéraire,  a  été  réellement 
bâtie  sur  le  territoire  môme  de  Voillans. 

Qu'on  donne  en  effet  à  la  désinence  durum  la  signification 
de  rocher,  ou  celle  de  cours  d'eau,  ruisseau,  ou  tout  autre 
sens  comme  localité  ou  petite  forteresse,  le  qualificatif  de 
velaius,  caché,  convient  admirablement  bien  à  toutes  ces 
versions.  Si  Ton  vient  de  Besançon  ou  de  Mandeure  en  sui- 
vant la  voie  romaine,  il  faut  arriver  sur  Voillans  pour  l'aper- 
cevoir au  fond  de  cette  petite  vallée  de  forme  oblongue,  à 
mi-côte  de  laquelle  serpente  la  voie  du  Rhin.  Cet  endroit  est 
réellement  caché  aux  regards.  Il  devait  l'être  encore  davan- 
tage au  moment  de  la  conquête  de  la  Séquanie  :  l'humus 
épais  et  fertile  qui  recouvre  son  territoire  indique  suffisam- 
ment que  les  flancs  de  ce  vallon  étaient  boisés  autrefois. 

Très  souvent  les  noms  des  lieux  ont  été  tirés  de  leurs 
curiosités  naturelles.  «  La  terre,  dit  le  D'J.  Meynier,  avec 
les  reliefs^  les  dépressions,  et  les  cavités  que  présente  son 
sol,  avec  l'eau  qui  coule  ou  stagne  à  la  surface,  et  celle  qui 
entoure  ses  continents  et  ses  îles,  avec  la  végétation  qui  la 
recouvre,  devait  être,  pour  la  nomenclature  territoriale, 
d'une  grande  ressource  W,  »  Ne  serait-ce  pas  le  cas  pour 
Voillans  et  qui  en  ferait  certainement  le  Yelatodurum  des 


(1)  D^  J.  Meynier.  Mt^moirea  de  la  Socitfffi  fVEmid.  du  Dùubft.  iH91, 
p.  348. 


—  78  — 

Romains.  Non  loin  du  lieu  dit  Colomhoty  où  l*on  a  trouvé 
autrefois  de  nombreux  tuileaux,  des  substructions,  des  traces 
d*un  ancien  cimetière,  une  source,  qui  prend  naissance  à 
proximité  d*Âutechaux,  s'engouffre  presqu'immédiatement 
dans  un  entonnoir,  d'où  son  nom  Bief-danstei^re.  Après  un 
parcours  souterrain  de  1 .800  mètres,  ce  bief  jaillit  abondant 
dans  un  bas-fond,  sous  un  rocher  bien  caché  à  quelques  cents 
pas  de  Voillans  et  devient  on  ruisseau  qui  traverse  le  village 
dans  toute  sa  longueur.  Chose  curieuse  :  ce  ruisseau  arrivé 
à  la  dernière  maison  du  pays,  se  précipite  dans  un  creux  et 
fournit  une  chute  de  vingt-sept  mètres  de  profondeur  qui 
actionnait  autrefois  les  trois  roues  superposées  du  très  ancien 
moulin  seigneurial  de  Voillans.  Ce  nioulin  bien  modernisé 
aujourd'hui  est  mû  par  une  turbine  posée  à  vingt-cinq 
raèlres  sous  terre.  Puis  ce  ruisseau  disparait  totalement  dans 
ce  profond  et  étroit  entonnoir  de  pierre.  Des  recherches,  des 
expériences  récentes,  de  fréquents  effondrements  du  sol, 
prouvent  que  ce  ruisseau  a  un  lit  souterrain  jusqu'au  lieudit 
la  Malcombe.  De  là,  toujours  sous  terre,  il  va  sortir  à  une 
altitude  bien  inférieure  à  Hyèvre-Paroisse  où  il  reparaît  seu- 
lement et  actionne  encore  un  moulin.  N'est-ce  point  vraiment 
capable  de  frapper  l'imaginai  ion.  Cette  curiosité  naturelle  a 
attiré  récemment  l'attention  de  hardis  spéléologues.  C'est 
donc  biea  le  velalum  duvrum  i^)  par  excellence,  ruisseau 
caché,  dans  son  parcours  d'Autechaux  à  Voillans  et  de  Voillans 
à  Hyèvre.  C'est  une  simple  hypothèse  que  j'émets. 

Du  reste,  pourquoi  Tétymologie  de  Velatodurum  ne  vien- 
drait-elle pas  de  deux  termes  latins,  alors  que  partout  dan» 
le  voisinage  on  ne  trouve  que  des  noms  d'origine  romaine 
comme  la  Vieville,tnae  villa  ;  Montby,  monis  viae;  Fontaine, 


(1)  La  désinence  duruèti  que  jusqu'à  ces  temps  derniers  on  a  toujours 
fait  venir,  non  sans  raison,  de  dubrum  ou  davrum  ruisseau,  rivière,  me 
semble  plus  admissible  que  toute  autre  interprétation,  attendu  que  toutes 
les  localités  dont  les  noms  se  terminent  par  durum  son!  sur  un  cours 
d'eau. 


-79- 

fontana  ;  Clerval,  Clavh  vallis ;  YUàpital,  hospitium^  etc. 
Les  Romains  créant  une  étape  sur  leur  grande  route  lui  ont 
donné  simplement  un  nom  suivant  leur  langue,  nom  tiré  de 
la  topographie  du  terrain  ^  ou  de  la  chose  qui  les  y  a  frappés. 

Les  trouvailles  archéologiques  viennent  à  l'appui  pour 
donner  la  certitude  qu'une  mansion  romaine  a  existé  sur  le 
territoire  de  Voillans.  Une  statuette  de  divinité  achetée  autre- 
fois par  M.  le  Marquis  de  Moustier,  des  ustensiles  de  ménage 
et  divers  autres  objets  offerts  au  Musée  archéologique  de 
Besançon  par  M.  Pol  Jacquard,  des  tuileaux  nombreux, 
recueillis  par  M.  Buliard,  au  Prélot  à  proximité  du 
village  ;  trois  pièces  d'or  de  Néron,  Adrien,  Marc-Aurèle, 
trouvées  en  1845,  par  Simon  Petit,  dans  un  murger  des 
Combes  de  Vaux  et  reçues  plus  tard  avec  empressement 
comme  paiement  d'impôts  par  un  collectionneur,  M.  Delacour, 
percepteur  à  Baume,  cinq  pièces  d'or  également  découvertes 
depuis  en  Ranthes,  une  autre  à  Champraye,  non  loin  de  la 
chaussée,  quelques-unes  acquises  par  M.  Vuilleret,  sans 
compter  une  pièce  d'argent  à  l'effigie  de  Trajan  qu'on  a 
montée  en  broche  ;  enfin  de  nombreuses  monnaies  de 
bronze  et  instruments  divers,  sont  des  documents  sérieux 
qui  indiquent  bien  l'emplacement  d'une  mansion  détruite, 
car  les  pièces  d'or  ne  se  perdent  pas  si  fréquemment  au 
bord  d'un  chemin  et  surtout  si  nombreuses  au  même  endroit. 

Les  murgers  qu'on  rencontre  assez  multipliés  à  peu  de 
distance  de  la  voie,  et  composés  en  partie  de  moellons,  ne 
seraient-ils  pas  aussi  des  restes  d'anciennes  demeures  détrui- 
tes. La  vaste  pelouse,  dénommée  t  La  Levée  de  Jules  César  », 
qui  domine  le  vallon  et  la  voie  sur  un  long  parcours  ne 
serait-ce  pas,  également  l'emplacement  d'un  ancien  camp 
ou  poste  (le  surveillance  ? 

La  voie  romaine,  objectera-t-on,  ne  passe  pas  à  proxi- 
mité du  ruisseau.  C'esl  vrai,  la  voie  en  est  éloignée  de  300 
mètres  au  moins  et  se  trouve  à  un  niveau  plus  élevé.  Mais  il 
est  évident  qu'elle  y  était  déjà  reliée  par  le  chemin  actuel 


-  80  — 

qui  couduit  du  village  aux  Arbres-Brûlés.  L'usure  et  le  délite- 
raeat  des  roches  qui  le  bordent  au  sortir  de  Voillans  et  qui 
servent  de  soubassement  aux  murs  de  clôture  du  Château, 
rappellent  les  chemins  celtiques;  et  Tétonnante  largeur  de  la 
chaussée  romaine  au  lieudit  «  le  Champ  rond  «  est  un  indice 
probable  que  ce  chemin  rejoignait  la  voie  du  Rhin  k  cet 
endroit. 

Telles  sont  les  raisons  basées  sur  la  topographie  et  de 
nombreuses  observations,  qui  donnent  la  certitude  que 
Voillans  a  été  une  station  romaine,  sans  grande  importance, 
il  est  vrai,  composée  de  maisons  échelonnées  le  long  de  la 
voie,  depuis  le  Bief-dans-terre  jusqu'à  la  Levée,  et  que  cette 
mansion  était  très  vraisemblablement  le  Velatodurum  de 
l'Itinéraire  d'Antonin . 

Trouiilet  prétend  avec  ra  son  que  cette  étape  a  été  remise 
à  Luxiol.  Choisie  probablement  comme  relai  parce  qu'elle 
était  à  égale  distance  de  Besançon  et  de  Mandeure,  elle  a 
sans  doute  été  abandonnée  dans  la  suite  à  cause  de  la  dis- 
tance et  de  la  déclivité  du  terrain  depuis  la  voie  au  ruisseau. 
Les  Romains  lui  ont  préféré  Ldxiol,  seul  autre  endroit,  où, 
de  Sechin  à  Rang,  (c'est-à-dire  dans  toute  la  longueur  de  la 
traversée  de  la  voie  sur  le  plateau  des  cantons  de  Baume  et 
de  Clerval),  l'eau  soit  abondante  et  limpide.  A  cette  condition 
importante  pour  l'établissement  d'une  étape,  s'en  joignait 
une  autre  :  la  voie  passait  à  proximité  môme  de  la  source 
et  nul  détour  n'y  était  nécessaire  cx)inme  k  Voillans. 

Velatoduvam  abandonné  d'abord  par  les  Romains,  détruit 
par  les  Barbai^es,  n'a  laissé,  aucun  souvenir  pendant  de  longs 
siècles,  et  n'a  pas  même  conservé  son  nom  à  notre  village 
actuel  de  Voillans,  bâti  dans  la  suite  sur  son  emplacement. 


Société  d'Emulation  du  Doubs,   190^-190.^. 


JEAN     PETIT 
181 9-  1903 


KÔTIC2Ê 


SUR 


LE  STATUAIRE  JEAN  PETIT 

(1819-1903) 
Par    m.    Maurice   thuriet 


Séance  du  ^0  juin  i903. 


Au  commencement  du  mois  de  mai  dernier,  la  Société 
d'Emulation  perdait  un  de  ses  membres  honoraires  les  plus 
distingués,  dont  le  nom  et  Tœuvre  ont  jeté  quelque  éclat 
dans  le  monde  des  arts. 

Le  sculpteur  Jean  Petit  était  né  à  Besançon  le  9  février 
1819.  Son  père  était  un  ouvrier  couvreur  qui  logeait  avec 
sa  famille  au  palais  Granvelle,  on  ne  sait  au  juste  à  quel 
titre  ni  à  quel  étage  W.  L'enfant  fit  donc  ses  premiers  pas 
sous  les  arcades  de  la  vieille  cour  où  soixante-dix-huit  ans 
plus  tard  il  devait  voir  ériger  son  œuvre  de  prédilection. 

Le  voisinage  de  Técole  municipale  de  dessin  décida  peut- 
$tre  de  sa  vocation.  Gomme  les  Gigoux,  les  Baille,  les 
Machard,  les  Giacomolti,  les  Chartran,  il  fréquenta  dès 
Tenfance  cette  école  qui  a  été  pour  Besançon  une  pépinière 
d'artistes.  Encouragé  par  ses  maîtres  qui  avaient  remarqué 
ses  heureuses  dispositions,  Jean  Petit  part  pour  Paris  à 


(4)  Le  Palais  Granvelle  était  alors  propriété  particulière.  Il  ne  fut  acquis 
par  la  Ville  de  Besançon  qu'en  186i. 


-82  — 

Tâge  de  quinze  ans,  dénué  d'argeut,  mais  riche  d'espé- 
rances. Quel  courage  et  quelle  foi  dans  son  art  ne  &l]ait-il 
pas  à  ce  jeune  homme  pour  affronter  ainsi,  sans  protecteurs 
et  sans  fortune,  les  pénibles  débuts  d'une  carrière  difficile 
entre  toutes.  Petit  se  met  avec  ardeur  au  travail  :  il  suit  en 
1834  et  en  1835  les  cours  de  sculpture  à  Técole  des  arts 
décoratifs  où  il  est  médaillé  ;  il  est  admis  par  concours  en 
1836  à  Técole  des  Beaux-Arts^,  devient  Télève  de  David 
d'Angers,  honneur  recherché  par  tous  les  débutants,  et,  sous 
la  direction  de  ce  maitre  travaille  au  fronton  du  Panthéon. 

Dès  1838  il  aborde  le  concours  du  prix  de  Rome;  il  est 
reçu  le  premier  en  loge,  mais  une  grave  maladie  l'oblige  à 
interrompre  la  composition  définitive  (^). 

Joseph  Droz,  de  l'Académie  française,  qui  déjà  s'intéresse 
au  jeune  sculpteur,  déplore  ce  fâcheux  contre-temps  dans 
un  billet  adressé  à  Charles  Weiss  :  «  Je  ne  veux  pas,  écrit-il, 
laisser  partir  notre  jeune  compatriote  Petit  sans  lui  donner 
quelques  mots  pour  vous.  Nous  avons  été  cruellement  con- 
trariés; le  triste  état  de  ce  jeune  statuaire  l'a  mis  dans 
l'impossibilité  de  continuer  ses  travaux  depuis  plusieurs 
mois  et  de  se  présenter  au  concours  où  il  aurait  eu  tant  de 
chances  de  succès.  Sa  désolation,  vivement  partagée  par 
David  et  par  moi,  a  encore  augmenté  son  mal.  I/air  natal  le 
rétablira  et  il  reviendra  poursuivre  sa  carrière,  obtenir  les 
succès  dont  le  rendent  digne  son  talent,  sa  persévérance, 
son  âme  noble  et  pure.  Nous  désirons  beaucoup  que  la  ville 
de  Besançon  lui  continue  son  bienveillant  intérêt.  C'est  de 
cœur  que  je  vous  recommande  ce  jeune  homme;  ayez,  je 
vous  prie,  la  bonté  de  le  mettre  en  relations  avec  les  per- 
sonnes qui  peuvent  lui  être  utiles.  • 

L'année  suivante.  Petit  obtint  le  second  grand  prix  avec 
un  bas-relief  représentant  «  Le  serment  des  sept  chefs  devant 
Thèbes  »     Le  journal  le  National^  dans  son   numéro  du 

{i}  Cette  composition  avait  pour  sujet:  Alexandre-le-Gr.md  malade 


-  83  - 

19  septembre  1839,  louait  en  ces  termes  l'œuvre  du  jeuile 
artiste  :  t  M.  Jean  Petit,  qui  est  élève  de  M.  David,  avait 
montré  dans  sa  composition  un  talent  qui,  à  nos  yeux, 
aurait  dû  le  faire  préférer  à  tous  ses  rivaux  ;  il  n'a  obtenu 
que  le  second  grand  prix.  Les  têtes  de  ses  personnages,  qui 
étaient  peut-être  un  peu  trop  grosses,  sont  sans  doute  cause 
qu'on  ne  lui  a  pas  accordé  la  première  place  ;  seules  elles 
peuvent  expliquer  la  rigueur  des  juges  à  son  égard.  Du 
reste,  la  composition  même  de  sa  page  était  la  plus  com- 
plète et  la  plus  sculpturale  de  toutes Le  modelé  était 

d'un  beau  travail  où  la  fermeté  n'enlevait  rien  à  la  finesse. 
Assurément  on  peut  le  dire  :  c'était  là  un  talent,  sinon  sans 
défaut,  au  moins  mûri  et  à  qui  il  fallait  se  hâter  d'ouvrir  le 
chemin  des  Alpes  et  les  études  de  la  villa  Médicis.  » 

Hélas!  Jean  Petit  devait  rester  sur  ce  demï-succès.  Au 
concours  suivant,  aucun  artiste  ne  fut  admis  à  l'honneur  du 
grand  prix.  Le  sujet  donné  aux  concurrents  était  la  statue 
d'Ulysse  tendant  la  corde  de  son  arc.  Les  critiques  d'art 
louèrent  la  facture  habile  et  hardie  de  l'ouvrage  de  Petit, 
mais  furent  d'accord  pour  trouver  une  trop  grande  ressem- 
blance entre  son  Ulysse  et  le  Philopœmen  de  David  d'An- 
gers. «  Sans  cette  fatale  réminiscence,  disait  le  Constitu- 
tionnel du  23  septembre  1840,  et  s'il  n'eût  pas  été  élève  de 
M.  David,  M.  Petit  aurait  obtenu  le  premier  prix;  mais  les 
juges,  avec  raison  ce  nous  semble,  n'ont  pas  cru  qu'un 
élève  dût  pousser  à  ce  point  la  docilité  aux  leçons  du 
maître.  «  David,  en  envoyant  à  la  municipalité  de  Besançon 
le  moulage  de  cette-œuvre,  écrivait  non  sans  une  pointe  de 
dépit  :  «  H  n'y  a  pas  eu  de  grand  prix  cette  année,  à  Téton- 
nement  de  beaucoup  d'artistes.  Mais  certes  si  l'Institut  ne 
s'était  pas  montré  si  sévère,  il  n'eût  pu  donner  le  prix  qu'à 
M.  Petit.  M 

Les  brillants  débuts  du  jeune  sculpteur  avaient  attiré  sur 
lui  l'attention  de  ses  compatriotes.  Dès]  1842,  Charles  Weiss 
dans  une  correspondance  affectueuse  continuée  jusqu'à  sa 


mort,  lui  témoigne  d'un  intérêt  qui  se  transforme  bientôt  eti 
une  profonde  et  solide  amitié.  Joseph  Droz  lui  continue  son 
appui  et  ne  manque  aucune  occasion  de  le  louer.  Weiss  lui- 
même  l'atteste  dans  une  lettre  qu'il  écrit  à  Petit  le  10  juin 
1842  :  «  M.  Droz  est  en  ce  moment  à  Besançon  ;  il  vous 
porte  le  plus  vif  intérêt  et  j'ai  eu  le  plaisir  de  Tentendre 
parler  de  vous  à  M.  le  Maire,  dans  une  assemblée  respec- 
table avec  tout  le  zèle  et  toute  la  chaleur  de  Tamitié.  J'aurais 
pu  dire  les  mêmes  choses,  mais  je  ne  les  aurais  pas  si  bien 
dites....  »  Ainsi  recommandé,  Petit  obtint  de  la  municipalité 
bisontine  une  subvention  pendant  trois  ans  (1839  à  1841). 
Victor  Hugo  était  intervenu  pour  solliciter  ce  secours  en 
faveur  de  l'artiste  pauvre.  On  en  trouve  la  preuve  dans  une 
lettre  de  Weiss  à  Petit  datée  du  8  décembre  1848;  le  savant 
bibliothécaire  écrit  à  son  cher  Phidias,  comme  il  se  plait  à 
l'appeler  ;  t  M.  Victor  Hugo  vous  connaît  et  vous  aime  de- 
puis longtemps.  J'avais  oublié  que  le  grand  poète  a  écrit  au 
Conseil  municipal  de  Besançon  en  votre  faveur  une  lettre 
qui  émut  vivement  les  pères  conscrits  de  notre  cité.  > 

En  1844,  l'Académie  de  Besançon,  ensuite  des  démarches 
de  Joseph  Droz,  attribua  la  pension  Suard  à  Jean  Petit.  On 
peut  affirmer  que  jamais  subsides  ne  furent  mieux  placés  ; 
ils  étaient  mérités  à  un  double  titre,  car  ils  encourageaient 
un  labeur  opiniâtre  et  ils  venaient  au  secours  d'un  véritable 
dénùment. 

Petit  exposa  pour  la  première  fois  au  Salon  en  1844.  Son 
envoi  comprenait  deux  groupes  en  plâtre  représentant  des 
sujets  religieux  et  plusieurs  médaillons,  d'une  facture  éner- 
gique, parmi  lesquels  celui  du  philosophe  JoufTroy  et  celui 
du  maréchal  Moncey.  L'année  suivante,  il  exposait  un  buste 
de  Charles  Nodier  et,  en  1846,  il  obtenait  au  Salon  une  mé- 
daille d'or  pour  ses  bustes  en  marbre  de  Joseph  Droz  et  de 
l'abbé  Boisol.  Cet'e  dernière  figure  est  particulièrement 
remarquable  par  la  grâce  de  l'attitude  et  la  finesse  du  mo- 


.—  85  - 

delé  ;  c'est  une  des  plus  parfaites  qui  soient  sorties  des  mains 
de  l'artiste. 

Petit  qui  avait  été  si  près  d'obtenir  le  prix  de  Rome  consi- 
dérait ritalie  comme  la  terre  promise  et  ne  désirait  rien  tant 
que  de  visiter  cette  éternelle  patrie  de  l'Art  et  d'y  compléter 
ses  études  par  la  contemplation  des  chefs  d'œuvre  de  l'Anti- 
quité et  de  la  Renaissance.  Ses  premières  éconoinres  furent 
<'onsacrée.s  aux  fr..ii.s  du  ce  voyage  i|ui  dura  près  d'une  anrïée 
et  qui  eut  pour  étapes  Milan,  Pise,  Carrare,  Pérouse,  Venise, 
Florence,  Naples,  Pompéi  et  surtout  Rome,  où  il  fit  le  buste 
du  pape  Pie  IX. 

Malgré  ses  succès,  Petit  avait  à  lutter  avec  les  difficultés 
de  la  vie.  Affranchi  des  préoccupations  matérielles  de  l'exis- 
tence, son  talent  aurait  pu  s'épanouir  en  plein  idéal  et  son 
ciseau  aurait  sans  doute  produit  quelques  belles  œuvres  de 
plus;  mais  l'artiste  se  voyait  obligé  d'accepter  des  com- 
mandes de  travaux  décoratifs  et  de  se  résigner  à  des  collabo- 
rations anonymes  dont  un  autre  avait  la  gloire  et  le  profit. 
En  1849,  il  exécute  avec  M.  Deligand  quatre  statues  en  plâtre 
de  dimensions  colossales  pour  la  décoration  du  pont  de  la 
Concorde,  à  l'occasion  de  la  fête  nationale  du  4  mai.  L'année 
suivante,  pour  la  même  circonstance,  il  accepte  de  faire  avec 
deux  autres  artistes  18  statues  allégoriques  En  même 
temps,  il  collabore  avec  Simard  aux  travaux  de  décoration 
du  grand  salon  du  Louvre  et  il  sculpte,  d'après  une  esquisse 
de  ce  maître,  pour  le  tombeau  de  Napoléon  !•'  un  bas  relief 
en  marbre  représentant  la  Création  de  la  Gourdes  Comptes. 

Lors  de  la  fête  nationale  du  15  août  1852,  il  exécute  seul 
pour  l'ornementation  de  la  place  des  Innocents  quatre  énormes 
cariatides  supportant  les  tribunes  des  grands  corps  de  l'Etat. 
Ces  figures,  qui  ne  devaient  vivre  qu'un  jour,  portaient  néan- 
moins un  cachet  d'art  qui  valut  au  statuaire  les  éloges  de  la 
presse. 

Une  certaine  renommée  venait  à  Petit  qui  commençait  en- 
fin à  recevoir  des  commandes  de  l'Etat.  Il  les  avait  longtemps 


attendues  en  vain  et  il  faisait  part  à  Weiss  de  ses  démarches 
infructueuses  dans  des  termes  qui  méritent  d'être  cités: 
•«  J'avais  la  naïveté  de  croire,  écrit-il  à  son  ami  le  4  décembre 
1^48,  qu'il  suffisait  d'avoir  fait  des  études  consciencieuses 
pour  arrivera  la  connaissance  approfondie  de  son  art  et  d'a- 
voir obtenu  quelques  succès  pour  mériter  la  faveur  de  M.  le 
Ministre.  Mais  vaines  illusions,  ce  n'est  pas  tout  cela  que 
Ton  demande  ;  ce  sont  des  protections  et  de  hautes  protec- 
tions encore,  non  pas  prises  dans  la  classe  artistique  qui 
n'est  absolument  rien,  mais  parmi  les  hommes  politiques, 
qui  disposent  de  tout.  Je  Tai  vu  par  ce  qui  m'est  arrivé  ces 
temps  derniers.  J'avais  adressé  une  pétition  à  M.  le  Ministre 
dans  laquelle  je  lui  demandais  des  travaux,  en  lui  exposant 
mes  titres  au  nom  desquels  je  sollicitais  sa  bienveillance.  Je 
n'eus  pas  de  réponse.  Je  m'adressai  au  Directeur  des  Beaux- 
Arts  pour  savoir  où  en  était  ma  demande  ;  je  ne  fus  pas  plus 
heureux.  J'insistai  pour  avoir  audience  et  toujours  pas  de 
réponse.  Je  hasardai  enfin  une  dernière  lettre  que  j'adressai 
à  son  domicile  et  dans  laquelle  je  lui  rappelai  toutes  les  pré- 
cédentes, mais  elle  eut  le  même  sort  que  toutes  les  autres. 
C'est  alors  que  j'allai  trouver  M.  Robelin  pour  lui  conter  mes 
tri.stes  aventures  et  le  prier  de  m'indiquer  les  moyens  que 
je  devais  employer  pour  me  faire  entendre.  Il  sourit  de  ma 
crédulité  et  me  dit  que  je  pétitionnerais  ainsi  toute  ma  vie 
sans  plus  de  succès  si  je  n'employais  pas  Tinfluence  de 
•  quelques  personnages  puissants.  En  effet,  il  me  fit  avoir  une 
lettre  de  son  ami  Victor  Hugo  avec  laquelle  je  me  présentai 
à  M,  Charles  Blanc,  directeur  des  Beaux-Arts,  qui  me  reçut 
relte  fois  avec  tous  les  égards  que  lui  imposait  une  telle  re- 
commandation. Mais  malheureusement  il  était  trop  tard  pour 
qu'il  pût  satisfaire  ma  demande,  les  travaux  étant  donnés  et 
le  budget  entièrement  dépensé,  o 

Instruit  sans  doute  par  l'expérience  et  sachant  mieux  s'y 
prendre,  Petit  fut  plus  heureux  les  années  suivantes.  Sur  la 
recommandation  de  Scribe,  il   fut  chargé  d'exécuter  pour  la 


-  87  - 

décoration  de  la  façade  de  l'hôtel  de  ville  de  Paris  la  statue  du 
Premier  Président  de  Thou  (mai  1849).  Ce  travail  lui  fut  payé 
3,000  francs.  Il  modela  pour  les  appartements  de  l'Empereur 
un  buste  du  roi  Louis  Bonaparte,  qui  fut  admiré  au  Salon  de 
1853.  Il  cisela  ensuite  pour  la  façade  du  Louvre  et  des  Tui- 
leries la  statue  du  peintre  Lebrun  (1854-1855)  et  des  figures 
en  marbre  représentant  Mars  vainqueur  (1855-1856),  Persée, 
vainqueur  de  Méduse  ^H,  le  Laboureur  (1853-1857),  Castor 
et  Pollux  (1865-1868)  le  Poète  ou  le  Chantre  de  la  Nature 
(1868).  La  plupart  de  ces  ouvrages  rappellent  par  leur  sujet 
comme  par  la  manière  dont  ils  sont  traités  les  plus  beaux 
morceaux  de  l'art  antique.  Entre  temps,  Petit  contribuait 
avec  Millet  et  d'autres  statuaires  à  la  création  d'un  monu- 
ment colossal  élevé,  sur  une  place  d'Ajaccio,  à  la  mémoire  de 
Napoléon  P'et  de  ses  frères  :  c'est  lui  qui  fut  chargé  d'exé- 
cuter la  statue  du  roi  Louis  Bonaparte  qui  se  dresse  à  Tun 
des  angles  de  ce  monument.  Il  éleva,  au  cimetière  du  Père 
Lachaise,  le  mausolée  de  Louis  Duport  célèbre  danseur  et 
créateur  Je  ballets  ;  au  pied  du  buste  de  Duport,  l'artiste  a 
figuré  deux  statues  en  marbre  représentant  Zéphyr  etTher- 
psychore.  En  1865,  Petit  tailla  le  fronton  ouest  de  l'Opéra.  On 
y  voit  les  Muses  de  l'architecture  et  de  Tindustrie  assises  dos 
à  dos,  tandis  que  les  génies  de  l'antiquité  et  du  travail  jouent 
à  leurs  pieds.  Cet  important  ouvrage  lui  fut  payé  douze  mille 
francs. 

Il  est  impossible  de  citer  tous  les  bustes  et  tous  les  mé- 
daillons qui  sont  sortis  des  mains  de  l'artiste.  Son  buste  en 
marbre  de  Joseph  Droz  a  été  jugé  digne  d'orner  la  salle  des 
séances  de  l'Institut.  L'école  des  Chartes  a  de  lui  un  buste 
de  Quicherat  ;  le  moulage  de  cette  œuvre  figure  dans  la 
salle  de  l'Académie  de  Besançon,  qui  possède  aussi  le  buste 


(1)  Cette  composition,  qui  fui  très  remarquée  au  Salon  de  18G3,  était  pri- 
mitivement destinée  a  orner  une  des  nicheri  du  rez-de-chaussée  de  la  cour 
du  Louvre.  Elle  est  actuellement  au  Palais  de  Fontainebleau. 


—  88  - 

en  marbre  de  J.-B.  Suard(l)  La  bibliothèque  de  notre  ville 
renferme  plusieurs  œuvres  remarquables  de  Petit  :  le  buste 
de  Tabbé  Roisot,  son  fondateur  (2),  ceux  de  Charles  Nodier 
et  de  Francis  Wey  ;  les  médaillons  en  marbre  de  Charles 
Weiss  et  d*ÂugusteCastan.  Au  Musée  de  Besançon,  on  peut 
voir  ses  trois  compositions  pour  le  prix  de  Rome  ainsi  que 
le  modèle  en  plâtre  du  fronton  de  TOpéra. 

Jean  Petit  avait  dressé  en  1842  pour  sa  ville  natale  un 
projet  de  monument  à  la  mémoire  du  Maréchal  Moncey  et, 
en  1858,  Tesquisse  d'une  statue  équestre  de  Vercingétorix, 
destinée  à  orner  la  fontaine  de  la  place  de  TEtat- Major.  Ces 
œuvres  n'ont  jamais  été  exécutées.  En  revanche,  le 
sculpteur  eut  la  satisfaction  de  voir  élever,  en  1897,  dans  la 
Cour  du  Palais  Granvelle,  son  œuvre  la  plus  importante,  la 
statue  du  Cardinal,  ministre  de  Charles-Quint  et  de  Phi- 
lippe II.  Par  son  testament,  Charles  Weiss  avait  légué  à  la 
Ville  une  somme  de  30,000  fr.  pour  l'érection  de  ce  monu- 
ment, en  désignant  pour  l'exécuter  son  vieil  et  fidèle  ami 
Petit;  la  Ville  vota  de  son  côté  une  subvention  de  10,000  fr. 
L'artiste  a  représenté  le  Cardinal  debout,  majestueusement 
drapé  dans  sa  robe  et  protégeant  de  sa  main  droite  étendue 
la  couronne  de  la  maison  d'Autriche.  Cette  statue  a  grande 


(1)  Weiss  avait  donné  à  Petit  d'utiles  conseils  pour  cette  œuvre.  Il  lui 
avait  indiqué  où  il  trouverait  le  meilleur  portrait  de  Suard;  il  lui  avait  dé- 
conseillé  de  prendre  comme  modèle  le  portrait  légué  à  TAcadémie  de  Be- 
sançon :  (c  Ce  portrait  représente  M.  Suard  dans  la  dernière  vieillesse,  lui 
écrivait-il  le  13  octobre  18 14,  et  si  vous  faites  son  buste  d*aprêsce  modèle, 
la  postérité  n'aura  pas  une  idée  des  traits  et  de  la  physionomie  d'un  des 
hommes  les  plus  beaux  et  les  plus  spirituels  de  France.  Quel  parti  la  sculp- 
ture peut-elle  tirer  d'une  tête  à  perruque  ?  )> 

(2)  Le  14  octobre  1815,  Petit  écrivait  à  M.  Weiss:  «  Le  marbre  que  j'ai 
acheté  pour  l'exécution  du  buste  de  l'abbé  Ëoisot  est  admirable  jusqu'à 
présent  et  s'il  ne  survient  pas  de  défauts  pendant  le  cours  du  travail,  chose 
que  l'on  ne  peut  prévoir,  j'ose  espérer  qu'avec  l'aide  de  cette  belle  matière 
et  avec  tout  le  cœur  que  je  mettrai  pour  reproduire  dignement  les  traits 
d'un  compatriote  aussi  généreux  que  l'était  Boisot^Ton  reconnaîtra  l'admi- 
ration de  l'artiste  pour  l'illustre  personnage  qui  avait  été  si  longtemps  ou- 
blié et  qui  va  enfin  reparaître  par  votre  noble  et  heureuse  pensée. 


allure.  On  peut  admirer  sans  réserve  la  noblesse  de  Tatti- 
tude,  mais  on  trouve  généralement  que  les  traits  n'ont  pas 
la  vigueur  et  l'accentuation  qu'on  remarque  dans  les  por- 
traits du  CardinaU  notamment  dans  ceux  d'Antoine  Moore 
et  du  Gaetano.  Il  y  a  un  peu  trop  de  mollesse  dans  les  lignes 
du  visage  et  dans  les  boucles  de  la  barbe,  trop  uniformément 
frisée.  Le  piédestal  de  la  statue  devait  être  orné  de  deux  bas- 
reliefs  dont  l'un  représentait  Granvelle  remettant  à  don 
Juan  d'Autriche,  à  son  départ  pour  Lépante  l'étendard  de  la 
chrétienté.  Il  est  permis  de  regretter  que  ces  bas-reliefis 
dont  Petit  avait  dressé  la  maquette  n'aient  pas  été  exécutés. 
Le  monument  auquel  l'artiste  travaillait  dès  avant  1870  ne 
fut  mis  en  place  qu'au  mois  de  mai  1897.  A  défaut  d'inaugu- 
ration officielle,  un  punch  d'honneur  fut  offert  au  vieux  sta- 
tuaire bisontin,  dans  la  grande  salle  du  Palais  Granvelle, 
par  les  Sociétés  savantes  et  artistiques  de  sa  ville  natale  (i) 
qui,  à  cette  occasion,  sollicitèrent  unanimement  pour  lui  la 
croix  de  la  Légion  d'honneur.  Leur  démarche  resta  sans 
succès  ;  elle  n'était  pourtant  que  le  rappel  d'une  proposition 
dont  l'artiste  avait  été  l'objet  en  1870,  alors  qu'il  faisait  partie 
pour  la  quatrième  fois  du  jury  de  concours  de  l'école  des 
Beaux-Arts  et  des  grands  prix  de  Rome.  Mais  Petit  était  un 
modeste  et  un  isolé  qui  n'appartenait  à  aucune  coterie  artis- 
tique ou  politique  et  les  protections  qui  lui  manquaient  en 
1848  pour  obtenir  des  commandes  de  l'Etat  lui  firent  aussi 
défaut  pour  la  décoration  :  il  a  dû  se  dire  que  les  choses 
n'avaient  pas  changé  depuis  cinquante  ans. 

Replié  sur  lui-même,  il  se  contenta  de  souffrir  en  silence 
de  l'injuste  oubli  dans  lequel  en  haut  lieu  on  laissait  son 
talent.  Ses  compatriotes  l'en  avaient  consolé  par  des  témoi- 
gnages d'estime  auxquels  il  attachait  le  plus  grand  prix  : 
l'Académie  de  Besançon  l'avait  élu  membre  correspondant 
en  1856  et  la  Société  d'Emulation,  à  laquelle  il  appartenait 

(1;  Mémoires  de  la  Soc.  d'Emul.  du  Doubs,  ?•  série,  T.  II  (1897). 


—  90  — 

depuis  1866  Favait  nommé  membre    d*honneur  en  1896. 

Jean  Petit  est  mort  à  Paris,  dans  son  domicile  de  la  me 
Denfert-Rochereau  le  6  mai  1903,  à  l'âge  de  8i  ans.  Peu  de 
temps  avant  sa  mort  il  avait  donné  à  la  bibliothèque  de  Be- 
sancon les  maquettes  de  plusieurs  de  ses  iBuvres,  un 
groupe  de  menus  objets,  en  particulier  d*anciennes  garni- 
tures de  meubles  ainsi  qu'une  intéressante  collection  de 
minéraux,  qui  a  trouvé  place  au  Musée  dliistoire  naturelle, 
enfin  ses  livres  et  ses  correspondances,  parmi  lesquelles  de 
nombreuses  lettres  de  Charles  Weiss,  de  Joseph  Droz,  et  du 
peintre  Edouard  Baille.  Chose  remarquable  chez  un  artiste 
d'humble  origine,  qui  n'avait  pas  fait  d'études  secondaires, 
Petit  savait  manier  la  plume  presque  aussi  bien  que  le 
ciseau  ;  l'Académicien  Droz  louait  en  ces  termes  les  qualités 
de  son  style  :  «  Je  ne  venx  pas  négliger  de  vous  parler  d'un 
rapport  sous  lequel  votre  lettre  m'a  fort  intéressé  :  elle  est 
écrite  avec  facilité;  il. y  a  du  naturel  dans  vos  expressions, 
jamais  de  recherche  ;  et  je  n'ai  aperçu  ni  un  mot  impropre, 
ni  une  phrase  incorrecte.  Cela  suppose  en  vous  un  esprit 
juste  et  la  justesse  d'esprit  est  nécessaire  dans  tous  les  arts  : 
sans. elle  on  voit  mal  et  par  conséquent  on  ne  peut  être  vrai 
dans  aucun- genre  de  compositions,  n 

Jean.  Petit  a  légué  par  son  testament  à  la  Ville  de  Besan- 
çon; en  mémoire'des  encouragements  et  des  secours  qu'il 
avait  reçus  d'elle.aux  jours  misérables  de  ses  débuts,  une 
somme  de  dix  mille. francs  dont  la  renie  jservira  à  soutenir 
pendant  trois  ans  les  efforts  d'un  jeune  homme  se  destinant 
à  la  carrière  artistique.  II. légua  en  outre  à  l'Académie  de 
Besançon  une  autre  somme  de  10,000  francs  pour  la  création 
d'un  concours  annuel.de  beaux-arts  dont  les  sujets  seront  re- 
latifs à  l'histoire  du  pays  comtois.  Il  était  l'esté  ti^ès  attachée 
k  sa  ville  natale  où  il  aimait  à  venir  se  retremper  et  où  il 
avait  compté  de  solides  amitiés  :  celles-de  Weiss,  d'Auguste 
Castan  et- d'Edouard  Baille.  Pai--6entfe,-  il^îeparak -pas-avoir 
('•té  en  rolations  suivies  avec  d'autres  artistes  comtois.  Lors- 


-  91  — 

qu'il  avait  son  atelier  rue  de  TOuest,  16,  à  Paris,  il  fut  le 
voisin  de  Clésinger,  son  aîné  de  cinq  ans,  qui  avait  été  connme 
lui  élève  de  David  ;  mais  leurs  goûts  et  leur  genre  de  vie 
étaient  trop  dissemblables  pour  qu'une  sympathie  véritable 
unit  ces  deux  compatriotes.  Aussi  bien,  l'ami  intime  de  Clé- 
singer, Armand  Barthet,  dans  des  articles  de  critique  parus 
vers  1846,  avait  exercé  sa  verve  railleuse  sur  Jean  Petit  et 
cherché  à  ridiculiser  ses  efforts  consciencieux 

Petit  avait  des  allures  réservées  et  timides  ;  il  était  d'une 
taille  au-dessous  de  la  moyenne  et  d*unecomplexion  délicate. 
Dans  sa  jeunesse,  il  avait  été  souvent  malade  ;  à  plusieurs 
reprises  Weiss  et  Joseph  Droz  lui  conseillèrent  de  ménager 
sa  santé  altérée  par  les  excès  de  travail  et  sans  doute  aussi 
par  les  privations.  Droz  lui  écrivait  à  la  date  du  1*"'  décembre 
1845  :  •  Parmi  les  jeunes  artistes  de  mérite,  j'en  ai  connu 
très  peu  dont  les  commencements  n'aient  pas  été  difficiles. 
J'ai  remarqué  que  la  faiblesse  de  santé  n'est  pas  dangereuse 
pour  ceux  qui  ont  une  bonne  conduite.  Sous  ce  rapport,  il 
n'y  a  pas  de  recommandation  à  vous  faire  ;  je  ne  connais  pas 
d'âme  plus  pure  que  la  vôtre  ;  vous  êtes  digne  d'aimer  le  beau, 
car  vous  êtes  bon  et  sage.  »  Le  jeune  homme,  dont  la  santé 
était  si  chancelante,  grâce  à  la  pureté  de  ses  mœurs  et  à  la 
régularité  de  sa  vie,  mourut  octogénaire.  Ce  n'était  pas  seu- 
lement par  son  mérite  artistique  que  Petit  avait  su  conquérir 
l'alTection  si  précieuse  de  protecteurs  tels  que  Joseph  Droz 
et  Charles  Weiss  ;  c'était  aussi  par  les  qualités  de  son  caeur  ; 
l'honnêteté,  la  franchise,  la  bonté  et  la  douceur  se  lisaient 
sur  sa  physionomie  qu'a  fidèlement  représentée  le  peintre 
Henri  Martin  dans  le  portrait  de  l'artiste  lègue  au  Musée  de 
Besançon. 

Dans  la  pléiade  des  artistes  franc-comtois,  Jean  Petit  oc- 
cupe un  rang  des  plus  honorables.  Sans  doute  il  ne  saurait 
être  comparé  ni  à  Perraud  ni  à  Clésinger  ;  il  n'eut  jamais 
comme  ces  maîtres  de  belles  envolées  d'art  ;  le  génie  ne  l'a- 
vait point  touché  de  son  aile.  Il  s'inspirait  des  chefs  d'œuvre 


—  92  — 

de  l'antiquité  et  se  plaisait  plutôt  dans  leur  imitation  que 
dans  des  créations  originales  et  hardjes.  Ses  ouvrages  ont  les 
qualités  de  la  sculpture  païenne  ;  ils  en  ont  aussi  les  défauts. 
S'ils  sont  remarquables  par  la  pureté  des  lignes  et  la  beauté 
plastique,  ils  manquent  en  général  de  chaleur  et  de  mouve- 
ment Rompu  à  toutes  les  difficultés  de  la  statuaire.  Petit 
eut  au  plus  haut  degré  Tamour  de  son  art.  On  peut  juger  d'un 
mot  sa  vie  et  son  ^uvre,  ce  fut  un  honnête  homme  et  un 
vaillant  artiste  ! 


OA-TALOà-triD 


DES 


PRINCIPALES  ŒDYRES  DE  JEAN  PETIT 


1839.  Le  serment  àes  sept  chefs  devant  Thèbes,  bas  relief  qui 
valut  à  son  auteur  le  second  grand  prix  de  Rome.  — 
Au  musée  de  Besançon. 

1839.    TéUmaquey  esquisse; 
Idomiénéey  esquisse  ; 

Alexandre- le- Grand  maladey  esquisse.  -  Au  musée  de 
Besançon. 

1839.  Médaillons  de  Raphaël^  de  Michel- Ange  et  de  Jean  Gou- 

jon. —  Ornent  la   façade    d'une    maison   de   la  rue 
Cambon,  à  Paris. 

1840.  Ulysse  tendant  la  corde  de  (ton  arc^  statue.  —  A  l'école 

de  dessin  de  Besançon. 

1841.  Buste  de  Jacques  Cœur.    —  Orne  la  façade  d'une  maison 

de  la  rue  Rambuteau. 

1842.  Projet  de  monument  à  la  mémoire  du   maréchal   Mon- 

cey,  donné  à  la  ville  de  Besançon . 

1844.  Ange  gardien  protégeant  le  sommeil  d'un  enfant ,  groupe 
en  plÂtre; 

1844.  Médaillons  du  maréchal  Moncey  ;  de  l'archevêque  de 
ReimSy  Gousset  ;  du  philosophe  Jouffroxj. 

La  Vierge  et  V Enfant  Jésus  s*offrant  en  holocauste^  groupe 
en  plâtre  ; 

Buste  de  J.-B.  Suard»  —  A  l'Académie  de  Besançon. 


—  94  - 

1845.  fiusle  en  marbre  de  Charles  Nodier,       A  la  bibliothèque 

municipale  de  Besancon.. 

1846.  Buste  en    marbre  de  Joseph  DroZy  de  TAcadémie  fran 

çaise; 

Buste  en  marbre  de  Vabhé  Boisot.  —  A  la  bibliothèque 
municipale  de  Besançon  ; 

Huit  médaillons  de  personnages  franc-comtois,  notam- 
ment ceux  de  Charles  H^eiw,  de  Viancifiy  de  Ch,  de 
Saint-Juan  et  du  marquis  de  Falletans. 

4847.  Buste  du  pape  Pie^  IX. 

1848.  Buéte  en  marbre  de  M.  Robelin. 

1849-1850.  Statue  de  de  Thou,  premier  Président  au  Parlement 
de  Paris.  —  Au  musée  de  la  Ville  de  Paris. 

1850.  Buste  en   marbre  de  M.    Charles  de  Rotalier.  —    Biblia 
théque  de  Besançon. 

1851-1852.  La  Création  de  la  Cour  des  Comptes,  bas- relief  en 
marbre  ornant  le  tombeau  de  Napoléon  l^^,  aux  Inva- 
lides. 
Martin  de  Gray  (médaillon). 

1853    La  résurrection  du  Christ,  bas-relief. 

1853.   Buste  en  marbre  du  roi  Louis  Bonaparte; 

Buste  en  marbre  de  Joseph  Droz.  —   Salle  des  séances 

de  l'Institut  de  France  ; 
Médaillon  en  plâtre  de  Mme  Juliette  de  Latour. 

1854-1855.  Statue  en   piei-re  du  peintre  Lebrun.  —   Fait  partie 
de  la  galerie  des  hommes  illustres,  place  du  Carrousel. 

1854-1856.   Buste  de   Louis  Duport.  —  Au   cimetière  de  l'Est, 
à  Paris. 
Zéphyr  et  Therpsichore,  statues  en  marbre  ornant  le  mo- 
nument funèbre  de  Louis  Duport.  Même  cimetière. 

1855-1856.  Mars  vainqueur,  slatue  en    pierre.  —   Façade    du 
vieux  Louvre.  . 


-  95  - 

!8n6-1857.  Le  Laboureur,  sUiliie  en  pierre.'— Façade  du  vieu^ 
Louvre 


1857.  Buste  en  marbre  de  Mlle  Miehelot; 
Buste  de  Mlle  Lia  Lehaut  ; 

Buste  en  plâtre  de  Af.  Florentin  Laudet  ; 
Médaillon  en  marbre  de  Charles  Weiês.    -    A  la  biblio- 
thèque de  Besançon. 

1858.  Esquisse  d'une  statue  équestre  de  Vercingétorix  (projet 

de  fontaine  monumentale).  —  Au  musée  de  Besançon. 

1863.  Perséej  vainqueur  de  Méduse.   —  Au  Palais  de  Fontai- 
nebleau. 

1863.  Buste  du  géologue  Nerée-Boubée.    —    Au  cimetière   de 

Bagnères-de-Luchon . 

1864.  Statue   du  roi  Louis   Bonaparte.   —  Fait  partie  du  mo- 

nument de  la  famille  Napoléon,  k  Ajaccio; 
Médaillon  du  Premier  Président  Loiseau  et  de  Gustave 
Oudet. 

1865-1866.  Castor  et    Pollux,  statues  en  pierre.  —  Façade  du 
Palais  des  Tuileries. 

1866-1867.  Les  Muses  de  V Architecture  et  de  l'Industrie.—  Fron- 
ton ouest  de  la  façade  principale  de  l'Opéra. 

1868.  Le  Poète  ou  le  Chantre  de  la  Nature,  statue  en  pierre, 
sur  la  façade  du  Louvre. 

1875-1897.  Le  Cardinal  de  Granvelle,  statue  en  marbre  élevée 
dans  la  cour  du  palais  Granvelle,  à  Besançon. 

1876.  Médaillon  en  marbre  de  M.  Jules  Quicherat. 

1882.  Buste  en  marbre  de  Jules  Quicherat  —  A   Técole   des 

Chartes. 

1883.  Buste  en   marbre  de  Francis  Wey,  —  A  la  biljliothèque 

de  Besançon. 


-  96  - 
1884.  Résignation,  statue. 

1892.  Médaillon  en  marbre  d'Auguate  Ccutan.  —  A  la  biblio- 
thèque de  Besançon. 


Société  d'Kmulalion  du  Doiibs,   1903-1904. 


r^*- 


Le  Cardinal  de  Granvelle 

(Œuvre  du  sculpteur  ]eau  Petit). 


LA  RENTRÉE 

DU  PARLEMENT  DE  FRANCHE- COMTÉ 

après    l'Exil    de    1759 
Par  M.  6.  BLONDEAD 

SUBSTITUT  DU  PROCUREUR  DE  LA  RÉPUBLIQUE 
MEMBRE  RÉSIDANT 


Séance  du  i6  Février  190 A 


Trois  ans  s'étaient  écoulés  depuis  que  le  Parlement  de 
Franche-Comté,  pour  avoir  refusé  l'enregistrement  de  la 
déclaration  du  roi  établissant  un  nouveau  vingtième,  avait 
vu  délivrer  contre  trente  de  ses  membres  récalcitrants  des 
lettres  de  cachet. 

Les  parlementaires  frappés  avaient  pris  en  silence  la  route 
de  l'exil,  mais  un  tel  coup  d'autorité  avait  eu  un  retentisse- 
ment immense  non  seulement  dans  la  province  mais  encore 
dans  tout  le  royaume.  L'opinion  publique  avait  pris  nette- 
ment parti  contre  le  pouvoir  royal.  Tandis  que  plusieurs  par- 
lements ne  craignaient  pas  d'adresser  au  roi  les  plus  coura- 
geuses remontrances,  la  plume  des  pamphlétaires  ne  ces- 
sait de  déverser  le  ridicule  sur  les  conseillers  restés  en 
place  (^)que  Ton  appelait  les  «  rémanants  »  ou  les  «  filleuls  de 


(l)  Le  plus  célèbre  de  ces  pamphlets  est  un  poème  lyrique  dû  à  la  plume 
du  jésuite  Talbert  frère  d'un  parlementaire  exilé:  Langrognet  aux  enfers 
Un  des  exemplaires,  très  rare  aujourd'hui  de  cet  opuscule,  illustré  de  gra- 
vures assez  légères,  est  conservée  à  la  bibliothèque  municipale  de  Besançon. 
Ce  dépôt  public  possède  également  une  gravure  satirique  de  la  même  épo- 
que représentant  une  séance  solennelle  du  Parlement.  On   y  voit  les  fau- 


-  98  -. 

M.  de  Boynes  » .  Cet  intendant  dont  les  intrigues  avaient 
réussi  à  lui  faire  attribuer  le  poste  de  premier  président  du 
Parlement,  s'était  rapidement  attiré  le  mépris  des  magistrats 
et  la  haine  du  peuple  par  son  arrogance,  son  ambition,  et  son 
despotisme . 

Accusé  à  juste  titre  d'avoir  sollicité  du  roi  Texil  des  trente 
membres  de  sa  compagnie,  méprisé  de  ceux  même  qui 
avaient  suivi  ses  conseils,  accablé  sous  le  poids  du  ridicule 
jeté  sur  sa  personne  et  sur  son  nom,  il  avait  enfin  compris 
que  sa  situation  n'était  plus  tenable  et  démissionné  le  24 
avril  1761. 

Cette  détermination  eut  le  plus  heureux  résultat  ;  le  chan- 
celier ouvrit  les  yeux;  il  vit  que  la  voix  de  la  conciliation 
était  ouverte  et  que  la  rigueur  devait  faire  place  à  la  clémence. 
Le  retour  des  exilés  pouvait  seul  calmer  Teffervescence  des 
esprits.  Aussi  le  1®'  août  les  proscrits  reçurent-ils  Tordre  de 
se  réunir  à  Belfort  pour  y  attendre  les  ordres  du  roi.  Sur  ces 
enirefaites,  la  nomination  à  la  première  présidence  de  M.  Per- 
renet  de  Grosbois,  magistrat  de  carrière  et  homme  de  valeur, 
arrivée  le  l^*"  septembre  1761,  fut  bien  accueillie  par  tous. 
Bientôt,  des  lettres  patentes  rétablirent  le  Parlement  de 
Franche  Comté  dans  la  même  situation  qu'avant  le  conflit  et 
permirent  aux  proscrits  de  quitter  la  terre  d'exil. 

Leur  retour  à  Besançon  fut  pour  eux  un  triomphe  qui.  on 
s'en  rendit  compte  plus  tard,  dépassa  les  limites  de  la  sage 
raison.  «  L'opinion  publique,  dit  M.  Estignard  (t),  considérait 
encore  le  Parlement  comme  le  défenseur  du  droit  de  la  na- 
tion et  les  exilés  comme  des  martyrs  de  la  cause  populaire. 
Toutes  les  misères  furent  oubliées,  comme  si  la  main  du 
Parlement   reconstitué    eût    pu    répandre   sur  la  province 


leuils  des  exilés  restés  vides  ;  les  conseillers  et  les  autorités  présentes  sont 
représentés  sous  les  traits  de  perroquets  et  antres  oiseaux  dans  des  allures 
diverses. 

(1)  Le  Parlement  de  Franche-Comiéy  de  son  instcUlatioti  à  Besançon 
à  sa  suppression  1674-1700   tome  I,  p.  3i0. 


-99- 

des   prospérités  sans  nombre  et  y  ramener  Tâge  d*or.  » 

La  réception  fut  magnifique.  Indépendamment  de  la  rela- 
tion officielle  qui  en  fut  adressée  au  chancelier  W  et  de  quel- 
ques notes  laissées  par  le  père  Dunand,  nous  possédons  sur 
cette  matière  deux  documents  très  intéressants  :  le  journal 
de  Grimont,  dont  une  copie  est  conservée  à  la  bibliothèque 
municipale  de  Besançon  (2),  et  un  joli  petit  tableau  qui  décore 
la  bibliothèque  de  Tordre  des  avocats  au  Palais  de  Justice  de 
notre  ville. 

La  Biographie  Universelle  ne  signale  point  parmi  les  ou- 
vrages de  l'avocat  au  parlement  ce  volumineux  journal  qui 
embrasse  les  trente  dernières  années  de  l'ancien  régime. 
Pourtant  cette  histoire  anecdotique  renferme  des  documents 
les  plus  intéressants,  non  seulement  sur  les  événements 
importants  de  la  province  et  du  royaume,  mais  encore  sur 
les  menus  faits,  les  incidents  de  la  vie  journalière  et  même 
la  chronique  scandaleuse  de  l'époque. 

Les  détails  qu'il  rapporte  sont  des  plus  curieux  au  point 
de  vue  des  mœurs  et  des  habitudes  de  cette  haute  société  de 
Besançon,  légère  et  frivole,  à  laquelle  Grimont  appartenait 
par  sa  naissance  et  qu'il  rencontrait  dans  le  salon  de  madame 
de  Faltans. 

Au  début  du  deuxième  tome  le  journal  nous  donne  le  récit, 
d'autant  plus  exact  qu'il  est  pris  sur  le  vif.  des  fêtes  qui  eu- 
rent lieu  lors  de  la  rentrée  des  parlementaires.  La  plume 
alerte  et  .souvent  mordante  du  chroniqueur  sait  à  n>erveille 
décrire  la  marche  des  événements  et  Tétat  d'âme  de  ses  con- 
temporains. 

Dans  le  style  emphatique  et  bourré  de  métaphores  à  Tan- 
tique,  déjà  en  faveur  à  ce  moment,  le  bon  Grimont  rapporte 


(1)  GoniN.  —  Rapport  du  3  décembre  1761  indiqué  par  Estignard 
comme  be  trouvant  aux  archives  du  Doubs,  mais  que  nous  n'avons  pu 
retrouver. 

(2)  Manuscrits  n»  i03i),  tome  11. 


^  100  -^ 

que  €  les  exilés  arrivèrent  à  Besançon  avec  un  triomphe  plus 
êolàiant  que  Ciiiiiiiie  ne  Ta  jamais  eu  à  Rome  après  avoir  sau- 
vé le  C;ip.;»>le  •. 

M  liiTrô  i.i  précaution  que  l'on  avait  prise  de  retarder  jus- 
qu'à la  nuii  l'entrée  en  ville  des  parlementaires,  de  scinder 
en  d»  ux  paihes  le  cortège  et  d'espacer  de  quatre  jours  (6  et 
In  iioveniUre  ITtd»  la  marche  du  premier  et  du  second,  la 
P  «puIaiiMii  toute  entière  se  porta  les  deux  fois  sur  leur  pas- 
sive «  Vers  les  neuf  heures  du  soir,  écrit  un  témoin,  <^)  on 
entendit  le  premier  bruit  de  boites  pour  donner  le  signal.  Ah  ! 
monsieur,  quel  instant!  il  ne  fut  personne  qui  ne  sentit  dans 
ce  moment  >on  cœur  comme  se  détacher  pour  aller  au  de- 
vant de  ces  messieurs  et  se  donner  en  reconnaissance.  Les 
acclamations,  les  cris  continuels  de  vive  le  roi,  vivent  nos 
iliu^t^es  exilés,  qui  accompagnaient  les  voitures,  nous  les 
atmoncèrent.  •  Le  cortège  pénétra  en  ville,  dit  Grimont,  par 
«  la  rue  Battant  nommée  piu-  les  bourgeois  de  cette  rue,  la 
rue  du  triomphe,  parce  que  c'est  par  celte  rue  que  messieurs 
les  exilés  arrivèrent.  » 

Les  boushots  s'étaient  mis  en  frais  d'imagination  pour  dé- 
clarer leur  quartier.  •  Dans  le  milieu  de  cette  rue,  il  y  avoit 
un  ange  (jue  Ton  descendoit  et  qui  arrestoitles  voitures  pour 
donner  à  chaque  exilé  un  lorier  pour  prix  de  leurs  victoires, 
pour  rappeler  Camille,  qui  pour  sauver  Rome  a  quitté  son 
exil  cl  qut»  me>>ieurs  les  exilés  se  sont  fait  exiler  pour  sau- 
ver la  pairie.  »  l/assimilation  entre  le  guerrier  romain  et  les 
paciliqucs  magistrats  à  perruques  n'était  pas  des  plus  heu- 
reuses, mais  on  n'y  regardait  pas  de  si  près! 

«  Kn  réjouissance  de  leur  retour,  continue  le  chroniqueur, 
les  plaisirs,  la  joye  et  les  réjouissances  se  poussèrent  à  un  si 
haut  degré  que  c'éloit  comme  un  fanatisme  répandu  chez  les 
grands  comme  chez  les  plus  obscurs  plcbaihains  II  n'y  avait 
plus  lie  rang,  de  dignité,  tout  éloit  pelle  melle,  on  ne  gardoit 


(It  EsTHJNMM».  liidiitn,  p;»}:o  \\\0. 


—  iOI   - 

aucune  mesure,  tous  chantoient,  dansoient  ensemble  et  c'étoit 
à  qui  mieux  mieux.  Tout  ne  résonnoit  dans  la  ville  que  du 
nom  des  exilés».  «  On  n'entendait  plus  que  le  son  des  clo- 
ches, des  timbales,  des  trompettes,  que  les  symphonies  les 
plus  harmonieuses,  que  le  bruit  de  l'artillerie  •-.  (U 

•  M.  Bizot,  conseiller  au  bailliage  et  président  de  Besan- 
çon, demeurant  rue  Charmont,  fit  tirer  cjuatre  muids  de  vin. 
A  quiconque  iroit  crier  devant  chez  lui,  trois  lois  vive  le  roi, 
il  faisoit  donner  une  bouteille.  Ainsi  fut  vendu  son  vin.  » 

€  Devant  la  boutique  de  chez  un  M.  Charmet,  orfèvre 
Grande-rue,  il  y  avoit  un  cœur  enflammé  au  milieu  duquel 
il  y  avoit  un  robinet  par  lequel  il  y  couloit  du  vin  pour  ceux 
qui  buvoient  à  la  santé  des  exilés.  » 

C'était  alors  la  mode  dans  les  jours  de  réjouissances  pu- 
bliques, de  placer  aux  façades  des  maisons  des  banderoles  de 
toile  tendues  au  moyen  de  baguettes  de  buis  et  sur  lesquelles 
étaient  peintes  des  allégories  et  des  inscriptions.  Il  y  en  eut 
de  tous  les  genres.  Les  notes  du  père  Dunand  en  donnent 
quelques  spécimens  dont  les  auteurs  s  étaient  piqués  d'éru- 
dition. 

€  Sur  un  écriteau  au  puits  du  marché  on  lisait:  «Et  resti- 
tuam  judices  tuos  ut  fuerunt  prius,  et  conciliarios  tuos  slcut 
antiquitus,  post  haec  vocaberis  civitas  justi,  urbs  fidelis.  »  — 
Isaïe  Ch.  IV.  20.  Je  ne  garantis  pas  l'exactitude  de  la  citation. 
Chez  un  avocat:  «  Tibi  impiis  eraptam  cœlum  redidit  jusli- 
tiam.  »  Sur  la  façade  de  l'hôtel  de  lEvêque  de  Ran  : 

Ilic  nobililas  vera  in  virlite  tnicat 
Hic  virtus  vera  in  nobititale  fulgel 

Chez  le  médecin  Meillardet,  le  vieux  cliché  virgilien  :  «  0 
prœsidium,  o  dulce  decus  nostrum  !  ». 

Les  étudiants  en  droit  et  en  médecine  de  l'école  des  béné- 


(1)  EsTiUNARD.  Ibidem,  page  3V1 . 


-    102  — 

dictins  ne  pouvaient  mieux  faire  que  de  tirer  du  sujet  de  leurs 
études  un  trait  d'esprit  ;  leur  écriteau  disait  : 

Cum  juêtitia  lœtitia 
Cum  lastitia  sanitas 
Sequanis  restituntur 

Les  vignerons  de  Battant  eux-mêmes  avaient  fait  de  l'éru- 
dition, à  leur  manière,  en  patois  bisontin  : 

Rome  n'a  jaimé  eu  qu'un  Caiton 
Main  nous  en  an  trente  ai  Besançon. 

Les  allusions  satiriques  aux  événements  présents  ne  de- 
vaient pas  manquer  «  Un  marchand  de  tabac  rue  du  Cha- 
teur  (t)  a  mis  une  grande  statue,  menant  par  la  main  deux 
enfants  qui  tenaient  des  pipes  et  du  tabac,  et  Thomme  sem- 
blait leur  dire  : 

Fumez  fillieux,  et  fumez  fort 

C'est  du  tabac  de  Belfort. 

L'ex-premier  président  devait  naturellement  servir  de 
point  de  mire  aux  épigrammes  populaires  Les  écriteaux  ne 
l'épargnaient  point.  «  Au  coin  de  la  rue  d'Aresne,  dit  Gri- 
mont,  aux  fenestres  de  chez  un  nommé  Marchand,  il  y  avoit 
un  tableau  sur  lequel  étoit  peint  un  champ,  et  au  bout  il  y 
avoit  une  borne  avec  cette  inscription  en  patois  de  Besançon  : 
Au  bout  la  boyne  ». 

Tandis  que  les  pièces  d'artillerie  annonçaient  l'arrivée  du 
cortège,  la  ville  s'illumina  de  mille  feux.  Jacquemard  était  en- 
touré de  guirlandes  de  lampions  et  on  lui  avait  mis  en  main 
«  un  drapeau  rouge  jaune  et  noir  qui  est  la  livrée  de  la  Cité  ». 

Aux  fenêtres  de  presque  toutes  les  maisons  ce  n'était  que 
lanternes  en  papier  colorié,  lignes  de  petites  chandelles  à  lu- 
mière vacillante  et  transparents  lumineux. 

(1)  Manuscrits  de  Dunako. 


—  i03  - 

u  Un  particulier,  continue  Dunand,  avait  acheté  un  cent 
^e  lampions  pour  illuminer  le  front  de  sa  maison  ;  sa  femme 
lui  demanda  comment  il  les  arrangeroit.  Lui  qui  n  avoit  au- 
cun dessin,  lui  répondit  bonnement  :  j'en  mettrai  trente  en 
haut  et  le  reste  en  bas  La  compagnie  saisit  cette  idée  pour 
en  faire  un  écriteau  qui  fut  aposé  dans  l'illumination  :  trente 
en  haut,  le  reste  en  bas  »  Allusion  au  nombre  des  exilés.  «  Au 
coin  de  la  rue  d'Arennes  vis-à-vis  le  Pilory,  ceci  éloit  peint 
et  dans  le  dernier  cadre  il  y  avoit  une  main  sortant  d'un 
nuage  qui  montroit  une  borne  qui  étoit  tout  au  bout  de  la 
peinture.  Il  y  avoit  six  transparents  à  six  fenêtres  : 

Vive,  vive  lou  roy, 

Et  nosiés  (nos  sieurs)  trente  comtois 

Fidèles  ai  due  et  au  roy 

Et  que  maudit  set 

Las  maichans  bourgeois. 

Au  bout  lai  boêne. 

Le  lendemain  on  ajouta  : 

Il  faut  jettié  lai  boëne  au  mourgie  »  (au  murger). 

Le  caustique  Bizot  n'avait  pas  oublié  sen  transparent  lu- 
mineux que  nous  connaissons  déjà,  W  dans  lequel  il  fait  ex- 
pliquer par  Jacquemard  à  un  vigneron  de  la  rue  Battant  les 
causes  de  la  joie  générale. 

€  Quand  le  dernier  exilé  fut  arrivé,  pour  faire  allusion  à  la 
signification  de  notre  Utinam,  on  y  ajouta  tout  de  suite  une 
grande  bande  où  était  peint  en  grosses  lettres  d'or  :  Adim- 
pletum  est  9. 

Les  réjouissances  commencées  le  jour  de  l'entrée  en  ville 
du  premier  cortège,  se  prolongèrent  non  seulement  jusqu'à 
l'arrivée  du  second,  mais  encore  durant  six  semaines  entières. 

Le  lundi  16  novembre  1761,(2)  le  parlement  au  complet 


(1)  La  Jacquema^dade,  poème  épi-comique  et  son  auteur  le  conseiller 
Bizot,  par  M.  Vaissikk.  -  Mém.  île  la  Soc  d"Kujulation  dii  Doubs,  1900. 

(2)  El  non  le  12  comme  l'écrit  Ghimont, 


—  104  — 

fit  sa  rentrée  dans  la  grande  salle  du  Palais  de  Justice  et  ins- 
talla M.  Perreney  de  Grosbois  comme  premier  président.  En 
raison  de  cette  cérémonie  et  <!rde  Taffluence  du  monde»,  qui 
devait  se  porter  «au  devant  de  ces  événements  »  l'assemblée 
municipale  s'était  réunie  dès  le  samedi  précédent.  Le  maire 
Dunod  de  Charnage,  après  avoir  constaté  Theureux  effet 
produit  sur  l'esprit  de  la  population  bisontine,  avait  invité  le 
conseil  à  délibérer  sur  «  ce  qu'il  y  avait  à  faire  dans  ces  cir- 
constances de  plus  convenable  et  de  plus  décent.  »  L'assem- 
blée avait  décidé  que  le  lundi  suivant,  jour  de  foire  o  pour 
éviter  les  désordres  et  accidents  »,  il  serait  ordonné  «  aux  mar- 
chands tanneurs  de  conduire  et  exposer  en  vente  leurs  cuirs 
dans  la  cour  du  Palais  Granvelle  pour  cette  fois  seulement, 
avec  défense  d'en  exposer  dans  celle  de  l'hôtel  de  ville,  »  — 
délicate  attention  pour  les  narines  des  parlementaires.  De 
plus,  il  serait  défendu  «  aux  marchands  faïenciers,  pains  d'é- 
pices,  taillandiers  et  autres  de  placer  leurs  bancs  et  bou- 
tiques portatives  dans  la  galerie  du  Palais,  au  devant  de 
rhôtel  de  ville  et  sur  la  place  Saint-Pierre.  »  Ils  devaient  se 
réfugier  «  sur  la  place  Saint-Maurice,  sans  encombrer  la 
Grande  Rue,  les  dessertes  de  l'église  et  la  ruelle  (actuelle- 
ment rue  de  la  Bibliothèque).  » 

Il  fut  en  outre  décidé  que  les  commissaires  iraient  «faire 
visite  de  la  part  de  la  compagnie  à  chacun  de  MM.  les  con- 
seillers du  Parlement  qui  avoient  été  exilés  et  qui  demeurent 
dans  l'étendue  de  leurs  bannières  pour  leur  témoigner  sa 
joie  de  leur  heureux  retour.  » 

Enfin  la  municipalité,  désireuse  de  s'associer  aux  réjouis- 
sances populaires,  décida  !<>  que  le  lundi  suivant  «  la  façade 
de  l'hôtel  de  ville,  le  pourtour  et  la  coquille  de  la  fontaine  w 
seraient  «illuminés  en  lampions  dez  les  six  heures  du  soir, 
de  la  façon  la  plus  galante  que  MM.  les  commissaires  de 
l'hôtel  »  pourraient  «  imaginer.  » 

2®  Que  f  dès  cette  heure,  l'on  »  ferait  «  couler  une  fontaine 


—  105  — 

de  vin  de  deux  niuids  pour  le  peuple  à  la  place  de  la  fontaine 
de  rhôtel  de  ville.  » 

30  Que  «les  timbales  et  trompettes  de  la  ville»  seraient 
«  placées  au  clocher  de  Saint-Pierre  sur  un  théâtre  avancé 
hors  de  la  fenêtre  qui  donne  sur  la  place,  pour  y  annoncer 
lajoye  publique  par  des  fanfares  » 

40  Que  Ton  enverrait  «  trois  torches  de  goudron  par  cha- 
cun des  réchauds  qui  sont  posés  aux  angles  des  rues,  pour 
les  faire  brûler  dez  qu'ils  feraient  nuit,  en  invitant  les 
propriétaires  des  maisons  d'y  mettre  des  torches  de  goudron 
successivement  pour  que  le  feu  y  soit  entretenu.  » 

Comme  on  le  voit,  le  conseil  de  ville  avait  bien  fait  les 
choses.  Dunod  de  Charnage  y  avait  tenu  personnellement 
la  main  pour  atténuer  la  mauvaise  impression  produite  sur 
le  peuple  par  ses  relations  polies  plutôt  qu'amicales  avec 
l'ancien  intendant  et  premier  président  de  Boynes. 

Le  10  novembre  l'enthousiasme  populaire  ne  fit  qu'aug- 
menter. Tous  les  habitants,  en  vêtements  de  fête,  étaient  dans 
la  rue,  acclamant  les  magistrats  qui  arrivaient  au  Palais  en 
robe  dans  leurs  voitures.  A  l'issue  de  l'audience  solennelle 
les  vétérans  «  entrèrent  au  Parlement  et  félicitèrent  tous  les 
magistrats  revenus.  » 

Les  exilés  eurent  non  seulement  la  visite  des  commissaires 
municipaux  mais  encore  celle  de  tous  a  les  grands  et  bour- 
geois de  la  ville  »  ;  les  enfants  de  chaque  rue  leurs  portèrent 
des  cœurs  de  bonbons  et  de  pain  d'épices  Les  petites  filles 
de  la  rue  Saint- Vincent  portaient  une  statue  de  Thémis  sur 
un  brancard  avec  un  étendard  sur  lequel  on  lisait:  Thémis  a 
gagné  son  procès,  elle  a  en  poche  son  arrest;  l'une  d'elles  fil 
ce  curieux  et  naïf  compliment  :  «  Messieurs,  le  rapport  que 
nous  avons  k  votre  retour,  nous  oblige  aujourd'hui  à  vous 
donner  des  bouquets,  mais  où  trouver  des  fleurs  qui  soient  di- 
gnes de  vous,  et  d'ailleurs  n'étant  point  dans  la  saison  (on 
était  en  effet  au  cœur  de  l'hiver).  Je  me  trompe,  je  çait  des 
jardins  sans  couleurs  qui  produisent  des  fleurs  en  toute  sai- 


-  406  — 

son,  vous  êtes  ces  jardins  (!),  vos  vertus  sont  deâ  fleurs,  j'en 
compose  des  bouquets  pour  vous  en  faire  des  dons.  » 

L'archevêque  de  Choiseul  donna  un  grand  diner  auquel  il 
invita  le  premier  président  de  Grosbois,  les  parlementaires 
exilés  et  le  duc  de  Randan  gouverneur  de  la  province  pour 
essayer  une  réconciliation  inter  poculn  ;  mais,  dit  Grimont, 
«sa  démarche  fut  vaine»  :  les  convives  restèrent  froids  et  la 
réunion  ne  fut  égayée  que  par  Tentrée  des  vignerons  qui,  au 
dessert,  vinrent  offrir  à  Tarchevêque  «  une  glane  de  raisins 
blancs  aussi  frais  que  si  on  venoit  de  les  cueillir.  » 

Cependant  le  gouverneur  lui-même  avait  tenu  à  marquer 
sa  bienveillance  et  à  laisser  libre  cours  à  l'enthousiasme  po- 
pulaire. Il  avait  donné  «  Tordre  au  major  de  la  place  d'aver- 
tir les  sentinelles  et  patrouilles  de  laisser  passer  tout  le 
monde  sans  feu  et  sans  arrêter  personne.  » 

Quelques  jours  après,  la  joie  redoubla  à  l'arrivée  d'un  per- 
sonnage que  Grimont  appelle  •  M.  de  Clairon  ancien  prési- 
sident  à  la  cour  des  comptes  à  Dole  »,  mais  qui  était  en  réa- 
lité le  chevalier  d'honneur  de  Grammont.  Celui-ci,  continue 
Grimont  «avait  été  exilé  pour  avoir  parlé  trop  ouvertement 
des  affaires  du  Parlement  et  pour  avoir  dit  à  M.  Michoté.  pré- 
sident au  Parlement,  Johannes  foutrus.  ••  Le  latin  dans  les 
mots  brave  l'honnêteté  ;  le  président  s'était  cru  insulté  (cela 
est  facile  à  comprendre),  et  avait  porté  des  plaintes  à  M.  de 
Boynes.  L'ex-premier  président  était  le  fils  ou  petit-fils  d'un 
caissier  du  fameux  Law;  aussi  Grimont  ne  manque-t-il  pas 
l'occasion  de  lui  décocher  au  sujet  de  cet  incident  un  de  ses 
traits  les  plus  malveillants.  Celui-ci,  dit-il  «qui  était  muni 
d'autant  de  lettres  de  cachet  qu'on  avait  signé  de  billets  de 
banque  sur  le  dos  de  son  grand-père  Bourgeois,  du  temps  de 
l'agio,  dans  la  rue  Quinquempois,  en  envoya  une  à  M.  de 
Clairon  pour  le  faire  taire.  » 

€  Ce  gai  chevalier  fit  sa  rentrée  à  Besançon  d'une  façon 
originale.  Il  arriva  avec  «  une  balle  de  nez  de  bois  de  toutes 
les  grandeurs  et  grosseurs  suivant  les  personnes  à  qui  il  les 


—  107  — 

destinoit  et  leurs  noms  étaient  écrits  dessous.  »  —  Certai- 
nement celui  de  Tex-président  ne  devait  pas  être  des 
moindres  ! 

C'est  à  cette  époque  que  se  place  l'anecdote  connue  de  la 
promenade  triomphale  de  Jacquemard  dans  les  rues  de  Be- 
sançon pour  répondre  à  une  fanfaronnade  tle  i'ex-premier 
président.  Durant  l'exil  des  parlementaires,  de  Boynes  avait 
parié  que  ceux-ci  ne  rentreraient  que  si  Jacquemard  allait  à 
la  comédie.  Bizot,  l'auteur  de  la  Jacquemardade,  qui  était 
pour  ainsi  dire  Tàrae  du  mouvement  populaire  en  faveur  du 
Parlement,  releva  le  défi.  Il  se  mit  à  la  tête  des  vignerons 
de  Battant,  promena  l'automate  sur  un  cheval  et  le  conduisit 
au  palais  Granvelle  pour  assister  au  spectacle.  Dunand  ra- 
conte qu'on  lui  fit  une  ovation  et  qu'on  le  reçut  comme  un 
grand  seigneur.  Le  lendemain  soir,  le  vieux  sonneur  fut 
porté  en  triomphe  sur  un  char  orné  de  lampions  et  de  torches 
allumées. 

Cette  chevauchée  fut  suivie  d'autres  cavalcades  non  moins 
pittoresques.  La  plus  curieuse  fut  certainement  celle  des 
femmes  des  celliers  et  des  charrons  que  Grimont  raconte 
ainsi  :  «  madame  Poupet  femme  d'un  sellier  et  madame  Dé- 
marteaux femme  d'un  charron,  toutes  deux  habillées  en  ama- 
zone à  cheval  se  trouvaient  à  la  tête  de  cette  cavalcade  ; 
dans  le  milieu  étoit  un  carrosse  attelé  de  six  chevaux  et  après 
le  carrosse  se  joignoit  une  cavalcade  de  loueurs  de  chevaux. 
Et  étant  ainsi,  ils  furent  rendre  visite  à  messieurs  les  exilés 
qui  les  reçurent,  ainsi  qu'ils  avoient  reçu  tous  ceux  qui 
allaient  leur  rendre  visite.  » 

Grimont  ne  dit  pas  quel  compliment  mesdames  Poupet  et 
Démarteaux  adressèrent  aux  exilés,  mais  il  continue  :  «  Une 
autre  fête  plus  brillante  et  plus  belle  qui  ont  paru  jusqu'alors 
fut  celle  des  laboureurs  du  côté  de  Saint-Claude.  Celte  fête 
était  touchante,  elle  faisait  couler  des  larmes  de  joie.  L'on 
vit  arriver  par  la  porte  de  Battant  plusieurs  charrues  attelées 
avec  des  boeufs  sur  lesquelles  charrues  étoient  des  loriers, 


—  108  — 

et  aux  cornes  de  chaque  bœuf  étoit  cette  inscription  :  nous 
apportons  Tabondance.  lis  étoient  encore  enjolivés  de  rubans. 
En  passant  devant  chez  les  exilés,  ceux  qui  conduisoient  les 
charrues  s'arrétoientet  disoient  :  voici  notre  champ,  et  quand 
ils  passoient  devant  la  porte  des  réinanans,  ils  disoient  :  nos 
champs  sont  francs  et  ne  semons  point  dans  les  terres  main- 
mortables.  Ce  spectable  étoit  si  touchant  que  Ton  eut  dit  que 
la  famine  avoit  été  et  étoit  encore  dans  la  ville,  et  que  cette 
fête  étoit  comme  une  corne  d'abondance  qui  rentroit  dans 
cette  ville,  qui  depuis  trois  ans  étoit  dans  la  plus  grande  mi- 
sère » 

«  Ce  fut  le  procureur  Nicod  de  Besançon  qui  étoit  maistre 
de  poste,  qui  fournit  les  chevaux  sans  aucun  intérêt  et  qui 
plusieurs  fois  les  conduisit  lui-même.  •• 

«  Les  cavalcades  couraient  toutes  les  nuits  les  rues  ;  un 
jour,  dit  Griment,  (il  serait  plus  exact  de  dire  une  nuit), 
«  trente  jeunes  gens  montèrent  à  cheval  dans  le  dessein  de 
se  bien  divertir  ;  aussi  ne  se  trompèrent-ils  pas.  En  arrivant 
dans  la  rue  de  Battant,  dite  rue  du  Triomphe,  ils  aperçurent 
que  dans  le  milieu  de  la  rue  il  y  avait  une  table  où  des  mar- 
chands de  vin  et  les  vignerons  «oupaient  ensemble  et  bu- 
vaient à  la  santé  des  exilés.  Ils  montèrent  jusqu'où  étoit  le  fes- 
tin et  ils  y  furent  reçus  à  bras  ouverts  ;  on  les  fit  boire  à  la 
santé  de  messieurs  les  exilés  et  à  chaque  coup  que  l'on  bu- 
voit  pour  marquer  sa  joie,  on  cassoit  un  verre.  »  On  voit  que 
cette  coutume  existait  chez  nous  bien  avant  que  nos  amis  les 
Russes  nous  en  aient  donné  le  spectacle  qui  a  si  fort  étonné 
nos  contemporains. 

A  cette  époque  de  réveil  du  sentiment  national,  on  vit  non 
seulement  les  notables,  mais  encore  le  clergé  joindre  son  en- 
thousiasme à  la  joie  naïve  du  peuple  «  M.  de  Chenecey,  con- 
tinue Grimont,  chanoine  de  la  paroisse  S'-Paul,  faisoit  de  son 
mieux  chorus  avec  la  cavalcade.  Après  quoi, elle  rentra  à  trois 
heures  du  matin  on  ne  peut  plus  satisfaite  de  la  manière  obli- 
geante avec  laquelle  elle  avait  été  reçue.  » 


«  Monsieur  de  la  Corée  pendant  cet  entrefait  de  réjouis- 
sance arriva  à  Besançon  pour  y  être  intendant.  Il  fut  curieux 
de  se  promener  par  les  rues  le  soir  pour  voir  par  lui-môme 
ces  fêtes  continuelles.  En  passant  sur  la  place  S^-Maurice, 
malgré  la  quantité  de  monde  il  fut  reconnu  au  clair  de  lune, 
il  fut  arrêté  et  fut  obligé  de  danser  avec  tout  le  monde  et  on 
ne  cessait  de  crier  :  Vive  la  Corée,  au  diable  de  Boynes.  » 

«  Malgré  la  rigueur  de  la  saison,  on  ne  faisait  que  danser 
sur  toutes  les  places  »  Ces  danses  appelées  branles  étaient 
accompagnées  de  chants  composés  pour  la  circonstance.  Les 
rémanants  et  principalement  de  Boynes  en  faisaient  les  frais. 
Grimont  cite  un  de  ces  branles  «•  chanté  sur  Tair  de  frelove 
frelovi,  à  la  paternité  duquel  il  ne  fut  peut  ôtre  pas  étranger. 
Dans  une  versification  exécrable,  le  poète-amateur  raconte 
l'exil  des  parlementaires  : 

Quand  Bourgeois  quitta  le  pays 
Il  fut  frelove,  frelovi 
n  comptait  bien  revenir 
Il  fut  frelove,  frelovi 

Puis  il  apostrophe  vertement  Tancien  premier  président  : 

Tu  as  trop  pillé  le  pays. 

Toy  seul  s'y  est  enrichi, 
Les  exilés  te  Pont  promis 

Te  faire  rendre  compte  aussi 

\ji  vérité  t'a  chassé  d'icy. 
Le  Palais  est  réuni, 
La  justice  va  tout  son  crédit 
Tous  les  avocats  ont  repris 

Leurs  études  avec  plaisir 

Dauxiron  plaide,  Grimont  aussi, 
Huot  et  tous  ses  amis, 
El  tout  le  tableau  s*ensuit.... 
Va-t-en  au  fleuve  de  l'oubli. 

Si  réeUement  ces  vers  sont  dus  à  l'inspiration  de  Tavocat- 
poète,  on  comprend  sans  peine,  la  note  suivante  du  journal, 
dans  laquelle  l'auteur  se  chansonne  lui-même  : 


-  1^0  - 

Ije  sieur  Grimoiit  a  éiè  siftlé 

Dans  deux  tragédies  qu'il  a  voulu  jouer  ; 

Pour  ]e  pauvre  Gritnoiit  il  n  est  plus  de  remède, 

Cet  homme  faible  et  languissant 

Daus  Gaston  était  expirant, 

Mais  il  est  mort  dans  Tancrède. 


Ces  infortunes  littéraires  ne  paraissent  pas  avoir  altéré  sa 
santé  ;  heureux  et  vengé  par  le  retour  de  ses  amis,  il  les  ou- 
bliait au  milieu  de  Tallégresse  générale. 

Comme  il  était  d'usage  aux  plus  gi*aves  événements  de 
Tépoque  «chaque  corps  de  métiers,  pour  remercier  Dieu, 
d'avoir  délivré  la  province  d'un  fléau  aussi  terrible  que  Tavoit 
été  M.  de  Boynes.  »  fit  célébrer  une  messe  solennelle  avec 
gi*ande  musique,  en  action  de  grâces.  Le  service  fini,  chaque 
corps  en  particulier,  fesoit  son  parti  pourboire  à  la  santé  des 
exilés.  «  Les  servantes  de  chaque  quartier,  dit  Dunand,  ont 
fait  faire  un  service  solennel,  aux  grands  Carmes.  Elles  por- 
taient un  grand  écriteau  qu'on  plaça  à  la  porte  de  l'église  et 
sur  lequel  on  lisait: 

Joignez  chrétiens,  joignez  vos  prières  aux  nôtres, 
.\  nos  trente  seigneurs  nous  voudrions  bien  servir 
Mais  comme  ils  sont  sans  taches,  ils  n'ont  rien  à  blanchir. 
Nous  prierons  Dieu  pour  eux,  et  laverons  pour  d'autres. 

Les  volaillères  en  ont  fait  dire  une  aux  Clarisses,  et  sur  la 
porte  de  la  cour,  il  y  avait  la  représentation  d'un  coq  avec 
cette  inscription  :  «  Au  plus  hardi  ». 

Il  n'est  pas  jusqu'au  corps  de  métier  des  travailleurs  noc- 
turnes et  odoriférants  qui  n'ait  voulu  faire  parler  de  lui  en 
publiant  l'annonce  d'une  prétendue  manifestation  d'autant 
plus  méchante  qu'elle  était  d'un  goût  plus  douteux.  «  l^^ 
gadoires  de  la  cité  ••  raconte  le  caustique- avocat,  «  touchés  de 
compassion  de  l'atmiction  où  sont  tous  messieurs  les  réma- 
nants qui  ne  se  montrent  plus,  et  auxquels  il  parait  que  i^er- 
sonne  ne  pense  plus,  ont  délibéré  de  leur  donner  un  plaide 


leur  métier,  sans  que  messieurs  les  cy-devant  exilés  puissent 
y  prendre  aucune  part.  En  conséquence  ils  s'assembleront 
le  jour  de  l'anniversaire  de  la  mort  de  monsieur  de  Belisle 
(protecteur  de  Bourgeois  de  Boynes),  le  24  janvier  176J 
dans  la  salle  des  pas-perdus  des  parfums,  où  ils  donneront 
une  feste  assortie  de  tout  le  goût,  la  délicatesse,  et  la  pro- 
preté convenable  à  leur  profession,  qui  commencera  vers 
la  minuit  qui  est  Theure  ordinaire  h  vaquer  h  leur  ministère. 
Elle  sera  précédée  dès  le  matin  dudit  jour  par  un  service 
solennel  uniquement  pour  messieurs  les  rémanants  b. 

La  prétendue  cérémonie  est  annoncée  comme  devant  avoir 
lieu  dans  Téglise  des  Jésuites  (qui  sont  à  la  veille  de  leur 
expulsion);  un  catafalque  est  dressé  au  milieu  du  chœur  où 
est  représenté  «effrayant  et  au  naturel»  l'ancien  premier 
président  et  intendant  «ceint  d'une  corde  et  couché  dans  un 
cercueil  ^ .  Le  drap  noir  est  «  orné  de  billets  de  banque  signés 
sur  le  dos  d'un  nommé  Bourgeois  dans  la  rue  Quimquem- 
pois  > .  En  haut  on  lit  «  en  gros  caractères  cet  anagramme  : 
A  de  Boynes  nez  de  bois  » .  Les  fonctions  d'officiants  sont 
réservées  aux  personnages  amis  des  rémanants.  Chacun  est 
désigné  nominativement  avec  une  allusion  méchante  au  rôle 
qu'il  a  rempli  dans  les  derniers  évènemejits.  Les  présidents 
de  chambre,  conseillers,  chanoines,  abbés,  professeurs,  avo- 
cats et  professeurs  se  coudoient  avec  les  dames  de  la  société 
qui  sont  «  les  pleureuses  en  grande  robe  noire*  tous  ont  leurs 
places  réservées  ;  chaque  stalle  décorée  aux  attributs  conve- 
nables à  celui  qui  doit  l'occuper.  L'on  y  voit  des  seringues, 
des  enseignes  de  cabaret,  des  fouets  de  poste,  des  licols  de 
chevaux,  des  balles  de  citrons,  d'oranges  et  de  mercerie,  des 
bancs  et  couteaux  de  bouchers,  papiers,  terriers,  en  main- 
morte, comptes  de  fermes,  le  tout  si  expressif  que,  sans 
équivoque,  chacun  se  placera  dans  la  stalle  qui  lui  est  desti- 
née. »  Enfin  le  maire  de  la  ville  est  censé  autoriser  spéciale- 
ment l'affichage  de  ce  programme. 
Cette  élucubration  macabre  est  de  beaucoup  la  plus  cruelle- 


-  1-15  - 

ment  mordante  et  parfois  la  plus  injuste  de  toutes  les  satires 
qui  émaillent  le  récit  de  ces  longues  réjouissances. 

'  Ce  ne  fut  que  la  rigueur  de  la  saison  qui  mit  fin  à  toutes 
ces  fêles»,  durant  lesquelles  dit  Grimont  il  n'y  a  eu  aucune 
dispute  parmi  les  grands  ni  parmi  les  petits.  Le  tout  se  passa 
dans  la  plus  grande  union  possible.  »  En  écrivant  ces  Vigm-s 
le  chroniqueur  oublie  à  dessein  les  mésaventures  arrivées  à 
deux  des  rémanants  et  dont  il  donne  quelques  lignes  plus 
loin  le  récit  :  «  Monsieur  Michotté,  doyen  des  présidents  du 
parlement,  étant  dans  sa  chaise  à  porteurs,  fut  insulté  par  la 
populace  au  sortir  du  Palais  et  faillit  être  assommé  à  coups 
de  pierres  ;  il  fut  contraint  de  se  sauver  chez  Monsieur  le 
duc  de  Randan,  et  il  fut  encore  plusieurs  fois  insulté  par  les 
servantes,  lavandières,  et  autres  de  cette  espèce.  » 

Maréchal  «  prieur  d'Audeux,  conseiller  clerc  au  Parlement 
reçut  de  la  part  de  la  bourgeoisie  des  invectives  atroces  ainsi 
que  tous  les  rémanants.  Un  jour,  venant  de  souper  il  étoit 
dans  une  chaise  à  porteurs,  il  fut  arresté  et  Ton  pria  les  por- 
teurs de  mettre  à  bas  la  chaise,  ce  qu'ils  firent.  Des  jeunes 
gens  prirent  la  chaise  et  sautèrent  le  prieur  dedans  jusqu'à 
ce  que  le  jeu  ne  leur  plaise  plus  ;  il  fut  secoué  d'importance  ■> 
(on  dirait  en  termes  militaires  :  il  fut  passé  à  la  couverture  !). 
De  plus  il  fut  arresté  un  soir  par  des  servantes  et  elles  le 
fouettèrent  tant  qu'elles  purent.  Ainsi  finit  son  sort,  et  n'étant 
plus  regardé  de  personne,  il  fut  contraint  de  se  défaire  de  sa 
charge.  •> 

Il  ne  rentre  pas  dans  ce  cadre,  déjà  trop  étendu  de  relater 
le  récit  fait  par  Grimont  de  la  noble  résistance  des  avocats, 
contre  l'abus  de  l'autorité  royale  à  l'égard  des  magistrats  du 
Parlement. 

Malgré  les  rigueurs  qui  frappèrent  plusieurs  de  ses  mem- 
bres, le  barreau  bisontin  resta  fidèle  à  ses  traditions  d'indé- 
pendance et  de  liberté.  Aux  injonctions  du  premier  prési- 
dent et  de  la  cour  de  paraître  à  la  barre  après  l'exil  des 
trente,  ils  opposèrent  un  refus  formel  et  se  laissèrent  con- 


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—  143  - 

damner  à  Tamende.  Plusieurs  démissionnèrent  ;  il  fallut  le 
départ  de  M.  do  Boynes  pour  les  faire  sortir  du  silence. 

C'est  pour  conserver  le  souvenir  de  ce  noble  dévouement 
à  la  magistrature  et  rappeler  aux  jeunes  stagiaires  leurs  de- 
voirs professionnels  qu'une  main  érudite  eut  l'heureuse  idée 
de  sauver  de  la  destruction  un  curieux  document  de  l'époque. 

Il  y  a  quelques  années,  sur  les  conseils  de  son  frère, 
M.  Gauthier  fit,  pour  le  conseil  de  l'ordre  dont  il  était  alors 
bâtonnier,  l'acquisition  d'un  petit  tableau  qui  orne  mainte- 
nant la  bibliothèque  des  avocats  au  Palais  de  Justice. 

C'est  un  dessin  à  la  plume  rehaussé  d'encre  de  chine,  sur 
papier,  de  vingt  centimètres  sur  trente,  très  finement  exé- 
cuté, entouré  d'un  cadre  en  bois  sculpté  et  doré  qui  est  son 
contemporain. 

Dans  une  salle  du  Parlement  aux  tentures  fleurdelysées, 
sur  un  siège  élevé  de  trois  marches  surmonté  du  buste  de 
Louis  XV,  est  assise  la  déesse  de  la  justice,  à  sa  droite,  un 
amour  ailé  présente  les  attributs  judiciaires  :  le  faisceau  que 
surmonte  la  hache  des  licteurs  et  la  balance.  D'un  geste  gra- 
cieux, Thémis  tend  les  bras  aux  parlementaires  que  lui  pré- 
sente le  premier  président  de  Grosbois.  Celui-ci  drapé  dans 
l'hermine  et  coifi*é  de  la  perruque  à  marteaux  tient  par  la 
main  un  des  trois  présidents  de  chambre  Ceux-ci  sont  suivis 
des  parlementaires  en  costume  d'audience  solennelle  dont 
le  cortège  se  déroule  au  delà  d'une  porte  entr'ouverte  sur- 
montée de  l'aigle  bisontin.  Cette  scène  est  couronnée  par  un 
cartouche  ovale  où  on  lit  ces  mots  :  Ex  dono  senatus  patriîe 
reddili  M.DCG.LXII. 

Les  figures  des  personnages  en  raison  de  la  jeunesse  que 
le  dessinateur  leur  a  donnée,  ne  paraissent  pas  être  des  por- 
traits Cependant  cette  allégorie  constitue  une  œuvre  d'une 
valeur  réelle  par  son  cachet  artistique,  le  soin  et  le  talent 
avec  lesquels  elle  a  été  exécutée.  Malgré  nos  recherches  il 
nous  a  été  impossible  de  découvrir  le  nom  de  l'artiste  qui  en 
est  l'auteur.  Sans  aucun  doute  ce  petit  dessin  parait  avoir  été 

8 


-  Mi  - 

tlestiné  à  orner  le  salon  de  quelqu'un  de  ces  exilés  auxquels 
le  peuple  avait  fait  de  si  bruyantes  ovations. 

Mais  les  plus  beaux  jours  ont  leur  lendemain  :  à  peine  réins- 
tallés les  exilés  firent  il  est  vrai  casser  par  le  parlement  les 
arrtHs  rendus  en  leur  absence,  mais  bientôt  ils  oublièrent 
leur  ancienne  indépendance  et  la  raison  même  de  leur 
popularité. 

«  Avec  politesses  sur  politesses,  dit  Grimont,  ils  firent 
comme  font  ordinairement  les  chats,  le  coup  de  patte  vient 
après  »  Réconciliés  avec  les  rémanants  grâce  à  l'habiteté  du 
premier  président,  les  exilés  firent  cause  commune  avec 
leurs  ennemis  d*hier.  Le  peuple  apprit  bientôt  avec  stupeur 
que  le  parlement  entier  avait  enregistré  Tédit  sur  les  cuirs 
trois  fois  refusé  par  les  rémanants  eux-mêmes. 

De  ce  retour  des  choses  d'ici-bas,  Grimont  tire  une  morale 
I)hilosophique  des  plus  justes.  <»  A  l'instant  chacun  ouvrit  les 
yeux,  et  l'on  vit  clairement  que  Ton  étoit  dupe  de  sa  bonne 
foy  et  croyance  et  (|iie  Ton  étoit  bien  aveuglé  sur  le  compte 
des  exilés.  Car  l'on  s'était  (ïguré  que  leur  exil  venoit  pour 
avoir  voulu  soutenir  les  intérêts  de  la  province  et  par  consé- 
cjuent  du  peuple.  Mais  après  avoir  examiné  les  choses  de  près, 
on  vit  qu'il  y  avoit  autant  d'entêtement  de  leur  part  pour 
les  chambres  assemblées  que  M.  de  Boynes  pour  le  contraire. 
On  doit  pardonner  cette  erreur  au  vulgaire  qui  se  laisse  aisé- 
ment persuader  et  qui  tombe  toujours  dans  de  pareils 
fanatismes.  » 

Ce  que  Grimont  n'a  pas  vu  dans  cet  enthousiasme  exagéré 
du  public  bisontin, c'est  le  réveil  du  sentiment  «ie  liberté  con- 
tre le  despotisme  royal  (»t  l'arrogance  de  ses  représentants. 
Os  manifestations  presque  méridionales,  cet  engouement 
subit  de  toute  une  rite,  c'est  l'espérance  joyeuse  d'un  peuple 
écrasé  d'impôts,  accablé  de  vexations  qui  a  cru  entrevoir  la 
fin  de  ses  maux. 

Trente  ans  après,  re  même  peuple  se  soulèvera  et  d'un 


—  115  — 

seul  coup  renversera  le  trône  et  les  institutions  séculaires  du 
royaume . 

Grimont  prendra  pour  toujours  la  route  de  l'exil,  et  peut- 
être,  dans  la  fièvre  de  ses  veilles,  rêvera-t-il,  lui  aussi,  d'un 
retour  dans  la  cité  bisontine  par  la  «  rue  du  triomphe,   n 


LEO 


RUINES  DU  CHATEAU  DE  CICON 

Par 

Le  Vicomte  A.  De  TRDGHIS  DE  TARENNES 

MCMDKC    RÉSIDANT 


Séance  du  iO  Jant'ier  i9()4. 


Quand  on  va  do  Besançon  à  Morteau,  on  traverse  un  vas^e 
plateau  qui  s'étend  entre  le  Doubs  et  la  Loue.  Une  sombre 
ligne  de  crêtes  et  de  mamelons,  couverts  de  sapins,  domine 
ce  plateau  et  en  borne  Thorizon  au  sud-est.  En  quittant 
FHôpital-du-Grosbois,  on  aperçoit  cette  chaîne  de  montagne 
à  droite.  Elle  apparaît  de  plus  en  plus  distincte  à  mesure 
que  Ton  se  rapproche  du  Valdahon  et  d'Avoudrey.  Presque 
au  milieu  s'élève  un  sommet  couronné  de  sapins  cente- 
naires, profilant  sur  le  ciel  leurs  silhouettes  finement  dé- 
coupées, et,  en  avant,  sur  une  pente  verdoyante,  brille  le 
toit  rouge  d'une  ferme.  C'est  le  mont  de  la  Vèche  et,  au- 
dessous,  Cicon. 

Pour  s'y  rendre,  il  faut,  en  quittant  le  Valdahon,  traverser 
successivement  le  village  d'Epenoy,  coquettement  planté 
sur  un  coteau  parmi  les  tilleuls  et  les  frênes,  et  celui  de 
Rantechaux,  dissinmlé  dans  un  repli  de  terrain  où  ses  mai- 
sons se  groupent  gracieusement  dans  la  verdure  autour  de 
son  église  moderne.  L'ancienne  église  e.st  un  peu  sur  la 
gauche.  De  nombreuses  transformations  ont  enlevé  tout 
caractère  original  à  cette  petite  construction,  aujourd'hui 
d'sîilTectée   et   sans  clocher.  A  quelques  pas  plus  loin  se 


-  117  — 

trouve  Tancienne  maison  seigneuriale.  Elle  est  en  assez 
mauvais  état,  mais  pourtant  encore  habitée.  La  qualité  des 
moellons,  plus  que  les  soins  du  propriétaire,  en  a,  jusqu'à 
présent,  assuré  la  durée.  Mieux  conservée  assurément,  bien 
que  paraissant  datée  de  la  même  époque,  est  la  maison  sei- 
gneuriale d'Epenoy. 

De  Rantechaux,  on  descend  à  Vanclans,  au  pied  même 
des  sombres  massifs  que  nous  voulons  aborder.  Laissant  à 
droite,  dans  un  vallon,  le  village  disséminer  ses  maisons 
entre  des  prés  plantés  d'arbres,  le  chemin  que  nous  suivons 
s'élève  rapidement  par  lacets  au  flanc  de  la  montagne.  En 
cinq  cents  mètres  à  peine,  il  atteint  la  lisière  des  bois.  Avant 
d'y  arriver  on  voit  sur  la  gauche,  tout  en  haut  des  prés,  la 
ferme  de  Cicon.  Par  derrière,  une  arête  boisée  se  prolonge 
presque  jusqu'en  face  du  chemin.  Les  sapins  clairsemés, 
qui  on  garnissent  rextrémité  laissent  voir  derrière  eux  les 
rochers  sur  lesquels  s'élevait  autrefois  le  château  de  Cicon. 
Au-dessous,  la  montagne  s'infléchit  en  deux  gradins  succes- 
sifs dont  le  dernier  laisse  à  droite  un  passage  dans  un  col. 

En  pénétrant  dans  la  forêt,  le  chemin  côtoie  la  gauche 
d'une  combe  profonde  d'où  s'élancent  les  longs  fûts  de  sapins 
majestueux.  Bientôt  il  franchit  le  col  par  une  brèche  faite  de 
main  d'hommes  et  contourne  la  montagne  II  débouche  alors 
brusquement  dans  une  étroite  vallée  au  milieu  de  laquelle 
il  bifurque.  A  gauche,  il  la  remonte,  et  à  droite  il  s'enfonce 
dans  le  massif  montagneux.  L^ne  ancienne  croix  de  pierre 
orne  ce  carrefour.  Elle  y  fut  placée,  il  y  a  une  vingtaine 
d'années,  lors  de  la  reconstruction  des  fontaines  de  Van- 
clans, dont  elle  provient. 

Sur  la  gauche  du  carrefour  on  voit  de  nouveau  les  rochers 
qui  supportaient  le  château  de  Cicon  et  que  l'on  a  contour- 
nés. De  ce  côté  le  flanc  rapide  de  la  montagne  est  déboisé. 
Rien  n'arrête  la  vue  le  long  des  prés  qui  le  tapissent  et  s'é- 
tendent en  bas  jusqu'à  l'autre  versant  de  la  vallée.  Depuis 
le  château  la  surveillance  du  chemin  était  donc  facile.  Mais 


—  418  — 

plus  loin  les  sapins  reprennent  possession  de  la  montagne. 
Ils  la  garnissent  dans  toute  sa  hauteur  et  ils  masquent  ainsi 
les  rochers  à  ceux  qui  descendent  la  vallée. 

Derrière  la  croix  s'élève  la  masse  sombre  du  mont  de  la 
Voche.  Ce  mont  est  entièrement  boisé  et,  par  dessus  les 
rochers  de  Cicon  qu'il  domine,  il  dresse  en  face  de  la  plaine 
la  noire  colonnade  de  ses  vieux  sapins 

A  SOS  pieds  le  chemin  rernonte  la  vallée  Après  l'avoir 
suivi  pendant  quelques  centaines  de  mètres,  nous  le  quit- 
tons pour  prendre  à  gauche,  sous  bois,  un  chemin  moins 
fréquenté  et  revenir  à  flanc  de  coteau  aux  ruines  de  Cicon. 
La  rampe  qui  y  mène  est  peu  rapide.  Ce  chemin  parait  nm- 
derne,  il  a,  sans  doute,  été  fait  pour  desservir  la  ferme  de 
Cicon. 

Au  moment  d*atteindre  le  sommet  de  la  montagne,  il  en 
traverse  le  faîte  dans  une  profonde  crevasse  agrandie  et 
creusée  à  coups  de  mines  ;  mais  tandis  qu'il  tourne  à  droite 
vers  la  ferme,  nous  avons  à  gauche,  sur  la  cime  des  rochers 
remplacement  du  château  féodal. 

On  y  accède  aujourd'hui  par  un  sentier,  que  l'on  prend 
au  sortir  de  la  tranchée  et  qui  s'élève  sur  le  flanc  nord  de 
la  njontagne  ;  c'était  l'ancien  chemin  du  château.  En  quel- 
ques pas,  on  est  au  sommet,  et  Ton  pénètre  dans  Fenceinle 
des  ruines  en  passant  entre  deux  rochers  qui,  actuellement, 
émergent  du  sol  d'un  mètre  environ.  On  se  trouve  alors  sur 
une  crête  très  étroite  qui  s'étend  du  nord -est  au  sud-ouest. 
Du  cO>té  du  nord-est,  cette  crête  se  prolonge  régulière- 
uïcnt  en  s'élevant  légèrement  jusqu'à  la  tranchée,  qui  li^re 
passage  au  chemin  de  la  ferme.  Au  Sud-Est,  après  l'entrée 
du  château,  elle  est,  de  nouveau,  fendue  par  une  crevasse 
â  parois  verticales,  large  de  cinq  à  six  mètres.  Au  delà 
elle  se  poursuit  encore  un  peu  et  elle  s'arrête  brusquement 
pour  dominer  â  pic  les  prés  et  les  bois,  qui,  de  trois  côtés, 
s'étendent  â  ses  pieds. 

La  partie  nord-est,    comprise  entre  les  deux  tranchées 


mesure  cinquante-quatre  mètres  de  long.  Des  buissons  et 
de  petits  arbustes  y  forment,  par  endroits,  un  taillis  assez 
épais,  malgré  cela,  on  reconnaît  très  l\icilement  les  vestiges 
des  murs  qui  s'élevaient  sur  cet  emplacement  ;  bien  qu'ils 
soient  recouverts  de  gazon,  ils  émergent  encore  de  vingt  à 
quarante  centimètres.  Deux  murs  parallèles,  distants  de 
douze  mètres  s'étendaient  de  chaque  côté  sur  les  bords 
extérieurs  de  la  crête,  allant  du  rocher  qui  surplombe  le 
chemin  moderne  aux  deux  rochers  qui  encadraient  rentrée. 
Un  premier  mur  transversal  fcjrmait  avec  le  plus  rapproché 
de  ces  derniers  une  cour  ou  salle  de  huit  mètres  de  long, 
un  .second  mur  transversal  était  à  dix  mètres  du  premier, 
et  à  dix  mètres  plus  loin,  il  y  en  avait  encore  un  troisième. 
Leurs  fondations  dessinent  ainsi  l'emplacement  de  deux 
pièces  semblables  de  dix  mètres  sur  douze.  Elles  étaient 
suivies  d'une  quatrième  cour  ou  salle  ne  mesurant  que  cinq 
à  six  mètres  de  large.  Dans  le  milieu  est  creusée  une  exca- 
vation rectangulaire  dont  les  umrs  en  moellons  réguliers 
sont  parfaitement  conservés.  Cette  excavation  mesure  exac- 
tement trois  mètres  dix  centimètres  dans  le  sens  trans- 
versal et  quatre  mètres  dans  le  sens  de  la  crête.  Le  bord 
supérieur  du  mur,  du  côté  de  l'Est,  est  entaillé  en  son  mi- 
lieu d'une  échancrure  de  soixante-dix  centimètres  de  large. 
Elle  était  probablement  destinée  à  donner  passage  à  une 
échelle  ou  à  un  escalier  de  bois.  Cette  excavation  qui  devait 
servir  de  citerne,  est  en  partie  comblée  maintenant  ;  néan- 
moins elle  a  encore  deux  à  trois  mètres  de  profondeur.  Au 
delà  de  la  cour  oii  elle  se  trouve,  existe  encore  une  espèce 
de  terre-plein  surélevé  de  cinquante  centimètres  environ 
qui  mesure  douze  mètres  sur  chacun  de  ses  côtés.  Il  est 
formé  par  le  rocher  au  bas  duquel  passe  le  chemin  moderne. 
Sur  toute  cette  partie  devaient  s'élever  les  bâtiments  du 
château  servant  de  logements. 

La  partie  sud-ouest,  (|ui  domine  de  [)lus  de  deux   mètres 
la  partie  nord-est  eal  beaucoup  moins  étendue.  Elle  mesure 


—  120  ~ 

seulement  vingt-qualre  mètres  de  long  sur  sept  à  huit  de 
large.  Sa  superficie  n*est  pas  tout  entière  sur  le  même  plan 
L'on  avait  conservé  et  utilisé  sans  les  déformer  les  rochers 
qui  émergeaient  du  sol  pour  y  asseoir  les  murs  extérieurs. 
Depuis,  les  éboulements  et  les  ruines  ont  laissé  un  sol  très 
inégal,  qui  ne  permet  pas  de  se  rendre  compte  de  la  dis- 
position des  constructions  qui  avaient  été  élevées  sur  cet 
emplacement.  Au  nord  d'une  plate-forme  de  seize  mètres 
sur  huit,  on  trouve  un  rocher  un  peu  plus  élevé  qui  en 
forme  le  point  culminant  et  qui  surplombe  la  tranchée.  Le 
sommet  de  ce  rocher  peut  avoir  quatre  mètres  sur  six.  Une 
dépression  ovale,  en  forme  de  cuvette,  produite  soit  par  une 
excavation  en  partie  comblée,  soit  par  un  éboulement  par- 
tiel dans  une  cavité  inférieure,  occupe  le  centre  de  la  plate- 
forme. De  celle-ci,  on  descend  à  TEst  sur  une  terrasse 
triangulaire  qui  est  à  un  mètre  plus  bas  et  qui  mesure  sept 
mètres  sur  huit.  Elle  formait  de  ce  côté  l'extrémité  du 
château. 

On  ne  voit  pas  sur  cette  partie,  comme  dans  l'autre,  des 
vestiges  de  murs.  Pourtant  c'est  là  que  les  constructions 
ont  subsisté  le  plus  longtemps  ;  et  au  commencement  du 
dix-neuvième  siècle  il  y  avait  encore  des  ruines  importantes, 
restes  d'une  tour  carrée  formant  donjon,  dont  font  men- 
tion les  reprises  de  fief  du  seizième  et  du  dix-septième 
siècle.  Mais  les  murs  se  sont  effondrés  dans  le  vide  et  sur 
les  trois  côtés,  en  bas  des  rochers,  les  talus  qui  en  garnis 
sent  le  pied  sont  par  place,  entièrement  recouverts  de 
moellons  et  de  pierres  de  taille.  Leur  abondance  montre 
que  les  murs  devaient  être  fort  épais  et  probablement  aussi 
très  élevés.  Au  contraire  au  bas  de  la  partie  nord- est,  on 
n'aperçoit  ni  sur  un  flanc  ni  sur  l'autre  les  vestiges  d'ébou- 
lement  de  murs.  Les  constructions  y  avaient  peut-être  été 
moins  importantes,  ou  leur  destruction  étant  beaucoup  plus 
ancienne,  la  terre  et  le  gazon  ont  tout  recouvert. 

Le  panorama  que  Ton  a  de  l'extrémité  méridioniale  des 


-  121  - 

ruines  situées  à  916  mètres  d'altitude,  est  des  plus  étendus. 
Du  côté  du  Sud,  au  delà  des  pentes  de  la  Vèche,  et  par 
dessus  les  massifs  de  sapins  qui  couvrent  les  mamelons  les 
plus  rapprochés.  Ton  aperçoit  le  Montpelé  qui  domine 
Bugny,  et  en  arrière  le  Larmont  et  les  monts  du  Laveron. 
Plus  à  droite  se  profilent  successivement  sur  le  ciel  les 
sommets  de  Déservillers,  de  la  Roche  de  Haute-Pierre  et 
du  Poupet.  Enfin  si  Ton  se  tourne  vers  le  Nord-Ouest,  puis 
vers  le  Nord,  on  domine  le  vaste  plateau  de  la  moyenne 
montagne  dont  l'horizon  est  borné  par  les  sommets  d'A- 
mancey,  Ghâtillon-sur-Lizon  Gademène,  Malbrans  et  de  l'Hô- 
pital ;  plus  loin  par  ceux  de  Pugey  et  de  Montfaucon,  par  la 
chaîne  des  Lomonts,  et  enfin  par  le  Peu  de  Laviron  et  les 
Monts  de  Pierrefontaine. 

De  la  Vèche,  doTit  le  nom  vient  du  mot  allemand  wuche, 
guet,  ou  wachen,  veiller,  surveiller,  le  panorama  est  encore 
plus  vaste.  La  vue  s'étend  plus  à  l'Est  et  peut  errer  sur  le 
Chaumont,  et  sur  tout  le  massif  jurassique,  qui,  au  delà  de 
la  vallée  supérieure  du  Doubs,  forme  de  ce  côté  la  frontière 
suisse 

Il  était  donc  facile  aux  sires  de  Gicon  de  se  préserver  des 
surprises  de  l'ennemi  et  de  répondre  aux  signaux  d'alarme 
de  leurs  sujets  demandant  aide  et  secours. 

Au  sortir  du  château,  l'ancien  chemin  faisait  un  lacet  sur 
le  flanc  nord  de  la  montagne  et  contournait  le  château  en 
passant  au  pied  même  des  murailles  et  des  rochers  Les  as- 
saillants se  trouvaient  ainsi  pendant  tout  son  parcours  expo- 
sés aux  attaques  des  défenseurs  du  donjon.  Ge  chemin  rejoi- 
gnait non  loin  de  la  croix  du  carrefour,  dans  la  vallée  qui 
s'étend  au  pied  de  la  Vèche,  celui  que  nous  avons  suivi  pour 
arriver.  Par  suite  de  la  croissance  d'arbustes  et  de  brous- 
sailles sur  ses  bords,  cet  ancien  chemin  est,  par  endroits,  ré- 
duit à  Tétatd'un  sentier  très  étroit  et  difficilement  [jraticable. 

La  terrasse  qui  termine  au  Sud-Est  l'emplacement  du  châ- 
teau est  supportée  par  un  rocher  à  pic.  A  quelques  mètres 


—  122  — 

plus  bas,  sur  le  côté  regardant  le  col,  s'ouvre  une  groUedont 

Torifice  a  deux  ou  trois  mètres  de  haut  et  à  peu  prés  la  même 

profondeur.  Au  fond  sur  la  gauche,  est  à  mi-hauteur  une cre- 

vx-se  assez  étroite  qui  s'enfonce  dans  la  montagne  et  parait 

s'élever  en  tournant.  On  y  voit  la  trace  très  visible  de  l'êcou- 

leinent  des  eaux  qui  s'y  produit  après  les  pluies.  Des  enfaiiU 

et  des  jeunes  gens  s*y  sont  glissés  à  diverses  reprises  et  ont 

tenté  de  l'explorer.  Quelques-uns  sont,  dit-on,  parvenus  à  la 

>uivre  f>endant  une  dizaine  de  mètres,  mais  un  courant  dan 

qui  la  traverse    ou  le  vol  des  chauves-souris  que  l'ondéran- 

g».Mit,  ont  toujours  éteint  les  i)Ougies  dont  ils  se  servaient, el 

Ir^s  ont  contraints  à  ressortir  sans  en  axoir  atteint  rextrérnil^'. 

Li  crainte  île  Tébouleraent  des  rochers  assez  friables  en  cet 

fnir«»it  et  la  terreur  inspirée  par  de  vieilles  légendes,  ont 

an»i  contribué  à  entraver  ces  investigations  qui  n'ont  jamais 

été  liés  sérieusement  entreprises.  Il  eût  du  reste  été  bien 

éi<>nnanlque  celte  grotte  placée  en  un  point  aussi  iutéress^Q^ 

\ku'  les  souvenirs  historiques  qu'il  peut  invoquer,  n'ait  point 

in>}iré  rniMginalion  superstitieuse  des  anciens  habitants  de 

la  région.  lU  ont  réuni  en  une  même  légende  la  vuuivre 

gard.enne  des  trésors  et  des  grottes,  et  le  souvenir  de  la  des 

ti  notion  du  château. 

La  groîto,  disent-ils,  communique  par  son  étroite  creva.v^e 
à  rinîêneur  des  caves  du  donjon,  où  lors  du  dernier  siège» 
le  cîiàtoîain  aviiil  enfoui  for  et  les  objets  précieux  «ju'il  po^" 
sèvijit.  Lesa>siiiliants  incendièrent  le  château dontles ruine> 
votîii»l''ivnt  rentrée  supérieure  des  caves  depuis  lorsintrou- 
>abie.  Ap!è>  la  mort  du  cliàtelain,  qui  s'était  évadé  parlât 
e:v\as>e,  une  vouivre  prit  la  garde  du  trésor.  Elle  habite  tou- 
ieur>  au  ;ond  de  la  crevasse  et  ne  sort  que  la  nuit.  Le  tresoi 
.|u  e:;e  protège  ne  lui  a  jamais  été  dérobé.  Mais  les  sires  de 
i:.o.'n  iiu  avaienl-ils  réellement  confié  une  aussi  délicate 
niî»:v'n? 

lî  e>r  bien  vrai  qu'en  1343,  Jean  de  Chalon-Arlay,  q«>  ^^* 
luA  davoir  >on  château  de  Chalel-Guyon  pris,  brâléet  de- 


-  I2â  — 

moli  par  les  troupes  du  duc  Eudes  IV,  vint  pour  se  venger, 
mettre  le  siège  devant  les  châteaux  de  Gicon  et  de  Durfort  d». 
Tous  deux  appartenaient  à  Jean  de  Cicon,  vassal  dévoué  du 
duc,  à  qui  il  venait  d'en  faire  hommage.  Le  château  de  Dur- 
fort  fut  surpris  et  pris  ;  celui  de  Cicon  fut  seulement  assiégé, 
et  comme  Jean  de  Cicon  reconnut  le  tenir  en  lief  du  comte 
de  Montbéliard,  Tun  des  confédérés,  il  fut  momentanément 
délivré.  La  continuation  des  liostilités  entre  Jean  de  Clialon- 
Arlay  et  le  duc  de  Bourgogne,  ramena  les  partisans  du  sire 
d'Arlay  sous  les  murs  de  Cicon  en  1345,  et  Eudes  IV  envoya 
inutilement  ses  baillis,  Jean  de  Montaigu  et  Foulque  de  Ville- 
frey  pour  le  débloquer  (2).  Cicon  tomba  entre  les  mains  de 
Jean  de  Chalon  qui  le  fit  occuper  incontinent,  en  confia  la 
garde  à  un  châtelain  et  s'appropria  tout  ce  que  Jean  de  Cicon 
possédait  dans  cette  seigneurie.  Après  la  mort  du  duc  Eudes, 
le  belliqueux  chef  des  confédérés,  s'élant  allié  avec  le  roi  de 
France  et  jugeant  ce  château  inutile,  donna  en  1354  à  son 
bailli  Jean  de  Saugey  '3)  Tordre  de  faire  conduire  au  château 
d'Arguel  tout  le  blé,  le  vin  et  les  autres  provisions  qui  s'y 
trouvaient  et  de  le  «  démolir  de  fond  en  fond  ».  Cet  ordre  ne 
fut  que  partiellement  exécuté,  et  le  château,  plus  ou  moins 
démantelé  resta  debout.  Quelques  années  plus  tard,  en  13(55, 
Ix)uis  d'Arguel,  le  plus  jeune  fils  de  Jean  de  Chalon-Arlay  le 
vendit  avec  la  chatellenie  pour  \&)0  florins  de  Florence  au 
comte  Etienne  de  Montbéliard.  La  petile-fille  de  ce  dernier, 
Jeanne  de  Montbéliard,  fiancée  dès  1397  à  Louis  de  Chalon- 
Arlay,  apporta  tous  ses  biens  à  celte  {)uissante  maison  qui 
rentra  ainsi  en  possession  de  la  seigneurie  de  Cicon.  Le  châ- 
teau en  fut  restauré  en  1406  sur  les  ordres  de  Jean  III  d'Arlay 
son  futur  beau-père.  Son  fils,   Guillaume  d'Orange,   vendit 


(1)  Archives  du  dép.  du  Doubs.  —  Comptes.  B.  446 

(2)  Ibidem.  B.  4i0 

(3)  Ibidem.  Invnnt.iircs  des  titres  de  la  maison  de  Châlou. 


—  424  — 

cette  seigneurie  en  1472  à  Guillaume  de  Cicon,  seigneur  de 
Demangevelie  (i>. 

Quand,  en  1479,  Louis  XI  entreprit  d'annexer  le  comté  de 
Bourgogne  à  la  France,  il  rencontra  une  grande  résistance 
de  Ja  part  des  Comtois.  La  montagne  en  fut  le  dernier  théâtre. 
Charles  d'Amboise,  à  la  tête  d'une  nombreuse  armée  fran- 
çaise Ten  vahit  au  printemps  de  Tannée  1480,  et,  dans  une  cam- 
pagne qui  dura  trois  mois,  il  força  toutes  les  bourgades  et 
démolit  tous  les  châteaux.  Cicon  ne  devait  pas  échapper  aux 
coups  de  ce  vindicatif  vainqueur,  qui,  pas  plus  que  son  mai- 
Ire,  n'était  disposé  à  oublier  la  démarche  faite  au  mois  d'oc- 
tobre précédent  par  Thibaud  de  Cicon,  chantre  de  S*-Etienne 
et  les  délégués  de  la  ville  de  Besançon  auprès  de  Claude  de 
Toulongeon,  le  lieutenant  du  prince  d'Orange.  Le  grand- 
chantre  était  le  frère  de  Guillaume  de  Cicon,  seigneur  de 
Demangevelie  qui  avait  racheté  la  seigneurie  de  Cicon  quel- 
ques années  auparavant.  Aucun  des  documents  contempo- 
rains qui  mentionnent  les  lugubres  exploits  d'Ambroise  ne 
parle  de  la  résistance  du  château  de  Cicon.  Il  est  donc  pro- 
bable que,  contrairement  à  la  légende,  Guillaume  de  Cicon 
ne  s'y  était  pas  retiré  et  que  le  général  français  put  facile- 
ment assouvir  sa  vengeance  en  incendiant  le  château  pas  ou 
mal  défendu. 

Ce  château  ne  fut  pas  restauré,  mais  grâce  à  leur  solidité 
les  murs  restèrent  debout  et  en  1584,  nous  dit  l'inventaire 
de  la  seigneurie  de  Cicon  il  y  avait  encore  :  «  un  bien  antique 
«  donjon,  une  grosse  tour  carrée  et  autres  édifices  et  manoirs 
«  présentement  et  de  longtemps,  par  fortune  de  feuxethos- 
«  tilité  des  guerres  ayant  régné  en  ces  pays  et  comté  de 
•  Bourgogne  ruynés  et  démolis,  demeurant  à  celte  cause 
«inhabitables  (2)  «. 

Les  vestiges  de  ces  ruines  si  anciennes  peuvent  encore 


(i)  Bibl.  de  Besançon.   -  Droz  n®  35,  f»  256. 

(2)  Archivea  du  Doubs.  \i.  2114.  Reprise  de  p  j. 


offrir  UT)  certain  intérêt  archéologique.  L*emplacement  du 
château  à  l'extrémité  d'un  éperon  dominant  tout  le  pays  en- 
vironnant, les  circuits  du  chemin  d'accès  et  la  disposition 
des  différentes  parties  des  constructions  présentent  une 
grande  analogie  avec  ce  que  Ton  observe  dans  les  ruines  des 
autres  châteaux  franc-comtois  et  suisses  de  la  même  époque. 
Je  serais  heureux  si  la  description  bien  sommaire  que  j'en 
donne  pouvait  être  utile  à  ceux  qui  voudront  écrire  Tliistoire 
de  quelques-uns  de  ces  châteaux. 


Le  Docteur  J.  BRUCHON 

ANCIEN  PRKSfDENT  DE  lA  SOClfrrÉ  D'ÉMULATION  DU  DOUBS 

Par  M.  le  D^  LEDOUX 


Séance  du  i9  novembre  i904. 


Messieurs, 

Quand  la  Société  d'Emulation  du  Doubs  appela  le  docteur 
Bruchon  (Uà  présider  ses  assemblées  en  1897,  elle  voulut 
servir  les  intérêts  de  Tinstilution.  En  rendant  hommage  au 
mérite  d'un  de  ses  plus  anciens  membres,  elle  jugea  que 
la  sympathie,  la  confiance,  le  respect  qu'il  inspirait  à  tousses 
concitoyens,  contribueraient  puissamment  à  l'autorité  dans 
la  direction  et  à  la  prospérité  de  la  Compagnie.  Vous  n'avez 
pas  oublié.  Messieurs,  combien  vous  eûtes  à  vous  féliciter 
de  l'excellence  de  cette  élection  C'est  que,  comme  vous 
l'aviez  prévu,  notre  collègue  apporta,  dans  l'accomplissement 
de  sa  mission  présidentielle,  toutes  ces  qualités  d'exactitude, 
de  bienveillance,  de  dignité  qui,  pendant  sa  longue  camt»re, 
l'ont  fait  toujours  et  partout  distinguer  et  honorer.  Bien 
nombreuses  étaient  les  familles  qui  proclamaient  la  sollici- 


(I)  Bruchon,  Jusl-Charles-Joseph  naquit  à  Resanvon  le  2  septembre  1^. 
Docteur  en  Métlecine  (1H5i),  proj'esseur  suppléant  à  KEcole  de  Mé*lecine 
de  Besançon  1857),  il  fut  nommé,  le  28  janvier  181)8,  titulaire  de  la  chaire 
d'anatomie  et  poursuivit  son  enseignement  jusqu'en  18ÎB;  longtemps 
médecin-adjoint  de  Thôpital  Saint-Jacques,  médecin  en  chef  du  Lvcée  de 
1870.»  lîHyS,  il  présida  lAssociation  des  Médecins  du  Doul)s  «le  18i«  à  1ÎKH, 
la  Société  de  Médecine  de  Besançon  et  de  la  Franche-Comté  à  plusieurs 
reprises,  et,  en  1897.  la  Société  d'Kmulation  du  Doubs^  à  laquelle  il  appar- 
tenait depuis  I80(),'  oflicier  d'Académie  et  de  rinslruction  publique,  il  fut 
promu  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  en  1897.  Le  docteur  Bpï  chon 
mourut  à  Besancon  le  ^2  avril  1904. 


lude  active  et  scrupuleuse  du  médecin  en  même  temps  que 
la  prudence  et  la  sa^^acité  de  ses  conseils.  Dans  les  services 
publics  dont  il  avait  la  cliar^^e.  à  Thôpital,  au  Lycée,  son 
concours  n'était  pas  moins  très  hautement  apprécié. 

Professeur  d'anatomie  à  notre  Ecole,  il  enseigna  devant 
bien  des  générations  d'étudiants  cette  science  difficile,  aride 
en  raison  de  sa  précision,  de  ses  minuties,  que  seuls  sont 
capables  d'imposer  à  l'attention  et  de  rendre  intéressante 
une  méthode  rationnelle  et  un  véritable  talent  dans  l'art  de 
l'exposition.  Pendant  plus  de  trente  ans,  chaque  jour  de  son 
semestre  de  cours,  le  savant  se  révéla  un  maître,  vraiment 
digne  de  ce  nom.  Puisque  l'anatomie  est,  avant  la  clinique, 
le  solide  fondement  des  études  médicales,  le  D""  Bruchon  a 
puissamment  contribué  à  doter  notre  province  d'un  corps 
de  praticiens  instruits  qui  tous  proclament  unanimement 
leur  admiration  et  leur  gratitude  à  l'égard  de  celui  dont  les 
leçons  attiraient  sur  TUniversité  bisontine  un  nouvel  éclat  re- 
mémorant celui  qui  avait  fondé  sa  réputation  au  xyiii®  siècle 

A  la  Société  de  Médecine,  il  avait  d'autres  juges,  ses 
confrères.  Quand  il  y  communiquait  observations  et  ré- 
flexions (i),  la  sûreté  d'examen  du  D'  Bkuchon,  la  rectitude 
de  son  jugement,  la  logique  de  ses  déductions,  la  netteté 
de  ses  conclusions,  préparaient  une  discussion  qui  ralliait 
bien  vite  à  son  opinion.  Il  convient  de  signaler  chez  lui  cette 
faculté  pressentant  la  voie  qui  conduira  la  science  à  ses  pro- 
grès futurs  :  quand  on  ne  soupçonnait  guère  encore  la  con- 
tagion de  la  tuberculose,  et  bien  avant  sa  démonstration 
expérimentale  (1805),  le  I)'  Bruchon  publiait,  en  1858,  un 
mémoire  documenté  sur  la  tranumission  de  la  phtisie  pul- 
monaire nous  l'influence  de  la  cohabitation. 

L'Association  générale   des  Médecins  de  France  poursuit 


(1  Devant  l'Assemblée  des  Médecins  du  Doiibs,  le  D'  Nargaud,  son 
président,  a  publié  la  liste  des  principaux  travaux  du  D'  Bruchon  sur 
des  sujets  de  Médecine  (iîeu m e  médi<'ale  de  Franche-Comtéy  i90\,  p.  135 
no  d'août). 


Société  d'Hmiihuion  du  Doubs,   190^-190.4. 


PRIAPE  JEUNE  (Dieu  des  Jardins) 

(Must'e  de  Besiiiiçoii.j 


il 


V]<]  ^   •} 


UN   DIEU   DES  JARDINS 

(  sculpture  gallo-romaine  ) 

KT 

L'vENOCHOÉ    PRIAPIQUE 

(en    verre) 

du   Musée  de   Besançon 
Par  M.  Alfred  VÂISSIER 

SéanceB  des  i4  mai  et  il  décembre  i904. 


Au  milieu  d*une  de  ces  petites  propriétés  en  nature  de 
jardins,  autrefois  en  vignes,  qui  enserrent  à  distance  respec- 
tueuse le  corps  de  la  place  de  Besançon,  au  glacis  d'Arènes, 
lieudità  Ghampforgeron  (parcelle  4483  du  plan  cadastral)  on 
découvrait  l'année  dernière  une  sculpture  gallo  romaine  d'un 
caractère  si  particulier  qu'il  y  a  lieu  de  mentionner  en  même 
temps  des  vestiges  non  moins  inattendus,  qui  accompagnè- 
rent sa  mise  au  jour. 

La  pioche  des  terrassiers,  au  cours  du  creusage  d'une  cave, 
s'arrêtait  à  deux  mètres  de  profondeur  sur  une  surface  ro- 
cheuse très  dure  mais  si  parfaitement  nivelée,  bien  que  légè- 
rement inclinée,  qu'on  la  croirait  préparée  de  main 
d'homme  et  cela  sur  une  étendue  qui  dépasse  les  limites  de 
la  propriété.  En  élargissant  les  côtés  de  la  fouille  on  rencon- 
tra, renversé  en  pointe,  le  bloc  de  pierre  tendre  sculpté 
qui  sera  l'objet  principal  de  cette  notice. 

Dans  la  même  fouille,  à  un  mètre  cinquante  environ  de  dis- 


-  132  - 

tance  apparut,  dressé  verticalement,  un  encastrement 
de  forme  cubique  de  huit  pierres  de  taille  assemblées  à  clés, 
en  deux  assises  égales  de  50  centimètres.  (1)  Le  vide  intérieur 
ménagé  par  ces  sortes  de  margelles  reposant  sur  le  banc  de 
roche,  est  de  0,60  dans  un  sens  et  de  0,75  dans  Tautro.  Un 
indice  que  la  construction  était  faite  pour  rester  sous  terre, 
c'est  que  les  faces  extérieures  sont  rustiquées,  tandis  que  les 
parois  intérieures  sont  finement  taillées. 

La  cavité  était  comblée  de  terre  et  d'une  très  grosse  pierre 
provenant,  sans  doute,  des  débris  d'une  couverture  dont  la 
coupe  était  visible  sur  la  tranche  verticale  de  la  fouille.  Au 
fond,  on  ne  recueillit  qu'un  groupe  d'ossements  brisés  qui 
ont  appartenu  à  la  carcasse  d'un  cheval. 

Le  travail  ayant  été  fait  en  l'absence  de  toute  préoccupation 
archéologique,  ce  ne  fut  que  par  un  rapport  subséquent  que 
Ton  apprit  qu'à  une  distance  de  deux  à  trois  mètres  on  re- 
marqua l'assise  inférieure  d'une  construction  analogue  quoi- 
qu'un pou  plus  allongée  dont  on  utilisa  aussitôt  un  des  élé- 
ments pour  en  faire  une  marche  d'escalier. 

Malgré  l'absence  d'ossements  humains,  ou  de  poterie,  à 
l'exception  d'un  fragment  de  tuile  à  rebord,  serait-on  mal 
venu  à  voir  dans  ces  vestiges  des  caveaux  de  sépultures  à  in- 
cinération dépouillés  de  longue  date?  Des  fouilles  présuma- 
bles  au  plus  près  voisinage  confirmeront  peut-être  un  jour 
celte  hypothèse  qui  n'a  rien  d'étrange  quand  on  sait  que  sur 
plusieurs  points  de  ce  pourtour  de  la  ville,  jusqu'à  la  gare 
de  la  Viotte  et  même  au  delà,  des  cimetières  de  même  nature 
ont  été  constatés  à  plusieurs  reprises.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne 
reste  pas  moins  à  trouver  une  explication  acceptable  de  la 
présence  singulière  du  débris  sculpté  dont  voici  la  descrip- 
tion à  l'appui  de  notre  figure.  (PI.) 

Le  bloc  en  pierre  tendre,  très  blanche  et  à  grain  fin,  mesure 


(1)  La  piei-re  employée  est  celle  dite  de  vergenne  presque  exclusivement 
reclieirhée  pour  les  bons  travaux  à  Tépoque  gallo-romaine  à  Besançon. 


-  433  ~ 

0,82<^  de  hauteur.  Il  est  facile  d'y  reconnaître  le  réemploi  d'un 
tambour  de  colonne  de  0,60  de  diamètre,  d'après  les  canne- 
lures rudentées  qui  sillonnent  la  face  du  revers.  Sur  un  des 
lits  de  pose  apparaît  encore  un  trou  de  gougeon  central  (^). 

Un  personnage,  en  très  haut  relief,  décore  la  face  opposée 
aux  cannelures.  A  première  vue  on  y  reconnaît  le  style  et 
les  procédés  de  facture  de  l'époque  romaine.  L'œuvre  très 
estimable,  sous  le  rapport  artistique,  est  en  outre  fort  cu- 
rieuse par  son  sujet  peu  banal,  et,  en  dépit  de  quelques  mu- 
tilations, se  trouve  être  une  des  mieux  conservées  qui  soient 
sorties  du  sol  de  Besançon. 

Sur  une  plinthe  inférieure  de  0,07  d'épaisseur  se  tient  de- 
bout, les  pieds  joints  et  le  corps  adossé  sur  un  fond  aplani 
et  légèrement  incliné  en  arrière,  un  adolescent  assez  court 
de  bras  et  de  jambes,  très  lourdement  drapé  :  longue  robe 
de  dessous  à  manches  et  ample  manteau  ou  pièce  d'étoffe 
accrochée  sur  l'épaule  droite.  Au  premier  aspect,  on  dirait  un 
enfant  habillé  trop  à  Vavantage.  Aussi  est-il  peu  de  visiteurs 
qui  ne  s'y  trompent  en  croyant  y  voir  une  figure  de  femme 
assise  :  quelque  déesse  de  l'Abondance  ! 

Le  visage,  en  partie  mutilé,  est  encadré  de  feuilles  de  vigne 
d'où  pendent  des  grappes  de  raisins.  Les  deux  bras  coudés 
supportent  à  pleines  mains,  dans  un  vaste  pli  du  manteau, 
un  étalage  de  fruits  variés  où  figurent  encore  des  raisins.  La 
charge  fléchit  de  part  et  d'autre,  tandis  que  sa  partie  centrale 
est  retenue  par  un  support  horizontal  et  proéminent,  mais 
ostensiblement  dissimulé  par  la  robe  de  dessous.  Cet  appui 
ainsi  voilé  et  épousé  par  de  beau.i  plis  symétriques  qui  en 


(1)  Pour  compléter  la  description  de  ce  tambour  de  colonne  réemployé, 
il  importe  de  signaler  une  profonde  échancrure  qui  se  voit  au  revers  en 
travers  des  cannelures.  Ces  entailles  s'observent  souvent  dans  les  ruines  des 
villes  antiques.  Avant  la  chute  des  vieilles  murailles  et  des  colonnades,  des 
pièces  de  bois  y  avaient  été  enpigées  pour  constituer  des  abris  ou  de  pau- 
vres habitations.  Ce  simple  détail  a  son  importance,  car  il  témoignerait 
d*une  époque  de  ruine  ayant  précédé  l'exécution  de  noln^  sculpture. 


-  134- 

dissimulent  la  forme  n'est  pas  emprunté;  il  appartient  bien 
en  propre  au  personnage  dont  Tétat  particulier  est  au  mieux 
qualifié  par  le  poète  : 

constantior 

Quam  nova  collibus  arbor  inhœret. 

Horace,  Ep.  xii 

Ce  n'est  pas  tout  ;  au  pied  du  jeune  gaillard  est  assis  un 
Ero8  nu  et  vu  de  dos;  cet  enfant  s'appuie  de  la  main  droite 
sur  le  sol,  pendant  que  de  la  gauche  il  s'accroche  à  la  drape- 
rie pour  l'écarter  de  dessus  sa  tête,  laquelle  s'engage  sous  le 
vide.  Il  est  regrettable  que  cette  figure  accessoire  curieuse- 
ment fouillée,  en  raison  des  ajours  des  bras  qui  ont  disparu 
soit  en  partie  brisée.  Toutefois  ce  qui  en  reste,  sous  la  chute 
de  l'étoffe  soigneusement  évidée,  l'amorce  des  mains  surtout, 
permet  de  saisir  la  justesse  d'un  mouvement  fort  bien 
compris. 

L'introduction  du  petit  acteur  est  une  variante  originale  et 
peut  être  unique  comme  conservation  des  représentations 
analogues  en  pierre,  la  plupart  ti*ès  dégradées,  à  savoir  celle 
du  Priape,  considéré  ici  comme  le  dieu  des  Jardins^  plulcit 
que  celui  de  la  Virilité  féconde.  De  cette  abstraction  personni- 
fiée de  la  Fécondité,  surtout  animale  dans  le  principe,  mais 
plus  tard  végétale,  il  existe  une  foule  de  figurations  d'autant 
plus  sommaires  qu'elles  sont  plus  anciennes,  depuis  la  forme 
élémentaire  d'une  grande  pierre  conique  des  temps  préhisto- 
riques jusqu'aux  hennés  grecs  ou  termhn  romains,  non 
moins  impudiques,  où  la  tête  barbue  du  Priape,  confondue 
avec  celles  de  Bacohus  ou  de  Mercure,  sont  acceptées  parmi 
les  œuvres  artistiques.  Ces  bornes  de  pierre,  dressées  le 
long  des  chemins,  servaient  de  poteaux  indicateurs,  ou  de 
limites  aux  propriétés  qu'elles  devaient  décorer  plus  tard. 
Le  type  plus  spécialement  consacré  à  Priape  se  rencontrait 
dans   les  lieux  champêtres   et  dans  les  jardins  où  la  gaîne 


-  135  - 

amincie  du  terme^  inclinée  sur  son  piédestal,  rappelle  une 
primitive  sculpture  sur  bois  que  Ton  peignait  en  rouge  pour 
effrayer  les  oiseaux  à  la  façon  d'un  vulgaire  mannequin.  Par- 
fois rimage  était  abritée  sous  une  toiture  de  planches  en 
forme  de  chapelle.  Hommes  et  femmes,  sous  le  pin  sacré, 
venaient  procéder  à  des  sacrifices,  apporter  leurs  offrandes 
et  faire  des  libations  avec  accompagnement  de  musique.  La 
superstition  populaire  s'accommodait  sans  répugnance  de  la 
grossièreté  du  symbole,  ainsi  que  le  confirment  nombre  de 
pierres  gravées  très  en  faveur  aux  premiers  siècles . 

A  ce  témoignage  où  la  fantaisie  artistique  avait  une  grande 
part,  il  nous  appartient  de  joindre  ici  celui  d'une  pièce  rare 
de  notre  Musée,  aus.si  précieuse  qu'un  bijou,  cette  œnochoé 
priapique  en  verre  violet  ornée  de  figures  en  émail  blanc  ci- 
selées comme  celles  des  camées.  Il  y  a  vingt  ans  (l)  Castan 
nous  en  donnait  une  remarquable  description,  accompagnée 
d'une  esquisse  exacte  du  développement  de  la  panse  du  vase. 
La  cérémonie  priapique  où  figurent  quatre  personnages  et 
deux  idoles  attend  depuis,  son  interprétation  ou  un  commen- 
taire quelconque. 

Dans  la  partie  centrale  de  la  composition,  à  l'opposite  de 
l'anse,  une  malencontreuse  brisure  a  fait  disparaître  les  deux 
tiers  du  corps  du  célébrant  ou  mieux  d'une  prétresse  munie 
d'une  longue  torche  (funale)  allumée  et  renversée.  Ce  flam- 
beau aurait-il  quelque  signification  funèbre?  Rien  n'est  pré- 
paré sur  l'autel  adossé  à  une  colonne  surmontée  de  la  figure 
d'une  divinité  inconnue,  peut-être  d'Aphrodite,  sans  bras  et 
entièrement  vêtue.  La  flamme  de  la  torche  refluant  sur  le  sol 
au  pied  du  monument,  auquel  est  fixé  le  thirse  garni  d'une 
mitra,  témoigne  de  l'accomplissement  d'un  rite  de  purifica- 
tion plutôt  que  d'un  sacrifice. 

A  droite,  sous  un  pin  sacré,  est  un  trépied  supportant  trois 


(1)  Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du  Donhs,  1886,  6»^»  série, 
T.  I,  p.  249. 


-  136  — 

vases  ;  on  voit  émerger  de  celui  du  milieu  une  petite  plante. 
Serait-ce  le  développement  d*un  germe  apparaissant  comme 
un  symbole  de  renaissance  que  surveille  et  salue  un  superbe 
jeune  faune  debout  tout  en  garnissant  de  Técharpe  de  fête 
(mitra)  le  pedum  ou  massue  recourbée  et  noueuse. 

Sur  la  gauche,  et  comme  en  contraste  avec  ces  préparatifs 
cérémonieux,  un  groupe  de  deux  personnages  représente  le 
public  devant  un  Priape  barbu  et  d'un  naturalisme  outré.  Ct^- 
lui-ci  dressé  sur  sa  gaine  dans  une  attitude  très  vivante 
avance  le  bras  droit  pour  verser  à  un  second  faune,  en- 
tièrement nu  comme  le  précédent,  un  breuvage,  du  vin  sans 
aucun  doute,  que  le  buveur  absorbe  à  longs  traits.  Le  nez 
plongé  dans  la  coupe  et  le  bras  élevé  perpendiculairement, 
ce  faune  très  convaincu  communique  son  enthousiasme  à  un 
petit  enfant  de  sa  race  qui,  les  deux  mains  tendues,  se  gran- 
dit sur  la  pointe  des  pieds  pour  réclamer  sa  part.  Il  n'en  faut 
pas  plus  pour  exprimer  la  pleine  vie  sensuelle  et  bachique. 

En  amortissement,  sous  l'anse  du  vase,  le  masque  de 
Méduse  ne  figure-t-il  pas  ici  comme  un  symbole  de  la  fata- 
lité antique  présidant  à  la  continuité  ou  l'immortalité  de  la 
vie  sur  la  terre. 

D'après  cette  interprétation  proposée  afin  d'en  provoquer 
une  meilleure  (ce  que  nous  vous  souhaitons)  le  Priape  joue- 
rait ici  le  rôle  mythique  et  fort  ancien  qui  lui  était  attribué. 

Sur  notre  vase  le  dieu,  avec  ses  oreilles  pointues  et  sa 
barbe  de  satyre,  est  bien  en  famille  avec  son  fervent  adora- 
teur, l'homme  «nimalisé  à  la  queue  de  cheval.  Il  ne  ressem- 
ble guère  au  jeune  dieu  des  jardins  de  Champforgeron,  moins 
prétentieux  et  plus  discret  dans  Tostention  du  membre  qui 
caractérise  chacune  des  deux  figurations.  L'étalage  des  fruits 
dans  un  pli  du  vêtement  si  fréquemment  employé  comme 
attribut  pour  les  images  de  Pomone,  de  Vertume  ou  de  Sylvain 
ne  pouvait  manquer  de  s'adapter  au  type  du  jeune  fils  de  Bac- 
chus  et  de  Vénus,  d'autant  mieux  que  l'arrangement  même 
fournissait  aux  artistes  une  ressource  appropriée  pour  enca- 


-  137  — 

drer  le  signe  distinctif  priapique  d'une  pittoresque  façon. 

On  ne  saurait  expliquer  la  découverte  d'une  semblable 
sculpture  d'un  genre,  si  non  lascif,  du  moins  exprimant  la 
dissipation,  qu'en  admettant  l'existence  de  jardins  d'agrément 
au  pourtour  de  la  ville  antique.  Si  jamais  on  acquiert  par 
de  nouvelles  fouilles  la  confirmation  de  l'attribution  des  pe- 
tits caveaux  de  Champforgeron  à  des  restes  d'un  très  ancien 
lieu  de  sépulture,  il  faudra  reconnaître  qu'après  un  état  d'a- 
bandon du  champ  de  repos,  la  base  solide  d'un  monument 
funéraire  aura  été  utilisée  pour  l'érection  d'un  autel  à  Priape, 
dans  un  milieu  qui  n'avait  plus  rien  de  funèbre. 

Plus  tard  quelque  bon  chrétien  voyant  dans  cette  idole 
encore  debout  l'image  du  démon,  l'aura  renversée  de  son  pié- 
destal et  enfouie,  avec  indignation,  la  tête  en  bas. 

En  reparaissant  aujourd'hui  cette  œuvre  originale,  plus 
complète  que  ses  congénères  très  maltraitées  par  le  temps, 
nous  renseigne  tant  sur  l'art  gallo-romain  que  sur  la  turpi- 
tude d'une  superstition  populaire  au  moins  jusqu'au  ni®  siè- 
cle de  notre  ère. 


Le  Chanoine  SUCHET 

1819-1904 
Par  H.  l'abbé  Auguste  R0SSI61I0T 

BIBLIOTHÉGAIRB  DE  L' ARCHEVÊCHÉ 


Séance   du   26   mars    i904. 


Le  lundi  8  février  1904  s'éteignait  doucement,  à  l'âge  de 
quatre-vingt-cinq  ans,  un  des  prêtres  les  plus  connus  et  les 
plus  sympathiques  du  diocèse  de  Besançon.  Par  sa  bonté, 
plus  encore  que  par  les  diverses  situations  qu'il  a  occupées, 
M  le  chanoine  Suchet  s'était  fait  de  fidèles  et  nombreux 
amis.  Une  foule  composée  de  personnes  de  tous  rangs  se 
pressait  à  ses  obsèques  et  rendait  un  hommage  bien  mérité 
à  celui  qui  sut  allier  le  zèle  et  la  charité  du  prêtre  aux  labeurs 
de  la  science  M.  Suchet  appartenait  à  l'Académie  de  Besan- 
çon depuis  quarante  ans,  mais  il  s'intéressait  à  toutes  les 
manifestations  de  la  vie  intellectuelle  en  Franche-Comté,  et 
depuis  l'année  1894  il  était  membre  de  la  Société  d'Emulation 
du  Doubs.  Celle-ci  lui  doit  donc  un  souvenir  et,  ayant  reçu 
des  marques  particulières  de  l'amitié  du  vénéré  chanoine,  je 
suis  heureux  d'avoir  été  invité  à  lui  payer  cette  dette. 

Jean  Marie  Suchet  naquit  le  8  janvier  1819,  d'une  famille 
modeste  mais  honorable  qui  habitait  le  joli  bourg  de  Pesmes, 
sur  les  rives  de  TOgnon.  Gomme  celte  rivière,  qui  dans  son 
long  cours  ne  quitte  pas  notre  province,  M.  le  chanoine 
Suchet,  par  sa  naissance,  par  son  caractère,  par  ses  études, 
par  son  amour  du  sol  natal,  par  sa  vie  tout  entière  appartient 
à  la  Franche-Comté. 


I  I 


. .  ■  I    l  ^   ' 


Société  d'Emulation  du  Doubs,   1 905-1 90.^. 


Le  Chanoine  Suchi-t 
1 8 1 9  - 1 904 


-  139  -" 

Ayant  commencé  ses  études  de  bonne  heure,  il  les  acheva 
brillamment  et  il  n'était  encore  que  clerc  minoré  lorsqu'il 
sortit  du  séminaire  de  Besançon.  Marnay,  Pontarlier,  Am- 
blans,  le  collège  saint  François-Xavier,  le  séminaire  d'Ornans, 
la  cathédrak,  le  chapitre  :  telles  sont  les  étapes  de  sa  vie 
sacerdotale  II  n'avait  que  vingt-et-un  ans  lorsqu'il  fut 
envoyé  comme  professeur  au  séminaire  de  Marnay.  Il  nous 
dit  quelque  part  (1),  que  pour  rassurer  son  inexpérience  on 
lui  affirmait  qu'on  n'est  pas  obligé  de  savoir  tout  ce  qu'on 
enseigne  :  paradoxe  qui  renferme  une  part  de  vérité  en  ce 
sens  que  la  nécessité  d'euï^eigner  oblige  d'apprendre  ce 
qu'on  ignore.  Mais  si  cette  méthode  est  profitable  au  profes- 
seur, il  faut  bien  convenir  qu'elle  l'est  moins  aux  élèves. 
Pendant  les  quatre  années  qu'il  passa  à  Marnay,  M.  l'abbé 
Suchet  put  donc  compléter  son  instruction  classique  et  se 
perfectionner  dans  les  lettres  humaines,  humanioves 
litierae. 

Devenu  prêtre,  il  fut  envoyé  comme  vicaire  à  Pontarlier. 
Son  heureux  caractère,  l'agrément  et  les  pointes  de  son 
esprit  le  rendirent  bien  vite  populaire.  C'est  alors  qu'il 
essaya  sa  plume  dans  quelques  articles  de  journaux  et  que, 
suivant  la  méthode  scolastique  qui  de  la  discussion  fait  jaillir 
la  lumière,  il  collaborait,  dit-on,  à  deux  feuilles  locales 
d'opinions  opposées  qui  accueillaient  tour  à  tour  l'attaque  et 
la  réponse.  On  élait  en  1848.  Pour  marquer  l'estime  qu'ils 
avaient  pour  leur  jeune  vicaire,  les  Pontissaliens  l'élurent 
conseiller  municipal,  et  il  ne  fut  pas  sans  exercer  une 
heureuse  influence  dans  l'assemblée  communale. 

Après  cinq  ans  de  vicariat,  M.  Suchet  fut  nommé  curé 
d'Amblans,  près  de  Lure.  Il  s'installa  dans  cet  humble 
village  comme  s'il  avait  dû  y  demeurer  toute  sa  vie,  et 
jusqu'à  la  fin  il  conserva  le  meilleur  souvenir  de  la  popu- 


(1)    Association   des   anciens  professeurs  et  élèves   du   Séminaire 
d'OrnanSf  Réunion  du  il  juin  1902,  page  16. 


Socictc  d'Emulation  du  Doubs,   1905-190.^ 


Le  Chanoine  Suchi-t 
1819  - 1904 


-  142  - 

second  directeur,  M.  Tabbé  Jeannin,  à  la  cure  de  Noire-  Dame, 
M.  Suchet  reprit  cette  direction  et  la  conserva  du  commen- 
cement de  l'année  1889  jusqu'à  la  fin  de  1900,  sans  cesser 
pourtant  de  travailler  aux  Annales  Franc-comtoises  et  d'êlre 
toujours  assidu  aux  séances  de  l'Académie.  Il  fut  plusieurs 
fois  élu  président  de  cette  société  et  c'est  à  ce  titre  qu'en 
1897,  il  prit  la  parole  à  Tun  de  vos  banquets  pour  célébrer 
Tunion,  qu'il  réalisait  en  sa  personne,  des  deux  sociétés  sœurs, 
V Académie  des  sciences^  helles-lettres  et  arts  et  la  Société 
d'Emulation.  Il  fut  souvent,  à  l'Académie,  chargé  des  rapports 
sur  le§  concours  d'histoire,  travail  qui  répondait  parfaitement 
à  son  goût  et  à  ses  aptitudes.  Ajoutons  enfin  qu'ayant  été 
nommé  supérieur  des  sœurs  de  la  Retraite  des  Fontenelles 
il  écrivit  la  vie  de  leur  fondateur,  le  Vénérable  P.  Receveur. 
Voilà  quelques-uns  de  ses  nombreux  travaux. 

M.  Suchet  était  un  érudit  donnant  beaucoup  plus  au  fond 
qu'à  la  forme.  Mais  si  sa  science  était  de  bon  aloi  et  ses  juge- 
ments toujours  sûrs,  son  style  était  sobre,  précis  et  correct  ; 
on  le  lisait  avec  intérêt  parce  qu'il  écrivait  avec  méthode  et 
clarté. 

En  1902,  il  célébra  les  noces  de  diamant  de  son  sacerdoce 
au  séminaire  d'Ornans,  à  la  prospérité  duquel  il  avait  tant  con- 
tribué. Il  y  fit  le  récit  de  sa  longue  carrière  devant  une  nom- 
breuse réunion  de  collaborateurs  et  d'élèves  anciens  et  nou- 
veaux, témoignant  aux  uns  sa  sympathique  reconnaissance 
et  donnant  aux  autres  de  sages  et  utiles  conseils.  Nous  aurions 
pu  nous  contenter  de  reproduire  cette  autobiographie;  mais 
à  côté  de  la  vérité  il  y  règne  une  trop  grande  modestie. 

M.  le  chanoine  Suchet  s'était  acquis  un  certain  renom  à 
propos  de  ses  mots  pleins  de  sel  et  d'esprit.  Gomme  il  l'a  dit 
de  lui-môme,  étant  fils  de  cloutier  il  lui  était  permis  de  faire 
des  pointes  ;  mais  s'il  avait  son  franc  parler,  si  d'un  trait  il 
fustigeait  un  vice  ou  un  travers,  c'était  toujours  sans  blesser 
la  charité  chrétienne.  Il  n'était  pas  de  ceux  qui  ne  savent  pas 
sacrifier  un  mot  lors  même  qu'il  pourrait  froisser.  Il  apportait 


-  443  — 

tant  de  bonté  en  toute  chose  que  ceux-là  même  qui  étaient 
l'objet  de  quelque  trait  de  sa  part  ne  lui  en  ont  jamais  con- 
servé rancune. 

Combien  on  était  édifié,  en  ces  dernières  années,  de  le  voir 
traînant  ses  pas  que  Tâge  avait  rendus  plus  lourds,  pour  se 
rendre  à  la  cathédrale,  à  sa  chère  bibliothèque  du  chapitre, 
àTAcadémie,  toujours  portant  la  bonté  dans  son  regard,  une 
certaine  finesse  sur  ses  lèvres  et,  sur  son  front  Téclat  d'une 
intelligence  toujours  jeune.  L'heureuse  vieillesse  digne  de 
faire  envie  à  tous  ! 

Saluons  en  M.  le  chanoine  -Suchet  un  modèle  de  piété  et 
de  dévouement,  un  exemple  pour  tous  les  travailleurs  et  le 
type  du  vrai  Franc-comtois.  (^) 


(1)  La  Société  d'Emulation  avait  décidé  qu'une  bibliographie  des  ou- 
vrages de  M.  Suchet  suivrait  cette  courte  notice.  Mais  l'impression  des 
Mémoires  de  la  Société  ayant  été  retardée,  cette  bibliographie  devient  sans 
objet,  puisqu'elle  ne  pourrait  être  que  la  répétition  de  celle  qui  a  été  faite 
par  M.  Pingaud  pour  les  Mémoires  de  VAcadémie  de  Besançon,  déjà 
publiés. 

Cettte  bibliographie  comprend  deux  parties.  Dans  la  première  figurent 
les  travaux  historiques  de  tout  genre,  insérés  par  M.  Suchet  dans  divers  re- 
cueils locaux  :  les  plus  importants  de  ces  travaux  ont  reçu  une  nouvelle  pu- 
blicité par  des  tirages  à  part.  M.  Pingaud  n'en  énumère  pas  moins  de  quatre- 
vingts.  La  seconde  partie  concerne  des  écrits  de  valeur  moindre  tels  que  no- 
tices nécrologiques,  rapports,  allocutions,  etc  ,  publiés  dans  des  journaux 
ou  revues  de  Franche-Comté.  Cette  bibliographie  a  été  faite  avec  le  plus 
grand  soin  et  il  serait  difficile  d'en  donner  une  plus  complète. 

Les  Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  n'ont  publié  de  M.  Suchet  que 
le  toast  qu'il  porta,  au  banquet  de  1897,  comme  président  de  l'Académie  de 
Besançon.  l\  y  célèbre  l'union  des  deux  sociétés  savantes,  dont  mieux  que 
tout  autre  il  pouvait  parler,  puisque,  comme  membre  des  deux  sociétés,  il 
réalisait  cette  union  en  sa  personne. 


LES  MAISONS  NATALES 


ZDS 


FOUR  1ER  ET  DE  PROUDHON 

Par  M.  G.  QAZIER 

CONSBRVATEOR  DE  LA  BIBUOTHÈQUB  DE  BESANÇON 


Séance  du  26  Mars  i904. 


L'Université  Populaire  de  Besançon  ayant  décidé  d'hono- 
rer la  mémoire  des  illustres  comtois  Fourier  el  Proudhon  par 
Tapposition  de  plaques  commémoratives  sur  leurs  maisons 
natales,  il  nous  a  paru  utile  de  réunir  tous  les  documents 
susceptibles  de  nous  renseigner  d'une  façon  précise  sur  le 
lieu  de  leur  naissance.  On  se  rappelle  les  discussions  qui 
s'élevèrent  entre  érudits  de  notre  ville,  quand  on  voulut  ren- 
dre le  même  hommage  à  Victor  Hugo,  et  l'on  sait  que  quel- 
ques personnes  contestent  encore  aujourd'hui  que  la  maison 
située  140  Grande  Rue  ait  vu  naître  le  grand  poète.  Nous 
avons  voulu  éviter  qu'il  en  fût  de  même  pour  les  deux  so- 
ciologues bisontins,  dont  l'œuvre  a  exercé  une  influence  si 
profonde  sur  le  développement  de  notre  société  contempo- 
raine. La  question  peut  paraître  à  certains  d'un  bien  minime 
intérêt  :  peut-être  du  moins  ceux  qui  croient  que  de  petites 
causes  sortent  parfois  de  grands  effets,  penseront-ils  que 
cette  étude  n'est  pas  absolument  stérile. 

Les  recherches  faites  pour  connaître  exactement  où  est  né 


—  445  - 

Fourier  n'ont  présenté  aucune  difQculté.  Son  acte  de  nais- 
sance conservé  dans  les  registres  de  la  paroisse  Saint-  Pierre 
atteste  déjà  son  origine  bisontine  :  il  est  ainsi  conçu  :  «  Fran- 
çois-Marie-Charles, fils  de  monsieur  Charles  Fourier,  négo- 
ciant à  Besançon,  et  de  dame  Marie  Muguet,  son  épouse,  est 
né  et  a  été  baptisé  le  sept  avril  mil  sept  cent  soixante  et 
douze.  Son  parrain  est  monsieur  François  Muguet  le  jeune, 
négociant  à  Besançon,  et  sa  marraine  mademoiselle  Jeanne- 
Marie-Françoise  Fourier,  sa  sœur.  Ont  signé:  Vernerey, 
vicaire  de  S'-Pierre,  Fourier,  François  Muguet  le  jeune». 

En  outre  les  disciples  de  Fourier  s'étaient  préoccupés,  il  y 
a  plus  d'un  demi-siècle,  de  conserver  à  la  postérité  les  détails 
les  plus  circonstanciés  sur  la  maison  natale  de  leur  maître. 

Voici  en  effet  une  description  de  cette  maison  qui  ne  laisse 
rien  à  désirer  :  elle  est  empruntée  à  l'Almanach  phalanstérien 
pour  1848.  (1) 

((  La  maison  où  Fourier  naquit  à  Besançon  et  où  il  passa 
ses  quinze  premières  années,  formait  dans  la  Grand'Rue  l'an- 
gle sud  de  l'ancienne  ruelle  Baron.  Elle  dut  disparaître  par- 
tiellement en  1841,  lorsque  ce  petit  passage  étroit  et  obscur 
fut  remplacé  par  la  belle  et  large  rue  Moncey.  Ce  fut  alors 
qu'un  compatriote  et  disciple  de  Fourier,  l'auteur  de  Solida- 
rité, (2)  voulant  faire  revivre  au  moins  par  le  crayon  la  pre- 
mière demeure  d'un  homme  qui  restera  grand  parmi  les 
hommes,  se  chargea  d'en  lever  le  plan  et  d'en  retracer  la  dis- 
tribution telle  qu'elle  existait  au  temps  où  l'habitait  notre 
maître  et  d'en  reproduire  l'élévation  principale.  »  Une  petite 
gravure  de  l'Almanach  placée  à  côté  de  celte  notice,  donne 
en  effet  le  dessin  de  la  maison  de  Fourier,  jolie  demeure  du 


(1)  Alma*iach  phalanstérien  pour  1848.  Paris.  Aux  bureaux  de  la  Dé- 
mocratie Paciflque  et  à  la  Librairie  sociétaire,  rue  de  Beaune  2,  et  quai 
Voltaire  25.  p    124-125    L'article  est  signé  P.  de  B.  (Paul  de  Boureulé). 

(2j  Le  capitaine  Hip.  Benaud.  Cf.  Ck.  Pellarin,  Cfiarleft  Fourier,  sa 
vie  et  sa  théorie, 

10 


—  446  - 

xvi®  siècle,  percée  au  rez-de-chaussée  d'une  grande  baie, 
éclairée  au  pi'emier  étage  de  deux  fenêtres  à  baies  géminées, 
plus  une  demi-fenétre  isolée,  surmontées  d'arcs  en  accolade. 
Il  existe  de  cette  maison  une  autre  lithograpiiie  fort  bien 
faite,  qui  a  été  éditée  vers  la  même  époque  par  la  Librairie 
phalanstérienne,  établie  à  Paris,  2  rue  de  Beaune,  et  dont 
un  exemplaire  subsiste  à  la  Bibliothèque  de  Besançon  L'au- 
teur de  TAlmanach  ajoute  encore  les  indications  suivantes: 
«  Le  rez-de-chaussée  était  entièrement  occupé  par  les  maga- 
sins et  les  bureaux  du  père  de  Fourier  qui  était  marchand 
de  draps.  La  tamille  habitait  le  premier  étage  :  et  celte  demi- 
fenêtre  isolée,  du  côté  opposé  à  la  ruelle  Baron,  éclairait  la 
chambrette  du  jeune  Charles .  Il  était  né  dans  une  petite 
pièce  tout  à  fait  semblable  et  contiguë,  la  chambre  de  sa 
mère,  située  en  arrière  sur  la  cour.  Et  Ton  peut  dire  avec 
exactitude  que  ces  deux  pièces  existent  encore,  car  la  mai- 
son n'a  été  abattue  que  sur  la  droite,  pour  être  rétrécie  et 
habillée  de  deux  façades  nouvelles  »  . 

Ces  renseignements  si  précis  ne  peuvent  donc  laisser 
aucun  doute  sur  la  maison  où  Fourier  naquit,  maison  qui 
porte  aujourd'hui  le  n»  83  de  la  Grande  Rue . 

Proudhon  n'a  pas  été  comme  Fourier  un  chef  d'école: 
c'était  un  esprit  trop  indépendant  pour  chercher  à  soumellre 
les  autres  à'une  discipline  intellectuelle  quelle  qu'elle  fut.  On 
s'est  donc  moins  préoccupé  de  tous  les  détails  de  sa  biogra- 
phie, et  c'est  ce  qui  explique  les  affirmations  contradictoires 
que  l'on  trouve  sur  le  lieu  exact  de  sa  naissance,  (l) 


(i)  M-oe  Catherine  Henneguy,  fille  aînée  de  Proudhon,  qui  conserve  pieu- 
sement la  mémoire  d'un  père  vénéré,  a  bien  voulu  nous  communiquer  tous 
les  renseignements  écrits  ou  oraux  qu'elle  possédait  sur  celle  question. 
M.  Bizot  sous-inspecteur  de  l'enregistrement  à  Besançon,  M.  Vouillot.  em- 
ployé à  la  mairie  de  Besançon,  M.  le  chanoine  Rossignol,  curé  de  la  Made- 
leine, M.  E.  Droz,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres,  nous  ont  fourni  tous 
les  documents  dont  nous  nous  sommes  servis,  et  c'est  à  eux  que  revient 
tout  le  mérite  de  ce  travail. 


-^  147  - 

Un  joli  petit  village  de  la  Haute-Saône,  situé  près  de  Mar- 
nay,  sur  les  bords  de  l'Ognon,  Burgille-lès-Marnay,  revendi- 
que l'honneur  de  Tavoir  vu  naître,  et  ses  habitants  montrent 
encore  avec  orgueil  la  maison  de  Proudhon.  Ils  peuvent  ci- 
ter, à  Tappui  de  leurs  dires,  les  quelques  lignes  suivantes 
écrites  par  Proudhon  le  30  octobre  4849,  de  Sainte  Pélagie 
où  il  était  alors  enfermé  :  c  Je  n'aurai  de  repos  que  quand  Je 
pourrai  m'établir  sur  les  bords  de  TOgnon  et  finir  ma  vie  là 
où  elle  a  commencé.»  —  En  fait,  Proudhon  a  seulement 
passé  une  grande  partie  de  son  enfance  à  Burgille  chez  les 
parents  de  sa  mère  Catherine  Simonin.  C'est  là  qu'il  a  puisé 
ce  goût  si  ardent  de  la  nature  qui  apparaît  dans  toute  son 
œuvre  et  qu'il  a  traduit  parfois  en  des  pages  d'une  poésie 
charmante. 

La  naissance  de  Proudhon  à  Besançon  est  indiscutable  et 
constatée  par  les  registres  officiels.  Voici  en  effet  son  acte  de 
naissance,  tel  qu'il  est  conservé  à  la  mairie  de  Besançon  où 
l'a  découvert  M.  Vouiliot  :  «  L'an  1809,  le  17  janvier,  à  neuf 
heures  du  matin.  Nous  Charles-Antoine  Seguin,  adjoint  dé- 
légué du  maire  de  Besançon,  faisant  les  fonctions  d'officier 
public  de  l'Etat  civil,  avons  constaté  la  naissance  de  Pierre- 
Joseph,  né  le  15  dudit,  à  six  heures  du  soir,  fils  de  Claude- 
François  Proudhon,  commis  négociant,  âgé  de  ^9  ans,  et  de 
Catherine  Simonin  son  épouse,  âgée  de  34  ans,[demeurant  à 
Besançon,  6*  aectioriy  présenté  par  ledit  sieur  Claude-François 
Proudhon.  Le  sexe  de  l'enfant  a  été  reconnu  être  masculin 
en  présence  de  François-Joseph  Proudhon,  traiteur,  grand- 
oncle  de  l'enfant,  âgé  de  57  ans,  demeurant  à  Besançon  et  de 
Jean-Claude  Fournier,  traiteur,  âgé  de  53  ans,  demeurant  à 
ladite  ville,  témoins  qui  ont  signé  avec  nous  après  lecture. 
(Suivent  les  signatures)  » . 

Comme  on  le  voit,  cet  acte  donne  comme  seule  indication 
du  domicile  des  parents  de  Proudhon  la  mention  sixième  sec- 
tion. On  sait  en  effet  que,  depuis  la  Révolution  jusqu'à  la  fin 
de  l'Empire,  les  registres  de  l'Etat  civil  se  contentent  de  faire 


—  148  -^ 

connaître  la  section  (rorigine,  sans  donner  d'autres  rensei- 
gnements. Ce  iaity  déjà  remarqué  pour  l*acte  de  naissance  de 
Victor  HugOy  a  été  la  cause  de  la  polémique  qui  s'est  élevée 
au  sujet  de  la  maison  natale  de  l'illustre  poète.  Cette  absence 
de  précision  des  actes  officiels  a  amené  le  même  résultat  pour 
Proudhon  :  aujourd'hui  deux  opinions  sont  en  présence  qui 
du  moins  sont  d'accord  pour  le  faire  naître  dans  la  6*  section. 
Pour  les  uns  en  efîet,  Proudhon  serait  né  dans  le  quartier  de 
la  Mouillère,  dans  une  maison  démolie  en  1814  ;  pour  les  au- 
tres l'habitation  qui  porte  actuellement  le  n^  37  de  la  rue  du 
Petit  Battant  est  incontestablement  celle  où  il  a  vu  le  jour. 
Cette  maison  est  la  dernière  de  la  rue,  contre  le  talus  des 
fortifications. 

Ceux  qui  soutiennent  le  fait  de  la  naissance  de  Proudhon 
h  la  Mouillère  s'appuient  sur  une  autorité  fort  sérieuse,  celle 
de  Sainte  Beuve  lui-même,  dans  son  livre  intitulé  Proudhon^ 
Sa  vie  et  sa  correspondance  W  1838-1848.  «  Pierre-Joseph 
Proudhon,  écrit  en  effet  Sainte  Beuve,  naquit  le  15  janvier  (et 
non  juilletj  (2)  1809,  dans  un  faubourg  de  Besançon  à  la  Mouil- 
lère. Ses  père  et  mère  y  étaient  occupés  à  la  grande  brasserie 
de  M.  Renaud.  Le  père,  bien  que  cousin  de  M.  le  professeur 
Proudhon,  jurisconsulte  de  Dijon,  et  d'une  branche  cadette 
de  la  même  famille  était  garçon  brasseur  ;  la  mère,  belle  et 
forte  fille  de  la  campagne  y  était  servante  pour  les  gros  ou 
vrages.  A  l'époque  du  blocus  de  Besançon,  en  1814,  le  quar- 
tier de  la  Mouillère,  bâti  sous  les  murs  de  la  ville,  dut  être 
détruit  pour  la  défense  de  la  place  :  la  brasserie  disparut 
avec  les  autres  habitations.  Le  père  de  Proudhon  s'établit 
dans  le  faubourg  de  Battant,  quartier  des  vignerons.  Il  y  avait 
acquis  une  maison.  Il  y  fit  delà  tonnellerie  pour  son  compte  ». 


(i)  Paris,  Lévy,  1872,  in-16. 

(2)  Il  est  curieux  de  constater  que  Proudhon  n'était  pas  lui  même  très 
bien  fixé  sur  la  date  de  sa  naissance.  Dans  ses  Mémoires  sur  aa  vie  commu- 
niqués par  sa  fille  M^e  Catherine  Uenneguy,  et  publiés  dans  la  Revue  So- 
cialtste  (août  1904),  il  écrivait:  «Je  suis  né  à  Besançon  le  15  juin  1809». 


-  149  - 

Pour  quiconque  a  tant  soit  peu  pratiqué  Sainte  Beuve,  il 
est  certain  que  l'illustre  critique  n'a  rien  avancé  à  la  légère, 
et  qu'il  n'a  pas  inventé  de  toutes  pièces  les  renseignements 
circonstanciés  qu'il  donne  ici.  Du  reste  avec  sa  précision  ha- 
bituelle, il  nous  indique  les  sources  auxquelles  il  a  puisé  : 
f  Je  dois  infiniment,  dit-il,  (i)  pour  tous  ces  premiers  détails 
de  la  vie  de  Proudhon  à  M.  Weiss  (2)  lui-même,  particulière- 
ment à  M.  Oudet,  avocat  distingué  de  Besançon,  qui  a  bien 
voulu  répondre  à  toutes  mes  questions,  interroger  pour  cela 
autour  de  lui  ou  se  souvenir  lui-même,  et  m'envoyer  des  notes 
précieuses,  des  extraits  de  correspondance.  M.  Beauquier 
auteur  d'un  article  sur  Proudhon  publié  dans  un  journal  étran- 
ger, a  bien  voulu  également  mettre  à  ma  disposition  tous 
les  matériaux  qu'il  avait  réunis  sur  son  célèbre  compatriote 
bisontin . . .  » .  Weiss  et  Oudet  n'ont  rien  laissé  des  notes  com- 
muniquées à  Sainte  Beuve,  mais  nous  possédons  Tarticle  de 
M.  Beauquier  qui  a  été  publié  dans  la  Revue  litléraire  de  la 
Franche-Comté,  (3)  Il  suffit  de  le  lire  pour  se  convaincre  que 
Sainte  Beuve  s'en  est  servi . 

«  Dans  un  faubourg  de  Besançon,  écrit  M.  Beauquier,  de  l'au- 
tre côté  du  Doubs,  à  la  Mouillère,  il  y  avait  au  commence- 
ment du  siècle  une  vaste  brasserie.  Le  propriétaire,  M.  Re- 
naud, entretenait  à  son  service,  en  qualité  de  gaiç^n  brasseur, 
un  ouvrier  lourd,  trapu  et  rustaud,  en  somme  fort  peu  avenant. 
En  même  temps  se  trouvait  à  la  maison,  pour  faire  le  gros 
ouvrage,  une  fille  de  la  campagne,  d'un  extérieur  agréable, 
aux  manières  simples  et  aisées,  à  l'intelligence  ouverte.  On 
la  nommait  Catherine.  Comment  se  fit-il  que  le  grossier  ou- 
vrier sût  plaire  à  cette  belle  fille?  Nous  ne  nous  chargeons 


(1)  Sainte-Beuve,  p.  18,  noie  1. 

(2)  Ch.  Weiss,  conserv,<leur  de  la  Bibliothèque  do  Besançon  de  1812  à 
1866,  l'un  des  principaux  collaborateurs  de  la  Biographie  Universelle  de 
Michaud. 

(3)  Année  1857, 1.  v.  p.  65  et  19. 


—  150  ~ 

pas  d'être  TŒdipe  des  mystères  de  Tamour.  Quoiqu'il  en  soit, 
Catherine  se  laissa  séduire,  et  bientôt  elle  mettait  au  monde 
un  robuste  garçon  qui  fut  baptisé  sous  le  nom  de  Pierre-Joseph 
et  qui  devait  être  notre  célèbre  philosophe.  Le  maître  de  la 
brasserie  qui  s'intéressait  à  Catherine,  dont  les  qualités  étaient 
vraiment  au-dessus  de  sa  condition,  exigea  que  le  séducteur 
l'épousât.  Peu  après  le  jeune  couple  s'établissait  à  Battant, 
dans  le  quartier  des  vignerons,  quartier  qui  a  le  mieux  con- 
servé cette  rude  physionomie  franc-comtoise  si  fortement  em- 
preinte dans  le  caractère  et  dans  le  style  de  Pierre-Joseph 
Proudhon.  Le  père  fit  de  la  tonnellerie  et  fut  bientôt  à  même, 
avec  ses  économies,  et  en  escomptant  un  peu  l'avenir,  d  ache- 
ter une  petite  maison,  ce  qui  pouvait  se  faire  dans  ce  temps 
de  bon  marché  légendaire,  moyennant  deux  à  trois  mille 
francs.  Mais  ce  bien  être  relatif  ne  dura  pas  longtemps  ». 

Ainsi  pour  M.  Beauquier,  qui  s'est  fait  l'écho  de  traditions 
bisontines,  pour  Sainte  Beuve,  et  aussi  en  général  pour  tous 
les  historiens  qui  ensuite  se  sont  occupés  de  Proudhon,  ce 
dernier  serait  né  à  la  Mouillère  dans  une  dépendance  de  la 
brasserie  Renaud,  démolie  en  1814,  lors  du  blocus  de  Besan- 
çon. Nous  laissons  décote  ici,  pour  y  revenir  dans  la  suite  de 
cette  notice,  l'indication,  d'ailleurs  erronée,  de  la  naissance 
illégitime  de  Proudhon. 

L'autre  opinion  qui  veut  que  Proudhon  soit  un  fils  de  Bat- 
tant n'a  pas  pour  elle  l'appui  d'historiens  aussi  éminents.  Par 
contre  les  traditions  populaires  se  trouvent  d'accord  avec  les 
documents  officiels  pour  nous  convaincre  qu'elle  est  plus 
conforme  à  la  vérité  historique.  Il  ne  faudrait  pas  dire  aux 
vieux  habitants  de  Battant,  dont  quelques-uns  sont  encore 
fiers  d'avoir  connu  Proudhon,  qu'il  n'est  pas  né  dans  leur 
quartier.  Mais,  fait  autrement  probant,  la  même  opinion 
s'est  conservée  également  chez  les  enfants  de  Proudhon.  H) 


(1)  M"«  C.  HennegUY  a  touj<  urs  entendu  dire  dans  sa  famille  que  son 
père  était  né  à  Battant. 


-  154  - 

On  pourrait  croire  cependant  que  cette  idée  est  née  de  ce 
fait  que,  depuis  1815  incontestablement,  les  parents  de  notre 
philosophe  ont  habité  au  n®  37  de  la  rue  du  Petit  Battant  II 
existe  en  effet  dans  les  registres  de  l'état  civil  Tacte  de  décès 
en  date  du  3  août  1815  d'une  petite  sœur  de  Proudhon,  âgée 
de  4  mois  «  iille  de  Claude-François  Proudhon  brasseur,  et 
de  Catherine  Simonin,  époux  domiciliés  rue  du  Petit  Battant 
930».  Or  le  n®  930  de  la  rue  Battant  correspond  au  n»  37  de 
la  rue  du  Petit  Battant,  et  se  lit  du  reste  encore  aujourd'hui 
au-dessus  de  la  porte  d'entrée  de  cette  maison.  D'autre  part 
nous  avons  des  lettres  de  Proudhon  lui-même  à  ses  parents 
avec  cette  adresse  (l). 

Mais  nous  possédons  de^  pièces  officielles  qui  établissent 
d'une  façon  indiscutable  selon  nous,  que  les  parents  de  Prou- 
dhon habitaient  déjà  cette  maison  de  Battant  quand  naquit 
Pierre  Joseph. 

Un  document  fort  caractéristique  a  déjà  été  mis  en  lumière 
par  M.  le  chanoine  Rossignol  dans  son  Histoire  de  Vëglisede 
Sainte- Madeleine  de  Besançon  (2).  C'est  l'acte  de  baptême  de 
Pierre-Joseph  Proudhon  conservé  dans  les  registres  de  cette 
paroisse,  ainsi  conçu  :  «  Pierre-Joseph,  fils  de  Claude-François 
Proudhon,  commis  marchand,  et  de  Catherine  Simonin,  son 
épouse,  a  été  baptisé  le  17  janvier  1809.  Il  a  eu  pour  par- 
rain François-Joseph  Proudhon,  et  pour  marraine  Anne-Pier- 
rette Simonin,  épouse  de  Claude-Louis  Simonin,  illitérée. 
Ont  signé  :  Proudhon,  Proudhon,  Dumain,  vicaire  ».  On  sait 
que  le  baptême  doit  être  administré  dans  la  paroisse  des  pa- 
rents de  l'enfant.  Or  si  le  quartier  de  Battant  ressortissait,  en 
1809  comme  aujourd'hui,  à  la  paroisse  de  la  Madeleine,  alors 
comme  aujourd'hui,  le  quartier  de  la  Mouillère  faisait  partie 


(1)  Cf.  Sainte  Beuve.  p.  1^  note.  Il  cile  une  lettre  de  Proudhon  du  11 
novembre  1841  adressée  à  M.  C.-F.  Proudhon  tonnelier,  rue  du  Petit  Battant, 
37,  a  Besançon. 

(2)  Besançon,  Bossane,  1902,  in-I8.  p.  2i7. 


—  452  — 

de  la  paroisse  de  BregiHe,  actuellement  paroisse  S^-Martin 
des  Chaprais.  La  démarcation  des  paroisses  et  succursales 
de  la  ville  de  Besançon  fut  en  effet  ainsi  fixée  à  la  suite  du 
Concordat  «  3o  La  paroisse  de  S'«  Magdeleine  contiendra  le 
pont  et  toute  la  partie  de  la  ville  renfermée  entre  la  rivière 
du  Doubs  et  les  remparts  de  Battant,  Charmont  et  Arenne,  y 
compris  le  fort  Griffon...  La  succursale  de  Bregille  dépen- 
dant de  la  paroisse  de  Saint  Jean  comprendra  le  village  de 
Bregille  et  toutes  les  maisons  situées  entre  les  monts  de  Bre- 
gille et  le  côté  droit  de  la  route  de  Vesoul  ». 

Il  est  donc  déjà  bien  difficile  d'admettre  que  Proudhon  ait 
été  baptisé  dans  une  église  dont  ses  parents  n'étaient  pas  les 
paroissiens . 

En  réalité  d'autres  documents  qui  nous  font  connaître  le 
domicile  des  parents  de  Proudhon  avant  leur  mariage,  et  nous 
disent  à  quelle  époque  ils  firent  l'acquisition  de  leur  maison 
de  Battant,  semblent  ne  laisser  subsister  aucun  doute  à  ce 
sujet.  Claude-François  Proudhon  figure  dans  un  registre  de 
dénombrement  de  1796  l'I)  comme  âgé  de  16  ans  et  habitant 
chez  son  oncle  Vernier  maçon,  rue  Battant  no953.  Il  ne  semble 
pas  avoir  quitté  ce  quartier,  car,  quand  il  voulut  se  marier,  il 
produisit  un  certificat  de  résidence  à  Besançon,  conservé  au- 
jourd'hui dans  les  Archives  du  greffe  du  tribunal  civil,  ainsi 
rédigé  :  «  Nous  soussigné  agent  de  police  des  6®  et  7®  sections 
certifie  que  le  nommé  Proudhon  Claude-François  réside  sur 
la  6*  section  n"  954,  depuis  plus  de  deux  ans,  pourquoi  nous 
lui  avons  délivré  le  présent  pour  lui  servir.  Besançon  le  1"  fé- 
vrier i808.  Signé  Détrey  ».  Quanta  sa  fiancée,  elle  n'ha- 
bitait pas  davantage  avant  son  mariage  dans  le  quartier  de  la 
Mouillère.  Comme  en  fait  foi  son  certificat,  joint  à  celui  de 
son  futur  époux  «  Je  soussigné  agent  de  police  de  la  seconde 
section  certifie  que  W^^  Catherine  Simonin,  originaire  de 
Cordiron,  demeurant  rue  du  Clos,  no283,  est  depuis  sept  ans 

(i)  Arch,  départ,  L.  608. 


-  453  — 

en  cette  ville  en  qualité  de  fille  de  soins.  Besançon  18  janvier 
1808.  Signé  Rudt». 

Les  recherches  faites  avec  la  plus  sûre  méthode  par  M.  Bi- 
zot,  sous-inspecteur  de  Tenregistreinent  et  des  domaines, 
dans  les  archives  des  notaires,  ont  prouvé  enfin  que  lors  de 
leur  mariage,  les  parents  de  Proudhon  étaient  propriétaires 
de  la  maison  n®  930  de  Battant.  M.  Bizot  a  eu  en  effet  la  bonne 
fortune  de  retrouver  un  acte  notarié,  passé  le  25  octobre  1807, 
devant  M.  Renaud  qualifié  d'avocat  notaire  à  Besançon,  acte 
enregistré  aux  actes  civils  publiés  en  la  même  ville  le  27  du 
même  mois  (vol.  387,  f®  68  vo,  case  l'«)  aux  termes  duquel 
«  Madame  veuve  Joseph  Vuillemin ,  née  Jussey  Jeanne-F^ouise, 
demeurant  à  Arcey,  canton  de  TIsle-sur-le-Doubs,  a  vendu 
à  Claude-François  Proudhon,  ouvrier  marchand  à  Besançon, 
rue  Battant,  une  petite  maison  appartenant  à  la  venderesse 
du  chef  de  ses  père  et  mère,  située  à  Besançon,  rue  du  Petit 
Battant  930,  touchant  de  couchant  Claude-Louis  Perrot,  du 
levant  et  par  derrière  les  fortifications,  par  devant  la  rue,  la- 
dite maison  composée  d'une  cave  voûtée,  deux  pièces  au  rez- 
de-chaussée,  une  cour  et  une  écurie,  au  premier  deux  pièces 
et  un  grenier  au  dessus.  L'entrée  en  jouissance  et  le  paie- 
ment des  impôts  doivent  avoir  lieu  à  compter  du  1*' janvier 
1808.  Le  prix  fixé  pour  la  vente  est  de  1 .000  francs  payables 
le  !•'  août  suivant  avec  intérêts  à  5  Vo  à  compter  du  jour 
de  rentrée  en  jouissance». 

François  Proudhon  devait  donc  entrer  en  jouissance  de 
cette  maison  le  l'f  janvier  1808.  Or  c'est  un  mois  après,  le 
3  février  de  la  même  année,  qu'il  devait  épouser  Catherine 
Simonin.  Est-il  téméraire  de  penser  que  ces  deux  événements 
n'étaient  que  la  conséquence  l'un  de  l'autre  V  Evidemment  le 
mariage  prochain  de  François  Proudhon  était  la  cause  de 
l'achat  fait  par  lui  d'une  petite  maison  à  Battant.  Nous  avons 
vu  qu'au  moment  de  leur  union,  les  deux  conjoints  habitaient 
l'un  à  Battant,  l'autre  rue  du  Clos.  Peut-on  supposer  qu'un 
modeste  ouvrier  se  soit  décidé,  à  la  veille  d'entrer  en  mé- 


-  154  - 

nage,  à  faire  la  grosse  dépense  de  l'acquisition  d'une  maison, 
sinon  pour  s'y  installer?  Remarquons  d  autre  part,  qu'il  n'a- 
vait même  pas  alors  la  somme  disponible  pour  payer  sur  le 
champ  les  l.OOO  francs  qui  le  rendaient  propriétaire.  Il  avait 
besoin  d'un  délai  de  10  mois  pour  solder  sa  dette,  et  peut-être 
comptait-il  sur  les  économies  faites  par  la  laborieuse  com- 
pagne qu'il  devait  é|x>user,  pour  se  libérer.  Quoiqu'il  en  soit, 
le  i"**^  août  1808,  il  avait  entièrement  payé  le  prix  de  sa  mai- 
son de  Battant.  Il  en  était  donc  l'indiscutable  propriétaire, 
quand  le  15  janvier  1809  naissait  Pierre- Joseph  Proudhon. 

M.  Coindre  dans  <on  beau  livre  Besançon  qui  s'en  va  repro- 
duit la  maison  de  Proudhon,  en  ajoutant  celte  mention  qu'elle 
est  aujourd'hui  démolie.  En  réalité  il  suifit  de  comparer  son 
iloîisin  et  la  maison  actuelle  du  n®  37  de  la  rue  du  Petit  Bat- 
tant, pour  se  convaincre  qu'il  y  a  là  une  erreur.  La  rue  a 
seulement  été  surélevée,  ce  qui  a  eu  pour  effet  de  couvrir 
pivsque  entièrement  la  porte  qui  donne  accès  à  la  cave.  De 
plus  on  a  ajouté  depuis  deux  étages  au  bâtiment  primitif,  et 
on  a  détruit  le  petit  hangar  voisin  qui  servait  d'atelier  de 
tonnellerie  au  père  de  Proudhon.  Mais  la  maison  de  Prou- 
dhon est  bien  encore,  sauf  ces  légères  modifications,,  celle 
qui  est  sifrnalée  dans  Tacte  de  vente  de  1807.  Le  propriétaire 
actuel,  M.  Champion,  a  bien  voulu  nous  en  faire  les  hon- 
neurs avec  la  plus  entière  bonne  grâce  Nous  y  avons  re- 
trouvé les  '2  pièces  au  rez-de-chaussée  et  au  1*»'  étage  situées 
Tune  derrière  l'autre,  et  séparées  par  une  mince  cloison,  et 
la  cave  voûtée,  telles  qu'elles  sont  indiquées  dans  l'acte  no- 
tarié. 

lu*  cette  fastidieuse  énumération  de  textes,  nous  tK)uvons 
onoore  tirer  l'alVirmation  de  la  naissance  absolument  légitime 
de  Proudhon  qui  avait  été  contestée  à  tort.  Le  rapprochen^ent 
do  la  date  du  mariage  de  ses  parents  (;î  février  i808)  et  de 
celle  de  >a  naissance  (15  janvier  1809)  nous  dispense  d'insis- 
ter davantajze  sur  ce  point.  Au  reste  tout  ce  que  l'on  sait  du 
caracièiv   de  Callierine  Simonin,  plus  âgée  de  6  ans  que 


^  155  — 

son  mari,  aurait  pu  suffire  à  écarter  l'idée  d'une  séduction  : 
cette  accusation  doit  avoir  eu  sa  source  dans  la  fureur  des 
passions  politiques  qui  se  déchaînèrent  plus  d'une  fois 
contre  Proudhon. 

En  résumé,  nous  croyons  que  les  textes  que  nous  venons 
de  citer,  suffisent  pour  établir  d'une  façon  certaine  la  nais- 
sance de  Proudhon  à  Battant.  Si  certains  liistoriens  et 
Sainte  Beuve  lui  même  sur  la  foi  des  renseignements  qui 
lui  furent  fournis,  l'ont  fait  naître  à  la  Mouillère,  cela  provient 
sans  doute  de  ce  que  la  tradition  leur  avait  appris  que  le  père 
et  la  mère  de  Pierre-Joseph  s'étaient  connus  h  la  brasserie 
Renaud.  L'un  y  travaillait  comme  ouvrier  brasseur,  l'autre 
comme  fille  de  soins  :  on  en  a  conclu  que  tous  deux  habitaient 
également  dans  cette  brasserie.  En  réalité,  le  domicile  de 
François  Proudhon  et  de  sa  femme  était  non  loin  de  là,  mais 
de  l'autre  côté  des  fortifications,  à  Battant,  et  l'on  peut  sans 
crainte  inscrire  sur  la  plaque  commémorative  placée  sur  le 
no  37  de  la  rue  du  Petit  Battant  cette  inscription  :  Ici  est  né 
Pierre-Joseph  Proudhon. 


^ 


156 


UNE  PAGE  INÉDITE  DE  PKOllDHON 


Au  cours  de  nos  recherches,  la  fille  tant  aimée  de  Prou-, 
dhon,  aujourd'hui  M™«  Catherine  Henneguy,  a  hien  voulu 
nous  communiquer  la  page  suivante  qu'elle  a  trouvée  dans 
les  papiers  de  son  père.  Ce  document  est  pénétré  d'une  émo- 
tion si  profonde,  et  est  en  même  temps  si  caractéristique 
du  génie  de  Proudhon,  que  nous  n'avons  pas  hésité  à  le 
donner  ici  à  la  suite  de  notre  notice  : 

Mardi  29  mai  1860 

c  Je  reçois  en  même  temps  la  nouvelle  de  deux  morts:  celle 
de  mon  frère  Charles-Joseph  Proudhon,  né  le  1"  mai  1816  à 
Besançon,  celle  de  Melchior  Proudhon,  mon  parent,  frère  de 
M™'  Droz,  né  le  13  février  1767,  mort  par  conséquent  à  l'âge 
de  93  ans  2  mois.  Mon  frère  est  mort  le  25  ;  mon  vieux  pa- 
rent le  13. 

B  Je  m'attendais  depuis  longtemps  à  ces  deux  décès  :  mon 
frère  était  atteint  d'une  maladie  incurable,  et  depuis  quelques 
jours,  j'ai  déjà  dû  prendre  des  mesures  et  écrire  en  prévision 
de  l'événement.  Je  me  trouve  légalement  tuteur  de  deux  gar- 
çons, dont  l'un  a  13  ans,  l'autre  16.  La  mère,  qui  dépasse  la 
cinquantaine  est  sourde  et  incapable,  je  crois,  de  gagner  sa 
vie. 

»>  A  cette  heure,  je  reste  seul  de  ma  famille  ;  ce  qui  m'est 
le  plus  poignant,  est  que  tous  les  miens  sont  morts  dans  le 
malheur  :  mon  père,  ma  mère  el  mes  deux  frères.  Mais  la 
conscience  a  été  bonne  :  ils  ont  connu  comme  moi,  l'amitié 
et  les  franches  joies  du  devoir,  de  l'indépendance  et  de  la 
famille.  Nous  n'avons  pas  été  heureux!  Comment  fmirai-je 


h  mon  tour?...  Que  je  dure  encore  dix  ou  quinze  ans;  que 
j'achève  mon  œuvre  telle  que  je  la  médite  et  je  suis  content. 
Le  surplus  n'est  rien.  Pauvre  frère  !  Pauvre  mère  !  Pauvre 
père  !  J'aurais  voulu  cependant  leur  procurer  un  peu  de  bien- 
être  :  ils  y  comptaient,  ils  avaient  droit  d*y  compter.  Je  leur  ai 
manqué  !  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  précisément  ce  que  l'on 
appelle  égoïsme  dans  mon  fait;  il  y  a  eu  du  tempérament. 
Mes  tribulations  viennent  de  là. 

»  Mon  parent  Proudhon,  prêtre  en  89,  entré  dès  ce  moment 
dans  le  mouvement  révolutionnaire,  président  du  club  des 
Jacobins,  emprisonné  après  la  Terreur,  plus  tard  frère  ora- 
teur et  vénérable  de  la  loge  des  francs-maçons  de  Besancon, 
dans  laquelle  j'ai  été  reçu,  homme  remarquable  dans  tout  le 
cours  de  sa  vie^  par  la  grande  lermeté  de  son  caractère,  mon 
parent  n'a  pas  soutenu  son  caractère  jusqu'au  bout  :  il  n'en 
faut  accuser  que  la  vieillesse.  Depuis  deux  ou  trois  ans,  il 
était  retombé  en  enfance  :  une  espèce  de  cafard  apostat  de 
la  république  s  était  emparé  de  lui.  Obsédé  de  toutes  part$,  il 
a  fini  par  se  confesser,  recevoir  la  communion,  en  un  mot  se 
réconcilier  avec  l'Eglise.  L'esprit  prêtre,  dans  lequel  il  avait 
été  élevé,  et  que  le  déisme  robespierriste  n'avait  fait  qu'en- 
tretenir, lui  est  revenu.  Je  le  regrette,  mais  l'Eglise  a  recueilli 
Iti  un  pauvre  trophée. 

•  Le  vieux  Proudhon  était  aisé  ;  il  m'avait  témoigné  de  l'ami- 
tié, et  je  la  lui  rendais.  Mais  sa  mort  ne  me  laisse  pas  un  sen-  • 
timent  aussi  profond  que  celle  de  mon  frère.  Je  n'ai  pas  servi 
les  miens  comme  je  l'aurais  fait  si,  après  1848,  la  réaction 
avait  été  moins  âpre  et  moins  longue.  A  présent,  je  ne  puis 
plus  reculer,  pas  môme  pour  mes  filles,  et  je  ne  le  ferai  pas 

■  Allons,  en  avant,  et  vengeance,  dût-elle  ne  venir  que 
cent  ans  après  ma  mort  I  > 


LES  PIÈCES  D'HONNEUR 

DES 

CO-GOUVERNEURS    DE    BESANÇON 

iXVI-XMD'  SIÈCLES» 
Pu*  M.  Jml«s  GAUTHIER 

Af-OHtVIcrrS  DO  DÉPARTKIfCrT   DE   LA  COTB-D'OR 


Séance  du  26  mars  i904. 


L'n  diplôme  de  Charles-Quint,  daté  de  Tolède,  le  8  mai  15^, 
concéda  à  la  ville  impériale  de  Besançon  le  droit  de  battre 
monnaie  pour  récompenser  son  dévouement  et  sa  fldélité  à 
l'Empire,  sa  constance  dans  la  foi,  son  mépris  des  sectes  nou- 
velles, particulièrement  celle  de  Luther.  (I) 

Jusques  alors,  à  trois  époques  différentes,  la  cité  avait  vu 
fonctionner  divers  ateliers  monétaires.  Les  Mérovingiens  y 
avaient  frappé  des  triens  d'or,  les  Carolingiens  des  deniers 
d'argent  ;  enfin  les  archevêques  de  Besançon,  en  vertu  d'un 
diplôme  de  Charles  le  Chauve,  du  18  novembre  870,  y  avaient 
créé  au  xi®  siècle  la  monnaie  estevenante^  qui  eut  cours  jus- 
qu'au xv«  siècle  sur  les  deux  rives  de  la  Saône,  mais  surtout 
et  presque  exclusivement  au  Comté  de  Bourgogne,  c'est-à- 
dire  dans  leur  diocèse. 

Le  diplôme  de  1534,  concédé  malgré  ces  archevêques  et 
contrairement  à  leurs  privilèges,  était  une  mesure  politique 


(l)  Pi.ANTET  et  Jeannez,  Essai  sur  les  monnaies  du  ComU  de  Bour- 
gogne, 1855,  Î77. 


-  459  ^ 

destinée  à  fortifier  Besançon  contre  les  idées  nouvelles  et  à 
lui  procurer  les  ressources  nécessaires  pour  devenir,  à  la 
frontière  ouest  de  l'Empire,  un  boulevard  de  la  Chrétienté. 

L'hôtel  des  monnaies  ne  fut  organisé  et  ne  fonctionna  qu'en 
1537:  un  général,  deux  maîtres,  deux  gardes,  un  essayeur, 
un  tailleur  ou  graveur  des  coins,  tel  fut  au  début  son  person- 
nel, modifié  depuis  par  la  suppression  de  l'emploi  de  géné- 
ral, exercé  dès  lors  par  le  corps  de  ville.  0) 

Le  type  des  monnaies  fut  ainsi  réglé  :  au  droit  la  tête  de 
l'empereur,  au  revers  les  armes  et  le  nom  de  la  cité  avec  le 
milliaire,  et  chose  étonnante,  il  ne  varia  plus,  sauf  quelques 
différences  de  module,  de  métal  ou  de  décor;  de  1537  à  la 
conquête  française,  c'est-à-dire  durant  cent  trente-sept  ans, 
la  tète  de  Charles-Quint  eut  les  honneurs  du  balancier  mu- 
nicipal. Des  marchés  de  neuf,  six,  trois  ans,  quelquefois  de 
moins  encore,  étaient  passés  pour  la  fabrication  des  monnaies  ; 
les  initiateurs  du  monnayage  furent  deux  Piémontais,  Jean 
Bear  et  Bertin  Varambert,  de  Chieri  (qui  firent  d'ailleurs  dans 
la  cité  souche  d'honnêtes  gens,  élevés  plus  tard  aux  honneurs 
municipaux  et  même  nobiliaires),  les  autres  officiers  furent 
immédiatement  et  dorénavant  prélevés  sur  le  personnel, 
nombreux  alors,  des  orfèvres  bisontins  Le  premier  graveur 
institué  fut  Pierre  Du  Chemin,  qui  grava  certainement  les 
espèces  émises  en  1537,  mais  on  découvrit  tardivement  qu'il 
était  lié  aux  sectes  calviniste  ou  luthérienne  et  qu'il  s'était 
occupé  de  faire  imprimer  à  Genève  des  bibles  françaises  ;  on 
le  poursuivit;  il  s'échappa  en  1538,  et  l'on  eut  grand'peine  à 
recouvrer  auprès  de  sa  femme  les  coins  des  monnaies  ;  i'^)  son 
successeur  fut  Godefroy  Flamand. 

En  réglant  la  fabrication  des  monnaies,  en  novembre  1537, 
les  co.wuverneurs  avaient  décidé  que  les  entrepreneurs  de  la 
fabricalion  offriraient  chaque  année  aux  Quatorze  et  à  leur 


<i;  Délibérations  municipales  de  ZJe^aapon, 3-15 novembre  1537  (  BB,19). 
^2;  Délihéralio.i  du  i^'  juillet.  1538  {BB.  20). 


—  460  — 

président  une  pièce  d'honneur  en  argent  un,  pesant  2  onces, 
la  première  pièce  d'honneur  devant  être  livrée  le  !•'  mai  1538  : 
il  n*est  pas  resté  de  trace  de  cette  pièce,  peut-être  à  cause  du 
départ  du  graveur  huguenot,  mais  nous  avons  celle  de  1547 
qui  doit  être  conforme  au  prototype  aujourd'hui  disparu.  Le 
huste  en  profil  de  l'empereur,  couronné  et  cuirassé  à  l'an- 
tique, est  d'un  faible  relief,  la  légende  et  l'écusson  munici- 
pal du  revers  sont  mieux  traités.  Quant  à  l'auteur  de  la  pièce 
de  1547,  ce  ne  peut  être,  au  vu  des  monnaies  sorties  de  son 
burin,  que  le  graveur  Godefroy  Flamand,  un  orfèvre  qui  tailla 
les  coins  à  Besançon  de  1538  à  1570.  W 

En  1564,  un  second  type  de  pièces  d'honneur  à  l'effigie  de 
Ferdinand  P'  apparaît,  gravé  sans  doute  en  1556  à  l'avène- 
ment de  ce  prince  à  l'Empire.  La  facture  en  est  meilleure  et 
plus  ferme  que  celle  de  la  pièce  de  Charles-Quint  ;  le  médail- 
leur  novice  qu'était  au  début  Godefroy  Flamand  s'est  façonné 
ou  s'est  inspiré  d'un  meilleur  modèle:  expression  de  la  phy- 
sionomie, détail  des  rides,  de  la  barbe,  de  la  chevelure  et  de 
l'armure  que  porte  l'empereur  sont  assez  habilement  rendus. 
Mais  dans  le  revers,  l'habileté  du  graveur  aux  prises  avec  de 
simples  ornements,  comme  dans  son  métier  habituel  d'orfè- 
vre, s'est  donné  libre  carrière,  en  groupant  dans  une  élégante 
composition  les  armes  d'Empire,  les  armoiries  de  Besançon, 
les  sept  écussons  des  sept  quartiers  de  la  cité.  Au  centre, 
l'aigle  à  deux  têtes,  emprisonnée  dans  les  contours  d'un 
blason,  porte  en  cœur  l'écu  municipal  ;  au-dessus,  la  cou- 
ronne impériale  est  sommée  du  mot  vesontio,  et  les  sept 


(i)  «  Item  peira  ledict  maistre  auxdictz  sieurâ  gouverneurs,  pour  le  droict 
de  général,  à  chascun  desdictz  gouverneurs,  chascun  an,  le  premier  jour  do 
mois  de  may,  tant  que  ladicte  monnoye  baptra,  une  pièce  d'argent  Kn,  pe- 
sant deux  oncez,  que  seront  marquez  de  tel  coing  qu'il  plaira  auxdictz  sieurs 
gouverneurs...  (à  partir  du  !«''  mai  1533)...  et  fourniront  lesdits  sieurs  le 
coing  desdictes  pièces.  »  Délib.  du  5  novembre  1531  (BB,  29).  V.  A.  Cas- 
tan,  Not.  sur  Briot  {Mém.  de  la  Soc.  d'Em.  du  Doubs,  1878.  118).  Le  maî- 
tre de  la  monnaie  fournissait  à  ses  frais  les  pièces  des  Quatorze,  la  ville  celles 
des  Vingt-Huit  et  du  président,  1587  {Arch   mua.,  lay.  89). 


-  i6i  - 

bannières  avec  leur  variété  de  pièces  et  de  décor  sont  frater- 
ternellement  reliées  par  des  entrelacs,  agrémentés  de  tètes 
barbues  autour  d'une  banderole  centrale  circulaire  sur  laquelle 
on  lit  :  PLEVT  a  diev,  la  devise  municipale. 

En  4579,  le  graveur  Flamand  est  mort,  (*)  et  Ton  doit  assi- 
gner à  son  successeur  Charles  d\\rgent,  orfèvre  habile,  sinon 
le  revers  de  la  pièce  d'honneur  qui  n'est  autre  que  celui  de 
1564,  avec  la  surcharge  d'une  date,  du  moins  le  type  d'un 
nouvel  empereur,  Rodolphe  II,  élu  en  1564.  Le  nouveau  coin 
a  les  inconvénients  de  tout  portrait  exécuté  autrement  que 
d'après  l'original,  il  est  faible  et  sans  relief;  on  trouverait 
certainement  dans  les  recueils  ou  les  collections  de  numis- 
matique allemande,  ou  peut-être  dans  les  portraits  gravés  de 
l'empereur  Rodolphe,  le  prototype  dont  Charles  d'Argent  a 
tiré  sa  médaille. 

Il  suffit  de  confronter  le  type  impérial  de  1579  avec  celui 
de  1586  pour  attribuer  la  paternité  de  ce  dernier  à  Charles 
d'Argent  :  il  n'est  du  reste  qu'une  réduction  de  la  pièce  d'hon- 
neur de  1579,  et  nous  savons  par  des  textes  positifs  que 
Charles  d'Argent  était  graveur  de  la  monnaie  de  Besançon 
longtemps  encore  après  1586.  (2) 

Mais  le  revers,  tout  en  étant  inspiré  et  réduit,  à  vue  du 
revers  gravé  jadis  par  Godefroy  Flamand,  ne  manque  pas 
d'originalité.  Au  centre  l'écu  de  Besançon  s'est  développé, 
expulsant  l'aigle  impériale,  tout  en  gardant  pour  cimier  la 
couronne  d'Empire  et  la  devise  :  plevt  a  diev.  Mais  les  sept 
écussons  des  bannières,  séparés  par  des  tètes  Renaissance, 
à  draperie,  en  forme  de  mentonnières  sont  spirituellement 
traités  et  constituent  un  élégant  décor. 

Sur  la  pièce  d'honneur  de  1601,  nouveau  type  à  l'avers  et 


(i)  Sa  veuve  Jeanne  Agnus  réglait  compte  avec  l'Hôtel  de  Ville  en  157i- 
1575(i4rcA.  mj<n.,  layette.  89). 

(2;  En  1587.  la  ville  paye  xii  fr.  pour  façon  de  la  pièce  d'honneur  à  Charles 
d'Argent  {Arch,  mun.^  layette  89) . 

11 


-  162  - 

au  revers,  tous  deux  en  fort  relief.  La  tôle  de  l'empereur 
Rodolphe  II  (c'est  toujours  lui  qui  règne)  émerge  vigoureuse, 
toujours  tournée  à  droite.  Charles  d'Argent  vieilli  aurait-il 
emprunté  un  burin  plus  jeune,  ou  aurait-il  par  un  adroit  sur- 
moulage préparé,  pour  être  fondu  dans  le  sable,  son  type 
direct  obtenu  d'Allemagne?  Avec  une  certaine  hésitation  pour 
l'effigie  elle-même,  nous  n'hésitons  nullement  à  reconnaître 
dans  le  revers  de  1601,  contenant  simplement  l'écu  munici- 
pal, sans  ornement  accessoire,  sinon  la  devise  récemment 
créée  de  deo  et  cesari  fidelis  perpetvo,  le  travail  du  Bi- 
sontin Charles  d'Argent. 

En  1614,  pour  créer  une  pièce  d'honneur  à  la  ressem- 
blance de  l'empereur  Mathias  (élu  en  1612,  on  s'adressa  à 
Montbéliard,  à  François  Briot,  l'auteur,  d'après  Castan,  de 
la  délicieuse  aiguière  et  des  plats  d'étain  si  merveilleux  qui 
l'accompagnent  dans  les  collections  du  musée  de  Cluny  U). 
Le  coin  de  cette  pièce  utilisé  en  1615  et  sans  doute  jusqu'à 
la  mort  de  Mathias  en  1619,  n'a  laissé  aucune  trace,  aucun 
produit  connu  ;  il  nous  en  reste  probablement  le  revers  dans 
le  Vesontio  de  Jean- Jacques  Chifflet  publié  en  1618,  dont 
nous  extrairons  ce  passage,  en  le  traduisant  :  «  Quand  l'ad- 
ministration d'une  année  a  fait  approuver  sa  gestion,  il  est 
d'usage  à  Besançon  que  les  Quartorze  et  môme  les  Vingt- 
Huit  reçoivent  sur  la  caisse  publique  des  pièces  d'argent 
dites  d'Honneur,  les  unes  pesant  deux  onces,  les  autres  le 
double.  Ces  pièces  d'honneur  portent  d'un  côté  le  visage  de 
l'empereur  régnant,  de  l'autre  les  armoiries  de  l'Empire  ro- 
main, de  Besançon,  et  des  sept  quartiers,  groupés  comme 
on  le  verra  dans  notre  planche  .2)  •. 


(1)  Les  origines  montbéliardaises  de  Nicolas  et  de  François  Briot  par 
A.  Castan  {Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs,  1870,  114). 
^  Ce  travail,  sur  un  point  du  moins,  Toriginc  monlbéliardaise  des  Briot, 
a  été  réfuté  par  M.  A.  Tletey,  dans  une  autre  élude,  très  documentée, 
parue  en  1880. 

{1}  J.-J.  Chifflet,  Vesontio,  iQ\H,  pars  1. 112. 


Or,  la  planche  gravée  sur  cuivre  par  Pierre  de  Loisy,  le 
Vieux,  en  1618,  porte  un  revers  analogue  au  revers  de  1564 
et  de  1579,  mais  en  différant  par  la  suppression  dé  certains 
détails,  têtes  barbues  Renaissance,  etc.  La  médaille  affecte 
un  module  de  52  millimètres,  il  y  a  lieu  de  supposer  que 
Jean-Jacques  Ghifflet  a  fait  reproduire  le  type  en  usage  au 
moment  où  parut  son  livre,  c'est-à-dire  le  type  gravé  par 
Nicolas  Briot  à  Montbéliard. 

Quand  Ferdinand  II  eut  succédé  à  l'empereur  Mathias,  la 
monnaie  de  Besançon  produisit  une  nouvelle  pièce  d'hon- 
neur dont  l'effigie  a  beaucoup  de  caractère,  tout  en  trahis- 
sant dans  mainte  partie  l'inexpérience  de  son  auteur  ;  le 
buste  de  Ferdinand,  encadré  dans  une  collerette  droite  et 
plissée  et  emprisonné  par  en  bas  dans  une  armure  sur  la- 
quelle flotte  une  écharpe  et  pend  la  Toison  d'or,  supporte 
une  mâle  figure,  couronnée  de  lauriers.  Pas  de  signature, 
pas  plus  que  de  date,  ni  au  droit  ni  au  revers,  inspiré  (mais 
non  copié)  par  les  revers  de  1564,  1579, 1586.  Ce  revers  ne 
manque  pas  de  saveur. 

L'auteur  de  cette  pièce,  une  des  plus  curieuses  de  celles 
que  nous  étudions  ici,  en  a  donné  une  réduction,  dont  le 
module  tombe  de  52  mm.  à  34  ;  le  motif  de  cette  réduction 
était  de  multiplier  à  moins  de  frais,  en  cuivre,  en  argent, 
même  en  or,  le  type  de  la  pièce  d'honneur  dédiée  à  Ferdi- 
nand II.  Mais  en  émettant  cette  pièce  réduite,  le  graveur  l'a 
signée,  il  l'avait  même  primitivement  datée,  sans  doute  de 
1619  ou  16-20,  et  a  retranché  de  son  trousseau  les  deux  der- 
niers chiffres  en  laissant  très  visibles,  même  sans  loupe,  les 
initiales  G.  P.  Ges  initiales  correspondent  avec  le  nom  du 
graveur  de  la  monnaie  bisontine  en  1620-1655.  Glaude  Poux 
ou  Poulx,  de  Besançon,  voilà  donc  l'auteur  de  la  pièce  d'hon- 
neur de  Ferdinand  II  retrouvé  sans  le  moindre  doute. 

Au  milieu  des  guerres  de  1632  à  1643,  le  monnayage  fonc- 
tionna toujours,  mais  il  est  permis  de  croire  que,  la  pauvreté 
étant  à  son  comble,  l'émission  des  pièces  d'honneur  ne  se 


~  464  - 

fit  pas  avec  une  parfaite  régularité,  le  pain  devant  passer 
avant  le  luxe  î 

On  renonça  momentanément  à  la  confection  des  pièces  de 
^rand  module  et  une  décision  du  l!2  mai  1640  porta  que  dé- 
sormais les  pièces  d'honneur  remises  aux  gouverneurs  se- 
raient en  or  •!  '.  C'était  la  conséquence  logique  de  celte  fabri- 
cation en  trois  métaux,  dont  deux  précieux,  appliquée  aux 
petites  médailles  ou  jetons  de  Ferdinand  II;  Claude  Poux 
pruva  dans  le  même  module  la  petite  médaille  de  Ferdi- 
nand III,  d'une  exécution  peut-être  un  peu  plus  lâchée  et 
moins  artistique.  La  physionomie  du  nouvel  empereur  est 
moms  guerrière  et  la  collerette  en  point  de  Flandre,  qui  re- 
ci>uvre  en  partie  son  armure,  nuit  au  caractère  du  buste,  au 
moins  autant  que  labsence  relative  de  relief.  Quant  au  re- 
vers :  Taigle  d'Empire  à  deux  tètes,  Taigle  de  Besançon  à 
doux  colonnes  et  les  sept  quartiers  de  la  cité,  c'est  une  réé- 
dition du  revers  de  Feitiinand  II,  faite  avec  un  nouveau  coin, 
certaines  variantes  l'attestent. 

Ferdinand  III  mourut  en  1657.  Claude  Poux  avait  cessé, 
le  {a  avril  1655,  d'être  graveur  de  la  Monnaie;  Pierre  de 
Loisy  le  Jeune  le  remplaçait,  plus  habile  à  tirer  d'une 
planche  de  cuivre  de  jolies  estampes  ou  à  modeler  au 
repoussé  de  fines  enseignes  de  confrérie  ou  des  lampes  d'ar- 
gent pour  les  sanctuaires.  On  lui  doit  la  pièce  d'honneur  de 
Léopold  I«»",  élu  en  1658. 

L'avers  représente  une  tête  laurée,  presque  imberbe  ;  les 
épaules  sont  drapées  dans  une  écharpe  voilant  à  demi  une 
cuirasse,  le  relief  est  faible,  l'exécution  un  peu  molle,  la  lé- 
gende médiocrement  équilibrée.  Quant  au  revers,  c'est  le 
produit  du  dernier  coin  ciselé  par  Claude  Poux. 

En  1664-1665,  Pierre  de  Loisy  grave  les  pièces  de  circons- 
tance créées  pour  célébrer  la  réunion  de  Besançon  à  la 


(1)  Délibérations  municipales  de  Be!iançon,  BB,  76. 


—  465  — 

Franche  Comté,  c'est-à-dire  au  royaume  d'Espagne,  par 
échange  avec  Frankenthal.  La  pièce  principale  est  une  effigie 
de  Philippe  I«',  plus  vigoureuse  et  plus  colorée  que  la  plate 
médaille  de  l'empereur  Léopold  Son  revers,  représentant 
une  vue  cavalière  de  Besançon,  avec  la  boucle  du  Doubs 
et  la  montagne  de  Saint-Etienne,  est  une  heureuse  création. 
En  16H8,  Charles  Labet  fait  Teffigie  du  roi  et  les  pièces  de 
la  Saint-Joan(l).  11  avait  succédé  dès  1667  au  graveur  Pierre 
de  Loisy. 

En  1671,  ce  fut  Labet  qui  burina  une  dernière  figure,  celle 
de  Charles  II,  ce  petit  roi  d'Espagne  aux  longs  cheveux, 
aux  yeux  ronds  et  perçants,  comme  tous  les  infants  que 
peignit  Velasquez  ;  la  figure  n'est  point  mauvaise,  malgré 
sa  petite  dimension  (2). 

Ce  fut,  sous  le  régime  de  l'autonomie  franc-comtoise,  la 
dernière  pièce  d'honneur  que  se  distribuèrent  les  co-gou- 
verneurs  de  Besançon.  En  1674,  le  monnayage  municipal 
disparaissait  avec  la  plupart  des  franchises  et  privilèges, 
dont  le  cours  des  âges  avait  rendu  les  Bisontins  si  fiers. 
Une  Monnaie  royale  reprit  dès  1679  la  suite  de  la  fabrication 
de  l'Hôtel  des  Monnaies  de  la  cité  et  se  prolongea  à  l'Hôtel 
de  Ville,  à  quelques  chômages  près,  jusqu'à  sa  suppression 
finale,  par  édit  du  31  mars  1772  (<i). 

Sous  le  régime  de  la  conquête  française,  les  cogouver- 
neurs  avaient  cessé  d'être  élus  et  étaient  remplacés  par 
une  municipalité  nommée  ;  il  n'était  plus  question  de 
pièces  d'honneur,  et  les  membres  de  la  municipalité  rece- 


(1)  On  doit  à  Charles  I^bet  une  gravure  représentant  An  loi  ne- Pierre  I*"" 
de  Grammont,  montrant  le  Saint  Suaire  (v.  nos  Notes  iconographiques 
su%*  le  Saint-Suaire  de  Besançon,  188?  Arch.  mun.  de  Besançon, 
laye'te  90). 

(2)  Jean  Laude,  taiUandier,  fait  deux  trousseaux  pour  les  pièces  d'hon- 
neur, a  2  francs  l'un  et  donne  quittance  le  14  juin  1071  (Arch.  munie. 
layette  90). 

(3)  Recueil  des  édits  de  Franche-Comté  y  publié  par  le  conseiller  Droz; 
Notes  sur  l'histoire  mtinicip.  de  Besançon^  par  feu  A.  Castan,  3H7. 


—  16b  — 

vaient  en  échange  une  gratification  annuelle  de  6  livres.  Le 
21  décembre  1738,  par  un  retour  à  Tancien  usage,  le  Corps 
de  ville  décida  que  chacun  de  ses  membres,  outre  le  secré- 
taire, recevrait  désormais,  le  i®'  janvier  de  chaque  année, 
une  médaille  d'argent  du  poids  de  quatre  onces,  portant 
d'un  côté  reffjgie  du  roi,  et  de  Tautre  les  armoiries  de  la 
cité  La  réalisation  de  cette  délibération  eut  lieu  dans  le 
cours  de  1739,  ce  fut  le  millésime  inscrit  sur  la  première 
émission  de  pièces  d'honneur  à  Teffigie  de  Louis  XV  :  un 
buste  assez  grossier,  exécuté  sans  doute  par  le  graveur  de 
la  Monnaie,  représentant  le  roi  avec  de  longs  cheveux  rat- 
tachés par  un  ruban,  le  visage  d'un  enfant,  un  habit  brodé 
et  le  grand  cordon  des  Ordres.  Au  revers,  un  cartouche 
rocaille,  renfermant  les  armes  de  la  cité  avec  la  légende  : 
VESONTio  civiTAS  REGiA  et  la  date.  Le  type  de  cette  pièce 
d'honneur  était  encore  en  usage  en  175i.  Il  ne  fut  plus  re- 
nouvelé, et  l'usage  de  semblables  distributions  était  complè- 
tement tombé  quand  survint  la  Révolution  française  (i}. 

Pour  faire  honneur  à  des  personnages  qualifiés  dont  la 
ville  avait  reçu  ou  espérait  quelques  services,  pour  distri- 
buer à  quelque  concitoyen  ou  à  quelque  société  locale,  une 
récompense  ou  des  prix,  Besançon  fit  confectionner  au 
xviii«  siècle  un  certain  nombre  de  jetons  ou  médailles  d'ar- 
gent ou  d'or  devenus  fort  rares,  et  dont  il  est  utile  de  faire 
mention.  Signalons  entre  autres  une  médaille  du  prix  des 
Arts,  en  or,  accordée  annuellement  à  l'Académie  de  Be- 
sançon, dès  1753  (2),  un  jeton  d'argent  frappé  pour  le  maré- 
chal, duc  de  Loiges,  et  sa  femme,  Elisabeth-Philippine  de 


(1)  £n  1772,  rifitendant  de  Franche-Comté  avait  supprimé  toutes  les 
allocations  que  s'attribuaient  les  membres  du  corps  municipal  de  Be- 
sançon (29  déctnibre,  Délibérât,  municip  ,  BB,  189).  Le  2  janvier  1750, 
2i  médailles  de  ^  onces  sont  distribuées,  6B,  172. 

(2)  Cette  médaille  dont  le  coin  est  conservé  à  la  Monnaie  de  Paris,  por- 
tail d'un  tôté  les  armes  de  la  ville,  de  l'autre  cette  légende:  premiym  au- 

TIVM  IN  ACADKMIA  VESONTINA. 


-  167  - 

Poitiers,  en  1768  (i),  une  médaille  d'argent  accordée  en  1789 
à  un  jeune  philanthrope  (2). 

Mais  une  série  qui  se  rattache  plus  directement  à  nos  pièces 
d'honneur  est  la  série  considérable  des  jetons  de  bannières 
et  de  jetons  de  cogouverneurs,  frappée  parallèlement  aux 
jetons  décompte  de  Besançon,  de  1623  à  1671.  Des  jetons 
de  compte,  en  cuivre  ou  laiton,  rarement  en  argent,  qui  fu- 
rent gravés  et  frappés  par  THôtel  de  Ville  de  Besançon,  de 
1541  à  1671,  nous  nous  bornerons  à  dire  que  dans  la  variété 
des  13  types  connus,  trois  souverains  sont  représentés  par 
leur  effigie,  leurs  armes,  leurs  titres  :  Charles-Quint  (1541- 
1592),  Ferdinand  II  (1626-1630)  et  Charles  II,  roi  d'Espagne 
(1671). 

Les  jetons  de  bannières  et  de  cogouverneurs,  tout  à  fait 
connexes  à  notre  série  de  pièces  d'honneur,  méritent  une 
plus  longue  mention.  Ils  furent  inaugurés  en  1623  et  incisés 
ou  gravés  de  1623  à  1648,  par  Claude  Poux,  l'artiste  émérite 
dont  nous  avons  plusieurs  fois  déjà  prononcé  le  nom  et  si- 
gnalé les  œuvres,  particulièrement  les  belles  pièces  d'honneur 
de  Ferdinand  II.  Après  avoir  groupé  les  sept  bannières  dans 
un  revers,  où  il  réunissait  comme  en  une  synthèse  les  sept 
quartiers  de  Besançon,  la  cité,  l'Empire,  caractérisée  par  une 
réunion  d'armoiries,  Claude  Poux  établit  une  série  de  jetons 
pour  chacune  des  sept  bannières  dont  la  réunion  formait 
la  cité.  Dans  une  couronne  d'olivier  ou  de  laurier,  il  plaça 
successivement  l'aigle  de  Saint- Quentin^  la  clé  de  Saint- 
Pierre,  le  griffon  ailé  du  Bourg,  la  clé  et  les  croissants  de 
Chamars,  le  coupé  de  Battant,  la  croix  fleurdelisée  de  Char- 
monty  le  lion  d'Arènes.  Comme  revers,  il  imagina  de  donner 


(1)  V.  la  description  de  ce  jeton  sous  le  n"16  de  V Annexe. 

(2)  Ce  jeune  homme  nommé  Marie-Simon  Dubet,  élève  de  quatrième, 
avait  offert  à  la  caisse  des  subsistances  locales,  en  178î>,  fiO  francs,  fruit  de 
ses  économies.  La  médaille  d'argent  qui  lui  fut  donnée  portait  d'un  côté 
les  armes  de  la  ville  :  vesontio  civitas  ;  au  revers  dans  une  couronne  de 
chêne:  prematvra:  virtvtis  civic^:  pra:.mivm. 


-  168  - 

à  ces  emblèmes,  en  4623  et  1625,  Jes  armoiries  de  la  ville  en- 
serrées dans  un  écu  découpé  à  Tallemande  ;  en  1624,  un  buste 
de  Charles- Quint.  La  légende  resta  constante:  getz  des 
COMPTES  POVR  BESANÇON.  Et  de  la  sorte,  chacun  des  sept 
quartiers  représentés  an  Conseil  par  quatre  notables,  dont 
deux  gouverneurs,  prit  une  personnalité,  grâce  à  ces  jetons, 
et  la  vanité  aidant,  les  cogouverneurs  eux-mêmes  voulurent 
en  faire  autant.  L'Hôtel  de  Ville  les  autorisa  à  en  faire  graver, 
à  leurs  frais,  bien  entendu,  en  inscrivant  d*un  côté  leurs  ar- 
moiries personnelles,  avec  des  devises  soit  traditionnelles, 
soit  composées  pour  la  circonstance,  en  donnant  comme  re- 
vers commun  à  ce  coin  des  gouverneurs  d'une  même  année 
les  armes  de  la  cité,  ou  quelquefois  ces  armes  mêmes  enri- 
chies en  cœur  des  armes  d'Autriche  ou  d'Espagne.  Et  de  la 
sorte  se  constitua  tout  un  ensemble  de  jetons  intéressant  57 
familles  patriciennes  de  Besançon,  dont  106 gravés  par  Claude 
Poux,  de  1623  à  1648,  90  gravés  par  Pierre  de  Loisy  et  Claude 
Labet,  de  1665  à  1671,  qui  forment,  par  leur  grande  rareté, 
un  trésor  fort  appréciable  pour  l'histoire  numismatique  de 
la  ville  impériale. 

En  1690,  Claude-Joseph  de  Loisy,  le  descendant  d'un  des 
graveurs  qui  avaient  multiplié  les  jetons  armoriés  des  gou- 
verneurs, imagina  pour  le  nouveau  Corps  municipal  nommé 
et  non  plus  élu  qui  se  composait  d'un  vicomte- maïeur,  de 
3  échevins,  16  conseillers  et  un  secrétaire,  une  grande  réno- 
vation des  jetons  annuels,  sous  la  forme  d'une  grande  gra- 
vure que  nous  décrirons  rapidement.  W 

Une  aigle  éployée  (Besançon)  portant  en  cœur  l  ecu  de 
de  F'rance,  avec  Ordres  et  couronne,  et  tenant  au  bec  une 
banderole  avec  le  mot  vtjnam  deux  fois  répété,  porte  dans 
ses  senes  deux  colonnes  transformées  en  pilastres,  pour  re- 


(1)  Cette  gravure  de  1G90  el  4pland)es  sur  cuivre  additioiinelle.s  bont 
conî-tivres  à  la  IJihIiolhéque  publique  de  Besançon.  —  Cf.  sur  les  Loisy. 
notre  élude  publiée  dans  le  Congrès  des  Beaux-Arts  de  4892. 


-  469  - 

cevoir  chacune  dix  armoiries.  Au  bas,  un  21*écu,  celui  du 
secrétaire,  à  droite,  à  gauche,  en  bas,  dans  des  ovales,  les 
écussons  des  sept  bannières.  Ajoutons  que  chaque  écu,  aussi 
bien  des  21  membres  du  magistrat  que  des  7  bannières,  est 
surmonté  d'une  banderole  avec  les  noms  des  uns  et  des  au- 
tres Par  le  nom  du  vicomte-ma'ieur,  M.  Philippe,  cette  gra- 
vure est  datée  de  1690.  Pour  les  années  suivantes,  afin  d'uti- 
liser la  gravure  de  1690  par  des  reports,  Claude-Joseph  de 
Loisy  avait  gravé  de  nouveaux  pilastres  portant  naturelle- 
ment les  noms  de  nouveaux  conseillers  de  ville  ;  l'usage  ne 
tint  pas. 

Nous  arrêterons  ici  cette  étude  sur  les  pièces  d'honneur  et 
jetons  des  cogouverneurs  de  Besançon,  en  exprimant  un  vœu 
que  l'avenir  réalisera  certainement,  sinon  pour  nous,  au 
moins  pour  d'autres  :  Sur  6.000  pièces  d'honneur  proprement 
dites,  et  plus  encore,  en  or  ou  en  argent,  qui  sont  sorties  de 
la  Monnaie  de  Besançon,  de  1547  à  1673,  et  de  1739  à  1772, 
nous  n'en  connaissons  guère  qu'une  vingtaine,  soit  en  tout 
12  types  différents.  En  tenant  compte  de  la  destruction  fatale 
de  l'immense  majorité  des  pièces  en  métal  précieux,  il  est 
certain  qu'en  mainte  collection  publique  ou  privée  de  France 
ou  d'Europe  ont  été  recueillies  un  certain  nombre  au  moins 
d'autres  épaves  similaires,  (l)  La  nomenclature  que  nous  joi- 
gnons à  cette  étude,  les  planches  et  reproductions  qui  l'ac- 
compagnent permettront  quelque  jour  de  repérer  et  derapa- 


(1)  Les  pièces  (Thonneur  frappées  à  Besançon  avaient  fait  école  ilans  la 
province  de  Franche-Comté  dés  le  xvi^  siècle.  A  Dole,  dès  1589,  on  conver- 
tit en  médaille  les  âges  du  magistrat  (Délib,  municip.  de  Dole  1589,  15 
janvier  et  11  juin  1591).  En  1622,  le  4  janvier  et  le  4  septembre,  sur  la  pro- 
position du  maïeur,  on  prend  la  délibération  suivante:  «Fut  résolu  que  se- 
ront faittes  des  médailles  d'argent  esquciles  sera  insculpée  l'effigie  du  roy 
noslre  souverain  d'un  côté  et  les  armts  de  la  ville  d'autre,  et  pour  ce  faire 
seront  employés  les  gages  de  deux  ans  »  (Délib.  municip.  de  Dole,  16.'2). 
\  Lons-le-Saunier,  en  1710.  des  médailles  d'honneur  sont  décernées  aux 
maires,  échevins  et  conseillers,  lorsqu'ils  quittent  leurs  fonctions  (Rousset, 
Dici.  du  Jura  III,  548).  A  Orgelet,  en  1713,  le  corps  de  ville  fait  frapper 
une  pièce  d'honneur  signalée  par  Chabouillet,  mais  que  nous  devons  dé- 


-  170  - 

trier  ensuite,  car  c'est  le  but  final  auquel  doivent  tendre  toutes 
nos  recherches,  ces  précieux  souvenirs  de  l'ancien  monnayage 
de  la  vieille  et  petite  République  de  Besançon. 


crire  :  Médaille  ronde,  de  56  ram  ,  bordée  de  filets.  Dr.  Buste  de  Louis  XVI. 
cuirassé  et  en  perruque,  tourné  à  droite:  lvdovicvs magnvs  fran  etkav 
REX  pp.  —  Rev.  Dans  un  cartouche  ovale  sommé  du  ne  couronne  com- 
tale  trois  épis  d'orge  (Orgelet.  :  orgelet  \lYè{Cabinet  des  médailUs.  B  N.« 
—  Nous  signalerons  encore  sans  les  faire  entrer  dans  la  même  catégorie, 
les  médailles  disttibuées  aux  pauvres  d'Arbois,  comme  autorisation  de  men- 
dier, en  1709  (elles  étaient  frappées  <iux  armes  de  la  ville).  [BoussoN  de 
Mairet,  Annales  d'ArboiSj  452.] 


-  171  — 

DESCRIPTION 
DES  PIÈCES  D'HONNEUR  ET  DES  JETONS 

AUX   ARMES   DES   BANNIÈRES 

ÉMIS   PAR    LA    CITÉ    DE   BESANÇON    DE    I547    A    I768 


Pièces  d^honnetir 

i,  —  1547.  Charles-Quint.  —  Méd.  argent,  ronde  de  47  mm., 
bordée  d'un  filet. 

Dr.  Buste  tourné  à  droite,  Tempereur,  couronne  en  tète,  re- 
vêtu d'une  cuirasse  à  Tantique.  carolvs  :  v  :  imperator. 

Rev.  Dans  un  écu  à  Tallemande,  une  aigle  éployée  tenant 
deux  colonnes  appuyées  sur  ses  serres  étendues  ;  sur  les  flancs 
une  data  :  15    47. 

♦  DEO  :   ET  :   CESARI  !   FIDELIS  !   PERPETVO  : 

(Cah.  des  médailles,  B.  N.,  publ.  par  Chabouillet  dans  le 
Trésor  de  numismatique  et  de  glyptique,  médailles  allemandes, 
pi.  XXI,  7  (texte  p.  39). 

2.  —  1564.  Ferdinand  I.  —  Méd.  argent,  ronde,  de  52  mm., 
bordée  d'un  grènetis. 

Dr.  Buste  cuirassé,  tourné  à  droite,  tête  coiffée  de  longs  che- 
veux, front  dégarni  et  ridé,  barbe  courte. 

•t    DEC  .  ET  .  CES  .  FIDEL  .  PERPET  .  1564 

Rev.  Au  centre,  dans  un  écu  sommé  de  la  couronne  impé- 
riale, Taigle  à  deux  têtes  portant  en  cœur  les  armes  de  Be- 
sançon. Au-dessus  :  veso  ntio.  Sur  une  banderole  presque 
circulaire  entourant  l'écu,  la  devise  :  plevt  :  a  :  diev.  Autour, 
les  pointes  des  écus  convergeant  vers  le  centre,  sept  écussons 


—  172  - 

armoriés  des  sept  quartiers  de  Besançon,  disposés  dans  Tordre 
suivant  :  Saint-Quentin,  Saint-Pierre,  Chamars,  le  Bourg,  Bat- 
tant, Charmont,  Arènes,  et  reliés  par  des  lacs  et  des  mufles 
de  lions. 

(Ca6.  des  médailles^  B.  N.  ;  publ.  par  Chabouillet  dans  le 
Trésor  de  numismatique  et  de  glyptique,  méd.  allem.,  pi.  XXI II, 
•12;  texte,  p.  43-44.) 

3.  —  1579,  Rodolphe  II.  —  Méd.  argent,  ronde,  de  52  mm., 
bordée  d'un  grènetis. 

Dr.  Buste  cuirassé,  tourné  à  droite,  tête  laurée,  barbe  courte 

»i<   RVDOLPHVS  .  II  .  D  .  G  .  BO  .  IMP  .  AV  .  GE  .  ET  .  BO  .  REX 

liev.  Même  que  le  précédent,  avec  adjonction  en  haut  de  la 
date  1579. 
(Cah.  des  mèdailleSy  B.  N.) 

4.  —  1586.  Rodolphe  H.  —  Méd.  argent,  ronde,  de  43  mm., 
bordée  d'un  filet. 

Dr.  Buste  cuirassé,  tête  laurée,  réduction  du  type  précédent. 

*h  RVDOLPHVS  :  II  :  D  :  G  :  BO  IMP  :  GE  :  ET  :  BO  :  REX 

(entre  2  filets) 

Rev.  Au  centre,  dans  un  écu  découpé  à  Fallemande,  les  armes 
de  Besançon,  au-dessus  la  couronne  impériale  surmontée  de  la 
devise  :  plevx  a  diev  ;  autour  les  sept  bannières  liées  par  des 
rubans  et  séparées  par  des  têtes  barbues  (Une  seule  modifica- 
tion est  la  suppression  dans  l'écu  de  la  bannière  d'Arènes  des 
deux  coquilles  mises  en  chef,  qui  rappelaient  la  chapelle  de 
Saint-Jacques  d'Arènes). 

{Cabinet  des  médailles,  B.  N.,  et  Bibl,  publ.  de  Besançon.} 

5.  —  1601.  Rodolphe  II.  —  Méd.  argent  doré,  ronde,  de 
50  mm.  (poids  55  gr.),  bordée  d'un  filet. 

Dr.  Buste  cuirassé  à  l'antique,  tourné  vers  la  droite,  sur  Fé- 
paiile  un  mnfle,  sur  la  poitrine  la  Toison  d'Or;  tête  chevelue  et 
l)arbue,  non  laurée. 


—  \13  — 

4*  RVDOLPHVS  .  II  .  D  .  G  .  RO  IMP  .  GE  .  ET  .  BO  .  REX 

(entre  2  filets). 

Re\>.  Dans  un  écu  découpé  à  rallemande,  les  armes  de  Be- 
sancon. 

♦  DEO  :  ET  :  CESAR!  :  FiDELis  :  PERPETVO  :  (entre  filets). 
(Musée  archéologique  de  Besançon.) 

G.  —  1619-1637,  Ferdinand  U.  —  Mëd.  argent,  ronde,  de 
52  mm.,  bordée  de  baguettes  perlées. 

Dr,  Buste  cuirassé,  avec  écharpe  et  Toison  d'Or,  tourné  ù 
droite  ;  tète  laurée,  moustache  royale,  ample  collerette  fraisée 

FERDINANOVS  :  Il  .  D  .  G  .  RO  .  IMP  .S.A.  GER  .  HVN  .  ET.  BOH  .  REX 

Rev.  Au  centre,  Taigle  à  deux  têtes,  chargée  en  cœur  de 
l'aigle  aux  deux  colonnes,  armoiries  de  Besançon.  Au-dessus, 
couronne  impériale  avec  ce  mot  :  vesontio.  Autour  :  entre 
deux  baguettes  perlées,  les  armoiries  des  sept  bannières  dis- 
posées comme  celle  des  n^^  2,  3  et  4,  mais  séparées  par  des 
fleurons  réunis  en  bouquets. 

{Cabinet  des  médailles,  B.  N.) 

7.  —  1619-1637.  —  Médaille  ronde  ou  jeton,  or  ou  cuivre 
rouge,  34  mm.,  réduction  de  la  précédente,  bordée  d'un  grè- 
netis. 

Dr.  Buste  cuirassé,  avec  collerette,  collier  de  la  Toison  d'Or 
et  écharpe,  tourné  à  droite  ;  tête  laurée  et  barbue. 

FERDINAND^  .  II .  D  .G.RO.IMP.S.  A  .  ETC.  SOUS  le  buSle  :  16..  G    P 

[Claude  Poux],  graveur. 

Rev.  Aigle  d'Empire,  portant  en  cœur  les  armes  de  Besançon, 
couronne  impériale  :  veso  ntio,  armes  des  sept  bannières, 
réduction  du  type  précédent. 

(ColL  particulière  de  J.  Gauthier.) 

8.  —  1637-1657.  —  Médaille  ronde  ou  jeton,  or  ou  cuivre 
rouge,  32  nmi.,  bordée  d'un  grènetis. 


—  ir4- 

I"  ir^:^*  ;-i_-fcè-f^,  kxe:  r  ■_L'r-'>r::e  ea  dentelle  rabattue,  col- 
-'t-  kft  .1  Z  :*^  •!  z  >  c^  raidrpe  tx:rné  à  droite  ;  tête  laurée. 

rî3J'i?K.%Ar*3  -  ni .  D  -  G .  HO .  do»,  s  .  a  .  et  ' 

CLk.-i-r  Fyn'^  grareur. 

5^  Z:^:-.:^*?  i:;  i-r«:>:i-rLt,  sàif  que  le  mot  veson  tio  est 
it  -^  s^r»  ^irr  rri  ^  :«r  .'r^zi  d^  la  b-inniêre  de  Battant  porte 
:  t  :.-  _t  :.'_"  -^  -rV-eir^  :r,  nno^aj.  p«3ur  dilTérencier  le  second 

•   —  î'ôv'T'.G  Laopold  L  —  M-î-iuilie  ronde  ou  jelon,  or  ou 


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r*-   r    -r     .  -^'-f-r  à   îa'^.:::j;e.  ave«?  éoharpe  ;  tète  à  longs 
T-   -  \.  .i  .r^^  e'  .rLi^rr-e-.  toimêe  à  droite. 

l^:?':li*-.  I    î>-  .3  .  iMP.  s  .  A.  ET  -entre  deux  grènetis). 
'Rrrrre  de  b3isy\  $rraveur. 

Fà-rr    M-^  :.e    i  .e  :e  pnr»j<r»it'nt. 
C.V*  ^jri.SAlière  de  J.  Gauthier.) 

!•-»   —  l'>.4-  Philippe  IV.  —  Jeton  d'argent,  28  mm.,  bordé 

Dr.  B  ;>:e  c-i.ni<>ê  à  Tantique.  avec  éoharpe  et  Toison  d'Or, 
lyir..'^  à  ^;i  ione,  oiieveux  longs,  moustache  et  royale. 

PHILÏPPVS   IV.BEX   HISPANIARVM 

Rec.  Vue  cavaiière  de  Besançon,  avec  la  boucle  du  Doubs  et 

la  monta jne  ïfaint-Étienne. 

•î»  M,\GXO  .  SVB  .  REGE  .  LIBERA  .  VESONTIO 

[Pierre  de  Loisy],  graveur. 
{Coll.  particulière  de  J.  Gauthier.) 

il.—  ItiGi.  Médaille  rondeou  jeton  d'or,  d'argent  et  de  bronze, 
28  mm.,  bordée  d'un  grènetis. 


-  475- 

Dr.  Tôle  de  Philippe  IV  avec  légende  (même  que  le  numéro 
précédent). 

Rev.  Ghronographe  inscrit  sur  trois  lignes,  entre  deux  groupes 
de  rinceaux. 

bIsVn-tInorVM  DeLICI.b  [mdclxiii] 

{BibL  publique  de  Besançon.) 

i2.  —  1665.  Jeton  d*or,  d'argent,  de  cuivre,  28  mm  ,  bordé 
d*un  grènetis. 

Dr.  Un  lion  debout  (l'Espagne)  tient  un  écu  :  armoiries  de 
Besancon,  qu'un  aigle  planant  (l'Empire)  laisse  tomber,  dans 
ses  griffes, allusion  à  l'échange  de  Besançon  contre  Frankenthal. 

•   LIBERA  VTRIMQVE 

Rev.  Sur  une  borne,  trois  têtes  adossées  (allusion  aux  trois 
Corps  municipaux),  1665. 

•    CONSVLTORVM    •    SOLIDITAS 

(ColL  du  comte  Mareschal  de  Vezet,  Bibl.  et  Musée  de  Be- 
sançon.) 

13.  —  1665.  Jeton  de  cuivre  ou  laiton,  28  mm.,  bordé  d'un 
grènetis. 

Dr.  Deux  tours  (à  gauche  celle  de  Castille,  à  droite  celle  des 
armoiries  de  M.  de  Gastel-Rodrigo,  négociateur  de  la  réunion 
de  Besançon  à  l'Espagne),  au-dessus  les  armoiries  de  Besançon. 

^  SECVRITAS  .  CIVITATIS 

Rev.  Armoiries  diverses  des  co-gouverneurs  bisontins  pour 
l'année  1665. 
(Coll.  particulière  de  J .  Gauthier.) 

14.  —  1671 .  Ghaples  II.  —  Jeton  d'argent  ou  de  cuivre  rouge, 
28  mm.,  bordé  de  grènetis. 

Dr.  Buste  drapé,  avec  la  Toison  d'Or,  figure  d'enfant  avec 
très  longs  cheveux,  tourné  vers  la  droite. 


J-—     ^^-t  -'.'    ' -^  >i  •t-^i-L»  '  r.  "r-iÂit  iir.>  >e>  serres  It*s 

T     —  i~T»     L«i(X3s  XV.  —  X-ii-^-e   -i  ariZt-nt  ou  cuivre  ar- 

I^  r-^T-.:^.  1^^  :  :  -  Or,  ^ji>Ȕ  et  ^raud  cordon  des 
,.-i-r-   -'-  r  .*  •  --"-  î  .--r  .-"j-^rl  .:*-  L-.'iclêe,  rattachée  sur  le 

L  .  ^  .  \^  .  F     LT  -  XA  -  REX 

Fm^ ' .  l      -  .-  :o.**    .,:.«r  r.-.M^le,  itrs  armes  de  Besançon. 

•  •>.-  vt:  -•  -  c:\  :tas  .  régi  a  .175! 

Ci*r  »^c  î-*^  «»*^-:îi  :^.  B.  N-  :  E.hl.  et  Musée  de  Besançon; 
Cé'é^^  rorr  :«..   t«  If.  fi-v-fr  ti£Y-<^OMx,  à  Besancon.) 

1^.  _  î7.,>.  :^'   r.  i  trreiiî  oîTert  par  la  cité  au  maréchal  de 
Uosi  r.  e:  a  s^  rV-n^e.  L.se-Pri.iippine  de  Poitiers,  rond, 29  mm. 
I^ori-f  iv  i:>  ::e:.-- 
ffr.  S  ;r  u:.  !i;.i'.:ea  i   dao.d.  avec  deux  bâtons  de   maréchal 
ea  5^  i*-:r  .Jt  j\  é-.^as     l»'jrfort  de  Lorges  et  Poitiers  ;  tutatl'R 

ET  ORNAT. 

flf»-.  <  if  J!i  can.'iioiie  de  stylo  Louis  XV,  dans  un  ovale,  les 
Kfm*'>  de  B^rsan«:'jii.  Au-dessus,  vtinam  ;  sur  une  bandemle, 
à  i  ♦  xergje  :  civitas  ylsontixa  17G8. 

'Musée  et  Btbl.  de  Besançon;  ce  dernier  établissement  con- 
sente en  outre  le  coin  du  revers,  en  acier.) 


t 


A 


LA 


PHOTOGRAPHIE  DES  COULEURS 


État  présent  de  la  Question 
Par  M.  MALDINEY 

PROFESSEUR  DE  PHYSIQUE  A  L'ÉCOLE  DE  MéOECINE  ET  DE  PHARMACIE 
DE   BESANCON 


Séance  du  i6  décembre  1904. 


MESDAMKSy  Messieurs, 

C'est  un  précepte  banal  de  la  sagesse  des  nations  que  «  des 
goûts  et  des  couleurs,  point  ne  faut  disputer  »,  ce  qui  si- 
gnifie que  la  couleur  est  un  de  ces  nombreux  sujets  sur  les- 
quels les  hommes  ne  s'entendent  pas.  La  couleur  est-elle 
donc  chose  si  rare  qu'on  n'en  puisse  rien  dire  de  précis  ?  Il 
faudrait  n'avoir  jamais  vu  lever  l'aurore  pour  ignorer  de 
quelles  nuances  charmantes  elle  teint  ses  voiles.  Tous,  du 
moins,  nous  savons  dans  quelles  pourpres  éclatantes  se 
couche  le  soleil.  On  peut  dire  de  ces  visions  sans  formes 
arrêtées,  comme  le  ciel  ou  les  nuages,  que  la  couleur  est 
leur  seule  beauté.  Sans  la  couleur,  les  pierres  précieuses 
qui  brillent  des  couleurs  du  saphir,  de  la  lopaze  et  de  Téme- 
raude,  ne  sont  plus  que  des  cailloux  vulgaires.  Les  eaux  de 
la  mer,  des  fleuves  et  des  rivières,  roulent  un  azur  dont  nos 
yeux  ne  se  déshabituent  jamais  ;  dans  nos  verres,  nos  bons 
vms  du  pays  font  étinceler  les  rubis  et  les  grenats.  Les  fleurs 
égayent  nos  regards  de  leurs  nuances  infinies  ;  la  cuirasse, 

12 


_J 


-  178  - 

les  ailes  des  insectes,  l'armure  des  poissons,  le  plumage  des 
oiseaux  éclatent  de  njllle  feux  qui  passent  du  violet  au 
pourpre,  du  rouge  au  bleuâtre,  du  bleuâtre  à  tous  les  tons 
du  vert. 

Je  ne  sais  si  Pascal  a  raison,  ni  s'il  est  vrai  que  «  le  nez  de 
Cléopâtre  •>  a  changé  la  face  du  monde  ;  mais  nous  savons 
tous,  et  vous  n'ignorez  pas,  mesdames,  que  ce  sont  les  roses 
de  votre  teint,  le  jais  ou  le  bleu  de  vos  yeux  qui,  le  plus 
souvent  fixent  nos  destinées,  à  nous  trop  heureux  hommes  1 
C'est  aussi  par  la  couleur  que  vous  ajoutez  à  votre  beauté  : 
par  les  soies  chatoyantes  où  vous  taillez  vos  vêtements,  par 
vos  bijoux,  etc.  Et,  l'oserai-je  dire  ?  c'est  encore  à  la  couleur 
que  vous  avez  recours  pour  réparer  des  ans  Virréparahle 
outrage  ! 

Toutes  les  passions,  tous  les  états  de  notre  âme,  tous  les 
accidents  de  notre  vie  intérieure  et  sentimentale,  la  couleur 
les  exprime  :  la  peur  pâlit  notre  face,  la  pudeur  rougit  le 
front  des  jeunes  filles,  la  colère  et  la  rage  empourprent  les 
joues  des  hommes.  La  couleur  enveloppe  toutes  choses  : 
c'est  elle  qui  fait  le  plaisir  des  yeux,  et  pour  tout  le  monde, 
l'aveugle  qui  ne  voit  plus  les  couleurs  ou  la  sublime  lu- 
mière est,  de  tous  les  hommes,  le  plus  malheureux.  Vous 
voyez  quelle  place  la  couleur  tient  dans  l'univers,  et  quel 
rôle  elle  joue  dans  la  vie  des  mortels  ! 

Aussi  la  foule  de  ceux  qui  se  sont  intéressés  à  cette  chose 
légère  et  charmante  est-elle  innombrable.  Le  psychologue, 
le  physiologiste,  le  physicien,  le  chimiste,  le  peintre,  Thomme 
et  surtout  la  femme  du  monde,  et  jusqu'au  photographe 
s'en  sont  occupés.  Tous  en  disent  des  merveilles  depuis  des 
siècles,  mais  ce  n'est  guère  que  de  nos  jours  qu'on  s'est 
attaché  à  donner  une  théorie  scientifique  et  complète  des 
couleurs.  Et,  malgré  des  expériences  très  ingénieuses, 
malgré  d'admirables  découvertes,  le  dernier  mot  n'est  pas 
encore  dit. 

En  vous  parlant  de  la  couleur  ou  des  couleurs  au  point  de 


vue  du  physicien  et  du  chimiste,  je  serais  entrauié  trop  loin 
et  je  sortirais  peut-être  de  la  question  que  la  Société  d'Emu- 
lation du  Doubs  a  bien  voulu  me  faire  Thonneur  de  vous 
exposer  dans  cette  courte  séance  : 

LA  REPRODUCTION  PHOTOGRAPHIQUE  DES  COULEURS 
OU  PHOTOCHROMIE. 

Le  problème  de  la  photographie  des  couleurs  est  un  de 
ceux  qui,  depuis  l'origine  de  la  photographie  ont  le  plus  cap- 
tivé Tattention  des  savants  et  des  chercheurs.  Il  n'est  pas 
un  photographe  qui,  en  voyant  Timage  produite  sur  la  glace 
dépolie  d'une  chambre  noire,  n'ait  regretté  de  ne  pouvoir  la 
fixer  ainsi  avec  ses  couleurs  réelles,  avec  sa  variété  de  tons 
et  sa  richesse  des  nuances,  que  nul  pinceau  n'a  jamais 
égalées. 

Le  problème  présente  d'autant  plus  d'intérêt  que  la  pho- 
tographie ordinaire,  non  seulement  ne  rend  pas  les  couleurs 
elles-mêmes,  mais  encore  ne  donne  pas  des  tons  noirs  dont 
l'intensité  soit  en  proportion  avec  l'action  des  diverses  cou- 
leurs sur  l'œil.  Ainsi,  le  bleu,  qui  est  une  couleur  foncée 
pour  l'œil,  est  une  couleur  claire  sur  l'épreuve  photogra- 
phique ;  le  rouge,  qui  est,  au  contraire  une  couleur  claire 
pour  l'œil,  vient  presque  noir  dans  la  photographie  ordi- 
naire. 

L'addition  de  certaines  substances  colorantes  aux  émul- 
sions  sensibles,  a  permis  d'atténuer  ce  défaut  dans  une  cer- 
taine mesure,  d'orthochromatiser  les  plaques  ;  mais  malgré 
tout,  on  n'est  pas  encore  parvenu  à  préparer  des  plaques 
présentant  pour  les  diverses  couleurs  une  sensibilité  qui 
soit  exactement  du  môme  ordre  que  celle  de  l'œil. 

A  défaut  d'un  procédé  purement  photographique  pour 
obtenir  l'image  colorée,  on  a  essayé  d'obtenir  des  épreuves 
en  couleurs,  par  l'application  à  la  main,  de  couleurs  ordi- 


—  180  — 

naires  sur  Tépreuve  noire,  cette  dernière  étant  simplement 
destinée  à  indi  jut-r  les  contours  ou  à  fournir  les  demi-teintes. 
Ces  divers  procédés  (photominiature,  photopeinture,  photo- 
aquarelle, etc.),  ont  tous  Tinconvénient  de  mettre  la  colora- 
tion de  répreuve  à  la  merci  du  sentiment  personnel  de 
l'artiste  ;  l'image  ainsi  traitée  n*a  plus  le  cachet  de  rigou- 
reuse exactitude  qui  caractérise  une  œuvre  photographique  : 
c'est  un  tableau  où  les  teintes  sont  plus  ou  moins  inexactes, 
et  où  les  contours  eux-mêmes  sont  le  plus  souvent  faussés. 

(]es  procédés  imparfaits  n'entrant  pas  dans  notre  exposé, 
nous  les  laisserons  donc  de  côté. 

Notre  intention  n'est  pas  ici  de  rappeler  en  détail  toutes 
les  tentiitives  faites  en  vue  de  fixer  photographiquement  les 
couleurs  des  objets  sur  des  couches  sensibles.  Il  y  aurait 
un  long  et  intéressant  ouvrage  tout  entier  à  écrire  sur  ce 
sujet.  Il  est  néanmoins  impossible  de  passer  sous  silence 
quelques  noms  illustres  qui  marquent  les  étapes  de  cette 
difiicile  carrière. 

Disons  d'abord  qu'il  y  a  deux  méthodes  propres  à  la  re- 
production des  couleurs  avec  le  concours  de  la  photogra- 
phie :  la  méthode  de  photographie  directe^  par  voie  chi- 
mique ou  par  voie  physique,  et  la  méthode  de  photographie 
indirecte  ou  procédé  trichrômCy  photographie  à  l'aide  de 
trois  couleurs. 

PROCÉDÉ  DIRBCT  DE  PHOTOCHROMIB 

Voie  claiinique 

Déjà,  en  1810,  Seebeck,  professeur  à  léna,  avait  abordé 
la  question  et  essayé  d'impressionner,  à  l'aide  d'un  spectre 
solaire,  un  papier  recouvert  d'une  couche  de  chlorure  d'ar- 
gent. Ses  expériences  eurent  peu  de  retentissement,  et  il 
faut  arriver  jusqu'en  1839  pour  les  voir  reprises  sérieuse- 
ment par  John  Herschel  et  par  Edmond  Becquerel. 

Herschel  mit  en  œuvre  non  seulement  le  chlorure  d'ar- 


-  481  — 

gent,  mais  encore  l'iodure  et  le  bromure  du  même  métal, 
ainsi  que  des  produits  naturels  tels  que  la  racine  de  gaïac. 
Certaines  couleurs  semblèrent,  bien  que  passagèrement,  se 
dessiner  sur  ces  papiers  sensibles.  C'étaient  déjà  des  résul- 
tats de  nature  à  encourager  les  chercheurs,  étant  donné  que 
Ton  était  alors  au  début  de  la  Photographie  ;  mais  ces  résul- 
tats furent  bien  dépassés  par  ceux  d'Edmond  Becquerel. 

En  1848,  cet  illustre  savant  (physicien  français)  réussit, 
en  employant  une  lame  de  plaqué  d'argent  recouverte  d'une 
couche  de  sous  chlorure  d'argent  violet,  à  obtenir  sur  cette 
couche,  l'impression  de  toutes  les  couleurs  du  spectre  solaire. 

Malheureusement  les  couleurs  ainsi  réalisées  s'effaçaient 
si  l'on  exposait  l'épreuve  à  la  lumière.  Essayait  on  de  fixer 
dans  un  bain  fixateur  quelconque  ?  toute  coloration  dispa- 
raissait. L'impression  de  toutes  les  couleurs  spectrales  était 
un  grand  pas  fait  en  avant  et  qui  suffit  à  placer  le  nom  de 
Becquerel  en  tête  de  toute  histoire  de  la  photographie  des 
couleurs.  Mais  les  insuccès  au  point  de  vue  du  fixage,  in- 
succès que  n'avaient  pu  surmonter  la  science  et  l'habileté 
expérimentale  de  ce  grand  physicien,  étaient  l'obstacle  aux- 
quels devaient  désormais  se  heurter  tous  ceux  qui  abor- 
dèrent la  photochromie  par  la  voie  chimique  de  la  méthode 
directe. 

Les  essais  nombreux  de  Niepce-Saint- Victor,  de  Poitevin, 
etc.,  n'ont  pu  arriver  à  obtenir  la  fixation  des  couleurs. 
Dans  toutes  ces  expériences  faites  par  voie  chimique,  on 
cherchait  des  substances  susceptibles  de  s'impressionner 
chromatiquement  sous  l'influence  directe  des  couleurs  cor- 
respondantes :  dans  l'état  actuel  de  la  science  ce  problème 
n'est  pas  encore  résolu. 

Procédé  physique,  —  Métliode  Lippxnann 

Le  2  février  1891,  M.  Gabriel  Lippmann,  profesï-'eur  de 
physique  à  la  Sorbonne,  piêsentait  à  ses  collègues  de  l'Aca- 
démie des  sciences,   la  première  photographie   directe  du 


—  182  — 

spectre  solaire  avec  toutes  ses  couleurs  reproduites  et 
fixées  dune  façon  inaltérable.  C'était  un  simple  morceau  de 
verre  sur  lequel  était  venue  se  peindre  la  radieuse  lumière, 
la  multiple  couleur  désormais  conquise.  Et  c'est  ainsi  que 
comme  en  un  conte  de  fées,  conte  dont  la  fée  est  la  science 
féconde  et  bienfaisante,  un  homme  a  créé  d'une  pièce  une 
j-cience  nouvelle,  tout  simplement  parce  qu'il  a  su  dire  : 
ceci  sera,  puisque  cela  doit  être  ;  que  la  couleur  ^^oit  et  la 
couleur  fut.  Disciple  de  la  méthode  philosophique,  de  celte 
méthode  grîlee  à  laquelle  Pascal  redécouvrit  la  géométrie, 
Le  verrier  révéla  sa  planète,  Lippmann  par  un  simple  rai- 
sonnement que  Texpérience  vint  confirmer,  découvrit  la 
méthode  physique  permettant  de  reproduire  et  de  fixer  les 
couleurs. 

La  science  photographique  fut  ainsi  amenée  par  celte  dé- 
couverte à  ajouter  une  nouvelle  gloire  à  notre  domaine  in- 
tellectuel, sans  qu'aucune  autre  nation  puisse  venir  nous 
objecter  un  autre  inventeur.  C'est  de  plus  un  triomphe 
pour  la  science  française,  car  ce  mode  de  reproduction  des 
couleurs  du  spectre  à  l'aide  de  lames  minces  formées  par 
des  plaîJs  d'argent,  constitue  une  matérialisation  réalisée 
par  un  savant  français,  de  ces  ondes  lumineuses  conçues 
pour  la  première  fois  par  le  puissant  génie  d'un  autre  phy- 
sicien français  des  plus  illustres,  Augustin  Fresnel. 

Donnant  un  nouvel  exemple  de  ce  beau  désintéressement 
scientifique  dont  nos  savants  français  semblent  avoir  le 
noble  i)rivilège,  M.  Lippmann  a  voulu  que  tout  le  monde 
pût  s'engager  librement  et  sans  contrainte  dans  la  voie  qu'il 
avait  ouverte,  et,  lelusanl  de  couvrir  par  des  brevets  sa 
découverte  [)our(ant  bien  personnelle,  il  a  mis  sa  méthode 
de  photographie  des  couleurs  dans  le  domaine  public.  Aussi, 
de  nombreux  travailleurs  se  sont-ils  acharnés  à  perfec- 
tionner la  méthode  interférentielle  ou  lippmannienne,  ap- 
portant chacun  leur  pierre  à  l'édifice  dont  le  savant  profes- 
seur de  la  Sorbonne  avait  jeté  les  invariables  fondations. 


-     183     - 

La  méthode  employée  par  M.  Lippmann  ne  diffère  de  la 
méthode  de  photographie  ordinaire  qu'en  ce  que  le  châssis 
négatif  de  Tappareil  photographique  renferme  du  mercure 
contre  lequel  s'appuie  en  contact  intime,  la  face  albuminée 
ou  gélatinobromurée  de  la  plaque  sensible.  Les  rayons  lumi- 
neux, après  leur  passage  dans  Tobjectif,  traversent  le  verre 
de  la  plaque,  puis  la  substance  sensible,  et,  frappant  le  mer- 
cure qui  est  en  contact  parfait  avec  elle,  se  réfléchissent  et 
déterminent  dans  la  couche  sensible,  d'après  le  phénomène 
d'optique  physique  des  interférences,  une  série  de  plans  al- 
ternativement lumineux  et  obscurs.  Ces  plans,  également 
espacés  les  uns  des  autres  pour  une  même  couleur  simple, 
sont  en  plus  grand  nombre  dans  le  violet  que  dans  le  bleu,  et 
diminuent  jusqu'au  rouge,  car  le  nombre  des  vibrations  lu- 
mineuses qui  produisent  la  couleur  violette  est  plus  grand 
que  pour  le  bleu,  et  ainsi  de  suite  jusqu'au  rouge.  Après 
développement  de  la  plaque,  dans  tous  les  plans  lumineux 
formés  ainsi  à  l'intérieur  de  la  couche  sensible,  nous  aurons 
un  plan  métallique  formé  par  l'argent  réduit,  tandis  que  dans 
les  plans  obscurs,  le  sel  sensible  non  réduit,  étant  enlevé 
au  fixage  par  l'hyposulfite,  nous  aurons  des  plans  transpa- 
rents d'albumine  ou  de  gélatine  qui  sépareront  entre  eux  les 
plans  métalliques  obtenus.  La  lumière  se  réfléchissant  sur 
cette  série  de  lames  minces  métalliques  nous  donnera  une 
couleur  déterminée  par  le  nombre  qu'il  se  sera  formé  de 
cps  lames  dans  la  couche  sensible.  C'est  exactement  ce  qui 
se  passe  pour  la  nacre  par  exemple,  qui  est  formée  d'une 
série  de  plans  ou  lames  calcaires  séparées  par  de  l'eau  ou 
de  l'air.  MM.  Lumière,  de  Lyon  ont  obtenu  à  l'aide  de  ce 
procédé  de  magnifiques  résultats,  et  nous  avons  pu  admirer, 
dans  une  séance  analogue  à  celle  d'aujourd'hui,  il  y  a  dix 
ans  déjà,  les  beaux  spécimens  (paysages,  portraits,  fleurs, 
etc.),  qu'ils  avaient  bien  voulu  mettre  gracieusement  à  notre 
disposition  pour  être  projetés  (Séance  publique  du  IS  dé- 
cembre 1894). 


—  184- 

En  suivant  exactement  les  formules  et  les  manipulations 
indiquées  par  MM.  Lippmann  et  Lumière,  Tamateur  photo- 
graphe arrivera  certainement  à  des  résultats  encourageants, 
et  il  sera  tellement  émerveillé  de  voir  les  nuances  et  les 
couleurs  se  mettre  à  leur  place  sur  son  cliché,  qu'il  recom- 
mencera sans  se  lasser. 

On  peut  objecter  à  cette  méthode  qu'il  est  regrettable  de 
faire  une  épreuve  seulement  chaque  fois.  Nous  répondrons  : 
patience,  il  y  a  60  ans,  on  se  contentait  d'une  épreuve  da- 
guerrienne;  aujourd'hui,  contentons-nous  d'une  épreuve 
lippmannienne. 

Ce  procédé,  par  ses  délicatesses  de  manipulations  ne  sau- 
rait encore  être  classé  parmi  les  méthodes  industrielles  de 
copie  photographique.  Toutefois,  il  ne  faut  pas  désespérer 
de  l'avenir  de  la  science  et  de  la  patience  des  expérimenta- 
teurs; il  se  peut  qu'un  simple  tour  de  main  suffise  pour 
rendre  pratiquement  utilisable  industriellement  dans  quel- 
que temps,  cette  méthode  qui  constitue  une  découverte  de 
physique  des  plus  remarquables  de  notre  époque. 

Ainsi  donc,  en  résumé,  il  n'y  a  pas  encore  lieu  de  classer 
les  reproductions  directes  des  couleurs  actuellement  connues, 
parmi  les  procédés  courants  de  photographie  industrielle 

PROOâDÉ  INDIRBCT 
Procédé  aux  trois  couleurs  ou  procédé  triclirozne 

C'est  à  deux  franc/ais,  Charles  Gros  et  Louis  Ducos  du 
Hauron,  que  revient  l'honneur  de  la  découverte  de  ce  pro- 
cédé indirect  de  reproduction  photographique  des  couleurs. 
Sans  se  connaître  et  sans  avoir  eu  la  moindre  relation,  ils 
eurent  presque  en  même  temps  la  même  idée,  et,  pour  sur- 
croît de  curieuses  coïncidences,  ils  présentèrent  chacun  à 
une  même  séance  de  la  Société  française  de  photographie 
(7  mai  1869),  l'exposé  de  leurs  deux  méthodes,  sœurs  ju- 
melles. Des  documents  qui  furent  depuis  produits  dans  le 


-  185  - 

débat,  il  résulte  que  la  priorité  de&  recherches  et  de  la  dé- 
couverte revient  à  Ducos  du  Hauron.  C'est  lui  surtout  qui  a 
poursuivi  le  développement  de  la  méthode  indirecte  de  pho- 
tographie des  couleurs,  et  qui  a  montré  quelle  pouvait  être 
la  fécondité  de  ses  applications  à  l'industrie. 

Quels  sont  les  principes  qui  ont  guidé  et  dicté  le  choix 
de  trois  couleurs  dans  cette  méthode?  Permettez  moi  de 
vous  les  résumer  rapidement. 

On  montre,  en  physique,  que  la  lumière  blanche  n'est  pas 
sin^ple,  mais  qu'elle  est  composée  d'une  multitude  de  cou- 
leurs, de  nuances,  ou  comme  l'on  dit,  de  radiations  simples. 
L'expérience  se  faitt  de  la  façon  suivante:  par  un  trou  rond 
percé  dans  le  volet  d'une  chambre  obscure,  laissons  péné- 
trer un  rayon  de  lumière  blanche  ;  en  recevant  ce  rayon  sur 
une  feuille  de  papier  blanc,  nous  y  verrons  une  tache  ronde, 
blanche.  Si  maintenant  nous  plaçons  sur  le  trajet  du  rayon 
lumineux,  un  prisme  de  verre  triangulaire,  la  tache  blanche, 
ronde,  produite  auparavant  sur  l'écran  par  le  rayon  de  lu- 
mière blanche,  se  trouve  remplacée  par  une  bande  allongée 
présentant  en  une  suite  de  couleurs  vives,  toutes  les  nuances 
de  l'arc  en  ciel  ;  c'est  ce  que  l'on  nomme  le  spectre  solaire 
et  nous  avons,  dans  cette  expérience,  fait  l'analyse  de  la 
lumière  blanche. 

Parmi  ces  couleurs  présentées  par  le  spectre  solaire,  on 
en  distingue  sept  principales,  qui  sont,  en  commençant  par 
celle  qui  est  la  plus  déviée,  le  violet,  puis  l'indigo,  le  bleu, 
le  vert,  le  jaune,  l'orangé  et  le  rouge.  Ces  couleurs  super- 
posées l'une  à  l'autre  reproduisent  la  lumière  blanche.  On 
peut  même,  ramener  ces  sept  couleurs  principales,  à  trois 
seulement  :  l'orangé,  le  vert  et  le  violet  Combinées  deux  à 
deux,  ces  trois  radiations  ou  couleurs,  permettent  de  repro- 
duire toutes  les  autres:  par  exemple,  l'orangé  et  le  verl, 
par  leur  addition,  reproduisent  le  jaune  L'addition  des  trois 
radiations,  orangé,  vert  et  violet,  reproduit  le  blanc. 

Ces  trois  radiations  :  orangé,  vert,  violet,  sont  appelées 


—  186  — 

par  les  physiciens,  des  radiations  primaires^  parce  qu'elles 
peuvent,  en  les  additionnant  entre  elles,  reproduire  toutes 
les  autres. 

Les  chimistes  sont  des  gens  plus  matériels  que  les  physi- 
ciens ;  les  radiations  impondérables,  impalpables'  ne  sont 
pas  leur  fait.  Le  physicien  s'occupe  de  radiations  colorées^ 
le  chimiste  étudie  des  couleurs  matérielles  solides  ou  liqui- 
des, des  substances  colorantes  naturelles  ou  artificielles,  et 
qu'il  appelle  des  pigments. 

Quand  la  lumière  blanche  tombe  sur  ces  pigments,  une 
partie  de  la  lumière  est  réfléchie,  tandis  qu'une  autre  est 
absorbée  par  le  pigment.  Ce  papier  est  blanc  parce  qu'il 
envoie  toutes  les  radiations  colorées.  Un  tableau  noir  vous 
parait  noir  parce  qu'il  les  absorbe  toutes.  Un  pigment  opaque 
est  jaune  parce  qu'il  réfléchit  certaines  radiations  colorées, 
Vorangé  et  le  vert  dont  les  impressions  s'additionnant  sur 
la  rétine  de  l'œil,  donnent  la  sensation  du  jaune  ;  le  violet 
est  absorbé.  Si  le  pigment  est  transparent,  un  verre  jaune 
par  exemple,  nous  dirons  qu'il  tamise  les  radiations oran^ew 
et  vertes  (ce  qui  donne,  par  addition,  du  jaune)  et  qu'il  «6- 
sorbe  ou  soustrait  les  radiations  violettes. 

Un  verre  rouge  nous  apparaît  rouge  parce  qu'il  laisse 
passer  les  radiations  orangées  et  violettes  (ce  qui  donne  du 
rouge  par  addition)  et  absoibe  les  radiations  vertes.  Un  piy- 
ynent  rouge  opaque  réfléchit  les  radiations  orangées  et  vio- 
lettes (ce  qui  donne,  par  addition,  du  rouge)  et  absorbe  le 
vert.  Le  pigment  bleu  réfléchit  les  radiations  vertes  et  violet- 
tes et  absorbe  Vorangé. 

Ceci  nous  explique  pourquoi  il  semble  y  avoir  désaccord 
entre  le  physicien  et  le  chimiste.  Si  on  additionne  des  pig- 
ments vert  et  orangé  qui  sont  des  radiations  primaires  pour 
le  physicien,  on  n'obtiendra  pas  du  jaune  comme  il  l'obtient 
en  uddilionnnnt  ses  radiations  vertes  et  orangées.  On  n'a 
qu'une  teinte  assombrie,  parce  qu'une  partie  des  radiations 


—  187  — 

orangées  d'une  part  et  vertes  de  l'autre  sont  absorbées  par 
chacun  des  deux  pigments  superposés. 

Pour  le  chimiste,  il  existe  trois  pigments  primaires  qui 
par  leur  mélange  deux  à  deux,  permettent  de  reconstituer 
toutes  les  autres  couleurs.  Ces  trois  pigments  sont  le  rouge, 
le  jaune  et  le  bleu.  Par  une  rencontre  curieuse,  il  se  trouve 
que  ce  sont  précisément  ces  trois  couleurs  que  l'on  obtient 
par  addition  deux  à  deux  des  trois  radiations  primaires 
colorées  du  physicien,  qui  deviennent  les  trois  primaires 
qui  servent  h  composer  le  violet^  le  vert  et  Vorangé  quand 
il  s'agit  de  pigments.  L'anomalie  apparente  qui  existait 
entre  physicien  et  chimiste  s'explique  ainsi  par  la  sous- 
traction ou  absorption  de  certaines  radiations  qu'opèrent  les 
pigments.  Donc  en  résumé,  si  les  radiations  orangé,  verte, 
violette  sont  des  radiations  primaires,  il  faut  admettre  que 
les  pigments  jaune,  rouge,  bleu  sont  des  pigments  primai- 
res. La  parole  est  maintenant  au  photographe. 

Le  photographe  est  un  homme  ingénieux  et  logicjue.  Sur  les 
données  qui  lui  sont  fournies  i)ar  le  physicien  et  le  chimiste, 
il  fait  un  raisonnement  bien  simple  :  Quand  je  place  une  pla- 
que sensible  dans  la  chambre  noire,  se  dit-il,  et  que  décou- 
vrant l'objectif,  je  la  soumets  à  l'action  de  la  lumière,  la  pla- 
que subit  par  le  fait  même,  l'action  des  radiations  colorées 
qui  composent  cette  lumière.  Puisque,  d'après  les  données 
du  physicien,  ces  radiations  se  réduisent  à  trois  groupes  :  le 
violet,  le  vert  et  l'orangé,  ne  serait-il  pas  possible  de  ne  lais- 
ser impressionner  la  plaque  sensible  que  par  un  seul  groupe 
de  radiations  à  la  fois?  En  me  servant  de  trois  plaques  succes- 
sivement, j'en  aurais  une  qui  ne  serait  impressionnée  que  par 
les  radiations  \iolettes,  Tautre  que  par  les  radiations  vertes, 
la  troisième  que  par  les  radiations  orangées,  et  les  trois  me 
donneraient  ainsi  la  tonalité  des  colorations  de  l'original  pho- 
tographié.  Voilà  le  problème.  Comment  le  résoudre? 

Un  verre  violet  laisse  passer  les  radiations  violettes  et  ab- 
sorbe les  radiations  orangées  et  vertes  dont  l'addition  forme 


~  188  - 

le  jaune.  Interposons  entre  l'objectif  et  la  plaque  sensible  un 
verre  violet,  seuls  les  rayons  violets  viendront  impressionner 
la  plaque,  et  nous  aurons  un  négatif  sur  lequeltoutes  les  par- 
ties impressionnées  par  les  rayons  violets  nous  apparaîtront 
opaques  après  le  développement,  les  transparences  de  ce 
cliché  correspondant  aux  autres  radiations  (orangées  et  ver- 
tes, c'est-à-dire  jaunes),  lesquelles  ayant  été  absorbées,  n'ont 
pas  impressionné  la  plaque.  Nous  aurons  donc  un  premier  cli- 
ché, un  négatif  dont  les  transparences  traduisent  tout  le  jaune 
de  Toriginal.  Faisons  une  deuxième  opération  avec  un  écran 
orangé  qui  ne  laisse  passer  que  des  radiations  orangées  et 
qui  absorbe  les  radiations  vertes  et  violettes  dont  l'addition 
donne  le  bleu,  nous  aurons  un  cliché  dont  les  transparences 
traduiront  tout  le  bleu  de  l'original.  Nous  aurons  de  même, 
en  interposant  un  écran  vert,  un  cliché  dont  les  transparen- 
ces traduiront  tout  le  rouge  de  roriginal. 

Qu'allons-nous  faire  de  ces  trois  clichés?  Comment  vont- 
ils  nous  servir  à  reproduire  les  couleurs?  Je  ne  puis  trop  m'é- 
tendre  sur  les  divers  procédés  et  vous  demande  la  permis- 
sion de  renvoyer  ceux  que  la  question  intéresse  aux  manuels 
spéciaux.  (Ducos  du  Hauron,  Lumière,  etc.).  Il  >  aies  pro- 
cédés optiques  (chromoscope  et  projections)  ;  les  procédés 
photochimiques  (imbibitions  ou  mixtions  colorées)  et  les 
procédés  photomécaniques. 

Procédés  photochimiques.  -  La  gélatine  additionnée  d'un 
bichromate  est  sensible  à  la  lumière,  comme  les  sels  d'argent. 
De  plus,  elle  durcit  et  s'insolubilise  sous  Tinfluence  des  ra- 
diations lumineuses  ;  au  contraire,  elle  se  gonfle  dans  l'eau 
aux  endroits  que  n'a  pas  touchés  la  lumière,  et  elle  absorbe 
en  ces  endroits,  en  même  temps  que  l'eau,  les  matières  co- 
lorantes qu'on  y  a  fait  dissoudre. 

C'est  à  ces  propriétés  singulière*  de  la  gélatine  bichroma- 
tée  qu'on  a  recours  dans  le  procédé  de  reproduction  photo- 
graphique des  couleurs  dit  procédé  de»  imbibitions. 


—  489  "- 

Trois  pellicules  au  gélatinobromure  d'argent  (fussent-elles 
vieilles  et  inutilisables  pour  tout  autre  emploi)  sont  sensibi- 
lisées dans  un  bain  de  bichromate  de  potasse  et  insolées  cha- 
cune sous  Tun  des  trois  négatifs.  On  le  slave  ensuite  pour  dis- 
soudre le  bichromate,  et  on  dissout  le  bromure  d'argent  non 
réduit  par  l'action  de  la  lumière  en  passant  la  pellicule  dans 
un  bain  d'hyposulfite.  Puis  on  les  immerge  chacune  dans  un 
bain  colorant  différent  qui,  en  très  peu  de  temps,  pénètre  uni- 
formément la  couche  de  gélatine.  Celle  qui  a  été  exposée  sous 
le  négatif  obtenu  avec  le  verre  orangé  est  plongée  dans  un 
bain  bleu  ;  celle  qui  est  exposée  sous  le  négatif  obtenu  avec 
récran  vert  est  traitée  par  un  bain  rouge  pourpre,  et  celle 
qui  a  été  exposée  sous  le  négatif  obtenu  avec  Técran  violet 
est  traitée  par  un  bain  jaune.  Ces  trois  pellicules  uniformé- 
ment traitées,  sont  ensuite  immergées  dans  un  bain  d'eau 
froide  où  elles  se  dépouillent  de  leur  couleur,  sauf  dans  les 
endroits  durcis  et  insolubilisés  qui  ont  reçu  Taction  de  la  lu- 
mière sous  les  transparences  des  négatifs.  On  a  fmalement 
trois  positifs  pelliculaires,  jaune,  rouge  et  bleu.  On  les  super- 
pose en  les  repérant  exactement  et  on  les  emprisonne  entre 
deux  verres  extra  minces,  ou  on  les  colle  sur  papier. 

Procédé  chimique  aux  mixtions  colorées.  —  La  gélatine  bi- 
chromatée  joue  encore  ici  le  principal  rôle.  Mais  dans  ce  pro- 
cédé aux  mixtions  colorées,  l'addition  des  matières  coloran- 
tes, jaune,  rouge,  bleu,  à  la  gélatine  bichromatée,  au  lieu  de 
se  faire  au  trempé  comme  dans  le  procédé  par  imhibilion^ 
se  fait  par  incorporation.  Ces  mixtions  colorées  sont  étendues 
sur  papier  ou  sur  verre.  Le  tirage  et  le  dépouillement  se  font 
suivant  les  règles  connues  pour  le  procédé  au  charbon  et 
sur  lesquelles  je  ne  puis  m'étendre  dans  une  causerie  d'un 
caractère  aussi  général  que  la  nôtre.  MM.  Louis  Ducos  du 
Huron,  Lumière  frères,  Vidal,  Vallot,  ont  donné  pour  ce  pro- 
cédé des  manuels  opératoires  auxquels  je  me  contente  de  ren- 
voyer les  praticiens  curieux. 


—  «90  - 

Voilà  des  procédés  pour  des  amateurs,  car  on  ne  peut  em- 
^•ioyer  ces  mélbDdes  dans  industrie  où  il  faut  produire  beau- 
«*oup  et  mpideinent.  Voyons  les  procédés  photomécaniques 
qu'emploie  ce  procédé  aux  trois  couleurs. 

Procédés  photomécanlqaes.  —  Jusqu'à  cette  époque,  pour 
reproduire  industriellement  un  sujet  quelconque  avec  ses 
oouit-urs,  on  employait  la  chromolithographie.  Or,  dans  ce 
pn^cédé.  il  fallait  :  !<>  Exécuter  une  peinture  à  Thuile  ou  une 
iiquart'lle  ilu  sujet  à  reproduire,  aquarelle  qui  ne  peut 
jamais  êlre  qu'une  interprétation  plus  ou  moins  habile  et 
complète  de  l'original. 

2  Déterminer  le  nombre  de  couleurs  que  le  chromolitho- 
graphe  devra  employer  à  l'impression.  Si  la  solution  est  sim- 
ple quand  le  tableau  n'accuse  que  trois  ou  quatre  tons,  elle 
devient  ardue  quand  la  gamme  des  nuances  est  très  variée. 

30  Dessiner  un  calque  ou  trait  de  ladite  peinture. 

4*  Faire  des  reports  ou  fau.x  décalques  de  ce  trait,  sur  au- 
tant de  pierres  différentes  qu'il  y  aura  de  couleurs  dans  la  re- 
production. Pour  avoir  une  reproduction  à  peu  près  satisfai- 
sante d'un  sujet  ordinaire,  il  ne  faut  pas  moins  de  10  à  12 
couleurs. 

5"  Etablir  autant  de  dessins  sur  pierre  lithographique 
qu'il  y  a  (suivant  l'interprétation  du  chromiste)  de  couleurs 
à  reproduire. 

G^  Procéder  enfin  à  autant  de  tirages  sur  presses  lithogra- 
phiques qu'il  y  a  de  couleurs  (10  à  12).  Quelle  complicaliou 
pour  n'arriver  qu'à  peu  près. 

C'est  dans  ce  monde  extraordinaire  et  compliqué  des  im- 
pressions chromolithographiques  que  la  photographie  tri- 
chrùme  est  venue  faire  tout  simplement  une  révolution.  Plus 
de  ces  amas  de  pierres  qui  font  ressembler  les  sous-sols  des 
imprimeries  à  des  carrières,  plus  de  calques,  ni  de  faux  dé- 
calques, ni  même  d'aquarelle.  Il  suffit  d'un  appareil  photo- 
graphique et  de  trois  clichés. 


On  peut  désormais  reproduire  n'importe  quel  sujet  en  cou- 
leurs avec  toutes  ses  nuances,  son  modelé,  ses  demi-teintes, 
à  nombre  iUimité  d*exemplairea  par  le  moyen  seulement  de 
trois  tirages  :  le  premier  avec  encre  jaune,  le  second  avec 
encre  rouge,  le  troisième  avec  encre  bleue. 

Voici  la  suite  des  opérations  : 

1°  Photographie.  —  Photographie  du  modèle  (qui  peut 
être  un  objet  d*après  nature  aussi  bien  qu'une  aquarelle),  de 
manière  à  obtenir  trois  clichés  sur  verre  correspondant  aux 
trois  couleurs  servant  à  l'impression  :  jaune,  rouge,  bleu. 
C'est  l'analyse  chromatique  du  sujet  ou  de  l'objet. 

2®  Gravure.  —  Report  de  ces  trois  clichés  sur  trois  plaques 
de  métal  (cuivre  ou  zinc)  ;  et  gravure  à  l'acide  de  ces  trois 
plaques  pour  obtenir  les  creux  et  les  reliefs  nécessaires 
dans  les  impressions  aux  encres  grasses. 

30  Impression.  —  Impression  successive,  par  superposi- 
tion, des  trois  plaques  gravées  (en  jaune,  en  rouge  et  en 
bleu).  C'est  la  synthèse  chromatique  de  l'objet,  donnant  le 
dessin,  le  modelé,  les  couleurs  avec  leurs  nuances  et  leurs 
demi  teintes  si  délicates  et  si  nombreuses  qu'elles  soient. 

Avec  ces  trois  couleurs,  on  obtient  une  palette  excessive- 
ment variée.  Songez  maintenant  que  ces  combinaisons  infi- 
nies de  nuances  se  font  automatiquement,  instantanément, 
et  que  nous  pouvons  tirer  à  la  suite  des  milliers  et  des  mil- 
liers d'exemplaires  !  Voilà  bien  un  procédé  de  reproduction 
photographique  des  couleurs  tout  à  dût  industriel  !  Une 
presse  typographique  peut  tirer,  par  heure,  1,000  exem- 
plaires. Nous  en  aurons  10,000  dans  une  journée  de  10  heu- 
res. \fnis  notez  que  suivant  le  format  de  la  machine,  on 
peut  disposer  sur  le  marbre  10,  20  clichés  du  jaune  (clichés 
obtenus  par  la  galvanoplastie).  Si  j'en  ai  placé  10,  j'ai 
100,000  exemplaires  par  jour  ;  si  j'en  ai  placé  20,  j'en  aurai 
200,000  î   Vous  voyez  si  j'ai  raison  de  vous  dire  que  ce 


-  192  - 

procédé  est  industriel  !  A.u  surplus,  il  est  aisé  de  vous  con- 
vaincre que  ces  assertions  ne  sont  pas  purement  théori- 
ques :  regardez  les  épreuves  de  tirage  que  je  vous  soumets, 
il  y  en  a  de  toutes  les  grandeurs. 

Si  j'ajoute  que  ce  que  Ton  obtient  grâce  à  la  photograhie 
trichrôme  en  typographie,  on  peut  l'obtenir  dans  tous  les 
autres  procédés  d'impression  :  lithographie,  photocollogra- 
phie,  taille  douce,  vous  aurez  compris  que  la  photographie 
des  couleurs  réalisée  par  l'imprimerie,  a  bouleversé  toutes 
les  anciennes  méthodes  de  reproduction  des  couleurs  et 
ouvert  aux  arts  d'impression  des  horizons  sans  limites. 

APPLICATIONS    INDUSTRIELLES 

Disons  quelques  mots  des  applications  de  la  photogra- 
phie des  couleurs  ainsi  unie  à  l'imprimerie  ;  c'est  par  là  que 
nous  terminerons  celte  causerie  un  peu  longue  avant  de 
passer  aux  projections. 

Ces  applications  sont  pour  ainsi  dire  indéfinies,  et  chaque 
jour  en  découvre  de  nouvelles.  Il  s'agit  ici  non  plus  de  ti- 
rages à  unique  ou  quelques  exemplaires,  mais  de  tirages  à 
centaines  de  mille  ou  à  un  million  d'exemplaires,  d'une 
reproduction  usuelle  et  universelle,  mise  à  la  disposition  de 
l'industrie,  du  commerce,  de  la  science  et  de  l'art.  Le  public 
peut  ainsi  avoir,  unis  et  multipliés  par  leur  fusion,  les  avan- 
tages de  la  photographie  et  de  la  peinture. 

Voyons  quelques-unes  de  ces  applications. 

Industrie.  —  Les  variétés  et  les  accessoires  de  l'ameu- 
blement forment  tout  un  inonde  :  tissus,  papiers  peints, 
marqueterie,  mosaïque,  bronze,  bijouterie,  joaillerie,  céra- 
mique, modes,  tapisserie,  ébénisterie,  etc.  Toutes  ces  in- 
dustries de  luxe  qui  dépensaient  de  fortes  sommes  pour 
faire  copier  des  modèles  dans  les  musées  et  les  bibliothè- 
ques pour  envoyer  des  échantillons  ou  lancer  des  prospectus 


—  193  - 

illustrés,  peuvent  désormais  avoir  à  volonté,  et  à  des  prix 
incroyablement  réduits,  des  reproductions  et  des  spécimens 
supérieurs  pour  l'exactitude,  la  beauté  et  la  commodité. 

Commerce.  —  Au  lieu  de  ces  ballots  volumieeux,  de  ces 
marmoiles  qui  forçaient  les  négociants  et  les  fabricants  à 
entretenir  plusieurs  voyageurs,  et  qu'on  ne  pouvait  exhiber 
qu'en  courant  et  après  déballage,  on  peut  avoir  à  bas  prix 
de  magnifiques  albums  que  la  poste  distribuera  dans  le 
monde  entier,  et  qui  resteront  dans  les  familles  comme  des 
publications  d'art  et  des  appels  incessants.  C'est  la  réclame 
incomparable,  la  publicité  de  bon  goût  et  de  bon  aloi  em- 
ployée par  nos  grandes  manufactures  et  nos  grands  maga- 
sins. Nous  pourrons  être  débarrassés  enfin  des  petites  hor- 
reurs qui  nous  attendent  au  détour  des  rues  et  jusque  dans 
nos  foyers. 

Science.  —  La  science  trouve  son  compte  à  ces  reproduc- 
tions photographiques.  Quel  avantage,  pour  toutes  les  bran- 
ches de  l'histoire  naturelle,  par  exemple,  d'avoir  à  leur  ser- 
vice des  planches  absolument  fidèles,  donnant  à  la  fois  la 
forme,  le  relief  et  la  couleur,  c'est-à  dire  la  vie  !  des  illustra- 
tions sans  aucun  caprice  individuel  d'interprétation  et  d'em- 
bellissement, et  rigoureusement  documentaires  I 

La  minéralogie,  la  botanique  la  sylviculture,  l'horticul- 
ture, la  zoologie,  l'anatomie  comparée,  l'entomologie,  etc., 
toutes  ces  sciences  trouvent  dans  ces  procédés  un  complé- 
ment utile  ou  nécessaire  à  leurs  descriptions,,  à  leur  ensei- 
gnement, à  leur  progrès. 

De  môme  pour  la  géologie,  la  paléontologie,  la  physique, 
la  chimie,  la  médecine  et  la  chirurgie. 

Il  en  faut  dire  autant  pour  les  sciences  auxiliaires  de 
l'histoire  :  qu'il  s'agisse  de  reproduire  les  portraits  des 
hommes  célèbres,  les  monuments  de  l'architecture,  de  la 
sculpture,  de  la  peinture,  de  la  numismatique,  ou  de  mettre 

13 


—  194  ~ 

sous  les  yeux  des  lecteurs  sédentaires  ce  qu'offrent  de  plus 
intéressant  et  d'artistique  les  voyages,  les  types,  les  modes, 
les  altitudes  et  les  usages  des  différents  peuples. 

Qu'il  s'agisse  de  livres  scolaires  ou  de  grande  science, 
désormais  la  vérité  remplace  la  fantaisie.  Au  lieu  d'élucu- 
brations  personnelles  toujours  suspectes,  on  aura  la  certi- 
tude d'une  ressemblance  minutieuse,  complète. 

Arts.  —  Quant  à  l'art  en  général,  et  aux  arts  optique?  en 
particulier,  il  est,  ce  me  semble,  superflu  d'insister.  La  pho- 
tographie a  déjà  rendu  de  grands  services,  mais  elle  a  le 
grand  tort  de  ne  présenter  que  des  images  mortes,  des  ca- 
davres en  quelque  sorte  carbonisés.  Avec  la  couleur,  repa- 
rait la  vie  :  c'est  une  résurrection.  Rien  de  plus  facile  main- 
tenant que  de  réunir  dans  de  riches  albums  les  chef-- 
d'œuvre des  musées  célèbres  ou  les  œuvres  des  maîtres 
anciens  et  modernes,  éparses  dans  les  diverses  collections 
publiques  ou  privées.  I^  critique  sera  ainsi  éclairée  et  con- 
trôlée par  la  vue  des  modèles. 

Sans  doute,  aucun  procédé  mécanique  ne  pourra  jamais 
remplacer  la  fécondité  de  l'imagination,  donner  la  puissance 
qui  crée  des  types  en  condensant  sur  quelques  figures  ce 
qu'on  a  pu  observer  dans  une  multitude  d'objets  ou  ceux 
qu'on  a  découverts  dans  la  méditation  solitaire.  Le  groupe- 
ment harmonieux  des  personnages,  la  noblesse  des  attitudes, 
l'éloiiuence  des  contrastes,  tout  ce  qui  fait  la  supériorité 
d'un  Raphaël,  d'un  Léonard  de  Vinci,  d'un  Lesueur  ou  d'un 
Velasquez  sur  un  adroit  copiste  ou  un  prestigieux  fabricant 
de  trompe  l'œil,  le  talent,  enfin,  et  le  génie,  sont  dans  l'âme 
et  ne  sauraient  se  rencontrer  dans  un  instrument.  Il  n'en 
est  pas  moins  vrai  que  les  artistes  les  plus  inspirés  et  les 
plus  en  possession  de  tous  les  dons  naturels  et  de  toutes  les 
qualités  acquises,  auront  désormais  à  leur  portée  des  moyen? 
d'information,  d'exécution  et  de  diffusion  pour  leurs  œuvres, 
qu'il  serait  puéril  et  imprudent  de  négliger  et  de  dédaigner. 


-  i95  - 

Le  décor,  le  paysage,  les  draperies  et  les  attitudes  des  per- 
sonnages seront  singulièrement  plus  faciles  à  rendre  et  le 
naturel  y  gagnera. 

Quant  au  commun  des  mortels,  à  cette  masse  de  plus  en 
plus  nombreuse  d'amateurs  qui  ont  moins  d'argent  que  de 
goût,  s'ils  ne  peuvent  pas  réunir  des  originaux  comme  les 
musées,  les  princes  ou  les  financiers,  ils  pourront,  du  moins, 
se  procurer  des  reproductions  qui  ne  seront  point  des  cari- 
catures. Les  plus  humbles  pourront  avoir  des  collections 
qui  leur  rappelleront  ce  qu'ils  ont  contemplé  avec  ravisse- 
ment ou  désiré  sans  espoir. 

Les  maîtres  distribueront  ces  images  nouvelles  à  leurs 
écoliers  comme  récompense  et  comme  encouragement.  Ils 
les  habitueront  ainsi,  de  bonne  heure,  à  ce  qui  est  vraiment 
beau.  C'est  par  cet  ensemble  de  moyens  que  le  sentiment  de 
l'art  se  transmet  et  grandit  dans  un  peuple. 

L'avenir  est  à  ces  procédés  de  reproduction  indirecte  des 
couleurs  par  la  photographie  et  l'imprimerie,  un  avenir  qui 
est  déjà  commencé  et  que  rien  ne  saurait  empêcher. 

La  chromolithographie  est  appelée  à  disparaître  devant 
cet  art  nouveau,  comme  le  calligraphe  s'est  évanoui  devant 
l'imprimeur  C'était  un  art  charmant  entre  les  mains  de 
quelques  artistes  habiles  à  interpréter  l'original  et  à  le  ren- 
dre tel  qu'ils  l'avaient  compris.  Mais,  comment  pourrait-il 
lutter  longtemps  contre  son  heureux  concurrent,  avec  ses 
monceaux  de  pierres  péniblement  gravées,  avec  ses  nom- 
breux tirages  dès  que  le  nombre  des  couleurs  ou  des 
nuances  s'élevait  !  Il  lui  fallait  tant  d'opérations  délicates, 
tant  de  repérages  difficiles,  tant  de  temps  pour  donner  des 
résultats  comparablement  bien  minces  et  bien  imparfaits. 
Cette  évolution  se  fera  comme  toutes  les  autres  où  d'ingé- 
nieuses machines  ont  supplante  l'habileté  manuelle,  et  ce 
sera  un  progrès. 

Et  pour  terminer,  Mesdames  et  Messieurs,  en  vous  re- 
merciant de  la  bienveillante  attention  que  vous  n'avez  cessé 


—  496  — 

{\e  me  témoigner  i^endnnt  cette  cnuserie  un  peu  aride,  sa- 
luons ces  grands  nuiis  modestes  savants  :  Becquerel,  Poite- 
vin, Lippmann,  Ducos  du  Hauron,  Gros,  Lumière  frères,  qui 
par  leurs  travaux  ont  opéré  une  révolution  bienfaisante  et 
pacifique  dans  la  science  et  dans  Findustrie,  et  donné  ainsi 
de  nouvelles  richesses  et  une  nouvelle  gloire  à  notre  chère 
patrie,  à  la  France. 

Note.  —  Nous  tenons  à  adresser  nos  plus  sincères  remercie- 
ments à  MM.  Prieur  et  Dubois,  industriels  à  Puteaux,  à  M.  Louis 
Geisler,  imprimeur  aux  Chatelles  (Vosges),  et  à  la  Société  lyon- 
naise de  photochromogravure,  qui  nous  ont  envoyé  si  gracieu- 
sement les  beaux  spécimens  de  photographie  en  couleurs  qui 
sont  exposés  dans  la  salle,  ainsi  qu'à  MM.  Lumière  frères  de 
Lyon,  dont  les  épreuves  pour  projections,  projetées  habilement 
par  M.  Dodivers,  ont  été  si  justement  admirées  et  applaudies. 

BIBLIOCRAPHIE 

Ouvrages  consultés  et  ilonnant  plus  amples  détails  : 

L.  Ducos  DU  Hau  nos.  —  La  Photographie  indirecte  des  Couleur$. 
P.  Prieur.  —  La  Photographie  indirecte  des  Couleurs. 
F.  Drouin.  —  La  Pfwtographie  des  Couleurs. 
A.  Berget.  —  La  Photographie  des  Couleurs. 
Lumière  frères.  —  La  Photographie  des  Couleurs^  (procédé 
trichrôme). 


Société  d'Emulation  du   Doubs,    190^-190.1. 


PI.   I. 


(\oir  l'crplicutiim  dos  planches,  paye  197).    \4^,l^J 


Sociétc  d-Umulalion  du  Doubs,   i9<>v'90.4. 


PL   11. 


Société  dT^mulation  du  Doubs,   190  5- 1904. 


PL  m. 


Société  d'iùinilation  du  Doubs,   190 5-1904. 


FI.    IV 


^•-'-^ 


I   \#vfc'^/ 


Sociétc  d'Emulation  du   Doubs,   190 5- 1904. 


PI.   V 


—  197  — 


EXPLICATION  DES  PLANCHES 


Reproduction  par  procédé  trichrome  d'une  peinture  à 
Thuile  due  au  peintre  franc-comtois  E.  Isenbart  ;  gravure 
de  la  Société  lyonnaise  de  photochromogravure  ;  impression 
de  la  maison  Dodivers  de  Besançon. 


Planche  I.  Epreuve  du  cliché  monochrome  jaune  obtenu  à 
à  l'aide  d'un  négatif  impressionné  à  travers  un  écran 
violet. 

Planche  IL  Epreuve  du  cliché  monochrome  rouge  obtenu  à 
l'aide  d'un  négatif  impressionné  à  travers  un  écran  vert. 

Planche  III.  Epreuve  des  monochromes  jaune  et  rouge  super- 
posés. 

Planche  IV.  Epreuve  du  cliché  monochrome  bleu  obtenu  à 
l'aide  d'un  négatif  impressionné  à  travers  un  écran  orangé. 

Planche  V.  Epreuve  obtenue  par  superposition  des  trois  mo- 
nochromes. 


LES 

ROUILLES  DES  CÉRÉALES 

ET  LEUR  DÉVELOPPEMENT 

dass  ses  rapports  avee  les  conditions  extérieures 
et  les  conditions  de  réceptivité 

Par  M.  le  Dr  Ant.  MA6NIN 


Conférence  faite  à  l<i  Société  d'Emulation  du  Doubs. 
dans  sa  séance  du  14  mai  1904  {'). 


I/étudedes  Rouilles,  c'est-à-dire  de  ces  altérations  jaunes, 
orangées,  brunes  ou  noires,  souvent  observées  sur  les  tiges, 
les  feuilles  des  diverses  Céréales,  présente  un  intérêt  à  la 
fois  scientifique  et  pratique  :  leur  développement  révèle  de 
curieuses  particularités  d'organisation  et  de  reproduction  ; 
les  dégûls  qu'elles  peuvent  causer  sont  quelquefois  si  consi- 
dérables qu'elles  enlèvent,  dans  certaines  contrées,  la  moitié 
ou  les  deux  tiers  des  récoltes  (2)  ;  enfin,  à  propos  de  leur 
propagation,  se  posent  les  questions  de  prédisposition,  de 
résistance  différente  des  individus  et  des  races,  cas  particu- 
lier de  ce  fait  générai  de  biologie,  la  réceptivité  ou  état  spé 
cial  de  l'organisme,  végétal  ou  animal,  qui  le  rend  plus  ou 
moins  apte  au  développement  des  parasites,  plus  ou  moins 
résistant  à  leurs  atteintes  ;  il  nous  parait  utile  de  résumer  les 


(1)  Yoy.  les  journaux  de  Besançon  de  celle  époque,  notam<  le  Petit 
Comtois,  la  Dépêche  Républicaine  du  19  mai  i9iï4,  etc. 

2  Lrs  perles  causées  en  Suéde  par  la  Rouille  «le  TAvulnu  ont  éié  esti 
nlée^  pour  l'année  1881»..  à  plus  de  20  millions  ! 


—  199  — 

recherches  récentes  qui  ont  été  faites  sur  ce  sujet,  recher- 
ches qui  nous  intéressent  personnellement,  puisqu'elles 
confirment  des  idées  que  nous  avons  émises  il  y  a  plus  de 
30  ans,  comme  le  prouvent  les  extraits  publiés,  en  appen- 
dice, à  la  fin  de  ce  travail. 

I 

Historique  et  Notions  préliminaires 
générales  sur  les  Rouilles. 

Nous  rappellerons  brièvement  (jue  les  Rouilles  du  Blé  et 
des  autres  Céréales  (Seigle,  Orge  et  Avoine,  particulière- 
ment) sont  dues  à  des  Champignons  parasites,  du  sous- 
ordre  des  Urédinées,  famille  des  Pucciniacées,  sous  ordre 
rapporté  aux  Basidiomycètes  (c'est-à-dire  à  Tordre  renfer- 
mant les  gros  Champignons,  comme  le  Champignon  de 
couche),  dont  il  constitue  le  groupe  le  plus  inférieur,  les 
Protobasidiomycètes  ;  les  Urédinées  sont  caractérisées  par 
leur  parasitisme,  leurs  basides  cloisonnées,  à  sporidies  en 
nombre  déterminé  et  leurs  nombreuses  spores  secondaires 
(conidies). 

Autrefois,  chacune  de  ces  formes  de  spores  (Urédos,  Puc- 
cinies,  etc.)  était  considérée  comme  une  espèce  distincte  de 
Champignons  ;  mais  des  recherches  déjà  anciennes  ont 
montré  que  le  même  parasite  peut  produire  des  appareils 
multiplicateurs  ou  reproducteurs  différents,  plus  ou  moins 
nombreux. 

C*est  ainsi  que  l'espèce  la  plus  commune  et  la  plus  nui- 
sible, le  Puccinia  graminis^  le  parasite  de  la  Rouille  noire, 
donne  naissance,  à  la  fin  du  printemps,  sur  les  feuilles,  les 
gaines,  les  tiges  du  HIé,  d'abord  à  une  Rouille  jaune,  formée 
de  pustules  allongées,  linéaires,  réunies  en  longues  lignes, 
se  fendant  pour  laisser  échapper  les  spores  multiplicatrices 
du  parasite, —  les  Urédos  an  Trichobasis  hneart.t,  —  puis,  en 


—  200  — 

été,  à  la  Rouille  noire,  formée  par  les  spores  hibernantes, 
les  léleutospores  du  P.  graminis  ;  ces  dernières  germent, 
au  printemps  suivant,  sur  terre,  en  un  petit  filament  de 
quatre  cellules,  considéré  comme  une  baside  cloisonnée 
(phragmobaside,  stichobaside),  dont  chaque  cellule  produit 
une  sporidie  latérale  ;  cette  sporidie,  transportée  par  le  vent, 
va  germer  sur  la  feuille  de  TEpine-Vinette  (Berberis  vul- 
garis)  et  y  produit  des  écidiolispores  multij)licatrices  (ordi- 
nairement à  la  face  supérieure)  f^),  et  des  écidiospores,  con- 
tenues dans  des  conceptacles  à  péridies  (écidies),  s'ouvrant  à 
la  face  inférieure  de  la  feuille;  les  écidiospores,  transportées 
à  leur  tour  sur  le  Blé,  y  germent  et  donnent  naissance  au 
mycèle  (appareil  végétatif  du  parasite)  qui  envahit  la  plante 
et  y  produit  successivement  les  Urédos  et  les  Puccinies  de 
la  Rouille. 

Ainsi,  en  résumé  :  cinq  sortes  de  spores  multiplicatrices 
ou  reproductrices  :  Urédos,  Puccinies,  Sporidies,  Ecidio- 
lispores, Ecidiospores  ;  développement  complet  du  parasite 
divisé  en  deux  tronçons,  habitant  deux  plantes  différentes, 
le  Blé  et  TEpine-Vinette  :  cette  succession  sur  deux  hôtes 
différents  constituent  Vhétérëcic, 

Ces  rapports  entre  le  Blé  etl'Epine-Vinette,  cette  relation 
entre  les  parasites  des  deux  plantes  soupçonnés  d'abord 
par  les  agriculteurs  <2ij  vérifiés  et  prouvés  dans  la  suite,  par 
les  recherches  et  les  expériences  des  botanistes  (Schœler, 
181*^1817,  Œlrsted,  Decaisne,  etc.) (3)  ont  été  considérés, 
justju  a  ces  dernières  années,  comme  une  condition  néces- 
>aire  ilu  développement  du  parasite;  on  pensait  que  la  suc 


1  Lt*s  tVii1ioli<jt«>iv>  spermaties)  ont  élé  ol)servées,  mais  très  rarement, 
à  b  iVeiiiftMiouu»  JtANMN,/eMi7.  des  jeunes  na/iir.,  mars  1899,  p.  1>2). 

i-  IV^  l'an  iUH  un  arrêté  du  parlement  de  Rouen,  prescrivait  l'arra- 
ohaj:e  do  rKpnîo-Vinette. 

o  Los  rtvhoiohe>  de  Unoer  ont  montré  que  les  Ecidiole:>et  les  Ecidies 
so  doxol^pjMionl  sur  le  n  ème  mycèle;  celles  de  Tllasne  et  de  Bary,  que 
lo>  rttviï>  o<  les  Puccinies.  ou  les  Ecidies..  Trêdos  et  IVomyces  d'une 
IrtHlnit^e  au  îvnque.  comme  rr.  Fabte,  se  succédaient  auî>^i  sur  le  même 


—  201  - 

cession  des  diverses  formes  d'appareils  reproducteurs,  no- 
tamment ralternance  des  téleutospores  du  Blé  et  des  éci- 
diospores  du  Bei'heriSy  étaient  indispensables  pour  que  la 
Rouille  se  perpétue  d'année  en  année  ;  que  la  première  in- 
fection du  Blé,  au  printemps,  ne  pouvait  être  produite  que 
par  les  spores  des  écidies  du  Bevherû  ;  qu'en  conséquence, 
la  présence  de  TEpine-Vinette  dans  le  voisinage  des  champs 
de  Blé  leur  était  absolument  préjudiciable. 

Et  ces  relations  avaient  même  paru  tellement  évidentes, 
indiscutables,  et  le  voisinage  du  Berberù  si  nuisible,  que 
sur  un  rapport  de  M.  Max.  Cornu  et  un  vœu  de  la  Société 
nationale  d'agriculture  de  France  (20  nov  1887)  une  loi 
prescrivait,  en  1888,  l'arrachage  de  cet  arbuste  (1). 

On  savait  bien  cependant  que  d'autres  Rouilles  que  celle 
provenant  du  Berberia  pouvaient  atteindi-e  les  céréales  ;  on 
connaissait  déjà  le  Puccinia  straminis  du  Blé  (VUrcdo  ru- 
bigo'vera)  dont  l'écidie  se  développe  sur  les  Borraginées, 
notamment  le  Lycopsis  arvcn.ns  ;  et  le  P.  coronata  de  l'A- 
voine dont  l'écidie  croit  sur  les  Nerpruns  (Rhamnus  cathar- 
tica^  etc). 

Déjà,  logiquement,  pour  être  assuré  de  la  disparition  des 
diverses  Rouilles,  il  eût  fallu  prescrire  aussi  bien  la  destruc- 


mycèle.  Pour  les  espèces  hétéiéques,  les  nombreuses  cnllures  faites  par 
De  Bary,  Magnus,  Farlow,  Schrœlei-,  Plowrighl,  Fischer,  etc.,  ont  prouve 
les  relations  existant  entre  les  Ecidies  et  les  Téleutospores  d'un  grand 
nombre  déjà  d'Urédinées. 

(1)  Voy.  procès- verbaux  des  séances  des  3,  10,  17  et  31  août  1887,  Rap- 
port de  M.  Max.  Cornu;  20  nov.  1887,  discussion  de  ce  rapport  et  vote 
d*un  vœu  demandant  «  Taddition  de  l'Epine-Vinette  à  TEnumération  des 
plantes  nuisibles  dont  une  loi  soumise  en  ce  moment  au  Sénat  prescrit 
la  destruction.  »  C'est  à  la  suite  du  vote  de  ce  vœu,  de  sa  publication 
dans  les  journaux  d'agriculture,  dans  les  journaux  politiques  (voy.  séance 
du  14  nov.  de  la  Soc.  d'agnciiïture  du  Doubs^  dans  journaux  de  He 
sançon,  notamment  la  Démocratie  franc  coin toUe  du  11  «léc.  1887).  que 
je  me  décidais  à  entretenir  la  Soc.  d'Etnul.  du  Douba  de  celle  question, 
à  rappeler  mes  observations  personnelles  et  à  montrer  combien  on  s'exa- 
gérait le  rôle  du  Berberis  dans  la  propagation  de  la  Rouille  (11  fév.  1888  ; 
voy.  appendice  n»  V). 


-  202  — 

tion  des  LycopsU,  Rhamnuêy  que  l'arrachage  du  Berberis  ; 

et  non  seulement  dans  le  voisinage  immédiat  des  champs, 
mais  encore  dans  les  terres  et  les  bois  les  plus  éloignés, 
puisqu'on  était^obligé  d'admettre  la  possibilité  du  transport 
des  spores  à  de  grandes  distances  pour  expliquer  le  déve- 
loppement de  la  Rouille  dans  les  contrées  où  le  Berberis 
n'existe  pas. 

Mais  le  développement  des  Rouilles  ne  se  fait  pas  toujours 
avec  cette  succession  de  formes,  cette  régularité  classique  ; 
d'autres  causes,  d'autres  facteurs  interviennent  dans  leur 
propagation  ;  j'avais  déjà  montré,  à  la  suite  de  recherches 
entreprises  de  1869  à  1872,  que  l'influence  du  Berberis  n'é- 
tait pas  toujours  si  défavorable  qu'on  l'aftirmait  ;  j'avais 
aussi  indiqué,  notamment  dans  une  communication  de  1873, 
à  VAssociation  française  pour  rAvancement  des  sciences 
(voy.  Appendice  n®  II)  et  dans  mon  travail  de  1876,  sur  la 
Dombes  (Appendice,  n^  111),  que  parmi  les  autres  conditions 
étiologiques  des  Rouilles,  il  fallait  tenir  compte  de  l'in- 
fluence du  sol,  du  climat  local,  de  la  nature  de  la  plante,  de 
son  état  de  réceptivité,  etc.  ;  plus  tard,  je  revenais  sur  ces 
considérations,  dans  mes  communications  à  la  Société  bota- 
nique de  Lyon^  en  1885  (Appendice,  n®  IV)  et  à  la  Société 
d^Emulation  du  Doubs^  en  1888  (Appendice,  n®  V)  ;  depuis 
lors,  de  nouvelles  recherches  ont  tait  voir  que  les  espèces 
de  Rouilles  sont  bien  plus  nombreuses  qu'on  ne  le  soup- 
çonnait ;  que  l'évolution  de  ces  diverses  espèces  est  diffé- 
rente, les  unes  nécessitant  l'hétérécie  ou  deux  plantes  nour- 
ricières, d'autres  accomplissant  les  différents  stades  de  leur 
cycle  évolutif  sur  la  même  céréale  ;  que  la  transmission  de 
certaines  espèces  de  Rouilles  pourrait  même  se  faire  d'une 
façon  plus  simple  encore,  par  une  infection  du  protoplasme 
de  la  graine?  Ces  notions  nouvelles  modifient  considérable- 
ment nos  idées  sur  ces  questions  :  elles  ont  aussi  des  consé- 
quences importantes  au  point  de  vue  pratique,  comme  nous 
allons  le  montrer  dans  les  paragraphes  suivants. 


—  203  — 


II 


Pluralité  des  espèces  et  des  formes 
de  Rouilles. 

Les  recherches  des  mycologues,  notamment  celles  d'E- 
riksson(i),  ont  montré  que  les  Rouilles  des  Céréales,  —  et 
les  espèces  voisines  de  celles-ci  et  peut-être  en  rapport 
avec  elles,  génétiquement,  au  moins  pour  certaines,  —  sont 
nombreuses  :  on  en  compte  déjà  (pour  les  Rouilles  des  Céréa- 
les seulement),  12  formes,  réparties  dans  H  espèces,  pouvant 
se  rattacher,  du  reste,  aux  3  espèces  types,  anciennement 
connues  ;  en  voici  le  tableau. 

I.  Groupe  du  Puccinia  gi^aminis  :  2  espèces  et  7  formes 
(y  compris  celles  des  Graminées  voisines). 

\'*  P.  graminia  Pers.  —  Hétéroïque  :  Urédo  =  Trichobaais 
linearis  ;  Ecidie  =  Œcidium  Berberidis.  —  C'est  la  Rouille  noire, 
ou  h.  linéai»*e  de  Prilleux,  R.  des  Chaumes  (HalmrosO  des 
auteurs  allemands,  à  développement  tardif  (juin-juillet),  dont 
la  germination  des  téleutospores  (Puccinies)  se  fait  après 
rhiver  ;  elle  envahit  surtout  les  tiges,  les  gaines  et  les  feuilles 
du  Blé,  de  TOrge  et  de  l'Avoine. 

Cette  espèce  renferme  plusieurs  formes  :  d'abord  les  f.  Secalis 
et  Avetise,  qui  sont  polyphages,  c'est-à-dire  peuvent  se  déve- 
lopper non  seulement  sur  le  Seigle  et  l'Avoine  mais  aussi  sur 
d'autres  Graminées  :  la  Rouille  du  Seigle  vient,  en  effet,  aussi 
sur  l'Orge,  le  Chiendent  {Agropyrum  repens^  caninum)  ;  celle 


(1)  Eriksson  et  IIenning,  Die  Getreideroste,  ihre  Geschichte  und  Nadir, 
sowie  Massregeln  gegen  dieselben  ;  Stockolm,  189i.  —  Ehiksson,  Nouv. 
Etudes  sur  la  Houille  brune  des  Céréiiles  {Ann.  des  se.  nat.  Bot., t.  IX). 
—  Les  recherches  d'Eriksson  ont  été  entreprises  à  partir  de  1890;  un 
important  aperçu  en  a  été  donné  par  l'auteur  dans  la  Bévue  générale 
de  Botanique  de  M.  Bonnier,  15  février  1898,  t.  X,  p.  33  ;  puis  en  janv. 
1900,  p.  30-39,  etc. 


j 


-  204  — 

de  l'Avoine,  sur  différenles  espèces  d'Avena,  A.  sativa,  elatior, 
sterilia,  sur  le  Dactyle,  VAlopecurua  ;  le  parasite  hiverne  sur 
les  Graminées  vivaces  (Agropyre,  Dactyle).  -  La  3™e  forme,  la 
plus  importante,  la  plus  dangereuse,  la  Rouille  noire  du  Blé, 
f.  Tritici,  est  isophage.  c'est-à-dire  absolument  spécialisée  sur 
cette  céréale;  son  mode  de  conservation  (en  l'absence  du  Ber- 
beris.  ce  qui  est  fréquent)  n'est  pas  encore  connu.  On  cite  en- 
core les  formes  Airœ,  Agrostidis,  Poœ,  également  isophages 

La  R.  noire  apparaît  rarement  dès  l'automne,  ordinairement 
en  juin-juillet,  sur  le  Froment,  le  Seigle  et  l'Orge,  trois  à  quatre 
semaines  plus  tard  sur  l'Avoine  ;  elle  se  montre  d'abord  à  la 
base  des  chaumes,  puis  gagne  le  sommet,  en  envahissant  les 
gaines  et  les  bases  des  limbes;  elle  peut,  à  la  maturité  des  épis, 
s'établir  aussi,  mais  rarement,  sur  les  glumes  et  les  arêtes. 

2.  P.  Phlei-pratensis  Fa:  et  Hen.  —  Autoïque,sans  écidie  :  sur 
Phleum  pratense,  Festuca  elatior. 

IL  Groupe  du  P.  rubigo-vera  D.  G.  (le  P.  straminis  Fuck., 
dont  l'écidie  est  VŒ,  asperifoliacearum)  :  11  formes,  sous 
4  espèces,  dont  les  deux  Rouilles  brunes  du  Blé  et  du  Sei- 
gle, la  R.  jaune  du  Blé  et  la  R.  naine  de  TOrge  ;  c'est  la 
R,  tachetée  ou  Grosse  Rouille  de  Prilleux,  la  R.  des  feuilles 
(Blattrost)  des  allemands. 

3.  P.  triticina  Eriks.  —  Rouille  brune  du  Blé;  autoïque  (sans 
écidie);  hiverne  sur  Céréales  d'hiver;  germe  au  printemps 
(avril-juin),  mais  peut  apparaître  dès  le  mois  de  septembre 
sur  les  semis  naturels;  au  printemps,  en  mars-avril,  le  para- 
site se  multiplie  activement;  vers  fin  juin,  des  taches  déco- 
lorées, éparses.  apparaissent  sur  les  feuilles  ;  elles  se  couvrent 
d'urédospores,  en  sores  dispersés  sans  ordre,  puis  de  téleu- 
tospores  en  pustules  ovales,  presque  noires  et  recouvertes  par 
l'épiderme. 

4.  P  dispersa  Er.  et  Hen  —  Hétéroïque  :  écidie  sur  les  Bor- 
rajîinées  (cf.  Œc.  AnchussL>,  etc.).  —  Rouille  brune  du  Seigle 
surtout;  germe  avant  l'hiver;  hiberne  sur  Céréales  d'hiver; 
f  Secalis  (écidies  sur  Lycopsis  arvensis  et  Anchusa  off.  :  in- 
fîuetjce  aussi  du  Chiendent);  f.  Tritici,  f.  Hordei\  f.  Agropyri, 
f.  Bromi. 

5.  P.  fjlumaruw  (Schm.)  Er.  et  Hen.  —  Autoïque,  sans  écidie. 


-  2«>  - 

-  Houille  Jaune,  apparaissant  sur  le  limbe  des  feuilles  au 
printemps  (avril-juin),  parfois  môme  dès  l'automne,  la  ger- 
mination ayant  lieu  avant  l'hiver;  attaque  surtout  le  Blé,  moins 
fréquemment  le  Seigle  et  l'Orge  ;  contient  les  f.  Tritici  —  à  pus- 
tules arrondies  ou  ovales,  le  plus  souvent  isolées,  ou  en  lignes 
continues,  parallèles,  régulières,  non  seulement  sur  les  gaines, 
les  feuilles,  mais  encore  sur  les  glumes  ;  dont  le  mode  de  con- 
servation est  encore  inconnu)  ,•  —  f.  Secalis  et  Hordei  ;  et  en 
dehors  des  Céréales,  f.  Elymi,  Agropyri  ;  cette  dernière,  très 
intéressante,  donne  sur  le  Chiendent,  Triticum  {Agropyrum) 
repens,  des  séries  d'urédospores  capables,  dès  le  mois  de  no- 
vembre, de  germer  sur  les  jeunes  semis. 

6.  P,  aimplex  (Korn.)  Er.  et  Hen.  —  Autoïque  (sans  écidie); 
sur  Hordeum  uulgare.  C'est  la  Rouille  naine  de  l'Orge,  qui  hi- 
verne sur  Céréales  d'hiver,  genme  au  printemps,  et  produit, 
déjà  en  avril,  ses  téleutospores  la  plupart  unicellulaires, 

III.  Groupe  du  P.  coronata  Corda.  Hétéroïques  (Œc. 
Rhamni)  :  2  espèces,  13  formes,  caractérisées  par  leurs 
téleutospores  dont  la  cellule  ternninale  est  couverte  d'une 
couronne  de  protubérances  irrégulières. 

7.  P.  coronifera  Kleb.  {Œ.Catharliae):  renfeime  lesf.  Avenœ, 
forme  spécialisée  sur  l'Avoine,  ou  Rouille  couronnée,  qui  germe 
après  l'hiver  et  dont  le  mode  de  conservation  est  inconnu  ; 
f.  Alopecuri,  Festucœ^  Lolii.  Glycerise,  Holci 

8.  P.  coronata  Kleb.  {Œc.  Frangulœ)  :  1«  f.  Calamagrostidis, 
Phalaridis,  Agrostidis,  Holci,  Agropyri  ;  2»  f.  Epigœi,  Melicte. 

Et  pour  mémoire,  les  P.  Zese  et  P.  Sorghi  qui  attaquent 
les  2  faces  des  feuilles  du  Maïs  et  du  Sorgho. 

En  résumé,  12  formes  différentes  de  Rouilles,  appartenant 
à  6  espèces  distinctes,  attaquent  les  4  Céréales,  Blé,  Seigle, 
Avoine,  Orge:  1.  P,  graminis,  f.  Secalis,  Avenœ,  Tritici;  — 
2.  P.  glumarum,  f.  Tritici,  Secalis,  Hordei  ;  —  3.  P.  triti- 
cina  ;  —  4.  P.  dispersa,  f.  Seçalis,  Tritici,  Hordei  ;  —  5.  P. 
simplex,  de  l'Orge  ;  .—  6.  P.  coronifera,  de  T Avoine. 

A  Texception  des  îovmes^  Secalis  eiAvenie  du  P.  graminis, 
ces  diverses  race^  sont  absolument  spécialisées,  c'cs^l-à-dire 


—  206  — 

adaptées  étroitement  et  exclusivement  à  une  seule  espèce 
de  plante  nourricière,  le  parasite  ne  pouvant  être  inoculé 
qu*à  la  même  espèce  de  Céréale  :  et  cette  spécialisation  per 
siste  même  après  le  passage  sur  l'hôte  écidifère,  quand  cet 
hôte  nourrit  plusieurs  espèces  difTérentes  de  Rouilles  ;  les 
diverses  formes  de  Puccinia  graminis,  par  ex.,  qui  ont  leurs 
écidies  sur  le  Berberis,  n'en  restent  pas  moins  spécialisées, 
c'est-à-dire  capables  de  se  développer  seulement  sur  la  Cé- 
réale spéciale,  qui  a  fourni  la  sporidie  à  l'Epine- Vinette. 

En  terminant  ce  paragraphe,  nous  donnerons,  d'après 
M.  Marchai,  deux  tableaux  qui  aideront  à  déterminer  les 
diverses  Rouilles  des  Céréales  (l). 

A.  D'après  les  caractères  extérieurs. 

Froment  et  Epeautre. 

Feuilles  présentant  des  stries  jaune  citron,  et  plus  tard,  de 
fines  pustules  noires  disposées  en  séries  linéaires. 

[P,  glumaram  f.  Tritici. 

F.  couvertes  de  pustules  brun  rougeàtre  dispersées,  et  plus 
tard,  de  pustules  noires,  petites  et  luisantes,  non  en  séries 
linéaires P.  triticina, 

F.,  mais  plus  souvent  chaumes,  couverts  de  pustules  oi^re 
brun,  allongées  (2-5  m/m.),  bientôt  entremêlées  de  lonjrs 
coussinets  de  spores  noires  pulvérulentes  (jusqu'à  I  centi- 
mètre)  P.  graminis,  f.  TriiieL 

Seigle. 

F.  et  chaumes  couverts  de  no.nbreuses  pustules  brun  rou- 
geàtre dispersées,  puis  de  pustules  noires  petites  et  lui- 
santes  P.  dispersa. 

Chaumes,  plus  rar*  feuilles,  couverts  de  pustules  ocre  brun 
allongées,  s'entremêlant  bientôt  de  longs  coussinets  sail- 
lants (jusqu'à  i  cent.),  de  spores  noires. 

[P.  gramimis  f.  Seealis. 


{■[)  Marchal.  —  Rech.  sur  la  Bouille    des  Céréales,   Bruxelles,  1903. 
p.  9  et  10. 


•-  207  - 
Orge. 
F.  couvertes  de  nombreuses  petites  pustules  jaune  rougeâlre, 
dispersées,   entremêlées   plus  tard   de   petits   coussinets 

noirs,  épars • P.  simplex. 

Chaumes,  plus  rar*  feuilles,  présentant  des  pustules  longues, 
ocre  brun,  devenant  noires  et  saillantes. 

[P.  graminis  f.  Hordei. 
Avoine. 

Pustules  orange  vif,  les  unes  grandes,  les  autres  petites,  en 
groupes  irréguliers,  entremêlées,  plus  tard,  de  pustules 
noires  entourées  d'une  zone  décolorée  sur  feuilles,  plus  rar* 
sur  chaumes  et  glumes P.  coronifera. 

Sur  chaumes,  moins  abond*  sur  feuilles  et  glumes,  longues 
pustules  ocre  brun  et,  plus  tard,  pustules  noires,  confluentes 
comme  imprimées  dans  les  tissus.     P.  graminis,  f.  Avenœ. 

B.  D'après  las  caractères  microscopiqnes. 

A.  Urédospores  elliptiques,  deux  fois  aussi  longues  que  larges. 

[P.  graminiê. 
AA.  Urédospores  globuleuses  ou  globul. -ovoïdes. 

B.  Sores  d'Urédosp.,  en  stries  jaune  citron.   P.  glumarum. 
BB.  Sores  d'Urédosp.,  dispersés,  brun  rougeâtre. 
C.  Téleutospores  toutes  2-cellulaires. 

D.  Cellule  terminale  des  Téleut.  sans  appendices 
rayonnants. 

E.  Sur  Froment P.  triticina. 

EE.  Sur  Seigle P.  dispersa. 

DD.  Cell.  term.  des  téleut.  avec  appendices  rayon- 
nants   P.  coronifera. 

ce.  Téleutosp.  la   plupart  1-cellul.   .   .     P.  simplex. 

III 

Propagation  des  diverses  Rouilles. 

On  a  vu  plus  haut  qu'à  la  suite  des  reniarques  faites  par 
les  agriculteurs  et  des  expériences  instituées  par  les  bola- 
niïîtes,  on  avait  admis,  jusqu'ù  ces  dernières  années,  que 


—  âio  — 

contaminées  et  les  plantes  saines;  cette  distance  est  toujours 
réduite  :  elle  varie  de  10  à  25  m.  pour  la  propagation  de  la 
Rouille  noire  par  l'Épine-Vinelte. 

L'influence  de  TEpine-Vinette  a  été  certainement  exagé- 
rée ;  nous  avons  rappelé  plus  haut  nos  anciennes  observa- 
tions de  1 86 J  1873,  faites  dans  les  environs  de  Lyon  et  dans 
la  Dornbes,  montrant  que  la  Rouille  ne  se  développe  pas 
toujours  au  voisinage  du  Berberis  et  qu'elle  est  au  contraire 
très  fréquente  dans  certaines  régions,  comme  la  Dombes, 
où  cet  arbuste  n'existe  pas.  Aussi,  est-ce  avec  une  vive  sa- 
tisfaction que  nous  avons  vu  notre  opinion  confirmée  par 
les  plus  récents  observateurs. 

Déjà,  lors  de  la  discussion  du  Rapport  de  M.  Max,  Cornu, 
à  la  Société  7iationtile  d'agriculture  de  France,  des  réserves 
avaient  été  exprimées  par  MM.  Blanchard,  Chevreuil  (1),  De- 
rennes  (2),  Doniol  P),etc.,  sur  le  rôle  trop  exclusif  qu'on  attri- 
buait au  Berberis  dans  le  développement  de  la  Rouille  du 
Blé. 

Plus  récemment,  Eriksson  reconnaît  que  l'arrachage  du 
Berberis  n'est  pas  une  sauvegarde  efficace  W, 

D'après  M.  Marchal,  l'influence  de  l'Epine-Vinetle  n'est 
pas  aussi  grande  qu'on  l'a  supposé  ;  il  est  bien  prouvé  au- 
jourd'hui que  cet  arbuste  n'est  pas  nécessaire  pour  assurer 
la  conservation  de  la  Rouille  noire  ;  le  Berberis  est  rare  en 
Belgique  et  est  toujours  éloigné  des  champs  cultivés  ;  il  est 
rarement  atteint  d'écidies  (5). 

De  même,  d'après  M.  Prunet,  à  la  suite  de  l'enquête  qu'il 
a  faite  en  1902  et  1903,  dans  la  région  toulousaine  et  qui 


(1)  Séance  du  20  nov.  1887. 

(2)  Séance  du  9  nov.  1887  [Journal  d'agrie.  pratiq.y  17  nov.  1887, 
p.  714}. 

(3)  Séance  du  17  août  1887.  —  Voy.  encore  les  faits  cités  par  M.  .\bord. 
dans  Journal  d'Agric.  prat.^  15  déc.  1887,  p.  864. 

(4)  C.  H.  de  VAcad.  des  sciences,  12  oct.  1903. 

'5)  Recherches  sur  la  Rouille  des  Céréales,  Bruxelles,  1903,  p.  32-36 


-  2H  - 

a  porté  sur  212  champs  de  céréales  (Blé,  Seigle,  Orge 
et  Avoine)  :  «  le  Berberis  n'existe  qu'exceptionnellement 
dans  la  région  :  il  n'est  pas  plus  fréquent  dans  les  localités 
très  frappées  par  la  Rouille  du  Blé  que  dans  les  autres  »(1). 

C'est  bien  la  confirmation  de  ce  que  nous  écrivions  en 
1873,  1885,  1888,  comme  on  peut  le  constater  dans  les 
extraits  donnés  en  appendice. 

Les  mêmes  conclusions  s'appliquent  aux  écidies  des  Bor- 
raginées  et  des  Nerpruns  ;  la  germination  de  leurs  écidios- 
pores  sur  le  Seigle  et  l'Avoine  est  un  fait  bien  établi,  mais 
elle  n'est  pas  nécessaire  et  le  rôle  joué  par  le  Lycopsia  ar- 
vensis  et  le  Bhamnus  cathartica  dans  le  développement  de 
la  Rouille  brune  du  Seigle  et  de  la  Rouille  couronnée  de 
l'Avoine  est  encore  moins  important  que  celui  de  l'écidios- 
poredu  Berberis  pour  la  Rouille  noire  du  Blé  (cf.  Marchal, 
Op,  cit,y  p.  34).  M  Prunet  constate  de  son  côté  que  les 
champs  d'avoine  des  environs  de  Toulouse  ont  été  assez 
grièvement  attaqués  par  P.  coronifera,  quoique  le  Rhamnus 
cathartica  manque  dans  leur  voisinage  (2)  ;  on  peut  donc 
conclure,  en  général,  que  les  hôtes  écidifères  n'ont  qu'une 
influence  insignifiante  sur  l'évolution  des  Rouilles  des  cé- 
réales. 

Ajoutons  que  d'autres  plantes  paraissent  intervenir  dans 
la  conservation  et  la  propagation  du  parasite,  par  ex.,  le 
Chiendent  qui  remplirait  un  rôle  bien  démontré,  d'après 
M.  Marchal,  dans  la  propagation  de  la  Rouille  noire  du  Seigle 
et  de  l'Orge,  et  dont  la  destruction  s'impose  (3). 


(i)  Prunet.  La  Rouille  des  Céréales  dans  la  région  toulousaine,  dans 
Asêoc.  franc,  pour  Vavanc^  des  sciences^  session  de  Monlauban,  1902, 
t.  I,  p.  223,  et  session  d'Angers,  1903,  t.  II,  p   731. 

(2)  Prunet.  Op.  cil. 

(3;  Marchal.  Op.  cit.,  p.  35-36. 


—  212  — 

IV 

Influences  externes  et  internes  ;  Réceptivité. 

Dans  rétude  des  moyens  de  propagation  de  la  Rouille,  il 
faut  distinguer  : 

A.  L'infection  initiale  des  jeunes  semis  (conservation  des 
germes  du  parasite)  et  la  propagation  par  voisinage  ; 

B.  Les  conditions  externes  et  internes  qui  favorisent  celte 
propagation. 

On  a  vu  plus  haut  que  l'infection  initiale  peut  se  faire  par  la 
germination  des  écidiospores  de  Thôte  écidifère  pour  les 
Houilles  hétérèques,  par  la  conservation  d'autres  spores  sur 
des  Céréales  d'hiver  ou  des  Graminées  vivaces,  enfin  par 
hérédité,  parles  semences  probablement  parasitées  'Eriks- 
son). 

Voici  le  tableau  des  principaux  modes  d'infection,  d  après 
les  travaux  et  les  expériences  d'Eriksson: 

Le  Froment  peut-être  contaminé  : 

a.  De  Rouille  jaune,  par  aucune  espèce  végétale; 

b.  De  R.  brune,  par  les  Tritieum  compactum^  dieoecum, 
Spelta  ; 

c.  De  R.  noire,  dans  certaines  conditions,  par  TOrge,  l'Avoine, 
le  Seigle. 

Le  Seigle  peut  l'être  : 

a.  De  R.  brune,  par  aucune  espèce  végétale  (cependant  ex- 
ceplionellement  par  le  Puce,  hromina)  ; 

b.  De  R.  noire,  par  TOrge,  le  Chiendent,  etc. 

L'Orge  : 

a.  De  R.  naine,  par  aucune  espèce  végétale  ; 
6.  De  R.  noire,  parle  Seigle,  le  Chiendent. 


—  213  — 

L'Avoine  : 

a.  De  R.  couronnée,  par  aucune  espèce  végétale; 
h.  De  R.  noire,  par  le  Dactyle,  TAvoine  élevée,  le  Vulpin  des 
prés,  etc.  (i) 

Mais  dans  la  propagation  de  la  Rouille,  —  aussi  bien  que 
dans  l'infection  initiale,  —  il  importe  de  tenir  compte,  non 
seulement  de  Tensemencement  par  les  germes  (mycoplasme, 
etc.)  ou  les  spores,  mais  encore  des  conditions  de  mi- 
lieux :  milieux  extérieurs,  climat,  vent,  pluie,  sol,  etc.  ; 
milieux  internes,  étal  de  la  plante,  sa  nature  spéciale  résul- 
tant des  qualités  de  la  race  à  laquelle  elle  appartient,  etc. 

Les  conditions  extérieures  ont  une  influence  considérable: 
nous  les  signalions,  dès  1872,  en  indiquant  les  différences 
observées  entre  les  champs  de  Blé  des  bons  terrains  des  en- 
virons de  Lyon,  où  la  Rouille  est  rare,  malgré  la  présence 
du  Berberis  et  ceux  des  terrains  humides  de  la  Bombes  où 
la  Rouille  est  fréquente,  bien  que  le  Berberis  n'y  existe 
pas  (voy.  Appendice,  n®  II)  :  nous  y  revenions  dans  notre 
travail  sur  la  Dombes,  en  1876,  où  Ton  peut  lire  des  conclu- 
sions très  explicites  à  cet  égard  (p.  44,  45  ;  voy.  Appendice, 
n<>  III)  et  dans  nos  autres  publications  ultérieures. 

Dans  la  séance  du  10  août  1887  de  la  Soc,  nation,  d'agri- 
culture de  France,  M.  Max.  Cornu  reconnaît  aussi  l'in- 
fluence des  conditions  météorologiques,  des  pluies,  des 
chaleurs  de  l'été  (qui  ont  favorisé  le  développement  de  la 
Rouille  noire),  du  vent  (extension  de  la  Rouille  à  partir  d'un 
l>\ed  de  Berberis  y  ônns  la  direction  du  vent  régnant,  etc.). 

Eriksson  (1898)  conclut  aussi  de  ses  observations  et  de 
ses  expériences  que  l'intensité  de  la  maladie  dépend  :  1<>  de 
V énergie  avec  laquelle   les   circonstances    extérieures  (de 


(1)  Il  importe  de  remarquer  que  les  recherches  d'Kricksson  ont  été  fuiti's 
en  Suède  et  que  la  spécialisation  de  chaque  forme  peut  varier  avec  la 
contrée. 


—  244  — 

temps,  de  sol,  d'engrais,  etc.)  sont  capables  de  trafismetire 
le  Champignon  de  Vétat  latent  à  Vétat  mycélien  ;  29  de  l'in- 
tervention de  nouvelles  matières  contagieuses  du  dehors. 

Marchal  (1903)  insiste  de  son  c^té  sur  ces  causes  prédis- 
posantes :  ii  indique  particulièrement  les  conditions  météo- 
rologiques, l'influence  du  sol,  des  engrais,  de  la  rotation, 
des  conditions  des  semailles,  etc.  (op.  cie.,  p.  25  à  32  ) 

Ces  conditions  extérieures  influent  sur  la  propagation 
do  la  Rouille,  en  empêchant  ou  favorisant  la  germination 
des  spores  (humidité  du  sol,  de  Tair,  pluie,  chaleur,  etc.), 
en  rendant  la  plante  plus  robuste  ou  plus  faible  et  en  la 
mettant  ainsi  dans  des  conditions  plus  ou  moins  favorables 
à  rinvasion  parasitaire  ou  de  résistance  aux  atteintes  du 
parasite. 

C'est  ce  dernier  état  de  prédisposition  ou  de  réceptivité 
dont  nous  voulons  parler  un  peu  plus  longuement  en  ter- 
minant cette  étude. 

L'influence  de  l'état  de  réceptivité  d'un  organisme,  plante 
ou  animal,  exposé  à  une  intoxication,  à  un  ensemencement 
de  germes,  de  spores,  etc.,  domine  toute  la  pathogénie 
des  affections  contagieuses,  parasitaires,  aussi  bien  chez  les 
végétaux  que  chez  les  animaux  et  l'homme. 

Mentschnikoff  vient  de  traiter  la  question  dans  un  ou- 
vrage magistral  :  L*immunité  dans  les  ^naladies  infectieuses 
(1902),  mais  à  un  point  de  vue  tout  spécial. 

Je  citerai  ici  quelques  faits  récents  signalés  chez  les  vé- 
gétaux. 

L'état  de  plus  ou  moins  grande  réceptivité  se  manifeste 
suivant  que  la  plante  se  trouve  dans  un  état  particulier  d'af- 
faiblissement ou  de  vigueur,  ou  bien  qu  elle  appartient  à 
une  race  plus  ou  moins  résistante  par  elle-même  (immunité*. 

L'influence  prédisposante^  en  certain  cas  nécessaire^  de 
l'affaiblissement  de  la  plante  est  indiquée  par  plusieurs  pa- 
thologistes  ou  mycologues  ;  Wagner,  en  1896,  Hartig,  en 
1897,  etc    concluent  très  nettement,  de  leurs  observations. 


—  215  — 

que  l'alTaiblissement  de  la  plante  est  nécessaire  pour  qu'elle 
puisse  être  infectée. 

Wagner  n*a  pu  obtenir  Tinfection  du  Slellaria  holostea 
par  une  Puccinie  qu'en  cultivant  la  plante  dans  des  condi- 
tions anorniales  qui  la  mettaient  en  état  de  moindre  résis- 
tance. 

Hartig  a  vu  que  le  Mucor  Mucedo  envahissait  les  faînes 
conservées  pendant  Thiver,  mais  non  celles  mises  à  germer 
de  suite,  à  cause  du  trouble  apporté  par  le  ralentissement 
hivernal  de  la  végétation. 

GuÉGEN  [Soc,  mycol.  de  France,  !901,  p.  296,  298)  pense 
aussi  que  le  Schizophyllum  commune  ne  peut  s'implanter 
que  sur  des  arbres  affaiblis  par  une  mauvaise  hygiène. 

Etc.. 

Mais  il  faut  distinguer,  à  ce  sujet,  ainsi  que  nous  l'avons 
fait  dans  nos  communications  antérieures  (Soc.  bot.  Lyon, 
1885,  p.  18  ;  voy.  Appendice,  n°  IV),  la  vigueur  normale 
de  l'excès  de  vigueur,  dû  par  ex.  à  des  engrais  intensifs, 
qui  peut  prédisposer,  au  contraire,  la  plante  à  l'invasion 
parasitaire  et  la  met  dans  des  conditions  défavorables  pour 
lutter  contre  la  maladie. 

Voyez,  sur  ce  point  :  Tulasne,  Des  causes  qui  peuvent 
provoquer  ou  tavoriser  le  développement  des  Ustilaginées 
(Ann.dessc.  naiiu\,  1847,  t.  VU,  p.  17,  40-42)  ;.A.  Fischer 
de  Waldheim,  Causes  du  parasitisme  sur  les  Céréales  CGon- 
grès  des  natur  de  Moscou,  1871  ;  et  appendice  n^IV,  p.  224); 
et  dans  le  travail  de  Marchal  cité  plus  haut  :  un  excès 
d'azote  dans  le  sol  ou  dans  les  fumures  diminue  la  résis- 
tance à  la  Rouille  {op  cit.,  p.  27)  ;  les  Blés  dont  le  dévelop- 
pement foliaire  est  le  plus  considérable  sont  les  plus  fré- 
quemment atteints  ;  pour  une  variété  donnée,  la  maladie 
fait  d'autant  plus  de  dégAts  que  la  semence  provient  d'un 
pays  plus  sec,  en  été  (cf.  Progrès  agricole,  15  mai  1898, 
p.  631),  etc. 


—  216  — 

Quant  à  ]a  résistance  aux  maladies  qui  caractérise  certains 
îndi\iâus  ou  des  races  spéciales  d'une  espèce  donnée,  elle 
est  bien  connue  :  en  ce  qui  concerne  les  Rouilles,  M.  de  Vil- 
morin a  signalé,  il  y  a  déjà  longtemps,  la  résistance  remar- 
quable du  Blé  du  Lazistan  (Les  Meilleurs  Blés  1882)  W  ;  plus 
récemment  on  a  indiqué  le  Riéli,  le  Blé  rouge  d'Ecosse,  le 
Dattel,  comme  résistant  d'une  façon  admirable,  tandis  que  le 
Blé  de  Bordeaux,  le  Blé  de  Noé,  la  Touzelle  de  Provence,  la 
Ricbelle  de  Naples,  sont  au  contraire,  très  sensibles  à  la 
Rouille. 

Pour  M.  Marchai  aussi  :    •  la  variété  a  une  grande  in 
fluence  sur  Tintensité  de  la  Rouille,  au  point  que  c'est  dan? 
la   Viiie   de  la  recherche  de    variétés    résistantes,  que   la 
lutte  contre  cette  affection  semble  devoir  arriver  plus  sûre- 
ment au  but  »  \op,  cit,y  p.  2t.) 

Notez  que  certaines  races  de  céréales  sont  réfractaires  à 
des  espèces  de  Rouilles  et  sensibles  à  d'autres;  par  ex.,  en 
Belgique,  M.  Marchai  cite  le  Blé  Michigan  Bronce  qui  résiste 
à  la  Rouille  brune,  mais  est  facilement  attaqué  par  la  Rouille 
aune,  tandis  que  le  Duivendael,  très  atteint  par  la  R.  brune, 
est  rebté  indemne  de  P.  glumarum  {op,  ait,,  p.  25.) 

Récemment,  M.  Delacroix  {Soc,  mycol.  de  France,  1903, 
p.  373,  374),  à  propos  de  l'infection  de  la  pomme  de  terre  par 
le  Phyiophtoray  a  constaté,  contrairement  à  l'opinion  de  De 
Barry,  que  «  les  différentes  variétés  de  pommes  de  terre  ne  ^e 
sont  pas  montrées  atteintes  au  même  degré  et  qu'on  a  vu 
^ouvent  des  différences  quant  à  la  réceptivité  vis-à-vis  de  la 
maladie.  »  Etc. 

il  nous  serait  facile  de  citer  d'autres  exemples  :  nous  nous 
bornerons  à  rappeler  que  nous  avons  signalé  cette  influence 
de  la  récepiix'iié,  dès  nos  premières  communications  de  1873 
(Voy,  Appendice,  no  II,  p.  220.) 


(1)  Voy.  depuis,  Ph.  de  Vii.worin.   Lu  Récolte  des  bl«H>  en  France   Soc. 
nat  d'ÀgricuU..  11102,  p.  (561),  etc. 


-  217  — 

CONCLUSIONS 

Devant  Timpuissance  ou  le  peu  d'efficacité  des  traitements 
fongicides  (sulfate  de  fer  en  pulvérisation,  ou  incorporé  au 
sol,  par  ex.)  il  faut  s'adresser  à  la  plante  même  et  aux  condi- 
tions culturales  ;  nous  recommandons  donc,  avec  les  agrono- 
mes et  les  mycologues,  notamment  avec  M.  Marchai,  de  choi- 
sir des  variétés  résistantes  ;  semer  de  bonne  heure  ;  détruire 
le  chiendent  et  les  autres  hôtes  de  passage  des  parasites  ; 
pratiquer  le  déchaumage  ;  et  surtout  donner  aux  céréales  une 
nourriture  rationnelle,  adaptée  h  la  race,  au  sol,  au  climat  lo- 
cal, pour  les  mettre  en  état  de  résister  aux  atteintes  dos  pa- 
rasites . 

La  mise  en  état  de  résistance,  de  non  réceptivité,  est  du 
reste  d'une  application  générale  ;  c'est  la  solution  vraie  de  tous 
les  problèmes  où  entre  en  jeu  la  contamination  ;  comme  il  sera 
toujours  de  plus  en  plus  difficile  de  se  préserver  des  germes, 
des  spores,  qui  par  leur  diffusion  de  plus  en  plus  large  dans 
l'air,  l'eau,  le  sol,  envahissent  les  organismes  de  toutes  parts, 
le  mieux  est  encore  de  mettre  ces  organismes,  animaux  et 
plantes,  en  état  de  non  réceptivité  (cf  notre  Hydrographie 
souterraine^  1902,  p.  31). 

En  agriculture,  la  recherche  des  races  résistantes  aux  ma- 
ladies des  plantes  est  de  la  plus  grande  importance  ;  dans 
chaque  contrée,  il  est  nécessaire  d'essayer  les  races  indiquées 
comme  résistantes  dans  d'autres  régions,  et  si  elles  ne  réus- 
sissent pas,  de  chercher  à  en  obtenir  par  la  sélection  ou  le 
croisement  ;  d'une  façon  générale,  l'essai  ou  l'obtention  de 
races  à  grand  rendement  ou  résistantes  aux  maladies,  bien 
adaptées  à  la  contrée,  à  ses  conditions  particulières  de  climat 
et  de  sol,  doit  être  une  des  principales  préoccupations  de 
l'agriculture  scientifique  et  non  plus  routinière  ;  c'est 
surtout  le  rôle  des  Instituts  botaniques,  seuls  outillés  conve- 
nablement, comme  personnel  et  matériel,  pour  entreprendre 


—  218   ~ 

avec  méthode  de  telles  recherches  ;  le  vœu  suivant  adopté, 
sur  la  proposition  de  notre  ami,  le  D'  Trabut,  Directeur 
du  Service  botanique  de  l'Algérie,  par  V Association  fran- 
çaise dans  sa  session  d'Angers  (1903,  t.  I,  p.  57),  le  reconnaît 
et  le  précise  en  d'excellents  termes  : 

«  La  9«  section,  considérant  que  les  progrès  de  l'agriculture 
sont  absolument  liés  à  rintroduction,  amélioration  ou  créatiou 
des  races  de  plantes  mises  en  œuvre; 

»  Considérant  que  l'initiative  privée  des  cultivateurs,  que  les 
efforts,  souvent  très  remarquables  des  marchands  grainiers, 
des  horticulteurs,  peuvent  être  insuffisants  pour  poursuivre,  à 
travers  plusieurs  générations,  les  sélections,  semis,  métissages, 
hybridations  et  autres  opérations  qui,  méthodiquement  et  scien- 
tifiquement conduites,  aboutissent  à  la  création  de  races  meil- 
leures ; 

»  L'Afas,  réunie  en  congrès  à  Angers  en  1903,  émet  le  vœu 
que  les  enseignements  de  la  botanique  donnés  dans  une  région 
naturelle,  dans  un  centre  universitaire,  soient  coordonnés  et 
groupés  en  un  Institut  botanique  et  que  les  différents  Instituts 
botaniques  de  France  et  des  colonies  soient  en  relations  cons- 
tantes ; 

»  Que  ces  Instituts  consacrent  une  part  importante  de  leurs 
travaux  à  aider  au  développement  et  progrès  de  l'agriculture 
locale  par  l'organisation  d'une  station  botanique  pour  y  procéder 
à  l'introduction  de  toutes  les  espèces  ou  races  de  plantes  éco- 
nomiques pouvant  être  propagées  utilement  dans  la  contrée; 
pour  y  créer  les  races  locales  qui  sont  indispensables  à  une 
bonne  exploitation  et  qui  n'ont  été,  le  plus  souvent,  jusqu'à  ce 
jour,  obtenues  que  par  l'effet  du  hasard  ou  de  circonstances 
particulières,  mais  rarement  par  les  méthodes  scientifiques  qui 
doivent  donner  les  résultats  les  plus  sftrs  en  tendant  à  une  amé- 
lioration sans  limite.  » 

Nous  savons  (jue  VlJniversité  de  Besançon^  et  particulière- 
ment son  Institut  botanique  (services  de  la  Botanique  agri- 
cole et  de  la  Station  agronomique  de  Franche- Comté)  sont 
disposés  non  seulement  à  persévérer  dans  cette  voie,  mais 
à  l'élargir  pour  entreprendre  les  recherches  qui  font  l'objet 
de  ces  conclusions,  à  la  condition  cependant  qu'on  leur  en 


—  219  — 

donne  les  moyens,  sous  la  forme  de  champs  d'expériences  et 
de  subventions  suffisantes  pour  subvenir  à  leur  entretien. 

Pour  les  Rouilles,  comme  celte  question  est  complexe,  que 
leurs  diverses  espèces,  leur  mode  de  vie,  leurs  procédés  de 
conservation,  peut-être  leur  spécialisation,  varient  d'un  pays 
à  l'autre,  il  est  nécessaire  de  procéder  à  une  étude  appro- 
fondie de  leurs  .  parasites  dans  chaque  contrée  où  elles 
exercent  des  ravages.  11  est  donc  utile  de  faire,  au  préalable, 
une  enquête  dans  la  région  franc  comtoise,  notamment  dans 
le  département  du  Doubs,  portant  sur  les  points  suivants: 

Quelles  sont  les  diverses  espèces  de  Rouilles  ^jU'on  y 
observe  et  celles  qui  y  prédominent; 

Quelle  est  l'importance  des  dégâts  qu'elles  peuvent  causer 
aux  récoltes; 

Comment  se  comportent  à  cet  égard  les  diverses  céréales, 
les  différentes  variétés  ordinairement  cultivées; 

Quelles  différences  observe-t-on  dans  les  divei'ses  zones 
naturelles  (Bresse,  vignoble,  1'"  plateaux,  etc.),  et  dans  les 
différentes  terrains  (calcaires,  argileux,  siliceux,  etc.); 

Quelle  est  l'influence  des  autres  conditions  locales,  des 
modes  de  culture,  de  la  nature  des  engrais  employés,  du 
voisinage  de  certaines  plantes,  etc. 

Toutes  ces  données  réunies  nous  permettront  de  voir  s'il 
est  nécessaire,  dans  notre  région,  de  se  préoccuper  du  dé- 
veloppement de  ces  parasites  et  dans  l'affirmative,  de  cher- 
cher les  moyens  de  remédier  à  leurs  effets. 

Le  Service  de  la  Botajiique  agricole,  si  habilement  dirigé 
par  M.  Parmentier,  est  tout  indiqué  pour  faire  ces  recher- 
ches; mais  nous  comptons  sur  Taide  des  Sociétés  savantes 
de  la  région,  notamment  des  Société»  d'Emulation,  d'Histoire 
naturelle,  d'Agriculture  et  d'Horticulture  du  Doubs,  pour 
nous  faciliter  cette  étude. 


—  220  - 

APPENDICE 


PIÈCKS    JUSTIFICATIVES 

(Extraites  de  uos  publications  antérieures) 


I. 

MÎBcellanéAB  mycologiques  :  Les  Entophytes  du  Jardin  bota- 
nique de  Lyon  (Soc.  botan.  de  Lyon,  l.  I,  1873,  p.  41). 

Simple  citation  des  Trichobasis  et  Puccinia  rubigo-vera  obser- 
vés au  Jardin  botanique. 

II. 

Sur  les  UrédlBées.  —  (Assoc.  franc,  pour  Vavanc^  des  sciences, 
session  de  Lyon,  séance  du  28  août  1873,  C.  R  ,  t.  II.  p.  483'. 

Réceptivité  ;  influence  de  la  culture,  etc.  : 

Les  plantes  cultivées  dans  un  Jardin  botanique  «  se  trouvant 
dans  des  conditions  de  végétation  souvent  difTérentes  de  celles 
({m  leur  sont  habituelles,  sont  par  le  fait  même  dans  un  étal  de 
réceptivité  spécial  qui  favorise  singulièrement  le  développement 
des  parasites  végétaux:  aussi  n'esl-il  pas  étonnant  de  voir  quel- 
ques-unes de  ces  plantes  littéralement  couvertes  de  crypto- 
games  » 

€  Vne  étude  qui  n'est  pas  sans  intérêt  et  qui  fait  l*objet  de 
cette  seconde  partie,  ce  sont  les  causes  de  l'apparilion  si  fré- 
quente des  parasites  dans  les  plantes  cultivées  ..  J*ai  parlé,  au 
début  de  cette  communication,  de  Tétat  maladif  dû  auxcoudilions 
de  végétation  anormale  dans  lesquelles  se  trouvent  souvent  les 
plantes  cultivées  et  qui  les  prédisposent  à  l'invasion  parasitaire: 
rinfluence  de  cet  état  morbide  est  tellement  vraie  que  ce  sont 
surtout  les  plantes  étrangères,  les  plantes  tout  à  fait  dépaysées, 


les  plantes  alpestres  par  ex.,  qui  sont  envahies  par  les  para- 
sites ;  c'est  ainsi  qu'un  pied  de  Statice  alpina^  venant  des  Pyré- 
nées,s'est  couvert,  aussitôt  après  son  arrivée,  d'CEcidtum  statica; 
un  autre  pied  de  la  même  plante,  cultivé  aussi  au  jardin  et  de 
provenance  inconnue,  a  vu  se  développer  un  bel  Uredo  statices  \ 
VŒddium  valerianacearum  a  couvert  entièrement  de  jeunes  Va- 
leriana  tuberosa  envoyées  aussi  d'un  jardin  étranger;  je  pourrai 
en  citer  davantage Fait  singulier,  des  plantes  locales  sur  les- 
quelles on  rencontre  habituellement  des  parasites, en  sont  com- 
plètement dépourvues  au  jardin  ;  ainsi  jamais  je  n'ai  pu  en  trou- 
ver sur  les  Clématites,  Berberis  qui,  cependant,  à  deux  pas  de  là, 
hors  du  parc,  en  sont  couverts. 

Voici  un  autre  fait  démontrant  encore  la  nécessité  de  cette 
prédisposition  :  il  a  trait  aux  relations  qui  existent  entre  l'Œct- 
dium  Berberidis  el  laPuccinia  ou  Rouille  des  Graminées....  (suit 
la  description  du  développement  du  Champignon  et  des  expérien- 
ces démontrant  les  relations  de  la  Rouille  avec  l'Epine- Vinette) . 
0  J'ai  voulu  voir  si,  dans  la  campagne,  on  pourrait  trouver  la  con- 
firmation de  ces  expériences  ;  pour  cela,  en  1869,  dans  une  com- 
mune des  environs  de  Lyon,  où  j'ai  l'occasion  d'aller  souvent,  j'ai 
pris  soin  de  noter,  au  printemps,  une  certaine  quantité  de  Ber- 
beris placés  à  proximité  de  champs  de  blé;  la  plupart  do  ces 
pieds  étaient  couverts  d'Œcidium  depuis  plusieurs  années  ;  j'ai 
visité  ensuite,  à  de  courts  intervalles  et  avec  le  plus  grand  soin, 
les  blés  voisins  :  eh  bien  !  je  n'ai  pu  apercevoir  le  moindre  Ure- 
do..,. En  interrogeant  les  moissonneurs,  j'ai  acquis  la  certitude 
que  ces  blés,  placés  à  proximité  du  Berberis,  n'avaient  pas  été 
plus  attaqués  par  la  rouille  que  d'autres  qui  ne  se  trouvaient  pas 
dans  ces  conditions  ;  j'ai  fait  ces  observations  pendant  trois  an- 
nées consécutives;  elles  m'ont  toujours  donné  les  mêmes  résul- 
tats. Une  autre  observation  qui  corrobore  celle-ci  :  le  plateau  de 
la  Dombes  qui  arrive  jusqu'au  N.  delà  même  commune,  ne  ren- 
ferme pas  d'Epine-Vinette,  du  moins  je  ne  l'y  ai  jamais  rencon- 
trée; et  cependant»  au  dire  des  cultivateurs,  les  céréales  y  sont 
dans  quelques  endroits,  presque  toujours  attaquées  par  la 
Rouille. 

Comment  concilier  ces  faits  avec  les  expériences  citées  plus 
haut?  Les  remarques  suivantes  permettent  de  les  expliquer: 


-*•€'»♦    .t     '•  •:    '*?•     à -t*  "=*.    •*   i.  •■.j=— -.  .      II    :•— -li»-i^..»r.  r-.*''— 

-     .  •  *<r  -*  •     ;«'•  •»-•-  *--•       ». 

;.L 

R**ti«rç-e»  geolofiqa^s.  botaniques  r-"  -ri"  -:  ::^'e=  5  *r  l'im- 
:-"-:■-  .«  D3iiibes.  18W. 

!--.*-    '.A  .rrr  ':-'-.-j  'r  ^  î  Infiâence  a€s  ^tanj»  »vr  le»  ri- 

f  -'.  >r  j  '-î.-f-r-^'.voe  ?->ri  ci  n.a:  el  de  ianatjre  du  sol  àl'en- 
st'  *w-f/.*r:.!  .j^r-  j  .i:jV>  p'tr  les  ï«ara>Ues.  ip.  44,  4ôi,  elc. 

IV. 

Remarques  sur  les  fRridinms  du  YiUar^ja,  du  Berberis  et 
les  diverses  Rouilles  des  Céréales  iSoc.  botanique  de  Lyon, 
-*^i-,.-»-  .1  j  In  f^vhtr  1885    I.  -YIII,  p.  16). 

•  II-  Dîifi-  la  di*-<:iis>ioii  qui  sVst  engagée  enire  MM.  Beauvi- 
>:i^*:.  Ijichrnann  el  Therry.au  sujet  de  Vlnfluetice  du  voisinage  de 
l  Epine-Vtnette  sur  la  production  de  la  Rouille^  j'ai  vu  avec  éton- 
nefiient  que  pers^jnne  n'avait  rappelé  les  observations  déjà  an- 
ciennes prouvant  la  multiplicité  des  rouilles  qui  attaquenl  les 
céréales  et  expliquant  ainsi  certains  faits  contradictoires  appor- 
tés de  part  et  d'autre. 

Les  cryptopannsles  sont,  en  effet,  unanimes,  comme  Ta  dit 
avec  raison  M.  Guignard,  pour  voir  dans  le  Puccinia  graminis 
la  pliase  à  téleulosporesde  VŒcidiumBerberidis;  les  anciennes 
reman|ues  des  agriculteurs,  et  mieux  encore  les  expériences  di- 
rectes de  cnllure,  l'ont  prouvé  surabondamment. 


—  22S  — 

Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai,  ainsi  que  M.  Therry  l'a  fait 
observer,  que  les  céréales  sont  souvent  atteintes  par  la  rouille 
dans  une  multitude  de  contrées  où  il  n'existe  pas  le  moindre 
pied  d'Epine-Vinette. 

J*ai,  pour  ma  part,  appelé  l'attention  sur  cette  particularité, 
il  y  a  plus  de  dix  ans,  d'abord  dans  une  communication  faite  lors 
de  la  session  de  V Association  pour  V avancement  des  sciences 
(Lyon  1873),  puis  dans  mes  Recherches  sur  la  Bombes,  (1876)  ; 
j'y  signale  les  deux  séries  d'observations  suivantes  qui  semblent 
d'abord  contraires  à  l'opinion  généralement  admise  de  relations 
entre  la  Rouille  et  le  Berberis  ; 

1o  Dans  les  plaines  et  les  coteaux  du  Rhône  et  de  la  Saône,  où 
le  Berberis  est  assez  fréquemment  cultivé  dans  les  haies,  la 
Rouille  y  est,  en  général  rare  ;  on  ne  l'observe  que  dans  les  ter- 
rains humides  ou  à  la  suite  de  saisons  pluvieuses;  de  plus,  j'ai 
maintes  fois  constaté,  par  des  enquêtes  faites  dans  do  nom- 
breuses localités  des  communes  de  Miribel,  Saint-Maurice,  Bey- 
nost,  La  Boisse,  etc. ,  que  les  champs  de  blé  ne  présentaient  au- 
cune trace  de  rouille,  malgré  le  voisinage  immédiat  de  pieds  de 
Berberis,  ayant  été  couverts  d'Œcidium.  (1) 

2o  Au  contraire,  sur  le  plateau  de  la  Dombes,  les  champs  y 
sont  fréquemment  ravagés  en  entier  par  la  Rouille;  or,  tous  les 
botanistes  lyonnais  savent  qu'il  serait  très  difficile  de  trouver 
dans  toute  l'étendue  de  la  Dombes  d'étangs  un  seul  pied  de 
Berberis. 

Celte  dernière  constatation  me  rappelle  une  observation  ana- 
logue que  je  trouve  dans  Taruffil^)  ;  cet  auteur  affirme  qu'en 
Italie  la  rouille  est  très  fréquente,  bien  que  le  Berberis  n'y  soit 
pas  cultivé. 


(1)  Je  neveux  évidemment  pas  affirmer  l'absence  complète  de  la  Rouille; 
mais  ce  que  je  puis  assurer,  c'est  que  les  pied!&  atteints  étaient  tellement 
rares  qu'on  n'aurait  pu  les  découvrir  que  par  une  visite  minutieuse  ;  il  y 
a  loin  iie  là  aux  champs  complètement  envahis  et  dont  la  récolte  est  com- 
promise. 

(2j  Deve&i  per«)  notare  che  la  ruggine  délie  biade  non  in  ogni  luogo  puo 
avère  la  suddetta  origine,  perché  per  e«.  la  ruggine  in  Italia  è  frequentissima 
qnantunque  non  si  cultivi  il  suddetto  Berberis  ».  (Cesare  Tari'FFI,  Corn- 
pendio  di  anat.  palli.  gêner. ^  Bologne,  1870,  p.  705 1. 


Comment  expliquer  ces  faits  en  apparence  contradictoires? 

Disons  d'abord  que  l'absence  même  complète  de  Berberis  dans 
une  région  ne  suffît  pas  pour  préserver  les  céréales  de  l'atteinte 
des  germes  de  son  Œcidium;  on  connaît  la  facilité  avec  laquelle 
ces  petites  sporules  peuvent  être  transportées,  par  l'atmosphère, 
à  de  grandes  distances. 

D'autre  part,  j'ai  montré,  dans  les  mêmes  publications  citées 
plus  haut,  qu'il  fallait  tenir  compte  des  conditions  de  milieu,  de 
climat,  d'état  particulier  dans  lequel  se  trouve  le  végétal,  en  un 
mot  de  la  prédisposition  ou  de  Vétat  de  réceptivité  de  la  plante 
qui  permet  aux  végétaux  sains,  vigoureux  (1),  placés  dans  des 
terrains  secs,  bien  qu'au  voisinage  d'Epine-Vinette,  de  ne  pas 
soufTrir  de  la  présence  du  parasite,  à  moins  que  la  saison  n'ait 
été  pluvieuse,  tandis  que  les  plantes  chétives,  développées  dans 
des  terrains  compacts,  imperméables,  sous  un  climat  humide 
comme  cehii  de  la  Dombes  ('2),  étaient  gravement  atteintes  par  le 
paiasite,  même  à  la  suite  d'un  ensemencement  à  distance. 

Dans  une  étude  plus  complète  que  celle  que  je  puis  faire  ici, 
il  y  aurait  lieu  de  distinguer  ces  conditions  de  milieu,  de  cli- 
mat, etc..  qui  favorisent  la  germination  des  sporules  (humidité, 
pluie,  fréquence  des  brouillards,  etc.),  et  l'état  de  prédisposi- 
tion du  végétal  même  (santé,  débilité  ou  excès  de  vigueur)  qui 
peut  entraver  ou  favoriser  l'envahissement  de  la  plante  par  le 
parasite,  ou  bien  lui  permettre  de  résister. 

Cette  difïérence  d'aptitude  à  prendre  la  Houille  a  même  été 
constatée  chez  certaines  races  suivant  leur  nature  ou  leur  ori- 


(1)  D'après  divers  observateurs,  entre  autres  M.  Fischer  de  Waldheim 
(Causes  du  paraaUistne  sur  les  céréales,  Congrès  des  naturalistes  de 
Moscou,  1870; ,  «  une  végétation  luxuriante  favorise  le  développement 
des  parasites...  ;  la  culture,  en  forçant  les  céréales  à  une  luxuriante  végé- 
tation prépare  dans  la  plante  un  sol  propice  à  un  exubérant  parasi- 
tisme... »  Il  ne  faut  donc  pas  confondre  l'état  normal  de  la  plante  avec 
l'excès  de  vigueur.  Consulter,  sur  cette  question  :  Bonafous,  iiisi.  nalur. 
agric.  et  économiq.  du  Maïs,  p.  97  ;  Tui.asne,  Ann  des  se.  nat.,  1847, 
t   VU,  p.  17,  etc. 

(2)  La  Dombes  reçoit  une  quantité  de  pluie  plus  considérable  que  la 
vallée  de  la  Saône  et  du  Rhône  .*  les  brouillards  favorisant  la  dissémination 
et  la  germination  des  spores  y  régnent  presque  en  permanence  ;  enfin,  la 
ténacité  et  l'imperméabilité  du  sol  contribuent  encore  à  rendre  le  climat 
et  Les  terres  plus  humides,  les  cultures  chétives,  etc. 


gine;  ainsi  M.  Vilmorin  a  observé  (Bull.  Soc.  bot,  de  Francêy 
1882).  que  certains  blés  d'Orient  prennent  facilement  la  Rouille 
en  France,  tandis  qu'une  autre  variété,  le  blé  du  Lazistan,  n'est 
jamais  attaqué  par  VUredo;  il  est  vrai  que  cette  dernière  race 
est  originaire  d'un  pays  humide;  n'y  aurait-elle  pas  contracté 
un  degré  de  résistance  spécial? 

Mais  il  est  d'autres  parasites  attaquant  les  céréales  et  qui  con- 
fondus ordinairement  avec  la  Rouille  de  l'Epine-Vinette,  ne  leur 
nuisent  guère  moins  que  cette  dernière;  c'est  ce  que  je  veux 
rappeler,  en  terminant,  pour  montrer  qu'on  a  peut-èlre  eu  tort 
de  tant  incriminer,  dans  notre  contrée,  l'Epine-Vinette. 

Ces  différentes  espèces  de  Rouilles  sont  : 

1"  La  rouille  produite  par  le  Trichobasis  lineariSy  ou  Puccinia 
graminis,  qui  représentent,  le  premier,  l'état  d'Urédospores 
(Rouille  jaune),  —  le  second  celui  de  téleutospores  (Rouille  noire) 
de  VŒcidium  Berbendis'y  c'est  cette  Rouille  qui  attaque  habi- 
tuellement les  gaines  et  les  tiges  de  nos  céréales  (Blé,  Seigle); 

2o  La  Rouille  due  au  Trichobasis  rubigo-vera  ou  Puccinia 
Straminis  de  Fuckel(l);  cette  dernière  espèce,  étudiée  avec 
soin  il  y  a  déjà  près  de  20  ans,  par  M.  de  Bary  (2),  ne  nuit  guère 
moins  aux  Céréales  que  le  Puccinia  graminis  ;  elle  attaque  sur- 
tout le  Froment,  le  Seigle  et  aussi  l'Orge.  Or,  ses  téleutospores 
donnent  des  sporidies  qui  ne  germent  que  sur  diverses  Borra- 
ginées,  entre  autres  VAnchusa  officinalis  et  le  Lycopsis  arvensis 
(plante  commune  dans  les  champs  d'une  partie  de  la  France), 
sur  lesquelles  elles  produisent  VŒcidium  Asperifoliœ  Pers.  ;  de 
plus,  les  écidiospores  semées  sur  de  jeunes  seigles  ont  donné 
naissance  à  VUredOy  puis  au  Puccinia  Straminis  Fuck. 

C'est  donc  avec  raison  que  M.  de  Bary  en  conclut  que  les  Bor- 
raginées  sont  funestes  aux  moissons.  Ces  faits  n'ont  pas  été 
infirmés,  que  je  sache;  je  les  vois,  du  reste,  encore  résumés 


(1)  C'est  en  effet,  Fuckel,  cryptogamiste  allemand,  dont  M.  Therry  et 
moi  avons  souvent  entretenu  la  Sociélû,  qui  a  le  premier  décrit  cette 
forme  de  Puccinie  (voy.  Fungi  rhen.  321  ;  Symbolae  mycol.  p.  59). 

(2)  Deuxième  Mémoire  bur  les  Urédinéea^  dans  C.  R.  Ac.  de  Berlin  t 
avril  1866,  traduit  dans  les  Ann.  des  Se.  nai.,  1866,  t.  V,  p.  263. 

15 


-  226  — 

ainsi,  sans  changement,  «lans  l'ouvrage  récent  de  Wunsche,  tra- 
duit par  M.  de  Lîïnessan  ; 

30  Je  signale  enfin,  mais  seulement  pour  mémoire,  le  Puccinia 
coronata  de  Corda  qui  attaque  quelques  graminées  et  particu- 
lièrement V Avoine  cultivée^  et  dont  VŒcidium  est  assez  fréquent 
sur  les  Nerpruns  (Rhamnus  Frangula  et  Rh.  cathartica). 

Les  faits  ci-dessus  énumérés  montrent  qu'il  n'est  pas  néces- 
saire de  supposer,  comme  on  1'  a  fait  au  cours  de  la  discussion, 
que  t  d'autres  arbrisseaux  que  le  BerherU  servent  peut-être  de 
support  à  VŒcidiiim  Berberidis  ». 

En  résumé  : 

I0  Dans  les  contrées  à  terrains  perméables,  dans  les  sols  cal- 
caires ou  d'alluvions  des  vallées  du  Rhône  ou  de  la  Saône,  la 
présence  du  Berberis  ne  cause  pas  habituellement  de  dommages 
sérieux  aux  céréales;  cet  arbrisseau  devient,  du  reste,  de  jour 
en  jour  plus  rare,  l'industrie  tinctoriale  lyonnaise  en  faisant  une 
grande  consommation; 

2o  Dans  les  régions  froides,  siliceuses,  celle  de  la  Dombes, 
par  exemple,  où  la  Rouille  est  fréquente  et  cause  souvent  des 
dommages  aux  moissons,  le  Berberis  ne  peut  précisément  pas 
y  croître;  il  est  donc  inutile  de  recommander  aux  agriculteurs 
de  ne  pas  l'y  planter  (ou  de  l'arracher); 

Enfin,  il  n'y  a  pas  que  le  Berberis  à  incriminer  dans  la  pro- 
duction de  la  Rouille  des  Céréales;  et  si  l'on  voulait  se  préoccu- 
per ainsi  du  côté  prophylactique  de  cette  question,  il  faudrait 
non  seulement  arracher  les  Berberis  et  n'en  plus  planter,  mais 
encore  détruire  les  diverses  Borraginées,  Anehusa,  Lycopsis  de 
nos  champs  et  de  nos  terres  incultes,  et  même  les  Nerpruns  de 
nos  bois.  Cette  extirpation  devrait  être  faite,  non  seulement  dans 
les  champs  de  froment,  de  seigle,  d'avoine,  ou  dans  leur  voisi- 
nage (haies  et  bois;,  mais  encore  dans  un  rayon  étendu  pour  em- 
pêcher l'ensemencement  à  distance  contre  lequel  on  ne  serait 
jamais  assuré,  du  reste,  à  moins  de  prendre  une  mesure  géné- 
rale difficile  à  appliquer. 

Je  le  répète,  je  ne  veux  pas  nier  l'influence  des  Berberis  sur 
la  produclion  de  la  Rouille;  mais,  dans  la  discussion  à  laquelle 


-  22?  - 

je  fais  allusion,  je  crois  qu'on  Ta  trop  exagéré  et  qu'il  convient 
de  la  réduire  à  la  juste  mesure  que  je  viens  d'indiquer.  » 
(Extrait  du  procès-verbal  de  la  séance  du  10  fév.  4885,  p.  16  ) 

V. 

Observations  sur  les  Rouilles  des  céréales  et  l'in- 
fluence DE  l' Epine-Vin ETTE  sur  leur  développement.  (Soc. 
d'Emulation  du  Doubs,  11  février  1888;  t.  III,  [6«  sér.),  p.  ix). 

Le  procès-verbal  (p.  ix)  ne  contient  que  ces  quelques  lignes  : 
f  M.  le  D""  Magnin,  dans  une  conférence  étendue  et  détaillée, 
présente  une  série  d'intéressantes  observations  sur  les  rouilles 
des  céréales  et  l'influence  de  l'Epine-Vinette  sur  leur  développe- 
ment. Cette  savante  conférence  est  accueillie  par  les  applaudis- 
sements de  la  réunion  qui  en  décide  l'impression  dans  notre 
prochain  volume.  • 

Mais  dans  nos  Titres  et  travaux  scientifiques  imprimés  à  Be- 
sançon, chez  Ducret,  la  môme  année  1888,  (broch.  in-4o,  de  54  p.) 
nous  donnons  un  résumé  plus  étendu  de  cette  communication 
(p.  43,  no  94)  : 

«  A  l'occasion  des  discussions  soulevées  au  sein  de  la  So- 
ciété d'agriculture  de  France  dans  la  seconde  moitié  de  l'année 
1887  et  du  rapport  de  M.  Max.  Cornu  concluant  «  à  rendre  la  des- 
truction du  Berheris  obligatoire  dans  le  voisinage  des  cultures, 
a  et  pour  les  localités  où  la  Rouille  peut  devenir  un  véritable 
fléau.  »  nous  avons  cru  devoir  rappeler  nos  observations  anté- 
rieures (cf.  précéda  II,  IV),  montrant  que  : 

1»  On  exagère  souvent  le  rôle  nuisible  attribué  au  voisinage 
immédiat  du  Berheris  dans  la  production  et  la  propagation  des 
Rouilles  ; 

2»  On  s'illusionne  sur  le  résultat  qu'on  obtiendra  en  prescri- 
vant la  destruction  seule  des  Berheris,  môme  dans  des  régions 
étendues. 

Il  faut,  en  elTel,  dans  cette  question  du  développement  de  la 
Rouille,  tenir  compte  d'autres  circonstances,  notamment  : 

1»  De  la  possibilité  du  transport  des  spores  à  de  grandes  dis- 
lances, prouvée  par  la  présence  de  la  Rouille  dans  des  contrées 


—  228  — 

où  le  Berheris  n'existe  pas  (cf.  Dombes,  Italie,  etc.)  et  de  Tim- 
possibililé  do  «lêtruiiv  coinplètemerit,  non-seulement  les  Berhe- 
ris ^  mais  encore  les  Uorraginées,  les  Bourdaines  qui  servent  de 
supports  nourriciers  à  des  Œcidiums  produisant  des  Rouilles 
différentes,  mais  qui  attaquent  aussi  des  Céréales; 

2o  De  rétat  de  réceptivité  de  la  plante,  tenant  à  diverses  causes 
(conditions  de  sols,  de  climat,  de  culture,  aptitudes  de  certaines 
races,  etc.),  ayant  une  influence  telle  que  des  champs  de  blé 
placés  dans  de  bonnes  conditions  peuvent  rester  indemnes 
quoiqu'au  voisinage  de  BerheriSy  tandis  que  d'autres  en  sont 
toujours  atteints,  bien  que  situés  dans  des  régions  où  le  Berhe- 
ris manque  complètement,  mais  où  les  cultures  sont  chétives, 
le  sol  humide,  etc.  (cf.  Dombes). 

Nous  concluons  donc  que,  tout  en  détruisant  rCpine-Vinette, 
il  ne  faut  pas  négliger  les  conditions  culturales  et  de  milieux, 
lesquelles  jouent  un  rôle  fort  important  dans  certaines  régions.  » 

{Soc,  d'EmuL  du  Doubs,  1888.) 


V    CONGRÈS 

DE 

L'ASSOCIÏÏION  FRANC- COMTOISE 

TENU    A    BESANÇON 
Le  1"  Août  1904 


Soc.  ii*F.!r.uIa:iorî  du  l'oubi,  i^)o;-<m- 


PLI. 


Porte  du   Palais  Granvellc,    16^4. 


V   CONGRÈS 


L'ASSOCIATION  FRANC-COMTOISE 

TENU 

A.     BBSA.3SrOOIsr 
Le  1«^  Août  1904 


L'Association  Franc-comtoise,  réunie  à  Lons-le-Saunier  au 
mois  d'août  1903,  avait  décidé  de  tenir  son  V«  Congrès  à  Be- 
sançon, au  mois  d'août  1904.  M.  Maurice  Thuriet,  avocat 
général  près  la  Cour  d'appel  de  Besançon,  président  de  la 
Société  d'Emulation  du  Doubs,  en  avait  accepté  la  présidence. 
M.  Georges  Gazier,  conservateur  de  la  Bibliothèque  publique 
de  Besançon,  avait  été  désigné  comme  secrétaire  général.  Le 
Bureau  de  l'Association  franc-comtoise,  conformément  aux 
statuts,  et  d'accord  avec  MM.  les  membres  de  la  Société  d'E- 
mulation du  Doubs,  convoqua  les  personnes  désireuses  de 
prendre  part  au  Congrès  pour  le  t^*"  août. 

Soixante  congressistes  environ  répondirent  à  l'invitation 
qui  leur  avait  été  adressée.  Ils  représentaient  les  Sociétés 
savantes  adhérentes  : 

Académie  de  Besançon  ; 

Société  d'Emulation  du  Doubs  (Besançon;  ; 

Société  d'Emulation  du  Jura  (Lons-le-Saunier)  ; 

Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts  de  Vesoul  ; 

Société  d'Emulation  de  Montbéliard  ; 

Société  d'Emulation  de  Gray  ; 


—  232  — 

Société  belfortaine  d'Emulation  (Belfort); 

Société  d'histoire  naturelle  du  Doubs  (Besançon); 

Société  de  Médecine  de  Besançon  ; 

Société  des  Beaux-Arts  et  Arts  industriels  de  Besançx^n  ; 

Société  des  Architectes  de  Besançon  ; 

Société  d'Agriculture  du  Doubs; 

Photo-Club  de  Besançon. 

1.  Réunion  plénîère 

Le  Congrès  s'estouvortà  9h.  du  matin  sous  la  présidence 
dt  M  M.  Thuriet,  avocat  général  à  Besançon,  assisté  de 
M.  Georges  Gazieh,  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  Be- 
sançon, secrétaire  général  du  Congrès.  La  Municipalité  de 
Besançon  avait  mis  très  gracieusement  à  la  disposition  de 
l'Association  la  grande  salle  du  Palais  Granvelle.  L'Acadé- 
mie de  Besançon  et  la  Société  d'Emulation  du  Doubs  avaient 
également  offert  leurs  salles  de  réunion  pour  la  tenue  des 
séances  des  commissions. 

Après  une  courte  allocution  du  Président  qui  remercie  les 
membres  présents  d'avoir  répondu  avec  un  si  vif  empres- 
sement à  l'appel  du  Bureau,  ceux-ci  se  constituent,  comme 
d'usage,  en  trois  sections  pour  travailler  chacune  dans  une 
salle  spéciale 

IL  Seotion  d'histoire 

Président:  M.  THumET  ;  assesseurs  :  MM.  Ch.  Beacquier, 
député  du  Doubs,  et  A.  Roux,  président  de  la  Société  d'E- 
mulation de  Montbéliard  ;  secrétaire  :  M.  Roger  Roux,  substi- 
tut du  Procureur  de  la  République,  à  Vesoul. 

La  séance  est  ouverte  à  9  h.  1/4 

La  parole  est  donnée  à  M.  Pajot,  professeur  au  lycée  de 
Belfort,  pour  la  lecture  d'une  Note  sur   la  Haute-Alsace  «i 


-   233  — 

V époque  de  César.  L'auteur  expose  que  le  pays  cédé  par  les 
Séquanes  à  Arioviste,  pour  prix  de  ses  services,  est  la  Haute- 
Alsace.  Les  Séquanes  durent  l'évacuer  entièrement  pour  la 
laisser  en  toute  propriété  aux  Germains.  La  défaite  d'Arioviste 
laissa  cette  région  sans  maître.  M.  Pajot  combat  la  conjec- 
ture de  Perreciot  qui  prétend  qu'elle  fut  alors  réoccupée 
par  les  Tulinges  et  les  Latobriges,  alliés,  comme  les  Raura- 
ques,  des  Helvètes.  Il  n'admet  pas  davantage  l'opinion  d'après 
laquelle  elle  fut  rendue  aux  Séquanes,  et  encore  moins  l'hy- 
pothèse de  Mommsen  qui  dit  dans  son  Histoire  romaine  que 
la  Haute-Alsace  fut  laissée  par  César  aux  Germains  qui  l'oc- 
cupaient. M.  Pajot  pense  au  contraire  que  ce  pays  fut  annexé 
par  le  vainqueur  à  Vngcr  publicus^  au  domaine  de  TEtat.  Il 
s'appuie  pour  justifier  cette  opinion  sur  le  droit  public  de 
Rome  qui  prononçait  la  confiscation  des  terres  des  vaincus, 
et  sur  le  fait  de  la  fondation  de  la  colonie  de  Uauric.a  qui  fut 
établie  à  Angsi  (près  de  Bâle),  précisément  en  raison  de  la 
proximité  des  terres  vacantes  appartenant  au  peuple  romain. 
Ces  terres  formèrent  l'apanage  de  la  colonie  nouvellement 
créée  et  les  limites  du  pays  des  Rauraques  au  nord  et  à 
l'ouest,  sous  la  domination  romaine,  doivent  être  les  mêmes 
que  celles  du  territoire  cédé  à  Arioviste. 

M.  Pajot  cherche  ensuite  à  l'aide  de  la  Carte  de  Peutinger 
et  de  Vltinéraire  Antonin  à  déterminer  les  Limites  entre  le 
territoire  des  Séquanes  et  celui  des  Rauraques  sous  la  do- 
mination romaine.  D'après  ces  deux  documents,  il  existait 
à  l'époque  romaine,  sur  les  frontières  des  cités,  des  stations 
où  le  service  de  la  poste  qui  était  à  la  charge  des  provinciaux 
passait  d'un  pays  à  un  autre.  Or  la  localité  qui  paraît  avoir 
été  la  station  limitrophe  entre  les  Séquanes  et  les  Rauraques 
est  Largay  sur  la  rivière  du  même  nom  :  celle-ci  et  le  ruis- 
seau de  Traubach  qui  coule  parallèlement  et  en  sens  con- 
traire, auraient  donc  formé  sous  les  Romains  les  limites  de 
la  Séquanieau  Nord-Est.  Ces  limites  coïncident,  sinon  avec 
celle  des  évéchés  postérieurs  de  Bâle  et  Besançon,  du  moins 


-  234  — 

avec  la  ligne  de  partage  entre  les  bassins  du  Rhin  et  du 
Rhône  et  avec  la  délimitation  des  domaines  de  la  langue 
française  et  de  la  langue  allemande. 

M.  Pajot  communique  une  étude  sur  Le  fondateur  et  le 
nom  de  la  ville  de  Bàle.  Le  nom  de  la  ville  de  Bàle  (Basilia) 
apparaît  en  374  et  une  trentaine  d'années  après,  cette  ville  est 
désignée  par  la  Notice  des  Provinces  comme  la  capitale  du 
pays  des  Rauraques  :  civitas  Basiliensium,  M  Pajot  estime 
que  les  événements  historiques  qui  s'accomplirent  au  milieu 
du  IV*  siècle  dans  ces  parages  permettent  d'en  attribuer  la 
fondation  à  Julien,  en  souvenir  de  ses  victoires.  Il  voit  une 
corroboration  de  cette  hypothèse  dans  le  nom  grec  donné  à 
cette  ville  PiaiXeii,  du  mot  PxuiXsu:,  titre  par  lequel  on  dési- 
gnait alors  en  Orient  les  empereurs  romains.  L'empereur 
Julien  élevé  dans  les  idées  et  dans  la  pratique  de  la  langue 
de  la  Grèce,  semble  bien  être  celui  qui  a  déposé  ce  nom  grec 
sur  les  bords  du  Rhin. 

M.  Tabbé  Fromond,  curé  deCrissey  (Jura)  lit  une  Note  sur 
un  manuscrit  franc-comtois  du  xvii*  siècle.  Ce  manuscrit, 
récemment  découvert  par  lui,  concerne  l'histoire  du  Carmel 
dans  le  duché  et  le  comté  de  Bourgogne,  Il  a  pour  auteur  une 
carmélite,  Jeanne  Bereur,  née  à  Dole  le  15  novembre  159*2, 
plus  connue  sous  le  nom  de  mère  Thérèse  de  Jésus.  Outre 
sa  valeur  historique  incontestable,  il  est  d'autant  plus  inté- 
ressant que  de  tous  les  écrits  de  cette  célèbre  religieuse  do- 
loise,  il  est  le  seul  qui  soit  parvenu  jusqu'à  nous. 

M.  H.  Prost,  élève  de  l'Ecole  des  Chartes,  étudie  La 
composition  et  V organisation  des  Etats  comtois  aux  XIV*  et 
XV^  siècles.  Le  président  Clerc  et  tous  ceux  qui  se  sont 
occupés  antérieurement  de  l'histoire  des  Etats  n'ont  pas 
connu  les  documents  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Dijon. 
A  l'aide  de  ces  documents,  M.  Prost  expose  que  les  Etats  de 
Franche-Comté  apparaissent  en  1358.  Ils  ne  sont  composés 


—  235  - 

le  plus  souvent  au  xiv«  et  xv«  siècle  que  de  membres  des 
deux  ordres  :  clergé  et  Tiers-Etat.  Tout  d'abord  ils  siègent 
par  bailliages,  mais  à  partir  du  commencement  du  xv«  siècle, 
vers  1410,  on  les  voit  se  réunir  simultanément  dans  la  même 
ville  Dole  ou  Salins. 

M.  Tabbé  Perrod,  aumônier  du  lycée  de  Lons-le-Saunier, 
donne  le  résumé  d'un  important  travail  sur  Moïse,  évèque 
constitutionnel  du  Jura.  Jusqu'à  ce  jour,  il  n'a  été  publié 
que  des  biographies  incomplètes  ou  inexactes  de  cet  évèque. 
M.  l'abbé  Perrod  a  retrouvé  de  Moïse  une  volumineuse  cor- 
respondance qu'il  eut  de  1791  à  1794  avec  le  procureur  syn- 
dic du  Jura  ;  cela  lui  a  permis  d'établir  pour  ainsi  dire  jour 
par  jour  la  vie  de  ce  prélat  durant  cette  époque  d'organi- 
sation du  culte  constitutionnel.  Il  a  complété  ses  recherches 
par  une  étude  minutieuse  des  origines  et  de  la  fin  de  ce 
prélat  et  a  pu  ainsi  rédiger  avec  toute  l'ampleur  désirable  et 
d'une  façon  à  peu  près  définitive  la  biographie  de  Moïse. 
M.  Perrod  après  avoir  donné  une  substantielle  analyse  de 
son  travail,  annonce  qu'il  le  publiera  in  ejctenso  très  pro- 
chainement. 

M.  A.  Roux,  président  de  la  Société  d'Emulation  de  Mont- 
béliard,  lit  une  note  sur  Les  premiers  abnanachs  imprimés 
à  Monthéliard.  On  ne  connaît  pas  d'exemplaire  du  premier 
almanach  daté  de  1674,  mais  la  Bibliothèque  municipale  de 
Monthéliard  possède  celui  de  1681,  le  premier  sorti  des 
presses  de  l'imprimeur  Biber,  arrivé  à  Monthéliard  l'année 
suivante. 

Cet  almanach,  à  peu  près  inconnu  jusqu'ici  est  fait  «  dans 
le  stile  ancien  et  moderne  »,  la  réforme  grégorienne  n'ayant 
été  appliquée  dans  les  Etats  protestants  de  l'Allemagne  qu'en 
1700.  Il  est  curieux  en  ce  qu'il  renferme  des  conseils  médi- 
caux et  sanitaires  de  toutes  sortes,  et  des  prédictions  atmos- 
phériques et  astrologiques  pour  chaque  jour   de  l'année. 


-  236  - 

Contrairement  aux  autres  almanachs  de  la  même  époque,  il 
ne  donne  pas  le  compte  rendu  des  événements  contem- 
porains, ce  qui  s'explique  par  la  situation  politique  de  Mont- 
béliard,  alors  sous  la  domination  de  Louis  XÏV.  Ces  alma- 
nachs se  publièrent  régulièrement  à  partir  de  cette  date  avec 
quelques  modifications  sans  importance  pendant  tout  le 
xviir  siècle. 

M.  Tabbé  Rossignot  présente  à  la  section  un  Livre  de 
raison  commencé  en  1747  par  Emmanuel  Simon  Pourcliet 
et  continué  par  celui-ci  et  ses  successeurs,  avec  des  inter- 
ruptions, jusqu'en  1830.  Les  auteurs  de  ce  manuscrit 
habitaient  Aubonne,  village  situé  sur  le  second  plateau  des 
montagnes  du  Doubs,  à  gauche  de  la  route  de  Mouthier  k 
Pontarlier.  M.  Rossignot  donne  de  ce  livre  une  courte  ana- 
lyse. Sur  les  406  pages  qu'il  renferme,  193  seulement  sont 
consacrées  aux  événements  du  jour.  A  partir  de  la  page  494, 
il  n'est  plus  guère  qu'un  recueil  de  recettes  ménagères  et 
de  remèdes.  Il  contient  beaucoup  d'observations  relatives  à 
la  culture,  aux  semailles  et  autres  travaux  agricoles,  de 
préceptes  moraux  et  d'avis  que  l'auteur  du  livre  déclare 
«  utiles  à  tous  ». 

La  question  de  la  propriété  communale  y  tient  une  place 
importante  ;  les  récoltes  plus  ou  moins  abondantes,  les 
grandes  pluies,  les  sécheresses,  les  prix  des  blés  et  des  vins 
y  sont  soigneusement  notés.  Un  certain  nombre  de  pages 
sont  consacrées  à  l'histoire  de  la  province  :  les  unes  sont  la 
reproduction  de  manuscrits  assez  répandus  à  cette  époque, 
faisant  remonter  l'origine  de  Besançon  à  la  guerre  de  Troie 
ou  à  l'un  des  petits  fils  de  Noé  ;  les  autres  parlent  de  faits 
contemporains  qui  ne  sont  point  sans  intérêt  :  tel  est  celui 
du  conflit  qui  s'éleva  en  1784,  entre  les  avocats  et  le  Parle- 
ment de  Besançon,  à  la  suite  duquel  les  avocats  furent  inter- 
dits et  ne  purent  plaider  pendant  un  an.  Les  privilèges 
d'Aubonne,  l'un  des  vingt  villages  rattachés  à  Pontariier,  les 


—  237  - 

droits  seigneuriaux,  la  généalogie  des  principales  familles 
remplissent  d'autres  pages  du  manuscrit. 

Les  réformes  de  [1789  furent  bien  accueillies  par  Simon 
Pourchet,  mais  arrivé  au  moment  de  la  Terreur,  il  se  tait, 
sous  le  prétexte  qu'il  y  aurait  trop  à  dire. 

M.  le  docteur  Blondon  présente  un  texte  nouveau  de  la 
Marseillaise,  daté  de  1792,  d'origine  savoyarde.  Quelques 
couplets  supplémentaires  font  allusion  aux  événements  dont 
la  Savoie  était  alors  le  théâtre. 

M.  Jules  Gauthier,  archiviste  de  la  Côte  d'Or,  fait  un 
exposé  du  Rôle  politique  de  la  maison  de  Chalon  en 
Franche-Comté  de  1320  à  1320.  Un  cartulaire  qui  va  paraître 
incessamment  sous  les  auspices  de  la  Société  d'Emulation  du 
Jura,  le  Livre  bleu,  aujourd'hui  exilé  au  British  Muséum, 
contient  dans  une  série  de  560  chartes  les  grandes  lignes  de 
l'action  politique  de  quatre  générations  de  princes  issues  de 
la  branche  cadette  des  comtes  de  Bourgogne,  qui  jouèrent 
aux  xiii«  et  xiv^  siècle  un  rôle  considérable  dans  l'histoire 
franc-comtoise. 

Le  premier  de  ces  princes,  Etienne  II,  comte  d'Auxonne 
essaie  par  les  armes  à  diverses  reprises  d'enlever  à  la  mai- 
son des  ducs  de  Méranie  la  souveraineté  du  comté  de  Bour- 
gogne et  n'y  parvient  point. 

Le  second  Jean  l'Antique,  comte  de  Bourgogne  par  le 
titre,  sans  l'être  de  fait,  fut  assez  habile  pour  reprendre  en 
1248  cette  couronne  comtale  et  en  ceindre  légalement  le 
front  de  son  fils  aîné,  mari  d'Alix  de  Méranie. 

Le  troisième  Jean  de  Chalon  Arlay  I«f,fîls  de  Jean  l'Antique 
et  frère  d'Hugues,  grâce  au  riche  apanage  que  lui  laissa  son 
père  et  qu'il  renforça  par  d'innombrables  acquisitions,  fut  à 
la  fois  le  gendre  du  duc  de  Bourgogne,  l'oncle  du  comte  de 
Bourgogne,  le  beau-frère  de  l'empereur  Rodolphe  de  Habs- 
bourg. Sa  prépondérance  lit   pencher  du  coté  français   ie^ 


—  238  — 

hésitations  de  ]a  noblesse  comtoise  qui  se  résigna,  faute  d*un 
comte  indigène,  à  subir  la  souveraineté  de  Philippe  le  Bel, 
puis  de  Philippe  V,  gendre  du  dernier  comte  de  Bourgogne 

Hugues  de  Chalon,  héritier  de  Jean  de  Chalon-Arlay,  con- 
tinuateur de  sa  politique  française,  consolida  l'œuvre  de  son 
père  et  prépara  les  hautes  destinées  des  princes  d'Orange 
qui  illustrèrent  sa  lignée. 

Sous  ces  quatre  générations  de  princes  batailleurs  et  di- 
plomates s'échafauda,  appuyé  aux  Monts  Jura,  peuplé  de  for- 
teresses redoutables  et  de  seigneuries  immenses,  le  domaine 
de  la  maison  de  Chalon  qui,  en  étendue,  en  population,  en  ri- 
chesse, égalait,  s'il  ne  le  dépassait  point,  le  domaine  comtal, 
constitué  lui  aussi  par  Hugues  de  Chalon  et  Alix  de  Méranie. 

La  publication  du  Cartuiaire  bleu  ou  Cartuiaire  d'Hugues 
de  Chalon,  celui  qui  le  fit  codifier  de  1318  à  13'20,  permettra 
d'étudier  de  près  io  point  d'histoire  dont  nous  indiquons  les 
grandes  lignes  et  sera  pour  l'histoire  de  la  Franche-Comté 
un  véritable  événement. 

La  séance  est  levée  à  11  heures  1/2. 

HL  Section  d'arohéologie 

Président  :  M.  Jules  Gauthier  ; 

Assesseurs  :  M.  Vaissier,  conservateur  du  Musée  archéo- 
logique de  Besançon,  M.  l'abbé  Brune,  curé  de  Monl-sous- 
Vaudrey,  correspondant  du  \finistère  de  l'Instruction  pu- 
blique. Secrétaires  :  MM  André  Maire,  H.  Prost,  élève  de 
l'Ecole  des  Chartes. 

M.  Louis  Abel  Girardot,  professeur  au  lycée  de  Lons-le- 
Saunier,  empêché  d'assister  au  Congrès,  avait  envoyé  une 
communication  sur  La  Cité  lacustre  de  Chalain  (Jura),  dont 
donne  lecture  M  l'abbé  Perrod.  Dans  ce  travail,  M.  Girardot 
signale  sur  le  lac  de  ce  nom,  l'un  des  plus  grands  du  Jura 


-  239  — 

français,  une  importante  station  néolithique  (dont  il  avait  dès 
4889  indiqué  l'existence  probable),  et  il  donne  les  premiers 
résultats  des  fouilles  effectuées  pour  le  musée  de  Lons-le- 
Saunier,  avec  Tautorisation  gracieuse  de  la  famille  de  Cha- 
lain,  propriétaire  du  lac. 

Sur  les  larges  blancs-fonds  des  bords  nord  et  ouest  de  ce 
lac,  laissés  à  découvert  par  une  récente  baisse  de  3  mètres 
du  niveau  des  eaux,  se  voient  des  groupements  de  nombreux 
pilotis,  indiquant  une  vingtaine  d'ilôts  préhistoriques  dis- 
tincts, d'où  partent  parfois  des  allées  de  pilotis  dirigées  vers 
le  rivage.  D'autres  îlots  existeraient  dans  la  prairie  maréca- 
geuse située  à  l'ouest. 

De  nombreux  objets  antiques  ont  déjà  été  recueillis.  Ils 
sont  à  la  surface  de  la  craie  lacustre  pour  certains  ilôts  rap- 
prochés du  rivage,  mais  on  n'a  guère  ici  que  les  divers  ob- 
jets de  pierre  indiqués  ci-après.  Pour  des  ilôts  plus  éloignés, 
ils  se  trouvent  dans  une  couche  archéologique  noire,  formée 
de  détritus  divers,  incluse  assez  profondément  dans  cette 
vase  crayeuse,  et  qui  s'infléchit  vers  le  large  selon  l'inclinai- 
son (15  ou  lOo)  des  dépôts  successifs  de  celle-ci.  Outre  les 
résidus  de  cuisine,  avec  os  d'animaux  sauvages  et  domesti- 
ques (cerf,  sanglier,  castor,  bœuf,  chien,  cheval,  etc  ),  débris 
de  noisettes,  glands,  parfois  de  l'orge  en  grains  et  en  épis  à 
0  rangs  et  à  -J  rangs,  et  par  place  du  véritable  fumier  de  bes- 
tiaux, on  y  trouve  des  outils  et  objets  variés  :  silex  taillés  di- 
vers, haches  de  pierre,  avec  de  nombreuses  emmanchures 
en  bois  de  cerf  et  parfois  le  manche  en  bois  entier,  percuteurs 
en  quartzite,  pierres  cristallines  et  grès  à  broyer  les  grains, 
haches  et  pioches  en  bois  de  cerf,  ciseaux  et  poinçons  en  os, 
poteries,  vases  en  bois,  cordes  d'écorce,  lambeaux  de  tissus 
de  Im  variés,  fil  de  lin  très  fin,  nombreux  andouillers  de  cerf, 
etc. 

Une  belle  pirogue,  de  9  m.  35  de  long,  sur  une  largeur 
de  70  à  80  centimètres  et  0  m.  40  de  profondeur,  creusée 
dans  un  tronc  de  chêne,  a  été  trouvée  par  iM.  Girardot  dans 


—  240  — 

le  haut  de  la  craie  lacustre  et  sera  conservée  au  musée  de 
Lons-le-Saunier. 

Les  constructions  de  cette  remarquable  station  étudiées 
jusqu'ici  par  M.  Girardot,  paraissent  bien  néolithiques.  De 
très  rares  objets  de  bronze,  trouvés  à  la  surface  de  la  craie 
lacustre  indiqueraient  la  persistance,  probablement  partielle, 
de  la  station  jusqu'à  l'arrivée  du  bronze. 

M.  J  Feuvrier,  professeur  au  collège  de  TArc  à  Dole, 
ajoute  quelques  observations  à  cette  intéressante  communi- 
cation et  met  sous  les  yeux  des  congressistes  les  épreuves 
des  photographies  qu'il  a  prises  au  lac  de  Chalain  au  cours 
de  Tune  de  ses  excursions  archéologiques.  On  y  distingue 
parfaitement  les  restes  des  pilotis  sur  lesquels  étaient 
construites  les  cabanes  et  établies  les  passerelles  d'accès. 

M.  Grosjean,  membre  de  la  Société  d'Emulation  du  Jura, 
envoie  une  note  sur  la  Cité  lacustre  de  Clairvaiix  (Jura). 
Continuant  les  fouilles  entreprises  par  lui  depuis  plusieurs 
années  dans  cette  cité  lacustre,  si  riche  en  objets  néolithi- 
ques, M.  Grosjean  vient  de  mettre  à  jour  trois  ébauches  d'é- 
cuelles  de  bois,  dont  l'état  de  conservation  est  parfait  et  le 
travail  étonnant  pour  des  hommes  disposant  seulement  d'un 
outillage  si  primitif.  Chacune  de  ces  ébauches  est  composée 
d'une  demi-sphère,  sectionnée  à  l'endroit  destiné  à  Tévide- 
ment,  avec  un  prolongement  carré  destiné  à  servir  de  poi- 
gnée. Les  diamètres  sont  de  16,  17  et  18  centimètres.  Ces 
ébauches  sont  en  bois  de  tilleul  et  portent  très  visibles  les 
coupures  de  silex  avec  lequel  elles  ont  été  arrondies  et  tra- 
vaillées. Une  de  ces  pièces  vient  d'être  envoyée  au  Musée  de 
Lons-le-Saunier. 

M.  Fevret,  professeur  au  Collège  de  l'Arc  à  Dole,  conser- 
vateur du  musée  archéologique  de  Dole,  présente  une  spa- 
tule morgienne  trouvée  en  décembre  1903  à  Chaussin  (Jura), 


Cet  instrument  en  bronze,  à  bords  droits  et  à  légers  talons, 
d'une  grande  élégance  de  forme,  vu  cette  époque  reculée, 
d'une  parfaite  conservation  et  d'une  admirable  patine  vert 
clair,  a  une  longueur  de  0  m.  29,  une  largeur  de  0  m.  035  et 
un  poids  de  220  grammes.  Il  est  extrêmement  rare  ;  on  n'en 
connaît  que  quelques  exemplaires,  entre  autres  deux  apparte- 
nant au  musée  de  Saint  Germain,  un  autre  à  la  Bibliothèque- 
Musée  de  Grenoble,  et  un  quatrième  au  comte  Josselin 
Costa  de  Beauregard.  Il  est  indubitablement  de  l'époque  mor- 
gienne,  c'est-à-dire  de  la  première  époque  du  bronze. 

M.  Feuvrier  signale  Une  cachette  de  Vâge  de  bronze  à 
Tavnux  (Jura).  En  novembre  1903,  un  cultivateur  de  Tavaux 
(Jura)  mit  à  jour  dans  un  champ  une  cachette  de  fondeur, 
se  composant  de  21  pièces  parmi  lesquelles  11  haches  d'ai- 
lerons sortant  du  même  moule.  Ces  objets,  dont  M.  Feuvrier 
produit  un  dessin  se  rapportent  à  l'époque  larnaudienne. 
M.  Feuvrier  fait  remarquer  que  le  lieu  de  la  découverte  se 
trouve  dans  les  limites  de  la  station  préhistorique  de  Cleux 
(Tavaux  et  Saint- Aubin),  station  qu'il  avait  décrite  au  Con- 
grès de  Lons-le-Saunier,  et  qu'en  conséquence,  une  station 
de  bronze  a,  selon  lui,  succédé  sur  les  bords  du  Cleux  à  une 
station  néolithique 

M.  Feuvrier  rend  ensuite  compte  desf  Fouilles  archéolo- 
giques opérées  par  son  collègue,  M.  Fevret,  et  par  lui,  sur  le 
territoire  de  Rochefort^  en  1903.  M.  Feuvrier  produit  d'a- 
bord des  dessins  de  carreaux  vernissés,  trouvés  en  fouillant 
les  ruines  du  château.  L'un  des  carreaux,  aux  armes  de 
Vaudrey  en  fixe  l'ancienneté  qu'il  faut  faire  remonter  à  la 
fin  du  XVI®  siècle. 

Il  montre  ensuite  au  moyen  d'un  plan  et  d'une  photo- 
graphie, l'éperon  rocheux  sur  lequel  est  bâti  le  château,  dé- 
fendu par  une  fortification  (fossé  et  vallum)  à  190  m.  de  ce 
château.    Peut-être   ce   retranchement  est-il  un   reste    des 


16 


—  242  — 

ouvrages  élevés  par  les  assiégeants  au  cours  du  siège  qui  fut 
tait  de  la  forteresse  en  1368. 

Enfin  des  fouilles  opérées  Taulomne  dernier  à  la  grange 
d*Haibe  ont  amené  la  découverte  des  substructions  d'une 
chapelle,  autour  de  laquelle  s'étendait  un  cimetière  qui  reçut 
des  inhumations  pendant  les  époques  mérovingienne  et  caro- 
lingienne et  peut-être  postérieurement.  On  y  a  trouvé  des 
sarcophages  en  pierre  tendre,  deux  plaques  de  ceinturons 
mérovingiennes,  deux  monnaies  carolingiennes,  une  clef, 
etc. 

M.  Vaissier,  conservateur  du  Musée  archéologique  de 
Besançon,  annonce  la  découverte  aux  environs  de  Besançon 
d'une  sculpture  gallo-romaine,  représentant  un  Priape  jeune 
et  entièrement  drapé.  Une  notice  descriptive  avec  figure 
sera  donnée  de  ce  haut  relief  d'une  assez  bonne  conservation 
dans  le  prochain  volume  des  Mémoires  de  la  Société  d'Emu- 
lation du  Doubs. 

M.  Fevret  présente  quelques  monnaies  frappées  à  Dole  et. 
ne  figurant  pas  sur  Touvrage  de  MM.  Plantez  et  Jeannez  : 
entre  autres -une  obole  ou  demi-tournois  de  Philippe  le  Bel, 
un  fort  bourgeois  du  même  roi,  deux  gros  tournotSy  l'un  de 
Philippe  le  Bel  et  l'autre  de  Philippe  V,  un  pcitagon  et  un 
demi'patagon  d'Albert  et  d'Isabelle,  et  enfin  deux  deniers 
de  cuivre  à  types  différents  de  Philippe  III  de  1599  et  16. .. 

M.  Jules  Gauthier,  archiviste  de  la  Côte  d'Or,  conteste  les 
conclusions  de  M.  Fevret,  l'archevêque  de  Besançon  ayant 
eu  jusqu'en  1503  le  monopole  de  la  frappe  des  monnaies  en 
Franche-Comté,  et  Philippe  le  Bel  ayant  assez  de  difficultés 
dans  cette  province,  sans  y  ajouter  une  querelle  avec  l'arche- 
vêché dont  il  avait  besoin.  Quant  aux  deniers  de  Philippe  IH, 
M.  Gauthier  croit,  contrairement  à  l'opinion  de  M.  Fevret, 
qu'ils  sont  d'origine  espagnole. 


-  2i3  — 

M.  l'abbé  Brune,  curé  de  Mont-sous-Vaudrey,  présente  les 
photographies  de  trois  statues  de  V école  dijonnaise  du 
xv«  siècle,  déposées  dans  le  couloir  de  la  maîtrise  de  la 
cathédrale  de  Besançon,  Ce  sont  une  grande  et  superbe 
Vierge  et  l'enfant  Jésus,  Sainte  Barbe  et  une  autre  sainte 
indéterminée.  Elles  faisaient  autrefois  partie,  bien  que  plus 
ancienne  du  retable  de  la  chapelle  Saint-Denis,  à  la  cathé- 
drale. M.  Tabbé  Brune  compare  ces  statues  à  la  Vierge  bour- 
guignonne de  Baume-les-Messieurs  et  à  celle  d'Arbois,  une 
des  perles  du  musée  de  Cluny,  et  fait  ressortir  les  diiTéronces 
qui  existent  entre  la  statuaire  dijonnaise  et  les  ateliers  de 
Troyes  également  représentés  en  Franche-Comté. 

La  séance  est  levée  à  11  h.  1/2. 


IV.  Seotion  des  Sciences 

Président:  M.  Merle. 

Assesseurs  :  M.  Clemençot,  professeur  au  lycée  de  Lons- 
le-Saunier,  M.  le  docteur  Marceau,  président  de  la  Société 
d'histoire  naturelle  du  Doubs.  Secrétaire,  M;  Maldiney, 
professeur  à  l'Ecole  de  médecine  de  Besançon,  chef  de  tra- 
vaux à  la  Faculté  des  sciences. 

M.  Merle,  ingénieur  des  Ponts  et  chaussées,  donne  lec- 
ture d'une  note  sur  Le  minerai  de  fer  en  Franche-Comté, 
Après  une  courte  introduction  géotectOTiique,  M.  Merle  passe 
en  revue  les  différents  gites  ferrugineux  au  point  de  vue  de 
leur  formation  et  de  leur  gisement,  ainsi  que  de  Texploita- 
tion  à  laquelle  ils  ont  donné  lieu,  et  fait  connaître  les  réser- 
ves qu'ils  constituent  pour  l'avenir. 

M.  Clemençot  présente  une  Méthode  de  dosage  de  Vaci- 
dite  des  inoûts  et  des  vins  au  moyen  de  son  calcarimètre. 


—  244  — 

Kn  principe,  la  inôlhode  consiste  à  traiter  à  chaud  Je  liquide 
acide  par  un  excès  de  calciiire.  On  recueille  l'eau  chassée  par 
le  gaz  carbonique.  L'expérience  est  recommencée  avec  un 
liquide  acide  d'un  titre  connu  et  une  règle  de  trois  permet 
de  déterminer  l'acidité  en  acide  sulfurique  On  peut  encore 
multiplier  le  volume  d'eau  recueillie  par  un  coefficient  spé- 
cial. Pour  le  vin,  l'expérience  se  fait  par  comparaison  avec 
un  liquide  acide  à  titre  connu  et  dont  la  teneur  en  alcool  est 
la  même  que  celle  du  vin.  La  comparaison  des  résultats  avec 
ceux  obtenus  avec  une  liqueur  titrée  de  potasse  montre  que 
cette  méthode  volumétrique  gazeuse  présente  les  meilleures 
garanties. 

M.  le  docteur  Marceau  fait  une  communication  sur  la 
Structure  du  cœur  des  mollusques  et  celle  des  muscles  ad- 
ducteurs des  acéphales.  Les  muscles  adducteurs  des  Lamel- 
libranches sont  formés  en  général  de  deux  parties,  Tune, 
d'aspect  vitreux  et  douée  de  contraction  rapide,  l'autre  d'as- 
pect nacré  et  douée  de  contraction  très  lente.  Ces  deux 
pai  ties  dont  les  fonctions  sont  différentes  ont  aussi  une  struc- 
ture spéciale.  La  partie  nacrée  est  formée  de  fibres  d'un 
assez  fort  diamètre,  munie  de  fibrilles  parallèles  à  l'axe  de  la 
fibre  et  anastomosées  parallèlement.  La  partie  vitreuse  est 
formée  de  fibres  d'un  plus  faible  diamètre  dont  les  fibrilles 
sont  enroulées  en  hélice  à  la  périphérie  de  la  fibre.  La  dispo- 
sition hélicoïdale  des  fibrilles  est  favorable  à  la  rapidité  delà 
contraction. 

Le  cœur  des  mollusques  est  constitué  par  des  fibres  striées 
ordinaires  anastomosées  en  réseaux  chez  les  Céphalopodes 
et  certains  Gastéropodes.  Chez  d'auties  Gastéropodes  et  des 
Lamellibranches,  les  fibrilles  striées  sont  plus  simples;  elles 
sont  dépourvues  de  disques  nnnces  et  ordonnées  parfois  en 
lignes  transversales  obliques. 

M.  Maldiney  fait  connaître  l'état  actuel  de  la  question  de 


-  245  — 

la  Photographie  des  couleurs  et  de   celle  de  la  Télégraphie 
sans  fil. 

La  séance  est  levée  à  11  h.  1/2. 


V.  Séance  plônière 

A  onze  heures  et  demie,  les  trois  sections  se  rassemblent 
à  nouveau,  sous  la  présidence  de  M.  M.  Thuriet,  dans  la 
grande  salle  du  Palais  Granvelle. 

L'Association  renouvelle  un  vœu  déjà  exprimé  dans  les 
Congrès  précédents  et  relatif  à  la  rédaction  d'une  Bio- 
graphie franc- corn  toise.  Les  membres  des  diverses  Sociétés 
savantes  sont  invités  à  rédiger  le  plus  tôt  possible  les  notices 
des  personnages  franc-comtois  qui  sont  dignes  de  figurer 
dans  cette  Biographie.  La  Société  d'Emulation  du  Doubs  se 
charge  de  centraliser  ces  notices  et  un  comité  nommé  par 
elle  assurera  l'unité  de  cette  œuvre  collective. 

Un  échange  de  vues  a  lieu  entre  M.  Gh.  Beauquier  et 
M.  Jules  Gauthier  au  sujet  de  la  rédaction  d'un  Diction- 
naire  topographique  du  Doubs.  L'Association  émet  le  vœu 
que  cet  instrument  de  travail,  si  nécessaire  aux  érudits,  soit 
prochainement  publié. 

Le  Secrétaire  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  Godard, 
professeur  au  lycée  du  Puy,  qui,  empêché  d'assister  an  Con- 
grès, demande  aux  membres  du  Congrès  d'émettre  le  vœu 
suivant  :  Que  par  le  concours  des  municipalités  et  des  So- 
ciétés savantes  locales,  les  catalogues  des  musées  qui  n'ont 
pas  encore  été  livrés  à  l'impression  le  soient  dans  le  plus 
court  délai  possible.  L'utilité  de  ce  vœu  est  unanimement  re- 
connue, mais  M.  Vaissier,  conservateur  du  Musée  archéo- 


—  246  — 

logique  de  Besançon  et  M.  Feuvrier,  conservateur  du  Musée 
de  Dole,  font  connaître  les  difficultés  matérielles  et  finan- 
cières qui  ont  empêché  jusqu'à  ce  jour  la  publication  de  ces 
catalogues.  L'Association  estime  que  le  plus  sûr  moyen 
d'aboutir  serait  sans  doute  d'inviter  les  diverses  Sociétés  sa- 
vantes à  publier  elles-mêmes  dans  leurs  bulletins  annuels 
ces  catalogues,  qui  seraient  ensuite  tirés  à  part  et  mis  ainsi 
à  la  disposition  du  public. 

Sur  la  proposition  de  M.  Maldlney,  président  du  Photo- 
Club  de  Besançon  et  de  M.  Georges  Gazier,  conservateur  de 
la  Bibliothèque  de  Besançon,  l'Association  invite  les  Sociétés 
savantes  et  les  amateurs  à  déposer  à  la  Bibliothèque  publique 
de  Besançon  toutes  les  épreuves  photographiques  et  cartes 
postales  qui  présenteraient  un  intérêt  quelconque  sur  la 
Franche-Comté.  Ainsi  serait  constituée  une  précieuse  collée 
tion  de  documents  sur  les  monuments,  les  paysages,  les 
mœurs,  les  coutumes  et  les  fêtes  comtoises.  Aujourd'hui 
que  l'utilité  de  l'enseignement  par  l'image  est  unanimement 
reconnue,  on  peut  dire  que  ce  serait  là  pour  l'avenir  la 
source  de  renseignements  la  plus  sûre  pour  notre  époque. 

L'Assemblée  choisit  Belfort  pour  le  lieu  de  sa  réunion  de 
1905. 

A  l'unanimité,  M.  Philippe  Berger,  membre  de  l'Institut, 
sénateur  du  Haut-Bhin,  professeur  au  Collège  de  France  et 
président  de  la  Société  belfortaine  d'Emulation,  est  élu  prési- 
dent pour  le  prochain  Congrès,  avec  M.  Dibail-Roy,  secré- 
taire de  la  Société  belfortaine  d'Emulation,  comme  secrétaire 
général. 

La  séance  est  levée  à  midi. 


-  247  - 

VI.  Banquet 

A  midi  et  quart,  dans  la  grande  salie  du  Restaurant 
Colomat,  une  table  brillamment  dressée  et  servie  réunit  dans 
un  banquet  cordial  soixante  congressistes  environ.  Avec  le 
Président  avaient  pris  place  à  la  table  d'honneur,  M.  Per- 
reau, professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Besançon, 
adjoint  au  maire  de  Besançon,  représentant  M.  le  Maire 
empêché,  M.  Trigant-GeiNEste,  secrétaire  général  de  la 
préfecture  du  Doubs,  M.  A.  Roux,  président  de  la  Société 
d'Emulation  de  Montbéllard,  M  Ch.  Beauquier,  député  du 
Doubs,  M.  Jules  Gauthier,  archiviste  de  la  Côte-d'Or, 
M.  Sandoz,  conseiller  municipal  de  Besançon,  M.  Lebeuf, 
directeur  de  TObservatoire  de  Besançon,  les  Présidents  et 
délégués  des  Sociétés,  etc.  f.e  menu,  pholocollographié  par 
M.  Delagrange,  avait  été  orné  d'un  charmant  dessin  de  la 
Porte-Rivotte  dû  à  l'illustre  peintre  bisontin  E.  Isenbart,  et 
d'une  belle  photographie  de  la  porte  et  du  cloître  du  Palais 
Granvelle. 

Au  dessert,  iM.  M  Thuriet  remercie  les  pouvoirs  publics 
de  la  bienveillance  qu'ils  ont  témoignée  aux  organisateurs 
du  Congrès  de  Besançon,  et  porte  un  toast  aux  membres  des 
Sociétés  savantes  franc-comtoises  qui  ont  bien  voulu  ré- 
pondre à  l'appel  de  l'Association. 

M.  Perreau,  adjoint  au  maire  de  Besançon,  dit  l'intérêt 
que  porte  la  municipalité  de  Besançon  à  toutes  les  manifes- 
tations scientifiques  et  littéraires  de  ce  genre,  dignes  de 
tous  les  encouragements. 

M.  Trigant-Geneste,  secrétaire  général  de  la  préfecture 
du  Doubs,  au  nom  de  M.  le  Préfet  empêché,  lève  son  verre 
en  l'honneur  des  congressistes. 


—  248  — 

M.  A.  Roux,  président  de  la  Société  d'Emulation  de  Mont- 
béliard,  au  nom  des  Sociétés  savantes  de  la  Franche-Cîoralé, 
et  M.  le  D'  Marceau,  président  de  la  Société  d'Histoire  na- 
turelle du  Doubs  au  nom  des  Sociétés  savantes  de  Besançon 
boivent  à  la  prospérité  de  l'Association  franc -comtoise. 

Enfin  M.  Vieille,  président  de  la  Société  des  architectes 
du  Doubs,  émet  le  vœu  que  des  plaques  commémoratrices 
soient  apposées  sur  les  monuments  publics  et  les  maisons 
célèbres,  rappelant  les  grands  événements  de  l'histoire 
de  la  Franche-Comté  dont  ils  ont  été  le  théâtre.  M.  Per- 
reau, adjoint  au  maire  de  Besançon,  reconnaissant  Tulilité 
de  cet  enseignement  démocratique,  prend  l'engagement  de 
soutenir  ce  vœu  auprès  de  qui  de  droit,  sitôt  que  l'état  des 
finances  municipales  le  permettra. 

VIL  Réunion  publique 

A  trois  heures,  séance  publique  au  Palais  Granvelle.  On 
remarquait  sur  l'estrade,  aux  côtés  de  M.  M.  Thuriet, 
MM.  Ch.  Beauquier,  A.  Roux,  A.  Lebeuf,  Jules  Gauthier, 
Ch.  Sandoz,  D'  Marceau,  Parizot,  Vaissiep,  Maldiney, 
Roger  Roux,  Gaiffe,  les  abbés  Rossignot  et  Perrod, 
Georges  Gazier,  etc.,  etc. 

M.  M,  Thuriet  prend  le  premier  la  parole. 

Mesdames, 
Messieurs, 

Quand  Tan  dernier,  à  pareille  époque,  vous  avez  choisi 
la  ville  de  Besançon  comme  lieu  de  réunion  du  cinquième 
Congrès  des  Sociétés  savantes  de  Franche-Comté,  et  quand 
vous  avez  confié  à  la  Société  d'Emulation  du  Doubs,  repré- 
sentée par  son  président  et  par  un  de  ses  membres  les  plus 
actifs,  le  soin  de  préparer  vos  laborieuses  assises,  vous  avez 


—  249  — 

fait  à  Tancienne  ville  libre  et  à  l'association  largement 
ouverte  qui  lui  a  emprunté  sa  devise  et  ses  armes,  un 
honneur  dont  toutes  deux  apprécient  hautement  le  prix. 
Pour  vous  témoigner  leur  reconnaissance,  elles  se  sont 
efforcées  Tune  et  Tautre  de  vous  ménager  une  réception 
digne  de  vouis. 

Notre  premier  souci  devait  être  de  vous  procurer  un 
logis  convenable. 

La  municipalité  de  Besançon,  toujours  soucieuse  de  fa- 
voriser tout  ce  qui  touche  à  la  science,  nous  eût  volontiers 
ouvert  les  salles  de  THôtel  de  Ville,  celles  de  la  bibliothèque 
ou  du  moderne  Kursaal  ;  mais  nulle  part,  j*en  suis  sur, 
l'hospitalité  ne  pouvait  vous  rXre  plus  agréable  que  dans  cette 
vieille  demeure  des  Granvelle  qui  évoque  tant  de  souvenirs 
histori(|ues  et  qui  a  été  de  tout  temps,  dans  la  cité  bisontine, 
Tasile  préféré  des  lettres  et  des  arts.  Ah!  si  les  merveilles 
qui  s'y  trouvaient  réunies  il  y  a  trois  siècles  y  étaient  encore 
aujourd'hui,  quel  magnifique  musée  vous  auriez  sous  les 
yeux!  quel  vaste  champ  d'études  s'offrirait  ici  même  à  vos 
esprits  chercheurs  ! 

Trois  générations  d'hommes  d'Etat,  amateurs  d'art  et 
protecteurs  d'artistes,  avaient  depuis  le  milieu  du  xvi"  siècle 
entassé  dans  les  salles  et  dans  les  dépendances  de  ce  Palais 
une  foule  d'objets  artistiques  et  de  curiosités  déjà  rares  pour 
l'époque  :  livres  précieux,  fines  estampes,  manuscrits  riche- 
ment enluminés,  tapisseries  de  haute  lisse,  de  satin  damassé 
ou  de  fantaisie,  meubles  sculptés,  toute  une  collection  de 
médailles  grecques  et  romaines,  des  ivoires,  des  bronzes  et 
des  marbres  antiques,  des  statues  et  des  bas-reliefs,  un  torse 
de  Jupiter  échu  depuis  au  musée  du  Louvre  et  surtout  une 
magnifique  galerie  de  tableaux  oîi  l'on  admirait,  parmi  des 
chefs-d'œuvre  d'Albert  Durer,  (rHolbein,  de  Léonard  de 
Vinci,  du  Titien,  du  Corrège  et  du  Tintorel,  un  grand 
nombre  de  paysages  et  de  portraits  dus  aux  pinceaux  d'ar- 
tistes italiens,  flamands  et  comtois. 


—  252  — 

se  féliciter  de  l'avoir  entreprise  ;  mais  elle  a  une  portée  plus 
haute  et  des  résultats  plus  tangibles.  Elle  nous  permet  d'é- 
laborer en  commun  des  œuvres  utiles  à  la  région,  d'entre- 
prendre des  travaux  de  longue  haleine  qui  exigent  du  temps, 
de  la  patience,  une  continuité  d'efforts,  une  somme  de  tra- 
vail et  d'érudition  qu'un  seul  homme  ou  même  une  seule 
société  ne  pourrait  fournir.  Notre  association  franc-comtoise 
donne  une  impression  de  force  en  même  temps  qu'elle  éveille 
le  sentiment  de  la  solidarité  ;  elle  peut  émettre,  le  cas  échéant, 
dans  le  domaine  des  choses  de  l'intelligence,  des  vœux  qui 
auraient  d'autant  plus  d'autorité  près  des  pouvoirs  publics 
qu'ils  émaneraient  d'une  élite  plus  nombreuse. 

Montrer  les  avantages  de  nos  congrès,  n'est-ce  pas  déjà 
faire  l'éloge  de  celui  qui  en  a  eu  l'initiative  et  qui  présida 
avec  tant  de  compétence  et  de  distinction  nos  trois  premières 
assemblées.  Vous  ne  me  pardonneriez  pas,  messieurs,  de  ne 
pas  rappeler  ici  les  titres  de  M.  Jules  Gauthier  à  notre  recon- 
naissance. Je  ne  voudrais  ni  blesser  sa  modestie  ni  diminuer 
les  mérites  d'aucun  de  vous,  mais  je  crois  exprimer  une  vé- 
rité en  disant  (ju'il  est,  parmi  nos  contemporains  el  depuis 
la  mort  d'Auguste  Castan,  Térudit  qui  a  le  plus  étudié  et  qui 
connaît  le  mieux  la  Franche-Comté  et  son  histoire. 

Et  c'est  sans  doute  parce  que  les  annales  de  notre  pro- 
vince n'avaient  plus  de  secret  pour  lui  que  sa  laborieuse  ac- 
tivité a  cherché  des  aliments  nouveaux  dans  le  riche  dépôt 
des  archives  du  duché  de  Bourgogne,  actuellement  confié  à 
ses  soins  vigilants.  La  réputation  scientifique  de  M.  Jules 
Gauthier  a  reçu  cette  année  une  haute  consécration  :  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres  l'a  élu  membre  cor- 
rospondanl.  Ainsi  s'est  trouvé  réalisé  le  vœ>u  que  formulait, 
il  y  a  un  an,  au  milieu  de  vous,  M.  Philippe  Berger. 

J'ose  à  peine,  Messieurs,  prononcer  le  nom  de  mon  émi- 
nent  prédécesseur  à  ce  fauteuil,  tant  je  crains  que  vous  n'é- 
tablissiez, entre  le  président  de  Tannée  dernière  et  celui  de 
cette  année,  une  comparaison  qui  me  soit  par  trop  défavora- 


—  253  — 

ble.  C'était  une  rare  bonne  fortune  pour  votre  quatrième  Con- 
grès d'avoir  à  sa  tète  un  membre  de  l'Institut,  dont  le  nom  a 
une  si  haute  et  si  universelle  notoriété  dans  le  monde  savant, 
et  qui  eut  l'honneur  d'être  le  collaborateur  et  l'émule  d'Er- 
nest Renan  dans  l'étude  des  textes  et  des  inscriptions  sémi- 
tiques et  de  lui  succéder  dans  la  chaire  d'hébreu  au  Collège 
de  France.  Comme  s'il  prévoyait  que  ses  concitoyens  du  ter- 
ritoire de  Beifort  allaient  lui  créer  de  nouveaux  devoirs  et  de 
nouvelles  occupations  en  lui  conférant  le  plus  élevé  des  man- 
dats législatifs,  M.  Berger  s'était  excusé  dès  Tan  dernier  de 
ne  pouvoir  accepter  la  présidence  de  Ja  réunion  d'aujour- 
d'hui ;  mais  en  décidant  ce  matin  que  le  sixième  congrès  se- 
rait tenu  Tan  prochain  à  Beifort,  vous  avez  justement  resti- 
tué au  savant  professeur  la  première  place.  Ainsi,  les  regrets 
que  nous  cause  aujourd'hui  son  absence  sont  atténues  par 
l'espoir  de  le  revoir  dans  un  an  parmi  nous. 

Quelqu'un  que  nous  ne  verrons  plus,  c'est  le  compatriote 
éminent  qui  a  tenu,  lui  aussi,  un  des  premiers  rôles  au  con- 
grès de  Lons-le-Saunier,  où  il  s'est  prodigué  pour  honorer  la 
mémoire  de  ce  Philibert  de  Chalon,  vaillant  homme  de 
guerre  autant  qu'habile  diplomate,  dont  il  s'était  fait  l'histo- 
rien. En  voyant  alors  M.  Ulysse  Robert  se  dépenser  avec 
tant  d'ardeur  pour  la  gloire  de  son  héros,  qui  eût  pu  penser 
qu'on  assistait  à  une  des  dernières  manifestations  de  son  acti- 
vité et  de  son  esprit?  La  mort  Ta  terrassé  avant  que  l'année 
n'ait  fini  son  cours,  avant  que  lui-même  n'ait  achevé  sa  tâche . 

Par  son  travail  opiniâtre,  Ulysse  Robert  s'était  fait  un 
nom  dans  la  science,  en  même  temps  que  par  son  seul  mé- 
rite il  s'était  élevé,  jeune  encore,  au  poste  envié  d'inspecteur 
général  des  archives.  Il  incarnaît  véritableuient  les  solides 
qualités  de  la  race  comtoise  :  la  puissance  de  travail,  la  téna- 
cité, la  pénétration  de  l'esprit,  le  robuste  bon  sens,  la  probi- 
té scientifique.  11  avait  au  plus  haut  degré  l'amour  du  sol  na- 
tal et  tous  ses  travaux  eurent  pour  but  de  mettre  en  lumière 
quelques  unes  de  nos  gloires  locales.  Resté  Comtois  au  mi 


—  254  — 

lieu  de  Paris,  cet  enfant  des  montagnes  du  Doubs  n'avait  pas 
de  plus  grand  bonheur  que  de  se  retrouver  avec  des  compa- 
triotes, et  c'est  au  milieu  d'eux,  au  cours  d'un  banquet  de 
l'Association  des  Gaudes,  que  la  mort  est  venue  le  sur- 
prendre. * 
Ulysse  Robert,  dont  le  souvenir  ému  plane  sur  cette 
assemblée,  nous  a  légué  plus  d'un  exemple  à  suivre.  C'est 
en  nous  efforçant  de  l'imiter  dans  sa  vie  laborieuse,  dans  ses 
patientes  études,  dans  son  attachement  profond  pour  la 
Franche-Comté  que  nous  arriverons  à  rendre  notre  associa- 
tion prospère,  à  contribuer  au  progrès  de  la  science  et  à  la 
grandeur  de  la  patrie  I  » 

Après  ce  discours,  fréquemment  interrompu  par  des  applau- 
dissements, M.  Fevbbt  fait  une  communication  très  savante 
et  documentée  sur  César  à  Besançon. 


La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  Ch.  Sandoz,  conseiller 
municipal  de  Besançon,  qui  plaide  en  ces  termes  la  cause  de 
la  Hesiauration  de  V Hôtel  de  Ville  de  Besançon. 

Mesdames, 
Messieurs, 

Je  ne  saurais  prétendre  ni  au  titre  d'archéologue,  ni  à 
celui  d'historien,  et,  dans  ces  conditions,  il  peut  paraître  à 
mon  auditoire  distingué  qu'il  y  a  quelque  prétention  de  ma 
part  h  traiter  ici  un  sujet  qui,  pour  être  développé  comme  il 
devrait,  mérite  une  érudition  que  je  ne  possède  pas. 

Je  solliciterai  donc  votre  extrême  indulgence.  Elle  me 
sera  accordée,  je  l'espère,  lorsque  vous  saurez  le  mobile  au- 
quel j'obéis  en  prenant  la  parole  devant  cette  docte  assem- 
blée :  c'est  tout  simplement  d'obtenir  lappui  de  votre  asso- 
ciation en  faveur  du  maintien  et  de  la  restauration  de  notre 


—  2fe  - 

Hôtel  de  Ville,  dont  un  certain  nombre  de  personnes  récla- 
ment la  démolition. 

Un  vote  municipal  récent  a,  il  est  vrai,  décidé  provisoi- 
rement le  statu  quo  ;  on  fera  toutefois  quelques  travaux,  en 
vue  de  la  consolidation  et  l'aménagement  des  parties  du  bâ- 
timent sectionnées  pour  rétablissement  de  la  rue  qui,  depuis 
la  restauration  du  Palais  de  Justice,  sépare  celui-ci  de  THôtel 
de  Ville. 

Mais  un  semblable  ajournement  ne  préjuge  rien,  car  il  se 
peut  que,  d*ici  quelques  années,  une  proposition  de  démoli- 
tion surgisse  à  nouveau.  Il  est  donc  nécessaire  de  provoquer, 
parmi  nos  associations  comtoises,  un  courant  d'idées  en  fa- 
veur de  la  restauration  en  question  et  je  ne  pouvais  mieux 
m'adresser  qu'en  commençant  d'abord  par  une  société  qui 
a  pris  pour  programme  :  Servir,  aimer  et  faire  aimer  la  patrie 
comtoise  ;  unir  dans  son  culte  et  dans  son  amour  tous  les 
Francs-Comtois. 

Un  publiciste  distingué,  Arduin  Dumazet;  vient  de  faire 
paraître  la  partie  de  son  ouvrage  intitulé  «  Voyage  en 
France  »  qu'il  a  consacrée  à  notre  province  Nous  ne  pour- 
rions chercher  à  meilleure  source  l'impression  d'un  savant 
et  d'un  écrivain  sur  notre  ville. 

Voici  quelques  lignes  extraites  des  pages  intéressantes  à 
tous  points  de  vue  qu'il  a  écrites  sur  notre  cité,  et  qui  ré- 
sument l'impression  qu'elle  lui  a  causée  : 

«  Besançon  peut  être  comparée  aux  anciennes  cités  du- 
»  cales  d'Italie.  On  a  respecté  les  artères  d'autrefois,  leurs 
»  vieux  hôteld  sculptés  aux  grilles  de  fer  forgé,  ornés  de 
»  fontaines  où  le  xvii«  siècle  a  apporté  sa  grâce  mytholo- 
»  gique. 

9  Le  square  archéologique  est  une  chose  charmante.  Une 
»  partie  curieuse  est  le  vieux  quartier  de  Battant  dont  les 
»  rues  surpeuplées  offrent  d'amusants  tableaux.  » 

Ainsi  donc,  ce  qui  est  intéressant  à  Besançon  pour  le  visi- 


-  256  - 

leur,  ce  ne  sont  pas  nos  constructions  modernes,  du  reste, 
à  peu  d'exception  près,  sans  grand  caractère  artistique.  Ce 
qui  retient  son  attention,  et  j'en  ai  fait  souvent  Texpérience, 
c'est  tout  ce  qui  subsiste  du  vieux  temps,  ce  que  Gaston 
Goindre  a  si  bien  retracé  ou  ressuscité  dans  son  beau  travail 
d'artiste  et  d'écrivain  sur  notre  antique  localité. 

Faites- vous  le  cicérone  d'un  étranger;  ni  le  Kûrsaal,  ni 
les  bâtiments  de  l'Université  ou  autres  monuments  neufs  ne 
retiendront  son  attention.  Mais  il  stationnera  longuement 
devant  le  Palais  Granvelle,  examinera  l'Hôtel  de  Ville,  le 
Palais  de  Justice,  les  vestiges  de  l'ancien  monastère  des 
Bénédictins,  l'Hôpital,  la  jolie  chapelle  du  Refuge,  etc. 

La  fontaine  de  la  place  Labourey,  celle  de  la  place  de 
l'Etat- Major  ne  lui  diront  rien  de  particulier;  il  admirera  par 
contre  la  jolie  fontaine  de  la  rue  Ronchaux.  œuvre  des 
sculpteurs  Devosges  et  Perette,  celle  de  la  Sirène  à  l'angle 
de  la  rue  des  Archives,  du  statuaire  Luc  Breton,  ou  la  fon- 
taine des  Carmes,  du  sculpteur  Claude  LuUier.  S'il  est  entré 
en  ville  par  Battant,  les  hautes  et  monumentales  portes  mo- 
dernes de  ce  quartier  le  laisseront  indifférent;  mais  il  ira 
visiter  à  Rivotte  la  porte  flanquée  de  deux  tourelles,  der- 
nière des  portes  de  la  fortification  espagnole,  et  qui  avec  la 
curieuse  maison  Mareschal  du  xvi*  siècle,  donne  à  ce  quar- 
tier un  intérêt  que  ne  lui  assureraient  pas  des  constructions 
nouvelles. 

Promenez  votre  visiteur  sur  les  nouveaux  quais.  Ni  les 
écoles  Veil-Picard,  ni  la  Synagogue,  ni  les  constructions 
modernes  de  celte  partie  de  la  ville  ne  l'intéresseront. 

Par  contre,  il  s'extasiera  sur  le  pittoresque  du  vieux  bas- 
tion d'Arènes,  avec  ses  escaliers,  ses  murs  casemates,  ses 
hauts  parapets, surmontés  d'arbres  gigantesques.  «  Oh!  mon- 
»  sieur,  me  disait,  il  y  a  quelques  années  un  journaliste 
»  américain  auquel  je  faisais  visiter  la  ville,  et  qui  s'extasiait 
»  devant  ce  bastion,  j'ai  lu  ce  malin  dans  un  journal  de  Be- 
»  sançon  qu'on  voulait  démolir  les  fortifications.  C'est  très 


-  257  - 

D  bien  pour  une  partie,  mais  est-ce  qu'on  va  aussi  démolir 
»  ceci*?  Oh  !  je  vous  prie,  Monsieur,  dites  bien  à  vos  compa- 
»  triotes  que  chez  nous,  en  Amérique,  nous  paierions  bien 
»  cher,  des  millions,  Monsieur,  pour  avoir  quelque  chose 
»  d'aussi  intéressant.  » 

L'étran«j;er  encore  promènera  ses  regards  curieux  sur  le 
vieux  quai  Vauban,  de  la  tour  du  Saint-Esprit  aux  remparts 
de  Ciiamars.  Le  pont  de  Battant  vous  vaudra  de  sa  part  quel- 
que question;  il  n'en  fera  aucune  sur  les  ponts  de  Bregille, 
de  Saint-Pierre  ou  de  Canot. 

Et  combien  tout  cela  intéresserait  davantage  encore 
nos  visiteurs,  si  quelque  habitant  leur  racontait  l'histoire  de 
toutes  ces  vieilles  choses. 

Il  est  vrai  que  cela  n'arriverait  pas  souvent,  car  nous 
autres  nous  la  connaissons  si  imparfaitement  l'histoire  de 
notre  ville  et  de  ses  anciens  monuments  I  C'est  peut-être  à 
cause  de  cela  que  l'on  rencontre  si  peu  de  personnes  qui 
s'intéressent  à  la  conservation  de  ceux-ci.  C'est  aussi  pour 
ce  motif,  évidemment,  que  la  proposition  de  démolition  de 
l'Hôtel-de-VilIe  en  vue  d'un  agrandissement  de  la  place 
Saint-Pierre,  a  pu  trouver  quelque  écho  parmi  nos  conci- 
toyens. 

Les  démolisseurs,  outre  ce  motif  d'agrandissement  de  la 
place  donnent  également  pour  raison  l'amélioration,  au  point 
de  vue  du  coup  d'œil,  qu'offrirait  l'ensemble,  une  fois  la  mai- 
rie rasée. 

Nous  verrons  plus  tard  ce  que  serait  cette  prétendue 
amélioration.  Mais  en  attendant,  permettez- moi  de  vous 
faire  un  peu  l'histoire  del'HcHel  de  Ville. 

La  mairie  féodale  était  située  sur  la  place  Labourey.  Plus 
tard  et  jusqu'au  milieu  du  xiv«  siècle,  le  logis  communal  fut 
un  hôtel  loué  à  la  famille  Porcelet,  formant  le  n«  8  actuel  de 
la  rue  Pasteur. 

L'extension  du  territoire  de  la  commune  nécessitant  un 
logis  plus  spacieux,  on  fit  choix  à  cet  effet  d'une  maison  face 

17 


—  258  — 
h  l'église  Saiul-Pierre,  puis  on  y  adjoignit  deux  immeubles 
voisins  par  la  suite. 

En  1393,  on  démolit  ces  trois  vieilles  maisons  et,  sur 
leur  emplacement,  fut  édifié  un  Hôtel  de  Ville  neuf  dont  on 
poussa  les  dépendances  jusqu'à  la  rue  Saint- Vmcent. 

Cet  Hôtel  de  Ville  avait  un  beffroi  sur  lequel  fut  place,  en 
1440.  la  première  horloge  publique.  Il  devait  avoir  aussi  une 
galerie  extérieure,  car  nous  voyons  qu'en  1465,  il  est  pro- 
cédé à  une  reconstruction  des  galeries  de  l'Hôtel  de  \ille 
d^où  avait  prêché  un  moine,  le  frère  Vincent  Périer. 

Knfin,  en  1469,  on  construit  une  tour  y  attenant  pour  la 
garde  des  privilèges -cteiacité. 

En   1544,  la  constructioïT^tTîîMlo^         ^^^^^  communal 
est  décidée  et  un  premier  corps  de^bï*^®'^^  ^^^  ^^''^^J 
15b9,  par  les  soins  du  maçon  Richard  Mayft^        ,  ^ 
penlier  Outhenin  Ronsares,  tel  qu'il  se  présente  alÇÎ^^^^,  . 
avec  ses  pierres  à  bossage  et  son  architecture  sans  symS™^  * 
mais  originale. 

En  1582,  pour  compléter,  on  reconstruit  le  deuxième 
corps  de  logis  en  abandonnant  les  plans  primitifs  du  maçon 
Mayre,  et  en  chargeant  Hugues  Sambin,  le  célèbre  archi- 
tecleur  bourguignon,  élève  de  Michel  Ange,  de  cette  nou- 
velle construction.  En  1586,  le  maçon  Pierre  Vitte  opérait 
au  nom  de  la  Ville  le  toisement  et  la  réception  de  ce  second 
bâtiment,  auquel,  en  1588,  on  adjoignait  une  chapelle.  Dans 
ce  second  corps  de  logis  était  également  installé  le  prétoire 
où  se  rendait  la  justice  civile  et  criminelle. 

Les  proportions  restreintes  de  ce  délicieux  ouvrage  de 
la  Renaissance  sont  ce  que  Hugues  Sambin  avait  voulu  pour 
un  logis  situé  dans  une  cour.  C'est  une  considération  qui 
mérite  de  retenir  l'attention.  S'il  avait  été  destiné  à  être  mis 
en  façade  sur  rue  ses  proportions  eussent  été  toutes  diffé- 
rentes évidemment. 

Diverses  délibérations  municipales  nous  apprennent  que, 
faisant  suite  au  second  corps  de  logis,  se  trouvait  un  verger 


—  259  — 

dans  lequel  plus  tard  fut  installé  le  tir  de  l'arc  et  à  l'arbalète. 
De  là  le  nom  de  rue  de  l'Arbalète  donné  encore  actuellement 
à  la  rue  qui  y  conduisait.  Au  bout  de  ce  verger,  et  en  façade 
sur  la  rue  Saint-Vincent,  on  avait  édifié  l'Arsenal  (très  impor- 
tant pour  l'époque)  que  possédait  la  ville,  car  elle  mettait  sur 
pied  4,000  combattants  pour  la  défense  de  son  territoire  et 
elle  possédait  une  assez  forte  artillerie. 

Voilà  sommairement  l'histoire  de  la  construction  de 
l'Hôtel  de  Ville  de  Besançon. 

Quand  dans  une  ville  on  veut  démolir  quelque  chose  en 
vue  d'un  agrandissement,  on  devrait  toujours  chercher  à  se 
rendre  compte,  jusque  dans  les  moindres  détails,  de  ce  que 
sera  le  nouvel  état  de  choses  ;  autrement  on  s'expose  aux 
plus  désagréables  surprises. 

C'est  pour  avoir  négligé  cette  sage  précaution,  qu'il  y  a 
une  douzaine  d'années  le  Conseil  municipal  d'alors,  déci- 
dant, sans  étude  préalable  sérieuse,  la  démolition  des  rem- 
parts Saint-Pierre-GIères,  créait  un  état  de  choses,  en  cet 
endroit,  du  plus  déplorable  elTet.  Au  lieu  de  se  borner  à 
raser  les  énormes  parapets  de  la  fortification  à  hauteur  de  la 
berme,  ce  qui,  au  point  de  vue  du  résultat  cherché  était  équi- 
valent, et  nous  eût  procuré  une  jolie  terrasse  ombragée  par 
des  plantations  d'arbres  et  soutenue  par  les  murs  à  tracé 
bastionné  des  anciens  remparts,  on  dépensa  près  de 
'200,000  francs  pour  gratifier  la  ville  d'un  nouveau  mur  de 
soutènement  disgracieux,  qui  enserre  le  lit  du  Doubs  et 
enlaidit  considérablement  cette  partie  de  la  ville. 

Supposons  donc  la  démolition  de  l'Hôtel  de  Ville  accom- 
plie, que  voyons-nous?  Une  place  de  forme  rectangulaire 
allant  du  péristyle  de  l'église  Saint-Pierre  au  Palais  de  Jus- 
tice et  partagée  à  peu  près  en  son  milieu  par  la  chaussée  de 
la  Grande-Rue.  Ce  terrain  offrirait  une  telle  déclivité  qu'il 
se  terminerait  nécessairement  par  des  escaliers  descendant 
vers  le  Palais  de  Justice.  11  est  entendu  n'est-ce  pas  que 
cette  démoHtion  se  ferait,  disent  ses  partisans,  dans  l'intérêt 


—  260  — 

d'un  embellissement  par  la  mise  en  façade  au  premier  plan 
de  ce  dernier  bûlimenl.  Eh  bien,  voyez- vous  celui-ci  enterré 
et  auquel  on  accéderait  par  des  escaliers  de  cave!  Ça  ne  se- 
rait déjà  pas  précisément  quelque  chose  de  bien  gracieux. 
Mais  ce  n'est  rien  encore,  car  si  nous  considérons  l'encadre- 
ment de  cette  portion  nouvelle  de  la  place  par  les  construc- 
tions mises  en  vue  par  la  démolition  de  la  Mairie,  que 
voyons-nous?  A  une  extrémité  l'église  Saint-Pierre,  bâtiment 
lourd  et  sans  style  dominant  et  écrasant  la  façade  du  Palais 
de  Justice  qui  lui  fait  face  à  l'autre  extrémité. 

Puis,  sur  les  côtés  latéraux  de  cette  même  partie  de  la 
place,  d'un  côté  le  hideux  bâtiment  qui  est  à  l'entrée  actuelle 
de  la  rue  de  l'Arbalète,  de  l'autre,  les  constructions  bizarres 
et  sans  alignement  de  la  rue  de  l'Arsenal,  et,  dans  la  pers- 
pective de  la  partie  qui  subsisterait  de  ces  deux  rues,  des 
recoins  malpropres,  puis  une  obliquité  de  lignes  qui  ferait 
paraître  le  Palais  de  Justice  comme  mis  de  travers  sur  cette 
place. 

Pauvre  Palais  de  Justice,  déjà  si  écrasé  par  le  long  toit 
couvert  d'ardoises,  dont  on  l'a  affublé  et  qui  est  un  bel  ana- 
chronisme, les  adjonctions  nouvelles  qui  encadrent  la  partie 
ancienne  de  sa  façade  n'ont  rien  ajouté  à  l'intérêt  de  l'œuvre 
d'Hugues  Sambin,  au  contraire. 

Mais,  me  dira-t-on,  l'Hôtel  de  Ville  est  d'un  etTet  disgra- 
cieux. —  Dans  sa  forme  présente,  c'est  vrai.  Mais  abstrac- 
tion faite  du  toit  impossible  qui  le  recouvre,  il  offre  comme 
architecture  une  grande  originalité,  accentuée  encore  par  le 
bossage  des  pierres  de  taille  de  sa  façade  extérieure. 

Lorsqu'à  sa  couverture  on  aura  substitué  un  toit  élégant 
sur  lequel  s'élèveront  de  grands  louvres  et  un  gracieux 
beffroi,  le  tout  dans  le  style  du  xvi®  siècle,  cela  modifiera 
l'aspect  de  l'ensemble.  Il  ne  faudra  pas  par  exemple  le  re- 
couvrir en  ardoises,  mais  en  tuiles  vernissées  formant  des 
dessins  en  losange  aux  couleurs  de  la  ville,  ainsi  que  cela  se 


-  261  — 

faisait  au  xvi«  siècle  et  comme  certainement  cela  existait  snr 
le  toit  primitif. 

Quant  à  la  place  Saint-Pierre,  en  la  transformant  en  un 
joli  square  ouvert,  avec  des  plantations  d'arbres  encadrant 
les  deux  passages  en  croix  qui  la  traversent  on  ferait  plus 
pour  son  embellissement  qu'en  démolissant  THôtel  de  Ville. 

Voilà  au  point  de  vue  esthétique  ce  que  j'avais  à  dire  en 
faveur  du  maintien  de  ce  monument  et  de  sa  restauration 
extérieure. 

Quant  à  sa  réfection  intérieure,  elle  peut  être  obtenue 
sans  dépenses  excessives,  si  l'on  maintient  la  disposition 
actuelle  des  locaux,  sauf  quelques  modifications,  telles  que 
la  construction  d'un  grand  escalier  desservant  les  bureaux, 
et  la  transformation  en  locaux  du  passage  en  arcades  qui 
conduisait  autrefois  au  Palais  de  Justice. 

Il  resterait  à  construire  alors  le  bâtiment  en  aile  sur  la 
cour  du  côté  droit. 

Toutes  ces  modifications  permettraient  l'installation  des 
services  municipaux  proprement  dits  dans  des  conditions 
excellentes  de  commodité  et  de  facilité  d'accès  au  public. 

Mais  d'autres  considérations  militent  encore  en  faveur 
de  cette  conservation. 

Dans  cette  petite  patrie  bisontine,  où  les  uns  nous 
sommes  nés,  où  d'autres  y  ont  vécu  de  longues  années,  pre- 
nant intérêt  à  tout  ce  qui  contribue  à  sa  renommée,  soulever 
cette  question  de  démolition  de  l'Hôtel  de  Ville  c'est  oublier 
tout  ce  passé  si  passionnant  à  étudier  d'une  ville  qui,  pen- 
dant des  siècles  n'a  cessé  de  lutter  pour  la  défense  de  ses 
libertés  et  le  maintien  de  ses  privilèges. 

C'est  dans  la  maison  communale  que  se  sont  débattues 
les  lois  de  la  petite  république  bisontine,  que  se  sont  signés 
les  traités  historiques  de  la  Franche-Comté.  C'était  la  mai- 
son du  peuple,  car  c'est  le  peuple  ([ui  élisait  par  un  suffrage 
à  deux  degrés  ceux  qui  allaient  le  gouverner.  C'est  là  que 


—  262  — 

les  pauvres,  les  faibles,  les  opprimés  sont  de  tous  temps 
venus  chercher  secours  ou  appui. 

Les  villes,  de  quelque  pays  que  ce  soit,  qui  ont  une  his- 
toire professent  une  véritable  vénération  pour  leur  maison 
communale,  bien  que  souvent  celle-ci  n'offre  pas  le  moindre 
intérêt  architectural.  Voyez  Mulhouse  et  son  petit  Hôtel  de 
Ville.  Il  est  laid,  et  bien  exigu  pour  une  grande  ville  de  celte 
importance,  mais  il  a  une  histoire  ;  il  a  été  le  siège  d'une 
magistrature  municipale  française,  et  le  drapeau  français  y  a 
flotté  à  une  époque  que  ses  habitants  n'ont  pas  oubliée. 
Allez  donc  dire  aux  Mulhousiens  que  pour  raison  d'embellis- 
sement on  va  jeter  à  bas  leur  Hôtel  de  Ville. 

Allez  en  Suisse,  le  pays  républicain  par  excellence,  et 
voyez  avec  quel  soin  nos  voisins  restaurent  tous  ces  vieux 
bâtiments  historiques,  en  leur  conservant  le  cachet  de  l'épo- 
que de  leur  construction,  jusque  dans  les  moindres  détails. 

jNotre  Hôtel  de  Ville  est  le  témoin  vivant  du  passé  de  Be- 
sançon; sa  disparition  serait  une  atteinte  portée,  je  le  répète, 
à  rimportance  du  rôle  de  notre  vieille  cité  dans  l'histoire. 
C'est  donc  à  combattre  toutes  propositions  qui  pourraient 
être  faites  ou  à  soutenir  toutes  tendances  à  créer  un  mouve- 
ment d'opinion  en  faveur  de  celle  démolition  que  je  vous  de- 
mande, Messieurs,  de  vous  grouper  en  une  union  commune. 

M.  Gaiffe,  professeur  au  lycée  de  Besançon  a  fait  connaî- 
tre en  ces  termes,  la  vie,  l'œuvre  d'Un  dramaturge  biëontin 
an  xviil«  siècle^  Arnould-Mussot. 

Mesdames, 
Messieurs, 

Il  n'est  pas  donné  à  une  ville,  ni  même  à  une  région,  de 
produire  un  homme  de  génie  par  siècle  dans  chaque  genre  : 
si,  dans  l'art  dramatique,  la  Franche-Comté  peut  citer  avec 
orgueil,  au  xix*^  siècle,  l'auteur  de  Rinj  Blaa,  et,  dans  un 


—  263  — 

rang  plus  modeste,  mais  très  honorable  encore,  celui  du 
Moineau  de  LeshiSy  si,  au  xvii*,  elle  a  donné  le  jour  à  Jean 
Mairet,  qui  fournit  dans  sa  Sophonisbe  le  premier  modèle  de 
la  tragédie  régulière  en  France,  il  faut  convenir  que  le  xviii* 
siècle  n'est  pas,  h  beaucoup  près,  aussi  glorieux  pour  notre 
province  :  dans  les  études  que  je  poursuis  depuis  plusieurs 
années  sur  le  théâtre  de  cette  époque,  je  n'ai  guère  rencon- 
tré que  trois  noms  de  dramaturges  franc-comlois  :  Falbaire 
de  Quingey,  auteur  de  V Honnête  criminely  un  drame  anti- 
clérical qui  eut  son  heure  de  vogue  au  début  de  la  Révolu- 
tion ;  Gabiot  de  Salins,  grand  brocheur  de  mélodrames  à  la 
douzaine,  et  plagiaire  sans  vergogne  ;  enfin  mon  héros  d'au- 
jourd'hui, Arnould-Mussot,  dont  le  talent  littéraire  n'est  pas 
beaucoup  plus  relevé,  mais  dont  l'existence  accidentée  nous 
permet  de  pénétrer  dans  quelques  recoins  curieux  de  la  so- 
ciété parisienne  à  la  fin  de  l'ancien  régime^!). 

Auteur  de  dixième  ordre,  mais  en  même  temps  acteur 
et  directeur  de  troupes,  Arnould  fut  mêlé,  en  effet,  de  très 
près  à  la  fondation  et  aux  pénibles  débuts  de  l'Ambigu-Co- 
mique,  qui,  avec  plusieurs  autres  petits  théâtres,  fit,  entre 
1760  et  i79l,  une  concurrence  acharnée  aux  scènes  privilé- 
giées et  subventionnées.  Assez  de  personnes  sont  curieuses 
de  ce  qui  se  passe  aujourd'hui  dans  les  coulisses  de  nos  plus 
humbles  théâtricules,  pour  s'intéresser  à  ce  qui  s'y  passait 
il  y  a  plus  d'un  siècle  ;  et  ce  recul  dans  le  temps  donne  d'au- 
tre part  à  un  sujet  assez  frivole  en  soi  quelque  chose  d'an- 
tique et  de  vénérable  qui  le  rend  digne  d'être  présenté  à  un 
auditoire  aussi  grave  que  celui  de  l'Association  franc-comtoise . 

Jean-François  Mussot,  né  à  Besançon,  le  4  juin  1734, 
appartenait  à  une  des  familles  les  plus  estimées  de  la  ville: 


(1)  Cf.  Archives  Municipales  de  la  ville  dt:  Besançon  (Registres  des 
Paroisses).  —  Almanachs  forains  {\1T^  à  1787)  —  Mémoires  secrets  de 
liachaumont,  1  Ilï  et  stf.  (Mayeur  do  Saint-Paul).  —  Le  Chroniqueur 
désosuvré  ou  l'Espion  des  Boulevards^  Londres  1782-178,3,  2  vol.  — 
Biographie  UniversellCj  Art.  A«nould. 


—  264  — 

son  père,  Jean-CJaude  Mussol,  était  avocat  au  Parlement,  et 
nous  le  retrouvons  en  1745,  investi  des  fonctions  de  bâton- 
nier; sa  mère,  Madeleine  Arnould,  était  aussi,  sembie-t-il, 
d'une  famille  d'honorable  bourgeoisie  parlementaire. 

Comment  le  jeune  homme,  élevé  dons  les  principes 
d'une  étroite  austérité  provinciale,  fùt-il  pris  de  la  pa>sion 
irrésistible  du  théâtre*/ 

Assista-t-il  à  Besançon  aux  brillantes  représentations  don- 
nées alors  dans  la  Grande  Salle  du  Palais  Granvelle?  Y  en- 
tendit-il le  comédien  Armand,  du  Théâtre-Français,  qui,  en 
1753,  gratifia  les  Bisontins  d'une  première  sensationnelle, 
celle  du  Petit  Maitre  raisonnable,  comédie  dont  il  était 
lauteur,  et  dont  notre  bibliothèque  municipale  possède  le 
texte? 

Toujours  est  il  que  le  jeune  Mussot  abandonna  la  vie 
régulière  pour  l'existence  errante  des  histrions,  la  vénérable 
toge  pour  les  oripeaux  bariolés  du  comédien,  la  paisible 
cité  bisontine  pour  la  capitale  tourbillonnante,  et  son  nom 
paternel  pour  celui  d'Arnould,  qu'il  emprunta  à  la  faïT)ille 
de  sa  mère,  pour  abriter  l'infamie  encore  attachée  à  son 
nouvel  état. 

Il  fait  SCS  débuts  d'acteur  et  d'auteur  sous  la  direction 
d'Audinot,  ancien  comédien  du  Théâtre  italien  chargé  de 
recruter  pour  le  prince  de  Conti  une  troupe  théâtrale,  di- 
sent les  biographes  les  plus  bienveillants,  un  sérail,  assurent 
les  mauvaises  langues  du  temps.  Tandis  qu'il  fait  jouer,  en 
1763,  un  petit  opéra  comique,  le  Savetier  Dupé^  sur  un 
théâtre  des  boulevards,  il  interprète  les  principaux  rôles 
du  répertoire,  et  se  trouve  bientôt  assez  habile  pour  dégros- 
sir et  former  aux  belles  manières  et  à  la  diction  classique 
les  débutants  assez  novices  qu'engageait  Audinot. 

Celui-ci  quitte  Versailles  el  TIsle-Adam,  —  résidence  du 
prince  de  Conti,  —  pour  fonder  un  théâtre  à  lui,  TAmbigu- 
Comique,  sur  ce  fameux  boulevard  du  Temple,  où  la  mode 


—  265  — 

conduisait  alors  Parisiens  et  Parisiennes,  en  quête  de  di- 
vertissements variés  et  nouveau::. 

Au  début,  ces  audacieux  concurrents  du  célèbre  Nico- 
let,  sont  obligés  de  se  borner  à  un  modeste  spectacle  de 
marionnettes  ;  car  ces  trois  grandes  scènes,  —  Opéra, 
Français  et  Italiens  -  répriment  jalousement  toute  tentative 
de  concurrence  directe.  Mais  les  deux  associés  ont  une  idée 
de  génie  :  Audinot  fait  tailler  une  douzaine  de  bonshommes 
grotesques  dont  chacun  est  la  frappante  caricature  d'un  de 
ses  anciens  camarades  de  la  Comédie  italienne  :  Arnould 
compose  une  petite  pièce  où  sont  impitoyablement  mis  en 
lumière  les  ridicules  des  comédiens  privilégiés  ;  et  voilà 
comme  une  fois  de  plus,  avec  les  plus  pauvres  moyens, 
l'esprit  français  triomphe  encore  de  la  tyrannie  vaniteuse  et 
de  l'injuste  monopole. 

Un  beau  jour,  un  grotesque  et  amusant  petit  gnome,  le 
nain  Moreau,  vient  mêler  ses  cabrioles  à  celles  des  marion- 
nettes, qui  n'ont  pas  un  pouce  de  moins  que  lui  ;  puis  ce 
sont  des  enfants  de  huit  à  quinze  ans  qui  jouent  de  petites 
comédies  parfois  assez  peu  appropriées  à  leur  âge.  Excel- 
lente pépinière  de  futurs  artistes  dramatiques  !  disent  les 
amateurs  de  théâtre.  Affreuse  école  de  libertinage,  gron- 
dent les  censeurs  moroses.  Agréable  et  prometteuse  collec- 
tion de  fruits  verts  !  murmurent  en  dodelinant  de  la  tète  les 
vieux  courtisans  blasés. 

Le  9  avril  1772,  journée  mémorable,  les  petits  comédiens 
d'Audinot  sont  appelés  à  faire  admirer  leurs  talents  devant 
le  roi  lui-même  et  Mme  du  Barry  :  ils  se  transportent  à 
Choisy  pour  y  jouer:  Il  n'y  a  plus  d'enfants,  saynète  de 
Nougaret,  qui  mérite  un  peu  trop  son  titre  :  Ln.  Gtiinguettc, 
de  Pleinchesne,  tableau  de  mœurs  populaires  dans  la  ma- 
nière de  Valé,  enfin  le  Chat  botté,  pantomime  réglée  par 
notre  compatriote  Arnould  lui-même  La  séance  se  termine 
par  la  Fricassée,  contredanse  fort  polissonne,  disent  les  Mé- 
moires secrets,  et  tandis  que  la  favorite  rit  aux  éclats  devant 


—  266  --- 

ce  spectacle  d'une    gaîté  toute   plébéienne,  le    monarque 
rebte,  comme  toujours,  figé  dans  sou  mutisme  morose. 

L'histoire  d'Arnould-Mu^sot  continue  h  être  celle  du 
théâtre  auquel  son  sort  est  attaché  :  vojue  extraordinaire 
auprès  du  public  élégant,  lutte  incessante  contre  le  mono- 
pole des  grands  théâtres;  l'Ambigu  représente  des  ballets- 
pantomimes  qui  éclipsent  les  divertissements  chorégraphi- 
que de  l'Opéra  et  de  petites  pièces  touchantes  et  joyeuses, 
qui,  pour  avoir  été  le  plus  souvent  refusées  par  l'aréopage 
du  Théâtre  Français,  n'en  sont  pas  plus  mauvaises,  au 
contraire. 

En  1785,  Audiuot,  dépossédé  de  son  privilège  par  Gail- 
lard et  Dorfëuille,  se  transporte  pour  quelque  temps,  avec 
une  partie  de  sa  troupe,  à  la  Muette,  en  plein  Bois  de  Bou- 
logne ;  et  les  paysans  de  Passy,  d'Auteuil  et  de  Chaillot  — 
où  sont-ils  aujourd'hui?  —  protestent  contre  l'atteinte  que 
va  porter  à  leurs  mœurs  candides  la  présence  d'une  troupe 
d'histrions  débauchés. 

Mais  l'Ambigu  ne  peut  vivre  sans  Audinot  et  sans  Ar- 
nould,  son  compère;  au  bout  de  quelques  mois,  ils  rentrent 
triomphalement  dans  leur  ancien  théâtre.  Cinq  ans  après,  la 
Révolution  vient  compromettre  la  régularité  des  recettes  et 
aussi  la  bonne  harmonie  qui  régnait  jusque  là  entre  les  deux 
fondateurs  de  l'Ambigu  :  dès  1795,  ils  se  séparent,  et  Ar- 
nould  depuis  longtemps  souffrant,  meurt  la  même  année. 

Ce  Bisontin  transplanté  ii  Paris  s'était-il  quelquefois 
souvenu  de  sa  petite  patrie?  Y  était-il  revenu?  Ses  conci- 
toyens avaient-ils  quelquefois  applaudi  ses  pièces  sur  leur 
scène  provinciale  ?  Autant  de  questions  qu'il  nous  est  im- 
possible de  résoudre,  vu  la  pénurie  des  documents  concer- 
nant le  théâtre  à  Besançon  à  la  fin  du  xvnr  siècle. 

Si  Arnould  ne  fut  ni  un  Voltaire,  ni  un  Beaumarchais,  ni 
un  Sednine,  on  ne  peut  du  moins  lui  l'efuser  le  mérite  de  la 
(écondilé. 

Weii?s,  dans  l'article  détaillé  qu'il  lui  a  consacré  dans  la 


—  267  — 

Biographie  Universelle^  ne  mentionne  pas  moins  de  cin- 
quante-deux pièces  à  son  actif,  dont  la  plupart  ne  furent  pas 
publiées  :  la  Bibliothèque  Nationale  en  possède  douze,  dont 
plusieurs  ne  figurent  pas  parmi  les  quinze  que  cite  Quérard  ; 
et  la  Bibliothèque  municipale  de  Besançon  en  a  huit,  réunies 
dans  un  recueil  assez  élégamment  relié  (^). 

La  plupart  de  ces  productions  appartiennent  au  genre 
de  la  pantomime,  qu'Arnould  contribua  puissamment  à  re- 
nouveler et  à  perfectionner. 

Ne  pouvant  représenter  des  opéras,  comme  l'Académie 
Nationale  de  musique,  ni  des  drames,  comme  la  Comédie- 
Française  ou  la  Comédie-Italienne,  le  Théâtre  de  TAmbigu 
résolut  d'emprunter  aux  pièces  qu'il  ne  lui  était  pas  permis 
d'imiter  directement,  les  éléments  qui  semblaient  exercer 
sur  le  public  la  plus  vive  attraction. 

Les  pantomimes  d'Arnould  sont  des  mélodrames  à  grand 
spectacle,  dans  lesquels  le  dialogue  est  remplacé  par  des 
gestes  animés,  des  évolutions  militaires,  des  ballets,  des 
changements  à  vue  et  toutes  les  splendeurs  d'une  luxueuse 
mise  en  scène.  Bientôt,  du  reste,  la  parole  s'y  glissera  su- 
brepticement, et  l'on  verra  apparaître  —  ironie  des  mots  !  — 
des  pantomimes  dialogiiécs  contre  lesquelles  la  Comédie- 
Française  fera  entendre  des  protestations  indignées. 

Arnould,  lui,  s'abstient  scrupuleusement  de  faire  parler 
ses  personnages  ;  il  n'est  pas  embarrassé  du  reste,  pour  re- 
tenir, par  d'autres  moyens,  l'attention  du  spectateur.  Il  met 
en  scène  les  sujets  les  plus  divers;  tantôt,  il  les  emprunte  à 
la  féerie,  comme  dans  le  Chat  Botté;  tantôt  à  l'histoire, 
comme  dans  les  Quatre  Fils  Aijmon^  où  le  Moyen-Age  appa- 
raît avec  ses  tournois,  ses  combats  en  champ  clos,  ses  chA- 
teaux-forts  pris  d'assaut,  sans  préjudice  de  quelques  réjouis- 


'1^  Catalogue  général  des  livres  imprimés  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale,  t.  IV.  p.  528.  —  Bibliothèque  Municipale  de  Besançon:  Belles- 
Lettres,  3851.  Cf.  Quérard,  Art.  Mlssot. 


—  268  — 

santsanachronismes  auxquels  le  public  ne  prenait  pas  garde. 

Dans  VHomme  nu  Masque  de  Fer.  la  vérité  historique  est 
traitée  fort  cavalièrement,  mais  quelles  passionnantes  aven- 
tures que  celles  de  ce  comte  de  Vermandois,  fils  de  Louis  XIV 
et  de  Mlle  de  la  Vallière,  rival  amoureux  du  Dauphin  lui- 
même,  injustement  emprisonné,  transporté  des  îles  Sainte- 
Marguerite  à  la  Bastille,  où,  grâce  à  un  passage  secret,  il 
communique  avec  le  souterrain  où  gémit  sa  bienaimée  î  Et 
la  poursuite  nocturne,  au  cours  de  laquelle  il  tue  un  de  ses 
geôliers  et  le  gouverneur  de  la  Bastille  lui-même,  et  la  fuite 
éperdue  à  travers  les  forêts,  les  montagnes  et  les  hameaux 
inconnus!  Et  le  retour  triomphal,  au  milieu  des  vassaux, 
parmi  lesquels  il  va  finir  en  paix  son  existence  accidentée! 

Une  autre  fois,  c'est  à  Molière  qu'on  emprunte  un  de  ses 
sujets  ;  et  le  Grand  Festin  de  Pierre  nous  ofl're  un  Don  Juan 
sans  paroles,  en  attendant  que  Mozart  propose  à  l'admiration 
européenne  un  Don  Junn  en  musique.  Quant  à  la  Forêt-Noirc, 
c'est  une  tragique  histoire  de  fille  séduite,  d'enfant  abandon- 
née et  de  voleurs  de  grand  chemin  ;  du  Pixérécourt  sans  le 
dialogue,  c'est-à-dire  du  meilleur 

Arnould  excelle  à  profiter  de  toutes  les  occasions  que  lui 
offre  l'actualité.  En  1783,  il  met  en  scène,  dans  une  série  de 
tableaux  ironiques  la  chanson  de  Mal  Brough  s'en  va-Ven 
guerre,  alors  en  pleine  vogue.  La  môme  année,  il  représente 
une  aventure  réelle  dont  les  journaux  avaient  fait  grand  bruit  : 
l'histoire  d'une  jeune  fille  qui,  attaquée  par  deux  malandrins, 
dans  la  forêt  de  Villers-Cotterets,  avait  été  sauvée  par  un 
brave  et  vertueux  maréchal-des-logis;  le  héros  assista  en 
personne  à  l'une  des  représentations  de  la  pantomime,  et 
dut,  aux  exclamations  de  l'assemblée,  monter  sur  la  scène 
pour  y  être  couvert  de  fleurs.  Dans  VHéroinc  américaine, 
nous  assistons  aux  amours  infortunées  d'une  jeune  sauvage, 
qui  comme  plus  tard  Sélika  et  Lakmé,  Azyiadé  et  Rarahu, 
s'éprend  de  la  plus  folle  passion  pour  un  Européen  volage  et 
cruel.  Il  n'est  pas  jusqu'à  la  \fort  du  capitaine  Cook  qui  n'ait 


—  269  — 

été  mise  en  pantomime,  avec  danses  et  cérémonies  sauvages, 
et,  pour  finir,  la  pose  solennelle  d'une  croix  sur  le  lieu  où 
fut  massacré  le  célèbre  navigateur. 

Notre  compatriote  ne  s'est  pas  borné  à  ce  seul  genre  :  on 
possède  de  lui  une  amusante  parodie,  la  Complainte  des  Bar- 
mécides,  destinée  à  célébrer  la  chute  retentissante  d'une  des 
plus  mauvaises  tragédies  de  la  Harpe;  la  correspondance  de 
Grimm  raconte  avec  humour  la  déconvenue  du  malheureux 
poète,  qui,  ayant  mené  sa  femme  aux  Boulevards,  rencontra 
dans  les  plus  humbles  boutiques  de  sanglantes  allusions  à  ce 
four  noir  ;  telles  ces  cannes  à  la  Barmécide^  qui  moyennant 
une  légère  pression  sur  un  bouton  habilement  dissimulé,  fai- 
saient entendre  un  coup  de  sifflet  strident. 

Mentionnons  encore  une  curieuse  comédie,  ie  Portefeuille 
ou  la  Fille  comme  il  y  en  a  peu^  composée  en  collaboration 
avec  Audinot:  c'est  l'histoire  —  réelle  aiissi  —  d'une  courti- 
sane éminemment  vertueuse,  qui,  traquée  de  toutes  parts, 
et  par  ses  créanciers  et  par  un  propriétaire  aussi  rapace  que 
libertin,  rapporte  fort  honnêtement  à  monsieur  le  commis- 
saire un  portefeuille  de  cinquante  mille  écus  qu'elle  vient  de 
trouver.  Or,  —  voyez  le  miracle  !  —  le  propriétaire  n'est  autre 
que  le  père  de  son  amant;  le  bonhomme,  fort  ému,  ne  va 
pas  jusqu'à  proposer  à  la  tendre  et  héroïque  Rosalie  d'épou- 
ser son  fils,  mais  il  lui  donne  du  moins  les  moyens  de  vivre 
honorablement 

Tout  cela  n'est  h  coup  sûr  ni  Marion  Delorme^  ni  la 
Dame  aux  Camélias,  mais  c'est  une  amusante  et  sincère 
peinture  de  mœurs,  comme  on  n'en  trouvera  plus,  trente 
ans  plus  tard,  quand  l'Empire,  puis  la  Restauration,  auront 
jeté  leur  lourd  et  hypocrite  manteau  de  décence  pharisienne 
sur  \o  Ihéûlre  c6mme  sur  tout  le  reste. 

J'ai  gardé  pour  la  fin  une  piécette  fantaisiste  que  je 
considère  comme  le  chef-d'œuvre  d'Arnould  et  qui  manque 
à  nos  collections  bisontines  :  le  Sérail  à  VEncan^  dont  le 
hasard,  dieu  des  collectionneurs,  m'a  permis  d'acquérir  un 


-  270  — 

exemplaire  ;  sur  une  donnée  badine  et  sentimentale,  qui 
rappelle  les  Trois  Sultanes,  et  semble  parfois  annoncer  iVa- 
mouna,  cet  ouvrage  renferme,  avec  un  agréable  défilé  de 
houris  de  tous  les  aspects  et  de  toutes  les  nationalités,  une. 
suite  ininterrompue  de  ces  plaisanteries  piquantes  que  le  t)eau 
sexe  pardonne  volontiers,  car  elles  visent  ces  défauts  aux- 
quels une  femme  tient  plus  qu'aux  plus  admirables  vertus  : 
la  coquetterie,  la  légèreté,  la  jalousie,  tout  ce  qui  constitue 
proprement  le  charme  féminin. 

Il  y  a,  dans  ce  petit  acte,  des  tirades  fort  bien  venues, 
qui  montrent  ce  qu'aurait  pu  faire  Arnould  avec  plus  d'é- 
tude et  de  loisir.  Voyez  plutôt  en  quels  termes  le  cadi, 
chargé  de  vendre  le  sérail  d'un  vizir  disgracié,  annonce  aux 
acquéreurs  la  mise  aux  enchères  d'une  chanteuse  italienne  : 

«  Numéro  trente-trois.  La  signera  Léonore  Varina,  dont 
le  gosier  brillant  a  fait  pendant  longtemps  les  délices  de 
l'Italie. 

»  Vingt  amants,  poignardés  pour  elle,  à  Naples,  attestent 
ses  talents  ;  autant  de  lords  ruinés  par  elle,  en  Angleterre, 
ont  dûment  constaté  le  pouvoir  de  ses  charmes. 

»  En  France,  idolâtrée,  chantée,  chansonnée,  inoculée, 
gravée,  sculptée,  imprimée  dans  tous  les  journaux,  déchirée 
par  toutes  ses  rivales  ;  rien  ne  manquait  à  sa  gloire.  Mais 
l'inoculation  altéra  ses  traits,  un  petit  collet  altéra  ses  mœurs, 
la  musique  germanique  altéra  sa  voix,  les  petits  soupers 
altérèrent  sa  santé,  et,  pour  comble  de  malheurs,  un  gen- 
tilhomme provençal,  plus  altéré  d'argent  que  d'amour,  al- 
téra si  bien  sa  fortune,  que,  forcée  d'abandonner  la  France 
pour  retourner  dans  sa  patrie,  un  corsaire  algérien  la  reprit 
sur  un  pirate  anglais  qui  venait  de  s'en  emparer,  et  nous  la 
vendit.  » 

Voilà  parler  bien  longtemps  sans  doute  d'un  compatriote 
(l)  Le  Sérail  à  VEncan^  se.  XI. 


—  271  — 

obscur,  qui  n'eut  (Vautre  gloire  que  d'amuser,  pendant 
quelques  années,  l'oisiveté  du  public  parisien.  Après  tout, 
il  avait  quelque  esprit,  et  se  recommandait  par  d'autres  esti- 
mables qualités  :  il  n'y  a  pas  un  mot  contre  ses  mœurs  dans 
VEspion  du  Boulevard,  qui  déverse  l'ordure  sur  presque 
tous  les  acteurs  des  petits  théâtres  d'alors  :  les  Almanachs 
forains  ne  parlent  de  lui  qu'avec  les  plus  grands  éloges. 

Peut-être  y  eut-il  chez  cet  humble  cabotin  plus  de  fi- 
nesse intellectuelle  et  plus  de  tenue  morale  que  chez  maint 
personnage  officiel,  pompeux  et  chamarré,  solennel  et  vide, 
auquel  les  biographies  consacrent  de  complaisantes  et  co- 
pieuses notices. 

M.  Ch.  Beauquier,  député  du  Doubs,  donne  le  résumé 
d'une  étude  qu'il  prépare  et  qui  paraîtra  prochainement  sur 
les  Conventionnels  du  département  du  Doubs. 

M.  Georges  Gazier,  conservateur  de  bi  Bibliothèque  de 
Besançon,  lit  l'étude  suivante  sur  Un  manuscrit  autobiogra- 
phique inédit  de  Charles  Nodier  : 

Mesdames, 
Messieurs, 

Après  les  savantes  communications  que  vou^  venez 
d'entendre,  vous  serez  peut- être  étonnés  de  voir  se  clore 
un  congrès  sérieux  par  celle  que  je  vais  vous  faire,  et  qui  est 
d'un  caractère  beaucoup  moins  austère. 

I^  faute  n'en  sera  pas  tant  à  moi  qu'à  un  de  vos  plus 
grands  et  aimés  compatriotes,  Charles  Nodier.  Et  ce  que 
vous  n'excuseriez  [)as  de  ma  part,  vous  le  lui  pardonnerez, 
j'en  suis  sûr,  car  c'est  à  lui  que  je  laisserai  la  parole  le  plus 
souvent  possible  —  ce  dont  vous  ne  vous  plaindrez  pas  Ce 
Franc-Comtois,  plus  français  par  là  qu'espagnol,  ne  dédai- 
gnait pas  la  verve  gauloise,  et  son  élégant  badinage  vous  tera 


272  

sourire  sans  vous  irriter,  d'autant  que  je  le  ferai  taire  quand 
il  dépassem  ia  mesure. 

Le  manuscrit  dont  je  voudrais  vous  entretenir  dans  ces 
quelques  courts  instants  appartient  à  la  Bibliothèque  de  Be- 
sançon, mais  n'avait  pas  été  identifié  jusqu'à  ce  jour.  Il  se 
trouvait  au  milieu  de  liasses  de  papier  dont  le  classement 
n'avait  pas  encore  été  complètement  achevé.  II  se  compose 
de  quelques  feuillets  qui  semblent  avoir  été  arrachés  d'un 
cahier.  La  lin  a  disparu  et  il  y  a  des  lacunes  dans  la  partie 
qui  nous  reste.  Sur  la  feuille  de  couverture  se  trouvait 
inscrite  au  crayon  la  mention  :  Nodier,  suivie  d'un  point  d'm- 
terrogation. 

Un  rapide  examen  a  suffi  pour  nous  convaincre  qu'il 
était  bien  Tœuvre  de  Tilluslre  comtois.  La  comparaison  de 
récriture  du  manuscrit  avec  celle  de  Nodier  était  déjà  une 
preuve  sulïisante,  mais,  en  outre,  la  personnalité  de  l'au- 
teur apparaît  assez  clairement  pour  qu'aucun  doute  soit 
possible.  L'auteur  se  nomme  à  un  moment  donné  Charles 
Anonyme  Trois  étoiles,  faisant  allusion  aux  circonstances 
particulières  de  sa  naissance^  et  donne  la  date  de  cet  événe- 
ment, 29  avril  1780,  date  confirmée  par  les  registres  de  i'élat- 
civil.  Il  parle  encore  de  divers  faits  dont  on  retrouve  le  récit 
dans  ses  «  Souvenirs  de  jeunesse.  »  Enfin  son  style,  si  per- 
sonnel et  original  suffirait  à  le  faire  reconnaître  à  une  pre- 
mière lecture,  comme  vous  allez  vous  en  rendre  comple. 

D'autre  considérations  dans  le  détail  desquelles  je  ne  puis 
vous  faire  entrer,  permettent  de  dater  d'une  façon  certaine  la 
composition  de  ce  manuscrit  écrit  par  Nodier  dans  la  seconde 
moitié  de  l'année  1799,  entre  le  commencement  de  juillet 
et  la  fin  de  septembre,  avant  et  après  le  18  brumaire.  Nodier, 
âgé  de  19  ans,  était  alors  bibliothécaire  adjoint  de  1  Ecole  cen- 
trale de  Besançon,  mais  sa  jeunesse  et  son  inexpérience  lui 
faisaient  considérer  ce  poste  comme  une  sinécure,  et  la  lit- 
térature et  d'autres  plaisirs  moins  nobles  l'attiraient  davan- 
tage. C'est  même  à  ce  moment  qu'il  se  laissa  entraîner,  avec 


-  273  - 

d'autres  camarades,  à  la  petite  manifestation  bien  connue  du 
22  thermidor  an  vu,  sur  la  place  Granvelle.  Vous  savez 
comment  ses  amis  et  lui  s'amusèrent  ce  jour  là  à  parodier 
sur  cette  place,  devant  un  public  nombreux,  une  séance 
d'un  club  jacobin.  La  police  s'émut,  les  jeunes  conspirateurs 
furent  arrêtés,  enfermés  à  l'hôtel  de  ville  et  traduits  devant 
le  tribunal  criminel.  Ils  furent  acquittés,  car  on  mit  sur  le 
compte  d'une  légère  excitation  produite  par  des  libations  un 
peu  trop  copieuses  cette  espièglerie  sans  conséquence.  Mais 
Nodier  perdit,  semble-t-il,  sa  place  à  la  bibliothèque. 

A  la  fm  de  son  manuscrit,  il  dit  quelques  mots  de  ses 
démêlés  avec  la  police,  démêlés  qui  arrêtèrent  pendant 
quelque  temps  la  composition  de  son  petit  travail  : 

»  Il  y  a  un  mois  que  je  n'ai  écrit  !  Un  mois  que  je  n'ai  pu 
écrire  I 

»  La  police  a  trouvé  mauvais  que  je  portasse  des  cheveux 
courts  et  un  bonnet  de  maroquin. 

»  Je  me  suis  brouillé  avec  la  police... 

»  La  police  m'a  fait  rouer  de  coups  par  deux  cents  de  ses 
afiîdés  et  je  n'ai  rien  dit. 

»  La  police  a  décerné  contre  moi  un  mandat  d'arrêt  et  je 
me  suis  sauvé. 

>La  police  me  fait  rechercher,  et  me  voici...  Gomment 
diable  voulez-vous  qu'on  écrive...  » 

Le  manuscrit  de  Nodier  est  ainsi  intitulé  : 

>  Moi-môme,  roman  qui  n'en  est  pas  un,  tiré  de  mon  por- 
tefeuille gris  de  lin, 

»  Pour  servir  de  suite  et  de  complément  à  toutes  les  pla- 
titudes littéraires  du  xviii*  siècle.  » 

Comme  tous  les  ouvrages  de  l'époque,  celui-ci  débute 
par  une  épitre  dédicatoire.  Mais  à  qui  Nodier  peut-il  bien 
dédier  une  telle  œuvre?  Il  se  pose  à  lui-même  cette  çjueslion  : 

18 


•  ^  •--  .'^  '-j^  l'-rz.  :•   '"    :-;.:r-r  i-i..^:  .  e.  J*- tin. ri- a 

iJ  •:":-rr'.  :     '.     j.-^^e  qiir.i  .. -*rri  îiQi.  • 

•Jr<  iii:  f*:  .r  .j-.  --r-L  q-^e  N«>J:er  veut  é«.'rire  et  c'esl 
:-  ^'s  ir:  \a.  :  ve^;!  prier.  Vmu?  ne  v..us  étonnerez  i»a5 
«  --  -.  'jT  :re  i.-rr  ::.uïire  «le  son  roman  a  fNjur  titre:  Moi, 
{:-r  .:  ;  '  r.  t.  ^'--^  N.»i.rr  D*a  jâraiis  voulu  trouver  haïssable. 

f  J  A  j.-  Il*  in^  i'A->fr2'.  d*t-iu  t|uand  j'ai  écrit  ceci.  J'étais 
;'..  .r-jx,  >ige,  [-^ixnt,  iiébau«:hé,  studieux,  indolent,  bi- 
z-if.--.  .l:-L-wL1,  •»rguj.jl,  quand  j*ai  écrit  ceci.  J'avais  un 
s.  :-^  «itr  :•:•-. e  qujn.j  j'ai  é^Tit  ceci  et  c'est  pour  cela  que  j*ai 

>  I.  Le  ;«e*jne  li.:e  ?e  lève  dans  la  fuule  et  demande  si  je  suis 
:--  j  j  .jU  iâ.d?  Ni  l'un  ui  rautre. 

•  L'n  |.î«K0-4jpbe,  si  je  suis  athée  ou  catholique?  Ni  l'un  ni 
l'autre. 

»  l'n  p»yutique,  si  je  suis  jacobin  ou  chouan?  Ni  l'un  ni 

j'autre. 

»  Je  suis  bon  par  caractère,  hbertin  par  étourderie,  pares- 
--UX  par  goût,  amoureux  par  caprice,  joueur  par  désœuvre- 
ment, malheureux  par  imagination,  modeste  par  amour- 
piMpre,  et  je  barbouille  du  papier  quand  je  n'ai  rien  de  mieux 
à  faire. 


-  21:,  - 


«Tout  ignorant  que  je  suis,  Monsieur,  j'ai  reçu  ce  qu*on 
appelle  de  Téducalion.  On  rn*a  donné  un  maître  de  musique, 
et  j'ai  fini  par  savoir  la  gamme  assez  couramment.  On  m'a 
fait  apprendre  des  langues  et  j'ai  oublié  le  français  en  appre- 
nant le  lalin.  On  m'a  enseigné  les  mathématiques  et  je  suis 
très  sûr  que  deux  et  deux  font  quatre  par  une  raison  toute 
simple,  dont  je  ne  me  souviens  plus.  J'ai  abandonné  l'histoire 
naturelle  pour  la  chimie,  la  chimie  pour  le  dessin,  le  dessin 
pour  la  littérature,  la  littérature,  le  dessin,  la  chimie  et  l'his- 
toire naturelle  pour  une  précieuse,  la  précieuse  pour  une 
prude,  la  prude  pour  une  comédienne,  la  comédienne  pour 
le  trente  et  quarante,  le  trente  et  quarante  pour  une  femme 
mariée,  et  j'achève  mon  éducation. 

»  Il  y  a  plus.  Monsieur,  j'ai  fréquenté  le  beau  monde  et  je 
m'y  suis  ennuyé.  J'ai  vu  représenter  tous  les  drames  de  Me- 
nier,  toutes  les  tragédies  de  Ghénier,  tous  les  opéra  scomico- 
larmoyants  de  Marsollier,  et  je  m'y  suis  ennuyé  !  J'ai  lu  les 
discours  de  la  Harpe,  les  madrigaux  de  Demoustier,  les  ro- 
mans de  Duminil,  et  je  m'y  suis  ennuyé  comme  à  une  séance 
de  l'Institut. 

»  J'ai  vu,  ce  qui  s'appelle  vu,  le  beau  sexe  du  bon  genre  ; 
j'ai  filé  le  parfait  amour,  j'ai  distillé  l'élixir  de  la  galanterie  ; 
j'ai  entendu  nos  merveilleuses  faire  de  l'esprit  à  la  journée  ; 
j'applaudissais  en  baillant,  et  j'ai  failli  mourir  d'ennui,  pa- 
role d'honneur. 

«  Je  me  suis  lancé  dans  un  autre  monde.  Je  suis  devenu  le 
pilier  des  tavernes  et  je  me  suis  délectablement  enivré.  J'ai 
passé  mes  journées  à  table  avec  des  libertins  et  mes  nuits...  t 

Ici,  je  suis  obligé  de  m'arrêter  dans  ma  lecture,  car  No- 
dier a  beau  dire  que  ce  n'est  pas  pour  les  demoiselles  qu'il 
écrit,  il  reconnaît  lui-même  que  son  quart  d'heure  de  liber- 
tinage est  arrivé.  Et  ce  quart  d'heure  va  durer  d6îs  heures 
entières  et  inspirer  presque  tout  le  reste  du  manuscrit.  Le 
voilà,  en  effet,  qui  entame  l'histoire  de  ses  amours,  et,  sur 


—  276  — 

ce  chapitre  il  eut  intarissable  et  entre  dans  un  luxe  de  dé- 
tails que  vuus  trouveriez  exagéré.  Je  puis  du  moins  vous  lire 
les  quelques  lignes  où  il  nous  met  au  courant  de  sa  première 
passion,  au  reste  toute  [)latonique. 

«  Le  12  juillet  1795,  je  vis  pour  la  première  fois  Sophie.  Je 
m'aperçus  pour  la  première  fois  le  12  juillet  de  Tan  1795 
qu'il  y  avait  de  jolies  femmes  au  monde,  et  pour  la  première 
fois,  je  fus  amoureux  le  12  juillet  de  Tan  1795.  Pendant  les 
six  premiers  mois,  je  fis  les  doux  yeux  à  Sophie,  pendant 
les  six  mois  d'après,  Sophie  me  fit  presque  les  doux  yeux. 
L'année  suivante  elle  me  bouda,  parce  que  trop  longtemps 
je  ne  lui  faisais  que  les  doux  yeux.  L'année  suivante,  un  fat 
parut,  me  débusqua,  lui  fit  les  doux  yeux  pendant  un  mois...» 

Et  Nodier  fut  négligé. 

Mais  Nodier  ne  fut  pas  longtemps  aussi  timide  !  «  J'avais 
16  ans,  nous  dit-il,  les  cheveux  bouclés,  le  teint  fleuri,  le 
menton  cotonné.  Les  femmes  commençaient  à  dire  de  moi  : 
voilà  un  joli  enfant,  et  je  commençais  à  dire  d'elles  :  voilà 
de  jolies  femmes.  » 

Bref,  un  jour  Nodier  rencontra,  c'était  en  1796,  la  femme 
d'un  proconsul,  d'un  représentant  en  mission.  Celte  femme 
aimait  la  comédie,  et  Nodier  alla  de  temps  à  autre  déclamer 
chez  elle  et  répéter  avec  elle  des  petites  pièces  de  salon. 
Tous  deux  jouèrent  ensemble  des  rôles  d'amoureux  et  bien- 
tôt Nodier  nous  avoue  qu'il  joua  supérieurement  son  rôle. 
Il  le  joua  même  si  bien  (|ue  des  choses  qui  n'étaient  pas 
dans  la  comédie  se  passèrent.  Et  Nodier  fut  tout  fier  d'avoir, 
dès  sa  première  chute  «  trompé  »  (il  emploie  un  autre  terme 
que  je  laisse  à  Molière),  «  trompé,  dis-je,  vingt-cinq  mil- 
lions de  Français  dans  la  personne  de  leur  représentant  ». 

La  bienveillante  protection  du  représentant  et  de  >a 
femme  fit  nommer  Nodier  secrétaire  d'un  général.  Le  gé- 
néral avait  sa  chambre  au  rez-de-chaussée,  la  femuie  du 
général  logeait  au  premier  et  Nodier  au  second  étage.  Mais 


—  277  — 

un  jour  le  hasard,  ou  quelque  démon  le  poussant,  fît  que 
Nodier  se  trompa  d*étage.  Le  même  démon  amena  en  même 
temps  le  général  chez  sa  femme,  et  notre  pauvre  jeune 
homme  reçut  un  billet  de  logement  pendant  neuf  jours,  au 
pain  et  à  l'eau,  dans  la  maison  d'arrêt  de  Besançon.  Il  perdit 
sa  place,  mais  non  moins  la  sympathie  de  la  générale  qui 
s'appliqua  ensuite  à  le  consoler  de  son  mieux. 

^fais  j'en  ai  déjà  assez,  sinon  trop  dit,  sur  ce  chapitre,  et 
je  vous  fais  grâce  de  tout  ce  qui  concerne  Elisabeth,  Juliette, 
Louise,  la  belle  Marianne,  etc.,  etc.  Je  pourrais  bien  sans 
danger  vous  lire  le  chapitre  9,  intitulé  le  «  meilleur  du  livre  », 
mais  c'est  une  page  blanche,  uniquement  marquée  de  points 
d'interrogations,  d'exclamations,  de  parenthèses,  de  vir- 
gules, de  points  et  de  traits.  Ce  chapitre  rappelle  ce  fameux 
sermon  d'un  orateur  qui  oublia  en  montant  en  chaire  le  dis- 
cours qu'il  devait  prononcer.  Il  ne  perdit  pas  cependant 
contenance  pour  si  peu,  et  se  contenta  d'accumuler  des  ad- 
verbes, des  prépositions  et  des  conjonctions  :  Mais...  si... 
car.,  donc...  vraiment...  en  effet...  prononcés  d'une  voix 
tonnante  et  suivis  d'éloquents  silences.  Il  eut,  dit-on,  beau- 
coup de  succès. 

Je  me  contenterai,  en  terminant,  de  vous  lire  quelques 
extraits  où  Nodier  nous  parle  de  sa  vocation  littéraire  et  de 
son  goût  d'écrire.  Il  se  propose,  dit-il,  de  faire  un  livre  et 
ce  livre,  selon  lui,  intéressera  tout  le  monde. 

a:  Les  joyeux  y  riront  avec  moi,  les  mélancoliques  y  pleu- 
reront quand  je  pleure  et  cela  ne  m'arrive  pas  souvent. 

»  Les  jacobins  le  prôneront  parce  que  je  ne  suis  pas  chouan 
et  les  chouans  parce  que  je  ne  suis  pas  jacobin. 

»  Les  jeunes  filles  promettront  à  leur  mère  d'éviter  soi- 
gneusement les  chapitres  licencieux,  et  ne  liront  que  ceux-là. 

i>  Je  plairai  aux  médisants,  aux  sages,  aux  gens  sensibles, 
aux  roués.  Si  le  ciel  [)ermet  que  quelque  journaliste  bien 
lourd  dise  du  mal  de  moi,  je  reviendrai  à  la  mode,  on  me 


! 


—  278  — 

vantera,  on  m'élèvera  aux  nues,  on  me  réimprimera  peut- 
élre.» 

Mais  Nodier  n'a  pas  toujours  cette  confiance  que  son  livre 
plaii*a  à  tous.  Même  si  son  ouvrage  est  bon,  il  craint  les  cri- 
tiques qui  l'empêcheront  de  réussir. 

t  Un  zoïle  s*élève  contre  moi,  il  trouve  le  sujet  froid,  la 
conduite  extravagante,  le  style  plat,  tout  l'ouvrage  détesta- 
ble. Le  public  répète  ses  déclamations  et  mon  livre  est  déprisé. 

»  Un  démagogue  me  dénonce  sourdement  au  censorat  de  la 
police.  Il  a  vu  à  toutes  les  pages  des  outrages  aux  républicains, 
des  provocations  à  la  royauté,  des  indices  de  conspiration. 
On  ne  me  lit  pas...  pour  cause...  mais  on  me  condamne  et 
mon  livre  est  séquestré. 

»  Un  tartufe...  m'accuse  hautement  d'être  le  pervertisseur 
de  la  jeunesse,  le  corrupteur  de  la  morale  publique  et  mon 
livre  est  lacéré. 

»  Les  folliculaires,  les  jacobins,  les  cagots  hurlent  en 
chœur  et  mon  libraire  est  à  l'hôpital. 

»  Triste  et  fatale  existence  que  celle  d'un  écrivain.  Il  croit 
avoir  imprimé  à  ses  productions  le  sceau  de  l'immortalité... 
il  leur  survit  ;  il  compte  sur  la  gloire,  on  le  dénigre.  Il  espère 
acquérir  à  force  de  travaux  l'aisance  d'une  heureuse  médio- 
crité et  il  meurt  de  faim  dans  un  galetas.  Il  ne  peut  rien  pu- 
blier, rien  écrire  qui  ne  froisse  un  parti,  qui  ne  choque  une 


!  opmion.» 


Aussi  Nodier  déclare-t-il  qu'il  ne  se  fera  pas  imprimer. 
Ou  s'il  met  un  livre  au  jour,  ce  livre  traitera  de  la  fidélité  des 
épouses,  de  la  vertu  des  comédiennes,  du  désintéressement 
des  fournisseurs,  c'est-à-dire,  ajoute-t-il,  qu'il  ne  sera  com- 
posé que  de  papier  blanc. 

Et  il  ajoute  cette  fière  déclaration  : 

«  Moi,  je  resterai  inconnu  dans  un  grenier,  avec  mon  écri- 


-  279  — 

toire  et  mes  bouquins...  Je  ferai  des  couplets  qu'on  ne  chan- 
tera pas,  des  comédies  qu'on  ne  jouera  pas,  des  livres  qu'on 
enverra  à  Tépicier.  .  je  barbouillerai  du  papier  sans  relâche 
et  je  porterai  encore  pendant  deux  ans  mon  habit  brun  qui 
est  troué  au  coude.» 

Heureusement,  Charles  Nodier  n'a  pas  tenu  parole.  Il 
s'est  tait  imprimer  pour  le  plus  grand  charme  de  ses  contem- 
porains et  de  nous-mêmes,  et  il  y  a  trouvé,  par  surcroit,  l'ai- 
sance et  la  gloire.  C'est  pourquoi  vous  m'excuserez  de  vous 
avoir  présenté  cette  œuvre  de  jeunesse,  de  première  jeu- 
nesse, du  délicieux  conteur,  et  si  même,  comme  c'est  possi- 
ble, sinon  probable,  il  a  inventé  une  grande  partie  de  ce 
qu'il  nous  raconte,  son  récit  a  encore  assez  de  grâce  pour 
mériter  d'être  au  moins  signalé. 

La  séance  est  ensuite  levée  par  M.  M.  Thuriet,  qui  dé- 
clare clos  le  y*  Congrès  de  V Association  Franc- Comtoise , 


VIII.  Visite  de  la  Ville 

Après  la  séance  publique,  les  congressistes  se  sont  divisés 
en  plusieurs  groupes.  Les  uns  ont  visité  les  Musées  de  pein- 
ture  et  d'archéologie,  si  renommés  et  ajuste  titre,  les  Mu- 
sées Vuillemoty  Grenier  et  Victor  Hugo;  les  autres  sont  allés 
au  Musée  d'histoire  naturelle;  l'un  des  plus  riches  de  France, 
grâce  aux  legs  importants  qu'il  a  reçus.  D'autres  enfin  ont 
parcouru  les  salles  de  notre  belle  Bibliothèque  municipale^ 
célèbre  en  France  et  à  l'étranger  par  la  quantité  et  la  rareté 
des  livres  qu'elle  possède,  et  par  les  inestimables  œuvres 
d'art  de  toute  espèce  qu'elle  renferme. 

Le  lendemain  2  août,  les  congressistes  ont  été  voir  le  beau 
panorama  qu'on  peut  admirer  du  haut  de  la  Citadelle,  dont 
M.  le  général  gouverneur  de  Besançon  avait,  par  une  mesure 


J 


—  280  — 

gracieuse,  autorisé  l'accès.  Puis  ils  se  sont  rendus  à  la  Ca-- 
ihèdrale  où  le  fameux  tableau  de  TAnnonciation  de  Fra  Bar- 
toloméo,  le  tombeau  de  Carondelet  et  la  jolie  petite  chaire 
dentelée  du  xv«  siècle  où  prêcha  Saint  François  de  Sales,  ont 
longtemps  retenu  leur  attention.  M.  le  chanoine  de  Jallerange 
a  bien  voulu  les  introduire  ensuite  dans  le  Palais  de  V Arche- 
vêché et  dans  les  appartements  somptueusement  restaurés 
et  ornés  par  le  cardinal  de  Rohan.  Enfin  la  curieuse  pendule 
astronomique  de  la  cathédrale  leur  a  montré  une  fois  de  pHis 
rhabilelé  et  le  goût  de  nos  vieux  horlogers  bisontins. 

I^  soir,  M.  Lebeuf  directeur  de  VObservatoire  a  fait  aux 
congressistes  avec  la  plus  parfaite  bonne  grâce,  les  honneurs 
de  rétablissement  qu'il  dirige  avec  tant  de  compétence  et 
de  succès. 

Bref,  ceux-ci  ont  quitté  Besançon  emportant  le  meilleur 
souvenir  de  leur  réunion  dans  la  vieille  cité  comtoise  et  ils 
se  sont  donné  rendez- vous  pour  Tan  prochain  à  Belfort. 


-  281  — 

LISTE  DES  MEMBRES  DU  CONGRÈS 


MM. 

Maurice  Thuriet,  avocat  général  près  la  Cour  d'appel  de  Be- 
sançon, président  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs,  Prési- 
dent du  Congrès. 

Georges  Gazi£r,  conservateur  de  la  Bibliothèque  Publique  de 
Besançon,  Secrétaire  général  du  Congrès. 

Perreau,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Besançon, 
adjoint  au  maire  de  Besançon. 

Trigant-Geneste,  secrétaire  général  de  la  Préfecture  du 
Doubs. 

L.  AUBERT,  à  Besançon 

Dr  Baudin,  membre  de  l'Académie  de  Besançon, 

Ch.  Beauquier,  député  du  Doubs. 

Bonnet,  pharmacien,  à  Besançon. 

Abbé  P.  Brune,  curé-doyen  de  Mont-sous-Vaudrey  (Jura). 

Dr  Brunschwig,  membre  de  la  Société  de  médecine  de  Be- 
sançon. 

Dr  Blondon,  à  Besançon. 

Cellard,  architecte,  à  Besançon. 

Clémençot,  professeur  au  lycée  de  Lons-le-Saunier. 

P.  CORDIER,  agent  principal  de  la  Compagnie  d'assurances 
r  •  Union  0,  à  Besançon. 

D""  P.  CoRbiER,  médecin-major  des  troupes  coloniales. 

D'  CosTE,  bibliothécaire,  à  Salins. 

Henri  Coulon,  avocat,  à  Besançon. 

Abbé  Druot. 

DUBAIL-ROY,  secrétaire  de  la  Société  belfortaine  d'Emulation, 
à  Belfort. 

Fauquignon,  trésorier  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs, 
à  Besançon . 

Feuvrier,  professeur  au  Collège  de  Dole. 

Fevret,  professeur  au  Collège  de  Dole. 

Abbé  Fromond,  curé  de  Crissey  (Jura). 


—  982  - 

Gaiffe,  pr«.»fe>>eur  a-j  lycée  de  Besancon. 

J.  Gai-thier.  a»vhivî>»e  «ie  la  Cc«te-d'Or. 

J'J΀S  Gros,  an-  :en  «1^{.  jtê  «Jîi  I>vibs,  h  Be>an»;on. 

Gr'jter.  d^^nîi.^te,  â  Bes-^n^rm 

Lebeuf.  dire«?(eijr  de  l'Observatoire  de  Besancon,   professeur 

à  la  Fac-ilté  des  Sciences  de  Besançon. 
h^  Ledocx.  membn>  de  l' Académie  de  Besanvon. 
Ctianoine  Locvor,  curé  dnyen  de  Gray 
A  II  J  ré  Maikk   à  Pans. 
Maldinev,  pp.ftfs-eur  à  l  Ecole  de  Médecine  de  Besan«;on,  chef 

lie  Irava'ix  à  la  Fa*:ullé  des  Sciences. 
Ir  Marceau,  président  de   la   Société    d'histoire   naturelle  du 

I»oub>. 
A.  Merle,  in;:ériieur  des  ponts  et  chanssées,  à  Besancon. 
MoxMER,  professeur  au  lycée  de  Vesoul. 
G.  MouRET.  injrénieur  en   chef  des  ponts  et  chaussées,  à  Be- 

sani;on. 
Abbé  MouRLOT,  curé  de  Servigny  <Doubs>. 
L.  Nardin,  à  Besançon 
Pajot,  protesseur  au  lycée  de  Belfort. 
Parizot.  vice-président  de  la  Société  d'Emulation  du  Doubs. 

à  Besançon - 
Abbé  5f.  Perrod,  aumônier  du  Lycée  de  Lons-le-Saunier. 
Picot  d'Aligny.  conseiller  général  du  Jura. 
H.  Prost,  élève  de  TEcole  des  Chartes,  à  Paris. 
QuiNET,  receveur  des  postes  et  télégraphes  en  retraite,  à  Dole. 
Abbé  RossiGNOT,  bibliothécaire  de  TArchevèché  de  Besançon. 
Albert  Roux,  président  de  la  Société  d'Emulation  de  Montbé- 

liard,  à  Montbéliard. 
Rojzer  Roux,  substitut  du  procureur  de  la  République,  à  Ve- 
soul. 
Ch   Sandoz,  conseiller  municipal,  à  Besançon. 
H.  S.woYE,  artiste  peintre,  à  Besançon. 
Vaissier,  membre  de  l'Académie  de  Besançon,  conservateur 

du  Musée  archéologique  de  Besançon. 
Vieille,  président  de  la  Société  des  Architectes  de  Besançon. 
Vuillermet,  directeur  de  la  Revue  viticole  de  Franche-Comté 

et  de  Bourgogne,  à  Poligny  (Jura). 


283  - 


Adhérents  qui  n'ont  pu  assister  au  Congrès 


MM. 

Ph.  Berger,    membre   de   rinstilut,  sénateur   du    Haut-Rhin, 

professeur  au  Collège  de  France. 
GuiLLEMiN,  président  de  l'Académie  de  Besançon. 
D*"  Magnin,  doyen  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Besançon. 
Maire,  président  de  la  Société  grayloise  d'Emulation,  à  Gray. 
Abbé  Babey,  curé  doyen  de  Foncine-le  Haut  (Jura). 
D'  Bertin,  à  Gray. 

P.  Febvre,  professeur  honoraire  de  TUniversité,  à  Besançon. 
L.  Febvre,  ancien  élève  de  TEcole  normale  supérieure,  agrégé 

de  l'Université,  pensionnaire  de  l'Institut  Thiers. 
L.  Gascon,  profes.seur  au  petit  lycée  de  Lyon. 
GiRARDOT,  professeur  au  lycée  de  Lons-le-Saunier. 
Ch.  Godard,  professeur  d'histoire  au  lycée  du  Puy. 
L.  Lebrun,  répétiteur  au  lycée  Victor  Hugo. 
P.  Nicolle,  bibliothécaire-adjoint  de  la  Ville  de  Besançon. 
A.  PiDOUX,  archiviste-paléographe,  docteur  en  droit,  avocat  à 

Dole. 
M.  PiGALLET,  archiviste  du  département  du  Donhs. 
Général  F.    Schneegans,   membre  de   la  Société  d'Emulation 

de  Montbéliard . 


-  284  - 


TABLE   DES   MATIÈRES 


I.  R^uruoQ  pléaiere 2S 

II.  S«t.tion  d  histoire.  —  Commanications  de  MM.  Pajot.  l'abbé 
l'P.oHuND.  H.  Prost.  labbé  Perrod  A.  Rucx.  labbé 
Rov-i«,N«.»T.  k  ïy  Blondon.  Jule»  Gaithier  ....  .       232 

III.  Sectiin  d  archéologie.  ~  Communicalions  de  MM.  GiR.\RDOT, 

<;pf»sjr.%îs.  Kevret.  Feivrier,  Vaissier,  l'abbé  Brune  .  .       23« 

IV.  S^  tion  de>  Scieures.   —  Commun  ira  t  ions»  de  MM.  Merle, 

U  tiii>cuT.  le  IP  Mahceai  .  Maloineii' 2i3 

V.  Séance  pléniere.  —  Vœux  présentés  au  Congrès.  —  Décisions 

reiativeà  au  Congrès  de  1905 245 

VI.  Baii']uet 247 

VII.  R»*iinion  publique 248 

Ili>«ours  de  M.  Thcriet.  président  de  rAssociation  ....        218 

Communication  de  M.  Ch.  Saxdoz  :   La  Restaut'uiion  de 
I  Hôtel  de  Ville  de  Besançon 254 

C>rnmumcalion  de  M.  F.  Gaiffe  :  Un  dramaturge  bison- 
tin au  XVII!*  siéde,  ArnoiUd-Mussot 262 

C^mntuuication  de  M.  Georges  Gazier  :  Un  mann,scril  au- 
tobiographique inédit  de  Ch.  Nodier 271 

VUI.  Vivite  delà  Ville  par  les  Congressistes 27J 

Li>t?  des  Membres  du  Congrès 281 


LE  LIVRE  DE  RAISON 

D'EMMANUEL-SIMON  PODRCHET 

Lecture  faite  au    Congrès  des  Sociétés   savantes 
(Association  Franc-Comtoise) 

Par  M.  l'abbé  Aufi^ste  R0SSI6NOT 

BIBLIOTHiCAIRB  DE  L* ARCHEVÊCHÉ 


J'aurais  voulu,  Messieurs,  vous  présenter  un  manuscrit 
qui  m'a  intéressé  h  première  vue,  mais  n'ayant  pas  eu  le 
temps  d'en  faire  une  étude  complète,  j'y  jetterai  avec  vous 
un  coup  d'œil  rapide. 

Il  s'agit  d'un  livre  de  raison,  et  vous  savez  que,  depuis 
une  trentaine  d'années,  on  a  beaucoup  étudié  ces  documents 
qui  sont  aussi  précieux  pour  les  historiens  que  pour  les  éco- 
nomistes. Us  sont,  avant  tout,  des  livres  de  comptes,  mais  à 
côté  du  prix  des  divers  objets  de  consommation,  on  y 
trouve  tout  ce  qui  concerne  la  famille,  la  communtiuté,  la 
paroisse,  la  province  et  même  la  nation  Ils  nous  exposent, 
dans  toute  leur  réalité,  les  multiples  manifestations  de  la  vie 
religieuse,  économique,  intellectuelle,  politique  et  sociale 
des  siècles  passés. 

L'auteur  du  Livre  qui  m'est  tombé  entre  les  mains  est  un 
sieur  Emmanuel-Simon  Pourchet,  d'Aubonne,  petit  village 
situé  sur  le  second  plateau  des  montagnes  du  Doubs,  à  gau  • 
che  de  la  route  de  Mouthier  à  Pontarlier,  canton  de  Mont- 
benoît.  Il  fut  commencé  en  1747  et  continué  par  son  pre- 
mier auteur  et  ses  héritiers  jusqu'en  1801 .  Sur  les  406  pages 
qu'il  comprend,  193  seulement  sont  consacrées  aux  évène- 


-  28G  - 

ment?  de  chaque  jour.  A  partir  de  la  page  494,  il  n'est  plus 
guère  qu'un  recueil  de  recettes  et  de  remèdes.  Une  douzaine 
de  pages  sont  consacrées  aux  généalogies  des  principales 
familles  d'Aubonne.  Beaucoup  d'observations  relatives  à  la 
culture,  aux  semailles  et  aux  autres  travaux  agricoles  y  sont 
contenues  II  renferme  aussi  de  nombreux  préceptes  mo- 
raux et  des  avis  qui  sont  dits  utiles  à  tous. 

A  côté  du  sentiment  de  la  propriété  individuelle  qui  est 
un  des  plus  développés  chez  les  habitants  de  nos  carap»a- 
;»nes,  on  voit  aussi,  non  moins  vif  et  non  moins  jaloux, 
celui  de  la  propriété  commune  dans  nos  villages  et  paroisses. 
C'est  par  des  considérations  générales  sur  la  propriété  que 
s'ouvre  notre  manuscrit. 

•  La  lerre  destinée  par  le  créateur  aux  besoins  de  l'homme, 
fut  abandonnée  à  ses  paisibles  travaux  ;  après  la  chute 
d'Adam,  .seul  avec  sa  compagne  dans  cette  immensité,  il 
posséda  d'abord  tout.  Et  la  division  du  globe,  fille  de  l'esprit 
d'intérêt  et  de  propriété,  ne  commença  ensuite  qu'en  faveur 
des  différents  partis  qui  se  réunirent  en  société  ;  mais  bien- 
tôt chaque  particulier  voulut  jouir,  et  de  là  est  venu  que 
Ton  appelle  la  terre  de  Jean  et  celle  de  Pierre,  etc.  La  com- 
modité des  établissements  a  e.xcité  l'envie,  et  pour  se  dé- 
fendre on  s'est  ligué.  De  là  sont  venues  les  nations.  Les 
vainqueurs  aux  dépens  des  vaincus,  qui  ont  été  faits  leurs 
seris.  se  sont  divisés  entre  eux  leurs  conquêtes.  De  là  sont 
venus  les  seigneurs  et  les  sujets. 

«  La  religion  de  Jésus-Christ  a  ensuite  réuni  nombre  de 
S(»s  adorateurs  sous  la  bannière  d'un  de  ses  saints,  pour  ne 
faire  qu'une  société  où  tout  était  en  commun,  et  une  circon- 
férence de  plusieure  lieues  n'a  souvent  formé  qu'une  seule 
paroisse  composée  quelquefois  de  huit  ou  dix  villages  qui 
étaient  pour  lors  des  hameaux  de  la  paroisse.  La  suite  des 
temps  les  fait  ensuite  partager  leurs  terrains,  de  sorte  que 
presque  tous  ces  dits  hameaux  font  chacun  leur  commu- 
nauté. Depuis  une  grande  partie  de  ces  dites  communautés 


ont  bâti  des  églises.  Telle  serait  l'église  de  Saint-Gorgon, 
une  des  plus  anciennes  du  bailliage  de  Ponlarlier  ;  elle  était 
la  paroisse  de  plusieurs  hameaux  tels  seraient  :  Aubonne, 
Arc-sous-Cicon  et  autres.  Aubonne  est  ainsi  nommé  à  cause 
de  l'abondance  et  de  la  bonté  de  ses  fontaines.  » 

Les  biens  communs  étaient,  dans  la  plupart  des  com- 
munautés des  montagnes  du  Doubs,  assez  considérables, 
pour  qu'on  n'admit  pas  quiconque  à  en  jouir,  a  Avant  la 
conquête  française,  nous  dit  Simon  Pourchet,  les  commu- 
nautés de  villages  exigeaient  un  prix  des  habitants  qui 
venaient  s'établir  dans  leur  communauté  pour  avoir  une 
lettre  d'habitantage,  lesquels  avaient  des  privilèges  de  plus 
que  les  étrangers,  »  Les  lettres  d'habitantage  étaient  ana- 
logues à  celles  de  bourgeoisie.  Les  unes  et  les  autres  ont  été 
supprimées  ;  mais  elles  avaient  leur  raison  dans  les  services 
rendus.  Aujourd'hui  encore,  dans  notre  bonne  ville  de  Be- 
sançon, et  ailleurs,  ne  faut-il  pas  certaines  conditions  de  sé- 
jour pour  avoir  droit  à  l'hospitalisation  et  aux  secours  du 
bureau  de  bienfaisance  ? 

Les  délimitations  entre  les  communautés  voisines  étaient 
affaire  importante  et  les  livres  de  raison  nous  les  signalent 
avec  soin.  «  En  1743,  nous  dit  le  sieur  Pourchet,  les  habi- 
tants d'Aubonne  délimitèrent  avec  ceux  de  Mouthier.  Il  y 
eut  un  terrible  débat,  surtout  à  la  grange  de  Brasse  et  au 
bois  de  Rappaus.  Le  bon  Dieu  veuille  qu'aucun  n'ait  blessé 
sa  conscience.  Il  fut  nommé  des  arbitres.  Monsieur  d'Evillers, 
lieutenant  général  à  Ornans,  y  estoit,  Monsieur  l'avocat  Teste 
et  autres.  Monsieur  Maillet  de  Vuillafans  y  était  pour  no- 
taire. Heureux  ceux  qui  auront  bien  lait,  mais  malheureux 
ceux  qui  auront  blessé  leur  conscience  en  ce  point  ;  car  ils 
ont  pKinté  une  borne  proche  de  la  maison  des  Girardet  de 
là  le  bois,  et  l'ancienne  s'est  retrouvée  au-dessus  de  l'areste 
derrière  chez  Girardet;  c'est  la  seule  pierre  qu'ils  ont  trouvée 
en  y  faisant  leurs  coupes.  Et  les  cercles  qu'ils  ont  faits  sur 
Aubonne,  aux  Gombottes  Renaud  et  au-delà  du   puits  de 


-  288  — 

Uappaus,  ainsi  qu'à  Brasse,  dénotent  l'avidité  et  la  soigneuse 
attention  des  procureurs  spéciaux  de  Mouthier.  » 

En  1762,  une  nouvelle  délimitation  eut  lieu.  «  Il  y  a  dix 
ou  onze  ans  les  habitants  d'Aubonne  convinrent  avec  ceux 
de  Saint-Gorgon  de  planter  des  limites  nouvelles  dans  les 
communaux.  Ils»  avaient  été  limités  précédemment,  mais  il 
y  eut  désaccord  et  les  habitants  d'Aubonne  ne  pouvaient  pro- 
duire de  titres.  Ceux  de  Saint-Gorgon  les  cachaient.  Ils  con- 
vinrent avec  leur  curé,  le  sieur  Délouillon,  de  l'endroit  où 
il  fallait  les  planter.  Quelques  jours  après,  les  jeunes  gens 
d'Aubonne  s'assemblèrent,  réfléchirent,  ensuite  s'en  furent 
tirer  toutes  lesdites  bornes  à  mesuie  que  les  vieux  les  plan- 
taient et  ils  firent  bien,  car  ils  les  avaient  plantées  dans  le 
bas  des  Combes,  et,  après  bien  du  remuement,  les  choses 
en  restèrent  là. 

«  Quelques  années  après  les  habitants  d'Aubonne  parta- 
geant les  bois  blancs  du  bois  de  Solemant,  ils  convinrent 
qu'il  fallait  aller  faire  du  bois  à  la  Pille,  au  revers  des  Combes, 
dessous  Saint-Gorgon.  Pourquoy  ils  me  firent  écrire  un  mot 
de  délibération  que  celui  qui  serait  pris,  les  autres  le  sou- 
tiendraient ;  ce  qui  fut  fait,  car  nous  y  fûmes  du  même  jour. 
En  deux  endroits  on  fit  plus  de  cent  voitures  de  bois  ce 
jour  là.  Les  forestiers  de  Saint-Gorgon  nous  reportèrent  dix- 
sept  et  voilà  le  procès  commencé,  qui  a  duré  deux  ans.  Des- 
cente se  fit  par  les  Messieurs  de  la  gruerie  et  après  bien  des 
frais,  on  s'arrangea,  mais  ceux  d'Aubonne  gagnèrent  bien 
du  terrain.  »  Se  rendre  ainsi  justice  soi-même  était  peut-être 
le  seul  moyen  qui  put  attirer  l'attention  de  ceux  qui  en 
étaient  chargés  et  par  conséquent  le  seul  efficace  pour  l'ob- 
tenir. 

Après  la  propriété  privée  ou  commune,  ce  qui  intéresse 
le  plus  le  cultivateur,  ce  sont  les  récoltes.  Aussi  sont-elles, 
chaque  année,  enregistrées  avec  soin  :  la  pénurie,  fabon- 
dance,  les  sécheresses,  les  pluies,  les  prix  du  blé  et  du  vin 
}5ont  exactement  notés.  De  mémo  que  les  Romains  dataient 


—  289  — 

les  événements  par  les  consulats,  le  sieur  Pourchet  com- 
mence régulièrement  son  rapport  annuel  par  ces  mots  :  En 
Tannée  ....  tel  et  tel  étant  syndics,  le  blé  se  vendit  tant,  le 
vin  tant.  Il  procède  ainsi  jusqu*en  l'année  1790. 

En  voici  quelques  exemples  avec  des  chiffres  qui  pour- 
ront intéresser  les  économistes  :  «  En  1749,  Antoine  Sancey 
et  Benoist  Sancey  échevins,  le  bled  s'est  vendu  jusqu'à  la 
S.  Jean-Baptiste  quatre  à  cinq  livres  l'esmire  et  à  la  Saint- 
Jean  il  est  allé  jusqu'à  douze  livres,  mais  il  est  venu  pres- 
qu'à  son  prix  à  la  moisson  ;  le  vin  trente-six  à  quarante 
livres.  En  1750,  Jean-Baptiste  Aymonin  le  vieux  et  Claude 
Gourlet  échevins,  le  bled  environ  quatre  livres,  le  vin  en- 
viron trente-six  livres.  En  1755,  Louis  Sancey  et  François 
Léoutre  échevins,  voici  la  bonne  année,  mes  amis,  le  bled 
environ  trois  livres  dix  sols  et  le  vin  vingt  livres.  En  1757, 
François  Viennet  et  Joseph  Sancey  échevins,  le  bled  aux 
environs  de  quatre  livres,  le  vin  un  louis  d'or.  Mais  l'un  des 
premiers  jours  du  mois  de  may  les  vignes  gelèrent,  le  vin 
doubla  et  même  tripla  de  prix.  » 

Gomme  Jean-Glaude  Mercier  de  Mamirolle,  dont  j'ai  étudié 
le  livre  de  y^aison,  Emmanuel-Simon  Pourchet  ne  veut  pas 
être  ignorant  des  choses  de  son  pays  et  il  consacre  un  cer- 
tain nombre  de  pages  de  son  livre  à  l'histoire  de  la  province. 
Ges  notes  sont  tirées  de  manuscrits  assez  répandus  à  cette 
époque.  L'un  d'eux,  attribué  à  Claude-François  d'Orival, 
faisait  remonter  l'origine  de  Besançon  jusqu'à  la  guerre  de 
Troie:  c  L'an  de  la  création  du  monde  deux  mille  sept  cent 
septante-cinq,  avant  l'avènement  de  notre  Rédempteur, 
deux  mil  sept  cent  soixante-neuf,  la  cité  de  Ghrysopolis  fut 
édifiée,  après  la  destruction  de  Troie,  par  Achil,  fils  d'Hec- 
tor Françion  et  par  des  payens,  lesquels  passèrent  la  mer 
et  vinrent  en  Gaule,  etc  ».  Ces  pages  sont  textuellement 
reproduites  par  Pourchet  et  par  Jean-Glaude  Mercier. 

D'autres  événements  plus  rapprochés  de  nous  et  plus  cer- 
tains sont  notés  par  le  sieur  Pourchet.  Il  nous  apprend  d'a- 

19 


—  290  — 

bord  que  jusqu'en  1537  Aubonne  fut  un  des  vingt  villages 
francs  dépenilant  i\e  Ponlarlier.  «  Tous  les  villa^res  formés 
dans  l'étendue  de  Tancien  territoire  de  Pontarlier  s'appe- 
laient Bouchoyage.  Leur  liberté  originaire  était  la  même  que 
celle  de  Pontarlier  et  il  n'y  avait  point  de  vrai  seigneur,  en 
sorte  qu'ils  n'étaient  point  gênés  pour  leur  bois  comme  le? 
voisins.  Le  droit  de  bouchoyage  s'y  est  conservé  plus  long- 
temps. Vingt  villages  participèrent  au  droit  de  cité,  tant 
pour  les  élections  des  magistrats  que  pour  l'administration 
de  la  commune.  Ils  n'y  ont  renoncé  qu'en  1537,  par  un 
traité  où  ils  sont  tous  dénombrés.  • 

En  1748,  le  seigneur  d' Aubonne  était,  pour  moitié,  le 
maréchal  duc  de  Randan,  en  tant  que  seigneur  de  Château- 
vieux,  et  pour  l'autre  moitié,  Messieurs  Marguier  d'Aubonne 
qui  tenaient  cette  seigneurie  par  acquisition  du  roi  depuis 
1706.  Ils  l'avaient  acquise  pour  une  somme  de  1,800  livres. 

Le  seigneur  avait  droit  de  haute,  moyenne  et  basse  justice 
pour  tous  délits,  forfaits,  battue,  rescousse  et  autres,  se 
commettant  sur  le  territoire  de  la  seigneurie.  Les  revenus 
de  ladite  seigneurie  se  réduisaient  à  une  censé  de  six  livres 
estevenantes,  appelée  la  giste  d'Aubonne,  payable  k  Chà- 
teauvieux,  sous  peine  de  trois  sous  estevenants  d'amende. 

Voici  quelques  autres  faits  intéressant  la  province. 

La  présente  année  1784,  messieurs  les  avocats  de  Besançon 
sont  en  procès  au  conseil  avec  le  parlement  au  sujet  de  l'un 
d'eux  qui  a  fauté,  et  les  avocats  veulent  le  rayer  du  cata- 
logue des  avocats  et  le  parlement  ne  veut  pas  ;  ces  mes- 
sieurs les  avocats  prétendent  être  indépendants  du  parle- 
ment pour  cet  objet.  En  conséquence  ils  sont  tous  interdits; 
pas  un  ne  plaide,  ni  ne  donne  avis,  si  ce  n'est  comme  en 
contrebande,  en  cachette. 

«  En  1674  pareille  affaire  s'était  présentée  à  propos  du 
nom  de  Messieurs  ou  Nosseigneurs  à  donner  à  Messieurs 
du  parlement.  Les  avocats  perdirent  leur  procès.  Celui-ci 


—  201    - 

sera  jugé  à  la  Saint-Martin.  C'est  le  pot  de  terre  contre  le 
pot  de  fer.  » 

Il  ne  fut  jugé  qu'en  1785,  mais,  comme  le  sieur  Pourchet 
le  prévoyait,  les  avocats  furent  condamnés. 

Nous  trouvons  mentionnés  dans  le  livre  du  sieur  Pour- 
chet, des  faits  plus  généraux  :  «  En  1755  la  terre  a  tremblé 
à  plusieurs  endroits  de  Tunivers.  La  ville  de  Lisbonne  a  été 
renversée,  quelques  maisons  à  Besançon  un  peu  écroulées, 
mais  peu  dans  nos  environs.  C'est  dans  le  mois  de  novem- 
bre et  encore  plus  de  décembre  que  cela  est  arrivé.  » 

Le  souvenir  des  guerres  de  1636  était  encore  vivant  du 
temps  de  Simon  Pourchet  ;  on  le  voit  à  la  manière  dont  il 
en  parle  :  «  Mon  ayeul  était  Denis  Pourchet  :  c'était  le  temps 
de  guerres  presque  continuelles.  Les  Suédois,  ceux-là, 
tuaient  tout.  Plusieurs  camps-volants  venaient  ravager  après 
eux.  M.  Franchet  traita  avec  eux  pour  une  somme  d'argent. 
On  était  comme  l'oiseau  sur  la  branche,  obligé  chaque  année 
plusieurs  fois  à  courir  promptement  se  cacher  et  quelquefois 
y  rester  plus  de  deux  ou  trois  mois.  Ils  fesaient  du  pain 
comme  ils  pouvaient,  dans  les  rochers,  dans  les  cavernes  ; 
les  habitants  de  ce  temps-là  étaient  plus  curieux  de  l'argent 
que  des  fonds  à  cause  des  guerres.  Pendant  sept  ans  de 
temps  on  n'avait  pu  semer  un  grain.  » 

Simon  Pourchet  nous  parle  ainsi  des  événements  de  l'an 
1789  :  a  L'année  1789,  grand  remuement  dans  le  royaume 
de  France.  Le  roy,  se  trouvant  en  besoin  d'argent,  fit  faire 
une  assemblée  nationale  des  trois  ordres,  qui  sont  le  clergé, 
la  noblesse  et  le  tiers  état  qui  sont  les  roturiers.  Toutes  les 
communautés  assemblées  ont  fait  un  cahier  de  plaintes  et 
ont  nommé  des  députés  pour  s'assembler  dans  les  bailliages, 
là  où  on  refondra  les  dits  cahiers  tout  en  un  seul,  pour  les 
porter  aux  grands  bailliages,  qu'il  y  en  a  quatre  dans  la  pro- 
vince, et  là  encore  on  refondra  lesdits  cahiers  en  un  seul 
pour  chaque  grand  bailliage,  et  on  a  choisi  des  députés  pour 
Versailles,  qui  y  ont  bien  des  maux.  Mais  le  peuple  de  Paris 


—  292  — 

soutient  le  tiers  état  au  péril  de  la  vie,  qu'il  s'y  est  déjà 
bien  répandu  du  sanjjj  à  Paris,  parce  que  la  noblesse  et  le 
giand  clergé  a  de  la  peine  à  payer  comme  nous,  c*est-à-dire 
sans  privilège.  On  verra  cy  après.  Mais  bien  des  commu- 
nautés ont  fracassé  les  châteaux  de  leurs  seignenrs,  brûlé 
les  titres,  etc.  Dans  Aubonne  on  n'a  rien  fait  de  tout  cela,  et 
je  crois  qu'ils  s'en  trouvent  bien.  Le  29  juillet  plusieurs 
communautés  sur  les  côtes  de  Vuillafans,  y  ayant  quatre  à 
cinq  cents  hommes,  ont  descendu  audit  Vuillafans,  ont  pris 
leurs  papiers  chez  M.  le  châtelain  Maillet,  les  ont  brûlés  sur 
la  place.  Le  bruit  répandu  à  Lod,  Mouthier,  Aubonne  et  tout 
le  val  du  Sauget,  val  d'Usier,  val  de  Maillet,  toutes  contrées 
ayant  milice  bourgeoise  sont  allées  au  secours,  croyant  être 
Tennemi,  d'une  guerre  civile  formée  par  la  noblesse,  mais 
ayant  appris  ce  que  c'était,  on  a  été  appaisé.  Pas  moins 
chaque  communauté  garde  la  nuit.  Il  y  a  dix  hommes  cha- 
que nuit  à  Aubonne  de  garde  ;  ainsi  des  autres,  à  proportion 
du  nombre  des  habitants.  Plusieurs  sauvaient  déjà  des 
paquets. 

«  Nous  avons  un  bon  ministre  pour  le  peuple,  nommé 
M.  Necker,  que  la  noblesse  ne  peut  voir,  du  moins  la  grande 
noblesse,  mais  pas  tous  ;  il  y  en  a  encore  pour  le  tiers  état 
ainsi  que  le  petit  clergé. 

•  En  1789,  l'assemblée  des  états-généraux  a  bien  renou- 
velé des  affaires,  levé  toutes  les  gabelles  ;  tous  les  droits 
honorifiques  des  seigneurs  supprimés  sans  indemnité  ;  le 
surplus  de  leurs  droits  rachelables,  etc.  Pour  ainsi  M.  d'Au- 
bonne  a  ùté  ses  bancs  de  la  chapelle,  laquelle  appartient  à 
présent  en  toute  propriété  à  la  communauté.  Cela  est  bien 
juste  ;  il  n'y  a  que  vingt  ans  que  la  communauté  l'avait  cons- 
slruite  sans  que  M.  d' Aubonne  y  ait  contribué  d'un  sol.  » 

Il  semble  qu'arrivé  au  moment  de  la  terreur  révolution- 
naire, Simon  Pourchet  n'ait  plus  osé  consigner  ses  pensées 
et  ses  opinions  dans  son  livre  de  raison.  Il  ne  dit  presque 
plus  rien  des  événements,  sous  prétexte  qu'il  y  aurait  trop  à 


—  '203  ~ 

dire,  mais  n'est-ce  pas  plutôt  par  crainte  de  voir  son  livre 
tomber  entre  les  mains  de  gens  qui  auraient  pu  le  traiter 
comme  suspect? 

€  Les  nouvelles  sont  si  abondantes,  dit-il,  qu'on  n'en 
peut  rien  marquer.  C'est  le  monde  renversé  ;  le  tiers  état 
l'emporte  sur  la  noblesse  et  le  clergé,  de  sorte  qu'il  n'y  a 
plus  de  noble,  plus  de  seigneur  et  même  de  nom,  plus  de 
privilège  de  quelque  façon  que  ce  soit  pour  les  deux  pre- 
miers ordres.  Le  tout  sera  accordé  par  le  mérite  et  ceux  du 
tiers  état  ont  autant  de  droits  d'être  évêques,  archevêques, 
etc.,  ainsi  qu'aux  charges  du  barreau,  le  tout  au  mérite.  Cela 
est  bien  juste  '^.  Deux  mots  paraissent  résumer  toutes  ses 
impressions  :  •  La  Révolution  a,  depuis  1700,  fait  bien  des 
ravages;  le  gouvernement  nouveau  a  réprimé  bien  des 
abus.  » 

Nous  avons  dit  que  le  livre  de  Simon  Pourchet  renferme 
un  grand  nombre  d'observations  relatives  à  la  culture  et 
aux  travaux  agricoles  ;  il  contient  aussi  de  nombreux  pré- 
ceptes moraux  et  hygiéniques,  et  il  semble,  dans  sa  der- 
nière partie,  n'être  plus  qu'un  recueil  de  remèdes  et  de  re- 
cettes. Nous  allons  en  citer  quelques  passages  pour  en  avoir 
une  idée.  Voici  d'abord  i  un  avis  salutaire  pour  le  spirituel 
et  le  temporel,  sur  la  sobriété.  » 

«  Qu'est-ce  donc  que  la  sobriété?  c*est  une  vie  d'ordre, 
de  règle  et  de  tempérance.  Mais  il  faut  éviter  aussi  des 
excès  de  chaleur,  de  froid  et  de  travail.  L'intempérance  fait 
plus  mourir  de  gens  que  l'épée.  On  a  l'expérience  qu'un 
homme  sobre,  sortant  de  tous  ses  repas  ayant  encore  un 
peu  d'appétit,  est  exempt  de  toutes  maladies,  même  de  la 
peste,  et  mourrait  sans  être  malade,  de  pure  défaillance  de 
nature,  comme  une  lampe  qui  s'éteint  faute  d'huile,  et  qu'un 
homme  sobre  peut  vivre  longtemps,  même  un  siècle.  Il  y  a 
deux  proverbes  :  l'un  est  (|ue  qui  veut  manger  longtemps 
doit  manger  peu,  car  moins  on  mange,  plus  on  vit.  L'autre  est 


—  294  — 

que  ce  qu*on  laisse  d^aliments  fait  plus  de  bien  que  ce  que 
I*on  prend. 

•  De  toutes  sortes  d'aliments   aucuns    ne     conviennent 
mieux  aux  personnes  infirmes  ou  avancées  en  âge  qu'une 
espèce  de  panade  avec  un  ou  deux  œufs.  On  peut  vivre  de 
cela  seul  et  d'une  vie  aussi  longue  que  saine.  Boire  peu  de 
vin,  n'en  faire  jamais  excès,  le  mêler  de  quelque  peu  d'eau, 
surtout  les  plus  fumeux.  La  viande  n'est  pas  saine  au  corps; 
l'excès  de  viande  engendre  bien  des  maladies.  De  trop  man- 
ger de  viande  bouche  les  organes  ;  les  yeux  en  sont  affaiblis. 
Pour  trouver  la  juste  mesure  de  boire  et  de  manger,  c'est 
(fu'en  sortant  de  ses  repas  on  puisse  être  en  état  de  s'appli- 
quer à  des  fonctions  honnêtes,  à  l'étude,  à  donner  de  sages 
conseils,  à  paraître  en  des  conversations  de  gens  honnêtes, 
etc.  La  nature  et  la  raison  demandent  que  l'on  se  nourrisse 
do  manière  que  la  faculté  animale  et  la  faculté  raisonnable 
ne  soient    point  offensées  ;   la  nourriture  doit  être  utile  à 
ces  deux  facultés  et  non  être  un  obstacle  à  leurs  fonctions  ; 
il  faut  être  aussi  en  état  de  s'appliquer  après  le  repas  qu'a- 
vant. La  sobriété   rend  l'homme  vigilant,  de  bon  conseil, 
sage,  toujours  de  bonne  humeur  avec  tout  le  monde,  gai, 
honnête,  etc.  » 

Voici  maintenant  une  recette  que  Simon  Pourchet  donne 
comme  précieuse  :  •  Recelte  pour  le  vinaigre  des  quatre 
voleurs,  qui  est  un  préservatif  dans  les  maladies  épidéraiques. 
Prenez  de  la  rue,  de  la  sauge,  de  la  menthe,  du  romarin, 
de  l'absinthe,  de  la  lavande,  de  chacun  une  poignée.  Faites 
les  juslerdans  quatre  pintes  de  vinaigre  de  vin  blanc.  Mettez 
le  tout  dans  un  pot  de  terre  neuf,  bien  couvert,  sur  les  cen- 
dres chaudes  pendant  quatre  jours.  Ensuite  passez  la  li- 
(jueur  dans  une  chausse  et  mettez-la  dans  des  bouteilles 
bien  bouchées  avec  du  liège.  Mêlez  dans  chaque  bouteille 
d'une  pinte  un  quart  d'once  de  camphre.  Lavez-vous  la 
bouche,  frottez-vous  les  reins,  les  tempes  avec  cette  liqueur. 
Respirez-en  par  les  narines.  Quand  vous  irez  à  l'air,  portez 


295  — 

sur  vous  un  morceau  d'épongé  imbibée  de  la  liqueur  pour 
la  flairer  en  toute  occasion  à  l'approche  d'un  lieu  suspect. 
La  bouteille  est  celle  de  Paris  qui  est  une  bouteille  de  tiers.  » 
Terminons  par  cet  avis  sur  l'amitié  : 

«  Oe  tous  les  biens  le  nombre  d'amis  est  le  plus  utile, 
U  faut  surtout  bien  en  choisir  un  entre  mille, 

L  éprouver  une  couple  d'années. 

S'il  vous  aime,  s'il  sait  se  taire 

Le  ciel  qui  vous  Ta  donné 

N'a  plus  de  présent  à  vous  faire. 


•OliS  FUTS  4  L4  SOCIÉTÉ  (1903-IMS) 


Par  le  Dîipabtoient  dv  Docbs 300  f. 

Par  la  ViLLE  DE  BESANÇON 400  f. 


I\ir  M.  le  Ministre  de  l'Instrcction  pcblique  : 

BnUttin  *iu  Conntê  des  Sociétés  savantes  :  Bulletin  archéologi- 
•lue.  MAf3-l9lU  ;  hislorique  el  philologique,  1904,  1-4.  scien- 
tiî-l  le  1914  ;  Congrès  à  Bordeaux,  1903. 

/?i^'i'V/ra/»/ii>  des  travaux  historiques  et  archéologiques  publiés 
j'or  les  :>ociHès  savanV^s  de  France^  I.  IV,  3. 

Hapfort  général  administratif  et  économique  de  l'Exposition 
unirerselte  internationale  de  iOOO,  par  M.  Alfred  Picard, 
!.  I  à  t.  VIII  et  pièces  annexes. 

Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques 
de  France  :  Besançon,  t.  XXXIII  et  XXXIV  ;  t.  XLI,  3«  sup- 
piènKitt,  Lyon;  Orléans,  t.  XLIII  ;  Arsenal  (Paris),  Vitrj-le- 
Frai.rois,  Beims,  t.  XXXVIH  el  XXXIX. 

BihlvAhéque  de  VEcole  des  Chartes,  l.  LXIV  el  LXV,  1903-1905. 

Annales  du  Musée  Guimet,  t.  XVI  el  XVII,  1905;  Revue  de 
l'Histnire  des  religions,  t.  L.,  n**  3  ;  Bibliothèque  de  Vulgari- 
sation, t.  XVI  ;  Jubilé  du  Musée  Guimet,  —  Conférences  1903- 
KX>4.  

Par  MM. 

Le  Recteur  de  l'Académie  :  Séance  de  rentrée  des  Facultés 
de  Besançon,  1904. 

F.-X.  Perrot  (L'Abbé),  membre  correspondant  :  ses  deux  pu- 
blications :  Jérusalem  (aller  et  retour)  ;  Mon  Village. 

Marquiset  <le  Comle  Alfred),  membre  correspondant:  Pre- 
mière levée  ;  Armand  Marquiset  (1797-1859)  :  A  travers  ma 
vie,  souAenirs  classés  el  annotés  par  son  petit  neveu. 


—  297  — 

Maonin  (le  D^  Ant.),  membre  résidant  :  VEdaphisme  chimique 
—  Rapport  annuel  sur  Texercice  1903  à  l'Université  de  Be- 
sançon ;  —  La  Végétation  des  Lacs  du  Jura,  1904. 

Jeanneney  (capitaine),  membre  résidant  :  Conférence  iur  r his- 
toire militaire  de  Besançon  (xvii*  et  xix'  siècles). 

Le  Préfet  du  Doubs  :  Rapports  et  procès-verbaux  du  Conseil 
général,  avril  et  août  1904. 

Janet  (Charles)  :  ses  notes  et  observations  sur  les  fourmis  et 
les  guêpes,  4  broch.,  1903-1905. 

Maussieh  (P.  B).  anc.  membre  de  la  Société  :  sa  notice  sur  le 
chemin  gaulois  de  Roanne  à  Saint-Just  sur  Loire. 

Lebeuf,  directeur  de  TObservatoire  de  Besançon  :  XV^'  R, 
Bulletin  astronomique,  chronométrique  et  météorologique, 
1902-1903  et  1903-190'k 

Baudin  (Docteur),  membre  résidant  :  V Année  sanitaire  et  dé- 
mographique à  Besançon.  1903. 

CouRTOT  (J.-G.),  membre  résidant:  Catalogue  de  sa  bibliothèque, 
ouvrages  d'apiculture,  1904 

LouvoT  (chanoine),  membre  correspondant  :  Etude  sur  Notre- 
Dame  de  Gray,  par  M.  l'abbé  Vuillerey. 

Maire  (capitaine),  membre  correspondant  :  Etude  sur  la  Race 
Man  du  Haut-  Tonkin. 

Prinet  (Max),  membre  correspondant  :  Recherches  sur  la 
monnaie  de  Moreium  (Morey). 


—  298  — 


IWm  BES  SOCIÉTÉS  COUESPOIVDAKTES  (I9«3  IH5) 


Mémoires  de  la  Société  zoologique  de  France,  t.   XVI,  1903. 

Revue  de  V Histoire  de  \ersailles,  1903. 

Mémoires  de  la  Société  de  V Histoire  de  Paris  et  de  l'Ile  de  France^ 
i.  XXX,  l»iillelin  1903.  —  Lettres  de  M.  de  MarviJIe,  Jieu- 
tenant-géncral  au  ministœ  Maurepas,  1742-1747,  par  M.  A. 

DE  BOISLISLE,  t.  II. 

Congrès  archéologique  de  France  (Société  franchise    d'archéo- 
logie), à  Troyes  et  à  Provins  en  1902. 
Journal  des  Savants^  1903, 1904  et  1905  en  cours. 
Académie  des  Inscr.  et  Belles-Lettres,  Comptes  rendus,  1903-1904. 
Revue  épigraphique  {M.  Espérandieu),  1903,  t.  V,  1904,113-114. 
Revue  des  Etudes  grecques,  t.  XVI  et  XVII,  1903-1904. 
Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Francs 

«Mettensia),  1903  et  1904.  Bulletin  et  mémoires,  7«  série,  t.  III, 

1903  ;  —  Centenaire,  1904. 
Revue  des  Etudes  historiqueSy  69^  année,  1903. 
Bulletin  de  la  Société  de  botanique  de  France,  1903-1904;  Tables; 

Session  à  Bordeaux,  1904. 
Comptes  rendus  de  la  Société  de  secours  des  Amis  des  Sctences, 

1903  et  1904. 
Revue  africaine,  250-255,  1904. 
Omis,  Société  omithologique,  t.  XII,  1903-1904. 
Bulletin  de  la  Société  philomatique  de  Paris,  1902-1903. 
Société  française  de  Physique,  1903-1904,  !-2. 
Bulletin  de  la  Société  pour  la  protection  des  paysages  de  France, 

1903-1904. 
Société  de  botanique  de  France,  1904. 
Mémoires  de  la  Société   d'anthropologie  de  Paris,  t.  IV,  1903, 

t.  V,  1904. 
Spelunca,  1903,  t.  V.  no'  36  à  39,  1905. 
Annuaire  de  la  Société  philotechnique  de  Paris,  1903. 


—  299  — 

Bulletin  de  la  Société  des  se.  hiat.  et  nat,  de  Semur-en-AuxotSy 

1902-49^. 
Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône,  —  His- 
toire de  Sancey-le-Grand,  par  M  L.  Niepce,  t.  III. 
Bulletin  de  la  Société  hist.  et  archéol.  de  Langrcs,  1904. 

Annales  de  la  Société  d'Emulation  des  Vosges^  1903  et  1904. 

Bulletin  de  la  Société  philomatique  Vosgienne. 

Annales  de  la  Société  d'Emulation  de  VAin,  1903  et  1904. 

Le  Sillon  (Vesoul),  1903-1904. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  Saône-et-Loire^ 
1903-1904. 

Bulletin  de  la  Société  belfortaine  d'Emulation,  1903. 

Annales  de  l'Académie  de  Mdcon,3'^s..  t.  VII,  1902;  t.  VHI.  1903. 

Revue  viticole  et  horticole  de  Franche-Comté  (Poligny),  1903  et 
1904. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  et  d'archéologie  de 
l'Ain,  1903  et  1904. 

Société  d'histoire,  d'arch.  et  de  litt.  de  V arrondissement  de 
Beaune,  <901  et  1902. 

Bulletin  de  la  Soc.  d'agr,  se.  et  arts  de  la  Haute-Saône,  n«»  2 
et  3,  1902-1903. 

Mémoires  de  la  Société  d'Emulation  de  Monthéliard^  t.  XXX 
et  XXXI,  1903  et  1904. 

Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences,  Belles -Lettres  et  Arts  de 
Besançon,  1903  et  1904. 

Bulletin  de  la  Société  Grayloise  d'Emulation,  n»»  6,  7,  1904. 

Bulletin  des  séances  de  la  Société  des  sciences  de  Nancy,  t.  V, 
1904. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  l'Yonne,  t.  VII, 
1903  et  1904. 

Revue  Bourguignonne,  publiée  par  l'Université  de  Dijon,  t. XIV, 
1-2,  1903-1904  ;  —  Le  Mystère  de  la  Passion  en  France  du 
XIV*  au  XV I^  siècles,  par  M.  Emile  Roy,  2  vol. 

Mémoires  de  la  Société  Bourguignonne  d'histoire  et  de  géogra- 
phie, t.  XX,  1904. 

Mémoires  de  la  Société  d'agr.  com.  se.  et  arts  du  département 
de  la  Marne,  1903. 

Société  d'histoire  naturelle  d'Autun,  16*  bull.,  1903. 


—  300  — 

Bulletin  trimestriel  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Mâcon 

l    II,  1904. 
Mémoires  de  la  Société  académique  d'agriculture,  sciences,  hdlei- 

lettres  et  arts  du  département  de  VAube,  t.  XI,  1903. 
Bulletin  de  la  Société  industrielle  et  agricole  d'Angers,  1908. 
Revue  de  l'histoire  de  Versailles  et  de  Seine-et-Oise,  1903. 
Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  t.  XXIV,  1904,  l.  XXV.  1-2,  f9(6 

et  Table. 
Revue  historique  et  archéologique  du  Maine,  1903. 
Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  historique  et  archéologique  de 

la  Charente,  1903  et  190i.  Tables  :  1840-1900. 
Bulletin  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  la  SaHhe, 

1903-1904. 
Bulletin  de  la  Société  Dunoise,  1904,  ii«»s  138  à  140,  1905   n«  1. 
Annuaire  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Château- 
Thierry,  1902.  Tables,  1864-1900. 
Bulletin  de  la  Société  archéologique,  et   histoirique  du  Vende- 

mois,  t.  XLII  et  t.  XLIII,  1904. 
Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  VOrléanais, 

t.  XIII,  1904,  1. 
Revue  de  Saintonge  et  d'Aunis,  t.  XXIII  et  XXIV,  1904. 
Bulletin  de  la  Société   des   Antiquaires    de    VOuest,  2«  série, 

1903,  1904,  t.  X. 
Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  VOuest  de  la 

France,  1904  et  1905. 
Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Rouen,  1902-1908. 
Recueil  des  publications  de  la  société  hàvraise  d'études  diverses, 

1901  et  1902. 
Mémoires  de  la  Société  des  sciences  naturelles  et  mathématiques 

de  Cherbourg,  4"  série,  t.  III  et  IV,  1903  et  1904. 
Bulletin  de   la  Société  libre  d'Emulation,  du  Commerce  et  de 

l'Industrie  de  la  Seine-Inférieure  (exercice  1902).  —   Livre 

d'or,  notices,  1903,  1904. 
Bulletin  de  la  Commission  des  antiquités  de  la  Seine -Inférieure, 

l    XIII,  1,  1904. 
Bulletin  de  la  Société  académique  de  Brest,  1903. 
Bulletin  de  la  Société   des    Antiquaires  de  Picardie,  t.  XXI  et 

XXII,  1903,  1904. 


*-  301  — 

Bulletin  de  la  Société  polymathique  du  Morbihan,  1903^  1-2. 

Annales  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Château- 
Thierry,  1903. 

Mémoires  de  la  Société  Eduenne,  t.  XXXI,  1903. 

Mémoires  de  l'Académie  de  Saint- Quentin,  t.  XIV,  1899-1900. 

Mémoires  de  l'Académie  nationale  des  sciences,  belles-lettres  et 
arts  de  Caen.  Tables  décennales  1894  à  1903. 

Bulletin  de  la  Société  de  statistique  du  département  de  l'Isère, 
4e  s.,  t.  VII,  1904. 

Bulletin  de  la  Société  delphinoise  d'ethnologie  et  d'anthropo- 
logie (Grenoble),  1903-1904,  2. 

Société  d'agriculture  de  Saint-Etienne,  1903  et  1904. 

Bulletin  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Savoie,  t.  VI- VIII, 
1901-1903. 

Revue  Savoisienne,  1902,  1903. 

Société  Savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie  (Mémoires  et  Do- 
cuments publiés  par  la),  1903. 

Mémoires  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  de  Savoie, 
4e  série,  t.  X,  1903.  Tables,  1825-1903. 

Revue  scientifique  du  Bourbonnais  et  du  centre  de  la  France, 
1903-1904. 

Annales  de  VUniversité  de  Lyon,  2«  série,  11-15,  1904. 

Mémoires  et  Bulletin  de  la  Société  littéraire,  historique  et  ar- 
chéologique de  Lyon,  1898-1904. 

Annales  de  la  Société  d'agriculture  de  Lyon,  1903. 

Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre,  i.  XXVII,  1903. 

Bulletin  de  La  Diana  (Montbrison),  t.  XIII,  3,  1903  et  1904, 
t.  XIV,  1-3. 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  du  Limousin, 
t.  LUI  et  LIV.  1904,  1.  (Le  t.  LUI,  Pouillé  historique  du  dio- 
cèse de  Limoges.) 

Académie  des  sciences  de  Montpellier  :  Sciences,  t.  Ilï  et  t.  IV, 
1903  et  1904. 

Mémoires  de  l'Académie  de  Nîmes,  7®  série,  t.  XXXVI,  1903. 

Bulletin  de  la  Société  des  sciences  de  Nîmes,  t.  XXI,  1903. 

Actes  de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux,  6®  série,  t.  VIII,  1903. 

Bulletin  de  la  Société  d*étude  des  sciences  de  Béliers,  1904. 


—  302  — 

Mémoires   de  V Académie  des  sciences,  helles-lettres  et  arts  de 

Marseille,  190M903. 
Répertoire  des  travaux  de  la  Société  de  statistique  de  Marseille. 

1902-1903. 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de   VAveyron  :  Procès- ver- 
baux des  séances,  t.  XIX,  1903. 
Mémoires  de  la  Société  des  sciences  physiques  et  naturelles  de 

Bordeaux,  6«  série,  l.  II,  2  ;  —  Procès- verbaux,  1903  et  19W. 

—  Ob*:er\aUons  météorologiques,  1903-1904. 
BulUtin  de  la  SocUté  d'études  des  Hautes-Alpes,  1904,  i90o. 
Annales  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et    arts  des  Alpes- 
Maritimes,  l.  XVIII. 
Bulletin  de   la    Société   archéologique  du   Midi  de  la  France, 

1903,  1904. 
Société   agricole,  scientifique  et   litt,  des   Pyrénées -Orientales, 

45*  vol.,  1904.  Table  générale. 
Bulletin  de  la  Société  Vautioise  des  sciences  natur.,  t.  XXXIX, 

no  147-150,  1904. 
Revue  historique  Vaudoise,  organe  officiel  de  la  Société  Vau- 

duise  d'histoire  et  d'archéologie,  1903-1904. 
Acles  de  la  Société  Jurassienne  d'Emulation,  1902. 
Société  des  sciences  naturelles  de  Zurich  (Viertelsjahrschrifli, 

t.  XXXVIII,  1903. 
Anliquaires  de  Zurich,  LXVIII,  1904. 
Musée  national  suisse  à  Zurich,  xii«  rapport  annuel,  1903. 
Anzeigtr  fur schweizerische  Altertumskunde,  1903. 1904, 19(fô,l. 
Société  des  sciences  nalurelles,  à  Baie  (Verhandiungen),  1904. 
Société  des  sciences  naturelles  de  Zurich,  1904. 
Bulletin  de   la    Société  d'histoire    et    d'archéologie  de  Genève, 

t.  II,  1903. 
Bulletin   de   la    Société   neuchâteloise    des   sciences  naturelles, 

t.  XXVIII,  1899-1900. 
Bulletin  de  la  Société  neuchâteloise  de  géographie,  t.  XV,  1904. 
Société  d'histoire  générale  de  la  Suisse  (Yahrbuch),  1904. 
Société  des  sciences  nalurelles,  à   Berne,  1903,  no«  1551  à  lôW. 
Archives  de  la  Flore  jurassienne,  44-48,  1904. 
Bulletin  de  la  Société  d'Histoire  naturelle  de  Metz,  1904,  n^  23. 
Société  des  sciences,  agr.  et  arts  de  la  Basse- Alsace,  1903-1904. 


-  303   - 

Académie  royale  de  Belgique:  Mémoires  couronnés  et  mém. 
des  savants  étrangers,  t.  LXI  à  LXVI,  Bulletin,  lettres  8-10, 
sciences,  8-10,  1903^  3-4,  1904  ;  Coll.  in-4°,  t.  LXII,  no»  4-6; 
Coll.  in-8o.  t.  LXIV  et  LXV.  —  Annuaire,  1905. 

Académie  royale  d'archéologie  de  Belgique  (Anvers).  —  Bulletin, 
5e  série,  t.  V,  3  et  t.  VI,  1-5,  1904.  Table  :  1843-1900. 

Annales  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  t.  XVI[  et 
XVIII.  1-2.  -  Annuaire,  t.  XV,  1904. 

Analecta  bollandiana,  1903-1904,  t.  XXIIl,  f.  2-4,  1904,  t.  XXIV, 
1,  1905. 

Bulletin  de  la  Société  géologique  de  Belgique^  t.  XXX,  1904. 

Université  de  Christiania,  1901. 

Académie  des  sciences  de  Stockholm:  Arkiv  for  Géologie, Botanik, 
1904;  Handlingar,  36  à  38.  —  Les  prix  Nobel  en  1901,  im- 
primerie royale  de  Stockholm. 

Manadsblad,  Antiquitets,  Stockholm,  1898-1899,  1901-1904. 

Society  philo,  aud  litterary  of  Manchester  :  Proceed.,  1903-1905. 

Transactions  of  the  Academy  of  Saint-Louis,  t.  XII  à  XIV. 

Annual  report  ofthe  Smithsonian  Institution,  1903. 

Geographical  society  of  Philadelphia,  1903  et  1904. 

Bulletin  of  the  Wisconsin  nat.  hist.  Society,  i903;  Muséum, 
21  «  rapport. 

Annales  du  Musée  national  de  Montevideo,  flora  Urugaya,  t.  IV. 
1-2.  —  Geographia  del  Paraguay,  t.  I.  -  Entrega,  1904,  1. 

U,  S,  Geological  Survey  :  Monographs,  XLIV.  —  Bulletin,  209  à 
213, 190î^.  —  Monographs,  XLV  :  Vermillon  iron-bearing  dis- 
trict of.  Minnerson.  —  Professionnels  papers,  n°  15.  Mine- 
rais ressources,  Alaska,  Vaters  supply. 

Public  muséum  of.  Milwaukee,  *23fi  rapport,  1904. 

Service  géologique  du  Portugal.  —  Communie,  t.  V  à  VII, 
1903  et  1904. 

Académie  des  sciences  de  Berlin  (Sitzungsberichte,  XLI  à  LUI, 
1903  ;  I  à  LV,  1904. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Brème  (abhandenlungen),  XVII, 
3,  1903. 

Académie  des  sciences  de  Munich  (sitzungsberichte).  1904,  1-4. 

Musée  d'histoire  naturelle  de  Vienne  (Annalen),  1903. 


^  304  — 

A  nnales  de  la  Société  impériale  et  royale  de  Géologie  de  l'Em- 
pire d'Autriche  (Verhandlungen),  1904  (Jahrbuch),  1904  et 
1905,  2-3. 

Société  botanique  de  la  province  de  Brandebourg  (Verhaiid.), 
1904. 

Publication  de  Vlnatitut  grand-ducal  de  Luxembourg,  t.  XXVIII, 
1904. 

New  Heidelberger  Jahrsbucher  (hist.  philo.),  zh  Heidelberg,  XII, 
2,  19tt3,  XIII,  1,1904. 

Société  physico-économique  de  Kœnigsberg  (Schriften),  1903. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Fribourg  en  Brisgau  (Berichte), 
1904. 

Université  de  Tuhingue  :  3  dissertations,  1903-1904. 

Memorie  délia  regia  Accademia^  se,  let.  ed  arti  in  Modena, 
3e  série,  t.  XIV,  1902. 

n.  Deputazione  sovra  gli  studi  di  storia  patria,  miscellanea^ 
3e  s.,  1904. 


-  305  — 

MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ 

Au   30  Juin   1905. 


Le  millésime  placé  en  regard  du  nom  de  chaque  membre  indique  Tannée 
de  sa  réception  dans  la  Société. 

Les  membres  de  la  Société  qui  ont  racheté  leurs  cotisations  annuelles 
sont  désignés  par  un  astérisque  (*)  placé  devant  leur  nom,  conformément 
à  Tarticle  21  du  règlement. 


Conseil  d'administration  pour  1905. 

Président MM.  Adolphe    Parizot ,    inspecteur 

honor.  des  Enfants  assistés  ; 

Premier  Vice- Président . .  M.  Thuriet,  avocat  général. 

Deuxième  Vice- Président ,  Magnin  (le  D'  An  t.)  ; 

Secrétaire  décennal Georges  Gazikr  ; 

Vice-Secrétaire A.  Vaissier  ; 

Trésorier Fauquignon  ; 

Archivistes Kirchner  et  Maldiney; 

Secrétaires  honoraires..,  MM.  Bavoux  (Vital). 

Meynier  (le  docteur). 


Membres  honoraires  (22). 
MM. 
Le  Général  commandant   le  7®  corps  d'armée  (M.  le  général 

Dkckherr). 
Le    Premier   Président   de   la  Cour   d'appel    de    Besançon, 

(M.  Gougeon). 
L'Archevêque  de  Besançon  (S.  G.  M^f  Petit). 
Le  Préfet  du  département  du  Doubs  (M.  Godefrov). 

20 


-  306  — 

MM. 

Le  Gouverneur  {de  la    place   de    Besançon  (M.  le  général 

DE  Maimbray). 
Le  Ukcteur  de  rAcadéinie  de  Besançon  (M.  Ardaiixon). 
Le  Procureur  général  près  la  Cour  d'âp|)el  de  Besancon 

(M.  MOLINES). 

Le  Maire  de  la  ville  de  Besançon  (M.  Baigue). 

L'Inspecteur  d'Académie  à  Besançon  (M.  Guyon),  rue  de 
Ville] . 

Delisle,  Léopold,  membre  de  Tlnslilut  (Académie  des  insorip- 

.  lions  et  belles-lell res) ,  ancien  administrateur  général  de  la 
Bibliothèque  nationale;  Paris, rue Neuve-des-Pelits-Champs.— 
1881. 

Weil,  Henri,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres),  doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  lettres 
de  Besançon  ;  Paris,  rue  Adolphe  Yvon,  16.  —  1890. 

DuFOUR,  Marc,  docteur  en  médecine,  à  Lausanne,  rue  du  Midi. 
—  1886.  Membre  honoraire,  1896. 

Sire,  (îoorges,  correspondant  de  Tlnstitut,  essayeur  de  la  Ga- 
rantie, Besançon,  rue  de  la  Mouillère,  aux  Chaprais.  —  1847. 
Membre  honoraire,  1896. 

PiNGAUD,  Léonce,  correspondant  de  Tlnstitut,  prof,  d'histoire 
moderne  à  la  Faculté  des  lettres  de  Besançon,  rue  Saint- 
Vincent,  17.  —  1874.  Membre  honoraire,  1896. 

Choffat,  Paul,  attaché  à  la  direction  des  services  géologiques 
du  Portugal;  à  Bordeaux  et  à  Lisbonne,  rue  d'Arco  a  Jésus, 
113.  —  1869. 

Metzinger  (le  général),  ancien  commandant  du  15«  corps  d'ar- 
mée, membre  du  Conseil  supérieur  de  la  Guerre,  h  Paris.  — 
1899. 

Rolland,  Henri-Marius,  capitaine  de  vaisseau,  ancien  général 
de  division  du  cadre  auxiliaire  en  1870-71,  en  retraite  à  Mar- 
seille, boulevard  National,  20.  —  1899. 

Berger,  Philippe,  membre  de  l'Institut  (Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres),  professeur  au  collège  de   France.  — 

1899. 
Bertrand,  Marcel,  membre  de  l'Académie  des  sciences,  inspec- 
teur général  des  mines.  —  1899. 


-  ^1  - 

pROST,  Bernard,  inspecteur  général  des  archives  et  des  biblio- 
thèques, à  Paris,  avenue  du  Trône,  3.  —  19(M. 

Bouchot,  Henri,  conservateur  du  cabinet  des  estampes  .'i  la 
Bibliothèque  Nationale,  à  Paris.  —  1901. 

Becquet,  Just,  statuaire,  rue  de  la  Procession,  27,  à  Paris.  — 
1904. 


—  308  — 


Membres  résidants  (i)  (123). 

MM. 

AuBERT,  Louis,  directeur  des  confections  militaires,  Grande- 
Rue,  121.  —  1896. 

Baoer,  bijoutier,  rue  des  Granges,  21.  —  1870. 

Baïgue  (le  docteur),  professeur  suppléant  à  Técole  de  méde- 
cine, rue  de  la  Mouillère.  —  1897. 

Bauoin,  Léon,  docteur  en  médecine,  directeur  du  Bureau  d'hy- 
giène de  Besançon,  Grande-Rue,  86  bis.  —  1885. 

'  Bavoux,  Vital,  receveur  principal  des  douanes  en  retraite; 
Fontaine-Ecu,  banlieue  de  Besançon.  —  1853, 

Heauquier,  Charles,  archiviste-paléographe,  député  du  Doubs  ; 
Montjoux,  banlieue  de  Besançon.  —  1879. 

DE  Beauséjour,  Gaston,  ancien  capitaine  d'artillerie,  place 
Saint-Jean,  6.  — 1897. 

*  Berdellé,  ancien  garde  général  des  forêts,  Grande-Rue,  112. 
—  1880. 

•Besson  (Paul),  colonel,  directeur  d'artillerie,  à  Besançon, 
rue  Mégevand,  4.  —  1894. 

Boname,  Alfred,  photographe,  rue  de  la  Préfecture,  10.  ~  1874. 

Blondeau,  substitut  du  Procureur  de  la  République,  rue  Prou- 
dhon,  8.  —  1895. 

Bonnet,  Charles,  pharmacien,  ancien  conseiller  municipal, 
Grande-Rue,  35.  —  1882. 

Bossv,  Léon,  fabricant  d'horlogerie,  rue  de  Lorraine,  9.  — 1896. 

FiouRDiN  (le  docteur),  médecin-major  au  7«  bataillon  de  forte- 
resse, rue  Charles  Nodier,  30.  —  1900. 

'  BoussEY,  professeur  agrégé  d'histoire  au  Lycée,  président  de 
l'Académie  de  Besançon,  Grande-Rue,  116.  —  1883. 

BouTTERiN,  François-Marcel,  architecte,  professeur  à  l'Ecole 
municipale  des  Beaux-Arts,  rue  Saint-Antoine,  4.  —  1874. 


(i)  Dans  cette  catégorie  fiçfurent  plusieurs  membres  dont  le  domicile 
habituel  esl  hors  de  Besançon,  mais  qui  ont  demandé  le  litre  de  résidant 
atîn  de  payer  le  tnaximum  de  la  cotisation  et  de  contribuer  ainsi  d'une 
manière  plus  large  aux  travaux  de  la  Société. 


—  309  - 

MM. 

BOYSSON  d'Ecole,  Alfred,  rue  de  la  Préfecture,  24.  —  189i. 

Bretenet,  chef  d'escadron  d'artillerie,  rue  St-Pierre,  15.—  1885. 

Bretillot,  Maurice,  banquier,  membre  de  la  Chambre  de  com- 
merce, rue  Charles  Nodier,  9.  —  1857. 

Bretillot,  Paul,  propriétaire,  rue  de  la  Préfecture,  21.  —  1857. 

Burlet  (l'abbé),  chanoine-archiprêtre,  curé  de  Saint-Jean.  — 
1881. 

De  Buyer,  Jean,  propriétaire,  à  Besançon  et  à  Saint-Laurent 
(banlieue).  —  1902. 

Cellard,  Camille,  architecte,  rue  Saint-Pierre,  3.  —  1902. 

CÉNAY,  pharmacien,  avenue  Carnot,  26.  —  1897. 

Chapoy,  Léon  (le  docteur),  ancien  directeur  de  l'Ecole  de  mé- 
decine, Grande-Rue,  11.  —  1875. 

DE  Chardonnet  (le  comte),  ancien  élève  de  l'Ecole  polytech- 
nique, à  Besançon,  rue  du  Perron,  20,  et  à  Paris,  rue  Cam- 
bon,  43.  —  1856. 

Charlet,  Alcide,  avocat,  bâtonnier  de  l'Ordre,  rue  des  Granges, 
72.  —  1872. 

Charmoillaux,  Eugène,  étudiant,  rue  du  Clos,  9.  —  1904. 

Chipon,  Maurice,  avocat,  ancien  magistrat,  rue  de  la  Préfec- 
ture, 25.  —  1878. 

Ci^VEY,  président  de  Chambre  à  la  Cour  d'appel,  Grande- 
Rue,  62.  —  1902. 

Clerc,  Edouard-Léon,  représentant  de  commerce,  rue  du  Chas- 
not,  12.  —  1897. 

Coillot,  pharmacien,  rue  Battant,  2,  et  quai  de  Strasbourg,  1. 
-  1884. 

CoLSENET,  Edmond,  professeur  de  piiilosophie  et  doyen  de  la 
Faculté  des  lettres,  ancien  conseiller  municipal,  rue  Gran- 
velle,  4.  — 1882. 

CoRDiER,  Palmyr,  agent  principal  d'assurances,  conseiller  mu- 
nicipal, rue  des  Granges,  37.  —  1885. 

Cornet,  Joseph,  docteur  en  médecine,  aux  Chaprais,  rue  de 
la  Cassotte,  11.  —  1887. 

CouRGEY,  avoué,  nie  des  Granges,  16.  —  1873. 

CouRTOT,  ïhéodule,  commis- greffier  à  la  Cour  d'appel;  à  la 
Croix-d'Arènes  (banlieue).  —  1866. 


—  3i0  - 
MM. 

Dayet,  André,  receveur  d'enregistremenl  à  Besançon  ;  Fontaine- 

Ecu.  —  19(M. 
DiETRiCH  (le  docteur),  rue  Saint-Pierre,  90.  —  1892. 
DODIVERS,  Joseph,  imprimeur,  Grande-Rue,  87.  —  1875. 

Dreyfus,  Victor-Marcel,  doct.  en  médecine,  avenue  Carmit 

(aux  Chaprais).  —  1889. 
Drouhard,  Paul,  conser\'ateur  des  hypothèques  en  relraile, 

rue  Saint-Vincent,  i8.  —  1879. 
Drouhard  (rabl>é),  chanoine,  rue  Saint-Jean.  —  1883. 
DuBOURG,  Paul,  ancien  président  de  la  Chambre  de  commerce, 

ancien  membre  du  Conseil  général  du  Doubs,   rue  Charles 

Nodier,  28.  —  1891. 
Eydoux,   Henri-Ernest,  administrateur  des  nuigasiins  du  Ron- 

.Marché,  Grande-Rue,  73.  —  1899. 
Fauquignon,  Charles,  ancien    receveur  des    postes   et   têlé- 

jrraphes,  vue  des  Chaprais,  5.  —  1885. 
Febvre,  Lucien,  ancien  élève  de  l'Ecole  normale  supérieure. 

rue  des  Fontenottes,  6.  —  1904, 
Flusin,  Georges,  industriel,  Grande-Rue,  23.  —  1898. 
FoiRMER,  professeur  de  géologie  à  l'Université  de  Besançon. 

-1899. 
Fran'cev,   Edmond,  avocat,   membre  du  Conseil   général  di: 

Duubs,  ancien  adjoint  au  maire,  rue  Moncey,  i.  —  1884. 
Gaiffe,  professeur  au  Lycée,  aux  Villas  Bisontines.  —  1901. 
Gauderon  (le  docteur),  Eugène,  professeur  de  clinique  à  l'Ecole 

de  médecine.  Grande- Rue,  110.  -—  1886. 
*  Gauthier,  Jules,  archiviste  du  département  de  la  Côle-d'Or, 

membre  non  résidant  du  Comité  des  Travaux  historiques  et 

archéologiques  et  du  Comité  des  Beaux-Arts,  au  Ministère 

de  l'Instruction  publique,  à  Dijon.  —  1866. 
Gazier,  Georges,  conservateur  de  la  Bibliothèque  de  la  Ville; 

rue  de  la  Pi-éfecture,  10.  —  1903. 
GiRARDOT,  Albert,  géologue,  docteur  en  médecine,  rue  Saint- 
Vincent,  15.—  1876. 
Grenier,  Alfred,  inspecf  des  forêts,  aux  Villas  Bisontines.  — 

1904. 
'  Gruter,  médecin-dentiste,  square  Saint-Amour,  7.  —  1880. 


—  311  — 

MM. 

GuiLLEMiN,  Victor,  artiste  peintre,  rue  des  Granges,  2i.  — 
1884. 

Heitz  (le  docteur),  professeur  à  l'Ecole  de  médecine,  Grande- 
Rue,  45.  —  1888. 

Henry,  Jean,  docteur  es  sciences,  Grande-Rue,  129.  — 1857. 

Hétier,  François,  botaniste;  à  Mesnay-Arbois  (Jura). |-— 1895. 

d'Hotelans,  Octave,  rue  Charles  Nodier,  12.  —  1890. 

Jeanneney,  capitaine  au  60»  de  ligne,  à  Montfaucon.  —   1904. 

Kirchner,  ancien  négociant,  quai  Veil-Picard,  5o  his.  — 
1895. 

*  KoLLER,  propriétaire,  ancien  conseiller  municipal,  ancien 
membre  du  Conseil  d'arrondissera.  de  Besançon;  au  Perron- 
Chaprais.  —  1856. 

Lambert,  Maurice,  avocat,  ancien  magistrat,  quai  de  Stras- 
bourg, 13.  —  1879. 

Lebrun,  Louis,  répétiteur  au  Lycée  Victor  Hugo.  —  1905. 

Leclerc,  Adrien,  conseiller  à  la  Cour  d'appel  de  Besançon, 
place  du  Transmarchement,  6.  —  1904. 

Ledoux,  Emile  (le  docteur),  quai  de  Strasbourg,  13.  —  1875. 

LiEFFROY,  Aimé,  propriétaire,  conseiller  général  du  Jura,  rue 
Charles  Nodier,  11.  —  1864. 

Lime,  Claude-François,  négociant,  aux  Chaprais.  —  1883. 

LouvOT,  Emmanuel,  notaire,  Grande-Rue,  14.  —  1885. 

Mâcherez,  A.;  rue  Granvelle,  5.  —  1901. 

Ma  ES,  Alexandre,  serrurier-mécanicien,  rue  du  Mont-Sainte- 
Marie,  10.  — 1879. 

Magnin  (le  docteur  Ant.),  professeur  à  l'Université,  doyen  de  la 
Faculté  des  sciences,  ancien  direcleur  de  l'Ecole  de  médecine, 
conseiller  municipal,  ancien  adj.  au  maire,  rue  Proudhon,  8. 
—  1885. 

Mairot,  Henri,  banquier, ancien  conseiller  municipal,  président 
du  Tribunal  de  commerce,  rue  de  la  Préfecture,  17.  —1881. 

Mal  DINE  Y,  Jules,  chef  des  travaux  de  physicjue  à  la  Faculté 
des  sciences.  —  1889. 

Mandrillon,  avocat,  Grande-Rue,  19.  —  1894. 

Marchand,  Albert,  ingénieur,  administrateur  délégué  des  Sa- 
lines de  Miserey.  —  1888. 


—  312  — 

MM. 

*  Martin,  Jules,  manufacturier,  rue  Sainte-Anne,  8.  —  1870. 
Masson,  Valéry,  avocat,  Grande-Rue,  102.  —  4878. 
Matilk,  fabricant  d'horlogerie,  rue  Saint-Pierre,  7.  —  1884. 
Mai'villier,  Pierre-Emile,  photographe,  rue  de  la  Préfecture,  3. 

—  1897. 

Métin,  Georges,  agent-voyer  d'arrondissement;  à  Canot.— 

1868. 
Michel,  Henri,  architecte-paysagiste,  professeur  à  TEcole  des 

Beaux-Arts;  Fonlaine-Ecu  (banlieue).  —  1886. 
MiOT,  Camille,  négociant,  membre  de  la  Chambre  de  commerce, 

Grande-Rue,  104.  —  1872. 
MiOT,   Louis,  avoué  à    la  Cour  d'appel,  Grande-Rue,  104.  — 

1897. 
MoNTENOisE,  avocat,  rue  de  la  Madeleine,  2.  —  18ii4. 
Mourût  (Tabbé),  secrétaire  h  l'archevêché.  ~  1899. 
Nardin,  ancien  pharmacien,  rue  de  la  Mouillère,  1.  —  19(X). 
Nargaud,  Arthur,  docteur  en  médecine,  quai  Veil-Picard,  17. 

—  1875. 

NiCKLÈs,  pharmacien  de  1"  classe,  Grande-Rue,  128.  —  1887. 
Outhenin-Chalandre,  directeur  des  Missionnaires  d'Ecole;  rue 
de  la  Préfecture,  24.  —  1902. 

*  Ordi.naire,  Olivier,  consul  de  France,  en  retraite;  Maizières 

(l)oubs).  —  1876. 
Parizot,  inspecteur  honoraire  des  Enfants  assistés,  rue  du 

Mont-Sainte-Marie,  8.  —  1892. 
Pateu,   entrepreneur,    ancien    conseiller   municipal,    avenue 

Carnot.  —  1894. 
Perruche    de  Velna,  conseiller  à  la  Cour  d'appel,  rue  du 

Perron,  26.  —  1870. 
Petitjean  d'abbé),  aumônier  des  Enfants  assistés,  à  Chàleau- 

farine.  —  1905. 
PiDANCET,  avocat,  quai  Veil-Picard,  31.  —  1905. 
'  PiNGAUD,  Léonce,   correspondant  de   Tlnstitut,  professeur 

d'histoire  moderne  à  la  F'aculté  des  lettres,  rue  Saint-Vin- 
cent, 17.  —  1874. 
HÉMOND,  Jules,  notaire,  Grande-Rue,  31.  —  1881. 


—  313  — 

MM. 

RiCKLiN,  notaire,  rue  des  Granges,  38;  étude:  Grande-Rue,  121. 
— 1879. 

Robert,  Edmond,  fabricant  d'aiguilles  de  montres,  faubourg 
Tarragnoz.  —  1886. 

RocARDEY,  Jean,  directeur  des  contributions  indirectes;  rue 
Charles-Nodier,  4.  —  1903. 

Roland  (le  docteur),  professeur  à  l'Ecole  de  médecine,  rue  de 
rOrme-de-Chamars,  10.  —  1899. 

Rossignot  (l'abbé),  curé  de  Sainte-Madeleine,  rue  de  la  Made- 
leine, 6.  —  1901. 

Rouget,  directeur  de  l'Ecole  normale  d'instituteurs  de  Besan- 
çon; rue  de  la  Madeleine,  6.  —  1902. 

Saillard,  Albin  (le  docteur),  sénateur,  membre  du  conseil  gé- 
néral du  Doubs,  place  Victor  Hugo,  et  à  Paris,  rue  N.-D.-des- 
Champs,  75.  —  180(). 

DE  Sainte-Agathe  (le  comte  Joseph),  avocat,  archiviste-paléo- 
graphe, rue  d'Anvers,  3.  —  1880. 

Sangey,  Alfred,  négociant,  rue  d'Alsace.  —  1899. 

Savoye,  Henri,  artisie  peintre,  à  la  Bouloie  (banlieue).  — 
1901. 

Simonin,  architecte,  rue  du  Lycée  Victor  Hugo,  13.  —  1892. 

Sire,  Georges,  correspondant  de  l'Institut,  essayeur  de  la  Ga- 
rantie, rue  de  la  Mouillère,  aux  Chaprais.  —  1847. 

Thouvenin,  François-Maurice,  pharmacien  supérieur,  profes- 
seur à  l'Ecole  de  médecine  et  de  pharmacie.  Villa  St-Yves,  à  la 
Croix  d'Arènes.  — 1890. 

Thuriet,  Maurice,  avocat  général  à  la  Cour  d'appel  de  Besan- 
çon, rue  du  Perron,  16.  -  1901. 

Truchi  de  Varennes  (vicomte  Albéric  de),  rue  de  la  Lue,  9. 
—  1900 

Vaissier,  Alfred,  conservateur  du  Musée  archéologique,  Grande- 
Rue,  109.  —  1876. 

Vaissier,  Georges  (le  docteur),  Grande-Rue,  109.  —  1898. 

'  Vandel,  Maurice,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  à  la 
Rochetaillée,  par  Saint-Uze  (Drôme).  —  1890. 

*  Vautherin,  Raymond,  ancien  capitaine  du  génie,  villa  Sainte- 
Colombe,  rue  des  Vieilles-Perrières.  —  1897. 


—  314  — 

MM. 

Vernier,  Léon,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  Sainte- 
Anne,  10.  —  1883. 

Vieille,  Gustave,  arcliilecte,  inspecteur  départemental  des 
sapeurs- pompiers,  rue  des  Font enot tes,  sous  Beauregard.  — 
1882. 

Wehrlé,  négociant,  rue  Battant,  11.  —  1894. 


-  315  — 

Membres    correspondants   (101). 
MM. 

•  Almand,  Victor,  capitaine  du  génie,  orficier  d'ordonnance  du 
général  Carette  ;  à  Marseille. 

André,  Ernest,  notaire;  rue  des  Promenades,  17,  Gray  (Haute- 
Saône).  —  1877. 

•  Bardet,  juge  de  paix;  à  Brienne  (Aube).  —  1886. 

Barbey,  Frédéric,  archiviste  paléographe;  rue  de  Luxembourg, 
32,  à  Paris,  et  au  château  de  Valleyres,  canton  de  Vaud.  — 
1903. 

Bertin,  Jules,  médecin  honoraire  des  hospices  de  Gray  (Haute- 
Saône),  quai  du  Saint-Esprit,  1.  —  1897. 

Bettend,  Abel,  imprimeur-lithographe;  Lure  (Haute-Saône). 
—  1862. 

Bey-Rozet,  Charles,  propriétaire  et  pépiniériste;  à  Marnay 
(Hte-Saône).  —  1890. 

Bixio,  Maurice,  agronome,  membre  du  conseil  municipal  de 
Paris;  Paris,  quai  Voltaire,  17.  —  1866. 

Bizos,  Gaston,  recteur  de  l'Académie  de  Bordeaux.  —  1874. 

KoissELET,  Joseph,  avocat  ;  Vesoul  (Haute-Saône).  —  1866. 

Bouton,  René,  juge  au  tribunal  de  Baume-les-Dames.  —  1903. 

•  Bredin,  professeur  honoraire;  à  Conflandey,  par  Port- sur- 
Saône (Haute-Saône).  —  1857. 

•  Briot,  docteur  en  médecine,  membre  du  conseil  général  du 
Jura;  Chaussin  (Jura).  —  1809. 

DE  Broissia  (le  vicomte  Edouard  Froissard)  ;  à  Blandans,  par 
Domblans  (Jura).  —  1892. 

Brune  (l'abbé),  Paul,  curé-doyen  de  Mont-sous- Vaudrey,  corres- 
pondant des  Comités  des  Travaux  historiques  et  des  Monu- 
ments historiques  au  Ministère;  Mont-sous-Vaudrey  (Jura).— 
1903. 

■  Bruand,  Léon,  inspecteur  des  forêts;  Paris,  rue  de  la  Planche, 
11  6w.  — 1881. 

Burin  du  Buisson,  préfet  honoraire;  à  Besançon,  rue  Moncey, 
0,  et  à  Cramans  (Jura).  —  1878. 

Chapoy,  Henri,  avocat  à  la  Cour  d'appel  ;  Paris  (VJc),  rue  Bona- 
parte, 33.  —  1875. 


-  .118  ^ 

MM. 

Madiot,  Victor-François,  pharmacien  ;  Jiissey  iH.iute-Saône).  — 

1880. 
Maire,  André,  étudiant  à  la  Sorbonne;  Paris,  rue  de  Sontay,  i. 

—  1903. 

Maire,  Victor-Louis,  capitaine  au  22©  régiment  colonial,  bre- 
veté des  langues  orientales;  rue  Mégevand,  13,  Besançon.— 
1903. 

Marquiset  (le  comte  Alfred),  rue  Gounod,  1,  à  Paris.  —  1897. 

•  Massing,  Camille,  manufacturier  à  Puttelange-lez-Sarralbe 
(Lorraine  allemande).  —  1891. 

DE  Marmier  (le  duc),  membre  du  Conseil  général  de  la  Haute- 
Saône;  au  château  de  Ray-sur-Saône  (Haute-Saône).  — 
1867. 

de  Menthon  (le  comte  René);  Menthon-Saint-Bernard  (Haute- 
Savoie),  et  château  de  Saint-Loup-Iez-Gray,  par  Sauvigney-Iez- 
Angirey  (Haute-Saône).  —  1854. 

Mevnier  (le  docteur),  Joseph,  médecin  principal  de  l'armée  ter- 
ritoriale ;  aux  Eterpas-Vallorbe  (Suisse).  —  1876. 

'  DE  Montet,  Albert  ;  Chardon  ne-su  r-Vevey  (Suisse).  —  1882. 

DE  Moustier  (le  marquis),  député  et  membre  du  Conseil  géné- 
ral du  Doubs;  château  Bournel,  par  Rougemont  (Doubs;,  et 
Paris,  avenue  de  l'Aima,  15.  —  1874. 

DE  Moustier  (le  Comte  Lioneli  ;  château  Bournel  (Doubs) 
et  avenue  de  l'Aima,  17,  à  Paris.    -    1903. 

Paris,  docteur  en  médecine;  Paris,  rue  du  Cherche-Midi.  — 
1866. 

Perronne,  Marcel,  ancien  conseiller  de  préfecture;  Dijon.  — 
1903. 

•  F^ERROT  (l'abbé),  F.-Xavier,  curé-doyen  de  Mandeure  (Doubs). 

—  1902. 

'  PiAGET,  Arthur,  archiviste  cantonal  et  professeur  à  TAcadémie 
de  Neuchàtel  (Suisse).  —  1899. 

PiDOUX,  André,  archiviste  paléographe,  avocat  slagiiure,  rue 
du  Collège,  à  Dole.  (Jura).  -  1901. 

PiQUARD,  Léon, docteur  en  médecine;  àChalèze  (Doubs).—-  1890. 

Piquerez,  Charles,  explorateur;  à  Besançon,  rue  de  Fontaine- 
Argent.  — 1898. 


—  3i9  — 

MM. 

PiROUTET,  Maurice,  géologue;  à  Salins.  —  1898. 
QuENOTjProsper,  instituteur  à  Orchamps-lez  Dole  (Jura).      lOOîf 
flAMBAUD,  Alfred,  ancien  sénateur,  membre  du  Conseil  général 

du  Doubs,  ancien  ministre  de  l'Instruction  publique  et  des 

Beaux-Arts;  Paris,  rue  d'Assas,  76.  —  1881. 

*  Reboul  de  la  Julhière,  au  chAteau  du  Grand-Vaire  (Doubs). 

—  1903. 

Reeb,  E.,  membre  correspondant  de  l'Académie  des  sciences, 

président  honoraire  de  la  Société  de  pharmacie  d'Alsacc-Lor- 

raine;  à  Strasbourg.  —  1901. 
Henauld,  Ferdinand,  botaniste,  ancien  commandant  du  palais 

de  Monaco;  rue  des  Templiers,  à  Vence  (Alpes-Maritimes).  — 

4875. 
Richard,  Auguste,  pharmacien;  Nice,  rue  Miron,  27,  et  Autet 

(Haute-Saône).  —  1876. 

*  Richard,  Louis,  médecin-major  de  1»**  classe  fi  Belforl,  5,  fau- 
bourg de  Lyon.  —  1878. 

Ripps  (l'abbé),  curé  d'Arc-lez-Gray  (Haute-Saône).  —  1882. 
RouzET,  Charles-François,  architecte;  à  Dole  (Jura).  --  1898. 
Roux,  Roger,  substitut  du  procureur  de  la  République;  Vesoul. 

—  1903. 

RoY,  Emile,  professeur  à  la  faculté  des  lettres  de  Dijon,  rue 

de  Mirande,  9.  —  1894. 
Roy,  Jules,  professeur  à  l'Ecole  des  Chartes  ;  Paris,  rue  Spon- 

tini,  9.  —  1867. 

*  Saillard,  Armand,  négociant;  Villars-lez-Blamont  (Doubs). 

—  1877. 

SCHLAGDENHAUFFEN,  directeur  honoraire  de  l'Ecole  de  pharma- 
cie de  Nancy,  63,  rue  de  îwetz.  —  1901. 

Travelet,  Nicolas,  propriétaire,  maire  de  Bourguignon-lez- 
Morey  (Haute-Saône).  —  1857. 

'  Travers,  Emile,  ancien  archiviste  du  Doubs,  ancien  conseiller 
de  préfecture;  Caen  (Calvados),  rue  des  Chanoines,18.  —  1869. 

•Tripplin,  Julien,  représentant  de  l'horlogerie  bisontine  et 
vice-président  de  l'Institut  des  horlogers;  Londres  :  Bartlett's 
Buildings,  5  (Holborn  Circus),  E.  G.,  et  Belle-Vue  (Heathfield 
Gardens,  Chiswick,  W).  —  1868. 


—  320  — 

MM. 

TuETEY,  Alexandre,  sous-chef  de  la  section  législative  et  judi- 
ciaire aux  Archives  nationales;  Paris,  quai  de  Bourbon,  45. 
1863. 

Vaissier,  Jules,  fabricant  de  papiers;  Nice.  —  1877. 

Vendrely,  pharmacien  ;  Champagney  (Haute-Saône).  —  1863. 

Vernerev,  notaire,  membre  du  Conseil  général  du  Doubs  ; 
Amancey  (Doubs).  —  1880. 

•  Wallon,  Henri,  agrégé  de  l'Université,  manufacturier;  Rouen, 
Val  d'Eauplet,  48.  —  1868. 


-  â2i  -- 


MEMBRES  DE  LÀ  SOCIÉTÉ  DÉGÉDÉS  EN  1904-1905 


MM. 

BÉJANiN,  Léon,  propriétaire  à  Besançon.  1885 
Bruchon  (le  docteur),   professeur  honoraire  de  l'Ecole 

de  médecine,  médecin  des  Hospices.  1860 
Chotard,  ancien    professeur,   doyen  de  la  Faculté  des 

Lettres  de  Glermont-Ferrand,  à  Paris.  1866 

CouLON  (Henri),  avocat.  1856 

Ethis  (Edmond).  1860 

Gaussin,  ancien  secrétaire  des  Facultés,  à  Blamont.  1891 

Grosricharu,  pharmacien.  1870 

Larmet  (Jules),  médecin-vétérinaire.  1884 

Mathey,  pharmacien,  à  Ornans.  1856 
Renaud  (Alphonse),  sous-chef  à  la  direction  générale  de 

l'Enregistrenjent,  à  Paris.  1869 

HossiGNOT  (l'abbé  Auguste),  bibliothécaire  à  l'Archevêché.  1885 

RiGNY  (le  chanoine),  ancien  curé  de  Saint-Pierre.  1886 

Saglio,  directeur  des  Forges  d'Audincourt.  1896 

Saillard  (Eugène),  ancien  directeur  des  Postes.  1879 

DE  Saussure  (Henri),  à  Genève.  1854 

SuCHET  (le  chanoine).  1894 

DE  Vezet  (le  Comte  Edouard).  1870 


21 


—  322  — 


SOCIÉTÉS  CORRESPONDANTES  (f74) 


Le  iniltésime  indique  l'année  dans  laquelle  ont  commencé  les  relation<<. 


FRANGE. 

Comité  des  travaux  [historiques  et  scientifiques  près  le 
Ministère  de  l'Instruction  publique  [cinq  exemplairrn 
des  Mémoires) .    .     1856 

Ain. 

Société  dT.mulation  de  l'Ain  ;  Bourp 1868 

Société  des  sciences  naturelles  de  rAin;  Bour^^ 18^4 

Aisne. 

Société  académique  des  sciences,  arts,  belles-lettres,  agri- 
culture et  industrie  de  Saint-Quentin 1862 

Société  historique  et  archéologique  de  Clïâleau- Thierry.     1898 

Allier. 

Société  des  sciences  médicales  de  l'arrondissement  de 
(jannat 1851 

Société  d'Emulation  et  des  Beaux-arts  du  Bourbonnais  ; 
Moulins 1860 

Revue  scientifique  du  Bourbonnais  et  du  centre  de  la 
France  ;  Moulins 1894 

Alpes-Maritimes. 

Société  des  lettres,  sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes  ; 
Nice 1867 

Alpes  (Hautes-). 
Société  d'études  des  Hautes-Alpes;  Gap 1884 


—  323  — 

Aube. 
Société  académique  de  l'Aube  ;  Troyes 4867 

Aveypon. 
Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  l'Aveyron;  Rodez.     1876 

Belfort  (Territoire  de). 
Société  Belfortaine  d'Emulation 1872 

Bouches-du-Rhône . 

Société  de  statistique  de  Marseille 1867 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Marseille.    1867 

Calvados. 
Académie  de  Caen 1868 

Charente. 

Société   historique    et    archéologique    de   la    Charente; 
Angoulôme 1877 

Charente-Inférieure . 

Société  des  archives  historiques  de  la  Saintonge  et  de 
l'Aunis;  Saintes .     1883 

Cher. 

Société  des  antiquaires  du  Centre  ;  Bourges 1876 

C6te-d'Or. 

Académie  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de  Dijon  .  .  1856 
Commission  des  antiquités  du  département  de  la  Côte- 

d'Or;  Dijon .  1869 

Société   d'archéologie,   d'histoire    et    de    littérature   de 

Beaune 1877 

Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  Semur  .  1880 

Société  bourguignonne  de  géographie  et  d'histoire;  Dijon.  1888 
Revue  bourguignonne  de  renseignement  supérieur  publiée 

par  les  professeurs  des  Facultés  de  Dijon 1891 


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Gttd. 

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Garomie  Haute.. 

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-r 1875 

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.\ 1807 

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t  L     .r»r:.iie  de  Bordejux 1878 


—  325  — 

Hérault. 

Académie  de  Montpellier 1869 

Société  archéologique  de  Montpellier 1869 

Société  d'étude  des  sciences  naturelles  de  Béziers  .  .    .     1878 

nie -et- Vilaine 

Société   archéologique  du  département  d'Ille-et-Vilaine  ; 
Rennes 1894 

Isère. 

Société  de  statistique  et  d'histoire  naturelle  du  départe- 
ment de  l'Isère  ;  Grenoble 1857 

Société  Dauphinoise  d'ethnologie  et  d'anthropologie.   .    .     1898 

Jura. 

Société  d'Emulation   du  département  du  Jura;  Lons-le- 

Saunier 1844 

Revue  viticole  de  Franche-Comté  cl  de  Bourgogne  ;  Poligny.    1895 

lioir-et-CSher. 

Société  historieiue  et  archéologique  du  Vendomois;  Ven- 
dôme   1898 

Loire. 

Société  d'agriculture,  industrie,  sciences,  arts  et  belles- 
lettres  du  département  delà  Loire;  Saint-Etienne.   .   .     1866 
Société  de  la  Diana,  à  Montbrison.  . 1895 

Loire-Inférieure. 

Société  des  sciences  naturelles  d.e  l'Ouest  de  la  France  ; 
Nantes 1891 

Loiret. 

Société  archéologique  de  l'Orléanais  ;  Orléans 1851 

Maine-et-Loire. 

Société  industrielle  d'Angers  et  du  département  de  Maine- 
et-Loire;  Angers 1855 

Bibliothèque  de  la  Ville  ;  Angers 1857 


—  326  — 


Société  lies  sciences  naturelles  de  Cberh»ourg 18»>4 

Marne. 

$*jciélé  d'a^iriciilture,  commerce,  sciences  et  arts  du  dé- 
partement de  la  Manie;  Cliàlons  1856 

Société  d'études  des  sciences  naturelles;  Reims  ....     !9(G 

ICame  (Haute- 1. 

Société  archéologique  de  Lan  grès 1874 

Meurthe-et-Moselle. 

S<jciélé  des   s-'iences   de  Nancy   (ancienne   S«»ciété  des 

sritMiues  naturelles  de  Slrasbourji; IStiti 

i>«jciélé  d'iirchéolo^'ie  Lorraine,  à  Nancy l8St'» 

Mense. 

Société  pol>  mathique  de  Verdun 1851 

Morbihan. 

Société  polymalhique  du  Morbihan;  Vannes 1864 

Nord 

Société  d'émulation  de  Roubaix 1895 

Oise. 

Société  historique  de  Compiègne 1886 

Pyrénées  (Basses-). 

Société  des  sciences,  arts  et  lettres  de  Pau 1873 

Société  des  sciences  et  arts  de  Bayonne 1884 

Pyrénées  Orientales. 

S<:»eiété  agricole,  scientilîque  et  littéraire  des  Pyrénées- 
Orientales;  Perpignan 1856 

Rhône. 

ScM'iétê  d'agriculture  et  d'histoire  naturelle  de  Lyon  .    .    .     1850 
Société  littéraire,  historique  et  archéologique  de  Lyon.    .     1856 


—  327  — 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Lyon  .   .  1860 

Annales  de  l'Université  de  Lyon,  quai  Claude-Bernard,  18.  1896 

Saône-et-Iioire . 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Chalon-sur-Saône.  .  1857 
Société  des  sciences  naturelles  de  Saône-et-Loire  ;  Cha- 
lon-sur-Saône    1877 

Société  Eduenne  ;  Autun 1846 

Société  d'histoire  naturelle  d'Aut un 1888 

Société  d'histoire  naturelle  de  Mâcon 1896 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Màcon    .  1902 

Saône  (Haute-). 

Société  d'apr. ,  sciences  et  arts  de  la  Haute-Saône  ;  Ve.soul .  1 861 

Société  d'encouragement  à  l'agriculture  ;  Vesoul 1881 

Société  des  sciences  naturelles  ;  Vesoul 1896 

Société  grayloise  d'Emulation;  Gray 1898 

Sarthe. 

>>ociété  d'agricult.,  sciences  et  arts  de  la  Sarthe-,  Le  Mans.  1869 

Société  historique  et  archéologique  du  Maine  ;  Le  Mans  .  1879 

Savoie. 

Académie  de  Savoie;  Chambéry 18(>9 

Société  Savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie;  Chambéry.  1898 

Savoie  (Haute-). 

Société  Florimontane  ;  Annecy 1871 

Seine. 

Association  française  pour  l'avancement  des  sciences  .   .  1879 
Association  pour  l'encouragement  des  éludes  grecques 

en  France;  rue  de  l'Abbaye,  12,  F^aris 1878 

Institut  de  France;  Paris 1872 

Musée  Guimet;  avenue  du  Trocadéro,  30 1880 

Omis,  bulletin  du  comité  ornithologique  international  ; 

Paris,  boulevard  Saint-Gerrnain,  120 1900 

Polybiblion;  rue  Saint-Simon,  4  et  5,  Paris 1894 

Revue    épigraphique,    Lihrciirie  E.  llenoud,   rue   Bona- 
parte, 28 1900 

Société  des  antiquaires  de  France;  Paris 1867 


-  328  - 

So  ciélé  d'anthropologie  de  Paris,  rue  de  TEcole  de  Méde- 
cine, 15 1883 

Société  de  biologie,  boulevard  Saint-Germain,  22  ...    .  1880 

Société   de  botanique   de  France  ;  rue  de  Grenelle,  24.  1883 

Société  d'histoire  de  Paris  et  de  Tlle  de  France 188^ 

Société  philomathique  de  Paris,  rue  des  Grands-Àugus- 

tins,  7 1880 

Société  philolechnique  de  Paris,  rue  d'Orléans  ;  Neuilly- 

sur-Seine 1872 

Société  française  de  physique,  rue  de  Rennes,  44.   .   .   .  1887 

Société  de  secours  des  amis  des  sciences 1858 

Société  de  spéléologie,  rue  des  Grands-Augustins,  7.    .   .  1897 

Société  zoologique  de  France,  rue  Serpente,  28 1880 

Seine-Inférieure . 

Commission  dé|)artementale  des  antiquités  de  la  Seine- 
Inférieure;  Rouen 1869 

Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Rouen  .  1879 

Société  libre  d'Emulation  de  la  Seine-Inférieure;  Rouen.  1880 

Société  havraise  d'études  diverses;  le  Havre 1891 

Seine-et-Oise. 

Société  des  sciences  naturelles  et  médicales  de  Seine-et- 
Oise  ;  Versailles 18(>i 

Société  des  sciences  morales,  belles-lettres  et  arts,  à 
Versailles 1896 

Somme 

Société  des  antiquaires  de  Picardie;  Amiens 1869 

Société  d'Emulation  d'Abbeville 1894 

Tarn-et-Garonne. 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Tarn-et-Garonne  ; 
Montauban 1894 

Vienne. 
Société  des  antiquaires  de  l'Ouest;  Poitiers 1867 

Vienne  (Haute-). 
Société  historique  et  archéolog.  du  Limousin;  Limoges.     1852 


—  329  ~ 

Vosges. 
Société  d'Emulation  du  département  des  Vosges  ;  Epinal.    1855 
Société  philomathique  vosgienne;  Saint-Dié 1876 

Tonne. 
Société  des  sciences  historiques  et  naturelles  de  l'Yonne; 
Auxerre 1852 

AIjGERIE. 

Société  historique  algérienne  ;  Alger 1870 

AIiLEMAGIŒ. 

Académie  impériale  et  royale  des  sciences  de  Berlin 
(Sitzungsherichte) 1879 

Société  botanique  de  la  province  de  Brandebourg; 
Berlin 1877 

Société  des  sciences  naturelles  de  Brème  (Naturwissen- 
schafilicher  Verein  zu  Bremen) 1866 

Société  des  sciences  naturelles  de  Fribourg  en  Brisgau 
(Bade) 1892 

Société  des  sciences  naturelles  et  médicales  de  la  Ilaute- 
Hesse  (Oberhessische  Gesellschaft  fur  Natur  und  Heil- 
kunde)  ;  Giessen 1853 

Société  philosophique  et  littéraire  de  Heidelberg  (à  la  bi- 
bliothèque de  l'Université) 1898 

Société  royale  physico-économique  de  Kœnigsberg  (Kœ- 
nigliche  physikalich-œkonomische  Gesellschaft  zu  Kœ- 
nigsberg) ;  Prusse 1861 

Académie  royale  des  sciences  de  Bavière,  à  Munich 
(Kœnigl.  Bayer.  Akademie  der  Wissenschaften  zu 
Munchen) 1865 

Université  de  Tubingue  (à  la  Bibliothèque) 1901 

AIiSAGE-LORRAII9E 

Société  d'histoire  naturelle  de  Colmar 1860 

Société  d'histoire  naturelle  de  Metz 1895 

Société  des  sciences,  agriculture  et  arts  de  la  Basse- 
Alsace  ;  Strasbourg 1880 


—  330  — 

ANGIiETERKB. 

Société  littéraire  et  philosophique  de  Manchester  (Litte- 
raiy  and  philosophical  Society  of  Manchester) 1859 

AUTRICHE. 

Institut  impérial  et  royal  de  géologie  de  l'empire  d'Au- 
triche (Kaiserlich-kœniglich-geologische  Reichsanslalt)  ; 
Vienne ISàO 

Muséum  impérial  et  royal  d'histoire  naturelle  de  Vienne.     1889 

BELGIQUE. 

Académie  d'archéologie  de  Belgique;  Anvers, rue  Lozane, 

22 1885 

Académie  royale  de  Belgique;  Bruxelles 1868 

Société  d'archéologie  de  Bruxelles,  rue  Ravenstein,  11.   .  1891 

Société  des  Bollandistes;  Bruxelles,  rue  des  Ursulines,  14.  1888 

Société  géologique  de  Belgique;  Liège 1876 

Revue  bénédictine  de  l'abbaye  de  Maredsous 1892 

ITALIE. 

Académie  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Modène  ....     1879 
H.  Deputazione  sovra  gli  Studi  di  Storia  Patria;  Torino.  .     188^1 

LUXEMBOURG. 

Société  des  sciences  naturelles  du  grand  duché  de  Luxem- 
bourg; Luxembourg *   .   .  .    .     1854 

PORTUGAL. 

Direction  des  services  géologiques  du  Portugal  ;  Lis- 
bonne, rua  do  Arco  a  Jesu,  113 1885 

SUÈDE  ET  NORVÈGE. 

Académie  royale  suédoise  des  sciences,  Stockholm  .    .   .  1869 
Kongl.    Vetterhets  historié  och  antiquitets   Akademian , 

Sto(îkholm 1898 

The  gnological  institution  of  the  University  of  Upsala.  .   .  1895 

Université  loyale  de  Christiania 1877 


331 


sxnssE. 

Société  des  sciences  naturelles  de  Bàle 1872 

Société  des  sciences  naturelles  de  Berne 1855 

Société  générale  d'histoire  suisse  (à  la  Bibliothèque  de 

la  Ville),  à  Berne 1880 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Genève;  rue  de 

l'Evèché -.    .    .   . 1863 

Institut  national  de  Genève 1866 

Société  vaudoise  des  sciences  naturelles  ;  Lausanne  .   .   .  1847 

Société  d'histoire  de  la  Suisse  romande;  Lausanne  .   .   .  1878 

Société  neuchateloise  des  sciences  naturelles;  Neuchatel.  1862 

Société  d'histoire  et  d'arctiéologie  de  Neuchatel 1865 

Société  neucliateloise  de  géographie  :  Neuchatel 1891 

Société  jurassienne  d'Emulation;  Porrentruy  .....    .  1861 

Société  des  sciences  naturelles  de  Zurich 1857 

Société  des  antiquaires  de  Zurich  (à  la  Bibl.  de  la  Ville).  1864 
Indicateur  des  Antiquités  suisses  (Anzeiger  fur  Schweize- 

rische  Alterthumskunde),  Neue  Folge,  1,  Zurich.   .   .   .  1899 

AMÉRIQUE. 

Société  d'histoire  naturelle  de  Boston 1865 

Lloyd  Library  ;  Cincinnati  (Ohio) 1904 

Wisconsin  Geolog.  aod  Natural  History  Survey  ;  Madison.  1901 

Wisconsin  Natural  llistory  Society;  Milwaukee  ...       .  1901 

Geographical  Society  of  Philadelphia 1896 

Academy  of  St- Louis  (Missouri) -1897 

Institut  Smithsonien  de  Washington 1869 

United  States  geological  Survey;  Washington 1883 

Musée  national  ;  Montevideo 1901 


—  332  — 

ÉTABLISSEIEIITS  PUBLICS  (32) 

Recevant  les  Mémoires. 


Bibliothèque  de  la  ville  de  Besançon. 

Id.  populaire  de  Besançon. 

Id.  de  TEcole  d'artillerie  de  Besançon. 

Id.  de  rUniversité  de  Besançon. 

Id  de  TEcoIe  de  médecine  de  Besançon. 

Id.  du  Chiipitre  métropolitain  de  Besançon. 

Id.  du  Séminaire  de  Besançon. 

Id.         de  TEcole  normale  des  instituteurs  de  Besançon. 

Id.  du  Cercle  militaire  de  Besançon. 

Id.  de  la  ville  de  Montbéliard. 

Id.         de  la  ville  de  Pontarlier. 

Id.  de  la  ville  de  Baume-les-Dames. 

Id.         de  la  ville  de  Vesoul. 

Id.  de  la  ville  de  Gray. 

Id.  de  la  ville  de  Lure. 

Id.  de  la  ville  de  Luxeuil. 

Id.  de  la  ville  de  Lons-le-Saunier. 

Id.  de  la  ville  de  Dole. 

Id.  de  la  ville  de  Poligny 

Id.  de  la  ville  de  Salins. 

Id.  de  la  ville  d'Arbois. 

Id.  de  la  ville  de  Saint-Claude. 

Id.  du  Musée  national  de  Saint-Germain-en-Laye. 

Id.  Mazarine,  à  Paris. 

Id.  de  la  Sorbonne,  à  Paris. 

Id.  de  TEcole  d'application  de  l'artillerie  et  du  génie, 

à  Fontainebleau. 

Id.  du  Musée  ethnographique  du  Trocadéro,  à  Paris. 

Id.  du  British  Muséum,  à  Londres.  (Librairie  Dulau  et 

Ci«,  Londres,  Soho  Square,  37.) 
Archives  départementales  de  la  Côte-d'Or. 
Id.  du  Doubs. 

Id.  de  la  Haute-Saône. 

Id.  du  Jura. 


TABLE  DES  MATIERES  DU  VOLUME 


PROCÈS-VERBAUX. 

Allocution  de  MM.  Nargaiid  et  Frangky,  présidents  sortant 
et  entrant p.  v 

Les  Héraults  d'armes  et  les  Arrnoriaux  franc-comtois,  par 
M    J.  Gauthier p.  vi 

Bas-relief  donné  au   musée   d'archéologie,   décrit  par  M.  A 

VaISSIER p.   VII 

Don  au  Musée  d'archéologie,  par  M.  Nardin p.  vu 

Régle'nenl  de  la  pension  des  frères  Grenier p.  viii 

Les  Cloches  franc-comtoises,  par  M.  J.  Galtiiier p.  vin 

Vœu  pour  la  restauration  de  l'Eglise  abbatiale  de  Moiilbenoit.  p.  ix 

Notice  sur  M.  Louis  Bouvard,  par  M.  Fran'CEY p.  x 

Les    Livres   de  raison   de   paysans  franc-comtois,  par  M.  J. 

Gauthier p.  xi 

La  destruction  des  monuments  de  Vesontio,  par  M.  A.  Vais- 

SIER p.  X4 

La  cheminée  monumentale  de  Casenat  au    musée  de  Dole, 

par  M.  J.  Gauthier p.  xi 

Fouilles  à  Argilliéres  (Haute-Saône)  par  M.  l'abbé  Rosskjnot.  p.  xiii 
Une  description  de  Besançon,  île  Hugues  Babet,  en  1552,  par 

M.  J.  Gauthier p.  xm 

Sophie  de  Monnier  et  Mirat>eau,  d'après  M.  Paul  Cottin,  par 

M.  J.  Gauthier p.  xiv 

Un  livre  d'heures  du  xv^  siècle,  par  M.  J.  Gauthier p.  xvi 

Les  épaves  de  la  bibliothèque  de  Granvelle,  hors  de  Besan- 

çon,  par  M.  J.  Gauthier p.  xvi 

Notice  sur  le  sculpteur  Jean  Petit,  par  M.  Thuriet p.  xix 

L'Egypte,  par  M.  le  commandant  Almand p.  xxi 

Charles  Duvernoy,  de  Montbéliard,  par  M.  J.  Gauthier p.  xxi 

Présentation  d'un  objet  satirique  contre  un  magistrat  du  par-       ^ 

lement  Maupeou,  à  Besançon,  par  M.  J.  Gauthier p.  xxii 

Compte-rendu  du  Congrès  de  l'Association  franc-comtoise,  h 

Lons-le- Saunier p.  xxiv