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Full text of "Mémoires de la vie de Jean Parthenay-Larchevêque, sieur de Soubise: accompagnés le lettres ..."

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Ml'-MOIRliS Dl£ LA VI1-: 

DE PARTHENAY-LARCHEVÈQl E 

SIEUR DK SOUBISK 



Tiré ù P>00 exemplaires tous iiunicrotôs. 



■X' 




Palis. Typ. Deurbergub, boulevard de Vaugirard, 113 



JiJÉMOIRES DE LA VIE 

DE JEAN 

DE PARTHENAY-LARCHEVÊQUE 

SIEUll DE SOUBISE 

de Lettres relatives aux Guerres d'Italie sûus Henii II 

et au Sicge de Lyon 

(1562-15G3) 

^vec une Tréface & des 'Niâtes 

JULES BONNET 




PARIS 

LÉON WILLEM, LIBRAIRE 

ï, SUE DES POITEVINS 
1879 




■J 



I0^3t050-\qc 



M. Alfred ANDRE 

EN SOUVENIR DES GRANDS CARACTÈRES 

ET DES BELLES AMES 

DU XVI* SIÈCLE. 

.1. B. 



PREFACE. 



Le XVI® siècle^ objet de tarit de curieuses 
recherches et de savantes publications^ réserve 
toujours de nouvelles découvertes à ceux qui Vé- 
tudient avec amour ^ et cherchent dans les docu- 
ments originaux une révélation plus exacte du 
passé. Au premier rang des sources à interro- 
ger^ se placent les correspondances des person- 
nages historiqtieSj qui nous initient aux secrets de 
leurs pensées et aux mobiles de leurs actions. Les 
lettres écrites au mom£nt où les événements se 
passent^ et destinées à les préparer^ à les accom- 
plir ^ ou à I^ raconter f sontj comme Va si bien 
dit M. Mgnety les plus précieux matériaux de 
Vhistoire, et notre époque en a su tirer un 
merveilleux parti. Puis viennent les mémoires 



— IV — 

composés après coiip^ par les acteurs eux- 
mêmes^ ou par des tC^nioins plm ou moins au- 
torisés de leur vie, Cest un premier essai de 
biographie j où perce une intention apologétique; 
mais qui rCen offre pa^ moins d^utiles rensei- 
gnements à r historien. 

Tel est assurément le cas des Mémoires, pu- 
bliés pour la première fois dans le Bulletin de 
LA Société de l'Histoire du Protestan- 
tisme FRANÇAIS (t. XXIII et XXrV) et danJt 
on réimprime ici le texte revu et corrigé avec 
soin. Le personnage historique j dont il évoque 
la destinée y méritait une place dans la galerie 
des Hommes illustres et des grands Capi- 
taines FRANÇAIS de Brantôme J où il ne brille 
que par son absence. Entre Guise et Coligny^ 
dans le groupe formé par Montmorency i^ Ne- 
mours ^ TavaneSy Montluc et les Strozzi^ on 
s'étonne de ne pas rencontrer Jean de Par- 
theruiy-V Archevêque y sieur de Soubise^ mêlé 
comme eux atix guerres d^ Italie y aux troubles 
de religion^ et qui sut demeurer patriote en com^ 
battant sous le drapeau réformé. Parmi les 
lieutenants de Condé nul ne put dire mieux que 
lui : Pro Deo et patria dulce periculum ! 



— V — 

Tay sous les yeux un mémoire généalogique 
rédigé par 8a JUle Catherine de PartheTuiy^ qui, 
rattachant les Parthenay aux Lusignan^ nous 
transporte aux premiers âges de la monarchie. 
Sans rejnoTUer atessi katU, et en laissant à de 
plus habiles le soin de trancher une question 
elélicatCyje rC emprunterai au mémoire en ques- 
tion que des détails d'une exactitude incontes- 
table sur le héros de cette notice. 

« Jean VArcheoesque^ 5^ du nom^ seigneur 
de SoubisCj espousa Michelle de SaubonnCy dame 
d^atours de la Royne Anne (de Bretagne) de 
laquelle elle estoit fort favorisée^ et fut donnée 
par elle pour gouvernante à Madame Renée sa 
fUlCj depuis duchesse de Ferrare. Elle fut femme 
fort estimée^ tant pour sa sagesse que pour son 
entendement et grande conduit^ en affaires; 
BtuUee luirendce tesmoigruige. Elleavoitdèslors 
cognoissance de la vraye religion et y instruisit 
tous ses enfants. 

3> De ce mariage naquirent un fis et trois 
files y assavoir Jean VArcheoesqve^ et Anne y 
Charlotte et Renée de Parthenay. 

a Jean VArchevesquCy 6^* et dernier du nom^ 
seigneur de Soubise, nasquit posthume ^ et fut 



VI — 

élevé par la dite dame de Saubatme sa mère en 
la cour du grand Roy Françoys, où il fut runarry 
enfant d' honneur ^ et deptde en celle du Roy 
Henry sonfiU. En Van 1554 il fut lieutenant 
pour le Roy en Lonthardie^ et en Van 1555 et 
1556 ilftit lieutenant général pour Sa Mé^ en 
Thoscane^ et au pais Siennois. 

T> Les aigreurs qui survindrent en ce tems là 
pour le faict de la religion luy retranchèrent 
Vespéravjce de plus d'advancement, Ilenfist ou- 
verte profession bientost après P entreprise d^Am- 
boise^ en ayant eu secrette cognoissance dès le 
berceau, A Vlteure des premiers troubles j il eut 
charge de feu Monseigneur le Prince de com- 
mander à Lion et au pals lionnoiSj là où il ne 
se porta l^pas"] moins au contentement de ceux 
du pals en ce, qui dépendoit de la police j que 
de ceux qui luy en avoient commis la charge y 
en ce qui dépendoit du faict des armes. 

i> Il espousa^ en Van 1553, Antoinette d^Au- 
beterre, dame tenzce pour un mirouer de chasteté 
entre celles de son temsj et non moins estimée 
pour son bon entendement, . .. 

» Du mariage dudit Jean VArchevesque et 
d\intoinette d'Atibeterre vint tmjils^ qui mou- 



— vu — 

rut jeune y et Catherine de Parthenay^ à pré- 
sent vivante, du mariage de laquelle avec René, 
vicomte de JRoAan, prince de Léon, sont venus 
Henry, vicomte de Rohan, Benjamin de Rohan, 
seigneur de Soubise, Henriette, Catherine, du- 
chesse des Deux PotUs, et Anne, à présent vi- 
vants *. 3) 

Celle qui traçait ces lignes, en 1604, avait 
elle-même sous les yeux un document domestiqtie 
du plus grand prix, les Mémoires de la vie 
de son père, rédigés par un serviteur de sa 
maison, probablement le célèbre mathématicien 
François Viète, qui fut le précepteur, le con- 
seiller et Vami de Catherine de Parthenay. Né 
en 1540, à Fontenay-le- Comte, ce précurseur 
de Fermai et de Pascal étudia le droit à Puni- 
ver site de Poitiers, et suivit d'^ahord la carrière 
du barreau dans sa ville natale \ Il obtint plus 
tard une charge de conseiller au parlement de 
Bretagne^ quHl perdit dans les troubles de la 
Ligue, et devint maître des requêtes sous 

^ De la Généalogie de la maison de Lusignan, Mé- 
moire autographe de Catherine de Parthenay (16 pages 
in-folio). Collection de M. Benjamin Fillon. 

* Haag, France protestante j t. IX, article Viète. 



— vin — 

Henri IV j dont la protection assura le repos de 
ses derniers jours, Viète avait vingt-six ans à 
la mort du sieur de Souhise {septembre 1566). 
// V avait connu dans V intimité dufoyer^ et ses 
souvenirs personnels j ainsi que les communica- 
tions quHl dut recevoir de la famille j le ren- 
daient éminemment propre à retracer la vie du 
père de son élève. 

Des considérations puisées à une autre source 
viennent à V appui de cette conjecture. Il existe 
des Mémoires de la Vie de Souhise deux manu- 
scrits qui peuvent également prétendre au titre 
d^ originaux, Uun conservé à la Bibliothèque 
Nationale (Collection Dupuy, vol. 743, fol. 
186-219) et portant d^ assez nombreuses cor- 
rections au additions; c^est le texte qui a servi 
de base à la publication du Bulletin. Vautre^ 
qui semhle la mise au net du premier^ avec 
quelques améliorations en plus y est un cahier 
de 55 pages in-folio y appartenant à M. Du- 
goÂt-Matifeux de MontaigUy Vendée^ qui nous 
Va communique avec le plus gracieux empres- 
sement. Ces deux manuscrits y d"* écriture diffé- 
rente y ont ceci de commun quHls offrent en 
marge des sommaires de la main de Catherine 



— IX — 

de Parthenay, ainsi qm deux notes où Von ro' 
connaît celle de son ancien jyrécepteur \ 

Voici la première : 

« H/atddroit m^advertir de tous les voyages 
et camps qtd ont esté de ce temps-là^ afin de 
m^ enquérir de ce qui luy peult estre venu de 
plus notable. Je ne sçay si ce fut au voyage 
de ValcTunennes où le Boy IVançoySy après 
avoir ravitaillé Landrecy^ à la barbe de V Em- 
pereur ^, fit une retraite avecquss la lanterne^ 
qtCon estimait fort belle. Quoy que ce soit y le 
/S*" de Soubise fut faict chevalier de Vacco- 
Iode ^. » 

Est 'il téméraire de conclure de cette note 
que celui qui Va tracée est bien V auteur des 
Mémoires? Uy a plus : nous avons de la main 

* Il suffit pour s^en convaincre de les rapprocher 
d'une page quelconque de récriture de Viète, par exem- 
ple de renoncé de divers problèmes de Tillustre mathé- 
niaticîen. (Collection de M. Benjamin Fillon.) 

* Le !•' novembre 1543. 

' La seconde note n^est qu'une vague indication re- 
lative au siège de Calais : dc Se f ault souvenir que le 
siège de Chalais ne fut de longtemps après , et fut 
depuis le dernier voyage que le S' de Soubise fit en 
Italie. ]» 



— X — 

de Viète une généalogie de la maison de Par- 
thenay-Ltùsignan^ composée à V usage de son 
élèoe^ qui s^est elle-même exercée sur ce sujet. 
Or y nous lisons au délrut de la biographie de 
Jean VArcheoesque ces m/>ts adressés à sa fille : 
« Le Sieur de Soubise estoit de la maison de 
ParthcTiayy descendue de celle de Lusignan^ de 
rancienneté et illustration de laquelle je vous 
ay par cy-devant donné des Mémoires. » Ici 
plus de doute possible, Viète ne peut en effet se 
désigner plus clairement comrrie V auteur d'aune 
notice y dort le ton dégagé ^ les libres allures^ 
dénotent d"* ailleurs une plume laïque. 

Il ne reste plus qu!à déterminer la date de 
la rédaction de ce Tnorceau. Je me trouve ici 
pleinement d^ accord avec M. Dugast-Matifeux, 
qui s'' exprime ainsi : c( François Vicie ^ en ad- 
mettant^ commue c^est probable^ qu'il soit V auteur 
des Mémoires^ a dû les rédiger lorsquHl vivait 
dans l'intimité de Françoise de Rohan^ dame 
de la Garnache^ et qv!il habitait Beauvoir-sur- 
Mer^c^ est-à-dire postérieurement à Van 1577. 
Comme il y est question du siège de Fontenay 
par le duc de Montpensier^ qui eut lieu en 1574, 
ce détail seul prouve quHls ont été écrits depuis 



\ 



— XI — 

cette époqm *, et qu!ih ne peuvent être par eon- 
séqîient Vwwre du mirdstre Lcfuhat mort depuis 
longtemps. ]> 

La lecture des Mémoires ne peut que car^rmer 
cette conclusion. La distance n^ est pas grande de 
Beauvoir-sur^-Mer au Parc^ résidence favorite 
de Catherine de Parthenay^ mariée en secondes 
noces à René de Rohan. Cette distance Viète 
dut la franchir souvent pour visiter son ancienne 
élèvCy à laquelle Punissait une amitié cimentée 
par de communes preuves, Catherine excellait 
dans les lançttes anciennes; mais elle avait un 
goût très-marqué pour V histoire^ faisait collée-' 
tion de pièces historiques ^ et aimait à encou- 
rager ceux qui s* occupaient de ces belles études. 
Témoin ce fragment d'aune lettre écrite par elle 
à Jean Besly^ avocat du roi à Fontenay^ avjquel 
nous deoons une histoire des comtes du Poitou 
et ducs de Guienne : 

« Monsieur^fay appris par M. Daubigny ^ 

* L'hypothèse d'une interpolation ne paraît pas sou- 
tenable, et ne ferait que compliquer inutilement la 
question. 

* Le célèbre Agrippa d'Aubigné dont on peut lire 
la correspondance avec Catherine de Parthenay dans le 
tome I«' des Œuvres complètes du grand écrivain, dues 



— XII — 

D que V(ms estiez en intencion d^ écrire tme hi&- 
D tûire des faits acc(mplis es provinces de Poic- 
i> tau depîiisPkilippesAîifftistejusqîies au temps 
7> des troubles du siècle dernier^ que ne voulez 

> aiorder de crainte de ne garder Vimpartia- 

> Hté requise entre tous et chascun de ceux qui 
» «'y sont engagés. Je ne saurais trop louer 
i> ceste résolution^ et sHl vous plaisait d^avoir 
i> recours aux papiers et mémoires de nostre 
i> maison j qvHl vous souvienne que vous serez 
D bienvenu en les venant compulser à vostre 
i> moment et sans vous destoumer de vas af- 
i> foires, 

D Vous y trouverez ample sujets sait quant 
€ aux temps anciens, soit quant aux troubles 
j> esmeus depuis dnqtuinte ans. La matière vau^ 
3) portera peut estre à continuer jusques à nos 
i>jourSy ce que je souliaitte^ un esprit comme le 
3) vostre ne pouvant que produire œuvre prqfi- 
ï> table à la vérité et à la glaire de Dieu \ » 

aux soins de MM. Eug. Heaume et François de Caussade. 
(Collection Lemerre.) 

* Lettre sans date (1610), original autographe dans 
la collection de M. Garran de Balzan, reproduit dans 
le tome III des Archives Tiistoriques de la ville de Fon- 
tenay-Vendée, p. 295. 



— XIII — 

U auteur du remarqwoMefragmevd quHon vient 
de lire y la personne d^un cœur si hatUj et d'*tm 
esprit si rare^ qui fut la mère d'^Anne de 
Bohan^ attachait une extrême importance aux 
recherches sur V histoire de sa maison y dont 
elk reportait j non sans illusion peut-être^ la 
mystérieuse origine au berceau de la monarchie. 
Elle inspira ce goût à sesfils^ particulièrement 
à celui qui y comme capitaine et comme écrivain^ 
devait ajouter un nouveau lustre à r éclat de sa 
maison y à cet Henri de Rohan qui, confiné à 
Venise après la chute de la Rochelle et la paix 
d^AlaiSy et n'attendant qu'une occasion de 
mettre sa glorieuse épée au service de son pays, 
dans les péripéties de la guerre de Trente ans, 
qu'il suivait avec une anxiété patriotique , écri- 
vait à sa mère : 

Padoue, 24 décembre 1630. — <l Je seray 
7>fort ayse d'avoir les Mémoires que vous me 
» promettez de mon grand-père de Soubize. De 
y> tous mes prédécesseurs, sans faire tort aux 
» autres, il ny en a pas un à quij'aymosse 
y> mieux ressembler, d 

Padoue, 12 février 1631. — « Mon frère 
» i ennuyé de ne rien faire aussy bien que moy. 



— XIV — 

-^ Je The désespère point que nous ne nous voyons 
y> encore un jour employés ensemble. Il se voit 
D de plus grands miracles. . . . Voi/ez bien par^ 
y> ticulièrement tout ce que vous avez de la vie 
» de mon grand-père^ son aagcj sa mort^ et 
» quand il ruisquit. Peut estre trouvera~t-il un 
» historien au pays quHl aimoit tant \ d 

Le vœu d'^ Henri de Bohan ne s'est pas réa- 
lisé^ et la vie de son illustre axeul reste emore à 
écrire j ainsi que l<i sienne ^. La notice de Fran- 
çois Victe supplée du moins au silence de Bran- 
tÔTnCy et fournit à r historien de précieuses in- 
dications. Cest un récit grave ^ sobre y animé j 
qui rappelle, à plus d'*un égard, les Vibs de 
Plvtarque. On y remarquera de curieux dé- 
tails sur la jeunesse de Sovbise et de ses sœurs, 
qui furent V ornement de la cour de Ferrare, 
et sur les divers commandements quHl exerça en 
Italie sous Henri IL Écrivant sous la Ligue, 

* Lettres d'Henri de Rohan à sa mère Catherine de 
Parthenay, communiquées par M. Dugast-Matifeux qui 
en possède les originaux. 

* Quand aurons-nous le troisième volume de la belle 
Histoire des Princes de Qmdé, de M. le duc d'Aumale , 
où revivra le grand chef du protestantisme français? 



W 



— XV — 

Vatdeur a naturellement exagéré Vantagonisme 
de son héros et des GtdseSj à une époque où deux 
partis politiques et religieux commençaient à 
peine à se dessiner en France , et sa chrono- 
logie est assez confuse. Mais la partie la plus 
neuve des Mémoires est sans contredit celle qui 
se rapporte à la conjuration d^Amboise et aux 
préliminaires des guerres de religion. Les en-- 
tretiens de Soubise avec Catherine de Médicis 
ouvrent un nouveaujour sur cette âme astucieuse 
et perverse y dont la franchise ^ en ses rares 
accès y semble n'avoir été qu'un piège de plus. 
Un texte significatif sur un projet d'^exterminor 
tion des chefs huguenots^ conçu à ±,loulins et 
abandonné au moment de V éxecution ^ prouve 
que la pensée du crime hantait depuis longtemps 
la cour^ et fournit un argument important ^ si ce 
rCest décisifs à la thèse de la pré'^éditation de 
la Saint-Barthélémy. 

Aux Mémoires de la vie du sieur de Soubise 
réimprimés d'après le double texte de Paris et 
de MontaigUj on a cru devoir joindre un cer- 
tain nombre de lettres inédites dispersées en di- 
vers recueils^ qui en sont comme les procès justi- 
ficatives. Celles adressées de Lyon à Catherine 



— XVI — 

de Mêdieis sont particulièrement remarquables ^ 
et tout à fait dans le tan des Mémoires. J'ai 
sous les yeuXj en écrivant ces lignes^ un jeton 
aux armes de SoubisCj sur lequel sont gravés 
ces mots : Et non pcenitebit ! C^est la devise 
d^une belle vie \ 

Jules BONNET. 

' Ce jeton a été reproduit dans les Études numis- 
maUques de M. Benjamin Fillon, auquel je dois un 
juste tribut de remercîments. 



MÉMOIRES 



DE LA 



VIE DE JEHAN LARCEVESQUE 



SIEUR DE SOUBIZE 



Le S' de Soubize estoit de la maison de 
Parthenay descendue de celle de Lusignan, 
de l'ancienneté et illustration de laquelle je 
vous ay par cy devant donné des mémoires, 
principallement des Roys qui en sont sortis, 
dont il y a eu quatorze qui suivamment ont 
esté Roys de l'isle de Chypre, portans le nom 
de Lusignan, cinq ou six desquels ont été roys 
de Jérusalem et de Chypre ensemble, plu- 
sieurs ont esté ducs de Luxambourg, et aul- 

1 



très ont en de grandes alliances, comme vons 
avez pen voir par les snsdîts mémoires ^ 

Ledit sienr de Sonbize estoit nommé Jehan 
Larcevesqne, combien qne son nom ftist de 
Parthenay. Mais ses prédécesseurs Tavoient 
délaissé depuis cinq on six cens ans par la con- 
dampnation du pape, pour ce que défaillant 
le nom de la dite maison en un qui pour lors 
estoit arcevesque de Bourdeaux, qui venoit à 
la succession par la mort de deux de ses frères, 

' Voici le passage des mémoires auquel il est fait 
ici allusion : c De la race des Lusignan il y eut neuf 
Roys de Jérusalem dont le dernier fut Henry de Lusi- 
gnan surlequel les Sarrasins occupèrent le reste du pays 
par le moyen des divisions qui estoient entre eux. 

« Pour les Roys de Cypre il y en a eu dix-sept sortis 
d*eux, dont le dernier mourut Tan 1474, et les Vénitiens 
B^emparèrent du d. royaume par le moyen de Cathe- 
rine Comare sa mère qui estoit de leur ville. Ainsi il 
n*y a jamais eu au Royaume de Cypre autres Roys que 
de la maison de Lusignan. 

« Tous les susdits Roys de Cypre portoient les armes 
de Lusignan avec le lion de Cypre dessus ; les armes 
des ducs de Luxembourg estoient toutes semblables. y> 

(JOe la Généalogie de la maison de Ltisignan, mé- 
moire autographe de Fr. Viète avec des anno- 
tations de Catherine de Parthenay. Collection 
de M. Benjamin Fillon). 



— 3 — 

il Iny M permis (ayant esgard à l'antiquité 
de la maison) de se marier, à la charge que 
les fils qui descendroient de luy porteroient 
le nom de rArcevesque, et que le nom de 
Parthenay demeureroit aux filles \ Le père 
dudit S" de Soubize avoit nom Jehan Larce- 
vesque comme lui, lequel espousa dame Mi- 
chelle de Saubonne qui estoit à la Boyne Anne 
de laquelle elle estoit autant favorizée que 
jamais servante ftit de maistresse, ce que la 
Boyne luy continua toute sa vie, de sorte 
qu'elle se gouvemoit par son conseil en ses 

' a Hugues de Lusignan fut archevesque de Bor- 
deaux. Guy et Simon (ses frères) s'en allèrent en Gypre 
où ils moururent sans enfans, tellement que Hugues 
demeurant seul obtint par la faveur du Roy Loys 8"* 
dispense de se marier, et pource que la chose estoit 
diffîcille le Pappe ne Taccorda qu'avecques ceste con- 
dition qu'il imposa comme une peine, assavoir que de 
tous ses successeurs les masles porteroient le surnom 
de Archevesque et mettroient une mitre épiscopale sur 
leurs armes au lieu d'une couronne, et les filles porte- 
roient le nom de son partage qui estoit Parthenay, ce 
qui a tous jours esté observé ; et ainsy ils perdirent le 
nom de Lusignan et en retinrent les armes, s Ces der- 
niers mots ont été ajoutés de la main de Catherine de 
Parthenay. (Mémoire de Viète déjà cité.) 



— 4 — 

plus importantes affidres, la congnoîssant de 
bon entendement, non seollement en ce qui 
apartient au £Ekîct ordinaire des femmes , mais 
mesmes en affaires d'estat, en quoy elle ne 
cédoit à nulle femme ni à guères d'honmies de 
son temps. 

Elle eut de son mary trois filles, Taisnée 
desquelles fut mariée au S" de Pons de Xain- 
tonge qui est encores vivant La seconde bien 
que recherchée de plusieurs grands et avanta- 
geux partis, ne se voulut jamais marier. La 
troisième espousa le sieur de Surgëres. Après 
avoir eu les trois susdites filles, ladite dame 
de Soubize devint grosse de son quatrième en- 
fJBmt, et peu après son mary mourut, dont elle 
Bceut la nouvelle le propre jour qu'elle avoyt 
senti bouger son enfant, et comme elle estoit 
en ceste affliction, elle dit qu'elle estoit grosse 
d'un fils , ce que la Boyne et le Roy mesmes , 
ensemble tous ses amys de la court taschoient 
àluy oster de la fantasie, craignant qu'elle 
ne se fasohast si elle se trouvoit décene. Mais 
elle dist tou^*ours qu'on ne craignist point cela 
)>our ce quelle estoit asseurée, puisque Dieu 
luy uvoit envoyé si grande affliction, qu'il lui 



— 5 — 

donneroit ceste consolation, et qu^elle avoit 
ceste foy que quand bien c'eust esté une fille , 
que Dieu l'eust transmeuée en un fils. 

Au bout de son tenue, qui fut l'an mil cinq 
cens treize, elle accoucha, suivant sa persua- 
sion, d'un fils, qu'elle fit nommer Jehan du 
nom de son père, et qui fut le sieur de Soubize, 
duquel nous délibérons parler. 

Quelque temps après la Boyne vint à mou- 
rir ^, laquelle à sa mort luy recommanda Ma- 
dame Benée sa fille , qui depuis a esté duchesse 
de Ferrare, luy usant de ces mots : Madame de 
Soubize, je vous donne ma fiUe Benée, et n'en- 
tends point seulement que vous luy serviez de 
gouvernante, mais je la vous donne, et veux 
que vous luy soiez comme mère, remectant en 
eUe l'amitié que vous m'avez portée. 

Après la mort de la Boyne, la dite dame 
mémorative des commandemens de sa mais- 
tresse, quelle aymoit encores morte, comme 
elle avoit faict vivante, demeura auprès de 
Madame Benée, qui n'avoit lors que quatre ou 

' Dans les premiers jours de janvier 1514. Voir La 
Sanssaye, HUtoire du château de Bhi$, 3* édition, 
in-12, p. 173. 

1» 



-• 6 — 

cinq ans 9 se formalisant en tout ce qni des- 
pendoit de son service, aoltant qne pent faire 
une personne bien affectionnée & l'endroit de 
celle qu'elle affectionne. Cela fit qu'elle ne de- 
meura guères qu'elle ne fnst mal voulue , car 
(conmie c'est chose ordinaire aux change- 
mens de règnes) Madame la régente qui 
avoit lors la principale authorité ^ , commença 
à entreprendre contre Madame Benée et contre 
tous ceulx qui avoyent esté aymez de la feue 
Boyne, tellement qu'elle voulust luy faire 
perdre son rang, et faire aller devant elle sa 
fille qui espousa en premières nopces le duc 
d' Alençon, et depuis le Boy Henry de Navarre ; 
à quoy et plusieurs aultres choses qu'on faisoit 
contre elle, la dame de Soubize s'opposoit 
fort et ferme, de sorte que Madame la régente 
et ceulx de sa faction ne cessèrent jamais qu'iïs 
ne l'eussent chassée de la court \ 

* Louise de Savoie, mère de François I*', ne fut ré- 
gente que dix ans plus tard, après le désastre de Pavie. 
Mais elle exerça de tout temps sur son fils une influence 
souvent funeste aux intérêts de l'État 

* Madame de Soubise sut se retirer arec dignité, 
comme le témoignent les lignes suivantes d'une lettre 
au roi, datée d'Amboise, 2 juillet 1515 : € Je désire 



\ 



— 7 — 

Elle donc s'en vint en sa maison du Parc ^ ^ 
prenant peine à bien faire instruire ses en- 
fants^ et fit estudier son fils anx lettres (chose 
fort rare de ce temps là) de sorte qu'il estoit 
tenu pour un des plus scavans hommes de sa 
robe qui fust en France. Ses trois filles, les- 
quelles elle ne pensoit point faire estudier, s'y 
adonnèrent tellement, tant pour l'amour de leur 
frère avec lequel elle se mirent à apprendre, 
que pour une certaine incUnation qu'Ua y 
avoient tous, qu'elles se rendirent des plus 
doctes fenmies de leur temps, principalle- 
ment l'aisnée ^, laquelle estoit tenue non seu- 
lement pour la plus docte de France, mais 
mesmes de chrestienté, aux langues grecque 
et latine, et aultres sciences humaines ; et qui 
plus est à estimer, dès ce temps la dite dame 
de Soubize avoit congnoissance de la vraye 

plus demourer en vostre bonne grâce en ma maison 
que d'estre ici à vostre desplaîsir. i> Bibliothèque de 
Nantes. Copie communiquée par M. Prevel. 

* Le Parc-Soubise, commune de Mouchamp (Vendée). 
Ce n'est plus aujourd'hui qu'ime ruine. 

■ Anne de Parthenay, dont le célèbre critique f er- 
rarais Lilio Gregorio Giraldi a fait le plus bel éloge 
dans le second livre de son Histoires des Poètes, 



— 8 — 

religion et y instruisit ses enfants dès leor 
petitesse. 

Ainsy la dite dame demeura à sa maison 
JQsqnes à ce qne le mariage de Madame Benée 
fht accordé avec le duc de Ferrare ^ ; car lors il 
se trouva de certaines affaires qu'elle seule en- 
tendoit, et à quoy on ne pouvoit donner ordre 
sans sçavoir quelques particularitez dont la 
'Bfiiyne sa maistresse ne s'estoit fiée qu'en elle. 
Partant on fut contrainct de la mander ^ joinct 
que Madame Benée, qui assez mal volontiers 
consentoit à ce mariage , dit qu'elle ne partiroit 
point de France qu'on ne lui rendist madame 
de Soubize, ce que pour la contenter <m luy 
accorda. 

Ainsy elle revint à la court, au grand conten- 
tement d'une infinité d'amys qu'elle y avoit, 
et s'en alla avec madame Benée à Ferrare, me- 
nant avec elle sa fille aisnée que le S' de Pons 
désiroit espouser, et pour cest effect l'alla trou- 
ver à Ferrare où les nopces furent célébrées ^ 

* Le mariage de Renée avec Hercule d^Este, fils 
aînée d^ Alphonse I*, duc de Ferrare, fut célébré à Paris 
le 80 juin 1528. Les deux époux ne partirent pour 
ritalie que le mois de septembre suivant. 

' En janvier 1534. 



— 9 — 

Elle y mena anssy sa plus jeune fille, qui de- 
puis estre revenue en France, fat mariée an 
S' de Snrgères, laissant sa seconde fille à la 
court. Elle demeura à Ferrare neuf ou dix ans, 
et fat autant ajrmée et honorée que jamais 
dame françoise qui y fust, mesme du duc Al- 
phonse qu'on tenoit pour le plus grand person- 
nage d'Italie, lequel disoit n'avoir jamais parlé 
à une si sage et habille femme, et ne venoyt 
foys à la chambre de Madame de Ferrare, qui 
estoit tous les jours, qu'il ne l'entretint deux 
et trois heures, disant qu'il ne parloit jamais 
à elle qu'il n'y apprist quelque chose ^ 

Pour revenir au S' de Soubize, il fré- 
quenta fort en sa jeunesse le pays d'Italie, tant 
à l'occasion de sa mère et de ses sœurs, qui, 
comme j'ay dit, y demeurèrent longtemps, 
que pour une infinité de vertus et honneste- 
tez qui s'y peuvent apprendre, qui a faict que 
depuis il y a faict plusieurs voyages, et toute 
sa vie a aymé ce pays là sur tous aultres. 

t iifme de Sonbise quitta Ferrare le 20 mars 1536, 
après un séjour de moins de huit ans. Voir Tépttre de 
Clément Marot dans ses Œuvres, édition de La Haye , 
t. I, p. 538. 



— 10 — 

Toatesfois il fdt oontrainct de s'en absen- 
ter ponr nne telle occasion. H n'avoit pas 
pins de dix sept on dix hnict ans qn'il devint 
amonienx d'nne dame de laqneUe nn marqnis 
dndit pays Testoit anssy^ tellement qn'à tontes 
triomphes, mascarades , tonmois on anltres 
combats, ils faisoient tonsjonrs à Venvy Vxm 
de l'anltre, de qnoy le marqnis se fascbant, 
soit qn'il vist qnHl fnst pins favorisé de sa 
dame qne Iny on anltrement, nn jonr d'nn 
tonmois qn'on rompoit des lances, Iny vint 
demander s'il vonloit faire à bon escient, à 
qnoy le S' de Sonbize ne fit refns, et estans 
tons denx sortis des lices, rompans lenrbois 
l'nn contre l'antre tons armez qn'ils estoient, 
celny dn S' de Sonbise perça le marqnis de 
part en part, qni sondain tomba mort; qni 
fit qne ledit sienr, tont à cheval qn'il estoit, 
partit incontinent et retonma en France, car 
le marqnis estoit de grande maison et ses pa- 
rents en firent de grandes ponrsnittes \ 

An retonr de là il demenra à la court où il 

* On ne trouve nulle mention de ce fait dans les 
anciens auteurs ferrarais. Est-ce une raison suffisante 
do le mettre en doute ? 



— u — 

fut fort bien voulu et favorizé des plus grands , 
et surtout de Monsieur d'Orléans de qui il 
estoit des plus favoris \ Monsieur le Dauphin 
et son frère, qui fut depuis le Eoy Henry, l'aî- 
mèrent et recerchèrent aussy fort, désirans 
chascun de l'attirer à soy. Mais il ne se voulut 
jamais départir de Monsieur d'Orléans à qui 
il s'estoit du tout donné. Toutesfois comme 
celuy qui n'estoit pas né pour vivre en repos 
et sans traverses, il fut contrainct s'absenter de 
la court à l'occasion d'un nonamé Vanlay, de 
la cause de la desfaveur duquel on se pourroit 
enquérir s'il y avoit quelques uns de ce temps 
là vivants. Seulement je sçay que ledit Vanlay 
estoit aussy fort favorit de Monsieur d'Orléans 
et grand amy du S' de Soubize, et que le Eoy 
Francoys eut une telle cholère contre luy, au 
grant regret de Monsieur d'Orléans, que le- 
dit sieur de Soubize, pour estre de ses amys, 
fut contraint de se retirer de la court, et de- 
meura caché en maisons de ses amys, et quel- 
quesfois venoit voir la dame de Soubize sa 
mère, de nuict seullement, en sa maison du 

* Charles , troisième fils de François I**; il mourut 
en 1545. 



— 12 — 

Parc où elle estoît retonmée d'Italie. A la fin 
néantmoîns, il fat rappelle à la court ^ et 
mesmes par après fut employé pour le mariage 
de Monsieur d'Orléans ^ auquel l'Empereur 
Youloit donner sa niepce^ et le Boy désiroit 
qu'il pust avoir sa fille avecques la duché de 
Milan ; et pour cest effet envoie le S' de Sou- 
bize en Italie pour ceste négociation^ laquelle 
il avoit heureusement acheminée au grand 
contentement du Boy. Mais Monsieur d'Or- 
léans sur ces entrefaictes vint à mourir. 

Entre anltres choses louables qui estoient 
en luy, il avoit le naturel merveilleusement 
bon, et ajrma tousjours et honnora fort la 
dame de Soubize, laquelle , comme elle estoit 
au lict de la mort, l'envoya quérir; car combien 
qu'elle n'eust qu'une fiebvre lente dont ceulx 
qui estoient près d'elles ne faisoient cas, elle 
leur dit que la fiebvre qu'elle avoit n'estoit 
estimée dangereuse, mais telle qu'elle estoit 
elle la meneroit au tombeau ; partant fit faire 
sur l'heure trois dépesches : l'une pour man- 
der son fils, l'aultre pour envoyer quérir un 
médecin, seullement disoit-elle, pour 1» sou- 
lager pendant qu'il plairoit à Dieu qu'elle 



— 13 — 

fiist en ce monde, auqnel elle voyoit toutefois 
bien qu'elle ne pouvoit faire longue demeure. 
La troisiesme dépesche qu'elle fit, fut pour 
avoir un médecin de Pâme, et pourtant manda 
Jehan de TEspine, qui est aujourd'huy un 
des plus excellents ministres que nous ayons, 
et qui deslors (combien qu'il fust encores de 
l'ordre des Augustins), preschoit la vérité, 
conmie ont fait depuis plusieurs grands per- 
sonnages qui n'eussent osé enseigner, sinon 
au travers de la fenêtre de drap (?) ; et com- 
bien que du temps de la dite dame telles gens 
fussent bien rares, si est-ce qu'elle en a tous- 
jours eu et les a fait prescher en ses terres ; 
tellement que depuis ce temps la paroUe de 
Dieu a tousjours continué d'y estre enseignée 
purement par des moynes qui (comme dit 
est), avoient congnoissance de la religion, et 
jusques à ce que, par les édits du roy, les mi- 
nistres ont pu y prescher à descouvert. Quand 
donc le dit de l'Espine fut venu, elle voulut 
faire la cène avec ceulx de sa maison , et comme 
il luy fit demander avant que faire le presche 
si elle vouloit qu'il chantast la messe, elle 
n'y fit point de response, et comme une de ses 



— 14 — 

femmes qui pensoit qu'elle ne Feust point ouy 
le luy redemandast encore, elle luy dit en 
cholère : Non, non, c'est trop longtemps dis- 
simuler ce que nous avons dans le cœur. Ainsy, 
le presche fait, elle communiqua à la cène 
soubz les deux espèces, comme nous faisons 
aujourd'huy, laquelle cognoissance peu de gens 
avoient lors, car elle mourut dès l'an 1549. 

Quand le S' de Soubise, qui soudain avoit 
pris la poste, fiit venu, elle luy voulut com- 
mencer à déclarer les dernières choses qu'elle 
s'estoit jusques alors réservée à luy dire. Mais 
cognoissant qu'il pleuroit, elle se courrouça 
contre luy luy disant : Ostez-vous d'icy, vous 
estes indigne de vous trouver en tels actes. 
Le lendemain il la revint trouver, s'estant 
le plus qu'il avoit pu résolu de se commander, 
ce qu'il fit avec telle peine que depuis il a 
advoué qu'il avoit cuydé crever. Elle alors 
luy dict sa dernière volonté et luy fit plusieurs 
remonstrances, parlant à luy de sa mort aussi 
paisiblement et résolument que si elle lui eust 
dict à dieu pour faire un petit voyage pour 
s'aller recréer. Pour la fin elle lui dist : Je 
vous ai dict beaucoup de choses que peut-estre 



— lo- 
vons ne gonstez pas à présent comme vons 
ferez qnelqne jonr. Mais qnand je seray esva- 
nonye de devant vos yenx, il vons sonviendra 
mienx de tont ce qne je vons ay dit, et l'ex- 
périence le vons fera tronver véritable. Et de 
&it, tonte sa vie il a tellement estimé ce qn'il 
avait ony d'elle, qn'il l'a observé antant et 
pins soignensement depnis sa mort qne dnrant 
qn'elle estoit vivante. H porta nn merveillenx 
regret de son décès, et d'abondant ent tont à 
nn conp l'ennny de la perte de Madame de 
Pons, sa sœnr, qni estoit morte à Paris d'nn 
cancer, cinq jonrs avant sa mère, tellement 
qn'elles ne scenrent point la mort l'nne de 
l'antre *. 

Ponr le regard de la profession qne fit le 
dit S' de Sonbize des armes, dès qn'il com- 
mença à les ponvoir porter, il snivit les gner- 
res, ce qn'il a continné tonte sa vie. La pre- 
mière où il se tronva fnt celle dnrant laqnelle 

' Anne de Pons avait quitté Ferrare avec son mari, 
victime d'une disgrâce de cour, en 1646. Ce dernier 
lui survécut longtemps, et épousa, en secondes noces, 
Marie de Montchenu, que Théodore de Bèze appelle 
(( Tune des plus diffamées demoiselles de France ». 



— 16 — 

les François eurent da pire à une rencontre 
où Mons' de Sanssac fat pris comme ils 
vouloient avitailler Teronane \ Cela fut long- 
temps avant la mort de la dame de Soubize 
et devant tout ce qui a esté dit cy dessus de 
la desfaveur du S' de Soubize, car il estoit 
encores en sa première jeunesse. Se trouvant 
donc à la susdicte rencontre, il fut pris pri- 
sonnier, et pour sauver sa rançon et sortir 
avec moins de difl&culté, il ne voulut pas dé- 
clarer qui il estoit et fit accroire qu'il se nom- 
mait Amblemllej qui fut le premier nom qui 
lui vint en la bouche et lequel il cognoissoit 
si peu que tout soudain il l'oublia et fut-plus 
de deux heures sans s'en pouvoir ressouvenir, 
durant lequel temps personne ne le luy re- 
demanda. Partant il ne fut point découvert. 
Néantmoins ceux qui le tenoient avoîent tous- 
jours oppinion qu'il estoit autre qu'il ne se 
feignoit, ne luy trouvant pas l'apparence d'un 
homme de petite qualité, combien qu'il chan- 
geast sa grâce accoustumée le plus qu'il pou- 
voit, et luy demandoient fort comment il avoît 

* Ceci se rapporte à la campagne contre les impé- 
riaux que termina la trêve de Nice (1538). 



— 17 — 

un harnoys et des armes tant dorées et une 
casaque si riche; à quoy il respondoit que c'es- 
toit un présent que luy avoit fait un escuyer 
du roy peu de jours auparavant le mettant 
hors de page. Ainsy avec telles desfaites il les 
abusoit le mieux qu'il pouvoit. Toutesfois ils 
persistoient tousjours en ce soupçon que c'estoit 
quelque jeune homme de bonne part^ veu son 
port et sa façon ^ de sorte que cela luy retarda 
beaucoup sa délivrance, et fot un an prison- 
nier au chasteau de Tlsle en Flandre, où il fut 
au commencement assez maltraité; toutesfois 
par après, par le moyen de la femme de celuy 
qui le tenoit et de sa fille , qui en estoit fort 
amoureuse, à cause que lors il estoit fort beau, 
il reçut d'elles plusieurs courtoisies et eut 
meilleur traitement, et enfin, n'ayant pu estre 
descouvert, en sortit pour mille escus. Bientost 
après, cette mesme dame et sa fille vindrent 
à la court, avec la royne de Hongrie \ où elles 
le recogneurent et forent bien estonnées voyans 
quel il estoit, qui ne fut pas sans passer le 
temps de la tromperie qu'il leur avoit donnée. 

* L'infante Marie, sœur de Charles-Quint, et gou- 
vernante des Pays-Bas. 

2 



- 18 — 

Depuis il a tousjoars continué à se trouver 
à tontes les guerres de son temps ^ esquelles 
il a fait tel debvoir qu'il a acquis la réputation 
d'un des plus sages et experts cappitaines de 
France, ce que voyant ses ennemys ont, tant 
qu'ils ont peu, tasché de le reculer et d'em- 
pescher qu'il n'obtint des charges honorables 
pour luy oster le moyen de monstrer sa val- 
leur; mais luy a tousjours tellement combattu 
contre le malheur, qu'il a tiré honneur de 
ce qu'ils faisoient, luy pensant pourchasser 
blasme, car tant plus ils taschoient de luy 
donner les charges hazardeuses, tant plus 
(Dieu luy fidsant la grâce de les exécuter heu- 
reusement) il en rapportoitde louange. 

Or estoient ses ennemys tous ceulx de la 
maison de Guise, lesquels le hayoient d'autant 
plus fort qu'ils avoient tant qu'ils avoient peu 
tasché de l'attirer à eux et de luy faire quic- 
ter le party de ceux de Montmorency, ce qu'il 
n'avoit jamais voulu faire, tant pour la mes- 
chanceté qu'il congnoissoit notoirement en 
ceulx de Guise, lesquels il croyoit dès lors de- 
voir estre un jour la ruine du Royaulme, que 
pour l'amitié qu'il portoit aux autres, et par- 



^\ 



— 19 — 

ticalièrement à Messieurs de Chastillon , des- 
quels il fiit tousjours inthimé amy, tellement 
que tous trois le tenoient comme pour leur 
quatriesme frère, nommément Monsieur TAd- 
miral, qui a dit beaucoup de foys que luy es- 
tant mort, il ne luy estoit plus resté un tel 
amy, et que V amitié qui estoit entre eux rC estoit 
point seulement d^amys mais de frères. 

Ainsy donc ceulx de Guise voyant qu'ils 
ne l'avoyent sceu attirer à eux, l'en hayrent 
plus fort, et le craignoient d'autant plus 
qu'ils congnoissoient sa valeur, tellement que 
(comme dit est) ils taschèrent tousjours de 
luy faire donner les charges où il y avoit moins 
d'honneur et plus de hasard. Mesmes Mon- 
sieur le cardinal de Chastillon, à l'heure que 
Monsieur le Connétable estoit prisonnier ', 
voyant combien ceulx de Guise recherchoient 
le sieur de Soubize, et comme le refiis qu'il 
faisoit de prendre leur party l'empeschoit 
d'estre advancé, luy conseilla de-ne les refu- 
ser pas , comme il faisoit , luy remonstrant le 
moyen qu'ils auroient de l'advancer et le peu 

* Après la bataille de Saint-Quentin (1557-1558). 



— 20 — 

qu'en avoient pour lors ceulx de Montmorency, 
auxquels il pourroit d'advantage servir en se 
dissimulant, et suivant pour quelque temps 
le party des dits de Guise ; à quoy le sieur de 
Soubize, respondit : Comment, Monsieur, me 
vouldriez vous bien conseiller cela? Je le vous 
dis, respondit le dit sieur Cardinal, voyant le 
peu de moien que nous avons pour ceste heure 
de faire pour vous, et qu'estant advancé par 
eulx, comme vous ne tarderiez guères, vous 
auriez plus de moien de faire service à Mons** 
le connestable. Je ne sçaurais avoir le cœur, 
respondit le sieur de Soubize, de m'obliger à 
geuB que je congnois notoirement meschants, 
ni seulement de feindre de n'aymer point mes 
amis ; chose qu'il a souvent dicte à la Boyne 
et à Madame de Montpensier, quand elles luy 
conseilloient de ne rejeter pas tant la faveur 
qu'ils monstroient luy vouloir porter avant 
que leur haine fust si descouverte en son en- 
droit, et disoit tousjours que son naturel estoit 
si esloigné de cela qu'il luy seroit impossible 
de s'obliger à personne qu'il n'aimoit ni n'es- 
timoit. 

Un de ses plus grands amis aussy fiit le 



— 21 — 

maréchal Strozzy *, qui semblablement estoît 
fort contraire à la faction de cenlx de Guise , 
de sorte que luy et le dit sieur de Soubize 
estans au siège de Calais , de la prise duquel 
ils forent tous deux par leur labeur et diligence 
la principale cause, comme ils logeassent 
tousjours ensemble et couchassent en mesme 
chambre, passants une grande partie des nuits 
à discourir tous deux, le maréchal Strozzy 
luy disoit souvent : Sommes-nous pas bien 
misérables de nous bazarder tous les jours et 
prendre tant de peine, pour aggrandir et faire 
cueillir l'honneur de nostre labeur à celui qui 
nous voudroit avoir ruynez, et qui sera un jour 
cause de la ruyne de la France? disant cela du 
S"" de Guise qui commandoit au dit siège. Il 
est vray, respondit le S' de Soubize, mais 
puisque nostre honneur, nostre debvoir, et 
le service de nostre Roy le nous commande, 
il le fault faire. 

* Pierre Strozzi, d*une ancienne famille de Florence 
alliée aux Médicis, servit avec éclat sous François !•' 
et Henri II, fut nommé maréchal de France en 1564, 
et périt glorieusement au siège de Thionville, le 
20 juin 1558. 



— 22 — 

Il edtoit ansBy dans Metz quand il fut as- 
siégé^, où combien qu'il n'eust point de charge, 
comme aussy il n'eust pas recerché d'eu avoir, 
veu que le S' de Guise y commandoit, toutesfois 
il estoit tellement aymé et respecté de toute 
la jeunesse qui y estoit, entr'autres du duc 
Horace^, du S' Dampierre, desquels il estoit in- 
timé amy, et d'une infinité de brave noblesse de 
ce temps là, qu'ils n'eussent pas voullu &ire la 
moindre sortie sans son advis, luy déférans tout 
ainsy qu'ils eussent fidt à leur chef. Mesme le 
S' de Guise qui ne faisoit en son endroit que ce 
qu'il ne pouvoit honnestement laisser à faire, 
ne failloit jamais , si d'aventure il ne s'estoit 
peu trouver au Conseil, de luy descouvrir tout 
ce qui s'y estoit passé, et s'il estoit d'autre 
opinion que ce qui s'y estoit résolu, il changeoit 
la plupart du temps pour se gouverner selon 
la sienne. 

* D^octobre 1552 à janvier 1553. Au mois de sep- 
tembre précédent, Soubise avait été envoyé à Nancy 
pour sonder le comte de Vandemont et lui offrir les 
moyens de défendre cette ville contre les impériaux. Voir 
son rapport au roi. (Fonds français, vol. 20577, fol. 170.) 

* Horace Famèse, duc de Castro, qui avait épousé 
Diane, fille naturelle de Henri II. 



— 23 — 

Au retour de Metz, il espousa dame An- 
thoinette d'Anbeterre % qui estoit une des filles 
de la Boyne mère du Boy, laquelle il aymoit 
longtemps auparavant, et avant que penser 
à Tespooser, Iny avoit donné congnoissance 
de la vraye religion , comme celle qu'il aimoit 
lors comme sa sœur, et avec laquelle il a de- 
puis vescu jusques à sa mort en la plus grande 
et parfaicte amitié qui peult estre entre maiy 
et femme. Incontinent Tavoir espouzée , elle 
eut un fils qui ne vesquit que cinq semaines, 
et bientost après une fille \ 

Après qu'il eust espousé la dicte dame, il 
partit pour aller aux guerres de Picardie, le 
voyage que Hesdin et Terouanne furent pris \ 
et y fat tout cest esté là. L'été suivant il re- 
tourna au camp , encores en Picardie , qui fut 
lorsque Dinain fut pris, là où il cuyda perdre 
la vie; car estant allé à l'assaut avec Monsieur 
de Chastillon, qui estoit lors colonel des gens 

' Le mariage eut lieu le 9 mai 1553. Soubise était 
alors âgé de quarante ans. 

* Catherine de Parthenay. 

* Grâce à l'incurie de la cour, Terouanne succomba 
le 20 juin 1553, après une résistance héroïque, et fut 
entièrement détruit. Le château d'Hesdin eut même sort. 



— 24 — 

de pied, comme ainsy fat que la bresche fast 
si droicte qu'après la ville prinse, les Fran- 
çois voulaus essayer d'y monter avec Tescar- 
pin, ne le pouvoient sans glisser et tomber, le 
dit S' de Soubize estant environ au milieu du 
chemin, futattainct d'un coup de pierre sur 
la teste qui le fit tomber le visage en bas, de 
sorte que ne se pouvant relever, tant pour le 
faix des armes que pour la difficulté du lieu, 
il avoit tant perdu Thaleine qu'il estoit prêt à 
estouffer, sans ung gentilhomme qu'il ne con- 
gnoissoit point, et que depuis il n'a sceu veoir 
ny sçavoir qui il estoit, qui le voyant en cet 
estât, luy vint à grand haste couper les cour- 
royes qui tenoient son habillement de teste, 
et le luy osta, de sorte qu'il acheva de monter 
sur la bresche, la teste nue, dont il revint 
toutesfois sans estre blessé; et eut toute sa vie 
extrême regret de n'avoir sceu congnoistre le 
gentilhomme qui luy avoit faict ce bon office, 
duquel il s'enquist le plus qu'il put. Ce fut en 
ce lieu où fut tué un gentilhomme nommé 
i monsieur de la Roue, fort estimé, qui estoit 

; aussy allé à l'assaut avec ledit S"" de Soubize. 

! Au retour de là il revint à la Court là où 



— 25 — 

ses ennemys , suy vant leur coustmne qui es- 
toit de luy moyenner tousjours quelque charge 
ruineuse, firent qu'il fiist dêpesché vers le Duc 
de Parme *, lequel on tenoit pour estre du tout 
résolu de quicter le party du Roy, par le moien 
de sa femme qui estoit bastarde de TEmpereur; 
et estoient déjà les choses en tel estât qu'on 
n'espéroit point qu'il y eust moien de l'en 
empescher ny de rien négocier avecques luy 
pour le service du Roy, qui fut cause (comme 
dit est) que ceulx de Guise trouvèrent ceste 
charge propre pour le S' de Soubize, lequel à 
ceste occasion supplia fort le Roy de l'en vou- 
loir exempter, luy remonstrant qu'il ne luy pou- 
voit faire en cest endroit aucun service. Mais le 
Roy persista tousjours à ce qu'il y allast et luy 
dit enfin : Je sçay bien qu'il n'y a point d'ap- 
parence d'en venir à bout, et quand vous ne 
le ferez pas, je ne vous en donneray aucun 
blasme, car ce ne sera que ce que j'attens; 
mais bien sçay-je que si homme le peult faire, 

* Octave Farnèse, fils de ce Pierre Louis qui fut 
assassiné à Plaisance en 1547, et petit -fils du pape 
Paul III. Par son mariage avec Marguerite d'Autriche, 
il était devenu gendi-e de Charles-Quint. 



— 26 — 

ce sera vous, et si d'aventure vons en veniez 
i bout, vous me feriez un fort singulier ser* 
vice. Partant je désire qne vous l'entrepreniez, 
Bçachant que s'il se peut faire, vous le ferez, 
et s'il ne se peut fidre, c'est à quoy je suis tout 
résolu. 

Suivant donoques la volonté du Boy, le 
S' de Soubize partit, selon le dessein de ses en- 
nemys , à quoy avoit aussy aidé le maréchal 
de Sainct- André , lequel avoit en son esprit 
d'acquérir Aubeterre, qui est une des belles 
terres de France, conmie celle qui a vallu 
telle année plus de cent mille francs , de la- 
quelle il espéroit s'accommoder par le moien 
de la dame d' Aubeterre, tante de sa femme et 
belle-mère de la dame de Soubize , et de se 
servir de l'envie qu'avoient messieurs d' Au- 
beterre, frères de la dite dame de Soubize, de 
se retirer à Genève, à cause de la religion 
dont ils estoient desjà déclarez \ pour avoir 

* Voir, dans le recueil des Lettres françaises de 
Calvin, 1. 1, p. 387, la curieuse lettre adressée, en 1553, 
À Du Bouchard, vicomte d' Aubeterre, « pour envoier à 
son père lequel estoit contraire à la paroUe de Dieu ». 
Brantôme vit un d' Aubeterre faiseur de boutons à Ge- 
nève, où tout réfugié était tenu d'avoir un métier. 



— 27 — 

leur terre à non prix, si d*aventure le S' d' Au- 
beterre leur père, qui estoit encores en vie, 
venoit à mourir. Et pour ce qu'il ne craignoit 
que personne luy pust tant nuire en cest en- 
droit que le dit S' de Soubize, il désiroit Pes- 
loigner cependant qu'il feroit ce trafic ; ce qui 
luy réussit, comme il avoit proposé; car neuf 
mois après le partement du dit sieur, le 
S' d'Aubeterre, son beau-père, mourut, qui 
fît penser qu'on lui avoit advancé ses jours, de 
façon que pendant son absence le dit maréchal 
négocia ce faict, en sorte qu'il s'en est ensuivy 
de grandes ruynes en leur maison. 

Quant au S*" de Soubize il alla à Parme, où 
il fut huit ou neuf mois \ durant lesquels il 
mania tellement le Duc de Parme qu'il de- 



* Il y arriva vers la fin de décembre 1554. A cette 
mission de Soubîse se rapportent diverses lettres aa 
roi et au connétable de Montmorency, conservées à la 
Bibliothèque nationale , et que l'on reproduit à TAp- 
pendice. Ces lettres prouvent à la fois Textrême dili- 
gence de Soubise, et Timpossibilité où il fut d'agir 
militairement, faute de moyens. Son but n'en fut pas 
moins atteint : Parme ne tomba pas au pouvoir des 
Espagnols, et le duc se vit condamne à une neutralité 
absolue. 



— 28 — 

meura en Tainitié du Roy contre Patiente de 
tous et au grand contentement de Sa Ma^, 
de quoy ses ennemys estans merveilleusement 
estonnez et marris, et voyans qu'il estoit venu 
i bout de cest affaire, contre leur espérance, 
luy en procurèrent incontinent un autre dont 
ils pensoient qu'il deust encores moins sortir 
à son honneur, qui fut de le faire envoyer 
de là lieutenant pour le Boy à Montalcin, et 
de le faire succéder à la charge du maréchal 
Strozzy, lorsque le dit maréchal fut contraint 
de s'en revenir pour les grandes pertes qu'il 
y avait faites par faulte de secours et non de 
valeur \ Mais les mesmes ennemys du S' de 
Soubize luy estoient fort peu favorables, telle- 
ment qu'à faulte d'avoir esté assisté il avoit 

* Les efforts réunis de Strozzi et de Montluc ne pu- 
rent sauver Sienne, qui capitula, le 21 avril 1555. Les 
exilés siennois se retirèrent alors à Montalcino, et sou- 
tinrent encore la lutte plus d'un an contre Côme I*»', 
duc de Toscane. Toujours chargé des missions ingrates, 
Soubise fut appelé à diriger la résistance quand tout 
espoir de succès était perdu. Montluc, désigné pour le 
remplacer en 1556, lui rendit ce témoignage : « J*ay 
trouvé M. de Soubise, lequel m'a fort bien et deuement 
informé de tout, et auxquelles (affaires) il a donné si 
bon ordre, que quand je ne f crois «inou ensuivre ce 



— 29 — 

perdu une bataille *. L'ennemy avoit gaigné le 
Port Hercole, et autres places, de sorte qu'il 
fut contrainct de s'en revenir, ce que voyants 
ceulx de Guise, trouvèrent encore la charge de 
luy succéder digne du S' de Soubize, &isant 
estât asseuré qu'il n'en pourroit retourner sans 
perdre ou l'honneur ou la vie, ou tous les deux 
ensemble, ce que toutesfois il ne fit Ains y 
alla et en revint avec tel honneur que ses enne- 
mys mesmes estoient contraincts de confesser 
qu'il ne se pouvoit mieux faire, ce que le maré- 
chal Strozzy publioit partout, disant mesmes : 
Il semble que je face contre moy en ce que je 
dis. Mais celuy qui sçauroit bien comme j'ay 
esté mal secouru, advoueroit qu'il n'y a point 
eu de ma faute en ce qui a esté perdu pendant 

qu'il a faîct, j'auroîs opinion qu'il n'en adviendroit 
point d'inconvénient, vous asseurant, Monseigneur, qu'il 
s'est si bien porté que le magistrat est demeuré aussi 
satisfaict et content de luy que de ministre que le roy 
et vous y eussiez sceu envoyer. » (Commentaires et 
Lettres, t. IV, p. 60.) Cet éloge d'un grand homme de 
guerre peut consoler Soubise des critiques de M. de 
Ruble, le moderne éditeur de Montluc. 

* Celle de Lucignano (2 août 1554) qui permit au 
marquis de Marignan d'investir Sienne. 



— 30 — 

qae je commandois en Italie. Tant y a que 
pour le peu de secours qu'on m'a donné, les 
affaires estoient en tel estât que si on n'y eust 
envoyé Monsieur de Soubize, quand j'en suis 
party, tout estoit achevé de ruiner, et ne 
luy peut-on oster que l'honneur n'en appar- 
tienne à luy seul. 

Quant à ce qu'il y fît, pendant qu'il y com- 
manda, et aux villes qu'il y reprit, vous en 
avez des mémoires et instructions bien am- 
ples *. Seulement vous diray-je que quand le 
Boy fit la paix par laquelle il rendoit tout ce 
qu'il tenoit au dit pays \ il avoit un tel mal 
au cœur de veoir qu'il falloit rendre ce qu'avec 
tant de peines il avoit acquis et gardé, que 
cella lui estoit presques insupportable, ne se 
pouvant à toute heure garder de plaindre ces 
pouvres gens qu'il sçavoit estre bons Fran- 
çois qu'on remettoit entre les mains de leurs 
ennemys. 

' Ces Mémoires relatif anx affaires de Toscane ne 
sont sans doute que les lettres mentionnées dans la note 
de la page 27. 

* Le traité de Cateau-Cambrésis, signé le 3 avril 1559, 
par lequel le roi s*engageait à évacuer toutes les places 
du Piémont et de la Toscane. 



— 31 — 

Comme il retournoit de là , il trouva Mon- 
eieur de Gnise à Lion qui menoit une armée 
delà les monts \ par le commandement du roy, 
lequel luy fît une infinité de bonnes chères, et 
mesme luy dit qu'il le prieroit volontiers d'aller 
avec luy, n'estoit qu'il avoit desjà donné 
les principales charges, tellement qu'il n'en 
avoit plus à donner de digne de luy; à quoy le 
S' de Soubize lui respondit, l'ayant remercié, 
qu'aussy bien falloit-il qu'il allast rendre 
compte de sa charge au Boy, ce qu'il fit , et 
estant arrivé à la cour, dist entr'autres choses 
à M. le Connétable qu'il avoit esté bien es* 
tonné, voyant qu'on envoyoit ceste armée en 
Italie et que c'est que le Boy pensoit faire ; car 
oultre la rupture de la tresve qui ne pouvoit 
apporter que mal (ne s'estant jamais bien 
ensuivy d'un violement de foy) on voyoit que 
ceulx de Guise ne tendoient qu'à leur parti- 
culier, et que cela mectroit la France en telle 
nécessité que ce seroit la ruyne du royaume, 
comme l'efiect ensuivit. Car le peu de moyen 
à quoy les firais de ceste guerre réduisirent le 

* Pour rimpolitique expédition de Naples, qui suivit 
la rupture de la trêve de Vaucelles (31 juillet 1566). 



— 32 — 

Roy fut cause de la prise de Saint-Quentin, et 
de la perte de la bataille et de la prise du dit 
S' Connétable, qui sembloit sentir des lors le 
mal qu'il lui en advîendroit, car il respondit au 
S*^ de Soubize que cella s'estoit fait contre sa 
volonté, et qu'il l'avoit bienremonstréau Roy, 
mais que Madame de Valentinois l'avait em- 
porté sur luy, estant bien ayse de la trouver de 
mesme advis que luy, et le pria de le remonstrer 
encores au Roy et luy dire les mesmes choses 
qu'il luy avoient dictes, à quoi le S'^ de Soubize 
luy respondit : Comment, Monsieur, quelle 
vertu pourroient avoir mes paroles après les 
vostres?Non,luy dit Monsieur le Connétable : 
Je vous prie, faites-moy ce plaisir de le dire 
encores au Roy. Ce nonobstant l'advis du dit 
S' Connestable ne fut point suivy, comme l'on 
sçait. 

Pour le regard de la charge que le dit 
S' de Soubize avoit eu en Italie, le Roy en fut 
si content et le recogneut y avoir si bien faict 
qu'il délibéroit luy faire beaucoup d'honneur et 
d'avancement Mais luy qui estoit tousjours 
combattu de l'envie de ses malveillans, le 
fut encores lors de Madame de Valentinois qui 



— 33 — 

empescha la bonne volonté du Boy, bayant 
le dit S' de Soubize tant à cause de la religion 
dont (bien qu'il n'en eust encores faict pro- 
fession), chascun de tout temps sçavoit qu'il 
estoit, que pour ce qu'elle estoit encores bien 
avecques ceulx de Guise, ce qu'elle ne fat 
pas tousjours. 

Peu après fut faict le voyage de Calais , de 
la prise duquel, comme j 'ay dit cy-dessus, ceulx 
qui sçavent comment les choses passèrent, don- 
noient le principal honneur à luy et au maré- 
chal Strozzy. Par après * fut le voyage de 
St-Quentin , auquel il estoit maréchal de camp, 
et à la bataille qui y fut perdue. Il y fut pris 
et recouru trois ou quatre fois, selon que les 
François avoient du meilleur ou du pire. En- 
fin toutesfois il se sauva, et au partir de là 
comme tous les chefs cappitaines fussent fort 
espouvantez, la plus commune opinion estoit 
que le Roy Philippe viendroit assiéger Paris , 
et comme le Boy tenant Conseil dans le chas- 
teau du Louvre, demandast l'advis de ceulx 

• 

* H y a ici une légère confusion : la bataille de 
Saint-Quentin, 10 août 1557, précéda de cinq mois la 
prise de Calais (3 janvier 1558). 



— 34 — 

qni estoient assemblez, il y avoit presse à se 
taire, de sorte que le S' de Tavannes , bien que 
depuis il ayt esté grand cappitaine, et que dès 
lors il fiist en réputation, ne fit aultre res- 
ponce au Roy que de se prendre à rire contre 
luy , ce que les autres trou voyent fort estrange, 
voyants qu'il n'estoit lors l'heure de plaisan- 
ter. Là dessus le cardinal de Lorraine, qui 
estoit tout debout derrière la chaire du Boy, 
pensant bien que celuy qui parleroit le premier 
n'auroit pas l'advantage et se pourroit trou- 
ver estonné, dist malicieusement au S' de 
Soubize, afin de faire tomber ceste honte sur 
luy, que le Roy vouloit qu'il dist son advis ; 
sur quoy le S"^ de Soubize qui, entre autres 
dons de nature, avoit cestuy là, que plus on le 
vouloit estonner, plus il avoit de hardiesse, 
et que il sembloit estre plus en son naturel au- 
près du Roy et des princes qu'auprès de ses 
inférieurs, suivant le commandement du Roy, 
dist son opinion, la conclusion de laquelle 
fut que l'ennemy ne viendroit point à Paris ; 
à quoy le cardinal de Lorraine tout renfroi- 
gné luy respondit : Et qui l'en empeschera? 
Personne, dit le S"^ de Soubize, car le Roy n'a 



\ 



— 35 — 

pas ses forces assemblées ; mais on Tempes- 
cheroit bien de s'en retourner, car le Roy entre 
cy et là poorra faire amas de ses gens, de sorte 
que si le Duc de Savoie et le Duc d'Albe 
viennent, et qu'ils prennent Paris (comme 
je ne doubte point qu'il ne leur soit aisé) ils 
ne le sçauroient garder, ny retirer leurs soldats 
d'une telle ville, et le Roy les pourroit ruiner 
par le moien des forces qu'il pourra assembler 
entre cy et là, tellement que s'ils sont cappî- 
taines, ils ne le feront point, considéré que ce 
seroit leur ruine. Et que feront-ils donc?res^ 
pondit le cardinal de Lorraine. Ils prendront 
quattre ou cinq bicoques, dit le S' de Soubize, 
comme An (Ham), Oatelay, et les autres, que 
de faict ils prirent, lesquelles il nomma, et 
puis se retireront sans rien hasarder, se con- 
tentans de la belle victoire qu'ils ont eue, 
comme l'effect s'ensuivit tout tel; de sorte 
qu'il sembloit à l'ouïr parler qu'il eust esté 
au conseil de l'ennemy, et qu'il eust entendu 
d'eux-mesmes leurs desseins; et là-dessus 
donna advis de se gouverner, supposant les 
choses comme a esté dict, lequel advis fut 
trouvé fort bon du Roy, et de tous ceulx du 



— 36 — 

conseil qui l'approuvèrent tellement qu'il fut 
suivi. Et au partir de là la Boyne demandant 
au cardinal de Lorraine ce qui avoit esté ad- 
visé, il luy respondit qu'il falloit confesser que 
rhonneur du conseil de ce jour estoit deu au 
S' de Soubize, et que pour parler à la vérité, il 
n'y avoit un seul de tous ceulx qui estoient au 
conseil qui du tout eust rien dit qui vaille que 
luy et le S"" d'Urfé, qui estoit un gentilhomme 
de Bourgoigne, gouverneur du Roy Daulphin, 
à quoy Madame de Montpensier qui estoit pré- 
sente, respondit : Je suis bien aise, Monsieur, 
de quoy vous voulez advouer la valeur d'un 
tel homme, parlant du dit S' de Soubize. Ha, 
ce dist le cardinal, quand il est question du 
service du Roy, je ne veulx point mentir. 

Peu après fiit Tentreprise d'Amboise, la- 
quelle le S^ de la Renaudie qui estoit de ses 
plus grands amis , luy avoit déclarée à Paris 
dès le mois de septembre, dont elle fut exécutée 
le mois de febvrier d'après \ Sur le point que 
l'exécution s'en devoit faire, il estoit à la 
Court là où on murmuroit fort qu'il devoit y 

* Ce fut le 16 mani 1560 qu'eut lieu la malheureuse 
tentative de La Renaudie sur le château d'Amboise. 



— 37 — 

avoir quelque esmeute, et ceux de Guise en 
estoient fort en alarme. Mais on n'en pouvoit 
rien sçavoir de certain, car luy et les aultres 
qui la sçavoient la tenoient secrette, tellement 
que la Boyne un jour allant à Chenonceau, luy 
disoit : C'est grand cas; nous avons tant d'ad- 
vertissemens. On dit qu'il y a tant de gens 
armez, et ne sçait-on à quelle occasion. A quoy 
le S' de Soubize luy respondit seulement tout 
froidement : C'est quelque armée en l'air de 
quoy on vous parle, Madame. Il n'y a per- 
sonne de ceulx dont on murmure qui voulust 
attenter à Vos Ma**®, comme de faict c'estoit 
bien loing de leur intention. 

Peu de jours après il estoit délibéré de partir 
de la Court, et mesme un soir ayant prins congé 
du Roy et delà Roy ne, comme il prenoit 
congé de Monsieur de Goise, le dit S' de 
Guise commença à se vouloir excuser du 
soupçon qu'il avoit eu qu'on voulut faire quel- 
que entreprise, luy disant que de faict il avoit 
eu des advertissements d'aucuns qu'on disoit 
vouloir entreprendre quelque chose contre le 
service du Roy et contre ceulx de sa maison ; 
mais qu'il voyoit bien qu'il n'en estoit rien , 



— 38 — 

et que mesme il avoit honte d'en avoir créa 
ce qu'il en avoit créa, à quoy le S' de Soubize 
Iny reBpondit senlement en général : Mon- 
sieur , nn grand cappitaine ne penlt estre 
blasmé de ne mespriser point les advertisse- 
ments , et vaolt mieulx faillir en croyant trop 
qu'eu laissant à croire, de laquelle response 
le S' de Guise monstra estre bien aize. 

Le lendemain le dit sieur estant prest à 
monter à cheval pour partir, Ait mandé par le 
dit sieur de Guise, lequel lui dist que le soir 
auparavant il pensoit que le murmure qu'on 
fidsoit de ceste entreprise fust vain, mais que 
la nuit il avoit esté pris des prisonniers qui 
avoient advoué desjà beaucoup de choses, et 
qu'il y en avoit un qui estoit de la ville de Sou- 
bize, qui estoit l'occasion pourquoy il l'avoit 
mandé, luy disant là-dessus qu'il ne fSsJloit pas 
qu'il s'en allast, mais qu'il demeurast près du 
Boy, estant besoing qu'il le fist ainsy pour le 
service de Sa Ma**; ce qu'oyant le S' de Sou- 
bize ne fit semblant de rien, estant toutesfois 
bien marry du mauvais succès de l'entreprise, 
et cognent bien qu'il seroit contraint de de- 
meurer, comme il fit. Au sortir du logis du 



— 39 — 

S' de Guise, il trouva Monsieur le cardinal de 
Chastillon qui alloit aussi prendre congé du 
Boy pour partir le mesme jour, à qui il conta 
ce qu'il avoit sceu du S' de Guise, et luy dist 
qu'il n'avoit que faire d'aller prendre congé, 
pour ce qu'il seroît retenu aussi bien que luy, 
à quoy le dit S*" Cardinal luy dist qu'il estoit 
résolu de s'en aller, et que quelque presse qu'on 
luy fist au contraire, il ne demeureroit pas. 
Toutesfois il fut retenu aussi bien que le 
8^ de Soubîze. 

Là-dessus on commença à descouvrir da- 
vantage de l'entreprise , et ftit le S' de Sou- 
bize (qui estoit fort soupçonné d'en estre 
consentant) , grandement pressé d'enseigner 
le S' de la Renaudie, pour ce qu'on sçavoit 
qu'il estoit de ses grands amy s , et pourtant 
croyoit-on qu'il sçavoit bien où il estoit; à 
quoy il fit tousjours responce qu'il ne le sçavoit 
point. Toutesfois on ne laissoit de l'en presser 
fort jusques à ce qu'enfin il dit à la Bojrne : 
Madame, ne me faictes point ce commande- 
ment, car je ne sçay où il est; mais quand je le 
sçaurois, j'aimerois mieux estre mort que de le 
dire. — Mais pourquoy, luy dist la Royne ; vous 



— 40 — 

ne devez rien craindre pour luy, car s'il n'a 
rien fût contre le Boy, il ne sera point pnny; 
i quoy le S' de Soubize luy respondit : Je 
Bçay bien qu'on trouvera qu'il a £ûct contre 
le Boy, puisqu'il a fait contre ceulx de Guise, 
car aujourd'huy en France c'est estre criminel 
de lèse majesté d'avoir &ict contre eulx, d'aul- 
tant qu'en effect ce sont eulx qui sont Bois ; 
de sorte que jamais on ne sceut tirer autre 
chose de sa bouche. Ses amys neantmoins 
estoient marris de quoy il parloit si librement. 
Et mesmes Monsieur l'Admirai luy disoit 
qu'il se debvoit contenter de ne faire point ce 
dont on le requeroit, sans parler si ouverte- 
ment ; et qu'A n'avoit que faire de se rendre plus 
odieux, veuqu'ill'estoit desjà assez à ceulx de 
Guise. Mais le S^ de Soubize, lui dist qu'il ne 
vouloit pas seulement qu'on pensast qu'il fiist • 
si lasche que de trahir son amy quand il le 
pourroit faire, de quoy Madame de Montpen- 
sier luy dist qu'elle luy sçavoit bon gré, et 
que c'estoit fait en homme franc et tel qu'il 
estoit. Toutesfois on le pressoit tousjours de 
plus fort d'enseigner le dict la Eenaudie, qui fit 
qu'enfin il respondit à la Boyne : Madame, 



— 41 — 

Monsieur de Guise est cappitaine, et sçait 
en quoy gist l'honneur d'un gentilhomme, et 
davantage est celuy qui se sent le plus inté- 
ressé en ceste entreprise et qui est plus en- 
nemy de ceulx qui l'ont faicte. S'il veult 
prendre sur son honneur que je puis avecques 
le mien faire ce qu'on me demande, je m'ofire 
d'aller quérir Mons' de la Benaudie, et de faire 
ce qui sera en moy pour le vous rendre entre 
les mains. Ce que Mons*^ de Guise ne voulut i 

pas prendre sur son honneur. 

Il est vray que, dès avant l'exécution de l'en- 
treprise, il avoit adverti le S'^ de la Renaudie 
de ne le croire point, quoy qu'il luy peust 
mander, ny quoy qu'il vist escript de sa main, 
pourceque peut-estre on le pourroit contraindre 
par force d'escripre quelque chose contre sa 
volonté. Nonobstant tout ce que dessus, le 
IS*^ de la Renaudie fut tué de la façon que 
chacun sçait, dont le dit S" de Soubize porta 
un merveilleux regret, et fut pris un des gens 
dudit S'' de la Renaudie nommé La Signe, qui 
estoit chargé de mémoires et instructions *. 

* Sur les interrogatoires do La Bigne, voir le président 
de La Place : Cmnmentaires de V Estât de la religion 



— 42 — 

Quand le dit La Bigne fut mené devant le Boy, 
le S' de Sonbize estoit présent qni craignit 
bien lors estre desconvert, car il sçavoit qne 
le dit sieor de la Benandie se fioit du tout en 
oest homme là , anqnel pour ceste raison on 
fit voir plusieurs fois le S' de Sonbize, fid- 
sant cacher le dit La Bigne derrière la ta- 
pisserie, quand il estoit en nne salle on en nne 
chambre, pour veoir s'il le nommeroit point. 
Mais jamais il n'advoua qu'il fust de l'entre- 
prise, à cause que ledit la Benandie aimoit 
tant le & de Sonbize que de peur de le mettre 
en peine, il n'avoit jamais confessé à personne 
luy avoir déclaré la dicte entreprise. Mais an 
contraire, afin que tous peussent témoigner 
qu'Une lasçavoit point, quandquelqu'un de ses 
amys lui conseilloit de s'en descouvrir à luy, 
il luy respondoit qu'il n'àvoit garde de ce fiiire 

et république^ p. 43, et Régnier de La Planche : Histoire 
de V Estât de France sous le règne de François II, 
p. 187. Le premier article du mémoire en chiffre trouvé 
sur La* Bigne était ainsi conçu : € Protestation faite par 
le chef et tous ceux du conseil de n'attenter aucune 
chose contre la majesté des Rois ni contre les Princes 
de son sang ni Testât du Royaume, à quoy s'accor- 
doient tous les autres articles, etc.... i> 



— 43 — 

pour ce qu'il le sçavoit trop serviteur de la 
Royne. 

Or, comme a esté dict, le S' de Soubize, 
combien qu'il eust de tout temps eu cognois- 
sance de la religion, ne s'en estoit encores 
point déclaré, ce que toutesfois il désiroit 
fort pouvoir faire. Mais jusques là le com- 
mandement de la Boyne , les promesses des 
grands, l'asseurance d'un reculement certain, 
et telles considérations, l'avoyent tousjours 
retenu, tellement que la dame de Soubize, 
sa femme, qui n'avoit eu congnoissance de 
la vraye religion que par son moien, fut la 
première à s'en déclarer, et y avoit desja 
longtemps à l'heure de l'entreprise d'Am- 
boise que tout ouvertement elle n'alloit plus 
à la messe , et faisoit prescher chez elle , où 
luy semblablement assistoit lorsqu'il estoit 
en sa maison, mais toutesfois secrètement, 
et quand il estoit à la Court, oyoit quelquefois 
la messe, combien que ce fust le moings qu'il 
pouvoit. Enfin après avoir longtemps attendu, 
et ayant remords de celer si longtemps ce que 
Dieu luy avoit faict congnoistre, il se résolut, 
quand le petit Roy François fut mort, de se 



— 44 — 

déclarer, qui fat à Theure que Monsieur T Ad- 
mirai se déclara aussy. 

n est vray que peut estre, comme il acon- 
fessé depuis, ne l'eust-il pas si tost faict sans 
les grandes traverses et défaveurs qu'il avoît re- 
ceues, lesquelles il recognoissoit pour des plus 
grandes grâces qu'il eust receues de Dieu , à 
cause qu'il s'estoit servi de ce moien pour luy 
retirer son affection de la Court, à laquelle na- 
turellement il estoit trop enclin, s'il y eust 
receu autant d'occasion de s'y plaire , conmie 
il y avoit, parle moien de ses ennemis, receu 
de peine et d'occasion de s'en esloigner, 
tellement qu'il usoit souvent du dire de The- 
mistocles : J"* estais perdu si je n^ eusse esté 
perdu! Doncques il gardoit encores en son 
cœur la congnoissance qu'il avoit de la vraye 
religion à l'heure de la mort du petit Roy Fran- 
çois, peu auparavant laquelle il avoit esté 
mandé pour aller à la Court, ce qu'il crai- 
gnoit de faire, voyant que Monsieur le Prince 
estoit prisonnier, et le Boy de Navarre n'es- 
toit guères mieulx, tellement qu'U y avoit 
de quoy se craindre. Il est vray que la Koyne 
lui manda qu'il y pouvoit seurement venir, 



— 45 — 

ce que luy escrivit aussy Madame de Mont- 
pensier dont il faisoit encore plus d' estât, 
estant certain qu'elle ne luy eust pas voulu 
faire ceste asseurance, si elle eust pensé qu'il 
y eust eu dangier \ Toutesfois il n'estoit pas 
sans doubte qu'elle ne se trompast, et les ap- 
parences qui ont esté depuis le monstroient. 
Ce nonobstant, quelque hasard qui luy pust 
advenir, il se résolut d'obéir au commande- 
ment qui luy estoit faict, et partit de Soubize 
où il estoit lors pour aller à la Court; mais 
estant vers Chastellerault, il sçut la nouvelle 
de la mort du Roy ^, qui fit qu'il acheva son 
voyage plus seurement. 

Ayant demeuré quelque temps à la Court, 
comme il fest prest d'en partir, il dit à la 
Royne : Madame, j'ay jusques icy pour vous 
obéir vescu autrement que je ne pense devoir 
faire selon Dieu. Mais ma conscience m'ayant 
remordu il y a longtemps, et adverty de ne per- 
sister plus en cette façon de vivre, je vous sup- 

* Jacqueline de Longwy, duchesse de Montpensier, 
inclinait en secret vers la croyance réformée. Elle 
mourut le 8 août 1561. 

* 5 décembre 1660. 



— 46 — 

plie très-hnmblement ne trouver estrange si 
je suis résolu de la changer et de vivre d'une 
autre manière que je n'ay accoustumé, et par- 
tant un de ces jours qu'on vous viendra dire : 
Soubize est un luthérien descouvert^ Soubize 
faictprescher, Soubize trouble le repos de vostre 
Boyaulme (car mes ennemis ne se contente- 
ront pas de dire seulement ce qui est), ne vous 
en estonnez point, et croyez seulement ce 
que je vous dis que je feray, qui sera de vivre 
en liberté de ma conscience sous l'obéissance 
de Vos Ma**"; à quoy la Royne lui respondit 
qu'il se donnast bien garde de faire cela pour 
ce qu'elle l'aymoit, et désiroit faire pour luy ce 
qu'elle ne pourroit plus, si on sçavoit une fois 
qu'il fust déclaré huguenot; tellement qu'elle 
le pressa le plus qu'elle peust de n'en rien 
fisûre. Mais il luy dit : Madame, j'ay si long- 
temps attendu sur telles espérances, voyant 
que d'aultres qui ne valoient pas mieulx que 
moy estoient davantage advancez, que j'en ay 
offensé Dieu jusques icy, dont je me repens 
fort, et suis résolu de n'y continuer plus, sça- 
chant bien que si vous voulez, que vous ferez 
bien pour moy sans cela. S'il ne vous plaist 



— 47 — 

je ne vous en importuneray point, et me con- 
tenteray de vivre paisiblement , selon Dieu et 
ma conscience. 

Là dessus elle le pressa encores plus fort 
de ne se déclarer point, luy faisant les plus 
belles promesses du monde. Mais il la reffusa 
tousjours et luy dict enfin : Madame, si 
j'avois deux âmes, encores j'en hazarderois 
une pour vostre service; mais n'en ayant 
qu'une je vous supplie très-humblement vous 
contenter que je l'ay trop bazardée jusques 
icy. — Eh bien doncq, dit enfin la Royne. 
Toutesfois elle luy fit encore toutes les offres 
qu'elle peut pour l'en empescher, luy disant 
qu'il ne pouvoit faillir à avoir des plus grandes 
charges du Royaume, et qu'il n'y en avoit point 
auxquelles il ne peust espérer; que cependant 
il demandast ce qu'il vouldroit ; à quoy il fit res- 
ponse qu'il ne vouloit rien que sa bonne grâce 
et la liberté de sa conscience. Toutesfois elle 
luy fit encores dire le mesme par Madame de 
Montpensier, et voyant qu'il ne vouloit rien 
demander, Iny fit oftir d'estre gouverneur du 
Roy Charles, ce qu'il dit qu'il ne sçauroit ac- 
cepter, à cause qu'il n'estoit point propre avec 



— 48 — 

les enfants, et qu'il ne sçavoit comme il falloit 
parler à enlx ; en somme que son naturel ne s'y 
sçauroit accommoder. Elle luy fit (par après) 
offrir d'estre cappitaine des gardes en la place 
de celuy qui mourut lors à Orléans , ce qu'aussy 
il refusa, disant qu'il ne sçauroit faire l'office 
d'un bourreau pour aUer prendre prisonnier 
celui que le Roy luy commanderoit 

De tous ces refas, Madame de Montpensier, 
qui eust désiré son advancement, estoit mar- 
rie, et luy dist : C'est grand cas, vous ne vou- 
lez rien accepter. La Eoyne ne demande qu'à 
faire pour vous. Si vous vouliez un peu tempo- 
riser , il n'y a estât en ce royaulme à quoy vous 
ne puissiez parvenir. Vous ne pouvez que vous 
ne soiez grand. Une mareschaussée de France 
ne vous sçauroit faillir; mais en attendant, 
acceptez quelque chose. Advisez vous-même 
à ce qu'on vous peut donner pour ceste heure, 
et ne faictes que demander; à quoy il respondit 
tousjours qu'il ne vouloit rien. Mais vous estes 
un estrange homme, luy dist Madame de 
Montpensier. Je crois qu'il vous fauldroit à la 
fin offrir la Couronne, car ny pour le présent ny 
pour l'advenir, on ne vous peult rien faire re- 



\ 



— 49 — 

cepvoir. A quoy il luy respondit : J'ay tous- 
jours employé et désiré jusques à la fin em- 
ployer ma vie pour le service de cest estât. 
J'ai mesme hazardé mon âme sur les belles 
promesses qu'on m'a faictes, dont je croy que 
Dieu m'a puny, car pour cela je n'ay pas laissé 
d'en voir une infinité qui peut estre ne m'es- 
galoient point en valeur, plus advancez que 
moy. Je ne laisseray pas d'exposer tousjours 
ma vie pour le service de Leurs Majestez, mais 
de mon âme je ne la veux plus en façon que soit 
hasarder, m'estant par la grâce de Dieu résolu 
de n'estimer plus toutes les grandeurs que j'ay 
autrefois désirées au prix de la liberté de ma 
conscienc^. Enfin la Boyne sçachant sa résolu- 
tion, luy dit, comme il prenoit congé d'elle, 
qu'elle le prioit sur tous les services qu'il luy 
désiroit faire, de faire une chose qu'elle luy 
diroit; à quoy il luy respondit qu'elle ne luy 
fist que commander pourvu qu'il n'y allast de 
sa conscience. Elle luy dit qu'elle le prioit de 
faire que ses subjects ne s'assemblassent pour 
le presche que de nuict. Il luy fit response : 
Madame, je vous promets que pour vous 

monstrer combien je vous veux rendre d'obéys- 

4 



— 50 — 

sance, je le leur diray une fois ou deux pour le 
plus. Mais sUls n'y veulent obéir, je ne les y 
contraindray pas. — Eh bien donc, dit la 
Boyne, en haussant les espaules, faites comme 
vous l'entendez. 

Sur cela il prit congé d'elle et revint en sa 
maison, là où soudain après elle luy fit en- 
voyer l'ordre de Saint Michel qui lors n'estoit 
pas à si vil prix qu'elle a esté depuis \ Mais 
pour ce que la dépesche en estoit dressée à 
M. de Burie, qui ne la luy vouloit donner 
qu'à la messe , il renvoya la despesche à la 
Royne, disant qu'il remercioit très-humble- 
ment le Roy, mais qu'il ne vouloit point de 
son ordre puisqu'il ne la pouvoit recevoir qu'à 
la messe, ce que sçachant la Boyne fit £Eiire une 
autre despesche adressant à Monsieur de La 
Rochefoucaut, pour la luy donner ainsy qu'il 
voudroit. Quand il l'eût acceptée dudit sieur 
de La Rochefoucaut, il alla à Fontainebleau 
où estoit lors le Roy pour l'en remercier, là 
où pendant qu'il estoit vindrent les nouvelles 
du massacre de Vassy , qui avoit esté faict par 

* On a sa lettre de remercîments à la Reine , du Parc , 
14 janvier 1562. (Fonds français, vol. 3186. fol. 21.) 



\ 



— 51 — 

Monsieur de Guise, le 1®' jour de mars * ; qui 
fit que la Hoyne manda à Monsieur le Prince 
de Gondé qu'il se rendis! à Paris aussitost que 
ceulx de Guise, et qu'il prist les armes, 
comme il fit , avec lequel tous les principaux 
de la religion se rendirent incontinent. 

Mais le sieur de Soubize tai le dernier de 
tous qui partit de la court, pour ce qu'il espe- 
roit tousjours de gaigner la Boyne pour aller à 
Orléans , et de faict quelquefois il luy sembloit 
qu'elle estoit toute résolue, mais après elle 
changeoit d'advis. Toutesfois il persistoit tous- 
jours, à quoy luy aydoit le Chancelier de l'Hos- 
pital, de sorte que tous les jours, ils parloient 
deux ou trois heures à elle dans son cabinet , 
et la pensoient quelquefois avoir toute gaignée, 
et qu'elle estoit preste à y aller; puis tout sou- 
dain une frayeur luy prenoit tellement qu'elle 
en estoit découragée. Néantmoins tant plus le 
sieur de Soubize voyoit que le tems estoit 
court, et plus il s'esvertuoit, de sorte que le 
jour avant que ceulx de Guise deussent arri- 
ver, après luy avoir remonstré tout ce qu'il 
peut (à quoy elle lui accordoit tout hormis 

* le' mars 1562. 



52 



l'effect qu'il sembloit qa'elle refîisoit seule- 
ment par crainte), il pressa encores Monsieur 
le Chancelier de luy en parler , et le fit re- 
tourner vers elle cinq ou six fois ce jour-là, 
combien que le Chancelier luy dict qu'il n'y 
espéroit plus rien, qu'elle n'avoit point de ré- 
solution, qu'il la congnoissoit bien. Si fais-je 
bien moy, disoit le sieur de Soubize; mais, je 
vous prie, essayons encores ce coup; tellement 
que comme j'ay dit. Us retournèrent ce jour-là 
cinq ou six fois vers elle ; et pour cet effect 
tarda à Fontainebleau jusques au soir après 
soupper, dont ceulx de Guise dévoient arriver 
le lendemain. 

Quand il vit qu'il ne gaignoit plus rien à 
Pendroict de la Boyne, et que ceulx de Guise 
estoient si près, il se résolut de partir le soir 
et vint prendre congé d'elle. Mais elle le pria 
lors de demeurer près d'elle, à cause que si 
elle se vouloit déclarer (comme elle luy don- 
noit espérance de le faire selon que ses af- 
ISMres succéderoient) elle n'avoit personne en 
qm elle se fiast; pourtant elle désiroit qu'il 
demoxurast afin de luy servir en ce £ûct pour ce 
qu*elle ne 8*en jK^uvoit fier qu'à luy. A quoy 



\ 



— 53 — 

il luy respondit : Madame y je ne sçay oom- 
ment vous pouvez espérer d'avoir moien de 
vous déclarer si vous ne le faites entre cy et de- 
main que ceulx de Guise arriveront; car si vous 
attendez leur venue , vous vous devez asseurer 
que le Koy et vous serez prisonniers, de sorte 
que pour estre en ceste court, je ne vous ferois 
nul service, car seulement je n'aurois pas 
moien de parler à vous, et ne ferois que me 
mectre en danger, pource que le Roy et vous 
n'ayant plus de pouvoir, et sachant comme je 
vous suis serviteur, dès le lendemain on me 
feroit tuer, non que je plaignisse ma vie pourvu 
que je la despendisse pour vostre service; 
mais ce seroit inutilement, perdant le moyen 
de vous en faire ailleurs. Ce que voyant la 
Boyne le pria de ne prendre donc point encores 
les armes, mais de s'en aller chez luy pour 
luy tenir des trouppes de Poictou et de Xainc- 
tonge prestes, et les luy amener quand elle lui 
manderoit en avoir besoing. A quoy il luy fit 
response que lorsqu'elle en auroit affaire , que 
le luy fetisant sçavoir, il les manderoit tous-< 
jours bien, et qu'il luy respondoit de les luy 
mener toutesfois et quantes qu'elle voudroit. 



— 54 — 

sans qu'il fost besoing que pour cet effect 
il fiist sur les lieux; que cependant il ne de- 
meureroit point inutille, mais s'eniroit joindre 
avec ceulx qu'il sçavoit estre délibérez d'em- 
ployer leur vie pour son service et pour la 
délivrer de la captivité où le Boy et elle alloient 
entrer. Et bien donc, luy dist la Boyne. 

Sur cela il prit congé d'elle, et comme il 
estoit prest à partir, le Seigneur Strozzi ^ le 
vint trouver à son logis pour le prier, de toute 
l'affection qu'il peut, de le mener avecques 
luy; à quoy il luy respondit qu'il pensoit que 
la Boyne luy donneroit aisément ce congé, 
ce que le Seigneur Strozzi ne vouloit point 
qu'il luy allast demander, craignant d'en estre 
refîizé. Toutesfois le sieur de Soubize ne fai- 
sant point de difficulté que la Boyne ne le luy 
accordast, la retourna trouver, comme elle 
soupoit, pour la suplier de luy permettre d'em- 
mener le dit Seigneur Strozzi, ce que la Boyne 
le pria très-instamment de ne point faire, 
luy disant que si cestny-là y alloit, il ne luy 
seroit pas possible de persuader à ceulx de 

* Philippe Strozzi, fils de PieiTC Strozzi, dont il est 
question plus haut, p. 21. 



N 



— 55 — 

Guise que ce ne fast par son consentement, et 
qu'elle ne fust de la partie, quand mesme il 
n'en seroit rien. Je suis donc bien marry. 
Madame, dist le S' de Soubize, de le vous 
avoir demandé, et si j'eusse pensé, je l'eusse 
mené sans vous en rien dire; ce qu'il n'osa 
lors faire , dont le S' Strozzi eut grand regret, 
et luy semblablement, et a dict depuis qu'il 
s'en estoit repenty mille fois. Là dessus il 
partit, et alla trouver Monsieur le Prince à 
Meaux, où s'estoient rendus Monsieur l'Ad- 
mirai et les principaulx de la Religion, les- 
quels tous ensemble firent la Cène le jour de 
Pasques, et partirent l'après disnée pour aller 
à Orléans, et passèrent tout du long des mu- 
railles de Paris, dont les Parisiens eurent grand 
peur. 

Estans à Angerville où ils avoient couché, 
le maréchal de Gossé, qui lors estoit nommé le 
S' de Gonnort \ j arriva pour faire, à ce qu'il 
disoit, quelques ouvertures, afin de parvenir 
à pacifier les choses, et admusa Monsieur le 

* Artus de Cossé, frère du maréchal de Brissac, obtint 
lui-même le bâton en 1567, et fut un des chefs modérés 
du parti catholique. 



— 56 — 

Prince une partie de la matinée audit lieu soubz 
ceste couleur; ce que voyant le S" de Soubize, 
et cognoissant qu'il taschoit plustost à tirer 
le propos en longueur qu'à venir au point, se 
doubta que ce n'estoit que pour les amuser, 
afin qu'on se saisist d'Orléans premier qu'ils y 
peussent estre arrivez. Et de fiûct Mons^'d'Es- 
trée ^ avoit esté dépesché pour cet effect Mais 
il trouva que les autres avoient esté plus dil- 
ligens que luy. Doncques le S' de Soubize se 
doubtant de cela, ne cessa de presser. Monsieur 
l'Admirai jusques à ce qu'il luy eust £aict 
rompre oe parlement, ce qu'estant faict, ils 
montèrent à cheval et coururent la poste, 
combien qu'ils Aissent dix buict cens cbevaulx, 
jusques à une lieue près d'Orléans, là où ils 
eurent advertissement de Monsieur d'Andelot 
qu'il y estoit desjà entré, et partant ils se 
mirent à aller au pas afin d'y entrer en meil- 
leur ordre. 
Après cela on ne laissa de continuer la né- 

* Ancien page de la reine Anne de Bretagne et 
grand-maître de Tartillerie, Jean d'Estrées combattit 
les réformés tout en professant leurs doctrines, et 
mourut octogénaire après la Saint-Barthélémy. 



— 57 — 

gociation de la paix, et leur faisoît proposer 
la Boyne de quicter le Eoyaome, puisqu'ils 
estoient résolus de suivre ceste religion, et 
qu'on leur donneroit un an de terme pour 
vendre leur bien ; et mesmes à la première fois 
qu'elle parla à Mons' le Prince , elle avoit tant 
faict par ses artifices qu'elle avoit tiré de luy 
quelques promesses , ce que sçachant le S' de 
Soubize, et considérant la playe que cela ap- 
porteroit au Boyaulme, et le danger en quoy 
ilslaisseroient tant de milliers de pouvres per- 
sonnes qxd n'auroient pas le moien de faire le 
mesme, fut toute lanuict sans dormir, pensant 
aux moiens qu'il 7 auroit d'empescher que 
ceste résolution ne sortist à effect 

Le lendemain il se leVa fort matin pour es- 
sayer d'animer ceulx qu'il pourroit pour es- 
lire la voye des armes , et le premier qu'il ren- 
contra fut Monsieur d'Andelot à qui il dist : 
Et bien. Monsieur, qu'estes-vous résolu de 
faire ? De ma part, respond le S' d'Andelot, je 
suis résolu de combattre quand je n'aurois que 
mes trouppes. — que je suis aise, luy dist 
le S' de Soubize, en l'embrassant, de vous veoir 
en ceste résolution. Je vivray et mourray avec- 



— 58 — 

ques vous, et vous prie quand il n'y auroit 
que nous deux, que nous persistions en ceste 
volonté. Là dessus tous deux allèrent remons- 
trer à tous les autres le tort qu'ils feroient à 
tant de milliers d'âmes qui s'attendoient à 
eulx, et le mal qui pourroit provenir si on sui- 
voit la proposition de la Boyne, tellement que 
Mons" le Prince et tous les aultres se résolurent 
de ne le point faire. 

Sur cela ils parlementèrent encores avec la 
Royne, qui ftit lorsqu'on tenoit qu'il se feroit 
une paix près Beaugency, et allèrent trouver 
la Boyne en une grange, qui avoit mal à un 
pied, et portoit un baston. Là entrèrent en- 
cores mon dit S' le Prince et Messieurs l'Ad- 
mirai, d'Andelot, de la Bochefoucaut et de 
Soubize, et s'il y en avoit quelque autre, c'es- 
toit fort peu. Et voyant la Royne qu'on ne 
vouloit pas suivre sa première proposition, 
elle estoit fort en cholère, et parla deux gran- 
des heures à eux, sans seulement se desmas- 
quer, combien qu'il fussent assis, voulant 
tousjours sommer Mons' le Prince de la pro- 
messe qu'elle prétendoit qu'il luy avoit faicte ; 
à quoy je ne puis pas bien dire la response 



— 59 — 

qu'il luy fit, soit qu'il s'excusast de ne le 
pouvoir faire sans ceulx de son party, ou au- 
trement. Cela pourrez vous mieux sçavoir que 
moy. Enfin quand elle vit qu'elle ne le pou- 
voit ûdre consentir à ce qu'elle vouloit, elle se 
leva et frappa plusieurs fois par terre de son 
baston, disant: Ha 1 mon cousin, vous m'af- 
folez, vous me ruinez. A quoy le S' de Soubize 
voyant que ledit S' Prince ny les autres ne luy 
respondoient rien, lui dist : Comment, Ma- 
dame, est-ce cela que vous nous disiez main- 
tenant que vous estes si Ubre, et que nous 
avons tort de dire que vous soiez captive ? Si 
vous avez toute puissance, comme vous dictes, 
qui est-ce qui vous peult affoUer? Sur quoy 
elle demeura estonnée. Enfin ce parlement 
estant finy, ils retournèrent à Orléans, là où 
le dit sieur de Soubize fut malade d'une fiebvre 
continue dont il cuyda mourir. Toustesfois il 
en guérit. 

Bientost après sa guérison, Mons'^ le Prince 
"et les autres seigneurs qui luy assistoient, ad- 
visèrent comme ils se départiroient pour gar- 
der leurs places, et fut parlé d'envoyer le S*^ de 
Soubize à Bouan. Toustesfois voyans que Lion 



— 60 — 

estoit de plus grande conBéquence, tant pour 
estre une des principales villes de France, 
que pour le passage des estrangers, estant 
près de la frontière, la charge luy en fut com- 
mise *. Or n'estoit pas le voyage peu hasardeux 
à cause que tout le pays qu'il luy fisklloit passer 
depuis Orléans jusques-là estoit tenu par les 
catholiques; et pourtant quand il fut à la pre- 
mière couchée, au partir d'Orléans, jusques 
où beaucoup de noblesse avoit suivi sans sça- 
voir quel chemin il estoit délibéré de tenir, il 
les appella tous au soir et leur dist : Je croy 
que pas un de vous ne sçait le lieu où je vais, 
et pour ce que je serois marry qu'à mon occa- 
sion vous entreprinssiez de venir en lieu dont 
après vous eussiez regret, et que vous vous 



* Exaspérés par les massacres de Vassy et de Sens, 
et soutenus par divers capitaines de Tannée de Condé , 
les protestants de Lyon, alors fort nombreux, s'empa- 
rèrent de la ville, le 30 avril 1562, et ils en demeu- 
rèrent les maîtres jusqu'au mois de juillet de Tannée 
suivante. Voir, sur ce sujet, les anciens historiens de 
Lyon, Claude de Rubis, Gabriel de Sacconay, ainsi 
que de Thou (1. xxxi), Bèze (Histoire ecclésiastique, 
t. III, 1. xi), et une fort remarquable lettre de Calvin 
( Lettres françaises , t. II, p. 465.) 



— 61 — 

plaignissiez que je vous auroîs menez à la bou- 
cherie, je vous veux bien déclarer que je vay 
à Lion, afin que si aucun de vous trouve le 
voyage trop fascheux, vous vous en puissiez 
retourner premier que d'estre embarquez plus 
avant, ce que vous pourrez faire, feignans estre 
venus jusques icy pour me conduire; priant, 
au nom de Dieu, ceux qui auront tant soit peu 
de doubte d'entreprendre le voyage, ou pour 
quelque incommodité de leur personne, ou par 
faulte de moiens ou autrement, de me vouloir 
faire ce plaisir de ne passer point oultre. Quant 
à ceulx qui voudront venir, je courray mesme 
fortune qu'eulx, et n'auront mal que je n'en 
àye ma part. Mais premier que de le faire je 
les prie d'y bien adviser, afin qu'au partir de 
là aucun ne die que s'il eust sceu où j'allois , 
ils n'y fussent venus ; vous priant tous de ne 
vous contraindre point à me suivre, pensants 
me faire plus de plaisir, car, au contraire, 
n'ayant pas force suffisante pour y aller à la 
descouverte, et estant contrainct de me celer, 
je passeray plus aisément avecques peu qu'a- 
vec grand nombre. Et encore prieray-je ce 
qui viendra de renvoyer leurs varlets, afin que 



— 62 — 

ce que nous serons soient tons gens prests à 
combattre. 

Là dessus il 7 en eut plusieurs qui, com- 
bien qu^ils eussent désiré le suivre , considé- 
rans leur incommodité, les uns pour estre 
mal montez, les aultres pour quelque autre 
raison, le luy dirent franchement et prirent 
congé de luy; et demeurèrent avecques luy 
seulement quarante chevaulx, tous gens ré- 
solus, et le moindre desquels valloit bien son 
homme. 

En ceste façon il prit son chemin, faisants 
semblant d'estre tous compaignons, et disoient 
en la pluspart des lieux où ils passoient, qu'ils 
alloient trouver Mons"" de Tavannes qui estoit 
en ce pais-là \ Toutesfois comme il est malaysé 
de se feindre, il ne passoit en parroisse que ce 
ne ftist les tocsins sonnant sur luy, et mesme, 
un jour de dimanche, passant par ung grand 
village ou une petite ville, le peuple sortit de 
la grand-Messe, et mit des charrettes au tra- 
vers des rues pour l'empescher de passer. 
Mesme bien souvent il estoit contrainct de 

* Il commandait alors en Bourgogne, où il se signala 
par le massacre et le pillage de Mâcon. (Août 1562.) 



\ 



— 63 — 

faire repaistre les chevaulx dehors, les tenants 
par la bride pour n'entrer aux hostelleries; 
et pour se reculer des grands chemins^ il pas- 
soit la nuict par ces montagnes de Yivarez où 
ordinairement ils oyoient les torrents bien bas 
au dessoubs de leurs pieds, car ils alloient 
nuict et jour, et passoient par des précipices 
que leurs guides leur disoient le lendemain 
que s'il eust esté jour, ils n'y eussent ozé 
aller à pied. 

Comme ils passoient par la Bourgongne, 
le bailly d'Authun les suivit trois jours, avec 
six vingt chevaulx, jusques au port d'Ygoin 
où ils avoient passé la rivière, ce que voyant le 
bailly s'enquist àl'hostesse où ils avoient logé, 
qui ils estoient, à quoy elle leur dict qu'elle ne 
sçavoit, mais que pour le moins elle croyoit 
que c'estoient de braves gens et tous maistres, 
qui avoient mine de ne se laisser pas battre. 
Partant elle le prioit, pour ce qu'il se resol- 
voit de les suivre, de ne s'y jouer pas, crai- , 
gnant qu'il n'eust du pire. Ce nonobstant le 
bailly s'arresta longtemps sur le bord de la 
rivière, regardant leur contenance; mais tant 
qu'ils les peurent voir, le S'^ de Soubize ne se 



-► 64 — 

voulut retirer qu'au pas. Enfin jamais le bailly 
ne les oza attacquer, et s'en retourna sans rien 
faire. Quand le S' de Soubize fut hors de sa 
veue, il commença à aller au grand trot jus- 
ques à ce qu'ils eussent gaigné la repeue, et 
continuant son chemin, se rendit à Lion, 
sans avoir faict perte, durant son voyage, que 
d'un de ses chevaux qui mourut entrant dans 
Lion *. 

Quant à ce qu'il fit au dit Lion, et tout ce 
qui 7 advint pendant qu'il y conmianda, vous 
en avez des Instructions \ Seulement je met- 
tray icy une chose que je croy n'estre pas 

^ Soubise arriva le 19 juillet 1562, avec les pleins 
pouvoirs du prince de Condé, datés d'Orléans, 25 mai 
1562, pour conserver cette place sous Tautorité du roi 
€ et empescher que les ennemys aspirant à la tyrannie 
ne puissent s'en emparer d. 

* C'est le Discov/ra des choses advenues en la ville 
de Lion pendant que Momiear de Soubise y a com^ 
mandé, conservé dans les Mélanges de Mézeray. (Fonds 
français, vol. 20783, fol. 113-157.) Je dois l'indication 
• de ce très-important document au comte Hector de la 
Ferrière, le savant éditeur des lettres de Catherine de 
Médicis. C'est un mémoire apologétique, avec pièces 
officielles à l'appui , se terminant par ces mots qui en 
révèlent l'intention : « Toutes les lettres ci-dessus sont 
expressément mises pour monstrer les causes qui ont 



— 65 — 

portée par les dits mémoires , c'est ce que se 
voyant assiégé et qu'il n'avoit plus vivres que 
pour quinze jours, il se résolut de mectre 
hors les personnes inutiles, comme les femmes, 
les enfants et les pauvres, qui estoient en 
nombre de sept mille, ce qui estant près à 
estre effectué. Monsieur Viret, ministre *, vint 
à luy pour luy remonstrer la pitié que ce 
seroit de mettre un si grand nombre de pau- 
vres gens à la boucherie; à quoy le S' de 
Soubize luy respondit : Je le sçay bien, et ay 
tel regret d'estre contrainct à ce fisdre que le 
cœur m'en saigne; mais le debvoir de ma 

meu le S' de Soubize à demeurer si longuement à 
rendre Lion , qui fut au commencement de juillet 1563, 
d'aultant qu*on Ta voulu calompnier qu'il ne voulust 
pas obeyr à Tédict de pacification. » 

Ce mémoire a passé presque textuellement dans le 
livre XI de VHiatoire eccUsiasIique de Bèze. Je me 
borne à en extraire les fort belles lettres , encore iné- 
dites, de Soubise à Catherine de Médicis, qui figurent 
à TAppendioe. 

* Le célèbre ministre de Lausanne, Pierre Viret, 
appelé à Lyon où il prêcha TÉvangile avec les plus 
grands succès. Il se dirigea ensuite vers Orange, Nîmes, 
Mon^ellier, Orthez, où il mourut en 1571. Voir à PAp- 
pendice la lettre de Soubise aux supérieurs de Genève, 
du 19 novembre 1562. 

6 



— G6 — 

charge le porte, car il vant mienlx perdre ce 
nombre que le tout, vons voulant bien décla- 
rer, Monsieur Yiret, pour ce que je sçay que 
vons estes homme de bien, que nous sommes 
à quinze jours près de la fin de nos vivres, 
tellement que si fanlte de cela je perds ceste 
ville, j'en seray blasmé, et dira on que je ne 
sçay pas mon mestier. A quoy le ministre luy 
respondit : Je sçay, Monsieur, que selon 
le droict de la guerre vous le deves faire; mais 
cette guerre n'est pas commi les aultres, car 
le mdndre pauvre qui soit îcy y a intérest, 
puisque nous combattons pour la liberté de 
nos consciences, et partant je vous supplie, 
au nom de Dieu, de ne le point faire, et ay 
une ferme foy qu'il vous secourra par quelque 
autre moien. 

Quand le S' de Soubize vit cest homme de 
bien parler ainsy, il luy dist : Encores que s'il 
advient du mal en ce faisant, je face tort à ma 
réputation , et qu'on die que je n'aun^r pas 
fiaict debvoir de cappitaine, si est-ce que soubz 
vostre parole, je le feray, ayant asseurance 
que Dieu bénira ce que je fay. Et ainsy ne fut 
mis personne hors Lion; et lors il envoya à 



\ 



— 67 — 

Dombes, dont il luy fut envoyé deux mille 
charges de bled, comme est porté par les mé- 
moires \ qui fut l'occasion de la hayne que luy 
porta Mons' de Montpensier ^. 

Je ne veulx anssy obmettre la résolution 
qu*il avoit prise, si d'aventure il voyoit la ville 
preste à estre prise, de ne se rendre jamais, 
mais de sortir avec ceulx qui l'eussent voulu 
stdvre, et de mourir en combattant, pour ne 
tomber vif entre les mains de ses enn^uysy la*- 
quelle résolution il avoit déclarée i ceulx en qui 
il se fioit le plus. Au reste combien que par les 
mémoires il soit amplement récité la Êiçon dont 

' D'après le Discours des choses advenues à Lion, 
mentionné plus liant, p. 64, Soubise ne tira pas moins 
de 3 à 4000 chars de blé du pays de Dombes ; mais il y 
fallut assiéger plusieurs places où le duc de Nemours 
avait mis garnison. Celle de Trévoux, ayant refusé de 
capituler, périt sous les ruines du château miné par 
les assiégetmts. (Fol. 137.) 

* Louis de Bourbon, duo de Montpensier, prince de 
la Roche-sur- Yon, et souverain de Dombes, un des 
che& les plus impitoyables du parti catholique, qu'il 
déshonora par ses cruautés. Sa maxime favorite était 
qu'on ne doit point garder la foi aux hérétiques. Sa 
fille Charlotte de Bourbon, évadée du cloître de Jouarre, 
alla épouser Guillaume d'Orange. (Voir mes Nouveaux 
Récits du XV I^ siècle.) 



— 68 — 

il s'y porta, si diray-je encores qn'an lieu de s'y 
endetter et mectre en arrière comme il fit, il 
y enst pen gagner cent mille escus, s'il eust 
tant soit peu voulu quîcter de son debvoîr. 
Car tant s'en fault que personne se fust plainct 
de luy, qu'il eust fait plaisir à beaucoup, d'au- 
tant que les marchands luy venoient offirir à 
joinctes mains le tiers de leurs marchandises 
pour avoir congé de faire sortir le reste, ce 
qu'il ne voulut jamais accorder, disant que 
s'il eust peu, sans faire tort au général, les 
laisser sortir, il n'en eust voulu rien prendre; 
mais quand on luy eust offert cent fois plus 
de gaing, il ne Teust pas accepté, pour ce que 
c'estoit leur dernier recours de s'aider à une 
nécessité desdites marchandises. 

J'adjousteray encores que depuis, quand on 
le mectoit en propos de ce qui s'estoit passé 
à Lion, et que quelqu'un en désiroit sçavoir 
des particularités, il recongnoissoit que Dieu 
luy avoit fait une grande grâce en ce qu'il luy 
avoit faict paroistre en tout ce faict là que 
tout ce qui estoit advenu de bien n'avoit point 
esté par sa diligence, mais par une spéciale 
grâce qu'il luy avoit faicte, pour ce que com- 



— 69 — 

bien qn'il n'east rien obmis de ce qu'il pen- 
soit estre du debvoir d'un cappîtaine^ soit à 
avoir espions, ou aultres choses qui dépendent 
du faict de la guerrCi si est ce que Dieu n'a- 
Yoit jamais permis qu'il receut les advertis- 
sements qu'il avoit eus, par ses espions, mais 
les 7 avoit envoyez par aultre voie, en sorte 
que toutesfois il avoit tousjours esté adverty 
des desseins de ses ennemys assez à temps 
pour y prou voir *. Je ne sçay aussy s'il est porté 
par les mémoires que ledit S' de Soubize garda 
lion trois mois après la paix publiée par tout 

' La défense de Lyon assiégé par Tavannes et le duo 
de Nemours est la grande page de l'histoire de Sonbise. 
n f ant la lire dans le Discours mentionné plus hant, on 
dans le récit de Th. de Béze qui en est la reproduction 
presque littérale. Sa vigilance ne fut jamais en défaut. 
Il sut écarter des auxiliaires dangereux, introduire dans 
la ville une garnison s(ù:e, pourvoir aux approvision- 
nements, contenir Tavannes et Nemours, en infligeant 
au second de rudes échecs qui le réduisirent à Tim- 
puissance. Lorsque la paix eut été signée à Amboise 
(19 mars 1563), il se montra noblement soucieux du 
maintien de la liberté des cultes, et ne remit la ville 
qu'en bonnes mains. Sa correspondance avec la reine- 
mère témoigne de la loyauté de ses sentiments, et montre 
sous un beau jour, Tindépendance huguenote unie à la 
fidélité monarchique. 

5« 



— 70 — 

le reste de la France, parce que Monsieur le 
Prince loi avoit mandé secrettement qu'il le 
fiât, n remonstra cependant de si bonnes et 
vives raisons à leurs Majestés, qne jamais on 
ne Iny en sceut donner le moindre blasme dn 
monde. 

Snr la fin des troubles \ Mons' de Guise fut 
tué, de la ùlçou que chascun sçait, par Merey, 
aultrement dit Pautrot; dont tous ceux de la 
maison de Guise prirent occasion de descou- 
vrir davantage la haine qu'ils portoient au 
S' de Soubize, pour ce qu'ils firent charger 
par ledit Merey, par une infinité de torments 
qu'ils luy firent endurer à la gène, ceulx qu'ils 
hayoientleplus,d'estre coulpables de la mort 
dudit sieur de Guise ; et encores adjoustèrent 
ils à sa déposition plus qu'il n'avoit dict, 
comme ceulx qui le sçavent à la vérité le con- 
fessent, luy faisants accroire qu'il avoit dict : 
De Besze m'a presché de le faire, m'asseurant 
qu'après cela j'irois tout droit en Paradis. 
L'Admirai m'en a donné la charge, et Soubize 
m'avoit envoyé vers luy pour cest effect, luy 
mandant que j'estois propre pour faire un 

* Le 18 février 1563, sous les murs d'Orléans. 



— 71 — 

tel coup^ Et combien que Merey n'eust jamais 
dict cela, et que seulement, dorant le tour- 
ment de la gène, il eust nommé par force 
eeulx qu'on avoit voulu, toutesfois incontinent 
qu'il fust hors du tonnent il protesta que ce 
qu'il avoit dict avoit esté par la violence du 
mal, et maintint jusques à la mort qu'autre 
chose ne l'avoit incita à faire ce qu'il avoit 
faict que le désir de délivrer sa patrie d'un 
tel tyran, joinct l'indignité dont avoit usé le 
S' de Guise sur le corps d'un de qui il estoit 
parent, qui estoit le S' de la Benaudie, et 
aussy pour un autre sien proche parent qui, 
au mesme lieu d'Amboise, fut mis prison- 
nier, lequel le S' de Guise fit tuer dans les 
cachots. Depuis lequel temps il avoit tous- 

* Le noble caractère de Tamiral Télevoît au-dessus 
de tout soupçon. Il crut cependant devoir répondre par 
une déclaration publique aux calomnieuses imputations 
dont il était Tobjet. C^est la pièce qu'on peut lire dans 
les Mémoires de Condé, t. IV, p. 312-338, et dans 
YHist eccl de Bèze, t. II, p. 291 et suivantes. Elle est 
datée de Gaen, 12 mars 1563, et signée : Ghâtillon, La 
Bochefoucault, Th. de Bèze. Enfermé dans Lyon, Sou- 
bise ne put y joindre sa signature; mais il existe de lui 
une brève protestation d'une d^te ultérieure. C'est la 
dernière pièce de l'Appendice. 



— 72 — 

jours esté en résolution d'en venger luy et sa 
patrie. 

Or la vérité de tout ce faict estoit telle : 
Merey estoit un jeune gentilhomme d'Angon- 
mois, de la terre d'Aubeterrey qui avoit esté 
nourry page du feu S' d'Aubeterre^ père de 
la dame de Soubize, et depuis suivoit le ba- 
ron d'Aubeterre^ qui, à l'heure que les pre- 
miers troubles conunencèrent, l'avoit laissé 
chez la dite dame de Soubize sa sœur, la- 
quelle entendant la prise des armes , envoya 
au S' de Soubize son mary, qui estoit à Or- 
léans , ses grands chevaulx qu'elle donna à 
conduire au dit Merey, sçachant qu'il estoit 
fort brave soldat, et qui s'en acquicteroit 
fidèlement, comme il fist, et y alla avec le 
8' de Saint-Martin de la Coudre quiconduisoit 
les trouppes de Xainctonge. Or le dit Merey 
se vantoit ordinairement qu'il tueroit Monsieur 
de Guise, et le disoit en général à tous ceux à 
qui il parloit, conmie il avoit toujours faict 
depuis l'entreprise d'Amboise, de quoy on 
faîsoit aussi peu d'estat conmie s'il se fust 
vanté d'obtenir l'Empire, à cause que c'estoit 
un jeune homme qui, quand il fit le coup. 



— 73 — 

n'eut scen avoir qvf^ vingt et deux ou vingt et 
trois ans y et qm Onltre cela estoit nn grand 
causeur, faisant estât ordinairement de plaisan- 
ter, de sorte qu'on prenoit tout ce qu'il disoit 
comme d'un fol. Toutesfois le 8' de Soubize 
l'aimoit, pour ce qu'il luy estoit recommandé 
de la dame de Soubize sa fenmie, en la mai- 
son de qui il avoit esté nourry, et pour ce 
qu'il le congnoissoit pour un aussi résolu et 
advantureux soldat qui fiist en France, dont 
il luy avoit veu fidre plusieurs preuves par- 
tout où il s'estoit trouvé, mesmes dès le com- 
mencement des troubles à Orléans, et depuis 
à lion où il fit deux ou trois actes fort remar- 
quables; et fidsoit estât d'aller donner ordi- 
nairement l'alarme dans le camp de Mons' de 
Nemours, et aultres tels traicts; mesme, tout 
le long du voyage que le dit S' de Soubize alla 
d'Orléans à Lion, s'il y avoit quelque cheval 
encloué pour lequel il fidlust rentrer en une 
ville, ou quelque autre commission ruyneuse, 
il la couroit à force, estant homme qui n'avoit 
nulle appréhension. 

Mesme au Fort d'Tgoin, dont a esté cy 
dessus parlé , s'estant defferré un cheval tout 



— 74 — 

à plat 9 il demanda incontinent la charge de 
demeurer là pour le faire referrer; et là des- 
sus arriva le bailly d' Authun, lequel se donb- 
tant qu'il fust de cette trouppe, l'enquist fort 
pour essayer de tirer de luy ce qu'il pourroit. 
Mais Merey lui dist qu'il s'estoit trouvé là par 
faazardy et qu'il avoit bien eu de la peine à se 
deffaire d'eux, ce qu'il avoit £aict au passage 
de l'eau à grand difficulté , dont il estoit tort 
aise y pour ce que c'estoient des diables; 
comme avec tous ces langaiges il luy vouloit 
bien faire entendre que c'estoient de braves 
hommes, à ce qu'il songeast premier que de 
les attaquer; et enfin l'estourdist tant de pa- 
roles qu'il ne sceut jamais rien apprendre de 
luy. 

Quelquefois à Lion il se mesloit au milieu 
des ennemys leur criant tousjours : Yoylà le 
bras qui tuera Mons' de Guise, dont ils rioient 
pour ce qu'en parlementant ils causoient et 
folastroient ordinairement avec luy comme 
avec un fol. Mesmes durant un parlement 
que le S' de Soubize faisoit avec Mons' de 
Nemours, dans un parc près de lion, comme 
il estoit parmi les trouppes du dit S' de Ne- 



\ 



^ 75 — 

mours où tout le monde le congnoissoit, il vit 
passer un cerf et leur dist : Voulez-vous que je 
vous montre comment je feray à M. de Guise ; 
et en disant cela luy tire une harquebusade 
par la teste, et le tue^ car il estoit fort juste 
harquebusier. Aultant en avoit il dict tirant 
un jour au blanc avecques un certain Lambert 
qui estoit au Boy, et un million d'autres fois. 
Soudain après que le S' de Soubize fut à 
Lion, voulant advertir la dame de Soubize sa 
femme de son arrivée en bonne santé, et dé- 
sirant qu'elle l'y allast trouver, ne trouva per- 
sonne plus propre (à cause que le chemin 
estoit fort hazardeux), d'envoyer vers elle 
que le dit Merey, auquel il demanda s'il voul- 
droit entreprendre ce voyage dont il fut in- 
continent prest ne demandant pas mieulx que 
telles charges. Quand il fut venu vers la dite 
dame, et qu'elle le voulut renvoyer, elle luy 
dist qu'elle vouloit escripre au S' de Soubize, 
son mary, une lettre, qu'elle ne vouloit toutes- 
fois qu'il portast sans l'avoir veue, pour voir 
s'il [ne] craindroit point de ce faire, lui re- 
monstrant qu'il y alloit, si elle estoit trouvée, 
de la vie du dist Merey et d'elle. 



— 76 — 

Or Toccasion de ceste lettre estoit qu'elle 
avoit en advertissement qu'on la Youloit 
prendre eUe et sa fille ^ et les mener devant 
Lion 9 menaçant le sieur de Soubize de les 
tuer toutes deux s'il ne rendoit la ville, ce 
qu'elle ne mandoit au dit sieur son mary 
comme chose certaine de peur de l'affliger; 
mais seulement le supplioit au nom de Dieu, 
si d'avanture cela advenoit, de n'estre esmeu 
de nulle affection naturelle, mais de préférer 
la gloire de Dieu et son debvoir à la vie d'elle 
et de sa fille, d'aultant qu'elle eust beaucoup 
mieux aimé mourir de mille morts (si faire 
se pouvoit) que si cela eust esté cause de luy 
rien faire faire contre l'honneur de Dieu, le 
sien et le service de son Boy, adjoustant que 
ce qu'elle luy en mandoit n'estoit pour doubte 
qu'elle eust de sa résolution, mais pour luy 
rendre tesmoignage de la sienne. 

Or estoit en effet sa délibération , si elle en 
venoit là, de faire tout ce qu'elle pourroit pour 
obtenir de ceulx qui la prendroient de parler au 
dit S' de Soubize, dans la ville, leur promettait 
de n'obmettre rien de tout ce qu'elle penseroit 
pouvoir servir pour le persuader à son debvoir, 



— 77 — 

voulant qu'ils prissent de là espérance qu'elle 
le vouloit solliciter à se rendre, et qu'ils se 
trompassent, prenants son debvoir aulirement 
qu'elle ne l'entendoit. Mais si à la fin elle n'eust 
peu obtenir d'eux de parler à luy qu'en leur 
présence, elle estoit résolue de luy faire haut 
et clair la mesme requeste qu'elle luy faisoit 
par ses lettres , luy remonstrant qu'il recoure- 
roit bien d'aultres femmes et d'aultres enfants, 
mais non ce qu'il perdroit, faisant ce à quoy 
on le vouloit inciter; ce qu'elle déclaira à quel- 
ques uns de ses plus familiers amys, leur disant 
qu'elle s'asseuroit, moyennant l'aide de Dieu, 
de persévérer en ceste résolution jusques à la 
fin, quelque danger où elle se peult veoir. 

Pour revenir à ce que dessus, ayant mons- 
tre la susdite lettre à Merey, il luy dist qu'elle 
ne s'en donnast aucune peine, et qu'il luy 
promettoit, sur sa vie et sur son honneur de 
la porter, ou qu'il mourroit en la peine. Et de 
faict la porta au dit S' de Soubize qui a dit 
maintefois depuis à la dite dame sa femme 
que c'estoit un des plus grands plaisirs qu'il 
avoit jamais receus de la veoir en ceste résolu- 
tion , et soudain après avoir receu sa lettre , 



< 



— 78 — 

l'envoya à Mons" Yiret, et depuis à Genève à 
Mons" Calvin. 

Sur la fin des troubles le S' de Sonbize ne 
ponvant sçavoir certaines nouvelles , comme 
le tout avoit passé à la bataille de Dreux ^y et 
le chemin estant fort hasardeux , il envoya le 
dit Merey qui, conmie j'ay dit^ estoit propre à 
telles commissions, vers Mons' l'Admirai pour 
en estre amplement ad verty, luy mandant qu'il 
se pouvoit fier au dit porteur pour luy mander 
par luy ce qu'il vouldroit, pensant bien que ledit 
S' Admirai, voyant la contenance de l'homme, 
ne l'eust pas sans cela adverty par luy de chose 
d^importance. Le dit S' Admirai qui ne co- 
gnoissoit point Merey, dist au partir de là : 
8i Monsieur de Soubizenem'asseuroitdeceste 
homme icy, je ne sçaurois qu'en penser^ car 
je trouve qu'il parle beaucoup. Peu après vou- 
lant envoyer un espion au camp, il y envoya 
cestuy-là, et dit : Je ne m'y fierois pas, ne le 
cognoissant non plus que je &is, si un aultre 
que Mons' de Soubize me l'avoit adressé. Mais 

* Livrée le 19 décembre 1662, avec des alternatives 
diverses, et sur laquelle les bruits les plus contradic- 
toires avaient couru à Lyon. 




— 79 — 

puisque cestuy-là m'en asseure, je ne crain- 
dray point de m'en servir; et là dessus le dé- 
pesche pour luy rapporter des nouvelles du 
camp, au lieu de quoy il tua Mons' de Guise. 

Voilà le faict tel qu'il fut à la vérité; mais 
ceulx de Guise, qui comme j'ay dit, de long 
temps hayoient le S' de Soubize, comme un 
de ceulx qu'ils cognoissoient s'opposer le plus 
à leurs mauvais desseins, prirent encores ceste 
couleur pour avoir occasion de manifester du 
tout leur hayne, et l'en recherchèrent de 
mesme façon qu'ils firent Monsieur l'Ad- 
mirai. 

Oultre ces ennemys il eut encores de nou- 
veau Mous' de Montpensier, qui, à cause de ce 
qui fut faict à sa souveraineté de Dombes 
(comme il est amplement porté par les mé- 
moires de Lion) , lui voulut beaucoup de mal , 
et l'en recercha tant qu'il peult, en sorte que 
neuf ans après sa mort, pendant que le siège 
estoit devant Fontenay,il s'en vouloit encores 
venger sur ses maisons du Parc, Moulchamp 
et Vendrines, lesquelles, en hayne de luy, il 
tint à fort peu qu'il ne fist razer, ayant tous- 
jours en la bouche sa souveraineté de Dombes, 



— 80 — 

dont il n^avoit sceu avoir raison durant la vie 
du dit S' de Soubize. 

Après les premiers troubles , le premier 
voyage que le dit S' de Soubize fit à la court 
fut quand le Koy estoit à Lion, où ils virent 
Mons^ et Madame de Savoye % lequel voyage 
estoit trouvé fort hasardeux , de sorte que^ 
mesmes en Allemaigne, on le trouvoit Pestre 
beaucoup plus que celuy que Monsieur FAd- 
miral avoit auparavant &ict à Paris , et disoit 
on que Mons' l'Admirai y estoit allé y ayant 
le support du Prince de Condé de qui il estoit 
proche allié , d'un connétable de France ^ son 
oncle y de deux mareschaulx de France , ses 
cousins y et de ses deux frères, dont l'un com- 
mandoit à l'infanterie françoise, et l'aultre 
avoit grand pouvoir , et si n'alloit qu'à trente 
lieues de sa maison , là où le S' de Soubize 
alloit à six vingt lieues de la sienne , sans 
tout ce que dessus, ayant les mesmes enne- 
mis que Mons'^ l'Admirai, et oultre ceulx là 
un prince du sang. Toustesfois combien qu'il 
n'y allast qu'avecques son train , si est ce qu'il 

' Le duc EmmaDuel Philibert et sa femme Margue- 
rite de France , sœur de Hemi II. 



I 



— si- 
se trouva si fort à la court que ses ennemys 
le craignoient, car tout ceulx de la religion, 
qui y estoient en assez grand nombre, se ran- 
geoient à l'accompagner, et oultre ce toute 
la ville estoit à sa dévotion , à cause qu'il les 
avoit si bien traictez pendant qu'il y com- 
mandoit, qu'ils firent mesme tout ce qu'il peu- 
rent pour l'avoir pour gouverneur \ 

Or n'avoit-il jusques là sceu perdre du tout 
l'espérance qu'il avoit eue de la Royne, et 
combien qu'il eust entendu comme elle avoit 
essayé d'attraper Mons' l'Admirai à Sainct- 
Germain en Laye, et aultres traits qu'elle avoit 
faicts, si est-ce qu'il ne s'estoit point encores 
voulu persuader du tout qu'il n'y eust moyen 
de la remectre au bon train auquel il l'avoit 
veue autres fois, se voulant toujours feire ac- 
croire que ce qu'elle avoit faict estoit plustost 
par timidité, ou par persuasion, que par ma- 
lice. Mais bien s'asseuroit-il de se résoudre la 
première fois qu'il parleroit à elle, s'il y avoit 

* Ce second séjour de Soubise à Lyon doit se placer 
en juin-juillet 1564, époque du passage de la cour dans 
cette ville. Voir le Discours du voyage de Charles IX, 
par Abel Jouan, dans le recueil du marquis d'Anbais, 
t. I, p. 9. 

6 



— 82 — 

encores quelque espérance; ce qu'il fit bien- 
tost, car dès qu'il eut &ict la révérence, et 
qu'il fut entré en propos avec elle touchant la 
prise des armes, luy alléguant que ce qu'il 
avoit faict estoit par son commandement, à 
quoy elle luy réplicquoit comme elle l'avoit 
bien voulu retenir à la court, et puis renvoyer 
chez luy; sur quoy il luy réplicquoit de re- 
chef ce qu'il luy avoit respondu (ainsi qu'il 
est touché cy-dessus) et luy disoit davantage 
qu'il ne pouvoit moins faire la voyant pri- 
sonnière avec le Boy et Messieurs ses enfants; 
elle appella Mons' le Connestable, lequel 
le maréchal de Vieilleville *, qui estoit pa- 
rent et fort amy du S' de Soubize, admusoit, 
afin qu'il n'ouyst ce que le dit S' disoit à la 
Royne, et luy dist : Mais que diriez-vous, 
mon compère, que Soubize a tousjours oppi- 
nion que le Roy et moy estions prisonniers? 
A quoy le Connestable respondit : Je le croy, 
Madame, car s'ils n'eussent pensé cela, ils 
estoient trop bien advisez pour faire ce qu'ils 
ont faict, 

* Loyal soldat, respecté de tous les partis, entre 
les mains duquel Soubise avait remis la ville de Lyon. 



k 



— 83 — 

Quand le S"" de Soubize vit ce traict là en 
la Royne, il fut, comme j'ay dit, tout résolu 
qu'elle ne feroit jamais rien de bien, et n^ 
en eut plus d'espérance. Ce neantmoins il ne 
laissa de parler tousjours à elle aussy libre- 
ment que de coustume , qui estoit de telle sorte 
qu'il n'y avoit homme en France qui eust la 
privante de ce faire comme luy, s'estant telle- 
ment acquis de tout temps ceste liberté qu'il 
la continuoit tousjours , de sorte que ceulx qui 
le voyoient parler à elle avecques ceste fran- 
chise, et qu'elle le trouvoit bon, pensoient qu'il 
la gouvemast du tout, et plusieurs courtisans 
sur ceste opinion se sont, au partir de là, sou- 
vent venus offrir à luy. Or tardoit-il fort à la 
Royne qu'elle le peust faire partir de la cour, 
pour ce qu'il luy sembloit qu'il luy rompoit 
tous ses desseins , de sorte qu'elle estoit tous 
les jours à luy dire : Que faictes vous icy ? Vous 
y avez tant d'ennemys, que ne vous en allez 
vous? Et quand il luy disoit qu'il ne les crai- 
gnoit point, elle luy respondoit qu'elle avoit 
peur pour luy. Mais, Madame, luy disoit-il, 
puisque je n'en ai point, vous ne devez pas 
plus craindre pour moy que moy mesmes; 



— 84 — 

à quoy elle luy disoit : Je le sçay bien que 
vous n'avez point de peur, car vous avez la 
plupart de la court pour vous, et toute ceste 
ville; mais j'ay peur vous voyant icy si fort 
qu'il n'advienne de la folie. Je crains tant 
que vous ne faciez quelque chose. Je me 
doubtois bien , Madame, dit le S' de Soubize, 
que c'estoit la peur que vous aviez pour moy; 
mais je n'ay rien à leur demander. Si vous 
avez tant de puissance sur eulx que vous 
dictes, défendez leur de commencer, et je vous 
promects, sur mon honneur, que je ne le fe- 
ray pas de ma part ; mais s'ils commencent, 
j'acheveray si à bon escient qu'il en sera mé- 
moire. 

Et pour ce qu'elle continuoit tousjours à le 
presser de s'en aller, il luy disoit : C'est grand 
cas, Madame, que vous ne voulez esloigner 
du Roy que les bons et anciens serviteurs de 
ceste couronne, et ceulx qui ont exposé leurs 
vies pour délivrer Vos Majestés de la captivité 
où vous estiez, et n'en approchez que ceulx 
qui veulent la ruine de vous et de vostre es- 
tât, tellement que si je voulois estre en vostre 
bonne grâce et estre approché de la personne 



— 85 — 

du Roy, je ne tiendroie pas le chemin que 
j'ay tenu, et n'est pas faulte de sçavoir ce qu'il 
fauldroit faire pour y parvenir. Et que feriez- 
vous? dist la Royne. Je vous prendrois prison- 
niers, dit le S' de Soubize, le Roy et vous, 
comme ont faict ceux de Guise. Je sémerois 
des libelles diffamatoires par Paris contre 
vous, pour animer le peuple, comme ils ont 
faict. Je prendrois charge de vous estouffer 
entre deux couettes, comme elle fut donnée 
à Mons' de Nemours, au Maréchal de Saint- 
André et à Rocandolphe \ Je vous menaçerois 
tous les jours, comme ils faisoient ; je me ferois 
craindre à vous comme ils font, et usurperois 
le plus d'authorité que je pourrois en dimi- 
nuant la vostre. Je sçay bien que faisant cela 
je serois favorisé de vous. Vous ne me pres- 
seriez pas de m'en aller. J'obtiendrois tout 
ce que je demanderois, comme ils font, au lieu 
que ceulx qui ont hasardé leur vie pour vous 
délivrer de ceste tyrannie, sont reculez et mal 
voulus de vous; mais j'aime mieux l'estre en 

* Un de ces chefs de mercenaires allemands mettant 
leur épée au service du mieux payant, m*écrit le comte 
H. de La Ferrière. Il périt misérablement en 1563. 



— 86 ^ 

bien fiûsant que d'estre advancé par tels 
moyens. 

Là dessns la Boyne rioit et rassenroit 
que ce n'estoit point cela, qu'elle raîmoit, 
et que c'estoit l'amitié qu'elle lui portoit qui 
luy fEkisoit dire ce qu'elle disoit; qu'elle n'ai- 
moit point ceulx de Guise , lesquels elle co- 
gnoissoitbien, mais qu'elle estoit contraincte 
de se feindre encores pour quelque bonne oc- 
casion qu'elle ne pouvoit dire, mais qu'il s'as- 
seurast que c'estoit pour quelque chose de 
bon, ce que mesmes elle disoit tous les jours à 
Madame de Savoye , laquelle le racontant au 
S' de Soubize (car c'estoit un des hommes de 
France qu'elle aimoit et en qui elle se fioit 
le plus), le dit S?" luy respondit : Je ne m'es- 
tonne plus, Madame, si la Boyne ne me peult 
dire pourquoy elle faict ce qu'elle faict puis- 
que c'est chose qu'elle vous celle. Toutesfois il 
estoit desjà tout résolu de ne faire plus d'es- 
tat de ses promesses. 

Quand il fut prest à partir de la court il 
vint le jour avant à la Royne, et luy dist : 
Madame, j'ay une bonne nouvelle à vous dire. 
Et quoy, dist la Royne. Je voudrois donc un 



— 87 — 

beau présent de vous , premier que de la vous 
dire; et ainsi s'estant fait presser assez long- 
temps y c'est, dit-il, que je m'en vais demain. 
Sur quoy la Royne se prenant à rire, il luy 
dist : Je sçavois bien , Madame , que je voua 
ferois bien aise ; mais quand vous plaira il 
que je revienne ? Là dessus la Boyne luy dit : 
nous délibérons d'aller en tel et en tel lieu 
(qui estoit tout le discours du voyage de 
Bayonne), puis nous repasserons par tels et 
tels pais, et quand nous serons en Guienne 
vers vos quartiers (qui ne pouvoit estre plus- 
tost que de deux ans) envoyez vers moy, et je 
vous manderay ce que vous devrez faire. C'est 
à dire, respond le S' de Soubize, que vous vou- 
lez estre asseurée de ne me veoir de deux ans, 
et au partir delà quand j'envoyeray vers vous, 
vous me manderez : Il y a encores un chat de 
la maison de Guise; ne venez pas, car il vous 
esgratignera. Or je vous diray. Madame, ce 
que je feray. J'envoyeray vers vous quand vous 
serez en Guyenne, puisque vous le me com- 
mandez. Mais je seray aussy tost près de vous 
que le messagier ; ce qu'il fit. Car après que le 
Roy eut faict son grand voyage de Bayonne, 



— 88 — 

quand il fut à Niort % le S' de Sonbize envoya 
le cappitaine Faymaict vers la Boyne y par le- 
quel il luy mandoit qu'il seroit là tout incon- 
tinent après luy , suivant ce qu'il luy avoit 
dict partant de Lion. Et de faict la vint 
trouver au dit Niort avecques une fort belle 
trouppe , estant entre autres accompaigné des 
plus apparents de la noblesse de Poictou, et 
alla jusques à la Rochelle, là où sa trouppe pa- 
raissoit plus que tout le reste de la court , dont 
mesme Mons' de Montpensier se plaignoit, 
disant qu'il estoit mieux accompaigné que les 
princes du sang, conmie aussy il s'estoit plaint 
à Lion de ce qu'il passoit tous les jours devant 
son logis avec si grande compaignie, dont 
toutesfois le S' de Soubize ne s'estoit voulu 
désister, non plus qu'il fit de s'accompaigner, 
pour les plainctes du dit S' de Montpensier. 
Au retour de la Eoclielle, il revint chez 
luy, et dist à la dame de Soubize, sa femme, à 
laquelle il communicquoit tous ses plus im- 
portans affaires, l'ayant cogneue digne de cela, 
et les sçachant tellement celler qu'elle eust 

* La cour y passa trois jours, du 17 au 20 sep- 
tembre 1565, et se rendit ensuite à la Rochelle. 



— 89 — 

mieux aimé monrir que d'en déclarer la moin- 
dre chose du monde , qu'il voyoit bien, veu la 
façon dont toutes choses se gonvernoient, qu'il 
seroit nécessaire de &ire ce que depuis on 
&illit à exécuter à Meaux, qui estoit de se 
saisir de la personne du Boy, et l'oster des 
mains de ceux qui taschoient à se servir de son 
authorité pour un temps affin d'accroistre la 
leur, et se faire à la fin Bois, s'ils pouvoient; 
partant au contraire estoit besoing de les recu- 
ler d'auprès de sa personne et d'en approcher 
les princes du sang et vrais serviteurs de la 
Couronne, pour bien instruire le Boy, en sorte 
qu'il fust un jour tel que doibt estre un prînce 
vrayement chrestien et vertueux, Vray est que 
le tout estoit de faire si bien l'entreprise qu'on 
n'y faillist point, car s'il advenoit qu'elle 
fust faillie , c'estoit la ruyne de l'Estat. Cela 
avoit-il deslors en l'entendement, comme de- 
puis l'a dict la dite dame de Soubize, sa femme, 
ce qu'elle n'a jamais révélé que depuis sa 
mort, et suivant ceste proposition, fdt ce qui 
depuis, comme dict est, fut failly à Meaux \ 

* La retraite de Meaux, prélude de la seconde guerre 
civile, eut lieu le 29 septembre 1567, un an après la 
mort de Soubise. 



— 90 — 

Cependant voyant les affaires en tel estât 
et les troubles qui se préparoient, il se faschoit 
et tourmentoit le plus du monde, craignant 
de ne pouvoir autant servir qu'il eust désiré , 
à cause de son indisposition, pour ce qu'il 7 
avoit desja deux ans qu'il conimençoit à se 
sentir de la maladie dont il mourut, qui estoit 
une jaunisse, qui à la fin se convertit en hj- 
dropisie, dont il estoit desja lors fort mal, 
ce que les médecins qui le virent ouvrir après 
sa mort, attribuoient à poison, et avoient oppi- 
nion qu'il avoit esté empoisonné d'une poison 
longue et à temps, au second voyage qu'il fit 
à Lion, pour ce que depuis cela il n'avoit ja- 
mais faict son profit, et estoit tousjours allé 
en empirant. 

Bientost après il alla trouver la court à 
Chasteaubriant ^, où il eust plusieurs propos 
avecques la Eoyne de la Religion, de laquelle 
il luy parla fort avant, jusques à luy ramen- 
tevoir le temps qu'elle feignoit enestre,ce qu'il 
fit par plusieurs fois. Mais entr'autres un soir 

* On voit par la relation d'Abel Jouan que la cour 
y séjourna du 16 octobre aux premiers jours de no- 
vembre 1565. 



^ 



— 91 -- 

qu'il estoit demeuré en son deshabiller, elle 
prist, après estre descoiffée, des pseaumes en 
latin (ce qu'elle a accoustumé de faire tous 
les jours et d'en lire deux ou trois). Dans les 
dits pseaumes il j avoit de petites images 
peinctes, l'une desquelles elle approcha au 
S' de Soubize pour la luy faire baizer, lequel 
s'estant reculé, elle luy dist : Vous penseriez 
estre damné si vous aviez baizé cela. Non ferois, 
Madame, respondit-il ; mais ce sont des sottizes 
à quoy je ne croy point, comme je sçay qu'aussy 
ne faictes-vous. Si fay par ma foy, lui dist la 
Boyne. Ce n'est pas à moy, Madame, luy dist 
le S' de Soubize, à qui vous devez desguiser 
cela. Pensez-vous qu'il ne me souvienne plus 
du temps que vous estiez de la Religion, et 
que vous nous en parliez ouvertement? Mais 
quoy qu'il y eust, dist la Royne, j'allois tous- 
jours à la Messe. Ouy, Madame, respond le S' de 
Soubize, par crainte du Roy vostre beau-pere et 
du Roy vostre seigneur, mais non pas que vous 
la trouvassiez bonne. Par ma foy, si faisois, dit 
la Royne. Pardonnez, Madame, dist le S"" de 
Soubize, si je ne vous puis passer cestuy là, car 
vous sçavez bien combien de fois je vous ay ouy 



— Ô2 — 

dire qu'elle ne valloit rien et que vons 7 alliez à 
grand regret. Or bien, dist la Boyne, mais tant 
y a qne je ne m'y sois pas fondée si avant que 
vons 9 et qnand vous n'eussiez point esté pins 
avant que moy, vous en eussiez mieux taict 
Mais vous voulez arracher tout d'un coup avec 
ce glaive à deux tranchans. Ce seroit le meiQeiir 
de le fSeiire peu à peu. Nous ne voulons, dist le 
Q' de Soubize, arracher que le mal, lequel il ne 
se fault point contenter d'oster à demy. Non, 
non, dit la Boyne, vous feriez mieux d'en user 
comme moy. Aussy vous voyez comme Dieu 
m'ayde, et conmie U m'a délivrée des maulx 
que j'ay eus pour me faire les grâces qu'il m'a 
faict. Au contraire vous n'avez que du mal. 
Eegardez comme vous estes malade. Vous avez 
desjà le col tout jaulne. A quoy le S' de Sou- 
bize luy respondit : Madame, les plus grands 
maulx que j'ay soufferts ont esté pour vous 
délivrer de la misère et captivité où le Roy et 
vous estiez, lesquels je plains si peu, que j'es- 
timerois ma vie avoir esté bien employée pour 
cest effect. Quant aux autres afflictions, ce sont 
les marques des enfants de Dieu; et là dessus 
il prit occasion de luy dire une infinité de 




— 93 — 

belles choses tant pour ce qui concernoit la 
Religion que sur le faict de Testât des partis. 
De là il retourna chez luy estant desja fort 
mal. 

Toutesfois il ne laissa d'aller encores trouver 
la court à Moulins dont il ne revint que cinq 
mois avant sa mort *, laquelle luy cuyda en- 
cores estre hastée là, à cause que ceulx qui ont 
esté les autheurs du massax^re qui est depuis 
advenu, l'avoient dès lors entrepris, et résolu- 
rent de l'exécuter audit Moulins, à cause que 
tous les principaulx chefs de ceulx de la Reli- 
gion y estoient, hors mis Mons' d'Andelot, 
lequel je ne suis pas bien asseuré qu'il y fust. 
Mais tant y a que depuis les troubles ils n'en 
avoient sceu tant assembler que lors, qui 
leur fit resouldre de s'en desfaire tout à la 
fois ; et desjà le maréchal de Bourdillon et le 
comte de Brissac, qui en avoit la charge, es- 
toient entrés en la chambre de la Royne (qui 
cependant se devoit retirer dans un cabinet), 
estant armez de maille pardessoubs, et devoit 
le comte de Brissac prendre une querelle d'Al- 

* C'est-à-dire en avril 1566. La cour étoit arrivée 
dans cette ville le 25 décembre précédent. 



— 94 — 

lemaigne contre Mons' le Prince, pour avoir 
occasion de mettre la main à Pespée avec ceolx 
qui estoientattitrez pour ceste exécution. Mais 
il prit une soudaine peur à la Royne, comme 
encores elle luy prit semblable à la Saint-Bar- 
thélémy, de sorte qu'elle empescha lors que 
l'entreprise ne fust exécutée, ce qu'elle vou- 
loit de mesme faire au dernier massacre, de 
frayeur qu'elle avoit, sans qu'on luy dist que 
Monsieur l'Admirai estoit desjà mort *. 

Au retour du voyage de Moulins le S' de 
Soubize retourna chez luy, estant desjà fort 
mal, de sorte que ceulx qui le voyoient n'.es- 
peroient plus qu'il peust vivre, ce que luy co- 
gnoissoit mieux que personne, et comme j'ay 
dit, ne se faschoit sinon pour la peur qu'il 
avoit, s'il advenoit quelque affaire, de ne pou- 
voir servir, comme il eust désiré, combien 
qu'il se résolust, comment que ce fust, de se 
faire traîner en quelque Heu, soit en une àr- 

^ Que devient en présence d'un texte aussi positif 
la thèse de la non préméditation de la Saint-Barthé- 
lémy? Le massacre du 24 août 1672 ne fut que Texé- 
cution en grand, sur un théâtre plus propice, d'un projet 
depuis longtemps conçu et conforme à la triple inspi- 
ration de la cour, de Rome et de TEspagne. 



— 95 — 

mée ou en une ville, où il peust achever d'em- 
ployer ce peu de vie qui luy restoit au service 
de Dieu et de sa patrie. Cependant il s'estu- 
dioit à couronner le reste de ses gestes par une 
mort digne de la vie qu'il avoit menée, se 
rendant de plus en plus assidu à ouir la pa- 
role de Dieu, et à le prier et invocquer non- 
seulement en public mais en son particulier, 
demeurant tous les jours quatre ou cinq heures 
enfermé dans son cabinet à ^^rier Dieu et à 
lire en sa parole. Quand il voyoit ses amis il 
les consoloit de sa mort, laquelle il leur disoit 
à tous qu'il sentoit tous les jours approcher, 
hors mis à la dame de Soubize, sa femme, à 
laquelle il ne le voulut jamais dire, et les 
prioit tous de ne le luy dire point pour l'appré- 
hension qu'il avoit de son ennuy; mais à tous 
ses aultres amis il les prioit de ne s'attrister 
point, et de considérer l'heur qu'il estoit près 
de recevoir, avec une infinité d'aultres belles 
choses que la pluspart ont depuis récitées. 

Mesme fort peu auparavant il escrivit une 
lettre à Mons' le cardinal de Chastillon, par 
où il luy disoit adieu pour la dernière fois, et 
luy mandoit qu'il perdoit en luy un des meil- 



- .-. -.nkS 



— 96 — 

leurs amis et serviteurs qn^il eost en ce monde, 
ce que le dit S' cardinal dist incontinent qa'il 
Bcenst sa mort, et monstra la lettre à cenlx qni 
estoient près de luy. 

Encores la semaine avant qu'il mourust, 
envoyant un gentilhomme vers Mons' de Mar- 
tigues !, comme le gentilhomme luy demandait 
en partant s'il vouloit plus rien luy comman- 
der, a luy dist tout aussy en riant que s'il eust 
parlé de quelque voyage qu'il eust eu à fiire : 
Dictes à Mons' de Martigues que s'il veut 
mander quelque chose en paradis, que je suis 
prest d'y aller; et comme le gentilhomme 
monstrast estre fasché de ce qu'il luy ouyoit 
tenir ce langage, le S' de Soubize lui dit : Ne 
faillez pas à le luy dire^ et que je luy mande cela 
pource qu'il ne sçauroit trouver messager plus 
asseuré que moy, et que s'il y a quelque af- 
faire, qu'il faut bien qu'il la commecte à un 
aultre, pource que quand à luy il n'ira jamais, 
mais qu'il se haste, car je suis pressé de 
partir. 

* Sébastien de Luxembourg, seigneur de Martigues^ 
grand ami du duc de Montpensier et grand ennemi des 
huguenots. 



^ 



— 97 — 

Or ne fust il arresté au lict que dix-huict 
ou vingt heures avant qu'il mourut, de sorte 
que le samedy dont il mourut le dimanche, il 
estoit près d'onze heures du matin qu'il ^se 
promenoitencoresavecungentilhommelorrâin 
qui avoit épousé une de ses niepces, fille de 
Monsieur de Pons, nommé le S' de Besicourt, 
avec lequel il avoit discouru deux grandes 
heures d'affaires d'Estat, dont il estoit tenu 
pour sçavoir aussy bien parler qu'homme de 
France, de telle &çon qu'un sien secrétaire 
qui le suivoit, disoit ne l'avoir jamais ouy 
mieux parler. Au partir de là, il revint, se 
trouvant plus mal que de coustume et se mict 
au lict Toutesfois il ne luy empira bien fort 
que sur le soir, qui luy dura toute la nuict 
jusques au lendemain matin , tousjours vou- 
lant qu'on luy parlast de Dieu et qu'on luy 
fist la prière. 

Environ un quart d'heure avant mourir, il 
voulut voir sa fille pour luy donner sa béné- 
diction, avant partir de ce monde, puis la fit 
retirer, et un quart d'heure après rendit l'es- 
prit, ayant dist pour la dernière parole : Mon 
Dieu, je recommande mon ame entre tes mains ; 

7 



— 98 — 

et (qni est nne chose incroyaUe) la dame de 
Sonbize eut la coastanoe de demeurer aoprèB 
de I117 et de le consoler jiuaqiies à Farticle de 
la^mort, ce qu'elle enst juré peu d'heures an- 
parayant estre hors de sa pnissance; mais elle 
8*7 contndgiiit de ceste £MX>n ponrce qu'elle 
Yojoit qu'il avoit plaisir qu'elle 7 fnst^ et qu'il 
oyoit plus volontiers ce qu'elle IU7 disoit que 
ce que les autres IU7 pouvoient dire. Je tous 
laisse à penser si an partir de là elle demeura 
désolée^ et si elle eut besoing des consolations 
qui lu7 furent adressées ^ 

Le jour qu'il mourut fut un dimanche, le 
premier de septembre 1566. Le lendemain son 
corps fut porté à Moulchamp, paroisse du Uen 
où il fut enterré. Là où se trouva une telle quan- 
tité de noblesse pour l'accompaigner à la sé- 

* Voir dans le Bulletin du ProteakmUame Jrançaù 
(t. II, III et V) les lettres consolatoires adressées à sa 
veuve par les plus illustres personnages du parti, 
Jeanne d*Albret, Coligny, Charlotte de Laval, Char- 
lotte de Roye, Théodore de Bèze, etc. Entre ces épttres 
diversement touchantes, celle de Coligny brille d*un 
singulier éclat. (Bull., t. II, p. 560). 

On peut lire également dans le Bulletin (t. XIII , 
p. 306-313) le testament de M"»« de Soubise, daté de 
la Rochelle 16 août 1670. 




-- 99 — 

pultore qu'il estoit incroyable qu'en ei peu de 
temps on en penst assembler tel nombre. Et 
ceste mesme sepmaine pins de cinq cens gen- 
tilshommes vinrent s'offiîr à la dame de Son- 
bize, sa femme^ en mémoire de Injy de sorte que 
obactm disoit que puisqu^un oorps mort pon- 
voit mettre si tost tant de gens ensemble^ que 
c'est qu'il eust peu faire estant vif. 

Bi vous trouvez bon de dire quelque chose 
de l'humeur dudit feu 8' de Boubize^ il estoit 
d'un naturel fort doulx et pitoyable , combieil 
que ceulx qui le voyoient de prime abordée^ le 
jugeassent mal accostable, ce qui venoit à cause 
qu'il n'avoit pas à tout le monde ce grand ac- 
cueil et ceste chère ouverte qu'ont quelqnes uns, 
et ne prenoit plaisir à of&ir à personne que ce 
qu'il vouloit tenir, joinct qu'il avoit une façon 
grave et une grande maiesté, tellement qu'il 
avoit plustost la mine d'un roy que d'un simple 
gentilhomme. Mais aussy ceulx qui le cognois- 
soient faisoient plus d'estat d'une parole qu'il 
leur avoit dicte que d'une douzaine d'embrassar 
des d'un autre; et pense pouvoir comparer son 
naturel à ce que j'ay quelquefois leu de Pompée, 
duquel on disoit que la gravité naturelle qu'il 



— 100 — 

avoit n'estoît point fitscheose, ains estoit sa 
compagnie et conversation fiunilière fort plai- 
sante et agréable ; ce que le S' de Soubize avoit 
semblablement, car parmy ses fioniliers amis, 
il estoit d'une conversation si douce et aggréa- 
ble qu'il ne se faisoit moins aymer d'eux que 
craindre de ses ennemys. 

Au reste il estoit homme véritable et droic- 
turier, qui ne manquoit jamais où il avoit 
promis amitié, et qui n'estoit point à racoin- 
ter; qui ne pouvoit applicquer son esprit à 
petites choses , mais &lloit qu'il l'eust tous- 
jours occupé à quelque chose de grand. Il estoit 
fort malaysé à surprendre , à cause qu'il estoit 
vigilant, et mesmes dormoit fort peu, em- 
ployant une grande partie de la nuict à dépes- 
cher affaires, de sorte qu'encores qu'il feust 
à sa maison , il ne se couchoit qu'à minuict, 
et se levoit à quatre ou cinq heures , employant 
le soir et le matin à faire depesches, ou à autres 
occupations nécessaires, dont il avoit tousjours 
assez, et ne s'en trouvoit jamais las, pourveu 
que ce ne fussent point affaires de sa maison, 
car de ceulx là il n'en vouloit jamais ouir pftrler, 
et s'en remectoit du tout sur la dame de Sou- 



— 101 -" 

bize sa femme, ne ponvant se soucier que de 
celles de dehors et qui importoient le général. 

Il estoit au demeurant un peu long à se 
resouldre. Toutesfois quand la nécessité pres- 
soit, il prenoit sa résolution promptement, 
de sorte qu'à faulte de cela il n'a jamais perdu 
une bonne occasion. Mais s'il avoit le loisir il 
vouloit toujours prendre du temps pour y 
penser, afin de se resouldre à propos, et de 
n'estre point après contrainct à changer. Oultre 
tout ce que dessus , il avoit la crainte de Dieu, 
qui est plus à priser que tout le reste, en la- 
quelle il a tousjours vescu et persisté, comme 
a esté dit , jusques au dernier souspir de sa vie. 

Je vous ay bien voulu dire ce que dessus en 
passant, touchant l'humeur du S*^ de Soubize, 
à cause que je voy que c'est une des choses 
que les historiographes qui escripvent les vies 
de quelques uns , recerchent aussy dilligem- 
ment, jusques à remarquer leur forme, leur 
stature, et les traicts et linéaments de leur 
visaige, mectans pour cest effect leurs effigies 
et médailles au commencement de leurs livres. 



APPENDICE. 



Au Ray. 

Parme, 6 janvier 1555. 

Sire» encores que je pense que tous serez plus 
dilligemment advertj des choses de Sienne, et que 
les nouvelles que je vous en manderaj vous pour- 
ront estre vieilles, je n'ay voullu toutesfois lais^ 
ser, estant présentement arrivé un homme que 
Mons' le Duc de Parme y avoit envoyé, de vous 
Élire ceste dépesche pour vous faire scavoir les 
nouvelles qu'il en a apporté, pour lesquelles mieulx 
entendre. Sire, sans vous ennuyer d'une trop lon- 
gue lettre, je vous envoyé les copies d'une lettre 
que le Cavalcantescript à Mons' le Duc de Parme, 
et d'une que Mons' de Montluc escript à Mons' le 
maréchal de Brissac, par lesquelles vous congnois- 
trez l'espérance qu'ils ont de la batterie et du se- 
cours. Toutesfois, Sire, par la lettre dud. Caval- 



— 104 — 

cant il monstre avoir eu un advertissement qui 
ne s'accorde pas avec l'oppinion qu'ils ont de la 
dicte batterie, qui est qu'il ne vient point d'ar- 
tillerie de Florence, et que le Blarquis * veut mettre 
celle de Montepulcian dedans les forts, avecques 
les batailles du Duc de Florence, comme je vous 
aj mandé par ma dernière dépesche, qui est à 
mon oppinion la plus croyable, car je scais certai- 
nement que led. Marquis est fort sollicité du Fi- 
guerol de venir secourir Testât de Milan. 

J'ay envoyé en lieux dont j'espère estre adverty 
de bonne heure de ce qu'il fera, ce qui nous est 
bien nécessaire de scavoir, tant pour penser à nous 
que pour en advertir M' le Mar** de Brissac, le- 
quel avoit envoyé icy pour en scavoir, et luy en 
ay aujourd'huy fiEdt entendre ce que nous avons 
eu, et le loisir qu'il aura de fedre quelque chose de 
bon, s'il en a le moien, si le marquis met son ar- 
tillerie en batterie ; car, à ce que m'ont dit ceux qui 
congnoissent le pays de l'entour de Sienne, il ne 
s'en scauroit retirer et mener en lieu de seuretéen 
15 ou 20 jours, qui est une autre raison pour 
croire qu'il ne le fera pas, dont j'espère advertir 
led. S^ Mar^ de Brissac de bonne heure, si ainsj 
est qu'il ne le face et qu'il s'en vienne de deçà. 

Je vous envoyé aussy, Sire, la copie d'une lettre 
escripte par un capitaine du Marquis en laquelle il 

* Medichino, marquis de Marignan, général de 
Charles-Quint et du duc de Toscane. 



— 105 — 

discourt en grand nombre de parolles le peu d'ef-* 
fect qu'ils feirent en Tassault par eschelles qu'ils 
donnèrent à Sienne la nuit d'après le jour de 
Noël, où ils perdirent plus de 300 hommes, dont 
les lettres du S' de Montluc et du Cayalcant ne 
font aucune mention, pource que le porteur partit 
la mesme nuit et un peu avant lad. escalade, la- 
quelle il m'a conté avoir veue etouye d'une vigne 
où il s'arresta quand il en ouït le bruit, et dura 
plus de deux grandes heures. 

J'ay parlé aiyourd'huy à un homme venant de 
Florence qui m'a dit que la nouvelle estoit venue 
aud. Florence, cependant qu'il y estoit, qu'il y 
estoit mort mil ou douze cens hommes, de quoy 
le Duc a porté un ennuy extresme, et n'a sceu, à ce 
qu'il m'a dit, en huit jours qu'il y a séjourné, veoir 
led. Duc, pource qu'il n'a jamais bougé d'une 
chambre enfermé, et disoit on par la ville que son 
plus ^n^nd ennuy estoit pource que le Marquis 
voiilloit lever le camp; et pour confirmation de 
cela il m'a dit certainement que les batailles du 
Duc ont esté commandées. 

^re, la neige et le maulvais temps qu'il a fait 
nous a empesché d'exécuter ce qu'il vous a pieu me 
faire entendre par Mons' le Duc de Parme; mais 
j'espère que ce sera fait dans 12 ou 15 jours, si le 
temps le permet et le passaige de l'armée du Mar- 
quis ne nous empesché; j'ay espérance de vous 
en mander bientost de bonnes nouvelles. 

Sire, je vous supplie très humblement me con- 



— 106 — 

tinuer pour toute ma vie en vostre bonne graoe 
et souTenanoe» selon que le mérite raffëction et 
celle que j'aj de tous &ire service, pour lequel je 
n'espargneraj jamais le hasard de ma vie» ni le 
peu de bien que Dieu m'a donné; lequel je supplie, 
Sire» TOUS donner en parfedi contentement et 
prospérité très heureuse et très longue Tie. De 
Pftrme, le 6** jour de jauTier 1554 *• 

Vostre très humble et très obéissant subject 
et serviteur, 

SOUBIZB. 
(Copie. Fonds françaii, toI. t0649, fol. 8.) 



II 



Au Ray. 

Parme, 24 janvier 1555. 

Sire, je vous ay ces jours passez feit entendre 
par le courrier que Mons' le Duc de Parme a dé- 
pesché devers vous, l'espérance en quoj nous es- 
tions d'exécuter bientost l'entreprise que il vous 
a pieu commander. Mais s'y estant trouvé une 
difficulté telle qu'il vous plaira. Sire, escouter 
et croire de ce porteur, led. S' Duc et moy avons 

* On sait que Tannée commençait alors à Pftqnes ; 
nouveau style : 1555. 



— 107 — 

esté d'advis de le tous dëpescher en dilligence 
pour le vous faire entendre» affîn» Sire» que Tostre 
plaisir soit ordonner ce qu'il vous plaira y estre 
fait, pour j suivre entièrement vostre volonté» 
vous suppliant très humblement» Sire» croire que 
le plus grand désir que j'aje en ce monde est» par 
le hasard de ma vie ou autrement» vous pouvoir 
faire quelque bon service par lequel vous puissiez 
cognoistre le zèle et affection que j'ay à vous, 
Sire» et à vostre grandeur. Et le plus grand ennuy 
que je puis maintenant avoir» c'est de m'en voir 
le moyen pour ceste heure perdu ou pour longtemps 
diferé» qui me fera» Sire» très humblement vous 
supplier» si vous n'avez intention de &ire ceste 
année la guerre de par deçà» ne me vouloir laisser 
en ce lieu inutille» et me pardonner si en cela je 
prens la hardiesse de vous sommer de la promesse 
qu'il vous a pieu m'en âtire» et n'estre mescontent. 
Sire» si par adventure je commence trop tost 
à vous rementevoir ceste promesse; car ce qui 
m'a donné ceste hardiesse est la peur que j'ay que 
vous Touilliez» et l'espérance aussy que j'ay en 
Di^i, si j'ay cest heur d'estre employé en quelque 
bon lieu près de vostre personne» ou ailleurs où 
il vous plaira me commettre» qu'il me fera la 
grâce de vous faire quelque bon service» ou mourir 
en m'efforçant de le £edre» dont je le supplie très 
humblement» et de me continuer pour toute ma 
vie en vostre bonne grâce. 
Sire, je prie Nostre Seigneur qu'il vous doint 



— 108 — 

en prospérité très heureuse et très longue vie. 
De Parme» le 24 janvier 1564. 

Yostre très humble et très obéissant subject 
et serviteur, 

SOUKZK. 
(Copie, foL 12. nidenu) 



III 



A Monsieur le Connétable. 

Parme, 2A janvier 1555. 

Monseigneur, depuis le partement du courrier 
que Monsr le duc de Parme a depesché devers le 
Roy et devers vous, il s'est trouvé une difficulté 
en l'exécution de nostre principale entreprinse, 
qui nous empesche de la pouvoir exécuter si tost 
que nous espérions, et qui m'esloignoit grande- 
ment l'espérance qu'elle peust jamais prendre 
bonne an, sans un autre expédient que nous j 
avons trouvé, qui nous donne grande apparence 
de debvoir encores espérer quelque bonne issue, 
et plus briesve que nous ne le pensions, quand 
Mons' le Duc et moj commençasmes la dépesche 
de ce porteur, duquel. Monseigneur, il vous plaira 
entendre led. empeschement et remède, et l'incer- 
titude du temps de l'exécution, ensemble les pro- 
visions qui sont nécessaires, tant de munitions et 
vivres que de pouldres et boulets. Mesmement 



— 109 — 

s'il plaict à sa Majesté et à vous que la guerre se 
rompe de par deçà, vous suppliant. Monseigneur, 
très humblement nous en faire scavoir sa volonté 
et la vostre par ced. porteur; car led. S' Duc et 
moj avons résolu de ne rien entreprendre jusques 
à son retour, quelque dépesche que nous apporte 
son courrier, pour la raison que ced. porteur vous 
dira, lequel. Monseigneur, je pense avoir si bien 
instruit de Testât des affaires de par deçà, et de 
toutes les choses dignes de vous &iire entendre, 
que je ne vous en ennujeray de plus longue lettre, 
vous suppliant très humblement le croire et me 
tenir pour toute ma vie en vostre bonne grâce, à 
laquelle je présente mes très humbles recomman- 
dations, et prie Dieu, Monseigneur, qu'il vous 
doint en santé très bonne et très longue vie. De 
Parme, ce 24 janvier 1554. 

Monseigneur, Serres vous envoyé un estât des 
munitions des bleds de Parme et Parmesan par 
lesquelles vous cognoistrez qu'elles sont bien pe- 
tites. 11 vous plaira ordonner là dessus vostre vo- 
lonté. 

Vostre très humble et très obéissant 

serviteur. 

SOUBIZE. 

Au dos : 

A Monseigneur, 

Monseigneur le Duc de Montmorency, Pair et 
Connestable de Franc«. 

(Copie, fol. 13. IHdem.) 



— 110 - 



IV 

A Monsieur le CannetaMe. 

P$rmey 29 mars 1555. 

Mcmseigneur, j'ay receu à Ferrare, retournant 
de Venise, les lettres qu'il a pieu au Roj et à tous 
m'escripre du 7* du présent, et veu par celles de 
Sa Majesté le malcontentement qu'il a de Tinstanoe 
que j'ay feite pour l'augmentation des rivres et 
munitions de Parme. Je suis. Monseigneur, fort 
ennuyé de luj ayoir esté et à tous en cela impor* 
tun, et s'il luy eust pieu, dés le commencement 
que lui en escripTiez, m'en feire entendre sa to- 
lonté, il n'en eust plus ouy parler; tous suppliant. 
Monseigneur, croire que quoique j'en aye escript 
à l'instance de Mons' le Duc de Parme, jen'ay tou- 
tesfois feilly de luy fedre tousjours les remons- 
trances que j'ay sceu, pour luy feire congnoistre les 
obligations qu'il a à Sa Majesté, et combien elle feit 
pour luy plus qu'elle n'est tenue par ces capitula- 
tions, ce qu'il m'a tousjours adTOué et démonstré 
fort bien recongnoistre, et mesmement à ceste 
heure a receu mesd. remonstrances le mieulx que 
je l'eusse sceu désirer, résolu de se contenter tous- 
jours de ce qu'il plaira à Sad. Majesté. 

Monseigneur, vous Terrez par la lettre que j'es- 
crips à Sa Majesté l'espérance en quoy nous som- 



— 111 — 

• 

mes de pouvoir exécuter Fentreprinse de Plai- 
sance, de laquelle je pense vous donner plus grande 
asseurance dans peu de jours ; mais que j*aie parlé 
au mounier qui sera icy dans douze jours, et après 
l'avoir ouj parler, nous prendrons résolution 
d'exécuter la chose incontinent ou bientest après, 
ou du teut n'en parler jamais. 

Vous verrez aussy. Monseigneur, les propos 
que le S' de Piombin a tenu aud. S' Duc de Parme 
et à moj, et les demandes et promesses qu'il fait 
pour entrer au service de Sa Msgeste, lesquelles 
je vous envoyé. Je m'asseure bien, s'il vous plaist 
que l'on en rabatte, que c'est chose qui se pourra 
faire. Il vous plaira, Monseigneur, m'en faire en- 
tendre la volonte de Sa Migeste et la vostre, car 
j'en suis fort sollicite. 

J'ay le teut fait entendre à Mons' le Mar^ Strozi 
qui désire bien d'exécuter lad.entreprinse, comme 
vous. Monseigneur, entendrez par les lettres que 
le capitaine Nicole de Piombin vous en escript, 
qui est celuy qui m'envoye ce négoce pour led. 
Seigneur de Piombin, et dist estre bien congneu 
de vous dès le temps que feu Mons' de Lautrec 
alla à Naples, et qu'il s'asseure bien que vous le 
croirez de ce qu'il vous dira ou escripra. 

Je ne veulx aussy. Monseigneur, ûiiUir à vous 
dire qu'un autre m'est venu trouver qui a autre- 
fois servy le feu Roy, et depuis les Impériaux, 
qui m'a offert de me mectre entre les mains la for- 
teresse de Soasin, et ne mect rien moins en gaige 



— 112 -^ 

que sa teste. Mais après avoir un peu examiné des 
moyens qu'il y voudroit tenir, j'ay trouvé peu de 
vraysimilitude. Mais quand les raisons luy def- 
faillent, il n'offre sinon qu'on luy coupe la teste 
au cas qu'il ûdlle. Je lui ay promis de vous en 
advertir, et que après je luy en ferois responce. 
Il vouldroit seulement que on luy foumist de cent 
cinquante hommes pour exécuter son entreprinse; 
mais ce n'est pas chose sur quoy je &ce grand 
fondement. 

Monseigneur, suivant le conmiandement qu'il 
vous plaist me ûdre par' vosd. lettres, je vous en- 
voyeray dans deux jours l'ingéni^ir qui estoit 
icy , avec lequel Mons' le Duc de Parme a accordé 
son estât à soixante francs par mois, à quoy il 
a consenty , à ce qu'il m'a diot, sur l'espérance que 
vous luy ferez fiure autre bien, après vous avoir 
fait service. Je pense. Monseigneur, que après 
avoir veu quelque expérience des choses de la 
guerre, vous vous en trouverez bien servy, car 
j'ay veu de fort bons desseings de luy. Ledit S' Duc 
a envoyé quérir l'autre plus suffisant, dont je vous 
ay escript à Urbin, là où il demeure. Mais que il 
soit venu, je mettray ordre à le vous envoyer in- 
continent. 

Au demeurant. Monseigneur, suivant ce que 
je vous ay par cy devant escript, je vous envoyé le 
compte de l'artillerie feite à Parme par le fondeur 
auquel vont tous les mois les trente neuf payes, 
pour se rembourser de ses advances. 



— 113 — 

Monseigneur, les nouvelles de la mort du pape ^ 
ont donné grande espérance aux serviteurs du 
Roy d'augmentation de &veur aux affaires de Sa 
Majesfé et de secours aux pauvres Siennois, pour 
le grand appuy que le Duc de Florence avoit de 
luy. Mais il y a bien dangier que Messeigneurs 
les Cardinaux français ne puissent arriver à temps 
pour la création du pape nouveau, car les Impé- 
riaux font toutes les dilligences qu'ils peuvent 
pour faire entrer les Cardinaux en conclave, afûn 
que les François n'y puissent estre à temps. Je prie 
à Nostre Seigneur qu'il vous en donne un bon et 
fetvorable à la grandeur et aux affaires du Roy, 
et à vous. Monseigneur, en santé, très heureuse 
et très longue vie, et à moy vostre bonne grâce à 
laquelle je présente mes très humbles recomman- 
dations. De Parme, ce 29* jour de mars 1554. 

Vostre très humble et très obéissant 
serviteur, 

SOUBIZE. 
(Copie, fol. 39. Ibidem,) 

* Le pape Jules III, décédé le 24 mars 1555, eut 
pour successeur Marcel Cervin , qui ne fit que passer 
sur le trône de saint Pierre. 






8 



— 114 — 



A Monsieur le Connétable. 

Parme, 4 mai 1555. 

Monseigneur, depuis le partement de Monte* 
merle je n'ay eu aucunes nouvelles de M' le Maré- 
chal Strozi, respondantes aux lettres que je luy 
escripvis par Gassot, par lesquelles je luj fedsois 
entendre la principale occasion qui me retenoit icy 
et Tindisposition en quoy j'estois, le suppliant 
toutesfois s'il congnoissoit avoir besoing de moj 
plus important pour le service du Roy, de m'en ad- 
vertir incontinent, et que toutes choses laissées, je 
ne jbuldrois de l'aller trouver. J'attendois la res- 
ponse deux jours après le partement dud. Monte- 
merle, qui me &it penser ne l'ayant eue, que sans 
faire faute au service de Sa Mcgesté, je puis at- 
tendre le retour du courrier de Mons' le Duc de 
Parme, lequel nous espérons icy dans deux ou 
trois jours au plus tard. 

J'espère que ma demeure (pourveu que Sad. 
Majesté et vous l'ayez eu agréable) m'aura beau- 
coup servy pour me rendre plus apte à ses ser- 
vices, m'estant fortifié de quatre ou cinq accès de 
fiebvre tierce que j'ay eu, dont j'ay perdu ung 
terme, de sorte que j'espère de ceste heure pouvoir 
porter tous les travaulx nécessaires pour sond. 



— 115 — 

service. Et quand à nostre entreprinse de deçà nous 
délibérons de la tenter» si par led. courrier vous 
nous envoyez le congié, laquelle ne fut, selon mon 
advis^ en meilleure espérance ne si bonne que 
maintenant» pourvu que le monuy^ ne nous face 
point de meschanceté. Et pour vous en asseurer» 
j'ay été d'advis que oultre son ûls qu'il a baillé 
en ostage» que luj mesme soit retenu» quand nous 
irons effectuer lad. entreprinse» qui pourra estre 
entre le 15* et 20* de ce mois» pource que demain 
sera le jour que l'on mect l'eau dedans les prés, et 
dans quatre jours ayant le capitaine Francisque de 
Pise [on pourra] reconnoistre le lieu et entrer de- 
dans» pour veoir combien l'eau aura baissé» et le 
moyen qu'il y aura de la faire baisser davantaige; 
et luy de retour» selon son rapport» nous la tente- 
rons ou du tout la lairrons. 

Je pense que l'effect pourra suivre environ le 16 
ou 17» qui est le plus tard que l'on peut attendrci 
ce que nous faisons tant pour donner plus de temps 
à l'eau de se baisser que par la commodité de la 
lune. 

Monseigneur» vous verrez par la lettre que 
j'escrips au Roy la belle ambassade que le Duc de 
Florence a fait faire à Mons' le Duc de Parme» et 
la bonne response qu'il luy a faite» qui me gar- 
dera de vous en faire reditte. Seulement vous 
diray» Monseigneur» que je n'ay encores congneu 
en luy ime seule apparence de vouloir jamais 
estre autre que très fidèle serviteur du Roy» et 



— 116 — 

me semble luy avoir tousjours veu augmenter 
ceste volonté depuis que je suis icy, et mesme en 
fEÛre plus démonstration depuis la perte de Sienne. 

Monseigneur, vous aurez conmie je pense, bien 
entendu avant la réception de la présente, les 
nouvelles de la mort du pape que nous avons sceu 
présentement» qui est une très mauvaise nou- 
velle pour la case Famése, car ils commençoient 
à estre grandement favorisez de luj. L*on pense 
qu'il y aura bien plus grand contract à l'élection 
de celuy qui se fera maintenant que à la dernière, 
de sorte que l'on espère que tous les cardinaux 
français y pourront estre à temps. 

Mons' le Duc de Ferrare, lequel est à Rome, a 
envoyé un courrier devers led. S' Duc de Parme 
pour luy flaire entendre la griesve maladie du 
pape, qui estoit une apoplexie, dont Ton espéroit 
plus la mort que la vie *, le priant de vouloir aider 
et favoriser envers les frères et amis le cardinal 
de Ferrare son frère, qui seroit un grand bien 
pour les affaires du Roy. Je pense bien que led. 
S' Duc de Ferrare ne partira de Rome que le 
pape ne soit fait. 

Monseigneur, je prie Notre Seigneur, après 
vous avoir présenté mes très humbles recomman- 
dation à vostre bonne grâce, qu'il vous çloint très 
heureuse et très longue vie. De Parme, ce 4"'* jour 
de may 1555. 

* Marcel II motirut en efEet le 30 avril 1555, et fut 
remplacé, le 23 mai, par Paul IV. 



— 117 — 

Monseigneur, quant au gouvernement du Duc et 
de sa ville, et des choses qui concernent le fait des 
soldats, je vous en manderay bien au long, et plus 
que ne vous en puis escrire par Serres que j 'espère 
vous dépescher par la première occasion d'icy ou 
de Toscane. 

Votre très humble et très obéissant 
serviteur. 



SOUKZB. 



(CopU, fol. U4. Ibidem.) 



VI 



Au Itoy. 

Civita Vecchia, 14 juin 1555. 

Sire, depuis mon arrivée en ce païs où mon mal* 
heur a voullu que je sois arrivé trop tard de deux 
jours pour entrer au Porthercolo *, je ne vous ay 
escript aucune lettre, espérant tousjours do pou- 
voir entrer dedans ou d'avoir nouvelles de M. le 
Mar*^ Strozi pour vous faire une bonne dépesche 
de Testât de toutes les choses de deçà. Mais il cs- 
toit assiégé et serré de si près par mer et par terre 
que je ne pouvois faire passer à luy ni luy à moy, 
et n'eusse encores sceu de ses nouvelles, sans une 

' Porto Ercolo, voiHin d^Orbitello, vaillamment dé- 
fendu par loa Français, maiH Hccourn trop tard, dut 
capituler vcrH lu tin do juin \ïMu 



— 118 — 

occasion qui luy est venue de pouvoir sortir avec 
sa galère pour pourvoir à ce qu'il congnoissoit 
estre nécessaire pour le secours de Portheroole» 
ce que sans sa présence ne se pouvoit faire, 
comme vous entendrez. Sire, ensemble ce que de<* 
puis son parlement j est survenu, qui me gar- 
dera de vous en importuner de plus long récit. 
Et seulement vous supplieraj très humblement. 
Sire, que vostre plaisir soit me continuer pour 
toutte ma vie en vostre bonne grâce et souvenance, 
et avoir ceste asseurance de moj que je ne per- 
dray en quelque lieu que je soye une seule occa- 
sion qui se puisse offrir à moy de vous £edre ser- 
vice, et la cbercheray en tous les lieux et en toutes 
les sortes qui me sera possible comme la chose de 
ce monde que plus je désire trouver. 

Sire, je prie à N** Seigneur qu'il vous doint en 
«anté, prospérité très heureuse et très l<mgue vie. 
De Civita Yecchia, le 14» jour de juing 1565, 

Vostre très humble et très obéissant subject 
et serviteur, 

SoumzE. 

(Copie. Ponds fran^aii, vol. S0H2, fol. 289.) 



_ 119 — 

VII 

Au Due de Ouise *. 

Radicofaniy 20 janvier 1556. 

Monseigneur, rassenrance que j'ay toufijours 
eue de vostre bonne grâce depuis la promesse qu'il 
TOUS a pieu m'en &ire, et Tespérance que j'en aj 
eue, me &ict prendre la hardiesse de tous impor- 
tuner de la présente pour tousjours me remente* 
voir et tous porter tesmoignage de ma fidélité et 
servitude envers vous, et aussy. Monseigneur, 
pour vous supplier très humblement de me vouloir 
favoriser, si les choses négociées par Monseigneur 

* Je dois à Tamitié de M. le comte Jules Delaborde 
cette lettre, qui n^est pas sans importance, car elle 
montre à sa date (20 janvier 1556) les rapports de 
Soubise avec les Guises soiis un aspect très-différent 
de celui des Mémoires. Deux courants opposés se des- 
sinent alors dans la diplomatie française. Tandis que le 
cardinal de Lorraine conclut à Rome (16 décembre 1555) 
entre Henri II et Paul IV, un traité secret pour Tex- 
pulsion des Espagnols de la Péninsule, Tinfluence toute 
pacifique de Montmorency prépare la trêve de Vau- 
celles (3 février 1556). Le traité du 16 décembre 
ouvrait des perspectives de revanche aux généraux 
français que la fortune avait trahis en Toscane. Ainsi 
s*explique Tattitude de Soubise avant les événements 
décisi& qui allaient Tassocîer sans retour à Topposition 
des Châtillons. L*expédition de Naples semble la date 
de sa rupture avec les Guises. (Voir les Mémoires, p. 31.) 



— 120 — 

Yostre frère parviennent à bonnes fins, comme je 
l'espère et désire, et que le bruict qui en est par 
toute ritalie se trouve véritable, dont je supplie 
Nostre Seigneur, et qu'il vous plaise. Monsei- 
gneur, eu esgard au lieu qu'il a pieu à Sa Majesté 
me faire tenir en ce païs, et à l'affection que j'ay 
à vostre service, me vouloir traicter en fidèle ser- 
viteur quel je vous suis. 

Vous entendrez. Monseigneur, plus ample- 
ment, ma très humble requeste de ce porteur 
auquel j'ay donné charge la vous présenter pour 
ne vous estre importim de trop longue lettre, vous 
suppliant très humblement le crojre comme moj 
mesme. 

Monseigneur, je supplie Nostre Seigneur, après 
avoir présenté mes très humbles recommandations 
à vostre bonne grâce, qu'il vous doint très heu- 
reuse et très longue vie. De Radicofani, le xx* jour 
de janvier 1555. 

Vostre très humble et très obéissant 
serviteur, 

SOUBIZB. 

(Original. Fonds français, vol. 20554, fol. 69.) 



— 121 — 



VIII 

A la Rofyne ma souveraine Dame. 

Du Parc^ 14 janvier 1562. 

Madame, j'ay esté depuis peu de jours adverty 
par Mons' de Burye de la souvenance qu'il vous 
a pieu avoir de moj en mon absence, et la charge 
qu'il vous a pieu au Roy et à vous luy donner de 
m'honnorer du collier de son ordre, comme aussy 
je l'ay veu par la lettre qu'il a pieu à Sa Ma^ m'en 
escripre, laquelle led. S' de Burye m'a fedt tenir, 
qui est. Madame, ung honneur que je ne puis ne 
dois recongnoistre d'aultre que de vostre bonté et 
grâce, desquelles vous avez accoustumé d'user en- 
vers ceulx que vous tenez vos plus fidelles et aflfeo- 
tionnez serviteurs au nombre desquels je diray. 
Madame, sans présomption, que je doibs tenir ung 
des premiers lieux, si fidélité et une comme servi- 
tude de longtemps toute vouée (?) à Vostre Majesté 
y peulvent quelque chose. Et n'eusse failly, Ma- 
dafne, après avoir receu ung tel honneur de me 
mettre incontinent en chemin pour en aller rendre 
les très humbles grâces et remercymens que je 
vous doibz, et attendre le commandement qu'il 
vous plaira me fiedre pour le service du Roy et le 
vostre, sans l'indisposition en quoy je suis, la- 
quelle aussy me garde de pouvoir encores aller 



— 122 — 

trouver led. S' de Burye pour recevoir de luy 
l'honneur qu'il a pieu au Roy et à vous me fidre» 
comme j'aj prié le porteur vous faire entendre, 
s'il vous plaisty Madame, me flaire l'honneur de 
l'escoutter. 

Madame, je supplie Nostre Seigneur qu'il vous 
doint en prospërîié très heureuse et très longue 
vye. 

Du Parc, le xrni janvier 1561 « 

Yostre très humble et très obéissant sntject 
et serviteur, 

SOUBIZK. 
(Original. Ponds français, vol. 31M» fol. 21.) 

IX 

Aux Seiçneurs de Berne. 

Lyon, 3 août 1562. 

Magnifiques et très honorez Seigneurs, j'ay de- 
pesché par devers vous ce gentillomme, le S^ de 
Bellegarde, qui est de vos subjects, affin que vous 
fussiez tant mieux asseurez de ce que je luy ay 
donné charge de vous dire les menées et practiques 
du Duc de Savoye avec nos ennemis dont il vous 
fera le rapport, lesquelles estans assez descou- 
vertes vous doivent bien feire penser qu'il n'y a 
rien meilleur ny plus expédient pour vostre pro- 



— 123 — 

fict que de les prévenir. Cependant il vous décla- 
rera comment je suis empesché avec vos gens pour 
ce que jusques icy ils se sont rendus difdciles et 
indociles (?)• Il n'a pas tenu à leur faire toute 
raison. Mais d'autant que les Valésans et ceulx de 
Neufchastel ont esté prests à marcher et faire leur 
debvoîr, il a semblé que les vostres reculassent. 
Cependant il s'est perdu de telles occasions les- 
qudles Dieu veuille qu'on puisse recouvrer, car 
les ennemis pouvoient estre surprins, et à grand 
pejneeussentilsûdctrésistanceaulcuneàGhalons; 
mesmes depuis 4 ou 5 jours en ça ils ont esté bat- 
tus en deux lieux, qui sont pour les estonner, si 
on se fdt avancé plus tost. Je vous prie donc bien 
affectueusement mander à vos gens qu'ils se ren- 
dent plus traitables, et remectz le reste au por- 
teur auquel je vous prie d'a^jouster foj. 

Magnifiques et très honorez seigneurs» après' 
m'estre de bon oosur recommandé à vostre bonne 
grâce» je prieraj Dieu vous tenir en sa protection 
et TOUS augmenter en tout bien et prospérité. De 
Lion» ce 3* jour d'aoust 1562. 

Vostre obéissant et affectionné à vous 
foire service. 

SOUBIZB. 

(Original. Archives de Berne.) 



— 124 — 



A la Ro2/ne Mère. 

Lyon, 17 septembre 1562. 

Madame, j'ay tousjours différé à vous &ire res- 
ponce à la lettre qu'il tous a pieu m'escripre de 
Yostre.main par un gentilhomme du Comte de 
Tende, ^usques à ce que j'eusse trouvé homme 
seur par qui je vous peusse escripre, et ayant 
maintenant trouvé ce porteur je n'ay voulu faillir. 
Madame, de vous rendre les très humbles grâces 
que je doibs de la âance que vous me monstrez par 
v^ostre lettre avoir en moy, vous suppliant très 
humblement croyre que la Ma*^ du Roy etla Vostre 
n'ont et n'auront jamais un plus fidelle subject et 
serviteur que moy, ni qui plus déplore les cala- 
mitez et ruines qui menassent vostre Royaulme, 
ne qui plus désire d'employer sa vie pour y trouver 
quelque remède, s'il plaisoit à Dieu me fedre si 
heureux de m'en donner quelque moyen. Mais je 
vous supplie très humblement me pardonner si je 
prens la hardiesse de vous dire, comme vostre très 
humble serviteur, qu'il me semble que vous ne 
prenez pas le vray chemin pour esteindre ung feu 
tant allumé comme est celui que l'on voit desjà es- 
pars par tous les endroicts de vostre Royaulme, 
dont il me semble. Madame, que vous pouvez 



— 125 — 

jusques à présent bien voir les expériences, qui 
me fEÛct (pour le zèle et affection que j'ay à mon 
Roy et Souverain Seigneur, et particulièrement 
à vous. Madame) vous suplier très humblement 
d*y pourvoir dilligemment, car je crains merveil- 
leusement que, si vous y tardez plus guères, il 
sera trop tard pour y remédier. 

Madame, quant au commandement qu'il vous 
plaist me ûdre de remettre Lion du tout en Tobéys- 
sance du Roy vostre fils je vous suplie très hum- 
blement penser qu'il n'y a ny n'aura jamais ville 
en ce Royaulme plus obéissante que ceste cy tant 
que j'y seray, y ayant le moyen que j'ay mainte- 
nant de la luy conserver. Car c'est à luy seul et à 
vous. Madame, que je désire la garder et non à 
aultre, et n'y suis venu en aultre intention laquelle 
je continueray toulte ma vie, et aurois un regret 
immortel qu'il y eust ville en vostre dit Royaulme 
qui portast plus respect et révérence aulx com- 
mandemens proceddans de Vos Ma^, quand je 
vous verray commander absoluement et en l'autho- 
rite qui vous est deue. 

Madame, pource que je pense bien que vous 
pourrez avoir eu quelque malcontentement d'avoir 
entendu que j'ay laissé entrer en ceste ville une 
partie de nos Suisses, ce que je n'avois voullu 
permectre jusques à ce que la nécessité m'y a con- 
trainct, je vous suplie très-humblement ne vous en 
malcontenter, car je l'ay faict de telle sorte que 
cela ne vous empeschera point l'obéyssance de 



— 136 — 

Toetre ville, quand bien ils j sefoienl tons; et si 
Dieu me fiiiot jamais la grâce qne je me puisse 
trouver en yostre prés^ioe, j'espère vous rendre 
si bon compte de mes actions que toos aurez oc- 
casion de vous contoiter de ma fidellité. 

Madame» je prie Nostre Seigneur qu'il voua 
doint sa prospérité et le contentement que je tous 
désire, avec très heurmise et très longue vie. De 
Lion, le dix septième jour de septembre 1562. 

(Copia. Fonds frano*>«# vol. SÛ783, fol. 125, 1S8.) 

XI 

A MoMieur CaMiu 

Lj^on, 18 octobre 1563. 

Monsieur, j'ay receu Tostre lettre par laquelle 
TOUS désirez que toultes nos affaires se pcnrtasseni 
partout aus8j bien que i<y . Elles se portent asses 
bien à la vérité jusques à présent» mais non pas 
tant que les mesmes nécessités qu'ont les anltres 
ne nous assaillent aussj, car pour n'avoir moien 
de paier nos soldats, nous les payons en drap» 
en pain et en vin, de sorte que cela nous acoonrsit 
merveilleusement nos vivres, qui est le pis que 
nous scaurions fedre, car nos ennemjs ne s'atten- 
dent de nous avoir que par &ulte de vivres et ne 
font sinoti nous ruiner et gaster le païs tout à 
l'entour. 



— 127 — 

J'attens de jour en jour le Baron des Adretz 
qui est retourné en Dauphiné quérir toutes les 
forces qu'il y a, pour incontinent qu'il sera venu 
en tirer des nostres de ceste ville le plus que nous 
pourrons pour aller trouver Monsieur de Nemours, 
affin de ne luj donner la peyne de nous venir 
chercher. Dieu nous en donnera telle issue qu'il 
luj plaira, mais je m'asseure que ce sera le mieulx 
que nous puissions faire, car il n'j a rien qui nous 
soit pire que le temporiser. Je croj bien qu'il se 
trouvera encores quelque marchandise en ceste 
ville, mais non pas tant que l'on espéroit, et si ne 
se peult faire si diligemment, pource que nous 
sommes desja à chercher de maison en maison les 
caches ou ceulx qui s'en sont allez les ont mises, 
qui est une longueur plus grande que vous ne 
pouvez croire, joinct que ceulx de ceste ville y 
font dix mil tromperies pour âivauriser ou deffa- 
vauriser ceulx qu'ils veuUent, de sorte, Monsieur, 
que je ne fus jamais si travaillé en charge que 
j'aj eue comme en ceste cj, veu les gens à qui 
j'aj affaire. 

Il est de ceste heure arrivé quelque nombre de 
marchandise à Genesve, où je désirerois bien que 
l'on eust l'œil, pour ce que, à ce que j'entens, il y 
en a qui en font passer pour leur particulier avec 
les aultres, et qui ne veulent estre comprinses à 
fiEÛre le fond pour le secours de Mons' d'Andelot; 
mais je serois d'advis que messieurs de Genesve 
les arrestassent toutes pour servir à cest effect. S'il 



— 128 — 

vous plaist d'en communiquer à Monsieur Obret, 
il vous pourra bien donner moien comme cela se 
doit faire. 

Monsieur d'Andelot est monté vers la Bourgon- 
gne. Ileustpeubranquetter (?)des villes desquelles 
il eust eu ung grand argent pour le payement de 
ses gens, et si eussions eu moien de luj donner se- 
cours d'hommes et d'artillerie. Je ne veulx oublier 
à vous mander une seconde victoire que nous 
avons eu en Languedoc, qui a esté que ceulx de 
Montpellier prindrent un pacquet de Mons' de 
Montluc addressant à Mons' de Joyeuse, qui est 
gouverneur en Languedoc, par lequel il luy man- 
doit le besoing qu'il avoit de secours et qu'il eust 
à luy en envoyer. Les nostres envolèrent le pacquet 
par ung aultre messaiger âdelle, et allèrent at- 
tendre sur le chemin les gens que le dit sieur de 
Joyeuse envoyoit au dit S' de Montluc, et les ont 
deffaictz; où à ce que j'entens est demeuré quinze 
ou seize cens hommes. Mais quand à la deffiaite du 
dit S' de Montluc, quoy que Ton vous ayt mandé, 
vous trouverez que ce n'a pas esté si grand chose. 

Je suis bien de vostre oppinion qu'il ne fault 
point envoyer le Sieur de Biral à la journée impé- 
riale. Mais y allant comme de luy mesmes, il me 
semble qu'il ne peult nuyre, et qu'il pourra de 
beaucoup servir pour faire entendre à plusieurs 
la tirannie de nos ennemys et la justification de 
nostre cause. 

Quant à la requeste que me faictes pour la 



— 129 — 

femme veufve de Tours, en faveur de vous je fe- 
raj ce qui me sera possible pour elle. Mais ce 
sera bien mal aisé qu'elle ne s'en sente quelque 
peu, et fauldroit qu'il y eust icy quelqu'un qui 
feut pour elle, affîn que les Commissaires deppu- 
tez à la recherche des marchandises ne prinssent 
toutes les siennes, car personne ne m'en a point 
encores parlé. Et en cest endroict, après m'estre 
très humblement recommandé à vos bonnes grâces, 
je prieraj Dieu, Monsieur, vous donner en santé 
heureuse et longue vie. De Lion, ce 18"* oc- 
tobre 1562. 

Yostre obéissant ûlz et âdelle amy, 

SOUBIZB *. 

(Original. Collection Tronchin, & Bessinges.) 

XII 

Aux Seigneurs de Genève, 

Lyon, 19 novembre 1562. 

Magnifiques et honorez Seigneurs, la présence 
de Mons' Viret depuis quelque temps en ça a tel- 

' Cette formule familière atteste d^anciens rapports, 
noués peut-être en 1536 à la Cour de Ferrare. On peut 
lire deux lettres de Calvin àSoubise relatives aux afEaires 
de Lyon, dans le recueil des Lettres françaises, t. II, 
p. 494 et 517. 

9 



— 130 — 

lement servy en eeste Tille qu'onltre le firuict qu'il 
en a rapporté par la prédicatiim de rÉyangile, il 
semble à plnsieiirs que la Ixmne rje et saincteté 
d'un tel personnage ajt apaisé l'ire de Diea, et 
que par luj nous ayons esté et sojons préserves 
des maulx et dangers qui nous environnent» au 
moyen de quoy beaucoupde perscmnesqui n'avoient 
pas le cœur très ferme se scmt rassurez, et beaucoup 
de ceux qui se seroient retirez, s'il fust parti de 
Lion, voyant qu'il y demeurait, se sont résolus 
d'y demeurer aussy . De là est advenu que l'Eglise 
s'est maintenue et augmentée, et par lÀ nous 
avons osté toute occasion à nos ennemis de penser 
que nous soyions touchez de crainte et d'estonne- 
ment. 

Ces choses estant bien considérées je pense qu'il 
n'y aura celuy qui ne connoisse combien la de- 
meure dudit S^ Viret est nécessaire en ceste ville, 
tant pour la conservation d'icelle que de l'Eglise 
de Dieu, ce que je vous ay bien voulu mettre de- 
vant les yeux, vous priant très affectueusement 
ne nous vouloir point faire une telle playe, comme 
de le rappeler, ainsy que j'ay veu par une lettre 
que luy avez escrite, joinct aussy que sa santé ne 
pourroit porter de faire le voyage en hiver, comme 
m'ont tesmoigné les plus apparens médecins de 
ceste ville auxquels j'en ay faict faire une consul- 
tation. Or pour autant que je m'asseure que l'es- 
time que vousfaictes de sa vye, que l'affection que 
vous avez de tout temps eue à l'advancement de 




— 131 — 

rÉyangile, et Tamitië que portez particulière- 
ment à ceste ville, seront en vostre endroit au lieu 
de toute rinstance et prières que je vous pourrois 
faire, je ne vous diraj autre chose là dessus, si ce 
n'est pour vous asseurer que s'il vous plaist le 
nous laisser pour cest hiver, oultre les raisons si 
solides, vous m'obligerez tellement en particulier 
qu'il ne sera jour de ma vie que je ne désire avoir 
occasion de m'employer à vostre service. 

Sur ce après avoir présenté mes bien afifec- 
tueuses recommandations à vos bonnes grâces, je 
prieraj Dieu, magnifiques et honorez Seigneurs, 
vous donner très bonne et longue vie en toute 
prospérité. De Lion, le 19 de novembre 1562. 

Vostre très affectionné et fidelle amj. 

SOUBIZB ^ 
(Original. Arehives d« Genève, dossier 1719.) 

XIII 

A la Royfie Mère. 

Lyon, 6 décembre 1562. 

Madame, si la fidélité et affection qu'un bon 
subject et serviteur doibt à son prince n'avoit non 

' Je dois cette lettre à M. le comte Jules Delaborde, 
qui me signale dans le même dossier dix lettres rela- 
tives au séjour de Viret à Lyon (1562-1563). Voir le 
BuUeUn, t XXI, p. 73 et suivantes. 



— 132 — 

plus de privilège que sa qualité et condition, je 
n'oserois maintenant prendre la plume en main 
pour vous escripre de peur d'estre estimé pré- 
somptueux et notté d'indiscrétion. Mais parce 
qu'en me taisant pour fuir ce blasme, je crain- 
drois d'en encourir ung autre plus grand, assavoir 
de n'avoir satisfaict à mon debvoir ny à ma cons- 
cience, j'ay pensé d'éviter l'un et l'autre, ramen- 
tevant à Vostre Ma** ce que le temps et l'occasion 
monstrent estre expédient pour son service. 

Je ne doubte point, Madame, que vous ne voyez 
avec les yeulx baignez de larmes la callamité de 
ce pauvre Royaulme et la dissipation de la cou- 
ronne du Roy vostre filz, et m'asseure que vous 
n'ignorez point qui sont ceulx qui en sont les au- 
theurs (car les maulx et ruines qu'ils ont appor- 
tez ne les rendent que par trop cogneus) mais 
pour quelle occasion le tout est advenu. Oultre 
que Dieu le nous a par cy devant monstre par deux 
fois ^ il le nous a encore dernièrement déclaré 
par la mort du Roy de Navarre * si expressément 
qu'il n'est possible de plus. Voilà, Madame, le 

' Allusion à la mort tragique de Henri II et à la 
brusque fin du jeune roi François II, où Ton vit éga- 
lement le doigt de Dieu. 

* Grièvement blessé au siège de Rouen où il com- 
battait contre les réformés, dont il avait d'abord sou- 
tenu la cause, ce prince mourut le 17 novembre 1562, 
en manifestant ses préférences pour la confession 
d'Augsbourg. 



— 133 — 

sallaire que recoipvent ceulx qui rejectent les 
grâces de Dieu et se bandent à rencontre de luy, 
voullans renverser la vérité pour establir le men- 
songe, et que pouvons nous juger par là aultre 
chose sinon que c'est un troisième advertissement 
que Dieu nous a faict? 

Il n'est ja besoing de vous réduire a mémoire 
les exemples passés de peur de rafreschir vos 
playes, et renouveller vos doulleurs. Mais nonob- 
stant cela, s'il plaist à Yostre Majesté de bien 
poiser et considérer toutes choses, encore trou- 
vera elle occasion de se resjouir quand elle co- 
gnoistra que Dieu ne la veult pas délaisser du 
tout, ny abandonner le Roy vostre filz , puisqu'il 
luy a pieu vous advertir et donner les moiens 
d'appaiser son courroux et mectre fin à tant de 
misères et afflictions. Je ne veulx pas inférer, Ma- 
dame, que pour une partye il faille perdre le reste 
du Royaulme, car ce seroit tousjours continuer la 
ruine, et de faict c'est cela mesmes qu'ont voullu 
feire ceulx qui ont troublé le repos du Royaulme. 
De quoy faict foy la diflPérence de Testât des af- 
faires d'aujourd'huy à ceulx de l'année passée, lors 
que touttes choses estoient en repos et chascun se 
contenoit en son debvoir, sans se rien demander 
les uns aux aultres, laquelle considération seule. 
Madame, peut d'elle mesme discerner les bons et 
vrays serviteurs du Roy d'avec les aùltres. 

Mais puisqu'il a pieu à Dieu y adjouster son ju- 
gement, et vous presser le bras pour tirer Vostre 



— 134 — 

Ma'é, le Roy vostre filz et le Royaume hors de cap- 
tivité et tyrannie, je vous suplie très humblement 
d'embrasser l'occasion^ et vous asseurer que Dieu 
ne laisse jamais son œuvre impar&ite. Que s'il vous 
plaist, à son exemple, donner chastiment à ceulx 
là qui le méritent, et prester faveur à ceulx qui 
vous sont fidelles, et en les autorisans les accroistre 
de vostre aucthorité, Vostre Ma** peult estre cer- 
taine que les forces d'Espaigne, d'Allemaigne, 
d'Angleterre et Italie ne pourront acoourcir ou 
restraindre les limites de France, ny empescher 
qu'au Roy et à Vostre Ma** soit rendu l'honneur et 
l'obéissance qui vous est deue. Or encore. Madame, 
que je ne me sois jamais desfié de vostre vertu, 
et que la révérence que je porte à Vostre Ma**, 
et l'estime que je fais de sa prudence auroient bien 
voullu me destoumer de vous escripre ceste lettre 
si est ce que le zèle et affection que j'ay à vostre ser- 
vice m'y ont contrainct, vous suppliant très hum- 
blement me voulloir pardonner ceste hardiesse que 
j'ay, et rejecter la faulte sur un extrême désir que 
j'ay de veoir exalter le nom et grandeur de Vostre 
Ma**, pour laquelle conserver et accroistre, je ne 
reffuserai jamais de mectre jusques à la dernière 
goutte de mon sang et [dernier] soupir de ma vie. 
De Lyon, ce sixième jour de Décembre l'an 1562. 

(Copie, Fonds français, vol. 207&3, fol. 134, 135.) 



— 135 



XIV 

A la Royne Mère. 

Lyon, 4 février 1563. 

Madame, je suis merveilleusement aise que 
Monsieur d'Elbène présent porteur ayt passé par 
ceste ville, pour la commodité qu'il m'a donné de 
vous feire entendre par luy les occasions qui m'ont 
retardé jusques icy de respondre aux dernières 
lettres qu'il a pieu au Roy et à Vostre Ma** m'es- 
cripre, ce que je l'ay prié de feire, et en oultre 
vous déclarer quelque chose de ma part. Sur quoy. 
Madame, je vous supplie très humblement le 
vouloir croire, et me feire cest honneur de me 
donner moyen que je vous en puisse mander da* 
vantage par homme exprès que je désire envoyer 
vers Vostre Ma**, afin de luy donner à cognoistre, 
comme je m'asseure qu'elle verra par effect, que 
le Roy ny elle n'ont point un plus affectionné ser- 
viteur que moy ni plus fidelle. De quoy je rendray 
tousjours bon tesmoygnage jusques au dernier 
soupir de ma vie. Madame, je prieray Dieu, etc. 
De Lion, ce 4 février 1563. 

(Copie. Ibidem, fol. 144.) 



— 136 — 



XV 

A la Royne Mère. 

Lyon, 29 mars 1563. 

Madame, il j a desjà quelques jours que Mon- 
sieur de Nemours m'a envoyé les nouvelles de la 
paix, m*asseurant pour certain qu'elle estoit faicte *. 
Toutesfois parce que je n'en ay depuys entendu 
autre chose, je n'ay voulu faillir de dépescher vers 
Vostre Ma*^ Bonacoursy présent porteur, et vous 
mander en quel estât sont les affaires de deçà, et 
ce que la fidellité que je vous doibs m'oblige à 
vous faire entendre pour vostre service, chose que 
je n'eusse voullu commectre à aultre qu'à luy, 
l'ayant cogneu de longue main, et scachant combien 
il vous est fidelle et affectionné à vostre service. 
Parquoy je vous suplie très humblement. Ma- 
dame, le vouloir croire comme si c'estoit moy 
mesmes, et me faire cest honneur de vous asseurer 
que tout ce qu'il vous dira de ma part est selon 
Dieu et selon ma conscience, ne proceddant 
d'aultre cause que de l'affection que j'ay et auray 
toute ma vye à vous faire très humble service, 
dont j'espère que dans peu de temps Vostre 

* La paix d'Amboise, signée le 19 mars, renouvela, 
non sans restrictions, Tédit de janvier. 



— 137 — 

Ma^ aura si bon et suffîsant tesmoignage qu'elle 
n'aura point occasion d'en doubter, tout ainsy 
qu'elle cognoistra que j'ay tousjours esté si fidelle 
et loyal subject, et affectionné serviteur d'elle et 
du Roy son fils, que je ne doibs en cela cedder à 
aultre quelconque. Madame, je supplye le Créa- 
teur, etc. De Lyon, ce 29™* de mars 1562. 

(Copie. Ibidem, fol. 146.) 

XVI 

A la Royne Mère. 

Lyon, 16 avril 1563. 

Madame, j'ay entendu par Mons' de Boucal, et 
depuys par la lettre qu'il vous a pieu m'escripre 
par Bonacoursy, ce qu'il vous plaist estre faict 
en ceste ville pour la pacification des troubles et 
l'obéyssance qu'il vous plaist que les subjects du 
Roy, comme la raison le veult, portent à l'édict 
qu'il a pieu à sa Ma** et à la vostre en faire, en 
quoy j'ay espérance. Madame, que vous serez de 
ceulx de ceste ville bien satisfaicte, car depuis 
les dernières lettres que je vous ay escriptes du 
désespoir auquel ils en estoient, je leur ay feict 
tant de remonstrances de ce qu'ils doibvent à leur 
Roy que Mons» de Boucal les a maintenant trou- 
vez inclinez à tout ce qui est de leur debvoir, 
comme je croy, Madame, que vous pourrez voir 



tant par la lettre qu'il vous escript que par celle 
des habitans de ceste dite ville, lesquels vous dé- 
peschent ce porteur expressément pour vous faire 
entendre en toulte humilité leurs doléances, et ce 
qu'ils désireroient pouvoir obtenir de vostre Ma*^, 
qui me gardera. Madame, de vous en envoyer plus 
long récit, et seulement attendray les commande- 
mens qu'il vous plaira me faire après avoir entendu 
leurs remonstrances, pour y obéyr de tout mon 
pouvoir, comme je ne feuldray en ce qu'il vous 
plaist me commander, de remectre la ville de Lyon 
entre les mains de Mons' de Gordes. Mais je crains 
bien. Madame, que ce ne soit chose qui ne se puisse 
sitost effectuer que le desirez, pour les difficultez 
que vous entendrez dudit porteur tant du paye- 
ment des soldats estrangers qui sont en ceste ville, 
sans lequel on ne les peult licencier, que pour 
estre les forces de Monsf de Nemours si voisines, 
desquelles ils doubtent grandement et ne se peu- 
vent asseurer jusques à ce qu'ils les voyent rom- 
pues ou employées ailleurs; mesmement estant 
la disposition de Mons' de Nemours telle qu'il ne 
pourroit par sa prés«ice retenir l'insolence de ses 
soldats, qui semblent aulcunement n'estre contens, 
veu l'espérance qu'ils avoient prise de feire son 
butin en ceste ville. Madame, je supplie Nostre 
Seigneur, etc. De Lion, ce 16 d'apvril 1563. 

(Copie. Ibidem» fol. 148.) 



— 139 — 

XVII 

A M. de Tavannes. 

Lyon, 23 Avril 1563. 

Monsieur mon Cîousin, je vous envoie ce porteur 
à la requeste de ceulx des Eglises réformées de 
Bourgoigne et du Conté de Masconnois, pour vous 
suppljer de les faire jouyr du bénéfice de la paix, 
suyvant rédict du Roy du mois de mars dernier, 
ce qui me semble bien raisonnable, et vous en sup- 
plie d'aussy grande affection que si c'estoit pour 
moy mesmes; car encore que j'aye entendu que 
la Court de parlement de Dijon faict quelque dif- 
ficulté de faire publier le dit édict et de permectre 
que ceulx de lad. religion réformée s'enretournent 
en leurs maisons, si est ce que je m*asseure que 
tenant le lieu que vous tenez, vous y ferez obéyr 
le Roy, comme vous avez toujours faict; qui me 
gardera de vous en faire plus instante requeste, 
si ce n'est pour vous supplier de leur en vouloir 
faire entendre vostre intention, et de leur envoyer 
Tasseurance telle qui leur est nécessaire pour pou- 
voir seurement et sans dangier retourner en leurs 
maisons et rentrer en leurs biens, sans qu'il leur 
soit fait aucun mal ne desplaisir, comme est la 
volonté de Sa Majesté. 

Au demeurant, Mons«' mon Cousin, mais que je 
sois prest de partir d'icy, j'ay délibéré de passer 



— 140 — 

par une petite terre qui est à ma femme, qui s'ap- 
pelle Yillen&nt, et de là prendre mon chemin 
par où vouB serez, affin de renouveller nostre 
ancienne amvtié et que vous n'oubliez plus que 
je suis Yostre allié, comme vous avez faict au 
commencement que je Tins en ce paîs. Cependant 
je prieraj Dieu, Mons' mon Cousin, après avoir 
présenté mes affectionnées recommandations à 
YOstre bonne grâce, qu'il tous doint en santé bonne 
et longue rie. De Lion, ce xxm* d'avril 1563. 

Je TOUS supplie, pour me Oedre cognoistre que 
TOUS avez enTie que la paix soit observée de vostre 
costé, de vouloir Oedre délivrer toutes les personnes 
qui sont détenues tant à Dyon, Chaalons, Beaulne, 
que Mascon, vous asseurant que j'en ay fiedct de 
mesmes et en feray s'il s'y en trouve d'autres. 

Vostre obéissant Cousin à vous faire 
service, 

SOUBIZE. 
(Original. Fonds français, vol. 4641, fol. 23.) 

XVIII 

Au Roy. 

Lyon, 18 mai 1563. 

Sire, j'ay reçu la lettre qu'il vous a pieu m'es- 
cripre du 6™« de ce moys, et m'estime très heureux 



— 141 — 

de Tasseurance qu'il vous plaist prendre de la û' 
dellité et obéjssance que je doibs et veulx rendre à 
Vostre Ma*^ , comme aussi j'attribue à grand mal- 
heur de ne vous en pouvoir faire preuve telle 
et si prompte que je vouldrois. Mesmes touchant 
le commandement qu'il vous a pieu faire que les 
habitans de ceste ville posent les armes, ce nonobs- 
tant qu'il ayt pieu à Vostre Ma*^ de revocquer les 
forces qu'a voit Mons' de Nemours, et luy se soit 
retiré en sa maison, pour cela les dites forces, au 
moings partie d'icelles, ne laissent pas de rauder 
tousjours icj alentour, tellement que la crainte 
que ce peuple en avoit le tient encores, et ne peu- 
vent, ce leur semble, en seureté demeurer desar- 
mez, vojans si près d'eulx armez ceulx qui se sont 
portez pour leurs ennemys. D'aultre part. Sire, 
les soldats de ceste ville sont la plupart de Pro- 
vence, de Bourgongne et d'aultres provinces es- 
quelles, quelque édict qu'il y ait, on ne veult rece- 
voir ceulx qui en avoient esté chassez à cause de 
la Religion, de façon qu'estant bannys de leurs 
biens et maisons, et ne scachans où se retirer, il 
seroit malaisé de les licencier; et ce qui rendra la 
difficulté plus grande de les fedre desloger, c'est 
que ceulx de ceste ville n'ont pas les moyens de 
pouvoir si promptement trouver deniers pour les 
en envoyer, combien qu'ils y travaillent tous les 
jours. 

Par quoy je supplye très humblement Vostre 
Ma^, Sire, que vostre plaisir soit en faisant cesser 



— 142 — 

ces difficultez, donner moyen à Mons' de Gordes 
et à moy de pouvoir exécuter vostre voUonté, et 
rendre là dessus responce aux députez que ceulx 
de ceste ville ont envoyé vers Vostre Ma**, d'aul- 
tant que c'est aussy une excuse de laquelle ils nous 
payent, ledit S* de Gordes et moy de dire qu'ils 
attendent le retour des susdits députez, et parce 
que je m'asseure que mon dit S' de Gordes vous 
fera plus amplement entendre touttes choses, je ne 
vous ennuyeray de plus longue lettre. 

Sire, je supplyele Créateur qu'il vousdoint en 
très par&icte santé et prospérité, très heureuse et 
très longue vie. De Lion, ce 18"' may 1563. 

(Copie. Fonds français, vol. 2078S, fol. 1S2.) 



XIX 

A la RoyTie Mère. 

Lyon, 18 mai 1563. 

Madame, encores que je scache bien que Mons' 
de Gordes vous faict amplement entendre les dif- 
ficultez qui empeschent que le commandement du 
Roy et vostre n'est si tost exécuté en ceste ville, 
toutesfois pour satisfaire à mon debvoir, je ne 
puis moins faire, ce me semble, que de vous ad- 
vertir que la crainte que ces peuples cmt d'estre 
surpris et saccagez en est partye cause, car no- 



— 143 — 

nobstant que Mons^ de Nemoiirs se soit retiré en 
sa maison, pour cela les forces qu'il avoit avec 
luy ne laissent pas de rauder alentour d'icj, mes- 
mement les Italiens, et ce qui augmente plus la 
deffiance et soupçon que Ton en peult avoir, c'est. 
Madame, que Mons' de Mangiron m'a escript une 
lettre que j'ai monstrée audit S^ de Gordes par 
laquelle il me mande qu'il a retenu expressément 
lesdits Italiens et gardé dé passer la Royne, jus- 
ques à ce qu'il ait sceu de Mons' de Nemours s'il 
trouvera bon de les faire passer par la Savoie, 
d'aultant qu'il ne vouldroit pas, ce dit il, leur 
donner passaige par le Daulphiné. 

Cela, Madame, est pour retarder sept ou huict 
jours le partement des susdits Italiens, et d'aultre 
part l'argent qui est deu aux compaignies qui sont 
en ceste ville, se monte à si grosse somme qu'il 
n'est pas possible de la recouvrer si promptement. 
A ceste cause, Madame, je vous supplie très hum- 
blement qu'il vous plaise avoir esgard à toultes 
ces considérations, n'imputant point à faulte de 
volonté de vous rendre l'obéyssance aussy prompte 
que je vous doibs, le péché et l'injure du temps, 
et la longueur des affaires de deçà auxquels pourra 
grandement remédier la présence de Monsieur le 
Mareschal de Vieilleville, qui me donnera har- 
diesse de vous réitérer la requeste très humble 
que je vous ay par cy devant faicte de vouloir 
haster sa venue, laquelle je désire d'autant plus 
qu'il me tarde fort. Madame, que je n'aye cest 



— 144 — 

honneur de bayser les mains du Roy et vostres, 
n'ayant rien plus à cœur que de faire preuve de 
ma fidellité à l'endroict de Vos Majestés, et vous 
rendre tesmoignage de Taffeetion que j'ay toutte 
ma vie eue de vous faire très humble service. 
Madame, je supplie le Créateur, etc. De Lion, le 
18«« de may [1563]. 

(Copie. Ibidem, fol. 156.) 

XX 

A la Rayne Mère. 

Lyon, 11 juin 1563. 

Madame, Mons' le mareschal de Yieilleville 
vous faict amplement entendre le peu qu'il a ad- 
vancé jusques à ceste heure à la charge qu'il vous 
a pieu luy donner, en ce qui concerne ceste ville 
de Lion, pour les difûcultez qui s'y offrent, et en- 
cores. Madame, que je scache bien qu'il ne m'ap- 
partient de vous remonstrer et moins conseiller 
en chose du monde, si est ce que pour ne ûdllir 
au debvoir en quoy je suis obligé aux services de 
Vos M'^, je prendray la hardiesse, Madame, de 
vous dire que les remonstrancesque ceulx de ceste 
ville luy ont faictes, lesquelles il vous envoyé par 
escript, sont dignes de quelque considération, si 
vous désirez que vostre volonté soit promptement 
effectuée. Mesmement en deux articles, l'un en ce 



— 145 — 

qu'ils demandent qu'il plaise à Vos Ma^s Iq^^j» pgj.. 
mectre qu'ils facent une taille sur eulx pour li- 
cencier les soldats, qui est le principal, et sans 
lequel tous les aultres seroient inutiles ; car je vous 
puis asseurer. Madame, qu'il n'est en leur puis- 
sance de trouver plus argent sans ceste permission, 
pour ce que tous les moyens dont il s'aidoient du- 
rant la guerre cessent par la paix. Parquoy, Ma- 
dame, il vous plaira d'y pourvoir dilligemment, 
d'aultant que vous désirez prompte exécution au 
commandement qu'il vous a pieu faire audit S' Ma- 
reschal. 

L'autre article. Madame, de leurs remons- 
trances qui me semble aultant considérable est 
celuy des temples et lieux qu'ils demandent pour 
l'exercice de leur Religion, en plus grand nombre 
qu'il n'est porté par l'édict de la paix, car il n'est 
pas possible que deux lieux puissent estre capa- 
bles du grand nombre de personnes qui s'y assem- 
blera tous les jours, principallement aux diman- 
ches, auquel jour il y a douze ou treize temples 
d'ordinaires où l'on faict les presches, qui en sont 
si plains qu'il n'y en scauroit entrer d'advantage ' . 

Quand il vous aura pieu, Madame, faire enten- 
dre audit S' Mareschal vostre volonté sur lesdites 
remonstrances, il pourra beaucoup plus aisément 
exécuter le faict de sa charge, en quoy je le servi- 

* La réponse de la reine n'est qu'un refus, avec 
prière aux réformés lyonnais de ne « s'opiniastrer en 
une chose déraisonnable y>. (Lettre du 16 juin 1663.) 

10 



— 146 — 

raj et soulageraj en tout ce qui me sera pos- 
sible, et espère faire en sorte qu'il vous portera tel 
tesmoignage de mes actions que tous me reco- 
gnoistrez pour tel serviteur et aultant fidelle sub- 
ject que je vous aj toutte ma vie esté. Madame, 
je supplie le Créateur qu'il vous doint» etc. De 
Lâon, le xi*« Juing 1563. 

(Copie. Ibidem, fol. 156.^ 

XXI 

Au Maréchal de Montmoraicy, 

Chastillon, 25 juillet 1564. 

Monseigneur, s'en allant Mons'de Cipierres par 
devers vous, je n'ay voulu fiedllir de vous escrire 
ce mot pour vous dire que ung des plus grands 
plaisirs que je receus il y a long temps, m'a esté 
apporté par la lettre qu'il vous a pieu m'escrire, 
car encores que par icelle vous me monstrez que 
vous m'estimez beaucoup plus que je ne vaulx, si 
est ce que je ne puis que je ne reçoive un grand 
contentement de me voir estre estimé d'un si ver- 
tueux et généreux seigneur comme vous, à qui je 
désire avec le hasard de ma vie et de mon bien 
faire aultant de service que vous cognoistrez que 
je seray digne d'y estre employé. 

Au demeurant, Monsieur, je vous escrivis, ces 
jours passez, par ung gentilhomme que j'envoyay 



, — 147 — 

à Paris par devers vous, et escrivois par luj 
mesme à Mons' Delaplanche * quelques particula- 
ritez que je luy priois de vous dire, auxquelles il 
me semble, sauf vostre meilleur advis, que vous 
devez penser. Je vous supplie très humblement 
me faire entendre si vous les aurez eu agréables 
et quelle sera vostre délibération là dessus. 

Et en cest endroict, pour ne vous ennuyer de 
trop longue lettre, je vous présenteraj mes bien 
humbles recommandations à vostre bonne grâce, 
et prieray Dieu, Monseigneur, qu'il vous doint en 
parfaite santé très heureuse et longue vie. De 
Chastillon, ce xxv« juillet 1564. 

Je vous supplie très humblement que Madame 
vostre femme trouve en ce lieu mes très humbles 
recommandations à sa bonne grâce, et que je luy 
mande que si j'eusse pensé, quandjclaportayau 
baptesme, qu'elle n'eust esté de ma Religion, je 
l'eusse laissé tomber dans les fonds ". 

Vostre très humble et obéissant ser- 
viteur, 

SOUBIZE. 

(Original Fonds français, vol. 30507, fol. 134.) 

* Sans doute Thistorien Louis Régnier, sieur de La 
Planche, fort lié avec les Montmorency. 

* La personne à laquelle se rapportent ces lignes 
enjouées est Diane, fille légitimée de Henri II, et veuve 
d'Octave Famèse, mariée, en secondes noces, à Fran- 
çois de Montmorency, fils aîné du Connétable. 



— 148 — 

XXII 

Au Roy. 

Sans date : premiers mois de 1566. 

Sire, le S' de Soubize, chevalier de votre ordre, 
\ous remonstre qu'il a esté adverty que, par cer- 
taines confessions faictes par feu Jehan Poltrot, 
S' de Merey, estant aux tourmens à luj ordonnez 
par la justice, est faicte expresse mention dudit 
S' de Soubize comme s'il eust esté aucunement con- 
sentant ou adhérant à Tentreprinse de la mort de 
feu Mons' de Gujse, ce qui ne s'est jamais trouvé 
véritable, par ce que aussi le dit S' de Soubize ne 
luj en donna oncques charges ny mandement, et 
d'ailleurs ne se trouve aucune preuve ou présomp- 
tion contre luy de ce faict. Et pour ce que le dit 
S' de Soubize craindroit que à l'advenir on ne l'en 
voulleut accuser ou inquietter, soubz le prétexte 
de telle depposition nulle et non libre et qui n'est 
aydée d'aucune aultre preuve ou conjecture, 
comme on a faict à Mons' l'Admirai, lequel tout- 
tcsfois en a esté par vous. Sire, décléré innocent *, 
ledit S' de Soubize, cncores qu'il ne soit expressé- 
ment accusé, vous supplie très humblement. Sire, 

* A Moulins, le 29 janvier 156G. — La déclaration 
de Soubise dut suivre de près la proclamation de Tin- 
noccncc de Tamiral. 



— 149 — 

qu'il vous plaise ordonner qu'il soit donné, pour 
son regard, pareil jugement et arrest par lequel 
il soit décléré innocent de ce faict, et deffences 
faictes à tous de ne l'en appeller ou inquietter en 
quelque sorte que ce soit, sur les peines contenues 
en Tarrest dudit S'^ Admirai. 

Au bas, d'une autre main, à demi'page . 

Il fault que, pour la pacificacion de toutes choses, 
il meure ung homme pour le peuple, ou qu'il en 
porte la peine. Et ne donnera ledit S' de Soubize 
beaucoup au public, pour ce que aussi bien ne vi- 
vera il plus que deux ou trojs moys. 

Par advis et ordonnance du Conseil. 

(Paraphe.) 

(Original appartenant à M. Dagast-Matifeux. Copie de 
M Paul Marchegay.) 



TABLE. 



Pages. 

Préface , . iii-xvi 

Mémoires de la Vie de Jehan Larcevesque, 
sieur de Soubize 1-101 

Appendice. Lettres de Soubise 103-149 



ERRATA. 



Page IV, ligne 18, lisez : Ta vannes. 

Page IV, ligne 24, lisez : pro Christo et patria.... 

Page 4, ligne 25, lisez : une si grande affliction. 

Page 33, note 1, ligne 3, lisez : 8 janvier. 

Page 65, note 1, ligne 5, lisez : aux Seigneurs de Genève. 

N. B. La note 2 de la page 23 doit être ainsi com- 
plétée : née le 25 mars 1555.