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Full text of "Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay : pour servir à l'histoire de la réformation et des guerres civiles et religieuses en France, sous les règnes de Charles IX, de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII, depuis l'an 1571 jusqu'en 1623"

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in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


Iittp://www.arcliive.org/details/mmoiresetcorre05morn 


MEMOIRES 

ET 

CORRESPONDANCE 

DE  DUPLESSIS-MORNAY. 

TOME  V. 


ÉCRITS  POLITIQUES  ET  CORRESPONDANCE. 

A.  iSgi-iSgS. 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  CRAPELET, 

rne  de  Yangirard,  n*  g. 


MÉMOIRES   rMATiôiaii' 

CORRESPONDANCE 

DE  DUPLESSIS-MORNAY, 

POTJR    SERVIR 
A  l'histoire   de  LA  RÉFORMATION  ET    DES   GUERRES   CIVILES    ET 
RELIGIEUSES  EN  FRANCE  ,  SOUS  LES  REGNES  DE  CHARLES  IX  ,  DE 
HENRI  III,  DE  HENRI   IV  ET  DE  LOUIS  XIII,  DEPUIS  l'aN  1671 

jusqu'en  1628. 

ÉDITION  COMPLÈTE, 

Publiée  sur  les  manuscrits  originaux,  et  précédée  des  MÉMOIRES 
DE  MADAME  DE  MORNAY  sur  la  vie  de  son  mari,  écrits  par 
elle-même  pour  l'instruction  de  son  fils. 


TOME  CINQUIÈME. 


A  PARIS, 


CHEZ  TREUTTEL  ET  WURTZ,  LIRRAIRES, 

RUE    DE    BOURBON,    N°    I7. 

A  Stkasbockg  et  a  Londres  ,  même  Maison  de  Commerce. 
1824. 


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MEMOIRES 

ET  CORRESPONDANCE 

DE 

DUPLESSIS-MORNAY. 

T.  _i;^DISCOURS 

Au  vrai  de  ce  qui  s'est  passé  en  taj-niee  conduicte 
par  sa  majesté ,  depuis  son  avènement  a  la  cou- 
ronne jusqu'à  la  prise  des  faulxbourgs  de  Paris. 

JLfs  volontés  et  deportemens  des  roys  et  princes  sont 
d'autant  plus  subjects  à  estre  scindiqués  et  censurés, 
qu'ils  ne  peuvent  rien  entreprendre  où  leurs  peuples  et 
subjects  ne  soient  intéressés  avec  eulx,  et  les  conjec- 
tures des  hommes  n'ont  en  rien  tant  de  privilège  et 
advantage  qu'au  jugement  qu'ils  font  des  desseings  et 
actions  de  leurs  princes,  d'autant  que,  sur  le  moindre 
indice  qu'ils  en  ont ,  ils  concluent  nécessairement  de 
la  qualité  de  l'événement  qui  en  doibt  estre,  qu'ils  com- 
mencent des  lors  à  louer  ou  reprouver,  comme  si  l'ef- 
fect  en  estoit  adveneu ,  et  plus  ordinairement  s'atta- 
chent au  blasme  ou  contrerolle,  qu'à  l'approbation: 
et  neantmoins  sans  contredict  ni  défense ,  parce  que 
les  princes  et  ceulx  qui  manient  les  affaires,  ne  pour- 
roient  publier  toutes  les  raisons  et  possibilités  qu'ils  ont 
de  leurs  entreprises  ,  sans  en  gaster  et  ruyner  les  effects. 
De  sorte  qu'il  fault ,  par  nécessité,  qu'ils  ayent  ceste 

Mém.  de  Duplessis-Moknay.  ToMi:  v.  I 


2  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

patience  de  se  sentir  injustement  blasniés  de  leurs  meil- 
leures et  plus  utiles  opinions  ,  et  qu'ils  attendent  que 
la  fin  et  événement  d'icelles  les  en  justifie  envers  leurs- 
dicts  subjects,  et  leur  fasse  recognoistre  leur  erreur. 
Il  est  infaillible  qu'il  en  est  ainsi  adveneu  du  desseing 
que  l'on  a  veu  faire  au  roy ,  de  séparer  son  armée  peu 
après  le  deces  du  feu  roy  son  frère ,  et  depuis  laùicte 
séparation ,  au  lieu  de  passer  la  rivière  de  Loire  ,  comme 
il  se  publioit  qu'il  voulloit  faire,  destre  descendeu  en 
la  Normandie,  dont  il  est  très  certain  qu'il  a  esté 
blasmé  de  beaucoup  ,  et  en  a  faict  peine  à  plusieurs  de 
ses  serviteurs,  et  plaisir  à  tous  ses  ennemis  qui  se  sont 
rencontrés  en  ce  jugement,  que  ce  seroit  la  ruyne  de 
ses  affaires  :  mais  maintenant  que  l'événement  leur  a 
donné  occasion  de  s'en  dédire,  il  est  permis  des  cboses 
qu'ils  ont  veues,  de  leur  aider  à  en  cognoistre  les  cau- 
ses ,  et  voir  que  ce  ne  sont  poinct  effects  de  basard  ou 
de  fortune,  mais  de  pure  prudence  et  de  raison;  et  ce 
faisant,  leur  exposer  une  narration  simple  et  véritable 
de  tout  ce  qui  s'est  passé  entre  son  armée  et  celle  de 
ses  ennemis  durant  ung  mois,  qu'elles  ont  tousjours 
logé  à  la  veue  l'une  de  l'aultre.  L'effroyable  sacrilège 
et  accident  de  la  mort  du  feu  roy  adveint  le  deuxiesme 
du  mois  d'aoust  :  et  est  certain  qu'il  feut  d'autant  plus 
advancé  que  ses  ennemis  se  veirent  si  pressés  qu'ils  ne 
recogneurent  plus  aullre  remède  pour  éviter  (ou  pour 
le  moins  faire  différer  pour  quelque  temps)  la  justice 
de  leurs  crimes  :  son  desseing  estoit  de  recouvrer  Pa- 
ris, comme  il  eust  peu  faire  s'il  n'eust  voulleu  trop  de 
bien  à  ceulx  qui  lui  avoient  tant  faict  de  mal  ;  et  est 
mort  quand  il  estoit  quasi  à  son  option  de  la  prendre 
par  amour  ou  par  force.  Le  roy  son  successeur  eust 
aussi  volontiers  succédé  à  ce  desseing.  Mais  ce  qui  feut 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  3 

possible  à  l'ung,  ne  le  pouvoit  pas  estre  sitost  à  l'aultre 
de  qui  l'auctorité  ne  peult  estre  si  promptement  esta- 
blie  qu'elle  feut  acquise  :  car  les  volontés  de  ceulx  de 
dedans ,  affectionnés  au  feu  roy,  qui  s'estoient  eschauf- 
fées  par  sa  présence ,  ne  peuvent   sitost  estre  trans- 
férées à  ce  nouveau  roy,  qu'il  y  a  près  de  quinze  ans 
que  Ton  avoit  veu  de  deçà,  et  où  il  n'estoit  quasi  cog- 
neu  que  par  les  proscriptions  publiées  contre  lui  par 
l'artifice  de  ses  ennemis ,  par  le   moyen  desquelles  ils 
avoient  accoustumé   les  peuples  à  ne  le  recognoistre 
quasi  plus.  Pour  ce  qu'il  estoit  de  ceulx  de  l'armée  , 
combien  qu'à  la  mesme  heure  que  la  succession  lui  feut 
esclieue,  tous  les  princes  de  son  sang  et  aultres,  les  mares- 
chaulx  de  France  ,  officiers  de  la  couronne  ,  et  les  prin- 
cipaulx seigneurs  et  capitaines  quiy  estoient,  lui  eussent 
faict  la   submission  et   recognoissance  de  leur  roi  et 
prince  légitime,  avec  les  protestations  accoutumées, 
toutesfois   plusieurs,  les  ungs  qui,  à  la  vérité,  avoient 
eu  congé  du  feu  roy,  pour  le  long  séjour  qu'ils  avoient 
faict  en  l'armée ,  et  aussi  que  c'estoit  en  la  saison  que 
chacun  veult  aller  faire  sa  récolte  ;  les  aultres ,  sur  ce 
prétexte ,  pour   prendre  loisir  de  se  resouldre  de  ce 
qu'ils  atiroient  à  faire,  se  retirèrent  de  ladicte  armée, 
ayant  eu  ,  sa  majesté,  ceste  force  de  ne  s'estre  jamais 
desmis  de  refuser  congé  à  qui  l'a  voulleu  demander. 
Ainsi,  voyant  l'armée  fort  diminuée,  comme  ung  moin- 
dre accident   pouvoit  suffire   d'en  rompre   une    plus 
grande,  et  celle  de  l'ennemi  mieulx  entretenue  que  la 
sienne,  voyant  aussi  l'aultre  fondement  du  recouvre- 
ment de  Paris,  qui  estoit  sur  l'affection  de  ceulx  de  de- 
dans, aulcunement  refroidi,  il  jugea  prudemment  que 
l'effect  de  ce  desseing  se  debvoit  différer  à  une  aultre 
fois,  et  qu'il  suffisoit,  pour  ccste  première,  d'avoir  re- 


4  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

cogneii  qu'il  estoit  fort  possible  d'y  parvenir,  et  cepen- 
dant garder  les  advantages  qui  y  estoient  acquis  par  la 
prise  des  villes  d'Estampes  et  de  Pontoise.  Estant  né- 
cessaire d'occuper  à  quelqu'autre  exercice  ladicte  ar- 
mée,  le  premier  et  le  plus  digne  qu'il  estima  lui  pou- 
voir donner,  ce  feut  de  conduire  le  corps  du  feu  roy 
en  depost  de  seureté,  sachant  que  la  rage  desdicts  en- 
nemis estoit  si  envenimée,  que,  n'ayant  poinct  trouvé 
de  quoi  se  satisfaire  en  sa  mort ,  elle  passoit  encores 
sur  ses  os  et  ses  cendres.  Ainsi  l'ayant  conduict  à  Com- 
piegne ,  où  il  estima  qu'il  pouvoit  demeurer  plus  di- 
gnement et  seurement,  et  ayant  pris  en  passant  les 
villes  de  Meullan  ,  de  Gisors  et  Clermont,  considérant 
qu'il  ne  parpissoit  rien  à  combattre  à  la  campagne;  que 
lesdicts  ennemis  s'estoient  tous  renfermés  dans  les  mu- 
railles; qu'il  ne  lui  restoit  pas  assez  de  temps  pour  en- 
treprendre ung  aultre  siège  digne  de  l'occupation  de 
son  armée;  qu'il  approchoit  du  temps  auquel  il  avoit 
faict  convoquer,  eu  la  ville  de  Tours,  les  princes,  offi- 
ciers delà  couronne,  seigneurs,  gentilshommes  et  aul- 
tres,  ses  principauîx  officiers  et  ministres,  pour,  avec 
eulx ,  prendre  une  resolution  sur  les  affaires  de  son 
estât  ;  que  pour  y  aller,  ceste  grande  armée  ne  lui  estoit 
aulcunement  nécessaire,  n'y  ayant  rien  à  entreprendre 
par  delà ,  qui  en  meritast  la  présence ,  et  que  ce  n'eust 
esté  que  consommer  les  vivres  du  pays,  sans  aulcun 
fruict  ni  desseing;  sa  majesté,  judicieusement,  se  re- 
solleut  de  séparer  son  armée  en  trois;  d'en  envoyer  une 
partie  en  Picardie,  soubs  la  charge  de  M.  de  Longue- 
ville;  une  aultre  en  Champaigne,  soubs  M.  le  mareschal 
d'Aumont,  et  lui  d'en  retenir  une  aultre  :  et  avec  tel 
ordre,  neantmoins,  que  pendant  que  sadicte  majesté 
demeureroit  en  ses  quartiers.de  delà  auparavant  son 


EN  L'ARMEE  DU  ROT.  5 

passage,  que  si  Tennenii  lui  venoit  en  gros  sur  les  bras, 
que  lesdictes  deux  parties  séparées  se  peussent  en  peu 
de  temps  rejoindre,  comme  lui  passer  de  deçà  la  rivière 
de  Loire ,  ce  mesme  ordre  demeureroit  entre  lesdicts 
sieurs  de  Longueville  et  d'Aumont,  soit  que  l'ung  des 
deux  feust  assailli ,  soit  que  Tennemi  voulleust  attaquer 
quelque  place  qu'il  feust  besoing  de  secourir.  De  ceste 
partition  et  séparation,  sadicte  majesté  en  recueilloit 
deux  ou  trois  grands  avantages.  Le  premier  est  que, 
envoyant  les  deux  parts  de  son  armée  esdictes  provinces 
de  Picardie  et  Champaigne, y  prendre  quelque  ville,  pour 
le  moins  fourrager  la  récolte  des  principales  de  celles  que 
tiennent  les  ennemis,  dont  elle  recevroit  très  grande  in- 
commodité, au  lieu  que  sans  cela  ils  y  estoient  les  mais- 
tres,  et  s'y  pouvoient  grandement  accroistre.  L'aultre, 
qu'estant  la  pluspart  de  la  noblesse  qui  estoit  demeu- 
rée en  ladicte  armée,  desdictes  provinces  de  Picardie 
et  de  Champaigne,  y  envoyant  ses  forces ,  c'estoit  comme 
Jes  conduisant  chez  eulx  les  retenir  toujours  au  corps 
de  ladicte  armée,  en  cas  qu'il  en  survint  occasion,  ce 
qui  n'eust  pas  esté  aultrement;  car  se  retirant,  comme 
ils  eussent  indubitablement  faict,  ce  n'eust  plus  esté 
pour  revenir,  s'il  n'y  eust  poinct  eu  dans  le  pays  de 
corps  et  de  chefs  pour  les  recueillir.  Et  puis  par  le 
moyen  desdictes  armées,  sa  majesté  faisoit  saouler  de 
la  guerre  les  villes  et  peuples  de  ces  provinces  là,  qui 
ont  monstre  en  avoir  tant  d'appétit  et  d'envie  ;  de  la 
part  de  ladicte  armée,  que  sa  majesté  retenoit  près 
d'elle,  elle  resolleut  aussi  de  ne  la  laisser  pas  inutile, 
et  de  s'en  servir  plus  par  industrie  que  par  grand 
effort,  ayant  avec  icelle,  reteneu  MM.  les  princes  de 
Conty,  de  Montpensier,  le  Grand  Prieur,  colonel  de 
îa  cavalerie  légère,  mareschal  de  Biron,  et  les  sieui^ 


6  DISCOURS  SUPc  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

Dampville,  colonel  des  Suisses,  de  Rieux,  mareschal 
de  camp  ,  de  Chastillon  ,  commandant  à  l'infanterie  ,  et 
plusieurs  seigneurs  de  son  conseil ,  capitaines  et  aultres 
gentilshommes  de  qualité;  etpouvoit  estre,  ladicte  ar- 
mée, de  plus  de  mille  bons  chevaulx,  de  deux  regi- 
mens  de  Suisses,  et  d'environ  trois  mille  François;  et, 
parce  que  le  temps  ne  le  pressoit  poinct  encores  de  se 
trouver  à  la  convocation  qu'elle  avoit  faict  publier  à 
Tours ,  dans  la  fin  du  mois  d'octobre  ;  que  ce  qui  lui 
restoit   de  temps  ii'estoit  pour  entreprendre  aulcung 
siège ,  elle  voulleut  que  sa  forme  de  cheminer  lui  ser- 
vist,  pour  le  moins,  d'empescher  que  les  ennemis  ne 
peussent  faire,  comme  il  leur  eust  esté  aisé  ,  d'attaquer 
lesdictcs  villes  d'Estampes,  Pontoise,  Meulian,  Senlis 
et  aultres,  spécialement  les  deux  premières,  qui  ne  ve- 
noient  que  d'estre  prises  par  batterie,  et  dont  les  ruy- 
nes  n'avolcnt  pu  encores  estre  réparées,  de  sorte  que 
les  ennemis  y  retournant  avec  furie,  ils  les  pouvoient 
emporter  auparavant  que  les  aultres   deux  parties  de 
l'armée  se  feussent  peu  rassembler  et  accourir  assés  à 
temps  au  secours.  Pour  ceste  occasion ,  et  avec  l'advis 
dudict  sieur  mareschal  de  Biron ,  il  se  ressoUeut  de  des- 
cendre uhg  peu  plus  avant  en  la  Normandie,  à  double 
desseing.  L'ung  pour  y  conforter  ses  affectionnés  servi- 
teurs, en  sorte  qu'ils  peussent  prendre  toute  confiance 
de  sa  bonne  grâce  et  protection  ;  et  l'aultre  ,  pour,  fei- 
gnant d'y  voulloir  entreprendre  quelque  chose  ,  y  atti- 
rer une  partie  des  forces  des  ennemis,  et  ainsi  les  sépa- 
rant, leur  faire  perdre  le  temps  et  l'occasion  d'assiéger 
lesdictes  villes  d'auprès  de  Paris,  et  donner  patience  à 
ceulx  de  dedans  de  se  fortifier  et  reparer,  parce  que, 
gagnant  six  sepmaines  de  temps,  c'estoit  leur  donner 
quattre  ou  cinq  mois  de  loisir  :  ce  qui  lui  réussit  et  en 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  7 

l'ung  et  en  Taultre  fort  heureusement.  Car,  estant  pre- 
iiiiereuient  veneu  au  village  du  Pont  Sainct  Pierre  ,  le 
capitaine  Roullet ,  qui  commande  dans  la  ville  et  fort 
du  Pont  de  l'Arche,  l'estant  veneu  trouver  ,  lui  apporta 
toute  asseurance  de  la  fidélité  et  obéissance  de  tous  les 
habitans  de  ladicte  ville,  et  encores  plus  particulière- 
ment de  la  sienne;  et  en  remporta  de  samajesté  tant  de 
contentement,  qu'il  en  demeura  encores  plus  confirmé 
en  la  promesse  qu'il  lui  avoit  faicte  de  lui  conserver 
ladicte  ville  où  est  le  dernier  pont  de  la  rivière  de  Seine, 
€t  qui  peult  grandement  incommoder  ladicte  ville  de 
Piouen,  qui  n'en  est  esloignee  que  de  cinqpetites lieues, 
et  empescher  tout  le  trafic  qui  se  souloit  faire  desdictes 
deux  villes  de  Paris  et  Rouen.  Dudict  Sainct  Pierre, 
sadicte  majesté  faict  acheminer  son  armée  à  Darnetal, 
qui  est  ung  fort  grand  bourg ,  à  une  lieue  près  dudict 
Rouen  ,  pour  la  rafraischir  commodément.  Elle  en  partit 
des  le  lendemain  ,  à  Timproviste,  avec  trois  ou  quattrc 
cens  chevaulx  seulement,  et  donna  jusques  à  Dieppe, 
qui  est  ung  des  meilleurs  ports  de  mer  de  toute  la 
Normandie  ,  et  la  ville  bonne  et  riche,  fort  affectionnée 
à  sa  majesté,  qui  sera  ung  jour  le  salut  de  toute  la 
province,  comme  des  à  présent  elle  lui  en  conserve 
une  grande  partie.  Elle  y  feut  aussi  reçue  et  honorée, 
et  du  cœur  et  de  la  voix  de  tout  ce  peuple ,  autant 
qu'ung  bon  roy,  bien  chéri  des  siens,  le  pouvoit  estre 
de  bons,  fidelles  et  bien  aimés  subjects.  A  cela  estant 
leur  bon  naturel  aidé  et  esmeu  par  l'exemple  du  com- 
mandeur de  Chastes  ,  gouverneur  de  ladicte  ville  ,  qui 
a  rendeu  ung  tesmoignage  singulier  de  fidélité,  comme 
elle  receut  en  mesme  temps  et  audict  lieu ,  une  con- 
firmation très  certaine  de  celle  du  sieur  de  la  Verine , 
gouverneur  de  la  ville  et  chasteau  de  Caen  ,  de  qui, 


^  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

ainsi  que  desdicts  sieurs  de  Chastes  et  Roullet,  il  se 
peult  dire  qu'ils  ne  sont  poinct  de  ceulx  qui  sont  justes 
et  innocens,  pour  ce  qu'ils  n'ont  poinct  eu  occasion  de 
faillir;  car  leur  vertu  et  loyaulté  a  esté  combatteue  de 
toutes  les  tentations  et  charmes  qui  peuvent  séduire  les 
plus  resolleus ,  dont  neantmoins  la  victoire  leur  est  de- 
meurée avec  une  grandissime  recommandation  de  leur 
mérite,  d'autant  plus  que  le  vice  du  siècle  ne  le  com- 
porte pas,  et  que  c'est  maintenant  comme  chose  extra- 
ordinaire ,  de  garder  la  foi  à  son   prince.  Pendant  ce 
peu  de  séjour  qu'il  feit  à  Dieppe,  ayant  sceu  que  la 
ville  de  Neufchastel ,  qui  en  est  à  sept  lieues  près,  in- 
commodoit  fort  le  passage ,  il  l'envoya  investir  par  les 
sieurs  de  Guytri  et  de  Hallot ,  avec  partie  de  la  cava- 
lerie qu'il  avoit  menée ,  et  quelques  gens  de  pied  de  la 
garnison  dudict  Dieppe.  Et  s'estant  assemblé   grande 
quantité  de  paysans  et  soldats  pour  la  venir  secourir, 
et  s'y  acheminant  soubs  la  conduicte  de  Chastillon , 
gentilhomme  dudict  pays,   ladictc  cavalerie  leur  alla 
au  devant,  qui  les  defeit  tous,  et  en  tailla  en  pièces  sur 
le  champ  plus  de  sept  ou  huit  cens  ,etfeut,  ladicte  ville, 
rendue  ;  qui  feut  une  fort  agréable  nouvelle  à  Dieppe, 
où  sadicte  majesté ,  en  ce  qu'elle  y  demeura,  s'y  acquit 
telle  bienveillance  de  tous  les  habitans ,  et  de  ceulx  qui 
y  estoient  réfugiés  des  aultres  villes,  que  non  seulement 
lui  accordèrent  tout  le  secours  qu'il  leur  vouUeut  deman- 
der, mais  d'eulx  mesmes  lui  feirent  la  proposition  du 
siège  de  la  ville  de  Rouen,  pour  lequel  ils  offrirent  de 
défrayer  quasi  l'armée  ,  pour  le  temps  qu'ils  estimoient 
qu'il  pou  voit  durer.  Ce  que  sa  majesté  escouta  voloita- 
tiers,  parce  que  cela  se  rapportoit  à  l'exécution  d^a 
seconde  partie  de  sondict  desseing ,  et  remit  à  s'en  re- 
souklre  avec  l'advis  de  MM.  de  Montpensier,  mareschal 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  9 

de  Biron,  et  aultres  seigneurs  et  capitaines  qui  estoient 
demeurésenladictearmee,  où,  estant  arrivé,  et  ayant  faict 
ceste  proposition,  il  la  sceut  si  bien  dissimuler  que  la  plus- 
part  de  ceulx  qui  l'approchoient  de  plus  près,  croyoient 
que  ce  feut  son  intention  que  d'assiéger  ladicte  ville  de 
Rouen,  qui  est  oii  il  tendoit  de  le  faire  croire  en  son 
année ,  afin  que  tant  plus  volontiers  ceulx  de  ladicte  ville 
et  ses  ennemis  le  creussent,  n'estant  pas  niarry  que  les 
raisons  qu'il  y  avoit  infinies  de  ne  le  faire  pas ,  feussent 
pour  lors  légèrement  traiclees.  Ainsi  pendant  cinq  ou 
six  jours  qu'il  y  séjourna ,  il  feit,  excepté  de  la  battre, 
tout  ainsi  que  si  sa  resolution  eut  esté  de  l'assiéger,  et 
commença  des  les  premiers  jours  à  leur  oster  tous  leurs 
moulins,  qui  feut  ung  grand  estonnement  dans  ladicte 
ville,  où  il  faisoit  aussi  incessamment  attaquer  des  es- 
carmouches jusques  dans  leurs  portes,  afin  de  les  presser 
dadvantage  de  reclamer  du  secours ,  ce  qu'ils  feirent 
avec  telle  instance  que,  malgré  que  M.  d'Aumalle  et  le 
comte  de  Brissac  y  feussent,  ils  ne  se  peurent  jamais 
asseurer  si  M.  de  Mayenne  n'y  venoit  avec  toute  son 
armée;  ce  qu'enfin  ils  obtinrent,  qui  estoit  ce  que  sa 
majesté  desiroit  autant  qu'eulx,  et  en  quoi  consistoit 
la  perfection  du  desseing  qu'elle  avoit  d'empescher  que 
lesdictes  villes  qu'elle  tcnoit  près  de  Paris,  ne  feussent 
assiégées  par  la  diversion  des  forces  de  son  ennemi.  Et 
ayant  sceu  qu'il  s'estoit  acheminé  à  Mante  et  à  Vernon , 
commença  à  mieulx  recevoir  les  raisons  qu'il  y  avoit 
de  n'entreprendre  pour  lors  ledict  siège,  et  à  descou- 
vrir comme  ce  n'avoit  esté  que  à  ce  desseing  qu'il  avoit 
vouUeu  faire  ceste  contenance  qu'il  sceut  fort  dextre- 
nient^dissimuler,  comme  ce  n'est  pas  ung  moindre 
effect  de  la  prudence  et  jugement  d'ung  grand  capi- 
taine, de  sçavoir  bien  sceler  ses  délibérations,  que  de 


lO  DISCOLmS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

les  bien  et  meurement  délibérer.  Ainsi  il  resoleut  de 
partir  dudict  Darnelal,  et  feiit  sa  retraicte  dressée  de 
sorte ,  que  combien   que  ce  feut  à  la  veue  quasi  des 
murailles  de  Rouen,  et  que  lesdicts  sieurs  d'Aumalle 
et  de  Brissac  y  feussent  avec  grand  nombre  de  cava- 
lerie,  neantnioins  il  ne  comparent  personne  pour  le 
venir  tastcr,  où  s'ils  sortirent,  ils  se  contentèrent  d'en 
voir  l'ordre  sans  y  chercher  rien  dadvantage.  Sadicte 
majesté  estant  veneue  à  bout  de  sesdicts  deux  desseings 
qui  Favoient  amenée  en  Normandie,  les  voulleut  ac- 
croistre  de  recouvrer,  pendant  qu'elle   esloit   sur  les 
lieux,  et  qu'il  restoit  encores  du  temps  assés  pour  son 
retour  à  Tours,  quelques  petites  villes  qui  n'incommo- 
doient  pas  moins  les  chemins  et  les  passages  que  les 
plus  grandes  ,  et  y  establir  autant  de  garnisons  entre- 
teneues  qui   pourroient  servir  à  ung  gros,  quand  il 
seroit  besoing  d'en  amasser  ung  dans  la  jjrovince  :  elle 
voulleut  commencer  par  celle  d'Eu  qui   est  une  assés 
bonne  petite  ville,  et  ung  chasteau  qui  appartient  à 
madame  de  Guise,  ladicte  ville  située  sur  la  rivière  de 
Bethune,  ung  peu  dans  le  vallon  ,  veue  de  la  Montagne , 
mais  non  pas  de  si  près  que  la  batterie  s'en  pcust  faire; 
il  y  avoit  garnison  de  plus  de  quattre  cens  hommes  de 
guerre,  commandés  par  le  sieur  de  Launoy  qui  estoit 
gouverneur  de  la  place.  Le  roy  feit  trois  logis  depuis 
Darnetal  jusqu'audictEu,  lequel  ayant  envoyé  sommer, 
ledict  gouverneur  feit  contenance  de  se  voulloir  dé- 
fendre, et  commença  à  mettre  le  feu  dans  l  ung  des 
faulxbourgs,  de  peur  que  l'on  y  logeast;  toutes  fois  il 
ne  demeura  gueres  en  ceste  opinion.  Car,  ayant  sceu 
que  le  roy  estoit  arrivé  devant  ladicte  ville ,  et  que  le 
canon  commençoit  à  approcher,  et  voyant  mesmes  les 
soldats,  qui  sans  attendre  aulcune  tranchée,  estoient 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  1 1 

desjà  sur  la  contre  escarpe  du  fossé,  il  demanda  à  par- 
lementer, et  deux  heures  après  il  rendit  ladicte  ville, 
de  laquelle  il  lui  feut  permis  sortir  avec  lesdicts  gens 
de  guerre,  lui  et  les  gentilshommes  avec  leurs  armes 
et  chacung  ung  cheval,  et  les  soldats  avec  l'espee  :  leur 
ayant  la  capitulation  esté  fort  bien  entreteneue,  comme 
aussi  la  ville  feut  préservée  d'estre  pillée  et  saccagée, 
n'ayant  voulleu  permettre  que  aulcung  y  entrast,  que 
le  sieur  de  Cliatillon  ,  qui  y  tint  l'ordre  et  la  police 
exacte  qu'il  a  accoutumé  de  faire  en  toutes  choses,  de 
sorte  qu'il  n'y  adveint  aulcune  insolence  ,  ni  force  à 
aulcung  des  habilans  de  ladicle  ville ,  en  laquelle  sa 
majesté  ne  voulleut  entrer,  et  alla  loger  au  bourg  de 
Trcport,  qui  en  est  à  ung  quart  de  lieue  près.  Il  eut  la 
nouvelle  que  le  sieur  duc  de  Mayenne  ayant  veu  l'ar- 
mée de  sa  majesté  tourner  de  ce  costé  ,  avoit  aussi  faict 
passer  la  rivière  de  Seine  à  la  sienne,  et  faisoit  estât 
d'aller  assiéger  le  village  de  Gournay  qui  avoit  peu  de 
temps  auparavant  esté  pris  par  le  sieur  de  Longueville, 
que  de  là  il  n'y  avoit  plus  aulcune  rivière  entre  les 
deux  armées ,  ni  rien  qui  peust  empescher  de  venir 
droict  à  lui.  Ledict  sieur  de  Mayenne  que  Ton  disoit 
avoir  plus  de  trois  mille  chevaulx  et  de  quatorze  à 
quinze  mille  hommes  de  pied  ,  et  qui  s'est  trouvé  depuis 
en  avoir  encores  dadvantage  que  ne  portoit  le  premier 
advis,  qui  estoit  de  cavalerie,  près  de  trois  fois  autant 
que  le  roy  en  pouvoit  avoir,  et  d'infanterie  la  moitié 
dadvantage.  En  cela  il  y  eut  deux  choses  qui  estoient 
par  de  là  le  discours  qu'en  avoit  faict  sa  majesté,  qui 
procedoient  d'une  mesme  cause,  laquelle  elle  n'avoit 
peu  prévoir,  parce  qu  elle  n'estoit  pas  née  lorsqu'il  feit 
sa  resolution;  l'une,  qu'elle  n'avoit  pas  estimé  que  le- 
dict duc  de  Mayenne  venant  au  secours  de  Rouen ,  y 


12  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

deiist  amener  toute  son  armée  ;  et  l'aultre ,  qu'il  deuét 
passer  la  rivière  pour  le  suivre  dadvantage,  parce  que 
y  amenant  toutes  ses  forces,  il  se  pouvoit  engager  à 
ung  combat,  pour  lequel  il  n'estoit  pas  assés  fort  s'il 
feust  demeuré  en  Testât  que  sadicte  majesté  l'avoit 
laissé;  mais  lui  estant  depuis  surveneu  Bassompierre, 
avec  trois  cornettes  de  Reystres,  Ballagny  d'ung  aultre 
costé  y  ayant  envoyé  ce  qu'il  avoit  de  forces,  le  prince 
de  Parme  d'ailleurs ,  quattre  ou  cinq  cens  chevaulx 
avec  quelque  infanterie  de  Wallons,  et  encores  depuis 
estant  arrivé  M.  le  marquis  de  Pont,  qui  leur  amena 
comme  il  est  dict  plus  de  mille  chevaulx  et  deux  mille 
hommes  de  pied  ,  cela  feit  prendre  audict  sieur  de 
Mayenne  cesle  resolution  d'y  amener  tout,  de  passer 
la  rivière  et  venir  chercher  le  roy,  qu'ils  publioient 
desjà  par  tout  tenir  en  leurs  mains ,  et  discouroient 
plus  de  la  forme  d'user  de  leur  victoire  que  des  moyens 
de  l'acquérir ,  tant  ils  la  tenoient  certaine  et  infaillible, 
comme  il  sera  mal  aisé  que  de  long  temps  ils  en  recou- 
vrent une  si  belle  occasion.  li  restoit  encores  ce  subjecl 
pour  faire  cognoistre  de  deçà  une  vertu  qui  est  très 
familière  à  ce  prince,  et  par  sa  naturelle  générosité  et 
par  longue  expérience  qu'il  en  a  faict ,  qui  est  la  con- 
stance et  resolution  aulx  nouveaulx  accidens,  mesmes 
à.ceulx  qui  portent  apparence  de  péril  ^  comme  cestui 
ci  en  avoit  tous  les  signes;  toutes  fois  il  y  montra  une 
telle  asseurance  que  les  plus  estonnés  trouvoient  de 
quoi  s'asseurer  en  sa  contenance  pour  apporter  à  ce 
mal  un  g  remède  qui  feut  honorable  et  salutaire.  Pre- 
mièrement il  depescha  vers  lesdicts  sieurs  de  Longue- 
ville  et  mareschal  d'Aumont  pour  les  advertir  de  Testât 
de  ses  affaires,  et  qu'ils  feissent  toute  la  dihgence  qu'ils 
pourroient  de  se  joindre  pour  le  venir  rencontrer,  pre- 


EN  L'ARMEE  DU  BOY.  î  *> 

voyant  que  ceste  partie  ne  se  demesleroit  pas  sans 
quelque  grand  combat,  qui  feroit  une  crise  de  la  ma- 
ladie; puis  il  resoleut,  en  allant  au  devant  desdicts  en- 
nemis ,  et  s'approchant  d'eulx  ,  d'aller  loger  à  Arques  , 
qui  est  ung  assés  bon  bourg  non  fermé,  l'assiette  du- 
quel il  sert  à  ce  discours  de  descrire.  De  Dieppe  sortent 
deux  costeaux  au  milieu  desquels  est  une  petite  rivière 
nommée  Bethune,  qui  n'est  pas  longue,  mais  en  la- 
quelle la  mer  reflue  à  plus  de  deux  lieues  par  de  là 
ledict  Dieppe  ;  des  deux  costés  de  ladicte  rivière  jusqjies 
au  pied  des  costeaux,  est  une  prairie  et  plustost  ma- 
rais qui  est  tousjours  humide,  à  une  lieue  et  demie 
dudict  Dieppe,  sur  ladicte  rivière,  et  à  bas  duilict 
costeau,  qui  est  à  main  gauche  en  venant  audict  Dieppe, 
est  assis  ledict  bourg  d'Arqués,  auquel  il  y  a  ung  chas- 
teau  appartenant  à  sadicte  majesté,- qui  est  sur  le  haut 
dudict  costeau  qui  commande  et  voit  partir  dudict 
bourg,  qui  est  au  reste  fossoyé  et  assés  fort  d'assiette, 
ayant  en  face  de  l'aultre  costé  dudict  bourg,  la  plaine 
de  tout  ledict  costeau,  qui  est  grande;  c'estoit  uni^ 
logis  que  sadicte  majesté,  en  son  voyage  qu'il  feit  à 
Dieppe,  avoit  en  passant  par  là,  recogneu  estre  fort 
propre  à  y  faire  et  dresser  ung  camp  retranché  et 
fortifié ,  qui  ne  feut  une  des  moindres  considérations 
qui  le  feit  resouldre  de  le  venir  prendre,  et  de  faict  v 
estant  arrivé,  l'ayant  faict  voir  audict  sieur  mareschal 
de  Biron  qui  en  feit  le  mesme  jugement,  soudain  eulx 
deux ,  sans  aidlre  ingénieux ,  commencèrent  sur  le 
plein  dudict  costeau  qui  estoit  au  dessus  dudict  bourg, 
à  tracer  la  forme  de  leur  camp  avec  les  flancs  et  def- 
fences  nécessaires.  A  quoi  ils  feirent  besongner  en  telle 
diligence,  qu'à  leur  exemple,  tous  ceulx  de  l'armée, 
depuis  le  plus  grand  jusqu'au  moindre,  y  travailloient, 


ll\  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

tout  le  long  du  jour,  plus  ardemment  que  ne  feroit 
ung  manœuvrier  qui  entreprend  de  la  besongne  à  la 
tasche.  De  sorte,  qu'en  moins  de  trois  jours,  ledict 
camp  feiit  tellement  fortifié,  que  le  fossé  aulx  moindres 
lieuK,  n'avoit  poinct  moins  de  sept  ou  huict  pieds  de 
hault,  et  commença  des  lors  à  y  loger  de  l'artillerie, 
et  y  faire   entrer   quattre  compagnies   de   Suisses  en 
garde.  Les  adveneues  dudictcamp  fortifié  estoient  veiies 
dudict  cliasteau  où  il  avoit  faict  mettre  bonne  quantité 
de  pièces,  de  sorte  que,  pour  en  approcher,  il  falloit 
passer  à 4a  mercy  des  canonnades  dudict  chasteau;  les 
adveneues  dudict  camp,  du  costé  dudict  bourg,  estoient 
par  deux  vallons  qui  aboutissent  les  deux  testes  d'icelui, 
oïl  partie  de  la  cavalerie  pouvoit  estre  commodément 
logée  et  à  couvert  de  Tarlillerie  de  Tennemi,  en  quel- 
que lieu  qu'elle  y  eust  peu  estre  mise,  et  de  là  faire  de 
belles  charges,  si  leur  infanterie  en  gros  eust  voullcu 
taster  les  fossés  dudict  retranchement;  ainsi  en  peu  de 
temps,  l'industrie  lui  revaleut  l'advantage  que  les  en- 
nemis pouvoient  avoir  sur  lui  en  nombre  d'hommes. 
Cependant    les    ennemis   avoient    repris    les   lieux   de 
Gournay,  de  Neufchastel  et  ladicte  ville  d'Eu  ,  et  che- 
minoient  avec  asseurance  d  en  faire  le  semblable  dudict 
Arques,  et  d'en  desloger  le  roy  et  son  armée;  mais  en 
approchant  de  plus  près,  ayant  par  eulx  esté  recogneu 
ce   qui   avoit  esté  faict,  comme  ils  ne  manquent  pas 
d'advis  et  en  sont  fort  bien  servis,  parce  que  le  naturel 
du  siècle  incline  plus  à  l'infidélité  qu'aultrement;  com- 
bien que  ce  feut  leur  droict  chemin  pour  s'approcher 
de  l'armée  de  sa  majesté,  de  venir,  sur  ledict  costeau, 
trouver  ledict  camp   fortifié,  et  qu'ils  n'en  peussent 
prendre  d'aultres,  sans  faire  ung  grand  détour,  toutes 
fois  plustost  que  d'en  prendre  le  hazard  ,  après  en  avoir 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  l5 

Jonguement  demeuré  en  incertitude,  ils  résolurent  de 
passer  bien  plus  hault  ceste  petite  rivière  qui  sépare 
lesdicts  deux  costeaulx,  et  de  s'aller  loger  sur  Taultre 
qui  est  vis  à  vis  de  celui  où  est  ledict  chasteau  d'Arqués , 
dont  sa  majesté  ayant  esté  advertie ,  considérant  que, 
se  logeant  sur  ledict  costeau ,  ils  pouvoient  attacquer 
ledict  bourg  d'Arqués,  par  le  bas  du  coslé  de  ladicte 
rivière,  et  aller  droict  à  Dieppe  pour  surprendre  ung 
grand  faulxbourg  nommé  le  Pollet,  qui  est  du  mesme 
costé  et  au  bout  du  pont  de  ladicte  ville  ,  grand  et 
logeable ,  et  qui  pourroit  beaucoup  incommoder  le 
port  et  ladicte  ville ,  et  peult  estre  attacquer  ensem- 
blement  l'ung  et  l'aultre,  il  advisa  de  pourvoira  l'in- 
stant à  tous  les  deux,  et  en  mesme  temps  il  feit  retran- 
cber  le  bas  dudict  bourg  d'Arqués  ,  approchant  de  la 
rivière,  et  qui  estoit  l'unique  lieu  par  où  l'ennemi  v 
pouvoit  venir,  feist  dans  ledict  retranchement  mettre 
deux  pièces  de  canon  qui  battoient  le  long  de  la  plaine 
qui  estoit  depuis  le  passage  de  ladicte  rivière  par  où 
il  falloit  nécessairement  venir,  et  y  logea  ung  de  ses 
regimens  de  Suisses,  et  à  mille  pas  de  là  assist  ung 
corps  de  garde  de  soldats  François  dans  une  maladrerie 
qui  y  est,  pour  soubtenir  quelques  soldats  qu'il  logea 
î\  trois  cens  pas  encores  de  là,  quasi  sur  le  bord  de  la 
rivière;  afin  que,  quand  les  ennemis  seroient  logés  au 
village  de  Martinglise,  qui  est  sur  l'aultre  bord  de  la- 
dicte rivière,  comme  il  ne  doubtoit  poinct  qu'ils  n')"" 
logeassent,  de  les  empescher  de  passer  ladicte  rivière, 
du  costé  dudict  Arques;  il  pourveut  aussi  audict  faulx- 
bourg du  Pollet,  et  l'ayant  trouvé  ouvert  de  tous  les 
costés ,  il  resoleut  retrancher  ung  moulin  qui  est  à  la 
teste  par  où  l'ennemi  pouvoit  venir,  et  comprendre 
nudict  retranchement  des  chemins  bas  qui  en  estoient 


l6  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

proches,  feit  pallisser  et  barriquer  les  aultresadveneues, 
et  y  feut  faict  une  diligence  incroyable,  à  quoi  les  ha- 
bitans  de  la  ville  et  dudict  faulxbourg  de  tous  aages  et 
de  tous  sexes  n'espargnerent  poinct  leur  peine,  et  de 
telle  affection  qu'il  n'y  falloit  aulcune  contraincte;  de 
sorte  qu'en  moins  de  deux  ou  trois  jours,  toute  ceste 
fortification  feut  achevée,  Pour  le  regard  dudict  faulx- 
bourg ,  sa  majesté  y  feit  venir  M.  de  Ghastillon,  avec 
une  partie  de  son  infanterie;  il  y  ordonna  aussi  le  sieur 
de  Guytri  qui  n'en  bougea  jusqu'à  ce  que  lesdicts  en- 
nemis feussent  délogés  dudict  costeau.  Ils  y  arrivèrent 
le  treizième  du  mois  de  septembre,  et  se  teinrent  pour 
les  trois  premiers  jours  logés  ung  peu  loin  g;  souffrans 
que  les  chevaulx  légers  de  sa  majesté  les  allassent 
reveiller  dans  leurs  logis,  sans  pour  cela  qu'ils  en  dé- 
partissent, qui  faisoit  croire  qu'ils  se  reserveroient  à 
quekpie  grand  effort.  Le  seizième  dudict  mois  ayant 
mis  toute  leiu-  armée  en  bataille,  ils  commencèrent  à 
paroistre,  et  des  les  cinq  heures  du  matin  feirent  che- 
miner la  plus  grande  partie  de  leur  infanterie,  et  bon 
nombre  de  cavalerie  vers  ledict  faulxbourg  du  Pollet; 
et  le  reste  de  ladictc  infanterie  et  la  plus  grande  partie 
de  la  cavallerie  légère  se  lo£[ea  audict  village  de  Mar- 
tinglise.  Sadicte  majesté  ayant  cest  advis,  resoleut  de 
laisser  mondict  sieur  le  mareschal  de  Biron  ,  pour  com- 
mander audict  Arques,  et  s'en  venir  en  personne  audict 
Pollet,  ou  d'arrivée  il  alla  loger  en  pleine  campagne, 
loing  dudict  moulin  retranché,  quelque  cavalerie  et 
bonne  trouppe  de  gens  de  pied ,  par  lesquels  il  feit 
entretenir  les  escarmouches  des  ennemis  tout  le  long 
du  jour  à  leur  grande  honte  et  perte  :  car  ils  ne  sceu- 
rent  jamais  les  faire  reculler  d'ung  seul  pas  :  ils  leur 
tuèrent  de  leurs  capitaines  et  soldats ,  en  eurent  les 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  17 

corps  et  en  prirent  plusieurs  de  prisonniers,  par  où 
l'on  commença  à  faire  jugement,  qu'il  y  avoit  grande 
différence  des  soldats  d'une  atmee  à  l'aultre.  Enfin,  sur 
les  cinq  heures,  lesdicts  ennemis  s'estans  les  premiers 
lassés  desdictes  escarmouches ,  logèrent  qualtre  de  leurs 
regimens  en  ung  village,  le  plus  proche  dudict  faulx- 
bourg,  où  ils  avoient  bien  faulle  de  couveri;,  ayant 
deux  jours  auparavant  estes  bruslés  en  leur  présence, 
sans  qu'ils  entreprissent  de  le  venir  empescher.  S'ils 
eurent  pour  ce  jour  mauvaise  fortune  du  costé  dudict 
Pollet,  ils  l'eurent  encores  pire  de  l'aultre,  à  Arques; 
car,  après  s'estre  logés. audict  village  de  Mnrtinglise, 
où  estans  veneus  à  l'escarmouche  pour  desloger  les 
soldats  qui  estoient  demeurés  dans  les  plus  prochaines 
haies  de  ladicte  rivière  du  costé  dudict  Arques,  mon- 
dict  sieur  le  mareschal  de  Biron  qui  estoit  prest  de 
ladicte  maiadrerie  regardant  ce  qui  se  passoit,  faisoit 
entretenir  lesdictcs  escarmouches,  jusques  à  ce  qu'ayant 
veu  sortir  ung  grand  nombre  de  gens  de  guerre,  tant 
de  pied  que  de  cheval ,  pour  enfoncer  lesdicts  soldats 
et  venir  forcer  les  corps  de  garde  de  la  maiadrerie, 
il  leur  feit  faire  une  si  furieuse  charge  par  mesdicts 
sieurs  le  Grand  Prieur,  et  de  d'Anville,  et  ce  qu'il 
avoit  de  noblesse  près  de  lui,  que  tout  ce  qui  estoit 
sorti  dudict  village,  et  ce  qui  estoit  demeuré  féut  mis 
en  route,  et  y  en  eut  plus  de  cent  cinquante  tués, 
entre  lesquels  estoient  huict  ou  dix,  portans  titre  de 
commandement,  et  trois  capitaines  d'Albanois;  il  y  en 
eut  plus  de  blessés  que  de  tués,  leur  demeura  plusieurs 
prisonniers;  entre  nultres ,  le  sieur  du  Monestier,  cor- 
nette de  M.  de  Nemours,  le  jeune  Vieulx-Pont  et 
plusieurs  aultres ,  jusqu'au  nombre  de  vingt  qui  ont 
payé  bonne  rançon.  Les  ennemis  feurent  si  estonnés  de 

MÉM.  DE  DUPJLESSIS-MOR.WY.    ToMH  V.  2 


l8  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

ce  mauvais  traiclement  qu'ils  receurent  esdicts  deux 
endroicts,  qu'ils  ne  se  peurcnt  resouldre  de  rien  entre- 
prendre le  lendemain  ;  mais  ceulx  du  Pollet,  impatiens 
que  Ton  leur  donnast  tant  de  patience  ,  les  feurent 
cherclu'r  jusques  dans  le  village  où  ils  estoient  logés, 
en  tuèrent  plus  de  cent,  et  entre  aultres  le  lieutenant 
de  la  Cliastaigneraie,  l'ung  de  leurs  maistres  de  camp, 
et  qui  connnandoit  les  Irouppes  dudict  village,  sans 
perte  que  d'ung  seul  soldat  de  ceulx  qui  feirent  ceste 
entreprise;  en  quoi  il  parent  comme  en  tous  les  aultres 
combats  que  la  première  impression  qu'ils  avoient 
prise  les  ungs  des  aultres,  en  faisoient  les  ungs  plus, 
les  aultres  moins  vaillans  que  par  raison  iU  ne  debvoicnt 
estre.  Le  mesme  jour  ce  que  les  ennemis  n'avoient  peu 
le  jour  précèdent,  du  costé  d'Arqués,  par  la  force  et 
vertu  de  leurs  gens,  ils  le  voulleurent  tenter  par  l'efTect 
du  canon  ,  et  feirent  du  costé  de  leur  costeau  battre 
de  trois  pièces  ladicle  maladrerie,  et  ung  petit  retran- 
chement qui  y  estoit;  mais  il  n'y  peut  porter  aulcung 
dommage.  Au  contraire,  sa  majesté,  pour  piéger  les 
salves  de  leurs  canonnades,  feit  mener  deux  pièces  de 
canon  au  hault  dudict  retranchement,  dont  il  feit  tuer 
quelques  voilées  dans  le  village,  qui  y  donnèrent  tel 
effroi ,  que  l'on  en  veit  incontinent  sortir  tout  le  bagage 
et  la  cavalerie  qui  y  estoit  logée,  n'y  pouvant  plus  de- 
meurer en  seureté;  il  en  demeura  à  toute  leur  armée 
ung  extresme  depeit,et  malgré  que  la  raison  eut  voulleu 
qu'ils  eussent  faict  leur  plus  grand  effort  contre  le  Pollet, 
et  pour  leur  réputation  qui  est  Tinstrument  dont  ils 
s'aident  le  mieulx,  et  encores  pour  l'effect  et  l'advantage 
qu'ils  en  eussent  tiré,  toutesfois  toute  leur  fureur  et 
animosité  se  convertit  sur  la  maladrerie,  laquelle  ils 
résolurent  de  forcer  à  quelque  prix  que  ce  feust;  et  a 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  19 

quoi  s'estant  en  chacung  des  trois  jours  suivans  pré- 
parés et  resoleus  de  l'entreprendre,  chaque  fois  ils  y 
trouvèrent  des  defaults  qui  les  empescherent,  sur  quoi 
ils  pouvoient  juger  que  telles  incertitudes  sont  ordinai- 
rement mauvais  prestiges  et  augures  de  ce  que  l'on 
veult  faire.  Enfin  le  jeudi  a3*^  dudict  mois  de  septembre 
ils  résolurent  de  l'exécuter,  ayant  des  la  minuict  faict 
mettre  toute  leur  armée  en  bataille,  ils  coiçmencerent 
a  la  faire  passer  la  petite  rivière,  sans  sonner  tabourin 
ni  trompette,  pour,  à  la  poincte  du  jour,  estre  prests  de 
donner  et  forcer  ledict  retranchement.  Dont  sa  majesté 
estant  advertie,  ayant  appelle  ledict  sieur  mareschal  de 
Biron,  se  rendirent  ensemble  à  ladicle  maladrerie  des 
trois  heures  avant  le  jour,  ayant  ordonné  d'y  faire 
venir  à  la  poincte  du  jour  quattre  ou  cinq  cens  che- 
vaulx  seulement,  n'estimant  poinct  que  cela  deust  at- 
tirer ung  tel  combat  que  celui  qui  y  feut  faict.  Lequel, 
pour  estre  remarquable,  mérite  d'estre  escrit,  et  pour 
le  pouvoir  mieulx  comprendre,  sert  de  parler  de  la 
situation  de  ladicte  maladrerie  qui  en  feut  la  cause. 
Sa  majesté  ayant  ordonné  du  retranchement  qu'il  feit 
faire  h  l'adveneue  dudict  bourg  d'Arqués,  du  costé  de 
l'ennemi ,  elle  s'advisa  quasi  après  coup  de  faire  h  plus 
de  deux  mille  pas  dudict  retranchement,  une  tranchée 
perdeue,  qu'il  feit  commencer  du  hault  du  costeau  , 
jusqu'à  la  prairie  ung  peu  par  de  là  ladicte  maladrerie, 
pour  se  tenir  plus  près  des  ennemis,  et  eulx  plus  loing 
de  sondict  retranchement,  n'ayant  pas  faict  desseing 
de  s'opiniastrer  contre  une  grande  force,  toutesfois  les 
y  ayant  veu  venir  les  jours  precedens  si  mollement, 
elle  prit  opinion  de  la  disputer  d'advantage  et  de  la  leur 
faire  acheter,  s'ils  l'a  voulloient  avoir;  ladicle  mala- 
drerie a  parle  devant  du  costé  de  l'ennemi  deux  plaines; 


20  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

l'une,  du  costé  du  bois,  qui  est  au  hault  du  costeau; 
l'aultre,  devers  la  prairie,  séparée  d'ung  chemin  creux 
planté  des  deux  costés  d'une  forte  haye;  le  derrière 
de    ladicte   maladrerie    est    une    aultre   plaine   sur   le 
pendant  dudict  costeau  jusques  au  retranchement  de 
l'advenue  dudict  bourg  d'Arqués,  bordée  dudict  chemin 
creux  au  delà  duquel  est  ladicte  prairie.  Le  poinct  du 
jour  veneu  ,  ayant  sa  majesté  recogneu  toute  l'armée 
de  l'ennemi  en  bataille  ,  qui  paroissoit  de  plus  de  mille 
chevaulx  et  grand  nombre  d'infanterie,  il  resoleut  pre- 
mièrement, avec  l'advis dudict  sieur mareschal  deBiron, 
de  loger  dans  ladicte  maladrerie  sept  à  huict  cens  har- 
quebusiers,  et  de  garnir  ladicte  tranchée  de  deux  com- 
pagnies de  lansquenets,  et  de  deux  aultres  d'advantu- 
riers  suisses  et  de  quelque  peu  de  François;  il  ordonna 
au  dessoubs  de  ladicte  maladrerie  trois  compagnies  de 
chevauk  légers,  à  sçavoir  la  sienne,  que  commandoit 
Harambure  ,  celle  dudict  sieur  de  Lorges  et  du  capitaine 
Fournier,  qui  pouvoient  faire  six  vingts  bons  clievaulx  , 
lesquels  il  feit  commander  par  ledict  sieur  Grand-Prieur; 
ordonna  aussi  pour  les  soubstenir,  les  compagnies  d'or- 
donnance des  sieurs  de  la  Force,  de  Bequeville,  et  de 
l'yVrchant,  et  encore  ung  peu  au   dessoubs  celles  de 
MM.  les  princes  de  Condé  et  de  Conty,  et  au  hault  de 
ladicte   tranchée   demeura  ledict   sieur    maresclial    de 
Biron  avec  les  compagnies  des  sieurs  de  Chastillon  et 
de  Malligny,  et  quelque  aultre  troupe  de  noblesse,  qui 
feut  par  où  commença  l'escarmouche,  laquelle  feut  très 
bien  soubsteneue  par  la  prudence  et  sage  conduicte 
dudict  sieur  de  Biron  ,  et  de  qui  les  yeux  seuls  valloient 
la  force  et  les  bras  de  deux  mille  aultres.  De  l'aultre 
costé  ,  estant  appareu  quatre  ou  cinq  cens  chevaulx  que 
mcnoit  feu  Sagonne,  ils  feurent  si  furieusement  chargés 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  al 

par  lesdictes  trois  compagnies  de  chevaulx  ,  qui  les 
remenerent  battans  jusqiies  dans  ung  aultre  semblable 
gros  de  leur  cavalierie ,  et  en  ceste  charge  feut  ledict 
Sagonne  tué  d'ung  coup  de  pistolet  que  ledict  sieur 
Grand-Prieur  lui  donna,  l'ayant  choisi  et  recogneu 
pour  commencer  par  là  de  venger  la  mort  du  feu  roy 
son  oncle,  toutes  les  aultres  compagnies  ordonnées 
pour  soustenir  lesdicts  chevaulx  légers  feirent  chacung 
leur  charge  et  fort  à  propos ,  et ,  s'estant  après  les  pre- 
mières charges  rallies  ensemble  ,  donnèrent  jusques  à 
la  cornette  blanche,  laquelle,  avec  le  reste  de  leur  ca- 
valierie les  suivant,  feurent  arrestcs  par  le  régiment  des 
Suisses  du  colonnel  Galati,  à  la  teste  duquel  estoit  avec 
lui  ledict  sieur  d'Anville,  qui  avoit  choisi  sa  place  de 
Kitaille  à  plus  de  cinq  cens  pas  au  delà  dudict  retran- 
chement que  gardoit  Taultre  régiment  desdicts  Suisses, 
si  avantageusement  et  à  propos  que  ladicte  cavalierie, 
revenant  de  la  charge,  eut  moyen  de  s'y  rallier,  et  celle 
des  ennemis  n'osa  jamais  entreprendre  de  Tenfoncer; 
ne  pouvant  neantmoins  gueres  séjourner  près  d'eulx, 
tant  à  l'occasion  des  arquebusiers  que  ledict  sieur 
d'Anville  feit  loger  dans  les  hayes,  et  encores  plus  de 
ce  qu'elle  estoit  veue  des  pièces  qui  estoient  dans  le 
chasteau ,  de  l'autre  costé  de  la  rivière;  des  premières 
voilées  desquelles  ils  feurent  tellement  incommodés, 
qu'ils  feurent  contraincts  de  se  retirer  avec  grandissime 
perle  au  mesme  temps  que  se  feit  la  seconde  charge  par 
la  cavalierie  des  lansquenets,  les  ennemis  donnèrent 
à  ladicte  tranchée  perdeue  :  et  en  approchant,  soit  qu'il 
se  veissent  trop  engagés ,  où  que  ce  feust  leur  desseing 
de  se  rendre  à  bon  escient  ou  par  trahison ,  ils  com- 
mencèrent à  crier  qu'ils  se  voulloient  rendre  et  servir 
le  roy,  dont  ils  feurent  trop  tost  creus  par  ceulx  de 


22  DISCOURS  STJR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

ladicte  tranchée  et  aultres ,  qui  leur  baillèrent  les  mains, 
et  les  attirèrent  dans  leur  retranchement.  Ce  que  n'es- 
tant poinct  encores  entendeus  par  ledict  sieur  de  Biron, 
et  les  tenant  pour  ennemis ,  leur  feit  une  charge ,  et  lors 
ils  levèrent  les  mains  et  lui  dirent  qu'ils  s'estoient  ren- 
deus.  Ils  passèrent  plus  oultre  et  vinrent  jusqu'où  estoit 
le  roy,  lequel  n'en  estant  poinct  encores  adverti,  et  re- 
cognoissant  leurs  enseignes,  leur  voulleut  aussi  faire 
une  charge,  laquelle  ils  arresterent  par  les  mesmes  pro- 
testations de  voulloir  servir  sa  majesté;  plusieurs  de 
leurs  capitaines  lui  estans  veneus  toucher  les  mains,  le 
suppliant  de  faire  traicter  avec  eulx  par  ledict  sieur 
mareschal  de  Biron,  pour  leur  donner  asseurance  de  ce 
qui  leur  estoit  deu  par  ledict  sieur  de  Mayenne,  que 
cela  estant  teneu  en  compte  de  debte  de  la  couronne 
de  France,  ils  scrviroicnt  sa  majesté.  Ce  qui  leur  feut 
accordé  par  le  roy,  qui  les  renvoya  audict  sieur  de  Biron , 
estant  pesle  mesle  nostre  cavallerie,  la  pluspart  de  la- 
quelle leur  voyant  encores  les  armes  entre  les  mains, 
n'estoit  poinct  d'advis  de  traicter  avec  eulx  de  ceste 
façon,  et  plutost  les  tailler  en  pièces,  et  commencer 
par  eulx  la  victoire  sur  les  ennemis,  dont  ils  ne  feurent 
pas  creus.  Cependant  sadicte  majesté  et  ledict  sieur  de 
Biron  estans  occupés  aulx  aultres  combats  qui  se  fai- 
soient,  et  se  voyans  lesdicts  lansquenets  séparés  d'eulx, 
comme  ils  veirent  le  gros  de  ceste  cavallerie  qui  venoit 
donner  jusques  aulx  Suisses,  estimant  qu'ils  les  deus- 
sent  enfoncer,  commencèrent  h  tourner  leurs  armes 
contre  sadicte  majesté,  et  gaignant  le  hault  du  bois, 
Veirent  une  salve  d'arquebuzades  à  la  troupe  oii  estoit 
le  sieur  de  Biron ,  qu'ils  contraignirent  de  reculer  de 
ladicte  tranchée,  de  laquelle  ils  se  saisirent,  dévali- 
sèrent la  pluspart  des  soldats  v  estans,  prirent  les  en- 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  20 

seignes  descîictes  deux  compagnies  de  lansquenets,  el 
une  de  celles  des  Suisses  ndvanturiers  qui  y  estoient  en 
garde,  ayant  par  ceste  insigne  trahison  et  perfidie  qui  n'a 
poinct  encore  en  de  semblables,  gaigné  ladicte  tranchée , 
et  icelle  livrée  aulxdicts  ennemis,  de  laquelle  Dieu  ne 
permit  pas  qu'ils  jouissent  longuement.  Car  estant  sur- 
\eneu  M.  de  Montpensier  avec  sa  cornette  et  une  com- 
pagnie de  gensdarmes  de  Tavant  garde,  et  ledict  sieur 
de  Chastillon  avec  un  rafraischissement  de  cinq  cens 
bons  arquebusiers,  lesdicls  ennemis  feurent  contraincts 
de  se  retirer  et  abandonner  lesdictes  maladrerie  et  tran- 
chée ,  en  laquelle  sadicte majesté. feit,  au  mesme  instant, 
amener  deux  canons  dont  il  feit  tirer  dans  les  Suisses 
des  ennemis,  qui  avec  quelque  cavallerie  faisoient  la 
retraicle,  en  laquelle  ils  feurent  fort  incommodés  des- 
dicts  canons ,  sans  que  jamais  on  leur  veit  tourner  la 
teste  pour  voir  d'où  leur  venoit  le  mal.  Ainsi  sa  majesté 
demeura  victorieuse  et  maistresse  du  champ  de  leur 
bataille,  qui  estoit  couvert  d'une  grande  quantité  de 
morts  des  ennemis ,  qu'ils  n'eurent  pas  soin  et  plustost 
le  cœur  de  retirer.  Il  se  vérifie  qu'il  leur  feut  tué  en 
ce  combat  plus  de  quattre  cens  hommes,  dont  il  n'y  en 
eut  peu  avoir  cent  cinquante  de  l'infanterie,  tout  le 
reste  estoit  noblesse ,  ou  pour  le  moins  de  leur  caval- 
lerie,  entre  lesquels  l'on  nommoit  pour  principaulx, 
Sagonne,  maistre  de  camp  de  leur  cavallerie  légère,  le 
baron  de  Saint  André,  frère  du  feu  comte  de  Saulx, 
celui  qui  portoit  la  cornette  dudict  Sagonne;  Bourg, 
l'ung  de  leurs  maistres  de  camp ,  quattre  capitaines  de 
leurs  compagnies  d'Albanois,  les  deux  mareschanlx  de 
camp  du  sieur  marquis  de  Pont,  et  plusieurs  aultres 
gentilshommes,  la  pluspart  François,  dont  la  perte 
paroist  beaucoup  en  leur  armée,  qui  en  est  très  mai 


^4  DISCOURS  SUPt  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

fournie.  De  blessés,  il  y  eut  bien  plus  grand  nombre, 
de  prisonniers  aussi,  entre  lesquels  sont  le  sieur  comte 
de  Blain ,  l'ung  de  leurs  mareschaulx  de  camp,  Trem- 
blecourt  Lorrain  ,  l'ung  de  leurs  maistres  de  camp,  et 
plusieurs  aultres ,  tant  que  les  prisons  de  Dieppe  en 
sont  toutes  pleines.  De  ceulx  de  sa  majesté,  il  s'y  perdit 
six  ou  sept  gentilshommes,  entre  lesquels  le  sieur  comte 
de  Roussi  est  seul  de  remarque;  il  y  en  eut  davantage 
de  blessés,  entre  aultres  les  sieurs  Baqueville,  qui  en  est 
mort  depuis ,  et  de  l'Archant ,  qui  en  est  guéri  :  des  gens 
de  pied,  il  en  feut  tué  quelques  ungs,  et  y  en  eut  beau- 
coup de  blessés  par  la  trahison  desdicts  lansquenets, 
qui  emmenèrent  aussi  prisonniers  avec  eulx  les  sieurs 
comte  de  Rochefort,  IVere  de  M.  le  duc  de  Montbazon , 
et  le  sieur  de  Rivau  qui  estoient  demeurés  avec  eulx, 
comme  les  tenans  pour  rendeus.  La  sagesse  et  toute 
puissance  de  Dieu  reluist  en  toutes  ses  œuvres,  mesmes 
à  la  conduicte  des  actions  humaines,  mais  il  n'y  a  lieu 
où  elle  soit  plus  remarquable  qu'aulx  evenemens  de  la 
guerre  :  pour  ceste  raison  s'est  il  nommé  le  Dieu  des 
batailles  ,  parce  que  lui  seul  veult  et  peult  distribuer  la 
force,  et  estans  lesdictes  batailles  les  arrests  des  souve- 
rainetés et  qui  décident  les  plus  grandes  querelles  des 
hommes;  il  s'est  vouleu  reserver  ceste  dernière  cognois- 
sance ,  et  faire  voir  que  ce  n'est  poinct  le  nombre  des 
gens  de  guerre  ni  la  puissance  des  armées ,  mais  sa 
seule  vollonté  qui  donne  les  victoires  à  qui  il  lui  plaist. 
Il  en  a  donné  en  ce  combat  un  bien  particulier  tesmoi- 
gnage,  ayant  permis  que  quattre  ou  cinq  cens  chevaulx, 
mille  ou  douze  cens  hommes  de  pied,  François,  et  la 
présence  de  deux  mille  cinq  cens  Suisses,  ayent  mis  en 
route  ceste  grande  et  puissante  armée  qu'ils  publioient 
'  eulx-mêmes  estre  de  vingt  ou  trente  mille  hommes,  dont 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  a  5 

à  Dieu  seul  soit  la  gloire,  et  non  à  ceulx  qu'il  y  a  em- 
ployés, car  Teffect  en  est  par  dessus  les  forces  liumaines. 
.Ainsi  sa  majesté  estant  demeurée  maistresse  de  ceste 
tranchée,  qui  avoit  esté  cause  du  combat,  estoit  dheure 
à  aultre  attendant  que  les  ennemis  y  deussent  revenir 
pour  reparer  promptement  ceste  honte  auparavant 
qu'elle  peust  estre  divulguée;  toutesfois  ils  laissèrent 
passer  le  vendredi  et  samedi  ensuivant ,  sans  monslrer 
aulcung  ressentiment  du  dommage  qu'ils  avoient  receu. 
JMais  elle  feut  inesperement  advertie,  comme  le  di- 
manche 24*^  dudict  mois  de  septembre,  des  la  minuict, 
qu'ils  estoient  délogés  de  leur  quartier,  et  avec  tel  effroy 
et  diligence,  qu'ils  laissèrent  de  leurs  blessés,  munitions 
et  esquipage,  qui  eust  esté  assés  pour  juger  que  ce  feut 
pour  se  retirer  du  tout.  Toutesfois  sa  majesté  feut  le 
lendemain  advertie  comme  ils  estoient  seulement  allés 
tourner  le  costeau,  pour,  passant  le  plus  loing  qu'ils 
peurent  de  son  armée,  se  venir  camper  entre  Dieppe 
et  Arques.  Pour  ceste  occasion  ayant  sadicte  majesté 
laissé  dans  le  chasteau  dudict  Arques  le  sieur  de  la 
Garde,  l'ung  de  ses  maistres  de  camp,  avec  une  partie 
de  son  régiment ,  vint  loger  en  ladicte  ville  de  Dieppe , 
et  feit  loger  une  partie  de  son  armée  dans  les  faulx- 
Lourgs,  et  le  reste  dans  les  plus  prochains  villages. 
L'ennemi,  après  avoir  faict  sept  grandes  iieues,  arriva 
le  mardi  26^  ensuivant,  quasi  vis  à  vis  d'où  il  estoit 
parti,  et  ne  feit  que  changer  de  costé,  pour  y  cher- 
cher, comme  font  les  malades,  quelque  allégement 
ou  meilleure  fortune.  Il  ne  feut  plustost  logé  en  de 
petits  villages  qui  avoient  auparavant  esté  tous  bruslés, 
que  sa  majesté  feit  au  dessus  du  faulxbourg  dudict 
Dieppe,  qui  estoit  de  leur  costé  et  à  deux  arquebu- 
zades  d'où  ils  estoient  logés,  retrancher  une  petite 


o.G  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

(Toupe ,  où  il  logea  p;>rlie  de  son  infanterie,  et  y  feit 
mener  deux  canons;  ce  que  ayant  esté  recogneu  par  les 
ennemis,  ils  en  feirent  le  semblable,  et  se  retrancberent 
à  bon  escient  en  tous  les  logis  qu'ils  tenoient,  de  sorte 
qu\'i  voir  l'assiette  du  camp  desdictes  deux  armées,  il 
eust  esté  malaisé  de  juger  quels  esloient  les  assiégés  ou 
les  assiegcans;  mais  à  la  forme  du  combat  Ton  les  eust 
tousjours  recogneu  pour  estre  les  assiégés;  car  de  leur 
part  l'on  n'en  avoit  bruit  ni  allarme  quelconque.  Au 
contraire,  il  n'estoit  jour  que  ceulx  de  sa  majesté  ne 
donnassent  dans  leurs  tranchées  et  barricades  de  leurs 
logis ,  ne  prissent  prisonniers  et  ne  tuassent  beaucoup 
de  leurs  gens.  Ils  en  envoyèrent  quelques  ungs  loger  au 
bourg  d'Arqués,  où  ils  ne  feurent  pas  plustost  arrivés, 
que  ledict  sieur  de  la  Garde  feit,  du  chasteau  et  en 
plein  jour,  une  sortie  sur  eulx,  en  tua  grande  quantité, 
en  desarma  plus  de  cent  cinquante,  et  meit  le  reste  en 
route.  De  sorle  que  de  toutes  parts  il  leur  succedoit 
très  mal,  et  vouleurent  le  dimanche  commencer  pour 
le  moins  à  faire  ung  peu  de  bruit,  et  meirent  sept  ou 
huict  de  leurs  pièces  en  batterie  de  bien  fort  loing,  et 
en  tirèrent  cinq  voilées  seulement,  dont  les  aulcunes 
arrivèrent  jusques  sur  les  tuilles  des  premières  maisons 
d'auprès  de  la  porte,  sans  qu'ils  feissent  aultre  dom- 
mage que  d'ung  seul  homme  qui  feut  tué;  mais  ils  ne 
peurent  gueres  continuer.  Car  aussitost  leur  feut  faicte 
une  aultre  contre  batterie,  qui  des  prenners  coups  des- 
monta l'une  de  leurs  pièces,  et  eurent  assés  de  peine 
de  retirer  promptement  les  aultres,  qui  ne  demeurèrent 
pas  à  la  batterie  trois  heures  entières.  En  revanche  sa 
majesté  feit  mener  à  plus  de  mille  pas  hors  de  son  fort 
deux  canons  qui  battoient  sur  le  corps  de  garde  de  leur 
cavalleric;  dont  ils  receurent  grande  perte;  enfin,  après 


EN  L'ARMEE  DU  ROT.  27 

avoir  demeuré  six  jours  entiers  audict  pretendeu  siège, 
et  s'y  estans  comportés  tout  d'une  aultre  forme  qu'il 
ne  se  feit  jamais  en  aulcung  aultre,  car  ce  feut  sans 
approches,  sans  allarme ,  sans  escarmouches,  et  sans 
qu'aulcung  d'entre  eulx,  sinon  ceulx  qui  y  feurent  ame- 
nés prisonniers ,  peust  parler  du  retranchement  où  sa 
majesté  feit  loger  ses  canons ,  tant  s'en  fault  qu'ils  sçeus- 
sent  rien  dire  de  la  contre  escarpe  du  fossé,  ni  de  la 
muraille  de  ladicte  ville,  de  laquelle  ils  se  sont  con- 
tentés de  publier  la  prise  avant  que  de  l'avoir  veue  :  ils 
se  retirèrent  fort  honteusement  le  onzième  jour.  L'on 
avoit  estimé  qu'ils  eussent  ceste  patience  et  voullussent 
mesnager  leurs  hommes,  pour  attendre  l'armée  qu'a- 
menoient  MM.  le  comte  de  Soissons ,  de  Longueville , 
et  mareschal  d'Aumcnt,  et  essaj^er  de  défaire  toutes  les 
forces  de  sa  majesté  en  une  seule  fois.  Mais  tant  s'en 
fault  que  cela  les  arresta  audict  siège,  qu'au  contraire 
la  nouvelle  qu'ils  eurent  le  jeudi  qu'elle  en  estoit  à 
vingt  lieues  près,  feut  la  seule  raison  qui  les  feit,  le 
vendredi  matin  ,  déloger  si  promptement.  Et  si  bien 
que  sa  majesté  se  feut  mis  en  bataille  avec  huict  ou 
neuf  cens  chevaulx ,  à  la  veue  de  toute  leur  cavallerie  , 
qui  faisoit  retraicte;  ils  curent  tant  de  haste  de  gaigner 
pays ,  que  cela  leur  feit  oublier  de  monstrer  aulcung 
debvoir  de  la  venir  recognoistre ,  ce  que  ne  feit  pas  sa 
majesté,  qui  les  feit  suivre  quasi  jusques  à  leurs  pre- 
miers logis  :  bref,  si  à  l'arrivée  il  ne  feirent  rien  qui 
vaille,  au  deslogement  ils  feirent  encores  pis.  Et  ceulx 
qui  les  veullent  excuser  se  trouvent  empescliés  par  où 
commencer,  ou  de  plaindre  leurs  chefs  et  capitaines 
d'avoir  hasardé  leur  réputation  soubs  la  foi  de  gens  de 
si  peu  de  valeur,  ou  les  soldats  de  n'avoir  trouvé  en 
leurs  capitaines  tant  de  resolution  et  bonne  conduicte, 


s  8  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

ni  à  beaucouj)  près  de  ce  qu'ils  en  avoient  espéré, 
n  .lyant  toute  ceste  armée  monstre  courage,  sinon  d'avoir 
porté  avec  force  leur  honte  et  leur  perte,  sans  avoir 
pour  cela  désisté  de  publier  leurs  souhaits  et  desseings 
pour  effects  certains,  tantost  qu'ils  avoient  contrainct 
le  roy  de  se  retirer  en  Angleterre ,  tantost  qu'ils  l'avoient 
entièrement  defaict,  jusques  à  s'attribuer  la  victoire  du 
combat  du  jeudi  21  de  septembre,  et  au  lieu  des  trois 
enseignes  que  leurs  lansquenets,  par  leur  trahison  sus- 
dictc,  avoient  emportées  de  la  tranchée,  en  avoir  en- 
voyé, comme  Ton  dict,  dix  huict  ou  vingt  à  Paris,  à 
qui  ils  ont  faict  payer  le  taffetas  plus  cher  qu'il  ne  leur 
avoit  couslë,  encores  qu'ils  l'eussent  acheté  expressé- 
ment pour  le  leur  envoyer.  Ces  vanités  et  artifices  ont 
peu  leur  servir  quelquefois,  mais  ce  sont  remèdes,  les- 
quels répétés  hors  de  saison ,  deviennent  poisons  et 
tuent  plus  qu'ils  ne  guérissent.  Sa  majesté  les  ayant 
veu  descamper  si  inopinément  de  devant  son  année 
qu'elle  tenoit  hors  de  la  ville  de  Dieppe,  estima  que 
ce  feut  ce  que  par  raison  ce  debvoit  estre,  pour  aller 
au  devant  dudict  secours,  et  le  combattre  auparavant 
qu'il  la  peust  joindre.  Ayant  depuis  esté  confirmée  en 
cesle  première  opinion  par  les  trois  premiers  logis  que 
feit  l'armée  ennemie,  qui  ne  feurent  qu'en  tournoyant 
et  sans  s'esloigner  beaucoup  de  celle  de  sa  majesté ,  elle 
se  resoleut ,  sentant  ledict  secours  proche  de  Dieppe  de 
sept  ou  huict  lieues ,  d'en  partir  avec  trois  ou  qualtre 
cens  chevaulx  seidement,  et  l'aller  joindre,  laissant 
M.  le  mareschal  de  Biron  audict  Dieppe  avec  toute 
l'armée,  et  malgré  que  l'ennemi  ne  feut  qu'à  cinq 
lieues  du  heu  où  elle  joignit  ce  secours,  elle  ne  laissa  à 
sa  vue,  et  des  le  jour  de  son  arrivée,  de  prendre  et 
forcer  la  ville  et  chasteau  de  Gamache  ,  et  depuis  re- 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  29 

prendre  la  ville  d'Eu,  qui  estoient  les  plus  belles  occa- 
sions par  lesquelles  il  pouvoit  offrir  et  semondre  ledict 
duc  de  Mayenne  au  combat  :  mais  au  lieu  d'y  venir, 
craignant  au  contraire  que,  après  les  offres,  l'on  en 
veint  aulx  contrainctes,  il  se  resolleut  de  passer  en 
diligence  la  rivière  de  Somme,  couvrant  ceste  honteuse 
retraite  d'une  aultre  plus  grande  faulte;  et  publiant 
qu'il  avoit  esté  contrainct  de  descendre  en  la  Picardie, 
pour  se  saisir  lui  mesmes  des  villes  de  la  province  , 
lesquelles,  par  le  traicté  qu'il  avoit  auparavant  fnict 
par  ses  députés  à  Arras,  il  s'estoit  obligé  de  remettre 
entre  les  mains  des  Espagnols,  qui  ne  vouloient  poinct 
entrer  en  leurs  secours,  sans  l'acomplissement  de  ceste 
obligation  ;  à  quoi  il  doubtoit  que  ceulx  desdictes  villes 
n'y  consentiroient  pas  aisément.  Sa  majesté  ,  qui  avoit 
en  principal  desseing  de  les  attirer  à  une  bataille,  pré- 
voyant, puisqu'ils  l'avoient  évitée,  estant  de  deçà  la- 
dicte  rivière  de  Somme ,  que  l'ayant  passée  les  premiers, 
il  seroit  du  tout  impossible  de  les  y  forcer,  elle  se  resol- 
leut de  les  y  attendre  à  leur  retour,  ne  s'estant  pas 
aussi  beaucoup  esmené  pour  empesclier  leur  aultre 
desseing  de  la  remise  desdictes  villes,  parce  que  la  rai- 
son estoit  pour  cela  de  soi  mesmes  assés  forte,  sans 
qu'elle  eust  besoing  d'estre  aidée  de  sa  présence,  ni 
d'aulcung  aultre  soing  et  artifice  :  se  confiant  que  les 
François,  bien  que  leur  chaleur  et  promptitude  natu- 
relle les  esmeuve  bien  quelquefois  ta  sédition  et  rébel- 
lion pour  quelque  temps  ,  qu'ils  ne  sont  poinct  encores 
neantmoins  tant  dégénérés  de  leurs  ancestres,  que  pour 
complaire  aulx  passions  d'aultrui,  ils  voulleussent  se 
resouidre  de  se  donner  à  ung  maistre  estranger  :  y  ayant 
trop  d'exemples  qui  les  en  peuvent  faire  sages,  et  re- 
cognoistre  qu'il  n'y  a  domination  au  monde  plus  doulce 


3o  DISCOURS  SUR   CE  QUI  S'EST  PASSP!: 

que  celle  de  ceste  monarchie.  Ainsi  ayant,  sa  majesté  , 
faict,  depuis  leur  passage  de  la  rivière,  encores  ung 
peu  de  séjour  aùdict  Dicj)pe,  tant  pour  pourveoir  aulx 
affaires  de  la  province  de  Normandie ,  en  laquelle  il 
laissoit  M.  le  duc  de  IMontpensier  avec  les  forces  qu'il 
avoit  amenées ,  qu'aussi  pour  recueillir  les  quattre  mille 
Anglois  qui  lui  estoicnt  envoyés  par  la  royne  d'Angle- 
terre :  elle  en  partit  le  2  i  d'octobre,  et  veint  à  petites 
journées,  sans  passer  la  rivière,  estant  tousjours  da 
costé  de  Tennemi,  jusqu'à  MeuUan  ;  estitnant  que  quand 
ce  n'eust  esté  que  pour  la  réputation  et  pour  faire  val- 
loir  quelque  chose  les  grandes  promesses  qu'il  avoit 
faictes  à  ceulx  de  son  parti,  il  seroit  quelque  journée 
en  avant  :  mais  enfin  ,  voyant  qu'il  ne  se  piquoit  poinct 
pour  tout  cela,  elle  estima  que  ce  qu'il  n'avoit  voullcu 
faire  pour  acquérir  Dieppe,  il  le  feroit  pour  le  moins 
pour  la  défense  de  Paris.  Pour  ceste  occasion,  elle  re- 
soUeut  de  passer  la  rivière  de  Seine  audict  Meullan  ,  et 
s'en  veint  droict  audict  Paris,  avec  double  desseing, 
ou  de  combattre  l'ennemi,  ou  pour  le  moms  de  le  re- 
tirer de  la  Picardie,  où  par  trahison  et  intelligence  il 
avoit  surpris  la  ville  de  la  Fere,  et  y  pouvoit  faire  d'aul- 
tres  semblables  practiques;  mesmes  estant,  la  pluspart 
de  la  noblesse  du  pays,  veneu  trouver  sa  majesté,  elle 
arriva  le  dernier  jour  d'octobre,  au  village  de  Baigneux, 
distant  dudict  Paris  d'une  lieue  seulement;  et  feit  loger 
là  son  armée,  et  es  villages  de  Montrouge ,  Gentilly, 
Ycy,  Vaugirard  et  aultres  les  plus  proches.  Des  ledict 
jour,  elle  voulleut  elle  mesme  recognoistre  tout  le  tour 
des  tranchées  qui  environnent  les  faulxbourgs  qui  sont 
de  deçà  la  rivière.  Soudain  ,  avec  l'avis  desdicts  princes, 
mareschaulx  de  France  et  aultres  capitaines  de  son  ar- 
mée ,  elle  resolleut  de  les  faire  attaquer  le  lendemain  , 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  3r 

à  la  poincte  du  jour,  par  trois  troiippes,  et  en  trois 
divers  endroicts,  qu'elle  distribua,  à  sçavoir,  l'une 
composée  desdicts  quattre  mille  Anglois ,  et  de  deux 
regimens  de  François,  et  d'une  aultre  de  Suisses  audict 
sieur  niareschal  de  Biron,  qu'elle  feit  assister  des  sieurs 
baron  de  Biron,  son  fils,  de  Guytri  et  aultres  sei- 
gneurs, et  lui  ordonna  de  donner  du  costé  des  taulx- 
bourgs  Sainct  Marcel  et  Sainct  Victor;  Taultre,  com- 
posée de  quattre  regimens  de  soldats  François  ,  de  deux 
regimens  de  Suisses  conduicts  par  le  sieur  d'Anville  , 
colonel  gênerai  de  tous  lesdicts  Suisses,  et  quattre  com- 
pagnies d'advanturiers  audict  sieur  mareschald'Aumont, 
assisté  aussi  de  MM.  le  grand  ecuvcr,  et  de  Rieux, 
niareschal  de  camp  ,  et  bonne  trouppe  de  seigneurs  et 
gentilshommes,  pour  assaillir  du  costé  du  faulxbourg 
Sainct  Jacques  et  Sainct  Michel,  et  aultres.  L'aultre 
trouppe  de  dix  regimens  de  soldats  frnnçois,  du  régi- 
ment de  lansquenets  conduict  par  Tische  Scombert  et 
d'ung  régiment  de  Suisses,  aulx  sieurs  de  la  Noue  et 
de  Chastiilon ,  pour  donner  du  costé  des  portes  Sainct 
Germain  et  Bussy  et  Nesle.  Ayant  aussi  donné  à  cha- 
cune desdictes  trouppes  ung  bon  nombre  de  gentils- 
hommes à  pied,  bien  armés  pour  soutenir  rinfanlerie 
en  cas  de  quelque  grand  effort  et  résistance,  et  oultre, 
à  la  queue  de  chacune  trouppe,  deux  canons  et  deux, 
couievrines.  Ayant  aussi  départi  toute  la  cavalerie  de 
l'armée  en  trois  trouppes,  desquelles  sa  majesté  com- 
mandoit  Tune,  M.  le  comte  de  Soissons  une  aultre, 
et  M.  de  Longueville  Taultre  :  et  estoient  icelles  desti- 
nées chacune  pour  chacung  des  trois  costés  où  il  estoit 
ordonné  d'attaquer.  Suivant  cest  ordre  ,  et  à  la  poincte 
du  jour  du  i^""  jour  de  novembre,  lesdicts  faulxbourgs 
feurent  tellement  attaqués  qu'en  moins  d'une   heure 


32  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

ils  feurent  tous  emportés ,  avec  meurtre  de  sept  à  huict 
cens  hommes  de  ceulx  qui  estoient  veneus  à  la  défense; 
perte  de  quatorze  de  leurs  enseignes,  et  prise  de  treize 
pièces  de  canon,  tant  grosses  que  petites,  sans  qu'aul- 
cung  des  assaillans  s'y  soit  perdeu  ,  et  feurent  les  assié- 
gés suivis  de  telle   furie,  que   peu  s'en  fallut  que  les 
nostres  n'entrassent  avec  eulxpesie  mesle  dans  la  ville,  et 
sans  que  le  canon  ne  feut  pas  du  tout  si  diligent  à  venir, 
qu'il  avoilesté  ordonné,  les  portes  eussent  esté  ouvertes 
et  enfoncées  auparavant  qu'elles  eussent  esté  remparees. 
Ainsi  sa  majesté  entra  au  faulxbourgSainct  Jacques,  sur 
les  sept  à  huict  lieures  du  malin  :  criant,  le  peuple  par 
les  rues,  à  haulte  voix,  vive  le  roy,  et  plus  avec  dé- 
monstration d'allégresse,  que  d'aulcung  etonnement; 
ayant  esté  observé   ung  ordre  non  encores  practiqué 
entre  les  soldats,  mesmes  François,  que  nul  ne  se  dé- 
banda pour  aller  au  pillage,  ni  se  loger  que  les  quar- 
tiers n'eussent  esté  faicts.  Seulement  dans  l'abbaye  Sainct 
Germain  ,  se  renfermèrent  quelque  cent  cinquante  de 
leurs  arquebusiers  qui  feirent  ung  peu  de  contenance 
de  la  vouUoir  garder,   comme  ils   l'eussent  bien   peu. 
faire  pour  quelque  temps ,  estant  très  bonne  et  forte  ; 
mais  sur  le  minuict,  ayant  esté  sommés ,  ils  se  rendirent, 
et  demeura,  sadicte  majesté,  maistresse  absolue  de  tous 
lesdicts  faulxbouros  estant  de  deçà  la  rivière.  A  cela  et 
à  se  barricader  devant  les  portes  de  ladicte  ville ,  et  à 
establir  les  gardes,  se  passa  tout  le  reste  de  la  journée 
dudict    i*^"^  de   novembre;  et  ayant,  sa  majesté,    esté 
advertie  que  des  la  nuict  dudict  jour,   ledict   duc  de 
Mayenne  estoit,  avec  la  pluspart  de  son  armée,  entrée 
en  ladicte  ville,  et  par  là  obteneu  la  moitié  de  son  des- 
seing qui  estoit  de  la  retirer  de  la  Picardie,  elle  voul- 
leut  essayer  de  parvenir  à  Taultre  qui  a  tousjours  plur» 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  33 

esté  de  combattre  et  défaire  ses  ennemis  en  campagne, 
que  non  pas  d'exercer  sa  justice  contre  des  murailles, 
et  ses  povres  subjects  seduicts  par  faulses  inductions 
et  paroles.  Elle  attendit  tout  le  jeudi,  deuxiesme  dudict 
mois,  pour  voir  s'ils  feroient  quelque  sortie  :  et  voyant 
qu'ils  ne  monstroient  aulcung  ressentiment  du  dommage 
qu'ils  avoientreceule  jour  précèdent,  elle  seresoUeut^ 
le  vendredi  matin,  de  sortir  desdicts  faulxbourgs  ,  et  se 
mettre  en  bataille,  à  la  vue  de  ladicte  ville,  pour  offrir 
le  combat  aulxdicts  ennemis;  et  y  ayant  demeuré  de- 
puis huict  heures  du  matin ,  jusques  sur  les  onze  heures, 
sans  qu'il  parut  jamais  personne,  elle  en  partit,  se  con- 
tentant, pour  ceste  fois^  d'avoir  entrepris  et  exécuté 
sur  ladicte  ville  ce  qui  n'y  avoit  poinct  encores  esté 
faict,  laissant  ceste  honte  à  sesdicts  ennemis,  de  leur 
avoir  tant  de  fois  offert  le  combat,  sans  qu'ils  y  soient 
jamais  voulleu  venir  :  qui  doibt  servir  de  suffisantes 
raisons  de  n'adjouster  doresnavant  plus  de  foi  aulx  van- 
teries  qu'ils  publient  de  leur  valeur  et  grand  courage , 
et  d'avoir  au  reste  faict  cognoistre  aulx  liabitans  de  la- 
dicte ville,  à  combien  ils  ont  esté  près  de  leur  entière 
ruy  ne  ;  et  que  le  reinede  que  l'on  y  apporte  est  quasi  pire 
que  leur  propre  perte  :  ayant  appris  ceste  fois,  à  leurs 
despens ,  qu'ils  ne  peuvent  plus  demeurer  en  seureté 
qu'ils  n'ayent  dedans  eulx ,  ou  en  leurs  portes,  une 
forte  et  puissante  armée  qui  enfin  fera,  à  plusieurs  fois, 
ce  que  la  plus  cruelle  ennemie  pourroit  faire,  y  entrant 
en  la  plus  grande  furie,  qui  sera  leur  ruyne  universelle, 
et  la  désolation  de  ceste  belle  et  opulente  ville,  qui  est 
la  capitale  et  le  principal  ornement  de  ce  royaubne. 
Dont  sadicte  majesté  a  bien  faict  cognoistre  qu'elle  a  plus 
d'appréhension  et  de  soing  de  leur  propre  salut  qu'ils 
n'ont  pas  eulx  mesmes.  Aulxquels  peiilt  esfre  que  Dieu 

MkM.   DR  DuriESSIS-MoRNAY.    ToJME  V.  3 


34  DISCOURS  SUR  CE  QUI  S'EST  PASSÉ 

fera  la  grâce  de  devenir  plus  sages  ci-apres,  et  ayant, 
eulx  et  les  aultres  peuples,  eu,  en  tant  d'occasions,  la 
preuve  si  prompte  de  la  contrariété  de  ce  qui  leur  avoit 
esté  mis,  qu'ils  commencèrent  à  ouvrir  les  yeulx  de 
l'entendement;  et  ce  qu'ils  n'ont  vouUeu  ci  devant  céder 
à  la  raison  et  à  la  justice,  qu'ils  le  céderont  et  la  ren- 
dront maintenant  aulx  ennemis  qu'ils  voyent  réussir  à 
leur  honte  et  confusion  aussi  grande  que  la  gloire  que 
sa  majesté  en  rapporte  est  inestimable.  Pleust  à  Dieu, 
comme  il  permet  que  des  herbes  les  plus  ameres  se  faict 
le  miel  le  plus  doulx ,  que  ces  horribles  malheurs  que 
nous  supportons,  il  veuille  qu'il  s'en  puisse  composer 
pour  nous  quelque   bonne  et  heureuse   fortune;  qu'il 
inspirast  le  roy  de  continuer  à  ne  procéder  pas  contre 
ses  subjecls,  comme  contre  ses  ennemis  jurés,  mais 
ainsi  contre  enfans  dépités  et  opiniastres,  les  verges 
en  une  main  et  la  pomme  en  l'aultre.  Et  combien  que 
les  injures  faictes  à  Testât  soient  crimes  publics,  et  que 
c'est  offenser  les  bons  que  de  les  pardonner ,  pour  le 
pouvoir  faire  sans  préjudice  de  personne,  qu'il  ne  les 
repute  qu'injures  particulières  ;  et  comme  telles ,  qu'il 
les  pardonne  et  abolisse,  sans  en  rechercher  une  ven- 
geance exemplaire  teincte  du  sang  de  son  peuple,  ainsi 
que  feroient  les  estrangers  conquerans;  se  contentant 
que  la  justice  soit  faicte  des  principaulx  aucteurs  du 
cruel  assassinat  commis  en  la  personne  du  feu  roy  son 
frère;  que  ce  seroit  trop  d'impiété  et  d'ingratitude  à 
toute  la  France  de  laisser  impmii.  Qu'il  pleust  aussi  à  sa 
divine  bonté  inspirer  les  peuples  à  ce  que  ceulx  qui  se 
sont  laissés  transporter  à  la  colère  ,  quand  ils  sont  reve- 
neusà  eulx,  lahonte  qu'ils  ont  de  leurs  fureurs  passées 
les  rend  plus  doulx  et   traictables.  Ainsi ,  après  tant 
de  furies  et  infamies  passées,  retournant  en  eulx  mes- 


EN  L'ARMEE  DU  ROY.  35 

mes,  qu'ils  en  puissent  devenir  maintenant  plus  sages 
et  tempérés  ;  et ,  voyant  à  descouvert  ce  que,  jusqu'ici, 
ils  n'ont  veu  que  au  travers  d'ung  épais  brouillard  de 
la  passion  d'aultrui ,  ils  recognoissent  que  l'intention 
de  sa  majesté  ne  tend  qu'à  leur  repos  et  conservation, 
pendant  qu'eulx,  agités  de  furie,  ne  sont  ingénieux 
qu'à  procurer  leur  entière  ruyne  et  confusion.  Et,  pour 
ceste  occasion  ,  qu'ils  recourent  à  sa  clémence,  provo- 
quant la  naturelle  inclination  qu'il  y  a  par  une  prompte 
repentance  :  et  puisqu'ils  ont  assez  recogneu  que  la 
bénédiction  de  Dieu  est  apparente  sur  lui ,  l'avant  dé- 
veloppé de  tant  de  dangers  qui  lui  ont  esté  préparés, 
lui  ayant  aussi  donné  d'une  main  libérale  la  pluspart 
des  parties  nécessaires  à  ung  grand  roy,  et  à  ung  grand 
capitaine  ;  qu'ils  considèrent  qu'il  seroit  désormais 
grande  saison  de  ne  lui  plus  donner  occasion  d'éprou- 
ver sa  force  et  sa  valeur  contre  son  peuple ,  et  à  son 
malheur;  et  qu'il  seroit  plus  convenable  de  la  reserver 
pourestre  employée  à  l'entier  establissement  et  accrois- 
sement de  ceste  couronne  ,  contre  les  estrangers,  nos 
ennemis  mortels,  seuls  architectes  de  nos  misères;  afin 
qu'au  lieu  qu'ils  se  préparent  de  se  revestir  de  nos 
ruynes ,  nous  puissions  aller  haster  la  leur ,  qui  n'est 
différée  d'autant  que  nous  différons  de  nous  réunir,  et 
establir  entre  nous  une  bonne  et  perdurable  paix  :  la- 
quelle il  ne  suffit  pas  de  souhaiter,  il  fault  encores  la 
mériter,  et  vivant  tout  aultrement  que  nous  n'avons 
vescu,  par  bonnes  œuvres,  nous  en  rendre  dignes. 


36  DISCOURS 


II.  _  DISCOURS  ENVOYE  AU  ROY 

En  mars  iSqi,  sur  ce  que  sa  majesté  retardait  la 
publication  de  la  déclaration  ci  dessus  (voyez 
tome  IV,  page  49^)  j  faict  yar  M.  Duplessis, 

Il  avoit  esté  trouve  bon  par  MM.  du  conseil  tle  sa 
majesté,  nomnieement  M.  le  chancelier  et  M.  le  mares- 
chal  de  Biron,  que  sa  majesté  pourveust  au  contente- 
ment de  ses  subjects  de  la  relligion  par  une  nouvelle 
déclaration,  laquelle  à  cest  effect  auroit  esté  dressée, 
et  depuis  leue  et  approuvée  par  eulx.  et  plusieurs  aui- 
tres  au  pont  Sainct  Pierre ,  si ,  avant  que  sa  majesté 
avoit  rcsoleu  que  M.  le  chancelier  allant  à  Tours,  dis- 
poseroit  MM.  de  son  conseil  y  residans ,  et  MM.  les 
presidens  et  aultres  de  sa  court  de  parlement,  à  la  vé- 
rifier lorsqu'elle  leur  seroit  présentée. 

Ladicte  déclaration  consistoit  principalement  en 
trois  articles;  le  premier  estoit  la  revocation  des  edicts 
de  juillet;  le  deuxiesme ,  le  restablissement  de  l'edict 
de  pacification  faict  Tan  77,  et  conférences  sur  ce  en- 
suivies; le  troisiesme,  la  réintégration  des  catholiques 
romains ,  et  de  leur  exercice  en  tous  les  lieux  leneus 
par  le  roy  à  présent,  lors  de  la  trefve ,  et  en  consé- 
quence d'icelle,  demeurant  neantmoins  en  iceulx  l'exer- 
cice de  la  relligion  reformée. 

Le  tout  jusques  a  ce  que  sa  majesté,  par  la  grâce  de 
Dieu,  eust  peu  reunir  tous  ses  subjects  en  une  mesme 
foi  et  relligion  ;  pour  à  ([uoi  parvenir,  elle  faisoit  ou- 
verture par  la  mesme  déclaration  d'ung  Concile  gênerai 
ou  national,  ou  d'une  assemblée  ecclésiastique,  libre 


ENVOYÉ  AU  ROY.  3 7 

pt  légitime,  des  plus  saincls  et  doctes  personnnges  de 
la  clirestienté  en  son  royaume,  à  laquelle  sa  ;iinjesié 
mesme  vouloit  acquiescer  et  se  souhmettre. 

L'équité  de  ceste  déclaration  est  si  manifeste  en  tous 
ses  articles ,  qu'elle  ne  semble  debvoir  rencontrer  aul- 
cune  contradiction.  Car,  quant  ri  la  revocation  des 
odicts  de  juillet,  il  est  certain  qu'ils  ont  esté  extorqués 
par  violence  faicte  au  feu  roy ,  et  partant  ne  peuvent 
subsister.  Ils  ont  engendré  les  extrêmes  calamités  où  est 
à  présent  ce  royaume;  ils  ont  assassiné  le  feu  roy, 
mesmes  desbonoré  nostre  nation,  et  confondu  Testât  : 
d'ailleurs,  il  est  bonteux  de  les  avoir  supportés  si  long 
temps,  veu  qu'ils  déclarent  le  roy  à  présent  incapable  , 
dégradent  de  la  couronne  tous  les  princes  de  son  sang, 
rendent  inbabiles  à  toutes  fonctions  les  officiers  de  la 
couronne ,  courts  de  parlement  et  aultres  qui  l'assis- 
tent, font  le  procès,  au  reste,  à  tous  les  bons  François 
qui  le  recognoissent ,  ne  pouvans  iceulx  estre  jugés  que 
par  les  derniers  edicts  vérifiés  en  ce  royaume,  ni  estre 
que  condamnés  bonteusement  en  l'approbation  qui  y 
t'st  conteneue  du  parti  de  la  Ligue. 

Et,  quant  au  restablissement  du  précèdent  edict  de 
paix  de  77,  et  conférences  surensuivies,  il  semble  pres- 
que estre  enclos  ipso  jure  en  la  susdicte  révocation, 
estant  ung  préalable  en  droict ,  que  de  restituer  en  Testât 
celui  à  qui  violence  a  esté  faicte ,  avant  toutes  cbosef;. 
L'intention  du  feu  roy,  mesme  sa  promesse  y  estoit; 
Tiuclination  pareillement  de  tous  les  juges  ,  n'alten- 
dans  qu'un  g  mot  de  la  bouche  du  roy  pour  leur  des- 
cbarge.  D'ailleurs  cest  edict  avoit  esté  faict  avec  grande 
solemnité.  Les  .princes  du  sang  plus  zélés  catholiques 
y  estoient  interveneus.  La  France  s'en  e.stoit  bien  trou- 
vée; tous  les  subjects  du  roy  estoient  contens;  la  relli- 


38  DISCOURS 

gion  catliolicque  maintenue  en  sa  dignité,  pourveu  à  la 

nécessité  de  la  relligion  reformée  ;  la  chose  en  somme 

estoit   passée  pour  jugée,    à  laquelle  ne  falloit  plus 

toucher. 

Et  pour  le  regard  du  troisiesme  article,  faict  à  con- 
sidérer ,  que  ceste  déclaration  ne  debvoit  pas  appor- 
ter peu  de  contentement  aulx  catholicques ,  lesquels 
rentroient  en  leur  exercice  par  ce  moyen ,  en  plus  de 
cinquante  villes,  où  ils  ne  l'avoient  poinct  par  la  ri- 
gueur des  troubles,  ni  teneur  de  la  trefve;  tellement 
qu'ils  en  tiroient  par  Testât  présent  des  choses  plus  de 
présente  commodité  beaucoup  que  ceulx  de  la  relligion 
reformée. 

Or,  est  il  adveneu  que  M.  le  chancellier,  sur  le 
poinct  de  son  parlement  a  esté  contremandé  du  roy  , 
lequel  sans  double  venant  à  Tours  eust  peu  effectuer 
son  intention  susdicte  avec  grand  consentement  de  tous 
ceulx  qui  désirent  le  bien  des  affaires  de  sa  majesté,  et 
peu  de  contradiction  mesme  des  malicieux,  combat- 
tus de  l'équité  de  ladicte  déclaration ,  et  honteux  d'y 
résister. 

Sa  majesté  considérera  là  dessus,  s'il  lui  plaist,  que 
cest  affaire  ne  peult  ni  doibt  estre  plus  différé,  sans 
inconvénient  et  blasme.  Dieu  lui  a  faict  des  grâces  qui 
ne  se  peuvent  dissimuler.  Il  en  veult  estre  recogneu  ; 
et  qui  veut  avoir  grâces  sur  grâces,  il  faut  qu'il  lui 
en  rende  grâces. 

Il  l'a  faict  régner  par  la  main  de  ses  ennemis.  Toute 
la  chrestienté  recognoist  que  Dieu  l'a  appelle  extraor- 
dinairement;  c'est  donc  pour  choses  extraordinaires  , 
c'est  qu'il  doibt  régner  efficacement  pour  Dieu,  puis- 
que si  visiblement  il  règne  de  par  Dieu. 

Les  difficultés  y  sont  aux  hommes ,  non  h  Dieu,  si 


ENVOYÉ  AU  ROY.  ^9 

nous  l'invoquons  et  le  servons.  Il  y  avoit  trop  plus 
loin  g  de  la  loi  fondamenlale  jusques  à  la  couronne, 
qu'il  n'y  a  pas  de  l'edict  de  trefve ,  jusques  à  l'edict 
de  77  ;  et  si  Dieu  a  faict  l'ung  pour  nous,  nous  ne  lui 
pouvons ,  ni  desnier  ni  dilayer  l'autre. 

On  dit  :  Que  les  huguenots  ayent  patience.  Ils  ont 
pati  cinquante  ans  et  plus;  ils  pâtiront  encores  pour  le 
service  du  roy  ;  car  ils  sont  ses  subjects  ,  et  ne  varient 
poinct  d'affection  ;  mais  il  n'est  de  son  service  de  les  lais- 
ser patienter  en  telle  chose  ;  et  quand  ils  le  vouldroient , 
sa  majesté  ne  le  debvroit  souffrir.  La  relligion  s'esteint 
es  hommes ,  si  elles  n'est  fomentée.  C'est  à  sa  majesté 
à  la  rallumer  dedans  eulx,  à  requérir  d'eulx  l'ardeur 
qu'ils  doibvent,  et  non  la  froideur,  en  la  relligion. 
Aux  particuliers ,  Dieu  demande  seulement  qu'ils 
soient  relligieux;  de  ceulx  qui  sont  nés  pour  tous,  et 
soubs  qui  il  a  rangé  les  aultres ,  Dieu  requiert  qu'ils 
soient  pour  les  aultres ,  non  qu'ils  servent  simplement 
à  Dieu ,  mais  qu'ils  le  fassent  servir  de  leurs  subjects. 

Aulcungs  dient  :  on  fera  avec  ceulx  de  la  relligion , 
quand  on  traictera  avec  ceulx  de  la  Ligue.  C'est  iniquité 
de  traicter  également  inégales  causes  et  personnes. 
Ceux  ci  ont  tousjours  faict  la  guerre  pour  le  roy  ;  il 
n'a  donc  que  faire  de  paix  avec  eulx.  Les  joindre  en 
la  paix  ,  c'est  les  joindre  en  la  gueri'e  ,  c'est  les  rendre 
coulpables  de  mesme  crime.  Ils  n'ont  besoing  que  de  rè- 
glement avec  les  catholiques,  d'estre  délivrés  de  l'op- 
pression qu'ils  souffrent  en  leurs  consciences.  Le  roy  en 
est  et  juge  et  arbitre  ;  pour  cela  n'est  il  besoing  de  les 
renvoyer  à  la  longueur  d'une  incertaine  negotialion  de 
paix. 

Quelle  patience  puis  après  peuvent  avoir  ces  ac- 
tions ?  Tous  les  jours  il  naist ,  il  se  marie,  ii  nîourt 


4o  DISCOURS 

nuelf{(i\in.  Les  enfaiis  mourront  ils  sans  baptesme? 
Les  mariages  se  feront  ils  sans  soiemnité  ,  pour  estre 
disputés?  Les  corps  demeureront  ils  sans  sépulture? 
Et  tous  les  jours  il  s'en  veoit,  faulte  de  Texercice,  des 
scandales  ,  des  procès  ,  des  inhumanités. 

Prier  Dieu  pour  la  prospérité  du  roy ,  trois  fainilles 
ensemble ,  chanter  un  psalmedans  sa  bouticque ,  vendre 
un  Testament,  une  Bible  en  francois,  sont  réputés 
crimes  par  les  juges,  et  tous  les  jours  en  sort  des  ar- 
rêts. Ils  allèguent  qu'ils  sont  obligés  aulx  lois  dernières. 
Ils  mettent  en  mesme  balance  ,  prier  Dieu  modeste- 
ment pour  la  prospérité  du  roy  en  une  chambre ,  et 
])rescher  seditieusement  en  une  chaire  contre  sa  per- 
sonne et  ses  affaires. 

Ces  mauîx  appellent  des  remèdes ,  et ,  à  faulte  d'iceux , 
des  inconveniens.  Quand  ung  peuple  a  nécessité ,  c'est 
prudence  de  la  prévenir  par  libéralité,  l'accordant 
premier  qu'il  la  demande.  Le  roy ,  certes  ,  ne  doibt  poinct 
apprendre  à  ses  bons  subjects  à  se  plaindre ,  moins  à 
chercher  remède  à  leur  plaincte  ;  quand  mesme  ils  le 
rechercheroient  du  tout  en  lui,  remonstrances  ne  s'en 
peuvent  pas  former  qu'es  assemblées;  les  assemblées 
sont  subjectes  souvent  à  monopoles  ;  les  syndicats 
trop  suspects  aux  princes,  et  nuisibles  aux  principau- 
tés; et  ceulx  qui  se  font  pour  bien  aujourd'hui ,  don- 
neront subject  pour  faire  mal  demain.  Sa  majesté  juge 
prudemment  que  ses  subjects  ne  peuvent  vivre  comme 
ils  sont  ;  afin  qu'ils  ne  demandent  le  superflu ,  qu'il  leur 
donne  le  nécessaire  ;  afin  qu'ils  ne  pèchent  en  la  forme  de 
demander,  qu'il  ne  leur  en  donne  ni  le  loisir,  ni  la  peine. 

Une  armée  estrangere  viendra.  Deux  inconveniens 
en  sortiront;  les  princes  estrangers  supplieront  sa 
inajesté  ç|c  rendre  la  relligion  à  ses  subjects;  chose 


ï:nvoyé  au  ROY.  4  ï 

peu  honorable  à  lui  d'estre  sollicité  de  son  debvoir, 
et  de  l'honneur  de  Dieu  par  autrui,  lui,  roy  très 
chrestien,  lui ,  roy  qui  des  son  enfance  a  entrepris  la 
protection  des  vrais  chrestiens,  et,  le  faisant  alors,  il 
en  aura  moins  d'honneur  et  moins  de  gré.  Ils  de- 
manderont aussi  peult  estre  plus  qu'aultrement  on  ne 
trouveroit  bon  d'accorder.  Ores  qu'il  se  fasse  pour  le 
coup,  ce  sera  subject  de  révoquer  après;  les  catholi- 
ques imputeront  à  la  force  estrangere  tout  ce  qui  aura 
esté  faict,  quand  mesme  on  se  contenteroit  de  moins 
que  la  raison  ,  au  lieu  qu'en  Testât  présent  des  choses , 
tout  sera  faict  avec  eulx,  et  de  leur  propre  advis ,  non 
subject  à  se  résilier,  non  à  alléguer  aulcune  excep- 
tion par  ci  après. 

Rien  n'a  tant  acquis  de  révérence  au  roy,  à  son  ad- 
venement  à  la  couronne,  envers  tous  ses  subjects,  que 
la  profession  de  craindre  Dieu.  Cette  crainte  les  con- 
vioit  à  le  craindre,  et  leur  faisoit  craindre  Dieu  en  lui. 
Ils  louoient  Dieu  d'avoir  un  prince  qui  Thonorast,  au 
lieu  que  les  predecessurs  le  blasphemoient.  Ils  atten- 
doient  tout  bien  en  ses  affaires,  puisqu'il  dependoit 
de  Dieu;  toute  prospérité  aulx  leurs  propres,  servans 
ung  prince  de  foi ,  de  preu-d'hommie,  d'intégrité.  S'ils 
voient  sa  majesté  se  refroidir,  ou  rallentir  en  sa  relli- 
gion,  voire  vivre  moins  religieusement  qu'elle  n'ap- 
prend, ils  rabattront  de  leur  révérence.  Ils  diront:  Si 
c'est  relligion  ,  que  n'en  faict  il  donc  plus  de  compte?  ou 
que  ne  nous  met  il  en  repos  en  la  changeant,  si  ce  no 
l'est  point  ? 


42  ADVIS  ENVOYE  A  SA  MAJESTÉ 


IlL  —  ADVIS 

Sur  la  Jhrin alité  d'escrire  par  le  roi  au  pape,  en- 
i^ojé  à  sa  majesté,  en  ïSqi,  après  le  sieste  de 
Chartres. 

Je  considère  qu'il  importe  grandement  que  sa  ma- 
jesté contente  le  pape  ;  que  cela  lui  facilitera  ses  affaires 
vers  tous  les  princes  et  estais  d'Italie ,  retenus  pour  la 
plupart  de  son  respect ,  encore  qu'ils  soient  meus  à 
secourir  sa  majesté  de  leur  propre  interest. 

Mais  je  contrepese  aussi  que  la  grâce  et  faveur  de 
Dieu  lui  spnt  trop  plus  utiles  que  celles  du  pape;  que 
c'est  lui  qui  dispose  des  rojs  et  des  royaulmes  ;  qu'en 
s:i  vocation  à  ceste  couronne  il  fi'y  a  rien  eu  d'humain, 
rien  moins  que  divin  ;  qu'il  en  a  eu  une  spéciale  contre 
les  abus  des  papes;  que  celui,  au  reste,  qui  l'a  oint, 
sçait  achever  ses  œuvres ,  et  accomplir  ses  vocations 
sans  repentance  ;  et  conclus  donc  que  soubs  ung  bien 
prétendu  de  Testât  si  nous  l'offensons,  nous  ruinons 
Testât ,  et  partant,  qu'il  n'y  fault  rien  consentir  contre 
la  conscience. 

On  propose  à  sa  majesté  d'escrire  au  pape  ;  escrire 
simplement  est  peu  de  chose.  On  escrit  à  qui  que  ce 
soit:  on  peut  escrire  au  pape;  mais  il  fault  considérer, 
quand  on  parle  d'escrire  ,  que  c'est  selon  sa  façon,  et 
non  selon  la  nostre.  Si  sa  majesté  ne  suit  le  style  accous- 
tumé,  elle  le  veult  appaiser,  et  elle  Toffensera.  Il  est 
donc  question  d'une  certaine  forme.  S'il  la  suit,  il  le 
nomme  son  père,  et  très  sainct  père;  il  lui  baise  en 
toute  humiUté  les  pieds ,  et  lui  preste  Thommage.  Il  le 


APRES  LE  SIEGE  Dl^  CHARTRES.  43 

reconnoist  en  somme  chef  de  l'église  chrestienne,  vi- 
caire de  Christ  ;  et  en  vain  donc  a  il  travaillé  par  tant 
et  tant  d'années  :  en  vain  auroit  esté  sa  vocation  tant 
approuvée  d'en  hault  contre  ses  abus. 

Escrire  donc  n'est  pas  chose  indifférente ,  comme 
on  dict;  et  quand  sa  majesté  aura  escrit,  toute  la  chres- 
tienté  le  sçaura,  et  ne  sçaura  comment.  Ses  faulx  ser- 
viteurs le  publieront  partout,  pour  esbranler  sa  répu- 
tation et  son  crédit  entre  plusieurs,  tant  dedans  que 
dehors.  On  lui  fera  dire  plus  que  jamais  il  n'aura 
pensé,  et  que  la  lettre  ne  dira;  et  puis,  pour  la  suite 
des  affaires,  une  lettre  en  engendrera  dix;  vme  indiffé- 
rente (que  l'on  pense)  plusieurs  scandaleuses  ,  et  contre 
conscience,  et  aura  ci  après  sa  majesté  trop  plus  de 
peine  et  de  péril  à  escrire  pour  les  divers  subjects  qu'on 
lui  en  présentera  à  toute  heure  qu'elle  n'a  eu  jusques 
ici  à  n'escrire  point. 

On  dit  que  quelques  roys  hérétiques,  mesmes  ar- 
riens,  ont  escrit  aux  papes  de  leur  temps,  et  les  ont 
appelles  saincts  pères.  Cet  exemple  ne  convient  ni  à  sa 
majesté  ni  aux  papes,  et  moins  au  subject  dont  est  ques- 
tion. Le  roy  très  chrestien  n'a  rien  de  commun  avec 
les  arriens  ,  les  papes  d'aujourd'hui  peu  de  conformité 
avec  ceux  de  ce  temps  là  ;  mais  il  y  a  plus;  car,  quand 
les  roys  susdicts  leur  escrivoient,  ils  ne  laschoient  rien 
pour  cela  des  poincts  de  la  relligion,  d'autant  que  leur 
différend  ne  consistoit  point  là;  au  lieu  que  sa  majesté 
ne  peult  reconnoistre  le  pape,  qu'elle  ne  forfasse  la 
sienne ,  en  laquelle  il  est  enseigné  en  termes  très  ex- 
près ,  que  le  pape  se  dict  à  faulx  titre  vicaire  de  Christ , 
qu'il  a  usurpé  sa  place  et  son  empire,  qu'il  s'est  faict 
indignement  distributeur  de  ses  miséricordes  et  mérites. 
Que  si  ceuh  de  la  Ligue  ne  veulent  pas  seulement  ap- 


41  ADVIS  FNVOYK  A  SA  MAJESTÉ 

])eller  le  roy ,  roy ,  pnrce  qu'ayant  prononcé  ce  mot  , 
ils  se  sentent  obligés  à  Ini  faire  service;  sa  majesté  doibt 
penser  en  quelle  conscience  elle  peult  qualifier  le  pape 
très  sainct  père,  et  vicaire  de  Christ,  si  elle  ne  veult 
consequemment  prendre  la  loi  et  la  règle  d'icelui;  et 
ceci  ne  dis  je  poinct  selon  mon  propre  advis,  mais  des 
plus  notables  personnages  de  la  chrestienté ,  faisant  pro- 
fession de  la  reformation  ,  ausquels  j'en  ai  cscrit  depuis 
que  cette  question  est  sur  les  rangs. 

Certes,  les  voies  de  l'homme  ne  prospèrent  qu'en- 
tant qu'elles  sont  bénites  de  Dieu.  Combien  de  mal  a 
on  brassé  au  roy ,  et  Dieu  l'a  tourné  en  bien  î  Combien 
de  biens  lui  a  on  promis,  mal  assignés,  et  Dieu  les  lui 
a  changes  en  maulx  î  S'il  persiste  droittement  en  sa 
profession,  les  conseils  des  princes  et  les  vies  des  papes 
sont  en  la  main  de  Dieu  pour  en  disposer  selon  son  bon 
plaisir.  S'il  se  laisse  aller,  oii  sont  les  cautions  du  bien 
qu'on  en  attend?  Je  crois  que  l'Italie  rabattra  de  la 
réputation  du  roy,  quand  elle  verra  sa  magnanimité 
tant  célébrée  chercher  son  appui  en  chose  si  débile.  Je 
crains  que  les  secours  tous  certains  des  Allemands  et 
des  Anglois  ne  se  destournent,  y  avant  tousjours  assés 
de  gens  qui  prennent  tout  subject  d'espargner  les  de- 
niers de  leurs  pays  et  de  leurs  princes;  et  n'y  en  pou- 
vant avoir  ung  plus  puissant  que  cettui  là,  qu'on  fon- 
deia  sur  le  refroidissement  prétendu  de  sa  majesté  en 
sa  relligion  ;  mais  sans  scrupule  de  sa  majesté  et  pré- 
judice de  ses  affaires  en  quelque  part  que  ce  soit, 
semble  qu'il  se  peult  faire  une  depesche,  dont  le  pape 
aura  à  se  contenter  demeurant  icelle  es  termes  qui 
ensuivent. 

Blesseigneurs  les  cardinaux  et  prélats  ,  messeigneurs 
les  princes,  pairs  et  officiers  de  ce  royaume,  du  con- 


APRES  LE  SIEGE  DE  CHARTRES.  4^ 

sentement  de  sa  majesté  peuvent  dcspesclier  au  pape, 
fionime  ci  devant,  et  lui  faire  entendre,  avec  les 
formes  de  parler  accoustumees  ,  qu'ils  ont  tousjours 
persévéré  en  la  relligion  catholique,  apostolique  et 
romaine,  n'ont  rien  souffert  au  préjudice  d'icelle ,  et 
ont  tenu  soigneusement  la  main  vers  sa  majesté  à  cette 
fin;  mesmes  tesmoigner  que  sa  majesté,  depuis  son 
advenement  à  la  couronne,  a  eu  ung  soing  très  particu- 
lier de  leur  maintenir  leurdicte  relligion  en  son  entier; 
mais  qu'à  la  vérité  ils  ont  esté  peu  assistés  et  favorisés 
en  leur  intention  ,  qui  estoit  d'attirer  par  toutes  bonnes 
voies  sadicte  majesté  à  icelle  relligion  ,  d'autant  que , 
lorsqu'ils  travailloient  par  leurs  iîdelles  services  à  l'en 
rendre  capable,  on  prenoit  plaisir  d'ailleurs  à  traver- 
ser leurs  procédures  par  aultres  toutes  contraires. 

Sur  cela  se  peuvent  plaindre  mesdicts  seigneurs , 
qu'estans  eulx  prés  du  roy  légitime,  qui  est  leur  pro- 
pre séance,  et  y  faisans  le  debvoir  de  vrais  membres  et 
officiers  de  ceste  couronne ,  et  non  moins  de  bons  et 
vrais  clirestiens,  comme  il  a  apparu  en  ce  qui  s'est 
passé  depuis  tout  ce  temps  en  la  manutention  de  la 
relligion  catholique,  nonobstant  le  pape  Sixte  les  au- 
roit  tant  desdaignés ,  que  d'envoyer  le  cardinal  Caje- 
tan  son  légat,  résider  au  milieu  des  perturbateurs  du 
royaulme,  et  en  la  ville  d'où  estoit  sorti  l'exécrable  as- 
sassinat de  leur  roy  et  souverain  seigneur,  comme 
s'il  eust  voulleu  auctoriser  la  rébellion ,  et  approuver  ung 
acte  si  damnable. 

Que  ledict  légat  auroit  teneu  conseil  ordinaire  avec 
les  rebelles  contre  cest  estât ,  mesme  en  auroit  conjuré  la 
ruyne  et  subversion  avec  l'ambassadeur  d'Espaigne  y. 
comme  il  leur  seroit  appareu  par  les  propres  despes- 
ches  de  l'ung  et  de  l'aultre.  Chgses  qui  auroient  extre- 


46  ADVIS  ENVOYÉ  A  SA  MAJESTÉ 

mement  scandalisé  tous  les  bons  catholiques  François  , 
desquels  ils  font  proprement  le  corps,  l'ombre  à  peine 
en  estant  demeurée  par  devers  les  susdicts  rebelles  ; 
mais  que  justement  le  roy  en  auroit  esté  indigné,  et 
auroit  eu  juste  occasion  de  rebuter  et  rejetter  tout  ce 
qui  auroit  à  venir  de  la  part  du  pape  et  de  ses  mi- 
nistres, mesmes  d'avoir  en  horreur  la  relligion  catho- 
lique, à  laquelle  ils  le  veullent  attirer,  n'estoit  que  son 
naturel  doulx  et  traictable  d'une  part,  et  la  fidélité 
et  continuation  de  leurs  services  de  l'aultre,  lui  au- 
roient  faict  prendre  toutes  choses  en  moins  mauvaise 
part. 

Et  ne  fault  craindre  d'escrire  ou  dire  ces  choses 
assés  librement  au  pape ,  parce  que  ce  leur  est  ung 
naturel  ordinaire  de  prendre  plaisir  au  blasme  de  leurs 
prédécesseurs. 

Que  le  pape  se  doibt  remettre  en  mémoire  combien 
la  précipitation  d'esprit  de  quelques  ungs  a  faict  de 
plaies  en  la  chrestienté ,  qui  se  pouvoient  éviter  par 
modération  et  patience,  et  maintenant  ne  se  peuvent 
plus  guérir,  ni  par  prudence  ni  par  force;  nommee- 
ment  en  Angleterre,  à  Fendroict  du  roy  Henry  VIII, 
non  toutesfois  divers  en  relligion,  et  lorsque  ceulx  qui 
en  font  profession  n'estoient  pas  si  forts  qu'à  présent. 
Ce  qui  ne  fust  pas  adveneu  si  le  conseil  du  grand  roy 
François  au  pape  Clément  eust  esté  suivi,  de  ne  don- 
ner poinct  ni  la  volonté  ni  l'occasion  de  désobéir  à 
ceulx  qui  en  avoient  la  puissance. 

Pourtant  que  le  pape  trouve  bon  de  donner  quel- 
que respiration  au  roy  pendant  ses  grands  affaires;  et 
de  manier  les  choses  par  plus  doulces  voies;  estant  à 
espérer  qu'une  bonne  inspiration  ne  manquera  poinct 
à  sa  majesté  par  les  prières  de  ses  bons  subjects,  et 


APRES  I.E  SIEGE  DE  CHARTRES.  4? 

Finstance  assiduelle  de  leurs  services  pour  Tadclresser 
en  la  voie  de  son  salut. 

Sur  lequel  poinct  lui  peult  estre  mise  aussi  en  con- 
sidération la  vertu,  valeur,  magnanimité,  équité,  de- 
bonnaireté  de  sa  majesté,  parties  très  rares  et  recom- 
mendables  ,  et  lesquelles  doihvent  faire  surattendre 
celles  qui  lui  pourroient  défaillir.  Estant  certain  qu'il 
y  a  long  temps  que  la  chrestienté  n'a  produict  ung  plus 
grand  prince,  ni  pour  estre  plus  utile  à  l'accroisse- 
ment direlîe ,  s'il  est  prudemment  mesnagé;  et  d'aul- 
tant  plus  que,  nonobstant  les  rigueurs  qu'on  lui  a  te- 
neues  pour  le  desespérer,  il  est  tousjours  prest  de  re- 
cevoir instruction,  si  on  la  lui  veult  donner. 

Que  cependant  mesdicts  seigneurs  tiendront  aussi  la 
main  qu'il  ne  dépérisse  rien  en  ce  qui  est  de  la  relligion 
catholique  en  ce  royaume;  et  particulièrement  en  ce 
qui  concerne  la  dignité  du  pape  en  icelui,  et  l'entre- 
tenement  des  concordats  qui  ont  esté  entre  les  roys 
prédécesseurs  et  les  papes,  sans  aulcune  diminution 
des  droicts  accoustumés.  Et  ce  poinct  doibt  estre  estendu 
et  amplifié  en  toutes  ses  circonstances. 

Qu'ils  requièrent  le  pape  de  procéder  par  la  rigueur 
de  ses  censures  contre  les  perturbateurs  de  ce  royaulme, 
et  meutriers  de  leur  prince  naturel;  d'autant  plus  sé- 
vèrement qu'ils  abusent  évidemment  du  nom  de  la 
relligion  pour  leurs  ambitions,  à  la  ruyne  de  cest  estât 
et  de  ce  povre  peuple. 

Et  sur  ce  qui  pourroit  estre  allégué  que  sa  majesté 
n'escrit  poinct  au  pape,  pourra  estre  respondeu  que 
ce  n'est  poinct  par  mespris  ,  obstination,  ni  quelconque 
mauvaise  affection;  mais  que  les  considérations  de  sa 
condition  présente  le  retiennent ,  n'estant  raisonnable 
qu'il   offense    ses   amis  asseurés    par   une   lettre   qu'il 


48  ADVIS  ENVOYÉ  A  SA  MAJESTÉ,  etc. 

pourroit  cscrire,  qui  leur  seroit  desguisee,  ou  inter- 
prétée à  aultre  fin.  Mesmes  n'ayant  jusques  ici  receu 
de  la  part  des  papes  prédécesseurs  aulcung  signe  de 
Lienveillance;  au  contraire  tous  mauvais  offices;  ce 
nonobstant  que  le  pape  et  tous  les  princes  catholiques 
le  trouveront  tousjours  prince  très  désireux  de  la  paix^ 
et  reunion  de  la  chrestienté ,  et  de  leur  contentenieniL 
et  repos  particulier  ;  et  non  incapable  de  meilleurs 
conseils ,  si  on  prend  la  peine  de  les  lui  donner  par 
une  voie  digne  d'ung  prince  tel  que  Dieu  l'a  fait  naistre; 
et  non  par  menaces,  rigueurs  et  aultres  procédures 
indignes,  contraires  à  la  charité  chrestienne ,  à  la  di- 
gnité qu'il  tient  et  à  son  naturel  particulier. 


IV. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  Merlin. 

Du  !*■■  juillet  iSgi. 
Monsieur  ,  j'ai  receu   les  vostres  en  response  des 
miennes.  M.  Merlin,  votre  fils,  m'a  aussi  envoyé  votre 
Esther,  que  je  lis  avec  profict  et  plaisir,  et  l'ai  mis  es 
mains  de  M.  des  Reaux ,  nostre  ami  commun ,  pour  lé 
présenter  au  roy ,  comme  très  digne  de  sa  personne , 
très  convenable  au  temps  et  conforme  en  subject ,  et 
non  moins  recommandable  en  la  forme  que  vous  lui      i 
avés  donnée,  qu'en   la  matière  mesme.    Vous  m'avés      1 
attristé  de  la  mort  de  M.  de  Beze  (i)  quam  nondiun     \ 
certo  accepi ,  quanquam  jam  olim  animo  prœcepi. 
Et  trois  ou  quatre  estoiles  qui  nous  restent,  couchées, 
je  ne  vois  qu'espaisses  ténèbres  parmi  nous.  Et  c'est      , 

(i)  Cesle  nouvelle  estoit  fausse. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  49 

pourquoi  tandis  qu'elles  esclairent ,  je  vouldrois  bien 
nous  veoir  plus  soigneux  de  rechercher  déjeunes  gens 
pour  y  allumer  nos  chandelles.  Vous  m'exhortes  à  une 
chose  à  laquelle  il  n'y  a  jour  ni  heure  que  je  ne  m'ad- 
journe  moi  mesmes  ;  quand  vous  me  ramentevés  le 
Traicté  (i)  dont  nous  conferasmes  ensemble  à  Vitrai. 
Vous  sçavés  quelles  années  nous  avons  eu  à  passer, 
quelles  charges  j'y  ai  portées,  et  encores  n'ai  je  peu 
m'en  délivrer.  Je  n'ai  jamais  l'esprit  plus  content ,  ni 
desplaisant,  que  quand  j'y  pense;  content,  lorsque  je 
me  promets  de  retourner  à  ces  exercices  là;  desplai- 
sant, quand  je  m'en  vois  si  esloigné  par  les  affaires  du 
monde,  que  certes  j'aurois  bientost  secouées  si  elles  ne 
touchoient  que  le  monde.  Mais  vous  considérés  bien 
que  cet  ouvrage  requiert  ung  lieu  et  ung  homme,  et 
ung  temps  de  repos;  oultre  plusieurs  aultres  aides, 
d'autant  plus  nécessaires  à  moi,  que  j'y  vois  peu  de 
capacité  pour  l'entreprendre.  Je  pleure  avec  vous  la 
condition  de  nos  églises;  mais  je  me  console  que  celui 
qui  ne  les  faict  croistre  par  ce  qui  leur  debvoit  ou 
sembloit  debvoir  servir  d'arrousement ,  les  sçaura  bien 
arrouser  et  faire  prospérer  par  les  choses  mesmes  qui 
semblent  préparées  pour  les  estouffer  et  esteindre.  Je 
ne  doubte  poinct  de  l'intention  du  roy.  Je  prie  Dieu 
qu'il  le  fortifie.  Beaucoup  de  gens  s'opposent  à  ce  qui 
est  de  nostre  liberté,  et  eo propensius ^  qu'il  leur  sem- 
ble [siiperstitionis suce  adeo  siml conseil)  que  ceteris 
paribus  chacung  enseignant  librement  de  son  costé, 
ils  ne  peuvent  longuement  subsister.  Si  espère  je  que 
nous  aurons  bientost  une  déclaration ,  et  bien  qu'elle 
ne  soit  si  ample  qu'il  seroit  à  désirer,  il  n'est  pas  def- 


(i)  C'est  l'œuvre  qu'il  fcit  depuis  l'Eucliaristie. 

MjÉM.    de   DuPiKSSIS-MoKNAY.  ToME  V. 


5o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

fendu  de  commencer  ung  bon  œuvre  par  quelque  bout. 
Beaucoup  de  consciences  en  recevront  soulagement, 
beaucoup  d'aveugles ,  esclaircissement  ;  et  n'est  pas 
ung  petit  accroissement  d'edict,  que  l'aucteur  de  l'edict 
soit  intéressé  en  Tedict  mesme.  Je  lairrai  à  M.  de  Pierre- 
fite  à  vous  dire  des  nouvelles.  Si  madame  de  Laval  con- 
tinue à  nous  donner  ici  M.  son  fils,  vous  promettes 
de  nous  venir  veoir.  Je  vous  prends  au  mot.  Asseurés 
la  qu'il  n'y  a  lieu  où  elle  trouve  plus  d'obéissance  et 
de  service,  madamoiselle  d'Andelot  aussi,  encores  que 
je  n'aye  cest  heur  qu'elle  me  cognoisse  que  par  la 
crayon  de  M.  de  Buzanval.  Je  plainds  seulement  que 
ceste  ville  ne  soit  pas  si  commode  que  je  vouldrois; 
mais  ce  qui  defauldra  pour  leur  dignité  sera  supplée 
par  nostre  affection  à  leur  service. 
Monsieur,  je  vous  recommande  ,  etc. 


V.  — ^REGINA  ANGLIA  AD  HELVETIOS. 

Du  18  juillet  iSgi. 
Genevje  aftlictae  res,  per  multos  jam  annos  diuturna 
prope  obsidione  pressae,  a  potentissimis  duobus  hosti- 
bus  hispaniari  rege,  et  ejus  genero  duce  subaneliae , 
quam  opem,  quodque   auxilium  desiderant,  vos  quia 
socii  et  vicini  estis  non  potestis  ignorare,  extraque  du- 
bium  sumus ,  V.  P.  pro  fîde  fœderum  inter  vos  junc- 
torum,  proque  dignitate  gentis,  eam  rationem  habi- 
turas  esse  communis  vestrae  in  bac  causa  defensionis;      1 
ut  deseri  eam  exponique  novorum  dominorum  libidini, 
quantum  in  vobis  erit,  non  sitis  passuri,  ad  quam  certe 
rem,  si  necesse  esset,  vos  hortaremur  :  intenti  autem     | 
qui  sua  sponte  satis  sunt  in  salutem  publicam  quoniam 


REGTNA  ANGLÏA  AD  HELVETIOS.  5l 

monitore  non  habent  opus;  ab  boc  génère  orationis 
libenter  abstinemus.  Unnm  hoc  P.  V.  rogantes  pro  an- 
liqua  benevolentia  et  amicitia,  quae  regibus  Angliae, 
majoribus  nostris,  cum  spectabiH  gente  vestra  inter- 
cessit;  ne  salutis  privatae  vestrœ  negb'gentes  sitis.  Sic 
enim  P.  V.  existimare  convenit ,  in  obsidione  Geneven- 
sium  peti  obsidionem  civitatum  cujusque  vestrûm  : 
in  excidio  iUius  urbis ,  verti  internetionem  omnium 
vestrûm.  Periculum  faciatis  licet ,  ex  iis  quae  in  nosmet 
nostraque  regno  quae  jam  nunc  in  florentissimum  Galb'cR 
regnum  idem  rexmoHtur;  propter  impotentem  domi- 
nandi  bbidinem  cum  nihil  subsit,  aut  subesse  queat; 
quod  ab  armis  movendis  et  consociandis ,  per  omnes 
ferè  orbis  nostri  occidentalis  partes,  nullam  ipsi  re- 
quiem neque  diurnam  neque  nocturnam  impartiat. 

Quae  tamen  arma  frustra  in  vos  pari  ter  consocia- 
bit,  atque  in  nos  frustra  movit;  si  junctis  animis,  pro 
fide  inter  vos  data  acceptaque  vestras  amicitias  et  con- 
junctiones  non  patiamini. 

în  hoc  enim  uno,  posita  sunt,  tum  quorum  cunque 
hostium  maxima  praesidia,  armorumque  momenta;  tum 
justarum  quarumque  defensionum  fortissima  pro- 
pugnacula,  monumentaque  :  Ac  in  utramque  partem  , 
tantarum  virium  cum  sit  hoc  unum  caput,  omnesque 
ingenii  sui  nervos ,  hue  intendant ,  qui  vincisse  cupidine 
regnandi  patiuntur;  cautis  vos  animis  esse  oportet; 
qui  istius  beneficio  muUos  jam  annos  in  libertatis  ve- 
nitis  ;  in  quam  majores  A^estri  sua  virtute  vindicarunt 
vos,  quamque  vobis  supra  modum  invident  superbi 
dominatores.  Ea  si  in  perpetuum  frui  ,  posterisque 
vestris  tanquam  hœreditariam  transmittere  mavultis; 
quam  servorum  more  in  iUiberali  servitute  vivere; 
cavendus   vobis  est  hic  primus  impetus;   nec  aures 


52  REGINA  ANGLIA.  AD  HELVETIOS. 

accommodanclae   captiosis   illecebris  :  memores,  multo 
plures  vulpeculae  fraude  deceptos,  quam  vi  leonis  de- 
viclos,  concidisse.  Gertumque  habetote  :  ut  antiquo- 
rum fœderum  fucus,  diuturnae  amicitiae  simulachrum, 
officiorum  in   specieni  oblatus  usus  oblendi  queant  : 
nullas  tanien  esse  pejores  aut  magis  capitales  inimici- 
tias  quam  quae  latent  in  simulatione  officii.  Ac  sit  licet 
in  opinione  hominum,  niodica  res  et  minoris  momenti, 
civilas   Genevensium  :   uli   Gorintlius  quondam   apud 
Acliaeos  :  et  Ghalcis  apud  Eubœos  :  et  Demetrius  apud 
Thessalos;  tamen  ut  illae  totius  Grœciae,  sic  Genevenses 
ab   Hispano  sabaudo   subacti,  verendum  est  ne  uni- 
■versae  fœderatae  gentis  vestrœ,   compedes  futuri  sint. 
Naiurani  loci ,  spiritus  et  animos  hostis,  ipsius  poten- 
tiani  magnitudine  sua  laborantem ,  cum  angustis  vestris 
rébus  comparate,  qui  S.  R.  F.  majestati  invidet;  qui 
contra  Belgarum  libertates  jam  supra  viginti  annos  di- 
micat  :  qui  Galliae  regno  insidiati  :  qui  diadematis  nostri 
siti  conficitur;  cum  credibile  est;  non  eveisis  antiqtris 
vestris  juribus,  legibus,  libertale  ,  quieturum?  quod 
quo  vobis  funestius,  et  nobis  tristius  spectaculum  fo- 
ret :  eo  vos  etiam  atque  etiam  monemus  rognmusque: 
sitis  ineam  rem  ne  eveniat,  providi,  intentique;  ut  de 
dionitale  vestra ,  prestina  libertateque  conservata,  vo- 
bis invicem  gratulantes,  amicis  vestris  solatio,  vicinis 
prœsidio ,  posteris  aeterno  emolumento,  esse  queatis. 
In  banc  arenam,  ipsœ,   fœmina  licet  sumus,  priores 
descendimus;   otium ,  dignitatem,  regias  opes,  quic- 
quid  denique  carum  ut  habemus  ut  babere  possumus, 
libertati  vicinarum  gentium  sartis  tectisque  conservan- 
dis ,  aliorum  justis  imperiis  post  ponenles,  ad  hoc  po- 
sitœ  et  constitutœ   a  Deo  ;   ut  quantum  in   nobis   est 
nullis  inferamus,  ab  omnibus  propulsemus  injurias; 


REGINA  ANGLIA  AD  HELVETIOS.  53 

non  qui  alterum  non  juvat  cum  potest  :  tani 

esse  in  vitio  ,  ac  si  ipse  occidisset  ;  sed  vos  ista  ,  pro 
vestra  prudentia  salis  edocti  estis  :  et  pro  optima  ves- 
tra  in  vos  invicem  voluntate ,  studio  pietateque  , 
prompti  satis  ad  afflictis  succurrendum ,  vestrseqiie  sa- 
luti  providendum;  proptereaque  desinimus,  recremen- 
tum  obsidione  pressorum,  vobis  vestraeque  fidei,  pro 
ea  quam  geritis  erga  Deutn  ,  hominesque  pief ate ,  com- 
mendantes,  et  vos  in  aeternum,  Deus  ille  salutis  fortu- 
net  beetque.  Datae  e  regia  nostra  granviei ,  1 8  die 
mensis  julii,  anno  Domini  post  millesimum  quingente- 
simum ,  nonagesimo ,  regni  vero  nostri ,  tricesimo  se- 
cundo. C. 

Elisabetha,  R. 


VI.  — -V-ADVIS  DE  PROVENCE. 

Du  17  avril  iSqi. 

M,  Desdiguieres  est  joinct  avec  M.  de  La  Vallette, 
qui  partit  de  Systeron  le  troisiesme  du  présent  mois, 
pour  l'aller  joindre  du  costé  de  Rion ,  et  ont  canon  es 
campaigne. 

Le  comte  de  Martmaigne  avec  les  Savoyards  et  Pro- 
venceaulx,  leurs  adlierens ,  s'en  vont  les  trouver,  et 
peult  estre  qu'ils  viendront  aulx  mains. 

Le  duc  de  Savoye  n'est  encores  de  retour  d'Espai- 
gne;  son  voyage  n'est  fondé  que  pour  embarquer  son 
entreprinse  sur  Marseille,  dans  laquelle  a  esté  receu 
quelques  bleds,  et  sont  tousjours  après  à  sortir  dehors 
ceulx  qu'ils  peuvent  penser  n'adhérer  h  leurs  volontés. 

Ades  tient  tousjours  bon  pour  se  maintenir  soubs 
l'obéissance  du  roy. 


54  ADVIS  DE  PROVENCE. 

En  Provence  Ton  a  publié,  de  la  part  de  M.  du 
Mayne ,  une  trefve  pour  les  laboureurs,  marchands  et 
gens,  à  quoi  M.  de  La  Vallette  a  adhéré. 


Du  20  dudict  mois. 

Sparroy  est  un  lieu  de  Provence,  cinq  lieues  près 
d'Aix,  village  et  chasteau.  Le  sieur  dudict  lieu  s'est 
toutes  ces  guerres  teneu  dans  sondict  chasteau  sans  se 
déclarer  d'aulcung  parti.  Une  bonne  partie  de  la  ca- 
vallerie  savoyarde  allant  rencontrer  le  sieur  Desdi- 
guieres,  s'estant  logée  dans  ledict  village,  le  sieur  Des- 
diguieres  s'en  est  approché  avec  ses  forces  ;  d'aultres 
part,  ledict  sieur  receut  dans  sondict  chasteau  Gamer- 
nat  et  sa  trouppe;  tous  se  ruent  sur  lesdicts  Savoyards, 
conduicts  par  Vitelly;  tout  a  esté  defaict,  hommes  et 
chevaulx,  grande  mortalité  encores  que  je  cuide  que 
le  pourrés  entendre  par  ceux  mesmes  qui  ont  faict  la 
faction.  Je  n'ai  voulu  manquer  le  vous  dire  ,  tenant  ce 
que  dessus  de  bonne  part,  et  aussi  vous  en  pouvés 
asseurer  par  plus  ou  moins  ce  qui  advint  le  lundi  sei- 
ziesme  du  présent;  depuis  j'ai  eu  asseurance  que  ladicte 
deffaicte  est  très  véritable,  treize  drapeaulx  prins, 
quattre  cornettes  de  cavallerie,  cinq  cens  chevaulx  et 
cavalliers  morts  sur  la  place,  plus  de  deux  cens  cin- 
quante chevaulx  et  les  cavalliers  prins  prisonniers  par 
composition  faicte  au  village  de  Sparroy. 

Le  sieur  de  Vitelly,  colonnel  de  la  cavallerie  li- 
gueuse du  duc  de  Savoye ,  et  le  sieur  de  Sainct  Romain 
prins  prisonniers. 

Les  Provenceaulx  françois  renvoyés  avec  ung  baston 
blanc  à  la  main  ,  et  plus  de  cinq  cens  Savoyards  mis 
aulx  galleres  de  M.  de  La  Vailelte,  à  Toulon,  qui  a 


ADVIS  DE  PROVENCE.  55 

londii  réciproque  audict  duc  de  Savoye  en  ayant  faict 
de  mesnie  à  quelques  unes  de  sesdictes  trouppes. 

Tous  les  forts  de  ladicte  Provence  à  cause  de  ladicte 
deffaicte  sont  rendus  soubs  l'obéissance  du  roy,  hors 
Ives,  Aix,  qu'ils  espèrent  blocquer. 

Le  comte  Martmaigne  s'en  est  fuy  de  vitesse.  Ils 
ont  envoyé  quérir  en  dilligence  le  duc  de  Savoye.  Des 
nostres,  il  n'est  demeuré  en  ladicte  deffaicte  que  dix 
sept  sur  la  place,  et  quelques  uns  de  blessés.  Les 
trouppes  dudict  sieur  Desdiguieres  ont  presque  faict 
toute  ladicte  deffaicte. 

De  Vienne,  le  i^""  mai  iSgi. 
M.  de  Nemours  est  à  Lion,  lequel  a  faict  entrer  en 
Daulphiné  trois  ou  quattre  cens  chevaulx ,  conduisant 
quantité  d'esclielles  et  pétards,  et  ont  voulleu  planter 
l'escallade  à  Vallence  ,  ayant  passé  le  soir  vers  la  Roche 
et  laissé  leurs  chevaulx.  De  Là  sont  allés  une  lieue  à 
pied;  arrivés  toutesfois  ne  sont  approchés  d'une  mous- 
quetade;  s'en  retournant  ont  quitté  trente  six  eschelles 
dans  une  grange,  à  ung  quart  de  lieue  dudict  Vallence; 
et  ont  esté  tellement  combatteus  du  mauvais  temps 
et  de  la  longue  traicte,  qu'ils  ont  perdeu  quattre  vingts 
ou  cent  chevaulx,  desquels  il  y  en  avoit  de  beaucoup  de 
valleur,  et  environ  quatorze  ou  quinze  lacquais  s'en  sont 
reveneus  sans  rien  faire.  Ils  faisoient  cela  pour  contre- 
])eser  la  deffaicte  desdicts  Savoyards  en  Provence 
comme  je  m'asseure,  comme  peulxsçavoir;  toutesfois  je 
ne  lairai  de  vous  dire  comme,  le  lundi  de  Pasques 
Desdiguieres  deffict  quinze  enseignes  de  gens  de  pieds, 
tous  tués  ou  prisonniers,  et  les  drapeaulx  prins;  defict 
aussi  huict  cens  chevaulx  que  Martmaigne  conduisoit 
lequel  se  snulva  à  Aix  à  la  suite,  avec  trois  cens  che- 


56  ADVIS  DE  PROVENCE, 

vaulx  ,  le  reste  tué  ou  prins,  et  trois  cens  cinquante  che- 
\'aulx  de  service  qu'ils  ont  gaigné.  Le  gênerai  Alexandre 
Vitelly  prisonnier,  et  ledict  sieur  de  Sainct  Romain, 
gênerai  de  leur  infanterie ,  et  trente  capitaines. 


VIL —-V- ADVIS  DE  LANGUEDOC 

Par  lettres  de  M.  de  Fie. 

A  Langongne  ,  ce  mercredi  24  avril  i  Sg  i . 

Monsieur  ,  à  nostre  parlement  de  Melleau,  MM.  de 
Missiiliat  et  Morose  joignirent  monseigneur  avec  trente 
maistres.  Il  passa  à  Nonnaite,  pensant  aller  coucher  à 
Rujon,  où  après  plusieurs  remises  les  portes  furent 
enfin  refusées;  cependant  nos  gens  gaignerent  lesfaulx- 
bourgs  jusques  à  la  porte  de  la  ville,  et  tuèrent  deux 
ou  trois  de  ces  rebelles,  sans  que  de  nostre  part  il  y  eust 
personne  de  blessé,  Dieu  mercy.  On  voulloit  forcer  la 
ville,  qui  estoit  chose  assez  aisée  pour  l'estonnement 
du  peuple  et  commodité  du  chasteau.  Mais  nous  rom- 
pismes  ce  coup  ,  de  peur  que  ,  perdant  quelque  hon- 
neste  homme,  on  ne  pillast  et  possible  brusiast  ladicte 
ville  ,  chose  que  je  craignois  fort.  La  retraite  faicte  , 
mondict  seigneur  marcha  jusques  à  onze  heures  de 
nuict,  que  nous  campasmes  à  ung  meschant  villaige 
à  une  lieue  de  ;  de  là  nous  fismes  le  chemin 

jusques  à  Polignac  d'une  traicte,  et  demeurasmes  qua- 
torze heures  à  cheval.  M.  de  Chates  a  receu  fort  hon- 
norablement  mondict  seigneur  et  toute  sa  trouppe  ,  qui 
est  toute  dans  le  chasteau ,  et  y  avons  logé  plus  de 
quarante  estrangers,  et  séjourné  tout  le  dimanche  pour 
y  attendre  MM.  de  La  Fin  et  Dianna,  qui  le  vindrent 


ADVIS  DE  LANGUEDOC,  etc.  37 

trouver  le  mesmejour.Le  lundi  mondict  seigneur  s'ache- 
mina à  Montstier,  petite  \ille  qui  appartient  à  mon- 
sieur Tevesque  duPuy,  qui  y  faict  sa  résidence.  Pas- 
sant le  long  de  la  rivière  et  assez  près  de  la  ville 
du  Puy,  on  vit  cent  ou  six  vingts  soldats  de  la  ville  qui 
estoient  sortys  sur  les  collines  prochaines,  qui  donna 
occasion  à  plusieurs  de  croire  que  ce  n'estoit  que  pre- 
mière trouppe,  et  que  le  gros  estoit  derrière  pour  se 
jecter  surnostre  queue,  estant  advizé  qu'on  les  devoit 
recognoistre  seullement  sans  attacquer  aulcune  chose; 
on  les  approcha  de  si  près,  qu'estant  dans  des  che- 
mins creux  et  lieux  murailles  à  la  mode  du  pays ,  qu'ils 
commencèrent  l'escarmouche;  le  sieur  de  Sainct  Mar- 
cial  Dalet  en  tua  deux  d'arrivée,  puis,  en  poursuivant 
plusieurs  dans  ung  chemin ,  les  fuyards  tournèrent 
teste,  tuèrent  son  cheval,  et  lui  donnèrent  plusieurs 
coups  d'espee  et  de  halleharde ,  et  l'eussent  tué  sans 
l'assistance  des  sieurs  de  Murât  et  Bossan  qui  le  des- 
chargerent  et  l'amenèrent  à  pied  ;  cela  encouragea  les 
habitans  qui  pareurent  derechef,  aulxquels  on  fit  une 
seconde  charge,  et  feurent  repoussez  jusques  au  pen- 
dant de  leur  ville.  Nous  avons  sceu  depuis  qu'il  y  en  a 
sept  ou  huict  de  morts,  entre  lesquels  est  le  plus  fac- 
tieux de  tous,  qui  estoit  apoticquere ,  nommé  Jehan 
Faure ,  et  dix  ou  douze  de  blessés.  Nous  y  avons  perdeu 
ung  nommé  Guytard,  natif  de  ladicte  ville,  qui  suivoit 
ledictsieur  deSainctMarcial,  ung  delà  compagniedudict 
sieur  de  Chates ,  et  deux  blessés;  voilà  la  vérité  de  ce 
qui  s'est  passé,  de  quoy  je  suis  tesmoing  occulaire.  Si 
on  m'eust  creu,  cela  n'eust  esté  faict,  puisque  nous  ne 
voullions  que  passer ,  et  que  le  passage  n'estoit  em- 
pesché.  De  là  nous  arrivasmes  à  Mostel,  où  hier  matin 
M.  i'evesque  du  Puy  estant  à  la  messe,  mondict  seigneur 


58  AD  VIS  DE  LANGUEDOC 

luy  osta  la  croix  ,  et  l'a  affianchy  du  veu  qu'il  avoit 
faict,  avec  pouvoir  de  se  maryer.  Les  ceremonyes  ne 
furent  longues, que  j'espère  vous  dire  ung  jour,  puisque 
je  n'ai  loisir  de  les  escrire.  Nous  arrivasmes  hier  en 
ce  lieu  de  Langongne ,  et  espérons  partir  présente- 
ment pour  faire  une  grande  traicte,  et  gaigner  demain 
Alest.  Faictes  part,  s'il  vous  plaist,  de  ce  que  dessus 
aulx  sieurs  accoustumés ,  et  à  MM.  les  aux- 

quels je  n'ai  loisir  d'escrire;  j'ai  receu  hier  leurs 
lettres  et  les  vostres,  et  suis  bien  aise  qu'ayez  ouvert 
les  miennes,  n'estant  comuniquees  qu'à  M.  de  Fiorat, 
auquel  en  particulier  je  me  recommande,  puis  MM.  les 
generaulx. 

A  Montpellier,  ce  dimanche  28  avril  1691. 

Monsieur  ,  vous  cognoistrez ,  par  mes  dernières 
lettres ,  qu'il  n'a  teneu  à  moi  que  n'ayez  eu  de  mes  nou- 
velles; j'y  adjousterai  ce  mot  à  la  haste,  que  mon- 
seigneur le  comte  arriva  jeudi  à  Alest,  ville  qui  appar- 
tient en  propre  à  M.  de  Montmorancy,  où  il  feut  receu 

avec Ses  armoyries  estoient  sur  la  porte  de 

la  ville,  et  celles  de  sa  maistresse  après avec  les 

siennes,  de  quoi  sans  mentir  je  fus  estonné;  vendredi 
nous  arrivasmes  à.  .  .  et  hier  en  ceste  ville,  receus  par 
tout  avec  beaucoup  de  démonstrations  d'aise.  Nous 
partons  ce  matin  pour  aller  à  Pezenas  trouver  madame 

de    Montmorancy   et   sa M.   Dossemont    se 

doibt  rendre  cejourd'hui  à  mi  chemin  ;  M.  de  Mont- 
morancy est  aux  bains  à  trois  lieues  dudict  Pezenas , 
où  il  se  doibt  rendre  demain  matin.  On  s'asseure  que 
les  nopces  seront  mardi  prochain.  On  eut  hier  advis 
que  MM.  Desdiguieres  et  La  Vallette  ont  deffaict  trois 
ou   quatre  cens  chevaulx  et  douze  cens  hommes  de 


PAR  LETTRE  DE  M.  DE  VIC.  ^9 

pied  Espaignols  ou  Savoyards  fjui  estoicnt  en  Pro- 
vence ,  et  que  le  duc  de  Savoye  est  passé  en  Espaigne; 
d'aultre  part  les  Espaignols ,  qui  sont  vers  Carcassonne , 
joinct  M.  de  Joyeuse,  ont  prins  deux  ou  trois  forts, 
et  tué  tout  ce  qu'il  s'est  trouvé  dedans  d'hommes  de 
guerre  et  dliabitans ,  et  y  ont  après  mis  le  feu. 


VIII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Ju  7'OJ. 

Du  4  juillet  lôgr. 

SiHE ,  vostre  majesté  se  peult  assés  ressoubvenir  que 
je  n'ai  pas  accoustumé  de  commenter  sur  ses  comman- 
demens;  et  pour  ce  je  me  promets  aussi  que  vous 
m'aurés  faict  cest  honneur  de  croire  que  ce  que  j'ai 
différé  de  vous  envoyer  les  derniers  procèdes  de  la 
commission  du  domaine  de  vostre  couronne ,  n'aura 
esté  que  pour  vostre  seul  service. 

J'ai  considéré,  sire,  que  vostre  majesté  auroit  pro- 
mis à  M.  Palavicin,  traictant  au  nom  de  la  royne  d'An- 
gleterre et  des  princes  d'Allemaigne ,  de  tenir  une 
somme  notable  preste  pour  l'arrivée  de  vostre  armée 
estrangere.  Que,  pour  parvenir  à  ce  poinct,  il  auroit  esté 
resoleu  en  vostre  conseil,  par  vostre  majesté ,  en  sa  pré- 
sence, de  procéder  à  l'aliénation  tant  de  vostre  do- 
maine que  de  vostre  patrimoine,  dont  la  commission 
m'auroit  esté  adressée.  Que  du  patrimoine^-liçn  ne  se 
pouvoit  espérer,  d'autant  qu'en  vostre  court  de  parle- 
ment à  Tours  la  non  reunion  d'icelui  n'auroit  peu  en- 
cores  estre  vérifiée ,  à  faulte  de  laquelle  nul  ne  pensoit 


6o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

y  pouvoir  srurement  employer  son  argent;  par  con- 
séquent qu'il  ne  restoit  à  vostre  majesté  aultre  moyen 
plus  prompt  que  des  deniers  procedans  de  la  revente 
du  domaine  de  vostre  couronne. 

J'ai  donc  pensé,  sire,  que  cest  argent,  selon  vostre 
intention ,  debvoit  estre  mesnagé  pour  l'effect  pour 
lequel  il  estoit  destiné;  pour  maintenir  vostre  armée, 
la  vous  obliger  par  serment,  y  auctoriser  vostre  créance 
et  réputation;  et  consequemment  en  retirer  le  profict 
attendeu  de  tous  vos  bons  subjects,  pour  Testablissement 
de  vostre  auctorité  contre  l'usurpation  de  vos  ennemis. 
Et  ai  craint  au  contraire ,  sire ,  qu'à  faulte  de  leur 
donner  ce  contentement,  le  reproche  trop  ordinaire  s'en 
ensuivist,  d'avoir  manqué  aulx  princes  estrangers  ;  dont 
le  coup  seroit  d'autant  plus  dangereux  au  service  de 
vostre  majesté,  qu'il  est  tout  certain  que  par  les  faultes 
passées  le  credict  de  ceste  couronne  n'est  que  trop 
esbranlé  es  nations  estranges,  lequel  se  peult  relever 
par  la  foi  et  constance  de  vostre  majesté  en  ses  pro- 
messes; mais  viendroit  aussi  à  s'atterrer  du  tout,  si  elle 
y  mnnquoit  ou  sembloit  manquer  des  son  entrée. 

J'adjousterois,  sire,  que  l'edict  de  l'aliénation  porte 
clause  expresse,  que  les  deniers  en  sont  affectés  à 
l'entietenement  de  ceste  armée;  que  messieurs  de 
vosire  court  de  parlement  l'avoient  vérifié,  nonobstant 
plusieurs  difficultés,  en  cette  seule  considération, 
connue  des  plus  notables  d'entre  eux  m'ont  dict,  que 
la  pluspart  des  acheteurs  s'y  estoient  aussi  enhardis, 
espérant Kjue  ceste  armée,  en  vous  faisant  régner  pai- 
siblement, les  feroit  jouir  de  mesmes.  Et,  en  oultre,  que 
les  instructions  de  M.  de  Turenne  estoient  chargées 
d'asseurtr  la  royiie  d'Angleterre  et  les  princes  d'Aile- 


AU  ROT.  T)! 

maîgne  que  vostre  majesté  m'avoit  donné  ledict  pou- 
voir, et  ordonné  les  susdicts  moyens  pour  subvenir  à 
l'armée  qu'ils  envoyent  à  son  secours. 

Ce  que  je  ne  pense  pas  qu'on  vous  représente,  sire, 
quand  on  presse  vostre  majesté  sous  aultres  prétextes 
de  commander  que  ces  deniers  vous  soient  envoyés. 
Car  vostre  majesté  sçauroit  bien  considérer  que  des 
lettres  de  cachet,  pour  expresses  qu'elles  soient,  ne 
nous  pourroient  descharger,  et  principalement  ceulx 
qui  sont  chargés  des  deniers,  sur  lesquels,  à  faulte 
d'ung  acquit  vérifié  en  parlement,  ils  pourroient  estre 
répétés  à  jamais,  selon  les  loix  de  ce  royaume. 

Mon  but  donc  a  esté,  sire,  que  vostre  majesté  fust 
servie,  et  n'en  ai  jamais  eu  d'aultre;  mais  elle  veult 
maintenant  estre  obeïe,  et  le  sera;  et  pour  cest  effect 
nous  envoyons  le  porteur  qui  conduict  à  vostre  majesté 
la  somme  de qui  est  tout  ce  que  nous  pou- 
vons présentement,  parce  que  les  termes  du  surplus 
ne  sont  p;is  du  tout  escheus;  les  ayant  mesurés  à  peu 
près  au  temps  que  vostre  armée  auroit  à  entrer , 
afin  que  les  achepteurs  eussent  plus  de  courage  d'a- 
chepter. 

Cependant,  sire,  sortant  des  termes  de  deniers,  les- 
quels me  sont  indifferens  si  ce  n'est  pour  vostre  inte- 
rest,  je  vous  dirai  en  serviteur  ce  que  je  doibs.  Cesle 
armée  qui  vous  vient  d'Alleniaigne  vous  est  honorable, 
utile  et  nécessaire,  soit  pour  le  dedans,  soit  pour  le 
dehors  de  ce  royaume.  Ce  vous  sont  amis  très  esprou- 
vés ,  intéressés  contre  1  Espagnol  ,  contre  le  pape , 
contre  tous  les  ennemis  de  vostre  estât  et  de  vostre 
personne.  Ils  ne  cognoistront  que  vous  pour  tout  en 
vostre  armée,  et  ne  prestront  l'oreille  aulx  monopoles. 
Ils  ne  seront  poinct  subjects  à  estre  subornés  soubs 


62  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

ombre  d'heresie ,   aussi  peu  à  s'estonner  des   moni- 

toires;  fortifieront  tous  les  bons  à  faire  leur  debvoir, 

retiendront  les  aultres  de  rien  entreprendre  ou  oser  au 

contraire. 

Ceulx  qui  s'en  ombragent,  sire,  les  desiroient  et  les 
reclamoient  quand  le  duc  de  Parme  entra  dedans  la 
France.  Et  qui  sçait  ce  qu'il  fera  dans  peu  de  jours  ? 
lis  vous  reprochoient  leur  peu  d'affection,  leur  fetar- 
dise,  sçavoient  très  bien  alléguer  que  vostre  majesté 
cstoit  mal  assistée  des  princes  estrangers,  qui  faisoient 
niesme  profession  quand  ils  se  sont  rais  en  leur  deb- 
voir,  recueilles  en  le  fruict;  pensés ,  sire,  que  c'est  ung 
labeur  de  deux  ou  trois  années,  difficile  à  recouvrer 
s'il  n'est  bien  mesnagé.  Faites  voir  a  vos  subjects  bons 
et  maulvais  que  vous  estes  le  maistre;  que  Dieu,  qui 
vous  a  donné  de  naistre  roy,  ne  vous  a  pas  desnié  ni 
les  moyens,  ni  les  forces  pour  l'estre. 

Je  le  dis,  sire  ,  pour  ce  qu'aulcungs  disent  tout  bault 
que  ceste  armée  vous  sera  inutile.  Aulx  aultres  est 
eschappé  qu'on  s'en  desfera  bien  en  lui  soustrayant 
tous  les  moyens;  calomniant  vostre  intention  par  les 
provinces;  lesquels  se  debvroient  ressouvenir  que  le 
feu  roy  la  feit  négocier  par  leur  propre  conseil;  qu'elle 
a  esté  poursuivie  par  M.  de  Scbomberg;  que  ce  sont 
les  mesmes  princes,  colonnels  et  capitaines.  Qu'au  sur- 
plus, soubs  vostre  auctorité  elle  ne  doibt  pas  leur 
estre  plus  suspecte,  veu  la  foi  que  vous  gardés  à  tous, 
veu  celle  particulièrement  que  vous  maintenés  aulx 
catholiques. 

Car,  quant  à  ceulx  de  la  relligion,  sire,  il  n'}'  a  ca- 
tholique d'entendement,  qui  ne  considère  bien  qu'ils 
ne  peuvent  pas  demeurer  comme  ils  sont  par  les  edicts 
d'union,  confisqués  en  leurs  biens,  dégradés  en  leurs 


AU  ROY.  G3 

honneurs,  asservis  en  leurs  consciences.  Et  des  devant 
qu'il  se  parlast  de  ceste  armée,  vostre  majesté  avoit 
resoleu ,  avec  les  principaulx  officiers  de  ceste  couronne, 
des  moyens  de  leur  donner  contentement  ;  chose  qu'il 
eust  esté  plus  à  propos  de  n'avoir  différée  pour  les 
raisons  que  j'ai  discoureu  à  vostre  majesté  de  bouche  et 
par  escrit  assés  de  fois. 

Pour  la  fin,  sire,  je  me  confie  que  vostre  majesté 
interprétera  en  bonne  part  ce  que  j'ai  faict.  Les  princes 
veullent  estre  obéis ,  et  il  est  raisonnable  ;  mais  aussi 
escoutent  ils  quelquesfois  les  remonstrances  de  leurs 
serviteurs  sur  leurs  commandemens,  mesme  quand  ce 
sont  personnes  esprouvees  dont  l'intention  ne  peult 
estre  suspecte.  Or,  je  pense,  sire,  que  vostre  majesté 
me  faict  bien  cet  honneur  de  me  tenir  pour  tel.  Tant 
y  a,  sire ,  que  je  le  suis  et  le  serai  tousjours,  etc. 


IX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roj. 

Du  6  juillet  i5gi. 
Sire  ,  puisque  vostre  majesté  y  est  resoleue ,  j'envoye- 
rai  au  plustost  ce  que  nous  avons  de  prest  selon  vostre 
commandement.  Ce  que  j'ai  différé  n'a  esté  pour  aultre 
fantaisie  que  de  vostre  service.  Il  me  suffit,  sire,  d'avoir 
remonstré  à  vostre  majesté  ce  que  j'ai  pensé  en  estre, 
dont  il  lui  plaira  aussi  se  ressouvenir.  Seulement  que 
vostre  majesté  me  fasse  cest  honneur  d'interpréter  mes 
actions  en  bonne  part ,  esquelles  je  recognois  qu'il  peult 
avoir  de  la  faulte  en  beaucoup  de  façons;  mais  non. 


64  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

sire,  aulcune  en  fidélité,  zele  et  affection,  esquellesjé 
ne  vouldrois  céder  à  personne. 
Sire ,  je  supplie  le  Créateur,  etc. 


X.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  cVEmerjy  depuis  M.  le  président  de  Thou. 

Du  i8  juillet  i5()i. 

Monsieur  ,  je  tiens  à  faveur  que  le  capitaine  Li 
Roche  vous  ait  peu  faire  quelque  service  pour  la  seu- 
reté  de  vostre  voyage,  et  suis  marri  que  ne  l'ayés  mené 
jusques  au  bout.  Car  je  fais  tant  d'estat  et  de  vostre 
amitié  et  de  vostre  mérite,  que  je  m'estimerai  honoré 
de  vous  pouvoir  faire  quelque  service.  Vous  ne  debvés 
doubter  que  le  bruict  de  la  déclaration  pour  la  revocation 
des  edicts  de  la  Ligue,  ne  soit  desjà  partout.  Partie  la 
soif  que  les  ungs  en  avoient ,  et  partie  le  despit  des 
aultres  en  est  cause.  Si  est  ce  que  tout  homme  de  ju- 
gement cognoistra  qu'il  n'y  a  rien  de  si  doulx,  de  si 
équitable ,  de  plus  nécessaire.  Je  loue  Dieu  qu'elle  ait 
esté  mise  en  vos  mains  pour  l'apporter  à  Tours.  Je  ne 
doubte  poinct  aussi  que  plusieurs  ne  taschentd'en  abu- 
ser contre  le  service  du  roy  ;  mais  comme  ce  sont  per- 
sonnes qui  ont  plus  de  passion  que  de  raison,  aussi 
estimé  je  qu'ils  auront  plus  de  courroux  que  d'effect. 
Et  là  dessus  j'aurois  beaucoup  de  choses  à  vous  dis- 
courir; mais,  puisque  vous  vous  délibérés  de  faire  ung 
tour  ici ,  je  le  remettrai  alors.  Et  vous  supplie  de  ne 
plaindre  poinct  ce  voyage  à  vostre  première  commo-- 
dité ,  et  je  vous  attendrai  pour  cest  effect  ici  si  longue- 


A  M.  D'EMERY.  65^ 

ment  qu'il  vous  plaira.  Quant  à  la  subvention  de 
MM.  de  Tours,  la  vérité  est  qu'il  y  en  a  clause  en 
inon  pouvoir,  que  les  sieurs  de  la  Marsillière  aussi  et 
de  Maupeou ,  subdelegués  de  moi ,  en  avoient  en- 
tamé quelque  chose  ;  ce  qui  aurait  esté  interrom- 
peu  pour  les  occasions  que  vous  entendrés  mieulx 
sur  les  lieux;  mais  cela  n'empeschera  poinct,  s'il  vous 
plaist,  que  vous  n'y  mettiés  la  main  à  bon  escient, 
suivant  la  charge  que  vous  en  avés;  n'estant  mon  in- 
tention en  cest  affaire,  sinon  que  sa  majesté  soit  se- 
courue et  assistée  pour  son  armée  estrangere,  à  quoi 
nous  avons  pensé  aulcunement  pourvoir;  mais  nous 
avons  esté  tant  et  si  vivement  poursuivis  de  lettres  et 
de  courriers,  qu'il  nous  a  falki  envoyer  partie  des  de- 
niers. Au  reste,  monsieur,  faictes  estât  de  mon  service 
que  je  vous  doibs  pour  l'alliance,  et  qui  vous  est  acquis 
pour  vostre  vertu.  Je  vous  baise  bien  humblement  les 
mains. 


XL  —  ADVIS 

Sur  V institution  cfung  enfant  que  Von  veult  nourrir 
aulx  lettres  y  envojè  a  madame  la  princesse  d'O- 
range y  h  son  instance  sur  le  subject  de  sonjîls. 

L'inclination  des  enfans  peult  plus  que  tout  l'art 
que  l'on  y  péult  apporter,  et  elle  vient  de  Dieu.  Le 
soing  des  pères  et  mères  vient  après,  qui  les  apprend 
à  prier  Dieu,  et  provoquer  ses  bénédictions,  qui  leur 
choisit  aussi  quelque  précepteur  proportionné  à  la  qua- 
lité de  l'enfant,  et  à  celle  qu'on  désire  qu'il  prenne 
estant  veneu  en  aage. 

MÉJt.  DE  DurLEs?Is-MoR^'\Y.  To:>rK  v.  5 


66  ADVIS 

Pour  exemple,  qui  est  ne  de  la  noblesse,  qui  porte 
en  soi  la  qualité  des  armes,  faiilt  que  le  train  de  ses 
estudes  tende  à  mesme  fin ,  à  sçavoir  qu'elles  aiguisent 
les  armes. 

Et  pour  ce  que  ceste  mesme  qualité  lui  peult  don- 
ner entrée  au  conseil  des  roys  et  des  plus  grands,  il 
fault  que  ses  mesmes  estudes  tendent  à  lui  faire  con- 
duire les  armes  par  prudence. 

C'est  pourquoi  il  fault  que  le  précepteur  de  per- 
sonnes nées  de  ceste  condition,  ait  du  jugement  pour 
les  y  adresser,  pour  accommoder  leurs  estudes  à  leur 
nature  et  vocation,  c'est  à  dire  qu'il  ne  soit  pas  pédant. 

Les  mathématiciens  tiennent  que  les  arresls  qu'ils 
donnent  sur  les  nativités  des  hommes  sont  modifiés 
par  leurs  qualités.  Car  au  fils  d'ung  maçon  et  au  fils 
d'ung  prince  nés  soubs  mesme  genèse,  ils  promettent 
mesme  chose,  à  sçavoir  grandeur  et  excellence;  mais 
qui  doibvent  estre  interprétées  par  la  condition  en  la- 
quelle ils  sont  nés;  sçavoir  que  1  ung  sera  grand  archi- 
tecte ,  et  l'aultre  grand  prince. 

Le  mesme  se  peult  dire  de  la  nourriture,  selon  les 
natures  qu'elle  rencontre.  Le  labeur  du  précepteur 
appliqué  à  divers  naturels  et  diverses  vocations,  et 
proportionné  à  icelles,  produict  personnes  du  tout  di- 
verses, et  c'est  pourquoi  il  gist  infiniment  en  l'élection 
d'icelui. 

Tant,  qu'il  y  a  eu  des  anciens,  curieux,  ou  plustost 
vraiement  soigneux  de  la  nourriture  de  leurs  enfans, 
qui  leur  ont  choisi  leurs  nourrices ,  comme  premiers 
précepteurs:  estant  certain  que  nostre  nature  corrom- 
peue  ne  peult  estre  redressée  de  trop  bonne  heure ,  et 
relient  tousjours  soit  bien,  soit  mal,  et  plustost  mal 
que  bien ,  ce  qu'elle  aura  le  premier  appris. 


ENVOYÉ  A.  LA.  PRINCESSE  D'ORANGE.  67 

Le  premier  vice  qui  paroist  aulx  enfans ,  c'est  hypo- 
crisie, c'est  à  dire  desguisemeiit  de  leurs  faultes;  car 
l'homme  pesche  naturellement,  et  naturellement  a 
honte  de  sa  faulte. 

C'est  pourquoi  il  n'y  a  rien  si  nécessaire  que  de  leur 
donner  une  honneste  liberté  et  privante;  soubs  celle 
là  ils  descouvrent  leur  naturel ,  leurs  mauvaises  incli- 
nations, et  on  a  moyen  de  les  leur  reprimer  tout  doul- 
cement.  La  servitude,  subjection  et  crainte  servile  les 
leur  faict  cacher,  de  sorte  qu'ils  ont  prins  une  habi- 
tude, premier  qu'on  s'en  soit  peu  appercevoir. 

La  première  instruction  c'est  de  craindre  Dieu ,  le 
commencement ,  le  milieu  et  la  fin  de  sapience.  En  après 
leur  apprendre  à  bien  faire  à  ung  chncung;  defFendre 
que  l'on  ne  tienne  propos  mauvais  devant  eulx ,  car 
ils  s'impriment  profondement  en  cest  aage,  s'entretenir 
au  contraire  de  bons.  Sans  y  penser,  ou  qu'on  y  pense, 
ils  en  profictent  ;  estant  tout  certain  que  les  enfans 
prennent  la  couleur  soit  du  bien ,  soit  du  mal ,  sans  y 
penser. 

La  partie  qui  se  doibt  plus  exercer  en  l'enfant,  c'est 
la  mémoire.  Car  en  l'imperfection  de  son  aage,  elle  est 
en  sa  perfection. 

En  apprenant  à  lire,  que  ce  soit  sur  de  bons  livres 
et  utiles,  sur  les  plus  mouelleux  traictés  de  la  Bible, 
sur  les  préceptes  moraulx  des  anciens.  Lors  il  n'y  pense 
poinct ,  et  la  mémoire  les  ramentoit  quelque  temps 
après  au  jugement,  qui  en  faict  son  profict. 

Il  y  a  quelques  livres  d'histoires  et  aultres,  où  il  v  a 
des  peintures  qui  délectent  cest  aage,  l'obligent  à  lire, 
et  à  en  scavoir  l'interprétation,  et  lui  fault  tourner  en 
jeu  ce  qui  lui  seroit  labeur  aultrement. 

Venant  à  apprendre  les  langues,  le  fault  charger  an 


68  ADVIS 

commencement  de  préceptes,  puis  le  faire  venir  aulx 
livres,  sur  lesquels  il  practiquera  ceulx  qu'il  aura  ap- 
pris, et  apprendra  par  usage  les  aultres.  Comme  il  sera 
ung  peu  advancé,  lui  fault  faire  courre  les  préceptes 
exacts  desdictes  langues ,  lesquels  il  n'eust  peu  dévo- 
rer tous  ensemble;  et  estant  faict  desjà  aulx  plus  gros- 
siers, se  rendra  capable  de  ceulx  qui  lui  restoient  fort 
aisément. 

Sortant  des  rudesses  de  la  langue  latine,  et  prenant 
jà  plaisir  à  l'entendre,  le  faidt  faire  entrer  en  celle  de 
la  grecque  et  ainsi  consequemment  de  Thebraïque.  Car 
de  lui  faire  digérer  les  difficultés  de  deux  langues  en- 
semble, on  le  confondroit.  Mais  le  plaisir  qu'il  a  d'une 
qu'il  commence  à  entendre,  lui  faict  passer  les  diffi- 
cultés de  celle  qu'il  n'entend  poinct  ;  espérant  sortir  de 
l'une  non  moins  que  de  l'aultre. 

Les  langues  se  peuvent  apprendre  sur  les  histoires; 
et,  ce  faisant,  la  mémoire  s'exerce  doublement  en  la 
chose  et  en  la  diction. 

Les  histoires  se  peuvent  lire  de  temps  en  temps  par 
l'ordre  des  siècles  et  des  monarchies;  et  afin  que  de 
bonne  heure  il  commence  à  concevoir  le  corps  de  l'uni- 
vers et  la  suite  des  temps  ,  est  à  propos  de  lui  lire  une 
cosmographie  légèrement,  et  mie  chionique  comme 
celle  de  Melancthon  ,  et  la  lui  faire  puis  après  practi- 
tiquer  sur  les  histoires  qu'il  lit  de  temps  en  temps. 

Comme  aussi,  quand  il  aura  leu  la  pluspart  et  les 
plus  notables  histoires  selon  leur  entresuite,  lui  faire 
relire  ladicte  chronologie  pour  se  les  remettre  en  mé- 
moire tout  en  ung  coup. 

Le  précepteur  lui  doibt  lire  ses  leçons,  et  sur  icelles 
lui  faire  practiquer  la  grammaire,  la  rhétorique,  la 
dialectique,  selon  qu'il  est  peu  ou  moins  advancé  en 


ENVOYÉ  A  LA  PRINCESSE  D'ORANGE.  69 

icelles.  Car  en  lisant  les  livres ,  dès  lors  que  son  aage 
s'advance  ,  il  fault  qu'il  passe  par  ses  arts. 

Mais  il  est  à  propos,  parce  que  les  langues  sont 
longues,  que  l'enfant  comme  il  commence  à  entendre 
ait  ses  petites  lectures  à  part,  ordonnées  par  le  pré- 
cepteur, de  quelque  livre  aisé,  oii  il  s'essaye  de  soi 
niesme;  car  son  esprit  s'y  plaist  d'aultant  plus  qu'il  les 
lit  plus  librement,  et  s'il  y  rencontre  quelques  mots  ou 
passages  qu'il  n'entende  poinct,  qu'il  en  fasse  extrait 
pour  les  demander  au  précepteur  ;  et  ce  n'est  pas 
ung  petit  abrégé,  ni  pour  les  histoires,  ni  pour  les 
langues. 

Jusques  à  quatorze  ans  est  le  règne  de  la  mémoire. 
Le  jugement  doibt  eslre  exercé  de  là  en  avant  princi- 
palement; et  pour  ce  je  serois  d'advis  que  jusques  à 
quatorze  ans,  ung  enfant  s'exerrast  à  apprendre  des 
langues  tout  ce  qu'il  [)Ourroit. 

De  là  en  avant,  qu'il  se  contentast  de  polir  celles 
qu'il  auroit  apprises,  sans  en  apprendre  aulcune  nou- 
velle, sinon  autant  que  par  la  hantise  des  pays  estran- 
gers  il  les  acquerroit  par  usage. 

Les  mathématiques,  j'entends  l'arithmétique,  géo- 
métrie théorique  et  practique ,  musique,  connoissance 
de  la  sphère  et  de  l'astrolabe  ,  sont  encores  de  cest 
aage.  L'utilité  y  est  meslee  avec  le  plaisir,  mesme  si 
on  l'exerce  aulx  mesures  et  en  la  practique  des  instru- 
mens;  ce  que  j'estime  nécessaire,  n'y  ayant  règle  plus 
certaine  pour  faire  estudier  et  profîcter  les  enfans  que 
de  leur  en  donner  l'envie,  ni  rien  pUjs  à  propos  pour 
la  leur  donner  que  de  leur  en  faire  prendre  plaisir  - 
ouitre  ce  que  plustost  ils  auront  practique,  et  mieulx 
ils  le  scauront  à  l'advenir  quand  ils  en  auront  besoin  « 

'A  t>' 


yo  ADVIS 

ou  pour  la  guerre,  ou  pour  nultre  usnge,  selon  Icuf 
vocation. 

La  peinture  s'apprend  avec  plaisir  en  cest  aage  et 
aulx  heures  du  jeu  ,  si  on  la  commence  par  choses 
aisées  ,  qui  attireront  après  les  plus  difficiles.  Fault 
seulement  avoir  esgard  qu'ils  ne  soient  tendres  de  la 
veue. 

Il  y  a  quelques  livres  qui  contiennent  par  chapitres 
les  noms  et  phrases  de  chasque  mestier  par  classes  , 
comme  d'Adrianus  Junius  et  aultres;  et  se  jouant  ung 
enfant  en  apprendra  ung  chapitre  par  jour,  principa- 
lement s'il  y  en  a  d'aultres  qui  lui  donnent  émulation, 
et  cela  se  fera  mesme  hors  les  heures  de  son  estude. 

Il  est  nécessaire  qu'il  sçache  ses  leçons  par  cœur, 
qu'il  les  prononce  avec  asseurance ,  qu'il  traduise  sou- 
vent d'une  langue  en  l'aultre ,  qu'il  parle  latin  ordi- 
nairement ,  car  c'est  le  truchement  commun  ;  qu'il 
s'exerce  en  vers  et  en  prose,  comme  sur  les  epigrammes 
grecques;  et  comme  le  jugement  lui  croistra,  qu'il 
essaye  quelque  chose  de  soi-mesme  sur  quelque  subject 
qu'on  lui  baillera,  sauf  à  aider  ses  conceptions,  et  à 
lui  monstrer,  pom^  lui  ouvrir  l'esprit,  ce  qui  sepourroit 
faire  de  mieulx. 

Pour  la  langue  latine  ,  je  prise  Ciceron ,  César  , 
Saluste.  Qu'il  apprenne  en  Tacitus  à  serrer  ses  mots, 
et  ses  sentences  plus  gravement  ;  en  Pline  les  termes 
de  toutes  choses  ;  en  Seneque  les  mœurs ,  avec  les 
mots;  entre  les  poètes  Virgile  et  Horace.  Qu'on  neJui 
lise  jamais  rien  de  sale.  S'il  s'en  rencontre  quelque 
mot,  qu'il  n'en  entende  que  la  superficie. 

Je  dis  le  mesme  pour  les  aucteurs  grecs ,  esquels  j'ap-, 
prouve  Isocrate,  Demoslhene,   Xenophon,    et   pour 


ENVOYÉ  A  LA  PRINCESSE  D'ORANGE.  7  i 

les  mots  et  pour  les  choses.  Thucidide  après  pour 
roidir  son  slile.  Et  quant  aux  poètes,  Hésiode,  Ho- 
mère, Theognis  ,  Phocyllides,  et  semblables  se  peuvent 
apprendre  par  cœur  pour  l'issue  de  table,  comme  les 
Proverbes  de  Salomon  et  semblables. 

Je  reviens  à  la  qualité  de  celui  dont  sera  question , 
qui  pour  tout  ccst  estude  ne  doibt  laisser  d'estre  nourri 
es  compagnies  conformes  à  sa  naissance  et  sa  voca- 
tion, les  lettres  estans  introduictes  pour  apprivoiser, 
et  non  pas  pour  estranger  les  hommes  ,  non  pour 
esmousser  leurs  qualités  naturelles,  mais  pour  les  ai- 
guiser. 

Et  pourtant  en  destrempant  ses  estudes  avec  plaisir 
ne  lairra  d'estre  duit  aux  jeux  et  exercices  de  son  aage, 
et  de  se  polir  en  iceulx,  comme  es  lettres  (encores  que 
je  confesse  qu  il  est  malaisé  de  tenir  tel  tempérament 
en  ung  enfant,  que  Tung  ne  soit  à  la  diminution  de 
l'atdtre);  mais  non  tant  qu'il  se  rende  hebeté  d'ung 
costé,  si  tant  est  qu'il  s'aiguise  davantage  de  l'aultre , 
et  l'aage  puis  après  supplée  à  tous  les  deux. 

C'est  ce  que  j'ai  pensé  de  plus  propre  pour  l'aage 
dont  il  est  question.  Sauf  à  en  dire  plus  s'il  est  agréa- 
ble, et  selon  que  je  profiterai,  ou  que  le  subject  pro- 
fitera de  plus  en  plus. 


XII.  —  LETTRE 

De  madame  la  princesse  d'Orange  a  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  il  y  a  quelque  temps  que  M.  de  Buzanval 
m'envoya  ung  discours  qu'il  vous  avoit  pieu  faire  faire 
de  la  manière  qui  a  esté  teneue  en  la  nourriture  de 


72  LETTRE  DE  LA.  PRINCESSE  D'ORANGE,  eic. 
Yostre  fils.  M.  de  Turenne  et  ledict  sieur  de  Biizanval, 
et  infinis  aultres  m'ont  faict  ung  si  bon  rapport  de  la 
grande  espérance  que  donne  une  si  belle  jeunesse , 
que  cela  me  feit  extrêmement  désirer  de  pouvoir  faire 
eslevcr  mon  fils  à  son  imitation,  et  prier  M.  de  Bu- 
zanval  de  vous  en  escrire  comme  il  feit;  dont,  mon- 
sieur, je  vous  rends  infinies  grâces  de  ce  qu'il  vous  a 
pieu  en  cela  me  rendre  une  preuve  du  soing  que  vous 
avés  du  fils ,  dont  je  sçais  que  vous  avés  tant  aimé  le 
père  et  le  grand  père.  Je  garde  bien  chèrement  ce  dis- 
cours, avec  regret  que  je  ne  puis  commencera  le  mettre 
en  practique.  Mais  nous  sommes  ici  en  ung  pays  si  sté- 
rile d'hommes  propres  pour  la  nourriture  d'une  jeu- 
nesse, que  je  désespère  d'en  pouvoir  trouver  tant  que 
j'y  demeurerai,  et  malaisément  ailleurs,  s'il  ne  vous 
plaist,  comme  je  vous  en  supplie  humblement,  m'aider 
à  ung  si  bon  œuvre,  et  que  par  vostre  moyen  j'en  puisse 
recouvrer  quelqu'ung  digne  d'une  telle  charge.  Aussi, 
monsieur,  si  je  suis  si  heureuse  de  vous  pouvoir  faire 
service,  emploj-és  moi,  je  vous  supplie,  comme  la 
personne  du  monde  qui  honore  le  plus  vostre  vertu  , 
et  que  vous  trouvères  toujours  la  plus  humble  et  affec- 
tionnée à  vous  obéir. 

Louise  de  Colligny. 

A  Mklelbourg,  ce  .  ,  juillet. 


XIII.  —  ^  DECLARATION 

Du  clergé  de  France. 

Du  2 1  septembre  1 59 1 . 
Les  cardinaulx,  archevesques  et  evesques,  abbés, 
chapistres  et  aultres  ecclésiastiques,  convoqués  et  as- 


DECLARATION  DU  CLKRGÉ  DE  FRANCE.  yS 
semblés  à  Mantes  et  depuis  à  Chartres,  pour  adviser  et 
pourvoir  aulx  affaires  de  l'Eglise  ; 

A  tous  les  estats,  ordres,  -villes  et  peuples  catho- 
liques de  ce  royaulme,  salut. 

L'apostre  parlant  aulx  pasteurs  de  l'Eglise,  Prenez, 
dict  il,  garde  à  vous ,  et  à  tout  le  trouppeau  sur  lequel 
Dieu  vous  a  establis  pour  régir  et  gouverner  son  Eglise , 
qu'il  a  acquise  par  son  sang  ;  ce  que  recognoissant  estre 
de  nostre  debvoir,  et  de  ne  souffrir  les  aines  chres- 
tiennes  qui  sont  soubs  nostre  charge,  se  divertir  des 
loix  et  commandemens  de  Dieu. 

Advertis  que  nostre  sainct  père  Grégoire  XIV,  à  pré- 
sent séant,  mal  informé  de  Testât  des  affaires  de  ce 
royaulme  et  de  nos  deportemens,  auroit,  par  les  prac- 
tiques  et  artifices  des  ennemis  de  cest  estât,  esté  per- 
suadé d'envoyer  quelques  moiiitoires  ,  suspensions  , 
interdicts  et  excommunications,  tant  contre  les  prélats 
et  ecclésiastiques  que  contre  les  princes,  nobles  et 
peuples  de  France,  qui  ne  voudroient  adhérer  à  leur 
faction  et  rébellion. 

Apres  avoir  conféré  et  mûrement  délibéré  sur  le 
faict  de  ladicte  bulle,  avons  recogneu  par  l'auctorité 
de  l'Escriture  saincte,  des  saincts  décrets,  conciles 
generaulx  ,  constitutions  canoniques  et  exemples  des 
saincts  pères,  dont  l'antiquité  est  pleine,  droicts  et 
libertés  de  l'Eglise  gallicane,  desquels  nos  prédécesseurs 
cvesquessesonttousjoursprevaleus  et  defendeus  contre 
pareilles  entreprises,  et  par  l'impossibilité  de  l'exécu- 
tion de  ladicte  bulle,  pour  les  inconveniens  infinis  qui 
en  suivroient  au  préjudice  et  ruyne  de  nostre  relligion  ; 

Que  lesdicts  monitoires,  interdictions,  suspensions 
et  excommunications  sont  nulles,  tant  en  la  forme 
qu'en  la  matière,  injustes  et  suggérées  par  les  arti- 


74  DECLARATION 

fices  des  eslrangers  ennemis  de  la  France  ,  et  qu'elles 
ue  nous  peuvent  lier  ni  obliger,  ni  aultres  François 
catholiques  estant  en  l'obéissance  du  roy. 

Dont  nous  avons  jugé  de  nostre  debvoir  et  charge 
devons  advertir;  comme  par  ces  présentes,  sans  en- 
tendre rien  diminuer  de  Thonneur  et  respect  deu  à 
nostre  sainct  père,  vous  advertissons ,  le  signifions  et 
déclarons,  afin  que  les  plus  infirmes  d'entre  vous  ne 
soient  circonveneus,  abusés  ou  divertis  de  leur  debvoir 
envers  leur  roy  et  leurs  prélats,  et  lever  en  cela  tout 
scrupule  de  conscience  aux  bons  catholiques  et  fidèles 
François. 

Nous  reservant  de  représenter  et  faire  entendre 
à  nostre  sainct  père  la  justice  de  nostre  cause  et  sainctes 
intentions,  et  rendre  sa  saincteté  satisfaicte,  de  la- 
quelle nous  nous  délavons  promettre  la  mesme  res- 
ponse  que  feit  le  pape  Alexandre,  escrivant  ces  mots 
à  l'archevesque  de  Ravennes  :  «  Nous  porterons  pa~ 
«  tiemment  quand  vous  n'obeirés  à  ce  qui  nous  aura 
«esté,  par  mauvaise  impression,  suggéré  et  per- 
ce suadé.  » 

Cependant  nous  admonestons ,  au  nom  de  Dieu , 
tous  ceulx  qui  font  profession  d'estre  chrestiens ,  vrais 
catholiques  et  bons  François ,  et  particulièrement  ceulx 
de  nostre  profession,  de  joindre  leurs  vœux  et  pryeres 
aulx  nostres ,  pour  impetrer  de  sa  divine  bonté  qu'il 
lui  plaise  illuminer  le  cœur  de  nostre  roy  ,  et  le  reunir 
à  son  Église  catholique  ,  apostolique  et  romaine , 
comme  il  nous  en  a  donné  l'espérance  des  son  advene- 
ment  à  la  couronne,  et  promis,  par  ses  déclarations, 
de  conserver  nostre  relligion  et  les  ecclésiastiques  en 
toutes  leurs  libertés,  auctorités  et  franchises ,  et  que 
nous  soyons  si   heureux  de  voir  l'Église  catholique. 


DU  CLERGÉ  DE  FRANCE.  7  5 

apostolique  et  romaine,  et  ce  royaulme  florir ,  comme 
aiij3aravant ,  par  une  bonne  et  saincte  paix.  Faict  en 
îadicte  assemblée  à  Chartres,  le  21  du  mois  de  sep- 
tembre iSgi. 

Et  mandé  à  tous  curés  ou  leurs  vicaires  publier  la 
présente  déclaration  en  leurs  prosnes  et  par  affiches  es 
portes  d'églises. 


XIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  SERVIN 

j4  m.  Duplessis. 

Du  22  septembre  iSgi. 

Monsieur  ,  il  s'est  présenté  quelques  officiers  pour- 
•veus  d'estats  d'offices,  à  Poictiers  et  en  aultres  lieux, 
pour  se  faire  recevoir  en  la  court ,  comme  tenant  de 
la  court  des  aydes  ;  mais  d'autant  qu'ils 
sont  de  la  relligion ,  soubs  ombre  de  la  clause  portée 
par  l'edict  de  revocation  des  edicts  de  la  Ligue 
faicls  es  années  1 5 .  .  et  1 5 .  .  ,  en  ces  mots  :  Pour 
estre  les  edicts  de  pacification  exécutés ,  gardés  et 
observés  inviolablement  par  tous  les  pays ,  etc.,  comme 
ils  estoient  du  vivant  du  feu  roy,  et  lors  de  la  revo- 
cation d'iceulx. 

A  ceste  cause  il  se  trouve  de  la  difficulté,  à  la- 
quelle, pour  mon  regard,  je  ne  m'arresterois  pas;  et 
si  j'estois  seul,  il  en  iroit  aultrement.  Mais  je  suis  em- 
porté de  deux,  et  principalement  d'ung  qui  faict  le 
catholique  (i),  usque  ad  superstitionem .  Quant  à 
raultre(2),  il  dict  qu'en  sa  conscience  il  estime  qu'il 

(1)  C'étoit  l'advocat  Seguier. 

(2)  Le  procureur  gênerai  La  Gueste. 


76  LETTRE  DE  M.  SERVIN 

est  du  bien  du  service  du  roy  de  temporiser,  et  ne 
recevoir  encorcs  ceulx  de  ceste  qualité,  es  officiers 
royanlx,  jusques  à  ce  qu'il  y  ait  esté  pourveu  par 
le  roy. 

De  ma  part,  j'ai  soubsteneu  que  nostre  roy  estant 
de  la  qualité  ,  puisque  nous  le  recognoissons,  comme 
nous  ne  pouvons  ni  ne  debvons  aultrement,  il  semble 
que  c'est  s'attaquer  à  sa  majesté  de  faire  difficulté  à 
ses  subjects  pourveus  par  elle.  D'ailleurs,  qu'il  est  rai- 
sonnable que  ceulx  qui  ont  fidèlement  servi  sa  majesté 
du  temps  qu'elle  estoit  affligée,  soient  recogneus  et 
participent  aulx  honneurs  et  dignités  ;  et  puisque  nous 
sommes  tous  unis  soubs  la  vraye  union  et  obéissance 
d'ung  mesme  prince,  idem  jus  esse  debere ,  peccan- 
tihiis  quodforlibas. 

Davantage,  j'ai  remonstré  qu'il  ne  fault  attendre 
que  sa  majesté  soit  suppliée ,  parce  que  ce  soit  une 
espèce  de  parti  qui  se  formeroit,  ce  que  nous  deb- 
vons empesclier  comme  tous  bons  subjects  et  servi- 
teurs de  sa  majesté  et  de  lestât,  veu  que  nostre  roy 
est  seul  chef  de  tous  ses  subjects.  En  dernier  lieu,  j'ai 
représenté  ung  quatriesme  poinct  fort  considérable , 
soubs  vostre  meilleur  advis,  qui  est,  qu'il  ne  fault 
rejetter  l'envie,  si  aulcune  y  a,  sur  sa  majesté;  ne  la 
contraindre  à  faire  une  déclaration  ,  l'esdict  estant 
assés  précis  et  formel.  Joinct  qu'il  importe  que  nul, 
mesme  nos  ennemis,  ne  pense  que  ceste  double  se 
soit  formée  pour  ne  faire  cognoistre  qu  il  y  ait  de  la 
division  entre  les  serviteurs  de  sa  majesté. 

Toute  ceste  contestation  n'a  esté  qu'en  nostre  par- 
quet, et  je  n'ai  voulleu  m'ouvrir  en  plein  parlement , 
jusques  à  ce  que  j'aye  vostre  advis ,  non  que  je  craigne 
ce  qu'aulcungs  qui  me  veullent  mal,  sèment  en  plu- 


A  M.  DUPLESSÎS.  77 

sieurs  endroiéts  à  l'encontre  de  moi,  disant  que  je  suis 
suspect  aux  bons  catholiques,  religionis  nomine.  Mais 
d'autant  que  je  ne  veulx  faire  de  mon  seul  advis  ung 
acte  si  important,  que  de  protester  en  la  face  de  la 
court  sur  cest  article,  sans  premièrement  en  avoir 
conféré  avec  vous ,  que  je  sçais  estre  plein  d'affection 
et  de  bon  jugement,  en  ce  qui  concerne  le  bien  du 
service  de  sa  majesté  et  de  cest  estât.  J'attendrai  donc 
vostre  response,  vous  suppliant  tenir  sa  majesté  adver- 
tie  de  ce  qui  se  passe  par  deçà ,  où  je  suis  fort  em- 
pesché  par  ceulx  qui  debvroient  assister  à  mes  des- 
seings,  lesquels  ne  tendent  qu'à  ce  que  sa  majesté  peult 
attendre  de  nous. 

Tout  ce  que  j'ai  peu  obtenir  a  esté  de  proposer  à  la 
court  la  difficulté  pour  la  mettre  en  délibération  sur 
ce  que  j'avois  appris  que  beaucoup  de  gens  de  bien 
se  trouveroient  disposés  pour  la  resouldre.  Mais  enfin 
ceulx  qui  avoient  trouvé  bon  cest  expédient  n'ont 
persisté  en  leur  opinion  ;  et  hier  dressèrent  une  lettre 
pour  en  demander  advis  à  M.  le  chancelier;  et  parce 
que  j'ai  veu  qu'ils  voulloient  escrire  que  je  pretendois 
faire  vuider  en  parlement  ce  qui  debvoit  estre  pre- 
mièrement sceu  par  ledict  sieur  chancelier,  j'ai  pensé 
qu'il  ne  fauldroit  pas  designer  la  lettre  avec  eux.  Nous 
n'aurons,  à  mon  advis,  aulcune  response  sur  celle  de 
M.  le  chancelier.  Et  vereor  ne  omnia  referantiiv  ad 
regem  ^  quod  an  expediar^  tu  videris  ,  ego  an  expé- 
diât valde.dubilo. 

Hier  et  devant  hier,  les  sieurs  président  de  Brage- 
lonne et  Hamelot  ont  esté  remis  à  l'an,  suivant  l'ar- 
rest  de  règlement.  Il  y  en  a  d'aullres  qui  poursuivent 
pour  rentrer,  entre  aultres  le  sieur  Peletier,  fort  sus- 
pect aux  gens  de  bien,  et  qui  m'attaque  à  l'honneur , 


78  LETTRE  DE  M.  SERVIN 

sur  ce  qu'il  flict  que  j'apporte  de  l'animosité  contre 
lui.  Se  cl  in  ho  s  ho  mines  ira  s  ci  non  est  peccaiuni.  Et 
comme  Tannée  passée  j'en  sortis  honorablement  contre 
le  sieur  de  Verdun,  qui  m'avoit  aussi  voulleu  attaquer, 
au  lieu  de  se  purger,  j'attends  de  Dieu  et  de  la  court 
la  mesme  justice,  bien  qu'il  y  ait  eu  quelques  petites 
divisions  ;  mais  elles  ne  proviennent  que  de  ce  qu'il  y 
en  a  en  la  trouppe  qui  se  disent  plus  prudens,  qui 
voudroient  que  l'on  feist  comme  eulx;  et  d'autant  que  j 
tous  nous  avons  à  tendre  à  mesme  but,  si  nous  v  mar- 
clions  par  diverses  voies,  pour  les  petites  buttes,  ou 
buschettes  qui  se  rencontrent  en  chemin,  nous  n'ar- 
resterons  nostre  course. 

Pendant  que  M.  de  Sancy  a  esté  en  ceste  ville,  je 
lui  ai  communiqué  de  cest  affaire  ;  non  avec  toutes 
les  ouvertures  que  je  vous  fais,  mais  afin  de  sçavoir 
où  il  inclinoit.  Il  me  dict  qu'il  parleroit  à  quelques 
ungs  de  ceulx  de  la  relligion  qui  estoient  ici;  ce  que 
j'ai  sceu  qu'il  a  faict  ;  et  qu'il  leur  a  dict  comme  il 
m'avoit  faict  entendre  qu'il  diroit,  qu'il  estoit  bon 
qu'ils  eussent  ung  peu  de  patience.  J'ai  pensé  et  pour 
l'amitié  que  me  faictes  ce  bien  de  me  porter,  et  pour 
le  service  que  je  doibs  à  sa  majesté,  vous  debvoir 
advertir  de  ce  que  dessus. 

Excusés  la  longueur  de  mon  discours.  Sed  in  his 
optima  quoque  longissiina. 

Comme  j'achevois  ceste  lettre,  j'ai  receu  une  lettre 
de  Niort,  par  laquelle  le  lieutenant  du  siège  nous  es- 
crit  que  l'on  empesche  que  la  messe  n'y  soit  dicte,  .. 
et  ledict  lieutenant  demande  ung  arrest  de  la  court. 
C'est  ung  prétexte  que  prennent  ceulx  qui  escrivent  à 
M.  le  chancelier,  disant  qu'il  fault  exécuter  l'edict  pour 
la  relligion,  devant  que  Ton  en  puisse  demander  Texe^ 


A  M.  DUPLESSIS.  7g 

CLition  pour  les  réceptions  de  ceulx  qui  se  prétendent, 
ou  seront  y  «après  pourveus  d'offices. 

Je  ^ous  envoyé  la  copie  de  la  remonstrance  que  j'ai 
faicte  sur  Fedict;  vous  verres  que  je  me  suis  accom- 
modé au  lieu  011  je  parlois,et  n'ayant  à  persuader  aulx, 
gens  de  bien  catholiques  et  aulx  serviteurs  du  roy  qui 
sont  de  la  relligion,  que  l'edict  fust  sainct,  juste  ,  utile 
et  nécessaire,  j'ai  estimé  debvoir  instruire  le  plus  po- 
pulairement que  j'ai  peu  ces  gros  catholiques  qui  res- 
tent ici,  qui  ont  cncores  du  vieil  levain  de  supers- 
tition, et  leur  ai  rapporté  l'auctorité  de  sainct  Martin 
et  du  pape  saint  Grégoire  I"  pour  combattre  Grégoire, 
soi  disant  pape,  XIV. 

Je  vous  envoyé  aussi  des  vers  latins  que  j'ai  faicts  en 
me  jouant,  et  attendant  que  j'aye  parachevé  le  Her- 
cules christianus,  contra  leones  romanos.  Vous  pouvés 
avoir  des  nouvelles  de  ce  que  le  clersfé  a  esté  à  Chartres, 
Je  vous  supplie,  si  quelques  copies  de  leurs  resolutions 
vous  ont  esté  envoyées,  m'en  voulloir  faire  part,  d'au- 
tant qu'au  lieu  de  ce  que  j'ai  commencé  a  escrire  deux 
Tr^ictés  contre  le  pape,  pour  nionstrer  qu'il  n'a  aulcung 
pouvoir  sur  le  temporel  des  princes  mesmes  en  France, 
et  pour  limiter  son  pretendeu  pouvoir  au  spirituel ,  et 
le  réduire  ad  legilimum  modiim ,  je  pourrai  changer 
l'inscription,  et  faire  cognoistre  la  mesme  chose  contre 
les  menées  de  ceulx  qui  ont  parlé  en  l'assemblée  dudict 
clergé  aultrement  qu'ils  ne  debvoient.  Je  ne  m'estois  ja- 
mais promis  grand  fruict  de  ceste  assemblée. 

Dieu  fera  la  grâce  au  roy,  que  par  la  force  de  sa 
sagesse,  veritas  omnes  sanabit.  Cependant  je  supplie 
sa  divine  bonté  vous  donner,  etc. 


8o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

XV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M,  Servin. 

Du  24  septembre  i5gi. 
Monsieur,   pour  response    aulx,   vostres   je   vous 
dirai  que  je  ne  vois  poinct  qu'il  y  ait  subject  de  re- 
jetter  des  estats  ceulx  de  la  relligion,  soubs  ombre  de 
ces  mots,  comme  ils  esloient  du  vivant  du  feu  roj  ; 
car,  oultre  les  exemples  qu'il  y  a  de  plusieurs  receus  en 
diverses  charges,  il  est  évident  que,  de  droict,  par  l'edict 
ils  y  estoient  admissibles,  encores  que,  de  faict,  par  la 
contravention  des  exécuteurs  d'icelui,  la  pluspart  en 
feussent  refusés,  et  la  rigueur  du  temps  et  des  per-    1 
sonnes  d'alors  ne  leur  peult  ni  doibt  prejudicier  à  pré- 
sent. En  après  il  est  certain  et  évident  que  l'intention 
du  roy  et  de  son  conseil  a  esté  de  faire  par  cest  edict 
dernier  quelque  chose  pour  le  contentement  de  ceulx 
de  la  relligion,  desquels  au  contraire  la  condition  seroit 
pire  que  pendant  la  trefve ,  par  laquelle  les  officiers  de 
la   relligion  estoient  receus   es  villes  ,    places  et  pro- 
vinces qui  avoient  prins  les  armes  soubs  le  roy  à  pre-    1 
sent.  Et  ne  vois  poinct  quel  privilège  aultre  que  celui  là 
leur  soit  octroyé  ni  acquis  par  cest  edict;  oultre  ce 
que  c'est  comme  une  note  à  sa  majesté  et  ung  subject 
aulx  ennemis  d'alléguer  exception  contre  sa  royaulté  ,     | 
si  elle  est  teneue  telle  es  offices  de  son  royaulme,  contre 
ceux  qui  font  mesme  profession.  S'ils  en  sont  excleus, 
soit  par  arrests  prononcés ,  soit  par  simples  refus  ,  ils 
se  retireront  vers  sa  majesté,  pour  sur  ce  déclarer  sa 
vollonté,  et  ne  peuvent  aultrement.  Je  vous  dirai  plus, 
qu'il  seroit  trouve  estrange  par  tous  les  plus  certains 


A  M  SERVIN.  8l 

alliés  de  sa  majesté,  qu'elle  decicfast  ceste  question 
aultrement  qu'à  leur  profict ,  soit  pour  l'interest  de 
sa  majesté ,  soit  pour  la  justice  de  la  chose.  A  quoi 
j'adjousterai  ce  que  vous  dictes  mesmes  que  cela  pour- 
roit  donner  lieu  à  une  requeste  de  mauvais  exemple. 
Et  j'estimerai  tousjours  plus  à- propos  que  les  princes 
préviennent  les  plainctes  de  leurs  subjects,  que  de 
les  recevoir.  Quant  à  temporiser,  il  y  a  deux  ans  que 
nous  sommes  là  dessus;  et  je  ne  vois  poinct  que 
le  temps  fasse  les  hommes  plus  traictables.  Au  con- 
traire, chaque  jour  y  apporte  son  animosité  et  sa  ma- 
lice; tellement  que  j'estime  que  le  différend  ne  peult 
estre  trop  tost  vuidé.  Bien  serois  je  de  vostre  advis  que 
messieurs  de  la  court,  qui  en  recognoissent  l'équité, 
le  finissent,  plustost  que  de  le  renvoyer  à  sa  majesté 
pour  la  charger  de  nouvelle  envie ,  encores  que  la 
pluspart  de  ceulx  qui  s'en  offenseront,  ne  seront  ja- 
mais satisfaicts  que  par  sa  ruyne-,  ou  par  nostre  exter- 
mination. En  somme,  croyez,  monsieur,  que  cela  ne 
peult  demeurer  ainsi  ;  et  que  nul  ne  sçauroit  empes- 
cher  que  quelqu'ung  ne  fasse  pour  son  interest  inter- 
préter la  clause,  laquelle  peult  estre  ne  le  peult  estre 
plus  à  propos  que  maintenant.  Quant  à  ce  qu'on  dict 
qu'il  fault  faire  exécuter  l'edict  en  ce  qui  est  de  la  rel- 
ligion  premier,  et  qu'on  allègue  le  faict  de  Niort  (i), 
premièrement,  je  ne  vois  poinct  qu'ung  article  doibve 
empescher  l'aultre;  secondement,  le  faict  de  la  relli- 
gion  doibt  estre  exécuté  des  deux  costés,  au  profict 
de  l'ung  et  de  l'aultre,  et,  par  ainsi,  l'ung  entre  en 
caution  pour  l'aultre.  Au  contraire ,  si  on  voit  que 
d'abordée  on  excleue  ceulx  de  la  relligion  des  charges. 


(i)  Où  on  empeschoit  que  Ja  messe  ne  se  dist. 
MÉM.  DE  Di;rtEssis-MoKSAY.  Tome  v. 


82  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

on  s'arrestera  là  dessus  tout  court ,  voyant  que  c'est 
comme  Tanéantissement  total  de  l'edict ,  auquel  ceulx 
de  la  relligion  n'ont  presque  aultre  profict  pour  le 
présent  que  cestui  là.  Considérés  aussi  que  vous  leur 
ostés  les  chambres,  qui  leur  faisoient  justice  en  corps; 
et  ne  leur  pouvés  moins  laisser  qu'une  entrée  aux  of- 
fices de  justice,  afin  que  pour  le  moins  ils  aient  quel- 
qu'ung  aulx  compagnies,  qui  tienne  la  main  qu'injus- 
tice ne  leur  soit  faicte.  C'est,  monsieur,  ce  que  je  vous 
puis  dire  succinctement  sur  ce  faict.  Au  reste,  je  lirai 
vostre  remonstrance ,  et  vous  remercie  de  vos  beaulx 
vers;  et  si  je  receois  les  mémoires  de  ce  qui  s^est  faict 
en  l'assemblée  (i),  je  ne  fauldrai  de  les  vous  envoyer. 
Je  n'en  ai  que  quelques  extraicts ,  tels  que  vous  aurés 
peu  voir  premier  que  moi.  J'aurois  à  vous  dire  là  des- 
sus plusieurs  choses  ,  mais  qui  excederoient  la  mesure 
d'une  lettre.  Je  salue,  etc. 


XVI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  vicomte  de  Tureîine. 

Du  3  octobre  iSgi. 
Monsieur,  ceste  lettre  sera  longue;  mais  prenés  la 
peine  de  la  bien  considérer.  Je  loue  Dieu  de  vostre  ar- 
rivée. J'ai  bien  eu  de  la  peine  à  saulver  ce  peu  que 
nous  avons  ;  car  il  y  avoit  desseing  de  le  perdre.  Enfin 
je  pense  vous  mener  soixante  mille  escus,  et  partirai 
sans  faillir  le  vingtiesme  d'octobre.  Mais  faictes,  s'il 
vous  plaist,  que  ce  porteur  me  soit  tost  renvoyé;  car 
j'ai  besoing  d'une  déclaration  pour  les  aides,  qui  nous 

(i)  Du  clergé  à  Chartres. 


A  M  LE  VICOMTE  DE  TURENNE.  83 

engendrera  dix  mille  escus  presens,  et  vingt  mille  ci 
après;  et  povn^  la  sceller,  escrivés  à  monsieur  le  chan- 
celier de  bonne  encre.  Je  vous  advise  que  l'on  veult 
affecter  l'aliénation  du  domaine  de  Normandie  pour 
les  debtes  des  Suisses.  C'est  la  province  la  plus  riche 
et  la  plus  nette;  où  le  domaine  est  le  plus  grand  ,  et 
se  peult  vendre  sans  rembourser,  parce  que  les  ventes 
n'en  ont  esté  qu'imaginaires.  Faictes  qu'elle  soit  ré- 
servée pour  l'armée  ,  et  vous  en  tirerés  cent  mille  escus 
dans  peu  de  temps.  On  vous  parlera  de  l'edict  de  vente 
perpétuelle  du  domaine  au  denier  vingt  cinq.  Il  a  esté 
refusé  en  ceste  court ,  et  avec  de  grandes  raisons.  Quand 
il  seroit  accepté,  il  seroit  inutile;  car,  à  mesme  prix  , 
on  acheptera  des  particuliers  plus  commodément,  plus 
seurement.  Je  vous  dis  ceci  ;  car  ce  n'est  assés  d'avoir 
esclos  une  armée  :  il  la  fault  entretenir,  ou  pour  for- 
mer la  paix,  ou  pour  finir  la  guerre.  Je  vous  supplie 
très  humblement,  monsieur,  de  bien  considérer  les 
mémoires  que  j'envoie  à  sa  majesté,  non  m'ingerant, 
mais  requis  par  les  principaulx  de  sa  court  de  parle- 
ment, et  par  ses  meilleurs  serviteurs.  C'est  le  fonde- 
ment d'ung  parti  :  plusieurs  y  apportent  leur  pierre. 
Faulte  de  meilleures  estoffes ,  il  s'édifie  de  despits,  de 
jalousies,  de  folles  ambitions,  de  mauvais  zèles,  de 
consciences  infirmes,  de  foibles  courages,  de  lassitudes 
de  guerre,  etc.  Foiblesses  de  corps  ou  d'esprits,  qui 
ne  peuvent  consister  devant  prudence ,  ni  vertu ,  et 
ne  peuvent  croistre  que  par  les  trop  négliger.  Je  vous 
en  ouvre  les  remèdes  avec  ladvis  des  plus  sages;  et  les 
conséquences  iront  plus  loing  que  les  propositions. 
Pensés  que  ce  n'est  pas  peu  d'opposer  ung  parlement  à 
l'audace  du  clergé  ;  d'apprendre  qu'on  se  peult  passer 
de  pape  en  France;  comme  celui  dans  Tacite,  qui  pre- 


84  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

mier  apprit  aulx  Romains  qu'iing  empereur  se  pouvoit 
faire  ailleurs  qu'à  Rome.  Surtout  que  sa  majesté  soit 
instruite,  sans  qu'on  sçaclie  d'où,  et  que  mes  Mémoires 
ne  passent  par  aultres  yeulx  ni  mains. 

Je  vous  dis  avec  regret  que  jamais  on  n'a  voulleu 
que  l'arrest  contre  le  pape  ait  esté  publié  à  Chartres  ; 
que  la  chambre  d'Auvergne  se  compose  du  rebut  de 
la  court ,  et  à  fraude.  Si  elle  a  lieu ,  je  vous  recom- 
mande fort  particulièrement  le  sieur  de  Vergnes,  pré- 
sident des  aides  à  Montferrand  ,  pour  procureur  du 
roy,  comme  j'en  escris  à  sa  majesté;  et  ce  sont  ceulx, 
comme  vous  sçavez ,  qui  remuent  les  aultres  ou  à 
bien  ou  à  mal.  Particulièrement  je  sçais  qu'il  vous  est 
fort  serviteur;  et  je  vous  supplie  de  me  respondre  sur 
ccst  article.  On  nous  rejette  des  estats,  comme  de 
coustume  ,  et  se  fonde  on ,  comme  verres  par  la  copie 
d'une  mienne  lettre,  sur  une  sophisterie.  Je  n'estime- 
rois  à  propos  que  sa  majesté  en  feist  une  déclaration 
interprétative  ;  car  il  sembleroit  que  ce  feust  quelque 
chose  de  nouveau  en  nostre  faveur;  mais  bien  qu'elle 
feist  clairement  entendre  son  intention  par  l'envoi  de 
quelque  honneste  homme  et  de  qualité  à  M.  le  premier 
président,  ses  advocat  et  procureur,  et  aulx  plus  con- 
fîdens  de  la  court  ;  lesquels  alors ,  à  mon  advis  ,  passe- 
ront oultre  sans  aultre  déclaration ,  ni  interprétation. 
Monsieur,  continués  moi  vostre  bonne  grâce,  et  me 
faictes  incontinent  renvoyer  le  porteur,  afin  que  je 
puisse  donner  quelque  résolution  à  ces  messieurs  du 
parlement,  de  ce  qu'ils  ont  à  faire;  car  ils  désirent  sça- 
voir  si  sa  majesté  approuvera  leur  vertueuse  resolu- 
tion. Je  vous  baise  bien  humblement  les  mains ,  et 
supplie  le  Créateur,  etc. 

De  Tours. 


DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS  AU  ROY.       85 

XVII.  —  DESPESCHE 

Envojee  de  Tours  par  M.  Duplessis  au  roj. 

Du  3  octobre  i5gi. 

Tocs  les  bons  serviteurs  du  roy  ont  tousjours  estimé 
que  l'assemblée  du  clergé  re  produiroit  rien  pour  son 
service,  et  eussent  désiré  que  le  mal  en  eust  esté  plus- 
tost  preveneu  par  ung  refus,  que  d'estre  en  peine  au- 
jourd'hui de  courir  après  les  remèdes. 

Toutesfois  ils  considèrent  que  la  prudence  de  sa 
majesté doibt  avoir  veu  plus  loing  que  leur  affection;  et 
que  certains  maulx  s'accordent  pour  en  éviter  de  plus 
grands,  qui  doibvent  estre  réputés  et  utiles  et  justes, 
entant  que  nécessaires. 

Tant  y  a  que  les  articles  qu'elle  a  produicts  sont 
ceulx  qui  ensuivent  : 

«  I.  Que  l'excommunication  du  pape  sera  réputée 
«  nulle,  et  le  pape  non  recogneu  en  icelle.  » 

A  sçavoir  parce  que  les  ecclésiastiques  estoient  ex- 
communiés, et  y  avoient  interest,  au  lieu  que  les  sécu- 
liers n'estoient  que  simplement  admonestés. 

«  1.  Que  le  roy  sera  supplié  permettre  que  ladicte 
«  assemblée  escrive  au  pape  et  envoyé  devers  lui.  » 

Et  de  ce  pas  les  députés  ont  esté  nommés  au  pré- 
judice de  l'arrest  de  la  court,  qui  a  deffendeu  d'aller 
ou  envoyer  à  Rome,  et  qui  doibt  obliger  non  moins 
les  ecclésiastiques  que  les  laïcs  et  séculiers;  ce  qui  met 
les  subjects  du  roy  en  double  de  son  auctorité,  et  lee; 


86  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

consciences  des  catholiques  en  trouble  pour  la  diver- 
sité et  contrariété  des  jugemens. 

«  3.  Que  cependant  l'ordre  que  ron--debvoit  establir 
«  pour  la  provision  des  bénéfices  surseoira.  » 

Au  lieu  que  c'estoit  le  seul  poinct  auquel  ils  deb- 
voient  avoir  vacqué,  selon  la  permission  du  roy,  faicte 
seulement  à  ceste  fin,  et  présupposer,  selon  l'arrest  de 
la  court,  que  le  pape  n'avoit  plus  pour  ce  regard  de 
puissance  en  France. 

«  4-  Que  la  court  de  parlement  sera  interdicte ,  et  ne 
«  pourra  cognoistre  d'aulcungs  différends,  ni  se  mesler 
«  de  ce  qui  en  pourra  dépendre.  » 

Qui  est  oster  l'auctorité  de  tout  temps  attribuée  à 
la  court  de  cognoistre  seule  et  privativement  à  tous 
aultres  des  différends  entre  le  pape  et  le  roy,  la  puis- 
sance par  lui  prestendeue  et  les  privilèges  du  royaulme; 
c'est  à  dire  non  seulement  abolir  ce  qu'il  a  ordonné 
pour  la  manutention  de  l'auctorité  du  roy  par  son  ar- 
rest,  mais  tout  ce  qu'il  pourra  faire  et  ordonner  sur  ce 
mesme  subject  à  l'advenir. 

«  5.  Que  le  roy  sera  supplié  de  se  faire  catholique  et 
«  de  se  faire  instruire.  » 

Et  c'est  pour  ce  seul  article  que  tous  les  precedens 
sont  faicts,  à  sçavoir,  à  ce  que  sa  majesté  ne  leur  sa- 
tisfaisant en  ce  poinct,  il  n'y  ait  plus  de  parlement  qui 
puisse  dire  qu'on  est  teneu  d'obéir  à  son  prince  non- 
obstant le  prétexte  d'heresie;  suivant  quoi  aussi  a  esté 
passé  plus  avant  par  quelques  ungs  en  ladicte  assem- 
blée, qu'il  falloit  sommer  sa  majesté  de  se  faire  catho- 
lique; à  faulte  de  ce  faire,  qu'on  ne  la  pouvoit  plus  ser- 
vir en  bonne  conscience.  Qui  est  le  vrai  fondement  de 


AU  ROT.  87 

ceste  chimère  prestendeue  de  tiers  parti;  qui  ne  sub- 
siste à  la  vérité  qu'en  la  fantaisie  des  hommes  jus- 
ques  aujourd'hui,  et  qui  toutesfois  ne  doibt  estre  mes- 
prisé,  parce  que  la  fantaisie  seule  opère  aulcunefois 
quelque  chose. 

«  6.  Que  le  roy  sera  supplié  trouver  bon  que  ladicte 
«  assemblée  du  clergé  s'entremette  de  faire  la  paix.  » 

Comme  si  le  roy  n'avoit  poinct  assés  de  soing  du 
repos  de  soi  et  de  son  peuple  pour  ert  perdre  l'occa- 
sion, qui  est  pour  applaudir  à  ceulx  qui  sont  malades 
de  la  maladie  assés  commune  de  lassitude  de  guerre; 
comme  si  sa  majesté  n'avoit  pas  tousjours  dict  que, 
pour  ung  pas  qu'on  feroit  vers  lui  pour  la  paix,  il  en 
feroit  quattre;  comme  si  MM.  les  officiers  de  la  cou- 
ronne et  conseillers  d'estat  qui  sont  près  de  lui  n'eu 
estoient  pas  capables;  comme  si  mesme  le  seul  clergé, 
qui  souffre  le  moins,  y  avoit  interest,  et  non  la  no- 
blesse qui  y  espand  son  sang  et  le  tiers  estât  qui  en  est 
espuisé.  Mais  le  but  en  est  tout  évident,  qu'ils  en 
veullent  estre  arbitres  pour  reunir  tous  les  catholiqwes, 
en  tant  qu'ils  pourront,  soubs  ung  mesmes  prétexte, 
pour  faire  force  à  sa  majesté  en  sa  relligion  quand  bon 
leur  semblera.  Cela  présuppose  aussi  des  practiques 
et  intelligences  avec  l'ennemi  non  supportables.  S'il 
n'y  en  a  poinct,  qu'y  sçavent  ils  plus  que  les  aultres?  ou 
bien  s'ils  y  sçavent  quelque  chose  de  plus ,  que  ne  les 
rapportent  ils  devant  sa  majesté  pour  en  tirer  le  fruict, 
mesme  veu  qu'ils  ont  assés  d'accès  à  sa  personne,  veu 
qu'ils  sont  aulcungs  d'entre  eulx  des  principaulx  de 
son  conseil? 

Est  à  adjouster  que,  pendant  ceste  assemblée,  l'arrest 
de  MM.  de  la  court  de  parlement  n'a  peu  estre  publié 


88  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

à  Chartres ,  tleffendeu  au  contraire  au  lieutenant  gênerai 
de  ce  faire,  dont  la  court'de  parlement  se  plaint  d'au- 
tant plus  que  c'estoit  là  principalement  qu'il  debvoit 
estre  faict  en  la  face  de  son  conseil. 

Que  pour  la  conclusion  de  ces  articles,  d'autant 
que  les  voix  des  serviteurs  du  roy  contrepesoient, 
pour  les  faire  emporter  par  le  nombre  on  a  accepté 
pour  voix  les  procurations  de  plusieurs  absens ,  dont 
tel  a  produict  jusques  à  six  et  sept  ;  comme  ainsi  soit 
toutesfois  qu'en  telles  assemblées ,  esquelles  il  fault 
apprendre  les  ungs  des  aultres,  procurations  ne  peu- 
vent avoir  lieu;  estant  tout  certain  qu'il  y  est  question 
d'une  délibération  commune,  en  laquelle  l'ung  amende 
son  opinion  par  celle  de  son  compagnon  ,  au  lieu 
que  la  procuration  muette  ne  peult  enseigner  ni  estre 
instruite. 

Sur  ce  que  l'arrest  de  la  cour  feut  allégué,  feut  dict 
qu'on  ne  le  mettoit  poinct  en  considération ,  et  qu'il 
y  en  avoit  26  hérétiques.  Et  toutesfois  le  parlement 
est  composé  mesme  de  plusieurs  conseillers  clercs  ; 
feut  diot  que  les  chanoines  de  Sainct  Martin  de  Tours 
avoient  député  ung  hérétique  ,  parce  qu'ils  avoient 
envoyé  M.  de  Sainct  Fuscian,  conseiller  clerc,  frère 
de  feu  M.  d'Espesses ,  chanoine  de  Nostre  Dame  de 
Paris. 

Et  a  depuis  esté  escrit  par  toutes  les  diocèses  et  par 
tous  les  diocésains  aulx  curés  de  leur  estendeue  ;  qu'ils 
louent  Dieu  du  bon  progrès  de  ceste  assemblée,  que 
l'esprit  de  Dieu  y  a  présidé  pour  la  manutention  de 
lEglise  cathoHque,  apostolique  et  romaine;  les  articles 
susdicts  envoyés  partout ,  qui  travaillent  plusieurs 
consciences  ,  distraient  les  cœurs  de  l'obéissance ,  à 
laquelle  ils  estoient  resoleus,  et  révoquent  ce  qui  doibt 


AU  ROY.  89 

estre  indubitable,  que  le  ro)-  est  de  par  Dieu  et  ne  tient 
rien  du  pape. 

Oultre  ce  que  le  parlement  de  Rennes,  qui  a  con- 
cleu  que  remonstrances  seroient  falotes  au  pape,  se 
confirmera  en  son  opinion,  celui  de  Bordeaux  s'opi- 
niastrera  peult  estre  à  pis,  se  voyant  fomenté  de  l'auc- 
torité  de  cette  pretendeue  assemblée ,  au  lieu  que  par 
les  loix  du  royauime ,  jamais  il  n'y  a  eu  que  le  parle- 
ment de  Paris  qui  ait  cogneu  entre  le  roy  et  le  pape, 
les  aullres  estant  teneus  d'acquiescer  à  ce  qu'il  en  or- 
donne ;  jamais  aultre  que  le  procureur  gênerai  en  ice- 
lui,  receu  partie  contre  le  pape. 

Voyant  ces  absurdités ,  et  prévoyant  les  inconve- 
niens  pour  le  service  de  sa  majesté,  et  estant  adverti 
des  mouvemens  qu'ils  engendroient  en  l'esprit  de  tous 
les  bons  serviteurs  du  roy,  j'ai  faict  présenter  à  Tours 
à  messieurs  le  premier  président  d'Emery  et  gens  du 
roy ,  le  Mémoire  ci  dessous  conteneu,  par  les  mains  de 
M.  de  la  Marsilïiere. 

u  La  court  de  parlement  de  Paris  a  de  tout  temps 
telle  force  en  ce  royauime,  que  l'auctorité  du  prince 
semble  résider  en  elle  ;  les  trois  estats  du  royauime 
mesmes  sont  tousjours  teneus  et  obligés  à  ses  arrests. 

«  Moyennant  ceste  auctorité ,  elle  a  aussi  mainte- 
neu  Testât  contre  les  usurpations  et  entreprises,  tant 
des  subjects  que  des  voisins,  particulièrement  contre 
la  violence  des  papes,  qui,  sous  divers  prétextes ,  ont 
vouleu  envahir  ses  libertés. 

«  Tellement  que  cest  e^tat  est  presque  seul  eschappé 
par  tant  de  siècles  de  tels  attentats  et  entreprises  ;  les 
aultres  y  ont   succombé  enfin,  qui  plus,  qui  moins, 


90  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

pourn'estre  munis  contre  l'audace,  d'un  pareil  appui 
de  prudence  et  justice. 

«  Celle  qui  réside  aujourd'hui  à  Tours,  quand  elle 
n'auroit  succédé  à  ceste  auctorité ,  comme  elle  faict 
la  semble  avoir  et  acquis  ,  et  mérité  deuement  par 
ses  deportemens  ;  ce  corps  ayant  presque  seul  reteneu 
cet  estât  au  respect  de  son  prince,  obligé  par  là  à 
maintenir  sa  dignité,  pour  conserver  la  sienne,  les 
membres  chacung  en  soi  estant  recommandables  pour 
avoir  tout  postposé  à  leur  debvoir ,  mesme  leur  propre 
vie ,  en  une  révolte  si  universelle. 

«  Ce  parlement  en  somme  a  conservé  en  soi  la  di- 
gnité royale  en  France,  tellement  que  nostre  roy  estant 
personnellement  occupé  es  exécutions  des  armes,  si 
quelqu'ung  a  à  chercher  sa  majesté  essentielle  en  quel- 
que lieu,  il  ne  la  peult  rencontrer  qu'en  ceste  com- 
pagnie. 

«  Qui  deffend  la  réputation  du  roy  contre  ses  enne- 
mis, qui  les  faict  punir  comme  rebelles,  qui  faict  jus- 
tice à  ses  bons  subjects ,  qui  faict  reluire  sa  dignité 
entre  les  estrangers  ;  qui  donne  au  reste  force  à  ses  loix 
en  son  royaulme,  telle  que  qui  veult  diminuer  de  son 
auctorité,  ne  le  peult  proprement  faire,  sans  se  rendre 
criminel  de  majesté  diminuée,  sans  rabattre  de  l'aucto- 
rité  du  roy  et  dignité  de  son  estât. 

«  Ceste  court ,  selon  sa  gravité ,  a  donné  ung  arrest 
contre  Grégoire  pretendeu  pape,  a  annullé  son  excom- 
munication, l'a  déclaré  schismatique,  ordonné  que  sa 
bulle  feust  bruslee ,  desfendeu  sur  peine  de  crime  de 
leze  majesté  de  s'adresser  plus  à  lui.  Nul  ne  doubte 
qu'elle  ne  l'ait  faict  competemment,  et  selon  sa  juris- 
diction;   car  soubs  Philippe  Auguste,  Phihppe  le  Bel, 


AU  ROY.  91 

Charles  V,  VI  et  VII,  Louis  XII,  ea  pareilles  matières, 
ont  esté  donnés  pareils  arrests,  et  par  ces  mesmes  juges. 
«  Elle  ne  faict  donc  rien  de  nouveau ,  et  n'entre- 
prend rien  qui  ne  soit  sien ,  et  ne  se  trouvera  poinct 
qu'alors,  ni  corps  de  clergé,  ni  aultre  auctorité  ait 
contesté  ceste  puissance  ;  la  Sorbonne  en  pareil  cas  ne 
pouvant  rien  donner  que  ses  advis ,  au  lieu  que  la  court 
tranche  d'arrest  et  d'ordonnance. 

((  Maintenant  ceste  assemblée  de  Chartres ,  depuis 
ung  arrest  si  solennel ,  articule  au  contraire ,  a  re- 
cours au  pape  contre  les  mots  exprès  de  l'arrest,  et 
veult  oster  toute  cognoissance  à  messieurs  de  la  court , 
et  c'est  à  dire,  entant  qu'elle  peult,  au  roy  mesmes, 
mesprise  la  peine  et  note  de  rébellion  y  adjoustee.  C'est 
chose  non  soustenable ,  selon  les  droicts  du  royaulrae , 
et  aussi  peult  supportable  par  les  incoiiveniens  qui 
s'en  ensuivent. 

((  Ceste  assemblée  n'a  droict,  et  n'eut  jamais  de  déci- 
der telles  matières ,  et  ne  le  peult  avoir ,  qu'entant  que 
le  roy  les  lui  auroit  expressément  commises  ;  encores  y 
auroit  il  fort  à  disputer ,  si  sa  majesté  les  lui  pourroit 
ou  debvroit  commettre  au  préjudice  de  l'auctorité  de 
sa  court  de  parlement,  et  veu  la  partialité  qu'ils  y  ap- 
porteroient  évidemment ,  ayans  serment  au  pape  contre 
lequel  il  s'agit. 

«  Or ,  n'a  elle  eu  consentement  du  roy ,  que  pour  traic- 
ter  de  l'ordre  qui  auroit  à  estre  teneu  pour  la  provision 
des  bénéfices,  présupposant  sa  majesté  l'arrest  donné 
par  sa  court  de  parlement  contre  le  pretendeu  pape , 
qui  lui  oste  toute  auctorité  d'en  disposer  en  France ,  et 
pourtant  elle  l'a  deu  aussi  présupposer. 

(c  Au  contraire  ,  elle  remet  en  question  ce  qui  est 
décidé  par  l'arrest ,  mal  et  incompetemment  donné ,  s'in- 


92  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

gère  en  ce  dont  elle  n'a  poinct  de  charge,  et  surseoit 

de  parler  de  la  provision  des  bénéfices  qui  estoit  le  seul 

poinct  dont  sa  majesté   lavoit   auctorisee  de  donner 

advis. 

u  D'ailleurs  il  est  évident  que  tout  mespris  de  jus- 
tice engendre  de  grands  inconveniens  en  ung  estât; 
mais  ils  croissent  évidemment  selon  la  qualité ,  tant  de 
ceulx  qui  sont  mesprisés ,  que  de  ceulx  qui  mesprisent , 
comme  il  se  voit  apertement  au  cas  présent. 

«  Le  mespris  d'ung  particulier  à  l'endroict  d'ung 
juge  subalterne,  d'ung  sergent  mesmes  ,  a  esté  exem- 
plairement puni.  Quand  une  partie  de  Testât,  ung  des 
principaulx  membres  d'icelui ,  mesprise  la  justice  ,  plus 
il  est  périlleux,  et  moins  il  est  à  supporter,  et  plus  il 
est  punissable  ;  mais  surtout  quand  c'est  à  l'endroict 
d'une  justice  souveraine,  non  de  l'image  du  roy  seule- 
ment ,  mais  de  sa  majesté ,  et  comme  de  son  essence 
propre  ;  car  celle  là  une  fois  mesprisee  ,  qui  restera  plus 
pour  faire  justice  à  la  justice  ? 

«  Adjoustés  encore  que  ce  mespris  croist  selon  l'im- 
portance de  la  loi ,  et  la  griefveté  de  la  peine  mesprisee. 
La  loi ,  comme  en  ce  cas  qu'il  est  question  de  l'auctorité 
que  le  pape  usurpe  sur  Testât  de  ce  royaulme ,  la  per- 
sonne du  prince ,  les  âmes  mesmes  de  son  peuple.  La 
peine ,  qui  ne  peult  estre  ni  plus  grande ,  ni  avec  plus 
de  péril  contemnee,  que  celle  qui  est  apposée  à  cest 
arrest  ;  quand  nous  ne  ferons  poinct  de  cas  d'estre  te- 
neus  pour  rebelles ,  c'est  à  dire  parricides  à  l'endroict 
de  nostre  roy ,  de  nostre  estât ,  de  nostre  patrie. 

«  S'il  est  tolleré  à  une  assemblée  du  clergé  de  tenir 
pour  nul  ung  arrest  si  solemnel  d'une  court  souveraine,  et 
de  la  court  des  pairs  de  France  ;  s'il  lui  est  permis  de  con- 
trebattre  son  auctorité ,  et  de  se  soustraire  de  sa  puis- 


AU  ROY.  93 

sance,  pourquoi  moins  la  noblesse  fera  elle  son  assem- 
blée pour  s'en  dispenser  en  son  interest ,  lorsque  sa 
majesté  par  quelque  edict  vérifié  en  sa  court ,  la  con- 
viera à  monter  à  cheval,  pour  la  deffense  de  Testât? 
Pourquoi  moins  le  peuple ,  quand  le  roy  lui  imposera 
des  deniers,  pour  la  nécessité  de  ses  affaires? 

«  Par  ainsi  chacung  des  trois  estats  se  fera  droict  soi 
mesme,  au  lieu  que  le  parlement  faisoit  droict  à  tous, 
et  les  tenoit  tous  trois  obligés  à  ses  arrests,  comme 
le  juge  souverain  de  tout  Testât.  Chacung  à  son  tour 
contemnera  les  lois  et  les  edicts  du  roy  ;  la  majesté 
du  roy  unie  en  sa  court  de  parlement ,  sera  dissipée 
en  ces  distractions,  et  n'y  aura  plus  ni  loi  ni  arrest  qui 
ne  reçoive  exception  telle  que  Tinterest  d'ung  chacung 
lui  mettra  en  la  teste. 

«  Aussi  de  ce  mesme  esprit  requièrent  ils  que  le 
clergé  s'entremette  de  faire  la  paix,  pour  n'entrepren- 
dre pas  seulement  sur  le  parlement ,  mais  sur  le  roy 
et  son  conseil  d'estat ,  comme  si  sa  majesté  n'en  estoit 
pas  suffisant  arbitre;  comme  si  MM.  les  officiers  de  la 
couronne ,  et  grands  personnages  de  son  conseil  n'en 
estoient  pas  capables.  Chose  non  jamais  practiquee  , 
ni  en  ce  royaulme,  ni  ailleurs. 

«  En  eschange  de  quoi  seroit  plus  à  propos  de  les 
requérir  de  ne  se  mesler  poinct  ni  de  Testât,  ni  de 
la  guerre,  qu'entant  qu'ils  ont  cet  honneur  aulcungs 
d'entrer  au  conseil  de  sa  majesté;  de  ne  traicter  en 
leurs  conférences  que  du  service  divin ,  et  du  deu  de 
leurs  vocations,  sans  s'ingérer  en  ce  qui  est  de  la 
personne  du  roy,  de  Tauctorité  de  sa  justice,  de  sa 
dignité,  de  son  conseil. 

«  Messieurs  de  la  court  sçauront  trop  mieplx  juger  de 
la  conséquence    de  cest  affaire,  et  me  suffit  d'avoir 


94  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

touché  les  inconvénients  plus  palpables,  et  que  cha- 
cung  y  remarquera  à  la  première  rencontre;  et  comme 
ils  en  verront  mieulx  les  maulx;  aussi,  sans  doubte,  y 
sçauront  ils  pourveoir  de  remèdes. 

«  Mais  il  semble  qu'il  ne  peult  estre  plus  doulx  que 
de  casser  et  annuUer  tout  ce  qu'ils  ont  faict  en  ladicte 
assemblée ,  comme  faict  sans  charge ,  vocation  ni  puis- 
sance, et  surtout  contre  les  loix  ,  droicts  et  coustumes 
de  ce  royaulme,  » 

Fin  du  Mémoire  présenté  a  MM.  de  la  court. 

Lesquels  ayans  icelui  veu ,  l'ayans  approuvé ,  et 
m'en  ayans  remercié,  m'ont  pryé  de  venir  jusques  en 
ce  lieu ,  pour  conférer  ensemble  sur  icelui ,  et  re- 
souldre  des  remèdes.  Ce  que  nous  avons  faict.  Et  les 
ai  trouvés  resoleus  de  deffendre  leur  arrest  à  toutes  ^ 
fins  lorsqu'il  sera  besoing  ,  comme  sainct,  juste  et 
légitime,  s'attendans  d'y  estre  auctorisés  et  mainte- 
neus  par  sa  majesté,  et  désireux  qu'elle  soit  instruicte 
de  l'importance  de  ce  faict ,  et  qu'elle  le  repute  tel 
qu'en  soi  il  est.  Sur  quoi  ont  aussi  voulleu ,  afin  que  sa 
majesté  ne  feust  preveneue  par  l'arrivée  des  députés 
de  ladicte  assemblée,  que  je  lui  fisse  ladicte  depesche, 
à  eulx  communicquee  par  le  porteur  exprès. 

Sont  doncq  d'advis  que  sa  majesté' mené  en  lon- 
gueur lesdicts  députés  le  plus  long  temps  qu'elle 
pourra ,  comme  elle  en  a  assés  d'occasion  par  les  ur- 
gentes affaires  de  la  guerre. 

Lorsqu'elle  verra  ne  se  pouvoir  plus  eschapper  de 
l'importunité  de  leurs  poursuites  ,  lesquelles  peult  estre 
seront  d'autant  plus  malaisées  à  s'en  deffaire,  qu'ils 
ont  faict  choix  exprès  de  M.  de  Beauvais ,  qu'ils  pen- 
sent estre'en  bonhe   opinion  envers  sa   majesté;  que 


AU  ROY.  ^  95 

sadicte  majesté  responde  qu'elle  trouve  ce  faict  per- 
plex,  à  cause  de  la  contrariété  qui  est  entre  l'arrest 
de  sa  court  de  parlement,  voire  de  trois  courts,  et 
le  résultat  de  ladicte  assemblée;  lesdicts  arrests  pro- 
nonçans  rébellion  contre  ceulx  qui  s'adresseront  à 
Rome;  et  ledict  résultat  tendant  à  le  requérir  de  leur 
permettre  d'y  envoyer.  Que  cest  affaire  mérite  d'estre 
délibéré  meurement  en  une  bonne  et  pleine  assemblée 
de  son  conseil,  pour  ne  faire  rien  mal  à  propos. 

Et  j'en  vois  qui  adjoustent  à  cest  advis,  que  sa 
majesté  die  alors  en  vouUoir  avoir  advis  de  ses  ad- 
vocat  et  procureur  en  sa  court  de  parlement  de  Paris, 
transférée  à  Tours,  et  leur  en  faire  commandement 
par  lettres  patentes ,  comme  en  tel  cas  est  accoustu- 
mé;  avec  lesquels  j'ai  communiqué,  et  lesquels  sçau- 
ront  bien  les  tenir  en  baleine,  pour  faire  évaporer 
tout  ce  venin  avec  le  temps. 

C'est  la  charge  que  j'ai  eu  des  dessusdicts  sieurs , 
et  des  plus  confidens  serviteurs  de  sa  majesté  sur  cest 
article ,  en  conformité  duquel,  mais  briefvement ,  M.  le 
premier  président  escrit  à  sa  majesté ,  à  laquelle  j'en 
envoie  d'aultres  de  pareil  subject. 

Ung  aultre  article  les  met  en  peine,  qui  n'est  pas 
aussi  hors  de  ce  subject.  Les  provinces  de  Lionnois, 
Forest,  Beaujolois,  Auvergne,  Borbonnois,  requièrent 
sa  majesté  de  leur  accorder  une  chambre  de  justice , 
pour  résidera  Moulins  ou  Clermont;  et  en  proposent 
des  raisons,  dont  la  principale  est,  faulte  de  justice, 
de  laquelle  sa  majesté  est  débiteur  à  tous  ses  subjects; 
et  est  à  croire  que  ceste  réquisition  se  faict  avec  occa- 
sion et  sans  fraude. 

Là   dessus  ladicte  chambre   leur  a  esté  accordée  ; 


96  DESPESCHE  ENVOYEE  DE  TOURS 

mais  composée    pour  la   pluspart  de  personnes   très 
suspectes,  rejettees  de  ce  parlement  pour  avoir  parti- 
cipé à  la  Ligue,  et  adhérantes  évidemment  aulx  pro- 
positions  de  ladicte  assemblée.  Messieurs  de  la  court 
supplient  sa   majesté   de    considérer   que    c'est   autel 
contre  autel  ;  ung  parlement  qui  se  dressera  contre  ung 
aultre;  qui  auctorisera  ce  qu'ils  aboliront,  abolira  ce 
qu'ils   aucloriseront ,  quand  ce  ne  seroit  qu'en  haine 
d'avoir  esté  rejettes  par  icelui.  Remonstrent  à  sa  ma- 
jesté si  la  diversité  des  arrests  de  divers  parlemens  in- 
commode son  service,  que  fera  la  contrariété,  et  non 
seulement  d'advis,  mais  d'esprits?  Que  desja,  comme 
si  l'air  parloit  de  soi  mesme,  ceste  chambre  est  appel- 
lee  la  chambre  du  tiers  parti ,  etc.  Que  ceulx  qui  la 
leur  reconnnandent  leur  dient  que  ce  leur  sera  ung 
moyen  de  se  descharger  de  ceulx  qui  les  importunent, 
au  heu  qu'il  seroit  plus  tollerable  de  les  recevoir  ici, 
où  ils  seroient  contrebatteus  de  plusieurs  gens  de  bien  ; 
que  de  les  establir   là  où   ils  domineront  sans   con- 
tredict ,  etc. 

A  ceste  occasion,  supplient  sa  majesté  de  meure- 
ment  considérer  si  ladicte  chambre  est  nécessaire  ou 
non;  si  elle  est  vraiement  requise  de  ses  subjects, 
pour  quelles  causes,  et  s'il  ne  leur  peult  astre  subveneu 
par  quelque  aultre  moyen.  Et  ce  pour  ne  se  haster  poinct , 
ains  commander  que  les  despeches  en  soient  sursises. 

Et  nonobstant,  en  cas  que  la  nécessité  y  soit, 
trouvent  à  propos  que  sa  majesté,  comme  en  pareil 
cas  est  accoustumé,  face  envoyer  une  chambre  de  ce 
parlement  pour  résider  là  cinq  ou  six  mois  au  plus  ; 
la  compose  de  personnes  bien  cogneues ,  et  surtout 
y  face  choix  de  président,  advocat  et  procureur  du  roy, 


AU  ROY.  qrj 


tout  à  sa  dévotion  ,  et  hors  de  toute  exception  ;  au  lieu 
que  ceux  qu'on  nomme,  sont  ou  clairement  ou  sour- 
flement  affectionnés  à  ce  qui  lui  est  contraire. 


XVIII.  -^ARTICLES  ARRESTÉS 

Par  nous  soubssîgnès  commis  et  députés  par  le  roy 
ai^ec  M.  de  Dampmartin,  colonnel  de  quinze  cens 
rejstres  estans  au  service  de  sa  majesté. 

Le  21  octobre  1691. 

Ledict  sieur  colonnel,  tant  pour  lui  que  pour  ses 
capitaines,  reystres,  maisîres  et  lieutenans,  ayans  sup- 
plié sa  majesté  se  contenter  du  service  qu'ils  lui  ont 
faict  depuis  vingt  trois  mois  en  ça,  qu'ils  sont  entrés  en 
son  royaulme,  sa  majesté  aura  agréable  le  service  qu'ils 
lui  ont  faict  en  son  armée,  et  que  leur  licentiement 
soit  faict,  et,  pour  ce  faire,  leur  fera  donner  personne 
de  qualité  pour  les  conduire  à  la  frontière  en  toute 
seureté,  selon  leur  capitulation; 

Que  le  compte  gênerai  de  leur  service  sera  arresté 
jusques  au  7  novembre  prochain,  auquel  finit  le  vingt 
troisiesme  mois  de  leurdict  service ,  sans  y  comprendre 
le  mois  de  retour  ; 

Et  où  ils  séjourneront  plus  en  ce  royaulme  que  le- 
dict  jour  7  de  novembre  prochain,  en  attendant  les 
sommes  de  deniers  qu'on  leur  promet  fournir  ci  après 
comptant,  pour  leurdict  licentiement,  ils  demeurerontà 
la  solde  du  roy  pour  en  estre  payés  sur  les  vieulx  rolles, 
et  selon  la  capitulation,  dont  le  débet  sera  augmenté 
en  rabattant  les  vivres  qui  leur  auront   esté  fournis, 

MÉM.  UE  DliPI.ESSîS-MoKNAY.  ToME  V.  /^ 


Ç)8  ARTICLES  ARRESTÉS 

lesquels  seront  taxés  par  le  commissaire  que  sa  majesté 

commettra  à  cest  effect  ; 

Et  en  attendant  que  les  deniers  qu'on  leur  doibt 
fournir  comptans  pour  leur  licentiement  s'amassent, 
sa  majesté  sera  suppliée  de  leur  donner  une  ville  pro- 
che de  Chaalons,  ou  les  f'aulxbourgs  de  ladicte  ville, 
où  ils  puissent  estre  logés  en  seureté  ,  auquel  lieu  leur 
sera  baillé  toute  provision  nécessaire ,  à  prix  raison- 
nable, qui  sera  faict  par  les  commissaires. 

Moyennant  ce  que  dessus  et  faisant  ledict  licentie- 
ment, lesdicts  soubssignés  promettent  au  nom  du  roy 
de  leur  faire  payer  les  deniers  comptans  qui  leur  sont  ci 
dessus  promis,  en  la  ville  de  Chaalons,  ung  mois  de 
solde,  à  sçavoir  présentement  comptant,  la  somme  de 
dix  mille  escus,  et  le  surplus  dans  le  onziesme  jour  de 
novembre  prochain  ; 

Auquel  jour  leur  sera  payé  le  mois  de  retour  en 
monnoie  d'Allemaigne,  en  ladicte  ville  de  Chaalons, 
selon  qu'il  est  porté  par  la  capitulation. 

Oultre  ce,  sera  baillé  audict  sieur  colonnel,  tant 
pour  lui  que  capitaines  et  reytz-maistres ,  sur  estant 
moins  de  ce  qui  leur  est  deu  pour  le  service  qu'ils  ont 
faict ,  assignation  par  mandement  du  trésorier  de  Tes- 
pargne,  de  la  somme  de  cinquante  mille  escus  sur  les 
receptes  générales  de  Paris,  transféré  à  Senlis,  Rouen, 
Caen,  Champaigne  et  Poictiers,  des  deniers  de  ce  pré- 
sent quartier  d'octobre ,  payable  ladicte  somme  dans 
la  fin  du  mois  de  décembre  prochain. 

Promettent  lesdicts  sieurs  députés,  au  nom  de  sa-    , 
dicte  majesté,  faire  tenir  les  deniers  de  ladicte  assigna- 
tion et  les  faire  conduire  ,  aulx  despens  de  sadicte  ma- 
jesté, en  la  ville  de  Langres,  en  laquelle  ledict  sieur 
colonnel  sera  teneu  envoyer  prendre  et  recevoir  la- 


AVEC  M.  DE  DAMPMARTIN.  99 

dicte  somme  de  cinquante  mille  escus,  et  de  là  sa  majesté 
baillera  escorte  pour  icelle  faire  conduire  en  la  ville  de 
Montbeliart. 

Plus,  leur  sera  baillé  le  parfaict  de  la  solde  de 
quattre  mois,  compris  les susdicts  cinquante  mille  escus 
d'assignation  et  dix  mille  escus  fournis  complans,  oultre 
le  mois  de  retour,  dans  lesdicts  jours  dernier  décem- 
bre, si  faire  se  peult. 

Et  pour  le  surplus  qui  se  trouvera  leur  estre  deu 
par  la  fin  et  arrest  dudict  con)pte,  desduction  faicte 
des  vivres  qui  leur  ont  esté  ci  devant  fournis,  tant  à 
Langres  qu'ailleurs,  lui  en  sera  passé  obligation  par 
lesdicts  députés,  au  nom  de  sadicte  majesté,  payables 
aulx  termes  qui  seront  arrestés  par  ledict  sieur  colon- 
nel  avec  sadicte  majesté,  lesquelles  obligations  seront 
ratifiées  par  sa  majesté  et  scellées  du  grand  sceau. 

Promettent  lesdicts  sieurs  députés  faire  ratifier  et 
avoir  agréable  à  sadicte  majesté  le  conteneu  de  tout  ce 
que  dessus ,  et  de  le  faire  observer. 

Faict  et  arresté  par  noussoubssignés,  à  Gbaalons,  le 
2T  d'octobre,  l'an  1591  ;  signé  Petremont,  Sublet  et 
Dampmartin;  et  au  bas,  soubs  ladicte  signature, 
est  escrit  soubs  protestation  de  ce  qui  s'ensuit,  d'une 
part;  et  plus  bas  est  encores  escrit  ce  qui  s'ensuit  :  que 
si  nous  faisons  séjour  en  attendant  le  payement,  oultre 
et  par  dessus  le  7  novembre  prochain,  que  ledict  jour 
nous  sera  payé  comptant  en  la  ville  de  Gbaalons,  ra- 
battant les  vivres  qui  nous  seront  lors  fournis,  et  soubs 
protestation  aussi  de  n'accepter  les  obligations  qui 
nous  seront  lors  fournies  par  les  députés,  si  elles  ne 
sont  accompagnées  de  seureté  et  asseurances  qui  nous 
seront  nécessaires. 

Apres  que  lecture  nous  a  esté  faicte  des  articles  ci 


lOO  ARTICLES  ARRESTÉS  ,  etc. 

dessus,  nous,  comme  ayant  agréable  ce  qui  a  estéfaict^ 
avons  agréé  et  ratifié  iceulx  articles ,  sans  toutesfois 
approuver  aulcunement  la  protestation  faicte  par  le 
sieur  colonnel  Dampmartin.  Faict  au  camp  de  Folle- 
ville,  le  i5  novembre,  l'an  iSgi.  Signé,  Henry;  et 
plus  bas ,   BuzE  ,  avec  ung  parapbe. 

Collation  faicte  à  l'original,  estant  en  papier,  par 
moi,  tabellion  au  compte  du  soubssigné  ,  le  19  dé- 
cembre iSgi ,  instance  et  ce  requérant  ledict  sieur  co- 
lonnel Dampmartin,  pour  lui  servir  ce  que  de  raison. 
Après  laquelle  collation  faicte,  ledict  origmal  rendeu 
audict  sieur  Dampmartin  ,  en  la  présence  de  Jeban 
Vaddel  et  Nicolas  de  Verronnaulx. 

Merller  B. 


XIX.  —  ^  DISCOURS 

De  la  prise  et  ru  y  ne  de  Blein,  adveneue  en  novembre 

1591. 

Au  commencement  du  mois  de  novembre  iSgr ,  le 
duc  de  Mercueur,  après  avoir  pris  la 
s'en  alla  devant  le  cbasteau  de  Blein,  accompagné  de 
bien  deux  mille  Espaignols ,  et  quelque  peu  d'infan- 
terie françoise  ,  où  s'estant  retranché ,  tant  dans  le 
bourg  de  Blein  qu'es  environs  du  chasteau,  feit  venir 
de  plusieurs  endroicts  ce  qu'il  avoit  d'eschelles,  estant 
de  longue  main  sollicité  à  ce  faire  par  les  habitans  de 
Nantes ,  lesquels  estoient  fort  molestés  en  leur  bes- 
tial parle  sieur  du  Goust,  commandant  audict  chas- 
teau, lequel,  à  la  vérité,  n'obmettoit  rien  de  son  in- 
dustrie pour  bien  faire  ses  affaires,  estant  du  pays  et 


DISCOURS  DE  Lk  PRISE  DE  BLEIN.  TOI 

ayant  cognoissance  de  tous  ceulx  qui  avoient  de  Tar- 
gent  de  plus  de  dix  lieues  d'alentour  de  sa  garnison. 
Si  bien  qu'il  avoit  tellement  faict  la  guerre  aulx  pay- 
sans, par  emprisonnement  et  rançonnement,  qu'il  avoit 
acquis  par  commune  réputation  la  valleur  de  cent  mille 
escus;  et,  par  mesme  moyen,  la  haine  irréconciliable 
de  ses  voisins,  pour  les  inhumanités  dont  il  usoit  pour 
parvenir  à  son  intention  :  car ,  pour  intimider  ceulx  qui 
ne  lui  voulloient  payer  rançon,    il  laissoit  mourir  de 
faim    les   plus  ahurtés ,    et    n'ostoit    point    les    corps 
morts  d'auprès   des  vivans,    et    afin   de    contraindre 
par  une  telle  peine  les  aultres    de    payer;  comme  il 
estoit  accusé  de  tant  de  telles  cruaultés,  qui,  pour  la 
pluspart,  estoient  très  véritables,  que  les  Nantois,  qui 
en    estoient  extresmement    animés  ,    n'obmirent  rien 
pour  faciliter  ce  siège  et  s'y  évertuèrent  plus  que  leur 
ordinaire,  fournissant  de  canons  et  pouldre ,  et  sem- 
blablement  de  munitions   pour  l'entretien  de  l'armée, 
comme  pain,  vin,  et  aultres  commodités,  ayans  la  ri- 
vière de  Loire  à  trois  lieues  près  dudict  Blein. 

Quelque  temps  auparavant,  madame  de  Rohan  qui, 
de  longtemps,  prevoyoit  quelque  insigne  orage  sur  sa 
maison,  s'estoit  essayée  d'y  pourveoir  ,  redoubtant  l'a- 
nimosité  de  ceulx  de  Nantes,  et  se  défiant  d'ailleurs  de 
la  résistance  qui  leur  seroit  faicte  par  ceulx  de  dedans 
sadicte  maison ,  les  cognoissant  tous  pour  gens  qui 
avoient  fort  peu  hanté  les  armes  ,  et  sçachant 
mesmes  que  mille  d'eulx  ne  s'esloient  jamais  trouvés 
en  siège.  A  ceste  occasion  aussi  (qu'elle  avoit  peu 
agréable  les  inhumanités  qui  s'y  commettoient)  ,  elle 
avoit  essayé  de  moyenner  une  neutralité  de  ladicte 
place,  laquelle  elle  desiroit  se  faire  remettre  entre  les 
mains  et  la  pouvoir  tenir,  avec  le  gré  des  deux  parties, 


102  DISCOURS 

soubs  Tobeissance  du  roy  ,  sans  que  la  guerre  s'y  feist, 
et,  pour  ccst  effect,  avoit  esté  parler  à  madame  de 
Martigny  ,  aulx  faulxbourgs  de  Nantes  ,  des  le  mois 
d'avril  précèdent,  pour  negotier  ladicte  neutralité, 
moyennant  laquelle  elle  demandoit  que  le  duc  de  Mer- 
cueur  l'accordast  semblable  pour  les  chasteaux  de 
Rohan  ,  Pontiny ,  Josselin  les  Salles  ,  la  Cheze  et  Lou- 
deac  ,  qu'il  détient  sur  mesdames  de  Rohan  ,  ce  qu'elle 
avoit  assés  heureusement  acheminé  ,  horsmis  pour  le 
chasteau  de  Josselin,  qui  est  le  douaire  de  madame  la 
douairière  de  Rohan ,  sur  lequel  il  lui  feut  respondeu 
se  contentast  de  parler  pour  elle,  sans  y  comprendre 
sa  belle  belle  sœur  ;  et  quant  à  celui  de  Blein  ,  ils  se 
contentoient  qu'il  demeurast  entre  ses  mains ,  et  qu'elle 
le  tinst  soubs  l'obéissance  du  roy,  pourveu  qu'il  ne  feust 
poinct  faict  de  guerre. 

Sur  quoi  ayant  donné  advis  du  tout  à  monseigneur 
le  prince  de  Bombes,  elle  envoya  vers  le  sieur  du  Goust 
pour  traicter  avec  lui  de  quelque  recompense  ,  au  cas 
que  le  roy  et  mondict  seigneur  le  prince  eussent  ceste 
neutralité  agréable,  afin  que  les  choses  se  faisans  avec 
son  gré,  en  feussent  plus  faciles;  mais  il  se  monstra  si 
peu  disposé  à  obéir  aulx  commandemens  qui  lui  en 
seroient  faicts ,  tant  il  estoit  affriandé  au  gain  qu'il  fai- 
soit  en  ceste  place,  qu'il  n'y  eut  jamais  recompense 
qui  lui  peust  suffire;  car  il  demandoit  le  gouverne- 
ment de  certaines  places  qui  ne  sont  poinct  en  l'obéis- 
sance du  roy,  comme  entre  aultres  celui  de  Redon,  et 
outre  cela,  des  estais  d'hommes  qui  vivoient  avec  des 
sommes  d'argent  ;  et  d'ailleurs  il  disoit  ouvertement 
que,  quelque  commandement  qu'il  eust  du  roy  pour 
sortir  de  cette  place  ,  il  fauldroit  tous] ours  capituler 
avec  lui  sur  les  recompenses;  ce  qui  feit  que,  voyant 


DE  LA  PRISE  DE  BLEIN.  Io3 

In  difficulté  de  cest  affaire,  elle  feut  contraincte  de  dif- 
férer ce  desseing  jusques  à  ce  que,  par  l'approcliemeut 
de  monseigneur  le  prince  de  Dombes  ou  aultres  Irouppes 
du  roy,  elle  eust  moyen  de  lui  faire  obéir  au  comman- 
dement absolu,  au  cas  qu'elle  en  obtinst  ung  pour  cest 
effect. 

Le  duc  de  Mercueur,  voyant  que  cest  affaire  tirolt 
en  longueur,  rompit  toute  ceste  negotiation,  et  estant 
de  plus  en  plus  pressé  par  ceulx  de  Nantes,  se  resoleut 
au  siège,  de  quoi  ladicte  dame  de  Rohan  estant  ad- 
vertie,  et  scacbant  les  préparatifs  qui  s'y  faisoient,  feit 
tout  ce  qu'elle  peut  pour  lui  faire  reprendre  les  arrhes 
de  cette  neutralité  et  différer  son  desseing  jusques  à 
ce  qu'elle  eust  obteneu  le  commandement  absoleu 
qu'elle  esperoit;  mais  lui,  se  persuadant  que  ce  n'estoit 
qu'artifices  pour  éviter  ou  reculer  ce  siège,  n'y  vouleut 
plus  entendre  ,  et  mesmes  ne  lui  voulleut  accorder  ung 
passeport  pour  elle,  qui  desiroit  aller  elle  mesme  parler 
à  lui  et  audict  sieur  du  Goust,  pour  chercher  encores 
quelque  voye  de  doulceur;  mais  seulement  lui  en  en- 
voya ung  pour  ung  gentilhomme,  de  sa  part,  qu'elle 
accepta  ;  et  ayant  en  mesme  temps  donné  advis  du  tout 
à  monseigneur  le  prince  de  Dombes,  comme  elle  avoit 
desjà  faict  des  préparatifs  dudict  duc  de  Mercueur, 
selon  les  advertissemens  qu'elle  en  avoit  eus  ;  elle  en- 
voya vers  le  susdict  duc  le  sieur  de  Beauvois  de  Mont- 
fernier,  pour  essayer,  au  cas  que  les  assiégés  ne  peus- 
sent  attendre  le  secours  ,  de  faire  en  sorte  qu'elle  feust 
comprise  en  la  capitulation  qu'ils  feroient ,  et  que  les 
Chartres  et  papiers  de  la  maison  de  Roban  ,  qui  sont 
dans  Blein,  feussent  conservés. 

Le  sieur  de  BeaUvois  estant  arrivé  en  l'armée  dudici 
duc,  qu'il  trouva  desjà  logée  et  retranchée  autour  de 


Io4  DISCOURS 

Blein ,  et  lui  estant  donné  garde  pour  observer  ses  ac- 
tions, il  recogneut  ce  nonobstant  assés  les  forces  des 
assiegeans,  pour  juger  qu'ils  avoient  beaucoup  d'ad- 
vantages  sur  les  assiégés,  veu  mesmement  le  peu  de 
résistance  que  lesdicts  assiégés  avoient  faict  tant  aulx 
approches  qui  s'estoient  faictes  sans  pertes  d'hommes, 
qu'à  la  prise  d'ung  par  où  se  feit  la  batterie, 

lequel  ils  avoient  laissé  perdre  fort  aisément,  qui  lui 
feit  craindre  qu'estant  furieusement  attaqués,  comme 
il  voyoit  les  préparatifs,  et  battus  de  seize  pièces  tant 
canons  que  couleuvrines,  ils  peussent  malaisément 
résister. 

Cela  feit  qu'il  demanda  à  parler  au  sieur  du  Gonst , 
ce  qu'il  ne  peut  obtenir  du  duc  de  Mercueur,  qu'es- 
tant accompagné  d'ung  conseiller  de  Nantes ,  nommé 
Kermezin ,  pour  observer  ses  actions  et  discours  ,  et 
ayant  esté  tous  deux  introduits  à  Blein  avec  aussi  beau- 
coup de  cérémonie  de  la  part  du  sieur  du  Goust ,  qui 
leur  feit  à  tous  deux  bander  les  yeulx  et  amener,  par 
plusieurs  destours,  en  une  des  chambres  du  logis  où 
les  fenestres  estoient  fermées,  ledict  sieur  de  Beauvois 
proposa  audict  sieur  du  Goust,  en  présence  de  son 
frère  et  aultres  gentilshommes  dudict  ehasteau  ,  Tin- 
tention  de  madame  de  Rohan ,  qui  estoit  qu'elle  desi- 
roit  la  conservation  de  sa  maison;  qu'elle  le  pryoit  de 
ne  s'opiniastrer  poinct  à  la  frime,  s'il  n'en  avoit  bien  le 
moyen;  lui  feit  entendre  le  nombre  de  canons  dont  il 
debvoit  estre  batteu,  les  forces  de  l'ennemi ,  et  le  prya, 
de  la  part  de  ladicte  dame,  que,  s'il  falloit  rendre  sa 
maison,  qu'il  la  rendist  plustost  entière  que  ruynee,  et 
enfin  que,  s'il  cognoissoit  debvoir  capituler,  qu'ella 
feust  comprise  en  la  capitulation. 

Sur  quoi  le  sieur  du  Goust ,  après  avoir  faict  ung 


DE  LA  PRISE  DE  BLEIN.  Io5 

long  narré  de  la  quantité  de  bleds  et  vins  qu'il  avoit, 
rejetta  au  loing  tous  pourparlers  de  capitulation  et  de 
traicté  ;  usant  de  plusieurs  parolles  advanlageuses , 
comme  aussi  firent  les  aultres  réfugiés  ,  qui  se  van- 
toient  fort  entre  aultres  choses  de  leurs  munitions  de 
vins  qui,  de  faict,  paroissoient  en  plusieurs  d'entre 
eulx  ,  car  une  bonne  partie  estoient  yvres. 

Sur  ce ,  le  sieur  de  Beauvois  lui  répliqua  que  ce 
n'estoit  pas  par  famine  qu'on  les  vouloit  prendre,  mais 
par  une  fort  furieuse  batterie,  et  le  prya  encores,  de  la 
part  de  madame  de  Rohan  ,  de  ne  bazarder  poinct  sa 
maison  mal  à  propos,  et  enfin  lui  dict  en  particulier, 
qu'il  se  resoleust  ou  d'entrer  en  capitulation  ,  ou  de 
rompre  tout  parlement,  comme  chose  nuisible  à  gens 
assiégés,  s'ils  ne  sont  en  termes  de  se  rendre;  à  quoi 
le  sieur  du  Goust  demanda  terme  jusques  au  lendemain 
pour  y  penser  et  en  parler  à  ses  amis. 

Deux  jours  après,  ledict  sieur  du  Goust  donna  en- 
cores lieu  aulxdicts  sieurs  de  Beauvois  et  de  Kermezin 
pour  estre  introduicts  à  Blein  ,  où ,  après  quelques  dis- 
cours de  presque  semblable  style  que  le  premier  jour, 
ledict  sieur  du  Goust,  enfin,  monstrant  se  défier  âxi 
conseil  de  monseigneur  le  prince  de  Bombes,  et  crain- 
dre de  n'estre  secoureu  à  propos ,  dict  qu'il  entreroit 
en  capitulation,  et,  de  faict,  il  dressa  nombre  d'articles, 
entre  aultres  qu'il  demeureroit  gouverneur  dans  Blein 
sans  faire  la  guerre ,  avec  cinquante  chevaulx  légers 
entreteneus  ,  et  cent  cinquante  arquebuziers  pour  la 
seureté  de  sa  personne;  et  demandoit  oultre  cela  vingt 
mille  escus,  absolution  générale  de  ce  qui  s'estoit  passé 
soubs  sa  charge,  et  plusieurs  aultres  choses  pour  son 
particulier. 

Ces  articles  estant  rapportés  au  duc  de  Mercueur, 


To6  DISCOURS 

il  les  trouva  du  tout  esloingnés  déraison,  veu  l'advan- 
tage  qu'il  estimoit  avoir  sur  les  assiégés,  qui  avoient 
desjà  laissé  gagner  le  pied  de  leur  muraille  aux  Espai- 
gnols.  Toutesfois  ledict  sieur  de  Beauvois  movenna 
encores  qu'il  leuroffrist  les  conditions  suivantes,  ayant 
les  susdictes  seize  pièces  desjà  en  batterie  : 

Que  le  chasteau  de  Blein  seroit  rendeu  entre  les 
mains  de  madame  de  Rohan  ,  qui  promettroit  le  rendre 
entre  les  mains  d'un  gentilhomme  que  nommeroit  le 
duc  de  Mercueur,  qui  y  mettroit  seulement  vingt  sol- 
dats, sans  y  faire  la  guerre  ni  aulc|.ing  acte  d'hostilité, 
et  promettoit  de  ne  faire  aulcune  desmolition  ni  des- 
mantellement  audict  chasteau ,  et  que ,  moyennant  cela, 
ladicte  dame  auroit  main  levée  de  tous  les  biens  de 
messieurs  ses  enfans,  qui  sont  en  la  duché  de  Bretaigne. 

Que  tous  les  gentilshommes,  soldats  et  aultres,  qui 
estoient  en  ladicte  place,  jouiroient  aussi  de  tous  les 
biens  qu'ils  auroient  dans  la  duché  de  Bretaigne,  et 
seroit  en  leur  liberté  de  se  retirer  en  leurs  maisons , 
sans  y  faire  acte  d'hostilité,  ou  d'aller  en  telle  place  de 
Bretaigne  qu'ils  adviseront,  où  ils  seroient  conduicts 
seurement. 

Que  le  capitaine  Lagarde  ,  prisonnier  à  Nantes,  se- 
roit mis  en  liberté  ; 

Que  tous  actes  faicts  pendant  la  guerre  ,  par  lesdicts 
gens  de  guerre  estans  à  Blein,  seroient  assopis,  et  n'en 
seroient  recherchés  pendant  ledict  temps  de  guerre. 

Les  susdicts  articles  feurent  portés  audict  sit^ur  du 
•Goust,  par  lesdicts  sieurs  de  Beauvois  et  de  Rermezin, 
avec  les  cérémonies  accoustumces;  mais  sitost  que 
les  assiégés  ouïrent  pailer  de  sortir  de  la  place,  ils 
commencèrent  à  murmurer,  comme  ceulx  qui  s'es- 
toient    proposés    cesle    maison    pour  leur  perpétuel 


DE  LA  PRISE  DE  BLEIN.  107 

domicile,  s'estant  de  faict  auparavant  opposés  à  la  neu- 
tralité que  recherchoit  madame  de  Rohan,  de  par  sa 
demeure  audict  lieu  ils  ne  feussent  incommodés  de 
leurs  logis;  et  là  dessus  recommencèrent  de  plus  belle 
leurs  premières  resolutions,  disans  qu'ils  estoient  ser- 
viteurs du  roy;  qu'ils  se  voulloient  ensevelir  dans  les 
ruynes  de  Blein  ;  et  que ,  quant  à  la  démolition  de  la 
maison,  le  roy  avoit  bien  moyen  de  recompenser  mes- 
sieurs ses  nepveux;  et  ainsi,  après  avoir  réitéré  plu- 
sieurs fois  ces  trois  ou  quattre  bons  mots,  ils  se 
feirent  accroire  que  quelques  soldats  qu'ils  virent  par 
les  fenestres,  faisans  monstre,  venoient  pour  les  atta- 
quer; et  là  dessus  rompirent  le  parlement  avec  aigreur, 
disans  que  ce  n'estoit  pas  le  temps  de  s'amuser  aulx 
paroles,  lorsqu'on  les  assailloit  en  effect;  si  bien  que, 
s'escartant  sur  ceste  esmeute  sans  que  pourtant  il  y 
eust  occasion  d'allarme,  lesdicts  sieurs  de  Beauvois  et 
de  Rermezin  feurent  contraincts  de  s'en  retourner  sans 
aultre  response. 

Le  duc  de  Mercueur  entendant  cela,  ne  voulleut 
plus  ouïr  parler  de  capitulation  ,  ni  de  parlement ,  et 
mesrae  ne  voulleut  permettre  que  madame  de  Roban 
y  vinst  de  personne,  comme  elle  desiroit,  pour  essayer 
si  elle  y  pourroit  davantage  et  l'avoir  faict 
d'un  passeport  pour  cest  effect;  mais  il  ne  le  voulleut 
jamais  accorder,  quelques  instances  qu'on  lui  en  fist , 
et  se  résolut  de  faire  battre  en  batterie  des  le  lende- 
main, ne  voullant  plus  perdre  de  temps,  pour  ce 
principalement  qu'il  avoit  admis  que  monseigneur  le 
prince  de  Bombes  estoit  près,  comme  de  faict  il  s'estoit 
desjà  acheminé  pour  le  secours  de  ceste  place ,  com- 
bien que  le  sieur  du  Goust  lui  eust  promis  de  tenir 
trois  mois  ;  mais  craignant  que  les  effects  ne  respon- 


lo8  DISCOLT.S 

dissent  à  ses  promesses,  joinct  aussi  ia  sollicitation  que 
lui  f'aisoit  madame  de  Rohan  ,  laquelle  se  desfioit  tous- 
jours  de  la  valeur  et  suffisance  de  ceulx  qui  comman- 
doient  dans  sa  maison,  il  s'estoit  desjà  acheminé  avec 
son  armée  jusques  à  la  ,  huict  lieues  près  de 

Blein  ;  si  bien  qu'au  lieu  de  trois  mois  de  terme  qu'ils 
lui  avoient  donné,  il  les  eust  secoureus  au  bout  de  trois 
sepmaines ,  ou  bien  près  de  là,  si  par  la  moindre  ré- 
sistance ils  l'eussent  peu  attendre. 

Le  susdict  lendemain,  qui  feut  le  mercredi  uo  de 
novembre,  la  batterie  commença  fort  furieuse,  et  feut 
tiré  esdict  jour  de  mercredi  environ  six  cens  coups 
de  canon  contre  une  tour  nommée  la  tour  du  Moulin, 
qui  est  dans  le  coing  des  deux  grands  corps  de  logis, 
tenant  d'ung  costé  au  corps  de  logis  de  la  salle  du  roy  , 
et  de  l'aultre  à  la  terrasse. 

Le  lendemain,  qui  feut  le  jeudi  21  ,  il  y  feut  encores 
tiré  quelque  quattre  cens  coups  de  canon;  si  bien 
que  sur  les  dix  heures  la  tour  tomba,  et  les  Espaignols 
s'y  logèrent  à  îa  faveur  de  la  ruyne. 

Quelques  deux  heures  auparavant ,  le  duc  de  Mer—     ; 
cueur  avoit  faict  mener  le  sieur  de  Beauvois  à  Nantes , 
avec  gardes,  afin  qu'ayant  recogneu  son  armée,  il  ne 
peust  donner  adverlissement  aulx  assiégés,  ni  à  mon-    || 
seigneur  le  prince  de  Bombes,  lequel  on  disoit  estre 
prest. 

Soudain  que  la  tour  feut  h  bas,  ceulx  de  dedans 
commencèrent  à  s'estonner  et  à  demander,  par  dessus 
les  murailles,  qu'ils  peussent  parler  au  sieur  de  Beau-  j 
vois;  mais  il  n'estoit  plus  tejnps;  on  Tavoit  desjà  em- 
mené; aussi  le  duc  de  Mercueur  n'y  voulloit  plus  en- 
tendre :  ce  que  voyans,  plusieurs  d'entr'eulx  se  jetterent 
par  dessus  les  murailles  du  costé  qu'estoient  logés  les 


"DE  LA.  PRISE  DE  BLEIN.  lO^ 

François;  mais  à  la  fin  le  duc  de  Mercueur  commanda 
qu'on  ne  les  receust  plus. 

Environ  sur  le  soir,  les  Espaignols  qui  s'estoicnt , 
comme  dict  est,  logés  à  la  faveur  de  la  ruyne  de  la 
tour,  voulleurent  ung  peu  paroistre  vers  le  bout  de  la 
terrasse,  d'où  il  leur  feut  tiré  quelque  deux  ou  trois 
arquebusades  par  quelque  canonnier;  qui  feit  que, 
s'estans  seulement  ung  peu  logés  plus  advantageuse- 
ment,  ils  donnèrent  tous  à  l'instant  l'assault;  et, 
estans  montés  tout  à  leur  ayse  sur  la  terrasse,  en- 
trèrent par  les  fenestrcs  et  portes  de  la  salle  sans  trou- 
ver résistance ,  n'ayans  eu  les  assiégés  recours  qu'au 
feu  qu'ils  mirent  en  plusieurs  endroicts  du  logis,  ayans 
pour  cest  effect  ledict  sieur  du  Goust  des  auparavant 
faict  sapper  et  appuyer  sur  pillolis  tout  le  corps  de  logis 
de  la  salle  du  roy,  et  lui,  s'estant  retiré  dans  la  tour  de 
l'horloge,  demanda  par  la  fenestre  qu'on  lui  sauvast 
la  vie,  et  se  rendit  à  dom  Juan,  capitaine  des  Es- 
paignols. 

Tous  les  aultres  assiégés,  qui  estoient  en  nombre 
de  cent  cinquante  arquebusiers  et  de  soixante  cui- 
rasses ou  plus,  feurent  pris  et  menés  à  Nantes,  ne 
s'en  trouvant  poinct  de  morts  ni  de  blessés  d'entre 
eulx  qu'on  sçache,  comme  aussi  ils  ne  rendirent  aul- 
cung  combat,  et  n'y  feut  tué  que  le  portier,  que  les 
pspaignols  se  persuadèrent  estre  ministre,  et  le  geôlier 
qui  fut  pendeu  à  la  requeste  des  prisonniers,  pour  le 
cruel  traictement  qu'il  leur  faisoit. 

Les  femmes  se  retirèrent  comme  elles  peurent  dans 
la  troisiesme  tour,  d'où  il  leur  feut  permis  de  sortir, 
€t  feurent  conduictes,  par  le  duc  de  Mercueur  mesme, 
jusqu'à  Sainct-Roc,  qui  est  à  ung  quart  de  lieue  de 
31ein. 


IIO  DISCOURS  DE  LA  PRISE  DE  BLEIN. 

La  maison  feut  bruslee,  partie  (comme  dict  est)  par 
ledict  sieur  duGoust,  et  partie  par  les  Espaignols  aulx- 
quels  ceulx  de  Nantes  avoient  donné  de  l'argent  pour 
y  mettre  le  feu  ,  si  bien  que  les  basses  courts,  chambres 
des  galleries  ,  granges  et  escuries  ,  feurent  par  eulx  en- 
tièrement bruslees,  et  le  feu  du  donjon  si  bien  conti- 
nué qu'il  n'est  rien  demeuré  entier  que  trois  tours,  à 
sçavoir,  la  tour  de  l'horloge,  la  tour  qui  règne  du 
costé  du  parc  près  la  chapelle ,  et  celle  du  pont  levis 
de  la  basse  court  où  s'estoit  logé  le  capitaine. 

Voilà  qui  doibt  servir  d'exemple  pour  ne  souffrir 
que  ceulx  qui  tiennent  les  places  et  gouvernement  se 
servent  de  la  couverture  du  service  du  roy  et  du  pu- 
blic pour  satisfaire  à  leur  avarice,  veu  que  les  exac- 
tions et  oppressions  du  pauvre  peuple  parviennent  si 
aisément  jusques  au  ciel,  que  la  justice  divine  n'a  peu 
estre  appaisee  de  celles  qui  se  sont  commises  en  cest 
endroict  de  paix  ,  que  par  la  ruyne  d'une  des  plus  il- 
lustres maisons  de  France  ,  ayant  les  innocens  esté 
contraincts  de  pastir  pour  les  coulpables. 


XX.  --  ^  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

Ju  roj"  d'Espaigne. 

Du  .  .  décembre  i5gi. 

Quant  aulx  affaires  de  France,  vostre  majesté  aura 
veu,  par  ma  dernière  lettre  (la  double  de  laquelle  je 
vous  envoyé) ,  tout  ce  qui  me  semble  digne  de  vostre 
royale  cognoissance ,  et  afin  que  de  main  en  main 
vostre  majesté  soit  advertie  de  tout  ce  qui  se  passe , 
je  vous  dirai  ce  qui   est  surveneu   despuis   quelques 


DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME ,  etc.  1  i  I 

jours  auparavant  que  je  sortis  de  ,  qui  feut 

le  du  mois  passé.  J'atlendois  les  ambassadeurs  qui 
venoient  de  la  part  de  l'empereur  pour  traicter  de  ce 
qui  restoit  commencé,  et  m'y  arrestai  quelque  temps; 
mais,  comme  ils  tardoient  trop,  après  avoir  donné  or- 
dre à  les  loger,  je  me  resoleus  de  m'approcher  de  ceste 
frontière  pour  faire  haster  ceulx  qui  estoient  destinés 
pour  venir  avec  moi,  qui  estoit  au  pays  d'en  bas,  et 
aussi  pour  mettre  en  ordre  Tarlillerie  et  attirai!,  et 
resowldre  le  chemin  que  je  debvois  prendre  en  le 
communiquant  au  duc  de  Mayenne,  quej'attendois  avec 
celle  de  Montemarciano,  et  les  trouppes  qui  Tavoient 
accompagné  en  Lorraine,  et  lui  estant  joinct  le  prince 
d'Ascoly  avec  celles  qui  estoient  demeurées  à  Rheims  , 
et  en  intention  que,  si  lesdicts  ambassadeurs  arrivoient 
devant  que  j'entrasse  en  France ,  je  pourrois  employer 
à  les  ouïr  trois  ou  quattre  jours ,  et  veoir  et  entendre 
ce  qu'ils  proposeroient  pour  après  leur  faire  response, 
telle  qu'il  convient  pour  vostre  service,  et,  en  quel- 
que sorte,  establir  l'affaire.  Par  ainsi  estant  à  Vallen- 
cienne  pour  haster  les  trouppes,  afin  d'entrer  en 
France,  j'eus  advis  de  l'arrivée  des  ambassadeurs,  et 
à  la  fin ,  nonobstant  mes  excuses  de  la  goutte  qui  me 
croist  à  toute  heure,  je  les  allai  trouver;  et  après  les 
avoir  ouïs  et  recogneu  leur  délégation ,  et  leur  ayant 
respondeu  de  paroles,  ce  que  je  leur  feis  aussi  bailler 
par  escript ,  je  revins  en  ceste  ville  ,  où  j'arrivai  le 
du  présent,  comme  j'avois  promis  à  ces  François,  et 
eus  advis  que  le  duc  de  Mayenne  estoit  parti  pour 
aller  à  Paris  pour  appaiser  quelque  remuement  qu'il 
y  avoit  entre  le  peuple ,  à  cause  de  ce  que  quelques 
ungs  qui  se  tiennent  pour  fort  catholiques,  et  estoient 
en  tels  termes,  sans  se  pouvoir  entendre  ni  pénétrer 


ira  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

la  fin,  avec  quoi  ils  le  feirent  devenir  au  poinct  de  chss^ 
lier,  comme  ils  feirent  en  estant  les  vies  au  premier 
président  et  à  aultres  deux  du  parlement ,  sans  obser- 
ver aulcung  ordre  de  justice,  qui  feut  cause  que  le  duc 
de  Mayenne  y  alla  pour  y  remédier,  et  encores  qu'il 
y  donnast  ordre  promptement.    Il  semble  toutesfois  à 
dom  Diego  d'ibara  que,  en  ce  faisant,  le  peuple  se 
deust  esmouvoir ,  veu  la  forme  qu'il  y  procède  ;  mais, 
voyant  qu'il  n'y  avoit  aulcung  inconvénient,  il  se  déli- 
béra de  la  suivre  ,  pour  le  persuader  qu'il  y  procedast 
avec  la  modestie  que  tel  affaire  requeroit.  Ores  qu'il 
eut  osté  le  meilleur  de  le  dissimuler,  jusqu'à  une  aultre 
saison,  ce  qu'on  a  tasché  persuader,  estimant  toutes- 
fois  le  duc  de  Mayenne  que  son  honneur  y  estoit  inté- 
ressé ,  et  que  ce  seroit  cause  que  par  ci  après  on  ne  lui 
vouldroit  poinct   obéir.  Apres  en   avoir  conféré  avec 
quelque  François  qu'il  y  a  par  de  là  et  avec  quelques 
gentilhommes  qu'il  mena  d'ici,  il  voullut  faire  chastier 
comme  principal   oppresseur,    le  capitaine  de  la  Bas- 
tille en  le  sortant  dehors  ,  soubs  prétexte  d'affaires  qui 
se  feissent  tout  aussitost,   et    en    feit   prendre    avec 
quattre,  lesquels,  après  avoir  faict  enfermer  en  la  prison 
royale,  ayant  vérifié  leurs  faultes ,  il  les  y  feit  pendre. 
Ce  qu'estant  faict ,  et  ayant  mis  au  parlement  quelques 
ungs  de  ses  plus  favorables,  demeura  la  ville  plus  pai- 
sible, et  lui  de  retour  à  Soissons ,  et  sera  bientost  ici 
avec  son  armée ,  et  n'attends  aulcune  chose   que  son 
opinion  pour  sçavoir  quel  chemin  je  doibs  prendre. 
Les  François  approuvent  fort  ce  chastiment;   mais  il 
ne  semble  pas  bon  à  dom  Diego  d'ibara,  d'autant  qu'il 
estoit  de  contraire  opinion  pour  ce  qu'il  estoit  question 
de  punir  des  gens  véritablement  catholiques,  et  par  ce 
moyen  affoiblir  ce  parti,   et   fortifier  celle  du   hère- 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  1 1 3 

tique  et  politique  ;  jusques  à  ce  que  je  l'aie  veu 
et  enlendeu  leurs  raillons,  je  n'en  puis  dire  aultre  par- 
ticularité. 

Avant  que  je  partisse  de  Vallencienne,  je  comman- 
dai à  M.  de  la  Motte  qu'il  veinst  au  camp  ,  qui  est  à 
liuict  ou  neuf  lieues  d'ici,  qu'il  prinst  le  chemin  de  No- 
tron  pour  communiquer  avec  le  duc  de  Mayenne,  le 
prince  d'Ascoly  ,  et  les  aultres  qui  l'assistent  sur  le  che- 
min que  debvoit  prendre  l'artillerie  et  munitions  de 
guerre,  lequel ,  en  l'absence  du  duc  de  Mayenne,  la  feit 
conduire  avec  le  duc  de  Guise  ,  pour  lequel  je  lui  don- 
nai des  lettres ,  et  pour  M.  de  Rosne  aussi  comme  . 
homme  fort  expérimenté  à  la  guerre  et  aulx  affaires  de 
France.  Par  ainsi  feut  accordé  que  l'artillerie  s'achemi- 
ueroit  à  la  ville  de  LaFere,  une  des  meilleures  et  plus 
fortes  de  ce  pays  ;  et  afin  qu'elles  fussent  en  plus 
grande  seureté,  j'ai  par  le  moyen  du  gouverneur  de 
Montelymart,  qui  est  très  affectionné  au  service  de 
vostre  majesté ,  mis  dans  ladicte  ville  cinq  cens  fantas- 
sins de  vostre  royale  armée,  moyennant  quoi  il  semble 
que  l'entrée  en  ce  royaulme  aura  quelque  fondement 
pour  nos  affaires;  et  d'autant  que  c'est  ung  de  nos 
principaulx  poincts,  je  suis  très  aise  d'en  dire  les  par- 
ticularités à  vostre  majesté,  à  ce  qu'elle  recognoisse  le 
zèle    et  affection    de   Montelymart   qui  ne- 

gotie  que  nous  sommes  assurés  de  ceste  place,  don- 
nons ordre  à  ce  qu'à  son  honneur,  sans  que  nous  fas- 
sions aulcunes  démonstrations  d'y  prétendre ,  mettre 
des  gens  à  nostre  dévotion  ;  ce  que  nous  lui  avons  de- 
mandé de  bouche  a  esté  promptement exécuté  par  lui, 
non  sans  monstrer  ung  grand  sentiment  pour  ce  qui 
regnrderoit  les  capitaines  françois  qu'il  y  a  encores; 
qu'il  désire  les  en  jetter  dehors,  et  par  ainsi  nous  fai- 

Mém.  de  DurLEssis-MoRjJAY.  ToniE  v.  § 


îl4  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

sons  acheminer  l'artillerie  à  La  Fere ,  ensemble  les  muni- 
tions ,  et  nous  est  ceste  ville  donnée  bien  à  propos 
pour  n'avoir  moven  de  traisner  d'ordinaire  tant  d'atti- 
rail par  faulte  de  chevaulx.  La  nécessité  que  souffre 
ceste  trouppe  est  très  grande,  et  est  aisé  à  juger,  at- 
tendeu  que  celle  qui  esloit  l'année  passée  par  de  là, 
et  celle  qui  a  descendeu  avec  don  llodriguo  de  Tol- 
lede,  il  y  a  plus  de  trois  mois  qu'ils  n'ont  receu  paye- 
ment,  et  le  pain  de  munition  vient  trop  tard,  et  les 
nouvelles  levées,  aussi  bien  que  la  cavallerie  ,  n'ont 
receu  aulcung  denier  des  le  premier  mois,  qui  tous- 
cherent  il  y  a  jà  deux  mois  à  ceste  cause;  ils  vivent 
avec  le  desordre  accoustumé  ;  j'ai  grand  pitié  des  pre- 
miers, attendeu  que,  oultre  qu'ils  ont  disette  de  vivies, 
et  qu'ils  courent  ordinairement  fortune,  je  suis  coii- 
trainct  de  les  chastier ,  suivant  l'ordre  de  la  guerre; 
c'est  une  grande  pitié  aussi  de  voir  les  Espaignols  et 
Italiens  en  particulier  tout  nuds,  et  y  en  a  ung  grand 
nombre  dans  l'hospital,  d'où  ils  ne  peuvent  sortir  pour 
n'avoir  moyen  de  s'habiller.  On  leur  envoyé  à  poinct 
quelques  habits  et  souliers  pour  les  distribuer  aulx 
plus  nécessiteux;  car,  puisqu'on  ne  leur  donne  argent 
ni  vivres,  ils  auroient  au  moins  ce  rafraischissement, 
jusques  à  ce  que  de  la  royale  main  de  vostre  majesté 
il  arrive  des  provisions  nécessaires. 

J'ai  vonlleu  donner  le  régiment  du  maréchal  de  camp 
don  Allonze  de  Idjaguez  à  ung  aultre,  afin  qu'ils  se 
maintissent,  ce  qui  sera  très  difficile,  encores  qu'on  leur 
veuille  faire  quelque  payement. 

Ayant  ci  devant  adverti  vostre  majesté  touchant  ce 
qui  !^e  passoit  en  cest  affaire,  je  n'en  dirai  davantage, 
sinon  que  je  supplierai  très  humblement  vostre  majesté , 
que,  nonobstant  les  difficultés,  la  misère,  et  faulte  de 


AU  ROY  D  ESPAIGNE.  Il5 

toutes  choses  pour  entrer  en  France,  ceia  ne  m'a  em- 
pesché  toutesfois  d'y  entrer,  et  satisfaire  à  ce  que 
vostre  majesté  m'a  commandé,  estant  très  asseuré  de 
ce  que  par  sa  grande  clémence  elle  ne  permettra  que, 
sans  batailler  ne  travailler  à  la  guerre,  les  soldats  pé- 
rissent, puisque  c'est  pour  le  service  de  Dieu,  et  de 
vous  en  particulier,  estant  très  raisonnable  que  vostre 
majesté  par  sa  grande  prudence  et  expérience  pourvoye 
avec  la  briefveté  possible  à  ce  qui  est  forcement  nie- 
cessaire,  inexcusable  pour  la  conduicte  de  cest  affaire, 
attendeu  que  sans  cela  elle  n'est  pas  seulement  avilie , 
mais  aussi  entièrement  tombée  en  terre;  car  de  s'at- 
tendre d'avoir  aulcung  secours  d'ailleurs  ,  il  n'en  fault 
espérer,  aussi  d'attendre  les  provisions  que  nous  espé- 
rons avoir  de  vostre  majesté  ;  c'est  chose  très  asseuree, 
qu'auparavant  qu'elles  viennent,  tout  ce  peuple  se 
consommera  sans  y  pouvoir  remédier,  et  par  ainsi 
demeureront  les  estendards  seuls,  et  par  conséquent 
nos  affaires,  et  le  travail  et  despence  que  nous  y 
avons  employé  perdeu  ,  et  les  herectiques  ,'et  en  parti- 
culier deB  establis  et  victorieux  avec  le  dom- 
mage et  détriment  de  toute  la  chrestienté  du  service 
de  vostre  majesté  ,  ce  qui  est  grandement  considérable; 
et  je  crois  fermement,  attendu  la  prudence,  bonté  et 
christianisme,  dont  Nostre  Seigneur  vous  a  doué,  que 
nous  obtiendrons  tost  le  remède  que  nous  attendons. 

Pour  mesme  occasion,  le  duc  de  Mayenne  n'a  faulte 
de  plainctes,  me  représentant  tousjours  les  cent  niille 
escus  qu'il  prétend  chaque  mois.  Il  lui  en  a  esté  baillé 
cent  mille  de  ceulx  qui  sont  veneus  de  Boiu'goigne,  et 
le  reste  nous  est  demeuré  pour  entretenir  nos  ^ens 
aulxqucls  encores  nous  ne  pourrons  satisfaire  un» 
seul  payement;  ce  que,  ne  leur  estant  continué,  nous 


î  16  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

sommes  contraincts  de  dissimuler  le  jour.  Les  trouppes 
desquelles  m'escrit  le  prince  d'Ascoly,  qui  est  cause 
qu'ils  reviennent  souvent  fort  amoindrés,  pour  estre 
les  ungs  tués  des  paysans,  et  les  aultres  s'enfuyent;  à 
quoi  nous  ne  pouvons  remédier  que  par  le  moyen  de 
l'argent;  car  de  les  entretenir  avec  une  discipline  con- 
venable, il  n'y  a  ordre  ni  moyens  de  pouvoir  entretenir 
l'artillerie,  vivres,  hospital  ;  ce  qui  doibt  estre  bien 
considéré,  mesme  estant  en  ung  royaulme  estranger, 
et  tel  qu'est  celui  de  France. 

Comme  j'ai  ci  devant  escrit  à  vostre  majesté ,  de 
Beart  alla  avec  son  armée  à  l'entour  de  Verdun,  où  la 
vostre  estoit, et  ce  en  intention  d'empescher  le  passage, 
et  que  je  ne  me  joignisse  avec  les  aultres.  Enfin  il  se 
resoleut  de  se  mettre  au  large,  et  s'en  est  allé  avec 
sa  gent,  qu'il  a  faict  marcher  petit  à  petit  la  route  de 
Rouen  ,  aulx  faulxbourgs  de  lacjuelle  ville  il  est  à  présent 
logé  avec  volonté  de  la  battre;  ce  qu'il  n'a  fiiict  tn- 
cores.  L'on  m'a  escrit  que  le  gouverneur  a  bon  cou- 
rage,  ores  qu'il  n'ait  pas  beaucoup  de  pouldres,  mu- 
nitions, gens  de  guerre.  Ce  qui  est  à  craindre,  sont 
ceulx  qui  sont  dans  la  ville  mal  affectionnés;  il  semble 
qu'on  leur  peust  bailler  quelque  secours  du  costé  de  * 
la  mer.  Nous  en  avons  adverfi  ceulx  du  Hasvre  de 
Grâce;  don  Diego  de  Ibara  m'a  escrit  que  le  duc  de 
Mayenne  a  depesché  vers  le  duc  de  Mercœur  et  ledict 
don  Diego  à  Juan  d'Aquila,  afin  qu'on  y  envoyé  quel- 
que secours  de  Bretaigne  par  la  voie  dudict  Hasvre  de 
Grâce. 

Si  de  Beart  bat  ladicte  ville,  il  semble  qu'il  nous  la 
fnuldra  secourir,  encores  que  nous  ayons  faulte  do 
beaucoup  de  choses,  dont  la  première  est  d'hommes 
de  pied;  encores  que  en  infanterie   nous  lui  soyons 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  i  1 7 

egaulx ,  nous  lui  sommes  neantmoins  de  beaucoup  in- 
férieurs en  cavallerie,  pour  ce  qu'il  en  a  ung  bon  nom- 
bre et  bien  en  ordre,  oncques  la  noblesse  qui  le  suit; 
et,  pour  parvenir  à  son  desseing,  il  faict  sortir  celles 
qu'il  tient  aulx  garnisons,  pour  raffraiscbir  la  sienne, 
qui,  en  apparence,  est  peu.  Celle  qu'il  a,  est  lassé  et 
mal  en  coucbe,  d'autant  qu'il  y  a  ung  an  et  demi  qu'il 
est  en  campaigne;  et  nostre  cavallerie,  oncques  ce 
qu'elle  est  peu  de  service,  elle  est  toutesfois  moindre 
en  nombre  que  nous  ne  pensons ,  pour  n'avoir  peu 
attirer  ceulx  qui  s'estoient  offerts  à  nous  au  commence- 
ment, pour  les  raisons  que  j'ai  escrites  à  vostre  majesté; 
de  sorte  qu'il  fault  bien  considérer  sur  la  resolution  que 
nous  debvons  prendre;  car  de  laisser  perdre  une  telle 
ville  que  Rouen  devant  nos  yeulx,  c'est  ung  mauvais 
affaire.  Et  d'aultre  part  donner  une  bataille,  à  quoi 
les  choses  sont  exposées  si  du  Beart  veult,  c'est  ce  que 
nous  pouvons  désirer  pour  secourir  ceste  ville  ,  atten- 
deu  que  nous  pouvons  espérer  que  Nostre  Seigneur, 
par  sa  grande  miséricorde,  nous  donnera  victoire,  en- 
cores  qu'il  y  ait  bien  à  penser  si ,  avec  la  forteresse 
oii  nous  nous  trouvons,  il  s  en  fauldra  adventurer. 
Toutesfois  le  temps  et  les  occasions  nous  apprendront 
mieulx  ce  qu'il  fauldra  resouldre. 

Pour  le  service  de  vostre  cbrestienté  et  majesté,  à 
quoi  je  m'y  employerai  comme  ils  sont  obligés;  de  sorte 
que  j'espère  que  vous  serez  satisfaict  de  ma  bonne 
volonté  et  de  mes  actions. 

J'ai  désiré  beaucoup  de  fois,  sçachant  que  l'on  pre- 
tendoit  exécuter  ceste  entreprise,  qu'on  feist  une  bonne 
levée  d'hommes  pour  la  tenir  asseuree ,  et  fiire  con- 
sommer, par  le  moyen  de  Beart,  ce  que  l'on  eust  peu 
faire  avec  asseurance  d'ung  bon  succès  si  ont  eust  pris 


Il8  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

ce  chemin,  et  l'on  m'avoit  asseuré  tousjours  que  l'on  y 

avoit   bien  pourveu;  mais  à  présent  on  voit  bien  le 

contraire. 

Quant  à  l'eleelion  d'ung  roy ,  ce  que  j'en  peulx 
rapporter  à  vostre  majesté,  est  que  je  ne  laisse  passer 
occasion  quelconque,  quand  je  me  vois  avec  des  per- 
sonnes de  ce  royaulme,  pour  pénétrer  leurs  cou- 
rages; conformément  à  iceulx,  m'y  gouverner  selon 
ce  que  vostre  majesté  m'a  commandé  en  particulier  par 
la  depesche  que  m'apporta  donc  Allonze  de  Idjaguez, 
et  par  les  aullres  que  j'ai  depuis  receus  sur  ce  subject. 
Par  ainsi  je  negotie  avec  le  ministre  de  vostre  majesté, 
qui  y  à  cest  effect ,  afin  qu'ils  y  soient  bien 
disposés  quand  il  fauldra  traicter  de  cest  affaire  avec 
le  duc  de  Mayenne  et  avec  les  aultres  qui  sera  besoing; 
mais  que  je  sois  avec  eulx  ,  je  pourrai  mieulx  dire  à 
vostre  majesté  leurs  fins,  intentions  particulières,  et 
acheminer  l'affaire.  Comme  vostre  majesté  me  com- 
mande et  désire ,  en  quoi  et  en  tout  le  surplus  qui 
viendra  au  plaisir,  service  de  vostre  majesté,  je  ferai 
ce  que  j'ai  accoustumé  et  suis  obligé. 

Estant  le  duc  de  Guise  en  la  ville  ,  où  il  alla  voir 
sa  mère ,  il  voulleut  venir  à  Vallencienne  pour  me 
trouver,  d'où  j'étois  toutesfois  parti.  Mon  fils  Ranontio 
le  recueillit,  le  feit  servir ,  comme  il  estoit  raisonnable, 
puis  Ta  admis  le  même  jour  que  je  suis  arrivé ,  ou 
nous  nous  sommes  veus  et  avons  parlé  en  parole 
générale.  Je  l'ai  caressé  le  mieulx  qu'il  m'a  esté  possible, 
il  me  semble  d'une  belle  posture,  représentant  quant 
et  soi  la  noblesse  dont  il  est  isseu.  Don  Diego  de  Ibara 
ma  escrit  qu'il  a  ouï  dire  à  Paris  que  le  duc  de  Lorraine, 
l'oncle  et  le  nepveu ,  d'estre  bien  unis  en  ceste  cause, 
et  que,  escheant  le  sort  à  qui  que  soit  d'eulx ,  ils  l'ap- 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  ÏI9 

prouveront,  presteront  obéissance  à  celui  qui  sera 
esleu;  que  nul  des  trois  ne  traversera  aulcune  chose 
de  ce  que  vostre  majesté  désire,  et  que  M.  Vaudesmon 
signa  cest  accord  pour  le  duc  de  Lorraine,  le  duc  de 
Mayenne  le  signa  pour  soi,  et  le  nepveu  différa  à  le  signer, 
jusqu'à  ce  qu'il  en  eust  communiqué  avec  sa  mère. 
On  ne  sçait  s'il  a  après  confirmé  sa  première  resolu- 
tion en  signant  ledict  accord.  Ores  que,  par  l'advis  que 
nie  donne  l'evesque  de  Plaisance,  le  duc  de  Guise  est 
tellement  avec  le  duc  de  Mayenne  et  madame  sa  mère  , 
qu'il  semble  qu'il  n'a  voulieu  reserver  le  communiquer 
avec  elle,  et  partant  confirme  tout  ce  qu'escrit  don 
Diego  :  ledict  duc  est  fort  nécessiteux,  et  ceulx  qui  sont 
à  Fentour  de  lui  le  molestent  fort  pour  tirer  de  lui  ce 
qu'il  tient.  Il  me  l'a  descouvert,  m'a  demandé  ,  au  nom 
de  vostre  majesté,  que  je  le  secourusse:  par  ainsi  avec 
toute  la  nécessité  où  je  me  trouve,  je  lui  ai  faict 
bailler  quattre  nulle  escus  sur  ce  qu'il  fault  bailler  à 
sa  maison  ,  qui  est  tout  ce  à  quoi  je  me  suis  peu  esten- 
dre  bien  esloigné  de  qui  sont  avec  lui 

esperoient  tirei-,  estimant  que  je  lui  dusse  donner  pour 
le  moins  cinquante  mille  escus.  Vostre  majesté  com- 
mandera ce  qu'il  fauldra  faire  avec  lui  à  l'advenir; 
d'autant  que  si  on  ne  lui  aide,  il  n'a  moyen  de  se  main- 
tenir :  ce  qu'd  attend  et  espère  de  vostre  royale  main. 

Je  ne  sçaurois  représenter  lestât  des  affaires  de  ce 
royaulme,  et  en  particulier  de  l'union,  qui  sont  tels 
que,  y  entrant  avec  si  peu  de  forces  ,  et  estant  appe- 
tissees  celles  qui  s'y  trouvent,  et  ayant  si  peu  ou 
poinct  déforme  de  pouvoir  assister  de  Mayenne,  ni  aulx 
frais  qu'il  a  ou  qu'il  pourra  avoir,  je  crains  fort  les 
désordres  qui  pourroient  survenir ,  lesquels  ne  seront 
de  si  peu  de  prix  qu'ils  ne  soient  sufiisans  pour  nous 


I20  DKSPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

faire  perdre.  Dieu,  qui  peult  tout,  y  veuille  remédier; 
car  le  duc  de  Mayenne,  et  les  François  qui  sont  avec  lui, 
est  sur  le  poinct  de  ne  pouvoir  n'y  avoir  moyen  de  sub- 
sister, et,  à  ce  que  mande  don  Diego  de  Ibara  ,  en- 
cores  qu'il  soit  bien  peu  de  cbevaulx  allemans  nou- 
veaulx,  il  semble  toutesfois  qu'ils  se  veuillent  mutiner  , 
et  fault  croire  que  le  régiment  de  don  Allonze  d'Id- 
jaguez  suivra  les  aultres ,  si  on  ne  leur  baille  quelque 
payement;  et  les  Wallons,  par  ung  mesme  exemple, 
ne  seront  meilleurs  :  et  si  cela  nous  advient  en  une  terre 
estrangere  et  affaire  si  important,  vostre  majesté  con- 
sidérera le  grand  préjudice  et  dommaige  qui  y  ad- 
viendra.   . 

Les  deux  regimens  d'Allemans  vieulx,  des  comtes  de 
llaranbergue  et  Berlaymont ,  sont  demeurés  par  delà 
la  nuict  n'y  a  de  rien  servi  que  Berlaymont, 

assisté  du  colonnel  Verrdiego,  pour  les  faire  repasser, 
venir  avec  moi ,  comme  il  leur  avoit  esté  commandé , 
ce  qui  nous  fera  grand  faulte;  car,  ores  qu'ils  ne  soient 
bien  complets,  ils  sont  toutesfois  vieulx  soldats,  et  qui 
pouvoient  faire  en  ceste  occasion  ung  grand  service. 
D'aultre  part,  ils  demeureront  dans  le  pays  sans  rien     J 
faire,  et  le  destruiront  sans  les  en  pouvoir  sortir,  par      " 
amour  ni  par  forces.  Au  moyen  de  quoi  j'ai  procédé 
contre  eulx  avec  toutes  les  rigueurs  possibles,  pour  ce 
que  encores  qu'il  soit  raisonnable  qu'ils  demandent  ce 
qui  leur  est  deu ,  suivant  les  accords  faicts  avec  eulx, 
ayant  attendeu  les  termes  de  leurs  payemens,  il  y  a 
plusieurs,  estant  sortis  de  France  l'année  passée  sans      ' 
aulcung    commandement ,   et   ne   voullant  à   présent 
marcher  là  où  il  leur  est  commandé:  il  semble  que  l'on      i 
doibt  procéder  contre  eulx  par  quelque  peine.  De  ce  qui      ' 
en  adviendra,  j'en  advertirai  vostre  majesté. 


AU  ROY  D'ESPAÏGNE.  Ï2I 

Afin  que  je  représente  tout  à  vostre  majesté,  je  dirai 
que  encores  que  Beart  ne  s'apperceust,  ainsi  que  nous 
avons  esté  advertis  d'Allemaigne ,  qu'il  levast  quelques 
gens,  il  estoit  bien  raisonnable  que  vostre  majesté  des 
lors  la  preveint,  en  la  levée  qu'elle  pouvoit  faire  non 
seulement  d'Allemaigne,  mais  de  l'espaignole  et  ita- 
lienne, et  de  la  cavallerie;  aussi  pour  ce  que,  oultre 
ce  qu'il  le  fault  faire  de  force  forcer,  si  on  n'y  donne 
ordre  promptement  devant  que  l'on  mette  la  main  à 
ung  affaire  si  important ,  nous  demeurerons  ici  en  ces 
estats  comme  en  France ,  je  ne  dis  pas  seulement  sans 
armées,  mais  sans  aulcune  apparence  d'armes;  car  le 
temps ,  la  saison  ,  les  travaulx  ,  les  missives  qui  passent, 
mettront  bientost  fin  à  ce  qui  reste  :  de  sorte  que,  si 
on  n'y  donne  ordre  avec  diligence,  on  peultbien  tenir 
tout  pour  perdeu  ;  car  si  de  Beart  nous  prévient ,  il 
n'en  fault  faire  aulcung  doubte,  puisque  nous  voyons 
au  misérable  estât  que  nous  sommes,  par  raisons  qui  se 
peuvent  considérer  particulièrement  pour  l'impossibi- 
lité qu'il  y  a  d'entretenir  les  forces  que  nous  avons  par 
faulte  d'argent ,  vostre  majesté  fera  bien  considérer , 
peser  ce  poinct  sans  y  perdre  temps.  Nostre  Seigneur 
garde  la  S.  C.  A.  de  vostre  majesté  avec  accroisse- 
ment de  royaulmes  et  seigneuries  que  la  cbrestienté  a 
besoing ,  et  ce  plus  bumble  et  vrai  subject  désire.  De 
vostre  majesté,  humilde  criado  que  sus  pies  y  manos 
heso , 

Alexandre  Farnf.zo. 

De  Landrecy ,  ce  .  .  décembre  iSgi. 

Et  à  la  soubscription  est  escril  à  la  S.  C.  R.  M.  D.  dcl  rey 

iny  seignor. 


1-22,  POURSUITE  DU  RESULTAT 

XXI.  —  CE  QUI  SE  PASS\ 

En  la  poursuite  du  résultat  de  V assemblée  du  clergé. 

Le  i8  décembre  i5g». 

Le  j8  décembre,  monseigneur  le  cardinal  portant 
la  parole  pour  l'assemblée  du  clergé ,  teneue  à  Char- 
tres, assisté  dos  evesques  de  Beauvais,  du  Mans,  d'An- 
gers, etc.,  requit  sa  majesté  de  donner  response  sur 
les  trois  poincts ,  dont  elle  avoit  esté  suppliée  par  ladicte 
assemblée. 

Le  premier  estoit  de  se  faire  catholique;  le  second» 
de  trouver  bon  que  le  clergé  s'entremist  de  la  paix;  le 
tiers,  qu'ils  peussent  envoyer  devers  le  pape. 

Sa  majesté  leur  respondit  sur  ces  trois  poincts,  et  le 
sommaire  tut,  sur  le  premier,  qu'il  estoit  tousjours 
prest  de  recevoir  instruction ,  pryoit  Dieu  tous  les  jours , 
s'il  estoit  en  erreur,  de  le  radresser;  esperoit  qu'il  lui 
feroit  la  grâce,  s'il  avoit  du  repos,  de  terminer  les  dif- 
férends de  l'Eglise.  Chose  plus  louable  que  de  se  dé- 
partir seul  de  la  relligion  en  laquelle  il  avoit  esté 
nourri.  Mais  que  le  malheur  avoit  esté  que,  depuis  son 
avènement  h  la  couronne,  il  avoit  esté  et  estoit  encores 
nécessairement  distrait  pour  les  affaires  de  la  guerre, 
sans  pouvoir  tant  soit  peu  respirer;  et  qu'à  la  vérité 
les  canons  de  l'Eglise  ne  peuvent  pas  bien  estre  en- 
tendeus  au  bruict  des  canons  d'ung  arsenal ,  etc.  Ce- 
pendant qu'il  maintiendroit  tousjours  le  clergé  en  ce 
qu'il  avoit  promis ,  et  ne  feroit  ni  souffriroit  rien  au 
co  ntraire. 

Sur  le  second,  que  Dieu  et  les  hommes  lui  estoient 


DE  L'ASSEMBLEE  DU  CLERGÉ.  123 

tesmoings  qu'il  ne  desiroit  rien  plus  que  la  paix,  et 
n'avoit  pertleu  aulcune  occasion  d'y  parvenir.  Et  sou- 
vent mesme  il  en  avoit  embrassé  l'ombre  à  faulte  du 
corps ,  tant  il  en  estoit  désireux  ;  et  ne  faisoit  poinct 
la  petite  bouche,  comme  aulcungs  qui  font  difliculté 
pour  la  réputation  de  leurs  affaires  d'en  parler  les  pre- 
miers; au  contraire,  qu'il  iroit  au  devant,  tiendroit  à 
grâce  singulière  de  Dieu  l'ouverture  qui  lui  en  seroit 
faicte,  et  auroit  grande  obligation  à  ceulx  qui  la  fe- 
roient.  Et  ceulx  qui  avoient  aultre  opinion  ,  lui  fai- 
soient  grand  tort,  ne  l'estimans  pas  seulement  mauvais 
prince ,  mais  du  tout  beste ,  estant  tout  certain  que 
nul  n'y  avoit  tant  d'interest  que  lui ,  qui  ne  pouvoit 
que  perdre  à  la  guerre ,  et  duquel  la  maison  se  brus- 
loit  ;  et  qui  au  reste  ne  pouvoit  estre  roy ,  qu'entant 
qu'il  seroit  paisible;  au  lieu  que,  pendant  la  guerre,  il 
n'estoit  proprement  que  capitaine  gênerai  des  Fran- 
çois, chacung  usurpant  de  son  auctorité  royale  autant 
qu'il  pouvoit. 

Sur  le  troisiesme,  que  c'estoit  ung  affaire  d'estat  très 
important  et  non  purement  ecclésiastique.  Que  le  pape 
deffunct  ne  s'estoit  pas  porté  envers  lui  et  ce  royaulme 
comme  père  commung,  ainsi  qu'il  debvoit,  ains  comme 
prince  estranger  et  ennemi.  Que  cettui  ci  avoit  con- 
firmé l'armce  au  mesme  desseing,  et  promis  de  la  ra- 
fraischir  d'hommes  et  d'argent,  comme  il  apparoissoit 
par  ses  lettres  interceptes.  Qu'il  y  alloit  de  sa  réputa- 
tion de  consentir  que  ses  subjects  l'allassent  recher- 
cher pendant  qu'il  lui  faisoit  là  le  pis  qu'il  pouvoit. 
D'ailleurs  que  les  resolutions  de  ses  courts  de  parle- 
ment se  trouvoient  fort  différentes  de  celle  du  clergé, 
elles  ayans  expressément  deffendeu  par  leur  arrest  d'al- 
ler à  Rome;  qu'à  ceste  occasion  il  avoit  mandé  les 


1^4  POURSUITE  DU  RESULTAT,  etc. 

premiers  presidens  de  ses  courts  de  parlement  de  Paris 
et  de  Rouen  pour  les  ouïr  là  dessus.  Qu'au  reste,  l'en- 
trée du  duc  de  Parme  en  ce  royaulme  feroit  approcher 
de  lui  plusieurs  princes,  officiers  de  la  couronne,  sei- 
gneurs et  notables  chevalliers  de  ce  royaulme,  et  que 
plus  l'affaire  estoit  de  conséquence ,  plus  requeroit  il 
d'estre  traicté  en  compagnie  célèbre  et  forme  aucten- 
tique;  qu'en  attendant  donc,  les  evesques  députés  se 
pourroient  retirer  en  leurs  diocèses  ,  pour  v  servir 
Dieu  et  lui ,  etc. 

Monseigneur  le  cardinal  répliqua  avec  beaucoup  de 
protestations  de  son  obéissance  et  affection  ,  et  de  tout 
le  clergé;  M.  du  Mans  aussi  insistant  fort  sur  le  voyage 
de  Rome,  mais  sa  majesté  en  demeura  aulx  termes  que 
dessus. 

Mondict  seigneur  le  cardinal  prit  congé  de  sa  ma- 
jesté ce  matin  mesme  pour  s'en  aller  à  Gaillon  passer 
ses  festes  de  Noël,  et  se  rendit  après  icelles  près  de 
sa  majesté. 


XXIT.  —^  LES  PROPOS 

Qui  semblent  debvoir  estre  teneus  par  les  députés  qui 
eussent  eu  a  comparoistre  pour  les  estais  tant 
generaulx  que  provinciaulx  durant  l'assemblée  de 
Blois. 

A  sçavoir,  de  remonstrer  la  ruyne  inévitable  de  ce 
royaulme,  si,  par  l'establissement  d'ung  bon  repos, 
il  n'y  est  bientost  pourveu  ;  combien  Tauctorité  du 
roy,  des  magistrats  et  des  loix  a  esté  énervée  par  les 
guerres  civiles;  et  combien  Testât  est  deperi  en  toutes 


PROPOS  TENEUS,  etc.  I'j5 

ses  parties  ,  par  la  continuation  d'icelles;  mais  surtout 
à  Toccasion  de  ces  derniers  remuements  qui  ont  comme 
anéanti  le  nom  du  roy,  et  amené  ce  royaulme  au  borti 
d'une  dissipation. 

Requérir ,  par  conséquent ,  sa  majesté  de  chercher 
les  voies  de  rendre  la  paix  à  son  estât,  et  sans  s'arrester 
à  plusieurs  scrupules  ,  lesquels  à  mauvais  desseing  on 
lui  pourroit  mettre  en  avant ,  estimer  tout  ce  qui 
peult  restablir  la  paix  à  ce  royaulme,  sainct,  juste  et 
expédient,  puisqu'il  est  et  salutaire  et  nécessaire. 

Mettre  en  consultation  ,  si  le  cas  y  eschet ,  combien 
il  est  dangereux  de  faire  ,  en  l'assemblée  des  estats , 
conclusion  qui  préjudicie  au  roy  de  Navarre,  prince 
belliqueux,  fondé  dedans  et  dehors  Testât,  appuyé  de 
Dieu  et  de  la  nature  en  la  poursuite  de  ses  droicts , 
qui,  sans  doute,  les  scaura  bien  maintenir,  à  quelque 
péril  que  ce  soit. 

Que  cela  ne  seroit  aultre  chose  qu'obliger  la  France 
à  une  guerre  immortelle ,  ruyne  inévitable  et  dissi- 
pation totale,  ouvrir  la  porte  à  l'estranger,  rempbr 
îes  champs  et  les  villes  de  meurtre  et  de  sang,  et  ré- 
duire tout  ce  royaulme  à  ung  misérable  sepulchre. 

Si  on  allègue  Theresie,  répliquer  que  le  roy  de  Na- 
varre a  toujours  promis  de  se  rendre  docile  en  ung 
concile  gênerai  ou  national,  et  y  persiste  encore  ;  qu'il 
ne  le  fault  pas  désespérer,  comme  on  a  vouileu  faire 
par  ces  termes  de  relaps,  en  lui  voullant  fermer  la 
porte  de  l'église  ;  et  qu'il  est  tout  évident  que  ceu'x 
qui  en  font  instance,  ne  le  font  sans  mystère. 

Qu'aultresfois,  pour  contenter  la  conscience  d'un 
simple  archidiacre  d'Angers  ,  on  a  bien  teneu  trois 
conciles  Tung  après  Taultre,  encores  que,  des  le  pre- 
mier, après  avoir  esté  ouy  ,  il  eust  esté  condamné,  à 


1 26  PROPOS  TENEUS ,  etc. 

plus  forte  raison  lorsqu'il  est  question  d'un  g  grantl 
prince ,  si  proche  de  lestât,  duquel  la  ruyne  enveloppe 
celle  du  royaulme,  duquel  la  conscience  une  fois  con- 
tentée ,  contente  tant  de  millions  d'ames  et  en  ce 
royaulme  ,  et  en  toute  chrestienté. 

En  somme,  que  toutes  les  raisons  et  exemples  ten- 
dent à  ceste  voie,  et  la  seule  passion  et  ambition  est 
pour  le  contraire;  qu'on  sçait  bien  mesme  que  le  pape 
se  desplaist,  et  s'est  plainct  d'avoir  esté  emporté  par 
les  violences,  importunités  et  impostures  d'aulcungs,  à 
faire  ce  qu'il  a  faict  contre  ledict  seigneur  roy  de  Na- 
varre. 

Fault  aussi  faire  ouïr  et  sonner  qu'en  ceste  délibé- 
ration, qui  n'est  que  de  peu  de  jours,  de  peu  de  per- 
sonnes et  de  peu  de  mots ,  il  y  va  de  Testât  et  condi- 
tion du  royaulme  et  de  toute  la  postérité,  pour  siècles 
entiers  ;  et  pourtant  qu'il  n'y  fault  pas  procéder  si  has- 
tivement  ;  se  souvenir  tousjours  que  toute  précipita- 
tion est  dangereuse,  et  nulle  plus  que  celle-ci;  estant 
question  de  franchir  les  loix  plus  fondamentales  de 
lestât,  c'est  à  dire  de  donner  coup  à  sa  ruyne. 


XXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  D'AVILER 

J  M.  Diiplessis. 

MoNSEiGNi  UR ,  partant  de  Saulmur,  j'ai  esté  trois 
jours  sur  l'eau  ,  qui  est  la  cause  que  je  ne  vous  ai  escrit 
qu'à  présent,  et  ai  distribué  toutes  vos  lettres.  Je  vous 
advise  que  l'insolence  croist  de  mal  en  pis ,  par  les 
mauvais  bruicts  que  l'on  faict  courir  journellement 
contre  les  gens  de  bien  :  on  dict  que  le  roy  d'Escosse 


LETTRE  DE  M.  D'AVILER,  etc.  117 

a  estédagué  par  ung  nommé  Patiiel;  si  cela  est  vrai,  ce 
sont  (les  fruicts  des  jesuistes.  M.  Ferret,  secrétaire  dia 
roy,  a  escrit  à  sa  femme  que  sa  majesté  sera  en  cestc 
ville  dans  dix  ou  douze  jours;  aultres  disent  que  s;i 
majesté  est  partie  de  Fontainebleau  pour  aller  en  Pi- 
cardie; ou  dit  aussi  que  monseigneur  le  chancelier  est 
à  Clieverny.  M.  le  comte ,  que  vous  verres  dans  trois 
ou  quattre  jours,  aidant  Dieu,  m'a  cejourdhui  appris 
que  M.  de  Bouillon  a  pris  ung  chasteau  en  Lorraine , 
nommé  Ine,  à  la  veue  de  farmee  ennemie,  lequel  clias- 
teau  servit  de  blocus  à  Sathenay  :  il  a  plus  de  trois  cens 
douze clievaulx  françois,  arquebusiers,  et  achevé 

de  prendre  et  ruyner  les  aultres  forts  en  emmenant 
dudict  Sathenay  en  dedans  le  chasteau  :  cela  faict ,  il 
pourra  s'advancer  dans  le  pays.  M.  le  comte  Maurice 
-3ie  faict  mal  ses  affaires;  car,  après  la  prise  de  Saincte 
Gertrude  Bet  gue  ,  il  a  maintenant  assiège  Donquerque. 
Si  MM.  de  Strasbourg  se  remettent  à  la  guerre,  cela 
aidera  beaucoup;  ils  se  pourront  mutiner,  d'autant  que 
l'empereur  veult  que  l'evesque  réside  dans  leur  ville. 
Cependant  en  Saxe  se  commence  quelque  persécution 
contre  les  calvinistes,  non  par  justice,  mais  par  le  po- 
pulaire sans  principe.  M.  de  Montigny  a  escrit  du  -y  du 
présent ,  qu'on  se  délibère  de  contenter  les  députés 
des  provinces  de  les  gratifier  de  l'excédent  de  janvier; 
toutesfois  que  l'on  désire  que  l'exécution  en  soit  dif- 
férée jusques  à  ce  que  sa  majesté  soit  mieulx  establie, 
qu'elle  et  la  pluspart  de  son  conseil  désespèrent  de  la 
paix,  et  aultres  se  le  promettent.  M.  de  la  Corbiniere, 
qui  vous  va  trouver,  vous  esclaircira  des  occurrences 
de  la  cour.  Tous  vos  bons  amis  et  ser\itpiirs  desnent 
que  preniés  garde  à  vous.  Pour  mon  particulier,  mon- 
seigneur, je  vous  supplie  de  croire  que  je  prye  Dieu 


î'^8  LETTRE  DE  M.  D'AYILER,  etc 

de  tout  mon  cœur  vous  voiilloir  conserver  en  sasaincte 
protection.  Yostre  très  humble  ,  et  très  obéissant  et 
très  fidèle  serviteur, 

D'AVILER. 


XXIV.  —  ^  PROMESSE 
De  M.  le  prince  de  Parme  pour  La  Fere. 

Le  2  janvier  i  Sgi. 
Nous  Alexandre,  duc  de  Parme  et  de  Plaisance,  che- 
vallier de  l'ordre,  lieutenant,  gouverneur  et  capitaine 
oeneral  des  Pays  Bas,  recognoissons  que,  pour  la  garde 
de  nostre  artillerie  et  munition  de  guerre,  estans  en  la 
ville  de  La  Fere,  M.  le  duc  de  Mayenne,  lieutenant  gê- 
nerai de  Testât  et  couronne  de  France,  nous  a  permis 
de  mettre  en  ladicte  ville ,  oultre  les  garnisons  ordi- 
naires de  François  qui  y  sont  de  présent  soubs  la  charge 
du  sieur  gênerai  de  Montellimart ,  telle  garnison  et  en 
tel  nombre  de  gens  que  bon  nous  semblera ,  soubs  la 
promesse  que  nous  lui  avons  faicte,  comme  nous  fai- 
sons par  ces  présentes,  signées  de  nostre  main  ,  de  re- 
tirer ladicte  garnison  et  laisser  ladicte   ville  libre ,  es 
mains  dudict  sieur  duc  de  Mayenne,  à  la  première  in- 
stance et  réquisition  qu  il  nous  en  fera,  sans  user  d'aul- 
cune  remise   pour  quelque  cause  que   ce  soit ,  après 
que  nous  aurons  retiré  et  mis  en  seureté  nostre  artil- 
lerie et  munitions,  et  à  ce  nous  obligeons  nostre  foi  et 
honneur.  Faict  à  Flanety  le  Marteau,  le  2  janvier  169^^. 
Ainsi  signé ,  Alexa.ndre  Farnese. 


INSTRUCTION  DU  ROY,  etc.  129 


XXV.  —  ^  INSTRUCTION 

De  la  part  du  roy  au  sieur  Duplessis  ^  conseiller  en 
son  conseil  cC estât ,  lequel  sa  majesté  a  advisé 
d' envoyer  pour  son  service  vers  la  roy  ne  d' Angle- 
terre, sur  V occasion  pour  laquelle  elle  lui  a  or- 
donné faire  ce  voyage. 

La  fin  cFicelui  est  pour  tascher  d'avoir  encores  de 
îadicte  royiie  nouveau  secours  de  quattre  mille  hom- 
mes, dont  sa  majesté  desiroit  que  les  trois  mille  feus- 
sent  picquiers  ,  et  les  aultres  mille  mousquetaires. 

Mais,  avant  qu'entrer  en  ceste  demande,  il  fauldra 
la  remercier  des  trouppes  qu'elle  a  n'agueres  envoyées 
pour  renfort  des  premières  qui  estoient  desjà  en  ce 
siège,  et  après  lui  avoir  déclaré  les  obligations  que  sa 
majesté  recognoist  lui  avoir,  tant  de  cela  que  de  tant 
d'anltres  bons  offices  et  faveurs  qu'elle  a  receus  d'elle, 
et  le  regret  qu  elle  a  de  la  fascher  si  souvent  de  nou- 
velles demandes,  il  lui  fera  neantmoins  entendre  les 
occasions  qui  la  contraignent  de  ce  faire,  comme  son 
engagement  en  ce  siège,  l'importance  de  l'issue  d'icelui, 
et  la  ruyne  qui  seroit  à  craindre  en  ses  affaires ,  si  le 
succès  lui  en  estoit  aultre  que  bon;  que  la  mesme  con- 
sidération et  le  long  temps  qu'il  y  a  que  ceste  entre- 
prise est  publiée,  a  faict  préparer  les  ennemis  pour 
l'empeschcr;  que  le  duc  de  Parme  (qu'ils  ont  longue- 
ment attendeu  et  instamment  poursuivi  de  venir  pour 
cest  effect  )  est  finalement  entré  en  ce  royaulme  des 
le  seiziesme  jour  de  ce  mois,  son  armée  et  son  fils  y 
estant  de  plusieurs  jours  auparavant  ;  que  sa  maiesté 
en  a  eu  les  advis  si  particuliers,  par  diverses  voies  rap- 

MÉM     I3E  DuPLr.SSIS-MoRAAY.    Top.IF.  V.  Q 


l3o  INSTRUCTION  DU  ROY 

portant  neantmoins  la  mesnie  chose  ,  qu'elle  a  occasion 

de  la  tenir  asseuree. 

Quant  à  leur  desseing,  les  mesmesadvis  conviennent 
que  c'est  plustost  pour  venir  ici  que  de  tenter  aulcung 
exploit,  que  aussi  l'apparence  y  est  grande,  veu  que  ,     i 
pour  ceste  heure ,  leurs  forces  sont  plus  grandes  que    'j 
celles  que  sa  majesté  a  en  ce  siège,  qui  les  peult  autant 
inviter  à  l'entreprendre  qu'aultre  chose ,  car  en  ce  cas 
où  sa  majesté  sera  contraincte  se  porter  au  devant  avec 
toutes  ses  forces,  et  en  ce  faisant  lever  le  si  ge,  qui 
est  leur  principal  but ,  où  les  départant  es  deux  occa- 
sions, elles  seront  foibles  en  chacune,  et  le  danger    i 
trop  grand  pour  ses  affaires. 

Que  si  ces  forces  qu'elle  a  mandées  avoient  loisir 
d'arriver,  elle  n'auroit  rien  à  craindre  pour  1  ung  et 
l'aultre  effecl  ;  mais  c'est  ce  qui  fera  tant  plus  haster  ^ 
l'ennemi,  qui  constitue  partir  de  son  advantage  en 
ceste  prévention ,  ainsi  qu'il  se  voit  es  lettres  du 
duc  de  Mayenne  interceptées  dont  les  mesmes  origi-  j 
naulx  ont  esté  dernièrement  envoyés  à  ladicte  dame. 

Qu'à  ceste  cause ,  sa  majesté  est  contraincte  reve- 
nir au  remède  qu'elle  peult  avoir  plus  prompt,  qui 
est  le  secours  de  ladicte  dame;  qu'elle  la  supplie  lui 
vouUoir^ncores  accorder  le  nombre  susdict  de  quattre 
mille  hommes,  qui  ne  sera  que  pour  six  sepmaines  au 
plus,  s'asseurant,  moyennant  cela,  de  venir  à  bout  de 
ceste  entreprise  dans  ledict  temps,  nonobstant  tous  les 
efforts  que  les  ennemis  pourroient  faire  pour  l'em- 
pesclier. 

Que,  oultre  l'affection  qu'elle  a  au  bien  des  affaires 
de  sa  majesté,  elle  a  particulier  interest  en  ceste  der- 
nière entreprise ,  tant  pour  sa  réputation  à  cause  qu'elle 
est  en  partie  faicte  sur  le  fondement  et  par  le  moyen 


1 


A  M.  DUPLESSIS.  i3l 

tîe  ses  forces  ,  que  pour  son  remboursement  des  des- 
penses par  elles  faictes  pour  sadicte  majesté,  qui  est 
assigné  sur  les  reveneus  de  Rouen,  aulxquelles  celle 
dudict  nouveau  secours  sera  encores  adjoustee ,  s'il  lui 
plaist  qu'il  portera ,  s'il  plaist  à  Dieu ,  sa  vertu  d'asseu- 
rer  le  tout. 

Si  elle  retombe  sur  les  plainctes  et  reproches  qu'elle 
a  desja  faicts  plusieurs  fois,  et  mesmes  par  la  lettre  de 
sa  main  que  sa  niajesté  a  de  présent  receue  ,  tant  du 
long  temps  qu'elle  dict  qu'on  a  teneu  ses  forces  à  se 
consommer  avant  que  commencer  ladicte  entreprise  , 
et  du  changement  que,  contre  le  contract  sur  ce  passé, 
sa  majesté  a  voullu  faire  de  ce  desseing  pour  les  em- 
ployer ailleurs,  que  du  défault  des  forces  qu'on  lui 
avoit  asseurees  se  debvoir  trouver  en  ce  siège,  oultre 
les  siennes,  qu'elle  appelle  tout  manquement  de  pro- 
messes, ledict  sieur  Duplessis  est  assés  informé  de 
tout  ce  qui  se  peult  respondre  là  dessus,  pour  lui  faire 
cognoistre  que  sa  majesté  a  faict  en  cela  ce  que  tout 
prince  capitaine  a  accoustumé  et  est  contrainct  faire, 
de  suivre  ou  changer  ses  desseings  selon  ce  que  font 
les  ennemis  ou  les  advis  qu'il  en  a  qui  ont  du  vraisem- 
blable; que  si  leurs  entreprises  et  effects  n'ont  esté 
plus  prompts,  ce  n'est  qu'ils  ne  le  pensent  estre  ,  veu 
que  l'armée  du  pape  pouvoit  estre  trois  ou  quattre 
mois  en  France ,  lesquels  elle  a  consumés  inutilement 
sur  Testât  de  Milan,  et  l'ordre  qui  avoit  esté  donné  de 
la  part  du  roy  d'Espaigne ,  tant  en  Allemaigne  qu'en 
Italie,  pour  la  levée  et  accélération  d'aulcunes  forces 
(desquelles  une  bonne  partie  a  esté  defaicte  par  le 
sieur  Desdiguieres) ,  qu'il  avoit  aussi  ordonnée  pour 
venir  en  France,  et  faire  une  armée  si  puissante  que  sa 


j 


l32  INSTRUCTION  DU  ROY 

majesté  ne  lui  peust  résister,  laquelle  n'a  peu  aussi 
prendre  ses  resolutions  que  selon  ces  fondemens  et 
moyens  de  l'ennemi,  ni  pareillement  éviter  qu'elle  n'ait 
perdeu  quelque  temps  pour  n'avoir  peu  deviner  les  dif- 
ficultés et  retardement  qui  y  sont  adveneus. 

Elle  se  plainct  de  l'entreprise  de  Noyon ,  et  qu'au 
lieu  d'icelle ,  sa  majesté  ne  s'est  trouvée  en  Normandie , 
lorsque  M.  le  comte  d'Essexy  est  arrivé  avec  ses  troup- 
pes,  veu  l'instance  qui  lui  avoit  esté  faicte  de  haster 
leur  veneue;  en  quoi  elle  se  dict  moquée,  mesprisee  et 
maltraictee. 

La  response  est  que,  pour  oster  l'opinion  de  l'en-  ■ 
nemi  de  l'entreprise  de  Rouen  ,  qui  estoit  desjà  trop 
divulguée,  sa  majesté  estima  à  propos  d'en  faire  quel- 
que aultre  en  Picardie,  attendant  la  veneue  de  ses- 
dictes  trouppes,  et  avoit  lors  celle  dudict  Noyon  en 
main,  sur  quelque  promesse  du  gouverneur,  que,  s'y 
présentant  l'armée  avec  huict  canons,  qu'on  donnast 
ordre  de  n'y  laisser  poinct  entrer  de  secours  (dont  il 
lui  semble  ne  debvoir  perdre  l'occasion)  ,  il  ne  se  feroit 
battre,  et  ne  le  feit  sa  majesté  sans  en  avoir  donné 
advis  à  ladicte  dame,  pensant  bien  estre  assez  tost  de 
retour  en  Normandie  pour  ne  laisser  perdre  de  temps 
à  ses  trouppes  quand  elles  seroient  arrivées  ,  en  quoi 
sa  majesté  auroit  esté  trompée  du  temps  sur  lenoncé 
de  la  date  du  nouveau  kalendrier  d'une  lettre  du  sieur 
de  Rean ,  selon  laquelle  elle  ne  les  attendoit  que  ung 
mois  plus  tard  qu'ils  ne  veinrent;  et,  lorsqu'elle  eut 
les  nouvelles  de  leur  arrivée ,  elle  se  trouva  engagée 
au  siège  de  Noyon,  n'ayant  la  promesse  du  gouver- 
neur en  lieu  ,  à  cause  que  l'armée  ne  peut  y  arriver 
assés   tost  après  l'avoir' faict  investir  pour  empescher 


A  M.  DUPLESSIS.  l33 

qu'il  n'y  entrast  secours,  comme  semblables  desseings 
ne  succèdent  pas  tousjours  selon  l'ordre  qui  y  est  donné. 

Que  de  s'en  retirer  lors  (  ce  qui  feut  mis  en  délibéra- 
tion), deux  choses  s'y  opposoient  ;  l'une  la  réputation  , 
par  laquelle  sa  majesté  a  plus  soubsteneu  ses  affaires 
que  par  les  moyens  qu'elle  a  eus,  et  mesmes  que  le 
duc  de  Mayenne  avoit  desja  commencé  d'assembler 
ses  forces  à  Han  ,  pour  entreprendre  de  la  secourir  :  à 
quoi  l'on  eust  attribué  la  retraicte  de  sa  majesté;  l'aul- 
tre,  la  difficulté  de  faire  marcher  les  reytres  et  Taultre 
équipage  sans  quelque  argent ,  dont  n'y  avoit  aultre 
moyen  que  de  la  prise  dudict  Noyon ,  après  laquelle, 
et  avant  que  pouvoir  tirer  quelque  somme  levée  sur 
les  habitans  ,  elle  demeura  encores  accrochée  plusieurs 
jours  à  ladicte  difficulté. 

Elle  reproche  le  faict  de  et  le  voyage  de  sa 

majesté  en  Champaigne  ,  incontinent  au  partir  do 
Noyon  en  Normandie. 

Le  premier  n'arresta  de  rien  l'armée,  laquelle  aussi 
bien  ne  se  pouvoit  plus  avancer  pour  beaucoup  d'in- 
commodités qu'il  y  avoit.  Et  quant  au  voyage  de 
Champaigne  ,  il  n'a  rien  retardé  les  affaires  de  la  Nor- 
mandie, y  ayant  M.  le  mareschal  de  Biron  faict  ce  que 
eust  peu  faire  sa  majesté;  car  la  prise  qu'il  a  faicte  de 
quelques  villes  et  aultres  places,  avant  que  venir  à 
Rouen ,  estoit  ung  préalable  et  preparatif  nécessaire 
pour  mieulx  en  asseurer  l'entreprise. 

Que  neantmoins  ledict  voyage  estoit  si  nécessaire 
de  la  personne  inesmes  de  sa  majesté,  que  ,  sans  icelui, 
il  y  a  grande  apparence  que  l'armée  d'Allemaigne  ne 
feust  passer  oultre,  veu  les  difficultés  que  encores  sa 
majesté  a  eues  de  les  y  conduire,  et  y  avoit  aussi  grande 
raison  de  le  faire  pour  les  empeschemens  qu'on  crai- 


l34  IlSrSTRUCTION  DU  ROY 

gnoît  en  leur  passage ,  de  la  part  des  ennemis  ,  ainsi 
qu'ils  le  pouvoient  entreprendre  si  les  forces  du  pape 
et  de  Lorraine ,  au  lieu  du  séjour  qu'elles  feirent  au- 
dict  pays  de  Lorraine  ,  eussent  marché  droict  vers  Val- 
lenciennes,  où  la  resolution  estoit  qu'ils  se  debvoient 
assembler  avec  le  duc  de  Parme,  pour  s'opposer  audict 
passage,  dont  les  moyens  étoient  si  apparens  et  les 
advis  si  communs,  que  ladite  armée  eust  peu  justement 
refuser  de  marcher ,  si  sa  majesté  n'y  eust  esté  pour 
les  conduire ,  laquelle  ayant  aussi  délibéré  d'en  laisser 
([uelque  partie  en  Cliampaigne  ,  pour  la  seureté  des 
frontières,  attendant  ce  que  les  ennemis  deviendroient, 
(lie  feut  encores  poussée  de  ceste  considération  à  faire 
le  voyage,  que  à  peine  se  voudroient  ils  séparer  que 
au  moins  elle  ne  les  eust  veus  ensemble,  comme  aussi 
elle  pense  que  les  princes  qui  l'ont  envoyée  s'en  feussent 
teneus  offensés. 

Elle  se  deut  aussi  tromper  du  nombre  des  forces 
qu'on  lui  avoit  faict  entendre  que  sa  majesté  auroit 
en  ce  siège,  comme  de  chose  supposée  pour  l'y  em- 
barquer. Sur  ce,  ledict  sieur  Duplessis  lui  sçaura  bien 
remonstrer  que  sa  majesté  ne  Ta  trompée,  mais  Ta 
esté  elle  mesme  par  les  accidens  de  morts,  maladies 
et  aultres  que  la  longueur  du  temps  apporte  aulx  ar- 
mées, et  par  le  besoing,  à  cause  de  celles  que  les  en- 
nemis ont  par  les  provinces ,  de  les  laisser  aussi  gar- 
nies le  mieulx  qu'elle  peult. 

Par  la  lettre  qu'elle  a  escrite  à  sa  majesté,  elle  Ta 
renvoyée  aux  estats,  dont  elle  dict  que  le  secours  lui 
pourra  estre  plus  prompt,  à  cause  qu'ils  ont  leur  ar- 
mée preste,  et  elle  n'a  aulcunes  forces  amassées,  veu 
aussi  qu'ils  se  sont  vollontairenient  offerts,  comme 
elle  dict  le  bien  scavoir,  qui  semble  lui  donner  quel- 


A  M.  DUPLESSIS.  ^?>'^ 

<]iie  jalousie,  avec  ce  qu'on  a  de  long  temps  cogneu 
sur  aultres  imaginations. 

Il  lui  peult  eslre  respondeu  que  quand  sa  majesté 
a  désiré  quelque  chose  d'eiilx,  elle  s'y  est  adressée 
principalement  par  sa  faveur  et  moyen;  que,  s'ils  ont  les 
forces  sus  pieds,  ils  veullent  faire  proffiter  le  loisir  que 
le  duc  de  Parme  leur  donne  venant  en  France;  ce  qui 
apporte  aussi  quelque  soulagement  à  sa  majesté,  du 
plus  grand  nombre  qu'il  en  pourroit  amener  sans  cest 
obstacle. 

Que  d'offre  ils  n'en  ont  faicte  aulcune  à  sa  majesté, 
sur  laquelle  elle  puisse  fonder  espérance  de  ce  secours  , 
lui  ayant  seulement  faict  proposer  pour  l'incommo- 
dité et  perte  qu'ils  ont  desjà  sentie  de  l'occupation  de 
Blanet  par  les  Espaignols,  que,  s'il  plaisoit  à  ladicte 
dame  entreprendre  de  les  en  oster,  comme  ils  le  se 
figurent  faisable,  ils  y  contribueront  vollontiers  ce 
qu'ils  pourroient;  de  sorte  que  ceste  offre  est  plustot 
attachée  au  respect  qu'ils  leur  portent  et  à  son  bon 
plaisir,  que  à  la  disposition  de  sa  majesté;  que  neant- 
moins  elle  n'a  laissé  d'ordonner  au  sieur  de  Buzenval 
de  sonder  sur  l'occasion  de  ce  siège  et  des  desscings 
forcés  des  ennemis ,  si  elle  pourroit  tirer  quelque  as- 
sistance d'eulx;  à  quoi  toutesfois  elle  ne  s'attend  nul- 
lement pour  les  raisons  susdictes,  et  que  cela  aussi  ne 
se  pourroit  traicter  (à  ce  que  sa  majesté  a  entendeu) 
que  par  assemblée  des  estats  gcneraulx ,  qui  seront 
chose  plus  longue  qu'il  ne  seroil  besoing  en  telle 
urgence  d'affaires,  et  ne  s'occuper  poinct  de  ladicte 
recherche  pourra  estre  teu,  si  ce  n'est  que  ledict  sieur 
Duplessis  voye  que  pour  ne  lui  laisser  opinion  que  sa 
majesté  lui  veuille  cacher  ou  desguiser  ses  actions, 
îl  le  lui  faille  déclarer. 


l36  INSTRUCTION  DU  ROY 

Elle  reproche  aussi  le  peu  de  forces  que  sa  majesté 
a  eu  en  Bretaigne  contre  la  promesse  qui  lui  avoit 
esté  faicte,  la  consommation  de  ses  hommes  et  moyens 
sans  en  attendre  aucung  fruict  pour  son  particulier, 
ni  que  sa  majesté  en  fasse  bien  son  profict,  déclarant 
que  si  bientost  elle  ne  sçait  qu'il  y  soit  donné  meilleur 
ordre,  et  ce  qu'on  vouldra  faire  à  cest  effect ,  non  seu- 
lement elle  n'y  employera  rien  ,  mais  aussi  est  resoleue 
de  retirer  ce  qu'il  y  reste  de  ses  trouppes. 

Pour  le  regard  du  nombre  des  forces,  sa  majesté 
s'est  en  partie  fondée  sur  ce  que  ceulx  du  pays  avoient 
promis,  et  d'ailleurs  y  avoit  ordonné  le  sieur  de  La- 
Terdin,  qui  lui  avoit  asseuré  d'y  mener  de  douze  à 
quinze  cens  hommes  de  pied,  et  de  trois  à  quatre  cens 
chevaulx ,  n'ayant  peu  y  envoyer  d'aultres  provinces, 
pour  avoir  chacune  des  affaires  ;  et  aussi  que  sa  ma- 
jesté n'a  moyen  de  les  payer,  comme  en  toutes  aultres 
choses  elle  est  combatteue  de  grandes  difficultés  que  la 
nécessité  lui  apporte,  et  qui  lui  font  perdre  beaucoup 
de  temps  et  de  bonnes  occasions. 

Que  pour  ceste  heure,  elle  ne  peult  pourvoir 
aulx  affaires  de  ladicte  province  comme  elle  desireroit  ; 
mais  que  Dieu  lui  donnant  la  bonne  isseue  qu'elle  at- 
tend de  ceste  occasion,  qui  l'occupe  entièrement,  et 
toutes  ses  forces  et  moyens ,  ce  sera  l'une  des  pre- 
mières choses  aulxquelles  elle  regardera  pour  y  faire 
toute  la  meilleure  provision  qui  lui  sera  possible;  ce-, 
pendant  elle  a  ordonné  à  M,  le  prince  de  Conly  se 
joindre,  avec  les  forces  qu'il  peult  avoir,  à  M.  le  prince 
de  combien   qu'elle  eust  faict  estât  de 

faire  venir  ledict  sieur  prince  de  Conty  et  sesdicts 
forces,  pour  s'en  servir  en  ceste  occasion,  suppliant 
h>.dicte   dame    ne  se  retirer  ni  lasser  de  ses  faveurs 


A  M.  DUPLESSÎS.  iSy 

et  assistances  envers  sa  majesté,  tant  de  ce  coslé  là 
que  es  aultres ,  où  elle  en  a  besoing  ,  sur  l'asseurance 
qu'elle  peult  prendre  d'avoir  à  jamais  sadicte  majesté 
et  tout  ce  qui  sera  en  sa  puissance  entièrement  h 
sa  dévotion. 

Lui  fauklra  faire  entendre  ce  qui  est  passé  avec  les 
reystres,  et  la  supplier  d'y  continuer  ses  bonnes  ex- 
hortations, ensemble  envers  les  princes  d'Allemaigne, 
pour  la  continuation  de  leur  secours  et  assistance  aulx 
affaires  de  sa  majesté. 

Si  ung  Mortara  qui  est  par  delà  dict  avoir  beau- 
coup de  choses  d'importance  à  faire  entendre  à  sa 
majesté,  se  présente  à  lui,  ou  que  aultres  lui  en 
parlent ,  il  taschera  de  pénétrer  en  ses  intentions 
le  plus  qu'il  lui  sera  possible. 

Communiquera  avec  ledict  sieur  de  Beauvois,  am- 
bassadeur ordinaire  pour  sa  majesté  vers  ladicte  dame, 
avant  que  rien  traicter,  prendront  audience  par  en- 
semble, ayant  en  tout  la  bonne  intelligence  qui  est 
requise  entre  les  serviteurs  ministres  de  sa  majesté. 

Faict  au  camp  devant  Rouen,  le  ..  jour  de  dé- 
cembre jSqi.  Signé  y   Henry. 

Et  plus  bas  y   Revol. 


XXYl.  —  ^  AULTRE  DESPESCIiE 

Du  duc  de  Parme  au  roj  d'Espaigne. 

Du  .  .  janvier  i5q2. 

Afin  de  passer  plus  avant  sur  cest  affaire,  et  pour 
!e  désir,  que  j'ai  de  donner  plus  de  lumière  à  vostrc 


l38  DîiSPESCHE  DU  DUC  DF,  PARME 

majesté  de  tout  ce  qui  se  peult  discourir,  j'ai  reteneii 
ceste  depesche  jusques  à  ce  que  j'aye  sceu  ce  qui  s'est 
passé  il  y  a  quattre  jours,  sur  les  propos  teneus  entre 
]e  président  Janin  et  M.  de  La  Chastre,  députés  du 
duc  de  Mayenne  h  ceste  fin,  avec  don  Diego  de  Ibara 
et  le  président  de  Richardet,  qui,  par  nos  commande- 
mens ,  les  allèrent  joindre;  les  deux  veinrent  à  se 
déclarer  (encores  qu'ils  ne  l'ozent  asseurer ,  pour  les 
difficultés  qui  se  présenteront  et  traverseront  l'affaire, 
j)0ur  esîie  de  l'importance  et  nouveaulté  qu'nng  clia- 
cung  sçait)  que  Ton  pourroit,  pour  ceste  fois,  intro- 
duire le  propos  de  la  loi  salicque,  pour  faire  nommer 
la  serenissime  infante  pour  royne  souveraine  de  ce 
royaulme,  avec  condition  qu'elle  y  viendroit  demeurer 
dans  six  mois  ,  et  de  là  à  aultres  six  mois  se  marieroit 
par  l'advis  des  conseillers  et  ministres  de  la  couronne, 
disant  qu'estant  l'affaire  reduict  à  ce  poinct,  et  estant 
elle  souveraine,  elle  pourroit  peult  estre  eslire  tel  mary 
({ue  bon  lui  sembleroit,  sans  que  personne  s'y  osast 
opposer,  adjoustant  à  ces  conditions  qu'il  falloit  con- 
tinuer les  lois  et  coue tûmes  du  royaulme,  et  les  con- 
server en  son  entier,  sans  prétendre  de  mettre  des 
gouverneurs  ni  des  garnisons  aulx  places  d'aultre  na- 
tion que  de  la  leur  naturelle,  et  que,  puisque  le 
rovauhne  estoit  divisé,  et  qu'il  n'y  avoit  apparence  de 
pouvoir  sitost  ni  si  facilement  chasser  le  de  Bearn  , 
hérétique  et  puissant  comme  il  est ,  ni  appaiser  ceulx 
qui  se  vouldroient  opposer  à  ceste  resolution;  que,  de- 
vant toutes  choses,  il  estoit  nécessaire  que  vostre  ma- 
jesté despendist  dans  le  propre  royaulme  :  première- 
ment, ils  dirent  huict,  mais  après  ils  montèrent,  dirent 
dix  millions  pour  le  moins  en  deux  ans,  afin  d'appaiser 
et  asseurer  le  royaulme ,  et  le  réduire  à  l'obéissance 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  1*^9 

deTinfante,  et  que  la  despeiise  s'en  feist  par  les  officiers, 
ministres  du  royaulme ,  en  la  forme  et  manière  qu'ils  ont 
accoustumé;  adjoustant,  pour  corroborer  leur  raison, 
que  ceste  déclaration  estant  faicte,  la  porte  leur  est 
du  tout  fermée  pour  se  pouvoir  jamais  plus  accommo- 
der avec  du  Bearn,  ni  parler  d'aultre  expédient;  et, 
pour  parvenir  à  ceste  intention,  il  leur  semble  que, 
moyennant  lesdicts  dix  millions  que  l'on  pourra  des- 
pendre en  dix  années,  qui  commenceront  des  lors 
que  la  serenissime  infante  sera  déclarée  pour  leur  royne 
et  non  devant ,  il  se  pourra  faire  quelque  grand  effect. 
Oultre  ce,  ils  concluent  qu'il  fault  de  nécessité  néces- 
sitant s'accommoder  avec  ceulx  qu'ils  appellent  princes, 
avec  les  gouverneurs  provinciaulx  particuliers,  avec 
plusieurs  aultres  de  la  noblesse,  tant  de  ceulx  qui  sui- 
vent le  parti  que  de  ceulx  qui  sont  du  parti  contraire, qui 
se  vouldroient  réduire;  car,  par  le  moyen  de  ceulx  ci, 
on  doibt  prendre  et  establir  l'affaire  en  l'assemblée  des 
estats;  car  aultrement  il  ne  se  peult  faire,  ni  de  la  sorte 
que  nous  prétendions  ;  et  le  duc  de  Mayenne  et  ces  prin- 
ces, avec  ceulx  de  la  noblesse  qui  nous  sont  bien  affec- 
tionnés, désirent,  nous  disans  librement,  pour  y  parvenir, 
gaigner  les  cœurs  des  personnes.  Il  y  falloit  une  grande 
somme  de  deniers,  qui  toutesfois  se  deduiroit  sur  les- 
dicts dix  millions  ,  oultre  les  charges ,  propriétés  et 
recompenses  qu'on  leur  feroit  dans  le  propre  royaulme, 
lesquelles  aussi,  comme  ils  disent,  seront  modérées, 
parce  qu'il  n'est  pas  raisonnable  qu'elles  soient  telles 
qu'elles  sont.  Leur  estât ,  qu'ils  prétendent  plus  que 
jamais  conserver  en  son  entier,  la  nous  font  ainsi  en- 
tendre en  toutes  les  occasions  que  nous  venons  à  parler 
de  ce  faict. 

Ledict  don  Diego  de  Ibarra  ,  le  président  Richardet, 


l/|0  BESPESCHE  DU  DUC  DE  PxVRME 

ont  respoiulcMi  à  ces  propositions  ce  qui  leur  a  semblé 
plus  convenable,  et  particulièrement  qu'il  ne  falloit 
nullement  doubler  que,  en  voyant  vostre  majesté,  sa 
fille  en  ce  royaulme,  vous  ne  la  vouldriez  abandonner, 
jusques  à  ce  qu'il  feust  composé  comme  il  est  bien  rai- 
sonnable, puisque,  mesme  à  présent,  sans  aultre  des- 
seing particulier,  sinon  le  gênerai  de  la  conservation 
de  la  relligion  et  bien  de  la  cbrestienté ,  vostre  ma- 
jesté despend  ,  comme  ils  sçavent  très  bien,  peu  moins 
de  quattre  millions  par  an,  qu'ils  prétendent  avoir 
asseurés  pour  les  deux  premières  de  la  royaulté  de  la 
serenissime  infante  ;  et  ores  qu'on  vienne  à  ceste  pro- 
messe, ils  ne  vouldroient  pourtant  obliger  vostre  ma- 
jesté qu'elle  mist  ceste  somme  toute  à  la  fois  en  leurs 
mains,  mais  qu'elle  se  fourniroit  à  mesure  qu'elle  se 
despendroit ,  à  quoi  il  semble  qu'ils  se  contenteront, 
comme  aussi  des  huict  millions  qu'ils  proposèrent  du 
commencement,  non  aulx  dix,  où  ils  s'arresterent. 

Il  feut  enfin  arresté  qu'ils  ne  feroient  response  sur 
ce  qui  avoit  esté  discoureu  et  proposé  entre  eulx,  pour 
leur  pouvoir  donner  la  resolution  qu'ils  pretendoient , 
laquelle  ils  esperoient  estre  telle,  qu'ils  auroient  la 
satisfaction  que  justement  on  leur  pouvoit  donner;  et 
ainsi  ils  me  la  donnèrent  hier  en  présence  de  Jehan 
Baptiste  de  Tassis  ,  qui ,  suivant  ce  que  je  lui  avois 
escrit,  s'est  resoleu  de  retourner  de  Bruxelles,  où  il 
estoit  desjà  arrivé  en  ce  royaulme,  et  d'autant  que  c'est 
ung  affaire  de  poids  et  de  telle  considération  qu'on 
peult  estimer.  Nous  nous  sommes  arrestés  pour  y  pen- 
ser ung  peu,  et  le  resouldre  tard;  car,  après  avoir 
bien  regardé,  considéré  et  pesé  le  tout  avec  ces  cir- 
constances ,  despendances,  nous  vinsmes  à  la  fin  con- 
former, en  ce  qu'il  nous  sembloit,  qu'il  ne  falloit  en 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  I^î 

aiilcune  f^içon  se  laisser  entendre  que  nous  n'eussions 
pouvoir  de   passer  plus  avant  et  conclure  ceste  nego- 
tiation  ,  sans  prendre  nouveau  conseil  de  vostre  ma- 
jesté, altendeu  les  inconveniens  qui  peuvent  survenir, 
desquels  l'assemblée  des  estats  n'est  le  moindre,  les- 
quels ,  comme  il  semble  ,  ils  veullent  tenir,  et  le  feront 
dans  peu  de  temps,  et  ne  sont  de  moindre  importance, 
les  discours  de   la   paix,  qu'ils  tiennent  tousjours  en 
estât;  laquelle  pourroit  advenir,  par  le  moyen   des 
mauvais  instrumens  que  le  duc  de  Mayenne  a  auprès  de 
soi,  lorsque  moins  nous  y  penserions  ,  oultre  l'ombrage 
et  souspçon  que  quelques  potentats  ont  de  vostre  ma- 
jesté, et  de  l'opinion   que  plusieurs  du  royaulme  se 
sont    imprimés    que   vostre  majesté  veuille   tenir  les 
affaires  en   longueur  pour  détruire   le  royaulme,   et 
donnent  occasion  à  sa  division  ,  tellement  que  n'ayant, 
comme  j'en  ai  ad  vis,  de  promettre  ceste  somme  de  la 
part  de  vostre  majesté,  qu'il  fault  s'en  resouldre,  sur- 
tout ne  rien  remettre  en  longueur,  ni  lasclier  de  la 
main  les  propos  de  la  serenissime  infante  ma  maistresse, 
qui  est  ce  qu'on  peult   désirer  en   cest  affaire.   Nous 
concleusmes  qu'ils  se  rassembleroient  aujourd'hui  de 
nouveau,  avec  eulx  Jehan  Baptiste  de  Tassis,  et  que, 
sans  accepter  ni  refuser  la  somme  des  huict  millions, 
on  passast  oultre  en  l'affaire,  leur  disant  que ,  puis- 
que on  a  parlé  de  cela,  on  vienne  au  poinct  qui   re- 
garde les  prétentions  des  princes,  des  aultres  particu- 
liers, de  la  noblesse,  et  sur  les  aultres  prétentions,  s'il 
y  en  a,  pour  resouldre  le  tout,  haster  l'assemblée  des 
estats;  parvenir,  avec  l'aide  de  Dieu,  à  la  bonne  isseue 
que  eulx  et  nous  prétendons  de  cest  affaire,  espérant, 
pendant  que  nous  traicterons  de  ceci,  et  incontinent 
après  de  la  seureté  de  l'argent  qu'il  conviendra  defi- 


14^  DESPESCIïE  DU  DUC  DE  PARME 

pendre,  oullre  ce  qui  s'est  employé  pour  le  bien  de  la 
couronne  et  pour  la  seureté  de  la  serenissiine  infante, 
ma  niaistresse,  mise  dans  le  propre  royaulme,  et  que 
les  choses  s'accommodent  ;  et  que  s'il  sera  meilleur  que 
]a  somme  qu'ils  prétendent  soit  despendeue  comme 
elle  est  à  présent  en  une  armée  d'ung  si  grand  nombre 
d'estrangers ,  et  ung  aultre  de  François,  et  non  tant 
par  leurs  mains,  qu'il  y  aura  moyen  d'avoir  response 
de  vostre  majesté,  avec  déclaration  de  sa  royale  vol- 
lonté  sur  ce  poinct,  mesmement  que  l'on  ne  doibt  ve- 
nir à  aulcune  exécution  sans,  au  préalable,  s'accorder 
en  ce  qui  touche  la  serenissime  infante ,  auquel  cas  il 
semble  que  toute  ceste  somme  doibt  estre,  pour  bieji 
employer  que  que  vostre  majesté  ait 

eu  aulcung  gaige  en  main.  Elle  a  despendeu  tout  ce 
qu'ung  chacung  sçait ,  et  peult  estre  lui  en  fauldra 
despendre  autant  pour  n'abandonner  ceste  saincte 
cause,  sans  aulcung  aultre  interest  particulier. 

Lesdicts  Jehan  Baptiste  de  Tassis  ,  don  Diego  de 
Ibarra  et  le  président  Ricbardet  s'en  retournèrent  avec 
ceste  resolution  au  quartier  du  duc  de  Mayenne,  et  s'as- 
semblèrent, avec  euU  M.  de  La  Chastre,  le  président 
Janin  ,  procurant  de  conduire  l'affaire  comme  nous 
l'avions  resoleu  entre  nous  ;  mais  cela  ne  leur  proficta 
de  rien  ,  pour  ce  que  on  leur  respondit  que  traicter  des 
particuliers  et  de  leurs  prétentions,  ce  seroit  ung  affaire 
trop  long;  qu'il  ne  s'y  falloit  arrester,  sans  première- 
ment conclure  le  principal  poinct ,  qui  est  des  millions, 
sur  lequel  on  doibt  fonder  le  reste  de  la  negotiation  de 
la  serenissime  infante  pour  leur  royne. 

Estans  retournés  à  moi  avec  ceste  response,  encores 
que  tous  feussent  d'opinion  que  je  ne  pouvois  refuser, 
de  faire  la  promesse  soubs  le  royal  nom  de  vostre 


AU  ROY  D'ESPAIG^^E.  i43 

iiiajeslé  pour  lesdicts  qualtre  millions,  pour  les  raisons 
ci  dessus  mentionnées  avec  plusieurs  aultres,  qui  se 
doibvent  assés  clairement  entendre  ,  ce  qui  nous 
oblige  à  ne  différer  à  leur  donner  ces!e  résolution 
pour  estre  .  Toutesfois,  ung  affaire  si  grand  , 

de  telle  importance  et  si  fragile,  et  qu'il  n'est  bien 
que  les  subjects  soient  si  hardis  d'offrir  chose  de  la- 
quelle ils  ne  soient  bien  asseurés  qu'elle  sera  agréable 
à  leur  majesté  ,  je  leur  demandai,  puisque  nous  estions 
sur  nostre  despart ,  et  que  par  ce  moyen  ils  ne  se  pour- 
roient  assembler  le  jour  ensuivant,  (ju'ils  y  pensassent 
bien  cependant.  Ce  que  je  leur  dis,  afin  que  pendant 
ce  temps  nous  prissions  mieulx  garde  à  la  despense  et 
au  service  de  vostre  majesté,  et  nous  estans,  cbacung 
de  son  costé,  entendeus  afin  d'acheminer  ceste  pour- 
suite, après  avoir  bien  pensé,  repensé  et  considéré  les 
inconveniens  qui  pourroient  advenir  s'ils  sentoient  que 
nous  n'avons  moyen  de  le  conclure  ,  sans  au  préalable 
avoir  advis  de  vostre  royale  vollonté,  et  que  de  le 
mander  ainsi  au  président  Janin,  et  que  partant  nous 
n'y  pourrions  condescendre,  c'estoit  chose  très  asseu- 
ree  que  non  seulement  il  adviendroit  que  l'affaire  de 
la  serenissime  infante  se  perdroit  du  tout,  mais  aussi 
que  nous  tomberions  en  mille  ii.  onveniens,  sans  se 
pouvoir  asseurer  de  voir  excleus  le  du  Bearn  de  ceste 
couronne.  Voir  que,  sans  le  pouvoir  reparer,  nous 
establirions  son  jeu  en  ung  affaire  si  forcé,  contrainct, 
au  moyen  de  quoi  nous  avons,  d'ung  commung  con- 
sentement, faiet  élection  du  parti  qui  nous  a  seml)lé 
le  meilleur  pour  le  bien  de  toute  la  chrestienté  du  royal 
service  de  vostre  majesté,  présupposant  qu'elle  avoit 
plus  de  desplaisir  après  tant  de  peine,  et  argent  des- 
pensé, et  sang  respendeu  ,  qu'on  meisl  fin  à  ung  affaire 


l44  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

de  telle  importance,  qui  est  d'avoir  offert  ce  qu'ils  pré- 
tendent, attendeu  que  les  refusant  une  fois  de  l'ung, 
on  n'y  pourroit  plus  revenir;  et  pour  Taullre,  si  vostre 
majesté  ne  l'a  agréable,  il  sera  en  sa  puissance  de  le 
refuser,  sans  consentir  ni  venir  à  ce  qu'ils  proposent  et 
offrent.  Par  ainsi  nous  avons  concleu  de  leur  offrir, 
non  argent  net ,  mais  jusques  à  vingt  mille  hommes  de 
pied,  et  cinq  mille  chevaulx  estrangers,  payés  par 
vostre  majesté  avec  l'artillerie,  pouldres,  et  attirail,  et 
douze  cens  mille  escus  à  la  disposition  de  la  serenissime 
infante ,  ma  maistresse ,  afin  de  pouvoir  entretenir 
ceulx  qu'il  fauldra  du  royaulme,  procurant  toutesfois, 
auparavant  de  les  faire  contenter,  de  seize  mille  hommes 
de  pied,  et  quattre  mille  chevaulx,  et  ung  seul  million 
en  argent ,  pour  les  occasions  ci  dessus ,  et  qu'ils  se 
contentent  de  ceste  assignation  pour  ung  an  seulement, 
nous  y  faisans  tout  ce  q(je  nous  pouvons,  sans  rien 
rompre  encores  que  quand  nous  ne  pourrions  mieulx 
faire.  Pour  ne  venir  lï  ung  poinct  si  pernicieux  comme 
est  la  perte  de  ceste  chrestienté,  nous  sommes  resoleus 
de  nous  estendre  jusques  aulx  deux  armées  qu'ils  pré- 
tendent, persistant  toulesfois  qu'il  y  ait  une  armée 
estrangere  soubsteneue  pour  ce  temps  par  vostre  ma- 
jesté :  pour  ce  c[uM  nous  semble,  pour  plusieurs  res- 
pects, qu'il  le  fault  ainsi,  afin  de  plus  promptement 
achever  d'appaiser  les  choses  du  propre  royaulme  , 
pour  le  rendre  plus  asseuré  pour  la  serenissime  infante, 
ma  maistresse,  quand  elle  y  devra  entrer,  demeurer, 
sur  quoi ,  sur  le  recouvrement  de  l'argent  despendeu  et 
qui  se  despendra,  et  les  aultres  poincts  qui 
ceste  matière,  on  les  traictera  par  le  moyen  desdicts 
Jehan  Baptiste  de  Tassis,  Diego  de  Ibarra  et  le  prési- 
dent Richardet,  avec  le  soing,  diligence  et  amour  que 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  l45 

vostre  majesté  peult  conférer  de  cliacung  d'eulx  et  de 
moi,  qui  suis  tant  vraiment  et  obligé  subject.  H  reste 
à  présent  que  vostre  majesté  soit  servie  de  se  resouldre 
en  cest  affaire ,  et  qu'elle  nous  commande  déclarer  sa 
royale  vollonté  en  tous  les  poincts  requis  fort  distinc- 
tement; et  voullant  qu'il  se  passe  oultre  sur  cest  affaire, 
commandera  faire  la  nécessaire  prévention ,  provision, 
tant  dlioinmes  que  d'argent;  pouvoir,  et 

n'oublier  quelque  somme  particulière  pour  les  extraor- 
dmaires,  qui,  sans  doubte ,  s'en  présenteront  de  très 
grands,  et  pour  les  vollontés  qu'il  fauldra  secrètement 
€t  séparément  gaigner,  ni  aussi  de  ce  qui  sera  néces- 
saire pour  l'enlretenenient  et  conservation  des  Pays 
Bas.  A  quoi  il  fauldra  aussi  pourvoir,  se  resolvant 
vostre  majesté  d'embrasser  ceste  chrestienne  negotia- 
tion,  par  la  voye  que  proposent  et  prétendent  le  duc 
de  Mayenne ,  ces  François  ;  et,  selon  mon  petit  jugement , 
il  fault  sur  toutes  cboses  tascher  de  ne  leur  manquer 
d'ung  poinct.de  tout  ce  qui  leur  sera  promis,  et  qu'il 
ny  ait  aulcune  dilation,  soit  pour  parvenir  à  ce  qui 
est  nécessaire,  ni  en  resouldre  et  conclure  l'affaire, 
puisqu'avec  ces  humeurs,  quelque  ce  soit  de  ces  deux 
choses,  non  seulement  prejudicier,  mais  aussi  le  de-  " 
truire  entièrement,  sans  espérance  de  le  faire  jamais 
car,  encores  que  je  voye  que,  pour  venir  à 
nostre  intention  il  y  aura  une  milliace  de  difficultés, 
telles  que  ce  sera  plustost  une  grâce  de  Nostre  Sei- 
gneur si  nous  les  surmontons  que  non  industrie  hu- 
maine, et  partant  il  semble  que  la  craincte  surpasse 
l'espérance  d"y  pouvoir  parvenir.  Toutesfois ,  s'il  y  a 
aulcung  moyen  qui  y  puisse  proficter,  c'est  celui  de 
briefveté  en  tout;  ce  qu'estant  cogneu  par  nous,  qui 
sommes  deçcà,  comme  nous  le  cognoissons,  nous  has- 

Mkm-  de   DurT.ESSTS-rvîonKAY.  TOWF  V.  J  Q 


l46  DESPESCHE  DU  DUC  DE  PARME 

tons  tant  que  pouvons  la  convocation  et  assemblée  des 

estais,  tout  ce  qui  nous  semble  propre  à  ceste  fin. 

Et  pour  ce  que  sans  double  ils  vouldront  voir  le 
pouvoir  que  nous  avons  de  vostre  majesté  pour  la 
conclusion  de  cest  affaire,  comme  il  est  très  raison- 
nable, je  supplie  vostre  majesté  l'envoyer  au  plustost  à 
celui  qu'il  lui  plaira  pour  le  conclure  et  y  mettre  fin, 
afin  que ,  faulte  de  ce ,  nous  ne  nous  arrestions  sur  le 
meilleur  temps;  car  je  crains  fort  qu'on  le  nous  de- 
mande auparavant  qu'on  vienne  à  l'assemblée  des 
estats,  et  sur  le  poinct  de  la  déclaration  que  nous  pré- 
tendons qu'ils  feront  en  faveur  de  la  serenissime  in- 
fante, ma  maistresse,  veu  qu'ils  sont  fort  curieux  en 
toutes  choses  :  et  certainement  en  seroit  ung  grand 
inconvénient  de  leur  dire  que  nous  n'en  avons  poinct, 
encores  que  nous  différassions  assés  de  la  leur  monstrer. 

Certainement  c'est  ung  affaire  grand  et  de  grand 
poids,  et  qui  a  esté,  est  et  sera  de  grands  frais;  car, 
pourveu  qu'on  ne  passast  les  huict  millions  en  deux 
ans ,  moyennant  lesquels  ils  prétendent  pouvoir  appaiser 
les  choses  de  ce  royaulme,  nous  nous  pourrions  con- 
tenter ;  et ,  quant  à  moi ,  je  crains  qu'il  en  faille  dadvan- 
tage,  et  pour  plus  de  temps,  d'aulcune  part,  consi- 
dérant que  la  serenissime  infante  ma  maistresse  sera 
déclarée  royne,  propriétaire  de  ce  royaulme,  qui  est 
ce  que  vostre  majesté  prétend  et  désire,  et  qui  lui 
vient  si  à  propos,  non  tant  pour  les  choses  du  propre 
royaulme  et  de  la  relligion  catholique  en  gênerai 
comme  pour  les  royaulmes  et  estais  de  voslre  majesté 
en  particulier.  Il  semble  que  cela  donne  courage  à  ai- 
der à  la  matière ,  et  à  procurer  de  l'advance  le  plustot 
que  faire  se  pourra. 

J'ai  esté  très  aise  que  sa  sainteté  s'est  resoleu  de  faire 


AU  ROY  D'ESPAIGNE.  l/jy 

cardinal  l'evesque  de  Plaisance,  et  de  le  déclarer  son  légat 
en  ce  royaulme  pour  les  occasions  mentionnées  en  une 
lettre  qui  va  avec  ceste  ci ,  et  pour  estre  tout  asseuré  qu'il 
apportera  tout  ce  qu'il  pourra  à  ce  que  nous  prétendons 
en  cest  affaire  qui  est  tout  ce  que  nous  pourrions  désirer. 
Mais  venant  apparemment  d'entendre  que  ung  cour- 
rier que  le  duc  de  Lesso  a  depesché  des  le  du 
passé  la  mort  du  bon  pape  Innocent  qui  si  bien  enten- 
doit  ces  affaires,  et  les  guidoit  si  prudemment,  je  con- 
fesse qu'il  m'a  mis  en  ung  grand  esmoi,  non  tant  pour 
le  regard  de  ma  maison ,  pour  l'affection  qu'il  nous  por- 
toit  comme  pour  le  service  de  sa  majesté ,  sur  ce  que 
nous  avions  en  main  et  de  toute  la  chrestienté  ,  atten- 
deu  que  par  le  moyen  de  son  sainct  zèle,  expérience, 
et  prudence  dont  il  estoit  doué,  on  peult  présupposer 
qu'il  eust  faict  de  très  grands  effects;  je  dirai  bien  que 
ceste  perte  nous  oblige  de  accélérer  plus  que  jamais 
cest  affaire,  et  à  condescendre  avec  plus  de  facilité  ce 
que  proposent  et  prétendent  ces  François,  pour  ce  que 
si  le  fort  tombe  sur  quelqu'ung  qui  n'entende  ces  affai- 
res, comme  les  deux  derniers  papes,  il  nous  trouve  si 
avant,  et  si  bien  establis  en  icelui ,  qu'il  ne  puisse  em- 
pescher  le  bon  succès  :  j'espère  en  Dieu  qu'il  nous  en 
donnera  ung  bon  et  bien  conforme  à  son  sainct  service 
et  à  celui  de  vostre  majesté  qui  est  si  conjoinct,  puis- 
qu'elle aura  commandé  de  faire  les  préventions  pour  cest 
affaire  ,  lesquelles  nous  debvons  attendre  de  son  sainct 
zèle  et  bonne  affection.  Nostre  Seigneur  garde  et  pro- 
spère la  S.  C.  R.  P.  de  votre  majesté  avec  accroissement 
de  royaulmes  et  estât,  que  ce  vrai  subject  plus  désire. 
De  vostre  majesté  ,  humilde  criado  que  sus  pies  r 
manos  besa,  Allexandro  FA.Rf\ES£. 
Du  Lion  Santof,  ce  .  .  de  janvier  1692. 


ll^S  LETTRE  DU  ROY 


XXVII. —  -^LETTRE  DU  ROY 

J  M.  de  Beauvoir,  ambassadeur  pour  sa  majesté 
€71  Angleterre. 

Du  .  .  janvier  1692. 

Monsieur  rambar.sadeur ,    vous   pouirés  faire  en- 
tendre à  la  royne  ma  bonne  sœur ,  comme  aussitost 
que  mon  cousin  le  comte  d'Essex  a  parlé  de  la  volonté 
qu'elle  avoit  qu'il  s'en  retournast ,  il  ne  m'a  falleu  de 
crrandes  parolles  pour  le  lui   persuader,   encores  que 
l'espérance  et  l'apparence  d'une  prochaine  battaille  , 
dont  les  ennemis  nous  menassent ,   le  conviast  assés , 
lui  plein  de  valleur  et  de  courage,  de  demeurer  :  je  lui 
ai  tant  d'obligation ,  que  je  ne  la  vous  puis  celer ,  sans 
lui  faire  trop  de  tort,  et  vouldrois  avoir  aultant  de 
moyen  de  la  lui  recognoistre,  que  je  m'y  sens  obligé 
par  mondict  cousin.  Vous  entendrés  aultant  de  mes 
nouvelles  que  de  celles  de  mes  ennemis  que  je  vous  en 
pourrai  escrire  par  ung  aultre.  Aussi  c'est  ce  qui  fera 
la  mienne  plus  courte  ,  et   sur   ce  je   la  finirai  pour 
pryer   Dieu  qu'il  vous  ait,   M.  l'ambassadeur,  en   sa 
saincte  garde.  De  Gournay.  Hier  j'envoyai  cinquante 
chevaulx  des  miens  à  la  rencontre ,  qui  en  trouvèrent 
cent  du  prince  de  Parme.  Ils  en  tuèrent  quarante  trois 
sur  la  place  ,  cinq  de  prisonniers  ,  et  les  aultres  furent 
mis  en  déroute  et  deffaicts. 


A  M.  DE  BEAUVOIR.  i49 

XXVIII. —  -^LETTRE  DU  ROY 

A  M.  de  Beauvoir. 

M.  de  Beauvoir,  je  vous  envoyé  le  mémoire  de  ce 
qui  se  passa  hier.  C'est  ung  eschantillon  de  plus ,  si 
nous  sommes  assistés  à  temps  ;  car  il  m'est  trop  dur 
de  démordre  Rouen;  mais  je  suis  en  peur,  si  la  royne 
ne  m'assiste  prompteaient,  et  il  y  va  de  trop  pour 
m'abandonner  en  ce  hesoing  ;  et  plaist  à  Dieu  qu'eire 
en  vist  la  conséquence,  soit  à  mal,  soit  à  bien.  Pressés 
l'en  donc,  je  vous  prye,  et  que  bientôt  j'en  reçoive  les 
fruicts ,  que  j'attends  de  sa  bonne  affection ,  et  de 
vostre  dilligence,  et  sur  ce,  etc. 

Et  au  costé  est  escript  :  Je  suis  en  peur  du  pauvre 
Saqueville.  Assurés  la  royne,  et  ceulx  à  qui  il  appartient, 
que  j'en  aurai  soing ,  et  desjà  j'ai  envoyé  ung  trom- 
pette pour  sçavoir  ce  qu'il  sera  deveneu  ;  je  crains  qu'il 
ne  se  soit  engagé  trop  avant. 

XXIX.  —  ^  LETTRE 

De   Vevesque  de  Bristone. 

Spectatissimo  et  ornatissimo  viro  mihique  inpri- 
mis  carissimo  domino  Philippo  Mornayo  domino 
Duplessis. 

Et  si  (vir  ornatissime)  mihique  multis  nominibus, 

carissime   domine,   et  de  Ecclesia   disserentem  vide- 

rim  ,  et  disputantem  dilexerim  (  ita  omnia  quœ  ad  illam 

,  pertinebant,  et  orthodoxe  doceas  et  eru- 


l5o      LETTRE  DE  LEVESQUE  DE  BRISTONE. 

dite  explices,  adversus  synagogam  et  cœtum  maligna- 
tiuin  pro  communione  fidellium)  tamen  cum  nuper  in 
anglia  nostira  sermoneiii  tecum  haberem ,  et  de  rebus 
vestris.  De  confederatorurn  Galliae  plane  et 

nefaria.  Gonjuratione  :  et  de  nostris  etiam  ,  periculosa 
i-idelicet  et  intempestiva  de  Ecclesise  politica  instituta 
contentione,  intellexi  plane  quam  et  in  te  arteni  fece- 
rit  et  quale  judicium,  multiplex  doctrina,sacrae 

paginœ  versio,  et  memoria  bistoriae  confirmaveriint. 
Quœ  qiiidem  omniaquum  ad  utilitatemEcclesiae  Gliristi 
a  Deo  tibi  donata  perspexissem  ,  videbar  niibi  sane 
incidisse  in  eum  quem  prius.  Exoptassem  toto  mihi 
dari  oui  et  causam  Ecclesiae  nostrœ  coinniendarem  tam 
insigni  calculo  confirniandam  et  fratrum  quorumdam 
apud  nos  obstinatani  contentioneni  digito  demonstra- 
rem  ;  ut  etiam  probe  innotescat,  quam  faciant  inju- 
riam  huic  celeberrimae  Ecclesiae  quum  passim  etvestibus 
meretriciis  eam  judici ,  et  Antichristi  legibus  et  politeia 
gubernari,  vociferantur.  Primum  ergo  (vir  spectatis- 
sime)  mitto  tibi  bas  tabulas  sexdecim,  quae  brevi 
metbodo  et  commodissima  formam  integram 

regiminis  Ecclesiae  noslrae  ,  complectuntur.  In  iis 
etenim  et  personae  régentes,  et  regiminis  ratio,  auc- 
toritas  ,  leges  et  ordines  ,  continentur.  In  iis  plane 
perspicies,  et  quibus  fondamentis  nilatur,  et  in  quo 
cardine  vertatur,  tam  prœclarae  Ecclesiae 
et  judicium  faciès,  numquid  importuni  isti  obtrecta- 
tores  non  accersant  sibi  judicium.  Illud  cujus  meminit 
beatus  Judas  apostilus  Sozas  Mitto  insu- 

per librum  publicarum  precum  et  ministerii  sacramen- 
torum  rituum,  caeremoniarum  ,  et  liturgiae  quae  in 
Ecclesiae  nostra  celebratur.  Hune  tu  librum  diligenter 
precor  observa  et  vide  obsecro,  num  possit  aut  dcbeat 


LETTRE  DE  L'EVESQUE  DE  BRISTONE.  i5ï 
minister  Evangelii  gregem  deserere,  cui  prœficitur  , 
imo  quem  redeiiiit  Christus  summus  animarum  ponti- 
fex  proprio  et  pretioso  sanguine ,  et  manum  ab  aratro 
monere,  sibique  os  obstruere,  fierique  mutus  canis, 
quam  ad  hanc  normam ,  sacra  peragere.  Quumqueplu- 
rima  apud  nos  hinc  inde  scriptis  utriusque  committan- 
tur,  quorum  alia  auctoritate  publica  prodeunt;  reli- 
qua  clandestinis  prœliis  caduntur,  visum  est  etiam  una 
cum  reliquis  tractatusduos  uno  volumine  connexos  tibi 
dare.  Primus  auctoritatem  habet  virum  aculum  pariter 
et  doctum ,  doctorein  sublimum  Ecclesiae  Exoniensis 
cathedralis  decanum,  cui  quia  in  paucis  dura  Bezam 
in  ejus  vocet  pro  presbyterio,  concludentem,  audio 
11  une  Genevae  responsum  esse,  aut  saltem  confutatio- 
nem ,  illius  ibidem  institui,  sed  qui  ego  istud  grave 
oleus  vereor  enasurum ,  si  ita  fiât,  quum  et  sublimus 
Cis  lUud  prosequi ,  et  possit,  et  velit,  vehe- 

menter,  et  nos  omnes  prœsertim  ecclesiasticique  non 
ita  pridem  laboranti  Ecclesiœ  Genevensi  opem  animis 
paratissimis  tulerimus ,  maie  repositam  gratiam  existi- 
mabimus,  si  aut  partes  nobis  contrarias  tueantur  aut 
defensiones  nostras  convellere  conentur.  Alter  docloris 
Saraviae  Belgi  est  jam  apud  nos  pastoris  munere  ful- 
gentes,  qui  miserabili  Ecclesiarum  bclgicarum  confu- 
sione,  et  depredatione  commotus  et  de  diversis  gradi- 
bus  ministrorum  et  de  debito.  lllis  honore  scripsit. 
Postremo  ut  et  statum  ipsius  causœ  et  quasi 
videre  possis  ,  mitto  etiam  theseis  quasdam  ,  aut  verius 
quœ  si  conformentur  ad  illam  normam 
quae  apponitur  quod  aliquando  (Deo  volente)  futurun» 
confidos  necessarium  illud  necessitatem 

presbyterii  manibus  prorsus  extorquebunt.  Restât  igi- 
tur  (doclissime  vir  )  rt  si  ut  dici  solet  inter  arma  silent 


l52  LETTRE  DE  L'EVESQUE  DE  BRISTONE. 
leges,  calamumque  gladios  excutiat  e  manibus  tuis  ut 
mihi  des  veniam  hoc  interpretandi,  si  modo  tantum 
otii  Deiis  aliquando  dederit ,  ut  quid  tibi  videatur,  de 
re  nostra,  et  me  privatim  certiorem  facere  digneris. 
Et  si  aliquam  nactus  fuerit  ut  et  libère  pro- 

feras, quœ  paci  et  utilitati  totius  Ecclesiae  inservire 
possint.  Deus  pacis  et  dileclionis ,  regem  christianissi- 
mum  ab  hostibus  luctatur  rebelles  et  perduelliones , 
omnes  eorumque  conatus  evertat ,  Ecclesiae  suœ  sanctae 
hostes  perdat,  orbique  christiano  pacem  suam  sargia- 
tur  propter  nomen  suum. 

Bene  vale ,  vir  honorande,  ex  aula  regia  Londini, 
27  die   mensis   januarii    iSqs.  Yere   tuus  in  Domino 
Jesu  ,  ad  omnia  pietatis  officia,  et 
llichardo   episcopiis  Bristodiensis  regiae  majestatis  ab 
eleemosinis. 


XXX.  —  NEGOTIATION 

De  M.  Duplessis  en  Angleterre^  en  janvier  iSga. 

Le  roy  entendant  la  prochaine  entrée  du  duc  de 
Parme  en  son  royaulme,  avoit  despesché  ung  huissier 
de  sa  chambre,  nommé  Launoy,  en  Angleterre,  avec 
lettres  par  lesquelles  il  en  advertissoit  la  royne  d'An- 
gleterre, et  en  oultre  la  pryoit  de  l'assister  de  cinq  mille 
hommes  de  guerre,  à  scavoir  trois  mille  piquiers  et 
deux  mille  mousquetaires,  attendeu  que  la  pluspart 
des  Angîois  paravant  envoyés,  soubs  M.  le  comte  d'Es- 
sex ,  estoient  ou  morts  ou  dissipés,  et  de  quatre  mille 
reduicts  à  moins  de  six  cens. 

Lequel  Launoy  auroit  rapporté  une  lettre  de  ladicte 


NEGOTIATION  DE  51.  DUPLESSIS,  etc.  i  53 

dame  royne  pleine  de  reproches  des  choses  passées , 
et  portant  ung  refus  absoleu  de  la  susdicte  demande , 
quelque  debvoir  qu'eust  faict  M.  de  Beauvoir,  ambas- 
sadeur résident  pour  sa  majesté  en  Angleterre,  de  re- 
jnonstrer  ce  qui  estoit  de  la  raison  et  du  service  du  roy. 

Seroit  environ  ce  temps  parti  d'Angleterre  M.  lé 
comte  d'Essex  pour  revenir  en  France,  selon  la  pro- 
messe qu'il  en  avoit  faicte  au  roy,  auquel  ladicte  dame 
n'auroit  vouUeu  consentir  de  tirer  des  hommes  d'An- 
gleterre, mais  bien  seulement  ung  régiment  des  vieilles 
garnisons  de  Flandres,  lequel  estoit  payé  pour  mille 
honnnes,  et  à  la  vérité  n'y  en  avoit  que  de  six  à  sept 
cens,  mais  vieulx  soldats  et  en  très  bon  service. 

L'absence  dudict  seigneur  comte,  uniquement  favo- 
risé de  la  royne,  aigrissoit  extrêmement  sa  majesté, 
et  d'autant  plus  qu'il  partoit  contre  son  gré,  menacé 
de  défaveur  ,  et  préférant  sa  réputation  à  ses  com- 
mandemens.  Et  estoit  le  roy  adverti  de  tous  ceulx  qui 
aimoient  le  bien  de  ses  affaires,  que,  s'il  ne  lui  per- 
suadoit  de  s'en  retourner,  il  n'obtiendroit  jamais  rien 
de  la  royne. 

Sa  majesté  neantmoins  feit  une  auUre  despesclie  à 
la  royne  sur  une  plus  chaulde  nouvelle  de  l'entrée  du 
duc  de  Parme  ,  par  Miremont,  l'ung  de  ses  aumosniers. 
Mais  comme  elle  sceut  de  certain  qu'il  estoit  entré, 
et  jà  advancé  jusques  à  La  Fere  en  Picardie,  se  reso- 
leut  de  son  propre  mouvement  d'envoyer  le  sieur  Du- 
plessis  en  Angleterre  pour  combattre  toutes  les  diffi- 
cultés, encores  que  d'ailleurs  il  feust  fort  tenté  de  le 
retenir  pour  une  negotiation  encommencee  près  de  sa 
majesté,  de  non  moindre  importance. 

Lequel  selon  l'humeur  de  la  royne ,  que  de  long 
temps  il  cognoissoit,  lui  remonstra  qu'il  n'y  feroit  rien 


l54  IVEGOTI/ITION  DE  M.  DUPLESSIS 

s'il  ne  renvoyoit  le  comte  d'Essex  ;  tant  qu'enfin  il  lui 
commanda  de  voir  avec  lui  s'il  pourroit  l'y  induire,  à 
quoi  il  tasclia  par  plusieurs  raisons;  mais  ledict  sieur 
comte  ny  peult  estre  esmeu ,  alléguant  qu'il  lui  seroit 
trop  préjudiciable  de  sortir  de  France  quand  le  duc  de 
Parme  y  entroit. 

Le  dernier  donc  de  décembre  i5gi,  le  sieur  Du- 
plessis  partit  du  can)p  devant  Rouen ,  et  arriva  à 
Dieppe,  où  il  trouva  le  sieur  de  Leyton,  oncle  dudict 
sieur  comte,  lequel  il  alla  voir,  et  lui  réciproquement. 
Lequel  ne  lui  dissimula  poinct  qu'il  venoit  avec  charge 
de  la  royne  de  signifier  au  comte  d'Essex  qu'il  retour- 
nast  en  Angleterre  en  dedans  le  dernier  de  l'an  iSqi  , 
qui  tomboit  au  dixiesme  janvier ,  selon  nostre  style; 
sinon  qu'elle  lui  ostoit  sa  charge  des  à  présent,  pour 
lors  rappelloit  tous  ses  subjects  hors  de  France,  et  le 
despouilleroit  de  ses  estats;  tant  s'en  fault  qu'elle  fust 
en  aulcune  disposition  de  le  fortifier  de  nouvelles  forces 
pour  le  secours  du  roy. 

Sur  quoi  le  sieur  Duplessis  feit  une  despesche  au 
roy  très  expresse  par  le  sieur  Mercier,  aultrement  des 
Bordes,  et  pareillement  à  M.  le  mareschal  de  Biron  et 
M.  de  Revol  ,  remonstrant  qu'il  valloit  mieulx  qu'il 
previnst  l'attente  de  son  retour  pour  maintenir  son 
crédit,  que  de  se  faire  surattendre,  en  danger  de  le 
perdre  ,  puis  que  la  royne  estoit  aheurtee  sur  ce  poinct. 
Do  Dieppe  partit  le  lendemain  premier  de  l'an  1592; 
et  le  1,  prit  terre  à  La  Rie,  où  il  trouva  Miremont, 
que  dessus,  attendant  le  vent,  et  chargé  d'une  des- 
pesche encores  plus  resoleue  de  la  royne,  de  n'assister 
})oinct  le  roy,  et  de  M.  de  Beauvoir,  ambassadeur,  que 
le  roy  ne  debvoit  rien  attendre  d'elle  pendant  l'absejjce 
du  comte  d'Essex,  auquel  la  royne  vouUoit  oster  toute 


EN  ANGI.ETERBE.  1^^ 

orcnsioii  de  demeurer  en  France,  qui  feut  rnnse  que 
par  ledict  Mircmont  ledict  sieur  Duplessis  feit  encores 
une  recharge  au  roy  de  pareil  sidDJect. 

Le  quatriesme  janvier  arriva  le  sieur  Duplessis  à 
Londres,  communiqua  des  le  soir  avec  M.  l'ambassa- 
deur, qui  lui  donna  à  souper,  et  demandèrent  le  len- 
demain leur  audience  ensemble,  qui  leur  feut  accordée 
pour  le  6,  style  de  France,  qui  estoit  le  27  décembre 
1691 ,  style  d'Angleterre. 

En  ceste  audience  sa  majesté  se  monstra  fort  mal 
satisfaicte  du  passé ,  desgoustee  totalement  des  affaires 
de  France,  protestant  de  ne  les  plus  assister  que  de 
prycres,etc.  Et  ses  raisons  estoient,  que  quattre  mois 
durant  on  avoit  laissé  consumer  ses  gens  inutilement, 
après  les  avoir  demandés  si  hastivement  pour  le  siège 
de  Rouen.  Que,  contre  le  traicté,  le  roy  s'estoit  arresté 
au  siège  de  Noyon  ;  de  là  s'en  seroit  allé  en  Cham- 
paigne  ,  dont  elle  se  sentoit  mocquee  et  mesprisee. 
Qu'on  avoit  donné,  comme  de  gaieté  de  cœur,  loisir 
au  duc  de  Parme  de  se  préparer  tout  à  son  aise.  Et 
que  maintenant  on  demandoit  ung  secours  à  la  haste, 
dont  on  n'eust  poinct  eu  besoing  si  on  eust  faict  les 
choses  à  temps.  Et  que  quand  ores  on  le  vouldroit  en- 
voyer (ce  qu'elle  ne  feroit  jamais)  ne  pourroit  aulcune- 
ment  arriver  à  temps. 

Ces  raisons  neantmoins  tous  jours  entrecoupées  de 
digressions  de  courroux,  d'injures  et  de  menaces  cor- 
tre  le  comte  d'Essex  ,  qu'elle  ie  feroit>  le  plus  petit 
compagnon  d'Angleterre  ;  qu'il  faisoit  accroire  au  roy 
qu'il  gouvernoit  tout,  et  qu'elle  lui  feroit  bien  voir 
que  non  ;  estant  resoleue ,  non  seulement  de  ne  lui  en- 
voyer poinct  nouvelles  forces,  mais  mesmes  de  rappeller 
tous  ses  Anglois. 


î  JÔ  NEGOTIATION  DE  M,  DUPLESSIS 

Aulx  plainctes  que  dessus  feut  respondea  à  la  royne 
par  le  sieur  Duplessis  le  plus  brefvement  qu'il  peut. 
Mais  sa  principale  response ,  pour  couper  tout,  feut, 
que  c'estoient  choses  passées  non  de  son  temps,  sur 
lesquelles  le  roy  l'auroit  satisfaicte  par  ses  précédentes 
'  despesches ,  et  par  la  bouche  de  M.  l'ambassadeur,  sur 
la  suffisance  duquel  il  ne  voulloit  entreprendre,  etc. 
Et  parce  que  ladicte  dame  se  plaignoit  de  n'avoir  poinct  ' 
dormi,  et  se  trouver  mal,  ne  feut  poinct  passé  plus  ^ 
avant;  icelle  les  pryant  de  se  contenter  de  ceste  brefve  . 
audience  pour  ceste  fois. 

Sur  quoi  le  sieur  Duplessis  la  supplia  de  trouver 
bon  ,  qu'il  lui  baillast  le  surplus  par  escrit,  afin  qu'elle 
feut  plus  esclaicie.  Et  lors  elle  lui  dict  qu'il  le  pour- 
roit  bailler  à  M.  le  grand  trésorier  qui  estoit  là  pré- 
sent ,  auquel  sur  l'heure  feut  baillé  le  Mémoire  qui 
ensuit  : 

«  Le  roy  très  chrestien  a  despesché  exprès  le  sieur 
Duplessis  vers  la  serenissime  royne,  madame  sa  bonne 
sœur,  pour  lui  représenter  Testât  où  se  retrouvent  à 
présent  ses  affaires;  comme  à  celle  de  la  faveur  et  as- 
sistance de  laquelle  elles  dépendent  pour  une  bonne 
partie,  par  le  soing  qu'il  lui  en  a  pieu  prendre  jusques 
ici,  et  au  prudent  conseil  de  laquelle  aussi  il  désire 
conformer  ses  desseings  et  intentions  au  plus  près  qu'il 
pourra. 

«  L'estat  d^jnc  est  tel,  que  sa  majesté  tres*chres- 
tienne  tient  la  ville  de  Rouen  investie  et  assiégée  de 
tous  costés  très  estroictement  ;  la  rivière  de  Seine 
mesme  bouchée  par  le  moyen  de  dix  vaisseaux  de 
guerre,  oultre  ceulx  que  sa  majesté  a  envoyés,  qu'il 
y  a  faict  entrer,  tellement  que  désormais  elle  ne  peult 


EN  ANGLETERRE.  ID7 

plus  recevoir  secours  aulcung;  à  quoi  toutesfois  il  est 
appareu  par  lettres  interceptées  du  sieur  de  Villars , 
qu'il  s'attendoit  fort;  et  qu'au  default  de  ce,  il  ne  se 
trouveroit  suffisamment  assisté  d'hommes  pour  la 
défense  de  la  ville. 

«Et  quant  au  fort,  sa  majesté,  des  que  le  sieur 
Duplessis  est  parti,  l'avoit  approché  de  si  près  par 
tranchées,  qu'elle  estoit  au  pied  de  la  contrescarpe, 
proche  d'entrer  dedans  le  fossé,  pour  venir  à  la  sappe 
à  la  poincte  des  espérons,  au  premier  jour;  ce  qu'es- 
tant, n'y  a  pas  d'apparence  qu'il  puisse  longuemenr. 
durer,  si  sa  majesté  a  cest  heur,  comme  elle  se  promet, 
de  continuer  son  siège.  Et  est  tout  certain,  par  la  con- 
sidération du  lieu,  que  le  fort  pris,  la  ville  ne  peult 
subsister":  joinct  que,  par  les  susdictes  lettres  inter- 
ceptées et  deschiffrees  dudict  de  Villars  au  duc  de 
Mayenne,  il  déclare,  le  fort  une  fois  pris,  qu'il  ne  sçait 
aulcung  moyen  de  contenir  le  peuple,  ni  de  le  faire 
resouldre  à  sa  ruyne. 

«  Il  a  esté  proposé  quelquesfois,niesmes  par  le  comte 
d'Essex  ,  qui  cherche  toutes  occasions  de  bien  faire , 
depuis  l'arrivée  des  bandes  angloises  des  Pays  Bas,  de 
se  loger  en  certain  bout  des  faulxbourgs  entre  le  fort^ 
et  la  ville  ,  pour  rompre  la  communication  de  l'ung  à 
l'aultre.  Mais  comme  il  se  trouvoit  aisé  de  s'y  loger,  il 
s'est  trouvé  impossible  de  s'y  tenir  qu'avec  une  inutile 
perte  d'hommes;  qui  est  cause  que  le  roy  s'est  teneu 
à  la  voie  plus  longue  en  apparence,  mais  plus  seure 
en  effect;  resoileu  neantmoins,  des  que  tout  le  reste 
de  son  artillerie  ,  qu'il  faisoit  monter  par  la  Seine, 
seroit  à' terre,  de  battre  furieusement  le  fort,  et  pour 
distraire  leurs  forces,  une  partie  aussi  de  la  ville. 

«  Pendant  que  ledict  seigneur  roy  est  occupé  en  ce 


l58  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

siège,  et  n'oublie  rien  à  l'advancer,  et  peult  estre  mes- 
mcs  y  espargner  moins  sa  personne  que  ses  bons  servi- 
teurs ne  vouidroient,  sa  majesté  très  chrestienne  a  nou- 
velles certaines  que  le  duc  de  Parme  est  entré  en  son 
royauhne,  et  arrive  à  La  Fere  en  Picardie,  avec  com- 
mandement très  exprès  de  secourir  la  ville  de  Rouen, 
d'autant  plus  que  le  sieur  de  Villars,  qui  y  commande, 
a  traicté  particulier,  ainsi  que  Ton  tient,  avec  le  roy 
d'Espaigne. 

«  Les  forces  du  duc  de  Parme  sont  de  quattre  mille 
hommes  de  pied  Wallons,  deux,  mille  reystres,  et  deux 
mille  lances  ;  et  attendoit  encores  deux  regimens  d'Es- 
paignols;.et  se  faict  estât  que,  joincts  avec  l'armée  du 
pape  et  celle  du  duc  de  Mayenne,  ils  pourront  faire 
de  vingt  à  vingt  cinq  mille  honmies.  Il  conduict  aussi 
douze  pièces  de  batterie  sur  des  brancards ,  avec  l'é- 
quipage convenable  ,  et  munitions  pour  dix  mille 
coups  de  canon. 

«  Est  à  considérer  là  dessus  que  ledict  duc  n'a  qu'ung 
effect  à  faire ,  et  auquel  neantmoins  il  peult  tendre 
par  divers  chemins  et  moyens,  à  sçavoir  le  secours  de 
la  ville  de  Rouen  :  au  lieu  que  le  roy ,  en  ung  mesme 
instant,  en  a  plusieurs  à  faire  et  à  pourvoir,  à  sçavoir, 
continuer  le  siège  de  ladicte  ville,  à  quoi  il  est  très 
resoleu;  faire  teste  au  duc  de  Parme  sur  les  adveneues, 
afin  qu'il  ne  vienne  troubler  son  siège  par  force  ou- 
verte ,  et  pourvoir  aussi  à  toutes  les  places  qui  se  ren- 
contrent proche  de  son  chemin,  en  cas  qu'il  se  con- 
tentast  d'une  diversion. 

a  Le  duc  de  Parme  est  entré  en  France;  il  a  falîeu 
pourvoir  à  Sainct  Quentin,  Corbie,  Chauny,  Noyon, 
Compiegne,  etc.,  parce  qu'il  estoit  en  son  choix  d'en 
attaquer  Kune,  en  les  tenant  toutes  en  échec;  cela  a 


EN  ANGLETERRE.  I  Sg 

reteneu  beaucoup  de  bonnes  forces ,  tant  de  pied  que 
de  cheval ,  qui  aultrement  feussent  veneues  joindre 
sa  majesté.  Depuis  qu'il  est  arrivé  à  La  Fere,  a  esté 
considéré  qu'il  pouvoit  prendre  l'ung  des  deux  che- 
mins; ou  par  le  Beauvoisin ,  droict  à  la  rivière  d'Epte 
et  d'Andele;  ou  bien  au  dessus  de  la  source  d'Epte, 
approchant  la  coste  de  la  mer,  et  tirant  vers  Neuf- 
chastel  et  Dieppe  ;  chemins  tous  deux  apparens  et  fai- 
sables, et  qui  plus  est,  si  proches  l'ung  de  l'aultre, 
qu'il  peult  entrer  bien  avant  en  pays,  premier  qu'on 
puisse  juger  lequel  il  choisira ,  et  prendre  tout  à  coup 
l'ung,  quand  on  l'attendra  par  l'aultre. 

«  C'est  pourquoi  il  a  falleu  que  le  roy  ait  garni  les 
villes  de  Gournai,  Gisors ,  et  aultres  places  sur  la  ri- 
vière d'Epte;  celles  aussi  de  Sainct  Valleri,  Neufchastel 
et  aultres ,  sur  l'aultre  chemin  ,  et  y  ait  mis  des  forces 
de  pied  et  de  cheval  extraordinaires ,  nommément 
M.  le  comte  de  Sainct  Pol  et  le  marquis  d'Alegre  de- 
dans Gisors,  qui  est  tousjours  aussi  une  destruction 
des  forces  dudict  seigneur  roy,  mais  très  nécessaire  et 
forcée. 

«  Joinct  que  ledict  seigneur  roy,  ayant  la  guerre  en 
diverses  provinces,  esquelles  l'ennemi  n'est  oisif,  pen- 
dant qu'il  est  occupé  en  ung  grand  siège  ,  il  est  mal 
aisé  qu'il  n'y  advienne  des  inconvéniens  qui  troublent 
Testât  de  ses  affaires  ;  comme  il  s'est  veu  que  M.  le 
duc  de  Bouillon,  qui  le  debvoit  venir  trouver  avec  de 
belles  forces  de  Champaigne  ,  et  partie  des  Suisses,  a 
esté  occupé  à  faire  lever  le  siège  d'Astenay  sur  Meuse, 
attaquée  par  M.  de  Lorraine;  et  M.  le  mareschal  d'Au- 
mont  avec  son  armée,  retardé  pour  faire  teste  au  di:c 
de  Nemours,  qui  se  voulloit  prévaloir  de  son  absence 
es  pays  de  Bourbonnois  et  Auvergne;  et,  finalement, 


l6o  iVEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

monseigneur  le  prince  de  Conly  avec  son  nrinee,  con- 
tremandé  par  sa  majesté,  avec  commandement  de  se 
joindre  avec  monseigneur  le  prince  de  Dombes,  pour 
faire  teste  au  duc  de  Mercutur,  accreu  de  nouveau 
secours  d'Espaignols  en  Bretaigne. 

«  Estant  tout  certain  qu'ung  prince  qui  a  la  guerre 
en  tant  de  lieux,  quelque  prudent  qu'il  soit,  et  quel- 
que bien  qu'il  prenne  ses  mesures,  nepeult  si  bien  pré- 
voir tous  les  accidens,  ni  prévenir  tous  les  desseings 
de  ses  ennemis,  qu'il  n'en  eschappe  tousjours  quel- 
qu'ung  inopiné,  qui  lui  faict  faillir  son  compte,  et  in- 
terrompt le  cours  projette  de  ses  affaires. 

K  Le  Doinct  est  maintenant  que  ledict  seigneur  roy 
est  resolleu  de  continuer  le  siège  de  Rouen,  et  en  voir 
une  fin,  pour  la  conséquence  dont  il  le  cognoist  estre 
à  ses  affaires;  que  ledict  siège  est  bien  advancé,  et 
promet  jusques  à  présent  une  très  bonne  isseue;  qu'ap- 
prochant le  duc  de  Parme  ,  est  le  désir  et  intention  de 
sa  majesté  de  ne  s'en  départir  poinct,  ains  de  le  serrer 
plus  estroictement  encores,  s'il  est  possible;  que,  pour 
ce  faire ,  il  est  de  besoing  d'avoir  des  forces  suffisantes 
pour  satisfaire  aulx  deux  effects,  àsçavoir ,  à  continuer 
Je  siège,  et  à  faire  teste  au  duc  de  Parme,  afin  qu  il 
ne  i'empesche  et  trouble,  soit  par  force  forcée,  par 
diversion,  ou  aultrement. 

«  Et  c'est  pourquoi  ledict  seigneur  roy  auroit  supplié 
la  majesté  de  la  royne,  ])ar  les  despesches  précédentes, 
de  le  voulloir  assister  et  secourir  de  cinq  mille  hommes 
de  pied;  à  sçavoir,  trois  mille  picquiers  et  deux  mille 
mousquetaires,  pour  l'espace  de  six  sepmaines.  Moyen- 
nant quoi,  avec  l'aide  de  Dieu,  il  se  sentiroit  assés  fort 
et  pour  continuer  le  siège  comme  dessus,  et  pour  faire 
teste  audict  duc  de  Parme;  au  conlraue,  sans  le  sus- 


EN  ANGLETERRE.  l6i 

dict  secours,  déclare  franchement  à  sa  serenissime  ma- 
jesté, qu'il  ne  voit  poinct  comment  il  se  puisse  faire; 
et  qu'au  default  de  ce,  il  se  verroit  reduict  à  l'extré- 
mité d'aller  chercher  une  bataille,  pour  soubstenir  la 
réputation  de  ses  affaires;  au  lieu  que  par  le  susdict 
secours,  sans  rien  bazarder,  il  peult  obtenir  Rouen,  et 
rendre  inutile  la  veneue  dudict  duc  de  Parme. 

a  Sa  serenissime  majesté  considérera  donc,  s'il  lui 
plaist,  ce  que  dessus;  protestant  ledict  seigneur  roy, 
qu'il  ne  faict  rien  tant  à  regret  que  de  l'importuner; 
mais  qu'il  sçait  bien  aussi  que  sa  serenissime  majesté 
lui  sçauroit  encores  plus  mauvais  gré  de  laisser  périr 
ses  affaires  faulte  de  les  lui  rej^resenter,  et  qu'ayant 
selon  sa  prudence  bien  examiné  toutes  ses  raisons,  le 
înesme  bon  entendement  qui  les  lui  fera  juger  et  com- 
prendre, lui  donnera  et  engendrera  la  vollonté  et  af- 
fection de  l'assister  de  ce  qu'elle  jugera  lui  estre  be- 
soing;  afin  que,  comme  il  lui  doibt  le  commencement, 
il  lui  soit  obligé  de  la  continuation  et  perfection  de 
cest  œuvre.  » 

Le  8  janvier  iSgs,  qui  estoit  le  29  décembre  iSqi, 
au  style  du  pays ,  leur  feut  donnée  la  seconde  audience, 
après  que  sa  majesté  eut  veu  le  mémoire  ci  dessus;  la- 
quelle fut  en  continuation  de  courroux  contre  le  comte 
d'Essex;  mais  un  peu  plus  gracieuse,  en  ce  qui  se  di- 
soit  du  roy;  et  neantmoins  terminant  tousjours  en  re- 
solution de  ne  lui  envoyer  poinct  nouveau  secours; 
mais  bien  qu'il  se  pourroit  servir  de  ce  qu'il  avoit  près 
de  lui;  et  voulloit  ladicte  dame,  que  le  sieur  Duplessis 
acceptast  cela  pour  response  finale  et  prist  congé  d'elle. 
Mais  ils  lui  remonstrerent  qu'ung  affaire  de  si  longue 

MÉM.   DE   Dl  PLLSSIS-MoilNAV.   ToME  V.  1  | 


i62  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

conséquence  ne  se  debvoit  pas  conclure  si  briefve- 
ment ,  la  suppliant  d'y  voulloir  encores  meurement 
penser.  Et  sur  ce  feut  envoyé  à  M.  le  grand  thresorier, 
par  le  sieur  Duplessis,  le  mémoire  qui  ensuit  tendant 
à  mesme  fin  ,  mais  plus  pregnant  que  le  précèdent,  qui 
feut  le  9  janvier. 

a  Nous  supplions  très  humblement  la  majesté  de  la 
royne  de  considérer  qu'il  est  aujourd'hui  en  elle  de 
voir  Rouen  pris  ou  délivré  ;  d'empescher  le  roy  de  ha- 
sarder une  bataille  contre  le  duc  de  Parme,  ou  bien 
de  commettre  à  ce  danger  sa  personne  et  son  royaulme, 
et  peult  estre  encore  plus  que  cela,  pour  maintenir, 
en  levant  ung  siège  ,  la  réputation  de  ses  affaires. 

«  Si  le  roy  est  assisté  de  sa  serenissime  majesté ,  de 
quattre  mille  hommes,  promptement  et  seulement  pour 
l'espace  de  cinq  sepmaines,  il  n'y  a  doubte  que  Rouen 
ne  soit  pris;  et  y  a  mesme  grande  apparence,  soit  par 
composition ,  soit  par  assault,  que  le  Hasvre  sera  reduict 
par  mesme  moyen  en  son  obéissance,  se  trouvant  de- 
dans Rouen  la  personne  de  Villars  ,  c'est  à  dire  les 
clefs  du  Hasvre  :  par  ainsi  la  Normandie  est  nette ,  ce 
que  sa  serenissime  majesté  a  tousjours  monstre  désirer, 
mesraes  pour  la  commodité  des  deux  estats. 

«  Si  le  roy  n'est  assisté  des  susdicts  gens  de  guerre, 
ne  pouvant  satisfaire  aulx  deux  effects,  au  siège  et  au 
duc  de  Parme  ensemble ,  il  est  évident  qu'il  fault  lever 
le  siège  par  desseing,  plustot  que  d'estre  reduict  à  le 
quitter  par  force  ;  moyennant  quoi  sadicte  serenissime 
majesté  considère  quelle  obligation  aura  acquis  l'Es- 
paignol  sur  le  sieur  de  Villars ,  oultre  les  traictés  jà 
encommencés  entre  eulx  ;  dont  s'ensuivra  que  Rouen , 


EN  ANGLETERRE.  i63 

ie  Hasvre  et  aultres  places  qu'il  occupe ,  seront  espai- 
gnoles,  ainsi  qu'il  s'est  veu  practiquer  à  Paris,  et  sa- 
dicte  majesté  en  sçait  assés  juger  la  conséquence. 

«  Le  roy  reduict,  faulte  de  secours,  à  partir  de  ce 
siège,  estant  périlleux,  comme  on  veit  à  Pavie,  de  se 
loger  entre  une  grande  ville  et  une  armée,  se  resoul- 
dra  d'aller  au  devant  du  duc  de  Parme ,  et  de  gagner 
par  une  bataille  ce  qu'il  n'aura  peu  par  ung  siège. 
L'isseue  de  toute  bataille  est  incertaine,  et  se  donnant 
par  les  mains  des  liommes ,  la  victoire  est  en  la  main 
de  Dieu  seul.  Certes,  nous  sçavons  que  la  niajesté  de 
la  royne ,  pour  la  bonne  affection  qu'elle  a  tousjours 
portée  au  roy,  participeroit  à  la  victoire;  mais  il  nous 
sera  aussi  permis  de  dire  qu'elle  comniuniqueroit,  et 
bien  avant,  en  la  perte,  si  elle  advenoit  ;  et  partant, 
qu'il  lui  est  plus  utile  avec  ung  secours  de  peu  d'hommes 
de  prévenir  ce  dommage,  que  d'avoir  après  à  le  repa- 
rer avec  toute  la  force  de  son  estât. 

u  Sa  serenissime  majesté,  princesse  qui  aime  ses  sub- 
jects,  ne  les  veult  pas  employer  sans  grand  besoing  ; 
et  sa  prudence  et  bonté  sont  tellement  recogneues  de 
tous  iceulx ,  qu'ils  ne  croiront  jamais  qu'elle  le  fasse 
qu'avec  beaucoup  d'occasion  et  pour  leur  propre  bien  ; 
mais  qui  sera  celui  aussi  qui  ne  cognoisse  qu'il  leur 
vault  trop  mieulx  combattre  l'Espaignol  en  France 
qu'en  Angleterre  ?  et  avec  peu  d'hommes  et  de  frais 
sur  le  champ  d'aultrui,  que  sur  le  bord  du  pays ,  avec 
frais  incroyables,  et  le  hazard  de  Testât. 

«  La  prudence  de  sa  serenissime  majesté,  sans  toutes 
nos  raisons,  doibt  estre  persuadée  par  elle  mesme. 
Ouattre  mille  hommes  qu'elle  envoyera  à  temps  peu- 
vent réduire  la  Normandie,  et  rendre  inutile  la  veneue 
du  duc  de  Parme.  Quattre  mille  hommes  non  envoves 


l64  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

font  quitter  le  siège  de  Rouen,  font  bazarder,  et 
peult  estre  perdre  une  baltaille,  qui  tireroit  avec  soi  la 
perte  du  royaulme,  et  en  conséquence  le  péril  tout 
évident  de  tous  les  estais  chrestiens. 

a  Le  sieur  Duplessis  particulièrement,  qui  a  eu  cest 
honneur  d'estre  envoyé  vers  elle  pour  cest  affaire,  la 
supplie  très  humblement  de  considérer  que  le  roy  ne 
l'eust  pas  envoyé,  si  ce  faict  ne  Teust  touché  de  près, 
et  s'il  n'eust  estimé  qu'il  y  fust  allé  de  tout  ;  et  pour- 
tant qu'elle  ne  le  rende  poinct  si  malheureux  que 
d'estre  porteur  d'une  response  funèbre  à  la  France , 
triomphante  pour  TEspaigne ,  et  peult  être  périlleuse 
pour  son  propre  estât.  » 

Lequel  mémoire  ayant  esté  communiqué  a  la  royne, 
et  lui  estant  bien  représenté  par  les  principaulx  de  son 
conseil,  elle  se  lascha  entre  eulx  à  accorder  au  roy 
deux  mille  piquiers,  et  mille  mousquetaires,  et  furent 
proposés  les  moyens  de  les  accélérer ,  à  sçavoir  en  les 
prenantes  pays  de  Kent,  Sussex  et  isle  de  Wick,  qui  * 
sont  les  plus  prochaines  contrées,  d'entre  ceulx  mes- 
nies  qui  sont  destinés  et  reteneus  pour  la  deffense  du 
pays,  qu'ils  appellent  en  leur  langage  Treaucthman  , 
c'est  à  dire  gens  qui  ont  esté  menés  à  la  guerre  et  exer- 
cés ;  mais  deux  heures  après,  elle  changea  d'opinion  , 
et  se  courrouça  aigrement  à  ses  conseillers  ,  leur  re- 
prochant qu'elle  s'appercevoit  bien  qu'ils  y  estoient  ve- 
neus  tous  préparés,  et  que  c'esloit  une  partie  faicte 
avec  les  ambassadeurs  du  roy  de  France,  et  qu'elle  ai- 
meroit  mieulx  que  le  comte  d'Essex  fust  mort,  que  de 
lui  envoyer  nouveau  secours. 

Et  nonobstant,  par  ce  qu'avant  ce  changement  les 
sieurs  de  Beauvoir  et  Duplessis  avoient  desjà  esté  man- 


EN  ANGLETERRE.  l65 

tlés  ponr  le  lo  janvier,  dernier  de  décembre  au  vieil 
style,  ils  ne  furent  contremandés  ;  mais  traicterent  seu- 
lement avec  messieurs  le  grand  thresorier ,  admirai  et 
chambellan  ,  ledict  sieur  grand  thresorier  portant  la 
parole,  et  proposant  de  la  royne  deux  poincts,  par  les- 
quels la  royne  demandoit  esclaircissement. 

Le  premier  ,  si  le  roy  avoit  besoing  de  secours  ,  veu 
les  forces  (ju'il  avoit  tousjours  asseuré  la  royne  qu'il 
avoit  devant  Rouen  ,  présupposant  sa  serenissime  ma- 
jesté avoir  ouï  parler  de  quarante  mille  hommes,  au- 
quel cas  il  n'en  avoit  que  faire;  le  second,  quel  moyen 
y  avoit  de  l'avoir  à  temps,  le  duc  de  Parme  eslant 
desjà  si  avant  en  France  ,  veu  que  les  gens  de  guerre 
qu'on   demandoit ,   ne  se    pouvoient    lever  en    moins 


d'ung  mois. 


Le  sieur  de  Beauvoir,  parce  qu'il  s'agissoit  du  passé, 
justifia  que  jamais  n'avoit  esté  parlé  de  quarante  mille 
hommes,  qu'il  n'avoit  jamais  eu  charge  de  ceste  parole; 
qu'il  avoit,  au  reste,  tousjours  negolié  par  escrit , 
et  qu'il  ne  s'en  trouveroit  rien.  Toutesfois  qu'il  aimoit 
mieulx  confesser  avoir  parlé  contre  sa  charge,  que 
desdire  sa  serenissime  majesté  s'elle  l'affermoit  ainsi. 

Le  sieur  Duplessis ,  reprenant  les  deux  poincts,  les 
supplia,  premièrement,  de  croire  qu'il  n'avoit  poinct 
ce  malheur  d'estre  si  inutile  auprès  du  roy  son  maistre, 
que  de  l'avoir  voulleu  envoyer  en  Angleterre  sans  be- 
soing, lorsque  les  grands  affaires  lui  venoient  sur  les 
]jra,s,  près  de  sa  personne,  et  que  son  envoy  au  con- 
traire leur  debvoit  eslre  ung  argument  de  la  nécessité 
que  sa  majesté  très  chrestienne  avoit  d'estre  secoureue  , 
ce  qui  feut  très  bien  pris  par  eulx  tous,  et  monstre- 
rent  prendre  ceste  raison  pour  très  forte. 

Puis  sur  le  premier,  leur  deduict  les  forces  de  sa 


l66  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

majesté,  tant  de  cavallerie  que  d'infanterie,  qui  ap- 
prochoient,  voire  passoient  les  quarante  mille  hommes; 
mais  les  unes  occupées  es  garnisons  nécessaires,  tant 
en  Picardie  que  sur  les  deux  chemins  susmentionnés , 
que  l'ennemi  pouvoit  prendre  pour  venir  à  lui;  les 
aultres  envoyées  en  Bretaigne  au  secours  de  monsei- 
gneur le  prince  de  Dombes,  pressé  par  le  duc  de 
Mercueur,  ou  retenues  en  Bourbonnois  contre  le  duc 
de  Nemours,  etc.  Oultre  les  maladies  et  la  rigueur  de 
l'hiver,  qui  avoit  fort  affoibli  son  infanterie  ,  tant  fran- 
ooise  qu'estrangere,  et  nonobstant  que  si  sa  majesté 
très  chrestienne  estoit  assistée  de  ce  peu  qu'elle  de- 
mandoit  à  sa  serenissime  majesté ,  elle  se  sentoit  suffi- 
sante pour  prendre  Rouen  ,  et  arrester  le  duc  de 
Parme. 

Et  quant  au  second  ,  que  les  gens  de  guerre  ne  fai- 
soient  pas  tousjours  leurs  desseings  à  poinct  nommé  ; 
que  le  duc  de  Parme  estoit  entré  lors  de  son  parle- 
ment; mais  n'avoit  encore  ni  toutes  ses  trouppes,  ni 
toute  son  artillerie;  qu'il  avoit  des  conditions  à  traic- 
ter  avec  le  duc  de  Mayenne  qui  le  pouvoient  accro- 
cher pour  quelques  jours  ;  que  mesmes  il  s'estoit  vcu, 
lorsqu'il  vint  secourir  Paris,  que,  contre  toute  appa- 
rence, il  avoit  séjourné  dix  jours  à  Meaux  premier  que 
rien  tenter,  et  n'avoit  faict  en  quinze  jours  ce  qu'il 
debvoit  en  quattre  ;  qu'il  ne  pouvoit  pas,  au  reste,  ve- 
nir de  plein  vol  au  roy  pour  le  combattre ,  quelque 
chemin  qu'il  prist  des  deux,  ayant  d'une  part,  ou  la 
rivière  d'Epte,  ou  la  forest  à  passer,  dont  les  passages 
lui  seroient  fort  debatteus  par  l'ordre  que  sa  majesté 
très  chrestienne  y  avoit  donné  ;  de  l'aultre  des  marests  , 
chemms  profonds ,  difficiles  mesmes  en  esté;  qu'un 
grand  attirail,  soit  d'artillerie,  soit  de  vivres,  qu'il  lui 


EN  ANGLETERRE.  167 

fallolt  nécessairement  conduire  avec  lui ,  s'il  ne  vouiloit 
mourir  de  faim,  ne  pouvoit  passer  aisément,  mesmes 
survenant  ung  dégel,  qui  lui  rendroit  ce  chemin  là 
presque  impossible,  et  semblèrent  lesdicts  seigneurs 
estre  satisfaicts  sur  ces  deux  poincts  ,  qui  leur  furent  de- 
duicts  fort  au  long ,  et  pour  le  regard  du  temps  qu'il 
falloit  pour  lever  le  secours,  que  s'il  plaisoit  à  sa  sere- 
nissime  majesté  y  apporter  la  mesme  affection  qu'elle 
auroit  faict  à  la  levée  qui  feut  conduicte  par  milord 
Willugbi,  qui  avoit  esté  faicte  et  oultre  mer  en  moins 
de  douze  jours,  n'y  avoit  doubte  que  ledict  secours  ne 
peust  venir  assés  à  temps. 

Désirèrent  sçavoir,  le  duc  de  Parme  marchant  vers 
le  roy,  ce  qu'il  feroit;  et  leur  feut  respondeu  que  sa 
majesté  très  chrestienne  lairroit  Rouen  assiégé  de  la 
pluspart  de  son  infanterie,  et  lui  marcheroit  au  devant 
avec  toute  sa  cavallerie ,  qui  seroit  de  six  à  sept  mille 
ohevaulx ,  et  douze  à  quinze  mille  hommes  de  pied, 
qu'il  pourroit  avoir  ledict  siège  garni,  s  il  obtenoit  de 
sa  majesté  ce  qu'il  demandoit. 

S'il  estoit  resoleu  à  la  bataille.  Respondeu  qu'il  lui 
suffiroit  de  parvenir  à  son  but,  qui  estoit  la  prise  de 
Rouen,  et  ne  lui  donneroit  la  bataille  s'il  ne  vouiloit, 
estant  maistre  des  passages  ,  et  plus  fort  de  cavallerie, 
et  ne  la  donneroit  qu'avec  ung  grand  advantage. 

Dans  quel  temps  on  pourroit  avoir  Rouen.  Res- 
pondeu que,  calc'ulant  le  temps  qu'il  falloit  par  l'art  de 
la  guerre,  pour  percer  la  contrescarpe,  gaigner  le 
fossé,  sapper  et  miner  les  espérons,  et  pied  à  pied  les 
faire  abandonner  aulx  ennemis,  le  fort  pouvoit  estre 
pris  dans  la  mi  febvrier.  Quoi  faict,  la  ville  ne  pouvoit 
subsister,  et  estoit  en  la  liberté  de  sa  majesté  de  re- 
tirer son  infanterie  pour  fortifier  son  armée,  et  laisser 


l68  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSÏS 

quelque  artillerie  pour  incommoder  la  ville,  et  queî-- 

ques  blocus  aulx  principales  adveneues. 

Si  sa  majesté  très  chrestienne  se  voulioit  servir  des 
Anglois  au  siège  ou  bien  contre  le  duc  de  Parme.  Res-' 
pondeu  qu'il  n'avoit  poinct  charge  de  cela;  mais  bien 
sçavoit  il  qu'il  en  seroit  faict  selon  le  bon  plaisir  de 
sa  serenissime  majesté;  adjoustans  iceulx  ,  qu'à  la  vérité 
elle  ne  prenoit  pas  plaisir  de  les  voir  employer  aux 
assaulx. 

Comme  de  faict,  entendant  que  M.  le  comte  d'Essex 
s'estoit  logé,  ce  qui  estoit  faulx,  entre  le  fort  et  la 
ville ,  elle  envoya  pryer  M.  l'ambassadeur  le  soir  de 
l'arrivée  du  sieur  Duplessis,  par  le  sieur  Wilks,  clerc 
du  conseil ,  d'escrire  à  sa  majesté  très  chrestienne  qu'il 
l'en  retirast,  et  ne  creust  pas  ses  folies;  mais  ledict 
sieur  Duplessis  asseura  que  ledict  sieur  comte  avoit 
faict  ceste  proposition,  mais  que  sa  majesté  très  chres- 
tienne lui  avoit  faict  cognoistre  doulcement,  en  louant 
sa  vertu  et  bonne  affection,  que,  s'il  estoit  aisé  de  s'y 
loger,  il  estoit  impossible  de  s'y  tenir,  sans  une  perte 
de  gens  et  grande  et  inutile. 

Tous  ces  propos  se  passent  fort  doulcement ,  et  tous- 
jours  avec  pryere  d'excuser  leurs  demandes ,  par  ce 
qu'ils  desiroient  estre  esclarcis ,  afin  de  lever  toutes 
difficultés  à  la  royne  leur  souveraine  ;  affectionnés  à 
cest  affaire  non  moins  qu'eulx ,  et  y  recognoissant 
leur  interest  avec  celui  de  la  France. 

Ainsi  rentrèrent  chés  la  royne,  laquelle  après  les 
avoir  ouïs ,  manda  aulx  sieurs  de  Beauvoir  et  Duplessis 
qu'elle  en  dehbereroit,  et  leur  en  diroit  sa  résolution 
le  dimanche  suivant  2  ou  i  2  de  janvier. 

Cependant  ne  dissimulèrent  poinct  lesdicts  seigneurs 


qu 


e  le  comte  d'Rssex  avoit  grand  tort  de  ne  revenir 


D 


EN  ANGLETERRE.  169 

poinct ,  et  qu'il  falloit  qu'il  contentast  sa  serenissime  ma- 
jesté; là  dessus,  à  quoi  leur  feut  respondeu  que  sa  majesté 
très  chreslienne  ne  pouvoit  mais  de  tout  cela  ;  qu'elle 
l'en  avoit  pryé,  et  le  lui  auroit  faict  remonstrer  par  le 
sieur  Duplessis  mesmes;  qui  n'auroit  peu  rien  gaigner 
sur  lui ,  et  qu'il  seroit  trop  dur  au  roy  d'avoir  à  presser 
incivilement  ung  seigneur  de  qualité  de  se  retirer 
d'auprès  de  sa  personne ,  sur  l'occasion  qui  se  pre- 
sentoit. 

Et  neantmoins  feurent  pryés  lesdicts  sieurs,  par  les 
plus  spéciaux  amis  dudict  comte  ,  qui  leur  envoyèrent 
ung  gentilhomme  exprès  à  ceste  fin,  de  lui  voulioir 
escrire  qu'il  s'en  vinst  s'il  ne  vouloit  tout  perdre,  et 
qu'ils  feroient  tenir  les  lettres ,  ce  qu'ils  feirent  par 
celles  dont  la  teneur  s'ensuit  : 

«Monsieur,  vous  excuserés  ma  privante,  puis- 
qu'elle ne  vient  que  de  l'affection  que  j'ai  à  vostre 
service  particulier,  que  je  vois  conjoinct  avec  le  bien 
public  :  c'est  sans  feintise,  et  je  vous  prye  de  le  croire, 
que  la  majesté  de  la  royne  est  offensée  contre  vous , 
et  n'y  a  rien  que  vostre  retour  qui  la  puisse  con- 
tenter. Il  est  tout  certain  aussi  que  beaucoup  de  bons 
affaires  s'en  reculent,  et  que  tous  vos  amis  vous  don- 
nent blasme  de  préférer  vostre  contentement  parti- 
culier au  bien  de  Testât  et  de  tous  ceulx  qui  vous 
aiment;  et  à  la  pryere  de  ceulx  là  je  vous  escris  la 
présente  ;  je  vous  dis  pryere  réitérée ,  et  par  les  plus 
grands,  et  par  vos  plus  affectionnés,  et  avec  toute 
l'instance  que  vous  sçauriés  croire.  Je  vous  supplie 
donc,  monsieur,  d'y  bien  penser,  et  considérer  que 
tousjours  vous  fauldra  il  faire  dans  peu  de  sepmaines, 
ce  qu'on  désire  de  vous  dans  peu  de  jours;  et  <[u'cii 


170  NEGOTIATION  DE  M.  DIJPLESSIS 

prévenant  l'attente  de  vostre  retour  de  ce  peu  là, 
vous  pouvés  effacer  tout  ce  mescontentement  et  vous 
reloger  en  vostre  place,  avec  autant  d'auctorité,  et 
plus  de  réputation  que  jamais.  Je  vous  parle  en  vrai 
ami  et  fidèle  serviteur,  et  m'asseure  que  le  prendrés 
en  cette  part.  Or,  monsieur,  je  vous  baiserai  ici  bien 
humblement  les  mains,  et  supplierai  le  Créateur  vous 
avoir  en  sa  saincte  garde.  Ce  dernier  de  Tan  1591, 
vieil  style.  » 

Fut  faicte  aussi  du   to  janvier,  nouveau  style,  par 
le  sieur  Dupiessis  la  despesche  qui  ensuit,  au  roy. 

«  SrRE,  nous  avons  eu  deux' audiences  de  la  royne 
depuis  mon    arrivée.  La   première   se  passa  presque 
en  reproches  des  choses  passées,  rude  et  resoleue  à  ne 
rien   faire  pour  le  secours   de   vostre   majesté,   mais 
particulièrement  très  aspre  contre  M.  le  comte  d'Essex 
et  sans  feintise,  avec  menace  de  lui  oster  ses  estats. 
Et  pour  arrhes,  elle  a  jà  faict  tomber  en  aultre  main  la 
chancellerie  d'Oxfort,  par  lui  pretendeue  par  la  mort 
du  feu  chancellier.  La  seconde,  toute  semblable,  en  ce 
qui  estoit  dudict  sieur  comte,  mais  plus  gracieuse  en 
ce  qui  concernoit  vostre  majesté ,  et  neantmoins  ter-      i 
minant  toujours  en  mesme  conclusion,  de  ne  pouvoir     ' 
accorder  à  vostre  majesté  les  hommes  qu'elle  deman- 
doit.  Et  voulloit  la  royne  que  nous  la  prissions  pour     1 
finale  response.  Mais  nous  la  suppliasmes  de  ne  con-      * 
dure    poinct   si   briefvement  sur  chose  de  si  longue 
conséquence  ;  et  verrons  entre  ci  et  trois  jours  ,  aidant 
Dieu  ,   ce  que  nos  raisons,   tant  de  bouche  que  par 
escrit,  auront  opéré  envers  elle.  Je  dis  envers  elle, 
sire  ,  parce  qu'il  est  certain  que  tous  les  principaulx 


EN  ANGLETERRE.  171 

de  son  conseil  recognoissent  qu'elle  ne  vous  doibt 
manquer  en  cette  nécessité.  Mais  elle  se  resoult  toute 
seule  en  cest  affaire,  et  n'y  en  a  aulcung,  au  chagrin 
où  elle  est,  qui  la  veuille  presser.  Vostre  majesté  nous 
fera  cest  honneur  de  croire  qu'il  n'y  sera  rien  obmis 
de  nostre  part;  et  moi  particulièrement  qu'il  me  fas- 
chera  prou  de  manquer  à  une  bonne  occasion  près  de 
vostre  majesté.  Mais  nous  avons  pensé  que  ce  peu  de 
jours  pouvoit  amender  vos  affaires ,  parce  que  les 
plus  sages  nous  exhortent  à  cette  patience.  Sire,  je 
supplie ,  etc.  » 

Et  au  costé  est  escrit  :  «  Nous  avons  traicté  ceste 
apresdisnee  depuis  la  présente  escrite,  avec  MM.  les 
grand  thresorier,  admirai  et  chambellan  ,  lesquels  nous 
pensons  avoir  contentés  sur  tous  les  poincts.  Mais  tout 
gist  en  l'humeur  de  la  royne.  » 

A  M.  de  Revoly  du  mesme  Jour. 

«Monsieur,  je  ne  vous  répéterai  poinct  ce  que 
j'escris  à  sa  majesté,  parce  que  ce  ne  vous  seroit  que 
double  peine  de  deschiffrer  une  mesme  chose  deux 
fois.  Vous  verres  par  là  Testât  des  choses;  et  nous  ce 
que  trois  jours  de  patience  auront  faict  d'opération  , 
pour  de  là  reprendre  mon  chemin  vers  vous.  Croies 
qu'il  n'y  a  rien  esté  obmis,  ni  de  bouche  ni  par  escrit. 
Mais  cest  affaire  est  gouverné  par  elle  seule ,  et  elle 
possédée  d'un  g  chagrin  non  croyable.  M.  de  Beauvoir 
est  ici  en  extresme  peine.  Une  légère  provision  l'eust 
fort  soulagé,  en  attendant  mieulx,  et  encores  fault  il 
le  faire  par  quelque  voye  que  ce  soit  ;  car  il  est  reduict 
aulx  jours,  au  lieu  qu'il  l'estoit  ci  devant  aulxsepmaines; 
et  certes  la  despcnsc  qu'il  faict  est  honorable,  utile,  et 


17^?'  NEGOTIATION  DE  M.   DUPLïïSSIS 

en  ce  pays  nécessaire.  Je  vous  dirai  ie  surplus  au  re- 
tour. Et  sur  ce,  monsieur,  etc.  » 

Le  12  de  janvier,  i  au  vieil  style,  feurent  mandés 
les  sieurs  de  Beauvoir  et  Duplessis  devant  la  royne  , 
et  introduicts  en  sa  chambre  tous  les  gentilshommes 
et  personnes  de  qualité  qui  estoient  veneus  avec  ledict 
sieur  Duplessis;  où  sa  serenissime  majesté  reprenant 
les  premiers  erremens  des  pretendeues  faultes  passées, 
sans  avoir  esgard  à  aulcunes  raisons  deduictes  tant  de 
bouche  que  par  escript,  tant  en  son  conseil  qu'à  elle 
mesme,  leur  prononça  qu'elle  ne  pouvoit  envoyer 
aulcung  secours  à  sa  majesté  très  chrestienne.  Que  ses 
mauvais  subjects  lui  reprochoient  qu'elle  faisoit  mou- 
rir son  peuple  inutilement.  Qu'elle  estoit  advertie  de 
conspirations  et  menées  en  son  estât,  qu'elle  apperce- 
voit  par  la  déposition  des  prisonniers  estre  fondées  là 
dessus.  Que  c'estoit  grand  cas  de  lui  demander  tousjours 
des  hommes,  lesquels  cependant,  s'il  advenoit  incon- 
vénient du  roy,  n'avoient  aulcune  retraicte  en  France; 
que  si  on  ne  lui  voulloit  bailler  ce  qui  lui  estoit  deu 
par  pactes,  au  moins  debvoit  elle  avoir  quelque  seu- 
reté  pour  ceulx  dont  elle  employoit  le  sang.  Mais 
qu'elle  voyoit  bien  qu'on  ne  se  soucioit  gueres  d'elle. 
Qu'au  reste ,  elle  avoit  à  faire  à  ung  roy  qui  ne  bou- 
gcoit  des  tranchées,  qui  prenoit  plaisir  à  se  perdre, 
et  que  lui  perdeu,  il  n'y  avoit  poinct  de  ressource; 
que  désormais  elle  se  contenteroit  de  pryer  Dieu  pour 
lui.  Au  reste,  qu'elle  estoit  bien  adverlie  que,  de 
quattre  costés  qu'on  avoit  donné  à  la  contrescarpe, 
ses  Anglois  avoient  donné  par  les  trois;  et  que  le  comte 
d'Essex,  son  lieutenant,  estoit  si  mal  habile  homme, 
que  d'estre  de  ceulx  là ,  et  de  prendre   la   garde  des 


en;^angleterre.  i  7  3 

iranchees;  faisant  tousjours  assés  cognoistre  que  le 
danger  dudict  seigneur  comte  lui  tenoit  au  cœur,  etc. 

Aulxquels  propos  feut  respondeu  par  interruptions  , 
ainsi  qu'elle  le  permettoit ,  que  sa  majesté  considerast 
à  bon  escient  quel  regret  elle  auroit  de  voir  Rouen 
perdeu,  de  le  voir  Espaignol  ;  de  voir,  à  faulte  de  peu  , 
Testât  de  France,  le  sien  peut  estre,  et  de  toute  la 
chrestienté,  exposé  au  liazard  d'une  bataille. 

Que  ses  subjects  auroient  tousjours  trop  meilleur 
compte  de  combattre  l'Espaignol  delà  la  mer,  que  sur 
leurs  costes ,  comme  ils  auroient  prou  expérimenté 
lors  de  l'armée  d'Espaigne  :  que  ceulx  qui  s'en  plai- 
gnoient  estoient  les  conspirateurs  mesmes ,  aulx  plaintes 
desquels,  qui  lui  debvoient  estres  suspectes,  elle  ne 
debvoit  pas  conformer  ses  conseils. 

Que  tout  ce  qui  obeissoit  au  roy  1res  cbrestien  en 
France  estoit  aussi  ouvert  aulx  siens ,  comme  aulx 
François  meames;  et  ne  feut  ce  poinct  enfoncé  plus 
avant,  parce  qu'il  sembloit  dangereux,  et  toucher  le 
poinct  de  Calais,  et  que  nous  n'en  avions  poinct  de 
charge. 

Que  le  roy ,  quoi  qu'elle  s'imaginast ,  estoit  son 
voisin,  son  ami,  son  frère,  et  son  serviteur;  qu'il 
estoit  seul  en  la  chrestienté  qui  eust  les  armes  en  la 
main  contre  la  grandeur  d'Espaigne.  Si  elle  le  blas- 
moit  de  se  bazarder  trop,  elle  n'accusoit  en  lui  que 
trop  de  valeur,  ce  qui  procedoit  de  son  affection  en- 
vers lui  ;  mais  si  debvoit  il  estre  recogneu  de  tous  que 
la  France  avoit  besoing  d'ung  prince  belliqueux,  et 
qui  taillast  le  sault  aulx  aultres;  aultrement,  que  Testât 
ne  pouvoit  subsister.  Au  reste,  que  ceste  valeur  n'es- 
toit  pas  sans  prudence,  mais  que  bien  souvent  les  per- 


174  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

sonnes  sans  expérience  estiment  dangereux  ce  qui  de 

soi  ne  l'est  pas. 

Que  de  pryer  Dieu  pour  lui,  elle  pardonneroit  si 
on  lui  disoit  que  c'estoit  bien  le  secours  d'une  femme, 
mais  non  pas  d'une  royne  et  grande  princesse  comme 
elle,  qui  debvoit  à  ses  pryeres  adjouster  ses  moyens. 

Que  M.  le  comte  d'Essex,  gardant  partie  des  tran- 
chées, ne  faisoit  rien  que  le  roy  ne  fist  lui  mesmes; 
rien  de  vil  ni  de  téméraire  ;  mais  que  ceulx  qui  lui 
mandoient  cela  ne  sçavoient  pas  la  façon  de  la  France, 
oîi  les  princes  ont  les  tranchées  départies  entre  eulx , 
tantost  par  quartiers,  et  tantost  par  journées  ,  comme 
mesme  feu  Monsieur,  le  roy  à  présent,  le  feu  prince  de 
Condé,  les  ducs  de  Nevers,  Bouillon,  d'Uzés  et  aultres 
au  sie^e  de  La  Rochelle. 

Que  sa  majesté  aussi  ne  creust  poinct  qu'on  espar- 
gnast  les  François  pour  prodiguer  les  siens.  Qu'au 
contraire  il  se  trouveroit,  comme  c'estoit  la  raison, 
que  les  François  portoient  double  fatigue  ;  mais  que 
les  piques  estans  armes  pour  venir  aulx  mains,  la  vé- 
rité estoit  que  chacung  estoit  employé  es  exploits , 
selon  ses  armes. 

La  royne  nonobstant  persévérant  tousjours  en  son 
refus,  et  faisant  principale  instance  sur  une  impres- 
sion ,  qu'il  y  debvoit  avoir  quarante  mille  hommes 
devant  Rouen,  qu'on  le  lui  avoit  promis,  et  qu'on 
s'estoit  moqué  d'elle.  Mais  faisant  assés  paroistre  qu'elle 
ne  voulloit  envoyer  secours  en  France ,  de  peur  que 
le  comte  d'Essex,  se  voyant  assisté  de  belles  trouppes, 
ne   prist  plaisir  d'y  demeurer. 

Le  sieur  Duplessis  enfin  ,  ne  vouUant,  que  le  plus 
tar4  qu'il  pourroit,  prendre  caste  response  pour  congé, 


EN  ANGLETERRE.  17^ 

et  taschant  doulcement  à  l'amener  à  quelque  chose  de 
mieulx ,  la  supplia  très  humblement  de  ne  le  rendre 
poinct  porteur  d'une  si  mauvaise  nouvelle;  sur  quoi 
elle  lui  respondit  qu'à  la  vérité  elle  en  estoit  marrie 
à  son  occasion  ;  que  nul  ne  lui  pouvoit  estre  mieulx 
veneu  que  lui,  que  particulièrement  elle  lui  avoit  de 
robligalion  de  l'affection  qu'il  avoit  tousjours  eue  au 
bien  de  ses  affaires;  mais  qu'en  ung  mot,  elle  ne  fe- 
roit  ni  pouvoit  faire  aultre  chose;  et  qu'il  ne  pensast 
poinct,  peult  estre  en  attendant  quelqu'ung  (voullant 
dire  le  comte  d'Essex)  lui  faire  changer  sa  response  ; 
aussi  peu  en  traictant  avec  ses  conseillers;  qu'il  cog- 
noistroit  que  cestui  Là  avoit  fort  peu  de  crédit,  et  qu'il 
n'y  avoit  qu'elle  qui  gouvernast  l'Angleterre. 

Le  sieur  Duplessis  alors  prit  congé  d'elle,  lui  pro- 
testant qu'il  se  sentoit  suffisamment  deschargé  ,  pour 
ne  lui  avoir  rien  celé  des  inconveniens  qui  en  pou- 
voient  advenir.  Qu'il  n'avoit  attendeu  le  mal  ou  le  bien 
de  sa  negotiation  que  d'elle  seule ,  n'avoit  traicté 
qu'avec  elle  et  ceulx  qu'elle  avoit  ordonnés  pour  cest 
effect,  et  n'attendoit  que  ses  lettres  et  passeport  pour 
partir  au  premier  vent,  et  au  premier  navire,  et  sur 
ce  lui  baisa  les  mains,  et  sadicte  majesté  se  retira. 

Tous  les  seigneurs  qui  estoient  là  se  monstrerent 
fort  faschés  de  ceste  mauvaise  response  ;  et  les  propos 
des  principaulx,  prenant  congé  d'eulx  au  mesme  lieu, 
feurent  qu'ils  cognoissoient  prou  et  le  mérite  de  cest 
affaire,  et  Tinterest  qu'ils  y  avoient;  qu'ils  en  avoient 
acquitté  leur  conscience  envers  sa  majesté  ;  qu'il  falloit 
pryer  Dieu  qu'il  lui  touchast  le  cœur;  qu'elle  voulloit 
estre  la  maistresse  en  cest  affaire  ;  et  qu'il  y  avoit  à 
craindre  que  Dieu  ne  feust  courroucé  contre  leur  estât. 

M,  l'admirai  ordonna  aussitost  ung  des  navires  de 


176  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

la  royne,  pour  le  retour  du  sieur  Duplessis,  et  lui  en 
délivra  le  commandement,  tesmoignant  beaucoup  d'af- 
fection au  bien  des  affaires  du  roy. 

Le  i3  janvier,  pour  tenter  si  sa  susdicte  response  se 
pourroit  amander  avant  la  réception  de  la  denesche, 
le  sieur  Duplessis  escrivit  à  M.  le  grand  thesorier  celle 
qui  ensuit  : 

«  Monsieur,  je  ne  vous  veulx  celer  que  je  pars  fort 
ennuyé  de  ce  pays,  considérant  que  mon  voyage  n'est 
pas  inutile  seulement,  mais  dommageable.  Inutile,  en 
ce  que  je  ne  remporte  qu'ung  refus  tout  plat  de  sa 
serenissime  majesté  en  une  conjoncture  qui  desiroit 
ung  prompt  secours;  dommageable,  en  ce  que  plu- 
sieurs, tels  que  pouvés  assés  penser,  feront  leur  pro- 
fict  de  ceste  desfaveur  au  préjudice  du  roy,  et  de  la 
relligion  qu'il  maintient.  Sa  serenissime  majesté  accuse 
les  cboses  passées;  très  bien  si  elle  pourvoyoit  tout 
ensemble  au  présent,  et  prevoyoit  à  l'advenir;  mais 
permettes  à  ma  juste  douleur  de  dire  que  ceste  accu- 
sation passe  mesure,  et  pour  nous,  et  pour  elle.  Nous  , 
si  nous  le  confessons,  qui  ne  pouvons  avoir  failli  de 
gaieté  de  cœur,  veu  que  c'est  à  nostre  dommage;  elle, 
certes,  qui  ne  peult  aussi  abandonner  nos  faultes,  par- 
donnés  moi  si  je  parle  ainsi ,  sans  faire  fauUe  à  elle 
mesmes,  jugés,  monsieur,  de  quelle  boucbe  je  pourrai 
prononcer  au  conseil  du  roy  très  chrestien  que  ceste 
princesse  laisse  périr  ses  affaires  pour  si  peu  de  cliose  ; 
et  jugés  de  quelle  oreille  aussi  cela  sera  receu  et  teneu; 
quels  reproches  s'en  ensuivront  de  maintes  gens  qui 
espient  les  occasions  desbranler  sa  constance ,  et  quelles 
tentations  de  tous  coslés  en  lui  promettant  mieulx.  Si 
fault  il  que  vous  pensiés,  monsieur,  qu'il  est  de  vos 


EN  ANGLETERRE.  î^-; 

amis,  qu'il  est  le  seul  prince  en  chrestienté  ayant  res- 
pee  au  poing  contre  l'Espaigne;  que  sa  magnanimité 
mente  aussi  d'estre  ung  peu  appuyée,  estant  aultre- 
ment  à  craindre  qu'on  ne  lui  fasse  trouver  ailleurs  et 
peult  estre  trop  aisément ,  ce  qu'il  n'aura  peu  à  son 
hesoing  en  ses  meilleurs  amis.  Ores,  j'aurois,  monsieur, 
sur  ce  propos  trop  de  choses  à  dire,  et  pourtant  je 
finirai ,  attendant  ma  depesche,  en  suppliant  Dieu  qu'il 
Jui  plaise  enclijier  sa  serenissime  majesté  par  son  Sainct 
Esprit  aulx  plus  salutaires  conseils,  et  vous  pryant 
aussi ,  etc.  » 

Et  feut  icelle  communiquée  à  sa  serenissime  majesté , 
mais  sans  fruict,  sadicte  majesté  commandant  audict 
sieur  thresorier  de  lui  mettre  par  escrit  les  raisons  pour 
lesquelles  elle  n'accordoit  poinct  le  secours  demandé 
par  le  roy;  lequel  lui  respondit  qu'il  n'en  sçavoit  aul- 
cune;  mais  bien  qu'estant  son  serviteur,  il  ne  pouvoit 
refuser  d'escrire  celles  qu'elle  pretendoit,  mais  non 
qu'il  les  approuvast  ;  au  contraire,  qu'il  la  supplioit 
de  se  souvenir,  s'il  en  mesadvenoit,  qu'il  estoit  de  con- 
traire advis. 

Et  lors  feurent  dressés  certains  mémoires  par  Robert 
Cecil  son  fils,  contenans  icelles  raisons,  lesquels  feu- 
rent délivrés  le  i4  au  sieur  Duplessis,  par  le  sieur 
Waad  Clerc,  du  conseil  de  sa  serenissime  majesté,  avec 
les  lettres  et  passeport  d'icelle. 

Ledict  sieur  Duplessis  dict  audict  sieur  Waad  qu'il 
le  remercioit  de  la  peine  qu'il  avoit  prise;  qu'il  accep- 
toit  de  sa  majesté  tout  ce  qui  lui  plaisoit;  qu'il  n'a  voit 
attendeu  que  cela  pour  partir  ;  qu'il  prevoyoit  de  grands 
inconveniens,  qu'il  falloit  remettre  es  mains  de  Dieu. 
Quoi  qu'il  en  feust,  que  le  roy  ne  pouvoit  estre  que 

Mkm.  de  Duplessis-Mornay.  Tome  v.  12 


178  NEGOTUTION  DE  M.  DUPLESSIS 

roy ,  et  que  celui  qui  l'avoit  esleu  Testabliroit ,  quelque 
troublée  que  semblast  aujourd'hui  sa  fortune.  Mais 
qu'il  ne  desesperoit  pas  que  bientost  on  ne  peust 
mettre  le  roy  en  ung  chemin  pour  estre  en  terreur  à 
ses  ennemis ,  et  en  révérence  à  ses  voisins  ,  autant 
qu'aulcung  de  ses  prédécesseurs. 

Le  i5  au  matin,  le  sieur  Duplessis  receut  de  M.  le 
grand  thresorier  la  lettre  qui  ensuit,  en  responsc  à  la 
précédente  : 

«  Monsieur,  je  suis  plus  troublé  en  mon  esprit  de  ce 
que  vous  partes  d'ici  mal  satisfaict  que  je  ne  vous  puis 
exprimer;  mais  nous  sommes  tous  deux  serviteurs 
d'ung  mesme  Dieu,  roy  du  ciel,  et  de  deux  puissans 
princes  en  terre.  Le  premier,  il  nous  fault  obéir  de 
bonne  vollonté,  pour  ce  que  tout  ce  qu'il  commande 
est  pour  le  meilleur,  encores  que  nous  n'en  soyons 
quelquesfois  satisfaicts  à  nostre  gré  ;  les  aultres  deux  il 
nous  fault  aussi  obéir,  jusques  à  tant  que  le  Dieu  tout 
puissant  fasse  changer  leurs  cœurs,  qui  seul  peult 
commander  et  régir.  Et  ainsi,  me  reposant  sur  la  bonne 
vollonté  de  Dieu ,  il  convient  que  vous  et  moi  atten- 
dions son  bon  plaisir,  en  espoir  de  mieulx,  vous  re- 
commandant à  sa  digne  garde ,  comme  moi  mesmes. 
De  la  court,  ce  4*  jour  de  janvier  1592.  Et  au  bas , 
vostre  très  affectionné  à  vous  faire  service , 

BURCLEY.  » 

A  laquelle  le  sieur  Duplessis  feit  la  response   qui 
ensuit  : 

«  Monsieur,  je  ne  fauldrai  de  faire  tenir  seurement , 
aidant  Dieu,  les  paquets  à  M.  le  comte  d'Essex  et  à 


EN  ANGLETERRE.  17g 

M.  de  Houton.  Quant  à  ce  qui  s'est  passé  ici,  puisqu'il 
vous  plaist  vous  en  souvenir,  j'ai  commencé  par  rai- 
sons, et  achevé  par  plainctes;  mais  je  vois  bien  qu'il 
fault  avoir  recours  à  Dieu  ,  qui  sera  le  secours  de  ceulx 
qui  n'en  trouvent  poinct.  Si  je  n'avois  à  resouldre  que 
moi,  monsieur,  je  serois  hors  de  peine,  car  je  suis 
tantost  deveneu  insensible  à  tout  mal  ;  mais  j'appré- 
hende ceulx  qui  ne  sont  pas  fondés  de  mesme;  et  pré- 
vois de  ceste  grande  desfaveur  en  si  petite  chose  une 
si  longue  suite  d'inconveniens,  que,  pour  n'en  voir  les 
remèdes  humains,  je  divertis  mon  esprit  d'y  penser. 
Prenés  encores  de  bonne  part  que  je  vous  die  que  le 
malade  qui  se  peult  soubtenir  avec  peu,  ne  se  peult 
ressusciter  à  quelque  prix  que  ce  soit.  Et  sur  ce  en  vous 
disant  adieu ,  je  vous  baise  bien  humblement  les 
mains,  etc.  De  Londres,  ce  5  janvier,  vieil  style,  r  Sqa.  » 

Et  partit  ledict  sieur  Duplessis  sur  les  deux  heures 
après,  et  veint  coucher  à  Gravezines,  oii  lui  feurent 
envoyées  par  M.  l'ambassadeur,  le  mesme  soir,  deux 
lettres  du  roy  qu'il  avoit  receues  depuis  son  parlement, 
pour  ledict  sieur  Duplessis,  dont  la  teneur  s'ensuit: 

«  M.  Duplessis,  le  lendemain  de  vostre  partement, 
j'eus  nouvelles  par  homme  à  cheval  que  mon  cousin  , 
Je  duc  de  Longueville  ,  m'envoyoit  exprès  en  toute  di- 
ligence, que  le  duc  de  Parme  estoit  parti  de  La  Fere,  et 
y  laissoit  la  plus  grande  partie  de  sa  grosse  artillerie  , 
menant  avec  lui  nombre  de  pièces  de  campagne ,  qui 
faisoit  cognoistre  que  son  intention  n'estoit  d'assiéger 
places  de  longue  résistance  ,  mais  de  venir  droict ,  pour 
essayer  de  nous  faire  lever  le  siège.  En  confirmation  de 
quoi  j'ai  eu  encores  la  nuict  du  premier  de  ce  mois 


i8o  iVEGOTIA^TION  DE  M.  DUPLESSIS 

nouvel  advis  de  mesme  part,  qu'ils  marchoient  et  s  en 
viennent  à  Amiens.  De  là  je  suis  encores  incertain  quel 
chemin  ils  vouldront  prendre,  ou  par  Abbeville  et  Eu  , 
pour  attaquer  le  Paulet,  qui  mettroit  la  ville  de  Dieppe 
en  grand  peine  ,  ou  vers  Beauvais.  Le  premier  seroit  le 
plus  long;  mais  pour  estre  celui  qui  m'incommoderoit 
le  plus ,  c'est  aussi  celui  que  je  crois  plustost  qu'ils  voul- 
dront prendre.  Joinct  que,  de  l'aultre  costé,  je  leur  pour- 
rois  donner  plus  d'empeschement,  parle  moyen  des  villes 
de  Gisors  ,  Gournai  et  aultres  ,  que  j'y  tiens,  et  de  l'ad- 
vantage  que  vous  sçavés  qui  se  peult  prendre  pour  def- 
fendre  les  passages  des  rivières  et  de  la  forest,  qui  y 
sont.  Et  ai  aussi  esté  adverti  qu'ils  se  sont  laissés  en- 
tendre,  depuis  l'ordre  que  j'ai  mis  audict  Gisors,  que 
cela  a  voit  en  quelque  chose  fait  changer  leur  desseing. 
Je  suis  après  à  me  résouldre  de  ce  que  j'aurai  à  faire 
en  l'ung  ou  en  l'aultre  cas,  selon  les  nouvelles  que  j'aurai , 
et  que  je  me  trouverai  pourveu  de  forces,  dont  je  crains 
bien  que  la  plus  grande  partie  de  celles  que  j'attends 
ne  vienne  plus  tard;  et  que  je  ne  pourrai  trouver  court 
pour  continuer  le  siège,  et  faire  teste  à  l'armée,  mesmes 
estant  foible  d'infanterie,  comme  vous  sçavés  que  je 
suis,  de  laquelle  je  ne  puis  pas  espérer  grand  renfort 
avec  les  trouppes  de  cavallerie  qui  me  viennent ,  tant 
à  cause  âe  la  diligence  que  je  leur  mande  faire ,  voyant 
le  besoing  si  proche,  que  pour  le  grand  nombre  de 
places  oi^i  il  faalt  laisser  bonnes  garnisons  par  les  pro- 
vinces,  pour  les  conserver.  Ce  qui  se  peult  par  soing 
et  diligence,  je  le  puis  promettre  non  seulement  de  ma 
part ,  mais  aussi  des  seigneurs  et  bons  capitaines  dont 
je  serai  accompagné  en  ceste  occasion,  comme  j'es- 
père qu'il  n'y  aura  aulcung  manquement  de  ce  qui 
peult  dépendre  de  nous.  Cependant  vous  pourrés  faire 


EN  ANGLETERRE.  i8ï 

entendre  à  la  royne  ,  ma  bonne  sœur  .  lesdicts  derniers 
advis  que  j'ai  eus  du  progrès  desdicts  ennemis,  comme 
je  lui  ai  donné  part  et  communication  des  precedens, 
à  mesure  que  je  les  ai  receus.  En  quoi  je  ne  suis  sans 
souspçon  que  son  ambassadeur  ne  m'afaict  les  bons  of- 
fices que  je  me  promettois  de  lui,  \eu  le  refus  qu'il  m'a 
prononcé  de  la  part  de  ladicte  dame,  et  que  le  sieur  de 
Beauvoir,  mon  ambassadeur  près  d'elle,  m'a  aussi  con- 
firmé lui  avoir  esté  fait  par  elle  mesme,  du  nouveau 
secours  que  je  lui  ai  demandé.  Et  ce  que  vous  sçavcs 
que  ledict  ambassadeur  mesmes  a  faict,  pour  empescher 
que  je  ne  vous  envoyasse  lui  en  faire  nouvelle  instance; 
ne  pouvant  croire  qu'elle  eust  pris  telle  résolution,  s'il 
lui  eust  donné  information  au  vrai  de  Testât  et  besoing 
de  mes  affaires ,  selon  la  cognoissance  qu'il  en  a.  Et 
pour  ce  je  serai  bien  aise  que  vous  taschiés  dextrement 
de  sçavoir  quels  auront  esté  ses  offices  en  cest  endroict, 
afin  que  je  scacbe  mieulx  de  quelle  façon  j'aurai  ù 
traicter  avec  lui  à  l'advenir.  Voulant  au  demeurant 
que  vous  fassiés  cognoistre  à  ladicte  dame,  pour  le  re- 
gard de  mon  cousin  le  comte  d'Essex,  qu'encore»  que 
j'estime  beaucoup  de  l'avoir  près  de  moi,  pour  le  cog- 
noistre seigneur  de  grand  mérite  et  valeur,  toutesfois 
je  porte  tant  d'iionneur  à  icelle  dame  ,  que  je  serois  très 
marri  qu'à  mon  occasion  il  fist  chose  qui  la  peust  fas- 
cher  ;  et  qu'il  n'y  aura  jamais  empeschement  de  ma 
part  qu'elle  ne  soit  satisfaicte  de  ce  qu'd  plaira  lui  or- 
donner. N'entendant  aussi  qu'après  lui  avoir  repré- 
senté la  nécessité  qui  me  faict  la  requérir  dudict  nou- 
veau secours,  vous  l'en  pressiés  qu'autant  qu'elle  l'aura 
agréable;  et  si  je  n'ai  ce  bonheur,  je  porterai  mes  in- 
commodités le  mieulx  que  je  pourrai ,  sans  toutesfois 
jamais  rien  changer ,  quelque  condition  où  mes  affaires 


l82  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

puissent  tomber,  de  l'affection  que  de  long  temps  je  lui 
ai  vouée  ,  et  que  je  doibs  aussi  à  tant  de  faveurs  que  j'ai 
receues  de  sa  part,  dont  le  temps,  ni  aultre  accident, 
ne  me  feront  jamais  perdre  la  souvenance  et  gratitude. 
Sur  ce  je  prye  Dieu ,  M.  Duplessis  ,  vous  avoir  en  sa 
saincte  garde.  Escrit  au  camp,  devant  Rouen,  le  3  jan- 
vier 1592.  Signé  Henri  ,  et  plus  bas ,  Revol.  w 

Et  Cl  coslé  est  escrit  :  «  M.  Duplessis,  la  présente 
estoit  preste  des  le  3  de  ce  mois,  sur  l'opinion  en  la- 
quelle mon  cousin,  le  comte  d'Essex,  estoit  d'envoyer 
des  lors  ung  des  siens  par  delà  ;  mais  l'ayant  retardé,  je 
n'ai  vouleu  despescher  homme  exprès  pour  vous  la 
porter.  Et  s'estant  à  présent  resoleu  de  faire  partir  le 
sien ,  j'adjousterai  que  tous  les  advisqui  me  sont  encores 
veneus  depuis ,  et  que  mesmes  j'ai  appris  par  lettres  in- 
terceptées du  duc  de  Mayenne,  escrites  aux  sieurs  de 
Villeroy  et  d'Halincourt ,  qui  sont  à  Pontoise  ,  portent 
que,  toutes  aultres  choses  laissées,  ils  s'en  viennent  ici. 
Je  crois  bien  que  l'embarrassement  du  grand  bagage 
qu'ils  mènent ,  et  le  desgel  ,  qui  a  commencé  des  hier , 
me  donneront  cestadvantage,  d'avoir  une  bonne  partie 
des  trouppes  que  j'ai  mandées ,  et  desja  il  commence 
d'en  arriver.  Et  ai  eu  ce  jourd'hui  nouvelles  de  divers 
endroicts  que  les  aultres  sont  en  chemin  pour  venir. 
J'escris  ung  mot  à  la  royne  ,  et  lui  mande  que,  s'il  lui 
plaist  m'envoyer  promptement  le  secours  dont  je  l'ai 
envoyé  supplier  par  vous  ,  j'espère  avoir  de  quoi  com- 
battre lesdicts  ennemis  sans  lever  le  siège  ,  et  que  Dieu 
me  donnera  la  victoire  en  l'ung  et  en  l'aultre  ;  encores 
que  par  les  bruicts  qu'ils  font  courir,  ils  publient  leurs 
forces  fort  grandes.  Je  lui  touche  ung  mot  de  la  consé- 
quence qui  dépend  de  ce  succès,  non  seulement  pour 
mon  regard ,  mais  aussi  pour  toute  la  chrestienté  ,  en- 


EN  ANGLETERRE.  l83 

cores  qu'elle  la  sçaura  assés  juger  d'elle  mesmes.  Et  sçais 
bien  qu'il  n'en  sera  aussi  rien  oublié  de  rostre  part. 
C'est  le  6  dudict  mois  de  janvier. 

«  M.  Duplessis ,  j'ai  receu  vostre  lettre  de  Dieppe, 
et  veu  la  conférence  que  vous  aviés  eue  avec  le  per- 
sonnage qui  s'y  estoit  rencontré  venant  de  de  là.  Vous 
estes  tesmoing,  par  l'office  que  vous  avés  faict  de  ma 
part,  pour  persuader  ce  que  l'on  désire  de  celui  qui  est 
ici,  qu'il  n'a  teneu  à  moi  qu'il  ne  s'y  soit  resoleu  ,  et 
voudrois  bien  qu'il  l'eust  faict,  ne  pouvant  que  porter 
beaucoup  de  regret  du  malcontentement  dont  sa  de- 
meure par  deçà  est  cause;  mais  ma  pryere  et  mon  advis 
n'ayant   assés  de  force,  je  ne  puis  pas  user  d'aultre 
moyen  pour  l'y  inciter.  Je  vous  dirai,  au  demeurant, 
que  j'ai  eu  quelque  advis  que  si  les  cboses  sont  dextre- 
ment  maniées,  vostre  voyage  ne  sera  du  tout  infruc- 
tueux,  dont  je   vous  ai  bien  voulleu  adverlir,   pour 
l'ouverture  que  cela  vous  peult  faire  à  mieux  cognoistre 
et  mesnager  ce  qu'il  y  peult  avoir  de  bonne  disposi- 
tion, en  quoi  n'est  besoing  que  l'on  cognoisse  rien  du- 
dict advis.  Vous  verres  ce  que  je  vous  escris  par  mon 
aultre  lettre.  Je  serai  bien  aise  que  vous  fassiés  naistre 
l'occasion  qu'on  la  veuille  voir,  si  ce  n'est  la  royne, 
au  moins  le  grand  thrésorier ,  et  que  vous  fassiés  bien 
cognoistre  le  peu  de  bonne  opinion  que  j'ai  de  l'am- 
bassadeur en  ce  qui  toucbe  mes  affaires.   La  présente 
et  l'aultre  mienne  susdictes  seront  communes  entre  le 
sieur  de  Beauvoir  et  vous  ,  comme  je  désire  que  soit 
tout  le  faict  de  vostre  cbarge  et  negotiation.  Je  prye 
Dieu  vous  avoir,  M.  Duplessis,  en  sa  saincte  garde. 
Escrit  au  camp  devant  Rouen,  le  3^  jour  de  janvier 
iSgs.  Signé  Henry;  et  plus  bas,  Revol.  » 


i84  NEGOTIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

Lesquelles  lettres  en  original ,  ledict  sieur  Duplessis 
envoya  déchiffrées  audict  sieur  de  Beauvoir  de  Dou- 
vre,  le  i8  janvier;  et  lui  escrivit  qu'il  estoit  d'advis 
que  l'une,  à  sçavoir  la  plus  longue,  feust  communiquée 
à  M.  le  grand  thrésorier,  et  ce  nonobstant  qu'il  y  feust 
faict  mention  de  M.  Houton,  ambassadeur  pour  la  royne 
en  France;  tant  par  ce  que  l'intention  du  roy  estoit 
telle,  que  pour  ce  aussi  qu'on  ne  nuit  jamais  à  ung  am- 
bassadeur de  l'avoir  pour  suspect,  ains  il  en  est  plus 
recommendable  au  prince  de  qui  il  a  charge;  lui  en- 
voya aussi  le  chiffre  ,  afin  de  justifier  par  icelui  les 
déchiffre  m  ens ,  si  besoing  estoit;  et  par  mesme  moyen 
escrivit  à  M.  le  grand  thrésorier  celle  qui  ensuit  : 

«  Monsieur,  pendant  que  j'attends  le  vent  en  ceste 
ville  de  Douvre,  j'ai  receu  du  roy  des  lettres  que  j'en- 
voye  à  M.  l'ambassadeur,  le  pryant  de  les  vous  com- 
muniquer. Par  icelles  vous  verres  mes  propositions 
confirmées,  et,  à  mon  advis,  vos  difficultés  esclaircies; 
la  première  touchant  la  nécessité  du  secours;  car  sa 
majesté  très  chreslienne  déclare  expressément  qu'il 
a  besoing  d'infanterie,  encores  qu'il  lui  fasche  prou 
d'importuner  sa  serenissime  majesté.  La  seconde,  en 
ce  qui  concerne  de  sçavoir  si  le  secours  requis  pourroit 
encores  venir  à  temps;  parce  que  le  duc  de  Parme 
n'avoit  poinct  encores  monstre  quel  chemin  il  voulloit 
teiiir;  et  que  le  dégel,  qui  a  continué  depuis,  le  lui 
«•ira  rendeu  plus  difficile.  Oultre  les  difficultés  in- 
ternes, que  je  n'estime  estre  à  négliger,  j'en  eusse 
escrit  à  sa  serenissime  majesté,  Monsieur,  mais  j'ai  eu 
crainte  de  lui  estre  fascheux  ;  oultre  ce  que  j'ai  com- 
mandement du  roy,  pîustot  de  défaillir  à  ses  affaires, 
que  de  lui  donner  occasion  de  se  sentir  importuneev. 


EN  ANGLETERRE.  l85 

Vous  considererés  donc  le  tout,  s'il  vous  plaist,  et  en 
userés  selon  vostre  singulière  prudence  ;  et  sur  ce  ,  etc. 
De  Douvre,  ce  8  janvier,  vieil  style.  » 

Pryoit  aussi  ledict  sieur  Duplessis  M.  l'ambassadeur 
de  lui  faire  sçavoir  de  ses  nouvelles,  parce  que  le 
vent  estoit  contraire,  et  ne  promettoit  pas  si  soudain 
changement. 

Premier  que  partir  de  Londres ,  ledict  sieur  Duplessis 
feit  délivrer  à  M.  l'ambassadeur  la  somme  de  quinze 
cens  escus  sur  sa  parole  qu'il  donna  aulx  sieurs  le 
Fort,  Dominique  Boucher,  et  Eustache  Trevache,  de 
les  faire  rendre  à  Adrian  Le  Seigneur  à  Dieppe  dans  ung 
mois,  parce  que  ledict  sieur  se  trou  voit  en  extrcsme 
peine,  et  qu'il  y  alloit  de  la  réputation  et  service 
du  roy. 

N'est  il  oublier  aussi  qu'à  la  première  audience  sa 
serenissime  majesté  blasma  le  roy  d'avoir  faict  l'edict 
de  Mantes,  revocatoire  des  cdicts  d'union,  comme 
faict  hors  saison  ;  sur  quoi  lui  feut  suffisamment  res- 

Ipondeu  sur  l'heure  ,  et  neantmoins  feut  envoyé  sur 
ce  subjet  à  M.  le  grand  trésorier  le  mémoire  qui 
ensuit,  qu'il  eut  très  agréable  : 

«  M.  le  grand  thresorier  ne  prendra  en  mauvaise 
part,  s'il  lui  plaist,  si  on  lui  remonstre  que  quel- 
quesfois  la  royne  tient  des  propos  qui  nuisent  beau- 
coup aulx  affaires  de  la  relligion  sans  y  penser, 

«  Ung  certain  catholique  ,  portemanteau  du  roy  très 
chrestien ,  lui  estant  nagueres  depesché ,  elle  blasma 
le  roy  de  ce  qu'il  avoit  faict  l'edict  de  Mantes,  par 
lequel  les  edicts  extorqués  du  feu  roy  par  ceulx  de  la 
Ligue  contre  le  roy  et  ceulx  de  la  relligion ,  estoient 


î86  NEGOCIATION  DE  M.  DUPLESSIS 

cassés  et  révoqués  ;  lesquels  propos  ont  encores  esté 
répétés  aulx  sieurs  de  Beauvoir  et  Duplessis  par  sa 
serenissime  majesté  avec  une  mesme  aigreur,  comme 
sa  majesté  très  chrestienne  ayant  faict  cela  précipi- 
tamment et  hors  de  saison. 

«  Comme  ainsi  soit  toutesfois  que  cest  edict  avoit  esté 
plus  de  six  mois  auparavant  conclud  avec  les  officiers 
de  la  couronne  en  son  conseil ,  et  sollicité  par  les  prin- 
cipales courts  de  parlement ,  se  plaignans  à  M.  le  chan- 
cellier  qu'ils  estoient  obligés  à  ces  iniques  edicts  contre 
debvoir  et  conscience ,  jusques  à  ce  qu'ils  feussent  révo- 
qués; joinct  que  les  catholiques  romains  n'y  avoient 
moins  d'interest  que  ceulx  de  la  relligion ,  parce  que 
le  roy  y  estoit  déclaré  hérétique,  et  eulx,  et  tous  - 
ceulx  qui  lui  adheroient  ,  faulteurs  d'heresie  ,  et 
par  conséquent  criminels ,  et  incapables  de  toutes 
charges. , 

«  Quant  à  ceulx  là ,  ils  sçauront  tout  supporter  de  sa 
serenissime  majesté,  et  interpréter  en  bien  toutes  ses 
paroles  et  actions  ;  mais  celui  que  dessus  en  a  faict 
mial  son  profict,  envers  les  seigneurs  du  conseil  du  roy, 
leur  faisant  entendre  que  la  royne  trouvoit  mauvais 
que  sa  majesté  très  chrestienne  feist  rien  pour  ceulx  de 
la  relligion  ;  mesmes  en  a  voulleu  abuser  envers  le  roy, 
pour  le  refroidir,  s'il  eust  peu,  en  la  profession  de  la 
relligion,  qu'il  a  tousjours  si  constamment  embrassée. 

«  Lesdicts  seigneurs  du  conseil  aussi  ont  depuis  plus 
hardiment  combatteu  le  roy  sur  la  relligion  ;  alleguans  , 
quand  il  en  changeroit,  qu'ils  sçavent  bien  qu'il  ne 
lairroit  pas  d'avoir  la  royne  et  toute  l'Angleterre  aussi 
favorable ,  etc. 

«  Mondict  sieur  le  grand  thresorier,  selon  son  pru- 
dent zèle,  considérera,  s'il  lui  plaist,  le  mal  que  cela 


EN  ANGLETERRE.  187 

faict,  non  à  nous  seulement,  mais  à  toute  la  relligion  . 
et  peult  estre  en  quelque  façon  à  cest  estât. 

La  royne  sçait  quelle  asseurance  elle  peult  prendre 
de  ceulx  de  relligion  contraire,  qui  nous  allèguent  et 
nous  reprochent  à  tous  propos  Textirpalion  de  la  rel- 
ligion catholique  en  Angleterre  ,  et  les  persécutions 
contre  les  catholiques;  sçait,  au  contraire,  que  ceulx 
de  la  relligion  ne  peuvent  oublier  l'obligation  qu'ils 
lui  ont  de  long  temps ,  ni  la  haison  de  hi  relligion  com- 
mune qui  les  interesse  en  la  prospérité  de  son  estât. 

ic  Mais  il  y  a  plus,  que  quand  les  catholiques  auroient 
peu  attirer,  ce  qu'ils  ne  feront  jamais,  le  roy  à  chan- 
gement de  relligioii,  de  degré  en  degré  ils  le  pous- 
seroient  plus  oultre ,  lui  feroient  espouser,  comme  ils 
en  parlent  assés  souvent  et  de  fraische  mémoire ,  l'in- 
fante d'Espaigne ,  et  tost  ou  tard  l'obligeroient  à  la 
guerre  contre  la  relligion,  et  tous  ceulx  qui  en  font 
profession. 

«  Seroit  donc  plus  convenable  que  sa  serenissime 
majesté  tesmoignast  par  ses  propos  qu'elle  désire  que 
le  roy  fasse  pour  ceulx  de  la  relligion,  selon  les  edicts 
faicts  par  les  feus  roys,  et  nonobstant  sans  préjudice 
ni  diminution  des  catholiques  romains,  fidèles  servi- 
teurs de  sa  majesté  très  chrestienne.  Car  la  fidélité  des- 
dicts  de  la  relligion  estant  auctorisee  affermiroit  au 
roy  Testât  de  son  royaulme,  estraindroit  de  plus  en 
plus  l'amitié  et  union  entre  les  deux  estats,  et  bor- 
neroit  plus  seurement  Testât  d  Angleterre  contre  les 
inconveniens  qui  peuvent  advenir.  » 

Nonobstant  tout  ce  que  dessus,  ne  laissa  la  royne, 
des  que  le  comte  d'Essex  feut  de  retour  en  Angleterre, 
(  car  c'estoit  la  cause  qui  la  retenoit  )  d'envoyer  deux 


l88  NEGOTIA.TION  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

raille  Anglois  au  secours  du  roy,  et  cî'escrire  que  c'es- 
toit  en  considération  des  raisons  alléguées  par  ledict 
sieur  Duplessis ,  et  de  sa  negotiation. 


XXXI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  31.  de  Beauvoir. 

Du  2g  janvier  1692. 

Monsieur,  je  pense  que  je  suis  confiné  en  Angle- 
terre, et  à  mon  grand  regret;  car  le  vent  qui  menaça 
de  se  changer,  lorsque  je  vous  escrivis,  ne  dura  qu'une 
heure,  et  nous  a  ramené  tous  les  vaisseaux  qui  estoient 
partis  avec  grand  tourmente  sur  les  bras,  et  la  pleine 
lune  qui  nous  donnoit  espérance  n'y  a  rien  changé, 
qui  nous  est  une  mauvaise  arrhe  pour  tout  ce  quar- 
tier. Je  vous  remercie,  monsieur,  de  toutes  vos  nou- 
velles. Ce  nous  sont  nourriture  en  ce  désert  ,  et  vous 
prye  sans  importunité,  puisqu'il  y  fault  patienter,  de 
me  les  continuer  par  ce  porteur  ;  particulièrement  si 
vous  avés  eu  audience ,  et  quelle  issue.  Il  me  semble 
aussi  qu'il  importe  fort ,  et  pour  le  service  du  roy  ,  et 
pour  la  bienséance,  que  la  royne  sçache  qu'il  n'y  a 
que  la  violence  et  contrariété  du  vent  qui  me  retient , 
et  non  chose  que  j'attende  ici ,  et  la  lettre  que  j'escri- 
vais  à  M.  l'admirai  n'estoit  que  pour  cela,  laquelle,  à 
ceste  occasion,  je  vous  prye  lui  faire  bailler.  On  m'as- 
seure  de  Zeelande  qu'il  y  a  trois  mille  hommes  embar- 
qués ;  pleust  à  Dieu  que  la  jalousie  eu  peust  autant 
faire  deçà  ,  pour  participer  à  la  victoire  que  je  me  pro- 
mets que  Dieu  veult  donner  à  nostre  roy  ;  mais  j'y  vois 
encores  les  choses  mal  tournées  ,  et  pense  qu'il  est  de 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSÎS,  et..  1  89 

l'honneur  du  roy  de  les  y  laisser  venir  d'eulx  mesmes, 
sans  plus  les  importuner;  car  nous  leur  en  avons  dict 
assés.  Je  desirerois  fort,  monsieur,  que  ma  curiosité 
feust  par  vostre  moyen  contentée  de  deux  choses , 
l'une  du  vrai  discours,  s'il  se  peult  avoir,  de  ce  qui 
s'est  passé  en  Espaigne  ;  car  de  ces  seigneurs  estrangles , 
et  du  retour  d'Antonio  Perés  (i)  près  du  roy  ne  se  peult 
conclure,  sinon  qu'il  ait  faict  son  appointement  en  les 
descouvrant  ;  l'aultre  comment  s'est  passé  le  faict  des 
villes  de  seureté  requises  par  le  duc  de  Parme,  parce 
que  j'y  vois  de  la  contradiction  en  La  Fere  ,  si  M.  de 
Mayenne  y  a  mis  sa  femme  et  ses  enfans  ;  et  peu  d  ap- 
parence que  M.  de  Guise  se  dépouille  de  sa  propre 
maison,  es  mains  et  en  faveur  de  l'estranger,  quelque 
affectionné  qu'il  se  vueille  monstrer  ;  aussi  j'oi  parler 
fort  différemment  du  progrès  du  siège  de  Rouen.  Au 
reste,  j'aurai  en  recommandation  tout  ce  que  m'escri- 
vés ,  mesmes  la  requeste  de  vostre  congé,  s'il  se  peult; 
et  sur  ce,  je  salue  ,  etc. 


XXXII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Beauvoir. 

Du  i*""  febvrier  iSga. 

Monsieur  ,  vous  pouvés  penser  si  je  m'ennuye  ,  et 
pour  ce  je  pars  demain  pour  aller  à  la  Rie,  voir  si  je 
pourrai  mieulx  passer,  d'autant  mesmes  que  par  celles 
que  m'escrit  M.  de  Gourdon,  il  semble  qu'on  se  pré- 
pare à  une  battaille;  et  certes  ce  seroit  trop  perdre 

(i)  Le  retour  d'Antonio  Perés  se  trouva  faulx. 


190  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

pour  ung  coup,  le  crédit  en  Angleterre,  et  une  telle 
occasion  d'honneur  en  France.  Je  vois  que  par  vos 
lettres,  vous  espérés  que,  moyennant  une  aullre  despes- 
che  du  roy ,  sa  majesté  feroit  quelque  chose.  Si  nous 
n'avons  rien  peu ,  et  si  nos  raisons  ont  esté  inutiles , 
que  pourront  des  lettres  envoyées  peult  estre  par  quel- 
que valet  ?  Car  quel  homme  de  mérite  en  vouldra  estre 
plus  le  porteur  ?  Mais  quand  je  vois  ce  vent  contraire 
aux  bonnes  vollontés  de  ceulx  de  Flandres  (  car  leur 
secours  ne  peult  venir  )  conforme  aulx  mauvaises  d'An- 
gleterre; car  quand  elles  s'amenderoient,  il  les  peult 
retenir  ;  je  conclus  en  mon  esprit  que  Dieu  veult  faire 
tout  seul  ;  que  seul  il  veult  establir  le  roy ,  comme  seul 
il  l'a  appelé  au  royaulme  ;  qu'il  veult  faire  avec  peu 
ce  que  nous  ne  conseillerions  qu'avec  beaucoup  ;  et 
qu'après  tant  de  misères,  il  fera  miséricorde  à  nostre 
povre  estât,  et  le  choisira  (  et  lors  malheur  peult  estre 
aulx  aultres)  pour  retraicte  de  son  Église  à  son  tour, 
port  des  affligés ,  et  habitacle  à  soi  mesmes.  Or ,  je  sçais , 
monsieur,  que  vous  dires  ainsi  soit  il  ;  et,  sur  ce  bon 
propos,  je  vous  baise  bien  humblement  les  mains,  et 
supplie  le  Créateur,  etc. 


XXXIII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roy.  (  i  ) 

Du  Gfebvrier  iSga. 
Sire  ,  je  ne  sçais  si  jamais  votre  majesté  me  pourra 
faire  tant  de  bien,  qu'elle  m'a  faict  de  mal  aujourd'hui. 

(i)  Après  la  blessure  de  sa  majesté  en  la  retraicte  d'Aumale, 
dont  la  nouvelle  vint  audict  sieur  Duplessis  aussitost  qu'il  feust    ■ 
arrivé  à  Dieppe. 


AU  ROY.  191 

Tous  vos  serviteurs  ont  appréhendé  leur  mort  en  vostre 
blessure;  moi,  pour  plusieurs  raisons,  plus  sensible, 
l'y  ai  presque  soufferte  entière.  Et  m'est  soubveneu  de 
ces  cartes  géographiques,  où  on  marque  au  bout  de 
toute  cognoissance  des  déserts  et  terres  incogneues  ; 
parce  que  toutes  personnes  d'entendement,  au  delà  de 
vostre  vie  ne  peuvent  concevoir  que  ténèbres  espaisses 
et  misères  non  compréhensibles.  Vostre  majesté ,  qui 
ne  comprend  poinct  cela  pour  soi ,  le  doibt  pour  tant 
de  gens  de  bien  ses  serviteurs,  qui  dépendent  de  là; 
et  louent  tous  Dieu,  certes,  qui  leur  ait  donné  en  ce 
temps  ung prince  belliqueux,  cognoissans  bien  que  cest 
estât  ne  se  pouvoit  maintenir  par  ung  prince  ni  de  ca- 
binet ,  ni  sédentaire;  mais  vouldroient  neantmoins  que 
vostre  majesté,  excédant  les  termes  ordinaires  de  roy, 
se  continst  es  bornes  de  grand  capitaine ,  et  estimast 
qu'après  avoir  faict  jusques  à  trente  ans  l'Alexandre, 
les  années  qui  suivent  requièrent  que  vous  fassiés  le 
César.  Vostre  majesté  donnera  ma  liberté  à  la  néces- 
sité de  cest  estât,  à  ma  juste  douleur  ,  et  à  ma  loyale 
affection.  C'est  à  nous,  sire ,  à  mourir  pour  vostre  ma- 
jesté, et  nous  est  gloire;  à  vous,  de  vivre  pour  nous, 
et  j'oserai  dire  que  ce  vous  est  debvoir.  Sire,  je  loue 
Dieu  du  passé,  et  le  prye  de  tout  mon  cœur  pour  l'ad- 
venir,  et  de  mesme  affection  serai  tousjours  vostre  très 
humble  ,  très  obéissant  et  très  fidèle  subject  et  serviteur, 

DUPLE.SSIS. 

Et  a  costé  est  écrit  :  Des  que  j'aurai  peu  recouvrer 
mes  chevaulx,  oii  j'ai  envoyé  toute  la  nuict ,  j'irai 
trouver  vostre  majesté. 


192  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

XXKIV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

Monsieur  ,  je  désire  que  vous  croyës  que  vousn'avés 
plus  fidèle  serviteur  que  moi,  iii  qui  plus  se  rejouisse 
de  vostre  veneue.  Nous  sommes  sur  une  grande  crise, 
et  qui  semble  ne  se  pouvoir  passer  sans  ung  effort  de 
nature.  M.  de  Morlas  vous  représentera  mieulx  le 
tout.  Nous  aurons  des  x\nglois  et  des  Flamands  ;  mais 
il  nous  fault  du  vent  :  et  viendroit  à  propos  que  l'en- 
nemi s'occupast  au  chasteau  de  Neufchastel.  Cepen- 
dant ce  fort  s'en  iroit  et  nous  espargneroit  une  bataille. 
Ce  que  j'en  puis  discourir  en  mon  esprit,  je  l'ai  mis 
en  celui  de  M.  de  Morlas,  prou  capable  toutesfois  d'en 
ju£;er  de  soi  mesmes.  Nous  fusmes,  le  5  de  ce  mois ,  sur 
le  bord  d'ung  grand  précipice;  et  ceulx  qui  l'ont  mesuré 
de  l'œil  l'ont  appréhendé  extresmement,  et  ne  le  peu- 
vent taire.  Je  crains  mesmes  qu'ils  n'ayent  esté  esmeus 
de  s'y  préparer,  comme  contre  ung  accident  certain, 
l'ayans  veu  si  proche  d'estre.  J'ai  souvent  dict  que  le 
roy  en  conservant  sa  vie,  fortifioit  ses  serviteurs,  ostoit 
l'espérance  aux  ligueurs,  et  eloignoit  les  desseings  d'un 
tiers  parti.  Le  contraire  advient  en  la  prodiguant;  et 
d'autant  plus  aura  lieu ,  qu'on  a  veu  la  chose  plus 
proche  d'advenir;  non  que  pour  cela  je  désirasse  ung 
roy,  de  cabinet  ni  de  robe  longue  ;  car  ung  prince  belli- 
queux nous  estoit  nécessaire;  mais  ung  roy  qui  excé- 
dant les  termes  des  roys  ordinaires,  se  continst  es  deb- 
voirs  de  vrai  capitaine.  Je  ne  vous  en  dirai  dadvantage 
pour  ce  coup  ,  sinon  pour  mon  particulier,  que  je  me 


A  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  19''> 

suis  veu  si  pies  de  ma  niyne  ,  que  je  voudrois  bien 
avoir  de  quoi  plus  ne  Tapprehender.  Mais  cela  se  dira 
plus  à  propos  au  premier  jour.  Je  loue  Dieu  de  vostre 
bonheur.  Je  vous  désire  ung  fds  digne  de  vous,  d'uno- 
meilleur  temps,  et  de  ce  temps.  Je  suis,  au  reste,  et 
serai  toute  ma  vie,  etc. 


XXXV. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  M.  le  grand  trésorier  cU Angleterre jmjlordBitrghlej. 

MoissiKiiR,  après  avoir  esté  reteneu  quinze  jours  à 
Douvre,  de  vent  contraire  et  de  tourmente,  je  suis 
arrivé  en  ceste  ville  de  Dieppe  ,  le  4  de  febvrier  à  nostre 
compte,  où  le  lendemain  j'ai  eu  nouvelles  par  lettres 
de  sa  majesté  très  chrestienne  ,  de  ce  qui  s'est  passé 
entre  l'armée  ennemie  et  la  sienne.  Je  sais  que  le  tout 
vous  aura  esté  mandé  bien  particulièrement;  et  me 
contenterai  pourtant  de  vous  dire  que  le  roy  est  con- 
trainct  de  faire  des  actes  du  moindre  capitaine,  parce 
qu'il  fault  que  sa  valeur  supplée  au  default  de  ses 
forces;  qui  n'ayant,  comme  j'ai  souvent  remonslré 
de  quoi  fournir  contre  le  duc  de  Parme,  et  au  siège  de 
Rouen  tout  ensemble,  pour  le  deffault  de  l'infanterie 
suffisante,  il  estoit  reduict,  attendant  le  secours  de  ses 
amis,  pour  gaigner  temps,  à  aller  disputer  tous  les  logis 
au  duc  de  Parme  ;  ce  qui  ne  se  peult  faire  sans  péril 
et  sans  rencontrer  en  une  sepmaine  une  mauvaise 
heure.  Que  Dieu  le  nous  a  conservé  avec  honneur  évi- 
dent, et  neantmoins  a  voulleu  qu'il  ait  esté  blessé  légè- 
rement sans  incommodité,  grâces  à  Dieu,  de  sa  per- 
sonne, pour  faire  appréhender  aulx-  gens  de  bien  corn- 

MÉ.n.  D£  DupLJissis-MoRjfAY.  Tome  y.  j3 


194  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

bien  en  sa  vie  il  y  a  de  vies  encloses;  combien  en  son 
danger,  de  dangers;  et  après  lui ,  si  on  avoit  à  y  penser, 
de  ténèbres  et  de  confusions.  Ces  considérations  par- 
ticulières, à  la  vérité,  à  nous  qui  sommes  François, 
mais  non  telles  toutesfois  qu'elles  ne  s'étendent  aussi 
plus  loin;  et  principalement  à  Tendroict  des  personnes 
de  singulière  prudence,  comme  vous  ,  qui  ne  nous  de- 
battrés  poinct  que  la  vie  et  condition  de  ce  prince  ne 
doive  estre  cbere  à  toute  la  clirestienté,  pour  le  con- 
trepoids qu'elle  y  apporte  à  la  fortune  de  celui  qui 
s'eleve  trop  fièrement  sur  tous  ses  voisins.  Or,  mon- 
sieur, inutilement  je  vous  repeterois  ce  que  je  vous  ai 
souvent  dict  :  croyés  de  certain  que  jamais  le  secours 
de  la  serenissime  royne  ne  feut  si  nécessaire  qu'à  pré- 
sent; que  jamais  le  deffault  d'icelui  ne  peult  estre  plus 
préjudiciable;  qu'il  n'y  a  au  reste  aulcung  temps  à  per- 
dre, et  qu'il  est  en  vous  aujourd'hui  d'obliger  cet  estât 
à  jamais ,  ou  de  le  voir  en  évident  hazard.  A  vous  , 
jnonsieur,  qui  estes  l'œil  des  aultres,  peu  de  paroles 
suffisent ,  et  pour  ce  je  vous  baiserai  bien  humblement 
les  mains ,  en  suppliant  le  Créateur  vous  avoir  en  sa 
saincte  garde.  Votre  bien  humble  et  affectionné  servi- 
teur, DUPLESSIS. 
De  Dieppe,  ce  7  febvrier,  nouveau  style. 


XXXVI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Beauvoir. 

Du  7  febvrier  iSga. 
Monsieur  ,  j'arrivai  le  4  ^^  ce  mois  en  ceste  ville 
de  Dieppe ,  estant  parti  le  2  de  Douvre.  Le  5  j'envoyai 


A  M.  DE  BEAUVOIR.  igS 

îiies  yens  à  Dernetal ,  pour  m'ainener  mes  clievaiilx  , 
lesquels  feurent  pris  à  moitié  chemin,  et  menés  à  Fes- 
camp.    Le    6,  qui   est  aujourd'hui,  M.    de   Chattes  a 
reçeu   celles  de  sa   majesté  qui  ensuivent,  que  vous 
deschiffrerés   s'il   vous  plaist  vous   mesmes.  J'ai  faict 
insérer  les  lettres  en  chiffre.    La  vérité  est  que  sa  ma- 
jesté, la  nuict  d'entre  le  4  et  le  5,  a  esté  chargée  en 
son  logis  d'Aumale,  par  le  duc  de  Parme,  qui  avoit 
marché  de  poix  toute  la  nuict,  n'y  ayant  poinct  d'in- 
fanterie en  garde;  et  est  veneue  aulx  mains  elle  mesmes 
par    trois  fois   avec   l'ennemi,  desarmé,  n'ayant  que 
cinq  cens  chevaulx.  Vous  estes  vieulx  capitaine,  pour 
juger  la  confusion  qui  s'en  peult  estre  ensuivie,  la  ré- 
putation qu'en    prendra  l'ennemi,  etc.   Sa    majesté   a 
laict   sa  retraicte  à  Neufchastel,   pour  rallier    toutes 
ses  forces,  et  arrester  l'ennemi  ,  duquel  nous  espérons 
que  Dieu  rabattra  la  gloire.  Là  dessus,  monsieur,  vous 
vous  souviendrés  de  mes  protestations  en  Angleterre, 
du  danger  où  on  jettoit  le  roy ,  à  faulle  de  le  secourir 
d'infanterie,  du  besoing  extresme  qu'il  en  avoit,  que 
cela  le  reduiroit  d'une  guerre  de  roy  à  une  guerre  de 
chevau  légers,  et  l'obligeroit  à  plusieurs  dangers,  pour 
éviter  celui  de  lever  le  siège.  Toutesfois  j'eus  ce  mal- 
heur en  si  grand  chose  de  n'estre  escouté  qu'à  demi , 
et  du  tout  poinct  exaucé.  Or  je  vous  dis  maintenant 
que  la  conséquence  de  ceci  est  telle  qu'il  n'y  a  plus 
que  temporiser;  qu'il  n'est  plus  question  d'alléguer  le 
passé;  car  le  présent   presse  trop;    aussi  peu   de  se 
paistre  de  courroux,  car  ce  seroit  tenter  son  propre 
dommage.  Mais  qu'il  est  besoing  de  secourir  le  roy  à 
bon  escient  (si  on  ne  prend  plaisir  à  le  voir  perdre  et 
à  se  perdre),  et  avec  telle   diligence  qu'il  ait  obliga- 
tion à  la  royne,  comme  il  aura,  après  Dieu  ,  de  la  con- 


196  LETTRE  DE  M.  DUPI.ESSIS 

servation  de  son  eslat.  Tout  ce  que  je  dirois  au  delà 
seroit  inutile.  Et  pour  ce  je  finis,  monsieur,  plein  de 
douleur,  en  vous  baisant  bien  bumblement  les  mains  , 
et  suppliant  le  Créateur,  etc. 


XXXVII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  comte  d'Essex. 

Du  7  febvrier  1692. 

Monsieur,  j'ai  séjourné  quinze  jours  à  Douvre,  et 
enfin  embarqué  de  \ent  contraire ,  suis  arrivé  à  Dieppe 
le/,  de  ce  mois  à  nostre  compte.  Le  5,  le  duc  de  Parme 
s'est   advancé  avec  toute   son  armée  vers  le  roy,  qui 
estoit  à  Aumale,  avec  partie  de  sa  cavallerie,  et  sans 
infanterie,  mangeant  les  vivres  au  devant  de  rennemi, 
et  lui  rendant  pas  à  pas  les  chemins  difficiles,  pendant 
que  le  secours  de  ses  amis  viendroit,  comme  ses  ser- 
viteurs lui  abordent  de  toutes  parts.  Sa   majesté  très 
chrestienne  relira  prudemment  son  armée,  et  en  feit 
lui   mesmes    la    retraicte,  sur  laquelle  neantmoins  A 
falleut  qu'il  se    meslast  en  personne  à  bon  escient, 
et  si  bravement  qu'il  arresta  avec  deux  cens  cbevaulx 
tout  le  gros  de  l'ennemi,  faisant  certes  plus  qu'd  ne 
convenoitni  à  prince,  m  à  capitaine  gênerai  d'armée  ; 
mais  y  estant  reduict  pour  n'avoir  près  de  soi ,  h  cause 
du  siège  de  Rouen  qu'il  n'a  voulleu  abandonner,  une  ^ 
assés  juste  armée.  Il  feut  blessé  d'une  pistolade,  qui 
effleure  les  reins,  mais  si  légèrement,  grâces  à  Dieu, 
qu'il  n'a  laissé  de  monter  à  cheval ,  et  le  peult  fane  à 
toute  heure,  s'il   se    présente    une  bataille;  et  assés  , 
toutesfois  pour  avoir  faict  appréhender  à  tous  ses  ser- 


A  M.  LE  COMTE  D'ESSEX.  197 

vifeurs  combien  pesé  sa  personne,  oultre  laquelle  ils 
ne  peuvent  voir,  en  cest  estât,  que  confusion  et  ténè- 
bres. On  blasmera  ceste  valeur;  mais  c'est  une  qualité 
d'où  il  est  plus  aisé  de  rabattre  que  d'y  adjouster.  Et 
puis  on  doibt  considérer  qu'il  est  contrainct  de  faire 
avec  peu  ,  ce  qu'il  ne  peult  avec  beaucoup,  et  que  ne 
pouvant,  comme  j'ai  souvent  remonstré,  satisfaire  à 
iing  grand  siège,  et  contre  une  grande  armée  tout  en- 
semble ;  pour  n'avoir  suffisante  infanterie,  il  est  con- 
trainct de  faire  les  actes  de  chevau  légers,  ne  pouvant 
sans  lever  le  siège  donner  une  bataille,  ou  arrester  le 
cours  du  duc  de  Parme.  Je  vous  dirai  pour  la  fin, 
monsieur,  que  si  sa  serenissime  majesté  veult  quelque 
bien  aulx  affaires  du  roy,  comme  je  m'en  asseure,  il 
n'y  a  plus  que  temporiser,  ains  n'y  a  diligence  qui 
puisse  estre  trop  bonne.  Et  considérés  la  dessus,  vous 
qui  estes  capitaine,  que  sa  majesté  très  chrestienne, 
pour  l'incertitude  de  ce  que  l'ennemi  vouidra  faire,  a 
en  mesme  temps,  en  se  tenant  prest  pour  l'attendre 
devant  Rouen ,  à  pourvoir  neantmoins  à  Neufchastel 
et  à  Dieppe;  ce  qui  ne  se  peult,  pour  la  nature  de  ces 
places,  sans  diminution  de  ses  forces,  et  mesmes  de 
ses  gens  de  pied.  Si  sa  serenissime  majesté  lui  envoyé 
le  secours  requis  à  temps ,  elle  l'oblige  et  tout  son 
estai  à  jamais.  Sinon,  je  ne  sçais  si  elle  pourra  relever 
avec  beaucoup  les  inconveniens  qu'elle  pou  voit  et 
peult  encores  empescber  avec  peu.  Vous  excuscrés, 
monsieur,  ma  liberté  produicte  de  la  nécessité  des 
affaires  du  roy  mon  maistre,  et  de  l'affection  d'un 
bon  serviteur  envers  icelles  ;  que  je  ne  pense  pas  tou- 
tesfois  simplement  francoises,  mais  angloises,  mais  de 
toute  la  cbrestienté.  Comme  je  sçais  aussi  que  je  parle 
à  ung  seigneur  qui  ne  veult  pas  seulement  estre  né 


igS  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

pour  sa  patrie,  mais  selon  le  courage  qui  est  cligne 
de  lui,  pour  tout  le  monde  ensemble.  Or  sur  ce  pro- 
pos je  finirai,  après  yous  avoir  ramenteu  que  je  suis 
vostre  affectionné  serviteur,  et  vous  désire  autant 
d'honneur  que  chacung  vous  recognoist  de  mérite, 
et  en  vous  baisant,  monsieur,  humblement  les  mains, 
supplierai  le  Créateur  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 
De  Dieppe,  partant  pour  aller  trouver  sa  majesté. 
Ce  7  febvrier  nouveau  style,  au  matin.  Et  à  coslê 
est  escrit  :  Monsieur,  croyés  que  jamais  M.  Villurgbey 
ne  vint  plus  à  propos  pour  les  affaires  du  roy,  que 
viendra  celui   qui  amènera  ce  secours. 


XXXVIII.  —  LETTRE 

De  M.  le  comte  cCEssex  a  M.  Duplessïs.  (  i  ) 

Monsieur,  je  m'estime  malheureux  que  je  ne  puis 
pas  faire  pour  le  présent  quelque  bon  service  au  roy  , 
ni  de  bon  office  avec  vous.  Le  temps  est  si  court,  et 
l'humeur  de  la  royne  a  esté  si  amere,  qu'il  est  impos- 
sible devant  vostre  partement  de  recevoir  quelque 
aultre  response  ;  mais  j'espère  que  bien  que  vous  ne 
portiés  pas  les  nouvelles  au  roy  de  quelque  secours  , 
toutesfois  sa  majesté  très  chrestienne  verra  les  fruicts 
de  vos  labeurs,  et  les  conclusions  de  vos  argumens 
bientost.  Oultre  le  service  du  roy,  pource  qu'il  y  va 
de  vostre  interest,  je  m'y  employerai  avec  une  affection 
très  grande,  et  serai  vostre  solliciteur  après  vostre  par- 
tement, et  serai  tousjours,  monsieur,  etc. 


(i)  Ceslp  kltre  t'eut  escrile  à  M,  Duplessïs  estant  encores  à 
Douvre. 


CE  QUI  SE  PASSA  A  BURE.  199 


XXXIX. —  CE  QUI  SE  PASSA  A  BURE. 

Le  17  febvrier  i5<j2. 

Le  17  febvrier,  le  roy  partit  du  village  de  Buchy , 
où  il  estoit  logé,  pour  entreprendre  sur  le  lieu  de  Bure, 
où  estoit  locé  le  duc  de  Guise  avec  toute  la  cavallerie 
légère  de  l'ennemi ,  et  quelques  regimens  de  gens  de 
pied  François,  distant  de  Buchy,  sept  lieues  au  plus. 

Sa  majesté  menoit  avec  elle  deux  mille  chevaulx 
françois,  et  deux  mille  reystres;  d'infanterie,  cinq  cens 
arquebusiers  à  cheval,  et  autant  à  pied  pour  favori- 
ser son  entreprise,  ou  sa  retraicte  ,  pour  les  forests  où 
elle  avoit  à  passer. 

Le  rendes  vous  de  sa  majesté  et  de  toutes  ses  forces 
feut  à  Bellencombre  distant  de  Bure,  deux  lieues,  où 
elle  eust  advis  que  le  duc  de  Parme  raarchoit  ;  mais 
elle  ne  voulloit  sur  cela  quilter  son  desseing;  et  la  vé- 
rité estoit  que  les  ducs  de  Parme  et  de  Mayenne  es- 
loient  veneus  à  Bure  pour  recognoistre  les  chemins  et 
logis  qu'ils  debvoient  prendre  pour  advancer  leur 
armée ,  afin  de  faciliter  le  secours  de  Rouen. 

Sa  majesté,  pour  pourvoir  à  tous  inconveniens , 
jetta  sur  la  main  gauche  vers  Sainct  Martin  le  Blanc, 
M,  de  Nevers  avec  six  cens  bons  chevaulx  ,  pour  soubste- 
nir  ce  qui  de  ce  costé  là  pourroit  survenir ,  et  empescher 
que  l'ennemi  ne  prist  quelque  advantage. 

Et ,  pour  son  regard  ,  s'achemina  droict  à  Bure,  pour 
exécuter  son  desseing,  nonobstant  les  dix  ers  advis  que 
dessus.  Sur  quoi  advint  que  ses  coureurs,  conduicts  par 
les  sieurs  d'Arambure  ,  et  lieutenant  du  sieur  de  la 
Curée,  rencontrèrent  une  trouppe  ennemie  d'environ 


200  CE  QUI  SE  PASSA  A  BURE, 

octaiiteclievaiilx,  laquelle  ils  chargèrent,  et  nonobstanî; 
en  donnèrent  advis  au  roy,  lequel,  craignant  qu'iis  ne 
fussent  suivis  de  quelque  gros ,  leur  envoya  le  baron 
de  Biron  pour  les  soubstenir,  à  la  faveur  duquel  ils  se 
nieslerent  si  avant  qu'ils  les  mirent  en  route,  et  y  en  . 
eut  plusieurs  prisonniers,  quelques  ungs  tues,  et  se 
trouva  que  c'estoit  le  comte  de  Chaligny,  frère  delà 
royne  douairière,  puisné  du  duc  de  Mercueur  ,  qui  feut 
blessé,  et  tomba  par  terre,  et  se  rendit  prisonnier  à 
Chicot,  (i) 

Le  malheur  feut  en  ce  bonheur  que  ceuîx  qui  se 
saulverent  portèrent  Tallarme  au  village  de  Bure , 
quartier  du  duc  de  Guise,  qui  eut  loisir  de  se  barri- 
quer ,  et  mettre  en  armes,  et  les  ducs  de  Parme  et  de 
Mayenne  qui  s'y  estoient  veneus  promener,  de  se 
retirer  en  haste ,  sous  ombre  de  faire  battre  aulx 
champs. 

Et,  nonobstant  tout  l'ordre  qu'ils  y  peurent  laisser, 
feut  ledict  logis  forcé  et  emporté;  l'infanterie  qui  s'y 
trouva  taillée  en  pièces ,  sauf  ce  qui  se  retira  au 
Monstier;  plusieurs  gentilhommes  aussi  qui  y  voulleu- 
rent  rendre  combat,  et  surtout  le  bagage  du  sieur  de 
Guise  ,  et  de  ses  trouppes  pillé  et  emmené  avec  nombre 
de  prisonniers. 

Sa  majesté  ayant  faict  cela  de  plein  jour  sur  une 
lieure  après  midi ,  s'en  retira  nonobstant  sans  aulcune 
allarme,  et  quelque  esmeute  qu'il  y  en  eust  en  leur 
armée ,  ne  se  trouva  aulcunement  fatigué  ni  incom- 
modé sur  sa  retraicte. 

M.  le  duc  de  Bouillon  et  M.  le  baron  de  Biron  don- 
nèrent avec  trouppes  de  cavallerie  dans  le  village ,  et 

fi^  Bouffon  du  roy. 


CE  QUI  SE  PASSA  A  BURE.  201 

poursuivirent  rennemi  jusques  de  là  la  rivière  qui  y 
passe. 

Monseigneur  le  comte  de  Soissons  avait  ung  régi- 
ment pour  soubstenir,  si  l'ennemi  eusl  paru.  Sui voient 
monseigneur  le  duc  de  Longueville  avec  son  régiment, 
puis  le  régiment  de  sa  majesté,  et,  au  delà  de  certains 
bois,  M.  le  prince  d'Anbalt  avec  deux  mille  reistres. 

Il  se  trouve  de  l'ennemi  plus  de  deux  cens  morts 
audict  lieu  de  Bure;  mais  on  n'a  peu  encore  descou- 
vrir quels  capitaines,  encore  qu'il  est  certain  qu'il  y  en 
a.  Du  costé  du  roy ,  le  sieur  de  Praslin  blessé ,  et  peu 
d'aultres;  quelques  chevaulx  tués. 

Où  estoit  monseigneur  de  Nevers  ,  le  sieur  des  CIu- 
seaux,  maistre  de  camp,  feut  rencontré  par  le  sieur  de 
Buhy,  mareschal  de  camp,  lequel  avoit  jette  le  sieur 
de  Vaubecourt  devant  lui  avec  douze  coureurs,  les- 
quels cbargerent  ledict  des  Cluseaux,  qui  pouvoit 
avoir  deux  cens  bons  chevaulx  ,  les  deffîrent,  et  l'ame- 
nèrent aussi  prisonnier,  et  partie  des  siens. 

Depuis  la  cornette  générale  du  duc  de  Guise,  prise 
en  son  quartier ,  a  esté  apportée  à  sa  majesté. 


XL.  —LETTRE  DU  ROY 

J  la  rojne  d Angleterre ,  f aide  par  M.  Diiplessù. 

Madame,  vous  sçaurés  mieulx  par  M.  Houton,  vostre 
ambassadeur ,  ce  qui  se  passa  hier  en  l'entreprise  que 
j'avois  sur  le  quartier  du  duc  de  Guise;  car  il  feut 
présent  à  tout,  et  n'y  a  meilleur  tesmoing  que  lui  de 
toutes  les  particularités.  Croyés,  madame,  que,  pour 
peu  de  faveur  que  j'eusse  de  vous,  je  vous  rendrois 


101  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

bon  compte  de  ces  gens,  et  espererois  qu'ils  ne  feroient 
gueres  de  mal  à  nos  estais,  et  seroient  bien  aises  de 
retourner  en  seureté,  pour  conserver  les  leurs.  Mais 
vous  considererés  que  j'ai  à  continuer  le  siège  de 
Rouen  ,  que  je  ne  veulx  démordre,  et  en  mesme  temps 
à  m'opposer  à  eulx  à  la  campagne.  Ce  qui  m'est  dif- 
ficile sans  vostre  aide;  comme  souvent  je  vous  ai  re- 
monstré,  et  que  je  pense  aussi  ne  m'estre  retardé  que 
par  les  vents.  Nous  en  sommes  là ,  madame ,  que  les 
armées  s'entreregardent ,  et  se  feussent  desjcà  batteues, 
s'ils  eussent  eu  autant  de  resolution  de  secourir  Rouen  , 
que  moi  de  continuer  le  siège  pour  l'emporter  à  leur 
veue.  Et  pour  ce ,  je  vous  supplie  de  juger  selon  vostre 
prudence,  de  combien  il  y  va,  et  ne  permettre  que,  par 
faulte  d'ung  médiocre  secours,  ung  si  grand  œuvre  soit 
abandonné,  et  tant  de  labeurs  perdeus,  lorsque  nous 
sommes  sur  le  poinct  d'en  recueillir  le  fruict.  J'ai 
donné  charge  à  mon  ambassadeur  de  vous  en  dire  là 
dessus  davantage,  sur  lequel  me  remettant,  ne  ferai 
ceste  plus  longue  que  pour,  etc. 


XLI.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  M.  de  Beauvoir,  ambassadeur  du  roj  en  Angleterre. 

Monsieur  ,  on  vous  envoyé  ung  mémoire  de  ce  qui 
s'est  passé  à  Bure  sur  le  quartier  de  M.  de  Guise  le  i  y 
de  ce  mois.  Par  là  le  faict  d'Aumale  est  plus  que  cou- 
vert, et  en  avons  de  leurs  plumes  largement.  Mainte- 
nant le  duc  de  Parme  s'advance,  soit  pour  combattre, 
soit  pour  en  faire  mine,  afin  de  nous  faire  lever  le  siège  , 
soit  pour  jetter  des  hommes  dedans  la  ville  ;  et  pour 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  2o3 

pourvoir  à  tant  de  cas  ,  comme  j'ai  tant  de  fois  dict,  il 
fault  estre  assisté  dliommes.  C'est  pourquoi  nous  avons 
extresme  besoin»  du  secours  de  la  royne.  Et  vous  dirai 
qu'il  ne  peult  venir  ou  manquer  jamais ,  avec  plus  de 
bonne  ou  de  mauvaise  conséquence.  On  m'a  dict  qu'on 
vous  a  faict  une  depesche,  moi  absent  ,  pour  convertir 
deçà  ce  que  la  royne  vouidroit  employer  en  Bretaigne, 
présupposant  qu'elle  m'auroit  dict  qu'elle  y  envoyeroit 
deux  mille  cinq  cens  hommes.  C'est  chose  que  je  n'ai 
poinct  dicte,  et  fault  que  sa  majesté  l'ait  entendeu  de 
quelque  aultre.  Ce  que  je  vous  dis,  parce  que  je  ne 
vouldrois  estre  teneu  pour  advanceur  de  parole  contre 
mon  naturel,  qui  est  de  dire  tousjours  moins  plustost 
que  plus.  J'ai  faict ,  au  reste  ,  en  vos  affaires  tout  ce 
qui  a  esté  en  moi ,  et  n'y  manquerai.  Particulièrement 
pour  les  deux  mille  cinq  cens  escus  ,  M.  du  Jai  le 
vous  peult  lesmoigner. 

Et   sur  ce,  monsieur,  après  vous  avoir  baisé   les 
mains ,  etc. 


XLII.  -.  LETTRE  DE  DOM  ANTONIO, 

Roj  de  Portugal,  à  M.  Duplessis. 

Illustre  signor  Duplessi,  la  condogliensa  délia  mia 
miserabile  fortuna,  et  buona  voglia  verso  di  lei ,  che 
ho  sentito  in  V.  S.  quando  lo  vidi ,  et  il  desiderio  che 
mi  mostro  li  facessi  qualche  apertura,  mi  hà  date  har- 
dieza  di  mandarli  questo  discorso,  per  M.  Charhagne, 
già  che  mi  manco  il  tempo  di  poter  a  bocca  commu- 
nicarlo  a  V.  S.  Pregovi  signor,  non  mi  manqui  à  me 
solo  quello  del  che  ogniuno  vi  commenda ,  cioé  favo- 


2o4  LETTRE  DE  DOM  ANTONIO,  etc. 

rir  et  soccorir  le  cause  piu  debole  et  giuste,  et  pero 
clie  la  mia  estiino  una  di  queste,  ardisco  raccomtnen- 
darvela ,  et  pregarvi  la  vogliate  presentar  a  sua  M.  M.  G. 
sicurandoui!  sua  voita  la  prendere  sotto  la  vostra  pro- 
teUione,  havero  il  fine  che  desidero.  Prego  dauantagio 
V.  S.  mi  escusi  se  nel  stilo  excedo  il  modo.  Gonfessovi 
che  la  gijusla  labbia  mi  fa  saltar  le  débite  trinchiere , 
affirmandovi  che  (non  solo  fia  H  régi  et  principi),  ma 
fra  tutti  li  amici  che  sua  M.  G.  hà,  nessuno  lo  ama  ne 
h  desîdera  più  félicita  che  mi.  Pero  pur  che  detto 
M.  de  Ghai'hagne  hà  mio  ordine  per  trattar  più  parti- 
cularmente  di  queste  cose  con  V.  S.  per  non  fastidirla 
davanlagio  con  piu  longo  discorco,  prego  V.  S.  h  creda, 
et  micoiiscrvi  ne  la  buona  gratia  di  V.  S.  et  mi  habiate 
nella  vostra  prolettione  corne  il  piu  sicuro  et  sincerato 
amico. 

Illustre  signor  Duplessi ,  prego  Iddio  doni  a  V.  S. 
longa  et  felice  vita,  et  tutta  la  prosperità  che  desiderate 
al  re  vostro  patrone.  Di  Londra,  29  Gennaro  ï5ç)2.. 
Piu  affellionato  a  V.  S.  ÏIei.  s. 


XLllI.  —  SOMMAIRE  DU  DISCOURS 

Envojê  par  le  roj  de  Portugal  h  M.  Du  pies  sis ,  pour 
estre  communiqué  au  roy. 

QcE  le  roy  estant  froidement  assisté  par  la  pluspart, 
mesuie  de  sa  relligion,  et  lui  manquant  l'argent,  qui 
seul  les  retient  à  son  service,  il  semble  que  raisonna- 
blement i!  ne  peult  espérer  de  venir  jamais  à  bout  de 
ceste  fascîieuse  guerre,  par  les  moyens  que  jusques  à 
présent  il  y  a  teneus  :  et  pour  ce,  seroit  à  propos  qu'il 


SOMMAIRE  DU  DISCOURS,  etc.  2o5 

cliaiigeast  de  procédure,  et,  à  l'exemple  de  plusieurs 
grands  capitaines ,  tant  anciens  cpje  modernes ,  aliast 
attaquer  l'Espaignol ,  aucleur  de  toutes  ses  peines,  en 
sa  maison  propre;  et  que  s'y  résolvant,  le  meilleur 
seroit  d'entreprendre  sur  le  Portugal  ce  qui  se  pourroit 
faire  par  trois  voyes  :  l'une,  dont  il  auroit  desjà  entre- 
teneu  sa  majesté;  Taultre,  qu'on  menast  quattre  mille 
hommes  à  ,  dont  les  deux  mille  feussent  levés 

et  embarqués  ,  avec  vivres  et  munitions  pour  SiX  mois, 
par  les  sieurs  de  Sainct  Luc  ou  de  la  Cliastre  ;  les  aidtres 
deux  mille  par  messieurs  des  estais  des  Pays  Bas,  qui  y 
consentiroient  aisément,  et  conduicts  par  Justin  de 
Nassau.  Qu'il  s'obligeroit  en  ce  cas,  tous  fiais  faicts, 
d'envoyer  deux  cens  mille  ducats  à  sa  majesté  dans 
deux  mois,  et  de  là  à  six  mois  encores  autant.  La  troi- 
siesme  voye  seroit  d'aller  descendre  droict  en  Portu- 
gal ,  dont  lestât  est  tel  qu  il  s'ensuit  :  Qu'il  y  a  une 
province  ,  nommée  Entreduero  et  Minho ,  joignant  la 
Galice  d'ung  costé  et  la  province  de  Bejza  de  laultre, 
batteue  de  l'Océan  vers  le  Ponent,  longue  de  dix  buict 
lieues,  large  de  douze,  montueuse,  mais  très  fertile, 
coupée  de  plusieurs  grandes  rivières,  et  partant  aisée 
à  garder,  riche  es  biens  de  la  terre,  et  en  traffic  y 
ayant  six  bons  hasvres;  pleine  d'ung  peuple  plus  guer- 
rier qu'aulcung  aultre,  ennenîi  juré  du  Castillan,  et 
très  affectionné  au  contiaire  à  sa  personne;  qu'elle 
seule  entretiendroit  aisément  dix  mille  hommes  de 
pied  et  mille  chevaulx ,  dont  elle  mesmes  fourniroit 
quattre  nulle  bons  anjuebusiers ,  et  quattre  ou  cinq 
cens  chevaulx;  que  la  province  de  Beyza,  séparée  de  !;» 
susdicte  par  le  Duero,  est  aussi  très  fertile  et  bien 
affectionnée,  ayant  pour  ville  capitale  l'Université  de 
Conimbre,  forte  d'assiette  et  bien  riche.  Qu'on  y  pour- 


2o6  SOMMAIRE  DU  DISCOURS 

roit  lever  et  entretenir  trois  mille  hommes  de  pied  et 
liuict   cens  chevaulx,  et  oullre   cela   payer  six  mille 
estrangers;  que  la  province  d'oultre  les  monts,  qui  lui 
est  extrêmement  affectionnée,  est  très  riche,  et  pour- 
roit  faire  jusques  à  trois  mille  soldats  et  six  cens  che- 
vaulx. Qu'entre  ceste  province  et  celle  de  Beyza,  y  en  a     "; 
une  aultre  nommée  Riba  de  Coa^  dont  on  pourroit  tirer 
trois  mille  cinq  cens  hommes  de  pied ,  et  l'entretien  de 
cijiq  mille  estrangers;  que  lliha  de  Coa,  et  oultre  les 
monts,  sont  frontière  de  Castille,  pays  nud,  et  dégarni 
de  toutes  forteresses,  d'où ,  par  conséquent,  on  tireroit 
de  grands  hutins  et  contrihutions  pour  l'entretien  de 
la  guerre;  qu'on  pourroit  aussi  à  peu  de  travail  prendre 
Bajonna ,   proche   de   la    province    ^ Entreduero   et 
Minho ,  lieu  propre  pour  recevoir  toutes  les  armées     i 
qu'on  y  vouldroit  mener,  et  d'aultre  part  incommoder 
grandement  le  roy  Philippe.  Que  son  intention  donc 
seroit  d'entrer  avec  six  mille  hommes  de  pied  et  six 
cens   chevaulx    en   ladicte   province    d'Entreduero   et 
Minho;  ce  qu'il  s'asseure  pouvoir  faire,  sans  aulcune 
difficulté  ,  et  y  estant,  reconquérir  aisément  les  aultres 
provinces,  pourveu  que  les  lesdictes  trouppes  feussenl 
conduictes  par  ung  bon  chef  d'expérience  et  d  aucto- 
rité,  pour  contenir  ses  gens  en   bonne  discipline,  à 
faulte  de  quoi  il  a  veu  perdre  de  belles  occasions  es 
affaires  de  Portugal  ;  qu'il  supplie  donc  sa  majesté  de 
l'assister  de  son  auctorité,  crédit  et  conseil,  pour  la- 
dicte levée  de  six  mille  hommes,  vers  la  royne  d'Angle- 
terre et  messieurs  des  estais  des  Pays  Bas,  à  ce  qu'ils 
lui  en  fournissent  chacung  deux  mille,  et  deux  cens 
chevaulx  ,  payés  et  embarqués ,  avec  munitions  et  vivres 
pour  quattre  mois ,  interposant  aussi  son  auctorité  pour 
lui  faire  trouver  les  aultres  deux  mille  en  son  royaulme; 


ENVOYÉ  A  M.  DUPLESSIS.  207 

que  moyennant  ce,  oultre  le  grand  profîct  que  recevra 
toute  la  chrestienté  de  l'affciblissement  de  l'Espaignol, 
infaillible  par  le  succès  de  ceste  entreprise,  il  s'oblige 
de  rembourser  toutes  les  advances  dans  le  terme  de 
deux  ans,  avec  recognoissance  à  tous  ceulx  qui  y  auront 
faict  leur  debvoir. 


XLIV.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Alt  roj  de  Portugal. 

Serenissima  maestà,  ho  ricevuto  le  lettere  délie 
quali  le  hà  piaciuto  honoranni ,  insieme  colli  discoris 
suoi  per  M.  Charhagne  ,  fondatissimi  veramentè,  et 
degni  délia  sua  rara  prudenza.  Volesse  iddio,  ch'io  in 
cosa  tanto  giusta,  honorevole,  utile  ,  potessi  far  il  ser- 
vitio  ch'ella  richiede,  et  io  con  tutto  il  cuore  vor- 
rei  procurare.  Di  questo  prego  liumillissimamente 
S.  M.  esser  sicura  ;  che  io  non  le  manchero  V.  S.  M. 
christianissima  aile  occasioni  ,  di  quel  poco  che  io 
posso.  Le  quali  col  l'ajuto  di  Dio,  io  non  stimo  forse 
tanto  lontane  da  noi ,  che ,  lie  non  possino  in  poco  tempo 
farsi  piu  vicine;  massimamente  se  Iddio,  corne  io  spero, 
et  ne  veggo  le  apparentie ,  vuol  favorir  Timpresa  di 
Rouano.  V.  S.  M.  dunque  secondo  la  sua  magnanimità 
et  virtù,  haverà  patienza,  et  aspetterà  colla  stagione  da 
me  quel  servitio  che  si  puo  da  un  gentilhuomo  di  mia 
sorte  ,  ma  da  un  servitor.  Di  sua  maesta  fidelissimo  et 
affettionatissimo.  A  i3,  di  Gennaro  in  Dovra,  vec- 
chio  stilo. 


5o8        LETTRE  DE  M.  LE  PRESIDENT  JEANNIN 


XLV.  --  ^  LETTRE 

De  31.  le  président  Jeannin  a  M.  Villeroy. 

Du  2  mars  lôga. 

Monsieur  ,  oultre  les  lettres  que  M.  de  La  Chevalerye 
vous  rendra,  vous  avés  encores  receu  celles  que  je  vous 
ay  depuis  escrit  par  le  baron  de  Mesdavy;  toutes  deux 
vous  ont  peu  tesmoigner,  avec  ce  que  vous  aura  dict 
vostre  fils,  que  les  princes  qui  sont  ici,  toutes  consi- 
dérations délaissées,  s'estoient  resoleus  à  la  paix  avec 
le  roy  de  Navarre,  donnant  asseurance  de  se  faire  ca- 
tholique, et  que  là  dessus  ils  vous  envoyèrent  le  pou- 
voir de  traicter.  Je  vous  ai  encores  escrit  depuis  par 
M.  ,  que  M.  de  Mayenne  a  envoyé  vers  vous 

pour  vous  supplier  de  venir  ici ,  qu'ils  continuoient 
tous  en  mesme  volonté  ,  mais  que  c'estoit  avec  beau- 
coup moins  d'espoir  que  ccste  negotiation  deust  avoir 
effect  pour  ce  que  M.  de  la  Chastre  ayant  veu  M.  de 
Gin,  et  parle  à  lui  sur  ce  subject ,  en  avoit  depuis 
eu  response  par  ung  jargon  qu'ils  avoient  pris  ensemble 
qui  lui  faisoit  assés  cognoistre  que  le  roy  de  Navarre 
n'estoit  délibéré  de  quitter  sa  rclîigion  ,  mais  proposent 
comme  de  coustume  qu'il  voulloit  estre  recogneu  ,  puis 
qu'il  se  feroit  instruire,  response  à  laquelle  il  a  esté 
tousjours  constant  sans  varier.  On  n'avoit  rien  désiré 
du  passé  de  ces  princes  ,  sinon  qu'ils  se  voulleussent 
disposer  à  le  recognoistre  se  faisant  catholique.  Ils 
l'ont  voulleu  et  le  veullent,  ne  trouvant  poinct  mau- 
vais qu'il  se  fasse  instruire,  que  les  catholiques  avec  lui 
l'exhortent  de  se  faire  s'y  on  peult  porter  le  pape  à 


A  M.  DE  VILLEROY.  '20g 

en  faire  aultant.  Nous  le  desirons  encores  ici ,  et  y  appor- 
teront soubs  main  tout  ce  qui  leur  sera  possible  qu'ils 
prennent  à  loisir  en  deux  ou  trois  mois,  et  procède 
comme  il  jugera  debvoir  estre  faict  pour  sa  conscience , 
sa  qualité  ,  son  honneur,  confère  soubs  main  des  con- 
ditions et  du  traicté   qu'on    en  demeure   d'accord  si 
secrètement  que  personne  ne  le  sache;  puis  lui,  s'es- 
tant  faict  instruire ,  se  déclare  catholique ,  soubs  l'as- 
seurance  secrète  de  ce  traicté  ;  c'est  tout  ce  que  ces 
princes  disent  pouvoir  faire  en  substance;  pour  l'ordre 
et  pour  la  conduicte,  elle  dépendra  de  la  prudence  de 
ceulx  qui  s'y  employeront,  et  ils  ont  tant  de  confiance 
en  la  vostre  et  en  vostre  intégrité  et  affection,  qu'ils 
s'en  remettent  du  tout  à  vous  si  ceste  ouverture  ne 
les  contente.  Considérez,  je  vous  supplie,  si  en  se  re- 
cognoissant  restant  huguenot,  quel  advantage  et  pré- 
texte on  donnera  au  roy  d'Espaigne  et  à  beaucoup  de 
villes  et  de  particuliers  qui  se  mettront  en  sa  protec- 
tion  pour  dissiper  Testât  ?  Tous  ceulx   qui  sont  ici 
craignent  et  prévoient  cest  inconvénient,  sans  lequel 
je  tiens  pour  certain  qu'il  y  auroit  plus  de  moyen  d'as- 
seurer  la  relligion  avec  ledict  roy  de  Navarre,  conti- 
nuant en  sa  relligion  que  s'il  se  changeoit  pour  les 
raisons  que  nous  avons  quelques  fois  discoureues  en- 
semble ;  or ,  vous  m'escrivez  que  les  habitans  de  nos  villes 

sont  si  las  de  la  guerre  et  les  gentilshommes  aussi 

et  ung  chacung  veullent  tant  de  mal  aulx  Espai^^nols 
qu'ils  ne  laisseront  de  nous  suivre  en  ceste  reconciliation  • 
nous  jugeons  des  maintenant ,  presque  avec  certitude  du 
contraire,  par  la  cognoissance  que  nous  avons  de  plu- 
sieurs desdicts  princes  et  aultres  qui  ont  des  gages  en 
main  et  sont  desjà  advancésen  traictés  secrets ,  desquels 
nous  ne  pouvons  espérer  de  les  faire  départir  que  par 

Mii.u.  DE  Dupx.ESSis-MoE.ifAy.  Tome  v.  .  iA 


2IO  LETTRE  DE  M.  LE  PRESIDENT  JEANNIN 
la  conversion  du  roy  de  Navarre  ;  vous  adjoustés  par 
vos  lettres  qu'on  y  pourroit  disposer  le  pape,  et  qu'en 
son  auctorité  deschargeroit  M.  de  Mayenne  et  clia- 
cung.  Je  le  crois  j  mais  il  vouldra  difficilement  faire 
cest  office,  son  intention  ne  nous  est  encores  bien 
cogneue tiennent  qu'il  est  ennemi  du  duc  de  Flo- 
rence, et  affectionné  aulx  Espaignols,  non  pas  à  mon 
advis,  à  leur  desseing;  les  aultres  qu'il  est  ami  du  duc 

de  Florence;  si  ce est  vrai ,  M.  de  Lorraine  pourra 

sonder  par  lui  sa  vollonté;  ce  que  je  crains  en  ce  re- 
mède', est  qu'il  a  de  la  longueur  et  incommodité,  et 
nous  est  très  difficile  en  Testât  auquel  se  trouvent  les 
affaires  de  prendre  du  loisir  sans  rompre  avec  les  Es- 
paignols. Nous  craindrons  moins  cest  inconvénient, 
quand  nous  serons  asseurés  de  la  conversion  du  roy 
de  Navarre,  c'est  à  dire  quand  il  en  donnera  asseurance 
secrète  ,  attendant  qu'il  ait  pris  temps  pour  se  faire 
instruire  et  convertir  publicquemenl.  Or,  monsieur, 
la  vollonté  de  ces  princes  est  encores  de  recognoistre 
ledict  roy  de  Navarre,  traicter  avec  lui  s'il  donne  as- 
seurance de  se  faire  catholique.  Ils  se  contentent  pour 
maintenant  que  ceste  asseurance  soit  secrète,  comme 
les  conférences  pour  le  traicté  le  sont  aussi,  et  après, 
comme  si  nous  n'estions  poinct  d'accord,  il  se  fasse 
instruire  et  reconcilier  à  l'église  de  lui  mesme,  ou  pris 
par  les  catlioliques  qui  sont  avec  lui ,  ou  escorté  par 
le  pape,  s'il  veult  faire  cest  office  comme  nous  ferions 
très  volontiers  sans  la  crainte  des  Espaignols,  et  d'en 
prendre  des  nouvelles  qui  se  joindroient  à  eulx.  Ainsi 
ils  jugent  que  vostre  conférence  de  M.  Duplessis  ne 
peult  estre  que  fort  à  propos ,  la  désirent ,  vous  en 
pryent;  advisés  donc  ensemble,  par  vos  prudences, 
ce  qui  se  pourra  faire  pour  le  niieulx  sur  la  déclaration 


A  M.  DE  VILLEROY.  .211 

que  vous  font  de  leur  vollonté  ces  princes,  et  nous  en 
mandés  incontinent  vostre   advis  s'il  vous  plaist,  ce 
dont  je  vous  puis  asseurer,  est  qu'ils  y  procèdent  de 
bonne  foi,  et  avec  désir  de  sortir  du  mal  que  chacune^ 
souffre  plustost  par  ce  remède  que  par  ung  aultre.  Il 
est  besoing  que  ladicte  assemblée  soit  fort  secrète.  Ces 
princes  m'ont  donné  charge  de  vous  mander  qu'ils  ne 
vous  peuvent  escrire  ouvertement  leur  intention     de 
peur  que  leurs  lettres  prises  descouvrent  leur  reso- 
lution, ce  qui  doibt  estre  pour  maintenant  secret;  mais 
ils  m'ont    commandés  de  le  vous  ainsi    mander.   Ils 
nç  laissent  de  désirer  que  veniés  incontinent,  tant  pour 
leur  faire  entendre  ce   que   vous  aurés  peu  faire  en 
ladicte  conférence  que  pour  nous  aider  à  gaigner  le 
temps  avec  ces  estrangers.  Pour  moi,  il  y  a  long  temps 
que  ce  faict  ne  se  pouvant  resouidre  à  l'usage  de  ce 
remède,  que  j'ai  en  horreur  sur  tous  aultres.  Je  vous 
prye  donc  de  faire  ce  que  vous  pourrés  par  de  là,  et 
venés  s'il  vous  plaist  bientost,  car  vous  estes  néces- 
saire en  ce  lieu  pour  le  publicque,  vous  asseurant  que 
j'aurai  tousjours  la  vollonté  que  doibt  ung  homme  de 
bien ,  mais  je  cr.iins  estre  ung  instrument  trop  foible 
pour  ung  si  grand  faict.  Vous  aurés  maintenant  veu 
les  articles  que  je  vous  ai  envoyés  par  M.  le  baron  de 
Mesdavy;  la   lettre  que    m'avés  renvoyée  avoit   esté 
mise  dans  le  pacquet  au  lieu  desdicts  arlicles.  M.  de 
Mayenne  l'a  veue  et  fort  bien  interprété  le  jargon, 
que  parle  assés  bien  à  lui  celui  à  qui  elle   s'adressoit 
est  ici. 

Pourveu  que  son  maistre  fasse  ses  affaires,  je  vous 
baise  très  humblement  les  mains ,  et  suis ,  etc. 


r2i2  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

XLVL  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M,  de  Biizanval. 

Monsieur,  depuis  mon  retour  d'Angleterre,  j'ai 
receu  plusieurs  lettres  de  vous,  aulxquelles  ,  pour  une 
part,  j'ai  faict  response  :  et  par  celle-ci ,  je  tascherai  de 
satisfaire  à  toutes.  Je  loue  Dieu  de  voir  Testât  de 
messieurs  des  provinces  unies  se  raffermir  de  jour  en 
jour;  ce  que  j'attribue,  après  la  bénédiction  de  Dieyi , 
partie  à  leur  prudence,  et  partie  à  la  vertu  de  M.  le 
comle  Maurice.  Leur  estât  avoit  besoing,  comme  sou- 
vent nous  avons  dict,  d'ung  prince  qui  fist  la  guerre, 
et  de  la  main  ,  et  de  la  teste  ;  si  la  main  n'y  va,  chascung 
se  rend  nonchalant,  la  guerre  n'a  poinct  de  vigueur. 
Cela  estant ,  je  suis  bien  avec  eulx  qu'ils  n'ont  que  faire 
de  paix  avec  l'Espaignol ,  qui  ne  la  feroit  qu'à  desseing 
d'opprimer  leurs  voisins,  et  clievir  après  d'enlx  tout  à 
son  aise.  Mais  parce  que  le  nom  de  paix  est  si  beau, 
que  le  masque  mesmes  bien  recogneu  trompe  les 
hommes;  je  pense,  quand  ces  ambassadeurs  vous  en 
parlent,  que  vous  les  debvés  tirer  de  la  paix  particulière, 
à  la  générale  de  la  chrestienté,  digne  du  lieu  qu'y  tient 
l'empereur,  et  salutaire  à  son  empire.  Au  lieu  que  la 
particulière  ne  semble  procéder  que  du  desseing  d'Es- 
paigne ,  qui  est  tousjours  suspect  à  tous  les  princes 
chrestiens  :  et  lequel  est  asses  recogneu ,  pour  ne  tendre 
à  la  paix  pour  la  paix,  veu  la  haine  invétérée  contre 
ces  povres  princes,  mais  pour  les  desmanteler  de  l'as- 
sistance de  tous  leurs  voisins,  afin  de  les  ruyner  tout  en 
ung  coup.  Et  quant  à  ce  que  l'ambassadeur  vous  dict 


A  M.  DE  BUZANVAL.  ^l3 

de  la  particulière  intention  de  l'empereur  sur  ces  pays, 
qui  sont  cercles  de  l'empire ,  ce  sont  propos  plus  ap- 
parens  que  vrais  ,  et  mis  souvent  en  avant  du  temps 
du  feu  prince  d'Orange  à  mesme  fin.  Mais  il  est  tout 
évident  que  la  nécessité  de  l'empereur  le  rend  trop 
subject  aux  volontés  de  l'Es^aignol  ;  et  n'y  a  appa- 
rence qu'il  ose  esclorre  ceste  intention  ,  ores  (ju'il 
l'eust ,  tandis  qu'il  vive.  Je  trouverois  cependant  fort 
bon  que  vous  fissiés  entendre  par  voies  obliques  ce 
propos  en  Angleterre  ,  où  ils  auront  pour  suspect 
que  la  maison  d'Autriche,  sous  quelque  nom  que  ce 
soit  ,  se  loge  si  près  d'euix  ,  et  s'en  rendront  peult  estre 
moins  solliciteurs  de  la  paix  avec  ces  provinces ,  la- 
quelle vous  sçavés  qu'ils  désirent,  pour  racheter  la  li- 
berté de  leur  commerce  ,  dont  l'interruption  les  tra- 
vaille infiniment.  Pour  nostre  regard  ,  vous  aurés  sceu 
comme  se  sont  passées  les  choses  à  la  veneue  du  duc  de 
Parme.  Nous  avons  esté  logés  à  deux  lieues  l'ung  de 
l'aultre ,  plus  de  quinze  jours,  sans  démordre  llouen  ; 
et  eussions  peu  entreprendre  sur  son  armée  ,  si  nous 
eussions  eu  plus  d'infanterie.  Enfin  le  malheur  a  voulleu 
que  nos  tranchées,  affaiblies  de  gens  de  pied  par  la 
longueur  du  siège  ,  ont  esié  regaignees  en  partie  par 
une  trop  advantageuse  sortie  de  l'ennemi,  et  ce  qui 
s'ensuit,  qui  a  grandement  reculé  les  affaires.  Cela  a 
esté  cause  que  le  duc  de  Parme,  adverti  du  dedans  que 
la  ville  n'estoit  pas  pressée,  altendeu  leffect  de  ladicle 
sortie,  s'est  retiré  au  delà  de  Somme,  pour  y  vivre 
plus  commodément,  resoleu  sans  cest  accident  de  tenter 
le  secours  de  la  ville  à  pleine  force,  et  sa  majesté,  si 
elle  pouvoit,  de  le  combattre.  Ores  ne  pense  je  poinct 
que  pour  cela  il  retourne  es  Pays  Bas  si  tost;  ains  il  se 
tiendra  sur  nostre  frontière  pour  voir  ce  que  deviendra 


21 4  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Rouen ,  lequel  sa  majesté  est  resoleue  de  battre  à  oui- 
trance,  nonobstant  ung  secours  de  trois  cens  bommes, 
qui  encores  depuis  y  est  entré.  Cependant  tous  nos 
François  sont  fort  las  de  Tinsolence  espaignole  ;  les 
ducs  de  Mayenne  ,  et  de  Guise  mesmes ,  recreus  de 
rebuts  et  discourtoisies  ;  et  recognoissans  clairement 
qu'il  vient  faire  les  affaires  de  son  maistre,  et  non  les 
leurs.  Comme  de  faict  il  negotie  ouvertement  les  villes, 
par  menées,  par  promesses,  par  argent  et  par  jésuites. 
Et  semble  qu'enfin  l'Espaignol  soit  veneu ,  pour  leur 
r'apprendre  à  parler  françois.  Là  dessus  il  se  jette  sous 
main  quelques  propos  de  paix,  et  s'en  faict  des  allées 
et  veneues;  et  mesme^  je  suis  ici  pour  en  pénétrer  le 
fonds ,  et  y  bastir  ,  s'il  y  a  fondement.  Certes  nostre 
estât  est  tel  que  nous  en  avons  besoing,  et  n'aurons  pas 
peu  gaigné  d'estre  appelles  roys,  en  mettant  nos  peu- 
ples en  repos.  Le  reste  se  gaignera  par  la  prudence,  et 
suis  d'advis  qu'on  mette  le  patient  au  lict  à  quelque 
prix  que  ce  soit.  Tout  à  loisir,  après  on  lui  fera  prendre 
médecine  ;  on  advisera  des  moyens  de  sa  santé ,  quand 
au  moins  il  sera  en  repos.  Si  Dieu  nous  en  faict  la 
grâce,  les  provinces  de  delà  n'y  perdront  pas,  et  l'Es- 
paignol n'y  gaignera  rien!  Nous  lairrons  tousjours  la 
guerre  contre  l'Espaignol  ouverte ,  comme  ung  cau- 
tère ,  pour  vuider  nos  mauvaises  humeurs.  Nous  fo- 
menterons les  révoltes  d'Aragon,  et  aultres  nos  amis,  _^ 
ou  plustost  ses  envieulx  en  Italie ,  qui  souspirent  vers 
nous.  Nous  reschaufferons  l'Italie  (i);  nous  nous  ren- 
drons habiles  à  recueillir  le  fruict  de  sa  mort,  quand 
Dieu  l'ordonnera  ,  au  lieu  qu'en  cest  estât  nous  ne 
sommes  capables  que  de  nous  perdre;  je  vous  en  man- 


(i)  L'AlJemaîgne. 


A  M.  DE  BUZANVAL.  21  5 

derai  fladvantage  lorsque  nous  y  verrons  plus  clair.  Et 
cependant  hcec  tlbi  habeto  pour  vous  diriger  en  vos 
affaires.  M.  de  Bouillon  m'a  parlé  du  mariage  que 
scavés  que  j'approuve  long  temps  jà  ,  et  en  vois  les 
utilités;  mais  la  difficulté  est  de  le  faire  aggréer  à  la 
partie  imbeue  à  d'aultres  affections.  Et  vous  scavés  qu'il 
en  est  comme  de  l'œil,  s'il  est  imbeu  d'une  couleur,  il 
n'en  reçoit  poinct  d'aultres.  Toutesfois  nous  la  pou- 
vons voir  dans  peu  de  temps  et  juger  à  peu  près,  ISuin 
quis  sit  huic  desiderio  reliquus  lociis.  J'ai  conféré 
avec  M.  de  Revol  de  vostre  particulier,  et  de  bouche, 
et  par  escrit ,  avec  M.  de  Bouillon  aussi ,  qui  vous  est 
fort  affectionné.  Omnino  il  est  du  service  du  roy  que 
vous  soyés  là  en  qualité  d'ambassadeur,  soit  pour 
auctoriser  ses  affaires  ,  soit  pour  fortifier  la  dignité  des 
estais  qui  importe  à  la  nostre  ;  car  il  fault  que  cest 
estât  demeure  soubverain  ,  et  quand  il  n'y  seroit  en- 
cores  formé,  qu'on  lui  donne  l'envie  et  le  moyen  de 
Testre.  Consequemnjent,  que  vous  soyés  traicté  en  ceste 
qualité,  et  en  puissiés  faire  la  despense;  à  quoi  je  ne 
vois  poinct  qu'on  puisse  répugner.  Mais  le  tout  est 
que  les  moyens  vous  en  soient  administrés  ,  qui  ne 
vous  peuvent  estre  plaints,  veu  les  services  que  vous 
faictes ,  et  les  fruicls  qui  en  sortent.  Rien  vous  dirai  je 
que  sur  nos  remonstrances  on  ne  nous  paye  que  de 
nécessités.  Des  que  je  serai  de  retour  près  de  sa  majesté, 
qui  pourra  estre  dans  dix  jours,  nous  y  ferons  une 
vive  batterie  pour  vous  ;  et  espère  que  vous  en  sen- 
tirés ,  aidant  Dieu ,  quelques  effects.  Le  jeune  homme 
dont  m'escrivés  sera  le  bien  veneu  en  vostre  considé- 
ration ;  seulement,  prenés  garde  que  ceste  vie  tumul- 
tuaire  ne  le  desbauche  ouilre  l'intention  de  son  père, 
comme  je  vois  advenir  à  plusieurs.  Pour  Testât,  dont 


2l6  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

madame  la  princesse  (i)  m'a  cscrit ,  celui  en  faveur  du- 
quel elle  s'affectionnoit,  m"a  dict  que  je  ne  m'en  misse 
poinct  en  peine,  parce  qu'il  y  est  ja  pourveu.  Je  m'es- 
timerois  heureux  de  lui  pouvoir  faire  service  en  chose 
qui  le  vallust.  Je  salue,  monsieur,  etc. 
De  Mantes,  le  16  mars  iSga. 


XLVII.  —MEMOIRE 

Enç'ojé  au  roy. 

De  Mantes ,  le  .  .  mars  i5g2. 

Monsieur  de  Fleury  nous  a  veus ,  duquel  nous 
avons  appris  ce  qui  ensuit  : 

Le  duc  de  Parme  presse  les  François  de  recognoistre 
son  maistre  roy  de  France,  sauf  toutesfois  àeslire  ung 
prince  françois  qui  règne  soubs  sa  prortection  ;  aultre- 
ment  qu'il  ne  fault  plus  rien  attendre  de  lui  :  cela 
aliène  la  noblesse  de  l'Espaignol ,  et  convie  les  chefs  à 
la  paix;  mais  les  villes  entendent  à  ses  practiques, 
mesme  pour  ung  prince  françois  catholique;  sur  quoi 
les  ducs  de  Mayenne  et  de  Guise  auroient  dict ,  puisqu'il 
fault  se  resouidre  à  subjection,  qu'ils  aiment  mieulx 
celle  du  roy  avec  des  croustes  que  celle  de  l'Espaignol 
ou  de  quelconque  aultre  ,  avec  toute  sorte  de  biens. 
Ces  propos  sont  rapportés  par  le  sieur  de  Halincourt. 

Lequel  aussi  a  apporté  paroles  au  sieur  de  Villeroy, 
son  père,  que  si  le  roy  l'a  agréable,  on  lui  envoyera 
charge  de  traicter  de  la  part  de  M.  de  Lorraine ,  ducs 
de  Mayenne,  de  Yaudeniont,  de  Guise,  en  attendant 

(1)  D'Orange. 


MEMOIRE  ENVOYÉ  AU  ROY.  217 

que  les  aultres  s'y  conforment.  Ledict  sieur  de  Villeroy 
avoit  envie  de  nous  voir;  mais  nous  avons  estimé  plus 
à  propos  d'advertir  sa  majesté  de  ce  que  dessus,  et 
cependant  il  a  despesché  pour  avoir  ladicte  charge.  Si 
sa  majesté  approuve  qu'alors  nous  le  voyons,  il  sera 
besoing  qu'elle  m'envoye  ung  mot  de  sa  main ,  dont  je 
puisse  faire  apparoir ,  portant  qu'elle  trouve  bon  que 
je  confère  avec  lui  de  sa  part,  parce  que,  pour  ne  le 
voir  poinct  inutilement ,  j'ai  vouUeu  sonder  s'il  avoit 
charge. 


XLVIII.  — -î;^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  de  Biihy. 

D'Halincourl,  le  ..  mars  i5ga. 

Monsieur  ,  vous  verres ,  s'il  vous  plaist ,  et  entendrés 
la  response  que  ce  porteur  m'a  rapportée  sur  la  des- 
pesché que  j'en  avois  faicteà  M.  de  Villeroy,  dont  l'on 
ne  peult  faire  encores  certain  jugement  jusques  à  ce 
qu'il  ait  celle  de  M.  de  Mayenne, trouvant  fort  estrange 
que  ledict  sieur  mette  en  avant  ce  dont  il  debvoit  estre 
eclairci  par  les  negotiations  qui  se  sont  passées  depuis 
ung  an  et  demi  ;  mais  c'est  à  ce  coup  que  l'on  y  verra 
une  fin.  Dieu  veuille  la  nous  donner  bonne,  puisque  le 
temps  en  est  si  brief ,  il  fault  avoir  patience  et  en  user 
comme  aulx  remèdes  d'ung  cancer  très  dangereux,  où, 
avec  l'aide  de  Dieu  ,  la  prudence  et  la  bonne  main  de 
M.  vostre  frère  y  sont  bien  requises  ,  si  le  malade  per- 
met que  l'on  le  secourt.  Je  n'adjousterai  rien  à  ce  que 
vous  dira  ledict  porteur,  sinon  de  vous  tesmoigner  d'a- 
voir reteueu  en  ces  deux  dernières  conférences  tant  de 


2l8  LETTRE  DE  M.  DE  FLÊURY,  etc. 

bonne  vollonté  de  la  part  de  mondict  sieur  vostre 
frère,  que  je  m'en  rejouis  infiniment,  croyant  ferme- 
ment qu'il  ne  tiendra  qu'aulx  aultres ,  s'il  n'en  réussit 
le  faict  tant  désiré  et  si  nécessaire;  ce  que  j'ai  bien  re- 
présenté et  déclaré  audict  sieur  de  Villeroy,  qui  semble 
en  estre  rechauffé  :  pour  le  moins  sera  ce  beaucoup  de 
contentement  et  d'honneur,  vous  ,  messieurs,  d'avoir 
apporté  tout  ce  qui  vous  aura  esté  possible  au  salut  de 
ceste  misérable  France,  au  service  de  son  roy  et  à  la 
conservation  de  tant  de  gens  et  pauvre  peuple,  et  s'il 
fault  dire,  de  nostre  liberté,  laquelle  il  semble  qu'à 
prix  d'argent  l'on  veuille  vendre  à  ces 
Comme  il  y  en  a  de  si  lasches  de  cœur,  qui  se  veuUent 
vendre  eulx  mesmes ,  Dieu  les  fasse  meilleurs  et  plus 
sages,  et  nous  conserve,  comme  je  le  prye,  après  vous 
avoir  humblement  baisé  les  mains.  Qu'il  vous  donne, 
monsieur,  etc. 


XLIX.  —  LETTRE  A  M.  DES  REAUX. 

Monsieur,  depuis  celle  que  je  vous  ai  escrite  par 
vostre  homme,  j'ai  receu  letjres  de  M.  de  Fleury  par 
homme  exprès.  Il  m'asseure  que  son  beau  frère  a  lettres 
du  président  Jeannin ,  en  chiffres  ,  par  lesquelles  ces 
princes  lui  tesmoignent  la  gesne  où  l'Espaignol  les  met, 
et  le  pryent  de  traicter  avec  le  roy;  tellement  que  c'est 
à  sa  majesté  à  me  commander  maintenant,  si  elle  veult 
que  je  confère  avec  lui,  et,  en  ce  cas,  me  le  mander 
par  une  lettre  dont  je  puisse  faire  apparoir,  que  je  vous 
prye  estre  soigneux  de  me  faire  envoyer;  ce  ne  sera 
qu'une  ouverture;  et  après  avoir  tasté  le  pouls  des  sus- 
dicts  princes  en  la  veine  de  cest  homme ,  j'irai  retrou- 


LETTRE  A  M.  DES  REAUX.  ^19 

ver  sa  majesté ,  qui  en  jugera  pour  le  surplus.  Je  n'ad- 
jouste  rien ,  par  ce  que  vous  aurez  veu  ma  précédente 
despesche;  et  sur  ce,  monsieur,  etc.  N'oubliez  nostre 
artillerie  pour  celle  de  Rhé.  Je  n'escris  qu'à  vous  pour 
ce  coup. 

De  Mantes,  ce  .  .  mars  iSga. 


L.  —  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY  (1) 
A  M,  Diiplessis. 

Du  .  .  mars  j5g2. 

Monsieur,  vous  etitendrés ,  s'il  vous  plaist,  la  res- 
ponse  que  j'ai  eue  de  M.  de  Villeroy,  où  je  n'ai  poinct 
esté  trompé  de  ce  que  je  vous  avois  rapporté,  qu'à 
mon  advis  il  avoit  receu  charge  de  traicter  :  en  quelle 
sorte  je  ne  m'en  estois  pas  informé  :  depuis,  les  lettres 
dont  son  fils  lui  avoit  porté  paroles  sont  arrivées.  M.  le 
président  Jeannin  lui  mande  l'intention  de  ses  princes 
et  le  pouvoir  qu'ils  lui  donnent;  c'est  à  vous,  mon- 
sieur, d'adviser  si  vous  serez  content  de  ladicte  lettre. 
Seulement  vous  dirai  je  ce  que  j'ai  peu  recognoistre  par 
les  negotiations  passées  :  c'est  que  ledict  sieur  de  Vil- 
leroy a  tousjours  teneu  les  lettres  dudict  sieur  prési- 
dent ,  non  seulement  pour  avoir  autant  de  lieu  que 
celles  du  duc  de  Mayenne,  estant  escrites  par  son 
commandement  ,  mais  encores  dadvantage  pour  ce 
qu'ayant  à  escrire  en  chiffres  ces  choses  secrètes,  il  ne 
le  pouvoit  faire  de  sa  main  et  ne  les  voulloit  remettre 
à  ung  secrétaire  :  aussi  que  par  ce  moyen ,  elles  estoient 


(i)  11  estoit  beau  frère  de  M,  de  Villeroy 


2  20  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY. 

mieulx  digérées  et  resoleues.  Cepoinct  estant  donc  ar- 
resté  qu'il  traictera  au  nom  et  de  la  part  desdicts  prin- 
ces, il  ne  reste  que  d'attendre  la  response  de  la  des- 
pesche  qu'il  a  faicte  i!  y  a  aujourd'hui  quattre  jours, 
de  laquelle  estant  adverti,  je  ne  fauldrai  de  vous  aller 
trouver,  pour,sinvant  icelle,  adviser  ce  qu'il  vous  plaira 
de  faire  et  recevoir  vos  commandemens,  si  plustost  il 
ne  survient  chose  où  vous  jugiés  que  je  puisse  ser- 
vir,  vous  suppliant  de  me  faire  cest  honneur  de  me 
commander  aussi  librement ,  comme  de  croire  que  je 
rendrai  toute  la  fidélité  et  debvoir  de 
Monsieur,  etc. 


LT.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Duplessis. 

Du  .  .  mars  1692. 

Monsieur  ,  je  n'ai  rien  appris  de  M.  de  Villeroy  , 
sinon  que,  lui  ayant  mandé  ce  que  madame  de  Longue- 
ville  m'avoit  faict  entendre  que  MM.  de  La  Cliastre  et 
Bassom pierre  debvoient  se  rendre  à  Dieppe,  il  m'a  faict 
response  ne  croire  pas  cest  advis  ,  comme  aussi  n'es- 
toit  il  pas  vraisemblable,  mais  bien  savoit  que  M.  de 
La  Chastre  a  voit  veu  M.  de  auprès  d'Abbe- 

ville ,  sans  m'escrire  aulcune  chose  de  leur  entreveue 
sinon  qu'il  redoubte  infiniment ,  veu  que  ses  princes 
insistoient  ton.sjours  en  leurs  opinions  sur  le  premier 
poinct,  qu'ils  n'ayent  égard  en  ces  remonstrances  :  au 
contraire,  que  leur  ayant  mandé  que,  s'ils  ne  s'en  re- 
laschoient,  il  ne  dcbvoit  ni  vouUuit  plus  s'entremettre 
de  cest  affaire,  ils  ne  prennent  quelque  conclusion  ir- 


A  M.  DUPLESSIS.  221 

r^mediable ,  et  semble  voir  par  les  lettres  d'aultres 
qui  nous  ont  escrit,  qu'il  y  souffle  quelques  mauvais 
vents  pour  traverser  ceste  negotiation  :  ils  ont  eu  nou- 
velles de  Paris,  que  les  estats  de  la  ville  tous  assemblés 
avoient  député  quattre  personnes  pour  aller  devers  M.  de 
Mayenne  faire  certaines  remonstrances,  pour  conclure 
à  la  fin  d'une  bonne  paix.  A  quoi,  depuis  deux  jours, 
ils  estoient  tellement  traversés  que  l'on  ne  sçavoit  qu'en 
espérer.  Ung  aultre  escrit  plus  ouvertement  que  les 
sieurs  Rozé ,  anciennement  evesque  de  Senlis,  le  pré- 
sident Hacqueville  et  le  prevost  des  marchands  avoient 
esté  députés  pour  aller  vers  M.  de  Mayenne  et  le  duc 
de  Parme,  afin  de  les  disposer  à  la  paix  que  les  Pari- 
siens disoient  requérir  plus  que  jamais;  jusques  à  ^ulx 
qui  avoient  esté  des  plus  séditieux,  qui  à  présent  se 
monstroient  des  plus  doux;  mais  que  l'arrivée  de  ma- 
dame de  Guise  et  ses  deportemens  avoient  refroidi  les 
affaires,et  que  ceste  ambassade  cstoitrompeue,  y  ayant 
de  nouveaiilx  discours  et  espérance  sur  la  veneue  de 
M.  de  Guise  qu'ils  attendoient  bientost  :  voilà,  s'il  est 
ainsi,  comme  les  opinions  et  résolutions  des  liommes 
sont  aussi  muables  et  impétueuses  que  les  vagues  de  la 
mer.  Or,  monsieur,  le  retour  du  trompette  vous  pourra 
esclaircir  de  toutes  choses,  ne  doubtant  poinct  que  la 
perte  du  temps  ne  vous  soit  très  chère  et  importante, 
mais  ils  tiennent  que  ce  sera  dans  demain  ,  s'il  ne  vient 
des  aujourd'hui,  dont  vous  serez  incontinent  adverti, 
ainsi  que  de  tout  ce  que  je  pourrai  apprendre  de  meil- 
leur, n'ayant  voulleu  faillir  de  vous  faire  entendre 
sesdictes  nouvelles,  assés  légères  ,  desquelles  neant- 
moins  l'on  peult  tirer  jugement  de  leurs  intentions  et 
affaires  :  l'on  nous  a  dict  qu'il  estoit  passé  h  Magny 
quelque  lacquay  du  roy  qui  s'en  alloit  à  Mantes,  du- 


322  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

quel  vous  aurés  peu  apprendre  dadvantage  de  la  sus- 

dicte  entreveue ,  pryant  Dieu,  monsieur,  etc. 


LU. —  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  à  mon  arrivée  en  ce  lieu,  j'ai  receu  let- 
tres de  M.  de  Villeroy  ,  qui  me  mande  que  ce  qu'il  at- 
tendoit  de  me  faire  entendre,  estoit  ce  que  lui  appor- 
teroit  le  retour  du  gouverneur  de  Pontoise,  qui  l'a 
asseuré  que  tant  s'en  falloit  que  le  duc  de  Parme  fist 
estat^de  s'en  retourner  ;  au  contraire ,  il  attend  le  comte 
Charles  de  Mansfeld  avec  cinq  ou  six  mille  hommes , 
pour  entrer  puis  après  plus  avant  en  ce  royaulme, 
croyant  que  la  ville  de  Rouen,  quoi  que  l'on  y  puisse 
entreprendre,  n'aura  besoing  de  son  secours  d'ung  bon 
mois,  voire  de  six  sepmaines,  y  ayant  envoyé  ce  dont 
ceulx  de  dedans  avoient  plus  grand  besoing,  qui  estoit 
de  l'argent;  et  cependant  loge  son  armée  en  lieu  où 
elle  sera  mieulx  accommodée  de  vivres  qu'elle  n'estoit 
à  Neufchastel.  Au  demeurant ,  que  M.  de  Mayenne  n'a 
encores  traiçté  avec  les  estrangers;  mais  qu'il  est  fort 
pressé  de  ce  faire  ,  et  sera  très  difficile  que  ce  mois  passe 
qu'il  ne  prenne  parti ,  y  ayant  peu  de  François  en  leur 
armée  qui  ne  désirent  la  paix,  et  ne  redoutent  ceste 
aultre  resolution ,  mesmes  les  chefs  principaulx  ;  mais 
que  leur  desespoir  est  qu'il  ne  se  présente  ouverture 
ni  moyen  par  où  ils  puissent  esviter  le  commun  mal- 
heur. Il  confirme  la  création  du  pape  en  la  personne  du 
cardinal  Aldobrandin  ,  qui  se  faict  appeller  Clé- 
ment VIII,  et  l'esperaHce  que  l'on  a  en  sa  capacité  et 


A  M.  DUPLESSIS.  2^3 

prudence  pour  les  affaires  de  la  chrestienté ,  estant 
Floreiilin,  créature  du  pape  Sixte,  et  faict  de  la  main 
du  cardinal  Montalto,  et  son  nepveu  ,  aagé  seulement 
de  cinquante  et  cinq ,  ou  cinquante  et  six  ans.  il  dict 
avoir  aussi  advis  conformes  à  cela,  m'adjoustant  que, 
si  nous  continuions  à  mespriser  les  remèdes  à  nos  maulx, 
et  attendre  qu'ils  naissent  des  armes ,  nous  serons 
morts  premier  que  les  rencontrions ,  me  pryant  de 
croire  que,  s'il  y  pouvoit  servir  selon  son  désir,  il  ne 
s'en  feroit  pryer.  Monsieur,  je  n'ai  voulleu  faillir,  me 
retrouvant  si  proche  de  vous,  de  vous  donner  cest  ad- 
vis, et  que  demain  j'envoyerai  homme  exprès  vers  le- 
dict  sieur.  Partant , il  plaira  à  M.  voslre  frère  de  m'en- 
voyer  présentement  ung  passeport  pour  ung  homme 
de  cheval ,  espérant  de  vous  en  rendre  response  dans 
après  demain.  Cependant  je  vous  baiserai  bien  hum- 
blement les  mains,  comme  faict  le  patron  de  ceste 
maison,  pryant  Dieu,  monsieur,  qu'il  vous  donne  en 
santé  bonne  et  longue  vie.  Vostre  bien  humble  servi- 
teur, Fleury. 

D'Halincourt ,  ce  lo  mars  iSga. 


LUI. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Reç'ol,  secrétaire  (ï estât. 

,  Monsieur,  en  fiisant  nos  petits  affaires,  je  tasche 
de  trouver  voye  pour  les  publicques,  et  n'en  déses- 
père pas,  s'il  ne  survient  quelque  accident.  C'est  ce 
qui  me  faict  appréhender  les  courses  de  sa  majesté,  qui 
doibt  considérer  qu'en  Testât    où    nous    sommes,  les 

'    petits  advantages  portent  plus  de  coups  aulx  grandes 


2  24  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

affaires  qu'ils  ne  pèsent  en  eulx.  mesmes.  M.  de  Fleury 
nous  est  veneu  voir,  et  son  beau  frère  (i)  a  eu  pareille 
envie.  J'ai  pensé  qu'il  estoit  à  propos  qu'il  nous  peust 
mieulx  esclaircir  des  intentions  de  delà ,  afin  de  ne  con- 
férer poinct  inutilement ,  soit  pour  le  regard  du  roy  , 
de  la  dignité  duquel  il  iroit,  soit  du  negotiateur,  qui 
n'en  encourroit  que  blasme  et  calomnie;  mais  je  pense 
l'avoir  mis  en  train  ,  que  nous  traicterons,  si  le  roy  l'a 
agréable,  et  bientost ,  et  seurement,  ou  du  tout  nous 
aurons  à  cognoistre  que  leurs  cœurs  sont  contraires  à 
leurs  paroles  ,  sans  qu'il  en  faille  plus  rien  attendre. 
Vous  me  ferés  ceste  faveur  de  croire  que  je  n'y  omet- 
trai rien,  car  je  sçais  que  c'est  le  salut  du  roy  et  du 
royaulme;  et,  lorsque  j'y  verrai  clair,  je  m'en  irai  re- 
trouver sa  majesté ,  afin  qu'elle  ordonne  ceulx  qu'il 
lui  plaira  pour  y  entendre,  me  contentant,  si  Dieu  me 
faict  la  grâce  d'avoir  peu  seulement  ouvrir  la  carrière. 
Je  n'en  escris  qu'à  vous  jusques  à  ung  plus  solide  sub- 
ject.  J'ai  receu  lettres  de  M.  de  Buzenval.  Il  me  mande 
les  propos  qu'il  a  eus  avec  le  baron  de  Reide  sur  la 
paix  des  Pays  Bas,  que  je  ne  répète  poinct ,  parce  qu'il 
vous  en  aura  escrit.  J'estime  qu'il  doibt  continuer  à  le 
tirer  de  ceste  negotiation  particulière  à   l'universelle 
pour  la  paix  de  la  cbreslienté,  et  des  principaulx  estats 
d'icelle,   en  remonstrant  que  ceulx  des  Pays  Bas  au- 
ront aultrement  occasion  de  croire  qu'on  ne  veult  paix 
avec  eulx  que  pour  plus  commodément  faire  la  guerre 
à  leurs  amis,  et  les  ruyner  infailliblement  puis  après. 
Honesta  oralio ,  et   conforme   mesmes   au    désir  que 
proteste  avoir  l'empereur.  Ledict  ambassadeur  a  faict 
sentir  que  son  maistre  avoit  intention  de  faire  tom- 

(i)  M.  de  Villeroy. 


A  M.  DE  REVOL.  226 

ber  en  ses  mains  les  Pays  Bas ,  comme  cercle  de  l'em- 
pne;  mais  je  double  <fue  ceste  negotiation  sera  tous- 
jours  odieuse  à  l'Angleterre,  suspecte  aulx  estais, 
ruineuse  à  la  France,  parce  que  chascung  sçait  combien 
la  necessilé  de  l'empereur  l'attache  aulx  volontés  d'Es- 
paigne.  Pour  son  particulier,  M.  de  Buzenval  me  prye 
de  ramentevoir  ces  affaires.  C'est  del'auctoriser  par  de 
là  en  qualité  d'ambassadeur,  et  de  lui  donner  moyen 
d'entretenir  ceste  qualité.  Le  premier  poinct  utile  à 
mon  advis  au  service  du  roy ,  parc-  qu'il  importe  de 
donner  courage  aulx  estats ,  et  que  leur  dignité  sert  à 
la  nostre;  joinct  que  tous  les  voisins  commencent  à 
traicter  avec  eulx  ,  comme  avec  ung  estât  formé  ,  et  qu'il 
nous  importe,  quand  bien  il  ne  le  desireroit,  qu'il  le  de- 
vienne. L'aultre  certes  très  pressé,  parce  qu'il  y  a  long 
temps  qu'on  ne  lui  a  envoyé  argent,  et  qu'il  ne  sçak 
d'où  en  tirer  en  ung  pays  cher  et  subject  à  despense,'où 
nous  avons  besoing  de  reluire ,  et  d'où  tous  les  jours 
nous  tirons  des  utilités  évidentes,  et  avec  peu  de  cé- 
rémonie. Je  sçais,  monsieur,  combien  vous  affectionnés 
cela  pour  le  service  du  roy,  et  pour  l'amitié  que  vous 
lui  portés;  et  je  vous  prye  encore  d'y  adjouster  ,  s'il  se 
peuit,  quelque  chose  pour  celle  que  me  faictes  ceste 
faveur  de  me  monstrer,  et  que  je  lui  porte.  Nous  avons 
à  peine  entamé  ici  nos  petites  affaires ,  que  nous  hastons 
tant  que  nous  pouvons.  Je  salue,  monsieur,  humble- 
ment vos  bonnes  grâces,  et  suis  et  serai  vostre  humble 
et  affectionné  à  vous  faire  service. 

De  Manies,  ce  i3  mars  i5y2. 


Mém.  de  Dup/.essis-Mokîjay.  Tu.UE  V.  |5 


/ 


22G     LETTRE  DE  M.  LE  MARESCHAL  DE  BOUILLON 

LIV.  —  LETTRE 

De  M.  le  mareschal  de  Bouillon  à  M.  Duplessis. 

Du  a  5  mars  iSga. 
Monsieur  ,  Lomenie  veit  M.  de  Villeroy.  Sur  les  pro- 
pos qu'il  lui  teint  ne  voulloir  vous  voir,  quoique  le 
pouvoir  lui  feust  offert ,  le  roy  a  envoyé  le  sieur  de  La 
Verrière  vers  M.  le  cardinal  de  Gondi,  pour  apprendre 
l'ordre  que  Ton  pourroit  tenir  à  enfourner  ceste  nego- 
tiation.  Venés  ici,  je  vous  prye.  Il  paroist  de  très  mau- 
vaises volontés  au  salut  de  Testât.  Je  vous  aime  comme 
mon  frère ,  et  vous  honore  comme  vostre  vertu  le 
mérite.  Je  vous  baise  les  mains.  C'est  vostre  humble 
âmi  à  vous  servir,  Henry  de  la.  Tour. 

LV.  — LETTRE 

De  M.  le  mareschal  de  Bouillon  à  M.  Duplessis. 

Monsieur,  j'ai  receu  ce  soir  vostre  lettre,  bien  aise 
de  voir  les  espérances  que  vous  concevés  des  discours 
de  M.  de  Fleur)'.  Nous  avons  eu  de  deçà  diverses  ou- 
vertures, mais  plustost  pour  nous  desjoindre  que  pour 
faire  la  paix.  Grnmmont  dict  que  Ton  n'a  pas  envie  de 
traicter,  et  qu'il  ne  veult  tromper.  Cela  vous  servira 
d'advis.  J'ai  faict  aujourd'hui  mon  serment  de  mareschal 
de  France,  où  chacun  g  a  consenti  pour  ma  personne, 
mais  diverses  voix  se  sont  ouïes  pour  la  relligion.  M.  de 
Pilles  est  mort,  qui  n'a  peu  avoir  sépulture  à  Louviers. 
Nous  sommes  ici  pour  resouldre  ce  que  nous  avons  à 


A  M.  DUPLESSIS.  227 

faire.  Dieu  nous  conseille  bien  parmi  tant  d'opinions 
qui  conduisent  le  service  du  roy  par  leurs  passions. 
L'on  parle  d'ung  reglemerrt;  mais  vous  nous  cognois- 
sés.  Je  pensois  que  vous  eussiés  faict  quelque  chose  pour 
la  maison  de  Navarre;  mais  je  vois  que  vous  ne  vous 
en  estes  souveneu.  M.  le  comte  de  Soissons  faict  uno- 

D 

voyage  ,  mais  l'on  ne  sçait  jusques  où.  Je  travaille  pour 
M.  de  Buzenval ,  qui  le  mérite.  Asseurés  vous  fort  de 
mon  amitié.  Je  vous  baise  les  mains.  C'est  vostre  hum- 
ble ami  à  vous  servir ,  Henry  de  la  Tour. 

A  Dernetal,  du  i5  mars  iSga. 


LVI.  —  LETTRE  DE  M.  DE  REVOL 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  j'ai  veu  par  vostre  lettre  que  vous  n'avés 
perdeu  temps  à  dresser  les  approches  pour  tirer  quel- 
que fruict  de  vostre  voyage  au  bénéfice  du  public. 
J'estime  beaucoup  qu'ayés  trouvé  de  l'inclination  à 
l'entreveue.  Dimidium  facti  qui  bene  cœpit,  kabet. 
L'affaire  ne  pourroit  estre  en  meilleures  mains  pour 
applanir  le  chemin.  Je  sçais  vostre  affection  ;  je  la  crois 
bonne  de  l'aultre  costé.  La  nécessité  et  le  danger  de 
pis  est  une  raison  commune  aulx  deux  parties,  et  forte 
persuasion  à  ce  que  l'on  doibt  faire  plustost  aujourd'hui 
que  demain.  Car  la  longueur  ne  vault  qu'au  tiers,  qui 
veult  proficter  de  la  contention.  Je  prye  Dieu  qu'il  lui 
plaise  surmonter  les  difficultés  qui  pourroient  traverser 
vos  bonnes  intentions  en  la  conduicte  d'une  si  saincte 
œuvre,  afin  que  vous  ayés  l'honneur  de  l'acheminement 
et  perfection ,  dont  chacung  puisse  recevoir  le  bien 


2i8  LETTRE  DE  M.  DE  REVOL,  etc. 

désiré  d'ung  asseuré  repos,  et  vous  en  recognoistre  le 
médiateur.  Depuis  vostre  partement  d'ici,  nous  y  avons 
attendeu  le  roy  de  jour  à  aultre,  après  que  les  ennemis 
eurent  achevé  de  passer  la  Somme;  mais  il  s'est  ung 
peu  arresté  à  Dieppe  pour  se  purger,  afin  de  n'estre 
malade,  comme  il  y  avoit  quelque  disposition.  Par 
lettres  que  M.  le  mareschal  en  a  receues  ce  soir  escrites 
d'hier,  il  lui  mande  qu'il  viendroit  aujourd'hui  à  Bac- 
queville,  pour  estre  ici  demain.  Je  ne  fauldrai  au  pius- 
tost  après  son  arrivée  de  proposer  et  poursuivre  le  faict 
de  M.  de  Buzenval ,  et  pour  la  charge  ,  et  pour  l'cntre- 
tenement.  Au  premier  je  ne  vois  pas  grande  difficulté, 
mais  je  crains  bien  qu'il  n'en  sera  de  mesme  de  l'aultre. 
Toutesfqis,  si  je  ne  puis  achever,  au  moins  j'en  esbau- 
cherai  les  choses,  attendant  d'y  estre  aidé  de  vostre 
présence  ,  de  laquelle  j'espère  que  ne  serons  longue- 
ment privés.  Cependant  commandés  moi,  s'il  vous 
plaist,  pour  vostre  service,  et  j'y  rendrai  tout  dehvoir 
et  affection,  de  laquelle,  vous  baisant  bien  humble- 
ment les  mains  et  à  M.  de  lîuhy ,  je  prye  Dieu  vous 
donner,  monsieur,  en  bonne  santé  longue  et  heureuse 
vie.  Vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur, 

Revol. 
A  Dernetal,  du  i5  mars  iSga. 


I.VIl.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  le  mareschal  de  Bouillon. 

Monsieur,  vous  verres  ung  petit  Mémoire  que  j  en- 
voyé à  sa  majesté ,  non  tant  pour  l'adverlir  que  pour 
l'esclaircir.  Je  n'ai  voulleu  voir  l'homme  que  je  ne  sois 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  229 

asseuré  qu'il  a  cliarge.  Et  |3our  ce  j'ai  besoing  d'une 
lettre  du  roy,  afin  qu'il  voye  aussi  que  je  ne  parle  pas 
par  cœur.  Je  tiens  que  vous  n'y  devés  perdre  temps; 
car  je  vous  vois  au  premier  jour  abandonnés  des  Fran- 
çois, cliar£[és  des  estrangers,  le  duc  de  Parme  sur  la 
frontière,  attendant  le  besoing  de  Rouen,  et  vous  peult 
estre  contraincts  de  lever  ung  siège  par  impuissance , 
qu'il  vauldroit  bien  mieulx,  si  vous  n'y  voyés  bien 
clair,  par  ung  gênerai  traicté.  Entrant  en  règlement 
pour  la  distribution  des  charges  et  dignités,  j'ai  pensé 
sentir  qu'ils  nous  en  lairroient  volontiers  lé  quart.  Car 
il  m'a  esté  dict;  comme  de  quattre  mareschaulx  qu'il 
y  en  eust  ung ,  etc.  Je  pense  qu'on  les  feroit  venir  au 
tiers.  Je  vois  bien  aussi  que  plusieurs  maulx  demeure- 
ront debout  par  ce  traicté.  Mais  je  pense  qu'il  fault 
commencer  par  mettre  le  patient  au  lict,  la  France  en 
repos  ;  on  lui  fera  prendre  tout  à  loisir  médecine  après; 
et  tousjours  au  reste  laisser  ung  cautère  ouvert ,  la 
guerre  contre  l'Espaignol  et  le  Savoisien,  pour  purger 
les  mauvaises  humeurs.  Dans  six  jours  nous  en  sçaurons 
dadvantage.  Faictes  moi  part,  monsieur,  de  vos  nou- 
velles, et  surtout  de  vos  bonnes  grâces.  Je  supplie  le 
Créateur  vous  avoir  en  sa  saincte  garde.  Vostre  très 
humble  et  affectionné  serviteur  à  jamais. 

De  Mantes,  du  16  mars  1592. 


LVIII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roj. 

Sire  ,  en  faisant  le  particulier  je  tasche  de  n'estre 
inutile  à  vostre  service.  Vostre  majesté  verra  en  ce  Me- 


53o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  efc. 

moire  ce  que  nous  apprenons  ici.  Elle  en  sçaura  dad- 
vanta^e  d'ailleurs;  mais  la  comparaison  des  propos 
esclaircit  la  vérité.  Ung  officier  principal  de  vostre  ma- 
jesté m'escrit  que  le  duc  de  Mercœur  est  entré  en  ja- 
lousie que  le  duc  de  Mayenne  et  aultres  veullent  con- 
tenter le  roy  d'Espaigne  aulx  despens  de  la  Bretaigne, 
sur  laquelle  il  a  droict  plus  apparent ,  afin  de  saulver 
le  reste  de  la  France  de  sa  domination ,  alleguans 
qu*aussi  bien  en  a  elle  esté  ung  temps  distraicte.  Et  que 
là  dessus  ung  gouverneur  tenant  le  parti  dudict  duc, 
auroit  désiré  traicter  avec  ledict  officier,  ce  qu'il  n'au- 
roit  osé  sans  commandement  de  vostre  majesté.  C'est 
ung  homme  de  bien,  réfugié  et  exilé  pour  vostre  ser- 
vice ;  et  peult  estre  pourroit  il  venir  quelque  bien  de 
ceste  practique.  D'ailleurs  M.  le  président  de  Riz  se  faict 
fort ,  si  M.  de  Joyeuse  est  mort ,  de  retirer  ses  enfans 
à  vostre  service  s'il  a  moyen  de  les  approcher,  et  en 
parle  avec  beaucoup  de  confidence.  Vostre  majesté, 
selofi  la  nouvelle  qu'elle  en  a ,  y  pensera  s'il  lui  plaist. 
Sire,  je  supplie  le  Créateur  qu'il  doint  à  vostre  ma- 
jesté en  prospérité  longue  vie.  Vostre  très  humble,  très 
obéissant,  et  très  fidèle  subject  et  serviteur  à  jamais. 

De  Mantes,  ce  i6  mars  lôgz. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  23 1 

LIX. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Fleurj. 

Monsieur,  je  ne  double  aucunement  de  la  bonne  in- 
tention de  M.  de  Villeroy  à  ce  traicté  que  nous  clier- 
cbons  ;  car  il  n'y  peult  avoir  de  prudence  en  ceulx 
qui  fuyent  la  paix ,  et  la  sienne  est  assés  cogneue.  Je 
pense  aussi  qu'on  peult  faire  fondement  sur  la  lettre 
de  M.  le  président  Jeannin,  comme  d'ung  serviteur  très 
confident.  Mais  ce  qui  me  meut  plus  c'est  que  je  in'as- 
seure  que  M.  vostre  beau  frère  ne  vouidroit  se  jetter 
en  ce  traicté,  s'il  n'y  voyoit  clair,  pour  le  reproche 
qu'ont  accoustumé  de  remporter  ceulx  qui  travaillent 
moins  utilement  en  une  chose  désirée  d'ung  chacung. 
J'escrirai  à  sa  majesté  des  aujourd'hui,  et  nonobstant 
suis  de  vostre  advis  d'attendre  le  retour  de  celui  qui 
est  allé  vers  M.  de  Mayenne;  car  sa  response  sur  l'ar- 
ticle (i)  que  savés  qui  depuis  si  long  temps  debvroit 
estre  resoleu,  ouvre  ou  ferme  la  porte  à  tous  les  aultres. 
Je  pourrai  donner  ung  tour  jusques  a  Dourdan,  cepen- 
dant, pour  trois  jours,  sans  retardement  du  public; 
et  sur  ce,  monsieur,  nous  saluons  mon  frère  et  moi 
humblement  vos  bonnes  grâces ,  et  supplions  le  Créa- 
teur de  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Mantes,  ce  i6  mars  iSga. 
(i)  De  ne  presser  poinct  le  roy  de  changer  de  relligion. 


2  32  LETTRE  DU  ROY  A  M.  DLPLESSIS. 


LX.  — LETTRE  DU  ROY 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur  Duplessis,  ayant  veu  par  la  lettre  que 
vous  avés  escrite  à  Revol ,  que  le  sieur  de  Villeroy  vous 
a  faict  cognoistre  qu'il  a  charge  de  traicter,  je  trouve 
bon  que  vous  entriés  en  conférence  avec  lui  sur  les 
moyens  de  la  paix  ;  dont  s'il  se  peult  faire  quelques 
bonnes  ouvertures  entre  vous,  il  ne  tiendra  à  moi  qu'il 
n'en  sorte  le  fruict  que  tous  les  gens  de  bien  désirent. 
Sur  quoi  j'attendrai  de  sçavoir  de  vos  nouvelles  pour 
ne  vous  en  pouvoir  à  présent  dire  aultre  particularité, 
pryant  Dieu  qu'il  vous  ait,  M.  Duplessis ,  en  sa  saincte 
garde.  Signé  Henry. 

Et  plus  bas ,  Revol. 

A  Dernetal,  ce  18  mars  i5g2. 


LXI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Fleurj. 

Du  1  g  mars  i5j)*. 

Monsieur,  je  désire  que  vous  croyés  qu'il  n'y  a 
homme  en  ce  royaulme  qui  désire  plus  la  paix  que  moi. 
Mais  j'en  cherche  les  grands  chemins ,  et  m'entends 
fort  peu  aux  voies  obliques.  C'est  pourquoi  d'abordée 
j'ai  proposé  (1)  ce  qui  la  peult  faire  ou  deffaire;  qui 


(i)  Le  poinct  de  la  relligion  du  roy. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  233 

en  peiilt  ouvrir  ou  barrer  la  porte.  Sçachant  bien  com- 
bien il  y  a  de  péril  et  de  calomnie  à  ne  venir  à  bout 
d'une  chose  désirée  de  tous,  encores  qu'on  y  apporte 
tout  ce  qui  se  peult  de  fidélité,  d'affection  et  d'indus- 
trie. Il  s'est  assés  veu  depuis  trente  ans  que  s'accrocher 
sur  ce  poinct,  c'est  ne  voulloir  la  paix,  ains  chercher 
subjet  de  guerre.  Il  s'est  encores  veu  plus  clairement 
depuis  ces  dernières  années.  Et  ne  puis  croire  qu'on 
s'y  arreste,  s'il  nous  reste  rien  de  François;  si  mesmes 
on  n'est  jà  tout  resoleu  de  se  rendre  Espaignol.  Mon- 
sieur, si  ita  infatis  est,  que  tout  la  volonté  de  Dieu 
soit  faicte.  J'attends  le  trompette.  Sa  majesté  arriva 
hier  à  Dernetal ,  qu'on  amuse  de  meilleurs  propos;  et 
peult  estre  propos,  comme  les  aullres.  Je  vous  re- 
mercie cependant  de  tant  de  soin  et  public  et  parti- 
culier. Et  sur  ce  je  vous  baise  bien  humblement  les 
mains,  et  à  M.  de  Villeroy,  en  pryant  Uieu  ,  mon- 
sieur, etc. 


LXII.— LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Fleurj. 

Du  2  1  mars  iSgs. 
Monsieur,  je  ne  suis  ici  que  pour  l'affaire  dont  est 
question;  et  hier  encores  receus  lettres  de  sa  majesté 
qui  m'en  donnoit  charge,  s'il  y  a  apparence  de  rien  faire 
de  bien.  Du  costé  du  maistre,  ni  du  serviteur,  il  ne 
s'y  trouvera  que  sincérité  envers  ung  si  bon  œuvre. 
Mais  je  désire  aussi  pour  la  dignité  de  l'ung  et  justice  de 
l'aultre,  que  nous  ne  conférions  poinct  inutilement.  Ce 
qui  seroit,  si  on  voulloit  encores  disputer  ce  qui  doibt 


234  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS',  cte. 

estre  présupposé ,  si  on  veult  la  paix.  Du  surplus  il 
sera  plus  aisé  à  convenir.  Et  ne  fault  doubler  que  la 
prudence  du  roy  ne  donne  beaucoup  au  repos  de  son 
royauhne.  Par  celles  que  je  receus  hier,  le  sieur  de 
Grammont  n'avoit  poinct  veu  le  roy  ;  mais  je  sçais  que 
s'il  le  voit,  il  lui  donnera  subjet  d'estre  content,  et  de 
contenter  les  aultres.  Quant  à  monsieur  vostre  beau 
frère,  je  crois  qu'il  désire  la  paix;  car  je  l'estime  pru- 
dent. Je  sçais  aussi  que  ceste  mesme  prudence  lui  faict 
assés  voir  les  chemins  qui  y  mènent,  et  ceulx  qui  en 
destournent.  Et  par  conséquent  ne  double  poinct  qu'il 
ne  fasse  ce  qu'il  peult ,  pour  ouvrir  les  ungs  et  clorre 
les  aultres.  Si  son  trompette  est  arrivé  avec  resolution 
sur  le  poinct  tant  de  fois  mentionné,  je  ne  désire  rien 
plus  que  de  le  voir,  et  me  promets  que  ce  sera  avec 
fruict.  Et  peult  estre  la  jalousie  de  ce  traicté  sera 
moindre  hors  de  la  présence  des  parties,  parce  qu'il 
sera  moins  cogneu.  Or,  monsieur,  je  salue  humble- 
ment, etc. 


LXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

^^  M.  Duplessis. 

Du  21  mars  i5g2. 
MoNSiFUR  ,  je  ne  crois  rien  plus  fermement  que  ce 
que  vous  me  mandez;  encores  que  je  ne  sois  gueres 
clairvoyant,  si  fauldroit  que  je  feusse  du  tout  sans  yeulx 
et  jugeioent,  si  je  ne  voyois  et  jugeois  par  vos  con- 
férences et  procédures  l'affection  que  vous  avés  à  la 
paix,  et  la  rondeur  que  vous  apportés  en  ceste  nego- 
tiation  ;  mais  je  dirai  davantage  que  ceulx  à  qui  nous 
avons  ici  affaire;  je  m'asseure  par  ce  que  je  leur  en  ai 


LETTRE  DE  M.  DE  FLEUR  Y,  etc.  ^35 

représenté  n'en  doublent  plus  aulcunement ,  et  quoi 
qu'il  en  succède  jà,  oultre  le  contentement  que  vous 
en  recevés  en  vous  mesmes ,  il  ne  peult  eslre  que  vous 
n'en  receviés  beaucoup  d'honneur;  car  la  vérité  en  sera 
tousjours  cogneue.  Quant  à  ce  premier  poinct,  sur  le- 
quel on  attend  la  resolution ,  j'ai  trouvé  aussi  estrange 
que  vous  l'instance  que  l'on  en  faict ,  et  ne  me  feusse  ci 
devant  tant  travaillé ,  si  je  ne  l'eusse  comme  resoleu  ; 
mais  ce  qui  s'en  proposeroit  seroit  seulement  pour 
donner  ouverture  à  chercher  les  moyens  plus  apparens 
de  contenter  ceulx  qu'il  est  besoing.  Toutesfois  je  n'ai 
vouleu  manquer  de  vous  advertir  de  ce  qu'ils  me  font 
entendre ,  et  pense  que  ce  ne  seroit  si  instamment 
si  l'on  ne  leur  eust  mandé  ;  je  n'ai  peu  me  contenir  que 
je  ne  m'en  sois  fort  picqué.  Je  vous  envoyé  la  lettre  qui 
m'en  est  escrite ,  afin  aussi  qu'il  vous  plaise  avoir  tel 
esgard  à  ce  que  l'on  me  mande  du  voyage  de  M.  de 
Grammont ,  que  vous  jugerez  pour  le  mieulx.  Ung 
aultre  m'escript  que  ceulx  de  par  de  là,  qui  désirent  le 
bien,  sont  fort  traversés  par  des  âmes  espaignoles,  et 
qu'ils  ont  faict  despescher  ledict  sieur  de  Grammont 
pour  tirer  chose  qui  les  puisse  fortifier  et  retarder  la 
traicte.  Vous  me  ferés  aussi  sçavoir,  s'il  vous  plaist,  la 
response  que  je  ferai  sur  l'aultre  poinct;  cependant  je 
leur  escrirai  présentement  comme  de  moi  mesmes  que 
les  moyens  et  conseils  doivent  venir  d'eulx ,  puis 
qu'ils  ont  plus  de  connoissance  du  mal  et  des  humeurs 
de  ceulx  qui  sont  par  de  là  ;  monsieur,  veu  que  les 
choses  pressent  si  fort ,  le  plus  tost  que  vous  pourries 
faire  vostre  entreveue  seroit  le  meilleur.  Le  voyage  du 
trompette,  comme  vous  verres,  a  esté  retardé  d'ung 
jour  par  ce  Vachot,  et  qui  est  ung  des  gens  de  M.  de 
Villeroy,  ayant  esté  faicte  la  despesche  dudict  trompette, 


236  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY,  etc. 

soubs  le  prétexte  seulement  de  la  délivrance  du  sieur 
du  Gay.  Les  choses  semblent  en  très  mauvais  estât; 
mais  je  me  persuade  que  si,  après  le  retour  dudict 
trompette,  vous  vous  abouchés  ensemble,  et  entrés  en 
traicté,  qu'il  en  réussira  ce  que  l'on  désire.  Dieu  nous 
en  doint  la  grâce  et  à  vous ,  monsieur,  après  avoir  hum- 
blement baisé  les  mains,  etc.  Et  à  costé  de  ladicte 
lettre  est  escrit  :  A  ce  que  j'entends,  il  n'est  jour  qu'à 
Pontoise.  ïl  ne  y  plusieurs  qui  sont  pris,  entre 

auhres  la  femme  d'ung  secrétaire  des  finances  nommé 
le  sieur  Bauldet ,  qui  avoit  pour  cinq  ou  six  mille  escus 
de  bagues  et  ung  passeport  du  gouverneur;  mais  l'on 
lui  dispute  pour  ce  qu'elle  menoit  avec  elle  quelques 
gens  de  M.  le  comte  de  Soissons,  dont  il  en  est  de- 
meuré à  la  rencontre.  Monsieur ,  j'escris  si  mal ,  que 
pour  vous  relever  de  la  peine  de  lire  ma  lettre  ,  je  vous 
prye  me  pardonner  si  j'emprunte  aultre  main,  vous 
suppliant  croire  que  je  n'ai  créance  plus  certaine  que 
vostre  bonne  et  sincère  intention;  par  la  vostre,  celle 
du  maistre ,  lui  estant  très  fidèle  serviteur  et  le  vostre. 


LXIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  M.  de  Fleurj. 

Du  22  mars  iSga. 

Monsieur  ,  vous  aurés  appris  par  la  lettre  que  je 
vous  ai  escrite  ce  jourd'hui  par  ung  petit  laquais  qui 
est  à  Chandry ,  et  par  celles  qui  Taccompagnoient , 
comme^l'on  me  presse  d'aller  en  Picardie;  celle  que  je 
vous  ai  mandée  que  je  n'avois  lors  deschiffree  ,  m'en 
presse  encores  plus  que  les  aultres.  Je  vois  bien  que 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  ^Sy 

c'est  pour  la  resolution  que  Ton  y  veult  prendre  de- 
vant que  les  princes  qui  y  sont  se  séparent.  Toutesfois, 
j'ai  resoleu  d'attendre  le  retour  du  mesme  trompette 
pour  ne  défaillir  à  ce  que  j'ai  promis ,  et  puis ,  selon 
ce  qu'il  me  rapportera,  je  me  conduirai.  Celui  qui 
m'escrit  en  chiffre  semble  estre  comme  désespéré  de 
la  conversion  du  personnage  que  vous  savés  (i),  et 
que  l'on  leur  en  ait  faict  par  de  là  une  response  si 
creue  qu'ils  aient  concleu  qu'il  ne  s'y  fault  plus  atten- 
dre ,  chose  que  j'estime  avoir  esté  faicle  très  mal  à 
propos,  si  elle  a  esté  ainsi  faicte,  veu  les  termes  ou  les 
affaires  sont  reduicts,  estimant  qu'il  falloit  plus  tost 
penser  à  gaigner  quelque  temps  pour  adoulcir  et  tem- 
pérer les  humeurs ,  et  nous  donner  loisir  à  tous  de 
nous  recognoistre  et  bien  poiser  le  tout  de  part  et 
d'aultre  ;  il  convient  faire  pour  le  salut  public,  sans 
trancher  si  net  ceste  resolution  ,  ce  que  l'on  n'avoit 
poinct  encores  faict  :  ce  qui  me  faict  doubler  qu'il  en 
ait  esté  ainsi  usé,  dont  vous  vous  informerés,  s'il  vous 
plaist ,  par  le  moyen  du  frère  de  nostre  bon  voisin. 
Estant  certain  que,  s'il  fault  que  nous  nous  aidions  du 
conseil  et  du  nom  du  chef,  du  quel  vostre  dernière 
faict  mention,  qu'il  ne  fault  pas  précipiter  ceste  déclara- 
tion quand  bien  l'on  y  seroit  resoleu  ;  car  aultrement 
il  ne  vous  pourroit  estre  favorable.  Et  toutesfois,  je 
persiste  à  vous  dire  que  le  meilleur  expédient  que 
nous  puissions  prendre  pour  surmonter  la  difficulté 
qui  nous  accroche,  seroit  qu'il  faille  du  temps  pour  le 
practiquer  ;  et  c'est  pourquoi  je  desirerois  que  l'on 
advisast  maintenant  s'il  y  auroit  moyen  d'adoulcir  ce- 
pendant les  choses,  et  arrester  le  cours  de  ce  torrent 

(«)  Il  entend  le  roy. 


238  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

impétueux  qui  nous  noyé  tous  les  jours.  Pensés ,  je 
vous  prye ,  et  croyés  que  je  continuerai  à  faire  par 
lettres  tous  les  offices  que  je  pourrai  à  ceste  mesme 
fin,  etc. 


LXV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  FleuTj. 

Du  23  mars  i5q2. 

Monsieur  ,  j'ai  veu  les  vostres  et  celles  qu'il  vous 
a  pieu  m'envoyer,  lesquelles  je  vous  renvoyé,  et  les 
précédentes  aussi  de  M.  vostre  beau  frère.  Je  vous 
prye  de  trouver  bon  que  je  demeure  en  la  resolution 
d'attendre  le  retour  du  trompette,  premier  que  de  le 
voir.  S'il  rapporte  esclaircissement  tel  que  nous  desi- 
rons du  poinct  dont  est  question  ,  je  vois  les  aultres 
faciles;  et  oserois  presque  entrer  en  caution  que  nous 
ne  travaillerions  poinct  en  vain.  Sinon  je  n'y  vois  nul 
fondement ,  et  ne  sçais  quel  bien  il  peult  venir  de 
nostre  veue,  sinon  d'attirer  les  mauvais  propos  de  plu- 
sieurs sur  nous,  que  nous  aurons  leurrés  par  nostre 
conférence  d'une  espérance  vaine.  Quant  à  la  somma- 
tion si  expresse  que  M.  de  Mayenne  faict  à  M.  vostre 
beau  frère  d'aller  vers  lui,  je  ne  doubte  poinct,  sage 
comme  il  est,  qu'il  n'y  apporte  beaucoup  ,  soit  pour 
retarder  le  mal,  soit  pour  avancer  le  bien.  Et  en  cas 
qu'il  s'y  résolve,  vous  me  ferés  ceste  faveur,  s'il  vous 
plaist,  de  m'en  advenir,  afin  que  je  ne  m'ennuie  poinct 
ici  plus  long  temps.  Cependant  je  suis  esbabi  de  ces 
gens,  qui  cognoissent  tant  qu'il  se  fault  haster  pour 
prévenir  le  mal,  qui  s'en  va  incurable,  et  usent  de 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  289 

tant  de  longueur  à  procurer  le  remède.  Or^  monsieur, 
je  salue ,  etc. 


LXVI.  —  LETTRE  DE  M.  DE  MORLAS 
A  M.  Duplessis. 

Du  a3  mars  iSga. 

1  Monsieur,  j'ai  tousjours  attendeu  quelque  certitude 
en  nos  affaires,  afin  d'avoir  quelque  subject  de  vous 
escrire.  Mais,  puisqu'il  n'y  a  rien  plus  incertain  que 
ceste  certitude,  j'aime  plus  escrire  ce  qui  en  est  qu'en 
attendant  mieulx  n'escrire  aulcunement.  Vous  avés 
sceu  comme  le  roy  attendit  Grammont  à  Dieppe  quel- 
ques jours;  lequel,  ne  pouvant  venir  de  peur  de  nous 
tromper,  voyant  la  foiblesse  de  M.  de  Mayenne,  feit 
venir  Bourg  à  nous,  pour  dire  que  l'argent  d'Espaigne, 
la  présence  du  duc  de  Parme,  les  trahisons  de  quel- 
ques ungs,  l'irrésolution  de  M.  de  Mayenne  rendoit 
tellement  l'affaire  difficile  qu'il  en  desesperoit  ;  et 
neantmoins  qu'H  tenoit  encores  ung  bout  à  la  main, 
lequel  il  mesnageroit  doulcement  selon  les  occasions. 
En  mesme  temps  Givri  veit  son  beau  père,  lequel,  ou 
jaloux  de  l'entremise  de  Grammont,  ou  du  tout  aliéné 
du  bien  par  l'espérance  de  la  grandeur  de  M.  de  Guise, 
lui  monstre  ung  résultat  de  leur  dernière  volonté,  qui 
portoit,  que  si  le  roy  ne  sedeclaroit  catholique  romain, 
et  ne  restabiissoit  tous  ceulx  de  la  maison  et  leurs  par- 
tisans en  leurs  charges  et  dignités,  ils  ne  pouvoient 
aulcunement  entendre  à  la  paix.  Chacung  de  ces 
poincts  avoit  encores  son  commentaire  des  asseurances, 
et  aultres  choses  vaines,   qui  descouvroit  leur  inlen- 


ll^o  LETTRE  DE  M.  DE  MORLAS,  etc. 

lion.  Des  lors  ce  traicté  comiiienra  à  s'allentir  en  effect, 
et  plus  en  nos  esprits  qui  montons  de  plein  sault  au 
plus  liault  des  espérances  ,  et  descendons  sans  esche- 
Ions  dans  le  desespoir.  Neantmoins  les  plus  sages  qui 
attendoient  encores  le  retour  de  Grammont,  et  qui  ne 
vous  croyoient  pas  inutile  là  où  vous  estes,  retenoient 
quelque  espérance  en  cest  affaire ,  ou  par  désir,  ou 
par  jugement.  Je  ne  sçais  pas  comme  les  choses  vous 
auront  succède;  mais  ici  nous  n'avons  gueres  avancé 
depuis  :  car  Grammont,  qui  debvoit  venir  ici,  s'est 
contenté  de  nous  envoyer  ung  trompette;  cependant 
qu'il  est  allé  faire  ung  tour  à  Paris.  Le  trompette  arriva 
hier  au  soir.  Il  y  a  beaucoup  de  traverses  en  leur  ar- 
mée et  dans  Paris.  Et  toutesfois  il  semble  qu'on  ne 
veult  encores  rompre  avec  nous.  Grammont  doibt 
venir  ici  dans  peu  de  jours,  selon  à  mon  advis  qu'à 
Paris  les  choses  seront  disposées.  On  y  a  despesché  au- 
jourd'hui Benoist  avec  lettres,  pour  eschauffer  tous- 
jours  les  volontés. 

Il  est  aise  à  voir  que  M.  de  Mayenne  ne  se  trouva 
jamais  plus  empesché,  et  que  sa  foiblesse  et  son  irré- 
solution apportent  ces  difficultés.  On  dict  ici  que  ma- 
dame de  Guise  est  arrivée  à  Paris,  qui  a  reculé  presque 
autant  qu'on  avoit  avancé.  Quanta  moi,  je  tiens  cest 
affaire  assés  descouseu  de  nostre  costé  et  non  rompeu 
neantmoins  jasques  ici.  Dieu  veuille  que  vous  ayés 
proficté  le  temps  par  delà  plus  que  pour  vostre  parti- 
culier. Je  vous  jure  que  vous  estes  presque  seul  qui 
embrassés  ce  qui  est  de  nostre  bien.  La  pluspart  de 
ceulx  qui  peuvent  ici,  ou  le  traversent  malicieuse- 
ment, ou  n'en  parlent  que  fort  nonchaleunnent.  Pour 
le  reste  de  nos  affaires,  vous  aurés  sceu  comme  la 
crainte  des  ennemis,  qui  ne  sont  gueres  loing  de  nous, 


LETTRE  DE  M.  DE  MORLAS,  etc.  a4r 

nous  empesche  de  presser  Rouen  de  plus  près;  et  la 
crainte  de  perdre  nos  affaires  en  levant  d'ici,  nous  y 
faict  encores  tenir,  resoleus  de  nous  eslargir  ung  peu 
par  la  prise  de  Ronfleur,  du  bourg  de  Fescamp  et 
Tanquarville;  de  fortifier  Quillebœuf,  el  attendre  ce- 
pendant ce  que  deviendront  les  ennemis,  en  nous  ap- 
prestant  tousjours  pour  faire  ung  effort  quand  le 
temps  y  sera  plus  commode.  I^es  ennemis  sont  autour  ^ 
de  Rue  sans  faire  aultre  contenance  de  la  voulloiv  at- 
taquer. On  nous  asseure  qu'ils  se  desbandent  fort;  et 
particidierement  que  le  prince  de  Simé  s'est  retiré  avec 
quelques  trouppes  de  cavalerie.  Nous  sommes  ici  re- 
muans  toutes  cboses  pour  nos  reystres,  qui  nous  don- 
nent espérance  de  demeurer  jusques  au  mois  de  sep- 
tembre,  à  conditions  fort  avantageuses  pour  le  roy. 
Voiià  tout  ce  que  le  sçais  digne  de  vous  estre  escrit. 
J'ai  pryé  M.  de  Boudlon  de  prendre  la  plume,  afin  que 
par  ce  moyen  vous  sceussiés  tout  ce  qui  se  passe;  et 
M.  de  Revol  pareillement.  Je  prye  Dieu,  monsieur, 
qu'il  bénie  vos  labeurs,  et  vous  fasse  prospérer  selon 
vostre  mérite  et  mon  désir.  Vostre  très  bumble  et  très 
affectionné  serviteur,  Morlas. 


LXV  II. —  -^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Fleury. 

De  Mantes,  ce  24  mars  iSga. 
MoNSiEDR,  je  receus  encores  liier  lettre  de  sa  ma- 
jesté, qui  me  commande  de  lui  mander  ce  que  je  fais; 
j'en  suis,  comme  pouvés  penser,   bien  empesche,  ne 
pouvant  encores  ni  le  resouldre  ni  le  faire  espérer, 

MÉM     DF.  DurtESSIS-MoRKAY.   ToME  V.  J  (> 


I 


242  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

tant  que  l'homme  que  sçavés  soit  de  retour  :  lorsqu'il 
le  sera  et  qu'aurés  sceu  ce  qu'il  rapporte,  je  vous  prye 
que  j'en  sois  promptement  adverti  ;  mais  je  desirerois 
encores  plus,  s'il  estoit  possible,  avoir  ce  bien  devons 
voir  alors  ,  pour  chose  que  j'ai  à  vous  dire  de  la  part 
de  sa  majesté  ,  que  je  ne  puis  fier  au  papier  en  ce 
temps.  Sa  majesté  continue  le  siège  de  Rouen,  et  tient 
que  le  duc  de  Parme  se  retire  en  Flandres  ,  laissant  ses 
forces,  au  moins  son  infanterie,  à  son  fils,  près  le  duc 
de  Mayenne;  cela  rendroit  et  le  siège  et  nostre  traicté 
plus  faciles.  Et  sur  ce,  monsieur,  je  salue,  etc. 


LXVIII. —  LETTRE 

De  M.  le  mareschal  de  Bouillon  a  M.  Duplessis. 

Du  24  mars  1692. 
Monsieur,  Dieu  vous  donne  bonne  main  pour  par- 
achever ce  que  vous  avés  commencé,  vous  asseiu'ant 
que  jamais  chose  ne  feut  ni  plus  juste,  ni  plus  néces- 
saire. Je  ne  vous  dirai  pas  comme  nous  sommes,  m'as- 
seurant  que  vous  oïés  assés  de  déclamations  de  nos  • 
actions  et  estât.  Dieu  y  veuille  remédier;  car,  pour  les 
hommes,  il  n'y  a  pas  grande  apparence  qu'ils  le  fas- 
sent. Pressés  et  hastés  la  besongne ,  afin  que  les  ambi- 
tieux qui  régnent  ne  vous  traversent ,  et  ceulx  qui  ont 
interest  que  le  marché  ne  se  concleue.  Je  porterai  tout  ) 
ce  qui  sera  de  moi  pour  aider  à  une  si  bonne  œuvre, 
croyant  que  tout  ce  qui  nous  pourra  donner  la  paix 
est  juste.  Je  vous  baise  les  mains,  et  vous  honore  de 
tout  mon  cœur  ;  et  croyez  m'en.  C'est  vostre  humble 
ami  à  vous  servir,  Henry  de  la  Tour. 


LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS,  etc.  243 

LXIX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Marias. 

Monsieur  ,  je  vous  envoyé  vostre  mandement  visé. 
Je  vous  ai  escrit  ce  matin.  J'attends  tousjours  response 
sur  ce  nœud.  Cestui  là  ou  resoleu  ou  adoulci,  cetera 
eriuit  proclii'ia ;  et  par  ce  je  presse  là  dessus.  J'ai  veu 
Benoist  ce  matin;  j'ai  opinion  que  le  particulier  ne  pro- 
cédera point,  etqu'il  se  fault  tenir  au  gênerai.  Ceulx  de 
Paris  ont  envoyé  vers  le  duc  de  Mayenne,  et  désirent 
la  paix  ;  peult  estre  lui  mesmes  ,  mais  il  nous  craint;  et 
son  neveu  encores  plus,  qui  pourroit  prendre  sa  place 
quand  il  l'auroit  laissée.  Je  ne  sçais  si  le  voyage  du 
comte  (i)  les  fera  poinct  tenir  plus  roides  ;  comme 
nouvelle  maladie  surveneue  à  nos  affaires,  de  laquelle 
je  vous  veulx  mal  que  vous  ne  m'escriviés  rien.  Et  fault 
bien  dire  qu'aultres  douleurs  nous  cuisent,  puisque 
vous  ne  sentes  poinct  celle  là.  Si  estimé  je  qu'elle  va 
loin  \  et  militas  partes  afficiet  per  consensum.  Mandés 
moi  ce  que  vous  apprenés  et  de  lui  et  de  M.  d'Esper- 
non,  et  si  vous  vous  estes  teu  de  ce  mal  pour  mieulx 
l'exprimer  par  vostre  silence.  Je  trouve  le  conseil  qu'a- 
vés  pris  pour  Rouen  fort  bon;  et  meilleur,  si  plustost. 
Enfin  il  n'y  a  plus  honorable  voie  d'en  sortir  que  par 
la  paix,  si  elle  se  peult.  J'escris  ung  mot  à  M.  de  La 
Corbiniere  ;  je  vous  prye  le  lui  faire  bailler.  Et  sur  ce  , 
monsieur ,  etc. 

De  Mantes,  ce  24  mars  iSga. 

(i)  C'estoit  M.  le  comte  de  Soissons,  qui  estoit  allé  en  Bearn. 


^44  LETTRE  DU  ROY,  etc. 


LXX.  — -^LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Duplessis. 

Du  25  mars  i5(^2,  au  camp  devant  Rouen. 

Monsieur  Duplessis ,  Lomenie  ayant  esté  pris  comme 
il  alloit  à  la  Roche  Guyon  et  mesné  à  Pontoise ,  le  sieur 
de  Villeroy  lui  a  teneii  quelques  propos  sur  Testât  des 
affaires,  pour  me  les  faire  entendre ,  représentant  par- 
ticulièrement le  danger  bien  proche  de  la  liaison  avec 
l'Espaignol ,  s'il  n'y  est  obvié ,  laquelle  faicte  ostera 
tout  moyen  de  reconcihation ,  et  lui  a  dict  que  le  car-  i 
dinal  de  Gondy  y  peult  servir,  vers  lequel  à  ceste  oc-  1 
casion  j'ai  advisé  d'envoyer  le  sieur  de  la  Verrière,  * 
son  cousin ,  pour  voir  quelles  ouvertures  il  pourra  tirer 
des  moyens  qui  seroient  à  tenir  pour  empescher  le  mal 
eminent,  et  parvenir  à  quelque  repos,  dont  je  vous 
ai  bien  voulleu  advertir,  afin  que  si  vous  n'avés  veu 
ledict  sieur  de  Villeroy,  comme  par  le  langage  qu'il  a 
teneu  audict  Lomenie,  il  n'en  donnoit  pas  grande  opi- 
nion, vous  teniés  tout  en  surseance ,  sans  plus  avant  le 
convier  à  vostre  entreveue  ,  attendant  que  nous  sça- 
chions,  par  ce  voyage  du  sieur  de  La  Verrière,  quel 
chemin  ils  y  vouldront  tenir.  Cependant  je  prye  Dieu 
qu'il  vous  ait,  M.  Dwplessis,  en  sa  saincte  garde,  etc. 


MEMOIRE  ENVOYÉ  AU  ROY,  etc.  ^45 

LXXI.  —  MEMOIRE 

Ern^ojé  au  î^oj  par  M.  Duplessis. 

Du  28  mars  1692. 

J'ai  receu  la  lettre  de  sa  majesté,  par  M.  de  La  Ver- 
rière ,  en  date  du  ^5  ,  lequel  à  la  mesme  heure  a  passé 
oultre ,  pour  moyenner  l'entreveue  qui  lui  est  com- 
mandée. Je  tiendrai  tout  en  surseance,  comme  sa  ma- 
jesté le  m'enjoinct  ;  n'ayant  ci-devant  convié  le  sieur 
de  Villeroy  à  le  voir  ,  mais  lui  moi  ;  et  ne  voyant  pas 
aussi  jusques  ici  grand  subject  de  le  désirer,  M.  de 
rleury ,  une  heure  après  le  partement  du  sieur  de  La 
Verrière ,  est  arrivé  ici  de  Pontoise  ,  lequel  m'a  monstre 
copie  de  la  lettre  du  président  Jeannin  à  M.  de  Ville- 
roy. C'est  en  somme  : 

Que  les  princes  sont  resoleus  à  la  paix  avec  sa  ma- 
jesté donnant  asseurance  de  se  faire  catholique ,  et 
d'envoyer  là  dessus  pouvoir  au  sieur  de  Villeroy  de 
traicter.  Entendent  que  sa  majesté,  pour  ne  faire  rien 
indécemment ,  en  dedans  deux  mois  ou  plus  se  fasse 
secrètement  instruire ,  et  traicte  sa  reconciliation  avec 
le  pape ,  à  quoi  ils  tiendront  aussi  sourdement  la  main. 

Et  neantmoins  que,  pendant  ledict  temps,  on  ne 
laisse  de  traicter  secrètement  avec  sa  majesté,  pour 
tomber  d'accord  des  conditions  tant  générales  que  par- 
ticulières; au  bout  duquel  temps  sa  majesté  venant  à 
se  déclarer,  ledict  traicté  viendra  aussi  en  évidence. 
Et  c'est ,  dict  la  lettre ,  tout  ce  qu'ils  peuvent  en  sub- 
stance. 

Ajouste  qu'ils  craindroient   aultrement  de  donner 


246  MEMOIRE  ENVOYÉ  AU  ROY 

prétexte  au  roy  d'Espaigne  de  leur  estre  eniieini  ;  et  à 
plusieurs  villes,  et  particuliers,  qui  ont  des  gages  en 
main,  de  se  jetter  en  sa  protection.  Et  ne  scavent 
inesme  s'il  sera  bien  aisé  d'y  disposer  le  pape,  n'estans 
bien  esclaircis  du  parti  oii  il  encline. 

Se  trouvent  au  reste  en  grande  peine ,  voyans  de  la 
longueur  en  ceste  negotiation  d'une  part;  et  de  l'aultre, 
se  voyent  pressés  de  conclure  ou  de  rompre  avec  les 
Espaignols.  Et  nonobstant ,  le  pryent  de  conférer  avec 
moi,  et  puis  de  s'aclieminer  là,  tant  pour  cest  affaire 
que  pour  gaigner  temps  avec  les  estrangers. 

Ces  propos  m'ont  semblé  creus;  et  me  font  craindre 
qu'ils  ne  soient  resoleus  à  mal ,  par  trop  d'irrésolution 
au  bien  ;  et  qu'ils  ne  désirent  nostre  conférence  que 
pour  contenter  ceulx  d'entre  eulx  qui  crient  après  la 
paix,  en  leur  monstrant  qu'il  ne  tient  à  eulx  qu'elle 
ne  se  fasse.  Et  quand  je  n'eusse  receu  les  lettres  de  sa 
n)ajeslé ,  je  me  feusse  reteneu  là  dessus. 

Le  sieur  de  Villeroy,  qui  vouidroit  bien  trouver  de 
quoi  asseoir  son  pied  sur  quelque  ferme  pour  parvenir 
à  ceste  negotiation,  et  semble  resoleu  en  tout  cas  de 
se  distraire  d'eulx,  ainsi  que  tous  les  jours  il  pioteste 
à  ses  amis,  me  déclare,  par  M.  de  Fl<"ury,  qu'il  trouve 
les  propos  susdicts  impies  et  injustes;  et  propose  pour 
expédient,  afin  de  lier  la  negotiation  avec  le  roy,  et  la 
retarder  avec  l'estranger,  les  termes  ([ui  ensuivent,  les- 
quels il  tascberoit  de  faire  agréer  aulx  dessusdicts  : 

Que  sa  majesté  leur  donnera  asseurance  que  sa  vol- 
lonté  est  de  se  reconcilier  à  l'Eglise  catholique  par 
l'instruction  qu'il  conviendra.  Sur  quoi  je  n'ai  voulleu 
r-en  dire,  parce  que  sa  majesté  m'a  fermé  la  bouche 
par  M.  de  La  Verrière,  et  que  la  chose  mérite  que 
sadicte  majesté  parle  elle  mesmcs. 


PAR  M.  DUPLESSTS.  ^47 

Je  trouve  difficulté  en  ce  mot  i\e  donner assearance^ 
ne  sçachant  quelle  ils  la  demanderont  :  trouve  aussi 
trop  creus  ceulx  ci ,  de  se  réconcilier  a  V Eglise  catho- 
lique^ pour  ce  qu'ils  présupposent  en  estre  distraict. 
Et  me  semble  que  ceulx  qui  ensuivent  ne  se  peuvent 
raisonnablement  rejetter;  que  sa  majesté  promettra 
sainctement  de  rechercher  tous  moyens  convenables 
pour  estre  instruict  en  la  relligion  ,  ne  pouvant  avoir 
plus  grand  contentement ,  comme  elle  en  prye  Dieu 
journellement,  que  de  se  voir  uni  avec  la  paix  de  sa 
conscience  a  l'Eglise  catholique. 

Et  comme  ils  demandent  asseurance  de  la  relligion 
pour  la  personne  du  roy ,  leur  pourra  réciproquement 
estre  demandé  quelle  ils  la  veuîlent  donner  de  le  re- 
cognoistre  moyennant  icelle,  et  à  quelles  conditions  ils 
veuîlent  traicter,  tant  pour  le  gênerai  que  pour  le  par- 
ticulier; dont  s'ensuivoient  deux  effects. 

L'ung,  que  par  ce  moyen  la  negotiation  se  lieroit, 
s'ils  y  procèdent  de  bonne  foi ,  avec  le  roy,  etc.,  et  se 
deslieroit  tout  doulcement  avec  les  eslrangers.  L'aultre, 
que  les  chefs,  et  principaulx,  et  plus  intéressés,  estans 
esclaircis  etasseurés  de  leurs  conditions,  se  rendroient 
plus  traictables  au  faict  de  la  relligion  ;  l'ung  leur 
estant  substantiel,  et  l'aultre  accident  et  prétexte. 

Voilà  pour  la  negotiation. 

Pour  les  humeurs,  madame  de  Nemours  désire  la 
paix ,  et  y  encline  son  fils.  Madame  de  Montpensier 
s'en  bat  contre  tout  le  monde.  Et  ces  deux  ont  envoyé 
Piivaude,  capitaine  du  Louvre,  vers  M.  de  Mayenne, 
pour  l'y  exhorter.  Madame  de  Guise  les  traverse,  soubs 
ung  vain  espoir  que  son  fils  espousera  l'infante ,  que 
l'Espaignol  lui  a  faict  couler  en  l'oreille  par  des  propos 
de  gens  de  peu ,  jettes  en  l'air.  Le  baron  de  Senecey, 


248  MF.MOIRK  ENVOYÉ  AU  ROT,  etc. 

qui  tend  à  la  paix ,  s'en  est  moqué  d'elle ,  et  lui  a  dicl 
qu'il  ne  falloit  pas  qu'elle  pensast  que  les  François  faus- 
sent ainsi  à  vendre  aulx  Marans. 

Les  députés  de  Provence ,  qui  sont  passés  à  Pon- 
toise  allans  trouver  M.  de  Mayenne ,  parlent  niesme 
langage. 

MM.  de  Joyeuse,  depuis  la  mort  du  père,  ont  mandé 
leur  intention  à  M.  de  Mayenne  à  mesme  fin.  Et  M.  de 
Mercœur,  à  ce  qu'ils  dient,  commence  à  s'ennuyer  de 
•voir  le  roy  d'Espaigne  si  avare  d'argent,  et  si  libéral  d& 
lui  envoyer  des  hommes. 

Rhosne  fort  contraire;  car  il  a  deux  mille  escus  par 
mois  du  roy  d'Espaigne,  et  negotie  les  aultres  pour  lui. 

Le  sieur  de  Chemeson,  commandeur  de  la  Romaigne, 
a  passé  à  Pontoise,  venant  d'Italie,  et  nommeement  de 
Rome,  lequel  s'en  va  trouver  M.  de  Mayenne,  person-  , 
nase  fort  versé  es  affaires  de  delà. 

Il  asseure  bien  cognoistre  l'humeur  du  pape;  et  qu'il 
désire  la  paix  de  France,  et  les  deux  parts  du  collège; 
voire  des  quattre  les  trois.  Ce  pape  est  celui  qui  feit  la 
paix  des  relligions  en  Polonge. 

Geulx  de  la  duché  de  Milan  aussi  ont  faict  offre 
au  roy  d'Espaigne  de  lui  donner  ung  million  d'or  par 
an,  six  ans  durant,  et  qu'il  consente  à  la  paix  de  France , 
se  voyans  presque  ruynés  pour  i'interest  qu'ils  souffrent 
de  nos  guerres. 

On  estime  que  ces  propos  enhardiront  M.  de  Mayenne 
à  la  paix,  et  modéreront  les  clauses  que  dessus. 

Je  fais  estât  de  partir  lundi  pour  aller  retrouver  sa 
majesté,  puisque  je  ne  fais  aultre  chose;  et  la  supplie  , 
que  ce  Mémoire  ne  vienne  es  mains  de  personne ,  pour 
le  tort  que  cela  feroit  à  ceulx  avec  qui  je  traicte,  et 
la  promesse  que  je  leur  ai  faicte. 


I 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  2^9 

LXXII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

yl  M.  de  Fleurj. 

Du  27  mars  iSga. 
MoNSiKUR,  si  je  n'eusse  voulleu  traicter  avec  M.  Du- 
plessis,  je  n'eusse  obteneu  permission  de  M.  de  Mayenne 
de  le  faire  comme  il  est  porté  par  la  lettre ,  de  laquelle 
vous  lui  avés  monstre  le  double  ;  aussi  me  semble  il 
qu'il  l'a  prins  assés  cruement  sur  ceste  lettre,  dont  vous 
m'avés  envoyé  le  double  ;  car  l'on  ne  lui  escrit  pas  que 
j'aye  dict  ne  voulloir  traicter  avec  lui  ;  aussi  est  ce  chose 
que  je  n'ai  dicte  ni  pensée.  Quand  je  veis  M.  de  Lo- 
nienie,  nostre  trompette  n'estoit  retourné,  j'estois  en 
peine  de  son  retardement  mesmes ,  à  cause  des  advis 
que  j'avois  de  ce  qui  se  passoit  avec  les  estrangers. 
Souvenés  vous  de  ce  que  je  vous  en  ai  escrit;  j'en  dis 
autant  au  sieur  de  Lomenie,  adjoustant  que  je  ne  de- 
sirois  ni  vouliois  voir  ledict  sieur  Duplessis,  ni  entrer 
en  lice  et  conférence  avec  personne  pour  abuser  le 
monde ,  que  je  ne  veisse  les  choses  disposées  au 
bien  de  part  et  d'aultre  ;  que  je  sçavois  que  la  princi- 
pale difficulté  consistoit  à  contenter  le  gênerai  pour 
le  regard  de  la  relligion,  et  que  si  l'on  ne  trouvoit 
moyen  de  surmonter  ladicte  difficulté,  que  c'estoit 
temps  perdeu  que  de  parler  de  paix. 


25o  LETTRE  DE  M.  DE  FLEUR  Y 

LXXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Duplessis. 

Du  28  mars  iSga. 

Monsieur,  je  receus  dernièrement  ung  extresme 
ennui  de  voir  les  affaires  en  si  mauvais  estât,  pour  le 
contentement  gênerai  et  particulier.  Ce  qui  feut  occa- 
sion que  je  retournai  coucher  en  ce  lieu,  quoi  qu'il 
feut  fort  tard  quand  je  partis  de  Mantes;  aussi  que  j'y 
pensois  trouver  des  lettres  qui  m'esclairciroient  du  faict 
dont  j'estois  en  peine ,  suivant  ce  que  m'avoit  dict  le 
sieur  du  Jon  ;  mais  je  n'ai  rien  veu  ni  entendeu  que  ce 
que  vous  m'avés  appris  ce  matin.  J'ai  despesché  à  M.  de 
Villeroy,  et  lui  ai  envoyé  la  copie  qu'il  vous  a  pieu  me 
donner.  A  quoi  vous  verres,  s'il  vous  plaist,  la  res- 
ponse  qu'il  ma  faicte  conforme  à  ce  que  je  vous  en 
avois  dict.  Et  quand  il  vous  plaira  revoir  vostre  lettre, 
vous  jugerés  bien  que  c  en  est  la  vérité;  car,  oultre  ce 
que  ledict  sieur  de  Yilleroy  vous  mande ,  qu'en  vain  il 
eust  demandé  au  roy  de  traicter  avec  vous,  s'il  eust  eu 
aullre  intention,  aussi  n'eust  il  pas  proposé  M.  le  car- 
dinal Gondy,  que  je  pense  estre  serviteur  du  roy,  mais 
non  pas  si  confident,  ni  particulier,  ni  mesme  si  in- 
formé des  intentions  de  sa  majesté,  qu'il  feut  propre 
et  capable  de  traicter.  Certainement  je  vous  ai  tous- 
jours  dict,  monsieur,  que  je  l'avois  recogneu  fort  dé- 
sireux du  repos  de  cest  estât,  comme  celui  qui  y  a 
grand  interest;  et  qu'à  mon  advis ,  il  pourroit  beaucoup 
servir  à  la  negotiation  qui  seroit  requise  de  faire  à 
Rome;  de  sorte  qu'il  fault  en  ce  faict  qu'il  y  ait  eu  de 


A  M.  DUPLESSIS.  sSl 

mal  entendeu,  ou  que  l'intention  de  sa  majesté  aye  esté 
de  sonder  premièrement  de  lui  ce  qui  se  pourroit  faire 
sur  le  poinct  dont  l'on  est  en  peine;  ains  surseoir.  Il  est  vrai 
que  je  trouve  estrange  ladicte  surseance,  et  dadvantage 
qu'elle  soit  remise  jusques  à  ce  que  sa  majesté  aye  en- 
tendeu ce  qui  sera  réussi  de  l'aultre  conférence;  l'ose- 
rai je  quasi  dire,  que  ceste  traverse  procède  de  per- 
sonnes qui  veullent  estre  de  feste.  Je  crois,  monsieur, 
que  vous  vouldriez  qu'ung  chacung  y  meist  la  main,  si 
la  pluralité  y  pouvoit  bien  faire.  C'est  pourquoi ,  oultre 
les  aultres  incommodités  ,  la  longueur  qui  intervient 
en  ces  affaires  est  fort  préjudiciable.  Si  fault  il  que,  par 
vostre  vertu  et  bonté ,  vous  mettiez  peine  de  surmon- 
ter les  difficultés,  lesquelles,  d'autant  qu'elles  sont 
plus  grandes,  vous  en  aurés  plus  de  mérite  et  d'hon- 
neur ;  je  sçais  qu'il  n'y  a  que  d'aller  le  grand  chemin , 
et  prendre  la  droicte  voye;  mais  celle  là  estant  fermée, 
il  est  loisible  d'en  rechercher  une  aultre  ;  et  estant  prest 
de  tomber  en  ce  misérable  naufrage,  de  tenter  toute 
voye  de  salut  avant  que  se  perdre  ;  si  l'on  estoit  bien 
asseuré  qu'il  n'y  eust  poinct  de  vollonté  de  l'aultre 
part,  honteusement  l'on  debvroit  leur  parler  dadvan- 
tage. Mais  en  vain  l'on  y  auroit  preste  l'oreille,  toutes- 
fois  je  ne  le  pense  pas;  car  je  ne  recognois  poinct  que 
tous  leurs  pourparlers  leur  apportent  aulcung  advan- 
tage.  Pour  Thonneur  de  Dieu  advisés  si  vous  pourrés 
trouver  quelque  remède  à  cest  inconvénient.  Il  est  cer- 
tain que  la  raison  particulière  ne  veult  que  je  fasse  ce 
que  la  très  urgente  nécessité  requiert;  mais  la  publicque 
doibt  avoir  plus  de  lieu.  Il  ne  s'agit  de  la  conqueste 
d'ung  royaulme  seulement;  ce  sont  des  que 

je  ne  mets  en  si  grande  considération;  mais,  puisque 
tout  nostre  salut    despend   de   la   recognoissance   de 


îâ52  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY,  etc. 

nostre  roy ,  et  que  par  aultre  moyen  nous  n'y  pouvons 
parvenir,  il  me  semble  que,  pour  délivrer  cest  estât 
de  la  ruyne  inévitable  oii  il  va  tomber,  de  la  désolation 
de  tant  de  villes  et  provinces,  de  tant  de  cruautés  qui 
s'exercent ,  et ,  qui  plus  est ,  d'impiétés  exécrables ,  que 
c'est  pieté  de  faire  plus  que  la  raison  ;  l'on  dict  que  la 
publicque  a  tousjours  de  ,  pour  ce 

qu'elle  ne  se  peult  faire  sans  l'office  de  quelque  parti- 
culier. C'est  pourquoi  je  concleus,  monsieur,  que  vous 
n'abandonniez  poinct  ceste  barque  et  le  salut  de  vostre 
patrie;  pryant  Dieu,  monsieur,  après  vous  avoir  baisé 
humblement  les  mains,  de  vous  faire  aucteur  de  ce  bon 
œuvre,  et  à  nous  la  grâce  d'en  pouvoir  jouir  du  fruict. 
Et  plus  bas.  Il  ne  me  ressoubvient  de  ce  que  M.  de 
Villeroy  m'escrit,  que  je  lui  ai  mandé  d'une  lettre  de 
M.  de  La  Verrière,  qu'il  n'a  receue;  car  je  ne  scais  ni  ai 
entendeu  aulcunes  nouvelles  dudict  sieur,  sinon  ce  que 
vous  pleut  m'en  dire  et  ledict  sieur  du  Jon.  Pardonnes 
moi,  monsieur,  si  en  la  présente  le  subject  m'a  trans- 
porté. 


LXXIV.  —  'V' LETTRE  DE  M.  DES  REAUX 

A  M.  Duplessis. 

Du  .  .  mars  i5y2. 

Monsieur,  j'ai  receu  vostre  despesche  par  mon 
homme,  et  depuis  la  lettre  qu'avés  escrite  par  la 
voye  (le  M.  de  Revol ,  laquelle  ayant  esté  apportée  en 
mon  logis,  et  ne  sçuchant  par  qui,  a  esté  cause  que  je  ne 
sçavois  par  qui  vous  faire  response,  et  vous  vouUois 
depesclier  exprès.  Enfin,  pour  ne  vous  embarrasser  de 


LETTRE  DE  M.  DES  REAUX,etc.  253 

ce  nialentendeu ,  le  roy  vous  escrit,  ainsi  que  le  dési- 
rés, par  ledict  sieur  dellevol,  encores  qu'il  m'a  semblé  ne 
s'estre  gueres  arreslé  à  ce  qu'avés  escrit  ;  mais  si  a  bien. 
M.  de  Bouillon,  à  qui  il  me  commanda  de  communi- 
quer le  tout;  comme  à  la  vérité  j'y  vois  ung  commen- 
cement de  bons  fondemens  ,  et  suis  très  aise  que  vostre 
voyage  se  rencontre  si  utile  ,  et  que  les  choses  soient 
en  vos  mains  ;  car  estant  bien  mesnagé,  je  me  promets 
qu'il  y  aura  peu  ou  poinct  de  difficulté  de  deçà.  Au 
reste,  monsieur,  vous  aurés  sceu  comme  MM.  de  La 
Chastre  et  de  Givry  se  sont  veus  sur  le  subject  avec  fort 
peu  d'espérance  de  succès,  le  premier  proposant  en  la 
personne  du  roy  la  relligion  catholique  résolument,  à 
la  restitution  de  tous  les  estats  en  la  maison  et  cou- 
ronne sans  aulcune  espérance  de  modération  :  depuis 
le  sieur  de  Grammont  qui  debvoit  venir,  s'est  en- 
voyé excuser  par  le  sieur  de  Bourg  qui  est  son  parent , 
avec  advis  au  roy  de  ne  se  plus  attendre  à  ceste  negotia- 
tion;  et  qu'au  préjudice  d'icelle  l'on  soUicitoit  tous  les 
partisans  d'entrer  en  la  subjection  de  l'infante.  Rou- 
lés donc  vostre  corde;  car  je  vois  toutes  aultres  rom- 
peues,  et  vous  resjouissés  de  M.  de  Bouillon,  qui  feit 
hier  le  serment  de  mareschal  de  France,  oii  toutesfois 
quelqu'ung  des  plus  apparens  ne  se  voulloient  trouver  : 
nous  poursuivons  nostre  siège,  et  donne  l'on  quelques 
espérances  d'ung  mauvais  estât  dedans  la  ville  :  nous  at- 
tendons les  Anglois  qui  sont  embarqués  ;  le  duc  de 
Parme  est  toutesfois  au  pont  d'Ormy ,  qui ,  en  menaçant 
Jlouen,nousfaict  dessein  qu'il  n'en  veuille  à  Saihct  Quin- 
tin.  Le  roy  n'a  voulleu  touscher  à  la  gallere,  ni  aulx 
pièces.  M.  de  Bouillon  a  opinion  qu'il  en  ait  faict  quel- 
que promesse  à  M.  le  mareschal  de  Matignon  pour 
l'en  importuner  deux  fois.  Mon  frère  et  moi,  vous  re- 


2  54  LETTRE  DE  M.  DES  REAL'X,  etc. 

mercions  de  l'advis  de  Maran.  En  toute  humilité,  il 
en  avoit  desjà  le  don.  H  y  a  quatre  ou  cinq  mois,  j'ai 
faict  tenir  à  monsieur....  Je  prye  Dieu,  etc. 


LXXV.  — ^LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Duplessis, 

De  Dernetal,  ce  .  .  mars  1592. 

M.  Duplessis  ayant  veu  par  la  lettre  que  vous  avés 
escrite  à  Revol ,  que  le  sieur  de  Villeroy  vous  a  faict 
cognoistre  qu'il  a  charge  de  traicter,  je  trouve  bon 
que  vous  entriés  en  conférence  avec  lui  sur  les  moyens 
de  la  paix,  dont  s'il  ne  se  peult  faire  quelques  bonnes 
ouvertures  entre  vous ,  il  ne  tiendra  à  moi  qu'il  n'en 
porte  le  fruict  que  tous  les  gens  de  bien  désirent;  sur 
quoi  j'attendrai  de  sçavoir  de  vos  nouvelles  pour  ne 
vous  en  pouvoir  à  présent  dire  aultre  particularité, 
pryant  Dieu,  M.  Duplessis,  vous  avoir  en  sa  saincte 
garde. 


LXXVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  MAYENNE 
A  M.  de  Villeroj. 

Du  .  .  mars  1692. 

Monsieur,  je  vous  envoyé  ce  porteur  pour  vous 
suppher,  au  nom  de  Dieu  ,  et  par  tout  ce  que  je  puis, 
de  vous  en  venir;  je  vous  supplie  donc,  monsieur, 
d'autant  que  vous  m'aimes  et  le  public,  vous  y  ache- 
miner. Je  me  veulx  promettre  ,  monsieur,  que  ce  coup 


LETTRE  DE  M.  DE  MAYENNE,  etc.  255 

vous  ne  m'esconduirés;  venés  donc,  je  vous  en  sup- 
plie de  tout  mon  cœur;  M.  de  La  Ghastre  et  M.  le  pré- 
sident Jeannin  vous  en  escrivent.  Il  est  plus  que  néces- 
saire que  veniés  promptement ,  et  pour  Dieu,  mon- 
sieur, ne  me  déniés  ceste  aide  en  chose  où  il  va  de 
Testât  et  de  tout  ;  j'attends  en  bonne  dévotion  des 
nouvelles  de  vostre  fils.  Vous  sçavés  aussi ,  monsieur  , 
le  pouvoir  que  vous  avés  sur  moi  qui  me  fera  finir, 
pryant  Dieu  qu'il  vous  conserve. 


LXXVll.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Diiplessis. 

Du  .  .  mars  1592. 
Monsieur,  l'on  m'escrivit  des  hier  de  Pontoise;  mais 
le  porteur  a  faict  si  mauvais  debvoir,  que  je  n'ai  receu 
les  lettres  que  présentement,  lesquelles  je  vous  envoyé 
pour  y  donner ,  s'il  vous  plaist ,  tel  advis  que  vous 
jugerés  pour  le  mieulx,  et  le  conseil  que  l'on  y  doibt 
donner;  je  prendrai  la  hardiesse  de  vous  dire  libre- 
ment que  si  M.  de  Villeroy  est  affectionné  au  bien 
comme  je  le  crois,  il  ne  doibt,  pour  chose  quelconque  , 
perdre  ceste  occasion,  et  s'excuser  de  la  pryere  qu'on 
lui  faict,  car  il  est  à  juger,  veu  l'opinion  que  Ton  a 
de  lui  de  ce  costé  là,  qu'il  pourra  beaucoup  servir  mes- 
mement  s'il  y  pouvoit  aller  après  vous  avoir  veu  ,  car 
encores  d'aultres  qui  sont  auprès  de  lui  m'escrivent  que, 
si  bientost  l'on  ne  met  la  bonne  main  à  cest  œuvre , 
tout  est  perdeu  ;  ayant  ce  Vacliet  faict  une  grande 
faulte  d'avoir  reteneu  le  trompette  deux  ou  trois  jours, 
de  sorte  que  l'on  ne  l'attend  que  demain.  Quoi  qu'il 


2  56  LETTRE  DE  M,  DE  FLEURY 

apporte ,  il  semble  estre  très  à  propos  que  ledict  sieup- 
de  Villeroy  fasse  son  voyage;  partant,  vous  adviserés, 
pour  gaigner  temps ,  s'il  ne  sera  pas  bon  qu'il  vous 
plaise  d'en  escrire  au  plus  tost  au  roy,  afin  d'en  avoir 
la  permission.  Il  ne  parle  poinct  de  passeport,  ainsi 
que  vous  verres  ;  mais  vous  considererés  si  vous  en 
devés  demander  ung  par  mesme  moyen,  pour  en  user 
puis  après  comme  il  vous  plaira.  J'ai  opinion  que  ce 
qui  est  porté  à  la  fin  de  la  lettre  de  M.  de  Mayenne , 
qu'il  attend  des  nouvelles  de  son  fils,  et  sur  la  charge 
qu'il  a.  Quant  à  celle  de  M.  de  la  Chastre ,  je  l'ai  en 
partie  devinée ,  estant  si  mal  escrite  qu'il  m'eust  faict 
plaisir  d'en  envoyer  une  copie;  je  lui  al  ce  matin  de- 
pesché  ung  des  miens ,  que  j'attends  de  retour  ce 
mesme  jour;  vous  serés  adverti  de  ce  qu'il  me  man- 
dera et  apprendra  de  plus  particulier,  par  la  lettre 
de  M.  le  président  Jeannin  ;  pour  le  moins  ses  lettres 
me  donnent  quelque  consolation ,  que  le  marché  n'est 
poinct  encores  arresté.  L'on  m'a  dict  qu'ils  ont  révoqué 
la  depesclie  du  sieur  de  Grammont;  j'attends  le  mais- 
tre.  L'on  me  mande  de  l'armée  qu'unanimement  tous 
demandent  la  paix.  J'ai  receu  aussi  lettres  présente- 
ment de  ma  maison  ,  par  lesquelles  l'on  m'escrit  qu'il 
n'y  a  plus  de  moyen  de  venir  par  de  là,  à  cause  des 
coureurs  de  la  Ligue,  oî^i  plusieurs  soldats  mesmes  des 
noslres  se  rendent  pour  voler  encores  mieulx  et  im- 
punément, d'autant  que  ce  quartier  là  estsoubs  l'obéis- 
sance de  sa  majesté.  Dieu,  par  sa  grâce,  veuille  avoir 
pitié  de  nous,  et  vous  donner,  monsieur,  etc.  Et  h 
coslé  est  escrit  :  D'autant  que  le  roy  scait  que  je  suis 
par  deçà  ,  je  vous  prye  de  lui  touscher  à  quel  effect  ce 
que  je  servirai  comme  je  doibs,  s'il  vous  plaist,  mon- 
sieur, de  me  renvoyer  ses  lettres,  et  aussi  celles  que  je; 


A  M.  DUPLESSIS.  2^7 

vous  envoyois  devant  hier,  me  permettant  de  baiser 
humblement  les  mains  à  monsieur  vostre  frère,  comme 
faict  le  maistre  de  ceste  maison. 


LXXVIII. —-V- LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  A  M.  de  Fleiiry. 

Du  .  ,  mars  i5g2. 
Monsieur  ,  j'ai  veu  les  lettres  et  celles  qu'il  vous  a 
pieu  m'envoyer,  lesquelles  je  vous  renvoyé  et  les  pré- 
cédentes aussi,  de  M,  vostre  beau  frère;  je  vous  prye 
de  trouver  bon  que  je  demeure  en  la  resolution  d'at- 
tendre le  retour  du  trompette,  premier  que  de  le  voir: 
s'il  apporte  esclaircissement  tel  que  nous  desirons  du 
poinct  dont  est  question,  je  vois  les  autres  faciles,  et 
oserai  presque  entrer  en  caution  que  nous  ne  travaille- 
rons poinct  en  vain ,  sinon  je  n'y  vois  nul  fonde- 
ment ,  et  ne  sçais  quel  bien  il  peut  venir  de  nostre 
sinon  d'attirer  les  mauvais  propos  de  plusieurs  sur 
nous ,  que  nous  aurons  leurrés  par  nostre  conférence 
d'une  espérance  vaine.  Quant  à  la  sommation  si  ex- 
presse que  M,  de  Mayenne  faict  à  M.  vostre  beau  frère 
d'^aller  vers  lui,  je  ne  doubte  poinct,  sage  comme  il 
est,  qu'il  n'y  apporte  beaucoup,  soit  pour  retarder  le 
mal,  soit  pour  advancer  le  bien  ,  et  en  cas  qu'il  s'y  ré- 
solve, vous  me  ferez  ceste  faveur,  s'il  vous  plaist ,  de 
m'en  advertir,  afin  que  je  ne  m'enniiye  poinct  ici  plus 
longuement;  cependant  je  suis  esbahi  de  ces  gens  qui 
cognoissent'tant  qu'il  se  fault  haster  pour  prévenir  le 
mal  qui  s'en  va  incurable ,  et  usent  de  tant  de  longueur 
à  procurer  le  remède.  Or,  monsieur,  je  salue,  etc. 

MtM-  DK   DuPLESSIfs-lVIoRjNAY.  ToME  V.  I  >7 


258  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

LXXIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

^  M.  Duplessis. 

Du  .  .  mars  lôga. 
Monsieur,  ce  n'estoit  mon  intention  de  me  des- 
mouvoir de  vostie  resolution,  car  je  crois  que  vous 
l'avez  prise  avec  prudence  et  bonne  considération  ; 
mais  j'ai  pensé  que  M.  de  Villeroy  ne  feroit  ce  voyage 
que  son  trompette  ne  feust  de  retour,  ainsi  qu'il  me  le 
mande  par  sa  dernière ,  laquelle  est  pour  me  donner 
advis  de  ce  qu'il  a  appris  de  la  lettre  de  M.  le  prési- 
dent Jeannin,  qu'il  n'avoit  encores  déchiffrée  et  que  je 
vous  envoyé  ,  afin  de  vous  tenir  adverti  de  tout  ce  qui 
se  passera  en  ceste  negotiation  pour  parvenir  aux  oc- 
currences ,  ainsi  que  vous  jugerez  pour  le  mieulx  :  ce 
chef  qu'il  dict  dont  ma  lettre  faisoit  mention  est  le 
pape ,  parce  que  je  lui  mandois  qu'il  me  sembloit  que 
ce  n'estoit  à  M.  de  Mayenne  de  faire  demande  du  pré- 
sent poinct ,  mais  lui  debvoit  suffire  de  trouver  les 
moyens  les  plus  apparens  de  contenter  ledict  chef; 
certainement,  monsieur,  ses  gens  ont  grand  tort  d'a- 
voir reteneu  si  long  temps  ledict  trompette ,  qui  n'ar- 
riva en  leur  armée  que  mercredi ,  et  lui  mesmes,  puis- 
qu'il le  despeschoit  soubs  ung  aultre  prétexte,  debvoit 
leur  commander  de  ne  l'arrester  point  ;  mais ,  à  mon 
advis,  qu'il  tenoit  son  homme  à  l'armée,  non  à  Amiens, 
ils  attendent  dans  cejourd'hui  ledict  trompette,  etm'es- 
crit  on  que  le  duc  de  Parme  ne  prétend  battre  Sainct 
Esprit  de  Tur  pour  l'opinion  qu'il  a  de  le  prendre 
sans  despens  de  ses  munitions,  et  que  M.  de  Guyse 
avoit  remis    son    parlement   pour   attendre   l'evene- 


A  M.  DUPLESSIS.  259 

ment  du  siège  de  Rouen ,  ou  de  la  paix  ou  d'une  ba- 
taille ;  que  les  humeurs  de  tous  ces  princes  et  des 
François  y  sont  fort  adoucies  et  disposées  au  bien  :  Dieu 
leur  en  fasse  la  grâce  et  à  nous  aussi;  et  vous  doint, 
monsieur  ,  etc. 


LXXX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
^  M.  de  FleuTj. 

Du  . .  mars  iSga. 

Monsieur,  je  presse  par  ce  que  je  suis  pressé  de 
repondre  à  sa  majesté ,  ne  lui  ayant  peu  encores  rien  dire 
qui  mérite  :  quant  au  poinct  dont  M.  vostre  beau  frère 
eust  voulleu  qu'on  eust  respondeu  plus  doulcement, 
je  ne  sçais  ce  qui  en  a  esté  dict ,  mais  il  me  semble  qu'il 
doibt  estre  content  des  propos  que  nous  arrestasmes , 
vous  et  moi  céans.  En  somme  ,  il  en  fault  parler  clair 
entre  nous,  et  si  nous  avons  vollonté  d'accommoder 
les  choses,  en  estant  d'accord  ,  nous  sçaurons  bien 
trouver  les  propos  convenables  et  pour  le  chef  et 
pour  les  membres  ;  mais  je  crains  qu'il  n'y  ait  du  mal 
au  fonds,  et  je  vous  prye,  soit  que  le  trompette  nous 
apporte  contentement  ou  non,  que  j'aye  ce  bien  de 
vous  voir,  premier  que  j'aille  retrouver  le  roy.  Je  vous 
renvoyé  la  lettre  de  M,  le  président  de  Riz ,  car  il  est 
à  Sainct  Et  sur  ce ,  monsieur ,  je  salue ,  etc. 


26o  LETTRE  DE  M.   DE  FLEURY 

LXXXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  Duplessis. 

Du  24  mars  iSga. 
Monsieur,  ce  n'esl  sans  raison  que  ceste  longueur 
vous  est  fascheuse,  mesmes  ne  pouvant  informer  sa  ma- 
jesté de  ce  que  l'on  doibt  espérer  du  présent  poinct,quf 
est  le  fondement  du  traicté.  Toutesfois  vous  adviserés 
si  de  la  despesche  dernière ,  qu'a  apportée  ce  gentil- 
homme, vous  pourrés  tirer  chose  qui  vaille,  et  puisse 
servir;  au  moins  à  ce  que  je  puis  recognoistre  parles 
lettres  de  M.  de  Villeroy  et  de  ceulx  qui  sont  près  de 
lui,  elles  sont  à  mon  advis  d'une  plus  doulce  trempe, 
et  vous  font  juger  que  les  humeurs  sont  aulcunement 
adoulcies  et  disposées  à  recevoir  le  bien;  ce  sont  per- 
sonnes malades  à  qui  il  fault  préparer  peu  à  peu  les 
viandes  de  plus  aisées  digestions,  espérant  que  le  pro- 
grès du  temps  les  fera  recevoir  ce  qu'ils  eussent  pos- 
sible rejette  du  commencement.  C'est  pourquoi  il  sem- 
bleroit  que  l'on  doibt  bien  coupper  le  chemin  aux 
injustes  demandes,  mais  non  pas  retrancher  du  tout 
les  espérances.  J'ai  envoyé  ung  de  mes  gens  à  Pontoise, 
exprès  pour  m'apporter  en  diligence  la  response  du 
trompette,  laquelle  receue  ,  je  ne  fauldrai  de  vous  aller 
trouver  incontinent ,  mettant  beaucoup  d'honneur  de 
recevoir  en  cest  endroict  les  commandemens  de  sadicte 
majesté  et  les  vostres.  Il  est  arrivé  ici  unglacquais  delà 
part  du  du  Gay ,  qui  partit  hier  après  disner 

deBeauvais,  où  ledict  trompette  n'estoit  encores  ar- 
rivé ;  ils  l'attendent ,  comme  je  vous  ai  mandé,  aujour- 
d'hui ou  demain.  Je  vous  baise,  etc. 


A  M.  DUPLESSLS.  261 

Et  plus  bas  est  escrit  :  Monsieur ,  vostre  lacquais 
est  arrivé  sur  les  deux  heures.  Je  le  vous  renvoyé  tout 
promptement. 


LXXXII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

J  M.  Diiplessis. 

Du  .  .  mars  iSga. 
Monsieur,  comme  je  voullois  donner  response  à 
vostre  lacquais,  ung  des  miens,  que  j'avois  hier  des- 
pesché  à  Pontoise ,  est  reveneu  ;  mon  beau  frère  m'ayant 
mandé  qu'il  Tavoit  reteint  pour  l'espérance  que  son 
trompette  arriveroit  des  hier,  dont  il  estoit  en  une 
grande  peine  pour  le  public  et  pour  vostre  particulier, 
la  crainte  le  faisant  entrer  en  deffiance  que  l'on  le 
retienne  par  delà  exprès,  afin  par  la  response  que  l'on 
lui  pouvoit  faire,  de  ne  le  degouster  de  s'y  achemi- 
ner, ainsi  qu'il  en  est  infiniment  sollicité ,  et  me  répète 
que  j'aurai  notté  les  propos  qu'il  m'avoit  escrits  par  sa 
dernière,  qui  ont  scandalisé  leurs  gens;  que  s'il  estoit 
vrai,  ce  seroit  imprudemment  et  auroit  faict  préjudice; 
que  s'il  estoit  conveneu  ,  il  en  presumeroit  encores 
plus  de  mal ,  pour  ce  qu'il  craindroit  que  l'on  vouleust 
fonder  sur  ce  une  querelle  d'Allemand  pour  couvrir 
quelque  aultre  chose;  de  façon  qu'en  toute  sorte  l'advis 
qui  lui  en  a  esté  donné  lui  a  fort  despieu,  concluant 
que  ce  sont  là  des  discours  qui  passent  par  son  en- 
tendement :  à  quoi  sont  subjects  ceux  qui  attendent 
en  crainte.  Mon  homme  m'a  rapporté  que  partant  du- 
dict  Pontoise,  il  y  arrivoit  une  grande  compagnie, 
de  laquelle ,  entre  aultres ,  estoient  les  barons  de  Sene- 
sey,  de  Tenize   et   de  Luz  et  Channeson,  qui,  à  ce 


262  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY,etc. 

que  Ton  disoit,  venoient  de  Paris  et  s'acheminoient 
vers  M.  de  Mayenne,  comme  députés.  Les  dénommés 
sont  tous  de  Bourgogne.  Je  verrai  si  Ton  me  mandera 
le  subject  de  leur  charge  ;  ne  pouvant  penser  que  ce 
soit  pour  l'avancement  de  la  resolution  espaignole  : 
par  là  vous  jugerés,  monsieur,  comme  l'on  se  remeue 
de  toutes  parts,  et  qui  ne  se  peult  qu'en  bref  il  n'es- 
clate  quelque  chose  de  grand.  Dieu ,  par  sa  grâce , 
veuille  que  ce  soit]  en  bien.  Avec  les  dessusdicts,  il 
y  a  environ  vingt  bourgeois  pour  le  moings  que  l'on 
disoit  estre  de  Paris,  d'Orléans  et  de  Sens.  H  dict  aussi 
qu'il  arriva  hier  deux  commandeurs  qui  viennent  de 
Malte,  ont  passé  à  Naples,  sont  venus  par  Paris,  et 
s'acheminent  vers  sa  majesté,  estans  accompagnés  de 
M.  le  commandeur  de  ,  et  avoient  ung  trom- 

pette de  M.  de  Vicq.  Toutesfois  l'on  pensoit  qu'ils 
feroient  leurs  pasques  audict  Pontoise. 


LXXXIII.  —  LETTRE 

De  M.  le  duc  de  Bouillon  ci  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  venés  vous  en ,  je  vous  prye,  afin  d'aider 
à  vuider  tant  de  difficultés  qui  nous  naissent  tous  les 
jours.  Le  duc  de  Parme  revient.  Le  comte  Maurice  lui 
prépare  de  la  besogne.  Nous  attendons  des  nouvelles 
de  M.  de  La  Verrière,  J'ai  à  supporter  mille  calomnies. 
Dieu  sera  mon  protecteur.  Je  ne  partirai  si  tost.  Croyés 
moi  pour  l'homme  du  monde  qui  vous  aime  et  ho- 
nore le  plus.  Je  vous  baise  ung  million  de  fois  les  mains. 
C'est  vostre  humble  ami  à  vous  servir, 

Henry  de  La  Totjr. 

\  Derneial,  ce  3o  mars  iSga. 


LETTRE  DE  M.  DES  REAUX,  etc.  ^63 

LXXXIV.  —  LETTRE  DE  M.  DES  REAUX 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  vous  escrivis  devant  avant  hier  par 
celui  qu'aviés  envoyé  à  M.  de  Revol,  et  vous  feis  res- 
ponse  à  toutes  les  vostres.  Depuis  le  parlement  de 
vostre  dict  homme,  M.  de  Bouillon  me  feit  bailler  celle 
que  je  vous  envoyé.  Et  devant  hier  arriva  ici  le  sieur 
de  Marconville,  qui  est  à  M.  deVilleroy  avec  l'ung  des 
gens  de  M.  de  Vicques ,  qui  a  asseuré  sa  majesté  de 
beaucoup  de  bonnes  espérances;  et  que  c'estoit  à  ce 
coup.  Il  n'a  eu  aultre  response  (que  j'aie  sceue)  sinon 
qu'il  vous  avoit  donné  charge  de  conférer.  Depuis 
ayant  sceu  sa  majesté  comme  le  sieur  de  Fleury  le  fils 
avoit  esté  commandé  de  M.  de  Nevers  pour  aller  vers 
M.  deVilleroy  le  préparer  àuneentreveue  d'euls  deux 
chés  M.  de  pour  incontinent  après  Pasques; 

elle  m'a  commandé  de  vous  depescher  ce  lacquais  ex- 
près, pour  vous  dire  que  vous  ayés  à  haster  vostre 
negotiation  le  plus  qu'il  vous  sera  possible ,  et  avant 
lesusdict  temps,  l'advertissant  au  plustost  de  vos  nou- 
velles; et  cependant  disposant  tellement  les  choses  par 
vostre  prudence  que  ladicteentreveue  ne  se  fasse  poinct. 
soit  en  traictant  avec  M.  de  Fleury  le  père,  ou  avec 
M.  de  Villeroy,  avec  la  dextérité  que  vousy  sçaurés 
bien  apporter.  Nous  sommes  resoleus  pour  beaucoup 
de  considérations  de  nous  opiniastrer  encores  à  ce 
siège,  principalement  pour  les  espérances  de  la  néces- 
sité qui  y  commence  dedans  la  place.  L'on  tient  ici  le 
duc  de  Parme  retiré,  ayant  laissé  la  pluspart  de  son 
infanterie  à  son  fils  auprès  de  M.  de  Mayenne,  qui  s'en 
vont  à  La  Fere  quérir  les  munitions.  C'est  tout  ce  que 


264  LETTRE  DE  M.  DES  REAUX 

^'oiis  aurés  pour  ce  coup,  et  en  haste.  Ledict  sieur  de 
Fleury,  le  fils,  est  parti  ce  matin  pour  aller  à  Halin- 
court.  Ne  dictes  point  que  cest  advis  vous  soit  veneu  par 
mon  organe.  Et  je  pryerai  Dieu  ,  monsieur,  vous  donner 
très  contente  vie.  Vostre  plus  affectionné  serviteur, 

Des  Reaux. 

A  Danertal ,  ce  3o  mars  1592. 


LXXXV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  Duplessis. 

Du  i"  avril  iSga. 
Monsieur,  le  lacquais  que  je  depeschai  hier  matin 
à  M.  de  Villeroy  à  son  arrivée  ,  ne  le  trouva  à  Pontoise  , 
estant  monté  ù  cheval  ung  quart  d'heure  au  plustost 
pour  aller  à  la  chasse  ,  et  voir  M.  de  La  Verrière  ,  au- 
quel il  avoit  promis  d'aller  cejourd'hui  voir  M.  le  car- 
dinal de  Gondy  à  Noisy ,  lui  ayant  faict  paroistre  qu'il 
avoit  charge  de  parler  à  lui,  et  conférer  du  moyen  de 
surmonter  la  difficulté  qui  nous  accroche,  et  sur  la- 
quelle les  aultres  insistent  tant  :  Dieu  le  veuille,  mon- 
sieur ,  et  qu'ils  y  trouvent  ung  bon  emplastre.  Ledict  sieur 
de  Villeroy  me  mande  qu'il  sera  de  retour  demain ,  et 
pourra  estre  le  jour  d'après,  qui  est  le  jeudi,  de  bonne 
heure  en  ceste  maison ,  désirant  également  de  vous 
voir,  ayant  bien  considéré  ce  que  je  lui  ai  faict  enten- 
dre de  vostre  part,  suivant  ce  que  vous  m'avés  escrit 
par  vostre  dernière ,  me  pryant  de  croire  qu'il  n'a 
moindre  peur  que  nous  de  ceste  liaison  estrangere, 
loutesfois  il  n'estime  pas  que  le  nœud  s'en  fasse  sitost  ; 
enfin,  que  nous  verrons  ce  que  l'on  lui  en  mande 
par  les  dernières  qu'il  a  receues ,  de  sorte  que  nous  en 
sçaurons   autant  que  lui.  Cependant  il   me  prye   de 


A  M.  DUPLESSIS.  265 

depescher  en  diligence  ung  lacquais  vers  ledict  sieur  de 
Lomenie,  pour  le  pryer  d'envoyer  promptement  ung 
passeport  du  roy,  afin  de  pouvoir  venir  en  ceste  mai- 
son,  ce  que  j'ai  faict  tout  présentement,  espérant  de 
l'avoir  dans  demain  au  soir  :  je  pensois  qu'il  se  deust 
contenter,  comme  il  m'avoit  dict ,  d'ung  de  M.  vostre 
frère  ;  mais  je  le  trouve  en  ces  choses  là  si  scrupuleux, 
crainte  qu'à  la  traverse  il  feist  rencontre  de  quelques 
trouppes  d'une  aultre  province  ;  aussi  qu'il  espère 
que  je  pourrai  avoir  ledict  passeport  dans  demain  pour 
lui  faire  tenir  jeudi  de  bon  matin,  dont  je  n'ai  voulleu 
faillir  de  vous  advertir  incontinent,  ainsi  que  je  ferai 
de  tout  ce  qui  sera  de  mérite  ,  pryant  Dieu  après,  etc. 
Et  plus  bas:  Monsieur,  ledict  sieur  de  Villeroy,  se 
doublant  que  je  m'addressois  à  vous  pour  avoir  ledict 
passeport,  m'a  mandé  que  je  depeschasse  tout  droict, 
afin  de  gaigner  temps;  car  ce  seroit  perte  d'ung  jour  ou 
deux;  mais  à  la  première  despesche  que  vous  ferés  d'es- 
crire  ce  que  vous  m'en  aurés  mandé.  Ledict  sieur  cardi- 
nal lui  a  faict  sçavoir  qu'il  avoit  envoyé  à  la  court ,  afin 
d'avoir  ung  passeport  pour  lui  ;  mais  il  doubte  que  ce 
sera  pour  Noisy  ou  pour  Halincourt,  qui  est  cause  de 
ceste  recharge. 


LXXXVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Diiplessis. 

Du  2  avril  iSga. 
Monsieur,  suivant  la  resolution  que  je  pris  hier 
avec  vous,  j'ai  depesché  à  M.  de  Villeroy  trois  heures 
devant  le  jour ,  afin  qu'il  eust  le  temps  de  vous  en- 
voyer ung  passeport,  et  vous  de  venir  encores  par 
deçà  ce  jourd'hui ,  si  vous  en  aviés  la  voilonté  ;  mais 


266  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

présentement,  j'ai  receu  la  response  du  sieur  de  Lo- 
menie ,  accompagnée  d'une  lettre  pour  vous  :  par  la 
sienne,  il  semble  que  sa  majesté  soit  d'opinion  de 
différer  vostre  conférence  encores  quelques  jours  : 
Dieu  veuille  que  ses  embarrasemens  viennent  à  bien  ; 
et  pour  ce  que  ledict  sieur  de  Villeroy  pourroit  estre 
en  chemin  ,  je  lui  escrit  présentement  de  surseoir  son 
acheminement  par  deçà  jusques  à  ce  que  j'aye  aultre- 
ment  de  vos  nouvelles.  Sa  majesté  a  refusé  le  passeport 
pour  ledict  sieur  de  Villeroy,  et  en  a  accordé  ung  à 
M.  d'Halmerie  ,  que  je  n'eusse  pas  pensé;  car  il  est 
pour  venir  ici,  aller  à  Grisors,  et  puis  retourner  à 
Pontoise ,  et  aller  à  Paris  avec  vingt  chevaulx,  et  ce 
pour  le  temps  de  trois  sepmaines.  Le  lacquais  feut  si 
promptement  depesché,  qu'il  est  veneu  coucher  à 
quatre  lieues  près  d'ici,  qui  sera  Tendroict  où  je  vou,s 
baiserai  humblement,  etc. 


LXXXVil.  ~  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

J  M.  Duplessis. 

Monsieur,  suivant  l'advis  que  vous  avés  receu  de 
M.  de  Villeroy,  il  est  arrivé  cejourd'hui  en  ce  lieu, 
pour  avoir  ce  bien  de  vous  voir;  et  d'autant  qu'il 
doubte  qu'à  l'occasion  des  lettres  que  je  vous  ai  en- 
voyées, vous  remissiés  vostre  voyage,  nous  avons 
estimé  vous  debvoir  advenir  de  sa  veneue ,  vous  pryant, 
s'il  vous  plaist  de  venir ,  que  ce  soit  demain  à  disner , 
pour  pouvoir  conférer  toute  l'apres  disnee,  sinon  de 
lui  faire  entendre  sur  ce  vostre  resolution  ;  car,  suivant 
celle  que  nous  prismes  hier,  il  a  mandé  à  M.  de  Nevers  || 
qu'il  seroit  samedi   à   disner  à  Grignon ,   si  c'estoit  *! 


A  M    DUPLESSIS.  267 

chose  qu'il  desirast  et  voulleust  attendre ,  dont  il  doibt 
avoir  demain  response  ;  et  pour  ce  que  le  passeport  de 
M.  d'O  n'est  que  pour  s'en  retourner  à  Pontoise,  et 
que  le  plus  court  chemin  d'aller  à  Grignon  est  de  pas- 
ser à  Meulan;  il  vous  supplie  lui  en  faire  avoir  ung 
aultre,  pour  reprendre  son  chemin  par  là.  En  quelle 
sorte  que  ce  soit,  monsieur,  il  me  semble  que  vous 
ne  devés  perdre  l'occasion  de  vous  entrevoir  pour  l'es- 
pérance du  fruict  qui  en  réussira,  dont  je  prye  Dieu 
nous  en  faire  la  grâce,  et  vous  donner ,  monsieur,  en 
santé  longue  et  heureuse  vie.  Vostre  bien  humble  et 
autant  affectionné  serviteur,  De  Flkury. 

D'Halincourt ,  ce  2  avril  1592. 


LXXXVITI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

MoNSiEUii,  j'ai   veu  ce  matin   M.  de  Villeroy,    et 
pense  que  nous  avons  accroché  la  negotiation  de  l'Es- 
paignol ,  et  hé  la  nostre.  Je  le  vous  expliquerai  mieulx  de 
bouche  dans  mardi  au  plus  tard ,  que  je  serai  près  de 
sa  majesté.  11  est  besoing  que  nous  nous  bastions,  et 
que  le  tout  soit  secret,  surtout  l'expédient  qui  a  esté 
concerté,  et  que  nous  avons  ung  peu  poli.  Cependant 
je  me  plains  à  vous,  et  par  vostre  bouche,  s'il  vous 
plaist,  au  roy.  M.  de  La  Verrière  avoit  une  instruction 
de  sa  majesté,  contresignée  Revol,  qu'il  ne  me  com- 
muniqua poinct  passant  à  Mantes.  Retournant,  encores 
moins  ce  qui  avoit  esté  faict  avec  M.  le   cardinal  de 
Gondy,  encores  que  M.  de  Villeroy  l'en  eust  pryé  et 
chargé.  Cela  oste  créance  aulx  bons  serviteurs;  mais 
c'est  qu'on  m'a  suspect  en  ce  qui  est  de  la  relligion  du 


268  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

roy,  à  laquelle,  certes,  je  vouldrois  tousjours  avoir 
l'esgard  qui  se  doibt;  mais  aussi  n'ignore  je  j3as  ce  qui 
se  peult  en  conscience,  et  ce  qui  non.  M.  de  Villeroy 
a  esté  tant  pressé  par  M.  de  Nevers,  qu'il  le  verra  ce 
jourd'hui.  Le  tout  est  que  je  l'ai  veu  premier,  et  pense 
qu'il  eust  esté  plus  nuisible  aultrement  ;  car,  à  ce  que 
j'ai  peu  juger ,  il  ne  veult  que  sonder  ce  qui  se  doibt 
espérer  de  la  paix.  Monsieur,  c'est  en  attendant;  je 
vous  baise  très  humblement  les  mains,  et  supplie  le 
Créateur  qu'il  vous  donne  en  prospérité  longue  vie. 
Vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur. 

'  De  Buhi,  ce  3  avril  iSgs. 

Et  par  apostille  estait  escrit  :  C'est  le  duplicat  de 
celle  que  je  vous  escrivis  hier  en  chiffre  par  mon  lac- 
quais.  Je  vous  prye,  monsieur,  de  bien  digérer  ce  que 
j'escris  à  sa  majesté.  Il  n'y  a  plus  de  temps  à  perdre  : 
ou  il  faut  que  je  vous  voye  près  du  roy,  ou  si  n'y  estes, 
que  je  vous  aille  trouver  où  vous  serés,  pour  concerter 
ensemble  tous  les  poincts  dont  j'aurai  à  traicter  ;  car 
cest  homme  ne  veult  traicter  qu'avec  moi ,  afin  de  gar- 
der le  secret,  qui  lui  est  recommandé  sur  toutes  choses. 
Pour  Dieu,  monsieur,  traictons  discrètement;  car  j'en 
espère  bien,  et  que  peu  ne  gaste  beaucoup. 


LXXXIX.— LETTRE  ET  MEMOIRE 

De  M.  Diiplessis  au  roy. 

Sire,  j'ai  veu  celle  qu'il  a  pieu  à  vostre  majesté 
escrire  à  mon  frère ,  sur  laquelle  il  vous  faict  response. 
Et  feusse  incontinent  monté  à  cheval  sans  ung  passe- 
port qui  me  tient  hé  pour  quelques  jours,  à  cause  des 


ATJ  ROY.  26g 

affaires  dont  vostre  majesté  m'a  donné  charge.  J'escri- 
vis  hier  à  vostre  majesté;  et  plus  amplement  à  M.  de 
Bouillon  en  chiffre,  où  nous  estions  demeurés  M.  de 
Villeroy  et  moi.  Je  tiens  la  negotiation  avec  vostre  ma- 
jesté liée;  et  accrochée  avec  l'Espaignol  par  cest  expé- 
dient ,  que  j'ai  asseuré  ledict  sieur  que  vostre  majesté 
trouvoit  bon.  Et  sur  ce,  il  attend  pouvoir  et  instruc- 
tions de  tous  ces  princes,  que  M.  de  la  Chastre  lui 
doibt  apporter  lui  mesmes.  Il  désire  que  cela  soit  hasté 
et  secret  ;  et  m'a  monstre  lettres  qui  font  croire  que 
c'est  a  bon  escient.  Et,  pour  ce,  je  pensois  partir  pré- 
sentement pour  aller  trouver  vostre  majesté  à  Derne- 
tal,  afin  de  m'instruire  sur  tous  les  poincts.  A  ce  de- 
fault  vostre  majesté  m'ordonnera,  s'il  lui  plaist,  ce  que 
j'aurai  à  faire,  et  avec  qui  j'aurai  à  concerter  ce  qui 
sera  de  son  service.  M.  de  Villeroy  a  esté  tant  pressé  , 
qu'il  voit  aujourd'hui  M.  de  Nevers;  mais  vostre  ma- 
jesté se  repose  sur  moi,  qu'il  profîctera  plustost  qu'aul- 
trement.  Si  M.  de  Bouillon  est  avec  vostre  majesté,  et 
que  vous  lui  en  commandiés  le  loisir,  nous  esbauche- 
rons  ce  que  j'aurai  à  traicter,  si  bien  qu'il  n'y  fauldra 
poinct  retourner.  Sinon ,  et  que  vostre  majesté  l'ait 
agréable  ,  nous  nous  rencontrerions  en  lieu  à  part  (car 
il  veult  venir  à  Dangu),  où  nous  ferions  le  mesme 
sans  bruict.  Et  vostre  majesté  se  confie,  s'il  lui  plaist, 
que  la  chose  sera  bien  difficile,  pour  l'affection  que 
nous  apportons  à  vostre  service,  si  nous  ne  la  desmes- 
lons.  Vostre  majesté  commandera,  s'il  lui  plaist,  ung 
passeport  pour  ung,  que  ledict  sieur  de  Villeroy  des- 
pesche  vers  le  duc  de  Mayenne  ;  ung  aultre  pour  lui 
mesmes  pour  vingt  chevaul.K,  pour  aller  et  venir  où  il 
vouldra.  Toutesfois  ce  ne  sera  pas  loing,  car  nous 
avons  advisé  qu'il  ne  pouvoit  aller  pour  revenir  ici, 


270     LETTRE  ET  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 
sans  donner  trop  de  soupçon  à  l'Espaignol.  On  est  sur 
le  poinct  d'esclaircir  l'entreprise  de  ceste  ville,  qu'on 
dict  fort  grande. 

Sire,  je  supplie  le  Créateur  qu'il  doint  à  vostre  ma- 
jesté en  prospérité  longue  vie. 

De  Mantes,  le  4  avril  1692. 

Et  par  apostille  estait  esciit  :  Je  supplie  vostre  ma- 
jesté de  rendre  la  présente  despesche  au  porteur,  afin 
qu'elle  ne  s'esgare. 

L'expédient  proposé. 

«  Le  roy  promettra  son  instruction  dans  ung  temps 
prefix,  avec  désir  et  intention  de  s'unir  et  joindre  à 
l'Eglise  catholique ,  moyennant  ladicte  instruction 
faicte  comme  il  convient  à  sa  dignité. 

«  Aura  agréable  que  les  catholiques  qui  l'assistent 
envoyent  devers  le  pape,  pour  estre  assistés  de  son 
conseil  et  auctorité  pour  faciliter  et  effectuer  ladicte 
instruction,  comme  il  appartient. 

«  Et  cependant  sera  des  à  présent  advisé  secrette- 
ment  aulx  moyens  plus  propres  d'asseurer  la  relligion, 
et  les  particuliers  qui  ont  interest  à  la  cause ,  soit  pour 
en  user  après  la  conversion  ou  devant  icelle,  si  besoing 
estoit  pour  descharger  le  royaulme  du  faix  de  la  guerre 
par  une  surseance  d'armes  ou  aultrement.  » 

L'intention  est  que,  si  les  ennemis  approuvent  cest 
expédient,  on  arrestera  avec  M.  de  Villeroy  deux  sortes 
d'articles;  les  ungs  pour  avoir  lieu  avenant  la  conver- 
sion; les  aultres  avant  icelle.  En  quoi  il  fault  avoir 
ceste  dextérité  de  rendre  ceulx  ci  si  bons,  qu'ils  fassent 
négliger  ceulx  là ,  et  par   conséquent  moins  insister 


AU  ROY.  271 

sur  la  pretendeue  conversion;  car  ayant  levé  les  inte- 
rests,  et  contenté  les  désirs  particuliers,  le  prétexte 
qui  demeurera  tout  nud  n'aura  pas  grand  force  en  leur 
endroict;  et  peult  estre  sans  attendre  nouvelles  du 
pape,  ils  passeront  par  dessus,  ou  à  une  paix  ou  à  une 
longue  trefve,  qui  les  séparera  de  l'Espaignol. 

M.  de  La  Chastre  a  mandé  à  M.  de  Villeroy  qu'ils 
sont  tous  resoleus  de  traicter  avec  sa  majesté,  Cas  qu'ils 
ne  puissent,  choisiront  quelqu'ung  de  la  maison  de 
Bourbon,  mais  à  l'extrémité;  et  que  desjà  l'Espaignol 
se  relasche  de  la  dégradation  de  tous  les  princes  du 
sang.  Le  mesme  le  président  Jeannin.  J'ai  veu  de  quoi. 

On  les  a  retardés  sur  l'advis  du  pape,  qu'on  leur  a 
dict  estre  nécessaire  ;  et  sur  l'assemblée  des  députés 
des  provinces.  L'evesque  de  Plaisance  vient  avec  ceulx 
de  Rlieinis  et  aultres;  bandés  pour  l'Espaignol;  et 
craint  on  que  sa  veneue  n'altère. 

Les  séditieux  de  Paris  pressent  le  duc  de  Parme  de 
s'avancer  pour  fortifier  leur  faction;  lui  proposans  de 
se  déclarer  pour  l'infante  ,  et  y  convier  les  aultres 
villes  à  leur  imitation.  Madame  de  Montpensier  y  est 
contraire,  qu'ils  appellent  la  troisiesme  Izabelle,  M.  de 
Belin  aussi.  Madame  de  Guise  y  a  esté  rabrouée,  et 
mettra  de  l'eau  en  son  vin. 

M.  de  Mayenne  est  auctorisé  de  M.  de  Lorraine, 
M.  de  Mercure,  M.  de  Joyeuse  pour  la  paix.  M.  de 
Guise  mesmes  ne  parle  pas  aultrement;  mais  on  tasche 
de  nourrir  de  la  jalousie  entre  eulx. 

Rosne,  Sainct  Paul  et  Brissac  y  sont  contraires;  mais 
il  y  aura  moyen  de  faire  leur  condition ,  si  non  si 
grasse ,  au  moins  plus  seure. 

Taxis ,  le  plus  habile  homme  qu'ait  l'Espaignol  là , 
^'est  laissé  entendre ,  que  le  roy  d'Espaigne  se  iairroit 


l']l     LETTRE  ET  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS,  eic. 
bien  aller  à  la  paix  si  les  François  l'avoient  traicté  avec 
sa  majesté. 

Ils  tiennent  hors  de  difficulté  que  la  relligion  de- 
meure selon  les  edicts  de  conférences,  etc. 


XC.  —^  RESPONSE 
Des  estais  generaulx  au  baron  de  Rhejt. 

Ayans,  messeigneurs  les  estats  generaulx  des  Pro- 
vinces Unies  au  Pays  Bas  ,  entendeu  qu'il  avoit  pieu  à 
la  Romaine  impériale,  et  aussi  d'Hongrie  et  Bohesme 
majestés,  commettre  pour  ses  ambassadeurs  le  hault, 
illustre,  noble,  généreux,  très  sçavant  seigneur  Va- 
lentin,  comte  d'Issemburgs  ,  sieur  de  Grenfault ,  Si- 
mon, comte;  et  très  noble  sieur  A.  Lipp ,  Jean,  sieur 
d'Ende  et  A.  Peristain  ,  A.  T.  Sobischaulb ,  Peostintz 
et  Jentimiscbel  ,  Ro  Henry  de  Beylandt ,  baron  à 
Rheyt,  sieur  de  Brempt,  Tbiery  Hosten  de  Mespel- 
brun,  et  François  Philippe  Faust  Rey,  afin  d'advan- 
cer  envers  eulx  l'accord  d'une  assemblée  et  confé- 
rence pour  traicter  de  paix  avec  le  roy  d'Espaigne  à 
la  continuation  du  traicté  de  paix  teneu  à  Couloigne, 
l'an  1579;  à  la  poursuite  d'aulcuns  pacifiques  élec- 
teurs et  princes  de  deux  relligions,  et  ayant  esté  instam- 
ment requis  par  le  susdict  noble  baron  de  Rheyt,  en 
la  proposition  qu'il  a  faicte  en  l'assemblée  de  MM.  les 
estats  generaulx,  le  26  du  présent  mois  de  mars,  de 
pouvoir  faire  venir  les  susdicts  sieurs  ambassadeurs 
en  ces  provinces,  pour  entrer  en  ladicte  conférence; 
lesdicts  seigneurs  estats ,  après  meure  délibération  ,  sur 
ce  entreteneus ,    ont   sérieusement  et   en  toute  rêve- 


RESPONSE  DES  EST  ATS  GENERAULX,  etc.  27'} 
reuce  remercié  la  très  clémente  vollonté  de  l'impériale 
et  royale  majesté  envers  le  bien  et  la  considération  de 
ces  pays,  supplians  avec  respect  et  révérence  très  hum- 
blement sa  majesté  voulloir  croire  qu'ils  ne  désirent  rien 
plus  de  Dieu  tout  puissant  qu'une  fois  la  sanglante 
guerre  prenne  fin ,  qui  depuis  tant  d'années  par  lant 
divers  endroicts  de  la  chrestienté,  et  singulieremeiit  en 
France  et  en  aultres  pays,  a  esté  allumée  et  entiele- 
ncue  par  les  Espaignols  et  leurs  adherens,  et  encores 
présentement  avec  grande  diligence,  effusion  de  sano- 
se  contineue,  de  laquelle  ils  ont  aussi  suffisannnent  res- 
senti les  incommodités  et  difficultés,  et  journellement 
encores  ressentent,  et  de  laquelle  seulement  par  la 
puissante  main  de  Dieu  ,  en  reveillant  les  cœurs  des 
potentats  voisins  à  l'assistance  et  deffense  de  ces  pays, 
ils  ont  toujours  allendeu  et  encores  attendent  une  heu- 
reuse isseue,  avec  espérance  d'ung  tranquille  et  ferme 
estât,  auquel  pouiroit  estre  converti  la  misère  pré- 
sente, et  par  ainsi  toute  la  chrestienté  remise  et  main- 
teneueen  bon  repos,  tellement  qu'ils  se  tiendront  tous- 
jours  fort  obligés  à  sa  majesté  impériale  ,  de  sa  tant 
affectionnée  bonne  vollonté  et  resolution  en  ce  ref>ard 
et  ne  veuillent  doubter  que  sadicte  majesté  impériale 
ne  soit  meue  d'une  affection  paternelle  et  d'ung  cœur 
sincère  en  cedict  affaire;  mais  considerans  ce  qui  est 
surveneu  aulx  Pays  Bas  par  les  precedens  proposés 
traictés  de  paix  ,  et  ce  qui  se  présente  et  descouvre  à 
présent ,  ne  peuvent  comprendre  que,  du  costé  de  l'Es- 
paignol,  il  y  ait  aultrc  intention  que  celle  que  par  ci 
devant ,  avec  grande  tristesse  et  affliction  de  ces  pays 
à  estre  recogneus,  tant  en  la  première  entremise  de  la 
pacification  commencée  avec  monseigneur  le  prince 
d'Orange  ,    de    haulte   mémoire  ,   et  MM.   les    estais 

Mém.  Dr  DuPLESsrs-MoRNAT.  Tome  t.  1  8 


'2j![  RESPONSE  DES  ESTATS  GENER  AULX 
d'Hollande ,  Zeelande,  et  leurs  associés,  tant  de  l'an  ^4» 
qu'après  à  Breda,  en  l'an  yS,  qui  ont  esté  trouvées 
toutes  pleines  de  fraude ,  tellement  que  d'iceulx  n'est 
ensuivi  au  niesme  an  'y  5,  sinon  perte  de  plusieurs  villes 
et  forteresses ,  comme  le  traicté  avec  don  Jean ,  en 
l'an  iSy^,  a  esté  seulement  fondé  en  pure  fraude  et 
a  occasionné  une  ouverte  violation  de  la  pacification 
faicte  entre  les  Provinces  Unies  en  Tan  -76,  dont  s'en- 
suivit la  surprise  du  chasteau  et  ville  de  Namur,  item 
de  Charlemont ,  Marienburg,  avec  la  ruyne  et  subver- 
sion de  plusieurs  quartiers,  ensemble  de  plusieurs  villes , 
dont  est  ensuivi  une  «rande  effusion  de  sang  en  l'an  nS: 
depuis,  la  communication  projetée  par  le  baron  de 
Selles  a  mis  le  fondement  en  la  séparation  qu'ont  faicte 
les  provinces  wallonnes  des  aultres  Provinces  Unies , 
et  quant  au  traicté  en  la  ville  de  Couloigne ,  n'a  opéré 
aultre  cbose  que  l'entière  et  absoleue  défection  des- 
dictes provinces  wallonnes ,  comme  aussi  la  perte  de 
plusieurs  seigneurs  des  Pays  Bas;  il  est  aussi  plus  que 
notoire  combien  Fisseue  a  esté  triste  des  traictés  frau- 
duleux avec  les  villes  de  Gand ,  Bruges  et  aultres;  on 
sçait  aussi  à  quoi  a  tendeu  la  proposée  pacification  d'An- 
vers, 87,  88,  avec  sa  majesté  royale  d'Angleterre, 
pour,  soubs  prétexte  de  paix  ,  ruyner  entièrement 
et  conquérir  non  seulement  ces  provinces  unies  des. 
Pays  Bas,  et  les  bons  subjects  d'icelles,  mais  mesme  le 
royaulme  d'Angleterre,  ce  qui  a  esté  cogneu  à  tout  le 
monde  pour  la  grande  et  très  fameuse  armée  navale, 
audict  an  88 ,  envoyée  durant  mesme  le  parlement 
entre  Angleterre  et  les  députée  du  roy  d'Espaigne, 
qui  feut  cause  que  les  sieurs  eslats  generaidx,  pré- 
voyant tel  desseing  lorsque  le  précèdent  traicté  se  fai- 
soit,  ne  se  peurent  laisser  persuader  en  ce  traicté,  en- 


AU  BARON  DE   llHEYT.  0^5 

cores  qu'ils  en  feiissent  extresmement  sollicités,  ce  qui 
leur  feroit  d'autant  plus  craindre  d'y  entrer  présente- 
ment, veu  la  grande  et  véhémente  fraude  qui  feut  lors 
tant  apparente;  considérés  spécialement  qu'après  tant 
de  mauvaises  intentions  descouvertes,  on  n'a  peu  voir 
depuis  la  moindre  apparence  de  meilleure  intention  à 
l'endroict  de  l'Espaignol  et  leurs  adherens;  mais,  au 
contraire,  des  desseings  ressentant  de  plus  en  plus 
^  leur  tromperie  et  violences.  Il  est  notoire  à  tout  le 
monde  de  quelle  façon  les  Ligueurs  de  France  se  sont 
depuis  ce  temps  là  soubsteneus  et  fomentés  par  les  Es- 
paignols,  qu'ont  porté  envers  leur  feu  roy;  ayant  em- 
ployé toutes  espèces  d'indignités  contre  sa  majesté,  et 
sont  veneus  enfin  à  ceste  extresmité  de  le  faire  Irais- 
treusement  meurtrir  par  la  main  d'une  personne  ecclé- 
siastique. On  sçait  comme,  en  divers  quartiers  et  pro- 
vinces de  la  France,  les  Espaignols  et  leurs  adherens 
s'efforcent  à  se  rendre  maistres  des  places,  et  despouil- 
1er,  sans  aulcune  apparence  de  raison  ,  le  roy  à  présent 
régnant,  de  son  droict  héréditaire,  pour  après  establir 
sur  tous  royaulmes  et  pays  leur  monarchie  de  long 
temps  pretendeue;  de  cela  rendent  suffisamment  tes- 
moignage  les  voyages  de  l'an  90,  puis  91,  et  encores 
de  l'an  présent,  faicts  en  France  par  le  duc  de  Parme; 
les  forces  envoyées  à  mesme  fin  ,  et  encores  estant  en 
Bretaigne,  en  Languedoc  et  en  Provence,  affirment  de 
plus  en  plus  ces  mauvais  desseings  ; 

Aussi  donne  grandement  à  penser  à  MM.  les  estats 
que  justement  a  esté  faict  ouverture  de  ce  proposé 
traicté  en  l'an  90,  au  mois  d'octobre,  à  Francfort,  du 
temps  que  ledict  duc  de  Parme ,  avec  les  principales 
forces  du  Pays  Bas,  estoit  entré  en  France  afin  de  ruv- 


276  RESPONSE  DES  EST  AÏS  GENER  AULX 

ner  le  roy  présentement  régnant,  et  qu'après  son  re- 
tour la  negotiation  a  esté  différée  jusques  à  ce  qu'il  a 
esté  de  rechef  pris  en  fin  de  l'an  91  ,  pour  s'acheminer 
avec  semblables  forces  et  niesme  fin  vers  la  France , 
semblablement  donné  une  grande  arrière  pensée  aulx 
estais  que  ceste  proposée  tractation  de  paix  leur  survient 
au  heu  de  la  promesse  et  attendeue  exécution,  décernée 
par  les  principaulx  creytz  du  sainct  empire  romain , 
contre  le  roy  d'Espaigne  et  le  duc  de  l'empire;  à  quoi 
les  estats  se  sont  si  rondement ,  sincèrement  et  volon- 
tairement de  leur  part  acquittés  envers  ledict  sainct 
empire,  et  ne  manqueront  en  façon  quelconque,  en- 
cores  que  les  eslats  feussent  bien  informés  du  fraudu- 
leux concept  des  Espaignols,  et  ceci  par  les  propres 
lettres  dû  roy  d'Espaigne,  et  celles  de  son  privé  secré- 
taire Indiagues,  à  l'ambassadeur  d'Espaigne,  en  la  cour 
de  l'impériale  majesté,  don  Guillaume  de  Sainct  Clé- 
ment; en  oultre  ont  grandes  raisons  à  bien  procéder, 
ce  que  depuis  n'agueres  a  esté  décerné  de  la  part  du- 
dict  roy  d'Espaigne,  par  placets  publics  contre  l'an- 
cienne ville  impériale  d'Aix;  d'aultre  est  bien  à  consi- 
dérer ce  qui  s'est  passé  aulx  derniers  mois  sur  l'ordre 
du  gouvernement,  des  duchés  de  Juilliers,  Gleves,  et 
du  Mont  en  la  ville  de  Dusseldorf  ;  lesquels  sont  tels 
que,  à  ceste  heure,  plus  que  oncques  auparavant,  est 
révoquée  en  double  si  ledict  gouvernement  n'est  plus 
espaignol,  que  du  pays  mesmes;  toutes  lesquelles  choses 
on  sçait  estre  procedees  des  practiques  espaignoles  ; 
finalement ,  ne  peuvent  les  estats  oublier  les  tristes  et 
gricfves  procédures  ,  tant  anciennement  que  de  mé- 
moire d'homme,  plusieurs  fois  practiquees  en  France 
et  en  ces  pays ,  pris  de  la  maxime  romaine ,  quod  hœ~ 


AU  BARON  DE  RHEYT  277 

reticis  et  rebellibus ,  au  rang  desquels  les  inliabitans 
de  ces  pays;  mais  ,  grâces  à  Dieu,  sans  cause  sont 
représentés,  non  sit  servandicejîdes . 

Sur  quoi,  considéré  que  lesdicts  sieurs  estats  gène- 
raulx  (qui,  suivant  leur  serment  et  office,  par  devant 
le  Dieu  tout  puissant  et  tout  le  monde,  doibvent  respon- 
dre  du  debvoir  par  eulx  faict  au  maniement  et  con- 
servation desdictes  Provinces  Unies  et  des  bons  inba- 
bitans  d'icelles)  ne  peuvent  voir  aulcung  fruict  par 
l'ouverture  qui  se  feroit  pour  advancer  la  susdicte  pro- 
posée negotiation  ;  ains  au  contraire  beaucoup  d'in- 
conveniens,  tant  au  dedans  desdictes  provinces  qu'au 
debors  d'icelles,  pour  le  regard  de  la  royale  majesté 
d'Angleterre  (avec  laquelle  ils  sont  en  ceci  et  en  plu- 
sieurs aultres  respects  en  une  ferme  alliance),  ni  aussi 
pour  le  regard  de  la  royale  majesté  de  France  et  aultres 
potentats,  princes  et  republiques,  amis  et  confédérés 
de  la  commune  cause  chrestienne,  il  plaira  à  l'impériale 
majesté  (à  laquelle  lesdicts  sieurs  estats  portans  tous- 
jours  tout  bonneur  et  deu  respect  ,  demeureront  très 
bumblement  obligés),  trcs  benignement  et  en  bonne 
part  entendre,  que,  suivant  leur  escrit  à  sa  majesté, 
du  i*^"^  de  janvier  iSgr  ,  sur  le  mesme  proposé  traie  té 
pour  légitimer  de  très  urgentes  raisons,  ne  peuvent  se 
resouidre  entrer  en  aulcune  conférence  de  paix.  Re- 
querans  instamment  MiVI.  les  ambassadeurs ,  que  ces 
raisons  soient  représentées  au  mieulx  à  sa  majesté, 
et  singulièrement  le  debvoir  auquel  se  sont  mis  mes- 
sieurs les  estats  generaulx  de  decliar£;er  lesdicts  sieurs 
ambassadeurs  de  la  peine  de  venir  deçà;  et  à  icelle 
fin  incontinent  qu'ils  feurent  advertis  de  la  délibéra- 
tion de  leur  \eneue  en   ces   provinces  ,   par  aulcune 


278  RESPONSE  DES  ESTATS  GEWERAULX 

particulière ,  peu  de  jours  devant  ladicte  assemblée, 
et  escrivirent  auxdicts  sieurs  ambassadeurs  pour  cest 
effect.  Cependant  remercient  messieurs  les  estais  les 
susdicts  sieurs  ambassadeurs  en  gênerai  et  en  particu- 
lier, aussi  ledict  sieur  baron  de  Rbeyt  très  affection- 
nement  de  ce  qu'il  a  pieu  à  sa  seigneurie  s'employer 
aulx  affaires  de  ce  pays ,  ce  qu'ils  seront  prêts  de  recog- 
iioistre  en  tout  temps,  comme  bons  voisins  et  amis, 
envers  lesdicts  sieurs  ambassadeurs  en  gênerai ,  et  cha- 
cung  d'eulx  en  particulier. 

Il  leur  deplaist  grandement  que  ,  par  la  séparation 
de  leur  dernière  assemblée  (  laquelle  nécessairement  a 
falleu  faire  pour  advancer  es  Provinces  Unies ,  les  bonnes 
resolutions  et  attributions  à  la  deffense  desdicts  pays 
pour  ceste  année),  lesdicts  sieurs  ambassadeurs  n'ont 
peu  obtenir  réponse  si  prompte  qu'il  eust  esté  à  désirer, 
aussi  que  la  présente  assemblée  des  estats  n'a  peu  estre 
sitost  formée  comme  il  a  esté  concleu  et  désiré,  en 
partie  d'autant  que  les  estats  des  Provinces  Unies  pour 
la  j.onderosité  des  poincts  sur  lesquels  elle  se  debvoit 
tenii  ,  n'ont  peu  sitost  apporter  leurs  resolutions  ,  et 
en  partie  parce  que  la  situation  de  plusieurs  provinces 
est  telle  que,  spécialement  en  temps  d'biver,  par  les 
glaces,  tempestes  et  embarras  de  passages,  les  députés 
d'icelles  ne  peuvent  sitost  convenir  les  ungs  avec  les 
aultres ,  mais  sitost  que  l'assemblée  feut  formée,  l'au- 
dience feut  donnée  audict  sieur  baron  de  Piheyt,  le 
second  jour  après  qu'il  l'ait  désiré,  ayant  esté  toutes 
aultres  choses  postposees,  pour  donner  avec  toute 
diligence  et  le  plus  favorablement  que  se  pourroit 
donner,  response  audict  sieur  ambassadeur,  laquelle 
response  lesdicts  sieurs  estats  supplient  son  impériale- 


AU  BARON  DE  RIIEYT.  279 

majesté  de  recevoir  eu  toute  beuignité,  et  tenir  les 
affaires  de  ces  provinces  pour  le  service  de  toute  la 
chrestienté  en  très  bénigne  recommandation. 

Ainsi  faict  h  l'assemblée  desdicts  sieurs  estais  gene- 
raulx ,  à  La  Haye,  resoleu  le  8  d'apvril  iSga. 


XCÏ. —-^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  Dupîessis. 

Du  g  avril  iSga. 
Monsieur  ,  vous  ayant  bier  escrit  ce  que  j'avois 
appris ,  digne  de  vous  donner  advis  depuis  vostre  par- 
lement ,  je  feus  au  soir,  assés  tard ,  adverti  que  le  roy 
estoit  à  Jisors,  où  je  l'ai  esté  trouver  ce  matin,  pour 
le  saluer  seulement  et  recevoir  ses  commandemens.  Par 
mesme  moyen,  je  lui  ai  faict  entendre  ce  que  P.L  de 
Villeroy  m'avoit  escrit,  afin  que  désormais  les  affaires 
feussent  traictés  plus  secrètement;  mais  il  m'a  dict 
que  la  faulte  provenoit  plustost  de  ceulx  de  l'aultre  part 
que  de  deçà.  Je  vous  envoyé  ma  lettre ,  où  il  y  a  quel- 
ques cbiffres  pris  de  celui  que  vous  m'avés  donné. 
Vous  entendrés  comme  M.  de  Vitry  a  veu  sa  majesté, 
et  qu'il  a  emporté  ung  passeport  pour  M.  de  LaCbastre, 
qui  se  doibvent  rendre  demain  à  Pontoise,  où  sadicte 
majesté  m'a  commandé  de  me  trouver,  et  les  asseurer 
qu'elle  vous  envoyeroit  bientost  par  deçà,  où  elle  les 
prye  de  s'acbeminer  au  plustost  ;  à  quoi  je  tiendrai  la 
main.  Cependant,  je  renvoyé  le  passeport  qui  avoit 
esté  faict  par  ledict  sieur  de  Villeroy,  afin  d'en  des- 
pescber  ung  aultre.  L'espérance  de  vous  voir  bientost, 
monsieur,  me  gardera  de  la  faire  plus  longue,  pryant 
Dieu ,  etc. 


28o  LT'TTRE  DE  M    DE  FLEURY 

Et  plus  bas  :  Monsieur,  la  présente  escrite,  j'ai  receo 
encores  iing  mot  de  lettre  dudict  sieur  de  Villeroy,  qui 
me  mande  que  ce  jourd'hui  ledict  sirur  de  Casteinau 
partoit  avec  sa  despescîie,  où  il  m'asseuroit  n'avoir  rie» 
oublié  au  logis;  ayant  requis  que  ces  maistres,  qui  sont 
à  Beauvais ,  n'estoient  veneus  avant  le  partement  de 
îadicte  despesche  ;  mais  ils  s'estoient  arrestés ,  ayant 
esté  advertis  de  ce  qui  leur  avoit  esté  préparé  sur  le 
chemin.  Ce  que  lui  a  faict  aussi  advancer  Iadicte  des- 
pesche, le  bruict  qui  court  partout  que  son  fils  a  change 
de  cœur  avec  le  roy,  et  lui  a  promis  la  place  oii  il  est; 
ce  que  mesme  l'on  lui  escrivoit  de  Beauvais.  Au  sur- 
plus, il  m'envoye  une  lettre  de  M.  Vetuz,  pour  vous 
supplier,  suivant  icelle,  de  lui  faire  avoir  ung  passe- 
port ,  ou,  en  vostre  absence,  en  escrire  à  M.  de  Revol. 
Il  vous  plaira  donc,  monsieur,  y  pourvoir;  car  il  im- 
porte, ayant  eu  advis  qu'il  est  délibéré  ,  de  bien  faire 
pour  ce  que  c'est  l'intention  de  son  maistre. 


XCIT.  —^  LETTRE 

De  M.  le  duc  de  Bouillon  a  M.  Duplessis. 

Du  lo  avril  1592. 

Monsieur,  vous  ne  sçaurés  pas  grand  nouvelles;  et 
ci  nous  en  oyons  dire  beaucoup ,  les  ennemis  viennent. 
Nous  délibérons  et  résolvons  fort  peu,  Dieu  nous  doint 
la  paix!  c'est  le  seul  remède  à  nos  maulx.  Je  vous  prye 
que,  quoi  qu'il  arrive ,  conduire  la  chose  de  telle  façon 
que  l'on  ne  vous  puisse  rien  imputer;  car  il  y  en  a 
qui ,  pour  vostre  particuher  et  pour  la  profession  que 
vous  faictes,  seroient  bien  aise  de  traisner  ce  subject. 


A  M.  DITPLESSIS.  28  r 

Je  vous  suis  si  acquis,  qu'il  n'y  a  rien  qui  vous  soit  si 
acquis.  Je  vous  baise  les  mains.  C'est  vostrc  humble  ami 
à  vous  servir,  Henry  de  La.  Tour. 


XCIII.  —  ^  LETTRE 

De  M.  le  président  Jeannin  a  M.  de  Villeroy. 

Du  i3  avril  iSgz. 

Monsieur,  ayant  monseigneur  despesché  M. de  Cas- 
telnau  en  extresme  diligence,  et  deux  heures  après  qu'il 
est  arrivé  pour  chose  qui  importe  et  ne  peult  souffrir 
aulcune  remise,  nous  n'avons  eu  loisir  de  pouvoir  faire 
entièrement  deschiffrer  vostre  lettre ,  mais  seulement  d'y 
donner  demain  pour  tout  le  jour.  Il  la  verra,  considérera, 
et  envoyera  ung  homme  exprès  pour  faire  response.  Ce 
dont  je  vous  peulx  asseurer,  c'est  que  le  traicté  de  ce 
costé  est  remis  à  l'assemblée  prochaine  des  estais,  et 
qu'il  y  aura  loisir  de  prendre  conseil  sur  ce  que  man- 
dés. yV  quoi  monseigneur  est  fort  bien  disposé.  Et  pour 
moi,  j'y  apporterai  près  de  lui  tout  ce  que  sçaurés 
désirer  d'ung  homme  de  bien  affectionné  à  voir  la  fin 
de  nos  misères.  J'escris  ceste  à  la  haste  et  sans  chiffre; 
c'est  pourquoi  je  n'y  peulx  rien  adjouster  dadvantage, 
sinon  que  je  suis  vostre,  etc. 


252  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEPxOY 

XCIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  M.  de  Fleiuy. 

Du  i3  avril  iSqî. 

MoNSiKUP.  de  Castelnau  est  arrivé  ceste  après  disnee. 
Je  ne  rattendois  de  deux  jours.  Il  ne  m'apporte  aultre 
lettre  que  celle  que  je  vous  envoyé  ,  ni  aultre  créance, 
sinon  que  l'on  estoit  bien  aise  de  ce  que  j'avois  conduict 
les  affaires  au  poinct  auquel  elles  se  retrouvoient ,  et 
que  dedans  deux  jours  au  plus  tard  on  m'escriroit  plus 
nmplement  de  ce  que  j'aurois  à  faire.  M.  de  Mayenne , 
n'ayant  pas  trouvé  bon  que  ledict  sieur  de  Castelnau 
ait  laissé  sa  charge  pour  faire  ce  voyage ,  à  cause  que 
son  absence  engageroit  le  gouverneur  de  ceste  place 
de  ne  partir,  quoi  qui  surveint,  j'ai  eu  une  aultre  lettre 
du  président  Jeannin  du  to,  par  laquelle  il  me  mande 
que  le  traicté  des  Espaignols  est  pour  certain  remis  à 
la  teneue  des  cslats ,  qui  se  doibt  faire  au  1 5  de  mai  ; 
que  c'est  lui  qui  a  faict  ceste  offre,  qui  a  esté  fort 
combatteue ,  et  qu'il  a  faict  escrire  aulx  députés  ;  que 
le  cardinal  de  Plaisance  avoit  pris  à  Rheims,  et  ame- 
noit  en  l'armée  de  demeurer  à  Soissons,  et  de  ne  suivre 
Taultre.  M.  de  Villeroy  m'a  dict  n'avoir  jugé  à  propos 
ni  nécessaire  de  voir  le  sieur  Duplessis ,  sur  ce  qu'a 
rapporté  le  sieur  de  Chastelnau ,  mais  qu'il  se  rendra 
volontiers  à  Halincourt  pour  cest  effect ,  sitost  qu'il 
aura  la  response  de  M.  de  Mayenne  à  la  depesche 
portée  par  ledict  sieur  de  Castelnau,  si  elle  est  digne 
de  le  faire,  ne  jugeant  d'estre  fort  à  propos  d'advancer 
son   acheminement    audict  Halincourt  ,  ni  de  passer 


A  M.  DE  FLEURY.  283 

€este  rencontre,  si  ladicle  response  ne  le  mérite.  Toutes- 
fois  il  m'a  promis  qu'il  s'accommodera  en  cela  au  désir 
'du  sieur  Duplessis ,  sans  s'arrester  à  la  difficulté  du 
passeport  qui  lui  a  esté  envoyé,  auquel  il  est  faict 
mention  que  le  sieur  de  Villeroy  va  trouver  M.  de 
Mayenne,  et  pour  de  là  aller  où  bon  lui  semblera.  Je  n'ai 
«ncores  response.  Celui  que  demande  le  sieur  Duplessis 
pour  ce  que  l'on  n'a  eu  loisir  de  le  faire  en  si  peu  de 
temps  qu'a  esté  par  delà  le  sieur  de  Castelnau;  mais 
je  pense  que  celui  que  l'on  me  doibt  despescher  le 
m'apportera ,  m'en  ayant  esté  envoyé  ung  pour  M.  de 
La  Verrière ,  avec  la  lettre  susdicte ,  que  j'ai  receue 
par  ung  messager  à  pied  ;  et  depuis  que  l'on  ne  trouve 
pas  bon  d'advancer  le  voyage  de  Rome,  je  me  remettrai 
au  jugement  de  plus  aagés,  estimant  pour  mon  re- 
gard que ,  quoi  qui  succède ,  telle  despesche  faicte 
comme  il  convient  feroit  plus  de  bien  que  de  mal  aulx 
affaires  du  roy.  Quant  à  ceste  despesche  interceptée, 
ce  que  l'on  vous  en  advise  est  bien  vraisemblable, 
n'est  poinct  allé  où  le  frère  de  voslre  hoste. 
A  ce  faict,  je  vous  renvoyé  le  passeport  pour  M.  de 
La  Chastre,  pour  ce  qu'il  ne  peult  servir  de  rien,  et 
sçaurai  ce  que  je  vous  ai  dict  de  M.  Vêtus.  L'affaire  de 
Rouen  occupe  les  esprits  des  ungs  et  des  aultres  ;  de 
façon  que  l'on  y  pense  plus  qu'à  tout  aultre  chose.  C'est 
ce  que  je  vois  ;  et  ^ur  ce ,  prye,  etc. 


284  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURT,  eu. 


XCV. —-V"  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

Jl  M.  Duplessis. 

Du  i5  avril  1593. 
Pour  ce  qui  touche  le  cardinal  de  Plaisance  au  pré- 
cèdent voyage  que  je  feis  à  Pontoise ,  et  qui  feut  ung 
peu  après  le  passage  de  madame  de  Guise,  M.  de  Vil- 
leroy  me  dict  qu'il  avoit  veîi  une  lettre  dudict  cardinal 
à  ladicte  dame,  par  laquelle  il  lui  mandoit  comme  il 
faisoit  estât  de  s'acheminer  bientost  en  Farmee,  et  y 
mener  les  députés  qui  sont  à  Rheims,  pour  ne  destour- 
îier  et  n-e  faire  perdre  temps  à  ces  seigneurs  qui  y  sont 
de  se  rendre  audict  lieu;  mais  M.  de  Villeroy  jugea 
que  c'estoit  afin  qu'estant  lesdicls  députés  en  la  puis- 
sance du  duc  de  Parme,  Teut  à  sa  vollonté ,  dont  M.  de 
Villeroy  donnoit  advis  pour  y  pourvoir  et  mettre  J'as- 
semblee  à  Soissons,  ville  qui  est  du  tout  à  la  dévotion 
de  M.  de  Mayenne,  par  le  moyen  de  la  garnison.  Quant 
au  poinct  de  Roissieux ,  c'est  pour  ce  que  je  lui  man- 
dois  que  M.  des  Reaux  m'avoit  escrit  les  jours  passés 
que  le  bruict  estoit  par  delà  qu'il  estoit  allé  en  Espaigne  , 
et  que,  pendant  son  voyage,  l'on  voulloit  nous  amuser; 
neantmoins  l'on  ne  pouvoit  croire ,  etc. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  28: 


XCVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  M.  de  Fleiuj. 

Du  i5  avril  i5q2. 
Monsieur  ,  j'ai  1  eceu  ce  qu'il  vous  a  pieu  m'envoyer 
par  ce  porteur,  et  vous  renvoie  icelles  de  M.  de  Vilie- 
roy  et  M.  le  président  Jeaunin.  Je  crains  bien,  puisque 
le  sieur  de  Castelnau  est  de  retour,  que  la  response 
tarde  ,  à  faulte  de  solliciteurs.  Toutesfois  je  me  re- 
souds  de  l'attendre,  et  crois  que  par  le  soing  qu'ils  y 
apporteront,  nous  aurons  à  juger  s'ils  concourent 
d'affection  au  bien  du  royaulme  avec  nous.  Le  surplus 
me  semble  aller  bien,  et  y  vois  de  plus  en  plus  des 
traces  de  la  prudence  et  bonne  intention  de  M.  de  Vil- 
îeroy;  il  remarque  quelque  faulte  en  son  passeport, 
qui  est  veneu  de  Lomenie  qui  les  m'envoya,  de  la  main 
duquel  il  est  escrit;  mais  cela  ne  vault  de  retarder  ung 
si  bon  œuvre.  Quant  à  celui  de  M.  de  La  Chastre,  je 
vois  bien  qu'il  a  à  faire  ailleurs.  Nous  sommes  fort  re- 
soleus  à  la  despesche  de  Ptome,  et  bientost;  mais  il  est 
bon  que  sa  majesté  aye  response  de  nostrc  expédient, 
pour  y  conformer  les  instructions  ;  et  je  crois  que  M.  de 
Villeroy  est  bien  de  cest  advis.  C'est,  monsieur,  tout 
ce  que  je  vous  puis  dire,  sinon. 

Et  plus  bas  :  .Te  vous  prye  de  ramentevoir  mon  pas- 
seport; aussi  celui  que  j'ai  demandé  pour  ma  femme, 
avec  vingt  cbevaulx,  pour  venir  faire  nos  affaires  en 
nos  maisons  ,  pendant  que  je  m'occupe  ailleurs.  M.  de 
La  Verrière  en  avoit  ung  de  M.  de  Villeroy. 


z86  DESPESCHE  ENVOYEE  AU  ROY 

XCVII.  —^  DESPESCHE  ENVOYEE  AU  ROY 

Par  M.  Duplessis. 

Du  i5  avril  iSyî. 

Le  sieur  de  Castelnau,  que  M.  de  Villeroy  avoit  des- 
pesché  vers  M.  de  Mayenne,  pour  lui  proposer  l'expé- 
dient qui  avoit  esté  concerté  entre  nous,  et  approuvé 
de  sa  majesté,  revint  le  i3  de  ce  mois  au  soir,  deux 
jours  plutost  que  ledict  sieur  de  Villeroy  ne  Tattendoit. 

La  cause  est  que  le  duc  de  Mayenne  mande  tout  ce 
qu'il  peult  pour  le  secours  de  Rouen  ,  et  nommeement 
le  sieur  de  Halincourt,  avec  ce  qui  est  dans  Pontoise; 
et  craignant  que  l'absence  dudict  Castelnau,  pour  la 
charge  qu'il  y  a ,  ne  feut  cause  de  retenir  ledict  sieur 
de  Halincourt  à  Pontoise. 

Lequel  sieur  de  Halincourt,  soit  à  feinte  ou  à  bon 
escient,  se  mit  hier  au  hct,  et  ne  se  haste  pas  fort  d'y 
aller.  Il  appert,  quoi  qu'il  en  soit,  par  celles  du  sieur 
de  Villeroy,  qu'ils  se  résolvent  au  secours  de  Rouen  ,  et 
y  en  a  ung  qui  escrit  qu'ils  sont  renforcés  de  cinq  cens 
chevaulx  et  trois  mille  hommes  de  pied,  sans  spécifier 
d'où;  et  que  d'ailleurs  M.  de  Nemours  leur  amené  ung 
notable  secours;  signe  que  ceulx  de  Rouen  sont  pres- 
sés de  quelque  nécessité. 

Pour  la  negotiation,  le  sieur  de  Villeroy  m'a  envoyé 
l'original  de  la  lettre  que  lui  escrit  le  président  Jean- 
nin,  dont  i'envoye  copie;  m'adjouste  par  créance  que 
M.  de  Mayenne  lui  mande  qu'il  est  bien  aise  qu'il  aye 
acheminé  les  choses  à  ce  poinct;  que  le  traicté  d'Es- 
paigne  est  remis  au  i5  de  mai,  à  l'assemblée  des  estats; 


PAR  M.  DUPLESSIS.  287 

que  les  députés  de  Champaigne  et  aultres  provinces 
qui  estoient  à  Rheims,  et  que  le  cardinal  de  Plaisance 
pensoit  amener,  ont  commandement  de  M.  de  Mayenne 
de  ne  venir  poinct  avec  ledict  cardinal,  et  de  se  rendre 
à  Soissons,  où  se  doibt  tenir  ladicte  assemblée  audict 
jour,  sans  passer  plus  oultre ,  ayant  esté  descouverts 
qu'il  les  mesnageoit  pour  le  duc  de  Panne,  et  que  le- 
dict lieu  de  Soissons  a  esté  choisi,  parce  qu'il  est  du 
tout  à  la  dévotion  dudict  duc  de  Mayenne,  par  le 
moyen  de  la  garnison  qui  ne  despend  que  de  lui. 

M.  de  La  Chastre  a  renvoyé  son  passeport,  parce 
qu'il  va  à  Orléans  pour  y  mettre  ordre,  et  en  retirer 
les  deux  cens  cinquante  chevaulx  estrangers  que  le 
duc  de  Nemours  y  a  introduicts. 

Le  sieur  Duplessis  a  pensé  debvoir  attendre  la  des- 
pesche  promise  par  celles  du  président  Jeannin ,  et 
cependant  advertir  sa  majesté   de  ce  que  dessus. 

Ledict  sieur  de  Villeroy  escrit  qu'ils  sont  occupés 
au  secours  de  Rouen  plus  qu'à  tout  aultre  chose  ;  parce 
que  l'on  leur  remet  tousjours  cela  devant  les  yeulx,  et 
que  pour  ceste  mesme  cause,  M.  de  Guise  a  esté  rap- 
pelle, et  pourtant  sa  majesté  y  apportera  ce  qui  sera 
de  sa  prudence  pour,  s'entendant  à  la  paix,  ne  relascher 
rien  de  ce  qui  est  de  la  guerre. 


XCVIIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  NEVERS 

^  M.  Duplessis. 

Du  i5  avril  1592, 
M.  Duplessis,  j'ai  esté  bien  aise  d'entendre  le  bon 
acheminement  que  avés  donné  à  vostre  negotiation  , 


288  LETTRE  DE  M.  DE  NEVERS,  etc. 

lequel,  je  veulx  croire,  sera  embrassé  par  ceulx  qui  ai- 
meront le  bien.  Je  vous  conjure  d'y  apporter,  jusques 
à  la  fin  et  perfection  de  l'œuvre,  le  soin  et  dextérité 
qui  est  en  vous,  comme  le  besping  le  requiert;  ce  que 
je  veux  croire  que  ferés  :  et  pourtant  je  ne  vous  dirai 
dadvantage  ni  de  surplus,  parce  que  M.  de  Fleury  le 
vous  fera  entendre,  comme  je  l'en  ai  pryé  estant  sur 
mon  partement,  comme  je  suis,  dont,  après  m'estre  re- 
commandé de  toute  à  vostre  bonne  grâce,  je  supplie 
Dieu,  etc. 

Et  plus  bas  :  Je  vous  supplie  de  faire  aussi  entendre 
au  roy  ce  ([ue  vous  dira  M.  de  Fleury,  comme  je  lui 
avois  asseuré  de  faire,  m'asseurant  que  sa  majesté  sera 
fort  contente  de  ce  qu'avés  si  bien  projette  voir 
acheminé. 


XCIX.— LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

yï  M.  de  Beauvoir. 

Du  16  avril  1092. 

Monsieur,  depuis  mon  retour  d'Angleterre,  ou  j'ai 
esté  à  lacampaigne,  lorsque  nous  pensions  voir  le  duc 
de  Parme;  ou  j'ai  esté  employé  par  sa  majesté  hors 
de  sa  présence;  qui  m'a  faict  perdre  les  occasions  de 
vous  escrire  ;  et  encores  y  suis-je  aujourd'hui.  Joint 
que  j'ai  receu  toutes  vos  lettres  ensemble,  estans  ceul.x 
qui  les  recevoient  en  peine  de  les  m'adresser;  et  nai 
toutesfois  laissé  de  vous  escrire  de  ce  que  j'ai  pensé 
estre  à  propos ,  pour  vous  esclaircir  des  affaires  de 
deçà,  si  ce  n'est  que  n'ay es  receu  toutes  les  miennes;  ce 
qui  vous  pcult  estre advencu, comme  à  moi  des  vostres.. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc.  289 

Car  je  n'ai  receii  aulcunc  de  ces  copies  de  lettres,  dont 
me  faictes  mention  es  vostres;  à  savoir  de  M.  l'Admirai, 
^  du  gros  ami;  de  messieurs  du  Fresne,  de  Buzenval, 
de  Chasteauniarlin.  Aussi  peu  celles  de  M.  de  Stafford, 
en  recommendation  du  sieur  de  Grimeston ,  etc.  Et 
pourtant  vous  songerés,  s'il  vous  plaist,  pour  l'advenir, 
ce  quelles  peuvent  estre  deveneues.  Vous  vous  plaignes 
du  peu  d'accueil  faict  au  sieur  de  Grimeston.  Je  vous 
puis  dire  que  je  ne  l'ai  point  veu  depuis  le  premier 
jour;  et  ne  scais  à  qui  il  s'est  adressé  pour  estre  oui 
de  sa  majesté ,  car  il  ne  m'en  a  oncques  parle.  Si  scavés 
vous  qu  à  l'endroict  d'ung  prince  tant  occupé,  il  est 
besoin  de  chercher  les  opportunités,  et  avoir  qui  les 
observe.  Et  ne  suffit  de  (hre  que  l'affaire  se  ramentoit 
de  soi  mesme,  car  il.n'y  en  a  faulte  de  plusieurs  de  non 
moHuhe  prix,  qui  ont  besoing  d'estre  ramenteus  de 
mesmes.  Sur  vos  lettres  j'en  parlai  ces  jours  à  sa  ma- 
jesté, qui  me  dict  que  ce  n'estoit  que  sa  faulte;  mais 
qu'il  voulloit  estre  oui  à  ses  heures,  et  non  s'accom- 
moder à  ses  affaires.  Quant  à  moi  j'estime  que  ledict 
Grnneston  a  este  bien  aise  de  ne  presser  pas,  peult  estre 
par  ce  qu'il  n'apperçoit  si  grand  fondement  en  son 
affaire,  mesmes  depuis  l'intelligence  du  bois  de  Vin- 
cennes,  où  a  paru  fraischement  la  foi  de  la  Ligue.  Je 
loue  Dieu  qu'après  plusieurs  traverses  et  travaulx 
vous  ayes  faict  passer  les  Anglois ,  desquels  sa  majesté 
sera  bien  servie,  et  ne  seront  poinct  veneus  en  vain 
quoique  tard.  Car  je  vous  advise  de  certain  que  les 
ducs  de  Parme  et  de  Mayenne  rallient  toutes  leurs  forces 
autant  qu'ils  peuvent,  pour  donner  secours  à  Rouen 
qu  ils  sentent  pressé  de  la  longueur  de  nostre  sie^e  • 
dont  j'ai  donné  advis  à  sa  majesté  très  certain  depuis 
deux  jours,  sur  lequel  aussi  elle  recommande   toutes 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  loME  V.  j  g 


290  LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 

les  forces  de  Normandie,  Picardie  et  Isle  de  France. 
Et  quant  au  traicté  d'Espaigne,  par  lequel  le  duc  de 
Parme  deniandoit  que  l'infante  fust  couronnée  royne 
de  France,  à  condition  d'estre  mariée  à  ung  prince  de 
la  nation ,  et  que  tous  les  princes  du  sang  fussent  dé- 
clarés inhabiles  à  succéder,  attendeu  l'heresie,  ou 
faveur  d'icelle;les  choses  en  sont  veneues  là,  qu'ils  ont 
esté  sur  le  bord  de  ce  précipice  pour  faire  le  sault;  et 
par  vostre  prudence  vous  en  mesurés  assés  les  consé- 
quences ;  car,  moyennant  ce,  nous  avions  de  la  guerre 
pour  nous  et  les  nostres,  et  Testât  estoit  dissippé;  le 
roy  d'Espaigne  entretenant,  moyennant  ce,  une  armée 
au  duc  de  Mayenne ,  pour  laquelle  il  lui  fournissoit  tous 
les  mois  cent  cinquante  mille  escus  ;  et  pour  une  aultre 
à  M.  de  Guise  cinquante  mille  escus,  oultre  une  troi- 
ziesme  que  ledict  duc  de  Parme  eust  commandée  sur 
la  frontière,  de  laquelle  toutes  les  conquesles  eussent 
esté  directement  au  roy  d'Espaigne,  pour  asseurer  et 
estendre  sa  frontière  des  Pays  Bas.  Mais ,  grâces  à 
Dieu,  nous  avons  faict  appréhender  ceste  cheute  aulx 
plus  advisés  et  aulx  plus  grands;  et  a  esté  la  délibéra- 
tion de  cest  affaire  par  eulx  remise  à  la  teneue  de  leurs 
pretendeus  estats  à  Soissons  ,  au  quinziesme  de  mai,  au 
grand  desplaisir  des  Espaignols;  et  cependant  c'est  à 
nous  à  si  bien  negotier,  et  si  diligemment,  que  nous 
trouvions  expédient  de  mettre  ou  fin  ,  ou  relasche 
notable  à  nos  misères ,  dont  nous  commençons  à  espérer 
quelque  chose,  si  le  diable,  ou  le  destin  inévitable  de 
ce  royaulme,  ne  se  jette  entre  deux.  Nos  voisins, 
comme  vous  dictes,  en  entrent  en  jidousie.  Mais  qu'ils 
considèrent  lequel  leur  est  meilleur,  ou  que  nous  rete- 
nions nostre  paix  en  la  ehresliente,  conservant  nostre 
estât  j  pour  balancer  la  grandeur  d'Espaigne;  ou  que,  le 


A  M.  DE  BEAUVOIR.  291 

laissant  dissiper  et  faire  naufrage,  nous  lui  laissions 
emporter  et  enlever  de  sa  seule  pesanteur  tous  les  aul- 
tres  estats  voisins.  Qu'ils  regardent  aussi  que  le  roy 
d'Espaigne  faict  bien  plus  pour  nostre  ruyne  qu'eulx 
pour  nostre  conservation;  qu'il  laisse  toutes  choses 
pour  cela;  qu'il  n'y  perd  pasung  moment,  qu'il  appelle 
cela  ses  propres  affaires;  nu  lieu  que  nous  marchan- 
dons toutes  choses,  rendons  inutiles  nos  meilleurs 
offices  par  les  différer;  et  prenons  la  pluspart  du  temps 
au  pomt  d'honneur,  si  on  nous  dict  en  passant ,  et  bien 
modestement,  que  les  affaires  de  France  nous  touchent 
de  quelque  chose.  J'en  ai  conféré  avec  M.  l'ambassa- 
deur presque  en  mesmes  termes  en  ami ,  lequel  le  re- 
cognoist  et  n'y  trouve  point  d'interest  pour  la  royne, 
sa  souveraine,  au  contraire  de  l'advantage,  pourveu 
que  la  paix  ne  se  fasse  qu'avec  la  Ligue  de  France,  ou 
bien  si  on  traicte  avec  l'Espaignol  que  l'Angleterre  y 
soit  comprise.  Or,  quant  au  premier,  nous  n'en  sommes 
encoresveneus  si  avant,  et  ne  voulions  attacher  les  Fran- 
çois de  la  Ligue  et  les  Espaignols  en  mesme  negotia- 
tion;  au  contraire,  serons  bien  aises  de  les  distraire,  et 
de  reserver  un  exercice  à  nostre  nation  pour  chastier 
l'Espaigne.  Et  quant  au  second,  si  on  en  venoit  jamais 
là,  ce  que  je  vois  fort  esloingné,  ce  ne  seroit  jamais  sans 
y  comprendre  tous  les  voisins,  amis  et  alliés  qui  le 
desireroient.  Ce  que,  monsieur,  je  ne  vous  escris  pas 
pour  le  leur  dire,  mais  pour  le  garder  en  vostic  esprit, 
afin  de  le  mesnager  aulx  occasions ,  n'estant  raison- 
nable en  la  charge  que  vous  avés,  de  vous  laisser  en 
ténèbres.  De  ce  qu'ils  prennent  ombrage  de  M.  de 
Luxembourg,  ils  ont  esté  mal  advertis  ;  car  IVL  de  Vil- 
leroy  n'a  bougé  de  Pontoise,  il  y  a  plus  d'ung  an  ;  et  ce 


igi  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

qui  s'est  faict  avec  le  baron  dOssonville  a  esté  une 
negotialion  pour  la  libené  du  labourage,  et  quelque 
commerce  entre  les  deux  froniieres;  dont  toutesfois  il 
seroit  à  désirer  qu'il  peust  sortir  quelque  chose  de 
mieulx.  Du  fonds  de  la  uegotiation  que  j'ai  en  charge, 
je  vous  en  escrirai  plus  clairement  dans  six  jours  au 
plus  tard;  car  j'espère  y  voir  plus  clair  alors.  Mais  fiés 
vous  en  moi  qu'il  ne  s'y  fera  rien  de  mon  advis,  qui 
doive  offenser  les  gens  de  bien,  quelque  labyrinthe,  où 
nous  soyons,  et  quelques  précipices  que  nous  voyons; 
mais  bien  tout  ce  qui  se  pourra  pour  nous  mettre  en 
repos.  Les  affaires  en  Aragon  ne  sont  poinct  tellement 
composés  qu'il  ne  soit  très  aisé  d'y  Tailler  bien  de  la 
besogne  au  roy  d'Espaigne.  Car  la  citadelle  rpi'on 
bastit  à  Sarragosse  es!:  plustost  ung  signe  de  la  grande 
maladie,  qu'ung  suffisant  remède,  et  plustost  pour 
l'esmouvoir,  si  nous  estions  sages,  que  pour  la  purger. 
D'ailleurs  les  royaulmes  alliés  d'Aragon  s'en  rendent 
tant  plusmeffians;  mais  nous  avons  à  esleindre  nostre 
feu,  premier  que  de  l'allumer  ailleurs;  et  dcbvons  faire 
conscience  d'inciter  aulx  armes  ceulx  que  nous  ne  pou- 
vons enrores  aider.  Je  suis  marri  de  ce  que  j  entends 
par  vos  lettres  que  M.  le  grand  thresorier  ait  eu  prise 
avec  la  royne;  car  je  sçais  que  nul  ne  peult  emplir, 
et  ne  sçais  seulement  qui  peult  tenir  sa  place  ;  mais  je 
me  confie  que  cela  ne  durera  pas.  Ce  qui  est  plus 
fascl^eux,  est  que  ce  ait  esté  à  l'occasion  des  églises, 
vers  lesquelles  elle  ne  sera  pas  si  tost  rappointee  qu'avec 
lui.  Et  sur  ce  propos,  je  pense  que  vous  aurés  receu 
celles  que  je  vous  ai  adressées  pour  M.  l'evesque  de 
Bristo,  que  j'honore  fort  et  m'y  sens  obligé;  et  vous 
prye,  monsieur ,  dt^  me  mander,  non  s'il  les  a  receues, 
ou  si  elles  sont  veneues  en  vos  mains,  car  je  n'en  fais 


A  M.  DE  BEAUVOIR.  agi 

pas  doute,  mais  en  quelle  part,  pour  le  subject  dont 
est  question,  à  sçavoir  de  la  paix  des  églises,  etc. 


C— ^LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  M.  de  Fleurj. 

Du  16  ûTril  i5g2. 

MoTVSiFUR,  je  n'ai  encores  receu  la  response  que 
j'attends,  dont  je  suis  en  peine.  Ce  matin,  il  a  passé  ici 
ung  lacquais  de  M.  de  Grammont,  venant  de  l'armée, 
qui  du  commencement  m'a  voulleu  faire  croire  que 
M.  de  Garcroy  lui  avoit  osté  ung  pacquet,  que  M.  le 
président  Jeanniii  escrivoit  h  M.  de  Villeroy;  mais,  à 
la  fin,  ma  confessé  qu'il  avoit  lui  mesmes  deschiré 
ledict  pacquet,  craignant  d'en  estre  trouvé  chargé, 
d'autant  qu'il  marclioit  sans  j)asseport  :  mais,  comme 
je  lui  ai  dict,  il  ne  s'en  debvoit  donc  charger  quand 
il  est  parti  :  or,  je  n'en  sçais  pas  plus  que  cela.  J'ai 
soubdain  donné  advis  de  ce  que  dessus  à  M.  le  pré- 
sident Jeannin ,  en  ai  autant  dict  à  Lomenie ,  qui  est 
ici  veneu  pour  payer  la  rançon.  Tout  ceci  me  desplaist 
extresmement;  mais  je  n'y  puis  apporter  aultre  re- 
mède; je  vois  que  cependant  Ton  se  prépare  plus  à 
faire  la  guerre  que  la  paix;  chacung  mande  ses  forces. 
M.  de  La  Chastre  a  escrit  de  Paris  à  M.  de  Villeroy  ;  la 
paix  y  est  désirée  de  tout  le  monde,  voire  jusques 
à  ceulx  qui  y  souloient  estre  les  plus  contraires,  de 
quoy  il  a  advertiM.  le  président  Jeannin,  et  n'oublierai 
le  passeport  de  nostre  voisin,  tant  pour  lui  que  pour 
sa  femme.  Mon  fils  a  desjà  eu  trois  accès  de  fiebvre,  et 
a  pris  médecine  ce  jourd'hui  ;  il  a  ung  grand  mal  de 


294  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

cœur  qui  le  tourmente.  Toutes  fois ,  j'espère  qu'il  en 
sera  bientost  délivré.  Il  n'y  a  plus  d'Espaignols  à  Paris; 
ceulx  qui  aiment  la  paix  n'on  sont  marris.  Le  povre 
M.  de  Castelnau  n'a  bougé  du  lict  depuis  son  retour, 
et  se  porte,  je  vous  asseure,  très  mal  ;  je  vous  envoyé 
une  lettre  de  M.  le  président,  en  laquelle  vous  verres 
ce  qu'il  demande.  J'estime  qu'il  sera  à  propos  qu'il 
retourne  au  plus  tost  doù  il  est  veneu ,  car  vous  le 
coornoissés.  Il  désire  le  repos  en  homme  de  bien.  Mandés 
moi  ce  que  je  lui  respondrai,  et  me  tenés  pour  ce  que 
je  vous  suis ,  etc. 


CL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BOUILLON 

A  M.  Duplessis, 

Du  i6  avril  1692. 
Monsieur,  le  roy  a  veu  vostre  Mémoire,  et  m'a 
commandé  vous  dire  qu'il  est  aise  de  voir  que 
le  traicté  de  l'Espaignol  soit  remis  à  mai  ;  mais  le 
siège  de  Rouen  sera  fini  entre  ci,  et  la  paix  nous  est 
si  nécessaire,  que  toutes  choses  doibvent  devenir  justes 
qui  la  nous  peuvent  donner;  n'ayésesgard  aulx  calom- 
nies, et  ne  doubtés  que  Ton  n'y  espargnera  rien,  et  au 
particulier  et  sur  le  gênerai.  Le  duc  de  Parme  passe  la 
Seine,  et  le  roy  est  allé  à  Dieppe  pour  divers  subjects, 
mais  le  public  est  le  payement  des  reystres.  Le  com- 
mandeur est  tousjours  fort  mal.  Assurés  vous  n'avoir 
1  ien  au  monde  plus  acquis  que  vostre ,  etc. 


LETTRE  A  M.  DE  LA  FONTAINE.  295 


CIL —  ^LETTRE  A  M.  DE  LA  FONTAINE. 

De  Mantes,  le  16  avril  iStjT.. 
MoNSTFiTR,  ce  m'est  beaucoup  de  plaii>ir,  en  ces 
desplaisirs  publics,  de  recevoir  de  vos  lettres,  et 
vous  prye  de  continuer,  sans  regarder  si  je  suis  assés 
soigneux  de  respondre  à  toutes;  car  je  suis  souvent  dis- 
trnict  et  de  lieux  et  rKaffaires,  mais  non  jamais  d'af- 
fection en  voslre  endroict.  Je  loue  Dieu  que  les  Anglois 
sont  arrivés.  Ils  sont  les  bien  veneus ,  in  quacumque 
parte  litis  ,  mesnies  le  duc  de  Parme  au  se- 

cours de  Rouen,  comme  Ton  dict;  mais,  lorsque  nous 
les  demandions  avec  les  forces  qui  venoient  au  roy  de 
tous  costés,  nous  satisfaisions  au  siège  et  à  la  cam- 
paigne,  et  sortions  infailliblement  de  ces  affaires.  Celui 
qui  m'a  traversé  a  faict  tout  au  public ,  et  n'en 
doibt  ressentir  qu'autant  que  j'y  participe,  certes,  fort 
sensiblement;  mais  ce  que  j'y  ai  de  particulier,  c'est 
de  l'avoir  faict  par  le  moyen  que  m'escrivés,  dont  je 
m'offense  doublement  de  lui,  qui  a  veu  si  légèrement; 
et  adjoustés  qued'ung  pretendeumescontentement  par- 
ticulier a  voulleu  faire  une  ruyne  publicque.  J'en  ai 
parlé  à  M.  fambassadeur,  non  tant  que  la  chose  le 
meritoit,  mais  autant  que  j'ai  deu,  sans  nommer  per- 
sonne ,  et  tout  en  déclarant  que  je  suis  satisfaict, 
'^  quand  Dieu  est  servi  et  le  roi  secoureu;  que  je  ne 
suis  marri  d'en  avoir  esté  refusé ,  que  d'autant  que 
cela  m'oste  les  moyens  de  servir,  et  m'expose  au 
mespris  de  nos  catholiques.  Ceulx  qui ,  par  haine 
publicque  ou  particulière,  en  ont  esté  cause,  ne 
peuvent  pour  cela  changer  ni  mon  jugement,  iii  mon 


^>g6  LETTRE 

affection,  cognoissant  combien  importe  mutuellement 
l'intelligence  de  deux  estais,  et  y  désire  servir  de  ce 
peu  que  je  puis.  M.  de  est  arrivé,  avec  lequel 

je  n'ai  poinct  communiqué;  car  je  n'ai  séjourné  que 
deux  jours  à  Dernetal ,  et  aussi  je  ne  m'ingère  pas.  Mais 
sa  majesté  m'a  faict  cest  honneur  de  m'en  parler.  J'y 
apporterai  ce  qui  sera  en  moi;  mais  croyés  que  je 
commence  fort  à  me  lasser  de  voir  ung  roy  de  France 
traicter  en  Don  Antonio  ;  et  que  j'y  remédierai  si  je 
puis.  On  vous  a  parlé  de  la  paix;  Dieu  en  veuille 
bénir  la  negotiation.  Nos  gouverneurs  prmcipaulx  font 
la  Irefve  avec  leurs  voisins  chacung  à  part  soi,  et  lais- 
sent tomber  toute  la  guerre  sur  les  espaules  du  roy. 
Nos  ennemis  sont  prests  de  couronner  l'infaule  d"Es- 
paigne  royne  de  France;  la  marier  à  Tung  deulx.  et 
dégrader  tous  les  princes  du  sang.  Le  roy  d  Espaigne 
queste  tout  pour  courir  sur  nous;  espargne  par  tout, 
pour  prodiguer  contre  nous;  et  nos  voisins,  au  con- 
traire, tiennent  pour  perdeu  et  mal  employé  ce  qu'ils 
nous  baillent  ;  ne  le  font  jamais  que  hors  temps  et  avec 
courroux,  mespris  et  desdaing.  Jugés  si  nous  debvons 
désirer  une  paix,  si  nous  la  debvons  accepter,  voire 
bien  chèrement ,  pourveu  que  ce  ne  soit  aulx  despends 
de  la  gloire  de  Dieu.  Or,  je  ne  vous  en  ose  encores 
rien  promettre.  Ce  que  nous  avons  peu,  c'est  que  nous 
avons  retardé  la  conclusion  avec  TEspaignol;  et,  pen- 
dant ce  respit,  nous  traictons  :  mais  j'espère  qu'il  ne 
s'y  fera  rien  dont  les  gens  de  bien  s'offensent,  et 
beaucoup  de  choses  dont  ils  auront  contentement.  En 
attendant,  nous  avons  obteneu  en  court  lentrelene- 
ment  du  ministère  pour  ung  an;  en  conséquence  de 
nostre  Irefve  de  l'an  1689,  qui  nous  sera  ung  préjugé 
pour  l'advenir,  et  faict  expédier  instructions  très  ex- 


A  M    DE  LA  FONTAINE.  297 

presses  aulx  paileinens  pour  la  vérification  de  nostre 
edict.  M.  de  Bouillon  ,  niareschal  de  France,  ira  aussi 
faire  son  serment  en  parlement,  qui  fera  la  planche 
aulx  aultres  ,  non  sans  oppositions  ;  mais  que  l'auc- 
thorité  du  roy  s'en  irrite  ;  et  la  teneur  de  Tedict, 
comme  j'espère ,  surmonterons;  quant  à  vostre  affaire, 
je  vous  ai  f.iict  coucher  en  Testât  pour  huict  cens 
escus,  à  sçavou^  quattre  cens  de  l'an  1391 ,  et  (juatire 
cens  de  celle  ci  ,  et  dorénavant  y  seres  continue  et 
recommanderons  au  thresorier  de  la  maison  de  vous 
en  hailler  ses  provisions  sur  le  thresorier  gênerai  du 
Vendosmois,  auquel  nous  recommanderons  de  vous 
payer.  Mais  il  fiult  que  vous  choisissiez  quelqu'un^  de 
vos  amis  pour  l'en  solliciter,  auquel  vous  envoyrés 
vos  quittances  en  bonne  forme,  parce  que  je  n'v  suis 
pas  tousjours;  qui  est  cause  aussi  que  MM.  Lefort  et  Do- 
minique Boucher  n  ont  livré  les  expediens  e^ont  ils 
n'avoient  pryé.  Car,  quasid  j'en  ai  parle  au  secré- 
taire d'estat ,  il  est  besoing  que  quelqu'ung  les  en 
presse.  Du  reste,  je  vous  ai  autresfois  parlé  du  beaouig 
que  j'eus  d'avoir  ung  coadjuteur  à  M.  de  Spina.  Aussi 
de  mon  intention  de  dresser  ung  collègue  à  Saumur, 
où  il  y  ait  classes,  philosophe,  mathemalic:en  ,  théo- 
logien, et  en  poursuis  les  despesches;  si  j'avois  cest 
heur  de  vous  y  pouvoir  eslever,  je  m'estimerois  heu- 
reux; et  vous  prye  encores  ung  coup  d'y  penser.  Sinon 
je  vous  prye  de  me  donner  advis  de  quelque  personne 
capable;  et  nommeement  vostre  jugement  de  M.  Baron, 
tant  pour  professeur  que  pour  docte.  Aussi  faictes  moi 
,  part  de  vos  belles  méditations  sur  les  propos  que  nous 
tenions  n'agueres  ensemble.  Mais  c'est  asses  pour  ce 
coup  ;  et  sur  ce  ,  monsieur,  etc. 


298  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

cm. —  ^LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Diiplessis. 

Du  1 8  avril  1 692. 

Monsieur,  j'avois  hier  despesché  ung  lacquais  à  M.  de 
Villeroy  ,  estimant  qu'il  me  deust  ce  jourd  hui  rappor- 
ter response  de  ce  qu'il  attendoit ,  suivant  la  promesse 
que  le  président  Jeannin   lui  avoi>   faicie;   mais  vous 
verres   le  malheur  qui  e^t  adveneu  par  la  f'aulte  d  ung 
lacquais  de  M.  de  Grammont,  et  apprendrés,  parcelles 
que  je  vous  envoyé,  comme    choses  se  disposent  au 
bien  ,  moyennant  qu'elles  ne  sovent  einpeschees  par  le 
subject  du  secours  qui  se  prépare,  ou  quel(|ue  aultre 
mauvais  accident.  Il  ne  seroit  à  croire  que  M.  le  prési- 
dent Jeannin  eust  donné  despesches  si  importantes  à 
ung  lacquais  si  neuf,  sur  la  confiance  de  ce  qu'il  avoit 
ung  passeport.  Je  vous  monstrai  dernièrement  quelque 
mémoire  de  ceulx  que  l'on  demandoit  ;  toutesfois,  espé- 
rant que  vous  reviendriës  bientost  par  deçà ,  j  avois  re- 
mis de  vous  pryer  d'en  escrire  ;  le  roy  en  a  desjà  ung 
donné  à  M.  le  président  Le  Maistre ,  estant  à  ce  que 
j'entends  informé  de  sa  bonne  intention  au  bien;  mais 
à  cause  qu'il  y  a  quelque  rature  en  la  date,  doubte 
que  l'on  lui  en  fasse  difficulté.  En  vérité  de  ce  que  j'en 
ai  peu  apprendre  et  recognoistre,  il  ne  prétend  lesdict 
passeport,  sinon  que  pour  travailler  à  l'œuvre  qui   a 
esté  entrepris.  Partant,  il  vous  plaira,  monsieur,  lui 
faire  expédier,  et  avoir  au  plus  tost.  Je  vous  envoyé  sa 
lettre  avec  le  passeport  qu'il  a  faicl  dresser ,  et  dadvan- 


A  M.  DUPLESSIS.  299 

tage  ung  mémoire  qu'il  me  donna  escrit  de  sa  propre 
main,  qui  pourra  servir  d'obligation  de  sa  parolle  par 
mesme  moyen.  Vous  ad  viserez  si  vous  ferés  faire  les 
aultres  expéditions,  au  moing  celle  de  ville  Faillyes. 
Quanta  celle  du  sieur  Lallema?it ,  je  me  ressoubviens 
qu'il  me  dict  qu'il  lui  suffisoit  qu  estant  sa  despesche 
faicte  et  assurance  de  ce  qu'il  désire  ,  elle  fcust  mise  en 
ma  main,  ou  aulcung  personnage  pour  s'en  servir:  imis, 
après  selon  l'événement  des  affaires  ,  et  en  cas  que  sa 
majesté  cogneust  qu'il  eust  faict  son  debvoir,  qui  est, 
ce  me  semble,  une  condition  que  l'on  ne  doibt  refuser. 
Nous  eusmes  hier  advis ,  ainsi  que  vous  aurës  eu ,  que 
les  estrangers  de  la  garnison  de  Paris  avec  ceulx  de 
Ponloise ,  partirent  dudict  lieu,  et  dict  on  qu'ils  es- 
toient  environ  mille  huict  cens  hommes  de  pied  bien  ar- 
més et  bien  en  couche.  Avec  eulx  s'acliemina  la  cavalerie 
dudict  Pontoise,  conduicte  par  le  sieur  de  Sainct  Ger- 
main, qui  pouvoient  faire,  à  ce  qu'ils  disent ,  quattre 
vingts  chevaulx,  dont  une  bonne  partie  sont  arquebu- 
siers à  cheval.  Le  fils  de  M.  de  La  Chastre  estoit  desjà 
retourné  de  Paris  ,  et  partoit  aujourd'hui  dudict  Pon- 
toise. Ne  pouvant  vous  mander  meilleures  nouvelles , 
je  vous  escris  ce  que  j'apprends  de  ce  costé,  là  oîi  il 
ne  se  passera  jour  que  je  ne  me  desfrische  .  et  des  de- 
main au  retour  de  mon  lacquais.  Cependant  je  vous 
baise  humblement,  etc. 


3oo  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROï 

CIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY, 

J  M.  de  Fleur j. 

Du  i8  avril  iSgs. 

Monsieur  ,  je  n'ai  nouvelles  quelconques  de  M.  le 
président  Jeannin  ,  dont  je  l'ai  adverti  par  trois  lettres 
que  je  lui  ai  encores  escrites  depuis  trois  jours.  Vous 
avés  veu  l'original  de  sa  dernière,  apportée  par  M.  de 
Castelnau  ;  elle  justifie  assés  son  voyage  pour  ce  qui 
me  concerne.  Il  y  avoit  liuict  jours  que  mon  fils  avoit 
receu  commandement  de  marcher,  et  pour  ce  qu'il  ne 
se  hastoit  gueres  de  le  faire,  ce  feut  pourquoi  l'on  nous 
renvoya  sitost  ledict  sieur  de  Castelnau.  Là  dessus  mon-^ 
dict  fils  est  tombé  malade  de  la  fiebvre  double  tierce  , 
pour  laquelle  il  a  esté  seigné  ce  matin ,  et  toutesfois 
l'accès  l'a  reprit  sur  le  soir ,  mais  non  avec  la  violence 
des  precedens  ;  de  sorte  que  j'espère  qu'il  en  sera  bien- 
tost  deslivré  tout  à  faict,  et  vous  remercie  de  très 
bon  cœur  du  soin  que  vous  en  avés.  En  vérité  ceste 
précipitation,  dont  l'on  use  à  rapprocher  les  armes, 
me  donne  beaucoup  à  penser;  car  j'en  fais  pareil 
jugement  que  vous  ,  concluant  que  M.  de  Mayenne  est 
ung  très  mal  habile  homme  ;  car  il  est  certain  qu'il  en 
portera  seul  la  folle  enchère  de  quelque  costé  que  le 
vent  vente;  ceulx  qui  l'assistent  ont  grand  tort,  et 
fault  que  ceste  resolution  soit  née  du  retardtinent  du 
traicté  des  Espaignols,  pensant  advancer  par  ce  moyen 
leurs  affaires  ,  comme  il  y  a  apparence  qu'ils  feroicnt, 
s'ils  avoient  gaigné  une  bataille  ,  peult  estre  autant  au 
dommage  de  M.  de  Mayenne  et  de  ce  qui  en  despend 


A  M.  DE  FLEURY.  3or 

que  de  sa  majesté.  Or,  nous  tenons  ici  que  ceste  farce 
doict  estre  jouée  dedans  trois  jours  au  plus  tard  ;  de 
sorte  que  j'estime  qu  il  seroit  inutile  concerter  les 
moyens  d'y  remédier  pour  ce  qui  est  chose  qui  ne 
pourroil  plus  faire  à  temps,  et  dont  je  craindrois  que 
l'on  ne  feist  ;  car  où  est  le  duc  de  Parme,  estant  certain 
que  si  M.  de  Mayenne  eust  voulleu  rompre  le  coup,  que 
nous  lui  en  avions  assés  ouvert  le  chemin  par  le  troi- 
sième article  du  petit  mémoire  que  vous  sçavés  que  lui 
a  esté  envoyé,  sur  lequel  donc  je  prends  à  très  mau- 
vais signe  qu'il  ne  m'ait  encore  rien  faict  respondre  ,  et 
vous  asseure  que,  par  mes  dernières  ,  je  lui  en  ai  faict 
des  plainctes,  qui  retentiront  jusques  au  ciel  ;  mais 
aussi  c'est  tout  ce  que  je  vous  en  puis  mander  pour  le 
présent ,  et  s'il  fault  que  le  blasme  et  la  faulte  de  tout 
ceci  tombe  sur  mes  espaules,  qu'ai  je  ^  faire  aultre 
chose  qu'à  les  hausser ,  et  roider  contre  le  wial  pour 
n'y  succomber ,  fortifié  et  appuyé  de  la  sincérité  de 
ma  conscience?  c'est  ce  à  quoi  je  me  resouds ,  et  de 
ne  délaisser  ceste  poursuite  pour  chose  qui  m'arrive, 
en  particulier ,  tant  qu'il  me  restera  quelque  espérance  d'y 
pouvoir  proficter,  vous  promettant  de  vous  donner  ad- 
vis  de  ce  que  l'on  m'escrira  sitost  que  j'en  serai  es- 
clairci.  Quant  au  sieur  de  Castelnau,  il  est  tousjours 
très  mal.  Je  vous  envoyé  au  devant  ung  pacquet  de  la 
forest  de  De  Bure ,  oî^i  ils  se  plaignent  de  n'avoir  receu 
de  nos  lettres  il  y  a  long  temps  :  le  principal  est  que 
tout  s'y  porte  bien,  grâces  à  Dieu  ,  lequel  je  prye  Dieu 
vous  conserver ,  etc. 


302  LETTRE 


CV.  —  ^  LETTRE 

A  M.  de  Buzenval. 

De  Mantes,  du  18  avril  iSgi. 

Monsieur,  vous  aurés  receu  une  mienne  bien  ample 
pour  response  à  plusieurs  des  vostres,  escrite  en  ce 
mesme  lieu  de  Mantes,  où  je  suis  depuis  plus  d'ung 
mois,  sauf  ung  petit  tour  que  j'ai  donné  à  Dernetal  de 
trois  jours.  Le  subject  de  mon  partement  de  la  court, 
après  que  le  duc  de  Parme  feut  esloigné  de  nous ,  et 
l'apparence  ou  l'espérance  d'une  bataille  perdeue,  feut 
de  venir  faire  mes  partages;  lesquels,  ainsi  que  nous 
vivons  mon  frère  et  moi,  n'ont  eu  besoing  ni  de  longue 
consultation  entre  nous,  ni  de  l'entremise  d'anicungs 
arbitres.  Mais  l'estat ,  à  la  vérité  ,  où  je  voyois  les 
clioses ,  me  faisoit  désirer  de  sonder  les  moyens  d'une 
paix,  et  It's  personnes  dont  j'approcbois,  faisant  ce 
vovaoe,  me  sembloient  la  désirer.  De  là  est  adveneu 
que  M.  de  Villeroy  et  moi  nous  sommes  veus  ,  et 
avons  amené  les  choses  à  tel  poinct,  quam  eo  ipso 
teste,  et  judice  ;  si  elle  ne  se  faict ,  nos  ennemis  en 
ont  le  tort;  pour  le  où  le  roy  s'en  est  mis  en 

toutes  sortes ,  sans  préjudice  toutesfois  de  l'honneur 
de  Dieu,  et  de  sa  conscience.  Mais  peu  de  jours  nous 
esclairciront  de  leur  intention.  La  paix  de  soi  est  sou- 
haitable; car  le  masque  mesmes,  comme  vous  apper- 
ceves  où  vous  estes,  faict  courre  les  gens  après  soi; 
mais  à  nous  massacrer ,  pour  infinies  considérations 
nos  ennemis  sont  sur  le  poinct  de  couronner  l'infante  , 
la  marier  à  ung  prince  de  leur  maison,  dégrader  tous 


A  M.  DE  BFZENVAL.  3o3 

les  princes  du  sang.  Nos  catholiques  désirent  la  paix  à 
toutes  fins;  nous  blasment  qu'il  ne  tient  qu'au  roy; 
qu'à  l'appétit  d'une  opinion,  il  perd  Testât,  et  là  des- 
sus se  laissent  aller  l'ung  après  l'aultre  à  des  trefves 
particulières,  qui  s'en  vont  si  loing,  qu'ung  de  ces 
jours  le  roy  portera  la  guerre  tout  seul.  Monopoles  in- 
finis là  dessoubs,  qui  se  préparent  à  pis.  Nos  voisins, 
que  bien  cognoissés ,  ne  nous  secourent  que  hors 
temps  à  et  en  chagrin ,  pendant  que  le  roy 

d'Espaigne  quitte  tout  pour  courir  sur  nous,  se  re- 
tranche de  tout  pour  fournir  à  nos  ennemis,  estimant 
les  affaires  de  France  plus  siennes  que  les  siennes 
propres,  au  lieu  que  nosdicts  voisins  prennent  au 
poinct  d'honneur,  si  on  leur  dict  en  passant  qu'ils  y 
ayent  interest.  Ces  causes  nous  font  rechercher  par  les 
meilleures  voyes  de  parvenir  à  une  paix;  à  quoi  j'ad- 
jousterai  que  ce  corps  est  si  ,  si  malefecié  , 

que  tous  les  jours  il  y  survient  nouvelle  playe  ou 
nouvel  accident.  Une  qu'on  ne  sçait  qui 

deviendra  une  saillie  de  qui  déclare  la  guerre 

à  ceulx  de  Sainct  Jehan  ,  qui  passera  peult  estre  plus 
avant  :  et  plusieurs  maladies  ,  au  connnencement  symp- 
tomatiques,  s'y  rendent  sustentielles.  Choses  aisées  à 
remédier,  si  le  corps  d'ailleurs  estoit  sain  et  en  repos; 
très  dangereuse  et  de  difficile  curation,  en  Testât  où 
il  est.  Le  bien  donc  qui  nous  en  peult  venir  est  hors 
de  doubte.  Mais  il  fault  voir  qu'il  ne  tourne  à  mal  à 
nos  voisins.  Nous  traictons  avec  ceulx  de  la  Lisue  seu- 
lement ,  non  avec  TEspaignol  ,  qui  les  assiste;  au  con- 
traire, les  en  distrayons,  ipso  Jure,  et  les  en  rendons 
ennemis,  en  conséquence,  à  Tadvenir.  Je  tiens  donc 
que  cela  mesmes  ne  IcMir  peult  faire  que  du  bien,  veu 
qu'alors  nous  aurons  plus  de  moyen  d'assailhr  TEspai- 


3o4  LETTRE 

gnol  en  ses  propres  pays,  plus  de  les  secourir  contre 
lui;  veu  qu'alors  nous  lui  pourrons  in  ipsis  visceribus 
cure  tormina y  dont  il  se  présente  de  belles  occasions, 
et  en    Italie    et   en   Espaigne,   qu'en    Testât   ne    nous 
sommes,  nous  en  voulions,  debsous  ni  pouvons  em- 
ployer, pour  n'esmouvoir  inutilement  ce  que  nous  ne 
pouvons  suffisamment   purger.  Ce  que  je    pense   que 
vous  deves  sourdement  faire  entendre,  et  sans  esclat, 
si  on  vous  parle  de  ce  traicté  ;  car  si  cela  estoit  dict 
si  ban!t  que  IFspaignol  l'entendist ,   i!   nous   rendroit 
les  choses  plus  difficiles,  par  la  profusion  de  ses  de- 
niers. Touchant  ce  que  n/avés  escrit  de  Tambassadeur 
de  l'empereur,  qui  a  communiqué  avec  vous  ,  je  vous 
ai  respondeu  et  persiste  qu'il   fault,  comme  avés  bien 
commenté,  le  ramener  d'une  paix  particulière  des  Pays 
Bas,  suspecte   à  eulx  et  à   tous  Imirs  voisins,  à  une 
paix  générale  de  la  chrestienté  ,  utile  à  tous,  et  digne 
de  la  majesté  de  l'empereur  :  aultrement  qu'on  ne  pour- 
roit  interpréter  ceste  negotiation ,  quune  trefve  avec 
les  Pays  Bas;  tandis  qu'on  regneroit  à  loisir  et  à  plai- 
sir la  France  et  l'Angleterre;  car  quant  à  ce  qu'il  dict 
à  l'oreille,  de  la  prétention  de  l'empereur  sur  lesdicts 
pays,  le  roy   dEspaigne   est   plus   fin,  et    l'empereur 
moins  hardi;  que  cela  n'estant  la   façon  de  lung,  de 
rien  distraire  de  sa  maison  en  faveur  de  qui   que  ce 
soit ,  et  les  moyens  de  despendans  ;  car  ils 

font  pour  la  plus  part  de  la  libéralité  d'Kspaigne  Le 
mariage  de  Madame  avec  M.  le  comte  de  N.  me 
sembleroit  très  à  propos,  et  j'en  ai  parlé  mesme  au' 
roy.  Mais,  qiUd facial,  je  crains  que  nous  n'ayons  de 
preoccuppation  en  l'esprit ,  et  là  dessus  on  discourt  du 
voyage  du  comte  de  Soissons.  Toutesfois,  si  son  altesse 
vient  par  deçà,  nous  y  verrons  plus  clair.  De  l'aultre 


A  M.  DE  BLZENVAL.  3o5 

aussi ,  j'en  al  conféré  avec  ,  qui  ne  le  pense 

faisable,  ne  trouvant  peult  eslre  les  mœurs  et  façons 
sortables  à  nos  humeurs;  encores  que  les  louanges  que 
"VOUS  donnés  à  la  fille  ne  sont  pas  communes;  mais 
j'esperois ,  si  Dieu  nous  donnoit  la  paix ,  qu'on  y  pen- 
seroit  plus  sérieusement,  et  que  lors  toutes  choses  se- 
roient  considérées  selon  leur  prix  ;  hoc  statu  ; 

et  si  hœc  pax  reipublicœ  non  postretna  ;  lévite r 
prœtervolamus.  Je  viens  à  vos  affaires.  Ce  voyage  que 
j'ai  faict  à  Dernetal ,  je  les  ai  encores  remis  sus;  et 
M.  de  Revol  obteint  ung  jour  prefix,  pour  eslre  reso- 
leu  de  l'enlretenement  des  ambassadeurs.  M.  de  Bouil- 
lon ne  vous  y  manquera  poinct ,  et  je  lui  en  escrivis 
encores  hier.  Ratuiii  ^  que  vous  y  tiendrés  qualité  d'am- 
bassadeur, et  traicter  selon  icelle.  Saltem  ,  je  n'ai  veu 
personne  qui  en  doutast,  nisi  quid  oblique ,  interve- 
niat,  ce  que  je  ne  présuppose  pas.  La  difficulté  est  au 
recouvrement  des  moyens,  qui  tarissent  à  la  vérité  de 
plus  en  plus,  quand  les  nécessités,  qu'aulcungs  pré- 
tendent s'y  trouver,  n'y  seroient  poinct ,  je  verrai  à  mon 
prochain  retour  ce  qu'on  aura  faict.  Au  moins  si  rein- 
pnblicam y  commme  vous  dictes,  habitiiri  sumiis ;  ha- 
bebiinus  domum  ,  si  parern  ,  nous  establi- 

rons  vos  affaires  en  sorte  que  vous  ne  rentreriez  plus 
aulx  peines  passées.  Pour  l'ambassade  de  Levant ,  ung 
personnage  avoit  esté  nommé  ,  qui  advançoit  les  frais  ; 
duquel  je  vois  quelque  refroidissement.  M.  des  Reaux 
l'aisné  y  desireroit  aller;  si  on  les  lui  fournissoit,  qui 
l'eust  faict  dignement.  Je  n'ose  la  vous  conseiller  que 
je  n'en  veisse  le  fond  certain;  et  il  n'est  pas  aisé  à  veoir 
parce  qu'on  pense  que  l'ambassadeur  ou  pour  les  autres 
personnes,  il  n'y  fault  moins  de  trente  millions.  J'ai  mis 
en  mains  de  M.  de  Revol  l'expédient  des  tourbes,  pour 

Mém.  de  Dupjlessis-Moknay.  Tome  v.  20 


3o6  LETTRÉ 

en  fliire  rai'raischir  la  despesche.  Vous  ne  m'avés  en- 
voyé que  la  copie  non  signée  de  ce  que  le  personnage 
en  avoit  obteneu  du  feu  roy  Charles;  ores,  seroit  il 
besoing  de  l'avoir  authentique,  par  devant  notaires, 
pour  faire  foi;  aultrement,  il  nous  fauldra  vérifier  cela 
"par  le  tesmoignage  et  la  déclaration  de  celui  qui  feit  lors 
l'expédition,  qui  sera  incertitude  et  longueur.  Il  sera 
donc  bon  d'y  remédier,  si  vous  pouvés,  au  plustost; 
et  cependant  je  n'y  lairrai  perdre  temps,  y  trouvant  ■ 
beaucoup  d'apparente  utilité,  et  publicque ,  et  parti- 
culière. J'ai  addresséàM.  de  Bouillon  ung  jeune  homme 
de  bonne  maison ,  pour  instituer  le  fils  de  madame  de 
Prinass.  Il  a  très  bien  estudié,  et  n'a  rien  de  pedan- 
tesque.  Je  crains  seulement  qu'il  ne  veuille  pas  se  ra- 
vallcr  jusqu'à  l'enfance.  Je  le  lui  ai  dit ,  ce  dernier  voyage 
à  Dernetal.  Aussi  touchant  cest  estât  de  thresorier 
en  Languedoc ,  celui  qu'elle  me  recommandoit ,  me 
prya  de  ne  m'en  travailler  poinct  pour  ce  qu'il  y  estoit 
pourveu  ,  et  que  ce  seroit  perdre  le  temps.  Je  vois  que 
M.  le  mareschal  de  Biron  l'avoit  jà  obteneu  pour  ung 
des  siens.  Pour  le  passeport  que  demandés  pour  ung 
marchand,  vostre  ami,  j'en  ai  communiqué  avec  M.  de 
Kevol  ;  on  y  trouve  difficulté ,  parce  qu'en  la  forme 
qu'il  le  demande  ,  il  peult  couvrir  de  son  nom  et  de  sa 
marque  le  commerce  et  la  marchandise  de  tout  le 
monde;  et,  contre  ung  tel  et  si  grave  inconvé- 
nient, on  n'a  caution  que  sa  preudhommie,  que  vous 
scavés  qu'on  ne  reçoit  pas  volontiers  dans  les  con- 
seils des  princes,  à  cause  que  chacung  se  l'attribue, 
et  que  la  conséquence  en  seroit  trop  longue.  Je  verrai 
({uelle  modération  on  y  pourra  apporter,  et  de  son  » 
costé,  il  sera  bon  aussi  qu'il  y  advise.  Vous  1 

pour  vous  à  Dieppe.  La  ville  en  est  si  espuisee,  pour  les 


A  M.  DE  BUZENVAL.  3o7 

besoings  de  l'armée  et  de  la  maison  du  roy ,  que  je  n'y 
ai  pas  peu  trouver  ung  liard  pour  moi  mesmes,  encores 
que  j'y  aye  envoyé  Corbiniere  et  Belengre  trois  fois , 
avec  lettres  de  change  pour  toucher  pareille  somme 
à  La  Rochelle ,  où  j'avois  de  l'argent,  qu'il  me  fault  peu 
espérer  de  le  pouvoir  pour  vous,  pour  qui  j'en  ferai 
comme  pour  moi  mesmes.  Je  n'ai  encores  response  de 
M.  Flagrot  du  petit  affaire  dont  m'avés  escrit.  Je  vous  ai 
faict  response  pour  les  corselets,  que  je  desirerois  de 
ceulx  de  douze  florins ,  pourveu  qu'ils  soient  complets 
de  tout,  sauf  de  gantelets,  et  que  vous  les  pouvés 
asseurer  que  je  leur  en  payerai  cent  à  La  Rochelle, 
argent  comptant ,  s'ils  les  y  veullent  porter.  Aussi  je 
vous  remercie  de  ce  que  m'escrivés  des  pièces  pour 
Saulmur,  et  vous  prye  de  n'en  laisser  passer  l'occa- 
sion si  vous  l'y  voyés.  Je  vous  envoyé  des  lettres  de 
ma  femme.  Et  pour  la  fin  vous  dirai  que  M.  de  Bouillon, 
aujourd'hui  mareschal  de  France,  se  comporte  très 
dignement,  et  faict  taire,  par  son  mérite,  ceuk  qui 
detestoient  sa  relligion.  Sa  majesté  en  a  beaucoup 
de  contentement,  et  particulièrement  il  est  fort  vostre 
ami.  Ores,  monsieur,  etc. 

Le  duc  de  Mayenne  mande  tout  le  monde  pour  le 
secours  de  Rouen ,  en  danger  qu'il  ne  faille  lever  le 
siège  pour  aller  au  devant  d'eulx.  Sa  majesté,  de  son 
costé,  rappelle  tout  ce  qu'elle  peult;  car  la  pluspart 
de  la  noblesse  s'est  allée  rafraischir,  et  nonobstant 
conseils  des  moyens  de  ne  démordre  la  pioche,  si  en 
quelque  façon  il  est  possible 


3o8  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

CVl.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Fleurf. 

MojN SIEUR,  VOUS  aurés  veu  M.  de  La  Verrière  vostre 
frère.  Il  semble  que  le  destin  du  royaulme  nous  oblige 
à  ruyne ,  quelque  prudence  ou  affection  que  nous  puis- 
sions mettre  au  devant.  Vous  sçavés  combien  il  y  a  que 
je  suis  ici  ;  ce  que  j'attends  ,  et  pourquoi  je  suis  veneu. 
M.  de  La  Chastre  ne  s'est  trouvé  où  je  le  pensois  voir, 
et  a  ses  raisons.  Le  lacquais  maintenant  a  perdeu  le 
paquet.  Et  là  dessus  nous  nous  en  allons  au  combat. 
Voilà  donc  nos  labeurs  perdeus;  et  ne  m'en  reste,  dont 
Dieu  et  les  hommes  seront  tesmoings,  que  mes  dili- 
gences. J'attendrai  toutesfois  le  retour  de  M.  de  La 
Verrière.  Et  plus  oultre,  jugés  s'il  est  de  la  réputation 
de  sa  majesté ,  ni  mesme  de  la  mienne.  Pour  les  passe- 
ports ,  j'en  escrirai  à  sa  majesté  et  à  quelque  ami ,  pour 
les  solliciter.  Je  crains  que  M.  de  Villeroy  ne  soit  trompé 
en  son  affection ,  comme  moi  en  la  mienne.  Mais  si 
j'en  sors  à  ce  coup,  c'est  avec  protestation  de  ne  m'en 
mesler  jamais  ;  car  de  toutes  parts  on  me  mande  qu'on 
nous  trompe,  et  seul  j'opiniastre  pour  le  bien;  et 
seul ,  comme  j'estime ,  en  porterai  la  peine.  Je  vous 
plains;  et  toutesfois  me  plains  à  vous,  parce  que  c'est 
consolation  de  s'entreplaindre.  Et  sur  ce,  monsieur, 

je  salue,  etc. 

De  Mantes  ,  le  i8  avril  1692. 


LETTRE  DE  M.   DE  FLEURY,  etc.  ^09 


CVII.  —-V- LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Duplessis. 

Du  20  avril  iSga. 
Monsieur,  vous  me  faictes  beaucoup  d'honneur, 
et  me  consolés  par  le  tesmoignage  de  tant  de  bonne 
vollonté  et  d'asseurance  qu'il  vous  plaist  prendre  en 
ma  dévotion  ;  mais  si  ne  puis  je  que  je  ne  m'afflige  ex- 
tresmement  de  veoir  les  affaires  en  cest  estât ,  et  que 
lorsque  nous  nous  pensions  si  proches  du  port ,  nous 
soyons  à  présent  sur  le  poinct  de  faire  naufrage.  Je 
ne  veulx ,  monsieur,  m'engager  dadvantage  sur  sa 
foi  de  telles  gens  ;  mais  si  estimé  je  que  ce  sera  faict 
plus  prudemment  et  utiilement  de  veoir  quel  sera  le 
succès  de  leur  desseing  en  ceste  negotiation  ,  et  faire 
cognoistre  à  ung  chacung  leur  mauvaise  foi  et  meschan- 
ceté ,  ce  qui  ne  peult  plus  tarder,  et  que  l'on  ne  dé- 
couvre la  vérité  ;  et  vous  dirai  que  M.  de  Villeroy  est 
obligé  pour  son  honneur  d'y  mettre  tellement  la  main, 
ainsi  qu'il  m'a  promis  de  faire,  que  ses  actions  tesmoi- 
gneront  de  sa  sincérité.  Je  lui  ai  laissé  ung  lacquais  , 
afin  de  m'apporter  aujourd'hui  de  ses  nouvelles  telles 
qu'elles  soient.  Je  ne  fauldrai  de  vous  en  escrire  de- 
main ,  puisque  vous  estes  encores  demeuré ,  vous  sup- 
pliant m'honorer,  etc. 


3jO  lettre  de  m.  DUPLESSiS 


CVIII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Fleurj. 

Monsieur ,  M.  de  La  Verrière,  vostre  frère ,  prend  la 
peine  d'aller  trouver  le  roy,  pour  lui  dire  où  nous  en 
sommes.  Je  vois  bien  que  j'y  observe  mal  la  dignité 
de  sa  majesté,  veu  les  longueurs  oîi  l'on  le  tient  en 
une  cbose  que  l'on  debvoit  recevoir  à  bras  ouverts. 
Toutesfois  je  me  rends  encores  plus  à  l'utilité  de  son 
service.  Nous  verrons  ce  qu'il  me  commandera  ;  mais 
si  on  a  à  se  battre ,  vous  sçavés  où  mon  debvoir  m'ap- 
pelle; et  de  m'y  engager  après,  je  ne  le  ferai  sans  ung 
bien  évident  subject.  Je  vous  plains  plus  que  moi 
mesmes  ;  car  je  connois  vostre  affection.  On  nous  allè- 
gue le  secours  de  Rouen.  Nous  ne  nous  plaignons 
poinct  qu'ils  y  aillent  ;  ils  y  seront,  comme  j'espère, 
bien  recueillis  ;  mais  ils  ne  debvoient  pas  laisser  de  res- 
pondre,  fust  ce  à  la  veille  mesmes  d'une  bataille.  Dieu , 
qui  en  est  tesmoing,  jugera,, s'il  lui  plaist,  entre  les 
deux,  et  les  malédictions  du  peuple  seront  sur  qui  en 
poursuit  la  ruyne.  Or ,  monsieur  ,  je  salue  ,  etc. 

De  Mantes,  ce  20  avril  tSga. 


CIX.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roy. 

Sire,  il  y  a  trois  semaines  qu'il  pleut  à  vostre  ma-   ■ 
jesté  agréer  l'expédient  qui  avoit  esté  pris  avec  M.  de 
Yilleroy  sur  le  faict  de  la  relligion  ,  pour  vostre  per- 


AU  ROY.  3 1  I 

sonne.  Sur  quoi  ledict  sieur  despescha  vers  !e  duc  de 
Mayenne,  pour  le  lui  faire  approuver,  afin  de  passer 
plus  avant  au  traicté.  Le  sieur  de  Castelnau  fut  porteur 
de  sa  despesche ,  lequel  feut  redespesché  deux  heures 
après  pour  liaster  les  trouppes  de  Pontoise,  et  asseura 
M.  de  Villeroy  que  deux  jours  après  il  recevroit,  par 
homme  exprès,  response  de  tout  ce  qu'il  auroit  à  dire 
et  faire.  H  s'en  est  passé  plus  de  huict,  pendant  les- 
quels il  mande  qu'ung  lacquais  du  sieur  de  Grammont, 
à  qui  son  paquet  auroit  esté  haillé ,  l'a  déchiré ,  crai- 
gnant d'en  estre  trouvé  saisi  marchant  sans  passeport; 
et  depuis  ledict  sieur  de  Villeroy  n'a  aullres  nouvelles. 
J'adjouste  que  M.  de  La  Chastre ,  qui  avoit  promis  à 
vostre  niajesté  de  se  trouver  à  Halincourt,  n'en  a  rien 
faict.  Cela  me  faict  penser  que  ces  gens  veullent  voir 
l'événement  du  secours  de  Rouen  ,  pour  renchérir  leurs 
conditions,  s'il  réussit,  et  qu'ils  trompent  ledict  sieur 
de  Villeroy  le  premier,  lequel,  certes,  je  n'ai  poinct 
apperceu  y  procéder  de  mauvais  pied.  Toutesîois , 
sire,  comme  je  désire  avoir  esgard  à  la  dignité  de 
vostre  majesté,  en  ne  monstrant  de  rechercher  trop  la 
fin  de  ceste  negotiation,  aussi  ai  je  estimé  ne  dehvoir 
soubdainement  abandonner  l'utilité  de  son  service  ,  en 
la  laissant  du  tout,  tandis  qu'il  en  restera  quelque  es- 
poir. Oui  est  cause  que  j'ai  esté  fort  aise ,  que  M.  de 
La  Verrière  ait  voulleu  prendre  la  peine  d'aller  trouver 
vostre  majesté,  pour  lui  déduire  tout  ce  qui  s'y  est 
passé,  dont  il  est  tesmoing  oculaire,  et  pense  qu'il  est 
du  service  de  vostre  majesté  qu'il  soit  ouï  en  présence 
des  principaulx  de  vostre  conseil ,  afin  qu'on  cognoisse 
la  sincérité  de  vostre  majesté  en  la  poursuite  de  la  paix 
tant  désirée  de  tous,  et  qu'il  n'y  a  poinct  de  la  faulte 
de  ceulx  qu'il  a  pieu   à  vostre    majesté  y   employer. 


3i2  LETTRE  DE  M.  DlIPLESSIS,  etc. 

Entre  ci  et  son  retour ,  nous  verrons  ce  que  M.  de 
Villeroy  produira  ;  et  je  recevrai  les  commandemens  de 
vostre  majesté,  s'il  lui  plaist,  sur  ce  que  j'aurai  h  faire 
pour,les  effectuer  ,  sire  ,  comme  vostre,  etc. 

De  Mantes,  ce  20  avril  iSgi. 


ex.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 
A  M.  Du  pies  sis. 

Du  21  avril  1692. 
Monsieur,  il  n'y  a  personne,  à  mon  advis,  qui  ne 
juge  que  l'on  surpasse  en  ceste  negotiation  la  dignité 
quisedoibt  mesmcs  entre  princes  esgaulx,  si  n'estimés 
je  pour  cela  que  l'on  vous  en  blasme,  ni  le  roy;  la 
suffisance  de  l'ung  autant  cogneue  d'ung  chacung 
comme  la  grandeur  du  courage  en  l'aultre,  m'asseu- 
rant  qu'il  n'y  a  homme  de  bien  et  entendement  qui  , 
au  contraire,  ne  l'impute  à  très  grande  bonté  et  pru- 
dence d'avoir  postposé  ses  considérations  extérieures 
au  salut  de  tant  de  povres  peuples  et  à  la  juste  affection 
de  cest  estât.  Ces  actions  là  portent  coup ,  ce  me  semble  ; 
car  de  rby  à  roy,  ou  d'ung  prince  envers  ses  subjects 
pour  quelque  rébellion  particulière  dont  la  cliente  se 
peult  faire  sans  une  ruyne  entière,  vous  sçavés  trop 
bien  en  ces  cas  ce  qui  est  requis  pour  la  conservation 
de  la  grandeur  et  auctorité  du  niaistre  ;  mais  en  l'œu- 
vre qui  se  présente  je  pense  que  celui  qui  plus  y  ap- 
porte, plus  y  aura  de  mérite  et  de  gloire;  le  combat 
n'est  de  prééminences  entre  personnes  si  dissemblables; 
mais  c'est  ung  combat  d'honneur  de  faire  autant  de 
■bien  que  les  aultres  du  mal,  dont,  s'il  ne  reussist  le 


I 


LETTRE  DE  M.  DE  FLEUR  Y,  etc.  3i3 

fruict  que  l'on  a  désiré,  pour  le  moins  est  ce  ung 
grand  contentement  d  avoir  bien  faict;  si  espérés  je 
tant  de  la  grâce  de  Dieu,  qu'enfin  il  ne  rendra  vos 
labeurs  infructueux.  Tout  ce  que  Ton  pourroit  dire 
en  ce  faict  c'est  de  s'estre  laissé  si  long  temps  entre- 
tenir vainement ,  et  qu'en  ung  si  long  cours  de  nego- 
tiations  Ton  n'aye  recogneu  leurs  conseils.  Mais,  mon- 
sieur, personne  n'est  ignorant  de  ce  qui  leur  a  esté 
présenté,  et  combien  l'on  a  mis  peine  de  les  redresser 
ci  après,  tant  de  belles  parolles  et  sermens;  ils  man- 
quent maintenant  à  leur  foi  :  que  leur  en  deviendra  il? 
sinon  d'estre  desbonorés  dadvanlage  d'une  extresme 
perfidie ,  attirant  sur  eulx  l'ire  de  Dieu  et  la  baine  de 
ceulx  à  qui  ils  avoient  sillé  les  yeulx  par  leurs  artifices, 
ou,  au  contraire,  cela  animera  encores  plus  tous 
les  gens  de  bien  à  sacrifier  leur  vie  pour  leur  prince 
et  leur  patrie.  Sçavons,  monsieur,  que  les  violentes 
présomptions  de  leurs  comportemens  doibvent  donner 
le  jugement  que  vous  faictes  de  leur  intention  pour 
cela;  c'est  à  sçavoir  s'il  fault  abandonner  la  barque  et 
rompre  du  tout,  ou  ne  perdre  cœur  jusques  à  ce  que 
l'on  voye  toutes  cboscs  désespérées,  et  si  la  consi- 
dération du  bien  ne  peult  envers  eulx,  au  moins 
l'apprebension  du  mal  doibt  trouver  quelque  lieu.  A 
ce  que  j'entends,  il  y  a  en  leurs  conseils  deux  diverses 
qualités  de  personnes,  les  ungs  desjà  abandonnés  des 
médecins,  les  aultres  aulcunement  disposés  au  repos, 
le  trouvant  avec  commodité.  Quant  aux  vollonlés  des 
peuples  de  leur  parti,  il  est  certain  que  la  plus  grand 
part  maintenant  sont  à  la  paix ,  et  quasi  tous  ceulx 
qui  ne  sont  de  la  faction  espaignole,  d'autant  qu'ils 
ont  recogneu  que  le  secours  estranger,  par  lequel  ils 
«e    promettoient    d'estre    promptement    délivrés    des 


3l4  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

maulx  où  ils  se  voyent  plongés  ,  ne  sert  qu'à  les  y 
entretenir  dadvantage;  c'est  pourquoi  les  chefs  et  les 
partisans,  parce  qu'ils  prétendent  faire  en  ce  siège, 
est  de  faire  quelque  grand  effect  à  ceste  heure  que  sa 
majesté  n'a  pas  ses  meilleures  forces;  mais  quand  les 
ayant  rassemblées,  il  se  verra  qu'ils  n'auront  rien  ad- 
vancé,  je  crois  qu'ils  embrasseront  plus  la  paix  qu'ils  I 
n'auront  jamais  faict.  Sur  le  beau  rapport  de  ce  lac- 
quais,  qui  feut  jeudi  matin,  M.  de  Villeroy,  à  ce  qu'il 
me  dict,  escrivoit;  dont  il  attendoit  bientost  response; 
laquelle  receue,  si  elle  n'apporte  contentement  comme 
il  y  a  apparence,  j'estime  que  son  debvoir  et  honneur 
l'obligent  de  s'en  aller  trouver  M.  de  Mayenne,  et  lui 
faire  prendre  ceste  resolution,  que  cela  justifie  la  sin- 
cérité qu'il  a  apportée  en  ceste  negotiation;  aultrement 
je  le  tiens  ruyné  de  réputation,  et  le  premier  me 
plaindre  de  lui,  non  tant  pour  mon  regard  que  pour 
le  respect  de  ce  que  vous  vous  y  estes  engagé.  Le  sieur 
du  Gay  arriva  hier  de  Pontoise  ici  avec  le  sieur  de 
Lomenie.  Il  m'a  dict  que  partant  vendredi  d'Abbeville, 
M.  de  Mayenne  lui  donna  ung  mot  de  lettre,  et  le  chargea 
de  dire  à  M.  de  Villeroy,  qu'il  le  pryoit  sur  tous  les  plai- 
sirs qu'il  lui  sçauroit  jamais  faire,  de  l'aller  trouver 
pour  resouldre  avec  lui  de  ses  affaires;  car,  à  ce  qu'il  a 
peu  descouvrir,  il  est  combatteu  de  divers  conseils,  ayant 
par  delà  le  vicomte  de  Tavannes,  comme  les  aucteurs 
de  ceste  farine,  et  le  mal  est  que  le  comte  Charles  avec 
ses  forces ,  qu'il  pense  n'estre  de  six  à  sept  cens  che- 
vaulx,  et  deux  mille  hommes  de  pied,  apportent  quel- 
ques deniers  pour  distribuer  aulx  François ,  dont  ledict 
sieur  de  Mayenne  et  M.  de  Guise  estoient  en  très  grande 
nécessité-.  Ledict  du  Gay  n'a  apporté  aulcunes  lettres 
du  président  Jeannin  ,  pour  ce  qu'il  estoit  allé  trouver 


A  M.  DUPLESSIS.  3(5 

lors  madame  de  Guise.  Pour  son  faict  il  m'a  conté  que  le- 
dict  sieur  de  Tavannes  qu'il  ne  cognoissoit  aulcunement , 
lui  dict  que  s'il  voulloit  lui  donner  cinq  cens  escus , 
il  seroit  jugé  de  mauvaise  prise,  sinon  il  seroit  con- 
damné. Cela  feut  cause  que  ledict  sieur  de  Mayenne, 
encores  qu'il   veist   la  justice  de  sa  cause,  n'osa  leur 
contredire   au    conseil  ;  mais  puis  après  lui  a   donné 
une  descharge  avec  toutes  les  excuses  qu'il  est  pos- 
sible. Ce  que  je  vous  escris,  afin  de  juger  par  là  ores 
qu'il  eust  bonne   vollonté  en  l'affaire  qui  se  traicte  , 
il  ne  s'en  tirera  pas  si  quelques  ungs  ne  lui  font  tran- 
cher le  faulxbourg.   Vous  me  pardonnerés,  s'il  vous 
plaist,  monsieur,  si  j'abuse  de  vostre  patience  en  ceslc 
longue  et  ennuyeuse  lettre  ,  ce   que  je  n'eusse  entre- 
pris si  vous  eussiez  esté   à  la  court;  mais  l'honneur 
que  vous  me  faictes  de  me  permettre  de  me  plaindre 
avec   vous  en  ceste  cause ,  vous  suppliant  de  croire 
que  si  je  ne  puis  obtenir  d'eulx  dadvantage,  encores  que 
ma  voix  soit  bien  foible,   crierai  je  si  hault  que  l'on 
sçaura  comme  les  choses  se  sont  passées;  pryant  Dieu 
de  les  réduire  en  meilleur  sens  ,  et  vous  donner,  etc. 


CXI.  —  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  M.  de  Fleurj,  em'Ojee  et  communiquée  par  ledict 
sieur  de  Fleurj  à  M.  Duplessis. 

Vous  aurés  veu  du  Gay,  qui  vous  aura  dict  comme 
il  ne  m'a  apporté  aulcune  lettre  du  président  Jeannin, 
!    duquel  je  n'ai  depuis  voix,  ni  vent,  dont  je  suis  pic- 
qué  jusques  au  vif.  Cela  m'augmente  le  désir  de  son- 
ner ma  retraicte,  et  d'en  user  le  plustost  qu'il  me  sera 


3 1 6  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

possible.  C'est  pourquoi  je  vous  supplie  y  adviser ,  et 
me  faire  avoir  un  g  passeport  pour  aller  voir  ma  sœur  , 
et  ma  maison  pour  six  mois ,  en  attendant  que  l'on 
puisse  mieulx  faire.  Car  si  ces  gens  sont  resoleus  à  con- 
tinuer la  guerre ,  je  me  resouds  aussi  de  ne  demeurer 
plus  avec  eulx.  Je  l'ai  escrit  ainsi  ce  matin  au  chef  de 
ce  parti,  avec  mon  advis  sur  les  affaires;  mais  je  n'en 
attends  aucung  fruict,  puisqu'il  a  faict  si  peu  de 
compte  de  l'expédient  que  j'avois  proposé.  Je  vous 
envoyé  ung  paquet  de  vostre  maison  que  je  receus 
hier  au  soir,  et  prye  Dieu  qu'il  vous  conserve  en 
santé ,  me  recommandant  à  vostre  bonne  grâce. 

Du  22  avril  i5qi. 


CXII.  —  LETTRE  DE  M.  DES  REAUX 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur,  j'ai  receu  vos  lettres,  encores  que  vos 
gens  ne  feussent  ici ,  ayant  ouvert  vostre  paquet , 
lequel  j'ouvris  sur  l'asseurance  que  M.  de  La  Verrière 
me  donna ,  qu'il  y  en  avoit  pour  moi.  Je  ferai  distri- 
buer les  lettres  qui  y  estoient  conteneues  selon  que 
les  addresses  se  trouveront.  M.  de  La  Verrière  a  esté 
reteneu  par  le  roy,  nonobstant  toutes  exceptions,  voul- 
lant  qu'il  serve  à  la  bataille ,  à  laquelle  sa  majesté 
se  prépare  de  tous  poincts  quand  ses  forces  seront 
veneues,  et  ne  veult  ouïr  parler  d'aultre  chose.  Trou- 
vant neantraoins  très  bon  que  vous  usiés  de  vostre 
prudence  ,  non  moins  que  de  vostre  patience  ;  à  celle 
fin  de  donner  tousjours  le  tort  aulx  ennemis,  lesquels 
arrivèrent  hier  à  Rouen ,  et  se  sont  logés  au  dessous 


LETTRE  DE  M.  DES  REAUX,  etc.  3i7 

de  la  ville  vers  le  deux;  c'est  à  dire  pesle  mesle,  la 
A'ille  entre  deux.  Nous  croyons  qu'ils  feront  diligence 
pour  n'en  venir  à  la  meslee.  MM.  de  Longueville , 
d'Huniieres  et  force  aultres  doibvent  arriver  aujour- 
d'hui, niesmes  M.  de  Rubempré.  Si  les  aultres  pro- 
vinces voisines  font  pareille  diligence,  je  pense  que 
nous  les  verrons,  niesmes  s'il  va  à  Caudebec,  où  M.  de 
La  Garde  est  en  resolution  d'y  bien  faire.  Peult  estre 
qu'après  ceci  il  y  aura  plus  de  volonté  et  de  moyen  de 
traicter.  C'est  pourquoi  il  est  très  à  propos,  s'il  est 
possible,  que  la  rupture  vienne  d'eulx.  Bien  souvent 
l'on  se  veult  mocquer  que  l'on  est  contrainct  de  fiire 
à  bon  escient.  Excusés  moi  je  vous  prye  de  plus;  car 
je  m'endors,  ayant  esté  toute  nuict  en  garde  avec  le 
roy.  Sur  ce,  monsieur,  je  prye  Dieu  vous  conserver 
en  ses  sainctes  grâces.  Vostre  plus  affectionné  serviteur. 

Des  Re\ux. 
A  Gouny,  le  22  avril  1692. 


CXIIL  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roy. 

Sire,  je  partois  aujourd'hui  avec  ceulx  qui  vont 
trouver  vostre  majesté,  sans  celle  que  MM.  de  La  Ver- 
rière et  des  Reaux  m'ont  escrit ,  que  vostre  majesté  voul- 
loit  que  je  patientasse  jusques  à  une  response  de  M.  de 
Villeroy,  pour  n'estre  blasmé  de  la  rupture  de  la  ne- 
gotiation.  J'interprète  cela  à  quattre  jours  au  plus , 
pendant  lesquels  je  me  promets  que  je  ne  perdrai 
l'occasion  de  me  trouver  à  poinct  nommé  près  de 
vostre  majesté ,  puis  qu'elle  attend  quelques  forces. 


3r8  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Et  pour  ce  M.  de  Fleury  m'estant  veneu  voir  ici, 
nous  avons  pris  advis  que  M.  de  Villeroy  debvoit  des- 
pescher  demain  matin  homme  exprès  pour  avoir  res- 
ponse,  qui  sera  ici  dimanche.  Peult  estre  qu'ils  auront 
voulleu  se  contenter  d'une  vanité;  car  ainsi  appelle  je 
le  secours  pretendeu  de  Rouen ,  s'ils  ne  font  aultre 
chose;  ne  pouvant  y  mettre  des  vivres  par  eau ,  tandis 
que  vos  vaisseaux  y  demeurent,  ni  par  terre  du  pays 
circonvoisin ,  pays  ruyné,  ni  du  lointaing  sans  temps, 
péril  et  peine.  Quoi  qu'il  en  soit,  j'advertirai  vostre 
majesté  de  tout,  soit  présent,  soit  par  lettres;  mais 
présent  si  je  n'y  vois  ung  bien  évident  subject.  Il  est 
certain  que  vostre  ennemi  ne  craint,  sinon  que  vostre 
majesté  ne  résolve  à  patienter ,  parce  qu'il  n'y  peult 
vivre.  Certain  aussi  que  le  duc  de  Mayenne  ne  pré- 
tend secourir  Rouen  suffisamment,  quoi  qu'il  y  fasse; 
et  voit  bien  qu'au  mieulx  aller  d'une  contineue  ils  tom- 
beront,  comme  Paris,  en  une  ectique.  Or,  sire,  elc. 

De  Mantes,  ce  23  avril  i5g2. 


CXIV.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  des  Reaiiœ. 

Du  aS  avril  iSga. 

Monsieur,  vous  prenés  l'action,  et  me  laissés  à  la 
passion  ;  car  ainsi  dois  je  appeler  ma  patience  ;  nuée 
sans  eau ,  qui  en  terre  si  stérile  ne  peult  produire  beau-  \ 
coup  de  fruict.  Mais  je  la  borne  dans  quattre  jours,  en 
dedans  desquels  aussi  M.  de  Villeroy  aura  response 
d'une  vive  recharge  qu'il  faict  aujourd'hui ,  pour 
asseurer  ou  désespérer  cest  affaire.  En  cest  exil ,  faictes 


A  M.  DES  RE  AUX.  319 

moi  part  de  vos  nouvelles,  et  ne  soyés  tant  assourdi 
de  vostre  salade,  que  vous  n'escoutiés,  si  on  vous  le 
demande,  quelque  propos  de  paix,  que  Dieu  doint 
certes  ;  car  les  hommes  n'y  peuvent  plus  gueres.  Je  le 
supplie,  monsieur,  etc. 

Et  par  apostille  estait  escîit  :  Vous  ne  me  mandés 
poinct  ce  qu'a  dict  ou  faict  Chevallerie,  qui  promettoit 
ici  merveilles. 


CXV.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 
A  M.  de  La  Verrière. 

Du  23  avril  i5q2. 
Monsieur  ,  j'ai  receu  les  vostres.  Vous  avés  pris  le 
meilleur  parti,  la  bataille;  et  me  laissés  une  nego- 
tiation  stérile.  Toutesfois,  si  sa  majesté  l'a  agréable, 
je  patiente ,  sauf  à  borner  ma  patience  en  dedans  quattre 
jours,  pendant  lesquels  M.  de  Villeroy  aura  response 
d'une  despesche  qu'il  faict  aujourd'hui  vers  M.  de 
Mayenne.  Et  je  me  promets,  puis  que  sa  majesté  attend 
ses  forces,  qu'en  temporisant  la  paix  je  ne  perdrai  les 
occasions  de  la  guerre.  Or,  monsieur,  etc. 


CXVl.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Villeroy. 

Du  24  avril  1692. 
Monsieur,  je  laisse  à  M.  de  La  Verrière  à  vous  es- 
crire  des  nouvelles.  Sa  majesté  m'escrit,  et  trouve  bon 
que  j'attende  une  response  ,  encores  qu'elle  a  de  grands 


320  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

ombrages  de  ceste  negotiation.  M.  de  Bassompierre 
a  mandé  au  président  de  Rouen  que  ceulx  s'abusent, 
qui  pensent  negotier  la  paix,  si  le  roy  ne  se  faict  ca- 
tholique. M.  de  Guise  a  veu  M.  de  Humieres,  et  lui  a 
dict  qu'il  faull  qu'aultres  personnes  s'en  meslent  que 
les  sieurs  de  La  Chastre  et  de  Villeroy  ;  et  qu'il  est 
besoing  que  les  Espaignols  parlent.  Le  pis  est  que 
plusieurs  lettres  ont  esté  prises  de  M.  de  Mayenne  es- 
crivant  aux  villes,  qu'il  a  recherché  les  moyens  d'avoir 
la  paix  avec  le  roy  de  Navarre,  mais  qu'il  n'y  a  voulleu 
entendre.  En  quoi,  oultre  la  mauvaise  foi,  paroist  la 
mauvaise  intention.  Sa  majesté  en  est  justement  of- 
fensée; et  toutes  fois  me  commande  encores  patience, 
que  je  mesurerai  à  la  response  que  nous  attendons. 
Quelque. despesche  de  M.  de  Villeroy  escrivant  en  l'ar- 
mée ennemie  a  esté  prise  et  portée  au  roy,  lequel  l'a 
envoyée  à  M.  le  président  Jeannin.  Il  n'y  a  poinct  de 
mal  qu'il  soit  adverti  de  ce  que  dessus.  J'espère,  veu 
les  forces  qui  fondent  au  roy  de  tous  costés,  qu'au 
premier  jour  V Hosanna  sera  changé  en  la  passion. 
Que  Dieu  doint,  etc. 


CXVIT. —  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  M.  de  Fleury  y  envoyée  et  communiquée  par  ledict 
sieur  de  Fleuij  à  M.  Duplessis. 

Monsieur,  j'ai  bien  considéré  tout  ce  que  vous 
m'avés  escrit.  Quant  à  moi ,  je  dis  que  M.  de  Mayenne 
doibt  embrasser  la  paix  à  mains  joinctes  ,  et  que  s'il  ne 
le  faict  il  en  maudira  l'heure.  La  Chevallerie  ne  m'a 
rien  dict  digne  d'estre  escrit ,  et  crois  que  M.  de  Guise 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  Sat 

U  parlé  à  M.  d'Hiiniieres  comnie  il  l'entend.  Vous  sçavés 
ce  que  je  sçais  de  l'intention  de  M.  de  Mayenne,  car 
vous  avés  veu  tout  ce  que  l'on  m'a  escrit,  et  ne  vous 
ai  rien  caché.  Mais  il  me  semble  que  l'on  me  feroit  tort, 
si  l'on  voulloit  se  prendre  à  moi  de  ce  qui  en  succé- 
dera. Vous  sçavés  ce  que  j'en  ait  dict,  comme  a  faict 
M.  de  La  Verrière.  Et  toutesfois  il  semble  par  les  mots 
de  sa  lettre,  que  vous  avés  notés,  qu'il  ait  promis  ou 
espéré  plus  que  je  ne  lui  ai  promis  pour  ce  regard. 
Si  ces  messieurs  ,  qui  ont  pris  et  veu  mes  lettres, 
m'eussent  envoyé  demander  mon  chiffre  pour  les  mieulx 
entendre,  je  leur  eusse  envoyé  très  volontiers;  car  je 
ii'escris  rien  de  contraire  à  ce  que  je  leur  dis,  et  vous 
mande  tous  les  jours  sur  ce  faict  là.  Je  vous  prye  de  le 
croire  ainsi  ;  et  que  je  fais  ce  que  je  dois  et  ce  que  je 
puis  pour  la  paix;  ce  que  je  continuerai  jusques  au 
bout  ;  n'ayant  receu  de  la  part  de  Halincourt  aulcune 
lettre  ni  advis  depuis  la  réception  de  celle  qui  m'a  esté 
apportée  par  M.  de  Castelnau.  Au  reste,  je  trouve  fort 
estrange  que  M.  de  Mayenne  ait  escrit  aulx  villes  de 
son  parti  que  le  roy  ne  veult  poinct  la  paix,  car 
il  n'a  poinct  d'occasion  de  le  faire.  Et  si  je  pense  que 
c'est  chose  qui  ne  lui  peult  servir,  que  de  mander 
qu'il  l'en  ait  recherché.  Je  m'arreste  plus  à  la  lettre  de 
Bassompierre,  pour  ce  qu'elle  est  conforme  à  ce  que 
vous  sçavés  que  l'on  m'a  tousjours  mandé  de  la  con- 
version du  roy,  estimant  et  colligeant  de  là  que  peult 
estre  l'on  voudra  s'arrester  à  ce  poinct  là,  dont  nous 
serons  esclarcis  par  la  première  lettre  que  nous  rece- 
vrons d'Halincourt.  Je  vous  envoyé  le  passeport  que 
demande  M.  de  La  Verrière  de  ce  gouverneur,  mais  je 
le  supplie  aussi  qu'il  n'en  soit  abusé.  Je  n'ai  veu  le 
Mémoire  de  ceulx  que  demande  M.  Duplessis ,  que  vous 

MlÏM.   r>F.  DUPLESSIS-MORHAY.    ToJTF.  V.  m  j 


?yxi  LETTRE  DE  M  DE  VILLEROY,  etc. 

me  mandés  par  une  de  vos  lettres  que  vous  m'envoyés, 
et  désirés  que  je  vous  renvoyé.  Il  fault  que  vous  l'ayés 
oublié.  J'en  ai  escrit  suivant  ce  que  vous  m'avés  ci  de- 
vant mandé,  et  mesme  par  nostre  dernier  trompette. 
Au  demeurant,  je  vous  jure  n'avoir  aucung  advis  du 
succès  de  l'affaire  de  M.  le  comte  de  Soissons,  dont  si 
j'apprends  quelque  chose  je  vous  ferai  part,  comme  je 
vous  prye  me  faire  de  ce  qui  succédera.  Pryant  Dieu 
qu'il  vous  conserve  en  bonté  santé. 

Du  25  avril  ib^i. 


CXVIII.  —  ^  LETTRE 

A  M.  de  Bouillon. 

Du  2 5  avril  \5c)i. 
Monsieur  ,  puisque  sa  majesté  le  me  commande  et 
selon  vostre  advis,  je  patiente  encores,  mesurant  tou- 
tesfois  ma  patience  à  quattre  jours,  qui  nous  appor- 
teront response  si  on  a  envie  ou  non  de  bien  faire, 
et  ne  vous  puis  celer  que  beaucoup  de  choses  me 
donnent  ombrage  ;  mais  j'estime  qu'es  affaires  de  telle 
importance,  il  ne  fault  pas  tout  voir,  parce  que  qui 
s'arresteroit  à  tout  ce  qui  justement  peult  troubler 
un^  esprit  de  souspçon,  n'en  viendroit  jamais  au  bout, 
tant  y  a  de  gens  qui  traversent  le  bien ,  et  sont  aises 
de  semer  des  espines  sur  les  chemins  qui  y  semblent 
mener.  Au  moins  je  me  repose  sur  l'honneur  que  me 
faictes  de  m'aimer,  que,  s'il  se  présente  occasion  qui 
mérite,  vous  ne  me  lairiez  pas  ici  parlementer  en  vain, 
et  vous  supplie  très  humblement  de  vous  en  souvenir. 
M.  Le  Grand  n'a  poinct  occasion  de  se  plaindre  de 
moi;  j'ai  escrit  au  roy  selon  la  fidélité  que  je  lui  doibs; 


LETTRE  A  M.   DE  BOUILLO?;.  'il 3 

que  personne  véritable  m'a  dict  que  lui  avoit 

dict  qu'ung  seigneuravoit  escrit  à  madame  la  princesse 
de  Condé ,  qu'elle  faisoit  bien  de  continuer  le  desseing 
qu'elle  avoit,  et  que  quand  monseigneur  le  comte  son 
fils  seroit  marié ,  le  roy  Thonoreroit ,  estant  le  naturel 
de  tous  les  princes  de  faire  cas  des  baultes  entreprises 
et  aultres  choses;  à  ce  propos  je  n'ai  point  nommé 
M.  Le  Grand;  je  ne  sçais  qui  l'a  interprète  ainsi ,  bien 
que  je  n'en  ai  parlé  à  personne,  ains  escrit  au  roy  seul, 
et  h  cela  le  cognoistrés  vous  que  je  ne  vous  en  ai  rien 
mandé,  cequ'apres  le  roy  j'eusse  faict  plus  premièrement 
qu'à  quelconque  aultre  ;  cela  me  fera  plus  retenir  une 
aultre  fois.  Cependant,  monsieur,  je  vous  suis  obligé 
de  la  peine  que  vous  prenez  de  m'advertir.  J'abuse  de 
vostre  occupation  et  de  mon  loisir  à  vous  faire  ceste 
plus  longue.  Mon  frère  n'a  point  receu  commande- 
ment de  marcher,  dont  il  est  ung  peu  picqué  ,  et  lui 
semble  sa  majesté  mandant  les  compagnies  de  ces  quar- 
tiers où  il  a  charge,  qu'il  debvoit  avoir  receu  comman- 
dement de  les  mener  ou  faire  acheminer.  Nous  sommes, 
monsieur,  vos  très  humbles,  etc. 


CXIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  Duplessis. 

Du  25  avril  î  5q2. 

Monsieur,  je  vous  avofs  hier  escrit,  quand  je  receus 
les  lettres,  celles  de  M.  de  La  Verrière.  Jai ,  ce  matin, 
donné  advis  de  tout  à  M.  de  Vilkroy  attendant  dans 
cejourd'hui  la  response  que  je  vous  ferai  certain  et 
demain  de  bonne  heure,  de  ce  qu'il  m'apprendra  dad- 


324  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

vantage;  mais  à  mon  opinion  qu'il  me  dira  de  plus  près 
ce  que  j'escris  audict  sieur  de  La  Verrière ,  et  qu'enfin 
j'en  sçaurai  autant  quasi  que  lui,  ne  m'ayant  rien  dé- 
guisé; ains  faicte  beau  ses  principales  despeclies,  les- 
quelles, comme  je  vous  ai  représenté,  ne  sont  poinct 
déclarations  de  bouche  faictes  particulièrement  pour 
lui  dire;  car,  oultre  ce  qu'il  en  a  entendu  de  M.  de 
Mayenne,  son  fils  lui  a  directement  rapporté,  M.  de  La 
Chastre  confirmé  et  dadvantage  tant  de  lettres  du  pré- 
sident Jeannin,  avec  asseurance  et  sermens ,  et  lettres 
mesmesde  lui ,  pour  non  seulement  tesmoignage,  mais 
gage  de  sa  volonté ,  se  faisant  encores  autant  ou  plus 
de  fondement  sur  la  considération  de  son  humeur  et 
Testât  de  ces  affaires ,  de  sorte  qu'à  mon  advis ,  quand 
il  seroit  trompé ,  celui  qui  sçaura  comme  les  choses 
sont  passées,  jugera  qu'il  a  eu  plus  de  raison  de  l'estre 
que  d'en  croire  aultrement.  Je  ne  puis  que  dire,  sinon 
qu'ils  seront  abandonnés  de  Dieu ,  pour  sa  ruyne  et  la 
nostre.  Je  le  supplie  neantmoins  qu'il  les  veuille  mieulx 
disposer  pour  la  conservation  de  ce  pauvre  estât  dont 
il  a  eu  tousjours  soin ,  et  qu'il  vous  donne ,  mon- 
sieur, etc. 


GXX.  — -^  LETTRE  DE  M.  DE  FLEURY 

A  M.  Duplessis. 

Du  25  avril  i5g2. 

MoiNSiEUii,  je  vous  envoyé  la  response  de  M.  de 
Villeroy,  conforme  en  aulcung  poinct  à  ce  que  je  m'en 
estois  représenté;  vous  verres  comme  il  trouve  estrange 
ce  que  vous  nous  mandés  avoir  esté  esciit  aulx  villes. 


I 


I 


A  M.  DUPLESSIS.  32  5 

Le  retour  du  trompette  qui  a  esté  despesché  avec  mon 
homme,  à  mon  advis,  nous  esclaircira  de  leur  inten- 
tion pour  y  prendre  le  conseil  qu'il  conviendra;  mais, 
ainsi  que  je  vous  ai  mandé,  il  est  impossible  qu'il  soit 
de  retour  au  temps  que  nous  avions  projette ,  encores 
que  l'on  y  use  de  toute  la  diligence  que  l'on  sçauroit 
désirer,  comme  il  me  promet  que  l'on  fera;  mais  ce- 
pendant je  ne  pouvois  penser  que  ledict  sieur  de  Yil- 
leroy  n'eust  response  à  aulcunes  de  ces  lettres  si  pre- 
gnantes  encores ,  que  la  resolution  de  cet  expédient 
leur  faict  difficile  ,  et  que  pour  Testât  de  leurs  affaires 
ils  rougissent  s'excuser  de  ne  pouvoir  sitost  qu'ils 
avoient  promis  à  y  respondre  ,  si  ne  pouvoit  il  moins 
que  d'en  advertir,  et,  monsieur,  en  ce  malheur,  il 
vaut  mieulx  que  la  faulte  soit  de  leur  costé  que  du 
nostre.  Dieu  nous  donne  la  grâce  qu'ils  veuillent  repa- 
rer, monsieur,  après,  etc. 


CXXI.  —  LETTRE  DU  ROY 
A  M.  Duplessis. 

MoKSiKUR  Duplessis,  vous  avez  bien  faict  de  de- 
meurer, et  ne  laisser  l'advantage  aulx  aultres  de  dire 
que  nous  avons  rompeu  les  premiers;  ce  que  je  serai 
bien  aise  que  vous  ne  fassiés  encores  tant  que  vous 
verres  quelque  lieu  de  plus  longue  attente.  Je  partis 
hier  de  nostre  logis  d'au  deçà  du  Pont  de  l'Arche,  et 
vins  coucher  en  ce  lieu  ,  en  intention  d'estre  bien  tost 
près  des  ennemis  ,  lesquels  sont  devant  Caudebec  ;, 
qu'ils  n'avoient  point  commencé  encores  hier  de  battre 
qu'aux  deffenses.  J'ai  chassé  en  passant  des  gens  qu'ils 


3i6  LETTRE  DU  ROY 

•ivoieiit  laissé  à  Martiiiville  el  clans  ce  chasteau.  Je 
prye  Dieu  qu'il  vous  ait,  monsieur  Duplessis,  en  sa 
saincte  garde.  Escrit  au  camp  de  Fontaines  de  Bourg, 
le  uô*^  jour  d'avril  iSga.  Signé  Hei^ry  ^ 

Et  plus  bas  ,  Revol. 

Et  ici  y  es  Mémoires  de  M.  Duplessis ,  est  escrit  par 
apostille  ce  qui  ensuit  : 

Est  à  noter  qu'après  que  M.  Duplessis  eust  ache- 
miné la  negotiation  de  la  paix  si  avant,  que,  sur  le 
rapport  qu'il  en  feit  au  roy  à  Gisors,  lui  et  M.  de 
E.evol  eurent  commandement  du  roy  en  plein  conseil , 
d'en  dresser  l'edict.  Ceux  qui  voyoient  qu'elle  se  con- 
cleuroit  sans  que  le  roy  feust  o^jligé  de  changer  de 
relligion  ,-  prirent  occasion  pour  la  rompre  de  le  faire 
cjivoyer  à  Quillebœuf,  pour  en  tirer  le  sieur  Dufai, 
qui  s'en  estoit  saisi;  dont,  et  de  la  conséquence  de 
ceste  rupture,  il  protesta  au  roy. 

M.  de  Villeroy  se  plainct  en  ses  Mémoires  que 
M.  Duplessis  divulgua  tout  le  secret  de  leur  negotia- 
tion en  présence  du  roy,  et  de  plusieurs  de  son  conseil 
àBuhy;  sur  quoi  semble  à  propos  de  remarquer  en  ce 
lieu:  1°.  que  ledict  sieur  de  Villeroy  ne  dict  poinct 
avoir  aultre  certitude  de  cela  ,  sinon  qu'on  le  lui  escri- 
voit  ainsi  de  la  court;  2".  oî^i  il  dict  avoir  remarqué 
que  ceulx  avec  qui  il  conféra,  estoient  jaloux  de  ce 
que  le  sieur  Duplessis  avoit  seul  negotié  ce  faict  ;  que 
M.  le  mareschal  de  Biron  ,  notamment,  avoit  faict  dire 
h  M.  le  président  Jeannin  ,  que  chacungse  scandalisoit 
de  ce  qu'on  faisoit  traicter  avec  ledict  sieur  Duplessis; 
et  que  le  mareschal  d'Aumont  s'estoit  plainct  de  ce 
que  cest  affaire  se  traictoit  avec  ledict  sieur  Duplessis, 
huguenot,  et  grandement   suspect  aulx  catholiques; 


A  M.  DUPLESSIS.  027 

d'où  il  appert  que  ledict  sieur  Duplessis  estoit  envié 
de  force  gens  en  court,  qui  taschoient  de  lui  oster 
ceste  negotiation  des  mains;  à  la  charité  desquels  on 
peult  par  conséquent  avec  toute  apparence  attribuer 
les  advis  que  le  sieur  de  Villeroy  avoit  du  peu  de  secret 
qu'il  dit  avoir  esté  teneu  par  ledict  sieur  Duplessis  en 
cest  affaire;  3".  ce  que  semble  aussi  induire  la  contra- 
riété des  propos  qu'il  lui  attribue;  car,  lui  faisant  dés- 
espérer de  la  negotiation  tout  à  faict,  peu  après  estant 
avec  lui  il  ne  lui  dict  rien,  dict  il,  de  ce  qui  s'estoit 
passé ,  et  ne  lui  tesmoigne  poinct  le  desespoir  qu'il 
avoit  des  affaires;  mesmes ,  qui  plus  est,  ce  que  disent 
MM.  d'O  et  de  Beaulieu  audict  sieur  de  Villeroy  estant 
à  Gisors ,  semble  signifier  que  le  sieur  Duplessis  tenoit 
la  negotiation  pour  plus  que  demi  faicte ,  bien  loing 
d'en  avoir  désespéré,  selon  ce  qu'il  raconte  aussi  que, 
passant  à  Vernon,  il  avoit  asseuré  le  cardinal  de  Bour- 
bon qu'il  avoit  concleu  le  marché  avec  M.  de  Villeroy, 
ce  qui  s'accorde  très  bien  avec  l'apostille  insérée  ci- 
dessus;  4°«  est  estrange  que  ledict  sieur  de  Villeroy, 
ayant  ung  si  grand  subject  de  mescontentement  du 
sieur  Duplessis,  qui  avoit,  contre  la  foi  donnée,  publié 
le  secret,  après  cela  neantmoins  s'adresse  par  deux  fois 
à  lui  pour  parler  au  roy;  et  mesmes  sans  s'esclaircir 
avec  lui  de  ce  pretendeu  grief,  sans  lui  en  dire  mot; 
sans  qu'aussi  ledict  sieur  Duplessis  de  sa  part  lui  en 
entamast  le  propos;  ains  lui  disant  au  contraire  qu'il 
estoit  besoing  qu'il  veist  sa  majesté  et  les  mareschaulx 
deBiron  et  de  Bouillon;  le  sieur  de  Villeroy  lui  mesmes 
raconte  que  le  roy  lui  dict,  lorsqu'il  le  veit,  qu'il  avoit 
du  desplaisir  des  bruicts  qui  couroient  de  sa  negotia- 
tion ;  qu'il  ne  scavoit  h  qui  s'en  prendre;  mais  qu'il 


328  LETTRE  DU  ROY  A  M.  DUPLESSIS. 

recognoissoit  assés  n'y  avoir  faulte  de  gens  auprès  de 
lui,  qui  craignoient  autant  la  paix  et  la  prospérité  de 
ses  affaires  qu'il  la  desiroit  ;  que  ceste  faulte  n'estoit  ,, 
veneue  de  lui  et  de  son  consentement,  ni,  à  son  advis , 
de  ceulx  qu'il  y  avoit  employés  ;  voullant ,  dict  le  sieur  • 
de  Villeroy  lui  mesmes,  entendre  ledict  sieur  Duplessis; 
5".  par  où  le  roy  justifie  le  sieur  Duplessis  tout  évidem- 
ment, ce  qu'il  n'eust  pas  faict  s'il  eust  esté  coulpable 
de  ceste  faulte  pretendeue,  de  laquelle  les  advis  sus- 
mentionnés portoient  que  ledict  seigneur  roy  estoit 
demeuré  bien  offensé;  6°.  adjoustés  que  dans  les  re- 
gistres, papiers  et  Mémoires  dudict  sieur  Duplessis  ne 
paroist  aucune  trace  de  ce  sien  desespoir  de  la  nego- 
tiation  ,  ni  de  tous  les  propos  qu'on  prétend  qu'il  teint 
à  sa  majesté  à  Buhy  ;  quoique  de  tout  le  reste  de  la 
iiegotiation ,  comme  il  est  aisé  à  voir  en  conférant  ces 
Mémoires  avec  ceulx  dudict  sieur  de  Villeroy ,  le  pro- 
grès et  la  suitte  soient  assés  exactement  représentés,  et 
conformément  à  ce  qu'en  a  laissé  ledict  sieur  de  Vil- 
leroy en  sesdicts  Mémoires;  7°.  et  certes  ledict  sieur 
Duplessis  lui  mesmes,  quelques  mois  devant  sa  mort, 
oyant  lire  les  Mémoires  de  M.  de  Villeroy,  protesta  sur 
cest  endroict  n'avoir  jamais  teneu  tels  discours  au  roy  ; 
de  sorte  que  je  ne  fais  poinct  de  double  que  cette  ne- 
i^otiation  n'ait  esté  rompeue  de  la  sorte  qu'il  est  ici  re- 
présenté ,  et  non  aultremenl.. 


LETTRE  DE  M.  DE  ILEURY,  etc.  329 

CXXIJ.  —  ^  LETTTxE  DE  M.  DE  FLEURY 

u,^  31.  Duplessis. 

Du  29  avril  i5n2, 

MoNSiEUK,  celui  qui  fut  hier  envoyé  vers  M.  de 
Villeroy,  est  retourné  ce  jourdliuy  avec  la  despesche 
que  l'on  désire,  qui  est  le  duplicata  (à  ce  qu'il  dict) 
de  sa  dernière,  conforme  à  trois  précédentes  sur  le 
mesme  subject,  dont  s'il  a  plustost  lespondeu  il  n'y 
flmldra  de  me  donner  advis;  il  a  esté  d'opinion  que  le 
susdict  et  ung  trompette  qu'il  lui  a  donné,  allassent 
pour  plus  grande  seureté  tout  droit  en  l'armée  du  roy, 
où  il  sera  baillé  ung  passeport  audict  trompette  pour 
estre  porteur  de  ladicte  despesche,  ayant  exprès  com- 
mandement rapporter  incontinent  la  response  ou  s'en 
revenir  sans  icelle  ainsi  que  escript  au  président  Jean- 
nin,  ce  qu'il  tiendra  pour  refus;  mais  il  a  estimé  à 
propos  que  ledict  Rousselet  y  allast  pour  aulcunes  rai- 
sons qu'il  m'a  faict  entendre,  entre  aultres,  que  s'il 
estoit  rencontré  par  les  estrangers,  il  seroit  mené  au 
duc  de  Parme  qui  en  prendroit  ombrage  ,  mesmes  qu'il 
est  cogneu  estre  de  ceste  maison  par  quelques  ungs 
qui  ne  veuillent  le  bien,  aussi  que  M.  de  Mayenne  et 
le  président  Jeannin  ne  se  vouldront  déclarer  de  bou- 
che, de  sorte  que  ledict  trompette  seul  fera  le  mesme 
effect;  mais  il  attendra  en  l'armée  de  sa  majesté  pour 
revenir  ensemble;  car,  oultre  que  par  ce  moyen  il  y 
a  plus  de  seureté,  c'est  quasi  le  chemin  ,  ils  sont  ailes 
coucber  à  Andry. 


33o  LETTRE  DE  M.  DE  FLEUR  Y 


I 


CXXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.   DE  FLEURY    î 

^  M.  Duplcssis. 

Du  dernier  avril  i5y2. 
Monsieur,  je  ne  serai  point  en  repos  que  je  ne 
sçache  si  vous  estes  arrivé  à  Mantes  sans  courir  for- 
tune, veu  Tadvis  qui  nous  a  esté  donné  de  la  partie 
que  l'on  vous  dressoit.  Ungpeu  après  vostre  partement, 
il  est  arrivé  ici  ung  messager  de  la  paît  de  M.  le  pré- 
sident Jeannin  ,  despesché  à  Rouen  des  le  27  de  ce 
mois,  pour  sçavoir  de  M.  de  Villeroy  s'il  avoit  receu  sa 
response,  le  pryant  de  Tadvertir  de  ce  qu'il  avoit 
avancé  par  deçà  avec  asseurance;  que,  de  leur  costé , 
ils  continuoient  en  la  voUonté  et  resolution ,  qui  lui 
avoit  déclaré  à  quoi  il  travailloit  de  son  possible,  et 
mesmes,  estant  audict  lieu  de  Rouen,  y  avoit  despesché 
M.  de  Villars  ;  njais  qu'ils  estoient  en  grand  peine  de 
conduire  les  choses  secrètement,  à  cause  des  Espai- 
gnols  qu'ils  craindroient  moins  d'offenser  si  les  affaires 
vont  bien  par  deçà.  Ce  que  j'ay  remarqué  digne  de  le 
vous  faire  entendre;  il  ne  faict  aulcune  mention  du 
trompette;  mais  il  est  à  juger  que  son  absence  de  leur 
armée  a  esté  cause  de  la  longueur  qui  est  interveneue. 
Ledict  M.  le  président  Jeannin  faisoit  estât  de  s'en  re-  1 
tourner;  ce  qui  nous  faict  espérer  que  ledict  trompette 
ne  tardera  plus  gueres  à  revenir  pour  ces  raisons  ; 
M.  de  Villeroy  a  esté  d'opinion  de  vous  supplier  de  , 
pourvoir  tellement  à  la  seureté  du  porteur  de  sa  des-  1 
pesche  qu'elle  soit  rendeue  à  celui  à  qui  elle  s'adresse  ; 
car  il  importe  grandement  qu'il  la  reçoive  bientost ,  et 
que  l'on  en  aye  response.  Il  vous  plaira  aussi,  mon- 


I 


A  M.  DUPLESSIS.  33  l 

sieur,  me  faire  entendre  tout  ce  que  vous  jugerés  estre 
requis  pour  acheminer  les  affaires  et  avoir  quelque 
lumière  des  contentemens  particuliers,  et  d'autant 
que  M.  de  Villeroy  n'a  passeport  valable  si  lui  con- 
venoit  de  s'aboucher  avec  M.  le  président  Jeannin,  ni 
mesmes  pour  aller  aultre  part  qu'à  l'armée  du  roy  ;  il 
vous  supplie  lui  en  voulloir  faire  avoir  ung  pour  aller 
là  par  oii  il  sera  besoing  avec  vingt  chevaulx ,  et  pour 
deux  mois.  M.  de  Villeroy,  le  grand  père  ,  suivant  la 
pryere  qu'il  vous  a  faicte,  m'a  chargé  de  vous  envoyer 
celui  ci  pour  le  faire  aussi  s'il  vous  plaist  depescher; 
j'estime  que  le  trompette  nous  rapportera  ceulx  dont 
nous  avions  ci  devant  escrit,  principalement  celui  du 
président  Le  Maistre,  pryant  Dieu,  etc. 

Et  plus  bas  :  L'on  mande  au  susdict  qu'après  la 
reddition  de  Caudebec  il  y  a  eu  deux  grands  vaisseaux 
d'Anglois  enfoncés  à  coups  de  canon;  que  puis  après 
leur  armée  estoit  allé  présenter  la  bataille  que  tous  les 
leurs  monstroient  fort  désirer;  mais  qu'après  avoir  faict 
la  mine  de  part  et  d'aultre,  les  aultres  s'estoient  relires, 
ne  pouvant  ladicte  armée  subsister  gueres  de  temps. 


CXXIV.  —  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS,  . 

Em^ojé  dans  Rouen  durant  le  siège  ^  sur  la  ^fîn  de 
mai  1592,  le  roy  estant  à  Yvetot. 

On  voit  en  quel  estât  est  la  ville  de  Rouen  ,  et  le 
peu  de  secours  qu'elle  peult  attendre  de  l'Espaignol , 
puis  qu'estant  veneu  pour  l'avictuailler,  elle  est  re- 
duicte  à  le  nourrir  lui  mesmes. 

Combien  aussi  la  retraitte  de  l'Espaignol   lui  sera 


332  MEMOIRE 

difficile  devnnt  ceste  florissante  armée  de  sa  majesté, 
devant  laquelle  il  ne  faict  que  buissonuer;  et  n'en  doit 
on  attendre  au  premier  jour  qu'une  misérable  des- 
route. 

Cela  avenant,  comme  on  le  voit  à  l'œil,  qui  doubte 
que  la  ville  de  Rouen  ne  soit  contraincte  de  se  rendre 
la  corde  au  col  à  sa  majesté,  perdre  ses  privilèges, 
recevoir  de  rigoureuses  loix,  et  telles  que  peult  mériter 
une  ville  ,  qui,  par  sa  désobéissance  obstinée,  a  reduict 
son  prince  à  bazarder  son  estât ,  et  la  liberté  ,  vie  et 
moyens  de  ses  bons  subjects ,  tout  en  ung  jour  contre 
l'ennemi  estranger. 

Le  remède  seroit  que  les  bons  aulxquelsil  reste  ung 
cœur  touché  de  leur  debvoir;  ceulx  mesmes  qui  au- 
roient  esté  ci  devant  abusés  par  les  vains  prétextes  et 
enchantement  de  la  Ligue,  se  résolussent  à  prévenir 
ceste  ruyne ,  par  une  conversion  au  service  de  S.  M. , 
bien  et  repos  de  tout  le  royaulme  et  de  leur  ville , 
.effaçant  par  là  leurs  faultes,  et  le  couronnant  au  con- 
traire de  mérites. 

S'ils  attendent  les  extrémités,  on  sçait  quelles  sont 
les  conditions  que  donnent  les  victorieux.  On  ne  leur 
en  sçaura  plus  de  gré  ,  ains  mauvais  gré. 

S'ils  les  préviennent ,  ils  les  peuvent  faire  bonnes 
pour  les  chefs  et  pour  les  particuliers,  pour  le  corps  de 
ville  et  pour  les  habitans  ,  pour  eulx  et  leur  postérité. 

La  relligion,  dont  ils  ont  faict  prétexte  ,  ne  les  doibt 
arrester  ;  car  sa  majesté  leur  en  donnera  telle  seureté 
qu'ils  sçauraient  désirer  ;  et  cela  estant,  ils  n'ont  plus 
rien  à  dire. 

La  présence  de  l'Espaignol  au  contraire,  auquel  on 
les  veult  vendre  et  livrer  par  ces  traictés,  les  doibt  in- 
citer à  se  desvelopper;  et  ne  peuvent  prendre  plu'i 


DE  M.   DUPLESSIS.  331 

honorable  subject  que  cestui  là ,  pour  revenir  à  leur 
debvoir,  n'ayant  jamais  esté  leur  intention  aultre  que 
de  maintenir  leur  relligion  ,  et  non  d'estre  aultres  que 
François. 

Ceulx  qui  entreprendront  cest  affaire  seront  loués 
de  toute  la  France,  obligeront  la  postérité,  seront 
grandement  rémunérés  du  roy  ;  et  n'est  question  sinon 
de  se  rendre  maistre  d'eulx  mesmes,  en  secouant  l'in- 
solence du  joug  de  ceulx  qui  les  oppriment. 

Et  s'ils  en  veullent  venir  là,  et  s'en  faire  entendre 
à  quelqu'ung,  il  y  a  personne  qui  leur  donnera  con- 
tentement sur  ce  qu'ils  peuvent  désirer,  soit  en  gêne- 
rai, soit  en  particulier,  et  en  sera  très  bien  avoué, 
quand  et  de  qui  il  appartiendra. 

Grande  misère  à  une  ville  de  telle  qualité,  si  elle  le 
sçaitcognoistre  d'estre  aujourd'hui  en  cest  estât,  que  par 
l'advantage  de  ceulx  qui  lui  promettoient  secours,  elle 
soit  en  proye  à  l'Espaignol ,  qui  lui  ose  reprocher  sa 
liberté  et  sa  vie  ;  que  par  la  victoire  de  son  prince 
d'aultre  part  tout  évidente,  elle  soit  sur  le  poinct 
d'estre  en  exemple  à  ses  voisins  des  calamités  qui  sui- 
vent la  rébellion;  et  il  est  encores  temps,  si  elle  veulfe 
penser  à  soi ,  de  se  desvelopper  de  ceste  peine. 

Quant  à  celui  duquel  on  désire  le  soulagement,  il 
y  sera  pourveu  au  contentement  de  ceulx  qui  le  sou- 
hai'tent. 


334  LETTRE  DU  ROY,  etc. 


CXXV.  — -^LETTRE  DU  ROY 

A  madame  de  Moritpensier.  (i) 


I 


MadA-ME,  je  suis  si  désireux  de  la  continuation  de 
vos  bonnes  grâces  et  souvenances,  que  je  n'ai  voulleu 
laisser  partir  le  sieur  de  La  Guiardiere,  présent  por-  | 
leur ,  sans  l'accompagner  de  ce  mot ,  pour  vous  sup- 
plier me  les  voulloir  tousjours  conserver  (  comme 
chose  que  je  ne  tiens  moins  chère  que  la  bonne  vol- 
lonté  dont  il  vous  a  jusques  ici  pieu  me  faire  démons- 
tration) ;  et  si  vous  apprenés  quelques  nouvelles  du  lieu 
que  sçavés,  me  tant  obliger,  que  de  m'en  faire  part, 
lesquelles  attendant  donc ,  accompagnées  des  vostres , 
je  vous  supplierai  me  croyre  tousjours  autant  disposé 
à  rechercher  les  occasions  de  faire  chose  qui  vous  soit 
agréable,  comme  à  vous  tesmoigner  l'extrémité  de 
l'affection  que  j'ai  de  demeurer  à  jamais,  madame, 
vostre  plus  affectionné  à  vous  servir,  Henry. 

Au  camp  devant  Rouen ,  ce  17  mai  iSga. 


CXXVI.  —  ^  MEMOIRE 

Envoyé  a  M.  de  La  Fontaine. 

Du  16  mai  i5q3  . 
Nous  sommes  en  traicté  de  la   paix.   Il  ne  se  fera 
rien  au  préjudice  de  la  gloire  de  Dieu.  Sa  majesté  pro- 


(1)  C'esloit  concernant  la  recherche  qu'il  faisoit  de  Madame, 
sœur  du  roy  Henry  TV. 


I 


MEMOIRE  DE  M.  DE  LA  FONTAINE.  335 

met  se  faire  instruire.  Cela  nous  pourra  engendrer 
une  conférence,  peult  estre  dans  six  ou  sept  mois.  Il 
s'y  fault  préparer,  et  pour  ce,  je  lui  ai  faict  trouver 
bon  que  je  fisse  rendre  à  Saulmur  sept  ou  huict  des 
plus  notables  ministres  de  France,  pour  se  prémunir, 
et  me  promets,  par  une  méthode  que  j'ai  proposée  à 
M.  de  Beaulieu ,  et  qu'il  embrasse  fort,  qu'il  en  réussira 
ung  grand  fruict.  Vous  cognoissés  son  jugement.  Je 
vous  ai  nommé  au  roy  entre  aultres,  et  Ta  eu  agréable. 
Je  vous  prye  de  me  mander  si  vous  vous  pouvés  trou- 
ver audict  lieu  de  Saulmur,  et  efforcés  vous  y  de  tout 
vostre  pouvoir;  car  cest  ung  coup  de  partie.  Ce  pour- 
roit  estre  au  plus  tard  dans  deux  mois.  Sa  majesté 
fournira  à  tous  les  frais.  Mandés  moi  aussi  vostre  ad- 
vis,  de  ceulx  qui  y  peuvent  estre  employés.  Il  me  tar- 
dera que  je  ne  vous  aye  attaché  à  ceste  besogne  là , 
pour  l'espoir  que  j'ai  que  Dieu  auquel  nous  servons 
en  sera  glorifié.  Pour  le  surplus,  ces  gens  avec  qui 
nous  traictons  demandent  beaucoup  ;  mais  il  en  fault 
sortir  asseurement  ;  et  eulx  et  nous  sommes  sur  ung 
précipice,  incertain  qui  y  jettera  son  compaignon,  en 
danger,  mesmes  en  le  poussant,  de  tomber  quand  et 
lui.  Pryez  Dieu  pour  nous. 


CXXVII.  —  ^  LETTRE  A  M.  DE  BUZENVAL 

Du  16  mai  lôya. 
MoNSiEUii ,  depuis  trois  jours  je  ne  suis  près  de  sa 
majesté  que  par  boutades,  mal  à  propos  pour  mes 
amis ,  que  je  pourrois  mieulx  servir  par  quelque  assi- 
duité. Ceste  negotiation  en  est  cause;  autant  néces- 
saire à  nous ,  comme  en  aurés  entendeu  par  mes  der- 


336  LETTRE 

nieres,  que  la  vostre  au  delà  vous  estoit  périlleuse.  Eâ 
ratio  in  proinptu^  nous  recouvrons  nostre  estai  par 
la  paix,  et  vous  perdes  le  vostre.  Plusieurs  raisons 
nous  font  bien  espérer;  la  nature,  la  mésintelligence 
avec  le  duc  de  Parme ,  Tinconipatibilité  des  nations , 
la  lassitude  des  villes,  quelques  unes  moins,  les  espé- 
rances anticipées,  tant  de  chefs  à  contenter,  et  cliacung 
qui  présume  beaucoup.  Et  toutesfois  il  fault  tout  faire 
pour  régner.  Aujourd'hui  nous  avons  commencé  à 
donner  forme  à  ce  traicté.  Haclemis  euibrjo,  nunc 
cœpit  cminiavi;  j'ai  veu  vostre  proposition  :  pevplacuit. 
Nos  emiemis  sont  fomentés  d'ung  secours  perpétuel 
d'Espaigne;  de  fois  à  aultre  ils  reçoivent  argent;  de 
temps  en  temps  sont  reparschis  d'hommes;  et  si  le 
duc  de  Parme  s'en  va  ,  c'est  en  laissant  des  forces,  et 
donnant  arrhes  de  son  retour  avec  plus  grandes;  nous 
aurions  ung  besoing  d'estre  assistés  de  nos  voisins  de 
mesme,  d'ung  secours  certain  et  assideu  ;  non  d'ung 
torrent,  aujourd'hui  qui  ravage  les  champs;  dans  trois 
jours  qui  n'abbreuve  pas  seulement  les  oiseaux.  El  eo 
jeun  venimus.  Vostre  dignité  vous  a  esté  envoyée , 
charge  pluslost  si  on  ne  vous  fournit  de  quoi  la  soub- 
tenir.  Et  ce  matin,  j'ai  sommé  M.  de  Bouillon  et  M.  de 
Revol,  afin  que,  aginine  facto ^  nous  importunions 
pour  vous,  pendant  trois  ou  quattre  jours  que  nous 
aurons  à  estre  ensemble.  Croyés  que  j'en  serai  soi- 
gneux plus  que  de  moi,  des  deux  mille  marcs  de 
Vendosmois.  J'ai  faict  bailler  à  M.  Jutjlet  la  comiiussioii 
des  affaires  pour  la  mort  de  Matras.  Il  y  a  de  quoi, 
pourveu  qu'il  soit  diligent;  et  je  lui  ai  recommanda 
vostre  partie  profictable  à  toutes  aultres.  Quant  à] 
Dieppe,  je  vous  ai  mandé  qu'on  l'a  tellement  espuisee,] 
que  je  n'y  ai  peu  trouver  ung  seul  denier  pour  moi. 


A  M.  DE  EUZENVAL.  oS^ 

J'aurai  patience  pour  les  corselets  encores  ,  puisqu'ils 
ne  peuvent  prendre  argent  à  La  Rochelle.  Des  tourbes, 
j'en  ai  mis  les  pièces  es  mains  de  M.  de  Revol ,  qui 
n'est  d'advis  de  rien  expédier  que  ne  voyons  plus  clair 
en  la  paix.  Cependant  m'a  promis  que  les  despesches 
en  seront  faictes  en  faveur  de  celui  qui  vous  a  mis 
l'expédient  en  main.  Il  n'y  auroit  poinct  de  mal  que  lui 
en  escriviés  ung  mot,  et  seroit  aussi  besoing  d'envoyer 
copie  authentique  de  la  despesche  qui  feut  faicte  du 
temps  du  roy  Charles.  Sa  majesté  s'en  est  allée  à  Com- 
piegne,  pour  essayer  de  donner  encores  quelque  at- 
teinte au  duc  de  Parme;  mais  elle  n'a  que  cavallerie, 
et  le  gros  de  l'armée  est  ici.  Nous  l'aurons,  aidant 
Dieu ,  bientost  de  retour.  J'escris  à  madame  la  prin- 
cesse. Je  lui  avois  trouvé  ung  fort  honneste  et  capable 
personnage  pour  l'instruction  et  conduicte  de  son  fils, 
que  j'avois  addressé  à  M.  de  Bouillon,  mais  qui  est 
mort  depuis  quinze  jours.  Vous  l'asseurerez  tousjours, 
s'il  vous  plaist,  de  mon  bien  humble  service.  Vous  ne 
m'escrivés  rien  de  vos  amours.  Je  salue  humble- 
ment ,  etc. 


CXXVIII.  —  ^  LETTRE  A  M.   DE  BEAUVOIR . 

Ambassadeur  pour  le  roj  en  Angleterre. 

De  Gizors,  ce  26  mai  i5qa. 
MoNSiiiUit,  je  vous  escrivis  ces  jours  passés  for^ 
amplement.  Mais  ne  me  veuilles  pas  mal,  si  à  toutes 
occasions  vous  nen  avés;  car  depuis  trois  jours  j'ai 
esté  vagabond,  et  ne  me  suis  rencontré  près  de  sa 
majesté  que    par  boutades.  La  negotiation  dont  avés 

Mém.  de  Duplessis-Moriîay.  TO.IIE  V.  2  2 


338  LETTRE  A.  M.  DE  BEAUVOIR, 

ouï  parler  en  est  cause,  pleine  d'escueils  et  de  bancs, 
mais  qu'il  fault  eschifer  au  mieulx  qu'on  peult  pour 
parvenir  au  port.  La  vérité  que  ces  gens  ne  se  con- 
tentent pas  de  peu ,  et  nous  veullent  faire  acheter  Tes- 
tât. Mais  nous  avons  à  considérer  qu'il  nous  coustera 
bien  plus  cher  par  la  guerre  que  par  la  paix ,  et  encores 
serons  nous  incertains  de  l'avoir,  après  beaucoup  de 
temps  et  de  sang  espandeu.  D'ailleurs ,  qu  ils  sont 
brigués  et  marchandés  de  l'Espaignol,  qui  n'y  espargne 
rien.,  Monopolant  dedans  les  villes,  le  clergé  et  la  no- 
blesse ,  à  deniers  descouverts;  tellement  que  nous  avons 
a  mesnager ,  sans  perdre  temps ,  ce  peu  qui  reste  en- 
cores entre  eulx  de  naturel  François ,  ce  peu  qui  n'est 
poinct  encores  corrompeu  de  l'argent  espaignol.  Beau- 
coup d'aultres  maulx  au  dedans  appellent  à  remède; 
quelques  imgs  au  dehors  nous  y  convient.  Et  j'espère 
que  Dieu  vouldra  encores  avoir  pitié  de  nous,  ne  feust 
ce  que  pour  n'eslever  pas  jusqu'au  sommet  l'orgueil 
trop  insolent  de  ceste  nation.  Le  duc  de  Parme  s'est 
retiré ,  après  quelques  affronts  ;  mais  laissant  son  fils 
avec  partie  de  ses  forces,  et  arrhes,  mesme  de  son  re- 
tour, oultre  ce  qu'il  a  laissé  garnison  d'estrangers  à 
Paris,  pour  y  fortifier  les  cantons  :  cela  doibt  exhorter 
les  bons  voisins  à  accorder  à  sa  majesté  ung  secours 
continuel,  puisque  le  roy  d'Espaigne  perpétue  ainsi  le 
sien  sans  interruption  :  à  quoi  je  sçais  bien,  monsieur, 
que  vous  n'obmettés  aulcune  providence,  diligence  ni 
dextérité.  Je  vous  envoyai ,  avec  ma  despesche ,  la  res- 
ponse  à  M.  de  Bristo.  Depuis  je  n'en  ai  aulcunes  de 
vous.  Ores,  monsieur,  etc. 


LETTRE  DE  M.  DE  LA  FONTAINE,  etc.    33g 


CXXIX.  —  ^  T.ETTRE  DE  M.  DE  L\  FONTAINE 

^  M.  Duplessis. 

Du  ig  juin  iSga. 
MoNSîFUR,  hier  j'ai  receii  la  vostre  du  25  mai,  avec 
le  Mémoire  et  chiffre  incleus.  A  ce  que  je  vois,  vous 
vous  promettes  quelque  isseue  utile  de  vostre  negotia- 
tion.  Je  crains  que  l'accident  de  Bretaigne  et  le  succès 
du  Lorrain  ne  vous  y  crée  de  nouveiles  difficultés;  et 
d'adieurs    il   n'y  apparoist   de  grandes  montaignes  à 
applanir  et  vallées  \  combler  :  mais  j'ai  la  veue  courte, 
notamment  à  regarder  de  loing,  et  puis  je  sçais  bien 
ce  que  peult  le  maistre  à  qui  nous  servons.  Quoi  qu'il 
en  soit,  c'est  ung  œuvre  par  lequel  et  dehors  et  dedans 
le  royaulme,  et  les  vivans  et  la  postérité  feront  juge- 
ment de  vostre  jugement  et  dextérité.  C'est  pourquoi 
je  prye  Dieu  qu'il  vous  y  bénisse.  La  royne  d'Angle- 
terre en  est  en  jalousie  avec  les  leurs  ;  elle  se  plamct 
qu'on  demande  conseil  en  ce  qui  lui  peult  importer  en 
la  mesprise,  et  à  la  vérité  on  le  leur  avoit  promis.  On 
a  trouvé  remède  au   passé;  il  fault  y  pourvoir  pou, 
l'avenir,  et  croyés  moi  qu'il  est  nécessaire.  Ce  qu'on  ;i 
entendeu   de  Bretaigne  a  ici  engendré  beaucoup  de 
murmure,  et  les  mal  affectionnés  s'en  servent.  Nous 
espérons  enfin  quelque  meilleure  resolution.   Cepen- 
dant M.  de  Norwick  passe  de  delà  avec  quelque  argent  et 
armes  pour  recueilHr  ce  qu'il  a  de  leurs  gens.  Le  reste 
se  pourra  obtenir;  mais  à  la  fsç on  de  ce  pays,  et  ce 
seulement  pour  Bretaigne  ;  car,  quant  au  reste  ,  je  n'en 
espère   plus    rien,    sinon    par   l'entreveue   du   roy  ef 


34o  LETTRE  DE  M.  DE  LA  FONTAINE 

de  la  royne.  Elle  le  désire,  et  de  faict  ^  le  roy  en  a  la 
volonté,  il  n'y  peult  avoir  plus  dimportunite'  pour  la 
saison  et  Testât  des  affaires,  car  on  tient  que  le  roy 
rapproche,  et  qu'il  veult  qu'on  nestoye  les  petites 
places  de  ce  coslé.  Tout  cela  oste  beaucoup  de  diffi- 
cultés ,  aultrement  considérables.  Il  ne  laisse  pas  d'y 
en  rester,  que  vous  pouvés  mieulx  juger  que  moi, 
toutesfois  si  sa  majesté  se  pouvoit  composer  et  faire 
choix  de  sa  suite.  On  nous  a  faict  ung  chancelier,  non 
de  secrétaire.  Slafford  se  promet  de  l'emporter,  et  le 
comte  d'Essex  l'entrée  au  conseil.  Nous  n'en  serons 
pas  mieulx  pour  tout  cela;  neantmoins  pour  l'aultre 
poinct ,  il  en  reussiroit  du  bien,  à  mon  advis,  pour 
l'estat  présent  de  ses  affaires  ;  aultrement  je  crains  l'opi- 
nion de  niespris,  lequel  engendra  tous  les  courroux, 
despits  et  paroles  de  l'année  passée,  de  quoi  vous 
mesmes  trouvastes  encores  les  cendres  toutes  chaudes. 
Si  vous  approchiés  avec  le  roy  de  nostre  costé,  et  que 
j'en  feusse  adverti ,  je  serois  homme  pour  courir  à 
vous,  et  vous  faire  entendre  sur  ce  ma  conception, 
et  pour  communiquer  des  aultres  poincts  de  vostre 
lettre,  mais  je  me  double  que  vous  restera  une  be- 
sogne qui  vous  tiendra  trop  attaché;  et  partant,  en 
attendant,  je  vous  dirai  que  j'approuve  grandement, 
en  gênerai,  l'assemblée  de  laquelle  m'escriviés,  et  l'ai 
estimé  du  tout  nécessaire  depuis  l'advenement  du  roy  à 
la  couronne.  Je  vois  bien  aussi  qu'au  temps  qui  sera 
ordonné,  il  ne  fault  pas  donner  non  pas  mesme  appa- 
rence de  voulloir  fuir  !a  lice;  mais,  cela  posé,  je  ne 
laisse  pas  d'y  voir  de  grandes  et  notables  difficultés, 
premièrement,  veu  la  distance  des  lieux,  d'où  il  vous 
fauit  recueillir  ceulx  de  qui  vous  aures  affaire,  et  les 
difficultés  qui  se  trouveront  de  la  part  des  églises  et  du 


A  M.  DUPLESSIS.  û'ii 

danger  des  chemins.  Je  ne  crains  que  le  temps  de 
qiiattre  mois  soit  trop  court,  et,  quant  au  nondjre,  si 
vous  en  voullés  huict,  pour  les  mesmes  raisons  il  en 
fault  bien  convier  douze;  le  lieu  à  toute  commodité, 
notamment  à  cause  de  vostre  présence  et  de  quelques 
auitres  hommes  prudens  et  modérés  qui  y  est  tota- 
lement requise;  mais  il  y  fault  abondance  de  livres,  et 
ne  sçais  d'où  vous  les  pourries  recouvrer  dadvan- 
tage.  C'est  une  arène  où  la  faulte  pour  une  fois  est 
aussi  périlleuse  qu'à  guerre  quelconque,  et  neantinoins 
si  le  roy  n'a  son  auctorité  pour  régler  ceste  conférence 
avec  bon  ordre  et  liberté  royale,  on  mettra  l'attente 
à  ce  petit  nombre  de  gens  des  plus  savans  et  doctes, 
non  pour  conférer ,  mais  pour  enseigner  magistra- 
lement. Vous  en  voyés  la  conséquence,  et  vous  sou- 
venés  de  l'isseue  des  estats  que  quelquesfois  nous  avons 
demandés,  et  pourtant,  s'il  se  pouvoit  faire,  ceste 
délibération  dehvroit  induire  le  rétablissement  de  l'auc- 
torité  du  roy  et  de  nos  églises,  et  que  les  esprits  des 
hommes  soient  mieulx  composés.  Je  ne  laisse  pas  de 
voir  la  perplexité  en  laquelle  vous  estes,  et  qu'on  faict 
ce  qu'on  peult  :  aus;>i  m'excuserés  vous ,  s'il  vous  plaist, 
en  mes  discours;  quant  au  choix  des  sieurs,  si  le  temps 
le  permettoit ,  j'estime  qu'il  y  fauldroit  déférer  quelque 
chose  au  jugement  des  provinces  et  enlises  pour  beau- 
coup de  raisons.  Vous  cognoissés  d'advance  mieulx  que 
moi  ceulx  de  de\h  la  Loire ,  il  me  souvient  de  Serranus  et 
ceulx  de  La  Rochelle;  ailleurs, oultre  vostre  bonhomme, 
il  y  a  celui  qui  vous  est  maintenant  voisin,  M.  de 
Merlin  de  la  Vigne,  de  Sainct  Lo,  et  des 
et  puis,  d'aultre  part,  M.  de  Gons  Daniel  Toussain  ; 
mais  ceslui  ci  est  bien  nécessaire  en  ce  temps,  en  sa 
fitation  à  Genève.  Il  y  a  là  deux  hommes  de  peu  de 


342  LETTRE  DE  M  DE  LA  FONTAINE. 

grâce  externe,  mais  doués  de  beaucoup  de  grâces;  et, 
en  oultre,  il  y  en  a  deux  aultres  à  Genève ,  professeurs 
bien  doctes.  Je  ne  sçais  pas  leurs  noms;  quant  à  Rotan , 
vous  le  cognoisses ,  et  a  du  loisir  de  se  faire  cognoistre 
à  La  Rocbelle;  mais  bien  suis  je  adverti  quand  il  est 
veneu  de  deçà,  sa  disposition  estoit  mauvaise,  et  qu'es- 
tant en  Savoye,  pro  se  reliqnos  nu  lia  pêne  loco  habebal 
nec  mortuos  quidem  antecessores  suos.  Aultrement 
vous  sçavés  combien  il  peult  estre  utile  ,  et  je  ne  double 
poinct  que  vostre  présence  ne  lui  peult  esire  une  bonne 
bride.  Vous  m'avés  desjà  demandé  pour  diverses  occa- 
sions mon  advis,  touchant  M.  le  baron  et  M.  de  La 
Fontaine.  Quant  au  premier,  je  vous  puis  dire  véri- 
tablement de  lui   que  c'est  ung  homme  de  grand  es- 
prit,  et  prompt   et  exercé  aulx    disputes    publicques 
depuis  vingt  ans  et  plus;  et  lequel  en  ce  grand  loisir  a 
beaucoup  leu  ;  que  si  on  se  pouvoit  asseurer  qu'il  se 
voulleust  de  tout  conformer  aulx  aidtres,  sans  doubte 
il  seroit  grandement  utile,  où  il  proteste  d'approuver 
de  tout  et  partout  nostre  confession  de  foi.  Mais  attendeu 
qu'on  a   conceu  de  lui,   par  ses  leçons  ordinaires  et 
quelques  livres  imprimés,  ce  qui  la  rendeu  de  mau- 
vais nom    entre  plusieurs,  je  n'oserois  conseiller   de 
l'appeler  entre  ceulx  où  une  grande  union  est  tota- 
lement requise.  S'il  ne  se  présente  occasion  de  vous 
voir  sur  la  fin  de  ce  mois  de  juin ,  je  le  pourrai  voir  et 
essayerai  de  doscouvrir  du  tout  ce  qu'il  a  en  l'estomach. 
De  sa  part,  il  ne  demande  pas  mieulx  que  de  se  trouver 
en  ung  beau  jour,    et  prendroit  de   mauvaise  part, 
comme  je  crois,  s'il  n'y  tenoit  pas  son  rang.  Pour  re- 
gard du  dernier,  il  prend  grand  plaisir  à  cause  du  ju- 
gement que  vous  faictes  de  lui,  qui   est  l'amitié,  et 
l'aime,  cl  vous  en  remercie;  mais,  quant  à  la  chose  en  soi, 


A  M.  DUPLESSIS.  34^ 

il  VOUS  piye  l'excuser,  s'il  n'y  peult  soubscrire.  Mon- 
sieur, on  vous  nomme  ung  beau  catholique,  et  avec 
beaucoup  d'aultres  de  vostre  cognoissance,  pour  choi- 
sir, et  ce  de  diverses  qualités.  Comme  il  est  bien  be- 
soing ,  il  demande  donc  que  c'est  qu'il  feroit  là  entre 
tant  de  cygnes,  et  ne  pense  pas  que  ce  soit  humilité 
affectée.  Il  ne  me  paroist  pas  avoir  quelque  dextérité  et 
usage  en  sa  charge  ordinaire  par  la  grâce  de  Dieu  ;  mais 
en  ce  que  vous  requerés,  il  n'est  pas  besoing  de  telles 
choses  :  or  ,  il  a  tousjours  esté  en  l'action  et  en  de 
grandes  églises ,  entre  beaucoup  de  distractions  et  af- 
faires,  sans  loisir  quelconque,  et  n'a  jamais  esté  nourri 
aulx  exercices  scholastiques  ,  joinct  quelque  indisposi- 
tion naturelle,  dont  il  vous  toucha  dernièrement,  et 
quelques  aultres  raisons  que  je  vous  déduirai  sur 
l'aultre  poinct  de  vostre  lettre ,  partant ,  veu  que  vous 
en  avés  une  centaine  qui  lui  sont  à  préférer;  et,  certes, 
il  dict  vrai  en  une  telle  action.  Je  vous  supplie,  mon- 
sieur, sur  tous  les  plaisirs  que  vous  lui  pourries  faire, 
et  voudriés  se  le  reserver  à  quelque  aultre  chose  qui 
soit  selon  sa  portée.  Cest  aultre  poinct  de  vostre  lettre 
que  j'ai  touché,  est  touchant  quelqu'ung  pour  la  pro- 
vision ordinaire  de  vostre  église ,  et  pour  le  soula- 
gement du  bon  homme.  Ores,  voici  la  response  que: je 
vous  y  puis  donner  comme  de  sa  bouche  :  Vous  sçavés 
que  Testât  de  ce  pays  ne  lui  agrée  pas  beaucoup ,  où 
les  choses  ne  vont  pas  en  amandant.  Il  voit  aussi  que 
vous  croyés  ,  oultre  ce  qui  vous  est  serviteur,  que  vous 
ne  lui  pourries  offrir  ni  plus  grande  faveur,  ni  plus 
grand  jour  :  ce  qu'il  sçait  bien  recognoistre,  à  quoi 
aussi  beaucoup  d'aultres  choses  l'attireront  volontiers; 
mais  il  vous  laisse  à  juger  ce  qui  est  à  faire.  Sa  pré- 
sence, peult  estre,  n'est  pas  ici  inutile  à  foutes  nos 


344  LETTRE  DE  M.  DE  LA  FONTAINE 

églises  estrangeres,  possible  mesmes,  en  quelque  sorte 
à  nos  affaires  de  France,  jusques  à  ce  qu'il  soit  révoqué 
ou  par  son  ancienne  église,  ou  par  le  mesme  synode. 
Les  églises  ici  se  formaliseront  s'il  départ  sans  grande 
nécessité,  peult  estre  mesmes  la  royne;  elle  l'a  dict  quel- 
quesfois;  d'aultre  part  le  remuement  et  transport  des 
familles  en  ce  temps  ici  n'est  pas  aisé,  ni  asseuré. 
Bref,  monsieur,  il  nous  fault  estre  conscientieux  en 
faict  de  vocation  telle  notamment.  Partant  il  vous 
respond  ouvertement  qu'en  ung  temps  ung  peu  calme 
il  desireroit  bien  de  se  retirer  près  du  lieu  de  sa  nais- 
sance, pour,  en  servant  à  Dieu,  pourvoir  à  bien  peu  de 
bien  qui  lui  reste  de  ces  naufrages,  en  quelque  con- 
dition plus  tranquille  que  celles  où  il  s'est  trouvé  parmi 
ces  grandes  églises;  mais  v]uand  se  viendroit  à  ung 
synode,  après  avoir  faict  entendre  ses  raisons,  il  ai- 
mera tousjours  mieulx  estre  conduict  par  l'advis  des 
aultres  que  par  son  propre  jugement  :  voilà  ,  monsieur , 
ce  que  je  vous  en  puis  respondre.  Mais,  à  ce  que  je  j 
vois,  si  Dieu  bénit  vos  desseings  et  labeurs,  vous 
n'aurés  garde  de  faillir  que  vostre  église  ne  se  trouve 
bien  pourveue  ;  et  mesmes  je  m'esbabis  d'une  lettre  que 
j'ai  receue  de  la  part  de  M.  Merlin ,  lequel  escrit 
qu'ayant  adressé  à  Saulmur  ung  jeune  homme  nommé 
Parent  à  vos  anciens,  ils  ont  faict  response  qu'ils  es- 
toient  pourveus  ;  si  pourtant  mondict  sieur  Merlin 
retient ledict  Parent  pour  son  aide,  lequel,  à  la  vérité, 
est  ung  jeune  homme  de  grande  espérance  ,  duquei 
je  vous  avois  faict  ouverture  quand  vous  estiés  foi. 
Yous  aurés  desjà  une  lettre  bien  longue,  si  fault  il 
que  je  vous  remercie  ,  enôores  touchant  mon  man- 
dement,  comme  je  piiis  de  toute  mon  affection.  Mon 
gendre,  M.  de  retourna  bientost  après  vous 


A  M.  DUPLESSIS.  345 

avoir  veu,  et  si  ne  sçais  qui  vous  adresser,  ni  mesmes 
ce  qu'il  me  fault  faire  pour  tirer  quelque  fruict  de 
vostre  faveur.  Si  le  roy  approche,  et  que  je  sois  ad- 
verti  que  vous  y  veniés,  je  tascherai  d'eschapper  jus- 
ques  là  pour  y  prendre  vostre  conseil  et  aide  :  aultre- 
ment  il  la  vault  mieuk  garder,  n'estoit  que  M.  des 
Reaux  se  rencontrast  venant  à  Dieppe;  mais  encores 
ne  pourra  il  aultre  chose ,  sinon  me  faire  tenir  le  man- 
dement, lequel  par  deçà  ne  me  servira  que  du  pre- 
mier. Il  y  a  ung  marchand  de  Paris,  natif  de  Ven- 
dosme ,  et  qui  y  a  ses  parens ,  lequel  estoit  n'agueres 
pour  poursuivre  une  partie  d'Italie ,  et  y  a  encores 
par  deçà  ung  reste  à  payer.  Si  voyés  qu'il  se  peult  faire 
quelque  chose  avec  lui  par  l'asseurance  qu'on  lui  don- 
neroit,  ce  me  seroit  ung  bienfaict.  Ce  marchand  se 
nomme  d'Argange.  Je  me  doubte  bien  que  ce  sont  des 
discours  vains;  mais  la  nécessité  comme  ung  malade  me 
faict  tourner  de  tous  costés.  Or,  vous  baisant,  etc. 

Est  à  noter  qu'après  que  M.  Duplessis  eust  acheminé 
la  negotiation  de  la  paix  si  avant,  que,  sur  le  rapport 
qu'il  en  feit  au  roy,  à  Gizors,  lui  et  M.  de  Revol  eurent 
commandement  du  roy  en  plein  conseil  d'en  dresser 
l'edict  ;  ceulx  qui  croyoient  qu'elle  se  conclueroit  tant 
que  le  roy  feust  contrainct  de  changer  de  relligion, 
prirent  occasion  pour  la  rompre,  pour  le  faire  envoyer 
à  Quillebœuf,  pour  en  tirer  le  sieur  du  Fay ,  qui  s'en 
estoit  saisi ,  dont  et  de  la  conséquence  de  ceste  rup- 
ture il  protesta  au  roy. 


346  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CXXX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roj. 

Sire,  passant  au  Pont  de  l'Arche,  nous  avons  donné 
ordre  pour  l'artillerie  ,  tel  que  j'ai  escrit  à  vostre  ma- 
jesté, moyennant  lequel  j'espère  que  tout  sera  conduict 
en  seureté.  Depuis  sommes  veneus  en  ceste  ville  du 
Ponteaudemer,  non  sans  difficulté.  Et  hier  feusmes  à 
Quillebœuf.  Nous  y  avons  trouvé  M.  du  Fay  au  huic- 
tiesme  iour  d'une  fièvre  contineue,  et  sur  la  seconde 
saignée;  plus  malade  de  l'esprit  que  du  corps,  pour  le 
regret  du  passé ,  et  tesmoignant  fort  vous  vouUoir 
donner  contentement  de  ses  actions ,  et  pour  le  pré- 
sent, et  pour  l'advenir.  Les  sieurs  de  Tempel  et  de 
Rebours  de  mesme;  le  premier  jurant  (et  il  est  très 
vrai)  n'avoir  eu  rien  de  commun  en  ce  qui  s'est  faict, 
ni  voulloir  avoir  ;  l'aultre  y  avoir  esté  emporté  par  la 
créance  qu'il  avoit  que  M.  du  Fay  sçavoit  l'intention  de 
vostre  majesté.  Il  est  question  de  contenter  ces  deux 
regimens  fort  dépéris;  le  capitaine  La  Verdure,  qui 
est  avec  une  compagnie  de  François  ;  et  donner  quel- 
que moyen  de  sortir  à  M.  du  Fay.  Nous  sommes  en 
bon  train  de  to-ut  cela;  mais  avec  plus  de  longueur  que 
ne  vouldrions ,  partie  pour  ce  que  M.  Le  Grand  est 
encores  à  Bernay  avec  les  forces  de  Normandie ,  qui  en 
prétendent  tirer  hors  le  sieur  de  Lonchamp ,  qui  s'y 
fortifie;  partie  parce  que  les  deniers  nécessaires  pour  ce 
que  dessus  ne  se  peuvent  pas  tirer  d'ici.  Mais  j'ai  des- 
pesché  vers  M.  Le  Grand,  et  mandé  le  receveur  qui  est  à 
Lisieux,  à  la  veneue  desquels  nous  abrégerons  le  temps 


I 


J 


AU  ROY.  3/47 

et  les  affaires.  Il  y  a  plus,  les  vaisseaux  hollandois, 
avec  leurs  Cromsthevers ,  s'en  veullent  retourner  en 
leur  pays,  très  malcontens  du  peu  de  bon  traictement 
qu'ils  ont  receu.  Les  Quillebois  aussi,  qui  sont  six  na- 
vires, appréhendent  ce  changement,  comme  vostre 
majesté  aura  peu  appercevoir  par  leurs  requesles, 
oultre  ce  que ,  sur  six  mois  de  service ,  ils  n'en  ont  receu 
qu'ung.  Qui  veult  garder  Quillebœuf,  il  fault  pourvoir 
à  cela  ;  car  si  les  Hollandois  s'en  vont,  les  Quillebois  ne 
sont  pas  suffisans  de  garder  la  mer,  et  s'en  iront.  Et 
cela  estant,  le  commerce  et  les  subsides  cessent,  sans 
lesquels  la  place  ne  se  peult  achever,  ni  la  garnison 
entretenir.  J'adjouste  qu'il  y  a  huict  vaisseaux  tout  prêts 
au  Hasvre  pour  venir  à  Quillebœuf,  des  que  les  Hol- 
landois l'auront  desemparé.  Fault  aussi  faire  fonds, 
tant  pour  lesdicts  vaisseaux  que  pour  les  gens  de  guerre 
de  M.  Le  Grand  qui  ont  à  y  entrer,  au  moins  pour  ung 
mois,  afin  qu'ils  y  entrent  en  ordre.  Ce  qui  ne  se  peult 
faire  sans  quelque  remède  extraordinaire  et  particulier. 
En  somme,  j'aurois  trop  de  regret  d'y  estre  veneu,  et 
que  le  service  de  vostre  majesté  ne  s'y  feist  pas  à  son 
contentement.  Pour  dire  maintenant  à  vostre  majesté 
que  c'est  de  Quillebœuf,  c'est  une  très  belle  assiette; 
rien  n'y  contredict  à  la  fortification.  Elle  est  assés  bien 
tracée,  advancee  selon  le  temps  qu'on  y  a  travaillé,  ce 
qui  se  pouvoit;  bride  la  rivière,  de  sorte  que  Rouen, 
moyennant  l'entretien  susdict  des  vaisseaux ,  n'a  que 
faire  avec  le  Hasvre ,  qu'autant  qu'il  vous  plaist  ; 
le  bourg  médiocre,  mais  où  jà  plusieurs  personnes 
riches  choisissoient  place  pour  bastir  qui  s'en  desbau- 
chent,  et  que  j'aurai  peine  à  y  rasseurer  et  retenir, 
que  par  la  liberté  de  la  relligion  ;  et  je  ne  feindrai 
poinct  de  dire  à  vostre  majesté  que  la  playc,  à  la  vérité, 


448  LETTRE  DE  M,  DUPLESSIS 

estoit  à  Quillebœuf;  mais  l'inflammation  passoit  aulx 

environs. 

Au  surplus  ,  sire ,  puisque  cest  affaire  me  retient , 
je  m'enhardirai  de  ramentevoir  à  vostre  majesté  les 
aultres  affaires  qu'en  partie  elle  m'avoit  commis.  Nous 
avions  advisé ,  M.  de  Revol  et  moi,  des  despesches 
d'Italie.  Ne  restoit  qu'à  vostre  majesté  à  déterminer,  le 
temps  prefix  de  son  instruction.  M.  d'O  avoit  aussi 
approuvé  les  moyens  par  nous  proposés  pour  les 
voyages  de  M.  le  cardinal  de  Gondy  et  M.  le  marquis 
de  Pisany,  lesquels  il  est  de  besoing  d'effectuer.  Ce  que 
je  dis,  afin  que  le  temps  ne  s'y  perde,  sire,  parce  que 
ces  negotiations  sont  inutiles  à  vostre  majesté ,  sinon 
en  tant  que  les  responses  en  arriveront  sur  la  teneue  de 
la  pretendeue  assemblée  de  ceulx  du  parti  contraire. 
Comme  aussi  je  crains  que  celle  avec  la  royne  Louise, 
et  par  son  moyen  avec  M.  de  Mercœur,  ne  puisse 
venir  à  temps,  si  je  ne  me  demesle  bientost  d'ici.  J'ai 
laissé  quelques  petits  mémoires  à  M.  d'Yolet  de  ce  qui 
pouvoit  estre  faict  pour  la  despesche  qu'il  demande  à 
vostre  majesté,  présupposant  vostre  volonté  estre  de 
faire  venir  Madame.  Qui  est  tout,  sire,  sinon  que  de- 
puis trois  jours  je  traisne  une  maladie,  dont  Dieu  me 
gardera,  s'il  lui  piaist;  lequel  je  supplie,  sire,  donner 
à  vostre  majesté  en  toute  prospérité  longue  vie. 

Du  Ponteaudemer,  ce  24  juin  iSga. 

El  par  apostille  estait  escrit  :  M.  duFay  faict  tous- 
jours  grand'  instance,  que  vostre  majesté  le  loge  nom- 
meement  sur  l'emboucheure  de  Somme,  dont  il  pré- 
tend promesse  de  vostre  majesté.  J'escris  selon  le  chiffre 
que  j'ai  avec  M.  des  Reaux,  estimant  M.  de  Bouillon 
parti. 


A  M.  DES  REAUX  3^g 


CXXXI.  —  'V' LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  M.  des  Reaitûc. 

Du  24  juin  1692. 

Monsieur  ,  je  suis  arrivé  ici  avec  peu  d'escorte  et 
bonnes  corvées ,  dont  je  me  trouve  encores  mal.  J'ai 
veu  Quillebœuf,  M.  du  Fay  bien  malade,  plus  de  re- 
gret que  d'humeur;  les  regimens  fort  malcontens,  les 
capitaines  toutesfois  raisonnables.  J'espère  que  tout  s'y 
passera  bien;  mais  il  fault  de  l'argent  pour  la  nécessité 
extresme  de  M.  du  Fay,  deux  prests  pour  les  lansque- 
nets, quelque  chose  pour  une  compagnie  de  François 
qui  y  est  depuis  sept  mois.  En  oultre  ,  retenir  les  vais- 
seaux hollandois ,  sans  lesquels  les  Quillebois  aban- 
donnent la  mer,  et  sans  la  mer  la  place  est  perdeue; 
contenter  les  ungs  et  les  aultres  pour  le  passé ,  et  leur 
pourvoir  d'entretenement  pour  l'advenir;  installer  la 
nouvelle  garnison,  qui  sont  six  compagnies  aulxquelles 
il  fault  faire  monstre  en  entrant  ;  pourvoir  à  la  nour- 
riture,  logis  et  traictement  des  malades,  tout  cela  ne 
se  peult  qu'avec  argent,  qui  ne  se  trouve  poinct  ici, 
et  ne  se  peult  tirer  d'ailleurs  qu'avec  ung  peu  de 
temps;  oultre  ce,  que  M.  Le  Gi"and  est  avec  les  forces 
de  Normandie  pour  réduire  Bernay,  où  le  sieur  de 
Lonchamp  se  fortifie.  C'est  pourquoi,  voyant  que  je 
ne  puis  estre  de  retour  là  à  temps,  j'advertis  sa  ma- 
jesté de  haster  les  despesches  d'Italie,  pour  lesquelles 
n'y  a  qu'ung  seul  mot  à  remplir,  sçavoir,  le  temps 
de  son  instruction,  qu'il  peult  prendre  de  mai  en  ung 
an  ,  et  lui  rament  ois  que  c'est  en  vain  si  les  responses 


35o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

n'en  viennent  avnnt  la  fin  de  l'assemblée  qui  se  doibt 
tenir.  Lui  parle  aussi  de  la  despesche  de  la  royne  Louise, 
pour  laquelle  il  fault  que  je  me  demesle  d'ici  au  plus 
tost,  qui  consiste  en  une  simple  créance,  mais  bien 
expresse  sur  moi;  aussi  de  l'ordre  qui  s'y  peult  donner 
pour  Madame ,  dont  j'ai  laissé  copie  à  M.  d'Yolet. 
Vous  vous  pourries  servir  de  cela  selon  l'intention  de 
vostre  vrai  ami,  duquel  le  voyage  est  du  tout  néces- 
saire, et  ne  se  peult  aultrement  faire,  s'il  ne  le  gaigne 
entre  ces  deux  ondées.  Je  lui  touchai  aussi  uncr  mot 
que  tous  les  Quillebois  abandonnent ,  s'ils  n'ont  l'exer- 
cice de  la  relligion.  Et  est  très  vrai,  et  croyés  que  la 
playe  estoit  à  Quillebœuf,  mais  l'inflammation  passoit 
desjà  plus  avant.  Vous  dires  à  mon  lacquais  le  chemin 
qu'il  aura  à  tenir  ;  car  je  ne  lui  ai  voulleu  dire.  Et  si 
sa  majesté  .trouve  à  propos,  ferés  tenir  par  delà  la 
despesche  pour  la  royne ,  et  partir  le  seneschal  de 
Nantes,  suivant  ce  qui  en  a  esté  resoleu  au  conseil.  Je 
vous  remercie  du  passeport,  auquel  je  suis  marry  qu'on 
n'a  limité  le  nombre  de  chevaulx  comme  au  précèdent; 
car  ces  mots,  avec  son  train  et  suite ,  sont  subjects  à 
interprétation.  Je  ne  parle  poinct  encores  à  sa  majesté 
de  mon  voyage  ;  mais  vous  l'y  preparerés,  s'il  vous  plaist, 
comme  estant  à  propos  de  son  service,  outre  ce  que  je 
ne  sçais  plus  où  trouver  argent,  et  à  peine  en  ai  je  pour 
aller  jusques  là.  Je  remets  le  tout  à  vostre  discrétion. 
Faictes ,  au  reste ,  entier  estât  de  mon  service.  Et  sur 
iîe,  je  salue. 


A  M.  LE  PRESIDENT  DE  ROUEN.  35 1 

CXXXIT.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  le  premier  président  de  Rouen. 

Monsieur,  ne  pouvant  avoir  ce  bien  de  vous  voir, 
je  suppléerai  par  ceste  lettre,  qui  vous  tesnioignera  le 
désir  que  j'ai  de  la  continuation  de  vostre  amitié ,  et 
Tasseurance  que  devés  prendre  de  mon  service.  Vous 
aurés  sceu  ce  qui  s'est  passé  pour  Quillebœuf.  Tout  y 
est  maintenant  au  contentement  du  roy;  mais  il  est 
certain  que  c'estoit  le  commencement  d'img  grand 
mal,  les  humeurs  de  ce  misérable  royaulme  estans  si 
corrompeues,  que  la  moindre  esgratignure  y  peult 
monter  en  gangrené.  Le  remède  ne  s'en  peult  trouver 
qu'en  une  paix,  aultrefois  utile,  maintenant  plus  que 
nécessaire.  Et  là  dessus  je  vous  dirai  que  nos  pourpa- 
1ers  ont  amené  les  choses  à  assés  bon  poinct;  mais  ce 
parti  estant  composé  de  tant  de  pièces,  M.  de  Mayenne 
a  désiré  en  communiquer;  et  pour  ce,  tient  une  assem- 
blée à  Soissons  sur  la  fin  de  ce  mois ,  où  tous  l«s  chefs 
doibvent  comparoir,  ou  en  personne,  ou  par  députés; 
les  villes  pareillement ,  et  adviser  par  commun  advis 
sur  les  moyens  qui  jusques  ici  ont  été  proposés.  Il  est 
hors  de  doubte  que  M.  de  Villeroy  marche  de  très  bon 
pied.  La  volonté  des  principaulx  se  monstre  aussi  assés 
bonne;  l'inclination  des  bonnes  villes  y  est.  L'argent 
d'Espaigne  ,  qui  se  compte  entre  deux ,  nous  nuit  beau- 
coup ;  car  le  duc  de  Parme  negotie  dans  les  villes  au- 
jourd'hui à  bouche  ouverte  et  bourse  desliee  ;  et  nous 
proficte  d'ailleurs  en  quelque  chose,  quand  on  le  voit 
ainsi  ouvertement  marchander  la  couronne.  Beaucoup 


352  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

de  gens  de  peu  pareillement,  créés  et  cslevés  de  la 
misère  du  royaidme,  nous  y  traversent.  Et  vous  sçavés 
que  naturellement  ung  seul  peult  plus  à  mal  que  plu- 
sieurs à  bien,  lant  y  a  qu'il  s'y  fault  efforcer;  et  pour  y 
parvenir,  abuter  tout  ce  qui  reste  de  François  ou  de 
non  Espaignol  en  ce  parti  là ,  pour  ung  si  bon  des- 
seing. C'est  le  but  du  voyage  que  je  fais  présentement 
vers  Tours  et  Saulmur,  parce  que  nous  ne  pouvons 
passer  plus  avant  en  la  negotiation  générale,  jusques  à 
l'assemblée  que  dessus ,  qui  nous  donne  loisir  de  six 
sepmaines,  pendant  lesquelles  nous  y  pouvons  prépa- 
rer aulcungs  de  ceulx  qui  y  pourront  le  plus.  Sa  ma- 
jesté aussi  despesche  à  Rome,  et  ses  amis  en  Italie,  où 
il  semble  que  nous  avons  ung  pape  non  espaignol ,  gou- 
verné par  cardinaulx  de  mesme  humeur;  qui  ne  voul- 
dra  poinct  conjurer  à  la  ruyne  de  cest  estât,  ains  con- 
sentira volontiers  aulx  expediens  qui  se  prendront  pour 
l'empescber.  J'ai  pensé,  monsieur,  que  vous  sériés  bien 
aise  de  sçavoir  par  moi  Testât  des  choses,  encores  que 
je  ne  double  poinct  que  par  aultres  vous  en  estes  ad- 
verti.  Et  vostre  prudence  jugera  jusques  à  quoi  vous 
en  pouKi^és  ou  départir  ou  restreindre;  car  vous  estes 
seul  en  ceste  province  auquel  j'en  escris.  Je  pe  sçais  si 
je  vous  doibs  adjouster  qu'il  me  semble  que  la  présence 
de  monseigneur  de  Montpensier  y  est  bien  requise;  et 
je  me  suis  jà  advancé  d'en  escrire  ung  mot  à  sa  majesté. 
Aultrement  je  vois  qu'à  la  face  de  tant  de  chefs  et  d'une 
si  grande  noblesse,  l'ennemi  se  logera  en  quelque  lieu, 
qui  ne  s'en  pourra  chasser  qu'avec  grand  ruyne  du 
peuple;  et  le  pourroit,  pris  à  temps,  sans  difficulté. 
Ores  ,  monsieur,  je  salue  bien  humblement  vos  bonnes 
grâces,  et  prye  Dieu  vous  avoir  en  sa  saincte  garde, 
D'Argentan,  ce  2  juillet  i5g2. 


MEMOIRE  DE  M.  DEPLESSIS,  etc.  35: 


CXXXITL  --  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Envoyé  au  roj. 

«  Du  19  juillet  1692. 

Il  importe  que  sa  majesté  fasse  partir  M.  le  marquis 
de  Pisaiiy  pour  Rome.  On  lui  en  proposera  d'aultres; 
et  tel  qui  s'offrira  de  faire  le  voyage  à  ses  despens. 
J'ai  et  sçais  les  raisons  pour  lesquelles  elle  ne  doibt 
changer  ledict  seigneur  marquis  pour  quelconque 
aultre. 

Je  supplie  sa  majesté  de  m'envoyer  lettres  de  créance 
bien  expresses  vers  la  royne,  tant  pour  conférer  de  la 
part  de  sa  majesté  avec  elle  de  ce  qui  concerne  la  mort 
du  feu  roy,  que  pour  lui  faire  trouver  bon  de  ployer 
M.  de  Mercœur  à  une  paix.  Car  je  sçais  d'ailleurs  que, 
s'il  est  bien  manié,  ceste  negotiation  pourra  réussir; 
laquelle  je  ne  laisse  d'entamer  par  d'aultres  moyens.  Il 
est  besoing  de  lettres  à  M.  le  comte  de  Fiesque  ;  aussi 
à  madame  d'Angoulesme,  pour  la  contenter  en  ce 
qui  regarde  la  mort  du  feu  roy.  J'attends  le  seneschal 
de  Nantes,  duquel  aussi  la  despesche  feut  concleue 
avant  mon  partement;  à  sçavoir  une  instruction ,  pour 
monstrer  à  ceulx  vers  qui  il  a  accès  du  désir  qu'a  sa 
majesté  de  voir  son  peuple  en  repos,  de  la  seureté 
qu'elle  veult  donner  à  la  relligion  catholique,  de  l'in- 
struction qu'elle  veult  prendre  pour  sa  propre  per- 
sonne ,  et  du  contentement  particulier  qu'elle  entend 
donner  à  M.  de  Mercœur,  avec  la  clause  de  tenir  cor- 
respondance avec  le  sieur  Duplessis  pour  l'achemine- 
ment de  sa  negotiation. 

MÉ3f.  IIF.  DUPLESSIS-MORNAY.   ToMF.  Y.  ^33 


354  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Pour  ramener  M,  de  Joyeuse  ,  j'estime  à  propos  que 
sa  majesté  employé  M.  le  comte  de  Torigny,  lequel  a 
quelque  désir  d'aller  voir  M.  le  mareschal  son  père  ;  et 
sous  ombre  de  voir  madamoiselle  de  Bellegarde,  pour- 
roit  passer  jusques  à  Sainct  Félix ,  et  s'aboucher  avec 
ledict  seigneur  de  Joyeuse.  Il  est  certain  que,  pour  la 
privante  qu'ils  ont  eu  ensemble,  il  y  peult  beaucoup. 
Je  lui  en  ai  parlé,  et  partira  quand  sa  majesté  le  lui 
commandera.  Sa  majesté  advisera  ,  oultre  les  clauses 
communes  à  tous,  si  elle  lui  vouldra  proposer  quelque 
gratification  particulière,  et  en  envoyer  ses  instructions 
à  M.  le  comte  de  ïorigny.  Mais  cela  se  doibt  prompte- 
ment,  et  avant  que  madame  la  mareschale  de  Joyeuse  , 
qui  s'y  en  va,  y  arrive;  car  elle  y  gasteroit  tout.  Fauldra 
aussi  escrire  à  M.  de  Monberant  et  à  son  fils ,  lequel 
n'est  de  la  Li'^ue  qu'autant  que  son  père  lui  commande. 
Geste  negotiation,  comme  les  aultres,  ne  doibt  tendre 
qu'à  les  disposer  à  une  générale  paix;  car,  pour  une 
particulière,  ils  sont  trop  fins  pour  se  voulloir  distraire. 
J'avois  pensé  que  M.  Morlas  y  pourroit  estre  envoyé 
avec  M.  le  comte  de  Torigny. 

M.  Erard  est  ici,  lequel  n'attend  que  quelques  lettres 
aulx  gouverneurs  pour  lui  bailler  escorte.  Il  a  eu  nou- 
velles de  l'affaire  (i)  que  sa  majesté  sçait,  lequel  prend 
assés  bon  train  ;  et  espère ,  quand  il  aura  parlé ,  y  frap- 
per ung  grand  coup. 

Les  affaires  de  Bretaigne  empirent ,  et  crient  après 
ung  prompt  secours.  Du  costé  de  deçà  l'eau ,  si  sa 
majesté  Tavoit  agréable,  on  pourroit  tailler  de  la  be- 
soniine  à  M.  de  Mercœur,  àscavoir,  en  la  duché  de  Rets. 

(i)  C'estoit  pour  la  negotiation  avec  la  royne  Marguerite, 
teudanle  à  la  dissohilioii  de  sou  mariage. 


ENVOYÉ  AU  ROY.  355 

en  Clissonois,  vers  Pilletnil  et  aultres  lieux  qui  Tin- 
commoderoient  forl.  Sa  majesté  advise  s'il  seroit  à 
propos  que  M.  de  La  Treiuouille,  qui  se  rouille  chés 
lui ,  eust  charge  d'y  faire  la  guerre  soubs  rauctorité 
de  M.  le  mareschal  d'Auuiont ,  qui ,  la  rivière  entre  deux, 
ne  peult  avoir  soing  de  ceste  partie.  Les  moyens  de  la 
mer  Tentretiendroient  en  partie,  parce  qu'il  n'y  a  que 
le  marquis  de  Narmoutier  et  M.  de  Royan ,  ses  cousins, 
qui  y  ayent  empesché  l'establissement  du  subside. 


CXXXIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  POUT 
A  M.  Duplessis. 

De  Pau,  le  28  juillet  iSgs. 
Monsieur  ,  nous  vous  avons  envoyé  des  le  com- 
mencement de  l'année  présente  ung  estât  par  estin)a- 
tion  sur  la  précédente  des  deniers  qui  pourroient  estre 
mis  en  mains  du  thresorier  gênerai  de  la  maison  de 
Navarre,  par  les  receveurs  particuliers  ressortissans 
en  nostre  chambre  et  pensions,  bien  que  nostre  des- 
pesche  vous  auroit  esté  seurement  rendeue;  mais  nous 
ayant  le  sieur  Malet,  puis  quelques  jours,  escrit  qu'il 
avoit  charge  retirer  de  nous  ledict  estât,  et  que  vous 
desiriez  sçavoir  quels  fonds  il  y  pourroit  avoir  pour  le 
payement  des  gages  des  officiers  de  la  maison,  nous 
avons  advisé  pour  satisfaire  à  vostre  intention  vous  en 
envoyer  par  le  porteur  exprés  ung  extraict  sommaire. 
Vous  recognoistrez  une  grande  diminution  depuis  la 
guerre  en  toutes  les  receptes,  excepté  celle  de  Bearn , 
sur  laquelle  il  a  falleu  prendre  plus  de  quatre  mille  escus 
pour  la  garnison  de  Navarrein ,  d'autant  que  Testât 


356  LETTRE  DE  M.  POUT 

ecclésiastique  n'y  poiivoit  suffire,  de  sorte  que  le  man- 
dement de  vingt  mille  escus  expédié  en  faveur  de 
madame  pour  le  parfaict  payement  de  ses  non  jouis- 
sances, portant  préférence  à  toutes  autres  assignations, 
ne  sçauroit  estre  acquitté  qu'avec  grand  difficulté, 
tant  s'en  fault  qu'il  reste  ung  seul  denier  pour  l'acquis 
de  Testât,  debtesetaultres  charges  de  la  maison.  L'année 
prochaine  nous  espérons  qu'il  se  trouvera  fonds  sur 
l'ecclésiastique  sans  toucher  au  domaine  pour  l'entier 
payement  de  ladicte  garnison,  parce  que  les  fermes, 
fiiictes  au  mois  de  mai  dernier,  ont  augmenté  beau- 
coup plus  qu'à  l'ordinaire  ,  et  vous  pryons  trouver  bon 
qu'il  y  auroit  quelque  reste,  lorsque  les  rabais,  à  cause 
de  la  gresle  et  aultres  cas  fortuits,  seront  liquidés;  qu'il 
soit  destiné,  suivant  ce  que  sa  majesté  nous  a  ci  devant 
ordonné,  à  l'acquit  de  quelques  parties  empruntées  les 
années  précédentes  à  rente  constituée  sur  le  domaine, 
pour  fournir  à  ladicte  garnison,  oultre  que  cest  amor- 
tissement reviendra  ci  après  à  descharge  par  chacung 
an;  les  créanciers  nous  ont  souvent  déclaré  ne  voul- 
ioir  attendre  plus  long  temps  leur  payement  :  au  de- 
meurant, monsieur,  ledict  sieur  Malet  nous  a  faict 
entendre  qu'il  se  tient  prest  pour  venir  rendre  ses 
comptes  des  années  1 586  et  i58();  nous  désirerions, 
pour  éviter  confusion,  que  le  sieur  du  Perray  feust 
pressé  de  s'acheminer,  afin  de  compter  aussi  en  son 
ordre  pour  les  raisons  que  nous  avons  desjà  par  plu- 
sieurs fois  escrites  ;  lui  seul  a  jusques  ici  acroché  ses 
compaignons,  tellement  qu'ils  ont  à  compter  de  neuf 
années,  et  cependant  par  les  ordonnances  ne  pouvoit 
rentrer  en  nouvelle  charge,  qu'ayant  au  préalable  rendcu 
leur  compte  de  la  précédente;  il  est  à  craindre  que  si 
ceste  négligence  est  à  plus  avant  tolérée,  elle  ne  tourne 


A  M.  DUPLESSIS.  SSy 

enfin  à  ung  notable  préjudice,  parce  que  le  temps 
octroyé,  pour  le  rachat  des  pièces  vendeues ,  pourra 
couler  sans  qu'on  s'en  prenne  garde.  Ce  que  nous  vous 
supplions  voulloir  considérer  et  le  contraindre  pour 
le  moins  à  bailler  par  estât  et  déclaration  toutes  les 
ventes  faictes  pendant  les  années  de  son  administra- 
tion ,  afin  que  de  bonne  heure  on  puisse  rechercher  les 
moyens  d'y  remédier,  soit  par  prorogation  de  temps, 
ou  par  quelque  aultre  voye.  Et  sur  ce  nous  pryons  le 
Créateur  vous  donner,  monsieur,  une  parfaicte  santé, 
heureuse  et  longue  vie.  Vos  plus  affectionnés  et 
obeissans  à  vous  faire  service  les  gens  tenant  la  cham- 
bre des  comptes.  Pout. 


CXXXV.  —  INSTRUCTION 

-A  M.  Meslier ,  faicte  et  baillée  par  M.  Duplessis. 

Du  I*'  aoust  1592. 

Le  roy  ne  désire  rien  tant  que  la  paix  en  son 
royaulme,  et  fera  très  vollontiers  toutes  choses  raison- 
nables pour  y  parvenir. 

Particuherement  pour  le  contentement  de  M.  de 
Mercœur,  et  de  ses  subjects  deBretaigne  qui  ont  suivi 
son  parti. 

Ce  qu'il  a  donné  charge  au  sieur  Duplessis  de  lui 
faire  entendre;  lequel  a  esté  très  aise  de  le  pouvoir  faire 
à  propos  par  l'entremise  de  M.  Meslier. 

Jusques  ici  ledict  sieur  Duplessis  a  conféré  diverses 
fois  par  le  commandement  de  sa  majesté  avec  M.  de 
Yilleroy  auctorisé  de  M.  de  Mayenne ,  pour  applanir 
les  chemins  qui  peuvent   mener  à  la  paix;  non  san^i 


il 

358  INSTIIUCTIOIV 

fruict  et  espérance,  ainsi  qu'il  est  malaisé  que  leclict 

sieur  duc  de  Mercœur  n'ait  entendeu. 

Biais  la  conclusion  de  M.  de  Mayenne  a  esté  qu'on 
desiroit  tenir  une  assemblée  générale  pour  en  com- 
muniquer avec  les  principaulx  chefs  et  villes,  pour 
éviter  les  distractions ,  qui  à  faulte  de  ce  pourroient 
ensuivre.  Ce  que  sa  majesté  a  trouvé  bon,  n'estant  son 
intention  de  les  distraire,  ni  diviser;  ainsi  selon  su 
sincérité  de  leur  donner  à  tous  en  gênerai,  et  chacung 
d'eulx  en  particulier,  occasion  de  se  reunir  et  ré- 
concilier tous  ensemble  à  lui ,  et  le  recognoistre  ce 
qu  il  est.  ' 

Ne  voullant  cependant  laisser  de  tesmoigner  audict 
seigneur  duc  de  Mercœur  la  facilité  qu'il  trouvera 
pour  son  particulier  en  lui,  en  tout  ce  qui  concernera 
son  contentement;  lequel  il  s'asseure  qu'il  ne  cher- 
chera qu'en  choses  raisonnables. 

S'il  parle  du  scrupule  de  traicter  avec  ung  prince 
de  différente  relligion  ,  les  prédécesseurs  papes  ont 
bien  traicté  avec  lui,  avant  mesmes  son  avènement  à 
la  couronne;  le  roy  d'Espaigne  l'a  bien  voulleu  faire 
(ainsi  que  le  sieur  Meslier  a  entendeu)  pour  l'armer 
contre  le  feu  roy;  et  encores  présentement  il  traicte 
de  paix  avec  ses  subjects  de  Hollande  et  Zeelande , 
sans  préjudice  de  leur  relligion.  Ce  sont  donc  scrupules 
vains  et  empruntés. 

S'il  veult  voir  seureté  en  la  relligion  catholique  , 
apostolique  et  romaine,  il  y  auroit  plus  d'apparence 
que  le  roy  en  demandas!  pour  la  sienne.  Toutesfois  ils 
doibvent  peser  la  foi  et  parole  du  roy,  non  jamais  vio- 
lée; la  force  du  roy,  qui  consistées  catholiques;  le 
conseil  du  roy  qui  en  est  composé ,  qui  ne  consenti- 
ront pas  h  la  ruyne  de  leur  relligion.  Joinct  que  le  roy 


A  M,   MESLIER.  SSg 

est  trop  prudent   pour  ne  cognoistre  qu'en  reinunnt 
cela  ,  il  tireroit  sa  ruyne  sur  sa  teste. 

S'il  insiste  sur  la  relligion  pour  la  personne  du  roy, 
il  n'est  raisonnable  que  le  changement  précède  l'instruc- 
tion, ni  selon  le  droict  humain,  ni  selon  le  divin.  Il 
n'est  honorable  qu'il  se  fasse  par  traicté,  les  armes  en 
la  main,  et  comme  par  force  ou  par  justice,  mesmes 
du  subject  au  prince.  Il  n'est  utile,  ni  pour  le  roy,  ni 
pour  Testât  que  son  peuple  ait  subject  de  croire  qu'il 
n'ait  relligion  que  son  interest.  Et  ce  qu'il  n'a  voulleu 
donner  à  son  roy,  il  n'est  à  présumer  qu'il  le  lasche  à 
ses  subjects. 

Mais  bien,  pourveu  que  sesdicts  subjects  le  recog- 
noissent  ainsi  qu'ils  doibvent,  il  leur  promettra  de  se 
faire  instruire ,  prendra  ung  terme  prefix  pour  ce  faire, 
et  recherchera  tous  moyens  à  ceste  fin,  convenables  à 
sa  dipnité  et  conscience. 

Consentira  mesmes  aulx  seigneurs  et  princes  catho- 
liques qui  l'ont  suivi  et  assisté  d'envoyer  vers  le  pape, 
pour  lui  tesmoigner  ceste  sienne  bonne  resolution,  et 
conférer  des  moyens  de  ladicte  instruction  avec  lui. 
Ce  qui  a  esté  trouvé  bon  par  M.  de  Mayenne,  ef  ne 
peult  estre  rejette  d'aulcung  avec  raison. 

Pour  le  particulier  de  M.  de  Mercœur,  M.  Meslier 
le  pourra  asseurer  comme  le  tenant  de  la  bouche  du 
sieur  Duplessis,  et  estant  pryé  de  sa  part  de  l'en  as- 
seurer que  sa  majesté  entend  le  maintenir  en  son  gou- 
"vernement ,  en  l'auctorité  accoustumee  à  sa  charge  et 
dignité,  et  désire  en  oultre  l'honorer  es  occasions  qui 
SQ  pourront  présenter  à  l'advenir. 

Et  s'il  en  veult  estre  plus  esclairci ,  et  d'aultres  choses 
concernant  soit  le  gênerai  de  son  parti ,  soit  le  parti- 
culier sien,  envoyant  quelqu'ung  avec  M.  Meslier,  plei- 


36o  INSTRUCTION 

nement  instruit  de  ses  intentions,  ledict  sieur Duplessis 

espère  lui  en  donner  satisfaction. 

S'il  demande  à  M.  Meslier  comment  est  adveneu  qu'il 
se  soit  ouvert  avec  ledict  sieur  Duplessis  de  ce  qui  se 
passoit  entre  lui  et  le  sieur  de  Vignau  ,  semble  qu'il 
peut  dire  que,  sçachant  qu'il  avoit  esté  principalement 
employé  en  ce  traicté  de  paix ,  il  avoit  pensé  à  propos 
de  le  voir,  premier  que  d'aller  conférer  avec  le  sieur 
de  Vignau ,  afin  de  marcher  à  pied  plus  ferme  en  cest 
affaire. 

M.  Meslier  n'oubliera,  selon  sa  prudence,  les  raisons 
qui  le  peuvent  persuader.  Que  toute  guerre  veult  estre 
finie  par  une  paix. 

Que  celle  ci  ne  peult  estre  finie  ni  plustost,  ni  plus 
à  propos  qu'en  traictant  avec  le  roy  ;  tout  aultre  traicté 
ne  pouvant  estre  que  ruyneux  à  Testât,  et  suspect  à 
eulx  mesmes. 

Que  l'ambition  de  l'Espaignol,  comme  il  a  cogneu  , 
ne  tient  poinct  de  mesure;  lequel  eschafaudera  d'eulx 
le  bastiment  de  sa  grandeur,  et  puis  les  bruslera. 

Que  le  roy  est  prince  bening,  non  vindicatif,  non 
motif  de  ceste  guerre ,  avec  lequel  ils  peuvent  tous 
espérer  d'achever  leur  vie  en  honneur  et  en  paix. 

Lui  alléguer  le  bon  traictement  faict  au  comte  de 
Chaligny,  son  frère;  llionneur  et  Fadvantage  faict  en- 
cores  n'agueres  à  la  royne. 

Qu'il  ne  permette  qu'il  soit  dict  à  la  postérité  qu'il 
ait  mescogneu  les  honneurs  que  leur  maison,  eulx  par- 
ticulièrement ont  receu  en  France. 

Qu'il  est  trop  sage  pour  s'élever  du  succès  de  Craon. 
Que  ces  heurs  sont  glissans  et  passent  voUontiers  de 
main  à  aultre;  et  que  les  plus  sages  font  leurs  condi- 
tions bonnes,  lorsque  leurs  affaires  se  portent  bien  ,  et 


A  M.  MESLIER.  ôGl 

ne  traictent  jamais  plus  vollontiers  de  paix  que  quand 
la  guerre  les  veult  amorcer  par  quelque  bon  succès. 

Que  la  royne  d'Angleterre  envoyera  de  grandes  for- 
ces en  Brelaigne  ;  le  roy  mesmes  y  viendra  convié  et 
exhorté  par  elle,  comme  il  est  à  toute  heure. 

Et  lors  pour  s'en  défendre ,  il  sera  contrainct  d'y 
mettre  l'Espaignol  si  fort,  qu'il  ne  l'en  pourra  tirer  par 
après,  tellement  que  la  Bretaigne  sera  en  danger  de  se 
perdre  et  pour  l'ung  et  pour  l'aultre. 

Qu'une  médiocrité  en  somme  vault  mieulx  bien 
asseuree  qu'une  grandeur  oullre  mesure  sans  fon- 
dement. 

M.  Meslier  fera  ceste  faveur  au  sieur  Duplessis  de 
Tadvertir  incontinent  de  tout  ce  qu'il  aura  faict,  selon 
le  chiffre  que  pour  cest  effect  ils  prennent  ensemble. 


CXXXVI.  —LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

ud  M.  SeiviTi ,  conseiller  du  roy  et  son  advocal  en  sa 
court  de  parlement  a  Tours. 

Monsieur,  je  ne  puis  vous  envoyer  par  ce  porteur 
les  articles  que  demandés  ;  car  ils  ne  sont  poinct  en 
ceste  ville.  Je  les  ai  bien  en  mes  papiers ,  mais  mes  cof- 
fres sont  demeurés  à  Ghasteaudun  ,  que  j'envoye  quérir 
par  la  première  escorte.  Des  que  j'en  pourrai  recouvrer, 
soit  d'une  part,  soit  d'aultre,  je  les  vous  ferai  tenir  et 
en  serai  soigneux.  Je  vous  remercie  humblement  de  ce 
qui  a  esté  faict  de  grascieuseté  à  M.  de  Pueilly.  Il  ne 
m'en  a  encores  rien  mandé.  M.  de  La  Borde  m'a  mandé 
les  difficultés  où  il  se  trouve.  On  craint  des  inconve- 
niens,  ou  on  faict  semblant  d'en  craindre,  en  recevant 


362  LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS ,  cic 

ceulx  de  larelligion  aulx  estais  et  dignités.  J'en  crains 
et  vois  de  pius  grands  à  ne  le  faire  pas;  oultre  ce  que 
c'est  contre  la  vollonté  du  roy,  l'intention  des  edicts,  et 
la  justice  de  la  société  publique.  Je  vous  dis  dadvan- 
tage ,  et  vous  sçavés  que  je  le  dois  sçavoir,  que  ceulx 
de  la  Ligue  n'y  font  ces  scrupules.  Mais  c'est  une  marque 
de  Tire  de  Dieu  sur  nous,  que  nous  ne  pouvons  oublier 
nos  animosités.  Et  jugés  si  elles  sont  oultre  mesure, 
quand  tous  les  jours  on  voit  recevoir  des  Ligueurs  aulx 
compaignies,  et  en  mesme  temps  on  faict  difficulté  d'y 
recevoir  ceulx  qui  de  tout  temps  sont  serviteurs  du 
roy.  J'en  parle  plus  librement,  parce  que  c'est  sans 
mon  interest  particulier;  car  je  signerai  vollontiers  une 
renonciation  à  tous  estats ,  aussi  content  de  ma  con- 
dition qu'homme  qui  vive.  Mais  je  sçais  combien  cela 
nuit,  et  dedans,  et  dehors;  et  ne  vois  poinct  encores 
qu'il  ait  profilé  en  la  moindre  chose.  Je  dis  plus,  que 
ceulx  qui  maintiennent  ceste  proposition  ,  s'il  leur 
estoit  loisible,  rejetteroient  le  roy  de  la  couronne;  car 
si  la  relligion  doibt  exclure  des  petites  charges  selon 
leur  advis,  comment  et  de  quel  cœur  le  peuvent  ils 
admettre  à  la  première?  Je  suis  au  reste  fort  aise, 
monsieur,  que  M.  le  président  de  Nantes  ait  obleneu 
ce  qu'il  poursuivoit,  car  je  le  tiens  pour  homme  de 
mérite.  H  vous  en  est  obligé,  et  moi  aussi ,  qui  vous  en 
rendrai  service  d'aussi  bon  cœur  qu'humblement  je 
salue  vos  bonnes  grâces,  et  prye  Dieu,  monsieur, 
vous  avoir  en  sa  saincte  sarde.  Vostre  humble  et  entier 
ami  et  serviteur. 

De  Saumur,  ce  4  aoust  iSga. 


LETTRE  DE  M.  DE  BORN,  etc.  3G3 

CXXXVÎI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BORN 

A  M.  Diiplessis. 

De  Bourdeaulx,  ce  6  aoust  lôga. 

Monsieur,  je  vous  escrivis  il  y  a  quelque  temps  que 

je  vous  baillerois  les  deux  bastardes  qui  feurent  gaignees 

aulx  faulxbourgs  de  Paris,  au  prix  que  le  roy  me  paye 

les  pièces  qui  est  à  buict  soûls  la  livre  ;   si  vous  les 

voullés  à  ceste  raison,  vous  me  ferez  ce  bien,  s'il  vous 

plaist,  de  me  le  mander,  affin  que  j'envoye  charge  à 

M.  Binet ,  à  Tours ,  pour  en  faire  le  marché.  Si  vous 

voullés  qu'il  soit  mis  par  escrit  de  vous  bailler  quittance 

de  ce  que  baillerés  :  je  vous  escris  ceci  sur  les  propos 

que  me  tinstes  lors  que  je  m'en  allai  avec  vous  devant 

Bernay,  que  desiriés  avoir  lesdictes  bastardes  que  M.  de 

Sonnoz  vous  bailla;  je  vous  supplie  bien  humblement 

m'en  mander  voslre  vollonté,  et  ferés  venir  vos  lettres 

audict  sieur  Binet,  à  Tours,  qui  me  les  envoyera.  Nous 

sommes  en  ceste  ville  de  Bourdeaulx  en  allarme  sur  les 

advis  que  M.   le   mareschal    de   Matignon  a    eu  que 

l'armée  de  mer  que  le  roy  d'Espaigne  prépare,  est  pour 

venir  en  la   rivière  qui  passe   ici.   L'on  s'estoit  foit 

^     resjoui  en  ces  quartiers  des  bruicls  qui  avoient  coureu 

,     que  la  trefve  generalle  estoit  anestee  pour  six  mois; 

If    mais  l'on  ne  la  voit  pas  sortir  en  effect  en  cest  endroicl. 

Je  vous  baiseray  bien  humblement  les  mains,  pryant 

Dieu. 


364  LETTRE  DE   M.   DU  FAIÎR 


CXXXVIIL  — LETTRE  DE  M.  DU  FAUR, 

Conseiller  du  roj  et  président  en  sa  court  de  parle- 
ment,  a  Thoulouse,  à  M.  Duplessis. 

Monsieur,  parmi  les  grands  et  importants  affaires 
qui  passent  par  vos  mains ,  encores  ne  vous  sçauriés 
vous  garder  de  retrancher  quelques  heures  pour  les 
emplois  à  la  lecture  des  livres.  Je  serois  trop  content 
si,  parmi  ceulx  qui  vous  donnent  plus  de  plaisir,  le  mien 
pouvoit  trouver  quelque  place,  qui  vous  sera  offert  à 
cest  effect  de  ma  part  par  cest  honneste  homme ,  qui 
m'a  promis  vous  rendre  la  présente ,  et  me  ramente- 
voir  en  vostre  bonne  grâce.  L'impression  dudict  livre 
n'ayant  esté  faicte  comme  il  appartenoit  en  plusieurs 
sortes  1  comme  vous  le  jugerés  bien  ,  me  faisoit  au  com- 
mencement doubter  de  vous  l'envoyer.  Enfin  il  ma 
semblé  que  vostre  doulx  naturel  ,  et  l'affection  qu'il 
vous  a  pieu  me  monstrer  autresfois  et  promettre  pour 
l'advenir ,  pourroit  couvrir  tous  defaults ,  quelque 
grossiers  qu'ils  soient.  On  ne  tardera  gueres,  si  j'en 
suis  creu ,  à  la  deuxiesme  impression.  Entre  ci  et  là 
mon  livre  sera  plus  grossi  et  poli ,  ayant  jà  en  main  de 
quoi  le  rendre  tel,  pour  avec  moins  de  honte  compa- 
roistre  devant  vous,  avec  l'aide  du  seigneur  Dieu, 
lequel  je  prye  vous  donner,  monsieur,  en  sa  saincte 
grâce  tout  aultre  contentement  après  mes  très  hum- 
bles recommandations  à  la  vostre. 

A  Thoulouse,  ce  20  aoust  i5g2. 

Et  par  apostille  estoit  escrit  :  M.  de  Pujols,  mon 
cousin ,   vous  aura  ci  devant  faict  tenir  de  ma   part 


A  M.  DUPLESSIS.  o65 

mon  petit  livre  de  Dei  nomine.  Vous  tioiiverés  en 
cestui  aussi  bien  qu'en  l'aultre  des  passages  de  la 
saincte  Escriture  aultrement  espluchés  et  illustrés 
qu'il  n'a  esté  encores  faict ,  que  je  sçache.  Je  désire  qu'en 
l'ung  et  l'aultre  vous  me  supportiés  en  mes  faultes, 
comme  estant,  monsieur,  à  tousjours,  vostre  très 
humble  et  affectionné  serviteur,  P.  du  Faur. 


CXXXIX.  — ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  des  Reaux. 

Du  aS  aoust  iSga. 

Monsieur,  j'ai  ung  extresme  regret  de  vostre  pri- 
son,  et  pour  ie  public  et  pour  le  particulier,  car  je 
sçais  vos  incommodités  et  apperçois  des  longueurs  où 
je  pense  que  par  vostre  entremise  nous  eussions  veu 
des   diligences.    Mais  Dieu   sçait  que  ce  qui  estoit  en 
moi  a  esté   faict  en  ce  qui  estoit   de  moi.  Je  n'avois 
poinct  de  puissance;  depuis  que  je  suis  ici ,  j'ai  mis  en 
bon  train  l'affaire  principal  dont  j'ai  esté  chargé;  j'y 
vois  clair  et  en  espère  bien.  Mais  de  quoi  servira  tout 
cela  quand  nous  laissons  périr  ce  qu'on  a  tant  de  peine 
à  faire  naistre?  Si  ne  me  lasserai  je  poinct,  puisque 
j'y  vois  la  bénédiction  de  Dieu  contre  les  malédictions 
.    des  hommes.  Vous  me  demandés  mon  advis  de  Mon- 
doubleau  ;  je  n'entends  poinct  les  marchés  de  feu  M.  du 
Fay;  bien  sçais  je  que  Mondoubleau  vault  quatre  cens 
mille  livres.  Il  y  a  en  ung  article  douze  cens  arpens  de 
.,   bois,  au  meilleur  marché  cent  escus  l'arpent,  calculés 
^1   à  l'offre  de  M.  de  Sourdiz,  vous  en  auriés  trente  cinq 
*i    mille  livres.  J'aimerois  mieulx  vendre  tout  mon  bien 


366  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

que  si  elle  lui  demeuroit ,  pour  la  honte  que  ce  nous 
scroit  à  tous;  il  y  a  cl'aultres  moyens  pour  les  voyages 
si  on  se  veult  efforcer;  mais  je  crains  qu'on  ne  guette 
les  nécessités  au  passage  pour  y  envoyer  quelqu'ung 
qui  offre  des  advances  pour  gaster  ce  que  nous 
taschons  d'accommoder.  En  quoi  est  Testât  des  choses 
que  je  vois  et  crois  qu'il  ne  feroit  moins  de  desplaisir 
au  plus  sage  de  nos  ennemis  qu'à  nous.  Pour  vous , 
le  receveur  de  Chasteauneuf  m'escrit  qu'il  s'est  ohligë 
d'onze  cens  escus  pour  vous,  en  quoi  il  m'avoit  faict 
beaucoup  de  plaisir;  et  s'il  y  a  aultre  moyen  où  je 
puisse ,  me  l'enseignant,  je  le  ferai  de  très  bon  cœur, 
comme  je  salue,  etc. 


CXL.  —  ^  LETTRE 

^  madame  Duplessis. 

Madame,  je  vous   ai  despesché  aujourd'hui   avec 
tant  de  haste  que  je  me  suis  oubliée  de  vous  parler  de 
la  devise  de  Madame,  qui  me  faict  vous   envoyer  ce 
lacquais  pour  vous  dire  que  son  altesse  n'en  a  poinct 
encores  choisi  de  particulière,  et  qu'elle  a  trouvé  fort 
belle  celle  que  vous  m'avés  envoyée,  dont  j'ai  pensé 
vous  debvoir  advertir  de  bonne  heure ,  estimant  que 
vous  la   voulliés   peult  estre  employer  à   son   entrée,  ■' 
Je  lui  ai   aussi    faict   entendre   ce    que   vous   m'aviés  w 
mandé,  par  une   aultre  de   vos   lettres,    touchant  le  ^5 
seneschal  de  Saulmur.  Elle  a  esté  bien  aise  d'en  estre 
advertie,  et  s'y  gouvernera  comme   vous  désirés.  Au 
reste,  madame,  m'estant  faileu  resouldre  contre  mon 
premier  desseing  de  l'accompagner  jusques  à  Saulinur, 


LETTRE  A  MADAME  DUPLESSIS.  867 

d'autant  qu'elle  ne  m'a  vouUeu  permettre  de  m'en  aller 
de  Niort,  comme  je  l'avois  suppliée;  je  vous  supplie 
me  faire  ce  bien  de  commander  que  j'aye  quelque  logis 
commode,  non  esloingné  du  sien.  J'aurois  besoing  de 
quattrc  ou  cinq  chambres,  pour  ce  qu'il  en  fault  trois 
pour  mes  enfans  et  pour  moi ,  et  oultre  cela  de  quel- 
que cuisine  et  aultres  connnodités  ;  si  le  tout  ne  se 
peult  trouver  en  ung  logis,  je  ferois  plustost  loger  mes 
fds  en  ung  aultre;  mais  je  serois  bien  aise  qu'il  feust 
fort  près  du  mien.  Je  vous  "dis  librement,  madame, 
toutes  mes  nécessités.  C'est  pour  l'asseurance  que  j'ai 
de  vostre  bonne  volonté  qui  me  faict  croire  que  vous 
ne  vous  ressentirés  importunée.  Faictes  en  recompense 
estât  de  la  mienne  et  de  moi  comme  de  vostre  obéis- 
sante et  plus  affectionnée  à  vous  servir , 

Catherine  de  Parthenay. 
De  Champdenier ,  ce  24  aoust  1692. 


CXLI.  —  LETTRE  DE  M.  DE  HARLAY 

A  M.  Diiplessis. 

Monsieur,  il  y  a  long  temps  que  la  partialité  s'est 
insinuée  en  nostre  compaignie.  La  source  n'est  pas 
incogneue  aulx  serviteurs  du  roy  fidèles  et  affection- 
nés. Elle  ne  nous  a  pas  encores  amenés  à  une  bataille 
rangée ,  mais  nous  en  sommes  à  la  veille.  Cest  accident 
est  surveneu  sur  le  restablissement  d'ung  conseiller 
fort  diffamé  de  la  Ligue ,  non  seulement  pour  son  sé- 
jour à  Paris  depuis  la  rébellion,  mais  pour  ses  dcpor- 
temens  aussi  peu  recommandables,  que  la  suspension 
de  son   estât  pour  six  mois,  à  laquelle  il  feut  con- 


368  LETTRE  DE  M.  DE  HARLAY,  etc. 

damné  par  arrest ,  toutes  les  chambres  assemblées  il  y 
a  environ  douze  ans,  pour  ung  mauvais  acte.  Toutes- 
fois  la  parenté ,  alliance ,  amitié  et  conversation  lui 
apportent  tel  support  qu'une  partie  des  juges  désirent , 
et  ses  parties  poursuivent  sa  réception.  Je  puis  arrester 
le  progrès  du  mal  provenant  de  la  division  ,  disant 
que  j'ai  commandement  du  roy  de  surseoir  la  délibé- 
ration commencée,  jusques  à  ce  qu'il  nous  ait  faict 
plus  amplement  entendre  sa  volonté.  Je  ne  double 
poinct  que,  si  sa  majesté  estoit  bien  informée  de  Testât 
de  cest  affaire ,  elle  ne  commandast  de  le  tenir  en  sur- 
seance;  mais  son  commandement  ne  me  pourroit  estre 
faict  qu'après  le  feu  de  la  division  tellement  embrasé 
qu'il  sera  impossible  de  l'esteindre.  D'aultre  part,  je 
crains  d'entreprendre  sans  permission.  Ce  qui  me  faict 
vous  supplier  m'empertir  vostre  prudent  conseil  ,  si, 
pour  éviter  ung  scandale  public  et  entretenir  le  repos 
en  nostre  compagnie  ,  je  puis  user  de  ce  moyen,  sans 
faire  chose  désagréable  à  sa  majesté.  Si  le  subject  de 
ma  lettre  feust  surveneu  devant  le  parlement  de 
M,  d'Emery ,  je  l'eusse  pryé  de  conférer  avec  vous.  Je 
vous  baise  bien  humblement  les  mains,  et  prye  Dieu, 
monsieur,  vous  donner  longue  et  heureuse  vie.  Vostre 
bien  humble  et  affectionné  serviteur.  De  Haklay. 
A  Tours,  ce  29  aoust  iSga. 


CXLII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  premier  président  de  Harlay.  \ 

Monsieur  ,  j'ai  receu  celles  qu'il  vous  a  pieu  m'es- 
crire,  et  enlendeuM.  Gillot.  Je  n'ai  rien  obmis  en  ma 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  36c) 

despesche  de  ce  que  je  doibs  au  service  du  roy ,  ninsi 
que  verres  par  celle  que  j'en  escris  à  sa  majesté  exprés, 
dont  je  vous  envoyé  copie.  Mais  je  déduis  le  faicfc  en 
ung  mémoire  à  part ,  qui  lui  sera  leu.  Je  serois  d'advis 
que  vous  en  feissiés  ung  petit  mot  à  M.  de  Beaulieu 
comme  je  fais,  parce  que  je  me  doubte  qu'il  fera  la 
despesche.  Et  là  dessus,  monsieur,  je  ne  feindrai  poinct 
de  vous  dire  que  Thumeur  de  ce  règne  requiert  que 
personnes  constituées  en  auctorité,  et  omni  excep- 
tione  majores,  comme  vous,  n'attendent  pas  d'ung 
prince,  occupé  assiduellement,  commandemens  parti- 
culiers sur  toutes  choses.  Au  contraire,  j'estime  qu'il  est 
nécessaire  que  bien  souvent  vous  les  receviés  de  vous 
mesmes;  c'est  à  dire  de  l'intégrité  de  vostre  conscience, 
et  de  la  cognoissance  que  vous  avés  de  ce  qui  duit 
ou  nuit  à  son  service.  Aultrement,  en  observant  trop 
les  formalités,  on  perdroit  la  nature  des  choses;  et 
nous  adviendroit  comme  aux  Juifs,  qui  se  laissèrent 
battre  pour  chommer  le  sabbat.  Sa  majesté  interpret- 
tera  sans  doute  tousjours  à  bien  ce  que  les  bons  feront, 
et  les  blasmeroit  au  contraire,  si  par  attendre  des  in- 
structions de  loing,  ils  laissoient  périr  le  sien  de  près, 
cest  estât  estant  aujourd'hui  subject  à  des  accidens  si 
soubdains,  que,  sans  attendre  le  tocsin,  il  fault  courir 
au  feu.  Vous  n'imputerés,  monsieur,  à  présomption, 
s'il  vous  plaist,  ce  que  je  vous  en  dis,  selon  la  cog- 
noissance que  j'ai  de  l'équité  de  sa  majesté,  pouravoii" 
cest  honneur  de  l'avoir  servi  longuement.  En  toute 
chose  prest  d'apprendre  de  vous,  et  de  subir  vostre 
discipline  en  toute  humilité;  comme  aussi,  monsieur, 
je  vous  baise  les  mains,  et  supphe  le  Créateur  vous 
avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Saulmur,  ce  4  septembre  1592. 

MÉM.  UE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToME  V-  ^4 


'djo  LETTRE  DE  M.  DE  HARLAY,  eic. 

CXLIII.  — LETTRE  DE  M.  DE  HARLAY 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  vous  ai  beaucoup  d'obligation  de  la 
peine  qu'il  vous  a  pieu  prendre  d'escrire  à  sa  majesté 
de  nos  affaires.  Il  en  estoit  besoing  pour  arrester  le 
cours  préjudiciable  à  son  service.  Je  la  servirai  tous- 
jours  avec  beaucoup  de  fidélité;  mais  plus  hardiment 
quand  il  lui  plaira  me  tant  honorer  que  de  me  com- 
mander. Je  vois  tant  d'opposition  à  ce  que  je  crois 
n'estre  de  son  intention,  les  affaires  de  la  justice  et 
aultres  si  ouvertement  traversés,  que  je  n'estime  pas 
une  simple  formalité  de  désirer  d'estre  honoré  de  ses 
commandemens  plus  exprès,  que  je  n'ai  receu  jusques 
à  présent.  L'attendant ,  je  m'efforcerai  faire  chose  agréa- 
ble à  sadicte  majesté ,  retenant  ses  serviteurs  en  bonne 
volonté  de  la  bien  servir ,  et  empescher  qu'ils  ne  se 
laschent,  craignans  estre  délaissés.  Je  vous  baise  bien 
humblement  les  mains ,  et  après  vous  avoir  renouvelé 
l'offre  de  mon  service,  pryerai  Dieu,  monsieur,  vous 
donner  longue  et  heureuse  vie.  Vostre  bien  humble  et 
affectionné  serviteur ,  De  Harlay. 

A  Tours,  ce  5  septembre  iSga. 


LETTRE  DE  M.  DUPIESSIS,  eic. 


CXLIV. —  LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS 

Au  roy. 

Sire,  j'envoye  à  vostre  majesté  ung  bref  mémoire 
d'affaires,  qui  requièrent  response.  M.  de  Lomenie  lui 
en  fera  lecture ,  s'il  lui  plaist.  M.  le  premier  président 
escrit  à  vostre  majesté.  Il  est  certain  que  l'auctorité  des 
bons  dépérit  en  vostre  cour  par  le  meslange.  Ce  qui 
ne  se  peult  corriger  que  par  le  cas  que  vostre  majesté 
fera  des  ungs  plus  que  des  aultres.  Oultre  ce  qu'il  ne 
reste  à  vostre  majesté  marque  de  majesté  plus  visible 
que  là  où  je  sçais  qu'elle  a  nombre  de  serviteurs,  qui 
ne  regardent  ni  derrière  eulx,  ni  après  vous,  ains  détes- 
tent tout  ce  qui  se  bastit  ailleurs  que  sur  vous  mesmes; 
ce  que  je  supplie  très  humblement  vostre  majesté 
d'estimer  selon  ma  seule  passion  à  son  service.  Deux 
ou  trois  lettres  escrites  à  propos  peuvent  remparer 
ces  bresches  là.  Et  en  remparant  leur  auctorité ,  qui 
n'est  combatleue  que  par  le  mespris  de  vos  comman- 
demens,  vous  fortifiés  la  vostre  propre.  Je  pense  que 
vostre  majesté  en  sera  encores  adverlie  d'ailleurs.  L'af- 
faire de  M.  de  La  Borde  a  esté  et  est  traversé  par 
ceulx  qui  le  debvoient  requérir,  et  contre  toutes  les 
formes.  M.  le  premier  président  y  a  faict  ce  qui  estoit 
de  vostre  intention  et  de  la  justice;  et  les  bons  y  ont 
monstre  beaucoup  de  vertu.  Apres  l'arrest  interveneu, 
on  le  veult  éluder  par  des  sophisteries ,  auxquelles 
vostre  majesté  a  interest  de  ne  laisser  succomber  la  sin- 
cérité de  vostre  court  de  parlement,  où  réside  partie 
de  vostre  auctorité  ;  mais  vostre  majesté  en  sçaura  les 


372  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  eic. 

particularités  il'ailleiirs.  A  Bayonne,  l'evesque  faict  de 
grandes  menées  ,  assisté  de  trois  prescheurs,  qui  sé- 
duisent le  peuple,  en  faisant  valloir  une  excommuni- 
cation interjeltee  particulièrement  contre  les  habitans, 
comme  fauteurs  dheresie.  Vostre  majesté  peult  escrire 
gravement  qu'il  en  soit  informé,  et  que  les  séditieux 
soient  mis  hors.  Je  vois  que  les  bons  y  craignent  le 
mal  plus  prest  que  je  ne  l'ose  croire.  Sire ,  c'est  tous- 
jours  de  ceste  mesme  affection  que  je  supplie  le  Créa- 
teur qu'il  doint  à  vostre  majesté  en  prospérité  longue 

vie. 

De  Savilmur,  ce  5  septembre  j5g2. 


CXLV.  —  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Envojé  au  roj"  le  6  septembre  iSga. 

Sa  majesté  sera  advertie  que  Testât  de  sa  province 
de  Brelaigne  est  tel  qu'il  s'ensuit.  M.  de  Mercœur  en 
grand  soupçon  de  l'Espaignol ,  lequel  le  presse  de  re- 
cognoistre  l'infante  ;  lui  envoyé  des  forces ,  plus  qu'il 
ne  veult,  et  monopole  les  villes,  sans  qu'il  y  ose  con- 
tredire. L'agent  qui  est  à  Nantes  faict  une  despense  de 
prince.  Don  Juan  se  sépara  après  le  siège  de  Males- 
troict,  protestant  de  ne  penser  de  trois  mois  qu'à  la 
fortification  de  Blavet,  où  ils  n'ont  laissé  ung  seul  Bre- 
ton. Leur  insolence  lasse  tout  le  monde.  Surtout  M.  de 
Mercœur  craint  qu'ils  ne  s'aillent  loger  à  Sainct  Na- 
zare ,  comme  ils  en  ont  desseing  au  premier  renfort 
qu'ils  auront;  et  n'ose  les  prévenir,  en  le  fortifiant, 
pour  ne  donner  jalousie  à  ceulx  de  Nantes. 

Le  peuple ,  las  de  la  guerre  et  des  grands  subsides, 


MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc.  37'5 

resoleu  de  ne  se  distraire  poinct  de  la  couronne  de 
France  ,  abhorrant  le  nom  de  duc  plus  que  jamais  ; 
tellement  que  M.  de  Merrœur  n'oseroit  avoir  ouvert 
la  bouche  de  ses  prétentions;  embrouillé  neantmoins 
du  prétexte  d'heresie  contre  le  roy,  auquel  ils  desire- 
roient  pour  leur  seul  salut  trouver  quelque  expédient 

Sur  ces  fondemens  j'ai  tasché  de  bastir;  et  ai  trouvé 
une  adresse  avec  M.  de  Malicorne,  par  Tenlremise  de 
Meslier,  qui ,  soubs  ombre  de  voir  ung  ami,  s'achemina 
h  Pillemil ,  et  eut  ung  passeport  escrit  de  la  propre 
main  de  M.  de  Mercœur,  par  ce  qu'il  est  en  ia  mesme 
gelienne  que  M.  de  Mayenne.  Il  eut  volonté  de  parler  à 
lui,  lui  donna  heure,  l'envoya  entretenir  fort  honnes- 
tement.  Le  Bossu,  œconome  de  l'evesché,  descouvrit 
cela,  prescha  à  l'encontre,  en  voiut  faire  remons- 
trances  à  M.  de  Mercœu? ,  en  feit  protester  l'agent 
d'Espaigne.  Cela  le  reteint  de  parler  à  lui  :  nonobstant 
il  envoya  à  la  mesme  heure  les  passeports  aulx  prési- 
dent Herpin  et  seneschal  de  Nantes  ,  lesquels  sont  allé» 
aboucher  le  sieur  de  Talloaet,  gouverneur  de  Redon  , 
qui  traicte  pour  lui ,  auquel  i!  a  pleine  confiance.  J'ai 
envoyé  aulxdicts  sieurs  les  instructions  sur  lesquelles 
ils  ont  à  negotiep,  et  pense  les  avoir  bientost  de  re- 
tour; et  peult  estre  quelqu'ung  de  la  part  de  M.  de 
Mercœur  avec  eulx,  pour  s'esclaircir  plus  avant. 

Il  est  certain  qu'il  parle  avec  beaucoup  d  honneur 
de  sa  majesté,  le  tenant  pour  le  senl  salut  de  la  France. 
Mais  il  en  demeure  là  que,  pour  l'aider  à  contenter 
les  villes,  il  les  fault  satisfaire  sur  le  point  de  la  relli- 
gion;  et  j'estime  qu  il  agréera  l'expédient  concerté  avec 
M.  de  Mayenne,  par  M.  de  Villeroy  ;  car  j'ai  apperceii 
qu'ils  marchent  de  mesme  pied,  font  n?esrnes  diffi- 
cultés ,  et  reçoivent  mesmes    solutions.   La  route  de 


374  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSrs 

Sainct  Laurens,  et  la  charge  faicte  es  faulxbourgs  de 
Dinan,  n'y  nuiront  pas;  et  la  descente  des  Anglois  y 
servira  fort. 

Pour  son  particulier,  quelqu'ung  m'advertit  qu'il 
demandera  la  comté  de  Nantes  ;  chose  trop  de  consé- 
quence à  sa  majesté.  Et  pour  ce  il  hii  plaira  adviser 
si  on  lui  offrira  quelque  pension  et  quelques  bénéfices,     I 
comme  à  M.  de  Mayenne  ;  non  toutesfois   tant  oultre     | 
son  gouvernement;  encores   que  c'est   celui  qui  tient     | 
le  plus,  et  qui,  à  la  faveur  d'Espaigne,  se  peult  mieulx     | 
deffendre.   De  toute  ceste  negotiation,  j'ai  teneu  ad- 
verti  monseigneur  de  Montpensier. 

Seroit  à  propos  aussi,  tant  pour  prévenir  l'EspaignoI 
que  pour  ranger  M.  de  Mercœur,  de  s'accommoder 
de  Sainct  Nazare,  dont  j'esrrivis  ces  jours  passés  à  sa 
majesté.  Si  j'en  reçois  son  commandement,  je  n'y  es- 
pargnerai  rien,  la  servirai  très  fidèlement,  et  y  serai 
Lien  assisté  ,  mesmes  de  vaisseaulx  et  d'artillerie  de 
Flandres,  s'il  en  est  besoin;  m'asseurant  que  sa  majesté 
me  dédommagera  tousjours  des  advances  que  j'y  ferai, 
ainsi  que  plus  amplement  j'ai  pryé  le  capitaine  La  Li- 
maille lui  déclarer;  et  la  place  vault  bien  qu'elle  y  ait 
ung  serviteur,  qui  ne  tienne  que  d'elle.  Je  sçais  d'ail- 
leurs que,  si  sa  majesté  l'a  agréable,  monseigneur  de 
Montpensier  en  mesme  temps  attaquera  lieu  que  je  lui 
proposerai ,  qui  favorisera  ceste  entreprise;  ou  à  tel 
aultre  prince  qu'il  lui  plaira  ordonner  pour  comman- 
der en  Bretaigne.  Seulement,  à  cause  de  l'EspaignoI  et 
de  la  saison,  il  se  fauldroit  haster.  Et  j'en  attends  la  res- 
ponse  de  sa  majesté  par  ledict  capitaine  La  Limaille. 

J'avois  proposé  par  M.  Morlas  à  sa  majesté  ung  expé- 
dient pour  negotier  MM.  de  Joyeuse,  dont  je  n'ai  poinct 
eu  de  response.  J'y  avois  laissé  M.  le  comte  de  Tori- 


ENVOYÉ  AU  ROY.  ^yS 

gny  fort  disposé.  Il  est  certain  que  M.  de  Joyeuse  est 
plein  de  valeur,  s'establit  fort,  et  mérite  d'estre  ne- 
gotié.  On  veult  croire  qu'il  a  veu  M.  d'Espernon  en 
passant  à  Chasteau  Sainct  Michel,  près  de  Thoulouse, 
et  là  dessus  on  a  pensé  bastir  une  grande  sédition  au- 
dict  lieu. 

Le  comte  de  Brissac  est  à  Ancenis ,  qui  s'en  va  à 
Poictiers;  et  MM.  de  Malicorne  et  de  La  Tremouille 
sont  à  Montcontour  pour  incommoder  son  chemin. 
Cependant  il  a  envoyé  ung  nommé  Gode ,  frère  du  lieu- 
tenant criminel  de  cette  ville ,  pour  negotier  avec 
Bonnevau  la  surprise  de  ceste  place ,  en  l'asseurant  du 
gouvernement.  Je  veille  pour  Tattrapper  à  ce  passage, 
s'il  s'embarque  plus  avant.  Bonnevau  a  trop  d'honneur 
et  de  jugement  pour  s'y  engager,  qu'autant  que  je  l'y 
pousserai. 

Il  a  esté  teneu  ung  synode  en  Xaintonge,  auquel 
j'entends  qu'ils  ont  député  M.  du  Monstier  vers  sa 
majesté  ,  pour  lui  remonstrer  les  mauvais  traictemens 
que  reçoivent  partout  ceulx  de  larelligion  soubs  Tinexe- 
eution  de  ses  edicts,  et  le  supplier  très  humblement 
d'y  pourvoir.  Il  est  certain  que  les  plainctes  en  sont 
grandes,  et  ont  besoing  de  remède;  m.esmes  par  l'envoi 
de  commissaires,  ainsi  que  ci  devant  sa  majesté  l'avoit 
trouvé  bon.  J'en  sçaurai  dadvantage  et  en  advertirai 
sa  majesté. 

Je  pense  que  sa  majesté  ne  pouvoit  avoir  mieulx 
faict  que  de  recommander  la  garde  du  sceau  à  M.  de 
La  Burte,  pour  sceller  en  conseil.  Il  y  a  plusieurs  af- 
faires à  vuider  concernant  sa  maison,  pour  créanciers, 
procès,  ventes  de  bois,  rachats  de  terre  escheus,  etc., 
qui  ne  peuvent  estre  décidés  à  propos ,  qu'à  Tours. 
S'il  plaist  à  sa  majesté  l'avoir  agréable ,  M.  de  La  Burte 


376  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

avec  les  principaulx  pourroient  s'acheminer  là  où  je 
me  trouverois ,  afin  de  mettre  ungbon  ordre,  premier 
que  de  partir  pour  l'aller  retrouver. 

Aussi  sa  m^ajesté  estant  à  Sedan ,  avoit  commandé  à 
M.  du  Ion,  professeur  en  théologie  à  Neustat,  de  s'en 
venir  en  France  ,  pour  le  servir  aulx  bonnes  occasions 
qui  se  pourroient  présenter.  Sur  quoi  ledict  sieur  du 
Ion  a  quitté  son  académie,  est  venu  en  Hollande,  et 
se  délibère  passer  au  premier  jour  en  France.  Le  sieur 
Duplessis  supplie  très  humblement  sa  majesté  de  se 
souvenir  Là  dessus  du  propos  qu'il  tint  à  Louviers,  sur 
lequel  il  lui  pleut  lui  commander  de  faire  conférer 
ensemble  des  plus  doctes  et  excellens  ministres  du 
royaulme  pour  se  préparer  à  une  conférence,  si  Dieu 
nous  y  appelle.  Chose  du  tout  nécessaire,  et  pour  la 
gloire  de  Dieu,  et  pour  son  service;  et  en  conséquence 
de  ce,  commander  qu'il  soit  escrit  et  mandé  audict 
sieur  du  Ion  de  se  rendre  à  La  Rochelle,  et  de  là  à 
Saulmur,  pour  y  attendre  ses  commandemens  et  la  sai- 
son où  il  se  pourra  servir  de  lui,  selon  sa  dignité  et 
suffisance.  Auquel  lieu  de  Saulmur,  il  sera  pourveu 
par  le  sieur  Duplessis  à  son  logis,  et  entretenement  à 
la  meilleure  commodité,  et  par  lequel  aussi  il  entendra 
la  vollonté  et  intention  de  sa  majesté. 

Présentement ,  M.  le  premier  président  m'escrit  et 
m'envoye  ung  mémoire,  dont  j'envoye  copie,  comme 
aussi  de  ses  lettres.  Il  est  certain  que  la  court  est  en 
dangereuse  combustion  pour  deux  poincls.  L'ung  est 
pour  la  réception  de  Pelletier,  notoirement  ligueur, 
comme  il  appert  par  deux  arrests  par  lui  obteneus  à 
Paris  pendant  la  guerre,  et  d'abondant  de  très  mau- 
vaise réputation. 

L'aultre  est  pour  le  faict  du  sieur  de  La  Borde,  à  la 


ENVOYÉ  AU  ROY.  $77 

réception  duquel  par  toutes  espèces  de  cavillations  de 
l'advocat  gênerai  Seguier  s'opposent.  Nonobstant  l'ar- 
rest  interveneu  de  la  court  qui  a  suivi  vertueusement 
l'intention  du  roy,  par  la  vertu  des  bons.  Il  importe  à 
sa  majesté  de  ne  les  laisser  succomber,  ni  en  Tune^ 
ni  en  l'aultre  cause.  Ce  qu'elle  peult ,  en  escrivant  aulx 
presidens  la  lettre  que  demande  M.  le  premier  président, 
dontj'envoye  copie,  et  aulx  gens  du  roy,  une  qui  tes- 
moigne  quelque  mescontentement ,  telle  qu'elle  se 
])ourra  prendre  dudict  mémoire.  M.  de  Beaulieu  sera 
propre  à  faire  ceste  despesche. 

Il  est  certain  aussi  que  la  suppression  qu'on  a  faict 
delà  chambre  du  domaine,  a  esté  interprétée  au  mes- 
pris  de  ladicte  court ,  en  haine  de  ce  qu'ils  n'ont  voulleu 
vérifier  les  mains  levées  de  madame  de  Nemours ,  de 
Joyeuse,  de  Brissac  et  aultres;  et  y  a  danger  que  ceulx 
qui  y  sont  commis  n'y  tiennent  pas  la  roideur ,  ni  la 
rondeur  qui  y  est  requise. 

Il  est  nécessaire,  si  sa  majesté  a  à  venir  en  traicté  de 
paix,  qu'elle  commande  de  bonne  heure  à  messieurs 
les  secrétaires  de  faire  une  liste  de  tous  les  gouver- 
neurs et  capitaines  qui  sont  es  villes  et  chasteaulx  de  sa 
majesté ,  pour  éviter  aulx  surprises  qui  se  pourroient 
faire  en  traictant  la  réintégration  de  ceulx  de  la  Ligue, 
au  mescontentement  de  plusieurs  de  ses  serviteurs,  et 
préjudice  de  son  service  ;  et  est  cest  article  de  ceulx 
qui  méritent  plus  exacte  considération  ,  ainsi  que  je  me 
suis  apperceu ,  cheminant  de  lieu  en  aultre. 


ByS  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CXLVI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Charrette  y  seneschal  de  Nantes. 

Monsieur,  j'ai  esté  fort  aise  d'avoir  receu  les  vos- 
tres  du  5,  et  désire  ung  bon  progrès  en  vostre  negotia- 
tion.  Je  double  seulement  que  la  voye  que  vous  tenés 
ne  soit  traversée  par  les  pratiques  des  Espaignols,  et 
mauvais  François ,  estimant  que  cest  affaire  doit  estre 
conduict  de  façon  qu'il  soit  plustost  concleu  qu'apper- 
ceu.  Ce  que  j'ai  expérimenté  estre  de  l'intention  de 
M.  de  Mayenne,  de  laquelle  j'ai  opinion  aussi  que  M.  de 
Mercœur  n'est  esloingné  ,  selon  la  prudence  que  je  re- 
cognois  en  lui.  Je  vous  prye  donc  d'y  prendre  garde  ; 
car  je  sçais  combien  la  générale  negotiation  a  receu  de 
dommage  ,  par  estre  traictee  trop  à  descouvert.  D'ail- 
leurs, je  ne  sçais  si  vous  serés  veneu  de  la  court, 
muni  des  instructions  nécessaires  sur  les  articles  dont 
conviendra  traicter ,  sans  lesquelles  il  est  dangereux 
de  s'ingérer  trop  avant,  pour  ne  prejudicier  par  ung 
traicté  particulier  au  gênerai  de  ce  royaulme.'  Je  pré- 
suppose toutesfois,  selon  vostre  bon  jugement,  puis- 
qu'en  venés  en  conférence,  que  ne  serés  veneu  des- 
pourveu  de  cela,  afin  de  conformer  vos  propositions 
particulières  aulx  publicques,  sinon  il  eust  esté  bon, 
comme  j'avois  tousjours  désiré,  que  nous  eussions  parlé 
ensemble  pour  la  cognoissance  que  j'ai  eu  en  ceste 
entremise,  de  ce  qui  concerne  en  cest  affaire,  tant  le 
bien  du  roy  et  du  royaulme ,  que  les  interests  et  pré- 
tentions de  ceulx.  du  parti  contraire.  Quant  à  ce  que 
m'escrivés  du   gré  que  me  sravent  tous  les  gens   de 


A  M.  DE  CHARRETTE.  879 

bien  de  Bretaigne,  de  l'introduction  de  ce  traicté,  je 
vous  prye  de  les  asseurer  de  plus  en  plus  que  nul 
n'apportera  plus  de  soing  au  repos  et  restauration  de 
leur  province,  de  laquelle,  oultre  l'importance  parti- 
culière, je  recognois  prou  la  conséquence  universelle. 
J'eusse  eu  beaucoup  de  choses  à  vous  dire,  si  je  vous 
eusse  veu;et,à  faulte  de  ce,  que  je  vous  envoyé  ung  bref 
mémoire ,  seulement  pour  l'entrée  de  vostre  pourpar- 
ler,  attendant  que  ,  sur  les  propositions  qui  vous  seront 
faictes,  je  puisse  vous  esclaircir  davantage.  Je  ne  faul- 
drai,  au  reste,  d'advertir  sa  majesté  du  soing  que  vous 
apportés  à  ce  qui  est  de  son  service  ,  et  à  vous  servir  , 
s'il  s'en  présente  occasion,  d  aussi  bon  cœur,  monsieur, 
qu'humblement  je  salue  vos  bonnes  grâces,  et  prye 
Dieu  vous  avoir  en  sa  garde,  etc. 

De  Saulmur,  le  10  septembre  lôg?.. 


CXLVII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^li  roj. 

Sire,  depuis  mes  précédentes,  j'ai  veu  M.  le  mares- 
chal  d'Aumont  à  Baugé  ,  sur  une  proposition  que  nous 
avons  faicte  d'attaquer  Rochefort,  qui  s'en  va  hors  de 
prise ,  s'il  n'y  est  bientost  pourveu.  M.  de  La  Tre- 
mouille  s'y  est  trouvé  aussi.  Ceulx  d'Angers  offrirent 
vingt  mille  escus  pour  le  siège,  à  condition  que  la 
place  seroit  rasée.  M.  de  La  Tremoille  pareille  somme  , 
moyennant  que  sa  maison  lui  feust  remise  entre  les 
mains  ;  l'ung  et  l'aullre  soubs  asseurance  de  remplace* 
ment  de  leurs  deniers,  et  l'ung  combattant  son  interest, 
l'aultre  son  droict  :  enfin,  pour  ne  rompre  le  bien  de 


38o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

vostre  service,  a  esté  conveneuque  venant  ladicte  place 
à  estre  prise ,  elle  sera  conservée  es  mains  de  M.  Pui- 
cheric,  jusques  à  ce  que  vostre  majesté  ordonne  sa 
volonté,  à  laquelle  sur  sa  foi  et  honneur  il  obéira 
sans  tergiversation.  J'espère  donc  que  bientost  on  y 
mettra  la  main,  à  quoi  je  me  délibère  de  servir  mon- 
dict  sieur  le  mareschal  de  tout  ce  que  j'ai  en  main.  Je 
ne  me  liaste  poinct  d'aller  retrouver  vostre  majesté, 
parce  que  je  ne  vois  poinct  encores  que  l'assemblée  pre- 
tendeue  soit  commencée ,  ni  mesmes  M.  le  marquis  de 
Pisany  parti,  dont  semble  principalement  despendre  le 
progrés  de  la  negotiation,  et  suis  toutesfois  tousjours 
prest  à  tous  les  commandemens  de  vostre  majesté. 

Sire,  je  supplie  le  Créateur  qu'il  doint  à  vostre  ma- 
jesté en  prospérité  longue  vie. 

DeSaulmur,  le  12  septembre  lôga. 


CXLVIII. —LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

  monseigneur  le  pYince  de  Conti. 

Monseigneur,  je  revins  hier  au  soir  de  Thouars, 
où  j'estois  allé  voir  M,  de  Malicorne ,  pour  Tachemi- 
nement  de  ce  que  vous  désirés  de  lui.  Mais  je  le  trou- 
vai mal  d'une  fiebvre  tierce,  dont  il  a  eu  cinq  accès, 
et  n'en  est  hors.  M.  de  La  Bastide  y  arriva  premier 
que  nous  nous  séparassions.  Pour  sa  personne,  à  cause 
de  son  indisposition  difficilement  en  pouvés  vous  estre 
assisté;  mais  bien  de  partie  de  sa  cavallerie.  Et  M.  de 
La  Tremouille  m'asseura  encores  en  partant ,  qu'il  vous  1 
mènera  trois  cens  bons  chevaulx  ;  mais  il  désire  que 
vous  les  reserviés  pour  le  besoing,  cas  que  l'ennemi 


AU  PRINCE  DE  CONTI.  38 1 

voulleust  secourir  Rochefort  ;  comme  de  faict,  je  pense 
qu'ils  vous  seroient  inutiles  plustost.  M.  de  Parabere 
me  promit  aussi  de  marcher,  si  M.  de  Malicorne  ne 
pouvoit.  J'ai  escrit  à  MM.  de  La  Rochelle  pour  vos 
poudres  et  balles;  et  à  plusieurs  de  mes  amis  pour  v 
tenir  la  main.  Les  escortes  ne  leur  manqueront  poinct; 
mais  bien  y  aura  il  des  frais  pour  le  charroi.  M.  de  La 
Tremouille  est  allé  à  Sainct  Jean  ;  le  retour  duquel 
servira  à  ceste  conduicte  là.  Et  sa  présence  mesmes 
pourra  surmonter  les  difficultés  qui  s'y  présenteront. 
Je  trouve  encores  incertitude  au  recouvrement  de  deux 
canons  en  Poictou  ;  car  ceulx  de  Fontenav,  en  l'absence 
de  M.  de  La  Boulaye ,  ne  sortiront  pas.  Mais  il  fauldra 
que  M.  de  La  Tremouille  essaye  de  les  tirer,  partie  de 
La  Rochelle,  et  partie  de  Partenay.  Et  cela  meriteroit 
que  vous,  monseigneur,  lui  en  fissiés  encores  une  des- 
pesche  par  ung  lacquais,  et  à  M.  de  Malicorne;  mesmes 
aussi  à  ceulx  de  la  ville  de  La  Rochelle ,  adressant  vos 
lettres  pour  eulx  à  M.  de  La  Tremouille.  Pour  mon 
regard,  mes  deux  canons  sont  prests;  je  fais  revoir  ce 
qu'il  y  fault,  et  les  vous  ferai  conduire  avec  vos  mu- 
nitions de  La  Rochelle;  car  vous  n'en  pouvés  avoir 
affaire  plustost.  J'envoyerai  aussi  une  bonne  trouppe 
d'arquebusiers  de  ceste  ville.  Je  fais  diligenter  la  levée 
des  pionniers  de  ceste  ville  le  premier  d'octobre;  et  ce- 
pendant vous  envoyerai  au  premier  jour  une  dou- 
zaine d'hommes  pour  faire  des  gabions,  ou  bien  une 
quarantaine  de  gabions  tous  faitcts.  De  balles,  j'ai 
tousjours  dict  que  je  n'en  ai  poinct;  et  la  vérité  est 
que  j'en  ai  envoyé  acheter  à  La  Rochelle,  n'en  ayant 
peu  trouver  aulx  forges  du  Perche  ;  et  encores  me 
mande  on  qu'elles  me  cousteront  sept  francs  le  cent 
pesant  à  La  Rochelle  ;  qui  seroit  à  revenir  à  quarante 


38a  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

et  six  sols  la  balh;  de  canon  ;  donc  j'ai  donné  instruc- 
tion à  M.  de  La  Bastide.  Mais  parce  qu'il  y  a  doubte 
que  ceulx  de  La  Rochelle  ne  vouldront  pas  se  dégarnir 
d'une  grande  quantité ,  j'estime  qu'il  est  nécessaire 
que  vous  envoyés  aulx  forges  vers  Mayenne  ou  Alen- 
çon,  pour  en  faire  diligenter  quelque  bon  nombre. 
De  ma  compaignie,  il  y  a  trente  mois  et  plus  qu'elle 
n'a  touché  ung  liard  que  de  ma  bourse,  et  une  assigna- 
tion de  mille  escus  que  vous  lui  fîstes  donner.  Ce 
n'est  pas  pour  pouvoir  estre  preste  à  toutes  occasions; 
toutesfois,  si  l'ennemi  se  présente  pour  incommoder 
le  siège,  je  vous  mènerai  cinquante  maistres  et  plus, 
comme  j'espère,  me  faisant  cest  honneur  de  m'advertir 
trois  jours  devant  le  besoing.  De  les  mettre  en  cam- 
paigne,  plustost  ils  vous  seroient  inutiles,  et  à  moi 
difficiles  à  retenir.  Et  de  ce  pas  je  m'en  vais  à  Tours 
faire  quelques  affaires,  que  sa  majesté  m'a  fort  exprès 
commandés,  afin  que  rien  ne  me  puisse  retenir  de 
vous  faire  ung  bon  service,  quand  l'occasion  se  pré- 
sentera. Les  aultres  commissions,  concernant  les  pion- 
niers de  Poictou,  je  les  ai  mises  es  mains  du  gênerai 
Courtigny ,  pour  en  faire  les  departemens ,  et  remplir 
le  blanc.  Qui  est,  monseigneur,  ce  que  j'estime  estre 
pour  le  présent  de  vostre  service;  et  sur  ce  supplie 
le  Créateur  qu'il  vous  ait  en  sa  saincte  garde. 

De  Saulmur,  le  2i  septembre  i5g?. 


AU  ROY.  383 

CXLIX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roy. 

Sire,  j'ai  rencontré  M.  Hesperien ,  m'en  revenant  de 
Tours.  Je  supplie  vostre  majesté  de  l'ouïr  sur  ce  que 
je  lui  ai  dict,  nommeement  de  vostre  court  de  parle- 
ment. On  vous  propose  des  remèdes  plus  fasclieux.  Je 
me  tiens  au  plus  expédient;  et  qui  ne  lairra  de  réussir, 
si  vostre  majesté  monstre  le  sourcil  droict  ;  sinon  ,  il  en 
réussira  plus  de  mal  que  de  bien.  Aultrement ,  M.  le 
premier  président  ne  vous  peult  plus  respondre  de 
rien,  s'il  se  présente  coup  de  partie;  et  proteste  de  se 
retirer.  Vostre  majesté  sçait  si  j'ai  accoustumé  de  lui 
escrire  mes  passions.  Et  certes,  les  ungs  et  les  aultres 
indifféremment  sont  mes  amis.  Touchant  le  voyage  de 
M.  Hesperien ,  j'estime  nécessaire  de  faire  changer  d'air 
à  madame,  pour  lui  faire  changer  l'humeur,  qui  y 
pourroit  estre  moins  convenable  à  vostre  intention. 
Lors  je  ne  doubte  poinct  qu'elle  ne  fasse  ce  que  vostre 
majesté  vouldra.  Et  autrement,  les  practiques  se  con- 
tinuent,  les  affections  se  fomentent,  qui  se  diverti- 
roient,  soit  par  le  changement  de  place,  soit  par  la 
veue  d'ung  aultre  object.  Sur  ce,  j'ai  dict  quelques 
particularités  à  M.  Hesperien,  et  sur  aultres  poincts 
concernant  le  service  de  vostre  majesté.  Je  supplie  le 
Créateur,  sire,  qu'il  donne  à  vostre  majesté  en  prospé- 
rité longue  vie. 

De  Langés,  le  3  octobre  lôga. 


384  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CL.  —LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  du  Fresne.  (i) 

Monsieur  ,  j'estois  en  peine  de  vous ,  quand  j'ai 
receu  vostre  lettre;  parce  que  M.  le  premier  président, 
vostre  frère ,  m'avoit  asseuré  qu'estiés  en  chemin  ;  et  il 
nie  sembloit  que  vous  tardiés.  Maintenant ,  je  me  con- 
jouis  de  vostre  veneue  ;  et  vous  y  désire  quelque  sé- 
jour; m'asseurant  que  le  bon  sainct  aura  faict  vertu 
en  vous ,  pour  préférer  Tamitié  des  vostres  à  l'ambi- 
tion de  ce  monde.  Pardonnes,  si  je  vous  ramentoi  vos 
apopbthegmes.  Pour  la  royne  ,  il  avoit  esté  dict  que  je 
la  verrois  ;  et  peult  estre  eust  il  esté  utile  ;  mais  je  n'en 
ai  receu  la  despesche  que  depuis  trois  jours  par  ung 
lacquais  de  M.  de  Morlas ,  ouverte,  souillée,   et  en 
pièces;  parce  qu'il  a  esté  pris  ,  blessé  ,  mené  et  reteneu 
à  Orléans.  Et,  oultre  que  je  serois  honteux  de  la  pré- 
senter telle,  je  vois  par  la  vostre  qu'elle  s'en  va  à  Mou- 
lins. La  substance  de  la  negotiation  requeroit  ung  de- 
vis plus  particulier,  que  nous  aurons  à  vostre  commo- 
dité. Pour  l'aultre  poinct,  qui  concerne  mon  voyage 
vers  sa  majesté,  je  n'enchéris  jamais  mes  pas  quand 
ils  servent  de  quelque  chose  ;  mais  je  n'en  cognois  pas 
encores  l'utilité,  si  les  affaires  ne  sont  plus  meurs.  Et 
je  vous  ai  souvent  dict  qu'il  est  mal  plaisant  de  servir  ' 
comme  l'une  des  trois  cens  drogues  qui  entrent  en  la  the- 
riaque,  dont  on  ne  peult  cognoistre  en  ceste  confusion 
ni  la  nature ,  ni  la  vertu.  Vous  comprenés  assés  ce  que 

(i)  Forget. 


A  M.  DU  FRESNE.  385 

je  dis,  venant  des  lieux.  Cependant  pour  ne  perdre 
temps,  ni  occasion,  j'assiste  monseigneur  le  prince  et 
M.  le  mareschai  d'Aumont,  de  ce  que  je  puis  au  siège 
de  ceste  place,  importante  infiniment  à  ces  provinces; 
forte  plus  qu'il  n'est  à  croire,  et  d'art  et  de  nature.  Et 
dont  toutesfois,  aidant  Dieu,  nous  aurons  le  bout,  si 
nous  ne  sommes  traversés  de  la  Bretaigne ,  auquel  cas 
chacung  debvroit  estre  le  pied  à  l't^trier  pour  nous 
secourir.  Monsieur,  je  suis  neantmoins  tout  prest  de 
faire  ce  qu'il  plaira  à  sa  majesté.  Seulement,  je  la  sup- 
plie de  ne  me  mettre  poinct  en  des  frais  inutiles  ; 
m'estant  bien  assés ,  en  ma  condition,  telle  que  cha- 
cung sçait,  et  que  la  sienne  ne  peult  facilement  soubs- 
tenir  en  Testât  où  e'ile  est,  de  fournir  aulx  nécessaires. 
Ce  que  je  vous  dis  avec  toute  vérité.  Au  reste  je  suis, 
monsieur,  tout  à  vostre  service,  et  de  M.  le  prési- 
dent, vostre  frère;  et  vous  baise  bien  humblement  les 
mains,  pryant  Dieu  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 
Vostre  humble  et  affectionné  ami  à  vostre  service. 
Du  camp  devant  Rocbefort^  le  24  octobre  i5gi. 


CLI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

  M.  de  Cussé,  premier  président  au  parlement  de 
Bretaigne. 

Monsieur,  j'ai  receu  les  vostres,  dont  je  vous  re- 

\  mercie  humblement.  Nous  bastissons  sur  vos  advis, 

comme  sur  le  ferme,  et  nous  obligés  fort  de  les  conti- 

ij  nuer.  Je  juge,  et  par  l'apparence,  et  par  la  raison,  et 

par  la  nécessité  de  ses  affaires ,  que  M.  de  Mercœur 

prend  le  chemin  de  Dinan ,  pour  s'opposer  aulx  An- 

MÉM.  de  DuPI.ESSIS-MoRIfA.Y.  ToME  y.  2  5 


386  LETTRE  DE  M.  DLIPLESSIS 

glois.  Et  pour  ici,  désormais  je  ne  vois  pas  qu'il  y  veint 
à  temps ,  pour  Texlremité  où  sont  recluicts  ces  gens 
par  maladies,  blesseures ,  et  aultres  nécessités.  Je  m'es- 
bahi  de  ce  que  m'escrivés  du  nombre  des  Anglois;  et 
ne  puis  penser ,  veu  le  grand  interest  qu'a  la  royne  en 
la  Bretaigne ,  veu  aussi  la  teneur  du  traicté,  qu'elle  se 
contente  de  cela;  ce  peult  estre  le  commencement,  et 
le  reste  suit  après.  J'ai  communiqué  les  vostres  à  M.  le 
marescbal.  Il  présuppose  que  monseigneur  de  Mont- 
pensier  a  commandement  de  sa  majesté  de  ne  laisser  la 
Bretaigne  qu'il  n'y  soit  arrivé;  et  sur  ce  a  faict,  depuis 
que  je  suis  ici ,  plusieurs  despesclies.  Il  s'asseure  aussi , 
veu  le  soing  que  mondict  seigneur  a  tousjours  eu  de 
ceste  province,  qu'il  n'obmetlra  rien  en  attendant  pour 
sa  conservation.  Mesmes  pour  le  contentement  et  seu- 
reté  des  Anglois ,  de  l'acheminement  desquels  il  lui 
a  escrit  son  advis.  Il  despesche  aussi  gentilhomme  exprès 
vers  M.  de  Norris,  pour  le  gratifier.  Et  pour  vostre 
regard,  il  se  promet  de  vous  tous  bons  offices  ;  et  pour 
ce  qui  touche  le  bien  de  la  province ,  et  les  affaires  du 
roy,  tous  fidèles  services ,  selon  l'affection  qu'y  avés 
tousjours  portée,  et  vous  asseure  qu'il  aura  fort  agréa- 
ble d'y  estre  assisté  de  vous ,  pour  les  bonnes  qualités 
qu'il  a  entendues  estre  en  vous,  qu'il  croit  contre  toutes 
calomnies.  Vous  ferés  donc  bien  de  lui  escrire  ce  que 
penserés  nécessaire  pour  le  règlement  de  la  province. 
Et  trouvères  un  seigneur ,  plein  de  zèle  et  d'intégrité 
au  service  du  roy  et  bien  public,  s'il  en  fust  oncq. 
Or,  monsieur,  continués  moi  vos  bonnes  grâces,  que 
je  salue  humblement,  en  pryant  Dieu  vous  avoir  en  sa   | 

saincte  garde. 

Du  camp  dévalât  Rocliefort ,  ce  21  novembre  1592. 

Et  par  apostile  estait  escrit:  Présentement  j'ai  let- 


A  M.  DE  CUSSÉ.  387 

très  que  Madame  est  à  Bourdeaux ,  et  marche  droict 
à  Saulmur, où  elle  memande  qu'elle  sera  vers  le  20  no- 
vembre. Ce  pourra  estre  sur  le  commencement  de  dé- 
cembre, car  elle  ne  veult  poinct  séjourner  jusques  là. 


CLII.— LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 

Au  roy. 

Sire  ,  vostre  majesté  aura  esté  avertie  que  le  siège 
de  Rochefort  a  esté  levé.  L'issue  en  pouvoit  estre  tout 
aultre;  mais  j'ose  dire  que  c'est  plustost  malheur  que 
faulte  ,  car  chascun  y  a  faict  ce  qu'il  a  peu  ,  M.  le  ma- 
reschal  d'Aumont  surtout.  Mais  par  une  certaine  faci- 
Hté,  les  mauvais  advis  ont  esté  préférés  visiblement 
aulx  bons.  Je  me  console ,  qu'il  rendra  tesmoignage  à 
vostre  majesté  que  je  l'y  ai  assisté  oultre  mon  pouvoir, 
depuis  le  commencement  jusques  à  la  fin.  Maintenant 
c'est  à  nous  à  courre;  car  ces  gens  enorgueillis  seront 
tous  les  jours  à  nos  portes,  ce  qui  me  seroit  dur,  son 
altesse  ayant  à  séjourner  en  ce  lieu.  Et  cependant  j'ai 
ce  malheur  que  depuis  trois  ans  ma  compaignie  n'a 
peu  faire  une  monstre.  C'est  pourquoi  je  supplie  très 
humblement  vostre  majesté  d'ordonner  que  ceste  gar- 
nison soit  bien  entreteneue  ,  et  particulièrement  que  j'y 
puisse  avoir  vingt  et  cinq  maistres  payés ,  ou  en  quelque 
lieu  que  je  choisirai  entre  ci  et  Rocliefort ,  pour  arrester 
toutes  les  courses  qui  en  pourroient  venir.  Je  me  pré- 
pare d'aller  au  devant  de  son  altesse  jusques  vers  Nyort, 
avec  une  belle  trouppe ,  ayant  ceste  faveur  que  la 
noblesse  catholique  de  ces  quartiers,  au  moins  une 
bonne  partie ,  se  monstre  fort  volontaire  à  monter  à 


388  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

cheval  es  bonnes  occasions.  Au  reste,  sire,  j'ai  escrit 
a  vostre  majesté  comme  on  est  après  à  me  faire  perdre 
les  chasteliers  en  Ré ,  qui  seul  me  demeure  de  vostre 
libéralité  ,  par  un  moyen  que  j'escris  à  M.  de  Lomenie  ; 
à  quoi  vostre  majesté  peult  aisément  remédier.  Je  tas- 
cherai  tousjours  de  bien  employer  ses  bienfaicts,  et  ne 
prétends  acquérir  tbresor  que  vostre  bonne  grâce, 
que  je  supplie  Dieu  ,  sire  ,  me  donner  avec  autant  de 
service  et  de  mérite ,  comme  de  toute  loyaulté.  Je  suis 
vostre  très  humble  et  très  obéissant  subject  et  serviteur 

à  jamais. 

De  Saulmur,  le  7  septembre  1592. 


CLIII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^u  roj. 

Du  20  décembre  iSga. 
Sire  ,  gens  dignes  de  foi  parlent  fort  asseureement 
d'une  requeste  qui  vous  doibt  estre  présentée.  Je  ne 
scais  à  quelle  fin  ceste  assemblée;  et  me  semble  veu  la 
bulle  que  vostre  majesté  doibt  attendre  nouvelles  de 
M.  le  marquis  de  Pisani ,  et  lui  despescher  quelqu'un 
qui  rapporte  resolution.  Si  le  pape  persévère,  vostre 
majesté ,  soubs  le  prétexte  de  venir  veoir  Madame ,  sans 
se  descouvrir  du  surplus,  doibt  venir  à  mon  advis  à 
Tours,  et  y  tenir  son  lict  de  justice,  chose  qui  esclat- 
tera  par  le  peuple;  mesmes  s'y  pourroit  faire  cou- 
ronner, comme  feit  Charles  VU  cà  Poitiers.  En  ces  deux 
actions  il  n'y  a  aulcune  cérémonie  contraire  à  vostre 
profession.  Vostre  majesté  y  trouvera  un  parlement  re- 
soleu  à  bien  faire  ;  parce  que  ceulx  mesmes  qui  ne  le 
seroient  pas ,  le  seront  par  vostre  présence ,  et  les  bons 


AU  ROY.  389 

s'en  fortifieront.  Et  croyés,  sire,  qu'il  sera  aisé  à  vostre 
majesté  de  faire  voir  au  pape  que  vous  aurés  plustost 
faict  un  pape  en  France,  que  luy  ung  roy.  J'en  ai  dict 
dadvantage  au  porteur,  et  supplie  très  humblement 
vostre  majesté  de  se  soubvenir  que  je  n'escris  pas  vo- 
lontiers si  clairement  sans  propos ,  et  brusler  la  pré- 
sente. Sire,  etc. 


CLIV.  — MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roy. 

De  Tours,  le  20  décembre  i5g2. 

L'assemblée  de  Chartres  est  fort  suspecte  aux  bons  ; 
et  croit  on  que  c'est  pour  presser  le  roy  d'aller  à  la 
messe. 

M.  d'O  escrit  au  président  Seguier  que  son  frère  est 
très  nécessaire  là,  et  qu'il  vienne.  J'ai  veu  la  leitre, 
qu'il  y  va  du  salut ,  si  le  roy  ne  tient  sa  promesse  à 
monsieur  le  cardinal.  De  mesnies  à  plusieurs. 

Les  plus  prudens  seroient  d'advis  qu'elle  se  differast 
jusques  à  la  response  de  M.  le  marquis  de  Pisani ,  et 
si  elle  ne  réussit,  qu'alors  absolument  on  renonceastà 
Rome.  A  quoi  M.  de  Hailay  est  très  resoleu ,  et  chas- 
cung  s'y  dispose  avec  toutes  les  formalités  requises. 

Mais  en  ce  cas  sera  à  propos  que  sa  majesté  ,  ne  par- 
lant à  personne  que  de  venir  veoir  Madame,  se  rende 
à  Tours,  accompaigné  de  son  conseil,  et  de  ses  plus 
fidelles ,  pour  fortifier  de  sa  présence  les  bonnes  réso- 
lutions. 

Sur  les  circonstances  et  dépendances  de  cest  affaire, 
qui  sont  grandes,  et  de  longue  déduction,  mais  très 


Sgo  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSTS 

faciles,  j'ni  pleinement  discoureu  à  M.  de  Morlas  ,  que 

je   supplie  très  humblement  sa    majesté  entendre   là 

dessus. 

La  cour  des  Aides,  nouvellement  establie  ici ,  a 
donné  arrest  pour  la  réception  indifféremment  de  ceulx 
de  la  relligion ,  et  en  reçoit  tous  les  jours;  j'ai  frappé 
ce  coup.  Cest  un  corps  fort  entier  au  service  de  sa 
majesté,  pourveu  qu'il  n'y  entre  de  la  zizanie.  Je  pense 
que  M.  du  Lac,  advocat  du  roy,  va  par  delà,  qui  mé- 
rite fort  un  bon  visage. 

Quant  au  parlement  et  Chambre  des  Comptes ,  nul 
de  la  relligion  n'y  est  receu  jusques  à  présent  ;  mesmes 
on  a  usé  fraischement  d'une  rigueur  au  serment  qui 
fust  introduict  par  la  ligue,  par  laquelle  les  receus  dé- 
clarent "leurs  estàts  vacans  et  impelrables ,  avenant 
qu'ils  changent  de  relligion.  M.  de  Vileray  va  en  court, 
qui  est  bon  homme  ,  serviteur  de  sa  majesté,  el  capable 
de  ses  intentions.  Ung  bon  mot  lui  fera  tout  faire,  et 
le  m'a  promis.  Les  termes  que  sa  majesté  a  à  tenir  sont, 
qu'ils  lui  feront  service  d'esteindre  en  tant  qu'ils  pour- 
ront les  noms  des  factions ,  et  ces  différences  qui  ne 
peuvent  estre  sans  différend.  Et  M.  de  Souvray  s'en  va 
trouver  sa  majesté ,  mal  content  du  gouvernemerit 
donné  à  monseigneur  le  prince  de  Conty.  Il  a  esté  aigri 
par  lettres  de  MM.  de  Laverdin  et  Rochepot.  Je  l'ai 
adouici  par  toutes  les  raisons  que  j'ai  peu  ,  particuliè- 
rement que  sa  majesté  n'a  peu  comment  refuser  cela  à 
M.  le  cardinal,  dont  il  est  offensé.  J'estime  que  sa 
majesté  doibt  tascher  de  le  contenter  en  une  façon 
ou  aultre  ;  car  il  est  certain  qu'il  aime  le  roy,  mais  il 
lui  semble  que  sa  majesté  se  soubvient  peu  de  lui. 

J'ai  receu  plusieurs  lettres  depuis  peu  du  sieur  de 
Cussc  ,  sur  lequel  ordinairement  M.  de  Montpensier  se 


AU  ROY.  391 

remet  de  ce  qu'il  désire  me  faire  entendre  en  chiffres. 
Il  me  donne  grand  espoir  qu'il  donnera  contente- 
ment à  sa  majesté,  sur  le  faict  de  la  relligion  ;  mais  il 
désire,  pour  éviter  les  traverses,  que  cela  se  traicte 
entre  lui  et  moi  ;  et  surtout  qu'on  se  cache  de 
qui  s'y  oppose  cruellement;  et  diiquel  il  tarde  fort  au 
maistre  qu'il  ne  soit  defaict.  Ce  seroit  un  grand  coup 
pour  les  affaires  de  sa  majesté. 

Au  procès  de  la  sédition  de  Limoges,  qui  a  esté 
renvoyé  en  parlement  ,  il  y  a  des  marques  tout  évi- 
dentes des  practiques  du  tiers  parti,  qui  présuppose 
qu'il  se  brouille  ailleurs.  Et  que  sa  majesté  n'en  double 
poinct. 

Nous  avons  bon  espoir  de  la  negotiation  de  M.  Erard , 
que  sa  majesté  concleut  à  Louviers  ;  et  espère  que  sa 
majesté  en  recevra  contentement.  ' 

Je  crains  qu'il  n'y  ait  de  la  brouillerie  à  La  Rochelle, 
pour  farmee  de  mer,  que  dresse  M.  de  Sainct  Luc; 
car  j'y  apperceois  des  desfiances  et  des  plainctes,  et, 
qui  pis  est ,  des  resolutions  fomentées  par  ceulx  qui 
ont  auctorité  en  la  coste,  pour  s'y  opposer. 


CLV. —-î;^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Fleurj. 

Du  .  .  mars  i5q3. 

MoTYSiFUR,  je  ne  suis  ici  que  pour  l'affaire  dont  est 
question;  et  hier  encores  receus  lettres  de  sa  majesté, 
qui  m'en  donnoit  charge;  s  il  y  a  apparence  de  rien 
faire  de  bien  du  cosîé  du  mais^re  ni  du  serviteur,  il 
ne  s'y  trouvera  que  sincérité  envers  ung  si  bon  œuvre; 


Sga  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

mais  je  désire  aussi,  pour  la  dignité  de  l'ung  et  justice 
de  Taultre,  que  nous  ne  conférions  poinct  inutilement, 
ce  qui  seroit  si  on  vouloit  encores  disputer ,  ce  qui 
doibt  estre  présupposé  si  on  veult  la  paix;  du  surplus, 
il  sera  plus  aisé  à  convenir,  et  ne  fault  doubter  que 
la  prudence  du  roy  ne  donne  beaucoup  au  repos  de 
son  royaulme.  Par  celle  que  je  receus  bier,  le  sieur  de 
Grainmont  n'avoit  point  veu  le  roy;  mais  je  sçais  que 
s'il  le  voit,  il  lui  donnera  subject  d'estre  content  et  de 
contenter  les  aultres.  Quant  à  M.  vostre  beau  frère, 
je  crois  qu'il  désire  la  paix;  car  je  l'estime  prudent;  je 
sçais  aussi  que  ceste  mesme  prudence  lui  faict  assés 
voir  les  cbemins  qui  y  mènent,  et  ceulx  qui  en  des- 
tournent, et  par  conséquent  ne  doubte  poinct  qu'il  ne 
fasse  ce  qu'il  peult  pour  ouvrir  les  ungs  et  clorre  les 
aultres.  Si  son  trompette  est  arrivé  avec  resolution  sur 
le  poinct  tant  de  fois  mentionné,  je  ne  désire  rien  plus 
que  de  le  voir;  et  me  promets  que  ce  sera  avec  fruict, 
et  peult  estre  la  jalousie  de  ce  traicté  sera  moindre 
hors  de  la  présence  des  parties  ,  parce  qu'il  sera  moins 
connu.  Or,  monsieur,  etc. 


CLVI.  — LETTRE 

De  la  rojne  de  Navarre  a  M.  Duplessis,  escrite  de 
sa  main. 

En  avril  iSgS. 

Monsieur  Duplessis ,  bien  que  j'attribeue  à  la  seule 
bonté  de  Dieu  et  bon  naturel  du  roy  mon  mari,  Thon- 
neur  qu'il  lui  a  pieu  me  faire  par  le  sieur  Erard,  de 
m'asseurer  de  sa  bonne  grâce ,  le  bien  du  monde  que 


LETTRE  DE  LA.  ROYNE  DE  NAVARRE,  etc.  SgS 
j'ai  le  plus  cher,  et  Thonneur  de  sa  protection,  sur  la- 
quelle, après  l'espérance  que  j'ai  en  Dieu,  je  remets 
tout  le  repos  de  ma  vie;  scachant  neaiitmoins  combien 
peuvent  les  conseils  de  personnes  accompagnées  de 
telle  suffisance  et  aftëction  que  vous ,  auprès  d'un  grand 
qui  les  estime,  et  y  croit,  comme  je  sçais  que  faict  le 
roy  mon  mari;  je  ne  doubte  poinct  combien  vos  bons 
offices  m'y  ont  peu  servir,  de  quoi  j'eusse  pensé  rester 
par  trop  ingrate  de  ne  vous  on  remercier  par  ceste  ci, 
comme  j'ai  pryé  le  sieur  Erard  le  faire  plus  particuliè- 
rement de  ma  part ,  et  de  vous  asseurer  de  l'extresme 
désir  que  j'aurois  qu'il  s'offrist  quelque  digne  moyen 
pour  vous  faire  paroistre  combien  je  p»^ise  vostre  vertu 
et  mérite,  et  combien  je  désire  m'aoquerir  et  asseurer 
pour  l'advenir  la  continuation  de  vostre  amitié  ,  la- 
quelle je  ne  rechercherois  si  je  n'estois  très  resoleue 
d'affectionner  avec  toute  fidélité  le  bien  et  la  grandeur 
du  roy  mon  mari ,  ou  me  faisant  ce  bon  office  de  le 
tenir  en  reste  créance  ,  mes  actions  qui  ne  se  dépar- 
tiront jamais  de  son  service  vous  y  rendroni  très  véri- 
table. Ledict  sieur  Erard  vous  communiquera  toutes 
choses.  Si  vous  m'obliges  tant  de  tenir  la  main  à  la 
perfection  d'un  si  bon  commencement,  duquel  des- 
pend tout  le  repos  et  seureté  de  ma  vie,  vous  vous 
acquerés  une  immortelle  obligation  sur  moi  ,  qui  par 
tous  effets  serai  à  jamais  désireuse  de  me  tesmoigner 
vostre  plus  affectionnée  et  fiJeie  amie, 
r  Marguerite. 


394  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CLVII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Biizenval. 

Du  3  avril  lôgS. 

Monsieur,  j'ai  rcceu  plusieurs  lettres  de  vous,  et 
m'accuse  de  n'y  avoir  pas  soigneusement  respondeu. 
Mais  vous  excuserez  la  court  qui  nous  a  teneus  ici 
deux  mois  :  premièrement  de  Madame  ;  puis  du  roy, 
qui  l'y  est  veneu  trouver;  et  depuis  séjourna  trois 
sepmaines  à  Tours  avec  mille  affaires.  Le  désir  de 
sa  majesté  estoit  que  madicte  dame  espousast  M.  de 
Montpensier,  qui  s'estoit  rendu  ici  pour  s'y  faire  recog- 
noistre  et  s'y  rendre  agréable;  mais  il  s'est  trouvé  une 
promesse  que  madicte  dame  a  confessé  avoir  donnée  à 
M.  le  comte  de  Boissons,  qui  trouble  tout.  Sa  majesté 
l'a  envoyé  redemander  ,  n'ayant  peu  son  altesse  s'obli- 
ger au  desceu  de  son  souverain.  M.  le  comte  refuse, 
et  res  novas  molitiir ,  qui  ne  peuvent  tarder.  Si  son 
altesse  s'en  feust  descouverte  à  temps,  à  quelque  ser- 
viteur fidèle,  on  pouvoit  éviter  ce  scandale;  mais  elle 
protestoit  tousjours  qu'il  n'y  avoit  rien  qui  empeschast 
sa  liberté.  Et  en  ce  malheur  toutesfois  ,  j'ai  eu  cest 
heur  d'en  estre  doulcement  développé ,  et  que  le  faict 
a  esclaté  h  Tours,  et  non  ici,  où  j'en  eusse  receu 
plus  de  desplaisir.  Sa  majesté  cependant  l'a  menée  à 
Mantes,  (ài  je  crains  qu'elle  ne  reçoive  plus  aisé- 
ment d.es  conseils,  pour  fomenter  son  opinion  contre 
la  volonté  du  roy.  Voilà  comme,  en  ce  misérable 
estât,  naissent  tous  les  jours  nouvelles  apostemes  de 
nos  péchés.    Vous  sçavés   mieux  ce  qui   se  passe  à 


A  M.  DE  BUZENVAL.  SqS 

Noyon  que  nous.  J'espère  que  ce  ?'ege  tournera  à 
dommage  à  l'EspaignoI.  Si  ainsi  e<^t,nous  entrerons 
ceste  année  dans  Pans,  moyennaitt  (|ue  le  desseing  du 
rov  soit  suivi  de  n'y  laisser  rien  entrer,  et  sa  majesté 
bien  servie.  Je  suis  ordonné  avec  ma  compagnie  de 
gendarmes  pour  deffendre  Tung  des  principaulx  pas 
par  où  on  les  ponrroit  avictuailler;  et  fais  mon  estât 
de  m'y  rendre  au  commencement  de  mai,  s'il  ne  sur- 
vient un  nouveau  cas.  De  la  conférence,  aulcungs  nous 
veullent  faire  espérer;  mais  les  commencemcns  m'en 
font  doubler  ;  car  ils  protestent  de  ne  vouloir  traicter 
ni  avec,  ni  pour,  ni  de  rhéréfique.  5"/  ita  est  (car  ils 
entendent  le  roy),  ciii  hono?  Toutesfois  i!  se  peult 
faire  que  l'appelit  leur  en  viendra  en  faisant  semblant; 
et  lousjours  nous  importe  il  d'escouter,  pour  décliner 
l'envie,  qui  tombe  ordinairement  sur  ceulx  qui  refu- 
sent de  traicter,  encores  que  ceulx  qui  les  y  convient 
le  fassent  à  fraude.  Tant  y  a,  que  M.  de  Lorraine  semble 
las  de  la  guerre^,  et  non  nioiiis  de  l'insolence  espai- 
gnole;  plusieurs  aultres  aussi  de  letu'  parti.  Et  n'y  a 
plus  que  les  désespérés  qui  le  soubsliennent.  J'ai  receu 
r Apocalypse  de  M.  du  Ion,  m.his  non  de  ses  lettres.  Je 
fai=;  conscience  de  !e  presser  de  sortir  de  F*  poTir  en- 
trer en  nos  misères;  encores  que  sa  majesté  m'a  ac- 
cordé un  collège  ici  ,  que  je  délibère  faire  baslir.  Ce- 
pendant je  désire  fjrt  avoir  la  forme  de  !  institution 
de  l'académie  de  Leiden.  Le  porteur,  qui  est  l'ung  de 
mes  gardes,  neveu  de  feu  M.  Oîtoman,  vous  dira  plus 
particulièrement  de  nos  nouvelles.  Je  le  vous  recom- 
mande, Si  vons  avés  à  envoyer  une  despescbe  en  court, 
il  s'en  a({]uittera  fidèlement,  me  venant  trouver.  Or, 
faictes  ;on-jours  estât  de  nous,  comme  de  personnes 
sur  qui  avés  toute  puissance.  Je  salue  humblement  vos 


396  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  ctc 

bonnes  grâces,  et  prye  Dieu,  monsieur,  vous  avoir  en 

sa  saincte  garde.  Vostre  humble  et  fidèle  ami,  à  vostre 

service. 

Et  par  apostille  estait  escrit:  Je  n'ai  point  receu  les 
livres  que  vous  m'avés  mandé  que  vous  gardiés  pour 
mon  fils.  Il  s'en  va  advancé  en  la  langue  hébraïque, 
continue  ses  aultres  estudes,  n'obmet  pour  cela  les 
honnestes  exercices. 


CLVIII.  —  ^  MEMOIRE 

Envoyé  au  roy  par  M.  Duplessis. 

Du  ig  avril  i5tj3. 

Le  sieur  Duplessis  travaille  avec  toute  la  diligence 
qu'il  peult  au  recouvrement  des  47,000  liv.  qui  doib- 
vent  estre  fournis  aux  Suisses  dans  la  fin  de  ce  mois, 
dont  ils  ne  le  laissent  en  repos  ung  seul  jour,  parce 
que  sa  majesté  a  voulu  qu'il  s'en  soit  obligé  à  eulx. 
Cependant,  pour  degouster  les  acquéreurs  des  terres 
de  l'ancien  domaine  dé  sa  majesté  ,  aulcungs  pren- 
nent plaisir  à  remettre  sur  la  prétendue  reunion;  mes- 
mes  le  sieur  de  Liancourt  a  présenté  requeste  à  la 
court ,  afin  de  faire  déclarer  la  commission  nulle ,  en 
vertu  de  laquelle  il  lui  avoit  esté  vendeu  pour  dix  mille 
livres  de  bois  en  la  forest  de  Gastine ,  comme  n'ayant 
icelle  esté  vérifiée  en  la  court  de  parlement,  à  quoi 
évidemment  les  procureurs  et  advocat  Seguier  lui  tien- 
nent la  main  :  seroit  à  propos  que  sa  majesté  escrivist 
à  M.  le  premier  président ,  à  MM.  ses  gens ,  et  ce  pour 
plusieurs  considérations  qui  importent  son  service.  Ils 
laissent  les  affaires  de  son  ancien  domaine  en  Testât  qu'ils 


i 


MEMOIRE  ENVOYÉ  AU  ROY ,  etc.  897 

sont  sans  y  rien  immuer,  soubs  quelque  prétexte  que 
ce  soit ,  jusques  à  ce  qu'aullrement  il  en  soit  ordonné 
par  sa  majesté.  Ledict  sieur  Di^plessis  ne  laisse  pour 
gaigner  temps,  de  haster  la  monstre  à  sa  compagnie 
de  gens  d'armes  tant  qu'il  peult,  afin  que  l'affaire  des- 
dicts  Suisses  expédié,  il  n'ait  rien  qui  le  retienne,  ni 
retarde  d'aller  trouver  sa  majesté  ,  mesmes  pour  le  des- 
sein de  Paris,  pour  lequel  il  a  pieu  à  sa  majesté  l'or- 
donner, lequel  toutesfois  semble  s'altérer,  tant  par  la 
distraction  de  sa  majesté  en  aultre  occupation ,  que 
pour  la  lenteur  qui  est  en  contributions  de  la  pluspart. 

Il  ne  s'est  encore  rien  entrepris  en  Anjou  ;  et  cepen- 
dant les  Anglois  se  dépérissent  fort,  et  l'ennemi  pour- 
veoit  à  Laval  et  à  Gliasteaugontier,  non  seulement 
y  jettant  des  forces  pour  les  deffendre,  mais  mesmes 
préparant  une  armée  capable  de  le  secourir,  laquelle, 
venant  sur  le  déclin  d'un  siège  ,  pourra  mettre  en  grand 
gesne  M.  le  mareschal.  Ledict  sieur  s'en  est  allé  à  Chas- 
teauroux  pour  quelques  jours.  Il  semble  que,  contre 
l'intention  de  sa  majesté  ,  on  se  resoult  à  Ghasteau- 
gonstier,  non  à  Laval.  Je  crains  un  second  Craon, 
auquel  cas  le  pays  est  perdeu.  M.  de  Mercœur  a  receu 
encore  un  raffraischissement  de  deux  mille  Espaignols. 

Madame  la  princesse  de  Conty  est  d'accord  avec  M.  de 
La  Chastre  du  mariaige  de  son  aisnee  avec  son  fils,  et 
a  envoyé  quérir  son  conseil  à  Tours  pour  passer  le  con- 
trat. 11  laisse  le  gouvernement  de  Berry  à  sondict  fils, 
et  s'attend  que  sa  majesté  l'en  pourvoie  ;  cela  brouille- 
roit  M.  (le  Montigny.  M.  de  Valançay  est  le  negotia- 
teur  ,  qui  est  son  ennemy ,  comme  aussi  du  mariaige  de 
la  seconde  avec  M.  de  Puycbier,  ledit  sieur  de  Valan- 
çay faict  aussi  traicter  par  l'entreprise  de  Bonnevau, 
le  mariaige  de  sa  fille  aisnee  avec  ledict  sieur  Milly, 


SgS  MEMOIRE  ENVOYÉ  AU  ROY,  etc. 

petit  fils  de  M.  de  Brezay  :  elle  auroit  deux  fort  bonnea 
places  aux  portes  de  Saumur,  Tun  deçà,  Taultre  de  là 
la  Loire ,   et  tout  cela  n'est  dessein. 

La  Rochelle  est  en  grande  rumeur  depuis  trois  sep- 
maines,  parce  que  l'armée,  commandée  par  La  Limaille, 
est  à  la  rade  qui  faict  payer  le  subside.  Les  boutiques 
depuis  ce  jour  y  ont  este  fermées  surseance  de 
deux  canons  logés  sur  la  poincte  de  Coreille ,  et  deux  à 
Clef  de  Bois  :  il  est  nécessaire  que  sa  majesté  y  pourvoie. 
Cela  vient  mal  à  propos  sur  les  mescontentemcns , 
dont  les  officiers,  qui  ont  esté  refusés  à  Tours,  ont 
rempli  le  pays,  et  plus  encore  sur  le  mois  de  mai  que 
sa  majesté  a  esté  advei  lie  qu'il  se  doibt  tenir  ung  sy- 
node, auquel,  sans  doubtc,  ces  affaires  seront  renoués, 
et  trouveront  ces  esprits  atterés ,  aussi  que  pour  peu 
denoineaulté  qui  veint  de  ce  costé,  donneroit  prétexte 
à  ceulx  qui  veulent  troubler  les  affaires  de  sa  majesté  ; 
d'ailleurs  qui  seront  bien  ayses  d'avoir  rencontré  cestui 
là.  Oultre  les  quarante  sept  mille  livres  que  nous  deb- 
vons  recouvrer  en  dedans  la  fin  de  ce  mois  pour  les 
Suisses,  restent  encore  neuf  vingt  mille  qu'il  fault  payer 
en  dedans  dix  mois  à  deux  termes.  Ceste  somme  ne 
sçauroit  estre  trouvée  sur  les  terres  de  deçà;  mais 
partie  s'en  trouvera  plus  commodément,  et  avec  moins 
de  dommage  sur  les  terres  de  Guyenne,  où  elles  se 
vendent  plus  cberement;  c'est  pourquoi  je  vous  prye 
de  faire  que  sa  majesté  en  die  un  mot  à  Madame, 
l'asseurant  de  remplacement  es  pays  de  deçà ,  selon 
son  désir,  en  cas  qu'd  se  présente  l'occasion  de  vendre 
quelque  terre  de  son  partage  provisionnel  à  la  bienséance 
des  acquéreurs;  ce  que  je  pense  que  son  altesse  aura 
agréable  maintenant  qu'elle  est  en  ses  quartiers;  je 
lui  en  escrit  aussi  un  mot. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  899 

CLIX. —-V- LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  La  Fontaine. 

Du  20  avril  l5g3. 
MoNSiFUR ,  j'ai  receu  plusieurs  lettres  de  vous  et  ai 
respondeu  à  quelques  unes;  ces  grands  confluens  que 
nous  avons  eu  ici  m'ont  distraict  de  mon  ordinaire 
soing  de  respondre  à  me^  amis.  Nous  avons  eu  ici 
Madame,  princesse  à  la  vérité  de  bon  naturel  :  mais  il 
se  trouve  une  promesse  de  mariage  fa icte  au  comte  de 
Soissons,  qui  lui  travaille  la  conscience,  et  est  en  dan- 
ger de  nous  troubler  Testât  :  si  elle  eust  descouvert 
cest  ulcère,  on  le  pouvoil  guérir  avec  moins  de  dou- 
leur, de  danger  et  de  bruict,  et  ita  ùi  dies  nova 
patefiunt  voinica ;  en  ce  misérable  estât,  le  roy  l'est 
venu  voir  ici,  qui  y  a  séjourné  dix  jours,  et  trois  sep- 
maines  à  Tours.  Là,  nous  avons  combatteu  jusques  en 
camp  cloz,  pour  la  réception  de  nos  officiers  de  la 
relligion  :  sa  majesté  mesmes,  y  ayant  apporté  toute  la 
vigueur  qui  se  pouvoit,  veint  hactenus  quorandam. 
pertinacia  et  eoriim  quos ,  minime  oportuit  des  gens 
du  roy  bandés  à  ne  requérir  son  intention,  dont  je 
vois  que  nos  églises  recevront  un  grand  mescontente- 
ment,  si  sa  majesté  ne  trouve  moyen  de  domter  ceste 
obstination;  encores  que  la  meilleure  part  de  la  court 
de  parlement  y  feust  disposée;  et  certes,  il  lui  en  de- 
meurera un  mespris  entre  eulx,  sedanimo  inconciisso. 
Pour  mon  regard,  j'en  porte  et  Tennui  et  la  haine. 
J'ai  eu  commandement  de  sa  majesté  de  l'aller  retrou- 
I  ver;  mais  en  mesme  temps  de  recouvrer,  par  vente  de 


4oo  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

son  domaine  ancien,  deux  cens  vingt  et  cinq  mille  escus 
pour  les  Suisses,  dont  il  fault  que  dans  dix  jours  j'en 
trouve  cinquante  mille.  Ce  n'est  pas  pour  diligenter 
mon  partement,  toutesfois  omnem  moncho  lapidem; 
et  pour  mon  particulier,  je  trancherai  quelque  chose 
de  ces  grandes  sonnnes ,  afin  que  vous  cognoissiés  que 
je  pense  à  vous,  lorsque  je  semble  vous  avoir  oublié. 
Les  saisies  générales  des  créanciers  sur  nostre  patri- 
moine nous  ont  jusques  ici  lié  les  mains,  de  sorte  que 
nous  n'avons  peu  disposer  d'ung  denier.  Nostre  roy 
est  tousjours  lui  mesmes  au  faict  de  la  relligion;  lui 
mesmes,  d'aultre  part,  pour  ses  plaisirs;  l'un  me  con- 
sole quand  je  vois  qu'd  n'est  poinct  honteux  de  l'Evan- 
gile du  Christ;  l'aultre  m'afflige  quand  je  vois  qu'il 
faict  honte  à  la  profession  de  cest  Evangile.  Dieu  veuille 
couvrir  et  nos  faultes  et  les  siennes  de  sa  miséricorde. 
Le  pape  n'a  poinct  voulleu  voir  ni  le  cardinal  Gondy, 
ni  le  marquis  de  Pisany.  Par  ainsi  on  ne  nous  importu- 
nera plus  d'escrire  au  pape,  ni  d'envoyer  à  Rome.  Au 
contraire,  je  crois  que  le  parlement  tentera  les  voies 
de  monstrer  aux  Français  qu'ils  se  peuvent  passer  de 
Rome  ;  aux  Romains,  qu'on  la  peult  trouver  en  France, 
qui  n'est  pas  un  petit  coup  sur  Tauctorité  de  la  beste; 
et  les  interests  mesmes  des  catholiques  romnins,  qui 
veullent  estre  asseurés  de  leurs  abbayes  et  eveschés, 
nous  mènent  là,  interea  crescit  tanquam  per  alluvicH 
nem  Ecclesia ,  et  s'establit  en  divers  lieux  plus  que 
vous  ne  croyés,  et  qu'il  n'est  besoin  qu'on  vous  voie» 
Je  vous  dis  vrai,  et  si  je  pouvois  parler,  vous  le  ver- 
ries  clairement.  On  a  parlé  d'une  assemblée  de  La 
Rochelle;  je  pense  que  c'est  un  synode  où  on  voulloit 
prendre  quelque  ordre.  Alias  tali  sint  arena.  Je  l'ap- 
prouve, pourveu  qu'il  ne  se  reveille  rien  qui  seroit  à  la 


A  M.  DE  LA  FONTAINE.  4oi 

venté  en  voulant  guarir  le  bi^as,  tuer  le  corps;  et  si 
cela  a  lieu,  j'espère  y  apporter  conseils  salutaires.  Vous 
ne  me  faictes  poinct  part  de  vos  méditations  comme 
m'avés  promis;  de  moi,  si  vous  vous  en  enquerés,  vous 
scaurés  que  nous  avons  fortifié  ceste  place;  basti  un»- 
beau  temple  et  méditons  ung  collège;  mais  je  n'ose 
penser  sans  conscience  à  tirer  M.  Junius  ex  ombra 
in  arenam  :  d'ung  lieu  paisible  en  nos  misérables  con- 
fusions; et  sur  ce,  monsieur,  etC; 


CLX.  —  ^  LETTRE 
Du  corps  municipal  de  La  Rochelle  a  M.  Duplessis. 

De  La  Rochelle,  le  21  avril  1 593. 
MoA'siEUR,  nous  vous  remercions  humblement  de 
l'affection  qu'il  vous  plaist  nous  continuer,  de  laquelle 
vous  faictes  ample  démonstration  par  celle  qu'il  vous 
a  pieu  nous  escrire.  Les  incommodités  et  traverses 
que  nous  a  donné  La  Limaille,  a  apporté  telle  consé- 
quence que  l'armée  d'Espaigne ,  sans  aulcune  difficulté, 
est  entrée  en  la  rivière  de  Bourdeaulx ,  à  la  veue  de 
partie  de  ses  navires,  et  neantmoins  quelque  défiance 
qui  puisse  estre  entre  lui  et  nous,  nous  equippons  le 
plus  grand  nombre  de  grands  vaisseaux  qu'il  nous  est 
possible,  entre  lesquels  nous  en  avons  ung  de  quattre 
cens  tonneaux,  et  nos  galliottes  pour  secourir  M.  le 
mareschal  de  Matignon  ,  et  charger  l'ennemi  pour  faire 
paroir  que,  quelque  dur  traictement  que  nous  rece- 
vions, nous  ne  manquerons  jamais  au  service  que  no'Js 
debvonsau  roy  et  à  Testât.  En  cest  endroict  nous  prye- 
rons  Dieu,  monsieur,  vous  donner  en  santé  et  prospe- 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToMF   T.  2C) 


4o2  LETTRE  DU  CORPS  MUNICIPAL,  ete. 

rite  longue  et  heureuse  vie.  Vos  plus  humbles  et  plus 

affectionnés  serviteurs , 

Les  Maire,  Eschevins,  Conseillers 
et  Pairs  de  la  ville  de  La  Rochelle. 


CLXL —-V- LETTRE  DE  M.  DE  VIC, 

Conseiller  d'estat^  a  M.  Duplessis, 

Monsieur  ,  encores  que  mon  voyage  a  esté  plus 
long,  à  mon  grand  regret,  que  je  n'esperois,  si  est  ce 
que  les  occasions  qui  l'ont  prolongé  sont  telles,  que 
j'cspere  en  donner  quelque  contentement  à  sa  majesté 
et  à  voua  aussi,  monsieur,  m'estant  instruict  de  plusieurs 
particularités  importantes  à  son  service,  tant  à  Bor- 
deaulx ,  Blaye,  qu'ailleurs,  où  j'ai  passé.  Il  y  a  six  jours 
tantost  que  je  suis  arresté  ici  pour  disposer  MM.  les 
maires  et  eschevins  à  donner  quelque  notable  secours 
contre  l'armée  navale  d'Espaigne,  qui,  des  jeudi  der- 
nier, feut  veue  devant  Talmont  en  nombre  de  vingt 
voiles,  et  mouillèrent  l'ancre  à  Moche,  attendant  la 
première  commodité  pour  donner  à  Blaye.  Ladicte 
armée  ne  sauroit  porter  plus  de  quinze  ou  dix  huicfc 
cens  hommes,  n'estant  le  plus  grand  de  leurs  navires 
que  de  sept  ou  huict  vingt  tonneaux.  On  a  advis  qu'à 
Sainct  Ander,  en  la  coste  de  Biscaye,  dont  elle  est 
partie,  s'en  prépare  une  aultre  de  seize  grands  navires, 
et  quattre  ou  six  galleres  pour  la  suivre  de  près;  de 
sorte  que  si  elles  se  peuvent  joindre,  elles  partiront 
ensemble  :  ce  qui  ne  leur  pourra  estre  empesché.  Les- 
dicts  sieurs  de  ceste  ville  ne  se  résolurent,  au  com- 
mencement, qu'à   deffendre  l'isle  de  Ré,  tant  pour 


LETTRE  DE  M.  DE  VIC,  etc.  4o3 

n'avoir  aiileuiîgs  grands  vaisseaux,  qu'ainsi  pour  les 
grandes  défiances  qu'ils  ont  du  sieur  de  La  Limaille. 
Enfin,  après  l'élection  d'ung  nouveau  maire,  qui  feut 
faicte  hier  de  la  personne  de  M.  du  Jon  Toii  je  me 
trouvai),  on  advisa  d'armer  tout  ce  qui  se  pourra,  et 
aller  attaquer  ladicte  armée;  et  m'asseura  qu'avec  l'aide 
de  Dieu ,  si  elle  n'est  hors  de  la  rivière  dans  demain 
au  soir,  elle  n'en  sortira  que  par  pièces.  J'estime  qu'il 
partira  de  ceste  ville  sept  ou  huict  bons  navires  et  trois 
galliotes,  mieulx  armés  et  pourveus  de  toutes  choses 
nécessaires  que  l'Espaignol  ne  croit ,  et  me  promets  que 
le  tout  sera  prest  dans  ce  jour,  et  sortira  du  port,  s'il 
est  possible.  M.  de  Chastillon  y  doibt  aller  en  personne, 
pour  oster  les  contentions  qui  pourroient  naistre  pour 
le  commandement  entre  ceste  armée  et  celle  du  sieur 
de  La  Limaille.  M.  Gargouiilaud  commandera  les  gal- 
liotes ,  et  n'y  a  aulcung  des  galans  et  braves  qui  ne 
veuille  estre  de  la  partie.  J'ai  despesché  audict  sieur  de 
La  Limaille  (avec  lequel  j'avois  conféré  pour  l'accom- 
moder avec  ceste  ville).  Il  s'est  embarqué,  et  est  à  Ja 
veue  de  Tarmee  ennemie.  J'ai  obteneu  qu'il  pourra 
prendre  ici  plusieurs  choses  qui  lui  estoient  néces- 
saires. M.  de  Retonille  lui  a  baillé  quattre  ou  cinq  cens 
hommes  de  guerre  ou  matelots,  qui  me  faict  croire 
que,  s'ils  les  peuvent  adjoindre,  l'Espaignol  ne  fera  pour 
ce  coup  aulcune  conqueste,  comme  il  se  promeftoit. 
J'ai  donné  advis  de  tout  ce  que  dessus  à  M.  le  mareschal , 
qui  m'avoit  envoyé  homme  exprès  pour  faire  embar- 
quer ce  qui  se  pourroit  de  ce  costé.  Par  ce  moyen  ,  il 
sera  servi  dudict  sieur  de  La  Limaille,  qu'il  avoit  tous- 
jours  rejette  ;  et  ces  messieurs  s'apprivoisent  avec  ce- 
lui qu'ils  ont  voulleu  combattre.  Bien  est  vrai  qu'ils 
désirent  de  lui  quelque  asseurance  ,  laquelle  j'ai  envoyé 


4o4  LETTRE  DE  M.  DE  VIC,  etc. 

quérir,  afin  qu'il  ne  se  parle  en  ceste  assemblée  que 
de  combattre  les  ennemis  de  la  France  ;  mais  j'espère 
que  cela  n'empesclieia  leur  embarquement.  Estant  h 
Marennes,  où  j'eus  le  premier  advis  de  l'acheminement 
de  ladicfe  armée  navale,  je  despeschai  à  M.  du  Masser 
pour  assembler  ses  forces.  Il  me  manda  hier  de  Xaintes, 
où  il  s'est  rendeu,  qu'il  a  plus  de  deux  cens  chevaulx, 
et  mille  ou  douze  cens  soldats ,  avec  lesquels  il  s'ache- 
mine sur  la  coste,  et  s'asseure  que  ce  nombre  dou- 
blera dans  deux  jours.  On  me  persuade  que  le  service 
de  ceste  ville  sera  tardif,  si  je  n'envoyé  l'embarquement. 
Les  principaulx  m'ont  proposé  de  retarder  mon  parte- 
ment.  L'affaire  est  de  telle  importance,  qu'ayant  em- 
ployé tout  ce  peu  que  j'ai  d'industrie,  je  diffère  jusques 
à  l'effect  de  ce  qu'on  m'a  promis  que  j'espère  dans 
demain  pour  tout  le  jour.  De  quoi ,  monsieur,  j'ai 
voulleu  vous  donner  advis,  et  vous  supplier  tousjours 
me  continuer  vos  bonnes  grâces,  et  me  croire,  mon- 
sieur, après  vous  avoir  bien  humblement  baisé  les 
mains  ,  vostre  très  humble  et  très  affectionné  serviteur, 

DE  Vie. 
A  La  Rochelle,  le  26  avril  iSgS. 

Monsieur,  s'il  m'est  permis  de  mcsler  quelque  chose 
de  particulier  avec  le  public,  on  m'a  abusé  d'une  ma- 
nière imaginaire  Si  je  n'eusse  trouvé  des  amis,  ii 
lu'eust  falleu  vendre  des  chevaulx.  Cela  degouste  ceulx 
qui  ont  l'affection  de  faire  très  humble  et  fidèle  ser- 
vice. Je  vous  supplie  très  humblement  envoyer  à  M.  le 
président  Vergues  ce  que  je  lui  escris.  Ma  petite  fa- 
mille est  en  peine  de  moi. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  /\o5 


CLXII.  —  LETTRE 

De  M.  Ditplessis  h  M.  le  duc  de  Bouillon. 

MoNSTEUR,  je  loue  Dieu  que  vous  soyés  approché  de 
sa  majesté;  car  vostre  présence  ne  peult  qu'y  estre  1res 
utile  en  toutes  sortes.  En  ce  voyage  de  Tours,  beau- 
coup de  bons  affaires  ont  esté  et  remués ,  et  poussés, 
li'entretenement  du  ministère,  la  réception  de  ceulx 
de  la  relligion  es  charges,  la  vérification  de  l'edict  es 
aultres  pnrlemens,  etc.  L'histoire  en  seroit  longue,  et 
Taures  peu  mieulx  entendre  d'ailleurs.  Sa  majesté  v  a 
vertueusement  apporté  son  auctorité  ;  moi  ma  juste 
importunité,  autant  qu'il  se  pouvoit.  De  tout  cela  il 
n'est  demeuré,  sinon  aulx  ennemis  de  l'audace,  au  roy 
du  mespris ,  à  moi  de  la  haine.  Si  suis  je  d'opinion,  si 
sa  majesté  faict  ime  vive  recharge,  surtout  en  les  ap- 
pellant  près  d'elle  ,  qu'elle  l'emportera.  Sa  majesté  par- 
tant me  commanda  de  la  suivre  le  plus  tost  <pie  je  j)our- 
rois  ,'ce  que  je  désire  fort;  mais  à  mesme  instant  me 
feit  obliger  aulx  Suisses,  qui  s'en  retournoient,  de  la 
somme  de  cinquante  mille  escus,  qu'il  leur  fault  payer 
pi'omplement,  sinon  encourir  de  très  grands  inconve- 
iiicns ,  portés  par  leurs  protestations.  Je  travaille  main- 
tenant au  recouvrement  de  ceste  somme  (qui  est  le 
premier  terme)  par  toutes  sortes  de  ventes  et  engage- 
mens;  et  la  malice  du  temps  et  rareté  des  deniers  m'y 
apportent  de  1res  grandes  difficultés.  Toutesfois  je  re- 
muerai tant  de  pierres,  que  j'espère  en  sortir  en  bref. 
Et  lors  je  serai  plus  leste  et  deschargé,  pour  aller  de 
plus  près  servir  sa  majesté,  et  par  mesme  moyen  vous 


4o6  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

rendre  le  très  humble  service  que  je  vous  ai  voué;  me 
tenant  tout  prest ,  à  cela  près,  afin  de  partir  aussitost 
que  j'en  serai  veneu  à  bout.  En  negotiant  cela,  je  des- 
roberai  aussi  à  part  quelque  somme  pour  vous,  estant 
bien  marry  qu'il  n'y  a  peu  estre  plus  tost  satisfaict.  Mais  ] 
je  vous  jure,  monsieur,  que  les  saisies  des  créanciers 
ont  esté  si  générales  et  si  estroictes  pour  les  longs  ar- 
rérages qui  estoient  deus  ,  que  mes  gages  des  années  jà 
91  ,  92,  93,  ne  me  sont  aulcunement  payés.  Ce  que 
j'ai  peu  faire,  c'a  esté  de  me  desgager  depuis  quattre 
a!is  de  douze  ou  quinze  mille  escus  de  responsions  où 
j'estois  entré  pour  le  service  de  sa  majesté,  pour  les- 
quelles mon  propre  estoit  saisi ,  et  encores  y  demeure  je 
pour  deux  fois  autant.  Vous  aurés  sceu  comme  La  Ro- 
chelle est  aulx  mains  avec  les  vaisseaux  de  M.  de  Sainct 
Luc  ,  commandés  par  le  capitaine  La  Limaille,  Cel.i 
n  aigrit  pas  peu,  mesme  les  circonvoisins,  et  vient  sur 
une  saison,  cor.rme  j'ai  jà  escrit  h  sa  majesté,  qu'il  ^ 
pourroit  passer  plus  ouUre.  Je  vous  prye  que  cest  affaire  i 
ne  soit  traicté  négligemment.  Quant  aulx  desseings  de 
Laval  et  Cbasteau  Gontier,  ils  se  rendront  difficiles  pat* 
la  longueur.  M.  le  mareschal  d'Aumont  est  encores  à 
Chasteau  Roux.  Sans  lui,  il  n'y  peult  avoir  grande 
créance  en  ceste  armée.  Et  ne  vous  véulx  Jjoinct  dissi- 
muler que  s'il  y  est,  je  ne  fais  pas  estât  de  tirer  les 
canons  d'ici,  veu  les  mauvais  tours  qu'on  m'a  joués  par 
le  passé  en  mesme  chose.  Il  y  a  plus,  (ju'on  a  donné 
temps  à  M.  de  Boisdaulphin  de  munir  les  places;  à 
M.  de  Mercœiir  de  préparer  ses  forces,  pour  entre- 
prendre sur  le  déclin  d'ung  siège.  Tout  cela ,  et  beau- 
coup de  circonstances  que  je  considère,  des  lieux  et 
des  personnes,  me  faict  craindre  une  Craonade.  Quoi 
advenant,  Brctaigne  et  Anjou  sont  perdeus.  Et  n'y  aura 


A  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  4^7 

que  ce  qui  est  huguenot  qui  fasse  teste.  Ce  que  je  vous 
prye  de  bien  peser,  et  en  délibérer,  posant  ce  fonde- 
ment. Il  sera  malaisé  que  sa  majesté  ne  vous  ait  dict  ce 
qu'elle  a  trouvé  de  ceste   place.  Je  me  promets  que 
ceste  année  là  nous  mettra  hors  de  page.  Mais  ce  n'est 
pas  petite  peine  d'avoir  tout  à  faire.  Les  commence- 
mens  de  ceste  conférence  ont  esté  tels ,  que  j'en  espère 
peu.  Toutesfois  il  advient  quelquesfois  qu'en  faisant 
semblant  on  faict  tout  à  bon.  Et  puis  ,  il  importe  que 
chacun  g  cognoisse  que  sa  majesté  veult  le  bien  de  son 
peuple  ,  et  ne  refuse  aulcung  chemin   qui  semble  y 
mener.  Mais  je  n'estime  pas  peu  ,  comme  j'ai  estrit  à 
sa  majesté ,  que  MM.  de  Gondy  et  Pisany  n'ont  esté 
ouïs  du  pape  ;  car  si  cela  est  bien  mesnagé ,  mesme  du 
gré  des  catholiques ,  nous  rompons  le  chemin  de  France 
à  Rome.  Vous  ne  me  mandés  plus  si  vous  espérés  rien 
de  Harcy  et  Moncornet.  Vous  en  disposerés  ainsi  qu'il 
vous  plaira.  Au  reste,  monsieur,  faictes  moi  tousjours 
cest  honneur  de   me  tenir  pour  vostre  très  humble 
serviteur;  et  me  faictes  tant  de  faveur,  que  j'entende 
de  vos  belles  conceptions;  que  je  supplie  Dieu,  mon- 
sieur, voulloir  tousjours  bénir,  et  vous  donner  en  toute 

prospérité  longue  vie. 

De  Saulmur,  le  29  avril  iSg^. 


CLXIII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  wj, 

^  Sire,  mon  premier  mot  sera  que  je  supphe  très 
humblement  vostre  majesté  de  ne  s'ouvrir  à  aulcung 
du  conteneu  en  ceste  lettre.  M.  Krard  est  reveneu  d'A.u- 


4o8  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

vergrie.  II  a  concleu  l'affaire  ts  niesnies  termes  que 
■vostre  majesté  l'a  désiré;  et  à  conditions  telles,  qu'il  a 
plustost  retranché  des  offres  qu'il  avoit  à  faire  qu'aul- 
trement.  Vostre  majesté  y  a  très  bien  esté  servie  de  lui, 
et  peult  désormais  faire  estât  que,  sans  passer  par 
dispense  du  pape  ni  d'aultre ,  elle  se  poiUTa  marier. 
J'ose  vous  exhorter  h  y  penser,  sire,  afin  que  vos  en- 
nemis perdent  leurs  espérances ,  vos  parens  leurs  pré- 
tentions, vos  serviteurs  leurs  desespoirs;  afin  surtout 
que  vostre  majesté  puisse  asseurer  sa  vie  et  affermir 
son  throne,  quand  on  verra  une  lignée  par  laquelle 
vous  pourrés  survivre  à  vous  mesmes.  Alors  aussi  nous 
hastirons  sur  vostre  grandeur  et  sur  nos  services;  non 
plus,  comme  la  pluspart ,  dessus  vostre  tombeau.  M.  le 
connestable,  sire,  vous  en  monstre  le  chemin  en  sa 
famille.  Combien  plus  nécessaire,  et  pour  vous,  et  pour 
aultrui,  en  vostre  estât!  Ores,  sire,  je  vous  mènerai 
l'homme,  qui  vous  dira  mieulx  le  surplus.  Seulement 
afin  de  tenir  les  choses  mieulx  en  estât,  je  supplie 
vostre  majesté  de  lui  faire  escrire  img  petit  mot,  par 
lequel  vostre  majesté  lui  tesmoigne  avoir  sa  negotiation 
agréable;  car  il  a  rompeu  une  practique  de  l'Espaignol 
très  préjudiciable,  laquelle  pourroit  revivre,  s'il  n'avoit 
subject  d'en  faire  promptement  quelque  response,  en 
attendant  que  vostre  majesté,  ayant  tout  ouï,  satis- 
fasse au  surplus.  Je  supplie  le  Créateur,  sire,  qu'il 
inspire  ung  bon  conseil  à  vostre  majesté,  et  lui  doint 
prospérer  en  toutes  ses  voyes. 

De  Saulmur,  le  5  mai  i5g3, 


A  LA  ROYNE  DE  NAVARRE.  /jOQ 

CXLIV.— LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  la  rojne  de  Navarre. 

Madame,  j'ai  receu  par  M.  Erard  celle  dont  il  vous 
a  pieu  m'honorer,  que  je  tiens  chère,  pour  la  confiance 
qu'il  vous  plaist  prendre,  qu'en  ce  qui  sera  traicté  par 
moi  et  avec  moi  es  affaires  qui  vous  toucheront,  il  n'y 
aura  que  sincérité.  Je  le  vous  proteste  encores  par  ceste 
ci,  madame,  sçachant  très  certainement  que  l'intention 
du  roy  est  telle  ,  et  que  ce  que  M.  Erard  a  negotié 
avec  vostre  majesté  sera  accompli  entièrement  et  sans 
fraude.  De  ce  pas,  et  des  que  nous  avons  eu  parlé  en- 
semble ,  j'ai  despesché  vers  le  roy  pour  lui  donner 
advis  sommairement  de  ce  qui  s'est  faict.  Mais  à  la  pre- 
mière seure  escorte,  il  prendra  son  chemin  vers  sa 
majesté  lui  mesmes.  Et  je  serai,  comme  j'espère,  ceste 
escorte  là,  pour  le  désir  que  j'ai  que  le  tout  soit  con- 
duict  à  fin  avec  la  fidélité  et  promptitude  qui  y  est 
requise.  Mon  but,  madame,  en  cest  affaire,  c'est  la 
grandeur  du  roy,  l'establissement  de  Testât,  vostre  re- 
pos et  contentement.  Pouvoir  servir  à  ung  seul  de  ces 
poincts,  ne  seroit  pas  peu  de  chose.  Et  là  oii  tous  les 
trois  se  rencontrent  ensemble  ,  comme  je  l'estime  en 
ceci,  je  me  tiens  trop  honoré  et  trop  heureux.  Dans 
peu  de  jours  donc,  madame,  vostre  majesté  sera 
esclaircie  et  resoleue ,  et  le  doibt  desjà  estre.  Cependant 
je  suppHe  le  Créateur  qu'il  vous  doint  heureuse  et 
lonoue  vie.  Vostre  très  humble  et  très  obéissant  ser- 


viteur. 


De  Saulinur  ,  lo  5  mai  iSqS, 


/jIO  LETTIIE  DE  M.  DUMAURIER 


CLXV.  — -V^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 
A  M.  Duplessis. 

De  Mantes,  le  8  mai  1693. 
Monsieur,  je  receus,  le  4  de  ce  mois,  celle  qu'il 
vous  a  pieu  me  faire  cest  honneur  de  m'escrire  du  28 
du  précèdent.  Je  me  représente  à  heur  inestimable , 
la  confiance  que  vous  me  tesmoignés  prendre  de  ma 
fidélité  à  vostre  service  ;  aussi  n'apparoistrai  je  jamais 
entrer  en  tous  les  effects  que  je  pourrai  rendre  à  vos 
commandemens ,  que  je  préférerai  tousjours ,  sans  fein- 
tise,  à  quelconques  oultres,  pour  n'estre  jugé  cou- 
pable d'ingratitude  envers  le  soing  que  vo-us  daignés 
avoir  de  moi.  La  commodité  de  ce  porteur  m'a  esté 
offerte  fort  à  propos,  pour  ramentevoir  à  monseigneur 
le  mareschal  de  respondre  à  celle  que  vous  lui  aves 
escrite ,  ce  qu'il  faict  présentement.  Il  m'a  dict  qu'il 
n'est  jamais  entré  en  double  du  vrai  but  de  vos  sainctes 
intentions:  mais  qu'il  reçoit  à  beaucoup  de  plaisir, 
que  vous  vous  en  ouvrirés  à  lui  confidemment,  comme 
vous  faictes,  afin  qu'une  bonne  intelligence  fomentée 
entre  vous  produise  au  besoing  les  remèdes  aui.v  maulx 
qui  nous  menacent,  autant  qu'il  se  poiun  a ,  gaigner 
sur  ceulx  qui  s'efforcent  de  nous  les  rendre  incura- 
bles. Ores,  monsieur,  celle  qui  vous  est  faicte  par  lui 
m'empeschera  de  vous  importuner  à  lire  ici  des  répé- 
titions :  et  puis,  vous  estes  informé  par  tant  d'aultres 
de  Testai  de  deçà  ,  que  je  penserois  faillir  d'en  allonger 
ceste  lettre.  Vostire  présence  est  très  désirée  et  encores 
plus  nécessaire,  n'y  ayant  ici  resolution,  que  de  pcr- 


A  M.   DUPLESSIS.  4^1 

sister  en  i  irrésolutions,  4^,  4'  ^  3i  ;  et  cependant, 
dinn  Hercules  lotus  inseivit  Omphale ,  les  monstres 
refoisonnent  devant  lui.  Je  crois  que  vous  pourrés  en- 
cores  trouver  mondict  seigneur  près  du  roy ,  si  vostre 
veneue  est  aussi  soubdaine  prest  de  sa  majesté  comme 
on  le  croit.  Au  surplus,  monsieur,  Tasseurance  que 
vous  aurés  receue  celle  que  j'ai  baillée  à  Biclr,  vostre 
lacquais,  me  gardera  de  vous  faire  redicte  des  parti- 
cularités que  je  vous  y  ai  assés  amplement  reduictes. 
On  est  après  à  ménager  quelque  trefve  avec  le  duc  de 
Lorraine ,  et  pense  qu'il  ne  s'y  rendra  pas  trop  diffi- 
cile,  estant  fort  convié  par  le  duc  de  Florence  de  ne 
s'embarquer  dadvantage  en  ceste  guerre.  Si  cela  se 
faict,  je  conçois  espérance  que  mondict  sieur  de  Bouil- 
lon résidera  dadvantage  près  du  roy,  et  que  tout  n'en 
ira  pas  pis.  Je  vous  mandois  dernièrement  que  sa  ma- 
jesté lui  a  accordé  les  trente  mille  escus  que  les  estats 
generaulx  près  au  roy.  On  tasche  de  les  per- 

suader à  faire  quelque  signalé  exploict  sur  la  Meuse, 
tirant  vers  Sedan ,  afin  que  l'on  peust  s'entre  commu- 
niquer et  de  conseils  et  de  forces,  qui  seroit,  mon- 
sieur, comme  vous  jugés  très  prudemment,  avoir  la 
cognée  à  la  racine  de  l'arbre  qui  nous  faict  tant  de  mal , 
et  qui  reverdira  tousjours,  tant  qu'il  ne  sera  attaqué 
que  par  les  rameaux.  M.  de  Mouy  est  de  la  partie  avec 
monseigneur,  et  espère  que  vous  en  aurés  parlé.  Je 
loue  Dieu ,  avec  tous  les  gens  de  bien  ,  du  bel  estât  où 
vous  mettes  vostre  place  43.  7.  121.  Plus  de  personnes 
s'en  enquierent  et  s'en  resjouissent  que  vous  ne  sçauriés 
croire ,  ne  doubtant  pas  qu'il  n'y  en  ait  infinis  de  con- 
traire affection.  C'est  ung  œuvre  que  Dieu  a  voulleu 
eslever  par  vos  mains,  et  à  la  conservation  duquel  je 
m'estimerai  heureux  d'employer  ung  jour  ma  vie  pour 


4l2  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER ,  etc. 

la  fm.  Je  vous  fais  très  humble  remerciement,  mon- 
sieur, de  la  souvenance  qu'il  vous  plaist  me  promettre 
en  ce  qui  me  concerne  ;  ce  m'est  surcharge  d'obligation 
à  pryer  Dieu  qu'il  vous  donne,  monsieur,  en  parfaicte 
santé,  très  heureuse  et  contente  vie.  Vostre  très  humble, 
très  affectionné  et  plus  obligé  serviteur  à  jamais, 

DUMA^URIER. 


GLXVl. —  -î;^  LETTRE  A  M.  DUPLESSIS. 

Monsieur,  vous  aurés  desjà  appris  la  nouvelle  du 
raccommodement  de  monseigneur  de  Bouillon,  (pj'on 
bastit  du  nom  de  soubmission.  Monsieur,  de  plus,  je 
vis  une' lettre  du  roy  escrite  de  dedans  Sedan  à  la  royne 
Marguerite,  où  il  lui  mande  y  avoir  esté  receii  avec  une 
allégresse  si  universelle,  que  les  cris  qui  se  faisoient  toute 
la  nuict  de  Vive  le  roy  et  M.  le  Dauphin  ,  l'empeschoient 
de  dormir  ;  que  le  seigneur  à  qui  elle  appartient  monstre 
une  grande  repentance  de  ses  faultes  passées,  et  qu'il 
espère  en  tirer  autant  de  service  qu'il  fist  jamais, 
pourveu  que  cela  deure  tout  de  bon.  Je  vouldrois  vous 
entretenir  ung  peu  là  dessus;  je  l'espère  bientost,  à 
ce  que  les  vostres  m'ont  dict.  J'ai  ung  meschant  procès 
qui  ne  me  donne  le  loisir  que  d'asseurer  madame 
Duplessis  de  mon  affection  à  son  service  et  au  vostre, 
comme  les  obligations  que  je  vous  ai  m'y  obligent,  et 
d'estre,  monsieur,  vostre  bien  humble  cousine  à  vous 
servir.  HtNnitTTE  de  Nassau. 

^lù  dos  :  Momieur  ^  il  vous  plaira  lire  la  lettre  du 
sieur  Rivet,  et  commandés  à  uiig  des  vostres  de  le& 
envoyer  seurement.  Atenays. 


SUBJECT  D'UNE  LETTRE  INTERCEPTEE.      4i3 


CLXVll.  — -V-  SUBJECT 

D'une  lettre  interceptée ,  que  V agent  du  duc  de  Mer- 
cœur  estait  près  le  duc  de  Mayenne ,  qui  est 
ung  docteur  de  théologie^  evesque  de  , 

deschijfree  par  M,  Fit t te. 

Eli  Eretaigne ,  le  18  mai  i5y3. 

Il  mande  que  le  roy  de  Navarre  offre  de  se  faire  ca- 
tholique ,  et  à  ceste  fin  a  resoleu  en  son  conseil  de 
faire  une  déclaration,  et  la  faire  publier  en  ses  courts 
de  parlemens. 

Requiert  tous  les  evesques  et  docteurs  de  nostre 
parti  de  se  rendre  avec  ceulx  qui  tiennent  le  leur,  de 
se  rendre  au  lieu  assigné,  et  dedans  deux  mois,  pour 
se  faire  instruire. 

Offrant  tenir  et  observer  tout  ce  qui  y  sera  hon- 
neste,  ce  qui  a  fort  esbranlé  la  vollonté  de  plusieurs 
qui  n'ont  tant  de  fermeté  qu'il  seroit  à  désirer,  et  qui 
est  du  debvoir. 

Toutesfois  l'on  espère  trouver  remède  à  ce  coup, 
par  plusieurs  occasions,  qu'on  fera  naistre  pour  em- 
. pescher  qu'il  ne  soit  recogneu. 

Le  roy  d'Espaigne,  par  ses  gens,  offre  d'entretenir 
vingt  mille  hommes,  sçavoir,  quattre  mille  chevaulx. 
et  seize  mille  hommes  de  pied,  qui  seront  prests  à  se 
mettre  en  campaigne  dedans  trois  mois. 

Fournira  pour  le  payement  cent  mille  escus  par 
mois,  à  continuer  ung  an. 

Et  cinquante  mille  escus  par  mois ,  à  continuer  en- 
cores  ung  an,  après  le  premier  expiré. 


4i4       SUBJECT  D'UNE  LETTRE  INTERCEPTEE. 

Que  les  François  ligués  offrent  deux  mille  chevaulx 
et  dix  mille  de  pied. 

Qu'ils  espèrent,  avec  ceste  armée  joincte  ensemble, 
faire  tels  efforts,  qu'ils  trouveront  en  France  assés  de 
quoi  soldoyer  ladicte  armée. 

Le  roy  d'Espaigne  désire  que  l'infante  soit  recogneue 
pour  duchesse  de  Bretaigne. 


CLXVIII.  •— LETTRE 

De  M.  Sainct  Jldegonde  a  M.  Duplessis. 

Du  17  mai  lôgS. 

MoiysriîUR  ,  vostre  lettre  du  3  d'avril  m'a  esté  livrée 
le  29  dudict  mois,  estant  sur  le  voyage  d'Allemaigne; 
toutesfois  il  a  encores  esté  différé  jusqu'à  ce  jourd'hui, 
que  nous  pensons  nous  embarquer  pour  entreprendre 
le  voyage  vers  Staden.  Je  prye  le  bon  Dieu  qu'il  y 
veuille  donner  sa  bénédiction.  Je  crains  encores  les 
traverses  pour  la  mauvaise  vollonté,  puissance  et  nom- 
bre de  ceulx  qui  taschent  l'empescber.  Mais  Dieu  est 
plus  puissant  que  tous.  Si  quelque  occasion  s'offre  de 
faire  service  à  nostre  maistre,  je  l'embrasserai  de  toutes 
mains.  Si  par  de  là  s'offre  quelque  chose  en  quoi  vous 
pensiés  que  je  me  doibve  employer,  je  vous  supplie 
m'en  advertir,  et  informer  de  ce  qu'il  fauldra  faire.  Je 
n'escris  pas  à  sa  majesté,  pour  ce  qu'il  me  semble  su- 
perflu. Et  en  cela  je  me  règle  selon  l'advis  de  M.  de 
Buzenval.  Vous  cognoissés  mon  affection  et  désir,  ou 
plustost  dévotion;  car  je  me  suis  une  fois  consacré  au 
service  de  l'église  et  de  ce  bon  prince ,  que  Dieu  a 
esleu  pour  protecteur  d'icelle.  Je  n'attends  que  les  oc- 


LETTRE  DE  M.  DE  SMNCT  ALDEGONDE,  etc.  4'''' 
casions.  De  les  chercher  aratitieusement  ne  me  per- 
met mon  naturel.  Mais  je  les  embrasserai  avidement 
quand  elles  s'offriront.  Toucliant  vostre  estât  j'en  ai 
fort  bon  espoir,  à  cause  que  le  voyant  désespéré  ,  j'es- 
père que  Dieu  se  soubviendra  de  ses  miséricordes.  Mais 
le  nostre  me  semble  en  danger  pour  ce  que  ses  ulcères 
sont  cachés  et  comme  cicatrisés  dessoubs  les  ampoulles 
de  quelque  prospérité,  laquelle  nous  advient,  pour  ce 
que  Dieu  tient  l'ennemi  empesché  ailleurs,  et  nous  le 
nous  attribuons.  Mais  quoi,  vous  sçavés  àvî^ipévvy^Ta. 
eîvcti  Td  )cpifjt.ctTet  T8  -S-SK.  Il  faut  donc  travailler,  et  lui 
en  recommander  les  isseues.  Nous  avons  ici  eu  nou- 
velles que  le  roy  auroit  surpris  Dreux.  Je  prye  Dieu 
qu'il  soit  vrai.  M.  le  comte  assiège  Gertrudembergues. 
l!  faict  faire  des  forts  et  bouleverts  royaulx  aulx  ave- 
neues;  du  reste  est  bien  retranché  et  palissade.  J'es- 
père que  l'ennemi  n'y  vouldra  mordre,  ou  que  ce  sera 
avec  honte  et  perte.  Je  crains  plus  la  division  par  la- 
quelle il  nous  pourroit  faire  du  mal ,  estant  nostre 
gendarmerie  foible,  et  nos  garnisons  assés  desgarnies. 
Mais  j'espère  que  le  seigneur  sera  avec  nous. 

P.  DE  Marnix. 


.CLXIX. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^u  roj. 

Sire  ,  j'ai  despesché  homme  exprès  vers  vostre  ma- 
jesté y  a  six  jours,  pour  affaire  qui  vous  touche  gran- 
dement. Et  cependant  je  fais  tout  ce  que  je  puis  pour 
vous  aller  trouver,  ainsi  que  vous  dira  mieulx  M.  Feret. 
f,.  Je  n'ignore  poinct  la  peine  où  vostre  majesté  se  Irouvej 


4i6  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

car  je  l'ai  tousjours  preveue.  Le  commencement,  sire 
(  vostre  majesté  le  prenne  en  bonne  part),  c'est  de 
gémir  à  bon  escient  à  Dieu,  contre  l'ire  duquel  les 
hommes  ne  nous  sçauroient  aider,  ni  de  conseil,  ni  de 
force.  En  après  ,  de  se  commettre  et  confier  en  bien- 
faisant entre  ses  mains,  resoleu  que  contre  sa  béné- 
diction toutes  les  conspirations  humaines  ne  peuvent 
rien.  Prenant  ceste  resolution,  ne  doutés,  sire,  que  les 
moyens  de  vous  maintenir  vous  défaillent,  puisqu'ils 
abondent  en  Dieu,  que  vous  aurés  pour  vous;  et  que 
ne  trouviés  nombre  de  bons  serviteurs  qui  vous  assis- 
tent,  quelque  orage,  quelque  inconvénient,  qiii  se 
présente.  Surtout,  sire,  quand  vous  n'aurés  que  les 
hommes  à  combattre;  quand  vous  aurés  faict  vostre 
paix  avec  Dieu,  qui  seul  la  vous  peult  faire,  et  donner 
avec  les  hommes. 

Sire ,  vostre  majesté  reçoive  ceste  lettre  du  fonds 
de  mon  ame,  dont  je  supplie  le  Créateur  qu'il  vous 
conforte  et  conseille  par  son  esprit  à  sa  gloire  et  à 
vostre  salut. 

Du  Saiilraur,  le  ï5  mai  i5g2. 


CLXX.  — -V-  DECLARATION  DE  MANTES., 

Nous,  princes,  officiers  de  la  couronne  et  aultres 
seigneurs  du  conseil  du  roy ,  soubsnommés,  voullant 
oster  à  ceulx  de  la  relligion,  dicte  reformée,  toute 
occasion  de  doubter  qu'au  traicté  qui  se  faict  de  pre-jw 
sent  à  Surenne,  entre  les  députés  des  princes,  offî-l* 
ciers  de  la  couronne  et  aultres  seigneurs  catholiques 
recognoissant  sa  majesté,  et  par  sa  permission,  et  les 
députes  de  l'assemblée  de  Paris ,  soit  accordé  aultre 


BECLARATION  DE  MANTES.  ^ij 

chose  au  préjudice  de  ceulx  de  ladicte  reliigion,  et  de 
ce  qui  leur  avoit  esté  accordé  par  les  edicls  du  feu  roy 
attendant  les  resolutions  qui  pourroient   estre  prises 
pour  le  rétablissement  et  Tentretenement  du  repos  de 
ce  royaulme,  avec  l'advis  des  princes,  seigneurs  et  aul- 
tres  notables  personnages,  tant  d'une  que  d'aultre  relii- 
gion, que  sa  majesté  a  advisé  de  faire  tenir  et  assem 
bler  près  d'elle  en  ceste  ville  de  Mantes,  au  j6  juillet 
prochain;  promettons,  par  la  permission  de  sa  majesté 
quen  attendant  lesdictes  resolutions,  il  ne  sera  rien 
taict  m  passé  en  ladicte  assemblée  de  par  lesdicts  de- 
putes  de  nostre  part  au  préjudice  de  la  bonne  union 
et  amitie  qui  est  entre  les  catholiques  qui  recognoissent 
sa  majesté,  et  ceulx  de  ladicte  relhgion  ,  ni  desdicts 
edicts  ,  et  ne  feront  rien ,  ni  donneront  aulcung  conseil 
consentement  ou  aveu  au  contraire  de  lad.cie  union 
et  d. ceulx  edicts;  promettant  aussi  d'advertir  lesdicts 
sieurs  députés  estant  à  Surenne ,  de  nostre  présente 
resolution  et  promesse  par  nous  faicte,  comme  ju.ees 
necessau-es  pour  esviter  toute  altercation  entre  les  bons 
subjects  de  sa  majesté,  afin  que  de  leur  part  ils  aient 
a  s  y  conformer;  en   tesmoing  de  quoi,   nous  avons 
signe  la  présente. 

A  Mantes,  le  i6  mai  iSgS. 

^ins^  signé,  François  d'Orléans,  Huhault, 
Charles  de  Mcjvtmoreivcy,  Rogier  de  Bel- 
i^EGARDE,  François  d'O,  Franço,s  CHi.oT, 

CxASPARD   DE  SCHOMBERG,  et  JfiAIV  DE  Lev.S- 

Gollationné  par  nous  {sig,ié)  Potier, 


^Um.  HE  DuPT.ESSIS-MoRîfAY.  ToME  V. 


A\S        LETTRE  DE  M.   LE  CIIA.NCELLIER,  etc. 


CLXXI.  —  ^  LETTRE 

De  M.  le  chancellier  a  M.  le  procureur  général. 

Monsieur,  avant  que  ceste  lettre  soit  à  vous,  vous 
aurez  peu  entendre  la  bonne  resolution  que  le  roy  a 
prise  de  suivre  la  relligion  des  roys  ses  prédécesseur^; 
à  quoi  Dieu  l'ayant  disposé,  je  veulx  espérer,  tant  pour 
le  bien  de  ce  pauvre  estât  et  repos  de  ses  subjects, 
que  cela  nous  apportera  une  bonne  et  lieureuse  paix; 
et  encores  que  vous  soyés  plus  particulièrement  in- 
struict  par  les  lettres  que  sa  majesté  mesmes  a  com- 
mandé en  estre  envoyées  en  son  parlement,  de  son  in- 
tention en  l'assemblée  qu'elle  veult  faire  des  prélats 
avec  notables  pasteurs  du  royaulme  sur  ce  subject,  j'eus 
esté  bien  aise  de  vous  envoyer  ce  petit  advis,  estimant 
que  vous  recevrés  avec  autant  de  contentement  une  si 
bonne  nouvelle  qu'elle  estoit  effectivement  désirée 
€t  attendent  de  tous  les  gens  de  bien  et  d'honneur, 
amateurs  de  la  restauration  de  cest  estât;  et,  me  ren- 
dant humblement  à  vos  bonnes  grâces  ,  je  pryerai 
Dieu,  monsieur,  vous  donner  en  très  bonne  santé  très 
bonne  et  heureuse  vie. 

Nous  attendons  la  response  devant  samedi  prochain, 
par  MM.  de  Schomberg  et  Revol ,  de  ce  que  messieurs 
qui  sont  à  Paris  vouldront  dire,  où  tout  le  peuple  a  esté 
fort  rejoui  d'entendre  ceste  bonne  et  saincte  resolution 
du  roy;  mais  d'aultres  en  ont  esté  bien  estonnés.  Nous 
verrons  dans  peu  de  jours  si  ce  pourra  réussir.  Vostre 
humble  et  plus  asseuré  ami,  à  vous  faire  service, 

CliEVERJNY. 
De  Mantes,  ce  18  mai  iSgS. 


LETTRE  DU  PRIELK  DES  JACOBINS.  419 

CLXXIL  — ^LETTRE 

Du,  prieur  des  jacobins. 

GoDEAU,  je  vous  envoyé  ce  mot  pour  vous  ramen- 
tevoir  mes  affaires,  et  à  faire  diligence,  et 

faire  tenir  ce  mot  promptement  à  M.  Barre ,  et  dire 
tant  au  prieur  qu'à  tous  aultres  des  religieux  que  c'est 
à  ce  coup  qu'ils  doibvent  redoubler  les  pryeres  pour 
le  roy  qui  se  faict  catholique;  à  quoi  il  est  resoleu,  l'a 
promis,  juré  et  signé  avec  grand  allégresse,  et  mande 
par  tout  les  evesques  et  aultres  gens  doctes  pour  l'in- 
struire, la  pluspart  des  grands  pour  assister  à  la  céré- 
monie qui  se  fera  à  Tours  ou  à  Chartres,  ne  se  pou- 
vant faire  à  Sainct  Denis  comme  il  desiroit,  pour  estre 
le  lieu  trop  petit  pour  contenir  tout  le  peuple  qui  s'y 
trouvera;  ce  qu'il  ne  faict  poinct  par  capitulation  ni 
pour  avoir  la  paix  ou  guerre.  Il  est  resoleu  à  cela ,  Dieu 
merci.  Salués  en  mon  nom  M.  Archambault,  et  lui 
dictes  ces  bonnes  nouvelles ,  encores  que  je  pense  qu'il 
le  sçache  d'ailleurs,  et  qu'hier  nous  feismes  procession 
fort  solennelle;  je  l'ai  presché  et  en  ai  asseuré  le  peu- 
ple, en  tout  et  le  commandement  de  sa  majesté. 

A  Mantes,  ce  17  mai  lôgi. 


CLXXIII.-.-V' LETTRE  DE  M.  BORK 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  lorsque  je  m'en  allai  avec  vous  trouver 
le  roy  devant  Rouen,  vous  me  parlantes  en  chemin 


4^0  LETTRE  DE  M.  BORN,  etc. 

([ue  desiriés  acheter  les  deux  bastardes  qui  sont  a 
Saulmur,  que  M.  de  Sauvrees  vous  bailla;  je  vous  feis 
response  que  je  les  avois  promises  à  M.  le  mareschal 
de  Biron;  et  d'autant  que  j'ai  des  pièces  à  Dieppe  qui 
sont  en  plus  grand  commodité  de  les  faire  porter  par 
eau  jusques  à  Biron,  si  vous  estes  en  la  niesme  vol- 
lonté  que  vous  estiés  en  ce  temps  la,  je  les  vous  ven- 
drai, car  elles  sont  à  moi  du  butin  que  je  feis  au  faulx- 
bourg  de  Paris,  le  jour  de  lacamisade,  l'an  iSSg;  le 
roy  me  donne  des  pièces  que  je  gaignai  aulx  prises  des 
"villes  lîuict  soulz  de  la  livre;  je  n'en  veulx  poinct  dad- 
vantage  de  vous,  s'il  vous  plaist  me  mander  ce  qu^avés 
envie  de  faire  pour  ce  faict  là,  et  addresser  les  lettres 
qu'il  vous  plaira  m'escrire  au  sieur  de  Binet,  à  Tours, 
qui  me  les  fera  tenir  soubdain  que  j'aurai  receu  de 
vos  nouvelles.  J'envoyerai  charge  à  quelqu'ung  de  mes 
amis  pour  passer  le  marché  avec  vous ,  et  recevoir 
l'argent;  les  deux  pièces  peuvent  peser  environ  six 
milliers.  Si  vous  me  vouUés  envoyer  ung  formulaire  du 
marché  que  voudrés  passer,  pour  monstrer  comment 
je  vous  les  ai  vendeus,  je  le  suivrai  et  les  vous  ren- 
voyerai.  Si  vous  eussiés  estéà  Saulmur  lorsque  j'y  passai, 
j 'avois  délibéré  de  vous  en  parler,  mais  vous  estiés  au 
siégé  de  Rochefort.  Monsieur,  vous  me  ferés  ce  bien, 
s'il  vous  plaist,  de  me  tenir  au  nombre  de  vos  humbles 
serviteurs;  et  je  pryerai  Dieu  ,  monsieur,  vous  donner 
en  santé  heureuse  et  longue  vie.  Vostre  humble  et 
obéissant  serviteur,  Born. 

De  Born,  ce  20  mai  1693. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS  ,  etc.  4  ^  f 

CLXXIV.—'V- LETTRE  DEM.  DUPLESSIS 

J  M.  de  Beaulieu, 

Monsieur,  je  feusse  parti  en  intention  de  vous  servir 
d'escorte;  mais  diverses  causes  m'ont  releneu ,  les 
Suisses  aulxquels  il  fault  que  je  donne  contentement 
au  moins  pour  le  premier  terme ,  ce  que  je  n'ai  peu 
encores  faire,  quelque  terre  que  j'aye  mis  en  vente  de 
l'ancien  domaine  de  sa  majesté;  puis  le  bon  traictement 
que  j'ai  receu  en  cest  estât  dernier,  lequel  je  scais  très 
bien  n'avoir  esté  de  vostre  sceu  ,  et  que  vous  aurés 
assés  entendeu  dé  M.  de  Vie,  en  conséquence  duquel, 
cependant,  on  entreprend  des  choses  contre  moi,  que 
je  ne  suis  aulcunement  resoleu  de  souffrir;  au  contraire 
de  postposer  toutes  considérations  au  mespris  evitlent 
que  j'apperçois,  qui  me  rendroit  inutile  au  service  du 
roy  et  trop  dommageable  à  moi  mesmes,  mon- 

sieur, pour  vous  dire  vrai  que  je  suis  bien  aise  de  voir 
le  cours  de  ceste  conférence  pour  éviter  la  calomnie 
du  passé,  par  laquelle  les  bonnes  affections  que  j'ap- 
portai à  la  paix  ont  esté  mal  interprétées,  et  le  mau- 
vais succès  imputé  à  moi  qui  le  debvoit  estre  à  la 
malignité  des  ennemis;  nonobstant  cela,  j'ai  faict  faire 
monster,  mais  sans  argent  que  celui  que  j'ai  emprunté 
à  ma  compag'nie ,  pour  au  plustost  aller  trouver  sa  ma- 
jesté; et  par  ce  qu'il  vous  a  pieu ,  ainsi  que  m'escrit 
M.  de  Vie,  recognoistre  le  tort  qui  m'est  faict;  je 
vous  prye ,  afin  que  je  laisse  les  choses  ici  en  meilleur 
estât,  et  eh  partir  avec  plus  de  repos,  m'envoyer  le  res- 
tablissement  de  Testât,  selon  celui  de  l'an  passé,  ainsi 


422  LETTRE  DE  M    DUPLESSÏS 

qu'il  a  pieu  à  sa  majesté  me  promettre  par  ses  lettres, 
dont  je  me  confie  que  recevrés  aisément  et  agréable- 
ment le  commandement,  n'estant  raisonnable  que  je 
dimineue  de  ce  que  je  suis,  que  j'ai  tousjours  esté,  et 
dont  vous  estes  trop  bon  tesmoing,  quand  les  aultres 
veullent  croistre  de  ce  qu'ils  ne  sont,  ni  furent,  ni  peu- 
■vent  estre,  mesmes  au  préjudice  des  princes  ;  si  ce  qui 
m'est  retranché  n'estoit  marque  de  la  dignité  que  je 
doibs  tenir  avec  seulement  ung  profict,  je  n'en  par- 
lerois  jamais  :  aussi  peu  ,  comme  quand  on  m'a  retran- 
ché de  5oo  livres  par  mois,  à  3oo.  Mais  je  vois  que  la 
conséquence  va  plus  loin  à  l'honneur  et  à  la  charge 
dont  il  m'est  aussi  peu  possible  de  rabattre  que  de  mon 
service  et  vostre  debvoir. 

Du  2  1  mai  lôgS. 


CLXXV.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSÏS 

A  M.  de  Morlas. 

Monsieur,  j'ai  receu  les  vostres  du  8,  qui  m'ont 
obligé  de  vostre  bonne  voUonté  et  ouvert  l'esprit  par 
vos  discours.  Sa  majesté  me  presse  fort  d'aller,  et  ne 
considère  pas  qu'elle  m'a  attaché  aulx  Suisses,  qui  ne 
me  laissent  marcher  qu'au  pas  de  la  pique.  D'ailleurs 
je  n'ai  argent ,  ni  pour  moi ,  ni  pour  mes  compaignons , 
aulxquels  loutesfois  je  fis  le  dix  huictiesme  de  ce  mois 
faire  monstre  sèche.  J'attends  aussi  M.  de  Vicose ,  sur 
lequel  on  m'a  remis  de  plusieurs  choses  ;  mais  à  vous, 
je  vous  dirai  encores  que  je  ne  suis  poinct  marry  que 
ceste  conférence  prenne  son  cours,  parce  que  rom- 
pant sur  ma  veneue ,  elle  ouvriroit  la  bouche  aux  ca-  î 
lomniateurs,  pour  dire  que  j'aurois  pris  la  poste  pour 


A  M.  DE  MORLAS.  4  2  5 

m'opposer  au  bien  et  désir  commun  de  toute  la  France. 
Au  moins  quand  ils  auront  faict  l'effort  de  leurs  ex- 
ploicts,  ils  imputeront  à  la  malice  des  ennemis  par  né- 
cessite, ce  que  par  industrie  ils  chargeoient  sur  moi, 
que  Dieu  sçait  y  avoir  apporté  tout  ce  qui  se  pouvoit 
de  foi,  de  diligence,  d'affection.  Faictes  tant  pour  moi, 
comme  m'avés  proinis,  de  me  despescher  homme  ex- 
près avec  une  bonne  et  ample  lettre ,  que  je  thésauri- 
serai, et  sur  laquelle  je  prendrai  resolution,  laquelle 
sera  tousjours  conforme,  aydant  Dieu,  à  sa  gloire,  au 
service  du  roy,  au  debvoir  de  bon  serviteur,  au  désir 
des  gens  de  bien  ,  au  contentement  de  moi  mesmes.  Je 
salue,  monsieur,  humblement  vos  bonnes  grâces,  et 
prye  Dieu  vous  avoir  en  sa  saincte  garde.  Vostre 
humble  et  affectionné  ami  à  vostre  servix^e. 

De  Saulmur  ,  le  2 1  mai  1 593. 


CLXXVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
J  M.  de  Morias. 

Monsieur  ,  je  n'ai  poinct  des  vostres  sur  ung  sf 
ample  subject;  silentio  vir  dicam  an  stiipore?  niini- 
rum  curœ  levés  loqiiiintiir  ^  ingénies  stupent ,  si  vera 
sunl  quœ  narranlur  absentiam  eœcusarem  facilius 
quam  prœsentiain ,  et  suis  toutesfois  resoleu  d'aller, 
des  que  j'aurai  veu  M.  de  Vicose,  sur  lequel  on  me 
remet ,  j'entends  si  quid  adhuc  spirilus  puisât  in 
venis ,  et  si  veritatem  sine  prœvaricatione  defendi 
volumus,  si  minus  malo  sane  se  ullro  dedal,  quam 
veritatem  ipsam  tanquam  dedititiam ,  fuco  nobis 
fado  ;  secum  trahere  videatur;  o  mores  imo ,  o  amo- 


k 


424  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

resl  Et  toutesfois  je  veulx  encores  espérer  en  nos  lar- 
mes; je  veulx  croire,  s'il  peult  oublier  Dieu,  que  Dieu 
pourtant  ne  l'oubliera  poinct;  ores,  j'attends  de  vous  " 
le  surplus;  et  sur  ce,  etc. 

Du  25  mai  iSgS. 


CLXXVII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
J  M.  de  Marmet.  (i) 

Monsieur  ,  vous  pleurerés  avec  nous  quand  vous 
aurés  ouï  M.  de  Vicose.  Il  fault  encores  espérer  que 
l'esprit  de  Dieu  n'est  poinct  esteint  en  vous,  seu- 
lement Je  crains  que  nostre  vie  que  nous  deussions 
plustost  avoir  changée  que  nostre  relligion  ,  ne  nous 
amené  à  pis;  il  fault  dire  vrai  qu'il  nous  fault  recog- 
îioistre  que  Dieu  a  vouUeu  chastier  ung  pesché  par 
raultre,et  le  moindre  par  ung  plus  grand.  Il  y  a  eu  des 
monopoles ,  mais  dont  il  nous  pourra  garder  qui  l'a 
faict  de  plus  grand;  nostre  plus  grand  ennemi,  c'estoit 
Tire  de  Dieu,  contre  lequel  n'y  a  conseil  ni  force.  Or, 
si  n'en  fault  il  demeurer  là ,  sa  majesté  proteste  de 
voulloir  conserver  nos  esglises,,  elle  en  propose  quel- 
ques moyens  qui  vous  seront  desduicts;  j'estime  qu'il 
ne  les  fault  mespriser,  et  vous  prye  de  tenir  la  main;  i 
par  là.  Dieu  peult  estre  le  nous  vouldra  fortifier  en 
mieulx ,  et  nous  y  rechercherons  les  moyens  paisibles 
d'asseurer  la  prédication  de  FÉvangile  et  la  condition 
des  gens  de  bien.  Pryés  Dieu,  etc. 

Du  mesme  jour. 


(i  j  Ministre  de  l'église  de  Nérac. 


A  M  DE  CALIGNON.  4^5 


CLXXVIIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Calignon. 

Monsieur,  vous  aurés  esté  esbahy  sur  la  relation  de 
M.  de  Beauchamp  ;  mais  il  fault  lever  les  mains  à  Dieu , 
et  le  pryer  qu'il  rende  et  redouble  son  esprit  au  roy. 
J'estime  aussi  qu'il  se  fault  servir  des  moyens  proposés 
par  sa  majesté,  qui  proteste  voulloir  avoir  soing  de 
nostre  conservation;  à  quoi  la  communication  des  gens 
de  bien  est  du  tout  nécessaire.  Je  vous  prye  donc  ne 
plaindre  poinct  ce  voyage,  et  vous  soubvenir  que  de 
ceste  assemblée  dépend  sommairement  une  partie  de 
nostre  vie,  peult  estre  aussi  la  continuation  de  l'heur 
et  de  l'honneur  que  M.  Desdiguieres  a  acquis  par  ses 
vertueux  labeurs  aulxquels  vous  n'avez  pas  petite  part; 
alors  donc  nous  en  dirons  dadvantage.  Je  me  plains 
que  je  n'ai  plus  de  vos  nouvelles,  et  l'impute  toutesfois 
à  toutes  causes,  plustost  qu'à  vous  de  l'amitié  duquel 
je  ne  veulx  doubler.  Si  M.  Desdiguieres  envoyé  quel- 
qu'ung  fondé  de  procuration,  nous  ferons  une  fin  de 
son  affaire,  et  si  veult  en  payant  la  plus  valleue  de  Mor- 
ves, il  lui  pourra  demeurer  ;  vous  y  penserés,  et  au 
reste  me  ferés  tousjours  ceste  faveur  de  croire  que  n'avés 
ami  plus  à  vostre  service  que  moi,  qui  sur  ce  salue. 

Et  plus  bas  :  Oultre  les  Mémoires  que  je  vous  envoyé, 
je  suis  d'advis  que  ne  laissiés  d'escrire  à  messieurs  de 
la  province  de  Languedoc,  à  ce  qu'ils  assignent  le 
synode  national  comme  ils  en  ont  la  charge. 

Il  seroit  à  propos  que  ce  feust  vers  le  mois  d'octobre, 
en  dedans  lequel  nous  verrons  ce  que  produira  l'as- 
semblée convoquée  par  le  roy. 


4^6  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Aussi  qu'il  feust  convoqué  en  lieu  au  millieu  du 
royaulme,  où   les  provinces  puissent  convenir  moins 
difficilement;  de  ce  poinct,  je  n'ai  faict  ouverture  à; 
aulcung. 

Du  . .  mal  1 693. 


CLXXIX.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Au  roj. 

Sire,  j'ai  sceu  quelque  chose  de  ce  qui  s'est  passé 
du  i5,  à  Mantes;  et  n'attends  que  le  passage  du  sieur 
de  Vicose  pour  aller  trouver  vostre  majesté,  estimant, 
après  l'avoir  ouï,  vous  y  pouvoir  faire  quelque  service. 
Car  je  me  confie,  sire,  quoiqu'on  dise  que  vostre  ma- 
jesté ne  peult  oublier  les  grâces  que  Dieu  lui  a  faictes, 
et  ai  une  confiance  encores  plus  hardie  que  Dieu ,  qui 
s'est  soubveneu  de  vous  premier  que  vous  feussiés,  ne 
vous  oubliera  poinct.  Si  vous  tenés  ceste  conférence 
en  intention  que  la  vérité  soit  cogneue ,  vous  vouldrés 
qu'elle  soit  defendeue  ;  et  pourtant  y  appellerés  per- 
sonnes capables  de  ce  faire.  Si  vous  ne  le  faictes,  sire, 
on  dira  que  vous  n'y  cherchés  que  la  formalité  ;  re- 
soleu  desjà  de  vous  y  rendre.  Ce  qui  n'est  croyable  du 
plus  grand  prince  de  nostré  aage,  moins  de  celui  qui 
a  senti  le  bras  de  Dieu  pour  lui  par  tant  de  fois. 
Pensés,  sire,  que  tous  ceulx  qui  souloient  ci  devant 
estre  en  armes  pour  vous  contre  vos  ennemis ,  sont 
aujourd'huy  en  l'armée  devant  Dieu  pour  le  pryer 
qu'il  vous  conforte,  et  qu'il  vérifie  en  vous  ceste  pa- 
role ,  que  ses  dons  et  ses  vocations  sont  sans  repen- 
tance.  De  moi  je  le  débats  contre  tous  en  asseurance. 


AU  ROY.  427 

Et  supplie  très  humblement  le  Tout  Puissant,  sire, 
qu'il  vous  mesure  son  esprit  selon  les  tentations,  qui 
vous  en  rende  victorieux  à  sa  gloire,  à  vostre  salut ,  et 
à  l'instruction  de  vostre  peuple. 

De  Saulmur,  le  25  mai  iSgS. 


CLXXX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

Monsieur  ,  j'ai  receu  vos  lettres  du  1 7,  par  lesquelles 
me  faictes  cest  honneur  de  m'escrire  ce  qui  s'est  passé 
le  1 5  et  16  à  Mantes.  Je  vois  bien  que  le  combat  a  esté 
grand;  et  d'autant  plus  qu'il  estoit  inesgal,  sinon 
en  tant  que  Dieu  est  tousjours  esgal  à  soi  :  aussi  vous 
a  il  assisté  contre  ces  violences,  plus  fortes  certes  de 
nostre  infirmité  que  d'elles  mesmes.  En  ce  ont  les 
adversaires  beaucoup  emporté,  que  l'instruction  ait  à 
se  faire  sans  y  appeller  des  contretenans;  car  ce  n'est 
que  rechercher  une  formalité  pour  se  rendre  moins 
mal  à  propos  selon  le  monde;  mais  aussi,  si  on  s'en 
resoult  là,  vault  il  bien  mieulx  que  la  vérité  soit  con- 
damnée sans  estre  ouïe,  qu'en  danger  par  ces  collu- 
sions d'estremal  defendeue.  Au  contraire,  si  nous  voul- 
ions que  la  vérité  soit  cogneue,  et  que  la  poursuite  de 
nostre  instruction  soit  ung  instrument  d'instruire 
nostre  peuple,  il  nous  fault  choisir  ung  lieu  de  seur 
accès,  exempt  de  monopoles.  Il  y  fault  appeller  per- 
sonnes bien  choisies  en  toutes  les  provinces.  Il  fault 
concerter  une  méthode  (  comme  nous  en  discourions 
autresfois)  qui  fasse  luire  la  vérité  aulx  travers  des 
ténèbres  ;  ouvre  les   yeux  aulx   bonnes  consciertces , 


42^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

ferme  la  bouche  aulx  mauvaises.  J'en  escris  ung  mot  a 
sa  majesté  que  Dieu  bénira ,  s'il  lui  plaist;  resoleu  d'y 
servir  s'il  en  reste  moyen ,  à  tous  hazards.   Car  c'est 
devant  les    princes,  et  en  leurs   assemblées,   que  la: 
vérité  de  Dieu  veult  estre  dicte;  et  ne  fault  pas  qu'en 
ung  siècle,  remarqué  de  si  grande  doctrine,  elle  de- 
meure sans  tesmoignage.  Pour  Testât  de  nos  esglises,  i 
vostre    prudence  n'a   pas  peu    obteneu  d'avoir  faict 
consentir  que  députés  soient  convoqués  de  toutes  les 
provinces  pour  y  remonstrer  leurs  interests  pour  la  rel- 
ligion,  la  justice,  les  seuretés.  Au  moins  que  nostre 
ruyne  se  rende  si  difficile  qu'ils  en  perdent  l'envie.  Ce 
que  j'espère  que  nous  parferons,  si  vous  pourvoyés 
que   personnes   d'auctorité  y    conviennent  de   toutes 
parts;  car  le  naturel  du  roy  ne  peult  estre  changé,  et 
nos  adversaires  seront  si  aises  de  l'attirer  à  eulx  qu'ils 
relascheront  vollontiers  ce   qu'il  leur   déclarera  estre 
nécessaire  pour  avoir  une  paix  asseuree,  qui  ne  le  peult 
estre  qu'en   contentant  nos  églises.   J'en   ai  jà  com- 
muniqué, et  communiquerai  avec  celles  de  deçà;  et 
plus  oultre,  et  n'y  obmetterai  rien  que  j'estime  tendre 
à  une  si  bonne  fin.  J'estime,  au  reste,  nécessaire  de 
moyenner   qu'au    temps  de   l'assemblée   arrivent   des 
légations  honorables  ,  de  la  part  de  la  royne  d'Angle- 
terre, des  Pays  Bas,  des  princes  d'Allemaigne,  des  can- 
tons protestans   de  Suisses  et  des  Grisons  vers  sa  ma- 
jesté, lui  offrans  leur  amitié  et  leur  secours  en  bons 
et  advantageux  termes,  afin  qu'il  se  voye  non  moins 
appuyé  de  ce  costé  là  que  de  l'aultre;  afin  aussi  que 
les  ennemis  cognoissent  que  la   vraie  relligion  n'est 
sans  amis ,  s'ils  la  veuUent  opprimer.  Le  respect  des- 
quelles, s'il  ne  retient  le  prince,  au  moins  lui  fera  ac- 
corder ce  qui  sera  pour  la  seureté  des  gens  de  bien. 


A  M  LE  DUC  DE  BOUILLON.  429 

Je  vouidrois  aussi  que  les  ambassadeurs  s'accompa- 
gnassent chacung  de  quelque  minisire,  ou  docteur  ex- 
cellent, non  les  luthériens;  car  ce  seroit  semence  de 
zizanie.  Vostre  auctorité  peult beaucoup  pourmoyenner 
cela.  De  ce  peu  que  je  puis,  je  m'y  employerai  aussi 
par  les  amis  que  j'ai  es  courts  et  églises  estrangeres, 
Faictes  moi,  au  reste,  cest  honneur,  que  je  sçache  si 
vous  serés  de  ceste  assemblée,  et  quand,  afin  que  je 
vous  y  rencontre  ;  où  je  fais  estât  de  vous  porter  la 
meilleure  somme  que  je  pourrai  de  vos  estats. 

Du  iîS  mai  i5g3. 


CLXXXI. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  du  Maurier. 

Monsieur  ,  je  vous  prye  faire  tenir  celles  que  j'escris 
à  M.  de  Bouillon ,  s'il  est  parti.  Elles  sont  chiffrées  et 
importent.  Il  aura  veu  Durand.  Je  responds  aulx  siennes 
du  l'y.  Je  vois  ung  changement  qui  en  peult  attirer 
d'aultres.  Nam  Jastigiiiui  putas?  Gracias  est.  Certes 
je  suis  bien  aise  de  n'avoir  poinct  esté  là;  car  il  m'est 
plus  aisé'  de  respondre  de  mon  absence  qu'il  n'eust 
esté  de  ma  présence.  Et  m'est  dur  d'estre  en  lieu,  où 
je  ne  puis  ni  contredire  utilement,  ni  honorablement 
me  contrefaire.  Si  suis  je  resoleu  d'estre  en  ceste  assem- 
blée; si  qiiid  adhiLC  spiritus  y  seu  puisât  y  seu  gémit 
in  nobis.  Et  Dieu  achèvera,  s'il  lui  plaist,  le  reste. 
J'aurai  soing  de  vous.  Je  salue  vos  bonnes  grâces ,  et 
prye  Dieu,  monsieur^  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Saulmur ,  le  25  mai  1 5g3. 


fj3o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CLXXXII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Lomenie. 

Monsieur,  je  vous  prye  de  faire  voir  les  miennes  à 
«a  majesté.  J'attends  M.  de  Vicose;  et  aussitost  je  pars. 
J'ai  veu  voslre  resolution  du  i5  :  je  ne  puis  entendre 
ceste  instruction ,  où  la  partie  parle  seule.  Si  sa  ma- 
jesté le  trouve  bon  ,  nous  y  mènerons  des  ministres 
suffisans  ;  et  ce  qu'ils  préparent  contre  la  vérité  tour- 
nera à  sa  gloire  et  à  la  confusion  du  mensonge.  Satis- 
faictes  moi  donc  sur  cest  article  ;  car  si  nous  nous  voul- 
ions rendre,  ne  faisons  poinct  ce  tort  à  Dieu  et  à  sa 
vérité  de  les  comprendre  en  mesme  capitulation  que 
nous.  J'approuve  fort  au  contraire  la  convocation  des 
députés  d'une  et  d'aultre  relligion ,  afin  que,  si  nous 
avons  à  voir  une  paix  ,  elle  soit  générale  ;  ce  qui  ne  peult 
estre  si  la  seureté  et  le  contentement  ne  s'estend  à 
tous.  Je  ne  vouldrois  pas  pour  beaucoup  avoir  esté  à 
ce  combat  si  inesgal ,  où  on  s'efforce  inutilement ,  où 
on  ne  se  peult  rendre  que  honteusement.  Mais  s'il  fault 
disputer  la  vérité,  j'y  porterai  ung  front  d'airain,  et 
ferai  voir  à  tous,  avec  l'aide  de  Dieu,  que  ceulx  qui 
craignent  Dieu  n'ont  rien  à  craindre.  Je  pense  que  sa 
majesté  pourvoyera  que  l'assemblée  se  trouve  en  lieu 
exempt  de  monopoles,  où  ses  serviteurs  puissent  parler 
en  toute  seureté;  à  quoi  je  vous  prye,  au  nom  des  gens 
de  bien,  de  tenir  la  main.  Je  salue,  monsieur,  etc. 

De  Saulmur,  ce  a5  mai  lôgS. 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  43 1 


CLXXXIII.  —LETTRE  DU  ROY 

A  MM.  des  Eglises  reformées ,  dressée  et  minutée  par 
par  M.  Duplessis. 

DE    PAR    LE    ROT. 

Chers  et  bien  amés,  la  longueur  des  guerres  a  tel- 
lement affoibli  et  esbranlénostre  royaulme,  qu'il  se  peult 
dire  pencbant  à  sa  ruyne,  et  proche  de  sa  fin,  si  Dieu, 
par  sa  faveur,  ne  l'appuie  et  redresse.  Jusques  ici  il 
nous  est  tesmoing ,  si  avant  et  depuis  nostre  avène- 
ment à  la  couronne  nous  avons  espargné  nul  remède; 
mais  l'artifice  et  la  malice  des  anciens  ennemis  de  cest 
estât ,  et  les  nouveaux  François-Espaignols  et  aultres 
en  ont  retardé  le  fi^uict;  mesmes  à  ces  derniers  jours 
leur  rage  et  leur  insolence  les  avoit  portés  jusques  à 
procéder  à  l'élection  d'ung  roy  contre  les  vraies  loix: 
fondamentales  de  Testât.  On  a  arresté  pour  encores  le 
cours  de  ce  pernicieux  desseing,  et  resoleu  de  faire  une 
assemblée  générale  des  princes,  prélats,  officiers  de  la 
couronne,  seigneurs  et  aultres  de  nos  subjects,  tant 
d'une  que  de  l'aultre  relligion,  au  20  juillet  prochain, 
en  ceste  ville  de  Mantes,  pour  nous  assister  de  leurs 
^dvis  et  conseils  qui  seront  lors  proposés ,  pour  le 
salut  de  Testât,  bien  et  soulagement  de  nos  subjects. 
Et  desirans  qu'on  fasse  partir  et  acheminer  diligem- 
ment les  députés  que  nous  attendons  des  provinces  de 
Poictou ,  pays  d'Aunix  ,  Xaintonge,  Guyenne  et  Gas- 
congne,  nous  avons  advisé  d'y  envoyer  le  secrétaire 
Vicose,  instruict  de  nos  plus  intimes  vollontés,  vous 
pryans  le  croire  comme  nous  mesmes ,  et  vous  asseurer 


432  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

que  nous  continuerons  tousjours  en  la  mesme  affection 
et  bienveillance  en  vostre  endroict,  que  vous  avés  es- 
prouvee  et  recogneue  en  nous ,  en  tant  de  diverses  et 
périlleuses  saisons;  n'ayant  rien  de  plus  cher  que  l'advan- 
cement  de  la  gloire  de  Dieu ,  et  vostre  conservation  et 
seureté ,  ainsi  que  ledict  de  Vicose  vous  fera  plus  par- 
ticulièrement entendre;  sur  lequel  nous  remettant, 
pryerons  le  Créateur,  chers  et  bien  amés,  vous  avoir 
en  sa  garde. 

Signé ,  Henry;  et  plus  bas ,  Potier. 

A  Mantes,  le  26  mai  i5<)3. 


CLXXXIV.  —  ^  INSTRUCTION 

Au  sieur  de  Beauchamp ,  gentilhomme  de  la  chambre 
du  roy  y  de  ce  quil  aura  a  traicter  pour  le  service 
de  sa  majesté ,  au  vojage  que  par  son  commen- 
dement  il  va /aire  en  provinces  de  Languedoc  et 
Daulphiné. 

Ira.  droict  là  par  où  sera  M.  le  connestable,  auquel 
il  communiquera  entièrement  tout  ce  qui  est  de  sa 
charge,  et  venant  aulx  particularités,  lui  représentera 
que  les  affaires  publicques  sont  sur  un  pas  si  espineux 
et  glissant,  qu'il  y  fault  apporter  les  remèdes  et  prompts 
et  fort  considérés; 

Que  sa  majesté  tourne  la  veue  vers  lui,  comme  sur 
le  plus  propre  et  secourable  instrument;  le  prye  et 
conjure  par  toute  l'affection  et  fidélité  qu'il  lui  a  ci 
devant  et  depuis  si  long  temps  tesmôignees,  de  vouUoir 
advancer  son  voyage,  et  satisfaire  en  cela  à  l'attente  de 
sa  majesté  et  au  commun  désir  de  tous  les  gens  de 
bien  ; 


INSTRUCTION  AU  SIEUR  DE  BEAUCHAMP.  /,33 
Qu'elle  s'asseure  que  le  sieur  de  Belloy  n'aura  rien 
obmis  pour  figurer  audict  sieur  connestable  l'aise 
et  le  contentement  que  sa  majesté  receut ,  par  Tas- 
seurance  qne  ledict  de  Belloy  lui  donna  de  son  ache- 
minement ,  et  celle  que  sa  majesté  se  propose  en  l'em- 
brassant à  la  teste  de  tant  de  belles  et  fortes  trouppes 
qu'il  a  préparées;  mais  encores  ledict  de  Beauchamp 
lui  confirmera  ce  que  sa  majesté  lui  a  ci  devant  escrit 
de  Youlloir  que  ledict  sieur  connestable  lui  tienne  lieu 
de  père ,  et  aist  la  plus  grand  part  en  la  restauration 
de  Testât. 

C'est  une  œuvre  digne  de  lui ,  et  semble  que  les  prin- 
cipales resolutions  l'attendent,  s'estant  rencontré  d'a- 
voir prolongé  et  meseuré  le  temps  dans  lequel  juste- 
ment il  peuk  estre  par  deçà ,  n'y  ayant  rien  de  tel  poids 
et  importance  que  l'occasion  qui  s'offre  qui  les  puisse 
retenir. 

Lui  discourra  les  occasions  d'avoir  entrejelté  la  pro- 
position de  la  conférence  parmi  les  délibérations  où 
l'on  voulloit  faire  tomber  l'assemblée  de  Paris,  de 
procéder  à  l'élection  d'un  roy  qui  eust  fermé  la  porte 
à  toute  reconciliation  à  Tadvenir ,  et  comme  ce  moyen 
a  suspendeu  les  esprits  de  plusieurs  de  ladicte  assem- 
blée qui  ne  vouldroient  tomber  sous  la  domination  des 
Espaignols,  à  laquelle  ils  voient  qu'on  les  veult  en 
tout  soubsmettre,  ou  à  personnes  en  tout  despendantes 
d'eulx;  et  cestecraincte,  avec  la  nécessité  qu'ils  sentent 
de  la  longueur  de  la  guerre ,  leur  a  inspiré  ung  désir 
de  s'accommoder  avec  sa  majesté  ,  laquelle  aussi  a 
faict  proposer  une  trefve  de  trois  mois,  et  qu'on  n'es- 
time pas  que  les  Espaignols  la  permettent;  mais  ce  sera 
pour  les  rendre  tousjours  plus  odieux  au  peuple. 
N'obmettra  à  lui  dire  ce  qu'on  a  descouvert  de  l'in- 
Mém.  de  Duplessis-Mouîîay.  Tome  y.  28 


434  INSTRUCTION 

tention  des  chefs  de  la  Ligue  qui  monstrent  en  appa- 
rence de  voulloir  adhérer  à  quelque  accord;  mais,  en 
effect,  ils  forment  des  impossibilités,  quand  ils  seront 
pris  au  mot  sur  l'instruction  et  conversion  du  roy,  la 
renvoyant  comme  ils  font  au  pape,  qu'ils  présument 
n'avoir  en  cela  nommeement  nulle  volonté  que  celle  du 
roy  d'Espaigne,  pensans  ,  par  la  difficulté  ou  refus  qui 
en  seront  fnicts  ,  advantager  leur  protecteur  et  s'en 
prevalloir  envers  le  peuple. 

Lui  pourra  toucher  aussi  en  passant  que  la  froideur 
que  sa  majesté  a  reconneue  en  aulcungs  des  catho- 
liques qui  l'ont  jusfjues  ici  assisté,  est  ce  qu'elle  pre- 
voyoit  de  pis,  de  sorte  qu'un  des  remèdes  plus  propres 
est  de  convoquer  un  nombre  de  prélats  auprès  d'elle, 
pour ,  suivant  ce  qu'elle  promet  à  son  advenement  à  la 
couronne  .  procédera  son  instruction,  et ,  parle  moyen 
d'une  assemblée  générale  que  sa  majesté  a  resoleue  au 
20  de  juillet  prochain,  en  sa  ville  de  Mantes,  des 
princes,  prélats,  officiers  de  la  couronne  et  députés 
de  toutes  les  provinces  de  son  royaulme,  tant  de  l'une 
que  de  l'aullrc  relligion  ,  adviser  aux  moyens  de  les 
maintenir  tous  en  seureté  et  repos  sous  son  obéissance, 
dont  on  peult  attendre  pour  le  moins  ceste  utilité, 
qu'avec  ung  contentement  commung  on  affermira  leurs 
volontés  ,  et  pour  oster  tout  soubçon  et  desfiance  à 
ceulx  de  ladicte  relligion,  les  princes,  officiers  de  la 
couronne  et  seigneurs  catholiques,  estant  près  sa  ma- 
jesté, ont  faict  et  signé  une  promesse,  de  laquelle  sa 
majesté  lui  envoie  la  copie ,  qu'en  ladicte  conférence 
il  ne  sera  rien  consenti  et  resoleu  à  leur  préjudice  ,  at- 
tendant ladicte  assemblée  générale  ouïr  la  déclaration 
que  sa  majesté  a  faicte,  que  si  on  leur  voulloit  faire  la 
guerre  ,  elle  est  resoleue  d'aller  mourir  avec  eulx. 


AU  SIEUR  DE  BEAUCHAMP.  435 

Faict  cognoistre  audict  sieur  connestable  combien 
sa  personne  et  ladicte  assemblée  apporteront  de  fi  uict 
et  de  dignité,  son  exemple  et  ce  qu'il  a  practiqué  de- 
puis tant  d'années  en  son  gouvernement  pouvant  servir 
de  règle  et  de  modèle  pour  tout  le  reste  du  royauhne. 

Sa  majesté  a  maintes  aultres  considérations  qui  lui 
font  désirer  ladicte  assemblée,  et  pour  cest  effect  elle 
mande  de  toutes  parts  ses  principaulx  serviteurs, 
mesmes  de  ceulx  de  la  Guyenne,  où  elle  a  envoyé  le 
secrétaire  Vicose  pour  les  faire  venir;  etledict  sieur  de 
Beaucbamp  a  cbarge  et  commandement,  après  avoir 
conféré  avec  ledict  sieur  connestable,  de  rendre  les 
lettres  que  sa  majesté  escrit  à  ceulx  des  églises  refor- 
mées de  Languedoc  et  passer  après  en  Daulphiné  jus- 
ques  à  Grenoble  et  Gap,  pour  conférer  avec  le  sieur 
Desdiguieres ,  ou  pour  le  moins,  en  son  absence,  avec 
le  président  Callignon. 

Pryera  ledict  sieur  connestable  de  faire  fournir  de 
moyens  et  adresser  à  ceulx  nommés  de  son  gouverne- 
ment pour  faire  le  voyage ,  sa  majesté  ayant  voullcu 
dès  ici  faire  le  choix  des  personnes,  non  pour  voulloir 
altérer  en  cela  les  libertés  des  peuples  de  la  province 
de  Languedoc;  qu'elle  vouldroit ,  au  contraire,  les  af- 
fermir et  accroistre ,  selon  qu'ils  s'en  sont  rendus  dignes 
par  leur  fidélité  et  obéissance,  mais  bien  pour  éviter 
la  longueur  que  la  formalité  de  l'élection  pourroit 
amener. 

Et  afin  que  ceulx  du  hault  Languedoc  et  Daulphiné 
ayent  le  temps  de  s'apprester ,  ledict  sieur  de  Beau- 
champ,  soubdain  après  son  arrivée  près  ledict  sieur 
connestable,  Jeur  fera  une  despesche  en  diligence,  et 
envoyera  les  paquets  qu'il  a  pour  eulx  à  Cahors  et  à 
Montellimart,  attendant  qu'il  s'y  puisse  acheminer. 


436  INSTRUCTION 

Se  rendra  après  es  villes  de  Montpellier,  Nismes  et 
tJzes,  communiquera  avec  les  principaulx  de  ceulx  de 
ladicle  relligion  ,  et  leur  représentera  surtout  la  pe- 
santeur de  la  charge  que  sa  majesté  soubstient,  et  pour 
qu'elle  en  quelle  extrémité  et  précipice  les 

choses  sont  reduictes;  combien  de  froideur  commen- 
çoit  à  naistre  en  la  pluspart  de  ceux  qui  l'ont  jusques 
ici  recogneue  ;  comme  ceulx  en  qui  elle  se  pouvoit  le 
plus  asseurer  se  sont  rendus  fort  peu  soigneux  h  le 
suivre  et  servir  ;  combien  au  contraire  les  practiques 
et  conjurations  des  ennemis  de  cest  estât  et  des 
François,  Espaignols,  ont  faict  de  force  et  d'impres- 
sion dans  l'esprit  des  peuples,  à  quoi  artificieusement 
on  les  conduisoit   mesmes  à  l'élec- 

tion d'un  roy  ,  et  ceste  élection  en  faveur  du  roy  d'Es- 
paigne,  pour  ne  voir  aultre  assés  puissant  pour  les 
maintenir  ;  les  occasions  d'avoir  faict  naistre  la  con- 
fiance ,  les  raisons  de  la  continuer  et  de  faire  une  as- 
semblée et  convocation  générale  au  20  juillet  pro- 
chain ,  à  laquelle  les  gens  de  bien  doibvent  accourir  ; 
car  c'est  là  où  les  plus  grands  affaires  se  demesleront; 
c'est  lorsqu'on  pourra  jetter  les  solides  et  fermes  fon- 
demens  de  la  conservation  de  Testât  et  particulière 
seureté  de  ceulx  de  ladicte  relligion  ,  qui  se  doibvent 
soubsvenir  qu'après  l'existence  de  Dieu  ,  rien  ne  les  a 
tant  conservés  que  l'union  et  bonne  intelligence  qui ,  à 
ceste  entreveue,  leur  réitérera  la  déclaration  de  sa  ma- 
jesté, qu'advenant  qu'on  leur  feist  la  guerre,  elle  ira 
mourir  avec  eulx  ,  ayant  ung  continuel  soubvenir  de 
In  fidélité  et  assistance  qu'elle  a  trouvée  parmi  eulx, 
qu'elle  vouidroit,  comme  père  commun  de  ses  subjects , 
leur  pouvoir  acquérir,  avec  la  perte  de  son  sang  et  le 
hasard  de  sa  vie ,  une  entière  reconciliation  qui  est  oîi 


T  AU  SIEUR  DE  BEAUCHAMP.  487 

il  fault  tendre  et  apporter  de  sincères  intentions,  et 
non  de  l'aigreur  et  animosité  ;  et  partant ,  que  ceulx 
que  sa  majesté  mande  ne  s'excusent  point  de  venir, 
aultrement,  comme  déserteurs  de  leurs  pays,  ils  se- 
ront coulpables  des  maulx  qui  pourront  arriver  faillie 
d'avoir  contribué  en  ce  qu'ils  ont  deu. 

Il  y  a  apparence  que  les  premiers  bruicts  de  la  con- 
férence de  Mantes  auront  esté  portés  bien  loin  g  et 
rendeu  cbacung  attentif  sur  ce  qu'elle  produira  ;  aiil- 
cungs  s'aidant  de  la  liberté  des  temps,  en  auront peult 
estre  escrit  assés  légèrement;  ceulx  mesmes  qui  auront 
suspendeu  leur  jugement  jusques  ici  ,  ne  laisseront 
pas  d'estre  assaillis  de  beaucoup  de  crainctes  et  de 
doubtes.  Ledict  sieur  de  Beauchamp  advisera  de  ren- 
dre un  chacung  capable  des  procédures  de  sa  ma- 
jesté, s'accommodant  à  lestât  des  esprits  avec  la  pru- 
dence et  dextérité  que  l'expérience  et  le  maniement 
des  affaires  lui  ont  acquises,  autant  et  comme  il  cog- 
noistra  estre  besoing  pour  le  service  de  sa  majesté. 
Signé,  Henrt;  contresigné,  Potier. 
Faict  à  Mantes,  le  26  mai  1693. 


CLXXXV.  —  ^  LETTRE 

Des  principaulx  hahitans  de  Fronsac  à  M.  Dii- 
plessis. 

Monsieur,  vous  aurés  peu  entendre  d'un  costé  le 
debvoir  que  nous  avons  faict  pour  nous  opposer  à 
l'armée  d'Espaigne  qui  est  entrée  en  la  rivière  de  Bourr- 
deaux  ;  d'aultre,  la  lascheté  de  ceulx  qui ,  se  disans 
armés  de  longue  main  pour  la  combattre,  en  ont  favo- 


438  LETTPxE 

risé  la  retraite,  laquelle  nous  a  esté  d'autant  plus  en- 
nuyeuse que  ,  pour  Tesperance  que  nous   avions  de 
faire  ung  signalé  service  au  roy,  nous  n'avons  crainct 
de  nous  mettre  en  plusieurs  faicts  et  mises;  et  cepen- 
dant nous  sommes  advertis  que,  par  deguisemens  ex- 
quis, ils  taschent  en  obscurcir  la  vérité.  Ce  qui  nous 
a  occasionné,  monsieur,  de  dresser  un  mémoire  que 
nous  vous  envoyons  ,  vous  supplians  très  humblement 
le  voir,  car  par  icelui  rien  n'a  esté  employé  qui  ne 
soit  véritable.  Nous   vous   remercions    humblement , 
monsieur ,  de  l'honneur  qu'il  vous  a  pieu  nous  faire , 
en  l'advis  que  nous  avons  receu  de  vous,  de  la  trop 
grande  liberté  qui  est  en  ceste  ville  au  traffic  des  che- 
vaulx.  Nous  vous  pouvons  asseurer  que  nous  y  avons 
jusques  ici  apporté  toutes  les  precaultions  que  nous 
avons  peu  penser;  car  tous  ceulx  qui  acheptent  des 
chevaulx  en  ceste  ville  s'obligent  et  nous  donnent  cau- 
tions en  ceste  ville,  de  fournir  dans  certain  temps  des 
certificats  bons  et  valables  que  les  chevaulx  s'acheptent 
pour  le  service    du  roy.  Si  vous  trouvez  bon,  mon- 
sieur, qu'il  ne  soit  permis  à  d'aulcuns  d'achepter  che- 
vaulx de  service  en  ceste  ville,  qu'au  préalable  il  ne 
soit  certifié  par  les   gouverneurs  et  lieutenans  gene- 
raulx  des   provinces  ou   villes  qui  sont  soubs  l'obéis- 
sance de  sa  majesté ,  nous  le   trouverons   fort  bon  et 
serons  tousjours  bien  aises,    et  tiendrons  à  honneur 
nous  conformer  aux  bons  et  prudens  advis  qu'il  vous 
plaira  nous  en  donner.  Nous  avons  entendeu ,  monsieur, 
avec  beaucoup  de  regret,  le  bruict  qui  a  couru  de  ce 
qui  s'est  passé  entre  M.  Desbarreaux  et  nous;  car  nous 
vous  pouvons  asseurer  que  nous  l'aimons  et  respec- 
tons de  tout  nostre  pouvoir ,  et  qu'il   nous  trouvera 
tousjours  très  disposés  à  le  servir.  Que  s'il  s'est  retiré 


A  M.  DUPLESSIS.  489 

a  Sainct  Jean  pour  l'afferme  des  traictes  domaniales, 
c  est  pour  nous  premières  nouvelles.  Nous  n'en  pou- 
vons estre  aculpés,  lui  ayant  souvent  déclaré  que  nous 
ne  mettrions  aulcung  empeschement  au  bail  qu'il  voul- 
droit  faire ,  pourveu  qu'il  se  feist  à  la  charge  de  l'exemp- 
tion acquise  aux  marchands  de  ceste  ville  par  leurs 
privilèges  desquels  nous  offrions  lui  faire  apparoistre; 
et  depuis  l'ayant  visité  par  lettres,  il  a  foict  response 
à  M.  le  maire  de  ceste  ville ,  pleine  de  l'affection  qu'il 
lui  plaist  nous  porter,  comme  nous  serions  de  nostie 
part  très  marrys  lui  avoir  donné  aulcune  occasion  de 
se  plaindre  de  nous. 

Les  Maire,  Eschevins,  Conseillers,  Pairs 
de  la  ville  de  Fronsac. 
De  Fronsac ,  ce  . .  mai  lôg^. 


CLXXXVI.  —  ^LETTRE  DE  M.  ROTAN 

A  madame  Diiplessis. 

Madame,  je  crois  que  vous  aurés  esté  advertie  par 
le  sieur  Chollet ,  comment  j'ai  receu  les  cinquante  escus 
qu'il  vous  a  pieu  me  faire  délivrer  pour  M.  de  Beze. 
Je  les  lui  ai  envoyés  par  lettres  de  change  avec  cent 
aultres  qui  m'ont  esté  baillés  par  quelques  seigneurs 
de  ces  quartiers,  et  je  m'asseure  qu'il  les  recevra  dans 
vjng  mois  ou  six  sepmaines  pour  le  plus  tard.  C'est 
ung  secours  qui  lui  viendra  très  à  propos  ,  attendeu  la 
longue  et  extresme  maladie  dont  il  ne  faisoit  que  sortir 
lorsqu'il  m'escrivoit.  Pour  mon  particulier,  je  vous  re- 
mercie très  humblement  de  ceste  charité  que  vous  avés 
faicte  en  son  endroict  ,  et  m'en   tiens  comme  vostre 


44o  LETTRE  DE  M.  ROTAN,  etc. 

redevable,  pour  Tamour  et  respect  que  je  porte  à  ce 
sainct  personnage.  Je  vous  supplie  donc  que  j'aye  cest 
honneur  de  demeurera  jamais,  madame,  vostre  humble 
serviteur,  Rotan. 

De  La  Rochelle,  ce  3o  mai  iSgS. 


CLXXXVII.  —  LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS 

A  M.  Servi n. 

Monsieur,  j'ai  veu  la  copie  de  celles  de  M,  le  chan- 
celier h  M.  le  procureur  gênerai.  J'en  ai  eu  aussi  de 
ires  amples  de  M.  de  Bouillon ,  et  de  plusieurs  de  mes 
amis.  Je  vois  que  le  roy  s'est  resoleu  à  l'instruction  , 
pour  laquelle  les  evesques  sont  mandés:  et  ne  me  dict 
on  poinct  que  les  ministres  y  assistent,  ce  seroit  arena 
sine  pulvere.  Dieu  conduira  le  cœur  du  roy,  s'il  lui 
plaist.  Sa  majesté  mande  des  députés  de  la  relligion , 
et  M.  de  Vicose,  qui  va  pour  cela,  doibt  passer  ici, 
qui  nous  en  dira  davantage.  C'est  pour  composer,  par 
mesme  moyen,  leurs  interests.  Après  avoir  veu  ledict 
sieur  de  Yicose,  je  fais  estât  d'y  aller  (selon  le  com- 
mandement que  j'en  ai),  s'il  y  a  apparence  d'y  bien 
faire,  auquel  cas  aussi,  je  pense  que  vous  y  devés 
estre,  et  le  procurerai  volontiers.  La  déclaration  du 
pauvre  Miseré  est  misérable,  et  ceulx  qui  praticquent 
ces  expediens  encore  plus;  car  c'est  y^j  a  perjurio 
auspicari.  Il  nous  fauldra  trouver  remède  ;  et  les  cho- 
ses ne  peuvent  demeurer  ainsi.  Vous  me  mandés  que 
j'ai  là  des  ennemis  ,  et  je  le  crois;  mais  aulx  calomnies 
desquels,  grâces  à  Dieu,  ma  vie  a  donné  peu  de  prise. 
Il  V  a  seize  ans  que  je  sers  le  roy  es  premières  charges, 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  44  ^ 

et  n\ii  encore  basti ,  acquis  ,  acquitté  pour  ung  liarH. 
Si  j'ai  des  pensions,  elles  sont  fort  médiocres,  et  je 
despens  le  double.  Cela  est  à  la  veue  d'ung  cbacung. 
Quant  à  ce  qu'ils dient  des  Suisses,  je  suis  fort  peu  ca- 
pable de  ces  mystères.  Leurs  députés  sont  à  Tours ,  des- 
quels on  en  peult  sçavoir  la  vérité ,  et  qui  connoistra 
leur  humeur,  n'en  croira  rien.  Le  thresorier  des  Suis- 
ses aussi  sçaura  dire ,  s'il  a  fourni  ses  quittances,  et  en- 
fin de  compte;  ce  mensonge  ne  peult  durer,  quand  on 
verra  qu'il  ne  s'en  fera  rien.  Aulcungs  m'ont  voulu  accu- 
ser d'ambition;  nul  jamais  d'avarice,  ciii  totâ sublan- 
tiâ  î'epugno  :  et  si  le  temps  dure,  je  pense  qu'il  n'y  pa- 
roistra  que  trop  en  mes  affaires.  Je  n'ai  poinct  entendeu 
que  Madame  ait  l'Anjou  en  apennage ,  et  ne  le  crois 
pas.  Je  vous  remercie  de  ce  que  vous  avés  faict  en  ma 
considération  ,  lorsqu'il  a  esté  parlé  de  Sainct  Florent. 
Le  peu  qu'il  me  vault,  estant  la  pluspart  en  Bretaignc  , 
ne  me  doibt  estre  envié.  J'y  ai  procédé  par  les  voies 
ordinaires,  et  sans  privilège,  ni  de  sa  majesté,  ni  de 
ma  bienséance.  Faistes  estât,  monsieur,  que  je  suis 
tout  à  vostre  service.  Je  salue  humblement  vos  bonnes 
grâces ,  et  prye  Dieu  vous  avoir  en  sa  saincte  garde,  etc. 

De  Saulmur ,  le  3i  mai  lôgS. 


CLXXXVIH.  —  ^  LETTRE  DE  M.  BRUNEAU , 
Sergent  major j  a  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  suis  marry  que  la  proposition  de  La 
Farre  que  avés  à  parachever  en  ceste  isle,  dont  je 
vous  ai  donné  le  premier  advis,  me  soit  si  préjudiciable, 
queensanegotiation,  telle  que  je  l'ai  peu  faire,  au  lieu  de 


442  LETTRE  DE  M.  BRUNEA.U 

le  voir  agréable  ,  il  faille  recevoir  blasme  de  mon  labeur 
si  affectionné  ;  si  dirai  je  vérité  devant  Dieu  ,  que  ja- 
mais plus  de  volonté  n'a  esté  et  ne  sera  pour  jamais 
apporté  en  expédition  d'affaire,  telle  que  je  l'ai  em- 
ployée en  ceste  ci ,  où  je  n'ai  espargné ,  ni  mon  inven- 
tion ,  ni  mon  travail ,  et  m'asseure  que  ceulx  qui  ne 
m'aiment  poinct ,  qui,  peultestre,  vous  ont  peu  rap- 
porter aultre  chose  de  moi,  que  ce  qui  s'y  est  passé, 
ne  vous  représentent  jamais  plus  de  calomnies.  Que 
j'espère  vous  faire  connoistre  de  service,  auquel  je  ne 
me  suis  encore  poinct  ennuyé  ;  mais  bien  à  la  vérité , 
plainct  de  la  retractation  de  peu  de  chose  qu'il  vous 
avoit  pieu  m'accorder ,  protestant  pour  l'avenir  ne 
vous  demander ,  ni  ne  prendre  jamais  aultre  chose 
que  vostre  bonne  grâce ,  dont  il  vous  a  pieu  m'hono- 
rer,  et  ne  lairrai  aussitost  que  la  commodité  se  pré- 
sentera de  vous  aller  trouver,  pour  vous  rendre  raison 
de  ce  que  j'ai  mesnagé  audict  affaire ,  le  paracbesve- 
ment  duquel  sera  si  aisé  qu'ung  aultre  à  vostre  con- 
tentement le  pourra  très  bien  exécuter,  vous  suppliant 
très  humblement  de  croire  que  ce  que  j'ai  différé  de 
vous  escrire ,  ce  qui  s'estoit  trouvé  à  l'arpentement, 
n'a  esté  ne  par  légèreté,  dont  madame  m'accuse,  ne 
d'ignorance;  mais  plustost  pour  avoir  trouvé,  qui  es- 
toit  nécessaire,  que  moi  mesme  vous  en  fisses  le  rap- 
port. Toutesfois,  puisqu'il  vous  plaist  me  le  comman- 
der, je  vous  dirai,  monsieur,  que  l'arpentement  ayant 
duré  six  sepmaines,  où  j'ai  tousjours  assisté,  si  je  n'ai 
esté  reteneu  d'indisposition ,  nous  n'avons  seu  tant 
faire  que,  contre  le  jugement  de  tout  le  monde  qui  a 
veu  l'estendue  du  pays,  qui  ne  le  jugeoit  à  moings  que 
de  trois  mille  quartiers,  et  s'en  soit  peu  plus  trouvé 
que  de  deux  mille  deux  cens  quartiers ,   ou  environ , 


A  M.  DUPLESSIS.  [\[{^ 

dont  je  suis  fort  estonné,  combien  que  la  bauge  de 
quatre  mille  seize  que  je  leur  avois  accordée  ait  mesme 
esté  quelque  peu  retranchée ,  en  quoi  vous  pouvés  voir 
quel  nombre  s'en  feust  trouvé  à  six  mille  seize  qui  leur 
avoit  esté  accordé  auparavant.  Cela  me  faict  bien  ju- 
ger que  vous  y  recevez  du  desplaisir,  en  ne  trouvant  ce 
que  nous  y  cherchions;  toutesfois,  je  ne  désespère 
poinct  que,  avec  peu  de  perte,  vous  ne  fassiés  revenir 
tousjours  le  reveneu  du  mesme  prix  que  vous  l'affer- 
mies par  ci  devant  ;  à  sçavoir  que  si  trouvés  bon  de  di- 
minuer de  quelque  chose  le  prix  de  l'entrée,  je  crois 
que  aisément  nous  ferons  croistre  la  rente  et  acense- 
ment,  oultre  que  j'ai  reconneu  trois  tonneaux  de  vin 
de  rente  qui  sont  usurpés  par  ung  des  tenanciers  de  la 
baye,  sous  un  très  mal  asseuré  prétexte  ;  joinct  que  avec 
peu  de  frais ,  l'on  peult  encore  faire  ung  four  aban  en 
ce  bourg,  qui  ne  pourra  moings  valloir  que  de  trois  à 
quattre  cens  livres  de  ferme,  de  manière  que,  en  avant 
communiqué  avec  vous,  je  me  fais  fort  de  faire  trouver 
pour  Jes  raisons  ci  dessus,  tousjours  ce  que  y  avés 
désiré,  qui  est  qu'il  n'y  ait  poinct  de  diminution.  Ce 
qui  a  esté  ung  des  principaulx  poincts  de  mon  retarde- 
mérit  à  vous  aller  trouver,  c'est  que,  après  l'arpente- 
ment ,  il  m'a  fallu  passer  quinze  jours  et  plus  avec  deux 
clercs  à  redoubler  une  grande   partie   des  papiers  de 

i  l'arpentement  pour  tirer  la  vérité  d'icelui  ;  d'ailleurs  , 
que  le  peuple  m'a  demandé,  premier  que  passer  oultre , 
que  je  leur  fisse  passer  ung  contract  gênerai  avec  l'œco- 
nome  de  l'acensement  comme  je  leur  ai  promis,  et 
pour  icelui  faire ,  me  voulloient  tous  ensemble  passer 
procuration  que  je  debvois  emporter  avec  moi;  à  quoi 

;  neanmoings  je  n'ai  peu  parvenir  encore  pour  les  alar- 
mes continuelles  qui  ont  esté  et  sont  en  ceste  isle  de- 


444  LETTRE  DE  M.  BRUNEAU 

puis  la  veneue  de  TEspaignol  en  la  rivière  de  Bourdeaux , 
h  quoi  le  peuple  s'empesche  tellement ,  qu'il  ne  vaque 
quebien  peu  à  aultres  affaires  ;  de  ne  vous  avoir  asseuré 
quel  nombre  de  quartiers  il  y  en  avait  de  depeschez ,  je 
vous  en  ai  rendeu  certain  desjà  deux  fois;  et  ceste  ci 
sera  la  troisième ,  qu'il  y  en  avoit  huict  cens  trente  ung  | 
quartiers ,  depuis  lequel  temps ,  je  n'en  ai  receu  que  vingt  | 
cinq  aultres  quartiers ,  ou  quelque  peu  plus  ;  que  les 
difficultés  qui  se  peuvent  rencontrer  au  paraschevement 
de  l'histoire,  me  donnent  volonté  de  m'en  divertir  ,  et 
non  aultre  occasion.  Je  vous  supplie  derechef,  mon- 
sieur ,  croire  que  je  ne  trouverai  jamais  d'empesche- 
ment  où  il  y  a  de  vostre  service,  auquel  j'ai  telle- 
ment aprins  de  vous  de  les  surmonter,  qu'elles  seroient 
bien  grandes  premier  que  me  rebuter.  Quant  aux  frais 
qu'il  a  fallu  faire,  tant  en  la  recompense  des  fermiers, 
que  despense  soit  de  l'arpentement ,  ou  de  la  recette 
qui  a  esté  au  commencement  faicte,  je  confesse  qu'elle 
a  esté  très  grande,  et  plus  je  n'eusse  voulleu  ;  mais 
dirai  je  bien  aussi  avec  vostre  permission ,  que  je  ne 
sçache  homme  qui  l'eust  seu  faire  avec  trois  cens  es- 
cus  de  plus,  que  je  pense  y  avoir  apporté  d'espar- 
gne,  de  toute  laquelle  despense  il  n'y  a  rien  à  payer, 
que  ce  que  prétend  madame  de  La  Garde,  que  je  tiens 
près  pour  lui  envoyer  :  toutesfois,  puisqu'il  fault  que  je 
sois  blasmé  pour  avoir  esté  le  premier  inventeur  de  l'af- 
faire, je  le  prends  en  bonne  part,  et  prye  Dieu  qu'il 
me  fasse  la  grâce  de  vous  pouvoir  mieulx  servir  ail- 
leurs ,  vous  protestant  de  n  y  avoir  péché  par  subtilité 
aulcune  de  vous  y  tromper ,  mais  plustost  d'une  bonne 
et  affectionnée  intention,  à  quoi  j'ai  esté  poussé  en 
vous  servant.  Voilà  en  somme  tout  Testât  de  l'affaire, 
duquel   il   vous   plaira  m'envoyer  vostre  commande- 


A  M.  DUPLESSIS.  445 

ment,  principalement  sur  ceste  augmentation  et  dimi- 
nution d'entrée  ,  où  je  tasclierois  de  parvenir,  et  vous 
en  porter  nouvelles  en  m'en  allant  vous  trouver  avec 
procuration  pour  l'effect  du  contract  gênerai.  Cepen- 
dant, à  cause  des  grandes  menaces  que  l'on  nous  donne 
des  Espaignols,  dont  l'arrivée  doibt  estre  prochaine, 
je  fais  porter  à  La  Rochelle  tous  les  papiers  concer- 
nant la  consommation  ,  pour  ne  les  mettre  en  péril 
comme  beaucoup  d'autres ,  font  leurs  plus  précieux  meu- 
bles, qu'ils  ne  veullent  laisser  à  Ihazard  de  leur  veneue. 
J'ai  faict  faire  plusieurs  copies  de  ce  que  m'avez  dernière- 
ment envoyé ,  afin  de  faire  assigner  plusieurs  personnes , 
qui,  au  préjudice  de  vostre  four  aban ,  en  font  en 
leurs  maisons  pour  servir  le  peuple  ,  comme  aussi  quel- 
ques aultres  qui  doibvent  des  rentes ,  mesmement  pour 
les  trois  tonneaux  de  vin;  mais  j'attendois  tousjours  sur 
le  coup  de  mon  partement ,  afin  d'en  emporter  les  ex- 
ploits, et  d'en  instruire,  estant  là,  ceulx  qui  les  eus- 
sent porté  à  Tours,  ce  que  je  ne  lairrai  de  faire  bien- 
tost,  si  mon  voyaige  estoit  retardé  ,  à  quoi  je  ne  tends  ; 
mais  d'avoir  cest  honneur  de  vous  approcher,  affia 
de  vous  faire  entendre  de  bouche  plus  particulièrement 
mes  raisons.  Cependant  je  vous  supplie,  monsieur,  ne 
me  tenir  pour  aultre  que  pour  vostre  très  humble  et 
très  fidèle  serviteur,  Bruneau. 

^         En  Ré  ,  ce  3  juin  lôgS. 


446  LETTRE  DE  M.  DE  FOURCROY 

CLXXXIX.  —  -J^  LETTRE  DE  M.  DE  FOURCROY 
A  M.  Dnplessis. 

Monseigneur  ,  estant  en  la  ville  d'Anvers  à  la  pom- 
suitte  de  la  main  levée  des  biens  du  roy,  saisis  par  les 
officiers  du  roy  catholique,  ayant  veu  chose  qui  regar- 
doit  le  service  du  roy,  je  suis  veneu  à  Calais,  où  j'ai 
apprins  qu'ils  estoient  partis  quattre  en  dévotion  de 
me  supplanter,  qui  m'a  esmeu  venir,  pensant  trouver 
le  roy;  mais  j'ai  esté  dévalisé  du  tout;  et  une  auJtre 
fois,  estant  parti  de  je  me  suis  saulvé,  et  ceulx 

qui  y  estoient  ont  esté  prins  ou  tués.  Le  messager 
d'Angleterre  y  estoit,  en  attendant  pour  passer.  J'ai  sceu 
que  ceulx  qui  briguent  ont  crochetté  quelque  com- 
mission. Ils  ont  eu  plus  tost  faict  que  moi,  qui  ay  esté 
trois  ans ,  et  ne  crois  poinct  que  cela  se  soit  passé  devant 
vous;  car  je  vous  asseure  que  pour  m'en  retourner  en 
dévotion  de  me  bien  deffendre,  à  la  vérité,  je  n'ai 
poinct  baillé  mes  cautions  pour  ce  que  les  terres 
estoient  saisies  et  confisquées ,  et  a  on  ordonné  des 
deniers  aux  officiers  et  en  tout  disposé,  de 

quoi  ayant  demandé  main  levée  et  le  poursuiveis  quat- 
tre mois.  Elle  me  le  feut  accordée  le  i8  mai  dernier^ 
que  je  n'avois  voulleu  craignant  prejudicier 

au  service  de  sa  majesté.  De  ce  jour  je  suis  oublié.  Je 
m'en  retourne  pour  satisfaire  à  mon  contract  et  acquit- 
ter les  deux  rescriptions  que  m'avés  envoyées;  en  atten- 
dant ces  messieurs  qui  attendent  que  je  leur  eusse  plumé 
le  chaspon,  ils  se  peuvent  asseurer  que  ne  serai  de 
ces  commissionnés  comme  ceulx  qui  y  ont  esté  depuis 


A  M.  DUPLESSIS.  447 

douze  ans  ;  car  je  m'aiderai  fort  bien  des  loix  du  pays  ; 
je  n'ai  poinct  failli,  j'ai  tout  faict  h  mes  despens;je 
dirai  qu'un  g  ambassadeur  n'eust  peu  faire  dad  vanta  «^e 
que  j'ai  faict,  et  de  m'aller  traverser,  cela  n'est  poinct 
de  justice.  J'envoye  toutes  les  pièces  au  conseil ,  atten- 
dant quelque  commandement.  Je  n'ai  mérité  une  telle 
adventure  :  à  quoi  je  m'opposerai,  croyant  qu'ils  le 
pourront  avoir  de  M.  de  Bevres.  J'ai  tellement  com- 
mencé que  le  roy  jouira  de  ses  terres,  si  je  ne  suis 
empesché.  C'est  ung  pont  saffrenier  de  Calais,  qui 
se  nomme  Fedry,  et  ung  aultre  mangeur  de  chaspon 
du  roy,  lesquels  voyans  les  affaires  acheminés,  les 
veullent  manier  chacung  pour  leur  vie.  Nécessairement 
j'ose  aller  faire  ung  voyage  pour  demander  permission 
de  pour  vous  asseurer ,  monseigneur ,  qu'il  n'est 

poinct  entré  ung  sol  au  proffit  du  roy  catholique  :  le  lar- 
'  cin  s'est  faict  par  les  officiers  mesmes  qui  se  sont  accos- 
ités  de  quelqu'ung  du  conseil.  S'il  vous  plaist  me  com- 
I  mander  ce  que  j'aurai  à  faire  pour  vous,  pourrai  bien  vous 
;aller  trouver.  Tout  asseuré  que  j'aurai  le  commande- 
ment ,  j'ai  envoyé  ung  mot  de  requeste  au  conseil ,  avec 
les  pièces  justificatives,  pour  ce  que  n'ai  poinct  aultre 
'Veue  pour  avoir  continuation  de  les  bailler  tous, 

assigner  l'entrepreneur  gênerai  de  Calais  et  les  siens, 
qui  manie  par  chacung  an  bien  quarante  mille  escus.  Je 
suis  bien  marri  estant  serviteur  fidelle  de  me  voir  exposé 
à  tant  de  traverses  et  mal  à  propos.  Je  vouldrois  qu'iî 
vous  eust  pieu  faire  pourvoir  du  bailliage  d'Enghien 
pour  M.  Fourneau  de  Crucquembourg.  Il  vous  avoit 
pieu  accorder ,  ce  seroit  ung  service;  je  n'en  ay  eu  que 
du  bailly  de  Lisie,  parent  de  feu  M.  Lapre.  Il  y  a  ung 
gentilhomme  de  la  part  de  M.  de  Harancourt,  qui  faict 


448  LETTRE  DE  M.  DE  FOURCROY,  etc. 

rendre  compte  de  ce  qui  s'est  passé ,  et  offre  des  offices 
à  vendre.  Il  me  semble  que,  puisque  les  officiers  ont 
tout  faict  perdre,  qui  seroit  bon  de  changer;  l'on  trou- 
vera des  gens  qui  auront  moyen  de  leur  soubtenir,  et 
qui  bailleront  de  l'argent.  On  ne  se  peult,  pour  trou- 
ver à  l'advenir  Jacques  de  Flandres,  à  celle  plus  de 
trente  quarante  mille  florins  ;  et  si  on  le  laisse 

trois  ans ,  il  ne  sera  moins  que  propriétaire  ;  mais 
ledict  sieur  de  Bazanghien,  bailly  de  Lisle,  lui  promet 
bien  se  y  opposer.  Je  n'ai  peu  encores  sçavoir  si  quel- 
qu'ung  vouidroit  achepter  quelques  terres;  mais  le 
seigneur  Alfonse  m'a  dict  que  M.  desiroit 

bien  d'avoir  la  terre  de  Haut  Bourdin.  Commandés 
moi  donc  si  je  vous  irai  trouver  avec  ce  que  j'aurai 
d'argertt.  Attendant  je  prye  Dieu,  monseigneur,  vous 
donner  ses  grâces  et  bénédictions  en  vostre  famille. 
Vostre  très  humble  serviteur,  Jehan  df  Fourckoy. 
De  Dieppe,  le  g  juin  iSgS. 


GXC.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  plusieurs  ministres. 

Monsieur,  vous  sçaurés  mieulx  par  M.  de  Vicose^ 
ce  qui  s'est  passé  en  court,  qu'il  a  charge  de  sa  majesté, 
de  vous  représenter;  et  par  là  verres  que  nous  avons 
tous  grande  occasion  de  pryer  Dieu  qu'il  redouble  son 
esprit  au  roy,  duquel  il  lui  auroit  pieu  auctoriser  el 
confirmer  la  vocation  par  tant  de  grâces  et  de  deli-» 
vrances.  Il  nous  fault  recognoistre  que  nos  peschés 
nous  amènent  là ,  et  adorer  la  justice  de  Dieu,  qui  les 


I 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSÎS,  etc.  449 

chastie  bien  souvent  les  ungs  par  les  aultres;  les  moin- 
dres, par  les  plus  grands.  Si  estime  je  de  nostre  deb- 
\oir  ,  comme  des  médecins,  de  l'assister  de  ce  que  Dieu 
a  mis  en  nous,  tant  que  le  pouls  lui  bat;  et  pour  ce 
me  resouds  en  mon  particulier  de  me  trouver  en  l'as- 
semblée qu'il  a  pieu  à  sa  majesté  ordonner,  tant  pour 
le  bien  gênerai  de  cest  estât,  que  nommeement  pour 
le    contentement  et  seureté  de  ceulx  de  la  relliffion  , 
desquels  il  proteste  désirer  le  salut  et  repos  ,  autant  que 
jamais.  Ores  je  sçais  que  particulièrement  sa   majesté 
vous  y  désire  et  appelle,  pour  là  réputation  en  laquelle 
elle  vous  tient.  Et  j'ose  me  promettre   que  vous  n'y 
vouldrés  aulcunement  manquer.  Là,  s'il  est  question  de 
conférer  de  la  relligion  ,  n)onstrons,  monsieur,  nostre 
vertu   à   deffendre  la   vérité  ;  et   ne  souffrons   poinct 
qu'elle  semble    avoir  ou  succombé  ou  connivé.  J'en- 
tends, si  on  veult  s'en  enquérir  à  bon  escient,  et  non 
par  une  formalité  pour  fortifier  une  résolution  jà  toute 
prise.  Si    ce   poinct  est  desjà  desploré  pour  son  re- 
gard, ce  que  j'ai  peine  à  croire,  au  moins  adviserons 
nous  ensemble  aux  moyens  d'establir  une  seureté  pour 
nos  Eglises,  puis    qu'il    plaist  à  sa   majesté  en  avoir 
soing;  lui  représentant,  chacung  en  son  endroict ,  et 
tous  ensemble,  ce  qui  sera  du  bien  de  ses  subjects  de 
la  relligion.  A  quoi  vous  avés  à  venir  bien  préparé  de 
bons  advis  et  instructions,  pour  rendre  vostre  labeur 
iitile,  non  seulement  à  Testât  présent,  mais  mesmes  à 
la  postérité.  Lors,  monsieur,  j'aurai  ce  bien  d'en  com- 
muniquer plus  sérieusement  avec  vous,   resoleu    d'y 
apporter  tout  ce  que  les  gens  de  bien  jugeront  estre 
de  la  gloire  de  Dieu,  du  bien  de  lEglise,  du  service 
de  sa  majesté.  Et  pourtant  ne  vous  ferai   ceste   plus 
longue,  sinon  pour  vous  tesmoigner  le  désir  que  j'ai 

MÉIW.   DE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToME  Y.  2Q 


45o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

de  la  continuation  de  vostre  amitié,  et  saluer  très 
affectionneement  vos  bonnes  grâces ,  en  pryant  Dieu , 
monsieur ,  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Saulmur  ,  le  9  juin  iSgB. 


CXCI.  —MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Envoyé  par  M.  de  Vicose, 

Sur  ce  que  sa  majesté,  par  l'envoi  du  sieur  de 
Vicose  en  Guyenne,  et  du  sieur  de  Beaucliamp  en 
Languedoc  et  Daulphiné,  désire  que  quelques  ungs  des 
plus  notables  personnages  de  la  reîligion ,  et  mesmes 
ministres  de  la  parole  de  Dieu ,  se  trouvent  près  de 
lui  en  l'assemblée  qu'il  prétend  faire  tenir  à  Mantes , 
au  20  juillet;  l'advis  du    sieur  Duplessis  est  tel  qui 

ensuit. 

Pour  le  regard  des  ministres  ,  ne  voit  que  l'inten- 
tion de  sa  majesté  soit  de  les  faire  conférer  avec  les 
evesques;  et  moins  des  evesques  d'entrer  en  dispute 
avec  eulx;  soit  pour  la  crainte  de  la  force  de  la  vérité, 
soit  pour  ne  desplaire  au  pape,  duquel  infailliblement 
ils  encourroient  l'excommunication. 

Oultre  ce  qu'il  seroit  trop  dangereux  que  les  mi- 
nistres entrassent  en  une  conférence ,  avant  laquelle 
le  roy  feust  resoleu  de  se  rendre. 

Mais  bien  juge  le  sieur  Duplessis  que  sa  majesté 
désire  avoir  des  ministres  de  chacune  province ,  pour 
les  asseurer  du  désir  qu'il  continuera  à  conserver  les 
E^ïlises,  afin  qu'à  leur  retour  ils  en  puissent  emporter 
asseurance  aulx  peuples. 


MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  45 r 

Est  donc  d'advis  ledict  sieur,  qu'ils  y  viennent; 
parce  que  leur  piesence  sans  double  engendrera  des 
mouvemens  en  lame  de  sa  majesté;  sinon  pour  le  re- 
tner  du  changement  de  relligion,  au  moins  pour  leur 
accorder  plus  libéralement  ce  qui  sera  de  leur  bien, 
seureté  et  conservation.  Et  peult  estre  Dieu  nous  ou- 
vrira il  par  ce  moyen  la  porte  à  quelque  chose  de 
mieulx,  puisque  par  sa  providence  il  a  vuulleu  qu'ils 
y  soient  appelles. 

Il  y  a  plus;  qu'il  est  tout  certain  que,  s'il  ne  se  trouve 
des  ministres  capables  près  de  sa  majesté,  les  eves- 
ques  offriront  à  sa  majesté  de  conférer  avec  ceulx 
qu'il  vouldra,  pour  esclaircir  sa  conscience ,  se  preva- 
lans  de  leur  absence.  Si  au  contraire  ils  sentent  qu'ils 
y  soient,  ils  n'oseront  en  parler. 

Quant  aulx  seigneurs,  gentilshommes  et  personnes 
notables  que  sa  majesté  y  aj)pel!e,  ledict  sieur  Du- 
plessis  estime  semblablemenf  qu'il  en  peult  réussir 
beaucoup  de  bien  pour  les  églises,  si  l'affaire  est  bien 
conduict  et  manié.  Et  seroit  son  advis,  qu'en  chacung 
colloque  se  tinst  une  petite  assemblée  des  plus  notables 
personnes  de  la  relligion  de  tous  estats,  en  laquelle, 
pour  éviter  aulx  jalousies,  feussent  choisis  ceulx  qui  au- 
roient  à  aller  trouver  sa  majesté,  au  nombre  desquels 
se  trouveroient  sans  double  ceulx  aulxquels  sa  majesté 
escrit;aulxquels  feussent  aussi  bailles  bons  et  amples 
mémoires,  de  ce  qui  auroit  à  es're  représente  à  sa 
majesté  par  lesdicts  sieurs,  pour  l'exercice  de  la  relli- 
gion, la  justice,  les  seuretes. 

Pour  la  relligion,  afin  de  l'obtenir  plus  ample,  est 
à  remontrer  que  nous  sommes  aujourd  hui,  par  la  ri- 
gueur des  troubles,  forclos  de  la  crunpaigne;  et  tendre 


452  IVIEMOÏRR  DE  M.  DUPLESSIS 

afin  d'avoir  Texercice  public,  sinon  es  villes,  au  moins 

es  fauixbourgs. 

Item  ,  faire  instance  de  l'avoir  en  court,  et  es  armées 
de  sa  majesté  ;  à  faulte  de  quoi  ceulx  de  la  relligion  en 
seroient  manifestement  forclos  ,  et  sa  majesté  privée 
de  leur  service;  estant  trop  insupportable  (jue  jusques 
ici  on  ait  refusé  la  sépulture  à  ceulx  qui  sont  morts 
es  années,' et  en  la  présence  de  sa  majesté. 

Pour  la  justice,  les  parlemens  ne  souffriront  jamais 
les  cbambres  portées  par  fedict.  Pour  lesquelles  sup- 
pléer seroit  nécessaire  d'obtenir  qu'en  chaque  corps 
de  parlement,  ou  siège  presidial,  il  peust  entrer  jus- 
qu'à certain  nombre  de  personnes  de  la  relligion  ;  mes- 
mes  en  conséquence  c\e  ce  que  par  l'edicl,  ils  doibvent 
estre  indifféremment  receus  es  charges.  Aultrement, 
si  la  nomination  est  laissée  à  la  discrétion  du  roy, 
quelque  bonne  volonté  qu'il  ait  ,  estant  entre  leurs 
mains  il  ne  pourra  disposer  des  charges  en  leur  faveur. 
Le  mesme  pour  celles  des  finances,  de  la  police,  de 
la  guerre,  etc. 

Pour  les  seuretés  ,  fault  surtout  adviser  que  les 
places  d'importance  soient  bien  entreteneues ,  par  ce 
qu'on  les  vou4dra  faire  périr  par  soustraction  de  paye- 
ment :  auquel  cas  est  besoing  qu'il  soit  dict  que ,  préala- 
blement à  toutes  charges  ,  les  garnisons  ordonnées 
par  sa  majesté  soient  payées,  jusques  à  rétention  de  la 
somme  à  laquelle  elles  se  monteront;  cas  qu'on  les 
en  voulleust  frauder. 

L'entretenement  du  ministère  doibt  estre  pressé, 
pour  estre  assigné  en  chacune  province  sur  un  g  de- 
nier certain,  manié  par  personnes  à  ce  ordonnées.  Et 


ENVOYÉ  PAR  M.  DE  VICOSE.  4^^^ 

pour  ce  fault  en  chacune  province  s'acîviser  des  assi- 
gnations qu'il  conviendra  demander. 

Ledict  sieur  Duplessis  faict  estât  de  se  trouver  en 
l'assemblée,  comme  il  est  commandé  de  sa  majesté 
pour  y  servir  de  tout  son  pouvoir. 

Du  g  juin  iÔqS» 


CXCII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 

Aulx  seigneurs  et  gentilshommes  de  la  relligion. 

Monsieur  ,  M.  de  Vicose  vous  pourra  mieulx  dire 
ce  qui  s'est  passé  n'agueres  en  court,  qui  seroirt  trop 
long  pour  une  lettre.  Vous  verres  aussi  par  ses  instruc- 
tions, que  nonobstant  cela  sa  majesté  veult  avoir  soing 
de  nos  églises,  pourvoir  à  leur  seureté  en  rassemblée 
qu'elle  convoque  en  juillet  prochain.  A  ceste  fin  elle  y 
appelle  plusieurs  seigneurs  et  personnages  notables , 
tant  d'une  que  d'aultre  relligion.  Et  particulièrement 
désire  que  vous  y  soyés,  pour  la  bonne  part  qu'elle 
sçait  que  vous  avés  entre  les  gens  de  bien ,  et  pour 
l'estime  en  laquelle  elle  vous  a.  Il  fault  pryer  Dieu  qu'il 
le  fortifie  par  son  esprit  contre  les  monopoles  de  ses  en- 
nemis; qu'il  lui  doint  aussi  de  n'estre  ni  mecognoissant 
de  ses  singulières  grâces,  ni  insensible  aulx  playes  qu'il 
redouble  sur  son  estât  ;  pour  noslre  regard,  nous 
debvons  faire  encores  cest  effort  près  de  sa  majesté, 
pour  obtenir  et  affermir  une  bonne  fois  le  repos  de 
nous  et  des  nostres,  A  quoi,  pour  mon  particulier, 
je  me  resouls  de  servir  de  tout  mon  pouvoir;  et  lors 
aussi,  de  conférer  plus  particulièrement  des  moyenjs 
avec  vous.  Quoi  attendant  je  vous  ferai  ici  offre  de 


454  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

mon  service,  et,  en  saluant  bien  humblement  vos  bonnes 
grâces,  prye  Dieu,  monsieur,  vous  avoir  en  sa  sarde. 

De  Sauliuur,  ce  9  juin  1593. 

CXCin.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  M.  de  Lesdiguieres. 

MoTvsiEUR,  vous  aurés  veu  M.  de  Beauchamp ,  qui 
vous  aura   dict  choses  que  je  sçais    qui  vous  auront 
apporté  du  desplaisir.  Toutesfois,  il  fault  pryer  Dieu 
qu  il  fortifie  le  roy  par  son  esprit;  et  nous  servir  ce- 
pendant des  moyens  qu'il  nous  propose,  pour  asseurer 
la  condition  des  gens  de  bien.  Cela  me  faict  espérer 
que  nous  aurons  ce   bien  de  voir  M.  le  président  de 
Calignon  près  de  sa  majesté,  f  Car  de  vous,  les  beaulx 
aessemgsque  vous  avés,  vous  desrobent  à  vos  amis  et 
serviteurs.)  Et  lors  aussi  je  me  prépare  à  l'entretenir 
de  plusieurs  choses,  peult   estre   non   infructueuses, 
que  je  sçais  ne  pouvoir  commettre  plus  utilement,  ni 
plus  seurement  qu'à  lui.  De  vos  affaires,  si  vous  en 
donnés   toute  charge  à   quelqu'ung,   nous  en  ferons 
une  fin  ;  mesmes  s'il  apporte  de  quoi  justifier  toute  la 
partie  employée  au  contract,  par  lequel  Mervez  vous 
est  obligé.  Et  peult  estre  serés  receu  à  retenir  la  terre, 
en  payant  la  plus  valleue.  En  somme  je  serai  très  aise 
en  taisant  le  service  du  roy,  que  vous  cognoissiés  que 
je  cherche  vostre  contentement  ;  car  je  suis  vostre  servi- 
teur, monsieur ,    et    honore   vostre  vertu   de   sincère 
affection,  comme  bien  humblement  je  salue  vos  bon- 
nes grâces,   et  prye  Dieu  vous   avoir  en  sa  saincte 
garde. 

De  Saulmur,  ce  9  juin  lôgS. 


A  M.  DE  LA  MOTTE.  4^5 


CXCIV.  —  LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS 

J  M.  de  La  Moite ^  lieutenant  gênerai  au  bailliage 
cVAlençon. 

Monsieur,  vous  aurés  sceu  comme  la  conférence 
de  Surene,  aidée  des  instances  des  plus  grands  près  sa 
majesté,  a  amené  le  roy  à  ce  poinct  de  promettre  de 
se  faire  instruire  dedans  le  mois  de  juillet  prochain, 
à  laquelle  fin  il  convoque  les  evesques  de  ce  royaulme. 
Je  ne  vois  poinct  que  les  ministres  y  soient  appelles 
pour  entrer  en  dispute  ;  et  par  ainsi  la  vérité  n'y  sera 
ni  esclarcie,  ni  defendeue;  mais  aussi  si  c'est  pour 
une  pure  formalité,  que  ceste  convocation  se  faict,  la 
chose  comme  ils  dient ,  estant  jà  resoleue ,  c'eut  esté 
trop  de  préjudice  et  de  scandale  à  la  vérité,  de  la 
faire  entrer  en  combat  ;  et  par  conséquent  vaincre , 
pour  neantmoins  se  rendre  comme  vaincue.  Ores ,  sa 
majesté  n'a  rien  encores  changé  en  son  exercice  de  rel- 
ligion,  requiert  des  églises,  que  le  jeusne  soit  célébré 
partout  son  royaulme  pour  la  pesanteur  des  affaires 
qui  se  présentent;  proteste  en  oultre,  en  tout  cas, 
d'avoir  tousjours  soing  de  ceulx  de  la  relligion ,  etc. 
Qui  faict  encores  espérer  que  les  pryeres  et  les  larmes 
des  gens  de  bien ,  aukquelles  il  a  recours ,  ne  seront 
inutiles.  Mais  particulièrement  il  a  despesché  les  sieurs 
de  Vicose  et  de  Beauchamp  es  provinces  de  Guyenne, 

t    Languedoc  et  Daulphiné  ,  pour  faire  venir  des  plus  no- 
'    tables  personnages  de  nos  églises  ,  tant  seigneurs   et 
gentilshommes  que  ministres  et  gens  de  justice,  pour 
assister  en  une  assemblée  qui  doibt  estre  teneue  au  20 


fe 


456  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

juillet,  composée  tant  d'une  que  d'aultre  relligion,  pour 
advjser  à  lestablissenient  des  affaires  ,  et  nommeement 
au  contentement  de  ceulx  de  la  relligion.  Et  est  l'in- 
tention de  sa  majesté,  qui  m'a  esté  exposée  par  le  sieur 
de  Vicose ,  que  des  provinces  de  deçà  aulcungs  aussi  s'y 
trouvent,  lesquels  pour  n'estre  si  esloingnés,sa  majesté  a 
pensé  n'estre  besoing  d'advertir  si  tost.  C'est  pourquoi 
j'ai  pensé  de  vous  en  escrire  ,  afin  que  de  bonne  beure 
vous  tenies  la  main  pour  la  province  de  Normandie, 
qu'il  soit  procédé  à  l'élection  de  personnes  notables , 
et  capables  ;  et  que  mémoires  pertinens  leur  soient 
baillés,  de  ce  qui  aura  à  estre  remontré;  et  que  nos 
églises,  par  la  renconstre  de  tant  de  gens  de  bien  en- 
semble, puissent  obtenir  quelque  repos  et  seureté. 
Je  vous  envoyé  copie  de  certain  mémoire,  que  j'ai  en- 
voyé ailleurs  ,  concernant  les  principaulx  poincts 
aulxquels  il  fault  adviser.  Comme  aussi ,  j'escris  à  M.  de 
la  Bencerie,  conformément  aulx  vostres.  Ce  que  je 
vous  prye  inesnager  selon  vostre  zèle,  prudence  et 
dextérité.  Je  fais  estât  de  me  trouver  en  ladicle  assem- 
blée pour  y  faire  tout  ce  qui  sera  de  mon  pouvoir;  et 
n'y  oublie  rien  ,  encores  que  de  loing,  comme  j'espère 
que  vous  appercevrés ,  si  la  court  s'approcbe  de  vous  , 
comme  nous  tenons  ici.  Et  sur  ce,  monsieur  ,  je  salue 
très  affectionneement  vos  bonnes  grâces,  et  prye  Diea 
"VOUS  avoir  en  sa  saincte  garde. 

De  Saulmur,  etc. 


A  M.  DE  LA  BEURIERE.  457 

CXC V.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

y4  M.  de  La  Beuriere,  ministre  de  l'Eglise  de  Caen. 

MoNSiEUK,  vous  aurés  assés  entendeu  ce  qui  s'est 
passé  ces  jours  en  court.  Nous  avons  grandement  à 
pryer  Dieu  pour  le  roy  qu'il  le  veuille  fortifier  contre 
ces  grands  assaux ,  et  en  debvons  bien  espérer ,  tandis 
qu'il  implore  les  pryeres  et  larmes  de  I  église,  comme 
vous  aurés  esté  adverti  qu'il  faict.  Mais  tant  y  a,  que 
nous  avons  non  moins  à  craindre  de  l'ire  de  Dieu  , 
laquelle  nous  deussions,  certes,  avoir  destournee  par 
ung  changetwent  de  vie,  au  lieu  que,  pour  appaiser 
celle  des  hommes,  nous  sommes  reduicts  à  parler  du 
changement  de  relligion.  En  tous  cas,  sa  majesté  pro- 
teste d'avoir  tousjours  soing  du  repos,  contentement 
et  seureté  de  nos  églises,  et  pour  ce,  faict  une  assem- 
blée au  20  de  juillet ,  composée  des  ungs  et  des  aullres  , 
où  elle  appelle  nommeement  des  plus  notables  et  ca- 
pables, ministres,  gentilshommes  et  gens  de  justice 
de  la  relligion,  des  provinces  de  Guyenne,  Languedoc 
et  Daulphiné;  entendant  qu'il  y  en  soit  aussi  envoyé 
des  aultres  provinces  à  mesme  fin.  C'est  pourquoi  le 
sieur  de  Vicose,  ayant  eu  charge  de  sa  majesté  de  me 
déclarer  son  intention  ,  j'ai  pensé  de  vous  en  advertir, 
afin  que  vous  prepariés  d'avance  tant  l'élection  des 
personnages,  que  les  instructions  dont  vous  aurés  à 
les  charger;  comme  plus  amplement  j'en  escris  à  M.  de 
La  Motte,  et  me  confie  en  Dieu;  ({ue  la  rencontre  de 
tant  de  gens  de  bien  près  de  sa  majesté  ne  pourra 
produire   que   beaucoup  de  fruict  ;   particulièrement 


458  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

que  la  condition  de  ses  serviteurs  de  la  relligion,  qui  a 
tousjours  flotté  depuis  son  avènement  à  la  couronne, 
y  pourra  estre  affermie  par  quelque  règlement  cer- 
tain et  asseuré.  Ores ,  je  ne  vous  ferai  ceste  plus 
longue,  me  remettant  comme  dessus  ;  seulement  vous 
dirai  que  je  suis  resoleu  de  me  trouver  en  ladicte 
assemblée,  et  peult  estre  plustost  près  de  sa  majesté 
pour  apporter  ce  que  Dieu  me  donnera  à  ung  si  bon 
œuvre.  Je  le  prye,  monsieur,  qu'il  le  veuille  conduire 
à  sa  gloire,  et  vous  doint  en  saincte,  etc. 

Du  14  juin  iSgî. 


CXCVI.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Buzenval. 

Monsieur,  je  confesse  que  je  vous  doibs  plusieurs 
lettres.  Mon  absence  de  la  court  et  le  changement  y 
surveneu  en  sont  causes.  Vous  Taures  sceu  de  plus 
près.  Sa  majesté  s'est  resoleue  à  se  faire  instruire  par 
les  esvesques  ;  les  ministres  n'y  sont  appelles.  J'estois 
d'advis  que  sur  le  temps  de  ceste  assemblée ,  la  royne 
d'Angleterre,  les  princes  protestans,  les  Provinces 
Unies  ,  les  Ligues  des  Suisses ,  etc. ,  fissent  trouver  des 
députés  vers  sa  majesté  pour  lui  faire  quelques  protes- 
tations d'amitié  et  de  secours,  qu'ils  feussent  aussi 
en  tout  cas  chargés  de  lui  recommander  nos  églises,  et 
en  avois  escrit  à  M.  de  Bouillon  pour  le  faire  negotier. 
J'en  escris  à  M.  de  La  Fontaine;  et  si  vous  le  trouvés 
bon ,  voyés  vous  deux  si  vous  pourrés  amener  cela  à 
fin.  Je  desirois  aussi  que  les  ambassadeurs  des  princes 
de  nostre  confession,  non  les  Luthériens,  pour  éviter 


A  M.  DE  BUZENVAL.  45f> 

zizanie,  s'accompagnassent  chacung  de  quelque  théo- 
logien excellent;  les  vostres  nonimecment  de  M.  Junius, 
pour  en  ung  besoing  prester  le  collet  aulx  leurs,  parce 
qu'il  est  tout  certain  que,  s'ils  n'en  voyent  point  près  de 
sa  majesté,  qu'ils  redoubtent,  pour  se  prévaloir  ils 
s'offriront  à  conférer,  ce  qu'ils  fuiront  soubs  crainte 
d'excommunicalion  s'ils  l'en  voyent  assisté.  Jn  lus  mo- 
tibuSy  pour  quel  je  suis  teneu  entre  eulx  ,  je  le  vous 
laisse  à  penser.  Je  n'ai  qu'advertissement  de  malveil- 
lance à  toute  heure  ;  et  mullis  quideni  noniinibus, 
contre  ma  personne,  contre  cesle  place,  etc.  Mais  je 
penserois  défaillir  à  moi  mesmes  ,  de  n'y  apporter  ce 
peu  que  je  suis  et  que  je  puis.  Je  viens  aulx  notables 
services  que  vous  faictes  au  roy  ;  ce  dernier  mesmes  des 
cent  mille  florins,  je  plains  qu'ils  ne  soient  mieulx  re- 
cogneus,  et  double  qu'à  l'ndvenir  ils  le  soient  moins.  Si 
j'eusse  esté  en  court,  je  n'eusse  failli  à  procurer  vostre 
descharge  pour  la  tare  d'Utrecht  ;  à  quoi  je  pense  que 
M.  de  Revol  aura  ponrveu.  Mais  je  trouve  que  M.  de 
Bouillon  n'a  pas  peu  faict  d  avoir  obteneu  le  pouvoir 
de  faire  la  guerre  contre  l'Espaignol  ;  et  pour  arrhes, 
les  deniers  par  vous  obteneus.  J  approuve  aussi  fort  son 
desseing  ,  de  faire  une  gallerie  de  lui  à  vous,  pour  ung 
mutuel  secours;  mais  j'eusse  voulleu,  en  recevant  les 
fruicts  de  vos  labeurs,  qu'il  eust  aussi  frappé  quelque 
coup  pour  vous.  Quant  aulx  deux  mille  escus  dont 
m'escrivés  sur  Fourcroy,  sçachés  seulement  quels  de- 
niers il  a  es  mains  ,  et  si  cest  inconsidéré  contiact  faict 
avec  le  comte  de  Mombeliard  ,  a  poinct  troublé  sa 
ferm.e;  car,  en  ce  cas,  je  vous  envoyerois  de  quoi  les 
toucher  de  ces  deniers  ;  je  le  dis ,  parce  qu'il  y  a 
huict  mois  qu'il  ne  m'a  escrit,  et  je  ne  vouidrois  pas 
que  vous  bastissiés  sur  faulx  fondement.  Je  prye  Dieu 


46o  LETTRK  DE  M.  DUPLESSIS 

qu'il  vous  donne  bonne  isseue  de  vostre  siège  de  Ger- 
trudeiiberg,  car  j'en  cognois  l'importance,  et  recog- 
nois  bien  par  là  que  vostre  guerre  est  conduicte  avec 
jugement;  s'il  succède,  obligés  moi  tant  que  je  puisse 
avoir  ces  deux  canons,  et  quelque  quantité  de  balles  de 
leur  calibre,  aultrement  difficiles  à  recouvrer  ici,  j'ad- 
jousterois  quelques  poudres  si  j'osois.  S'il  m'estoit  utile 
ci  devant,  vous  le  jugerés  maintenant  nécessaire;  si 
rem ,  si  personas,  si  lociim ,  si  tempus  specles.  Je 
vous  répéterai  encores  ce  dont  ci  devant  je  vous  avois 
quelquesfois  escrit.  Nous  sommes  veneus  à  bloquer 
Poicliers,  et  avois,  longtemps  a,  proposé  au  conseil  du 
roy,  pour  tenir  corps  en  l'armée  qu'il  estoit  besoing 
d'avoir  ung  régiment  de  bons  lansquenets.  Ce  quiavoit 
esté  trouvé  très  nécessaire  ,  et  ordonné  argent  pour 
cela  ,  et  à  moi  donnée  la  cliarge  de  m'enquerir  du 
moyen  de  les  recouvrer  et  faire  venir  ,  dont  je  suis 
d'autant  plus  sollicité  qu'on  y  est  maintenant  en 
œuvre.  J'ai  donc  besoing  que  me  fassiés  ce  plaisir  de 
vous  enquérir  soigneusement  :  i**.  de  personne  de  qua- 
lité,  capacité  et  fidélité,  pour  les  lever,  et  particuliè- 
rement entendrions  qu'il  feust  de  la  relligion  ;  2°.  de  ce 
que  pourroit  monter  la  levée  exactement ,  ou  à  peu 
près,  dont  Testât  nous  feust  envoyé  ,  et  quelle  avance  il 
en  fauldroit  faire;  3^.  du  moyeu  de  les  faire  conduire 
par  mer,  jusques  en  Poictou,  des  frais  qu'il  y  convien- 
droit  faire,  et  en  quel  temps  on  les  nous  y  pourroit 
rendre,  du  jour  que  l'argent  seroit  délivré  par  delà, 
et  de  tous  ces  poincts,  et  aultres  qui  en  dépendent, 
vous  prye  de  m'envoyer  bons  et  particuliers  mémoires, 
qu'il  vous  sera  aisé  de  recouvrer,  parce  que  j'estime 
que  ces  dernières  années  M.  le  comte  Maurice  s'est 
encores  servi  de  ceste  nation ,  comme  souloit  feu  M.  son 


A  M.  DE  BUZENVAL.  46 1 

père.  M.  le  maieschal  de  Matignon  m'a  escrit  et  faict 
parler  à  mesme  fin.  Et  vous  sçavés  assés  en  quantes 
façons  cela  nous  pourroit  venir  à  propos  par  deçà. 
Pour  ce  que  m'escrivés  du  Hourdel ,  j'ai  eu  charge  du 
roy  durant  le  siège  de  Rouen  de  le  recognoistre ,  et 
trouverois  très  à  propos  de  le  fortifier.  Seulement  je 
crains ,  veu  ceste  mutation ,  que  les  catholiques  qui 
gouvernent  près  de  sa  majesté  ne  le  nous  souffrent 
pas.  Je  sçais  bien  ung  plus  beau  lieu  en  Bretaigne,  qui 
maistriseroit  toute  la  rivière  de  Loire,  et  brideroit 
Nantes  ;  mais  j'aurois  besoing  d'y  estre  assisté  des  vais- 
seaux de  messieurs  les  estais.  Et  sur  ce  passage  vous 
dirai  que  très  à  propos  se  sont  arrestés  à  La  Rochelle 
douze  de  leurs  vaisseaux,  qui  estoient  veneus  escorter 
une  flotte  de  marchandise  ;  maintenant  qu'une  armée 
de  mer  doibt  descendre  d'Espaigne  en  Guyenne,  qu'on 
dict  estre  forte  de  quarante  bons  voiles.  Ores,  monsieur, 
c'est  ce  que  vous  aurés  pour  ce  coup,  et  le  duplicat  par 
aullre  voie.  Faiclcs  seulement  tousjours  certain  estât 
que  n'avés  ami  plus  à  vostre  service  que  moi,  qui  sur 
ce  salue  humblement  vos  bonnes  grâces,  et  prye  Dieu, 
monsieur,  vous  avoir  en  sa  saincle  garde. 

De  Saulmur,  ce  i8  juin  iSgS. 


CXCVIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  M.  de  La  Fontaine. 

Monsieur,  vous  aurés  sceu  ce  qui  s'est  passé  en 
nostre  court  ce  mois  de  mai,  ce  que  je  prevoyois  et 
■predisois  prou  ;  mais  on  ne  me  voulloit  pas  croire. 
Pour  rompre  ce  monopole,  sa  majesté  s'est  soubmise 


462  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

à  l'instruction  des  evesques  ;  et  cependant  convoque 
les  principaulx  de  nostre  relligion  en  juillet,  avec  les 
auhres  seigneurs  de  ce  royauline,  pour  advisor  à  tous 
affaires ,  et  particulièrement  à  nostre  contentement. 
Je  crains  fort  qu'il  soit  s'y  engaigé  ,  qu'il  soit  contrainct 
de  passer  oultre.  Et  si  fault  il  toutesfois  s'y  trouver, 
comme  de  ma  part  je  m'y  resouls,  tant  pour  l'appuyer 
contre  la  chute,  et  le  retenir  siu'  ce  precij)ice,  qu'aussi 
pour  asseurer  nostre  condition  au  mieulx  qu'il  nous 
sera  possible;  je  ne  \ous  cèlerai  toutesfois  que  je  ne 
suis  pas  sans  ordres,  advertissemens  du  mal  qu'on  me 
veult ,  pour  la  roideur  que  j'y  apporte;  mais,  en  sui- 
vant ma  vocation,  je  remettrai  le  surplus  à  Dieu,  s'il 
y  a  tant,  soit  peu  d'apparence  de  bien  faire.  Vous  sçavés 
quelle  est  la  nature  du  mal  :  quodfastigiuin  pietas , 
gradus  est.  Nous  avons  à  faire  à  gens  qui  appellent 
paix  de  nous  faire  la  guerre  ,  le  passé  nous  y  doibt 
faire  penser.  C'est  pourquoi  j'estime  que  de  bonne 
heu-re  vous  debvés  disposer  nos  amis  eslrangers  à 
deux  choses  :  en  ce  mesme  temps  j'estimerois  à  propos 
qu'il  se  trouvast  près  de  sa  majesté  une  ambassade 
honorable  de  la  royne  d'Angleterre,  qui  par  la  pré- 
sentation de  son  secours  (  encores  que  je  déplore 
qu'il  ait  esté  et  soit  si  mal  employé),  le  fortifiast  au 
bon  chemin ,  et  contreposast  les  offres  qu'on  lui  faict 
d'Italie  pour  entrer  au  mauvais;  que  si  le  temps  aussi 
le  permet,  que  les  princes  d'AlIcmaigne,  estais  des  Pays 
Bas,  Ligue  de  Suisse,  fissent  de  mesmes  :  deux  effects 
en  pourroient  sortir;  rung,que,  se  sentant  aussi  fort 
en  faisant  bien ,  qu'en  déclinant  au  mal  ;  il  demoureroit 
au  bien,  a  quo  et  animiun.  L'aultre  ,  qu'en  tous  cas, 
ceulx  qui  par  la  messe  lui  promettent  la  paix,  et  que 
nous  sçavons  appeller  proprement   paix,  quand   on 


A  M.  DE  LA  FONTAINE.  463 

nous  faict  la  guerre,  voyant  la  relligion  soubteneue  de 
si  forts  estançons,  retiendroient    leur  mauvais  cœur, 
au  moins  pour  quelque  temps;  et  se  lascheroient  plus 
aiseement  aulx  conditions  nécessaires  pour  nostre  seu- 
reté.  Ores,  je  n'ignore  poinct  les  contradictions  que 
vous  y  rencontrerés,  et  n'ai  pas  oublié  les  propos  qui 
me  feurent  teneus  en  mon  dernier  voyage  par  delà. 
Mais  je  considère  que  les  saiges  pèseront  de  quelle  impor- 
tance il  est  pour  tous  les  estats  de  la  relligion  qu'ung 
roy  de  France,  que  Dieu  y  avoit  appelle,  se  rejette  eu 
l'idolastrie;  que  se  départir  de  la  relligion,  est  peu  à 
peu   se   retirer  de  l'alliance   dont   elle   estoit   le  plus 
ferme  lien;  entendre  par  conséquent  à  nouveaulx  traic- 
tés,  mesmes  à  mariages  préjudiciables  aulx  voisins, 
tels  que  vous  pouvés  assés  penser.  Au  reste,  que  de- 
puis qu'on  s'est  laissé  aller  au  mal ,  c'est  ung  penchant 
sur  lequel  on  ne  s'arreste  poinct;  à  peine  mesmes  y 
chemine  on  par  degrés;  ores  pourtant  qu'il  fault  em- 
ployer tous  moyens  à  temps  :  dum  spiritus  Dei  vel 
tanlilliun  pulsnt  in  jiobis.    C'est    une   ouverture,   et' 
vous  la  sçaurésmesnager  par  vostre  prudence,  selon  les 
personnes,  les  lieux.  Je  ne  pense  pas  aussi  que  ceste 
assemblée  puisse  estre  avant  la  mi  aoust,  y  ayant  nos 
députés  à  venir  des  plus  loingtaines  provinces.  Interea, 
je  fortifie  ceste  place   ce  que  je  puis  ;  quelques  tra- 
verses  qu'on   me  donne  :  refiigium ,   refrigeriumque 
piis  ;  mais   vous  ne  doubtés  pas   si  les  malings  pré- 
valent, quels  combats  j'aurai  à  soubtenir ,  contre  les- 
quels succurrit  illud y  Dominiis  providebil,  que  je  ne 
sçais  ne   m'avoir   poinct   logé  ici   sans  cause.    Je  luc 
confie  aussi  que  ceulx  qui  y  ont  interest  y  penseront; 
mais  particulièrement  je  vous   prye   de  préparer  les 
cœurs  des  gens  de  bien  de  delà  à  secourir  nos  églises 


464  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  ete. 

et  la  partie  plus  affectée,  si  la  mesme  violence  qui  vous 
opprime  la  conscience  du  roy  entreprend  plus  avant. 
Madame  proteste  de  persévérer;  M.  de  Montpensier 
est  assés  en  sa  bonne  grâce,  nec  abhorret  a  piis.  Les 
aultres  ùifensissinio  in  nosiros  siinl  animo.  Sa  ma- 
jesté, entre  ceulx  qu'elle  appelle  de  la  relligion  ,  mande 
MM.  Payen  ,  de  La  Tousche,  Rotan  ,  de  Veaux;  nous 
y  en  faisons  trouver  aussi  quelques  aultres  de  deçà. 
Mais  si  les  evesques  sçavcnt  qu'il  n'y  ait  personne  à 
redoubler,  ils  s'y  offriront.  Si  on  s'y  présente,  ils  ne 
vouldront  encourir  l'excommunication  du  pape.  C'est 
pourquoi  j'ai  engagé  nos  églises  d'y  en  envoyer.  Je 
trouverai  fort  bon  aussi,- si  vous  vous  resolviés  à  l'am- 
bassadeur que  dessus  ,  tant  en  Angleterre  que  Pro- 
vinces Unies,  que  les  ambassadeurs,  pour  les  occasions 
qui  se  peuvent  présenter,  s'accompaignassent  de  quel- 
ques tlieologiens  excellens;  TAnglois,  de  vous,  de 
M.  Witaker,  ou  Rainold;  le  Flammand  ,  de  M.  Junius; 
et  si  ce  que  je  vous  proposois  à  Londres  eust  esté 
faict  comme  je  le  projettois,  nous  serions  encores 
mieulx  préparés.  Je  prye  M.  Rotan  de  vous  envoyer 
copie  d'ung  petit  mémoire  que  je  lui  ai  envoyé.  C'es- 
toit  pour  les  advertir  sommairement  de  ce  qu'il  est 
plus  nécessaire.  Je  desirerois  fort  avoir  les  œuvres  de 
M.  Rainold,  ou  en  latin,  ou  en  anglois.  Je  salue, 
monsieur,  etc. 

Du  19  juin  i5y3. 


LETTRE  DU  ROY  A  M.  DUPLESSIS.  4G5 


CXCVIII.  — LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Du  pie  s  sis,  esc  rite  de  sa  propre  main. 

M.  Duplessis,  la  conférence  est  rompeue,  et  les  Es- 
paignols  ont  faict  des  offres  si  grandes  que  les  ennemis 
y  ont  preste  l'oreille.  Ils  ne  dema^ndent  seulement , 
sinon  que  l'on  élise  le  duc  de  Guise,  et  qu'il  espouse 
la  fille  d'Espaigne,  de  quoi  le  duc  de  Mayenne  semble 
avoir  quelque  jalousie.  Nous  avons  pris  assés  heureu- 
sement ceste  ville  ;  mais  le  cliasteau  tient  encores. 
J'espère  toutesfois,  avec  l'aide  de  Dieu,  que  dans  cinq 
ou  six  jours  il  sera  en  mon  obéissance;  car  de  trois 
puits  qu'il  y  a,  nous  en  avons  gasté  les  deux;  et  uno- 
homme  qui  en  vient  de  sortir  tout  présentement,  m'a 
asseuré  que  nous  leur  avons  rompeu  ung  seul  moulin 
qu'ils  avoient  ;  ce  que  je  crois  fortaiseement,  car  d'une 
cave  qui  est  sous  ledict  chasteau,  et  de  laquelle  nous 
l'oyons  moudre  ,  nous  ne  l'entendons  plus.  Il  y  a  plus 
de  quattre  mille  personnes  retirées  audict  chasteau  ; 
ce  qui  m'en  faict  avoir  bonne  espérance.  Cependant , 
le  duc  de  Mayenne  assemble  tout  ce  qu'il  peult,  pour 
nous  faire  lever  siège,  ou  nous  donner  la  bataille;  et 
le  comte  Charles  a  passé  la  rivière  de  Somme  avec  son 
armée,  et  vient  droict  à  moi.  Pour  ce  incontinent  la 
présente  receue,  montés  à  cheval  avec  vostre  com- 
paignie  ,  et  le  plus  de  vos  amis  que  vous  pouires,  et 
venes  en  diligence  ;  aultrement  vous  seres  des  derniers. 
Et  je  m'asseure  que  vous  auriés  trop  de  regret  d'y 
manquer.  Souvenés  vous  qu'à  la  bataille  d'Yvri  vous 
n'arrivastes  que»  fort  à  propos  ;  et  quel  ennui  ce  vous 

Mk.iï.  de  DurLFSsis-I\IoiiKA.Y.  Tome  v.  3o 


466  LETTRE  DU  ROY  A  M.  DUPLESSIS.  -i 

eust  esté  si  à  quattre  lieues  de  là  vous  eussiés  appris 
des  nouvelles  de  la  bataille  gaignee  sans  vous.  Aussi 
j'ai  affaire  de  vous ,  et  de  vostre  advis  sur  ce  qui  se 
présente.  Pour  ce,  sans  plus  d'excuse,  ou  de  remise, 
venés  et  usés  de  diligence.  Adieu.  .Henry. 

A  Dreux  ,  ce  aS  juin  i5()3. 


CXCIX.  -^  LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  n'ai  rien  de  vous  depuis  celles  que 
m'apporta  le  nepveu  de  feu  M.  Ortoman  ,  que  j'espère 
despesclier  ung  de  ces  jours  à  sa  majesté.  Et  par  lui 
vous  aurés  toutes  nouvelles.  Hier  la  ville  de  Gertru- 
denberg  se  rendit  par  composition  ,  que  les  soldats 
sortiroient  avec  l'espee,  et  y  lairroient  les  enseignes  et 
drapeaux.  Cela  s'est  faicl  à  la  veue  du  comte  de  Mansfeld, 
qui  ne  s'est  poinct  esloingné  depuis  deux  mois  de  la- 
dicte  place  de  la  portée  du  canon  avec  une  armée 
d'ung  tiers  plus  forte  que  la  nostre.  Vous  pouvés  penser 
quelle  dereputation  causera  ceste  prise  aulx  affaires 
du  rov  d'Espaigne  par  deçà.  Je  ne  sçais  si  nous   en 
pourrons  faire  nostre  profict  ;  cap^nous  sommes  fort 
foibles,  et  ne  scaurions  mettre  plus  de  six  cens  reystres 
et  quinze  cens  gens  de  pied  en  campaigne.  Toutesfois 
on  profitera  es  occasions.  Ce  bon  succès  ne  peult  qu'il 
n'apporte  beaucoup  d'advantage  aulx  affaires.  J'ai  veu 
ce  siège  quelque  temps.   Il  ne  se  pouvoit  rien  voir 
de  mieulx  ordonné,  et  les  ouvrages  sont  incroyables 
qui  y  ont  esté  fàicts.  J'adviserai  si  je  vous  pourrai  en- 
voyer, ce  que  je  remettois  à  l'isseue  de  ce  succès.  Il  n'y 


LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL,  etc.  4^7 

a  que  deux  heures  que  nous  en  avons  les  nouvelles. 
L'ennemi  se  relira  hier  de  son  logis  près  de  nostre 
camp.  On  ne  sçait  ce  qu'il  entreprendra.  Il  a  plus 
perdeu  qu'il  ne  gaignera  ceste  année.  Il  n'y  a  rien  par 
deçà  où  il  puisse  attenter  quelque  chose.  Je  crains 
que  vous  n'ayés  en  France  la  descharge  de  ceste  armée. 
On  essaiera  de  le  tenir  lousjours  en  haleine.  Je  vous 
supplie  bien  humblement,  monsieur,  vous  voulloir 
soubvenir  de  la  promesse  que  m'avés  faicte,  il  y  a 
quelques  mois,  de  recevoir  en  vostre  maison  et  ser- 
vice le  fils  de  M.  Aersens,  secrétaire  d'estat  de  ce  pays. 
Je  lui  ai  donné  lettres  pour  vous  aller  trouver.  Je  vous 
ai  desjà  dict  les  qualités  du  père ,  qui  a  bien  mérité 
du  service  de  sa  majesté,  et  contineue  tousjours.  Je 
m'en  sers  infiniment.  Vous  le  lierés  plus  particulière- 
ment par  ce  moyen  au  service  du  roi  et  vostre.  Je 
vous  supplie  donc  derechef  en  avoir  seing,  et  lui 
faire  paroistre  que  ma  recommandation  lui  aura  servi. 
Il  vous  escrira  aussitost  qti'il  sçaura  que  vous  Taures 
accepté.  Madamoiselle  Louise  de  Nassau  fiut  fiancée 
le  10  du  présent  à  Dildenbourg,  avec  monseigneur 
l'électeur  Palatin.  C'est  une  belle  alliance  pour  ceste 
maison.  Et  sur  ce,  vous  baisant  bien  humblement  les 
mains,  je  pryerai  Dieu,  monsieur,  qu'il  vous  tienne 
en  sa  saincte  garde.  Vostre  bien  humble  et  très  obligé 
serviteur,  Buzejvval. 

A  La  Haye ,  ce  26  juin  lôgS. 


468  LETTRE 


ce.  —  ^  LETTRE 

Des  ministres  de  la  Touraine  a  M.  Duplessis. 

Monsieur,  quand  nostre  compaignie,  obéissant  au 
commandement  de  sa  majesté,  a  voulleu  faire  choix 
d'ung  gentilhomme  capable  de  la  conférence  qui  doibt 
se  tenir  le  mois  prochain  ,  elle  vous  a  déféré  l'honneur 
de  cette  negotiation  ,  et  m'a  chargé  vous  pryer  de  l'avoir 
pour  agréable  et  l'accepter,  considérant  l'importance 
des  affaires  qui  tomberont  en  délibération  et  qui  mé- 
ritent que  vous  y  employés  le  meilleur  des  talens  qu'a- 
vés  receus,  dont  je  vous  eusse  adverti  plustost,  sinon 
qu'il  a  falleu  attendre  l'advis  de  nos  voisins ,  lesquels 
tous  ensemble  vous  donnent  leurs  voix.  Nous  avons 
seulement  doubté  si,  tenant  la  place  et  dignité  d'ung 
conseiller  d'estat,  vous  pourries  ou  vouldriés  prendre 
la  qualité  de  député  pour  nostre  province.  Quia  nemo 
idem  et  siipplicat  et  decernit.  A  cause  de  quoi  nous 
avons  nommé  M.  des  Mares,  soit  pour  vous  accom- 
pagner, s'il  vous  plaist  faire  le  voyage  en  court,  soit 
pour  suppléer  à  ce  que  sera  nécessaire ,  et  à  quoi  n'aurés 
loisir  de  vaquer;  mais,  en  tout  événement,  nous  vous 
supplions  humblement  et  affectueusement  vouUoir 
prendre  nostre  cause  en  main,  procurant  de  tout  vostre 
pouvoir  l'entier  restablissement  et  liberté  de  nos  églises, 
selon  que  portent  nos  mémoires  qui  vous  seront  pré- 
sentés, ou  du  moins  autant  que  l'injure  du  temps  le 
pourra  permettre.  Ainsi  vous  nous  obligerés  à  vous 
obéir ,  et  vous  ferés  service  à  Dieu ,  lequel  je  supplie 


A  M.  DUPLESSIS.  4% 

vous  maintenir,  monsieur,  en  longue  prospérité  sous 
^   sa  protection.  Vostre  bien  humble  et  obéissant, 

Argues  ,  pour  tous. 
A  Tours,  ce  22  juin  iSg'S. 


CCI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 
A  M.  Duplessis. 


Monseigneur,  j'avois  le  papier  devant  moi  pour 
vous  escrire,  lorsque  le  sieur  Dampvilliers  m'a  rendeu 
vostre  lettre  du  ig;  car,  sur  les  nouveaulx  advis  con- 
traires à  ceulx  qu'on  tenoit  pour  certains  et  indubi- 
tables, j'eusse  bien  désiré  vous  faire  voler  ung  lacquais 
pour  vous  oster  la  peine  ou  partie  d'icelle ,  à  laquelle 
le  danger  de  monseigneur  de  Montpensier  vous  a  peu 
soubmettre.  Le  maire  de  ceste  ville  a  leu  une  lettre  es- 
crite  aulx  affaires  de  Champigny,  par  laquelle  l'on  les 
advertit  que  les  12,  j3,  10,  i5  et  16  que  la  lettre  est 
datée,  mondict  seigneur  avoit  dormi  et  esté  sansfiebvre. 
Ung  gentilhomme  que  madame  Saincte  Croix  lui  avoit 
envoyé,  parti  du  17,  a  porté  à  sa  tante  lettre  signée 
de  sa  main.  Il  y  a  cinq  ou  six  lettres  particulières  ,  en 
substance,  que  le  \l\  décembre  l'on  l'a  jugé  hors  de 
danger,  dont  beaucoup  de  personnes  ne  sont  pas  beau- 
coup joyeuses  ,  mesmes  ceulx  aulxquels  les  lettres  por- 
tans  le  malheur  asseuré  estoient  addressees,  et  ont  les 
gens  de  bien  fort  remarqué  ceulx  qui  ont  envoyé  les- 
dicts  advis,  et  plus  ceulx  qui  les  ont  malicieusement 
entendeus.  Dieu  veuille  que  ses  advis  ne  soient  sem- 
blables à  ceulx  qui  se  donnoient  de  la  maladie  de  feu 
M.  de  la  Ronei.  De  l'élection,  l'advis  en  feut  porté  au 


470  LETTRE  DE   M.  DUMAURIER 

roy,  qui  despescha  aussitost  à  madame  sa  sœur,  mais 
par  lettres  de  Paris  du  l'y,  du  sieur  Dormy  et  m;.damc 
de  Narmoutier  et  de  quinze  ou  seize  personnes  qui  en 
ont  receu  lettres  de  Paris  ,  Sainct  Denys  ou  Poissy,  l'on 
ne  tient  pas  l'élection  parfaicte  et  confirmée  par  les 
eslats  et  le  parlement ,  mais  concleue  ;  le  duc 

de  Froia  et  les  princes  de  la  maison  de  Guise,  assis- 
tés des  chefs  de  la  noblesse  de  leur  parti  ,  que  l'in- 
fante d'Espaigne  sera  condiiicte  en  France  par  ung 
mille  clievaulx,  seize  mille  hommes  de  pied  et  trois 
millions  d'or,  pour  estre  couronnée  avec  le  duc  de 
Guise,  son  futur  mari;  que  la  monnoyc  sera  effigiee 
de  tous  deux  ,  es  tous  actes  publics  nommés  tous 
deux ,  comme  roy  et  royne ,  advenant  la  mort  du 
duc  de  Guise,  avant  la  consommation  du  mariage 
ou  après,  sans  laisser  enfans ,  sera  de  la  puissance 
nommer  du  roy  mari  de  la  fille  ;  et  que  le  lendemain 
jà  les  Espaignols  en  corps  viendront  tous  saluer  le 
duc  de  Guise;  toutesfoison  ceste  resolu- 

tion, ou  la  dict  on  suspendeue.  Si  le  roy  faict  le  sault 
qu'on  peult  justement  appeller  périlleux  ,  des  ja- 
lousies peuvent  naistre  principalement  du  duc  de  Lor- 
raine, ses  enfans  et  ses  plus  proches  parens  ,  princi- 
palement si  on  les  entretenoit  d'espérance  d'alliance; 
mais,  pour  le  duc  de  Mayenne,  la  volonté  du  roy 
d'Espaigne,  à  laquelle  présentement  il  est  asservi,  et  la 
nécessité  de  ses  affaires  les  y  feront  d'autant  plus  ven- 
ger, que  les  frères  du  duc  de  Guise  ne  sont  appelles; 
mais  sa  personne,  laquelle  périra  avant  la  consomma- 
tion du  mariage,  et  cependant  l'Espaignol  rend  les 
moyens  de  la  reconciliation  impossibles,  et  a  plus  d'oc- 
casion d'espérer  pour  l'infante  que  jamais ,  sans  l'arrest 
du  28 ,  qu'on  ne  cuide  pas  avoir  esté  révoqué  ni  limité, 


A  M.  DUPLESSIS.  ^']  l 

la  proposition  eust  esté  absoleue  pour  le  prince  d'Es- 
paigne  :  à  quoi  le  duc  de  Mayenne  tendoit  ouverte- 
ment ,  se  voyant  descheu  de  son  espérance  :  ne  inori 
crimine  princeps  qiiam  et  quelques 

choses  qu'on  die  de  ceste  élection  qui ,  sans  double , 
se  consommera;  elle  ne  peult  estre  que  très  pernicieuse 
aulx  affaires  du  roy,  pour  infinies  raisons  que,  non 
pas  vous  seulement,  monseigneur,  mais  les  hommes 
médiocres  peuvent  comprendre.  Je  vous  dirai  une  par- 
ticularité pour  ce  qu'elle  vous  plaira  que,  192.  i^ig. 
1210.  912.  1020.  1710.  172.  7i4-  912.  129.  520. 
2210.  149.  199-  78.  57.  913.  817.  129.  1820.  814. 
199.  1017.  149.  i4'^'  168.  210.  149.  5i5.  98.  28. 
44'  <ivec  les  cérémonies  et  circonstances;  actes  qu'on 
avoit  apprins  de  sept  ou  huict  hommes  lors  du  parte- 
ment  l'histoire  françoise  et  ancienne 

dont  j'ai  esté  l'ung,  M.  de  Villeroy  le  trouvoit  bon,  et 
avant  que  l'ennemi  parvinst  par  une  aultre  fonno 
d'arrest ,  MM.  Segur  et  Forget  le  trouvoient  bon  ; 
mais,  en  donnant  au  préalable  advis  au  roy,  lequel 
advis  n'eust  pas  esté  suivi,  M.  de  Unalgran  avoit  esté 
commis  pour  déchirer  l'arrest,  pendant  que  M.  Servin 
se  prépare  pour  déclamer  ciim  consilio pondectuin. 

Je  plains  extresmement  Landervie  pour  la  consé- 
quence de  la  place  perdeue,  pour  ce  que  estoit  bon 
serviteur  du  roy,  le  voyant  particulier  très  affectionné 
à  mon  ami.  Cest  exemple  et  celui  Duplessis  encores, 
auquel  M.  de  Rambouillet  a  receu  une  insigne  perte; 
ces  deux  exemples  et  celui  de  1020.  8i4.  244-  229. 
servent  de  leçon  aulx  grands  de  ne  pouvoir  prendre 
fiance  ,  sinon  gens  de  bien  ,  non  pas  comme  on  les 
interprète  aujourd'hui,  vaillans  et  sages  seulement, 
mais  ayans  la  crainte  de  Dieu  ;  mais  ,  cerles  ,  le  faict  de 


472  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

Palîla  vous  regarde  particulièrement,  et  me  faict  en- 
cores  aussi  craindre  vostre  voyage  différé  jusques 
après  la  ceresmonie  qu'on  avoit  prise  pour  hontoyer 
dadvantage  la  journée  au  11*^  jour  de  delà  Magda- 
levne,  et  depuis  a  esté  différé  au  26,  qui  est  dimanche 
prochain ,  comme  le  gouverneur  de  ceste  ville  a  es- 
crit  de  Sainct  Denys,  où  le  conseil  est  de  présent. 
L'on  taist  ici  industrieusement  le  faict  de  2120.  2210. 
i4i7«  5i5.  21 4-  loio,  afin  de  l'attirer  par  dou- 
leur de  la  querelle  qu'elle  a  recherchée  avec  Desme- 
tich,  contre  82.  810.  2014.  229.  811.  Sur  laquelle  et 
l'escarmouche  et  demande  trois  mille  escus.  Jugés  le 
reste. 

A  toutes  ces  nouvelles,  l'on  adjouste  pour  miracle 
de  la  messe  du  roy,  que  le  sieur  d'Alincourt,  qui  est 
\euf  de  sa  femme  ,  se  rendra  serviteur  du  roy,  le  père 
estant  sorti  de  Paris  très  malencontreusement,  c'est 
de  la  lettre  de  Dormy  à  madame  de  Narmoutier. 
Mais  pour  le  jourd'hny,  les  meilleures  nouvelles  vien- 
nent d'Auvergne  :  la  paix  y  a  esté  publiée  pour  trois 
ans  entre  M.  le  comte  de  Clermont  et  M.d'Andellot,  et 
de  toutes  les  villes  du  Pays  Bas  liguées,  horsmis  celles 
qui  ont  esté  conquises  par  le  duc  de  Nemours,  comme 
Sainct  Porcain,  Ambert ,  Montpensier,  et  cinq  ou  six 
aultres  de  moindre  nom.  Le  sieur  d'Andellot  est  ser- 
viteur au  roy  comme  M.  le  vicomte  de  Pont  de  Chas- 
teau  avec  le  marquis  de  Cauilhac  :  des  à  présent 
la  messe  du  roy,  retrouvent  toutes  les  villes 
qui  sont  comprises  dans  la  ligne,  le  sieur  d'Andellot 
demeurast  lieutenant  en  ceste  province  soubs  le  comte 
d'Auvergne ,  les  unes  et  aultres  villes  liguées  pour 
s'opposer  des  à  présent  au  duc  de  Nemours,  s'il  vient 
là  pour  rompre   la  tranquillité   et  le  repos   d'icelle. 


Il  A  M.  DUPLESSLS.  47 ^ 

Le  marquis  Sainct  Sorlin,  qui  a  esté  à  Montboisier, 
supplie  de  ne  s'advancer  poinct,  et  ayant  voulleu 
envoyer  le  sieur  de  Montespan  pour  successeur  au 
sieur  d'Andellot,  ledict  Montespan  a  esté  chargé  par 
le  régiment  de  M.  deTomston,  Escossois,  vingt-deux 
maistres  des  siens  tués,  seize  pris,  lui  enfui ,  sans  qu'on 
sçaclie  encores  où  l'armée  du  comte  d'Auvergne  va. 

pour  laquelle  les  villes  liguées  la  trefve  con- 
tribuast  à  Riom  ,  a  fourni  cinq  mille  .  Le  sieur  de 
Pont  de  Ghasteau  a  envoyé  quérir  ung  relief  en  ceste 
chancellerie;  il  m'avoit  escrit  et  plusieurs  auhres,  et 
m'avoit  on  envoyé  le  traicté  de  la  trefve  ;  mais  on  a 
i  volé  trois  paquets  au  messager  qui  arriva  hier  et  ne 
sçait  lire,  et  m'asseure  on  que  ça  esté  la  maison  de  192. 
78.  5i5.  912.  129,  72.  22i3.  2019.  912.  219.  J'ai 
fort  particulière  amitié  avec  ce  vicomte,  qui  est  sei- 
gneur d'une  bonne  ville  sur  la  rivière  d'Allier,  à  deux, 
lieues  de  Clermont,  et  pour  l'amitié  particulière  que 
me  porte  et  M.  de  Canilhac  son  aisné  ;  j'avois  tousjours 
opinion  de  les  réduire  au  bon  chemin ,  il  passe  vingt 
mille  livres  de  son  aisné  le  marquis ,  passe  douze 

mille  livres,  qui  est  oppiniastre. 

Le  sieur  de  Montpcsat  à  Pnisnay  batteu  une 

petite  ville  presPerigueux,  nommée  Lisle,  avec  quattre 
pièces  et  par  composition.  Les  sieurs  Daubeterre,  Ter- 
minas et  Misselsac  ,  ayant  assemblé  douze  cens  arque- 
busiers et  plus  de  six  cens  chevaulx  ,  pour  faire  osier 
le  siège,  estant  veneus  à  tard,  ont  assiégé  le  sieur 
Monlpesat,  qui  s'est  saulvé  de  nuict,  ayant  laissé  ses 
gens  et  ses  pièces ,  que  pour  ce  à  présent  s'est  rendeu 
à  discrétion ,  pouvoir  qu'ils  n'avoient  ni 

devant.  Par  lettres  de  camp,  du  sieur  Sardaigne 

la  ville  de  Sainct  feut  rendeue  par  composition , 


474  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

le  28  du  passé  seulement,  Groningue,  investi  parle 
comte  Guillaume.  AujourcriiuiM.  le  président  Faucher 
a  faict  la  despesche  à  M.  de  Lescalle,  ne  l'ayant  moi 
mesme  voulleu  faire,  pour  estre  cogncu  trop  votre  ser- 
viteur, pour  lui  persuader  que  cela  ne  venoit  de  vous, 
et  avons  le  tout  adressé  à  M.  de  Vie,  qui  est  à  Sainct 
Denys,  comme  ledict  sieur  de  Lescalle  :  souvenés  vous, 
monseigneur ,  qu'Alexandre  n'eut  jamais  ung  plus 
grand  bien  que  Tinstruction  et  Aristote,  et  qu'il  n'y  a 
que  vous  seul  en  France  capable  de  diriger  une  sem- 
blable élection  ;  et  certes  le  bon  homme  M.  Faucher 
croit  que  c'est  ung  des  plus  grands  services  qu'on  puisse 
faire  à  la  France.  Valde.  Je  crains  qu'on  ne  retire  ceste 
seconde  espérance  de  ce  royaulme  :  de  quoi  je  serois 
bien  marry.  J'ai  réservé  à  la  fin  de  ceste  lettre  à  vous 
dire  qu'un  nommé  Abadre  ,  successeur  d'ung  premier 
président  de  Paris,  et  qui  souhaitoit  estre  maistre  des 
requesles  de  la  maison  de  Navarre,  lorsque  M.  Bolivon 
tenoit  les  sceaulx,  est  tout  de  la  maison  de  Pontac , 
fort  gros  catholique,  pour  ne  dire  pis  :  je  l'ai  cogneu 
de  longue  main  fort  homme  de  bien  et  affectionné; 
mais  depuis  il  s'est  fort  enquis  de  moi  de  la  messe  du 
roy,  que  l'on  ne  pouvoit  croire  en  Bearn ,  et  dict  que 
les  catholiques  puis  ensuite  en  avoient  fait  chanter  la 
messe  à  Sainct  Palais ,  et  si  je  croyois  que  le  roy  ne  la 
voulleust  pas  restablir  en  Bearn.  Je  ne  lui  ai  pas  voulleu 
respondre,  ce  que  je  pouvois  faire  pour  le  sonder,  et 
il  ne  se  Je  crains  qu'il  ait  charge  de  parler 

sur  des  lettres  de  M.  de  Bazac  à  M.  Vous  sçavés 

la  Je  l'ai  arrestee  demain  pour  demain,  ayant 

tiré  tout  ce  que  je  pourrai  pour  vous  en  donner  advis. 
J'espère  lui  servir  d'advocat  que  je  payerai  cher, 

et  demain  c'est  à  vous  escrire  sur  ce  faict , 


DE  M.  ÛUPLtSSIS.  47f) 

car  n'esles  tost  ou  tard 'à  toucher  ceste  corde,  et  je 
pense  que  soit  le  plus  capable  et  auctdrisé  pour  re- 
muer ceste  mauvaise  besogne;  j'ai  prins  ce  ne  peult 
estre  que  le  5io.  '2110.  97.  QiS.  142.  2120.  2210. 
229.  1220,  17 10.  79.  192.  182.  i4io.  179.  Je  doibs 
au  service  que  j'ai  et  aulx  obligations  que  je  vous  doibs, 
et  que  vous  acquerés  journellement  sur  moi  le  désir  de 
celui  qui  vous  est  et  sera  à  jamais,  monseigneur,  très 
humble,  et  plus  obéissant,  fîdele  et  obligé  serviteur. 

Je  ne  manquerai  poinct  au  faict  de  voisin  ni  jamais 
en  chose  qui  vous  regarde  sans  y  estre. 

De  B  ,  ce  mardi  . .  juin  iSgS. 


CCII.  — -V- ARREST 

Du  parlement  de  Paris ,  en  faveur  de  la  légitimité. 

Sur  la  remonstrance  faicte  à  la  court  par  le  procu- 
reur gênerai,  et  la  matière  mise  en  délibération;  la 
court,  toutes  les  chambres  assemblées,  n'ayant,  comme 
elle  n'a  jamais  eu,  auUre  intention  que  de  maintenir 
la  relligion  catholique,  apostolique  et  romaine,  Testât 
et  la  couronne  de  France,  soubs  la  protection  d'ung 
roy  très  chrestien,  catholique  et  François,  a  ordonne 
et  ordonne  que  remonstrances  seront  faictes  cest  après 
disner  par  M.  le  président  Le  Maistre ,  assisté  de  bon 
nombre  de  conseillers  de  ladicte  court ,  à  M.  le  duc  de 
Mayenne,  lieutenant  gênerai  de  Testât  et  couronne  de 
France,  en  la  présence  des  princes,  pairs  et  officiers 
de  la  couronne ,  estant  à  présent  en  ceste  ville ,  l\ 
ce  qu'aulcung  traicté  ne  se  fasse  pour  auferer  la  cou- 


47<^  ARREST  DU  PARLEMENT  DE  PARIS, 

ronne  en  la  main  d'ung  prince  ou  princesse  étrangers; 
que  les  lois  fondamentales  de  ce  royaulme  seront  gar- 
dées, et  les  arrests  donnés  en  la  court  pour  la  déclara- 
tion d'ung  roy  catholique  françois,  exécutés,  et  qu'il 
ait  à  employer  i'auctorité  qui  lui  a  esté  commise,  pour 
empescher  que,  soubs  prétexte  de  la  relligion  ,  la  cou- 
ronne ne  soit  transférée  es  mains  estrangeres  contre 
les  lois  du  royaulme,  et  pourvoir  le  plus  promptement 
que  faire  se  pourra  au  repos  du  peuple,  pourTextresme 
nécessité  en  laquelle  il  est  reduict;  neantmoins,  des  à 
présent ,  a  la  court  déclaré  et  déclare  que  tous  traictés 
faicts  ou  à  faire  ci  après,  pour  l'establissement  d'ung 
prince  ou  princesse  estrangers,  nuls  et  de  nul  effect 
et  valeur,  comme  faicts  au  préjudice  de  la  loi  salique, 
et  aultres  fondamentales  de  ce  royaulme.  Donné  en 
parlement,  à  Paris,  ce  28  juin  iSqS. 


CCIIT.  —  ^ARTICLES 

Pour  la  trefve  générale. 

Premièrement,  qu'il  y  aura  bonne  et  loyale  trefve 
et  cessation  d'armes  par  tout  le  royaulme,  pays,  terres 
et  seigneuries  d'icelui,  et  en  la  protection  de  la  cou- 
ronne de  France,  pour  le  temps  et  espace  de  trois  mois 
à  commencer,  à  sçavoir  ,  au  gouvernement  de  l'Isle  de 
France,  le  jour  de  la  publication;  le  jour  qui  s'en  lairra 
à  Paris  et  Sainct  Denys,  qui  sera  mesme  jour,  et  des  le 
lendemain  que  les  presens  articles  seront  arrestés  et 
signés  es  gouvernemens  de  Cliampaigne  ,  Picardie, 
Normandie,  Chartres,  Orléans  et  Bearn  ,  Touraine, 
Anjou  et  le  Maine  ;  huict  jours  après  la  date  d'iceulx  es 


ARTICLES  POUR  LA.  TREFVE  GENERALE.  4? 7 
goiivernemens  de  Bretaigne  ,  Poictou  ,  Angoumois  , 
Xaintonge,  Limosin  ,  Haulte  et  Basse  Marche,  Boùr- 
bonnois,  Auvergne,  Lyonnois  et  Bourgogne;  quinze 
jours  après  es  gouvernemens  de  Guyenne  ,  Languedoc, 
Provence  ,  Daulphiné  ,  vingt  jours  après  l'exécution 
dudict  traicté ,  et  finira  partout  à  semblable  jour. 

Toutes  personnes  ecclésiastiques,  noblesse,  habi- 
tans  des  villes,  plat  pays  et  aultres.  pourront,  durant 
la  présente  trefve  ,  recueillir  leurs  fruicts  et  reveneus, 
et  en  jouir,  en  quelques  pays  qu'ils  soient  situés  et 
assis,  et  rentreront  en  leurs  maisons  et  chasteaulx  des 
champs,  que  tous  ceulx  qui  les  occupent  seront  teneus 
leur  rendre  et  laisser  libres  de  tout  empeschement,  à 
la  charge  toutesfois  qu'ils  ne  pourront  establir  aulcune 
fortification  durant  ladicte  trefve  ;  et  sont  aussi  ex- 
ceptés les  maisons  et  chasteaux  où  il  y  a  garnisons  em- 
ployées en  Testât  de  la  guerre ,  lesquels  ne  seront  ren- 
deus.  Neantmoins  les  propriétaires  jouiront  des  fruicts 
et  reveneus  qui  en  dépendent,  le  tout  nonobstant  les 
dons  et  services  qui  en  auroient  esté  faicts,  lesquels  ne 
pourront  empescher  l'effect  du  présent  accord. 

Sera  loisible  à  toutes  personnes,  de  quelque  qualité 
et  conditions  qu'elles  soient,  demeurer  libiement  en 
leurs  maisons  qu'elles  tiennent  à  présent,  avec  leurs 
familles,  excepté  es  villes  des  places  fortes,  qui  sont 
gardées,  es  quelles  ceulx  qui  en  sont  absens  à  l'occasion 
des  presens  troubles,  et  ne  seront  receus  pour  y  de- 
meurer sans  permission  du  gouverneur. 

Les  laboureurs  pourront ,  en  toute  liberté ,  faire 
leurs  labourages  ,  charrois  ,  envoys  accoutumés  ,  sans 
qu'ils  puissent  estre  empeschés  ni  molestés  en  quelque 
façon  que  ce  soit ,  sur  peine  de  la  vie  à  ceulx  qui  feront 
le  contraire. 


^17^  ARTICLES 

Le  port  et  voiture  de  toute  sorte  de  vivres  et  com- 
merce et  trafic  de  toutes  marchandises,  fors  et  excepté 
des  armes  et  munitions  de  guerre,  sera  libre  tant  par 
eau  que  par  terre,  es  villes  d'ung  parti  et  d'aultre,  en 
payant  les  péages  et  impositions ,  comme  ils  se  lèvent 
à  présent  es  bureaux  qui  pour  ce  sont  estahlis,  suivant 
les  pancartes  et  tableaux  sur  ce  et  arrestés ,  excepté 
j)Our  le  regard  de  la  ville  de  Paris ,  qui  seront  payés 
suivant  le  traicté  particulier  sur  ce  faict ,  le  tout  sur 
peine  de  confiscation  en  cas  de  fraude,  et  sans  que 
<x;ulx  qui  les  v  trouveront  puissent  estre  empeschés  de 
prendre  et  ramener  les  marchandises  et  chevaulx  qui 
les  conduiront  au  bureau  où  ils  auront  failli  d'acquit- 
ter, et  où  sera  usé  de  force  et  de  violence  contre  eulx; 
sera  faict  justice,  tant  de  la  confiscation  que  des  excès 
par  ceulx  qui  auront  commencé  sur  les  personnes  qui 
les  auront  commises;  et  neantmoins  ne  pourront  estre 
arrestees  Icsdictes  marchandises,  chevaulx  et  vivres, 
ni  ceulx  qui  les  porteront  au  dessus  de  la  banlieue  de 
Paris,  encores  qu'ils  n'ayent  acquitté  le.sdictes  impo- 
sitions ;  mais  ,  sur  la  plaincte  et  poursuite ,  en  sera  faict 
droict  à  qui  il  attiendra. 

Ne  pourront  estre  augmentées  lesdictes  impositions 
ou  aultres  nouvelles  mesures  durant  ladicte  trefve ,  ni 
pareillement  dressés  à  aultres  bureaux  que  ceulx  qui 
sont  desjà  establis. 

Chacung  pourra  librement  voyager  par  tout  le 
royaulme,  sans  estre  abstreint  de  prendre  passeport; 
neantmoins  nul  ne  pourra  entrer  es  villes  et  places 
fortes  du  parti  contraire  avec  aultres  armes,  les  gens  de 
pied  que  respee,et  les  gens  de  cheval  l'espee,  la  pistole 
ou  arquebuse  ,  ni  sans  envoyer  auparavant  advertir 
ceulx  qui  ont  commandement ,  lesquels  seront  teneus 


POUR  LA  TREFVE  GENERALE.  479 

de  bailler  la  permission  d'entrer,  si  ce  n'est  que  la  qua- 
lité et  nombre  d'hommes  portant  juste  jalon^iièvde  la 
seureté  des  places  où  ils  commandent,  ce  qui  est  remis 
à  leur  jugement  et  discrétion  ,  et  si  aulcungs  du  parti 
contraire  estoient  entrés  en  aulcune  desdictes  places, 
sans  s'estre  déclarés  tels  et  avoir  ladicte  permission, 
et  seront  de  bonne  prise  ;  et  pour  éviter  à  toutes  dis- 
putes qui  pourroient  sur  ce  intervenir,  ceulx  qui  com- 
mandent esdictes  places  accordant  ladicte  permission, 
seront  teneus  de  la  bailler  par  escrit  et  sans  frais. 

Les  deniers  des  tailles  et  taillons  seront  levés  comme 
ils  ont  esté  ci  devant,  et  suivant  les  departemens  faicts 
et  commissions  envoyées  d'une  part  et  d'aultre,  au 
commencement  de  l'année;  fors  le  regard  des  places 
prises  depuis  l'envoi  desdictes  commissions,  dont  les 
gouverneurs  et  officiers  des  lieux  demeureront  d'ac- 
cord par  traicté  particulier,  et  sans  prejudicier  aussi 
aulx  aultres  accords  et  traictés  particuliers  desjà  fiicts 
pour  la  perception  et  levée  des  tailles  et  taillons,  les- 
quels seront  entreteneus  et  gardés. 

Ne  pourront  toutesfois  estre  levées  par  anticipation 
des  quartiers,  mais  seulement  le  quartier  courant,  et 
par  les  officiers  des  estations,  lesquels,  en  cas  de  rési- 
stance ,  auront  recours  aulx  gouverneurs  de  la  place 
prochaine ,  ville  de  leur  parti ,  pour  eslre  assistés  de 
forces,  et'ne  pourra  neantmoins  à  ceste  occasion  estre 
exigé  pour  lesdicts  faicts  ,  que  à  raison  d'ung  sol  pour 
livre  des  sommes  pour  lesquelles  les  contrainctes  seront 
faictes. 

Quant  aulx  arrérages  des  tailles,  il  n'en  pourra  estre 
levé  d'une  part  ni  d'aultre,  oullre  ledict  quartier  cou- 
rant et  durant  icelle,  si  ce  n'est  ung  aultre  quartier, 
sur  tout  ce  qui  en  est  deu  du  passé. 


I 


48o  ARTICLES 

Geulx  qui  se  trouvent  à  présent  prisonniers  de  guerre 
et  qui  n'ont  composé  de  leur  rançon  ,  seront  délivrés 
dedans  quinze  jours  après  la  publication  de  ladicte 
trefve ,  sçavoir,  les  simples  soldats  sans  rançon,  les 
aultres  gens  de  guerre  tirans  de  solde,  excepté  les  chefs 
des  gens  de  cheval ,  lesquels  ensemble  les  aultres  sei- 
gneurs et  gentilshommes  qui  n'ont  charge ,  en  seront 
<|iiittes  au  plus  pour  demi  année  de  leur  reveneu,  et 
toutes  aultres  personnes  seront  traictees  au  fur  de  la- 
dicte rançon ,  Je  plus  gracieusement  qu'il  sera  possible, 
eu  esgard  à  leurs  facultés  et  vacations.  S'il  y  a  des 
femmes  ou  filles  prisonnières,  seront  incontinent  mises 
en  liberté  sans  payer  rançon,  ensemble  les  enfans  au 
dcssoubs  de  sept  ans  et  les  sexagénaires  ne  faisant  la 
guerre. 

Qu'il  ne  sera,  durant  les  temps  de  la  présente  trefve, 
entrepris  ni  attenté  aulcune  chose  sur  les  places  les 
ungs  des  aultres  ,  ni  faict  aulcung  acte  d'hostilité  ,  et 
si  aulcungs  s'oublioient  tant  de  faire  le  contraire, 
les  chefs  feront  réparer  les  attentats  et  punir  les  con- 
trevenans  comme  perturbateurs  du  repos  public,  sans 
que  neantmoins  lesdictes  contraventions  puissent  estre 
cause  de  la  rupture  de  ladicte  trefve. 

Si  aulcung  refuse  d'obéir  au  conteneu  des  presens 
articles,  le  chef  du  parti  fera  tout  le  debvoir  et  effort 
<[ui  lui  sera  possible  pour  l'y  contraindre,  et  en  dedans 
quinze  jours  après  la  réquisition  qui  lui  en  sera  faicte, 
exécution  n'en  seroit  ensuivie,  sera  loisible  au  chef  de 
l'aultre  parti  de  faire  la  guerre  h  celle  ou  ceuh;  qui 
feroient  le  refus  ,  sans  qu'ils  puissent  estre  secoureus 
ni  assistés  de  l'aultre  parti ,  en  quel  qu'il  soit  que  ce 
soit. 

Ne   sera  loisible  de  prendre  de  nouveau   aulcune 


POUR  LA  TREFYE  GENERALE.  48 1 

place  durant  la  présente  trefvc,  pour  la  fortifier,  en- 
cores  qu'elles  ne  feussent  occupées  de  personne. 

Tous  gens  de  guerre  d'une  part  et  d'aultre  seront 
mis  en  garnison  ,  sans  qu'il  leur  soit  permis  tenir  les 
champs  à  la  fust  du  peuple  et  ruyne  du  plat  pays. 

Les  prevosts  des  marchands  feront  leurs  charges  en 
toutes  captures  aulx  champs  et  en  flagrant  délit,  sans 
distinctions  de  parti,  à  la  charge  de  renvoyer  aulx 
juges  aulxquels  la  cognoissance  dehvra  appartenir. 

JNe  sera  permis  de  se  quereller  et  rechercher  par 
voye  de  faict,  duels  et  assemblées  d'amis,  pour  diffé- 
rends adveneus  à  cause  des  presens  troubles,  soit  pour 
prises  de  personnes,  maisons,  bestail,  et  aultres  occa- 
sions quelconques ,  pendant  que  ladicte  trefve  durera. 
S'assembleront  les  gouverneurs  et  lieutenans  gene- 
raulx  des  deux  partis,  en  chacune  province,  inconti- 
nent après  la  publication  du  présent  traicté,  ou  dépu- 
teront commissaires  de  leurs  pays,  pour  ad  viser  à  ce 
qui  sera  nécessaire  pour  l'exécution  d'icelle,  au  bien 
et  soulagement  qui  seront  soubs  leurs  charges;  et  où 
il  seroit  jugé  entre  culx  utile  et  nécessaire  d'y  adjouster, 
corriger  ou  diminuer  quelque  chose  pour  le  bien  par- 
ticulier de  la  province,  en  advertiront  leurs  chefs  pour 
y  estre  preveu. 

Les  presens  articles  sont  accordés,  sans  entendre 
prejudicier  aulx  accords  et  reglemens  particuliers  faicis 
entre  les  gouverneurs  et  lieutenans  generaulx  des  pro- 
vinces, qui  ont  esté  confirmés  et  approuves  par  les 
chefs  des  deux  partis. 

Aulcunes  aultres  prises  ne  pourront  estre  faictes  du- 
rant la  présente  trefve,  par  l'ung  ou  Taultre  parti,  sur 
les  pays,  biens  et  subjects  des  princes  et  estais  qui  les 
ont  assistés,  comme,  en  cas  semblable,  lesdicts  prince^ 

MÉ.1T.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  TofllE  Y-  ^I 


482  ARTICLES  rOL'R  LA.  TREFVE  GENERALE, 
et  estais  ne  pourront,  de  leur  costé,  rien  entreprendre 
sur  ce  royaulme  et  pays  estant  en  la  portion  de  la  cou- 
ronne. Ains  lesdicts  princes  retourneront  hors  d'icelles 
incontinent  après  l'exécution  du  présent  traicté.  Leurs 
frères  qui  sont  à  la  campagne  n'en  feront  poinct  ren- 
trer durant  ledict  temps;  et  pour  le  regard  de  celles 
qui  sont  en  Brelaigne,  seront  renvoyées  ou  séparées  et 
mises  en  garnison ,  dans  lieux  et  places  qui  ne  puissent 
apporter  aulcung  juste  soupçon  ;  et  quant  aulx  aultres 
provinces  et  places,  où  sont  des  estrangers  en  gar- 
nison, le  nombre  de  mille  estrangers  estant  à  la  solde 
desdictes  provinces  ,  n'y  pourra  estre  augmenté  du- 
rant la  présente  trefve,  ce  que  les  chefs  des  deux  partis 
promettent  respectivement,  s'engagent  et  obligent  leur 
foi  et  honneur  :  ladicte  promesse  et  obligation  ne  s'esten- 
dra  à  M.  le  duc  de  Roannes.  Mais  s'il  veult  estre  com- 
pris au  présent  traiclé ,  envoyant  sa  déclaration  dans 
unsf  mois,  il  en  sera  lors  advisé  et  resoleu  au  bien 
commun  de  Tung  et  Taultre  parti. 

Des  ambassadeurs ,  agens  et  entremetteurs  des  princes 
estrangers  qui  ont  assisté  l'ung  et  l'aultre  parti,  ayant 
passeport  du  chef  du  parti  qui  l'ont  assisté,  s'en  pour- 
ront retirer  hbrement  en  toute  seureté,  sans  qu'il  leur 
soit  besoing  d'aultre  passeport  que  du  présent  traicté, 
à  la  charge  neantmoins  qu'ils  ne  pourront  entrer  es 
villes  et  places  fortes  du  parti  contraire,  sinon  avec  la 
permission  des  gouverneurs  d'icelles. 
•  Que,  d'une  part  et  d'aultre,  leur  seront  baillés  passe- 
ports pour  ceulx  qui  seront  respectivement  envoyés 
porter  ladicte  trefve  en  chacune  des  provinces  et  villes 
que  besoing  sera.  Faict  à  Sainct Denis,  le  2  juillet  i  59^. 


RELA.TION.  4^3 


CCIV.  —^  RELATION. 

Le  dimanche  4  juillet  1 5^3,  la  messe  diète  par 
M.  l'evesque  de  Digne,  et  la  prédication  par  M.  Teves- 
que  de  Vence ,  messieurs  sont  entrés  aulx  estats,  en- 
viron les  neuf  à  dix  heures  du  matin,  où  M,  de  Mayenne, 
MM.  les  princes  et  seigneurs  du  conseil  sont  veneus 
quelque  temps  après;  M.  le  duc  de  Feria  ,  le  sieur  dom 
Talles  Diego,  et  les  docteurs  avec  aulcung  de  leurs 
gens,  qui  sont  demeurés  à  l'entrée  de  la  porte;  icelle 
fermée,  M.  le  duc  de  Mayenne,  en  saluant  ledict  duc 
particulièrement  et  toute  la  compagnie,  a  dict  :  «Nous 
«  avons  faict  dresser  par  escrit  nos  responses  à  vostre 
«  exposition,  dont  nous  vous  pryons  vous  contenter  ; 
«  et,  de  ma  part ,  je  mettrai  peine  de  tout  mon  pouvoir 
«à  satisfaire  en  toute  chose  sa  majesté  catholique.:? 
Puis,  en  tirant  la  response  de  sa  poche,  l'a  montrée, 
et  demandé  audict  sieur  duc  s'il  lui  plaisoit  qu'elle  feust 
leue  haultement  à  la  compagnie,  qui,  l'a  pryé  de  le 
faire;  au  moyen  de  quoi  ledict  sieur  de  Mayenne  a 
baillé  ladicte  response  à  M.  l'abbé  Dorbet,  qui  l'a  leqe 
à  voix  intelligible,  après  laquelle  lecture  ledict  sieur 
Tassis  a  dict  que  ledict  sieur  de  Feria  v.erroit  et  consi- 
dereroit  ladicte  response,  pour  y  respondre  s'il  y 
éscheoit;  et  cependant  pryé  de  continuer  l'assemblée 
à  une  aultre  fois. 

Response  du  duc  de  Feria ,  traduicte  de  mot  a  mot 
de  respcdgnol. 

Messieurs,  nous  avons  veu  par  la  resppnlse  quefeités 
hier,  qu'estiés  resoleus  de  ne  faire  royaultë  à  présent; 


4H4  RËLA.TÎ-ON. 

c'estoit  l'uni({ue  remède  qu'on  avoit  estimé  ponr  cou- 
per guerre  au  danger  despendant  de  la  feintise  du 
prince  de  Bearn ,  et  pour  tirer  hors  de  ces  misères  ; 
cependant,  puisque  l'expédient  ne  vous  sembFe  à  pro- 
pos, nous  ne  sraurions  qu'y  faire,  et  demeurerons  très 
consolés  que  pour  le  moins  le  roy  nostre  maistre  vous 
ai  faict  toule  l'assistance  possible  ,  ensemble  offert  tout 
ce  que  aulcuncmcnt  il  a  peu;  nous  vous  avons  aussi 
dict  que  sans  royaulté  présente,  on  ne  sçauroit,  de  la 
part  de  sa  majesté,  passer  oultre,  avec  le  secours  du- 
quel il  a  accoutumé  vous  aider  jusqu'ici ,  veu  que,  sans 
Avenir  à  ce  premier  chef,  ce  n'est  que  jetter  en  l'eau  les 
travaulx  et  la  déspense  que  l'on  n'a  que  trop  faicte  par 
le  passé.  Toutesfois,  afin  que  le  monde  cognoisse  que 
faisons  encores  plus  de  ce  que  nous  pouvons  ,  et  nostre 
bonne  volonté,  à  l'endroict  de  ceste  cause  publique, 
soit  tant  plus  claire  et  manifeste  à  ung  chacung,  nous 
continuerons  à  vous  assister  du  mieulx  que  nous  pour- 
rons ,  ainsi  que  permettront  nos  affaires  propres,  jus- 
qu'à ce  que  sa'inajesté,  après  estre  jidverti  de  ce  qui 
se  passe,  rioïi^  ayt  faict' sçavoir  sa  volonté;  à  quoi  nolîi 
obligerés  tant  plus  si  -vovs  vous  résolves  de  faire  la 
trefve  avec  l'ennemi,  et  faictes  casser  Tarrest  donné 
ces  jours  passés  par  la  court  de  parlement  ;  à  quoi  iï 
semble  que  debv-iés  bien  tant  plus  volontiers,  veu  que 
le  premier  n'est  que  de  mettre  la  relligion  ail  droict 
chemin  de  la  mort,  et  Taultre  contredict  du  tout  à 
vostre  auctorité,  et  n'est  de  rien  correspondant  à  la 
sincérité  et  bonne  volonté  dont  avons  usé  en  vostre 
endroîct,  parmi  nos  desposilions  tendantes  à  faire  pour 
vous  tout  ce  qui  seroit  possible,  et  il  semble  que  l'on 
ayt  voulleu  priver  MM.  du  sang  de  Lorraine  de  lu 
grandeur  à  quoi  leur  mérite  les  pouvoit  porter. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc.  485 


CCV.  —  'V^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  Dumaurier. 

M.  Dumaurier,  je  distingue  entre  la  conférence  et 
l'assemblée;  l'une  pour  l'instruction  ou  pretendeue  con- 
version du  roy,  composée  d'evesques;  et  l'aultre  des 
principaulx  de  son  estât  tant  d'une  que  d'aultre  relli- 
gion  ,  mesmes  de  quelques  ministres  notables,  pour 
l'affermissement  d'un  g  repos  par  ung  reglemeni  cer- 
tain ,  selon  lequel  nous  avons  à  vivre  les  ungs  avec 
les  aultres;  si  je  comparois  en  celle  là,  je  prendrois  la 
poste  pour  estrc  spectateur  ridicule  de  ce  qui  s'y  pré- 
pare pour  triompher  de  la  vérité  et  de  ceulx  qui  en 
font  profession,  puisque  nous  sommes  jà  vaincus  et  jà 
rendeus;  puisque  aussi  que  sans  aultre  procès  nous 
passions  condamnation.  Pour  celle  ci  je  pense  que 
nous  nous  debvons  esvertuer  ;  venir  armés  de  conscience 
et  de  constance,  tandis  que  le  roy  retient  encores  son 
naturel;  tandis  aussi  que  la  guerre  avec  la  Ligue  tient 
encores  nos  ennemis  en  bride  et  facilite  nos  conditions  ; 
advisons  neantmoins  que  ceulx  desquels  la  violence  a 
peu  forcer  l'ame  du  roy,  n'ayent  nos  vies  à  leur  discré- 
tion; car  nos  Eglises,  après  tant  de  calamités,  ne  peu- 
vent plus  faire  de  petites  pertes;  et  de  ce  que  dessus  ,  je 
vous  prye  particulièrement  de  bien  advertir  de  ma 
part  M.  de  Bouillon,  et  plutost  envoyer  copie  de  la 
présente.  Si  je  sçais  quand  il  se  rendra  en  court,  j'y 
conformerai  mon  voyage,  quelque  pressé  qu'on  me  fasse 
d'ailleurs,  et  tiendrai  la  main  que  les  députés  des  aultres 
provinces  fassent  de  mesmes.   S'il  changeoit  d'advis  ^ 


486  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

je  penserois  avoir  subject  de  le  faire  aussi.  M.  le  comte 
de  Soissons  a  esté  quelques  jours  à  Bourgueil  ;  ses  gens 
ont  lasclié  des  propres,  et  de  bouche  et  par  lettres, 
comme  s'ils  eussent  eu  desseing  ici.  Ce  que  je  ne  veulx 
pas  croire.  Il  est  encores  vers  Chasteau  Renaud ,  où  il 
a  esté  visité  du  baron  de  La  Chastre,  et  ne  sçavons 
encores  ce  qui  en  esclatera.  Je  vous  envoyé  des  lettres 
pour  MM.  de  La  Fontaine  et  de  Buzenval,  que  je  vous 
prye  leur  faire  tenir  seurement.  Et  sur  ce ,  etc. 

Du  5  juillet  iSyS. 


CCVL —->^  LETTRE  DE  M.  DE  SERVIEZ 
A  M.  Duplessis. 

Monseigneur,  aujourd'hui,  sur  les  onze  heures,  ung 
lacquais  du  rov  a  apporté  les  articles  de  la  trefve  au 
maire  de  la  ville ,  et  une  lettre  de  sa  majesté  à  la  court , 
pour  la  faire  publier  ;  ce  qui  se  fera  ici  lundi  prochain. 
J'en  ai  retiré  la  copie  que  je  vous  envoyé.  Elle  meri- 
toit  certes  le  porteur  et  non  ung  herault  d'armes, 
parce  qu'elle  est  plus  honteuse  que  la  paix  d'Arras  ne 
feut  au  roy  Charles  VU  ;  et  neantinoifls  aussi  desadvan- 
tageuse  pour  sa  majesté  que  l'aultre  estoit  à  fin  utile. 
Ceulx  qui  ont  désiré  la  messe  du  roy,  et  l'ont  estimée 
la  restauration  de  Testât,  prétendent  hault  et  clair  que 
par  icelle  le  fruict  de  cesle  messe  a  esté  contre  nous. 
La  suite  est  que  M.  de  Lyon  et  le  grand  escuyer  sont 
à  Rome  pour  le  roy.  Les  grands  negotiateurs  pensent 
avoir  éternisé  leurs  noms  pour  avoir  mis  à  chef  leur 
entreprise.  Vous  en  verres  la  suite  par  la  copie  aussi 
des  lettres  que  je  vous  envoyé.  Ceste  saincte  et  hauîte 


LETTRE  DE  M.  DE  SERVIEZ,  etc.  487 

sagesse  clict  que  la  reunion  des  peuples  en  despend  ,  et 
que  par  les  articles  secrets  Testranger  doiht  vuider  de 
Paris,  moyennant  six  cens  mnids  de  bled,  trois  cens 
muids  de  vin  qui  y  doibvent  entrer  sans  payer  aulcune 
taxe.  199.  5i5.  222.  69.  1917-  9i4-  O'O.  1220.  814. 
717.  121 1.  2022.  1019.922.  109.  181 4-  1722.  129. 
O  tempora  !  o  mores  !  Geste  soubmission  sera  fascheuse, 
car  elle  portera  condamnation  de  to'.is  ceulx  qui  ont 
suivi  le  parti  du  roy,  qui  seront  appelles  hérétiques 
ou  déserteurs  de  leur  relligion.  M.  Foroet  me  monstra 
hier  une  lettre  que  M.  le  premier  président  lui  escri- 
voit,  du  17,  en  ces  mots  :  Pour  la  trefve^  je  ne  sçais 
que  vous  en  escrire,  pour  ce  que  le  roy  la  désire  à 
quelque  prix  que  ce  soit,  et  la  tient  on  pour  faicte 
sur  ce  desir.  D'ailleurs  je  y  considère  tant  de  difticul- 
tés  que  je  ne  pense  pas  qu'on  le  puisse  et  doibve  con- 
cleure  par  l'effcct  de  la  pénitence  romaine  ,  par  laquelle 
le  roy  regneroit  à  la  volonté  des  chefs  de  contraire 
parti ,  et  seroit  contrainct  à  remuer  une  seconde  guerre, 
ou  à  se  despartir  des  alliances  des  peuples  qui  \e  main- 
tiennent. L'ennemi  espaignol  élèvera  ainsi  une  puissante 
armée.  Ainsi  on  pourra  reprocher  aulx  ambitieux  de 
faire  le  sacrifice  de  leur  honneur  aulx  circonstances, 
et  que  jamais  conseil  n'engage  à  l'honneur  de  son 
maistre  de  donner  le  certain  soubs  l'espérance  de  Tin- 
certain.  Encores,  monseigneur,  si  pendant  ces  trois 
mois  on  se  preparoit  à  une  forte  guerre  et  à  avoir  une 
bonne  armée  payée ,  des  deux  de  ceulx  qui  ont  désiré 
ceste  conversion  si  soubdaine,  peult  estre  que  plusieurs 
poussés  de  honte  et  de  telle  et  bonne  affection  comme 
j'en  cognois,  on  pourroit  leur  donner  la  moitié  de  la 
peur  ;  mais  je  crains  que  le  tort  demeure  du  costé  du 


488  LETTRE  DE  M.  DE  SERVIEZ,  et«. 

plus  foible,  si  le  traicté  se  concleud.  Comme  M.  de 
Lorraine  et  M.  de  Bouillon  doibvent  aller  en  court,  sera 
utile  et  advantageux  pour  faire  sçavoir  une  bonne  nou- 
velle en  Testât  de  mal  qu'on  est.  Car  la  conscience  des 
cœurs  est  hors  de  Tattainte  des  hommes  perdeus,  que 
le  roy  est  1014.  ai  5.  l'j.  Voilà,  monsieur,  ce  que  la 
condoléance  que  je  porte  au  public  ne  me  permet 
de   taire. 

Aujourd'hui  la  récusation  de  M,  Servin  a  esté  dis- 
putée sur  le  faict  de  relligion.  On  dict  que  le  droict 
public  ne  doibt  estre  altéré,  et  qu'il  fault  que  le  par- 
tage soit  jugé  au  conseil  d'estat  et  qu'on  attende. 
Jamais  chose  n'a  esté  tant  briguée. 

M.  de  Souvré  ne  partira  que  lundi  prochain  de  la 
court. 

J'ai  pour  fin  de  lettre  à  vous  dire  qu'on  crye  impu- 
demment par  deçà  contre  les  debtes  que  vous  avés 
faictes  à  Grimaudet.  On  recherche  les  con tracts  ung  à 
ung;  j'en  ai  rompeu  quattre  ou  cinq,  et  ferai  mieulx 
si  je  puis.  Mais,  ce  me  semble,  vous  debvés  adviser  à 
rompre  entre  Arnaud  et  M.  Tinnoy;  car  le  reste  sera 
peu  de  chose  :  ceulx  là  ne  pourront  donner  nulles  tra- 
verses au  service  du  roy,  auquel  je  ferai  tousjours 
comme  je  doibs.  Et  à  vous,  monseigneur ,  comme  vostre 
très  humble  et  plus  obéissant  et  fidèle  serviteur. 

J.  DE  Serviez. 
Ce  6  juillet  1  593  ,  à  la  haste. 


LETTRE  DE  M.  MOLAN ,  ete.  4^9 

ce VII. —-V- LETTRE  DE  M.  MOLAN 
A  M.  Dnplessis. 

Monsieur  ,  il  y  a  grande  apparence  que  Dieu  nous 
veult  chastier  dadvantage  ;  nous  en  voyons  de  grands 
préparatifs.  C'est  à  cause  des  péchés  dont  nous  regor- 
geons ,  et  particulièrement  pour  le  mespris  de  sa  pa- 
rolle,  laquelle  nous  avons  si  mal  praticquee,  que  les  dis- 
solutions et  superfluités  superabondent  au  milieu  de 
nous  ,  encores  que  les  verges  nous  pressent  de  telle 
sorte,  qu'il  semble  que  nos  dos  en  soient  tous  décou- 
pés. C'est  mauvais  signe,  quand  on  s'endurcit  soubs  le 
chastiment.  Toutesfois  j'espère  que  Dieu  nous  fera  mi- 
séricorde, maintiendra  son  Eglise,  et  parfera  son  œu- 
vre, et  possible  sans  le  ministère  des  hommes,  affin 
qu'ils  ne  s'en  attribuent  la  gloire  ;  mais  ce  sera  pour 
l'amour  de  soi  mesmes  seulement  et  de  son  Christ.  Il 
nous  est  noisible  pour  quelque  temps;  mais,  puis  après, 
il  nous  donnera  repos,  qu'aulcung  ne  nous  pourra 
oster.  C'est  lui  qui  est  assailli  en  son  Eglise  :  il  en  pren- 
dra la  deffense  contre  tous  ces  coups ,  assés  roides  à  la 
vérité  pour  faire  grande  playe,  s'ils  ne  sont  rabbatteus 
par  lui.  Je  crois  qu'à  l'assemblée  de  Nerac,  il  sera  ad- 
visé  à  ce  qu'on  pourra  faire  pour  ceste  province.  Je 
n'ai  eu  aulcung  moyen  d'y  assister  pour  ce  que  je  suis 
ici  en  une  pauvre  église  cliampestre,  qui  nepeult  soubs- 
tenir  le  fardeau  des  frais  à  cause  de  sa  pauvreté ,  d'au- 
tant qu'elle  est  mangée  jusques  aulx  os  par  les  passages 
ordinaires  de  la  gendarmerie,  et  assideues  incursions 
de  ceulx  de  Perigueux:  et  pour  mon  particulier,  com- 


490  LETTRE  DE  M.  MOLAN 

bien ,  monsieur,  que  je  voye  que  cest  affaire  est  très 
nécessaire,  si  n'y  puis  je  apporter  aultre  chose  que  les 
pryeres  que  je  ferai  à  Dieu  à  ce  subject;  car,  me  mesurant 
à  moi  mesmes,  je  seais  que  je  ne  suis  doué  de  ce  qui 
est  nécessaire  pour  monter  sur  ung  si  hault  théâtre, 
et  en  la  présence  de  tels  spectateurs.  Je  suis  d'ung  na- 
turel si  timide,  que  la  majesté  et  aspect  de  telles  per- 
sonnes m'offusqueroit  incontinent  la  voye.  Je  scais  la 
promesse  que  Dieu  faict  de  parler  lui  mesmes  en  tel 
cas.  Aussi  crois  je  qu'il  le  feroit  au  besoing  ;  mais,  n'es- 
tant reduict  à  ceste  nécessité,  et  y  ayant  tant  de  per- 
sonnes munies  de  grâces  propres  pour  tel  affaire,  je 
leur  donnerai  ma  voix  sans  recevoir  aulcunement  la 
leur.  Il  y  a  plus  ,  monsieur,  c'est  que  je  suis  tant  valé- 
tudinaire ,  que  je  traisne  avec  moi  ung  corps  quasi  tous- 
jours  languissant.  Le  temps  d'esté  m'apporte  bien  quel- 
que relasche;  mais  quelle  inlermission  de  maulx  peult 
avoir  celui  qui  est  subject  à  une  defluxion  universelle, 
et  telle  qu'aulcunes  fois  je  ne  remue  ni  pied  ni  main, 
et  me  fault  porter  la   viande  a   la  bouche,    et  avec 
cela  tant  tourmenté  de  la  goutte,  que,  si  je  fais  seule- 
ment voyage  de  deux  ou  trois  lieues  ,  je  demeure  après 
long  temps  au  lict  avec  une  douleur  extresme!  Je  vous 
discourre  mes  infirmités ,  lesquelles  vous  pourrés  dire 
que  vous  vous  passeriés  bien  de  sçavoir;  mais  c'est, 
monsieur ,  pour  vour  faire  cognoistre  qu'en  ce  faict  le 
voulloir  y  est  ;  mais  le  pouvoir  manque.  Je  loue  Dieu 
de  la  bonne  affection  qu'il  vous  a  donnée  ;  je  le  prye 
qu'il  la  vous  continue  et  augmente,  si  faire  se  peult. 
Je  m'asseure  que  ceulx   qui  seront   députés    de  ceste 
province  vous  y  seconderont  de  toute  leur  puissance, 
et  moi  vous  servirai  toute  ma  vie   en  ce  qu'il    vous 
plaira  me  commander ,  et  de  telle  affection  que  je  vous 


A  M.  DUPLESSIS.  491 

baise  bien  humblement  les  mains;  et  prye  Dieu,  mon- 
sieur ,  qu'il  vous  assiste  par  son  esprit ,  en  tout  ce  qui 
est  pour  le  bien  et  advancement  de  son  Eglise.  Vostre 
plus  humble  et  obéissant  serviteur ,  Molan. 

De  Sontras,  ce  12  juillet  i5y3. 


CCVIII.  —-î;^  LETTRE  DE  M.  BENAC 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  ne  sçais  quel  malheur  feust  le  mien, 
qu'on  ne  peut  rien  prendre  en  bonne  part  par  de  là 
de  mes  escrits ,  ni  de  mes  actions,  quand  nous  despes- 
chasmes  ung  homme  vers  sa  majesté  au  nom  du  conseil 
d'estat  de  Bear;  mais  il  s'en  reveint  sans  pouvoir  rien 
obtenir  pour  moi ,  bien  que  je  ne  demandasse  chose 
qui  ne  peust  m'estre  refusée  qu'avec  grande  desfaveur, 
si  m'asseure  je  qu'on  ne  me  peult  changer  à  la  vérité  , 
ni  en  mes  intentions,  ni  en  mes  deporlemens  de  vie 
que  seit  contre  le  service  du  roy,  et  que  je  n'y  aie  ap- 
porté toute  la  fidélité  et  affection  qui  se  pouvoit  Si 
nous  ne  pouvons  faire  par  deçà  tout  ce  que  vouldrions, 
il  le  fault  jmputer  à  la  force  des  ennemis;  le  roy  l'a 
esprouvé  d'aultres  fois  y  estant.  Où  j'ai  remarqué  plus 
d'aigreur  contre  moi ,  c'est  en  me  descriant  ce  que  ma- 
dame m'avoit  promis  à  son  parlement  de  m'envoyer 
ung  mandement  de  sa  majesté  pour  ma  despense  pen- 
dant le  temps  que  je  demeurerai  en  Bear,  jusques  à 
l'installation  d'ung  lieutenant  gênerai ,  duquel  j'ai  faict 
la  charge  en  effect  huict  mois  entiers  soubs  le  nom  de 
chef  du  conseil  d'estat  ;  car  aultrement  je  n'y  voullois 
demeurer.  Je  feus  tiré  de  ma  maison  habitant  en  aultre 


492  LETTRE  DE  M.  BENAC 

pays,   et  sçaîs  combien  l'absence  m'a  porté  de  dom- 
mage, et  en  ma  terre  quand  le  marquis  de  Villars  est 
veneu  en  ce  pays  :  la  conséquence  que  vous  alleguiés 
pour  les  aultres  n'est  poinct  à  considérer  ;  car  la  plus- 
part  du  temps,  je  n'ai  esté  assisté  que  de  ceulx  de  robbe     â 
longue  qui  estoient  dans  leurs  maisons,  et  ne  deman- 
dent rien  ,  que  mon  frère ,  M.  de  Navaillies  et  M.  de 
Tours  qui  sont  en  leurs  maisons,  et  ont  tousjours  joui    1 
de  leurs  commodités,  et  n'ont  rien  perdeu  comme  moi.     1 
Tout  ce  que  je  désire  de  vous  est  que  ,  si  le  roy  y  a  es-     ' 
gard,  comme  de  nouveau  j'en  fais  instance,  que  vous 
voulliés  viser  la  despesche ,  et  avoir  en  recommanda-     I 
tion  les  vieulx  serviteurs  de  ceste  maison,  qui,  estant 
esloingnés  de  sa  majesté ,  ne  fault  pas  qu'ils  soient  du 
tout  mis  en  oubli ,  et  me  donnerés  occasion  de  conti- 
nuer l'affection  que  vous  ai  vouée ,  et  demeurer  tous- 
jours,  monsieur,  vostre  bien  affectionné  serviteur, 

Benac. 

De  Benac,  ce  19  juillet  iSgS. 


CCIX.  ^^  LETTRE  DE  M.  DUPONT 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  nous  vous  avons  n'agueres  escrit  sur 
aulcungs  poincts  importans  le  service  du  roy ,  nom- 
meement  pour  Taffîefvement  de  Bayl  près  Oleron ,  par 
Jacques ,  lacquais  de  madame  ;  lequel  vous  a  rendeu 
nostre  despesche ,  encores  qu'il  ait  eu  rencontre  par 
le  chemin,  comme  nous  avons  peu  recognoistre  par  la 
lettre  qu'il  vous  a  pieu  escrire  au  sieur  Dupont,  nostre 
président,  par  laquelle  nous  avons  aussi  veu  que  vous 


A  M.  DT^PLESSIS.  l\cy^ 

avies  agréable  la  minute  de  rexpedition  pour  ledict 
affiefvemont  qu'il  vous  avoit  envoyée  par  le  mesnie 
lacquais ,  qui  nous  a  baillé  occasion  ,  parce  que  le 
temps  de  procéder  aulx  affiefvemens  seroit  maintenant 
propre  et  désirant,  aussi  amortir  au  plustost  qu'il  nous 
sera  possible  la  rente  qui  se  faict  annuellement  à  ceulx 
de  ladicle  ville  d'Oleron  sur  le  domaine,  de  vous  des- 
pescher  ce  porteur  exprès ,  par  lequel  il  vous  plaira 
nous  envoyer  la  commission  de  sa  majesté  en  bonne 
et  deue  forme,  laquelle  nous  ne  fauldrons  incontinent 
mettre  à  efïect.  Sans  oublier  ce  qui  regarde  particu- 
lièrement vostre  indemnité ,  soit  à  la  descbarge  des 
cens  livres  de  rente ,  tant  pour  le  passé  que  pour  l'ad- 
venir,  soit  au  remboursement  des  frais  et  mises  pour  la 
construction  des  verreries,  si  vous  vous  estes  une  fois 
desparti  du  premier  contract,  et  remis  vostre  droict 
entre  les  mains  de  sa  majesté.  Nous  avons  aussi  eu 
une  nouvelle  occasion  de  faire  ceste  despesche  pour 
vous  advertir,  monsieur,  comme  le  sieur  de  Luc,  ti- 
tulaire de  l'abbaye  de  Luc  et  de  la  commanderie  de 
Lespiaub,  qui  estoit  employé  sur  Testât  ecclésiastique, 
jouissoit  des  trois  parties  de  ses  bénéfices,  selon  le 
règlement  de  la  royne  Jeanne,  mère  de  sa  majesté,  est 
decedé  ces  jours  passés,  et  bien  que  par  les  mesmes 
reglemens  inviolablement  observés  ici ,  quelques  pro- 
visions que  plusieurs  ayent  sceu  obtenir,  au  contraire  le 
reveneu  desdicts  bénéfices  dont  il  estoit  pourveu  avant 
la  reformation ,  s'est  réuni  et  reincorpore  au  bien  de 
l'église  et  destiné  aulx  charges  ecclésiastiques,  sans 
pouvoir  estre  impelré  par  aulcung  ;  neantmoins  plu- 
sieurs importuns,  comme  nous  sommes  advertis,  ont 
faict  courir  vers  sa  majesté  pour  avoir  sa  despouille. 
A  quoi  nous  vous  supplions  voulloir  résister  par  vostre 


I 


494  LETTRE  DE  M.  DUPONT 

auctorlté,  ne  feust  ce  que  pour  aller  au  devant  par  cest 
exemple,  à  ceulx  qui,  soubs  prétexte  de  bruicts  qui 
courent,  se  donnent  espérance  de  pouvoir  ci  après 
obtenir  les  eveschés,  abbayes,  chanoinies  et  aultres  bé- 
néfices, d'où  en  suivroit,  sans  aulcung  doubte,  la  des- 
titution du  ministère,  ruyne  du  collège  et  aultres 
œuvres  pies,  avec  celle  de  la  garnison  de  N.lvarrieux, 
c'est  à  dire  en  peu  de  parolles  le  renversement  de  cest 
estât ,  oultre  la  diminution  du  domaine  qui  est  des-  i 
chargé  sur  ceste  nature  de  deniers  d'environ  cinquante 
mille  livres  par  an ,  comme  vous  pourrés  voir  sur 
Testât  dernier.  A  quoi  estant  asseurés  que  vous  aurés 
esgard,  ne  ferons  la  présente  plus  longue  que  pour 
pryer  le  Créateur,  monsieur,  vous  tenir  en  sa  saincte 
garde.  Vos  bien  affectionnés  et  obeissans  à  vous  faire 
service  ,  les  gens  tenans  la  chambre  des  comtes. 

Dupont. 

De  Pau,  le  22  juillet  iSgS. 


CCX.  -—  ^  LETTRE  DE  M.  DUPONT 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur,  lorsque  ce  porteur  m'a  rendeu  vostre 
dernière  lettre,  j'estois  sur  le  poinct  de  vous  envoyer, 
par  homme  exprès ,  les  contracts  de  et  Ver- 

rerier ,  ayant  entendeu  que  le  lacquais  de  madame 
avoit  esté  reteneu  à  Poictiers  ;  mais  puisqu'il  les  a  con- 
servés, j'attendrai  l'expédition  du  Bayl,  et  ne  fauldrai 
à  tenir  main  que  vos  cinq  cens  escus  soyent  prests  au 
plustost  qu'il  se  pourra,  quand  mesmes  il  me  les  faul- 
droit  faire  advancer  et  en  respondre  moi  mesmes ,  ' 
comme  je  vous  ai  n'agueres  escrit  par  la  voye  du  ca- 


A  M.  DUPLESSIS.  495 

pitaine  Laporte  de  Nerac,  désirant,  en  cela  et  toutes 
aultres  occasions  qu'il  vous  plaira  m'employer,  vous 
tesmoigner  mon  humble  affection  à  vous  servir;  mais 
il  y  aura  difficulté  de  les  faire  tenir  à  La  Rochelle,  si 
vous  n'employés  M.  du  qui  a  moyen  de  les 

prendre  ici,  et  de  les  délivrer  par  delà.  Vous  verres, 
au  reste ,  l'occasion  pour  laquelle  ce  porteur  a  esté 
despesché,  qui  est  ung  affaire  de  très  grande  impor- 
tance, et  auquel,  si  vous  ne  vous  monstres  difficile, 
je  prévois  la  ruyne  de  tous  les  biens  ecclésiastiques 
en  ce  pays,  et  par  conséquent  une  charge  insuppor- 
table au  domaine,  à  cause  de  la  garnison  des  Navar- 
rieux ,  et  des  gages  des  officiers  qui  ont  esté  rejettes  il 
y  a  long  temps  sur  ceste  nature  de  deniers.  La  pension 
de  ce  titulaire  reduicte,  montoit  par  an  bien  près  de 
quinze  cens  escus ,  qui  seroient  mieulx  employés,  s'il 
reste  toute  ceste  année ,  après  la  liquidation  du  compte, 
et  aultres  rabais,  et  l'acquit  des  gages  des  officiers  de 
Ja  maison,  que  non  pas  à  gratifier  quelques  importuns 
qui  en  poursuivent  le  roy  contre  les  reglemens  et 
usages  de  tous  temps  observés.  C'est  à  vous,  monsieur, 
de  prévenir  en  ce  subject  la  conséquence  d'ung  grand 
mal  pour  nostre  regard.  Je  ne  doubte  que  toutes  nos 
précautions  se  trouveront  enfin  inutiles,  parce  qu'avec 
ce  temps  misérable ,  plusieurs  se  licencient  de  prendre 
par  leurs  mains  sans  aulcung  ordre,  s'ils  ont  une  fois 
la  volonté  du  roy  en  bonne  forme.  Qui  me  faict  appré- 
hender des  extresmes  confusions  en  ce  petit  estât,  si 
de  bonne  heure  n'y  est  remédié,  comme  j'espère  vous 
faire  entendre  plus  particulièrement  dans  peu  de  jours, 
par  ung  homme  asscuré  ,  qui  partira  d'ici  bien  instruict 
de  toutes  choses.  Dupont. 

De  Pau  ,  ce  a4  juillet  lôgS. 


496  LETTRE  DE  M.  ROTAN,etk. 


GCXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  ROTAN 

^  M.  Duplessis. 

MoNSiFUR,  je  déplore  nostre  condition;  mais  encores 
plus  celle  du  prince  qui ,  se  rendant  plus  contemplible 
à  toul  le  monde,  se  va  précipiter  en  une  ruyne  toute 
certaine  pour  une  espérance  bien  incertaine.  O  que 
les  jugemens  de  Dieu  sont  admirables  !  Tout  noslre 
recours  doibt  estre  au  Seigneur  ,  qui  n'abandonnera 
jamais  son  Eglise.  Ubi  Jnimanum  déficit  siibsidiuni , 
ibi  dwinum  incipit  aiixilium.  Je  ne  fauldrai  de  vous 
faire  sçavoir  au  premier  jour  tout  ce  que  vous  re- 
querés  de  moi,  sinon  que  je  me  rendisse  dans  la  sep- 
maine  prochaine  auprès  de  vous,  M.  Pacard  estant  ici, 
et  désirant  que  nous  nous  acheminions  au  plustost 
pour  communiquer  avec  vous  à  loisir.  Rotan. 

De  La  Rochelle,  ce  24  juillet  lôgS. 


CCXII.  —^  LETTRE  DU  ROY 

Ail  parlement  de  Paris ,  séant  a  Tours. 

Nos  amés  et  feaulx.,  selon  la  promesse  que  nous 
fîsmes  à  nostre  avènement  à  ceste  couronne,  par  la 
mort  du  feu  roy  ,  nostre  1res  honoré  seigneur  et  frère , 
dernier  decedé  (  que  Dieu  absolve),  et  la  convocation 
par  nous  faicte  des  prélats  de  nostre  royaulme,  pour 
entendre  à  nostre  instruction  par  nous  tant  désirée  et 
tant  de  fois  interrompeue  par  les  arlifices  de  nos  en- 
nemis. Enfin ,  nous  avons  Dieu  merci ,  conféré  avec 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  497 

lesdicts  prélats  et  docteurs  assemblés  en  ceste  ville 
pour  cest  effect ,  des  poincts  sur  lesquels  nous  desirions 
estre  esclaircis.  Et  après  la  grâce  qu'il  a  pieu  à  Dieu 
nous  faire,  par  l'inspiration  de  son  Sainct  Esprit,  que 
nous  avons  recherché  par  tous  nos  vœux  et  de  tout 
nostre  cœur  pour  nostre  salut,  et  satisfaict  par  les 
preuves  qu'iceulx  prélats  et  docteurs  nous  ont  ren- 
deues,  par  les  escrits  des  apostres,  des  saincts  pères 
et  docteurs  receus  en  Eglise  :  recognoissant  Eglise 
catholique,  apostolique  et  romaine  estre  la  vraie  Eglise 
de  Dieu,  pleine  de  vérité,  et  laquelle  ne  peult  errer, 
nous  l'avons  embrassée,  et  nous  sommes  resoleu  d'y 
vivre  et  mourir;  et ,  pour  donner  commencement  à  ce 
bon  œuvre,  et  faire  cognoistre  que  nos  intentions  n'ont 
eu  jamais  d'aultre  but  que  d'estre  instruicts  sans  aul- 
€une  opiniastreté ,  est  d'estre  esclaircis  de  la  vérité  et 
de  la  vraie  relligion  pour  la  suivre,  nous  avons  esté 
ce  jourd'hui  à  la  messe,  et  joinct  et  uni  nos  pryeres 
avec  ladicte  Eglise,  après  les  cérémonies  nécessaires  et 
accoustumees  en  telles  choses,  resoleu  d'y  continuer 
le  reste  des  jours  qu'il  plaira  à  Dieu  nous  donner  en 
ce  monde ,  dont  nous  avons  bien  voulleu  vous  adver- 
tir,  pour  vous  resjouir  d'une  si  agréable  nouvelle,  et 
confondre  par  nos  actions  les  bruicts  que  nosdicts 
ennemis  ont  faict  courir  jusqu'à  ceste  heure,  que  la 
promesse  que  nous  en  avions  ci  devant  faicte  estoit 
seulement  pour  abuser  nos  bons  subjects,  et  les  en- 
tretenir d'une  vaine  espérance ,  sans  aulcune  volonté 
de  la  mettre  à  exécution  ;  vous  pryant  d'en  faire  grâces 
à  Dieu  par  processions  et  pryeres  publiques ,  afin  qu'il 
plaise  à  sa  divine  bonté  nous  confirmer  et  maintenir 
le  reste  de  nos  jours  en  une  si  bonne  et  saincte  reso- 
lution, et  nous  le  pryons  qu'il  vous  ait,  nos  amés  et 

MÉM.  UE  DtiPLESSIS-MoRSAY.  ToME  V,  ^2 


498  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

feaulx  ,  en  sa  saincte  et  digne  garde.  Escril  à  Sainct 

Denis  en  France,  le  dimanche  25  juillet  iSgS, 

Signé  Heivuy.  Et  plus  bas ,  RuzÉ. 


CCXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VALENCEY     ^ 

A  madame  cC Angoidesme. 

Madame,  je  satisfais  au  cominandement  que  m'avés 
faict  au  partir.  Je  vous  envoyé  ce  lacquais  en  diligence 
pour  vous  donner  advis  comme  j'ai  veu  le  roy  à  la 
messe ,  avec  autant  de  dévotion  qu'il  se  peult ,  et  presta 
le  serment  entre  les  mains  de  MM.  du  clergé,  aupa- 
ravant la  célébration  d'icelle ,  à  la  porte  de  Teglise. 
Ores,  j'ai  veu  tant  de  resjouissance  et  allégresse,  que, 
par  ma  foi,  j'en  ai  pleuré  de  joie,  ce  qui  ne  ni'estoit 
arrivé  depuis  la  mort  de  mon  père.  Ores,  madame  , 
cela  est  vrai,  et  n'en  fault  plus  doubter.  Hier,  par  la 
permission  de  sa  majesté,  je  feus  à  Paris,  où  je  les  ^ 
trouvai  les  ungs  bien  estonnés,  les  aultres  marris,  et 
quelques  particuliers  sont  aises.  Si  je  parviens  à  ce 
que  je  désire,  ce  sera  de  vous  tesmoigner,  madame, 
combien  je  suis  vostre  très  humble  et  très  obéissant 
serviteur  ,  de  Valencey. 

Du  25  juillet  iSgS.  | 


CCXIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

A  M.  Duplessis. 

MoNSEiCxNEUR,  depuis  le  partement  de  la  dernière 
patache ,  lettres  sont  veneues  de  plusieurs  endroicts ,  que 
le  duc  de  Guise  a  esté  eleu  roy  à  Paris ,  le  président , 


LETTRE  DE  M.  DUMAURIER,  etc.  499 

ie  maire  son  fils ,  et  trois  conseillers  de  leur  court  pen- 
(leiis;  aultrcs  disent  cinq  conseillers  :  si  cela  est,  ce  sont 
des  fruicts  et  effects  de  la  nouvelle  mesure.  Sitost  que 
j'en  aurai  plus  grande  lumière,  je  ne  fauldrai  de  vous 
en  donner  advis.  Monseigneur  de  Montpensier  est  fort 
mal  ;  aulcungs  tiennent  qu'il  est  mort,  après  avoir  parlé 
longuement  avec  madame  de  Retz ,  et  plusieurs  con- 
seillers de  la  court.  On  n'entend  rien  de  bon  en 
ceste  ville.  M.  de  La  Rochepot  y  arriva  hier  soir.  Il  s'en 
va  en  court;  je  crois  qu'aurës  entendeu  comme  le  ca- 
pitaine Paradis  est  dans  Montrichard,  qu'il  a  refusé 
l'entrée  du  chasteau  ,  et  celui  que  M.  de  Souvré  y  avoit 
envoyé.  Je  vous  baise  très  humblement  les  mains,  et 
prye  Dieu,  monseigneur,  vous  donner,  et  à  tous  les 
vostres,  très  heureuse  et  longue  vie.  Vostre  très  humble , 
très  obéissant,  et  très  fidèle  serviteur. 

De  Tours,  ce  28  juillet  i5g3. 


CCXV.  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 

ÂiL  rof. 

Sire  ,  en  attendant  que  vostre  majesté  pense  (  comme 
elle  le  doibt  pour  son  peuple)  à  quelque  mariage,  j'ai 
estimé  debvoir  haster  le  voyage  de  M.  Erard  vers 
vostre  majesté  ,  lequel  vous  en  a  moyenne  le  chemin 
si  plein,  que  j'espère  qu'il  ne  s'y  trouvera  aheurt  quel- 
conque, ni  pour  les  conditions  de  vostre  part,  que  je 
m'asseure  que  vostre  majesté  trouvera  raisonnables, 
veu  l'importance  de  la  chose ,  ni  pour  la  volonté  de  la 
personne,  qui  y  est  toute  resoleue,  comme  mesmes 
elle  m'a  escrit  en  termes  fort  exprès.  Le  poinct  est  qu'il 
la  fault   resouldre   promptement,    de  peur  que   cest 


5oo  LETTRE  DE  M.  DUI'LESSIS 

esprit,  agité  de  divers  objects ,  ne  se  divertisse,  et  le 
plustost  sera  le  plus  seur  pour  vostre  majesté,  Aultres 
y  eussent  peu  apporter  la  niesine  fidélité  que  M.  Erard, 
peu  l'industrie  et  la  suffisance,  et  nul  que  lui,  la 
créance  qui  y  estoit  requise;  et  certes,  sire,  il  mérite, 
que  vostre  majesté  le  recognoisse,  et  remarque  digne- 
ment pour  ce  bon  service.  Je  faisois  bien  estât  de  le 
mener  moi  mesmes,  mais  je  supplie  très  bumblement 
vostre  majesté  d'entendre  les  raisons  qui  me  retiennent; 
toutes  fondées  sur  vostre  seul  service,  nulle  sur  mon 
interest  particulier  ;  que  j'ai  tous] ours  postposé  à  vos 
comniandemens,  et  n'en  puis  avoir  meilleur  tesnioing 
que  vostre  majesté  mesmes.  Je  me  reserve  donc  pour 
vous  faire  en  la  saison  qui  s'approche  ung  très  bon  ser- 
vice ,  n'y  ayant  changement,  sire,  qui  me  puisse  alté- 
rer, ni  en  la  cognoissance ,  ni  en  la  pratique  de  mon 
debvoir  envers  vostre  majesté,  de  laquelle  aussi  je 
me  veulx  confier  en  Dieu  ,  que  l'eclipse  ne  sera  pas 
longue,  dont  je  le  supplie,  sire,  de  tout  mon  cœur, 
et  qu'il  vous  doint  heureuse  et  longue  vie. 

D<;  Saulmur,  ce  28  juillet  iSyS. 


CCXVl. —-V- LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M,  de  La  Burthe. 

Monsieur,  vous  m'obliges  fort  de  vos  nouvelles; 
j'ai  lettres  du  16  et  21  de  la  court;  ledict  traicté  con- 
tinue encores  :  iisdem  internunciis.  On  pressoit  le  roy 
d'excleure  ceulx  de  la  relligion  de  toutes  charges  et 
honneurs.  Nul  ne  s'y  opposoit.  J'aurois  à  vous  dire  ung 
aultre  monopole  là  dessus ,  oîi  les  deux  parties  s'en- 
tendent,  qui  a  esté  descouvert  par  sa  majesté,   de 


A  M.  DE  LA.  BURTHE.  5or 

rendre  tous  les  souvernemeris  héréditaires.  Ce  sera 
pour  le  faire  mourir  trois  jours  après.  Boisse  est  allé 
trouver  M.  le  Comte  de  la  part  de  Madame,  pour  avoir 
la  promesse  ;  sinon  ,  dénoncer  la  guerre  ;  et  M.  le  car- 
dinal s'y  en  va  lui  mesmes ,  qui  promet  au  roy  de  le  faire 
obéir.  M,  de  Nevers  a  donné  rendes  vous  aulx  eves- 
ques ,  qui  vont  avec  lui  en  Italie,  au  16  de  ce  mois.  Le 
roy  a  escrit  une  belle  lettre  au  pape,  pleine  de  toutes 
soubmissions.  La  baronne ,  pour  certain  ,  va  en  Es- 
paigne  voir  si  elle  est  belle.  Je  vous  prye  que  rien  ne  se 
divulgue  de  ce  que  je  vous  escris  en  chiffres.  Le  concile 
de  Mantes  est  publié  à  Nantes.  Moncontour  non  en- 
cores  pris,  et  M.  le  mareschal  tasche  de  le  secourir.  Je 
suis  bien  aise  que  vous  n'ayés  à  faire  à  Vendosme;  il 
m'ennuye  de  madame  de  Sourdis.  Conclues  avec  l'Amy , 
et  vous  advisés  de  toute  aultre  chose;  car  il  est  temps 
^  de  penser  à  soi.  Madame  vouldroit  bien  estre  ici,  ou  à 
Vendosme.  Je  n'cscris  poinct  encores  à  ces  messieurs 
pour  ma  pretendeue  Sainct  Barthélémy ,  parce  que  je 
veulx  voir  que  feront  nos  juges,  qui  toutesfois  vont 
fort  mollement  revenir  tost,  afin  de  faire  vostre  voyage 
à  La  Rochelle.  Je  salue,  monsieur,  etc. 

Du  2g  juilllet  iôg3. 


CCXVIL -—-V- REGLEMENT   , 

Que  monseigneur  le  duc  de  Majeiine^  lieutenant 
gênerai  de  V estât  et  couronne  de  France,  a  ordonné 
estre  observé  en  ceste  vUle  de  Paris  pendant  les 
levées  générales. 

Deffenses    sont  faictes    à  toutes  personnes,  tous 
bourgeois  et  habitans  de  ceste  ville  que  forains,  de 


5o2  REGLEMENT. 

quelque  qualité  et  parti  qu'ils  soient,  tle  tenir  aulcungs^ 
propos  scauilaleiix,  ni  au  dcsadvantage  de  l'union  des 
catholiques  et  advantage  du  parti  contraire ,  ni  user 
de  paroles  insolentes  qui  peussent  mouvoir  à  conten- 
tion ou  sédition,  soubs  peine  d'amende  arbitraire  et 
de  punition  corporelle  s'il  est  de  rechef. 

Sont  aussi  faictes  defTenses  à  toutes  personnes  du 
parti  contraire  d'entrer  en  ceste  ville  sans  permission 
ou  passeports,  à  peine  d'estre  reteneus  comme  prison- 
Jiiers  de  guerre;  sçavoir  et  les  gentilshommes  et  gens 
de  guerre,  ou  officiers  de  M.  le  gouverneur,  et  les  mar- 
chands et  habitans  des  villes  et  champs,  icelui  ou  des 
prevost  des  marchands  et  eschevins,  desquels  passe- 
ports il  sera  faict  registre  par  ceulx  qui  les  donneront , 
soubs  peine  de  nullité  d'iceulx. 

Ceulx  qui  entreront  en  ceste  ville  en  vertu  desdicts 
permissions  et  passeports,  seront  teneus  laisser  leurs 
arquebuses  et  pistolles  au  capitaine  de  la  porte,  qui 
ne  les  rendra  sinon  au  sortir,  ou  qu'il  y  eust  notable 
bourgeois  de  la  ville  qui  s'en  charge  ,  et  seront  iceulx 
forains  teneus  déclarer  leurs  noms  et  demourances,  et 
le  lieu  où  ils  iront  loger. 

Les  hostelliers  seront  teneus  porter  chaque  jour  à 
celui  des  eschevins,  ou  aultre  à  qui  sera  baillé  le  dé- 
partement du  quartier,  les  noms,  surnoms  et  qualités 
de  leurs  hostes ,  et  pareillement  si  les  bourgeois  qui 
retireront  en  leurs  maisons  aulcungs  de  leurs  amis  ou 
aultre  pour  y  loger,  seront  teneus  faire  le  semblable, 
soubs  peine  de  cinquante  livres  d'amende  pour  le  bour- 
geois, et  du  double  pour  l'hostellier  ;  en  oultre,  d'estre 
lesdicts forains,  des  quels  n'auront  esté  portés  les  noms, 
de  bonne  prise,  comme  prisonniers  de  guerre. 

Toutes  personnes    (jui    vouldront  entrer   en   ceste 


REGLEMENT.  5o3 

ville  en  vertu  desdicts  permissions  et  passeports,  s'ar- 
resteront  aulx  barrières,  esquelles  ils  seront  instruicts 
des  présentes  ordonnances,  et  seront  chariots,  char- 
rettes chargés,  recogneus  avant  que  passer  la  bar- 
rière, afin  d'obvier  aulx  surprises. 

La  veille  du  jour,  les  bastelliers  qui  viendront 
d'amont  ou  d'aval  la  rivière ,  seront  teneus  d'arrester 
en  garre  au  lieu  qui  sera  marqué  par  ung  poteau ,  et 
comme  marque  de  la  faire  sçavoir  à  ceulx  qui  com- 
mandent au  passage  de  la  rivière,  pour  envoyer  re- 
cognoistre  leurs  basteaux ,  et  ce,  soubs  peine  de  con- 
fiscation desdicts  basteaux  et  marchandises. 

Les  capitaines  qui  entreront  en  garde  aulx  portes , 
le  matin,  feront  faire  la  descouverture  es  environs 
avant  que  d'abattre  le  pont  levis  et  ouvrir  les  grandes 
portes ,  et  en  après  iront  en  personnes  ou  envoyeront 
ung  de  ceulx  qui  auront  commandement  en  la  com- 
pagnie, par  les  logis  et  hostelleries  des  faulxbourgs  , 
recognoistre  quelles  gens  il  y  aura  logés;  et  le  soir 
feront  le  semblable;  de  quoi  ils  donneront  advis  aulx 
sieurs  gouverneurs,  prevost  des  marchands  et  eschevins. 

Les  bourgeois  et  habitans  de  la  ville  qui  vouldront 
sortir  pour  leurs  affaires,  seront  teneus  en  advertir 
leurs  capitaines,  et  prendre  passeport  des  prevost  des 
marchands  et  eschevins,  lequel  contiendra  les  lieux 
où  ils  vouldront  aller,  et  de  laisser  personnes  pour 
aller  aulx  gardes,  et  satisfaire  aulx  charges  ordinaires, 
comme  les  aultres  bourgeois  ;  de  quoi  ils  apporteront 
certification  de  leurs  capitaines,  laquelle  sera  gardée 
au  greffe  de  la  ville,  leur  faisant  deffense  de  sortir 
sans  avoir  satisfaict  à  ce  que  dessus,  soubs  peine  de 
vingt  livres  d'amende  pour  la  première  fois  ;  du  double 
pour  la  seconde,  et  de  plus  grande  par  à  propos  s'iU 
y  retournent. 


5o4  REGLEMENT. 

Avons  enjoinct  à  tous  colonnels ,  capitaines  et  aullres 
ayant  commandement,  tenir  la  main  à  l'observation 
et  en  Tentretenement  du  présent  règlement,  soubs 
peine  d'amende  et  d'estre  dégradés  de  leurs  charges. 

Et  afin  que  aulcung  ne  puisse  prétendre  cause 
d'ignorance,  nous  avons  ordonné  que  ledict  règle- 
ment sera  leu  et  publié  au  son  de  trompe  ,  et  cri  pu- 
blic aulx  lieux  accoustumés,  et  mis  par  affiches  aux 
carrefours  et  portes  de  ceste  ville,  ensemble  en  des 
poteaux  qui  seront  apposés  au  devant  des  barrières , 
etaulxadveneues  de  la  limite  tant  dessoubs  que  dessus. 
Faict  à  Paris,  le  troisiesme  jour  d'aoust  i5q3. 

Signé  ^  Charles  de  Loraine.  Et  plus  bas,  Baudoins. 

Leu  et  publié  à  son  de  trompe,  le  quatriesrae  jour 
de  mars  suivant. 


CCXVIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  il  n'y  a  aulcune  particularité  digne  de 
vous  estre  escrite;  c'est  pourquoi  je  ne  vous  importu- 
nerai pas  d'une  longue  lettre.  J'ai  nouvelles  de  mon- 
seigneur de  Bouillon,  qu'il  est  sur  le  poinct  de  tascher 
à  faire  une  dernière  main  sur  M.  de  Lorraine,  avec 
lequel  le  roy  a  conveneu,  par  traicté  particulier,  pour 
pareille  trefve  que  la  générale ,  en  laquelle  mondict 
seigneur  est  compris.  M.  de  Bassompierre  avoit  charge 
de  traicter  et  l'a  signée  pour  M.  de  Lorraine.  Cela  me 
faict  croire  qu'elle  ne  sera  abusive  comme  la  première, 
et  que  mondict  seigneur,  soubdain  qu'elle  sera  publiée, 
viendra  trouver  sa  majesté.  De  quoi  estant  asseuré ,  je 


LETTRE  DE  M,  DUMALRIER,  etc.  5oj 

ne  fauHrois  de  vous  advertir,  plutost  par  homme  ex- 
près, s'il  en  est  besoing.  Au  surplus,  monsieur,  je  crains 
bien  que  ceste  trefve  ne  soit  cause  de  faire  retarder  vos 
ouvrages ,  qui  ne  debvroient ,  ce  me  semble ,  cesser 
pour  ung  petit  repos  qui  se  pourroit  bien  terminer  en 
une  longue  guerre   entre  nous. 

A  Sainct  Denis,  ce  4  aoust  iSgS. 


CCXIX.  —LETTRE  DU  ROY 

A  M.  DiiplessiSj  escrite  de  sa  propre  main. 

M.  Duplessis ,  je  vous  ai  par  tant  de  fois  escrit 
que  vous  me  veniés  trouver,  et  vous  n'en  avés  rien 
faict.  Je  ne  vous  le  veulx  plus  escrire  que  ceste  fois , 
pour  voir  si  J€  serai  obéi.  Venés  donc  incontinent  après 
avoir  donné  ordre  à  la  seureté  de  vostre  place  du- 
rant vostre  absence.  Vous  entendrés  de  mes  nou- 
velles par  Meninville,  que  vous  croirés  comme  moi 
niesmes.  Venés,  venés,  venés,  vous  ne  sejournerés 
gueres  ici.  Henry. 

A  Sainct  Denis,  ce  5  aoust  iSgS. 


CCXX.— LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Duplessis ,  escrite  de  sa  propre  main. 

M.  Duplessis,  je  trouve  fort  estrangc  ce  que  plu- 
sieurs ,  qui  vous  ont  veu  ,  m'ont  rapporté  de  vous . 
que  vous  vous  plaigniés  de  moi,  et  plus  de  vous 
que  de  nul  autre  ;  car,  oultre  que  je  ne  vous  en  ai  ja- 
mais donné  subject,  et  que  je  vous  ai  plus  aimé  qiir 


5oG  LETTRE  DU  ROY ,  etc. 

gentilhomme  de  mon  royaulme,  j'ai  tousjonrs  parlé 
avec  vous  si  librement,  que  si  vous  aviés  quelque  sub- 
ject  de  plaincte  vous  me  le  debviés  mander,  ou  venir 
dire  vous  mesmes,  sans  le  dire  à  aultrui.  Je  vous  ai 
escrit  p-lusieurs  fois  de  me  venir  trouver,  mais  en  vain; 
et  je  vois  bien  que  c'est  :  vous  aimés  plus  le  gênerai 
que  moi.  Si  serai  je  tousjours,  et  vostre  bon  maistre , 
et  vostre  roy.  Donnés  moi  ce  contentement ,  que  je 
vous  voye  ,  soit  en  poste  ou  aultrement ,  et  ne  cherchés 
plus  d'excuse  sur  cela  ;  car,  oultre  que  j'ai  à  vous  dire 
chose  que  je  ne  vous  puis  escrire ,  je  veulx  adviser  avec 
vous  à  mon  bien  de  Navarre.  Ma  sœur  se  plainct  de 
ce  qu'à  Saulmur  on  ne  prye  poinctDieu  pour  elle.  Man- 
dés moi  ce  qui  en  est  ;  car  je  ne  le  veulx  croire.  Hes- 
perien  vous  dira  comme  il  a  porté  à  Blois  la  déclara- 
tion nécessaire  pour  faire  assoupir  ce  qui  s'y  est  passé, 
ensemble  de  mes  nouvelles.  En  attendant  vostre  veneue, 
s'il  se  passe  par  delà  chose  qui  importe  mon  service, 
que  j'en  sois  promptement  adverti ,  et  par  le  retour 
dudict  Hesperien.  A  Dieu  ,  M.  Duplessis,  lequel  je  prye 
vous  avoir  en  sa  garde.  Henuy. 

A  Mouceaux,  ce  7  aoust  iSgS. 


CCXXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  BRUNEAU, 

Secrétaire  des  poudres,  a  M.  Duplessis. 

Monsieur,  il  y  a  deux  ou  trois  jours  que  je  vous  ai 
envoyé  deux  paquets  ,  l'iing  par  ung  voiturier  de  Cou- 
longes,  le  nommé  André  qui  s'en  alloit  droicl  en  vostre 
ville,  et  l'auUre  par  Mesnard,  messager  de  ceste  ville, 
par  lesquels  je  faisois  response  à  vos  lettres.  Depuis 


LETTRE  DE  M.  BRUN  EAU,  etc.  Bo'j 

j'en  ai  receu  d'aultresdu  premier  du  mois,  et  faict  tenir 
celles  à  M.  Rotan,  lequel  ayant  communiqué  ce  que 
vous  lui  mandiés  estre  arrivé  en  court  à  MM.  ses  con- 
frères, ils  ont  esté  tous  fort  estonnés,  et  jugé  nécessaire 
d'avoir  doresnavant  une  meilleure  correspondance,  et 
d'estre  d'une  grande  prévoyance  ,  sur  ce  que  ledict  sieur 
Rotan  leur  pourra  plus  particulièrement  escrire.  Quant 
aulx  dix  milliers  de  pouldres  fines  que  vous  désirés 
avoir,  j'ai  commencé  à  negotier  pour  icelles  avec  le 
sieur  Pierre  Guybert,  marchand  de  ceste  ville;  mais  il 
ne  veult,  pour  rien  du  monde,  entreprendre  de  les 
vous  rendre  à  Saulmur ,  ains  en  ceste  ville ,  à  raison  de 
vingt  deux  livres  le  cent  de  pouldre  fine  d'arquebuse, 
qu'il  fournira  en  barils ,  qui  contiennent ,  les  ungs  , 
douze,  six,  trois  livres,  fort  commodément  agrées, 
dedans  de  belles  et  grandes  tonnes  prestes  à  charger , 
pour  les  envoyer  par  la  première  occasion  qui  se  pré- 
sentera, ou  que  me  semble  que  pourroit  faire  M.  de  Vi- 
cose  en  s'en  retournant,  ou  envoyant  ici  quelqu'ung 
de  vostre  part  :  il  se  contentera  d'une  moitié  du  paye- 
ment comptant,  et  de  l'aultre  moitié  dans  trois  mois. 
J'estime  que  lui  escrivant,  il  la  vous  lairra  pour  21  li- 
vres. Pour  la  tirer ,  il  sera  besoing  aussi  qu'il  vous 
plaise  d'en  escrire,  tant  à  M.  le  maire  que  MM.  de 
ceste  ville,  en  quoi  je  ne  fauldrai  d'apporter  tout  le 
service  que  vous  saurés  désirer  de  moi,  monsieur, 
vostre  très  humble  et  plus  obéissant  serviteur. 

RRUNEA.U. 

La  Rochelle ,  le  7  aoxist  1 5cf'5. 


5o(S  lj:ttre  de  m.  duplessis 

CCXXII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Âii  roj. 

Sire  ,  j'ai  receu  I.i  trefve  qu'il  a  pieu  à  vostre  majesté  en- 
voyer ;  et  l'avois  jà  faict  publier  Tous  chemins,  pleins 
ou  montueux  qu'ils  soient,  me  semblent  bons,  pour- 
veu  qu'ils  vous  mènent  à  une  bonne  paix  ;  mais  ,  certes, 
j'ose  dire  à  vostre  majesté  qu'aultrement  ces  mots  , 
des  chefs  des  deux  partis ,  n'estoient  recevables ,  et  ai 
veu  le  temps  qu'on  ne  parloit  pas  ainsi.  Nous  l'obser- 
verons soig.ieusement  selon  le  commandement  de 
vostre  majesté.  Seulement  nous  avons  besoing  d'en- 
tendre sa  volonté  sur  ung  article,  qui  dit  que  les  tadles 
et  taillons  seront  levés ,  de  part  et  d'aultre^  selon  les 
commissions  qui  auront  esté  envoyées  des  le  com- 
mencement de  Vannée:  et  là  dessus ,  ceulx  de  Roche- 
fort  prétendent  lever  toute  ceste  élection  ,  soubs  ombre 
que  furtivement  ils  auront  faict  jetter  leurs  commissions 
par  les  villages.  Vostre  majesté  ne  prendra  de  mauvaise 
part  que  nous  les  empeschions  ;  car  il  seroit  trop  dur 
que  la  condition  de  vos  subjects  feust  pire  par  la  trefve 
que  parla  guerre,  estant  tout  certain  qu'à  trois  lieues 
d'ici,  voire  àquattre,  ils  n'ont  pas  paye  à  la  Ligue,  et 
à  ce  compte,  il  fauldroit  que  nos  faulxbourgs  leur 
payassent.  Je  me  prépare  pour  aller  trouver  vostre 
majesté,  en  intention,  sire,  de  lui  tesmoigner  déplus 
en  plus  que  je  suis  et  ne  puis  estre  aultre  que  vostre 
très  humble  et  très  obéissant  subject  et  serviteur. 
De  Saulmur ,  le  5  aoust  iSgS. 


A.  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  Sog 


CCXXIir.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

Monsieur,  vous  aurés  veu  la  trefve,  en  laquelle  on 
a  traicté  avec  moins  de  respect  pour  le  roy  converti , 
que  nous  ne  faisions  pour  le  roy  huguenot.  Geste  las- 
cliesté  en  produira  d'aultres.  Il  est  certain  qu'en  le  fai- 
sant abjurer,  on  lui  proposera  de  jurer  la  guerre  aulx 
huguenots,  qu'il  refusa.  C'est  une  grande  hardiesse 
d'avoir  osé  requérir  cela  de  lui,  n'estant  encores  que 
sur  le  sueil  de  leur  porte.  M.  Le  Grand,  ainsi  qu'on 
dict ,  va  à  Rome  de  la  part  de  sa  majesté,  M.  de  Lion 
pour  l'aultre  parti.  Ils  s'accorderont  entre  ci  et  le  mont 
Cenis  ;  car  ils  ont  mesme  but.  Si  le  pape  refuse  l'abso- 
lution ,  ce  sera  ung  schisme;  mais  il  ne  le  fera  pas, 
quand  on  lui  représentera  la  conqueste  d'ung  roy  de 
France,  et  l'honneur  que  ce  lui  est  à  son  pontificat.  Il 
l'acceptera  donc,  en  suppliant  par  son  auctorité  ce  qui 
default  à  l'absolution,  à  condition  de  faire  révoquer  au 
parlement  l'arrest  contre  la  bulle,  et  pour  pénitence 
lui  enjoindra  secrètement  la  guerre  contre  la  relligion. 
Reste  le  contentement  du  roy  d'Espaigne,  lequel  sera 
de  marier  sa  fille  au  roy ,  moyennant  quoi  les  deux: 
droicts  soient  confondeus,  et  pour  douaire  les  pré- 
puces des  pretendeus  Philistins.  Pensés,  monsieur,  à 
cela  ;  je  vous  vouldrois  voir  en  Guyenne  à  cest  au- 
tomne. Tous  nos  gens  sont  en  bonne  volonté ,  encores 
que  les  ungs  ont  besoing  d'esperon ,  les  aultres  de 
bride.  De  moi  qui  suis  à  la  teste,  et  sur  lequel  on 
bute,  je  tiens  ceste  règle,  tant  que  je  puis,  de  ne  me 


5io  LP:TTRr:  de  m.  duplessis 

changer  pour  tous  ces  changemens,  en  me  préparant 
neantmoins  à  tout  changement.  Prenés  ce  que  je  vous 
escris,  non  tant  pour  prophétie  que  pour  histoire.  Je 
vous  baise  très  humblement  les  mains,  etc. 

Du  lo  aoust  iSgS. 


CCXXIV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  Diimauner. 

Monsieur,  je  vous  prye  de  faire  tenir  les  miennes 
à  M.  de  Bouillon,  par  la  première  voye  seure.  Faictes 
moi  aussi  tousjours  part  de  vos  nouvelles.  Je  ne  double 
point  des  jalousies;  mais  il  fault  estre  pardessus.  Je 
désire  sçavoir  ce  que  M.  de  Bouillon  resouldra  pour 
m'y  conformer.  L'insolence  croist  d'ung  costé ,  et  la 
patience  eschappera  en  quelque  endroict  de  l'aultre. 
Ici ,  non  ;  ou  je  tiendrai  le  contrepoids  tant  que  je 
pourrai.  Je  salue  très  affectionneement ,  etc. 

Du  lo  aoust  lôgS. 


CCXXV. —^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Lomenie. 

Monsieur  ,  j'ai  receu  les  vostres  du  25  juillet  et  4 
aoust.  J'ai  desjà  commencé  à  pourveoir  à  MM.  les  mi- 
nistres, et  achèverai  aulx  Suisses  aussi,  pour  lesquels 
je  n'attends  que  personne  fondée  de  procuration  de 
madame  de  Sourdis,  qui  se  prevault  tant  qu'elle  peult 
de  nostre  nécessité.  De  Laige  aussi  pourvoyra  à  vog 


A  M.  DE  LOMENIE.  5l  r 

gages,  et  n'en  doublés  poinct;  car  vous  mérités  bien 
niieulx.  Quant  à  ce  que  m'escrivés,  je  plains  et  pleure 
au  fonds  de  mon  ame  la  géhenne  de  sa  majesté,  que 
certes  je  n  ignore  poinct ,  et  vous  prye  là  dessus  de 
lui  dire  que,  s'il  lui  prend  jamais  envie  de  sortir  de 
ceste  captivité  et  spirituelle  et  temporelle,  je  ne  puis 
croistre  de  fidélité  à  son  service  ;  mais  bien  y  doublerai 
je  de  courage,  pour  la  juste  douleur  que  j'en  ressens. 
Ils  ne  lui  donnent  poinct  la  paix  de  Testât,  et  lui  ostent 
la  paix  de  la  conscience.  Ils  ne  lui  reconcilient  poinct 
les  rebelles,  et  lui  refroidissent  ses  plus  fidèles.  Ils  ne 
lui  rendent  poinct  son  royaulme;  car  c'est  à  Dieu  et 
non  au  diable  à  le  donner,  et  lui  font  renoncer  autant 
qu'en  eulx  est  le  royaulme  des  cieulx.  Je  endure  de 
le  veoir  ainsi  servi  ;  ainsi  trompé  ^  ainsi  trahi ,  et  ne 
vois  homme  de  bien  ,  mesmes  entre  les  catholiques  de 
deçà,  qui  n'en  die  de  mesmes;  mais  la  resolution  doibt 
commencer  par  lui.  Nous  aultres  ne  pouvons  que 
suivre  après.  Mandés  moi  ce  que  sa  majesté  prétend 
de  ceste  assemblée.  Je  salue  humblement,  etc. 

Du  1 1  aoust  iSqS. 


CCXXVI.  —  'V^ LETTRE  DE  M.  SOMRAUGES 

A  M.  Diiplessis. 

MoNSFEDR,  vous  m'avés  faict  beaucoup  d'honneur 
de  vous  soubvenir  de  moi  par  la  veneue  de  M.  de 
Vicose ,  qui  m'a  rendeu  celle  qu'il  vous  a  pieu  m'es- 
crire  ,  et  sur  icelle  nous  avons  faict  beaucoup  de 
discours.  Je  finis  sur  ce  subject  qui  aujourd'hui  se 
présente ,  qui  est  le  plus  triste  que  je  sentis  jamais. 


5r2  LETTRE  DE  M.  SOMRAUGES 

Mon  ame  en  est  triste  jusques  à  la  mort.  Vous  sçavés, 
monsieur,  combien  j'estime  le  prince  plus  que  ma  vie  ; 
cela  me  redouble  mon  tourment,  ayant  tout  à  ung 
moment  voir  perdre  Tame  et  l'honneur  de  ce  grand 
prince,  si  Dieu  n'a  pitié  de  lui,  qui  me  faict  que  tous 
ceulx  qui  l'aiment  en  fassent  des  pryeres  ardentes  à 
ce  grand  Dieu,  et  que  vous  aultres,  messieurs,  qui 
avés  ce  bien  d'estre  près  de  lui,  lui  remantevoiés  les 
grands  biens  et  faveurs  qu'il  a  receus  de  l'amour  de 
Dieu.  Certes,  monsieur,  je  bénis  fort  le  jour  de  saul- 
ver  ce  G;rand  prince  hors  de  la  bergerie  du  pasteur 
(jui  l'avoit  si  heureusement  conduict ,  sans  qu'il  soit 
teneu  sous  sa  houlette.  Je  crains  que  Dieu ,  estant  irrité , 
ne  le  ruyne  de  la  ruyne  de  Israël  ;  mais  s'il  se  re- 
tourne à  lui,  il  y  a  miséricorde  au  Seigneur.  Ores, 
monsieur,  il  fault  que  tous  pressions  pour  chercher 
la  brebis  esgaree,  pour  la  remettre  à  ce  grand  et  bon 
bercail.  Certes,  monsieur,  c'est  à  ce  coup  qu'il  fault 
nous  évertuer  tous;  s'il  fault  mourir,  mourons;  louons 
Dieu  pour  le  moyen  ,  et  ne  nous  laissons  venir  à  ce 
cadet  de  Guise;  mais  nous  lui  ferons  sentir  à  nostre 
accoustume  que  nous  sçavons  pryer  nostre  Dieu  au 
orand  besoing.  C'est  celui  qui  abat  ce  grand  cèdre  tout 
à  plat.  C'est  à  Dieu  sur  qui  il  fault  nous  arrester. 
Plust  à  mon  Dieu  que  je  fusse  deux  heures  avec  vous!  1 
mais ,  puisque  ne  se  peult ,  M.  de  Vicose  vous  dira 
plus  que  je  ne  vous  en  sçaurois  discourir  dans  trois 
mains  de  papier;  et  surtout  il  vous  dira  que  je  ne  suis 
nullement  testant ,  mais  fort  vostre  serviteur.  Aimés 
moi  comme  vous  m'avés  juré;  ne  faictes  pas  comme 
M.  de  Vicose ,  qui  aime  mieulx.  M.  Dandon  que  moi. 
Je  suis  meilleur  homme  que  lui.  Si  vous  aultres  ne 
vous  gardés  les  espaules,  nous  viendrons  par  derrière. 


A  M.  DUPLESSIS.  5i3 

Vous  ne  gardés  que  Paris;  Bourdeaulx  vous  pouvoit 
eschapper,  et  croyés  le;  M.  de  Vicose  vous  en  dira  ce 
qu'il  en  cognoist  et  a  veu.  Ne  m'oublies  pas  comme 
vous  avés  faict  jusques  ici.  Mais  il  a  esté  d'une  obli- 
geance éternelle.  Vous  oubliés  le  meilleur  de  vos 
amis  et  le  plus  vostre  serviteur.  Somradges. 

Ce  II  aoust  i5y3. 


CCXXVII.  — -^  LETTRE  DE  M.  DE  BOUILLON 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  vous  aurés  veu,  par  mes  dernières, 
mon  advis  sur  le  voyage  de  la  court.  Il  est  maintenant 
question  de  penser  comment  le  trefve  se  finira,  soit  en 
paix  ou  en  guerre.  Que  ce  soit  des  deux,  nous  avons 
interest ,  comme  semble  que  nous  debvons  monstrer 
aulx  catholiques  que  le  changement  de  relligion  du 
roy  ne  nous  faict  pas  changer  d'obéissance.  J'ai  tant 
faict,  que  j'ai  faict  retirer  l'armée  de  M.  de  Lorraine, 
et  l'ai  faict  dissiper  et  séparer,  quoiqu'ils  feussent  aussi 
forts  que  moi.  J'ai  pris  divers  forts  cbasteaulx  qui  te- 
noient  bloquées  nos  places,  si  bien  qu'elles  seront  à 
ceste  heure  en  bon  estât,  sinon  que  par  la  trefve  de 
Lorraine  que  je  n'ai  pas  encores  receue,  l'on  me  deffend 
les  fortifications.  M.  de  Nevers  va  en  Italie,  et  suis 
asseuré  que  son  desseing  de  lui  est  de  nous  faire  tout 
tomber  sur  nous,  et  se  reunir  par  là.  Je  me  dispose 
de  me  trouver  à  la  court,  en  septembre,  environ  le  20. 
Je  ne  sçais  s'il  est  à  propos  que  les  églises  renvoyent 
des  députés,  que  premièrement  nous  n'ayons  rompeu 
la  glace.  Considérons  le  cahier  qu'ils  pourront  porter 

MÉM.  de  DuPiESSIS-MoKHAY.  ToME  V.  33 


5i4  LETTRE  DE  M.  DE  BOUILLON 

en  les  personnes  qui  pourront  estre  esclieues,  et  nous 
avons  besoing  de  nous  mesnager  avec  une  fermeté  pru- 
dente pour  obtenir  ce  qui  nous  est  nécessaire.  Ce  que 
je  crains  ne  se  trouver  en  ceste  multitude  de  nego- 
tiateurs  est  la  forme  que  nous  imprimerons  dans  l'es- 
prit du  roy  de  nostre  cbangement,  pour  lui  demeurer  à 
long  temps  imprimée  ;  vous  le  cognoissés  :  et  combien 
l'ombre  effaroucbe  quelques  fois  plus  que  le  corps. 
Jugés  selon  cela,  travaillés  ou  à  les  faire  arrester,  ou 
à  les  faire  demeurer.  Tout  le  monde  crie  après  M.  de 
La  Tremouille;  conseillés  le,  elle  tancés.  Pour  ce  qui 
est  du  dehors,  j'y  travaille.  Il  seroit  fort  important  que 
nous  monstrassions  aulx  estats  que  nous  nous  voulions 
joindre  d'affection  à  eulx.  Des  lettres  de  La  Rochelle 
qui  me  feussent  escrites,  profiteroient.  Il  leur  fault 
monstrer  de  l'union  et  de  la  vertu.  Je  vous  supplie  me 
faire  ce  plaisir.,  que  j'aye  bientost  de  vos  nouvelles. 

Henry  de  La  Tour. 
Au  camp  de  Monlfanay  ,  ce  12  aoust  i5g3. 


CCXXVIII.  — LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Diiplessis  y  escrite  de  sa  propice  main. 

M.  Duplessis,  je  vous  fais  ce  mot  à  tous  hazards, 
pour  vous  dire  que  ,  sans  attendre  les  députés  que  j'ai 
mandés,  vous  veniés  me  trouver  en  toute  diligence; 
car  j'ai  nécessairement  affaire  de  vous.  J'attends,  en 
peu  de  jours,  mon  cousin  le  duc  de  Bouillon,  que  j'ai 
mandé.  Nous  aviserons  ensemblement  à  plusieurs  clioses, 
que  j'ai  affaire  avant  que  lesdicts  députés  arrivent.  Mais 
venés  en  toute  diligence,  car  j'ai  besoing  de  vous.  Venés, 


AU  ROY.  5i5 

venés ,  venés.    A    Dieu,  lequel  je   prve   vous  avoir, 
M.  DuplessJs,  en  sa  garde.  Hkjnuy. 

A  Sainct  Denis,  ce  i5  aoust  i5g3. 


GCXXIX.  —  ^LETTRE  DE  M.  MALLET 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  j'ai  receu  par  ce  porteur  celle  qui  vous 
a  pieu  m'escrire  du  4  du  présent,  à  laquelle  et  à  toutes 
les  aultres  que  j'avois  auparavant  receues  pour  mesme 
affaire,  je  vous  ai  faict  ample  response  du  i8  du  passé 
par  le  Borgne,  messager  du  Bearn,  et  du  8  du  présent, 
par  l'ung  des  hommes  de  M.  de  Pujols;  c'est  qu'il  ne 
se  trouve  personne  par  deçà  qui  veuille  entendre  à 
l'achat  de  l'ancien  domaine  du  roy  et  de  madame,  res- 
pondant  en  la  chambre  des  comptes  de  Nerac,  si  la 
vente  ne  s'en  faict  par  sa  majesté  et  son  altesse,  con- 
joinctement  et  par  lettres  patentes  en  deue  et  valable 
forme  vérifiées  en  ceste  court  de  parlement,  MM.  du 
conseil  de  son  altesse  en  ladicte  court  m'ayant  déclaré 
qu'ils  s'opposeront  à  ladicte  vente,  soit  du  domaine 
non  encores  aliéné  ou  de  la  plus  valeue  de  celui  en- 
gagé auparavant  le  partage  provisionnel  de  son  altesse, 
si  l'aliénation  ne  s'en  faict  conjoinctement  et  par  lettres 
patentes  comme  j'ai  dict;  et  quant  aulx  terres  dans 
Auberoche  et  Nontron ,  je  vous  ai  escrit  qu'elles  sont 
du  domaine  de  la  vicomte  de  Limoges,  comme  vous  le 
trouvères  par  les  lettres  de  M.  de  Lardjnalye,  et  de 
M.  de  Charon,  thresorier  de  Perigord  ,  que  je  vous  ai 
envoyées  par  ma  dernière  despesche  baillée  à  l'homme 
de  M.  de  Pujols,  Quant  au  procès  de  Bruzac ,  MM.  de 


5l6  LETTRE  DE  M.   MALLET 

Martin  et  de  Matthieu  vous  en  escrivent  lestât  et  ce 
qu'il  y  fault  faire.  Je  yous  ai  aussi  escrit  que  les  assi- 
gnations de  madame ,  délivrées  sur  moi  l'année  der- 
nière et  présente,  ont  emporté  tous  les  deniers  de  ma 
charge  ,  sans  que  j'en  ;jye  rien  receu  ,  et  qu'encores  n'y 
en  a  il  pas  assés  pour  acquitter  leurs  assignations 
comme  vous  l'aurés  peu  vérifier  pour  les  estais  que 
MM.  de  la  chambre  des  comptes  de  Pau  vous  en  ont 
ci  devant  envoyés;  et  ainsi  n'ayant  rien  receu  ni  es- 
pérance de  recevoir  desdictes  deux  années,  à  cause 
des  assignations  de  son  altesse,  il  m'est  du  tout  impos- 
sible de  rien  fournir  pour  le  payement  des  gages  cou- 
chés en  l'estat  de  Navarre.  De  quoi  je  suis  bien  marri 
pour  le  gênerai  et  pour  mon  particulier,  n'ayant  pas 
touché  ung  seul  denier  de  mes  gages  depuis  l'an- 
née 15B9.  Et  si  n'ai  je  pas  laissé  pourtant  de  travailler 
beaucoup,  voire  plus  que  si  j'eusse  manié  les  deniers 
de  ma  charge  ;  car  alors  je  n'eusse  eu  qu'à  compter 
et  paver,  et  retirer  les  mandemens  et  quittances  des 
assignés;  et,  n'ayant  point  d'argent,  j'ai  esté  contrainct 
faire  response  à  toutes  leurs  lettres,  et  bien  souvent 
neuf  ou  dix  fois  à  chacune  pour  me  descharger  envers 
eulx;  et  encores  avec  tout  cela  je  n'ai  peu  les  con- 
tenter; et  ce  que  par  le  moyen  de  la  trefve  de  Lan- 
guedoc, madame  peult  jouir  du  reveneu  des  terres  de 
son  partage ,  et  que  les  assignations  peuvent  eslre 
d'autant  dimineuees;  cela  gist  en  cognoissance  de  cause 
et  vérification  des  deniers  de  clair  provenus  du  reve- 
neu de  sesdictes  terres,  pour  sçavoir  si  ce  qui  en  est 
proveneu ,  avec  cela  que  le  thresorier  de  sa  maison  a 
receu  de  ses  assignations,  monte  plus  que  ce  que  les- 
dictes  terres  lui  debvoient  revenir  chacung  an.  Ce  que 
je  ne  puis  faire  sans  niandenient  de  sa  majesté,  sinon 


A  M.  DUPIESSTS.  ^17 

que  de  moi  mesmes  je  ne  m'en  veuille  prendre  à  son 
altesse;  car  si,  sans  mandement  du  roy ,  je  révoque 
mes  assignations  délivrées  il  y  a  long  temps  sur  les 
thresoriers  particuliers  de  ma  charge,  c'est  contre  les 
mandemens  obteneus  par  son  altesse  qui  sont  à  payer 
par  préférence  à  tous  aultres  mandemens  precedens  et 
subsequens  ,  mettre  le  doigt  entre  l'enclume  et  le 
marteau.  Ce  que  je  vous  laisse  à  juger.  Je  vous  ai  dad- 
vantage  escrit  par  ma  dernière  despesche,  que  le  sieur 
Hargues,  marchand  orfèvre,  n'ayant  peu  estrc  payé 
des  quattre  cens  escus  dont  je  l'avois  assigne  sur  le 
thresorier  du  domaine  de  Bearn  ^  je  l'en  aurois  depuis 
assigné  sur  M.  Charon,  thresorier  de  l'ancien  domaine 
de  Perigord  et  Limosin  ;  mais ,  n'ayant  peu  estre  payé 
de  l'ung  ni  de  l'aultre,  comme  vous  le  verres  par  les 
actes  et  leurs  responses,  et  ne  le  pouvant  aussi  payer 
de  ma  part,  comme  je  vous  ai  dernièrement  escrit,  il 
s'en  va  contre  mon  advis  devers  vous  chercher  son 
payement;  et  s'il  ne  le  peult  avoir,  il  a  délibéré  de 
s'en  aller  plaindre  à  Madame,  laquelle,  à  mon  advis, 
debvoit  faire  payer  ceste  partie  des  deniers  de  son  as- 
signation par  le  thresorier  de  sa  maison  ,  attendea 
qu'il  reçoit  tous  les  deniers  de  ma  charge.  Mais  n'es- 
tant pas  assés  fort  pour  contester  cela  avec  son  altesse  , 
je  le  remets  à  vous  pour  soubstenir  mon  advis,  si 
vous  voyés  qu'il  se  doibve  faire.  Ce  porteur  m'a  dict 
qu'il  n'a  receu  argent  pour  fournir  à  sa  despense,  que 
de  Saulmur  jusques  ici,  et  que  lui  avés  promis  de  lui 
en  faire  bailler  ici  pour  son  retour.  Ce  que  j'ai  faict, 
encores  que  ne  m'en  ayés  rien  escrit,  lui  ayant  fourni 
trois  escus  sol,  à  la  charge  qu'il  ira  jusques  à  Ven- 
dosme  trouver  mon  commis,  pour  lui  bailler  quittance 
de  tout  ce  qu'il  aura  receu  pour  son  voyage ,  afin  d'en 


5 1  8  LETTRE  DE  M.  MALLET 

faire  despescher  ung  mandement.  J'ai  obmis  de  vous 
escrire  que  ceulx  qui  veullent  acheter  du  domaine 
désirent  que  tout  celui  qui  respond  en  la  chambre  des 
comptes  de  Nerac  soit  exposé  en  vente  sans  en  parti- 
culariser les  membres ,  afin  de  pouvoir  choisir  les  terres 
qui  leur  seront  plus  commodes,  et  qu'ils  désirent  aussi 
sçavoir  à  quel  prix  on  le  veult  vendre  à  perpétuité,  età 
quel  prix  ce  pacte  de  l'achat ,  et  disent  que  les  terres 
là  où  il  n'y  a  logis,  ni  bois,  teneues  en  tout  droict  de 
justice,  haulle ,  moyenne  et  basse,  ne  se  peuvent 
vendre  à  perpétuité  qu'au  denier  trente,  ou  quarante 
au  plus  hault,  et  les  aultres  teneues  à  mesme  droict  ne 
se  peuvent  vendre  à  faculté  de  rachat  qu'au  denier 
douze,  selon  la  valeur  des  baulx  à  fermes,  faicts  pour 
neuf  années,  faisant  des  neuf  une  commune.  C'est  tout 
l'advis  que  je  vous  puis  donner,  sur  lequel  il  vous 
plaira  me  donner  instruction  signée  de  vous  et  de 
M.  de  La  Burthe  ,  lorsque  vous  m'envoyrés  les  pro- 
visions nécessaires  pour  procéder  à  la  vente  dudict 
domaine,  attendant  lesquelles  je  prye  Dieu  vous  donner, 
monsieur,  en  très  bonne  santé,  très  longue  et  heu- 
reuse vie.  Vostre  très  humble  et  obéissant  serviteur. 

Mallet. 
De  Bourdeaulx  ,  le  i4  aoust  iôqS. 

La  nouvelle  de  la  cérémonie  du  i5  du  passé  a  ici 
beaucoup  resjoui  les  ungs  et  grandement  contrit  les 
aultres.  Mais  ceulx  qui  ne  s'appuyent  poinct  sur  le  bras 
de  la  chair  mettent  leur  espérance  en  Dieu;  lequel, 
pour  sa  gloire,  peult  tirer  le  bien  du  mal,  et  la  lu- 
mière des  ténèbres.  Je  ferai  tenir  à  la  première  com- 
modité, celles  que  vous  escrivés  à  MM.  de  Ramgnan 
et  Dupont  ;  et  s'ils  y  font   response ,  et   qu'ils   me 


A  M.  DUPLESSIS.  5 19 

l'adressent ,  je  vous  la  ferai  tenir  à  la  première  seure 
commodité. 


CCXXX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  Dumaurier. 

M.  Dumaurier ,  je  vous  prye  de  faire  tenir  les 
miennes  à  M.  de  Bouillon,  par  la  première  voye  seure; 
faictes  moi  aussi  tousjours  part  de  vos  nouvelles.  Je  ne 
double  poinct  des  jalousies ,  mais  il  fault  estre  par 
dessus.  Je  désire  sçavoir  ce  que  M.  de  Bouillon  re- 
souldra  pour  m'y  conformer.  L'insolence  croist  d'ung 
costé,  et  la  patience  eschappera  en  quelque  endroict 
de  l'aultre.  Ici ,  non ,  où  je  tiendrai  le  contre  poids  tant 
que  je  pourrai.  Je  salue  très  affectionneement,  etc. 

Du  16  aoust  iSgB. 


CCXXXL  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Nantes,  (i) 

Monsieur,  j'ai  receu  deux  des  vostres  de  mesme 
substance,  dont  je  vous  remercie  de  toute  mori  affec- 
tion ,  recognoissant  celle  dont  elles  partent  ;  et  pour 
response  ,  le  changement  adveneu  en  la  personne  de  sa 
majesté  ne  changera  rien  en  ma  fidélité  et  obéissance; 
car,  oultre  le  zèle  que  j'ai  tesmoigné  depuis  seize  ans 
à  son  service ,  je  suis  enseigné  de  Dieu ,  que  la  diffe- 

(1)  Philippe  du  Bec,  son  oncle,  depuis  archevesque  et  duc  de 
Rheims. 


520  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

rence  de  relligion  ne  nous  dispense  poinct  envers  nos 
roys.  Que  pleust  à  Dieu  que  tous  ses  subjects  en  ce 
royaulme  feussent  et  eussent  esté  aussi  resoleus  sur 
cest  article  !  Pour  ce  qui  est  de  mon  particulier,  je  me 
confie  aussi  que  sa  majesté  est  de  trop  vertueux  na- 
turel pour  changer  sa  bonne  volonté  envers  moi  ;  m'as- 
seurant,  au  contraire,  qu'elle  ne  lui  peult  que  croistre, 
mesmes  par  la  comparaison  de  ma  fidélité  à  la  des- 
loyaulté  ,  que  tous  les  jours  elle  esprouve  d'ailleurs. 
Non,  toutesfois,  monsieur,  que  j'ignore  la  nature  de 
la  court,  subjecte  à  oublier  assés  tost  ceulx  qui  s'en 
esloingnent;  mais  parce  que  je  n'ai  jamais  basti  ma  for- 
tune, puis  qu'ainsi  vous  l'appelles,  sur  la  fortune;  car 
j'eusse  suivi,  comme  plusieurs,  la  prospérité  et  non 
l'adversité,  soit  des  princes,  soit  des  affaires;  ains 
sur  l'espérance  que  j'ai  fondée  en  Dieu  ,  qui  ne  me 
peult  manquer;  sur  l'intégrité  aussi  de  mes  services, 
qui  laissent,  grâces  à  Dieu,  de  telles  marques  qu'on  ne 
les  peult  pas  tost  effacer.  J'adjousterai  encores  que  je 
me  promets  que  ce  ne  seront  pas  les  derniers,  me 
resolvant  pour  rafraischir  les  precedens  d'aller  bien 
tost  trouver  sa  majesté  selon  ses  commandemens;  et 
en  occasion  qu'elle  recognoistra  en  moi  ceste  mesme 
fidélité,  et  l'aura  autant  agréable  que  je  m'efforcerai 
de  la  rendre  utile  à  son  service.  Touchant ,  monsieur , 
ce  que  vous  m'escrivés  de  vos  affaires,  je  les  recom- 
manderai à  M.  Pageot ,  comme  aussi  j'ai  faict  tenir 
VQstre  paquet  à  Rennes.  Il  m'ennuye  seulement  que 
je  n'ai  plus  de  moyen  de  vous  soulager  en  vos  peines  ; 
desquelles  le  remède  despend  plus  de  la  faveur  du  lieu 
où  vous  estes ,  que  du  peu  de  crédit  que  je  trouve  or- 
dinairement en  semblables  affaires. 

Monsieur,  je  vous  baise  très  humblement  les  mains  ^ 


A  M.  DE  NANTES.  5^1 

et  supplie  le  Créateur  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 
Vostre  très  humble  et  très  obéissant  nepveu  à  jamais. 
De  Saulmur,  le  i5  aoust  lôgS. 


CCXXXIL  — -^  LETTRE  DE  M.  MERMET 
j4  m.  Duplessis. 

Monsieur,  combien  que  je  vous  ai  escrit  ci  devant 
par  ung  messager  de  ceste  ville,  qu'on  nomme  Lai- 
chalon ,  toutesfois  M.  de  Vicose ,  qui  me  porta  celle 
qu'il  vous  pleut  m'escrire  ,  m'ayant  faict  cest  hon- 
neur de  me  communiquer  son  partement ,  et  de  voul- 
loir  prendre  ce  mot  pour  le  vous  rendre  ;  j'ai  estimé 
mon  debvoir  m'obliger  en  vous  remerciant  humble- 
ment du  bien  qu'il  vous  a  pieu  me  faire,  me  donnant 
advis  de  ce  qui  vous  sembloit  estre  à  faire  sur  le  sub- 
ject  duquel  vous  m'escriviés  de  vous  advertir  de  la 
diligence  que  nous  avons  mise  en  l'exécution  de  vostre 
advis;  de  quoi  mondict  sieur  de  Vicose,  qui  a  esté 
présent  à  tout,  vous  pourra  plus  amplement  discourir. 
Pour  le  moins  il  ne  tiendra  à  nous  de  deçà  Garonne, 
que  MM.  de  Fabas,  de  Feydeau  et  Channeton,  députés 
de  ceste  province,  ne  fassent  le  voyage.  Nous  ne  sça- 
vons  si  ce  qu'on  faict  courir  avoir  esté  faict  le  iS 
juillet  par  sa  majesté,  donnera  quelque  empeschement 
à  ce  desseing  pour  crainte  de  perdre  le  temps  et  la 
peine,  chose  qui  a  estonné  beaucoup  de  personnes, 
et  ce  de  tant  plus  que  moins  on  s'y  attendoit.  Mais  il 
ne  fault  s'émerveiller  de  voir  l'homme  corrompeu  des 
le  ventre,  trébucher  en  des  lourdes  faultes,  puisque 
les  premiers,. qui  avoient  esté  crées  purs  sont  descheus 


52  2  LETTRE  DE  M.  MER  MET  ,  etc. 

de  leur  intégrité  par  l'induction  de  Satan,  qui  est  en- 
cores  le  mesme,  forgeant  des  fantosmes  de  craintes  et 
des  bouffées  d'espérance ,  pour  nous  traisner  où  il 
veult.  Mais  ce  grand  Dieu  veult  ainsi  nous  faire  retirer 
nostre  confiance  de  l'homme,  et  nous  faire  appuyer 
en  lui  seul;  ores,  d'autant  qu'en  mon  aultre  lettre 
j'ai  ung  peu  plus  copieusement  parlé  de  ce  faict,  je  ne 
\eulx  ici  de  redictes.  Seulement  je  vous  supplierai, 
monsieur,  et  aussi  madame  Duplessis,  font 

mes  bons  frères  et  chers  compaignons,  qu'il  vous  plaise 
nous  entretenir  tousjours  en  vostre  bonne  grâce  et  sou- 
venance ;  que  ceulx  qui  désirent  de  toute  leur  affec- 
tion d'avoir  moyen  de  vous  faire  très  humble  service, 
à  quoi  nous  nous  employerons  d'aussi  bon  cœur  que 
nous  pryons  Dieu. 

Ajvtoine  Mermet. 
DeNerac,  le  i8  aoust  lôgS. 


CCXXXIIL  — LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

Monsieur  ,  le  roy  me  presse  extresmement  de  l'aller 
trouver,  et  me  mande  qu'il  vous  attend.  Je  m'y  resouls; 
mais  je  vous  supplie  que  je  scache  vostre  partement, 
plustost  par  homme  exprès.  Nos  députés  debvoient 
estre  le  i5  à  Bourdeaulx  :  je  dis  de  Guyenne.  Ceulx  de 
Xaintonge,  Poictou,  Touraine,  Anjou,  Normandie  et 
Bretaigne  sont  prests ,  et  leurs  articles  dressés.  La  pro- 
vince du  Languedoc ,  priée  et  advertie ,  par  le  synode 
provincial  teneu  en  Xaintonge ,  de  convoquer  le  na- 
tional sur  la  rivière  de  Loire ,  ou  de  Dordogne ,  dans 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  ete.  52*3 

le  I"  octobre  ;  et  y  appelle  on  les  églises  estran- 
geres  d'Angleterre  et  celles  des  Pays  Bas.  C'est  pour 
renouer  la  communication.  Ce  qui  n'aura  esté  faict 
près  du  roy,  sera  remédié  par  ceste  assemblée.  M.  de 
Nevers  est  parti  pour  Rome.  On  espère  que  le  pape  ne 
s'opiniastrera  poinct.  Ou  ce  sera  ung  schisme  entre 
eulx,  ou  ung  monopole  contre  nous.  J'attends  cejour- 
d'hui  ici  La  Varenne  ;  il  prend  le  chemin  de  Bearn  ,  où 
je  ne  vois  affaire  qui  mérite.  Je  crois  qu'il  va  en  Es- 
paigne;  peult  estre,  pour  avoir  ung  saufconduict  pour 
M.  Le  Grand ,  qu'on  dict  y  debvoir  aller  ;  car  on  a 
proposé  le  mariage.  Jugés  où  cela  va.  Toutesfois,  le 
roy  proteste  tousjours  le  contraire,  et  n'en  veult  ouir 
parler.  Monsieur,  faictes  moi  tousjours  cest  honneur 
de  m'aimer.  Advisés  aussi  à  la  seureté  de  tant  de  gens 
de  bien  ,  qui  vont  en  court ,  qui  s'en  reposent  sur  vous. 
Nos  églises  n'ont  plus  besoing  de  grand  hiver.  Je  vous 
baise,  monsieur,  très  humblement  les  mains,  etc. 
De  Saulmur ,  ce  21  aoust  iSgB. 


CCXXXIV. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  MM.  des  estais  des  Pays  Bas, 

Messieurs,  pour  response  à  celles  quMl  vous  a  pieu 
m'escrire,  à  ce  que  je  vous  assistasse  vers  sa  majesté 
pour  obtenir  que  M.  de  l'Escale  (i)  vous  allast  trou- 
ver; je  vous  dirai  librement  que  l'honneur  que  je  vous 
porte  n'a  pas  esté  peu  combatteu  du  debvoir  naturel 
envers  ma  patrie,  voyant  attirer  par  honnestes  voyes 

(1)  Joseph  de  l'Escale,  fils  de  Jules  César  de  l'Escale. 


59.4  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

ailleurs,  ce  que  par  toutes  voyes  nous  debvions  retenir 
et  rechercher.  Je  n'ai  pas  esté  aussi  moins  honteux  pour 
nous  tous  de  voir  que  la  vertu ,  que  Dieu  avoit  faict 
naistre  en  ce  royaulnie ,  ait  esté  mieulx  cogneue  et  recog- 
neue  ailleurs.  Ce  que  je  veulx  imputer,  par  faveur,  à  nos 
guerres  plutost  qu'à  aultres  causes  moins  supportables  ; 
encores  certes  qu'au  milieu  des  vostrcs  vous  faictes 
faillir  le  proverbe,  appellans  de  si  loing  ce  personnage, 
par  la  bouche  duquel  parlent  toutes  les  Muses.  Mais 
enfin  je  me  suis  rcsoleu  de  me  rendre  à  vostre  désir  et 
intention,  tant  pour  le  service  que  je  vous  ai  voué 
de  long  temps,  comme  à  une  seconde  patrie,  qu'en 
haine  mesnies  de  nostre  ingratitude  ;  et  vous  adjouste- 
rai  seulement,  messieurs,  que  je  ne  puis  assés  louer 
vostre  niesnage,  d'avoir  sceu  choisir  entre  tous  ung 
personnage  tel  qui  seul  vous  peult  tenir  le  lieu  de  plu- 
sieurs, et  duquel  plusieurs  ,  quelques  bien  choisis  qu'ils 
soient ,  à  peine  pourront  emplir  la  place.  Messieurs ,  etc. 
De  Saulinur,  ce  22  aoust  lôgS. 


GCXXXV. —^  LETTRE  DE  M.  MALLET 

A  31.  Duplessis. 

Monsieur,  j'ai  receu  par  MM.  de  Mazelieres  et  de 
Lignerotte  celle  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  du  i3  du 
présent;  je  desirerois,  pour  satisfaire  à  l'intention  du 
roy,  vostre  recommandation;  et  à  leur  mérite,  avoir 
moyen  d'acquitter  leurs  assignations.  Je  vous  ai  escrit 
deux  aultres  fois  que  je  n'avois  rien  receu  des  deniers 
de  ma  charge  de  l'année  dernière  et  présente,  à  cause 
des  assignations  de  Madame.  Vous  l'avés  peu  vérifier 


LETTRE  DE  M.   MALLET,  etc.  BiB 

ninsi  par  les  estais  de  la  chambre  des  comptes  de  Pau , 
qui  vous  en  ont  esté  envoyés,  et  par  les  mandemens 
desdictes  assignations.  Si  les  assignés  que  vous  me  ren- 
voyés le  pouvoient  ainsi  croire,  je  ne  m'en  donnerois 
poinct  de  peine;  mais  ayans  leurs  mandemens  vérifiés 
par  vous  sans  aulcune  audition  ni  cognoissance  de 
cause,  ils  s'en  prennent  à  moi,  comme  si  je  retenois 
les  deniers  de  sa  majesté.  Vous  sçavés,  monsieur,  que 
là  oii  il  n'y  a  poinct  de  receptes,  il  n'y  peult  avoir  de 
despense,  et  que  de  rien  il  ne  se  peult  rien  faire;  et 
cependant  en  vous  deschargeant  vous  me  chargés,  sans 
en  mettre  la  faulte  sur  les  assignations  de  son  altesse. 
Je  vous  supplie  donc,  monsieur,  me  voulloir  excuser 
si  je  me  plains,  vous  asseurant  que  si  j'eusse  pensé 
debvoir  tomber  en  ceste  peine ,  j'eusse  volontiers  quitté 
la  continuation  de  Texercice  de  ma  charge  pour  ceste 
année  ,  diu-ant  laquelle  j'ai  plus  travaillé  sans  rien  ma- 
nier que  je  n'avois  faict  toutes  les  années  précédentes 
de  mon  exercice,  pour  n'avoir  peu  contenter  personne 
de  tous  les  assignés  sur  moi ,  comme  je  vous  ai  ci  de- 
vant escrit.  Si  M.  de  La  Porte  m'envoye  les  coffres  et 
pipes  que  m'escrivés,  je  les  recevrai  et  les  ferai  tenir 
à  La  Rochelle,  es  mains  de  M.  Bruneau  ,  le  plus  seurc- 
ment  que  je  pourrai,  et  en  payerai  la  voiture.  M.  de 
Lardynalye  m'a  escrit  celle  que  je  vous  envoyé.  Vous 
trouvères  par  icelle  (jue  nous  ne  pouvons  faire  aulcune 
vente  du  domaine,  soit  en  gros  ou  en  meneu,  que  la 
vente  ne  s'en  fasse  par  sa  majesté  et  son  altesse  con- 
joinctement,  comme  je  vous  ai  aussi  escrit;  vous  pour- 
voir donc,  s'il  vous  plaist,  d'en  recouvrer  les  pro- 
visions et  procurations  nécessaires  ,  pour  les  nous 
envoyer  au  plus  tost,  aultrement  nous  ne  pouvons 
rien  faire.  Et  me  semble,  soubs  voslre  meilleur  advis, 


5-26  LETTRE  DE  M.  MALLET,cic. 

qu'il  sera  bon  que  sa  majesté  et  son  altesse  en  escrivent 

audict  sieur    de   Lardynalye,  et  vous  aussi,  afin  d'y 

tenir  la  main,   et  m'y  estre  aidant,  en  attendant  les 

despesches  ou  ce  qu'il  vous  plaira  me   commander  là 

dessus. 

Je  vous  envoyé  le  double  d'une  lettre  que  l'on  faict 
courir  ici,  soubs  le  nom  de  M.  l'evesque  d'Amiens. 
Vous  trouvères  par  icelle  qu'il  y  en  a  qui  taschcnt  de 
mettre  ceulx  de  la  relligion  en  défiance  et  aulx  cliamps, 
afin  d'empescher  la  paix.  Dieu  veuille  empescher  l'ef- 
fect  de  leurs  maudictes  intentions!  MM.  les  députés  de 
Gascongne  et  de  ceste  province  doibvent  partir  dans 
le  20  du  prochain,  pour  aller  trouver  le  roy.  J'ai  en- 
voyé vos  lettres  à  M.  de  Melay.  S'il  y  faict  response,  et 
qu'il  me  l'addresse  ,  je  la  vous  ferai  tenir  à  la  première 
commodité.  Mallet. 

De  Bourdeaulx,  ce  27  aoust  i5g3. 


CCXXXVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

^  M.  Duplessîs. 

Monseigneur,  je  vous  escris  à  toute, heure,  dési- 
rant satisfaire  à  vostre  volonté;  et  pour  ce  desseing  je 
ne  vous  puis  dire  aultre  chose  que  j'ai  apprins  de  bon 
lieu  et  de  bonne  part  du  costé  de  Sainct  Denis ,  que  les 
choses  qui  arrestent  la  paix  sont  trois. 

La  première,  que  les  chefs  qui  doibvent  s'estre  em- 
barqués, en  cas  de  guerre,  par  commandement  et 
advis  du  pape  ,  qu'ils  ne  veuUent  aulcungs  passer 
pultre,  que  sa  saincteté  n'en  soit  advertie  et  soubs  son 
auctorité. 


LETTRE  DE  M.  DUMAURIER ,  eic.  ^27 

■        A  ces  fins ,  M.  Legrand  y  va  d  et  M.  de 

Lyon  du  costé  de  M.  de  Mayenne. 

La  seconde ,  qu'ils  demandent  et  requièrent  le  ma- 
riage de  madame  et  de  M.  de  Guise,  et  c'est  ung  des 
poincts  principaulx. 

La  troisiesme,  aultre  mariage  de  M.  de  Montpensier 
avec  mademoiselle  de  Guise. 

Plus  nng  troisième  qui  a  esté  proposé  de  la  part  de 
quelques  ungs,  le  mariage  de  l'infante  avec  sa  majesté; 
ce  qui  n'a  esté  fort  agréable  par  ceulx  du  parti  de 
Lorraine,  disans  que  si  sa  majesté  prenoit  ce  parti, 
ce  seroit  pour  leur  faire  la  loi  comme  faisant  le  plus 
grand  parti. 

De  tous  ces  poincts  et  questions  despend  la  conven- 
tion de  la  paix.  Romaina  escrit  ung  d'estat 
a  aussi  mandé  de  trefve.  Et  n'ayant  aultre  chose  à  vous 
dire  pour  le  présent,  je  vous  salue  et  vous  baise  hum- 
blement les  mains.                                   Dumaurier. 
A  Tours,  ce  .  .  aoust  iSgB. 

Monseigneur,  prenés  tousjours  garde  à  l'homme  et 
à  qui  est  avec  lui. 
I         J'ai  obmis  à  vous  dire  comme  mesdames  de  Nemours 
et  de  Guise  sont  à  Sainct  Denis,  qui  ont  proposé  les 
mariages. 


CCXXXVIL  —  LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Diiplessis ,  escrite  de  sa  main. 

M.  Duplessis,  je  suis  las   de  vous  escrire  tousjours 
,  une  mesme  chose.  Je  désire   infiniment  de  vous  voir, 
mesme  avant  la  veneue   des  députés  ,  qui  doibvent 


528  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

venir  avec  Yicose ,  et  que  j'ai  mandés  par  lui.  Venés  ; 
j'ai  tant  de  besoing  de  vostre  présence  que  je  ne  m'en 
puis  passer,  pour  des  raisons  que  je  ne  vous  puis 
escrire.  Venés  encores  ung  coup  ;  vostre  séjour  près  de 
moi  ne  sera  que  de  peu  de  jours.  Je  serai  bien  aise 
que  vous  ayés  donné  quelque  ordre  à  rendre  contens 
les  Suisses  ;  mais  que  cela  ne  vous  attasche  poinct  tant 
par  delà ,  que  vous  en  soyés  plus  long  temps  à  venir. 
A  Dieu,  lequel  je  prye  vous  avoir,  M.  Duplessis,  en 
sa  garde.  Henry. 

A  Melun,  ce  28  aoust  iSgS. 

Et  par  apostille  estait  escrit  :  Venés,  venés,  venés, 
si  vous  m'aimes. 


CCXXXVIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  Rotan. 

Monsieur,  je  vous  advise  que  par  lettres  que  j'ai 
de  la  court,  du  21  ,  il  est  tout  certain  que,  pour  par- 
venir à  la  paix,  on  presse  le  roy  d'exclure  ceulx  de 
la  relligion  de  toutes  charges  et  honneurs.  On  pro- 
pose aussi  aultres  articles  au  préjudice  de  nos  places; 
et  y  a  apparence  ,  si  nos  députés  n'y  interviennent 
bientost,  qu'on  l'emportera  de  violence,  à  cela,  ou 
à  pis.  Je  sçais  aultres  choses  que  je  n'ose  confier, 
et  c'est  pourquoi  j'ai  tant  désiré  que  vous  m'envoyiés 
quelqu'ung.  Vous  en  communiquerés,  s'il  vous  plaist, 

aulx  plus  confidens  de  nos  amis. 

Du  3o  aoust  iSgS. 


LETTRE  DE  M.  MERLIN,  etc.  629 

CCXXXIX. —^LETTRE  DE  M.MERLIN 
J  M.  Diiplessis. 

Monsieur,  nous  avons  tousjours  attendeu  depuis 
vos  dernières  que,  suivant  ce  qu'il  vous  avoit  pieu 
nous  promettre  par  icelles,  vous  nous  fériés  ce  bien 
de  nous  advertir  quand  il  seroit  temps  d'envoyer 
nostre  député  en  court,  lequel  nous  avons  tout  prest 
il  y  a  jà  quelques  sepmaines;  mais  voyans  que  nous 
n'avons  eu  aulcung  advis  de  vostre  part,  et  d'ailleurs 
craignant  de  défaillir  à  nostre  debvoir,  veu  que  le 
bruict  est  tout  commun  qu'il  se  doibt  faire  quelque 
assemblée  des  députés  des  Eglises,  pour  adviser  ce  qui 
sera  besoing  de  demander  à  sa  majesté  pour  le  bien  et 
establissement  d'icelles,  nous  avons  despesché  tout 
exprès  ce  porteur,  pour  vous  supplier  très  humble- 
ment qu'il  vous  plaise  nous  esclaircir  sur  ce  doubte 
et  nous  advertir,  s'il  vous  plaist,  de  ce  que  nous  avons 
à  faire  ;  car  d'envoyer  à  grands  frais  ung  député  en 
court,  sans  qu'il  en  feust  besoing,  ce  seroit  une  grande 
surcharge,  et  à  lui  et  à  nous.  D'aultre  part,  nous  se- 
rions marris  et  honteux  d'avoir  défailli  à  ung  debvoir 
nécessaire,  mesmemcnt  si  vous  le  juges  tel.  Vous  nous 
advertires  donc,  s'il  vous  plaist,  s'il  est  besoin^  de 
faire  le  voyaofe,  quand  il  fauldra  partir,  et  le  temps 
et  le  lieu  où  il  se  fauldra  trouver.  Velini  prœterea  ex 
te  s  cire  y  si  licet  j  quid  de  hoc  lapsii  tam  repentino 
sentias.  SU  ne  res  prorsus  deplorata  ;  equorsum  tan- 
dem evasura  putes  consilia  tam  maie  atqiie  infelici- 
ter  inila  ;  quod  remedium   hmc  malo  adhibendum, 

M  RM.  DE   DuPLESSIS'-MoRîfAY.  To3tE  V.  3/ 


5JO  LETTRE  DE  M.  MERLIN,  etc. 

censeas  ?  Plura  non  addam  ne  molestus  et  imporlu- 
nus  percunctator  videat.  J'espère  que  Dieu  tirera  la 
lumière  des  ténèbres,  et  qu'après  nous  avoir  humiliés 
il  nous  eslevera.  D.  Merlin. 

Ce  dernier  d'aoust  1693. 


CCXL.  — ^LETTRE  DE  M.  SERVIN 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  depuis  ma  dernière  que  je  vous  ai  escrite 
par  M.  de  Clermont,  j'ai  descouvert  de  quelle  façon 
la  requcste  que  je  vous  ai  envoyée  a  esté  présentée  ; 
et  après  que  nous  en  avons  conféré  ,  M.  de  La  Burthe 
et  moi  ensemblement ,  j'ai  veu  M.  le  premier  président 
et  lui  ai  faict  entendre  que  la  requeste  n'avoit  esté 
veue  par  aulcung  des  conseillers  de  la  court,  ni  rap- 
portée, mais  respondeue  par  ung  clerc  du  greffe, 
nommé  Poildreau  ,  nagueres  clerc  de  M.  de  Villeme- 
reau  ,  plus  par  surprise  que  par  malice.  Enfin  nous 
avons  resoleu  que  le  meilleur  estoit,  si  la  femme  du 
suppliant  me  poussoit,  que  je  persiste  en  ma  response, 
laquelle  je  lui  ai  faicte  le  matin ,  et  est  présumée  de  ce 
jour,  à  sçavoir  que  M.  l'advocat  Seguier,  mon  collègue, 
n'est  veneu  au  Palais,  et  que  je  ne  puis  expédier  s'il 
ne  vient,  d'autant  que  c'est  ung  faict  important ,  où  je 
ne  veulx  loucher  moi  seul.  On  m'a  dict  ce  soir  qu'il 
ne  veult  venir  au  Palais  d'ung  mois  entier,  suivant  ce 
que  lui  mesmes  me  dict  il  y  a  deux  jours.  Cela  estant, 
je  suis  en  liberté  jusques  à  ce  que  nous  ayons  de  vos 
nouvelles.  Ou  rexpos|nt  viendra  au  parquet  ou  non  ; 
s'il  vient,  nous  ne  sommes  prests  de  nous  accorder. 


LETTRE  DE  M.  SERVIN,  etc.  53  I 

encores  qu'il  veuille  s'esmouvoir  comme  son  naturel  v 
porte.  S'il  ne  vient  poinct,  je  puis  gaigner  du  temps,  et 
c'est  ce  qu'il  fault  en  tels  affaires.  J'ai  faict  entendre 
à  M.  le  premier  président  qu'il  falloit  pourvoir  à  ce 
qu'il  n'arrive  ung  nouveau  schisme,  et  Tai  trouvé  dis- 
posé à  ce  que  j'ai  désiré;  en  sorte  qu'il  m'a  dict  que,  si 
on  parle  plus  encores  de  ce  faict ,  il  pensoit  qu'il  estoit 
bon  d'en  conférer  avec  M.  le  président  de  Yillere,  qui 
est  de  laTournelle,  où,  selon  ce  que  nous  apprendrons 
de  vous ,  il  se  parlera  de  ce  faict.  Mais  intérim  nous 
donnerons  si  bon  ordre  que  nul  ne  remuera  rien  qui 
prejudicie  à  Testât,  et  où  quelqu'ung  le  vouldroit  nous 
l'empescherons  bien.  Cependant,  je  vous  supplie  con- 
tinuer tousjours  à  bien  veiller  et  pourvoir  que  nos 
ennemis  n'ayent  poinct  d'occasion  de  prise;  et  que,  s'il 
arrive  ung  schisme ,  la  cause  soit  réservée  sur  eulx.  Il 
vault  mieulx  les  rendre  demandeurs  que  nous.  J'espère 
que  Dieu  nous  fera  la  grâce  de  dissiper  les  mauvais 
conseils,  et  que,  de  vostre  costé,  vous  ferés  tousjours 
bien,  comme  je  m'asseure  que  ne  voulés  et  ne  pouvés 
aultrement,  aimant  trop  le  bien  et  le  repos  du  roy  et 
du  royaulme.  Vous  prendrés  en  bonne  part  que  je 
parle  à  vous  avec  toute  franchise;  et  si  mon  style  n'est 
si  poli  que  mon  ame  est  ronde  et  françoise ,  vous  le 
jugerés  comme  il  est  pur  et  d'ung  homme  qui  désire 
mieulx  faire  que  dire  en  paroles  délicates. 

Servi  N. 

De  Tours,  ce  2  septembre  au  soir  i.^qB. 


532  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CCXLI. —LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Haiiajy  premier  président. 

Monsieur,  je  pense  que  vous  aurés  sceu  comme  la 
veille  Sainct  Barthélémy  on  feit  doulcement  courir 
ung  bruict  entre  les  habitans  de  ceste  ville,  que  la 
nuict  je  debvois  faire  tuer  tous  les  catholiques.  Sur 
lequel  il  s'en  absenta  bon  nombre ,  tant  de  la  ville  que 
des  faulxbourgs;  mesmes  quelques  marchands  de  la 
Ligue,  veneus  de  Paris,  Orléans,  Nantes,  Poictiers, 
s'en  allans  d'effroi,  emportèrent  ceste  allarme  chacung 
en  son  quartier.  Je  n'en  feus  adverti  que  le  matin,  et 
au  commencement  le  mesprisai  ;  mais  voyant  que  cela 
avoit  passé  si  avant,  et  ne  pouvoit  tendre  qu'à  en- 
gendrer une  sédition  en  ceste  ville,  je  pryai  MM.  les 
officiers  du  roy  en  cestedicte  ville  d'en  informer,  et 
s'il  estoit  possible  pénétrer  jusques  à  la  source,  tant 
pour  le  service  de  sa  majesté  que  pour  l'importance 
dont  ceste  calomnie  m'estoit  :  et  néant  moins  parce  que 
je  feus  adverti  qu'ung  nommé  Renardière,  assés  re- 
nommé d'ailleurs  pour  ne  rien  valoir,  estoit  notoire- 
ment ung  des  principaulx  semeurs  de  ce  pernicieux 
bruict,  je  commandai  en  l'auctorité  de  ma  charge,  et 
pour  la  paix  de  la  ville,  au  sergent  major  de  se  saisir 
de  sa  personne,  et  le  mettre  en  seure  garde,  tandis 
qu'on  procedoit  à  l'information,  en  laquelle  il  se  trouve 
assés  suffisamment  chargé.  Je  vous  prye,  monsieur, 
de  considérer  là  dessus  ce  que  peult  et  doibt  ung  gou- 
verneur, qui  a  à  respondre  d'une  place,  en  matière  et 
péril  de  sédition  ;  remarquer  aussi  les  calomnies  ordi- 


A  M.  DE  HARLA.Y.  533 

iiaires,  aulxquclles  je  suis  subject,  qui  requièrent  quel- 
que chastiinent.  Comme  encores  une  nouvelle  depuis 
trois  jours,  qui  a  esté  portée  à  Tours,  dont  M.  de 
Sou  vrai  m'a  faict  c'est  honneur  de  m'advertir,  que 
j'avois  emprisonné  tous  les  catholiques  ,  soubs  ombre 
que  j'avois  deffendeu  de  laisser  passer  personne  pour 
ung  soir,  sur  ung  commandement  du  roy ,  que  j'avois 
receu  par  ung  courrier  exprès,  d'arrester  certaines 
personnes  qui  alloient  contre  son  service;  ses  lettres 
en  date  du  27  du  passé,  receues  le  3o,  par  Amberlin. 
Si  les  peuples  ont  à  gloser  sur  tout  ce  que  nous  fai- 
sons, il  n'y  aura  poinct  de  fin;  et  je  pense  que  vous 
sçavés  bien  à  quoi  vous  en  tenir  ailleurs.  Ores,  monsieur, 
on  procède  à  l'information;  et  cependant  j'ai  pryé  ung 
de  mes  amis  de  vous  faire  voir  ce  qui  en  est  faict. 
Mais  s'il  plaist  à  messieurs  de  la  court  en  prendre  la  cog- 
noissance,  je  m'en  sentirois  honoré;  m'asseurant  qu'en 
faisant  le  service  de  sa  majesté  et  la  justice,  ils  ne 
peuvent  qu'ils  ne  me  fassent  par  mesme  moyen  raison 
du  tort  qui  m'est  faict,  qui  m'est  à  la  vérité  fort  sen- 
sible, et  ne  souffriront  poinct  que  des  gens  de  néant, 
voués  de  long  temps  à  ung  gibet,  osent  si  téméraire- 
ment parler  de  personnes  de  ma  qualité,  et  tenans  lieu 
au  service  du  roy,  tel  que  j'ai  cest  honneur  d'y  tenir. 
Vous  excuserés  ceste  importunité,  monsieur,  et  pren- 
drés,  s'il  vous  plaist,  en  bonne  part  que  je  vous  en 
escrive  si  particulièrement.  Et  sur  ce ,  après  vous  avoir 
protesté  de  mon  affection  à  vostre  service,  je  vous 
baiserai  bien  humblement  les  mains,  et  supplierai  le 
Créateur,  monsieur,  vous  avoir  en  sa  saincte  garde. 
De  Saulmiir,  le  3  septembre  iSg'i. 


534  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

CCXLII.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  M.  Seivin. 

Monsieur  ,  j'ai  pryé  ci  devant  M.  de  La  Burthe  de 
vous  faire  entendre  la  meschante  calomnie  dont  on 
m'a  voulleu  souiller  ici.  Vous  pouvés  penser  si  elle 
m'est  sensible.  J'en  escris  maintenant  à  M.  le  premier 
président  ;  et  par  ce  mesme  moyen  vous  envoyé  copie 
de  l'information  ,  qui  m'a  esté  délivrée  close  et  scellée  ; 
laquelle  toutesfois  n'est  pas  achevée,  pour  le  grand 
nombre  de  tesmoings  qui  renvoyent  des  ungs  aulx  aid- 
Ires.  J'en  avois  mesprisé  plusieurs;  mais  celle  ci  m'a 
semblé  n'estre  à  négliger,  parce  qu'elle  tendoit  à  une 
manifeste  esmotion  ;  qui  a  aussi  esté  cause  qu'en  l'auc- 
torité  que  le  roy  m'a  donnée  ici,  j'ai  faict  saisir  Renar- 
dière ,  homme  de  long  temps  poursuivi  de  plusieurs 
crimes,  notoirement  convaincu  de  cestui  ci;  lequel  j'ai 
mis  en  seure  garde,  tandis  que  l'information  s'achève, 
parce  qu'il  est  factieux  et  turbulent.  Vous  scavés,  mon- 
sieur, trop  mieulx,  si  en  tel  cas  je  l'ai  peu  et  deu  faire; 
et  si  ces  premiers  mouvemens  ont  besoing  d'estre  re- 
primés. Ores, monsieur,  j'ai  pensé  estre  de  mon  debvoir 
de  vous  en  advertir,  sçachant  combien  vous  avés  en 
affection  le  service  du  roy,  la  paix  de  ses  subjects  et 
Ihonneur  de  ses  serviteurs. 

De  Saulmur,  le  3  septembre  i5g3. 


AU  ROY.  535 

CCXLIII. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Ali  roy. 

SiRK,  puisqu'il  plaist  à  vostre  majesté  s'en  informel-, 
vos  très  humbles  subjects  de  la  relligion  reformée 
dient  ;  Qu'ayans  cest  honneur  de  se  voir  pour  roy  ce- 
lui qu'ils  avoient  eu  l'honneur  d'avoir  pour  pcotec- 
teur;  et  en  auctorité  d'interiner  leurs  requestes,  celui 
qui  auroit  eu  le  zèle  au  milieu  de  tant  de  dangers  de 
les  présenter,  ils  pensoient  se  pouvoir  justement  pro- 
mettre qu'il  auroit  soing  de  les  tirer  de  peine ,  sans 
qu'ils  s'en  remuassent  beaucoup.  Et  pourtant  s'estoient 
resoleus  à  toute  patience,  pour  donner  loisir  à  vos 
affaires.  Au  contraire  auroient  à  se  plaindre  qu'au 
bout  de  quattre  années,  vostre  majesté  ne  leur  auroit 
seulement  osté  la  corde  du  col;  tant  s'en  fault  qu'elle 
ait  rien  faict  pour  leur  establissement;  demeurans  en  la 
plus  part  de  vos  parlemens  les  tyranniques  edicts  de 
la  Ligue,  faicts  pour  vostre  ruyne  et  pour  la  leur,  en 
pleine  vigueur  et  rigueur,  nonobstant  que  vostre  ma- 
jesté ait  deu  estre  assés  esmeue  à  se  soubvenir  d'eulx 
par  la  continuation  de  leurs  services,  dont  ils  ne  rem- 
portent aujourd'hui,  sinon  pour  lad  venir  une  très  juste 
crainte,  pour  le  passé  une  trop  juste  douleur. 

Dient  toutesfois  qu'ils  ne  demandoient  pas, parleurs 
requestes,  que  la  loi  de  Testât  feust  changée  à  leur 
profict,  ou  de  quelque  prince  estranger,  comme  ceulx 
de  la  Ligue;  aussi  peu  que  leur  prince  naturel  chan- 
geast  sa  relligion  à  leur  appétit ,  comme  les  catholiques 
romains  qui  suivent  vostre  majesté  ;  et  moins  encores  que 


536  LETTRE  DE  M.  DLTLESSIS 

l'estat  feust  deschiré  en  pièces  peur  contenter  l'ambi- 
lion  de  peu  de  gens,  aulx  despens  du  public,  et 
vostres,  comme  il  s'agit  aujourd'hui;  ains  seulement 
de  pouvoir  posséder  leurs  consciences  en  paix  ,  et 
leurs  \ies  en  seureté,  chacung  selon  la  condition  et 
qualité,  en  laquelle,  soubs  vostre  auctorité  ,  Dieu 
l'avoit  faict  naistre;  ce  qui  est  ung  droict  commun  à 
tous,  et  non  ung  privilège.  Resoleus  tousjours  d'obéir 
à  leur  prince,  tel  qu'il  plaist  à  Dieu  leur  donner,  sans 
excepfion  de  sa  relligion ,  et  de  deffendre  au  péril  de 
]eu\s  vies,  soubs  ses  commandemens,  les  sacrées  loix 
de  son  eslat. 

Et  se  plaignent  neantmoins  que  ces  si  justes  re- 
questes  à,  eulx  accordées  par  tant  d'edicts  des  roys 
prédécesseurs ,  et  par  vous  demandées  et  deffendeues 
avec  tant  de  zèle  et  de  vertu ,  n'ont  peu  estre  escou- 
tees  soubs  vostre  règne,  soubs  lequel  ils  auroient  deu 
mieulx  espérer,  et  soubs  lequel  certes  aussi,  sans  l'af- 
fection qu'ils  avoient  h  vostre  grandeur,  et  sans  le 
fondement  qu'ils  faisoient  de  vostre  bonne  volonté 
envers  eulx ,  ils  eussent  peu  justement  et  utilement 
practiquer  les  voyes  qu'ils  auroient  esté  contraincts  de 
tenir  soubs  les  roys  prédécesseurs.  Mais  que  n'eussent- 
ils  attendeu  et  espéré  de  celui  que  Dieu  avoit,  parla 
protection  de  son  Eglise,  amené  à  la  succession  de  ce 
royaulme?  Et  que  pouvoient  moins  obtenir  que  liberté 
et  vie,  ceulx  qui  espandoient  leur  sang  si  librement 
pour  vous  ? 

Maintenant  au  bout  de  leur  longue  patience ,  ils 
vovent  pour  tout,  que,  sans  leur  pourvoir  en  sorte 
quelconque,  vostre  majesté  a  changé  de  relligion  en 
ung  instant.  Le  vulgaire  dict  là  dessus  (car  il  ne  voit 
pas  plus  avant)  ,  si  c'est  de  franche  volonté,  qu'atten- 


AU  ROY.  537 

dons  nous  plus  de  son  affection  ?  Ou  ,  si  c'est  par  con- 
traincte,  attendons  en  encores  moins;  ou  n'attendons 
que  mal,  puisque  nostre  mal  est  en  puissance  d'aultrui; 
puisque  nostre  bien  n'est  plus  en  sa  puissance. 

Certes,  sire,  les  plus  advisés  estiment  qu'il  est  im- 
possible que  vostre  majesté  oublie  les  grâces  qu'elle 
a  receues  de  Dieu,  qui  l'a  tiré  par  voies  si  extraordi- 
naires du  fond  des  montagnes,  pour  l'amener  par  les 
armes  propres  de  ses  ennemis  à  cest  estât ,  et  aussi 
peu  les  services  qu'elle  a  tirés  de  ceulx  de  la  relligion 
en  ses  adversités  extresmes  ,  veu  que  les  deservices 
ordinaires  de  leurs  ennemis  les  lui  ramentoivent  assés. 
Croyent ,  au  contraire,  que,  si  une  fois  le  jour  vous 
vous  soubvenés  de  vous  mesmes ,  il  est  malaisé  que 
toute  l'année  vous  ne  vous  ressoubveniés  ,  et  de  vostre 
conscience  envers  Dieu ,  et  de  vostre  ancienne  affec- 
tion envers  vos  serviteurs.  Mais  tout  de  mesmes  ils 
discourent ,  sire  :  si  au  milieu  de  ses  prospérités  ,  il 
nous  a  mescogneus  ;  si  lorsque  Dieu  l'avoit  auctorisé 
de  si  belles  victoires,  il  n'a  teneu  compte  de  nous  re- 
mettre au  moins  en  liberté;  que  fera  il  maintenant, 
ou  que  ne  fera  il  après  ce  changement  ?  Où  trouvera  il 
assés  de  resolution  ,  en  tant  de  contradictions  pour 
nous  bien  faire  ?  Et  qui  nous  peult  garantir  que  qui  a 
eu  tfop  de  pouvoir  pour  ébranler  sa  conscience ,  n'en 
retienne  encores  assés  pour  contraindre  sa  volonté  , 
pour  abuser  de  sa  puissance?  A  cela  s'adjoustent  les 
propos  insolens  de  quelques  ungs  des  catholiques  ro- 
mains; se  rapportent  aussi  les  exemples  passés,  qui  ne 
reçoivent  aultre  response  solvable  pour  les  conforter 
aulcunement,  que  vostre  magnanimité,  vostre  con- 
stance. 

Esbranlees  jà  toutesfois,  en  ce  qui  estoit  de  Dieu, 


538  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

en  ce  qui  estoit  de  vostre  ame ,  et  pourtant  en  tire  on 
derechef  ceste  conclusion  :  Que  ne  fera  il  donc  au 
faict  d'aultrui?  et  pourquoi  sera  il  plus  constant,  plus 
courageux  pour  ses  sujets  ?  et  de  quoi  fera  il  plus  de 
difficulté,  s'il  ne  l'a  faicle  d'offenser  Dieu?  Pourquoi 
sera  il  plus  vertueux  pour  nous  qui  s'est  rendeu  soi 
mesmes  ?  Parce  certes  qu'il  y  a  bien  plus  de  la  pure 
relligion  à  l'idolastrie,  qu'il  ne  vous  reste*de  l'idolastrie 
à  la  persécution  ;  par  ce  aussi,  que  du  bien  au  mal  il  y 
a  ung  effort,  il  y  fault  quelque  sault;  d'ung  mal  à  ung 
aultre,  il  n'y  a  que  plein  pied;  on  y  va  si  doulce- 
ment ,  pour  énorme  qu'il  soit,  qu'on  ne  l'apperçoit 
poinct. 

Voyés,  sire,  par  quels  degrés  on  vous  a  mené  à 
la  messe.  On  vous  disoit  :  vous  désirés  la  reforma- 
tion; nous  sommes  pleins  d'abus  :  entrés  seulement 
dedans ,  vous  les  repurgerés.  Ores ,  premier  que  d'y  en- 
trer, on  vous  a  obligé  aulx  plus  grossiers,  aulx  moins 
tenables.  Ceulx  qui  sont  creus  d'ung  chacung  ne  croire 
pas  en  Dieu,  vous  ont  faict  jurer  les  images  et  les  re- 
liques, le  purgatoire  et  les  indulgences. 

On  vous  disoit  :  Sire ,  donnés  ce  contentement  à 
vostre  peuple;  vous  en  croirés  ce  que  vous  vouldrés. 
Tant  peu  de  messe  qu'il  vous  plaira,  pourveu  qu'il 
vous  y  voye;  ung  voile  entre  deux,  si  vous  voulés.  Ou 
est,  au  contraire,  la  rigueur  qu'on  n'y  ait  observée? 
Jurer  contre  vostre  conscience,  et  abjurer  es  termes 
les  plus  précis  et  les  moins  soubstenables  ;  ce  qu'ils 
n'eussent  pas  requis  ni  d'ung  Turc  ni  d'ung  Juif.  Ces 
messieurs  ,  en  somme,  ont  pris  plaisir  de  triompher  de 
vostre  foi,  foi  ci  devant  triomphante  de  tant  de  ten- 
tations, de  tant  d'efforts;  quand  Satan,  pour  quitter 
Dieu  ,   vous  presentoit  le  monde  ;  quand  le  monde , 


AU  ROY.  539 

mesprisé  de  vous,  armoit  contre  vous  toutes  ses  mo- 
narchies. 

Les  plus  fins  vous  faisoient  croire,  sire,  que  c'estoit 
le  vrai  moyen  d'avoir  raison  du  pape  ;  lui  oster  l'auc- 
torité  en  vostre  estât  :  cela  faict,  (flie  vous  assemble- 
riés  ung  concile  national  ;  esteindriés  par  ce  moyen  ce 
schisme  qui,  de  si  long  temps,  a  tourmenté  l'Eglise  ; 
œuvre  digne  d'ung  roy  très  chrestien.  Mais  voyés  cn- 
cores  s'ils  y  ont  bien  pourveu.  Ils  vous  font  jurer, 
comme  article  de  foi  ,  l'auctorité  du  pape.  Que  de- 
viennent donc  vos  parlemens  et  leurs  arrests?  Et  poiu- 
couper  tout  chemin  à  conférence ,  obligent  vostre 
créance,  par  mots  exprès,  à  toutes  leurs /interpréta- 
tions ,  soubs  le  nom  pretendeu  de  l'Eglise.  Qu'est  il  donc 
question  d'assembler  ung  concile  ,  et  qu'en  debvons 
nous  attendre  mieulx  que  de  celui  de  Trente? 

Vos  povres  subjects  par  ce  mesme  chemin  vous 
voyent  mener  plus  oultre.  Ils  voyent  que  vous  envoyés 
faire  soubmission  à  Rome;  ils  sçavent  que  l'absolution 
ne  peult  estre  sans  pénitence.  Ils  lisent  qu'en  pareil 
cas  les  papes  ont  imposé  à  vos  prédécesseurs  de  passeï 
oultre  mer  contre  les  infidèles.  Ils  se  résolvent  donc, 
sire,  que  le  pape  au  premier  jour  vous  envoyera  l'espec 
sacrée;  qu'il  vous  imposera  loi  de  faire  la  guerre  aulx 
hérétiques;  et  soubs  ce  nom  comprendra  les  plus  chres- 
tiens,  les  plus  loyaulx  François,  la  plus  sincère  partie 
de  vos  subjects. 

Cest  arrest  vous  sera  dur  de  prime  face;  il  offensera 
vostre  bon  naturel;  et  n'en  double  poinct.  Faire  la 
guerre  à  mes  serviteurs  ,  ceulx  de  qui  j'ai  beu  le  sang 
en  ma  nécessité  ?  Mais  on  a  prou  de  moyen  pour  les 
vous  adoucir  :  sire,  vous  avés  tant  fnict;  il  fault  passer 
plus  oultre;  il  fiult  vous  rendr?  paisible,  à  quel  prix 


§4»  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

que  ce  soit.  Accordés  le  leur  enfin  ,  pour  leur  lever  tous 
leurs  prétextes;  faictes  en  semblant  pour  trois,  pour 
quattre mois,  vous  serés  recogneu.  Ayant  regaignél'auc- 
torité,  vous  leur  rendrés  la  paix;  on  vous  fera  naistre 
alors  une  requestéi^  vostre  peuple,  tant  las  de  pastir, 
vous  en  pryera  à  mains  joinctes.  Vostre  majesté  tout 
doulcement  s'y  lairra  engager;  celui  qui  vous  deffen- 
doit  jadis  s'armera  contre  vous  ;  et  contre  tel  ennemi 
n'y  a  ni  conseil  ni  force.  Pour  feu  de  joie  de  la  paix 
avec  ceulx  de  la  Ligue,  on  vous  aura  faict  brusler  vos 
bons  subjecls  ;  embraser  de  vostre  main,  pour  la  der- 
nière main,  les  mazures  de  vostre  estât. 

C'est,  sire,  ce  que  discourent  vos  povres  subjects 
de  la  relligion  ;  et  par  la  considération  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  en  ceste  conférence,  sont  émeus  à  le  croire; 
qu'ils  supplient  très  humblement  vostre  majesté  de  se 
repeindre  tout  en  ung  tableau  devant  les  yeulx. 

Geste  conférence  a  commencé  par  ung  corps  qui  ne 
s'auctorisoit  poinct  de  vous;  suspecte  des  lors  à  tous 
les  gens  de  bien,  et  depuis  trop  funeste  à  vous  mesmes. 
Le  premier  mot  a  esté  qu'il  ne  s'y  traicleroit  ni  de 
l'heretique,  ni  avec  l'heretique  :  et  tel  estiés  vous  ré- 
puté entre  eulx.  Qui  ne  voit  que  le  premier  project 
estoit  et  contre  vous,  et  contre  nous  ?  vous  qu'ils  ont 
contrainct  en  vostre  conscience ,  qu'ils  prétendent  par 
degrés  animer  contre  nous  ? 

Ils  vous  figuroient  la  Ligue  en  leurs  discours,  les 
bras  estendeus,  preste  à  vous  recevoir;  les  grandes 
villes  à  l'envi  vous  ouvroient  les  murailles;  des  aultres 
les  gouverneurs  vous  apportoient  les  clefs  de  toutes 
parts.  Sire ,  où  est  le  gentilhomme ,  où  la  bicoque  en- 
cores  ?  Et  à  quoi  s'est  resoleu  tout  ce  bel  apparat,  si- 
non :  faictes  nous  voir  que   cette  conversion  ri  est 


AU  ROY.  54  r 

poînct  en  feinte  ;  que  le  pape  j  inesle  son  auclorité  y 
et  qu'on  vous  voye  absous.  Vers  lequel  ,  pendant  ce 
temps,  ils  monopolent  vostre  pénitence,  c'es^à  dire, 
de  vous  imposer  la  guerre  contre  nous. 

Car  la  trefve,  au  grand  regret  de  tous  les  bons  Fran- 
çois ,  après  mesme  vostre  pretendeue  conversion  qui 
vous  debvoit  faire  roy,  vous  a  elle  pas  reduict  à  estre 
chef  de  parti?  Et  Paris,  qui  vous  debvoit  ouvrir  les 
murailles  ,  vous  a  elle  pas  meure  toutes  ses  portes?  Et 
ces  bons  conseillers,  en  leur  donnant  des  vivres,  vous 
ont  ils  pas  fermé  cette  seule  qui  vous  restoit  pour  y 
entrer;  celle,  dis  je,  de  nécessité  et  de  famine?  Que, 
si  vous  faictes  une  paix  proportionnée  à  cette  trefve, 
sire,  comme  il  semble  qu'en  soyés  en  chemin,  qu'ont 
ils  à  attendre  de  degré  en  degré,  sinon  que,  de  roy 
par  la  trefve,  vous  soyés  veneu  chef  de  parti;  de  chef 
de  parti ,  par  ceste  paix  ,  vous  deveniés  leur  capitaine 
gênerai  contre  les  huguenots  ? 

Disent,  sire ,  l«i  dessus  vosdicts  très  humbles  subjects 
de  la  relligion  ,  que  ceste  paix ,  sans  une  trop  mani- 
feste iniquité,  sans  ung  trop  juste  souspçon  ,  ne  se  pou- 
voit  traicter  par  les  catholiques  avec  vos  ennemis  sans 
eulx;  sans  les  appeller  et  recevoir  en  ce  traicté;  car 
ceulx  qui  sont  appelles  à  ung  procès,  qu'on  a  faict  for- 
maliser contre  la  Ligue  ,  pourquoi  moins  le  seront  ils 
à  ung  accord?  Ceulx,  disent  ils,  qui  ont  voulleu  estre 
assistés  en  leur  extrémité  par  ceulx  de  la  relligion  soubs 
vostre  auctorité,  lorsque  le  feu  roy  estoit  en  bransle 
de  se  retirer  en  Limosin  ou  en  ^retaigne  ;  lorsque  le 
duc  de  Mayenne  le  tenoit ,  et  eulx  tous,  à  la  gorge; 
qui  ont  esté  remis,  ou  mainteneus  par  leurs  secours  en 
leurs  honneurs  €t  en  leurs  biens;  est  il  juste  mainte- 
nant qu'ils   negotient   avec  ceulx  de  la  Ligue,  sans 


r)42  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

(ju'ils  soient  parlicipans  de  ce  Iraicté  ?  eulx ,  quand 
ceste  obligation  n'y  seroit  poinct,  qui  font  partie  de 
Testât  ^on  moindre  que  ceulx  là  ?  peult  estre  mesmes 
plus  saine  et  moins  passionnée,  en  ce  qui  sera  de  l'in- 
terest  de  vostre  majesté  et  du  bien  de  lestât? 

Souspçon  aussi,  par  conséquent;  car  ceste  précau- 
tion ,  des  l'entrée  du  traicté ,  de  ne  les  y  introduire 
])oinct,  à  quoi  peult  elle  tendre,  sinon  à  resouidrc 
toutes  les  difficultés  qui  s'y  présenteront ,  à  leurs  des- 
pens,  faire  retomber  tout  l'orage  sur  eulx,  comme  il 
l'eut  faict  sur  vous  par  l'edict  d'union?  Car  de  voulloir 
croire  que  MM.  du  clergé  se  fassent  leurs  syndics, 
quelle  apparence  ,  s  ils  ont  desjà  bien  osé  vous  propo- 
ser d'extirper  Tlieresie  ?  A  vous,  sire,  qui  ne  faisiés 
<jue  sortir  de  la  profession  ,  qu'ils  blasonnent  ainsi  ? 

Comme  aussi  de  dire  que  vostre  majesté  ait  mandé 
à  ceste  fin  des  députés  de  la  relligion ,  ne  leur  peult 
satisfaire;  qui  ont  esté  convoqués  au  'j.5  de  juillet  par 
vos  lettres  envoyées  en  Languedoc,  Provence  et  Daul- 
phiné,  à  peine  receues  au  i^"^  d'.ioust,  pendant  qu'on 
traicle  non  seulement  sans  eulx  ,  car  ce  seroit  le  moins; 
mais  d'eulx  ,  de  leur  condition ,  de  leur  postérité,  c'est 
à  dire  contre  eulx;  pendant  qu'on  extorque  de  vostre 
majesté  des  promesses  contre  eulx  et  à  leur  préjudice, 
pour  éluder  et  rendre  frivole  tout  ce  qui  par  ci  après 
sera  faict  avec  eulx. 

Aulx  souspçons  s'adjoustent  des  effects  ,  indices  des 
maulvais  desseings  de  ceulx  qui  vous  possèdent,  et  pré- 
curseurs de  plus  dangereux  à  ['advenir.  Le  presclie 
desjà  exilé  de  vostre  court,  afin  de  les  bannir  en  con- 
séquence de  vostre  maison  :  car  qui  y  vouldra  n'y 
pourra  vivre,  ou  vous  y  servir  sans  servir  Dieu?  Exilé 
mesme  de  vos  armées,  afin  de  les  reculer  de  vostre 


AU  ROY.  543 

service,  et  consequemment  des  charges  et  honneurs; 
car  quel  homme  de  bien  y  pourra  subsister,  en  danger 
tous  les  jours  d'estre  blessé,  d'estre  tué,  sans  espoir 
de  consolation,  sans  asseurance  seulement  de  sépul- 
ture? Qu'on  minute  d'exclure  tous  ceulx  de  la  relli- 
gion  des  principales  charges  de  Testât,  delà  justice, 
des  finances,  de  la  police,  dont  selon  leur  modestie 
et  patience  ils  prennent  à  tesmoing  vostre  majesté  , 
qu'ils  ne  l'ont  gueres  importunée;  mais  vous  supplient 
aussi  de  juger  s'il  est  raisonnable  qu'ils  fassent  ce  tort 
à  leurs  enfans  de  les  en  rendre  privés  par  leur  stupi- 
dité, pour  estre  ci  après  teneus  en  ce  royaulme  au 
rang  des  Juifs  ou  des  cabots  ;  au  lieu  du  degré  hono- 
rable que  les  mérites  de  leurs  devanciers  leur  auroient 
laissé  ;  que  les  services  mesmes  faicts  à  vostre  majesté 
leur  debvoient  avoir  acquis. 

Et  combien,  disent  ils  là  dessus,  nous  estoit  il  plus 
tolerable  de  vivre  sous  la  trefve  du  feu  roy ,  ennemi 
toutesfois  de  nostre  profession  ,  qui  par  icelle  nous 
consentoit  l'exercice  de  nostre  relligion  en  son  armée 
et  en  sa  court;  consentoit  le  ministère  entreteneu  de 
ses  deniers;  nous  bailloit  des  villes  pour  retraite,  en 
chaque  seneschaulsee  ou  bailliage  ;  nous  rendoit  de- 
dans le  bout  de  l'an  en  leur  entier  les  precedens 
edicts? 

A  tout  cela  vos  bons  serviteurs  ne  sçavent  que  res- 
pondre  :  aultresfois  ils  respondoient  qu'on  attendist  le 
temps,  et  le  temps  s'est  perdeu.  Les  affaires  sont  pour- 
ris en  meurissant.  Cependant  ne  peuvent  vous  celer 
que  les  esprits  sont  agités ,  passent  de  l'espoir  du  bien 
à  l'attente  du  mal;  de  la  longue  et  inutile  patience 
en  la  recherche  du  remède.  Et  vous,  sire,  nous  le 
sçavons  bien ,  n'en  estes  sans  allarme  ;  vous  ne  pren- 


544  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

cirés  plaisir  de  voir  un  protecteur  ;  vous  sériés  jaloux 

s'ils  s'adressoient  ailleurs  qu'à  vous. 

Sire ,  voulés  vous  bien  leur  oster  l'envie  d'un  pro- 
tecteur? ostés  en  la  nécessité;  soyés  le  donc  vous 
rnesmes;  continués  dessus  eulx  ce  premier  soin,  ceste 
première  affection  :  prevenés  leurs  supplications  par 
ung  plein  mouvement;  leurs  justes  demandes  par  ung 
volontaire  octroy  des  choses  nécessaires.  Quand  ils  J 
cognoistront  que  vous  aurés  soin  d'eulx  ,  ils  n'en  ont  * 
plus  d'eulx  mesmes.  Mais  pardonnes  à  qui  vous  dira 
qu'ils  doublent  tous  si  vous  en  avés  assés  de  vous. 
Vous  sçavés  ce  qui  leur  nuit,  ce  qui  leur  duit ,  les  re- 
questes  que  vous  presentiés  pour  eulx  aulx  roys  pré- 
décesseurs, pour  leur  liberté,  leur  seureté  ,  leur  di- 
gnité ,  rapportés  les  vous  à  vous  mesmes.  Elles  n'ont 
certes  depuis  ce  temps  rien  rabatteu  de  leur  droicture; 
elles  l'ont  comblée  depuis  de  bons  services ,  et  doib- 
vent  avoir  gaigné  en  vostre  auctorité;  qui  pouvés  et 
rapporter  et  appoincter  leurs  justes  plainctes;  en  estre, 
sans  aultres  députés  ,  et  avec  plus  de  gré,  le  juge,  si 
vous  voulés,  et  Tadvocat  ,  l'impétrant  et  l'octroyant 
ensemble. 


CCXLIV. —  -2;^  LETTRE  DE  M.  COIGNET 
^  M.  Duplessis. 


Monsieur,  j'ai  veu  lettre  du  i3,  de  Bï.  de  La 
Borde,  en  laquelle  il  mande  avoir  esté  mieulx  veu  et 
receu  du  roy  qu'il  ne  fut  oncques,  et  avoir  esté  ouï 
de  sa  majesté,  avec  autant  de  patience  qu'il  eut  jamais 
pour  lui  dire  et  remonstrer  tout  ce  qu'il  a  vouleu,  dontj 


LETTRE  DE  M.  COIGNET ,  etc.  545 

il  est  demeuré  fort  content  et  satisfaict ,  espérant  estre 
de  retour  dedans  huict  jours  après  la  réception  des 
siennes ,  auquel  temps  le  roy  debvoit  partir  pour  venir 
en  ça.  Il  mande  de  la  querelle  d'entre  M.  de  Marolle 
et  M.  de  Gyé  qui  se  sont  batteus;  ledict  Marrolle  a  eu 
ung  coup  d'espee  dans  le  corps,  son  espee  estant  tom- 
bée; neantmoins  on  esperoit  qu'il  n'en  auroit  que  le 
mal  ;  M.  de  Gyé  ung  coup  de  poignard  dedans  le  bras 
et  dedans  la  gorge.  Il  ne  parle  poinct  de  paix  ni  de 
guerre.  J'ai  ce  jourd  liui  receu  lettres  de  M.  de  Four- 
mentieres,  du  i5  passé,  par  lesquelles  il  me  mande, 
par  lettres  de  Heidelberg,  du  21  juillet,  qui  sont  ung 
peu  vieilles,  que  le  prince  d'Anbalt  estoit  depuis  trois 
sepmaines  aile  vers  le  marquis  de  Brandebourg ,  d'oii 
il  debvoit  estre  de  retour  dedans  ung  mois,  avec  espé- 
rance d'y  faire  du  bien.  Ledict  sieur  marquis  parle  de 
reunir  les  princes  protestans  ,  qui  est  autant  aisé  comme 
de  pescher  la  lune  en  ung  panier.  L'administrateur  de 
Saxe  soubfient  le  duc  Ricliard  contre  l'électeur  Pala- 
tin, ceulx  de  Brandebourg  s'y  opposent  chacung  pour 
son  intere&t. 

Le  i3  du  passé,  ledict  électeur  Palatin  feut  marié 
a  Dilenbourg,  avec  mademoiselle  Louise  d'Orange,  en 
quoi  il  y  en  a  eu  de  bien  trompés  et  affinés,  qui  n'es- 
peroient  rien  moins  que  ce  coup,  encores  qu'ils  sem- 
blassent le  désirer.  Dieu  l'a  voulleu  pour  ung  grand 
bien,  notamment  de  son  altesse,  qui  sans  cela  estoit 
mal  à  clieval.  Nos  ennemis  en  despitent  et  redoublent, 
non  sans  cause;  car  nous  avons,  au  lieu  d'une  bourse, 
pris  une  bonne  espee  pour  la  nécessité. 

Durant  a  eu  connnandemcnt  de  vaquer  aulx  affaires 
de  madame  l'electrice.  Strasbourg  ne  veult  la  guerre, 
quoi  qu'il  en  soit,  tant  elle  a  esté  trompée  des  princes 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MOKNAY.   ToME  V.  35 


546  LETTRE  DE  M.  COIGNET 

protestans,  voire  vilainement;  et  le  marquis  de  Bran- 
flebourg  veult  achever  son  demi  quart  de  lieue,  c'est  à 
dire  le  reste  de  sa  vie ,  paisiblement.  On  m'escrit  que 
les  cantons  evangeliques  aideront  pour  certain  le  roy 
dedans  peu  de  temps.  La  royne  d'Angleterre  a  présen- 
tement ambassadeur  près  de  l'empereur;  mais  ce  sera 
en  vain  de  parler  de  paix;  l'empereur  est  trop  glorieux 
de  la  victoire  qu'il  a  obteneue  contre  le  Turc;  mais 
on  craint  si  elle  lui  sera  bien  cher  vendeue. 

Le  landgrave  Maurice  fera  mariage  en  septembre 
avec  madame  Naiguitaire,  comtesse  de  Salmes.  La  Po- 
logne s'embrasera  pour  le  départ  du  roy. 

Le  chancelier  Reuber  et  les  siens  ont  quitté  Heidel- 
berg. 

Le  comte  Maurice  a  bloqué  Bois  le  Duc,  et  est  à 
présent  devant  Grave  ;  a  faict  une  course  au  pays  de 
Wast,  en  a  ramené  grand  butin  et  defaict  quelques 
garnisons.  Le  comte  Mansfeld  est  malade  à  Bruxelles. 

L'archiduc  Ernest  doibt  arriver  en  brief  audict 
Bruxelles  pour  commander  les  Pays  Bas. 

Monsieur,   ce  que  dessus  est  la  copie  d'une  lettre 
que  M.  de  La  Fourmentiere  m'a  envoyée,  de  laquelle 
je  n'ai  vouleu  faillir  vous  faire  part.        Coignet. 
A  Tours,  ce  4  septembre  iSgS. 

M.  d'F.mery  (i)  n'est  encore  arrivé;  il  est  demeuré 
avec  M.  le  chancelier,  qui  est  maintenant  à  Chiverny; 
et  ne  sçait  on  quand  il  viendra.  Madame  d'Emery  est 
de  retour,  en  peine  de  logis,  pour  avoir  donné  charge 
qu'on  louast  celui  qu'ils  avoient  arresté.  Le  sieur  Gar- 
dins  arriva  hier;  mais  je  n'ai  peu  sçavoir  ce  qu'il  a  ap- 
porté de  bon  ou   de  maulvais.   Quelqu'ung   m'a   dict 

(i)  Le  président  de  Tliou. 


A  M.  DUPLESSIS.  547 

qu'on  parloit  de  la  paix ,  et  que  Paris  demeuroit  en 
Testât  qu'il  a  esté  après  les  barricades  ,  et  que  les  offi- 
ciers ne  seroient  point  restablis  ainsi  que  des  aultres 
villes.  Si  cela  est,  je  n'en  vois  poinct  de  plus  mal  que 
le  roy,  ni  de  inieulx  que  ceulx  qui  tiennent  des  places: 
ce  n'est  pas  pour  contenter  beaucoup  les  gens  de  bien 
et  ceulx  qui  aiment  le  repos  de  la  France. 


CCXLV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  duc  de  Bouillon, 

Monsieur,  je  loue  Dieu  du  bon  succès  que  vous 
avés  eu  par  delà;  et  toutesfois  ne  plaindrai  poinct  qu'il 
ait  esté  interrompeu  par  la  trefve,  si  elle  se  resoult 
en  une  bonne  paix;  mais  les  procédures  de  nos  enne- 
mis ne  la  nous  promettent  poinct,  à  mon  jugement.  Et 
celles  mesmes  des  amis  semblent  tendre  à  passer  d'une 
guerre  en  l'aultre;  tant  y  a  que  nous  debvons  interve- 
nir pour  nostre  interest.  Et  afin  de  vous  y  servir,  je 
me  rendrai ,  aidant  Dieu,  près  de  sa  majesté,  au  20  de 
ce  mois,  terme  par  vous  prefix.  Mais  si  vous  estes  re- 
teneu  plus  longuement,  je  vous  supplie  que  j'en  sois 
adverti.  Le  sieur  de  Vicose  m'escrit  de  Bourdeaulx  ,  du 
26  aoust,  que  les  députés  de  Guyenne  ont  leur  rendes 
vous  à  Saincte  Foy  au  20,  pour  marcher  droict  en  ce 
lieu ,  et  y  conférer  leurs  Mémoires  avec  les  députés  des 
aultres  provinces,  qui,  pour  une  bonne  part,  s'y  ren- 
contreront. Et  des  demain  ceulx  deXaintonge  et  Aunix 
y  arrivent.  Mais  je  ne  suis  délibéré  de  les  y  attendre 
tous;  tant  pour  en  éviter  la  jalousie  près  de  sa  majesté 
qui  m'osteroit  le  moyen  d'^y  mieulx  servir,  que  pour 
vous  aider  à  rompre  la  glace,  premier  qu'il  soit  près 


54î^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

de  sa  majesté  ,  à  quoi  il  nous  fau!t  apporter  de  la  mé- 
thode de  nostre  part ,  autant  qu'à  eulx  de  fermeté  et 
de  zèle.  Je  ne  lairrai  de  leur  laisser  ung  bon  mémoire 
de  ce  que  j'estimerai  estre  à  propos.  Je  ne  vous  veulx 
celer  que,  par  celles  que  je  reçois  de  la  court,  j'ap- 
perçois  qu'on  est  tenté  de  les  contremander,  au  moins 
jusques  au  retour  de  M.  de  Nevers ,  ce  qui  m'est  sus- 
pect. Mais,  puisqu'ils  sont  si  avant,  je  pense  que  cela 
ne  se  peultsans  ung  insigne  mescontentement,  qui  pro- 
duiroit  du  mal;  et  d'ailleurs,  je  suis  d'opinion,  puis- 
qu'entre  ci  et  son  retour  on  ne  laisse  d'articuler  avec 
la  Ligue,  qu'il  nous  y  fault  aussi  parler  d'heure,  afin 
qu'il  ne  s'y  fasse  rien  à  nostre  préjudice.  Et,  au  reste, 
en  tout  cas,  ce  retardement,  s'il    escheoit,  ne   doibt 
aulcunement   procéder  de  nous,   ni  par  nous.   Vous 
cognoissés  assés  M.  de  La  Tremouille  ;  il  est  plein  de 
bonne  volonté;  et  certes  ne  faict  pas  ce  qu'on  crie; 
mais  il  a  ce  malheur  de  faire  plus  de  jaloux  que  de 
cocus.  Je  le  retiens  tant  que  je  puis,  et  le  trouve  ca- 
pable de  conseil.  Et  sera  aisé  à  mon  advis  d'en  avoir 
les  lettres  que  désirés.  Vous  ne  croiriés  poinct  pour  la 
fin,  par  quantes  façons  on  tente  ma  patience.  On  semé 
des  bruicts  parmi  ce  peuple ,  que  mon  gouvernement 
est  donné  au  comte  de  Montsoreau,  puis  que  je  les 
vpulois  tous  tuer   le  jour  de   Sainct  Barlhelemi  der- 
nier ;  et  enfin  que  je  me  vais  révolter.  Et  après  tout, 
on  me  faict  offrir  cinquante  mille  escus  soubs  main  pour 
en  sortir.   Si  vous  puis  je  asseurer  que  jamais  je  n'y 
apportai  plus  de  modération  en  toutes  sortes  ;  mais  il  se- 
roit  impossible  qu'entre  ces  deux  grands  villes,  ce  grand 
cliangement  n'excitast  quelque  démangeaison;  mesmes 
en  ung  pays  où  on  faict  mestier   de  parler.   Je  vous 
envoyé  ung  roUe  des  députés ,  de  ce  que  j'en  cognois. 


A  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  ) 49 

Et  sur  ce ,  monsieur ,  vous  baise  très  humblement  les 

mains ,  etc. 

De  Saulmur ,  le  6  septembre  i  SgS. 


CCXLVI.  -  LETTRE  DE  M.  DE  HÂRLAY, 

Premier  président  en  la  court  de  parlement  a  Tours ^ 
à  M.  Duplessis. 

Monsieur,  le  procès  faict  à  Saulmur  sur  la  plaincte 
du  procureur  du  roy ,  ayant  esté  veu  par  la  court ,  s'est 
ensuivi  l'arrest  que  vous  verres.  Je  loue  fort  que  vous 
ayés  désiré  la  calomnie  et  imposture  estre  vérifiée ,  et 
la  preuve  receue  par  ung  de  messieurs  de  nostre  compai- 
gnie.  Vous  pouvés  croire  avec  asseurance  qu'elle  ne 
doubte  poinct  que  ce  ne  soit  une  aussi  meschante 
comme  artificieuse  invention;  ce  qui  m'a  confirmé 
l'opinion ,  en  laquelle  je  dis  à  M.  de  La  Burthe  que 
j'estois,que  ce  faict  aulx  termes  où  il  est  demeuré  ,  deb- 
voit  estre  conduict  par  la.  voye  ordinaire.  Vous  avés  par 
ce  moyen  ,  pour  le  regard  de  ce  qui  nous  concerne  ,  le 
principal  fruict  que  désirés ,  après  lequel  ce  qui  sera 
faict  en  apportera  peu ,  et  n'est  poinct  nécessaire  de 
rechercher  une  plus  particulière  décharge ,  que  vous 
avés  peu  rendre  plus  apparente ,  faisant  arrester  pri- 
sonnier avec  Renardière  l'hoste  du  Puis-Neuf,  aucteur 
du  mal,  et  l'indiscrétion  duquel  a  esté  cause  de  la  ca- 
villation ,  qui  a  donné  ceste  terreur  imaginaire.  Si  cela 
eust  esté  faict ,  la  procédure  en  eust  esté  mieulx  receue. 
Vous  me  trouvères  tousjours  désireux  de  vous  pouvoir 
faire  service.  Vostre  bien  humble  serviteur. 

De  h  aria  t. 
Du  8  septembre  1 5«j3 . 


o5o  LETTRE  DE  M.  SERVIN 

CCXLVII.  —  LETTRE  DE  M.  SERVIN 
A  M.  Duplessis, 

Monsieur,  vous  sçaurez  de  M.  de  La  Bnrlhe  que 
j'ai  proposé  à  la  court  ce  qui  s'estoit  passé  à  Saulmur  sur 
Jes  bruicts  de  la  pretendeue  Sainct  Barthelemi.  Ayant 
remonstré  la  conséquence  de  tels  bruicts  et  le  conte- 
neu  es  cbarges  commencées ,  je  requis  lundi  matin  ,  qu'il 
pleust  à  la  court  députer  ung  ou  deux  conseillers 
pour  aller  sur  les  lieux ,  ou  pourvoir  par  tel  remède 
qu'elle  adviseroit  le  meilleur,  pour  reprimer  les  des- 
seings pernicieux  de  ceulx  qui  sèment  telles  paroles.  La 
court,  ayant  délibéré  sur  ma  proposition  ,  a  arresté  ce 
qui  me  feut  dict  mardi,  et  dont  j'adverti  le  mesme  jour 
ledict  sieur  de  La  Burthe.  A  sçavoir,  que  le  faict  n'ayant 
passé  les  termes  de  paroles,  elle  n'y  envoyeroit  ung 
conseiller.  Que  cela  s'estoit  bien  faict  à  Angers  et  à 
Chastellerault  ;  mais  qu'il  y  avoit  eu  sédition  et  émo- 
tion plus  grande,  et  pourtant  qu'il  falloit  que  le  juge 
qui  a  commencé  parachevast  ;  et  s'il  n'est  rien  surveneu 
de  nouveau,  et  n'y  a  plus  ample  cbarge,  qu'il  esta 
propos  que  le  juge  ordonne  qu'il  sera  plus  amplement 
informé  contre  La  Renardière  et  aultres  ,  et  cependant 
que  les  prisons  soient  ouvertes  audict  Renardière,  et 
deffenses  faictes,  tant  à  lui  qu'à  toutes  personnes  de 
quelque  qualité  et  condition  qu'elles  soient ,  de  semer 
aulcungs bruicts  au  préjudice  du  repos  public,  soubs  les  ■ 
peines  des  ordonnances  ;  d'ailleurs  la  court  a  trouvé 
cbarge  contre  ung  nommé  Bourgeau ,  qui  mérite  d'estre 
emprisonné  et  teneu  autant  que   La  Renardière,   veu 


A  M.  DUPLESSIS.  ^r^^i 

ce  qui  resuite  contre  lui  de  la  procédure ,  afin  que  la 
justice  soit  rendeue  également.  J'ai  apporté  ce  que  j'ai 
pensé  debvoir,  et  ce  que  j'ai  peu  en  cest  affaire  pour 
le  bien  du  service  du  roy;  et  encores  que  M.  de  La 
Burthe  vous  en  puisse  bien  faire  entendre  les  particu- 
larités, je  n'ai  vouileu  faillir  à  vous  en  escrire  ce  mot, 
que  je  finirai  par  le  bien  humble  baisemain  que  je  vous 
présente.  Servin. 

Du  8  septembre  iSgS. 


CCXLVIII.—'V^  LETTRE  DE  M.  DUMAURŒR 

J  M.  Duplessis, 

Monsieur,  je  viens  de  recevoir  une  despesche  de 
monseigneur  de  Bouillon,  qui  me  commande  de  faire 
passer  incontinent  ce  lacquais  jusques  à  vous  avec  celle 
qu'il  vous  escrit ,  ou  vous  verres  ,  à  mon  advis  ,  ce  qu'il 
délibère  pour  son  retour  près  du  roy.  C'est  pourquoi 
ce  que  je  vous  en  pourrois  escrire  sero^it  superflu  ; 
seulement  il  me  mande  que  M.  Cagnan  se  trouvera  parti 
lorsqu'il  kii  retournera  avec  vostre  despesche,  adjous- 
tant  que  par  vos  lettres  vous  n'accusés  poinct  la  le- 
ception  des  siennes.  Si  est  ce,  monsieur,  que  je  vous 
en  ai  addressé  plusieurs  et  par  mains  que  j'estimois,  si- 
non regrettant  toutesfois  infiniment  le  malheur  qui  leur 
seroit  arrivé.  Si  elles  sont  parveneues  à  vous ,  je  vous 
supplie  lui  en  donner  cognoissance  ,  afin  qu'il  ne  m'in- 
putast  faulte  de  soing  et  diligence  de  laquelle  je  man- 
querois  plustost  envers  tout  le  monde  qu'envers  vous  , 
à  qui  toutes  sortes  de  debvoirs  rendeus  ne  suffiroient  à 
la  volonté  que  j'aurai  toute  ma  vie  de  vous  eu  rendre 


55^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

encore  dadvantage.  Au  surplus,  monsieur,  je  vous  ai 
si  amplement  escrit  et  par  vostre  lacquais,  que  je  ne 
sçais  qu\ifljouster,  n'eslant  pas  surveneu  grand  chan- 
gement à  J'estai  des  affaires,  ne  s'estant  encores  rien 
resoleu  ni  de  la  prolongation  de  la  trefve,  ni  du  traicté 
de  paix  :  toutesfois  on  tient  comme  asseuré  que  l'on 
allongera  celle  là  jusques  à  la  response  de  la  negotia- 
tion  ,  et  que  de  celle  ci  tes  volontés  de  Taultre  part  n'y 
feurent  jamais  si  peu  enclins.  Le  roy  se  promet  tous 
fruicts  des  dissensions  que  Ton  dict  croistre  entre 
M.  de  Mayenne  et  son  conseil  ;  mais  ,  d'ailleurs ,  on 
n'espère  pas  que  les  partialités  de  ceulx  feussent  pour 
nous,  dont  les  affections  et  les  desseings  ont  toiisjours 
esté  trop  veus  entre  nous.  On  tient  que  madame  de 
Guise  traicte  avec  le  duc  de  Feria  pour  son  fils,  et  que 
le  roy  dEspaigne ,  ne  pouvant  par  aultre  moyen  empes- 
cher  la  paix  de  France,  se  resoult  de  lui  faire  espouser 
sa  fille,  et  que  desjà  il  y  a  douze  cens  mille  escus  tout 
prests  à  Anvers.  Vous  avez  bien  sceu,  monsieur,  que 
M.  estoit  veneu  trouver  le  roy  de  la  part  de 

la  royne  d'Angleterre,  et  que  sur  les  seuretés  qu'elle 
demandoit ,  et  pour  ses  hommes,  et  pour  ceulx  de 
nostre  profession ,  il  a  remporté  force  belles  paroles 
et  promesses.  On  doubte  si  elles  seroient  bastantes  au 
besoing ,  pour  nous  garantir  de  la  force  qu'il  n'a  pas 
eschappé  lui  mesmes.  Il  est  veneu  ung  maulvais  bruict 
de  la  mort  du  roy  d'Escosse ,  adveneue  par  assassinat. 
Geste  nouvelle  vient  de  Dieppe  ;  mais  elle  n'est  encores 
asseuree.  J'ai  faict  tenir  vos  lettres  en  Angleterre  et  aulx 
Pays  Bas ,  par  le  sieur  Brouard ,  que  M.  de  Saulx  y 
renvoyé  pour  ses  affaires.  D'Allemaigne,  M,  deFresnes 
mande  que  les  ambassadeurs  de  Strasbourg  et  M.  de 
Lorraine  se  sont  départis  fort  mal  de  Spire,  et  que  les- 


A  M.  DUPLESSIS.  553 

(licts  de  Strabourg  semblent  enclins  à  rentrer  en  guerre; 
et  par  la  cognoissance  qu'ils  ont  de  la  volonté  de  l'em- 
pereur qui  leur  est  cogneue ,  et  par  la  contravention 
de  M.  de  Lorraine  presqu'à  tous  les  articles ,  desquels 
par  ensemble  ils  avoient  conveneu.  Si  ceste  circon- 
stance est  consultée,  elle  servira  d'amender  les  condi- 
tions de  la  paix  avec  lui.  On  m'a  dict  que  M.  d'Estrez 
prend  le  service  du  roy,  moyennant  la  province  de 
Brie,  et  que  M.  de  Guise  est  recompensé  de  celle  du 
pays  Chartrain.  C'est,  monsieur,  ce  que  je  vous  puis 
dire  ;  car  de  me  ramentevoir  à  vostre  soubvenir ,  ne 
me  seroit  pas  pryere  bienséante,  ce  seroit  impor- 
tunité,  puisque  vous  m'en  daignés  honorer  des  assu- 
rances. Les  espreuves  passées  me  gardent  du  double 
qu'elles  ne  produisent  leurs  effects.  Pryant  Dieu  ,  mon- 
sieur ,  qu'en  très  bonne  santé ,  il  vous  donne  très  heu- 
reuse et  très  longue  vie.  Vostre  très  humble,  très  fidèle 
et  très  affectionné  serviteur  à  jamais, 

DUMAURIEK. 
A  Melun,  ce  lo  septembre  iSgS. 


CCXLIX.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  de  Bazenval. 

Monsieur,  si  vous  avés  toutes  les  miennes,  vous  ne 
m'accuserés  poinct  de  paresse;  mais  la  mer  en  perd 
une  partie,  la  terre  l'aultre  ,  plus  périlleuse  encores 
que  la  mer.  Je  me  suis  tousjours  doubté  que  ce  chan- 
gement opereroit  plus  en  nos  amis  qu'en  nos  ennemis, 
comme  il  se  voit  vers  nous.  Toutesfois  on  nous  remet 
à  l'isseue  de  ceste  conférence ,  encores  que  la  continua^ 


554  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

tion  d'une  gaillarde  guerre  eust  aidé  à  pousser  hors  les 
humeurs  que  le  changement  du  roy  avoit  esmeues  es 
entrailles  de  la  Ligue ,  au  lieu  que  ceste  trefve  leur 
donne  temps  de  se  rasseoir ,  chacung  aimant  mieulx  en 
sortir  par  la  voye  générale  que  par  soubmission  et  dé- 
fection particulière.  Je  doubte  d'ailleurs  que  Paris  ra- 
"victuaillé  par  ce  moyen  ne  retourne  à  sa  première  opi- 
niastreté ,  que  sa  majesté  ayant  pris  Dreux ,  tenoit 
évidemment  à  la  gorge.  Or,  les  mesmes  discours  qui 
se  font  par  de  là  ,  se  font  tant  plus  entre  les  nostres. 
jCependant  sa  majesté  proteste  tousjours  de  vouloir 
bien  traicter  ceulx  de  la  relligion ,  s'offensant  contre 
ceulx  qui  lui  proposent  le  contraire ,  et  contre  ceulx  aussi 
qui  s'en  craignent.  Les  effects  s'en  jugeront  par  l'isseue 
de  la  convocation  qu'il  a  faicte  des  députés  de  nos 
Eglises,  qui  s'acheminent  de  toutes  parts  en  court,  oit 
je  fais  estât  aussi  d'aller  dans  huict  jours,  sollicité  et 
conjuré  par  infinies  lettres  très  expresses  de  sa  majesté , 
encores  que  les  admonitions  d'amis  et  menacés  d'enne- 
mis m'en  deussent  destourner  pour  mon  particulier; 
mais,  en  suivant  ma  vocation,  je  me  resouls  de  com- 
mettre le  surplus  à  Dieu.  Là  ,  si  je  puis  servir  à  vos 
affaires,  ne  m'espargnés  poinct,  et  surtout  advisés  à  ne 
demeurer  pas  en  arrière  ;  car  je  crains  que  désormais 
les  ambassadeurs  de  nostre  profession  seront  encores 
plus  mal  traictés.  Je  vous  remercie  de  tout  mon  cœur 
des  deux  canons  ,  et  vous  prye  de  les  faire  tenir  au 
plustost  à  La  Rochelle.  Si  vous  pouviés  y  faire  adjous- 
ter  à  chacung  quelques  boulets  de  son  calibre,  vous 
m'obligeriés  tant  plus;  car  nous  sommes  loing  de  qua- 
rante lieues  de  toutes  forges ,  et  ceulx  des  canons  du 
roy  n'y  peuvent  servir.  Vous  me  manderés ,  s'il  vous 
, plaist,  qui,  et  quels  j'en  doibs  remercier,  afin  que  je 


A  M.  DE  BUZENVAL.  555 

leur  en  escrive,  encores  que  je  scais  que  le  gré  princi- 
pal vous  en  est  deu.  Je  vous  ai  mandé  que  si  Fourcroy 
vous  peult  bailler  deux  mille  escus  sur  les  terres  de 
Flandres,  je  vous  en  envoyerai  l'expédition.  Esclar- 
cissés  moi  là  dessus.  Je  pense  que  des  arrérages  et  du 
courant  il  y  doibt  avoir  du  fonds.  Je  vous  dis  le  mesme 
s'il  s'y  peult  vendre  quelque  chose;  car  deçà  tout  est 
affecté  par  contract  exprés  aulx  Suisses  et  créanciers. 
Pour  le  fils  de  M.  Aersens,  je  l'ai  long  temps  attendeu, 
et  retiens  sa  place  vuide.  Je  le  recevrai ,  et  tascherai , 
pour  l'amour  de  vous,  à  le  faire  réussir  entre  mes  mains. 
Le  tout  est  qu'il  le  retire  d'où  il  est,  à  quoi  je  m'em- 
ployerai  aussi  vers  M.  de  Rebours  à  l'occasion.  Je  n'ai 
poinct  veu  Brouart  ;  il  m'a  envoyé  vos  lettres  ,  allé- 
guant que  vos  affaires  le  retiennent.  Je  serois  bien  aise 
qu'il  y  peust  frapper  ung  bon  coup.  De  moi ,  je  prévois 
que  l'air  de  la  court  ne  me  sera  plus  gueres  salubre , 
et  renonce  gaiement  aulx  espérances  que  seize  ans 
de  fidèles  et  laborieux  services  me  pouvoient  avoir 
mesnagé.  Il  m'en  reste  ce  contentement  d'avoir  servi 
à  celui  qui  est  merces  nostra  magna  valde  ,  lequel  je 
supplie,  monsieur,  vous  avoir  en  sa  saincte  garde,  et 
après  nouveaulx  embrassemens(  comme  font  les  amis  se 
revoyans  au  so.rtir  d'une  bataille),  je  vous  fais  nou- 
velle protestation  d'estre  à  jamais  vostre ,  etc. 

Et  par  apostille  estait  escrit  :  Je  vous  avois  pryé  ci 
devant  de  me  mander  que  cousteroit  ung  régiment  de 
lansquenets,  prises  pays  maritimes  d'Allemague ,  de 
trois  mille  hommes ,  tant  pour  le  premier  mois  et 
Lanffgelt ,  que  pour  le  transport  en  la  coste  de  Poic- 
tou ,  où  le  roy  en  avoit  et  aura  affaire.  Je  vous  prye  de 
le  me  mander  par  ung  estât  bien  particulier.  C'est 
marchandise  dont  messieurs  des  estats  ont  eu  souvent 


556  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc. 

affaire.  Item ,  quel  colonnel  on  pourroit  choisir,  expé- 
rimenté ,  fidèle  et  de  la  relligion. 

Du  12  septembre  iSgS. 


CCL.  —LETTRE  DU  ROY 

A  M.  Diiplessis  y  escrite  de  la  main  de  sa  majesté. 

M.  Duplessis ,  suivant  ce  que  je  vous  ai  ci  devant 
escrit  par  tontes  les  miennes,  je  désire  que  vous  me 
veniés  trouver  incontinent  la  présente  receue ,  pour 
me  resouldre  avec  vous  de  plusieurs  choses  que  je  ne 
vous  puis  escrire ,  mesme  avant  que  les  députés  que 
j'ai  mandés  soient  plus  près.  Si  d'adventure  il  y  en 
avoit  d'arrivés  où  vous  estes,  je  suis  d'advis  qu'ils  ne 
bougent  de  Saulmur,  et  attendent  là  vostre  retour. 
Vostre  voyage  ne  sera  que  de  huict  ou  dix  jours  au 
plus,  et  je  désire  vous  voir  avant  que  j'arrive  à  Tours, 
où  je  m'acheminerai  dans  huict  ou  dix  jours  au  plus 
tard ,  pour  choses  qui  méritent  ma  présence.  Hastés  vous , 
hastés  vous ,  et  je  m'asseure  qu'à  vostre  arrivée ,  vous 
ne  me  trouvères  poinct  changé  de  bonne  volonté  pour 
vous,  et  si  vous  n'adjousterés  foi  à  tous  les  bruicts  que 
l'on  va  semant  de  moi  par  tout.  Adieu,  M.  Duplessis. 

HCNRY. 
A  Fontainebleau,  ce  i4  septembre  iS^S. 


LETTRE  DE  M.  ERARD,  etc.  B5'J 


CCLI.  — LETTRE  DE  M.  ERARD 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  j'ai  cejourd'hui  receu  celle  qu'il  vous  a 
pieu  m'escrire;  et  ce  par  les  mains  de  M.  de  Lomenie, 
qui  maintenant  m'a  donné  advis  que,  dans  une  heure, 
il  vous  despeschoit  ung  homme  exprès.  Cela  est  cause 
que  je  ne  vous  puis,  à  mon  grand  regret,  faire  plus 
longue  lettre,  que  pour  vous  dire  que,  par  comman- 
dement du   roy,  j'ai  faict  rapport  de  mon  voyage  à 
MM.  de  Bellievre ,  Sancy  et  Revol ,  lesquels  tous  ont 
admiré  ce  que  j'ai  moyenne  en  Auvergne.  Apres  par 
plusieurs  fois  en  avoir  communiqué  avec  le  roy,  enfin 
il  a  avec  eulx  resoleu  d'escrire  une  bonne  et  fort  gra- 
cieuse lettre  à  la  personne  que  sçavés,  pour  la  remer- 
cier de  la  bonne  volonté  qu'elle  désire   apporter  au 
bien   et  advancement  des  affaires  du  roy  et  de   son 
royaulme,  et  l'asseurer  qu'il  fera  de  sa  part  en  bref  tout 
ce  que  j'ai  ai  resté  avec  elle  ;  dont  cependant  il  l'a  bien 
vouUeu  advertir  par  sa  lettre  ,  afin  qu'elle  n'en  doubte 
aulcunement.  La  minute  de  la  lettre,  après  avoir  passé 
par  toutes  leurs  mains  ,  et  sur  le  subject  que  j'en  avois 
donné,  et  après  avoir  esté  veue  par  le  roy,  a  esté  mise 
au  net  par  M.  de  Lomenie.  Sa  majesté  la  doibt  escrire 
et  signer  à  ce  soir.  Elle  est  pleine  de  courtoisies  et 
honnestes  offres.  Je  l'envoyerai  aussitost  par  homme 
exprès  ,  avec  celle  que  j'escrirai ,  suivant  le  comman- 
dement que  m'en  a  faict  le  roy.  En  icelle  je  n'oublierai 
le  particulier,  suivant  ce  que  sçavés.  Il  ne  se  fera  rien 
de  ce  que  sa   majesté  doibt  faire  de  sa  part  que  ne 


558  LETTRE  DE  M.  ERARD,etc. 

soyés  en  court  ;  dont  je  suis  très  aise.  Et  c'eust  esté 
mal  à  propros  qu'aultre  que  vous,  qui  estes  aucteur  et 
moyenneur  de  tout ,  eust  rapporté  l'honneur  de  ceste 
belle  et  heureuse  negotiation  (i).  Je  vous  escrirai  de 
bref  plus  au  long  comme  le  tout  s'est  passé. 

Erard. 
Escrlt  à  Fontainebleau,  le  i/j  septembre  i5g3. 


CCLII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  MONTIGNY 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  j'ai  ce  matin  receu  les  vostres  du  5  du 
présent,  et  faict  entendre  à  sa  majesté  le  subject  d'icelles, 
qui  a  commandé  à  M.  de  Lomenie  nous  faire  sçavoir  sa 
volonté,  qui  est  que  les  députés  l'attendent  à  Tours, 
où  il  faict  estât  de  s'acheminer  incontinent,  et  là  il 
resouldra  du  temps  et  du  lieu  de  l'assemblée;  et  m'a 
commandé  d'escrire  aulx  provinces  de  deçà  de  se  tenir 
prestes,  en  attendant  ses  commandemens.  Hier  il  avoit 
pris  resolution  de  les  contremander ,  suivant  l'advis 
de  M.  de  Bouillon  et  de  quelques  ungs  qui  sont  ici, 
pour  les  raisons  que  je  vous  ai  mandées.  Vos  lettres 
sont  veneues  à  propos  pour  rompre  partie  de  ladicte 
résolution.  Je  n'estime  pas  que  M.  de  Bouillon  soit  ici 
que  vers  la  fin  d'octobre,  ne  se  voullant  trouver  au 
sacre.  M.  d'Arambere  reveint  hier  d'Italie ,  laquelle  s'est 
fort  resjouie  du  changement  du  roy  ;  mais  surtout  le 
pape  ,  qui  ne  se  fera  tirer  l'oreille  pour  l'absolution , 

(i)  Pour  le  deraariage  du  roy  et  de  la  royne  Marguerite  de 
Vallois. 


LETTRE  DE  M.  DE  MOl^JTIGNY,  etc.  5^9   ^ 

tant  il  a  de  peur  qu'on  establisse  ung  antipape  en 
Gaule.  Joinct  que  la  descente  de  l'armée  du  Turc  en 
Croatie ,  pour  venger  la  perte  receue  devant  Sija ,  les 
espouvante  ,  comme  elle  faict  toute  l'Allemaigne , 
estant  de  plus  de  deux  cens  mille  hommes  ,  et  n'y 
ayant  rien  de  prest  en  la  frontière  pour  lui  faire  teste. 
Joinct  que  la  maladie  incurable  du  roy  d'Espaigne,  et 
de  plus  la  mort  donne  espérance  aulx  potentats  d'Italie 
d'entreprendre  quelque  chose  sur  ses  estais.  M,  de 
Sancy  part  demain  pour  aller  en  Lorraine,  passe  à 
Sedan  pour  communiquer  avec  M.  de  Bouillon,  et 
espère  séparer  ce  duc  des  conjurés;  cependant  que 
M.  Desdiguieres  a  ouvert  le  chemin  par  la  prise  de 
Sainct  Geny  et  aultres  places  du  Daulphiné  à  Genève, 
en  espérant  de  trouver  ses  Suisses  prests,  a  esté  con- 
trainct  de  rebrousser  chemin  pour  aller  secourir  Ca- 
hours,  que  le  duc  de  Savoye  tenoi.t  assiégé.  Le  roy  est 
allé  disner  à  Fleury,  où  se  doibt  trouver  M.  de  Villeroy. 
La  negotiation  de  la  paix  est  remise  au  retour  de  ceulx 
qui  sont  allés  à  Rome,  qui  ne  partirent  d'ici  que  sa- 
medi. Nous  continuons  nostre  exercice  ;  et ,  par  la  grâce 
de  Dieu,  non  sans  fruict  ;  ce  qui  aussi  nous  rend  nos 
adversaires  plus  fascheux.  Le  curé  de  Sainct  Eustache, 
avec  quattre  presbtres ,  feut  dimanche  tout  du  long  au 
presche  d'après  disner,  et  rendit  ce  tesmoignage  au 
roy,  en  présence  de  queUjues  prélats  et  seigneurs,  qu'il 
n'avoit  rien  ouï  qui  feust  contraire  à  la  saine  doctrine  , 
et  qu'il  seroit  aisé  de  nous  accorder.  Je  vous  escrivis 
samedi  par  ung  habitant  de  Niort ,  qui  m'empeschera 
de  la  vous  faire  plus  longue.  De  Montigny. 

De  Fontainebleau  ,  le  14  septembre  1593. 


56o  LETTRE  DE  M.  DLPLESSIS 

CGLIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
yà  M.  Dumaurier. 

M.  Dumaurier,  j'ai  receu  les  vostres  et  celles  de 
M.  de  Bouillon  par  le  porteur.  Je  lui  satisfais  amplement 
pour  la  réception  et  response  de  ses  lettres.  Je  fais  mon 
estât  d'eshe  en  court  en  mesme  temps  que  lui,  encores 
que  j'eusse  grand  subject  de  flotter  entre  les  comman- 
demens  du  roy  et  les  conseils  contraires  de  la  pluspart 
de  mes  amis  ;  et  neantmoins,  des  que  sçaurés  qu'il  sera 
parti  de  Sedan ,  je  vous  prye  de  me  despescher  ung 
lacquais  exprès,  lui  faisant  prendre  le  chemin  de  Dour- 
dan ,  Ronneval ,  Chasteaudun  et  Vendosme,  et  me  man- 
dant toutes  nouvelles.  Vous  ne  croiriés  pas  le  fiel  qui  se 
descouvre  à  toute  heure  contre  moi.  Mais  Doiniiius 
providebit.  Je  me  soubviens  de  vous. 

Du  i8  septembre  iSgS. 

CCLIV. —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M.  le  duc  de  Bouillon. 

Monsieur,  j'ai  respondeu  à  toutes  vos  précédentes, 
qui  estoient  en  date  du  21  juillet  et  12  aoust;  et  de- 
puis receu  les  vostres  du  2  septembre  par  ce  lacquais. 
J'ai  tasché  de  n'y  rien  obmettre  de  ce  que  j'ai  pensé  à 
propos,  comme  maintenant  de  satisfaire  à  ces  dernières 
de  poinct  en  poinct. 

Vous  estes  en  peine  de  ce  que  nos  députés  auront  à 
traicter  avec  sa  majesté,  incertains  ou  de  paix  avec  la    , 


A  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  56  [ 

Ligue,  ou  de  guerre;  mesme  ayans  esté  proprement 
convoqués  pour  le  retenir  sur  le  poinct  du  changement 
depuis  effectué.  J'estime,  monsieur,  puisqu'ils  sont  si 
avant  acheminés  (car  partie  sont  jà  ici ,  et  les  aultres  les 
suivent  de  près),  qu'ils  doibvent  achever  leur  voyage  , 
et  présenter  leurs  requestes  au  roy,  qui  consistent  en 
la  deuiande  des  choses  nécessaires  pour  la  liberté  et 
seurelé  de  la  relligion,  dont  j'ai  veu  les  articles  assés 
bien  couchés.  S'ils  sont  accordés,  nous  sommes  fondés 
en  droict  contre  ceulx  qui  les  nous  vouldront  arracher; 
s'ils  sont  refusés  ou  remis  à  longs  jours,  nous  y  recog- 
noistrons  ou  la  mauvaise  volonté,  ou  l'impuissance;  et 
sommes  advertis  de  penser  à  nos  affaires.  A  quoi  j'ad- 
jousterai  qu'il  importe  que  chacung  sçache  ce  qui  se 
doibt  espérer  de  la  court  ;  car  rien  ne  nuict  tant  à  la 
reprise  de  l'intelligence  que  la  vaine  espérance  qui  se 
semé  par  quelques  ungs  ,  mesme  des  ministres;  et  rien  , 
au  contraire,  n'y  aidera  tant  que  la  condition  de  Testât 
présent  de  la  court  et  l'appréhension  de  l'advenir. 

Cela  n'empeschera  poinct  que  vous  n'y  arriviés  pre- 
mier pour  sonder  le  guai;  et  moi ,  pour  vous  y  servir, 
en  mesme  temps.  Car  nous  les  pourrons  arrester  en 
quelque  ville  prochaine ,  où  "ils  s'entr'attendront  et 
conféreront  leurs  Mémoires.  Mais  si  nous  leur  donnions 
advis  de  surseoir,  il  seroit  très  mal  pris  de  tous,  et 
nuiroit  mesme  aulx  affaires  du  roy,  la  pluspart  des 
gens  de  bien  estans  aujourd'hui  reteneus  en  debvoir, 
ou  y  retenans  les  aultres  par  l'espérance  de  ceste  con- 
vocation. Ores,  je  vous  ai  mandé,  et  le  vous  répète 
encores,  qui  sont  les  députés;  ceulx  de  Guyenne  arri- 
vent le  20  à  Saincte  Foi;  de  Xaintonge  et  d'Aunix  sont 
ici;  de  Poictou  et  de  Bretaigne  y  seront  au  25;  d'An- 
jou, Touraine  et  le  Maine  sont  tous  portés. 

MÉ3\r.  DE  DCPLESSIS-MORJÎAY.   ToME  V.  36 


562  LETTRE  DE  M,  DUPLESSIS 

Le  concile  de  Trente,  publié  le  i8  d'aoust  à  Paris, 
juré  par  les  princes  et  pretendeus  estais,  depuis  la 
trefve  et  pendant  ung  traicté  de  paix,  semble  nous 
descouvrir  assés  leurs  intentions.  C'est  en  somme,  ou 
de  rendre  la  paix  impossible  au  roy,  ou  de  la  faire 
retomber  en  guerre  sur  nous.  S'ils  tendent  au  premier, 
nous  avons  donc,  sans  plus  temporiser,  à  demander 
ce  qui  nous  est  nécessaire;  car  la  guerre  continuant, 
sa  majesté  aura  besoing  du  service  des  gens  de  bien; 
mesme  les  meschans  ne  s'en  pourront  passer;  et  par 
conséquent  nos  conditions  se  rendront  plus  advanta- 
geuses.  Si  au  second,  il  nous  est  donc  nécessaire  d'in- 
tervenir à  temps  par  nos  députés  ,  pour  empescber  que 
sa  majesté  ne  se  laisse  aller  à  l'approbation  de  ce  con- 
cile ;  dont  s'ensuit  immédiatement  la  persécution  et 
l'inquisition;  et,  au  dcfault  de  les  souffrir,  la  guerre 
ouverte. 

Je  considère  bien  que  sa  majesté  désirera  remettre 
à  leur  respondre  jusques  au  succès  de  Rome.  Mais  il  y 
a  plus  d'apparence  qu'il  nous  fasse  du  bien  devant 
(ju'apres.  Apres  il  ne  sera  plus  temps;  car  le  décret 
d'absolution  sera  à  condition  d'extirper  l'heresie  :  de- 
vant il  sera  plus  supportable,  parce  qu'il  pourra  estre 
interprété  à  nécessité,  non  à  désobéissance,  n'ayant  le 
pape  encores  décerné.  Il  y  a  plus,  qu'en  attendant 
ledict  succès  de  Rome  on  ne  laisse  de  traicter  avec  les 
ennemis,  et  sans  doubte  à  nostre  préjudice,  s'obligeant 
à  des  conditions  contraires  à  celles  que  nous  poursui- 
vons ;  pourquoi  moins  sa  majesté  orra  elle,  et  pour- 
voyera  aulx  très  humbles  requestes  de  ses  plus  obeissans 
subjecls? 

Quel  sera  ce  succès?  je  varie.  Si  le  pape  considère 
l'acquisition  d'ung  grand  roy  soubs  son  pontificat,  il 


A  M.  LE  DUC  DE  BOtJILLON.  563 

semble  lui  debvoir  estre  favorable.  Geulx  qui  le  sça- 
venl  ou  possédé,  ou  contrepesé  par  cardinaulx  espai- 
gnols,  attendent  le  contraire;  tant  y  a  que  le  juge- 
ment donné  tout  fraischement   contre  Agostin   Mor- 
tara,  Genevois,  au  conseil  de  l'inquisition  ,  y  présidant 
le  pape  en  personne,  semble  préjuger  contre  le  roy  ; 
car,  ayant  abjuré  lors  du  concile  de  Trente  ,  pour  avoir 
esté  trouvée  une  lettre  de  lui  par  laquelle  il  asseuroit 
son  frère  qu'il  gardoit  tousjours  en  son  cœur  la  vérité, 
il  a  esté  déclaré  relaps,  et  comme  tel  a  eu   la  teste 
tranchée,   aagé  de   soixante  et  dix  liuict  ans.   Ores, 
tient  on   que  le  pape  prétend  faire  juger  la  cause  du 
roy  au  conseil  de  l'inquisition ,  où  ils  sont  tous  triés 
sur  le  volet  ,    comme  estant  matière  de   foi ,  et  non 
d'estat. 

Pour  s'en  eschapper,  je  vous  disois  qu'on  propose- 
roit  le  mariage  d'Espaigne.  C'estoit  alors  devination , 
maintenant  histoire;  car  La  Varenne  a  passé  par  ici, 
s'allant  embarquer  à  La  Rochelle  pour  passer  en  Espai- 
gne ,  conduict  par  ung  gentilhomme  de  Bernardin  de 
Mendosse  ,  qui  mesme  a  fait  ceste  ouverture.  Il  a  charge 
de  rapporter  le  portraict  de  l'infante ,  la  voir  de  la 
part  du  roy;  proposer  qu'ung  grand  y  sera  envoyé,  si 
le  roy  d'Espaigne  le  trouve  bon.  Bien  est  vrai  qu'on 
nous  dit  que  c'est  à  condition  que  la  royne  d'Angle- 
terre et  les  estats  des  Pays  Bas  seront  compris  en  la 
paix,  qui,  moyennant  cela,  se  fera.  Mais  vous  sçavés 
bien  que  ceste  paix  ne  se  peult  accorder  avec  les 
affaires  des  estats ,  et  ne  satisfera  pas  la  royne  d'An- 
gleterre. Je  le  sçais  de  la  bouche  du  porteur,  qui  ne 
le  m'osa  desguiser,  parce  que  je  monstrai  en  estre 
adverti. 

Vous  n'avés  à  vous  mettre  en  peine  que  ce  qui  se 


56/j  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

traictera  au  synode  national  pour  la  discipline  offense 
la  royne  d'Angleterre  ;  car  il  n'y  a  que  les  églises  réfu- 
giées en  Angleterre  qui  y  sont  conviées.  Et  quant  à  ce 
que  vous  ne  trouvés  telles  assemblées  bonnes  pour  y 
traicler  la  politique ,  je  suis  bien  de  mesme  advis.  Mais 
ce  ne  sera  pas  peu  d'y  prendre  langue  les  ungs  des 
aultres ,  et  de  s'entr'encourager  contre  le  mal  à  venir. 
Et  ung  habile  homme  qui  s'y  trouvera  pourra  faire 
choix  des  affaires  et  des  hommes  aulxquels  il  fauldra 
parler.  L'intelligence  générale,  en  somme,  se  peult 
reprendre  là.  L'exécution  particulière  s'en  fera  puis 
après  par  le  moyen  d'une  assemblée  politique  en  cha- 
cune province. 

Pour  ce  qui  est  à  Sainct  Jean,  j'employe  de  mes 
amis  pour  lever  doulcement  la  défiance  que  M.  de 
Sainct  Mesme  prend  de  ceulx  ([ui  touchent  madame  la 
princesse  ;  car  là  est  tout  le  mal  ;  tous  les  aultres  jugent 
assés  de  combien  il  importe,  et  lui  mesmes  autant 
qu'aulcung  aultre,  sauf  ce  poinct.  On  a  esté  en  propos 
d'envoyer  madame  de  Soissons  le  quérir.  Je  suis  d'ail- 
leurs adverti  qu'ung  grand  y  a  entreprise,  et  ne  l'ai 
peu  encores  descouvrir.  Mais  si  l'occasion  y  eschet,  ne 
doubtés  aulcunement  du  refus.  Je  n'apperçois  certes 
rien  es  actions  de  M.  de  La  Tremouille  dont  on  ait  tant 
à  s'offenser.  Il  n'a  remué  que  la  cène  de  madame  la 
princesse,  poinct  ecclésiastique,  dont  mal  à  propos  on 
a  vouUeu  tirer  une  conséquence  d'estat. 

Vous  aurés  quand  vous  vouldrés  les  lettres  de  ceulx 
de  La  Rochelle  pour  les  estats,  telles  que  m'en  envoye- 
rés  la  minute.  Mesme ,  selon  qu'ils  verront  les  choses , 
ils  pensent  y  despescher  exprès.  Vous  n'ignorés  pas,  au 
reste,  qu'on  parie  bien  de  moi  à  la  court.  Je  combats 
entre  les  conseils  de  mes  amis  et  les  commandemens  du 


A  M.  LE  DUC  DE  BOUILLON.  565 

roy  et  vostres.  Si  fault  il  boire  le  calice,  si  rien  n'en- 
trevient  ;  mais ,  si  vous  m'en  croyés ,  pour  peu  de 
temps;  et  je  desirerois  fort  que  vous  fissiés  ung  tour  en 
Guyenne. 

Ores,  monsieur,  pour  la  fin  je  désire  tousjours  que 
me  fassiés  cest  honneur  de  croire  que  vous  n'avés  rien 
de  plus  acquis  que  mon  très  humble  service.  Et  sur  ce, 
permettes  que  je  vous  baise  très  humblement  les  mains, 
et  supplie  le  Créateur,  monsieur,  vous  avoir  en  sa 
saincte  garde. 

De  Saulmur,  le  i8  septembre  lôgS. 


CCLV.  —  MEMOIRE 

Que  M.  Duplessis  feit  couler  dans  Lyon  sur  la  prise 
de  M.  de  Nemours. 

VosTRE  ville  de  Lyon  n'a  pas  peu  faict  ces  jours 
passés  d'avoir  preveneu  le  desseing  qu'avoit  eu  le  duc 
de  Nemours  de  l'asservir.  Et  la  longue  patience  que 
vous  aviés  eu  par  avant  de  ses  tyranniques  deporte- 
mens ,  faict  assés  juger  que  vous  lavés  veu  prest  de 
venir  aulx  extresmes ,  puisque  vous  avés  eu  recours  à 
l'extresme  remède. 

Mais  ceulx  qui  ont  soing  de  vostre  bien,  sont  en 
attente  quel  conseil  vous  prendrés  maintenant  contre 
les  périls  à  venir,  pour  conserver  ce  qu'avés  recouvré; 
par  ce  qu'il  advient  communeement  aulx  peuples  qu'ils 
secouent  assés  heureusement  l'injuste  joug  par  une 
boutade  de  courage;  mais  ils  sont  tout  esbahis,  qu'ils 
y  sont  ramenés  par  faulte  de  prudence,  n'estant  ce 
courage  esmeu  qu'à  mesure  que  le  mal  les  gesne;  au 


566  MEMOIRE 

lieu  que  l'ayans  pour  une  fois  vivement  senti ,  ils  deus- 
sent  avoir  du  jugement  pour  n'y  retourner  plus,  ayant 
pour  suspect  tout  ce  qui  en  approche. 

Vous  tenés  ung  prince  prisonnier,  et  vous  avés  re- 
cours au  duc  de  Mayenne,  pour  vous  en  faire  raison. 
Vous  debvés  considérer  que  c'est  son  frère.  La  justice 
donc  qu'il  vous  fera  sera  de  pallier  ses  faultes.  Tout 
au  mieulx  aller,  il  le  délivrera  pour  le  tirer  de  là,  en 
vous  baillant  aultre  gouverneur  à  sa  dévotion.  Par 
ainsi,  vous  aurés  faict  ung  ennemi  h  vostre  ville,  qui 
tient  le  pays  voisin  dessoubs  sa  main  ,  pour  se  venger 
de  vous,  autant  que  son  insolence,  et  son  aage  le 
porte.  Et  en  aurés  receu  ung  aultre  dedans ,  qui  aura 
toutes  vos  actions  suspectes,  et  espiera  de  plus  près 
vostre  liberté,  ayant  veu  par  expérience  que  vous  la 
voulés,  et  sçavés  bien  garder,  quand  il  vous  plaist. 

C'est  en  somme  passer  tousjours  d'ung  mal  en  ung 
aultre,  et  non  pas  avoir  trouvé  santé,  comme  vous 
la  cherchés.  Et  Paris  vous  en  peult  estre  exemple,  où 
le  duc  de  Mayenne  se  sceut  bien  servir  de  la  dévo- 
tion des  moins  corrompeus  de  la  ville,  pour  réprimer 
l'insolence  des  Seize ,  qu'il  voyoit  trop  dependans  du 
duc  de  Parme  :  mais  ce  coup  là  faict,  tout  aussi  tost 
il  leur  serra  la  bride  tellement,  que  leur  vigueur  ne 
leur  servit  qu'à  s'asservir  tant  plus;  à  lui  au  contraire, 
à  se  faire  rechercher  de  l'Espaignol  pour  s'establir,  et 
sur  eulx,  et  contre  eulx. 

Il  n'est  que  de  prendre  le  chemin  de  liberté,  quand 
on  est  en  train ,  sans  regarder  derrière.  La  vraie  liberté 
se  trouve  soubs  les  lois;  les  lois  qui  ne  peuvent  onc 
tenir  leur  lieu  que  soubs  le  juste  prince,  celui  seul 
que  Dieu  et  nature  nous  donnent.  Ceulx  qui,  par  am- 
bition (car  on  le  voit  assés),  font  violence  à  Dieu, 


SUR  LA  PRISE  DE  M.  DE  NEMOURS.  B6j 

ne  font  pas  clroict  aulx  hommes;  ceulx  qui  veullent 
croistre  au  monde  en  despit  de  nature,  ne  font  pas 
grand  cas  du  droict  des  gens  ;  ont  trop  d'interest  aussi 
pour  venir  à  leur  but,  de  restreindre  vos  libertés,  de 
raccourcir  vos  privilèges. 

La  relligion  vous  pouvoit  avoir  meus.  Geste  pierre 
est  levée.  Une  citadelle  aussi  vous  desplaisoit.  Elle  vous 
est  ostee.  Pour  accomplir  et  perpétuer  une  vraie  li- 
berté, ne  vous  reste  qu'ung  poinct,  de  recognoistre , 
sans  plus  tarder,  vostre  roy  légitime,  que  tost  ou  tard  , 
quoi  qu'on  die,  il  vous  fault  recevoir  :  duquel,  pour 
ce  bon  exemple,  car  de  tels  services  en  sont  la  source  , 
vous  pourrés  tirer  accroissement  de  libertés,  d'octroys 
et  privilèges  ;  mais  surtout  ce  privilège  souverain  ,  le 
vrai  restablissement  de  vostre  ville  en  sa  première 
splendeur  et  dignité,  en  ung  bon  et  asseuré  repos, 
qui  ne  se  virent  jamais  que  soubs  la  paix;  la  paix, 
soubs  la  justice;  la  justice,  soubs  le  légitime  empire 
d'ung  roy  naturel,  donné  de  Dieu,  incompatibles  avec 
Tusurpation  de  l'estranger,  et  de  tout  aultre,  quelque 
prétexte  qu'il  prenne,  quelque  hypocrisie  qu'il  pallie. 


CCLVI.  — -«^^  LETTRE 

De  la  roy  ne  Marguerite  a  M.  Duplessis. 

M.  Duplessis ,  il  fault  que  j'avoue  avec  non  moins 
d'expérience  que  de  contentement,  que  je  doibs  à  vos 
bons  offices  l'heureux  succès  de  mes  affaires,  es  quels 
comme  avés  donné  et  le  principe  et  l'acheminement 
tel  que  j'ai  très  grande  occasion  d'en  louer  Dieu ,  et 
vous  en  rester  redevable,  je  vous  supplie  y  voulloir 


568  LETTRE  DE  LA  ROYNE  MARGUERITE 

donner  pareille  fin  ,  faisant  que  les  biens  qu'il  plaist 
au  roy  de  me  faire  et  dont  par  le  brevet  que  le  sieur 
Erard  m'a  rendeu,  il  lui  a  pieu  me  tesmoigner  sa  vo- 
lonté ,  me  soient  tellement  asseurés  que  l'effect  en 
réussisse.  Comme  je  suis  très  certaine  que  c'est  la  vo- 
lonté du  roy,  j'en  ai  baillé  ung  mémoire  au  sieur  Erard, 
que  je  vous  supplie  prendre  la  peine  de  voir,  et  voulloir 
accroistre  les  infinies  obligations  que  je  vous  ai  de 
celle  ci,  de  voulloir  supplier  le  roy  m'accorder  ma 
pension,  comme  je  l'avois  du  temps  des  rois,  mes 
frères.  Ce  n'est,  de  plus  que  les  douze  mille  escus  qu'il 
lui  a  pieu  m'accorder,  que  quattre  mille  six  cens  escus  , 
peu  pour  lui  et  beaucoup  pour  moi ,  qui  reste  avec  si 
j)eu  de  moyens  en  rendant  tout  ce  que  je  rends,  qu'il 
me  sera  presque  impossible  de  pouvoir  entretenir 
mon  train  selon  ma  qualité.  Il  avoit  pieu  au  roy  m'es- 
crire  par  sa  première  lettre  qu'il  m'avoit  accordé  tout 
ce  que  j'avois  baillé  par  mémoire  au  sieur  Erard;  et 
toutesfois  l'expédition  d'Usson  ne  m'a  poinct  esté  an- 
nexée, qui  estoit  ung  des  articles;  je  ne  sçais  pourquoi 
l'on  s'en  feroit  difficulté,  le  roy  me  l'ayant  faict  offrir 
par  le  sieur  Erard  à  son  premier  voyage.  Je  ne  désire , 
pour  ma  seureté,  aultre  place,  et  n'en  veulx  le  reveneu 
qu'en  rabattant  autant  sur  les  quinze  mille  francs  de 
ma  dot ,  qui  sont  de  tout  temps  assis  sur  Tours.  Je  ne 
pourrai  croire  que  l'on  voulleust  ma  conservation  ,  si 
l'on  me  voulloit  oster  ceste  place  ,  où  il  ne  mettra 
jamais  personne  qui  la  lui  garde  plus  fidèlement,  et 
vous  prye  l'asseurer  que,  lorsqu'il  plaira  à  Dieu  le  rendre 
si  paisible  en  son  royaulme  que  j'en  puisse  sortir  en 
seureté,  que  je  ne  la  mettrai  jamais  en  aultres  mains 
que  les  siennes.  Il  me  la  doibt  plustost  fier  qu'à  ceulx 
qui  me  la  voudroient  oster.  Vous  n'en  ignorés   pas , 


A  M.  DUPLESSIS.  569 

que  je  crois,  les  raisons.  Je  me  suis  trop  arresté  sur  ce 
subject.  M.  Erard  veult  en  parler  au  roy  de  ma  part, 
auquel  Taffection  m'a  emporté,  comme  de  tous  les 
poincts  qui  sont  en  mon  mémoire,  conforme  au  premier, 
que  le  roy  m'a  accordé  ce  que  j^  veulx  supplier  prendre 
en  vostre  protection,  en  laquelle  je  mets,  après  Dieu  , 
l'espérance  de  tous  mes  affaires,  aulxquels  recevant 
tous  les  jours  nouvelles  obligations  de  vos  bons  offices, 
mon  désir  sera  aussi,  tousjours  s'accroissant,  de  trou- 
ver quelque  digne  moyen,  non  de  m'en  dégager,  mais 
de  m'en  acquitter  de  partie,  et  est  juste  que,  sur  les 
cinquante  mille  escus  que  m'avés  faict  donner  au  roy, 
pour  augmenter  l'assignation  de  mes  debtes,  Dieu  m'en 
offrist  une  occasion.  Je  vous  y  supplie  y  prendre  qua- 
torze mille  escus  pour  arrbes  de  ce  que  j'estime  debvoir 
à  l'obligation  que  je  vous  ai.  M.  Erard  vous  en  baille 
avec  le  brevet  du  premier  bénéfice  vacant  en  mes 
terres.  Je  vous  avois ,  deux  jours  avant  que  M.  Erard 
arrivast,  despesché  ung  lacquais  pour  vous  porter  les 
lettres  de  l'abbaye  de  Clerac,  où  je  pouvois  encorcs 
nommer.  Je  désire  qu'il  aille  à  bon  port.  Je  l'addressois  à 
Chartres,  au  camp.  Mon  secrétaire  en  estimoit  qu'elle 
vous  eust  esté  commode  où  elle  est.  Je  tiendrai  à  beau- 
coup d'heur  que  ces  petits  tesmoignaiges  de  mon  peu 
d'ingratitude  vous  puissent  donner  certaine  cognois- 
sance  de  ma  volonté ,  et  de  combien  j'honore  et  prise 
le  bien  de  vostre  amitié,  de  laquelle,  si  je  ne  craignois 
abuser,  je  vous  pryerois  encores  voulloir  tenir  la  main 
à  l'accomplissement  des  articles  de  mon  mémoire,  et 
d'asseurer  le  roy  que  soubdain  que  j'aurai  receu  les 
expéditions  qui  restent  pour  me  rendre  ces  choses  as- 
seurees ,  je  ne  fauldrai  lui  envoyer  la  procuration  né- 
cessaire à  l'effect  pour  lequel  est  veneu  le  sieur  Erard, 


D70  LETTRE  DE  LA.  ROYNE  MARGUERITE,  etc. 
et  m'obligerés  beaucoup  d'empescher  que  l'on  n'y 
change  la  forme  cly  procéder,  en  quoi  je  recognois 
avoir  une  si  grande  obligation  au  roy ,  que  ma  gran- 
deur que  je  sacrifie  pour  la  sienne,  bien  que  ce  soit 
ung  bien  qui,  entre  le» choses  plus  chères  et  plus  pri- 
sées, doibvent  tenir  le  troisiesme  rang,  ne  se  peult  esga- 
1er  au  mérite  de  celui  que  je  reçois  de  lui,  où  je  sçais 
que  vostre  conseil  a  beaucoup  secondé  son  bon  naturel. 
Le  sieur  Erard  vous  tesmoignera  ce  que  j'en  ressens  en 
mon  ame  ,  le  papier  ne  le  pouvant  suffisamment  repré- 
senter ,  qui  m'en  fera  remettre  ,  comme  de  tous  mes 
affaires,  à  sa  fidélité  et  suffisance  pour  pryer  Dieu, 
M.  Duplessis,  vous  donner  tout  heur  et  félicité.  Vostre 
très  affectionnée  et  plus  fidèle  amie. 

Marguerite. 
D'Usson,  ce  lo  novembre  1693. 

Je  vous  supplie  asseurer  le  roy  que  je  ne  fauldrai 
d'envoyer  sa  susdicte  procuration,  soubdain  que  j'aurai 
eu  l'accomplissement  de  mon  mémoire,  qui  sont  toutes 
les  expéditions  en  bonne  forme  de  tout  ce  qu'il  a  pieu 
au  roy  m'accorder. 


CCLVII.  —^  CERTIFICAT 

De  la  rojne  Marguerite  d'avoir  signe  ung  blanc  pour 
servir  de  quittance  de  1 4,000  livres ,  qu'elle  donne 
a  M.  Duplessis. 

Nous,  Marguerite,  par  la  grâce  de  Dieu,  reine  de 
France  et  de  Navarre,  certifions  que  cejourd'hui  nous 
avons  signé  ung  blanc  de  la  somme  de  quatorze  mille 
escus  sol,  pour  servir  de  quittance  d'icelle  somme,  en 
déduction  dé  la  somme  de  cinquante  mille  escus  qu'il 


CERTIFICAT  DE  LA.  ROYNE  MARGUERITE.  57  r 
a  pieu  au  roy  nous  accorder  sur  les  deniers  provenans 
de  Li  vente  des  biens  et  terres  de  son  ancien  domaine 
et  de  Navarre,  et  lequel  blanc  nous  avons  envoyé  au 
sieur  Duplessis  Mornay,  conseiller  du  roy  en  son  con- 
seil d'estat  et  privé,  pour  recevoir  ladicte  somme  de 
quatorze  mille  escus,  que  nous  lui  avons  donnée  pour 
les  bons  et  agréables  plaisirs  et  offices  qu'il  nous  a 
faict.  En  tesmoing  de  quoi  avons  signé  ceste  présente, 
et  faict  contresigner  à  l'ung  de  nos  secrétaires,  et  y 
faict  appliquer  le  placard  de  nos  armes. 

Signé  Marguerite; 
Et  plus  bas ,  François,  et  scellé. 
Du  I?.  novembre  lôgB. 


CCLVIII.  -—  ^  LETTRE 

De  la  royne  Marguerite  a  M.  Duplessis. 

M.  Duplessis,  j'ai  receu  ,  avec  extresmement  conten- 
tement, la  souvenance  qu'avés  eu  de  moi.  Les  obliga- 
tions que  je  vous  ai  m'estant  si  mises  en  la  mémoire , 
que  vous  n'aurés  jamais  amie  qui  vous  souhaitast  tant 
de  bien  que  moi ,  qui  estime  le  peu  qu'aviés  voulleu 
recevoir  de  recognoissance  que  je  doibs  à  vos  bons  of- 
fices pour  chose  si  petite,  que  tant  nous  fault  que  je 
ne  veuille  que  les  retiriés,  que  je  desirerois  faire  infini- 
ment dadvantage.  Ma  quittance  de  quatorze  mille  livres  , 
que  M.  Erard  vous  portera,  et  ma  procuration  que  je 
vous  en  ai  envoyée  depuis,  vous  en  doibvent  asseurer. 
Le  temps  ni  nul  accident  qui  peult  arriver  ne  me  fera 
jamais  changer  ceste  volonté,  et  de  vous  demeurer 
pour  jamais,  vostre  très  affectionnée  et  plus  fidèle 
amie.  Ma.rguerite. 


^'J-y.  LETTRE  DE  M.  DE  BONGARS 

CCLTX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BONGARS 

A  M.  Diiplessis. 

Monsieur  ,  ma  dernière  est  de  Guitaine.  J'ai  depuis 
veu  M.  l'ambassadeur  d'Angleterre,  qui  m'a  dict  que 
vous  desiriés  que  le  roy,  son  maistre,  entreprist  la  re- 
conciliation des  différends  qui  sont  entre  les  reformés  en 
Allemaigne  et  ailleurs  ;  m'a  faict  l'honneur  de  m'en 
demander  mon  advis  qui  est  qu'il  doibt,  et  il  eust  peu 
en  venir  heureusement  à  bout,  s'il  l'eust  entrepris  il 
y  a  quelques  années.  Sa  réputation  estoit  entière,  l'es- 
pérance de  lui  très  grande,  ses  alliances  embrassoient 
partie  des  princes  d'Allemaigne,  le  gouvernement  de 
Saxe,  Virtemberg  estoit  obligé  de  son  ordre,  et  d'ail- 
leurs à  sa  dévotion,  qui  sont  les  deux  princes  soubs 
lesquels  naissent  les  plus  opiniastres  et  violens  doc- 
teurs, qui  pouvoient  adoulcir  ces  esprits  aigres  par 
plusieurs  moyens  ;  je  sçais  que  le  dernier  eust  faict 
ce  qu'il  eust  voulleu ,  et  de  soi  estoit  porté  à  ceste 
paix.  Ne  restoit  que  Neubourg,  qui  eust  nécessaire- 
ment cédé  aulx  aultres.  Grefhen  n'estoit  pas  encores 
en  estre  ;  mais  ce  temps  là  est  passé.  Je  n'en  désespère 
toutesfois  poinct  ;  je  crois  que  ce  roy  là  s'y  doibt  por- 
ter. Cest  électeur  de  Saxe  est  plus  maniable  que  le 
deffunct;  on  peult  traicter  avec  lui.  Wirtemberg,  à 
mon  advis,  n'aura  pas  moins  de  respect  envers  lui. 
Mandenbourg  y  est  tout  disposé;  aussi  est  Holstein , 
et  je  crois  le  mesme  de  Danemarck.  Atlieure  distraict 
mal  à  propos  à  ceste  guerre  de  Suéde,  en  laquelle 
il  a  du  subject  qui  le  destourne  de  tout  aultre  chose , 
comme  Brouwer  par  l'entreprise  qu'il  a  contre  sa  ville, 

V 


A  M.  DUPLESSIS.  573 

laquelle  feut  du  tout  changée.  Vous  sçavés  quels  sont 
les  aultres  princes  ,  ou  nostres  peu  esloingnés  de 
nous.  Je  vous  prye  donc,  monsieur,  de  battre  ceste 
cause.  J'espère  que  ce  sera  avec  succès,  si  ce  roy  s'en 
rend  capable  ;  j'en  ai  escrit  il  y  a  long  temps  à  M,  de 
Gourdon,  et  ai  pryé  iceulx  de  Heidelberg  de  l'en  re- 
chercher, et  je  crois  vous  avoir  autre  fois  escrit  qu'ung 
gentilhomme,  lors  d'auctorité  près  d'ung  des  premiers 
princes  luthériens,  m'avoit  demandé  pourquoi  que  le  roy 
de  Navarre  avoit  tant  pressé  cest  affaire.  Je  ne  disoismot 
à  ceste  heure,  ayant  oui  qu'il  ne  falloit  pas  attendre 
cela  de  lui,  que  c'estoit  du  tour  donné  à  l'aultre  rel- 
ligion;  répliqua  pourquoi  nos  églises  n'en  poursuivent 
la  recherche,  disant  n'y  avoir  comme  en  Allemaigne, 
en  laquelle  nous  n'eussions  des  amis,  défenseurs  de  la 
vérité.  Nos  églises  ne  sçauroient  faire  ceste  poursuite 
sans  jalousie  et  sans  bruict,  et  ne  la  sçauroient  avec 
auctorité.  Ce  roy  la  peult  faire.  Ledict  sieur  ambas- 
sadeur vous  prye  d'en  mettre  vostre  advis  par  escrit, 
afin  qu'il  le  puisse  proposer  avec  fondement. 

Nous  n'avons  rien  de  nostre  journée  de  Nuremberg, 
sinon  que  le  marquis  d'Avespars  y  doibt  estre  arrivé 
avec  charge  de  l'empereur,  lequel  il  a  veu  à  Prague  :  c'est 
ung  prince  sage  et  généreux;  mais  ses  adjoints  ne  val- 
lent  rien.  C'est  ce  qui  ameute  beaucoup  de  gens  à  s'ex- 
cuser, combien  qu'il  ait  mis  en  avant  la  peste ,  qui  est 
partout  ce  pays. 

Le  roy  de  Danemarck  ayant  batteu  son  ennemi  en 
campaigne ,  a  mis  le  siège  devant  Presbourg,  et  avec 
partie  de  son  armée  faict  ravager  la  Suéde.  Il  faict 
nouvelles  levées  de  gens ,  et  la  Suéde  se  fortifie  de 
Moscovites.  C'est  une  mauvaise  besogne.  Les  remon- 
strances  des  estats  arrivées  au  fort  des  succès  des  Da- 


574  LETTRE  DE  M.  DE  BONGARS  ,  etc. 

nois  ont  esté  inutiles.  On  croit  que  les  marchands, 
fort  incommodés  par  ceste  guerre,  porteront  le  roy  de 
la  Grande  Bretaigne  à  s'en  entremettre. 

On  dict  qu'il  n'a  pas  voulleu  permettre  la  veneue 
de  la  compaignie  du  duc  d'Yorck ,  signe  du  mécon- 
tentement qu'il  a  de  nos  alliances  d'Espaigne.  Nous 
sommes  de  povres  gens;  mais  Dieu  nous  aidera,  et 
amendera  nos  faultes,  si  nous  nous  amendons.  Je  le  prye 
pour  vostre  santé,  monsieur,  et  suis  vostre  serviteur. 

Djî  Bongars. 

De  Paris,  ce  17  novembre  1693. 


CCLX,  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  de  Bazenval. 

MoNSiJ'UK,  je  vous  ai  mandé  comme  j'estois  arrivé 
y  a  quelque  temps  près  de  sa  majesté,  où  depuis  j'ai 
receu  vos  lettres  de  septembre  et  octobre.  M.  Morlas 
m'a  faict  entendre  vostre  estât ,  dont  je  loue  Dieu  ,  car 
je  vois  que,  par  le  bon  ordre  qui  y  est,  il  s'affermit 
tous  les  jours.  Il  nous  fault  tenir  la  main  à  ce  que  le 
roy  et  son  conseil  le  tiennent  au  lieu  qu'ils  doibvent, 
n'ayant  aussi  à  la  vérité  ni  plus  prompts,  ni  plus  pro- 
ches, ni  plus  sincères  amis.  Madame  la  princesse  m'es- 
crivoit  à  ce  que  le  gouvernement  du  Hourdel  feust 
donné  à  M.  son  fils:  si  j'y  feusse  veneu  à  temps,  j'eusse 
tasché  de  lui  tesmoigner  en  cela  combien  je  suis  sou 
serviteur.  Mais  vous  aurés  veu ,  par  le  retour  de  M.  Ca- 
luart,  que  sa  majesté  en  auroit  jà  ordonné,  proposant 
le  choix  de  M.  le  Vidame,  ou  de  M.  de  La  Noue,  sur 
quoi  on  attend  la  response.  Et  à  ce  propos  je  vous 
dirai  que  sa  majesté  a  trouvé  bon  que,  sur  ce  prin- 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIf?,  etc.  SyS 

temps,  je  me  loge  à  Sainct  Nazare,  pour  favoriser  les 
affaires  de  Bretaigne.  Vous  en  sçavés  la  conséquence , 
et  que  cela  ne  se  peult  qu'avec  l'aide  et  assistance  de 
messieurs  des  estais,  pour  tenir  la  mer,  tandis  que  je  me 
mettrai  en  défense ,  c'est  à  dire  qu'il  ne  se  peult  sans 
vous.  Je   vous   prye  seulement   pour  ce   commence- 
ment, si  aultre  en  faisoit  ouverture,   de  la  repousser 
doulcement,  vous  resouvenant  que  cela  est  promis  à 
vostre  ami ,  qui  peult  estre  a  seul  le  moyen  de  le  faire  ; 
et  dans  peu  de  temps,  après  en   avoir  communiqué 
avec  ceulx  dont  j'ai  besoing  d'y  estre  assisté ,  je  vous 
despescherai  exprès  personne  capable  avec  bonnes  let- 
tres du  roy,  en  vertu  desquelles  vous  puissiés  pour- 
suivre les  aides  nécessaires.  Pour  vostre  particulier  , 
maintenant  qu'on  dresse  Testât,  nous  ramentevons  de 
vous  y  faire  employer,  pour  vous   tirer  désormais  de 
peine.  Je  n'oublierai  rien  ;  mais  je  puis  peu  aulx  finan- 
ces.   Quant  aulx  deux  mille  escus ,  il    les  vous  fault 
faire  touscher  d'ailleurs  que  de  vostre  assignation;  car 
cela  seroit  trop  long  en  ce  misérable  temps  que  telles 
poursuites  se  rendent  difficiles  de  jour  à  aultre.  Mais 
envoyés  le  mandement  et  vostre  blanc  à  Durand;  et 
je  trouverai  moyen  de  vous  en  tirer  par  aultre  voye , 
et  au  plustost  qu'il  me  sera  possible.  Le  roy  a  consenti 
qu'il  seroit  vendeu  pour  deux  cens  vingt  et  cinq  mille 
escus  de  son  ancien  domaine  pour  les  Suisses,  et  au- 
tant pour  les   créanciers  de  sa   maison  de   Navarre  , 
dont  nous  sommes  poursuivis  à  oultrance.  Cela  nous 
coupe  les  moyens  de  faire  si  aiseement  plaisir  à  nos 
amis.    Je    vous   prye   cependant   d'avoir  tousjours  en 
soing  l'envoi  de  nos  canons,  et  me  mander  qui  il  est 
besoing  que  j'en  remercie  ,  parce  que  j'y  pourrois  pé- 
cher en  double  sorte.  J'en  escris  cependant  à  madame 


576  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

la  princesse,  sans  rien  spécifier;  à  M.  le  comte,  et  a 
M.  le  prince,  son  frère.  J'approuve  tout  le  conseil  que 
me  donnés  pour  mon  fils.  Mon  intention  a  tousjours 
este  qu'il  passast  par  Angleterre ,  tanquam  per  hospi- 
tiinn ,  et  residast  par  ses  estudes  à  Leiden ,  où  vostre 
œil  et  nostre  amitié  le  pourroit  et  diriger  et  recom- 
mander. Ce  sera,  aidant  Dieu,  pour  ce  printemps;  et 
entre  ci  et  là  il  se  rompt  tout  doulcement  aulx  exer- 
cices plus  nécessaires,  sans  incommoder  ses  estudes. 
Au  moins,  si  nous  ne  lui  acquérons  de  quoi  splendi- 
dement vivre,  apprenons  lui,  et  à  vivre,  et  à  bien 
vivre.  De  celui  de  M.  Aersens,  je  n'en  oi  poinct  parler, 
et  m'ennuye  ;  et  tua,  et  sua  y  et  parenlis  causa;  di- 
cam  et  mea  :  car  j'avois  envie  de  le  mettre  en  train  de 
servir,  et  au  public  et  à  ses  amis.  Je  m'en  suis  enquis 
de  M.  de  Morlas,  qui  en  est  en  pareille  peine. 

De  republica.  Nous  ne  voyons  poinct  que  les  enne- 
mis ayent  nerf  qui  tende  à  la  paix.  Et  puisque  la  trefve 
n'estoit  soubstenable  que  pour  icelle,  je  pense  que 
erumpet  in  sœvius  et  severius  bellum  ;  je  dis  ,  et  par 
la  force  et  par  la  justice:  aultrement,  nous  n'en  au- 
rons jamais  le  bout;  car,  ayant  fait  jelter  au  roy  en 
vain  la  seule  pierre  qui  sembloit  rester  en  sa  panne- 
tiere  ,  s'ensuit  que  nous  venions  aulx  prises  :  en  quoi 
il  aura  besoing  d'estre  vivement  secoureu  de  ses  voi- 
sins. Les  Anglois  promettent ,  et  nous  attendons  M.  de 
Sidney  (i).  L'Aliemaigne ,  sur  le  subject  de  Strasbourg, 
s'escarmouche  à  bon  escient  et  nous  faict  de  grands 
offres.  L'Italie  continue  ses  aides.  Vous,  à  monadvis, 
surpasserés  vous  mesmes  en  toutes  sortes  :  Roina  in- 
térim, liactenus  nihil.  M.  de  Nevers  y  a  esté  receu 

(i)  Robert  de  Sidney  ,  aujourd'hui  comte  de  I.eycestre. 


A  M.  DE  BUZENVAL.  5-7-7 

en  qualité  privée.  On  tient  que,  par  sa  présence  ,  il  y 
deviendra  bientost  personne  publicque,  c'est  à  dire 
qu'il  s'y  fera  recognoistre  en  la  qualité  de  celui  qui 
l'envoyé.  La  guerre  du  Turc  y  aidera;  car  encores 
qu'on  tienne  qu'il  a  esté  batteu  de  nouveau  en  Croatie 
accersitur potius  his  cladibus ,  quam  arcetur.  Tant 
y  a  que  ,  si  le  pape  nous  esconduit,  imminet  schisma 
in  Gallia.  S'il  nous  reçoit,  verendum  est ,  nefunestis 
conditionibus.  Dont  toutesfois  M.  de  Nevers  a  man- 
dement fort  exprès  de  se  dcffendre  ;  et  plustost  de 
rompre.  Cependant  nos  députés  des  églises  eurent  hier 
leur  première  audience.  Et  sera  traicté  avec  eulx.  Il  y 
sera  besoing  d'une  grande  discrétion  pour,  en  les  con.- 
tentant  en  choses  si  justes  et  nécessaires,  ne  donner 
pas  prétextes  de  malcontentement,  ou  à  Rome,  ou  à 
ceulx  qui  en  despendent  :  Deus  nobis  sanam  mentem. 
C'est  ce  que  vous  aurés  pour  ce  coup.  Je  salue,  mon- 
sieur, humblement  vos  bonnes  grâces  ,  etc. 

Et  par  apostille  estait  escrit  :  Vous  pouvés  ,  ce  me 
semble,  aiseement  vous  eschapper  si  on  parle  du  faict 
de  Sainct  Nazare,  en  alléguant  que  messieurs  les  estats, 
obligés  pour  le  Hourdel,  ne  peuvent  pas  mettre  la 
main  à  tant  de  choses  à  la  fois.  Et  j'estime  mesmes 
que  c'est  bien  la  vérité. 

t)u  ig  décembre  i593. 


CCLXI.  —  LETTRE 

De  monseigneur  de  Montpensier  a  M.  Duplessis. 

Monsieur  Duplessis,  vos  dernières  lettres  me  sont 
si  libérales  d'asseurances  de  vostre  bonne  volonté,  ac- 
compagnées de  tant  de  bons  advis  qu'il  vous  plaist  me 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAT.  ToMlî  V.  37 


578  LETTRE  DE  M.  DE  MONTPENSIER ,  etc. 
donner,  que  je  ne  m'en  rendrai  moins  soigneux  ob- 
servateur ,  que  très  affectionné  à  vous  tesmoigner 
combien  je  m'en  ressens  vostre  obhgé.  Et  parce  que 
je  ne  pourrois  pas  bien  seurement  vous  mander  beau- 
coup de  particularités,  qui  m'importent  fort,  je  me 
servirai  du  chiffre  que  M.  de  Cussé  a  avec  vous,  le- 
quel est  si  bien  instruict  de  ces  nouvelles ,  que  je  me 
repose  entièrement  sur  ce  qu'il  vous  en  escrira  ;  vous 
suppliant  avec  toute  Taffection  qu'il  m'est  possible  d'y 
vouUoir  apporter  les  remèdes  que  vostre  prudence  ad- 
visera  estre  les  plus  utiles.  Vous  estes  ung  des  princi- 
paulx  instrumens  propres  pour  l'advancement  de  cest 
affaire ,  qui  après  mon  salut  m'est  affectionné  sur 
toutes  les  choses  du  monde.  Je  m'asseure  qu'il  vous 
plaira  entièrement  m'obliger,  et  ne  laisser  cest  œuvre 
imparfait  que  vostre  dextérité  a  si  heureusement  ache- 
miné. Ce  qui  m'a  rendeu  du  tout  vostre  redevable  et 
à  jamais  vostre  très  fidèle ,  très  affectionné  et  obligé 
ami,  Henry  de  Bourbon. 

A  Rennes,  ce  20  décembre  iSgS. 


CCLXII.  — -V-DON 

Du  dixîesme  des  impositions  su?'  la  inviere  de  Saul- 
mur,  faict  par  le  roj  a  M.  D  u pies  sis ,  /e  23  dé- 
cembre 1593. 

Aujourd'hui,  ^3  décembre  i593,  le  roy  estant  à 
Mantes  ,  en  considération  des  services  que  le  sieur 
Duplessis,  conseiller  en  son  conseil  d'estat,  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances,  et 
gouverneur  de  la  ville  et  seneschaulsee  de  Saulmur, 
lui  a  faict  et  continué  chacung  jour,  tant  à  la  conser- 


I 


BON  FAICT  PAR  LE  ROY,  etc.  679 

"vation  de  ladicte  ville  que  ailleurs,  et  pour  lui  donner 
moyen  de  supporter  la  despense  qu'il  est  contraint  faire 
à  ceste  occasion,  lui  a  accordé  le  dixiesme  denier  des 
impositions  extraordinaires  qui  se  lèvent  audict  Saul- 
mur  sur  la  rivière,  pour  la  garnison  et  fortifications 
de  ladicte  ville,  ayant  à  cesie  fin  sa  majesté  commandé 
]e  présent  brevet  lui  en  estre  expédié  et  toutes  lettres 
nécessaires.  Henry; 

Et  plus  bas  y  FoRGET. 


CCLXIII.  —  ^  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS 
A  M.  Chorîn. 

Au  mois  de  décembre  iSgS. 

M.  Cliorin  asseurera  monsieur  le  mareschal  d'Au- 
mont  de  mon  affection  envers  son  service ,  du  désir 
que  j'ai  de  sa  bonne  grâce ,  et  du  tesmoignage  que 
j'en  ai  rendeu  près  sa  nîrijesté; 

Mais,  particulièrement,  d'une  estroicte  correspon- 
dance que  je  le  supplie  d'avoir  pour  agréable,  pour 
le  servir  en  toutes  bonnes  occasions,  soit  en  court, 
soit  ailleurs  ,  n^esmes  en  celles  esquelles  ce  peu  de 
charges  que  j'ai  pourroit  apporter  quelque  commodité 
aulx  affaires  de  Bretaigne. 

S'il  apperçoit  qu'il  y  prenne  goust,  lui  proposera 
l'affaire  dont  avons  parle  enscjuble;  mais  avec  protes- 
tation que  ne  m'en  meslerai  point,  si  aulire  en  a  cog- 
noissance  que  lui. 

Lui  en  fera  considérer  premièrement  l'importance 
en  soi  et  la  conséquence  pour  toute  la  province;  puis 
lui  fera  voir  que  je  suis  seul  par  qui  il  y  puisse  parve- 
nir, et  resoleu  de  n'y  parvenir  qu'avec  lui. 


58o  MEMOIRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc. 

Les  raisons  sont  :  que  j'en  ai  les  expéditions  et  pré- 
paratifs en  mes  mains;  que  j'y  ferai  les  frais  pour  la 
levée  des  hommes,  des  pionniers,  des  vaisseaux,  l'ar- 
tillerie, et  aulcunes  choses  nécessaires  qui  ne  peuvent 
estre  que  très  grands  ;  mais  principalement  que  ceuk 
sans  lesquels  cela  ne  se  peult  effectuer  ne  s'en  confie- 
ront volontiers  en  aultre  qu'en  moi ,  auquel  ils  ont  ad- 
vancé  de  long  temps. 

Ne  lui  cèlera  poinct  que  j'en  ai  parlé  à  sa  majesté, 
laquelle  a  pris  infiniment  à  cœur  cest  affaire  comme 
une  grande  ressource  ,  si  elle  est  bien  mesnagee ,  et 
d'autant  plus  que  je  lui  ai  dict  que  je  n'entendois  y 
toucher  que  de  l'advis  et  commandement  de  mondict 
sieur  le  mareschal. 

Comme  aussi ,  Dieu  m'y  bénissant ,  je  me  délibère 
de  lui  rendre  tout  l'honneur  et  le  service  qu'il  sauroit 
désirer  de  moi  ;  et  lui  ouvrir  par  ce  moyen  la  porte 
à  aultres  desseings  proches  de  là,  que  M.  Chorin  lui 
saura  mieulx  déduire. 

S'il  s'y  resoull,  fauldra  que  ledict  sieur  Chorin  me 
vienne  trouver  à  Saulmur,  pour  le  despescher  au  Pays 
Bas,  avec  les  instructions  nécessaires,  pour  l'exploit 
desquelles  il  prendra  une  despesche  de  sa  majesté  en 
court  et  n'obmettra  de  prendre  lettres  de  mondict 
sieur  le  mareschal  au  roy,  portant  créance;  aussi  à 
messieurs  les  estats  du  pays;  à  M.  le  comte  Maurice, 
à  madame  la  princesse  d'Orange,  à  M.  de  Buzenval, 
lesquelles  lui  donnent  créance  envers  eulx  pour  ceste 
neootiation;  et  me  remettant  sur  le  surplus  à  expli- 
quer  vos  lettres. 

FIN    DU    TOME    CINQUIÈME. 


TABLE  DES  PIEGES 

CONTENUES  DANS  LE  TOME  CINQUIÈME. 


I.  —  *  Discours  au  vrai  de  ce  qui  s'est  passé  en  l'armée 
conduicle  par  sa  majesté,  depuis  son  avènement  à  la 
couronne  jusqu'à  la  prise  des  faulxbourgs  de  Paris.  Page        i 

II.  —  Discours  envoyé  au  roy  en  mars  iSgi  ,  sur  ce  que 
sa  majesté  relardoit  la  publication  de  la  déclaration  ci- 
dessus  ;  faict  par  M.  Duplessis 36 

III.  —  Advis  sur  la  formalité  par  le  roy  au  pape,  envoyé 

à  sa  majesté,  en  iSyi  ,  après  le  siège  de  Chartres /^t 

IV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Merlin 48 

V.  —  *  Regina  anglia  ad  Helvetios 5o 

VI.  —  *  Advis  de  Provence 53 

VII.  —  *  Advis  de  Languedoc  par  lettres  de  M.  de  Vie.      56 

VIII.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 5q 

IX.  —  Letti'e  de  M,  Duplessis  au  roy 63 

X.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  d'Emery,  depuis  M.  le 
président  de  Thou 64 

XL  —  Advis  sur  l'institution  d'ung  enfant  que  l'on  veult 
nourrir  aulx  lettres  ,  envoyé  à  madame  la  princesse 
d'Orange,  à  son  instance  sur  le  subject  de  son  lîls 65 

XII.  —  Lettre  de  madame  la  princesse  d'Orange  à  M.  Du- 
plessis        y  I 

XHl.  —  *'  Déclaration  du  clergé  de  France 02 

XIV.  —  *  Lettre  de  M.  Servin  à  M.  Duplessis ^5 

XV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Servin 80 

XVI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M,  le  vicomte  de  Tu- 
renne 82 

XVII.  —  Despesclie  envoyée  de  Tours  par  M.  Duplessis 

au  roy 85 

XVIII.  —  *  Articles  arrestcs  par  nous  soubssignés  commis 
et  députés  par  le  roy  avec  M.  de  Dampraartin,  colonnel 

de  quinze  cens  reystres  estans  au  service  de  sa  majesté,     na 

XIX.  —  *  Discours  de  la  prise  et  ruyne  de  Blein ,  adveneue 

en  novembre  1  691 100 

XX.  —  *  Despesche  du  duc  de  Parme  au  roy  d'Espaigne. .    110 

XXI.  —  Ce  qui  se  passa  en  la  poursuite  du  résultat  de 

.    l'assemblée  du  clergé 129. 

XXII.  —  *  Les  propos  qui  semblent  debvoir  eslre  tencus 
par  les  députés  qui  eussent  eu  à  comparoislre  pour  les 
eslats  tant  generaulx  que  provinciaulx  dui'ant  l'assem- 
blée de  Blois 124 


582  TABLE  DES  PIÈCES 

XXIIÏ.  —  *  Lettre  de  "VF.  d'Aviler  à  M   Duplessis.  .  .  Page   126 

XX IV.  —  *  Promesâe  de  M.  le  prince  de  Panne  pour  La 
Feie 128 

XXV.  —  *  Insrnicfion  de  la  par'  du  roy  au  sieur  Du- 
plessis, conseiller  en  son  conseil  d'estat  ,  lequel  sa  ma- 
jesté a  advisé  d'envover  ])onr  son  ser^ice  vers  la  royiie 
d'Angleterre,  sur  l'occasion  pour  laquelle  elle  lui  a  or- 
donné faire  ce  voyaç^e 12g 

XX VL — *  Aultre  despesche  du  duc  de  Parme  au  roy 
d'Espaigne iZ-j 

XXV  IL  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  de  Beauvoir,  ambassadeur 
pour  sa  majesté  en  Anp;!eterre i  /jS 

XXVIIL  —  *  Lettre  du  roy  à  !\L  de  Beauvoir    149 

XXIX.  —  *  Lettre  de  l'evesque  de  Bristone ibid. 

XXX.  —  Negotiation  de  M.  Duplessis  en  Angleterre,  en 
janvier  i  Sg^ t  Sa 

XXXI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Beauvoir 188 

XXXIL  —  Lettre  de  IVT.  Duplessis  à  M.  de  Beauvoir 189 

XXXIIL  —  Lettre  de  W.  Duplessis  au  roy .    190 

XXXIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  !VL  le  duc  de  Bouillon,    i  92 

XXXV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  grand  thresorici 
d'Angleterre,  mv'lord  Burohley     ig3 

XXX"VI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Beauvoir.  .  .  194 
XXXVIT.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  comte  d'Essex.  196 
XXXVlir.  —  Le'frede  M.  le  comte  d'Essex  à  M.  Duplessis.    i;,8 

XXXIX.  —  Ce  qui  se  passa  à  Bure 199 

XL.  —  Lettre  du  roy  à  la  royne  d'Angleterre  ,  faicte  par 

M.  Duplessis .  ' 201 

XLL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M,  de  Beauvoir,  ambas- 
sadeur du  roy  en  Angleterre. 202 

XLIL   —  Lettre  de  doin  Antonio,   roy   de  Portugal,   à 

M.  Duplessis 2o3 

XLJII.  —  Sommaire  du  discours  envoyé  par  le  roy  de 

Portugal  à  M.  Duplessis,  pour  estre  communiqué  au  roy.  204 
XLIV.  —  Lettre  de  IVI.  Duplessis  au  roy  de  Portugal.  .  .  .  207 
XLV.  —  *  Lettre  de  M.  le  président  Jeannin  à  M.  Villeroy.   208 

XLVI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Buzenval 212 

XLVII  —  Mémoire  envoyé  au  roy 216 

XLVin.  —  *  Lettre  de  !M.  de  Fleury  à  M.  de  Buhy 217 

XLIX.  —  Lettre  à  M    des  BeauT 218 

L.  —  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 219 

LI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 220 

LU.  —  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 222 

LUI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Revol ,  secrétaire 

d'estat , 2  23 

LIV.  —  Lettre  de  M.  le  mai'eschal  de  Bouillon  à  M.  Du- 
plessis  ,  , , 226 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME.  583 

LV.  —  Lettre  de  M.  le  maieschal  de  Bouillon  à  M.  Du- 

jil'^si.is     Page  226 

LVL  —  Lettre  de  M.  de  Revo)  à  M.  Duplessis 22n 

LVfL  —  Lettre  de  M.   Duplessis  à  M.   le  maresclial  de 

Bouillon 228 

LVjIL  —  Let'.re  de  M   Duplessis  au  roy , 2'^q 

LIX.  —  Lettre  do  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 23 1 

LX.  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis. 282 

LXL  —  Leitie  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury ihid. 

LXH.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  F'.-ury 233 

LXIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Fieury  à  M.  Duplessis 234 

LXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Fleury 5.36 

LXV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 238 

LXVL  —  Lettre  de  iVI.  de  Morlas  à  M.  Duplessis 23g 

LXVIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 241 

LXVIII.  —  Lettre  de  M.  le  inareschal  de  Bouillon  à  M.  Du- 
plessis     3^2 

LXIX.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Morlas 243 

LXX.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis 244 

LXXI.  —  Mémoire  envoyé  au  roy  par  M.  Duplessis 245 

LXXtL  —*  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Fleury 249 

LXXTIL  —  *  Lettre  de  M   de  Fleury  à  M.  Duplessis aSo 

LXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  des  Beaux  à  M.  Duplessis 252 

LXXV.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis 264 

LXXVI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Mayenne  à  M  de  Villeroy.  .  ihid. 

LXXVII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 255 

LXXVIIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury.  .  .    267 

LXX IX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Heury  à  M.  Duplessis 258 

LXXX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury aSg 

LXXXr.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 260 

LXXXIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 261 

LXXXIIL  —  Lettre  de  M.  le  duc  de  Bouillon  à  M.  Du- 

Plessis 5(^2 

LXXXIV.  —  Lettre  de  M.  des  Beaux  à  M.  Duplessis 263 

LXXXV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis.  .  .  .  2R4 
LXXXVI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Kleury  à  M.  Duplessis..  .  .  265 
LXXXVIL  —  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis.  .  .  266 
LXXXVIII.  -_  Lettre  de  M.   Duplessis  à  M.  le  duc  de 

Bouillon ^£„ 

LXXXIX.  —  Lettre  et  mémoire  de  M.  Duplessis  au  roy..  268 
XC  —  *  Kesponse  des  estats  generaulx  au  baron  de  Rheyt.   272 

XCI *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis.  .  .    .'.  .    279 

XCfL  —  *  Lettre  de  M.  le  duc  de  Bouillon  à  M.  Duplessis.  280 
XCIII.  — *  Lettre  de   M.  le  président  Jeannin  à  M.  de 

Villeroy 281 

XCIV.  —  *  Lettre  de  M.  Villeroy  à  M.  de  Fleury 282 

XCV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis [   284 


584  TABLE  DES  PIÈCES 

XCVI.  —  *  Lettre  de  M.  Unplessis  à  M.  <le  Fleury. .  Page  285 
XCVII.  —  *  Des|)esdie  envoyer  au  roy  par  IVI.  Unplessis.  286 
XCVIIL —  *  Lettre  de  M    de  Nevers  à  M.  Diiplessis.  .  .  .    287 

XCIX.  —  Letire  de  !VI.  Duplessis  à  M.  de  Beauvoir 288 

C.  — *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Henry    agî 

CL  —  *  Lettre  de  M.  de  Bouillon  à  M.  Duplessis 294 

CIL  —  *  Lettre  à  M.  de  La  Fontaine 295 

CIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 2y8 

CIV.  —  *  Letire  de  IVI.  de  Villeroy  à  M.  de  Fleury 3oo 

CV.  —  *  Lettre  à  M.  de  Buzrnval 3o2 

CVI.  —  Letire  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 3o8 

CVn.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis Sog 

CVIIL  —  Letire  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 3 10 

CIX.  —  Lettre  de  M,  Duplessis  au  roy ibid. 

ex.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Dujjlessis 3 12 

CXI.  —  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Fleury,  envoyée 
et  communiquée  par  ledict  sieur  de  Fleury  à  M.  Du- 
plessis     3  I  5 

CXIL  —  LeUre  de  M.  des  Beaux  à  M.  Duplessis 3  1 6 

CXIII.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 3  1  7 

CXIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  des  Beaux 3i8 

CXV.  —  Letire  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  \  erriere. ...    3  19 

CXVI.  —  Lcllrc  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Villeroy ibid. 

CXVIL  —  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Fleury,  en- 
voyée et  communiquée  par  ledict  sieur  de  Fleury   à 

M.  Duplessis Sao 

CXVin.  —  *  Lettre  à  M.  de  Bouillon Saa 

CXIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 323 

CXX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis 324 

CXXL  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis 325 

CXXIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis.  . .  .    32g 

CXXIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Fleury  à  M.  Duplessis    33o 

CXXIV".  —  Mémoire  de  M.  Duplessis,  envoyé  dans  Bouen 
durant  le  siège,  sur  la  fin  de  mai  1592,  le  roy  estant  à 

Yvetot '. 33 1 

CXXV.  —  *  Lettre  du  roy  à  madame  de  Montpensier. .  .  .    334 

CXXVI.  — *  Mémoire  envoyé  à  M,  de  La  Fontaine ibid. 

CXX  VIL  —  *  Letire  à  M.  de  Buzenval 335 

CXXVIII.  —  *  Lettre  à  M.   de  Beauvoir,  ambassadeur 

pour  le  roy  en  Angleterre 337 

CXXIX.  — *  Letire  de  M.  de  La  Fontaine  à  M.  Duplessis.   339 

CXXX.  —  I  ettre  de  M.  Duplessis  au  roy 346 

CXXXI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  a  M.  des  Beaux 34ç) 

CXXXII.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  premier  pré- 
sident de  Bouen 35 1 

CXXXIII.  —  Mémoire  de  M.  Duplessis  envoyé  au  roy. .  .    353 
CXXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  Pout  à  M.  Duplessis 355 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME.  585 

CXXXV.  —  Instruction  à  M.  Meslier,  faicte  et  baillée  par 

M.  Duplessis Page  357 

CXXXVI.  — Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Servin ,  con- 
seiller du  roy  et  son  advocat  en  sa  court  de  parlement 

à  Tours 36 1 

CXXXVIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Born  à  M.  Duplessis.  ...    363 
CXXXVin.  —  Lettre  de  M.  du  Faur,  conseiller  du  roy 
et  président  en  sa  court  de  parlement,  à  Thoulouse,  à 

M.  Duplessis 364 

CXXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  des  Reaux. . .    365 

CXL.  —  *  Lettre  à  madame  Duplessis 366 

CXLL  —  Lettre  de  M.  de  Harlay  à  M.  Duplessis 367 

CXLIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  premier  prési- 
dent de  Harlay 368 

CXLIIL  —  Lettre  de  M.  de  Harlay  à  M.  Duplessis 370 

CXLIV.  —  Lettre  de  M.  Diiplessis  au  roy 371 

CXLV.  —  Mémoire  de  M.  Duplessis  envoyé  au  roy  le  6 

septembre  1 692 , 373 

CXLVL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Charrette  ,  se- 

neschal  de  Nantes 378 

CXLVIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 379 

CXLVHL  —  Lettre  de  M.   Duplessis  à  monseigneur   le 

prince  de  Coriti 38o 

CXLIX.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 383 

CL.  — Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  du  Fresnc 384 

CLL  — Lettre  de  M.  Duj)lcssis  à  M.  de  Cussé,  premier 

président  au  parlement  de  Brctaigne 385 

CLIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 387 

CLIIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 388 

CLIV^.  —  Mémoire  de  M.  Duplessis  au  roy 38q 

CLV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Fleury 3(^1 

CLVI.  —  Lettre  de  la  royne  de  Navarre  à  M.  Duplessis, 

escrile  de  sa  main 3n2 

r.LVIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Buzenval 3q4 

CLVHL  —  *  Mémoire  envoyé  au  roy  par  M.  Duplessis.  .  .  Sg'j 
CLIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  Fontaine.  .  .  Syg 
CLX.  —  *  Lettre  du  corps  municipal  de  La  Rochelle  à 

M.  Duplessis 40 1 

CLXL  —  *  Lettre  de  M,  de  Vie ,  conseiller  d'estat ,  à  M.  Du- 
plessis      402 

CLXIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  duc  de  Bouillon.   4o5 

CLXIIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy ^^07 

(.LXIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  la  royne  de  Navarre.  .  4^9 
CLXV.  —  *  Lelti-e  de  M.  Dumaurier  à  M.  Duplessis.  ....    4.10 

CLXVI.  — *  Lettre  à  M.  Duplessis 4ia 

CLXVIL  —  *  Subject  d'une  lettre  interceptée ,  que  l'agent 
du  duc  de  Mercœur  estoit  près  le  duc  de  Mayenne,  qui 


586  TABT.E  DES  PIÈCES 

est  ting  docteur  de  tlu^ologie,  e\esque  de  , 

deschilftee  par  M   Vielle Pege  4^3 

CLXVni.  -  Lettrede  M.  Saintt  Aldegonde  à  M.  Duplessis.  4>4 

CLXIX.  —  Lettre  de  M.  Diij)lessis  au  roy 4^^ 

CLXX.  —  *  Déclaration  de  Mantes 4^6 

CLXXI.  —  *  Lettre  de  M.  le  chancellier  à  M.  le  procureur 

gênerai » ^  '  " 

CLXXn.  —  *  Lettre  du  prieur  des  jacobins 4' 9 

CLXXDL  —  *  Lettre  de  M.  Born  à  M.  Duplessis ibid' 

CLXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Beaulieu.  .    4^1 

CLXXV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Morlas 4^2 

CLXXV[.  —  **  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M  de  Morlas. . .  4'^3 
CLXXVII  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Marinet.  .  4H 
CLXXVIIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Calignon.  4.i5 

CLXXIX.  — •  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 4^6 

CLXXX. Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  duc  de  Bouillon.  4.47 

CLXXXL Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Diimaurier.  .  .  .    429 

CLXXXIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Lonienie,  .    43o 
CLXXXIII.  —  Lettre  du  roy  à  messieurs  des  Eglises  re- 
formées ,  dressée  et  minutée  par  M.  Duplessis     ASi 

CLXXXIV.  — *  Instruction  au  sieur  de  Benucliamp,  gen- 
tilhomme de  la  chambre  du  roy,  de  ce  qu  il  aura  à 
traicter  pour  le  ser\  ice  de  sa  majesté,  au  voyage  que  par 
son  commandement  il  va  faire  en  provinces  de  Langue- 
doc et  Daulphiné ^j2 

CLXXXV.  —  *  Lettre  des  principaulx  habitans  de  Fronsac 

à  M.  Duplessis •  •   ^'^1 

CLXXXVL  — *  Lettre  de  M.  Rotan  à  madame  Duplessis     4^.9 

CLXXXVIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Servin 440 

CLXXXVIII.  —  *  Lettre  de  M.  Bruneau,  sergejU  major, 

à  M.  Duplessis 44 1 

CLXXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Fourcroy  à  M.  Duplessis.  44^ 

CXC. Lettre  de  M.  Duplessis  à  plusieurs  minisires    ...    44^ 

CXCL  —  Mémoire  de  M.  Duplessis  envoyé  par  M.  Vicose.  4Jo 
CXCIL  —  Lettre  de  M,  Duplessis  aulx  seigneurs  et  gentils- 
hommes de  la  relligion 4^^ 

CXCIII.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Lesdiguieres.  .  454 
CXCIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  Motte,  heu- 

tenant  gênerai  au  bailliage  d'Alençon /^bb 

CXCV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  Beuriere , 

ministre  de  l'Eglise  de  Caen 4^7 

CXCVL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Buzenval.  .  .  .  458 
CXCVIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  Fontaine.  461 
CXCVIIL  —Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis,  escrite  de  sa 

propre  main 4"^ 

CXCIX.  —  Lettre  de  M.  de  Buzenval  à  M.  Duplessis 466 

ce.  —  *  Lettre  des  ministres  de  la  Touraine  à  M.  Duplessis.  4^^ 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME.  587 

CCI.  —  *  Lettre^e  M.  Dumaurier  à  M.  Duplessis.  .  Page  469 
CCII.  —  *  Arrest  du  parlement  de  Paris ,  en  faveur  de  la 

légitimité 4/^ 

CCI  11.  —  *  Articles  pour  la  trefve  générale 476 

CCIV.  —  *  Relation 483 

CCV. *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Dumaurier 485 

CCVL *  Lettre  de  M.  de  Serviez  à  M.  Duplessis 486 

CCVIL *  Lettre  de  M.  Molan  à  M.  Duplessis 489 

CCVIIL  —  *  Lettre  de  M.  Benac  à  M.  Duplessis 491 

CCIX.  —  *  Lettre  de  M.  Dupont  à  M.  Duplessis 492 

CCX.  —  *  Lettre  de  M.  Dupont  à  Duplessis 494 

CCXL  —  *  Lettre  de  M.  Rotan  à  M.  Duplessis 496 

CCXIL  —  *  Lettre  du  roy  au  parlement  de  Paris ,  séant  à 

Tours ibid. 

CCXUI.  — *  Lettre  de  M.  de  Valencey  à  madame  d'An- 

goulesme 49" 

CCXIV.  —  *  Lettre  de  M.  Dumaurier  à  M.  Duplessis.  . . .  ihid. 

CCXV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 499 

CCXVI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  La  Burtlie .  . .    5oo 
CCXVIL  —  '  Règlement    que  monseigneur   le    duc    de 
Mayenne,  lieutenant  gênerai  de  Testât  et  couronne  de 
France  ,  a  ordonné  estre  observé  en  ceste  ville  de  Paris 

pendant  les  levées  générales Soi 

CCXVin.  — *  Lettre  de  M.  Dumaurier  à  M.  Duplessis.  .  .  5o4 
CCXIX.  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis,  escrite  de  sa 

propre  main 5o5 

CCXX.  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis,  escrite  de  sa  pro- 
pre main ibid, 

CCXXI.  —  *  Lettre  de  M.  Bruneau,  secrétaire  des  pou- 
dres, à  M. 'Duplessis 5o6 

CCXXn.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 5o8 

CCXXin.  —  Lettre  de  M,  Duplessis  à  M.  le  duc  de  Bouillon.  609 

CCXXIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Dumaurier 5  lo 

CCXXV.  — *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Lomenie.  .  ,  ihid. 
CCXXVI.  —  *  Lettre  de  M.  Somrauges  à  M.  Duplessis.  .  .  5 1 1 
CCXXVII.  --  *  Lettre  de  M.  de  Bouillon  à  M.  Duplessis.  .  5i3 
CCXXVIIL  — Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis,  escrite  de  sa 

propre  main 5 1 4 

CCXXIX.  —  ^  Lettre  de  M.  Mallet  à  M.  Duplessis 5i5 

CCXXX,  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Dumaurier ...    619 

CCXXXI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Nantes ibid. 

CCXXXIL  —  *  Lettre  de  M.  Mermet  à  M.  Duplessis 621 

CCXXXin.  —  Lettre  de  M.   Duplessis  à  M.   le  duc  de 

Bouillon 022 

CCXXXIV.  —  Lettre  de  M.   Duplessis  à  messieurs  des 
estais  des  Pays  Bas . ôaî 


588  TABLE  DES  PIÈCES,  etc. 

CCXXXV.  — *  Leltre  de  M.  Mallet  à  M.  Du^essis.  Page  5*24 
CCXXXVI.  —  *  Lettre  de  M.  Diimaurier  à  IvffDuplessis .  526 
CCXXXVIL  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis  ,  escrlle  de 

sa  main 627 

CCXXXVUL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Rotan, . .    628 

CCXXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Merlin  à  M.  Duplessis 629 

CCXL.  —  *  Lettre  de  M.  Servin  à  M.  Duplessis 53a 

CCXLI.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Harlay ,  pre- 
mier président 532 

CGXLIL  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Servin 534 

CCXLin.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  au  roy 535 

CCXLIV.  —  *  Lettre  de  M.  Coignet  à  M.  Duplessis 54/» 

CCXLV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  duc  de  Bouillon.  54? 
CCXLVI.  —  Lettre  de  M.  de  Harlay,  premier  président  en 

la  court  de  parlement  à  Tours  ,  à  M.  Duplessis 549 

CCXLVIL  —  Lettre  de  M.  Servin  à  M.  Duplessis 55o 

CCXLVIIL  —  *  Lettre  de  M.  Dumaurier  à  M.  Duplessis.  55r 
CCXLIX.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  31.  de  Buzenval.  .  .  553 
CCL.  —  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis,  escrite  de  la  main 

de  sa  majesté 556 

CCLL  —  Lettre  de  M.  Erard  à  M.  Duplessis 55/ 

CCLII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Montigny  à  M.  Duplessis,  .  .    558 

CCLIII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  Dumaurier 56o 

CCLIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  le  duc  de  Bouillon,  ihid. 
CCLV.  —  Mémoire  que  M.  Duplessis  feit  couler  dans  Lyon 

sur  la  prise  de  M.  de  Nemours 565 

CCLVI.  —  *  Lettre  de  la  royne  Marguerite  à  M.  Duplessis.  567 
CCLV  IL  —  *  Certificat  de  la  royne  Marguerite  d'avoir 

signé  Ting  blanc  pour  servir  de  quittance  de  14,000  liv. 

qu'elle  donne  à  M.  Duplessis 670 

CCLVIII.  —  ■*  Lettre  de  la  royne  Marguerite  à  M.  Duplessis.  671 
CCLIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Bongars  à  M.  Duplessis  ....    672 

CCLX Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Buzenval 674 

CCLXI.  —   Lettre   de   monseigneur   de    Montpensier   à 

M.  Duplessis 677 

CCLXll.  —  *  Don   du  dixiesme  des    impositions   sur  la 

rivière  à  Saulmur  ,  fait  par  le  roy  à  M.  Duplessis,  le 

3.3  décembre  i  ôg'i 57S 

CCLXIII.  —  *  Mémoire  de  M.  Duplessis  à  M.  Chorin 57g 


FIN    nE    LA    TABLE     DU    TOME    CINQUIEME. 


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DC112.M9A2  1824V.5 
Mémoires  et  correspondance  de 

Princeton  Theological  Seminary-Speer  Library 


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