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Full text of "Mémoires et correspondance de Duplessis-Mornay : pour servir à l'histoire de la réformation et des guerres civiles et religieuses en France, sous les règnes de Charles IX, de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII, depuis l'an 1571 jusqu'en 1623"

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PRINCETON,  N.  J. 


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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/mmoiresetcorre08morn 


MEMOIRES 

ET 

CORRESPONDANCE 

DE  DUPLESSIS-MORNAY. 

TOME  VllI. 


ÉCRITS  POLITIQUES  ET  CORRESPOND JIVCE, 


DE  L'IMPRIMERIE  DE  CRAPELET, 

roe  de  "Vaugirar  J ,  ri°  9. 


MÉMOIRES   r  „AR  '.^T, , 

ET  V^/>»  "^^^ 

CORRESPONDANCE 

DE  DUPLESSIS-MORNAY, 

roun  SERVIR 
A  l'histoire  de  la  réformatiôn  et  des  guerres  civiles  et 

RELIGIEUSES  EN  FRANCE  ,  sous  LES  RÈGJVKS  DE  CHARLES  IX  ,   DE 
HENRI  III,  DE  HENRI   IV  ET  DE  LOUIS  Xlll  ,   DEPUIS  l'aN  167 1 

jusqu'en  1623. 

ÉDITION  COMPLÈTE, 

Publiée  sur  les  manuscrits  originaux,  el  précédée  des  MÉMOIRES 
DE  MADAME  DE  MORNAY  sur  la  vie  de  son  mari,  écrits  par 
elle-même  pour  l'instruction  de  son  fils. 


TOME  HUITIEME. 


*^< 


A   PARIS, 


CHEZ  TREUTTEL  ET  WÙRTZ,  LIBRAIRES, 

RUE    DE     BOURBON,    N°    I7. 

A  Strasbourg  et  a  Londres,  même  Maison  de  Commerce. 


1824. 


MEMOIRES 

ET  CORRESPONDANCE  , 

DE 

DUPLESSIS-MORNAY. 

I.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj, 

Messieurs  ,  je  vous  escrivishier  au  soir;  mon  paquet 
a  esté  baillé  à  madame  de  Bellievre  pour  vous  faire  te- 
nir,  comme  elle  m'a  mandé  qu'elle  a  faict  par  ung 
courrier  qui  alloit  trouver  M.  le  légat.  Dans  ledict  pa- 
quet il  y  en  avoit  ung  du  roy  pour  ledict  sieur  legat, 
et  des  lettres  de  Suisse  pour  vous. 

A  présent  je  vous  envoyé  ce  porteur  commis  de 
M.  de  Varenne ,  premièrement  pour  dresser  les  postes 
sur  le  chemin  d'ici  à  Vervins ,  comme  nous  avons  ar- 
resté  ;  et  après  pour  vous  faire  sçavoir  qu'il  est  arrivé 
ici  ung  gentilhomme  nommé  La  Patriere,  qui  avoit 
accompaigné  en  Italie  le  fils  de  M.  de  Mayenne,  lequel 
partit  de  Ferrare  le  3  de  ce  mois  de  janvier  dernier 
passé ,  et  nous  a  asseuré  y  avoir  veu  le  nom  et  l'aucto- 
rité  du  pape  recogneue  entièrement,  tant  par  dom  Cé- 
sar d'Est ,  lequel  y  a  esté  forcé  par  les  habitans ,  que 
par  la  noblesse  et  toute  la  ville ,  après  que  l'evesque 
eut  faict  publier  l'excommunication  du  pape  en  une 

MÉx>I.  DE  DuPLESSIS-MoRNA.Y,   ToME  VIII.  I 


2  LETTRE  DE  M.  DE  Y  ILLEROY 

grande  assemblée  qu'il  avoit  convoquée,  soubs  pré- 
texte de  la  mort  d'ung  chanoine  de  l'église ,  de  bonne 
maison ,  îiyant  osé  à  l'heure  mesmes  faire  afficher  à  la 
porte  du  palais  dudict  dom  César  ladicte  sentence  d'ex- 
communication ,  encores  qu'il  feust  assisté  de  plus  de  six 
mille  soldats  estrangers,  de  sorte  que  ledict  dom  César, 
lequel  on  dict  s'estre  comporté  fort  laschement,  se 
voyant  reduict  en  tels  termes ,  auroit  pryé  la  duchesse 
d'Urbin  d'aller  trouver  le  cardinal  Aldobrandin ,  légat 
de  sa  saincteté,  qui  estoit  j«\  à  Fayence  avec  vingt  cinq 
ou  trente  mille  hommes,  pour  traicter  et  composer;  ce 
qui  auroit  esté  faict  par  la  permission  de  sa  saincteté, 
qui  l'auroit  altendeue  cinq  ou  six  jours;  de  manière 
que  l'accord  s'estant  ensuivi ,  le  nom  de  sadicte  sainc- 
teté et  du  sainct  siège  avoit  esté  recogneu  en  ladicte 
ville,  du  consentement  mesmes  dudict  dom  César  d'Est, 
et  la  sentence  d'excommunication  levée  au  contente- 
ment d'ung  chacung;  ledict  dom  César  d'Est  debvoit  se 
retirer  avec  ses  meubles  à  Reggio  et  Modena.  Et 
adjousle  qu'il  n'a  trouvé  de  comptant  que  4<^0jO0O 
e^cus,  sans  en  ce  comprendre  les  apostres  d'or  et  aul- 
tres  meubles  de  la  maison  d'Est,  qu'il  doibt  emporter,  sui- 
vant le  testament  du  dernier  duc.  Voil?t  ce  que  m'en  a  dict 
ledict  de  La  Patriere,  qui  est  gentilhomme  croyable  et 
d'entendement,  lequel  m'a  asseuré  avoir  veu  tout  ce 
que  je  vous  mande;  et  que  le  fils  de  M.  de  Mayenne 
n'a  esté  à  Ferrare  que  depuis  ladicte  excommunication 
levée,  l'ayant  laissé  prest  à  partir  pour  s'en  revenir  en 
France  par  l'Allemaigne.  Le  roy  vous  prye  de  faire  part 
à  M.  le  légat  de  ceste  bonne  nouvelle,  et  vous  en  con- 
jouir  avec  lui  en  son  nom ,  avec  les  meilleurs  propos 
que  vous  lui  pourrés  tenir  sur  ung  tel  subject,  qui  glo- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  3 

rifiera  de  plus  en  plus  le  pontificat  de  sa  saincteté.  Je 
ne  vous  en  dirai  dadvantage  pour  le  présent,  saluant 
vos  bonnes  grâces ,  etc. 

Du  I"  febvrier  1698. 


II.  —  ^  MEMOIRE 

Baillé  à  Chastellerault ,  le  1  fibvrier  1 598  ^a  M,  le 

président  de  Thoii. 

Le  28  d'octobre  1^97,  estant  le  sieur  Duplessis 
Marly  en  la  ville  d'Angers  pour  les  affaires  du  roy , 
conjoinctement  avec  M.  de  Scliomberg,  et  à  l'instante 
pryere  de  M.  le  marescbal  de  Brissac,  le  sieur  de  Sainct 
Phal,  beau  frère  dudict  sieur  marescbal,  qui  n'en  pou- 
voit  ignorer,  pour  les  avoir  veus  tout  le  matin  en  con- 
seil ensemble ,  au  sortir  de  chés  M.  de  La  Rocbepot , 
gouverneur  et  lieutenant  pour  sa  majesté  en  Anjou,  où 
ils  avoient  tous  disné,  suivit  ledict  sieur  Duplessis  ,  et 
sans  lui  avoir  monstre  auparavant  aulcung  signe  ce 
mauvaise  volonté ,  lui  demanda  en  la  rue  de  parler  à 
lui ,  ce  qu'il  accepta  volontiers;  ledict  sieur  de  Sainct 
Phal,  accompagné  de  dix  ou  douze  hommes  de  main, 
botté,  esperonné,  ung  cheval  le  suivant;  ledict  sieur 
Duplessis,  accompaigné  de  quattre  seulement,  dont  les 
deux  n'estoient  ses  domestiques,  et  d'ung  page. 

Lui  demanda  raison  ledict  sieur  de  Saint  Phal  de  la 
prise  d'ung  des  siens  nommé  Moncenis,  et  de  l'ouver- 
ture de  lettres  dont  il  estoit  chargé. 

Lui  respondit  ledict  sieur  Duplessis  que  ledict  Monce- 
nis avoit  esté  pris  par  quelques  habitans  de  Monstreuil 
Bellay,  allans  à  la  guerre  vers  Mirebeau ,  qui  l'estimoient, 


4  MEMOIRE 

veu  le  chemin  qu'il  prenoit ,  qu'il  feust  de  la  Ligue  ; 
que  le  président  de  Eslens  et  le  capitaine  dudict  Mons- 
treuil  lui  avoient  envoyé  les  lettres  qui  s'estoient  trou- 
vées sur  lui ,  le  pryant  de  leur  commander  ce  qu'ils 
auroient  à  en  faire,  parce  qu'ils  le  jugeoient  homme 
de  menée,  et  serviteur  de  M.  de  Mercœur,  soit  de  le 
retenir  ou  de  le  relascher,  ou  mesme  de  lui  mener  à 
Saulmur;  et  neantmoins,  après  avoir  ouTcrt  partie  des 
lettres,  il  les  leur  auroit  renvoyées,  et  leur  auroit 
mandé  qu'ils  le  laissassent  aller  son  chemin ,  et  les  lui 
rendissent,  parce  qu'il  appartenoit  à  ung  serviteur  du 
roy.  Ledict  sieur  de  Sainct  Phal  répliqua  qu'il  voulloit 
avoir  la  raison  de  ses  lettres  ouvertes. 

Respondit  le  sieur  Duplessis  que  si  celle  qu'il  lui  fai- 
soit  ne  le  contentoit ,  il  la  lui  feroit  quand  et  en  telle 
façon  qu'il  vouldroit. 

Lui  demanda  ledict  sieur  de  Sainct  Phal  s'il  lui  don- 
noit  sa  parole, 

Respondit  le  sieur  Duplessis  qu'oui,  et  très  volon- 
tiers. * 

Lui  demanda  ledict  sieur  de  Sainct  Phal  s'il  feroit 
annoncer  aulxdicts  président  et  capitaine  ce  qu'il  di- 

soit. 

Respondit  le  sieur  Duplessis  qu'oui ,  parce  que 
c'estoit  la  vérité. 

Lui  demanda  ledict  sieur  de  Sainct  Phal  quand.  Res- 
pondit ledict  sieur  Duplessis  :  Au  premier  jour,  et  des 
qu'il  seroit  à  Saulmur,  où  il  retournoit  des  le  lende- 
main. 

Répliqua  ledict  sieur  de  Sainct  Phal  qu'il  voulloit 
sçavoir  quand,  et  qu'il  le  falloit. 

Lors  le  sieur  Duplessis,  se  sentant  pressé,  lui  auroit 
dict  qu'il  n  estoit  homme  qui  le  menast  par  je  veulx , 


A  M.  DE  THOU.  5 

ni  par  il  fault.  Qu'estant  en  charge  publicque ,  il 
n'estoit  teneu  d'en  rendre  compte  qu'au  roy,  là  où  il 
alloit  de  son  service.  Que  ce  qu'il  en  faisoit,  au  reste, 
n'estoit  que  pour  le  désir  de  contenter  ung  chacung. 

Le  sieur  de  Sainct  Phal  lui  dict  :  Doubtés  vous  que  je 
n'en  puisse  avoir  raison?  Non,  lui  dict  le  sieur  Duples- 
sis  ;  parce  que  je  vous  ai  jà  dict  que  je  la  vous  veulx 
faire,  et  en  telle  façon  que  vous  vouldrés.  Et  s'appro- 
clioient  tousjours  les  hommes  dudict  de  Sainct  Phal  de 
plus  près,  ayant  leurs  espees  tirées  des  pendans,  et  la 
main  sur  la  garde. 

Enfin  lui  auroit  demandé  ledict  sieur  de  Sainct  Phal 
s'il  ne  lui  en  voulloit  dire  aullre  chose;  sur  quoi  lui 
ayant  le  sieur  Duplessis  respondeu  qu'il  ne  sçavoit  pas 
que  lui  en  dire  de  plus,  auroit  ledict  sieur  de  Sainct  Phal 
tiré  ung  baston  qu'il  avoit  porté  des  le  matin,  qu'il  ca- 
choit  derrière;  ayant,  pour  mieulx  hausser  le  bras,  la 
manche  de  sa  Juppé  attachée;  en  auroit  frappé  ledict 
sieur  Duplessis  sur  la  teste,  à  l'endroict  de  la  tempe 
gauche;  dont  voullant  mettre  l'espee  en  la  main,  il  se- 
roit  tombé  en  terre ,  où  lui  auroient  esté  tirées  quelques 
estocades,  desquelles  il  auroit  esté  couvert  par  ung  des 
siens  ,  et  se  seroit  promptement  relevé  l'espee  en  la 
main  ;  mais  auroit  trouvé  que  ledict  sieur  de  Sainct 
Phal  se  seroit  retiré  vers  son  cheval  tost  après  le 
coup  donné,  laissant  sept  à  huict  des  siens  l'espee  en 
la  main,  pour  tenir  le  travers  de  la  rue,  lesquels  au- 
roient blessé  deux  de  ceulx  du  sieur  Duplessis  poursui- 
vant ledict  sieur  de  Sainct  Phal ,  l'ung  d'une  estocade 
en  ung  bras,  d'ung  en  Tespaule,  Avoit  aussi  esté  saisi 
par  derrière  ung  gentilhomme  qui  estoit  avec  lui,  au 
corps,  et  jette  par  terre  à  l'instant  que  le  coup  feut 
donné  au  sieur  Duplessis,  lequel  voyant  ledict  sieur 


/ 


6  MEMOIRE,  etc. 

de  Sainct  Phal  évadé ,  se  seroit  tout  doulcement  retiré 

en  son  logis. 


III. —-V- LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  je  t'ai  escrit  amplement  par  Gharton  ;  je 
n'ai  rien  eu  de  toi.  Je  crains  que  le  mauvais  temps  t'ait 
faict  de  la  peine;  mais  il  semble  amender  maintenant. 
Nous  advançons  tant  que  nous  pouvons.  Le  retour 
de  MM.  de  Courtaumer  et  de  Gazes,  que  j'attends 
dans  quattre  ou  cinq  jours,  nous  abrégera  fort.  Ma- 
dame la  princesse  d'Orange  verra  le  roy ,  et  séjournera 
douze  jours  à  Paris.  Elle  a  congé  de  séjourner  ung  an 
en  France  de  par  messieurs  les  estais.  Le  roy  l'a  voulleu 
voir  et  son  fils,  et  par  conséquent  M.  de  Pierrefite 
aura  du  temps  assés.  Il  me  tarde  que  je  n'aye  de  tes 
nouvelles  sur  ce  que  je  t'avois  escrit  du  faict  qui  est 
entre  les  mains  de  Le  temps  a  esté  fort  fas- 

clieux.  M.  de  La  Boucherie  est  parti  d'ici  une  heure 
après  que  j'y  feus  arrivé,  et  n'ai  poinct  parlé  a  lui; 
mais  j'avois  laissé  des  lettres  à  Saulmur  pour  lui.  Nous 
avons  trouvé  Tranchant  ici,  qui  nous  baillera  dans 
huict  jour  les  5oo  liv.  de  La  Rochelle,  moyennant 
quinze  cens  de  perte ,  et  ne  s'est  peu  faire  à  meilleur 
marché.  Je  te  les  porterai,  aidant  Dieu,  à  Saulmur» 
M.  Constant  m'a  parlé  de  l'homme  que  tu  sçais.  Il  est 
engagé  d'amour  à  une  fille  de  Madame   de 

Sainct  Gelais  m'est  veneu  voir  aujourd'hui,  qui  est 
fort  en  peine  de  la  nourriture  de  son  fils,  et  de  trouver 
ung  gentilhomme  qui  en  soit  capable.  Elle  le  tiendroit 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  7 

ung  an  à  Paris  ou  plus ,  et  puis  l'enverroit  en  Hollande. 
Il  est  fort  gentil  garçon  d'espérance,  et  a  desjà  fort 
advancéaulx  lettres.  J'avois  pensé  du  bon  homme  M.  de 
La  Montagne.  Elle  m'a  dict  qu'elle  le  trouvera  bien  ; 
mais  je  n'ai  voulleu  presser  jusques  où  je  pense  qu'il 
est  bien  de   l'en  ce  nous  seroit  autant. 

Mande  moi  quel  denier  a  deu  faire  nostre  nouveau  re- 
ceveur; car  j'en  suis  en  peine.  Je  t'envoye  une  recette 
que  M.  de  Bouillon  m'a  donnée,  et  pour  fin  je  t'em- 
brasse, etc. 

De  Chastellerault,  ce  2  febvrier  iSgS. 

Tu  ne  m'as  rien  mandé  du  passage  de  M.  de  Mont- 
martin. 

IV. —-V^  LETTRE  DE  M.  DE  PIERREFITE 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  je  vousescrivis  d'ici  dimanche  par  ung  de 
Bourguent,  qui  ne  vint  quérir  mes  lettres.  Depuis, 
j'ai  communiqué  fort  particulièrement  avec  MM.  de 
Rheims ,  de  Rhosny ,  de  Vardes ,  de  Fresne ,  de  Gesvre , 
de  Blancmesnil  et  Tambonneau,  tous  en  leurs  logis.  Si 
ce  n'est  M.  de  Vardes  ,  ils  ont  esté  d'avis ,  par  la  crainte 
du  parlement  inopiné  du  roy  ,  de  se  haster  de  s'assem- 
bler, y  appellant  seulement  les  parens  qui  sont  ici,  et 
les  plus  considérés,  ne  trouvant  bon  que  la  resolution 
qui  y  sera  prise  soit  divulguée,  ce  qui  pourroit  estre, 
si  on  y  appelloit  ung  grand ,  comme  celui  duquel  vous 
avés  parlé  ung  sieur  d'Armaignac,  auquel  ils  ont  esté 
d'advis  que  je  ne  baille  la  lettre.  Enfin ,  ils  sont  d'advis 
qu'il  n'y  ait  que  les  susnommés  avec  M.  le  comte  de 


8  LETTRE  DE  M.  DE  PIERREÏTTE 

Sainct  Aignan  ,  lesquels  tous  m'ont  promis  de  s'y  trou- 
ver demain  à  deux  heures  après  midi ,  qui  est  le  jour 
et  heure  qu'ils  ont  pris  sur  le  doubte  qu'ils  ont  que  le 
roy  parte  jeudi.  MM.  de  Rolian  et  deBeauvaisleur 
s'y  trouveront   aussi.  J'ai   faict  trouver  bon  à  M.   de 
Rheims  que  M.  de  Rohan  parlast  le  premier,  disant  seu- 
lement  que,    comme   vostre  parent,  il   accompaigne 
mondiet  sieur  de  Rheims  et  vos  aultres  parens  en  la 
supplication  qu'ils  font  à  sa  majesté  par  la  bouche  de 
mondict  sieur.^  Ces  messieurs  ont  trouvé  à  propos  que 
M.  de  Mouy  ne  s'y  trouvast ,  sur  la  remonstrance  qu'il 
m'a  faicte  qu'il  desiroit  sçavoir  s'ils  Tavoient  agréable  , 
craignant  que  sa  présence  empeschast  la  liberté  des 
advis.  Je  crois  que  seur  il  est  plein  d'affection  ;  je  leur 
parlerai  pour  faire  qu'il  soit  de   la   requeste.  MM.  de 
Monlouet,  de  Montataire  et  de  Vicose  ne  sont  ici.  Je 
vis  hier  madame  de  Simiere  pleine  de  bonne  volonté. 
Le  capitaine  Dauîphin  arriva  hier  avec  lettres  de  M.  de 
Schomberg ,  qui  donnoit  advis  au  roy  de  ma  veneue  et 
du  subject  pourquoi,  ainsi  que  m'a  cejourdliui  dict 
M.    de    Gesvre.    Mondict  sieur   de    Schomberg   doict 
estre  demain  ici.  J'ai  vu  cejourd'hui  M.  le  chancellier 
extresmement  plein  d'affection  en  vostre  endroict.  Je 
n'ai  encores  rendeu  vos  lettres  à  madame,  messeigneurs 
de  Montpensier  et  connestable,  et  ne  le  puis  encores 
pour  demain ,  non  plus  qu'à  MM.  Servin ,  Marion   et 
Erard.  Je  verrai  au  plus  tost  que  je  pourrai  la  première, 
et  après  la  requeste  faicte  à  sa  majesté,  irai  visiter  les 
aultres,  nommeement  M.  Servin,  que  M.  le  chevalier  de 
Chaze  m'a  dict  se  plaindre  de  vous  avoir  escrit  deux 
fois  sans  response.  Je  ne  pense  pas  mal  à  propos  que 
je   voye   madame   la  princesse   d'Orange,    et    sur  les 
asseurances  que  je  m'asseure  qu'elle  me  donnera  de  sa 


A  M.  DUPLESSIS.  9 

bonne  volonté  en  vostre  endroict ,  que  je  la  supplie 
d'en  parler  à  sa  majesté,  et  lui  remonstre  combien  il 
importe  pour  sa  réputation  d'en  faire  bonne  justice.  Je 
la  verrai  au  plus  tost  que  je  pourrai.  Je  suis  marri  d'ad- 
vancer  si  peu  ;  mais  je  vous  supplie  de  croire  que  je  ne 
perds  poinct  de  temps.  La  requeste  faicte  a  sa  majesté,  et 
M.  de  Schomberg  ouï ,  nous  fera  voir  quelque  forme 
en  cest  affiiire.  Je  prye  Dieu  qu'il  nous  y  bénie.  Je  ne 
m'inquiète  poinct   des  affaires  publicques.  On  attend 
les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  des  Pays  Bas.  On  dict 
que  M.  Du  Perron  va  à  Rome  pour  obtenir  dispense 
pour  le  mariage  du  roy.  On  asseure  que  Ferrare  a  esté 
rendeu  au  pape  par  composition.   Je  ne  faillirai  par 
toutes  les  commodités  que  j'en  aurai  de  vous  donner 
advis  de  tout  ce  que  j'apprendrai. 

A  Paris ,  ce  3  febvrier  i  698. 

P.  S.  Monsieur ,  j'ai  encores  cejourd'bui  parlé  à 
M.  de  Beauvais ,  qui  m'a  asseuré  qu'il  prepareroit  M.  de 
Roban  à  parler  selon  la  forme  ci  dessus  qu'il  tient  fort 
bonne,  et  n'a  ouï  parler  d'aulcune  difficulté. 


V.— ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

J'ai  receu  tes  lettres  d'hier  matin.  Je  me  doubtois 
bien  que  le  temps  pluvieux  pourroit  modérer  ta  santé; 
mais  il  fault  mieuîx  espérer  d'ung  meilleur.  Je  n'im- 
prouve  poinct  la  resolution  de  nostre  homme  ni  son 
voyage,  soit  que  le  vienne  à  bien  ou  non.  Le  temps 
seulement  y  est  à  plaindre;  mais  il  ne  se  perd  poinct 


10  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

quand  il  ne  se  peult  gaigner.  Legoux  est  arrivé  ce 
matin;  il  m'a  apporté  de  fort  favorables  lettres  du  roy. 

11  rencontra  vendredi  M.  de  Pierrefite  près  d'Etampes, 
et  sa  majesté  estoit  à  Sainct  Germain,  d'où  elle  se 
retournoit  le  samedi  a  Paris.  Madame  la  princesse 
d'Orange  avoit  veu  le  roy,  que  M.  Dumaurier  m'escrit 
avoir  monstre  grand  ressentiment  de  nostre  oultrage. 
Le  mesme  m'escrit  M.  de  La  Fontaine ,  de  la  royne 
d'Angleterre  et  de  tous  les  gens  de  bien  de  delà,  et 
M.  de  Buzenval  de  Hollande.  Leurs  députés  doibvent  se 
trouver  à  Rouen  avecceulx  du  roy,  resoleus  à  continuer 
la  guerre  entre  l'Espaignol  ;  et  le  roi  leur  en  donne  le 
choix  de  guerre  ou  de  paix,  pourveu  qu'ils  conviennent 
de  moyens  pour  la  bien  faire.  Le  roy  et  monseigneur  de 
Montpensier  veullent  persuader  à  madame  la  princesse 
d'Orange  que  le  mariage  de  M.  de  La  Tremouille  se 
fasse  à  Saulmur;  mais  on  lui  a  faict  aujourd'hui  une 
despesche  fort  expresse,  par  laquelle  elle  est  pryee  de 
venir  droict  ici.  Quant  à  je  suis  fort  aise  de  ce  que 
tu  m'en  escris.  Il  sera  bon  de  le  saluer  en  mon  nom. 
Il  fault  enfin  que  toutes  longueurs  prennent  fin ,  et  celle 
là  sera  fort  bonne  bénie  de  Dieu.  Je  crois  que  je  pourrai 
amener  à  temps  pour  lever  la  difficulté,  et  c'est  mon 
desfr.  Grâces  à  Dieu,  je  ne  me  sens  d'aulcung  mal,  et 
mon  principal  désir  seroit  que  tu  feusses  de  mesmes. 
M.  Penillau  t'a  escrit  de  M.  Daulines,  médecin  ;  je  crains 
que  ceulx  qui  sont  si  attachés  à  leur  estude  acquièrent 
moins  d'expérience  :  il  s'en  fault  enquérir.  Je  t'envoye 
des  lettres  de  M.  de  La  Fontaine ,  et  pour  nostre  fils. 
Tu  auras  bien  considéré  que  je  ne  pouvois  empescher 
que  escrivist.  M.  Legoux  a  rapporté  toutes  les  com- 
missions pour  lesquelles  il  estoit  allé.  Les  créanciers 
promettoient  d'envoyer  pour  prendre  resolution  avec 


A  MADAME  DUPLESSIS.  1 1 

nous,  et  des  terres  en  payement.  J'envoye  quelques 
sauvegardes,  et  en  ferai  encores  expédier.  Le  roy  a  ouï 
nos  députés;  il  leur  a  donné  grande  attention,  et  pro- 
met de  les  renvoyer  au  plus  tost  ;  mais  il  semble 
qu'ils  ne  peuvent  tarder.  Je  t'embrasse,  etc. 

De  Chastellerault ,  ce  3  febvrier  1698  ,  au  soir. 


VI. —-V- MEMOIRE 
De  M.  de  Pierrejîte. 

Le  sieur  de  Pierrefite  s'addressera  premièrement  à 
M.  de  Rheims,  lequel  il  supplie  de  voulloir  assembler 
les  parens  et  alliés  de  M.  Duplessis,  qui  se  trouveront 
sur  les  lieux,  les  supplians  de  sa  part,  estans  tous  en- 
semble ,  de  lui  faire  cest  honneur  de  prendre  ung  bon 
advis  de  la  procédure  qui  aura  esté  teneue,  pour  avoir 
prompte  justice  de  Sainct  Phal ,  soit  par  la  voye  de  jus- 
tice ou  auhrement,  dont  les  suppliera  de  voulloir  faire 
Ting  bon  résultat,  auquel  le  sieur  Duplessis  ne  fauldra 
de  se  conformer,  pour  l'honneur  qu'il  porte  à  leurs 
bons  et  sages  advis. 

Ores,  sur  ce  propos,  fauldra  faire  traicter  les  ques- 
tions qui  ensuivent  ;  Si  ledict  sieur  doibt  prendre  la 
voye  de  la  force,  selon  les  occasions  qui  s'en  présente- 
ront ou  la  voye  de  justice;  s'il  doibt  rechercher  la  jus* 
tice  en  la  court  de  parlement  ou  pardevant  monseigneur 
le  connestable  et  les  mareschaulx  de  France.  Au  parle- 
ment, si  ce  doibt  estre  en  son  nom  ,  attendeu  que  ceste 
voye  exclueroit  celle  de  la  force  ,  ou  bien  au  nom  du 
roy,  par  commandement  qu'il  en  fasse  à  M.  le  procu- 
reur gênerai ,  ou  en  tout  cas,  soubs  le  nom  d'ung  tiers , 


la  MEMOIRE 

puisqu'il  y  en  a  deux  des  siens  qui  ont  esté  blessés  a\ec 
lui ,  lesquels  il  pourroit  faire  déclarer  parties.  Parde- 
\'ant  monseigneur  le  connestable  pareillement,  si  ce 
doibt  estre  en  son  nom ,  attendeu  qu'il  y  a  mesme  in- 
convénient, ou  bien  du  propos,  mouvement  et  com- 
mandement de  sa  majesté,  se  sentant  intéressée  en  cest 
oultrage,  et  soit  en  l'une  ou  en  Taultre  voye,  quel  en 
debvra  estre  le  commencement  et  le  progrès,  jusques 
en  la  définition  de  cest  affaire. 

Plus,  s'il  n'est  poinct  à  propos,  menant  Sainct  Phal 
par  la  justice,  que  le  sieur  Duplessis  prenne  à  partie 
le  sieur  mareschal  de  Brissac ,  par  la  voye  d'honneur, 
attendeu  qu'il  lui  a  sousbtraict  son  ennemi ,  s'estant 
chargé  de  le  représenter,  ce  qu'il  ne  faict,  lui  toutesfois 
qui  se  debvoit  sentir  le  plus  offensé,  en  tant  que  le 
sieur  Duplessis  seroit  allé  à  Angers  pour  le  service  du 
roy,  à  son  instante  pryere. 

Semble  audict  sieur  Duplessis  debvoir  commencer 
cest  affaire  par  ung  premier  ordre  ;  sçavoir,  que  les 
parens  plus  notables  qui  se  trouveront  sur  les  lieux  ou 
non  trop  esloingnés ,  fassent  cest  honneur  au  sieur  Du- 
plessis, de  demander  justice  de  cest  assassinat  à  sa  ma- 
jesté, tous  ensemble,  par  une  seule  voix,  en  la  plus 
solemnelle  forme  qui  se  puisse;  la  remercier  très  hum- 
blement du  ressentiment  qu'il  lui  a  pieu  avoir ,  et  du 
soing  qu'elle  a  pris  jusques  ici  pour  l'affaire,  et  la 
suppliant,  avec  toute  affection,  de  la  vouUoir  abréger 
par  son  auctorité,  selon  que  sa  majesté  cognoist  plus 
que  tout  aultre  combien  sont  cuisantes  et  pleines  d'im- 
patience les  playes  qui  attentent  à  l'honneur  d'ung  gen- 
tilhomme. 

Le  mercredi  4  febvrier  se  sont  assemblés  au  logis  de 
M.    de  Rheims,    à  deux  heures  après  midi,  MM.   de 


DE  M.  DE  PIERREFITE.  i3 

Rohan,  de  Rheims,  de  Rhosny,  de  Fresne,  de  Gesvre, 
président  de  Blancmesnil ,  etTambonneau,  de  Vardes  et 
comte  de  Sainct  Aignan ,  pour  délibérer  de  ce  que 
dessus,  et  ont  esté  d'advis: 

Que  M.  Duplessis  ne  peult  prendre  la  voye  de  justice, 
ni  ceulx  qui  ont  esté  blessés  avec  lui;  que  la  voye  de  la 
force  lui  est  honorable;  qu'il  peult  chercher  la  raison 
avec  tel  advantage  qu'il  vouldra,  attendeu  l'assassinat, 
lascheté  et  supercherie  dont  on  a  usé  contre  lui. 

Ont  esté  d'advis  que  les  parens  en  corps  demandent 
justice  au  roy  ;  mais  qu'auparavant  il  en  fault  donner 
advis  au  roy,  pour  sçavoir  s'il  l'aura  agréable,  et  ont 
pris  la  charge  d'en  parler  à  sa  majesté  MM.  de  Rhosny, 
de  Fresne  et  de  Gesvre. 

Plus  ont  esté  d'advis  de  différer  ladicte  demande  de 
justice  à  sa  majesté,  jusques  à  ce  que  M.  de  Schomberg 
feust  veneu  et  ait  parlé  au  roy,  d'autant  qu'il  lui  a 
escrit  qu'avec  le  conseil  de  MM.  de  Thou  et  de  Cali- 
gnon  il  lui  proposera  ung  expédient  pour  sortir  de  cest 
affaire;  et,  pour  cest  effect,  supplioit  sa  majesté  de  ne 
despescher  le  sieur  de  Pierrefite  qu'il  n'ait  parlé  à  sa- 
dicte  majesté. 

Ont  esté  d'advis  que  lesdicts  parens  demanderont 
justice  au  roy  de  parole  et  non  par  escrit,  et  le  sup- 
plieront de  commander  à  son  procureur  gênerai  d'en 
poursuivre  vivement  la  justice,  et  le  tenir  adverti  de 
ce  qui  se  fera. 

Ne  sont  au  reste  nullement  d'advis  de  prendre  le 
sieur  mareschal  à  partie. 

Du  4  febvrier  iSgS. 


l4  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

VII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

-^  MM.  de  Belliei^re  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  il  fault  que  je  vous  mande  encores  une 
bonne  nouvelle,  c'est  que  les  habitans  de  la  ville  de 
Dinan,  assistés  de  ceulx  de  Sainct  Malo,  se  sont  saisis 
de  leur  ville  pour  le  service  du  roy  contre  la  garnison 
de  M.  de  Mercœur,  commandée  par  le  sieur  de  Sainct 
Laurent, qui  s'estoit  saulvé  dans  ung  petit  chasteauqui 
debvoit  eslre  forcé  le  lendemain  :  ca  esté  le  3o  du  mois 
passé  que  l'exécution  en  a  esté  faicte;  j'en  ai  veu  les 
lettres  d'advis  qui  sont  du  dernier.  Ce  coup  est  d'im- 
portance, tant  pour  la  qualité  de  la  place  que  pour 
l'exemple;  croyés  qu'elle  sera  bienlost  suivie  d'aultres. 
Ceci  hastera  le  partement  du  roy  sans  doubte,  car  nous 
sçavons ,  et  vous  aussi,  quelle  est  sa  diligence,  et  es- 
père que  son  approcbement  en  fera  danser  d'aultres  ;  on 
dictquecesera  pour  lundi  prochain.  Je  parle  par  ouï  dire, 
parce  que  je  n'ai  veu  sa  majesté  il  y  a  quattre  jours. 

J'ai  faict  caresme  prenant  avec  mes  petites  filles  à 
Pontoise,  dont  je  revins  des  hier;  mais  le  roy  estoit 
allé  à  Sainct  Germain  et  a  coureu  le  cerf  aujourd'hui, 
d'oïl  il  n'est  encores  reveneu ,  et  s'il  est  dix  heures  du 
soir,  il  couchera  ici;  quand  il  sera  arrivé,  je  lui  ferai 
part  de  vostre  lettre  du  4  ^  (fue  j'ai  receue  ce  soir  par 
le  commis  du  sieur  de  La  Varenne. 

Par  lettres  de  Venise,  du  17  de  janvier,  nous  avons 
eu  la  confirmation  de  la  renonciation  faicte  du  duché 
de  Ferrare  avec  la  ville  de  Commachio,  en  faveur  de 
l'Eglise,  par  dom  César  d'Est;  ce  feut  le  9.  Il  s'est 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  i5 

depuis  retiré  à  Modena;  les  lettres  de  Rome  du  lo 
dudict  mois  de  janvier  n'en  font  poinct  de  mention; 
mais  elles  nous  ont  asseurë  de  l'entière  convalescence 
de  nostre  sainct  pcre.  L'evesque  d'Aversa  n'a  encores 
veu  le  roy,  à  cause  des  jours  gras  et  de  son  absence; 
il  a  appris  ici  le  faict  de  Ferrare,  duquel  il  ne  peult 
tarder  qu'il  ne  reçoive  Fadvis  et  le  commandement  de 
sa  saincletë. 

Au  reste,  je  vous  dirai  que  le  jour  que  vous  par- 
listes  de  ceste  ville,  le  sieur  Bouchary  me  vint  trouver 
pour  prendre  congé  de  moi,  me  disant  qu'il  alloit  voir 
M.  le  légat,  et  qu'il  esperoit  passer  seurement  avec 
vous.  Je  lui  dis  que  vous  estiés  jà  partis,  et  qu'il  me 
sembloit  qu'il  debvoit  remettre  ce  voyage  à  une  aultre 
fois  ;  mais,  voyant  qu'il  persistoit  en  sa  délibération,  je 
passai  oultre,  et  lui  dis  qu'il  ne  debvoit  pas  s'esloin- 
gner  ainsi  que  le  roy  n'en  feust  adverti^  estant  prests  à 
se  resouldre  les  affaires  que  nous  avons  à  desmesler 
avec  le  grand  duc;  il  me  prya  donc  d'en  advertir  sa 
majesté;  mais  deux  heures  après  il  me  revint  trouver, 
et  me  dict  que ,  ayant  compris  ce  que  je  lui  avois  re- 
monstré,  il  avoit  pris  resolution  de  différer  ce  voyage, 
en  quoi  je  le  confortai;  je  ne  l'ai  veu  depuis  cela,  et 
userai  de  ce  que  m'en  avés  escrit  selon  vostre  inten- 
tion, ayant  esté  meu  à  donner  ce  conseil  de  mes  rai- 
sons sagement  deduictes  par  vostre  lettre. 

Peult  estre  que  M.  le  légat  sera  marri  de  l'esloingne- 
ment  du  roy;  mais  qui  peult  conseiller  à  sa  majesté  de 
perdre  les  belles  occasions  qui  l'appellent  en  Bretaigne 
sur  des  espérances  et  propositions  incertaines,  cognois- 
sans  le  naturel  de  ceulx  aulxquels  nous  avons  affaire, 
il  est  en  eulx  d'abréger  les  choses;  de  sorte  que,  s'ils 
ont  envie  de  sortir  d'affaires  ,  ce  sera  bientost  faict,  et 


ï6  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc. 

iiostre  esloiiignement  ne  l'empeschera  pas.  On  se  doibt  ' 
contenter  que  nous  ayons  hazardé,  en  accordant  vostre 
conférence,  la  créance  que  nous  avons  avec  nos  alliés, 
les  députés  desquels  ne  comparoissent  pas  encores: 
toutesfois  les  Anglois  doibvent  partir  de  Londres  le 
27  du  passé;  mais  aulcungs  ont  opinion  que  le  bruict 
de  l'esloingnement  du  roy  les  arrestera ,  car  Cécile  ne 
veult  traicter  qu'avec  sa  majesté.  Nous  n'avons  aul- 
cunes  nouvelles  des  HoUandois. 

Vous  ferés  service  très  agréable  à  sa  majesté,  si  vous 
pouvés  faire  rejetter  du  traicté  ces  renégats  ennemis 
de  leur  patrie ,  desquels  vostre  lettre  faict  mention  ; 
car  elle  consentira  très  mal  volontiers  qu'ils  rentrent  en 
ce  royaulme,  et  moins  en  leurs  biens  pour  l'exemple. 

Je  crois  qu'aurés  de  présent  receu  mon  premier 
paquet,  consigné  par  madame  de  Bellievre  à  ung  des 
gens  de  M.  le  légat.  Vous  aurés  sceu  par  icelui  comme 
madame  de  Coucy  preparoit  sa  maison  pour  recevoir 
M.  le  légat;  M.  de  Schomberg  est  arrivé  en  bonne 
santé,  lequel  baste  fort  le  roy.  Je  me  recommande  à 
vos  bonnes  grâces  ,  etc. 

Du  5  febvrier  1698. 


VIII.  —  LETTRE 

De  messieurs  de  rassemblée  de  Chastellerault  a 
MM.  de  Courtaumer  et  de  Cazes  yfaicte  par  M.  Du- 
plessis. 

Messieurs,  nous  avons  receu  vos  lettres  du  ^5, 
27  et  28  du  passé,  par  lesquelles  nous  recognoissons 
vostre  diligence  en  la  poursuite  de  la  charge  que  nous 


LETTRE,  etc.  î'7 

vous  avons  pryé  de  prendre  pour  nos  communs  affaires. 
Nous  recevons  à  la  vérité  beaucoup  de  contentement 
de  la  bonne  et  attentive  audience  que  vous  avés  eue  du 
roy-;  mais  nous  avons  grandement  à  louer  Dieu  de  la 
vertu  qu'il  vous  a  donnée  à  proposer  et  maintenir  ce 
qui  est  de  la  justice  de  nostre  cause,  intégrité  de  nos 
personnes ,  et  sincérité  de  nos  procédures  ;   nous  ne 
pouvons  donc  sinon  vous  pryer  d'y  persévérer ,  et  de 
presser  tellement  ceste  sollicitation,  vous  ressoubvenans 
des  longueurs  passées  et  du  terme  qui  vous  a  esté  li- 
mité ,  que  vous  ayés  plustost  à  le  prévenir  que  nous 
à  l'attendre.  A  cela  nous  convient  plusieurs  raisons, 
que  sçavés  assés  considérer,  ne  feust  ce  que  la  longue 
attente  de  nos  provinces  et  la  nostre  propre.  Mais  sur- 
tout nous  voyons  qu'on  est  sur  le  bord  d'ung  traicté 
avec  le  roy  d'Espaigne ,  et  de  décider  avec  M.  de  Mer- 
cœur,  soit  par  une  pacification,  soit  par  une  guerre 
qu'on  portera  dans  nos  provinces;  ores  nous  importe  il 
infiniment  que  nostre  traicté  soit  concleu  premier  que 
ceulx  là,  ayant  affaire  à  personnes  qui  ne  mesurent  pas 
nos  conditions,  ou  à  nostre  justice,  ou  mesmes  à  la 
volonté  du  roy,  comme  il  nous  en  appert  assés;  mais 
ou  à  leurs  animosités  particulières,  on  à  la  condition  du 
temps,  selon  qu'ils  pensent  avoir  plus  de  moyen  de 
nous  nuire,  ou  moins  de  besoing  d'estre  servi  de  nous. 
C'est  pourquoi  nous  sommes  d'advis  que  vous  voyés 
de  nos  parts  MM.  les  ambassadeurs  de  la  royne  d'An- 
gleterre et  de  messieurs  des  Provinces  Unies,  et  leur  fas- 
siés  entendre  où  nous  en  sommes,  et  les  tergiversations 
par  lesquelles  on  nous  mené,  quelquefois  en  reculant 
au  lieu  d'advancer;  leur  remonstriés  mesmes,  oultre 
nostre  considération ,  de  quelle  importance  il  leur  est 
que  nostre  traicté  soit  concleu  premier  qu'ils  entrent 

MÉM,  DJe  DurtESSIS-MoRKAY.  ToiME  VIII.  2 


l8  LETTRE  ^ 

plus  avant  à  celui  pour  lequel  ils  viennent;  leur  faisant 
considérer  que  le  roy  ne  peult  frapper  bon  coup  contre 
l'Espaignol,  tandis  que  les  bras  de  ceulx  de  la  relligion 
sont  comme  liés  par  l'incertitude  de  leur  condition, 
lesquels  intéressés  en  la  ruyne  de  cest  ennemi,  peuvent 
roidir  et  fortifier  le  roy  en  ses  bons  desseings,  au  lieu 
que  les  aultres,  pour  la  pluspart,  n'ont  but  que  de  les 
relasclier  ,  ou  niesmes  rompre.  D'ailleurs,  que  ce  traicté 
estant  arresté  avec  ceulx  de  la  relligion,  leur  sera 
une  marque  infaillible  que  le  roy  se  veult  lier  estroic- 
tement  d'amitié  avec  leurs  estats,  faisans  mesme  pro- 
fession ,  et  s'engager  à  bon  escient  avec  eulx  en  la  guerre 
contre  le  roy  d'Espaigne;  comme  le  contraire  leur  doibt 
laisser  des  doubles,  quoiqu'on  leur  promette  que  ce 
qu'on  aura  traicté  de  guerre  contre  lui  ne  sera  que 
pour  le  menacer,  afin  d'accélérer  la  paix;  n'estant  à 
croire  que  le  roy,  avant  à  entreprendre  ung  tel  ennemi , 
se  voulleust  à  son  escient  lier  et  rendre  inutile  son  bras 
droit,  sçavoir  ceulx  de  la  relligion,  qui,  en  cest  esgard, 
font  la  plus  saine  et  la  plus  forte  partie  de  Testât,  bien 
que  non  la  plus  grande.  Les  requeriés  consequemment 
de  presser  selon  leurs  prudences  et  par  les  plus  propres 
moyens  qu'ils  scauront  bien  choisir,  qu'il  y  soit  mis 
au  plus  tost  une  fin;  des  effects  desquels  nous  ne  lais- 
serons pas  de  recognoistre  leur  avoir  de  l'obligation, 
parce  que  nous  les  sçaurons  bien  remarquer,  encores 
que  les  causes  et  ressorts  en  demeurent  occultes.  Au 
reste,  PtlM.  les  presidens  de  Thou  et  de  Calignon  nous 
ont  baillé  nostre  cahier  respondeu  par  sa  majesté, 
duquel  nous  examinons  les  responses.  Dont  nous  ne 
vous  disons  encores  rien,  parce  que  nous  n'avons  com- 
mence qu  aujourd  l\ui  ;  nous  espérons  que  vous  aurés 
fiiict  telle  dîligence  que  vous  nous  apporlerés  bientost 


A  MM.  DE  COTJRTA.UMER  ET  DE  CAZES.  lo 

les  responses  de  sa  majesté  sur  celui  que  porta  M.  de 
Claiiville  ,  pour  en  délibérer  tout  eriseuible.  Cependant 
nous  vous  pryons,  si  le  roy  partolt  pour  son  voyaqe 
de  Bretaigne  ,  et  que  pour  quelconque  occasion  vous 
feussiés  tant  soit  peu  relardés,  de  nous  advertir  en  di- 
ligence, et  plustost  par  homme  exprès,  tant  de  son 
partement  que  au  chemin  que  sa  njajesté  tiendra, 
parce  qu'd  nous  imporle  pour  certaines  considérations. 
Vous  ne  man({ueres  poinct  là  de  personnes  qui  vien- 
nent en  poste  à  toute  heure  vers  ces  quartiers.  Et  sur 
ce,  messieurs,  nous  saluons  humblement,  etc. 

Du  5  febvrier  iSgS. 


IX.— .^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  ftmme. 

M' AMIE,  j'ai  receu  tes  lettres  par  le  porteur,  qui 
sera  cause  que  je  retiendrai  Barbenoire  ung  jour  de 
plus.  Il  m'a  osté  de  peine  de  nostre  homme  ;  mais  non 
de  ta  santé  ,  que  j'esj)ere  toutesfois  que  le  beau  temps 
qui  commence  pourra  amender.  J'attends  en  dévotion 
ce  qu'auront  faict  nos  gens,  et  me  fiiîure  que  le  jour 
de  demain  m'en  esclaircira.  J'en  ai' prye  Dieu  de  bon 
cœur.  Ce  seroit  une  grande  eschelle  pour  Taultre  af- 
faire pour  laquelle  m'as  enyoyé  me  presse 
fort  de  l'affaire  que  tu  sçais.  Jescris  tousjours,  selon 
que  l'avons  resoleu.  Legoux  a  aujourd'bui  envoyé  des 
despesches  partout,  qui  me  promet  de  s  efforcer  que 
je  sois  payé  ceste  année  de  la  moitié  de  mou  man- 
dement. M.  Erord  prendra  une  commission  pour  la 
Picardie.  Bîessieurs  les  creancieis  envoyent  des  députés 


•»»»• 


'20  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

traicter  avec  nous.  Il  ne  se  peult  que  cela  ne  produise 
quelque  chose;  mais  je  Youldrois  bien  aussi  que  nostre 
Basque  feist  quelque  chose.  Je  ne  crois  poinct  ce  qu'on 
a  dict  de  Montieuil.  Si  M.  disoit  vrai ,  cela 

\'ouldra  bien  y  entendre.  Je  ne  crois  poinct  que  M.  de 
Laverdin  vienne  à  Saulmur,  car  il  est  trop  constant 
que  c'est  M.  le  mareschal  de  Rhetz  qui  a  charge  d'as- 
sembler les  trouppes.  Je  n'ai  pas  opinion  qu'il  séjourne 
à  Saulmur.  Ce  porteur  m'a  faict  espérer ,  pour  la  gar- 
nison ,  de  nous  faire  toucher  argent ,  qui  m'a  relevé 
de  la  peine  que  je  sçais  qu'aultrement  tu  aurois. 
Nous  avons  eu  nouvelles  de  MM.  de  Gourtaumer  et  de 
Gazes,  et  feront  quelque  chose  sans  nous.  M.  de  Vil- 
leroy  a  charge  de  les  despescher ,  s'ils  reviennent  con- 
tens.  Il  y  a  apparence  d'achever  du  reste 
Cependant  il  m'ennuye  de  me  voir  absent  de  toi ,  du- 
rant ton  mal,  renchéri  de  nouvelles  appréhensions, 
et  Dieu  le  sçait.  Mais  ce  sera  le  moins  que  je  pourrai 
en  partant  d'ici,  des  que  j'y  verrai  tant  soit  peu  de 
subject.  Le  roy  ne  partira  de  Fontainebleau  avant 
le  1 5,  et  de  Paris  avant  le  lo.  M.  de  Pierrefîte  aura 
eu  tout  loisir,  car  il  y  arriva  dans  le  dernier  du  passé , 
et  M.  de  Schomberg  le  i  febvrier.  Je  fais  estât ,  des 
que  j'aurai  la  nouvelle  que  j'attends  de  toi ,  d'y 
redespescher  exprès  ung  exprès.  Au  reste,  je  fais  faire 
les  ciseaulxque  tu  demandes,  et  j'en  ai  donné  la  charge 
au  tailleur;  mais  fais  lui  bien  expliquer  comment  il 
fault  qu'elles  soient.  J'ai  receu  des  lettres  de  MM.  de 
Beauvais,  La  Nocle  et  de  M.  de  La  Nocle  son  frère, 
fort  affectionnés.  Il  m'offre  une  bonne  et  forte  maison 
qu'il  a  proche  M.  le  comte  de  Crissey  aussi 

et  son  fils  n>e  sont  cejourd'hui  veneus  voir,  qui  se  sont 
fort  officieusement  offerts  à  moi ,  et  sans  rien  excepter. 


A  MADAME  DUPLESSIS.  il 

Ce  qui  m'est  plus  cher,  c'est  que  tu  ne  t'ennuyepoinct, 
ains  te  resjouisse  en  pleine  confiance  que  Dieu  aura 
soing  de  nous  et  de  toutes  ces  perplexités ,  nous  fera 
du  contentement  et  de  la  gloire  en  cherchant  la  sienne. 
Et  sur  ce,  m'amie,  je  t'embrasse,  etc. 

'De  Chastellerault ,  ce  6  febvrier  iSgS,  au  soir. 

P.  S.  Je  t'envoye  des  lettres  de  M.  de  Buzenval.  Je 
t'ai  mandé  comme  nostre  accident  avoit  esté  receu  en 
Angleterre. 

X.  — ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  safomme. 

M'amie,  hier  au  soir  m'arriva  celui  que  je  t'avois 
despesché  d'ici,  avec  tes  lettres  du  5  et  6.  La  conti- 
nuation de  tes  battemens  me  tient  en  peine ,  que  je 
ne  peulx  attribuer  qu'à  ce  que  les  remèdes  touchent 
à  l'humeur;  il  fault  patienter  ce  que  le  printemps 
nous  apportera.  Je  crains  aussi  que  la  melancholie  ne 
t'emporte;  mais,  en  faisant  ce  que  nous  pouvons,  il 
fault  remettre  le  reste  à  Dieu.   Si  avoit 

réussi ,  ce  seroit  ung  grand  coup  pour  le  public  et  non 
moindre  acheminement  pour  le  particulier  ;  mais  je 
crains  que  la  trefve  ne  soit  contreveneue ,  laquelle 
toutesfois  sera  troublée  par  la  prise  de  la  ville  de  Di- 
nan,  au  moins  en  Bretaigne.  Aultrement  nous  aurons 
des  preuves  qu'il  est  malaisé  de  rien  faire  qui  vaille 
de  Je  suis  bien  aise  que  Caboz  soit  reveneu. 

Je  pense  que  ceulx  qui  sont  es  environs  de  Douay,  se- 
ront rappelles  soit  par  la  trefve ,  soit  par  la  prise  de 


11  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

Dinan  et  aultres ,  dont  M.  le  mareschal  Brissac  nous 
menace  en  ses  lettres.  Je  suis  bien  aise  des  propos  que 
tu  as  eus  avec  le  mareschal  de  llhetz.  C'est  autant  de 
préparé,  pourveu  qu'il  tienne  coup.  Il  m'a  fasclié  de 
ce  que  nostre  triennal  faict  si  mal  son  debvoir.  Je  lui 
escris  une  lettre  que  j'envoye  à  Pela ,  fort  aspre  là 
dessus.  S'il  est  habile  homme,  il  vouidra  parler  d'ap- 
pointemens,  et  avoir  recours  à  toi  pour  se  justifier  et 
s'obliger  à  mieulx  faire,  sinon  je  ferai  en  effect  ce  que 
je  lui  mande.  C'est  qu'il  ne  verra  que  du  papier  en 
son  année.  Le  sergent  major  m'escrit ,  se  plaignant 
du  peu  de  moyens  qu'il  a.  Il  sera  bien  que  tu  l'asseure 
qu'à  mon  retour  j'y  aurai  esgard ,  et  qu'il  ne  s'ennuye 
poinct.  Je  t'envoye,  en  tout  cas,  des  lettres  pour  nos 
voisins,  encores  que  je  ne  m'eschauffe  gueres  pour  ce 
voyage,  jusqu'à  ce  que  je  sois  hors  de  mon  affaire  par 
une  voye  ou  par  aultre.  Je  redespesche  exprès  aujour- 
d'hui vers  le  roy.  Nous  espérons  bientost  les  sieurs  de 
Courtaumer  et  de  Cazes,  parce  que  M.  de  Villeroy  est 
chargé  de  leurs  despesches.  S'ils  rapportent  conten- 
tement, il  y  aura  apparence  de  faire  quelque  chose 
de  bon ,  non  si  facilement  que  désire  sa  majesté. 
M.  de  La  Noue  est  ici,  non  encores  M.  de  Parabere. 
MM.  d'Orival  et  de  Clairville  y  sont  mandés.  Je  t'em- 
brasse, etc. 

De  Chastellerault,  jce  8  febvrier  lôgS  ,  au  matin. 


XL  —  ^  LETTRE  DU  ROY 
A  M.  Duplessis. 

M.  Duplessis,  j'ai  entendeu  bien  particulièrement, 
par  le  sieur  de  Pierrefîte,  ce  que  vous  l'aviés  chargé 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  2^ 

de  me  dire;  sur  quoi,  oultre  ce  qu'il  vous  dira,  vous 
sçaurés  de  luoi  et  seres  asseuré  que  je  ne  manquerai 
à  rien  de  ce  que  je  vous  ai  ci  devant  mandé  et  promis, 
et  que  je  ne  vous  serai  pas  seulement  bon  roy,  bon 
maistre,  mais  bon  ami.  J'espère  de  vous  voir  bientost, 
car  je  m'achemine  en  vos  quartiers,  où  vous  ne  serés 
des  derniers  :  aussi  pouvés  vous  faire  estât  que  je  vous 
aime  et  que  vous  me  trouvères  tousjours  bon  maistre. 
Adieu,  M.  Duplessis.  Henry. 

A  Paris,  ce  9  febvrier  iSgS. 

XII.  —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellies^re  et  de  Sillery  a  M.  de  Vdleroj, 

1 

Monsieur,  celle  ci  est  seulement  pour  vous  donner 
advis  que  MM.  Richardot  et  Taxis  arrivèrent  hier  au 
soir;  ceste  après  disnee,  nous  nous  debvons  trouver 
chés  M.  le  légat  pour  voir  les  pouvoirs;  demain  ou 
après  demain,  nous  vous  pourrons  despescher  La  Fon- 
taine. Le  commis  de  M.  de  La  Varenne  partit  de  Sainct 
Quentin  le  6  de  ce  mois;  nous  espérions  qu'il  auroit 
faict  tourner  ici  les  postes ,  comme  il  nous  avoit  pro- 
mis que  les  trouverions  à  nostre  arrivée  en  ceste  ville; 
mais  nul  n'est  ici  veneu  de  la  part  du  chevaucher  de 
la  ville  de  Peronne. 

Madame  de  Goucy  a  receu  M.  le  légat  fort  courtoi- 
sement; tous  ses  prélats  sont  fort  bien  accommodés  de 
logis,  comme  aussi  sont  MM.  les  ambassadeurs  d'Es- 
paigne.  Nous  nous  recommandons  bien ,  etc. 

De  Vervins,  ce  9  febvrier  iSyS. 


'^4  LETTRE  DE  M.  DE  LA  BOUCHERIE 

Xin.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  LA  BOUCHERIE 

udl  31.  Duplessis. 

Monsieur  ,  je  regrette  infiniment  que  lorsque  arri- 
vastes  à  Chastellerault,  que  n'eus  le  loisir  de  vous  voir 
à  vostre  logis,  pour  vous  faire  réitération  de  mon  très 
humble  service.  Il  ne  me  restoit  plus  que  le  reste  de 
ce  jour  là,  et  le  vendredi  et  samedi,  pour  me  retirer 
de  Fresne.  Je  me  suis  tousjours  fort  opposé  aulx  des- 
seings des  ennemis,  comme  vous  avës  peu  sçavoir  de 
temps  en  temps,  mais  particulièrement  depuis  le  com- 
mencement du  mois  de  septembre  dernier,  que  j'ai 
faict  la  guerre  ouverte  de  ce  lieu ,  et  mis  bon  nombre 
de  gens  de  guerre.  Je  n'ai  faict  naufrage  ,  tant  par  la 
force  d'ancienneté  de  ma  maison  ,  que  par  le  bon 
nombre  d'amis  et  créance  que  j'ai  dans  le  pays;  mais 
voyant  qu'oultre  Tiffauges,  qui  n'est  qu'à  une  lieue 
d'ici ,  ceste  maudicte  Ligue  avoit  encores  pris  Sainct 
Georges  à  deux  lieues  de  moi  d'ung  aultre  costé,  de- 
meurant entre  les  deux,  et  batteu  deux  jours  de  canon , 
et  qu'elle  venoit  à  moi  sans  M.  de  La  Tremouille  et  no- 
blesse du  pays,  je  me  suis  resoleu,  ce  que  n'avois  jà 
peu  faire,  à  faire  fortifier  ma  maison  contre  le  canon; 
et,  depuis  la  mi  octobre,  ai  faict  faire  deux  bastions  de 
soixante  et  dix  pas  de  courtine  -en  escbarpe ,  d'autant 
qu'elle  est  en  quarré  longuet;  et  en  oultre  faict  ter- 
rasser par  le  dedans  :  j'espère  selon  que  verra  le  temps 
en  faire  faire  deux  aultres  pareils  ;  et  puis  quattre  plus 
petits  au  milieu;  M.  des  Fontaines  en  a  le  plan,  non 
comme  les  qunttre  petits  seront,  car  on  m'a  conseillé 


A  M.  DUPLESSIS.  35 

de  les  mettre  au  dehors  du  fossé  ;  comme  il  y  a  une 
ligne  tirée,  s'il  vous  plaist  prendre  la  peine  de  le  voir; 
et  pour  conclusion,  de  peur  de  vous  ennuyer,  MM.  les 
ducs  de  Bouillon  et  de  La  Tremouille  trouvent  que  la 
place  n'est  poinct  mauvaise  et  le  sieur  du  Tau;  et  en 
oultre  d'aussi  grande  conséquence  qu'aulcune  que  nous 
ayons ,  n'y  ayant  qu'elle  entre  Fontenay  et  Nantes  où 
il  y  a  vingt  lieues.  Il  y  en  a  quatorze  d'ici  à  Beauvoir, 
et  autant  d'ici  à  Talmont,  et  douze  d'ici  à  Thouars  : 
la  plus  près  c'est  où  il  n'y  en  a  que  huict.  Le 

roy  m'y  a  promis  bon  entretenement  si  la  guerre  con- 
tineue  :  si  elle  vient  contre  ceulx  de  la  relligion,  on 
m'en  donnera  assés  ;  mais,  en  cas  d'ung  edict  de  paix, 
je  desirerois,  monsieur,  estre  mis  au  nombre  de  places 
de  seureté,  pour  estre  dans  le  corps  et  avoir  quelque 
entretenement ,  tant  pour  faire  tousjours  faire  quelque 
petite  fortification  ou  dedans  ou  dehors,  que  pour 
subvenir  aulx  frais  de  la  seureté  de  l'assemblée  et  des- 
pense, n'y  ayant  de  bourgade  près;  car  M.  de  La 
Tousche  y  a  assemblé  partie  de  son  Eglise ,  et  ceulx 
qu'il  y  a  de  la  relligion  en  Anjou  et  en  Bretaigne,  de 
quattre  à  seize  lieues,  estans  ici  sur  les  marches  com- 
munes :  et  si  j'estois,  monsieur,  asseuré  de  quelque 
chose ,  je  mettrois  du  mien  pour  faire  encores  faire  ung^ 
esperon  ou  deux,  avec  grand  nombre  de  journaliers, 
avant  la  définition  du  faict  de  M.  de  Mercœur,  qui 
me  donne  occasion  de  travailler  à  ceste  fin  que  chan- 
gement arrivant,  je  feusse  plus  paré  à  faire  résistance. 
J'y  ai  trouvé  MM.  de  Bouillon  et  de  La  Tremouille  bien 
disposés.  Je  sçais ,  monsieur ,  le  pouvoir  que  vous  y 
avés,  et  particulièrement  estant  du  nombre  des  six 
qui  doibvent  faire  la  distribution  des  deniers  que  le  roy 
nous  offre,  s'il  nous  en  laisse  le  pouvoir,  qui  me  faict 


26  LETTRE  UE  M.  DE  LA  BOUCHERIE,  etc. 

implorer  vostre  faveur,  estant  resoleu  d'employer  et 
la  vie  et  la  raison  pour  le  parti  auquel  je  suis  né  et 
nourri  ;  je  m'asseure  que  ,  oultre  la  place,  qu'on  ne  trou- 
vera les  personnes  de  mon  frère  et  de  moi  inutiles;  et 
voullant  ne  rien  esperonner,  il  me  semble  qu'on  doibt 
pourvoir  à  nous,  soubs  l'espérance  de  l'advenir  ;  et  non 
nous  reserver  seulement  qu'à  la  nécessité.  Vous  m'avés,  / 
monsieur,  beaucoup  rendeu  de  tesmoignages  de  l'hon- 
neur de  vostre  amitié  qui  me  faict  bien  espérer ,  et  re- 
cherclier  toute  ma  vie  les  occasions  d'effectuer  vos 
commandemens.  La  Boucherie. 

Ce  lo  febvrier  iSgS. 


XIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BETHUNE 

J  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  vous  me  trouvères  tousjours  disposé  à 
vous  faire  très  humble  service,  et  n'espargnerai  jamais 
ma  vie  ni  chose  qui  en  despende,  pour  vous  en  rendre 
preuve  suivant  vostre  désir.  Nous  nous  sommes  assem- 
blés plusieurs  de  vos  parens  et  amis,  et  avons  pris  ré- 
solution sur  ce  que  pensions  nécessaire  sur  les  difficultés 
proposées  par  le  sieur  de  Pierrefîte  ,  laquelle  ayant  faict 
entendre  au  roy,  il  a  jugé  à  propos  pour  plusieurs  rai- 
sons, à  la  vérité  fort  considérables  ,  d'en  différer  l'exécu- 
tion jusques  à  ce  que  vous  eussiés  parlé  à  lui.  Ores ,  pour 
ce  que  la  commodité  s'y  offre,  en  bref,  nous  avons  es- 
timé cedelai  supportable,  tantya  quesa  majesté  estde- 
liberee  de  vous  donner  subject  de  contentement.  M.  de 
Pierrefite  vous  en  discourra  tout  au  long.  Quant  aulx 
affaires  generauL^:,  nous  partons  dans  qualtre  jours  avec 


LETTRE  DE  M.  DE  BETHUNE,etc.  27 

espérance  d'ung  bon  succès  en  Bretaigne.  Vous  nous 
verres  aussi  nécessiteux  que  jamais,  car  personne  ne  se 
veult  régler  ni  reliancher,  la  despense  croist  et  les  reve- 
neus  diminuent  :  nostre  espoir  est  la  paix,  mais  c'est 
ung  contract  dont  les  parties  ne  sont  pas  encores  d'ac- 
cord ,  et  au(juel ,  s'il  y  a  quelques  roses,  il  se  trouvera 
bien  des  espines,  si  Ton  n'y  marche  fort  prudemment. 
Je  remets  ce  discours  et  infinis  aullres,  dont  j'ai  bien 
envie  de  vous  en  [retenir,  a  nostre  première  veue.  Ce- 
pendant aimés  moi  et  me  tenés  en  vos  bonnes  grâces. 
Je  vous  baise  et  à  madame  Duplessis  bien  humblement 
les  mains.  Je  suis ,  monsieur,  vostre  très  humble  nepveu 
et  serviteur.  Maximilien  de  Bethune. 

De  Paris,  ce  10  febvrier  i5ijS. 


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XV. —  -^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

u4  sa  femme. 

» 

M'amie,  je  te  renvoyé  Estienne.  Ce  mauvais  temps 
me  tient  en  perpétuelle  allarme  de  ta  santé,  et  me 
tarde  fort  qu'il  ne  se  mette  au  beau.  J'ai  considéré 
î'advis  qui  vient  d'Angers;  j'y  trouve  de  l'apparence. 
Il  y  a  de  quoi  ne  se  commettre  pas  aulx  lieux  où  on 
nous  peult  nuire  ;  car  je  ne  double  poinct  que  la  mau- 
vaise volonté  n'y  soit  toute  entière.  J'y  prendrai  garde 
de  plus  en  plus,  aidant  Dieu.  Je  suis  esbahi  que  nous 
ne  sçavons  qu'est  deveneu  La  trefve  de  mardi 

le  pourra  aussi  retenir,  efla  rupture  du  jeudi  remis 
en  train.  Je  suis  bien  aise  neantmoins  que  soit 

reveneu.  Je  lui  escris  selon   ton  intention;  c'est  ung 

rand  heur  du   capitaine   Caboz   et   de   M.  Lambert; 


or 


28  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

mais  je  désire  fort  sçavoir  ce  qu'aura  faict  Fontbarbau. 
Il  est  certain  que  si  je  leur  mande  qu'ils  s'ad- 

dressent  sur  ce  qu'ils  demandent  quelques  hommes, 
lequel  s'y  rendra  selon  que  tu  trouveras  à  propos,  et 
qu'on  aura  entendeu  de  duquel  je  suis  en 

quelque  peine ,  parce  qu'on  me  dict  que  ceulx  qui 
tourmentoient  Doué  allèrent  passer  Loire  à  Montjean, 
sur  la  nouvelle  de  Dinan.  A  ce  propos,  je  tiens  le  chas- 
teau  pour  perdeu  ;  car  les  regimens  qui  vont  en  Nor- 
mandie s'y  achemineront  promptement,  et  M.  de  Mer- 
cœur  n'osera  laisser  Nantes  de  Fougères.  Celui  qui 
menoit  l'entreprise  m'avoit  dict  que  c'estoit  pour  Pé- 
tard, ou  il  fault  que  ce  en  soit  ung  aultre.  J'ai  redes- 
pesché  aujourd'hui  exprès  au  roy,  et  ai  escrit  à  nos 
amis,  nommeement  à  M.  de  Pierrefite.  Nous  eusmes  hier 
lettres  de  MM.  de  Courtaumer  et  de  Gazes,  qui  atten- 
doient  au  lendemain  leur  despesche ,  et  l'espère  assés 
bonne.  Cela  estant ,  tout  se  portera  bien.  J'advance 
avec  Legoux  tout  ce  que  je  puis  ,  et  prépare  Taultre 
partie  sur  ,  Je  n'ai  encores  rien  du  Basque 
neantmoins  viendra  à  propos.  Il  me  tardera  infiniment 
que  je  te  voye,  parce  que  je  ne  puis  m'asseurer  de  ta 
santé  aultrement.  Je  te  la  recommande  de  tout  mon 
cœur;  et  sur  ce,  je  t'embrasse,  etc. 

De  Chastelleraiilt ,  ce  lo  febvrier  i5gS ,  au  malin. 

Je  me  plains  de  nos  filles ,  qui  ne  m'escrivent  plus 
de  ta  santé. 


LETTRE  DE  CATHERINE  DE  NAVARRE,  etc,      29 


XVI. —  -^  LETTRE 

De  Catherine  de  Nai^arre  (  Madame)  a  M.  Duplessis. 

M.  Duplessis,  j'ai  receu  la  lettre  que  vous  m'avés 
escrite  par  le  sieur  de  Pierrefite,  et  vous  dirai  que  j'ai 
parlé  au  roy,  mon  seigneur  et  frère,  de  vostre  affaire, 
lequel  m'a  asseuré  qu'il  vous  fera  en  icelui  office  de 
bon  maistre  et  de  bon  roy,  dont  je  serai  bien  aise  pour 
vostre  contentement,  auquel  je  vous  prye  de  croire 
que  j'apporterai  tousjours  tout  ce  qui  me  sera  possi- 
ble. Je  vous  veulx  bien  dire  aussi  que  j'espère  que 
nous  serons  bientost  par  delà.  Sa  majesté  est  desjà 
partie;  et  moi,  encores  bien  que  je  sois  indisposée 
depuis  quelque  temps,  si  est  ce  que  cela  n'interrompra 
mon  voyage  ;  je  serai  bien  aise  de  voir  la  rivière  de 
Loire,  et  de  vous  pouvoir  tesmoigner  que  je  suis, 
M.  Duplessis  ,  vostre  bien  affectionnée  amie  , 

Catherine.  • 
De  Paris ,  ce  i  o  febvrier  1 598. 


fc-**/^  V  ■».  ^^^'%/«/%'«,-^/%^w'^'^'v 


XVIL  — -V- LETTRE  DE  M.  SERVIR, 

Conseiller  d' estât  et  advocat  gênerai,  a  M.  Duplessis. 

Monsieur,  j'ai  appris  de  M.  de  Pierrefite  les  parti- 
cularités de  l'oultrage  qui  vous  a  esté  faict,  et  non  à 
vous  seulement,  ains  au  roy  et  au  public.  Je  trouvois 
le  faict  estrange  devant  qu'avoir  ouï  ledict  sieur  de 
Pierrefite;  mais  je  le  trouve  aujourd'bui  d'autant  plus 
barbare ,  qu'il  est  circonstancié  d'une  insigne  ingrati- 


3o  LETTRE  DE  M.  SËRVIN,  etc. 

tude.  On  disoit  jadis  tov  ypdfyov  (pi^ov  sç«<r  yîirovct  é'I 
HK  I  ^ii^.  Mais  au  lieu  de  ce  mot  rapporté  par  le  chan- 
cellier  de  Charîemaigne,  on  peuit  dire  avec  vérité,  des 
hommes  de  noslre  siècle,  qu'il  n'y  a  liomme  au  monde 
pire  aidx  François  que  le  François  mesmes.  llzia-rov 
KctKov  evpetç  entre  les  hommes,  disoit  ung  poète  grec. 
Mais  c'est  le  cipumv  kchcmv  en  la  France,  ou,  comme 
Salvian  disoit,  que  le  Pfrsan  genus  erat  sermonis  non 
criminis.  Lingratitude  et  la  violence  sont  sortes  de 
vertu  et  de  valeur,  et  non  de  crime.  Il  seroit  bcsoing 
donner  une  action  et  peine  extraordinaires  contre  Tune, 
et  observer  la  science  des  loix  contre  Taullre,  pour  la 
vindicte  publicque.il  en  seroit  mieuîx  à  Testât,  atten- 
dant que  la  règle  y  soit  remise.  Je  vous  supplie  croire 
que  ce  qui  touchera  vostre  faict  je  m'y  porterai  autant 
que  je  pourrai,  pour  la  vindicte  puhlicque  qui  m'ap- 
partient, en  quoi  vous  p.urés  aussi  l'assistance  de  tous 
bons  juges,  voyant  cbacung  offensé  connue  si  Tinjure 
lui  avoit  esté  faicte.  J'ai  pryé  M.  de  Rlieims,  quand  il 
jugera  que  je  pourrai  vous  servir,  de  me  tenir  adverti, 
et  que  je  ferai  comme  partie  avec  vous,  dont,  croyant 
que  vous  avés  ferme  asseurauce,  je  vous  tesmoignerai 
que  je  suis,  monsieur,  vostre  plus  affectionné  servi- 
teur, Seryin. 
A  Paris,  ce  lo  febvrier  1698. 

XVIII.  ~  ^  LETTRE  DE  M.  DE  TAMBONEAU 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  je  ne  vous  ferai  aulcung  discours  de  ce 
qui  s'est  passé  par  deçà  en  vostre  affaire ,  me  reinettanl 


LETTRE  DE  M.  TAMBONEAU,  etc.  3r 

à  M.  de  Pierrefile,  duquel  le  pouvés  trop  mieulx  et  plus 
particulièrement  entendre,  pour  l'avoir  entièrement 
negotié  avec  le  soing,  affection  et  diligence  qui  s'y 
peult  désirer.  Je  désire  fort  que  lorsque  le  roy  sera  par 
delà,  tout  se  parachevé  ta  vostre  contentement,  et  ai 
entendeu  dire  à  M.  de  Pierrefite  que  telle  est  l'intention 
de  sa  majesté,  comme  plus  amplement  pourrcs  en- 
tendre de  lui.  Si  en  cela  et  toute  aultre  chose  je  vous 
puis  faire  service,  je  vous  supplie  user  de  moi  comme 
de  celui  qui  est  tout  à  vous.  Je  pense  que  les  députés 
pour  la  conférence  de  la  paix  sont  à  présent  ensemhle. 
Dieu,  par  sa  grâce,  veuille  le  tout  conduire  au  hien 

et  repos  de  la  France  ! 

De  Paris,  ce  lofebvrier  jSgS. 


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XIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  MONTIGNY 

A  M.  Duplessis. 

MoNSiFUR,  nous  sçavons,  par  M.  de  Pierrefite,  ce 
qui-5e  passe  par  deçà,  et  pliis  particulièrement  par  les 
députés  qui  font  estât  de  partir  après  demain  en  poste 
avec  leurs  responses.  Les  ambassadeurs  de  la  royne 
d'Angleterre  et  du  Pays  Bas  n'ont  encores  passé,  ayant 
tousjours  veu  le  vent  contraire.  Il  semble  que  les  pre- 
miers ne  demandoient  que  la  paix,  et  ici  on  faict  estât 
de  l'avoir  quand  on  vouidra.  MM.  de  Bellievre  et  de 
Sdlery  sont  retournés;  et  croit  on  que  l'entreveue  se 
fera  à  Vervins.  Cependant  Fennemi  dresse  une  armée 
pour  le  secours  du  duc  de  Mercœur,  comme  rappor- 
tent ceulx  qui  viennent  d'Espaigne,  et  en  Luxembourg 
se  font  de  grands  préparatifs  pour  ung  siège.  M.  de 
Nevers   est   vers  ceste  frontière,    mais  mal  assisté   de 


32  LETTRE  DE  M.  DE  MONTIGNY,  etc. 

capitaines ,  de  soldats  et  d'argent.  MM.  le  connestable 
et  mareschal  de  Biron,  qui  ont  la  charge  de  Picardie, 
sont  encores  ici;  et  faulte  de  payeur,  tous  les  soldats 
se  débandent,  mesrne  ceulx  qu'entretenoient  les  estats 
des  Pays  Bas  pour  ne  recevoir  meilleur  traictement 
que  les  aultres.  La  guerre  d'Italie  est  finie  sans  coup 
ferir,  le  duc  ayant  esté  trahi  par  ung  evesque  qu'il 
avoit  advancé  et  promis  de  ne  mentionner  l'excom- 
munication du  pape ,  lequel  contre  sa  promesse  épia 
l'occasion  de  la  mort  d'ung  chanoine  ,  où,  soubs  couleur 
de  faire  une  harangue ,  publia  ladicte  excommunica- 
tion au  peuple;  ce  qu'ayant  entendeu  le  duc,  se  retira 
dans  son  cabinet,  et  accorda  à  telles  conditions  que 
le  pape  voulleust,  estant  sorti  de  Ferrare  et  de  tout 
le  duché  avec  ses  meubles  seulement ,  et  est  main- 
tenant à  Florence,  ce  qui  a  rendeu  ledict  pape  si  in- 
solent et  l'Italie  si  estonnee ,  que  les  princes  et  repu- 
blicque  ont  envoyé  vers  lui  congratuler  de  sa  vic- 
toire. Ses  forces  ne  sont  encores  licenciées.  On  nous 
advertit  d'Allemaigne  que  le  Turc  faict  ses  préparatifs 
pour  le  siège  de  Vienne ,  et  que  l'empereur  ne  se  pré- 
pare pas  beaucoup  pour  se  deffendre.  Dieu  veuille  di- 
vertir ce  grand  orage,  et  vous  donner,  monsieur,  en 
très  heureuse  prospérité ,  très  longue  vie  ! 

Du  lo  febvrier  1698. 


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XX.  —  ^  LETTRE  DE  MADAME  DUBOUCHET 

^  madame  Diiplessis. 

Madame  ma  cousine,  vous  scaurés  de  M.  Pierre- 
fite  l'assemblée  qu'on  a  faicte  et  la  resolution;  mais. 


LETTRE  DE  MADAME  DUBOUCHET,  etc.  33 

pour  vous  en  dire  mon  advis  ,  je  ne  pense  pas  que 
ce  ne  feust  une  extresme  longueur,  si  la  poursuite  se 
faisoil   par  le   procureur   gênerai ,   et    pour  plusieurs 
raisons  que  je  ne   vous   puis  escrire;   et,   selon  mon 
petit  jugement ,  j'en  ferois  supplier  et  importuner  le 
roy  par  ceulx  de  la  relligion,  de  ceulx  que  cognoissés 
qtfe  le  roy  a  les  plus  agréables,   et  toutesfois  que  ce 
feust  au  nom  de  tous  ceulx  de  la  relligion  joincts  en- 
semb'e  ,  car  c'est  ung  faict  qui  touche  tout  le  corps. 
Il  a  esté  faict  pour  d  aultres.  Il  me  soubvient  que ,  quand 
M.  de  La  Curée  feut  tué  par  ung  meschant  assassinat, 
qu'on  y  procéda  de  ceste  façon;  et  pleust  à  Dieu  que 
j'eusse  autant  de  moyens  de  vous   y  servir,    comme 
j'en  aurois  de  volonté!  Je  le  vous  ferois  bien  paroistre, 
car  je  porte  vostre  affliction  et  celle  de  ,M.  Duplessis 
avec  beaucoup  de  regret.  Quant  à  vostre  aultre  affaire, 
je  ne  vous  puis  encores  rien  mander,  parce  qu'il  fault 
voir  toutes  les  dates;  et,  selon  cela,  on  vous  en  don- 
nera advis.  Celui  qu'avés  envoyé  est  aile  vers  madame 
de  Yancelas ,  ma  cousine ,  et  pour  yoir  la  date  des 
pièces  qui  servent  à  vostre  faict. 

Du  lofebvrier  i5g8i 

XXI.  —A^  LETTRE  DE  M.  DE  MOUDO?^ 

A  M.  Duplessis. 

MoNSiFUK,  je  ne  tiens  pas  à  peu  de  gloire  de  vous 
servir  en  une  si  sensible  occasion  ,  et  bien^  qu'avec 
vostre  mérite  mon  maistre  y  soit  du  tout  porté  par 
une  juste  inclination  ,  je  ne  manquerai  dé  lui  en  donner 
souvent  mémoire ,  et   de  rendre    à  la   vostre  ce  que 

MÉM.  DE  DuTLESSIS-MoRJf AY.   ToME  VIII.  3 


34  LETTRE  DE  M.  DE  MOUDON ,  etc. 

je  doibs  d'honneur  et  de  service ,  protestant ,  mon- 
sieur, de  ne  périr  non  plus  en  ceste  volonté,  que  je 
désire  de  bon  cœur  d'y  contribuer  ma  vie,  et  ce  qui 
despendra  jamais,  monsieur,  de  vostre,  etc. 

A  Paris ,  ce  i  o  febvrier  i  698. 


XXII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

,    A  MM.  de  Bellie{>re  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  je  vous  ai  adverti  de  la  prise  de  Dinan 
pour  le  service  du  roy,  qui  nous  a  esté  depuis  con- 
firmée ,  mesme  par  lettres  de  M.  de  Mercœur  qui  en 
demande  raison,  comme  faicte  contre  la  trefve;  mais 
nous  n'avons  encores  advis  de  la  rendition  du  chas- 
teau ,  de  laquelle  toutesfois  ceulx  qui  cognoissent  la 
place,  et  les  moyens  que  M.  de  Mercœur  a  de  la  se- 
courir, ne  font  aulcung  doubte.  Le  roy  partit  hier 
pour  aller  à  Fontainebleau,  où  je  me  rendrai  dans 
deux  jours ,  estant  demeuré  ici  pour  donner  ordre  à 
mes  affaires  domestiques. 

L'evesque  d'Aversa  a  eu  son  audience,  en  laquelle  il 
a  salué  et  pris  congé  de  sa  majesté  tout  ensemble ,  à 
cause  de  l'esloingnement  de  sadicte  majesté. 

Il  a  justifié  les  armes  de  nostre  sainct  père  le  pape 
contre  Ferrare,  et  a  prvé  sa  majesté  d'y  vonlloir  as- 
sister sadicte  saincteté.  Vous  sçavés  que  nous  avions 
preveneu  la  demande  par  nostre  offre  a  sa  saincteté, 
laquelle  lui  a  esté  en  tout  confirmée,  combien  que  sa 
majesté  lui  ait  dict  et  faict  voir  que  le  besoing  en  estoit 
tout  à  faict  passé  par  la  grâce  de  Dieu,  et  le  bonheur 
particulier  de  sadicte  saincteté. 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  35 

Il  a  aussi  parlé  de  la  paix  et  amitié  publicque,  à  quoi 
sadicte  majesté  lui  a  dict  qu'elle  vous  avoit  envoyé  ses 
députés  et  ambassadeurs    par    delà   pour  cest  effect , 
plus    pourtant   pour   contenter   sadicte    saincteté,   et 
aussi  M.  le  légat ,  que  pour  auicunne  nécessité  qu'elle 
eust,  grâces  au  bon  Dieu,  de  ladicte  paix,  laquelle  es- 
tant à  bonne  fin  entreprise  par  nostre  dict  sainct  père 
le  pape,  sadicte  majesté  esperoit  neantmoins  grande- 
ment qu'elle  se  feroit ,  quoi  advenant,  son  pontificat 
seroit  grandement  bonoré  et  loué  de  trois  plus  glo- 
rieux et  recommandabies  actes  qu'aultres  auroit  esté 
remarqué  par  ci  devant,  à  sçavoir,   la  reconciliation 
de  la  France  avec  le  sainct  siège,  la  rehabilitation  de 
sadicte  majesté,  le  recouvrement  du  duché  de  Ferrare 
à  TEglise  romaine  et  au  sainct  siège  ,  sans  avoir  tiré 
ung  seul  coup  de  canon ,  et  la  paix  publicque  de  la 
chrestienté,  ce  que  sa  majesté  disoit  debvoir  estre  at- 
tribué à  la  grande  pieté  de  sa  saincteté  et  à  sa  pru- 
dence et  bonté,  etc. 

Si  au  retour  dudict  evesque  sa  majesté  est  encores 
à  Fontainebleau,  il  l'y  verra,  sinon  je  lui  ferai  trouver 
ici  sa  despesche,  pour  après  s'en  aller  de  longue. 

Au  reste,  nous  n'avons  aulcunes  nouvelles  des  am- 
bassadeurs d'Angleterre  et  Hollande;  on  en  accuse  les 
vents,  et  je  n'en  veulx  dire  aultre  chose. 

M.  le  connestable  ira  demain  à  Fontainebleau,  dont 
il  prendra  congé  du  roy,  qui  dict  assureement  en  voul- 
loir  partir  lundi  prochain  sans  fatdte,  messieurs  du 
conseil  prenant  divers  chemins;  mais  je  suivrai  sa  ma- 
jesté, afin  de  ne  vous  manquer  poinct. 

Si  lesdicts  ambassadeurs  arrivent  à  Dieppe ,  devant 
que  sa  majesté  parte  dudict  Fontainebleau,  et  qu'elle 
en  soit  advcrtie  ,  elle  les  y  pourra  bien  attendre  ,  sinon 


:>6  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  eic. 

M.  le  connestable,  assisté  de  M.  de  Maisse,  aura  charge 
de  les  bien  recevoir ,  et  traicter  avec  eulx  s'ils  le  veul- 
lent  faire. 

Et,  s'ils  veullent  voir  sa  majesté  devant  que  traicter 
et  de  negotier  avec  personne,  ledict  M.  de  Maisse  les 
nous  amènera  en  quelque  part  que  nous  soyons.  Je 
fne  recommande  à  vos  bonnes  grâces ,  etc. 

Du  lo  febvrier  i5^S. 


XXIII. —  -V- LETTRE 

De  MM.  de  Belliei^re  et  de  Sillerj  h  M.  de  Fdleroy. 

Monsieur  ,  nous  vous  renvoyons  ce  lacquais  ,  es- 
pérant de  faire  pour  aujourd'hui  nostre  despesche,  que 
nous  vous  envoyerons  sans  manquer  par  La  Fontaine. 

Les  postes  sont  maintenant  tournées  jusques  à  Sois- 
sons.  Nous  avions  obmis  d'accuser  la  réception  de  la 
despesche  qui  feut  baillée  à  l'homme  de  M.  le  légat, 
qui  ne  se  hasta  pas  de  partir  de  Paris. 

Nous  baillasnies  audict  sieur  le  légat  celle  que  sa 
majesté  lui  escrit ,  dont  il  receut  ung  infini  et  grand 
contentement. 

Nous  lui  avons  faict  part  de  la  bonne  nouvelle  de 

la  prise  de  la  ville  de  Dinan;  il  se  resjouit  grandement 

de  toute  la  prospérité  qui   advient  à  sa  majesté.   Sur 

ce,  nous  recommandons  bien  à  vos  bonnes  grâces,  et 

demeurons,  etc. 

Du  10  febvrier  1598. 


LETTRE  AU  ROT.  37 

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XXIV.  — -V-  LETTRE 

De  MM.  de  Bellieç^re  et  de  Silleiy  au  roy. 

Sire,  nous  arrivasmes  samedi  dernier,  -y  de  ce  mois, 
en  ceste  ville  de  Vervins,  avec  M.  le  légat;  le  lende- 
main, les  sieurs  président  Richardot  et  commandeur 
Taxis,  avec  le  père  gênerai.  Le  jour  suivant,  estans 
assemblés  chés  M.  le  légat,  le  lieu  plus  honorable  pour 
la  séance  après  M.  le  nonce,  qui  se  trouva  en  ceste 
conférence  ,  nous  feut  accordé.  Le  père  gênerai  des 
cordeliers  s'y  trouva  aussi.  Nous  communiquasmes  de 
pari  et  d'aultre  nos  pouvoirs;  nous  leur  baillasmes 
copie  du  nostre,  signé  de  nous,  et  euîx  semblablement 
nous  baillèrent  la  copie  du  leur  ,  signée  d'eulx  et  du. 
secrétaire  d'estat ,  qui  est  aussi  nommé  en  leur  pouvoir; 
signé  Albert,  cardinal;  et  plus  bas,  Le  Vasseur,  scellé 
en  placard. 

Nous  avons  reteneu  l'original  de  ladicte  copie,  et  en 
envoyons  un  g  double  à  vostre  majesté.  Nous  avons  aussi 
veu  l'original  du  pouvoir  que  le  roy  d'Espaigne  a  donné 
audict  sieur  cardinal,  qui  est  en  bonne  forme,  signé 
io  elrey;  et  plus  bas,  dom  Martin  d'Idiaques,  scellé 
en  placard.  Ayant  leu  ces  deux  pouvoirs,  qui  semblent 
estre  en  bonne  forme,  nous  leur  avons  dict  que  vostre 
majesté  s'est  tousjours  déclarée  de  ne  vouUoir  traicter 
que  la  royne  d'Angleterre,  sa  bonne  sœur,  et  ses  con- 
fédérés des  provinces  unies  des  Pays  Bas  ne  soient 
compris  en  la  paix.  Ils  nous  ont  dict  avoir  aussi  pou- 
voir suffisant  pour  traicter  avec  ladicte  dame  royne  et 
provinces.  Ayans  leu  les  pouvoirs  qu'ils  nous  ont  com- 


38  LETTRE 

muniqués  ,  qui  sont  dudict  sieur  cardinal  seulement, 
nous  avons  demande  de  voir  le  pouvoir  qu'il  avoit  eu 
dudict  sieur  roy,  pour  resouldre  l'accord  avec  ladicte 
dame  royne  et  estats.  Ils  ont  dict  que  la  personne  du- 
dict sieur  cardinal  est  assés  auctorisee,  qui  oblige  son 
honneur  et  ses  biens  pour  l'observation  de  ce  que  pour 
ce  regard  aura  este  par  eulx  promis;  et  oultre  ce,  pro- 
met, par  le  pouvoir  qu'il  leur  a  donné,  de  le  faire  rati- 
fier, confirmer  et  approuver  par  sa  majesté  catholique. 
Nousavons  dict  qu'il  est  à  craindre  que  ladicte  dame  royne 
d'Angleterre  et  estats  ne  veuUent  entrer  en  ce  traicté, 
s'ils  ne  voyent  l'original  du  pouvoir  pour  ce  donné  par  le 
roy  catholique  audict  sieur  cardinal  ;  et  qu'au  pouvoir 
qu'il  a  envoyé  pour  traicter  avec  vostre  majesté,  il  pou- 
voit  aussi  adjouster  le  pouvoir  de  traicter  avec  lesdicts 
confédérés.  A  quoi  ils  ont  respondeu  que  la  royne  d'An- 
gleterre ne  s'est  poinct  faict  entendre  de  voulloir  traic- 
ter avec  sa  majesté  catholique.  Que  lorsque  le  pouvoir 
de  traicter  avec  vostre  majesté  feut  signé  par  ledict 
sieur  roy ,  l'armée  de  mer  de  ladicte  royne  ravageoit 
les  costes  d'Espaigne  et  isles  de  son  obéissance  ;  qu'au 
mois  d'aoust  qu'il  signa  ladicte  patente ,  aulcung  ne 
lui  parloit  de  comprendre  en  ceste  paix  ladicte  royne 
et  estats;  et  que  pour  le  regard  de  traicter  avec  vostre 
majesté ,  qu'il  en  feut  lors  instamment  requis  par  le 
nonce  du  pape  résidant  près  de  lui.  Remonstrans  dere- 
chef que  la  personne  dudict  sieur  cardinal  est  tant  auc- 
torisee, qu'il  ne  fault  pas  craindre  qu'il  soit  desadvoué 
de  chose  qu'il  ait  promise;  et  pour  oster  tout  doubte, 
ledict  sieur  cardinal  leur  a  donné  charge  de  promettre 
et  asseurer  que  si  ladicte  dame  royne  et  estats  le  dési- 
rent,  qu'il  envoyera  courrier  exprès  en  Espaigne,  et 
obtiendra  dudict  sieur  roy  tel  et  si  exprès  pouvoir  qu'ils 


AU  ROY.  39 

sçauroient  désirer,  ce  qu'ils  ont  dict  le  pouvoir  faire 
dans  quinzaine,  si  vostre  majesté  leur  permet  de 
faire  passer  par  vostre  royaulme  le  courrier  que  pour 
cest  effect  il  despeschera  en  Espaigne.  Nous  les  priasmes 
de  nous  voulloir  bailler  copie  desdicts  pouvoirs  ,  afin 
de  les  envoyer  à  vostre  majesté,  qui  en  vouldra  tenir 
advertis  ladicte  dame  royne  et  estats.  Ils  nous  ont  pryé 
les  voulloir  excuser  s'ils  ne  nous  en  bailloient  copie, 
ne  sçachans  si  ladicte  dame  et  estats  veullent  entrer  en 
ce  traicté;  en  quoi  ils  offrent  de  les  recevoir  très  vol- 
lontiers  :  mais  ils  ont  trouvé  bon  que  nous  les  lussions 
et  fissions  extraict  des  clauses  principales  ci  dessus  in- 
sérées. Ils  nous  ont  aussi  dict  de  sçavoir  pour  chose 
bien  certaine  que  ledict  sieur  cardinal  a  receu  lettres 
expresses  dudict  roy  catholique,  qui  lui  mande  qu'il 
trouve  bon  que  ladicte  dame  et  estats  soient  compris 
en  ce  traicté  de  paix;  et  qu'il  ne  fault  croire  qu'ung 
prince  si  sage  et  si  advisé,  comme  est  ledict  sieur 
cardinal,  hazardast  son  honneur  d'entrer  en  telles 
promesses ,  s  il  n'avoit  charge  bien  expresse  de  la 
faire. 

Nous  remismes  à  leur  faire  response  au  lendemain. 
Nous  trou  vans  ensemble  le  join  suivant,  10  de  ce  mois, 
mondict  sieur  le  légat  nous  demanda  si ,  de  part  et 
d'aultre,  nous  estions  satisfaicts  des  pouvoirs  que  nous 
îusmes  hier;  sur  ce  nous  respondismes  que  pour  le  re- 
gard du  pouvoir  donné  aulxdicts  sieurs  ambassadeurs 
d'Espaigne  pour  traicter  avec  les  députés  de  vostre 
majesté,  que  nous  lui  envoyerions  la  copie,  voullans 
espérer  qu'elle  en  demeureroit  satisfaicte;  mais  que 
nous  craignons  que  ladicte  royne  d'Angleterre  et  estats 
feissent  difficulté  d'entrer  en  ce  traicté,  sans  qu'il  leur 
apparust  du  pouvoir  que  le  roy  d'Espaigne  eust  donné 


4o  LETTRE 

audict  sieur  cardinal  de  resouldre  ceste  paix  avec  eiilx; 
ce  qui  a  esté  debatteu  de  part  et  d'aultre  par  les  rai- 
sons ci  dessus  conteneues.  Comme  nous  insistions  pour 
satisfaire  au  commandement  qu'il  a  pieu  à  vostre  ma- 
jesté sur  ce  nous  donner,  remonstrans  qu'elle  ne  voul- 
loit  en  chose  que  ce  soit  contrevenir  a  ce  qu'elle  a  pro- 
mis à  ses  confédérés,  ils  nous  ont  demandé  si  vostre 
majesté  est  du  tout  resoleue  de  ne  traicter  avec  le  roy 
d'Espaigne ,  si  vos  confédérés  ne  l'approuvent.  Nous 
avons  respondeu  que  vostre  nicnjesté  ne  recognoist  pour 
maistre  que  Dieu  et  la  raison  ;  aussi  qu'on  ne  debvoit 
attendre  d'elle  qu'elle  condescendist  à  chose  qui  feust 
contre  le  debvoir  et  la  raison.  Ils  nous  ont  demandé  si 
nous  estimons  que  la  royne  d'Angleterre  ne  veuille  la 
paix.  Nous  avons  dict  que  ladicte  dame  a  escrit  à  vostre 
majslé  qu'elle  la  désire,  pourveu  que  ce  soit  une  paix 
non  feinte  ni  simulée. 

Nous  faisans  semblable  demande  touchant  les  estats, 
et  s'ils  ont  faict  entendre  à  vostre  majesté  qu'ils  désirent 
entrer  en  ce  traicté  de  paix,  nous  avons  dict  que  nous 
estimons  qu'ils  se  trouveront  en  bref  près  d'elle,  oîi  ils 
pourront  prendre  resolution  d'entrer  en  ce  traicté.  A 
ce  ils  ont  respondeu  d'estre  bien  advertis  qu'ils  ne  vien- 
nent en  France  que  pour  inviter  vostre  majesté  à  con- 
tinuer la  guerre  ;  et  à  ces  fins  promettront  de  faire 
convertir  en  or  le  Mont  Cenis  ;  et  sçavoir ,  qu'ils  se 
vantent  d'avoir  lettres  de  vostre  majesté,  qui  leur  pro- 
met et  asseure ,  quelque  pourparler  de  paix  qui  se  fasse , 
qu'il  ne  s'en  conclura  rien;  ce  que  nous  leur  avons  nié 
fort  expresseement ,  et  pryé  que  si  l'on  met  en  avant 
telles  inventions,  comme  nous  ne  doubtons  que  les  en- 
nemis de  la  paix  ne  fassent  bien  souvent ,  quils  ne 
•veuillent  adjouster  foi ,  et  qu'ils  s'asseurent  que  la  pa^ 


AU  ROY.  4i 

rôle  de  vostre  majesté  se  trouvera  tousjours  ferme  et 
véritable. 

Laissnns  ces  propos  ,  ils  nous  ont  demandé  ce  que 
nous  estimons  debvoir  estre  faict  pour  parvenir  à  la 
conclusion  de  ce  traicté.  Nous  avons  dict  que  vostre 
majesté  se.  monstreroit  désireuse  du  repos  de  la  chres- 
tienté  ,  et  fort  raisonnable  en  ses  demandes,  qui  sont 
ce  qui  a  esté  occupé  sur  la  France  depuis  le  traicté  du 
Cbasteau  en  Cambresis,  faict  en  Tan  ïSSq,  lui  soit  res- 
titué, et  que  la  royne  d'Angleterre  et  les  estats  des  Pro- 
vinces Unies  soient  compris  en  cest  accord.  Sur  cela, 
par  forme  d'esbauclier  Taffaire,  plusieurs  cboses  ont  esté 
debatteues  de  part  et  d'aultre,  dont  la  conclusion  a  esté 
que ,  se  resolvant  vostre  majesté  à  la  conclusion  de 
ceste  paix ,  ils  ont  charge  et  pouvoir  dudict  sieur  car- 
dinal de  nous  promettre  et  asseurer  qu'icelui  sieur  car- 
dinal ,  suivant  le  pouvoir  qu'il  en  a  eu  du  roy  d'Espaigne, 
de  faire  de  bonne  foi ,  et  sans  mettre  l'affaire  en  lon- 
gueur, remette  entre  les  mains  de  vostre  majesté  les 
villes  de  Calais,  Ardres,  Dourlans,  Le  Castelet,  La  Ca- 
pelle,  Montliulin,  Blavet,  et  les  aultres  places  que  les 
Espaignols  tiennent  en  Bretaigne  ou  ailleurs ,  qui  ont 
esté  occupées  sur  la  France  depuis  ledict  traicté.  Sur  ce 
a  esté  dict  que  le  jour  suivant  seroit  parlé  des  moyens 
qu'il  fault  tenir  pour  parvenir  à  ceste  exécution,  accor- 
dans  qu'elle  se  fasse  en  la  sorte  qu'il  en  feut  usé  lors- 
que ledict  traicté  de  Fan  iSSg  feut  exécuté;  et  ne  re- 
fuseront d'accorder  tous  aultres  meilleurs  expediens  qui 
seront  proposés  pour  faciliter  l'exécution  de  ce  qui  est 
promis  à  vostre  majesté;  ce  que  nous  considérerons  avec 
tout  le  soing,  diligence  et  fidélité  que  nous  debvons  h 
vostre  service. 

Ce  propos  fini,  ils  nous  ont  demandé  ung  passeport 


42  LETTRE 

pour  le  député  que  M.  de  Mercœnr  Youldra  envoyer 
en  ceste  assemblée.  Nous  avons  dict  ne  le  pouvoir  faire, 
et  que  vostre  majesté  ne  le  trouveroit  bon.  A  ce  ils  ont 
respondeu  que  ceulx  des  Provinces  Unies  sont  subjects 
du  roy  catholique  leur  maistre,  comme  peult  estre  le- 
dict  sieur  de  Mercœur  de  vostre  majesté.  Nous  avons 
dict  que  les  Provinces  Unies  font  un  g  estât  formé  et 
puissant  ;  que  M.  de  Mercœur  est  uno  de  vos  lieutenans 
generaulx,  qui  se  trouve  enfermé  dans  une  ville  qu'il 
ne  pourra  garder  que  jusques  à  vostre  arrivée  en  Bre- 
taigne  ,  et  que  nous  estimons  que ,  des  à  présent ,  il 
aura  resoleu  son  accord  et  reconciliation  avec  vostre 
majesté.  Ils  nous  ont  requis  de  leur  donner  passeport 
pour  envoyer  par  devers  ledict  sieur  de  Mercœur.  Nous 
avons  dict  ne  le  pouvoir  faire  sans  le  commandement 
de  vostre  majesté,  à  laquelle  nous  escririons  ce  qu'ils 
nous  demandent  touchant  ledict  sieur  de  Mercœur. 

Estans  sortis  de  cest  affaire ,  ils  nous  ont  demandé 
ung  passeport  pour  l'ambassadeur  de  Savoye;  ce  qui 
leur  a  esté  accordé. 

Ayans  escrit  jusques  ici  nous  nous  sommes  derechef 
assemblés  chez  M.  le  légat,  cejourd'hui  onziesme  de 
febvrier.  M.  Taxis  a  commencé  par  se  plaindre  de  ce 
que  nous  leur  refusasmes  hier  le  passeport  qu'ils  de- 
mandent pour  envoyer  à  M.  de  Mercœur,  dont  il  a  faict 
grande  instance. 

Nous  sommes  demeurés  fermes  à  la  response  que 
leur  fismes  hier  ;  sur  quoi  il  plaira  à  vostre  majesté 
nous  commander  son  bon  voulloir. 

Le  président  Richardot  nous  a  dict  qu'ils  sont  ici 
veneus  pour  conclure  une  bonne  paix  entre  les  deux 
couronnes;  qu'ils  nous  ont  faict  apparoir  de  leur  pou- 
voir, qui  est  suffisant;  qu'ils  ont  aussi  veu  le  nostre , 


AU  ROY.  43 

dont  ils  se  contentent,  paruuit  a  ce  que  l'on  mette  fin 
au  parachèvement  d'ung  si  bon  œuvre.  INous  pryent  de 
leur  voulloir  déclarer  si  nous  nous  voulions  tenir  à  ce 
dont  il  feut  parle  hier  de  renouveller  la  paix  aulx 
mesmes  conditions  qui  sont  conteneues  au  traicte  de 
Tan  1659;  ^"^  ^^  ^^^^  P^^^  ^-^  avoient  charge  dasseu- 
rer  et  promettre  que  le  roy  catholique  s'en  contentera; 
qu'ils  estoient  prests  de  nous  bailler  signe  de  leurs 
mains;  que  les  places  de  Calais,  Ardres,  Monthulin  et 
Dourlans,  Le  Castelet,  La  CapeUe,  Blavet,  et  toutes  les 
aultres  places  que  les  Kspaignols  tiennent  en  Breiaigne, 
seroient  de  bonne  foi  restituées  à  vostre  majesté. 

Que  pour  le  semblable,  suivant  le  pouvoir  gênerai 
que  nous  avions,  que  nous  leur  badiassions  signe  de  nos 
mains,  qu'elle  se  contentera  que  !a  paix  se  renouvelle 
aulx  conditions  conteneues  audict  traicté. 

Sur  ce,  nous  avons  parlé  de  deux  choses  suivant  ce 
que  vostre  majesté  s'est  déclarée  à  nous  de  son  inten- 
tion,  comme  aussi  elle  a  faict.  et  par  plusieurs  fois,  à 
M.  le  légat  et  à  M.  le  père  gênerai;  l'une  que  les  villes 
occupées  sur  la  France  depuis  ledict  traicte  de  1  an 
1559,  lui  soient  restituées;  Taultre,  que  la  royne  d'An- 
gleterre et  les  provinces  unies  des  Pays  Ba^  soient  com- 
pris en  cest  accord;  et  qu'auparavant  que  de  traicter, 
elle  voulloit  qu'on  lui  feist  apparoir  du  pouvoir  sur  ce 
donné  par  le  roy  d'Espaigne  au  cardinal  d'Autriche, 
tant  pour  son  regard  que  pour  ce  aussi  qui  concerne 
ladicte  royne  et  estats;  que  nous  leur  dismes  hier  ce  en 
quoi  ladicte  danie  et  estats  se  pourroient  fonder  pour 
soubtenir  que  lesdicts  pouvoirs  sont  défectueux;  que 
nous  ferions  le  tout  entend^^e  à  vostre  majesté  pour  en 
juger,  et  de  nostre  part  apporterions  de  bonne  foi  tout 
ce  qui  despendroit  de  nous  pour  faciliter  ceste  negotia- 


44  LETTRE 

tion.  Ce  propos  a  esté  long  ,  s'estant  le  président  Ri- 
chardot  fort  estendeu  pour  essayer  de  nous  persuader 
que  debvions  passer  oultre ,  ou  leur  déclarer  si  vostre 
majesté  estoit  resoleue  de  ne  traicter  poinct,  si  par 
mesnie  moyen  ladicte  dame  royne  et  estats  ne  traic- 
toient. 

Sur  quoi  leur  a  esté  respondeu  encores  plus  expres- 
seement  que  ne  feut  faict  hier,  et  sommes  demeurés  en 
nostre  opinion  ci  dessus  conteneue;  et  d'autant  que  ces 
gens  se  déclarent  d'estre  entrés  en  souspçon  que  nous 
cherchons  de  tenir  cest  affaire  en  longueur,  nous  sup- 
plions très  humblement  vostre  majesté,  pour  le  bien  de 
son  service,  de  nous  commander  sur  ce  son  intention 
au  plustost  que  faire  se  pourra. 

Ce  propos  achevé,  a  esté  faict  lecture  dudict  traicté 
de  paix  de  Fan  iSSg,  et  avons^de  part  et  d'aultre  con- 
sidéré les  articles  qui  doibvenf  demeurer  ou  estre  clîan- 
gés.  Cela  faict,  nous  sommes  veneus  à  parler  de  la  forme 
que  l'on  doibt  tenir,  et  du  temps  qui  leur  peult  èstre 
accordé  pour  restituer  les  places  qu'ils  promettent 
rendre  h  vostre  majesté.  Nous  leur  avons  dict  qu'ils  se 
peuvent  contenterd'ung  mois;  que  vostre  majesté  entend 
que  l'on  commence  par  Calais  et  Ardres;  qu'ils  baillent 
ostages  pour  asseurance  de  l'exécution  de  leurs  pro- 
messes; que  les  forteresses  ne  soient  aulcunement  dé- 
molies ni  endommagées;  que  l'artillerie  de  France, 
pouldre  et  boulets  du  calibre  et  tiltre  de  France  n'en 
soient  transportés ,  ni  aultres  munitions  de  guerre  ; 
qu'ils  pourvoient  qu'il  n'advienne  longueur,  soubs  pré- 
texte de  soldats  que  l'on  dict  estre  mutinés  à  Calais  et 
aultres  places;  car  cela  advenant,  vostre  majesté  le 
tiendra  pour  contravention  à  la  paix. 

A  ce  ils  ont  respondeu  que,  pour  le  regard  du  temps , 


AU  ROY.  45 

s'ils  demandoient  trois  mois,  comme  feut  accordé  au 
roy  catholique  par  le  traicté  de  Chasteau  en  Cambre- 
sis,  et  que  le  terme  commençast  du  jour  que  la  paix 
auroit  esté  jurée  par  vostre  majesté,  et  le  traicté  publié 
en  vos  parlemens ,  nous  leur  dismes  que  le  feu  roy 
Henry  II  se  contenta  de  deux  mois  pour  toute  la  resti- 
tution qu'il  escheoit  faire  en  Corse,  Toscane,  Piémont, 
Savoye,  Luxembourg  et  aultres  lieux  du  costé  de  deçà. 
Cela  faict,  estoit  accordé  ung  mois  au  roy  catholique, 
qui  arvoit  donné  ostages ,  et  n'estoit  teneu  de  restituer 
que  ledict  Henry  n'eust  accompli  sa  promesse;  et  par- 
tant, le  terme  d'ung  mois  nous  semble  eslre  plufi  que 
raisonnable  et  suffisant;  et  quant  à  ce  qu'ils  demandent 
que  le  terme  commence  seulement  du  jour  que  le  traicté 
aura  esté  juré  par  vostre  majesté,  et  publié  en  vostre 
parlement;  que  nous  ne  voulions  aulcunement  dépar- 
tir de  ce  qui  a  esté  ci  devant  faict  et  observé;  et  per- 
sistons, pour  ce  regard  ,  que  la  mesme  clause,  à  sçavoir 
du  jour  et  date  des  présentes,  que  nous  lisons  au  pré- 
cèdent traicté,  soit  mise  en  cestui  ci;  à  quoi  ils  se  sont 
condescendeus. 

Mais,  pour  le  regard  du  terme,  ont  persisté  qu'il  leur 
seroit  impossible  de  satisfaire  à  ladicte  restitution  en 
moins  de  deux  mois,  qui  estoit  ce  à  quoi  ils  se  peuvent 
restraindre,  alléguant  qu'ils  ont  à  faire  avec  des  soldats 
espaignols  qui  sont  coustumiers  de  faire  infinies  inso- 
lences quand  Ton  vient  à  compte  avec  eulx,  renvoyent 
par  plusieurs  fois  les  commissaires  ,  les  excédent  sou- 
vent, tellement  qu'il  leur  fault  du  temps  pour  venir  à 
bout  de  ces  gens  là,  et  leur  seroit  impossible  de  satis- 
faire à  ceste  promesse  en  moins  de  deux  mois;  ce  que 
nous  n'avons  pas  accepté,  et  leur  avons  dict  seulement 
que  le  ferions  entendre  à  vostre  majesté. 


46  ^  LETTRE 

Quant  à  Bîavet ,  ils  ont  dict  que  la  restitution  s'en 
pourroit  faire  en  moins  de  trois  mois,  d'autant  que 
dom  Jean  d'Aquila,  qui  y  commande,  n'obéit  pas  au 
cardinal  d'Autriche;  et  que  la  coustume  des  capitaines 
espaignols  qui  sont  chargés  de  la  garde  d'une  place, 
est  de  ne  la  rendre  poinct,  s'ils  n'ont  le  contre  signal 
du  prince  qui  les  a  mis  dans  la  place  ;  mais  que  ledict 
sieur  cardinal  promettoit  et  se  faisoit  fort  d'obtenir  du 
roy  d'Espaigne  tout  ce  qui  seroit  requis  pour  en  effec- 
tuer la  restitution ,  dont  vostre  majesté  demeureroit 
contente;  nostre  response  a  esté  que  le  roy  d'Espaigne, 
s'il  a  la  volonté  que  ceste  place  soit  restituée ,  le  nous 
peuît  faire  entendre  et  exécuter  aussi  aiseement  dans 
ung  mois  que  dans  trois ,  et  que  nous  en  advertirions 
vostre  majesté. 

Quant  à  ce  que  nous  demandons  que  la  restitution 
des  places  commence  par  Calais,  ils  ont  dict  d'en  estre 
bien  contens. 

Et  quant  aulx  ostages  que  nous  demandons,  disent 
aussi  en  estre  contens,  et  que  vostre  majesté  les  choi- 
sisse; sur  ce  que  nous  demandons  que  les  forteresses  ne 
soient  desmolies  ni  endommagées ,  ont  dict  qu'ils  en  sont 
tous  contens  pour  le  regard  de  celles  qui  sont  de  deçà, 
et  que  vostre  majesté  trouvera  qu'ils  ont  faict  une  très 
grande  et  notable  despense  à  fortifier  Calais,  comme 
aussi  ils  ont  beaucoup  despendeu  à  reparer  les  aultres 
places  de  la  Picardie. 

Pour  le  regard  de  Blavet,  ont  dict  que  le  roy  d'Es- 
paigne entend  qu'il  soit  desmoli.  Nous  leur  avons  re- 
monstré  qu'audict  traicté  de  i  SSg,  i'  feut  dict,  touchant 
les  restitutions  des  places  aulxqueiles  s'obligèrent  les 
deux  roys,  qu'il  ne  seroit  loisible  de  les  desmolir  ni 
endommager;  que  le   fondement  de  ce  traicte  est  de 


AU  ROY.  4-7 

suivre  le  précèdent;  à  quoi  il  sera  contreveneu,  si  Ton 
procède  à  la  desmolition  de  Blavet. 

Leur  response  a  esté  que  les  deux  roys  rendroient 
l'ung  à  Taultre  les  places  qu'ils  avoient  prises  par  guerre, 
et  qui  avoient  esté  possédées  par  celui  auquel  on  les 
restituoit,  n'ayant  semblé  raisonnable  de  les  rendre 
endommagées;  mais  quant  à  Blavet,  que  l'on  rend  la 
place  telle  que  l'on  l'a  trouvée;  et  quelque  pryere  et 
instance  que  leur  ayons  faict  de  consentir  à  ceste  de- 
mande,  ils  ont  persisté  à  leur  première  response,  di- 
sant qu'ils  ne  peuvent  faire  aultrement. 

Quant  a  l'artillerie  de  France,  pouldre  et  boulets  du 
tiltre  et  calibre  de  France,  disent  que  c'est  chose  qu'on 
n'a  point  accoustumé  de  faire;  qu'au  traicté  précèdent, 
auquel  ils  se  réfèrent,  il  en  feut  usé  aultrement.  Que 
l'artillerie,  pouldre ,  boulets  et  aultres  munitions  sont 
meubles  qui  leur  appartiennent,  comme  appartient  au 
soldat  qui  en  sort  l'argent  qu'il  se  trouve  avoir  en  sa 
bourse  ;  et  n'ont  voulleu  accorder  ceste  demande , 
quelque  instance  que  nous  en  ayons  faicte. 

Quant  aulx  soldats  mutinés ,  et  que  nous  demandons 
qu'ils  pourvoyent  qu'à  ceste  occasion  il  n'advienne 
longueur  au  faict  de  ceste  exécution ,  ont  dict  qu'ils  y 
donneroient  bon  ordre,  qu'ils  ont  l'argent  qu'il  fault 
pour  les  payer,  estimans  qu'avec  quarante  mille  escus 
qu'ils  en  viendront  bien  à  bout. 

C'est,  sire,  ce  que  nous  avons  peu  cejourd'hui  traic- 
ter  et  ad  viser  avec  lesdicts  ambassadeurs,  en  présence 
de  M.  le  légat. 

Il  y  a  quelques  aultres  poincts,  comme  est  d'adviser 
que,  concluant  ce  traicté,  ne  soit  faict  préjudice  aulx 
justes  prétentions  de  vostre  majesté  sur  ce  qui  a  esté 
occupé  de  son  royaulme  de  Navarre^  de  parler  de  la 


4B  LETTRE 

ville  de  Cambray,  et  aultrcs  articles  conteneus  en  nostre 
instruction  ;  il  sera  plus  à  propos  cFen  parler  à  la  con- 
clusion du  traicté.  De  tout  ce  que  dessus,  sire,  il  n'a 
rien  esté  pris  par  escrit  de  part  ni  d'aultre,  encores 
qu'ils  nous  ayent  offert  de  le  faire;  mais,  jugeans  de 
la  volonté  de  vostre  majesté  par  le  conteneu  en  l'in- 
struction qu'il  lui  a  pieu  de  nous  bailler,  craignans  que 
la  royne  d'Angleterre  ne  prétende  quelque  défectuosité 
au  pouvoir  que  ledict  cardinal  d'Antricbe  a  baillé  pour 
traicter  avec  elle,  nous  avons  estimé  que  ne  debvions 
procéder  à  signer  aulcung  accord  que  n'eussions  sur 
ce  receu  vostre  bon  commandement,  dont  les  ambas- 
sadeurs d'Espaigne  font  une  plaincte  infinie ,  comme 
a  esté  dict  ci  dessus  ;  mais  nous  avons  rejette  la  faulte 
sur  eulx  ;  et  neantmoins  ,  sire  ,  l'affection  et  fidélité  que 
nous  debvons  à  vostre  majesté  et  à  votre  service  nous 
commande  de  lui  dire   Testât  auquel  se  trouve  ceste 
negotiation ,  les    personnes  aulxquelles  on    a   affaire, 
considerans  combien  il  est  important  d'user  de  l'occa- 
sion qui  ne  demeure  pas  long  temps  en  une  place,  et 
fort  souvent   une  heure  seule  juge  du  succès  des  af- 
faires, soit  en  bien  soit  en  mal;  que  nous  estimons,  à 
quoi  qu'il  plaise  à  vostre  majesté   se  resouldre ,  que 
son  service  est  que  cest  affaire  ne  soit  point  teneu  en 
longueur;  la  royne  d'Angleterre  et  les  estats  des  pro- 
vinces unies  des  Pays  Bas  ont  des  long  temps  pensé  à 
quoi  ils  se  veullent  resouldre,  et  ne   changeront  pas 
l'advis  qu'ils  ont  pris,  si  quelque  grand  et  fort  accident 
ne  les  fc.ict  tout  d'ung  coup  changer. 

Quant  est  des  estats  estans  de  retour  en  nos  logis  ^ 
le  sieur  Verreyken ,  secrétaire  d'estat  des  Pays  Bas,  et 
i'ung  des  députés  dudict  cardinal  en  ceste  negotiation  , 
nous  a  monstre  ung  pouvoir  particulier  du  roy  d'Es- 


AU  ROY.  49 

paigne  ,  addressé  audict  cardinal  pour  traicter  avec 
lesdicts  estais. 

Quant  est  de  la  royne  d'Angleterre,  nous  n'estimons 
pas  qu'ils  en  ayent  aultre  pouvoir  que  ce  dont  nous 
avons  escrit  ci  dessus  ;  ils  se  font  forts  de  l'obtenir  aussi- 
tost  qu'il  aura  esté  demandé,  et  pour  cest  effect  ledict 
Verreyken  nous  a  requis  de  supplier  vostre  majesté  de 
commander  qu'il  nous  soit  envoyé  ung  sien  passeport 
pour  le  courrier,  que,  pour  ce  subject,  et  à  ceste  occa- 
sion, ils  veullent  envoyer  et  despescher  au  plus  tost 
en  Espaigne  ;  vostre  majesté  verra  et  considérera,  s'il 
lui  plaist,  s'il  est  bon  et  à  propos  d'envoyer  présente- 
ment le  susdict  passeport,  ou  bien  de  différer  jusques 
à  ce  que  la  royne  d'Angleterre  se  soit  bien  ouverte- 
ment déclarée  si  elle  se  contente  du  pouvoir  tel  qu'il 
est  ci  dessus  escrit  et  représenté;  sur  quoi,  sire,  nous 
supplions  de  tout  nostre  cœur  le  Créateur  vous  conser- 
ver et  garder,  etc. 

Du  II  febvrier  iSgS. 


XXV.  —LETTRE 

De  M.  l'archeuesque  de  Rheims  a  M.  Duplessis. 

Mon  nepveu ,  vous  entendrés  bien  particulièrement 
de  M.  de  Pierrefite  ce  qui  s'est  peu  faire  en  la  charge 
que  vous  lui  aviés  donnée  par  deçà,  et  la  resolution  de 
l'assemblée  qui  y  a  esté  faicte  selon  vostre  intention.  Je 
vous  supplie  croire  qu'en  ce  qui  despendra  de  moi,  je 
m'y  employerai  tousjours  de  la  mesme  affection  que 
peult  faire  ung  père  pour  son  enfant.  Si  j'estois  de  la 
profession  de  vous  présenter  une  espee ,  je  le  ferois 

MÉ.M.   DE  DuPLESriIS-MoRNAY.   ToME  VUE.  4 


5o  LETTRE  DE  L'ARCHEVESQUE  DE  RHEIMS,  etc. 
aussi  promptement  qu'en  l'aage  de  vingt  ans.  Vous 
pouvës  disposer  de  moi  et  de  tout  ce  qui  est  en  ma 
puissance,  qui  sera  tousjours  du  tout  voué  à  ce  qui 
sera  à  vostre  contentement,  selon  l'obligation  que  j'ai 
de  vous  servir  et  aimer  comme  moi  mesmes.  L'espé- 
rance que  j'ai  d'estre  bientost  à  Angers,  partant  d'ici 
samedi  pour  m'}^  acheminer,  et  par  ce  moyen  d'avoir 
cest  lieur  de  vous  voir,  ensemble  la  suffisance  de  ce 
porteur,  faict  que  je  ne  vous  en  dirai  dadvantage,  re- 
mettant le  tout  à  nostre  première  veue ,  me  contentant 
de  baiser  humblement  les  mains  de  vous  et  de  ma 
nièce,  et  pryer  Dieu,  mon  nepveu,  vous  donner  très 
bonne  et  longue  vie.  Vostre  humble  et  meilleur  oncle 
à  vous  faire  service, 

Philippe  du  Bec  ,  archevesque  duc  de  Piheims. 

De  Paris,  ce  ii  febvrier  lôgS. 

XXVL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur,  ce  seroit  présomption  à  moi  de  voulloir 
vous  escrire  une  longue  lettre  par  M.  de  Pierrefîte.  Il 
sçait  tellement  Testât  des  affoires  et  du  gênerai  et  de 
vostre  particulier,  pour  lequel  il  estoit  veneu,  qu'il 
seroit  et  mal  séant  et  superflu  d'en  parler  avec  lui  ni 
après  lui.  Je  me  suis  chargé  des  lettres  à  MM.  Marion 
et  Arnaud,  que  je  leur  rendrai.  J'ai  parlé  à  cestui  ci  de 
ceste  généalogie  d'Estouteville.  Il  Fa  faict  escrire  par 
ce  Portugais,  curieux  de  telles  choses.  Il  ne  tiendra  à 
de  l'argent  que  vous  ne  l'ayés,  si  elle  se  peult  rencon- 
trer, et  je  n'y  obmettrai  rien,  ni  à  quelconque  chose 


LETTRE  DE  M.  DUMAURIER,  etc.  5l 

qui  m'apparoisse  estre  de  vostre  désir  et  service.  Le 
vent  contraire,  qui  empesche  le  passage  des  ambassa- 
deurs, retient  le  partement  du  roy  pour  quelques  jours 
à  Fontainebleau.  Je  m'y  en  vais  faire  ung  tour,  pour 
apprendre  de  plus  près  le  temps  du  partement  de  sa 
majesté .  afin  d'en  advertir  monseigneur  de  Bouillon. 
3'estime  que  MÎM.  de  Courtaumer  et  de  Gazes  s'y  en 
vont ,  et  qu'ils  seront  redespeschés  de  là. 

A  Paris  ,  ce  1 1  febvrier  lôgS. 


XXVII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUMAURIER 
A  madame  Duplessis. 

Madame  ,  il  me  messieroit  de  vous  faire  long  dis- 
cours par  M.  de  Pierrefite.  Il  sçait  mieulx  les  affaires  du 
gênerai  et  de  vostre  particulier  qu'une  lettre  ne  le 
sçauroit  dire.  Il  semble  que  le  roy  y  veuille  mettre  la 
main  lui  mesmes;  Dieu  le  veuille  confirmer  en  ceste 
volonté.  Je  vois  qu'il  entre  en  quelque  considération 
de  la  personne  de  M.  de  Brissac  en  la  province,  encores 
qu'il  ne  l'exprime  pas.  Peult  estre  ne  sera  ce  que  jus- 
ques  à  son  entière  réduction.  Le  vent  contraire,  qui 
retient  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  du  Pays  Bas, 
arreste  le  partement  du  roy  encores  pour  quelques 
jours.  Mais  je  tombe  en  la  faulte  que  du  commencement 
je  voulois  éviter. 

De  Paris,  ce  ii  febvrier  iSgS, 


5^  LETTRE  DE  M.  DE  MOUY,  cic. 

XXVIII. —-^LETTRE  DE  M.  DE  MOUY 

A  madame  Duplessis, 

Madoie  ma  cousine,  j'escris  à  M.  mon  cousin  vostre 
mari ,  ce  qu'il  me  semble  de  ses  affaires.  Je  vouldrois 
qu'il  m'eust  cousté  chose  extresme ,  et  le  pouvoir  sou- 
lager ou  servir.  Faulte  d'argent  me  retient  que  je  ne 
vous  aille  voir.  Le  roy  me  traicte  ici  assés  bien.  Tou- 
tesfois  si  me  trouvés  utile ,  donnés  m'en  advis  ;  car  je 
quitterois  tout  pour  y  aller.  Quant  à  mes  amours,  j'en 
suis  en  quelque  bon  train  ,  pourveu  que  le  roy  me  feist 
quelque  bien;  mais  il  me  tient  naturellement,  je  ne 
sais  pourquoi ,  si  n'est  que  lui  ai  trop  faict  de  service. 
Ores,  si  je  manque  à  me  marier  maintenant ,  me  fault 
plus  à  mon  advis  que  jamais  faire  aultre  desseing  ;  car 
l'on  me  mettra  à  la  Conciergerie  pour  mes  debtes,  tant 
mes  créanciers  m'accablent.  Voilà  où  j'en  suis  reduict; 
quoiqu'il  faict ,  tenés  moi  en  vos  bonnes  grâces. 

A  Paris ,  ce  1 1  febvrier  1698. 


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XXIX.  —^LETTRE 

De  M.  Potier  de  Blancmesnil  a  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  suivant  ce  que  vous  m'avés  escrit,  nous 
nous  sommes  assemblés.  On  a  pris  la  resolution  con- 
forme au  premier  advis  que  j'avois  donné  des  le  com- 
mencement à  M.  Dumaurier,  et  que  j'avois  mesmes 
ouvert  à  M.  de  Rhosny.  Je  vouldrois  que  ceste  voye 
eust  esté  suivie  des  l'heure  que  l'accident  advint  ;  car 


LETTRE  DE  M.  POTIER  DE  BLANCMESNIL,  etc  53 
l'affaire  eust  esté  plus  advancee  qu'elle  n'est.  L'on  m'a 
dict  que  l'on  a  faict  ouverture  au  roy  de  quelques  ex- 
pediens  ;  Dieu  veuille  que  le  tout  tourne  à  vostre  con- 
tentement. De  ma  part  j'y  apporterai  de  bon  cœur 
tout  ce  qui  me  sera  possible  pour  vous  y  servir  avec 
autant  d'affection  que  je  me  recommande  biçn  humble- 
ment à  vos  bonnes  grâces. 

De  Paris ,  ce  1 1  febvrier  i5gS. 


XXX.  —  ^  LETTRE 

De  M.  Potier  de  Blancmesnil  à  madame  Diiplessis. 

Madame,  depuis  avoir  receu  vostre  lettre,  je  me 
suis  trouvé  en  l'assemblée  qui  s'est  faicte  pour  l'affaire 
dont  vous  m'avés  escrit.  Le  gentilhomme,  présent  por- 
teur, vous  dira  ce  qui  s'y  est  passé,  et  la  resolution 
qui  a  esté  prise  ,  conforuie  à  l'ouverture  que  j'en  avois 
faicte,  des  le  commencement,  à  M.  de  Rhosny  et  à 
M.  Dumaurier.  Si  ceste  voye  eust  esté  prise  des  le  com- 
mencement, j'estime  qu'elle  vous  eust  esté  plus  ad- 
vantageuse.  Je  crains  que  la  longueur  et  les  divers  ex- 
pediens  dont  on  fera  ouverture ,  n'affoiblissent  ou  ne 
diminuent  les  moyens  d'en  avoir  la  raison  telle  que 
l'atrocité  du  faict  le  requiert.  Sur  la  resolution  der- 
nière qui  s'en  pendra  par  deçà ,  si  en  l'exécution  il  se 
présente  chose  où  je  vous  puisse  servir,  je  vous  sup- 
plie de  croire  que  j'y  apporterai  de  bon  cœur  tout 
ce  qui  sera  en  ma  puissance  et  avec  autant  d'affection 
que  vous  le  scauriés  désirer,  et  me  recommande  bien 
humblement  ?i  vos  bonnes  grâces. 

De  Paris  ,  ce  t  i  febvrier  i  698- 


54  LETTRE  DE  M.  DE  MOUY 

XXXL  —  ^  LETTRE  DE  M.   DE  MOUY 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur  mon  cousin  ,  sa  majesté  ne  me  donnant 
nul  moyen  ,  la  nécessité  me  retient  desjà  et  m'empesche 
vous  aller  trouver  ainsi  que  je  le  désire,  pour  vous 
servir  de  ma  personne  et  de  mon  advis,  puisque  me 
faictes  l'honneur  de  le  demander.  Je  me  suis  offert  à 
M.  de  Pierrefite  d'assister  en  l'assemblée  de  ceulx  qu'a- 
vés  choisis  en  ceste  ville  pour  vous  donner  conseil,  et 
toutesfois  afin  que,  sur  la  considération  du  nom  que 
je  porte ,  nul  de  ceste  compaignie  ne  feust  reteneu  de 
la  liberté  que  chacung  doibt  avoir  en  tel  cas,  j'ai  pryé 
ledict  sieur  de  Pierrefite  ,  sçavoir  d'eulx  s'ils  auroient 
ma  personne  agreîible;  à  quoi  me  feut  respondeu  qu'il 
leur  sembloit  à  propos  que  j'en  feusse  absent,  mais 
bien  que  parlant  au  roy,  seroit  bon  que  je  leur  assis- 
tasse, chose  à  quoi  me  suis  offert  tousjours.  Cependant 
ils  se  sont  présentés  pour  parler,  pour  les  raisons 
que  M.  de  Pierrefite  vous  dira.  C'est  pourquoi  ne  pou- 
vant rien  plus  maintenant  pour  vostre  service  que  de 
mon  advis,  je  dis  qu'il  me  semble  qu'en  cest  affaire, 
je  rencontre  l'interest  de  deux  différentes  personnes, 
sçavoir,  du  roy  qui  y  est  offensé,  et  de  vous  qui  estes 
extresmement  oultragé.  Si  le  roy  se  véult  satisfaire  par 
sa  justice  ou  ses  armes,  vous  serés  suffisamment  con- 
tenté; sinon,  me  .semble  que  c'est  l'usage  qu'en  tout 
négoce  ,  l'on  suit  la  forme  dont  l'affaire  est  com- 
mencé en  la  mesme  forme  dont  qu'avés  receu  l'oul- 
trage;  que  ceste  mesme  forme,  dis  je,  vous  en  cher- 
eberés  satisfaction.  Vous  voyés  €omme  je  parle  contre 


A  M.  DUPLESSIS.  v  55 

le  chef  de  mon  nom  et  de  mes  armes.  Je  le  fais  sans 
crainte,  ne  voullant  rien  retenir  ou  garder  derrière 
nioy,  en  ce  qu'il  y  aura  de  vostre  interest.  Je  vous  suis 
obligé,  et  porterai  mon  espee  là  où  il  vous  plaira.  Je 
vous  supplie  donc  très  humblement  me  conserver 
vostre  fraternelle  amitié,  et  croire  que  de  ma  part  elle 
sera  inviolable;  et,  pour  retourner  à  nostre  affairé,  ung 
inconvénient  manifeste  s'y  recognoist  :  c'est  qu'estonné 
de  la  justice  ou  puissance  du  roy  et  sa  partie  ,  qu'il 
s'esloigne  du  royauîme,  et  que  le  temps,  par  risque 
des  armes,  maladie  ou  aultre  inconvénient,  ne  l'oste 
du  monde,  chose  à  quoi  je  ne  puis  faire  de  solution. 
Si  vous  croyés  que  je  vous  sois  utile  en  quelque  chose, 
en  estant  adverti  ,  je  ne  fauldrai  à  vous  aller  trouver, 
et  vendrois  plustost  mon  bien  que  d'y  manquer.  Obli- 
gés moi  donc  de  vos  bonnes  grâces  ,  et  croyés  que 
toute  ma  vie  serés,  monsieur  mon  cousin,  vostre  très 
humble  et  pUis  affectionné  cousin.  De  Mouy. 

Du  12  febvrier  i5g8. 

XXXIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M' AMIE ,  j'ai  esté  fort  aise  d'entendre  de  tes  nou- 
velles mesmes  par  nostre  fils,  qui  m'a  asseuré  que  tu 
estois  mieulx,  et  ai  esté  d'advis  qu'il  s'en  retournast 
pour  les  raisons  qu'il  te  dira,  lui  déclarant  neantmoins 
que  je  ne  prends  poinct  de  plaisir  qu'il  fasse  telles 
allées  et  veneues  que  bien  accompaigné.  Je  te  dirai 
amplement  mon  advis  sur  le  faict  des  Barres,  de 
C'est,  en  somme,  qu'il  nous  fault  bailler 
ung  honneste   homme  à  Barres  ,  qui   voje   par  son 


o6  LETTRE  DE  M.  DUPLÈSSïS 

moyen  sa  maison ,  et  par  ce  moyen ,  pour  l'entre- 
prise on  se  pourra  passer  de  son  escalade ,  si  on  s'ap- 
perçoit  qu'il  ne  procède  bien  et  pour  batterie;  en 
sera  instruict  neantmoins,  l'entretenant  tousjours  en 
ses  propositions,  comme  si  on  s'en  entendoit  du  tout 
à  lui  de  parler  de  tout  en  ung  temps,  je 

n'y  vois  aulcune  apparence,  mais  bien  de  commen- 
cer par  le  dernier,  pour  essayer  en  icelui  les  artifices, 
afin  de  les  employer  plus  seurement  au  premier,  sans 
craindre  que,  pour  ung-  premier  effect,  ils  se  feussent 
rendeus  si  descouverts  qu'ils  en  feussent  deveneus  inu- 
tiles, et  j'en  ai  dict  d'aullres  raisons  au  porteur,  qui 
seroient  trop  longues.  Cependant  ai  esté  d'advis,  avant 
que  La?igevin  partist,  qu'il  contractast  avec  lui,  et  lui 
en  ai  donné  le  moyen  et  les  conditions  ,  afin  qu'à 
faulte  de  cela  il  n'allast  pas  recourir  a  quelque  aultre, 
n'estant  ce  qu'il  propose  ni  du  tout  à  approuver  ni 
aussi  à  négliger,  mesme  quand  on  en  peult  voir  la 
preuve  dans  peu  de  jours.  Quant  au  rapport  du  capi- 
taine Foubarban,  il  me  l'a  faict  tel  que  je  trouve  la  cbose 
très  difficile,  et  qu'il  nous  convie  à  tenter  d'aultres 
expediens.  Je  viens  à  nostre  affaire  avec  Sainct  Pliai. 
J'ai  leu  les  deux  lettres  de  M.  de  Pierrefîte ,  et  t'en  en- 
voyé une  que  j'ai  receue  ce  soir  :  jusques  là  bien,  et 
certes  il  me  semble  qu'il  n'y  oublie  rien;  mais  il  me 
tarde  que  je  ne  sçacbe  la  response  du  roy  sur  la  re- 
queste  verbale  et  les  deux  poincts  qu'elle  contient ,  car 
je  n'ignore  pas  les  foiblesses  d'aulcungs,  mesmes  de  nos 
amis.  Mais  l'ung  moyen  ne  doibt  cesser  pour  l'aultre. 
J'ai  envoyé  au  dict  sieur  de  Pierrefite  des  advertisse- 
mens  que  j'ai  eu  des  desseings  qu'on  a  sur  nos  vies; 
lai  aussi  adverti  des  mauvaises  pratiques  de  Sancy 
et  les  vioîens  propos  de  Espernon.  Nostre  fils  te  dira 


A  MADAME  DUPLESSIS.  67 

afin  que  le  roi  les  sceust,  ainsi  que  sur  ce  subject  il  se 
disposas!  à  trouver  bon  tout  ce  que  je  pourrai  entre- 
prendre ,  et  y  despesche  encores  demain  à  ceste  fin. 
J'approuve  fort  ce  que  tu  as  faict  des  tesmoings  et  n'en 
cognois  poinct  d'aultres.  Il  fault  continuer  à  voir  le 
reste ,  ceulx  qu'on  pourra ,  afin  qu'ils  se  disposent  à 
dire  vérité.  J'en  communiquerai  avec  MM.  les  presi- 
dens  ;  mais  il  me  semble  qu'ils  seront  mieulx  ouïs  à 
Tours  qu'à  Angers.  Le  lieutenant  gênerai  y  est  fort 
homme  de  bien,  et  s'est  offert  a  moi.  Je  ne  vois  poinct 
encores  le  partement  du  roy  si  près,  au  moins  pour 
s'esloinaner  de  Fontainebleau  :  tout  le  monde  ira  et 
donnera  prou  de  loisir.  A  M.  de  Pierrefite  je  ne  puis 
aussi  respondre.  J'irai  jusqu'à  ce  que  MM.  de  Cour- 
taumer  et  de  Gazes  soient  veneus,  lesquels  nous  pen- 
sons en  chemin,  parce  que  le  messager  qui  est  veneu 
cejourd'hui  ne  nous  apporte  rien,  sinon  une  lettre  de 
M.  du  Fresne  Canaye ,  qui  dict  qu'ils  disputèrent  ver- 
tueusement leur  despesche  avec  M.  Forget.  Alors  je 
me  resouldrai  sur  le  poinct  que  tu  desires,  si  je  pas- 
serai à  ou  non,  dont  certes  il  me  seroit  mal 
aisé  de  me  passer;  mais  nous  y  trouverons,  aidant 
Dieu,  nostre  seureté.  D'ailleurs,  quant  au  voyage  de 
Bretaigne ,  je  persiste  à  ne  le  faire  poinct  que  je  n'y 
voye  bien  clair,  et  pour  ma  satisfaction  et  pour  ma 
seureté ,  et  en  tout  cas  trouve  bon  de  retenir  près  de 
moi  le  capitaine  Baudouin,  Lourin  et  quelques  aultres 
gens  de  bien.  J'en  ai  parlé  au  capitaine  Baudouin ,  con- 
formeement  à  ton  désir.  Jen'avois  poinct  escrit  à  M.  de 
Bournay,  ni  au  sieur  de  La  Yignolle,  reservant  à  les 
voir  comme  plus  familiers.  Quant  au  voyage  que 
veult  faire  avec  moi ,  je  m'en  desmeslerai.  Je 
t'envoye  la  saulve  garde  requise  par  M.  de  La  Fresnaye. 


I 


58  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J'escris  aussi  à  M.  Pena,  selon  tes  intentions.  Il  est  cer- 
tain que  ne  te  dict  pas  peu  de  choses  selon  tes 
précédentes,  et  qu'il  y  aura  bien  à  louer  Dieu.  Le 
Basque  est  arrivé  ceste  après  disnee  ;  il  se  reposera  deux 
jours,  et  puis  je  te  le  despescherai.  Cependant  je  t'en- 
voye  copie  des  lettres  des  sieurs  Charron  et  Bellair. 
Celui  ci  en  escrit  encores  plus  fermement  et  asseuree- 
ment  à  M.  de  Calignon,  duquel  j'ai  faict  voir  les  lettres 
h  nostre  fils.  A  celui  là  je  redespescherai ,  et  n'y  ou- 
blierai rien ,  ni  pour  le  faict  de  Brusard  ,  ni  pour  haster 
les  compositions.  M.  Dupont  aussi  m'asseure  fort  nos 
estats  de  l'année  passée  et  de  celle  ci,  qui  est  tout  ce 
que  tu  auras  pour  le  coup ,  sauf  ce  que  j'en  ai  dict 
plus  au  long  à  nostre  fils.  Et  sur  ce,  m'amie ,  je  t'em- 
brasse, etc. 

De  Chastellerault ,  ce  i  2  febvrier  1 698. 

XXXIIL —  -V- LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  M.  de  Pierrefite, 

Monsieur  ,  ^e  vous  ai  escrit  par  M.  Hesperien ,  qui 
vous  aura  aussi  dict  de  nos  nouvelles  ;  et  toutesfois  je 
n'ose  croire  que  vous  soyés  encores  à  Paris.  Mon  homme 
est  tousjours  à  Beaupreau,  qui  y  vit  en  grand  sousp- 
çon ,  et  par  conséquent  avec  bonne  garde ,  et  verres , 
par  les  advis  que  j'en  ai  de  bon  lieu,  ce  qu'il  entre- 
prend contre  moi.  Il  importe  que  le  roy  l'entende.  Je 
sçais  qu'il  se  faict  des  brigues  à  la  court,  entre  autres 
M.  de  Faujas,  passant  hier  ici ,  dict  à  ung  de  mes 
amis  que  M.  de  Cavoy  s'en  mesle  fort  avant,  jusques 
à  l'avoir  voulieu  practiquer  contre   nioij  mais  il  n'a 


A  M.  DE  PIERREFITE.  Sg 

laissé  pour  cela  de  m'ofTrir  son  espee  et  de  ses  amis. 
Je  serai  bien  aise  que  par  uA\e  voye  que  sçauiés 
niieulx  choisir,  le  roy  le  sçache,  et  juge  de  quel  esprit 
cela  vient.  J'ai  esté  adverti  aussi  que  M.  d'Espernon 
avoit  dict  à  personne  d'honneur  que  Sainct  Phal ,  en 
ce  qu'il  avoit  faict  contre  moi,  l'avoit  preveneu  ,  et 
fault  que  je  vous  die  que,  depuis  que  vous  estes  parti, 
je  n'ai  que  semblables  advis  de  toutes  parts,  qui  n'est 
pas  m'acheminer  à  ce  que  M.  de  Schomberg  me  pro- 
posoit.  Mes  amis  voyans  ces  mauvais  desseings  accu- 
mulés sur  ce  premier,  me  conseillent  de  l'assiéger  et 
m'en  ouvrent  et  offrent  les  moyens.  J'en  suspends  la 
resolution  jusqu'à  ce  que  j'aye  de  vos  nouvelles,  et 
suis  tout  en  esmoi  d'avoir  ung  seul  mot  du  roy,  sans 
aultre  advis  qu'il  ne  le  trouvoit  poinct  mauvais.  Je 
vous  propose  tout  cela  pour  en  mieulx  juger  sur  les 
lieux;  et  vous  prye  que  j'aye  de  vos  nouvelles,  ce  que 
je  n'ai  encores  eu.  Nous  attendons  MM.  de  Courtaumer 
et  de  Cazes ,  desquels  le  retour  avec  contentement 
portera  ung  grand  coupa  ceste  negotiation.  Sur  ce ,  etc. 

Du  1*2  febvrier  iSgS. 

XXXIV.  -~  ^  LETTRE  DE  M.  DE  SCHOMBERG 

^  M.  Duplessis, 

MoNSiKUR ,  M.  de  Pierrefîte  vous  représentera  l'at- 
tention que  le  roy  et  M.  le  connestable  portent  à  vostre 
justice  et  contentement,  dont,  je  m'asseure,  vous  ver- 
res les  effets.  Ayés  seulement  la  patience  que  sa  ma- 
jesté soit  par  delà;  elle  faict  estât  d'arriver  à  Angers 
le  26.  Le  retardement  de  la  veneue  des  ambassadeurs 


6o  LETTRE  DE  M.  DE  SCHOIVTBERG,  etc. 

d'Angleterre  et  du  Pays  Bas  est  cause  de  nos  longueurs. 
Sa  majesté  faict  neantmoins  estât  de  partir  mardi  de 
Fontainebleau.  Vous  aurés  plus  amples  nouvelles  de  moi 
avant  la  réception  de  la  présente,  par  une  despesche 
que  je  fais  à  MM.  les  presidens  de  Thou  et  de  Calignon. 

De  Paris,  ce  12  febvier  iSgS. 


XXXV.  — ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroj. 

Monsieur  ,  nous  faisons  au  roy  une  si  ample  des- 
pesche, que  n'avons  jugé  à  propos  de  vous  ennuyer 
d  une  double  lecture  ;  nous  avons  ici  advancé  le  ser- 
vice de  sa  majesté  au  mieulx  qu'il  nous  a  esté  pos- 
sible, ce  que  nous  pouvons  adjouster  à  la  lettre  que 
nous  escrivons  au  roy,  et  que  nous  vous  pryons,  aulx 
occasions  qui  se  présenteront,  de  faire  entendre  a  sa  ma- 
jesté ,  que,  parce  que  nous  comprenons,  cest  affaire 
empirera  plustost  qu'il  n'amendera  par  la  longueur. 
Nous  avons  affaire  avec  gens  fort  chatouilleux  et  sousp- 
çonneux,  comme  nous  avons  recogneu  ,  lorsque  nous 
avons  refusé  de  signer  la  confirmation  du  traicté  pré- 
cèdent. S'ils  entrent  en  défiance  de  nos  volontés ,  ils 
trouveront  peult  estre  avec  qui  traicter,  car  croyés 
que  Calais  est  fort  envié;  et  ceste  princesse  a  en  main 
de  quoi  leur  faire  venir  l'envie  de  le  lui  rendre. 

Quant  aulx  estats ,  le  père  gênerai  nous  a  dict 
qu'estant  à  Bruxelles,  il  sceut  qu'ung  desdicts  estats 
envoyé  soubs  main  au  président  Richardot ,  pour  en- 
tendre de  lui  comme  le  cardinal  se  voulloit  comporter 
en  leur  endroict,  dict  audict  Richardot  que  iedict  car- 


LETTRE,  etc.  6i 

(îinal  ne  faisoit  pas  bien  de  commencer  à  traicter  avec 
le  roy  de  France;  que  quand  ils  lui  auroicnt  restitué 
les  places  qu'ils  ont  prises  sur  lui,  il  se  mocqueroit 
d'eulx,  et  ne  se  soucieroit  d'observer  le  traicté  ;  qu'ils 
feroient  mieulx,  sans  s'affoiblir  par  la  rendition  des- 
dictes places,  de  commencer  par  eulx  à  traicter;  nous 
nous  remettons  à  ce  qui  en  est.  Le  roy,  par  Tinstruc- 
tion,  nous  lie  à  quelques  articles  qui  ne  doibvent  estre 
cause  de  rompre  ung  traicté  si  important. 

Nous  escrivons  au  roy  les  responses  qui  nous  ont 
esté  faictes  par  ces  ambassadeurs  sur  le  faict  de  la  res- 
titution des  places.  Nous  n'estimons  pas  que  nous  puis- 
sions gaigner  beaucoup  dadvantage  ;  nous  ne  laissons 
de  faire  tout  effort  pour  abréger  le  temps  de  la  res- 
titution ,  et  M.  le  légat  mesmes  s'y  employé  avec 
beaucoup  d'affection.  Il  est  besoing  que  ceulx  qui  ne- 
gotient  ayent  ung  peu  la  bride  lasche  aulx  choses 
moindres,  afin  de  pouvoir  venir  à  bout  des  grandes; 
il  vous  plaira  le  considérer,  et  par  la  response  que 
vous  ferés  que  nostre  pouvoir  soit  ung  peu  plus  ample, 
sur  ce  que  vous  voyés  avoir  esté  traicté  par  nous,  que 
ne  porte  l'instruction.  Nous  ne  serons  pas  prodigues 
du  bien  du  roy ,  et  ce  que  nous  en  escrivons  est  pour 
la  crainte  que  nous  avons  que  le  peu  fasse  perdre 
le  plus. 

L'ambassadeur  de  Savoye  n'est  pas  encores  ici.  Le 
mieulx  que  l'on  sçauroit  faire  seroit  de  revenir  au 
traicté  de  l'an  iSSq. 

Mais  ceste  demande  que  nous  faisons  de  Savillan  , 
comme  place  du  marquisat,  M.  de  Savoye  la  bailla  au 
roy  Charles  IX,  quand  Thurin  ,  Quiers,  et  aultres 
places  lui  feurent  remises  :  le  feu  roy  la  lui  a  voulleu 
rendre ,  non  comme  place  du  marquisat ,  mais  comme 


62  LETTRE 

estant  du  pays  de  M.  de  Savoye;  je  m'enquis,  partant 
de  Paris  avec  le  procureur  gênerai  au  parlement  de 
Grenoble  ,  s'il  estimoit  que  Savillan  feust  du  mar- 
quisat ,  il  me  dict  que  non  ;  ceste  demande  seroit  trop 
mal  receue ,  et  semble  qu'elle  se  feroit  seulement  pour 
perpétuer  la  guerre  au  delà  ;  enfin  nous  ferons  ce 
que  le  roy  commande  ,  et  remonstrerons  ce  qu'estimons 
estre  de  son  service. 

Quant  à  ceste  negotiation ,  il  en  fault  sortir  avec 
honneur;  mais  si  nous  nous  arrestons  aulx  conseils  de  la 
royne  d'Angleterre  et  estats ,  nous  aurons  dix  ans  de 
guerre,  et  jamais  de  paix;  si  vous  vous  attendes  qu'ils 
fassent  nos  affaires  ,  vous  vous  trouvères  fort  trompés: 
sans  l'empescliement  qui  vient  de  ce  qu'ils  n'ont  ici 
envoyé  ,    ceste   negotiation    seroit   achevée    en    huict 
jours;  et,  si  nous  ne  serrons  ce  marché,  nous  craignons 
que  nous  ne  puissions  y  revenir.  Nous  désirerions ,  en 
ceste  negotiation  ,  d'avoir  eu  moyen  de  servir  plus 
utilement  le  roy ,  nostre  bon  maistre ,  qui  nous  per- 
mettra ,  s'il  lui  plaist ,  de  lui  dire  que  depuis  cinq  cens 
ans  en  çà  n'a  esté  faict  traicté  de  paix  plus  à  l'honneur  et 
advanlage  de  la  France,  qu'est  celui  qu'ung  si  puis- 
sant prince  et  si  grand  ennemi  offre  maintenant  de 
conclure  et  resouldre  avec  nostre  roy.  Si  le  roy  juge 
que  Taffaire  de  la  royne  d'Angleterre  et  estats  ne  peult 
estre  sitost  fini ,  et  qu'il   est  nécessaire  que   cest   af- 
faire tire  en  longueur ,  sa  majesté  sera  servie  comme 
elle  commandera  ;  mais  soubs  sa  bonne  correction  le 
bien    rie  son   service  requiert  que  l'on  ne  tienne  en 
longueur  la  conclusion  de  ce  qui  le  concerne;  ce  qui 
se  tiendra  secret  tant  que  faire  se  pourra. 

Quant  est  d'obtenir  une  trefve  de  six  mois  ou  ung 
an ,  durant  lequel  temps  la  royne  d'Angleterre  et  es- 


A  M.  DE  VILLEROY.  63 

tats  se  déclareront ,  s'ils  y  veullent  entrer  ou  non , 
encores  que  nous  n'en  ayons  parlé,  je  tiens  la  chose 
pour  faicte,'si  elle  sera  demandée. 

Nous  venons  de  recevoir  vostre  despesche  du  lo, 
dont  nous  vous  remercions  ;  il  sera  besoing,  s'il  vous 
plaist,  de  faire  donner  de  Targent  aulx  postes  de  la 
traverse,  pour  leur  donner  courage  de  continuer. 

Nous  vous  envoyons  ung  article  d'une  lettre  que 
M.  le  légat  a  receue  de  Rome,  par  laquelle  vous  verres 
comme  les  offres  que  le  roy  a  faictes  au  pape  ont  esté 
bien  receues,  etc. 

Monsieur,  nous  nous  recommandons,  etc. 

Du  12  febvrier  lôgB. 

XXXVI.  —  ^  POUVOIR 

Des  sieurs  président  Richardot^  Taxis  et  Ferrejken. 

Albert,  cardinal  par  la  grâce  de  Dieu,  archiduc 
d'Autriche,  etc. ,  lieutenant  gouverneur  et  capitaine  gê- 
nerai des  pays  par  deçà  et  de  Bourgoigne;  à  tous  ceulx 
qui  ces  présentes  verront ,  salut.  Comme  il  soit  qu'ayant 
par  nostre  sainct  père  le  pape  Clément  VIII,  esté  faicl 
grande  instance  vers  très  hault ,  très  excellent  et  très 
puissant  prince,  le  roy  mon  seigneur,  afin  de  voulloir 
entrer  en  traicté  de  paix  avec  aussi  très  hault,  très 
excellent  et  très  puissant  prince  le  roy  très  chrestien, 
Henry  IV^  de  ce  nom,  sa  majesté,  comme  prince  ca- 
tholique, désireux  d'icelle  ,  et  du  repos  de  toute  la 
republique  chrestienne,  nous  ait  envoyé  ample  pou- 
voir en  langue  castillanne  à  cest  effect,  dont  la  teneur 
s'ensuit  de  mot  à  aultre. 


64  POUVOIR 

«  Don  Plielipe,  por  la  gracia  de  Dios,  rey  de  Cas- 
tilia  ,  de  Léon  ,  de  Aragon ,  de  las  dos  Sicilias,  de  Hieru- 
zalem,  de  Portugal  de  Navarra,  y  de  las  Indeas,  etc.; 
archiduque  de  Austria,  duque  de  Borgonna,  de  Bra- 
bante  y  de  Milan  ;  conde  de  Habspurg,  de  Flandres 
y  de  Tyrol ,  etc.  ;  por  quanto  adviendose  movido  pra- 
ticas  de  paz  por  su  sanctitad ,  como  padre  comun  de 
la  Christiandad,  conforme  al  sancto  zelo  que  siempre 
hatenido  y  tiene  entre  mi  y  el  rey  de  Francia ,  écho 
semé  por  su  nuncio  muchas  y  grandes  instancias  de  su 
parte  ;  para  che  me  contente  de  que  se  continuen  por 
uia  de    mis   estados   Baxos,  y  que  io  embie  alla  mis 
poderes,  esperando  que  potra  resultar  dello  servicio 
de  Dios   nostro  sennor  y  exaltamiento  de  su  yglesia 
catholica  y  bien  y  quietud   de  toda  la  christiandad, 
que  es  el  blancho  a  que  siempre  han  tirado  mis  in- 
tentos,  para  que  este  tan  importante,  pueda  llegara 
effecto,  siendo  el  serenissimo  archiduque  Alberto  mi 
sobrino  ,  governador  y  capitan  gênerai  de  los  dichos 
mis  estados  Baxos  cuya  authoridad  y  medio  sera  de 
tanto  provecho ,  par  a  todo  confîrmando  me  con  las 
sanctas  amonestationes  y  voludad  de  su  sanctidad ,  he 
tenido  por  bien  de  cometerle  y  remeterle  la  conclu- 
sion del  negocio  y  assi  par  la  présente  doy  al  dicho  my 
sobrino  poder  y  facultad  tan  complidaly  bastante  como 
en  tal  caso  se  requière,  para  que  por  mi  en  mi  nombre 
pueda  trattar,  capitular  y  assentar  une  paz  firme ^  y 
duradera   con   el   dicho  rey  de  Francia,  o  qualquier 
tregua  y  suspension  de  armas  larga  ocorta  en  la  forma 
y  maiiera  y  con  las  condiciones  que  le  pareciere  espe- 
rando   que    se  ran   taies  que    se    consig^i   servicio  de 
nostro  sennor  y  bien  comun  de  la  republica  christiana 
y  establesca  entre  my  el  dicho  sennor ,  y  nostros  rey- 


DES  SIEURS  RICHARDOT,  etc.  65 

nos ,  y  subditos  muy  buona  arriislad ,  y  correspon- 
dencia ,  y  todo  loque  en  razon  desto  el  dicho  my  so- 
brino  capilulara  y  conciliera,  pronieto,  y  don  my  fey 
palabra  real  di  estar,  y  passar  por  ello  y  tenerlo  por 
firme,  estabie  y  valedero,  y  assi  complirlo  puntua!- 
mente,  sin  fa!îa  y  diminurion  alguna  ,  y  para  todo 
ello  le  doy  entera  faculdad,  y  poder  tan  complido  ,  y 
bastante  como  io  lo  tengo  y  para  firmez  a  dello  mande 
despachar  !a  présente,  fîrmada  de  nii  manoy  selladacon 
mi  selio.  Dat  en  San  Haranço,  a  doze  de  agosto  i  ^^97.  » 

Ainsi  soiibscrit  :  el  Rey. 
Et  plus    bas    :   Por    niandado    de!  nostro  sennor, 
El  signé  dom  Martiiv^  ue  Idiaques. 

Et  est  ladicle  patente  scellée  dn  grand  scel  de  sa 
majesté  en  forme  de  placard. 

Et   pour  autant    que   sa    majesté    très    cbrestienne  / 

nous  a  présentement  envoyé  certain  passeport ,  signé 
de  sa  propre  main,  à  comparoir  de  nostre  part  avec 
ceulx  députés  de  la  sienne  à  l'assemblée  accordée  en 
la  ville  de  Vervins  pour  la  traicîation  de  ladicte  paix, 
sçavoir  faisons  que  nous  desirans  ensuite  de  la  pieuse 
et  saincte  intention  de  sadicte  majesté,  satisfaire  au 
bon  plaisir  d'icelle,  et  en  tout  et  partout  cbercher  et 
procurer  le  bien  et  repos  de  ladicte  cbrestienté,  et 
faire  cesser  les  maulx.  et  inconveniens  qui  se  commet- 
tent à  Foccasion  de  ceste  présente  guerre;  et  pour  la 
bonne  cognoissance  que  avons  des  sens,  vertus,  pru- 
dence et  longue  expérience  de  nos  chers  et  bien  amés 
messire  Jean  Richardot ,  chevalier,  sieur  de  Rerly ,  etc. , 
chef  président  du  conseil  privé  du  roy  mon  seigneur, 
et  de  son  conseil  d'estat,  et  messire  Jean  Baptiste  de 
Taxis,  chevalier  commandeur  de  los  santos ,  de  Tordre 

Mf.:M.  UB  DuPLESSIS-iVioRNAY.   To.-\IE  VIH.  5 


66  POUVOIR 

militaire  de  Sainct  Jacques  de  la  Espada,  dudict  con- 
seil d'estat  et  de  guerre  de  sa  majesté  ;  nous  confians  à 
plain  de  leurs  sens,  intégrité  et  bonne  diligence  :  avons 
iceulx,  en  vertu  du  pouvoir  de  sadicte  majesté  ci  dessus 
inséré,  commis,  député  et  subdelegué,  commettons,  dé- 
putons et  subdeleguons  par  cesdictes  présentes ,  et  avec 
eulx  pour  y  entrevenir  semblablement  et  les  assister, 
messire  Louis  Verreyken ,  cbevalier,  audiencier,  pre- 
mier secrétaire  et  thresorier  des  cbartes  dudict  conseil 
d'estat,  et  de  la  personne  duquel  nous  avons  la  mesme 
cognoissance  et  confidence,  pour  se  trouver  et  assem- 
bler avec  les  personnages  députés  ou  à  députer  par 
ledict  sieur  roy  très  cbrestien,  garnis  de  pouvoir  suffi- 
sant, audict  lieu  des  Vervins,  et  illec  de  la  part  de 
sadicte  majesté  et  nostre,  traicter,  conclure  et  accorder 
avec  eulx  une  bonne  et  sincère  et  entière  paix  et  amitié 
entre  sadicte  majesté  et  ledict  sieur  roy  et  ses  alliés, 
s'ils  y  envoyent  leurs  députés  soubs  telles  portions, 
conditions  et  convenances  qu'ils  verront  estre  à  faire 
pour  la  direction  d'icelle  paix,  de  quel  poids,  gran- 
deur et  importance  qu'elles  soient  ,  tout  ainsi  et  en 
la  mesme  forme  et  manière  comme  nous  mesmes  pour- 
rions faire  en  nostre  propre  personne,  à  quoi  nous 
les  auctorisons  et  donnons  tout  plein  pouvoir  et  auc- 
torité ,  joinct  qu'il  y  eust  cbose  qui  requist  mandement 
plus  spécial  que  par  ces  présentes  n'est  exprimé  ;  si 
promettons  en  foi  et  parole  de  prince ,  et  pour  nostre 
honneur  et  obligation  de  tous  et  singuliers  nos  biens 
presens  et  à  venir,  d'avoir  agréable,  ferme  et  stable  et 
inviolablement  observer  mesme  ,  si  le  besoing  est,  faire 
par  sadicte  majesté  solemnellement  confirmer,  ratifier, 
et  approuver  tout  ce  que  par  nosdicts  procureurs  sera 
faict,  concleu  et  traicté  en  cest  endroict,  sans  jamais  y 


DES  SIEURS  RICHANDOT,  etc.  67 

aller  ni  venir  à  l'encontre  directement  ou  indirecte- 
ment comme  qu'il  soit  ;  en  tesmoing  de  ce  nous 
avons  signé  ceste  de  nostre  main,  et  y  faict  apposer 
nostre  scel.  Donné  en  la  ville  de  Bruxelles,  le  penul- 
tiesme  jour  de  janvier,  l'an  de  grâce  \5gS. 

Jinsi  soubscrit  :  Albert,  cardinal. 

Et  plus   bas   :    Par   ordonnance   de    son    altesse, 

Et  signé  F.  Levasseur. 

Et  est  ladicte  présente  scellée  du  scel  de  sadicte 
altesse ,  y  mis  en  forme  de  placard. 


XXXVII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M' AMIE,  je  suis  en  peine  pour  la  garnison;  car  je 
vois  que  nostre  triennal  prend  ung  chemin  auquel  il 
ne  le  fault  pas  accoustumer.  C'est  pourquoi  je  lui  ai 
escrit  ung  peu  rudement ,  et  ferai  de  mesuie  s'il  ne 
s'amende.  Ses  compai gnons  en  charge  n'ont  pas  ainsi 
veu.  Je  suis  d'advis  qu'on  le  lui  fasse  sentir  à  bon  es- 
cient une  fois  pour  toutes.  J'ai  faict  une  bonne  des- 
pesche  à  M.  de  Pierrefîte  ;  et  au  reste  ne  scais  plus  que 
t'adjouster,  remettant  le  surplus  sur  nostre  fils.  Sur 
ce,  je  te  recommande  ta  santé  de  tout  mon  cœur,  et 
supplie  le  Créateur,  m'amie,  qu'il  te  garde,  etc. 

De  Cliastellerault ,  ce  1 3  febvrier  1  598  ,  à  9  heures  du  matin. 


6S  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

XXXVm.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  femme. 

M' AMIE ,  tu  auras  maintenant  nostre  fils  avec  toutes 
nouvelles.  Hier  je  receus  des  lettres  de  M.  de  Pierrefite , 
que  je  t'envoye ,  esquelles  tu  verras  tout  ce  qui  s'est 
passé  en  nostre  affaire ,  sans  que  je  te  le   répète.   Il 
semble  que  le  roy  craigne  d'altérer  quelque  chose  en 
ses  affaires  de  Eretaigne  ,  et  pour  ce  désire  estre  en 
Anjou,  premier  que  d'y    toucher;  mais  je  crois  que 
c'est  qu'il   veult    prendre   Fexpedient    que  proposoit 
M.  de  Schomberg  dressé  par  M.  de  Calignon ,  comme 
il  appert  par  la  fin  de  la  lettre.  Il  eust  esté  neantmoins 
à  désirer  que  le  corps  des  parens  eust  demandé  jus- 
tice. Dieu  nous  en  ouvrira ,  s'il  lui  plaist ,  les  moyens  , 
et  bénira  ceulx  que  nous  y  cherchons  en  bonne  con- 
science. J'eusse  fort  désiré  que  M.  de  Pierrefite  eust 
peu  recevoir  les  despesches  que  je  lui  ai  faictes  d'ici. 
En  tout  cas,  M.  Dumaurier  les  ouvrira,  qui  fera  en- 
tendre leconteneu  au  roy  ou  de  par  lui  mesmes  ou 
par  tierces  personnes,  tant  y  a  que  ce  que  le  rcy  aura 
sceu  de  ceulx  qui  avoient  à  lui  présenter  la  requeste 
lui  fera  encores  plus  peser  l'affaire.  Hier  au  soir  vint 
ici  nouvelle  par  ung  marchand  de  Poictiers,  qu'ung 
messager  y  est  arrivé  de  Nantes,  asseurant  que  la  ville 
s'est  eslevee  contre  M.  de  Mercœur,  et  le  tient  bloqué 
dedans  le   chasteau.   Vous   en   aurés  les  premiers   la 
nouvelle  à  Sauîmur.  Rinette,  député  de  M.  de  Mer- 
cœur,  qui  est  aile  vers  le  roy,  pour  avoir  raison  de 
Dman,  pris  durant  la  trefve,  a  eu  response  que  c'es- 


A  MADA.ME  DUPLESSIS.  6g 

toit  ung  préalable  au  traicté  de  prendre  Nantes  et 
Dinan  ,  et  que  c'est  la  moitié  du  chemin  faict. 
M.  de  Montmartin  a  demandé  le  gouvernement  du 
chasteau ,  et  l'a  obteneu ,  reste  à  en  jouir.  M.  de 
Sclîomberg  y  presse  fort  le  roy  de  se  baster ,  et  semble 
qu'il  lui  résolve  pour  la  fin  du  mois  estre  a  Angers. 
On  asseure  cependant  qu'il  attendra  les  ambassadeurs 
d'Angleterre  et  des  estats,  qui  seront  à  Dieppe  au  pre- 
mier vent.  Madame  la  princesse  d'Orange  partit  hier 
de  Paris.  Nos  députés  doibvent  estre  partis  des  le  12, 
et  n'estoient  despeschés  avec  partie  de  contentement  ; 
nous  n'en  sçavons  les  particularités.  Le  cardinal  ar- 
chiduc ne  sera  que  gouverneur  héréditaire  des  Pays 
Bas.  On  s'est  apperceu  que  les  peuples  ne  l'eussent 
accepté  pour  seigneur;  l'infante  aussi  ne  le  venlt  pour 
mari ,  et  demande  pour  dot  le  duché  de  Milan  et  non 
ung  procès.  Le  traicté  d'Espaigne  ne  s'advance  poinct. 
Il  y  a  plus  d'apparence  que  la  guerre  contineue  de 
ceste  part;  ce  que  tu  bailleras  pour  consolation  à  ton 
fils,  et  me  tarde  infiniment  que  je  ne  te  voye.  Je  t'em- 
brasse, etc. 

De  Chastellerault ,  ce  i5  febvrier  iSgS. 

Je  pense  que  M.  de  Pierrefite  sera  ici  dans  trois  ou 
quattre  jours. 


XXXIX. —  -V- LETTRE  DU  ROY 

^  MM.  de  Bellie\^re  et  de  Sillety, 

m 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery ,  oe  courrier  arriva 
hier  au  soir  ici  avec  vostre  despesche  du  11  de  ce 
mois ,  laquelle  m'a  esté  leue  ce  matin,  présent  mon  cou- 


70  LETTRE  DU  ROY 

sin  le  connestable;  mon  cousin  le  maresclial  de  Biron 
y  est  aussi  surveneu  ;  j'ai  bien  considéré  avec  eulx  le 
conteneu  d'icelle,  selon  son  mérite,  et  recognois  que 
vous  m'avés  très  dignement  servi  au  bon  achemine- 
ment que  vous  avés  donné  aulx  affaires  que  je  vous  ai 
commises,  qui  est  ce  que  je  me  suis  tousjours  promis 
de  vous,  dont  je  demeure  très  content,  vous  pryant  de 
continuer  jusques  à  la  perfection  de  l'œuvre,  que  j'af- 
fectionne comme  je  faisois   quand  vous  estes  partis  ; 
car  comme  vous  sçavés  que  la  resolution  que  j'ai  prise 
d'entendre  à  la  paix  ,  a  esté  bastie  sur  fondemens  pleins 
de  justice  et  d'honneur,  assurés  vous  aussi  qu'il  n'y  a 
rien  qui  la  puisse  esbranler,  ni  m'en  desmouvoir,  que 
si  on  voulloit  me  faire  quitter  le  chemin  de  Tung  et  de 
l'aullre  ;  c'est  pourquoi  j'ai  pris  grand  plaisir  à  la  res- 
ponse  que  vous  avés  faicte  aulx  députés  avec  lesquels 
vous  avés  conféré,  quand  ils  vous  ont  demandé  si  je 
ne  traicterois  poinct  du  tout  sans  mes  confédérés  ;  car 
il  est  très  certain  qu'il  n'y  a  que  Dieu  et  la  raison  qui 
ayent  pouvoir  sur  moi  en  pareilles   occasions;    mais 
aussi  comme  le  premier  me  commande  et  oblige  d'avoir 
soing  des  peuples'  qu  il  a  mis  soubs  ma  puissance  ,  et 
l'aultre  d'affectionner  le  bien  public  de  la  chrestienté 
comme  ung  bon  prince  doict  faire  ,  je  ne  serai  jamais 
si  mal  conseillé  que  de  suivre  les  volontés  et  opinions 
de  ceulx  qui ,  par  leurs  intérêts  privés ,  vouldroient  me 
faire  perdre  l'occasion  de  bien  faire  à  tous  les    deux 
ensemble.   Je  veulx  croire  aussi  que  ce  n'est  pas  le  but 
de  mes  confédérés. 

Comme  il  est  certain  que  je  n'ai  jamais  escrit  aulx 
estais  des  provinces  unies  des  Pays  Bas  les  lettres  dont 
lesdicts  députés  vous  ont  dict  qu'ils  se  vantent  avoir 
receues  de  moi ,  je  crois  aussi  que  ce  n'est  qu'une  in- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  71 

veiîtion  qui  tient  plus  de  lEspnignol  que  du  Hollan- 
dois,  dont  je  fais  fort  peu  de 'compte ,  me  contentant 
de  suivre  la  droicte  voye  que  doibt  tenir  ung  prince 
qui  a  sa  foi  et  sa  réputation  aussi  chère  que  sa  vie. 

Le  paquet  dedans  lequel  vous  m'avés  envoyé  la 
copie  des  pouvoirs  dedicts  députés,  qui  avoit  esté  ou- 
blié à  mettre  dans  ceslui  qu'a  apporté  ledict  courrier, 
est  arrivé  tout  présentement,  et  ai  trouvé,  comme  vous, 
leur  pouvoir  pour  traicter  avec  moi  en  bonne  forme. 

Il  est  vrai  que  j'ai  remarqué  que  le  cardinal  Albert 
a  voulleu  me  faire  comme  demandeur  de  l'envoi  des- 
dicts  députés,  ayant  fondé  son  pouvoir  sur  le  passe- 
port que  j'avois  envoyé  par  le  père  gênerai  pour  les 
faire  acheminer,  de  quoi  il  eust  peu  se  passer;  mais  ce 
sont  de  leurs  ruses  accoustumees  dont  je  ne  me  don- 
nerois  aulcune  peine ,  si  je  n'avois  opinion  qu'ils  ont 
plus  grande  envie  de  me  diviser  d'avec  mesdicts  con- 
fédérés pour  faire  leurs  affaires  à  mes  despens ,  que  de 
conclure  et  exécuter  ung  bon  accord  ;  toutesfois  je  ne 
veulx  poinct  débattre  ledict  pouvoir. 

Mais  il  est  très  certain  que  la  royne  d'Angleterre 
ne  se  contentera  de  celui  dudict  cardinal ,  ne  repré- 
sentant celui  dudict  roy  d'Espaigne ,  faisant  men- 
tion d'elle  comme  vous  leur  avés  remonstré  ,  et 
m'avés  faict  plaisir  d'y  persister  ;  car,  encores  que  je  ne 
veuille  obliger  a  suivre  en  ce  faict  la  volonté  de  ladicte 
dame ,  de  laquelle  je  cognois  les  intentions  et  fins 
mieulx  que  nul  aultre,  neantmoins  je  ne  veulx  pas  lui 
donner  occasion  de  se  plaindre  de  ma  foi ,  comme  je 
ferois  si  je  resolvois  et  concluois  mon  traicté  sans  elle, 
ou  sans  lui  avoir  ouvert  le  chemin  d'y  entrer  ;  c'est 
pourquoi  j'approuve  l'ouverture  qu'ils  vous  ont  faicte 
d'envoyer  ung  courrier  en  Espaigne  pour  le  denian- 


7  2  LETTRE  DU  ROY 

der  et  apporfer ,  puis  mesmes  qu'ils  asseurent  qu'ils  le 
recevront  dans  quinze  jours  ;  mais  il  me  semble  qu'il 
sera  plus  à  propos  que  leur  courrier  passe  soubs  le 
nom  de  mon  cousin  le  cardinal  de  Florence  ,  et  pour 
les  affaires  de  nostre  sainct  père  ,  que  soubs  celui  du- 
dict  cardinal  Albert  ;  partant,  je  le  vous  envoyé  con- 
ceu  de  ceste  façon  ;  dadvan^age  je  veulx  que  vous  Tac- 
compaigniés  d'ung  aultre  de  mes  courriers,  tant  pour 
faciliter  son  voyage  que  pour  l'observer  par  les  che- 
mins. Ores,  je  ne  doubte  poinct  qu'ils  n'escrivent  par 
ledict  courrier  tout  ce  que  bon  leur  semblera  ;  mais 
j'aime  mieulx  courre  le  liazard  du  mal  qui  m'en  peuit 
arriver  que  de  leur  desnier  le  moyen  de  recouvrer  et 
advancer  ledict  pouvoir  pour  m'acquitter  de  mon  deb- 
■voir  envers  ladicte  rovne;  pour  ceste  cause,  vous  le 
ferés  despescher  au  plus  tost.  Cependant  les  députés  de 
ladicte  royne,  qui  n'ont  encores  passé  la  mer  h  cause 
du  mauvais  temps,  pourront  arriver,  et  je  ferai  sçavoir 
par  courrier  exprès  à  ladicte  royne,  ce  que  vous  m'avés 
escrit  qui  la  regarde,  afin  qu'elle  me  mande  si  elle  se 
contentera  de  traicter  sur  le  pouvoir  dudict  cardinal 
Albert,  en  attendant  que  l'aultre  soit  arrivé,  comme 
il  me  semble  qu'elle  pourroic  faire  ;  car  il  se  passera 
Lien  quinze  jours  de  temps  devant  que  l'on  puisse 
lomber  d'accord  avec  elle  des  différends  qui  sont  entre 
ledict  roy  d'Espaigne  et  elle. 

Mais  je  vouldrois  que  ledict  courrier  rapportast 
aussi  le  contresigne  ou  commandement  dudict  roy 
d'Espaigne  pour  la  redduction  de  Blavet,  afin  de  n'en 
faire  à  deux  fois,  et  de  n'en  excuser  ou  retarder  l'exé- 
cution sur  ce  prétexte  ;  partant ,  vous  en  ferés  instance, 
leur  disant  que  si  je  n'avois  volonté  de  m'accorder,  je 
ne  leur  ferois   ramenîevoir  ceste  despesche ,  laquelle 


A  MM.  DE  BELLTEVRE  ET  DE  SILLERY.         7 3 
peult  grandement  advancer  et  faciliter  les  affaires;  et 
plus  ils  me  recognoissent  soigneux  de  m'acquitter  de 
mon  deljvoir  envers  mes  amis  ;  ils  doibvent  mieulx  es- 
pérer de  ma  foi,   et  priser  mon  amitié,    estant  vrai- 
semblable que  si  je  ne  passois  légèrement  par  dessus 
ce  qui  les  concerne,  contre  ce  que  je  leur  ai  promis, 
qu'ils  auroient  d'autant  moins  de  cause  de  se  fier  de 
moi,  qu'ayant   ainsi   manqué  à  mesdicts  amis,  il  me 
demeureroit  tousjours   quelque  regret  et  remords   de 
conscience  d'en  avoir  ainsi   usé,    oultre  ce  qu'ils  me 
tiendroient  pour  un^  prince  léger  et   de  peu  de  foi  ; 
je  veulx  donc  mettre  mesdicts  amis  en  leur  tort ,   en. 
justifiant  ma  foi  et  mes  actions,  tant  envers  eulx  qu'à 
l'endroict  d'ung  chacung,  s'il   fault  que  je  me  sépare 
d'eulx  pour  le  bien  de  la  paix;  et  puisqu'ils  ont  ung 
pouvoir  particulier   du   roy  d'Espaigne   pour  traicter 
lesdicts  estats,   il  n'en   fault  poinct    cbercher  d'aultre 
pour  cela  ,  dont  j'advertirai  leurs  députés  quand  ils 
seront  arrivés ,  et  despescberai   devers  eulx   pour  les 
faire  advancer,  n'estimant  pas  qu'il  soit  à  propos  de 
parler  des  six  mois  ou  d'ung  an  de  trefve  pour  leur 
regard ,  que  nous  n'ayons  eu  response  de  ladicte  royne 
ou  desdicts estats,  ou  veu  leursdicts ambassadeurs  pour 
scavoir  leurs  volontés. 

Mais  deffendés  vous  tousjours  du  passeport  qu'ils 
ont  demandé  pour  envoyer  devers  le  duc  de  Mercœur , 
ou  faire  venir  devers  eulx  ung  député  de  sa  part  ;  car 
resoluement  je  ne  l'accorderai  jamais  pour  les  raisons 
portées  par  vostre  instruction ,  qui  se  rendent  tous  les 
jours  plus  pregnantes  ,  sa  foiblesse  et  sa  mauvaise  foi 
se  descouvrant  plus  grandes  que  jamais  ,  aussi  bien  en- 
vers eulx  qu'envers  moi  ;  car  il  m'a  faict  dire  par  le 
dernier  qu'il  m'a  envoyé,  qu'il  quitteroit  plustost  son 


74  LETTRE  DU  ROY 

gouvernement  que  de  traicter  et  le  conserver  par  le 
moyen  des  Espaignols  ,  desquels  il  se  plainct  grande- 
ment, et  je  crois  qu'il  leur  en  a  faict  dire  autant  de 
moi  ;  mais  j'espère  que  les  dissimulations  et  tromperies 
dont  il  use ,  advanceront  sa  punition  ,  et  la  rendront 
inévitable  avec  l'aide  de  Dieu  ,  au  moyen  de  quoi  per- 
sistes constamment  au  refus  dudict  passeport ,  et  de 
comprendre  audict  traicté  ledict  duc  de  Mercœur. 

Et  puisqu'ils  ont  accordé  de  rendre  toutes  mes  villes 
avec  les  fortifications  qui  y  sont ,  excepté  Blavet  qu'ils 
entendent  desmenteler,  et  de  laisser  en  Testât  qu'il 
estoit  quand  ils  s'en  sont  saisis,  il  n'est  plus  question  que 
de  convenir  du  temps  qu'ils  les  rendront,  et  de  l'ar- 
tillerie, pouldres  et  balles  à  canon  qu'ils  y  laisseront, 
ayans  promis  de  bailler  des  ostages  comme  vous  avés 
demandé;  sur  quoi  je  vous  dirai  qu'il  me  semble  que 
ladicte  restitution  pourroit  s'accomplir  et  parfaire  def- 
dans  ung  mois,  comme  vous  leur  avés  proposé,  s'ils 
voulloient  s'y  bien  employer,  mesmement  ayant  receu 
le  commandement  et  contresigne  pour  Blavet ,  par  le 
courrier  qu'ils  doibvent  envoyer  présentement  ;  par- 
tant, continués  à  les  presser  de  se  contenter  dudict 
terme  dung  mois,  à  compter  du  jour  de  la  signature 
du  traicté,  faictc  par  nos  députés,  comme  vous  leur 
avés  proposé ,  ou  bien  demandés  et  obtenés  que  les 
villes  de  Calais  et  Ardres  ,  par  lesquelles  ils  accordent 
de  commencer  ladicte  restitution ,  me  soient  rendeues 
douze  ou  quinze  jours  au  plus  après  la  signature  sus- 
dicte  des  articles  ,  et  que  les  aullres  places  soient  en- 
tièrement rendeue?  dedans  six  sepmaines,ou  bien  de- 
dans lesdicts  deux  mois  dont  ils  ont  parlé,  si  vous 
ne  pouvés  mieulx  obtenir  sans  aultre  prolongation  ,  de 
quoi  ils  ne  doibvent  faire  difficulté,  s'ils  ont  telle  vo- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE*  ET  DE  SILLERY.  yS 
lonté  d'effectuer  ce  qii  ils  promettent  et  font  entendre  ; 
lesdictes  villes  de  Calais  et  Ardres  estant  rendenes  , 
elles  serviront  d'arrhes  et  de  gages  certains  de  la  resti- 
tution pleniere  des  aultres. 

Mais  je  ne  puis  leur  laisser  emporter  toutes  les  pièces 
d'artillerie  qui  estoient  esdictes  villes,  quand  elles  ont 
esté  prises,  principalement  celles  qui  sont  à  la  marque 
de  France,  avec  les  balles  du  calibre  d'icelle;  bien  suis 
je  content  me  départir  de  la  demande  des  aultres  avec 
la  pouidre  à  canon  ;  vous  sçavés  que  mon  royaulme  est 
si  mal  pourveu  d'artillerie ,  que  s'ils  emportent  toute 
celle  qui  est  dans  lesdictes  villes  ,  elles  en  demeureront 
toutes  desgarnies,  et  me  sera  difficile  d'y  en  remettre 
d'aultres  de  long  temps  en  nombre  qu'il  fault  pour  les 
garder:  continués  donc  à  faire  instance  de  ce  poinct, 
et  plustost  que  d'en  estre  du  tout  esconduicts  ,  res- 
traingnés  ladicte  restitution  à  ung  certain  nombre  de 
pièces  pour  chacune  place ,  et  qu'il  y  ait  le  plus  de  ca- 
nons et  de  couleuvrines  que  fiiire  se  pourra  ,  accompai- 
gnees  de  boulets  du  mesme  calibre  ,  n'estant  la  raison 
de  leur  refus  desdictes  pièces  digne  d'estre  receue  ; 
car,  puisque  pour  ung  bien  de  paix,  ils  me  veullent 
rendre  mes  villes ,  lesquelles  leur  sont  aussi  bien  ac- 
quises que  mon  artillerie ,  ils  peuvent  aussi  bien  m'ac- 
corder  ladicte  artillerie  pour  mesme  considération  ,  et 
vous  asseure  que  si  mon  royaulme  en  esloit  garni 
comme  il  a  esté  aultresfois,  je  n'en  ferois  si  grande 
instance  :  persistes  y  donc,  je  vous  prye  ,  et  ne  croyés 
pas  qu'ils  veuillent  pour  peu  révoquer  le  plus  ou  le 
principal  qu'ils  ont  desjà  accordé  ;  car  ils  feroient  une 
trop  lourde  faulte,  en  laquelle  la  nécessité  de  leurs 
affaires  les  gardera  bien  de  tomber  après  les  avoir  bien 
contraincts  de  passer  si  avant  qu'ils  ont  faict  ;  toutes- 


7  G  LETTRE  DU  ROY 

fois  conduises ,  le  tout  avec  vostre  prudence  accous- 

tuniee,  de  laquelle  je  me  confie  entièrement,  etc. 

Ores,  j'ai  bien  remarqué  l'instance  qu'ils  vous  ont 
faicte,  de  mettre  par  escrit  et  signer  ce  qui  a  esté 
traicté  entre  nous  et  eulx ,  avec  la  plaincte  que  vous 
m'avés  escrite  qu'ils  ont  faicte  du  refus  que  vous  en 
avés  faict ,  à  cause  du  commandement  que  je  vous  en 
ai  faict  par  vostre  instruction. 

Sur  quoi  je  vous  dirai  que  les  mesmes  raisons  qui 
m'ont  meu  de  vous  faire  commandement  de  ne  vous 
engager  dadvantage  en  ce  traicté,  me  semblent  plus 
fortes  et  considérables  qu'elles  n'estoient  lorsque  vous 
estes  partis,  puisqu'ils  n'ont  apporté,  comme  nous  pen- 
sions qu'ils  feroient ,  ung  pouvoir  dudict  ray  d'Espaigne 
suffisant  pour  comprendre  au  traicté  de  la  royne  d'An- 
gleterre, comme  vous  les  avés  sagement  remonstré;  de 
sorte  qu'il  fault  qu'ils  s'accusent  de  la  longueur  et 
difficulté  dont  ils  se  plaignent,  sans  s'en  prendre  à  moi 
ni  à  vous;  et  fault  que  je  vous  die  que  la  plaincte 
qu'ils  en  font  m'est  très  suspecte,  croyant  qu'ils  la  font 
sonner  si  hault  pour  justifier  leur  procédure,  en  cas 
qu'ils  se  retirent  sans  rien  faire  ;  ou  pour,  en  tirant  le- 
dict  escrit  de  vous ,  s'en  prevalloir  envers  mesdicts 
confédérés  ,  devant  que  d'avoir  accordé  avec  moi  pour 
ceste  cause;  il  me  semble  qu'il  fault  estre  fort  reteneu 
en  ce  faict;  dadvantage,  je  considère  que  leur  baillant 
par  escrit  les  poincts  et  articles  à  mesure  qu'on  en 
tombera  d'accord,  devant  que  toutes  clioses  soient  re- 
soleues  et  accordées,  il  sera  en  eulx  de  proposer  tous- 
jours  quand  ils  vouldront  nouveaulx  faicts,  et  sur 
iceulx  rompre  ledict  traicté ,  et  après  faire  profict  à 
mon  dommage  des  fragmens  d'icelui  qui  seroient  de- 
meurés entre  leurs  mains,  chose  que  je  veulx  éviter; 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  77 

car  c'a  tousjours  esté  ma  craincte  et  mon  opinion  qu'ils 
ne  voulloient  procéder  rondement  ni  de  bonne  foi  en 
ceste  negotiation,  comme  vous  sçavés  que  je  fais  avec 
eulx.  Au  moyen  de  quoi  je  vouldrois,  devant  que  d'es- 
crire,  que   nous  feussions  bien  d'accord  de  tous  les 
poincts  et  articles  desquels  on  prétend  traicter,  sans 
qu'il  feust  loisible  aulx  ungs  ni  aulx  autres  de  faire 
après  nouvelles  demandes  et  propositions;  mais,  cela 
faict,  je  ne  trouverois  mauvais  qu'il  feust  faict  et  signé 
ung  escrit  de  part  et  d'aultre,  qui  feust  baillé  en  garde 
à  mon  cousin  le  cardinal  de  Florence ,  représentant  la 
personne  de  nostre  sainct  père ,  afin  d'estre  teneu  se- 
cret ;  de  quoi  je  ne  ferois  difficulté  de  me  fier  en  lui 
comme   en    moi   mesmes,  jusques   au    retour   dudict 
courrier  qui  doibt  estre  envoyé  en  Espaigne,  avec  le 
pouvoir  pour  traicter  avec  ladicte  royne  d'Angleterre, 
et  le  commandement  dudict  roy  d'Espaigne  pour  la 
restitution  dudict  Blavet ,  ou  qu'ayant  ouï  parler  les 
ambassadeurs  de  ladicte  royne  et  desdicts  estats,  j'aye 
esté  esclairci  de  leur  intention  et  satisfaict  à  la  pro- 
messe que  je  leur  ai  faicte  par  le  traicté  que  j'ai  faict 
avec  eulx  à  ma  descharge.  Car,  par  ce  moyen,  toutes 
choses  pourroient  estre  resoleues,  sans  perdre  le  temps 
ni  faire  préjudice  à  mon  service  et  à  ma  réputation, 
estans  conduictes  comme  elles  doibvent  estre.  Consi- 
dérés cest  expédient;  je  vous  en  fais  ouverture,  meu 
de  l'affection  que  j'ai  de  faire  le  bien  sans  me  faire 
mal,  s'il  est  possible,  qui  est  tout  ce  que  Ton  peult  et 
doibt  désirer  de  moi ,  et  dont  je  me  remets  à  vos  pru- 
dences d'user   ainsi   que  vous  jugerés  d'estre  à  faire 
pour  le  mieulx,  sans  rien  précipiter  qui  nous  puisse 
charger  de  reproche  pour  craincte  de  la  rupture  de  ce 
traicte,  et  qu'ung  aultre  entre  en  ma  place;  car  5  d'ung 


*    7^  LETTRE  DU   ROY 

costë,  je  crois  qu'il  est  difficile  que  cela  advienne,  et 
de  l'aultre  ,  i'aime  mieulx  courre  la  fortune  de  la  guerre 
que  de  faire  bresclie  à  ma  foi  et  à  ma  réputation,  avec 
laquelle  vous  sçavés  que  j'ai  restauré  et  saulvé  ma  cou- 
ronne, etc. 

BTais,  pour  suivre  ce  chemin,  il  fault  vuider  le  faict 
qui  concerne  mon  royaulme  de  Navarre,  comme  tous 
les  aultres  dont  vostre  instruction  faict  mention ,  afin 
de  ne  rien  laisser  en  arrière. 

Il  fauldroit  pareillement  resouldre  celui  du  duc  de 
Savoye,  puisqu'on  est  resoleu  de  le  comprendre  en  ce 
traicté.  Sur  quoi  je  vous  dirai  que  je  veulx  sçavoir 
quelles  ouvertures  fera  son  député  pour  s'accorder 
avec  moi,  devant  que  vous  donner  ung  dernier  com- 
mandement sur  ce  qui  le  concerne;  car  je  ne  veulx  pas 
qu'il  y  demeure  rien  du  mien. 

Et  pense  estre  bien  fondé  à  demander  Savillan , 
comme  le  marquisat  de  Saluées,  puisqu'il  est  certain 
que  ceste  ville  lui  feut  rendeue  avec  Pignerol  par  le  feu 
roy,  au  retour  de  Polongne,  à  force  d'argent,  dont  il 
corrompit  ses  serviteurs,  et  sans  aulcune  raison.  Par- 
tant ne  faictes  difficulté  d'en  faire  instance,  quand  vous 
la  debvriés  fonder  sur  la  recompense  des  ruynes  que 
ledict  duc  a  faictes  à  mon  royaulme,  qu'il  a  assailli  , 
comme  il  a  usurpé  ledict  marquisat  contre  toute  rai- 
son et  justice;  puis,  selon  la  response  dudict  député, 
on  pourra  se  conduire. 

Mais,  en  vérité,  je  serois  très  aise  de  pouvoir  traicter 
avec  ledict  cardinal  sans  y  comprendre  ledict  duc  de 
Savoye;  toutesfois,  s'ils  ne  le  veullent  faire,  il  fauldra 
rendre  sa  condition  la  moins  advantageuse  que  faire  se 
pourra. 

Et  s'il  y  a  d'aultres  poincts  en  vostre  instruction  sur 


A  MM.  DE  BELLIEYRE  ET  DE  SILLERY.  79 
lesquels  vous  estimés  estre  nécessaire  qu'il  vous  soit 
permis  de  vous  en  dispenser,  me  les  cottans,  je  vous  en 
resouldrai  par  ma  première  despesche. 

Je  désire  aussi  que  vous  me  fassiés  sçavoir  par  la 
vostre  ce  que  vous  aurés  appris,  tant  de  Testât  du 
mariage  du  cardinal  Albert  avec  l'infante  d'Espaigne^ 
et  de  l'exécution  de  la  donation  que  ledict  roy  d'Es- 
paigne  a  faicte  en  faveur  d'icelui ,  que  de  la  disposition 
des  affaires  des  Pays  Bas;  quelles  forces  ils  y  ont;  si 
ledict  roy  a  composé  avec  les  marchands ,  quels  de- 
niers ils  ont  receus  et  attendent  audict  pays,  comme 
ils  espèrent  avoir  la  raison  desdicts  estats,  s'ils  refusent 
d'entrer  en  ce  traicté  avec  moi ,  et  se  deffendre  de  la 
royne  d'Angleterre  en  cas  pareil  ;  si  ladicte  infante 
doibt  passer  ceste  année  aulxdicts  Pays  Bas,  quand  et 
comment  se  fera  ledict  mariage,  quels  advis  ils  ont  de 
la  disposition  dudict  roy  d'Espaigne  ,  s'il  secourra 
ledict  duc  de  Mercœur,  et  avec  quelles  forces  ;  qui 
gouverne  à  présent  les  affaires  en  Espaigne  ;  si  le  prince 
est  bien  d'accord*avec  l'infante  sa  sœur,  et  s'il  approuve 
la  susdicte  donation  ;  et  pareillement  le  traicté  que 
faict  avec  moi  ledict  cardinal ,  et  tout  ce  que  vous 
aurés  peu  apprendre,  tant  en  gênerai  qu'en  particu- 
lier, et  qui  mérite  estre  escrit. 

Et  je  vous  dirai  que  je  fais  compte  de  partir  dans 
mercredi  prochain  pour  aller  en  Bretaigne  sans  plus 
reculer,  attendant  de  jour  à  aultre  la  prise  du  chas- 
teau  de  Dinan,  assiégé  par  le  mareschal  de  Brissac , 
assisté  de  tous  mes  aultres  serviteurs  et  bons  subjects 
du  pays.  Je  prye  Dieu,  etc. 


Du  i5  febvrier  i5o8. 


8o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

XL.  — -^LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  BelUevre  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  vous  estes  plus  expérimentés  aulx  af- 
faires du  monde  de  la  court  que  moi,  c'est  pourquoi  je 
déférerai  tousjours  a  vos  advis  en  toutes  choses;  mais 
vous  sçavés  que  Dieu  conduict  les  cœurs  de  nos  princes, 
et  qu'ils  suivent  souvent  plustost  leurs  volontés  en  leurs 
affaires  que  les  conseils  de  leurs  serviteurs,  soit  qu'ils 
soient  portés  à  ce  faire  par  des  raisons  incogneues  aulx 
aultres ,  ou  qu'ils  veuillent  que  chacung  fléchisse  et 
s'accommode  à  leurs  intentions. 

Le  roy  veuit  la  paix  autant  que  jamais  ,  mais  il  veult 
aussi  descharger  sa  conscience,  et  satisfaire  à  sa  foi 
envers  ses  confédérés ,  ainsi  que  vous  cognoistrés  par 
sa  lettre,  et  vous  asseure  que  sa  majesté  s'est  fort  peu 
esmeue  de  la  jalousie  que  l'on  lui  veult  donner  de  la 
royne  d'Angleterre  ;  car  elle  est  bien  asseuree  que  la- 
dicte  dame  ne  traictera  poinct  avec  eulx  sans  Calais,  et 
qu'ils  ne  lui  rendront  jamais  ladicte  ville  qu'elle  ne  leur 
rende  aussi  celle  qu'elle  tient  en  Zelande,  desquelles 
sa  majesté  sçait  très  bien  qu'elle  ne  peult  pas  disposer; 
dadvantage ,  elle  aime  quasi  mieulx  perdre  Calais  que 
de  perdre  sa  réputation,  et  manquer  de  foi  et  de  res- 
pect à  ses  amis.  Mais  jestime  que  toutes  choses  se 
pourront  accommoder  avec  le  temps,  les  conduisant 
par  degré  sans  les  précipiter.  Nous  sçavons  bien  aussi 
que  les  estats  ne  traicîeront  poinct  sans  le  roy ,  encores 
estimons  nous  qu'ils  ne  le  feront  qu'avec  sa  majesté, 
quoique  M.  le  cardinal  d'Autriche  leur  ait  faict  escrire, 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  8l 

et  à  M.  le  prince  Maurice ,  par  M.  le  prince  d'Orange  , 
son  frère;  de  sorte  qu'il  semble  à  sa  majesté  qu'elle 
ne  doibt  rien  précipiter  ;  aussi  ne  veult  elle  perdre 
l'occasion  d'advancer  ses  affaires,  comme  vous  colli- 
gerés  de  la  lettre  qu'elle  vous  escrit,  qui  est  si  ample,  et 
respond  si  clairement  et  particulièrement  à  tous  les 
poincts  de  la  vostre,  que  je  n'y  puis  rien  adjouster.  J'ai 
faict  voir  au  roy  l'extraict  de  la  lettre  veneue  de  Rome 
à  M,  le  légat  que  vous  m'avés  envoyé,  auquel  sa  majesté 
a  pris  ung  grand  plaisir. 

Par  lettres  de  Lyon  du  12  de  ce  mois,  nous  avons 
eu  confirmation  de  l'accord  de  Ferrare,  sans  toutesfois 
que  l'on  nous  en  escrive  les  particularités;  mais  on  nous 
a  escrit  que  celui  pour  lequel  M.  de  Savoye  avoit  faict 
demander   ung   passeport    à    M.  de  La   Guiclie ,   par 
M.  l'evesque  d'Aversa,  pour  envoyer  devers   le  roy, 
depuis  l'avoir  receu  a  pris  aultre  brisée;  de  quoi  ledict 
sieur  de  La  Guiche  s'est  plainct  à  sa  majesté,  qui  l'a 
trouvé  estrange ,  et  dict  que  ledict  duc  a   faict  tort 
audict  evesque ,  et  par  conséquent  à  sa  saincteté ,  de 
l'employer  en  ceci  pour  en  abuser.  Je  ne  vous  puis  re- 
présenter Testonnement  auquel  l'on  nous  rapporte  tous 
les  jours  que  M.  de  Mercœur  est  entré  depuis  la  prise 
de  la  ville  de  Dinan  ,  sur  la  déclaration  que  ceulx  de 
Nantes  lui  ont  faicte  en  public  de  voulloir  envoyer  de- 
vers le  roy  pour  la  paix;  mesme  les  ecclésiastiques  lui 
ont  protesté  qu'ils  ne  pouvoient  plus,  en  saine  con- 
science, s'abstenir  de  pryer  Dieu  pour  le  roy,  puisque 
le  pape  Tavoit  approuvé  et  commandé.  Jugés  en  quels 
termes  il  se  trouve ,  et  s'il  a  besoing  d'estre  persuadé 
par  MM.  le  président  Ricbardot  et  commandeur  Taxis 
pour  s'accorder  avec  nous.  Pour  Dieu,  qu'ils  ne  parlent 
plus  de  cela,  s'ils  désirent  l'amitié  de  sa  majesté,  la- 

Mihr.  DE  DuPLEssis-MoftA'AY.  To:»rE  vtii.  6 


82  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

quelle  faict  estât  de  partir  après  demain  sans  plus  différer. 
Si  elle  ne  feust  allée  à  la  cliasse  aujourd'hui ,  ce  courrier 
eust  est-é  despesclié  des  ce  matin.  Ne  vous  prenés  donc 
à  moi  du  retardement ,  et  me  continués  vos  bonnes 
grâces,  que  je  salue,  etc. 

Du  16  febvrier  i5g8. 


ICLL  —LETTRE  DE  M.  DE  LA  SCALA 

A  M.  Diiplessis. 

Monsieur,  je  vous  envoyé  mon  livre  de  Emenda- 

tione  temponun  y  reveu  et  augmenté  de  beaucoup.  Il 

n'a  teneu  qu'aulx  imprimeurs  que  vous  ne  l'ayés  eu 

plus  tost ,  qui  ont    discontinue    l'œuvre  par  plusieurs 

fois.  Si  ce   mien  labeur   vous  est  agréable ,  ce  m'est 

assés;  car  je  ne  me  donne  poinct  de  peine  des  aultres, 

qui  aiment  mieulx  reprendre  qu'apprendre.  Je  m'as- 

seure  que  si  vos  affaires  vous  permettent  de  peser  mes 

raisons ,  vous  aurés  occasion  de  vous  esbahir  des  resve- 

ries  de  nos  chronologues  touchant  l'histoire  biblique. 

Mais  je  le  laisse  à  vostre  jugement,  lequel  je  désire  - 

scavoir,  s'il  vous  plaist  me  tant  honorer  que  de  m'en 

escrire  vostre  advis;  et  je  l'accepterai  comme  venant 

de  celui  duquel  j'admire  la  vertu,  et  que  je  désire 

infiniment  servir. 

De  Leyden,  ce  16  febvrier  1698 


LETTRE  DE  MADAME  DE  LAVAL,  etc.  83 

XLIl.  —  LETTRE  DE  MADAME  DE  LAVAL 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  à  quelque  moins  asseuré    et  confident 
ami  que  vous  ne  vous   estes   tousjours  faict  paroistre 
en  nostre  endroict ,  je  craindrois  que   le  silence  dont 
j'ai  usé  depuis   quelque  temps  l'eust  faict  entrer  en 
quelque  sinistre  opinion  de  moi.  Mais  de  vous ,  mon- 
sieur, je  crois  que  ce  bonheur  me  reste  entre  tant  de 
malheurs,   que   vous  m'honores   tousjours  de  vostre 
amitié,  et  que  vous  ne  doubtés  poinct  aussi  du  pou- 
voir que  vous  avés  sur  moi ,  tel  que  vous  Tesprouverés 
toutes  les  fois  que  j'aurai  moyen  de  vous  faire  service, 
et  que  me  vouldrés  tant  obliger  de  me  commander;  ce 
que  vous  pouvés  avec  entière  asseurance  de  mou  de- 
sir  à  vous  obéir,  et  à  vous  honorer,  certes,  de  toutes 
mes  affections.  De  quoi  je  vous  eusse  rendeu  une  petite 
preuve,  si  j'eusse  esté  d'ung  aultre  sexe,  ou  que  mon 
fils  feust  en  aage  de  vous  aller  offrir  sa  vie  et  tout  ce 
qui  est  de  lui.  Nous  ne  nous  feussions  laissé  lors  de- 
vancer à  nul  de  diligence,  non  plus  que  nous  ne  pen- 
sons estre  précédés  d'aulcung  en  affection.  Mais  nos 
impuissances,  monsieur,  m'ont  faict  retenir  l'offre  de 
personnes  incapables  en  tels  faicts,  ne  voullant  payer 
de  paroles  ii: utiles  les  services  que  je  vous  doibs  en 
effect ,  et  que  je  vous  rendrai,  tant  que  je  vivrai,  en 
toutes  les  occasions  qui   m'en  seront  jamais  offertes. 
Croyés  le,  monsieur,  s'il  vous  plaist ,  et  qu'il  ne  me 
reste  ami  au  monde  de  qui  je  fasse  si  asseuré  estât  que 
de  vous  5  ni  à  qui  aussi  je  sois  plus  entièrement  de- 


84  LETTRE  DE  MADA.ME  DE  LAVAL,  etc. 

Youee;  c'est  avec  ceste  asseurance  de  Yostre  bonne 
volonté,  que  je  vous  supplierai  bien  bumblement  croire 
que  j'approuve  fort  ce  que  faict  M.  de  La  Moucbe,  et 
que  pour  ce  qui  regardera  l'advancement  de  la  gloire 
de  Dieu  ,  je  ne  plaindrai  jamais  ma  vie,  et  ce  qui  me 
reste  ;  mais ,  désirant  faire  plustost  parler  mes  effects 
que  mes  paroles ,  il  m'est  très  nécessaire ,  pour  plusieurs 
raisons  qui  ne  se  sçauroient  escrire,  que  cela  soit,  s'il 
vous  plaist ,  fort  secret;  et  à  vous  seul,  monsieur,  di- 
rai je  mon  intention  en  cela ,  sçacbant  combien  pru- 
demment vous  sçaurés  user  de  ceulx  qui  sont  tout  à 
vous.  Je  me  suis  promis  ung  long  temps  ce  contente- 
ment de  vous  voir,  ayant  des  affaire^  qui  me  convioient 
à  aller  en  vos  quartiers;  mais  en  ayant  de  bien  fas- 
cheuses  en  plus  d'ung  endroict,  je  suis  arrestee  en  ce 
beau  lieu  ici  par  des  contrainctes  qui  me  priveront, 
c'ai  je  peur,  pour  quelque  temps  de  ce  contentement 
de  vous  entretenir;  bien  que  je  ne  désire  pas  peu ,  et 
qui  ne  me  seroit  pas  peu  utile  ;  qui  est  ce  qui  me  faict 
croire  que  je  ne  le  recevrai  pas.  Ores  ,  monsieur ,  où 
que  ma  misère  me  guide,  faictes  estât  asseuré,  s'il 
vous  plaist,  d'y  avoir  vostre  plus  liumble  et  obéissante 
à  vous  faire  service,  Anite  d'Allègre. 

A  Montfort ,  ce  17  febvrier  1 698. 


XLIIl. —  ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M' AMIE,  tu  auras  eu  le  grand  Basque.  Depuis,  j'ai 
receu  tes  lettres  du  i4  par  Barbenoire,  et  du  i5,  par 
le  capitaine  Pbilippe.  Je  ne  laisse  d'entrer  en  peine, 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS ,  etc.  85 

parce  que  j'ai  sceu  que  tu  as  eu  ung  accès  de  fîevre,  et 
tu  ne  m'en  parles  poinct.  Cependant  je  considère  bien 
quelle  surcharge  de  mal  ce  nous  seroit  après  tant  de 
douleurs ,  et  me  tarde  bien  que  je  ne  sois  près  de  toi 
pour  t'en  soulager.  J'ai  despesché  deux  hommes  exprès 
vers  M.  de  Malicorne,  pour  l'advis  que  tu  m'as  donné 
par  le  sieur  d'Ambresaigues.  Je  pense  que  tu  auras 
approuvé  mes  intentions ,  et  que  nostre  fîis  t'aura  re- 
présentées. C'est  ne  rien  négliger,  et  neantmoins  ne 
tenter  rien  mal  à  propos.  Je  cognois  la  présomption 
de  Je  suis  d'advis  ,  vu  ce  que  tu  m'escris,  que  nous 

ne  nous  meslions  poinct  du  faict  de  La  Valliere.  Il 
est  certain  que  cela  tend  à  mauvaise  fin.  Quant  à  en- 
voyer ceulx  que  tu  m'escris  à  Paris,  je  pense  avoir  dans 
deux  jours  M.  de  Pierrefîte  ici ,  comme  tu  auras  veu 
par  celles  que  je  t'ai  envoyées,  avec  lequel  je  m'en  re- 
souldrai  sur  ce  qu'il  me  rapportera  de  l'advis  de  nos 
amis.  Pour  Sainct  Phal ,  je  ne  peulx  croire  qu'il  s'ar- 
reste  à  La  Barauchere ^  veu  la  description  que  m'en  a 
faicte  le  capitaine  Baudouin  ;  mais  pourra  il  s'arrester  à 
Sainct Mesmin,  qui  n'est  qu'à  huit  lieues  de  Parthenay^ 
au  milieu  de  nos  amis;  et ,  en  ce  cas,  je  suis  bien  resoleu 
de  ne  les  espargner  pas,  car  il  nous  importe  trop. 
M.  Constant  s'en  retourne  dans  le  pays  qui  s'offre 
d'affeclion  a  moi,  que  je  pryerai  d'y  veiller  et  d'y  dis- 
poser les  gens  de  bien ,  nommeement  M.  de  La  Taba- 
tière. Ce  n'est  pas  loin  g  de  Monchamp.  Si  d'adventure 
tu  escris  à  madame  de  Rohan ,  n'ouWie  que  j'ai  faict 
escrire  en  Languedoc,  par  M.  le  baron  de  Fort,  da 
mariage  de  M.  le  duc  d'Uzes.  Je  ferai  faire  de  bonnes 
despcsches  aulx  sieurs  Bellenon  et  de  Charon.  Celui  ci 
doibt  aller  au  grand  conseil,  où  je  pense  qu'il  fault 
faire  retourner  le  procès  de  Bruzac;  car  la  chambre 


86  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

de  Guyenne  pourroit  tarder;  quant  à  celui  là,  je  ferai 
presser  le  terme  par  M.  de  Calignon,  et  le  surplus 
aussi  vers  car  je  scais  assés  de  quoi  il  nous  y  va. 

Je  tiens  la  somme  pour  fort  asseuree.  La  procuration 
à  esté  envoyée  à  M.  Pruneau,  à  La  Rochelle.  Je  suis 
d'advis  que  ceulx  qui  ont  voulleu  desrober  les  vins 
servent  d'exemple ,  et  en  escris  au  sergent  major.  Le 
tiers  aulx  dénonciateurs,  le  tiers  au  rov,  et  le  reste  à 
lui.  Il  sera  bon  neantmoins  de  s'enquérir  comment  on 
a  accoustumé  d'en  user,  qui  est  cause  que  je  ne  le 
particularise  qu'à  toi,  qui  lui  diras  après  mon  inten- 
tion. Je  suis  fort  en  peine  de  la  garnison,  et  si  nostre 
triennal  ne  faict  aultre  debvoir,  je  me  fascherai.  Au 
moins  fault  il  qu'il  paye  le  mois  entier,  tel  qu'il  est 
payé  par  nostre  estât  que  je  t'ai  laissé,  sans  laisser  nos 
estats  derrière ,  puisqu'il  a  l'ordonnance  que  M.  Hardy 
a  envoyée.  Tu  m'as  envoyé  les  papiers  d'un  brochard 
que  je  n'ai  peu  encores  lire  et  moins  comprendre.  Je 
suis  trompé  si  ce  n'est  ung  grand  fol. 

Tu  m'escris  que  six  bourgeois  de  Nantes  ont  passé, 
et  mon  fils  adjouste  qu'ils  sont  du  corps  de  ville  allant 
trouver  le  roy.  Si  cela  est,  j'estime  les  affaires  de  M.  de 
Mercœur  bien  esbranlés.  Le  roy  est  à  Fontainebleau , 
dont  il  doibt  partir  cejourd'hui  pour  venir  à  Orléans 
et  de  là  à  Tours.  Madame  est  demeurée  à  Paris  ung 
peu  malade;  madame  de  Beaufort  est  jà  partie  tirant 
droict  à  Vendosme,  et  de  là  à  la  Flèche,  où  elle  doibt 
faire  ses  couches,  aulcungs  tiennent  que  et 

c'est  pour  cela  qu'elle  tient  le  chemin  de  et  qu'elle 

s'advance  ;  car  d'ailleurs  et  de  bon  lieu  on  asseure  que 
le  roy  a  promis  d'attendre  les  députés  d'Angleterre  et 
des  Pays  Bas;  mais  il  est  bien  certain  que  M.  de  Schom- 
berg  le  presse  fort.  Nos  députés  ne  peuvent  plus  tarder, 


A  MADAME  DUPLESSIS.  87 

car  ils  sont  despescliés.  et  une  partie  de  contentement; 
cela  nous  dorncra  nnoven  de  nous  resouidre,  et  à  moi 
de  te  voir  bientost,  ce  qui  me  dure  plus  que  tu  ne 
scaurois  croire  pour  la  peine  où  je  suis  de  ta  santé. 
Madame  la  princesse  d'Orange  debvoit  partir  hier  de 
Paris,  et  madame  de  Bouillon  de  Turenne.  Si  Dieu 
donne  de  conclure ,  je  verrai  au  plus  tost  le  roy  et  fran- 
chirai mes  affaires,  car  ils  me  tiennent  au  cœur; 
mais  il  fault  que  je  voye  là  dessus  je  ne  puis  me 

passer  de  dire  que  viendront  très  à  propos  pour 

infinies  raisons,  ce  que  j'attends  dans  peu,  selon  les 
lettres  du  tt,  car  en  cel'es  du  depuis  lu  n'en  parles 
poinct  M.  de  Bacefer  m'escrit  sa  joie  de  la  protestation 
de  M.  d'AmbelIin,  en  laquelle  Dieu  le  veuille  fortifier. 
Ne  me  reste,  m'amie,  qu'a  te  recommander  ta  santé, 
et  de  m'en  relever  de  peine  par  fréquentes  nouvelles, 
puisque  les  longueurs  nous  esloingnent  plus  que  je 
n'avois  pensé,  ce  que  j'espère  que  Dieu  nous  abrégera 
par  grâce  en  peu  de  jours;  que  si  ton  mal  te  pressoit, 
m'en  advertissant,  ne  doubte  que  je  ne  laisse  tout  pour 
t'aller  voir.  Je  t'embrasse,  etc. 

Be  Chastellerault,  ce  17  febvrier  1598. 

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XLIV. —^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  femme. 

M'amie,  je  cognois  par  tes  lettres  que  mon  malheur 
travaille  ton  esprit  et  te  faict  malade,  et  c'est  ce  qui 
me  peine  plus  que  tout  aultre  chose.  Ne  t'imagine  ce- 
pendant pas  que  je  chosme,  car  depuis  mes  précédentes 
j'ai  disposé  toutes  choses  pour  recueillir  la  première 


88  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

occasion  sans  qu'il  y  manque  rien  de  part  ni  d'aultre. 
Si  donc  Baudouin  rapporte  ce  que  nous  soyons  d'ail- 
leurs advertis  que  Sainct  Phaî  soit  à  Sainct  Mesmin  ou 
en  l'aultre,  j'envoye  lettres  de  M.  de  Bouillon  et  de  La 
Tremouille  à  ceulx  qui  commandent  les  regimens,  à  ce 
qu'ayant  à  passer  Loire  au  mandement  de  M.  le  mares- 
chal  de  Rh-e;./;,  ils  ayent  à  laisser  derrière,  sous  quelques 
prétextes,  tous  les  arquebusiers  à  cheval  pour  en  faire 
ce  qui  leur  sera  ordonné  par  mon  fils;  lequel,  attendant 
l'occasion,  leur  donnera  quartier,  ainsi  que  je  lui  mande, 
parce  qu'icelle  adveneue  courra  investir  l'homme,  et 
pour  l'y  assister  et  addresser  aiu^'i  le  capitaine  Ausnee, 
qui  les  commandera  tous;  des  qu'il  aura  l'advis  m'ad- 
Yertira  en  toute  diligence  ;  et  j'ai  pris  asseurance  de 
madame  de  laHoussaye  d'avoir  son  canon  deFontenay, 
le  mesme  de  M.  de  La  Tabariere  pour  celui  de  la  ville, 
et  s'il  est  besoing  en  ferai  autant  avec  M.  de  Parabere, 
que  nous  attendons  ici  demain.  Par  ainsi  je  n'aurai 
qu'à  me  transporter  aussitost  sur  le  lieu  pour  le  faire 
acheminer,  en  quoi  je  serai  assisté  des  personnes  de 
leurs  amis,  oultre  que  tout  le  pays  m'est  favorable  et 
routes  seures.  Ne  reste  donc  qu'à  voir  pour  ce  regard  ce 
qui  se  pourra  faire,  et  neantmoins  parce  que  je  doubte 
qu'il  bouge  de  ne  fault  laisser  tousjours  d'y  penser 
autant  qu'il  se  pourra.  J'escris  quelques  circonstances 
sur  ces  faits  à 

Pour  conserver  mes  resolutioiTS ,  MM.  les  presidens 
approuvent  ung  expédient  que  je  leur  ai  proposé  ;  c'est 
que  Pilet  et  Drugeon  présentent  requeste  au  lieutenant 
gênerai  ou  criminel  d'Angers,  à  ce  qu'il  leur  soit  permis 
d'informer  pardevant  le  premier  conseiller,  huissier  ou 
sergent,  sur  ce  requis,  de  l'assassinat  sur  eulx  attenté 
par  le  sieur  de  Sainct  Pliai,  eulx  estans  en  la  compai- 


A  MADAME  DLiPLESSIS.  89 

gnie  du  sieur  Duplessis,  dont  ils  auroient  esté  excédés 
en  leur  personne,  ce   qui   leur  sera   accordé,  et  lors 
s'addresscrpnt  secrettenient  à  tel  du  siège,  qu*ils  sçau- 
ront  choisir  plus  a  profîct,  lequel  mesmes  ils  feront  venir 
en  tel  lieu  a  trois,  quattre  et  cinq  lieues  de  la  ville  qu'ils 
Youldront,  premier  l'intimidation,  et  pardevant  lui  fe- 
ront ouïr  les  tesmoings,  etc.,  auquel  cas  pourront  mesmes 
mes  domestiques  estre  ouïs,  et  seront  enquis  les  tesmoings 
sur  le  factum  qui  sera  baille  fort  ample,  afin  qu'ils  res- 
pondent  de  toutes  les  circonstances  qui  me  touchent. 
Est  à  noter  qu'aussi  bien  lesdicts  Drugeon  et  Pilet  ne 
seront  receus  à  tesmoigner  de  mon  faict,  ayant  esté 
blessés  en  ma  compaignie;  ne  fault  oublier  à  les  faire 
interroger  sur  Moncenis,  La  Pierre,  Davillers  et  aultres 
complices;  quoi  faict,  se  retireront  par  requeste  à  mes- 
sieurs de  la  court  de  parlement  de  Paris,  remonstrans 
qu'ils  ont  faict  informer;  mais  que  le  siège  d'Angers  leur 
est  suspect ,  attendeu  mesme  que  d'ung  tel  assassinat  ne 
se  trouve  officier  qui  voulleust  ou  osast  informer  d'office, 
et  requérant  d'estre  renvoyé  à  quelque  aultre  prochain 
non  suspect  et  lors  en  sa  court,  on  retiendra  la  cog- 
noissance  pour  l'importance  de  la  chose  et  des  per- 
sonnes, à  quoi  les  gens  d'honneur  tiendront  la  main, 
ou  les  renverront  au  juge  presidial  de  Tours,  et,  soit 
en  l'ung  ou  en  l'aultre,  sera  lors  aisé  d'obtenir  ung 
décret  de  prise  de  corps,  àTexecution  duquel  on  pourra 
tenir  la  main,  et  sera  pour  donner  la  forme  en  justice 
à  cest  affaire  sans  que  mon  nom  y  intervienne.  Sera 
bon  neantnioins,  parce  que  je  pourrois  faillir  en  quel- 
ques circonstances,  de  faire  ung  extrait  de  cest  article 
pour  estre  communiqué  à  M.  des  Biraudieres. 

Nous  avons  eu  aujourd'hui  ici  M.  de  Ilostain,  en 
poste,  de  la  court.  Nos  députes  en  partiront  le  i4; 


90  LETTRE  DE  BI.  DUPLESSIS 

M.  de  Pierrefite  aussi.  Nous  l'attendons  à  toute  heure. 
Cela  m'a  faict  estimer  debvoir  surseoir  ma  despesche 
en  court ,  parce  que  je  la  ferai  plus  solide  ayant  parlé 
à  lui.  Je  ferai  par  mesme  moyen  bailler  les  lettres  à 
Mx^.  les  presidens;  mais  je  te  prye ,  m'amie,  de  toute 
mon  affection ,  ne  t'afflige  oultre  mesure ,  car  je  sais 
que  Dieu  nous  tirera  de  ces  perplexités.  Le  roy  persis- 
toit  de  partir  le  i6  de  Fontainebleau.  On  doubte  s'il 
viendra  à  Orléans  ou  à  Vendosme;  mais  madame  la 
duchesse  est  en  chemin  de  Vendosme,  si  ce  que  je  t'ai 
escrit  n'a  lieu,  et  madame  la  princesse  d  Orange  escrit 
que  le  roy  nous  y  veult  mander  MM.  de  BouiHon  ,  de  La 
Tremouille  et  moi  pour  conclure.  Dieu  m'y  conseil- 
lera. Je  t'embrasse,  etc. 

De  Chastellerault ,  ce  18  febvrier  1598. 

Vous  ne  m'escrivés  poinct  de  vostre  fiebvre.  J'ensuis 
d'autant  en  peine. 


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XLV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amte,  tu  as  receu  de  mes  nouvelles  amplement 
par  Estienne.  Ma  santé  est,  grâces  a  Dieu,  bonne.  Je 
vouldrois  bien  estre  aussi  asseuré  de  la  tienne.  Nous 
eusmes  hier  au  soir  ici  ung  lionneste  homme  venant  de 
la  court.  Il  veit,  samedi  1/4,  M.  de  Pierrefite,  prenant 
congé  de  M.  de  Schomberg  à  Paris.  S'il  a  pris  son  che- 
min droict  à  Saulmur,  il  y  doibt  estre:  sinon  il  doibt 
arriver  ici  aujourd'hui  de  bonne  heure.  MM.  de  Cour- 
taumer  et  de  Gazes  aussi.  Ledict  sieur  de  Schomberg 
avoit  le  commandement  du  roy  de  le  rencontrer,  hier  ig, 


A  MADAME  DUPLESSTS.  91 

à  Thoury  en  Beauce ,  pour  tirer  droict  à  Chartres, 
Vendosme ,  Langets ,  Saulmur  ,  sans  séjourner.  Ce 
pourroit  estre  pour  estre  audict  Saulmur  environ  de 
lundi  en  huict  jours  ;  entre  ci  et  là  et  plus  tost  je  m'y 
rendrai,  aidant  Dieu.  Geste  veneue  esclaircira  ;  mais 
elle  nous  traversera  ung  peu  le  moyen  de  se  venger, 
auquel  neantmoins  il  fault  travailler  sans  intermission. 
M.  de  Parabere  arriva  hier ,  qui  m'asseure  de  sa  per- 
sonne et  de  ses  amis;  le  mesme  de  M.  de  La  Taba- 
riere;  mesme  nous  aurons  en  payant 

car  les  chemins  sont  plus  es'ranges  qu'il  n'est  à  croire. 
MM.  les  presidens  eurent  liier  tes  lettres,  qui  me 
doibvent  venir  voir  ce  matin.  Présentement  arrivent 
MM.  de  Courtaumer  et  de  Gazes.  Ce  soir  je  te  despes- 
cherai.  Ceci  n'est  que  par  ung  lacquais  de  madame 
de  La  Boulaye  qui  s'en  va  a  Angers.  Je  vois  que  ceste 
veneue  et  passage  de  la  court  nous  amènera  grande 
despense,  qui  me  fait  tascher  de  recevoir  quelque  somme 
de  M.  Legoux.  M'amie  ,  surtout  mets  ton  esprit  en 
repos.  Je  t'embrasse,  etc. 

De  Cuastellerault ,  ce  10  febvrier  lôgS. 

XLVL  —  ^  LETTRE  DU  ROY 
A  M,  Duplessis, 

M.  Duplessis,  vous  verres  ce  que  j'ai  accordé  à 
Harambrier  et  Bysense ,  pour  leur  donner  moyen  d'estre 
assideus  a  mon  service,  avec  plus  de  commodité  qu'ils 
n'ont  eu  jusques  ici.  Vous  cognoissés  et  leur  service  et 
leur  mérite  :  je  vous  prye  faire  pourvoir  à  toutes  les 
provisions  qui  leur  seront  nécessaires ,  comme  chose 


9'^  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

que  j'aurai  très  agréable  et  que  je  désire.  J'ai  esté 
adverti  que,  depuis  peu  de  jours,  le  duc  de  Mercœur 
avoit  faict  descendre  quelques  hommes  pour  entre- 
prendre sur  vostre  place,  et  qu'ils  ont  esté  descouverts. 
Mandés  moi  ce  qui  en  est,  comme  aussi  de  ce  que 
vous  cognoistrés  importer  mon  service.  Adieu,  M.  Du- 
plessis.  HEifRY. 

De  Chartres,  ce  21  febvrier  lôgS. 


XLVII. —^LETTRE  DE  M.  DUPLESSTS 

A  sa  femme, 

M'amte  ,  je  suis  fort  aise  que  tu  a3'es  veu  M.  de  Pierre- 
fite,  et  d'avoir  entendeu  par  le  capitaine  La  Notre  le 
succès  de  son  voyage.  J'eusse  esté  esbahi  que  M.  de 
Schomberg  nous  eust  traversé  nostre  requeste.  Quant 
à  M.  de  Rliosny,  il  nous  dira  ses  raisons  quand  nous 
le  verrons  ;  mais  maintenant  que  nous  avons  rendeu 
à  nos  parens  ce  qui  leur  est  deu ,  je  pense  que  nous 
debvons  prendre  nos  conseils  en  nous  mesmes,  et  sur- 
tout ne  nous  impatienter  poinct  en  ung  affaire  qui  ne 
se  peult  faire  que  par  patience.  Tu  auras  veu  par  la 
despesche  d'Estienne  ce  que  j'ai  préparé.  Je  t'envoye 
encores  une  lettre  pour  le  sieur  de  Sainct  Christophe, 
qui  commande  pour  M.  de  La  Tremouille  dans  Mau- 
leon ,  afin  qu'il  advertisse  nostre  fils,  si  l'on  vient  à 
Sainct  IV^esmin;  c'en  est  à  deux  Je  considère 

ce  que  madame  la  présidente  t'escrit,  et  y  trouve  ap- 
parence; je  ferai  que  rassemblée  en  fera  parler  au  roy, 
non  toutesfois  comme  requérant,  pour  ne  l'offenser 
ou  meltre  en  jalousie  ,  mais  comme  tesmoiguant  le  res- 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  g'i 

sentiment  que  tontes  les  parties  en  ont  eu ,  et  la  louange 
que. toutes  Jui  onc  donné  de  l'avoir  prise  à  cœur,  leur 
faisant  par  là  cognoistre  à  tous  combien  il  leur  reserve 
de  bonne  volonté,  en  faisant  neantmoins  justice.  Nos 
députés  arrivèrent  hier,  qui  se  sont  dignement  et  ver- 
tueusement comportés  en  court.  Je  suis  ordonné  pour 
voir  aujourdhui  MM.  les  députés  du  roy,  le  fond  de 
ce  qu'ils  peuvent  offrir  de  fondre  la  cloche ,  et  venir 
à  une  conclusion.  Cela  désormais  ne  peult  plus  tarder, 
quoi  faict,  je  me  dispose  d'aller  à  Vendosme,  où  le  roy 
pourra  estre  le  ^5,  par  les  journées  que  nous  mande 
M.  de  Yilleroy  ;  mais  il  y  séjournera  quelques  jours 
pour  ouïr  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  des  Pays 
Bas,  lesquels  ne  veullent  pas  venir  jusqu'à  Angers,  ce 
que  j'ai  appris  par  lettres  de  Paris ,  et  non  obscureement 
par  celles  de  M.  de  Schomberg  ;  et  de  ceste  heure,  je 
despesche  à  M.  de  Vignoles  pour  m'y  faire  retenir 
logis  :  ce  sera  pour  y  séjourner  peu  ;  et ,  cela  faict,  ne 
m'engager  en  voyage  quelconque  que  je  ne  sois  satis- 
faict  par  une  voye  ou  aultre;  en  quoi  c'est  quelque 
chose  d'avoir  du  roy  le  mot  a  quelque  chose 

en  main.  On  le  verra  entre  ci  et  là,  sinon,  veu  le  peu 
de  debvoir,  il  sera  à  propos  qu'il  vienne  avec  moi.  Aussi 
bien  nous  et  aultres  ne  se  remueront  pas  sans 

ma  présence.  Je  pryerai  M.  de  Pierrefite  d'estre  de  la 
partie,  et  mènerai  La  Vignole,  le  capitaine  La  Roche, 
Baudouin  ,  Coignard ,  Philippe ,  et  advertirai  à  poinct 
nommé  du  jour  qu'il  fauldra  partir  pour  me  mener  mes 
chevaulx  à  Tours.  Madame  la  princesse  d'Orange  escrit 
que  le  roy  mande  à  Saulmur;  je  ne  sçais  encores 

ce  qui  s'en  fera,  on  en  pourroit  aussi,  en  ce  cas,  tirer 
quelque  fruict.  Madame  me  mande  qu'elle  vient  l\  Saul- 
mur. Elle  a  donné  charge  à  M.  de  Gazes  de  me  de- 


g4  LETTRE  DE  M.  DUPLESSlS 

mander  mon  advis  sur  le  faict  de  son  mariage,  et 
semble  qu'elle  veuille  revenir  en  bonne  volonté.  Pré- 
sentement arrive  le  Basque,  duquel  j'ai  deschiffré  les 
lettres.  Je  ne  puis  me  bien  ressoubvenir  de  celui  qui 
donna  Tadvis  de  Ghastellcrault.  Si  c'est  du  dernier  des- 
seing ,  ce  seroit  le  frère  de  Cornesac  :  d'où  qu'il  vienne 
je  sçais  que  tu  prouveras  mon  à  ne  double 

qu'aidant  Dieu ,  je  ne  pense  à  P     et  plus  Je 

ne  doubte  poinct  que  ne  preist  volontiers  ce 

subject  pour  donner  sur  J'escrirai  avec  plus 

de  loisir  à  madame  de  Rohan ,  et  cependant ,  pour 
gaigner  temps,  escrirai  pour  l'affaire  qu'elle  désire  en 
court.  M.  Erard  m'escrit  que  son  estude  va  très  bien. 
Je  suis  bien  aise  que  M.  persiste,  tout  son 

temps  est  désormais  passé.  M.  le  président  de  Thou 
a  receu  les  secondes.  li  aura  jà  eu  les  premières.  Le 
précepteur  de  mon  nepveu  me  touche  ung  mot  de 
Tavoir  près  de  moi  :  je  pense  que  c'est  ung  flatteur. 
Quant  au  page  dont  ma  sœur  m'escrit ,  je  pense  qu'il 
s'en  fauldra  excuser;  s'il  estoit  en  aage,  on  le  pourroit 
retirer  en  la  garnison.  Ne  me  reste  plus  rien ,  sinon , 
m'amie,  de  t'embrasser  de  tout  mon  cœur,  etc. 

De  Chastelierault,  ce  21  febvrier  1098. 

On  s'attend  ici  que  Mirebeau  se  reduict.  Lugny  veult 
bien  qu'on  baille  l'argent  à  sa  femme.  Je  te  prye,  m'amie, 
de  sçavoir  de  Lineau  ce  qui  est  deu  à  M.  de  Corgrey,  soit 
en  response  ou  en  argent ,  afin  que  j'y  pourvoye 
et  aultres  ont  fort  loué  la  lettre  de  M.  le 

baron  de  Chaulne  a  eu  le  gouvernement  de  Dinan 
depuis,  que  xM.  le  mareschal  de  Brissac  pensoit  retenir 
et  avoit  demandé  pour  soi. 


A  MADAME  DUPLESSIS.  gS 


XLVIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 
.  j^.,  ^  safeitime. 


:->        T-- 


M'a^îie,  tu  auras  veu  ce  matin  le  sergent  Paradis, 
et  pour  les  lettres  qu'il  te  porte,  entendeu  mon  in- 
tention ,  c'est  d'avoir  où  P  se  rendra ,  ai- 
dant Dieu,  sans  faillir,  lequel  désire  que  M.  de  Pierre- 
fite  en  soit,  comme  il  lui  a  escrit,  aussi  les  capitaines 
Baudouin,  La  Vignole ,  Colynard  parce  qu'il 
a  rien  de  prest ,  et  pour  le  peu  de  secours,  je  pense 
avoir  donné  ordre,  par  le  moyen  de  MM.  les  presidens, 
que  P  nommera  à  Vendosme;  là  nous  travaillerons 
et  ferons,  comme  j'espere  bien,  ce  que  tu  m'escris  ,  et 
viendroit  à  propos.  Le  roy  me  commande  de 
tenir  ma  compaignie  preste,  et  qu'il  Fa  faict  assif^ner 
d'ung  quartier  sur  le  taillon.  C'est  à  !a  vérité  favorable- 
ment; mais  il  fault  penser  pour  ne  la  faire  poinct  si 
elle  ne  doibt  estre  belle  et  sans  entrer  en  nouvelles 
despenses.  D'ailleurs  je  ne  m'obligerai  à  rien  que  je  ne 
sois  bors  de  la  fascbeuse  affaire.  Je  loue  Dieu  que  tu 
ayes  amendement.  Tu  n'auras  que  ceci  pour  ce  coup, 
car  je  suis  pressé.  Excuse  moi  envers  M.  de  Pierrefite. 
Je  t'embrasse ,  etc. 

De  Chastelleraiilt ,  ce  28  febvrier  iSgS. 

Ne  doubte  que  je  ne  reçoive  en  bonne  part  ce  que 
tu  m'escris,  mais  je  vouldrois  bien  que  tu  ne  t'en  affli- 
geasses pas  tant. 


96  LETTRE  DE  M.   DUPLESSIS 

XLIX. —'V' LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme,  ^^^.jf 

M\mie  ,  nous  sommes  arrivés  à  mesme  instant  à 
l'isle  Bouchard ,  encores  que  je  ne  feusse  parti  qu'après 
midi   de  Chastellerault  ;  mais  la  rivière  est  forte.  Ce 
matin  j'ai   eu  Hesperien  avec  lettres  du  roy ,  qui  me 
mande  qu'il  sera  dimanche  au  plus  tard  à  Saulmur, 
Madame  de  Beaufort  avec  lui,  peu  de  noblesse;  mais 
j'ai  estimé  ung  debvoir  aller  au  devant,  s'il  est  pos- 
sible ,  jusqu'à  Amboise ,  où  il  doibt  estre  demain  ou  ven- 
dredi. Ce  sera  pour  coucher  dem»ain  à  Tours,  Dieu  ai- 
dant. D'argent ,  ne  t'en  mets  en  peine  ;  j'en  ai  plus  qu'il 
n'en  fault ,  et  encores  près  de  L\csO  livres,  et  puis  je  te 
reverrai  avec  sa  majesté.  C'est  assés  pour  faire  bonne 
chère  à  nos  amis.  Nos  affaires  de  Chastellerault  sont  en 
très   bon    train;  j'en    àsseurerai  le   roy,   et  frapperai 
coup  à  ce  qui  reste.  Je  pense  mesmes  que 
se  resouldra  de  le  voir  à  MM.  de  Thou  se- 

ront samedi  ou  dimanche  à  Saulmur;  ils  craignent  que 
la  court  ne  les  brouille,  et  pryent  d'avoir  ung  loge- 
ment ung  peu  commode  pour  euix  deux,  sinon  une 
chambre  au  chasteau,  dont  on  les  obligeroit  fort.  Je 
pense  qu'il  fault  essayer  d*e  les  y  accommoder;  ce  n'est 
qu'une  passade.  Ils  suivront  le  roy.  J'espère  que  nostre 
voyage  profitera  pour  nostre  fasclieux  affaire.  Tu 
peulx  penser  que  je  n'y  oublierai  rien.  J'ai  mesme 
pourveu  que  ceulx  qui  seront  députés  de  l'assemblée 
lui  en  parlent  à  propos;  mais  non  pour  les  requérir, 
ains  seulement  pour  lui  tesmoign^r  leur  ressentiment 


A  MADAME  DUPLESSIS.  97 

des  torts  que  j'ai  receus,  et  le  contentement  qu'ils  ont 
commencé  à  recevoir  de  la  justice  que  le  roy  m'a  pro- 
mis. Je  ferai  particulièrement  instance  pour  ces  gens. 
Je  mené  Estienne  pour  t'en  escrire.  Je  plains  la  peine 
que  te  faict  ceste  gendarmerie.  M.  et  madame  de 
sont  de  nos  amis  ;  mais  c'est  une  gresie  qu'il  fault 
souffrir.  Je  verrai  ce  qui  se  pourra  pour  madame  de 
Rolian.  Nous  leur  sommes  trop  obligés.  M.  de  Bu- 
zenval  n'est  encores  en  France.  Madame  la  princesse 
arrive  vendredi  à  Chastellerault;  madame  de  Bouillon 
aujourd'hui.  Les  noces  se  feront  à  Thouars  dans  huict 
jours  ou  environ.  Je  suis  bien  aise  que  M.  de  Pierusse 
soit  accreu  d'ung  fîîs ,  car  c'estoit  le  souhait  de  sa 
femme.  Il  me  tarde  fort  de  voir  ung  Je  dirai 

volontiers  que  les  patiences  nous  font  ce  mal;  deux 
mois  depuis  le  jour  de  l'an  s'en  vont  passés.  Je  m'en 
plains  principalement,  et  la  médecine  veura  santé  qui 
en  a  tant  besoing  ;  mais  si  ne  fault  il  pas  l'essayer  la 
première.  Le  temps  semble  aujourd'hui  se  voulloir 
mettre  au  beau;  mais  il  nous  a  tant  trompés  de  fois  que 
je  ne  sçaurois  que  dire.  Je  te  recommande  tousjours  d'en 
avoir  soing.  Je  t'envoye  des  cizeaux  ;  et  pour  la  fin , 
m'amie,  je  t'embrasse,  etc. 

De  risle  Bouchard ,  ce  25  febvrier  iSgS,  au  soir. 

L.  —^LETTRE  DE  M.  DE  LOMENIE 

A  M.  Duplessis. 

IMoNSiEUR ,  il  y  a  trois  jours  que  la  vostre  du  i4  de 
cestui  ci  m'a  esté  rendeue.  Je  m'estonne  de  ce  que 
celles  du  premier  ne  soyent  plustost  parveneues  à  vous. 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToME  VIII.  H 


gS  LETTRE  DE  M.  DE  LOMF.NIE 

J'estime  que  vous  ne  sçauriés  mieiiix  faut*  que  de  vous, 
et  me  ressens  h  ce  que  vous  m'avés  faict ,  et  que  je 
dise  que  les  choses  réussirent  a  mon  conlentemeut.  Il 
est  vrai  que  je  ne  doubte  nullement  que  la  longueur 
ne  vous  ennuyé.  Je  ne  puis,  pour  ce  faict,  qu'ad- 
jouster  à  celles  que  M.  de  Bouillon  ,  de  Yilleroy  et 
Fresnes  vous  escrivent  ;  si  en  cest  affaire  j'avois  autant 
de  pouvoir  que  de  volonté ,  vous  en  sériés  desjà  des- 
livré à  mon  contentement.  M.  de  Calignon  faict  mine 
de  voulloir  s'employer  infructueusement  pour  la  li- 
quidation de  la  debte  de  la  maison  de  Navarre;  mais 
j'ai  peur  que  le  relasche,  ou  que  les  difficultés  qu'il  y 
trouvera  lui  fassent  tout  quitter,  et  je  prévois  que  Ton 
veult  encores  demander  quelque  chose  sur  ceste  mai- 
son pour  le  dernier  mai. 

Je  n'ai  ouï  parler  de  ce  gouvernement  que  vous  me 
mandés;  s  il  envoyé  quelque  chose  à  ma  cognoissance  , 
.  je  tiendrai  la  main  à  ce  que  vous  désirés  de  moi. 

Pour  les  nouvelles,  nous  nous  en  allons  à  Mous- 
ceaux  commencer  la  diète  qui  sera  demi  mois  ;  cela 
faict  vers  la  fin  de  novembre,  nous  ferons  le  mariage 
de  mademoiselle  à  Fontainebleau.  Vous  ne  sçauriés 
croire  combien  mademoiselle  s'est  bien  gouvernée  avec 
M.  le  duc  de  Lorraine  et  cardinal  son  fils.  M.  de 
Sillery  part  bientost  pour  s'en  aller  à  Rome,  d'où  nous 
avons  nouvelles  que  sa  saincteté  ne  veult  ce  que  nous 
desirions  de  lui,  touchant  la  dissolution.  M.  le  pré- 
sident de  Villiers  part  aussi  pour  Venise,  et  M.  de 
Basise  pour  l'Angleterre.  Il  y  a  quelques  jours  que 
MM.  de  Bourges  s'assemblèrent  sur  ce  projet,  qu'ils 
s'évertuent  d'examiner  vostre  dernier  livre  pour  y  res- 
pondre,  ce  qu'ils  prétendent  de  faire  en  bref  L'annonce 
que  nous  avions  de  la  mort  du  roy  d'Espaigne  ne  con- 


A  M.  DUPLESSIS.  99 

tineue.  L'archiduc  est  parti  pour  s'en  aller  quérir  la 
fille  de  Farchiduc  Mathias,  et  la  mener  en  Espaigne 
pour  femme  à  son  beau  frère  ,  et  lui  ramener  en  Pays 
Bas  sa  maistresse.  Continués  à  me  voulloir  du  bien  et 
à  vous  asseurer  de  mon  fidèle  service  qui  ne  vous 
manquera  jamais  ;  c'est  avec  quoi  je  veulx  finir,  et  par 
vous  baiser  les  mains,  etc. 

Du  25  febvrier  iSgS. 

LI. —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Slllery  a  M.  de  Villeroj. 

MoNSiFUR,  ceste  sera  seulement  pour  accuser  la  ré- 
ception de  la  despesche  du  roy  du  16  de  ce  mois. 
Nous  vous  remercions  humblement  de  la  bonne  sou- 
venance qu'avés  eue  de  nous.  L'ambassadeur  de  Savoye 
doibt  arriver  demain  en  ceste  ville;  lui  veneu ,  nous 
entrerons  bien  avant  en  affaires  que  nous  avons  avec 
lui,  et  mettrons  peine  de  vous  faire  response  sur  tous 
les  poincts  conteneus  en  la  lettre  de  sa  majesté,  et 
vostre;  ceste  ci  est  baillée  au  courrier  qui  porte  la 
despesche  de  M.  le  légat,  avec  lequel  nous  en  avons 
mis  ung,  duquel  nous  sommes  bien  asseurés  qu'il  s'ac- 
quittera fidèlement  de  sa  charge.  Nous  lui  avons  baillé 
l'argent  qu'il  lui  fault  pour  ung  si  long  voyacre;  mais 
c'est  du  nostre.  Nous  vous  supplions,  monsieur,  de 
faire  l'ordonnance  pour  le  courrier  que  nous  despes- 
chons,  qui  doibt  aller  de  ce  lieu  jusques  à  la  frontière 
d'Espaigne;  nous  advançons  l'argent  :  le  principal  est 
qu'il  nous  soit  rendeu.  Nous  vous  dirons,  monsieur 
que  vostre  passeport   est  du  16  de  ce  mois. 


lOO  LETTRE,  etc. 

Le  courrier,  pour  des  occasions  qui  sont  surve- 
neues,  ne  peult  partir  que  demain  sur  les  dix  heures 
du  matin  ,  ne  restant  que  deux  jours  de  ce  mois ,  et 
seize  de  Faultre.  Vostre  passeport  n'est  que  pour  ung 
mois  ;  il  lui  seroit  impossible  d'estre  ici  de  retour 
d'aussi  peu  de  temps.  Le  courrier,  que  nous  lui  bail- 
lons pour  Taccompaigner  ,  attendra  son  retour  à 
Bayonne  ;  il  yous  plaira  d'envoyer  à  Bourdeaulx ,  à 
M.  de  Mattignon,  ung  passeport  pour  ledict  courrier, 
pour  retourner  à  Vervins,  qui  soit  de  quinze  jours 
après  le  i6  du  mois  prochain  escheu;  vous  ferés  ung 
fort  grand  plaisir  à  mondict  sieur  le  légat,  qui  estime 
que  sans  la  prorogation  dudict  passeport  son  courrier 
ne  pourra  pas  retourner  en  seureté.  M.  de  Mattignon 
l'envoyera  à  celui  qui  commande  à  Bayonne  pour  le 
bailler  audict  courrier  à  son  retour  dEspaigne;  nous 
ne  nous  estendrons  pour  ceste  heure  en  plus  longue 
lettre,  espérant  que  dans  quattre  ou  cinq  jours  nous 
vous  ferons  une  aultre  despesche  que  nous  faisons 
estât  de  vous  envoyer  par  La  Fontaine.  Nous  atten- 
dons, en  grande  dévotion ,  des  nouvelles  de  l'ambas- 
sade d'Angleterre  et  des  estats  qui  doibvent  partir 
d'Angleterre  des  le  2 5  du  passé.  Il  est  difficile  à  croire 
que  depuis  ung  mois  en  çà  il  n'y  ait  eu  ung  jour  ou 
deux  pour  passer  la  mer;  si  nous  en  sommes  ici  en 
peine  ,  vous  en  avés  vostre  part.  Nous  nous  recom- 
mandons bien,  etc. 

Du  35  febvrier  1698, 


LETTRE,  etc.  lOi 


LU. —  -^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroj. 

MM.  les  ambassadeurs  d'Espaigne  ont  proposé  qu'es- 
tant ceste  paix  si  advantageuse  en  toutes  choses  pour 
la  France ,  comme  elle  est ,  attendeu  une  si  notable 
restitution  qu'ils  accordent  leur  faire  contre  toutes  les 
resolutions  qui  ont  esté  prises  entre  eulx  jusques  à  pré- 
sent, estant  bien  à  croire  qu'ils  n'eussent  faict  la  des- 
pense de  cent  soixante  mille  escus  a  fortifier  Calais, 
s'ils  eussent  eu  quelque  opinion  de  le  debvoir  rendre; 
qu'il  plaise  au  roy  faire  quelque  déclaration  signalée 
de  la  bonne  volonté  et  faveur  dont  il  veult  honorer  le 
serenissime  cardinal  d'Autriche  ,  auquel  le  roy  catho- 
lique baille  en  dot  de  madame  l'infante  le  comté  de 
Bourgoigne ,  accordant  audict  cardinal  la  souverai- 
neté du  comté  de  Charolois,  qui  est  fort  peu  de  chose 
à  sa  majesté,  pour  estre  ledict  comté  de  fort  petite 
estendeue ,  et  dont  ledict  sieur  cardinal  se  sentiroit  in- 
finiment gratifié,  non  moins  de  la  faveur  qu'il  plairoit 
à  sa  majesté  très  chreslienne  de  lui  déclarer  que  de 
la  valeur  de  la  chose. 

A  ce  nous  avons  respondeu  qu'ils  jugent  assés 
que  telles  choses  ne  sont  pas  comprises  en  nostre 
instruction,  mais  que  nous  donnerions  advis  à  vostre 
majesté  de  tout  ce  qui  nous  estoit  par  eulx  proposé, 
et  neantmoins  que  nous  ne  pouvions  leur  ceier  qu'au 
traicté  de  paix  de  Cambray,  faict  en  l'an  iS^q,  le  roy 
François,  qui  estoit  lors  prisonnier  en  Espaigne,  ne 
vouUeut  poinct  se  despouiller  de  ceste  souveraineté, 


102  LETTRE 

ni  aussi  au  Iraictë  de  Crespy ,  qui  feut  faict  en 
l'an  .1 544  9  ^t  pareillement  par  le  traicté  de  Cliasteau 
en  Cambresis ,  faict  en  l'an  î55c^.  Telle  souveraineté 
n'a  poinct  esté  mise  en  dispute,  et  tousjours  a  esté 
réservée  à  la  France,  ce  qui  est  fondé  en  toute  justice 
et  ouître  la  justice  ;  la  situation  du  lieu ,  qui  est  partout 
enclavé  dans  le  duché  de  Bourgoigne,  ne  permet  que 
vostre  majesté  puisse  prendre  ce  conseil,  que  de  con- 
sentir que  ledict  comté  soit  desmembré  de  sa  cou- 
ronne. 

Plus,  lesdicts  sieurs  ambassadeurs,  ont  proposé  tou- 
chant certains  villages  au  pays  d'Artois,  dont  ils  sont 
en  différend  avec  la  France,  qu'il  seroit  expédient  de 
vuider,  et  pareillement  le  faict  de  quelques  lieux  que 
l'on  prétend  estre  de  la  Franche  Comté ,  et  ceulx  du 
duché  de  Bourgoigne  ,  prétendent  qu'ils  sont  du 
duché. 

A  ce  a  esté  respondeu  que  nous  n'avons  poinct  de 
certaine  cognoissance  des  lieux  dont  est  question ,  et 
que  nous  n'en  sçaurions  parler  que  par  advis  de  pays  ; 
partant  que  nous  estimons  que  le  meilleur  est  de 
nous  remettre  de  part  et  d'aultre  à  ce  qui  en  feut 
resoleu  au  traicté  de  l'an  iSSq,  et  jugeons  raison- 
nable qu'il  soit  procédé  au  jugement  et  exécution  du- 
dict  traicté  par  les  commissaires  dont  on  conviendra, 
et  qui  seront  à  ce  députés. 

Lesdicts  sieurs  ambassadeurs  ont  remonstré  que  le 
traicté  de  la  neutralité,  entre  lesdicts  duché  et  comté 
de  Bourgoigne,  doibt  expirer  d'ici  à  quelques  années  ; 
qu'il  seroit  expédient  pour  le  bien  des  deux  provinces 
que,  traictant  de  ceste  paix,  il  feust  aussi  resoleu  de 
proroger  le  temps  de  ladicte  neutralité  ;  à  quoi  a  esté 
respondeu  que  ledict  traicté  de  neutralité  a  esté  re- 


A  M.  DE  VILLEROY.  lo3 

confirmé  par  voslre  majesté,  lorsqu'elle  estoit  à  Lyon, 
et  qu'en  ce  faict  vraisemblablement  elle  Youîdra  pro- 
céder selon  les  formes  accoustumees,  et  que  nous  lui 
en  donnerions  advis. 

Lesdicts  sieurs  ambassadeurs  ont  faict  une  grande 
plainte  de  ce  que  M.  de  Guise  a  faict  mettre  à  la 
chaisne  ung  grand  nombre  de  soldats  espaignols,  qui 
venoient  en  Italie  pour  le  service  du  roy  catholique, 
l'enseigne  desployee;  que  c'est  contre  l'ordre  de  la 
guerre  et  contre  l'humanité,  qui  doibt  estre  observée 
entre  les  clirestiens,  de  mettre  à  la  chaisne  les  gens  de 
guerre  comme  s'ils  estoient  Turcs,  ou  condamnés  de 
crimes  ;  qu'ils  tiennent  vostre  majesté  pour  prince  si 
bening,  et  qui  a  faict  tant  de  preuves  de  sa  bonté  et 
clémence,  qu'ils  s'asseurent  qu'elle  n'approuve  poinct 
telles  inhumanités. 

Nous  leur  avons  respondeu  que  nous  n'avons  poinct 
sceu  que  vostre  majesté  aye  donné  ce  commandement 
à  M.  de  Guise,  lequel  (si  tant  est  qu'il  en  ait  usé  de 
la  sorte)  ne  l'aura  pas  faict,  si  ce  n'est  pour  avoir  la 
revanche  des  povres  François,  marchands  et  mariniers, 
que  l'on  dict  partout  avoir  esté  mis  à  la  chaisne  par  les 
Espaignols  qui  les  ont  pris  dans  leurs  ports,  où  ils  es- 
toient allés  soubs  la  foi  publicque,  exerçant  commerce 
de  marchandise;  que  nous  jugeons  très  raisonnable 
que ,  concluant  ceste  paix ,  les  ungs  et  les  aultres  feus- 
sent  délivrés  de  ceste  captivité ,  dont  nous  escririons  à 
vostre  majesté. 

Lesdicts  ambassadeurs  ont  dict  avoir  charge  expresse 
de  traicter  pour  les  François  réfugiés  en  leur  pays, 
qui  ont  suivi  leur  parti,  remonstrant  qu'ils  ne  les  peu- 
vent abandonner  ,  leur  honneur  saulve  ,  et  sont  dignes 
de  compassion ,  d'autant   qu'ils  ont  pris  les  armes  et 


îo4  LETTRE 

continué  de   les  porter ,   meus   seulement  du  zèle  de 
relligion ,  et  non  qu'ils  ayent  esté  mal  affectionnés  à  leur 
roy  ni  à  leur  patrie  ;  demandons  à  ceste  occasion  qu'il 
plaise  au  roy  leur  accorder  qu'ils   puissent  jouir  de 
pareilles  grâces  qui  ont  esté  accordées  à  ceulx  qui  se 
sont  remis  soubs  l'obéissance  de  sa  majesté  très  chres- 
tienne,  en    vertu   de   l'edict   qui  a   esté    faict  sur   la 
redduction  de  M.  de  Mayenne,  n'estimant  pas  que  sa 
majesté  voulleust   moins  gratifier   ceulx  qui  lui  sont 
recommandés  de  la  part  du  roy  catholique,  qu'elle  a 
faict  à  ,ceulx  que   ledict  sieur  de  Mayenne  a   désiré 
d'estre  compris  avec  lui  audict  edict.  Aussi  que  ceste 
demande    est  conforme    aulx    clauses    conteneues    es 
traictés  precedens,  contenant  la  grâce  faicte  aulx  sub- 
jects  des  deux  estats  qui  ont  servi  en  guerre  le  parti 
contraire  à  leur  prince  :  et  se  sont  lesdicts  sieurs  am- 
bassadeurs fort  estendeus  sur  cest  article,  comme  es- 
tant chose  que  leur  maistre  affectionne  grandement, 
et  dont  il  ne  se  peult  despartir  sans  faire  préjudice  à 
son  honneur. 

Consideransla  cause  de  ceste  demande,  nous  n'avons 
voulleu  entrer  à  décider  et  resouldre  cest  article,  re- 
monstrans  que  c'est  chose  qui  ne  despend  pas  de 
nostre  jugement,  mais  seulement  de  la  bonne  volonté 
du  roy  nostre  maistre,  auquel  nous  en  donnerons  advis; 
leur  disant  neantmoins  qu'en  ce  faict  il  y  a  beaucoup 
de  considérations,  et  que  tous  les  François  réfugiés 
audict  pays  ne  sont  pas  en  mesme  cause  ;  qu'il  y  a 
M.  d'Aumale  qui  a  jusques  à  présent  continué  de  porter 
les  armes  contre  le  roy,  comme  aussi  a  faict  le  vice 
seneschal  de  Valentinois  et  quelques  gentilshommes  de 
ceste  frontière  qui  sont  en  petit  nombre;  qu'ils  peu- 
vent avoir  parmi  eulx  quelques  officiers  de  judicature, 


A  M.  DE  YILLEROY.  lo5 

quattre  ou  cinq  curés,  et  quelques  financiers;  les  ungs 
les  ont  suivi  pour  adhérer  à  leur  parti,  comme  a  faict 
ledict  sieur  d'Aumale,  ledict  vice  seneschal  qui  a  esté 
dans  La  Fere  durant  le  siège.  Pour  le  regard  des  curés 
et  gens  de  judicature ,  il  y  en  a  aulxquels  on  a  donné 
le  billet  pour  sortir  de  Paris  lorsque  le  roy  y  entra;  s'ils 
se  sont  retirés  es  Pays  Bas,  le  roy  cathoîicque  n'a  non 
plus  d'interest  de   se  mesler  d'eulx  que   s'ils  eussent 
choisi  de  se  retirer  à  Venise.  Quant  au  prétexte  dont 
ils  se  veullent  servir,  que  le  seul  zèle  de  relligion  les  a 
faict  continuer  en  la  resolution  de  ne   se   conformer 
au  commandement  du  roy,  et  jouir  de  la  grâce  de  sa 
majesté  conteneue  en  l'edict  faict  sur  la  redduction  de 
M.  de  Mayenne,  nous  leur  avons  dict  que  c'est  chose 
que  nous  ne  pouvons  en  aulcune  sorte  supporter;  car 
en  premier  lieu  ,  lors  desdicts  commandemens,  le  roy 
estoit  reconcilié  avec  nostre  sainct  père  et  le  sainct 
siège  apostolicque ,  et  ne  se  peult  dire  avec  vérité  que 
le  roy,  depuis  la  reconciliation,  ne  se  soit  monstre  en 
toutes  choses  très  affectionné  et  vrai  conservateur  de  la 
relligion  cathoîicque  ;  partant  il  n'y  a  rien  qui  les  ait 
deu  ni  peu  desmouvoir  de  se  resouldre  avec  M.  de 
Mayenne  qui  estoit  leur  chef,  à  l'obéissance  et  fidélité 
à  laquelle  Dieu  et  la  nature  les  obligeoient  envers  leur 
roy;  partant,  s'ils  ont  mesprisé  le  bénéfice  du  roy,  ils 
souffrent  maintenant  le  mal  qu'ils  se   sont  faict  eulx 
mesmes;  et  puisqu'ils  veullent  e;5tre  teneus  pour  plus 
affectionnés  catholicques  que  les  aultres  ,  ils  ont  deu 
porter  plus  de  respect  qu'ils  n'ont  faict  à  la  desclara- 
tion  de  nostre  sainct  pcre,  qui  a  recogneu  le  roy  pour 
le  roy  très  chrestien,  premier  fils  de  l'Eglise,  exhortant 
ung  chacung   de  le  recognoistre   pour  tel;  ce  qu'ils 


i 06  LETTRE 

n'ont  pas  faict,  et  y  viennent  maintenant  que  le  temps 
de  la  grâce  accordée  par  ledict  edict  est  expiré. 

Quant  à  ce  qu'ils  remonstrent  que  le  roy  ne  vouldra 
pas  moins  faire  en  faveur  du  roy  catholicque  qu'il  a 
faict  pour  M.  le  duc  de  Mayenne,  sa  majesté  sçait  assés 
la  différence  qu'il  y  a  et  le  respect  qui  est  deu  plus  à 
l'ung  qu'a  l'aultre;  mais  ce  qu'il  a  faict  à  l'edict  tou- 
chant la  redduction  de  M.  de  Mayenne,  n'a  pas  esté 
pour  le  favoriser  seulement,  mais  c'est  que  sa  majesté 
a  voulleu  favoriser  ses  affaires,  réduisant  par  ce  moyen 
ung  grand  nombre  de  ses  subjects,  et  beaucoup  de 
villes  et  pays  soubs  son  obéissance;  pour  le  regard  de 
cèulx  qui  sont  maintenant  absens  de  son  royaulme,  ils 
sont  en  si  petit  nombre,  que  la  susdicte  considération 
ne  peult  pas  avoir  lieu  ;  et  quoique  ce  soient  les  subjects 
de  sa  majesté  qui  désireront  retourner  soubs  son  obéis- 
sance, feront  plus  sagement  de  la  rechercher  par  hum- 
bles supplications  que  par  faveur  d'ung  grand  prince, 
comme  est  le  roy  d'Espaigne. 

Quant  est  des  clauses  des  traictés  en  divers  traictés, 
elles  sont  couchées  diversement  au  dernier  traicté  de 
l'an  1559;  ^'  ^^*  ^^^^^  ^"^  ^^^  subjects  de  part  et  d'aultre 
retourneront  en  leurs  biens;  il  n'y  a  pas  expresseement 
qu'ils  retourneront  en  leur  patrie.  Au  traicté  de  Cam- 
bray  il  est  dict  qu'ils  retourneront  en  leur  patrie, 
poinveu  qu'ils  ne  soyent  preveneus  d'aultres  delicts 
que  d'avoir  servi  en  guerre  contre  leur  prince ,  etc. 

Sur  ces  difficultés,  nous  avons  déclaré  aulxdicts 
sieurs  ambassadeurs  qu'il  n'est  pas  en  nostre  pouvoir 
de  nous  resouldre  ici  sur  cest  article,  sans  avoir  eu  sur 
ce  le  commandement  du  roy  nostre  maistre. 

N'estant  plus  à  la  conférence,  lesdicts  sieurs  ambas- 


A  M.  DE  VILLEROY.  107 

sadeurs  nous  ont  faict  bailler  ung  escrit  desdicts  réfu- 
giés, que  nous  avons  leu.  Il  plaira  au  roy  de  le  faire 
voir  et  considérer;  ce  que  nous  pouvons  adviser  en  cest 
affaire,  est  que  si  sa  majesté  le  trouve  bon,  on  pour-^ 
roit  faire  insérer  en  ce  traicté  la  clause  touchant  ce 
faict,  conteneue  au  traicté  de  l'an  i559,  qui  est  telle: 
«  Et  retourneront  les  subjects  et  serviteurs  d'ung  costé 
et  d'aultre,  tant  ecclésiastiques  que  séculiers,  nonob- 
stant qu'ils  ayent  servi  ung  parti  contraire,  pleinement 
en  la  jouissance  de  tous  et  chacun gs  leurs  biens  im- 
meubles,  rentes  perpétuelles,  viagères  et  à  rachat, 
saisis  et  occupés  à  l'occasion  de  ceste  guerre,  pour  en 
jouir  des  la  publication  de  ceste  paix ,  sans  rien  que- 
reller toutesfois ,  ni  demander  les  fruicts  perceus  des  le 
saisissement  desdicts  biens  immeubles,  jusques  au  jour 
et  date  de  ce  présent  traicté ,  ni  des  debtes  qui  auront 
esté  confisquées  avant  ledict  jour,  et  se  tiendra  pour 
bon  et  valable  le  repartement  qu'en  aura  faict  le  prince 
son  heutenant  ou  commis,  vers  la  justice  et  juris- 
diction  duquel  ledict  arrest  sera  faict ,  et  ne  pourront 
jamais,  les  créditeurs  de  telles  debtes  ou  leurs  ayans 
cause,  estre  receus  à  en  faire  quelque  poursuite,  en 
quelque  manière  et  par  quelque  action  que  ce  soit , 
contre  ceulx  aulxquels  lesdicts  dons  auront  esté  faicts, 
ni  contre  ceulx  qui ,  par  vertu  de  tels  dons  et  confis- 
cations, les  auront  payés  pour  quelque  cause  que  les- 
dictes  debtes  puissent  estre,  nonobstant  quelques  lettres 
obligatoires  que  lesdicts  créditeurs  en  puissent  avoir, 
lesquelles,  pour  l'effect  de  ladicte  confiscation,  seront 
et  demeureront  par  ledict  traicté,  cassés  et  annullés, 


et  sans  vigueur.  » 


Au  traicté  de  Madrid  il  y  a  une  clause  restrictive 
qui  pourroit  estre  adjoustee  à  la  précédente,  à  sçavoir  : 


I08  LETTRE 

c(  Pourveu  que  lesdicts  subjects  et  serviteurs  ne  se 
trouvent  chargés  d'aultres  crimes  et  delicts  que  d'avoir 
servi  l'ung  desdicts  princes  contre  l'aultre.  » 

Fault  considérer  si ,  attendeu  que  parmi  ces  absens  il 
y  en  peuit  avoir  qui  sont  preveneus  de  crimes  et  delicts 
aultres  que  d'avoir  servi  les  Espaignols  en  ceste  guerre, 
qu'il  y  en  a  aussi  qui  sont  absens  seulement  pour  avoir 
esté  chassés  du  royaulme,  pour  estre  teneus  factieux; 
fault  voir  s'il  seroit  à  propos  d'adjouster  à  ce  que  dessus 
la  clause  qui  ensuit  : 

«  Et  ne  pourront  neantmoins  rentrer  dans  les  terres, 
pays  et  seigneuries  desdicts  sieurs  roys,  sans  avoir  pre- 
mièrement sur  ce  obteneu  permission  et  lettres  pa- 
tentes de  leurs  majestés,  desquelles  ils  ne  seront  teneus 
de  poursuivre  la  vérification  pardevant  les  courts  et 
officiers  de  leurs  majestés.  » 

C'est  ce  que  nous  avons  peu  adviser  sur  cest  article, 
ou  parce  que  nous  voyons  qu'il  y  aura  beaucoup  de 
difficulté,  et  doublons  fort  qu'ils  le  veuillent  passer  en 
la  sorte  qu'il  est  couché  ci  dessus. 

En  la  mesme  conférence  nous  avons  proposé  aulx- 
dicts  sieurs  ambassadeurs ,  que ,  pour  remettre  toutes 
choses  en  Testai  qu'elles  estoient  lors  du  précèdent 
traicté ,  il  seroit  raisonnable  que  la  ville  de  Cambray 
feust  remise  et  délaissée  au  pouvoir  de  l'evesque  qui  en 
est  le  seigneur  temporel  et  spirituel ,  pour  estre  par 
lui  teneue  et  possédée  comme  ville  neutre  soubs  la 
protection  de  l'empire,  ainsi  qu'elle  estoit  auparavant 
la  construction  de  la  citadelle  ,  laquelle  à  ceste  fin  doibt 
estre  abatteue  pour  obvier  aulx  jalousies  que  la  garnison 
d'icelle  peult  nourrir  sur  la  frontière. 

A  ce  les  ambassadeurs  d'Espaigne  ont  respondeu 
que  la  citadelle  de  Cambray  a  esté  construicte  et  bastie 


A  M.  DE  VILLEROY.  109 

du  temps  de  l'empereur  Charles  H,  sur  le  territoire 
de  Hainault  dont  il  estoit  seigneur  naturel,  confinant 
ledict  territoire  jusques  aulx  murailles  de  Cambray, 
comme  d'ung  aultre  costé  l'ung  des  faulxbourgs  dudict 
Cambray  est  sur  le  territoire  d'Artois;  que  lors  de  la 
paix  dernière  faicte  en  Tan  iSdq,  ladicte  citadelle  es- 
toit  bastie;  partant  que,  pour  ce  regard,  on  ne  peult 
demander  avec  justice  que  l'on  change  maintenant  ce 
qui  leur  estoit  contredict  au  temps  du  dernier  traicté. 

Quant  à  ce  que  nous  demandons,  que  la  ville  de 
Cambray  soit  remise  à  l'evesque,  pour  estre  par  lui 
teneue  soubs  la  protection  de  l'empire,  disent  qu'ils  ont 
pareil  interest  de  nous  demander  que  la  ville  de  Metz 
soit  remise  soubs  la  protection  de  l'empire  pour  l'inte- 
rest  des  pays  du  roy  catholicque,  voisins  dudict  Metz; 
que  la  ville  de  Cambray  a  esté  prise  par  force  par  l'ar- 
mée dudict  sieur  roy  catholicque  sur  celui  qui  l'occu- 
poit  injustement  ;  que  la  ville  et  chapitre  ont  voulleu 
recognoistre  et  adhérer  à  Finjuste  usurpateur,  qui  faict 
que  le  roy  catholicque  pourroit  prétendre  et  soubtenir 
d'estre  bien  fondé  à  se  dire  le  vrai  seigneur  de  ladicte 
ville ,  dont  il  a  la  protection  comme  comte  d'Alost;  en 
vertu  de  laquelle  protection  le  feu  empereur  Charles  II, 
et  depuis  son  successeur,  auparavant  la  rébellion  de 
ladicte  ville  y  a  tousjours  teneu  gardes  aulx  portes, 
oultre  la  citadelle  qu'il  y  avoit  bastie  comme  comte  de 
Hainault. 

Nous  ne  leur  avons  pas  accordé  que  la  citadelle  soit 
bastie  sur  le  territoire  de  Hainault;  la  vérité  est  qu'il 
s'est  dict  des  long  temps,  aulcungs  aussi  ont  dict  le 
contraire  ;  ce  neantmoins  il  est  vrai  que  du  temps  du 
dernier  traicté  ladicte  citadelle  estoit  bastie,  et  long 
temps  auparavant;  et,  depuis  ledict  traicté,  le  roy  ca- 


IlO  LETTRE 

tholicque  est  demeuré  en  ceste  possession  ,  sans  que 
nous  l'ayons  contredicte.  Quant  à  ce  qu'ils  ont  dict  des 
gardes  qui  ont  esté  mises  aulx  portes,  nous  sçavons 
assés  que  ledict  empereur  et  son  successeur  en  ont  usé 
au  préjudice  de  la  neutralité,  en  laquelle,  suivant  les 
anciens  traictés,  ladicte  ville  doibt  estre  teneue  avec  ce 
royaulme  et  les  seigneurs  des  Pays  Bas,  à  laquelle  il 
n'a  poinct  esté  dérogé  par  le  dernier  traicié;  partant 
que  nous  demandons  que  toutes  choses  soyent  remises 
entre  lesdictes  deux  couronnes ,  en  Testât  qu'elles  es- 
toient  lors  dudict  traicté. 

Et  ne  sert  de  rien  ce  que  l'on  allègue,  que  nous  te-  , 
nons  Metz;  car  nous  ne  débattons  pas  ici  les  droicts 
de  l'empire,  mais  nostre  interest  particulier,  qui  est  le 
droict  de  neutralité  qui  ne  nous  peult  justement  ni 
en  aulcune  façon  estre  debatteu. 

Quant  à  ce  qu'ils  disent  que  l'armée  du  roy  catho- 
licque  a  pris  par  force  ladicte  ville  sur  l'injuste  usur- 
pateur ;  que  la  ville  et  chapitre  ont  consenti  à  ladicte 
usurpation;  que  leur  faultes  tombent  sur  eulx,  et 
n'aillent  poinct  plus  avant  que  sur  les  aucteurs.  Par  !a 
paix  les  choses  mal  passées  s'oublient,  et  quand  la- 
dicte ville  et  chapitre  auroient  faict  faulte,  elle  doibt 
estre  à  leur  préjudice  et  non  pas  au  nostre;  car  comme 
il  est  raisonnable  que  nous  rentrions  en  la  possession 
de  Calais  et  Ardres,  aussi  debvons  nous  rentrer  en  la 
possession  dudict  droict  de  neutralité.  D'ailleurs  il  se 
peult  dire,  quand  ladicte  ville  et  chapitre  auroient  faict 
faulte ,  qu'est  ce  que  l'on  peult  imputer  aulx  evesques 
deCambray,  qui  ont  teneu  tousjours  le  parti  et  servi 
le  roi  cathoîicque?  C'est  sans  raison  de  dire  que  ladicte 
ville  peult  appartenir  au  roy  cathoîicque  par  droict  de 
guerre,  pour  ce   qu'il  la  prit  par  force  sur  l'injuste 


A  M.  DE   VILLEROY.  i  1 1 

usurpateur.  Le  roy  Henry  II  prit  Albe  et  Casai  au  Mont- 
ferrat  sur  les  Espaignois,  qu'ils  avoient  usurpé  sur  le 
duc  de  Mantoiie,  marquis  de  Montferrat  ;  pour  cela  il 
n'est  pas  dict  qu'il  estoit  raisonnable  que  ledict  duc  les 
perdist;  il  les  lui  a  restituées  de  bonne  foi.  Aultrement 
qu'ung  voleur,  par  le  commandement  d'ung  prince 
puissant,  occupe  une  place,  que  ce  prince  la  reprenne 
sur  le  voleur,  il  aura  trouvé  moyen  d'occuper  sur  les 
seigneurs  légitimes  les  places  qu'il  estimera  lui  eslre 
commodes. 

A  ce  ils  ont  respondeu  que  l'evesque  de  Cambrav 
jouit  entièrement  des  reveneus  de  l'evesché  et  de  sa 
jurisdiction;  que,  s'il  y  a  quelque  différend  entre  le 
roy  catholicque  et  ledict  evesque,  il  s'accommodera 
aiseement  par  Tauctorité  du  pape  qui  s'en  est  entremis.. 

Nous  avons  dict  que  nous  n'entendons  que  l'accord 
entre  ledict  sieur  roy  et  l'evesque  de  Cambray  puisse 
prejudicier  aulx  droicts  de  ceste  couronne,  et  esté  en 
nostre  pouvoir  de  tirer  deux  aultres  responses.  Ainsi 
signe,  Bellievre,  Brulart. 

Du  26  fcbvrier  i5q8. 


h.-^ '^/^«^  %^%.  ■%,  ««.^^^  ^.^«^  <«,'«,^  <%  ^hf^,,^  «/^-^  .^,,^^  ^,,^^  .^.^^.^  ^  ,^^^  f^,^^^ 


LUI. —  LETTRE  DE  M.  DE  ROHAN 
A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  vous  eussiés  faict  tort  à  mon  affection, 
si  vous  ne  m'eussiés  faict  Tbonneur  de  désirer  que  je 
m'employasse  en  l'affaire  qui  a  amené  M.  de  Picrrefite 
ici;  et  eusse  pris  autant  de  subject  de  m'en  plaindre 
et  de  le  vous  reprocber,  comme  j'en  ai  de  vous  y  ser- 
vir; et  quand  vous  ne  vous  feussiés  soubveneu  de  moi 


ÏI2  LETTRE  DE  M.  DE  ROHA.N ,  etc. 

en  cela,  je  n'eusse  laissé  de  vous  y  faire  paroistre  la 
mémoire  que  j'ai  tousjours  de  mes  parens,  et  l'envie 
que  j'ai  de  me  pouvoir  voir  content,  au  contentement 
que  la  justice  nous  doibt  rendre  en  la  poursuite  et  pu- 
nition de  vos  ennemis ,  de  qui  la  lascheté  s'est  autant 
rendeue  digne ,  qu'elle  est  indigne  d'estre  poursuivie 
par  les  armes.  Je  vous  dirai,  monsieur,  qu'après  avoir 
esté  trouver  M.  de  Rheims  et  tous  vos  aultres  amis ,  il 
feut  resoleu  que  M.  de  Rhosny  demanderoit  à  sa  ma- 
jesté si  elle  auroit  agréable  que  nous  l'allassions  trou- 
ver tous  ensemble  :  ce  qu'il  feit  hier;  et  elle  lui  res- 
pondit  qu'il  n'en  estoit  poinct  de  besoing,  et  qu'elle 
avoit  autant  que  nous  cest  affaire  en  recommandation. 
Si  ce  n'estoit  mon  prince,  je  lui  eusse  disputé  cela; 
car  je  ne  souffrirai  jamais  que  personne  puisse  ni  em- 
porter le  prix  sur  mon  affection ,  ni  égaler  la  bonne 
volonté  de  demeurer,  monsieur,  vostre  bien  humble 
et  affectionné  cousin  à  vous  servir. 

Henry  de  Rohan. 
Du  . .  febvrier  1698. 


LIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M' AMIE,  entre  ci  et  Amboise,  j'ai  sceu  que  le  roy 

y  disne  demain.  Je  m'en  suis  veneu  à  Escure  attendre 

le  roy  au  passage,  vers  lequel  j'ai  envoyé  Marbaut  en 

poste,  lequel  me  dira  ceste  nuict  ce  que  j'aurai  à  faire. 

Nous  nous  portons  tous  bien ,  grâces  à  Dieu.  Sa  majesté 

pourra  aller  demain  à  Ghenonceaux.  C'est  en  haste.  Je 

t'embrasse ,  etc. 

D'Escure,  ce  vendredi  V^  mars  iSgS ,  à  six  heures  du  soir. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  ii3 

LV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

yé  sa  femme, 

M' AMIE,  hier  je  rencontrai  sa  majesté  a  une  lieue 
de  Biois ,  sur  l'eau,  où  elle  me  feit  cest  honneur  de 
me  recevoir  en  son  bateau  avec  nostre  fils,  et  eus  loisir 
de  l'entretenir  jusqu'à  Amboise ,  et  du  public  et  du 
particulier.  Le  visage  feut  fort  bon  et  les  paroles  de 
mesme.  M.  d'Espernon  y  estoit,  qui  feut  cause  que  le 
roy  ne  parla  de  ce  qui  s'estoit  passe  entre  nous.  Le  jour 
précèdent,  ledict  sieur,  sur  ce  que  le  roy  disoit  à  ung 
chacung  que  je  le  venois  trouver  ,  en  tesmoignant 
quelque  contentement,  lui  dict  qu'il  a  voit  à  se  plaindre 
de  moi  et  s'en  expliqua.  Le  roy  lui  respondit  avec 
beaucoup  de  vigueur  jusqu'à  ces  mots,  qu'il  ne  trou- 
voit  pas  estrange  ce  que  j'avois  faict,  veu  qu'il  verroit 
de  Bourg,  etc. ,  dont  tu  ne  feras  pas  semblant.  Je  pense 
qu'à  six  heures  il  nous  fera  parler  ensemble,  à  quoi  il 
estoit  fort  disposé  par  MM.  de  Schomberg  et  de  Ro- 
quelaure.  Pour  nostre  principal ,  me  monstrant  madame 
la  duchesse,  il  me  dict  :  Voilà  ung  des  bons  gensd'armes 
que  vous  ayés  pour  vostre  affaire;  et  de  ce  pas  il  entra 
en  propos.  Il  en  avoit  consulté  une  heure  le  jour  pré- 
cèdent avec  MM.  de  Schomberg  et  de  Villeroy,  et  en 
feut  le  résultat  tel  que  si,  dedans  ung  jour  qui  seroit 
prefix,  Sainct  Phal  ne  se  resolvoit  d'en  passer  par  l'expé- 
dient duquel  tu  as  ouï  parler  pour  me  debvoir  la  vie  et 
l'honneur,  il  donneroit  d'ores  et  deçà  commandement 
à  M.  de  Villeroy  d'escrire  à  ses  gens  qu'ils  se  feissent 
partie,  et  à  M.  le  premier  président  qu'il  feist  justice. 

MÉM.  DE  D^TLESSIS-MORKAY.  ToMF.  VHT,  8 


Il4  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

Nous  estions  en  lieu  si  estroict  et  si  près  de  personnes, 
qu'il  n'estoit  à  propos  qu'ils  ouïssent  mes  répliques, 
que  j'en  tus  plusieurs  choses  que  je  dirai ,  aidant  Dieu, 
aujourd'hui.  Tant  y  a  que  tous  ceulx  à  qui  je  parle 
me  tesmoignent  qu'il  parle  lousjours  de  mesme.  A  Am- 
boise  il  disna  au  chasteau,  et  aussitost  alla  à  Chenon- 
ceaux ,  et  M.  de  Schomberg  et  moi,  par  son  comman- 
dement, vinsmes  coucher  en  ceste  ville,  sa  majesté 
mettant  toustefois  à  nostre  choix  de  le  suivre  là;  mais 
j'eus  esgard  que  je  ne  pourrois  avoir  près  de  moi  mes 
amis ,  n  ayant  qu'une  chambre  au  chasteau  et  eulx  à 
Bleray  ;  ce  que  je  ne  trouvai  convenir.  En  oultre,  je 
vouliois  aussi  entendre  toutes  choses  plus  au  long  par 
M.  de  Schomberg ,  pour  estre  mieux  instruict  quand 
j'aurai  à  parler  à  sa  majesté  pour  le  particulier.  Il  est 
en  bon  train  et  fais  estât  de  faire  assigner  les  trente 
mille  livres  payables  en  trois  ans  au  plus,  avec  et  par 
mesme  moyen  que  les  garnisons  de  la  relligion.  J'ai 
aussi  desjà  fort  ébauché  les  difficultés  qui  restoient  à 
Chastellerault ,  et  en  espère  bien.  Sa  majesté  sera  ici 
ce  soir.  Il  est  encores  incertain  si  elle  ira  demain  à  Saul- 
mur;  mais  je  fais  estât  d'y  estre  demain,  aidant  Dieu. 
La  court  est  petite  :  il  n'y  a  que  MM.  de  Rohan ,  d'Es- 
pernon,  de  Roquelaure,  de  Schomberg,  de  Sancy,  de 
Yilleroy,  de  Gesvre ,  de  Chasteauvieulx  ,  peu  d'aultres. 
Nous  ferons  conserver  la  maison  de  ville  pour  MM.  de 
Schomberg  et  les  presidens.  Je  crois  quil  y  fauldra 
quelques  licts  de  plus  ;  mais  M.  de  Schomberg  ,  qui  en- 
"voye  ses  officiers  devant  à  Angers,  s'attend  que  nous 
le  défrayerons  en  la  maison  de  ville  ;  à  quoi  je  te  prye 
de  pourvoir  au  mieulx  qu'il  sera  possible,  et  pour  ça 
je  t'envoye  Courville  ,  car  je  n'ai  peu  me  passer  de  Ca- 
seaux.  Il  fauldra  tenir  toute  Tartillene  preste.  On  nous 


A  MADAME  DUPLESSIS.  l  i  5 

demandera  force  pour  les  trains ,  et  fauldra 

s'en  excuser  tant  qu'on  pourra  ;  aussi  n'y  a  il  pas  grand 
danger.  Mais  nous  aurons  le  soing  que  sa  majesté 
voye  nos  hommes.  Est  besoing  aussi  que  le  receveur 
Benoist  distribue  les  corselets  et  cuirasses  et  nos  mo-' 
rions  aulx  soldats,  afin  qu'ils  se  voyent  en  bon  contre. 
J'arriverai  devant  pour  pourvoir  au  surplus.  On  doubte 
si  madame  de  Beaufort  s'arrestera  pour  quelques  jours 
ici,  M.  de  Sancy  m'a  mandé  qu'il  me  viendroit  voir. 
C'est  la  court;  mais  il  n'en  fault  faire  semblant.  M.  de 
Rhosny  faict  tout  en  finances  ;  il  n'y  sera  de  dix  à 
douze  jours.  Mon  nepveu  de  Vaurelaz  aussi  n'y  est 
poinct.  La  Vignole  s'en  est  retourné  par  le  logis  de 
son  beau  père. 

Présentement  arrive  Barbenoire  ,  qui  m'estoit  allé 
chercher  à  Ghenonceaux.  Il  me  met  en  grande  peine 
de  ta  santé  par  tes  lettres,  et  sur  ce  poinct  rien  ne 
me  contente.  Cest  hyver  pluvieux  nous  a  faict  bien  du 
mal ,  et  ceste  paralysie  s'en  est  augmentée.  D'ailleurs ,' 
ces  sollicitudes  qui  nous  viennent  ne  nous  amendent 
pas.  Ce  n'a  pas  esté  une  petite  fascherie  que  de  ces 
trouppes  de  M.  de  Miossans.  Nostre  amitié  requeroit 
mieulx  que  cela.  J'ai  desjà  parlé  à  M.  de  Schomberg 
du  faict  du  sieur  Macé  ;  et  ce  soir  verrai  M.  de  Villeroy 
là  dessus.  Nous  aurons  assignation  de  six  vingt  dix  mille 
livres  pour  nos  ministres  :  ce  que  je  te  responds  sur 
ce  que  tu  me  dis  de  M.  de  La  Noue;  mais  on  n'a 
poinct  encores  advisé  comme  ceste  somme  seroit  dis- 
tribuée. Elle  nous  viendroit  bien  à  propos.  Je  retiens 
Estienne  pour  te  le  despescher  peult  estre  dans  ce 
soir.  Je  renvoyé  meschevaulx,  et  Brouard  les  conduict, 
par  lequel  je  viens  présentement  de  sçavoir  que  le  roy 
ne  sera  que  demain  ici,  et  court  aujourd'hui  ung  cerf 


Il6  LETTRE  DE  M,  DUPLESSIS 

à  Chenonceaux.  Je  pense  qu'il  nous  fault  préparer  eu 
sorte  que  si  le  roy  se  pryoit  à  souper  à  son  arrivée  à 
la  maison  de  \iile,  il  le  puisse  faire  sans  toutesfois 
parler  de  lui.  D'ailleurs  j'ai  pensé  que  tu  pourrois  avoir 
besoin  d'Estienne ,  pour  l'envoyer  deçà  et  delà.  Je  te 
le  renvoyé  et  Barbenoire  aussi ,  qui  aidera  à  ramener 
mon  équipage,  et  te  despescherai  demain  ung  lacquais, 
comme  je  désire  fort  aussi  des  nouvelles  de  ta  santé 
vraies  dans  demain  au  soir.  Si  on  pouvoit  faire  pré- 
parer par  nos  gens  de  dessus  les  ponts  quelques  pe- 
tites pataches  pour  accompaigner  le  roy  à  Angers  :  il 
m'en  a  parlé  et  trouve  fort  à  propos,  M.  Niotte  mesna- 
gera  bien  cela.  Je  t'embrasse,  etc. 

De  Tours,  ce  2  mars  1598. 


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LVI.  —^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  sa  femme. 

M^AMiE ,  je  ne  pensois  pas  de  te  donner  tant  de 
peine,  quand  je  t'ai  escrit  d'accommoder  M.  de  Schom- 
berg  et  MM.  les  presidens  en  la  maison  de  ville.  La  vérité 
est  qu'en  a  fort  pressé  et  en  a  parlé  aulx  marescliaulx 
de  logis  du  roy.  Je  n'ignorois  pas  que  ce  ne  pouvoit 
estre  sans  incommodité,  et  y  plaignois  fort  ta  santé; 
mais  on  a  bien  de  la  peine  à  contenter  ung  cbacung. 
Si  dextrement  on  y  peult  faire  loger  le  roy,  j'en  serai 
bien  aise  et  le  laisse  à  ta  conduicte.  Le  roy  arrive  ce 
soir;  M.  de  \^illeroy,  à  ma  pryere,  ce  matin,  et  disne- 
rons  ensemble.  Sa  majesté  séjournera  deux  jours  en 
ceste  ville,  qui  seroit  pour  n'arriver  que  jeudi  à  Saul- 
mur ,  OLi  le  séjour  sera  au  plus  d'ung  jour.  J'eusse  bien 


A  MADAME  DUPLESSIS.  117 

esté  à  Clienonceaux,  mais  nos  amis  eussent  esté  in- 
commodés et  à  Bleray,  et  le  roy  n'y  a  faict  que  chasser. 
Je  vouldrois  bien  que  tu  tempérasses  ces  appréhen- 
sions qui  nuisent  à  ta  santé  infiniment,  et  ne  mettent 
pas  peu  en  peine.  J'essayerai  d'arriver  à  Saulmur  ung 
jour  devant  le  roy.  La  Vignole  a  voulleu  s'en  retour- 
ner. Ce  sont  gens  qu'on  ne  retient  pas  comme  on  veult. 
Je  t'ai  escrit  amplement  ce  matin  par  M.  Paulet.  Je 
t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur,  ne  te  dissi- 
mulant poinct  que  je  suis  affligé  de  ton  indisposition 
et  trop  de  sollicitude.  Dieu  nous  en  soulagera  quand 
il  lui  plaira  ,  lequel  je  supplie  ,  m'amie,  qu'il  te  garde 
et  conserve. 

De  Tours,  ce  'i  mars  iSgS. 

Quand  je  t'ai  escrit  que  le  roy  pourroit  souper  à  la 
maison  de  ville,  j'ai  entendeu  à  l'improviste,  comme 
il  faict  souvent  quand  il  arrive  tard.  Mande  moi  s'il 
fault  avoir  quelque  cbose  d'ici.  Je  t'enverrai  demain 
Caseaux.  Je  dirai  à  M.  de  Schombcrg  que  tu  m'as 
mandé  que  tu  as  faict  desmeubler  la  maison  de  ville, 
pour  y  loger  le  roy  et  accommoder  MM.  les  presîdens 
en  ung  logis  proche  du  chasteau ,  que  tu  leur  as  faict 
meubler. 

LVII.  -.  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  présentement  j'ai  sceu  que  M.  de  Bouillon 
arrive  aujourd'hui  à  Saulmur.  MM.  les  députés  du 
roy  aussi,  et  les  nostres  de  l'assemblée  :  sçavoir,  MM.  de 
Constant,  de  La  Mothe  Charnier  et  Cazes,  avec  pouvoir 


1  1 8  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

de  conclure.  C'est  la  suite  de  ce  que  j'ai  apporté  et 
assuré  au  roy.  Il  nous  fault,  quoiqu'il  en  soit,  saulver 
la  maison  de  ville  pour  M.  de  Schomberg  et  ses  con- 
sors ,  comme  les  mareschaulx  des  logis  en  ont  charge. 
Je  sçais  que  tu  n'es  sans  peine;  mais  ce  n'est  d'aujour- 
d'hui que  tu  m'as  soulagé  en  semblables.  Il  est  vrai 
que  tes  maladies  requieroient  plus  de  tranquillité.  Le 
roy  disnera  demain  ici.  J'escris  à  M.  de  Bouillon.  Je 
t'embrasse. 

De  Tours ,  ce  i  mars  1 5g8. 


LVIII. —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  je  t'escrivis  hier  amplement;  mais  je  ne 
puis  perdre  la  commodité  de  M.  Paulet  qui  t'a  voul- 
leu  voir.  Il  cherche  parti ,  et  je  le  lui  vouldrois  bien 
trouver  a  son  contentement.  MM.  de  Bouillon  et  de 
La  Tremouille  arrivèrent  hier  au  soir,  et  ce  matin  sont 
allés  trouver  le  roy.  Ils  y  receurent  bon  visage.  Vous 
aurés  des  hier  eu  M?^I.  les  presidens  et  nos  dépu- 
tés. La  maison  de  ville  nous  sera  réservée  pour  MM.  de 
Schomberg ,  et  pour  lesdicts  sieurs  presidens.  Le  roy 
sera  ici  à  ce  soir.  M.  de  Villeroy  a  disné  à  ma  pryere , 
afin  de  conférer  de  nos  affaires  avec  lui.  Tout  s'éboule 
en  Bretaigne  ;  Ancenis  a  composé  ;  Rochefort ,  Fou- 
gères ,  Vannes,  Hannebon ,  Craon  et  plusieurs  autres, 
parties  ont  traicté ,  parties  traictent ,  ce  qui  toutesfois 
ne  doict  encores  estre  divulgué.  Je  pense  que  la  guerre 
ne  s'y  fera  qu  en  housse.  Madame  de  Mercœur  vient 
les  mains  jointes.   La  resolution  est  que  monseigneur 


A  MADAME  DTJPLESSIS.  lUj 

quittera  le  gouvernement  de  Bretaigne,  remettra  le 
chasteau  de  Nantes  ,  et  chacung  en  sa  maison  ;  rien  aul- 
trement.  Je  trouvai  hier  M.  d'Elbœuf  qui  m'offrit  sa 
vie  et  son  espee  ,  et  ses  amis,  avec  une  affection. 
Je  ferai  en  sorte  que  le  roy  le  sçache.  Je  plains  extres- 
mement  tes  maulx ,  mesmes  en  ceste  occasion.  Je  pré- 
viendrai le  roy  de  quelques  heures.  Nous  ne  l'aurons 
que  mercredi  à  Saulmur.  S'il  y  survient  changement, 
aussitost  je  t'en  advertirai.  On  est  encores  en  doubte  si 
madame  la  duchesse  ira ,  ou  si  elle  attendra  quelques 
jours  en  ceste  ville.  Je  t'embrasse,  etc. 

De  Tours ,  le  lundi  3  mars  iSgS,  à  huict  heures  du  matin. 

Nostre  affaire  de  la  relligion  ,  sans  doubte,  se  con- 
clura. J'en  escris  ung  mot  à  MM.  les  députés;  M.  le 
chancellier  arriva  hier  à  Clienonceaux. 


LIX.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sûleiy  au  roy. 

Sire  ,  nous  remercions  très  humblement  vostre  ma- 
jesté de  la  faveur  qu'elle  nous  a  faicte,  agréant  l'hum- 
ble service  que  nous  lui  avons  peu  faire  en  ce  com- 
mencement de  negotiation  de  paix  ;  suivant  son  com- 
mandement ,  nous  avons  mis  en  peine ,  auparavant 
qu'elle  s'esloingnast  de  ces  quartiers  pour  son  voyage 
de  Bretaigne,  de  l'esclaircir  de  l'intention  des  Espaignols 
au  faict  de  ceste  paix  ,  en  quoi ,  comme  nous  estimons, 
il  y  a  quelque  lumière,  sans  que  nous  soyons  engages, 
ni  ayons  oultre  passé  d'une  seule  lettre  l'instruc- 
tion que  vostre  majesté  nous  a  faict  bailler.  Ce  matin 
avons  visité  M.   le  légat ,   afin   de  le  rendre  capable 


120  LETTRE 

des  bonnes  intentions  de  vostre  majesté,  et  qu'il  nous 
aidast  à  disposer  les  ambassadeurs  d'Espaigne  de 
ne  prendre  pour  longueur  ou  refroidissement  ce  que 
vostre  majesté  désire  estre  pourveu  au  defïault  qui  se 
trouve  au  pouvoir  qu'ils  ont  ici  apporté  pour  n^gotier 
avec  la  royne  d'Angleterre.  Il  semble  qu'en  cela  nous 
n'avons  pas  perdeu  nostre  peine ,  se  monstrant  ce  bon 
prélat  très  devotieux  à  vous  faire  tout  le  service  qui 
peult  despendre  de  lui.  Nous  nous  sommes  trouvés 
ceste  après  disnee  en  son  logis  avec  lesdicts  ambassa- 
deurs ,  aulxquels  nous  avons  faict  entendre  le  som- 
maire du  conteneu  en  la  lettre  de  vostre  majesté ,  leur 
remonstrant  vivement  combien  elle  se  monstroit  affec- 
tionnée à  la  conclusion  de  ceste  paix  ,  suivant  la  bonne 
instruction  qu'il  lui  a  pieu  nous  donner  par  sadicte 
lettre;  à  quoi  ils  nous  ont  faict  une  honneste  response, 
et  se  sont  fort  estendeus  sur  ce  qu'ils  jugent  de  ce  qui 
leur  a  esté  par  nous  proposé;  mais  d'autant  qu'ils  ont 
dict  en  voulloir  délibérer  par  ensemble,  et  que  demain 
ils  nous  feront  response,  nous  différons  d'en^scrire  à 
vostre  majesté ,  jusques  à  ce  qu'ayons  sceu  quelle  est 
en  cela  leur  resolution. 

Ce  propos  fini,  ils  nous  ont  demandé  si  nous  avons 
obteneu  de  vostre  majesté  le  passeport  dont  ils  nous 
ont  requis  pour  envoyer  à  M.  de  Mercœur;  nous  avons 
dict  que  vostre  majesté  nous  a  sur  ce  faict  entendre 
son  intention,  qui  est  de  ne  l'accorder  en  aulcune 
sorte ,  dont  l'ung  et  l'aultre  des  deux  ambassadeurs  se 
sont  pîaincts  grandement,  rcmonstrans  qu'il  y  a  trop 
d'inégalité  que  vostre  majesté  veuille  que  pour  son 
honneur  tous  les  confédérés  soient  compris  en  ceste 
paix  ;  qu'ils  peuvent  dire  avec  autant  de  raison  les 
HoUandois  rebelles  du  roy  catholicque  leur  maistre, 


AU  ROY.  I5î 

que  vostre  majesté  tient  et  déclare  pour  rebelle  le 
duc  de  Mercœur  ,  et  qu'en  cela  il  y  va  trop  avant  de 
l'honneur  de  leur  maistre;  que  nous  traictons  mainte- 
nant d'unir,  reconcilier  et  confederer  ave4:  vostre  ma- 
jesté, fequel  nous  debvrions  respecter  plus,  comme  ils 
feront  de  leur  part,  tout  ce  qui  concernera  Thonneur  et 
le  respect  qui  est  deu  à  vostre  majesté. 

Ce  propos  a  esté  long,  et  n'avons  pas  esté  courts 
en  response,  qui  a  esté  en  somme,  que  vostre  majesté 
est  du  tout  resoleue  de  n'accorder  poinct  ledict  passe- 
port ;  que  nous  ne  voyons  poinct  que  ledict  sieur  de 
Mercœur  les  ait  requis  de  faire  ceste  poursuite  pour 
lui,  qfî'au  contraire  nous  avons  sceu  de  bonne  part 
qu'il  a  faict  dire  à  vostre  majesté  qu'il  aimeroit  mieulx 
perdre  son  gouvernement  que  de  le  conserver  par  le 
moyen  des  Espaignols  ;  que  maintenant  que  nous  traic- 
tons de  le  faire  comprendre  en  ceste  paix,  nous  tenons 
son  traicté  pour  tout  faict  avec  vostre  majesté  ,  qui  en 
usera  benignement  en  son  endroict,  comme  elle  a  faict 
envers  tous  les  aultres  ;  à  quoi  nous  avons  adjousté 
une  raison  que  nous  estimons  fort  considérable ,  c'est 
que,  demeurant  ledict  duc  de  Mercœur  en  vertu  de  ce 
traicté  gouverneur  de  Bretaigne,  il  tiendroit  ceste 
obligation  du  roy  d'Espaigne,  et  vostre  majesté  veuît 
avec  toute  raison  qu'il  la  recognoisse  d'elle  seule  ; 
d'ailleurs  vostre  majesté,  se  resolvant  pour  ung  bon 
coup  à  la  paix,  ne  veult  poinct  laisser  de  prise  ni 
d'occasion  de  revenir  à  la  guerre,  ce  qui  se  peult 
craindre  ,  comprenant  en  ceste  paix  ledict  duc  de  Mer- 
cœur; advenant  qu'on  ne  le  contentast  en  quelque  de- 
mande ,  il  pourroit  dire  au  roy  d'Espaigne  qu'on  ne 
lui  observe  pas  la  paix;  le  semblable  ne  se  peult  pas 
dire  des  Provinces  Viiies  ;  car  cest  ung  estât  formé  et 


î'2i  LETTRE 

puissant  que  le  roy  d'Espaigne  ne  désire  pas  moins 
estre  compris  en  ce  traicté  que  nous  mesmes  ,  et  pres- 
que sans  la  bonne  aide  et  auctorité  de  vostre  majesté, 
il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'ils  y  puissent  entrer  ;  qu'il 
y  a  grande  différence  entre  lesdictes  provinces  si  puis- 
santes ,  et  ledict  duc  de  Mercœur,  qui  n'a  peult  estre 
pas  en  sa  puissance  à  l'heure  que  nous  parlons  une  seule 
A'ille  h  laquelle  il  commande  absolument;  que  les  princes 
quand  il  y  a  en  leurs  estatsune  grande  soublevation  sont 
conseillés  de  faire  ung  edict  de  paix  ;  si  le  nombre 
n'en  est  pas  grand,  ils  les  font  punir  par  justice.  Geste 
affaire  longuement  desbatteue  de  part  et  d'aultre , 
nous  sommes  demeurés  en  nostre  resolution  :  ils  nous 
ont  pryé  de  nous  voulloir  modérer. 

Apres  cela,  ils  ont  parlé  de  M.  de  Savoye ,  et  nous 
ont  déclaré  expresseement  qu'ils  n'ont  pouvoir  de 
traicter  sans  le  comprendre  en  la  paix,  disant,  oultre 
plusieurs  aultres  raisons,  qu'il  est  du  sang,  et  que  leur 
maistre  ne  le  peult  abandonner;  nous  avons  dict  que 
s'il  faict  ce  qu'il  doibt  envers  vostre  majesté,  qu'il  en 
doibt  attendre  tout  bon  et  favorable  traictement. 

Sire,  suivant  la  resolution  qui  feut  prise  hier,  nous 
nous  sommes  assemblés  cejourd'hui ,  22  de  ce  mois  dé 
febvrier,  chés  M.  le  légat.  La  response  des  ambassa- 
deurs d'Espaigne ,  à  ce  que  nous  leur  proposasmes 
hier,  a  esté  qu'ils  s'accordoient  à  ce  qui  leur  feut  hier 
par  nous  proposé;  qu'ils  trouvoient  bon  d'envoyer  en 
Espaigne  courrier  exprès ,  pour  obtenir  le  pouvoir  du 
roy  d'Espaigne,  dont  vostre  majesté  estime  que  la 
royne  d'Angleterre  vouldra  estre  asseuree  auparavant 
que  d'envoyer  ici  les  députés;  que  par  mesme  moyen 
ledict  seigneur  roy  sera  supplié  d'envoyer  le  contresigné 
à  dom  Jean  d'Aquila ,  avec  commaiidement  de  restituer 


AU  ROY.  J2J 

Blavet,  ainsi   qu'il  lui   sera  ordonné  par  le   cardinal 
d'Autriche.  Se  serviront  du   passeport  qu'il  a  pieu  a 
vostre  majesté  nous  envoyer  par  le  courrier  qu'ils  des- 
pescheront  en  Espaigne,  qui  sera,  comme  nous  avons 
dict,  accoTPnaiçfné  de  l'unir   des   vostres:  ils   avoient 
desjà  ici  les  lettres  dudict  cardinal  pour  obtenir  ledict 
pouvoir  ;  mais  ils   *^onl  contraincts  de   renvoyer  par 
devers  lui  à  ce  qu'il  escrive  aussi  en  Espaigne   pour 
avoir  le  contresigne  de  Blavet,  ce  qui  pourra  retarder 
le  partemcnt  de  leur  courrier  de  trois  ou  qualtre  jours. 
Ils  sont  aussi  de  mesme  advis  que  nous  debvons  cepen- 
dant traicter  et  prendre  résolution  sur  tous  les  articles 
qui  seront  escrits  et  signés  de  part  et  d'aultre,  et  qu'il 
se  puisse  ci  après  venir  à  nouvelles  demandes,  con- 
sentant que  ledict  escrit  soit  mis  entre  les  mains  de 
M.  le  légat,  et  teneu  secret  jusques  au  jour  que  nous 
en  consentirons  la  publication;  qui  est,  comme  nous 
estimons ,  le  plus  sage  expédient  qui  se  pouvoit  prendre 
en  cest  affaire. 

Ce  propos  achevé,  ils  ont  recommencé  à  parler  de 
M.  de  Mercœur,  et  ont  dict  que  ce  refus  pourroit  ap- 
porter longueur  à  ce  traicté.  Nous  nous  sommes  remis 
à  ce  qui  leur  feut  dict  hier  de  l'intention  de  vostre 
majesté,  les  pryant,  puisque  ledict  duc  a  traicté  deux 
ans  avec  vostre  majesté  sîins  les  appeller,  qu'ils  trou- 
vent bon  que  nous  traictions  ung  mois  ici  sans  lui, 
tenant  pour  certain  que  ce  qu'il  a  à  traicter  avec  vostre 
majesté  sera  achevé  en  moins  de  temps ,  remonstrant 
qu'il  ne  fault  pas  espérer  qu'estant  desjà  bien  avant 
sur  le  chemin  de  Bretaigne,  et  ayant  despensé  plus  de 
trois  cens  mille  escus  pour  le  payement  de  l'armée 
qu'elle  y  faict  acheminer,  que  sur  Tadvis  que  nous  lui 
donnerons  sur  la  demande  que  pour  ce  regard  ils  nous 


Î24  "   LETTRE 

font,  qu'elle  veuille  rompre  ne  différer  son  entreprise; 
que  ce  qu'ils  demandent  pour  ledict  duc  de  Mercœur 
le  rendroit  tousjours  suspect  à  \ostre  majesté,  et  lui 
porteroit  trop  de  préjudice. 

Ils  ont  aussi  remis  le  propos  touchant  M.  de  Savoye, 
nous  déclarant  ouvertement  qu'ils  ne  peuvent  rien 
traicter  sans  lui;  et  sur  ce  ,  nous  dirons  à  vostre  majesté 
que  de  tout  ce  qui  nous  reste  à  negotier  avec  les  am- 
bassadeurs d'Espaigne,  soit  des  affaires  de  vostre  ma- 
jesté, soit  de  ce  qui  concerne  la  royne  d'Angleterre  et 
Provinces  Unies,  il  n'y  a  rien  qui  nous  donne  plus  de 
craincte  de  voir  rompre  ceste  negotiation  ,  que  le  faict 
dudict  sieur  duc  de  Savoye  ;  car,  du  surplus  que  vostre 
majesté  demande,  on  en  peult  sortir  d'une  sorte  ou 
d'aultre. 

Quant  à  ladicte  royne  et  provinces ,  faisant  ce  à 
quoi  vostre  majesté  est  obligée,  comme  elle  faict,  elle 
en  demeure  deschargee  devant  Dieu  et  devant  les 
hommes;  mais  pour  le  regard  dudict  duc,  par  ce  qui 
nous  est  rapporté ,  il  se  fîict  entendre  qu'il  ne  veuk 
en  aulcune  sorte  restituer  le  marquisat  de  Saluées. 
Toutesfois ,  sire ,  n'ayant  encores  sceu  que  portera  son 
ambassadeur,  que  nous  attendons  ici  de  jour  à  aultre, 
nous  remettons  à  nous  en  resouldre  et  donner  advis  à 
vostre  majesté  ,  après  que  nous  l'aurons  ouï. 

Sire,  nous  nous  sommes  derechef  assemblés  le  24 
de  ce  mois  de  febvrier  et  aultres  suivans  ,  où  nous 
avons  traicté  bien  avant,  avec  lesdicts  sieurs  ambassa- 
deurs d'Espaigne ,  de  tout  ce  dont  il  a  pieu  à  vostre 
majesté  de  nous  charger.  Les  affaires  ont  esté  fort  de- 
batteus  de  part  et  d'aultre,  sans  neantmoins  que  nous 
ayons  encores  resoîeu  de  signer  les  articies,  pour  ce 
principalement  que  le  faict  M.  de  Savoye  n'est  vuidc. 


AU  ROY.  1^5 

n'estant  pas  eu  leur  pouvoir  de  conclure  ceste  paix: 
sans  l'y  comprendre;  et  attendant  la  veneue  dudict 
ambassadeur,  nous  avons  employé  le  temps  à  resouldre 
les  demandes  de  voslre  majesté,  ainsi  qu'il  lui  plaira 
de  voir  par  Tcficrit  que  lui  envoyons  avec  la  présente, 
auquel  nous  avons  mis  fidèlement  les  raisons  qui  ont 
esté  deduictes  de  part  et  d'aultre;  en  quoi,  sire,  si 
nous  avons  satisfaict  au  désir  de  vostre  majesté,  nous 
nous  estimerons  heureux;  bien  Tasseurerons  nous  qu'il 
n'a  esté  en  nostre  pouvoir  de  mieulx  faire  ;  et,  après  une 
si  longue  dispute,  n'avons  pas  opinion  qu'il  s'y  puisse 
rien  adjouster. 

Sire ,  lesdicts  ambassadeurs  d'Espaigne  et  nous 
feusmes  assemblés  cbés  M.  le  légat  le  dernier  du  mois 
passé,  1*'  et  3  de  ce  mois  de  mars,  où  le  marquis 
de  Lullin,  ambassadeur  de  M.  de  Savoye ,  s'est  trouvé, 
qui  a  insisté  ,  et  les  ambassadeurs  d'Espaigne  avec 
lui,  que  vostre  majesté  est  obligée  de  promesse  à  l'ob- 
servation de  ce  qiîi  est  en  certain  escrit  qui  feut  baillé, 
par  son  commandement,  à  celui  par  lequel  le  sieur 
Jacob  envoya  la  response  dudict  sieur  duc,  qu'il  reçut 
sur  la  montaigne  de  Tarare,  en  retournant  en  Savoye; 
ii  n'y  a  poinct  eu  plus  de  contention  sur  article  qui  ait 
esté  proposé  que  cestui  ci.  Les  ambassadeurs  d'Es- 
paigne et  de  Savoye  disent  de  ne  pouvoir  resouldre  la 
paix  sans  ledict  duc  de  Savoye,  qui  est  du  sang,  au- 
quel sa  femme  l'infante  a  laissé  neuf  enfans,  petits  fils 
de  leur  maistre  le  roy  catholique,  que  pour  rien  du 
monde  ne  les  vouldra  abandonner.  En  somme,  sire, 
comme  nous  avons  preveu  des  le  commencement,  nous 
trouvons  ce  passage  le  plus  fascheux  de  toute  ceste 
negotiation,  et  avons  sceu  d'ung  ami  que  ledict  duc 
de  Savoye  a  des  lettres  dudict  roy  catholique,  qui  lui 


^26  LETTRE 

a  ci  devant  conseillé  de  ne  restituer  en  aulcune  sorte 
ledict  marquisat  de  Saluées.  Tellement,  sire,  qu'il  y  a 
apparence  que  tout  ce  qui  a  esté  traicté  jusques  a  pré- 
sent est  en  vain ,  si  l'on  ne  trouve  quelque  expédient 
pour  surmonter  ceste  difficulté.  Il  seroit  trop  long  de 
mettre  en  ceste  lettre  tout  ce  que  sur  ce  subject  a  esté 
dict  de  part  et  d'aultre;  il  en  a  esté  dressé  ung  mé- 
moire que  nous  avons  mis  avec  la  présente,  qu'il  plaira 
à  vostre  majesté  de  considérer.  Apres  une  longue  dis- 
pute, le  père  gênerai  des  cordeliers,  en  ayant  conféré 
avec  M.  le  légat  et  les  ambassadeurs  d'Espaigne,  nous 
a  dict ,  par  forme  d'ouverture,  qu'il  lui  sembleroit  que, 
sans  que  vostre  majesté  se  déclare  obligée,  en  vertu 
de  la  promesse  du  4  de  juin  dernier,  elle  pourroit 
maintenant  accorder,  de  sa  pure  libéralité  et  bonté, 
par  le  désir  qu'elle  a  de  voir  finir  les  guerres  entre  les 
potentats  chrestiens,  que  sa  saincteté  jugeast  des  dif- 
férends entre  vostredicte  majesté  et  ledict  sieur  duc , 
en  la  forme  qui  est  conteneue  au  susdict  escrit;  que 
par  ce  moyen  il  ne  se  perd  rien  de  vos  droicts  et  pré- 
tentions; qu'il  n'est  pas  à  craindre  que  le  pape  juge  à 
vostre  préjudice  contre  ce  qui  est  raisonnable;  qu'il 
n'en  jugera  par  l'advis  d'une  congrégation  où  il  y 
pourroit  avoir  des  personnes  suspectes;  qu'il  est  homme 
très  docte,  qui  en  jugera  par  son  opinion,  et  non  par 
celle  d'aultrui  ;  que  par  ce  moyen  on  viendroit  à  la 
conclusion  de  cest  affaire,  qui  aultrement  pourroit 
prendre  ung  long  traict;  car,  ne  se  pouvant  resouldre 
sans  y  comprendre  le  duc  de  Savoye,  ledict  duc,  au- 
paravant que  de  joindre,  vouldrqit  envoyer  en  Es- 
paigne  pour  s'asseurer  et  gaigner  la  volonté  du  roy 
catholique,  qui,  durant  ces  longueurs,  pourroit  mou- 
rir, comme  il  est  homme  vieil  et  meur  ;  que  l'on  a  opi- 


AU  ROY.  127 

nion  que  la  volonté  du  frère  ne  seroit  pas  telle  envers 
l'infante  sa  sœur,  qu'est  celle  du  père  envers  sa  fille, 
joinct  qu'es  Pays  Bas  et  en  Espaigne  la  nation  esj^ai- 
gnole  se  déclare  fort  mal  contente  que  l'on  démembre 
de  la  domination  de  leur  roy  ung  si  grand  nombre  de 
si  belles  provinces,  comme  sont  celles  des  Pays  Bas.  ' 

Nous  remonstrant  ledict  père  gênerai  que,  prenant 
vostre  majesté  ceste  resolution,  rien  ne  dépérit  de  ses 
droicts;  et  se  peult  asseurer  que  dans  deux  mois,  après 
que  nous  aurons  signé  les  articles  qui  ont  esté  traictés , 
vostre  majesté,  sans  aulcune  longueur  ni  difficulté, 
rentrera  en  la  possession  de  tant  de  places  qui  ont  esté 
occupées  sur  son  royaulme  par  ledict  roy  d'Espaigne; 
car  on  nous  donneroit  asseurance  que  ce  que  dessus 
estant  accordé  par  vostre  majesté,  le  faict  de  M.  de 
Savoye  ne  retarderoit  pas  d'une  seule  beure  ladicte 
restitution  ;  à  ceste  proposition  nous  n'avons  sceu 
faire  aultre  response,  si  ce  n'est  que  ceste  ouverture  est 
du  tout  contre  la  charge  que  vostre  majesté  nous  a 
ordonnée,  qui  est  que,  ne  se  sentant  plus  obligée  par 
le  susdict  escrit,  et  que  voullant  la  paix  avec  M.  de 
Savoye ,  elle  la  veult  raisonnable  sans  y  laisser  rien  du 
sien. 

Nous  estant  depuis  assemblés  chés  M.  le  légat,  nous 
avons  persisté  en  nos  demandes ,  et  remonstré  de  nou- 
veau les  commandemens  de  vostre  majesté  et  les  rai- 
sons très  grandes  qui  l'ont  meue  à  prendre  ceste  reso- 
lution. Sire,  nous  n'avons  rien  peu  advancer  en  cela, 
ni  avec  l'ambassadeur  de  Savoye,  ni  aussi  avec  ceulx 
d'Espaigne,  que  nous  avons  pryés  instamment  de  re- 
cognoistre  les  raisons  de  vostre  majesté  ,  et ,  y  ayant 
esgard,  en  rendre  capable,  et  y  disposer  ledict  ambas- 
sadeur de  Savoye;  sur  quoi  ils  se  sont  estendeus  en 


1 28  LETTRE 

iing  fort  long  discours,  dont  la  conclusion  a  esté  qu'ils 
supplioient  vostre  majesté  de  voulloir  accepter  le  pape 
pour  arbitre  des  différends  qu'elle  a  avec  M.  le  duc  de 
Savoye,  suivant  son  offre  et  déclaration  dudict  4  ^6 
juin  ,  pour  response  à  celle  dudict  sieur  duc  du  6  de 
mai  dernier,  qu'ils  demandent  estre  joinctes  à  ladicte 
déclaration  de  vostre  majesté.  Nous  leur  avons  faict  la 
mesme  response  qu'avions  dicte  le  matin  audict  père 
gênerai,  qui  est  que  ceste  demande  est  du  tout  contre 
nostre  instruction;  leur  remonstrant  vivement  la  justice 
de  vostre  demande,  à  laquelle,  avec  toute  raison,  ils  se 
doibvent  conformer.  Ils  nous  ont  requis,  puisque  les 
asseurions  de  n'avoir  le  pouvoir  d'accepter  ceste  ou- 
verture ,  d'en  voulloir  escrire  à  vostre  majesté;  et, 
voyant  de  ne  le  pouvoir  refuser,  leur  avons  dict  que 
nous  estimons  que  vostre  majesté  ne  changeroit  pas 
d'opinion,  mais  que  nous  ne  sçavions  comment  lui  escrire 
ce  qu'ils  demandent,  que  cest  arbitrage  soit  déféré  au 
pape,  pour  juger,  suivant  lesdictes  déclarations  de 
vostre  majesté  et  dudict  sieur  duc;  car,  en  premier 
lieu ,  nous  soubstenons  que  vostre  majesté  n'est  plus 
obligeee  à  l'observation  du  conteneu  en  sadicte  décla- 
ration ;  et  quant  à  celle  dudict  sieur  duc,  qu'il  ne  fault 
attendre  qu'elle  la  veuille  approuver  en  aulcune  sorte, 
apparoissant  assés,  par  sadicte  déclaration,  qu'elle  n'en 
estoit  aulcunement  satisfaicte. 

Ce  poiiict  a  esté  longuement  debatteu,  et  se  sont 
retirés  à  part  lesdicts  trois  ambassadeurs  et  ledict  père 
gênerai  pour  en  délibérer.  En  ayant  parlé  longuement 
par  ensemble  ,  ils  nous  ont  dict  qu'ils  nous  pryent  de 
voulloir  escrire  à  vostre  majesté  leur  demande,  qui  est 
de  la  supplier  de  voulloir  trouver  bon,  pour  le  bien 
de  la  paix,  ce  qu'elle  jugea  raisonnable  et  accorda  par 


AU  ROY.  129 

sondict  escrit  dudict  mois  de  juin  dernier;  que,  suivant 
icelui,  l'arbitrage  des  différends  de  vostre  maiesté  avec 
ledict  sieur  duc  soit  remis  à  nostre  sainct  père  Clé- 
ment VIII,  qui  les  jugera  dans  ung  an,  à  compter  du 
jour  que  l'accord  sera  signe,  et  par  sa  sentence  ordon- 
nera du  temps  lequel  elle  debvia  estre  exécutée;  et 
cependant  sera  ledict  sieur  duc  compris  en  ceste  paix, 
demeurant  les  choses  de  part  et  d'aultre  en  Testât 
qu'elles  sont  à  présent,  sans  qu'il  y  soit  rien  innové  ;  et 
pourront,  des  le  jour  de  la  publication  du  traicté ,  les 
subjects  des  deux  costés  ^  en  gardant  les  loix  et  cous- 
tumes  des  pays,  aller,  venir,  demeurer,  fréquenter, 
converser  et  retourner  es  pays  l'ung  de  l'aultre  mar- 
chaudement,  et  comme  mieulx  leur  semblera,  ainsi 
qu'il  se  faisoit  auparavant  la  guerre.  C'est,  sire,  tout  ce 
à  quoi  se  sont  vouUeu  resouldre  et  déclarer  lesdicts 
sieurs  ambassadeurs.  Et  par  ce  que  nous  avons  peu 
comprendre,  par  tant  et  de  si  longues  conférences,  il 
n'y  a  pas  espérance  que  l'on  en  puisse  tirer  dadvan- 
tage. 

Parlant  à  part  avec  lesdicts  ambassadeurs  d'Espaigne, 
ils  nous  ont  dict  et  asseuré,  comme  aussi  ils  nous  ont 
faict  dire  depuis  par  ledict  père  gênerai,  que  s'accor- 
dant  vostre  majesté  au  susdict  arbitrage  entre  les  mains 
de  nostre  sainct  père  le  pape,  ils  n'entendent  pour 
cela  de  différer  une  seule  heure  la  restitution  des  places 
qu'ils  ont  promis  de  rendre  à  vostre  majesté;  sur  quoi 
il  lui  plaira  de  nous  faire  entendre  son  bon  voulloir  et 
<;ommandement. 

Sire,  par  une  lettre  de  M.  de  Villeroy,  que  nous 
receusmes  liier ,  nous  avons  veu  ce  que  vostre  majesté 
lui  a  commandé  de  nous  escrire  ;  que  nous  prenions 
garde  à  nous ,  car  elle  est  tousjours  en  craincte  que  l'on 

MÉM.  DE  DurLEssis-MoRjy.vY.  Tome  Ani,  q 


î  3o  LETTRE 

l'abuse,  et  nous  aussi;  que  le  duc  de  Mercœur  attend 
des  forces  d'Espaigne;  que  ledict  duc  a  esté  asseiiré 
de  nouveau,  par  le  cardinal  Albert,  que  la  paix  qui 
se  traicte  à  Vervins  ne  sera  concleue  sans  lui,  et  que, 
s'il  veult  tenir  bon  de  son  coslé ,  qu'il  se  mettra  en 
campaigne  dans  ung  mois  pour  attaquer  nostre  fron- 
tière. 

Sire ,  Dieu  n'a  pas  donné  à  l'homme  de  dire  cer- 
tainement ce  qu'ung  aultre  a  dans  le  cœur.  Parlant 
comme  hommes  et  comme  fort  fidèles  et  loyaulx  ser- 
viteurs de  vostre  mdjesté  ,  nous  lui  dirons  que  jusques 
à  présent,  ni  M.  le  légat,  ni  nous,  n'avons  pas  apperceu 
qu'il  y  ait  de  la  tromperie  en  ceste  negoliation.  Nous 
avons  les  yeulx  ouverts,  sçachant  d'avoir  affaire  à  en- 
nemis et  Espaignols.  Enfin  ,  vostre  majesté  n'a  pas 
desgarni  sa  frontière  sur  Tesperance  de  la  conclusion 
de  ce  traicté;  elle  ne  leur  rend  ni  promet  de  rendre 
aulcune  place,  accorde  seulement  de  recevoir  ce  que 
les  Espaignois  offrent  de  rendre,  que  tous  les  traictés 
qui  ont  este  faicts  depuis  trois  cens  ans  en  çà  soient 
veus.  Nous  n'estimons  pas  qu'il  s'y  puisse  trouver  chose 
semblable  qui  soit  tant  à  Thonneur  de  la  France;  et, 
s'il  fault  due  ce  qui  en  est  en  tous  les  aultres  traictés, 
encores  qu'ils  ayent  esté  utiles,  ne  se  peult  dire  qu'il 
n'y  ait  eu  de  la  diminution  de  la  dignité  et  des  limites 
de  ce  royaulme;  ce  qui  ne  peult  estre  dict  du  traicté 
qui  se  negotie  maintenant.  Si  l'intention  du  cardinal 
Albert  est  âv.  tromper  vostre  majesté  ou  non,  Dieu  le 
sçait,  nous  ne  le  sçavons  pas;  nous  dirons  seulemejit, 
puce  que  nous  en  apprenons  que  ledict  cardinal 
cherche  d'acquérir  réputation  de  prince  qui  faict  pro- 
fession de  garder  sa  parole  ,  que  nous  traictons  ic^i  avec 
les  sieurs  président  Richardot  et  commandeur  Taxis , 


AU  ROY.  liï 

qui  sont  les  premiers  au  conseil  du  roy  d'Espaigne 
establis  en  Pays  Bas ,  qu'ils  sont  teneus  pour  person- 
nages d'honneur.  Nous  avons  d'eulx  toute  l'asseurance 
qui  se  peult  donner  par  paroles.  Gomme  a  esté  dict,  on 
ne  hazarde  entre  leurs  mains.  Ils  nous  ont  souvent  dict 
que  ledict  cardinal  désire  infiniment  d'acquérir  les 
bonnes  grâces  de  vostre  majesté;  et,  parlant  en  nostre 
conférence,  ont  dict  par  trois  fois  qu'il  venlt  eslre  ser- 
viteur de  vostre  majesté,  qui  sont  termes  dont  les 
princes  d'AlIemaigne  n'ont  pas  accoustumé  d'user 
quand  ils  escrivent  au  roy  de  France,  mesme  ceulx 
qui  sont  de  la  qualité  qu'il  est.  C'est,  sire,  ce  que  nous 
pouvons  escrire  à  vostre  majesté  sur  ce  faict ,  ne  pou- 
vant rien  adjouster  à  ce  qui  a  esté  mis  ci  dessus  tou- 
chant le  duc  de  Mercœur. 

Sur  ce  propos,  nous  dirons  à  vostre  majesté  une  ou- 
verture que  nous  feit  ces  jours  passés  ledict  père  gêne- 
rai, comme  venant  de  lui  :  mais  nous  estimons  qu'il  en 
sçavoit  l'opinion  des  ambassadeurs  d'Espaigne.  C'est 
qu'il  proposa  que  pour  oster  toute  occasion  de  défiance 
entre  vostre  majesté  et  le  roy  catholique,  il  seroit  à  pro- 
pos que  le  cardmal  Albert  nous  donnast  asseurance  qui 
seroit  teneue  secrette,  et  neantmoins  bien  et  fidèlement 
observée,  que  durant  ce  pourparler  de  paix  il  ne  fe- 
roit,  ni  lui  ni  tous  ceulx  qui  du  costé  de  deçà  despen- 
dans  du  roy  d'Espaigne  ,  aulcune  entreprise  sur  les 
places  de  vostre  majesté;  estimant  le  père  gênerai  que 
si  vostre  est  de  faire  audict  cardinal  une  semblable  pro- 
messe,  que  l'affaire  passera  au  contentement  des  deux 
parties.  N'ayans  pouvoir  de  respondre  sur  cest  article, 
nous  ne  nous  y  arrestasmes  pas;  et  neantmoins  n'avons 
voulleu  faillir  d'en  donner  advis  a  vostre  majesté,  qui 
nous  commandera,  s'il  lui  plaist,  son  bon  voulioir.  Les 


i3i  LETTRÉ 

ambassadeurs  d'Espaigne  ne  nous  en  ont  pas  parlé.  Ils 
despescherent  le  2 5  du  mois  passé  leur  courrier,  pour 
obtenir  du  roy  d'Espaigne  le  contresigne  de  Blavet  et 
le  pouvoir  pour  traicter  avec  la  royne  d'Angleterre. 

Il  nous  reste,  vsire,  à  faire  response  à  vostre  majesté 
sur  ce  que  par  la  fin  de  ladicte  lettre  elle  nous  com- 
mande de  lui  donner  advis  de  ce  que  nous  apprenons 
des  intentions  dudict  cardinal ,  des  moyens  qu'il  a  de 
faire  la  guerre ,  de  ce  qu'il  attend  du  costé  d'Espaigne, 
et  aultres  choses  pareilles.  Sire ,  nous  avons  ici  affaire 
à  deux  vieulx  ambassadeurs  qui  ne  parlent  des  affaires 
de  leur  maistre  qu'à  son  advantage.  Hier  le  père  gêne- 
rai nous  dict  qu'ils  avoient  eu  advis  qu'à  Calais  estoit 
arrivée  une  cai^tivelle  pour  advertir  de  la  veneue  de 
quarante  navires  chargés  de  quattre  mille  soldats  espai- 
gnols,  et  que  lesdicts  navires  portoient  sonnne  notable 
d'argent;  que  de  Calais  on  en  voyoit  la  flotte.  Quant  à 
l'intention  du  cardinal,  c'est  de  parvenir  au  plus  tost 
qu'il  pourra  à  ce  mariage  qui  lui  est  accordé  ;  qu'ils 
attendent  pour  cest  esté  l'infante  es  Pays  Bas;  qu'il  de- 
sire  de  s'asseurer  de  l'amitié  de  vostre  majesté,  et  n'a 
pas  moins  d'envie  de  moyenner  que  les  places  promises 
lui  soient  rendeues  au  plus  tost  que  se  pourra,  afin  que 
par  le  moyen  de  ceste  restitution,  survenant  la  mort 
du  roy  d'Espaigne,  il  y  eust  moins  de  contradiction  à 
ce  qui  lui  a  esté  accordé.  Qu'à  cesle  occasion  ,  vostre 
majesté  se  doibt  d'autant  plus  asseurer  qu'il  y  procède 
de  bonne  foi ,  estant  ainsi ,  que  l'interest  est  le  maistre 
des  affaires.  On  tient  pour  certain  que  les  provinces 
s'accordent  de  le  recevoir  pour  seigneur,  dont,  à  ce 
que  l'on  nous  a  dict,  il  a  faict  trois  despesches  au  roy 
d'Espaigne,  qui  affectionne  ce  faict. 

Que  ledict  roy  d'Espaigne  n'a  poinct  présentement 


AU  ROY.  i33 

de  maladie  qui  fasse  doubler  de  la  vie ,  mais  qu'il  est 
fort  meur,  ayant  septante  et  ung  ans;  que  le  prince  son 
fils  est  employé  aulx  affaires  plus  qu'il  ne  saouloit;  mais 
que  ledict  roy  retient  tousjours  Fauctorité  sur  toutes 
choses;  qu'on  n'estime  pas  que  ledict  prince  ait  agréable 
la  donation  que  son  père  faict  audict  cardinal  ;  mais  il 
ne  lui  oseroit  contredire,  que  près  dudict  roy  le  sieur 
Jean  d'Idiaques,  Christophore  de  Mora,  et  le  comte  de 
Clîinçon  ,  sont  ceulx  qui  ont  le  plus  d'auctorité.  Quant 
au  parti  que  l'on  dict  qui  a  esté  faict  avec  les  marchands 
pour  la  guerre  des  Pays  Bas ,  ils  s'en  vantent,  mais  nous 
n'en  avons  poinct  de  certitude.  Si  ceulx  des  Provinces 
Unies  ne  vouldront  recognoistre  ledict  cardinal ,  il  faict 
estât  que  le  roy  catholique  l'assistera  de  ses  moyens, 
et  qu'enfin  ils  ne  lui  pourront  résister. 

Sire,  ledict  peie  gênerai  nous  a  encores  proposé  de 
la  part  de  l'ambassadeur  de  Savoye ,  que  s'il  plaist  à 
vostre  majesté  faire  abattre  le  fort  de  Charbonnières , 
que  tient  vostre  majesté  en  Maurienne,  que  ledict  duc 
de  Savoye  fera  abattre  le  fort  qu'il  a  faict  faire  à  Bar- 
rault  en  Daulpliiné.  Nous  avons  dict  que  nous  n'esti- 
mons pas  que  vostre  majesté  le  trouve  bon,  et  qu'il  ne 
s'en  doibt  plus  parler.  Ce  neantmoins  n'avons  voulleu 
faillir  d'en  donner  advis  à  vostre  majesté.  Sire,  etc. 

Du  4  mars  1 5g8. 

LX.  — -^  LETTRE 

De  MM,  de  Bellievre  et  de  Sillerj  à  M.  de  Villeroy . 

MojNSiEUR,  nous  accuserons  la  réception  de  vostre 
despesche  du  27  du  mois  dernier;  la  dernière  lettre 


t 34  LETTRE 

que  vous  avés  esciite  est  du  16  dudict  mois,  que  nous 
baillasmes  à  celui  qui  accoinpaignoit  le  courrier  d'Es- 
paigne.  La  despesche  que  nous  faisons  au  roy  est  si 
ample  ,  qu'il  n'est  besoing  que  nous  adjoustions  ici 
aulcune  chose  de  particulier,  si  ce  n'est  que  de  tout  ce 
que  nous  en  pouvons  juger,  nostre  opinion  est  qu'il  ne 
se  peult  rien  diminuer  ni  adjouster  à  ce  que  nous  avons 
mis  par  escrit.  Toutes  clioses  ont, esté  fort  considérées 
et  longuement  desbatteues.  Si  on  nous  commande  de 
fViire  dadvantage,  on  nous  commandera  de  faire  ce  qui 
n'est  pas  en  nostre  pouvoir.  Le  faict  de  M  de  Savoye 
nous  a  donné  une  merveilleuse  peine;  ce  que  nous  en 
escrivons  au  roy  ne  vient  pas  de  nous;  mais  nous  vous 
dirons  librement  ,  et  comme  doibvent  serviteurs  du 
roy  fidèles  et  affectionnés,  que  nous  ne  voyorts  et  n'es- 
timons pns  qu'il  v  ait  aulcung  aultre  moyen  pour  en 
sortir.  Si  cela  ne  se  peult  faire  ,  il  se  fault  resouldre 
d'avoir  par  les  armes  ce  que  maintenant  on  vous  offre 
par  ccst  accord;  car,  à  considérer  toutes  choses,  il  est 
presque  impossible  que  le  roy  d'Espaigne  veuille  aban- 
donner son  gendre ,  qu'il  a  mis  a  la  querelle. 

Peult  estre  que  le  cardinal  d'Autriche,  pour  faire  les 
affaires,  s'y  pourroit  accommoder ,  mais  le  roy  d'Es- 
paigne ne  le  souffriroît  pas;  ce  qui  a  esté  mis  par  apos- 
tille au  bout  de  la  despesche  que  nous  faisons  au  roy, 
est  ce  qui  nous  a  esté  proposé  ce  matin. 

Geste  après  disnee  les  ambassadeurs  d'Espaigne  sont 
veneus  nous  trouver  pour  nous  en  pryer,  et  en  ont 
faict  très  grande  instance.  Nous  leur  avons  dict  que 
nous  craignons  que  le  roy  ne  s'en  sente  importuné.  Ils 
nous  ont  pryé  d'en  escrire  à  sa  majesté.  Il  semble  que 
le  conteneu  en  nostre  lettre  doit  suffire;  et  neantmoins 
vous  en  escrivons  ce  mot  pour  satisfaire  à  leur  pryere. 


A  M.  DE  VILLEROY.  rj5 


C'est  au  roy  à  juger  si  c'est  son  service  d'eschanger  le 
fort  de  Charbonnières  a  celui  de  Barrault.  Se  faisant,  la 
paix  nous  estimons  qu'il  y  fauldra  venir;  mais  si  ce  sera 
auparavant  l'exécution  de  la  sentence  du  pape  ou  non  , 
nous  nous  en  remettons  à  vos  meilleurs  jugemens.  Les- 
dicts  ambassadeurs  partans  d'avec  vous  ont  dict  que , 
pour  ce  poinct,  l'accord  ne  se  rompra  pas:  mais  que  c'est 
chose  qu'ils  désirent  afin  de  donner  quelque  contente- 
ment à  M.  de  Savoye  ,  et  qu'il  ait  moins  d'occasion  de  se 
plaindre  de  ce  traicté.  L'on  a  ici  mis  ung  billet  qui  est  du 
chiffre  que  vous  nous  avés  baillé  à  nostre  partement;  il 
vous  plaira  de  le  considérer.  Lesdicts  sieurs  ambassadeurs 
nous  ont  dict  avoir  entendeu  que  le  roy  veult,  à  la  con- 
clusion de  ce  traicté,  envoyer  aulcungs  des  plus  grands 
de  son  royaulme.  Nous  leur  avons  dict  de  n'en  avoir 
encores  eu  la  certitude;  que  s'il  en  sera  quelque  chose, 
nous  les  advertirons  aussitost  qwe  nous  le  sçaurons, 
dont  ils  nous  ont  pryé ,  à  ce  qu'ils  fassent  tenir  prests 
les  seigneurs  que  M.  le  cardinal  Albert  vouldra  dépu- 
ter pour  cest  effect. 

Sur  ce  poinct,  il  fault  considérer,  resolvans  les  arti- 
cles comme  nous  ferons,  suivant  ce  que  le  roy  nous  en 
ordonnera,  que  les  deux  mois  pour  la  restitution  cou- 
rent du  jour  que  nous  les  aurons  signés,  sans  attendre 
la  veneue  des  seigneurs  qui  pourront  estre  ici  envoyés. 

Monsieur ,  nous  vous  envovons  avec  ceste  ci  des 
lettres  de  M.  le  légat ,  qui  nous  a  baillé  des  mémoires 
de  ce  que  le  pape  demande;  c'est  le  cardinal  Saincl 
George  qui  a  faict  la  despesche  en  l'absence  du  cardi- 
nal Aldobrandin.  Il  vous  plaira  de  lui  faire  response; 
il  nous  a  chargés  de  vous  en  pryer  de  sa  part,  ce  que 
nous  faisons,  desirans  de  contenter  ce  bon  homme. 

Les  ambassadeurs  d'Espaigne  nous  ont  proposé  que, 


\ 


1 36  LETTRE ,  etc. 

se  remettant  de  cest  arbitrage  au  pape  Clément ,  si  sa 
mort  survenoit  durant  l'année  que  ledict  arbitrage  doibt 
durer,  qu'ils  trouvent  bon  qu'il  se  fasse  ung  escrit  à 
part,  afin  que  le  pape  ne  voye  pas  que  l'on  a  pensé  à 
sa  mort,  par  lequel  il  sera  accordé  que  la  cessation 
d'armes  et  liberté  du  commerce  durera  trois  mois  après 
sa  mort,  pendant  lesquels  on  se  pourra  accorder  d'aul- 
tres  arbitres. 

Le  père  gênerai  nous  vient  de  dire  tout  présente- 
ment, de  la  part  des  ambassadeurs  d'Espaigne ,  que 
l'instance  qu'ils  ont  faicte  pour  l'escbange  desdicts  forts 
de  Barrault  en  Dauipbiné ,  et  Cbarbonnieres  en  Mau- 
rienne ,  ne  pourra  différer  ne  rompre  Taccord  qui  a 
esté  traicté  pour  le  duc  de  Savoye ,  et  que  le  tout  est 
remis  au  bon  plaisir  du  roy;  et,  pour  vous  en  dire  ce 
que  nous  en  pensons ,  qui  désirera  que  ce  que  nous 
traictons  sorte  effect,  il  n'en  fault  pas  différer  la  conclu- 
sion. Nous  nous  recommandons,  etc. 

Du  4  mars  i  "jgS. 


LX!.—-^  MEMOIRE 

De  ce  qui  a  esté  traicté  avec  les  ambassadeurs 

d'Espaigne. 

Aujourd'hui,  28  de  febvrier  1  ^98,  les  ambassadeurs 
de  France  traictans  avec  MM.  le  président  Richardot 
et  commandeur  Taxis,  ambassadeurs  d'Espaigne,  en 
présence  de  monseigneur  Tillustrissime  et  reverendis- 
sime  cardinal  de  Florence ,  légat  de  sa  saincteté  en 
France,  les  articles  qui  ensuivent  ont  esté  accordés. 

Que  le  traicté  de  paix  entre  très  bault,  très  puis- 


MEMOIRE,  etc.  l37 

sant  et  très  excellent  prince  Henry  IV,  roy  très  chres- 
tien  de  France  et  de  Navarre ,  et  très  puissant  et  très 
excellent  prince  Philippe  il,  roy  catholicque  des  Es- 
paignes,  etc.,  sera  resoleu,  conformément  et  en  ap- 
probation des  articles  conteneus  au  traicté  de  paix  faict 
au  Cliasteau  en  Cambresis,  en  l'an  i^Sg,  entre  feu  de 
très  haulte  mémoire  Henry  H,  roy  de  France,  et  ledict 
sieur  roy  calholicque ,  suivant  lequel  toutes  choses  doib- 
vent  estre  remises,  sinon  en  tant  que  par  ses  articles  il 
y  seroitexpresseement  dérogé,  en  Testât  qu'elles  estoient 
lors  d'icelui  traicté,  et  se  rendront  les  places  qui  ont 
esté  occupées  sur  le  royaulme  de  France  depuis  ledict 
traicté;  à  sçavoir,  Calais,  Ardres ,  Monthulin,  Dour- 
lans,  La  Cappelle  et  Le  Castekt  en  Picardie,  Blavet  en 
Bretaigne,  et  toutes  aultres  places  que  ledict  sieur  roy 
catholique  y  destient. 

Pour  le  regard  desdictes  places  de  Calais ,  Ardres , 
Monthulin,  Dourlans,  La  Cappelle  et  Le  Castelet,  la 
restitution  de  toutes  lesdictes  six  places  se  fera  effec- 
tuellement  de  bonne  foi,  et  sans  aulcune  faulte  ni 
retardement ,  et  seront  remises  et  rendeues  entre  les 
mains  de  celui  ou  ceulx  qui  seront  à  ce  députés  par  sa 
majesté  très  chrestienne ,  dedans  deux  mois ,  précisé- 
ment après  que  les  prescns  articles  auront  esté  signés 
par  les  ambassadeurs  desdicts  roys ,  et  remis  entre  les 
mains  de  mondict  sieur  le  légat,  n'ayant  peu  le  serenis- 
sime  cardinal  Albert  se  restreindre  à  moindre  terme , 
encores  qu'il  désire  grandement  de  le  faire,  pour  com- 
mencer à  donner  contentement  à  sa  majesté  très  chres- 
tienne ;  mais  ayant  affaire  à  soldats  espaignols  fort  dif- 
ficiles à  manier,  qui  sont  mutinés  es  villes  de  Calais, 
Ardres  et  Le  Castelet ,  pour  appaiser  la  sédition  et  ré- 
duire iesdicts  soldats  à  ce  qui  est  du  debvoi^i-,  il  \\\\  est 


l38  MEMOIRE 

impossible,  par  ce  qu'il  en  peult  juger,  de  satisfaire  à 
ladicte  restitution  en  moindre  temps  que  de  deux  mois; 
et,  s'il  aura  moyen  de  l'accourcir,  il  le  fera  très  volon- 
tiers, tant  pour  faire  chose  dgreable  audict  sieur  roy, 
duquel  il  désire  les  bonnes  grâces,  qu'aussi  pour  sou- 
lager la  bourse  du  roy  d'Espaigne  du  payement  de  six 
mille  soldats  qu'il  pourroit  utilement  employer  es  aultres 
lieux  où  il  en  a  affaire  pour  la  conservation  des  Pays 
Bas,  et  ne  voullant  faillir  d'ung  jour  à  la  promesse, 
moyennera  par  effect  que  ladicte  restitution  se  fera 
entièrement  dans  lesdicts  deux  mois,  offrant  de  com- 
mencer par  Calais  et  Ardres,  et  le  tout  sans  que  sa 
majesté  très  chrestienne  soit  importunée  du  payement 
des  soldats  ou  remboursement  de  ce  qui  a  esté  des- 
pendeu  pour  les  fortifications. 

Pour  ce  regard  ,  lesdicts  sieurs  ambassadeurs  ont  dict 
que  le  sieur  cardinal  ne  veult  en  aulcune  façon  faillir 
h  la  promesse;  pour  ceste  cause  demande  trois  mois 
de  terme  pour  ladicte  restitution  ,  d'autant  qu'il  fault 
envoyer  en  Espaigne  pour  avoir  le  contresigne ,  et 
commandera  audict  sieur  cardinal  de  l'envoyer  à  don 
Juan  d'Aquila  ,  qui  est  homme  fort  pointilleux;  et  oultre 
ce,  il  fauldra  faire  venir  d'Espaigne  des  vaisseaux  pour 
porter  les  soldats  espaignols  et  aultres  qui  sont  à  Blavet, 
soit  en  Espaigne  ou  es  Pays  Bas  ;  en  quoi  il  y  va  du 
temps  ;  bien  promet  ledict  sieur  cardinal,  que,  s'il  peult, 
il  fera  exécuter  !adi<;te  restitution  dans  les  deux  mois 
que  les  places  de  Picaidie  se  rendront;  mais  ne  se  veult 
obliger  sans  estre  bien  certain  de  pouvoir  obliger  et 
observer  ce  qu'il  aura  promis,  estant  bien  asseuré  de 
la  volonté  dudict  sieur  roy  catholique ,  qui  ne  souffrira 
qu'il  soit  contreveneu  à  ce  qu'il  aura  promis  en  son 
nom.  Ont  aussi   promis   lesdicts  sieurs   ambassadeur^^ 


DES  AMBASSADEURS  D'ESPAIGNE.  iSt) 

cFEspaigne,  que  les  six  places  de  Picardie  seront  resti- 
tuées en  Testât  qii'elles  sont  maintenant,  sans  démo- 
lition ou  dommage. 

Pour  le  regard  de  Blavet ,  leur  charge  est  d'en  pro- 
mettre la  restilution,  à  la  charge  neantmoins  que  les 
fortifications  qui  ont  esté  faictes  aulx  despens  du  roy 
d'Espaigne  soient  démolies,  et  la  place  remise  en  Testât 
qu'elle  estoit  lorsqu'elle  a  esté  occupée  par  les  Espai- 
gnols,  excepté  qu'ils  ontfaict  trancher  ung  roc  qui  leur 
a  beaucoup  cousté,  et  ne  se  peult  reparer. 

Quant  à  ce  qui  leur  a  esté  demandé  de  laisser  es 
places  qu'ils  restituent  l'artillerie  de  France,  pouldre 
et  boulets  qui  sont  du  tiltre  et  calibre  de  France,  ont 
dict  qu'en  ayant  esté  usé  aultrement  entre  les  deux 
roys  audict  traicté  de  Tan  i559,  que  leur  charge  est, 
comme  desjà  ils  ont  faict  entendre,  de  déclarer  que 
leur  resolution  est  d'emporter  lesdictes  artillerie,  poul- 
dres  et  boulets;  et,  sur  l'instance  qui  leur  a  esté  faicte 
d'en  laisser  en  chacune  place  une  partie,  ils  ont  déclaré 
resoleument  ne  le  pouvoir  faire ,  et  qu'il  y  a  en  France 
de  leur  artillerie;  qu'à  Meaux  ils  ont  six  ou  huict  de 
leurs  demi  canons;  à  Soissons,  deux  de  leurs  canons, 
et  pareillement  qu'il  y  en  a  à  La  Fere  ,  et  leur  pont  à 
bateaux  est  à  Amiens,  qu'on  ne  leur  rend  pas;  que 
l'artillerie  françoise  qui  leur  demeure  n'est  pas  grand' 
chose  ;  qu'ils  ne  trouvent  à  Calais  que  trente  deux 
pièces ,  dont  il  y  en  avoit  de  rompeues ,  d'aultres 
aulx  armes  d'Angleterre,  dans  Ardres,  seulement,  et 
ailleurs  fort  peu  ;  tellement  que  le  roy  très  chrestien 
n'en  reçoit  p^xs  grand  dommage  ,  au  lieu  de  ce  qu'il 
reçoit  une  grande  commodité  des  fortifications  qu'ils 
ont  faictes,  et  lui  sont  laissées  à  Calais,  Ardres  et  La 
Cc-^ppelle  ,  qui    est   maintenant    une  bonne   jilace  :   et 


l4o  MEMOIRE,  etc. 

quant  à  Calais,  ils  y  ont  despendeu  cent  soixante  mille 
escus  à  le  fortifier,  et  cinquante  mille  escus  à  Ardres, 
comme  aussi  les  aultres  places  ont  esté  réparées  ,  dont 
ils  ne  demandent  rien  audict  sieur  roy  très  chrestien. 

Et  pour  l'exécution  de  leurs  promesses,  sa  majesté 
s'en  peult  du  tout  asseurer  sur  l'offre  qu'ils  lui  font 
et  exécuteront  de  lui  bailler  les  ostages  qu'il  lui  plaira 
demander. 

Et  s'il  y  a  quelque  retardement  plus  à  Blavet  qu'aulx 
aultres  places,  ne  doibt  estre  imputé  audict  sieur  car- 
dinal ,  qui  fera  son  pouvoir  ;  et  sa  majesté  très  chres- 
tienne  en  peult  demeurer  satisfaicte,  tant  pour  ce  qu'elle 
aura  des  ostages  qu'aussi  pour  ce  qu'elle  se  peult  bien 
asseurer  qu'ils  ne  commenceront  pas  de  rendre  les 
places  de  Picardie  pour  faillir  à  rendre  Blavet,  et  perdre 
avec  le  fruict  de  la  paix  les  places  qu'ils  auroient  desjà 
rendeues. 

A  aussi  este  resoleu  et  accordé,  que  les  deux  mois 
accordes  pour  l'exécution  de  ladicte  restitution  des 
villes  de  Picardie,  et  trois  pour  Blavet,  commenceront 
des  le  jour  que  les  articles  auront  esté  signés  de  part 
et  d'anltre,  et  remis  entre  les  mains  de  M.  le  légat; 
bien  entendeu  qu'auparavant  que  venir  à  la  restitution, 
lesdicts  articles  leur  seront  baillés  en  bonne  forme  au- 
thentique, signés  et  scellés  ainsi  que  est  la  coustume. 

Et  pareillement  seront  baillés  lesdicts  articles  en 
bonne  forme  et  authentique,  signés  et  scellés  du  scel 
de  sa  majesté  très  chrestienne ,  et  le  seront  aussi  de 
celui  dont  ledict  sieur  cardinal  a  accoustumé  de  se 
servir  es  despesches  qu'il  ordonne  pour  ledict  sieur 
roy  catholique,  avec  promesse  de  lui  faire  tout  ratifier. 


MEMOIRE,  etc.  l4l 

LXII.  —  ^  MEMOIRE 

De  ce  qui  a  esté  tralcté  avec  V ambassadeur  de  Savoje. 

Ce  qui  a  passé  entre  les  roys  deffuncts  et  le  duc  de 
Savoye ,  dernier  mort,  et  son  fils,  qui  lui  a  succédé 
depuis  le  traicté  du  Chasteau  de  Cambresis,  l'an  iSSq, 
a  esté  longuement  deduict;  comme  aussi  ce  que  le  roy 
à  présent  régnant  a  trouvé  bon  qu'il  feust  traicté  sur 
ce  dont  M.  de  Savoye  Ta  faict  requérir ,  estant  chose 
notoire,  il  sera  ici  obmis  ;  on  touschera  seulement 
quelques  poincts  qui  concernent  les  dernières  nego- 
tiations,  après  ce  qui  feut  faict  à  Bourgoing,  en  sep- 
tembre iSgS.  MM.  le  baron  d'Armenzé  et  président 
Rochette  feurent  députés  par  M.  de  Savoye  ,  pour 
venir  trouver  le  roy  de  sa  part,  et  mettre  fin  audict 
traicté,  qui  avoit  esté  commencé  à  Bourgoing.  Lediet 
baron  d'Armenzé  mourut  à  Ghamberv  de  mort  soub- 
daine;  lediet  sieur  président,  sur  le  commandement 
qu'il  en  eut  de  son  altesse,  acheva  le  voyage  jusques 
à  Palembray,  où  il  feut  par  deux  fois  ouï  par  le  roy, 
ayant  auparavant  conféré  suivant  ce  qu'il  feut  advisé 
par  sa  majesté  avec  deux  de  ses  conseillers,  aulxquels 
il  se  déclara  de  sa  charge,  qu'il  feit  aussi  entendre 
à  sadicte  majesté,  presens  M.  le  connestable ,  M.  de 
Villeroy  et  lesdicts  deux  conseillers,  à  laquelle  il  dict 
entre  aultreâ  choses  que  lediet  duc,  son  maistre,  ne 
feroit  poinct  de  difficulté  de  recognoistre  de  sa  cou- 
ronne le  marquisat  de  Saluées,  aussi  qu'elle  desiroit, 
et  y  adjousteroit  d'aultres  offres  et  asseurances  de  la 
bonne  volonté  dudict  sieur  duc,  que  l'on  obmet  pour 
le  présent. 


l42  MEMOIRE 

Sur  cela  sa  majesté  députa  M.  le  mareschal  de  Biron 
et  M.  le  président  de  Sillery ,  pour  resouldre  et  jurer 
le  traicté  ;  estant  lors  ledîct  mareschal  au  siège  de 
Seurre,  laissa  ce  siège  pour  venir  à  Dijon,  se  préparer 
pour  ce  voyage,  où  aussi  estoit  ledict  sieur  de  Sillery  avec 
îedict  sieur  président  Rochette ,  qui  eut  advis,  estant 
audict  lieu ,  à  ce  que  Ton  a  esté  adverti  que  son 
maistre  avoit  change  de  volonté,  et  comniença  lors  à 
parler  de  cest  affaire ,  qui  feut  cause  que  ce  voyage 
feut  rompeu ,  et  les  choses  demeurèrent  imparfaictes. 
Depuis  ledict  sieur  de  Sillery,  en  estant  requis  par 
ledict  sieur  duc,  l'alla  trouver  au  lieu  de  Suse,  oii  les 
affaires  ne  feurent  pas  plus  advancés  de  ce  qu'ils  es- 
toient  auparavant  ;  ledict  sieur  duc ,  au  lieu  de  ren- 
voyer le  président  Rochette,  qui  avoit  assisté  à  la  pre- 
mière negotiation ,  a  député  M.  Jacob ,  son  lieutenant 
gênerai  en  Savoye,  pour  venir  trouver  le  roy,  qui  lui 
donna  audience  à  Gaillon,  au  mois  de  Ledict 

sieur  de  Jacob  desadvoue  tout  ce  qui  avoit  esté  dict 
par  ledict  sieur  président  Rochette  ,  dont  sa  majesté 
feut  très  mal  contente ,  et  neantmoins  on  feit  le  pos- 
sible afin  de  ne  rompre  pas  ceste  negotiation  ;  et  pour 
cest  effect  feut  proposé  audict  sieur  de  Jacob  que  le 
roy  trouveroit  bon  que  ces  différends  feussent  remis 
à  la  bonne  volonté  et  sain  jugement  de  nostre  sainct 
père  le  pape. 

Ledict  sieur  de  Jacob  revint  en  France  avec  reso- 
lutions qui  desplurent  encores  plus  que  celles  qu'il 
avoit  apportées  au  précèdent  vovage;  à  sçavoir  que 
son  maistre  se  remettroit  au  jugement  du  pape,  tou- 
chant le  faict  de  la  recognoissance ,  pourveu  que  la- 
dicte  recognoissance  feust  faicte  en  une  forme  limitée 
qu'il  représenta  au  roy;  ce  qui  desplut  à  sa  uiajesté , 


DE  L'A^MBASSADEUR  DE  SAVOYE.  il[?y 

pour  ce  qu'il  donnoit  par  là  la  leçon  au  pape  et  au 
roy ,  et  ne  voulloit  recevoir  le  pape  pour  arbitre  des 
aullres  différends. 

Ledict  sieur  de  Jacob  partant  d'auprès  du  roy,  qui 
se  declaroit  très  mal  content  de  sou  maistre,  demanda 
à  sa  majesté,  attendeu  que  le  temps  de  la  trefve  estoit 
expiré,  ou  prest  à  expirer,  qu'il  pleust  à  sa  majesté  la 
faire  proroger  pour  quelque  temps  ;  ce  qu'il  faisoit , 
afin  que  son  maistre  eust  plus  de  moyen  de  n^.ettre  ses 
forces  ensemble,  et  cependant  faire  consommer  l'armée 
du  roy,  qui  estoit  preste  des  long  temps  sur  la  fron- 
tière de  Savoye.  Sa  majesté  lui  refusa  la  trefve ,  lui  dé- 
clarant que  telles  trefves  n'avoient  que  trop  duré ,  et 
qu'elle  voulloit  paix  ou  guerre.  Estant  ledict  sieur  de 
Jacob  sur  la  montaigne  de  Tarare,  trouva  ung  nommé 
le  sieur  Trouillons ,  qui  lui  apportoit  une  despesche 
de  son  maistre  pour  rendre  au  roy,  contenant  en 
quelle  sorte  il  acceptoit  ledict  arbitrage.  L'escrit  feut 
porté  au  roy  par  ledict  sieur  Trouillons  ,  qui  arriva  en 
court,  estant  desjà  la  trefve  finie  ,  et  par  conséquent 
pourroit  estre  reteneu  prisonnier  de  guerre  ;  mais  il 
feut  renvoyé  avec  passeport  et  response  du  roy;  sur 
laquelle  l'ambassadeur  de  M.  de  Savoye  prétend  estre 
bien  fondé  à  demander  l'exécution  du  conteneu  en  la- 
dicte  response ,  comme  ayant  esté  par  icelle  les  offres 
h  audict  sieur  duc  acceptées  de  se  remettre  en  l'arbi- 
trage du  pape.  Ci  dessus  a  esté  dict  au  vrai  comme 
toutes  choses  ont  passé  en  cest  affaire  jusqu es  au  par- 
tement  dudict  sieur  de  Jacob.  On  mettra  ici  les  mots 
de  la  response  dudict  sieur  duc,  qui  feut  portée  au 
roy  par  ledict  Trouillons. 

Toutesfois,  afin  que  tout  le  monde  cognoisse  qu'il 
ne  tient  à  lui  qu'ung  si  grand  bien  n'advienne,  il  ac- 


l44  •  MEMOIRE 

cepte  sa  saincteté  pour  arbitre ,  comme  sa  majesté  a 
désiré  non  seulement  pour  décider  sur  la  recognois- 
sance  dudict  marquisat  de  Saluées  ,  terres  de  Cental  et 
Chasteau  Daulphin  ,  mais  sur  tous  les  auUres  articles 
de  ce  traicté ,  et  particulièrement  et  avant  toutes  choses , 
soit  par  elle  jugée  de  la  validité  ou  invalidité  du  traicté 
de  Bourgoing,  qui  est  tout  ce  qui  se  peult  souhaiter 
pour  mettre  une  bonne  fin  à  tous  ces  différends,  n'ayant 
jamais  eu  son  altesse  aulcung  désir  que  de  se  ranger 
tousjours  à  la  justice  et  à  la  raison,  espérant  que  de 
ceste  façon  sa  majesté  pourra  cognoistre  que  pour  lui  ne 
demeure  qu'une  si  saincte  œuvre  ne  soit  achevée;  au 
moins  si  ceste  sienne  si  bonne  et  raisonnable  resolu- 
tion ne  sera  acceptée  de  sa  majesté,  son  altesse  es- 
père que  Dieu,  qui  est  juste  juge,  favorisera  ses  armes 
conformes  à  la  justice  de  sa  cause.  Le  dernier  jour  de 
mars  iSgy. 

Encores  que  ceste  dernière  clause  de  la  response 
dudict  sieur  duc,  qui  menace  de  ses  armes  ung  prince 
qui  n'a  pas  occasion  d'en  avoir  peur ,  et  que  le  por- 
teur de  cest  escrit  peult  estre  reteneu  prisonnier  de 
guerre  ,  si  est  ce  que  la  bonté  et  générosité  de  sa  majesté 
passant  par  dessus  tout  cela,  sans  déclarer  le  mescon- 
tentement  qu'elle  eust  peu  avoir ,  ne  laissa  pas  de  faire 
audict  sieur  duc  une  fort  honneste  response  qui  est 
telle  : 

«  Le  rov  consent  et  accorde ,  sur  l'ouverture  que  sa 
majesté  en  a  faicte ,  que  nostre  sainct  père  le  pape 
juge  des  différends  qu'elle  a  avec  lui ,  comme  c'a  tous- 
jours  esté  son  désir  et  intention  d'en  sortir  par  voye 
amiable,  et  mesme  par  l'advis  et  jugement  de  sa  sainc- 
teté, ainsi  qu'elle  a  tesmoigné  par  sesdictes  responses , 
a  déclaré  et  déclare  encores  par  la  présente ,   qu'elle 


DE  L'AMBASSADEUR  DE  SAVOYE.  i45 

accepte  volontiers  sa  saincteté  pour  juge  et  arbitre  de 
tous  lesdicts  différends  que  sa  majesté  a  avec  ledict 
duc,  afin  qu'ils  soient  jngés  et  terminés  par  sadicte 
saincteté ,  ensemblemenl  comme  il  est  raisonnable  et 
nécessaire  de  faire  pour  estabîir  une  entière  amitié 
entre  sadicte  majesté  et  ledict  duc,  leurs  subiecls  et 
pays,  n'estant  marrie,  sinon  que  ledict  duc  n\a  plus- 
tost  pris  ceste  resolution,  tant  elle  désire  sortir  d'af- 
faires avec  lui,  connue  avec  tous  ses  voisins,  pour 
le  bien  universel  delà  cbrestienté.  »  A  Paris,  le  T'de 
jnin   1597. 

La  susdicte  response  dudict  duc  est  datée  du  dernier 
jour  de  mars ,  et  celle  du  roy  est  du  i"'  juin  ,  ou  que  les 
conseillers  dudict  sieur  duc  ont  faict  longuement  garder 
ceste  response,  ou  que  ledict  sieur  de  Jacob  a  faict 
préjudice  a  son  maistre  de  Tavoir  gardée  si  longue- 
ment, sans  en  advertir  le  roy  que  par  ledict  siem^Trouil- 
lons  ,  qu'il  renconslra  sur  la  montaigne  de  Tarare,  et 
feut  despescbé  de  la  court  peu  de  jours  après  son  ar- 
rivée ;  car  estant  la  guerre  ouverte,  il  n'estoit  à  propos 
de  le  faire  arrester  à  la  suite  du  roy;  en  cela  il  y  a 
quelque  mystère  qui  ne  s'entend  pas. 

Venant  maintenant  à  considérer  si  le  roy  est  obligé  au- 
dict  arbitrage,  et  si  ledict  sieur  duc  le  peu!t  justement 
requérir  d'observer  le  conteneu  en  la  response  faicte 
par  sa  majesté  le  i*"jour  de  juin  ci  dessus  inséré,  re- 
présentons nous  en  premier  lieu  les  paroles  de  l'accep- 
tation faicte  par  ledict  sieur  duc  dudict  arbitia^^e; 
après  avoir  consenti  à  l'arbitrage,  il  met  ces  mots  :  Et 
particulièrement  et  avant  toutes  clioses  soit  par  elle 
jugé  de  la  validité  ou  invalidité  du  traic'é  de  Uour- 
going,  etc. 

En  la  response  par  le  roy,  il  est  dict  expresseement  : 

MÉw.  DE  DuprFssis-MoRîy  vY.  ToniF.  virr.  jq 


l46  MEMOIRE 

Déclare  encores  par  la  présente  qu'elle  accepte  volon- 
tiers sa  saincteté  pour  juge  et  arbitre  de  tous  lesdicts 
différends,  afin  qu'ils  soient  jugés  et  terminés  par  sa- 
dicte  saincteté  ensemblement ,  comme  il  est  raison- 
nable et  nécessaire  de  faire ,  pour  establir  une  entière 
amitié  et  bonne  paix  entre  sadicte  majesté,  ledict  duc, 
leurs  pays  et  subjects. 

L'ambassadeur  de  M.  de  Savoye  dict  que  ia  response 
du  roy  ci  dessus  insérée ,  faicte  sur  la  déclaration  du-_ 
dict  sieur  duc  qu'il  acceptoit  l'arbitrage  en  la  personne 
du  pape,  oblige  sa  majesté  à  Tobservalion  de  sa  pro- 
messe, conteneue  en  ladicte  response.  Nous  disons 
que  non  pour  plusieurs  raisons  ;  la  première  est  que 
ledict  sieur  duc  accepte  l'arbitrage,  à  condition  que 
le  pape  juge  avant  toutes  clioses  de  la  validité  ou  in- 
validité du  traicté  de  Bourgoing;  voilà  donc,  par  la- 
dicte acceptation ,  si  le  pape  accorde  d'estre  arbitre , 
qu'il  est  lié,  premièrement  de  juger  de  la  validité  du- 
dict  traicté.  Voyons  la  response  du  roy,  à  ceste  de- 
mande; j'en  escrirai  derechef  les  mots  :  Accepte  volon- 
tiers sa  saincteté  pour  juge  et  arbitre  de  tous  lesdicts 
différends  qu'il  a  avec  ledict  duc,  afin  qu'ils  soient 
jugés  et  terminés  par  sadicte  saincteté  ensemblement, 
comme  il  est  raisonnable  et  nécessaire  pour  establir 
une  entière  amitié ,  etc. 

Si  ce  que  ledict  duc  met  en  sa  déclaration  que  le 
pape,  avant  toutes  choses,  juge  de  la  validité  ou  inva- 
lidité dudict  traicté,  et  ce  que  le  roy  met  en  sa  res- 
ponse, qu'il  accepte  nostre  sainct  père  pour  arbitre 
de  tous  lesdicts  différends  qu'il  a  avec  ledict  duc,  afin 
qu'ils  soient  jugés  et  terminés  par  sa  saincteté  ensem- 
blement, est  la  mesme  chose,  nous  confessons  que  oui 
et  non   est  la  mesme  chose  ;  que  séparément  et  con- 


DE  L'AMBASSADEUR  DE  SAVOYE.  147 

joinctement  est  la  mesme  chose;  et,  pour  faire  le  plus 
évidemment  cognoistre  quelle  estoit  en  cela  l'inten- 
tion de  sa  majesté ,  il  adjouste  à  sadicte  response  les 
mots,  après  ce  mot  ensemblement ,  «comme  il  est  rai- 
sonnable et  nécessaire  de  faire  ;  »  par  ces  mois,  il  appert 
que  le  roy  ne  désire  pas  seulement  que  le  tout  soit 
décidé  ensemblement,  mais  aussi  qu'il  le  juge  néces- 
saire; la  raison  pour  laquelle  sa  majesté  la  doibt  ainsi 
désirer,  est  qu'il  a  estimé  qu'il  n'estoit  à  propos  de 
tenir  l'affaire  en  longueur,  ce  qui  adviendroit  s'il  en 
fault  faire  deux  jugemens. 

L'aultre  raison  est  que,  consistant  ce  traicté  en  partie 
de  ce  qui  a  esté  mis  par  escrit,  et  de  ce  qui  a  esté 
seulement  promis  de  bouche  par  les  députés  dudict 
sieur  duc,  dont  on  ne  doibt  doubter,  attendeu  les  as- 
seurances  qu'on  ne  peult  nier  avoir  esté  données  par 
ledict  sieur  président  Rochette,  qui  estoit  de  la  re- 
cognoissance  dudict  fief,  restitution  de  quelque  nombre 
de  canons,  oultre  quelques  aultres  promesses  qui  feu- 
rent  advancees ,  dont  Ton  se  taira  pour  le  présent.  Ce 
ne  seroit  pas  le  service  du  roy  de  commencer  par  la 
déclaration  de  la  validité,  qui  ne  contient  qu'une  partie 
du  traicté.  Le  roy  a  jugé  nécessaire  que  le  tout  feust 
décidé  ensemblement  et  non  separeement.  Il  en  a  mis 
le  marché  en  main  audict  sieur  duc;  nous  disons  que 
s'il  le  voulloit  servir  de  ladicte  response  du  roy,  il  a 
deu  déclarer  qu'il  l'acceptoit ,  ce  qu'il  n'a  pas  faict, 
et  vient  bien  tard  pour  le  dire. 

On  respond  à  ce  que  dessus ,  que  la  guerre  s'ouvrit 
en  mesme  temps  entre  les  deux  estats;  que  son  altesse 
commença  à  se  deffendre  des  entreprises  de  M.  de 
Lesdiguieres ,  et  non  pas  à  escrire. 

Nous  disons   que  quand  la   response   du  roy  feut 


l48  MEMOIRE 

baiilee  aiidict  sieur  Trouillons  que  la  guerre  estoit  desjà 
ouverte,  et  lui  feut  dict  que,  nonobstant  que  M.  de 
Lesdiiïuieres  feust  entré  dans  le  pavs  dudict  sieur  duc, 
que,  s'il  acc^pîoit  ce  que  sa  majesté  lui  offroit ,  il  en 
feroit  retirer  ses  forces. 

Ledict  sieur  duc  n'a  jamais  déclaré,  jusques  à  pré- 
sent, de  se  voulloir  aider  de  ladicte  response  du  roy  ; 
il  lui  estoit  aisé  d'envoyer  ung  trompette  jusqu'à  Lyon  , 
porter  à  M.  de  Guiche  la  response  qu'il  voulloit  faire 
au  roy,  dont  il  ne  debvoit  estre  enipescbé,  a  l'occa- 
sion que  la  guerre  estoit  ouverte  ,  lui  ayant  usé  le  roy 
de  ceste  sjracieuseté  de  lui  escrire  estant  la  guerre 
ouverte. 

L'ambassadeur  de  Savoye  dict  que  pour  monstrer 
que  ledict  sieur  duc,  son  maistre,  a  tousjours  coi  — 
tinué  en  ceste  volonté  d'accepter  ladicte  response  du 
roy,  et  conclure  avec  sa  majesté  une  bonne  paix,  son 
altesse  avant  entendeu  que  le  serenissime  cardinal  Al- 
bert estoit  entré  en  propos  de  traicter  la  paix  entre 
les  deux  couronnes,  l'envoya  incontinent  par  devers 
ledict  sieur  cardinal,  pour  lui  faire  entendre  qu'il  de- 
sire  estre  compris  en  ceste  paix  ;  et  sur  ceste  occasion 
est  ici  veneu  pour  le  nous  monstrer,  et  que  son  maistre 
entend  de  s'aider  de  la  susdicte  response  du  roy,  îou- 
cbant  l'acceptation  de  l'arbitrage,  dont  il  ne  s'est 
poinct  desparti.  A  cela  nous  avons  respondeu  que , 
pour  aller  trouver  le  roy,  il  ne  fnlloit  pas  qu'il  prist 
son  cbemin  par  la  Flandres  ;  qu'il  avoit  deux  voyes  qui 
estoient  plus  courtes,  l'une  d'en  escrire  au  roy,  comme 
lui  estoit  aisé  de  faire  par  M.  de  La  Guicbe;  l'aullre 
qu'il  eust  peu  escrire  au  pape,  qu'il  estoit  prest  d'ac- 
cepter l'arbitrage,  et  le  supplier  d'en  voulloir  escrire 
à  sa  majesté;  mais  il  n'a  faict  ni  l'ung  ni  l'aultre,  au 


DE  L'AMBASS/VDEUR  DE  SAVOYE.  149 

contraire,  a  envoyé  par  deveis  celui  qui  lui  avoit  sur- 
pris Amiens,  et  lui  faisoit  la  guerre  en  toute  cesle 
liontiere. 

Pour  conclure  ce  faict ,  nous  avons  dict  que  sa  ma- 
jesté n'est  aulcunement  obligée  à  l'observation  de  la- 
dicte  response ,  attendeu  la  guerre  très  cruelle  qui  a 
depuis  longuement  continué  entre  les  deux  estais,  et 
dure  encores  à  présent.  Que  s'il  avoit  surpris  au  roy 
une  bonne  ville,  il  ne  la  rendroit  pas  en  vertu  de  ceste 
jesponse  et  de  sa  déclaration,  que  s'il  se  met  à  ce  qui 
est  du  debvoir,  sa  majesté  lui  accordera  volontiers. 

Sa  majesté  lui  accordera  très  volontiers  toutes  choses 
bien  raisonnables,  et  ce  qu'elle  fera  n'est  pas  par  obli- 
gation ,  mais  principalement  pour  le  désir  qu'elle  a  du 
repos  universel  de  toute  la  chrestienté,  et  comme  aussi 
de  vivre  en  bonne  intelligence,  paix,  amitié  et  voisi- 
nance  avec  icelui  duc  de  Savove. 


LXIII.  —  ^LETTRE 

De  MM.  de  BelUevre  et  de  Sillerj  au  roy. 

Sire,  nous  estimons  que  le  courrier  La  Fontaine, 
qui  partit  de  ce  lieu  de  Vervins  le  5  de  ce  mois,  avec 
une  bien  ample  despesclie,  que  faisions  a  vostre  majesté 
sur  ce  qui  se  présente  du  costé  de  deçà,  sera  arrivé 
auprès  d'elle  auparavant  que  ceste  ci  lui  soit  rendeue. 
Par  ladicte  despesclie,  nous  lui  escrivions  ce  que  nous 
avions  entendeu  de  Tadvis  qu'ils  avoient  eu  à  (-ialais 
de  4îOOo  Espaignols  portés  sur  quarante  navires,  qui 
dans  peu  y  debvoient  arriver.  Le  père  gênerai  des  cor- 
deliers  nous   est  depuis  veneu  dire  que  les  ambassa- 


1 5o  LETTRE 

deurs  d'Espaigne  qui  sont  ici  ont  advis  certain  qu'iî 
est  descendeu  audict  Calais  4i5oo  Espaignols  que  l'on 
a  despartis  es  environs  de  Lille  et  aultres  lieux  circon- 
"voisins;  nous  a  dict  de  la  part  desdicts  ambassadeurs, 
que  la  veneue  de  ce  renfort  d'Espaignols  ne  nous  doibt 
faire  entrer  en  souspçon  que  par  là  on  prenne  occa- 
sion de  Youlloir  changer  ou  diminuer  aulcune  chose 
de  ce  qui  a  esté  traicté  entre  eulx  et  nous;  et  nous 
debvons  asseurer  qu'ils  procèdent  avec  nous  de  bonne 
foi;  car  estans  bien  asseurés  de  ce  secours ,  ils  nous  ont 
ci  devant  convié,  comme  ils  font  de  nouveau,  à  la  con- 
clusion de  cest  affaire;  que  si  nous  sommes  prests  à 
signer  les  articles  dont  nous  avons  traicté,  que  de  leur 
costé  ils  sont  prests  à  le  faire ,  et  nous  donnent  asseu- 
rance  que  ni  par  faulte  d'argent,  ni  à  l'occasion  des 
soldats  mutinés,  il  n'y  aura  aulcune  longueur  ni  retar- 
dement à  la  restitution  des  places  qu'ils  ont  promis  de 
rendre;  à  quoi  ils  estiment  que  l'on  a  desjà  si  bien 
commencé  à  y  pourvoir,  qu'il  sera  satisfaict  de  bonne 
foi  à  leur  promesse. 

Quant  à  l'argent  qu'ont  porté  ces  navires,  nous  ne 
le  pouvons  pas  dire  pour  certain  ;  le  bruict  est  qu'il  y 
a  somme  notable.  Quant  aulx  desseings  des  Espaignols, 
ces  ambassadeurs  se  laissent  entendre  qu'ils  désirent  la 
paix  avec  vostre  majesté,  dont  ils  ont  bonne  espé- 
rance qu'il  ne  tiendra  au  roy  catholicque  qu'elle  ne  se 
fasse  avec  la  royne  d'Angleterre  et  les  Hollandois;  s'ils 
continuent  à  voulloir  la  guerre,  qu'il  employera  les 
moyens  pour  la  leur  faire,  qui  est  la  cause  de  ce  grand 
nombre  d'Espaignols  qu'il  a  envoyés,  oultre  lesquels 
on  nous  asseure  que  le  cardinal  Albert  peult  faire 
mettre  en  campaigne  3,5oo  Espaignols,  vieulx  soldats. 
Vostre  majesté  aura  veu,  par  nostre  précédente  des- 


AU  ROY.  i5i 

pesche,  ce  qui  nous  a  esté  ci  devant  proposé  par  ledict 
père  gênerai ,  que  si  son  bon  plaisir  sera  tel  de  bailler, 
sa  parole  audict  cardinal ,  que  vos  gens  de  guerre  ne 
feront  aulcune  entreprise  sur  les  places  dudict  sieur 
roy  catholicque;  que  ledict  cardinal  baillera  semblable- 
ment  sa  parole,  qui  sera  escrite,  ou  dicte  de  bouche 
seulement,  que  les  gens  de  guerre  qui  sont  soubs  sa 
charge  ne  feront  aulcune  entreprise  sur  les  places  de 
vostre  majesté  pour  ce  que  à  nostre  partement  de  Paris, 
parce  que  nous  en  peusmes  juger,  vostre  majesté  n'es- 
toit  pas  en  ceste  volonté;  nous  ne  nous  sommes  arres- 
tés  sur  ce  propos.  Sur  l'advis  que  lui  en  avons  donné, 
nous  attendrons  son  bon  voulloir  et  commandement. 
Nous  escrirons  à  M.  le  connestable  ce  que  nous  enten- 
dons de  l'arrivée  desdicts  Espaignols,  qui  est  ung  ren- 
fort qui  doibt  donner  à  penser  à  vos  serviteurs.  Sire , 
nous  supplions  le  Créateur,  etc. 

Du  7  mars  iSgS. 


LXIV.  — -^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bdlievre  et  de  Sillerj, 

Messii-urs,  j'envoyerai  à  M.  de  Matignon  la  prolon- 
gation du  passeport  du  courrier  de  M.  le  légat,  suivant 
vostre  lettre  du  2 5  du  mois  passé  que  j'ai  receue  au- 
jourd'hui, et  attendrons  plus  amplement  de  vos  nou- 
velles par  La  Fontaine;  et  quand  MM.  dTncarville  et  le 
thresorier  de  l'espargne  seront  arrivés,  je  leur  parlerai 
du  remboursement  de  vostre  advance  pour  les  frais  du 
courrier  que  vous  avés  envoyé  avec  l'aultre,  et  pour 
contenter  les  cinq  postes  tournées  sur  le  chemin  de 


i52  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

Vervins,    aiilxquelles  je   solliciterai    qu'il   soit   donne 
moyen  de  résider  en  Jeur  traverse. 

Je  vous  envoyé  une  lettre  de  M.  de  Buzenval ,  que 
j'ai  receue  aujourd'hui ,  par  laquelle  vous  apprendrés 
des  nouvelles  de  ce  costé  là,  pour  vous  en  servir  en 
vostre  negoliation  ,  de  laquelle  je  vois  sa  majesté  pren- 
dre plus  grande  desfiance  que  jamais,  à  cause  des  arti- 
fices dont  usent  nos  ennemis  pour  séparer  les  estats 
d'avec  nous.  Sur  cela ,  nous  avons  sceu  estre  arrivés  à 
Calais  4,000  hommes  de  pied  veneus  d'Espaigne  par 
mer.  Nous  avons  ici  ung  de  leurs  capitaines  qui  a  esté 
à  Dieppe,  duquel  nous  avons  sceu  le  mérite  de  ce  se- 
cours, qui  est  plus  composé  de  Basques  et  de  Portu- 
gais, et  gens  ramassés,  que  de  bons  soldats;  tqutesfois, 
puisqu'ils  se  fortiHent  d'hommes,  nous  disons  qu'ils 
pensent  bien  autant  à  la  guerre  qu'à  la  paix.  .Te  sçais 
bien  qu'ils  diront  que  c'est  le  moins  qu'ils  peuvent  faire, 
estans  incertains  de  nos  intentions,  de  s'armer  et  de  se 
fortifier,  sans  rien  oublier  à  faire  de  ce  qui  les  peult 
advantager,  à  quoi  je  ne  me  puis  opposer;  toutesfois 
vous  les  pouvés  faire  parler  sur  cela  et  sur  le  conteneu 
de  la  susdicte  lettre  de  M.  de  Buzenval ,  laquelle  je  vous 
prye  de  me  renvoyer  après  Tavoir  veue,  car  je  n'en  ai 
poinct  reteneu  de  double. 

x\u  reste  le  roi  partira  demain  d'ici  pour  poursuivre 
son  voyage.  Nous  avons  séjourné  ung  jour  à  Chenon- 
ceaux,  et  ung  aultre  ici,  oii  le  roy  s'est  purgé,  non 
qu'il  se  trouve  mal ,  mais  c'a  esté  pour  asseurer  sa  santé 
(jui  est  très  bonne.  Dieu  merci. 

Madame  de  Mercœur  est  à  Rochefort,  en  intention  de 
venir  trouver  le  roy  quand  il  sera  à  Angers.  Elle  est 
accompaignee  de  ievesque  de  Sainct  Mnlo  et  du  sieur 
de  La  Pardicu;  mais  je  crois  que  son  voyage  sera  du 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.         lS3 

tout  inutile  ;  car  le  roy  veult  que  M.  de  Mercœur  quitte 
et  abandonne  du  tout  la  Bretaigne,  s'il  veult  estre  son 
auji  et  avoir  paix  avec  lui,  à  quoi  on  n'estime  pas  qu'il 
acquiesce  que  par  force  ouverte;  mais  j'espère  que 
chacung  l'abandonnera,  car  il  n'y  a  celui  qui  n'ait  desjà 
envoyé  devers  sa  majesté  pour  faire  la  paix,  de  quoi  je 
vous  escrirai  ainplement  des  nouvelles,  et  le  plus  sou- 
vent que  je  pourrai.  Sur  ce,  monsieur,  je  prye  Dieu,  etc. 

De  Tours,  ce  3  mars  i5g8. 

LXV.  —^  LETTRE  DE  M.  DE  VIELEROY 

^  MM.  de  BelUevre  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  je  vous  ai  escrit  de  Tours,  du  3  de  ce 
mois,  et  je  vous  escrirai  encores  la  présente,  pour 
vous  advertir  que  les  gouverneurs  des  places  de  Roche- 
fort  et  Ancenis  ont  recogneu  le  roy  et  juré  fidélité  à 
sa  majesté,  à  nostre  arrivée  en  ce  lieu,  où  nous  avons 
trouvé  madame  de  Mercœur  accompaignee  de  Fevesque 
de  Nantes ,  de  Cussé,  et  des  sieurs  de  La  Pardieu  et  de 
La  Ragotiere,  qui  ont  donné  à  sa  majesté  toute  asseu- 
laiice  de  l'obéissance  de  M.  de  Mercœur  et  de  tout  ce 
qui  despend  de  lui  ;  de  façon  que,  si  les  effects  cor- 
respondent aulx  paroles,  j'espère  que  nous  ferons  nos 
pasques  en  la  ville  de  Nantes,  et  que  nous  aurons  bien- 
tost  mis  en  repos  ces  piovinces  qui  en  avoient  tant  be- 
soing  ,  la  place  de  Blavet  exceptée  ,  contre  laquelle  nous 
tournerons  toutes  nos  forces,  si  bien  que  j'estime  que 
nous  l'aurons  bientost  reduicte  à  la  raison,  ou  en  estât 
qu'elle  ne  fera  plus  grand  mal. 

L'intention  de  sadicte  majesté  n'est  pas  de  laisser  la 


l54  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

cliarî^e  du  pays  à  M.  de  Mercœur,  à  quoi  il  semble  qu'il 
s'accorde ,  tant  il  est  trouvé  abandonné  de  tous  les 
siens ,  car  il  n'y  a  pas  ung  des  gouverneurs  des  places 
qui  l'ont  suivi  ,  qui  n'ait  envoyé  à  part  devers  sa  ma- 
jesté, pour  se  mettre  à  couvert  sans  lui.  Je  vous  dis 
jusques  à  ses  plus  intimes  amis  et  serviteurs,  tant  a  eu 
de  force  la  justice  de  la  cause  de  sa  majesté,  fortifiée  de 
sa  présence,  accompaignee  comme  elle  est.  De  maniera 
que  ledirt  duc  a  esté  bien  conseillé  de  se  soubmettre 
à  la  bonté  de  sadicte  majesté,  laquelle  est  encores  plus 
grande  que  ne  sont  ses  forces.  Dedans  deux  jours,  je 
vous  pourrai  escrire  plus  asseureement  ce  qui  s'en 
suivra. 

J'adjousterai  que  MM.  de  Bouillon  et  de  La  Tre- 
mouille  sont  veneus  à  la  rencontre  de  sa  majesté  jus- 
ques à  Tours,  lesquels  Tont  prié  d'excuser  le  passé, 
et  d'attendre  d'eulx  pour  l'advenir  toute  obéissance. 

L'assemblée  de  Cbastellerault  a  aussi  envoyé  qbattre 
députés  pour  conclure  et  acbever  du  tout  les  affaires 
qui  les  concernent  ;  si  bien  que  j'estime  que  nous  en 
pourrons  sortir  a  Angers  où  nous  allons  aujourd'hui; 
mais  vous  sçavés  à  quel  prix  ce  sera  ,  car  ils  n'ont  rien 
rabatteu  de  leur  compte  ;  et  pourveu  qu'ils  soient 
sages  et  qu'ils  recognoissent  comme  ils  doibvent  la 
bonté  de  sa  majesté  ,  encores  n'en  serons  nous  que 
bons  marchands;  lesdicts  sieurs  s'en  sont  retournés  à 
Cbastellerault  où  ils  avoient  laissé  madame  la  princesse 
d'Orange,  pour  faire  le  mariage  de  mondict  sieur  de 
La  Tremouille  avec  sa  belle  fille  ;  je  n'ai  poinct  encores 
remarqué  qu'ils  ayent  faict  offices  contraires  à  vostre 
negotiation  ;  mais  je  vois  plusieurs  personnes  depuis 
l'arrivée  à  Calais  des  Espaignols,  dont  je  vous  ai  donné 
advis  par  mes  dernières,  doubler  grandement  de  l'isseue 


A  MM.  DE  BELLÎEVRE  ET  DE  SILLERY.  i/j5 
d'icelle  ,  de  quoi  nous  nous  attendons  d'estre  esclaircis 
au  premier  jour  ,  par  vos  premières  letrr^es. 

M.  Cécile,  accompaigné  de  deux  cent  cinquante 
chevaulx ,  arriva  à  Dieppe  le  dernier  du  mois  passé; 
sa  majesté  lui  mande  qu'il  la  vienne  trouver  par  deçà , 
ne  pouvant  s'en  esloingner ,  afin  de  ne  poinct  laisser 
imparfaicte  la  délivrance  entière  de  ceste  province  qui 
est  desjà  si  advancee;  nous  ayant  escrit  avoir  charge 
de  sa  souveraine  de  ne  poinct  traicter  avec  personne 
qu'il  n'ait  veu  le  roy,  et  lui  ait  descouvert  toutes  les 
intentions  et  le  cœur  de  la  royne  ;  de  sorte  que  nous 
ferons  venir  M.  de  Maisse  ,  mais  les  députés  de  Hol- 
lande ne  sont  pas  encores  ici  arrivés. 

M.  le  duc  de  Savoye  s'est  mis  aulx  champs  avec 
lîuict  ou  neuf  mille  hommes  de  pied ,  et  huict  cens  à 
mille  chevaulx,  et  a  assiégé  Aiguebelle ,  comme  nous 
a  escrit  et  faict  sçavoir  M.  de  Lesdiguieres,  qui  de- 
mande secours  d'argent,  avec  lequel  il  dict  qu'il  ne  lui 
manquera  poinct  de  forces  pour  rompre  et  faire  avor- 
ter les  desseings  dudict  duc.  Vous  sçavés  ce  que  nous 
pouvons  y  apporter;  mais  le  roy  proteste,  sitost  qu'il 
aura  achevé  ici ,  de  tourner  de  ce  costé  là ,  si  les  né- 
cessités de  nostre  frontière  de  Picardie  le  nous  per- 
mettent; c'est  ce  que  je  vous  puis  escrire  pour  le  pré- 
sent, avec  la  bonne  et  parfaicte  santé  du  roy,  et  mes 
bien  humbles  recommandations  à  vos  bonnes  grâces; 
pryant  Dieu ,  etc. 

Du  7  mars  lôgS. 


I  56  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROl 

LXVI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  M.  Duplessis. 

Monsieur  ,  puisque  madame  doibt  estre  bientost 
vostre  hostesse,  nous  ne  faisons  pas  estât  de  vous  voir 
plus  tosl  qu'elle,  combien  que  vostre  présence  soit  très 
désirée  et  nécessaire.  Je  vous  ai  escrit  par  le  sieur 
Saurin,  comme  le  roy  m'a  dict  qu'il  avoit  faict  la  répri- 
mande aulx  officiers  de  ceste  ville ,  pour  avoir  faict  trop 
peu  de  compte  de  l'attentat  commis  en  vostre  personne. 
Sa  majesté  m'a  dict  encores  hier  qu'elle  la  redoubleroit  : 
au  reste ,  elle  avoit  dict  aulx  parens  de  Sainct  Phal 
qu'il  falloit  qu'ils  le  lui  représentassent,  ou  qu'elle 
commanderoit  à  sa  court  de  parlement  de  lui  faire  son 
procès.  J'entends  que  sur  cela  ils  ont  proposé  et  qu'ils 
poursuivent,  par  le  moyen  de  M.  de  Schomberg , 
quelque  expédient  pour  sortir  de  ce  bourbier  à  vostre 
contentement,  et  à  la  seureté  de  la  vie  et  personne 
dudict  Sainct  Phal;  car  ils  ne  le  peuvent  faire  à  son 
lionneur,  tant  le  forfaict  est  sale.  Mais  il  me  semble 
que  cela  ne  doibve  retarder  dadvantage  vostre  veneue 
quand  madame  sera  passée;  car  il  ne  fault  pas  que  ni 
par  la  craincte  ni  la  tentative  de  cest  accord  vous  re- 
tienne où  vous  estes  esloingné  de  sa  majesté  et  de  son 
service ,  aulx  occasions  qui  se  présentent  :  toutesfois 
vous  en  userés  comnie  il  vous  plaira,  et  je  vous  ser- 
virai de  tout  mon  pouvoir.  Sa  majesté  avoit  une  fois 
commandé  passeport  pour  les  députés  dont  vous  m'avés 
escrit  ;  mais  il  a  esté  advisé  depuis  d'en  surseoir  l'ex- 
pédition pour  deux  jours ,  dedans  lesquels  nous  sommes 
resoleus  de  l'accord  de  M.  de  Mercœur  qui  trnisne  en- 


A  M.  DUPLESSIS.  107 

cores  plus  que  le  service   de  sa  rnnjesté  ne  requeroit 

qu'il  partist. 

D'Angers,  ce  11  mars  i^gS. 


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LXVIT.  —  ^  LETTRE 
/)//  cfuc  de  Bouillon  h  M.  Duplessis. 

MoTs'^siFXTi,  toute  la  famille  vous  est  obligée,  et  en 
ce  qui  est  de  céans,  vous  n'avés  rien  tant  à  vous,  et 
^oiis  prye  de  tenir  pour  très  asseuré  tout  ce  qui  des- 
pendra de  nous.  Les  nopces  sont  faictes ,  mais  non 
du  tout  accomplies,  s'y  estant  passé  plusieurs  jolies 
contestations.  Mandés  nous,  je  vous  prye,  les  causes 
de  l'accroche  du  traicté,  et  si  le  roy  se  rendra  au  siège 
de  Blavet ,  où  est  l'armée,  et  soubs  qui  conduicte.  Si 
vous  jugés  que  je  puisse  servir  à  vostre  affaire,  je  me 
rendrai  sans  délai  près  du  roy,  pour  travailler  à  vostre 
contentement ,  tout  ainsi  que  si  c'estoit  pour  mon 
propre  fils.  Nous  avons  eu  des  notes  de  Languedoc,  où 
tout  va  mal.  M.  de  Sainct  Germain  est  allé  à  Aubenas 
avec  franchise  de  mer;  vous  asseurant  qi:ie  vous  le 
pourries  faire  ,  si  vous  allés  trouver  le  roy.  Je  vous 
prye  de  vous  soubvenir  de  ce  qui  me  touche,  demeu- 
rrnt  fixe  à  l'alternative  que  je  vous  ai  dicte.  Le  fer  de 
la  messe  de  La  Rochelle  nous  prendra  ;  pour  le  moins 
fault  il  mesnager  cest  affjiire  par  le  temps  de  l'exécu- 
tion,  en  chargeant  les  instructions  des  commissaires, 
en  leur  en  faisant  donner  commandement.  Je  vous  baise 
les  mains  et  à  madame  Duplessis,  etc. 

Henry  de  La  Tomi. 
Du  I  3  mars  1598. 


l58  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

LXVIII.---V^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'a-MIe,  j'ai  receu  tes  lettres  avec  les  pièces  de 
Drugeon.  Je  ne  le  posséderai  pas  long  temps  sans  les 
employer  ;  car  M.  de  Rheims  se  faict  fort  de  l'amitié  de 
M.  de  Launay  Blavon,  et  d'ung  aultre  conseiller  à 
Rennes,  nommé  Aubebert,  fort  honneste  homme, 
pardevant  lequel  nous  le  ferons  ouîr.  Il  est  question 
de  sçavoir  seulement  s'ils  y  seront  encores,  parce  que 
leur  semestre  est  fini  du  dernier  de  febvrier.  Aujour- 
d'hui M.  de  Villeroy  doibt  parler  au  roy ,  et  ce  mesme 
jour  le  roy  nous  faict  parler  ensemble,  M.  d'Espernon 
et  moi ,  des  la  première  fois  que  nous  nous  trouverons 
devant  lui.  Je  verrai  ce  que  nous  pourrons  faire  pour 
l'excuser.  M.  de  Puysieux  est  veneu  pour  me  voir  en 
mon  logis  ;  mais  les  premiers  jours  il  n'est  pas  aisé  de 
m'y  trouver.  Nostre  ex  triennal  s'en  retourne  avec 
charge  de  payer  le  dernier  mois  non  sans  difficulté  ; 
car  l'ex  thresorier  de  Tespargne  nous  voulloit  rejetter 
sur  la  creue  des  garnisons.  M.  de  Rhosny  nous  y  a  faict 
fort  bon  office ,  et  s'offre  fort  affectueusement  pour  le 
principal,  lls'excuse  du  passé  sur  ce  que  le  roy  crai- 
gnoit  de  fascher  le  mareschal  de  Brissac,  jusqu'à  ce 
qu'il  feust  en  Bretaigne.  Nous  verrons  maintenant  ;  il 
fault  dire  à  M.  Niotte  qu'il  presse  la  levée  des  garni- 
sons, afin  que  nous  ne  soyons  plus  en  peine;  mais, 
d'ailleurs,  je  pense  qu'aujourd'hui  nous  achèverons  à 
peu  près  l'affaire  de  la  relligion  ,  moyennant  quoi  nous 
serons  réglés  comme  les  aulties  garnisons.  Le  traicté  de 


A  M.  DLPLESSIS.  i5g 

M.  de  Mercœur  ne  tient  qu'a  fort  peu.  Cejourd'hui  arrive 
M.  de  La  Pardieu,  qui  en  apportera  la  finale  conclu- 
sion. Il  est  aisé  a  voir  au  poulx  de  madame  de  Mer- 
cœur  qu'il  ne  se  peult  aultrenient.  Je  la  gouvernai  hier 
au  soir,  et  non  sans  me  dire  qu'elle  voyoit  mes  pré- 
dictions accomplies.  Le  roy  parle  de  partir  lundi.  C'est 
à  nous  à  adviser  pour  nos  logis;  la  pluspart  de  nos  clie- 
\aulx  sont  au  pont  de  Ce.  Nous  serons  mieulx  à 
Nantes.  J'ai  entamé  l'affaire  des  3o,ooo  liv.  avec  MM.  de 
Schomberg  et  de  Rhosny  pour  en  assurer  les  assigna- 
tions. J'en  espère  bien;  M.  de  Rhosny  m'a  aussi  asseuré 
le  triennal  des  traictes,  receveur  et  controlleur.  C'est 
pour  Pulet  et  pour  le  nepveu  de  M.  Niotte.  Je  verrai 
aujourd'hui  ce  qui  se  pourra  pour  M.  Peullau.  M.  de 
Calignon  m'a  promis  de  parler  vivement  à  M.  de  Lus- 
son  ,  et  en  tout  cas  despescher  à  M.  Lesdiguieres  pour 
]a  somme  entière.  Je  me  suis  fort  enquis  des  complices 
de  Sainct  Pbal ,  mesmes  de  la  plaincte  qui  a  esté  ici. 
M.  de  La  Ferriere  m'a  asseuré  qu'il  n'estoit  poinct  de 
l'assassinat.  Il  n'y  sera  rien  oublié.  M.  de  Malicorne  sera 
demain  ici.  M.  de  Brissac  ne  se  haste  gueres  ,  aussi  n'en 
a  il  pas  grand  subject.  J'ai  receu  lettres  de  M.  de 
Vaynes.  Je  suis  bien  aise  que  tu  ayes  veu  Dujon ,  et 
n'oublierai  à  parler  de  nos  enfans.  Je  doubte  fort  que 
M.  de  Boisguerin  ne  fera  rien  ici.  J'ai  une  despesche 
preste  pour  madame  de  Rohan  ;  mais  messieurs  ses  en- 
fans  n'y  despeschent  poinct,  et  l'attendent  à  Nantes.  Je 
satisferai  par  la  première  voye  à  ses  lettres.  Au  reste , 
je  te  prye ,  mets  ton  esprit  en  repos.  Nous  ne  trouvons 
ici  que  des  amis.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon 
cœur,  et  supplie  le  Créateur  qu'il  te  garde  et  conserve, 
et  toute  nostre  famille. 

D'Angers,  ce  1 4  mars  1698. 


l6o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

Je  t'ai  mandé  ce  que  j'ai  appris  de  M.  Erard.  Je  trou- 
vai de  l'acccord  et  du  desaccord;  il  ne  se  peult  asseurer 
du  temps  de  la  dévotion,  et  en  la  conférence  qu'a  ce- 
lui ci  représentée,  et  ne  soient  plus  les  choses  si  prestes. 
Par  le  faict  de  la  royne,  ii  en  attend  response. 

LXIX.—^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie  ,  tu  auras  veu  le  Basque  ;  depuis  sont  ve- 
ïieues  nouvelles  de  Nantes.  M.  de  Mercœur  a  desja  mis 
les  Espaignols  dehors ,  et  rendeu  à  Villehois  sa  foi  et  à 
celui  de  Belin,  et  doibt  venir  trouver  le  roy  en  ceste 
ville  dans  la  sepmaine  où  nous  entrons  ;  cela  est  cause 
que  sa  majesté  ne  bouge  pas  encores  ,  dont  nous  ferons 
nos  affaires  plus  paisiblement.  Nostre  triennal  s'en  re- 
tourne avec  charge  de  payer  le  demi  mois.  Cela  faict, 
je  suis  d'advis  que  M.  Niotte  fasse  ung  tour  ici  avec  nos 
papiers,  d'où  peult  estre  le  ferai  je  donner  jusqu'à 
Rennes  pour  ce  que  tu  sais,  ou  en  tout  cas  quelque 
aultre.  Je  sçais cependant  gouverner  l'escuyer.  Le  roy  m'a 
commande  fort  expresseement  de  faire  venir  M.  Erard. 
Je  lui  en  escris  ;  cela  servira  aussi  à  son  particulier. 
Nos  chevaulx  sont  au  pont  de  Ce.  Le  maistre  de  la 
poste  de  Chozay  ,  en  lui  faisant  passer  quelques  bleds  , 
promit  de  m'amener  cinq  cens  d'avome  au  prix  qu'il 
les  aura  achetées.  Elles  coulent  le  double  ici ,  et  tout  à 
l'advenant.  Je  verrai  aussi  dcmesnager  le  service  de 
lîostre  bateau.  J'ai  veu  Dujon  qui  me  promit  de  penser 
sérieusement  à  ton  mal  sur  les  erremens  de  M.  Petit. 

Je  t'embrasse,  etc. 

D'Angers,  ce  1  4  mais  1 598. 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  i6l 

LXX.  —  'V^  LETTRE  DU  IIOY 
A  MM.  de  Belliei^re  et  de  SUlery. 

Messieurs  de  Bellievre  et  de  Sillery,  vostre  des- 
pesche  du  4  de  ce  mois,  que  j'ai  receue  le  q,  m'a 
donné  à  penser  quattre  jours  entiers,  durant  que  j'aie 
peu  en  commencer  la  response  ;  car  si  d'ung  costé  je 
désire  grandement  descharger  mon  peuple  et  moi  des 
incommodités  et  ruynes  de  la  guerre ,  et  pareillement 
contenter  nostre  sainct  père  et  M.  le  légat,  en  bien  fai- 
sant à  toute  la  chrestienté;  de  l'aultre  je  suis  si  jaloux 
de  ma  réputation  et  de  ma  foy,  que  je  ne  puis  per- 
mettre qu'il  soit  faict  chose  qui  puisse  prejudicier  à 
l'une,  et  ne  veulx  aussi  manquer  à  l'aultre,  non  plus  à 
mes  ennemis  ,  si  je  puis,  qu'à  -mes  amis.  Vous  sçavés 
que  c'est  le  chemin  que  j'ai  suivi  jusques  à  présent  en 
la  conduicte  de  mes  affaires,  duquel  je  me  suis  si  bien 
trouvé ,  que  je  veulx  y  continuer  tant  qu'il  me  sera  pos- 
sible ;  et,  sur  ce  fondement,  je  vous  dirai  que  je  me 
suis  faict  lire  par  deux  fois  vostredicte  lettre ,  avec 
tous  les  Mémoires  que  vous  m'avés  envoyés,  pour  mieulx 
entendre  les  raisons  qui  y  sont  deduictes;  j'ai  mesmes 
veu  la  lettre  que  vous  avés  escrite  au  sieur  de  Villeroy, 
et  le  billet  eç  chiffre  que  vous  lui  avés  addressé.  Tout 
bien  considéré,  il  me  semble  que  je  puis  passer  et 
accorder  les  articles  dont  vous  avés  conveneu  avec  les 
ambassadeurs  d'Espaigne  ,  représentés  par  l'ung  de  vos- 
dicts  Mémoires. 

Encores  que  je  trouve  long  le  terme  de  trois  mois 
qu'ils  ont  demandé  pour  rendre  Blavet ,  voyant  qu'ils 

MÉM.  DE   DuPLKSSTS-MoRîfAY.  ToUIF   VIII,  I  I 


l6l  LETTRE  DU  ROY 

ont  jà  envoyé  quérir  en  Espaigne  le  contresigne  né- 
cessaire pour  faire  obéir  celui  qui  y  commande;  tou- 
tesfois  je  ne  ni'arresterai  pas  à  cela  quand  le  reste  sera 
accordé;  car  j'estime  comme  vous  qu'ils  ne  me  ren- 
droient  pas  les  places  de  Picardie  s'ils  vouUoient  man- 
quer à  la  restitution  dudict  Blavet,  dedans  le  temps 
qu'ils  promettent ,  d'autant  qu'ils  perdroient  le  fruict 
de  la  paix;  ils  ne  nous  bailleroient  aussi  les  ostages 
qu'ils  accordent. 

Et  afin  que  vous  sçachiés  mon  intention  sur  le  nom- 
bre desdicts  ostages,  je  vous  dirai  que  si  vous  en  pouvés 
obtenir  six,  la  seureté  en  sera  plus  grande;  partant 
faictes  en  instances;  toutesfois  s'ils  n'en  veullent  accor- 
der que  quattre,  il  fauldra  s'en  contenter;  mais  deman- 
dés que  Tadmiral  d'Aragon  en  soit  ung,  avec  ung  aultre 
Espaignoî  de  qualité,  et  pour  les  deux  aultres  prenés 
deux  seigneurs  du  pays,  et  faictes  qu'il  soit  accordé 
que  tous  lesdicts  ostages  demeureront  entre  mes  mains 
jusques  à  l'entière  restitution  de  toutes  lesdictes  places, 
et  mesme  dudict  Blavet. 

J'eusse  bien  désiré  qu'ils  eussent  laissé  dedans  les- 
dictes villes  mon  artillerie ,  ou  une  partie  d  icelle  ; 
neantmoins  ce  traicté  ne  doibt  estre  rompeu  pour  cela, 
et  trouve  bon  que  le  temps  de  la  restitution  desdictes 
villes  courre  depuis  le  jour  que  les  articles  seront  si- 
gnés et  baillés  en  garde  à  M.  le  légat,  et  qu'ils  soyent 
après  expédiés  et  délivrés  en  forme  autbentique;  c'est 
à  dire  signés  et  scellés  de  nos  seings  et  sceaulx  ,  devant 
que  de  venir  à  ladicte  restitution;  mais  prenés  garde 
que  sur  ce  mot  authentique,  et  en  la  foruie  accous- 
tumee,  ils  ne  puissent  prétendre  qu'ils  soient  vérifiés 
et  homologués  au  parlement. 

Au  reste,  j'approuve  la  response  que  vous  leur  avés 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SÎLLERY.  i6^> 
faicte  à  la  demande  qu'ils  vous  ont  faicle  pour  la  sou- 
veraineté de  Charolois,  laquelle  je  ne  veulx  poinct 
quitter  aulcunenient. 

Je  suis  content  aussi  que  le  différend  de  nos  limites, 
tant  du  costé  d'Artois  que  de  celui  de  Bourgoigne, 
soyent  vuidés  suivant  le  tr.'n'cté  de  l'an  i559,  ^'"'^i 
que  vous  leur  avés  respondeu. 

Et  pour  le  regard  de  la  prorogation  de  la  neutralité 
de  Bourgoigne,  qui  a  esté  renouvelle  pour  ,  les 

sieurs  des  Ligues  se  plaindroient  si  nous  en  convenions 
sans  eulx,  et  d'autant  plus  qu'ils  sont  pleiges  et  cau- 
tions de  Tobservation,  d'icelle  ;  mais  ce  sera  chose  qui 
se  pourra  fjiire  tousjours  par  leur  entremise,  quand 
on  vouldra,  à  quoi  l'on  me  trouvera  tousjours  très 
disposé. 

Connue  à  faire  délivrer  les  soldats  et  aultres  subjects 
du  roy  d'Espaigne  qui  ont  esté  mis  à  la  cbaisne,  tant 
par  mon  nepveu  le  duc  de  Guise  que  par  aultres,  pour- 
veu  qu'ils  accordent  et  fassent  le  semblable  de  leur 
costé.  Ils  ont  les  premiers  exercé  ceste  rigueur,  qui 
est  en  vérité  très  aliéné  de  mon  naturel. 

Mais  vous  n'avés  poinct  parlé  des  aultres  prisonniers 
qui  sont  deteneus  de  part  et  d'auître;  demandés  qu'ils 
soyent  en  liberté  sans  payer  rançon,  ou  bien  que  les- 
dictes  rançons  soyent  du  moins  modérées  de  façon  aue 
lesdicts  prisonniers  les  puissent  payer;  ce  que  je  vous 
dis,  parce  qu'ils  taillent  si  hault  ceulx  qui  tombent 
entre  leurs  mains,  et  les  traictent  si  rudement,  que  la 
plus  grande  partie  y  laissent  la  vie,  de  quoi  je  me  suis 
plainct  souvent,  et  toutesfois  inutilement,  connue  peult 
tesmoigner  le  gênerai  des  cordeliers;  apportes  y  donc 
quelque  remède  s'il  est  possible. 

Quant  à  l'instance  qu'ils  nous  ont  faicte  en  faveur 


l64  LETTRE  DU  ROY 

de  mes  subjects  qui  me  restent  avec  eulx ,  encores  que 
par  leurs  actions,  et  mesme  par  l'impertinence  de  leurs 
demandes  conteneues  au  mémoire  qu'ils  vous  ont  baillé, 
ils  se  soyent  rendeus  indignes  de  toute  grâce  de  moi 
et  de  leur  patrie;  toutesfois  je  suis  content  que  l'on 
couche  ung  article  dans  ce  traicté,  semblable  à  celui 
que  vous  m'avés  représenté  par  vos  Mémoires  estre 
dans  celui  de  l'an  iSSq,  y  adjoustant  la  restriction  du 
traicté  de  Madrid ,  avec  la  dernière  clause  portée  par 
vosdicts  Mémoires,  afin  qu'ils  ne  puissent  rentrer  dans 
mes  pays  sans  nostre  permission  ;  mais  s'ils  insistent 
qu'il  soit  accordé  plus  que  cela ,  défendes  vous  en  de 
façon  qu'ils  soyent  esconduicts;  car  je  ne  veulx,  en 
façon  quelconque,  recevoir  en  mon  royaulme  de  telle 
sorte  de  traistres ,  et  moins  les  conserver  en  leurs  af- 
faires et  offices  ou  bénéfices,  quand  bien  ils  en  seroient 
deument  et  légitimement  pourveus. 

Mais  vous  n  insisterés  pas  dadvantage  sur  la  neutra- 
lité de  Gambray,  s'ils  se  despartent  de  leurs  aultres  de- 
mandes ;  car  mon  but  n'est  pas  de  desbattre  ni  contester, 
et  moins  opiniastrer  les  choses  qui  peuvent  empescher 
ou  retarder  la  conclusion  d'ung  bon  accord  ;  au  con- 
traire il  fault  que  je  vous  die  que  plus  Dieu  m'envoye 
de  prospérités ,  il  augmente  le  désir  et  la  volonté  de 
mettre  la  chrestienté  en  repos,  comme  je  vous  ai  sou- 
vent déclaré. 

Vous  aurés  sceu,  par  les  advis  que  je  vous  ai  faict 
donner,  comme  le  duc  de  Mercœur,  sçachant  ma  ve- 
neue,  m'a  envoyé  sa  femme  accompaignee  de  l'evesque 
de  Nantes,  et  des  sieurs  de  La  Pardieu  et  de  La  Rago- 
tiere,  laquelle  m'a  donné  sa  foy,  et  asseuré  de  son 
obéissance,  jusques  à  me  donner  sa  parole  de  la  remise 
entre  mes  mains,  non  seulement  du  chasteau  de  Nantes, 


A  MM.  DE  BELLTEVRE  ET  DE  SILLERY.  l65 
mais  aussi  du  gouvernement  du  pays  de  Bretaigne.  Sur 
cela  on  a  mis  par  escrit  les  articles  de  sa  reconciliation, 
lesquels  sa  femme  lui  a  envoyés  par  ledict  La  Pardieu, 
qui  doibt  estre  de  retour  dans  deux  jours  avec  sa  re- 
solution; de  sorte  qu'il  ne  sera  jà  besoing  que  les  am- 
bassadeurs du  roy  d'Espaigne  se  mettent  en  aultre  peine 
de  traicter  pour  lui.  Ledict  duc  a  esté  contrainct  de 
prendre  ce  parti,  comme  le  dernier  de  son  salut  qui  lui 
restoit ,  d'autant  qu'il  alloit  estre  abandonné  de  tous 
les  capitaines  des  places  et  forces  qui  favoient  suivi , 
tout  ainsi  qu'il  a  esté  à  mon  arrivée  en  ceste  ville  de 
ceulx  de  Rochefort  et  d'Ancenis;  car  tous  avoient  en- 
voyé devers  moi,  et  m'avoient  promis  jusques  à  ses 
plus  intimes  amis  et  privés  serviteurs,  soit  que  ledict 
duc  l'accordast  ou  non,  de  me  servir,  et  le  quitter  s'il 
ne  me  contentoit  ;  de  sorte  que  si  ledict  duc  eust  re- 
fusé la  grâce  de  ma  bonté,  et  refuse  encores,  je  dirai 
que  Dieu  l'aura  condamné  en  son  ire  pour  ses  faultes 
passées,  afin  de  le  faire  servir  d'exemple  à  la  postérité, 
pour  tous  ces  advantages  que  Dieu  et  la  justice  de  ma 
cause  m'ont  donné  sur  lui.  Sa  femme  m'ayant  proposé 
le  mariage  de  sa  fille  avec  Gesar,  je  n'ai  pas  voulleu 
laisser  d'y  entendre  pour  mieulx  couvrir  la  démission 
de  son  gouvernement,  lequel  j'ai  délibéré  mettre  au 
nom  dudict  César,  et  par  ce  moyen  advancer  la  déli- 
vrance de  la  province  et  mon  desengagement  d'icere; 
à  quoi  la  veneue  du  sieur  Ragazzon ,  despesché  par  M.  le 
légat,  par  le  commandement  de  nostre  sainct  père,  ne 
pourra  qu'aider;  partant  vous  en  remercierés  de  ma 
part  ledict  sieur  légat,  lui  baillant  la  lettre  que  je  vous 
envoyé  qui  en  faict  mention,  et  lui  dires  que  Dieu 
bénissant  toutes  les  intentions  et  actions  de  nostre 
sainct  père,  comme  très  justes  et  légitimes,  a  voulleu 


ï6G  LETTRE  DU  ROY 

encores  faire  rencontrer  heureusement  et  prospérer 
l'office  de  sa  paternelle  bonté  envers  moi  et  ledict  duc 
de  Mercœur  en  ceste  occasion,  par  prudence  et  dili- 
gence dudict  sieur  légat,  dont  je  me  sens  obligé  à  sa 
saincteté  et  à  lui  aussi. 

Quand  j'escrirai  à  sadicte  saincteté,  je  respondrai  h 
la  lettre  que  ledict  sieur  légat  m'a  envoyée  dedans  le 
paquet  que  ce  porteur  m'a  baillé.  J'ai  advisé  de  re- 
tenir ici  ledict  Ragazzon  jusques  au  retour  dudict  de 
La  Pardieu ,  pour  régler  ce  qu'il  aura  à  dire  audict 
duc,  suivant  ce  que  nous  rapportera  ledict  sieur  de 
La  Pardieu;  cependant  la  veneue  dudict  Ragazzon, 
divulguée  et  sceue  d'ung  chacung  avec  le  subject 
d'iceîle,  faict  quasi  autant  d'effect  que  s'il  avoit  accom- 
pli tout  à  faict  sa  légation. 

Ores  je  vous  dirai  derechef  que  tant  s'en  fault  que 
toutes  ces  prospérités  me  diminuent  le  désir  de  la  paix 
publicque,  qu'elles  me  font  mieulx  cognoistre  le  be^ 
soing  que  mon  royaulme  en  a,  et  partant  m'augmente 
la  volonté  de  l'embrasser;  je  le  vous  dis  confidemment 
comme  à  mes  bons  et  fidèles  serviteurs,  et  désire  que 
vous  le  croyés  ainsi,  et  aussi  que  vous  en  asseuriés  ledict 
sieur  légat;  et  véritablement  ce  que  vous  m'avés  re- 
présenté par  vos  lettres  de  la  procédure  des  ambassa- 
deurs, avec  lesquels  vous  traictés,  et  des  propos  qui 
vous  ont  esté  îeneus  de  la  part  du  cardinal  d'Autriche, 
m'y  confortent  grandement;  car  je  priserai  tousjours 
Tamitié  de  ceulx  qui  font  cas  de  la  mienne,  et  feront 
profession  de  garder  leur  foy  et  de  procéder  sincère- 
ment en  mon  endroict,  comme  vous  pourrés  dire  aulx- 
dicts  sieurs  ambassadeurs. 

Mais  si  je  suis  bien  édifié  de  lui,  il  fault  que  je  vous 
cVie  que  je  le  suis  très  mal  du  duc  de  Savoye,  et  de  la 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.       167 
procédure  de   son   ambassadeur,   qui  veult  me   faire 
croire  que  j'ai  accepté  nostre  sainct  père  pour  arbitre 
de  nos  différends  à  sa  poste.  La  response  que  je  fis  a  son 
captieux  du  6  mai  dernier  passé  est  si  claire,  au  con- 
traire, que  l'on  n'en  a  peu  doubter,  comme  vous  leur  avés 
très  bien  remonstré.  Dadvantage,  quel  compte  a  il  faict 
depuis  de  l'accepter?  Il  dict  que  la  guerre  l'en  a  em- 
pescbé;  à  quoi  vous  avés  respondeu  pertinemment.  Il 
feroit  beaucoup  mieuk  d'advouer  que  les  Espaignols 
l'en  ont  diverti,  de  quoi  le  bannissement  du  comte  Mar- 
tinnengue  ,   et  le   mauvais  traictement  que   plusieurs 
aultres  ont  receu  pour  avoir  favorisé  nostre  accord  , 
rendent  bon  tesmoignage.  Il  auroit  meilleur  compte  de 
moi  s'il  procedoit  plus  sincèrement.  J'ai  proposé  le  pre- 
mier l'arbitrage  de  sa  saincteté,  plus  désireux  de  vivre 
en  paix  avec  mes  voisins ,  qu'estonné  de  ses  armes  ni 
de  ses  practiques  en  mon  royaulme  ,  pour  lesquelles  fo- 
menter vous  sçavés  qu'il  m'envoya,  par  deux  fois,  son 
Jacob,  au  lieu  du  président  Rocbette,  avec  des  ouver- 
tures et  demandes  si  impertinentes  ,  que  lui  mesmes 
•avait  bonté  de  les  desbattre.  Mais  son  but  estoit  de  faire 
durer  sa  negotiation  exprès  pour  pouvoir  mieuîx  cou- 
vrir ses  menées,  et,  soubs  prétexte  de  reconciliation, 
exciter  des  séditions  et  rebellions  nouvelles  en   mon 
estât,  dont  Dieu  a  destourné  les  effects  par  son  accous- 
tumee  bonté.  Mais  sa  procédure  bien  vérifiée,  comme 
vous  scavés  qu'elle  est,  nous  a  faict  cognoistre  sa  mau- 
vaise foi ,  laquelle ,  entre  princes  qui  font  profession 
d'honneur,  n'est  excusée  ni  couverte  du  prétexte  de  la 
guerre.  Et  vous  dirai  que,  quand  il  n'y  auroit  d'aultre 
raison  et  considération  qui  ne  desmeuvent  de  consen- 
tir a  la  demande,  celle  ci  m'y  feroit  resouldre,  et  seroit 
suffisante  aussi  pour  me  desengager  de  l'acceptation 


\ 


l68  LETTRE  DU  ROY 

dudict  arbitrage,  quand  bien  ma  response  s'accorderoit 
avec  sa  demande  ;  ce  qui  n'est  pas.  Ce  que  je  vous 
escris  plus  pour  vous  représenter  mon  indignation ,  et 
le  peu  d'occasion  que  j'ai  de  me  fier  aulx  paroles  et  à 
la  foi  dudict  duc,  que  pour  fortifier  les  raisons  avec 
lesquelles  vous  avés  desbatteu  et  rejette  ladicte  de- 
mande. 

A  quoi  j'adjousterai  que,  s'il  ne  nous  avoit  trompé 
qu'une  fois,  peult  estre  en  rejetterois  je  la  faulte  sur  ses 
ministres;  mais  qu'a  il  faict  aultre  chose  depuis  qu'il  a 
renoncé  à  l'alliance  de  France  pour  s'attacher  à  celle 
d'Espaigne?  Feut  ce  pas  en  pleine  paix  qu'il  prit  sur  le 
feu  roy,  et  à  la  France,  le  marquisat  de  Saluées,  alors 
que  moins  on  se  doubtoit  de  sa  foi ,  et  qu'il  avoit  aussi 
moins  d'occasion  de  la  violer  ?  Que  n'a  il  faict  depuis 
et  entrepris  contre  moi ,  tant  en  Provence  ,  Daulphiné, 
Lyonnois,  qu'ailleurs?  Encores  que  je  ne  l'aye  oncques 
offensé ,  et  que  pour  l'honneur  que  je  porte  à  la  mé- 
moire de  ma  bonne  tante  sa  mère,  je  l'aye  souvent  asr 
seuré  de  mon  amitié;  et  maintenant  il  veult  triompher 
de  sa  perfidie  aulx  despens  de  mon  honneur  et  de  ma 
couronne,  voullant  retenir  ledict  marquisat.  C'est  chose 
que  je  ne  puis  digérer;  et  ne  puis  aussi  me  persuader 
que  le  roy  d'Espaigne  ,  qui  faict  profession  d'équité , 
lui  ait  donné  conseil  de  le  retenir,  comme  dict  son  am- 
bassadeur; et  moins  qu'il  veuille  le  soubstenir  en  son 
usurpation,  qu'il  accorde,  pour  le  bien  de  la  paix  ,  de 
me  rendre  toutes  les  places  de  mon  royaulme  qu'il  a 
acquises  et  prises  par  ses  armes  en  guerre  ouverte;  et 
partant,  qu'il  peult  dire  siennes  à  bon  tiltre ,  et  qu'il 
soit  loisible  audict  duc  de  retenir  celles  qu'il  a  desro- 
bees  et  usurpées  en  temps  de  paix ,  et  soubs  prétexte 
d'amitie.  Je  ne  puis  croire  qu'il  l'entende  ainsi;  et  quand 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.       169 

il  seroit  vrai ,  transporté  de  son  interest  ou  d'aullres 
considérations,  c'est  ung  poinct  que  Ton  ne  gaignera 
jamais  sur  moi;  la  honte  et  le  dommage  m'en  seroient 
insupportables. 

Je  considère  bien  qu'en  m'en  remettant  au  jugement 
de  nostre  sainct  père,  tant  s'en  fault  que  je  quitte  le- 
dict  marquisat  audict  duc;  que  je  doibs  espérer  que  sa 
sainctete  me  fera  justice,  et  me  conservera  le  droict  que 
j'y  ai  ;  car  je  ne  me  doibs  aulcunement  desfîer  de  sa  jus- 
tice ni  de  sa  bonté ,  non  plus  que  de  mon  droict , 
comme  véritablement  je  ne  fais.  Mais  pourquoi  remet- 
trois  je  au  jugement  d'ung  tiers  ung  héritage  qui  m'ap- 
partient si  justement  et  à  bon  tiltre ,  pour  contenter 
ledict  duc,  qui  m'a  offensé  en  tant  de  sortes?  Si  l'on 
veult  que  je  le  fasse  pour  ung  bien  de  paix,  il  fault 
que  je  sois  devant  réintégré  en  ma  possession,  de  la- 
quelle j'ai  este  spolié  injustement,  ou  du  moins  qu'elle 
soit  séquestrée  et  mise  en  main  tierce,  pour  me  garan- 
tir de  la  violence  avec  laquelle  il  m'a  esté  usurpé  et 
m'est  encores  desnié.  Si  l'on  veult  faire  l'ung  ou  l'aultre, 
je  suis  content  de  soubmettre  au  jugement  de  sa  sainc- 
tete le  droict  que  j'ai  audict  marquisat,  avec  tous  les 
aultres  différends  que  j'ai  avec  ledict  duc;  mais  je  ne  le 
veulx  faire  aultrement;  car  je  ne  me  puis  confier  en  sa 
foi ,  ni  me  faire  ce  tort  que  de  céder  à  son  obstination, 
comme  je  ferois  si  j'accordois  ledict  arbitrage,  consen- 
tant que  ledict  duc  feust  cependant  receu  en  ladicte 
paix  ,   et  que  les  choses  demeurassent  entre  nous  en 
Testât  qu'elles   sont ,   avec   la   liberté   du  commerce , 
comme  il  a  esté  proposé;  car  je  vivrois  en  perpétuelle 
craincte  et  défiance  de  sa  foi;  et  je  sçais  bien  qu'il  n'en 
recevroit  aulcung  mal  de  la  mienne.  Il  fauldroit  que  je 
demeurasse  tousjours  en  armes  en  Daulphiné,  en  Bour- 


l'jO  LETTRE  DU  ROY 

goigne,  en  Bresse,  en  Lyonnois  et  en  Provence,  et  par- 
tout ailieius,  tousjours  sur  mes  gardes  contre  ses  prac- 
ti(|Ues  et  menées  ordinaires  en  mon  royauhne.  Et  si 
Dieu  disposoit  de  nostre  sainct  père ,  ou  il  me  fauldroit 
soubmettre  au  jugement  de  son  successeur,  de  la  fa- 
veur duquel  en  justice  j'aurois  peult  estrc  occasion  de 
n'avoir  la  fiance  que  j'ai  de  sa  saincteté,  ou  il  fauldroit 
que  je  l'offensasse;  car  comment  aulîrement  le  pour- 
rois  je  refuser?  Ce  sont  des  peines  et  accidens  que  je 
veulx  esviter  de  tout  mon  possible. 

Ils  ont  parlé  d'esclianges  des  forts  de  Barrault  et  de 
Charbonnières;  cependaiit  ledict  duc  a  assiège  le  der- 
nier à  force  ouverte,  lequel  peult  estre  il  prendra  de- 
vant la  conclusion  de  nostre  traicté;  quoi  advenant,  le- 
dict fort  de  Barrault  luy  demeurera  pour  entreprendre 
sur  moi,  et  je  n'aurai  moyen  de  l'en  empescber  ni  de 
rien  revancber.  Je  ne  veulx  poinct  vivre  et  demeurer 
ainsi  avec  lui;  il  fault  que  je  sorte  tout  à  faict  d'affaires 
avec  lui  comme  avec  les  auîires,  eu  que  nous  coriti- 
nuions  h  nous  battre  et  faire  la  guerre. 

J'ai  bien  considère  ce  qui  est  porté  par  vostre  billet 
escrit  en  chiffre,  et  pareillement  fasseurance  qui  vous 
a  esté  donnée  que  ledict  arbitrage  ne  retardera  la  res- 
titution des  places  accordées  par  les  Espaignols,  avec 
l'advantage  que  j'en  puis  recevoir,  et  les  cliangemens 
que  la  mort  du  roy  d'Espaigne  peult  apporter  en  ce 
faict,  avec  tous  les  aultres  poiriCts  que  vous  m'avés  très 
sagement  et  fidèlement  représentés  par  vosdictes  lettres 
et  mémoires.  Toutesfois  tout  cela  n'est  suffisant  pour 
me  faire  avaller  la  honte  ,  et  adoulcir  la  pîaye  que  la 
France  et  moi  recevrions  cedans  à  l'injuste  demande  et 
obstination  dudict  duc. 

Dadvantage  je  ne  puis  croire  que  ledict  roy  d'Es- 


A  MM.  Di:  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  171 
paigne,  qui  a  autant  besoing  et  doibt  avoir  autant  de 
désir  de  la  paix  que  moi ,  s'en  \euille  priver  pour  le- 
dict  duc  ,  et  pour  le  soubstenir  en  une  si  mauvaise 
cause,  ni  que  ledict  cardinal  d'Autricbe,  qui  a  tant 
d'intcrest  à  ladicte  paix,  laisse  à  la  conclure  pour  fa- 
voriser ledict  duc,  lequel  peult  estre  s'opiniastre  exprès 
en  ce  faict ,  pour  enipescher  ou  relarder  ladicte  paix , 
et,  par  ce  moyen,  troubler  ou  rompre  par  jalousie  ou 
aultrement  le  mariage  de  l'infante,  et  le  priver  du  fruict 
de  la  donation  que  lui  a  faict  ledict  roy  d'Espaigne  en 
faveur  d'icelui ,  comme  je  désire  que  vous  fassiés  sen- 
tir aulx  serviteurs  dudict  cardinal,  lequel  je  vouldrois 
Lien,  comme  je  vous  ai  desjà  escrit,  pouvoir  séparer 
de  la  cause  dudict  duc;  car  si  cela  pouvoit  s'effectuer, 
je  vous  assure  que  je  le  visiterois  fort  volontiers  au  par- 
tir de  ce  pays;  mais  je  ne  m'y  veulx  plus  attendre, 
ayant  veu  ce  que  vous  m'en  avés  escrit.  Au  contraire, 
j'espère  que  ledict  cardinal  à  la  fin  tirera  avec  lui  à  la 
raison  ledict  duc;  de  sorte  qu'il  m'accordera  la  restitu- 
tion dudict  marquisat  et  de  tout  ce  qui  m'appartient, 
comme  aussi  j'offre  de  lui  rendre  ce  que  je  tiens  de 
lui.  Partant,  je  vous  prye  d'en  faire  nouvelle  instance, 
et  me  donner  advis  de  la  dernière  solution  qui  s'y 
p  rendra. 

Cependant  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  de  Hol- 
lande pourront  arriver  auprès  de  moi;  ceulx  là  estans 
jà  à  Paris ,  d'où  ils  doibvent  s'acbeminer  ençà  au  plus 
tost  ;  mais  je  n'ai  poinct  encores  eu  advis  du  passage 
des  aultres,  de  quoi  je  suis  en  très  grande  peine.  J'en- 
voye  présentement  devers  eulx  pour  les  baster.  Et  en- 
cores que  je  me  sois  conduict  en  ceste  occasion ,  en- 
vers ladicte  royne  et  les  estats  des  Provinces  Unies,  de 
façon  qu'ils  ne  peuvent  avec  raison  se  plaindre  de  moi; 


172  LETTRE  DU  ROY 

ains  doibt  estre  deschargé  du  debvoir  de  nostre  alliance. 
Neantmoins  je  a'ous  dirai  confiderrmient  que  je  serai 
très  aise  de  voir  lesdicts  ambassadeurs ,  leur  dire  mes 
raisons  et  entendre  les  leurs ,  devant  que  de  conclure 
du  tout,  ou  pour  le  moins  manifester  ledict  accord. 
Joinct  que  je  crains,  icelui  resoleu ,  que  ledict  sieur 
légat  s'en  veuille  revenir ,  et  que  lesdicts  députés  audict 
cardinal  d'Autriche  se  retirent  et  séparent ,  de  manière 
qu'il  y  ait  peine  après  de  les  rassembler  pour  traicter 
les  affaires  des  aultres.  Au  moyen  de  quoi  je  vous  prye 
de  prendre  parole  et  asseurance  dudict  sieur  légat  et 
desdicts  députés,  quand  bien  lesdicts  articles  seroient 
signés  , -qu'ils  ne  desemparent  pour  le  moins  que  le 
terme  de  la  restitution  de  mes  places  estant  expiré,  on 
n'ait  commencé  à  l'exécuter  ,  quand  ce  ne  seroit  que 
pour  faciliter  toutes  choses ,  et  pourvoir  sur  le  champ 
aulx  difficultés  qui  y  pourroient  survenir. 

Au  demeurant,  j'ai  remarqué  qu'en  toutes  vos  lettres 
et  mémoires  il  n'est  faict  mention  aulcune  du  royaulme 
de  Navarre;  de  sorte  que  j'estime  que  vous  aurés  jugé 
plus  à  propos  de  n'en  poinct  parler,  de  quoi  vous  sça- 
vés  que  je  me  suis  remis  à  vous.  Neantmoins  j'aurai 
tousjours  à  plaisir  de  sçavoir  les  raisons  qui  vous  ont 
meu  de  suivre  ce  chemin  plustost  que  celui  que  vous 
aviés  projette.  Partant,  vous  m'en  advertirés  par  vos 
premières  lettres. 

Vous  m'esclaircirés  aussi  si  lesdicts  ambassadeurs 
sont  d'accord  de  n'adjouster  aulcune  chose  aulx  articles 
que  vous  m'avés  envoyés. 

Surtout  je  ne  veulx  pas  m'obliger  de  me  séparer  de 
l'amitié  de  mes  alliés ,  combien  qu'ils  demeurent  en 
guerre  avec  les  Espaignols,  afin  qu'ils  ne  me  reprochent 
que  je  ne  sois  accordé  à  leurs  despens.  Au  contraire , 


y 


A  MM.  BE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  173 
je  reviens  à  ma  première  opinion ,  portée  par  vostre 
instruction  ,  qui  est  que  si  vous  pouvés  tomber  d'ac- 
cord du  faict  dudict  duc  de  Savoye ,  vous  demandiés 
et  obteniés,  s'il  est  possible  ,  une  trefve  et  cessation 
d'armes  d'ung  an ,  pour  ladicte  royne  d'Angleterre  et 
lesdicts  estats ,  afin  de  leur  en  présenter  le  choix ,  et , 
par  ce  moyen ,  leur  donner  du  temps  pour  penser  à 
leurs  affaires,  et  leur  oster  toute  occasion  de  se  plaindre 
que  je  les  aye  laissé  en  peine;  mais  je  vouldrois  que  cela 
feust  teneu  secret  jusques  à  ce  que  j'eusse  parlé  à  leurs- 
dicts  députés,  et  sceu  leur  délibération. 

Ce  n'est  pas  la  mienne  d'envoyer  à  vostre  assemblée 
aultres  personnes  pour  conclure  et  accorder  ce  traicté, 
ni  en  signer  les  articles,  que  vous  principalement,  que 
le  temps  de  la  reddition  susdicte  de  mes  villes,  duquel 
vous  aurés  conveneu,  ne  soit  expiré,  et  qu'il  ne  faille 
manifester  et  exécuter  lesdicts  articles. 

Quant  au  chasteau  d'If,  je  n'estime  pas  qu'il  soit  à 
propos  d'en  parler;  au  contraire,  je  suis  d'advis  que  le 
grand  duc  soit  par  nous  compris  et  nommé  en  ceste 
paix  comme  ung  de  mes  alliés  et  amis  ;  car  je  veulx 
croire  qu'il  me  fera  raison  dudict  chasteau ,  sur  l'in- 
stance que  j'ai  advisé  de  lui  en  faire  faire  par  l'evesque 
de  Rennes;  et  quand  ainsi  seroit  qu'il  me  le  desnieroit, 
il  me  sera  tousjours  facile  d'en  tirer  raison  par  aultre 
voye ,  sans  qu'il  soit  besoing  pour  cela  d'obliger  les 
Espaignols,  et  d'autant  plus  que  c'est  chose  que  je  ne 
puis  attendre  d'eulx;  qu'ils  ne  me  demandent  et  veullent 
obliger  aussi  de  n'assister  tous  ceulx  aulxquels  ils  seront 
contrai  nets  de  faire  la  guerre  pour  recouvrer  le  leur. 
Partant,  il  me  semble  qu'il  vault  mieulx  taire  ce  poinct 
que  de  le  remuer  à  telle  condition,  et  ni  proficter  aultre 
chose. 


174  LETTRE  DU  ROY 

Quant  à  l'asseurance  cle  ne  rien  entreprendre  les 
ungs  sur  les  aultres,  tant  de  ma  part  que  de  celle  du- 
dict  cardinal ,  durant  ceste  negotiation ,  en  attendant 
l'accord  et  signature  des  articles  d'icelui ,  qui  vous  a 
esté  proposé  par  le  père  gênerai,  je  ne  désire  pas  y  en- 
tendre, parce  que  je  sçais  bien  que  si  je  le  promets,  je 
l'observerai,  et  redouble  que  les  aultres  le  fassent;  et 
toutesfois  nous  nous  y  endormirions  tellement  a  la  fran- 
çoise,  que  je  craindrois  qu'il  en  arrivast  quelque  incon- 
vénient. Partant,  excusés  vous  en  doulcement,  et  con- 
tinués à  m'advertir  soigneusement,  comme  vous  avés 
commencé,  de  toutes  occurrences. 

Il  fauit  que  je  vous, parle  encores  d'ung  poinct;  c'est 
que  mes  subjects  de  la  relligion  pretendeue  reformée 
qui  ont  envoyé  ici  leurs  députés  pour  resouldre  leurs 
affaires ,  continuent  à  faire  grande  instance  que  les 
lettres  de  marque  entre  ceulx  du  comté  de  Venisse  et 
eulx  soient  jugées  par  la  cliambrc  mi  partie  de  Gre- 
noble,  ou  bien  par  les  juges  des  lieux,  comme  il  est 
porté  par  le  traicté  et  accord  de  Nismes,  qui  a  esté  faict 
avec  les  officiers  du  pape,  et  confirmé  par  lui,  sans 
abstreindre  les  parties  à  se  pourvoir  par  devant  moi,  à 
cause  de  la  distance  des  lieux  et  de  la  fréquence  des 
injustices  qu'ils  disent  leur  estre  faictes  audict  comtat, 
et  des  frais  que  cela  leur  apporteroit.  Et  comme  il  leur 
a  esté  remonstré  que  je  ne  pouvois  desnier  à  sa  sainc- 
tete  la  cognoissance  desdictes  lettres  contre  ses  subjects, 
puisque  j'en  use  ainsi  a  Fendroict  de  ceulx  des  aultres 
princes  mes  voisins,  et  mesme  à  fendroict  des  Espai- 
gnols,  ils  ont  respondeu  que  les  officiers  du  pape,  meus 
de  la  considération  de  la  relligion,  font  gloire  et  cous- 
tume  de  saisir  leurs  biens  et  de  les  maltraicter,  de  sorte 
qu'ils  ont  à  desmesler  tous  les  jours  quelque  cbose  avec 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  i  75 
eulx;  ce  qui  ne  se  passe  ninsi  avec  les  aultres  princes. 
Dadvantage  ils  disent  que  ledict  accord  de  Nismes  a  esté 
faict  autant  pour  le  repos  et  bien  des  subjects  du  pape, 
que  pour  le  leur.  Que  si  on  le  veult  violer  en  ung 
poinct,  il  ne  sera  gardé  et  observé  aulx  autres,  et  qu'il 
en  arrivera  du  mal,  de  quoi  ils  s'asseurent  qu'ils  s'en 
plaindront  les  premiers.  On  a  proposé  sur  cela  de  faire 
que  ladicte  cliambre  mi  partie  reçoive  les  plainctes  que 
mes  subjects  pourroient  faire  desdictes  injustices,  et 
qu'elle  me  donne  advis  sur  icelles;  sur  lequel  je  com- 
manderois  après  lesdictes  lettres  de  marque,  ou  bien 
de  nommer  et  députer  des  k  présent  sur  les  lieux  trois 
personnes  du  coslé  du  pape,  et  trois  du  mien,  pour 
vuider  lesdictes  plaintes,  et  en  ordonner  par  l'amiable; 
mais  ceulx  de  ladicte  relligion  ont  rejette  ces  deux  ou- 
vertures, persistans  à  ce  que  ledict  traicté  de  Nismes 
feust  suivi  en  tous  les  poincts. 

Si  on  leur  refuse  ladicte  cliambre  ,  en  quoi  je  me 
trouve  bien  empescbé;  car,  d'ung  costé  ,  je  ne  veulx 
poinct  donner  occasion  ni  subject  à  sa  saincteté  de  se 
plaindre  en  aulcune  fiçon  de  moi  ;  et  je  vois  d'ailleurs 
que  ceci  engendrera  tost  ou  tard  du  trouble  et  de 
grandes  querelles  entre  ceulx  dudict  comtat  et  mes  sub- 
jects,  que  je  ne  pourrai  pas  après  appaiser  quand  et 
comme  je  vouldrai. 

Je  vous  prye  d'en  conférer  avec  ledict  sieur  légat,  et 
m'en  mander  sur  ce  vostre  advis.  Cependant  je  surseoi- 
rai ceste  resolution,  a  ce  qu'il  ne  soit  rien  ordonné  ni 
faict  au  contraire  à  ce  qui  a  esté  faict  à  ceulx  dudict 
comtat  en  faveur  de  sa  saincteté;  mais  en  vérité  je 
crains  qu'à  la  longue  ils  s'en  trouvent  mal ,  et  que  j'en 
sois  en  peine  quelque  jour.  Je  prye  Dieu  ,  messieurs,  etc. 

Du  4  mars  i5g8. 


176  LETTRE  DU   ROY 

LXXI.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj, 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery,  mon  aultre  lettre 
estoit  faicte  quand  j'ai  receu  la  vostre  du  7  de  mois  , 
sur  laquelle  j'ai  pris  resolution  d'entendre  à  l'ouverture 
que  vous  a  faicte  le  père  gênerai  des  cordeliers,  par  la 
seureté  réciproque  de  nos  villes  et  places  de  frontière 
durant  vostre  negotiation  et  pourparler  de  paix  ;  par- 
tant ,  je  vous  dirai  que  je  trouve  bon  que  vous  don- 
niés  ma  parole  à  qui  il  appartiendra  ;  que  mes  gens  de 
guerre  ne  aultres  estant  à  mon  service,  n'entrepren- 
dront rien  sur  les  villes  et  places  du  roy  d'Espaigne 
jusques  à  la  fin  du  mois  d'apvril,  que  pourra  donner 
ladicte  negotiation  ,  pourveu  que  l'on  vous  donne  celle 
du  cardinal  d'Autriche;  qu'il  ne  sera  aussi  faict  aul- 
cune  entreprise  par  ses  gens  sur  les  miennes;  et  s'il 
fault  en  mettre  quelque  chose  par  escrit,  pour  plus 
grande  seureté,  je  vous  permets  de  le  faire;  mais  je 
désire  que  ledict  escrit  demeure  entre  les  mains  de  mon 
cousin  le  cardinal  de  Florence,  afin  qu'il  soit  teneu 
secret. 

Je  vouldrois  aussi  que  ladicte  asseurance  feust  géné- 
rale, afin  qu'elle  comprist  aussi  bien  mes  villes  de  Cham- 
paigne  que  celles  de  Picardie;  toutesfois  je  vouldrois 
que  pour  cela  on  ne  laissast  pas  de  faire  la  guerre  de 
part  et  d'aultre  en  la  campaigne,  afin  que  l'on  ne 
puisse  dire  que  j'aye  faict  une  trefve  ,  ou  une  cessation 
entière  d'armes  ;  car  mes  alliés ,  si  je  l'avois  accordé , 
s'en  plaindroient  autant  que  si  j'avois  faict  la  paix 
entière. 


l 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  177 

Traictés  cela  donc  ,  je  vous  prye ,  de  façon  que 
mesdictes  places  demeurent  asseurees,  et  que  mes 
alliés  n'ayant  occasion  de  me  reprocher  la  parole  que 
je  leur  ai  donnée,  et  advertissés  incontinent  mon  cou- 
sin le  connestable  de  ce  que  vous  aurés  arresté  ;  car 
je  lui  donne  présentement  âdvis  du  commandement 
que  je  vous  en  faict ,  dont  il  fauldra  aussi  qu'il  adver- 
tisse  mon  nepveu  le  duc  de  Nevers ,  en  cas  que  la 
Champaigne  soit  comprise  en  ladicte  asseurance. 

J'adjousterai  encore  ung  poinct  sur  le  subject  de 
mon  aultre  lettre;  c'est  que  je  désire  que  vous  obte- 
niés ,  de  ceulx  avec  lesquels  vous  traictés ,  que  la  garni- 
son de  Blavet  soit  diminuée  et  reduicte  en  moindre 
nombre  de  gens  que  faire  se  pourra ,  après  que  nous 
aurons  signé  et  consigné  entre  les  mains  dudict  sieur 
légat  ledict  accord  ,  jusques  à  ce  que  ladicte  place  me 
soit  rendeue  ,  afin  de  me  délivrer  de  la  jalousie  et  dis- 
pense en  laquelle  les  forces  qui  sont  de  présent  en 
ladicte  place  y  demeurant  me  tiendroient  durant  ledict 
temps;  car  elles  ne  sont  pas  moindres  aujourd'hui  que 
de  deux  mille  cinq  cens  hommes  ,  et  la  place  peult  estre 
gardée  à  beaucoup  moindre  nombre,  joinct  que,  quand 
nous  aurons  signé  lesdicts  articles ,  il  ne  nous  sera  loi- 
sible d'entreprendre  les  ungs  sur  les  aultres. 

Renvoyés  moi  incontinent  ce  porteur,  et  par  lui  la 
resolution  que  vous  aurés  prise ,  et  eue  sur  la  présente 
et  sur  ma  première  lettre  ;  et  sur  ce  je  prye  Dieu , 
messieurs ,  etc. 

Du  4  mars  lôgS. 


MÉ.ir.  DE  DUPLESSIS-MORA^Y.  ToME  VIII.  J  7. 


17^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

LXXIT.  —  'V' LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  MM,  de  Bellievre  et  de  Silleiy. 

Messieurs,  vous  cognoistrés  par  la  lettre  que  le 
roy  vous  escrit ,  que  je  lui  ai  leu  la  vostre  du  4  de  ce 
mois,  apportée  par  La  Fontaine,  et  que  sa  majesté  a 
considéré  et  espluché  tous  les  poincts  de  vostre  des- 
pesche ,  et  fault  que  je  vous  die  que  je  ne  vis  jamais 
sa  majesté  si  picquee  et  altérée,  que  je  l'ai  veue  sur 
ce  faict  de  Savoye;  car  elle  n'eust  jamais  creu  que  Ton 
lui  eust  dict  si  destroussement  que  Ton  ne  lui  rendra 
jamais  le  marquisat  de  Saluées;  et  après  la  voulloir 
forcer  et  obliger  à  se  soubmettre  à  l'arbitrage  de  nostre 
sainct  père  à  la  poste  dudict  duc  ,  je  lui  ai  représenté 
sur  cela  vostre  billet  en  cbiffre,  avec  les  advantages  ou 
desadvantages  qui  lui  peuvent  advenir  d'accepter  ou 
refuser  ceste  ouverture  ;  coîligés  de  vos  lettres  et  du 
jugement  que  j'en  puisse  faire;  mais  comme  rien  ne 
Tesmeut  tant  que  la  conservation  de  son  bonneur  et 
de  sa  parole,  elle  dict  qu'elle  ne  peult  céder  ledict 
marquisat  à  l'injuste  demande  dudict  duc,  sans  faire 
honte  à  soi  et  à  la  France  ,  et  qu'elle  ne  veult  poinct 
faire  la  paix,  si  elle  ne  la  faict  entière  et  asseuree;  car 
elle  dict  que  pour  ne  la  faire  qu'à  demi,  elle  offensera 
autant  ses  alliés  que  si  elle  la  faict  générale. 

Sa  majesté. estime  beaucoup  le  recouvrement  de  ses 
villes;  mais  elle  ne  prise  pas  moins  l'amitié  de  ses  alliés 
et  sa  réputation;  il  fault  donc  trouver  quelque  aultre 
expédient  de  la  contenter  sur  le  faict  de  Savoye  qui 
vouldra  faire  la  paix. 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  179 
Je  ne  vous  en  puis  fiire  d'ouverture ,  parce  que  je 
n'en  ai  aulcune  charge,  et  que  j'ai  trouvé  sa  majesté 
ferme  et  constante  au  recouvrement  dudict  marquisat; 
toutesfois  je  vous  dirai  que  si  on  voulloit  nous  rendre 
Berre  des  à  présent  pour  gage  et  asseurance  de  Tac- 
complissement  dudict  arbitrage,  peult  estre  que  cela 
y  feroit  entrer  sa  majesté  ,  et  aussi  que  ledict  duc  pro- 
mit de  n'assister  poinct  la  fortune  qui  est  dedans 
Seurre  ,  si  après  nostre  accord  il  refusoit  d'obéir  au  roy 
contre  sa  promesse,  jà  donnée  à  sa  majesté  par  lui  de 
la  servir;  car  sa  majesté  ne  veult  demeurer  avec  tant 
d'espines  au  pied  de  tous  costés ,  lesquelles  la  contrain- 
droient  d'entretenir  des  garnisons  partout,  qui  lui 
cousteroient  aussi  cher  qu'une  armée,  et  tient  pour 
certain  que,  s'il  lui  arrivoit  quelque  accident,  que  ledict 
duc  avec  les  advantages  qui  lui  demeureroient  lui  feroit 
pis  que  jamais;  c'est  pourquoi  sa  majesté  a  pris  la  re- 
solution qu'elle  vous  escrit,  de  laquelle  Dieu  nous 
donnera  telle  isseue  qu'il  lui  plaira;  mais,  pour  mon 
regard  ,  je  ne  suis  pas  d'advis  ,  quoi  que  Ton  vous  y  res- 
ponde,  que  vous  rompiés  du  tout  la  paille,  parce  que 
ce  seroit  ung  bien  grand  malheur  de  perdre  l'occasion 
qui  se  présente  à  nous  de  bien  faire  à  tous,  et  de  nous 
mettre  en  paix;  mais,  parmi  le  monde,  il  y  en  a  de  si 
subtils  et  desfians  qui  nous  veulîent  faire  croire  que  le 
susdict  duc  de  Savoye  s'opiniastre  à  la  rétention  du 
susdict  marquisat  de  Saluées  par  l'advis  et  par  le  con- 
sentement mesmes  du  cardinal  Albert  d'Autriche,  et 
des  sieurs  président  Richardot  et  commandeur  Taxis, 
pour  rompre  tout  à  faict  ce  traicté  desjà  bien  advancé, 
jugeans  bien  que  nous  ne  passerons  jamais  en  aulcune 
façon  ce  poinct,  et  partant  qu'ils  en  retireront  leur 
espingle  sans  reproche,  ayant  desja  recogneu  que  le 


1  8o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc. 

bruict  de  la  paix  n'a  proficté ,  comme  ils  esperoient , 
pour  nous  diviser  d'avec  les  provinces  unies  des  Pays 
Bas,  et  les  esmouvoir  à  traicter  avec  eulx  ;  toutesfois  je 
ne  suis  de  leur  advis. 

Nous  en  serons  esclaircis  par  les  evenemens  ;  sur  ce, 
messieurs,  je  prye  Dieu,  etc. 

Du  14  mars  i5g8. 

LXXIII. —  ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie  ,  voyant  que  le  roy  passera  ici  la  feste ,  et 
séjournera  à  Nantes  pour  la  teneue  des  estais ,  j'ai  pensé 
de  renvoyer  nos  chevauix  qui  sont  fort  incommodés  et 
chèrement,  sauf  trois  que  nous  retenons  pour  la  néces- 
sité. Pilet  aussi  s'en  va  pour  l'affaire  que  tu  sçais.  Je  ne 
sçais  plus  qu'adjouster ,  sinon  te  pryer  de  toute  mon 
affection  d'avoir  soing  de  ta  santé,  et  de  mettre  ton 
esprit  en  repos  en  la  conduicte  de  Dieu,  qui  a  tous- 
jours  eu  soing  de  nous.  Je  t'embrasse,  etc. 

D'Angers,  ce  i5  mars  1598,  au  matin. 

LXXIV. —  ^ARTICLES  YIII  ET  XXVI 

Du  registre  de  V assemblée  générale  ,  teneue  a 

Chastellerault. 

Le  sieur  de  Gourtaumer  ayant  représenté  l'impor- 
tance de  certain  hasvre  de  Normandie ,  et  combien  il 
seroit  profictable  pour  ladicte  province  s'il  estoit  tant 
soit  peu  fortifié  et  habité  ,  et  que  celui  à  qui  il  appar- 


ARTICLES  ,  etc.  1  8  [ 

tient  le  veult  rendre,  et  que  pour  le  bien  des  Eglises, 
ladicte  province  l'a  requis  de  l'acheter,  ce  qu'il  feroit 
s'il  estoit  assisté  par  le  gênerai,  tant  pour  la  garde  que 
pour  aider  à  le  fortifier;  l'assemblée  ayant  sceu  l'im- 
portance dudict  lieu  et  commodité  du  hasvre,  et  faci- 
lité de  le  fortifier,  a  advisé  de  faire  couler  vingt  cinq 
hommes  soubs  la  garnison  de  Saulmur ,  et  vingt  sur 
celle  de  Niort ,  par  Testât  qui  sera  envoyé  en  court , 
pour  estre  employés  par  le  conseil  de  ladicte  province 
à  la  garde  dudict  lieu  ,  soubs  la  garde  dudict  sieur  de 
Courtaumer,  s'il  en  acheté  la  propriété,  ou  en  telle 
aultre  place  qu'il  advisera  pour  le  bien  de  la  province  ; 
et  sera  escrit  au  sieur  Duplessis  et  de  Parabere  pour 
le  trouver  bon ,  et  donner  la  paye  dudict  nombre 
d'hommes  audict  sieur  de  Courtaumer. 

Du  i5  mars  iSgS. 


LXXV.  —  -V' LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  j'ai  receu  tes  lettres  des  i[\  et  1 5.  M.  Dujon 
travaille  pour  ta  maladie  sur  le  mémoire  de  M.  Petit, 
qu'il  approuve  fort.  Je  l'en  entretins  hier  au  soir,  et 
attendois  cejourd'hui  son  escrit,  selon  sa  promesse. 
Je  ne  sçais  s'il  aura  esté  occupé  auprès  de  madame  du 
Fresne,  qui  a  eu  ung  accès  de  fiebvre.  Il  m'a  semblé 
estimer  que  la  saignée  te  seroit  fort  bonne ,  sans  tirer 
plus  d'une  palette  de  san^,  et  neantmoins  il  a  cncores 
voulleu  penser.  Lorsque  tu  verras  qu'il  sera  à  propos, 
je  le  pryerai  de  nous  donner  ung  mois;  mais  sur  ce  que 
tu  me  touches  au  dessus  de  la  lettre,  tu  peulx  penser 


l82  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

quel  plaisir  ce  me  seroit  que  ta  santé  te  peust  porter 
à  Nantes  pendant  le  séjour  que  nous  avons  à  y  faire, 
et  cependant  je  n'ose  ni  nie  le  promettre  ni  te  le  per- 
suader, mesme  ne  sçais  si  je  me  doibs  resjouir  de  ce 
beau  temps ,  tant  toutes  choses  en  ceste  maladie  me  sont 
suspectes.  Le  roy  passera  ici  les  festes.  Le  traicté  de 
M.  de  Mercœur  est  accordé,  mais  il  fault  qu'il  soit 
vérifié.  MM.  de  Rohan  entrent  en  toutes  leurs  maisons, 
et  ainsi  des  aultres.  J'ai  parlé  à  l'escuyer  qui  m'a 
promis  de  desposer.  Ghesneau  et  Gâteau,  chirurgiens, 
dressent  leur  rapport.  On  m'a  aussi  parlé  d'ung  boulan- 
ger qui  en  peult  parler.  M.  de  Launais  Blavon  sera  à 
Rennes  tous  les  trois  mois;  mais  M.  Audebert  qui  le 
debvoit  ouïr  est  h  Orléans.  Je  fais  demain  resouldre 
M.  de  Rheims  de  quelque  aultre,  en  qui  nous  ayons 
pareille  confiance.  Je  crois  qu'il  nous  y  fauldra  en- 
voyer M.  Niotte,  et  pour  l'escuyer,  le  pryer  d'aller  à 
Tours.  Par  ainsi ,  nous  n'aurions  affaire  d'une  troi- 
siesme  commission.  Le  roy  a  parlé  fermement  à  M.  de 
La  Rochepot  et  aulx  officiers.  Il  me  dict  qu'ils  le  voul- 
leurent  payer  d'excuses,  mais  qu'ils  estoient  estonnés: 
hier  aussi,  il  déclara  à  M.  de  La  Rochepot  que  si, 
dans  fort  brefs  jours,  on  ne  lui  representoitSainct  Phal , 
il  ordonneroit  à  ses  gens  à  Paris  de  lui  faire  faire  son 
procès.  Je  l'ai  fort  pressé  de  limiter  le  terme;  il  a  dé- 
siré temporiser  deux  ou  trois  jours,  pendant  lesquels 
M.  de  Mercœur  preste  son  serment.  Il  voit  que  le  ma- 
reschal  de  Brissac  marchande  à  le  venir  trouver,  et 
craint  des  traverses.  Il  en  sera  encores  pressé  demain 
matin  et  de  bon  endroict.  Ce  soir,  M.  d'Espernon  et 
moi  estions  assignés  pour  nous  faire  parler  enseud^le; 
mais  le  cerf  a  mené  le  roy  plus  loin  qu'il  ne  voulloit , 
tellement  qu'il  n'est  poinct  de  retour.  M.  de  Calignon 


A  MADAME  DUPLESSIS.  i83 

ira  demain  voir  M.  de  Lusson  exprès  pour  en  retirer 
une  forte  despesche.  S'il  la  baille,  Je  suis  d'advis  de 
l'envoyer  par  Puisieux  ,  et  lui  donner  aussi  charge  vers 
Charon.  S'il  y  reste  difficulté,  j'en  ferai  faire  une  unie 
à  M.  Desdiguieres,  et  tousjours  en  tout  cas  pour  les 
mille  escus.  Il  n'y  sera  enfin  rien  omis.  Le  grand  conseil 
doibt  venir  en  ce  pays,  mesme  est  en  doubte  de  s'ar- 
restcr  a  Saulmur.  Ce  nous  sera  une  commodité  pour 
sortir  de  Bruzac,  et  je  manderai  à  M.  Charon  d'y  venir. 
Je  me  desmesle  du  3i3  de  4  doulcement  pour  pt.  3^ 
f.  28.  4-  Y  a  consenti  plus  qu'on  n'a  voulleu  sans  que 
j'en  aye  parlé  encores  à  Pr.  On  faict  estât  d'employer 
deux  cent  mille  escus  pour  le  dégager  des  créanciers, 
pris  de  la  couronne,  qui  seroit  ung  moyen  d'asseurer 
la  partie  de  2.  Je  suis  en  bon  train  pour  trente  mille 
livres;  mais  il  y  fauldra  trois  années.  Si  M.  Niotte  vient 
ici,  nous  ferons  aussi  pour  les  fortifications.  Il  ne  fault 
pas  qu'il  oublie  d'apporter  ce  qu'il  a  du  don  qui  nous 
est. commun  à  M.  de  Souvray  et  à  moi.  Nous  debvons 
recevoir  asseureement  les  cinq  cens  livres  de  M.  de 
Schomberg,  premier  qu'il  parte  pour  aller  à  Nantes, 
c'est  à  dire,  en  dedans  mercredi.  Je  suis  d'advis  de  lais- 
ser passer  le  terme  à  M.  Pena.  La  maladie  de  Dumau- 
rier  me  met  en  peine.  Je  crains  aussi  que  tu  ne  de- 
meures sans  argent.  M.  de  Rolian  s'en  va  quérir  ma- 
dame sa  mère  au  Parc  présentement.  J'en  reçois  lettres 
que  je  t'envoye.  Tu  verras  ce  qu'elle  m'escrit  de  M.  de 
Cargroy.  Je  tascherai  désire  bien  logé  à  Nantes,  où  le 
roy  enverra  d'Escure,  fort  habile  homme,  pour  dis- 
poser toutes  choses.  Le  roy  arrive  tout  présentement. 
Je  ne  sçais  si  je  le  verrai  à  ce  soir,  parce  qu'il  est  tard. 
Et  sur  ce  je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur,  et  supplie 


l84  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

le  Créateur  qu'il  te  garde  et  conserve,  et  toute  nostre 

famille. 

D'Angers,  ce  16  mars  1698. 


LXXVI.  — -V^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroy. 

Monsieur,  nous  avons  à  vous  remercier  du  soing 
que  vous  avés  à  nous  tenir  advertis  et  instruire  de  ce 
qui  nous  peult  aider  et  servir  nostre  maistre,  comme 
vous  scavés  estre  son  intention. 

Vous  craignes  que  Ton  ne  cherche  de  nous  abuser  et 
amuser  en  nous  paissant  de  vaines  espérances  ;  ceste 
craincte  nous  est  commune  avec  vous  ;  mais ,  comme 
nous  vous  avons  escrit  ci  devant,  nous  jugeons  des 
hommes  par  l'interest;  et,  si  nous  ne  sommes  fort  trom- 
pés, le  cardinal  d'Autriche  a  le  mesme  interest  que 
nous ,  que  ce  qui  nous  sera  promis  soit  observé  et 
exécuté. 

Ce  traicté  est  principalement  pour  la  France  et  les 
Pays  Bas.  Quant  à  la  France,  nous  ne  laschons  rien  ,  et 
ne  croirons  pas  aulx  paroles  ;  nos  mains  auront  des 
yeulx,  elles  croiront  ce  qu'elles  verront.  Pour  le  regard 
des  Pays  Bas ,  ledict  cardinal ,  entre  les  mains  duquel 
est  la  negotiation ,  traicté  pour  establir  sa  grandeur , 
et  non  pas  pour  contenter  l'ambition  des  Espaignols , 
qui  ne  voyent  pas  volontiers  le  desmembrement  de  tant 
de  provinces  d'avec  le  royaulme  d'Espaigne  ;  c'est  pour- 
quoi il  y  a  apparence  qu'il  hastera  plustost  qu'il  ne 
reculera  la  restitution  des  places  dont  nous  traictons  ; 
la  chose  estant  commencée,  comme  ils  offrent  de  faire, 


LETTRE,  etc.  l85 

en  bref,  ce  seroit  trop  de  sottise  à  eulx  de  ne  l'ache- 
ver. C'est  pourquoi  nous  nous  fions  aiseement  à  ce  que 
promet  ledict  cardinal ,  pour  ce  qu'il  a  autant  d'inte- 
rest  que  nous  qu'il  soit  faict,  et  comme  nous  estimons; 
dadvantage ,  c'est  imprudence  de  se  fier  aiseement , 
c'est  bestise  de  se  desfier  de  toutes  choses.  Ores,  mon- 
sieur ,  pour  nous  faire  voir  plus  clair  en  cest  affaire  , 
vous  avés  trouvé  bon  de  nous  envoyer  la  lettre  que 
de  Buzenval  vous  escrit  de  ce  qui  se  dict  en  Hollande 
touchant  ceste  negotiation.  Monsieur ,  il  y  a  assés  long 
temps  que  nous  sçavions  à  peu  près  tout  le  conteneu 
en  ceste  lettre. 

Par  nos  précédentes ,  nous  vous  avons  donné  advis 
de  la  veneue  de  cest  homme  d'Anvers  h  Bruxelles.  Ce 
personnage ,  pour  le  faict  de  la  relligion ,  est  retiré  au 
pays  d'Hollande ,  et  faict  entendre  audict  cardinal  et 
au  président  Richardot  qu'il  désire  la  paix  et  le  repos 
du  pays.  Nous  avons  sceu  d'ung ,  auquel  le  président 
Richardot  s'est  descouvert ,  et  qui  l'a  aussi  sceu  d'ail- 
leurs, que  l'on  tient  cest  homme  d'Anvers  pour  ung 
mauvais  garçon,  mais  que  l'on  se  veult  servir  de  lui. 
Vous  sçavés  combien  de  telles  gens  qui  portent  des 
deux  costés  nous  ont  passé  par  les  mains.  Ne  doubtés 
pas  que  le  président  Richardot  ne  lui  ait  mis  en  avant 
tout  ce  qui  se  peult  dire  pour  intimider  et  induire  les 
Provinces  Unies  à  recognoistre  le  roy  d'Espaigne  ;  s'il 
en  a  usé  de  la  sorte  ,  je  l'en  trouve  plus  habile  homme, 
et  qu'il  en  a  usé  comme  doibt  ung  affiné  serviteur  du 
roy  catholique.  Je  m'esbahis  plustost  qu'il  n'en  a  dict 
dadvantage  ;  car  rien  ne  l'obligeoit  à  la  garantie  de  son  ' 
dire.  Je  ne  sçais  si  ledict  sieur  R.ichardot  se  sera  ainsi 
voulleu  descouvrir  de  la  Bretaigne  à  ce  personnage , 
dont,  comme  je  vous  ai  dict,  il  a  mauvaise  opinion; 


l86  LETTRE 

car  ce  que  nous  en  avons  tiré  a  esté  avec  la  force  de  la 
negotiation.  Et  vous  pourrons  asseurer  que  le  père  gê- 
nerai des  cordeliers,  qui  estoit  à  Bruxelles  quand  ce- 
dict  homme  d'Anvers  s'y  est  trouvé ,  n'estimoit  pas  que 
ces  ambassadeurs  eussent  charge  de  nous  accorder  ce 
qu'ils  nous  ont  accordé  de  Blavet;  et  quand  ils  en  las- 
cherent  la  parole  en  présence  de  M.  le  légat,  ledict  père 
gênerai  s'en  nionstra  estonné,  et  nous  dict,  estant  les 
ambassadeurs  d'Espaigne  sortis  de  la  chambre  de  M.  le 
légat,  qu'il  estimoit  qu'ils  ne  s'estoient  pas  sceu  bien 
expliquer  en  italien;  mais  nous  estions  bien  asseurés  de 
nostre  baston.  > 

Ce  qu'il  dict  des  prétentions  de  Bretaigne  est  imper- 
tinent; car  le  roy  d'Espaigne  n'y  prétend  pas,  et  en 
cela  il  fault  qu'ils  veuillent  brouiller,  et  qu'ils  n'enten- 
dent pas  ce  qu'ils  disent;  le  monde  est  plein  d'inven- 
tions ,  et  surtout  ccuix  qui  craignent. 

Nous  avons  opinion  que  la  forme  du  passeport  dont 
escrit  M.  de  Buzenval  a  esté  concertée  entre  les  deux 
parties,  et  que  ceulx  du  conseil  establi  à  La  Haye  en 
sçavoient  autant  que  ceulx  du  conseil  de  Bruxelles;  car, 
à  nostre  advis,  c'est  ung  homme  qui  sert  des  deux 
costés.  Ceulx  de  La  Haye  auront  voulleu  sçavoir  par 
lui  ce  qui  se  faict  ;i  Bruxelles,  et  ceulx  de  Bruxelles 
de  mesme  ;  mais  M.  de  Buzenval  ne  nous  escrit  poinct 
du  conseil  que  ledict  homme  donna  à  ceulx  de  Bruxelles, 
qu'ils  ne  debvoient  poinct  negotier  avec  le  roy  de 
France,  qu'ils  n'eussent  achevé  leur  negotiation  avec 
ceulx  d'Hollande;  car,  traictant  avec  le  roy,  ils  se  se- 
roient  affoiblis  de  Calais ,  ville  si  nnportante  ,  et  aultres 
qu'ils  offrent  de  rendre,  et  n'auront  aulcune  asseu- 
rance  que  le  roy  leur  garde  sa  promesse  après  qu'il  les 
aura  recouvertes,  remonstrant  que  ceulx  d'Hollande 


A  M.  DE  YILLEROY.  l  87 

ne  peuvent  approuYcr  ceste  résolution.  Cest  homme 
d'Amiens  est  madré ,  et  semble  qu'il  parloit  selon  la 
charge  qu'il  avoit  des  Hollandois,  qui  n'ont  aultre  but 
que  de  rompre  ceste  negotiation.  Il  nous  semble  que 
ladictc  lettre  de  M.  de  Buzenval  ne  nous  doibt  pas 
beaucoup  mouvoir. 

INous  avons  trouvé  plus  mauvais  ce  qu'il  escrit  de 
certaine  conférence  qu'a  eue  M.  de  Saincte  Aldegonde  : 
il  faict  fort  dangereux  de  parler  avec  telles  gens  qui 
adjoustent  ce  qui  leur  plaist  a  ce  qui  leur  a  esté  dict; 
et,  puisque  l'on  cognoist  l'artifice  dont  use  ledict  sieur 
de  Saincte  Aldegonde,  le  meilleur  est  de  ne  mettre 
entre  ses  mains  aulcunes  paroles  doubteuses  et  incer- 
taines. Ils  ont  un  but,  et  n'y  a  rien  qu'ils  ne  fassent 
pour  y  parvenir. 

Nous  laissons  ce  propos  pour  vous  dire  qu'ayant  sceu 
de  M.  le  légat,  et  non  d'aultre,  que  le  secrétaire  Cécile 
a  passé  par  Paris,  nous  attendons  en  bonne  dévotion 
de  sçavoir  ce  qu'il  vous  aura  apporté ,  ou  plustost  ce 
à  quoi  le  roy  se  sera  resoleu.  Nous  avons  trop  de  cog- 
noissance  des  intentions  de  la  royne  d'Angleterre  pour 
en  doubter;  nous  scavons  celles  du  roy;  mais  nous  ne 
voyons  d'ici ,  ce  que  vous ,  qui  estes  près  de  sa  majesté, 
pouvés  voir  de  Testât  de  ses  affaires,  parce  que  l'on 
escrit  de  Paris,  et  comme  plusieurs  disent,  ceste  opi- 
nion de  la  court,  que  le  renfort  des  Espaignols  qui  est 
arrivé  à  Calais  a  rompeu  nostre  negotiation  ,  qu'ils 
sont  prests  à  nous  recommencer  la  guerre,  que  ceste 
frontière  est  en  danger.  Nous  ne  pouvons  parler 
que  par  conjectures  de  ce  qu'ils  ont  dans  le  cœur.  Si 
Ton  nous  dict  que  nostre  frontière  est  mal  gardée ,  nous 
sommes  de  mesme  advis,  estant  les  compaignies  fort 
foibles,  sans  chefs  et  sans  payement,  dont  nous  avons 


l88  LETTRE 

adverti  M.  le  coniiestable ,  qui  nous  escrit  d'Escouen , 
du  20  de  ce  mois,  qu'il  s'acheminoit  en  Picardie;  c'est 
la  dernière  nouvelle  que  nous  avons  eue  de  lui.  Il  seroit 
à  propos  qu'il  veist  en  quel  estât  sont  les  places  ;  cela 
donneroit  occasion  aulx  gouverneurs  de  mieulx  pour- 
voir à  ce  qui  est  de  leur  charge.  Nous  donnerons  advis 
audict  seigneur  de  ce  que  nous  pourrons  sçavoir  du 
remuement  des  ennemis,  dont,  si  l'on  a  craincte,  ce 
n'est  pas  sans  occasion.  Ce  n'est  pas  petite  force  que 
de  huict  mille  Espaignols  naturels  ;  oultre  ce  ,  nous 
sommes  advertis  que  le  cardinal  a  ordonné  de  faire  ses 
recreues  à  tous  les  regimens  de  lansquenets  et  Walons , 
ce  qui  ne  se  faict  sans  desseing;  et  si  nous  tenons 
longuement  en  doubte  les  ambassadeurs  que  nous  avons 
ici  de  nostre  resolution,  nous  ne  sçavons  ce  qui  pourra 
advenir;  telles  forces  que  cela  ne  demeurent  pas  volon- 
tiers oisives  ;  et ,  quand  ils  feroient  quelque  entreprise 
sur  nous,  cependant  que  nous  traictons,  ils  ne  feroient 
rien  contre  leur  promesse,  ni  contre  leur  debvoir, 
puisque  nous  sommes  ennemis. 

Par  nostre  précédente  despesche ,  nous  vous  avons 
mis  le  marché  en  main.  Si  nous  demandons  la  seureté 
de  nos  places,  il  ne  tient  qu'à  nous  que  nous  ne 
l'ayons ,  puisque  ainsi  est  qu'ils  nous  ont  faict  porter 
la  parole  pour  s'asseurer  de  nous,  et  nous  d'eulx.  Nous 
verrons  ce  que  rapportera  le  courrier  La  Fontaine ,  si 
on  les  tiendra  en  incertitude.  Nous  ne  pouvons  pas 
respondre  de  leur  resolution;  ils  nous  ont  dict,  et  nous 
font  dire  tous  les  jours,  que  si  nous  voulions  signer  ce 
qui  a  esté  traicté  entre  nous  et  vous  avons  envoyé, 
qu'ils  sont  prests  à  signer,  qu'ils  nous  ont  déclaré  ce 
qu'ils  demandent  en  faveur  de  M.  de  Savoye.  Son  am- 
bassadeur a  promis  de  le  signer;  mais,  qu'il  le  signe  ou 


A  M.  DE  VILLEROY.  189 

non,  ils  déclarent  que,  nonobstant  son  refus,  ils  sont 
resoleus  de  signer  ce  qui  a  esté  traicté.  Ces  choses  nous 
donnent  occasion  d'estimer  que  jusques  à  présent  ils 
procèdent  de  bonne  foi  avec  nous.  Si  nous  appercevons 
qu'il  y  ait  changement,  nous  nous  conduirons  selon 
les  occasions,  et  ne  ferons  faulte  de  vous  en  donner 
advis. 

Il  est  à  désirer  que  puissiés,  en  bref,  achever  la  ne- 
gotiation  de  M.  de  Mercœur,  dont,  à  ce  que  nous 
jugeons,  ils  sont  en  peine;  et  croyons  fermement  qu'il  y 
a  eu  ci  devant  quelque  promesse.  Nous  soubtenons  ce 
faict,  et  nous  tenons  fermes  comme  nous  debvons. 

Vous  leur  ferés  ung  grand  plaisir,  et  le  roy  n'y  per- 
dra rien,  s'ils  pourront  reprocher  à  M.  de  Mercœur 
qu'il  a  negotié  sans  eulx.  C'est  ce  que  nous  disons  ordi- 
nairement, et  trouvons  qu'il  sert  beaucoup  à  nostre 


negotiation. 


Par  nostre  précédente  ,  nous  avons  escrit  de  l'esmo- 
tion  adveneue  à  Sainct  Quentin,  à  cause  de  l'impost 
des  toiles. 

Il  y  a  aussi  l'edict  des  cabaretiers,  que  l'on  exécute 
contre  ces  Picards  avec  beaucoup  de  rigueur,  et  quel- 
ques aultres  edicts  dont  ces  peuples  se  plaignent  fort. 
Nous  remonstrons  ce  que  nous  debvons  pour  les  con- 
tenir; mais,  comme  serviteurs  du  roy,  qui  n'avons  plus 
grande  passion  que  de  voir  prospérer  ses  affaires,  nous 
vous  dirons  librement  que  telles  charges  extraordinaires 
aliènent  fort  les  volontés  des  subjects ,  dont  pourroit 
advenir  trop  plus  de  mal  au  service  du  roy  que  n'ap- 
portera commodité  l'argent  qui  en  peult  provenir. 

Nous  vous  renvoyons  avec  ceste  ci  la  lettre  de  M.  de 
Buzenval. 

Nous  obmettions  à  vous  dire  que  l'on   a  voulleu 


îgo  LETTPtE,  eic. 

imprimer  en  la  teste  de  ces  ambassadeurs,  et,  comme 
nous  entendons  du  cardinal,  que  le  roy  n'a  pas  volonté 
de  conclure  ceste  paix,  mais  qu'il  a  cherché  seulement 
de  les  amuser;  cependant  qu'il  s'asseure  de  la  Bre- 
taigne;  nous  estimons  les  avoir  rendeus  capables  de  la 
droicte  intention  du  roy.  Ils  jugeront  de  ce  faict  selon 
la  response  que  nous  apportera  La  Fontaine.  Nous  esti- 
mons qu'au  mesme  temps  ils  pourront  avoir  leur  cour- 
rier, qui  est  allé  en  Espaigne. 

Nous  accuserons  la  réception  de  vostre  despesche 
du  7  de  ce  mois,  vous  remerciant  humblement  des 
advis  qu'il  vous  a  pieu  de  nous  donner,  dont  nous  nous 
servons  au  mieulx  que  nous  pouvons. 

Il  n'y  a  rien  qui  puisse  plus  troubler  ceste  negotia- 
tion  que  le  faict  de  M.  de  Savoye.  Nous  nous  recom- 
mandons ,  etc. 

Du  i6  mars  i  SgS. 


LXXVIl.  — -V^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M' A  MIE  ,  je  ne  t'escrivis  poinct  hier,  parce  que 
nous  feusmes  fort  occupés.  Ce  matin  le  roy  nous  a 
faict  parler  ensemble,  M.  d'Espernon  et  moi.  Cela  s'est 
passé  fort  honorablement ,  n'y  ayant  que  sa  majesté 
et  nous  deux,  et  depuis  nous  a  ensemble  entreteneus 
de  ses  affaires ,  nous  commandant  de  communiquer 
ensemble  pour  son  service.  Pour  Sainct  Phal,  le  roy, 
en  présence  de  M.  de  Villeroy,  a  dict  à  M.  de  La  Ro- 
chepot  que  si  on  ne  le  lui  representoit,  il  me  baille- 
roit  4000  livres  de  pouklre  et  dix  canons   pour   le 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  Xjî 

prendre  où  il  scroit,  el   commanderoit  a  la  court  de 

lui  faire  son  procès.  Les  parens  allèrent  trouver  M.  de 

Roquelaure  hier  pour  le  prycr   de  faire   trouver  bon 

au  rov  (ju'il  me  satisfeist  par  les  voyes  d'honneur.  Le 

roy  m'a  dict  qu'il  ne  lui  en  avoit  poinct  parlé,  ce  que 

j'eusse  bien  voulleu   (pi'il  eust  faict ,  et  nos  meilleurs 

amis  aussi.  Je   Timpute  plus  à   ia  contradiction  qu'il 

s'est  proposé  d'y  rencontrer  vers  le  roy,  qu'à  amitié 

envers  nous.  J'ai  pressé   le  roy   de  prendre  ung  jour 

prefix.  Je  remarque  qu'il   crainct  d'estre  traversé   en 

l'exécution  du  traicté  de  Nantes.  Sa  response  a  esté 

qu'il  me  pryoit  d'avoir  patience,   et   que  le  serment 

pris  de  M.  de  Mercœur ,  s'il  avoit  esté  au  pas  en  nostre 

affaire  pour  le  passé ,  je  verrois  qu'il  iroit  en  poste. 

M.   de   Bouillon   est   ici  dans   six  jours,    qui   nous    y 

tiendra  la  main.   Il   m'a   mandé  que  pour  l'amour  de 

moi  il  se  bastera  si  je  veulx  ;  quant  à  ce  qui  se  nego- 

tioit  par  M.  de  Scbomberg;  il  ne  s'en  parle  plus,  et  n'en 

suis  pas  marri.  Nous  ferons  ouïr  nos  tesmoings,  et  je 

n'attends   que    M.    Niotte   pour  l'envoyer   à  Rennes, 

lequel  j'addresserai  à  nos   amis  pour  lui  choisir  ung 

bon  juge,  pardevant  lequel  M.  Delaunay  Blavon  sera 

ouï.  Je  ferai  aussi  conduire  l'escuyer  à  Tours;  mais  il 

fault  le  faire  adjourner  au  nom  de  Drugeon,  dont  il  sera 

bon  que  M.  Niotte  vienne  bien    informé  par  M.  des 

Beraudieres  et  par  la  communication  qu'il  aura  eue  de 

ce   qui  se  sera   faict  à  Tours.  Le  traicté  de  Bretaiane 

est   arresté.    Celui    de    la    relligion    n'attend    que    le 

retour  de  M.  de  Cazes ,  qui  est  allé  à  Chastellerault. 

Nos  affaires  particuliers  prendront  bon  train.  Ne  reste 

que  celui  de  M.  Pena,  que  je  vouldrois  bien  qui  vinst 

à  temps  pour  nous  relever  de  plusieurs  importunités. 

Les  ambassadeurs  d'Angleterre  sueront  jusques  à  Or- 


T92  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

leans.  Vuilks,  qui  en  estoit,  secrétaire  de  la  royne,  est 
mort  à  Rouen.  Il  fault  que  nos  eschevins  leur  fassent 
accoutrer   quattre    honnestes  logis   pour  quattre   sei- 
gneurs ,  dont  je   leur   enverrai   au   premier  jour   les 
noms.  Il  fauldra  aussi  leur  donner  du  vin  et  des  fruicts, 
et  je  leur  en  escris  par  ceste  mesme  voye.  Quant  à 
ceulx  des  Pays  Bas ,  nous  n'avons  poinct  encores  sceu 
leur  passage.  M.  de  Buzenval  a  charge  de  les  prévenir 
de   quelques  jours,   lequel   je  verrai,    et  nous   peult 
faire  ung  bon  office,  en  disant  au  roy  comme  Toul- 
trage  que  j'ai  receu  a  esté  receu,  et  ce  qu'on  en  at- 
tend de  sa  majesté  aulx  Pays  Bas,  et  le  mesme  se  pour- 
roit  practiquer  vers  les  députés  d'Angleterre  ou  par 
son  moyen  ,  ou   de  quelque  aultre.  Je  suis  en  peine 
de  quel  effect  aura  apporté  le  beau  temps.  Madame 
Dufresne  a  une  fiebvre  tierce,  sans  cela  j'eusse  des- 
bauché  Dujon.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  toute  mon 
affection,  et  prye  Dieu  qu'il  te  garde  et  conserve  et 

toute  nostre  famille. 

D'Angers,  ce  i8  mars  iSgS. 


LXXVIII. —-^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  je  t'ai  escrit  aujourd'hui  amplement  par  le 
chevaulcheur  de  Chousay ,  mesme  de  la  reconciliation 
avec  M.  d'Espernon ,  qui  s'est  fort  bien  passée ,  et  du 
train  ou  nous  sommes  pour  le  principal.  Ceste  est  pour 
t'asseurer  de  la  réception  des  tiennes  par  le  pré  qui 
me  faict  craindre  du  beau  temps,  au  lieu  d'en  espérer, 
et  ce  n'est  pas  sans  peine.  M.  Dujon  a  médité  sur  le 


> 


A  MADAME  DL'PLESSIS.  19^ 

mémoire  de  M.  Petit ,  puis  en  a  conféré  avec  M.  de 
La  Rivière  et  du  Laurens.  Ils  sont  d'advis,  avec  ledict 
M.  Petit,  et  de  la  cause,  et  des  remèdes,  et  de  la  pro- 
cédure. Seulement  qu'il  les  fault  continuer  ;  mais 
ledict  sieur  Dujon  t'enverra  vendredi  son  memoirç 
avec  certains  doulx  remèdes  qu'il  te  prépare,  scavoir, 
de  la  manne  de  Calabre,  de  la  conserve  de  roses  de 
Naples ,  et  aultres  fort  doulx  et  cordiaulx,  lesquels 
nous  avons  advisé  de  faire  venir  dltalie  par  le  seigneur 
Yalerio  qui  s'y  en  va,  homme  confident,  et  cependant 
il  nous  aide  de  ce  qu'en  a  M.  de  Fresne.  Je  suis  bien 
aise  de  ce  que  81.  63.  t'a  dict  ;  le  tout  est  qu'il  n'y 
a  plus  de  remède.  En  tout  cas,  je  ne  laisserai  de  tra- 
vailler à  nos  assignations,  et  puis  donneront  bon  ordre 
qu'elles  soient  bien  maniées.  J'ai  escrit  à  nos  officiers 
et  esclievins  ce  que  tu  auras  veu  par  le  passade  des 
ambassadeurs  d'Angleterre,  aussi  au  sergent  major. 
Je  te  prye  de  plus  en  plus  de  soulager  ton  esprit,  car 
Dieu  est  pour  nous;  lequel  je  supplie,  m'amie,  qu'il 
te  garde  et  conserve.  Sur  ce,  je  t'embrasse  de  tout 
mon  cœur. 

D'Angers,  ce  18  mars  1698. 


LXXIX. —  ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  je  t'escrivis  hier  amplement,  par  la  voye 
de  la  poste  de  Chouzay.  Depuis,  il  n'est  rien  surveneu. 
L'escuyer  m'a  promis;  mais  mande  moi  s'il  sera  en- 
cores  receu  à  tesmoigner  à  Tours ,  sinon  je  l'enverrai 
à  Rennes,  oii  toutesfois  je  ne  puis  encores  m'asseurer 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.   ToME  VIII.  l3 


194  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

d'ung  juge,  et  présentement  nous  avons  nouvelles  de 
M.  de  Montbazon  ,  duquel  je  me  pourrai  aider.  Demain 
part  madame  de  Mercœur,  pour  aller  quérir  son  mari. 
Madame  a  faict  ce  que  le  roy  a  voulleu.  Elle  est  fort 
r£Soleue  de  se  marier.  Le  receveur  Benoist  est  veneu  ; 
j'aiderai  à  ses  affaires.  Et  pour  les  fortifications  il  sera 
malaisé  que  96  n'y  voye  clair,  car  des  Saulmur  on  ne 
lui  en  aura  parlé  que  trop  indirectement.  Nous  trou- 
verons moyen  de  le  contenter,  ou  de  là  ou  d'ailleursi- 
en  Testât  des  garnisons.  L'affaire  de  la  relligion  séfaT 
concleue  ceste  sepmaine.  Dans  la  prochaine,  nous  au- 
rons M.  de  Bouillon.  M.  Hesperien  t'entretiendra  du 
surplus ,  lequel  s'en  va  eu  Bearn.  Je  fais  solliciter  Dujon 
à  oultrance.  J'ai  encores,  ce  matin,  parlé  a  M.  de  Lau- 
rens  et  d'abondant  d'une  saignée  d'une  palette  ,  et 
non  plus.  Je  tembrasse,  m'amie  ,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers,  ce  19  mars  1698. 

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LXXX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  M.  Duplessis. 

Monsieur,  le  roy  m'a  dict  avoir  parlé  de  vostre 
affaire  aulx  officiers  de  ceste  ville;  mais  M.  le  mares- 
cbal  de  Brissac  ne  pouvant  venir  sitost ,  il  me  semble, 
sauf  vostre  meilleur  advis,  que  vous  ne  debvés  différer 
à  vous  acheminer  ici,  suivant  l'intention  de  sa  majesté  , 
laquelle  faict  estât  d'en  partir  mercredi  pour  aller  à 
Ancenis,  et  de  là  à  Nantes,  Taccord  de  M.  de  Mer- 
cœur  estant  enfin  resoleu ,  comme  vous  aura  dict  M.  de 
Lomenie;  de  sorte  qu'il  ne  me  reste  qu'à  vous  présenter 
mon  service   avec  ma  bien  humble  recommandation 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  igS 

à  vos  bonnes  grâces  et  à  celle  de  madame  vostre  femme, 
pr)^nnt  Dieu,  monsieur,  qu'il  vous  conserve  en  bonne 

santé ,  etc. 

D'Angers,  ce  19  mars  iSyS. 

LXXXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  présentement   et  depuis  ma  lettre  escrite 

par  le  porteur,  à  dix  beures,  pour  t'envoyer  la  des- 

pescbe  de  Dujon ,  j'ai  receu  lettre  que  je  t'envoye ,  de 

M.  La  Vairie.  J'ai  recogneu  au  style  et  au  langage  du 

lacquais,  que  leur  intention  estoit  de  loger  à  La  Dagui- 

niere,  sans  venir  ici,  pour  n'avoir  equippage,  et  à  cause 

de  la  grossesse.  J'ai  double  aussi  qu'ils  feussent  bien 

accommodés  en  la  presse  qui  croist  tous  les  jours;  mais 

j'ai  commandé  à  nostre  fils  de  les  voir  à  La  Daguiniere  , 

ce  que  j'eusse  bien  peu  faire  moi  mesmes ,  n'estoit  que 

ceste  après  disnee  je  signe  le  traicté  de  Bretaigne ,  où 

j'ai  commandement  d'assister.  Je  te  baise,  m'amie,  de 

tout  mon  cœur. 

D'Angers,  ce  20  mars  1598. 

LXXXIL—  ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  j'ai  receu  ce  soir  tes  lettres  du  21  par  Cour- 
ville.  Ce  n'est  sans  estre  en  grand  peur  de  ce  que  ton 
mal  te  presse  extraordinairement,  et  aussitost  ai  envoyé 
quérir  M.  Dujon,  lequel  je  n'ai  peu  encores  avoir.  Je  te 
pryerai  de  méditer  sur  les  lettres  et  de  Taller  voir  toi 


îg6  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

mesmes ,  encores  qu'il  me  semble  que  tu  persistes  à  ne 
le  voulloir  poinct ,  jusqu'à  ce  que  tu  ayes  receu  res- 
ponse  de  M.  Petit;  mais  si  me  semble  et  qu'il  ne  te 
pouvoit  nuire;  je  me  tirerai  aussi  le  plus  tost  que  je 
pourrai  de  ceste  court,  pour  aller  aider  à  te  guérir, 
car  rien  qui  me  retient  ici  ne  me  peult  toucher  de  si 
près ,  et  je  te  prye  de  le  croire  autant  que  tu  m'aimes. 
Encores  aujourd'hui  le  roy  m'a  promis  d'abréger  nostre 
affaire ,  et  d'en  ordonner  à  la  court  de  parlement.  L'es- 
cuyer  sera  mardi  au  soir  à  Saulmur  et  le  m'a  promis. 
J'ai  la  liste  de  la  grand'chambre  de  Rennes,  sur  laquelle 
je  ferai  choisir  ung  ou  plusieurs  au  default  l'ung  de 
l'aultre,  et  y  enverrai  La  Periere.  J'ai  faict  derechef 
arrester  Testât  de  lieutenant  de  la  prevosté,  et  espère 
obtenir  ung  estât  de  secrétaire  de  la  maison  et  cou- 
ronne  de  France,  !e  premier  vacant,  pour  M.  Pena, 
c'est  ce  qui  se  pourra  pour  ceste  heure.  Pour  nos  aultres 
affaires,  ia  royne  Marguerite  m'a  escrit  celle  dont  je 
t'envoye  copie.  Elle  m'a  parlé  de  la  procuration  ni  en 
bien  ni  en  mal  ;  mais  il  y  a  ung  sien  secrétaire  ici  qui 
m'a  baillé  ses  lettres,  lequel  me  doibt  venir  voir.  Elle 
tesmoigne  ung  grand  mécontentement  contre  M.  Erard, 
je  ne  sçais  sur  quel  subject  ;  mais,  en  confessant  ce  qu'elle 
a  dict  de  lui,  elle  me  semble  ne  dissimuler  gueres  qu'elle 
a  bien  peu  dire  de  reste.  Nous  verrous  toutesfois  le  se- 
crétaire. Je  crois  que  ledict  sieur  Erard  pourra  bien 
t'aller  voir.  Madame  la  duchesse  faict  estât  de  racheter 
en  deux  ans  tout  le  domaine  qui  est  engagé  de  la  duché 
de  Vendosuie,  et  le  rov  lui  faict  fonds  à  ceste  fin.  Ma- 
dame  y  a  consenti  et  signé  sans  contredict.  M.  de  Gali- 
onon  a  desjà  esté  trois  fois  exprès  chez  M.  de  l^usson 
sans  le  trouver.  Il  m'a  promis  de  l'attraper  lundi  de 
bon  inatiii  cliez  lui.  S'il  asseure  la  partie  par  une  bonne 


A  MADABIE  DUPLESSIS.  197 

despesche,  nous  enverrons  exprès,  sinon  je  lui  ferai 
aussitost  flespescher  à  M.  Lesdiguieres  pour  toute  la 
somme.  La  partie  de  3o,ooo  livres  est  consentie  par 
le  roy;  nous  ne  comptions  qu'une  bonne  assignation 
dont  je  m'asseurerai,  partie  en  faisant  Testât  de  nos  gar- 
nisons, qui  se  fera  ceste  sepmaine ,  partie  en  faisant 
continuer  nos  subsides  ,  dont  j'ai  à  communiquer  avec 
M.  Niotte.  Madame  de  Rohan  sera  ici  au  premier  jour, 
ce  ne  sera  pas  sans  parler  de  M.  de  Cargroy.  Le  roy  sera 
à  Nantes  après  Quasimodo,  où  il  tiendra  les  estais.  Il 
est  conseillé  ,  d'après  iceulx  ,  de  retourner  au  plus  tost 
vers  la  France,  où  3 10.  T.  201.  se  pourra  faire.  Je 
suis  fort  aise  du  bon  espoir  où  tu  es  du  sieur  Dumau- 
rier.  M.  81.  63.  nous  traisne  tousjours,  et  j'en  plains 
plus  la  longueur  pour  ta  santé  qu'aultrement,  encores 
n'en  fauldroit  il  pas  user  légèrement ,  ni  subir  la  pre- 
mière preuve.  4o.  9.  64.  33.  m'en  a  entreteneu  tout  le 
matin,  qui  dict  merveille  et  parle  fort  confîdemment, 
mais  du  temps  il  n'ose  asseurer.  Tu  as  eu  trop  de  soing 
de  renvover  mes  babiîlemens.  Demain  nous  faisons  la 
cène  chés  Madame ,  où  je  pense  qu'il  se  trouvera  près 
de  trois  mille  personnes.  Nous  n'avons  peu  achever 
aujourd'hui  pour  ce  qui  reste  de  nos  affaires,  mais  ce 
sera  pour  lundi.  Présentement  M.  Dujon  me  vient  voir, 
il  persiste  au  conseil  qu'il  te  donne.  Il  m'a  promis  de 
t'aller  voir  mardi  prochain ,  dont  je  l'ai  fort  prvé.  Cela 
ne  peult  nuire,  attendant  nouvelles  de  M.  Petit;  mais 
certes  je  desirerois  fort,  quoi  qu'il  coustast,  que  tu  peusses 
débaucher  M,  Petit  pour  ung  mois  ou  six  sepmaines, 
et  pense  qu'il  fault  tendre  à  cela,  et  si  tu  le  trouves 
bon  je  lui  en  jescrirai  ;  de  sorte  que  j'espère  qu'il  ne 
nous  esconduira  poinct ,  m'amie,  que  j'aye  à  toute 
heure  de  tes  nouvelles.  Je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur, 


igB  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

et  supplie  le  Créateur  qu'il  te  garde  et  conserve,  et 

toute  nostre  famille. 

D'Angers  ,  ce  21  mars  i5g8  ,  à  dix  heurs  du  soir. 

J'ai  pensé  depuis  de  te  renvoyer  La  Periere  pour 
conduire  l'escuyer,  et  j'enverrai  La  Roche  à  Rennes, 
que  je  ferai  partir  le  mesme  jour. 

Si  nous  ne  pouvons  avoir  M.  Petit,  je  ferai  en  sorte 
4   d'avoir  Dujon  quand  tu  vouldras. 

LXXXIlï.  —  ^  LETTRE 

'  De  M.  de  La  Fontaine  a  madame  Diiplessis. 

Madame,  j'espère  que  vous  aurés  eu  ma  response 
à  vos  lettres ,  desquelles  il  vous  pleut  m'honorer  après 
ce  malheureux  attentat,  qui  estoit  le  subject  de  vos 
lettres.  Ce  que  depuis  je  n'en  ai  rien  ouï,  me  faict 
croire  qu'il  n'y  a  rien  de  pis;  mais  aussi  ne  m'en  faict 
il  pas  voir  la  justice  promise.  J'espère  que  ceste  ap- 
proche de  sa  majesté  y  sçaura  bien  pourvoir.  Dieu  nous 
veuille  donner  et  l'isseue  selon  vostre  souhait,  et  l'usage 
selon  nostre  debvoir  de  ce  beau  voyage.  Ce  sont  choses 
qu'il  n'y  a  que  la  pieté  qui  puisse  bien  joindre  en- 
semble. S'il  m'est  possible  de  pouvoir  eschapper  d'ici, 
j'espère  de  faire  une  course  à  Orléans  cest  esté,  et 
mesmes  jusques  à  Pougues.  Je  vous  désire  mieulx  que 
la  nécessité  de  vous  y  rencontrer;  mais  si  elle  y  est, 
ce  me  sera  contentement  de  vous  y  tesmoigner  mon 
service,  très  asseuré  à  vous  et  à  ce  qui  est  vostre.  Ma 
femme,  qui  a  esté  malade  ces  huict  mois,  vous  baise 
très  humblement  les  mains  avec  moi ,  comme  aussi 
font  mes  filles^;  et  j'espère  que  mon  fils,  qui  suit   la 


LETTRE  DE  M.  DE  LA  FONTAINE,  etc.  199 
court,  le  fera  en  présence.  Vous  favoriserés,  s'il  vous 
plaist,  et  à  bon  escient,  sa  requeste  envers  M.  Duplessis, 
lequel  veult  et  peult  en  mes  petits  affaires. 

A  Londres,  ce  21  mars  1698. 


LXXXIV.  -—^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  femme. 

Je  ne  fais  qu'adjouster  par  le  capitaine  Coignard , 
sinon  que  je  n'ai  poinct  eu  aujourd'hui  de  tes  nouvelles 
et  en  suis  en  peine.  Je  tascherai  de  m'eschapper  pour 
t'aller  voir ,  si  nos  affaires  domestiques  ne  me  retiennent 
bien  court.  Le  roy  s'en  va  demain  à  la  chasse  au  Verger. 
M.  de  Rheims,  aujourd'hui  au  sortir  du  service,  s'est 
alité  d'une  grande  defluxion  qui  le  menace  d'une  para- 
lysie. Demain  matin  se  prend  une  resolution  pour  nostre 
principal  affaire,  ainsi  que  le  roy  m'a  promis  ce  soir. 
Aussitôst  je  t'en  donnerai  advis.  Il  m'ennuye  que  je  ne 
te  voye.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers  ,  ce  22  mars  iSgS. 

Je  crains  que  nous  ne  puissions  revoir  si  tost  Du- 
jon ,  pour  la  maladie  de  M.  de  Rheims.  Il  ne  tiendra 
à  s'en  passer.  Je  desirerois  fort,  à  quelque  prix  que  ce 
feust,  que  nous  puissions  avoir  M.  Petit  pour  six  sep- 
maines,  et  t'envoye  des  lettres  à  cèste  fin. 


:200  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 


LXXXV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  mon  nepveu  de  Vaucelas  arriva  hier.  Il  alla 
désirant  te  voir  premier  que  passer  oultre.  Cela  lui  vient 
de  bon  naturel,  et  en  ai  esté  bien  aise.  Si  j'eusse  peu, 
je  l'y  eusse  conduict;  mais  quelques  raisons  m'ont  re- 
teneu,  que  tu  considéreras  assés.  Loué  soit  Dieu  cepen- 
dant que  par  tes  lettres  de  ce  matin  tu  as  quelque 
amendement,  et  veuille,  par  sa  grâce,  y  donner  ac- 
croissement et  en  exaucer  mes  souspirs.  Ce  matin  le 
roy,  premier  que  partir,  a  déclaré  à  MM.  de  La  Roche- 
pot  et  d'Avaugour  qu'ils  ayent  à  lui  remettre,  dans  le 
cKisteau  d'Angers,  leur  parent  dans  ceste  sepmaine, 
sinon  qu'il  lui  feroit  faire  son  procès  par  la  court  de 
parlement.  Ils  ont  respondeu  qu'ils  y  feroient  leur  deb- 
voir;  qu'ils  le  jugent  raisonnable  :  s'il  n'obéit,  qu'ils  le 
laisseront  là,  et  n'en  parleront  jamais.  Sa  majesté  le 
m'a  dict,  et  m'a  envoyé  quérir  exprès.  Nous  verrons 
ce  qui  en  réussira.  J'envoye  cependant  La  Periere  des 
demain,  si  je  puis,  avec  l'escuyer  à  Tours,  qui  sçaura 
de  toi  ce  qu'il  aura  à  faire;  seulement  je  crains  que  la 
montre  des  officiers  d'artillerie ,  qui  se  doibt  faire  de- 
main ou  mercredi  en  ceste  ville,  ne  le  retienne.  Je 
despescherai  aussi  des  demain  La  Roche  à  Rennes. 
Quant  aulx  tesmoings  qu'il  m'a  nommés  ici  pour  ne  rien 
descouvrir,  je  n'ose  y  toucher.  Il  fault  les  remettre 
alors  que  le  faict  aura  à  estrt;  Louché  ouvertement.  M.  de 
Calignon  a  parlé  ce  matin  à  M.  de  Lusson.  Il  lui  a 
respondeu  qu'il  doibt  la  somme  et  la  veult  payer;  que 


A  MADAME  DUPLESSIS.  20 1 

son  homme  ne  l'a  faict,  parce  que  le  convoi  de  Bour- 
deaulx  a  manque  ceste  année  ;  mais   qu'il  partira  des 
qu'il  sera  à  Nantes  pour  s'en  retourner  à  Blayes,  et  ne 
sera  sitost  arrivé  qu'il  ne  la  mette  es  mains  de  Rellujon. 
Alors  je  pense  qu'il   suffira  que  nous  escrivions  pour 
la  recevoir;  pour  le  surplus,  il  en  réitère  une  despesche 
dudict  M.  de  Calignon.   Tu  as  veu  lettre  de  la  royne; 
et  l'homme  qui  la  me  bailla  m'a  veu  qui  ne  m'a  du  tout 
rien  dict.  J'en  ai  receu  depuis  une  aultre  par  ung  lac- 
quais  exprès,  par  laquelle,  après  plusieurs  honnestes 
paroles,  elle  me  prye  de  m'employer  vers  le  roy  à  ce 
qu'il  soit  pourveu  en   sa  faveur  à  ung  estât  de  prési- 
dent  à   Toulouse,   vacant   par  mort,  dont  aussi  elle 
m'envoye  lettres  pour  le  roy.  M.  de   Rheims  est  ung 
peu  mieulx;  mais  il  lui  restera  une  paralysie,  si  ce  n'est 
grand  merveille;   cela  nous  occupera.  Dujon,  qui  me 
faict  d'autant  plus  bander  à  M.  Petit.  Quant  à  madame 
de  Fresne,  elle  n'a  poinct  eu   son  accès  aujourd'hui. 
Les  médecins  du  roy  approuvent  tous  la  saignée;  pour 
les  bains,  conseillent  de  s'en  abstenir  pendant  la  craincte 
de  paralysie,  sauf  à  en  mieulx  juger  avant,  et  obser- 
vant les  cours  des  remèdes.  M.  Erard  approuve  l'opiate 
que  propose  M.  Pena  pour  ta  santé.  Je  ne  l'ai  poinct 
encores  enquis   sur  1  hyppocondriaque.  Si  Dieu  nous 
faisoit  la, grâce  que  tu  peusses  faire  le  voyage  de  Nantes, 
dont  tu  me  menaces,  je  ne  me  soucierois  gueres  de  ce 
que  t'auroit  dict  que  tu  cognois  assés ,  et  ce 

qu'il  accuse  en  toi  ne  peult  en  lui  mesmes  estre  que 
louange.  Il  semble  que  le  roy  ait  eu  quelque  envie 
d'aller  cest  esté  à  Pougues.  Je  désire  voir  Niote,  pour 
le  mettre  en  train  de  nos  affaires.  Aussi  scrois  je  bien 
aise  que  les  ambassadeurs  d'Angleterre,  qui  doibvent 
passer  mercredi  à  Saulmur,  feussent  passés;  cela  faict, 


202  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

je  me  dérobe  ici  pour  estre  avec  toi  quattre  ou  cinq 
jours.  M.  de  Bouiilon  doibt  arriver  au  premier  jour, 
et  est  pressé  du  roy ,  qui  tiendra  la  main  a  nostre  affaire. 
Le  roy  m'a  accordé  ung  eslat  de  secrétaire  de  la  maison 
de  France,  le  premier  vacant ,  pour  M.  Pezillau.  J'eusse 
désiré  quelque  chose  de  plus  prompt  et  de  plus  cer- 
tain,  et  y  tasclie  encores.  Sa  majesté  aussi  m'avoit 
donné  l'abbaye  de  Melleray(i),  en  cas  que  Dieu  or- 
donnast  deM.  deRlieims;  mais  j'ai  veu  qu'il  en  avoit  jà 
disposé  en  faveur  de  mon  cousin  de  Sainct  Maio.  C'est 
tout  ce  que  je  puis  te  dire,  sinon,  m'amie,  que  je 
t'embrasse  de  tout  mon  cœur,  et  supplie  le  Créateur 
qu'il  te  garde  et  rende  une  santé  parfaicte. 

D'Angers ,  ce  23  mars  1 698  ,  au  soir. 


LXXXVL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  femme. 

Mamie  ,  j'ai  pryé  M.  de  Piérrefite  de  se  trouver  à 
Saulmur  à  l'arrivée  des  ambassadeurs  d'Angleterre , 
afin  que  nostre  garnison  y  feust  mieulx  ordonnée  et 
qu'il  V  eust  personne  pour  les  recevoir  et  entretenir. 
Considérant  la  maladie,  et  comme  je  t'ai  laissée  seule, 
il  m'a  semblé  aussi  importer  qu'ils  feussent  bien  imbuô 
de  nous  et  de  nos  affaires  à  leur  veneue,  oultre  ce  que 
j'ai  pensé,  qu'il  leur  pourroit  dire  quelques  mots  à 
propos  de  nostre  principal  affaire.  Il  te  dira  particu- 
lièrement tout  ce  qui  s'est  passé  ici,  et  en  public  et  en 
particulier.   Il  ne  m'a  certes  pas  abandonné ,  et  s'est 

f  7  )  La  Meilleraye  en  Bretagne. 


A  MADAME  DUPLESSIS.  2o3 

teneu  fort  subject  près  de  moi.  Demain  part  La  Roche , 
bien  instruict.  Je  t'envoye  copie  de  ses  instructions.  Je 
pense  aussi  faire  partir  Fescuyer ,  qui  m'a  traisné  de  jour 
à  aultre ,  et  le  baille  à  La  Periere.  M.  de  Rheims  se  porte 
mieulx.  Je  t'ai  mandé  ce  qui  estoit  de  Tabbaye.  Niote 
est  arrivé.  Aussitost  j'embarquerai  ici  nos  affaires. 
Gourmandure  est  aussi  de  retour.  Les  gens  vont  et 
viennent,  mais  tousjours  ne  suis  je  poinct  tout  seul.  J'ai 
quelque  espoir  que  ce  temps  humide  amendera  ton  mal, 
puisque  le  sec  Taura  empiré.  M.  Erard  tient  que  la  mé- 
decine dont  est  question  y  sera  très  propre,  lequel  j'en 
ai  requis  ce  matin.  Je  ne  perdrai  aulcune  occasion  pour 
te  voir  et  t'aider  à  guérir,  et  t'en  repose  sur  moi.  Je 
sçais  bien  aussi  que  tu  sçais  considérer  ce  qui  se  peult 
et  ce  qui  non.  M.  8i.  63.  vouldroit  bien  quitter  tout, 
s'il  dict  vrai.  Je>suis  bien  aise  que  M.  Dumaurier  se  gué- 
risse. Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur,  etc. 

D'Angers,  ce  ^4  mars  iSgS  ,  au  soir. 


LXXXVIL  —  -V' LETTRE 

De  MM.  de  BelUevre  et  de  Slllerj  au  roj. 

Nous  avons  esté  d'accord  avec  les  ambassadeurs  d'Es- 
paigne  de  la  restitution  des  villes  de  Calais,  Ardres , 
MonthuUn,  Dourlans,  La  Cappelle,  Le  Castelet,  en 
Picardie ,  Blavet  et  aultres  places  que  le  roy  catholicque 
occupe  en  Bretaigne,  en  la  forme  et  ainsi  que  ci  de- 
vant a  esté  escrit  à  vostre  majesté. 

Plus,  lesdicts  ambassadeurs  nous  ont  confirmé  de- 
rechef ce  qu'ils  nous  ont  promis  au  nom  de  l'ambassa- 
deur de  Savoye,  pour  la  restitution  de  Berre ,  le  démo- 


-i04  LETTRE 

lissement  du  fort  de  Barrault  en  Daulphiné ,  et  que  le 
duc  de  Savoye  desadvouera ,  et  abandonnera  le  capi- 
taine La  Fortune  qui  est  dans  Berre ,  aulx  conditions 
dont  nous  escrivons  à  sa  majesté  ,  adjoustant  que  les 
François  qui  ont  servi  le  duc  de  Savoye  jouiront  de  la 
clause  du  traicté  de  Fan  iSSg,  contenant  que  ceulx 
qui  ont  servi  en  parti  contraire ,  seront  remis  en  leurs 
biens,  ce  qui  n'a  peu  estre  refusé,  attendeu  que  ledict 
duc  est  compris  en  ceste  paix. 

Lesdicts  ambassadeurs  ont  insisté  que  les  lettres  de 
ratification  de  ce  traicté  leur  soient  baillées  au  plus  tost 
que  faire  se  pourra,  à  ce  qu'ils  ayent  temps  aupara- 
vant les  deux  mois  escbeus,  qu'ils  se  trouveront  obligés 
à  la  restitution  des  places  dont  est  conveneu  entre 
nous,  d'envoyer  par  devers  sa  majesté  ,  et  recevoir 
son  serment  pour  l'observation  du  traicté ,  offrant 
qu'au  mesme  temps  que  nous  leur  baillerons  lesdictes 
lettres  de  ratification,  ils  délivreront  lesostages,  et  se 
sont  restreints  au  nombre  de  quattre ,  tels  qu'il  plaira 
à  sa  majesté  de  choisir,  remonstrant  qu'à  l'aultre  paix 
on  s'est  contenté  de  pareil  nombre  ;  ont  soubteneu 
qu'il  est  raisonnable,  se  mettant  en  ce  debvoir  de  bailler 
ostages,  qu'on  ne  leur  refuse  poinct  le  serment  de  sa 
majesté  auparavant  la  restitution  des  places ,  qu'ils  en- 
tendent faire  preciseement  au  jour  promis,  et  plus  tost 
s'ils  peuvent,  car  qui  leur  refuseroit  le  serment,  ou 
les  mettroit  en  souspçon,  et  ne  le  demandent  en  in- 
tention de  différer  la  restitution  ;  car  ils  désirent  à  ces 
fins  que  lesdictes  lettres  de  ratification  leur  soient 
baillées  vingt  jours  après  qu'ils  auront  signé  les  articles 
du  traicté ,  à  ce  qu'ils  ayent  assés  de  temps  pour  aller 
trouver  vostre  majesté  pour  recevoir  le  serment,  et  ne 
différer  d'ung   seul  jour    ladicte    restitution ,  qui  ne 


AU  ROY.  2o5 

cîebvra  estre  retardée ,  s'ils  n'auront  faict  leurs  dili- 
gences d'envoyer  vers  vostre  majesté  pour  ledict  ser- 
ment. Les  voyans  fort  fermes  en  ceste  resolution,  nous 
avons  dict  qu'on  leur  baillera  la  ratification  ung  mois 
après  que  lesdicts  articles  auront  esté  signés,  estant 
saisis  de  ladicte  ratification ,  l'affaire  n'est  plus  secret; 
s'ils  vont  en  France  pour  le  serment ,  semble  que  qui  leur 
refuseroit,  comme  ils  sont  souspçonneux,  on  prejudi- 
dicieroit  aulx  affaires  de  sa  majesté  et  h  l'exécution  de 
ce  qui  a  esté  traicté. 

A  esté  remonstré  aulxdicts  ambassadeurs  que,  con- 
cluant ce  traicté  entre  les  deux  roys ,  il  seroit  conve- 
tiable  que  nous  prissions  resolution  que  le  roy  catho- 
licque  accordast  une  trefve  d'ung  an  ou  six  mois,  à  la 
royne  d'Angleterre  et  Provinces  Unies,  durant  laquelle 
ils  peussent  trafiquer  les  ungs  avec  les  aultres  seure- 
ment  et  librement,   afin  de  donner  plus  de  loisir  et 
moyen  à  nostre  maistre  de  persuader  ladicte  royne  et 
estats  d'entrer  et  prendre  part  au  bénéfice  de  ce  traicté  ; 
et  leur  ont  esté   deduictes  plusieurs  raisons ,  qui  les 
doibvent  mouvoir  à  prendre  ce  conseil  pour  leur  bien 
et  utilité;  qu'ils  peuvent  juger  que  ce  que  nous  en 
disions  n'est  pas  pour  nostre  profict ,  mais   pour  une 
paix  universelle  entre  les  potentats  de  la  cbrestienté; 
cest  article  a  esté   traicté  avec  lesdicts  ambassadeurs 
deux  jours  durant  ;  enfin  ils  nous  ont  dict  ne  pouvoir 
en  aulcune  sorte  accorder  ladicte  trefve,  ou  cessation 
d'armes  ;  en  premier  lieu ,  que  ladicte  royne  et  estats 
ne  la  demandent   pas,  et  feroit  bonté  au  roy  catbo- 
licque ,  l'ayant  présentée,  d'en  estre  refusé;  en  second 
lieu,  et  principalement  disent  que  ce  seroit  cliose  par  trop 
préjudiciable  à  leurs  affaires  ,  qu'ils  cognoissent  assés 
le  naturel    des  Hollandois,  qui  pourroient  faire  sem- 


2o6  LETTRE 

blant  d'accepter  ceste  trefve,  envoyer  ici  les  députés 
pour  traicter ,  et  tenir  ung  an  durant  les  affaires  en  irré- 
solution ;  ce  qu'ils  ne  sont  délibérés  de  supporter,  et 
consommer  leur  armée  et  leur  argent  pour  faire  plaisir 
aulx  HoUandois. 

Us  nous  ont  dict  qu'ils  espèrent  que,  dans  six  sep- 
maiues,  ils  mettront  vingt  cinq  mille  hommes  de  pied 
en  campaigne;  que,  sans  sortir  les  Espaignols  qui  sont 
ordonnés  pour  les  garnisons,  ils  .en  peuvent  mettre 
en  campaigne  bien  près  de  neuf  mille,  qu'ils  ont  faict 
faire  leurs  levées  et  recreues  en  Allemaigne,  et  auront 
dix  mille  lansqtienets  ;  le  surplus  seront  Wallons  ;  qu'ils 
ont  argent  pour  les  soldoyer,  que  la  despense  de  la 
guerre  leur  revient  par  chacung  mois  à  trois  cens 
mille  escus;  qu'ils  ne  veullent  perdre  la  saison  qui  est 
belle,  le  temps  et  leur  argent;  que  pour  cela  ils  ne 
rejeUent  pas  le  bon  conseil  que  vostre  majesté  leur 
donne,  de  se  resouldre  à  la  paix  avec  ladicte  royne  et 
estais ,  qu'ils  l'en  remercient  humblement ,  et  désirent 
qu'elle  soit  comme  arbitre  de  leurs  différends;  et ,  pour 
monslrer  le  respectque  ledict  sieur  cardinal  lui  veult 
porter,  déclarent  d'estre  contens  que  si,  dans  six  mois 
après  la  conclusion  de  ce  traicté,  ladicte  royne  et  les 
Provinces  Unies  leur  feront  entendre  de  se  resouldre 
à  la  paix  avec  le  roy  catholicque ,  ils  les  recevront  à 
traicier  et  estre  compris  en  ce  traicté  de  paix ,  et  pour 
cest  effect  viendront  en  ce  lieu  de  Vervins  ou  tel  aultre 
qui  sera  advisé,  traicteront  de  la  paix  en  nostre  pré- 
sence, et  si  les  choses  se  trouveront  disposées ,  ne  se 
reii riront  difficiles  à  accorder  une  trefve. 

Mais  pour  les  raisons  que  dessus,  et  pour  avoir 
fort  suspectes  les  actions  desdicts  HoUandois  ,  ne  s'y 
veullent  obliger ,  et ,  parce  que  nous  avons  peu  com- 


AU  ROY.  207 

prendre  de  leur  dire,  ils  ne  seroient  si  difficiles  à  ac- 
corder ceste  trefve  pour  le  regard  de  la  royne  d'An- 
gleterre, c'est  la  dernière  response  que  nous  avons 
peu  tirer  d'eulx,  ayans  de  longue  main  essayé  de  les 
faire  proposer  ceste  ouverture;  mais  ni  nous  ni  nos 
amis  n'y  ont  rien  profîctë,  et  n'estimons  pas  qu'ils 
soient  pour  changer  d'opinion  et  d'advis. 

A  esté  parlé  des  subjects  des  deux  roys  qui  ont 
servi  contre  leur  prince.  Lesdicts  ambassadeurs  ont 
insisté  qu'd  soit  accordé  à  ceulx  qui  sont  retirés  en 
Flandres  avec  eulx,  pareille  grâce  que  celle  qui  est 
conteneue  en  l'edict  faict  sur  la  redduction  de  M.  de 
Mayenne,  pour  le  regard  de  ceulx  qui  avoient  suivi 
son  parti.  Nous  avons  dict  que  cest  article  doibt.  estre 
escrit  tant  pour  les  ungs  que  pour  les  aultres;  qu'il  y 
a  en  France  des  subjects  du  roy  d'Espaigne,  que  Ce  ne 
seroit  pas  l'honneur  de  vostre  majesté  de  les  abandon- 
ner, non  plus  que  ledict  roy  ne  veult  pas  abandonner 
les  François  qui  l'ont  servi  ;  que ,  pour  ce  regard,  nous 
accordions  l'article  du  précèdent  traicté ,  y  adjoustant 
ceste  clause,  pourveu  qu'ils  ne  soient  chargés  d'aultres 
crimes  et  delicts  que  d'avoir  servi  en  parti  contraire; 
jugeons  aussi  qu'il  y  fauit  adjouster  que,  pour  rentrer 
aulx  pays,  terres  et  seigneuries  desdicts  seigneurs  roys, 
ils  obtiendront  permission  et  lettres  patentes  scellées  du 
grand  sceau  de  leurs  majestés,  lesquelles  ils  ne  serppt  te- 
neus  faire  vérifier  par  devant  les  courts  et  officiers  de 
leursdiclés  n)aiestes  ;  lesdicts  ambassadeurs  ont  monstre 
d'estre  fort  mal  contens  de  ce  que  l'on  y  veult  com- 
prendre les  subjects  de  leur  roy;  car,  parmi  les  trouppes 
que  les  Provinces  Unies  entretiennent  en  France  ,  il 
y  peut  avoir  des  subjects  de  leur  maistre  ;  qu'ils  ne 
seront  délibérés  eh  façon  du  monde  de  recevoir,  d'ail- 


2o8  LETTRE 

leurs  ils  ont  dict  qu'ils  ont  charge  expresse  de  deman- 
der une  exception  particulière  pour  le  sieur  Antonio 
Ferez ,  et  ceulx  qui  ont  suivi  sa  faction  ;  et  qu'en  l'aultre 
traicté  de  paix  en  faveur  de  leur  maistre,  le  roi  Henry  II 
accorda  une  exception  particulière  de  dom  Juan  de 
Luna ,  qui  avoit  esté  caslelan  de  Milan;  que  l'on  ne 
doibt  refuser  à  leur  maistre  ce  qu'ils  demandent  tou- 
chant ledict  sieur  Antonio  Ferez,  qu'il  ne  recevra  ja- 
mais en  son  royaulme. 

Nous  avons  dict  que  l'exception  que  nous  inserons 
en  cest  article  leur  doibt  suffire  touchant  ledict  sieur 
Antonio  Ferez;  car ,  s'il  n'est  preveneu  de  crimes  aultres 
que  d'avoir  servi  nostre  roy,  comme  ils  disent,  il  est 
excleu  du  traicté,  et,  de  plus,  il  lui  fauldra  et  aulx 
siens  obtenir  lettres  patentes  ,  qu'on  ne  leur  baillera 
pas  si  elles  ne  sont  jugées  raisonnables;  ils  se  sont  fort 
obstinés  sur  ce  poinct  ,et  se  sont  despartis  d  avec  nous, 
nous  pryant  d'avoir  plus  d'esgard  à  l'honneur  de  leur 
maistre,  en  escrivant  le  traicté;  s'il  plaist  à  vostre  ma- 
jesté nous  en  donner  le  pouvoir,  nous  tascherons  d'ac- 
commoder cest  affaire;  tous  les  articles  ne  se  peuvent 
pas  resouldre  ,  quand  il  fault  avoir  le  consentement 
d'ungaultre,  comme  ils  sont  baillés  par  l'instruction. 

Four  le  regard  des  rançons  que  nous  avons  demandé 
estre  quittées  de  part  et  d'aultrc,  on  dict  qu'ils  ne 
scavent  d'avoir  nombre  de  prisonniers  francois  en  leur 
pays,  et  ceuîx  qui  y  sont  deteneus  ont  pour  la  plus- 
part  composé  de  leurs  rançons,  qui  seroient  exceptés 
si  l'on  vient  à  mettre  cest  article;  si  l'on  parle  de  mo- 
dérer ceulx  qui  ont  composé ,  ils  demanderont  que  la 
rançon  du  marquis  de  Varembon ,  qui  excède  trente 
six  mille  escus,  soit  modérée,  d'autant  que,  vendant 
tout  le  bien  qu'il  a,  il  auroit  peine  à  mettre  ensemble 


AU  ROY.  209 

une  telle  somme  ;  le  fils  de  don  Juan  d'Idiaques  a  esté 
mis  à  vingt  mille  escus,  et  le  père  n'a  pas  quattre  mille 
escus  de  reveneu.  Ce  neantmoins,  si  vostre  majesté  de- 
sire  que  les  rançons  de  ceulx  qui  sont  prisonniers 
soient  modérées,  en  estant  baillé  ung  rolle  à  M.  le  car- 
dinal archiduc ,  ils  s'asseurent  qu'il  les  traictera  si  fa- 
vorablement que  vostre  majesté  en  demeurera  con- 
tente. 

Quant  à  ce  qu'ils  ont  faict  demander  la  délivrance 
des  prisonniers  espaignols  que  M.  de  Guise  a  faict 
mettre  à  la  chaisne  ,  disent  que  cela  donnera  occasion 
h  leur  maistre  d'user  de  mesme  humanité  envers  les 
François  qui  pourroient  estre  deteneus  en  ses  galères; 
et  ont  promis  que ,  comme  il  en  sera  usé  par  vostre 
majesté,  il  en  sera  faict  de  mesme  par  leur  roy. 

Ont  demandé  que  les  François,  qui  sont  establis  au 
bien  des  affaires  qui  servent  au  parti  contraire,  soient 
conservés  en  leurs  fermes ,  s'il  n'y  a  fraude  ou  lésion 
par  trop  grande,  et  ce  pour  éviter  aulx  procès  qui 
pourroient  survenir  à  ceste  occasion;  nous  avons  dict 
que,  par  le  bénéfice  de  paix,  chacung  rentre  en  son 
bien;  que  les  François  en  prenant  les  fermes  ont  peu 
sçavoir  comme  en  a  esté  usé  auparavant ,  et  que  la  paix  se 
pouvoit  faire ,  et  que  nous  craignons  qu'il  y  eust  plus 
grande  involution  de  procès ,  si  l'on  est  contrainct  de 
venir  à  prouver  la  fraude  ou  la  lésion. 

Lesdicts  ambassadeurs  ont  remonstré  qu'es  places 
par  eulx  occupées,  ils  ont  esté  contraincts  d'y  establir 
plusieurs  officiers  qui  ont  laissé  leurs  aultres  vacations, 
demandent  qu'ils  soient  recompensés  de  la  valeur  de 
leurs  offices ,  ou  qu'il  leur  soit  permis  d'en  composer 
avec  vos  subjects,  à  prix  modéré;  nous  avons  dict  que 
vostre  majesté  ne   veult    poinct    d'officiers  de  leurs 

MÛM,  DE  DUPLF.SSIS-MORXAY.  ToME  VIII.  l4 


210  LETTRE 

mains,  et  qu'ils  ontdeu  sçavoir,  entrans  en  ces  charges, 

qu'ils  estoient  subjecls  à  en  sortir. 

Que  le  feu  roy  Henry  II  rendant  la  Savoye  et  le  Pied- 
mont  ne  demanda  pas  au  duc  de  Savoye  de  recom- 
penser le  grand  nombre  d'officiers  qui  demeurèrent 
privés  de  leurs  charges  par  la  restitution  desdicts  pays. 

Sh'e,  lesdicts  ambassadeurs  ont  remonstré,  attendeii 
que  ledict  cardinal  d'Autriche  s'est  monstre  si  affec- 
tionné à  procurer  et  advancer  ceste  paix ,  par  le  moyen 
de  laquelle  vostre  majesté  est  remise  en  ung  si  grand 
nombre  de  places,  qu'ils  espèrent  que  vostre  majesté 
aura  esgard  à  la  demande  et  pryere  qu'ils  nous  requiè- 
rent de  lui  escrire ,  que  son  bon  plaisir  feust  d'accorder 
en  souveraineté  à  madame  l'infante  le  comté  de  Ghar- 
rolois  ,  qui  n'est  qu'une  petite  pièce  de  terre,  eu  esgard 
à  ce  qui  est  rendeu  si  favorablement. 

Sur  quoi  nous  avons  faict  la  response  qu'il  a  pieu  à 
vostre  majesté  de  nous  commander  ,  dont  ils  ont  mon- 
stre d'estre  mal  satisfaicts  ;  et  ont  faict  une  grande  in- 
stance, qu'au  moins  il  pleust  à  vostre  majesté  donner 
à  madame  l'infante  et  audict  sieur  cardinal  ce  tesmoi- 
gnage  de  sa  bonne  volonté  ,  que  comme  il  pleut  au  feu 
roy  François  I"  accorder  ladicte  souveraineté  à  ma- 
dame Marguerite  d'Autriche  ,  douairière  de  Savoye, 
qui  s'entremeist  de  la  paix  dudict  seigneur  roy  avec 
l'empereur  Charles  V  ;  aussi  vostre  bon  plaisir  feust 
gratifier  icelle  dame  infante,  qu'elle  peust  jouir  dudict 
comté  de  Charrolois  en  souveraineté  sa  vie  durant  seu- 
lement. 

Nostre  response  a  esté  que  nous  ne  pouvions  accor- 
der ceste  demande ,  non  plus  que  la  première ,  et  ne 
leur  en  avons  voulleu  donner  aulcune  espérance.  Neant- 
moins,  pour  ce  qu'ils  nous  en  ont  requis  avec  tant 


AU  ROT.  211 

d'instance ,  n'avons  voulleu  faillir  d'en  mettre  ici  cest 
article. 

Lesdicts  ambassadeurs  ont  demandé  que  le  prince 
d'Orange  soit  remis  en  la  possession  des  biens  qu'il 
avoit  au  royaulme  de  France;  cest  article,  estant  en  tous 
les  aultres  traictés ,  ne  leur  a  peu  estre  refeusé. 

Quant  au  différend  des  limites,  a  esté  resoleu  que 
commissaires  seront  députés  de  part  et  d'aultre  pour 
parachever  l'exécution  de  ce  qui  reste  à  exécuter  du 
précèdent  traicté. 

Quant  est  de  diminuer  la  garnison  de  Blavet,  leur 
avons  remonstré  que,  après  que  les  articles  auront  esté 
signés,  que  alors  pour  garder  la  place  ils  n'auront  be- 
soing  de  si  grand  nombre  d'hommes,  se  deschargeront 
de  despense,  et  vostre  majesté  du  payement  des  gar- 
nisons qu'il  lui  fauldra  entretenir ,  cependant  que  ce 
grand  nombre  de  gens  de  guerre  sera  audict  Blavet. 
A  ce  lesdicts  ambassadeurs  ont  respondeu  qu'aupara- 
vant que  de  se  resouidre  sur  ce  faict,  il  faut  qu'ils 
sçachent  ce  que  leur  apportera  le  courrier  qu'ils  ont 
despesché  en  Espaigne;  que  s'il  sera  question  d'en  faire 
sortir  les  Espaignols  qui  y  sont ,  ils  seront  contraincts 
de  pryer  vostre  majesté  de  les  accommoder  de  quel- 
ques navires  pour  les  transporter  en  Flandres  ou  en 
Espaigne  ,  offrans  de  bailler  seureté  pour  la  restitution. 

Il  a  esté  parlé  de  la  réservation  des  droicts  et  pré- 
tentions de  vostre  majesté  au  royaulme  de  Navarre.  Ils 
s'estoient  desjà  déclarés  à  M.  le  légat  et  au  père  gê- 
nerai, qu'en  cela  ils  ne  souffriroient  qu'il  feust  faict 
préjudice  au  roy  catholicque  leur  maistre;  comme  nous 
en  avons  ouvert  le  propos,  ils  nous  ont  présenté  ung 
escrit  qu'ils  avoient  faict  fort  à  leur  advantage;  de 
nostre  part  nous  avons  dressé  nostre  escrit  au  mieulx 


1 i  2  LETTRE 

que  nous  avons  peu  pour  le  service  de  vostre  majesté. 
Nous  leur  avons  remonstré  que  nous  nous  asseurons 
qu'ils  ont  tant  de  jugement,  qu'ils  n'ont  pas  estimé  que 
vostre  majesté  s'accordant  à  ceste  paix  veuille  con- 
sentir que  par  le  moyen  d'icelle  elle  perde  ses  droicts, 
actions  et  prétentions  au  royaulme  de  Navarre;  ils  ont 
dict  qu'ils  ne  demandent  que  vostre  majesté  les  quitte; 
mais  aussi  que  leur  charge  est  d'adviser  qu'il  ne  soit 
faict  préjudice  à  leur  maistre.  Sur  ce  nous  avons  pro- 
posé nostre  escrit,  contenant  que  vos  droicts  et  actions 
sont  réservés,  aulxquels  n'a  esté  renoncé  par  vous  ou 
vos  predesseurs ,  qui  vous  appartiennent  à  cause  de 
vos  royaulmes  de  France  et  de  Navarre,  pays  et  sei- 
gneuries. A  ce  ils  nous  ont  dict  que  si  nous  faisions 
mention  du  royaulme  de  Navarre,  ils  feront  aussi  men- 
tion en  leur  réservation  de  la  duché  de  Bretaigne.  Nous 
avons  remonstré  la  différence;  car  nous  ne  traictons 
pas  avec  madame  l'infante;  ils  ont  insisté  et  dict  que, 
demeurant  l'article  comme  nous  le  proposons,  il  seroit 
au  pouvoir  de  vostre  majesté ,  ung  mois  après  qu'elle 
auroit  recouvert  ses  places,  de  commencer  la  guerre 
au  roy  d'Éspaigne,  en  cas  qu'il  ne  voulleust  rendre  le 
royaulme  de  Navarre;  ce  que  l'on  sçait  assés  qu'il  n'est 
pas  resoleu  de  faire;  que  nous  ne  debvons  pas  les  tenir 
pour  personnes  de  si  peu  de  jugement  qu'ils  soient 
pour  faire  aujourd'hui  la  paix,  s'affoiblir  de  tant  de 
places  pour  ravoir  demain  la  guerre;  nous  requerans 
de  leur  déclarer  si  nostre  intention  est  telle  de  persister 
à  ceste  demande;  ayant  dict  le  président  Richardot, 
qu'il  aimeroit  mieulx  estre  bruslé  que  d'avoir  baillé 
ung  si  mauvais  conseil  à  leur  maistre;  sire,  nous  n'a- 
vons pas  peu  dire  que  vostre  majesté  faict  ceste  paix 
avec  une  reserve  cachée  sur  une  clause  de  leur  faire  la 


AU  ROY.  2i3 

guerre  sans  rompre  ceste  paix  ;  et  à  la  vérité,  sire ,  c'est 
chose  qui  ne  se  peult  soubtenir,  et,  voyant  le  sousp- 
çon  oii  ces  gens  la  entroient ,  avons  considéré  ce  qui 
est  escrit  au  traicté  de  Cambray,  que  l'empereur  Char- 
les V  se  contente  de  ne  faire  poursuite  pour  la  duché 
de  Bourgoigne,  si  ce  n'est  par  voye  amiable  et  de  jus- 
tice ;  et  au  traicté  de  Tan  i559,  le  roy  Henry  II  et  le 
roy  catholicque,  parlans  de  quelques  particuliers,  es 
biens  desquels  ils  estimoient  avoir  droict,  mettent  la 
mesme  clause  de  les  poursuivre  par  justice,  et  non  par 
les  armes.  Nous  avons  eu  crainte  de  faire  tort  à  vostre 
service,  et  que  les  ferions  entrer  en  trop  de  défiance, 
si  nous  les  refusions  d'insérer  l'article  comme  il  est 
mis  ci  dessoubs. 

Et  sont  réservés  audict  sieur  roy  très  chrestien  de 
France  et  de  Navarre ,  ses  successeurs  et  ayans  cause , 
tous  les  droicts,  actions  et  prétentions  qu'il  entend 
lui  appartenir  à  cause  de  sesdicts  royaulmes ,  pays  et 
seigneuries ,  aulxquels  n'a  esté  renoncé  par  lui  ou  ses 
prédécesseurs,  nonobstant  quelque  prescription  et  laps 
de  temps  que  l'on  peult  alléguer  au  contraire ,  pour 
en  faire  poursuite  par  voye  amiable  ou  de  justice,  et 
non  par  les  armes,  comme  au  semblable  sont  réservés 
audict  sieur  roy  catholicque  des  Espaignes ,  etc. ,  ses 
successeurs  et  ayans  cause,  tous  les  droicts,  actions  et 
prétentions  qu'il  entend  lui  appartenir  à  cause  de  ses- 
dicts royaulmes,  pays  et  seigneuries,  aulxquels  n'a  esté 
renoncé  par  lui  ou  ses  prédécesseurs,  nonobstant  quel- 
que prescription  et  laps  de  temps  que  l'on  peult  allé- 
guer au  contraire,  pour  en  faire  poursuite  par  voye 
amiable  ou  de  justice,  et  non  par  les  armes. 

C'est,  sire,  la  resolution  qui  a  esté  prise  sur  cest 
article,  declarans  lesdicts  ambassadeurs  qu'ils  sont  ici 


:2l4  LETTRE 

pour  traicter  une  paix  finale,  et  que,  s'il  est  question 

de  revenir  à  la  guerre ,  il  leur  est  plus  advantageux  de 

la  continuer  en  Testât  qu'ils  sont,  que  quand  ils  seront 

affoiblis  de  la  restitution  d'ung  si  grand  nombre  de 

places. 

Faict  à  Ver\fins,  le  25  mars  iSgS. 


LXXXVIII.  — -ï;^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  au  roj. 

Sire  ,  nous  supplions  très  humblement  vostre  ma- 
jesté de  nos  imputer  à  faulte  le  doubte  où  nous  som- 
mes entrés  sur  l'interprétation  d'ung  article  conteneu 
en  la  lettre  qu'il  lui  a  pieu  de  nous  escrire.  Nous  escri- 
rons  ici  ledict  article. 

Surtout,  je  ne  me  veulx  pas  obliger  de  me  séparer 
de  l'amitié  de  mes  alliés,  combien  qu'ils  demeurent  en 
guerre  avec  les  Espaignols,  afin  qu'ils  ne  me  repro- 
chent que  je  me  sois  accordé  à  leurs  despens. 

Sire ,  nous  comprenons  cest  article ,  que  vostre  ma- 
jesté ne  veult  ni  entend  se  séparer  de  Tamitié  de  ses 
alliés  quelque  guerre  qu'ils  fassent  au  roy  d'Espaigne  ; 
aussi,  sire,  les  ambassadeurs  ne  nous  en  ont  pas  re- 
quis. Ce  que  nous  eussions  rejeté ,  s'ils  nous  eussent 
demandé  d'insérer  en  ce  traicté  la  clause  qui  est  au 
ti  aicté  de  Crespy ,  auquel  l'empereur  Charles  V  et  le 
roy  François  P'  promirent  estre  amis  d'amis ,  et  enne- 
mis des  ennemis ,  à  quoi  ledict  empereur  s'obligea  ,  bien 
qu'en  ce  temps  là  il  feust  en  ligne  offensive  et  deffen- 
sive  avec  le  roy  Henry  VIII  d'Angleterre ,  qu'il  avoit 
faict  venir  en  France  pour  y  faii*e  la  guerre  avec  lui  , 


AU  ROY.  2i5 

€t  se  trouvoit  lors  engagé  au  siège  de  Bouloigne.  La 
niesme  clause  est  aulx  traictés  precedens.  Ce  dernier 
traicté  ne  va  pas  si  avant.  Les  deux  roys  se  trouvent 
aulx  termes  de  n'entreprendre  rien ,  ni  adhérer ,  et  de 
renoncer  aulx  practiques  et  intelligences  qui  pour- 
roient  redonder  au  préjudice  de  l'ung  de  l'aultre. 

Suivant  le  commandement  de  vostre  majesté ,  nous 
avons  demandé  que  toutes  choses  feussent  remises 
entre  les  deux  couronnes ,  en  Testât  qu'elles  estoient 
lors  du  traicté  de  l'an  iSoQ,  faict  à  Chasteau  en  Cam- 
bresis.  Ledict  traicté  a  esté  leu  par  deux  fois  entre 
nous,  en  présence  de  M.  le  légat,  qui  eust  rejette  cest 
article.  C'eust  esté  parler  contre  ce  qui  est  porté  par 
nostre  instruction ,  contre  ce  qui  a  esté  faict  en  tous 
les  traictés,  et  contre  ce  qui  est  de  l'ordre  de  la  nature 
de  la  chose  que  l'on  traictoit;  et  si  telle  clause  a  esté 
jugée  nécessaire  aulx  precedens  traictés,  en  cestui  ci 
il  a  esté  plus  nécessaire  qu'en  tous  les  aultres  de  l'ac- 
corder de  la  part  de  vostre  majesté  ,  veu  que  ce  traicté 
se  faict  principalement  pour  parvenir  au  recouvre- 
ment d'ung  si  grand  nombre  de  villes,  et  qui  sont 
de  si  grande  importance  à  vostre  couronne,  n'estant 
aulcunement  à  croire  que  les  Espaignols,  contre  leur 
coustume ,  se  soient  maintenant  resoleus  à  faire  res- 
titution de  ce  qu'ils  ont  une  fois  occupé ,  si  tant  estoit 
que  vostre  majesté  declarast  que  nonobstant  ladicte 
restitution,  elle  entend  d'assister  et  favoriser  les  armes 
de  leurs  ennemis;  car,  en  ce  cas,  il  semble  qu'ils  eus- 
sent mieulx  aimé  d'avoir  la  guerre  ouverte,  et  demeurer 
plus  forts  qu'ils  ne  seront  quand  ils  auront  restitué 
lesdictes  places,  et  avec  moyens  d'entreprendre  d'aul- 
tres  conquestes  sur  vostre  royaulme. 

Sire,  si  nous  eussions  faict  la  moindre  difficulté  du 


2i6  LETTRE 

monde,  sur  l'acceptation  de  cest  article,  le  traicté  es- 
toH  rompeu  ,  et  les  eussions  mis  en  tel  souspçon  qu'il 
ne  falloit  espérer  de  traicter  d'aulcune  chose  avec  eulx. 

Et  dirons,  souhs  la  correction  de  vostre  majesté, 
que  tous  aultres  prétextes  qui  se  pourroient  mettre  en 
avant  pour  rompre  ce  traicté  ,  seroient  moins  préjudi- 
ciables au  service  de  vostre  majesté,  que  de  se  re- 
souldre  au  refus  du  susdict  article,  sans  lequel  il  est 
impossible  de  dire  que  l'on  traicté  une  paix;  et  s'il  se 
falloit  resouldre  a  ce  refus,  il  seroit  nécessaire  de  nous 
révoquer,  estant  chose  que  nous  ne  pouvons  ignorer, 
que  si  on  leur  en  donne  le  moindre  souspçon  que  ceste 
negotiation  est  rompeue ,  et  presque  toute  espérance 
perdeue  de  la  pouvoir  remettre  à  l'advenir. 

Il, nous  est  impossible  de  nous  persuader  que  ce 
puisse  estre  l'intention  de  vostre  majesté,  qui  a  tous- 
jours  dict  qu'elle  veult  ce  traicté  en  la  forme  qu'est  le 
précèdent,  mais  d'autant  qu'il  y  a  quelque  obscurité 
en  Tescriture  de  la  lettre  de  vostre  majesté,  ou  que 
celui  qui  Ta  mise  en  chiffre  a  oublié  le  mot  expres- 
seement  après  celui  de  m'obliger,  y  ayant  peult  estre 
esté  escrit.  Je  ne  me  veulx  pas  obliger  expresseement  de 
me  séparer  de  l'amitié  de  mes  alliés,  ce  qui  ne  seroit 
aulcunement  raisonnable;  car,  cela  estant  ainsi  escrit, 
vos  alliés  se  pourroient  plaindre  que  les  nouveaulx 
amis  font  oublier  les  vieulx.  Au  contraire ,  il  fauldra 
foire  mention  honorable  de  vos  alliés  du  soing  que 
vostre  niaiesté  a  de  leur  conservation ,  comme  il  pa- 
roistra  par  effect,  leur  ayant  procuré  une  trefve  d'ung 
an  ou  de  six  mois ,  pour  traicter  et  resouldre  leurs 
affaires  avec  le  roy  d  Espaigne  ,  si  tant  est  qu'ils  trou- 
vent bon  d'y  entendre. 

Vostre  majesté  pardonnera ,  s'il  lui  plaist ,  à  la  crainte 


AU  ROY.  217 

que  nous  avons  eue  de  faillir  en  chose  que  ce  soit, 
à  ce  qui  est  de  ses  commandemens  et  intentions ,  la 
suppliant  très  humblement  de  voulloir  par  sa  bonté 
esclarcir  nostre  ignorance.  Et  sur  ce,  sire,  nous  sup- 
plions le  Créateur,  etc. 

Du  20  mars  iSgS. 

LXXXIX.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellieçre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroy. 

Mo]>fsiEUR,  nous  escrivons  une  lettre  au  roy,  tou- 
chant le  doubte  où  nous  sommes  entrés  sur  l'interpré- 
tation d'une:  article  conteneu  en  la  lettre  de  sa  ma- 
jesté  ;  c'est  chose  que  nous  n'avons  estimé  debvoir 
estre  mise  en  la  response  que  nous  faisons  à  ladicte 
lettre  ;  car  il  peult  estre  que  vous  jugerés  que  nostre 
crainte  est  sans  occasion;  et  si  ainsi  est,  nous  vous 
supplions  de  ne  souffrir  que  nostre  lettre  soit  veue, 
car  cela  nous  porteroit  préjudice,  et  ceste  faulte  ne 
procederoit  que  du  respect  que  nous  portons  à  tout*ce 
qui  peult  estre  des  intentions  de  sa  majesté.  Mais  s'il  y 
.•ivoit  apparence  que  l'on  feist  entendre  au  roy  ce  dont 
nous  disons  estre  en  crainte ,  nous  serions  infidèles 
à  son  service ,  si  nous  lui  taisions  ce  que  nous  jugeons 
en  cest  affaire,  vous  suppliant  de  croire  que  s'il  falloit 
parler  du  refus  dont  nous  escrivons,  que  nous  ferions 
une  playe  aulx  affaires  de  sa  majesté  ,  que  les  plus 
habiles  hommes  de  France  ne  sçauroient  guérir  ni  repa- 
rer le  mal  qui  en  adviendroit;  et,  en  ce  cas,  monsieur, 
nous  jugeons  que  le  service  du  roy  requiert  que  nostre 
lettre  soit  leue  :  si  l'on  aura  esgard  à  ce  que  nous  re- 


a  1 8  LETTRE 

inonstrons,  on  évitera  iing  grand  mal;  si  on  se  resouldra 
de  n'en  faire  compte,  on  ne  passera  jamais  six  mois, 
que  l'on  ne  sente  les  effects  de  ce  refus,  et  perdrions 
l'honneur  envers  sa  majesté  et  le  monde,  s'il  n'appa- 
roissoit  que  nous  avons  fidèlement  remonstré  ce  que 
loyaulx  subjects  et  serviteurs  doibvent  remonstrer  en 
ung  tel  affaire.  Cependant ,  nous  nous  recomman- 
dons ,  etc. 

Du  25  mars  iSgS. 

XC— ^LETTRE 

De  MM.  de  BeUievre  et  de  Sillery  au  roy. 

Sire  ,  si  nous  n'avons  ce  contentement  d'avoir  ob- 
teneu  tout  ce  qui  est  conteneu  en  l'instruction  qui  nous 
a  esté  baillée  par  le  commandement  de  vostre  majesté  , 
au  moins  avons  nous  ceste  consolation  qu'il  ne  s'en 
fault  pas  beaucoup ,  et  qu'ayant  eu  ceste  faveur  de 
vostre  bonté  qu'elle  s'est  faict  lire  par  deux  fois  nos 
longues  despesches,  elle  a  peu  cognoistre  avec  quelle 
ardeur  nous  la  servons,  et  que  nous  n'avons  pas  beau- 
coup obmis  de  tout  ce  qui  se  peult  dire  pour  obtenir 
ce  qu'elle  nous  a  ordonné  de  demander  en  ceste  con- 
férence. Sire  ,  nous  avons  leu  tous  les  traictés  pre- 
cedens,  et  sommes  vieillis  en  servant  ;  mais  nous  n'avons 
poinct  appris  qu'en  traicté  de  telle  importance ,  l'une 
des  parties  ait  obteneu  ce  qu'elle  a  demandé  ;  nous 
louons  Dieu ,  et  recognoissons  le  bonheur  de  vostre 
majesté,  qui  estes  le  premier  de  nos  roys  qui  ait  faict 
venir  à  la  raison  la  maison  d'Autriche  ,  qui  ne  feut 
jamais  si  grande  ,  ni    vostre   royaulme  plus   appovri 


AU  ROY.  -  -U9 

qu'il  est  à  présent.  Dieu  vous  a  suscité  en  ce  siècle  pour 
le  remettre  à  sa  première  splendeur,  et  semble  que 
le  navire  est  comme  arrivé  à  bon  port;  que  tous  les 
precedens  traictés  soient  veus,  il  n'y  en  a  pas  ung  où 
tous  les  articles  ne  soient  a  Tad vanta ge  des  ennemis, 
diminution  de  ceste  couronne,  et  par  conséquent  de 
riionneur  de  la  France,  et  cestui  ci  tout  ce  que  jusques 
à  présent  y  a  eslé  resoleu ,  est  à  la  grandeur  et  répu- 
tation de  vostre  couronne  ,  dont  après  Dieu  Thonneur 
en  est  deu  à  la  grande  vertu  de  voslre  majesté. 

Sire,  nous  avons  faict  entendre  à  M.  le  légat,  et 
aulx  ambassadeurs  d'Espaigne  ,  la  response  qu'il  a  pieu 
à  voslre  majesté  de  nous  faire  par  sadicte  despesche 
du  j4  de  ce  mois;  nous  avons  commencé  par  les  ar- 
ticles qui  concernent  le  roy  d'Espaigne,  sur  quoi  nous 
ne  nous  sommes  estendeus  en  long  propos ,  pour  ce 
que  c'esloient  clioses  accordées. 

Venant  à  ce  qui  a  esté  traicté  touchant  M.  de 
Savoye,  nous  avons  vivement  remonstré  combien  il 
est  impossible  à  vostre  majesté  de  supporter  que  ce 
prince  ,  qui  vous  est  de  tant  inférieur ,  présume  de 
retenir  ce  qui  appartient  à  la  couronne  de  France, 
n'en  pouvant  dire  aultre  raison ,  si  ce  n'est  qu'il  le 
veult  retenir,  qu'il  y  va  trop  avant  de  l'honneur  de 
vostre  majesté  de  le  souffrir;  que  si  le  roy  d'Espaigne 
et  le  cardinal  d'Autriche  désirent  vostre  amitié,  comme 
de  leur  part  ils  nous  ont  faict  déclaration,  ils  admo- 
nesteront ledict  duc  de  prendre  ung  plus  sage  conseil; 
et,  s'il  s'y  obstine,  ne  prendront  une  si  injuste  que- 
relle. Sire,  lesdicts  ambassadeurs  nous  ont  respondeu 
que  ledict  roy  d'Espaigne  et  cardinal  d'Autriche,  leurs 
maistres,  ont  assés  monstre  leur  inclination  à  la  paix, 
et  désirs  qu'ils  ont  d'affermir  une  bonne  amitié  avec 


220  LETTRE 

vostre  majesté  par  l'offre  qu'ils  lui  font  de  la  resti- 
tution d'ung  si  grand  nombre  de  places  si  importantes 
à  vostre  majesté  et  à  eulx. 

Pour  le  regard  de  M.  de  Savoye,  est  que  nous  ju- 
geons assés  que  le  roy  catholique  ne  peult  et  ne  doibt 
en  auîcune  sorte  l'abandonner,  estant  son  gendre, 
son  associé  en  ceste  guerre,  et  qui  a  de  feu  l'infante 
minor  sa  fille,  neuf  enfans  vivans;  qu'ils  nous  décla- 
rent qu'ils  ont  charge  et  commandement  très  exprès 
de  ne  rien  traicter  sans  lui ,  qu'ils  se  font  loyaulment 
employer  a  pousser  et  persuader  l'ambassadeur  dudict 
duc  d'accepter  l'arbitrage  du  pape,  non  à  la  forme 
que  son  maisfre  le  demandoit,  mais  tout  tel  que  vostre 
majesté  Ta  ci  devant  offert ,  et  signé  de  sa  main  ;  qu'ils 
n'ont  pas  estimé,  en  nous  proposant  telles  choses, 
qu'on  leur  peust  imputer  que  ce  feust  au  préjudice  de 
l'honneur  de  vostre  majesté  ;  qu'ils  sçavent  trop  le 
respect  qui  est  deu  à  ung  si  grand  prince  ;  mais  ils 
ont  eu  opinion  que  pour  le  bien  de  la  paix  elle  ne 
feroit  difficulté  de  trouver  bon  maintenant  ce  qu'aul- 
tresfois  elle  avoit  approuvé  et  signé  ;  que  si ,  lorsqu'elle 
le  signa  ,  elle  jugea  que  ce  n'estoit  poinct  chose  contre 
son  honneur,  à  plus  forte  raison  maintenant  elle 
pourroit  continuer  en  ceste  opinion  que  cest  arbi- 
trage doibt  avoir  lieu,  et  qu'il  n'est  aulcunement  contre 
son  honneur ,  s'accordant  mesmement  à  cest  arbitrage 
pour  parvenir  à  ung  plus  grand  bien  qui  concerne  le 
repos  de  vostre  couronne  et  l'universel  de  la  chres- 
tienté. 

Quant  est  d'envoyer  de  nouveau  en  Espaigne  ,  ou 
au  duc  de  Savove  pour  entendre  leurs  opinions,  que 
ceste  longueur  nous  porteroit  plus  tost  à  la  guerre  que 
ce  que  nous  traicterions  ne  nous  remettroit  à  la  paix  ; 


I 


AU  ROY.  22  î 

qu'il  seroit  plus  expédient  que  mous  leur  déclarassions 
ouvertement  si  vostre  majesté  est  du  tout  resoleue 
à  ne  vouUoir  poinct  de  paix,  afin  qu'ils  ne  perdent  ici 
plus  longuement  de  temps  au  préjudice  de  leurs 
affaires ,  etc. 

C'est ,  sire,  ce  que  nous  avons  peu  recueillir  du  dire 
desdicts  ambassadeurs ,  à  quoi  nous  avons  respondeu 
diligemment  :  sur  quoi  nous  ne  nous  estendrons  pour 
n'ennuyer  vostre  majesté  d'une  trop  longue  lettre. 

Sire,  nous  trouvans  en  ces  perplexités,  et  prests  à 
voir  rompre  ce  traicté ,  nous  avons  eu  plusieurs  con- 
férences avec  M.  le  légat  et  le  père  gênerai  ,  qui  tous 
deux  se  monstrent  fort  estonnés  ,  et  comme  reduicts  au 
desespoir  du  succès  de  cest  affaire.  M.  le  légat  nous  a 
dict  qu'on  l'a  faict  tenir  ici  cinq  ou  six  mois,  où  il  a 
soubteneu  beaucoup  d'incommodités  et  de  traver- 
ser ;  qu'espérant  de  faire  service  à  Dieu  et  à  vostre 
majesté,  il  a  pris  le  tout  en  patience;  mais,  si  on  le 
contrainct  de  faire  ici  plus  long  séjour,  on  le  contrain- 
dra d'y  laisser  sa  vie  ;  que  vostre  majesté  a  cogneu  sa 
bonne  volonté  et  l'affection  qu'il  a  à  son  service  ; 
qu'il  la  supplie  de  ne  perdre  poinct  l'occasion  d'estabîir 
les  affaires  que  Dieu  lui  donne  par  la  nécessité  qu'a  le 
cardinal  d'Autriche  d'establir  les  affaires  par  l'amitié 
de  vostre  majesté  ;  lui  deffaillant  ce  moyen ,  il  sera  con- 
trainct d'en  chercher  d'aultres  ,  qui  ne  lui  deffauldront 
pas,  soit  que  le  roy  d'Espaigne,  au  lieu  de  ses  Pays 
Bas  ,  donne  en  dot  à  sa  fille  aisnee  le  royaulme  de  Por- 
tugal,  Naples,  ou  Milan,  ce  qu'il  mit  en  délibération 
auparavant  que  de  se  resouldre  à  lui  laisser  les  Pays 
Bas,  comme  il  a  faict  maintenant,  qui  pourroit  estre 
cause  qu'au  lieu  d'avoir  pour  voisin  à  nostre  couronne 
ung  petit  prince  comme  sera  le  seigneur  des  Pays  Bas 


111  "  LETTRE 

lesdicts  pays  demeureront  unis  avec  ceste  grande  puis- 
sance au  roy  d'Espaigne  ;  nous  a  dict  dadvantage  ledict 
sieur  legat ,  qu'attendeu  Toffre  qui  est  faicte  à  vostre 
majesté  de  la  restitution  de  tant  de  places,  si  elle  se 
resouidra  de  ne  l'accepter  ,  qu'il  est  impossible  que  le 
pape  et  toute  la  clirestienté  n'estime  que  vostredicte 
majesté  ne  veult  poinct  de  paix  ;  à  quoi  il  adjouste 
que  nous  avons  peu  sçavoir  ce  que  vostre  majesté  lui 
a  faict  dire  ci  devant  du  naturel  de  la  royne  d'Angle- 
terre ;  que  si  par  ses  menées  et  de  ses  adherans  elle 
gaignera  que  vostre  majesté  rompe  du  tout  avec  le  roy 
d'Espaigne  ,  la  voyant  soubtenir  à  la  ruyne  de  son 
royaulme  tout  le  faix  de  ceste  guerre,  elle  se  tiendra 
pour  arbitre  de  la  paix  et  de  la  guerre,  et  nous  fera 
plus  de  mal  par  ses  dissimulations  que  le  roy  d'Espai- 
gne par  ses  armes. 

Nous  remonstrans  enfin  que  vostre  majesté,  qui  a 
receu  tant  de  prospérités  par  la  grâce  de  Dieu ,  est 
obligée  de  le  recognoistre,  en  donnant,  comme  il  est 
en  son  pouvoir  de  faire,  la  paix,  le  repos  à  toute  la 
clirestienté. 

Quant  au  père  gênerai,  a  dict  que,  depuis  ung  an 
en  ça,  il  n'a  faict  aultre  cbose  que  despenser  et  travailler 
à  l'advancement  de  cest  affaire,  espérant  de  faire  ser- 
vice à  Dieu  et  à  vostre  majesté;  que ,  puisqu'il  voit  les 
cboses  reduictes  en  ces  termes,  il  ne  sçait  plus  que 
dire  ni  faire  ,'si  ce  n'est  de  prendre  le  chemin  d'Italie. 
Sire,  ces  propos  nous  ont  esté  dicls  par  M.  le  legat  et 
père  gênerai  avec  beaucoup  de  douleur;  ils  nous  ont 
pressé  de  leur  dire,  afin  qu'ils  n'attendent  plus  longue- 
ment à  parler  de  ceste  negotiation,  si  vostre  majesté 
est  du  tout  resoleue  de  ne  poinct  faire  paix;  nous  avons 
dict  ce  qu'elle   nous  commande    d'asseurer,   que  les 


AU  ROY.  ^i3 

prospérités  qu'il  a  pieu  à  Dieu  de  vous  envoyer,  vous 
augmentant  plustost  le  désir  de  la  paix  qu'elles  ne  le 
diminuent;  sur  ce,  il  nous  ont  requis  de  leur  dire, 
puisque  le  moyen  qu'ils  leur  ont  proposé,  qu'en  leurs 
,  consciences  ils  trouvoient  utile  et  advantageux  pour  le 
bien  des  affaires  de  vostre  majesté  f  car  elle  recouvroit 
cependant  les  places  occupées  sur  son  royaulme,  et  ne 
quittoit  rien  du  sien)  que  nous  qui  debvions  mieulx 
sçavoir  qu'eulx  ce  qui  est  de  l'intention  de  vostre  ma- 
jesté, leur  fassions  quelque  ouverture  qui  la  peust  con- 
tenter; sur  quoi  ne  nous  pouvans  resouldre,  nous  de- 
partans  d'avec  eulx,  ils  nous  ont  pryé  d'y  voulloir  pen- 
ser, et  le  leur  faire  entendre;  car,  de  leur  part,  ils 
n'estoient  pas  délibérés  de  proposer  aulcune  cbose  , 
veu  que  l'ouverture  qu'ils  ont  mise  en  avant  a  si  mal 
succédé,  et  n'en  rapportent  aultre  chose  que  d'avoir 
perdeu  toute  créance  avec  ses  ambassadeurs  d'Espai- 
gne ,  et  ne  donnant  aulcung  contentement  à  vostre 
majesté,  considérant  que  nous  ne  pouvions  induire 
lesdicts  ambassadeurs  à  abandonner  le  duc  de  Savoye  , 
ni  l'ambassadeur  dudict  duc  à  passer  plus  avant  qu'à 
l'arbitrage,  dont  par  nostre  précédente  nous  avons 
donné  advis  à  vostre  majesté  ;  et  voyant  que ,  sans  quel- 
que nouvelle  ouverture ,  il  falloit  rompre  ceste  nego- 
tiation  nouvelle ,  dont  nous  n'avons  pas  charge  de 
vostre  majesté,  et  ne  jugeons  pas  que  ce  feust  son  ser- 
vice de  se  précipiter  à  ceste  rupture  sur  les  bruicts 
qu'ils  ont  faict  ici  courir  de  la  deffaicte  des  trouppes 
de  M.  de  Crequy,  et  prise  de  la  tour  Charbonnière, 
nous  avons  proposé  par  forme  d'ouverture ,  et  sans 
nous  obliger  de  promettre  que  vostre  majesté  l'aura 
agréable,  qu'il  y  avoit  apparence  que  vostre  majesté 
pourroit  modérer  l'indignation  qu'elle  a  justement  con- 


I 


3îi4  LETTRE 

ceue  contre  ledict  duc,  pour  ce  qu'il  a  attenté  au  pré- 
judice de  vostre  couronne ,   s'il  tesmoignoit  par  quel- 
ques   bons  effects   le  respect   qu'à    l'advenir  il   veult 
porter  à  vostre  majesté,  qui   seroient  s'il  desadvouoit 
et  abandonnoit  le  capitaine  Lafortune  qui  est  dedans 
Seurre  ,  s'il  vous  rendoit  la  ville  de  Berre  en  Provence, 
et  du  Uaulphiné  le  fort  Barrault;  s'il  s'accommodoit  à 
ce  que  dessus  vostre  majesté  pourroit  prendre  asseu- 
rance  qu'il  observeroit  ce  qui  seroit  ordonné  par  le 
pape  ,  en  cas  que  vostre  majesté  le  voulleust  soubmettre 
à  l'arbitrage,  dont  lui  avons  escrit  ci  devant;  sur  ce, 
ils  se  sont  plaincts  de  nos  excessives  demandes  :  nous 
avons  dict  que ,  si  elles  estoient  bien  considérées ,  ils 
trouveroient  qu'elles  estoient  et  utiles  et  honorables  à 
M.  de  Savoye  pour  plusieurs  raisons  que  nous  avons 
deduictes  ;   mondict    sieur    le    legat   et  père   gênerai 
nous  ont  demandé   si ,  negotians  avec   nous  sur  ces 
demandes ,  les  ambassadeurs  d'Espaigne  se  pourroient 
asseurer  de  negotier  sur  chose  certaine;  et.,  estant  ac- 
cordé ce  que  dessus ,   si  ce  traicté  se   pourroit  tenir 
pour  concleu  et  resoleu  ;  nous  avons  dict  que  nous 
proposions  ceste  ouverture  de  nous  mesmes ,  et  ne  le 
pouvions  asseurer  sans  sçavoir  sur   ce  1  intention  de 
vostre  majesté;  quand  il  en  a  esté  parlé  aulx  ambassa- 
deurs d'Espaigne ,  jls  se  sont  plaincts  que  nous  n'avons 
pouvoir  que  de  demander,   et  non  de  resouldre  sur 
chose  qui  soit  proposée.  Nous  sommes  demeurés  fermes 
en  nostre  opinion,  et  dict  que,  s'ils  veullent  la  paix, 
comme  de  nostro  costé  nous  la  voulions ,  il  fault  qu'ils 
s'efforcent  à  faire  passer  les  choses ,  sans  lesquelles  cest 
accord  ne  se  peult  faire.  Mondict  sieur  le  legat ,  le  père 
gênerai,  les  ambassadeurs  d'Espaigne  et  nous,  avons 
travaillé  pour  faire  accorder  ce  que  dessus  à  l'ambas- 


AU  ROY.  2iS 

sadeur  de  Savoye ,  et  pour  lui  donner  crainte  de  refu- 
ser lesdicts  ambassadeurs  d'Espaigne;  après  l'avoir  pryé 
et  conseillé  d'accorder  nos  demandes  ,  lui  ont  dict  que, 
s'il  refusoit  de  le  faire ,  ils  signeroient  le  traicté  sans  y 
comprendre  son  maistre,  ce  qui  a  meu  ledict  ambassa- 
deur de  Savoye  d'accorder  ladicte  demande,  au  nom 
duquel  les  ambassadeurs  d'Espaigne  ne  nous  ont  pro- 
mis et  asseuré  que ,  s'il  plaira  à  vostre  majesté  se  soub- 
mettre  à  l'arbitrage  de  nostre  sainct  père  en  la  forme 
qui  a  esté  ci  devant  traictee  entre  nous,  que  l'ambas- 
sadeur de  Savoye  promettra  en  bonne  forme,  en  pré- 
sence de  M.  le  légat ,  et  obligera  son  maistre  de  rendre 
à  vostre  majesté  dedans  deux  mois  la  ville  de  Berre* 
que  dans  le  mesme  temps  il  fera  démolir  le  fort  de 
Barrault  en  Daulpbine,  abandonnera  et  desadvouera  le 
capitaine  Lafortune  qui  occupe  Seurre  :  c'est,  sire, 
ce  qu'à  l'extrémité  nous  avons  peu  penser  et  faire  pour 
empescber  la  rupture  de  ce  traicté,  estans  lesdicts  am- 
bassadeurs d'Espaigne  entrés  en  tel  souspçon ,  à  cause 
du  refus  dudict  arbitrage,  et  de  ce  aussi  que  nous  les 
avons  voulleu  asseurer  que  vostre  majesté  approuvera 
ladicte  ouverture ,  que  nous  pensions  pour  certain 
qu'ils  partiroient  de  ce  lieu  ,  laissant  ceste  besoigne 
imparfaite;  nous  n'avons  eu  aultre  moyen  de  les  rete- 
nir, si  ce  n'est  en  les  asseurant  qu'à  ce  coup  ils  scau- 
roient  la  finale  resolution  de  vostre  majesté  sur  tout  ce 
qui  concerne  ce  traicté,  et  que  voullions  présentement 
resouldre  avec  eulx  de  toutes  cboses ,  afin  de  n'estre 
contraincts  d'envoyer  de  nouveau  ung  courrier  pour 

P    sçavoir  la  volonté  de  vostre  majesté,    que  nous  sup- 
plions très  bumblemcnt  de  nous  commander  son  bon 

I    voulloir  sur  le  conteneu  en  nostre  despesche  ;  car,  après 
que  leur   auront  faict  sçavoir   nostre   response,    s'ils 

MÉM    DE  DurLEfSIS-BîORNVY.   TortTE  TIIÎ.  l5 


s 26  LETTRE 

n'en  demeurent  satifaicts ,  il  est  sans  doubte  que  cestc 
negotiation  est  ronipeue,  et  qu'ils  s'en  retourneront  par- 
devers  le  cardinal  Albert;  aussi  n'estimons  nous  pas 
que  l'on  puisse  plus  longuement  retenir  ici  M.  le  légat. 
Nous  attendrons  par  ce  courrier  le  commandement  de 
vostre  majesté,  soit  qu'il  lui  plaise  que  nous  arrestions 
plus  longuement  en  ce  lieu  ,  ou  que  nous  retournions 
pas  devers  elle  lui  rendre  compte  de  ceste  légation ,  ne 
nous  restant  aulcune  espérance  d'obtenir  aultre  chose 
que  ce  qui  est  conteneu  en  la  despesche  que  nous  fai- 
sons à  vostre  majesté. 

Ayans  escrit  jusques  ici ,  l'ambassadeur  de  Savoye 
nous  est  veneu  trouver ,  et  nous  a  promis  au  nom  de 
son  maistre  qu'il  sera  satisfaict  à  ce  que  nous  ont  dict 
de  sa  part  les  ambassadeurs  d  Espaigne,  s'asseurantque, 
par  tous  aultres  offices  et  services,  son  maistre  s'effor- 
cera de  donner  contentement  à  vostre  majesté ,  et  re- 
gaigner  ses  bonnes  grâces. 

Le  mesme  jour  les  ambassadeurs  d'Espaigne  nous 
sont  veneus  trouver ,  et  avons  reveu  par  ensemble  les 
articles  dont  nous  n  estions  encores  d'accord  ;  ce  que 
nous  avons  mis  en  ung  escrit  à  part ,  qu'il  plaira  à  vostre 
majesté  faire  considérer.  Toutes  choses  n'ont  pas  peu 
passer  en  la  sorte  que  nous  desirions;  mais,  après  longues 
disputes ,  il  ne  nous  a  esté  aulcunement  possible  de  ti- 
rer desdicts  ambassadeurs  aultre  resolution;  et  fault  en 
tout  rompre ,  ou  se  tenir  à  ce  qui  est  conteneu  audict 
escrit;  car,  sire,  comme  nous  voyons  les  choses  dispo- 
sées, cest  affaire  ne  peuît  plus  estre  teneue  en  longueur. 
Selon  les  advis  que  nous  avons  ,  les  Espaignols  ont 
leurs  forces   prestes.   Vostre  majesté  sçait   les  forces 
qu'elle  a  en  ceste  frontière ,  estant  le  bruict  commun 
que  toutes  les  compaignies  de  gens  de  guerre  y  sont 


AU  llOY.  227 

mal  coniplettes.  Nous  n'avons  pas  resoleu  la  cessation 
d'armes  pour  le  regard  des  entreprises  sur  les  villes , 
dont  par  deux  despesclies  nous  avons  donné  advis  à 
Yostre  majesté.  Le  père  gênerai  nous  a  dict  qu'encores 
qu'il  la  nous  eust  offert  de  la  part  desdicts  ambassa- 
deurs, estans  lors  en  nostre  pouvoir  de  raccepter  et  la 
resouldre;  que  maintenant  il  voit  lesdicts  ambassadeurs 
entrés  en  ung  si  grand  souspçon  que  vostre  majesté  ne 
veult  pas  la  paix,  qu'ils  n'estiment  pas  que  ce  feustde 
vostre  service  de  leur  en  parler  maintenant.  Que  selon  la 
response  qui  sera  apportée  par  le  courrier  que  nous  des- 
peschons,  ils  s'y  resouldront;  et  le  mesme  nous  a  esté 
dict  par  lesdicts  ambassadeurs. 

Sire ,  estant  ceste  après  disnee  les  ambassadeurs 
d'Espaigne,  de  Savoye  et  nous,  cbés  M.  le  légat, 
nous  avons  faict  entendre  audict  sieur  légat  ce  que 
nous  avons  traicté  par  ensemble  touchant  M.  de  Savoye. 
Lesdicts  ambassadeurs  ont  dict  à  M.  le  légat  que  ce  qui 
a  esté  offert  de  la  restitution  de  Berre,  et  demolisse- 
ment  du  fort  Barrault,  et  desadveu  du  capitaine  Lafor- 
tune,  sera  observé  de  bonne  foi.  S'estant  retiré  ledict 
ambassadeur  de  Savoye,  nous  avons  pryé  M.  le  légat, 
et  avons  obteneu  de  lui  qu'il  arrestera  ung  mois  en 
ceste  ville  de  Vervins,  après  que  les  articles  auront  esté 
signés.  Estant  esclieu  le  temps  que  la  ratification  se 
doibt  bailler,  ils  ne  pourront  plus  estre  secrets. 

A  esté  accordé  entre  nous  que  du  jour  que  les  ar- 
ticles auront  esté  signés  et  remis  entre  les  mains  de 
M.  le  légat,  si  vostre  majesté  le  trouvera  bon,  on  ne 
pourra  faire  entreprise  sur  les  places  l'ung  de  l'aultre, 
désirant  qu'il  y  ait  trefve ,  ou  pour  le  moins  cessation 
d'armes  et  de  tous  les  actes  d'hostilité;  n'estant  raison- 
nable que  l'on  prenne  les  subjects  de  vostre  majesté,  ni 


2  28  LETTRE,  etc. 

aussi  ceuix  du  loy  leur  maistre,  comme  si  la  guerre  cîu- 
roit;  et  jugent  qu'à  quoi  que  l'on  se  résolve,  il  est  très 
juste  et  très  raisonnable  que  tous  les  prisonniers  soient 
rend  eus. 

Nous  ont  requis  de  supplier  vostre  majesté  de  nous 
envoyer  quelques  passeports,  qui  leur  seront  baillés 
après  qu'ils  auront  signé  les  articles  ,  d'autant  qu'il  leur 
fauldra  despescher  aussitost  en  Espaigne  pour  l'exécu- 
tion de  cette  negotiation,  et  aussi  à  Blavet. 

Désirent  qu'il  y  ait  deux  passeports  pour  deux  gen- 
tilshommes dont  les  noms  soient  laissés  en  blanc,  que 
nous  remplirons  en  les  délivrant.  Estiment  aussi  d'avoir 
besoing  de  passeports  pour  quelques  courriers,  et  que 
les  passeports  pour  les  gentilshommes  soient  pour 
quattre  chevaulx.  Sire  ,  nous  supplions  de  tout  nostre 

cœur  le  Créateur,  etc. 

Du  26  mars  iSgS. 

XCT.  — -V^  LETTRE  DE  M.  LE  LEGAT 

yîu  rof. 

Christianjssimo  re,  se  io  pretendessi  con  il  mio 
rephcare  aile  lettere  di  vestra  macsta  farli  mutare  il  suo 
prudetite  consiglio  sarei  poco  accorto,  et  al  tutto  senza 
giudicio,  massime  trattando  si  cosa  di  tanta  importanza, 
come  il  negotio  di  pace,  che  debbo  credere,  che  debba 
essere  stato  essaminato  da  lei  con  tutte  quelle  conside- 
rationi  che  si  eno  possibili  a  un  principe  grande,  volo- 
roso,  et  pio,  come  è  la  maesta  vestra  nondimeno  sendo 
io  in  questo  regno  cocarioche  ho  et  sapendo  il  deside- 
rio  di  sua  beatitudine,  et  trattandosi  nuovo  partito,  et 


LETTRE  DE  M.  LE  LEGAT,  etc.  229 

non  persuadendo  clie  ella  non  raquisiti  il  suo ,  mi  pare 
poterc  con  quella  leverenza  che  io  debbo  dirli  alcuno 
parole ,  supplicando  la  chessendo  condetto  fra  la  maesta 
vestra,  et  il  re  catolico  il  traltato  a  tanto  buon  termine, 
che  ella  non  ributti  il  partito ,  che  se  li  propone  per 
conto  di  Savoya ,  nel  quai  caso  non  considero  vestra 
maesta  la  differenza  che  effra  lei ,  et  quel  duca  ne  si 
muova  per  farli  cosa  grata  ma  con  generoso ,  et  reaie 
animo  risgardi  il  beneficio  di  tutta  la  christianita ,  et 
poi  che  ella  si  e  mostrata  tanto  affectionata  al  papa,  et 
pochi  giorni  sono  gH  afutto  si  segnalato  ajuto  alla  re- 
ciiperatione  di  ferrara ,  cumuli  quello  con  la  conclu- 
sione  délia  pace,  diche  sua  beatitudine  ne  sentira  non 
mlnor  contento,  che  sinabbia  sentito  del  passato,  et  ne 
restera  obligata  in  perpetuo  alla  maesta  vestra,  con 
tanta  sua  gloria  quanta  habbi  mai  havuta  nessuno  de  i 
suoi  antecessori  ;   ne  mai  sara  giudicato  al  présente, 
ne  anche  ne  i  futuri  secoli.  Che  la  maesta  vestra ,  che 
cha  se  ben  con  giusto  titolo  recuperato,  con  il  suo  va- 
lore  un  regno  tanto  grande,  sendo  vittoriosa  habbia 
messo  dell'honor  suo  largheggiando  nel  trattare  con 
nno  chegli  e  tanto  in  tutte  le  cose  inequale.  Non  ha 
proportione  quello  che  toleta  la  maesta  vestra  a  temp- 
bal  duca  di  Savoya  con  il  gran  servitio  che  si  fa  à  Dio, 
alla  christianita,  et  ai  popoli;  non  da  niente  del  suo  al 
duca,  ma  lo  soresiede,  con  il  imeterlo,  non  in  un  prin- 
cipe aîieno,  ma  in  suo  amore  volessimo  padre,  del  quale 
ella  è  primogenito,  per  il  quale  ha  il  titolo  di  christia- 
nissimo  al  quale  i  suoi  antecessori  lianno  dati  tanti  aiuti 
et  diffesolo  con  la  faculta,  con  i  popoli ,  et  con  la  per- 
sona,  egli  è  detto  vero  servo  si  Dio,  giusto  et  obligato, 
et  per  fare  quella  che  conviene  con  quella  candidezza , 
clîe  si  ricerca  à  vionrio  di  Christo  in  terra,  et  a  huomo 


aSo  LETTRE  DE  M.  LE  LEGAT,  etc. 

clie  ama  tanto  la  maesta  \estra  che  sendo  infelississimo 
stato  et  gloriosissimo  re  non  debbe  considerare  i  ponti 
minuti,  con  chi  tanto  è  debole  à  sua  proporsione.  Non 
vorrei  abusare  con  il  mio  troppo  scrivere  il  favore  che 
mi  fa  la  maesla  vestra  et  valenne  indiscretamente  peib 
faro  fine,  di  nuovo  quanto  sb  et  possb  humilmente,  et 
con  le  lacrime  Alcuore  supplicandola  che  con  questo 
spaccio  se  gli  propone,  ne  guardi  al  mio  Ptozzo  scrivere, 
ma  alla  cosa  inse  stessa  corne  spero  che  ella  sia  per  fare, 
et  ringratiandola  di  quanto  mi  han  detto  in  suo  nome 
monsignor  di  Bellievre  et  di  Sillery  faro  fine.  Dio  la 
conser\i  et  esalti.  Di  Vervins,  il  di  aS  di  marzo  iSgS. 
Bi  vestra  maesta  christianissima  humillimo  servitor, 

Il  cardinale  di  Firenze. 


XCII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  SiUerjr. 

Messieurs,  M.  de  Mercœur  arriva  hier  en  ceste 
ville ,  oïl  le  roy  nous  a  mandé  qu'il  se  rendra  ce  soir. 

Je  visitai  hier ,  par  son  commandement ,  M.  Cécile. 
Je  crois  qu'il  ne  me  dict  pas  sa  charge ,  du  moins  le 
secret  d'icelle;  car  il  le  reserve  à  sa  majesté,  comme 
il  est  bien  raisonnable.  Toutesfois  il  voulleut  que  je 
creusse,  par  son  langage,  qu'il  avoit  l'esprit  plus  paci- 
fique que  guerrier,  disant  que  sa  souveraine  estoit, 
pour  son  sexe,  pour  son  aage,  et  de  son  naturel,  plus 
encline  au  repos  qu'aulx  armes  ;  qu'elle  avoit  faict  de 
grandes  despenses  depuis  quelques  années ,  desquelles 
elle  avoit  tiré  moins  de  profict  que  ses  voisins  ;  qu'elle 
se  resjouissoit  de  la  prospérité  du  roy  son  beau  frère , 


LETTRE,  etc.  '23 1 

et  tenoit  bien  employés  les  secours  qu'elle  lui  avoit 
baillés  ;  car  c'estoit  pour  le  réintégrer  dedans  ce  qui 
lui  appartenoit  que  Ton  lui  desbattoit  injustement; 
mais  que  d'aultres,  voullant  dire  les  estats ,  s'en  estoient 
bien  accreus  dadvantage  ;  mais  qu'il  falloit  qu'ils  bor- 
nassent leurs  desseings,  et  qu'ils  se  contentassent  de 
raison  ;  qu'il  s'esbabissoit  du  retardement  de  leurs  dé- 
putés ,  lesquels  il  avoit  attendeu  en  Angleterre  plus  de 
trente  jours,  et  que  depuis  son  arrivée  en  France  il  ne 
s'estoit  poinct  basté  pour  leur  donner  loisir  de  le 
joindre ,  et  toutesfois  qu'il  n'avoit  poinct  encores  d'eulx 
aulcunes  nouvelles;  qu'il  estimoit  bien  qu'ils  ne  voul- 
loient  poinct  de  paix,  mais  que  c'estoit  le  moins  qu'ils 
pouvoient  faire  que  de  faire  trouver  ici  leurs  députés 
à  son  arrivée,  y  ayant  esté  conviés  par  le  roy  et  par 
sa  souveraine,  pour  tous  ensemble  resouldre  leurs 
affaires,  comme  bons  alliés  doibvent  faire;  qu'il  les 
attendroit  encores  quelques  jours,  après  qu'il  auroit 
baisé  les  mains  du  roy  ;  mais  que  s'il  voyoit  qu'ils  ne 
vinssent ,  il  recevroit  la  volonté  de  sa  majesté ,  à  la- 
quelle celle  de  sa  maistresse  s'accommoderoit.  Sur 
cela ,  il  s'enquit  fort  si  le  pouvoir  que  l'on  avoit  envoyé 
quérir  en  Espaigne  pour  traicter  avec  sa  royne  estoit 
arrivé.  Je  lui  dis  que  je  n'en  avois  eu  aulcung  advis 
encores ,  mais  que  j'estimois  qu'il  ne  pouvoit  plus  gueres 
tarder.  Le  courrier  qui  avoit  esté  despescbé  pour  l'aller 
quérir  estant  parti  le  25  du  mois  passé,  il  ne  veult 
croire  que  le  mariage  de  l'infante  major  avec  M.  le  car- 
dinal d'Autriche ,  et  la  donation  des  Pays  Bas  et  du 
comté  de  Bourgoigne  se  fasse  ;  il  croit  que  c'est  ung 
artifice  seulement ,  tant  pour  amuser  le  roy  et  la  royne 
sa  maistresse  ,  que  pour  diviser  et  gaigner  les  estats 
avec  lesquels  il  a  opinion  que  l'on  traicte  secrettement. 


232  LETTRE 

Je  lui  ai  remoiistré  que  tel  artifice  pouvoit  bien  faire 
descouvrir  et  esmouvoir  les  esprits  d'aulcungs,  mais 
que  je  ne  les  estimois  pas  assés  forts  pour  les  faire  re- 
souldre  à  changer  de  desseing,  et  s'y  endormir;  que 
jusques  à  présent  nous  n'y  avions  rien  perdeu,  et  espé- 
rions encores  y  perdre  moins  à  Tadvenir;  que  je  m'as- 
seurois  que  sa  souveraine,  qui  cognoissoit  les  Espai- 
gnols  encores  mieulx  que  nous,  ne  s'y  laisseroit  pas 
tromper,  et  que  les  eslats  le  feroient  encores  moins; 
de  sorte  que,  si  ceci  estoit  ung  desguisement ,  j'esti- 
mois  qu'il  tourneroit  plus  au  préjudice  et  à  la  honte 
desdicts  Espaignols,  qu'il  ne  feroit  de  dommage  à  leurs 
ennemis.  Pour  cela,  il  ne  laissa  pas  de  persister  en  sa 
défiance,  d'autant  qu'il  dict  qu'il  ne  voyoit  poinct 
que  l'on  preparast  le  passage  de  l'infante,  ni  chose 
approchante  d'ung  tel  changement.  Je  lui  respondis 
qu'il  sembloit  que  la  paix  que  l'on  recherchoit  estoit 
la  porte  par  laquelle  ils  debvoient  entrer  et  effectuer 
l'ung  et  Taultre,  ce  qu'il  recogneut  estre  véritable. 

J'appris  de  lui  que  tous  les  François  qui  parlent  à 
lui  ne  sont  pas  de  mesme  advis  touchant  la  paix;  et  je 
lui  dis  que  l'Angleterre,  qui  estoit  plus  paisible  que  la 
France,  n'estoit  pas  exempte  de  ce  mal  là.  il  me  l'ad- 
voua.  Enfin,  il  voulleut ,  comme  je  vous  ai  dict,  me 
faire  croire  qu'il  tendoit  du  tout  à  la  paix,  et  qu'il  s'ac- 
commoderoit  du  tout  au  désir  de  sa  majesté.  Quand  il 
aura  parlé  a  elle ,  nous  en  pourrons  sçavoir  dadvan- 
tage.  Cependant  j'ai  estimé  vous  debvoir  envoyer  cest 
eschantillon,  pour  vous  en  prevalloir;  joinct  qu'estant 
à  la  veille  de  fondre  nostre  resolution,  il  me  semble 
que  je  ne  puis  trop  souvent  vous  donner  advis  de  ce 
qui  se  passe,  ni  en  recevoir  de  ce  que  vous  faictes. 

Je  vous  ai  bien  escrit  la  prise  du  fort  de  Charbon- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.        233 

niercs  et  de  Barrault,  mais  non  celle  de  M.  de  Crequv, 
adveneue  durant  l'effect  dudict  Barrault,  parce  que  je 
ne  Tavois  pas  seu  encores;  c'est  Sainct  Julien  qui  nous 
en  apporte  advis.  Ceulx  qui  gardt>ient  ledict  fort  de 
Charbonnières,  qui  estoit  en  la  Morienne,  ayant  com- 
posé, M.  de  Savoye  se  doublant  bien  que  ledict  sieur 
de  Crequy  viendroit  au  secours  de  la  place,  feit  conti* 
nuer  la  batterie,  comme  si  la  place  eust  encores  teneu, 
et  feit  advancer  quelques  trouppes  du  costé  où  estoit 
ledict  sieur  de  Crequy,  pour  l'amorcer,  séparant  son 
armée  en  deux;  ledict  sieur  de  Crequy  ne  faillit  pas  de 
s'advancer,  pour  charger  ses  premières  trouppes,  les- 
quelles se  retirent  comme  elles  avoient  charge  de  faire  ; 
si  bien  qu'elles  en^jagerent  ledict  sieur  de  Crequy  entre 
les  deux  parties  de  l'armée  dudict  duc,  l'une  l'ayant 
pris  par  derrière,  et  l'aultre  par  devant,  sans  toutesfois 
s'advancer  pour  combattre  ledict  sieur  de  Crequy,  qui 
avoit  avec  lui  huict  cens  hommes  choisis.  Se  voyant 
ainsi  enfermé,  et  ne  pouvant,   à   cause  des   neiges, 
prendre  parti  à  droicte  ni  à  gauche ,  feut  enfin  con- 
trainct  de  se  rendre  au  plus  fort. 

Il  est  demeuré  prisonnier  avec  tous  les  capitaines,  et 
les  soldats  qu'il  avoit  avec  lui  ont  tous  esté  desarmés. 
Geste  adventure  avoit  estonné  grandement  la  province 
de  Daulphiné,  mais  la  prise  du  fort  de  Barrault  l'a  ung 
peu  depuis  rasseuree. 

On  dict  que  M.  le  duc  de  Savoye  y  est  accoureu  à 
grande  haste  pour  l'assiéger.  Si  ainsi  est,  ceci  engen- 
drera bientost  quelque  nouveauté;  et  semble  que  ledict 
tluc  de  Savoye  n'ait  aulcune  envie  ni  désir  que  la  paix 
se  fasse. 

Albigny  commande  à  l'armée  dudict  duc. 

Si  messieurs  du  parlement  l'eussent  traicté  plus  doul- 


2  34  '  LETTRE,  etc. 

cernent,  il  ne  seroit  pas  là.  Mais  je  vois  le  roy  plus  pi- 
qué et  animé  que  jamais  contre  ledict  duc  de  Savoye  ; 
car  vous  sçavés  que  l'esprit  de  sa  majesté  ne  cède  pas 
beaucoup  volontiers  à  tels  et  semblables  accidens. 

Nous  verrons  ce  que  vous  nous  en  manderés  sur  la 
despescbe  que  La  Fontaine  vous  a  portée ,  pour  selon 
cela  nous  resouldre.  Je  prye  Dieu  que  ce  soit  à  sa  gloire 
et  au  salut  de  ce  royaulme,  et  qu'il  vous  conserve, 
messieurs ,  etc. 

Du  25  mars  i5gS, 


XCIIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie  ,  je  ne  puis  que  faire  peu  adjouster  à  celles 
de  M.  de  Pierrefite.  L'escuyer  n'a  peu  encores  obtenir 
congé;  il  espère  l'avoir  ce  soir.  En  ung  mot,  je  le  lui 
ferai  donner;  mais  je  n'ai  osé  parler.  Tu  auras  veu ,  par 
mon  mémoire,  que  je  n'ai  pas  oublié  madame  de  La 
Rocbegiffart.  Dujon  m'a  promis  de  t'escrire  ce  soir. 
Rien  ne  me  travaille  tant  que  ton  indisposition,  et  ne 
peult  plus  soulager  que  l'amendement,  s'il  plaist  à  Dieu 
d'y  donner.  J'ai  pourveu  pour  avoir  des  grenades  et  des 
citrons  de  Nantes.  Au  retour  du  roy,  nous  recouvre- 
rons du  bezoar.  M.  de  Nantes  amende;  mais  il  demeu- 
rera hypothéqué  de  quelques  membres,  le  crains  je, 
veu  son  aage.  Il  se  loue  fort  de  la  saignée  qui  à  l'instant 
lui  descharge  la  teste.  Je  n'ai  laissé,  pour  la  response  de 
M.  de  Lussan ,  de  faire  faire  une  bonne  despescbe  à  Be- 
lain.  Je  n'ai  pas  encores  entreteneu  M.  Niotte,qui  a  esté 
trompé  par  son  fils.  Geste  après  disnee  ont  esté  resoleus 


LETTRE  t)E  M.  DUPLESSIS,  etc.  2*35 

tous  les  affaires  de  la  relligion  ,  sauf  à  dresser  Testât 
des  garnisons,  et  commencera  on  des  demain  à  dresser 
Tedict.  Je  t'embrasse ,  etc. 

D'ÀDgers,  le  26  mars  i5y8. 

Le  pouvoir  est  veneu.  Tu  as  trop  de  soing  de  nous. 


XCIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS^ 

^  sa  femme. 

M  AMIE ,  Tescuyer  s'en  va,  conduict  par  La  Periere , 
auquel  j'ai  faict  bailler  dix  escus  pour  faire  les  frais  du 
vojage.  Il  sera  bon  de  le  faire  doulcement  instruire. 
Madame  de  Rohan  est  arrivée  ce  matin ,  que  j'ai  esté 
voir.  Elle  m'a  parlé  du  mariage  que  tu  sçais.  L'homme 
loue  l'alliance,  ne  faict  pas  grande  instance  sur  la 
somme  ;  mais ,  pour  cela,  il  ne  se  resoult  pas ,  et  juge  , 
madicte  dame ,  que  cela  auroit  besoing  d'une  cognois- 
sance  familière  des  personnes ,  de  laquelle  les  occasions 
ne  se  rencontrent  pas  aiseement.  8 1 .  63.  coudroit  toutes 
ces  difficultés,  et  le  terme  qu'il  prend  par  tes  lettres  du 
23  expire;  mais  combien  d'aultres  fois!  Je  t'embrasse, 
m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers ,  ce  26  mars  1 698. 

On  attend  samedi  M.  de  Mercœur  ici.  Il  a  ratifié  le 
traicté. 


^36  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

XCV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillejj. 

Messieurs,  j'ai  receu  vostre  lettre,  du  16  ce  mois, 
le  24,  avec  celle  de  M.  de  Buzenval  que  je  vous  avois 
envoyée,  sur  le  conteneu  de  laquelle  j'ai  bien  consi- 
déré ce  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire,  principalement  de 
cest  habitant  d'Anvers  qui  a  esté  à  Bruxelles,  et  je  crois 
avec  vous  qu'il  a  faict  ce  voyage  autant  par  l'advis  de 
ceulx  de  Hollande  que  de  ceulx  du  conseil  du  car- 
dinal d'Autriche;  il  a  force  gens  bandés  pour  rompre 
îîostre  traicté,  et  nous  faire  perdre  le  fruict  d'icelui, 
non  ,  comme  vous  jugés  trop  mieulx  ,  pour  bien  qu'ils 
nous  veullent;  mais  je  vois  le  roy  bien  délibéré  à  ne 
croire  à  tels  conseils. 

Sa  majesté  est  à  la  chasse  au  Verger  depuis  deux 
jours ,  d'où  elle  ne  reviendra  que  samedi  ;  quand  je 
l'aurai  veue ,  je  respondrai  particulièrement  à  vostre 
susdicte  lettre.  M.  de  Mercœur  a  ratifié  l'accord  faict 
par  madame  sa  femme,  et  a  jà  mis  hors  de  Nantes  les 
gens  de  guerre  qui  y  estoient,  lesquels  sont  arrivés  en 
l'armée  du  roy,  après  avoir  juré  fidélité  a  sa  majesté, 
laquelle  sera  ici  samedi. 

M.  Cécile  y  arrivera  aussi  demain. 

Vous  verres ,  par  une  lettre  de  M.  de  La  Boderie 
que  je  vous  envoyé,  le  langage  qu'il  a  teneu  ,  et  je 
vous  escrirai ,  quand  je  l'aurai  veu  ,  ce  que  j'en  aurai 
appris.  M.  de  Blaille ,  qui  est  arrivé  ici  aujourd'hui, 
m'a  dict  que  le  sieur  Cécile  ne  lui  a  parlé  que  de 
guerre.  Peult  estre  a  il  deux  sortes  de  langage,  qu'il 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  237 
employé  selon  l'humeur  et  goust  de  ceulx  aulxquels 
il  parie  ;  mais  j'espère  que  nous  le  ferons  parler  ce 
coup  clairement,  s'il  y  a  moyen  de  réduire  à  ce  poinct 
ung  Angiois  ;  mais  nous  n'avons  aulcungs  advis  des 
députés  de  Hollande  ;  aulcungs  estiment  qu'ils  sont  de- 
meurés exprès  pour  ne  se  trouver  par  deçà,  quand  la 
paix  qu'ils  tiennent  pour  resoleue  se  concleuera,  ou 
pour,  en  nous  entretenans  d'espérance,  mieulx  couvrir 
et  resouldre  ce  qu'ils  traictent  avec  ledict  cardinal 
d'Autriche  ;  mais  pour  moi  je  ne  crois  ni  l'ung  ni 
l'aultre,  et  attribue  leur  retardement  avec  les  vents, 
aulx  advis  et  conseils  du  sieur  de  Saincte  Aldeg^onde, 
qui  leur  a  proposé  des  chimères  dont  vous  vous  soub- 
venés  qu'il  nous  feit  ouverture ,  lesquelles  ont  esté 
semées  et  goustees  par  aulcungs  de  deçà.  Ores  vous 
serés  adverti  de  ce  qui  se  passera. 

Les  affaires  des  huguenots  ont  esté  arrestees  du  tout 
aujourd'hui;  mais  ce  n'a  esté  sans  contester,  ni  à  nostre 
mot.  M.  le  cardinal  de  Joyeuse  sera  ici  dedans  deux 
jours,  et  plusieurs  aultres  seigneurs,  mesmes  MM.  de 
Bouillon  et  de  La  Tremouille,  avec  madame  la  prin- 
cesse d'Orange  et  leurs  femmes.  Ma  dernière  vous  a 
esté  portée  par  M.  Ragazzon;  je  vous  avois  escrit  le  17 
par  la  poste  ordinaire  :  vous  me  donnerés  advis,  s'il 
vous  plaist ,  de  la  réception  de  l'une  et  de  l'aultre,  et 
je  me  recommande,  etc. 

Du  26  mars  iSgS. 


238     LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 


XCVI.  — '  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj, 

Messieurs,  je  vous  ai  escrit  aujourd'hui  par  la  voye 
de  la  poste  la  prise  du  fort  de  Charbonnières ,  faicte 
par  M.  de  Savoye  par  composition  ,  après  l'avoir  batteu 
de  douze  canons,  et  avoir  soubteneu  ung  assault.  Depuis, 
M.  de  Crequy ,  estant  allé  à  la  guerre ,  a  esté  faict  pri- 
sonnier, avec  perte  de  quelques  gens;  mais  nous  venons 
avoir  advis  de  la  revanche  que  M.  Lesdiguieres  en  a 
prise,  ayant  emporté  le  fort  de  Barrault  par  escalade, 
ainsi  que  vous  verres  par  l'extrait  de  Tadvis  que  j'en  ai 
tiré  d'une  lettre  de  M.  de  La  Baulrae ,  telle  que  M.  de 
Botheon  m'a  envoyée.  Voilà  l'eschange  proposé  tout 
faict  ;  et  si  les  hommes  n'achèvent  le  reste ,  afin  que 
chacung  ait  en  justice  ce  qui  est  sien,  Dieu  y  opérera 
comme  il  a  commencé.  Nos  Anglois  n'arriveront  ici 
que  demain;  ceste  ville  n'est  pas  assés  grande  pour  les 
loger.  M.  de  Mercœur  y  arrivera  samedi,  et  tout  va, 
pour  ce  regard,  de  bien  en  mieulx;  mais  nous  n'avons 
encores  aulcung  advis  des  Hollandois.  Je  me  recom- 
mande derechef,  etc. 

Du  26  mars  i5q8. 


XCVIL —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  a  M.  de  Villeroj. 

Monsieur  ,  nous  continuons  à  vous  ennuyer  de  nos 
longues  despesches,  et  nous  le  sommes  dadvantage  des 


LETTRE,  etc.  239 

longueurs  et  hazards  que  nous  voyons  en  ceste  nego- 
tiation  ;  nous  ne  sçaurions  dire  certainement  qui  be- 
soigne  si  bien  à  mettre  ces  ambassadeurs  d'Espaigne 
en  souspçon  de  nos  actions  ,  et  que  nous  ne  sommes  ici 
que  pour  les  abuser.  Nous  sçavons  qu'il  leur  vient  de 
mauvais  vents  du  costé  de  Paris;  mais  nous  descou- 
vrons qu'il  leur  en  vient  encores  de  plus  dangereux 
du  costé  de  Hollande.  Le  père  gênerai  les  voyant  ainsi 
troubles,  et  en  souspçon  comme  ils  se  monstroient  ces 
jours  passés  et  sont  encores,  nous  a  dict  souvent  que 
les  Hollandois  font  grand  préjudice  à  nos  affaires. 

M.  le  président  Richardot  s'est  fort  informé  du  voyage 
de  M.  de  Saincte  Aldegonde  en  France.  Ce  marchand 
meslé,  dont  M.  de  Buzenval  vous  a  escrit,  par  nostre 
opinion  leur  donne  des  advis.  M.  de  Saincte  Aldegonde 
et  de  Bellievre  ayans  esté  long  temps  avec  lui,  c'est  le 
plus  madré  homme  que  je  cognoisse  et  des  plus  dan- 
gereux de  sa  paroisse.  Monsieur,  ces  gens  de  Ligue  ont 
ung  but,  et  pour  y  parvenir,  ils  vendront  père  et  mère, 
et  Jésus  Christ  mesmes.  Il  leur  seroit  fort  difficile  de 
nous  tromper;  car  nous  ne  nous  y  fierons  pas. 

La  despesche  que  nous  faisons  au  roy,  si  elle  sera 
rejettee,  vous  la  pouvés  tenir  pour  la  dernière  c^ie  re- 
cevrés  de  nous  touchant  ceste  negotiation.  Nous  ne  nous 
trouvasmes  jamais  plus  empeschés  en  affaire  ;  car  et 
M.  le  légat  et  le  père  gênerai  des  cordeliers  et  les  am- 
bassadeurs estoient  entrés  en  tel  souspçon  de  nous , 
que  l'heure  a  esté  que  nous  tenions  tout  à  faict  ceste 
negotiation  rompeue  et  abandonnée  ,  et  ces  gens  du 
tout  resoleus  de  n'avoir  rien  à  faire  avec  nous  ;  ce  nous 
a  esté  ung  merveilleux  tourment  et  embarras  d'esprit 
avec  beaucoup  de  peine,  de  souci  et  d'ennui,  et  de 
patience.  Nous  sommes  sortis  de  ce  mauvais  et  espi- 


2f\0  LETTRE 

neux  passage;  mais  il  seroit  trop  dangereux  d'y  retour- 
ner; si  Ton  refuse  ce  que  nous  escrivons,  il  se  fault  re- 
souldre  à  la  guerre;  et  estans  nos  ennemis  plus  prests 
que  nous  ne  sommes  à  mettre  leur  armée  en  campaigne, 
le  meilleur  conseil  que  sa  majesté  peult  prendre  est 
que,  sans  s'arrcster  plus  longuement  en  Bretaigne,  il 
revienne  en  ceste  frontière  au  plus  tost  que  faire  se 
pourra,  où  presque  il  n'y  a  place,  Amiens  ni  Peronne 
qui  neantmoins  n'est  pas  trop  bonne,  exceptées,  que 
l'ennemi  ne  prenne  en  huict  jours. 

Vous  verres,  par  la  despesche,  qu'ils  se  sont  des- 
partis de  ce  que  par  deux  fois  ils  nous  ont  faict  offrir 
que  l'on  ne  feroit  entreprise  les  ungs  sur  les  aultres. 

Nostre  despesche  est  si  ample  que  nous  ne  nous 
estendrons  sur  le  faict  de  la  negotiation  ;  seulement 
vous  pryerons  nous  de  nous  faire  tant  de  faveur,  que 
de  vous  employer  à  ce  que  ce  courrier  ne  soit  longue- 
ment arresté  à  la  court. 

S'il  porte  response  qui  contente  ces  gens ,  cela 
nous  aidera  à  mieulx  faire  le  service  de  sa  majesté;  si 
la  response  sera  aullre,  au  moins  il  portera  la  volonté 
du  roy  à  M.  le  connestable ,  de  l'ordre  qu'il  doibt  tenir 
à  conserver  ceste  frontière.  Donnés  nous  congé  de  nous 
en  retourner,  ou  ne  le  donnés  pas,  pour  nostre  regard 
nous  obéirons  à  ce  qui  nous  sera  commandé;  mais  nous 
ne  pourrons  pas  arrester  les  ambassadeurs  d'Espaigne, 
Et  sur  ce  nous  nous  recommandons  bien,  etc. 

Du  26  mars  iSgS. 


AU  ROY.      ■  241 


XCVIII.  — ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sîllefj  au  roj. 

Sire  ,  ayant  veii  ce  qu'il  a  pieu  à  vostre  majesté  de 
nous  conunander  (jue  missions  peine  de  rendre  capable 
Ms  le  legac  des  raisons  que  mettent  en  avant  vos  sub- 
jects  du  pays  de  Languedoc  ,  qui  font  profession  de  la 
rellîgion  pretendeue  reformée ,  par  lesquelles  ils  esti- 
ment cstre  bien  fondés  à  supplier  vostre  majesté  de 
trouver  bon  que  les  lettres  de  représailles  leur  soient 
accordées  par  les  cbambres  mi  parties  contre  ceulx  du 
comte  de  Venisse ,  qu'on  ne  leur  en  fera.  Sire ,  les 
affaires  oîi  nous  nous  trouvons  en  ce  lieu,  dont  l'es- 
prit de  M.  le  légat  est  merveilleusement  travaillé, 
eussent  requis  que  Ton  n'y  adjoustast  poinct  l'ennui  de 
ceste  poursuite ,  et  avons  esté  en  peine  comme  pour- 
rions couvrir  le  propos  audict  sieur  légat  sans  faire  pré- 
judice à  vostre  service ,  sçachant  assés  les  plaintes 
qu'il  en  a  faictes ,  et  quelle  est  en  cela  son  opinion  ; 
mais  force  est  d'obéir  à  ce  qu'il  plaist  à  vostre  majesté 
de  nous  commander.  Nous  lui  en  avons  parlé  en  la 
meilleure  sorte  qu'il  nous  a  esté  possible.  Il  nous  a 
dict  qu'il  en  a  desjà  esté  adverti  ;  mais  qu'il  est  telle- 
ment travaillé  des  aultres  affaires  qui  s'offrent  ici, 
qu'il  remettoit  à  nous  en  parler  d'ici  à  quelques  jours; 
sire,  ledict  sieur  légat  se  plaint  infiniment  de  ceste 
poursuite,  et  nous  a  dict  qu'ayant  vostre  majesté  ac- 
cordé au  pape  une  cbose  qu'elle  ne  vouldroit  avoir 
refusée  au  moindre  comte  qui  ait  souveraineté  en  Italie, 
qu'il  se  promet  que  vostre  majesté  ne  rompra  poinct 

MÉ3I.  DE  DUPLESSIS-MORKA-Y.  ToME  YIH.  lO 


24îi  LETTRE 

sa  promesse  déclarée  par  les  lettres  patentes,  qui  est 
selon  le  droicl  des  gens,  pour  contenter  en  une  si  im- 
portune demande  ceulx  de  la  relligion,  au  préjudice 
de  l'honneur  du  pape  qui  porteroit  impatiemment 
d'estre  jugé  par  ces  chambres  mi  parties;  car  il  esti- 
mera que  ceulx  qui  jugeront  du  desni  de  justice,  de 
ses  officiers,  jugeront  de  lui  mesmes,  et  qu'il  ne  pour- 
roit  supporter  en  façon  du  monde  de  dire  que  les  sub- 
jects  de  sa  saincteté,  pour  estre  plus  foibles  que  ceulx 
de  vostre  majesté,  en  souffriront  plus  que  les  aultres. 
Ledict  sieur  légat  dict  qu'il  estime  et  s'asseure  que  sa 
majesté  leur  commandera ,  comme  estant  leur  roy ,  et 
qu'elle  se  fera  obéir  en  ce  que  le  pape  le  pryera  pour 
la  raison  ,  et  n'a  voulieu  prendre  pour  excuse  ce  que 
nous  avons  dict  des  accords  qui  ont  esté  faicts  ci 
devant ,  ayant  respondeu  que  les  papes  ont  esté  con- 
traincts  de  souffrir  que  leurs  subjects,  pour  se  redimer , 
ayent  contribué  de  grosses  sommes  à  M.  de  Lesdi- 
guieres,  qu'il  ne  s'ensuit  pas  pour  cela  qu'ils  approu- 
vent telles  contributions,  ni  qu'ils  les  veuillent  tous- 
jours  souffrir.  Quant  à  ce  que  nous  avons  dict  de  l'in- 
commodité du  voyage  jusques  en  vostre  court,  que 
la  mesme  raison  auroit  lieu  pour  les  subjects  du  duc 
de  Savoye ,  de  M.  de  Lorraine ,  et  aultres  aulxquels 
vostre  majesté  ne  permet  que  l'on  exerce  la  rigueur 
que  l'on  demande  contre  ceulx  du  pape,  sire,  nous 
n'avons  pas  veu  qu'en  ce  faict  on  puisse  faire  changer 
d'opinion  audict  sieur  légat;  et,  pour  nostre  regard, 
nous  désirerions  fort ,  pour  le  bien  de  vostre  ser- 
vice, qu'il  pleust  à  ceulx  de  ladicte  relligion  de  se 
modérer  en  ceste  demande  qui  leur  importe  de  si  peu, 
et  presque  ne  peult  servir  qu'à  altérer  la  bonne  vo- 
lonté du  pape. 


AU  ROY.  9.43 

Ledict  sieur  légat  est  en  allarme  des  advis  qu  il  a  de 
ce  qu'il  piaist  à  vostre  majesté  accorder  de  nouveau  à 
ceulx  de  ladicte  relligion;  il  nous  a  souvent  parlé,  et 
avons  peine  de  parer  à  ce  coup;  nous  avons  tousjours 
faict  profession  de  désirer  la  paix  en  ce  royauline ,  et  y 
avons  servi  de  nostre  pouvoir   et  les  ungs  et  les  aul- 
tres,  désirons  qu'il   n'y  eust  qu'une  relligion,  comme 
il  est  fort  à  désirer;  mais  puisque  les  choses  sont  re- 
duictes  à  ces  termes,  que  l'on  ne  peult  subsister  sans 
la  paix,  il  est  plus  expédient  de  se  resouldre  par  ce 
qui  est  du  salut  de  Testât,  que  par  ce  qui  est  de  nos 
désirs.  Cela  ne  nous  empeschera  pas  de  dire  que  la 
moitié  se   trouvera  enfin  estre  plus  que  le  tout,  que 
ceulx  de  ladicte  relligion  considèrent  que  ce  qui  leur 
est  maintenant  accordé  ne  sera  pas  approuvé  de  tous , 
qu'il  y  pourra  avoir  des  contradictions,  si  oultre  la 
cause  publicque  le  pape  se  sentira  offensé  en  son  par- 
ticulier à  cause  de  ces  représailles.  Ce  faict  particulier 
fera  peult  cstre  qu'il  parlera  de  ce  qui  est  de  la  cause 
publicque  avec  plus  de  véhémence ,  soubs  la  bonne 
correction  de  vostre  majesté;  nostre  opinion  seroit  que 
l'on  resoleust  maintenant  de  députer  quelques  bons  et 
notables  personnages  pour  adviser  avec  les  députés 
du  pape  à  décider  lesdicts  différends  qui  sont  entre  vos 
subjects    de   ladicte    relligion   et   les    habitans   dudict 
comté,  et  que  par  ensemble  ils  formassent  ung  advis 
qui  seroit  approuvé  et  auctorisé  tant  par  sa  saincteté 
que  par  vostre  majesté,  des   moyens  qu'il  fault  tenir 
pour  faire  cesser  les  plaintes  et  empescher  les  desordres 
entre  les  subjects  des  deux  estats. 

Sire  ,  nous  supplions  le  Créateur  de,  etc. 

Du  26  mars  1598. 


^44  LETTRE  DE  M.  DLPLESSIS 


XCIX. —-V^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  safomme. 

M'amîe,  je  plains  le  grand  abord  de  Saulmur,  qui 
ne  peult  que  t'incommoder  de  ta  maladie.  Dans  peu  de 
jours  nous  y  aurons  le  grand  conseil  qui  y  doibt  rési- 
der pendant  que  le  roy  sera  en  Bretaigne.  Là  dessus , 
j'ai  mandé  à  M.  Charron  qu'il  se  haste  et  apporte 
toutes  nos  pièces,  et  comme  préparé  pour  faire  vuider 
nostre  procès  de  Bruzac  et  les  aliénations  de  Perigord. 
Ce  ne  sera  pas  tout  perdre.  J'ai  commencé  à  enfourner 
nos  principaulx  affaires  de  bonne  sorte;  mais  il  fault 
de  nécessité  estre  ici,  parce  qu'on  est  sur  les  grands 
coups ,  et  fie  toi  à  moi  que  je  ne  laisserai  passer  oc- 
casion de  te  voir.  M.  de  Savoye  a  pris  Aiguebelle,  et 
reduict  à  mauvaise  composition  M.  de  Crequy,  qui  la 
venoit  secourir.  Il  est  prisonnier,  mené  à  Thurin,  et 
ses  gens  dévalisés.  L'histoire  en  seroit  longue;  mais  à 
mesme  instant  M.  Lesdiguieres  a  recouvré  la  perte  et 
l'honneur,  ayant  pris  d'escalade  le  fort  deBarrault,  que 
M.  de  Savoye  avoit  faict  à  l'entrée  du  Daulphiné,  où 
il  a  tout  taillé  en  pièces,  sauf  le  gouverneur,  et  pris 
huict  canons.  La  difficulté  sera  à  le  garder,  parce  que 
le  duc  tient  la  campaigne.  C'est  tout  ce  que  je  sçache. 
Je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers,  27  mars  iSgS. 


A  MADAME  DUPLESSIS.  '2/\5 

C.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  sa  femme, 

M'amie,  Pizieux  arriva  hier  au  soir.  J'ai  esté  bien 
aise  de  l'ordre  que  tu  as  donné  à  la  réception  de 
MM.  les  ambassadeurs  ;  mais  il  fault  que  telles  choses 
se  fassent  sans  travailler  son  esprit,  mesme  sur  ces 
agitations  d'humeur.  M.  Dujon  est  d'advis  que  tu  te 
fasses  saigner  du  bras  droict  en  la  basilique  ;  mais  si  tu 
m'advertis  du  temps  ,  il  m'a  promis  d'y  estre,  ce  que  je 
ferai  aussi  volontiers;  mais  nous  sommes  au  fort  de  nos 
affaires  particuliers,  car  nous  continuons  à  travailler 
aulx  assignations  pour  les  garnisons  de  la  relligion , 
sur  quoi  je  veulx  compter  parler  de  3o,ooo livres  aussi. 
Nous  embarquons  celle  des  fortifications  et  aultres; 
si  m'ennuyera  il  prou  de  te  voir  avant  que  d'aller  à 
Nantes  ,  et  n'en  perdrai  l'occasion.  Le  roy  sera  ici 
dimanche  entré  ci  et  là;  nous  verrons  ce  qu'auront 
faict  les  parties  de  Sainct  Phal.  Tu  auras  veu  Tes- 
cuycr.  Du  cordonnier  je  n'en  ose  rien  remuer  ici, 
parce  que  je  ne  m'y  fie  pas.  Il  fault  le  reserver  à  quand 
l'on  besoignera  tout  ouvertement.  Tu  as  eu  trop  de 
soin  g  de  nous  envoyer  de  l'argent.  On  nous  asseure 
de  jour  en  jour  la  partie  de  M.  de  Schomberg.  Je  crois 
qu'elle  ne  manquera  poinct.  Je  crains  que  la  veneue 
de  M.  de  Bouillon  ne  te  fasse  peine ,  surtout  mets  ton 
esprit  en  repos.  Je  t'embrasse ,  m'amie ,  de  tout  mon 
cœur. 

D'Angers,  ce  'i^  mars  iSgS^ 


24^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 


CI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

u4  sa  femme. 

M'amte,  m.  Dujon  devoit  t'aller  voir  aujourd'hui: 
il  avoit  des  affaires,  et  avoit  remis  à  demain  matin.  Son 
malheur  a  \oulleu  que,  revenant  ce  soir  à  son  logis, 
il  a  esté  chargé  par  des  voleurs  de  cappe ,  qui  Font 
blessé  en  danger  de  perdre  luig  œil ,  s'il  n'est  déjà  per- 
deu.  Il  en  a  blesse  quelqu'ung  dont  on  pourra  descou- 
vrir les  complices,  à  quoi  on  travaille.  J'y  ai  grand 
regret,  et  particulièrement  à  ton  occasion.  Je  te  prye, 
m'amie,  de  songer  à  quelque  aultre  expédient  pour  ta 
santé,  etc.  Moi,  je  m'arresle  fort,  s'il  y  a  moyen,  à 
faire  venir  M.  Petit.  J'ai  deffendeu  à  ton  fils  d'aller  de 
nuict  pour  quelque  cause  que  ce  soit,  ce  que  j'observe 
aussi  de  mon  costé.  Je  pense  avoir  asseuré  aujourd'hui 
la  partie  de  3o,ooo  livres,  en  sorte  que  nous  en  serons 
payés  en  trois  années,  esgalement  sur  la  mesme  nature 
de  nos  garnisons,  et  sans  qu'on  ait  à  passer  par  la 
chambre  des  comptes.  MM.  de  Rbosny  et  d'incarville , 
celui  ci  nommeement  m'y  faict  fort  bon  office.  L'af- 
faire des  fortifications  est  aussi  en  train  :  il  les  fault 
lous  deux  achever  parfaictement  ;  mais  à  peine  pourra 
ce  estre  en  ce  lieu ,  car  le  roy  y  arrive  demain,  et  M.  de 
Mercœur  \  est  auiourdliui  avec  madame  et  sa  fille.  Ce 
sera,  à  mon  advis,  pour  aller  bientost  à  Nantes,  si  la 
veneue  des  ambassadeurs  anglois  ne  nous  retient,  ce 
que  je  ne  pense  pas.  Je  persiste  neantmoins,  si  tu  ji'as 
advis  contraire ,  de  t'envoyer  Bourville.  M.  de  Bouillon 
a  passé  au  port  de  Lorges,  et  delà  est  allé  trouver  le 


A  MADAME  DUPLESSIS.  247 

roy  au  Verger.  M.  le  cardinal  de  Joyeuse  est  ici.  Il  y 
auroit  .plaisir  de  faire  quelque  chose  avec  lui  pour 
Verrier  avec  M.  d'Epernon  aussi  et  nostre  procès,  et 
pour  ce  je  cherche  accès  à  quelqu'ung  de  ses  confidens 
serviteurs.  Je  t'ai  escrit  comme  je  haste  M.  Charron 
sur  la  veneue  de  MM.  du  grand  conseil  à  Saulmur.  Il 
fault  faire  en  nos  affaires  ce  qui  se  peult  sans  perdre 
temps.  Aujourd'hui  nous  avons  conféré  avec  M.  de 
Merle ,  portant  la  parole  pour  tous  les  créanciers  de 
Navarre.  Ils  semblent  voulloir  prendre  bon  et  bref  che- 
min ,  et  nous  les  y  aiderons.  Nous  sommes  aussi  en  bon 
train  pour  nos  garnisons  de  la  relligion,  oii  j'ai  soing 
particulier  de  ce  qui  nous  touche;  81.  63.  nous  tire- 
ront de  tout  cela;  mais  je  joue  au  plus  seur.  J'ai  faict 
arrester  ce  matin  ung  estât  de  secrétaire  de  la  maison 
de  France  au  conseil,  pour  M.  Perillan ,  dont  le  roy 
m'avoit  accordé  ung  brevet  du  premier  vacant  pour 
lui  depuis  deux  jours;  mais  je  doubte  s'il  nous  réussira, 
parce  qu'ils  ne  sont  poinct  réputés  vaquer  quand"  on 
en  a  servi  vingt  ans.  Il  est  allé  trouver  le  roy  pour  se 
l'asseurer  autant  qu'il  pourra.  Tout  en  somme  iroit 
bien  si  j'avois  le  contentement  que  tu  revinsses  en 
bonne  santé,  dont  je  prye  Dieu  de  tout  mon  cœur.  Je 
me  confie  que,  pour  l'amour  de  moi,  tu  n'y  oublies 
rien;  surtout  il  le  fault  dépouiller,  autant  que  le  monde 
peult  le  permettre,  de  sollicitudes  et  d'appréhensions 
que  je  sais  que  tu  es  plus  pour  moi  que  pour  toi.  Je 
n'ai  rien  de  ce  que  veult  faire  nostre  homme;  je  pres- 
serai le  roy  à  son  retour,  et  sur  cela  prendrai  conseil 
avec  Dieu.  Je  t'embrasse  ,  m'amie,  de  toute  mon  affec- 
tion. 

D'Angers,  ce  28  mars  1598. 

M.  de  Schomberg  a  commandé  à  Dartiems  de  payer 


24P>  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

les  5oo  livres,  et  s'est  fasché  qu'ils  ne  le  feussent  en- 
cores.  J'ai  obteneii  le  quartier,  c'est  à  dire  les  deux 
mois  et  demi  pour  la  garnison,  selon  j'en  eus  de  ceste 
année.  On  en  levé  les  expéditions.  Je  ferai  aussi  ordonner 
pour  le  pont  Souchard. 


CIL —-^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amje,  depuis  ma  lettre  escrite,  j'ai  receu  celle  que 
tu  m'as  escrite  par  Estienne,  que  je  renvoyé  aussitost. 
J'ai  persuadé  à  M.  Dujon  de  t'aller  voir,  ce  qu'il  faict. 
Je  ne  sçais  si  nous  pourrons  gaigner  de  le  retenir;  pour 
moi ,  j'attends  ici  demain  le  roy  ,  pour  le  faire  resouldre 
selon  que  Sainct  Phal  auroit  obéi  ou  non.  Cependant 
ne  te  mets  poinct  en  peine,  car  je  ne  vais  poinct  que 
bien  accompaigné ,  et  rarement  le  soir.  Je  fais  aussi 
estât  que  Bourville  t'ira  voir  au  mesme  instant  que 
ira  a  Nantes,  pour  dérober  les  premiers  temps  qui  se 
passeront  sans  pouvoir  faire  grands  affaires.  Je  pr^^e 
Dieu,  m'amie,  qu'il  nous  bénie  en  iceulx,  et  surtout 
nous  donne  en  santé  achever  nos  jours  ensemble. 

D'Angers,  ce  28  mars  1598. 


CIIL— ^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme, 

M'amie,  je  t'ai  escrit  amplement  de  tous  nos  affaires , 
qui  s'acheminent  autant  que  je  pourrai;  mais  pour  le 
principal,  le  roy  n'arrive  que  demain  ,  et  ceste  entre- 


A  MADAME  DUPLESSIS.  îi49 

veue  de  M.  de  Mercœur  roccupera  ung  bon  jour.  Je 
n'y  perdrai  temps.  Ton  nepveu  est  reveneu,  que  j'ai- 
merai bien.  Je  lui  ai  recommandé  de  me  voir  souvent. 
Nostre  fils  et  lui  hanteront  MM.  le  comte  Henry  de 
Rohan,  de  Chastillon  ,  etc.  Je  plains  ta  santé,  encores 
que  je  n'y  voye  quelque  amendement  pour  l'inconvé- 
nient arrivé  à  M.  Dujon,  que  je  t'ai  escrit;  il  ne  fault 
parier  de  ses  secours  de  longtemps.  Advise  si  M.  de 
Colombieres  ou  Chesneau ,  qui  est  ici,  peulvent  sup- 
pléer la  place  ;  mais  je  m'arreste  volontiers  sur  M.  Petit, 
et  te  prye  d'y  penser.  Ce  qu'on  t'a  dict  que  madame  la 
duchesse  s'estoit  blessée  ne  se  trouve  véritable  :  elle  en 
a  eu  peur.  On  n'a  veu  jamais  rien  de  si  contrict  que 
M.  de  Mercœur.  Nos  orgueils  sont  rabatteus  à  bon 
escient.  Il  pourra  aller  au  devant  du  roy.  Nostre  fîls 
a  envie  de  voir  ceste  rencontre,  qui  y  sera  accompaigné 
des  sieurs  de  La  Ferriere,  de  La  Vignole  et  aultres  des 
nostres  :  mon  nepveu  sera  aussi  de  la  partie.  Nous  avons 
receu  aujourd'hui  les  5oo  livres  de  M.  de  Schomberg. 
Ils  ne  pouvoient  manquer,  mais  c'est  autant  de  faict. 
Pour  ceulx  de  Nantes,  il  fault  attendre  M.  Perilleau, 
qui  est  allé  trouver  le  roy  pour  son  affaire,  afin  qu'il 
retire  une  quittance  qu'on  a  à  Saulmur,  sans  laquelle 
on  ne  peult  rien  faire;  si  nous  Favions,  Pizieux  iroit 
aussitQSt  à  Nantes.  M.  de  Bels ,  nostre  triennal ,  m'a 
promis  de  payer  la  garnison  d'ung  demi  mois,  et  plus 
tost  d'aller  emprunter  l'argent  à  Tours.  Il  sçait  qu'or- 
donnance nous  a  esté  accordée  pour  les  trois  premiers, 
revenant  de  dix  à  deux  et  demi  que  nous  recevrons  dans 
an.  Delà  en  avant  nous  serons  payés  selon  Testât  qui 
sera  dressé  pour  les  garnisons  de  la  relligion ,  à  quoi 
je  veillerai  pour  le  bien  public,  et  nostre.  8i.  63.,  ce 
me  semble ,  nous  remet  encores  longs  jours ,  mais  nous 


2  5o  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

n'y  perdrons  rien ,  parce  que  nous  ne  laissons  de  gai- 
gner  temps  en  nos  affaires.  Je  ferai  ordonner  que  les 
réparations  du  pont  Souchard  seront  prises  ailleurs  que 
sur  nous,  et  au  reste  asseurerai,  aidant  Dieu,  nos  prin- 
cipaulx  affaires  que  nous  pouvons  solidement  disposer 
pour  nos  enfans  ce  que  tu  sais  estre  mon  but.  Quant  à 
mes  allées  et  veneues,  je  te  prye  ,  ne  t'en  mets  en  peine. 
Je  te  considère  plus  que  toutes  choses;  mais  je  ne  ferai 
rien,  aidant  Dieu,  qu'à  propos  et  seurement.  Sçachant 
aussi  que  tu  es  si  asseuree  de  mon  amitié,  que  tu  ju- 
geras toujours  que  ce  que  je  ne  ferai  pas,  je  ne  le  pour- 
rai faire.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers  ,  ce  29  mars  1 598 ,  au  soir. 

CÏV. —-î^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  je  t'escrivis  hier  au  soir.  Je  t'envoye  exprès 
ce  porteur  pour  te  porter  ce  que  M.  Dujon  a  faictpour 
toi,  et  ai  ouvert  ce  qu'il  m'a  baillé  clos,  afin  d'avoir 
contentement  de  voir  ce  qui  t'est  ordonné.  Aujourd'hui 
se  signent  les  articles  du  traicté  de  Bretaifjne.  Des  ce 
soir,  madame  de  Mercœur  part  pour  aller  quérir  son 
mari.  M.  Hesperien  t'aura  dict  toutes  les  nouvelles. 
Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers  ,  ce  29  mars  1698  ,  à  dix  heures  du  malin. 

J'enverrai  l'escuyer  lundi  à  Tours,  s'il  y  a  encores 
lieu.  Il  ne  s'est  peu  plus  tost.  Je  cherche  aussi  le  rolle 
de  la  grand'chambre  de  Rennes,  pour  sçavoir  devant 
qui  M.  de  Launay  Blavon  despose. 


A  MADAME  DUPLESSIS.  261 


CV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSÎS 

A  sa  femme, 

M'amie,  j'ai  receu  tes  lettres  du  3o ,  par  le  Basque. 
Je  plains  une  si  longue  continuation  de  maulx,  et  l'in- 
convénient de  Dujon  qui  est  veneu  mal  à  propos.   On 
espère  qu'il  ne  perdra  poinct  l'œil.  M.  de  La  lliviere 
s'offre  fort  à  moi  pour  t'aller  voir  exprès,  adjoustant 
qu'il  ne  croit  rien  aulx  mémoires,  mais  principalement 
à  la  vue  du  patient;  mande  moi  si  tu  l'auras  agréable, 
car  il  m'a  semblé  que  tu  le  refusois.  Le  roy  arriva  hier 
au  soir  bien  tard.  Ce  jour  a  esté  occupé  à  l'entretene- 
ment  et  audience  des   ambassadeurs  d'Angleterre.  Le 
roy  cependant  a  confirmé  à  M.  de  Bouillon  ce  qu'il 
avoit  promis  pour  mon  affaire.  J'espère  qu'il  lui  en 
sera  parlé  demain  par  M.  de  Villeroy  de  la  bonne  sorte, 
nommeement  pour  m'en  resouldre  premier  que  partir 
d'ici.  Sa  majesté  part  de  jeudi  ou  vendredi,  doibt  sé- 
journer peu  à  Nantes,  voir  quelques  villes  du  pays, 
puis  au  plus  tost  retourner  vers  Paris,  et  semble  que 
ses  affaires  le  veullent  ainsi.  Mets  ton  esprit  en  repos 
pour  moi  et  pour  nostre  fils;  car,  avec  l'aide  de  Dieu, 
nous  sommes  bien  assistés  ;  nous  y  prenons  fort  garde. 
J'ai  aujourd'hui  salué  MM.  le  duc  de  Mercœur  et  car- 
dinal de  Joyeuse  ;  je  presse  les  expéditions  de  mes  par- 
ties et  des  fortifications ,  car  je  les  veulx  asseurer  à 
poinct  nommé.  M.  d'Incaryille  m'y  est  fort  bon  ami; 
Pizieux   partira  demain  pour  la  partie  de  Nantes.  Je 
prépare  Le  Goux  à  nous  trouver  de  l'argent  pour  le 
besoing.  Je  t'envoye  des  lettres  qui  font  mention  de 


2D2  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

M.  Charron ,  auquel  j'ai  despesché  ung  exprès  pour  le 

haster,  et  de  M.  de  Bellujon;  des  que  M.  de  Lusson 

sera  à  Nantes,  il  partira  pour  s'en  retourner  à  Blaye, 

et  Pizieux  pour  aller  en  Guyenne.  En  mesme  temps , 

si  8i.  63.  disoit  vrai,-  il  nous  tireroit  de  beaucoup  des 

importunités,  surtout,  je  le  pense,  pour  ta  santé  et 

pour  nostre  conservation  que  je  désire ,  autant  ou  plus 

que  jamais ,  pour  ta  consolation  et  la  mienne.  Je  fais 

response  à  M.  d'Orval.  Tu  ne  me  mandes  poinct  s'il  t'a 

rien  dict  de  Villarnoul.  Je  t'embrasse ,  m'amie ,  de  tout 

mon  cœur. 

D'Angers,  ce  dernier  mars  i  698. 

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GVI.  —-V- PROJET 

De  lettre  à  écrire  par  le  roj  au  parlement  de  Paris  y 
erii^ojé  h  M.  Duplessis  pour  le  revoir. 

De  par  le  roy,  nos  amés  et  feaulx  :  La  longueur  des 
troubles  qui  ont  affligé  ce  royaulme  a  apporté  en  icelui, 
entre  aulîres  maulx ,  ung  tel  mespris  de  nostre  aucto- 
rité  et  de  la  justice  ,  que  plusieurs  ont  cru  qu'il  estoit 
loisible  à  ung  chacung  d'exercer  ses  passions  et  de 
commettre  toutes  sortes  de  crimes  impuneement.  Ceulx 
là  principalement  sont  tombés  en  ceste  erreur,  qui, 
estant  nés  durant  lesdicts  troubles,  n'ont  eu  cognois- 
sance  de  la  vraie  révérence  et  obéissance  que  les  Fran- 
çois souloient  porter  à  leurs  roys  et  aulx  loix  du 
royaulme ,  dont  sont  adveiieus  plusieurs  accidens  pu- 
blics et  privés  ,  que  nous  n'avons  peu  jusques  à  présent 
éviter  ni  corriger  selon  nostre  deslr  ,  à  cause  du  sup- 
port qu'ont  tousjours  trouvé  les  auteurs  de  tels  crimes 
envers  les  factieux  et  leurs  adberens,  lesquels  ont  re^ 


PrtOJET  DE  LETTRE.  i53 

cueilli,  embrassé  et  couvert  tous  malfaicteurs  qui  ont 
eu  recours  à  eulx  pour  s'en  servir  et  fortifier  en  leurs 
pernicieux  desseings;  mais,  puisque  Dieu  nous  a  faict 
]a  grâce  d'achever  de  purger  nostre  royaulme  des  fac- 
tions, nous  n'avons  rien  plus  à  cœur  que  de  restablir 
nostre  auctorité  et  justice  en  leur  entière  force  et  di- 
gnité ;  pour  à  quoi  donner  commencement,  nous  vous 
escrivonsla  présente,  par  laquelle  vous  sçaurés  qu'ayant, 
l'année  passée,  commandé  aulx  sieurs  de  Scliomberg 
et  Duplessis  Mornay  (la  qualité  desquels  vous  estasses 
cogneue)  de  prendre  cognoissance  et  s'entremettre  des 
affaires  de  nostre  duché  de  Bretaigne,  lors  travaillé 
diversement  entre  la  crainte  de  la  guerre  et  Tesperance 
de  la  paix,  de  laquelle  nous  estions  entreteneus;  nostre 
cousin  le  comte  de  Brissac,  mareschal  de  France  ,  et  nos- 
tre lieutenant  gênerai  au  duché  de  Bretaigne,  estant  ve- 
neuen  nostre  ville  d' Anoers (a)  oii  s'esloù  aussi  rendea 
ledict  sieur  de  Schomberg ^  Vung  et  Vaultre  ensemble , 
le  sieur  de  La  Rochepot,  gouverneur  de  nostre  pays 
d'Anjou  y  auraient  envoyé prjer  ledict  sieur  Duplessis 
qui  estoit  en  nostre  ville  de  Saulmur  dont  il  est  gou- 
verneur^ de  se  transporter  en  ladicte  ville  pour  ad- 
viser  et  coriferer  ensemble  des  affaires  dudict  pays 
de  Bretaigne  oït  il  se  seroit  incontinent  acheminé,  dési- 
reux de  nous  servir  en  ceste  occasion  ,  comme  il  a  tous- 
jours  faict  en  toutes  autres  très  fidèlement  et  à  nostre 
grand  contentement.  Le  jour  mesme  (f)  ou  le  lende- 
main qu'il  feut  arrivé  en  ladicte  ville,  {c)  retournant 
(d)  du  logis  dudict  sieur  de  La  Rochepot  oh  ils  avoient 
esté  ensemble  avec  lesdicts  sieurs  ^  il  feut  assailli  de 
guet  à  pens  par  les  rues,  en  plein  jour  et  aulx  yeulx 
d'ung  chacung,  par  le  sieur  de  Sainct  Phal ,  non  pour 
toute  aultre  cause  que  pour  avoir  veu  certaines  lettres 


254  PROJET 

escrites  en  lieu  duquel  nous  avions  lors  toute  occasion 
de  nous   desfier,  lesquelles   lui  a  voient  esté  envoyées 
par  les  officiers  de  nostre   ville  de  Montreuil  Bellay, 
qui  les  avoient  (e)  ostees  au  porteur  d'icelles  (/*)  pour 
la  mesme  jalousie,  afin  d'en  ordonner  et  faire  ce  qu'il 
jugeroit  estre  à  propos  pour  nostre  service,  dont  son 
affection  naturelle  et    la  charge  que  nous  lui  avons 
donnée  en  ladicte  ville  de  Saulmur  et  aulx  environs, 
l'obligeoient  d'avoir  soing  et  prendre  cognoissance  ,  et 
mesme  d'en  user  comme  il  feit,  de  sorte  qu'il  nes'atten- 
doit  à  rien  moins  qu'à  debvoir  tomber  en  peine,   pour 
nous  avoir  faict  ce  service.  Neantmoins  ledict  sieur  de 
Sainct  Phal ,  sans  avoir  esgard  aulx  qualités  et  mérite 
dudict  sieur  Duplessis,  qui  a  cest  honneur  que  d'estre 
de  nos  plus  anciens  serviteurs,  de  nostre  conseil  d'es- 
tat,  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  de  nos  or- 
donnances, et  gouverneur  de  ladicte  ville  de  Saulmur, 
qu'il  avoit  esté  mandé  par  lesdicts  sieurs  de  Brissac , 
de  Schomberg  et  de  La  Rochepot  (^),   il  estoit  en 
ladicte  ville  expres'pour  nos  affaires,  que  ledict  sieur 
de  Sainct  Phal  estoit  beau    frère  dudict  mareschal  de 
Brissac  et  proche  parent  dudict  sieur  de  La  Rochepot, 
à  l'instance  (A)  desquels  ledict  sieur  Duplessis  s'estoit 
acheminé  en  ladicte  ville,  et  qu'il  n'avoit  peu  faire  moins 
pour  son   debvoir  à  nostre  service,   que  de   prendre 
cognoissance  de  cesdictes  lettres,  comme  il  lui  avoit 
représenté  sur  le  champ  ,  jusques  à  lui  offrir  (/)  de  lui 
en  faire  raison  par  les  armes ,  s'il  ne  s'estimoit  satisfaict 
de  ce  qu'il  lui  en  disoit ,  l'auroit  neantmoins  obsédé  et 
offensé  en  sa  personne  ,  avec  telle  violence  et  oultrage 
que,  sans  la  résistance  qui  lui  feut  faicte  par  aulcungs 
de  ceulx  qui  suivoient  ledict  sieur  Duplessis,  il  l'eust 
assassiné  tout  à  faict ,  de  quoi    estant   adverti ,  nous 


DE  LETTRE.  2  55 

receusmes  le  desplaisir  et  mescontentement  aue  mérite 
ung  tel  attentat  commis  contre  nostre  auctorité,  et  en 
la  personne  d'iing  de  nos  plus  fidèles  serviteurs  ,  pour 
la  seule  considération  de  nostre  service,  qui  feut  cause 
qu'ayant  sceu  que  ledict  mareschal  de  Brissac  s'estoit 
chargé  de  la  personne  dudict  sieur  de  Sainct  Phal,  et 
avoit  promis  de  le  nous  représenter,  nous  despes- 
chasmes  devers  lui  ung  exempt  de  nos  gardes  exprès, 
par  lequel  nous  lui  commandasmes  de  lui  délivrer  et 
remettre  entre  les  mains  ledict  sieur  de  Sainct  Pliai, 
pour  le  mettre  et  garder  dedans  nostre  chasteau  de 
nostre  ville  d'Angers,  de  quoi  ledict  sieur  mareschal 
s' estant  excusé,  combien  que  nos  lettres  feussent  très 
expresses,  nous  lui  aurions  depuis  réitéré  le  mesme 
commandement,  par  le  mesme  exempt  de  nos  gardes, 
a  quoi  il  n'auroit  non  plus  satisfaict  qu'au  premier;  et 
comme  nous  avions  jà  resoleu  nostre  acheminenjent 
par  deçà,  nous  nous  promettions  que,  y  estans  arrivés, 
ledict  sieur  de  Sainct  Phal  nous  seroit  représenté  par 
ledict  mareschal  dont ,  à  ceste  fin ,  nous  aurions  faict 
commandement  très  exprès  à  ses  principaulx  parens, 
leur  faisant  entendre  combien  nous  estions  à  bon  droict 
offensés,  premièrement  de  l'oultrage  faict  par  lui  au- 
dict  sieur  Duplessis  ,  et  secondement  de  sa  contumace 
et  désobéissance  ;  mais  pour  cela  nous  n'y  aurons  peu 
gaigné  dadvantage.  Quoi  voyant  et  considérant  com- 
bien il  importe  à  nostre  service  que  tels  mespris  de 
nostre  auctorité  et  commandement  soient  reprimés , 
après  avoir  mis  ce  faict  en  délibération  avec  nos  cousins 
les  mareschaulx  de  France,  qui  sont  près  de  nous,  et 
jugé  avec  eulx  debvoir  estre  traicté  et  puni  comme 
ung  crime  très  énorme  et  ung  attentat  faict  à  nostre 
auctorité ,  pour  la  seule  considération  de  nostre  ser- 


2^)6  PROJET 

vice,  nous  avons  advisé  vous  en  renvoyer  et  commettre 
la  cognoissance,  afin  d'y  pourvoir  par  la  voye  de  la 
justice  comme  il  convient ,  au  moyen   de  quoi  nous 
vous  mandons  et  ordonnons,  sur  tant  que  vous  affec- 
tionnés ,  la  conservation  de  nostre  auctorité  ,  et  estes 
obligé  de  faire  justice  à  nos  subjects,  d'embrasser  vive- 
ment la  punition  de  ce  crime ,  et  y  user  de  toute  la 
diligence  et  seureté  requise,  afin  que  nous  soyons  sa- 
tisfaicts ,  et  que  Texemple  qui  s'ensuivra  serve  à  l'ad- 
venir  de  règle  et  de  terreur  à  tous  aultres  ;  car  en  vain 
employerions  nous  nos  armes  pour  nous  faire  recog- 
noistre  et  obéir  par  les  provinces  de  nostredict  royaul- 
me,  comme  Dieu  les  a  encores  favorisées  à  présent  en 
celles  de  Bretaigne,  si  elles  n'estoient  secondées  par 
nos  officiers,  aulxquels  nous  avons  confié  raclministra- 
tion  de  nostre  justice  pour  réprimer  l'audace  et  témé- 
rité de  ceulx  qui  commettent  semblables  forfaicts.  Par- 
tant  nous   vous   recommandons    derechef  d'en    faire 
vostre  plein  debvoir;  mais  d'autant  que  nous  avons 
recogneu  que  nos  officiers  de  la  justice  du  siège  de 
ceste  dicte  ville  d'Angers ,  oii  ce  délit  a  esté  commis , 
ont  faict  peu  de  compte  et  debvoir  d'y  pourvoir,  comme 
ils  estoient  teneus  de  faire,  et  que  nous  n'avons  pas 
occasion   d'espérer   qu'ils  fassent  mieulx  à  l'advenir, 
nous  voulions  que  vous  commeltiés  et  envoyés  exprès 
sur  les  lieux  l'uno  des  conseillers  de  nostre  court  de 
parlement  pour  en  informer;  et,  si  c'est  chose  que  vous 
ne  puissiés  faire  si  promptement  qu'il  est  nécessaire 
pour  en  faire  la  justice  aussi  diligemment  que  nous  le 
vous  mandons,  vous  adviserés  d'y  employer  les  officiers 
du  plus  prochain  siège,  comme  sont  ceulx  de  nostre 
ville  de  Tours,  afin  que  la  justice  s'en  ensuive  telle 
qu'il  est  nécessaire  pour  reparer  et  chastier  l'injure  et 


DE  LETTRE.  207 

offense  faicte  à  nostre  auctorité  en  la  personne  dudict 
sieur  Duplessis,  et  obvier  aulx  acciclens  que  Timpunité 
d'un  g  tel  acte  pourroit  engendrer,  tant  pour  la  suite 
que  pour  l'exemple  et  conséquence  d'iceîui,  dont  il  est 
certain  qu'il  feust  jà  sorti  des  effects  très  préjudiciables 
à  nostre  service,  si  ceulx  qui  y  ont  interest  n'eussent 
esté  reteneus  en  la  révérence  de  nos  commandemens 
et  de  l'affection  qu'ils  portent  au  bien  de  nos  affaires. 

HllNRY. 

Donné  à  Angers,  le  .  .  avril  i5g8. 

Corrections  et  additions  /aides  h  ceste  lettre  par 
M.  Duplessis  Mornay, 

[a)  En  place  des  mots  soulignes  ^  lises  :  S'y  se- 
roient  aussi  rendeus,  partant  ensemble  de  Saulmur, 
lesdicts  sieurs  de  Scbomberg  et  Duplessis  Mornay,  à  la 
pryere  de  nostredict  cousin  le  mareschal  de  Brissac , 
lequel  desiroit  communiquer  avec  eulx  des  affaires  de 
nostre  province  de  Bretaigne ,  tant  de  la  paix  que  de 
îa  guerre.  Ledict  sieur  Duplessis  a  ce  convié  par  lettres 
de  mondict  cousin  à  lui  envoyées  par  gentilbomme 
exprès,  sur  lesquelles  il  se  seroit  aussitost  transporté 
en  nostredicte  ville  d'Angers,  estant. 

{l?)  Au  lieu  des  mots  soulignés ,  Usés  :  Le  lende- 
main 1  octobre. 

(c)  Adjoustés  :  Ayant  conféré  tout  le  matin  ensemble 
de  nosdicts  affaires,  allé  disner  de  compaignie  cliés  le- 
dict sieur  de  La  Rochepot,  lors  se  trouvant  ledict  sieur 
Duplessis  peu  accompaigné,  et  ne  se  doublant  de  rien. 

{d)  Au  lieu  des  mots  soulignés ,  Usés  :  De  son  logis , 
feu  t. 

(e)  Au  lieu  de  ces  mots  :  Ostees  au ,  Usés  :  Prise  sur  le. 

{/)  Adjoustés  :  Sur  le  chemin  de  Mirebeau. 

MÉivr.  i>E  DuPLEssis-MoRiVAY.  Tome  viit.  I  n 


258  ,  PROJET  DE  LETTRE. 

(^)  Laissés  seulement  :  Ledict  sieur  de  Brissac. 

(h)  Duquel. 

(^'j  Jdjoustês  :  Par  plusieurs  fois. 


CVII.  —-V^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj, 

Messieurs,  La  Fontaine  arriva  hier  au  soir  ici  avec 
vos  lettres,  que  j'ai  toutes  leues  au  roy  ce  matin  devant 
qu'il  ait  donné  audience  à  M.  Cécile,  qu'il  a  veu  après 
disner. 

Je  ne  vous  cèlerai  poinct  que  vos  despesches  Font 
mis  en  grande  peine,  principalement  sur  deux  poincts. 
Le  premier  est  celui  de  M.  de  Savoye;  et  Taultre,  le 
refus  qu'ils  font  de  donner  temps  à  la  royne  d'Angle- 
terre et  à  messieurs  les  estats  d'entrer  en  ce  traicté  par 
une  cessation  d'armes. 

Sa  majesté  dict,  sur  le  premier  article,  que  M.  de 
Savoye  a  perdeu  ie  fort  de  Rarrault,  comme  je  vous  ai 
escrit;  de  sorte  qu'il  est  de  présent  en  sa  disposition  ; 
qu'elle  a  appris  au  retour  du  sieur  de  Champion, 
qu'elle  avoit  envoyé  devers  La  Fortune,  que  ledict  duc 
n'a  auîcune  part  avec  lui,  s'estant  jette  entre  les  bras 
de  M.  le  mareschal  de  Biron  ;  et ,  quant  à  Berre ,  sa  ma- 
jesté a  sceu  aussi  depuis  peu  que  ledict  duc  y  a  moins 
de  pouvoir  qu'il  ne  pense,  et  que  celui  qui  y  com- 
mande despend  d'aultres  plus  que  de  lui;  partant  sa 
majesté  dict  qu'il  lui  seroit  plus  dommageable  d'ac- 
cepter l'offre  qu'ils  nous  ont  faicte,  à  cause  de  la  dé- 
molition dudict  fort  deBarrault,  que  s'ils  n'en  faisoient 
poinct,  ne  pouvans  avaller  ce  desboire  du  délaisse- 
ment du  marquisat,  soubs  prétexte  d'ung  arbitrage. 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  aSg 

Que  si  ce  poinct  lui  louche  au  cœur,  l'auitre  le  tra- 
vaille encores  plus;  car  sa  majesté  dict  que  Ton  veult 
accabler  ses  amis  et  alliés  à  forces  d'armes,  en  faisant  la 
paix  avec  elle  ;  qu'elle  a  toujours  dict  à  M.  le  légat  et 
au  gênerai  des  cordeliers  qu'elle  demandoit  le  sien,  et 
que  ses  alliés  feussent  compris  en  la  paix,  comme  elle 
ne  voullantles  abandonner;  chose  que  du  commence- 
ment on  lui  a  dict  que  l'on  trouvoit  bonne;  mesme 
vous  lui  avés  escrit  que  vous  estimés  que,  aussitost 
que  l'on  proposeroit  ladicte  suspension  d'armes  ou 
trefve,  qu'elle  seroit  accordée;  et  sa  majesté  voit  main- 
tenant que  l'on  l'a  refusé ,  afin  de  la  surchar<yer  de 
honte  et  reproche  envers  ses  alliés,  et  non  seulement 
leur  manquer  de  foy,  mais  aussi  estre  faulteur  de  leur 
ruyne;  encores  veullent  ils  tirer  de  nous  une  ratifica- 
tion des  articles  accordés,  et  en  conséquence  d'icelle 
ung  serment  public,  ung  mois  devant  que  de  com- 
mencer à  nous  rendre  nos  places,  afin  de  mieulx  effa- 
roucher nosdicts  alliés,  et  leur  courre  sus  devant  que 
de  nous  rien  rendre,  et  par  mesme  moyen  leur  donner 
occasion  de  se  plaindre  de  noslre  foy,  devant  que  nous 
en  ayons  tiré  aulcung  profict. 

Messieurs,  je  vous  dis  que  le  roy  perdra  pîustost,  je 
ne  dirai  les  villes  que  l'on  parle  de  lui  rendre,  mais  son 
estât,  que  de  faire  une  telle  laschelé.  Vous  sçavés  que 
sa  majesté  a  tousjours  conjoinct  les  deux  poincts  sur 
lesquels  elle  a  approuvé  ceste  negotiation,  non  pour 
s'assujettir  aulx  volontés  desdicts  alliés  refusans  la  rai- 
son,  mais  pour  faire  les  choses  avec  honneur;  ce  que 
les  ungs  ont  dict  qu'ils  procureroient,  et  les  aultres 
qu'ils  estoient  contens  de  faire  ;  et  toutesfois  leurs 
députés  sont  veneus  sans  pouvoir  suffisant  pour  y  com- 
prendre nos   alliés,  et  veullent   nous  engager  en  ce 


26o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc. 

traicté,  sans  leur  donner  ie  loisir  d'y  penser  et  se  re- 
souldre.  De  sorte  que  le  commencement  de  nostre  repos 
sera  celui  de  la  ruyne  de  nosdicts  alliés,  desquels  nous 
avons  esté  favorablement  assistés  contre  nos  ennemis, 
qui  seuls  en  feront  leur  profict  à  nostre  honte.  Le  roy 
dict  qu'il  aime  mieulx  conserver  sa  foy  et  sa  réputa- 
tion ,  que  de  recouvrer  ses  places  au  prix  de  l'ung  et 
de  l'aultre.  Je  vous  ai  bien  voulleu  escrire  par  la 
présente ,  en  attendant  que  l'on  vous  renvoyé  ledict 
Lafontaine. 

Demain  doibvent  arriver  ici  les  députés  de  Hollande  , 
lesquels  nous  voulions  ouïr  devant  que  de  vous  ren- 
voyer ledict  courrier.  Entre  ci  et  là,  nous  pourrons 
aussi  avoir  advis  de  celui  que  vous  aviés  envoyé  en 
Espaigne;  car  Lafontaine  m'a  dict  qu'il  l'a  rencontré 
entre  Orléans  et  Paris,  pour  scavoir  s'il  a  rapporté  les 
pouvoirs  qu'il  estoit  allé  quérir,  tant  pour  traicter  avec 
nosdicts  alliés  que  pour  rendre  Blavet. 

Au  reste,  je  vous  dirai  que  M.  de  Mercœur  est  ici 
aussi  privé  qu'ung  aultre.  Nous  faisons  estât  d'aller  à 
Nantes  jeudi,  n'y  demeurer  que  quattre  jours;  et, 
après  avoir  pourveu  au  blocquement  de  Blavet,  retour- 
ner vers  la  Seine,  et  mesme  en  Picardie;  car  nostre 
rapprochement  de  ce  Costé  là  ne  pourra  estre  que  très 
utile  et  très  nécessaire,  soit  que  nous  fassions  la  paix 
ou  non. 

Ce  sera  tout  ce  que  je  vous  escrirai  pour  le  présent , 
vous  pryant  me  donner  advis  de  la  réception  de  la 
présente,  comme  de  celles  que  je  vous  ai  escrites  par 
la  poste,  les  17,  21  ,  22,  26  et  23  du  présent  mois, 
pryant  Dieu  de  tout  mon  cœur,  monsieur,  etc. 

Du  dernier  mars  1698. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  eic.  261 


CVIIL—^V^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  tu  auras  eu  aujourcriiui  de  mes  lettres  bien 
amples,  par  MM.  Duverger  et  Chenon.  Depuis,  le  roy 
s'est  resoleu  de  commander  la  despesche  à  son  procu- 
reur gênerai.  M.  de  Villeroy  l'a  faicte  de  bon  stvle ,  et 
je  tiens  a  quelque  cliose  de  plus  par  l'auctorité  du  roy. 
La  Roche  aussi  est  de  retour,  qui  a  rapporté  les  dépo- 
sitions de  l'homme  et  de  son  valet,  mais  closes  et  scel- 
lées, et  n'en  ai  peu  avoir  la  copie.  Est  certain  qu'il 
n'en  a  pas  tant  dit  là  comme  il  en  avoit  devisé  entre 
ses  amis  en  chemin.  Il  a  descouvert  ung  aultre  tes- 
moing,  marcband  de  Vitray ,  qui  dict  de  bonnes  choses 
que  je  ferai  ouïr,  et  de  ce  pas  en  escris.  Le  roy  ne 
part  d'ici  de  ceste  sepmaine,  à  cause  des  ambassadeurs. 
Tu  auras  maintenant  veu  M.  de  RuzenvaL  Je  lui  envoyé 
demain  nostre  fils  au  devant,  bien  accompaigné,  avec 
ung  carrosse  pour  l'amener.  Nos  affaires  vont  leur  train 
tant  que  je  puis.  [\o.  25.  87.  32.  opinion  d'envoyer 
madame  de  Beau  fort  à  Blois  ;  ce  n'esloit  pas  pour  la 
faire  longue  /{O.  80.  23 1.  J'ai  faict  conférer  Pizieux 
avec  des  gens  qui  entendent  que  c'est  du  change  nom- 
meement  d'Ecosse.  Ils  n'estiment  qu'on  puisse  rien 
faire  à  Nantes  contre  Poulain ,  si  ce  n'est  de  gré  à  gré, 
jusqu'à  ce  qu'on  ait  nouvelles  sur  ses  lettres;  on  aura 
pourveu  ou  non,  nous  y  enverrons  encores  demain.  Je 
n'escris  point  encores  à  M.  de  Pierrefîte  pour  ce  coup. 
Je  vois  qu'il  a  envie  de  donner  ung  traict  ici  pour  son 
affaire  de  Chastillon.  Les  députés  des  Pays  Bas  passés 


202  LETTRE  DE  M.  DUPLESSÏS 

et  messieurs  du  grand  conseil  arrivés,  je  n'y  vois  de 
difficuité,  pourveu  que  ce  soit  pour  peu  de  jours.  Tu 
m'en  manderas  ton  advis,  comme  aussi  de  M.  de  La 
Rivière.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers,  ce  i"  avril  1698. 

CIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSÏS 

A  sa  femme. 

M'a^mie,  j'ai  receu  tes  lettres  par  M.  d'Aersens,  non 
les  aultres  par  le  lacquais  de  madame  de  Rolian.  Je 
loue  Dieu  que  tu  ayes  quelque  amendement;  mais  il 
fault ,  avec  aide  de  Dieu ,  gaigner  jusques  à  santé  ,  à  quoi 
je  sçais  bien  que  ma  présence  t'aidera  fort;  mais  je 
désire  extresmement  voir  une  clarté  dans  nos  affaires^ 
et  tant  y  a  qu'il  m'ennuye  plus  que  tu  ne  sçaurois 
croire.  Le  roy  est  resoleu  que  Sainct  Phal  sera  pour- 
suivi roidement  par  la  justice.  M.  de  Schomberg  , 
voyant  sa  désobéissance  contre  ce  qu'il  s'estoit  promis, 
y  a  vertueusement  parlé  :  si  moings  il  s'y  feust  attendeu, 
la  vérité  est  bien  que  nous  en  feussions  plus  avant. 
M.  de  Yilleroy  fera  la  despescbe  à  chaux  et  à  sable, 
ainsi  qu'en  avons  conféré.  Reste  à  moi  neantmoins  à 
rechercher  les  aultres  moyens,  en  quoi  je  ne  veulx  rien 
oublier,  et  pour  ce  me  despescherai  de  la  court  le 
plus  tost  que  je  pourrai.  J'ai  bien  acheminé  le  faict 
des  fortifications.  81.  63.  nous  sera  ung  grand  abrégé. 
Nous  sommes  sur  Testât  de  nos  garnisons,  où  nous 
travaillons  pour  huict  ans,  et  importe  que  j'y  aye  bien 
l'œil.  Le  roy  part  la  sepmaine  prochaine  pour  Nantes. 
Fizieux  s'y  en  va  pour  les  56o  livres  ^  et  pour  me  retenir 


A  MADAME  DUPLESSIS.  263 

logis.  li  sera  bien  que  lundi  au  soir  mon  bateau  soit 
ici,  non  mes  cbevaulx;  car  je  n'en  aurai  besoing  que 
pour  mon  retour.  Je  pense  que  pour  peu  de  jours  il 
aura  mieulx  \alleu  que  je  ne  t'aye  poinct  escrit;  car 
nous  sommes  au  fort  de  tous  nos  affaires ,  sur  lesquels 
il  ne  fault  pas  laisser  refroidir  nos  amis.  Il  me  tardera 
prou  que  je  ne  te  voye,  mais  tu  auras  tous  les  jours 
de  mes  nouvelles  et  moi  des  tiennes.  Je  t'embrasse, 
m'amie ,  de  toute  mon  affection. 

D'Angers,  ce  i  avril  iSgS,  à  dix  heures  du  soir. 


ex.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSiS 

y/  sa  femme, 

M'amie,  je  responds  par  celle  ci  à  plusieurs  de  tes 
lettres  que  j\'u  receues  toutes  ensemble.  Nostre  cousin 
de  Villebon  en  a  voulleu  estre  le  porteur,  qui  s'en  va 
voir  sa  première  belle  mère.  M.  de  Villeroy  faict  la  des- 
pesche  au  parlement,  bonne  et  forte.  Je  pense  qu'elle 
sera  portée  par  un  g  valet  de  chambre  du  roy  exprès  f 
nous  l'javons  consultée  ensemble.  Je  tasclie  de  faire  que 
riiomme  soit  investi  dans  sa  maison;  mais  depuis  que 
le  roy  est  deçà ,  il  s'arreste  peu  en  ung  lieu.  Je  doubte, 
par  celles  de  madame  de  La  Roche ,  que  cest  homme 
ait   esté  foible  ;   on   s'en  servira   comme   on    pourra. 
Pour  les  aultres  qui  sont  à  ouïr,  suffira  lorsque  la  com- 
mission de  la  court  viendra.  Nous  acheminerons  les 
aultres  affaires  lentement ,   selon   la  nature  de   ceste 
court.  Pizieux  est  allé  à  Nantes,  et  ai  faict  escrire  pour 
avoir  response  de  Renoist.  Il  ne  tarde  de  partir  pour 
Bourdeauix  avec  M.  de  Lusson.  J'ai  esté  fort  aise  de  voir 


264  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

M.  de  Buzenval.  Madame  la  princesse  faict  force  ex- 
cuses. Je  Tai  encores  peu  veue.  Je  pleure  la  mort  de 
M.  de  Madaillan,  et  vouldrois  bien  que  nous  peussions 
quelque  chose  pour  ses  enfans.  8i.  63.  nous  apportoit 
de  grandes  facilités  à  bien  faire,  et  nous  soulageroit  de 
plusieurs  importunités;  si  Marbaut  voyoit  M.  de  La  Ga- 
chere,  il  n'y  oublieroit  rien.  M.  de  La  Vergne  me  doibt 
amener  ung  aultre  créancier,  advocat  de  cette  \ille,  qui 
promet  bonneste  composition.  M.  de  Pierrefîte  arriva 
hier  au  soir;  je  suis  fort  en  peine  de  la  garnison ,  et  j'y 
ferai  travailler  aujourd'hui.  Nous  avons  ici  affaire  à  ung 
homme  qui  nous  les  rend  ainsi  crainctifs  et  rudes  ;  ce 
n'est  pas  ce  que  le  triennal  m'avoit  promis.  J'accorde 
volontiers  l'appoinctement  au  Poirier.  Pour  Barrion,  je 
verrai  ce  qui  s'y  pourra  faire.  Dujon  se  portera  bien 
pour  la  vie,  mais  il  est  incertain  de  l'œil ,  et  plustost  en 
pis  qu'en  mieulx.  Il  fault  voir  plus  clair  au  faict  de 
M.  de  Yillarnoui ,  lequel  toutesfois  n'est  à  rejetter. 
Quant  à  l'aultre,  il  y  a  long  temps  que  semblable  pro- 
position m'avoit  esté  faicte.  Tout  m'est  supportable , 
fors  l'incommodité  de  ta  santé;  et  me  tarde  que  tu  n'ayes 
nouvelles  de  M.  Petit  pour  t'en  resouldre.  Je  fus  hier 
voir  M.  Cécile,  de  qui  je  feus  fort  favorablement  receu. 
C'est  tout,  sinon  que  je  t'embrasse  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers,  ce  3  avril  i5g8. 

CXI.  —-^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  a  M.  Villeroj. 

MOiNSTEUR,  nous  despescliasmes  le  courrier  La  Fon- 
taine, le  26  de  ce  mois,  avec  une  bien  ample  despesche 
sur  tout  ce  qui  se  presentoit  es  affaires  que  nous  traie- 


LETTRE,  etc.  265 

tions.  Il  n'est  depuis  surveneu  chose  digne  de  vous 
estre  escrite.  M.  le  prevost  des  marchands  nous  a  donné 
advis  du  passage  de  M.  Cécile,  et  comme  il  a  publié 
par  Paris,  et  lui  a  soubteneu  par  plusieurs  raisons, 
que  si  le  roy  veult  croire  au  conseil  de  la  royne  d'An- 
gleterre ,  il  est  maintenant  en  son  pouvoir  de  ruyner 
le  roy  d'Espaigne,  et  Taccroistre  de  ses  beaulx  pays  du 
costé  de  deçà.  Je  m'asseure  que  ledict  sieur  prevost 
vous  en  aura  tout  autant  escrit,  et  la  response  qu'il  lui 
a  faicte;  et  vous  et  nous  avons  eu  aultresfois  quelques 
charges,  mais  ce  n'a  pas  esté  nostre  coustume  de  par- 
ler si  advantageusement  du  faict  de  nos  charges. 

Cest  hoste  de  Gascoigne  qui  prend  son  arbalestre 
pour  tuer  un  g  lièvre  pour  vostre  disner,  attendes  qu'il 
revienne;  endurés  la  faim  cependant,  et  à  son  retour 
vous  n'aurés  que  des  oignons. 

Nous  sommes  en  peine  de  ce  que  nous  escrit  ledict 
sieur  prevost ,  qu'ils  n'ont  poinct  de  nouvelles  à  Paris 
de  l'arrivée  des  ambassadeurs  de  Hollande.  Ce  retarde- 
ment ne  peult  estre  qu'ung  jeu  joué  par  ordonnance 
de  la  royne  d'Angleterre,  qui  estime  que  ces  longueurs 
feront  naistre  quelque  accident ,  lequel ,  veuillons  ou 
non,  nous  mettra  à  la  guerre,  estant  bien  difficile  de 
contenir  longuement  telles  forces  que  se  trouve  mainte- 
nant avoir  le  cardinal  d'Autriche ,  sans  qu'il  se  fasse  quel- 
que entreprise.  Et,  sur  ce  propos,  nous  vous  dirons  que 
le  colonel  Galati  nous  escrit  d'Amiens  qu'ils  ont  advis 
que  l'armée  des  Espaignols  est  passée  par  Arras ,  et  a 
pris  le  chemin  de  Peronne.  Ici  nous  n'en  avons  enten- 
deu  aulcune  chose  ;  estant  nostre  opinion  que  cepen- 
dant que  le  cardinal  d'Autriche  aura  espérance  que  ce 
traicté  de  paix  se  peult  resouldre ,  il  n'entreprendra 
pas  aiseement  sur  les  places  du  roy,  sçachant  que  telle 


266  LETTIIE 

chose  ne  pourroit,  sinon  altérer  la  bonne  volonté  de 
sa  inajesîé,  et  que,  faisant  la  paix,  il  fauldroit  rendre 
ce  qu'il  auroit  occupé.  Ledict  cardinal  est  teneu  pour 
prince  bien  advisé,  et  qui  n'entreprendra  rien  légère- 
ment, ne  nous  pouvans  assés  estonner  de  Topinion  de 
ceulx  qui  ont  voulleu  dire  de  par  delà  qu'il  suscitoit 
les  flifficultés  qui  nous  ont  esté  proposées  ici  par  Tam- 
bassadeur  de  Savoye ,  afin  dVstre  quitte  des  promesses 
qu'il  a  faiotes  de  restituer  les  places.  Ceulx  là,  à  mon 
advis,  voient  fort  mal  clair  aulx  affaires  de  (ieçà,  si  tant 
est  qu'ils  disent  ce  qu'ils  pensent.  La  bonne  fortune  et 
establissement  de  ce  cardinal  despend  principalement 
de  faire  ceste  paix;  se  continuant  la  guerre  auparavant 
qu'il  soit  establi,  le  roy  d'Espaigne  peult  changer  d'ad- 
vis,  et,  ce  qui  est  plus  vraisemblable,  pourra  finir  ses 
jours.  Ce  prince  estant  mort,  il  n'est  pas  à  croire  (et 
c'est  l'opinion  des  Espaignoîs)  que  son  successeur  souffre 
que  les  Pays  Bas  soient  démembrés  de  la  domination 
d'Espaigne.  Ces  raisons  sont  si  fortes  que  c'est  sans 
apparence  de  raison  de  dire  que  ce  cardinal  traverse  la 
negoîiation  de  ceste  paix,  par  le  moyen  des  importunes 
demandes  de  l'ambassadeur  de  Savoye.  Ores,  monsieur, 
si  Ton  vous  donne  ces  souspçons  du  costé  de  delà ,  l'on 
donne  ici  d'aultres  à  nostre  préjudice,  que  le  roy  ne 
veult  poinct  de  paix.  Jusques  à  présent  nous  avons  payé 
de  raisons  les  ambassadeurs  d'Espaigne;  mais  si  la  res- 
ponse  que  nous  apportera  La  Fontaine  ne  sera  resoleue, 
nous  prévoyons  que  ces  gens  là  prendront  la  longueur 
pour  refus;  estans  armés  comme  ils  sont,  et  nous  ici, 
comme  vous  sçavés  que  nous  le  sommes ,  la  meilleure 
resolution  que  sçauroit  prendre  le  roy  seroit  d'appro- 
cber  toutes  ses  forces  de  ces  quartiers,  et  pourvoir  à 
bon  escient  à  la  conservation  de  ceste  frontière. 


\ 


A  M.  DE  VILLEROY.  267 

Par  noslre  précédente  ,  nous  le  vous  avons   escrit 
âssés  expresseement ,  et  le  vous   escrivons  derechef, 
parce  que  nous  estimons  que  le  service  du  roy  requiert 
que  vous  vous  resoiviés;  que  ces  gens  ne  tarderont  à 
se  resouldre.  Nous  prenons  peine  h  nous  esclaircir  de 
la  vérité  de  Tadvis  que  nous  donne  ledict  colonel  Ga- 
lati,  que  les  forces  des  Espaignols  approcheiit  du  costé 
de  Peronne.  Jusques  à  présent  nous  n'en  avons   peu 
descouvrir  aulcune  chose.  Nous  en  avons  conféré  avec 
le  père  gênerai  des  cordeliers,  qui  nous  a  dict  qu'il  n'en 
croit  rien  ;  et  en  mesme  temps  nous  a  monstre  une 
lettre  qui  lui  a  esté  escrite  par  ung  cordeiier  espaignol 
qui  s'est  trouvé  au  siège  d'Amiens,  et  maintenant  a  esté 
ordonné  pour  servir  auprès  des  Espaignols  qui  sont  des- 
cendeus  k  Calais.  Par  ceste  lettre,  il  appert  qu'ils  ont 
faict  les  pasques  aulx  logis  qui  leur  feurent  ordonnés  au 
sortir  de  Calais;  et  ne  parle  aulcunement  qu'on  les  aye 
mandés  pour  marcher.   Et  ceste  après  disnee  le  père 
gênerai  nous  est  veneu  voir  pour  nous  dire  que  ce  ma- 
tin il  a  parlé  au  président  Riciiardot,  pour  entendre  ce 
qu'il  lui  vouidroit  dire  touchant   cegt  advis.  Si  ledict 
sieur  Richardot  lui  a  voulleu  dire  la  vérité  ou  non,  nous 
nous  remettons  a  ce  qui  en  est.  Ce  qu'il  nous  en  a  rap- 
porté ,  est  que  ledict  président  Piichardot  l'a  asseuré 
qu'il  n'a  aulcung  advis  que  le  cardinal  d'Autriche  ait 
faict  assembler  ses  forces,  ni  marcher  du  costé  de  Pe- 
ronne; et,  pour  son  regard,  qu'il  estime  qu'd  n'en  est 
rien.  Pour  tout  cela  nous  ne  laisserons  de  nous  en  in- 
former, et  advertirons  M.  le  connestable  de  ce  qu'en 
pourrons   apprendre.    Nous  attendrons    le  retour  du 
messager  par  lequel  nous  lui  avons  escrit  que  poiu'  le 
présent  n'aurions  peu  resouldre  avec  ces  ambassadeurs 
que  durant  ce  traicté  on  n'entreprendroit  de  surpren- 


268  LETTRE 

dre  les  places  Tung  de  Taultre.  Suivant  ce  que  La  Fon- 
taine nous  rapportera,  nous  en  remettons  le  propos  ou 
laisserons  les  cho'îes  en  Testât  qu'elles  sont. 

INÎous  accuserons  la  réception  de  vostre  despesche 
du  17  de  ce  mois,  que  nous  receusmes  le  mesme  jour 
que  INî.  Ragazzon  arriva  ,  qui  nous  a  rendeu  vostre 
lettre  du  21.  La  Fontaine  vous  a  porté  nostre  response 
à  vos  lettres  du  i4,  et  avons  accusé  la  réception  de  vos 
lettres  des  3  et  du  7.  Il  est  impossible  à  dire  combien 
M.  le  légat  s'est  senti  consolé  au  rapport  que  ledict  sieur 
Ragazzon  lui  a  faict  de  la  bonne  volonté  que  le  roy  lui 
porte;  aussi  ledict  sieur  Ragazzon  se  loue  infiniment 
de  tant  de  courtoisie  qu'd  a  receue  de  vous.  Il  a  ici  faict 
ung  fort  bon  et  digne  rapport  des  affaires  du  roy,  dont 
il  escrit  au  pape  par  commandement  de  mondict  sieur 
le  légat. 

Quant  à  ce  que  vous  escrivés  de  M.  Serapbin,  nous 
sommes  très  marris  que  ceste  desfaveur  lui  soit  adve- 
neue.  S'il  n'y  aura  moven  de  fléchir  les  volontés  du 
pape,  nous  estimons  que  si  le  roy  lui  donnera  ung  bon 
evesclîé,  et  l'employera  en  son  conseil,  que  sa  majesté 
tesmoignera  à  toute  la  chrestienté  sa  gratitude  et  re- 
cord des  bons  services  dudict  sieur  Séraphin  ,  qui  est 
personnage  de  grande  expérience  ,  très  docte  et  très 
vertueux. 

Par  ce  que  nous  avons  ])eu  coniprendre  d'ung  dis- 
cours qui  nous  a  esté  faict  par  M.  le  légat ,  il  semble 
que  le  principal  désir  qu'a  le  pape  est  d'unir  tous 
les  potentats  chrestiens  à  s'opposer  contre  le  Turc  ; 
et  pourra  estre  qu'il  ne  tardera  d'en  faire  parler  au 
roy. 

M.  le  légat  nous  redoubla  hier  la  plaincte  des  repré- 
sailles que  l'on  accorde,  au  préjudice  de  ceulx  d'Avi- 


A  M.  DE  VILLEROY.  269 

gnon,  et  dn  respect  que  le  pape  mérite  qu'on  lui  porte. 
Par  La  Fontaine  nous  en  avons  escrit  au  roy. 

M.  Taxis,  attendant  le  retour  de  nostre  courrier,  est 
allé  jusques  à  Bruxelles.  Il  a  dict  avoir  eu  advis  que  sa 
femme  estoit  à  Textremité.  Nous  croyons  plustost  que 
c'est  pour  informer  le  cardmal  de  ce  qui  s'est  passé  en 
ceste  negotiation. 

Le  marquis  de  Lullin ,  ambassadeur  de  Savoye ,  est 
aussi  allé  à  Bruxelles  voir  sa  femme,  qui  est  la  veufve 
du  feu  comte  d'Egmont.  Ils  doibvent  estre  ici  de  retour 
dedans  huict  jours. 

M.  le  baron  de  loux  nous  escrit  que  M.  de  Montpen- 
sier  veult  ici  envoyer  pour  les  affaires  qu'il  a  avec 
M.  de  Savoye.  Nous  ne  sçaurions  empescber  qu'il  ne 
despense  son  argent  à  faire  ici  venir  celui  des  siens 
que  bon  lui  semblera;  nous  sçavons  assés  que  cest  am- 
bassadeur ne  lui  fera  aulcune  response  qui  le  satisfasse. 
Si  M.  de  Montpensier  nous  envoyera  quelques  mé- 
moires ,  nous  ferons  pour  son  service  ce  qui  despendra 
de  nous. 

Les  advis  que  nous  bailloit  ledict  baron  de  Joux  tou- 
chant les  affaires  de  Daulpliiné,  ne  se  sont  trouvés  que 
trop  vrais;  et  celui  qui  disoit  que  tout  s'y  portoit  bien , 
et  que  M.  de  Savoye  se  vantoit  d'avoir  plus  de  forces 
qu'il  n'avoit  à  nostre  advis ,  ne  se  donnoit  pas  grande 
peine  si  M.  de  Lesdiguieres  se  perdoit  ou  non.  Vous 
cognoissés  l'humeur  et  les  divisions  du  pays  ;  le  mal  est 
que  le  service  du  roy  en  souffre.  Il  y  a  long  temps  que 
nous  avions  les  mesmes  advis ,  et  eussions  fort  désiré 
que  Ton  y  eust  peu  pourvoir.  Le  Daulpliiné  ,  le  Lyon- 
nois,  le  pays  de  Bombes,  et  ce  que  l'on  a  conquis  en 
Bresse,  nous  doibvent  bien  donner  à  penser.  Il  n'y  a 
presque  poinct  de  forces  pour  le  roy ,  il  y  a  une  très 


270  •     LETTRE 

mauvaise  intelligence  entre  les  chefs;  tout  y  est  plein 
d'envie  et  de  confusion.  Le  bon  Dieu  ,  par  sa  grâce , 
nous  veuille  bien  consoler  et  bien  assister. 

Monsieur,  comme  nous  voullions  bailler  à  la  poste 
ceste  despesche,  le  courrier  que  ces  ambassadeurs  ont 
despesché  en  Espaigne  est  reveneu. 

Vous  sçaurés  ,  par  la  lettre  que  nous  escrivons  au 
roy,  qu'il  en  a  apporté  les  pouvoirs  que  nous  avons 
demandés. 

Nous  accuserons  par  ceste  ci  la  réception  de  deux 
des  vostres  despesches  datées  du  mesme  jour  26  du 
mois  passé.  Nous  ne  scaurions  assés  vous  remercier  du 
soing  quil  vous  plaist  avoir  de  nous;  vous  le  faictes 
pour  le  service  du  roy;  si  recognoissons  nous  en  toutes 
vos  lettres  des  marques  particulières  de  vostre  bonne 
volonté  en  nostre  endroict,  dont  nous  vous  demeure- 
rons très  obligés. 

Nous  avions  sceu  le  malheur  arrivé  à  M.  de  Crequy; 
c'est  une  lourde  perte.  On  nous  avoit  escrit  la  revanche 
qu'en  a  eue  M.  de  Lesdiguieres;  mais  nous  avions  peine 
à  le  croire,  jusques  à  ce  que  nous  en  ayés  donné  la 
certitude.  Comme  vous  dictes,  ?*L  de  Lesdiguieres  se 
mesle ,  et  à  bon  escient,  d'exécuter  nostre  traicté  ;  si 
avés  vous  peu  juger  par  nos  despesches  que  nous  y 
avions  pensé,  comme  doibvent  bons  serviteurs  du  roy, 
et  que  nous  avions  faict  venir  à  quelque  sorte  de  rai- 
son l'ambassadeur  de  M.  le  duc  de  Savoye,  qui  ne  sça- 
voit  rien  de  ceste  nouvelle. 

Qui  s'arreste  aulx  petites  choses  ne  parviendra  ja- 
mais aulx  grandes  ;  tenons  bien ,  et  suivons  ceste 
maxime. 

C'est  une  bien  bonne  nouvelle  que  M.  de  Mercœur 
ait  signé  le  traicté,  et  que  la  veille  de  Quasimodo  il  deust 
\ 


A  M.  DE  VILLEROY.  '    271 

arriver  à  Angers,  qui  est  le  mesme  jour  que  vous  at- 
tendiés  M.  Cécile.  Vous  estes  en  peine  qu'Angers  ne 
soit  pas  astés  grand  pour  le  loger;  il  est  Anglois ,  et 
lui  fault  plus  de  satin  qu'à  ung  aultre  pour  lui  faire 
ung  pourpoinct.  Nous  espérons  que  M.  le  commandeur 
Taxis  sera  de  retour  de  Bruxelles  dans  ung  jour  ou 
deux;  cependant  nous  nous  recommandons,  etc. 

•  Du  'i  avril  Iv^qS. 

CXII.  —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellie^re  et  de  Sillerj  au  roj. 

Sire,  estant  ici  de  retour,  le  courrier  que  les  am- 
bassadeurs d'Espaigne  ont  despesché  par  devers  leur 
niaistre ,  et  par  vostre  permission ,  a  passé  et  repassé 
par  vostre  royaulme.  Nous  n'avons  voulleu  faillir  d'en 
donner  advis  à  vostre  majesté,  et  lui  dire  que  le  prési- 
dent Richardot  nous  a  asseuré  que  ledict  courrier  a 
apporté  les  pouvoirs  signés  de  la  main  du  roy  d'Es- 
paigne, et  scellés  en  bonne  forme,  tels  que  nous  leur 
avons  demandés  pour  traicter,  tant  avec  les  députés  du 
roy,  de  la  royne  d'Angleterre,  que  ceulx  des  Provinces 
Unies,  si  tant  est  qu'ils  veuillent  entendre  et  estre 
compris  en  ce  traicté  de  paix  ,  qui  se  negotie  avec 
vostre  majesté  ;  il  nous  a  dict  qu'ils  sont  en  la  mesme 
forme,  et  contiennent  les  mesmes  clauses  que  celui  qui 
concerne  vostre  majesté,  dont  nous  lui  avons  envoyé 
copie.  Toute  la  despescbe  a  esté  envoyée  à  M.  le  car- 
dinal d'Autriche,  qui  est  à  Bruxelles.  Ledict  sieur  Ri- 
chardot attend  pour  demain  ou  après  demain  le  retour 
du  sieur  Taxis,  qui  partit   d'ici  huict  jours  y  a,  par 


1^1  LETTRÉ 

lequel  il  espère  avoir  toutes  nouvelles  et  certitude  de 
la  volonté  dudict  cardinal.  Nous  avons  opinion  qu'ils 
nous  feront  voir  lesdicts  pouvoirs  pour  en  avoir  la  lec- 
ture, comme  ils  feirent  ci  devant  de  ceulx  qu'ils  avoient 
ici  apportés  pour  traicter  avec  lesdicts  députés,  s'ils  s'y 
feussent  trouvés  avec  nous  ;  et  des  lors  ils  nous  dirent 
qu'ils  ne  bailleroient  poinct  la  copie  de  leurs  pouvoirs, 
si  ce  n'est  aulx  ambassadeurs  se  trouvant  presens  pour 
traicter  avec  eulx,  jugeant  qu'il  y  alloit  trop  avant  du 
service  et  de  l'honneur  de  leur  maistre  de  bailler  copie 
de  leurs  pouvoirs  à  ceulx  qui  n'ont  poinct  de  bonne 
volonté  de  traicter. 

Nous  avons  demandé  audict  sieur  Richardot  des 
nouvelles  de  la  santé  de  leur  maistre;  il  nous  a  dict  que 
toutes  choses  sont  en  repos  en  Espaigne;  que  ce  cour- 
rier qu'ils  ont  despesché,  ayant  dict  au  maistre  de  la 
chambre  qu'il  desiroit  fort  voir  son  roy,  ledict  roy  le 
feit  entrer  en  sa  chambre ,  où  il  dict  qu'il  le  veit  avec 
ung  fort  bon  visage,  le  teint  vermeil;  le  prince  estant 
auprès  de  lui  teste  nue,  et  madame  l'infante  d'ung 
aultre  costé,  qui  tous  deux  se  portoient  bien;  que  le 
roy  d'Espaigne,  se  tournant  vers  madame  l'infante,  lui 
dict  en  souriant  :  «  Regardés,  regardés  ce  courrier  que 
M.  le  cardinal  nous  a  despesché.  »  Sire ,  par  l'asseurance 
que  nous  donne  ledict  sieur  Richardot,  il  semble  que 
nous  pouvons  escrire  à  vostre  majesté  que  ledict  car- 
dinal a  les  pouvoirs  tels  que  nous  les  avons  demandés 
pour  traicter  avec  ladicte  royne  d'Angleterre  et  Pro- 
vinces Unies  ,  qui  est  ung  tesmoignage  du  soing  que 
vostre  majesté  a  voulleu  avoir  d'eulx,  et  c'est  chose 
qui  peult  servir  au  repos  de  la  chrestienté;  mais,  n'ayant 
volonté  de  traicter,  comme  la  pluspart  tient  qu'ils  n'en 
ont  poinct,  ils  pourroient  se  prevalloir  de  ceste  cour- 


AU  ROY.  273 

toisie  au  préjudice  des  affaires  de  vostre  majesté,  se 
declarans  de  voulloir  traicter  pour  tenir  ceste  ne^o- 
tiation  en  longueur,  à  quoi  ils  buttent  principalement 
par  tout  ce  que  nous  comprenons  de  leurs  actions,  et 
apprenons  des  propos  dont  ils  se  descouvrent  en  plu- 
sieurs lieux,  qui  nous  sont  souvent  rapportés. 

La  royne  d'Angleterre  se  promet  qu'il  est  impos- 
sible ,  si  cest  affaire  est  teneu  en  longueur,  qu'il  ne 
naisse  quelque  accident,  qui  fera  que,  veuille  ou  non 
vostre  majesté,  elle  sera  contraincte  de  continuer  la 
guerre  avec  l'Espaignol.  C'est  le  seul  moyen  qui  lui 
reste  pour  empescher  que  vostre  majesté  ne  recouvre 
Calais  ,  ce  qu'elle  crainct  comme  la  mort,  ce  que  vostre 
majesté  juge  trop  mieulx  pour  sa  grande  prudence,  et 
que  Dieu  ,  qui  l'a  honoré  de  tant  de  grâces ,  l'a  establi 
roy  de  France  pour  conserver  ses  subjects  en  paix, 
repos  et  félicité ,  et  non  pour  assouvir  les  mauvaises 
volontés  de  ceulx  qui  estiment  que  i'asseurance  de  leur 
félicité  despend  de  la  ruyne  des  François  et  abaisse- 
ment de  vostre  couronne.  Ces  considérations,  sire, 
nous  font  de  plus  en  plus  louer  le  sage  et  prudent  ad- 
vis  qu'a  ci  devant  pris  vostre  majesté  de  procurer  et 
moyenner  de  son  pouvoir  une  bonne  paix  pour  ses 
confédérés,  vouUant  neantmoins  et  nous  ordonnant, 
attendeu  la  longueur  dont  jusques  à  présent  ont  usé 
vosdicts  confédérés,  d'envoyer  leurs  ambassadeurs  pour 
traicter  la  paix  ;  ce  qui  ne  peult  estre  que  fort  suspect 
à  tous  ceulx  qui  en  jugent  sans  passion ,  et  non  moins 
préjudiciable  à  vos  affaires,  qu'il  soit  par  nous  passé 
oultre  à  signer  le  traicté  avec  lesquels  ambassadeurs 
d'Espaigne  et  de  Savoye,  si  tant  est  que  nous  demeu- 
rions d'accord  avec  eulx  des  justes  demandes  que 
vostre  majesté  a  commandé  de  leur  faire.  En  cela,  sire, 

MÉAT.  DE  DurLBSSIS-MoRIÏAY.  ToME  YIH.  I  8 


2^4  LETTRE,  etc. 

le  moindre  retardement  et  longueur  ne  peult  estre  que 
bien  fort  dommageable  ;  car  le  terme  accordé  pour  la  res- 
titution de  tant  de  places  ,  et  qui  vous  sont  de  si  grande 
importance,  ne  court  que  du  jour  que  nous  aurons 
de  part  et  d'aultre  signé  l'accord,  et  remis  entre  les 
mains  de  M.  le  légat. 

Sire,  nous  avons  voulleu  aussi  sçavoir  dudict  sieur 
président  Richardot  si  ce  courrier  a  apporté  le  contresi- 
gné dudict  seigneur  roy  d'Espaigne  touchant  la  restitu- 
tion de  Blavet.  Il  nous  a  asseuré  que  ledict  contresigné 
est  dans  la  despesche  qui  a  esté  portée  audict  sieur 
cardinal ,  et  qu'il  sera  entièrement  satisfaict ,  et  de 
bonne  foi,  à  tout  ce  qui  a  esté  par  eulx  promis.  Ayant 
sceu  la  volonté  de  vostre  majesté  sur  la  despesche  que 
lui  a  portée  le  courrier  La  Fontaine,  nous  obéirons 
très  fidèlement  à  tout  ce  qu'il  lui  aura  pieu  nous  or- 
donner. 

Sire,  nous  supphons  le  Créateur,  etc. 

Du  3  avril  iSgS. 


CXIIL  — ^LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messieurs  ,  je  vous  ai  escrit  une  lettre  par  la  voye 
de  la  poste ,  depuis  l'arrivée  ici  du  courrier  La  Fontaine , 
comme  je  vous  ai  escrit  et  envoyé  par  la  mesme  ad- 
dresse  plusieurs  aultres  devant  sa  veneue,  de  la  récep- 
tion desquelles  vous  ne  m'avés  donné  aulcung  advis, 
dont  j^  suis  en  peine. 

Je  vous  ai  mandé,  par  ma  dernière  datée  du  dernier 
de  mars,  comment  la  royne  avoit  receu  et  pris  k  des- 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc.  273 

pesclie  apportée  parledict  La  Fontaine,  duquel,  ayant 
sceu  qu'il  avoit  rencontré  par  delà  Orléans  le  courrier 
envoyé  en  Espaigne  avec  le  passeport  du  roy,  nous 
avons  esté  depuis  tousjours  attendans  de  vos  lettres , 
comme  nous  faisons  encores,  pour  sçavoir  s'il  a  rap- 
porté ce  pouvoirpour  traicter  avec  la  royne  d'Angleterre 
et  pour  faire  rendre  Blavet,  qu'il  estoit  allé  quérir;  car 
nous  ne  pouvons  rien  advancer  ici  avec  les  ambassa- 
deurs de  ladicte  royne  sans  cela,  et  sommes  estonnés 
que  nous  n'en  ayons  eu  de  vous  aulcung  advis  encores , 
veu  le  temps  qu'a  peu  arriver  à  Vervins  ledict  courrier, 
qui  a  dict,  en  plusieurs  lieux  par  où  il  a  passé,  ou 
celui  qui  l'accompaignoit,  qu'il  portoit  pour  la  paix  la 
carte  blanche.  On  me  l'a  escrit  d'Orléans.  M.  Cécile, 
qui  a  desjà  eu  deux  ou  trois  audiences,  dict  que  sa 
souveraine  est  preste  de  traicter,  quand  elle  cognoistra 
que  c'est  à  bon  escient  que  Ton  le  veult  faire.  C'est 
pourquoi  il  est  nécessaire  que  nous  sçachions  si  Ton  a 
apporté  ledict  pouvoir;  car  sans  cela  nous  ne  pou- 
vons rien  advancer  avec  ledict  Cécile.  Esclaircissés 
nous  en  donc,  je  vous  prye,  au  plus  tost. 

Ceulx  d'Hollande  arriveront  ici  aujourd'hui.  M.  de 
Buzenval  est  veneu  devant,  duquel  nous  avons  appris 
qu'ils  sont  plus  bandés  à  la  guerre  qu'à  la  paix  ;  toutes- 
fois,  peult  estre  qu'ils  changeront  de  conseil,  quand 
ils  auront  entendeu  la  resolution  du  roy ,  mesme  si 
ladicte  royne  ne  s'y  conjoinct,  de  quoi  nous  vous 
esclaircirons  ;  mais  je  vous  supplie  nous  escrire  plus 
souvent  par  les  postes  ordinaires  que  vous  n'avés  faict 
depuis  quinze  jours,  afin  que  nous  sçachions  comme 
tout  va;  car,  en  vérité,  cela  peult  plus  servir  que  je 
ne  vous  puis  escrire.  M.  de  Retz  est  allé  prendre  pos- 
session de  ia  ville  et  chasteau  de  Nantes,  où  le  roy  dict 


276  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  ete. 

qu'il  s'acheminera  lundi.  Cela  estant,  nous  mènerons 
avec  nous  lesdicts  ambassadeurs.  Et  prye  Dieu ,  etc. 

Du  4  avril  i5^8. 


CXIV.  —  -V' LETTRE  DE  MADAME  DE  ROHAN 

^  madame  Duplessis. 

Madame  ,  ce  porteur  vous  dira  ce  que  je  sçais  des 
nouvelles  de  deçà,  bien  que  je  crois  que  vous  en  soyés 
assés  advertie.  D'ailleurs  je  vous  dirai  seulement  pour 
les  miennes  particulières,  que  la  présence  de  M.  Du- 
plessis me  rejouit  en  toutes  façons,  me  promettant  que 
si  mes  affaires  se  doibvent  faire,  elles  se  feront  par  son 
moyen;  et,  s'il  ne  s'y  faict  rien,  je  n'aurai  poinct  de 
regret  de  n'y  avoir  essayé  ce  que  j'aurai  peu ,  croyant 
que  ce  qui  ne  s'y  fera  poinct  ne  s'y  pourra.  Mes  filles 
ont  eu  beaucoup  de  regret  de  ne  vous  avoir  poinct 
veue  en  passant ,  ni  mesme  de  n'avoir  peu  avoir  com- 
modité d'envoyer  sçavoir  de  vos  nouvelles.  Mais  le  peu 
de  gens  qu'elles  ont,  dont  encores  lors  elles  ne  peurent 
disposer,  les  empesclia  d'avoir  ce  contentement.  Remet- 
tant toutes  aultres  nouvelles  à  ce  porteur,  je  vous  sup- 
plierai, madame,  faire  tousjours  estât  asseuré  de  moi, 
comme  vostre  obéissante  et  affectionnée  à  vous  servir. 

Catherine  pe  Parthenay. 
D'Angers,  ce  4  avril  1598. 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  277 


CKV.  — -^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sa  femme. 

M'amie,  je  sollicite  tant  que  je  puis  les  ordonnances 
pour  les  garnisons;  car  la  volonté  du  receveur  n'est 
pas  bonne;  mais  le  principal  desordre  vient  d'ici,  où 
on  préfère  la  nécessité  qu'on  y  ressent  à  la  nostre.  J'ai 
plainct  surtout  la  peine  que  tu  en  reçois;  mais  il  y  sera 
pourveu,  premier  que  je  les  laisse  en  repos  une  fois 
pour  toutes.  Nostre  despesche  se  faict  ;  M.  de  Villeroy 
n'y  oublie  rien.  L'bomme  n'est  poinct  chez  lui  ;  mais 
se  cache  chés  ses  amis,  tantost  en  une  maison,  tantost 
en  l'aultre.  Je  prends  advis,  et  mesme  avec  MM.  les 
presidens  ,  de  l'ordre  qu'on  aura  à  tenir  pour  la  justice, 
mesme  pour  ung  solliciteur.  Pour  le  surplus,  le  roy 
approuvera  ce  que  je  ferai.  Il  fauldra  prendre  du  loisir 
pour  y  vaquer.  J'ai  escrit  à  M.  de  La  Ganetiere  affir- 
mativement,  car  on  le  trouva  parti.  Je  t'envoye  ung 
mémoire  d'une  aultre  debte  que  m'a  baillé  M.  le  pré- 
sident Vergne;  il  s'offre  de  composer.  Il  me  tarde  fort 
que  je  n'aye  nouvelles  de  M.  Petit;  car  il  est  impos- 
sible que  tes  douleurs  de  teste  continuelles  ne  te  tra- 
vaillent fort.  De  81.  63.  je  vois  ce  que  tu  m'escrit 
par  M.  Benoist  ;  ce  sont  tousjours  remises;  mais  pa- 
tience, il  ne  nous  en  disent  rien.  Nous  ne  partons  que 
mercredi.  Je  t'embrasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 
D'Angers  ,  ce  6  avril  1698  ,  au  matin,  en  hasle. 


3 78  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 


CXVl.  — -^LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

J  sa  femme. 

M'amie,  je  pense  que  nous  aurons  aujourd'hui  nos- 
tre  ordonnance  pour  la  garnison ,  et  qu'il  y  sera  pris 
meilleur  ordre  pour  Tadvenir.  J'ai  veu  la  despesche 
que  faict  M.  de  Villeroy,  où  il  ne  manque  rien.  Je  t'en 
enverrai  copie  au  premier  jour;  mais  il  la  fault  tenir 
secrète.  M.  de  Bouillon  m'a  parlé  par  deux  fois,  me 
conseillant  d'adviser  aulx  moyens  d'en  sortir,  et  s'of- 
frant  d'en  parler  au  roy,  pour  resouldre  avec  MM.  les 
mareschaulx  par  où  il  en  fauldroit  passer.  Il  ne  m'a 
poinct  dissimulé  ce  que  j'apperçois  bien  aussi,  que  c'es- 
toit  à  l'instance  des  parens  offrant  de  l'abandonner, 
s'il  ne  faisoit  ce  qui  seroit  jugé  raisonnable.  Je  lui  ai 
respondeu  que  l'on  ne  m'avoit  pas  donné  subject  de 
penser  à  cela,  car  je  ne  voullois  pas  traverser  le  chemin 
de  la  justice  où  nous  sommes.  Je  haste  nos  affaires  tant 
que  je  puis;  mais  les  publics  accrochent  les  particu- 
liers, et  tout  se  faict  ici  lentement.  Il  me  tarde  pour 
que  je  te  soulage  en  tes  maulx.  M.  de  Mouy  arriva 
hier  au  soir  ici,  que  j'ai  esté  ftort  aise  de  voir.  Je  l'ac- 
commoderai avec  M.  de  Villeroy.  8i.  63.  nous  vien- 
droit  bien  à  propos  en  beaucoup  de  sortes.  Je  t'em- 
brasse,  m'amie,  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers,  ce  7  avril  lôgS. 


LETTRE,  eic.  279 

CXVIl.  —  -^^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroj, 

Monsieur,  par  iioslre  despesclie  du  3  de  ce  mois, 
nous  avons  faict  response  aulx  deux  vostres  du  16  du 
mois  passé  ;  par  ceste  nous  faisons  response  à  vos  deux 
lettres  des  9.9  et  dernier  dudict  mois.  Nous  vous  di- 
rons en  premier  lieu  ,  que  M.  Taxis  est  de  retour  de 
Bruxelles,  qui  nous  a  asseuré  d'avoir  les  pouvoirs  du 
roy  d'Espaigne  pour  traicter  avec  la  royne  d'Angle- 
terre et  les  Provinces  Unies,  qui  sont  en  la  mesme 
forme  qu'est  celui  qu'ils  nous  monstrerent,  et  dont 
nous  avons  envoyé  copie  au  roy  pour  traicter  avec  sa 
majesté. 

Ils  n'estiment  pas  que  ce  feust  l'honneur  de  leur 
maistre  d'envoyer  à  la  royne  d'Angleterre  et  Provinces 
Unies  la  copie  desdicts  pouvoirs  ;  mais  le  président 
Richardot  et  ledict  Taxis  asseurent  sur  leur  honneiir 
de  les  avoir;  qu'aussitost  que  les  ambassadeurs  de  la- 
dicte  royne  et  Provinces  se  présenteront  en  ceste  con- 
férence, qu'ils  les  leur  communiqueront,  comme  est 
la  coustume  entre  ambassadeurs  qui  les  recevront  à 
bras  ouvert,  et  leur  bailleront  tout  raisonnable  con- 
tentement au  jugement  du  roy  mesmes  et  de  ses  servi- 
teurs; pryeront  sa  majesté  d'y  voulloir  interposer  son 
auctorité ,  et  donner  le  tort  à  celui  qui  l'aura.  Nous  les 
avons  pryés,  pour  donner  plus  de  contentement  au  rov 
et  adoulcir  l'aigreur  des  humeurs  de  ceulx  de  Hollande, 
de  leur  accorder  des  à  présent  une  trefve  de  six  mois 
ou  trois  pour  le  moins;  ils  ont  dict  que  l'accord  de 


V 

aSo  LETTRE 

ceste  trefve,  au  lieu  cVaclvancer  la  paix  la  reculeroit , 
et  que  se  coiifîans  en  ceste  trefve  ils  ne  feroient  compte 
de  venir  en  ceste  conférence  pour  traicter  de  la  paix  ; 
mais  que  ,  s'ils  se  resouldront  d'y  venir,  ils  traicteront 
de  toutes  choses  gracieusement  avec  eulx;  ils  ne  se 
sont  voulleus  obliger  à  la  trefve ,  mais  bien  nous  en 
ont  ils  donné  bonne  espérance ,  si  tant  est  qu'ils  se 
résolvent  devenir  en  ceste  conférence,  à  quoi,  mon- 
sieur, il  semble  que  le  roy  les  doibt  conforter,  s'ils  ont 
envie  de  traicter.  Il  semble  que  pour  ce  regard  ils 
seront  satisfaicts.  S'ils  n'ont  poinct  envie  de  traicter, 
nous  ne  voyons  pas  qu'il  soit  fort  à  propos  de  remuer 
le  faict  de  ceste  trefve  ;  nous  avons  affaire  à  gens  qui 
voyent  fort  clair  en  leurs  affaires,  qui  se  défient  des 
Hollandois,  et  ne  croiront  qu'aulx  effects. 

Nous  avons  veu  par  vostre  lettre ,  qu'au  lieu  où  vous 
estes  l'on  est  en  peine  de  trois  choses ,  Tune  que  les 
ambassadeurs  d'Espaigne  n'ont  pas  voulleu  accorder 
une  trefve  de  six  mois  à  ladicte  royne  et  Provinces  ; 
l'aultre  que  l'on  demande  au  roy  la  ratification  du 
traicté,  ung  mois  après  que  les  articles  auront  esté 
signés ,  et  après  cela  le  serment  ;  le  troisiesme  poinct 
concerne  le  refus  que  faict  M.  de  Savoye  de  rendre  au 
roy  le  marquisat  de  Saluées. 

Quant  est  de  la  trefve ,  nous  en  avons  eu  bonne  es- 
pérance, jusques  à  ce  qu'il  a  falleu  conclure  le  traicté, 
et  ne  doubtons  poinct  qu'ils  ne  la  leur  eussent  offerte, 
comme  ils  ont  faict  au  roy,  s'ils  feussent  veneus  traicter. 
Quand  ils  font  offert,  le  roy  ne  l'a  pas  voulleu  ;  l'ayant 
de  nouveau  offerte,  ou  surseance  d'entreprise,  estans 
entrés  en  souspçon  que  le  roy  ne  voulloit  pas  la  paix, 
à  cause  de  ce  que  nous  rapporte  La  Fontaine,  s'aug- 
xnentant  la  deffiance,  ils  changèrent  d'advis,  et  ont  esté 


A  M.  DE  YILLEROY.  l8l 

plus  fermes  à  nous  refuser  la  Irefve  que  nous  deman- 
dions pour  ladicte  royne  et  Provinces.  La  Fontaine  qui 
vous  porta  nostre  lettre,  qui  vous  donnoit  l'espérance, 
porta  aussi  au  mesme  voyage  une  aultre  lettre  qui 
contenoit  le  refus. 

Si  avons  nousdesbatteu  cest  article  fort  obstineemenl, 
ce  que  pour  response  ils  nous  ont  dict,  est  que  la  dicte 
trefve  ne  leur  estoit  poinct  demandée  par  leurs  enne- 
mis, qui  ne  se  declaroient  pas  seulement  de  voulloir 
traicter;  au  contraire  ceulx  des  Provinces  Unies  se 
declaroient  de  ne  voulloir  en  aulcune  sorte  entendre  à  la 
paix,  et  partant  que  le  conseil  de  leur  offrir  la  trefve, 
seroit  très  honteux  el  très  dommageable  à  leur  mais- 
tre  ;  qu'ils  ont  faict  leurs  levées,  se  trouvent  chargés 
d'une  très  grosse  despense  pour  l'entretenement  de 
leurs  gens  de  guerre  ;  que  la  raison  ne  veult  pas  que , 
pour  faire  plaisir  à  leurs  ennemis  ,  ils  consomment  leur 
armée  ,  le  temps  et  leur  argent;  disent  que  pour  le  re- 
gard desdictes  provinces ,  ils  sont  veneus  ici  garnis  de 
pouvoir  suffisant  pour  traicter  avec  la  royne  d'Angle- 
terre, qui  n'eust  rien  concleu  sans  avoir  telle  ratifica- 
tion du  roy  catholique  qu'elle  eust  sceu  désirer;  à 
quoi  le  cardinal  d'Autriche  s'obligeoit;  que  pour  cest 
effect  avoit  despesché  courrier  exprès  en  Espaigne. 
Quand  nous  les  avons  requis  d'accorder  ladicte  trefve 
pour  le  respect  du  roy ,  ils  nous  ont  dict  qu'en  faveur 
du  roy,  ils  ont  accordé  que  si  la  royne  d'Angleterre  et 
estats  se  veullent  resouldre  à  la  paix  dans  six  mois 
après  la  publication  de  ce  traicté,  ils  seront  receus  et 
compris  en  ce  traicté  ,  soubstenant  avoir  par  là  suffisam- 
ment satisfaict  à  ce  que  le  roy  leur  a  faict  dire ,  qu'il 
ne  voulloit  traicter  sans  que  ses  confédérés  feussent 
compris  au    traicté  ,  ce  qu'ils    accordent  volontiers  ^ 


282  LETTRE 

et  aultre  chose   leur  a   esté  dicte  cle  la  part   de   sa 

majesté. 

Quant  au  second  poinct,  qui  est  sur  la  demande 
qu'ils  font  d'avoir  la  ratification  ung  mois  après  que 
les  articles  auront  esté  signés  et  remis  entre  les  mains 
de  iM.  le  légat ,  que  l'on  juge  ce  que  l'on  a  peu  et 
deu  faire. 

Le  roy,  par  sa  despesche  du  16  febvrier,  nous  or- 
donne, estant  d'accord  de  tous  les  poincts,  de  signer 
les  articles,  les  remettre,  et  par  la  mesme  despesche 
nous  commande  de  faire  instance  que  les  places  lui 
soient  restituées  ung  mois  après  les  articles  signés.  Si 
nous  eussions  peu  estre  d'accord  de  toutes  choses, 
lorsque  nous  reçeusmes  ladicte  despesche,  des  le  18 
du  mois  passé  ils  eussent  commencé  à  restituer  les 
places,  ce  que  vous  n'estimés  pas  qu'ils  eussent  faict, 
sans  avoir  en  main  la  ratification  ;  c'est  le  moins  que 
l'on  pouvoit  faire  que  de  leur  donner  du  parchemin 
pour  avoir  de  telles  places  ;  cela  estant ,  nostre  accord 
seroit  bien  plus  public  qu'il  n'est. 

La  Fontaine  n'est  pas  de  retour;  et,  quand  il  sera 
veneu  ,  il  fault  negotier  ,  signer  et  remettre  le  traicté , 
et  après  cela  il  y  a  encores  ung  mois  ;  mais  l'on  dict 
que  l'on  oblige  cependant  le  roy  à  ung  serment,  l'af- 
faire se  publie,  et  il  n'a  rien  en  main.  Il  vous  plaira 
de  considérer  nostre  despesche;  en  leur  baillant  la  ra- 
tification ,  ils  sont  teneus  de  nous  bailler  les  ostages  : 
cela  est  devant  le  serment  ;  depuis  qu'ils  auront  la  ra- 
tification ,  l'affaire  est  publié;  estant  le  traicté  pu- 
blic, comme  leur  peult  on  refuser  le  serment,  sans  les 
mettre  en  deffîance,  et  vous  en  danger  de  demeurer 
frustrés  de  vos  places?  et  l'exemple  et  la  nature  de  la 
chose  ne  pennettroit  pas  que  nous  insistassions  a  leur 


A  M.  DE  VILLEROY.  28?* 

refuser  la  ratification  comme  ils  l'ont  demandée,  puis- 
que ,  suivant  l'exprès  commandement  du  roy  ,  nous  les 
requérions  de  ne  faillir  ung  seul  jour  à  la  promesse 
qu'ils  ont  faicte  de  la  restitution  des  places.  Si  vous 
voullés  que  l'affaire  soit  teneu  plus  longuement  secret, 
ne  baillant  ratification,  et  ne  faisant  serment,  il  fault 
par  nécessité  que  l'on  se  résolve  à  attendre  plus  lon- 
guement en  la  restitution  des  places.  Si  c'est  le  service 
du  roy  ou  non,  nous  vous  le  laissons  à  juger.  Leroy  afaict 
envers  ses  confédérés  tout  ce  que  requiert  l'office  d'ung 
bon  ami  ;  il  les  a  advertis  des  long  temps  de  la  resolu- 
tion qu'il  a  prise  de  traicter  le  paix  auparavant  que 
d'entrer  à  traicter  ;  il  a  voulleu  qu'on  lui  accordast 
que  ses  confédérés  seroient  compris  au  traicté.  Depuis 
trois  mois  en  ça,  on  les  attend  en  ce  lieu,  où  ils 
n'ont  faict  compte  de  venir;  il  a  faict  obtenir  les  pou- 
voirs du  roy  d'Espaigne  pour  traicter  avec  eulx  tels 
qu'ils  peuvent  désirer  ;  il  leur  faict  accorder  six  mois 
pour  estre  compris  en  ce  traicté ,  si  tant  est  qu'ils  le 
désirent  ;  il  a  ordonné  à  ses  ambassadeurs  de  leur 
faire  en  ce  traicté  toute  assistance ,  et  en  toutes  choses 
raisonnables  les  favorisera  de  son  auctorité  ;  que  peu- 
vent ils ,  avec  raison  ,  demander  dadvantage  de  leur 
ami,  si  ce  n'est  qu'ils  soient  resoleus,  par  le  moyen  de 
telles  longueurs,  faire  en  sorte  que  le  roy  demeure 
frustré  de  la  restitution  de  ses  places,  engagé  à  per- 
pétuité en  ceste  guerre,  se  jouant  le  jeu  sur  son  ta- 
blier, à  la  ruyne  totale  de  ses  bons  subjects  ;  ce  que  ses- 
dicts  confédérés  ne  doibvent  pas  voulloir  s'ils  sont  ses 
amis:  s'ils  ne  sont  ses  amis,  on  ne  les  doibt  pas  croire. 
Nous  obmettions  à  vous  dire  que  ledict  sieur  Taxis 
nous  a  asseuré  d'avoir  veu  le  contresigné  de  Blavet 
entre  les  mains   du   cardinal   d'Autriche,    qui  asseure 


284  LETTRE 

que  pour  ce  regard   il  n'y  aura  poinct  de  faulte,  ni 

aussi  en  tout  ce  qu'ils  ont  ici  promis  pour  le  roy  d'Es- 

paigne  :  il  nous  a  aussi  dict  qu'il  n'y  a  aulcung  doubte 

que  le  mariage  dudict  cardinal  ne  soit  concleu  avec 

l'infante. 

Et  quant  à  la  cession  des  Pays  Bas  en  faveur  de  ce 
mariage,  que  le  roy  d'Espaigne  s'y  monstre  de  plus  en 
plus  resoleu  ,  ayant  mesmeinent  veu  le  consentement 
de  toutes  les  provinces  ;  asseure  aussi  de  la  bonne 
santé  du  roy  d'Espaigne,  de  l'inclination  qu'il  a  à  la 
paix;  c'est  ce  que  nous  avons  appris  de  ces  ambassa- 
deurs avec  lesquels  nous  avons  esté  ceste  après  disnee 
tout  entière. 

Ledict  sieur  Taxis  nous  a  dict  que  M.  le  cardinal 
archiduc  supplie  le  roy  d'une  courtoisie  qui  est  que , 
se  resolvant  ce  traicté  entre  nous,  il  plaise  à  sa  majesté 
nous  envoyer  ici  quelques  passeports  ,  afin  qu'il  aye 
moyen  d'escrire  et  se  conserver  en  la  bonne  grâce  de 
sa  maistresse.  C'est  à  vous  aultres  ,  messieurs,  qui  estes 
amoureux,  à  penser  ce  qui  se  doibt  accorder  à  ung  amou- 
reux ;  si  vous  dictes  que  ce  cardinal  est  ung  sainct 
homme,  qu'il  ne  se  doibt  inesler  de  telles  choses,  soub- 
venés  vous  de  ce  que  disoit  feu  M.  le  cardinal  de  Bour- 
bon, le  roy  putatif,  qu'il  n'y  a  chaleur  que  d'ung  jeune 
presbtre. 

Il  reste  à  parler  du  troisiesnie  poinct  qui  est  la  res- 
titution du  marquisat  de  Saluées  ;  excusés  nous,  mon- 
sieur, si  nous  vous  disons  que  d'accepter  l'arbitrage 
tel  qu'il  est  proposé  ,  n'est  pas  faire  perdre  ce  marquisat 
au  roy  soubs  prétexte  dudict  arbitrage  :  nous  désire- 
rions qu'il  feust  desjà  recouvert  par  la  force;  il  peult 
survenir  que  le  roy  sera  empesché  ailleurs,  comme  en 


A  M.  DE  VILLEROY.  2^5 

ce  royaulme,  depuis  trente  cinq  ans  en  ça,  il  n'y  a  eu 
jamais  faulte  d'exercice. 

Le  roy  d'Espaigne  s'entreniettant  en  cest  affaire  pour 
la  deffense  de  son  gendre  ,  ia  partie  seroit  assés  forte , 
et  se  pourroit  dire  qu'il  semble  qu'il  y  a  plus  d'asseu- 
rance  de  recevoir  bientost  ledict  marquisat  par  le 
moyen  dudict  arbitrage ,  que  si  on  employera  les  ar- 
mes. Quand  le  roy  dira  au  pape  (ju'il  se  soubmet  à 
son  arbitrage  pour  estre  jugé  selon  les  formes  au 
droict,  il  est  impossible  au  pape  de  le  condamner  en 
une  si  juste  cause ,  et  M.  le  légat  et  père  gênerai  ne 
font  poinctde  doubte  que  le  roy  ne  gaigne  sa  cause  par 
la  sentence  du  pape,  de  l'exécution  de  laquelle  on  ne 
doibt  doubter  ;  car  le  roy  d'Espaigne  ne  sçauroit  hon- 
nestement  soubstenir  son  gendre  en  une  si  mauvaise 
querelle  ,  et  le  pape  ne  souffriroit  que  l'on  se  mocquast 
de  son  jugement  ;  et  cependant  le  roy  recouvroit  les 
places  qui  lui  sont  occupées.  Ores,  monsieur,  bien 
que  nous  ayons  vivement  desbatteu  tout  ce  qui  se  peult 
dire  pour  la  justice  de  la  cause  du  roy,  si  est  ce  que 
voyant  que  l'on  veult  imprimer  au  roy  une  opinion 
pour  aultre,  il  nous  a  semblé  de  vous  en  debvoir  dire 
ce  que  nous  en  pouvons  juger. 

Quant  à  M.  le  légat,  il  nous  a  dict  par  plusieurs 
fois  qu'il  seroit  meilleur  que  ce  marquisat  feust  sub- 
mergé en  la  mer,  que  si,  à  l'occasion  d'ung  si  petit 
pays,  qui  ne  peult  valloir  que  quatorze  mille  escus  à 
son  maistre,  la  chrestienté  sera  privée  de  l'espcrance 
qu'elle  a  conceue  de  jouir  d'ung  repos  universel ,  qu'il 
a  pieu  à  Dieu  maintenant  de  mettre  entre  les  mains  du 
roy;  nous  remonstrant  que  le  pape  qui  s'est  si  franche- 
ment employé  pour  persuader  le  roy  d'Espaigne  à  la 
restitution  des  places  qu'il   occupe  sur  ce  royaulme  , 


lS6  LETTRE 

se  promet  que  le  roy  ne  le  vouldra  pas  escondiiire 
d'une  si  saincte  pryere  qu'il  lui  faict  de  voulloir  don- 
ner au  bien  public  le  mescontentement  qu'il  a  conceu 
contre  M.  de  Savoye  ;  ce  qui  pourroit  nourrir  et  ac- 
croistre  ung  grand  feu  parmi  toute  la  cbrestienté  ;  car 
remonstrant  ledict  duc  à  son  beau  père  ,  que,  traictant 
seul  avec  le  roy,  sa  majesté  lui  a  offert,  dix  mois  y  a, 
de  condescendre  audict  arbitrage ,  non  comme  il  Tavoit 
demandé,  mais  comme  sa  majesté  l'a  voulleu  accorder 
et  signer  de  sa  main ,  il  semble  impossible  que  ledict 
roy  d'Espaigne  le  peust  abandonner ,  n'y  presser  plus 
avant  pour  le  présent. 

Nous  a  dict  en  oultre  ledict  sieur  légat ,  qu'il  n'y  a 
chose  en  ce  monde  que  sa  saincteté  affectionne  tant 
que  cest  accord  qui  lui  est  à  cœur  plus  que  n'estoit  le 
recouvrement  de  Ferrare  ;  car  sans  Ferrare  son  estât 
pouvoit  subsister  ;  sans  cest  accord  toute  la  cbrestienté 
court  ung  merveilleux  danger  ;  que  sa  saincteté  ne  de- 
mandoit  chose  qui  feust  au  préjudice,  ni  de  l'honneur  , 
ni  des  affaires  de  sa  majesté:  quant  à  l'honneur,  la 
mesme  raison,  et  le  mesme  interest  se  pouvoit  dire  et 
considérer  il  y  a  dix  mois  ,  quand  sa  majesté  accorda 
ledict  arbitrage  ,  ce  qu'elle  n'eust  faict  s'il  y  feust  allé  de 
son  honneur. 

Quant  au  bien  des  affaires  de  sa  majesté ,  ce  qu'on 
lui  accorde  de  rendre  est  d'autre  considération  que  n'est 
ce  marquisat  ;  par  cest  accord ,  il  n'est  en  aucune  sorte 
prejudicié  aulx  droicts  qu'elle  a  audict  marquisat  de  Sa- 
luées :  on  diffère  seulement  pour  quelque  peu  de 
temps  la  dicte  restitution  de  ce  qu'elle  estime  lui  deb- 
voir  estre  rendeu  tout  présentement  ;  et ,  quand  il  au- 
roit  pieu  au  roy  de  consentir  à  ceste  ouverture,  nous 
n'aurions  pas  failli  de  déclarer  et  protester  que  c'est  seu- 


A  M.  DE  VILLEROY.  287 

lernent  pour  s'accommoder  en  la  forme,  afin  d'advan- 
cer ,  ou  de  n'empescher  la  conclusion  d'une  bonne 
paix  ;  mais  que  son  intention  est  d'avoir  ce  qui  lui  ap- 
partient, et  ne  lui  peult  estre  desnié.  Monsieur,  nous 
n'estimions  pas  qu'il  escheust  de  vous  escrire  si  ample- 
ment de  ces  affaires  :  vostre  lettre  nous  en  a  donné  le 
subject  :  comme  nous  vous  avons  dict  par  nos  précé- 
dentes ,  il  n'y  a  rien  plus  à  disputer  avec  ces  ambassa- 
deurs ;  il  fault  prendre  ou  laisser  ,  à  quoi  nous  confirme 
ce  que  nous  a  dict  M.  le  président  Richardot  en  parlant 
du  retour  de  nostre  courrier;  que  s'il  ne  plaist  au  roy 
de  trouver  bon  ce  qu'ils  nous  ont  peu  accorder,  ils 
n'ont  rien  plus  à  faire  ici  qu'à  s'en  retourner  en  leurs 
maisons.  Nous  pryons  Dieu,  monsieur,  de  voulloir 
inspirer  et  mettre  au  cœur  du  roy  le  conseil  qui  lui  est 
plus  utile. 

Nous  ne  pouvons  que  louer  la  resolution  qu'a  prise 
sa  majesté,  de  ne  différer  plus  long  temps  à  appro- 
cher de  cesle  frontière  de  Picardie. 

Nous  ne  dirons  pas  que  nous  n'aimions  la  paix ,  et 
ne  desirions  de  tout  nostre  cœur  le  repos  du  roy  et 
de  son  estât ,  et  n'avons  plus  grande  passion  que  de 
servir  sa  majesté  selon  ses  volontés  ;  si  la  guerre  con- 
tinue,  il  fauldra  boire  beaucoup  de  coup  d'arquebuses 
avant  que  l'on  ait  pris  par  force  ce  que  Ton  consent 
de  rendre  par  accord;  oultre  que,  comme  bons  subjects 
nous  aimons  le  roy  ,  nous  jugeons  que  la  vie  et  la  mort 
de  ce  royaulme  dépendent  de  la  conservation  ou  de 
la  perte  de  sa  majesté ,  qui  ne  va  pas  à  la  guerre  par 
procureur. 

Nous  loucherons  ung  aultre  poinct,  comme  ceulx 
qui  aimons  et  affectionnons  en  toutes  choses  le  repos 
de  l'eslat.  Vous  ne  pouvés  ignorer  que  le  pape  n'en- 


2  88  LETTRE,  etc. 

tende  avec  ung  merveilleux  degoust  ce  que  Ton  ac- 
corde de  nouveau  à  ceulx  de  la  relligion ,  et  pleust  à 
Dieu  que  cela  feust  seulement  à  Rome,  et  que  nous 
feussions  tous  assés  sages  en  France  !  Il  n'y  a  rien  qui 
puisse  plus  adoucir  l'esprit  dit  pape,  et  l'aigreur  de 
ceulx  qui  veullent  estre  plus  sages  que  les  aultres  ,  que 
le  contentement  que  l'on  recevroit  de  ceste  paix.  Toutes 
choses  vous  sont  devant  les  yeux  mieulx  qu'à  nous. 
Dieu,  par  sa  grâce  ,  veuille  mettre  le  tout  en  bien  ! 

Nous  avions  sceu  ce  qu'est  adveneu  en  Daulphjné 
et  Savoye  :  la  prise  au.  fort  de  Barrault  nous  a  remis 
le  cœur;  si  avés  vous  peu  cognoistre  que  nous  avions 
pensé  à  ce  que  pour  ce  regard  pourroit  advancer  le 
service  du  roy. 

Nous  estimons  que  les  Savoysiens  ne  se  monstreront 
pas  si  impudens  que  d'en  vouUoir  demander  la  démo- 
lition ;  c'est  à  sa  majesté  à  faire  de  ce  fort  ce  que  bon 
lui  semblera. 

Quant  à  La  Fortune ,  nous  estimons  qu'il  n'est  que 
bien  à  propos  pour  le  service  du  roy  que  ce  soldat  de 
fortune  soit  du  tout  abandonné  de  M.  de  Savoye.  Il  n'y 
a  pas  grande  asseurance  sur  ce  qu'ung  tel  galand  a 
promis  à  M.  le  mareschal  de  Biron. 

Pour  le  regard  de  Berre,    nous  n'avons    pas  sceu 

qu'aultre  que  M.  de  Savoye  ou  le  roy  d'Espaigne   se 

meslent  d'en  payer  la  garnison  ;  quoi  que  ce  soit ,  estant 

celui  qui  y  commande  abandonné  desdicts  roy  et  duc  , 

sa  journée  ne  pourra  pas  beaucoup  monter.  Nous  nous 

recommandons,  etc» 

Du  7  avril  iSgS. 


LETTRE  DE  M.  DE  PIERREFITE,  etc.  289 


L.%.^V'*^».'**^m^fc/%^<'^'%  w^-^  '%/^/»»^fc'^»»^^-fc^^%.^%.^^-v  ■^^•%%.'-^^'X^m^^.'^'fc*'%^*-'^».^^X/-m-'^ 


CXVIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  PIERREFITE 

J  madame  Duplessis. 

Madame  ,  nous  pensions  partir  ce  matin  pour 
Nantes,  mais  le  roi  s'est  ravisé  de  séjourner  encores 
cejourdlîui.  Les  lettres  pour  le  parlement  sont  faictes 
et  fort  bien.  Apres  avoir  veu  M.  de  Mouy,  il  m'a 
fort  entreteneu  de  s'entremesler  d'accord,  avec  de 
grandes  protestations  qu'il  n  est  poinct  neutre,  mais 
du  tout  à  Monsieur ,  lequel  il  trouve  peu  disposé.  Je 
n'ai  encores  eu  loisir  de  lui  en  dire,  à  bon  escient, 
mon;  advis  ce  qu'il  est  d'y  entendre,  et  me  semble 
qu'il  ne  se  peult  trouver  ung  instrument  plus  propre 
pour  faire  comparoistre  Sainct  Pliai,  que  mondict  sieur 
de  Mouy,  lequel  s'y  gouvernera  comme  on  vouldra. 
Sa  majesté  avoit ,  comme  vous  sçavés,  commandé  à 
MM.  d'Avaugour  et  de  La  Rochepot  de  faire  que  ledict 
Sainct  Pliai  se  rendist  au  chasteau  d'Angers  ;  mais ,  à 
mon  advis,  Tung  d'eulx  n'estoit  aiilcunement  propre 
pour  le  lui  conseiller.  Je  désire  fort  de  vous  voir  hors 
de  cest  affaire,  et  le  seul  moyen  est  de  le  faire  com- 
paroistre, et  mondict  sieur  de  Mouy  est  extresmement 
propre  pour  cela  :  aultrement  j'y  prévois  une  très 
grande  longueur  et  péril  de  plus  grand  inconvénient. 
Je  ferai  ce  que  je  pourrai  pour  le  faire  trouver  bon  à 
mondict  sieur.  On  a  teneu  conseil ,  sur  la  demande  de 
l'ambassadeur  des  Pays  Bas,  ce  soir  fort  tard.  Je  ne  sçais 
ce  qui  aura  esté  resoleu  pour  nostre  affaire.  On  nous 
regratte  tousjours  quelque  chose,  et  à  ceste  heure  on 
vient  diminuer  la  somme  promise.  J'espère  toutesfois 

M^M.  DE  DUPLESSTS-MORN  \y.  ToME  VIIT.  IQ 


290  LETTRE  DE  M.  DE  PIERKEFITE,  etc. 

que  nous  en  sortirons.  Pour  mon  particulier,  le  sieur 

de  Boumanfray  est  ici,  avec  lequel  j'espère  m'accorder 

aiseement. 

D'Angers,  ce  8  avril  iSgS. 


CXTX.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  SUlerj, 

Messieurs  de  Bellievre  et  de  Sillery,  j'ai  différé  de 
respondre  à  vostre  despesche  du  26  du  mois  passé, 
receue  le  3o  par  ce  porteur,  jusques  à  ce  que  les  dé- 
putés des  provinces  unies  des  Pays  Bas  feussent  arrivés 
et  que  je  les  eusse  ouïs,  comme  j'avois  faict  les  am- 
bassadeurs de  la  royne  d'Angleterre,  ma  bonne  sœur 
et  cousine,  afin  de  vous  faire  ma  response  entière  et 
parfaicte,  comme  yous  trouvères  par  la  présente;  ores 
lesdicts  députés  n'arrivèrent  ici  que  le  4  de  ce  mois  :  je 
les  vis  le  lendemain  ;  mais  il  a  bien  falleu  employer  trois 
bons  jours  de  temps  à  traicter  avec  eulx  devant  que 
j'aye  peu  fonder  une  bonne  et  solide  resolution;  car, 
à  vous  dire  la  vérité,  je  les  ai  trouvés  au  commence- 
ment si  farouches  et  aliénés  de  la  paix,  qu'a  grand 
peine  ai  je  peu  seulement  les  rendre  capables  de  raison 
et  nécessité  ,  qui  m'ont  forcé  de  permettre  que  la  nego- 
tiation  en  ait  esté  entamée,  tant  est  grande  l'appré- 
hension qu'ils  ont  du  mal  que  peult  apporter  à  leur 
estât  le  bruict  d'icelle  paix  ;  en  quoi  je  puis  dire  que 
les  Anglois    les    ont   plustost    fortifiés   que   desmeus, 
combien  qu'ils  m'ayent  teneus  et  à  plusieurs  de  mes 
:serviteurs  des  langages  tous  contraires  à  cela,  comme 
ceulx  qui  estans  incertains  de  ce  qu'ils  veullent  faire, 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  aqi 

ont  pour  but  de  nous  faire  nnger  ou  noyer  dans  la  mer 
de  leur  incertitude  et  irrésolution  naturelle  et  arti- 
ficieuse, pour  continuera  triompher  de  nos  calamités 
et  misères;  de  quoi  je  me  suis  plainct  si  vivement  aulx 
ungs  et  aulx  aultres,  qu'enfin  j'ai  commencé  à  amollir 
aulcunement  la  dureté  des  ungs,  et  à  disposer  les 
aultres  d'entrer  en  ladicte  paix.  Sur  quoi  est  arrivé  bien 
à  propos  vostre  lettre  du  3  de  ce  mois,  par  laquelle 
vous  m'avés  adverti  de  la  réception  du  pouvoir  pour 
traicter  avec  eulx,  qui  a  esté  apporté  d'Espaigne  par 
le  courrier  qui  y  avoit  esté  despesché;  car  en  ayant 
adverti  lesdicts  Anglois,  et  leur  ayant  faict  dire  que  je 
ne  pouvois  ni  voullois  retarder  dadvantage  ma  reso- 
lution, cela  les  a  esmeus ,  de  façon  qu'il  semble  main- 
tenant qu'ils  se  disposent  d'envoyer  à  Vervins  queî- 
qu'ung  d'eulx  pour  voir  ledict  pouvoir  duquel  ils  veul- 
lent  que  je  croye  qu'ils  doubtent  encores,  pour  ce  que 
vous  ne  l'aviés  encores  veu ,  et  prendre  part  au  traicté 
qui  s'y  faict,  duquel  ils  ont  appris  plus  de  nouvelles 
qu'ils  n'en  sçavoient  par  une  despesché  interceptée  du 
cardinal  d'Autriche  au  roy  d'Espaigne,  jettee  en  mer  par 
ceulx  qui  en  estoient  chargés,  laquelle  a  esté  recueillie 
et  peschee  par  aulcungs  pescheurs  anglois,  dont  je  n'ai 
sceu  que  ce  qu'ils  m'ont  voulleu  dire,  qui  est  ce  que 
vous  verres  par  ung  mémoire  que  je  vous  envoyé.  Si 
lesdicts  ambassadeurs  ont  volonté  de  traicter  à  bon 
escient  et  de  bonne  foi  ou  non ,  je  n'en  puis  respondre; 
mais  je  ne  doubte  poinct  qu'ils  ne  soient  très  marris 
que  Calais  me  soit  rendeu ,  et  partant  qu'ils  ne  fassent 
soubs  main  ce  qu'ils  pourront  pour  m'y  traverser  par 
une  voye  ou  par  aultre;  c'est  pourquoi  il  fault  asseurer 
nos  affaires  devant  qu'ils  soyent  par  delà,  si  faire  se 
peult. 


292  LETTRE  DU  ROY 

Quant  à  ceiilx  des  Provinces  Unies ,  j'ai  à  demi  vaincu 
leurs  députés ,  de  sorte  qu'ils  ne  se  défendent  plus  que 
du  commandement  absoleu  qu'ils  ont  apporté  de  leurs 
supérieurs  de  ne  parler  d'aultre  chose  que  de  la  conti- 
nuation de  la  guerre;  car  ils  recognoissent  à  présent 
que  leurs  moyens  doibvent  céder  à  nos  nécessités,  ou 
pour  mieulx  dire  impossibilités ,  et  leurs  offres  à  nos 
raisons ,  et  qu'ils  empireroient  par  trop  leur  condition 
s'ils  vouUoient  s'opiniastrer  à  soubtenir  seuls  le  faix  de 
la  guerre,  la  France  et  l'Angleterre  s'accommodans; 
mais  ils  désirent  que  nosdictes  raisons  soyent  repré- 
sentées à  leurs  supérieurs  par  aultres  que  par  eulx ,  pour 
la  craincte  qu'ils  ont  d'estre  mal  veneus  s'ils  s'en  char- 
geoient,  et  pour  leur  faire  mieulx  gouster  et  recevoir; 
de  sorte  que  je  prévoie  qu'il  sera  nécessaire  que  j'en- 
voye  encores  quelqu'ung  en  Hollande  exprès  pour  cest 
effect,  comme  je  ferai  volontiers  quand  je  cognoistrai 
le  pouvoir  faire  utilement,  et  pour  ce  faire  il  est  né- 
cessaire que  je  sois  asseuré  de  la  délibération  des  Es- 
paignois  sur  ceste  ouverture;  mais  il  est  besoing  sur- 
tout qu'ils  me  donnent  le  loisir  de  traicter  ce  faict  avec 
eulx,  en  s'abstenans  de  faire  aulcung  acte  d'hostilité 
contre  eulx,  durant  trois  ou  quattre  mois  que  l'on 
pourra  employer  en  ce  voyage ,  de  peur  d'irriter  dad- 
Yantage  les  esprits  de  ceulx  desdictes  provinces ,  et 
pour  donner  plus  de  créance  à  mes  raisons;  les- 
quelles engendreroient  en  eulx  ung  desespoir  plustost 
qu'ung  esprit  de  reconciliation,  si,  lorsqu'elles  leur 
seront  proposées,  ils  se  voyent  assaillir  par  lesdicts 
Espaignols ,  et  abandonnés  de  moi  et  de  ladicte  royne 
d'Angleterre. 

J'ai  bien  considéré  les  raisons  qui  nous  ont  esté  allé- 
guées par  les  députés  dudict  cardinal  contre   ladicte 


A  MM.  DE  BELLTEVRE  ET  DE  SILLERY.  ^gS 
cessation  d'armes  ;  mais  raccordans  à  moi ,  et  non  aulx- 
dicts  estats,  tant  s'en  fault  qu'elle  leur  soit  honteuse 
que  je  tiens  pour  certain  qu'elle  leur  sera  honorable  et 
utile;  car  quelle  plus  grande  gloire  peult  acquérir  ung 
prince  que  d'user  de  bonté  envers  ses  subjects,  et  les 
raddresser  au  droict  chemin  de  leur  debvoir,  quand  ils 
en  sont  desvoyés,  par  doulceur  plustost  que  par  la  ri- 
gueur des  armes?  Vous  sçavés  que  je  m'en  suis  bien 
trouvé  d'avoir  practiqué  ce  remède  ;  et  pouvons  dire 
que  le  roy  d'Espaigne  s'est  très  mal  trouvé  d'en  avoir 
usé  jusques  à  présent  aultrement.  Je  sçais  bien  que  nos 
peuples  n'estans  de  mesme  naturel,  il  fault  aussi  les 
traicter  et  se  comporter  envers  eulx  diversement;  mais 
aussi  fault  il  considérer  que  les  saisons  ne  sont  pas 
tousjours  semblables,  ni  les  peuples  d'une  mesme  vo- 
lonté; quand  ceulx  desdictes  provinces  qui  ont  vescu. 
assés  heureusement  que  le  roy  d'Espaigne  a  faict  la 
guerre  en  France  ,  sçauront  que  je  me  suis  accordé 
avec  lui ,  et  que  la  royne  d'Angleterre  est  en  termes 
d'en  faire  autant,  que  je  leur  conseillerai  de  prendre 
ce  mesme  chemin ,  et  qu'ils  cognoistront  pouvoir  ac- 
quérir du  repos  par  mon  moyen ,  et  qu'ils  y  seront  en. 
mesme  temps  conviés  de  plusieurs  aultres  endroicts,  et 
mesme  par  la  debonnaireté  dudict  cardinal ,  qui  doibt 
estre  leur  seigneur ,  il  fault  espérer  qu'ils  changeront 
de  propos,  comme  ont  jà  faict  d'opinion  leursdicts 
députés  qui  sont  ici  ;  ou  au  contraire  il  est  à  craindre 
que,  si  on  entreprend  de  les  avoir  par  la  force,  ils 
prennent  des  conseils  désespérés,  et  qu'estans  puissans 
comme  ils  sont ,  au  lieu  de  les  subjuguer ,  on  les  fortifie  ; 
et  pour  estre  les  evenemens  des  armes  si  incertains  qu'ils 
sont,  joinct  que  ce  dernier  remède  ne  peidt  fuir  audict 
cardinal,  quand  l'aultre  ne   lui  succédera   heureuse- 


294  LETTRE  DU  ROY 

ment;  mais  il  ne  recouvrera  jamais  l'occasion  de  pro- 
fîcter  de  l'aultre,  s'ils  rejettent  celle  qui  se  présente; 
ils  opposent  à  cela  les  deniers  qu'ils  employent  à  en- 
tretenir leurs  gens  de  guerre,  lesquels  ils  ne  veullent 
consommer  inutilement ,  ni  les  grandes  forces  qu'ils 
ont  assemblées  avec  le  long  temps,  et  d'autant  plus 
qu'ils  ne  recognoissent  aulcune  inclination  à  la  paix  de 
la  part  desdicts  estats  des  Provinces  Unies.  A  quoi  je 
responds  qu'il  est  quelquesfois  expédient  pour  sortir 
d'affaires  de  perdre  ou  se  relascher  de  quelque  chose, 
pour  ne  faciliter  et  ne  perdre  l'espérance  d'ung  profict 
si  advantageux  que  seroit  celui  de  la  reconciliation  des- 
dictes provinces  avec  eulx  ,  s'ils  la  peuvent  obtenir, 
contre  lesquels  ils  ont  ci  devant  employé  et  consommé 
tant  d'années,  d'armes  et  de  sommes  de  deniers^  sans 
en  pouvoir  venir  à  bout,  encores  qu'elles  feussent 
beaucoup  plus  foibles  qu'elles  ne  sont,  et  qu'elles  ne 
peuvent  estre  plus  abandonnées  et  délaissées  de  toutes 
parts  qu'elles  estoient  lors.  Dadvantage,  quelle  honte 
me  sera  ce  que  j'abandonne  tout  à  faict ,  et  du  premier 
coup,  lesdictes  provinces,  de  sorte  que  ce  commence- 
ment de  la  paix  que  je  ferai  avec  mes  ennemis  et  les 
leurs,  contre  lesquels  ils  m'ont  fidèlement  et  coura- 
geusement assisté,  soit  le  commencement  de  leurs  tra- 
vaux, et  ung  acheminement  a  leur  ruyne!  Geste  consi- 
dération me  touche  au  cœur  plus  vivement  que  je  ne 
vous  puis  escrire ,  et  d'autant  plus  que  je  vois  que 
leurs  députés  s'estans  laissés  esbranler  à  mes  raisons , 
me  font  espérer  que  leurs  supérieurs  en  pourront  faire 
de  mesme  par  mon  entremise ,  les  choses  estans  con- 
duictes  avec  prudence  et  modération  ;  ce  n'est  pas 
comme  s  ils  estoient  obstinés  et  irréconciliables  ;  car 
en  ce  cas  je  serois  suffisamment  deschargé  de  les  aban- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  agS 
donner,  après  m'estre  mis  en  debvoir  de  les  rendre 
capables  de  la  raison;  et  fault  que  je  ne  vous  die  que 
je  ne  nie  vois  tomber,  par  le  refus  que  vous  ont  faict 
lesdicts  Espaignols  de  la  cessation  d'armes  que  vous 
avës  proposée ,  en  la  fosse  pleine  de  honte  et  de  re- 
proche ,  en  laquelle  j'ai  preveu  des  le  commencement 
que  me  feroit  tresbucher  cestc  negotiation,  qui  est 
l'abandon  et  séparation  honteuse  de  mes  alHés;  à  quoi 
trop  de  personnes  ont  conspiré  ,  comme  ils  continuent 
encores  de  faire  avec  moins  de  prudence,  ce  me  semble, 
que  d'utilité  pour  eulx  ou  pour  le  public  ;  car  si  tant 
est  que  nostre  sainct  père  ait  intention  de  liguer  en- 
semble les  princes  de  la  chrestienté  pour  faire  la  guerre 
au  Turc,  il  fault  qu'il  commence  par  une  paix  géné- 
rale* car  si  la  guerre  dure  en  quelque  endroict,  ou 
elle  en  engendrera  d'aultres ,  ou  chascung  par  jalou- 
sie conservera  et  mesnagera  en  soi  ses  moyens  et  ses 
forces  sans  s'en  desgarnir,  et  permettre  qu'elles  servent 
ailleurs;  au  moyen  de  quoi  il  est  nécessaire  que  ledict- 
cardinal  accorde  ladicte  cessation  d'armes,  s'il  a  autant  de 
volonté  de  la  paix  qu'il  en  faict  de  démonstration.  Vous 
sçavés  le  fruict  que  j'ai  recueilli  des  trefves  et  surseances 
d'armes  que  j'ai  quelquefois  accordées  en  ce  royauîme 
contre  mes  subjects  rebelles.  Ce  peu  qu'il  bazardera  en 
cela  facilitera  et  asseurera  du  tout  nostre  accord  ,  et  en 
produira  peultestre  ung  aultre  qu'il  n'acquerra  de  long 
temps  à  prix  d'argent ,  ni  à  la  poincte  de  l'espee. 

Je  vous  prye  de  remonstrer  toutes  ces  raisons  aulx- 
dicts  députés,  y  adjouster  encores  celles  dont  vous 
pourrés  vous  adviser,  ramentevoir  à  M.  le  légat  ce 
que  je  lui  ai  tousjours  dict  sur  ce  subject,  et  pareille- 
ment au  père  gênerai  des  cordeliers,  et  vous  soubvenés 
des  espérances  que  vous  m'avés  données  ci  devant  de 


296  LETTRE  DU  ROY 

la  facilité  d'obtenir  ceste  surseance ,  quand  elle  seroit 
demandée,  sans  laquelle  peult  estre  je  ne  me  feusse 
pas  tant  engagé  que  j'ai  faict  audict  traicté;  et  sur  ce, 
dire  aulxdicts  légat ,  gênerai  et  députés  qu'en  me  con- 
tentant sur  ce  poinct ,  vous  aurés  charge  d'accorder 
tous  les  aultres,  ainsi  qu'il  en  suit,  et  de  dresser  en 
forme  et  de  signer,  des  à  présent,  les  articles  de  nostre 
accord  ,  pour  estre  mis  entre  les  mains  dudict  sieur 
légat,  ainsi  qu'il  est  proposé. 

Premièrement ,  j'approuve  les  articles  concernans 
la  restitution  des  places  qui  m'appartiennent  avec  tout 
ce  qui  en  despend,  suivant  vostre  mémoire  du  i[\  feb- 
vrier,  et  ma  response  sur  icelui  portée  par  ma  lettre 
du  i4  mars,  et  partant  que  les  deux  mois  dans  lesquels 
on  promet  d'accomplir  ladicte  restitution ,  commen- 
cent à  courir  du  jour  de  la  signature  desdicts  articles 
déposés,  ainsi  que  dict  est,  entre  les  mains  dudict 
légat;  que  la  ratification  en  soit  baillée  et  les  ostages 
livrés  ung  mois  après  la  signature,  afin  de  me  donner 
plus  de  loisir  de  joindre  mes  alliés  en  ce  traicté  avec 
moi ,  comme  je  prétends  et  espère  de  faire. 

Quand  les  ostages  auront  esté  livrés,  je  veux  bien 
faire  le  serment  que  l'on  désire  de  moi ,  entre  les  mains 
de  ceulx  que  ledict cardinal  d'Autriche  députera;  mais 
aussi  je  vouldrois  estre  asseuré  d'estre  remis  dedans 
mesdictes  villes ,  ou  pour  le  moins  dedans  Calais  et 
Ardres,  par  où  on  doibt  commencer  trois,  quattre , 
six  ou  huict  jours  au  plus  après  ledict  serment  preste, 
sans  attendre  que  lesdicts  deux  mois  soient  du  tout 
expirés,  parce  que  je  ne  vous  puis  celer,  voyant 
mesmes  qu'ils  font  difficulté  d'accorder  ladicte  sur- 
seance d'armes ,  que  je  ne  sois  en  grande  deffiance 
qu'ils  désirent  de  moi  toutes  ces  démonstrations  d'ac- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  STLLERY.  297 
cord ,  plus  pour  intimider  et  désunir  mes  alliés  d'avec 
moi  que  pour  effectuer  leur  promesse;  car,  comme  ils 
sont  gens  qui  font  fort  peu  de  compte  de  leur  parole 
et  réputation,  où  il  va  de  leur  profict,  je  doibs  crain- 
dre qu'après  qu'ils  m'auront  faict  faire  le  sault,  qui 
me  séparera  d'avec  mes  amis  ,  qu'ils  fassent  naistre 
des  difficultés  en  ladicte  restitution  qui  me  privent 
d'icelles;  au  moyen  de  quoi  faictes  tant  qu'ils  l'abrè- 
gent au  moins  pour  une  partie  desdictes  villes,  pour 
la  seureté  des  aultres. 

Et  cependant  qu'i]^  réduisent  la  garnison  de  Blavet 
à  deux  ou  trois  cens  hommes  au  plus,  après  la  signa- 
ture desdicts  articles ,  et  je  ferai  accommoder  de  navires 
les  gens  de  guerre  qui  en  sortiront,  pour  les  transpor- 
ter en  Espaigne  ,  et  non  aulx  Pays-Bas,  de  peur  qu'ils 
fassent  quelque  mauvaise  rencontre  par  les  chemins , 
ou  que  mes  alliés  ne  me  reprochent  le  passage  des- 
dictes forces,  à  la  charge  aussi  qu'ils  donneront  les 
seuretés  nécessaires  pour  le  renvoi  desdicts  vaisseaux 
et  navires. 

Mais  vous  pryerés  de  ma  part  mon  cousin  le  légat, 
puisqu'il  a  tant  enduré  et  travaillé  pour  faire  la  paix, 
qu'il  ne  s'esloingne  de  ma  frontière  que  ladicte  resti- 
tution ne  soit  faicte ,  ou  du  moins  commencée,  ainsi 
que  dict  est  ;  car  comme  sa  présence  asseurera  gran- 
dement l'exécution  d'icelle,  aussi  son  esloingnement 
m'en  mettroit  en  grand  doubte,  lui  disant  que  j'espère 
estre  si  près  de  lui  dedans  ce  mois,  qu'il  n'aura  pas 
grand  chemin  à  faire  pour  me  trouver  ,  non  plus  que  les 
députés  que  ledict  cardinal  d'Autriche  envoyera  pour 
recevoir  mondict  serment.  Ores  je  me  promets  tant 
de  l'amitié  dudict  sieur  légat,  qu'il  ne  me  refusera 
ce    temps  pour   me  rendre  jouissant   du    fruict  qu'il 


298  LETTRE  DU  ROY 

m'aura  procuré;  vous   l'en  pryerës  donc  très  instam- 
ment. 

Quant  au  faict  du  duc  de  Savoye,je  suis  content 
pour  le  bien  de  la  paix ,  accorder  que  nostre  sainct 
père  le  pape  sera  arbitre  de  tous  les  différends  que  j'ai 
avec  lui,  suivant  mon  escrit  du  4  de  juin  1597,  aulx 
charges  et  conditions  portées  par  vostre  lettre  du  4  de 
mars ,  y  adjoustant  ce  qui  est  nécessaire  pour  les  offi- 
ciers qui  m'ont  servi  en  Piedmont ,  et  au  marquisat  de 
Saluées,  suivant  ung  mémoire  que  je  vous  ai  envoyé, 
et  dont  je  vous  renvoyé  encores  Je  double ,  parce  que 
vous  ne  m'avés  adverti  de  la  réception  d'icelui ,  et  que 
mes  aultres  subjects  qui  ont  des  biens  en  ses  terres,  et 
les  siens  qui  m'ont  servi  en  ceste  guerre  soient  aussi 
traictés  comme  il  demande  que  le  soient  les  miens 
qui  l'ont  servi,  au  nombre  desquels  j'entends  que  ma 
cousine,  l'admirai  de  Chastillon,  soit  comprise  et  nom- 
mée, afin  de  la  tirer  de  la  perplexité  en  laquelle  elle 
est  reduicte  pour  le  seul  respect  de  mon  service;  par- 
tant vous  en  ferés  instance. 

Vous  n'oublierés  pas  de  comprendre  ceulx  de  Ge-  ' 
neve  audict  accord,  et  nos  aultres  alliés  et  amis  que 
vous  sçavés  y  avoir  interest ,  afin  qu'ils  puissent  jouir 
du  bénéfice   d'icelui. 

J'entends  aussi  qu'en  accordant  ce  que  dessus  au- 
dict duc  de  Savoye ,  qu'il  me  rendra  Berre  franche- 
ment et  quittement,  et  sans  aulcune  démolition  de  la 
place ,  ni  des  fortifications  d'icelle ,  suivant  vostre  lettre 
du  2 5  de  mars.  Il  est  vrai  que  je  vouldrois  qu'il  abre- 
geast  le  terme  qu'il  demande  de  deux  mois,  à  ung,  ou 
à  six  sepmaines,  pour  tant  plus  tost  recevoir  des  effects 
de  sa  foy  et  de  ses  promesses ,  de  quoi  je  me  remets 
à  vous. 


A  MM.  DE  BFXLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  299 
Quant  au  fort  de  Barrault,  je  prétends  le  retenir  et 
garder,  puisque  je  Fai  si  bien  et  loyaulment  acquis,  et 
qu'il  est  basti  sur  mon  fonds.  Partant  il  ne  sera  besoing 
d'en  parler,  non  plus  que  de  la  démolition  de  la  tour 
de  Cbarbonnieres;  mais  ne  sera  que  bon  d'y  faire  em- 
ployer le  desadveu  du  capitaine  La  Fortune  pour 
Seure,  encores  qu'il  soit  prest  à  s'accorder,  et  me  quit- 
ter du  tout  la  place,  comme  m'a  escrit  depuis  deux 
jours  mon  cousin  le  mareschal  de  Biron. 

Puisque  lesdicts  Espaignoîs  ne  veullent  bailler  que 
quattre  ostages  pour  asseurer  la  susdicte  restitution 
de  mes  places,  il  fault  s'en  contenter,  et  demander  de 
qualité  et  de  service ,  et  qu'il  y  ait  deux  Espaignoîs  ,  et 
entre  aultres  l'admirai  d'Aragon.  Je  me  remets  à  vous 
du  cboix  des  aultres,  dont  vous  me  donnerés  advis; 
comme  il  fault  accorder,  si  l'ung  desdicts  ostages  de- 
cedoit  devant  Tentiere  restitution  desdictes  places, 
qu'ils  m'en  livreroient  ung  aultre,  aussi  à  mon  cboix, 
afin  que  nous  demeurions  tousjours  nantis  de  ce  gage 
jusques  à  ladicte  restitution. 

Je  vous  répéterai  derecbef  que  je  serai  très  marri  et 
en  grande  peine  s'ils  continuent  à  mé  refuser  ceste  sur- 
seance  d'armes  que  je  leur  demande  pour  l'Angleterre 
et  les  estats  des  Provinces  Unies,  pour  les  raisons  ci 
dessus  deduictes  ;  car  je  ne  vois  pas  que  je  me  puisse 
développer  honorablement  de  laliiance  que  j'ai  avec 
eulx ,  si  je  n'obtiens  ce  délai.  Puisque  la  royne  déclare 
qu'elle  veult  traicter  des  à  présent,  et  que  les  députés 
des  aultres  ne  me  désespèrent  d'y  pouvoir  disposer  leurs 
supérieurs,  ce  sera  en  ma  fiiveur  et  considération,  et  à 
mon  instance,  que  ladicte  surseance  sera  accordée,  et 
non  de  ladicte  royne  ni  desdictes  pjovinces;  de  sorte 
que  tant  s'en  fault  qu'elle  soit  honteuse  au  roy  d'Es- 


3oo  #  LETTRE  DU  ROY 

paigne,  pour  n'avoir  esté  demandée  par  les  auitres; 
que  coinme  il  m'obligera  par  icelle  à  faire  que  les  auitres 
l'acceptent,  elle  lui  sera  honorable;  il  fault  espérer 
aussi  qu'elle  lui  sera  très  utile ,  et  principalement  au- 
dict  cardinal,  pour  favoriser  ses  prétentions;  d'autant 
que  lesdicts  estats  l'accepteront  plus  tost,  voyant  que  je 
leur  respondrai  de  l'observation  d'icelle,  et  que  ma  foi 
y  sera  engagée.  Et  fault  espérer  que  ce  commencement 
d'adoulcissement  les  acheminera  à  la  reconciliation  que 
doibt  désirer  ledict  cardinal,  pour  faciliter  et  asseurer 
son  establissement  aulxdicts  pays ,  si  tant  est  que  le  roy 
d'Espaigne  contineue  en  ce  desseing ,  dont  je  vois  que 
les  Anglois  et  les  Hollandois  doubtent  plus  que  jamais. 
Partant  je  vous  prye  mettre  peine  de  nous  en  esclair- 
cir,  afin  de  m'en  advertir;  car  comme  on  ne  voit  en- 
cores  aulcungs  préparatifs  du  mariage  et  passage  de 
l'infante ,  plusieurs  infèrent  de  là  que  le  bruict  a  esté 
publié  pour  nous  tromper  tous.  Ores ,  j'ai  si  à  cœur  le 
délai  pour  mes  alliés ,  que  je  vous  prye  derechef  de 
l'obtenir;  car,  sans  cela,  je  ne  puis  me  deslier  d'avec 
eulx  sans  faire  tort  à  ma  réputation  et  à  ma  foi  ;  et 
comme  je  ne  puis  me  persuader  qu'ils  le  me  refusent, 
j'ai  tant  faict  que  j'ai  reteneu  auprès  de  moi  lesdicts 
ambassadeurs  jusques  au  retour  de  ce  courrier,  sans 
toutesfois  leur  rien  dire  de  ma  demande  pour  celer 
vostre  response ,  et  me  resouldre  avec  eulx  de  ce  que 
je  ferai;  car  s'il  ne  me  rapporte  le  traicté  resoleu  avec 
la  surseance  d'armes,  ou  pour  le  moins  de  tout  siège 
de  place,  j'embrasserai  les  offres  qu'ils  me  font,  qui 
sont  à  la  vérité  suffisantes  pour  esbranler  le  courage 
d'ung  prince  qui  seroit  moins  affectionné  au  bien  pu- 
blic et  au  contentement  du  pape  que  moi. 

J'entends  aussi  que  l'article  qui  concerne  nos  subjects 


A  MM.  DE  BELLIKVRE  ET  DE  SILLERY.  3oi 
qui  ont  servi  Tiing  et  Taultre  parti  soit  couché  en  termes 
generaulx ,  suivant  rouverlure  que  vous  en  avés  faicte, 
et  sans  que  le  sieur  Antoine  Perez  ni  aultres  en  soient 
exceptés,  pour  les  raisons  que  vous  avés  remonstrees, 
qui  importent  par  trop  à  ma  dignité  et  réputation.  Par- 
tant, ne  consentes  aulcunement  qu'il  soit  faict  mention 
de  ladicte  exception;  mais,  hors  cela,  j'approuve  que 
■vous  accommodiés  ledict  article  comme  vous  jugerés 
estre  pour  le  mieulx. 

Je  vous  en  dis  autant  pour  les  rançons  et  dehvrance 
de  ceulx  qui  sont  à  la  chaisne ,  et  aultres  prisonniers 
de  part  et  d'aultre. 

Mais  je  n'approuve  aulcunement  l'article  par  lequel 
ils  veuUent  conserver  les  fermiers  des  biens  des  absens, 
pour  les  raisons  que  vous  leur  avés  dictes. 

Vous  avés  bien  faict  aussi  d'avoir  rejette  la  demande 
qu'ils  ont  faicte  pour  les  officiers  qu'ils  ont  establis  aulx 
places  par  eulx  occupées. 

Et  pour  le  regard  de  la  comté  de  Charolois ,  je  ne 
veulx  rien  changer  de  ce  que  je  vous  en  ai  escrit  ci  de- 
vant. 

Je  serai  tousjours  très  aise  de  gratifier  ladicte  infante 
comme  ledict  cardinal ,  pourveu  que  ce  ne  soit  au 
dommage  de  ma  couronne  et  de  ma  réputation,  etc. 

Mais  la  demande  qu'ils  ont  faicte  pour  le  prince 
d'Orange  est  raisonnable,  et  ne  peuh  estre  refusée  aul- 
cunement. 

J'approuve  aussi  la  resolution  prise  pour  achever 
d'exécuter  le  précèdent  traicté,  et  vuider  tous  nos  aultres 
différends. 

Mais ,  puisque  le  contresigne  pour  la  restitution  de 
Blavet  a  esté  apporté  d'Espaigne,  obtenés,  s'il  est  pos- 
sible ,  que  le  terme  de  trois  mois  qu'ils  ont  demandé 


3o'2  LETTRE  DU  ROY 

pour  l'exécution  d'iceiui  soit  abrégé ,  afin  que  nous 
sortions  du  tout  des  affaires  que  nous  avons  ensemble 
le  plus  tost  que  nous  pourrons. 

J'approuve  pareillement  que  l'article  conteneu  en 
vostre  mémoire  du  20  mars,  pour  la  réservation  de 
nos  droicts,  actions  et  prétentions,  soit  couclié  ainsi 
qu'il  est  escrit  en  icelui. 

Pour  le  regard  de  la  renonciation  aulx  intelligences 
que  j'ai  avec  mes  alliés,  ne  permettes  qu'il  en  soit  faict 
mention  expresse  par  ce  qui  sera  de  présent  escrit,  mais 
que  le  tout  soit  référé  au  traicté  de  l'an  i559. 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery,  vous  pouvés  juger, 
par  la  présente,  en  quel  debvoir  je  me  mets  pour  à  ce 
coup  conclure  et  terminer  ladictë  paix;  et  partant,  que 
mes  prospérités  ne  me  transportent  poinct,  ni  toutes 
aultres  offres  qui  me  peuvent  estre  faictes  par  dessus 
le  terme  de  la  raison  et  du  bien  public  ;  ce  que  vous 
ferés  entendre  et  valloir  par  delà,  comme  il  est  néces- 
saire pour  ma  réputation  et  mon  service,  principale- 
ment envers  ledict  sieur  légat.  Mais,  si  vous  ne  pouvés 
obtenir  ladicte  surseance  d'armes  pour  trois  ou  quattre 
mois,  faictes  au  moins  qu'ils  promettent  qu'ils  n'assié- 
geront aulcunes  places  desdicts  estats  des  Pays  Bas  de 
deux  mois,  afin  qu'au  moins  j'aye  recouvert  mes  places 
devant  qu'ils  en  viennent  là  ;  et  je  ferai  que  lesdicts 
estats  me  feront  la  mesme  promesse;  et  en  cas  qu'ils 
vous  accordent  pour  mesdicts  alliés  l'une  et  l'aultre  des 
demandes  susdictes ,  je  trouve  bon  que  vous  resolviés 
et  signiés  des  à  présent  les  articles  du  présent  traicté, 
et  qu'ils  soient  mis  en  depost  entre  les  mains  dudict 
sieur  légat,  afin  qu'ils  soient  concleus  et  arrestés  du 
tout ,  et  que  l'on  n'y  puisse  plus  rien  adjouster  ni 
changer. 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.         3o:> 

Quoi  faisant,  vous  ii'oublierés  à  nommer  et  com- 
prendre en  icenix  les  anciens  et  modernes  amis,  alliés 
et  confédérés  de  ceste  couronne ,  en  la  forme  et  manière 
accoustumee,  entre  les(|uels  il  me  semble  qu'il  ne  fault 
pas  oublier  le  grand  duc  de  Toscane,  et  d'en  faire  men- 
tion en  termes  bonorables,  pour  les  raisons  que  vous 
pouvés  mieulx  juger. 

Je  trouve  bon  aussi  qu'il  soit  accordé,  quand  lesdicts 
articles  seront  signés,  qu'il  ne  sera  rien  entrepris  sur 
nos  places  de  part  et  d'aultre,  afin  de  nous  délivrer  de 
la  jalousie  que  nous  avons  ;  toutesfois  il  fauldra  que 
cela  soit  encores  teneu  secret,  à  cause  de  nosdicts  alliés; 
et  suffira  que  vous  en  adv^rtissiés  mon  cousin  le  con- 
nestable,  comme  vous  ferés  incontinent  que  vous  serés 
d'accord. 

Je  vous  envoyerai  les  passeports  qu'ils  demandent 
quand  je  sçaurai  que  lesdicts  articles  seront  accordés  ; 
et  partant  ,  vous  m'en  advertirés  en  toute  diligence , 
afin  que  j'en  sois  faict  certain ,  devant  que  je  congédie 
lesdicts  ainbabsadeurs,  qui  pressent  fort  leur  retour,  et 
se  monstrent  très  mal  contens  de  mon  inclination  à  la 
paix.  * 

Celui  d'Angleterre  parle  d'envoyer  le  commissaire 
qu'il  a  mené  avec  lui ,  soubs  prétexte  de  voir  le  pouvoir 
apporté  d'Espaigne;  s'il  le  faict,  vous  en  serés  advertis. 
Cependant  j'aurai  ce  plaisir  que  vous  voyiez  ledict  pou- 
voir, afin  que,  si  vous  n'en  pouvés  avoir  la  copie,  vous 
me  puissies  mander  ce  qu'il  contient;  car  ledict  ambas- 
sadeur faict  semblant  de  ne  croire  pas  qu'il  soit  arrivé. 

Au  reste,  j'ai  tant  faict  que  mes  subjects  de  la  relli- 
gion  pretendeue  reformée  se  sont  despartis  de  l'instance 
qu'ils  faisoient  pour  le  jugement  des  lettres  de  repré- 
sailles contre  ceulx  d'Avignon  et  du  Comtat;  de  sorte 


3o4  LETTRE  DU  ROY^  etc. 

qu'aiiltreqiie  moi  n'en  ordonnera,  comme  il  a  esté  pro- 
mis à  sa  saincteté,  dont  vous  advertirés  ledict  sieur  lé- 
gat, lui  disant  que  je  mettrai  tousjours  peine  de  lui  faire 
cognoistre  par  effect,  en  toutes  occasions,  combien  a 
de  pouvoir  sur  moi  le  respect  que  je  porte  à  nostre 
sainct  père,  et  l'affection  que  me  porte  ledict  sieur  lé- 
gat, lequel  j'espère  recevoir  bientost.  J'ai  délibéré  de 
reprendre  le  chemin  de  Picardie,  et  m'y  rendre  dedans 
ce  mois,  et  plus  tost  si  je  puis;  car  je  recognois  avec 
vous  que  ma  présence  par  delà  est  plus  nécessaire 
qu'ici.  Mais  je  vous  prye  derechef  de  me  renvoyer  ce 
porteur  en  toute  diligence,  et  advancer  le  plus  que  vous 
pourrés  la  conclusion  du  présent  traicté  et  accord;  car 
puisque  j'ai  déclaré  et  faict  sçavoir  à  mes  alliés  que  je 
suis  resoleu  de  traicter ,  il  en  fault  franchir  le  sault, 
pour  ne  tomber  aulx  grands  inconveniens  très  dange- 
reux et  honteux  que  m'apporteroit  une  irrésolution;  et, 

pryant  Dieu,  etc. 

Du  9  avril  1698. 

CXX.  —-V- LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery. 

MESSIEURS,  les  grands  affaires  ne  se  font  pas  sans 
grande  peine;  vous  en  conduises  ung  qui  est  le  plus 
important  à  toute  la  chrestienté,  et  à  ce  royaulme  en 
particulier,  qui  s'est  jamais  présenté,  et  le  plus  diffi- 
cile et  espineux.  Nous  en  avons  ici  esprouvé  quelque 
chose  depuis  l'arrivée  de  ce  courrier  ;  mesmes  depuis 
que  l'on  a  envoyé  à  M.  Cécile ,  ambassadeur  d'Angle- 
terre,  le  paquet  surpris,  duquel  nous  envoyons  l'ex- 
traict.  Ladicte  despesche  contenoit  plusieurs  aultres 


LETTRE  J)E  M.  DE  VILLEROY ,  eto  3o5 

choses  qu'ils  ne  nous  ont  pas  nionstrees,  dont  je  vois 
qu'ils  ont  plus  grande  allarme;  de  quoi  jemesoucierois 
bien  peu  si  nos  affaires  estoient  faicts  :  mais,  à  la  vé- 
rité, il  nous  en  peult  arriver  beaucoup  de  préjudice, 
estans  incertains  du  succès  de  nostre  negotiation. 

Vous  apprendrés,  par  la  lettre  du  roy,  la  dernière 
resolution  de  laquelle  je  ne  pense  pas  que  sa  majesté 
se  départe,  quoi  qui  en  puisse  arriver;  de  sorte  que  si 
la  despesche  que  vous  nous  ferés  sur  icelle  ne  la  con- 
tente, je  prévois  qu'elle  prendra  parti  avec  ces  mes- 
sieurs ,  lesquels  offrent  plus  qu'ils  ne  peuvent  porter 
pour  rompre  ledict  accord.  Partant,  donnez  ordre,  s'il 
vous  plaist ,  que  nous  sçacbions  au  plus  tost  la  reso- 
lution que  vous  prendrés,  afin  que  nous  ayons  loisir  de 
traicter  avec  lesdicts  ambassadeurs,  et  que  nous  ne  de- 
meurions à  terre  entre  deux  selles.  Sa  majesté  est  par- 
tie d'ici  pour  aller  à  Nantes,  et  m'a  laissé  derrière  pour 
faire  partir  ledict  courrier.  Elle  y  arrivera  samedi  où 
lesdicts  ambassadeurs  la  suivront,  et  je  partirai  demain 
pour  la  suivre,  si  Dieu  plaist. 

J'ai  parlé  du  faict  des  Suisses,  et  faict  toutes  les  des- 
pesches  que  Ton  a  demandées ,  tant  pour  le  domaine 
que  pour  la  rente  de  Bretaigne ,  et  les  edicts  qui  leur 
ont  esté  affectés.  Je  continuerai  encores  à  les  assister 
de  tout  mon  pouvoir,  et  parce  que  je  sçais  que  M.  Gau- 
las et  Baduel  vous  advertissent  de  tout  ce  qui  se  passe 
pour  ce  regard,  je  ne  vous  en  ferai  redicte.  Mais  vous 
sçavés  qu'il  ne  s'en  est  gueres  falleu  que  le  roy  n'eust 
envoyé  par  delà  M.  de  Sancy,  pour  vous  fortifier  en 
vostre  negotiation,  principalement  pour  obtenir  ceste 
surseance  dont  il  est  question  ;  mais  lui  mesmes  s'en  est 
excusé,  craignant  d'y  estre  inulile.  Toutesfois,  si  vous 
jugés  qu'il  en  doibve  advenir  aultremtnt,  je  vous  prye 

MÉM.  DE  DuPLESSrS-MoRNAY.  ToME  VIII.  20 


3o6  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

de  m'en  donner  ad  vis.  J'ai  receu  vos  lettres  du  25,  26 

et  dernier  de  mars,  et  la  dernière  du  3  du  présent. 

Sur  la  plaincte  que  vous  nous  avés  faicte  des  exac- 
tions que  l'on  faict  par  delà  contre  les  cabaretiers  et 
aultres  semblables,  nous  avons  despesché  une  déclara- 
tion de  surseance  de  l'exécution  de  toutes  les  commis- 
sions extraordinaires,  réservées  aulcunes  nommées  par 
la  déclaration,  qui  importent  au  service  du  roy,  entre 
lesquelles  on  a  oublié  celle  des  Suisses,  dont  le  peuple 
sera  soulagé.  C'est  pour  response  à  vostre  lettre  du  16 
de  mars,  qui  a  fort  demeuré  par  les  chemins;  pryant 
Dieu,  etc. 

Du  9  avril  1698. 


CXXI.  —  -^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  sajeinme. 

M' AMIE ,  nous  arrivasmes  hier  en  ceste  ville  de 
Nantes,  prévenant  le  roy  d'ung  jour,  que  nous  avons 
laissé  à  Ancenis,  afin  d'estre  bien  logés;  à  quoi  j'ai 
trouvé  que  Pizieux  avoit  donné  très  bon  ordre,  et 
vouldrois  de  bon  cœur  que  ta  santé  peust  te  donner 
les  moyens  d'y  participer,  tandis  que  la  clarté  que  je 
désire  voir  en  nos  affaires  me  retiendra  ici,  encores  que 
ce  sera  pour  t'aller  voir  au  plus  tost  que  je  pourrai.  Il 
me  tardera  fort  que  je  sçaclie  l'amendement  que  tu 
auras  receu  du  régime  de  M.  Petit,  mesme  de  la 
saignée;  mais  pour  la  drogue  de  81.  63,  il  n'en 
fault  pas  faire  la  première  espreuve.  Pizieux  t'escrit 
de  l'affaire  de  change;  je  ne  puis  rien  adjouster  aulx 
aultres.  Je  pense  que  M.  Niotte  t'aura  porté  provision 


LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  etc.  Soy 

pour  la  garnison  de  laquelle  deux  mois  nous  serons 
moins  travaillés.  C'est  ung  des  miracles  de  ce  temps , 
qu'à  peine  se  trouve  il  ici  ung  homme  de  la  Ligue, 
tant  chacung  en  a  honte.  C'est  certes  une  belle 
ville ,  surtout  pour  l'assiette  ;  mais  qu'ils  avoient  mal 
ménagée  pour  la  deffendre.  i.  63.  80.  11.  i.  58.  3ro. 
57.  4-  9  70-  ^'  i3o.  II.  84.;  mais  en  l'accommodant 
aulx  l\o.  i5.  99.  II.  83.  autant  que  faire  se  pourra. 
Renouvelle  aussi  la  3 12.  92.  84.  64-  33.  v.  i36. ,  pour 
nous  aultre  ce  qui  n'est  que  4-  no.  Le  valet  de  chambre 
partit  d'Angers  avec  les  lettres  dont  tu  as  eu  copie, 
et  desquelles  je  l'aurai  authentique,  accompaignees 
de  semblables  aulx  gens  du  roy ,  tant  en  corps  qu'en 
particulier  à  ung  chacung.  Le  roy  lui  en  dict  sa  volonté 
de  bouche  en  assés  forts  termes.  Je  t'embrasse,  m'amie, 
de  tout  mon  cœur. 

De  Nantes,  ce  1 1  avril  iSgS. 

Je  suis  en  peine  que  tu  ayes  faulte  d'argent.  Mes- 
dames de  Rohan  sont  arrivées  ici  d'hier  avec  cent 
gentilshommes  Poictevins ,  la  pluspart  de  la  relligion 
et  de  nos  amis.  Mon  cousin  de  Mouy  est  ici;  les  sieurs 
de  La  Ferriere,  de  La  Vignolle,  Tesseran,  etc.,  qui  ne 
bougent  d'avec  moi.  Ne  te  mets  en  peine  de  nous 
pour  la  seureté. 


CXXIL —-^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

j4  sa  femme. 

M' AMIE ,  je  t'avois  escrit  quant  j'ai  receu  les  tiennes 
du  8,  par  ung  messager  de  Rouen.  A  bon  droict  tu 
t'ennuves,  et  en  tes  douleurs  et  en  mon  absence,  et 


3o8  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

je  ne  suis  pas  sans  en  porter  ma  part;  mais  j'ai 
estimé  qu'il  falloit  user  de  l'occasion,  et  certes  avec 
plus  grande  resolution  que  jamais  d'achever  nos  jours 
ensemble  ,  et  de  procurer  que  ce  puisse  £stre  avec 
quelque  repos.  Je  t'ai  èscrit  par  le  Basque,  où  je  suis 
de  tous  nos  affaires.  Tu  auras  veu  aussi  la  despesche 
qui  a  esté  envoyée  par  ung  valet  de  chambre  exprès 
au  parlement.  Je  suis  resoleu,  dans  peu  de  jours,  de 
demander  congé  au  roy,  pour  me  donner  tout  entier 
à  ce  qui  despend  de  cest  affaire.  Seulement  je  serai 
bien  aise  de  remporter  avec  moi  les  assignations  de  la 
somme  que  nous  avons  dediee  au  mariage  de  nos 
filles,  et  Testât  de  nostre  garnison  tel  qu'il  doibt  de- 
meurer; ce  qui,  à  mon  advis,  ne  peult  gueres  tar- 
der. Quant  à  l'ouverture  qui  t'a  estonnee  ,  elle  n'a 
poinct  eu  de  suite,  parce  que  je  l'ai  arrestee;  et, 
quand  elle  en  eust  deu  avoir,  ce  n'eust  esté  ni  de  par 
moi  ni  en  ma  présence.  Le  contract  aussi ,  dont  tu  es 
en  peine,  n'est  poinct  signé  de  Boinville.  Ce  qui  me 
fasche  de  tout  cela ,  c'est  que  je  vois  que  tu  t'affliges 
des  maulx  aulxquels  nous  ne  pouvons  remédier.  Ce 
qui  n'est  pas  pour  amender  ta  santé.  Ores,  m'amie , 
je  te  verrai,  aidant  Dieu,  plus  tost  que  tu  ne  penses, 
et  lors  t'en  ferai  reproche.  Mets  ton  esprit  en  repos  en 
Dieu.  Je  suis  de  ton  advis  pour  le  mariage  de  nostre 
niepce.  D'Amberville  nous  sera  en  descharge  ;  nous 
adviserons  à  nostre  première  veue  à  ce  que  nous  au- 
rons à  y  faire.  J'ai  cogneu  le  père  du  gentilhomme  qui 
avoit  du  bien  honnestement  selon  le  pays.  Je  fais 
chercher  du  bezoard  ici ,  car  il  ne  s'en  est  poinct 
trouvé  es  coffres  du  roy ,  parce  qu'à  ce  que  M.  Be- 
ringhen  m'a  dict,  ses  médecins  n'en  usent  poinct. 
iNous  t'enverrons   aussi   des   grenades.  M.  de  Lusson 


A  MADAME  DUPLESSIS.  '5og 

part  dans  trois  jours,  à  qui  je  ferai  faire  une  forte  re- 
charge par  M.  de  Calignon.  Le  roy  disne  demain  à 
Chassay,  et  couche  ici.  Pizieux  t'escrit  du  faict  de 
Poulain.  Il  a  esté  mal  mesnagé,  mais  il  en  fault  sortir. 
M'amie ,  je  te  baise  de  tout  mon  cœur. 

D'Angers  (i) ,  ce  1 1  avril  1 5gS  ,  au  soir. 


CXXIII.— ^LETTRE  DE  M.  DE  PIERKEFITE 

yï  madame  Duplessis. 

Madame  ,  j'ai ,  parlant  à  M.  de  Mouy,  teneu  tout 
ce  mesme  langage  que  m'escriviés  lui  avoir  dict,  et 
suis  fort  bien  de  vostre  advis ,  qu'il  n^est  à  propos 
qu'il  s'addresse  à  M.  Duplessis;  mais  bien  qu'il  en  peult 
communiquer  de  lui  mesmes  avec  les  aultres  parens, 
pour  se  rendre  au  lieu  où  le  roy  a  ordonné.  Je  ne  fais 
poinct  de  doubte  que  les  effects  du  parlement  ne  soient 
ung  bon  moyen  pour  le  haster,  sans  lequel  je  ne 
pense  pas  que  les  parens  que  j'ai  veus  ici  soient  propres 
pour  le  réduire  à  ce  poinct,  et  ne  cognois  que  mon- 
dict  sieur  de  Mouy  qui  à  mon  jugement  le  puisse 
faire  ;  encores  je  ne  sçais  si ,  attendeu  les  mauvais 
conseils  qu'on  lui  peult  avoir  donnés,  il  en  pourra  venir 
à  bout.  Mondict  sieur  de  Mouy  m'a  advoué  qu'il  estoit 
fort  pryé  de  madame  de  Chavigny,  M.  le  comte  de 
Montgommery  et  du  sieur  de  La  Planche  ,  qui  est  à 
Sainct  Phal ,  de  s'entremettre  de  cest  affaire.  Il  a  ici 
receu  lettres  dudict  Sainct  Phal  ,  qui  le  pryoit  et  con- 
juroit  fort  de  Taller  voir,  ce  qu'il  a  faict,  m'en  ayant 
premièrement   parlé.  Je  lui  conseillai  de   n'en   parler 

(i)  Erreur;  écrile  de  PSantes  comme  la  précédente. 


3lO  LETTRE  DE  M.  DE  PÏERREFITE 

nullement  à  M.  Duplessis,  ni  à  homme  quel  qu'il 
feust,  ce  qu'il  m'a  promis  de  faire,  combien  qu'il  eust 
auparavant  aultre  intention.  Il  me  jura  n'en  avoir 
parlé  à  personne.  Nous  verrons,  par  son  retour,  ce 
qu'il  aura  fait;  et,  quoi  que  soit,  je  m'asseure  que 
monsieur  ne  fera  rien  contre  l'honneur  :  et  si  par  la 
poursuite  des  parens  il  se  faisoit  quelque  ouverture 
mal  à  propos,  il  vauldroit  mieulx  se  retirer  pour 
quelque  temps.  Je  ne  crois  pas  toutesfois  que  le  roy 
les  voulleust  escouter  au  préjudice  de  l'honneur  de 
mondict  sieur.  Nostre  edict  est  concleu  ;  il  est  vrai 
qu'on  nous  retranche  quelque  chose  de  la  somme  ac- 
cordée,  mais  tout  ne  laisse  d'estre  bien.  Les  ambas- , 
sadeurs  d'Angleterre  et  des  Pays  Bas  viennent  en  ceste 
ville,  et  pressent  d'estre  despeschés.  Je  crois  que  le 
conseil  du  roy  est  fort  proche  à  la  paix  d'Espaigne.  Je 
ne  pense  pas  qu'on  assiège  Blavet;  et,  quand  ainsi 
seroit,  il  me  semble  que  M.  de  Bours  n'y  debvroit 
aller.  En  finissant  ceste  lettre ,  sa  majesté  est  arrivée 
ici.  Les  habitans  sont  allés  au  devant  dicelle ,  ont 
dressé  ung  bataillon  avec  dix  enseignes  et  des  enfans 
perdeus,  le  tout  assés  mal  ordonné,  combien  qu'ils 
feussent  assés  braves.  Ils  ont  enchéri  le  taffetas  blanc 
pour  faire  des  escharpes.  Et  depuis ,  M.  de  Mouy  es- 
tant de  retour  ,  m'envoya  quérir.  Il  me  dict  qu'il  avoit 
trouvé  Sainct  Pliai  bien  disposé ,  qu'il  falloit  com- 
mencer par  le  faire  venir  trouver  le  roy.  J  insistai  qu'il 
se  debvroit  rendre  au  chasteau  d'Angers,  et  non  ail- 
leurs ;  que  de  lui  bailler  des  gardes,  c'est  chose  qu'on 
faict  aulx  moindres  querelles  pour  empescher  le  com- 
bat,  combien  qu'il  n'y  ait  poinct  eu  de  supercherie. 
Il  avoit  ad  visé  d'en  parler  au  roy.  Je  m'y  opposai  ;  et 
en  son  deffauît  il  desiroit  qu'ung  aultre  en  parlast,  et 


A  MADAME  DUPLESSIS.  3l  I 

me  nomma  le  comte  de  Montgommery,  qui  est  allé 
voir  Sainct  Phal.  Je  ne  me  voulleus  charger  d'en  parler 
à  M.  Duplessis,  et  lui  conseillai  de  n'en  parler  poinct 
lui  mesmes,  et  lui  dict  que  ses  ouvertures  ne  me  sem- 
bloient  bonnes.  Enfin ,  il  s'y  trouve  fort  empesché. 
Je  prye  Dieu  qu'il  nous  bénie  en  cest  affaire  et  toutes 
les  aultres  que  nous  avons  ici,  et  qu'il  vous  donne, 
madame,  en  santé,  heureuse  et  longue  vie. 

A  Nantes,  ce  i3  avril  i5gS. 


CXXIV.  —  ^  LETTRE 
De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  a  M.  de  Villeroj. 

Mo]NSi£UR,  depuis  le  partement  de  La  Fontaine, 
qui  feut  le  26  du  mois  passé,  nous  vous  avons  escrit 
les  3  et  8  de  ce  mois  d'avril,  et  accusé  la  réception  de 
toutes  vos  lettres ,  dont  il  semble  par  vostre  despesche 
du  4,  que  nous  receusmes  hier  au  soir  seulement,  que 
vous  soyés  en  peine,  mais  principalement  de  ce  que 
n'avés  esté  par  nous  adverti  de  ce  qu'a  apporté  le  cour- 
rier qui  est  reveneu  d'Espaigne ,  dont  nous  vous  avons 
faict  deux  bien  amples  despesches,  aulxquelles  atten- 
dons response ,  et  n'y  pouvons  pour  le  présent  adjouster 
aulcune  chose.  Il  n'eust  pas  esté  possible  que,  lors  de 
vostre  dernière  lettre,  datée  du  4  de  cedict  mois, 
eussiés  sceu  de  nous  ce  qu'a  apporté  d'Espaigne  ledict 
courrier,  qui  n'arriva  ici  que  le  dernier  du  mois  passé; 
ces  ambassadeurs  mirent  ce  jour  à  voir  leurs  despes- 
ches ;  le  lendemain,  noussceusmes  ce  dont  nous  es.cri- 
vismes,  et  en  traictasmes  Tapres  disnee  chés  M.  le  lé- 
gat. M.  Richardot  asseuroit  que  les  despesches  avoient 


3l2  LETTRE 

esté  apportées,  non  qu'il  les  eustveues,  disant  que  le 
tout  avoit  esté  envoyé  au  cardinal  d'Autriche  ;  nous 
vous  escrivismes  ce  que  nous  en  apprisnies,  et  estant 
de  retour  de  Bruxelles,  M.  le  commandeur  Taxis  qui 
nous  asseura  d'avoir  porté  avec  lui  les  pouvoirs  signés 
du  roy  d'Espaigne,  pour  traicter  avec  la  royne  d'An- 
gleterre et  ceux  des  estats;  nous  vous  en  fismes  tout 
incontinent  une  despesche  qui  partit  d'ici  le  8.  Nous 
estimons  qu'à  présent  vous  aurés  receu  et  l'une  et 
l'aultre  de  nos  despesches,  nous  ayant  escrit  M.  Louvet 
qui  vous  a  envoyé  en  diligence  celle  du  8,  estant, 
comme  vous  nous  avés  escrit,  l'incertitude  de  ces  pou- 
voirs, la  seule  cause  qui  nous  retardoit  de  negotier 
avec  l'ambassadeur  d'Angleterre,  vous  demeurés  main- 
tenant satisfaicts  pour  ce  regard  ,  et  a  la  royne  d'An- 
gleterre occasion  de  sçavoir  gré  au  roy  du  soing  qu'il 
a  pieu  h  sa  majesté  avoir  d'elle,  car  sans  l'instance  et 
fort  expresse  que  nous  avons  faicte  d'avoir  lesdicts 
pouvoirs,  et  que  sans  cela  nous  ne  pouvions  entendre 
à  aulcung  traicté,  il  est  certain  que  ce  n'estoit  pas 
l'intention  du  roy  d'Espaigne  de  signer  le  pouvoir 
pour  traicter  avec  la  royne  d'Angleterre;  car,  à  ce 
que  nous  comprenons,  il  desiroit  fort  pour  divers  res- 
pects que  nous  conclussions  ce  traicté  sans  elle.  Ores, 
les  choses  sont  en  Testât  que  le  roy  les  a  demandées, 
tant  pour  le  regard  desdicts  pouvoirs  que  du  contre- 
signe de  Blavet;  il  ne  reste  plus  en  cest  affaire,  si  ce 
n'est  que  si  ladicte  royne  et  estats  veullent  traicter, 
qu'ils  déclarent  par  effect  quelle  est  en  cela  leur  in- 
tention; car,  toutes  choses  considérées,  il  semble  que 
la  longueur  dont  il  sera  usé  en  cest  affaire  tombe  prin- 
cipalement sur  les  coffres  du  roy,  s'il  ne  se  faict  poinct 
de  paix;  c'est  ce  que  désire  la  royne  d'Angleterre,  et 


A  M.  DE  yiLLEROY.  3l3 

encores  plus  ceulx  des  Provinces  Unies;  quant  aulx 
Espaignols,  ils  la  désirent,  mais  ils  n'ont  rien  lasché 
des  villes  qu'ils  doihvent  restituer  ;  cependant  que 
nous  en  disputons  ,  ils  en  demeurent  garnis  ;  leur  ar- 
mée se  trouve  debout;  cependant  que  nous  sommes 
irresoleus,  ils  peuvent  surprendre  Tune  de  nos  villes, 
ou  nous  l'une  des  leurs  :  l'ung  et  l'aultre  de  ces  acci- 
dens  peult  estrc  cause  de  rompre  ce  traicté;  peult  sur- 
venir la  mort  du  roy  d'Espaigne,  de  l'infante,  du 
cardinal ,  changement  de  volonté  et  aultres  choses 
semblables  :  bref,  tels  accidens  qui  peuvent  advenir 
durant  ces  longueurs  pourroient  estre  cause  que  le 
roy  demeurera  frustré  de  la  restitution  de  tant  de 
places  dont  il  peult  estre  maistre  en  peu  de  tenips;  si 
nous  retardons  a  conclure  ce  traicté ,  ce  que  nous 
avons  dict  qui  nous  prejudicieroit,  peult  servir  aulx 
desseings  de  la  royne  d'Angleterre ,  qui  sont  principa- 
lement d'entrer  dans  Calais  ,  et  que  nous  en  demeu- 
rions excleus;  le  but  de  ceulx  des  provinces  ne  tend 
pas  à  nous  faire  perdre  Calais:  mais,  à  quelque  prix 
que  ce  soit  qui  nous  doibve  advenir,  ils  regardent  à 
ce  qui  leur  est  plus  proche,  qui  est  de  se  saulver,  en 
moyennant  par  leurs  offres  que  nous  demeurions  con- 
tinuellement en  guerre  avec  eux  :  le  roy  par  sa  grande 
prudence  considère  ces  choses  trop  mieux  que  nous; 
mais  puisqu'il  a  pieu  à  sa  majesté  de  nous  commettre 
cest  affaire,  nostre  débvoir  nous  oblige  d'en  dire  li- 
brement ce  que  nous  en  pensons ,  et  que  nous  y  voyons. 
Ces  considérations  nous  doibvent  mouvoir  à  avoir  l'œil 
ouvert,  se  déclarant  ladicte  royne  et  provinces  ne  voul- 
loir  entendre  à  ce  traicté,  qu'à  ceste  occasion  sur  cer- 
taines considérations ,  le  roy  ne  demeure  pas  frustré 
de  ce  qui  lui  est  certain  et  asseuré ,  se  resolvant  à  con- 


3i4  LETTRE 

dure  ce  traicté  comme  cela  se  doibt,  et  par  quels 
honnestes  moyens,  nous  espérons  que,  parla  première 
despesche ,  nous  recevrons  sur  ce  commandement  du 
roy,  et  de  nostre  part  nous  y  penserons  fort  soigneu- 
sement. 

Nous  scavons  le  respect  qui  se  doibt  porter  aulx 
traictés  de  confédération ,  nous  scavons  aussi  que  so- 
ciété n'est  pas  servitude.  Le  roy  Henry  VIII  d'Angle- 
terre estoit  joinct  d  ung  fort  traicté  avec  l'empereur 
Charles  V  contre  le  roi  François  r^  et  son  rovaulme. 
Quand  ledict  roy  feut  faicl  prisonnier  à  Pavie,  crai- 
gnant ledict  roy  d'Angleterre  que  se  faisant  l'empereur 
maistre  de  la  France  ,  il  ne  lui  feust  par  trop  formi- 
dable et  dangereux  voisin ,  il  se  despartit  de  ceste  con- 
fédération, et  se  joignit  avec  la  France  pour  empescher 
sa  totale  ruyne ,  et  si  il  y  avoit  toutes  ces  clauses  de 
traicter  ni  paix  ni  trefve  Fung  sans  l'aultre  ;  pareil 
traicté  de  confédération  feut  depuis  faict  entre  lesdicts 
princes,  avec  mesmes  clauses,  quand  ledict  empereur 
feit  la  paix  de  Salions  traictee  à  Crespy  ;  il  avoit  faict 
passer  la  mer  au  roy  d'Angleterre;  se  voyant  pressé 
de  la  nécessité  des  vivres  et  de  maladies,  il  resoleut  la 
paix  avec  le  roy  François ,  reservant  que  le  roy  d'An- 
gleterre y  seroit  compris  ;  à  quoi  neantmoins  il  ne  se 
voulleut  re.souldre,  et  demeurasmes  en  guerre  avec 
lui.  Ces  exemples,  monsieur,  nous  enseignent  comme 
ces  deux  grands  princes,  qui  ont  esté  teneus  fort  pru- 
dens  et  des  plus  advisés  de  leur  siècle ,  en  ont  usé 
quand  pareilles  occasions  se  sont  offertes.  L'honneur 
des  princes  consiste  principalement  à  sçavoir  conser- 
ver leurs  estais  ;  comme  les  choses  semblent  estre  dis- 
posées, c'est  l'interest  des  Espaignols  de  traicter  avec  le 
roy;  mais  s'il  advient  qu'ils  ayent  pareil  ou  plus  grand 


A  M.  DE  VILLEROY.  3 1  5 

interest  de  traicter  avec  les  Anglois  ,  croyés ,  monsieur, 
qu'ils  feront  comme  les  marchands,  qui  vont  là  où  ils 
estiment  qu'il  y  a  le  plus  de  profict  ;  il  fault  donc  bien 
penser ,  nous  remettant   à  traicter  en  compaignie  des 
Anglois,  qu'en   voulant  faire  leurs  affaires,   nous  ne 
perdions  les  nostres  :  ce  n'est  pas  qu«  nous  n'estimions 
qu'il  faille  faire  le  dernier  effort  pour  leur  donner,  et 
à  ceulx  desdictes  provinces  tout  le  contentement  qui 
se  peult,  si  l'affaire  passe  par  devant  nous,  nous  nous 
y  employerons  fort  franchement,  et  nous  y  comporte- 
rons si  vivement  qu'ils  auront  occasion  d'en  remercier 
le  roy  :  c'est  le  service  de  sa  majesté  qu'ils  soient  con- 
servés ,  et  qu'en  usions  de  la  sorte. 

Nous  avons  parlé  ceste  après  disnee  à  MM.  le  prési- 
dent Richardot  et  commandeur  Taxis  ,  et  avons  remis  en 
avant  le  propos  qu'il  seroit  bon  qu'ils  se  resoleussent 
d'accorder  quelques  mois  de  trefve  à  ladicte  royne  d'An- 
gleterre et  Provinces  Unies  ,  afin  de  leur  donner  plus  de 
volonté  d'entendre  à  ce  traicté;  en  usant  aultrement , 
au  lieu  de  parler  de  paix  ,  il  fault  qu'ils  pensent  à  la 
guerre;  ils  nous  ont  dict  qu'on  les  trouvera  tousjours 
disposés  à  servir  et  s'accommoder  à  tout  ce  qui  peult 
advancer  la  paix  ;  et  nous  ont  parlé  tellement  touchant 
le  faict  de  ceste  trefve  ,  qu'il  nous  semble  avoir  peu 
recueillir  de  leur  dire  que  si  ladicte  royne  et  provinces 
se  resouldront  de  venir  ici  pour  traicter  de  paix,  que 
sans  difficulté  ils  se  resouldront  à  leur  accorder  la 
trefve  pour  quelque  temps ,  si  tant  est  qu'ils  se  résol- 
vent de  la  demander  ;  et  vous  dirons  que  nostre  opi- 
nion est  que ,  s'ils  tenoient  pour  resoîeu  de  nostre  part 
ce  qu'ils  nous  ont  proposé  pour  parvenir  à  ceste  paix 
avec  le  roy,  nous  aurions  plus  de  moyen  de  les  per- 
suader. 


3j6  lettre 

Et  touchant  ladicte  trefve  et  aiiltres  choses  dont 
nous  les  requerrions  pour  les  accorder  avec  ladicte 
royne  et  estats,  lesdicts  sieurs  Richardot  et  Taxis  nous 
ont  renouvelle  avec  fort  grande  instance  la  pryere  de 
M.  le  cardinal  archiduc,  à  ce  qu'il  plaise  au  roy  lui 
faire  ceste  faveur  que  d'accorder  qu'il  puisse  escrire 
en  Espaigne  pour  ses  affaires  particuliers ,  ayant  une 
maistresse  de  telle  qualité,  qu'il  désire  sur  toutes 
choses  lui  tesmoigner  combien  il  désire  estre  conservé 
en  sa  souvenance  ;  que  s'il  plaist  à  sa  majesté  de  le  gra- 
tifier en  cela  de  la  faveur  qu'il  lui  demande,  il  lui  en 
demeurera  extresmement  obligé.  Il  desireroit  que  le 
passeport  feust  pour  l'ung  de  ses  courriers  ;  mais  si 
c'est  chose  qui  soit  suspecte  au  roy  de  laisser  passer 
par  son  royaulme  ung  courrier  qui  parte  d'auprès  de 
lui  ,  il  se  contentera  que  l'on  baille  son  paquet  à  ung 
courrier  françois  qui  le  portera  jusques  à  Iron ,  et  at- 
tendra la  response  qui  lui  sera  envoyée  d'Espaigne 
pour  la  porter  en  ces  quartiers  ;  il  aimeroit  mieulx 
que  son  courrier  passast  pour  lui  porter  la  nouvelle 
de  ce  qu'il  aura  veu;  mais  qu'il  se  contentera  de  ce 
qu'il  plaira  au  roy  lui  accorder,  soit  l'ung  ou  l'aultre  ; 
qu'il  ne  fault  craindre  qu'il  escrive  chose  qui  soit  au 
préjudice  des  affaires  du  roy,  car  il  sçait  assés  que 
si  on  veult  ouvrir  ses  lettres,  qu'on  le  pourra  faire. 
Ils  nous  ont  tellement  pressé  de  faire  ceste  pryere, 
que  nous  ne  l'avons  peu  refuser;  il  semble  que  le  feu 
soit  à  la  maison. 

Nous  leur  avons  parlé  de  l'indiscrétion  de  leur  cour- 
rier, qui  a  semé  partout  qu'il  portoit  la  carte  blanche 
de  la  paix,  dont  ils  ont  monstre  d'estre  très  marris,  et 
remonstré  qu'il  ne  fault  croire  qu'il  ait  eu  charge 
d'Espaigne  de  faire  une  telle  faiilte,  estant  plustost  le 


A  M.  DE  VILLEROY.  817 

mal  des  affaires  d'Espaigne,  de  ce  qu'on  les  tient  trop 
cachés  à  ceidx  qui  les  doibvent  sçavoir,  que  de  commet- 
tre une  telle  sottise  que  d'en  parler  à  ung  tel  galand , 
comme  est  ce  courrier,  qui  s'est  meslé  de  parler  de  ce 
dont  il  ne  sçavoit  rien  du  tout.  A  ce  que  nous  enten- 
dons, ce  mesme  courrier  a  dict  les  mesmes  choses  et 
les  mesmes  sottises  en  la  ville  de  Paris,  et  ailleurs  où 
il  a  passé;  et  ceulx  qui  sçavent  que  c'est  de  telles  gens 
s'en  mocquent,  si  est  ce  pourtant  que  tels  langages  ne 
peuvent  nuire. 

Les  maistres  des  postes  sont  curieux  à  demander  des 
nouvelles,  et  ce  fol  a  esté  si  indiscret  et  si  mal  advisé 
à  leur  en  dire  beaucoup  plus  qu'il  n'en  sçavoit.  Nous 
nous  recommandons  bien  ,  monsieur,  etc. 

Du  i3  avril  lôgS. 

CXXV.  — ^LETTRE  DU  ROY 

A  MM.  de  Bellies^re  et  de  Sillerj. 

MM.  de  Bellievre  et  Sillery  ,  je  vous  escris  la  pré- 
sente pour  vous  donner  advis  de  mon  arrivée  en  ceste 
ville,  et  de  la  possession  que  j'ai  prise  par  icelle  de  la 
réduction  en  mon  obéissance  de  mon  duché  de  Bretai- 
gne,  afin  que  vous  vous  resjouissiés  de  ma  part  avec 
mon  cousin  le  cardinal  de  Florence ,  légat  de  nostre 
sainct  père  le  pape,  comme  à  celui  que  je  recognois 
avoir  bonne  part  à  ceste  mienne  prospérité  ;  aussi  veulx 
je  qu'il  croye  que  son  contentement  me  sera  tousjours 
aussi  cher  que  le  mien  propre,  comme  j'espère  lui 
dire  moi  mesmes  bientost  ;  car  je  fais  compte  de  par- 
ût de  ce  pays  dedans  la  fin  de  ce  mois  au  plus  tard 


3l8  LETTRE  DU  ROY 

pour  m'en  retourner  en  Picardie,  où  je  commencerai 
des  demain  à  faire  acheminer  une  partie  des  forces  que 
j'ai  amenées  par  deçà,  et  y  en  laisserai  encores  assés 
pour  bloquer  et  tenir  en  subjection  ceulx  de  Blavet, 
en  attendant  la  conclusion  du  traicté  ,  pour  lequel  vous 
estes  par  delà ,  duquel  je  désire  plus  que  jamais  voir 
une  bonne  fin  pour  le  repos  de  la  chrestienté,  et  le 
particulier  de  mon  royaulme.  Partant,  je  vous  prye 
en  advancer  la  conclusion  tant  qu'il  vous  sera  possible , 
suivant  ma  dernière  despesche,  portée  par  le  courrier 
La  Fontaine  que  je  vous  ai  envoyé  en  partant  de  ma 
ville  d'Angers  ,  me  faisant  scavoir  de  vos  nouvelles  plus 
souvent  que  vous  ne  faictes;  vos  dernières  sont  du  3  de 
ce  mois  :  il  importe  grandement  à  mon  service  que  je 
sois  adverti  souvent  du  progrès  de  vostre  negotiation. 

Les  ambassadeurs  d'Angleterre  m'ont  faict  dire  de- 
puis le  partement  dudict  La  Fontaine  estre  resoleus  de 
s'acheminer  euîx  mesmes  à  Yervins  ,  pour  entrer  en  ce 
traicté  pour  leur  maistresse  ,  chose  que  je  leur  ai  faict 
entendre  que  je  ne  puis  trouver  que  très  bonne  ;  mais 
je  cognois  bien  qu'ils  sont  en  peine  comme  ils  auront 
à  se  conduire  envers  ledict  sieur  legat,  quand  ils  se- 
ront arrivés  par  delà  ;  car  comme  ils  ont  appris  par  les 
lettres  interceptées,  dont  je  vous  ai  donné  advis  que  les 
ambassadeurs  du  cardinal  d'Autriche  ont  charge  ex- 
presse entre  aultres  choses  de  faire  instance  du  resta- 
blissement  en  Angleterre  de  l'exercice  de  la  relligion 
catholicque,  ils  appréhendent  la  rencontre  dudict  legat 
sur  ce  subject ,  et  craignent  que  l'on  les  accroche  à  ce 
poinct ,  ayans  remarqué  par  lesdictes  lettres  interceptées 
que  l'on  n'a  pas  grande  envie  de  leur  amitié  ;  pour 
ceste  cause,  ils  m'ont  faict  parler  de  transférer  en 
quelque  lieu  ,  entre  Calais  etBoloigne,  leur  conférence 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  ^19 
avec  lesdicts  députés  dudict  cardinal ,  se  persuadaiis 
que  ledict  légat  aussi  bien  aura  à  plaisir  de  ne  ly  trou- 
ver poinct ,  et  le  gênerai  des  cordeliers  aussi  ;  sur  quoi 
je  leur  ai  faict  dire  que  je  ne  pouvois  me  passer  de  la 
présence  de  Tung  ni  de  l'auUre  pour  la  conclusion  de 
ce  qui  me  concerne  ,  d'autant  qu'il  importoit  que  le 
pape  ayant  commencé  et  poursuivi  ceste  negotiation , 
demeurast  comme  pleige  et  caution  de  ce  qui  y  seroit 
conveneu ,  ce  qui  n'adviendroit,  si  lesdicts  légat  et  gê- 
nerai Tabandonnoient ,  et  que  j'estimois  estre  très  dif- 
ficile de  les  remuer  ailleurs,  à  cause  de  leur  aage  et 
de  leur  indisposition,  après  avoir  tant  séjourné  et 
perdeu  de  temps  audict  Vervins  ,  à  l'occasion  seule 
et  sur  l'attente  desdicts  Anglois,  joinct  que  mes  affaires 
n'avoient  besoing  d'une  telle  prolongation  et  remise 
de  la  resolution  dudict  traicté,  comme  l'apporteroit 
le  changement  et  remuement  de  ladicte  assemblée, 
estant  mesmes  la  saison  si  advancee  qu'elle  est,  et  pour- 
roit  estre  aussi  que  le  but  des  Anglois  seroit  aussitost 
de  la  retarder  que  de  la  terminer,  comme  ceulx  que  je 
ne  me  puis  persuader  avoir  à  plaisir  que  l'on  me  res- 
titue mes  villes  ,  et  principalement  celle  de  Calais ,  en- 
cores  qu'ils  n'en  ayent  faict  jusques  à  présent  aulcune 
démonstration  ;  mais  je  vois  bien  qu'ils  ont  faict  une 
grande  allarme  de  vostre  procédure  depuis  qu'ils  ont 
"veu  les  lettres  interceptées  ;  car  depuis  ils  ont  changé 
de  langage,  et  déclaré  ouvertement  voulloir  traicter, 
et  pour  cest  effect  aller  audict  Yervins  ;  mais,  à  mon  ad- 
vis,  pour  m'obliger  de  ne  conclure  mon  accord  sans 
eux,  esperans,  estans  sur  les  lieux,  de  la  traverser  ou 
retarder,  de  façon  que  ayant  de  part  et  d'aultre  assem- 
blé nos  forces,  il  surviendra  quelque  nouveauté  qui 
favorisera  leur  desseing.  C'est  pourquoi  il  fault  arrester 


320  LETTRE  DU  Ï^OY 

nos  articles  le  plus  tost  que  nous  pourrons ,  suivant 
ce  que  je  vous  ai  escrit  par  ledict  La  Fontaine,  à  quoi 
je  commencerai  à  préparer  lesdicts  Anglois  le  mieulx 
qu'il  me  sera  possible  ,  afin  qu'ils  ne  s'en  effarouchent 
tout  à  faict  ;  car  je  désire  aider  à  les  mettre  en  repos 
aussi  bien  que  moi  ;  mais  je  n'entends  pas  gaster  mes 
affaires  pour  leur  considération,  le  salut  de  mon  peu- 
ple m'estant  plus  cher  que  toute  aultre  chose.  Lesdicts 
Anglois  arrivent  ici  aujourd'hui  ;  s'ils  me  font  quel- 
que ouverture,  vous  en  serés  incontinent  advertis.  Ce- 
pendant vous  ferés  vostre  profîct  de  ce  que  je  vous 
escris  avoir  descouvert  de  leur  intention,  et  me  don- 
nerés  vostre  advis  sur  tout. 

Je  suis  en  beaucoup  plus  grande  peine  des  estats 
des  Pays  Bas  que  des  aultres  ;  car  tout  le  faix  de  la  guerre 
leur  tombera  sur  les  bras,  soubs  lequel  je  crains  qu'ils 
succombent  du  premier  coup;  c'est  pourquoi  j'ai  tant 
désiré  et  désire  encores  obtenir  la  cessation  d'armes  , 
dont  je  vous  ai  escrit  par  ledict  La  Fontaine,  et  vous 
prye  encores  de  vous  y  employer  vivement  :  toutesfois 
si  vous  n'en  pouvés  venir  à  bout,  ne  différés  pour  cela 
de  conclure  nostre  marché  ;  mais  obtenés  pour  le 
moins  qu'il  soit  donné  temps  audicts  Anglois  et  estats 
des  Pays  Bas  de  traictcr ,  et  advisés  qu'en  cela  les 
choses  passent  à  ma  descharge  le  plus  que  faire  se 
pourra  ;  et  advisés  s'il  sera  à  propos  de  convenir  et 
excuser  l'advancement  de  ce  que  vous  aurés  faict  sur 
l'indisposition  dudict  sieur  légat,  sur  la  jalousie  que  les 
Espaignols  ont  pris  de  la  longueur  de  vostre  negotia- 
tion ,  sur  la  prospérité  de  mes  affaires  par  deçà ,  et 
l'arrivée  ici  desdicts  Anglois  et  HoUandois  ,  et  sur  l'im- 
patience audict  Vervins  d'ung  plus  long  séjour  des 
ungs  et  des  aultres;  car  il  ne  fault  poinct  doubter  que 


A  MM.  DE  BELLEEVRE  ET  DE  SILLERY.      321 
ce  que  nous  ferons  ne  soit  poinct   descouvert,  et  que 
les  ungs  et  les  aultres  ne  m'en  attaquent,  et  ne  s'en  plai- 
gnent vifvement,  combien  qu'en  vérité  ils  soient  seuls 
cause  de  ce  qui  en  adviendra  ,  pour  le  peu  de  compte 
qu'ils  ont  faict  des  advis  que  je  leur  ai  donnés  dudict 
traicté,  et  d'y  envoyer  leurs  gens  à  temps  comme  ils 
debvoient  et  pouvoient  faire  :  advertissés  moi  en  dili- 
gence de  tout  ce  que  vous  ferés ,  et  recommandés  le 
secret  audicl  sieur  légat,  afin  qu'il  oblige  lesdictsEspai- 
gnols,  et  fassent    qu'ils  l'observent  tant   que  faire  se 
pourra,  et  si  vous  tombés  d'accord  avec  eulx,  n'ou- 
bliés à  pourvoir  à  la  seureté  de  nos  places  frontières, 
et  d'en  donner  advis  à  mon  cousin  le  connestable,  ainsi 
que  je  vous  ai  escrit  par  ledict  La  Fontaine.  Je  prye 
Dieu ,  etc.    ^ 

Du  14  avril  lôgS, 


CXXVI.  —  -^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  BelUevre  et  de  SUlerj, 

Messieurs,  comme  je  voullois  faire  partir  la  despes- 
che  que  je  vous  envoyé,  j'ai  receu  la  vostre  du  7  du 
courant,  laquelle  j'ai  incontinent  portée  au  roy ,  qui 
a  pris  plaisir  à  la  lecture;  et  comme  sa  majesté  vous 
resoleut  etesclaircit  bien  particulièrement  de  son  inten- 
tion sur  les  trois  poincts  desquels  vous  discoures  par 
vostredicte  lettre ,  tant  par  celle  ci  que  par  celle  que 
La  Fontaine  vous  a  portée,  il  ne  me  reste  qu'à  vous 
addresser  le  passeport  que  vous  avés  demandé  pour 
favoriser  les  amours  de  M.  le  cardinal  d'Autriche,  que 
sa  majesté  a  volontiers  accordé  comme  celle  qui  a  es- 
Mem.  de  Duplessis-Mornay.  Tome  viti.  'X  \ 


J2'2  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  «ic. 

prouvé  que  vault  ceste  passion,  nous  asseurant  qu'il 
n'en  sera  abusé,  et  qu'il  ne  sera  délivré  que  vous 
n'ayés  vostre  compte  ;  ce  sera  tout  ce  que  je  vous  escri- 
rai,  remettant  le  reste  à  ladicte  lettre  du  roy;et  sur  ce, 
messieurs,  je  pryerai  Dieu  ,  etc. 

Du  14  avril  1598. 


CXXVII.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sllletj  au  roj. 

Sire  ,  nous  receusmes  hier ,  sur  les  huict  heures  du 
soir,  la  despesche  de  vostre  majesté  du  q  de  ce  mois, 
par  laquelle  il  lui  a  pieu  de  nous  faire  entendre  la  finale 
résolution  sur  tous  les  articles  de  l'accord  qu'elle  nous 
a  commandé  de  traicler  avec  les  ambassadeurs  d'Es- 
paigne  et  de  Savoye.  Ce  matin  nous  avons  veu  M.  le 
légat  et  le  père  gênerai  des  cordeliers ,  aulxquels  nous 
avons  vivement  faict  entendre  la  grande  bonté  que 
vostre  majesté  monstre,  s'accommodant  en  tout  ce  qui 
concerne  ce  traicté  au  désir  de  nostre  sainct  père  le 
pape.  Nous  n'avons  rien  obmis  de  ce  que  avons  estimé 
de  pouvoir  dire  pour  les  rendre  bien  capables  de  vostre 
saincte  intention,  du  grand  soing  qu'a  eu  vostre  ma- 
jesté de  disposer  à  la  paix  les  ambassadeurs  d'Angle- 
terre ,  et  spécialement  ceulx  des  Provinces  Unies,  qui 
sont  veneus  en  vostre  royaulme  avec  toute  aultre 
charge  que  de  traicter  de  paix.  Nous  ne  leur  avons  pas 
teu  comme  franchement  vostre  majesté  leur  a  déclaré 
sa  resolution  de  voulloir  entendre  à  la  paix ,  et  le  pru- 
dent conseil  qu'elle  leur  a  baillé  de  prendre  la  mesme 
resolution;  ce  qui  auroit  eu  tel  pouvoir  sur  eulx,  qu'ils 


LETTRE  AU  ROT.  ^23 

seseroient  déclarés,  que  pour  leur  regard  ils  ne  semons- 
treroient  pas  aliénés  d  entendre  à  ung  bon  accord  ,  et 
laissoient  seulement  de  venir  ici  en  ceste  conférence , 
pour  ce  que  leur  pouvoir  ne  s'estendoit  pas  à  cela;  ce 
qui  auroit  nieu  vostre  majesté  de  prendre  resolution 
d'envoyer  ung  personnage  notable  de  sa  part  aulxdictes 
Provinces  ,  pour  les  persuader  à  la  paix ,  en  quoi  sa 
peine  seroit  inutile  ;  si  cependant  qu'elle  leur  conseille 
l'accord  ,  le  cardinal  arcbiduc  entreprendra  de  les  for- 
cer par  les  armes.  Pour  ceste  cause ,  vostre  majesté 
desireroit  qu'en  sa  faveur  on  ieur  accordast  une  trefve 
de  quattre  mois,  afin  que  durant  ce  temps  cest  affaire 
se  peust  traicteravec  la  dignité  et  doulceur  qui  est  re- 
quise pour  la  conduire  à  une  bonne  et  heureuse  fin  ; 
que  ,  moyennant  cela,  et  non  aidtrement  ,  nous  avions 
pouvoir  de  conclure  et  de  signer  le  traiclé  suivant  ce 
que  ci  devant  a  esté  advisé  entre  nous. 

Nous  avons  à  mesme  fin  traicté,  ceste  après  disnee, 
avec  les  ambassadeurs  d'Espaigne,  les  choses  fort  con- 
sidérables de  part  et  d'aultre.  lis  nous  ont  dict  que 
pour  le  regard  d'eulx  trois,  qui  ont  ici  la  charge  de 
ceste  negotiation  pour  le  roy  d'Espaigne  et  cardinal 
archiduc,  ils  nous  declaroient,  puisque  vostre  majesté 
trou  voit  bon  de  conclure  présentement  le  traicté,  que 
leur  opinion  est  que  ledict  sieur  cardinal  s'accommo- 
dera à  ce  que  vostre  majesté  lui  faict  demander  par 
nous  touchant  ladicte  trefve,  et  ce,  pour  trois  mois 
seulement;  mais  que  leurs  pouvoirs  ne  s'estendent  pas 
de  resouldre  les  affaires  de  ceulx  qui  ne  sont  pas  ici 
veneus  pour  traicter  ;  qu'ils  en  escriroient  audict  sieur 
cardinal  par  courrier  exprès;  mais  à  ce  qu'il  n'advienne 
aucune  longueur  ni  contrariété  au  consed  lorsqu'il  en 
sera  délibéré,  ils  ont  resoleu  que  l'ung  d'eulx  pnrtiroi{ 


324  LETTRE 

d'ici  par  les  postes  des  trois  heures  du  matin ,  et  seroit 
ici  de  retour  samedi  prochain  avant  midi ,  nous  pryant 
de  prendre  ce  délai  en  bonne  part  ;  car  il  n'y  auroit 
faulte  qu'audict  jour  nous  aurions  response ,  et  ne  fai- 
soient  poinct  de  doubte  que  vostre  majesté  n'en  de- 
meurast  satisfaicte.  C'est,  sire,  ce  que  nous  avons  peu 
advancer  en  cest  affaire.  Entre  ci  et  samedi ,  nous  vac- 
querons  à  dresser  le  traicté  ,  et  faisons  estât  que  ledict 
jour  de  samedi  nous  despescherons  à  vostre  majesté  le 
courrier  qui  nous  a  apporté  sa  despesche  ,  n'ayant 
voulleu  faillir  de  lui  donner  cependant  cest  advis  par 
la  voye  ordinaire  des  postes. 

Et  aussi  de  Tadvertir  de  l'instance  que  leur  avons 
faicte  de  voir  les  pouvoirs  qui  leur  ont  esté  envoyés 
pour  traicter  avec  ladicte  royne  d'Angleterre  et  Pro- 
vinces ,  en  quoi  ils  ont  faict  grande  difficulté,  remons- 
trant  qu'ils  craignent  que  Ton  prenne  la  chose  en  moc- 
querie,  qu'on  leur  fasse  monstrer  leurs  pouvoirs,  et 
puis  que  l'on  die  qu'on  ne  se  soulcie  poinct  de  traicter 
avec  eulx.  Ils  nous  ont  faict  serment  de  les  avoir  ici , 
et  d'estre  prests  de  les  monstrer  quand  les  aultres  am- 
bassadeurs seront  prests  de  monstrer  les  leurs.  Nous 
les  en  avons  pryé  si  instamment ,  comme  de  chose  qui 
nous  est  fort  expresseement  commandée  par  vostre 
majesté ,  qu'enfin  nous  avons  obteneu  d'eulx  qu'ils 
nous  les  ont  monstres.  Nous  asseurerons  vostre  majesté 
de  les  avoir  veus  et  leus  d'ung  bout  à  aultre,  qu'ils 
sont  signés  de  la  main  du  roy  d'Espaigne  à  Madrid , 
le  1  7  mars  iSqB,  et  lui  dirons,  pour  chose  vraie,  qu'ils 
sont  en  aussi  bonne  forme  et  autant  authentique  que 
peult  estre  celui  qui  concernoit  vostre  majesté,  dont  lui 
avons  envoyé  ci  devant  le  double. 

Nous  leur  avons  dict  qu'il  s'est  parlé  en  vostre  court 


AU  ROY.  3^5 

qii'nng  commissaire  d'Angleterre,  qui  se  trouve  avec 
M.  Cécile,  pourroit  ici  venir  pour  voir  ledict  pouvoir, 
afin  d'en  asseurer  la  royne  d'Angleterre.  Ils  nous  ont 
dict  que  si  ce  commissaire  viendra  ici  avec  pouvoir  de 
traicter  avec  eulx,  monstrant  son  pouvoir,  qu'aussi 
eulx  monstreront  le  leur;  mais  s'il  vient  seulement 
pour  voir  leur  pouvoir,  qu'il  fera  chose  mal  a  propos 
de  penser  obtenir  d'eulx  chose  qui  seroit  contre  la 
coustume  et  la  dignité  d'ung  si  grand  roy  comme  est 
le  roy  d'Espaigne. 

Quand  nous  leur  avons  demandé  s'il  y  a  quelque 
doubte  en  ce  mariage  dudict  cardinal  avec  madame 
l'infante,  ou  à  la  cession  des  Pays  Bas,  ils  nous  ont 
dict  que  c'est  contre  toute  apparence  de  raison  d'en 
doubter.  Pour  nostre  regard,  nous  ne  pouvons  com- 
prendre que  la  chose  puisse  estre  révoquée  en  doubte. 

Sire  ,  nous  supplions  le  Créateur,  etc. 

Du  14  avril  1698. 

CXXVIII.  —  ^  LETTRE 

De  MM,  de  Bellievre  et  de  Sillery  a  M.  de  Villeroj. 

Monsieur,  nous  avons  travaillé  ce  matin  et  toute 
ceste  après  disnee,  à  ce  qu'il  a  pieu  à  sa  majesté  de 
nous  escrire  et  commander,  par  sa  despesche  du  neuf- 
viesme,  que  le  courrier  La  Fontaine  nous  a  apportée. 

Nous  ne  vous  ennuyerons  et  importunerons  de  plus 
longue  lettre  ;  il  n'y  a  pierre  que  nous  n'ayons  ici 
remuée,  afin  de  rendre  en  tout  le  roy  content  et  satis- 
faict.  Nous  estimons  que  sa  majesté  recognoistra  en 
toutes  choses  avec  quel  zèle  et  avec  quelle  affectioi* 
îious  la  servons  en  ceste  negotiation. 


3^6  LETTRE,  etc. 

Nous  avons  espérance  de  vous  renvoyer  La  Fontaine 
des  samedi  prochain ,  qui  vous  portera  la  certitude  de 
toutes  choses.  Voyant  la  peine  en  laquelle  vous  estes 
avec  ces  ambassadeurs,  tant  pour  le  faict  des  pouvoirs 
que  la  trefve  qui  s'accordera  pour  la  royne  d'Angle- 
terre et  pour  les  estats  des  Provinces  Unies ,  nous 
avons  advisé  de  faire  courir  ceste  despesche ,  et  escri- 
vons  à  M.  Louvet,  s'il  ne  se  présente  occasion  de  faire 
porter  diligemment  ceste  despesche,  que  plustost  il 
vous  envoyé  l'ung  de  ses  garçons.  Excusés,  monsieur, 
la  négligence  de  ceste  lettre;  la  journée  nous  a  lassés. 
Monsieur,  accordant  le  cardinal  la  trefve  à  la  royne 
d'Angleterre  et  Provinces,  il  sera  de  besoing  que  le  roy 
s'asseure  d'euix  qu'aussi  de  leur  costé  ils  l'observeront. 
Nous  nous  recommandons  bien  ,  etc. 

4^u  i4  avril  1598. 

CXXIX.  —  ^  LETTRE 

De  M.  le  procureur  gênerai  du  parlement  de  Paris 

au  roj. 

Sire,  suivant  le  commandemant  qu'il  a  pieu  à  vostre 
majesté  nous  faire  sur  ce  qui  s'est  passé  entre  M.  Du- 
plessis,  nous  avons  présenté  vos  lettres  à  vostre  court 
de  parlement,  et  obteneu  commission  d'elle  pour  in- 
former, addressante  aulx  juges,  que  vostre  majesté  a 
trouvé  bon.  Nous  la  renvoyons  par  ce  présent  porteur, 
vostre  valet  de  chambre,  afin  qu'elle  soit  mise  entre 
les  mains  de  celui  que  vostre  majesté  commandera , 
pour  en  poursuivre  l'exécution,  en  laquelle  et  en  tous 
vos  aultres  commandemens  nous  apporterons  tout  ce 


LETTRE  AU  ROY.  Siiy 

qui  sera  de  nostre  debvoir,  avec  autant  de  dévotion 
que  nous  pryons  le  Créateur  vous  conserver,  sire,  en 
santé  très  heureuse  et  longue  vie.  Vos  très  humbles, 
très  obeissans  et  très  fidèles  subjects  et  serviteurs , 

De  La  Guesle,  Marion. 

Du  3o  avril  i5g8. 

CXXX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery. 

Messieurs,  Louvet  nous  a  faict  tenir  de  Paris  ici, 
par  homme  exprès,  vostre  despesche  du  \[\  de  ce  mois; 
si  bien  que  nous  l'avons  receue  très  à  propos  le  ig  au 
soir,  avec  laquelle  j'ai  trouvé  celle  du  i3  adressante 
à  moi;  et  d'autant  que  je  vous  ai  adverti  par  la  nostre 
du  i4  de  ce  mois,  que  j'ai  aussi  faict  tenir  audict  Lou- 
vet, par  homme  exprès,  de  la  réception  de  vostre 
précédente  du  8  ,  je  ne  vous  en  ferai  redicte.  Vous 
sçaurés  maintenant  que  nous  comptons  les  heures  du 
retour  de  La  Fontaine,  ayant  appris  par  vostre  dernière 
que  vous  esperiés  le  faire  partir  samedi  dernier,  nous 
estant  advis  qu'il  a  desjà  trop  demeuré  par  les  chemins; 
de  sorte  que  nous  commençons  à  avoir  opinion  qu'il 
sera  surveneu  quelque  difficulté  qui  aura  accroché  les 
affaires  et  retardé  sa  despesche;  de  quoi  d'ailleurs  nous 
disons  que  vous  nous  auriés  adverti  si  cela  estoit;  car 
vous  sçavés  combien  il  nous  importe  que  nous  soyons 
asseurés  du  succès  de  vostre  negotiation  ,  devant  que 
sa  majesté  donne  congé  aulx  ambassadeurs  de  la  royne 
d'Angleterre  et  des  estats ,  lesquels  nous  ne  retenons 
et  n'avons  reteneu  depuis  qu'ils  ont  veu  la  despesche 
prise  de  M.  le  cardinal  d'Autriche  au  roy  d'Espaigne , 


3^8  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

de  laquelle  je  vous  ai  donné  advis ,  que  par  artifice  et 
contre  leur  volonté;  de  sorte  que  sans  doubte  ils  nous 
eschapperont  dedans  ceste  sepmaine  ;  et  si,  entre  ci  et 
là,  nous  n'avons  certitude  de  vostre  accord,  M.  de  Bar- 
nevelt  acquerra  réputation  du  bon  prophète;  car  il  a 
faict  tout  ce  qu'il  a  peu  pour  nous  faire  croire  que  ces 
messieurs  qui  traictent  avec  vous  vous  tromperont  en 
la  conclusion  de  vostre  traicté,  et  en  l'exécution  et  ac- 
complissement d'icelui,  comme  ceulx  qui  font  profes- 
sion et  gloire  d'abuser  tous  ceulx  qui  traictent  avec 
eulx.  Toutesfois  ils  n'auront  rien  du  nostre ,  combien 
que  le  profîct  qu'ils  tireroient  de  nous  avoir  faict  mal 
contenter  nos  amis,  et  rompre  paille  avec  eulx,  ne  se- 
roit  de  petite  importance,  comme  vous  pouvés  mieulx 
juger. 

Ores  nous  touchons  à  la  veille  d'estre  esclaircis  de 
l'ung  ou  de  l'aultre,  par  ou  vous  pouvés  juger  avec 
quelle  impalience  nous  attendons  vostre  courrier;  et 
parce  que  j'espère  qu'il  arrivera  devant  que  vous  rece-^ 
vies  la  présente,  je  ne  vous  en  dirai  dadvantage. 

A  présent  que  l'on  parle  plus  librement  de  la  paix , 
et  de  l'opinion  que  chacung  a  que  vostre  negotiation 
la  nous  donnera,  chacung  aussi  qui  estime  avoir  inte- 
rest  se  recommande  et  faict  instance  que  l'on  asseure 
ce  qui  le  concerne.  Je  vous  envoyé  sur  cela  certains 
mémoires  que  sa  majesté  m'a  commandé  vous  faire  te- 
nir et  recommander  de  sa  part;  l'ung  est  pour  la  du- 
chesse d'Arscot,  et  l'aultre  pour  madame  la  princesse 
d'Orange.  Vous  verres  ce  qu'ils  contiennent;  et  vous 
prye  faire  pour  lesdictes  dames  tout  ce  que  vous  pour- 
rés.  Je  n'ai  pas  dict  à  ceulx  qui  parlent  pour  elles  que 
je  crains  que  leurs  mémoires  vous  arrivent  trop  tard, 
car  il  n'est  pas  raisonnable  qu'on  en  sçache  tant. 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.        329 

M.  de  Bouillon  demande  aussi  que  par  où  le  traicté 

de  l'an  i  559  ^^  ^^^  ^^^^''  ^"^ï^'^ioï^  ^^  ^^  maison  de  La 
Marck,  il  soit  dict  seulement  que  le  roy  prend  et  tient 
en  sa  protection  les  sieurs  de  Sedan,  sans  spécifier  la- 
dicte  maison.  C'est  à  la  fin  dudict  traicté,  en  l'article 
qui  faict  mention  des  amis  et  alliés  de  la  couronne  de 
France,  où  il  demande  que  ce  changement  soit  faict, 
dont  sa  majesté  desne  qu'il  soit  rendeu  content  si  faire 
se  peult;  estant  très  mal  satisfaict  du  comte  de  Maule- 
vrier,  pour  une  nouvelle  entreprise  qu'il  a  tentée  sur 
le  chasteau  de  Sedan,  en  laquelle  nous  avons  appris  que 
les  Espaignols  debvoient  avoir  plus  de  part  que  lui,  si 
elle  feust  réussie  aussi  bien  qu'elle  a  esté  faillie;  car 
ceuîx  de  dedans  en  avoient  advis,  de  façon  que  ceulx 
qui  la  faisoient  y  ont  tous  esté  tués  ou  pris  ;  il  ne  s'en 
est  saulvé  que  deux.  M.  le  comte  de  Maulevrier  aussi 
se  levé  trop  tard  pour  surprendre  sa  partie;  et  ne 
croirai  jamais  que  cela  arrive  que  le  monde  ne  ren- 
verse. 

J'ai  charge  encores  de  vous  recommander  la  déli- 
vrance sans  payer  rançon  de  M.  de  Crequy,  prisonnier 
de  M.  de  Savoye,  lequel  n'a  encores  composé  de  sadicte 
rançon.  Le  roy  affectionne  cela  pour  le  respect  de  ceulx. 
qui  y  ont  interest;  que  M.  de  Savoye  ne  doibt  désespé- 
rer de  son  amitié  pour  avoir  bien  servi  le  roy,  s'il  veult 
gaigner  celle  de  sa  majesté,  comme  il  vous  plaira  re- 
monstrer  de  bonne  sorte  et  manière  à  son  annbassa- 
deur. 

Je  vous  envoyé  aussi  quelques  paquets  en  espaignoi, 
qu'Edmond,  secrétaire  d'Angleterre,  m'apporta  hier  de 
la  part  de  leur  ambassadeur.  Ils  sont  escrits  par  certains 
prisonniers  espaignols  qui  sont  en  Angleterre,  ainsi 
qu'il  me  dict.  Voyés  les,  s'il  vous  plaist,  devant  que  de 


33o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

les  délivrer  aulx  ambassadeurs  d'Espaigne;  car  j'ai  dict 

audict  Edmond  que  je  le  vous  escrirois. 

Je  vous  envoyé  le  passeport  qui  vous  a  esté  demandé 
de  la  part  dudict  sieur  cardinal  d'Autriche,  pour  en- 
voyer en  Espaigne  ;  de  sorte  qu'il  ne  me  reste  rien  à 
vous  escrire.  L'offre  accoustumee  de  mon  service  et  de 
mes  bien  humbles  recommandations;  pryant  Dieu,  etc. 

Du  22  avril  iS^S. 

CXXXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  M.  Duplessis, 

Monsieur,  Guichard  est  arrivé  ce  matin  avec  les 
lettres  et  la  commission  que  je  vous  envoyé,  dont  je 
n'ai  voulleu  parler  au  roy  devant  que  d'avoir  vostre 
advis ,  pour  sçavoir  à  qui  il  vous  semble  que  nous  en 
debvons  faire  escrire;  car  il  fault  que  ce  soit  personne 
qui  en  ait  soing.  Ores  Guichard  m'a  rapporté  de  bouche 
que  M.  le  procureur  gênerai  lui  avoit  dict  que  la  lettre 
du  roy  ne  s  exphquoit  pas  assés,  sans  en  esclaircir  dad- 
vantage;  de  sorte  que  je  comprends  encores  moins  son 
dire.  Tant  il  y  a  qu'il  a  encores  la  commission  pour  infor- 
merqueje  vous  envoyé,  de  laquelle  il  vous  eust  esté  aussi 
Lon  qu'il  eust  faict  lui  mesmes  l'addresse,  et  qu'il  l'eust 
accompaiguce  de  letlre  fort  expresse,  comme  d'une 
chose  (jue  sa  majesté  a  à  cœur;  car  qui  s'en  chargera 
par  deçà?  Il  seroit  mal  séant  que  le  roy  en  sollicitast 
l'exécution  ,  ou  mandast  à  quelqu'ung  de  s'en  char- 
ger ;  car  cela  seroit  hors  des  formes  ordinaires  de  la 
justice  et  du  parlement.  Vous  m'en  manderés,  s'il  vous 
pia-st.  vostre  advis,  que  je  vculx  v  suivre  de  tout  n]on 


A  M.  DUPLESSÎS.  33 1 

pouvoir.  Le  roy  dict  qu'il  partira  mardi  pour  aller  à 
Rennes,  oii  il  ne  pourra  demeurer  moins  de  six  jours, 
et  trois  à  aller  et  deux  à  revenir;  car  il  laissera  ici  ces 
dames,  de  sorte  qu'il  sera  obligé  de  repasser  à  Angers. 
Les  affaires  sont  quasi  encores  aussi  incertains  de  toute 
part  qu'ils  estoient  à  nostre  partement.  Jeudi  dernier, 
nos  Anglois  s'en  sont  allés,  qui  n'ont  diminué  nos  in- 
certitudes, dont  je  vous  asseure  que  je  crois  Tesprit  en 
repos. 

De  Nantes,  le  25  avril  i5g8. 

CXXXIL —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Silleiy  au  rojt 

SiRK,  considerans  avec  combien  de  raison  et  d'affec- 
tion vostre  majesté  nous  ordonne,  par  sa  despesclie  du 
9  de  ce  mois,  de  faire  derechef  toute  l'instance  qui  nous 
est  possible  envers  les  ambassadeurs  d'Espaigne ,  afin 
que,  se  resolvant  ce  traicté  de  paix,  le  cardinal  archi- 
duc accorde  en  faveur  et  considération  de  vostre  ma- 
jesté, à  vos  confédérés  la  royne  d'Angleterre  et  Pro- 
vinces Unies,  une  trefve  de  quattre  ou  trois  mois  pour 
le  moins,  durant  lequel  temps  vosdicts  confédérés  pour- 
ront à  loisir  se  resouldre  s'il  leur  est  plus  expédient 
d'entendre  à  la  paix  ou  de  continuer  la  guerre.  Sire, 
bien  que  nous  eussions  ci  devant  avec  beaucoup  de 
contention  desbatteu  ce  poinct  avec  lesdicts  ambassa- 
deurs,  sans  les  avoir  peu  fléchir  de  consentir  à  ceste 
demande ,  si  est  ce  que  voyant  ce  dernier  et  si  exprès 
commandement  de  vostre  majesté,  nous  nous  sommes 
resoleus  d'v  faire  encores  le  dernier  effort.  Vovans  les 


332  LETTRE 

trois  ambassadeurs  qui  sont  ici ,  que,  nous  estant  accorde 
ce  poinct,  nous  accordions  de  signer  le  traicté,  ils  nous 
ont  dict  que  ce  que  nous  leur  demandons  est  de  telle 
conséquence,  et  si  contraire  à  la  resolution  que  ledict 
sieur  cardinal   a  prise  en  cest  affaire,  qu'il  n'est  en 
leur  pouvoir  de  nous  accorder  ladicte  trefve  sans  son 
sceu  et  commandement;  ce  neantmoins   nous  decla- 
roient  qu'eulx  trois  estoient  d'opinion  que  ladicte  trefve 
debvoit  estre  accordée  selon  la  demande  de  vostre  ma- 
jesté ,  et  qu'ils  avoient  bonne  espérance  que  ledict  sieur 
cardinal  s'y  accommoderoit  ;  et  pour  la  craincte  qu'ils 
avoient  qu'à  la  response  qui  se  resouldroit  sur  leurs 
lettres,  au  conseil  dudict  cardinal,  il  n'y  eust  de  la  con- 
trariété, adviserent,  pour  faciliter  l'affaire,  que  le  pré- 
sident Richardot  se  transporteroit  à  Bruxelles  par  de- 
vers ledict  cardinal ,  où  il  s'achemina  mercredi  i  5  de 
ce  mois,  d'où  il  est  retourné  samedi  dernier.  Il  feit  en- 
tendre par  le  père  gênerai,  à  M.  le  légat,  la  response 
qu'il  remportoit,  qui  est  que  ledict  sieur  cardinal  est 
du  tout  resoleu  à  la  paix,  veult  qu'ils  signent  les  arti- 
cles ainsi  qu'ils  ont  esté  resoleus  entre  nous;  et,  pour 
le  regard  de  ladicte  trefve,  que  ledict  sieur  Richardot 
a  rapporté  qu'il  s'est  trouvé  au  conseil  dudict  cardinal 
une  merveilleuse  contrariété,  tellement  que,  quelque 
chose  qu'il  ait  sceu  dire,  l'opinion  contraire  Tauroit 
emporté  ;  se  fondans  qu'oultre  la  perte  du  temps  et 
consommation  de  leurs  moyens,  il  alloit  trop  avant  de 
l'honneur  du  roy  catholique  d'offrir  la  trefve  aulx  Hol- 
landois,  qui  ne  la  demandoient  pas,  et  avoient  dict  de 
nouveau  que,  du  vivant  dudict  roy,  ils  ne  feroient  ni 
paix  ni  trefve  ;  et  qu'il  estoit  sans  doubte  que  vostre 
majesté,  qui  estoit  satisfaicte  en  toutes  ses  aultres  de- 
mandes, qui  sont  de  si  grande  importance,  ne  rom- 


AU  ROY.  :^33 

proit  pas  pour  si  peu  de  chose  ,  ayant  plus  que  salis- 
foict  à  tout  ce  qu'en  telles  choses  elle  peult  estre  obli- 
gée a  ses  confédérés;  les  avant  depuis  ung  an  exhor- 
tés d'entrer  en  la  paix,  obteneu  qu'ils  y  seront  aniia- 
blement  receus;  que  le  roy  d'Espaigne  a  envoyé  tous 
les  pouvoirs  pour  traicter  avec  la  royne  d'Angleterre  et 
Hollandois;  que  vostre  majesté  a  désiré,  et  de  plus  qu'il 
est  accordé  par  les  articles  que  nous  avons  resoleus  , 
que  si  dans  six  mois  ils  y  veulient  estre  compris,  ils  y 
seront  receus.  Tellement,  sire,  que  ledict  sieur  Richar- 
dot  a  esté  ici  renvoyé  avec  ceste  response  :  Que  vostre 
majesté  ne  romproit  poinct  pour  cela.  Il  s'est  trouvé  en 
ce  conseil  beaucoup  d'Espaignols,  qui  sont  marris  du 
desmembrement  des  Pays  Bas  d'avec  l'Espaigne;  entre 
aultres  il  y  a  don  Diego  d'ibara ,  qui  n'est  pas  ung  meil- 
leur François  à  Bruxelles  qu'il  s'est  monstre  ci  devant 
estant  dans  vostre  ville  de  Paris.  C'est  la  flicon  de  ceulx 
qui  veulient  rompre  ung  bon  affaire  de  dire  à  leur 
maistre,  et  tascher  de  le  persuader,  qu'une  chose  s'ac-» 
cordera  aiseement,  bien  qu'ils  ne  doubtent  poinct  qu'il 
soit  impossible  de  l'obtenir.  Sire,  M.  le  légat  ayant  eu 
cest  advis ,  il  nous  manda  de  l'aller  trouver;  nous  feit 
le  récit  de  ce  que  dessus,  et  nous  demanda  conseil,  et 
quel  estoit  nostre  advis  en  cest  affaire.  Nous  dismes  que 
nous  ne  pouvions  avoir  aultre  advis  que  d'advertir 
vostre  majesté  de  la  response  qu'auroit  rapportée  ledict 
sieur  Richardot  ;  que  nous  avions  commandement  ex- 
près de  lui  renvoyer  en  toute  diligence  le  courrier  qui 
nous  a  apporté  sa  despesche;  ce  que  nous  avions  dif- 
féré de  faire,  esperans  en  chose  si  raisonnable  que  Ton 
nous  feroit  une  meilleure  response;  mais  puisque  nous 
nous  trouvions  frustrés  de  nostre  opinion,  contre  l'es- 
pérance et  presque  certitude  que  nous  avoient  baillée 


334  LETTRE 

les  ambassadeurs  d'Espaigne,  que  cest  affaire  passeroit 
selon  nostre  désir;  nous  ne  pouvions,  ne  debvions  re- 
tarder plus  longuement  d'advertir  vostre  majesté  de  ce 
a  quoi  s'estoit  resoleu  le  cardinal  d'Autriche,  afin 
qu'estans  encores  auprès  d'elle  les  ambassadeurs  d'An- 
gleterre et  des  Provinces  Unies,  elle  prist  la  resolution 
sur  ceste  response  telle  que  Dieu  lui  conseiileroit  pour 
le  bien  de  ses  affaires.  Voyant  M.  le  légat  ce  que  nous 
lui  avions  respondeu,  il  manda  ledict  père  gênerai,  au- 
quel nous  fîsmes  vifvement  entendre  la  justice  des  de- 
mandes de  vostre  majesté,  et  lui  dismes  avec  douleur 
la  juste  occasion  qu'elle  auroit  de  se  plaindre  de  ce  re- 
fus, qui  ne  se  pouvoit  fonder  en  raison  qui  feust  va- 
lable. Le  pryasmes  de  faire  entendre  le  tout  aulxdicts 
ambassadeurs  d'Espaigne,  que  nous  requérions  très  jus- 
tement de  nous  faire  entendre  la  resolution  dudict  car- 
dinal, dont  nous  délibérions  sans  plus  différer  advertir 
des  le  soir  mesmes  vostre  majesté,  par  le  courrier  qui 
nous  a  apporté  sa  despesclie.  Ledict  gênerai  alla  trou- 
ver lesdicts  ambassadeurs  ,  et  nous  feit  les  excuses  de 
M.  Richardot,  qui  est  vieil,  et  estoit  las  d'avoir  coureu 
la  poste ,  et  se  trouvoit  en  peine  de  nous  faire  ceste 
response,  nous  pryans,  attendeu  qu'il  estoit  nuict,  de 
voulloir  avoir  patience  jusques  au  lendemain  matin 
qu'ils  nous  verroient  en  nos  maisons,  et  nous  feroient 
entendre  comme  toutes  choses  ont  passé;  à  quoi  nous 
nous  accommodasmes ,  ne  pouvans  faire  aultre  chose. 
Le  lendemain,  19  de  ce  mois,  estans  ensemble,  ledict 
sieur  Richardot  nous  feit  ung  long  récit  de  la  ferme 
resolution  dudict  sieur  cardinal  à  la  conclusion  de  ce 
traicté,  et  observation  de  tout  ce  qui  aura  esté  promis, 
des  raisons  qui  le  mouvoient  de  supplier  vostre  majesté 
de  l'excuser  s'il  ne  s'accommodoit  à  ceste  trefve;  à  quoi. 


AU  i\oY.  335 

sire,  nous  respondismes  tellement  que,  par  ce  que  nous 
en  pouvions  juger,  ils  feurent  contraincts  de  céder  à  nos 
raisons.  M.  Taxis  prit  la  parole,  et  dict  qu'es  difficultés 
adveneues  sur  les  despesches  de  vostre  majesté,  on  au- 
roit  mis  en  avant  de  proposer  aultres  moyens  plustost  que 
de  rompre  l'affaire;  qu'il  en  failoit  faire  de  mesme  en 
celle  qui  se  présente  ;  et,  après  avoir  essayé  si  nous  nous 
pouvions  relascher  en  quelque  chose ,  et  veu  que  nous 
demeurions  fermes,  il  a  proposé  si  nous  aurions  agréa- 
ble que  le  père  gênerai  retournast  par  devers  M.  le  car- 
dinal d'Autriche,  pour  lui  faire  entendre  que  n'estions 
resoleus  de  signer  le  traicté  s'il  ne  s'accommodoit  en 
quelque  sorte  au  désir  de  vostre  majesté  touchant  ceste 
trefve;  et  que,  de  leur  part,  ils  en  escriroient  de  si  bonne 
encre  qu'ils  destromperoient  ceulx  qui  veullent  persua- 
der audict  cardinal  que  vostre  majesté  ne  rompra  poinct 
pour  cela.  Sire,  jugeans  que  ces  ambassadeurs  procè- 
dent de  bonne  foi  en  cest  affaire,  nous  n'avons  pas  es- 
timé de  debvoir  rejetter  ceste  ouverture;  y  adjoustans 
ceste  condition,  que  l'on  use  de  diligence  à  nous  faire 
response,  ils  ont  dict  que  nous  la  pourrions  avoir  dans 
quattre  jours;  nous  pryans  instamment  de  restreindre 
le  terme  de  trois  mois  que  nous  demandons,  à  deux, 
afin  que  ,  nous  rendans  nos  places  ,  ils  voyent  aussi  que 
les  Hollandois  ne  se  prevallent  poinct  du  secours  de 
vostre  majesté;  ne  nous  voulîans  celer  qu'il  leur  vient 
de  mauvais  advis  du  costé  de  la  Hollande  ;  qu'ils  sont 
asseurés  du  secours  de  vostre  majesté ,  sitost  qu'elle  aura 
recouvert  ses  places;  ce  que  les  Espaignols  font  fort 
sonner  aulx  oreilles  dudict  cardinal ,  qui  est  nouveau 
en  ce  maniement  d'affaires,  et  crainct  les  rapports  qui 
en  peuvent  estre  faicts  au  roy  catholique  son  oncle.  A 
ce,  sire,  nous  avons  respondcu  comme  nous  debvons; 


436  LETTRE 

et,  comme  nous  en  estimons,  ils  en  sont  demeurés  sa- 
tisfaicts  ;  et,  pour  response  à  ce  qu'ils  nous  ont  demandé 
de  restreindre  le  terme  de  la  trefve  k  deux  mois,  nous 
avons  respondeu  ne  le  pouvoir  faire;  mais,  pour  mons- 
trer  audict  sieur  cardinal  que,  de  la  part  de  vostre  ma- 
jesté, on  cherche  de  lui  donner  tout  le  contentement  pos- 
sible, on  accordera  qu'il  ne  se  parle  de  trefve,  puisqu'ils 
estiment  que  c'est  chose  qui  prejudicie  à  Thonneur  du 
roy  catholique  ;  mais  que  l'on  se  contentera  qu'il  soit 
dict  que ,  de  trois  mois ,  ils  ne  feront  siège  ni  entreprise 
sur  les  places  que  tiennent  ceulx  des  Provinces  Unies; 
et  vostre  majesté  moyennera  que  ceulx  desdictes  pro- 
vinces lui  feront  la  mesme  promesse.  Comme  lesdicts 
ambassadeurs  sortoient  d'avec  nous,  ledict  père  gefce- 
ral  nous  est  Veneu  voir  pour  conférer  de  cest  affaire.  Il 
est  resoleu,  suivant  ceste  ouverture,  de  faire  le  voyage 
de  Bruxelles,  où  il  ira  en  diligence,  avec  promesse  de 
nous  advertir  promptement  de  la  response  du  cardinal 
par  courrier  exprès.  Il  se  monstre  homme  d'entende- 
ment et  de  valeur,  et  est  parti  d'ici  bien  resoleu  de 
n'obmettre  rien  de  tout  ce  qui  se  peult  pour  advancer 
cest  affaire.  Il  porte  une  bien  longue  lettre  de  M.  le  lé- 
gat audict  cardinal,  qui  le  prye  très  instamment,  au 
nom  du  pape,  de  se  monstrer  facile  à  contenter  vostre 
majesté ,  suivant  ce  qui  lui  en  sera  représenté  par  le- 
dict père  gênerai,  duquel  nous  nous  sommes  diligem- 
ment enquis  de  la  cause  qui  pouvoit  mouvoir  ledict 
cardinal  à  se  rendre  si  entier  à  refuser  ceste  trefve.  Il 
nous  a  dict  que  ce  propos  a  esté  souvent  traic«^é  entre 
nous;  ce  qu'il  en  a  peu  descouvrir  dudict  sieur  Richar- 
dot,  oultre  la  perte  du  temps  et  de  l'argent  qui  se  faict 
cependant,  et  ce  qui  a  esté  dict  de  l'honneur,  est  que 
les  Hollandois  leur  ont  faict  faire  de  très  mauvais  rap- 


AU  ROY.  3^7 

ports;  qu'ils  sont  asseurés  du  secours  de  vostre  majesté 
aussitost  qu'elle  aura  recouvert  ses  places;  que,  pour 
son  regard  ,  il  a  vostre  majesté  en  toute  opinion  de 
preudliomme  et  de  prince  très  généreux  et  très  véri- 
table, et  qu'ainsi  il  se  soubtiendra  devant  le  conseil  du- 
dicl  cardinal  et  partout  ailleurs.  Nous  lui  avons  dict 
que  l'on  peult  prendre  certain  tesmoignage  et  preuve 
de  la  sincérité  de  vostre  majesté  par  toutes  ses  actions 
passées;  et  en  l'affaire  qui  se  présente,  si  elle  eust  eu 
la  moindre  volonté  de  contrevenir  à  sa  oromesse,  elle 
ne  se  feust  pas  rendeue  si  difficile  à  entrer  en  ce  traicté, 
et  en  resouldre  les  articles  comme  elle  a  faict  :  qui  eust 
voulleu  tromper,  on  eust  tout  accordé  pour  liaster  la 
conclusion  du  traicté  et  restitution  des  places  qu'ils  ont; 
et  voyent  de  quel  pied  vostre  majesté  et  ses  ministres 
y  ont  marché  jusques  à  présent;  que  si  malicieusement 
on  semé  quelques  bruicts  pour  mettre  le  cardinal  en 
souspçon,  il  sera,  à  nostre  ad  vis,  si  prudent,  qu'il 
considérera  que  ce  sont  ennemis  ;  que  cela  vient 
de  ceulx  qui  craignent  de  se  perdre,  et  sont  comme 
l'homme  qui  est  en  danger  de  se  noyer.  Il  n'y  a  rien 
qu'il  n'essaye  avec  despens  de  qui  que  ce  soit  pour  se 
saulver.  Sire ,  ledict  père  gênerai  a  esté  contrainct  de 
faire  plus  long  séjour  en  son  voyage  que  nous  n'espé- 
rions; ce  qui  nous  faict  craindre  que  vostre  majesté 
n'ait  trouvé  mauvais  d'avoir  esté  si  long  temps  sans  nos 
lettres;  nous  craignions  d'ailleurs  de  tomber  en  une 
plus  grande  faulte ,  lui  escrivant  seulement  l'incertitude 
de  ceste  negotiation;  et  M,  le  légat  et  nous  avons  souf- 
fert une  douleur  extresme  de  ceste  longueur,  qui  nous 
mettoit  en  doubte  de  l'événement.  Ledict  père  gênerai 
nous  a  enfin  rapporté  la  resolution  dudict  cardinal,  qui 
est  qu'en  faveur  et  contemplation  de  vostre  majesté,  il 
Mj':m.  de  Dupxessis-Morjs'ay,  Tome  yiii-  22 


338  LETTRE 

accorde  à  la  royne  d'Angleterre  et  Provinces  Unies  ces- 
sation d'entreprises  sur  leurs  places,  et  actes  d'hosti- 
lité, pour  deux  mois,  à  compter  du  jour  que  le  traicté 
de  paix  sera  par  nous  signé.  A  quoi  il  n'entend  estre 
obligé  auparavant  qu'il  sçaclie  s'ils  ont  accepté  son 
offre ,  ou  que  vostre  majesté  lui  déclare  de  l'accepter 
pour  eulx.  Nous  avons  longuement  desbatteu  pour  avoir 
le  troisiesme  mois,  mais  il  nous  a  esté  du  tout  impos- 
sible. Si  les  ambassadeurs  de  Hollande  sont  encores  en 
vostre  court ,  et  aussi  celui  d'Angleterre ,  ou  qu'ils  ayent 
donné  la  parole  à  vostre  majesté  de  faire  pour  eulx  ceste 
promesse,  sera  le  bon  plaisir  de  vostre  majesté  de  nous 
renvoyer  incontinent  ce  courrier,  à  ce  que  nous  en 
advertissions  ces  députés,  qui  le  pourront  faire  sçavoir 
audict  cardinal  dans  ung  jour.  Nous  espérons  que  ce 
traicté  de  paix  pourra  estre  signé  et  remis  entre  les 
mains  dudict  sieur  légat  le  premier  jour  du  mois  pro- 
chain; et  partant,  que  vosdicts  confédérés,  s'ils  approu- 
vent ceste  cessation  d'armes,  en  pourront  jouir  les  mois 
de  mai  et  de  juin  prochains. 

A  dadvantage  ledict  cardinal  ne  s'est  voulleu  ac- 
corder sur  ce  qu  il  dict  estre  si  informé  de  la  mauvaise 
volonté  des  HoUandois ,  que  s'il  avoit  accordé  trefve 
ou  cessation  d'armes,  qui  durast  après  la  restitution 
des  places,  ils  ne  fauldroient  pas  de  trouver  quelque 
invention  pour  faire  croire  à  vostre  majesté  que  c'est 
lui  qui  leur  a  rompeu  la  trefve  ,  qu'il  désire  vostre 
bonne  grâce,  et  en  fera  tant  de  preuves  qu'elle  en  de- 
meurera  asseuree,  et  qu'il  la  prye  de  prendre  en  bonne 
part  ce  qu'il  a  peu  accorder  touchant  ceste  cessation 
d'armes ,  ce  qu'il  a  faict  seulement  pour  le  respect 
qu'il  veult  porter  à  vostre  majesté.  Nous  louons  Dieu  , 
sire,  d'avoir  peu  en  ceste  occasion  satisfaire  au  juste 


I 


AU  ROY.  339 

désir  de  vostre  majesté,  qui  a  obteneu  pour  la  royne 
d'Angleterre  que  le  roy  catholique  s'est  resoleu  de 
traicter  avec  elle,  estant  expresseernent  conteneu  au 
pouvoir  qu'il  a  signé  de  sa  main  pour  traicter  avec 
ladicte  dame,  qu'il  a  resoleu  ledict  pouvoir  sur  ce  que 
le  roy  de  France  a  déclaré  de  ne  voulloir  entrer  ea 
aulcung  traicté,  sans  que  ladicte  royne  y  soit  com- 
prise ;  aussi  à  nostre  remonstrance  le  pouvoir  pour 
traicter  avec  les  Provinces  Unies  a  esté  envoyé  plus 
ample  que  celui  que  ces  députés  avoient  ici  apporté. 

Nous  avons  aussi  obteneu  que  ladicte  royne  d'An- 
gleterre et  estats  seront  compris  au  traicté ,  si  dans 
six  mois  ils  demandent  y  esire  receus. 

Vostre  majesté  leur  a  de  plus  moyenne  ladicte  ces- 
sation d'armes  pour  deux  mois ,  qui  se  pourra  pro- 
longer, si  le  cardinal  cognoistra  que  c'est  à  bon  es- 
cient que  ces  gens  veuUent  traicter.  Par  cela  vos 
confédérés  ressentent  les  fruicts  de  la  bonté  de  vostre 
majesté ,  qui  eust  peu  ravoir  toutes  ses  places  six  mois 
y  a,  sans  qu'elle  a  voulleu  respecter  leur  amitié  et 
pourvoir  à  leurs  commodités,  quelque  hazard  et  dom- 
mage qui  en  peust  advenir  à  ses  affaires.  Sire,  nous 
avons  en  toutes  choses  mesnagé  mieuîx  qu'il  nous  a 
esté  possible  le  pouvoir  qui  nous  a  esté  donné;  et, 
grâces  à  Dieu ,  encores  qu'il  nous  feust  permis  de 
signer  le  traicté  ,  encores  que  la  trefve  nous  feust  re- 
fusée,  nous  avons  tellement  desbatteu  ce  faict  que 
vostre  majesté  demeure  en  cela  servie  comme  elle  nous 
a  commandé.  Dieu  ,  s'il  lui  plaist,  nous  fera  la  grâce 
qu'elle  agréera  nostre  humble  service  que  nous  conti- 
nuerons avec  toute  fidélité,  tant  qu'il  nous  laissera  en  vie. 

Nous  ferons  response  à  ce  qu'il  plaist  à  vostre  ma- 
jesté de  nous  escrire   touchant   le  sieur  Cécile.  Sire 


34o  LETTRE 

nous  n'attendons  pas  que  sa  \'eneue  en  ce  lieu  ap- 
porte aulcung  bien  à  \os  affaires  ;  mais  puisque  vostre 
majesté  Ta  convié  d'y  venir  pour  noslre  advis  le  meil- 
leur est  qu'il  en  fasse  comme  bon  lui  semblera,  et 
plustost  on  lui  doibt  monstrer  que  l'on  désire  qu'il 
vienne  qu'aultrement  ;  et  s'il  s'y  resouldra,  et  qu'en 
soyons  advertis,  nous  pryerons  les  ambassadeurs  de 
l'attendre,  ce  que  desjà  ils  nous  ont  promis  de  faire. 
Quant  à  M.  le  légat,  il  ne  faict  pas  estât  de  le  voir, 
et  de  ce  que  nous  pouvons  juger,  on  n'est  pas  pour 
leur  parler  de  remuer  aulcune  chose  en  Angleterre  au 
faict  de  la  relligion.  Ce  sera  à  nous  à  penser  qu'il  ne 
puisse  faire  le  mal  qu'il  vouldroit  ;  estant  le  traicté 
signé,  comme  nous  espérons  qu'il  sera  dans  quattre 
jours,  sa  journée  ne  monslrera  pas  beaucoup.  Nous 
avons  pryé  ceulx  avec  lesquels  nous  negotions  de  tenir 
le  traicté  secret;  si  par  faulte  d'aultrui  il  en  advient 
aultrement,  les  excuses  ne  nous  deffauldront  pas  d'avoir 
si  longuement  attendeu  les  députés  de  vos  confédérés; 
parlerons  de  l'indisposition  et  du  mescontentement  de 
M.  le  légat  d'avoir  esté  ici  teneu  sans  rien  faire  si 
long  temps,  dont  il  dict  que  procède  en  grande  partie 
son  indisposition  ;  que  les  prélats  qui  l'assistent  lui 
ont  reproché  que  nous  l'avions  ici  arresté  par  trop 
de  temps  contre  la  dignité  du  pape,  que  nous  les  avons 
attendeus  pour  traicter  des  le  mois  de  janvier,  et  avons 
faict  pour  eulx  ce  qui  se  pouvoit  en  leur  absence; 
iedict  sieur  légat,  estant  ce  traicté  signé,  se  resoult 
d'aller  en  la  ville  de  Rbeims,  ayant  à  la  vérité  beau- 
coup souffert  en  ce  long  séjour  de  Vervins,  il  ne  sera 
esloincrné  de  nous,  et  arrestera  ,  pour  le  bien  de  vostre 
service,  jusques  à  ce  que  l'exécution  de  la  restitution 
des  places  soit  achevée  ou  bien  advancee. 


AU  ROY.  '^4ï 

Nous  sommes  obligés  de  dire  à  vostre  majesté  qu'il 
s'est  fort  franchement  employé  en  cest  affaire,  et  deb- 
vons  rendie  le  mesme  tesmoignage  audict  père  gê- 
nerai, jugeant  M.  le  légat  que  vostre  majeslé  fera 
chose  digne  de  sa  bonté,  si  elle  escrira  au  pape  le 
contentement  qu'elle  a  du  grand  debvoir  qu'a  faict 
ledict  père  gênerai  à  advancer  ceste  paix;  à  quoi,  avec 
la  bonne  permission  de  vostre  majesté,  nous  adjous- 
terons  que  s'il  lui  plaira  de  favoriser  de  sa  recomman- 
dation, à  ce  que  sa  saincteté  le  veuille  honorer  de  la 
dignité  de  cardinal,  comme  nous  avons  entendeu  estre 
son  intention  ,  elle  acquerra  beaucoup  d'obligation  sur 
ledict  père  gênerai,  qui  est  homme  de  valeur,  et  qui 
a  bien  mérite  de  vostre  service. 

Sire,  nous  n'estimons  pas  que  ce  soit  vostre  service 
de  changer  ce  lieu  de  Vervins  pour  mettre  ceste  con- 
férence en  ung  aultre  lieu  près  de  Calais;  il  ne  seroit 
pas  aisé  de  remuer  M.  le  légat ,  et  il  peult  beaucoup  ser- 
vir à  favoriser  l'exécution  de  la  restitution  desdictes 
places. 

Le  traicté  lui  doibt  estre  remis  dans  quattre  jours , 
signé  de  tous  les  ambassadeurs  qui  sont  ici,  de  France, 
Espaigne  et  Savoye.  Il  a  esté  advisé,  pour  plus  de 
seureté,  que  des  maintenant  il  sera  dressé  et  remis 
audict  sieur  légat  en  la  forme  qu'il  doibt  estre  ratifié 
par  nos  maislres ,  et  partant  la  paix  est  teneue  pour 
faicte  et  concleue  des  le  jour  que  le  traicté  sera  signé  ; 
mais  d'autant  que  c'est  chose  qui  sera  teneue  secrette 
d'ici  à  ung  mois,  que  les  ratifications  seront  baillées, 
a  esté  advisé  qu'il  se  pourra  escrire  aulx  gens  de 
guerre  qui  sont  sur  la  frontière,  que ,  pour  aulcunes 
bonnes  occasions,  ils  ne  fassent  courses  sur  l'ennemi  de 
quinze  jours,  ni  entreprises  sur  leurs  places,  renou- 


342  LETTRE 

"vellant  ceste  deffense  pour  aultres  quinze  jours,  qu'on 
sera  au  mois  que  la  ratification  doibt  estre  baillée  et 
la  paix  publiée,  mesmement  que  vostre  majesté  sera 
saisie  des  ostages ,  et  ne  seroit  possible  de  tenir  l'affaire 
secret;  nous  en  advertirons  M.  le  connestable,  qui  en 
advertira  les  gouverneurs ,  et  aultres  qui  ont  les  places 
et  la  campaigne. 

Il  plaira  aussi  à  vostre  majesté  d'en  faire  donner 
advis  à  M.  de  Lesdiguieres,  d'autant  que  nous  avons, 
par  mesnie  moyen ,  resoleu  le  traicté  de  paix  avec  le 
député  de  M.  de  Savoye,  ne  le  pouvant  faire  l'ung 
sans  l'aultre;  et  qu'estant  ledict  sieur  de  Lesdiguieres 
asseuré  du  costé  de  M.  de  Savoye,  qu'il  n'entreprendra 
rien  sur  toutes  les  places  où  il  commande  pour  le  ser- 
vice de  vostre  majesté,  et  qu'il  ne  fera  aulcung  acte 
d'hostilité;  qu'il  en  sera  de  mesme  à  l'endroict  dudict 
sieur  duc  ,  dans  un  g  mois  qu'il  aura  faict  observer 
ceste  cessation  d'armes ,  sa  majesté  lui  commandera 
«on  bon  plaisir  sur  la  publication  de  la  paix.  Il  est 
aussi  requis  que  les  gouverneurs  de  Provence,  de 
Lvon,  qui  en  advertira  celui  de  Dombes  et  de  la  pro- 
•vince  de  Bourgoigne,  en  soient  advertis. 

Apres  que  le  traicté  aura  esté  signé ,  nous  en  don- 
nerons advis ,  et  en  advertirons  aussitost  et  tout  in- 
continent vostre  majesté,  et  en  toute  diligence,  et 
mesme  de  ce  que  nous  aurons  peu  negotier  sur  quel- 
ques aultres  poincts  de  toutes  vosdictes  lettres. 

Nous  pryons  Dieu,  sire,  de  faire  la  grâce  à  vostre 
majesté  qu'elle  jouisse  et  possède  longuement  et  heu- 
reusement de  ceste  bonne  et  honorable  paix  et  accord , 

et  qu'il  vous  donne,  sire,  etc. 

Bu  26  avril  i5g8. 


A  M.  DE  VILLEROY.  %3 

m 

CXXXIII.  — .  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellie<^re  et  de  Sillery  a  M.  de  Vdleroy, 

Monsieur  ,  vous  nous  accusés  de  ne  vous  escrire 
assés  souvent;  les  despesches  que  vous  avés  receues , 
après  vos  lettres  escrites  ,  ont  peu  respondre  pour  nous. 
Mnintenantnous  vous  confessons  que  nous  vous  en  avons 
donné  beaucoup  d'occasion  ,  estant  ici  de  retour  La 
Fontaine,  d'autant  que  nous  demeurions  en  incerti- 
tude si  la  trefve  vous  seroit  accordée  ou  non,  nous 
ne  feusmes  pas  d'advis  de  le  vous  renvoyer,  sans  vous 
donner  asseurance  de  ladicte  trefve,  sans  laquelle  il 
ne  nous  estoit  permis  de  signer  les  articles,  ou  du 
refus  qui  nous  en  auroit  esté  faict,  voullant  le  roy 
fonder  sur  cela  la  resolution  qu'il  prendroit  en  ses  af- 
faires. Les  trois  ambassadeurs  d'Espaigne  ,  qui  sont  ici , 
nous  en  donnèrent  si  bonne  espérance  que  nous  te- 
nions ,  comme  faisoit  aussi  M.  le  légat  et  le  père  gê- 
nerai, la  chose  comme  faicte  ;  et  à  l'instant,  le  i4  de 
ce  mois ,  nous  feismes  une  despesche  qui  feut  mise  sur 
les  postes,  et  escrivismes  à  M.  Louvet  de  la  vous  faire 
tenir  par  ung  de  ses  garçons,  ce  qu'il  nous  escrit 
avoir  faict. 

Au  retour  de  M.  le  président  Ricliardot,  nous  nous 
sommes  trouvés  en  une  merveilleuse  confusion ,  crai- 
gnans  que  cest  affaire  ne  feust  du  tout  renversé.  Nous 
avons  remué  le  ciel  et  la  terre  pour  la  remettre,  de 
vous  escrire  le  mal  sans  le  remède  ou  le  faict  ou  failli; 
nous  craignons  de  mettre  le  roy  en  une  grande  peine, 
et  faire  plus  de  mal  mettant  vos  esprits  en  ceste  in- 


344  LETTRE 

certitude,  que  si  nous  vous  laissions  sans  nos  lettres 
trois  ou  quattre  jours  dadvanlage,  et  de  ce  nous  en 
avons  esté  tellement  prjés  par  M.  le  légat,  que  s'il  en 
feust  adveneu  du  mal,  il  le  nous  eust  imputé. 

Monsieur,  avec  beaucoup  de  regret,  nous  avons 
faict  ceste  faulte,  mais  çà  esté  pour  en  éviter  une  plus 
grande.  Par  la  despesche  du  roy,  vous  verres  comme 
le  tout  est  passé. 

Nous  vous  pryons  de  nous  renvoyer  au  plus  tost 
le  courrier  avec  la  response  du  roy ,  sur  Tacceptation 
de  la  trefve  pour  la  royne  d'Angleterre  et  Hollandois, 
d'autant  que  jusques  alors  le  cardinal  n'entend  d'estre 
obligé  ;  ils  nous  ont  dict  que  ceulx  des  Provinces  Unies 
arment  fort  à  Nimegues  poiir  faire  entreprise,  que 
le  cardinal  est  bien  délibéré  de  les  recevoir.  Dieu  nous 
doint  à  tous  la  paix ,  et  de  faire  nostre  profîct  de  tant 
de  grâces  que  nous  recevons  de  sa  bonté;  il  est  impos- 
sible à  dire  les  ruses  dont  usent  les  Hollandois  pour 
faire  rompre  ce  traicté ,  faisant  courir  par  Bruxelles 
de  bien  mauvaises  lettres  à  nostre  desadvantag^.  Il  se- 
roit  à  propos  quand  quelqu'ung,  abusant  de  la  liberté 
françoise,  parle  au  roy  de  ces  affaires,  qu'il  receust  une 
response  qui  servist  à  faire  perdre  les  souspçons  où 
l'on  met  le  cardinal. 

Si  en  ce   grand  affaire   nous    obmettons   ung    seul 

poinct  de  la  prudence,  nous  nous  mettons  en  danger 

évident  de  perdre  ce  que  nous  tenons  à  la  main.  Nous 

nous  recommandons  bien  ,  etc. 

Du  26  avril  1698 


A  M.  DE  VILLEROY.  ,   345 

CXXXIV.—'V' LETTRE  DE  M.  DE  BELLIEVRE 

A  M.  de  Villeroj. 

Monsieur  ,  je  vous  fais  ceste  lettre  à  part ,  touchant 
ce  que  vous  escrivés  à  M.  de  Sillery,  et  à  rrjoi,  du 
voyage  de  M.  de  Sancy  en  ces  quartiers. 

Quant  à  Toccasion  du  voyage  elle  est  cessée,  comme 
vous  voyés,  par  la  despesche  que  nous  faisions  au  roy , 
vous  asseurant  que  je  suis  bien  marry  que  plus  tost  il 
n'en  a  esté  parlé.  J'ai  toute  occasion  d'aimer  et  hono- 
rer M.  de  Sancy ,  et  de  désirer  sa  bonne  compaignie. 
Je  désire  en  cela  tout  ce  qu'il  désirera _,  et  vous  responds 
que  M.  de  Sillery  a  la  mesme  volonté.  En  cest  esloingne- 
ment  de  la  court  que  nous  peult  il  mieulx  arriver  et 
advenir  que  de  vivre  avec  ung  personnage  de  valeur 
que  nous  aimons  et  sommes  obligés  d'aimer?  Nous 
laissons  donc  ce  jugement  à  ce  que  vous  deux  trouvè- 
res le  meilleur.  Il  sera  question  d'envoyer  par  devers 
le  cardinal  et  en  Espaigne ,  pour  recevoir  le  serment; 
en  l'aultre  paix  de  l'an  iSSg,  le  cardinal  de  Lorraine, 
MM.  le  mareschal  de  Sainct  André  et  de  Morvilliers 
feurent  députés  pour  recevoir  le  serment  de  ce  roy 
catholique.  M.  de  Sancy  en  peult  estre  l'ung.  Consi- 
dérés si  c'est  chose  où  il  veuille  servir. 

Il  y  a  ung  aultre  faict  qui  nous  met  en  peine;  vous 
sçavés  que  M.  le  connestable  faisoit  estât  d'estre  em- 
ployé en  ce  traicté;  M.  le  mareschal  de  Biron  s'est 
déclaré  à  quelqu'ung  de  mes  amis,  que  le  roy  lui  a 
dict  qu'il  l'y  voulluit  employer.  Vous  jugés  assés  que 
M.  de  Sillery  et  moi  nous  avons  deu  désirer  que  ces 
grands  personnages  soyent  nommés  au  traicté,  comme 


s. 


346  LETTRE  DE  M.  DÉ  BELLIEVRE 

a  esté  faict  en  celui  de  l'an  iSdq;  mais  la  nature  de 
la  chose  n'a  permis  qu'ils  se  soyent  trouvés  en  ceste 
negotiation;  car  ils  faisoient  trop  de  lustre  pour  laisser 
croire  aulx  Anglois  et  Hollandois  que  l'on  ne  faisoit  ici 
qu'esbaucher  la  matière,  et  vous  dis  en  vérité  que, 
selon  mon  petit  jugement  qui  eust  manié  ce  traicté 
aultrenient  qu'a  esté  faict,  suivant  les  bons  advis  qui 
ont  esté  pris  pour  le  roy,  qu'il  y  avoit  danger  trop 
évident,  ou  que  l'on  ne  feist  rien  du  tout,  qui  estoit 
le  but  des  Anglois  et  Hollandois ,  ou  que  tout  le  fruict 
de  ce  traicté  feust  tombé  en  l'escuelle  de  la  royne  d'An- 
gleterre; ce  qu'encores  elle  espère  obtenir  par  l'élo- 
quence du  fils  de  son  grand  thresorier.  Pour  vous  en 
dire  l'opinion  de  M.  le  légat,  il  n'estoit  pas  d'advis 
que  l'on  envoyast  ici  des  grands  du  royaulme,  non  pas 
pour  ce  qu'il  n'aye  opinion  que  M.  le  connestable  ne 
désire  la  paix ,  mais  disoit  le  cardinal  Albert  en  voul- 
dra  aussi  envoyer,  et  peult  estre  seront  ils  d'une 
humeur  si  difficile  qu'au  lieu  d'accommoder  les  af- 
faires ils  les  gasteront,  et  y  auroit  peult  estre  telle 
jalousie  pour  les  précédentes  que  la  feste  se  gasteroit. 
Nous  ne  le  voulleusmes  pas  escrire  ;  car  il  eust  peu 
sembler  que  nous  n'eussions  pas  voulleu  voir  ici  M.  le 
connestable,  duquel  je  puis  dire  qu'estant  à  Lyon,  lui 
parlant  du  service  du  roy,  il  m'a  tousjours  faict  plus 
d'honneur  que  je  ne  puis  mériter  ;  à  quoi  qu'il  plaise 
au  roy  de  se  resouldre  en  cest  affaire ,  nous  tiendrons 
la  main  à  ce  qu'il  soit  trouvé  bon  par  les  aultres,  et 
n'en  advienne  reculement  au  service  de  sa  majesté  ; 
jugés  seulement  de  ce  qui  est  le  plus  expédient;  et 
pour  vous  dire  à  quoi  j'en  suis,  je  vouldrois  desplaire 
à  personne,  mesmes  à  ceulx  que  j'honore  et  doibs  ho- 
norer ;  jugés,  estant  resoleu   et  signer  ce  traicté  par 


.  A  M.  DE  VILLEROT.  3/i7 

aultres,  comme  on  mettroit  leurs  noms.  Vous  estes  si 
bon  médecin  que  vous  trouvères  remède  à  ceste  maladie. 

M.  de  Montpensier  estime  que,  traictant  avec  M.  de 
Savoye,  nous  pourrons  aiseement  obtenir  qu'il  lui  laisse 
Cbastillon  et  quelques  aultres  places  qu'il  a  occupées 
sur  lui  en  la  Bresse,  et  ce  pour  le  recompenser  et  satis- 
faire de  grandes  ruynes  que  les  armées  dudict  duc  ont 
faictes  en  son  pays,  de  bombes  durant  ces  dernières 
guerres.  Son  conseil  est  d'advis  que  c'est  chose  qui 
s'obtiendra  facilement  en  faveur  du  roy  ;  ce  que  je  crois, 
pourveu  que  le  roy  le  veuille  acheter  aulx  despens  de 
son  marquisat  de  Saluées. 

M.  le  mareschal  de  Balagny  nous  demande  advis  de 
ce  qu'il  doibt  pryer  le  roy  de  nous  commander  de  faire 
instance.  Il  désire  avoir  quelque  recompense  pour  la 
perte  qu'il  a  faicte  de  Cambray.  Je  le  désire  aussi; 
mais  en  cela  je  suis  despourveu  de  conseil;  aultre  res- 
ponse  ne  lui  ai  je  peu  faire.  Je  vous  envoyé  la  lettre 
qu'il  m'en  a  escrite,  je  lui  désire  tout  bien;  mais,  s'il 
n'aura  aultre  bien  que  celui  que  les  Espaignols  lui 
veuUent  faire,  il  ne  fault  pas  que  sur  ceste  espérance  il 
haulse  son  train. 

Les  princes  d'Espinoy  nous  ont  faict  escrire  par 
M.  le  connestable ,  etc. 

Le  comte  Amoral  d'Egmont  nous  faict  aussi  parler 
pour  estre  remis  en  ses  biens  ;  c'est  chose  que  nous 
désirerions  pouvoir  faire  ;  il  se  fault  resouldre  par  ce 
qui  se  peult.  Attendant  le  retour  du  père  gênerai ,  j'avois 
commencé  la  lettre;  depuis  son  retour  nous  avons  pris 
resolution  de  finir  et  de  concleure  l'affaire  tout  d'ung 
coup ,  comme  vous  verres  par  la  lettre  que  nous  en 
escrivons  au  roy.  Je  vous  baise ,  etc. 

Du  26  avril  i5g8. 


348  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 


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CXXXV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Slllerj. 

Messieurs,  le  19  de  ce  mois  nous  receusmes,  par 
iing  des  gens  de  Louvet ,  vos  lettres  du  i4,  aulxquelles 
je  feis  response  le  22  par  la  mesme  voye.  Depuis  nous 
avons  tousjours  attendeu  l.a  Fontaine,  lequel  vous 
nous  promettiés  faire  partir  des  le  samedi  d'après  18 
mni.  Il  ne  comparoist  poinct  encores,  dont  je  suis  en 
peine;  car  je  crains  qu'il  soit  surveneu  chose  qui  ac- 
croche la  résolution  de  vostre  traicté.  Toutesfois  je 
veulx  croire  que  si  cela  esloit,  que  vous  n'auriés  plainct 
vostre  peine  ni  celle  d'ung  courrier  pour  nous  en 
donner  advis,  cognoissant,  et  vous  ayant  aussi  escrit , 
comhien  Tincertitude  de  ce  faict  nous  importe.  Il  est 
vrai  que  si  vous  nous  y  laissés  plus  long  temps,  ce  ne 
sera  sans  donner  subject  au  roy  de  s'en  plaindre,  et 
augmenter  nostre  soulci  ;  car  nous  avons  esté  con- 
traincts  de  despescher  et  licentier  les  ambassadeurs 
d'Angleterre  et  de  Hollande,  parce  qu'ils  ont  voulleu 
s'en  retourner,  et  n'a  esté  possible  de  les  retenir  dad- 
vanlage;  les  ungs  et  les  aultres  s'en  sont  allés  très  mal 
contens  :  ceuix  là,  parce  qu'ils  voulloient  nous  obliger 
à  ne  resouldre  et  conclure  nostre  accord  sans  eulx, 
sans  aultrement  nous  asseurer  de  leurs  volontés,  ni  du 
temps  qu'ils  feroient  trouver  leurs  députés  en  l'assem- 
blée pour  traicter  ;  et  les  aultres,  parce  qu'ils  s'atten- 
doient  de  nous  porter  à  la  guerre,  et  nous  leur  avons 
faict  cognoistre  que  nous  les  voullions  porter  à  la  paix 
avec  nous;  et,  comme  ils  nous  ont  dict  qu'ils  n'avoient 


A  MM.  DE  BELLTEVKE  ET  DE  SILLERY.       849 

p&s  pouvoir  de  ce  faire,  sa  majesté  a  pris  resolution 
de  renvoyer  devers  leurs  supérieurs  le  sieur  de  Bu- 
zenvai ,  pour  les  y  persuader,  si  faire  se  peult,  suivant 
ce  que  nous  vous  avons  escrit  par  nostre  despescbe 
du  9  de  ce  mois.  Les  choses  estant  en  tels  termes,  je 
vous  laisse  à  penser  où  nous  nous  trouverions  ,  si  à 
présent  onrompoit  par  delà  avec  vous,  et  quelle  peine 
nous  aurions  de  regaigner  avec  les  ungs  et  les  aultres 
nostre  première  créance;  car,  bien  que  nos  intérêts  en 
la  poursuite  de  la  guerre  nous  rejoignent,  ce  ne  pour- 
roit  estre  toutesfois  avec  telle  confiance  et  asseurance 
que  devant,  qui  est  le  seul  mal  que  nous  avons  tous- 
jours  crainct  debvoir  advenir  de  vostre  negotiation  et 
des  bruicts  de  paix  qui  ont  esté  publiés.  Ores,  soit 
que  nous  debvions  boire  ce  calice  ou  non,  je  vous  dis, 
comme  je  vous  ai  jà  escrit,  qu'il  nous  importe  fort 
d'en  estre  esclaircis ,  et  mis  hors  de  doubte  bientost 
pour  donner  ordre  en  nos  affaires  en  une  sorte  ou 
aultre. 

Le  roy  doibt  partir  demain  pour  aller  a  Rennes.  Il 
demeurera  en  ce  voyage  douze  ou  quinze  jours,  et  re- 
viendra après  ici  pour  prendre  les  dames,  et  nous 
acheminer  du  costé  de  Paris.  Cependant  nous  ferons 
partir,  des  jeudi  prochain,  des  environs  de  Rennes, 
sept  ou  huict  mille  hommes  de  pied ,  accompaignés  de 
cavallerie,  pour  retourner  en  Picardie,  par  la  Nor- 
mandie ,  qui  est  le  plus  court  et  droict  chemin  ;  mais 
lesdictes  gens  de  guerre  ne  pourront  arriver  au  plus 
tost  qu'à  la  fin  de  mai.  Ce  sera  le  temps  aussi  que  sa 
majesté  pourra  arriver  à  Paris,  ou  je  vouldrois  avoir 
payé  chose  qui  me  feist  faulte ,  et  qu'elle  feust  desjà 
arrivée,  tant  j'estime  sa  présence  et  son  approchement 
par  delà  nécessaire. 


35o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLÈROY 

Quand  ces  ambassadeurs  d'Angleterre  arrivèrent, 
ils  ne  nous  parloient  que  d'attendre  l'arrivée  du  pou- 
voir que  l'on  avoit  envoyé  quérir  en  Espaigne ,  pour 
envoyer  en  l'assemblée  et  traicter,  nous  parlant  de  la 
continuation  de  la  guerre  en  termes  qui  nous  fai- 
soient  croire  qu'ils  n'avoient  aulcune  envie  de  s'y  en- 
gager plus  avant;  mais,  quand  ils  ont  sceu  que  ledict 
pouvoir  estoit  arrivé,  et  qu'il  a  esté  question  de  se 
resouldre ,  ils  nous  ont  déclaré  que  le  pouvoir  que  leur 
souveraine  leur  avoit  donné  de  traicter  estoit  restrainct 
au  consentement  de  ceulx  des  estats  des  Provinces 
Unies,  de  sorte  qu'ils  ne  pouvoient  rien  faire  sans 
eulx  ;  et,  voyant  qu'ils  n'avoient  charge  de  s'engager 
en  ceste  negotiation,  ils  estoient  d'advis  de  continuer 
Ja  guerre,  pour  laquelle  ils  offroient  d'envoyer  au  roy 
six  mille  hommes  payés ,  mesme  pour  reprendre  Ca- 
lais; à  quoi ,  si  nous  ne  voullions  entendre,  ils  ont  dict 
qu'il  falloit  donc  qu'ils  retournassent  en  Angleterre 
pour  faire  lever  ladicte  restriction,  pour  pouvoir  en- 
trer en  traicté  sans  lesdicts  estats ,  et  sont  partis  sur 
cela  le  2  5  de  ce  mois ,  ayant  pris  leur  chemin  par  Caen. 
Ils  ont  faict  ce  qu'ils  ont  peu  pour  tirer  parole  du  roy 
de  n'arrester  cependant  ses  conditions  devant  leur  re- 
tour d'Angleterre ,  qu'ils  ont  dict  debvoir  estre  dedans 
ung  mois  ou  dix  jours  après;  mais  sadicte  majesté  n'a 
voulîeu  leur  donner  ceste  parole  là ,  oui  bien  d'entre- 
tenir les  choses  en  estât,  que,  s'y  présentant  dedans 
ce  temps  là,  ils  trouveroient  encores  la  porte  ouverte 
pour  y  entrer  et  y  estre  receus.  Sur  cela ,  ils  m'ont  faict 
bailler,  par  escrit ,  les  articles  qu'ils  prétendent  pro- 
poser s'ils  traictent ,  lesquels  ils  m'ont  pryé  de  vous 
envoyer,  afin  que  vous  preniés  la  peine  d'en  discourir 
comme  de  vous  mesmes  avec  les  ambassadeurs  d'Es- 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.        35 1 

palgne,  pour,  s'il  est  possible,  descouvrir  leur  inten- 
tion sur  iceulx ,  et  nous  en  donner  advis.  Je  vous  en- 
voyé donc  ledict  mémoire  pour  faire  cest  office,  si 
vous  pouvés;  car  sa  majesté  Faura  bien  agréable  :  si- 
non en  user  comme  vous  jugerés  estre  pour  le  mieulx; 
car  sa  majesté  ne  veult  retarder  ni  gaster  ses  affaires 
pour  eulx  ni  pour  aultres ,  comme  je  vous  ai  escrit 
par  nostre  despesclie  du  i/J  de  ce  mois,  que  j'ai  ad- 
dressee  par  exprès  à  Louvet  pour  vous  faire  tenir,  au 
conteneu  de  laquelle  nous  nous  arresterons. 

J'ai  bien  recogneu  que  lesdicts  Anglois  ne  s'atten- 
dent  de   rendre  aulx   Espaignols  les   places   que    les 
estats  leur  ont  engagées,  et  qu'ils  gardent,  disant  que 
s'il  fault  qu'ils  les  quittent,  ce  doibt  estre  à  ceulx  qui 
les  leur  ont  baillées ,  après  qu'ils  auront  esté  remboursés 
de  leurs  advances,  qu'ils  font  monter  bien  hault;  et 
semblent  qu'ils  ayent  appris,  par  les  lettres  intercep- 
tées dont  je  vous  ai  donné  advis,  quel  est  le  but  sur  ce 
desdicts  Espaignols.  Quant  à  moi,  je  vois  que  lesdicts 
Anglois  feront  toute  sorte  de  diligence ,  offres  et  efforts 
pour   traverser    vostre   traicté   envers  lesdicts  Espai- 
gnols, puisqu'ils  n'y  ont  rien  gaigné  avec  nous,  afin 
d'avoir  Calais,  où  gist  toute  leur  ambition.  S'estant 
gouvernés  ici  avec  tant  de  dissimulation  et   artifice 
grossier,  toutesfois  que  nous  avons  moindre  occasion 
d'en  bien  attendre  que  jamais;  partant  il  vous  plaira 
d'y  prendre  garde;  et  vous  asseure  que  si  vous  pouviés 
advancer  la  restitution  de  ladicte  ville  de  Calais ,  vous 
fériés  beaucoup  pour  le  roy  et  pour  le  royaulme.  Il 
me  semble  qu'il  vauldroit  mieulx  se  passer  de  moindre 
nombre  d'ostages  pour  les  aultres,  et  advancer  la  red- 
dition dudict  Calais.  Toutesfois,  je  vous  dis  cela  comme 
de  moi  mesmes,  et  le  remets  à  vostre  meilleur  advis; 


352  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

mais  je  vous  supplie  de  nous  faire  sçavoir  de  vos  bonnes 

nouvelles ,  et  me  continuer  ,  etc. 

Du  28  avril  lÔgS. 


CXXXVI.  —^  MEMOIRE 

De  quelques  poincts  touchant  Je  traictè  d'entre  la 
rojne  cV Angleterre  et  le  roy  d'Espaigne. 

Que  les  anciens  traictés  d'amitié,  privilèges  et  li- 
bertés qui  feurent  conveneus  entre  le  feu  roy  Hen- 
ry Vlll  son  père  et  l'empereur  Charles  V,  comme  duc 
de  Bourgoigne,  soyent  renouvelles,  avec  abolition  de 
toutes  les  contraventions  qui  y  ont  esté  faictes  de- 
puis le  commencement  des  règnes  de  ladicte  royne  et 
roy. 

Et  que  les  subjects  de  ladicte  dame  royne  puissent 
avoir  libre  trafic  en  tous  les  pays  du  roy  d'Espaigne, 
sans  qu'ils. soyent  recherchés  ni  molestés  en  leurs  per- 
sonnes ou  bien  par  l'inquisition  ecclésiastique ,  si  ce 
n'est  qu'ils  donnent  cause  apparente  de  scandale. 

Aussi  que  les  traictés  et  commerces  soyent  renou- 
velles et  restablis ,  qui  feurent  anciennement  entre 
l'Angleterre  et  le  Portugal,  avant  que  le  royaulme  de 
Portugal  feust  annexé  aulx  Espaignes. 

Que  toutes  les  prises  et  déprédations  faictes  de  part 
et  d'aultre ,  soit  par  mer  ou  bien  par  terre ,  soyent 
mises  en  oubli,  et  que  tous  les  prisonniers  qui  n'au- 
ront poinct  compose  pour  leurs  rançons  soyent  restitués 
de  chaque  costé. 

Que  ledict  roy  rembourse  la  royne  des  deniers  qu'elle 
presta  en  l'année  1677  aulx  estats  qui  se  tenoient  à 


»IEMOIRE.  353 

Bruxelles,  ?i  Tinstance  et  requeste  de  ses  ambassadeurs, 
pour  l'argent  nécessité  et  pour  le  grand  besoing  de  ses 
affaires. 

CXXXVII.—^  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

^  M.  de  Lomenie, 

Monsieur,  je  feus  fort  marri  de  ne  vous  avoir  vea 
premier  que  partir.  J'avois  eu  congé  du  roy  ,  auquel 
j'avois  dict  sommairement  mes  raisons;  mais  je  le  pris 
sans  cérémonie,  parce  que  mon  malbeur  m'oblige  à 
cacber  mes  voyages,  mesme  au  milieu  des  amis  de  mon 
ennemi.  J'avois  sceu  que  messieurs  de  la  court  de  par- 
lement envoyoient  commissaire  pour  informer  de  l'at- 
tentat faict  contre  moi,  et  vous  sçavés  encores  que  je 
ne  me  déclare  pas  partie;  qu'aultre  que  moi,  bien  que 
soubs  main ,  n'administrera  les  preuves.  C'est  à  quoi  je 
travaille  et  plus  soigneusement,  parce  qu'on  tascbe  à 
les  me  faire  desperir.  Aussi,  s'estant  passé  six  mois 
depuis  une  playe  si  cuisante  sans  grand  progrès ,  tous 
momens  m'y  sont  et  doibvent  estre  chers,  maintenant  que 
j'y  vois  quelque  voye  ouverte;  car  la  vérité  est  que  je 
ne  vis  pas  aussi  peu  qu'au  feu.  Je  ne  vous  veulx  d'ail- 
leurs sceller  que  je  crois  voir  que  de  mes  plus  intimes 
amis  à  bonne  intention  s'entremettent  d'unir  accord, 
auquel  il  m'est  mal  séant  d'estre  ni  postulant  ni  com- 
muant, directement  ou  indirectement,  dont  cependant 
je  ne  pourrois  éviter  le  blasme ,  conversant  à  toutes 
heures  si-priveement  ensemble  ,  que  je  ne  dissimulerai 
poinct  à  M.  de  Villeroy.  Ores,  le  roy  ne  doibt  trouver 
estrange  que  je  sois  ou  chatouilleux,  ou  frémissant  en 
une  si  sensible  playe;  doibt  au  contraire  désirer,  aimant 

MÉM    DE  DUPLESSIS-MORJVAY.   ToME  VIIT.  23 


354  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS,  eu. 

mon  honneur,  comme  il  lui  a  pieu  tesmoigner,  qu'il 
y  soit  recogneu  tout  entier.  Ce  que  je  vous  dis,  parce 
que  quelqu'ung  m'a  escrit  que  sa  majesté  avoit  esté 
offensée  que  je  ne  Pavois  reveue  depuis  mon  congé ,  et 
laquelle  je  vous  supplie  de  faire  entendre  ma  raison , 
et  que  rien  ne  me  faict  plus  désirer  de  sortir  de  cest 
affaire,  soit  par  son  auctorité,  soit  par  telle  occasion 
que  Dieu  m'en  présentera ,  que  le  regret  de  m'en  voir 
moins  capable  de  lui  faire  service  ;  car  vous  n'ignorés 
pas ,  oultre  l'impatience  d'esprit ,  que  je  ne  puis  estre 
en  court  qu'extraordinairement  accompaigné,  et  par 
conséquent  sans  une  despense  que  je  ne  puis  longue- 
ment porter.  Faictes  moi  donc  ce  bon  office  après  tant 
d'aultres.  Et  sur  ce,  monsieur,  je  salue  humblement 
vos  bonnes  grâces ,  et  prye  Dieu  vous  avoir  en  sa 
saincte  garde.  Vostre  humble  et  affectionné  ami  à 
vostre  service ,  Duplessis.      f 

De  Saulmur,  ce  29  avril  lôgS. 

Je  vous  prye  me  marquer  ce  qui  se  sera  passé  de  la 
part  du  roy  avec  M.  le  mareschal  de  Brissac;  car  je  ne 
pense  avoir  moins  de  subject  de  me  plaindre  de  lui 
que  de  son  beau  frère. 


GXXXVIII.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

J  MM.  de  Bellievre  et  de  Sdlerj. 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery,  je  ne  puis  demeurer 
plus  long  temps  en  la  peine  en  laquelle  je  vis  depuis 
huict  jours  par  faulte  d'estre  adverti  de  vostre  negotia- 
tion  ;  car  les  dernières  lettres  que  j'ai  receues  de  vous 
sont  du  14,  par  lesquelles  vous  m'asseuriés  que  vous 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  355 

me  (îespecheriés  le  samedi  d'après,  qui  estoit  le  i8,  le 
courrier  La  Fontaine  avec  la  resolution  entière  de  nos- 
tre  traicté ,  auquel  il  sembloit  par  vostre  lettre  qu'il  ne 
debvoit  plus  avoir  de  difficulté  ;  mesmes  vous  me  don- 
niés  espérance  que  le  délai  de  trois  mois  que  j'ai  de- 
mande pour  donner  loisir  aulx  Anglois  et  Hollandois 
d'entrer  en  ce  traicté ,  seroit  accordé  :  toutesfois  non 
seulement  ledict  La  Fontaine  n'est  pas  encores  arrivé, 
mais  je  n'ai  receu  ung  seul  mot  d'advis  de  l'occasion  de 
son  retardement,  ni  de  l^estat  de  vostredicte  negotia- 
tion  ;  sur  cela  les  Anglois  et  Hollandois  qui  estoient 
ici  s'en  sont  retournés  très  mal  satisfaicts  de  moi  ; 
ceulx  là  pour  croire  que  j'ai  faict  et  arresté  mon  ac- 
cord sans  eulx ,  ayant  appris  par  la  despesche  intercep- 
tée ,  tombée  entre  leurs  mains,  de  laquelle  je  vous  ai 
donné  advis ,  que  vous  estiés  entrés  en  matière  des  le 
mois  de  febvrier,  plus  avant  qu'ils  ne  s'estoient  pro- 
mis ;  et  de  ceulx  ci  pour  s'estre  trouvés  trompés  de 
Testât  qu'ils  avoient  faict  de  me  porter  à  la  guerre , 
quand  ils  m'auroient  représenté  leurs  raisons,  et  faict 
offre  de  leurs  forces  et  moyens,  tant  y  a  qu'il  ne  m'a 
esté  possible  de  les  retenir  plus  long  temps.  Vous  ayant 
faict  advertir  particulièrement  par  le  sieur  de  Villeroy 
à  quels  termes  j'en  suis  demeuré  avec  eulx  à  leur  parte- 
ment  ;  partant,  je  ne  vous  en  ferai  redicte;  mais  je 
vous  dirai  que  depuis  je  me  suis  trouvé  merveilleuse- 
ment empesché  à  resouidre  ce  que  je  doibs  faire  des 
forces  que  j'ai  ici  sur  les  bras  ;  car,  s'il  fault  continuer 
la  guerre ,  il  fault  que  j'en  dispose  aultrement  que  si 
j'avois  la  paix.  Cependant  mon  peuple  est  mangé,  mes 
deniers  sont  consommés  ;  je  perds  le  temps;  l'ennemi 
fortifie  Blavet  à  furie;  j'offense  mes  confédérés,  et 
perds  le  credict  de  toutes  parts  sans  les  aultres  inconi- 


356  •   LETTRE  DU  ROY,  etc. 

modités  et  desadvantages  que  m'apporte  une  telle  in- 
certitude, de  laquelle  je  crois  que  vous  n'estes  pas 
moins  desplaisans  que  moi  mesmes  ;  mais  ce  n'est  pas 
des  difficultés  et  longueurs  avec  lesquelles  ceulx  aulx- 
quels  vous  avés  affaire,  vous  entretiennent  que  je'me 
plains  ;  c'est  de  quoi  vous  me  laissés  si  long  temps 
ignorans  de  ce  que  vous  faictes  et  des  termes  où 
vous  en  estes  avec  eulx  ;  c'est  donc  pourquoi  je  vous 
envoyé  ce  courrier,  lequel  je  vous  prye  me  renvoyer 
en  toute  diligence  pour  me  délivrer  de  ceste  anxiété 
qui  est  plus  grande  que  je  ne  la  vous  puis  représen- 
ter par  escrit,  et  doresnavant  ne  faictes  faulte  de  m'es- 
crire  par  la  poste  de  deux  jours  l'ung  ;  quand  vous 
n'auriés  à  me  faire  aultre  chose  que  Testât  de  vostre 
disposition  ,  pour  le  moins  sçaurai  je  qu'il  ne  sera  rien 
surveneu  de  nouveau,  dont  je  doibve  estre  en  peine. 

Je  prye  Dieu ,  etc. 

Du  dernier  avril  i5g8. 


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CXXXIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messieurs  ,  vous  avés  peu  cognoistre  par  nos  lettres 
des  14,  '-^2  et  27  de  ce  mois  la  peine  en  laquelle  nous 
tient  l'incertitude  de  vostre  negotiation,  la  vous  ayant 
représentée  particulièrement  par  iceîles  ;  depuis  elle 
est  tellement  accreue  pour  n'avoir  receu  ung  seul  mot 
d'advis  de  vous ,  que  la  patience  avec  laquelle  nous  avions 
attendeu  jusques  aujourd'hui  l'arrivée  de  La  Fontaine, 
nous  est  eschappee  ;  de  sorte  que  l'on  m'a  commandé 
de  vous  despescher  ce  courrier  avec  la  lettre  qu'il  vous 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  357 

porte;  quand  la  paix  ne  se  fera  poinct,  on  ne  s'en 
prendra  pas  à  vous  ;  car  elle  ne  despend  pas  de  vous  ; 
et  si  nous  ne  nous  pendrons  pas  pour  cela;  car,  grâces 
il  Dieu,  nous  n'avons  pas  faulte  encores  de  courage, 
ni  de  moyens  de  nous  deffendre ,  voire  assaillir  nostre 
ennemi ,  et  le  faire  repentir  de  nous  avoir  abusé 
quand  il  Taura  faict  ;  ce  n'est  pas  aussi  là  le  subject 
de  nostre  plaincte;  elle  est  fortifiée  sur  ce  que  vous 
nous  laissés  si  long  temps  demeurer  sans  sçavoir  à 
quoi  vous  en  estes;  car  ceste  incertitude  est  cause  que 
nous  ne  pouvons  pourveoir  à  nos  affaires ,  comme 
nous  ferions,  si  nous  estions  esclaircis  de  ce  que  vous 
faictes  ,  vous  pryans  de  croire  que  cela  nous  faict  plus 
de  mal  que  je  ne  vous  puis  représenter  par  escrit , 
avec  ung  tel  desplaisir  de  sa  majesté,  qu'elle  s'en 
2)rend  à  tout  le  monde;  tirés  nous  en  donc,  je  vous 
prye  ,  et  ne  permettes  à  l'advenir  que  nous  y  retom- 
bions. Nous  avons  advis  que  ceuix  de  Blavet  se  forti- 
fient tant  qu'ils  peuvent.  On  nous  escrit  aussi  de  tous 
costés  ,  et  mesmes  d'Italie,  que  les  Espaignols  ne  nous 
parlent  de  paix  que  pour  nous  tromper,  ne  voullant 
faire  aultre  cliose  que  nous  desunir  d'avec  nos  confé- 
dérés, mesmes  qu'ils  traictent  à  part  avec  les  Anglois  ; 
tous  ces  advis,  joincts  aulx  discours  que  nous  faisons 
sur  ce  retardement  dudict  La  Fontaine,  et  vostre  si- 
lence, nous  atterrent  merveilleusement;  toutesfois  le  roy 
a  délibéré  d'attendre  encores  en  ce  pays  le  retour  de 
ce  courrier,  afin  de  se  trouvera  l'ouverture  des  estats 
de  ce  pays  qui  doibvent  estre  ensemble  à  Rennes  le  i5 
du  prochain  :  nous  ne  laisserons  à  faire  advancer  en 
Picardie  une  partie  des  forces  que  nous  avons  amenées 
par  deçà,  lesquelles  sa  majesté  suivra  le  plus  tost  qu'elle 
pourra  ;  mais  elle  est  contraincte  de  demeurer  quelques 


358  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc. 

jours  encores  dedans  le  pays  pour  y  establir  les  affaires 

à  cause  de  Blavet. 

Au  reste ,  je  ne  veulx  finir  la  présente  sans  vous 
^  faire  part  de  l'advis  qui  nous  a  esté  donné  de  la  reprise 
de  Savarin  par  les  chrestiens  ,  ainsi  que  vous  verres  par 
la  lettre  d'Orlandin ,  maistre  des  courriers  de  Lyon, 
que  je  vous  envoyé.  Le  mesme  advis  nous  a  esté  escrit 
de  Venise  du  8  de  ce  mois  pour  tout  assuré ,  le  secré- 
taire de  l'empereur  l'ayant  faict  entendre  à  la  seigneurie. 
C'est  le  baron  de  Schaartzemberg  qui  a  conduict  et 
exécuté  cet  exploict.  Je  me  recommande,  etc. 

Du  dernier  avril  i5g8. 


CXL.  —  ^  RELATION 

De  ce  qui  se  passa  a  la  conférence  pour  la  paix  a 
Veivins  y  Van  1098,  depuis  le  ^  fehvrier  jusques 
au  \^^  mai;  mise  par  escrit  par  le  secrétaire  du 
ca?'dinal  de  Florence^  légat  à  latere  du  pape  Cle~ 
ment  FUI. 

Le  6  febvrier  1598,  nous  partismes  de  Sainct  Quen- 
tin, et  joignismes  le  lendemain  les  députés  de  France; 
ceulx  du  cardinal  d'Autriche,  comme  procureur  du 
roy  d'Espaigne,  y  arrivèrent  le  jour  suivant;  ils  avoient 
avec  eulx  le  gênerai  des  cordeliers ,  lequel  ayant  lettre 
du  cardinal  de  Florence,  légat  de  nostre  sainct  père 
en  France ,  leur  avoit  assigné  le  jour  de  se  trouver  là. 
Ils  feurent  incontinent  visités  de  la  part  du  légat ,  par 
son  maistre  de  chambre.  Ils  estoient  trois  :  le  président 
Richardot  le  premier;  Taxis,  chevalier  de  Sainct  Jacques, 
le  second;  et  ung  certaing  audiencier  du  Pays  Bas. 

Estans  veneus  saluer  M.  le  légat,  il  les  receut  avec 


RELATION  SUR  LA.  PAIX.  359 

grande  démonstration  de  contentement  et  beaucoup 
de  courtoisie,  les  faisant  entrer  dans  sa  chambre,  où 
il  leur  parla  avec  zèle  et  charité,  les  exhortant  à  s'ac- 
commoder autant  que  leurs  commissions  le  pouvoient 
porter,  et  lever  les  difficultés  qui  se  presenteroient, 
ayant  esgard  au  service  de  Dieu  et  à  Thonneur  et 
satisfaction  de  sa  saincteté,  qui  avoit  tant  travaillé  à 
lier  ceste  conférence  pour  le  repos  et  advantage  des 
peuples  soubmis  à  l'une  et  à  laultre  des  deux  cou- 
ronnes ,  dont  on  estoit  veneu  traicter  la  paix.  Il  s'offrit 
ensuite  comme  ministre  de  sa  saincteté ,  et  non  comme 
arbitre,  ou  comme  juge.  Le  président  Richardot  res- 
pondit  pour  tous  avec  beaucoup  de  soubmission ,  lui 
tesmoignant  qu'ils  avoient  une  très  grande  confiance 
en  lui ,  et  s'asseurant  fort  expresseement  que  le  roy 
d'Espaigne  ne  s'estoit  porté  à  nommer  le  cardinal 
d'Autriche  son  procureur  que  pour  complaire  au 
pape ,  et  que  son  altesse  ne  les  avoit  députés  aussi  que 
pour  ce  mesme  subject  ;  leur  ayant  enjoinct  de  faire 
tout  ce  que  M,  le  légat  leur  commanderoit ,  et  qu'ils 
eussent  à  se  fier  en  lui ,  le  recevant  non  seulement  pour 
entremetteur,  mais  mesme  pour  arbitre  et  pour  juge. 

Le  légat  les  remercia,  sans  se  voulloir  engager  dans 
ces  grandes  offres  qu'ils  lui  avoient  faictes ,  se  restrei- 
gnant à  estre  simplement  médiateur. 

Il  leur  dépeignit  le  naturel  noble  et  franc  du  roy  de 
France,  et  leur  feit  scavoir  les  bonnes  conditions  de 
MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery,  députés  de  sa  majesté, 
afin  qu'ils  peussent  se  conduire  avec  plus  de  lumière 
en  leur  negotiation.  Ces  desputés  partirent  sur  cela, 
et  ceulx  de  France  arrivèrent  aussitost,  qui  dirent  à 
M.  le  légat  qu'ils  estoient  prests  de  faire  tout  ce  qu'if 
lui  plairoit  de  commander,  que  le  roy  leur  avoit  donné 


36o  RELATION 

ordre   de   s'assembler   quand   bon    lui  sembleroit,  et 
qu'ils  prissent  garde  que  rien  ne  se  feist  que  par  Tauc- 
torité  du  pape;  ensuite  ils  lui  touchèrent  ung  niot  de 
la  préséance,  ce  qui  ne   surprit   pas  le   légat,   parce 
que  des  Paris  il  avoit  parlé  de  cela  avec  le  gênerai  des 
cordeliers,  et   depuis  le  propos  s'en  estoit  renouvelle 
dans  Sainct  Quentin ,  sur  quoi  ils  avoient  tous  deux 
l'esprit  extresmement  en  suspens ,  et   si  fort  partagé 
qu'ils  attendoient  que  le  temps  y  apportast  quelque  re- 
mède, songeant  neantmoins  cependant  à  trouver  des 
expediens  dont  le  légat  ne  manquoit  point,  ayant  esté 
long  temps  ambassadeur;   mais  les  propos   fermes  et 
resoleus   que  lui   tint    M.    de  Bellievre    Festonnèrent 
grandement;  lui  disant  qu'il  ne  voulloit  poinct  d'ac- 
commodement en  ce  qui  estoit  de  la  préséance,  comme 
on  en  avoit  usé  au  concile  de  Trente;  qu'alors  le  car- 
dinal de  Lorraine  avoit  misérablement  trahi  la  France; 
qu'ils  estoient  resoleus   de  se  retirer  pluslost  que  de 
mettre   ce  poinct   en    compromis,    et  qu'il   ne  falloit 
poinct  y  chercher  d'expédient.  Il  feit  soubvenir  le  légat 
de  la  déclaration  faicte  a  Rome  par  le  pape  Pie  IV,  en 
faveur  de   la  France,  la  maintenant  en  la  possession 
de  la  préséance,  lui  adjoustant  qu'il   estoit  obligé  de 
maintenir  et  deffendre  ce  que  le  pape  avoit  faict. 

Le  légat  usa  sur  cela  de  bonnes  paroles ,  les  asseu- 
rant  que  ce  n'estoit  pas  son  intention  de  leur  faire 
rien  perdre,  et  que  peult  estre  les  auhres  se  dispose- 
roient  à  céder,  comme  n'estans  que  députés  du  car- 
dinal d'Autriche.  M.  de  Bellievre  repartit  qu'ils  enten- 
doient  traicter  avec  les  députés  du  roy  d'Espaigne  et 
non  du  cardinal  d'Autriche.  Le  légat  repartit  que  le  car- 
dinal estoit  procureur  du  roy  catholique ,  et  qu'ainsi 
il  pouYoit  nommer  des  députés  en  sa  place  qui  ne  (raie- 


SUR  LA  PAIX.  3Gl 

teroient  pas  absolument  au  nom  du   roy  catholique, 
mais  comme  personnes  subdeleguees  par  le  cardinal. 

Cela  adoulcit  aulcunement  M.  de  Bellievre,  qui  dict 
qu'il  falloit  voir  les  pouvoirs  avant  que  parler  d'aultre 
chose,  et  sur  cela  prit  congé  avec  M.  de  Sillery.  Le 
Jegat  s'enferma  lors  avec  le  gênerai ,  pour  délibérer 
sur  ceste  difficulté,  laquelle  lui  sembloit,  comme  elle 
estoit  en  effect,  de  grande  importance;  le  cardinal  lui 
dict  que  jamais  les  Flamands  ne  se  disposeroient  à 
céder  absolument,  et  sur  ceste  inquiétude  ils  advise- 
rent  de  proposer  l'expédient  que  voici  :  que  l'evesque 
de  Mantoue,  comme  nonce  de  sa  saincteté,  se  trouve- 
roit  aulx  assemblées,  et  que  le  légat  prenant  sa  place 
au  bout  de  la  table,  le  nonce  seroit  à  sa  droicte ,  et  les 
François  les  premiers  vis  h  vis  de  lui  à  la  gauche,  les 
Flamands  prenans  immédiatement  leurs  places  au 
dessoubs  du  nonce,  au  nombre  de  trois,  puisque  Fau- 
diencier  estoit  nommé  dans  leurs  pouvoirs.  Quant  au 
gênerai ,  il  seroit  au  bas  bout  opposé  au  légat,  lequel 
il  envoya  proposer  cest  expédient  aulx  parties,  qu'elles 
acceptèrent  toutes  deux  sans  difficulté  ,  chacune  y 
trouvant  son  compte. 

Le  jour  suivant,  qui  feut  le  9,  le  légat  tint  la  pre- 
mière assemblée,  oîi  on  ne  spécifia  poinct  si  les  Fla- 
mands esloient  députés  d'Espaigne,  du  roy  catholique 
ou  du  cardinal  d'Autriche.  A  la  vérité,  les  François 
parlans  d'eulx ,  les  nommèrent  ambassadeurs  du  roy 
catholique,  et  les  mesmes  François  feurent  ceulx  qui 
parlèrent  les  premiers,  voullans  en  oultre  que  le  légat 
dict  en  ceste  première  assemblée ,  en  quel  lieu  cha- 
cung  debvoit  prendre  sa  place  ;  ce  qui  feut  faict  par  le 
légat  après  avoir  conféré  avec  les  parties,  car  il  pro- 
cedoit  avec  grande  circonspection. 


362  RELATION 


Estans  donc  tous  assemblés  sur  les  deux  heures  après 
midi,  le  legat  feit  ung  discours  fort  approprié  au  sub- 
ject,  leur  représentant  combien  saincte  et  nécessaire 
estoit  l'œuvre  pour  laquelle  sa  saincteté  les  avoit  con- 
viés et  sollicités  à  s'assembler;  quelle  grande  consola- 
tion elle  en  recevroit,  et  quelle  espérance  on  debvoit 
prendre  d'ung  bon  succès,  veu  qu'on  ne  se  le  pouvoit 
promettre  aultre,  eu  esgard  à  la  promptitude  avec  la- 
quelle ils  s'estoient  trouvés  là,  et  à  la  grande  confiance 
qu'ils  tesmoignoient  avoir  les  ungs  des  aultres.  Il  s'of- 
frit ensuite  à  tous  les  deux  partis  avec  mesme  affec- 
tion, promettant  que  comme  le  pape  estoit  et  voul- 
loit  estre  père  commun  ,  son  legat  aussi  ne  seroit  poinct 
plus  d'ung  costé  que  d'aultre,  n'ayant  poinct  d'aultre 
but  ni  d'aultre  fin  que  le  service  de  Dieu  et  de  toute 
la  chrestienté.  Il  feut  respondeu  qu'ils  estoient  très 
disposés  à  faire  la  paix ,  et  qu'ils  esperoient  de  la  pou- 
voir conclure,  non  seulement  entre  les  deux  couronnes, 
mais  mesme  avec  leurs  confédérés;  c'est  à  sçavoir,avec 
l'Angleterre  et  les  Pays  Bas  ;  sur  quoi  il  y  eut  ung  fort  long 
discours,  avec  beaucoup  de  confiance  et  de  courtoisie 
entre  les  parties.  Enfin  la  conclusion  feut  que  le  len- 
demain ils  se  monstreroient  leurs  pouvoirs  les  ungs 
aulx  aultres,  et  qu'estant  trouvés  suffisans  on  passeroit 
oultre;  et  cela  arresté,  ils  se  retirèrent  qu'il  estoit  desjà 
nuict. 

Le  jour  suivant  on  se  rassembla ,  oii  le  legat  feit  la 
proposition  de  ce  qu'on  debvoit  traicter  ;  ils  se  com- 
muniquèrent réciproquement  leurs  pouvoirs  qui  es- 
toient tels  :  celui  de  France  estoit  très  ample  et  libre  ; 
celui  d'Espaigne  à  la  personne  du  cardinal  d'Autriche 
estoit  semblable,  mais  en  langage  espaignoi,  et  le  pou- 
voir que  le  cardinal  donnait  à  ses  députés  en  françois. 


SUR  LA  PAIX.  d63 

Celui  du  roy  d'Espaigne  ne  parloit  poinct  aulx  confé- 
dérés, mais  celui  des  députes  du  cardinal  leur  donnoit 
la  faculîé  de  traicter  la  paix  avec  les  confédérés.  M.  de 
Bellievre  s'arresta  là  dessus ,  et  monstra  par  bonnes 
raisons  que  leur  pouvoir  en  ce  qui  touchoit  les  confé- 
dérés n'estoit  pas  suftisant,  et  qu'il  ne  le  pouvoit  pas 
accepter  sans  l'avoir  communiqué  au  roy  et  à  ses  con- 
fédérés. Les  Flamands  respondirent  que  la  royne  d'An- 
gleterre estant  en  guerre  avec  le  roy  d'Espaigne 
lorsque  ces  pouvoirs  avoient  esté  expédiés,  comme  il 
ne  sçavoit  pas  que  le  roy  de  France  la  voulleust  com- 
prendre, il  n'avoit  pas  aussi  envoyé  de  pouvoir  pour 
cela  ;  mais  que  le  cardinal  s'obligeroit  bien  de  faire  ra- 
tifier le  roy  d'Espaigne;  et  que,  si  besoing  estoit,  on 
despescberoit  ung  courrier  en  Espaigne  qui  en  seroit  de 
retour  en  peu  de  jours.  Geste  proposition  ne  pleut  pas 
au  légat,  qui  empescba  avec  dextérité  cest  envoi  de 
courrier  en  Espaigne,  disant  qu'on  pourroit  traicter 
entre  France  et  Espaigne ,  et  venir  à  quelque  adjus- 
tement.  Taxis  là  dessus  demanda  permission  à  Ricbar- 
dot  de  parler ,  parce  qu'il  n'estoit  que  le  second ,  et 
dict  (peult  estre  avec  trop  de  liberté)  qu'eulx  députés 
du  cardinal  voulloient  traicter  avec  grande  franchise, 
et  dire  nettement  tout  ce  qu'ils  avoient  pouvoir  d'ac- 
corder au  roy  de  France ,  qui  estoit  de  lui  rendre  non 
seulement  les  cinq  places  de  Dourlans,  Le  Castelet,  La 
Cappelle  ,  Ardres  et  Calais,  mais  mesme  Blavet,  et 
cela  sans  aulcune  restriction ,  sinon  qu'on  y  procede- 
roit  de  la  mesme  façon  qu'à  la  paix  de  Chasteau  en 
Cambresis.  M.  de  Bellievre  respondit  ,  répétant  ponc- 
tuellement la  proposition ,  laquelle  estant  faicte  sans 
aulcune  reserve  .  il  l'accepta ,  en  réitérant  plusieurs 
fois  les  p^'opres  termes.  Le  président  Ricbardot,  en- 


364  ,         RELATION 

cotes  qu'il  estimast  que  Taxis  avoit  passé  ung  peu 
trop  avant ,  il  n'usa  neantmoins  d'aulcune  contradic- 
tion ,  et  répéta  plusieurs  fois  que  la  restitution  se  feroit 
selon  les  capitulations  du  traicté  de  Chasteau  en  Cam- 
bresis,  à  quoi  les  François  ne  contredirent  nullement. 
Les  députés  d'Espaigne  demandèrent  ensuite  deux 
choses  :  la  première,  que  l'ambassadeur  de  Savoye  eust 
ung  passeport  pour  venir  en  Flandres  avec  quarante 
chevaulx,  et  qu'il  lui  feust  permis  d'intervenir  en  ce 
traicté  pour,  soubs  la  protection  du  roy  d'Espaigne, 
accommoder  ses  affaires  en  France;  la  seconde,  qu'il 
peust  venir  quelqu'ung  de  la  part  du  duc  de  Mercœur 
en  ceste  assemblée,  avec  seureté,  pour  faire  son  ac- 
commodement, et  qu'à  cest  effect  ils  lui  peussent  es- 
crire  et  donner  advis  certain  sur  cela.  M.  de  Bellievre 
ayant  consulté  avec  M.  de  Sillery,  respondit  à  la  pre- 
mière demande,  que,  pour  ce  qui  estoit  de  l'ambassa- 
deur de  Savoye,  ilsauroient  le  passeport  qu'on  deman- 
doit,  mais  non  pas  pour  ung  si  grand  nombre  de 
chevaulx;  qu'ils  le  donneroient,  ne  l'ayant  reteneu  jus- 
ques  à  l'heure  que  pour  ce  que  le  roy  leur  maistre  ne 
voulloit  pas  que  l'affaire  du  duc  de  Savoye  se  traictast 
en  l'assemblée,  mais  à  part. 

Quant  au  duc  de  Mercœur,  que,  sans  expresse  com- 
mission et  permission  du  roy,  ils  ne  pou  voient  donner 
aulcune  seureté  ni  passeport,  parce  qu'estant  son  vas- 
sal, il  n'estoit  pas  digne  de  cest  honneur;  mais  qu'on 
pouvoit  laisser  traicter  cest  affaire  entre  sa  majesté 
et  ledict  duc,  sans  que  personne  s'en  entremist.  Les 
Flamands  demeurèrent  estonnés,  et  neantmoins  il  ne 
sembla  pas  qu'ils  se  souciassent  beaucoup  du  duc  de 
Mercœur,  mais  seulement  qu'ils  vouUoient  faire  quel- 
que office  pour  lui. 


SUR  LA  PAIX.  365 

On  demanda  au  legar  ce  que  l'on  feroit  le  lende- 
main; à  quoi  il  respondit  que  Ton  s'assembleroit  à  pa- 
reille heure,  et  qu'il  falloit  apporter  le  traicté  de  paix 
faict  à  Chasteau  en  Cambresis,  que  l'on  liroit  article 
par  article.^  afin  de  resouldre  les  moyens  qu'on  tien- 
droit  pour  faire  la  restitution.  Cela  feut  accepté  ,  et  les 
députés  se  retirèrent,  laissant  le  légat  en  espérance  de 
bon  succès. 

Le  jour  suivant  ils  se  rendirent  à  Theure  donnée,  et 
le  légat  ayant  proposé  qu'on  feist  lecture  de  la  paix, 
M.  de  Bellievre  dict  qu'il  avoit  de  nouveau  considéré 
kur  pouvoir,  et  qu'il  persistoit  en  son  opinion  que 
celui  du  cardinal  n'estoit  pas  suffisant  en  ce  qui  tou» 
choit  les  confédérés;  que  le  roy  de  France  ne  pou  voit 
avec  honneur  passer  plus  avant  sans  le  consentement 
de  ses  confédérés;  que  pour  ce  subject  il  estoit  néces- 
saire qu'il  en  escrivist  à  sa  majesté,  pour  sçavoir  comme 
elle  et  ses  confédérés  recevroient  ceste  proposition , 
ceulx  des  Pays  Bas  se  trouvant  lors  auprès  de  sa  ma- 
jesté ,  on  attendoit  de  jour  à  aultre  ung  secrétaire 
d'Angleterre  qui  pouvoit  bien  desjà  estre  arrivé.  Il  re- 
marqua que  le  deffault  de  pouvoir  suffisant  aulx  dé- 
putés en  ce  qui  touchoit  les  confédérés,  estoit  de  no- 
table préjudice  au  roy  de  France,  et  que,  présumant 
qu'ils  l'auroient,  il  avoit  consenti  que  le  légat  tinst 
ceste  assemblée,  de  laquelle  s'ils  estoient  tousjours  ex- 
cleus ,  ils  n'avoient  point  besoin  d'aultre  prétexte  pour 
abandonner  ses  interesls,  et  piqua  là  dessus  avec  dex- 
térité ses  adversaires;  il  parla  poseement,  obscuree- 
ment,  et  avec  quelque  équivoque.  C'est  ung  fin  vieil- 
lard et  fort  advisé.  Richardot,  qui  ne  l'avoit  pas  bien 
entendeu,  lui  feit  response  avec  beaucoup  de  chaleur, 
disant  qu'il  leur  scnibloit  qu'on  leur  faisoit  grand  tort. 


366  RELATION 

veu  qu'on  les  avoit  amenés  en  une  assemblée  sur  ung 
affaire  qui  s'estoit  traiclé  assés  de  mois  auparavant  , 
pour  que  sa  majesté  très  chrestienne  sceust  au  vrai  si 
les  confédérés  voulloient  ou  non  entrer  au  traicté  de 
paix ,  et  neantmoins  qu'ils  n'avoient  encores  peu  ap- 
prendre quelle  estoit  leur  intention,  qu'ils  estoient 
toutesfois  prests  de  traicter  avec  eux,  ne  pensans  pas 
qu'il  y  allast  de  l'honneur  du  roy  d'Espagne,  et  qu'ils 
estoient  veneus  exprès  pour  sçavoir  quelle  estoit  sur 
cela  l'intention  du  roy  très  chrestien  et  des  confédérés. 
Il  se  plaignit  de  ne  pouvoir  rien  obtenir  de  ce  qu'ils 
demandoient  ni  pour  le  duc  de  Savoye,  ni  pour  le  duc 
de  Mercœur,  et  qu'il  lui  sembloit  que  c'estoit  une  es- 
trange  façon  de  procéder.  Le  légat  voyant  qu'on  com- 
mençoit  à  hausser  la  voix ,  et  qu'on  n'avoit  pas  bien 
entendeu  M.  de  Bellievre,  qui  peult  estre  n'avoit  pas 
voulleu  qu'on  l'entendist  mieulx ,  interrompit  la  dis- 
pute, disant  qu'ils  ne  s'entendoient  pas,  et  répéta  le 
discours  de  M.  de  Bellievre,  lequel  en  substance  con- 
tenoit  que  les  pouvoirs,  en  ce  qui  concernoit  les  con- 
fédérés, estoient  bien  suffisans  d'une  part;  mais  que, 
craignans  que  ce  qu'on  offroit  ne  suffîst  pas,  c'est  à 
sçavoir  de  faire  promettre  au  cardinal  que  le  roy  d'Es- 
paigne  ratifieroit ,  il  avoit  voulleu  le  faire  sçavoir  h  son 
roy ,  puisque  l'affaire  estoit  en  aultre  terme ,  attendeù 
que  le  roy  de  France  avoit  tousjours  expresseemeht 
commandé  qu'il  ne  sefeist  poinct  d'assemblée,,  si  on  n'y 
apportoit  des  pouvoirs  suffisans ,  mesme  à  l'esgard  des 
confédérés.  Cela  dict,  le  légat  se  tourna  vers  le  gêne- 
rai ,  et  lui  ordonna  de  faire  entendre  à  l'assemblée  ce 
que  le  roy  de  France  lui  avoit  dict  sur  ce  particulier. 

Le  gênerai  confirma  tout  ce  que  le  légat  avoit  dict, 
et  répéta  tout  l'affaire  en  ce   qui  concernoit  ce  chef 


SUR  LA  PAIX.  367 

des  confédérés;  cela  appaisa  les  députés  d'Espaigne, 
qui  dirent  que ,  pour  ce  qui  estoit  des  Hollandois 
(car  ils  nomment  ainsi  les  estats),  ils  avoient  en  main 
de  quoi  leur  donner  toute  satisfaction;  mais  qu'à  l'es- 
gard  de  l'Angleterre  ,  il  leur  sembloit  que  ce  qu'ils 
avoient  offert  debvoit  suffire;  que  sa  majesté  catho- 
lique n'avoit  poinct  deu  donner  procuration  pour 
traicter  de  paix  avec  l'Angleterre  pour  ce  qu'au  mesme 
temps  que  le  roy  d'Espaigne  donnoit  le  pouvoir  de  la 
faire  avec  la  France,  la  royne  d'Angleterre  l'attaquoit 
avec  une  armée,  et  que  l'honneur  de  sa  majesté  catho- 
lique ne  souffroit  pas  de  donner  des  pouvoirs  de  faire 
la  paix  avec  une  personne  inférieure  pendant  qu'elle 
lui  faisoit  la  guerre,  et  sans  qu'elle  l'en  requist.  Les 
François  ne  dirent  poinct  s'ils  acceptoient  ou  non  ces 
excuses;  mais  ils  parlèrent  plus  doulcement.  Le  légat 
ne  desiroit  nullement  qu'on  en  vinst  jusques  à  ce  par- 
ticulier d'envoyer  ung  courrier  en  Espaigne;  et  pour 
cela  il  moyenna  que  les  députés  d'Espaigne  trouvassent 
bon  qu'on  escrivist  au  roy  de  France ,  espérant  en  ce 
que  beaucoup  de  choses  se  proposent  pour  plus  grande 
seureté  ,  et  non  pas  avec  une  déterminée  rosolution 
de  les  faire  passer  de  la  sorte.  Voyant  donc  ung  peu 
les  esprits  plus  tranquilles,  il  feit  que  la  paix  de  Cam- 
bresis  feut  leue  par  l'audiencier.  Elle  estoit  en  langue 
françoise  ,  et  feut  leue  en  ceste  mesme  langue;  mais 
le  légat  l'avoit  traduicte  en  italien ,  ce  qui  la  lui  fai- 
soit entendre.  Il  n'y  eut  pas  grande  difficulté  par  ce 
traicté ,  sur  les  moyens  de  faire  la  restitution.  La  reso- 
lution  feut  prise  du  consentement  des  deux  partis, 
quoique  M.  de  Bellievre  ne  voulleust  pas  consentir  en- 
tièrement quant  au  temps,  que  Calais  et  Ardres  se- 
roient  rendeues  deux  mois  après  la  ratification  du  roy 


368  RELATION 

(le  France,  lesquels  comiîienceroient  à  courir  du  jour  que 
la  paix  seroit  jurée  par  sa  majesté  très  chrestienne ,  et 
que  les  trois  aultres  places ,  Dourlans ,  Le  Castelet  et 
La  Cappelle  se  rendroient  dans  trois  mois  ou  environ; 
car  le  temps  n'en  feut  pas  si  expresseement  déterminé; 
que  toutes  les  cinq  places  seroient  données  au  roy  de 
France  avec  toutes  leurs  améliorations  ;  que  le  roy 
d'Espaigne  satisferoit  tous  les  soldats  qui  estoient  de- 
dans mutinés  ;  que  Tartillerie  qui  y  estoit  y  seroit 
laissée  par  les  Espaignols  ;  que  Blavet  se  demoliroit. 
Mais,  pour  ce  qu'il  falloit  ici  plus  de  temps,  ils  ne 
vouUeurent  pas  estre  pressés,  et  demandèrent  qu'on 
le  leur  donnast  suffisant  pour  faire  venir  les  contre- 
seings d'Espaigne ,  parce  que  celui  qui  commandoit 
en  ceste  place  n'en  retireroit  pas  aultrement  sa  gar- 
nison ,  ni  n'en  permettroit  la  démolition.  Les  François 
demeurèrent  fort  contens  de  ce  traicté  ;  et,  pour  l'ob- 
servation de  tout  ce  que  promettoient  les  Espaignols, 
demandèrent  des  ostages  au  choix  du  roy  très  chres- 
tien  ,  jusques  à  ce  que  les  cinq  places  feussent  resti- 
tuées, et  Blavet  desmoli.  Ils  feurent  promis,  quoique 
avec  ung  peu  de  difficulté.  A  la  fin,  M.  de  Bellievre 
s'adoulcit  encores  qu'il  restast  quelque  difficulté  au 
subject  de  l'artillerie;  ce  qui  feut  de  plus  important, 
feut  que  les  François  prirent  asseurance  qu'on  traictoit 
tout  de  bon.  On  arresta  que  pour  le  lendemain  on  ne 
s'assembleroit  poinct ,  parce  qu'ils  voulloient  avoir  du 
temps  pour  escrire  à  leur  roy,  et  lui  despescher  ung 
courrier.  Les  Espaignols  sortirent  les  premiers;  et  le 
légat,  les  voyant  ung  peu  en  suspens,  leur  demanda 
qu'il  leur  peust  parler  le  jour  suivant  en  particulier, 
ce  qu'ils  promirent  volontiers.  Il  parla  après  cela  long 
temps  à  MM.  de  Bellievre  et   de  Sillery;  lesquels  lui 


l 


SUR  LA.  PAIX.  369 

dirent  qu'il  l'asseurast  que  la  royne  d'Angleterre  ne  gas- 
teroit  rien ,  et  qu'il  ne  trouvast  pas  mauvais  qu'on 
attendist  la  response  du  roy.  Ils  parlèrent  avec  liberté 
de  la  royne,  et  répétèrent  ce  qu'ils  avoient  dict  en 
l'assemblée ,  que  le  roy  de  France  n'estoit  poinct  soub- 
mis  à  la  royne  d'Angleterre,  et  que  les  affaires  ne  pas- 
seroient  pas  à  sa  fantaisie.  Ils  pryerent  ensuite  le  légat 
de  donner  ordre  au  secret  de  ceste  negotiation ,  ayant 
l'œil  sur  ceulx  mesmes  qui  ne  se  trouvoient  pas  en 
l'assemblée,  parce  qu'ils  sçavoient  bien  qu'on  escrivoit 
à  Paris  et  ailleurs  beaucoup  de  cboses,  lesquelles  vrayes 
ou  faulses,  avoient  porté  et  portoient  encores  grand 
préjudice  à  ceste  negotiation.  Le  légat ,  trouvant  cest 
advertissement  bon ,  prit  cest  expédient  après  que 
les  François  feurent  sortis,  de  parler  aulx  prélats  de 
sa  suite  qu'il  voyoit  tous  les  jours,  fort  curieux  de 
sçavoir  ce  qui  se  passoit,  et  leur  dict  qu'ils  feroient 
bien  d'avoir  leurs  plumes  reteneues  pour  beaucoup 
de  respects ,  et  particulièrement  pour  ce  qu'ils  ne  sça- 
voient pas  bien  ce  qu'ils  escrivoient,  et  ne  laissoient 
pas  de  pouvoir  faire  beaucoup  de  mal  aulx  affaires, 
escrivant  le  vrai  ou  le  faulx;  qu'il  sçavoit  bien  que 
leurs  nouvelles  et  leurs  spéculations,  qu'ils  avoient  dict 
et  escrit  à  Sainct  Quentin,  avoient  nui  grandement; 
qu'ils  s'abstinssent  de  le  faire  doresnavant,  l'impor- 
tance en  estant  plus  grande  que  jamais;  qu'il  ne  lui 
seroit  pas  difficile  de  sçavoir  ceulx  qui  y  contrevien- 
droient,  comme  il  ne  lui  avoit  pas  esté  par  le  passé, 
et  qu'il  leur  protestoit  que  s'ils  contrevenoient  à  ce 
qu'il  leur  disoit,  il  leur  rendroit  de  très  mauvais  offices 
vers  sa  saincteté,  pour  le  service  de  laquelle  il  n'au- 
roit  respect  de  qui  que  ce  feust.  Il  n'y  eust  pas  ung 
d'eulx  qui  lui  repliquast  rien;  mais  cbacung  s'alloit 
MÉar,  UK  Dupj-Essis-MoKJfAY.  Tome  viir.  ^4 


Syo  RELATION 

imaginant  de  ce  que  le  légat  avoit  voulleu  parler,  ne 
le  pouvant  apprendre  de  leur  propre  conscience,  parce 
que  le  légat  parla  généralement  à  tous  sans  s'addresser 
particulièrement  à  pas  ung.  Il  en  feurent  fortfaschés, 
et  en  feirent  grande  plaincte. 

Le  jour  suivant ,  les  Espaignols  vinrent  trouver  le 
légat,  estant  fort  en  peine  de  ce  qu'ils  croyoient  que 
les  François  ne  voulloient  pas  la  paix;  et  si  ils  en 
avoient  desjà  fait  leur  plaincte  au  gênerai  des  le  ma- 
tin ,  oultre  ce  dont  ils  s'estoient  faict  entendre  dans 
l'assemblée,  de  quoi  il  avoit  donné  advis  au  légat.  Es- 
tans  entrés,  il  les  asseura  par  beaucoup  de  raisons  que 
les  François  desiroient  certainement  la  paix,  et  qu'ils 
estoient  contens  des  conditions  proposées,  comme  ils 
avoient  peu  voir.  Aussi  que  sans  doubte  il  leur  estoit 
plus  préjudiciable  de  ne  la  pas  faire  qu'à  eulx  Espai- 
gnols, veu  que  ceste  assemblée  qu'ils  avoient  faicte, 
avoit  donné  de  la  jalousie  à  tous  leurs  confédérés; 
qu'il  croyoit  que  ce  que  M.  de  Bellievre  apportoit  de 
la  difficulté  sur  leurs  pouvoirs  en  ce  qui  regardoit  l'An- 
gleterre ,  n'estoit  que  pour  mettre  à  couvert  l'honneur 
de  son  roy,  selon  qu'on  pouvoit  conjecturer  des  pro- 
pos qui  avoient  esté  teneus  en  l'assemblée,  et  à  lui 
en  particulier  ;  qu'ils  ne  debvoient  pas  trouver  es- 
trange  que  les  François  voulleussent  escrire  en  court, 
;Comme  il  avoit  esté  arresté,  veu  que  l'affaire  avoit 
changé  de  face ,  puisqu'eulx  n'avoient  pas  apporté  des 
pouvoirs  pour  le  faict  des  confédérés ,  tels  que  les 
avoit  désirés  et  demandés  absolument  le  roy  de  France; 
qu'ils  pou  voient  remarquer  qu'on  cherchoit  les  moyens 
de  n'avoir  poinct  besoing  de  despescher  en  Espaigne , 
attendeu  que  les  François  l'en  sollicitoient ,  et  qu'ils 
taschoient  d'abréger   le   temps    de  la   restitution   des 


SUR  LA  PAIX.  371 

places.  Avec  telles  et  semblables  raisons  du  légat,  les 
députés  d'Espaigne  demeurèrent  satisfaicts,  et  lui  de- 
mandèrent ce  qu'il  lui  sembloit  de  l'affaire  de  Savoye, 
Il  feit  response  que  les  François  souffriroient  qu'on  en 
parlast,  mais  qu'ils  ne  voulloient  pas  entretenir  le 
traicté  précèdent ,  parce  qu'ils  voulloient  ravoir  le 
marquis  de  Saluées,  et  qu'ils  ne  voulloient  pas  traicter 
en  commun  les  interests  des  deux  couronnes  avec  ccuIk 
de  Savoye.  Les  députés  remercièrent  fort  le  légat,  et 
se  retirèrent  très  satisfaicts ,  ainsi  que  l'apprit  depuis 
le  gênerai. 

Le  treiziesme  jour  de  l'assemblée  ne  se  tint  poinct , 
parce  que  M.  de  Bellievre  avoit  pris  médecine,  etc. 

Le  lendemain  matin  il  y  en  eut  plus  tost,  afin  qu'on 
ne  s'estonnast  pas  de  ce  manquement  que  pour  aultre 
chose;  car,  en  effect,  on  aUendoit  pour  prendre  réso- 
lution la  response  du  roy,  qui  estoit  depuis  peu  allé 
à  Fontainebleau.  On  y  traicta  que  la  paix  se  faisant 
entre  les  deux  couronnes,  ceulx  là  y  feussent  teneus 
pour  compris,  que  les  roys  auroient  engagé  aulx  mau- 
vaises grâces  de  l'une  ou  de  laultre,  comme  aussi  du 
cardinal  d'Autriche,  si  le  roy  cathohque  lui  donnoit 
la  Flandres.  Le  legat  feit  ceste  proposition  à  la  réqui- 
sition des  Espaignols,  et  elle  feut  acceptée  par  les 
François  sans  aulcune  difficulté.  Les  députés  du  car- 
dinal prirent  congé  les  premiers ,  et  les  François  de- 
meurèrent. Le  legat  tascha  de  sçavoir  d'eulx  ce  qu'ils 
esperoîent  de  la  response  du  roy  très  chrestien  ;  il  lui 
feut  respondeu  qu'ils  l'esperoient  bonne.  Le  legat  re- 
partit :  Il  ne  se  peult  qu'elle  ne  soit  telle,  puisque  vous 
avés  tout  ce  que  vous  demandés.  Ils  répliquèrent 
qu'il  estoit  vrai ,  mais  qu'ils  desiroient  pourtant  qu'on 
restreignist    le  temps  des    restitutions.    Le  legat  leur 


072  RELATION 

dict  :  Vous  désirés  qu'on  abrège,  et  neantmoins  vous 
tenés  suspendeue  l'assemblée,  proposant  qu'il  est  ne^ 
cessaire  de  despescher  ung  courrier  en  Espaigne  pour 
ce  qui  touche  l'Angleterre.  Ils  dirent  qu'ils  ne  pen- 
soient  pas  que  cela  deust  empescher  le  traicté,  ni  re- 
tarder la  conclusion  ;  neantmoins  qu'ils  ne  pouvoient 
parler  avec  certitude,  tout  despendant  de  la  response 
de  sa  majesté,  de  laquelle  ils  esperoient  fort  bien. 
Le  légat  dict  qu'ils  ne  debvoient  plus  craindre  qu'on 
ne  procedast  en  cest  affaire  tout  de  bon  ;  ils  feirent 
response  qu'ils  s'en  tenoient  asseurés ,  et  pryerent  de 
nouveau  le  légat  de  faire  que  le  temps  des  restitutions 
feust  plus  brief,  disant  que  leur  roy  estoit  souspçon- 
neux,  et  qu'il  n'estoit  pas  bon  de  le  tenir  en  ceste 
jalousie,  estant  partis  sans  qu'on  eust  arresté  si  l'as- 
semblée tiendroit  le  lendemain ,  et  le  gênerai  n'en 
ayant  rien  dict  le  matin  au  légat,  sinon  qu'au  cas  qu'il 
y  en  eust  ou  deust  avoir  il  le  lui  feroit  sçavoir.  Sur 
ung  peu  d'indisposition  causée  par  la  néphrétique,  le 
légat  se  meit  au  lict,  où  il  ne  feut  pas  plustost  que 
les  députés  arrivèrent  ;  il  crut  qu'ils  estoient  veneus 
pour  le  visiter ,  et  pour  cela  il  les  feit  entrer.  Ung  peu 
après  le  gênerai  lui  vint  dire  que  ceulx  d'Espaigne  ve- 
noient  aussi  pour  s'assembler;  le  légat  se  plaignit  lors 
de  ce  qu'on  ne  lui  avoit  pas  fait  sçavoir  plus  tost,  et  se 
voulleut  habiller  vistement,  pour  ce  que  leur  donnant 
audience  dans  le  lict,  l'ordre  de  la  séance  se  con- 
fondoit  entièrement.  Les  François  ne  vouîleurent  ja- 
mais permettre  qu'il  se  levast,  estant  bien  aises  qu'il 
n'y  eust  poinct  d'assemblée ,  et  le  gênerai  se  chargea 
d'empescher  les  aultres  d'entrer ,  ce  qu'il  feit  facilement. 
Le  légat  entretint  fort  au  long  les  François,  et  le  len- 
demain, qui  estoit  le  i3  du  mois,  donna  pareille  au- 


SUR  LA  PAIX.  373 

dience  aulx  Espaignols.  Il  tenoit  pour  asseuré  qu'il  ne 
restoit  aulcune  difficulté  pour  concleure,  sinon  que 
les  François  ne  vouiloient  pas  que  le  duc  de  Savoye 
intervins!  au  traictë ,  et  les  Espaignols  ne  le  desiroient 
pas  laisser  derrière  ;  que  les  François  vouiloient  ra- 
voir le  marquisat  de  Saluées,  et  le  duc  de  Sa/oye  ne 
le  voulloit  pas  rendre,  et  de  plus,  qu'ils  demandoient 
qu'on  abregeast  le  temps  de  la  restitution  des  places , 
et  les  Espaignols  dictoient  qu'ils  ne  le  pouvoient  faire, 
c'est  oii  en  estoit  l'affaire  ;  cependant  qu'on  atten- 
doit  la  response  de  la  court  de  France,  qui  ne  pou- 
voit  plus  gueres  tarder.  Le  légat  avoit  appris  de  don 
Pietro  Ursino  que  le  duc  de  Savoye  lui  avoit  dict  qu'il 
ne  rendroit  poinct  le  marquisat  de  Saluées  pour  faire 
la  paix;  mais  bien  qu'il  cl^iercberoit  tous  les  aultres 
moyens  de  s'accommoder  avec  la  France,  lui  adjous- 
tant  qu'il  sçavoit  bien  que  le  légat  estoit  d'advis  de  ki 
restitution  du  marquisat.  Ores,  cela  estoit  une  pure 
imagination  du  duc,  parce  que  le  légat,  depuis  la 
guerre,  n'en  avoit  jamais  parlé,  sinon  à  Theure;  et  si  il 
n'avoit  pas  dict  que  le  duc  deust  rendre  le  marquisat, 
mais  seulement  que  les  François  le  vouiloient  ravoir, 
et  si  lorsqu'il  ledict  le  duc  ne  le  pouvoit  pas  sçavoir. 
Cela  ne  laissa  pas  de  donner  quelque  desplaisir  au 
légat;  mais  il  ne  cessa  pour  cela  de  s'employer,  de 
tout  son  possible ,  à  ce  que  le  duc  feist  son  accommo- 
dement. 

Cependant  M.  de  Bellievre  se  trouva  mal,  et  le 
courrier  ayant  tardé  son  retour  jusques  au  20,  il  n'y 
eut  poinct  jusques  là  d'assemblée;  mais  le  légat  s'oc- 
cupoit  durant  ce  temps  à  oster  les  jalousies  et  lessousp- 
çons  qu'avoient  les  Espaignols,  et  se  servit  en  cela  du 
gênerai;  lequel,  bien  qu'il  lui  semblast  que  les  Fran- 


374  RELATION 

cois  ne  parloient  pas  assés  franchement  (ce  qui  lui 
donnoit  souspçon  ),  feit  neantmoiris  cest  office  sur  l'as- 
seurance  que  lui  donnoit  le  legat.  Que  si  le  légat  eust 
procédé  avec  plus  d'ardeur  en  cest  affaire ,  et  qu'il 
n'eust  usé  de  patience,  il  Teust  ruyné,  parce  que  ou 
il  se  seroit  monstre  partial  ,  ou  il  auroit  souffert 
que  les  parties  intéressées  eussent  tout  gasté  entre  elles 
par  les  deffîances  réciproques  où  elles  estoient,  qu'on 
les  vouUoit  tromper.  Le  legat  leur  ostoit  tousjours 
ces  ombrages,  estant  asseuré  qu'on  traictoit  sincère- 
ment, et  avec  desseing  de  co*cleure  la  paix.  Ce  feut 
pourquoi  il  ne  voulleut  jamais  consentir  au  conseil  que 
beaucoup  lui  donnoient,  sans  en  estre  requis,  de  tes- 
mo'igner  quelque  mescontentement  du  procédé  du  roy 
très  cil!  estien  ,  et  de  quelques  aultres  ,  parce  qu'il 
jugea  to\sjours  que  la  patience  et  la  neutralité  con- 
duiroient  heureusement  ung  si  grand  affaire. 

Pour  la  reprendre ,  l'histoire  porte  que  le  jour  d'après 
la  veneue  du  courrier  les  députés  de  France  vinrent 
des  le  matin  trouver  le  legat ,  et  lui  dirent  que  leur 
rcy  estoit  tousjours  en  la  mesme  disposition  de  faire  la 
paix,  et  qu'il  acceptoit  les  conditions  comme  elles 
avoient  esté  traictees,  sans  y  rien  changer;  mais  qu'il 
ne  pensoit  pas  qu'on  se  peust  dispenser  de  despescher 
ung  courrier  en  Espaigne ,  afin  que  le  roy  catholique 
donnast  ung  pouvoir  suffisant  pour  faire  aussi  la  paix 
avec  l'Angleterre;  que  c'estoit  chose  que  sa  majesté 
a  voit  tousjours  demandée  comme  nécessaire,  parce 
que  la  promesse  du  cardinal ,  de  faire  ratifier  le  roy 
d'Espaigne ,  n'estoit  pas  suffisante,  comme  il  avoit  esté 
dict.  Que  le  roy  ne  voulloit  pour  cela  arrester  le  traicté 
là  dessus,  qui  se  pou  voit  cependant  advancer  entre 
les  deux  coui^onnes ,  en  touchant  les  articles  séparée- 


SUR  LA.  PAIX.  '  375 

ment,  et  selon  qu'ils  seroient  accordés  parles  parties, 
les  signans  après  tous  ensemble;  et  cjue,  jusques  à  ce 
quela  response  feust  veneue  d'Espaigne,  on  les  despo- 
seroit  entre  les  mains  de  M.  le  légat,  qui  auroit  soing 
de  les  conserver  et  tenir  secrets. 

Ils  s'estendirent  fort  sur  les  louanges  du  pape,  et 
remercièrent,  au  nom  du  roy ,  le  légat  des  peines  qu'il 
prenoit  et  de  la  patience  qu'il  avoit;  adjoustans  qu'ils 
ne  demandoient  rien  dadvantage;  à  l'esgard  des  estats, 
pour  ce  qui  avoit  esté  traicté  sur  cela  suffisoit;  qu'au 
surplus,  ce  courrier  estoit  en  toute  façon  nécessaire, 
puisqu'il  debvoit  apporter  le  contreseing  de  Blavet , 
pour  pouvoir  exécuter  ce  qui  avoit  esté  arresté. 

Ils  lui  feirent  aussi  entendre  qu'ils  desiroient  fort  que 
les  députés  d'Espaigne  feussent  bien  informés  de  tout 
cela  avant  que  l'on  vinst  à  l'assemblée,  afin  qu'ils  ne 
feissent  pas  difficulté  d'envoyer  le  courrier;  ce  qu'ils 
ne  pouvoient  d'ailleurs  refuser,  ayans  offert  en  pleine 
assemblée  de  le  faire  partir  et  retourner  en  peu  de 
jours.  Le  légat  donna  part  de  ce  que  dessus  aulx  dépu- 
tés d'Espaigne,  par  le  gênerai,  arrestant  que  le  jour 
suivant  ils  se  trouveroient  tous  à  l'assemblée.  Il  sur- 
vint quelque  petit  desordre  lorsque  cbacung  s'y  deb- 
voit acheminer,  parce  que  les  François  n'entroient  pas 
pour  donner  temps  au  légat  de  parler  aulx  aultres 
avant  leur  arrivée,  ne  sçachans  pas  qu'ils  avoient  esté 
informés  de  tout,  et  les  Espaignols  attendoient  jusques 
h.  ce  que  les  François  feussent  passés  les  premiers.  Le 
légat  s'estant  apperceu  de  cela ,  les  feit  pryer  de  venir  ; 
ce  qu'ils  feirent. 

Les  spéculatifs  s'imaginèrent  là  dessus  qu'il  y  avoit 
différend  pour  les  rangs,  et  le  publièrent  ainsi;  ce  qui 
n'estoit  pourtant  nullement  vrai.  Toute  la  compaignie 


376  RELATION 

se  trouvant  assemblée,  M.  de  Bellievre  exposa,  avec 
plus  de  doulceur  qu'il  n'avoit  de  coustume,  la  response 
du  roy  très  chrestien,  en  la  mesme  façon  que  le  légat 
la  leur  avoit  faict  entendre.  Les  Flamands  l'escouterent 
attentifvement,  et  ayans  discoureu  entre  eulx,  ils  re-^ 
partirent  fort  courtoisement ,  acceptans  la  response 
qu'on  leur  venoit  de  faire.  Ils  demandèrent  temps  jus-" 
ques  au  lendemain  pour  resouldre  l'affaire  du  courrier. 
Ils  parlèrent  au  duc  de  Mercœur,  taschans  de  traicter 
pour  lui ,  et  de  lui  faire  donner  advis  ;  ce  que  les  Fran-^ 
cois  refusèrent,  et  l'affaire  ne  passa  pas  oultre.  On  parla 
aussi  du  duc  de  Savoye;  les  François  ne  s'esloingnerent 
pas  de  traicter  avec  lui ,  ce  qu'ils  avoient  refusé  d'aulx 
tresfois;  mais  ils  estoient  comme  persuadés  des  raisons 
du  légat  qui  les  y  avoit  portés.  L'assemblée  se  sépara 
là  dessus  jusques  au  lendemain,  où  les  Flamands,  qui 
avoient  pris  temps  pour  respondre,  acceptèrent  entiè- 
rement la  response  du  roy  très  chrestien ,  tant  pour 
dresser  les  articles  et  les  souscrire  que  pour  les  dépo- 
ser entre  les  mains  du  légat;  ils  dirent  qu'ils  avoient 
des  lettres  au  cardinal  pour  expédier  le  courrier  en 
Espaigne,  et  qu'il  estoit  desjà  prest  pour  cela;  mais 
puisqu'on  avoit  adjousté  à  ceste  despesche  de  faire 
venir  d'Espaigne  les  contreseings  pour  la  démolition  de 
Blavet ,  il  estoit  besoing  qu'on  prist  sur  cela  de  nou- 
velles lettres  du  cardinal ,  ce  qui  se  feroit  prompte- 
ment,  et  qu'ensuite  ils  despescheroient  le  courrier  tant 
pour  cest  affaire  que  pour  le  pouvoir  nécessaire  à 
l'esgard  de  l'Angleterre.  Les  François  demeurèrent  très 
satisfaicls,  et  le  légat  accepta  la  consignation  et  la  garde 
des  articles,  après  qu'ils  auroient  esté  agréés  par  les 
parties.  Les  François  sollicitèrent  la  veneue  de  Taiiibas- 
sadeur  de  Savoye,  laquelle  ils  n'avoient  poinct  jusques 


SUR  LA  PAIX.  377 

là  tesmoigné  désirer.  On  arresta  qu'on  commenceroit 
h  dresser  les  articles,  et  pour  cest  effect  on  ne  s'as- 
sembla pas  le  jour  suivant,  qui  estoit  le  9.3  ,  afin  qu'on 
eust  eu  ce  temps  pour  les  mettre  par  escrit. 

Les  François  commencèrent  à  estre  plus  faciles  qu'ils 
n'avoient  esté  auparavant;  d'où  on  peult  conjecturer 
qu'ils  avoient  eu  de  plus  amples  commissions.  Quant 
au  duc  de  Mercœur,  les  Espaignols  faisans  de  nou- 
velles instances  pour  lui,  il  feut  resoleu  de  différer 
pour  quelque  temps  à  parler  de  son  traicté,  estant 
teneu  pour  certain  qu'il  se  soubmettroit  au  roy  très 
chrestien,  ou  mesmes  qu'il  l'avoit  desjà  faict. 

Le  jour  de  surseance  passé ,  on  s'assembla  le  24  du 
mesme  mois.  Les  François  y  récapitulèrent  tout  ce 
qu'on  avoit  traicté  ;  c'est  à  sçavoir  qu'on  dressast  des 
articles  tels  qu'on  peust  avoir  une  bonne  et  durable 
paix,  avec  toutes  les  asseurances  dont  on  pourroit 
convenir,  levans  tous  les  empescbemens  qui  se  pour- 
roient  rencontrer,  lis  demandèrent  qu'on  restreignist 
le  temps  de  la  restitution  des  places  a  ung  mois  seule- 
ment; dirent  que  le  roy  très  chrestien  auroit  désiré 
avoir  toute  l'artillerie  qui  y  estoit,  ou  au  moins  la 
moitié,  et  qu'il  falloit  se  despescher  de  signer  les  ar- 
ticles, afin  de  les  mettre ,  comme  on  avoit  conveneu, 
entre  les  mains  du  légat.  Richardot  feit  response  qu'on 
ne  pouvoit  abréger  le  temps  de  la  restitution,  parce 
qu'ils  ne  pensoient  pas  pouvoir  donner  plus  tost  les 
ordres  nécessaires  pour  cela,  veu  qu'il  y  avoit  dans 
les  places  des  soldats  mutinés,  qu'il  estoit  raisonnable, 
pour  maintenir  la  réputation  de  leur  roy,  de  cbastier 
eji  quelque  façon;  qu'ils  ne  voulloient  ce  temps  là  que 
pour  satisfaire  pleinement  à  tout;  que  debvans  rendre 
les  places,  leur  advaiitage  estoit  de  le  faire  plus  tost 


378  RELATION 

que  plus  tard,  tant  pour  se  descharger  de  despense 
que  pour  divers  aultres  respects  qu'il  esloit  aisé  de 
s'imaginer,  les  interests  du  cardinal  y  estans  visibles. 
Les  François  ne  se  contentoient  pas  de  cela;  au  con- 
traire, ils  remonstroient  que  pour  la  paix  de  Canibray 
il  n'y  avoit  eu  qu'ung  mois  de  temps  pour  semblables 
restitutions,  et  demandoient  qu'on  abregeast  le  terme 
au  moins  de  quinze  jours.  Les  Espaignols  estoient 
inexorables;  mais  le  légat  et  le  gênerai,  s'interposans 
pour  accommoder  l'affaire ,  feirent  en  sorte  qu'ayant 
esté  parlé  au  précèdent  de  rendre  les  cinq  places  h 
deux  fois,  c'est  à  scavoir  Calais  et  Ardres  dans  deux 
mois,  et  les  trois  aultres  ung  mois  après,  il  feut  arresté 
que  toutes  les  cinq  seroient  rendeues  dans  les  deux 
premiers  mois  ;  et  ce  feut  la  conclusion  de  ce  différend. 
Quant  a  Blavet,  il  y  avoit  aussi  de  la  difficulté  pour  le 
temps  dans  lequel  on  en  debvoit  oster  la  garnison  et 
démolir  les  fortifications.  Les  François  trouvèrent  long 
le  terme  de  trois  mois,  et  les  aultres  n'en  voulloient 
rien  rabattre.  Le  légat,  voyant  ces  difficultés,  parla  à 
tous  et  avec  des  raisons  pleines  d'efficaces,  feit  com- 
prendre aulx  François  qu'ils  ne  pouvoient  doubter  de 
l'affaire  de  Blavet,  parce  que  les  cinq  places  leur  estans 
rendeues  pour  faire  la  paix ,  il  n'estoit  pas  vraisem- 
blable qu'on  feist  après  difficulté  de  demander  Blavet, 
parce  que  les  Espaignols  ne  trouveroient  pas  leur 
compte,  ayans  restitué  ces  villes,  à  se  reserver  Blavet, 
sans  avoir  la  paix. 

Tous  demeurèrent  contens  de  ce  qu'il  avoit  dict;  et, 
quant  à  la  démolition  de  Blavet,  on  demeura  dans  le 
terme  de  trois  mois,  avec  parole  de  laquelle  on  se 
contenta,  que,  si  faire  se  pouvoit,  on  l'accourciroit. 
L'on  concleut  aussi  que  le  temps  des  deux  mois  corn- 


SUR  LA  PAIX.  379 

1  •    1     * 

îiienceroit  à  courir  du  jour  qu'on  signeroit  les  articles; 

et  que  dans  ce  temps  la  paix  entre  les  deux  couronnes 
seroit  jurée  par  le  roy  de  France  et  par  le  cardinal 
d'Autriche;  et  qu'après  on  en  fourniroit  la  ratification 
du  roy  d'Espaigne.  L'on  parla  du  duc  de  Savoyc,  et 
les  François  demandèrent  de  nouveau  qu'on  feist  venir 
son  ambassadeur.  Le  légat  donna  jour  ensuite  pour 
l'assemblée;  et,  quant  au  différend  qui  estoit  pour  l'ar- 
tillerie, les  François  n'y  peurent  rien  gaigner,  encores 
qu'ils  en  demandassent  une  partie  de  courtoisie. 

Tout  cela  feut  ainsi  arresté  sans  qu'on  en  deust  plus 
parler,  sinon  par  les  articles. 

Le  26  se  passa  sans  assemblée,  bien  qu'elle  y  eust 
esté  assignée,  parce  que  le  courrier  de  Bruxelles  ar- 
riva avec  lettres  et  les  contreseings  qu'on  attendoit  ; 
ce  que  les  Espaignols  voulleurent  faire  voir  aux  Fran- 
çois, et  pour  cela  les  feurent  trouver;  de  sorte  que  la 
journée  se  passa  toute  à  cela.  On  feit  les  expéditions; 
et ,  le  lendemain ,  on  despescha  le  courrier  en  Espaigne , 
la  couverture  de  la  despesche  portant  le  sceau  du  légat, 
avec  l'addresse  aunoncedesasaincteté,  résidant  auprès 
du  roy  d'Espaigne,  parce  que  les  François  ne  voul- 
leurent pas  qu'il  traversast  la  France  soubs  le  nom  du 
roy  d'Espaigne ,  bien  qu'il  n'y  eust  rien  du  légat  en 
tout  le  paquet  que  la  couverture. 

Le  26 ,  on  tint  l'assemblée  en  laquelle  les  François 
demandèrent  que  Cambray  feust  remis  en  neutralité , 
comme  il  estoit  avant  qu'il  feust  retourné  entre  les 
mains  des  François.  On  disputa  beaucoup  sur  cela  sans 
rien  resouldre ,  bien  qu'il  pareut  assés  que  du  temps 
de  Charles  Quint  la  forteresse  estoit  entre  ses  mains  ;  et 
si  on  croit  pour  certain  que  la  garde  des  portes  depen- 
doit  de  lui.  On  parla  aussi  des  François  qui  estoient 


38o  RELA.TION 

clii  parti  contraire  au  roy,  aulxquels  on  desiroit  qu'on 
pardonnast ,  et  qu'ils  faussent  remis  dans  leurs  biens. 
A  quoi  M.  de Bellievre  feit  quelques  fortes  oppositions, 
comme  de  dire  que  c'estoient  vassaulx  du  roy  de 
France,  duquel  seul  ils  debvoient  recevoir  leur  grâce, 
et  non  par  lentremise  du  roy  d'Espaigne ,  auquel  ils 
n'avoient  rendeu  nul  service ,  estant  simplement  des 
fugitifs.  Neantmoins  il  ne  se  rendit  pas  opiniastre ,  le 
nombre  en  estant  petit,  et  n'y  ayant  que  M.  d'Aumale, 
duquel  on  n'aVoit  pas  confisqué  les  biens  ,  qui  feust  de 
grande  considération,  etc. 

Le  legat  crut  qu'on  ne  debvoit  plus  tenir  d'assemblée 
que  l'ambassadeur  de  Savoye  ne  feust  veneu,  la  substance 
des  choses  estant  arrestee  entre  les  deux  couronnes, 
de  craincte  qu'en  retouchant  ces  mesmes  choses  on  ne 
prist  occasion  de  nouvelles  difficultés.  De  sorte  que  sur 
la  fin  de  l'assemblée ,  on  trouva  bon  de  n'en  faire  plus 
jusques  à  la  veneue  de  cest  ambassadeur;  lequel  arriva 
le  jour  d'après  ,  et  feut  receu  des  Espaignols  avec  ung 
grand  honneur.  Richardot  et  Taxis  lui  feurent  au  de- 
vant à  cheval ,  et  le  mirent  entre  eulx  deux  ;  chose 
qui  lui  grossit  le  courage  plus  qu'il  ne  debvoit;  car 
l'assemblée  se  debvant  tenir  le  lendemain  ,  il  n'y  voul- 
loit  pas  céder  à  l'audiencier,  pretendans  de  seoir  au 
dessus  de  lui. 

Le  gênerai  le  feit  sçavoir  au  legat,  lequel  ne  s'en 
voulleut  poinct  mesler,  disant  qu'ils  vuidassent  entre 
eulx  ce  différend ,  puisqu'ils  estoient  une  mesme  chose. 
Le  gênerai ,  par  le  moyen  d'ung  de  ses  moines  qui 
Favoit  servi  à  Ver  vins,  envoyé  exprès  pour  y  servir  le 
duc  de  Savoye  ,  feit  en  sorte  que  son  ambassadeur  se 
contenta  d'estre  vis  à  vis  du  les-at,  au  bas  bout  de  la 
table,  a  la  main  gauche  du  gênerai. 


SUR  LA  PAIX.  38  f 

Et  le  matin  suivant ,  avant  l'heure  de  l'assemblée , 
il  alla  saluer  le  légat  ;  le  salua  de  la  part  du  duc  son 
maistre,  lui  tesmoignant  beaucoup  de  confiance.  La 
conclusion  de  son  discours  feut  que  le  duc  de  Savoye 
desiroit  la  paix,  nonobstant  la  guerre  ouverte;  qu'il 
avoit  l'escrit  et  les  lettres  du  roy  à  ce  subject ,  et  qu'il 
esperoit  que  sa  majesté  entretiendroit  l'accord  faict  de 
se  remettre  de  tous  les  différends  au  pape.  Le  légat  ne 
voulleut  pas  venir  beaucoup  au  particulier,  ne  le  ju- 
geant pas  à  propos  en  ceste  première  conférence  par  ce 
qu'il  avoit  appris  des  François.  Il  croyoit  qu'ils  pre- 
tendoient  n'estre  pas  obligés  à  maintenir  ce  qui  s'estoit 
traicté  auparavant  avec  Savoye;  et  pour  ce,  il  prya 
l'ambassadeur  de  Savoye  de  voulloir  faciliter  les  af- 
faires, et  ne  pas  tesmoigner  estre  si  ferme  en  ses 
propositions,  de  craincte  de  tout  rompre. 

Le  mesme  jour  il  y  eut  assemblée,  en  laquelle  le 
legat  eut  bien  de  la  peine  a  réduire  l'ambassadeur  de 
Savoye  à  voulloir  faire  ses  propositions  et  rechercher 
les  François,  ce  qu'enfin  il  lui  persuada.  Il  feit  sa  pro- 
position en  la  mesme  forme  que  lui  avoit  diet  le  legat. 
M.  de  Bellievre  respondit  et  commença  son  discours 
par  cotter  les  obligations  que  la  maison  de  Savoye 
avoit  à  la  France,  et  nommeement  depuis  François  P'  ; 
remarqua  beaucoup  de  bienfaicts,  et  l'honneur  des 
alliances  qu'elle  avoit  receu  des  roys  1res  chrestiens  ; 
puis  parla  de  leur  droict  et  possession  du  marquisat 
de  Saluées,  et  de  la  façon  qu'd  avoit  esté  occupé  par 
le  duc  de  Savoye.  Il  discourent  ensuite  des  pourpar- 
lers et  propositions  de  paix  qui  avoient  esté  faictes, 
monstrant  qu'il  n'avoit  teneu  qu'au  duc  de  Savoye 
qu'elle  n'eust  esté  concleue ,  et  qu'il  pretendoit  que 
son  roy  n'estoit  plus  teneu  à  l'observation  de  ce  qui 


382  RELA.TION 

avoit  esté  aultrefois  traicté;  mais  il  n'exprima  pas  cela 
nettement,  ne  se  laissant  pas  absolument  entendre.  Il 
se  tourna  là  dessus  vers  M.  de  Sillery,  lui  disant  que, 
puisqu'il  avoit  negotié  le  particulier  de  cest  accom- 
modement, qu'il  en   feibt  son   rapport.  M.  de  Sillery 
asseura  que  le  roy  très  chrestien  avoit  proposé  de  re- 
mettre au  pape  les  différends  qui  restoient  depuis  le 
premier  traicté  concernant  le  marquisat  de  Saluées, 
la  restitution  du  Gental  et  le  Chasteau  Daulphin,  avec 
les   aultres    places    nouvellement    occupées ,  sur  les- 
quelles de  part  et  d'aultre  il  y  avoit  des  prétentions.  Il 
dict  que  le  duc  de  Savoye,  ou  son  ambassadeur  Jacob, 
n'avoit  pas  voulleu  accepter  ce  parti  là,  sans  parler  de 
deux  lettres,  l'une  du   duc  de  Savoye  et  l'aultre  du 
roy  de  France,  qui  sont  de  grande  importance.  Par  la 
première,  le  duc  tombe  d'accord  de  remettre  au  pape 
tous  les  différends;  et  par  la  seconde,  le  roy  se  faict  en- 
tendre qu'il  y  consentiroit,  et  ce  au  temps  que  la  guerre 
estoit  ouverte.  L'ambassadeur  de  Savoye,  qui  avoit 
ouï  faire  mention  de  cèsÇ'Iettres ,  soit  qu'il  n'en  feust 
pas  bien  informé,  soit  qu'il  ne  s'en  souvinst  pas,  n'en 
parla  poinct  en  la  response  qu'il  feit  à  M.  de  Sillery; 
au  contraire ,  confirmant  que  tout  ce  qu'avoient  dict 
MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  estoit  véritable,  toute 
l'assemblée  jugea  qu'il  n'avoit  pas  bien  deffendeu  sa 
proposition,  d'en   demeurer  aulx  termes  du  premier 
traicté.  L'ambassadeur  de  Savoye  se  retira  le  premier, 
qui  ne  voulloit  jamais  sortir  ni  entrer  avec  ses  adbe- 
rens,  n'ayant  pas  une  entière  confiance  en  eulx  ;  et  après 
lui  les  Flamands  ,  n'ayant  plus  rien  à  dire,  s'en  allèrent 
aussi.  Les  François  demeurèrent  les  derniers  avec  le 
légat,  fort  contens,  parce  qu'il  leur  sembloit  d'avoir 
mis  l'ambassadeur  de  Savcve  dans  la  confusion. 


SUR  LA  PAIX.  383 

Le  soir  mesme  et  le  lendemain  matin,  les  Espaignols 
et  l'ambassadeur  de  Savoye  feurent  trouver  ce  frère 
cordelier  dont  nous  avons  parlé,  qui  estoit  malade  à 
Vervins,  où  il  estoit  de  la  part  du  duc  de  Savoye,  et 
se  nommoit  frère  François  de  Martinengue ,  lequel , 
comme  mieulx  informé,  leur  donna  les  lettres  susmen- 
tionnées, et  ung  fort  long  discours,  par  lequel  on 
Yoyoit  que,  depuis  Fan  i  loo  jusques  à  François  1",  le 
duc  de  Savoye,  qui  lors,  et  long  temps  depuis,  estoit 
seulement  nommé  comte,  et  non  duc  de  Savoye,  avoit 
esté  continuellement  recogneu  des  marquis  de  Saluées 
pour  leur  supérieur,  et  lui  avoient  juré  hommage.  Le 
marquisat  ayant  esté  possédé  par  les  roys  de  France , 
seulement  dopuis  François  P"^,  ils  mirent  ces  pièces 
ensemble;  et  l'ambassadeur  de  Savoye,  tout  fier  de 
ceste  descouverte,  les  porta  au  légat,  lequel  les  veit, 
et  n'esleva  pas  le  courage  de  l'ambassadeur;  mais  aussi 
ne  lui  voulleut  il  pas  rabattre,  de  peur  qu'on  se  defiast 
de  lui.  Il  lui  conseilla  d'en  parler  le  lendemain  dans  l'as- 
semblée. L'ambassadeur  en  feit  difficulté ,  prétendant 
que  les  François  debvoient  estre  les  premiers  à  faire 
leurs  demandes  ;  à  quoi  ils  estoient  resoleus  de  ne  con- 
descendre jamais.  L'ambassadeur  de  Savoye  s'estant 
ainsi  retiré,  le  légat  feit  de  sorte,  par  l'entremise  du 
gênerai,  qu'il  se  modéra  ung  peu.  Les  Espaignols  arri- 
vèrent les  premiers  à  l'assemblée  avec  l'ambassadeur 
de  Savoye ,  et  Richardot  receut  de  ses  mains  les  pa- 
piers. On  tomba  d'accord  que  le  légat  entameroit  le 
propos,  en  disant  que  l'ambassadeur  de  Savoye  avoit 
encores  beaucoup  de  choses  à  dire.  Sur  cela,  il  parla 
et  rapporta  ce  que  contenoient  les  papiers.  Les  Fran- 
çois ne  contredirent  poinct  aulx  lettres;  et  M.  de  Sil- 
lery  ,  qui  en  avoit  copie  en  main  ,  dict  qu'elles  estoient 


384  RELATION 

véritables,  et  qu'il  avoit  faict  celle  du  roy,  mais  qu'elle 
estoit  conditionnée.  Sur  ce,  quelques  difficultés.  L'am- 
bassadeur de  Savoye  demanda  qu'il  lui  feust  permis  de 
parier  françois  pour  pouvoir  plus  facilement  dire  son 
faict,  et  ainsi  tous  commencèrent  à  parler  françois, 
examinant  l'ung  après  l'aultre  tous  les  mots  de  la  lettre 
au  roy  très  chrestien.  M.  de  Bellievre  dict  que  le  roy 
pretendoit  n'estre  plus  teneu  à  aulcung  traicté ,  ni  au 
conteneu  de  sa  lettre,  parce  qu'elle  n'avoit  pas  esté 
acceptée  en  temps,  et  que  la  guerre  s'estoit  faicte  de- 
puis, qui  avoit  rompeu  toute  sorte  de  traicté.  Richardot 
dict,  là  dessus,  que  le  mot  de  capture,  par  la  voye  des 
armes  ,  faisoit  voir  assés  le  mauvais  procédé.  M.  de 
Bellievre  se  mit  en  colère  là  dessus,  et  répliqua  que 
jamais  la  France  n'avoit  rien  faict  que  bien  à  propos. 

Comme  tous  ces  discours  se  tenoient  en  françois, 
le  legat  ne  les  entendit  pas ,  et  ne  dict  mot ,  comme 
aussi  feirent  les  parties  qui  demeurèrent  dans  le  silence 
assés  long  temps.  Le  gênerai ,  voyant  que  la  bile  estoit 
esmeue,  et  craignant  qu'on  en  \inst  à  de  plus  fasclieux 
termes,  dict  au  legat  qu'on  pouvoit  finir  pour  ce  jour 
là.  Le  legat ,  faisant  réflexion  sur  ce  que  le  gênerai  ve- 
noit  de  dire,  encores  qu'il  n'eust  pas  entendeu  tout  ce 
qui  s'estoit  passé,  dict  que  telles  disputes  estoient  ac- 
compaignees  de  plus  d'aigreur  que  d'équité  ;  et  peu 
après  se  leva,  et  rompit  l'assemblée,  après  que  M.  de 
Bellievre  eut  dict  à  l'ambassadeur  de  Savoye  que  le 
jour  suivant  il  s'expliquast  de  ce  qu'il  voulloit  pour  le 
duc  son  maistre,  afin  qu'il  en  peust  escrire  au  roy.  Ce 
qu'il  prononça  fort  esmeu  ,  et  s'en  alla  avec  M.  de 
Sillery.  Les  Espaignols  et  l'ambassadeur  de  Savoye  de- 
meurèrent; et  le  legat,  s'estant  bien  faict  dire  tout  ce 
qui  s'estoit  passé  ,  en  feit  remonstrance  à  Ricbardot , 


SUR  LA  PAIX.  385 

qui  receut  bien  la  réprimande,  advenant  qu'il  croyoit 
avoir  failli.  Le  légat  leur  diet  qu'ils  n'avoient  pas  rai- 
son de  voulloir  que  le  roy  de  France  feust  obligé  en 
son  lionneur,  et  dans  les  voyes  de  justice.  Sur  cela, 
l'ambassadeur  de  Savoye  s'en  alla;  et  les  Flamands 
estant  demeurés,  l'affaire  feut  examiné  de  plus  près, 
et  avec  ceste  conclusion,  quç  ,  soit  qu'il  y  eust  obliga- 
tion ou  non,  on  n'useroit  plus  de  ce  terme,  et  qu'il 
n'en  seroit  plus  parlé.  Ils  vouUurent  obliger  le  légat  à 
proposer  les  conditions;  de  quoi  il  ne  se  chargea  pas, 
disant  qu'oultre  qu'il  ne  pouvoit  pas  mettre  en  avant 
des  propositions  desquelles  il  ne  feust  asseuré ,  il  ne 
voulloit  pas  aussi  tesmoigner  prendre  aulcung  parti. 
Ils  prirent  bien  ces  raisons,  et  s'en  allèrent,  avec  reso- 
lution de  ne  plus  user  de  ce  mot  d'obligation.  Le  gêne- 
rai estoit  en  peine,  craignant  que  ces  paroles  ne  cau- 
sassent une  rupture,  et  se  plaignit  fort  de  Richardot, 
qui  s'estoit  eschappé  de  la  sorte.  Le  légat  lui  donna  le 
courage  et  ordre  d'aller  le  lendemain  rnatin  trouver  les 
François,  et  qu'il  apportast  tout  le  remède  possible  à 
ce  desordre  surveneu.  il  y  feut;  et,  bien  qu'ils  eussent 
du  ressentiment  de  ce  qui  s'estoit  passé  ,  si  n'avoient  ils 
pas  volonté  de  rompre,  et  conclurent  qu'on  ne  parle- 
roit  plus  de  tout  cela  ;  mesme  M.  de  Sillery,  h  qui  il  parla 
hors  la  présence  de  M.  de  Bellievre,  lui  donna  quelque 
lumière  d'accommodement.  Le  gênerai,  s'en  estant  re- 
tourné vers  le  legat ,  se  soulagea  fort.  La  pensée  de  ce 
qui  s'estoit  passé  lui  avoit  donné  *  ne  mauvaise  nuict;  il 
ne  les  eut  gueres  meilleures  pendant  tout  le  temps  de 
ce  traicté,  estant  tousjours  en  craincte  sur  la  moindre 
difficulté,  à  laquelle  il  remedioit  de  tout  son  possible. 

Le  3  de  mars  au  matin,  les  Espaignols  et  l'ambassa- 
deur de  Savove  s'accordèrent  de  demander  en  çrace, 

h^ 

MÉM.  DR  DUPLESSIS-MORWAY.  To.'WE  VIII.  '  2 1> 


386  RELATION 

et,  en  faveur  du  roy  des  Espaignes ,  à  celui  de  France, 
parlant  à  ses  députés  ,  qu'il  lui  pleust  de  remettre  les 
différends  qui  pourroient  naistre  entre  sa  majesté  et  le 
duc  à  sa  saincteté;  et  sur  ceste  resolution,  on  teint 
l'assemblée,  les  François  ayant  eu  advis  de  tout.  Là, 
le  légat  dict  en  peu  de  mots  que  les  députés  françois 
s'estoient  chargés  des  dernières  lettres  pour  y  respon- 
dre  qu'on  avoit  laissé  passer  ung  jour,  afin  qu'on  peust 
mieulx  digérer  les  affaires  qui  se  presentoient  entre  la 
France  et  la  Savoye  ;  qu'il  desiroit  que  les  François 
disent  ce  qui  leur  sembloit  de  ces  lettres.  M.  de  Bel- 
lièvre  monstra ,  avec  beaucoup  de  puissantes  raisons, 
que  sa  majesté  très  chrestienne  n'estoit  pas  obligée  par 
la  rigueur,  ni  par  l'équité  ,  ni  par  sa  parole,  à  faire  ce 
qui  estoit  porté  par  sa  dernière  lettre;  et  dict,  entre 
aultres  choses ,  qu'il  s'estoit  passé  dix  mois  sans  que 
Je  duc  de  Savoye  y  eust  faict  response;  et  que,  bien 
qu'il  eust  envoyé  depuis  quelques  mois  son  ambassa- 
deur au  cardinal  d'Autriche,  il  ne  debvoit  pas  envoyer 
en  Flandres  pour  cela,  mais  vers  le  roy;  car,  encores 
qu'il  y  eust  guerre  ouverte,  il  n'eust  pas  manqué  de 
passeports  pour  venir  trouver  seurement  sa  majesté; 
aussi  qu'il  avoit  peu  donner  son  consentement  par 
lettre ,  et  faire  que  l'on  procedast  en  l'affaire  avec  les 
instrumens  publics  qui  estoient  nécessaires  pour  don- 
ner ung  commencement  à  l'arbitrage.  L'ambassadeur 
de  Savoye  feit  response  qu'il  comprenoit  bien  que  le 
roy  n'estoit  en  façon  quelconque  obligé  ni  par  raison 
ni  par  parole;  mais  que  neantmoins  il  demandoit  ceste 
orace  à  sa  majesté  très  chrestienne  au  nom  du  duc  son 
maistre ,  qu'il  lui  pleust  agréer  les  conditions  portées 
par  sa  lettre,  qui  sont  telles  qu'on  remit  au  jugement 
du  pape  tout  le  différend,  et  particulièrement  la  ques- 


SUR  LA  PAIX.  387 

tîon  si  on  suivroit  ou  non  le  traicté  souscrit  par  M.  de 
Sillery.  Les  François  contredirent  à  cela ,  et  protes- 
tèrent que  cela  estoit  mal  proposé,  puisque,  par  la 
lettre  du  roy,  on  ne  voyoit  poinct  ceste  particularité, 
n'y  ayant  rien  de  précis,  qu'encores  falloit  il  qu'ils  lui 
escrivissent ,  de  ceste  demande  générale,  de  se  remettre 
au  jugement  du  pape,  ne  pouvant  pas  se  resouldre  sur 
cela  sans  nouveau  pouvoir,  puisque  la  demande  estoit 
nouvelle;  mais  que  sansMoubte,  s'ils  lui  faisoient  en- 
tendre ceste  demande  particulière,  sa  majesté  la  re- 
butteroit ,  espérant  qu'au  contraire  elle  agreeroit  le 
compromis  gênerai  de  tous  les  différends.  Apres  quel- 
ques répliques,  les  députés  espaignols  se  retirèrent  à 
part  avec  l'ambassadeur ,  et  disputèrent  quelque  temps. 
Le  gênerai,  voyant  qu'ils  ne  s'accordoient  pas,  feut 
vers  eulx ,  et  tesmoigna  du  ressentiment  de  ce  qu'ils 
varioient  sur  ce  dont  ils  estoient  demeurés  d'accord 
avec  lui. 

L'ambassadeur  de  Savoye  dict,  quand  ils  feurent  tous 
retournés  à  l'assemblée,  qu'il  se  contentoit  qu'on  de- 
mandast  au  roy  la  remise,  ou  compromis  gênerai,  et 
remercia  le  légat  de  son  entremise ,  le  pryant  de  conti- 
nuer jusques  à  ce  qu'on  eust  obteneu  le  consentement 
du  roy  très  chrestien.  Les  François  se  cbargerent  d'en 
escrire  à  leur  roy,  et  d'en  attendre  la  response ,  ce  qui 
feut  pris  ;  de  sorte  qu'on  creut  aiseement  qu'ils  estoient 
seurs  qu'il  n'y  auroit  poinct  de  difficulté.  Le  legaf, 
voyant  les  choses  reduictes  à  bon  poinct,  parla  en 
ceste  sorte  : 

Illustrissimes  seigneurs,  puisqu'il  a  pieu  à  Dieu 
qu'une  si  pieuse  et  si  saincte  affaire  soit  portée  à  si 
bon  terme,  qu'on  peult  dire  que  la  paix  est  faicte,  les 
deux  couronnes  estans  d'accord ,  et  le  duc  de  Savoye 


388  RELATION 

après  avoir  surmonté  tant  de  difficultés  qui  se  sont 
trouvées,  à  présent  que  l'assemblée  délibérera  pour 
conclure  et  terminer  tous  les  differens  :  je  vous  snp- 
plie ,  messieurs ,  de  considérer  les  périls  qu'il  y  a  de 
prolonger  la  conclusion  d'ung  si  bon  œuvre,  et  d'ung 
bien  si  gênerai  à  toute  la  chrestienté.  Je  vous  dirai 
qu'il  y  a  beaucoup  de  personnes  qui  interviennent  en 
ce  traicté,  la  vie  desquels  est  du  tout  nécessaire  pour 
sa  perfection.  Ce  sont  princes'dont  il  y  en  a  quelques 
ungs  d'aage,  et  les  auîtres  qui  sont  tous  les  jours  dans 
les  périls  de  la  guerre.  De  plus,  les  séditieux  et  malins 
hérétiques,  usurpateurs  du  bien  d'aultrui ,  ne  cessent 
de  faire  tout  leur  effort,  et  d'user  de  toute  sorte  d'ar- 
tifice pour  empescher  ici  le  service  de  Dieu.  Croyés 
moi,  messieurs,  que  le  démon  vole  par  tout  pour  se- 
mer la  zizanie,  ne  pouvant  pas  recevoir  ung  plus  rude 
coup  que  celui  ci,  il  fournit  à  ses  partisans  le  feu,  la 
flamme  ,  le  poison ,  et  la  cruauté  pour  empescher  ceste 
paix  ,  et  mettre  la  guerre  en  sa  place.  Je  ne  puis  m'em- 
pescher  que  je  ne  m'estende  sur  ce  propos  ,  et  qu'avec 
le  plus  de  reteneue  qu'il  m'est  possible,  je  ne  vous 
advertjsse  que  ceulx  qui  doibvent  mettre  la  main  h  la 
plume  le  fassent  nettement,  afin  qu'il  ne  soit  poinct 
besoing  d'en  venir  aulx  lepliques  ;  que  ceulx  qui 
doibvent  travailler  en  cest  affaire  le  fassent  courageu- 
sement,  afin  d'oster  tous  intrigues,  et  qu'il  ne  reste 
plus  de  doubte  :  commencés  à  penser  au  lieu  ,  au  temps  , 
et  à  la  façon  de  dresser  le  compromis  nouveau  ;  escri- 
vés  au  roy  comme  il  en  a  esté  traicté  par  deçà.  Le  zèle 
me  faict  parler;  le  mal  que  j'appréhende  me  faict  insis- 
ter ,  le  bien  que  j'espère  me  porte  à  vous  .donner  ces 
advertissemens  :  comme  serviteur  et  ministre  ,  je 
vous  fais  ceste  instance  au  mieulx   qu'il  m'est    possi- 


SUR  LA  PAIX.  389 

ble,  et  avec  toute  l'afTection  que  je  doibs.  Les  r>an- 
çois  lui  respondirent  les  premiers,  lui  disans  qu'il  ne 
doubtast  poinct  qu'attendant  la  response,  ils  ne  per- 
droient  pas  le  temps;  qu'on  dressoit  les  articles  entra 
la  France  et  l'Espaigne,  et  qu'ils  les  reduiroient  à  tel 
poinct  qu'il  ne  resteroit  plus  qu'à  les  signer.  Ils  de- 
mandèrent tous  au  légat  son  advis  sur  le  temps  du 
compromis,  et  si  pendant  icelui  il  y  auroit  paix  ou 
trefve  entre  PVance  et  Savoye.  Il  feit  difficulté  de 
dire  son  opinion.  Neantmoins,  sur  l'instance  qu'on  lui 
en  feist  avec  pryere,  il  dict  que  son  sentiment  estoit 
qu'on  feist  le  compromis  le  plu£  libre  qu'on  pourroit 
entre  les  mains  du  pape.  Que  le  temps  feust  de  six 
mois  qui  se  peust  prolonger  par  sa  saincteté  jusques  à 
ung  an;  qu'on  feist  la  paix  plus  tost  qu'une  trefve  des 
i'beure  mesmes,  si  on  le  jugeoit  possible,  et  que  pen- 
dant le  terme  du  compromis,  les  choses  demeurassent 
au  mesme  estât  qu'elles  estoieut,  chacung  retenant  ce 
qu'il  possedoit,  et  promettant  d'observer  et  exécuter 
tout  ce  qui  seroit  jugé  par  le  pape.  Tout  cela  feut  re- 
ceu  avec  joye,  et  ne  feut  en  rien  contredict  :  on  pro- 
posa si  l'on  debvoit  des  l'heure  licentier  les  gens  de 
guerre,  et  de  quelle  façon  on  conserveroit  les  places. 
Les  François  respondirent  que,  quant  aulx  gens  de 
guerre,  il  ne  falloit  pas  tout  congédier  en  ce  commen- 
cement, et  le  légat  dict  que  les  places  se  conserve- 
roient  ad  arbitriuni  boni  vîri ,  et  ainsi  l'assemblée  se 
sépara  ;  toutes  les  parties  demeurans  très  satisfaictes  du 
Icgat  et  du  gênerai. 

Il  se  trouva  après  beaucoup  de  difficultés  à  accom- 
moder les  affaires  de  Savoye  avec  son  ambassadeur, 
parce  qu'encores  qu'il  eust  consenti  de  se  remettre  de 
toutes  les  difficuilés  au  pape,   et  nu'smcs  qu'il  l'eust 


ôgo  RELATIOIS' 

ainsi  cleinandé,  il  faisoit  neantmoins  difficulté  de  lais- 
ser les  choses  en  Testât  qu'elles  estoient ,  et  desiroit 
que  durant  l'arbitrage  on  eust  restitué  au  duc  son 
maistre  Sainct  Jean  de  Maurienne. 

Cela  ne  feul  pas  accepté  des  François ,  alleguans 
beaucoup  de  raisons  pour  lesquelles  on  ne  le  pouvoit 
faire;  et,  pour  mieulx  disposer  Tambassadeur ,  on  re- 
soleut  de  ne  poinct  tenir  l'assemblée  le  4  mars  ;  enfin, 
il  se  contenta  de  se  remettre  sans  aulcune  reserve  au 
jugement  du  pape. 

Le  jour  d'après,  on  despescha  ung  courrier  au  roy  , 
et  depuis  on  demeura  beaucoup  de  jours  ,  attendant 
la  response,  sans  que  pendant  ce  temps  on  tinst  d'as- 
semblée ,  ni  Ton  proposast  les  articles.  Il  vint  de 
Flandres  des  advis  aulx  députés  espaignols  qu'apporta 
ung  secrétaire ,  par  lesquels  on  leur  faisoit  sçavoir  que 
le  roy  de  France  donnoit  des  paroles  seulement  pour  avoir 
le  temps  de  se  mettre  en  estât  de  bien  faire  la  guerre  :  le 
légat  chercha  les  moyens  de  leur  oster  ceste  opinion,  et 
avec  beaucoup  de  raison  leur  persuada  le  contraire  ; 
d'aultre  costé ,  les  François  commencèrent  à  doubter  qu'il 
y  eust  quelque  tromperie  ou  quelque  entreprise  ,  estant 
arrivés  par  mer,  à  Calais  ,  quatre  mille  cinq  cens  Espai- 
gnols ethuict  cent  mille  ducats;  sur  cela  les  François  feu- 
rent  trouver  le  légat ,  pour  sçavoir  s'il  croyoit  que  les  Es- 
paignols voulleussent  brouiller,  et  pour  tascher  à  des- 
couvrir s'ils  avoient  quelque  desseing.  Le  légat  tasclia 
de  leur  oster  toutes  ces  deffiances ,  disant  que  la  ve- 
neue  des  Espaignols  estoit  une  suite  des  ordres  donnés 
il  Y  avoit  beaucoup  de  mois  ;  de  sorte  qu'elle  ne  pou- 
voit estre  prise  pour  une  contravention  de  paix ,  pour 
ce  que  quand  ils  estoient  partis  d'Espaigne ,  on  n'y 
pouvoit  pas  encores  avoir  nouvelle  que  les  députés  feus- 


SUR  LA  PAIX.  391 

sent  assemblés  ,  et  qu'il  ne  croyoit  pas  qu'il  y  eust  rien 
de  tel  à  appréhender  ,  puisque  l'affaire  estoit  entière- 
ment en  la  main  du  cardinal  Albert,  auquel  il  im- 
portoit  extresmement  que  la  paix  se  concleust,  parce 
que  aultrement  il  ne  recevroit  pas  en  dot  la  Flandres, 
et  ne  pourroit  jamais  espérer  de  succéder  par  le  moyen 
de  sa  femme  à  tant  de  royaulmes  et  d'estat;  neant- 
moins  que  chacung  prist  garde  à  soi ,  pour  ce  que  n'y 
ciyant  ni  paix  ni  trefve,  chacune  des  parties  pouvoit 
faire  ce  qu'elle  estimeroit  lui  estre  plus  advantageux. 

Les  François  s'appaiserent  au  discours  du  légat ,  et 
quelques  jours  après  ils  receurent  des  lettres  de  la  court, 
qui  estoit  à  Angers,  par  lesquelles  ils  apprirent  de  M.  de 
Villeroy  que  le  duc  de  Mercœur  avoit  envoyé  sa  femme 
trouver  le  roy  pour  faire  ses  accommodemens,  et  que 
Ton  croyoit  que  sa  majesté  très  chrestienne  feroit  ses 
pasques  dans  Nantes.  Gest  advis  feut  confirmé  de  Paris 
par  plusieurs  personnes;  ce  qui  feit  que  le  légat  s'es- 
tonna  moins  que  le  courrier  ne  feust  pas  encores  de  re- 
tour; car  il  s'estoit  passé  asscs  de  temps  pour  estre  re- 
tourné commodeement.  Neantmoins  il  estoit  en  quel- 
que deffiance ,  pour  ce  qu'on  escrivoit  de  Paris  qu'il 
estoit  veneu  d'Angleterre  ung  ambassadeur  très  bien 
accompaigné;  de  sorte  qu'il  ne  se  pouvoit  asseurer,  en- 
cores que  les  François  dissent,  que  cela  ne  pouvoit  en 
rien  altérer  le  traicté  de  paix;  quand  bien  les  nouvelles 
qu'ils  ne  croyoient  pas  eussent  esté  vraies,  qui  disoient 
que  la  royne  d'Angleterre  avoit  faict  de  grandes  offres, 
pour  ce  que  son  ambassadeur  n'avoit  voulleu  negotier 
avec  personne ,  encores  que  le  roy  eust  ordonné  qu'il 
s'arrestast  à  Paris,  et  qu'il  traictast  avec  le  connestable 
et  quelques  aultres,  attendeu  qu'il  ne  voulloit  pas  qu'il 
feist  le  voyage  de  Bretaigne,  pour  ne  le  pas  laisser  ap- 


Sqî  RELATION' 

piocher  des  hérétiques  de  France,  de  craincte  de  quel- 
que sédition. 

Les  choses  estans  en  ces  termes,  et  le  roy  avec  une 
armée  en  Bretaigne ,  le  légat  estoit  en  inquiétude  à 
cause  des  longueurs;  et  encores  qu'il  feust  resoleu  à  la 
patience,  contre  l'opinion  de  quelques  ungs,  il  n'estoit 
pas  pourtant  sans  appréhender. 

Pendant  ce  temps,  il  feut  attaqué  de  sa  colique  né- 
phrétique. Une  lettre  du  5 ,  veneue  de  Flandres ,  le 
travailloit  encores,  qui  portoit  que  le  cardinal  Aldo- 
brandin  estoit  subitement  parti  de  Ferrare  pour  aller 
à  Rome,  ce  qui  donnoit  subject  de  craindre  qu'il  ne 
feust  surveneu  quelque  accident  de  maladie  au  pape; 
et  encores  que  la  lettre  de  Flandres,  qui  estoit  du  nonce 
qui  y  residoit,  feust  datée  (]u  5  de  mars,  et  que  le  lé- 
gat en  eust  une  aultre  du  cardinal  Aldobrandin  du  20 
febvrier,  par  laquelle  on  voyoit  qu'il  n'avoit  pas  lors 
desseing  de  partir  qu'après  les  festes ,  il  ne  s'ensuivoit 
pas  qu'il  n'eust  peu  changer  d'advis.  Il  y  avoit  eu  assés 
de  temps,  quoique  très  court,  pour  que  ceste  nouvelle 
différente  peust  estre  veneue  de  Flandres. 

Pendant  ce  temps,  fincertitude  de  la  conclusion  du 
traicté  travailloit  le  légat;  considérant  tous  les  subjects 
de  deffiance  qui  naissoient,  il  fondoitson  espérance  sur 
ce  que  vraisemblablement  le  roy  desiroit  de  faire  res- 
ponse ,  à  cause  que  l'accord  du  duc  de  Mercœur  n'estoit 
pas  encores  faict.  * 

Comme  on  estoiten  ceste  grandeattente  delaresponse 
de  sa  majesté  ,  elle  arriva  le  19  au  soir,  portée  par  le 
mesme  courrier,  La  matinée  suivante  ,  le  légat  n'en 
sceut  poinct  le  particulier,  parce  que  lui  et  les  Fran- 
çois estoient  occupés  au  service  du  jour  de  la  Passion; 
mais  ils  lui  demandèrent  audience ,  qu'ils  lui  donnèrent 


SUR  LA  PAIX.  393 

après  le  disner.  Estans  arrivés  ,  iis  répétèrent  avec  de 
fort  belles  paroles  ce  qui  s'estoit  traicté  au  nom  du  roy; 
ils  remercièrent  le  légat  des  grandes  peines  qu'il  se 
donnoit  pour  le  bien  de  la  paix,  et  lui  présentèrent  les 
lettres  de  créance  de  sa  majesté,  par  lesquelles  le  roy 
disoit  avoir  remercié  sa  saincteté,  par  sa  response,  de 
la  grande  affection  et  persévérance  avec  laquelle  cesfc 
affaire  estoit  traicté.  Ils  entrèrent  après  au  particulier, 
confirmans  toute  la  negotiation  entre  France  et  Espai- 
gne,  par  rentremise  du  cardinal  d'Autriche.  Ils  se  plai- 
gnirent pourtant  de  ne  pouvoir  obtenir  l'artillerie  et 
places  qui  leur  deb voient  estre  rendeues,  comme  aussi 
de  n'avoir  peu  conserver  ia  neutralité  de  Cambray.  Et 
puis  ils  vinrent  à  parler  avec  beaucoup  de  ressenti- 
ment du  procédé  du  duc  de  Savoye,  repetans  toutes 
les  injures  que  son  altesse  avoit  faictes  à  la  couronne 
de  France,  et  les  mauvais  moyens  qu'il  avoit  teneus  en 
traictant  de  paix  du  temps  de  son  ambassadeur  Jacob; 
que  le  comte  d'Auvergne,  faisant  sa  reconciliation  avec 
le  roy,  les  avoit  descouverts  ;  que ,  traictant  avec  ung  roy 
puissant,  et  qui  avoit  l'obéissance  de  tous  ses  estats,  il 
debvoit  negotier  comme  inférieur,  mesmement  après 
que  le  duc  de  Mercœur  avoit  faict  son  accord,  sa  femme 
ayant  desjà  soubscrit  des  articles  qui  portoient  qu'il 
abandonneroit  le  gouvernement  de  Bretaigne;  que  le 
roy  lui  donneroit  trois  cent  mille  escus  et  cinquante 
mille  livres  de  pension,  et  qu'une  sienne  fille  unique  de 
sept  ans  seroit  donnée  en  mariage  à  César  M oii sieur,  au- 
quel on  donneroit  le  gouvernement  de  Bretaigne;  qu'il 
ne  restoit  à  ces  articles,  le  roy  les  ayant  desjà  signés  et 
agréés,  que  la  signature  du  duc  de  Mercœur,  qui  estoit 
attendeu  de  jour  à  aultre  à  Angers,  où  le  roy  estoit. 
Apres  ceste  digression,  ils  revinrent  à  leur  premier 


394  RELATION 


discours,  et  dirent  enfin  que  sa  majesté  n'avoit  pas  le 
compromis  agréable;  non  pas  qu'elle  n'eust  toute  con- 
fiance en  Clément  Vill ,  mais  pour  ce  qu'elle  croyoit 
qu'il  y  alloit  de  son  honneur,  après  s'estre  accommo- 
dée honorablement  avec  les  Espaignols,  de  faire  son 
accord  avec  la  Savoye  dans  ung  si  grand  desadvantage, 
compromettant  de  ce  qui  lui  appartenoit;  oultre  cela, 
qu'il  n'avoit  pas  asseurance  de  la  vie  du  pape;  et  que, 
s'il  venoit  a  manquer  avant  que  d'avoir  donné  son  ju- 
gement, il  pourroit  avoir  ung  successeur  qui  ne  lui  se- 
roit  pas  confident,  et  lequel  neantmoins  il  n'oseroit  pas 
refuser,  pour  ne  le  pas  mescontenter  et  se  le  rendre 
ennemi  des  le  commencement  de  son  pontificat.  Ils  di- 
rent encores  assés  d'aultres  choses  qu'il  n'est  pas  be- 
soing  de  rapporter,  pour  n'estre  pas  essentielles.  Enfin 
ils  se  mirent  à  pryer  le  légat  avec  beaucoup  de  soub- 
mission  qu'il  n'abandonnast  pas  pour  cela  l'entreprise, 
et  qu'il  persistast  à  procurer  quelque  satisfaction  au 
roy  ;  qu'il  ne  desesperast  pas  pour  cela  des  affaires,  et 
qu'il  pourroit  trouver  quelques  moyens  d'accommode- 
ment, ayant  assés  d'auctorité  pour  disposer  les  parties 
à  ce  qui  lui  sembleroit  à  propos.  Geste  response  ne 
contenta  pas  le  légat  en  ce  qui  regardoit  le  particulier 
de  Savoye;  et,  s'en  plaignant,  leur  répliqua  qu'il  ne 
sçavoit  quel  parti  proposer  aulx  Espaignols  ni  au  Sa- 
voyard, qui  estoit  tout  rebuté  de  la  façon  avec  laquelle 
il  avoit  esté  receu  par  l'ambassadeur  du  grand  duc.  Que 
sans  doubte  il  se  rendroit  suspect  (et  peult  estre  l'estoit 
il  desjà)  d'estre  partial  pour  la  France;  qu'ils  n'avoient 
pas  deu  se  charger  d'en  escrire  en  court,  veu  le  succès, 
après  avoir  donné  espérance  que  le  roy  trouveroil  bon 
ce  qui  s'estoit  traicté;  que  l'affaire  n'estoit  plus  en  son 
entier;  que  les  Espaignols  estoient  en  grande  deffiance, 


SUR  LA  PAIX.  SgS 

voyans  le  roy  armé  avec  quatorze  mille  hommes  d'in- 
fanterie qu'il  soudoyoit  tousjours  ;  se  doubtans  qu'il 
voulloit  accommoder  ses  affaires,  et  se  mettre  en  bon 
ordre  pour  faire  la  guerre,  et  cependant  les  entretenir 
de  paroles;  que  le  duc  de  Savoye  n'estoit  plus  en  Testât 
précèdent,  parce  qu'il  estoit  veneu  nouvelle  à  son  am- 
bassadeur qu'il  avoit  pris  la  vallée  de  Maurienne  et  la 
ville  de  Sainct  Jean ,  avec  grande  perte  des  trouppes 
de  Lesdiguieres,  et  d'ung  fort  qu'il  avoit  construict  en 
ces  quartiers  là  ;  et  que  Crequy,  son  gendre,  avoit  esté 
pris  prisonnier  par  le  duc  de  Savoye,  avec  quattre  ca- 
pitaines. Les  François  répliquèrent  qu'ils  n'avoient  ap- 
pris ceste  nouvelle  que  dans  Vervins;  mais  que,  quand 
elle  seroit  véritable ,  ce  n'estoit  rien  ,  pour  ce  que  la 
vallée  de  Maurienne  et  Sainct  Jean  n'estoient  pas  choses 
qui  se  peussent  deffendre ,  estans  ouvertes  à  quiconque 
estoit  maistre  de  la  campaigne;  ainsi  que  tout  cela  n'au- 
roit  pas  la  suite  que  l'on  pensoit ,  veu  que  Lesdiguieres 
reprendroit  tout,  et  mettroit  le  duc  de  Savoye  en  pire 
estât  qu'au  précèdent.  Le  légat  ne  gousta  pas  ces  rai- 
sons; et,  sur  l'instance  que  lui  faisoient  les  François 
qu'il  trouvast  quelque  accommodement,  il  ne  jugea  pas 
à  propos  d'en  proposer  aulcung,  et  les  convia  de  faire 
quelque  ouverture.  Estans  fort  pressés  par  le  légat,  ils 
dirent  que  l'on  pourroit  desposer  le  marquisat  entre  les 
mains  de  quelque  prince ,  nommant  mesme  sa  sainc- 
teté.  Le  parti  ne  pleut  pas,  pour  divers  respects,  au 
légat  ;  il  ne  le  resprouva  pas ,  et  il  n'y  consentit  pas 
aussi. 

Apres  quelques  propos,  on  feit  venir  le  gênerai,  le- 
quel, entendant  la  resolution  de  sa  majesté  à  l'esgard 
de  Savoye,  eut  mauvaise  opinion  de  l'affaire.  Les  Fran- 
çois donnèrent  beaucoup  de  bonnes  paroles ,  et  con- 


396  RELATION 

clcurent  qu'il  falloit  presser  l'affaire ,  disans  que  si  il 
ne  se  concluoit  clans  deux  jours,  c'en  estoit  faict ,  et 
qu'il  n'en  falloit  plus  parler.  Le  gênerai  dict  qu'il  ne 
sçavoit  pas  ce  l'on  pouvoit  traicter,  eulx  ne  specifîans 
poinct  jusques  où  et  à  quoi  sa  majesté  très  chrestienne 
consentiroit.  Les  François  dirent  qu'il  estoit  Jjon  de 
dormir  là  dessus,  et  que  le  lendemain  matin  on  parle- 
roit  de  nouveau  ,  et  peult  estre  il  s'ouvriroit  quelque 
parti.  Le  gênerai  estant  demeuré  avec  le  légat,  ils  reso- 
ieurent  que  le  premier  iroit  trouver  les  ungs  et   les  • 
aultres ,  taschant  d'adoulcir  les  Espaignols  et  de  tirer 
dadvantage  des  François;  lesquels,  au  sorîir  de  chés  le 
légat,  feurent  visiter  les  Espaignols,  à  qui  ils  parlèrent 
fort  courtoisement,  de  sorte  qu'ils  ne  comprirent  nul- 
lement par  leurs  discours  où  alloit  l'affaire.  Le  gênerai 
les  alla  tous  voir;  et  lui  feut  dict  par  les  François  qu'il 
estoit  nécessaire  d'adoulcir  le  roy ,  qui  estoit  fort  indi- 
gné contre  le  duc  de  Savoye  ;  et  que  le  moyen  de  le  faire 
estoit  de  lui  restituer  quelque  chose  de  ce  que  le  duc 
tenoit,  et,  du  reste,  faire  ung  compromis  au  pape.  Le 
gênerai  leur  demandant  si ,  au  cas  qu'on  feist  condes- 
cendre l'ambassadeur  de  Savoye  à  quelque  chose  de 
plus ,  ils  avoient  pouvoir  de  conclure  sans  escrire  en 
cour  de  nouveau,  ils  lui  respondirent  qu'il  y  fauldroit 
despescher,  adjoustans  qu'ils  ne  s'asscuroient  pas  que 
le  roy  acceptast  ce  qui  seroit  proposé.  Le  gênerai  rap- 
porta le  tout  au  légat,  qui  se  fascha  fort  de  ce  qui  s'estoit 
passé ,  et  souspçonna  qu'il  y  eust  là  dessoubs  quelque 
stratagesme  pour  tirer  de  longueur  sans  rien  faire,  et 
que  le  roy  voulleust  raccommoder  ses  affaires,  et  puis 
rompre  quand  il  les  auroit  entreteneus  là  tant  qu'il  au- 
roit  jugé  à  propos,  fondant  ceste  opinion  sur  quelques 
indices  qu'il   en  avoit.  Estans  en  ceste  inquiétude,  les 


.  SUR  L\  PAIX.  397 

Espaignols  lui  demandèrent  audience,  qni  leur  feut  sur 
l'heure  accordée.  Estans  \eneus,  ils  feirent  beaucoup  de 
pîainctes,  et  dirent  qu'il  leur  sembîoit  qu'on  se  itjoc- 
quoit  d'eulx ,  et  qu'ils  ne  sçavoient  plus  que  mander  au 
cardinal,  ni  comment  disposer  la  Savoye,  ne  voyant 
seureté  sur  chose  quelconque;  qu'ils  estoient  vencus 
pour  faire  la  paix  ,  mais  qu'ils  n'eussent  jamais  creu 
d'estre  Iraiclës  de  la  sorte;  qu'ils  le  venoient  trouver 
pour  prendre  acte;  qu'il  n'avoit  pas  teneu  à  eidx  ni  à 
leur  maistre  qu'on  ne  feust  veneu  à  une  conclusion  , 
mais  bien  aulx  François  ,  afin  qu'il  peust  faire  foi  à  sa 
sainctcté  de  cesle  vérité.  Le  légat  leur  feit  response 
avec  beaucoup  d'addresse  ;  et ,  pour  les  divertir  du 
discours  qui  les  portoit  à  la  rupture,  leur  repela  tout 
ce  qui  s'estoit  passé  en  cest  affaire  de  la  paix  ,  monstrant 
que,  de  tous  les  costés,  on  avoit  traicté  réellement  et 
sans  fraude;  qu'à  la  vérité  les  choses  avoient  quelque- 
fois changé ,  mais  que  jamais  on  n'avoit  trompé.  Qu'il 
cognoissoit  fort  bien  ceulx  avec  qui  on  traictoit,  et  par- 
ticulièrement le  naturel  du  roy  de  France,  qui  n'alloit 
pas  seulement  à  l'utile,  mais  beaucoup  plus  à  l'hon- 
neur, lequel  sa  majesté  mesnageoit  fort;  ce  qui  estoit 
aisé  a  voir,  parce  qu'il  demeuroit  d'accord  de  tout  ce 
qui  avoit  esté  traicté  avec  le  roy  d'Espaigne  et  le  car- 
dinal d'xlutriche;  mais  qu'il  ne  pouvoit  souffrir  qu'ung 
sien  inférieur  retinst  son  bien  ,  et  voulleust  traicter 
avec  sa  majesté  avec  tant  d'advantage;  qu'il  ne  sçavoit 
pas  bien  ce  que  les  François  pouvoient  ou  voulloient 
£iire;  mais  que  ,  quand  on  debvroit  despescher  ung 
aultre  courrier,  le  temps  pour  avoir  la  response  n'es- 
toit  poinct  si  long,  que  quand  ils  le  debvroient  perdre, 
ils  ne  deussent  l'attendre,  ung  chacung  gardant  cepen- 
dant ce  qu'il  tenoit.  Il  leur  feit  comprendre  que  le  roy 


SgS  RELATION 

de  France  ne  pouvoit  pas  faire  voler  une  armée  contre 
la  Flandres  et  le  roy  d'Espaigne;  et  que  ce  qu'il  avoit 
de  trouppes  en  Bretaigne  n'estoit  pas  pour  venir  en  Pi- 
cardie; la  plus  grande  partie  de  ceulx  qui  servoient  là 
sa  majesté  le  faisoient  plus  pour  se  délivrer  du  duc  de 
Mercœur  que  pour  aultre  respect.  Les  Flamands  ne 
contredirent  poinct  à  ces  raisons  ,  mais  ils  lui  feirent 
instance  qu'il  feist  paroistre  quelque  effect  de  son  auc- 
torité;  lui  tesmoignans  au  reste  beaucoup  de  respect  et 
une  grande  créance;  sur  quoi  ils  prirent  congé  de  lui. 
.  Le  légat  envoya  quérir  les  François,  et  les  pressa  plus 
qu'il  n'a  voit  jamais  faict  de  lui  dire  ce  qu'ils  pou  voient 
faire.  Ils  lui  respondirent  que  le  roy  ne  leur  avoit  donné 
aulcung  pouvoir  de  conclure  quoi  que  ce  peust  estre 
avec  le  duc  de  Savoye,  s'il  ne  restituoit  le  marquisat  de 
Saluées  ;  mais  qu'ils  apprenoient  de  leurs  amis  qui 
avoient  la  familiarité  du  roy,  que  s'il  adoulcissoit  l'es- 
prit de  sa  majesté  avec  quelque  restitution ,  ils  espe- 
roient  avec  grand  fondement  qu'elle  consentiroit  à  ung 
accord.  Le  légat  leur  demanda  si,  avec  ceste  condition, 
ils  avoient  plus  d'espérance  de  succès  qu'à  l'aultre  pro- 
position. Ils  respondirent  qu'oui.  Le  légat  leur  protesta 
que  s'il  en  alloit  aultrement,  qu'il  publieroit  qu'on  lui 
auroit  manqué  de  parole.  Ils  s'arresterent  à  lui  faire 
voir  avec  de  puissantes  raisons  qu'ils  avoient  tousjours 
procédé  avec  vérité;  que  ç.'avoit  esté  sans  fraude,  et 
qu'ils  avoient  désiré,  comme  ils  desiroient  encores,  la 
paix;  et  puis  prirent  congé  du  légat,  le  laissans  en 
meilleure  humeur  qu'il  n'estoit  auparavant.  On  parla 
depuis  peu  aulx  Flamands ,  qui  se  plaignoient  fort  de 
ce  que  les  François  voulloient  traicter,  n'ayans  pas  de 
pouvoir,  quoiqu'au  commencement  ils  eussent  dict  le 
contraire.  Neantmoins   le   gênerai  feit  tant  avec  eulx 


SUR  LA  PAIX.  399 

qu'ils  consentirent,  et  aussi  Tambassadeur  de  Savoye , 
à  la  restitution  de  Berre,  et  qu'ung  fort  occupé  par  le 
duc  de  Savoye,  près  de  Grenoble,  feut  démoli;  qu'il 
ne  protegeroit  plus  aussi  ung  certain  La  Fortune,  qui 
tenoit  une  place  dans  la  Provence  ;  après  quoi  on  feroit 
suspension  d'armes.  Tous  les  différends  se  remettroient 
au  pape,  selon  le  traicté,  et  qu'on  conclueroit  la  paix. 
Ensuite  qu'on  feroit  toutes  les  diligences  possibles,  et 
qu'on  despescberoit  le  courrier  au  plus  tost. 

Apres  cela,  les  François  feurent  par  civilité  trouver 
les  Espaignols  ,  et  traicterent  ensemble  fort  au  long, 
dressans  les  articles  du  traicté.  Cependant  le  légat 
avoit  l'esprit  en  grande  inquiétude,  se  trouvant  assés 
de  personnes  qui  le  mettoient  dans  les  deffiances,  lui 
asseurant  que  le  roy  ne  voulloit  poinct  la  paix,  et  n'avoit 
jamais  eu  intention  de  la  faire;  qu'il  s'accommoderoit 
avec  la  royne  d'Angleterre  et  les  estats  de  Hollande, 
et  puis  se  mocqueroit  du  légat ,  l'ayant  teneu  cinq  mois 
hors  de  Paris,  assés  indignement  pour  lui  et  pour  le 
pape  ;  qu'il  estoit  donc  temps  qu'il  veist  clair  en  cest 
affaire  et  qu'il  ne  se  laissast  plus  donner  de  vaines 
paroles.  Tous  ces  propos  estoient  autant  de  coups  qui 
perçoient  le  cœur  du  légat,  et  ce  d'autant  plus  vive- 
ment qu'il  ne  se  portoit  pas  bien,  estant  travaillé  du 
mal  de  reins  et  d'une  débilité  d'estomach,  il  n'avoit 
personne  que  le  gênerai  sur  qui  il  peust  descharger 
son  cœur,  encores  estoit  il  lui  mesmestout  ennuyé  de 
tant  de  longueurs  et  de  deffiances.  Nonobstant  tout 
cela  le  légat  estoit  resoleu  de  prendre  patience,  en 
quoi  il  ne  pensoit  pas  faire  de  préjudice  au  pape,  veu 
qu'il  n'estoit  pas  seul  en  cela ,  les  deux  parties  inté- 
ressées estant  obligées  à  la  mesme  chose;  il  ne  pouvoit 
croire,  considérant  le  naturel  du  roy,  d'estre  trompé, 


4  00  REL.iTION 

et  finalement  il  ne  hazardoit  rien  qui  tonchast  le  pape, 
duatiel  il  scavoit  que  le  rov  avoit  besoin»  nécessaire- 

loi»'  O 

ment  en  d'aultres  affaires;  et  que  d'ailleurs  certaine- 
ment sa  majesté  estimoit,  aimoit  et  reverroit  sa  sainc- 
teté;  de  sorte  qu'il  n'y  avoit  poinct  d'apparence  qu'il 
lui  voulleust  faire  ung  affront;  il  consideroit  que  ce 
n'estoit  pas  le  roy  qui  se  retirait  du  traicté,  puisqu'il 
avoit  tousjours  dict  qu'il  voulloit  ravoir  le  marquisat, 
et  qu'il  n'avoit  jamais  donné  espérance  d'aultre  con- 
dition. Il  avoit  donc  pris  une  ferme  resolution  de  ne 
poinct  rompre  ,  d'attendre,  de  répliquer,  de  pryer, 
d'admonester  et  de  persévérer,  sans  en  venir  aulx  pro- 
testations que  quelques  ungs  lui  conseilloient  ;  Testât 
neantmoins  auquel  il  se  trouvoit  estoit  assés  fasclieux, 
son  espérance  estoit  en  dieu ,  aulx  pryeres  du  pape, 
en  la  sincérité  du  roy,  au  besoing  des  aultres,  et  en  la 
confiance  qu'avoient  en  lui  toutes  les  deux  parties  qui 
s'y  fîoient  entièrement,  cognoissans  sa  neutralité  et 
sa  volonté  exemptes  de  tout  interest  et  de  toute  pas- 
sion. 

Les  députés  s'estans  trouvés  plusieurs  fois  ensemble, 
ayans  recapitulé  tout  le  passé,  et  de  nouveau  con- 
veneu  avec  l'ambassadeur  de  Savoye,  on  tint  le  2 5 
l'assemblée  devant  le  légat,  en  laquelle  M.  deBellievre 
rapporta  tout  ce  qui  s'estoit  passé  en  l'affaire  de  Savoye, 
et  répéta  la  première  proposition  qu'on  avoit  escriteau 
roy;  laquelle,  comme  il  dict,  n'ayant  pas  esté  acceptée 
par  sa  majesté,  afin  de  ne  pas  rompre  le  traicté,  on 
avoit  conveneu  de  nouveau  de  renvoyer  ung  courrier 
au  roy,  avec  lettres  expresses,  par  lesquelles  il  estoit 
porté  que  le  duc  de  Savoye  offroit  de  rendre  à  sa  ma- 
jesté, deux  mois  après  la  signature  des  articles,  la 
place  de  Berre,  de  desmolir  le  fort  d'auprès  Grenoble 


SUR  LA  PAIX.  .  /401 

et  d'abandonner  la  protection   du    capitaine    La  For- 
tune, qui  tient  une  place  de  la  couronne  de  France 
dans  la   Provence,  remettant  tout   le   reste  au  pape, 
comme  on  avoit  conveneu  au  précèdent.  M.  de  Bel- 
lièvre  ayant  fini ,  M.  le  légat  demanda  si  tous  consen- 
toient  à  cela;  ils  respondirent  qu'oui,  et  l'ambassadeur 
de  Savoye  le  prya  le  mieulx.  qu'il  peut  d'y  contribuer 
sa  faveur  :  cela  faict ,  cest  ambassadeur  se  retira,   et 
tous  les  aultres  demeurèrent ,  discourans  fort  particu- 
lièrement  sur   beaucoup   de   poincts  qui  importoient 
aulx  deux  couronnes.  Les   François  arresterent  que, 
quand  les  articles  seroient  signés  de  toutes  les  parties, 
on  les  mettroit  entre  les  mains  du  légat ,  mais  qu'on 
tiendroit  la  paix  secrette,  et  que  tous  demeureroient 
dans  Vervins  jusquês  à  la  conclusion;  ils  demandèrent 
aulx  Espaignols  qu'après  la  soubscription  des  articles, 
on  ostast  aussitost  de  Blavet  la   garnison   espaignole 
superfleue  pour  la  garde  de  la  place;  ce  qui  feut  ac- 
cordé par  eulx,  en  donnant  par  les  François  les  barques 
et  commodités  requises  pour  les  tirer  de  là;  à  quoi  les 
François  ayans  répliqué  qu'ils  n'y  estoient  pas  obligés, 
les  aultres  les  en  requirent  de  courtoisie,  promettans 
de  donner  asseurance  que  les  barques  seroient  rame- 
nées; les  François    promirent  de   faire   leur   possible 
pour  l'obtenir,  mais  ils  firent  quant  et  quant  paroistre 
qu'il  n'y  auroit  pas  grande  difficulté;  ils  feirent  tous 
leurs  excuses  au  légat  de  ce  qu'ils  s'arrestoient  si  long 
temps,  et  lui  faisoient  souffrir  tant  d'incommodités  en 
ce  lieu  là.  Il  repartit  qu'il   estoit   vrai  qu'il  souffroit, 
mais  que  c'estoit  plus  de  l'esprit  que  du  corps,  et  qu'il 
ne  falloit  pas  prendre  garde  à  cela ,  estant  vrai   que 
pour  conduire  à  bonne  fin  ung  si  sainct  ouvrage ,  il 
n'en  partiroit  volontiers  de  dix  ans;  mais  il  les  remercia 
MÉM.  DB  DuPLKssis-MoR:>îAy.  T031E  VIII.  26 


4o2  RELATION 

tous  au  nom  du  pape  et  au  sien,  de  ce  qu'il  recog- 
noissoit  bien  qu'ils  cheminoient  rondement  et  unani- 
mement tous ,  pour  la  conclusion  de  l'affaire  ;  sur 
quoi  il  tomba  en  une  telle  tendresse  qu'on  lui  vit  jetter 
des  larmes.  Il  pressa  l'expédition  du  courrier,  et  escri- 
vit  au  roy  une  lettre  pleine  d'affection,  le  pryant  avec 
beaucoup  de  raisons  qu'il  acceptast  les  conditions,  il 
la  monstra  aulx  François  qui  en  feurent  fort  satisfaicts. 
Il  parla  à  tous  deux  à  part,  qui  lui  donnèrent  bonne 
espérance,  et  lui  dirent  que  la  raison  pour  laquelle  on 
voulloit  tenir  la  paix  secrette  ,  estoit  pour  donner  ceste 
satisfaction  aulx  confédérés,  qu'ils  eussent  du  temps 
pour  y  entrer ,  mais  qu'encores  qu'on  en  usast  ainsi ,  le 
roy  n'entendoit  pas  gaster  les  affaires  en  leur  considé- 
ration. Ils  parloient  et  avoient  negotié  en  sorte  qu'on 
pouvoit  croire  qu'ils  avoient  la  conclusion  en  main  ; 
neantmoins  ils  ne  voulleurent  jamais,  ni  en  public  ni 
en  particulier ,  rien  promettre  ni  dire  qu'ils  eussent 
aulcung  pouvoir. 

Le  lendemain  matin,  qui  feut  le  26  mars,  le  cour- 
rier partit  avec  le  paquet  pour  le  roy.  Depuis  son  par- 
lement, les  François  receurent  des  lettres  de  M.  de 
Villeroy,  par  lesquelles  il  asseuroit  qu'encores  que  la 
paix  eust  beaucoup  d'ennemis,  le  roy  perseveroit  à  la 
voulloir;  et,  depuis  celles  là,  il  en  vint  d'aultresqui  ac- 
cusoient  l'arrivée  du  courrier,  et  excusoient  le  roy  de 
ce  qu'il  n'avoit  pas  encores  faict  response,  asseurant 
que  sa  majesté  n'avoit  supersedé  que  sur  l'attente  des 
HoUandois  ,  pour  traicter  avec  eux  ;  et ,  quant  à  l'An- 
gleterre ,  ils  disoient  qu'on  avoit  negotié  avec  l'ambas- 
sadeur de  la  royne  qui   estoit  disposée  à  la  paix. 

Le  légat  estoit  cependant  fort  en  suspens  et  fort  tra- 
vaillé, espérant   d'ung  costé  et  craignant  de  l'aultre, 


SUR  LA  PAIX.  4o3 

en  ce  qu'il  lui  sembloit  que  Testât  des  affaires  chan- 
geoit,  car  le  duc  de  Savoye  avoit  pris  la  Maurienne, 
faict  beaucoup  de  prisonniers,  et  entre  aultres  CrequY, 
gendre  de  Lesdiguieres,  avec  vingt  capitaines.  Lesdi- 
guieres  avoit  despuis  pris  le  fort  de  Barrault  par  force 
en  une  escalade  ,  et  le  capitaine  La  Fortune  s'estoit 
accordé  avec  le  mareschal  de  Biron.  Il  ne  restoit  rien 
à  faire  du  nouveau  traicté,  sinon  la  restitution  de  la 
place  de  Berre;  les  François  donnoient  bon  courage, 
asseurans  que  tous  ces  accidens  surveneus  n'alteroient 
en  rien  l'affaire  de  la  paix.  D'aultre  costë,  ils  se  plai- 
gnoient  qu'alors  qu'on  estoit  le  plus  avant  dans  le 
traicté  de  paix ,  le  duc  de  Savoye  avoit  faict  de  nou- 
velles entreprises.  Les  Flamands,  daultre  costé,  di- 
soient que  le  roy  voulloit  faire  ses  affaires  sur  le  pré- 
texte du  traicté  de  paix,  et  qu'après  les  avoir  faicts  il 
recommenceroit  la  guerre,  ayant  desjà  accommodé  de 
ceste  sorte  les  affaires  de  Bretaigne  avec  le  duc  de  Mer- 
cœur,  n'attendant  que  le  temps  pour  rompre  le  traicté 
quand  il  le  jugeroit  à  propos. 

Les  ungs  et  les  aultres  alloient  faire  leurs  plainctes 
au  légat;  et,  bien  que  cela  le  fascbast  assés,  il  les  ap- 
paisoit  neantmoins  par  bonnes  raisons ,  faisant  voir 
aulx  Flamands  que  le  roy  avoit  beaucoup  d'affaires 
bien  importans,  et  qui  le  pressoient,  âulxquels  ils  ne 
pouvoient  remédier  qu'en  faisant  la  paix,  que  jusques 
à  la  fin  il  lui  estoit  impossible  de  croire  qu'on  le  trom- 
past;  qu'en  tout  cas  il  n'y  avoit  trefve  qu'à  quattre 
lieues  aulx  environs  d'où  ils  estoient,  et  qu'on  n'em- 
peschoit  personne  de  penser  à  soi  et  de  faire  ses  af- 
faires ;  d'aultre  costé,  il  asseuroit  les  François  que  le 
cardinal  Albert  ne  feroit  rien  qui  peust  prejudicier  à 
la  paix ,  veu  qu'elle  lui    estoit   si    advantageuse    que 


4o4  RELATION 

par  son  moyen  il  gaignoit  la  Flandres,  et  l'infante  pour- 
femme,  par  le  mariage  de  laquelle  il  pouvoit  aspirer 
au  royaulme  d'Espaigne,  n'y  ayant  comme  rien  qui 
l'empeschast  d'y  parvenir.  Il  ne  se  peult  dire  combien 
le  légat  prit  de  peine  en  ce  temps,  qui  feut  de  beau- 
coup de  jours,  après  lesquels  le  courrier  reveint  d'Es- 
paigne,  qui  apporta  les  pouvoirs  de  traicter  et  accorder 
avec  l'Angleterre,  avec  les  contreseings  nécessaires 
pour  le  demantellement  de  Blavet;  le  roy  le  sceut,  et 
feit  instance  qu'on  tinst  les  choses  secrettes  à  Vervins, 
se  plaignans  par  ses  lettres  que  le  courrier  avoit  dict 
beaucoup  d'impertinences  en  son  passage  par  la  France, 
c'est  à  sçavoir  que  la  paix  estoit  faicte;  et  que  si  le  duc 
de  Savoye  ne  se  voulloit  accorder  avec  le  roy  d'Es- 
paigne,  il  l'abandonneroit  :  tous  ces  desgousts  venoient 
au  légat,  lequel  d'abondant  entendoit  semer  de  mau- 
vaises nouvelles  de  Paris  dans  sa  maison,  par  lesquelles 
on  donnoit  advis  que  le  roy  se  mocquoit  du  pape  et 
du  légat;  cela  l'afQigeoit,  et  neantmoins  il  demeuroit 
ferme,  asseurant  tantost  l'une  des  parties,  et  tantost 
l'aultre;  et  véritablement  ne  se  retiroient  jamais  d'au- 
près de  lui  qu'elles  ne  feussent  en  repos. 

Il  tenoit  tout  l'affaire  secret  sans  en  rien  commu- 
niquer à  pas  ung  des  siens ,  ce  qui  ne  laissoit  pas  de 
lui  donner  de  la  peine,  parce  qu'ils  l'importunoient 
sur  cela  de  leurs  plainctes,  tant  par  personnes  qui  les 
lui  rapportoient  qu'en  parlant  mesme  à  lui.  C'est  une 
merveille  qu'il  ne  lui  survint  poinct  de  maladie  causée 
par  l'agitation  qui  lui  venoit  de  tant  de  lieux  ,  en  ung 
affaire  de  si  grande  importance. 

Estant  en  toutes  ces  peines  la  nuict  du  i4  d'avril, 
le  courrier  retourna  ;  Iç  gênerai  le  sceut  avant  le  légat, 
et  le  lendemain  matin  il  lui  en  vint  donner  advis,  sans 


SUR  LA  PAIX.  4o5 

sçavoir  quelle  response  il  apportoit.  Il  sonda  là  dessus 
M.  de  Sillery;  mais  il  n'en  peut  rien  tirer  :  cela  donna 
bien  de  la  peine  au  légat ,  craignant  que  la  royne  ne 
persistast  à  voulloir  ravoir  le  marquisat;  car  il  faisoit 
de  mauvaises  conjectures  de  ce  que  les  François  tar- 
doient  a  lui  venir  donner  advis,  et  de  ce  qu'ils  ne 
s'estoient  voulleus  descouvrir  de  quoi  que  ce  feust  au 
gênerai. 

Quelque  temps  les  François  veinrent  trouver  le  lé- 
gat, et,  avec  ung  long  circuit  de  paroles,  M.  de  Bel- 
lievre  dict  que  le  roy  vouUoit  la  paix,  qu'il  n'avoit 
poinct  changé  d'advis  ,  et  qu'il  ne  voulloit  pas  innover 
une  seule  syllabe  en  tout  ce  qui  avoit  esté  concerté; 
qu'il  acceptoit  les  conditions  proposées  pour  le  regard 
du  duc  de  Savoye  ,  c'est  à  sçavoir  que  la  place  de 
Berre  lui  feust  rendeue  ,  et  que  ses  prétentions  sur  le 
marquisat  de  Saluées  feussent  remises  au  jugement  du 
pape,  comme  on  avoit  arresté;  mais  qu'il  voulloit, 
oultre  cela,  absolument,  que  le  cardinal  Albert  feist 
une  trefve  de  quattre  mois  avec  l'Angleterre  et  avec 
les  estats  de  Hollande,  afin  qu'ils  eussent  du  temps 
pour  convenir  avec  le  cardinal  de  la  paix  dont  il  espe- 
roit  venir  à  bout,  encores  que  les  Hollandois  feissent 
tous  leurs  efforts  pour  faire  continuer  la  guerre,  et 
qu'il  estoit  content  qu'aussitost  que  le  cardinal  auroit 
accepté  ceste  trefve,  on  feist  la  paix  entre  France, 
Espaigne  et  Savoye,  et  qu'on  en  signast  les  articles, 
qui  seroient  mis  entre  les  mains  du  légat,  pour  n'estre 
publiée  qu'après  qu'on  auroit  veu  ce  qui  arriveroit  du 
surplus. 

Geste  response  feut'fort  agréable  au  légat,  et  en 
rendit  grâces  à  Dieu  ;  elle  lui  feut  confirmée  par  une 
lettre  du  roy  très  chrestien,   fort   pleine  et  remplie 


4o6  RELATION 

d'affection  et  d'honneur,  premièrement  envers  le  pape, 
et  puis  à  Tesgard  de  sa  propre  personne. 

Avant  que  les  François  se  retirassent,  il  feit  appeller 
le  gênerai ,  et  voulleut  que  M.  de  Bellievre  repetast  la 
mesme  chose  qu'il  lui  avoit  desjà  dicte;  le  gênerai  se 
chargea  de  l'aller  faire  sçavoir  aulx  députés  du  car- 
dinal Albert,  archiduc  d'Autriche,  comme  il  feit,  et 
ung  peu  après  ils  feurent  trouver  les  François,  où  ils 
convinrent  après  beaucoup  de  répliques  que  le  pré- 
sident Richardot  iroit  rendre  compte  de  la  response 
du  roy  au  cardinal,  et  rapporteroit  la  resolution  de  la 
trefve  proposée.  Il  partit  en  poste  le  quinziesme  d'avril, 
avant  le  jour.  Ils  ne  donnèrent  pas  part  de  tout  cela  à 
l'ambassadeur  de  Savoye  ,  de  peur  qu'il  ne  le  divul- 
guast;  de  quoi  il  tesmoigna  beaucoup  de  ressenti- 
ment; mais  le  légat  l'appaisa,  lequel  sçavoit  si  bien 
faire,  qu'ils  demeuroient  dans  l'observation  de  ce  qu'il 
leur  voulloit  persuader,  sans  que  personne  le  contre- 
dist,  l'aimant  et  l'estimant  tous  plus  qu'on  ne  sçau- 
roit  dire. 

Le  retour  du  président  feut  le  i8  avril  à  midi,  et 
lors  le  gênerai  le  feut  trouver,  pour  sçavoir  quelles 
nouvelles  il  apportoit;  il  lui  dict  que  le  cardinal  n'avoit 
nullement  voulleu  accepter  le  parti  de  la  trefve  avec 
les  Hollandois,  pour  ce  qu'il  y  alloit  de  son  honneur 
et  de  celui  du  roy  d'Espaigne,  de  faire  trefve  avec  des 
vassaulx  rebelles ,  qui  se  vantoient  partout  qu'ils  ne 
voulloient  poinct  de  paix  ni  de  trefve  avec  le  vieulx 
roy  d'Espaigne  ;  le  président  s'excusa  de  n'avoir  peu 
obtenir  dadvantage  du  cardinal,  le  pryant  de  reporter 
cela  au  légat ,  mais  qu'il  n'en  parlast  pas  sitost  aulx 
François;  le  gênerai  s'en  alla  fort  mal  satisfaict  trouver 
le  légat,  et  lui  feit  rapport  de  tout  :  cela  le  fascha  in» 


SUR  LA  PAIX.  407 

finiment.  Il  consulta  avec  le  gênerai  ce  qui  se  debvoit 
faire,  pour  ne  pas  rompre  là  dessus  le  Iraicté  de  paix. 
Apres  beaucoup  d'advis  ,  ils  se  resoleuront  d'envoyer 
quérir  les  François ,  et  que  le  légat  leur  feist  entendre 
priveenient  ceste  response,  leur  demandant  conseil  de 
ce  qui  se  debvoit  faire,  pour  ne  pas  rompre.  MM.  de 
Beîlievre  et  de  Sillery  tesmoignerent  estre  fort  piqués 
de  ceste  nouvelle,  disans  qu'ils  avoient  esté  trompés, 
et  qu'ils  avoient  trompé  leur  roy,  ayant  escrit  à  sa 
majesté  sur  les  paroles  des  députés  du  cardinal,  qu'ils 
avoient  une  espérance  comme  certaine  d'obtenir  la 
trefve ,  qu'ils  ne  pouvoient  rien  proposer,  ni  donner 
aulcung  conseil  ;  mais  qu'ils  estoient  resoleus  de  rompre 
à  riieure  mesme,  escrire  au  roy  et  partir,  ne  voullant 
plus  ouïr  parler  de  la  paix  ,  de  laquelle  ils  estoient 
rebutés;  que  ce  qu'ils  avoient  faict  jusques  là  seroit 
sans  doubte  leur  ruyne,  puisqu'ils  avoient  trompé  leur 
roy,  encores  que  sans  y  penser  et  qu'ils  l'eussent  esté 
les  premiers,  le  légat  leur  laissa  jetter  leur  coîere, 
et  avec  beaucoup  de  patience  taschoit  de  les  adouîcir. 
Il  leur  dict  que  s'ils  vouiloient  rompre ,  il  ne  les  pou- 
voit  pas  empcscber;  mais  qu'il  estimoit,  quant  à  lui, 
qu'il  le  falloit  éviter;  il  leur  proposoit  quelques  ou- 
vertures pour  les  entretenir ,  et  laisser  reposer  leur 
bile. 

Cependant  il  feit  venir  le  gênerai ,  lequel  veneu  rap- 
porta  tout  ce  qu'avoit  dict  le  président  Ricbardot , 
comme  il  l'avoit  desjà  faict  entendre  au  legat.  Il  dict 
aussi  aulx  François  qu'il  leur  estoit  libre  de  rompre; 
mais  qu'il  seroit  tousjours  temps,  et  qu'il  n'estimoit 
pas  qu'ils  le  deussent  faire  qu'ils  n'eussent  entendeu 
la  response  de  la  propre  boucbe  du  président  Ri- 
cbardot. M.  de  Beîlievre  s'allentit  ung  peu,  disant  que 


4o8  RELATION 

ce  n'estoit  pas  à  eulx  à  rompre,  mais  au  roy  ;  qu'ils 
seroient  bien  aise  d'avoir  une  response  précise  à  l'heure 
mesme  pour   despescher  ung  courrier  à  sa  majesté, 
qui  avoit   tousjours  entreteneu   ses    confédérés   pour 
s'accommoder  avec  eulx  ,  au  cas  qu'on  ne  condescendist 
pas  à  la  trefve;  qu'au  surplus  ils  ne  desiroient  pas  qu'on 
les  amusast  pour  estre  ruynés  auprès  du  roy,  comme 
c'estoit  peult  estre  le  desseing  des  Espaignols;  qu'ils 
vouUoient  donc  avoir  response,  et  qu'eulx,  estans  allés 
faire  la  proposition ,  la  civilité  voulloit  que  les  aultres 
leur  vinssent  rendre  la  response  ;  le  gênerai  respondit 
que  cela  estoit  de  la  bienséance  ,  mais  que  Richardot 
estoit  vieil ,  et  fort  las  d'avoir  coureu  la  poste  ;  qu'il 
croyoit  qu'on  debvoit  attendre  jusques  au  lendemain  , 
veu  mesmement  qu'il  estoit  desjà  nuict.  Les  François 
ne  voulloient  poinct  consentir  à  cela ,  et  disoient  affir- 
mativement  qu'ils  voulloient  despescher   sur  l'heure 
mesme  ung  courrier.  Le  légat ,  voyant  ceste  resolu- 
tion, et  d'aultre  costé  lui  semblant  que  M.  de  Bellievre 
s'adoulcissoit  ung  peu  ,  proposa  que  le  gênerai  allast 
trouver  les  Flamands,  et  leur  feist  rapport  de  ce  qui 
s'estoit  passé  avec  M.  le  légat ,  leur  disant  que  les  Fran- 
çois ne  voulloient  pas  attendre  dadvantage ,  et  qu'ils 
donnassent  response.  Le  gênerai  s'y  en  alla,  avec  pro- 
messe de  retourner,  aussitost  leur  dire  ce  qu'il  auroit 
negotié,    comme   il    feit.    Cependant   le   légat    tascha 
d'adoulcir  les  François ,  leur  disant  que  le  roy  n'avoit 
pas  subject  de  se  plaindre;  qu'il   ne   s'agissoit  pas  de 
chose  qui  feust  a  mespriser,  et  qu'il  falloit  retarder  la 
rupture  le  plus  qu'on  pourroit  ;  qu'il  estimoit  impos- 
sible qu'il  ne  se  trouvast  quelque  moyen  de  surmonter 
l'empeschement  qui  se  presentoit,   lequel   estoit  fort 
léger,  si  on  consideroit  la  substance  et  riiiiportance 


SUR  LA  PAIX.  409 

de  l'affaire  ;  qu'il   sçavoit  bien   que  les  ï'ianiands  es- 
toient  très  desplaisans  de  cest  accident,  et  que  sans 
doubte  leur  procédé  estoit  franc  ,  comme  ils  pouvoient 
croire  que  avoit  esté  aussi  le  sien  ,  pouvant  dire  qu'il 
avoit  travaillé  de  sorte  en  cest  affaire;  que  pendant 
six  mois  il  avoit  esté  comme  en  croix,  qu'il  sembloit 
qu'il  estoit  juste  que  si  on  debvoit  rompre,  cela  se  feit 
de  sorte  que  sa  saincteté  ne  se  peust  pas  plaindre  de 
tous,  mais  seulement  de  ceulx  qui  en  estoient  cause; 
qu'on  combattoit  pour  ung  petit  poinct  d'honneur; 
qu'on  trouveroit  peuît  estre  moyen  d'accommoder,  et 
qu'en  tout  cas,  ayant  cheminé  droictement  et  ronde- 
ment en  cest  affaire ,  ceulx  qui  en  estoient  fort  bons 
tesmoings  estoient  obligés  par  toutes  sortes  de  consi- 
dérations à  faire  que  le  monde,  qui  juge  des  choses 
par  les  effects ,  cogneust  ici  la  vérité,  puisqu'il  avoit 
servi  le  roy  et  le  royaulme  avec  tant  d'amour  et  d'af- 
fection. M.  de  Bellievre  respondit  qu'il   avoit  raison , 
et  que  c'estoit  à  quoi  on  ne  manqueroit  nullement,  lui 
faschant  extresmement  que  tant  de  peine  et  de  soings 
qu'il  avoit  pris  ne  lui  servist  de  rien. 

Sur  cela  le  gênerai  des  cordeliers  retourna  ,  qui  es- 
toit assés  satisfaict.  Il  les  prya  de  ne  despescher  poinct 
que  le  lendemain  matin;  et  Kichardot,  se  trouvant; 
mal  en  effect;  qu'au  surplus  on  leur  donneroit  peult 
estre  de  telles  raisons,  qu'ils  auroient  moins  de  subject 
de  se  scandaliser;  mais  ils  ne  promirent  pas  pour- 
tant de  ne  poinct  despescher. 

Le  lendemain  matin  les  Espaignols  vinrent  trouver 
le  légat,  et  le  pryerent  instamment  qu'il  trouvast  bon 
que  le  gênerai  allast  à  Bruxelles  ,  afin  que  le  roy  très 
chrestien  eust  ce  qu'il  leur  demandoit,  c'est  à  sçavoir 
qu'on  feist  une  suspension  d'armes  pour  trois  mois.  Le 


4lO  REL.VnON 

légat  le  permit,  et  escrivit  au  cardinal  archiduc,  le 
prvant  d'aîToction  de  voulloir  favoriser,  et  mettre  fin 
au  Iraiclé  de  paix,  sans  voulloir  entrer  en  des  con- 
sidérations qui  n'estoient  pas  de  grand  advantage,  et 
qui  n'estoient  nullement  approuvées. 

Le  gênerai  partit,  et  feut  tant  en  chemin  qu'en  la 
ville  de  Bruxelles  jusques  au  ^5%  escrivit  pendant  ce 
temps  une  lettre  à  M.  le  légat ,  par  laquelle  il  lui  faisoit 
entendre  et  sçavoir  accortement  et  adroictement  que 
l'affaire  alloit  bien.  Estant  de  retour,  il  rapporta  que 
le  cardinal  trou  voit  bon  de  donner  sa  parole  pour  le 
temps  de  deux  mois ,  et  non  plus.  Il  y  eut  beau- 
coup d'allées  et  de  veneues ,  et  de  contestations  entre 
les  François  et  les  députés  flamands.  Enfin  les  Fran- 
çois et  les  aultres  s'accordèrent  à  soubscrire  les  articles 
en  la  façon  qu'il  avoit  esté  arresté  auparavant ,  sans 
faire  aulcune  mention  des  confédérés ,  et  travaillèrent 
à  accorder  leurs  escritures.  Estant  absolument  d'accord 
sur  tous  les  chefs,  ils  se  donnèrent  entre  eulx  la  parole 
de  faire  la  suspension  d'armes  avec  les  confédérés  pour 
deux  mois  seulement,  qui  commenceroient  à  courir  du 
jour  de  la  ratification  de  la  paix  par  les  deux  couronnes 
et  la  Savoye. 

Cela  ainsi  arresté,  le  diable  ne  manqua  pas  de 
semer  de  nouvelles  zizanies.  Lorsqu'il  falleut  estendre 
lesdicts  articles  de  la  paix  entre  les  deux  couronnes  , 
il  survint  là  dessus  beaucoup  de  difficultés,  et  quasi 
une  rupture  entière  ,  parce  que  les  députés  françois 
voulloient,  h  cause  du  royaulme  de  Navarre,  mettre 
tout  expresseement  que  la  prescription  ne  pourroit 
prejudicier  au  roy  très  chrestien  de  France,  et  les  Fla- 
mands ne  le  voulloient  pas  consentir  en  aulcune  façon, 
leur  semblant  que  c'estoit  altérer  et  faire  tort  aulx  rai- 


SUR  LA  PAIX.  4ri 

sons  ^\i\  poiivoient  estre  acquises  au  roy  d'Espaigne  , 
leur  maislre,  etc. 

On  alla  et  vint  tant  sur  cela,  qu'enfin  les  députés 
françois  trouvèrent  bon  qu'on  n'en  parlast  poinct  du 
tout.  Ils  estendirent  les  articles,  et  contre  la  volonté 
et  contre  le  gré  du  légat  ils  voulleurent  envoyer,  par 
courrier  exprès,  au  cardinal  Albert,  disant  que,  comme 
il  estoit  si  voisin  et  si  proclie ,  il  sembloit  qu'il  y  avoit 
trop  d'incivilité  et  trop  peu  de  courtoisie  à  ne  l'en  pas 
faire  participant. 

On  les  renvoya  donc;  et,  en  attendant  la  response, 
on  estendit  les  articles  du  traicté  avec  M.  le  duc  de 
Savove,  où  il  y  eut  encores  beaucoup  de  difficultés. 

Le  légat  se  Irouvoit  lors  plein  de  bonne  espérance, 
estant  asseuré  par  les  parties  qu'il  ne  pouvoit  naistre 
aulcung  inconvénient,  neantmoins  il  craignoit,  et  d'ail- 
leurs il  pensoit  aulx  moyens  de  despescher  secrette- 
ment  à  Pvoîue ,  selon  que  les  François  lui  en  avoient 
donné  advis.  Cela  se  passa  ainsi  entre  le  27^  et  dernier 
jour  du  mois  d'avril;  auquel  jour,  à  midi,  le  courrier 
qui  avoit  esté  envoyé  à  Bruxelles   devers  le  cardinal 
arcbiduc,   retourna   avec  lettres  dudict   cardinal   ar- 
cbiduc  à  ses  députés,  par  lesquelles  lettres  il  approu- 
voit  tout  ce  qui  avoit  esté  par  eulx  negotié  sans  y  rien 
cbanger,  sinon  en  cliose  de  peu  de  conséquence,  et 
ainsi  on  se  mit  à  baster  les  escritures,  et  convenir  en 
mesme  temps  en  ce  qui  concernoit  la  Savoye,  pour 
laquelle  il  y  avoit  de  la  difficulté  ,  à  cause  de  la  res- 
titution des  pris«onniers,  car  l'ambassadeur  de  Savoye 
disoit  que  le  duc,  son  maistre,  en  ayant  beaucoup  plus 
que  les  François,   il  entendoit   qu'ils   feussent   n:iis  à 
rançon,  et  les  François  en  faisoient  instance  au  con- 
traire,  et  disoient  que,  ayant  esté  conveneu  avec  les 


4l2  RELA^TION  SUR  LA  PAIX. 

Espaignols  qu'on  restitueroit  librement  tous  ceulx  qui 
n'avoient  poinct  arresté  leur  rançon,  sans  avoir  esgard 
au  moindre  ou  plus  grand  nombre,  on  debvoit  faire 
le  mesme  parti  avec  la  Savoye. 

On  différa  sans  conclure  jusques  au  lendemain,  qui 
feut  le  I*'  jour  du  mois  de  mai,  où  il  survint  beau- 
coup de  difficultés,  qui  feurent  toutes  surmontées  par 
le  respect  que  l'on  porta  au  légat,  lequel  y  eut  assés 
de  mal.  Enfin  estans  tous  assemblés  devant  lui,  les 
articles  feurent  soubscrits,  et  mis  entre  ses  mains  pour 
estre  teneus  secrets  pendant  ung  mois,  si  faire  se  pou- 
voit ,  et  puis  rendeus  aulx  parties  avec  ceste  condi- 
tion, que  si  plus  tost  elles  estoient  d'accord  de  les 
retirer,  il  pleust  les  leur  restituer. 

On  despescha  ung  courrier  pour  en  donner  advis 
aulx  deux  roys,  à  quattre  heures  après  midi,  selon 
qu'on  compte  en  France ,  les  escritures  n'ayant  peu 
estre  achevées  le  soir  d'auparavant.  Dieu  soit  loué  de 
tout,  qui  par  son  infinie  puissance  et  miséricorde  feit 
tout  cest  affaire  par  les  mérites  de  sa  saincteté,  et 
pour  l'utilité  générale  de  toute  la  chrestienté. 


CXLT.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

.      ^  MM.  de  Bellievre  et  de  Slllerj, 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  ,  vostre  lettre  du  26 
avril  ,  que  j'ai  receue  ce  matin  ,  m'a  délivré  de  la  peine 
en  laquelle  je  vous  escrivis  hier  par  courrier  exprès, 
que  m'avoit  mis  le  long  temps  qui  s'estoit  passé  depuis 
celle  du  i4,  sans  avoir  receu  d'aultres  de  vous  pour 
les  raisons  portées  par  icelle  ;  mais  ayant  appris  par 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  4i3 

celle  ci  les  causes  de  vostre  silence ,  et  de  ce  qui  s'en 
est  ensuivi  j'en  demeure  très  satisfaict ,  et  vous  re- 
mercie du  bon  debvoir  que  vous  m'aves  faict  pour  me 
servir  en  ceste  occasion  si  fidèlement  et  heureusement 
que  vous  avés  faict. 

Vous  avés  esté  advertis  par  les  lettres  qui  vous  ont 
esté  escrites  le  22  et  27  avril  par  la  voye  de  Louvet, 
du  départ  des  ambassadeurs  d'Angleterre  et. d'Hollande, 
et  comme  il  m'a  esté  impossible  de  les  retenir  dadvan- 
tage ,  ayans  les  ungs  et  les  aultres  faipt  contenance 
d'estre  très  mal  centens  de  moi  ;  les  premiers  poitr 
m'estre  advancé  de  traicter  sans  eulx ,  et  les  aultres 
pour  n'avoir  peu  me  faire  changer  la  volonté  que  je 
leur  ai  déclarée  avoir  de  recouvrer  mes  places  par  la 
paix  ;  enfin  ,  j'ai  promis  aulxdicts  Anglois  de  ne  ratifier 
de  quarante  jours  les  articles  que  vous  aurés  signés, 
dedans  lequel  temps  ils  m'ont  aussi  promis  qu'ils  re- 
tourneront avec  la  volonté  de  leur  maistresse  pour  en- 
trer au  traicté,  ou  pour  s'en  retirer  du  tout.  Ce  feut 
le  24  ou  25  dudict  mois  qne  je  leur  feis  ceste  promesse, 
pour  laquelle  toutesfois  je  n'entends  pas  de  différer 
d'ung  jour  à  faire  mes  affaires,  si  ce  délai  me  peult 
prejudieier  ;  car  je  n'ai  que  trop  d'occasion  de  croire 
qu'il  m'a  esté  demandé  autant  pour  avoir  le  loisir  et 
moyen  de  traverser  et  de  rompre  ladicte  paix  que  pour 
la  favoriser  ;  enfin  ,  je  me  conduirai  en  cela  comme  je 
cognoistrai  que  les  aultres  se  gouverneront  en  mon 
endroict ,  et  qu'il  sera  utile  pour  mon  service ,  lequel 
je  veulx  préférer  à  toute  aultre  considération. 

Et  suis  bien  de  vostre  advis  que  nous  ne  debvons 
changer  le  lieu  de  l'assemblée,  du  moins  que  mes  villes 
ne  m'ayent  esté  rendeues,  afin  d'y  estre  assisté  de  l'auc- 
torité  de  M.  le  légat  et  de  sa  présence  ;  mais  j'espère 


4l4  LETTRE  DU  ROY 

estre  si  près  de  vous  dedans  ce  temps  là,  que  j'en  pourrai 
conférer  avec  vous  pour  m'en  resouldre  par  vostre  bon 
conseil. 

Quant  aulx  Hollandois,  je  les  ai  trouvés  sur  la  fin 
encores  plus  durs  à  la  paix  et  difficiles  à  gouverner 
qu'au  commencement,  disans  n'avoir  aultre  pouvoir 
que  de  m'offrir  leurs  forces  pour  continuer  la  guerre, 
si  je  m'y  voullois  resouldre  ,  sans  seulement  me  laisser 
aulcune  espérance  de  les  disposer  à  ladicte  paix ,  jus- 
ques  à  m'avoir  refusé  leur  parole  sur  l'observation  de 
là  trefve,  dont  je  leur  ai  dict  vous  avoir  commandé 
de  faire  instance  en  cas  qu'elle  feust  accordée  par  le 
cardinal  archiduc,  voire  mesmes  une  simple  cessation 
d'entreprise  sur  les  places  et  actes  d'hostilité  de  part 
et  d'aultre;  bien  m'ont  ils  dict  que  je  pouvois,  si  bon 
me  sembloit,  envoyer  quelqu'ung  devers  leurs  supé- 
rieurs, pour  leur  en  faire  ouverture,  à  laquelle  peult 
estre  qu'ils  s'accounnoderoient  pour  ma  seule  considé- 
ration plus  que  pour  leur  commodité. 

Sur  ceste  incertitude ,  j'a vois  délibéré  d'envoyer  après 
eulx  en  leur  pays  le  sieur  de  Buzenval ,  tant  pour  gai- 
gner  ce  poinct ,  que  pour  les  exhorter  et  disposer  à  la- 
dicte paix  ,  sans  laquelle  en  vérité  je  n'estime  pas  qu'ils 
puissent  subsister;  mais  je  crains  la  longueur  et  incer- 
titude dudict  voyage.  C'est  pourquoi  je  m'en  vais  des- 
pesclier  devers  lui  ung  courrier  exprès  (  car  je  lui  ai 
commandé  accompaigner  lesdicts  deputésjusques  à  Pa- 
ris), par  lequel  je  lui  ordonnerai  leur  dire  que,  s'ils  ne 
veullent  ou  peuvent  me  donner  la  foi  et  parole  de 
leursdicts  supérieurs  sur  l'observation  de  ladicte  ces- 
sation, qui  a  esté  accordée  en  ma  considération  avec 
toutes  les  peines  çt  difficultés  du  monde,  je  n'entends 
pas  m'y  engager  plus  avant ,  et  je  vous  escrirai  après 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  4i5 
leur  response;  mais  comme  cependant  je  ne  veulx  abu- 
ser personne,  vous  dires  aulx  ambasseurs  dudict  car- 
dinal archiduc  ,  que  je  n'enlends  poinct  qu'ils  demeu- 
rent obligés  à  l'observation  de  ladicte  cessation,  ni 
aussi  estre  obligé  pour  lesdicts  estast ,  sur  ce  qui  a  esté 
conveneu  entre  nous  a  ma  pryere,  jusques  à  ce  que  je 
les  asseure  que  lesdicts  estats  l'ayent  acceptée,  les  re- 
merciant de  la  bonne  volonté  que  ledict  sieur  cardinal 
archiduc  a  voulleu  me  tesmoigner  en  cest  endroict, 
dont  j'espère  me  revancher  bientost. 

Lespryans,  au  reste,  de  n'adjouster  foi  aulx  advis 
qui  leur  sont  donnés  d'Angleterre  et  de  Hollande  pour 
les  faire  entrer  en  deffîance  de  ma  foi  ;  car  ce  sont 
toutes  inventions  de  gens  qui  portent  envie  à  nostre 
accord,  et  qui  n'obmettront  aulcune  sorte  d'artifice 
pour  le  rompre. 

Il  fault  aussi  qu'ils  considèrent  que  je  ne  doibs  dés- 
espérer personne  de  mon  amitié ,  que  nostre  traicté 
ne  soit  accordé,  et  signé  comme  il  doibt  estre,  leur 
disans  qu'ils  doibvent  s'arrester  aulx  effects,  et  non 
aulx  bruicts  et  paroles  qui  se  publient.  Ores ,  si  vous 
avés  suivi  vostre  project ,  ledict  traicté  aura  esté  au- 
jourd'hui signé  et  livré  en  forme  audict  sieur  légat, 
dont  je  serai  adverti  avant  que  ce  courrier  arrive  à 
vous;  toutesfois  si  la  chose  n'estoit  encores  faicte,  je 
vous  prye  de  ne  la  différer  et  retarder  plus  après  la 
réception  de  la  présente  ;  car  je  veulx  terminer  ce 
faict  pour  le  bien  et  repos  de  mon  estât ,  sans  m'arres- 
ter  dadvantage  aulx  interests  d'aultrui,  ayant  suffisam- 
ment salisfaict  pour  ce  regard  au  debvoir  de  ma  foi. 

Mais  faictes  qu'ils  envoyent  en  diligence  à  Blavet 
pour  faire  cesser  les  fortifications  que  continuent  à 
fajre  ceulx  qui  sont  dedans  ,   et  diminuer  à  deux  cens 


4i6  LETTRE  DU  ROY 

hommes ,  ainsi  que  je  vous  ai  escrit ,  les  quinze  ou  seize 
cens  hommes  qui  y  sont ,  afin  que  je  ne  sois  contrainct 
de  laisser  une  armée  par  deçà  quand  j'en  partirai, 
pour  les  brider  comme  j'avois  proposé  de  faire;  car  je 
serai  très  aise  d'en  estre  deschargé  ;  n'oubliés  donc  pas 
ce  poinct,  je  vous  en  prye. 

Je  partirai  mardi  prochain  pour  aller  à  Rennes,  où 
je  mande  les  estats  du  pays  au  quinziesme  de  ce  mois 
que  j'avois  premièrement  convoqués  en  ceste  ville  ;  je 
fais  estât  d'y  demeurer  huict  jours  ,  et  après  repren- 
dre le  droict  chemin  de  Paris  sans  repasser  par  ici. 

Cependant  je  ferai  advancer  en  Picardie  par  la  Nor- 
mandie les  regimens  de  Navarre  et  de  Piedmont  que 
j'avois  amenés  en  ce  pays,  pour  m'en  servir  en  ce  qui 
se  présentera  sur  l'exécution  de  nostre  accord. 

Au  reste ,  je  trouve  très  bon  le  conseil  que  vous  avés 
pris  d'advertir  mon  cousin  le  connestable  de  deffendre 
à  nos  gens  de  guerre  de  faire  des  courses  sur  l'ennemi  de 
quinze  jours  en  quinze  jours.  J'escrirai  aussi  au  sieur  de 
Lesdiguieres  ,  et  aulx  aultres  de  ce  costé  là  qu'ils  s'ab- 
stiennent d'entreprendre  aulcune  chose  sur  le  duc  de 
Savoye,  qu'ils  n'ayent  aultre  commandement  de  moi, 
estant  asseurés  de  la  part  dudict  duc  de  Savoye  qu'il  en 
usera  de  mesmes  en  leur  endroict. 

Je  n'oublierai  pareillement  à  me  louer  à  nostre  sainct 
père  le  pape  du  père  gênerai  des  cordeliers ,  et  lui 
recommander  son  advancement,  suivant  le  sage  advis 
dudict  sieur  légat  et  le  vostre  ;  mais  il  ne  fauît  poinct 
doubter  que  l'on  ne  tienne  la  paix  faicte  sitost  que  le- 
dict  sieur  légat  partira  de  Vervins  pour  se  retirer  à 
Rheims  ou  ailleurs,  comme  vous  m'avés  escrit  qu'il 
veult  faire;  toutesfois  je  suis  si  jaloux  de  sa  bonne 
santé  ,  que  si  c'est  chose  qui  soit  nécessaire  qu'il  fasse 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.  417 
pour  la  conservation  d'icelle  ,  je  la  préférerai  tousjours 
à  toute  auitre  ;  partant,  je  me  remets  à  ce  qu'il  en  re- 
souldra  lui  mesmes,  après  que  vous  lui  aurés  vifve- 
ment  et  de  bonne  sorte  remonstré  le  bruict  que  en- 
gendrera sa  retraite  et  son  esloingncment ,  et  ce  qui  en 
succédera,  etc. 

Du  1*"  mai  i5g8. 

CXLIL—'î;^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  La  Fontaine,  qui  est  arrivé  ce  matin, 
nous  a  tiré  des  limbes ,  où  vostre  silence  nous  avoit 
plongés;  et  vous  dirai  que  toutes  vos  faultes  vous  sont 
maintenant  remises,  et  tournées  en  grâce  et  mérite; 
achevés  donc  vostre  ouvrage  le  plus  tost  que  vous  pour- 
rés,  sans  vous  arrester  ni  amuser  dadvantage  aulx  de- 
sirs  et  aulx  fantaisies  de  nos  voisins  ,  aulxquels  sa  ma- 
jesté a  eu  trop  d'esgard;  car  il  est  certain  qu'ils  portent 
envie  à  sa  majesté  dudict  accord ,  et  qu'ils  feront  ce 
qu'ils  pourront  pour  le  renverser.  Jamais  sadicte  ma- 
jesté n'a  peu  persuader  aulx  Hollandois  d'accepter  ceste 
cessation  d'armes  que  vous  avés  enfin  obteneue  en 
grande  peine  et  soing  pour  eulx,  ayant  respondeu  qu'il 
falloit  s'en  addresser  à  leurs  supérieurs;  de  sorte  que 
je  plains  fort  le  temps  que  vous  y  avés  perdeu;  toutes- 
fois. le  roy  vous  sçait  très  bon  gré  de  ceste  victoire, 
dont  il  ne  faict  pas  peu  de  compte.  Les  ungs  et  les 
aultres  sont  demeurés  si  estonnés  de  nous,  vous  si  en- 
clins et  si  resoleus  à  la  paix  et  en  si  bons  termes 
de  sortir  d'affaires,  qu'ils  n'ont   sceu  sur  quelle  des- 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORA'AY.  ToME  VIIT.  2  "7 


4l8  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

marche  ils  debvoient  se  mettre,  nous  ayans  faict  miile 
et  mille  sortes  de  propositions,  principalement  les 
Anglois,  pour  nous  entamer  et  faire  broncher;  mais 
ils  n'y  ont  rien  gaigné ,  grâces  au  bon  Dieu. 

Et  vous  prye  ne  croire  pas  que  sa  majesté  fasse  aul- 
cune  chose  qui  lui  puisse  faire  perdre  avec  raison  le 
fruict  que  vous  lui  avés  avec  tant  de  soing  et  de  peine 
cultivé,  et  de  n'adjouster  poinct  de  foy  à  ceulx  qui 
pourroient  donner  par  delà  des  advis  et  des  impres- 
sions contraires  à  cela,  comme  je  suis  très  certain  et 
asseuré  qu'il  sera  faict  d'Angleterre  et  de  Hollande,  et 
peult  estre  aussi  de  nostre  cour  mesmes;  car  je  vous 
asseure  qu'il  s'y  trouve  des  dom  Diego  d'Ibara ,  pires 
peult  estre  pour  la  France  que  celui  qui  est  à  Bruxelles; 
mais  il  fault  prendre  bon  courage ,  car  nostre  maistre 
est  homme  de  bien,  et  est  prince  de  foi  et  de  juge- 
ment. Il  n'entend  pas  qu'aultres  que  vous  intervienne 
en  ce  traicté ,  principalement  qu'il  ne  doibve  estre  pu- 
blié ;  il  dict  qu'il  vous  verra  devant  que  cela  arrive, 
et  vous  asseure  et  certifie  que  c'est  aujourd'hui  son 
plus  grand  souci  de  sortir  hors  de  ce  pays  pour  s'ap- 
procher de  vous. 

Ces  trois  dernières  lignes  serviront  de  response  à 
une  lettre  particulière  que  M.  de  Beliievre  m'a  escrite 
sur  ce  subject,  estant  certain  que,  si  vostre  negotia- 
tion  eust  esté  maniée  par  d'auitres  et  avec  d'aultres 
que  vous,  les  choses  n'eussent  succédé  si  heureuse- 
ment qu'elles  ont  faict.  Il  fault  louer  Dieu  de  tout,  et 
vous  remercier  du  bon  debvoir  que  vous  y  avés  faict. 

J'ai  dict  au  roy  ceque  vous,  M.  de  Beliievre,  m'avés 
escrit,  l'instance  que  font  les  gens  de  monseigneur  de 
Montpensier,  et  M.  le  mareschal  de  Balagny.  Sadicte 
majesté  dict  que  vous  fassiés  ses  affaires,  et  qu'estans 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.         419 

faicts,  \cs  auUres  y  prendront  part  avec  ses  aultres 
subjects.  Ce  sera  donc  tout  ce  dont  je  vous  supplierai, 
et  aussi  que  vous  me  teuiés  tousjours  en  vos  bonnes 
grâces,  etc. 

Du  1er  mai  i  598. 

CXLIII.  —^  LETTRE 

y  V  M.  le  duc  de  Bouillon  a  M.  de  Buzenval. 

Monsieur,  j'envoye  à  M.  Dnpiessis  le  project  qui 
s'est  taicl  pour  sa  querelle.  Je  désire  fort  qu'il  y  prenne 
une  ferme  resolution,  ne  pouvant  les  longueurs  estre 
que  desadvantageuses.  Vous  aurés  sceu  les  nouvelles 
qui  circulent  des  Cevennes.  Il  se  remeue  quelque  chose 
du  costé  dTtalie  ;  mais  je  ne  vois  pas  que  le  roy  y  voye 
encores  bien  clair.  Le  séjour  de  ces  messieurs  sera  plus 
long  qu'ils  ne  Fesperoient;  s'ils  peuvent  partir,  ce  que 
l'on  leur  a  faict  espérer,  et  si  vous  l'attendes,  vous 
vous  tromperies  encores,  je  parie.  Envoyés  moi,  je 
vous  prye,  en  toutes  occasions  de  vos  nouvelles ,  avec 
asseurance  que  je  les  recevrai  comme  le  plus  asseuré 
ami  que  vous  ayés.  Je  vous  baise  les  mains.  C'est  vostre 
humble  ami  à  vous  servir.  Henry  de  La  Tour. 

A  Nantes,  ce  .  .  mai  iSqS. 


CXLIV.  —  LETTRE  DE  M.  DUPLESSIS 

A  M,  de  Villeî^oj. 

MoNSTFUR  ,  depuis  mes  lettres  du  29,  est  arrivé  ici 
M.  Erard,  le  3o  avril,  avec  celles  qu'il  vous  a  pieu 


4^0  LETTRE    DE  M.  DUPLESSIS,  etc. 

m'escrire  du  2  5.  Son  indisposition  l'aura  peu  retarder 
par  le  chemin.  J'y  recognois  de  plus  en  plus  le  soing  que 
vous  daignés  prendre  de  ce  qui  me  touche,  dont  vous 
me  comblés  d'obligation.  J'ai  considéré  la  despesche 
apportée  par  le  sieur  Guichard,  laquelle  je  vous  ren- 
vove  par  ce  porteur  exprès,  et  estime  qu'eust  bien  esté 
à  désirer  que  messieurs  les  gens  du  roy  eussent  addressé 
la  commisîiion,  y  adjoustant  leurs  lettres.  Cependant, 
puisqu'il  ne  s'est  faict,  je  vous  supplie,  monsieur, 
d'adviser  s'il  seroit  pas  à  propos  que  ledict  sieur  Gui- 
chard mesmes  la  portast  à  M.  le  lieutenant  gênerai  de 
Tours  ,  avec  lettres  du  roy  ,  par  lesquelles  l'exécution 
lui  en  feust  recommandée;  et  par  auUres  lettres  au 
substitut  du  procureur  gênerai  h  Tours.  Je  crains ,  si 
vous  en  reparlés  au  roy,  sur  ces  propositions  d'accord 
projectees  à  la  sollicitation  des  parens  qui  se  retrou- 
vent près  de  lui,  que  l'attente  qu'on  lui  en  donnera 
lui  fasse  suspendre  la  diligence,  au  lieu  que  ce  seroit 
le  temps  de  la  presser.  C'est  pourquoi,  n'estant  ques- 
tion que  d'une  dépendance  du  premier  commande- 
ment de  sa  majesté,  j'estime  qu'il  ne  sera  besoing  de 
lui  en  parler.  Vous  voyés ,  monsieur,  connue  trop  pri- 
veement  je  m'explique  à  vous  de  mes  pensées.  M.  Erard 
part  ce  matin.  MM.  les  députés  des  estats  sont  en 
nostre  faulxbourg,  que  je  m'en  vais  voir  et  les  tiendrai 
en  bonne  bouche.  Je  suis  en  appréhension  que  les  dé- 
putés du  cardinal  veuillent  faire  leur  profict  du  mes- 
contentement  qui  esclatera  de  l'ambassadeur  d'Angle- 
terre ;  mais  les  grands  affaires  ne  se  font  qu'en  bazar- 
dant quelque  chose. 

De  Saulmur,  le  i^'^^mai  iSgS. 


LETTRE  DE  M.  MARBAULT,  etc.  421 


CXLV. —^LETTRE  DE  M.  MARBAULT 

A  M.  Duplessis, 

MoNSEiGiNEUR,  j'ai  receu  celle  dont  il  vous  a  pieu 
m'honorer ,  du  26  d'avril,  par  ung  valet  de  pied  de 
Madame,  Je  crois  que  vous  aurés  depuis  receu  plusieurs 
des  miennes,  vous  ayant  escrit  par  cinq  divers  messa- 
gers. J'ai  veu  M.  de  Montmartin ,  qui  dict  que  M.  de 
Brissac  se  promet  une  grande  facilité  en  vostre  affaire, 
et  lui  avoir  dict  qu'au  lieu  de  la  facilité  qu'il  y  trou- 
voit,  il  pensoit  qu'il  y  rencontreroit  beaucoup  de  dif- 
ficulté, pour  ce  qu'une  personne  comme  vous,  ayant 
esté  si  griefvement  affectée,  ne  se  contenteroit  pas  de 
vent  ni  de  parole,  et  qu'il  l'avoit  assés  cogneu,  lorsque 
vous  estiés  ici;  mais  il  lui  respondit  que  vous  y  faisiés 
de  la  difficulté,  parce  que  vous  vous  en  estiés  allé  mal 
content  du  roy,  et  ne  clierchiés  qu'une  cause  de  nies- 
contentement.  M.  de  Montmartin  lui  dict  que  vous 
n'aviés  eu  ici  aulcung  subject  de  mescontentement ; 
ains,  au  contraire,  de  vous  contenter  en  la  justice  que 
le  roy  vous  promet  de  l'oultrage  receu.  On  ne  lui  parle 
plus  de  cest  affaire  là ,  à  ce  qu'il  dict.  Enfin  ledict  sieur 
marescbal  ne  trouve  poinct  de  difficulté  en  cest  affaire. 
Ils  y  attendent  beaucoup  de  secours  de  M.  de  Rhosny. 
Je  l'ai  rencontré  cejourd  bui  au  chasteau.  Il  s'est  en- 
quis  si  j'avois  veu  M.  de  Bouillon,  et  ce  qui  avoit  esté 
conveneu  en  l'assemblée  de  ces  messieurs.  Je  lui  dis 
que  non;  il  me  respondit  qu'il  y  trouvoit  matière  de 
contentement.  Il  semble  que  le  principal  subject  de  son 
voyage  ait  este  pour  essayer  d'accommoder  cest  affaire. 


4^2  LETTRE  DE  M.  MARBAULT 

Il  dict  ne  vous  en  avoir  osé  parler  bien  librement,  de 
peur  de  vous  atterrer,  vous  ayant  trouvé  si  aigri  en  ce 
faict,  auquel ,  à  la  vérité,  il  est  fort  malaisé  de  s'adoul- 
cir;  que,  vous  trouvant  tous  deux  Tespee  a  la  main, 
son  espee  tranche  pour  vous;  mais  qu'il  lui  seroit  grief 
de  voir  à  Paris,  en   Grève,  Teffigie  et  l'arrest  d'ung 
qui  porte  son  nom  et  ses  armes  ,  ou  lui  voir  faire  une 
amende  honorable,  mené  par  le  bourreau;  qu'il  voul- 
droit  avoir  receu  deux  coups  de  baston  de  vous,  et 
que  vous  feussiés  satisfaict;  en  somme,  qu'il  fera  ce 
que  vous  le  ferés  de  faict  et  de  parole  ;  que  s'il  derneu- 
roit  ici,  il  s'asseuroit  de  le  vous  mener  à  Saulmur, 
pour  en  recevoir  telle  satisfaction  que  vous  jugeriés, 
et  puis  vous  Tameneroit  en  ce  lieu ,  pour  vous  rendre 
devant  tout  le  monde  celle  qui  sera  jugée  par  MM.  les 
mareschaulx;  que   jamais  chose  ne  lui  pesa  tant  que 
cest  affaire,  n'y  ayant  personne  au  monde  à  qui  il  ait 
tant  d'obligation  qu'à  vous,  et*qui  l'ait  tant  soubteneu 
et  porté  en   ses  afflictions   que   vous;  qu'il    ne   scait 
comme  il  se  doibt  gouverner,  pour  ce  faict  là,  en  vostre 
endroict;  estant  une  playe   si  sensible,  qu'il  ne  sçait 
quel  remède  y  apporter,  craignant  de  vous  estre  sus- 
pect. Je  lui  en   ai   parlé  le  plus  sobrement  qu'il  m'a 
esté  possible.  Il  m'en  a  teneu  de  si  longs  discours,  qu'ils 
ne  se  peuvent  escrire;  mais,  en  somme,  j'en  recueille 
qu'ils  craignent  extresmement  la  poursuite  qui  se  faict  à 
la  court  de  parlement,  et  que  cela  les  fera  haster  d'es- 
sayer par  tous  moyens  de  vous  contenter,  comme  de 
faict  M.  de  Sours,  ancien  de  la  maison  du  roy,  dict 
hier  a  M.  de  Cugy,  lui  disant  le  sçavoir  de  bonne  part , 
et  ne  lui  voullant  aultrement  nommer,  que  Sainct  Phal 
feut  adverli  de  vostre  partement  par  ung  de  ses  amis, 
qui  lui  conseilloit  de  vous  rencontrer  sur  le  chemin , 


A  M.  DUPLESSIS.  4^3 

accompaigné  de  ses  amis,  le  plus  qu'il  pourroit  en 
amas<=ier  ;  et  du  plus  loin  qu'il  vous  verroit,  mettre 
pied  à  terre,  et  vous  aller  au  devant  vous  supplier  de 
lui  pardonner  l'offense  qu'il  avoit  commise  en  vostre 
endroict,  et  de  juger  quelle  satisfaction  vous  desiriés 
de  lui,  qu'il  la  vous  rendroit  en  public,  et  la  vous  si- 
gneroit  en  tels  termes  que  vous  vouldrës;  qu'il  s'asseu- 
roit  de  faire  plus  par  ce  moyen  que  par  tous  les  com- 
mandemens  du  roy  ,  qui  est  chose  forcée  ,  et  que  de 
faict  il  partit  pour  cela  ;  mais  qu'il  ne  vous  peut  ren- 
contrer ni  attrapper.  On  l'a  dict  aussi  à  M.  de  La  Fer- 
rieres.  Je  crois  que  ce  sont  bruicts  qu'ils  font  courre , 
afin  de  vous  adoulcir,  et  pour  sonder  vostre  intention. 
M.  le  mareschal  de  Rhetz  a  dressé  le  mémoire  de  ce 
qu'ils  avoient  resoleu  ensemble  debvoir  eslre  faict  pour 
vostre  satisfaction;  mais  il  estoit  si  mal  dressé,  qu'il  ne 
se  pouvoit  plus,  et  a  esté  jugé  par  M.  le  mareschal  de 
Bouillon  n'y  avoir  subject  de  contentement,  lequel  l'a 
corrigé  ;  et  dict  que  si  vous  vous  voullés  contenter 
d'une  satisfaction  de  parole ,  il  ne  sçavoit  qu'y  adjous- 
ter.  11  le  doibt  présenter  au  roy.  M.  de  Lomenie  m'a 
promis  que  lorsque  sa  majesté  l'aura  veu  et  faict  mettre 
en  la  forme  qu'il  jugera ,  il  m'en  baillera  copie.  Ils 
s'estoient  assemblés,  lorsque  le  mémoire  leur  feut  pré- 
senté. M.  de  Souvray  y  estoit,  qui  s'y  est  fort  bien 
porté  et  passionné  ,  ainsi  que  m'a  dict  M.  le  président 
Verniez,  qui  estoit  d'advis  que  je  l'en  remerciasse,  non 
toutesfois  de  vostre  part,  mais  comme  ayant  sceu  par 
lui  le  bon  office  qu'il  vous  y  avoit  rendeu;  ce  que  je 
n'ai  voulleu  faire  sans  avoir  vostre  commandement,  et 
que  je  doubte  que  vous  approuviés  ce  qu'ils  y  font. 
M.  de  Bouillon  s'est  plainct  à  M.  de  Lomenie  que  vous 
ne  lui  aviés  pas  daigné  escrire  ung  mot  de  cest  affaire. 


4^4  LETTRE  DE  M.   MARBAULT ,  etc.   ^ 

et  qu'il  ne  sçait  s'il  y  faict  trop  ou  trop  peu  ;  qu'il 
desireroit  fort  en  sçavoir  vostre  volonté,  pour  vous  y 
rendre  les  offices  d'ami  qu'il  vous  y  a  promis.  J'avois 
reteneu  ce  messager ,  pensant  vous  mander  de  plus 
particulières  nouvelles  ,  M.  de  Lomenie  m'ayant  promis 
de  vous  escrire  et  de  s'en  informer,  mesme  de  ce  que 
le  roy  avoit  dict  à  M.  de  Brissac  ;  il  m'a  tousjours  remis 
d'heure  en  heure.  Enfin,  il  m'a  dict  ce  matin  qu'il  ne 
sçavoit  que  vous  escrire  ,  et  qu'il  n'avoit  rien  sceu. 
Pour  le  faict  de  Guichard ,  vous  en  estes  maintenant 
bien  informé;  car  je  crois  que  M.  Erard  vous  aura 
baillé  le  paquet  de  M.  de  Villeroy  pour  le  demi  mois 
qui  reste  de  ce  qui  est  payé ,  selon  les  estats  du  roy.  Je 
n'en  ai  rien  peu  obtenir  de  M.  d'incarville;  car  il  m'a 
dict  que  ce  seroit  aujourd'hui  tout  faict  pour  les  gar- 
nisons avec  MM.  les  députés,  et  qu'après  nous  pour- 
suivrions tout  ensemble.  Je  supplie  le  Créateur  vous 
donner  en  parfaicte  santé  longue  vie. 

De  Nantes  ,  ce  i^r  mai  iSgS. 

P.  S.  Monseigneur,  je  vous  envoyé  le  mémoire  qu'a 
dressé  M.  de  Calignon,  duquel  je  n'ai  rien  peu  ap- 
prendre. 

CXLVI.  —  ^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Silleiy  au  roj. 

Sire,  ayant  negotié  la  cessation  de  tous  actes  d'hos- 
tilité pour  deux  mois,  pour  la  royne  d'Angleterre  et 
Provinces  Unies,  nous  renvoyasmes  incontinent  à  vostre 
majesté  le  courrier  La  Fontaine  pour  lui  en  donner 
advis ,  et  en  quels  termes  nous  estions  pour  le  surplus 


LETTRE,  etc.  4 2 5 

des  articles  de  ce  traicté  de  paix,  tant  avec  les  députés 
d'Espaigne  que  celui  de  Savoye.  Depuis  ce  temps  nous 
n'avons  cessé  de  travailler  pour  mettre  fin  aulx  difficul- 
tés qui  restoient  à  resouldre ,  que  ,  grâces  à  Dieu,  nous 
avons  surmontées.  Avons  concleu  et  signé  le  traicté 
avec  lesdicts  députés ,  et  remis  entre  les  mains  de  M.  le 
légat.  Nous  les  avons  pryés  de  tenir  le  tout  secret  jus- 
ques  au  jour  que  la  ratification  sera  envoyée  et  les 
ostages  deslivrés.  Le  traicté  est  mis  en  la  forme  qu'il 
doibt  demeurer,  sans  que  l'on  n'y  puisse  adjouster  ni 
diminuer.  Nous  pryons  Dieu ,  sire-,  que  vostre  majesté 
puisse  longuement  et  heureusement  jouir  de  ceste  paix, 
laquelle  estant  des  maintenant  concleue  et  arrestee 
avec  les  eslats  de  la  majesté  du  roy  catholique  ,  et  du  duc 
de  Savoye,  et  en  estant  differea  la  publication,  pour 
l'effect  que  vostre  majesté  veult  estre  porté  à  ses  con- 
fédérés, il  est  besoing  que  les  gouverneurs,  ou  les 
lieutenans  generaulx  de  vos  princes ,  soient  advertis 
de  la  cessation  de  tous  aultres  actes  d'hostilité,  qui 
a  esté  accordée  de  part  et  d'aultre,  dont  vostre  ma- 
jesté a  esté  advertie  par  nostre  précédente  lettre  et 
despesche. 

A  quoi  nous  remettant,  nous  lui  dirons  que  M.  le 
légat  nous  a  promis  qu'il  ne  partira  de  ce  lieu  de  Ver- 
vins  sans  que,  premièrement ,  il  ait  sceu  la  volonté  de 
vostre  majesté.  Il  dict  que  si  les  députés  d'Angleterre 
viennent  ici,  il  n'y  peult  arrester  avec  son  honneur; 
mais  que  doulcement  il  se  retirera  à  Rheims,  sans  que 
l'on  s'apperçoive  pour  quelle  occasion  il  le  faict;  et 
qu'il  sera  si  près  de  nous ,  qu'il  ne  defauldra  à  servir 
en  tout  ce  dont  nous  le  requérons  pour  le  bien  de  vostre 
service.  Ce  bon  prélat  est  plein  de  zèle  et  d'affection 
envers   vostre   majesté  ,  à  laquelle  il  se  sentira  fort 


426  LETTRE 

obligé,  si,  escrivant  au  pape,  elle  l'honorera  de  son 
tesmoignage. 

Sire,  nous  venons  de  signer  et  remettre  ledict  traicté 
entre  les  mains  de  M.  le  légat ,  et  n'y  a  plus  rien  en 
dispute. 

Il  nous  reste  seulement  à  resouldre  quelques  poincts 
concernant  les  particuliers  qui  ne  sont  pas  d'impor- 
tance. Nous  en\  oyerons  au  premier  jour  à  vostre  ma- 
jesté le  traicté,  pour,  s'il  lui  plaist,  le  nous  renvoyer 
avec  la  ratification ,  estant  le  terme  si  court,  que  nous 
n'avons  poinct  de  temps  à  perdre.  Nous  advertirons 
M.  le  connestable  ,  suivant  le  commandement  qu'en 
avons  de  vostre  majesté,  à  laquelle  nous  pryons  Dieu, 

sire,  etc. 

^  Du  2  mai  1698. 

CXLVII.  —-^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Silleij  a  M.  Villewj. 

Monsieur,  nous  avons  receu  vostre  lettre  du  11  du 
mois  passé ,  par  laquelle  avec  beaucoup  de  regret  nous 
avons  veu  la  peine  où  vous  estes,  pour  n'avoir  eu  de 
nos  lettres  depuis  le  \[\  dudict  mois.  Par  la  nostre  du 
16.  vous  sçaurés  que  si  au  lieu  où  vous  estes  vous 
,    avés  esté  en  peine,  nous  avons  esté  ici  en  martyre. 

Nous  vous  avons  escrit  par  La  Fontaine ,  que  tran- 
cheement  la  trefve  que  le  roy  demande  pour  les  Anglois 
et  Hollandois  avoit  esté  refusée,  et  qu'estions  sans  es- 
pérance de  l'obtenir;  et  neantmoins  le  roy  veult  que 
nous  fassions  instance  de  l'avoir,  et  sans  cela  ne  nous 
est  donné  pouvoir  de  signer  les  articles.  Nous  avons 
remonstré  si  vifvement  qu'il  ne  falloit  qu'ils  rompissent 


A  M.  DE  YILLEROY.  427 

à  ceste  occasion  ,  y  einployaiis  et  l'auctoritë  de  M.  le 
légat,  et  la  diligence  de  M.  le  père  gênerai,  qu'enfin 
les  députés  d'Espaigne  ont  dict  (jiie,  s'ils  avoient  le  pou- 
voir, ctsie  trefve  nous  seroi  t  accordée.  M.  le  président 
Richardot  se  resoleut  d'aller  à  Bruxelles  pour  venir  à 
bout  de  ceste  demande.  Il  en  revient  avec  ung  court 
refus  ;  et  vous  dirons  que  le  pcre  gênerai ,  qui  depuis  a 
esté  à  Bruxelles,  nous  a  rajjporté  que  les  Espaignols 
veullent  mal  audict  Richardot  d'avoir  faict  ce  voyage 
pour  une  telle  occasion.  Pour  cela  nous  ne  nous  ren- 
dons pas;  et,  comme  avés  sceu,  ceste  charge  retombe 
sur  le  père  gênerai,  qui  s'en  est  bien  acquitté,  comme 
vous  aurés  veu  par  nostre  despesche  du  16.  Il  fault 
quelque  temps  pour  venir  à  bout  de  si  grands  affaires. 
Nous  sommes  hommes,  et  non  pas  anges,  pour  faire 
ce  qui  est  commandé  en  ung  moment.  Considérés  la 
longueur  au'il  v  a  eu  aulx  articles  de  M.  de  Mercœur  et 
de  ceuix  de  la  relligion  ,  qui  sont  subjects  ;  et  nous 
avons  ici  affaire  à  nos  anciens  ennemis,  qui  sont  fort 
rudes  et  desfians.  Nous  estimons,  monsieur,  que  vous 
jugés  que  si  le  roy  a  eu  quelque  mescontentement  de 
ceste  longueur,  qu'au  moins  nous  sommes  dignes  de 
compassion. 

Les  ennemis  ne  nous  ont  pas  laissé  dormir  les  nuicts 
entières;  et  Dieu  veuille  qu'il  ne  nous  en  advienne  pis! 
En  ce  faict  nous  n'avons  perdeu  une  seule  heure  de 
ddigence.  La  Fontaine  arriva  ici  le  i3,  à  neuf  heures 
du  soir.  Au  mesme  instant  nous  voyons  vostre  despes- 
che du  9  ,  qui  est  longue  ,  et  à  la  vérité  des  mieulx 
faictes  qui  se  puissent  dire.  Le  lendemain  matin  nous 
voyons  M.  le  légat  et  le  père  gênerai;  l'apres  disner, 
les  députés  d'Espaigne;  et  moyennons  le  partement  de 
M.  Richardot,  qui  partit  de  ce  lieu  à  deux  heures  après 


4-^8  LETTRE 

Ja  miiiLiict.  Ung  jour  après  son  retour,  resoleusmes  le 
parlement  duclict  père  gênerai;  et  le  jour  mesme  qu'il 
nous  eut  faict  entendre  ce  qu'il  rempor^oit  dudict  car- 
dinal archiduc,  nous  despeschasmes  La  Fontaine.  Nous 
ne  pouvons  pas  voir  qu'aultres  ,  quels  qu'ils  soient, 
eussent  peu  user  de  plus  grande  diligence.  Si  l'on  dict  : 
(f  Au  moins  nous  debviés  nous  advertir  que  vous  ne  pou- 
vies  rien  faire,  monsieur»;  nous  laissons  à  vostre  meil- 
leur jugement  si  cela  eust  servi  à  advancer  cest  affaire. 
Si  l'on  se  plainct  que  nous  ayons  failli  en  cela  ,  on  se 
plainct  que  nous  ne  vous  ayons  faict  de  plus  grands 
ennuis  que  nous  ayons  senti  en  nos  vies;  et,  avec  l'en- 
nui ,  il  eust  peu  advenir  que  ceste  negotiation  eust  esté 
bien  hazardee.  Nous  n'avons  pas  cessé  jusques  à  ce  que 
nous  ayons  mis  la  dernière  main  à  ce  traicté  ,  que 
nous  avons  signé  ce  soir  avec  les  trois  ambassadeurs 
d'Espaigne  et  celui  de  Savoye ,  et  à  l'instant  l'avons 
remis  entre  les  mains  de  M.  le  légat,  avec  ung  acte 
de  la  substance  de  celui  que  nous  avons  ci  devant 
envoyé. 

Il  ne  reste  aulcune  chose  a  faire  jusques  à  ce  que 
vous  nous  aurés  envoyé  la  ratification,  que  nous  leur 
debvons  fournir  d'ici  à  ung  mois  ;  et  eulx  celle  du  car- 
dinal d'Autriche  ,  et ,  par  mesme  moyen ,  les  quattre 
seigneurs  ostages  qu'ils  nous  ont  promis. 

Les  ostages  baillés,  ils  peuvent  demander  le  serment 
au  roy;  le  serment  faict,  ils  sont  obligés  d'entrer  à  la 
restitution  des  places,  à  quoi  il  fauldra  tenir  la  main 
fort  vifvement.  lis  asseurent  qu'il  n'y  aura  poinct  de 
faulte.  Il  fault  aussi  que ,  du  costé  du  roy ,  chacung 
s'efforce  de  ne  leur  donner  poinct  de  deffiance,  ce  que 
plusieurs  ont  essayé  de  faire ,  et  mesmement  les  Hollan- 
dois,  qui  font  soubs  main  courir  des  lettres  à  Bruxelles 


A  M.  DE  VILLEROY.  429 

pour  donner  occasion  audict  cardinal  de  se  desfîer  du 
roy.  Dieu  aidant,  nous  n'obmettrons  rien  de  ce  qui 
peiîlt  servir  à  ce  que  la  restitution  de  tant  de  places  se 
fasse  de  bonne  foi.  Ce  sont  choses  dont ,  de  mémoire 
d'homme,  les  François  n'a  voient  ouï  parler;  et  n'a  pas 
esté  sans  passer  de  mauvaises  nuicts  que  nous  avons 
surmonté  tant  de  difficidtés  qui  sont  surveneues  en 
ceste  negotiation.  Nous  espérons  que  Dieu  nous  fera  la 
grâce  que  le  roy  aura  nostre  service  agréable. 

C'est  chose  que  nous  attendons  de  sa  bonté. 

Nous  vous  avons  escrit  comme  M.  le  légat  s'y  est 
dignement  et  vertueusement  comporté.  Le  roy  lui  fera 
faveur  si  ,  en  escrivant  au  pape,  il  lui  tesmoignera  le 
grand  contentement  qu'il  reçoit  des  bons  offices  que  le- 
dict  sieur  légat  a  faicts  durant  sa  légation,  pour  l'ai- 
der à  remettre  son  royaulme  en  repos  et  en  meilleur 
estât  qu'il  y  arriva,  et  surtout  au  faict  de  ce  traicté.  Il 
est  très  digne  de  ceste  faveur. 

Nous  vous  avons  aussi  rendeu  le  tesmoignage  que 
debvons  au  bon  debvoir  que  le  père  gênerai  a  faict 
pour  advancer  et  conduire  à  bon  port  toute  ceste  ne- 


gotiation. 


Mondict  sieur  le  légat  nous  a  dict  que  le  pape  recevra 
si  grand  contentement  de  ceste  paix,  qu'il  estime  que 
si  le  roy  le  requerra  d'ung  cardinal  de  plus,  qu'il  l'en 
gratifiera. 

Monsieur,  au  traicté  il  y  a  ung  article  qui  contient 
que  ceulx  qui  n'auront  accordé  de  leur  rançon  seront 
mis  en  liberté  sans  payer  rançon.  Nous  vous  en  avons 
voulleu  advertir,  afin  si  vous  jugés  qu'il  soit  à  propos 
d'en  advertir  M.  de  Lesdiguieres,  à  ce  que  M.  de  Cre- 
quy  et  les  aultres  prisonniers  ne  soient  hastés  d'accor- 
der ;   et  sur  l'accord  que  peult  estre  ils  estimeroient 


4v3o  LETTRE,  etc. 

gracieux  ,  et  qui  leur  sera  faict ,  s'ils  ont  le  vent  de 
cesle  nouvelle  ,  qu'ils  ne  mettent  la  main  à  la  bourse; 
l'argent  receu  ne  se  rend  pas  aiseement.  Il  fault  con- 
duire ce  faict  dextrement,  sans  descouvrir  à  quelle  in- 
tention nous  vous  avons  faict  passer  cest  article.  La  vérité 
est  que  nous  avons  fort  pressé  cest  ambassadeur  qu'il 
fault  que  son  maistre  déclare  la  bonne  volonté  qu'il  a 
de  bien  traicter  les  serviteurs  du  roy,  afin  d'acquérir 
les  bonnes  grâces  du  roy.  il  nous  a  dict  que  ce  qu'il 
passoit  cest  article  n'estoit  que  pour  cela;  car  il  n'avoit 
pas  opinion  qu'ils  eussent  encores  accordé. 

Nostre  ad  vis  est  que  s'ils  accordent  après  le  traicté, 
qu'ils  ne  doibvent  rançon;  mais  le  danger  seroit  si  on 
avoit  toucbé  leur  argent.  Sur  ce  nous  pryons  Dieu,  etc. 

Du  2  mai  i5g8. 


CXLVIII:  —^  LETTRE  DU  ROY 

^  M,  de  Lesdigideres. 

M.  de  Lesdiguieres,  vous  avés  esté  adverti  de  la  ne- 
gotiation  de  la  paix  qui  se  traicte  à  Vervins  entre  mes 
ambassadeurs  et  ceulx  du  roy  d'Espaigne,  et  aussi  ceulx 
du  duc  de  Savoye.  Les  clioses  en  ont  passé  si  avant  qu'il 
a  esté  accordé  qu'il  ne  sera  rien  entrepris,  ni  faict  aul- 
cung  acte  d'hostilité  les  ungs  sur  les  aultres  d'ung  mois, 
à  compter  de  cejourd'hui  second  jour  du  mois  présent. 
Partant,  je  vous  prye  de  le  voullofr  observer  comme  il 
fault  de  vostre  costé;  ledict  duc  de  Savoye  nous  don- 
nant asseurance  de  faire  le  semblable  du  sien;  et  je  vous 
feray  sçavoir  dedans  ledict  temps  ce  que  vous  aurés  à 
faire  là  dessus  pour  mon  service ,  me  donnant   advis 


LETTRE  DTJ  ROY,  etc.  43 1 

aussitost  de  la  réception  de  la  présente.  Je  prye  Dieu, 

M.  de  Lesdiguieres ,  etc. 

Du  2  iiiai  1 698. 


/ 

CXLIX.  —  ^  ARTICLES 

Du  traicté.  de  paix ,  accordés  le  2  mai  \  598. 

Au  nom  de  Dieu  le  Créateur,  à  tous  presens  et  ad- 
venir soit  notoire  :  qu'ayant  le  royaulme  de  France  et 
provinces  unies  des  Pays  Bas  souffert  de  très  grandes 
pertes,  ruynes  et  désolations,  à  cause  des  guerres  qui 
depuis  plusieurs  années  ont  continué,  dont  aussi  se 
seroicnt  grandement  ressentis  les  royaulmes  d'Espaigne 
et  d'Angleterre ,  et  pays  de  Savoye  ,  durant  lequel 
temps  le  commun  ennemi  du  nom  chrestien  tenant  nos 
maulx  pour  son  occasion ,  en  se  prévalant  de  nos  di- 
visions, auroit  faict  de  très  grands  et  très  dangereux 
progrès  et  usurpations  es  provinces  de  la  chresîienté, 
ce  que  considérant  nostre  sainct  père  le  pape  Clé- 
ment VllI  de  ce  nom,  désirant  y  apporter  remède  con- 
venable et  couper  le  mal  à  la  racine,  auroit  délégué 
en  France  l'illuslrissime  et  reverendissime  cardinal  de 
Florence,  Alexandre  de  Medicis,  son  légat  et  du  sainct 
siège  apostolique,  par  devers  très  liault,  très  excellent 
et  très  puissant  prince  Henri  IV,  par  la  grâce  de 
Dieu  roy  de  France  et  de  Navarre,  pour  l'induire  et 
persuader  à  une  bonne  paix,  amitié  et  concorde  avec 
très  haut,  très  excellent  et  très  puissant  prince  Phi- 
lippe If,  par  la  niesme  «race  roy  catholique  de  Cas- 
tille,  de  L(îon,  d'Aragon,  des  deux  Siciles,  de  Hieru- 
salem  ,  de  Portugal,  de  Navarre  et  des  Indes,  etc., 
auquel  aussi  sa  saincteté  auroit  faict  et  faict  faire  par 


432  ARTICLES 

son  nonce  et  aultres  semblables  remonstrances  et  ex- 
hortations ,  et  depuis  ayant  ledict  sainct  père  esté  ad- 
verti  que  ledict  sieur  roy  catholique  auroit  remis  le 
faict  de  ladicte  paix,  et  à  ces  fins  donné  pouvoir  à  très 
hault  et  très  puissant  prince  Albert,  cardinal  archiduc 
d'Autriche ,  son  nepveu ,  pour  la  confiance  qu'il  a  en 
IiA  ,  et  pour  l'avoir  tousjours  cogneu  très  affectionné  au 
bien  de  la  paix ,  auroit  envoyé  par  devers  lui  le  révé- 
rend père  frère  Bonaventure  Calatagirone  ,  gênerai  de 
l'ordre  de  Sainct  François,  pour  lui  faire  sur  ce  en- 
tendre son  désir,  et  ce  qu'il  auroit  sceu  de  l'intention 
dudict  sieur  roy  catholique,  touchant  ladicte  paix,  ayant 
le  tout  esté  représenté  par  ledict  père  gênerai  audict 
seigneur  roy  très  chrestien,  suivant  la  charge  qu'il  en 
avoit  de  sa  saincteté,  lesquels  seigneurs  roys,  meus  du 
zèle  de  pieté,  de  la  compassion,  et  de  l'extresme  regret 
qu'ils  ont  et  sentent  en  leurs  cœurs,  des  longues  et 
griefves  oppressions  qu'à  l'occasion  desdictes  guerres, 
leurs  royaulmes,  pays  et  subjects  ont  souffertes  et  souf- 
frent encores  à  présent ,  ne  vouUant  obmettre  chose 
qui  soient  au  pouvoir  de  bons  princes ,  craignans  Dieu  et 
aimans  leurs  subjects,  pour  mettre  et  establir  ung  bon 
et  asseuré  repos  en  toute  la  chrestienté ,  et  particuliè- 
rement es  provinces  dont  il  a  pieu  à  Dieu  leur  com- 
mettre la  charge,  et  mettant  comme  porte  leur  deb- 
voir  en  bonne  et  grande  considération  les  très  sages  et 
paternels  admonestemens  de  nostre  sainct  père,  con- 
formans  à  iceulx ,  auroit  exhorté  leurs  amis  et  confé- 
dérés de  vouUoir  entendre  avec  eulx  et  se  resouldre 
à  une  bonne  paix,  union  et  concorde,  à  l'honneur  de 
Dieu ,  exaltation  de  son  sainct  nom  ,  asseurance  et 
tranquillité  de  toutes  les  provinces  chrestiennes ,  et 
au  soulagement  et  repos  de  leurs  peuples  et  subjects, 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  433 

et  pour  y  parvenir,  et  icelle  paix  et  amitié  traicter , 
conclure  et  arrcster,  auroient  esté  commis  et  députés, 
c'est  à  sçavoir,  de  la  part  dudict  seigneur  roy  très 
chrestien,  messire  Pompone  de  Bellievre ,  chevalier 
sieur  de  Grignon,  conseiller  en  son  conseil  d'estat,  et 
messire  Nicolas  Brulart,  chevalier  sieur  de  Sillery, 
aussi  conseiller  dudict  seigneur  roy  en  son  conseil 
d'estat,  et  président  en  sa  court  de  parlement  de  Paris; 
et  par  ledict  sieur  cardinal  archiduc,  au  nom  dudict 
seigneur  roy  catholique,  suivant  le  pouvoir  a  lui  donné 
par  ledict  seigneur  roy  catholique,  messire  Jean  Ri- 
chardot,  chevalier,  chef  et  président  du  conseil  privé 
dudict  seigneur  roy  et  de  son  conseil  d'estat ,  messire 
Jean  Baptiste  de  Taxis,  chevalier  commandeur  de  Los 
Santos,  de  Tordre  militaire  de  Sainct  Jacques,  dudict 
conseil  d'estat  et  du  conseil  de  guerre ,  et  messire 
Louis  Verreiken,  aussi  chevalier  audiencier,  et  premier 
secrétaire  et  thresorier  des  chartres  dudict  conseil  d'es- 
tat, tous  garnis  de  pouvoirs  suffîsans  qui  seront  insérés 
en  la  fin  des  présentes,  lesquels  en  vertu  de  leursdicts 
pouvoirs,  en  présence  dudict  sieur  légat  cardinal  de  Flo- 
rence, qui  a  longuement  et  très  vertueusement  travaillé 
à  promouvoir  ceste  honne  paix  et  reconciliation,  ont 
\  faict,  concleu  et  accordé  les  articles  qui  ensuivent: 
L  Premièrement,  est  conveneu  et  accordé  que  le 
traicté  de  paix  demeure  concleu  et  resoleu  entre  les- 
dicts  seigneurs  roys  Henry  IV  et  Philippe  II,  confor- 
meement  et  en  approbation  des  articles  conteneus  au 
traicté  de  paix  faict  au  Chasteau  en  Gambresis,  en 
Tan  iSSg,  entre  feu  de  très  haulte  et  très  louable  mé- 
moire Henry  de  France  et  ledict  sieur  roy  catholique, 
et  lequel  traicté  lesdicts  députés,  esdicts  noms,  ont  de 
nouveau   confirmé  et  approuvé   en  tous  ses  poincts , 

IMÉSI.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToME  VIII.  9.8 


l 


434  ARTICLES 

comme  s'il  esloit  inséré  de  mot  à  aultre,  et  sans  inno- 
yer  aulcune  chose  en  icelui  ni  es  aultres  precedens, 
qui  tous  demeurent  en  leur  entier,  sinon  en  ce  qui  y 
seroit  expresseement  dérogé  par  ce  présent  traicté. 
,  IL  Et  suivant  ce,  que  doresnavant  du  jour  et  date 
du  présent  traicté  entre  lesdicts  seigneurs  roys,  leurs 
enfans  nés  et  à  naistre,  hoirs,  successeurs  et  héri- 
tiers, leurs  royaulmes,  pays  et  subjects,  y  aura  bonne, 
seure,  ferme  et  stable  paix,  confédération  et  perpe* 
tuelle  alliance  et  amitié,  s'entr'aimeront  comme  frères, 
procurans  de  tout  leur  pouvoir  le  bien,  Thonneur  et 
la  réputation  Tung  de  l'aultre  ,  et  esviteront  tant  qu'ils 
pourront  loyaulment  le  dommage  l'ung  de  l'aultre,  ne 
soubtiendront,  ne  favoriseront  personne,  quelle  qu'elle 
soit,  Tung  au  préjudice  de  l'aultre,  et  des  maintenant 
cesseront  toutes  hostilités,  oublians  toutes  choses  ci 
devant  mal  passées,  quelles  qu'elles  soient,  qui  de- 
meureront abolies  et  esteintes,  sans  que  jamais  ils  en 
fassent  ressentiment  quelconque  ,  renonçant  par  ce 
présent  traicté  à  toutes  practiques  ,  ligues  et  intelli- 
gences qui  pourroient,  en  quelque  sorte  que  ce  soit, 
redonder  au  préjudice  l'un  de  l'aultre,  avec  promesse 
de  ne  jamais  faire  ni  pourchasser  par  l'ung  chose  qui 
puisse  tourner  au  dommage  de  l'aultre  ,  ni  souffrir  que 
leurs  vassaulx  et  subjects  le  fassent  directement  ou  in- 
directement; et  si  aulcungs  d'iceulx,  de  quelque  qua- 
lité et  conditions  qu'ils  soient,  y  contrevenoient  ci 
après  pour  aller  servir  par  mer  ou  par  terre,  ou  bien 
aultrement  aider  et  assister  en  chose  qui,  en  sorte  que 
ce  soit,  pourroit  prejudicier  à  l'ung  desdicts  seigneurs 
roys,  l'aultre  sera  obligé  de  s'y  opposer  et  l'empes- 
cher,  et  les  chastier  seulement  comme  des  infracteurs 
de  ce  traicté  et  des  perturbateurs  du  repos  public. 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  435 

III.  Et  par  le  moyen  de  cettedicte  paix  et  estroicte 
amitié,  les  subjects  des  deux  costés,  quels  qu'ils  soient, 
pourront,  en  gardant  les  loix  et  les  coustumes  du  pays, 
aller,  venir,  demeurer,   fréquenter,  converser  et  re- 
tourner es  pays  Tung  de  Taultre  marchandement,  et 
comme  mieulx  leur  semblera,  tant  par  mer  que  par 
terre  et  eaux  doulces,  traditer  et  converser  ensemble, 
et  seront  soubteneus  et  deffendeus  les  subjects  de  Fung 
au  pays  de  Taultre,  comme  propres  subjects,  en  payant 
raisonnablement  les  droicts  en  tous  lieux  accoustumés, 
et  aultres,  qui  par  leurs  majestés  et  leurs  successeurs 
d'icelles  seront  imposés. 

IV.  Et  se  suspendent  toutes  lettres  de  marque  et 
représailles  qui  pourroient  avoir  esté  données  à  quel- 
que cause  que  ce  soit,  et  ne  s'en  donneront  doresna- 
\ant  aulcunes  par  Tung  desdicts  princes,  au  préjudice 
des  subjects  de  Taullre,  sinon  contre  les  principaulx 
delinquans ,  leurs  biens  et  de  leurs  complices ,  et  ce 
encores ,  en  cas  seulement  de  manifeste  dénégation  de 
justice  ,  de  laquelle  et  des  lettres  de  sommation  et  ré- 
quisitions d'icelle ,  ceulx  qui  poursuivront  lesdictes 
lettres  de  marque  et  représailles  debvront  faire  appa- 
roir en  la  forme  et  en  la  manière  que  de  dî^oict  est 
requis. 

V.  Les  vil'es,  subjects,  manans  et  babitans  des  com- 
tés de  Flandres  et  Artois,  et  des  aultres  provinces  des 
Pays  Bas,  ensemble  du  royaulme  d'Espaigne,  jouiront 
des  privilèges  et  libertés  qui  leur  ont  esté  accordées 
par  les  roys  de  France ,  prédécesseurs  dudict  seigneur 
roy  très  cbrestien ,  et  pareillement  les  villes  ,  manans, 
liabitans  et  subjects  du  royaulme  de  France ,  jouiront 
aussi  des  privilèges  ,  franchises  et  libertés  qu'ils  ont 
esdicts  Pays  Bas    et   royaulme   d'Espaigne,  tout  ainsi 


436  ARTICLES 

qu'ung  cbacung  d'eulx  en  ont  ci  devant  joui ,  et  comme 
ils  ont  et  en  joiii>soient,  en  vertu  dudict  traicté  de 
l'an  15^9  et  aultres  traictés  precedens. 

Vf.  Aussi  a  esté  conveneu  et  accordé,  en  cas  que 
ledict  seigneur  roy  catholique  donne  ou  transfère  par 
testament,  donation,  résignation  ou  aultrement,  à 
quelque  tiltre  que  ce  soit,  à  la  serenissime  infante  ma- 
dame Isabelle,  sa  fille  aisnee  ou  aullres,  toutes  les 
provinces  de  ses  Pays  Bas,  avec  les  comtés  de  Bour- 
goigne  et  de  Charolois,  que  toutes  lesdictes  pro- 
vinces et  comtés  s'entendent  estre  compris  en  ce  pré- 
sent traicté,  comme  elles  estoient  en  celui  de  l'an  i  ^5g. 

Ensemble  ladicte  dame  infante,  ou  celui  en  faveur 
duquel  ledict  seigneur  roy  catbolique  en  auroit  dis- 
posé, sans  que  pour  cest  effect  il  soitbesoing  d'en  faire 
aultre  nouveau  traicté. 

VII.  Et  retourneront  les  subjects  et  serviteurs  d'ung 
costé  et  d'aullre,  tant  ecclesiasticjues  que  séculiers, 
nonobstant  qu'ils  ayent  servi  en  parti  contraire  ,  en 
leurs  offices  et  bénéfices,  dont  ils  estoient  pourveus 
avant  la  fin  de  décembre  i588;  sinon  des  cures  dont 
aultres  se  Irouveroient  canoniqueiricnt  pourveus,  en- 
semble en  la  jouissance  de  tous  et  cbacungs  leurs 
biens  immeubles,  rentes  perpétuelles,  viagères  et  à 
rachat,  saisis  et  occupés  h  Foccasion  de  la  guerre  com- 
mencée sur  la  fin  de  l'an  i588,  pour  en  jouir  des  la 
publication  de  ladicte  paix,  et  pareillement  de  ceulx 
qui  leur  sont  depuis  adveneus  et  escheus  par  succes- 
sion ou  aultrement,  sans  rien  quereller  toulesfois,  ni 
demander  les  fruicts  perceusdes  le  saisissement  desdicts 
biens  immeubles,  jusques  au  jour  de  la  publication  du 
présent  traicté,  ni  des  debtes  qui  auront  esté  confis- 
quées avant  ledict  jour,  et  se  tiendra  pour  bon  et  va- 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  43; 

lable  le  repartement  qu'en  aura  faict  ou  fera  faire  le 
prince,  son  lieutenant  ou  commis,  vers-la  jurisdiction 
duquel  leclict  arrest  sera  faict,  et  ne  pourront  jamais  les 
créditeurs  de  telles  debtes  ou  leurs  ayans  cause  estre 
receus  à  en  faire  poursuite,  en  quelque  manière  et  par 
quelque  action  que  ce  soit  contre  ceulx  aulxquels  les- 
dicts  dons  auront  este  faicts ,  ni  contre  ceulx  qui  par 
vertu  de  tels  dons  et  confiscations  les  auroient  payés, 
pour  quelque  cause  que  lesdictes  debtes  puissent  estre, 
nonobstant  quelques  lettres  obligatoires  que  lesdicts 
créditeurs  en  puissent  avoir,  lesquelles,  pour  l'effect 
de  ladicte  confiscation ,  seront  et  demeureront  par  ce- 
dict  traicté  cessées,  annullees  et  sans  risueur. 

VIII.  Et  se  fera  ledict  retour  desdicts  subjects  et 
serviteurs,  d'ung  costé  et  d'aultre,  à  leurs  biens  im- 
meubles et  rentes  comme  dessus ,  nonobstant  toutes 
les  donations ,  confiscations  commises  et  sentences 
données  par  contumace,  et  en  Fabsence  des  parties, 
et  icelles  non  ouïes  à  l'occasion  de  cestedicte  guerre, 
comme  qu'il  soit,  lesquelles  sentences  et  tous  juge- 
mens  donnés  tant  en  civil  qu'en  criminel,  demeureront 
nuls  et  sans  aulcung  effect ,  et  comme  non  atlveneus, 
re?iieita!U  iceulx  subjects  quant  à  ce  pleinement  ,  et 
ceas.'ivit  tous  empescliemens  et  contredicts  aulx  droicts 
qu'ils  a  voient  au  temps  de  l'ouverture  de  ladicte  guerre, 
sans  qu'aulcung  puisse  estre  recberché  pour  charges 
eî  t'itr omises  publicques  qu'il  auroit  eu,  soit  pour  les 
vivii-s,  manieinent  de  deniers  ou  aultrcment ,  pen- 
dant le  tt inps  et  à  l'occasion  de  ladicte  guerre,  dont 
i'  auroit  rendeu  compte  pardevant  ceulx  qui  avoient 
lors  pouvoir  d'en  ordonner,  pourveu  que  lesdicts  sub- 
jects et  serviteurs  ne  se  trouvent  chargés  d'aultres 
crimes  et  débets  que  d'avoir  servi  en  parti  contraire. 


438  ARTICLES 

IX.  Et  ne  pourront  neantmoins  rentrer  dans  les- 
dictes  terres,  pays  et  seigneuries  desdicts  roys,  sans 
avoir  premièrement  sur  ce  obteneu  permission  et  let- 
tres patentes  scellées  du  grand  scel  de  leurs  majes- 
tés ,  desquelles  ils  seront  teneus  poursuivre  la  vé- 
rification pardevant  les  courts  et  officiers  de  leurs 
majestés. 

X.  Ceulx  qui  auront  esté  pourveus  d'ung  costé  et 
d'aultre  des  bénéfices ,  estans  à  la  collation ,  présenta- 
tion ou  aultre  disposition  desdicts  sieurs  rovs  ou  aul- 
tres  personnes  laïcs,  demeureront  en  la  possession  et 
jouissance  desdicts  bénéfices,  comme  bien  et  deumenfe 
pourveus. 

XI.  En  faveur  et  contemplation  de  ceste  paix,  et 
pour  donner  par  lesdicts  sieurs  roys  contentement  l'ung 
à  l'aultre,  est  conveneu  et  accordé  qu'ils  rendront  et 
restitueront  réellement  de  faict  et  de  bonne  foy  l'ung 
à  l'aultre,  ce  qui  se  trouvera  avoir  esté  pris,  saisi  et 
occupé  par  culx  ou  aullres,  ayant  charge  d'eulx  ou  en 
leurs  noms  es  pays  l'ung  de  l'aultre.  C'est  à  sçavoir  : 
Ledict  sieur  très  chrestien  audict  sieur  roy  catholique , 
la  jouissance  et  possession  du  comté  de  Charolois , 
ses  appartenances  et  despendances,  pour  en  jouir  par 
lui  et  ses  successeurs,  pleinement  et  paisiblement,  et 
le  tenir  soubs  la  souveraineté  des  roys  de  France  ;  et 
s'il  se  trouve  d'aultres  places  occupées  depuis  ladicte 
paix  de  iSSq,  par  ledict  sieur  roy  très  chrestien  ou 
par  les  siens,  seront  pareillement  restituées,  et  le  tout 
dans  deux  mois,  à  compter  du  jour  et  date  de  ces 
patentes. 

XII.  Et  pareillement  ledict  sieur  roy  cathoHque 
rendra  et  restituera  audict  sieur  roy  très  chrestien  les 
places  qui  se  trouveront  avoir  esté  par  lui  ou  aultres, 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  43c) 

ayant  charge  de  lui  ou  en  son  nom,  prises,  saisies  et 
occupées  depuis  ledict  traicté  de  Chasteau  en  Cam- 
bresis. 

Xlir.  A  sçavoir,  Calais,  Ardres,  Monthulin,  Dour- 
lans,  La  Cappelle  et  Le  Castelet  en  Picardie,  Blavet  en 
llretaigne,  et  toutes  aultres  places  que  ledict  sieur  roy  ca- 
tholique y  auroit  occupées  ou  ailleurs  au  royaulme  de 
France,  depuis  ledict  traicté ,  et  sont  par  lui  ou  par  les 
siens  deteneues. 

XIV.  Pour  le  regard  de  Calais,  Ardres,  Monthulin, 
Dourlans,  La  Cappelle  et  Le  Castelet,  seront  icelles 
places  remises  et  rendeues  par  ledict  sieur  roy  catho- 

.  lique  ou  ses  ministres  effectuellement,  de  bonne  foi, 
et  sans  aulcune  longueur  ni  difficulté  pour  quelque 
prétexte  ou  occasion  que  ce  soit,  à  celui  ou  ceulx  qui 
seront  à  ce  députés  par  ledict  sieur  roy  très  chrestien, 
dans  deux  mois  preciseement,  à  compter  du  jour  et 
date  de  ces  présentes,  en  Testât  qu'elles  se  trouvent  à 
présent,  sans  y  rien  desmolir,  affoiblir,  ni  endommager 
en  aulcune  sorte  que  l'on  puisse  prétendre ,  ni  de- 
mander aulcung  remboursement  pour  les  fortifications 
faictes  esdictes  places ,  ni  pour  le  payement  de  ce  qui 
pourroit  estre  deu  aulx  soldats  et  gens  de  guerre  y 
estans,  et  se  fera  ladicte  restitution  premièrement  des 
\illes  de  Calais  et  Ardres ,  et  des  aultres  puis  après , 
en  sorte  que  la  restitution  entière  desdictes  places  soit 
accomplie  dans  ledict  temps  de  deux  mois. 

XV.  Quant  à  Blavet,  la  restitution  en  sera  aussi  faicte 
effectuellement  et  de  bonne  foi ,  sans  aulcune  lon- 
gueur ni  difficulté,  soubs  quelque  prétexte  que  ce  soit , 
à  celui  ou  à  ceulx  qui  à  ce  seront  commis  par  ledict 
seigneur  roy  très  chrestien,  et  ce  dans  trois  mois,  du 
jour  et  date  de  ces  présentes,  et  pourra  ledict  seigneur 


44o  ARTICLES 

roy  catholique  faire  desmolir  les  fortifications  par  lui 
faictes  ou  par  les  siens  audict  Blavet,  et  aultres  lieux 
qui  seront  par   lui    deteneus    en  Bretaigne,    si   aul- 


cungs  y  a. 


XVI.  Restituantlesdictes  places,  pourra  ledict  seigneur 
roy  catholique  faire  emporter  toute  Tarlilierie,  pouldre, 
boulets,  armes,  vivres,  et  aultres  munitions  de  guerre 
qui  se  trouveront  esdictes  places ,  au  temps  de  la  res- 
titution. Pourront  aussi  les  soldats,  gens  de  guerre  et 
aultres  qui  sortiront  desdictes  places,  faire  emporter 
tous  biens,  meubles  à  eulx  appartenant,  sans  qu'il 
leur  soit  loisible  exiger  aulcune  chose  des  habitans 
d'icelles  places  et  du  plat  pays  ,  ni  endommager  leurs 
maisons ,  ou  en  emporter  aulcune  chose  appartenant 
aulxdicts  habitans. 

XVII.  Et  à  ce  que  ces  gens  de  guerre ,  estans  audict 
Blavet,  se  puissent  plus  promptement  retirer  en  Es- 
paigne ,  ledict  seigneur  roy  très  chrestien  les  fera  ac- 
commoder de  vaisseaux  et  mariniers  ,  dans  lesquels 
vaisseaux  ils  pourront  faire  charger  l'artillerie,  vivres 
et  aultres  munitions  de  guerre ,  avec  leurs  bagages , 
estans  audict  Blavet,  et  aultres  lieux  qui  seront  res- 
titués en  Bretaigne ,  en  baillant  asseurance  de  la  resti- 
tution desdicts  vaisseaux  et  renvoi  des  mariniers,  dans 
le  temps  qui  sera  accordé. 

XVIII.  Promettent  en  oultre  lesdicts  députés,  pour 
asseurance  de  la  restitution  desdictes  places,  aussitost 
que  la  ratification  du  présent  traictc,  faicte  par  ledict 
seigneur  roy  très  chrestien ,  aura  esté  fournie  ,  de 
bailler  et  délivrer  quattre  ostages  tels  qu'il  vouldra 
choisir,  subjects  dudict  sieur  roy  catholique,  qui  se- 
ront bien  et  honorablement  teneus  ainsi  qu'il  convient 
à  leurs  qualités;  laquelle  restitution   estant  faicte  et 


DU  TRATCTÉ  DE  PAIX.  44  ^ 

réellement  accomplie ,  lesdicts  oslages  seront  rendeus 
et  mis  en  liberté  de  bonne  foi ,  et  sans  aulcung  délai , 
bien  entendeu  qu'estant  accomplie  la  restitution  des- 
dictes places  de  Picardie,  deux  desdicts  ostages  se- 
ront deslivrés,  demeurant  les  aultres  deux  jusques  a  la 
restitution  dudict  Blavet. 

XIX.  Et  pour  le  regard  des  choses  conteneues  audict 
traicté  de  l'an  i  559 ,  qui  n'ont  esté  exécutées  suivant 
les  articles  d'icelui,  l'exécution  en  sera  faicte  et  para- 
chevée en  ce  qui  reste  à  exécuter,  tant  pour  la  teneure 
féodale  du  comté  de  Sainct  Paul ,  limites  des  pays  des 
deux  princes,  terres  teneues  en  surseance,  exemption 
des  gabelles,  et  impositions  foraines  pretendeues  par 
ceulx  du  comté  de  Bourgoigne ,  evesché  de  The- 
rouenne,  abbaye  de  Sainct  Jean  au  Mont,  duché  de 
Bouillon,  restitution  d'aulcunes  places  pretendeues  de 
part  et  d'aultre  debvoir  estre  restituées  en  vertu 
dudict  traicté,  et  tous  aultres  différends,  qui  n'ont  esté 
vuidés  et  décidés  ainsi  qu'il  a  esté  conveneu;  seront 
à  cest  effect  nommés  arbitres  et  députés  de  part  et 
d'aultre  ,  suivant  ce  qui  a  esté  resoleu  par  ledict  traicté; 
lesquels  s'assembleront  dans  six  mois  es  lieux  designés 
par  icelui,  si  les  parties  consentent,  sinon  s'accorde- 
ront d'ung  aultre  lieu. 

XX.  Et  d'autant  qu'en  la  division  des  terres  ordon- 
nées aulx  diocèses  d'Arras,  Amiens,  Sainct  Omer  et 
Bouloigne,  il  se  trouve  des  villages  de  France  attribués 
aulx  eveschés  d'Arras  et  de  Sainct  Omer,  et  aultres 
villages  du  pays  d'Artois  et  Flandres,  aulx  eveschés 
d'Amiens  et  de  Bouloigne,  dont  advient  souvent  des- 
ordre et  confusion ,  a  esté  conveneu  qu'après  avoir 
eu  le  consentement  et  permission  de  nostre  sainct  père 
îe  pape,  commissaires  de  part  et  d'aultre  seront  de- 


44^^^  ARTICLES 

pûtes,  qui  s'assembleront  dedans  ung  an  au  lieu  qui 
sera  advisé  pour  resouldre  Tescbange  qui  pourroit 
eslre  faicte  desdicts  villages  à  la  commodité  des  ungs 
et  des  aultres. 

XXI.  Tous  prisonniers  de  guerre  estant  deteneus 
de  part  et  d'aultre  seront  mis  en  liberté,  en  payant 
leurs  despens  et  ce  qu'ils  pourront  justement  debvoir, 
sans  estre  teneus  de  payer  aulcune  rançon  ,  sinon  qu'ils 
en  ayent  conveneu  ;  et  s'il  y  a  plaincte  de  l'excès  d'icelle , 
en  sera  ordonné  par  le  prince  au  pays  duquel  les  pri- 
sonniers seront  deteneus. 

XXII.  Tous  aultres  prisonniers,  subjects  desdicts 
seigneurs  roys,  qui  pour  la  calamité  des  guerres  pour- 
roient  eslre  deteneus  aulx  galères  de  leurs  majestés, 
seront  promptement  deslivrés,  et  mis  en  liberté  sans  / 
aulcune  longueur  pour  quelque  prétexte  ou  occasion 
que  ce  soit,  et  sans  qu'on  leur  puisse  demander  aul- 
cune cbose  pour  leurs  rançons  ou  pour  leurs  despens. 

XXIII.  Et  sont  réservés  audict  seigneur  roy  très 
cbrestien  de  France  et  de  Navarre,  ses  successeurs 
et  ayans  cause  de  sesdicts  royaulmes  ,  pays  et  seigneu- 
ries, ou  aultrement  ailleurs  pour  quelque  cause  que 
ce  soit,  auquel  n'auroit  esté  par  lui  ou  par  ses  prédé- 
cesseurs expresseement  renoncé  pour  en  faire  pour- 
suite par  voye  amiable  ou  de  justice ,  et  non  par  les 
armes. 

XXIV.  Comme  en  semblable  sont  réservés  audict  sei- 
gneur roy  calbolique  des  Espaignes,  et  à  la  serenissime 
infante  sa  fille  aisnee,  leurs  successeurs  et  ayans  cause, 
de  tous  les  droicts,  actions  et  prétentions  qu'ils  en- 
tendent leur  appartenir  à  cause  desdicts  royaulmes , 
pays  ou  seigneuries  ,  ou  aultrement  ailleurs  pour 
quelque   cause  que    ce    soit ,  aulxquels   n'auroit   esté 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  44^ 

par  eulx  ou  par  leurs  successeurs  expresseement  re- 
noncé, pour  en  faire  poursuite  par  voye  amiable  ou  de 
justice,  et  non  par  les  armes. 

Et  sur  ce  qui  auroit  esté  remonstré  par  tesdicts 
députés  dudict  seigneur  roy  catholique,  que  pour  par- 
venir à  une  bonne  paix,  il  est  très  requis  que  très 
excellent  prince,  M.  le  duc  de  Savoye,  soit  compris  en 
ce  traicté ,  désirant  ledict  seigneur  roy  catholique  et 
affectionnant  le  bien  et  conservation  dudict  sieur  duc 
comme  la  sienne  propre  pour  In  proximité  du  sang 
et  d'alliance  dont  il  lui  appartient.  Ce  qu'aussi  ils  ont 
dict  avoir  charge  expresse  de  proposer  de  la  part  du- 
dict sieur  cardinal  archiduc,  ayant  aussi  déclaré  mes- 
sire  Gaspard  de  Genève,  marquis  de  Lullin,  conseiller 
d*estat,  chambellan,  et  colonel  des  gardes  dudict  sieur 
duc ,  son  lieutenant  et  gouverneur  du  duché  d'Aouste 
et  cité  d'Ivree,  son  commis  et  député,  comme  appert 
par  son  pouvoir  et  procuration  ci  dessoubs  insérée , 
qu'icelui  sieur  duc  son  maistre  a  l'honneur  d'estre  isseu 
du  frère  de  la  bisaïeule  dudict  seigneur  roy  très  chrestien, 
et  de  la  cousine  germaine  de  la  royne  sa  mère  ;  que  son 
intention  est  de  donner  contentement  audict  seigneur 
roy,  et  comme  son  très  humble  parent  le  recognoistre 
de  tout  l'honneur,  service  et  observance  d'amitié  qui 
lui  sera  possible  pour  le  rendre  à  l'advenir  plus  content 
de  lui  et  de  ses  actions  que  le  temps  e.t  les  occasions 
passées  ne  lui  en  ont  donné  le  moyen  ,  et  qu'il  se  pro- 
met dudict  seigneur  roy  que ,  recognoissant  ceste  sienne 
Lonne  affection,  il  usera  envers  lui  de  la  mesme  bonté 
et  déclaration  d'amitié  dont  les  quattre  roys  derniers 
ses  prédécesseurs  ont  usé  à  l'endroicl  de  feu ,  de  très 
louable  mémoire  ,  M.  le  duc  de  Savoye  son  père. 

A  esté  concleu  et  arresté  rrue  ledict  sieur  duc  scr.^ 


444  ARTICLES 

receu  et  compris  en  ce  ti  aicté  de  paix ,  et  pour  tes- 
moigner  le  désir  qu'il  a  de  donner  contentement  nii- 
dict  seigneur  roy  très  chrestien,  rendra  et  restituera 
la  ville  et  le  chasteau  de  Berre  dedans  deux  mois ,  à 
compter  du  jour  et  date  de  ces  présentes,  effecluelle- 
ment  et  de  bonne  foi,  sans  aulcune  longueur  ni  diffi- 
culté, soubs  quelque  prétexte  que  ce  soit,  et  sera  icelle 
place  remise  et  rendeue  par  ledict  sieur  duc  à  celui 
ou  à  ceulx  qui  seront  à  ce  députés  par  ledict  seigneur 
roy,  dans  ledict  temps  preciseement ,  en  Testât  qu'elle 
se  trouve  à  présent  sans  y  rien  desmolir,  affoiblir  ni 
endommager  en  aulcune  sorte,  et  sans  que  l'on  puisse 
prétendre  ni  demander  aulcung  remboursement  pour 
les  fortifications  faictes  en  ladicte  ville  et  chasteau  ,  ni 
aussi  pour  ce  qui  pourroit  estre  deu  aulx  gens  de  guerre 
y  estans,  et  délaissera  toute  l'artillerie  qui  estoit  dans 
ladicte  place  lors  de  la  prise  d'icelle,  avec  les  boulets 
qui  se  trouveront  de  mesme  calibre ,  et  pourra  retirer 
celle  que  depuis  il  y  aura  mis,  si  aulcune  en  y  a. 

Aussi  a  esté  conveneu  et  accordé  que  ledict  sieur 
duc  desadvouera  et  abandonnera  entièrement ,  et  de 
bonne  foi ,  le  capitaine  La  Fortune ,  estant  en  la  ville 
de  Seurre ,  pays  de  Bourgoigne,  sans  qu'il  lui  baille, 
ni  aultre  qui  usurperoit  ladicte  ville  contre  la  volonté 
dudict  seigneur  roy  très  chrestien  ,  directement  ou  indi- 
rectement, aulcune  aide,  support,  ni  faveur. 

Et,  pour  le  surplus  des  aultres  différends  qui  sont 
entre  ledict  seigneur  roy  très  chrestien  et  ledict  sieur 
duc ,  lesdicts  députés  aulxdicts  noms  consentent  et 
accordent  pour  le  bien  de  la  paix  qu'ils  soient  remis 
au  jugement  de  nostre  sainct  père  Clément  VIII,  pour 
estre  vuidés  et  décidés  par  sa  saincteté  dedans  ung  an , 
à  compter  du  jour  et  date  de  ces  présentes ,  suivant  la 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  445 

response  dudict  seigneur  roy,  baillé  par  escrit  le  4 
juin  dernier  ci  après  insérée,  et  ce  qui  sera  ordonné 
par  sa  saincteté  sera  entièrement  accompli ,  et  exécuté 
de  part  et  d'aidtre  sans  aulcune  longueur  ni  difficulté  , 
soubs  quelque  cause  ou  prétexte  que  ce  soit,  et  ce- 
pendant, et  jusques  à  ce  qu'aultrement  en  soit  décidé 
par  nostre  saincl  père  le  pape,  demeureront  les  cboses 
en  Testât  qu'elles  sont  a  présent  sans  y  rien  cbanger  ni 
innover  ;  et  ,  comme  elles  sont  possédées  de  part 
et  d'aultre,  sans  qu'il  soit  loisible  de  s'estendre  plus 
avant ,  imposer  ou  exiger  contributions,  ni  aultre  cbose 
hors  de  territoire  des  places  qui  sont  teneues  par  les 
ungs  ou  par  les  aultres. 

Et,  suivant  ce.  a  esté  convenéu  et  accordé  que  des 
à  présent  il  y  aura  paix ,  ferme,  stable  ,  amitié  et  bonne 
voisinance  entre  lesdicts  seigneurs  roy  et  duc^  leurs 
enfans  nés  et  à  naistre ,  hoirs,  successeurs  et  héritiers, 
leurs  royaulmes,  pays  et  subjec^s,  sans  qu'ils  puissent 
faire  aulcune  entreprise  sur  les  pays  et  subjecis  Tung 
de  Taultre  pour  quelque  cause  ou  prétexte  que  ce 
soit  ;  que  les  subjects  et  serviteurs  d'ung  costé  ou 
d'aultre,  tant  ecclésiastiques  que  séculiers,  nonobstant 
qu'ils  ayent  servi  en  parti  contraire  ,  retourneront 
pleinement  et  en  la  jouissance  de  tous  et  cliacung 
leurs  biens,  offices  et  bénéfices,  tout  ainsi  qu'il  a  esté 
dict  ci  dessus  pour  les  subjects  et  serviteurs  des  deux 
roys  ,  sans  que  cela  puisse  estre  entendeu  des  gou- 
verneurs. 

Quant  aulx  prisonniers  de  guerre ,  en  sera  usé  comme 
il  a  esté  convenéu  entre  les  deux  roys ,  ainsi  qu'il  est 
conteneu  ci  dessus. 

Et  sont  confirmés  en  tous  leurs  poincts  et  articles 
les  traictés  faicts   ci  devant  entre  les  feus  roys  très 


446  ARTICLES 

chrestiens  Henry  II  en  Tan  i  559 ,  à  Chasteau  en  Cam- 
Lresis,  Charles  IX  et  Henry  III ,  et  ledict  feu  sieur  duc 
de  Savoye ,  sinon  en  ce  qui  auroit  esté  dérogé  par  le 
présent  traicté  ou  par  aultres,  et  suivant  ce  demeu- 
rera ledict  sieur  duc  de  Savoye  avec  ses  terres,  pays 
et  subjects ,  bon  prince,  neutre,  et  ami  commun  des- 
dicts  seigneurs  roys,  et  du  jour  de  la  publication  da 
présent  traicté  sera  le  commerce  libre  et  asseuré  entre 
leursdicts  pays  et  subjects  conteneu  esdicts  tra'ictés,  et 
en  a  esté  usé  en  vertu  d'iceulx  ,  et  seront  observés  les 
reglemens  y  conteneus,  mesmes  pour  le  regard  des 
officiers  (jui  ont  servi  les  seigneurs  roys,  sinon  que 
par  aultre  traicté  y  eust  esté  desrogé. 

En  ceste  paix ,  alliance  et  amitié  seront  compris  de 
commun   accord  et    contentement   desdicts  seigneurs 
roys,  si  compris  y  veullent  estre ,  premièrement  de  la 
part  dudict  seigneur  roy  très  chrestien   nostre  sainct 
père  le  pape,  et  le  sainct  siège  apostolique,  l'empe- 
reur ,  les  électeurs ,  princes  ecclésiastiques  et  séculiers  , 
villes,  communautés  et  estats  dudict  sainct  père,  et 
par  spécial  MM.  le  comte  Palatin,   électeur,  marquis 
de  Brandebourg,   duc  de   Wittemberg,  landgrave  de 
Hesse,  le  marquis  d'Anspach,  les  comtes  de  Frise  orien- 
tale ,  les  villes  maritimes  ,  selon  les  anciennes  alliances, 
le  roy  et  le  royaulme  d'Escosse  ,  selon  les  anciens  traic- 
tés ,    alliances    et   confédérations    qui    sont    entre    les 
royaulmes  de  France  et  d'Escosse,  les  roys  de  Poloi- 
gne,  Danemarck  et  Suéde,  le   duc  et  seigneurie  de 
Venise,  les  treize  cantons  des  ligues  Suisses,  les  sei- 
gneurs des  trois  ligues  Grises,  fevesque  et  seigneurs  du 
pays  de  Valais ,    l'abbé  et  ville  de    Sainct  Gai ,  tout 
Rembourg  ,  Mulhausen  ,  comté  de  Neufcliastel ,  et  aul- 
tres alliés   et    confédérés    desdicts  sieurs   des  ligues , 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  4^7 

M.  le  duc  de  Lorraine,  M.  le  grand  duc  de  Toscane, 
M.  le  duc  de  Mantoue,  la  republique  de  Lucqnes,  les 
evesques  et  chapitres  de  Metz,  Toid  et  Verdun, 
l'abbé  de  Gorze  ,  les  seigneurs  de  Sedan  et  le  comte 
de  La  Mirande,  bien  entendeu  toutesfois  que  le  con- 
sentement que  ledict  seigneur  roy  catholique  donne  à  la 
compréhension  des  comtes  de  Frise  orientale  soit  sans 
préjudice  du  droict  que  sa  majesté  catholique  pré- 
tend sur  les  pays  d'iceulx ,  comme  aussi  demeurent 
ressentes  à  rencontre  les  deffenses ,  droicts  et  excep- 
tions desdicts  comtes  ,  le  tout  avec  déclaration  que  le- 
dict seigneur  roy  catholique  ne  pourra  directement 
ou  indirectement  travailler  par  soi,  ou  par  d'aul- 
tres,  aulcung  de  ceulx  qui  de  leur  part  dudict  sei- 
gneur roy  très  chrestien  ,  ont  ci  dessus  esté  compris, 
et  que  si  ledict  seigneur  roy  catholique  prétend  aul- 
cune  chose  à  i'encontre  d'eulx  ,  il  les  pourra  seule- 
ment poursuivre  par  droict  pardevant  les  juges  com- 
petans ,  et  non  par  la  force  en  manière  que  ce  soit  ;  et 
de  la  part  dudict  seigneur  roy  catholique  seront  com- 
pris audict  traicté,  si  compris  y  veullent  estre,  premiè- 
rement, nostre  sainct  père  le  pape,  le  sainct  siège  apos- 
tolique, l'empereur  des  Romains  ,  messieurs  les  archi- 
ducs, les  frères  et  cousins,  leurs  royaulmes  et  pays, 
les  électeurs,  princes,  villes  et  estats  du  sainct  empire 
obeivSsans  à  icelui ,  le  duc  de  Bavière  ,  le  duc  de  Gleves , 
evesque  et  pays  de  Liège,  les  villes  maritimes  et  les 
comtes  d'Ostfrise;  et  renoncent  lesdicts  princes  à  toutes 
practiques,  promettans  de  n'en  faire  ci  après  aulcunes, 
ni  en  la  chrestienté,  ni  hors  d'icelle  où  que  ce  soit, 
qui  puisse  estre  préjudiciable  ,  ni  audict  seigneur  em- 
pereur,  ni  aulxdicls  membres  et  estats  dudict  sainct 
empire,   ains  qu'ils   procureront   de    leur  pouvoir  le 


448  ARTICLES 

bien  et  repos  d'icelui,  pourveu  que  ledict  seigneur  em- 
pereur et  lesdicts  estats  se  comportent  respectivement, 
amiablement  avec  lesdicts  seigneurs  roys  très  chrestien 
^  et  catholique  ,  et  ne  fassent  rien  au  préjudice  d'iceulx  , 
et  de  mesmes  y  seront  compris  messieurs  des  cantons 
des  ligues  des  Haultes  Allemagnes,  et  les  ligues  Grises 
et  leurs  alliés,  le  roy  de  Poloigne  et  de  Suéde,  le  roy 
d'Escosse,  le  roy  de  Danemarck,  le  duc  et  seigneurie 
de  Venise,  le  duc  de  Lorraine,  le  grand  duc  de  Tos- 
cane ,  les  republicques  de  Gesnes  et  de  Lucques ,  le  duc 
de  Parme  et  de  Plaisance ,  le  cardinal  Farnese  son 
frère,  le  duc  de  Mantoue,  le  duc  d'Urbin ,  les  chefs 
des  maisons  Colone  et  Ursine,  le  duc  de  Sennonete , 
le  sieur  de  Monaco,  le  marquis  de  Final,  le  marquis 
de  Mossa ,  le  sieur  de  Piombin ,  le  sieur  de  Sala ,  le 
comte  de  Colorno  ,  pour  jouir  pareillement  du  bénéfice 
de  ceste  paix,  avec  déclaration  expresse  que  ledict 
seigneur  roy  très  chrestien  ne  pourra  directement  ou 
indirectement  travailler  par  soi ,  ou  par  aultres  aulcungs 
d'iceulx,  et  que  s'il  prétend  aulcune  chose  à  l'encontre 
d'eulx ,  il  les  pourra  seulement  poursuivre  par  droict 
devant  juges  competans ,  et  non  par  la  force  en  ma- 
nière que  ce  soit. 

Et  aussi  seront  compris  en  ce  présent  traicté  tous 
aultres  qui  de  commun  consentement  desdicts  sei- 
gneurs roys,  se  pourront  dénommer,  pourveu  que  six 
mois  après  la  publication  de  ce  présent  traicté  ,  ils  don- 
nent leurs  lettres  declaratoires  et  obligatoires  en  tel  cas 
requises  respectivement. 

Et  pour  plus  grande  seureté  de  ce  traicté  de  paix  et 
de  tous  les  poincts  et  articles  y  conteneus,  sera  icelui 
traicté,  vérifié,  publié  et  enregistré  en  la  court  de  par- 
lement à  Paris,  et  en  tous  aultres  parlemens  du  royaulme 


DU  TRAICTÉ  DE  PAIX.  449 

de  France  et  chambre  des  comptes  de  Paris,  comme  au 
semblable  sera  vérifié,  publié  et  enregistré  au  grand 
conseil,  aultres  conseils  et  chambres  des  comptes  des 
Pays  Bas  dudict  seigneur  roy  catholique  ,  et  le  tout  sui- 
vant et  en  la  forme  qui  est  conteneue  audict  traicté  de 
l'an  i559,  <^^oi^t  seront  baillées  les  expéditions  de  part 
et  d'aultre  dans  trois  mois  après  la  publication  du  pré- 
sent traicté. 

Lesquels  poincts  et  articles  ci  dessus ,  compris  en- 
semble tout  le  conteneu  en  chacung  d'iceulx  ,  ont  esté 
traictés,  accordés,  passés  et  stipulés  entre  lesdicts  dé- 
putés aulx  noms  que  dessus,  lesquels,  en  vertu  de  leurs 
pouvoirs,  ont  promis  et  promettent  soubs  l'obligation  de 
tous  et  chacungs  les  biens  presens  et  advenir  de  leurs- 
dicts  maistres ,  qu'ils  seront  par  iceulx  inviolablement 
observés  ,  et  de  leur  faire  ratifier  et  en  bailler  les  unes 
aulx  aultres  lettres  authentiques,  signées  et  scellées, 
où  tout  le  présent  traicté  sera  inséré  de  mot  à  aultre, 
et  ce  dans  ung  mois  du  jour  et  date  des  présentes  pour 
le  regard  dudict  seigneur  roy  très  chrestien ,  cardinal , 
archiduc  et  duc  de  Savoye ,  lequel  sieur  cardinal  pro- 
mettra de  se  fournir  trois  mois^apres  semblables  lettres 
de  ratification  dudict  seigneur  roy  catholique,  et  oultre 
ont  promis  et  promettent  lesdicts  députés  esdicts  noms 
que  lesdictes  lettres  de  ratification  desdicts  roy  très 
chrestien,  cardinal,  archiduc  et  duc  de  Savoye,  jure- 
ront solemnellement  sur  la  croix,  sainctes  Evang^iles , 
canon  de  la  Messe,  et  sur  leur  honneur,  en  présence 
de  tels  qu'il  leur  plaira  députer ,  d'observer  et  accom- 
plir pleinement,  réellement  et  de  bonne  foi  le  conte- 
neu esdicts  articles  ,  et  semblable  serment  sera  faict  par 
ledict  seigneur  roy  catholique  dans  trois  mois  après ,  ou 
lorsqu'il  en  sera  requis.  En  tesmoing  desquelles  choses 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MCRXAY.   ToME  VIII.  2Q 


45o  ARTICLES  DU  TRAICTÉ  DE  PAIX. 

ont  lesdicts   députés  soubscript  le  présent  traicté  de 
leurs  noms  au  lieu  de  Vervins,  le  i  jour  de  mai  lôgS. 


CL.  —  ^  TRAICTÉ  DES  PARTICULIERS 

Faict  à  Feivms  y  le  i  mai  x^cfi. 

Au  nom  de  Dieu  le  Créateur ,  à  tous  soit  notoire 
comme  cejourd'hui  2®  de  mai  ioqS,  a  esté  conceu  le 
traicté  de  paix  entre  très  hault,  très  excellent  et  très  '^ 
puissant  prince  Henry  IV,  par  la  grâce  de  Dieu  roy 
très  chrestien  de  France  et  de  Navarre  ;  et  très  hault , 
très  excellent  et  très  puissant  prince  Philippe  II,  par 
la  mesme  grâce  roy  catholique  des  Castilles,  d'Ara- 
gon, de  Léon,  des  deux  Siciles,  de  Jérusalem,  de  Por- 
tugal ,  de  Navarre ,  de  Grenade ,  etc.  ;  par  messire  Pom-  ' 
pone  de  Bellievre;  sieur  de  Grignon  ,  du  conseil  d'estat 
dudict  seigneur  roy  très  chrestien  ;  et  Nicolas  Brulart , 
sieur  de  Sillery,  conseiller  dudict  conseil  d'estat,  et 
président  du  parlement  de  Paris;  et  messire  Jean  Ri- 
chardot,  chevalier,  chef  président  du  conseil  privé 
dudict  seigneur  roy  catholique ,  et  de  son  conseil 
d'estat;  Jean  Baptiste  de  Taxis,  chevalier  et  comman- 
deur de  los  Santos ,  de  l'ordre  militaire  de  Sainct  Jac- 
ques de  la  Spada ,  dudict  conseil  d'estat  et  de  guerre 
dudict  seigneur  roy  catholique  ;  et  Louis  Verreiken , 
aussi  chevalier  audiencier ,  premier  secrétaire  et  thre- 
sorier  des  chartres  dudict  conseil  d'estat ,  iceulx  commis 
et  députés,  en  vertu  de  leurs  pouvoirs,  oultre  le  con- 
teneu  audict  traicté  de  paix,  ont  accordé  les  articles 
suivans,  pour  estre  ung  chacung  d'iceulx  observés  et 
gardés  inviolablement  par  lesdicts  seigneurs  roys,  leurs 


ÏRAICTÉ  DES  PARTICULIERS.  4^^ 

successeurs  et  avans  cause,  et  avec  la  mesme  force, 
vigueur  et  prérogative,  comme  s'ils  estoient  expressee- 
ment  insérés  audict  traicté  de  paix. 

Premièrement ,  que  sera  faict  bonne  et  briefve  justice 
à  la  veufve  et  enfans  de  feu  messire  Pierre  de  Melun , 
pour  le  droict  et  possession  par  eulx  pretenJeu  sur  les 
biens  qui  appartenoient  au  feu  sieur  prince  d'Espiney 
dans  les  pays  dudict  seigneur  roy  catholique. 

Comme  au  semblable  sur  les  demandes  et  prétentions 
de  la  duchesse  d'Arscot,  lui  sera  faict  bonne  et  brefve 
justice. 

Le  semblable  sera  faict  à  la  veufve  du  feu  prince 
d'Orange,  estant  retirée  en  France,  pour  le  douaire 
qu'elle  prétend  sur  les  biens  du  feu  prince  d'Orange; 
ensemble  pour  la  jouissance  du  traicté  de  Cohgny,  en 
ce  qui  est  situé  dans  les  pays  dudict  roy  catholique. 

Le  prince  d'Orange  sera  remis  en  la  possession  et 
souveraineté  de  la  principauté  d'Orange,  et  de  toutes 
aultres  terres  dont  lui  et  les  siens  jouissoient  au  royaulme 
de  France  auparavant  la  guerre ,  et  dont  il  avoit  esté 
dépossédé  à  l'occasion  d'icelle;  et  pareillement  sera 
remis  en  tous  les  aultres  droicls,  noms,  raisons  et  ac- 
tions qui  lui  appartenoient  auparavant  ladicte  guerre, 
pour  raisons  desquelles  lui  sera  faict  bonne  et  briefve 
justice. 

Le  duc  d'Arscot  sera  remis  au  plus  tost  en  possession 
et  jouissance  des  choses  que  lui  et  le  feu  duc  son  père 
ont  possédées  au  royaulme  de  France  avant  ladicte 
guerre,  et  lui  sera  observé  tout  ce  qui  aura  esté  dis- 
posé aulx  traictés  precedens  en  faveur  dudict  feu  duc 
son  frère  et  de  ses  prédécesseurs,  et  sur  tout  ce  qu'il 
aura  à  prétendre  lui  sera  administré  bonne  et  briefve 
justice  ;  et  si  aulcunes  sentences  ou  jugemens  avoient 


45^  TRAICTÉ 

esté  donnés  an  préjudice  des  preccdens  traictés ,  non- 
obstant icelles,  le  droict  dudict  sieur  duc  demeurera 
en  son  entier. 

Que  ledict  seigneur  roy  très  chrestien  fera  admi- 
nistrer bonne  et  briefve  justice  au  comte  de  Cham- 
plite  et  aultres  héritiers  de  la  maison  de  Vergy,  en  ce 
qu'ils  prétendent  sur  Sainct  Dizier,  Yitry  en  Partois,  la 
seigneurie  de  Vergy ,  et  aultres  biens  et  droicts  qu'ils 
maintiennent  leur  appartenir  ,  et  dont  est  faict  men- 
tion par  plusieurs  precedens  traictés. 

Le  semblable  sera  faict  au  sieur  de  Glayon  ,  pour 
tous  les  droicts  qu'il  prétend  lui  appartenir  dans  le 
royaulme  de  France,  et  sur  les  prétentions  du  comte 
de  Solre,  à  cause  de  madame  sa  femme,  sur  certain 
quartier  de  marais,  qu'il  dict  estre  des  marais  d  Audrun 
et  Bredenarde;  lui  sera  aussi  faict  bonne  et  briefve 
justice,  comme  au  semblable  sera  faict  pour  le  droict 
pretendeu  par  madame  Marie  de  Renti ,  femme  de  dom 
Gaston  d'Espinola,  sur  la  baronie  d'Ardres. 

Sera  aussi  faict  bonne  et  briefve  justice  au  comte  de 
Pont  de  Vaux,  pour  les  biens  qu'il  prétend  lui  estre 
escheus  par  le  trespas  de  feue  la  comtesse  de  Pont  de 
Vaux  et  de  Cerny,  sa  grand'  mère,  ensemble  sur  la  res- 
titution  des  meubles  par  lui  pretendeus  avoir  esté 
déposés  en  la  ville  de  Rheims  par  ordonnance  de  jus- 
tice ,  et  d'aultres  occupés  par  qui  que  ce  soit. 

Et  sur  la  plaincte  par  lui  faicte  de  sa  prison  et 
rançon,  présentant  sa  requeste  audict  seigneur  roy  très 
chrestien  ,  il  en  sera  ordonné  en  sorte  qu'il  aura  occa- 
sion de  se  contenter  de  la  justice  qui  lui  en  sera  faicte. 

Sera  aussi  faict  bonne  et  briefve  justice  au  sieur  de 
Beaurepaire,  sur  ce  qu'il  prétend  la  terre  d'Aix,  en 
Boulonois,  lui  appartenir. 


DES  PARTICULIERS.  4^3 

L'abbé  de  Dammartin  jouira  des  biens  à  lui  apparte- 
nant dans  le  rovauhne  de  France  ,  comme  avant  la 
guerre  lui  et  ses  prédécesseurs  en  ont  joui. 

Et,  pour  terminer  et  décider  les  différends  qui  sont 
pour  les  abbayes  de  Vaucelles  et  de  Fesmy,  seront  députés 
commissaires  de  part  et  d'aultre,  qui  s'assembleront 
dans  six  mois  au  lieu  qui  sera  accordé. 

Et  généralement  tous  subjects,  de  part  et  d'aultre, 
seront  remis  et  réintégrés  en  tous  leurs  biens  ,  rentes 
perpétuelles,  viagères  et  à  racbat,  dont  ils  avoient  esté 
dépossédés  à  l'occasion  desdictes  guerres,  nonobstant 
qu'ils  ayent  servi  en  parti  contraire ,  ainsi  qu'il  est 
conteneu  au  traicté  cejourd'bui  concleu  entre  lesdicts 
seigneurs  roys. 

Et,  s'il  restoit  quelque  chose  à  exécuter  du  précè- 
dent traicté ,  faict  pour  les  particuliers  à  Chasteau  en 
Cambresis  en  iSSq.  sera  exécuté,  pleinement  et  de  bonne 
foi,  de  part  et  d'aultre.  Lesquels  poincts  et  articles  sus- 
dicts,  et  tout  le  conteneu  en  iceulx,  lesdicts  députés 
desdicts  seigneurs  roys,  en  vertu  de  leurs  pouvoirs, 
ont  traicté ,  concleu  et  arresté,  promettant  de  les  faire 
ratifier,  et  faire  observer  entièrement  et  de  bonne  foi, 
comme  dessus  est  dict. 

En  tesmoignage  de  ce ,  ont  signé  ces  présentes  en 
ce  lieu  de  Vervins,  les  jour  et  an  que  dessus, 

POMPONE    DE    BeI.LIEVRE,    NlCOLAS    BRULA.RT, 

Jean  RicHARDOT ,  Jea-N  Baptiste  Taxis  et 
Loujs  Verreiken. 


454  POUVOIR 


CLl. —  ^POUVOIR 

Du  député  de  M.  de  Sai^oje. 

Charles  Emmanuel,  par  la  grâce  de  Dieu  duc  de 
Savoye,  Chablais ,  Aouste,  et  Genevois,  prince  et  vi- 
caire perpétuel  du  sainct  empire  romain ,  marquis  en 
Italie,  prince  de  Piedmont,  comte  de  Genève,  Baugé, 
Romont,  Nice,  etc.;  comme  ainsi  soit  qu'il  auroit 
pieu  au  roy  nostre  beau  père,  et  à  M.  le  cardinal  archi- 
duc d'Autriche,  nostre  cousin,  nous  donner  advis  de 
certain  pourparler  de  paix  ou  trefve  d'entre  leurs  deux 
majestés,  par  l'entremise  de  quelque  tiers,  nous  invi- 
tant à  y  faire  entrevenir  quelqu'ung  de  nostre  part 
pour  nos  particuliers  interests;  nous,  à  ceste  cause 
voullant  députer  personnage  sur  lequel  nous  ayons 
totale  confiance ,  et  qui  soit  de  qualité ,  expérience  et 
capacité  telle  que  requiert  ung  affaire  de  si  grande 
importance,  de  présent  et  pour  l'advenir,  avons  faict 
choix  et  élection  de  vous,  nostre  très  cher,  bien  amé 
et  féal  conseiller  d'estat,  chambellan  gouverneur  de 
nostre  duché  d'Aouste  et  cité  d'Ivree,  et  colonnel  de 
nostre  garde  suisse;  messire  Gaspard  de  Genève,  mar- 
quis de  Lulîin ,  pour  la  grande  preuve  que  nous  avons 
de  vostre  suffisance,  et  de  l'affection  que  vous  avés 
desmonstree  à  nostre  service  en  tant  d'aultres  remar- 
quables tiffaires,  et  légation  que  vous  avés  heureuse- 
ment et  prudemment  conduicte  à  nostre  singulière 
satisfaction;  et  par  ce,  vous  avons  constitué,  et  estabh, 
et  député,  constituons,  establissons  et  députons  nostre 
procureur  gênerai  et  spécial,  en  façon  que  la  gênera- 


DU  DÉPUTÉ  DE  M.  DE  SAVOYE.  455 

Jité  ne  déroge  à  la  spécialité  ni  au  contraire,  pour,  à 
nostre  nom ,  vous  rendre  et  transporter  la  part  où  se 
fera  la  conférence  et  pourparler,  pour  l'adv-ancement 
de  ladicte  paix  ou  trefve,  par  les  députés  entre  les  deux 
majestés  susdictes,  et  en  toute  aultre  part  où  besoing 
sera,  pour  illec  advancer  nos  raisons  et  prétentions,  et 
icelles  débattre,  proposer,  traicter,  resouldre ,  délibé- 
rer, conclure,  consentir  et  soubscrire  de  nostre  part 
à  ladicte  paix  ou  trefve.  Le  tout  comme  ferions  ou  faire 
pourrions  nous  mesmes  si  presens  et  assislans  y  estions, 
sans  aulcune  reserve  ni  limitation,  promettant  en  foi 
et  parole  de  prince  d'avoir  pour  très  agréable,  et  à 
jamais  ferme  et  stable ,  tout  ce  que  par  vous  aura  esté 
concleu ,  consenti  et  arresté  comme  dessus,  et  le  tout 
approuver  et  observer  inviolablement,  sans  jamais  y 
contrevenir  ni  permettre  qu'il  ^y  soit  contreveneu  en 
façon  et  manière  que  ce  soit.  En  tesmoing  de  quoi 
nous  avons  signé  les  présentes,  et  scellé  de  nostre 
cachet,  en  nostre  armée,  à  Barrault,  le  lo®  septembre 
1597. 

Charles  Emmanuel;  et  plus  bas,  Roncas. 
Et  a  costéy  Visa  Rochette,  pour  M.  le  grand  chan- 
cellier,  avec  ung  placard  en  sceau  dudict  sieur  duc, 
armoyé  de  ses  armes. 


k^.'^*'11^r%>^^.'«^-K'%.'«.'^  V*-^^,-^^  ^«'^'^^r^^i'%^1^^^% 


CLIT.  —  J?' ACTE 

De  la  remise  du  traicté  es  mains  de  M.  le  légat. 

Cejourd'hui  ,  2o  jour  du  mois  de  mai  1598,  les 
articles  de  paix  et  reconciliation  entre  très  haiilt,  très 
excellent  et  très  puissant  prince  Henry  IV,  par  la  grâce 


456  NEGOTIATION. 

de  Dieiî  roy  très  chrestien  de  France  et  de  Navarre; 
et  très  hault,  très  excellent  et  très  puissant  prince 
Philippe,  par  la  niesme  grâce  de  Dieu  roy  catholique 
des  Espaignes,  etc.,  et  encores  ledict  seigneur  roy  ires 
chrestien  et  très  excellent  prince  Charles  Emmanuel, 
duc  de  Savoye,  ont  esté  resoleus,  et  accordés  par  leurs 
commis  et  députés ,  suivant  les  pouvoirs  qui  pour  ce 
leur  ont  esté  donnés,  à  sçavoir,  de  la  part  dudict  sei- 
gneur roy  très  chrestien  ,  messire  Pompone  deBellievre, 
chevalier,  sieur  de  Grignon ,  conseiller  en  son  conseil 
d'estat;  et  messire  Nicolas  Brulart,  chevalier,  sieur  de. 
Sillery,  aussi  conseiller  au  conseil  d'estat  dudict  sei- 
gneur roy ,  et  président  en  la  court  de  parlement  de 
Paris;  de  la  part  dudict  seigneur  roy  catholique,  mes- 
sire Jean  Piichardot ,  chevalier;  sieur  de  Bàrly,chefet 
président  du  conseil  privé  dudict  seigneur  roy,  et  de 
son  conseil  d'estat;  messire  Jean  Baptiste  de  Taxis, 
chevalier  commandeur  de  los  Santos,  de  l'ordre  militaire 
de  Sainct  Jacques,  dudict  conseil  d'estat  et  du  conseil 
de  guerre;  et  messire  Louis  Verreiken ,  aussi  chevalier 
audiencier,  premier  secrétaire  et  thresorier  des  Chartres 
dudict  conseil  d'estat,  suivant  la  deputation  et  cliarge 
expresse  sur  ce  à  eulx  donnée  par  très  liault  et  très 
puissant  prince  le  cardinal  Albert, archiduc  d'Autriche, 
en  vertu  du  pouvoir  sur  ce  à  lui  donné  par  ledict 
seigneur  roy  catholique;  et  de  la  part  dudict  duc  de 
Savoye ,  messire  Gaspard  de  Genève,  marquis  de  Lullin, 
conseiller  d'estat,  chambellan  et  colonnel  des  gardes 
dudict  sieur  duc,  gouverneur  et  son  lieutenant  gênerai 
au  duché  d'Aouste  et  cité  d'Yvree,  lesquels  articles  et 
traictés  soubscrits  des  noms  de  tous  les  susdicts  com- 
mis et  députés  desdicts  roy,  cardinal  et  duc  de  Savoye , 
ont  esté  par  eulx  remis  entre  les  mains  de  l'illustris- 


NEGOTIATION.  4^7 

sime  et  reverendissime  cardinal  de  Florence,  légat  de 
sa  saincteté  et  du  sainct  siège  apostolique  en  France, 
en  présence  duquel  iceulx  articles  ont  esté  traictés  et 
resoleus  pour  estre  par  ledict  sieur  légat  gardes  et  te- 
neus  secrets  jusques  à  la  fin  du  présent  mois,  si  plus 
tost  les  parties  ne  consentent  à  la  publication  d'iceulx, 
et  sans  que  ci  après  il  soit  loisible  d'y  adjousler  ou 
diminuer;  à  l'observation  desquels  articles  lesdicts  dé- 
putés ont  obligé  la  foi  desdicts  seigneurs  roys,  cardi- 
nal, arcbiduc,  et  duc  de  Savoye,  en  vertu  des  pouvoirs 
à  eulx  donnés,  es  mains  dudict  sieur  cardinal  légat, 
représentant  la  personne  de  sa  saincteté  en  ceste  nego- 
tiation;  en  tesmoignage  de  quoi  iceulx  députés  ont 
signé  ce  présent  escrit  le  jour  et  an  que  dessus. 

CLIII.  — -^  NEGOTIATIOIN^ 

Pour  la  cessation  de  guerre  avec  la  rojne  d'Angle- 
terre et  provinces  unies  des  Pajs  Bas  ^  durant 
deux  mois. 

En  traictant  les  articles  de  paix  entre  très  liault, 
très  excellent  et  très  puissant  prince  Henry  IV,  par  la 
grâce  de  Dieu  roy  très  chrestien  de  France  et  de  Na- 
varre ;  et  très  hault,  très  excellent  et  très  puissant 
prince  Pbiiippe  II,  par  la  mesme  grâce  roy  catholique 
des  Espaignes ,  etc.  ,  sur  ce  qui  auroit  esté  remonstré 
par  les  députés  dudict  seigneur  roy  très  chrestien, 
qu'ils  ont  tousjours  déclaré,  comme  ils  déclarent  en- 
cores  à  présent ,  de  ne  pouvoir  passer  oultre  à  la  con- 
clusion du  traicté  de  paix,  sinon  que  très  liaulte  ,  très 
excellente  et  très  puissante  princesse  la  royne  d'Angle- 


458  NEGOÏIATION. 

terre,  et  les  provinces  noies  des  Pays  Bas  confédérés 
de  sa  majesté  très  chrestienne ,  soient  admis  et  receus 
au  traicté;  à  quoi  auroit  esté  respondeu  par  les  députés 
dudict  seigneur  roy  catholique,  que,  des  le  commence- 
ment de  ceste  conférence ,  ils  ont  déclaré  qu'ils  estoient 
prests  et  contens  de  recevoir  à  traicter  lesdicts  dépu- 
tés de  îadicte  royne  et  provinces ,  et  qu'ils  ont  faict 
assés  long  séjour  en  ce  lieu  pour  leur  donner  loisir  de 
s'y  acheminer,  s'ils  eussent  eu  ceste  volonté;  a  esté 
concleu  et  arresté  que,  si  dans  six  mois  les  députés  de 
Iadicte  dame  royne  d'Angleterre,  et  des  provinces  unies 
des  Pays  Bas,  viennent  avec  pouvoirs  suffisans ,  et  dé- 
clarent de  voulloir  traicter  de  paix  et  d'accord ,  ils  y 
seront  receus;  et,  pour  cest  effect,  les  députés  dudict 
seigneur  roy  catholique  se  trouveront  en  ce  lieu  de 
Vervins,ou  tel  aultre  qui  d'ung  commun  consente- 
ment et  accord  desdictes  parties  sera  advisé,  et  sur 
l'instance  expresse  qui  en  a  esté  faicte  par  les  députés 
dudict  seigneur  roy  très  chrestien ,  a  esté  conveneu , 
stipulé  et  accordé  qu'il  y  aura  cessation  de  toutes  les 
entreprises  de  guerre,  et  de  tous  actes  d'hostiHté  entre 
lesdicts  seigneurs  roy  catholiques,  royne  d'Angleterre, 
et  provinces  unies  des  Pays  Bas,  pour  deux  mois  seule- 
ment, à  compter  du  jour  des  presens;  bien  entendeu 
que  ladiete  cessation  d'armes  n'aura  lieu  que  du  jour 
que  Iadicte  royne  d'Angleterre  et  provinces  unies  des 
Pays  Bas  auront  fai'ct  sçavoir  à  très  hault  et  très  puis- 
sant prince  Albert,  cardinal,  archiduc  d'Autriche,  qu'ils 
prennent  et  acceptent  Iadicte  cessation  d'armes,  ou 
qu'en  leurs  noms  îedict  seigneur  roy  très  chrestien  ait 
faict  faire  Iadicte  déclaration.  Faict  ce  9.^  jour  de  mai 
l'an  iSgB. 


NEGOTIATION.  459 

CLIV.  —  ^  NEGOTIATION 

Pour  la  cessation  de  tous  actes  d'hostilité  jus  gués  à 
la  publication  dudict  traicté  ai^ecle  rojd'Espaigne, 

En  concluant  le  traicté  de  paix,  faict  cejourd'hui 
2  mai ,  entre  très  hault ,  etc. ,  Henry  IV,  roy  très  chres- 
tien  de  France  et  de  Navarre ,  et  très  hault ,  etc. ,  Phi- 
lippe II,  roy  catholique  des  Espaignes,  a  esté  conveneu 
et  accordé  entre  les  députés  desdicts  seigneurs  roys, 
encores  que  la  publication  dudict  traicté  soit  différée 
pour  ung  mois,  que  neantmoins  pendant  ledict  temps 
il  y  aura  cessation  de  toutes  entreprises  de  guerre  et 
de  tous  actes  d'hostiHté,  et  que  s'il  y  estoit  contreve- 
neu  de  part  et  d'aultre  par  prise  de  places ,  prisonniers 
ou  d'aultres  choses  en  quelque  sorte  que  ce  soit,  la 
contravention  sera  réparée  de  bonne  foi ,  sans  longueur 
ni  difficulté  ;  et  pour  effectuer  ce  que  dessus  ,  sera  escrit 
par  lesdicts  députés  où  il  sera  besoing.  En  foi  de  quoi 
ils  ont  soubscrit  les  présentes  de  leurs  noms.  AVervins, 
ce  2^  jour  de  mai  iSqS. 

A  esté  faict  ung  semblable  acte  avec  le  député  de 
Savoye. 

CLV.  — ^  NEGOTIATION 

Pouj'  convenir  d'aultres  arbitres  avec  M.  de  Savore , 
en  cas  que  le  pape  vi?ist  a  décéder. 

Comme  ainsi  soit  que  cejourd'hui  i  mai  iSqS,  en 
traictant  les  articles  de  paix  entre  très  hault ,  très  ex- 


46o  NEGOTIATION. 

cellent  et  très  puissant  prince  Henry  IV,  par  la  grâce 
de  Dieu  roy  de  France  et  de  Navarre,  et  très  excellent 
prince  M.  le  duc  de  Savoye.  Entre  aultres  choses,  au- 
roit  esté  accordé  que  les  différends  qui  n'ont  esté  dé- 
cidés et  terminés  par  le  traicté  de  paix  faict  cejourd'hui, 
seroient  remis  au  jugement  de  nostre  sainct  père  le  pape 
Clément  VIII,  pour  estre  par  sa  saincteté  jugés  et  dé- 
cidés dans  ung  an,  suivant  la  response  dudict  seigneur 
roy,  baillée  par  escrit  le  quatriesme  jour  de  juin  iSgy; 
et  d'autant  que  tout  ce  qui  est  né  est  subject  à  la  mort, 
il  a  esté  conveneu  et  accordé  entre  les  députés  desdicts 
seigneur  roy  et  duc  ,  que  s'il  advenoit  que  Dieu  ne 
veuille  que  nostre  sainct  père  le  pape  dececlast  dans 
ledict  temps ,  et  auparavant  que  lesdicts  différends 
aient  esté  par  sa  saincteté  terminés:  ce  neantmoins  il 
n'adviendra  aulcune  rupture  à  ladicte  paix  ;  mais  que 
lesdicts  seigneur  roy  et  duc  conviendront  d'aultres  ar- 
bitres dans  trois  mois,  ou  bien  adviseront  entre  eulx 
d'aultres  moyens  pour  finir  à  l'amiable  lesdicts  diffé- 
rends; en  tesmoing  de  quoi  lesdicts  députés  ont  signé 
et  soubscrit  le  présent  acte,  les  jour  et  an  que  dessus. 

Gaspard  de  Genève. 


CLVl.  —  ^NEGOTIATION 

Pour  laisser  emporter  Vartillerie  qui  a  este  mise  a 
Berre  depuis  sa  prise  ^  avec  les  armes  ^  vivi^es  et 
munitions  de  guerre. 

Cejourd'hui  deuxiesme  jour  de  mai  iSgS,  en  traic- 
tant  les  articles  de  paix  entre,  etc.  : 

A  esté  conveneu  et  accordé ,  oultre  le  conteneu  es- 


/ 


NEGOTIATION.  46  ï 

dicts  articles,  qu'en  restituant  par  le  sieur  duc  la  ville 
et  chasteau  de  Berre,  avec  l'artillerie  qui  estoit  dans  la- 
dicte  place  lors  de  la  prise  d'icelle,  avec  les  boulets  de 
mesme  calibre,  qu'il  pourra  faire  emporter  l'artillerie 
que  depuis  il  y  auroit  mise,  si  aulcune  y  en  a;  ensemble 
les  vivres  et  aultres  munitions  de  guerre  qui  se  trou- 
veront en  ladicte  place  lors  de  la  restitution  ;  pourront 
aussi  les  soldats,  gens  de  guerre  et  aultres  qui  en  sor- 
tiront, faire  emporter  tous  biens  meubles  à  eulx  appar- 
tenans  ,  sans  qu'il  leur  soit  loisible  d'exiger  aulcune 
cbose  des  babitans  de  ladicte  place  et  du  plat  pays,  ni 
endommager  leurs  maisons  ou  emporter  aulcune  chose 
qui  soit  appartenante  aulxdicts  babitans.  En  tesmoing 
de  quoi,  etc.  . 


CLVII.  —  A^  MEMOIRE 

Touchant  le    traictê  de   paix. 

Il  est  impossible  qu'il  ne  se  trouve  quelque  chose  à 
désirer  au  traicté  de  paix  que,  suivant  le  commande- 
ment du  rov,  avons  ici  resoleu  avec  les  députés  du  roy 
catholique  et  de  M.  de  Savoye;  ce  que  pour  ce  regard 
nous  pouvons  considérer  est  : 

Qu'en  la  préface  il  se  faict  mention  des  progrès  que 
faict  le  Turc  sur  les  provinces  chrestiennes,  avec  une 
expresse  déclaration  qu'ils  ont  à  la  conservation  des- 
dictes provinces.  Si  l'on  dict  que  le  meilleur  eust  esté 
de  ne  mettre  par  escrit  chose  qui  puisse  mettre  le  Turc 
en  deffiance  de  l'amitié  du  rov: 

On  respond  que  deux  choses  nous  ont  meu  de  mettre 
en  avant  ceste  considération.  L'une,  qu'es  traictés  de 


4^2  MEMOIRE 

paix  de  Madrid ,  de  Gambray  et  de  Crespy  en  Laon- 
nois,  faicts  par  le  feu  roy  François  I"  avec  l'empereur 
Charles  V,  non  seulement  a  esté  faict  mention  du  dan- 
ger ou  se  trouve  la  chrestienté,  à  cause  des  entreprises 
et  usurpations  des  Turcs;  mais  on  se  déclare  ouverte- 
ment de  la  resolution  que  l'on  a  prise  de  s'y  opposer  et 
les  repousser  par  les  armes.  Le  semblable  est  conteneu 
au  traicté  de  Chasteau  en  Cambresis,  faict  par  le  feu 
roy  Henry  II  avec  le  roy  catholique  ;  et  toutesfois  ledict 
feu  seigneur  roy  François  n'a  pas  laissé,  après  lesdicts 
traictés ,  de  demeurer  en  bonne  amitié  et  intelligence 
avec  le  grand  seigneur,  comme  ont  faict  nos  roys,  fils  et 
successeurs  dudict  roy  Henry  II ,  après  ledict  traicté 
contenant  la  déclaration  que  dessus. 

L'aultre  considération  est  que ,  qui  n'eust  faict  men- 
tion  du  Turc  comme  a  esté  faict  le  plus  sobrement  que 
l'on  a  peu,  et  beaucoup  plus  qu'aulx  precedens  traic- 
tés, est  que  la  royne  d'Angleterre,  le  roy  de  Dane- 
marck  et  aultres  qui  se  sont  séparés  de  l'Eglise  catho- 
lique romaine,  entreroient  en  suspicion,  et  diroient 
que  cest  accord  se  faict  principalement  pour  l'exécu- 
tion du  concile  de  Trente;  ce  que  l'on  faict  desseing 
de  leur  faire  la  guerre;  mesmement  qu'il  appert  par  le- 
dict traicté  que  le  pape  en  est  le  principal  promoteur; 
que  les  articles  ont  esté  traictés  et  resoleus  en  présence 
de  son  légat. 

En  ce  traicté  il  y  a  ung  aultre  poinct  que  peult  estre 
on  eust  désiré  en  France  qu'il  eust  esté  moins  exprès. 
Cest  article,  qui  faict  mention  de  la  réconciliation  entre 
les  deux  princes ,  renonciation  à  toutes  practiques  et 
intelligences  qui  seroient  au  préjudice  l'ung  de  l'aultre. 
On  a  tasché  de  se  remettre  en  ce  faict  au  traicté  pré- 
cèdent ;  voyant  que  l'on  ne  s'en  contentoit  pas ,  nous 


TOUCHAINÏ  LE  TRAICTÉ  DE  PAIX.  463 

avons  voulJeu  mettre  l'article  avec  moins  d'expression. 
Sur  ce  les  députés  d'Espaigne  ont  dict  que  nous  deb- 
vons  déclarer  si  nous  voulions  faire  la  paix  tout  de  bon 
ou  non;  car,  s'il  estoit  question  qu'après  nous  avoir 
rendeu  ung  si  grand  nombre  de  places ,  et  si  impor- 
tantes à  leurs  estats  et  aulx  nostres,  ils  rentrassent  en 
guerre  avec  nous,  ils  seroient  teneus  pour  gens  qui 
n'ont  pas  le  sens  commun  s'ils  entroient  en  une  telle 
restitution;  disans  que,  s'ils  feront  la  guerre  avec  les- 
dictes  places,  ils  pourront  grandement  incommoder  le 
pays  de  France  ;  et  peult  estre  que ,  par  le  moyen 
d'icelles,  ils  en  pourroient  a<;querir  d'aultres  sur  nous, 
comme  leur  est  adveneu  que  Dourlans  leur  a  donné 
moyen  de  surprendre  Amiens  ,  oultre  que  lesdictes 
places  servent  de  frontière  à  leur  pays,  et  couvrent 
fort  leurs  aultres  places.  Ils  nous  ont  dict  que  nous 
sommes  advertis  des  bruicts  que  les  Hollandois  font 
semer  parmi  eulx,  et  par  lettres  supposées,  et  par  aultre 
moyen,  que  le  roy  très  chrestien  les  a  asseurés  qu'il  les 
aura  tousjours  en  sa  protection  ;  et  ce  qu'il  traictoit 
maintenant  n'estoit  seulement  que  pour  recouvrer  ses 
places  ;  estans  bien  advertis  que  telles  inventions  des 
Hollandois  mettoient  l'esprit  du  cardinal  Albert  en  ung 
merveilleux  souspçon  et  deffiance  de  nous ,  à  quoi  il 
estoit  confirmé  par  tous  les  Espaignols  qui  sont  près 
de  lui,  aulxquels  desplaist  grandement  de  voir  ce  dé- 
membrement des  Pays  Bas  d'avec  la  couronne  d'Es- 
paigne. 

Nous  resoleusmes  qu'il  estoit  trop  dangereux  d'aug- 
menter ce  souspçon  par  le  refus  d'une  chose  que  d'ail- 
leurs nous  leur  accordions ,  sinon  si  expresseement ,  pour 
le  moins  en  telle  sorte  que ,  sans  user  de  cavillation , 
nous  n'eussions  peu  dire  de  n'avoir  accordé  et  promis , 


464  MEMOIRE 

soit  pour  nous  référer  en  ce  faict  au  précèdent  traicté, 
sans  insérer  l'article  en  cestui  ci,  soit  pour  dresser  l'ar- 
ticle en  paroles  ung  peu  plus  couvertes;  et,  pour  ceste 
cause,  avons  jugé  que  ferions  une  trop  grande  faulle 
du  service  du  roy  de  refuser  l'expression  d'une  chose 
que  nous  ne  pouvions  nier  avec  vérité  y  estre  comprise 
et  debvoir  estre  accordée,  n'estant  possible  que  l'on  se 
persuade  que  l'on  fasse  paix  avec  ung  prince  pour  souf- 
frir que,  dans  deux  mois  après,  il  lui  renouvelle  la 
guerre.  Nous  remonstrans  sur  ce,  que,  s'il  fault  faire  la 
guerre,  ils  sont  resoleus  de  la  faire,  estans  et  demeu- 
rans  fortifiés  desdictes  places,  et  non  pas  affoiblis  par 
la  restitution  d'icelles. 

Aussi  ont  remonstré  que  nous  ne  debvions  pas  esti- 
mer que  si  le  roy  nostre  maistre  aidoit  leurs  ennemis 
contre  eulx,  qu'ils  soient  délibérés  de  le  laisser  en  re- 
pos ,  afin  qu'il  ait  plus  de  moyen  de  secourir  de  ses 
forces  ceulx  qui  leur  font  la  guerre. 

Ces  raisons  nous  ont  faict  juger  que  ceste  dispute 
estoit  trop  dangereuse ,  et  ne  pouvoit  servir  qu'à  les 
mettre  en  deffîance  du  roy,  et  estre  cause  que  sa  ma- 
jesté demeurast  frustrée  de  la  restitution  d'ung  si  grand 
nombre  de  places;  et  leur  avons  en  cela  accordé  ce 
qu'avec  raison  on  ne  pouvoit  desbattre.  Nous  eussions 
désiré  de  pouvoir  satisfaire  au  désir  du  roy  d'abréger 
le  temps  de  la  restitution  de  Blavet  et  de  Calais;  mais, 
estans  choses  traictees  et  resoleues  après  longues  dis- 
putes, les  députés  d'Espaigne  ne  se  sont  vouUeu  des- 
partir de  ce  qui  avoit  esté  escrit;  remonstrans  qu'il  se- 
roit  fort  difficile  d'advancer  le  temps  ;  qu'ils  feront 
volontiers  ce  qu'ils  verront  se  pouvoir  faire  pour  s'ac- 
commoder au  désir  du  roy;  mais  qu'ils  ne  se  veullent 
obliger  à  chose  que  peult  estre  ils  ne  pourroient  obser- 


TOUCHANT  LE  TRAICTÉ  DE  PAIX.  465 

ver.  Et,  pour  le  regard  de  Blavet,  ils  se  mettent  en  deb- 
■voir  de  contenter  sa  majesté,  retranchant  la  garnison 
suivant  Tordre  qui  en  sera  donné  par  M.  le  cardinal 
archiduc,  dont  le  roi  sera  adverti. 

M.  Je  légat  a  faict  grande  instance  que  M.  le  grand 
duc  de  Toscane  feust  mis  au  traicté  après  les  Vénitiens. 
Sa  majesté  nous  a  faict  entendre  que  son  intention  est 
qu'il  soit  mis  en  lieu  honorable  ;  en  cela  nous  nous 
sommes  trouvés  fort  empeschés,  non  de  satisfaire  à  ce 
qui  nous  est  ordonné  par  le  roy,  car  nous  ne  nous  des- 
partirons jamais  de  ses  commandemens  ;  mais  comme 
nous  pourrions  contenter  mondict  sieur  le  légat ,  oui 
nous  en  parle  et  escrit  avec  beaucoup  de  passion.  Nous 
avons  considéré  qu'au  traicté  de  l'an  iSSg,  M.  de  Lor- 
raine précède  M.  de  Savoye ,  lequel ,  par  sentence  du 
pape,  précède  le  grand  duc  de  Toscane.  Nous  n'avons 
sceu  prendre  resolution  que  de  suivre  Tordre  du  traicté 
précèdent,  et  avons  respondeu  à  M.  le  légat  que  ce  n'est 
pas  à  nous  à  donner  ni  oster  le  rang  aulx  princes;  que 
nous  laissons  les  choses  comme  nous  les  avons  trouvées. 
Les  députés  d'Espaigne  en  ont  usé  comme  nous. 

Nous  avons  suivi  ce  qu'il  a  pieu  au  roy  nous  com- 
mander touchant  le  seigneur  de  Sedan,  et  n'avons  spé- 
cifié la  maison  de  La  Marck.  Celui  qui  se  trouvera  sei- 
gneur de  Sedan  sera  compris.  Si  ceulx  de  la  maison  de 
La  Marck  s'en  plaignent,  il  y  a  une  clause  au  traicté 
en  vertu  de  laquelle,  s'il  plaira  au  roy,  on  les  y  fera 
comprendre  dans  six  mois. 

Parmi  les  compris  au  traicté ,  nous  avions  employé 
la  ville  de  Genève  avec  les  aultres  confédérés  des  Suisses. 
Les  députés  d'Espaigne  ont  dict  qu'ils  ne  pourroient  ni 
oseroient  signer  le  traicté  où  ladicte  ville  seroit  com- 
prise. 

MÉ.v.  DE  DurLEssis-MoRiî.vY.  To.uE  VIII.  3o 


466  MEMOIRE 

Nous  avons  remonstré  qu'ils  ne  font  difficulté  de  si- 
gner le  traiclé  où  sont  compris  ceulx  de  Zurich ,  de 
Berne,  de  Basle,  de  Schaffouse,  et  les  princes  électeurs 
qui  sont  de  mesme  relligion.  Ils  ont  dict  qu'eulx  mesmes 
les  y  comprennent;  mais  pour  le  regard  de  ladicte  ville, 
qu'ils  nous  pryoient  de  les  excuser,  car  ils  ne  le  pou- 
voient  faire.  M.  le  légat  s'est  en  cela  tellement  formalisé, 
que  sans  doubte  il  se  feust  desparti  d'avec  nous  plus- 
tost  que  d'accepter  la  garde  de  ce  traicté,  comme  nous 
estions  d'accord  qu'il  feroit.  Ce  faict  nous  a  mis  en  une 
peine  extresme,  car  nous  demandions  chose  raisonna- 
ble; mais  qu'en  façon  du  monde,  il  n'a  esté  en  noslre 
pouvoir  d'obtenir. 

Nous  leur  avons  dict  qu'estans  ceulx  de  Genève  con- 
fédérés aulx  cantons  des  Suisses,  qu'on  ne  pou  voit  nier 
qu'ils  ne  feussent  compris  en  la  clause  générale  où  nous 
comprenons  tous  leurs  confédérés.  A  cela  ils  ne  nous 
ont  pas  contredict,  et  avons  signé  le  traiclé  comme  il 
est,  prevoyans  assés  que  M.  le  légat,  qui  le  debvoit 
avoir  entre  ses  mains,  ne  feindroit  d'en  advertir  incon- 
tinent le  pape,  dont  pourroit  advenir  que  le  roy  se 
trouveroit  de  nouveau  chargé  d'une  fascheuse  crierie. 

Et  afin  que  ceulx  de  Genève  n'estiment  que  nous 
n'ayons  pensé  à  eulx ,  nous  avons  osté  du  traicté  les 
noms  des  aultres  confédérés,  qu'on  ne  peult  doubler 
qu'on  ne  soit  entendeu  qu'ils  soient  et  doibvent  estre 
compris.  M.  le  légat,  en  recevant  ledict  traicté,  nous  a 
mis  en  une  aultre  peine;  car  ce  bon  homme,  qui  est 
scrupuleux,  nous  a  dict  que  le  pape  intervient  en  ce 
traicté,  et  qu'il  crainct  de  faire  choses  dont  sa  saincteté 
soit  offensée ,  si  l'on  y  comprend  ceulx  qui  sont  séparés 
de  l'Eglise.  Il  a  longuement  insisté  sur  ce  faict ,  telle- 
ment qu'enfin  nous  avons  esté  contraincts  de  lui  dire 


TOUCHATST  LE  TRAICTÉ  DE  PAIX.  467 

que  ce  traictë%e  rompra  plustost  que  nous  consentions 
d'en  forclorre  les  anciens  amis  de  la  couronne  ;  et 
qu'en  ayant  de  tout  temps  usé  de  la  sorte  par  nos  roys 
et  par  les  empereurs,  qu'il  ne  falloit  pas  attendre  que 
pour  chose  que  ce  soit  nous  nous  despartions  des  ordres 
anciens  de  ceste  couronne.  Enfin  ce  bon  seigneur  s'est 
payé  de  raison,  et  a  receu  le  traicté  pour  le  garder, 
selon  qu'il  a  esté  resoleu  entre  nous.  Si  ceulx  de  Genève 
demanderont  h  sa  majesté  une  déclaration  contenant 
qu'elle  entend  qu'en  la  clause  générale  qui  comprend 
tous  les  confédérés  des  Suisses,  ils  soient  compris  ;  nous 
estimons  qu'elle  la  leur  pourra  accorder,  et  qu'ils  au- 
ront occasion  de  s'en  contenter. 


CLVIIl.—.-V^  LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL 

^u  roj. 

Sire,  j'ai  receu  cejourd'hui,  sur  les  trois  heures 
après  midi,  la  lettre  qu'il  a  pieu  à  vostre  majesté  de 
m'escrire  du  i"  de  ce  mois,  laquelle  j'ai  communiquée 
à  ces  MM.  les  députés,  incontinent  après  estre  arrivés 
en  ce  lieu;  ils  remercient  très  humblement  vostre  ma- 
jesté de  la  continuation  du  soing  qu'il  lui  plaist  avoir 
au  bien  de  leurs  affaires,  et  seroient  bien  aises  d'user 
du  bénéfice  qui  leur  est  procuré  par  MM.  vos  ambas- 
sadeurs qui  sont  en  la  ville  de  Yervins,  s'ils  avoient 
pouvoir  de  l'accepter;  mais,  se  trouvans  sans  aulcune 
charge,  je  ne  dis  pas  de  conclure,  mais  seulement  de 
traicter  choses  semblables  à  celles  que  l'on  propose, 
touchant  une  suspension  d'armes  pour  le  terme  de 
deux  mois,  ils  ne  peuvent  asseurer  vostre  majesté  d'aul- 


468  LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL 

cune  chose  sur  ce  subject ,  que  premî^remerit  ils  ne 
Tayent  proposé  à  leurs  supérieurs,  et  enteiideu  sur 
icelui  leur  volonté;  ce  qu'ils  trouvent  difficile  et  pres- 
que impossible  de  pouvoir  faire  ,  à  cause  de  la  briefveté 
du  terme  que  donne  le  cardinal  Albert,  car  il  est  bien 
certain  qu'avant  que  ceste  ouverture  peust  estre  faicte, 
et  le  rapport  d'icelle  à  MM.  les  députés  generaulx,  la 
pluspart  du  temps  des  deux  mois  seroit  escheue  et  ex- 
pirée, ne  pouvant  estre  devant  le  lojuin  en  Hollande, 
quelque  diligence  qu'ils  fassent;  de  sorte  que,  tant 
pour  ce  regard  que  pour  le  peu  de  profict  et  de  gain 
qu'ils  prevoyent  et  espèrent  de  ceste  action,  ils  sup- 
plient très  humblement  vostre  majesté  ne  voulloir 
poinct  retarder  les  fruicts  qu'elle  espère  de  son  traicté 
pour  ce  respect,  et  sont  bien  faschés  des  bruicts  qu'ar- 
tificieusement  les  ennemis  sèment  et  font  courir,  et 
pour  les  différer  et  retarder,  ou  pour  en  frustrer  du 
tout  vostre  majesté;  car  ils  protestent  de  n'avoir  rien 
dict,  ni  mesme  escrit  aulcune  chose  par  où  ceulx  de 
Hollande  peussent  concevoir  les  espérances  qu'ils  au- 
roient  depuis  faict  couler  aulx  oreilles  et  escrits  des 
Espaignols ,  comme  ils  s'en  plaignent,  touchant  sa 
mauvaise  foi,  de  laquelle  vostre  majesté  traictoit  avec 
eulx ,  et  me  font  juger  par  plusieurs  preuves,  qu'en- 
cores  aujourd'hui  en  Hollande  on  ne  croit  poinct  que 
vostre  majesté  conclue  la  paix  avec  TEspaignol;  ains 
plustost  acceptera  les  offres  qui  lui  ont  esté  faictes  de 
leur  part,  pour  la  continuation  de  leur  guerre,  aile- 
guans  mesme  qu'il  seroit  très  prcjudiciable  à  leurs  af- 
faires et  à  leurs  projects  que  les  estats  entendissent  par 
aultres  que  par  eulx  mesmcs,  et  de  leurs  bouches,  la 
resolution  de  la  paix  en  laquelle  ils  ont  laissé  vostre 
majesté  :  bien  y  a  il  apparence  que    les  Anglois  n'en 


AU  ROY.  469 

auront  usé  de  la  mesme  façon,  et  qu'ils  n'auront  laissé 
aulcung  artifice  en  jetlant  divers  scrupules  aul*  escrits 
des  Espaignols,  pour  rompre  le  cours  de  ce  traicté,  ou 
pour  le  tourner  tout  à  faict  à  leur  advantage,  qui  est, 
sire,  ce  que  je  puis  escrire  sur  ce  subject  à  vostre  ma- 
jesté; l'asseurant  que  je  trouve  de  plus  en  plus  ces 
MM.  les  députés  si  resserrés  et  reteneus  en  ce  qui 
pourroit  prejudicier  au  fruict  qu'elle  espère  de  son 
traicté ,  que  je  ne  me  veulx  promettre  qu'ils  ne  donne- 
ront aulcung  subject  à  vostre  majesté  de  se  plaindre 
d'eulx.  Et  sur  ce  je  pryerai  Dieu,  etc.,  etc. 

Du  3  mai  i5c)8. 


GLIX.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

J   messieurs  du  presidial  de    Tours. 

De  par  le  roy,  nos  amés  et  feaulx,  nostre  court  de 
parlement  de  Paris  ayant  faict  expédier  la  commission 
(\\\e  nous  vous  envo)'ons  par  ce  porteur  exprès,  ten- 
dant à  fin  d'informer  des  excès  et  violences  commises 
en  la  ville  d'Angers,  au  mois  d'octobre  dernier,  en  la 
personne  du  sieur  Duplessis,  conseiller  en  nostre  con- 
seil d'estat  et  gouverneur  de  nostre  ville  de  Saulmur, 
nous  y  avons  bien  voulleu  adjouster  nostre  recomman- 
dation par  ceste  lettre,  par  laquelle  nous  voulions  et 
vous  mandons  que ,  suivant  le  conteneu  en  ladicte 
commission,  vous  ayés  à  vous  employer,  par  tous  les 
moyens  qui  vous  seront  ouverts ,  à  tirer  lumière  des- 
dicts  excès  et  violences,  et  en  informer  si  particulière- 
ment nostre  court  qu'elle  y  puisse,  par  son  auctorité, 
apporter   le   remède    que    nous    desirons,    tant   nour 


47<^  LETTRE  DU  ROY 

l'exemple  et  la  suite  cFung  attentat  de  telle  consé- 
quence que  pour  la  réparation  de  l'honneur  dudict 
sieur  Duplessis  ;  car  c'est  chose  que  nous  avons  gran- 
dement à  cœur  et  qui  importe  aussi  à  nostre  auctorité. 
Et  partant,  vous  y  userés  du  debvoir  et  intelligence 
que  nous  attendons  de  vostre  affection.  Si  n'y  faictes 
fauîte,  car  telle  est  nostre  plaisir. 

Henry;  et  plus  bas ,  De  Neufville. 
Donné  à  Nantes,  le  4  ï^ai  iSqS. 

Et  au  dos:  A  nos  amés  et  feaulx  conseillers  les  gens 
tenant  le  siège  presidial  de  Tours. 

CLX.  — ^LETTRE  DU  ROY 

A  M.  le  pwcujuur  du  roy  de    Tours. 

De  par  le  roy,  nostre  amé  et  féal,  l'attentat  commis 
en  la  ville  d'Angers,  au  mois  d'octobre  dernier,  en  la 
personne  dudict  sieur  Duplessis,  conseiller  en  nostre 
conseil  d'estat  et  gouverneur  de  nostre  ville  de  Saul- 
niur,  est  si  détestable  que  nous  n'en  pouvons  escrire 
ou  parler  qu'avec  ung  regret  indicible,  de  l'injure  qui 
a  esté  faicte  pour  nostre  service  à  ung  homme  de  telle 
({ualitë,  et  par  ce  que  nous  desirons  que  la  punition 
en  soit  faicte,  nous  envoyons  par  ce  porteur  exprès, 
aulx  gens  tenans  le  siège  presidial  à  Tours  ,  la  com- 
mission de  noslre  court  de  parlement  à  eulx  addressante 
pour  en  informer.  Et  vous  mandons  que  vous  ayés  à 
y  tenir  la  main  de  vostre  part ,  avec  telle  sollicitude 
que  Ton  en  puisse  tirer  lumière,  pour  en  faire  la  pu- 
nition et  réparation  convenable  ;  car  c'est  chose  que 


A  M.  LE  PROCUREUR  DU  ROY.  4?* 

nous  avons  très  à  cœur,  et  en  quoi,  vous  employant, 
nous  le  tiendrons  à  service  très  agréable. 

Henry  ;  et  plus  bas ,  De  Neufville. 

Donné  à  Nantes,  le  4  mai  1698. 

El  au  dos  :  A  nostre  amé  et  féal  conseiller  et  pro- 
cureur au  siège  presidial  de  Tours. 


«^'W^  «rf-^.-^    ^.'^/^  •.'«.'ik.  -«W^»^  «^«'^  ^.r^.'^  •^.'«f^  ^^'««'^  •«■'%^«  ^.^«r^  ^.'«.^  ^■>'^^^h^%^^  %/^-%  %/-U^%  ^,-%^  ^r'%^%  ^v^h'%  ^^%^^^ 


CLXÏ.  —  ^LETTRE  DE  M.  DE  VILLERO^ 

y4  M.  Diiplessis. 

Monsieur,  Ton  lient  ici  le  projet  faict  pour  vous 
faire  satisfaire  par  le  sieur  de  Sainct  Pliai,  tout  resoleu, 
et  par  conséquent  vostre  accord.  Le  roy  me  l'a  ainsi 
dict  ce  matin,  quand  je  lui  ai  parlé  de  recommander 
aulx  officiers  de  Tours  la  justice  de  vostre  affaire. 
Toutesfois  sa  majesté  n'a  pas  laissé  de  trouver  bon  que 
je  vous  aye  envoyé  les  lettres  pour  ces  messieurs ,  afin 
que  vous  cognoissiés  qu'elle  veult  vous  contenter, 
mais  elle  vous  prye  d'en  surseoir  l'envoi  pour  quelques 
jours.  Aussi  bien  m'y  a  elle  parlé  rendre  porteur  Gui- 
chard,  car  il  passoit  ici,  et  Moreau  pareut.  Voilà  ce 
que  feus  en  cbarge  de  vous  escrire,  en  présence  de 
M.  de  Bouillon  ,  qui  a  grand  soin  de  ce  qui  vous  con- 
cerne. S'il  fault  faire  tenir  en  après  lesdictes  lettres  à 
Tours,  il  fauldra  en  rendre  porteur  le  courrier,  sans 
attendre  après  Guichard.  C'est  pourquoi  je  vous  ren- 
voyé avec  icelles  la  commission  de  la  court,  qui  sera 
inutile,  si  le  faict  s'accommode,  comme  sa  majesté 
croit  qu'il  fera  et  à  vostre  contentement,  et  véritable- 
ment le  chemin  sera  plus  court  que  l'aultre  pour  vous 
ramener  plus  tost  auprès  du  roy.  Ores,  sa  majesté  pa- 


47^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

roist  tousjours  vous  désirer  grandement,  vous  pryant 
de  croire  que,  si  je  pouvois  mener  vous  à  fin  en  ceste 
occasion ,  je  le  ferois  de  bien  bon  cœur.  Je  dirai  à 
M.  le  président  Jeannin  le  gré  que  vous  lui  sçavés  de 
l'office  qu'il  vous  a  faict ,  dont  je  n'avois  rien  sceu  ,  et 
d'autant  que  l'effect  vous  le  recevrés  bientost.  Je  ne 
vous  dirai  aulcune  nouvelle,  sinon  que  nous  tenons 
le  fort  de  Beauvais  par  accord,  encores  que  n'ayons 
advis  qu'il  soit  signé  ;  mais  le  premier  courrier  qui  en 
viendra  nous  en  apportera,  a  ce  qu'on  espère,  la  certi- 
tude. 

De  Nantes,  ce  4  niai  i5g8, 

CLXIL  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BOUILLOIN' 

A  M.  Dupîessis. 

MoNSTEiTR ,  vous  avés  occasion  de  vous  asseurer  de 
moi,  vous  protestant  que  je  mets  pareil  soin  de  ce  qui 
vous  touche  ,  comme  si  c'estoit  mon  propre  faict.  Mais 
la  sagesse  est  grand  chose  où  l'on  voit  plusieurs  dan- 
gers de  prendre  parti,  en  se  resolvant  à  ung,  et  les 
aultres,  au  contraire,  querellent  le  plus  grand  danger 
qui  s'y  présente.  C'est  qu'elle  vous  demeure  long  temps 
sur  les  bras  ,  la  langueur  y  pouvant  plustost  porter  ung 
mal  que  vostre  satisfaction,  pour  les  raisons  que  vos 
amis  vous  ontdiscoureu.  Vous  verres  ung  escrit  qui  s'est 
faict.  Le  roy  l'a  veu ,  et  plusieurs  personnes  qui  ont 
jugé  qu'il  ne  s'y  peuît  gueres  adjouster  une  parole.  Je 
le  vous  envoyé  comme  vostre  ami,  afin  que  vous  m'en 
envoyiés  vostre  resolution  par  le  messager.  Et  en  cas 
que  vous  le  trou  vies  à  propos,  donnés  moi  advis  du  temps 


LETTRE  DE  M.  DE  BOUILLON,  etc.  4?^ 

et  du  lieu  où  vous  désirés  que  les  choses  se  passent: 
le  plus  tost  sçavoir  de  vos  nouvelles  sera  le  meilleur.  Je 
vous  baise  les  mains,  et  espère  que  je  vous  verrai  bien- 
tost.  C'est  vostre  humble  ami  à  vous  faire  service. 

Hp:wpvY  de  La  Tour. 

A  Nantes,  ce  6  mai  lôgS. 

CLXIII.  — -V-  MEMOIRE 

Joînct  a  la  lettre  précédente  de  M.  de  Bouillon 
h  M.  Diiplessis  ^  du  6  mai  iSgS. 

MoJNSiEiJR  ,  ayant  sceu  que  vous  aviés  faict  quelque 
rapport  au  roy  qui  peult  révoquer  en  doubte  la  fidélité 
que  je  lui  doibs,  comme  son  très  fîdele  subject,  cela  a 
esté  occasion  qu'estant  à  Angers,  ayant  disné  ensemble 
au  logis  de  M.  de  La  Hochepot ,  vous  voyant  sortir  du 
logis,  accompaigné  de  quattre  hommes,  je  sortis  ung 
peu  après  vous,  plus  accompaigné  que  vous,  et  en 
trouvai  encores  en  vous  suivant  qui  se  joignirent  avec 
moi.  Vous  ayant  ratteint,  je  voulleus  m'esclairer  de  ce 
doubte  avec  vous ,  sur  quoi  vous  me  tinstes  des  hon- 
nestes  langages,  qui  estoient  suffisans  pour  me  con- 
tenter; mais  la  croyance  de  ceste  offense,  avec  peu  de 
sur  moi  ,  qu'elle  m'osta  la  raison  ,  et  feit 
passer  à  l'injure  que  j'avois  délibéré  de  vous  faire  , 
prenant  ung  baston  que  j'avois  derrière  mon  dos,  sans 
que  vous  le  puissiés  prévoir,  et  vous  en  donnai  ung 
coup  qui  vous  porta  par  terre.  Soubdain  j'allai  à  mon 
cheval ,  quoique  les  miens  missent  l'espee  à  la  main,  et 
donnèrent  quelques  coups  aulx  vostres,  qui  vous  voul- 


/  -.  r 


/J74  MEMOIRE,  etc. 

loient  garantir.  Je  recognois  vous  avoir  faict  cesle  of- 
fense de  propos  délibéré,  et  avec  tel  advantage  qu'il 
n'y  a  homme  d'honneur  à  qui  l'on  n'en  peult  faire  le 
semblable,  qui  me  faict  vous  supplier  de  me  le  par- 
donner, et  me  soubmets  à  recevoir  de  vostre  main  ung 
pareil  coup  que  vous,  recherchant  de  demeurer  amis, 
vous  suppliant  d'intercéder  envers  le  roy  à  ce  qu'il 
fasse  arresler  le  cours  de  la  justice  pour  la  punition 
que  j'ai  méritée  d'avoir  si  indignement  offensé  ung 
conseiller  d'estat,  et  qui  exerce  une  commission  de  si 
grande  importance;  et  demeurerai,  en  recompense, 
tout  le  temps  de  ma  vie  vostre  serviteur. 

Note  de  la  main  de  M.  de  Bouillon ,  joincte  ait 

Mémoire  pièce  dent, 

Oultre  cela,  l'on  a  advisé  que  le  roy  donnera  ung 
pardon  à  Sainct  Phal,  dans  le  narré  duquel  sera  con- 
teneu  l'acte  qui  vous  a  esté  faict ,  oii  il  sera  expliqué , 
par  termes  plus  exprès,  de  la  supercherie  qui  vous  a 
esté  faicte,  et  ce  pardon  sera  escrit  et  scellé. 

CLXIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messieurs,  le  roy  m'a  commandé  vous  envoyer  ung 
double  de  la  lettre  que  M.  de  Buzenval  lui  a  escrite , 
pour  response  à  l'advis  que  sa  majesté  lui  avoit  de- 
mandé donner  aulx  députés  des  estats  des  provinces 
unies  des  Pays  Bas,  de  ce  qu'elle  avoit  obteneu  pour 
eulx,  par  vostre  moyen  et  diligence,  par  ou  vous  ver- 
res le  peu  de  compte  qu'ils  en  font;  de  sorte  qu'il  ne 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  47 5 

fault  plus  s'arrester  h  ce  poinct ,  mais  conclure  vostre 
traicté  le  plus  tost  que  vous  pourrés. 

Car  sans  double  les  Anglois  feront  ce  qu'ils  pourront 
pour  le  traverser.  Jà  on  nous  a  dict  qu'ils  veullent 
offrir  Ostende  pour  avoir  Calais,  et  obtenir  qu'ils  puis- 
sent garder  les  aultres  places  qu'ils  tiennent  en  Zelande, 
pour  gage  et  seureté  de  l'argent  qu'ils  ont  preste  aulx- 
dicts  estais.  Je  ne  scais  si  M.  le  cardinal  d'Autriche 
embrassera  ceste  ouverture  ;  mais  j'ose  bien  vous  pré- 
dire que  s'il  s'y  embarrasse,  qu'il  ne  fera  la  paix  avec 
eulx  ni  avec  nous;  comme  nous  n'eussions  faict  la  paix 
ni  la  guerre  comme  il  fault,  si  nous  les  eussions  vouUeu 
croire. 

Par  vostre  dernière  vous  nous  avés  asseuré  que  voslre 
traiclé  debvoit  eslre  concleu  et  signé  le  i"de  ce  mois, 
de  quoi  nous  attendons  au  plus  tost  la  certitude  en  fort 
bonne  dévotion,  afin  que  nous  réglions  sur  cela  nos 
affaires  en  ceste  province  de  Bretaigne  et  ailleurs. 

Au  reste,  il  fault  que  vous  sçachiës  que  les  députés 
desdicts  estais,  estant  arrivés  en  ce  roynulme,  pres- 
terent  à  sa  majesté  la  somme  de  11,000  escus,  pour 
faire  paver  une  demie  monstre  aulx  regimens  de  pied 
des  sieurs  de  La  Noue ,  Régnât  et  de  Sainct  Geran , 
qu'ils  sont  souldoyés  et  payés  l'année  passée  à  leurs 
despens ,  lesquels  ils  nous  ont  Ires  instamment  pryés 
de  leur  rendre  devant  que  de  partir,  parce  qu'ils  nous 
ont  dict  qu'ils  n'avoient  pas  aulcung  pouvoir  de  nous 
les  prester  et  de  nous  les  délivrer,  que  au  cas  que 
nous  voulleussions  continuer  avec  eulx  la  guerre.  De 
sorte  que  ceste  somme  de  i  1,000  escus  leur  doibt  eslre 
rendeue  en  la  ville  de  Paris ,  dont  j'ai  estimé  vous  en 
debvoir  advertir  pour  pouvoir  respondre  de  la  vérité 
du  faict  s'il  est  besoin  g. 


47^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

Le  roy  part  cejourdliui  de  ceste  ville  pour  aller  en 

celle  de  Rennes,  oli  il  ne  faicl  pas  estât  de  demeurer  et 

séjourner  plus  de  huict  ou  dix  jours.  Il  ne  repassera  pas 

ici;  mais  prendra  le  droict  chemin  de  Paris,  où,  si 

j'en  eusse  esté  creu,  il  y  a  desjà  quinze  jours  que  nous 

serions  arrivés;  mais  les  affaires  de  ceste  province  n'ont 

pas  permis  à  sadicte  majesté  d'en  pouvoir  partir  plus 

lost.  Je  me  recommande  bien ,  etc. 

Du  6  mai  iSqS. 

CLXV.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Belliei^re  et  de  Sdleij  au  roy. 

Sire  ,  par  nostre  despesche  du  2  de  ce  mois ,  nous 
avons  adverti  vostre  majesté  de  la  resolution  des  ar- 
ticles de  la  paix.  S'estant  ici  trouvé  avec  nous  le  sieur 
de  Berny ,  que  nous  avons  tousjours  cogneu  fort  fidèle 
et  affectionné  à  vostre  service,  nous  l'avons  employé 
à  escrire  le  traicté,  et  aultres  actes  concernant  ce  faict; 
nous  estant  confiés  en  lui  seul  de  Fescriture,  jugeans 
et  ayans  trouvé  par  effect  qu'en  partie  c'est  le  secret 
qui  a  conservé  ceste  negotiation.  Il  dira  fidèlement  à 
vostre  majesté  ce  qu'il  en  a  veu  et  appris  de  nous, 
comme  elle  a  esté  advertie. 

L'original  du  traicté  a  esté  remis  entre  les  mains  de 
M.  le  légat ,  avec  l'acte  sur  ce  faict ,  dont  ledict  sieur 
de  Berny  présentera  les  copies  à  vostre  majesté. 

Et  de  l'accord  faict  avec  les  députés  d'Espaigne, 
que  la  royne  d'Angleterre  et  les  Provinces  Unies  seront 
admises  et  receues  à  traicter  dans  six  mois,  et  de  la  ces- 
sation de  toutes  entreprises  et  actes  d'hostilité,  qui  leur 
a  esté  accordée  en  vostre  faveur  pour  doux  mois. 


LETTRE,  etc.  477 

Vostre  majeslé  commandera  ,  s'il  lui  plaist,  qu'ils  en 
soient  adverlis  au  plus  tost  ;  et,  nous  faisant  sur  ce 
entendre  son  bon  voulloir,  nous  v  obéirons  avec  toute 
affection  et  fidélité. 

Nous  envoyons  aussi ,  avec  la  présente,  l'acte  de 
la  cessation  de  tous  actes  d'hostilité  pour  ung  mois, 
que  nous  avons  ici  traictee ,  dont  des  le  3^  de  mois 
nous  donnasmes  advis  à  M.  le  connestable,  afin  qu'il 
en  advertisse  ceulx  qui  commandent  aulx  gens  de  guerre 
en  ses  trois  gouvernemens,  nous  ayant  esté  souvent 
remonstré,  par  lesdicts  députés,  que  tous  vos  servi- 
teurs entreprenoient  sur  les  places  de  leur  maistre; 
cependant  qu'ils  faisoient  tous  debvoir  à  persuader 
M.  le  cardinal  d'Autriche  de  ne  voulloir  consentir  que 
l'on  entreprist  sur  celles  de  vostre  majesté,  et  qu'ils 
n'estoient  pas  sans  moyens  de  le  faire,  pouvant  mettre 
cent  mille  hommes  de  pied  ensemble;  mais  que  l'as- 
seurance  que  nous  leur  donnions  de  la  bonne  resolu- 
tion de  vostre  majesté  à  la  paix  les  a  plus  conteneus 
que  la  craincte  de  ne  pouvoir  exécuter  quelque  bonne 
entreprise.  C'est  chose,  sire,  qui  nous  a  souvent  mis 
en  peine,  de  peur  que  ce  qui  se  remueroit  du  costé  de 
deçà  ne  travei^ast  Theureuse  réduction  de  vostre  pavs 
de  Bretaigne,  sçachant,  au  vrai,  et  que  vos  ennemis  se 
trouvoient  avec  beaucoup  de  forces,  et  que  les  com- 
paignies  de  vos  gens  de  guerre  qui  sont  aulx  garnisons 
se  trouvent  fort  mal  complètes.  Dieu  a  faict  ceste  grâce 
à  vostre  majesté  ,  que  durant  son  absence  il  n'est  adve- 
neu  chose  en  ceste  frontière  qui  porte  préjudice  à  ses 
affaires. 

Sire,  nous  avons  traicté  pareille  cessation  d'actes 
d'hostilité  avec  le  député  de  M.  de  Savoye,  dont  lui 
envoyons  copie  ,  estant  fort  requis  que  les  gouverneurs 


47^  LETTRE 

et  vos  lieutenans  generaulx  en  Provence ,  Daulphiné , 
Lyonnois  et  Bourgoigne  en  soient  advertis  au  plus  tost; 
car  l'accord  porte  que  ce  qui  aura  esté  faict  des  le  jour 
du  traicté  au  préjudice  d'icelui  sera  reparé. 

Il  est  aussi  requis  que  vos  lieutenans  generaulx  en 
Guyenne  et  Languedoc  en  soient  advertis ,  à  ce  qu'il 
n'advienne  contravention  du  costé  de  la  frontière  d'Es- 
paigne ,  nous  ayant  asseuré  lesdicts  députés  qu'ils  en 
donneront  advis,  en  Espaigne,  à  leur  maistre  et  à  ses 
ministres. 

Sire,  oultre  le  traicté  gênerai  de  la  paix,  il  y  en  a 
ung  pour  les  particuliers  ,  comme  a  tousjours  esté  faict 
aulx  paix  précédentes.  Ni  les  ungs  ni  les  aultres  n'y 
avons  pas  beaucoup  gaigné;  et,  pour  cela,  il  n'estoit 
pas  raisonnable  de  rompre  le  traicté.  Enfin  chacung 
des  députés  s'est  resoleu  de  ne  rien  quitter  de  ce  qui 
est  de  l'auctorité  du  maistre. 

Les  députés  d'Espaigne  se  sont  du  tout  formalisés  de 
ce  qu'en  façon  du  monde,  nous  n'avons  vouUeu  com- 
prendre M.  d'Aumale  au  traicté  particulier. 

Nous  avons  monstre  qu'il  est  suffisamment  pourveu 
à  ce  qu'il  doibt  demander  et  peult  obtenir  par  l'article 
concernant  les  subjects  qui  ont  servi  en  parti  contraire, 
qui  est  mis  dans  le  traicté  gênerai.  Ils  ont  insisté  que 
M.  le  cardinal  d'Autricbe  a  ce  faict  fort  à  cœur,  et 
qu'il  s'estimera  mesprisé  si  on  le  refuse  de  ceste  de- 
mande. 

Enfin ,  sire  ,  pour  en  sortir  avec  eulx,  nous  les  avons 
pryés  de  ne  nous  presser  poinct  de  mettre  ung  article 
toucbant  ledict  sieur  d'Aumale;  que  ce  seroit  chose 
qui,  à  l'advenir,  tourneroit  à  son  deshonneur,  estant 
né  vostre  subject  ;  et,  pour  éviter  cela,  leur  avons 
promis   qu'en  supplierons  vostre   majesté ,  et  donne 


AÎJ  ROY.  4/9 

espérance  qu'en  faveur  dudict  sieur  cardinal,  elle  ac- 
cordera lettres  particulières  audict  sieur  d'Aumale , 
pour  l'asseurcr  de  ce  qui  est  conteneu  audict  traicté. 
Ils  nous  ont  dict  que  sur  nostre  parole  ils  n'insisteroient 
dadvantage  de  le  faire  comprendre  au  traicté;  mais  que 
plus  les  lettres  seront  favorables,  plus  ledict  sieur  car- 
dinal s'en  sentira  obligé  à  vostre  majesté. 

Sire,  nous  considérons  qu'ayant  esté  envoyé  le 
double  de  ce  traicté  de  paix  à  M.  le  cardinal  d'Autriche, 
qui  l'aura  faict  voir  à  ceulx  de  son  conseil,  il  est  mer- 
veilleusement difficile  à  croire  que  la  royné  d'Angle- 
terre et  provinces  unies  des  Pays  Bas  n'en  soient  ad- 
verties,  si  desjà  des  à  présent  elles  ne  le  sont. 

La  ratification  et  les  ostages  se  doibvent  bailler  et 
délivrer  dans  ung  mois,  et  par  là  le  traicté  est  publié. 
D'ici  à  ce  temps  ,  il  n'y  a  plus  que  vingt  cinq  jours. 

Vostre  majesté,  par  sa  prudence  ,  jugera  s'il  n'est  pas 
plus  de  sa  dignité  de  faire  sçavoir  ce  qui  s'est  passé 
aulx  ungs  et  aulx  aultres,  les  rendant  capables  de  rai- 
sons et  considérations  qui  l'ont  meu  h  passer  oultre  k 
la  conclusion  de  ce  traicté,  qui  aultrement  se  rompoit, 
ne  voullant  plus  longuement  séjourner  ici  M.  le  légat, 
et  moins  encores  les  trois  députés  d'Espaigne,  qui  se 
plaignoient  grandement  qu'on  les  y  entretenoit  en 
vain  et  h  crédit,  cependant  qu'on  leur  preparoit  une 
forte  guerre. 

Vostre  majesté  nous  permettra ,  s'il  lui  plaist,  de  lui 
dire  que  nous  estimons  qu'il  est  plus  honorable  et 
bien  plus  expédient  pour  son  service  qu'elle  les  ad- 
vertisse  le  premier  que  non  pas  si  elle  attend  de  faire 
response  à  leurs  plainctes. 

Sire,  ayant  escrit  ceste  lettre,  nous  avons  receu  la 
despesche  de  vostre  majesté  du  dernier  jour  du  mois 


48o  LETTRE 

passé.  C'est  le  malheur  des  serviteurs,  quand  en  toutes 
choses  ils  ne  peuvent  contenter  leurs  maistres.  Nous 
appréhendions  grandement  et  craignions  ce  danger, 
comme  il  lui  aura  pieu  de  voir  par  nos  précédentes 
lettres  du  26  du  mois  passé,  et  du  jo^  de  ce  mois; 
mais  nous  avons  estimé  debvoir  préférer  vostre  ser- 
vice à  toutes  aultres  considérations. 

Nous  espérons  que  Dieu  nous  fera  la  grâce  que 
■vostre  majesté  demeurera  satisfaicte  de  nostre  fidélité 
et  de  nostre  diligence.  Nous  pryons  Dieu ,  etc. 

Du  6  mai  i5^S. 


CLXVI.  —  -V' LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  à  M.  de  Villeroy\ 

Monsieur,  vostre  lettre  du  27  du  mois  passé  nous 
a  apporté  autant  de  consolation  que  la  précédente  ,  de 
crainte  que  le  roy  demeurast  mal  satisfaict  de  ce  que 
ne  lui  avons  peu  escrire  si  souvent  qu'il  nous  estoit  or- 
donné, et  que  desirions. 

Nostre  dernière  despesche  contient  et  porte  nos  ex- 
cuses; nous  vous  dirons  seulement  que  si  nous  eussions 
peu  comprendre  que  les  députés  d'Espaigne  marchas- 
sent de  mauvais  pied  au  faict  de  la  paix,  que  nous 
n'eussions  faict  faulte  à  vous  en  advertir  par  courrier 
exprès,  sçachant  assés  de  quelle  importance  il  estoit, 
se  trouvans  les  ambassadeurs  d'Angleterre  et  de  Hol- 
lande près  du  roy,  pour  le  faire  resouldre  à  la  guerre, 
que  sa  majesté  sceust  au  vrai  à  quoi  elle  en  estoit  avec 
ces  gens  ici ,  pour  ne  demeurer  comme  vous  dictes  à 
terre  entre  deux  selles.  Nous  avons  tousjours  cogneu 


A  M.  DE  VILLEROY.  48  i 

ces  députés  resoleus  à  la  paix,  et  n'avons  jamais  fnict 
doubte  qu'ils  n'observent  ce  qu'ils  ont  promis;  no^tre 
fondement  n'est  pas  sur  leur  parole,  mais  sur  l'interest 
qu'a  le  cardinal  d'Autriche  que  ceste  paix  se  fasse,  par 
le  moyen  de  laquelle  il  peult  establir  sa  fortune,  et  a 
interesl  de  haster  l'exécution  des  promesses ,  cepen- 
dant que  le  roy  d'Espaigne  est  en  vie. 

Nous  n'avons  pris   long  terme  pour  l'exécution;   il 
fault  poursuivre  vifvement  ceste  poincte.  La  peine  où 
nous  avons  esté  provenoit  de    ce  que   le  roy  nous  a 
commandé  d'obtenir  la  trefve  pour  la  royne  d'Angle- 
terre   et  Hollandois,  après  que  nous  l'avons  adverti 
que  n'avions  espérance   que  ledict  cardinal  y  consen- 
tist,  ayans  esté  les  députés  d'Espaigne  sur  le  poinct 
de   rompre,  quand  ils  nous  ont  veus   resoleus   de  ne 
rien  faire,  si  on  ne  nous  accordoit  cest  article.  Ils  pre- 
noient  par  là  opinon ,  avec  les  aultres  advis  qui   leur 
venoient  du  costé  de  Hollande,  que  ce  que  nous  en  de- 
mandions n'estoit  que  pour  leur  faire  consommer  leurs 
forces  en  vain  ,  et  les  mettoit  en  une  extresme  deffiance 
de  la  volonté  du  roy.  Monsieur ,  nous  avons  paré  à  ces 
coups  au  mieulx  que  nous  avons  peu,  et  peult  estre  si 
nous  n'eussions  esté  ici,  leur  donnant  toute  asseurance 
de  la  ferme  resolution  à  la  paix ,  et  qu'ils  ne  nous  ont  pas 
eu  en  opinion  de  trompeurs,  vous  eussiés  ouï  aupara- 
vant vostre  retour  de  Bretaigne  que  Monstreuil  et  Bo- 
logne estoient  assiégés,  et  Dieu  sçait  comme  ces  places 
sont  munies ,  et  les  moyens  qu'a  ici  M.  le  connestable 
de  se  mettre  en  campaigne.  Vous  sçavés  de  telles  choses 
plus  que  nous;  mais  nous  sommes  si  près  des  lieux,  et 
parlons  si  souvent  à  ceulx  qui  sçavent  comme  le  tout 
va,  que  nous  eussions  esté  sans  sentiment,  si  nous  n'eus- 
sions craint  de  voir  ung  merveilleux  desordre  en  ceste 
IVIÉAi.  DE  Duplessis-Mob^ay.  Tome  viii.  3i 


482  LETTRE 

frontière.  Il  est  question  de  bien  user  des  grâces  qu  il 
pldist  à  Dieu  faire  à  ce  royaulme ,  comme  nous  vous 
avons  escrit  ci  devant,  attendeu  les  souspçons  que  l'on 
a  donnés  de  nous.  Il  fault  éviter  tout  ce  qui  en  peult 
donner  occasion  ,  et  n'espérés  pas  que  vous  aurés  pour 
amis  ceulx  qui  s'appercevront  que  vous  machinés  leur 
ruyne. 

Nous  venons  à  respondre  à  ce  que  nous  escrivés  du 
partement  desdicts  ambassadeurs  d  Angleterre  et  de 
Hollande  :  ils  ne  servoient  plus  de  rien  près  du  roy. 
Vous  les  avés  mis  en  contumace,  ayans  faict  obtenir 
les  pouvoirs  qu'ils  ont  demandés ,  la  déclaration  qu'ils 
seront  favorablement  admis  à  traicter  ;  que  pour  cest 
effect  nous  les  avons  ici  attendeus  trois  mois  ,  et  que 
d'ici  à  six  mois  ils  ne  laisseront  d'y  estre  admis  et 
receus;  que  si  présentement  ils  veullent  s'acheminer  en 
ce  heu,  ils  le  peuvent  faire;  s'ils  nous  advertissent, 
nous  les  attendrons. 

Le  roy,  par  la  grande  instance  qu'il  en  a  faicte,  leur 
a  moyenne  deux  mois  de  trefve ,  c'est  à  dire  de  ces- 
sation d'actes  d'hostilité  :  nous  ne  sçavons  et  ne  voyons 
qu'avec  raison  ils  puissent  demander  dadvantage  de 
leur  ami. 

Nous  avons  veu  la  response  qu'il  a  pieu  au  roy  de 
leur  faire ,  ce  qu'ils  ont  demandé  que  la  paix  ne  se  re- 
soleust  sans  eulx;  nous  jugeons  que  ceste  response  est 
pleine  de  prudence  et  de  toute  raison.  Ces  gens  cher- 
chent de  faire  leur  profîct  de  nos  malheurs,  et  sur- 
tout la  royne  d'Angleterre,  qui  ne  peult  desmordre 
ceste  passion  d'avoir  Calais,  et  pour  le  moins  empes- 
cher  que  nous  ne  l'ayons.  Puisqu'elle  juge  que  c  est 
chose  si  bonne  d'avoir  ceste  place  ,  nous  sommes  d'ad- 
vis  que  nous  la  gardions  pour  le  roy  et  pour  ses  enfans. 


A  M.  DE  VILLEROY.  483 

Nous  avons  considéré  le  Mémoire  que  vous  avés  en- 
voyé des  demandes  que  doibt  faire  l'ambassadeur  d'An- 
gleterre :  nous  en  avons  ouvert  le  propos  à  MM.  Ri- 
chardot  et  de  Taxis. 

Quant  au  renouvellement  de  tous  les  traictés  prece- 
dens  ,  c'est  chose  où  il  ne  se  trouvera  difficulté  ,  comme 
aussi  de  passer  que  qui  a  perdeu  a  perdeu.  Quant  à  la 
restitution  des  deniers  que  ladicte  royne  a  preslés  aulx 
estats  qui  feurent  teneus  à  Bruxelles  en  l'an  iS^y,  ils 
disent  que  ce  n'a  pas  esté  pour  le  service  du  roy  d'Es- 
paigne ,  et  soubstiennent  que  ce  n'est  pas  chose  rai- 
sonnable ,  et  qu'elle  a  des  bagues  dudict  roy  en  gage 
qui  vallent  plus  que  son  argent  :  nous  leur  avons  dict 
qu'il  ne  fault  pas  que  pour  argent  ceste  paix  se  rompe  ; 
la  grosse  corde  sera  de  Flessingue;  ladicle  royne  la 
veult  restituer  aulx  Provinces  Unies  qui  la  lui  ont  des- 
posee.  En  cela,  il  y  a  apparence;  mais  il  est  malaisé 
que  le  cardinal  s'y  accorde  ;  car  Flessingue  est  la  clef 
d'Anvers.  Si  les  provinces  estoient  comprises  en  ceste 
paix,  nous  aurions  opinion  qu'elle  pourroit  rendre  au 
roy  d'Espaigne  Flessingue,  et  ce  seroit  peult  estre  le 
plus  court  moyen  pour  pai'venir  a  ceste  reconciliation. 
Il  est  question  de  l'argent  que  ladicte  dame  a  preste 
aulx  estats.  Nous  avons  opinion  qu'en  cela  on  pou  voit 
negotier  quelque  chose ,  cependant  que  le  cardinal 
peult  user  de  la  bourse  du  roy  d'Espaigne ,  qui  a  ce 
but  de  s^establir  avec  sa  fille  aisnee  en  la  possession 
des  Pays  Pas  :  s'il  estoit  mort ,  comme  il  est  fort  caduc, 
il  n'est  pas  à  croire  que  son  fils  ouvrist  si  aiseement  la 
bourse  ,  qui  se  sentira  assés  grevé  de  se  voir  frustré 
desdicts  Pays  Bas. 

Monsieur ,  nous  attendons  d'heure  h  aultre  la  res- 
ponse  que  le  cardinal  d'Autriche  fera  à  ses  députés 


484  LETTRE 

sur  la  diminution  de  la  garnison  de  Blavet ,  ainsi  qu'ils 
nous  ont  promis  qu'il  fera;  mais  ils  attendent  l'ordre 
qu'il  veult  estre  donné  en  cela,  dont  nous  vous  adver- 
tirons  incontinent. 

Ils  disent  avoir  ici  besoing  de  passeports  pour  en- 
voyer des  courriers  en  Espaigne  et  à  Blavet.  Le  passe- 
port que  vous  nous  avés  envoyé  est  pour  ung  gentil- 
homme ,  et  pour  la  diligence  ils  veullent  despescher 
ung  courrier  ;  nous  escrirons ,  afin  qu'il  passe  seure- 
ment  avec  le  passeport  que  nous  avons  ;  envoyés  nous 
en,  s'il  vous  plaist,  six  ou  huict  pour  des  courriers,  et 
ung  ou  deux  pour  des  gentilshommes.  Il  fault  manier 
ce  faict  vifvement  ;  nous  ne  dormirons  de  bon  sommeil 
que  nous  ne  voyons  le  roy  dedans  Calais  et  Ardres  ; 
nous  tirerons  ceste  charrue  avec  vous ,  estant  bien  de- 
hberés  de  vous  faire  perdre  l'opinion  que  nous  sommes 
paresseux. 

Il  y  a  l'ambassadeur  de  Savoye  qui  désire  retourner 
en  Savoye  par  la  France.  Il  mené  sa  femme  qu'il  a  prise 
depuis  qu'il  est  veneu  pour  ceste  légation;  c'est  la 
veufve  du  feu  comte  d'Egmont,  qui  feut  tué  en  la  ba- 
taille d'Ivry.  Cest  ambassadeur  a  ici  vingt  cinq  chevaulx; 
sa  femme  aussi,  qui  est  de  la  maison  d'Horne,  a  du 
train  ;  il  demande  passeport  pour  quarante  chevaulx. 

Les  depu  tés  d'Espaigne  désirent  qu'il  plaise  au  roy  d'en- 
voyer quelques  passeports  au  gouverneur  de  Bayonne, 
pour  les  courriers  que  le  roy  d'Espaigne  vouldra  des- 
pescher en  ces  quartiers  ;  le  mesme  désire  l'ambassa- 
deur de  Savoye,  que  l'on  envoyé  des  passeports  à  M.  de 
La  Guiclie  pour  les  courriers  que  ledict  duc  de  Savoye 
vouldra  envoyer  en  ce  lieu;  ce  qu'il  vous  plaira  de 
considérer.  Enfin,  il  y  aura  de  la  longueur,  si  nous 
ne  les  accommodons  des  chemins. 


A  M.  DE  VILLEROY.  48?) 

Comme  vous  verres  par  la  lettre  du  roy ,  nous  nous 
sommes  deffendeus  tant  qu'il  nous  a  esté  possible  de 
comprendre  M.  d'Aumale  au  traicté  particulier  :  nous 
estimons ,  puisqu'il  plaist  au  roy  de  le  retirer ,  que  le 
meilleur  est  de  le  favoriser  d'une  lettre  qui  lui  puisse 
donner  contentement. 

Nous  ne  debvons  obmettre  à  vous  dire  que  le  service 
du  roy  requiert  et  demande  que  la  ratification  soit  ici 
envoyée  le  plus  tost  que  faire  se  pourra  ;  sans  cela  nous 
ne  pouvons  avoir  les  ostages,  ni  haster  en  aulcune  fa- 
çon la  restitution ,  comme  nous  vous  avons  ci  devant 
escrit. 

Auparavant  que  de  restituer ,  il  est  accordé  qu'on 
les  contentera  du  serment;  s.'il  fault  qu'ils  aillent  en 
Bretaigne  pour  jurer,  il  ira  beaucoup  de  temps,  et  la 
restitution  sera  reculée. 

Le  retour  du  roy  en  ces  quartiers  nous  feroit  gai- 
gner  le  temps  qu'ils  seront  contraincts  de  mettre  au 
voyage,  et  donneroit  chaleur  à  la  negotiation. 

Il  est  à  propos  que  le  roy  ordonne  de  ceulx  qu'il 
veult  employer  pour  estre  presens  au  serment  du  car- 
dinal d'Autriche.  On  peult  mettre  en  considération  qui 
le  fera  le  premier.  Je  ne  m'arresterois  pas  h  ceste  cé- 
rémonie,  s'il  ne  tient  qu'à  jurer  que  le  roy  n'aye  ses 
places  ;  il  fault  plus  tost  faire  ressusciter  M.  d'O. 

Monsieur  ,  nos  deux  précédentes  despesches  satisfont 
à  ce  que  vous  désirés  de  nous  par  la  vostre  du  dernier 
du  mois  passé,  à  quoi  nous  nous  remettions,  et  à  la  lettre 
que  nous  avions  escrite,  quand  le  courrier  nous  a  ren- 
deu  vostre  despesche;  adjousterons  seulement  que  nous 
craignons  que  le  voyage  que  le  roy  faict  à  Rennes 
n'apporte  reculement  à  la  restitution  des  places.  Faictes 
entendre  ,  s'il  vous  plaist ,  à  sa  majesté  que  son  retour 


liSG  LETTRE 

en  ces  quartiers  est  très  requis  pour  advancer  l'exécu- 
tion de  ce  qui  nous  a  esté  promis.  S'il  fault  que  ces 
gens  aillent  en  Bretaigne  pour  prendre  le  serment,  ce 
ne  sera  jamais  faict.  Nous  vous  supplions  de  penser  à 
cela  comme  chose  très  importante  et  nécessaire. 

Nous  ne  voyons  pas  que  ceste  affaire  se  puisse  tenir 
plus  secrète  de  nostre  part  :  nous  y  faisons  le  possible  ; 
mais  nous  ne  tenons  pas  les  langues  des  aultres.  Consi- 
dérés s'il  n'est  pas  à  propos  que  le  roy  en  advertisse  ses 
confédérés,  auparavant  que  de  recevoir  leurs  plainctes. 
On  nous  escrit  que  Ton  accourcisse  le  temps  de  la  resti- 
tution :  quand  des  aujourd'hui  mesmes  l'on  commen- 
ceroit  là  l'exécution  ,  c'est  tout  ce  que  l'on  pourroit 
faire  d'en  venir  à  bout  dans  le  temps  promis. 

Monsieur,  il  est  nécessaire  que  M.  deBerny  ne  tarde 
à  nous  remporter  la  ratification  ,  afin  que,  l'ayant  entre 
nos  mains,  nous  soyons  plus  hardis  a  solliciter  les  dé- 
putés d'Espaigne  de  l'exécution  de  leurs  promesses , 
et  par  ce  moyen  ,  nous  essayerons  si  le  temps  se  peult 
accourcir,  dont  nous  ne  serons  hors  d'espérance,  si  en 
toutes  choses  l'on  se  conduict  comme  l'on  doibt  faire; 
et  cependant  nous  pryons  Dieu ,  etc. 

Du  7  mai  iSgS. 

CLXVIL  — -^  LETTRE 

De  MM.  de  BelUe^^re  et  de  Slllery  au  roy. 

Sire,  ayant  escrit  nostre  aultre  lettre,  nous  avons 
receu  la  despesche  de  vostre  majesté  du  i"  de  ce  mois, 
par  laquelle  il  plaist  à  sa  bonté  nous  tesmoigner  si 
favorablement  le  contentement  qu'elle  reçoit  du  fidèle 


AU  ROY.  487 

service  que  lui  avons  peu  faire  en  ceste  negotiation 
de  paix,  que  nous  en  louerons  Dieu  tout  le  temps  de 
nostre  vie ,  et  en  remercierons  vostre  majesté  avec 
toute  l'humilité  que  peuvent  et  doibVent  obcissans  sub- 
jects  à  leur  bon  roy  et  leur  bon  maistre.  La  gloire  soit 
à  Dieu  ,  qui  contineue  d'assister  de  ses  grâces  les  bonnes 
intentions  de  vostre  majesté  ;  nous  sommes  veneus  à 
bout  du  plus  grand,  plus  espineux  et  plus  important 
affaire  qui  ait  esté  traicté  en  la  chrestienté  depuis  cent 
ans  ençà.  Vostre  majesté  a  l'honneur  d'avoir  remis  en 
son  entier  ceste  grande  monarchie  de  France  par  ses 
armes  et  par  sa  vertu  ;  maintenant  il  plaist  à  Dieu 
d'honorer  vostre  bonté  de  ceste  couronne  de  gloire, 
que  par  sa  prudence  elle  donne  la  paix  et  le  repos  non 
seulement  à  ce  sien  royaulme  de  France,  mais  aussi  à 
tout  le  surplus  des  provinces  chrestiennes.  Nous  pryons 
Dieu,  sire,  de  vous  continuer  et  accroistre  ce  con- 
tentement, prolonger  vos  jours  en  sa  grâce,  tout  heur 
et  félicité,  et  mettre  au  cœur  de  vos  subjects  et  de 
toute  la  chrestienté  de  recognoistre  avec  gratitude  le 
bien  de  ceste  heureuse  paix,  que  vous  leur  avés  donnée 
et  moyennee.    . 

Sire,  nous  avons  veu  ce  qu'il  plaist  à  vostre  majesté 
de  nous  escrire,  qu'elle  a  dict  le  24  ^^  ^^  ^^^  mois 
passé  à  l'ambassadeur  d'Angleterre  qu'elle  ne  ratifiera 
poinct  les  articles  de  ceste  paix  de  quarante  jours 
après;  nous  avons  signé  les  articles  le  2  de  ce  mois. 
Le  2  de  juin  escherra  le  jour  que  nous  avons  promis 
de  fournir  la  ratification.  Depuis  le  jour  de  la  promesse 
de  vostre  majesté  jusques  au  2  juin  il  y  a  trente  liuict 
jours  ;  il  ne  resteroit  que  deux  jours  pour  faire  les 
quarante,  d'où  nous  sortirons. 

Mais,  sire,  nous  estimons  qu'il  est  du  tout  requis 


4<^B  LETTRE 

pour  le  bien  rie  vostre  service,  que  nous  ayons  ici  au 
plus  tost  la  ratification,  qui  pourra  eslre  envoyée  es- 
tant  la  date  en  blanc,  que  nous  remplirons,  ainsi  que 
vostre  majesté  nous  le  commandera  ,  estant  besoing 
que  nous  fassions  voir  à  ces  députés  d'Espaigne  que 
nous  l'avons  entre  les  mains,  et  par  ce  mesme  moyen 
les  bastions  d'accomplir  leurs  promesses,  conservant 
la  fiance  qu'ils  ont  pris  de  nous,  nous  ayans  trouvés 
tousjours  en  toutes  cboses  fort  véritables,  qui  est  Tune 
des  cboses  qui  ont  autant  servi  que  nulle  aultre  a  faire 
arrester  les  entreprises  que  le  cardinal  pouvoit  avoir 
sur  vos  places,  et  à  effacer  les  mauvais  bruicts  que  les 
Hollandois  leur  voulloient  imprimer,  que  vostre  ma- 
jesté, ayant  recouvert  ses  places,  estoit  resoleue  du  tout 
de  continuer  la  guerre  et  leur  protection  ;  nous  avons 
servi  en  cela  au  mieulx  que  nous  avons  sceu,  et  ferons 
le  possible  pour  leur  faire  perdre  ceste  opinion. 

Sire,  nous  avons  veu  ce  qu'il  plaist  à  vostre  majesté 
de  nous  commander  toucbant  Blavet;  lesdicts  députés 
attendent  sur  cela  response  du  cardinal  archiduc  leur 
maistre.  Nous  leur  en  ferons  encores  une  forte  re- 
charge ,  et  au  premier  jour  nous  advertirons  vostre 
majesté  de  ce  que  nous  aurons  peu  obtenir,  la  sup- 
pliant très  humblement  de  nous  voulloir  tousjours  con- 
tinuer au  nombre  de  ses  plus  fidèles  et  plus  obeissans 

serviteurs,  etc. 

Du  7  mai  lÔgS. 


A  M.  DE  VILLEROY.  4^9 

CLXVIII.  —-V- LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Silleij  a  M.  de  VUleroy. 

Monsieur,  ce  nous  a  esté  une  grande  consolation 
de  voir,  par  la  despesche  que  le  courrier  La  Fontaine 
nous  a  apportée,  la  faveur  qu'il  plaist  à  sa  majesté  de 
nous  faire,  agréant  si  favorablement  l'humble  service 
que  nous  lui  avons  peu  faire  en  ceste  negotiation  de 
paix  ;  il  n'y  a  rien  qui  nous  peust  advenir  dont  nous 
receussions  plus  de  contentement  :  la  plus  grande  re- 
compense qu'attend  ung  fidèle  serviteur  est  l'honneur 
des  bonnes  grâces  de  son  maistre.  Nous  recognoissons 
particulièrement  combien  en  cela  nous  vous  sommes  obli- 
gés, qui  avés  avec  toute  sincérité  et  candeur  représenté 
au  roy  la  peine  que  nous  avons  ici  prise  pour  son  ser- 
vice; nous  vous  en  remercions,  monsieur,  bien  hum- 
blement ,  vous  pryant  de  croire  que  nous  n'en  aurons 
jamais  le  cœur  ingrat.  Sur  ce  nous  saluons,  etc. 

Du  7  mai  iSgS. 

CLXIX.  —  ^  LETTRE  DE  M.  PELES ASON 

A  M.  Duplessis, 

Monseigneur  ,  mon  partement  a  esté  retardé  jusqties 
au  1 5^  de  ce  mois,  pour  avoir  moyen  de  composer 
avec  ung  gentilhomme,  qui  désire  avoir  une  pièce  des 
anciennes  aliénations  ,  appellee  la  Prevoste  Sainct 
Yriejr,  de  laquelle  il  m'a  faict  offrir  trois  mille  escus , 
en    lui    rendant    arrest   en    main   fixe,    qui  est  aisé, 


49^  LETTRE  DE  M.   PELESASON,  etc. 

comme  je  vous  ferai  entendre  estant  par  de  là.  Je  ne 
l'ai  voulleu  faire  moins  de  quattre  mille  escus,  à  la- 
quelle je  m'asseure  qu'il  monstera.  Nous  nous  debvons 
assembler  le  i4''  de  ce  mois;  et  le  lendemain  je  partirai, 
Dieu  aidant. 

De  Brissac,  ce  8  mai  iSgS. 

^^■^  *  ^'f''*'^  ■^-'•'^  ^■''%'^  "»-^*''% 'm^'*.^»  V"*.-^ 'x*'»*'»-».-^^^  ^,-^.^-v  %.'%»'^  "^'^.^ -^ 

CLXX.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messifurs  de  Bellievre  et  de  Sillery,  vous  m'avés 
faict  ung  très  signalé  et  agréable  service  d'avoir  concleu 
et  signé  nostre  traicté  de  paix ,  ainsi  que  vous  m'avés 
escrit  par  vostre  lettre  du  2  de  ce  mois,  que  j'ai  receue 
le  huictiesme.  Je  vous  remercie  de  tout  mon  cœur  du 
bon  debvoir  que  vous  y  avés  faict  ;  il  a  respondeu  à 
mes  espérances;  car  quand  je  vous  cboisis  pour  def- 
fendre  ma  cause,  je  ne  m'en  promettois  pas  moins  que 
cela.  Soubvenés  vous  de  ce  que  je  vous  dis  à  vostre  par- 
-tement,  et  je  me  soubviendrai  à  jamais,  pour  le  re- 
cognoistre  envers  vous  et  les  vostres,  de  la  fidélité,  pru- 
dence et  diligence  dont  vous  m'avés  servi  en  ceste 
occasion. 

Vous  avés  esté  advertis  par  nos  précédentes  de  la 
promesse  qu'ont  tirée  de  moi  les  ambassadeurs  d'An- 
gleterre ,  et  depuis  du  peu  de  compte  qu'ont  faict  les 
députés  des  estats  des  provinces  unies  des  Pays  Bas  de 
la  cessation  d'armes  de  deux  mois  que  vous  avés  avec 
tant  de  peine  obteneue  pour  eulx.  Quoi  voyant,  il  m'a 
semblé  que  je  n'estois  obligé  à  celer  plus  long  temps 
la  conclusion  dudict  accord  ,  puisque  nous  n'avions  de- 


LETTRE  DU  HOY  ,  etc.  49  ^ 

sirë  qu'il  feust  teneu  secret  que  pour  la  seule  considé- 
ration de  mes  alliés. 

Pour  ceste  cause  estant  contrainct ,  pour  advancer 
l'exécution  dudict  accord ,  de  partir  de  ce  pays  dans  peu 
de  jours,  j'ai  voulleu  annoncer  ceste  bonne  nouvelle  aulx 
estats  d'icelui ,  que  j'ai  trouvés  assemblés  en  ceste  ville  à 
mon  arrivée  en  icelle ,  pour  les  délivrer  de  l'appréhension 
en  laquelle  j'ai  recogneu  qu'ils  estoient  du  fort  de  Blavet, 
croyans  que  je  leur  laisserois  ceste  espine  au  pied,  la- 
quelle à  la  longue  pouvoit  les  incommoder  peult  estre 
plus  qu'ils  ne  l'avoient  esté  des  armes  du  duc  de  Mer- 
cœur;  et  fault  que  je  vous  die  que  jamais  je  ne  vis 
gens  plus  aisés  et  contens  qu'ils  ont  esté  de  ceste  reso- 
lution; mais  il  fault  donner  ordre  qu'eulx  et  moi  jouis- 
sions des  effects  d'icelle  dans  le  temps  qui  a  esté  con- 
veneu,  et  que  cependant  les  Espaignols  retranchent  la 
garnison  dudict  Blavet  au  nombre  que  je  vous  ai  ci  de- 
vant mandé,  et  qu'ils  ont  accordé,  afin  que  je  puisse 
délivrer  le  pays  de  gens  de  guerre  qui  y  sont  demeu- 
rés, comme  je  vous  ai  escrit  par  ma  dernière,  sur  la- 
quelle j'attends  vostre  response  en   bonne  dévotion  ; 
car  je  fais  estât  de  partir  de  ce  pays  dans  la  sepmaine 
prochaine  pour  retourner  à  Paris,  et  delà,  sans  m'arres- 
ter  à  Amiens,  pour  vous  voir  et  effectuer  vostre  conseil, 
ce  que  vous  avés  promis  pour  moi  ;  et  je  serois  très  aise 
de  voir  la  réduction  de  Blavet  faicte  devant  que  de 
m'en  esloingner,  pour  laisser  le  pays  en  plein  repos.  Je 
suis  asseuré  que  vous  y  avés  travaillé  de  façon  que  je 
recevrai  bientost  le  contentement  que  j'en  attends. 

Au  reste,  je  me  suis  reposé  sur  l'advis  que  vous 
m'avés  mandé  que  vous  donneriés  à  mon  cousin  le 
connestabie  et  à  mon  nepveu  le  duc  de  Nevers ,  de  la 
cessation  d'armes;  de  sorte  que  j'en  ai  adverti  seulement 


492  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

les  gouverneurs  de  Bourgoigne,  Bresse,  Lyonnois , 
Daulphiné  et  Provence,  ainsi  que  je  vous  ai  escrit  par 
La  Fontaine.  Toutesfois  je  leur  en  ferai  une  recharge 
des  aujourd'hui  ;  mais  aussi  j'entends  que  les  aultres 
fassent  le  sembiahle  de  leur  costé ,  car  c'est  à  ceste 
condition  là  que  je  Tai  commandé,  et  ordonnerai  en- 
cores  aulxdicts  gouverneurs  d'observer  ladicte  cessa- 
tion. 

Mais  je  me  resjouis  grandement  de  la  promesse  que 
vous  a  faicte  mon  cousin  le  cardinal  de  Florence,  légat 
de  nostre  sainct  père ,  de  ne  partir  de  Vervins  que  je 
ne  lui  aye  dict  ma  volonté  ;  car  je  suis  asseuré  que  sa 
présence  facilitera  grandement  l'exécution  de  nostre 
accord.  Partant,  après  l'avoir  remercié  de  la  peine  qu'il 
a  prise  pour  moi  par  la  lettre  que  je  vous  envoyé  pour 
lui  présenter,  je  le  prye  me  donner  encores  par  delà  le 
temps  qui  m'est  nécessaire  pour  me  rendre  jouissant 
entièrement  du  fruict  de  ses  labeurs,  l'asseurant  que 
je  me  rendrai  si  près  de  lui  dans  la  fin  de  ce  mois,  que 
je  le  remercierai  moi  mesmes  du  plaisir  qu'il  m'aura 
faict ,  dont  vous  le  fortifîerés  en  ce  propos  selon  mon 
désir  ;  et  j'en  remercierai  nostre  sainct  père  par  ma 
première,  lui  donnant  bon  tesmoignage  de  l'obligation 
que  j'ai  audict  sieur  légat  pour  sa  bonne  et  heureuse 
conduicte  en  ce  traicté. 

J'ai  jà  faict  aussi  l'office  pour  le  père  gênerai  des 
cordeliers,  comme  vous  m'en  avés  escrit;  et  vous  as- 
seuré que  je  le  verrai  volontiers  jouissant  de  la  bonne 
recompense  que  je  lui  souhaite,  et  qu'il  a  très  bien 
méritée,  ainsi  que  vous  lui  dires.  Je  prye  Dieu,  etc. 

Du  9  mai  1698. 


I 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc.  493 

CLXXI.—^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messteurs,  jamais  despesche  ne  feut  receue  ni  veue 
avec  plus  de  contentement  qu'a  esté  vostre  lettre  du 
1  de  ce  mois ,  que  nous  avons  receue  le  8  entre  ci  et 
Nantes,  ayans  esté  asseurés  par  icelle  de  la  conclusion 
et  signature  de  la  paix.  Cela  faict  resouldre  sa  majesté 
de  ne  demeurer  ici  que  trois  jours;  de  sorte  qu'elle  en 
partira  mercredi  pour  retourner  par  le  droict  chemin 
à  Paris,  et  de  là  à  Amiens.  Partant,  j'espère  que  nous 
vous  verrons  bientost,  avec  l'aide  de  Dieu ,  pour  vous 
rendre  compte  de  toutes  choses. 

Nous  porterons  la  ratification  de  tout  ce  qui  a  esté 
faict  par  vous  telle  qu'il  convient  ;  mais  le  roy  a  esté 
conseillé  de  manifester  ici  ledict  accord,  parce  que  plu- 
sieurs murmuroient  de  ce  qu'il  laissoit  Blavet  en  Testât 
qu'il  est;  et  vous  asseure  que  nous  avons  trouvé  ceste 
province  si  desbauchee  que,  si  cest  appui  d'Espaigne 
leur  feust  demeuré,  le  roy  y  eust  esté  très  mal  obéi.  Le 
bon  Dieu  soit  donc  loué  du  bon  remède  que  vous  y 
avés  donné  ,  par  lequel  vous  avés  obligé  la  France  à 
honorer  et  à  bien  dire  à  jamais  de  vostre  diligence, 
prudence  et  de  vostre  nom  ;  je  m'en  resjouis  grande- 
ment avec  vous,  comme  celui  qui  est  le  plus  fidèle  de 
tous  vos  amis  et  serviteurs. 

Vous  pryant  bien  fort  de  vous  soubvenir  de  faire 
pourvoir  au  retranchement  de  ladicte  garnison  dudict 
Blavet,  pour  les  raisons  que  sa  majesté  vous  a  jà  escrites 
et  vous  répète  par  sa  lettre. 


494  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY ,  etc. 

M.  de  Lesdiguieres  a  esté  par  nous  adverti  de  ce  que 
vous  nous  avés  mandé  pour  M.  le  marquis  de  Crequy. 

Mais  M.  de  Bouillon  est  en  doubte  si  vous  avés  eu 
soubvenance  de  ce  que  nous  vous  avons  mandé  qui  le 
concerne  ,  parce  que  vos  lettres  n'en  font  poinct  men- 
tion. Il  s'est  très  bien  remis  auprès  du  roy,  ainsi  que  je 
vous  dirai  quand  j'aurai  ce  bien  de  vous  voir.  Je  prye 
Dieu,  messieurs,  etc. 

Du  lo  mai  lôgS. 


CLXXII. —  -^LETTRE  DU  ROY 

A  M.  le  légat. 

Mon  cousin  ,  j'espère  vous  voir  bientost ,  et  moi 
mesmes  me  conjouir  avec  vous  de  l'heureuse  fin  que 
Dieu  a  donnée  à  vos  travaux  et  longues  poursuites  pour 
la  paix  publicque  de  la  chrestienté,  de  la  conclusion  de 
laquelle  mes  ambassadeurs  m'ont  donné  advis.  Cepen- 
dant je  n'ai  voulleu  différer  dadvantage  à  vous  remer- 
cier de  l'affection  avec  laquelle  ils  m'ont  faict  sçavoir 
que  vous  avés  embrassé  et  favorisé  tout  ce  qui  me  con- 
cerne, et  vousasseurer  que  je  m'en  ressens  si  extresme- 
ment  obligé  à  nostre  sainct  père,  et  à  vous  en  particu- 
lier, que  je  n'en  perdrai  jamais  la  mémoire,  et  ne  serai 
content  ni  satisfaict  qu'il  ne  se  présente  occasion  de 
m'en  revancber,  et  le  recognoistre  au  contentement  de 
sa  saincteté  et  le  vostre ,  comme  vous  diront  plus  au 
long  mesdicts  ambassadeurs.  Et  tant  je  prye  Dieu,  mon 
cousin,  etc. 

Du  lo  mai  lôgS. 


MEMOIRE ,  etc.  495 


CLXXIII.  —  ^  MEMOIRE 

Baillé  à  M.  de  Pierrefile ,  allant  a  Rennes  ^  le  10  mai 

i5(j8,  par  M.  Duplessis, 

1°.  Sa.  majesté  a  tousjours  entendeu  que  SainctPhal, 
avant  toutes  choses,  se  rendroit  prisonnier.  Et  est  à 
requérir,  suivant  les  precedens  evenemens,  que  ce  sera 
au  chasteau  d'Angers,  cas  que  le  roy  ne  vinst  à  An- 
gers, à  ung  chasteau  tenant  lieu  de  prison,  eu  esgard 
que  le  crime  y  a  esté  commis.  Fault  donc  sçavoir  si  sa 
majesté  Tentend  pas  encores  ainsi  ;  sinon  le  sieur 
Duplessis  n'auroit  subject  de  contentement ,  d'autant 
que  ceste  façon  de  se  représenter  à  sa  majesté  ne  tien- 
droit  rien  de  criminel.  Ores  est  il  de  la  satisfaction  du 
sieur  Duplessis  ,  tant  au  regard  du  roy  que  de  lui 
mesmes,  que  ce  faict  soit  recogneu  et  traicté  comme 
crime,  et  la  suite  de  la  procédure,  qui  se  termine  par 
ung  pardon  du  roy,  le  veult  ainsi. 

1".  A  esté  tousjours  proposé  ci  devant  au  sieur  Du- 
plessis et  à  lui  mandé,  que  sa  majesté,  et  plusieurs  fois 
mesme  par  Hesperien ,  que  sa  majesté  entendoit  que 
Sainct  Phal  demandast  pardon  au  sieur  Duplessis,  le 
genouil  en  terre;  ce  qui  n'est  ici  observé,  oii  il  ne  le 
fait  qu'en  considération  de  sa  majesté,  et  se  levé  aussi- 
tost  pour  parler  au  sieur  Duplessis.  Est  à  considérer 
que,  quand  il  auroit  faict  pareille  offense  au  moindre 
gentilhomme  de  France,  il  la  repareroit  par  lui  de- 
mander pardon  et  se  soubmettre  à  une  semblable. 
Partant  ne  peult  moins  que  de  mettre  le  genouil  en 
terre,  demandant  pardon  au  sieur  Duplessis,  veu  ses 


49^  MEMOIRE 

qualités  et  les  circonstances  de  l'oultrage,  faict  de  guet 
apens  délibéré  ,  comme  il  le  recognoist.  A  tout  le 
moins  ,  lorsqu'il  prononcera  ces  mots  :  Tout  me  faict 
vous  supplier  de  le  me  pardonner,  et  me  soubmets,  etc.  y 
le  sieur  Duplessis  neantmoins  qui  ne  veult,  quelque 
offensé  qu'il  soit,  prendre  les  choses  à  la  rigueur,  se 
contente,  soubs  le  bon  plaisir  de  sa  majesté,  de  le  rele- 
ver tout  aussitost. 

Poursuivant  maintenant  Texamen  de  l'escrit  conte- 
nant ce  que  ledict  Sainct  Pbal  doibt  prononcer  au  sieur 
Duplessis. 

3°.  Il  commence  par  ces  mots  :  Ayant  sceu  que 
vous  aviès  faict  ^  etc.  y  où  il  prend  ung  faulx  fonde- 
ment, car  le  si^ur  Duplessis  n'escrivit  ni  manda  jamais 
rien  de  Sainct  Pbal  à  sa  majesté  ,  comme  elle  peult 
tesmoigner  et  a  jà  tesmoigné,  ni  mesme  à  aultre  quel- 
conque. Et  cependant,  présupposant  cela,  on  faict  le- 
dict sieur  Duplessis  premier  offensant.  Partant  il  ne 
peult  agréer  ces  mots,  sans  approuver  cbose  fausse  et 
se  faire  tort.  Il  pourroitdonc  estre  ainsi  revisé:  M' ayant 
este  dict  que  vous  aviés  faict  quelque  rapport  de  moi 
au  roy ,  etc. ,  ce  que  f  ai  sceu  toutesfois  depuis  estre 
faulx. 

4*^.  Ces  mots  honnestes  langages  doibvent  estre 
éclairés,  parce  qu'on  ne  pourroit  penser  que  le  sieur 
Duplessis  l'avoit  vouUeu  adoulcir  par  paroles  moins 
que  véritables.  Il  fault  adjouster  ces  mots  :  Mesme 
m' offris  tes,  si  vos  propos  ne  me  contentoient ,  de  m'en 
faire  la  raison  quand  et  en  telle  façon  que  je  voul- 
drois.  Ce  que  ledict  Sainct  Pbal  ne  peult  nier  lui  avoir 
esté  répété  par  trois  fois,  et  y  en  a  de  bons  et  suffisans 
tesmoins. 

5".  Qui  vous  voulloient  garantir.  Fault  au  moins 


PAR  M.  DUrLESSIS.  [^^j 

adjouster  des  miens;  car,  premier  que  ledict  sieur  se 
peust  relever,  ce  qu'il  eust  l'espee  en  la  main,  ils  lui 
tirèrent  à  terre  plusieurs  estocades. 

6".  Ung  pareil  coup. ^'s,\.  à  sçavoir  si  le  sieur  Duplessis 
ne  doibt  pas  à  ces  mots  avoir  ung  baston  en  main;  et 
qui  le  lui  baillera ,  si  ce  sera  la  partie  mesmes.  Semble 
ainsi  y  désirer  estre  adjousté  :  ou  de  subir  telle  autre 
satisfaction  que  sçauriés  désirer  de  moi,  veu  qu'ung 
premier  coup  ne  s'abolit  que  par  ung  semblable. 

7°.  Ces  mots  demeurer  amis  me  semblent  à  propos. 

8^  Si  prodigieusement  offensé  ung  conseiller  d' es- 
tai, etc.  Est  besoing  de  dire  :  Ung  gentilhomme  de 
telle  qualité  que  vous ,  mes  me  conseiller  d' estât  et 
exerçant  une  commission ,  etc.  Aultrement  semble- 
roit  -que  la  punition  ne  lui  feust  deue  qu'à  cause  de 
ceste  qualité  ,  sans  avoir  esgard  à  la  nature  de  l'acte  et 
à  la  qualité  personnelle  et  naturelle  du  sieur  Duplessis. 

Apres  que  Sainct  Pbal  aura  parlé  ,  requiert  le  sieur 
Duplessis  que  les  parens  assistans  sa  majesté,  pryent 
le  sieur  Duplessis,  par  la  boucbe  de  l'ung  d'eulx ,  par- 
lant pour  tous  ,  de  se  voulloir  contenter  de  ceste  sa- 
tisfaction. 

9^.  Retournant  maintenant  à  la  suite  du  premier 
mémoire ,  il  est  dict  par  la  voje  d'honneur^  ce  que 
le  sieur  Duplessis  ne  peult  approuver,  parce  que  ces 
mots  voje  dhonneur  s'interpresteroient  de  la  voye  du 
duel.  Ores  a  il  tousjours  esté  présupposé  que  cest  at- 
tentat est  ung  crime,  non  réparable  par  ceste  voye,  et 
a  tousjours  esté  dict  au  sieur  Duplessis,  par  tous  ses 
amis,  qu'il  se  feroit  tort  de  Tappeller,  à  quoi  il  sem- 
bleroit  maintenant  se  soubmettre,  par  conséquent 
avoir  failli  de  ne  l'avoir  plus  tost  faict.  Et  pourtant  se 
pourroit  l'article  coucber  en  ces  mots  :  M.  Duplessis 

i\ÏÉiVr.  DE  DuPLRSSrS-MoRNAY.  ToME  VIII.  3^ 


49^^  MEMOIRE 

suppliant  le  roj  de  lai  permettre ,  pour  ce  qui  con* 
cerne  son  faict particulier,  d'en  tirer  sa  raison  dudict 
sieur  de  Saine t  Phal  y  par  les  vojes  en  tel  cas  accous- 
tumees  entre  personnes  de  sa  profession  et  qualité  ^ 
comme  ilscaura  le  faire ,  et  neantmoins ,  pour  l'offense 
faicte  a  sa  majesté  ,  qu'il  la  supplie  très  humblement 
de  la  lui  pardonner. 

io°.  Le  roy  lors ^  etc.  Semble  que  cest  article  est 
cruement  couché,  en  ce  qu'il  déclare  trop  affirmative- 
ment la  pretendeue  suffisance  de  la  réparation ,  et  qu'il 
passeroit  mieulx  comme  il  s'ensuit  ;  Le  roj  lors  fera 
cest  honneur  audict  sieur  Duplessis  de  lui  dire  _, 
qu'attendeu  la  soumission  dudict  de  Sainct  Phal^  sa 
jeunesse,  et  la  prjere  instante  de  leurs  communs 
parens  y  il  se  doibt  contenter  de  ces  te  réparation  y  et 
quil  len  prye  et  le  lui  commande ,  mesme  pour  ce 
quilj  va  de  son  service  de  voir  assoupir  des  animo- 
sités  e titre  ses  serviteurs  de  telle  qualité  (car  il  fault 
fuir  le  mot  de  querelle  en  tout  cest  affaire);  et  pour 
ce  qui  est  de  V offense  de  sa  majesté  (qu'elle  sçait 
bien  recognoistre  telle  qu'elle  est) ,  qu'elle  f  pour- 
vojera  selon  qu'elle  verra  estre  a  faille. 

1 1^.  Lors  M.  Duplessis  dira  audict  de  Sainct  Phal 
que  y  puisqu'il  plais  t  a  sa  majesté  y  recognoistre  le 
bien  de  son  service  y  il  lui  pardonne  par  son  com- 
mandement et  a  lapryere  des  parens  communs  d'eulx 
deux.  C'est  aussi  en  ce  lieu  où  il  fault  que  le  sieur  Du- 
plessis ait  le  baston  en  main,  duquel,  en  pareil  cas, 
on  faict  signe  de  frapper,  sans  toutesfois  le  faire.  Et 
fault  s'enquérir  comment  on  entend  qu'en  ce  poinct  il 
ait  à  se  gouverner. 

Est  besoing  de  sçavoir  en  quels  termes  sa  majesté 
aura  à  faire  ceste  remonstrance ,  parce  qu'en  iceulx 


PAR  M.  DUPLESSIS.  499 

paroist  partie  de  la  satisfaction  du  sieur  Duplessis  ; 
sçavoir,  lui  prononcer  qu'il  auroit  mciité  de  perdre 
l'honneur  et  la  vie,  et  qu'il  en  estoit  en  beau  chemin, 
mais  qu'il  lui  pardonne  et  lui  en  faict  grâce ,  par  la 
pryere  du  sieur  Duplessis,  et  commandera  lui  en  estre 
expédié  un  g  pardon. 

i3°.  Et  semblable  erreur.  Ces  mots  sont  trop  doulx 
pour  l'acte  et  pour  ung  roi  justement  courroucé:  crime 
seroit  le  propre  mot. 

Et  parce  que  M.  de  Bouillon  parle  d'ung  pardon  qui 
doibt  estre  expédié  ,  signé  et  scelle,  où  sera  qualifié  le 
faict  auquel  seroit  le  principal  contentement  du  sieur 
Duplessis,  est  à  remonstrer  qu'il  desireroit ,  premier 
que  passer  oultre,  voir  quel  il  sera,  sur  quoi  fondé,  en 
quels  termes  conceu  et  à  quoi  il  conclura.  Ores  ne 
fault  oublier  de  qualifier  le  faict  de  guet  apens ,  et 
d'y  reprendre  le  mesme  narré  qui  est  porté  par  les 
lettres  que  le  roy  en  a  escrites  à  messieurs  de  la  court 
de  parlement,  desquelles  est  baillé  copie,  et  seroit  à 
propos  que  M.  de  Villeroy,  qui  a  dicté  lesdictes  lettres, 
prist  la  peine  de  dresser  le  pardon.  A  qui  en  sera  l'ad- 
dresse  pour  l'entériner,  laquelle  semble  debvoir  estre 
devant  messieurs  de  la  court  de  parlement,  attendeu 
la  commission  à  eulx  addressee. 

Ilew..  Si  on  n'entend  pas  que  copie  authentique  en 
demeure  es  mains  du  sieur  Duplessis,  pour  s'en  aider, 
cas  que  Sainct  Pliai  se  voulleust  prévaloir  de  l'oultrage 
à  lui  faict,  et  de  la  satisfaction  par  lui  acceptée. 

Item.  S'il  ne  lui  demeuroit  pas  acte  à  mesme  fin  de 
ce  qui  en  aura  esté  jugé  par  MM.  les  mareschaulx, 
avec  clause  au  pied,  par  laquelle  ils  certifient  qu'en 
pareil  cas  ils  se  contenteroient  de  pareille  satisfaction. 

Pense  en  oultre  le  sieur  Duplessis ,  quand  on  sera 


5oo  MEMOIRE 

conveneii  de  tout  ce  que  dessus,  et  que  Sainct  Phal 
se  sera  rendeu  prisonnier,  que  sa  majesté  lui  debvra 
faire  cest  honneur,  puisqu'il  lui  a  pieu  de  prendre 
soing  de  cest  affaire,  d'envoyer  ung  gentilhomme  de 
qualité  vers  lui  pour  le  rendre  capable  de  sa  volonté. 
Aussi  qu'en  mesme  temps  l'ung  des  plus  qualifiés  pa- 
rens  dudict  Sainct  Phal  vienne  trouver  le  sieur  Du- 
plessis,  au  nom  de  tous  les  parens,  pour  le  pryer  de 
ne  s'y  i"endre  difficile  :  ce  qu'ils  ne  peuvent  refuser, 
l'ayant  ci  devant  proposé  et  offert. 

Ce  que  M.  de  Pierrefite  est  pryé  de  dire  à  mes  amis 
en  court. 

M.  de  Pierrefite  parlera  à  M.  de  Bouillon  comme 
estant  allé  pour  ses  affaires,  et  neantmoins ,  s'en  met- 
tant au  propos  de  mon  faict,  lui  pourra  dire  avoir  veu 
ce  qu'il  m'en  a  envoyé  ,  en  quoi  je  remercie  le  soing 
qu'il  lui  plaist  avoir  de  moi.  Mais,  sur  ce  qu'il  s'est 
plaint  que  je  ne  m'en  serois  poinct  ouvert  à  lui,  qu'il 
peult  juger  en  quelle  façon  et  avec  quel  honneur  je 
l'eusse  peu  faire. 

S'il  s'enquiert  ce  que  je  juge  de  ce  qui  a  esté  faict, 
lui  dire  qu'il  y  a  quelques  poincts  où  je  m'apperçois 
qu'il  a  mis  la  main  ;  mais  qu'aussi  y  en  a  d'aultres  en 
très  grand  nombre  dont  je  crois  bien  qu'il  n'a  esté  creu , 
m'estonnant  bien  comment  en  ung  oultrage  si  énorme 
on  veult  tant  mesurer  les  paroles. 

Et  s'il  demande  quels,  lui  dira  que  c'est  chose  qui 
est  malaisée  de  voir  que  sur  le  papier;  mais,  s'il  lui 
plaist  le  faire  approcher,  qu'il  les  lui  remarquera  au- 
tant qu'il  s'en  pourra  soubvenir,  ne  lui  dissimulant 
poinct  que,  pour  la  confiance  de  son  amitié,  il  n'y  de- 
mandast  au  partir  ce  qu'il  auroit  à  lui  en  dire,  il  n'au- 
roit  trouvé  mauvais  qu'il  s'expliquast  à  lui,  mais  non 


PAR  M.  DUPLESSIS.  5oi 

h  d'aultres,  s'informant  si  tel  acte  est  réparable  par 
paroles,  de  ce  qu'il  en  jugeoit;  sauf  à  M.  de  Villeroy, 
auquel  sa  majesté  se  seroit  tousjours  addressee  pour 
les  expediens  concernans  cest  affaire. 

Si,  après  ceste  il  veult  que  le  roy  en 

parle  à  M.  de  Picrrefite,  est  à  propos  de  ne  l'en  dédire 
poinct ,  et  de  rendre  et  remuer  sa  majesté  capable  des 
mesmes  choses,  laquelle,  y  a  appareîice,  le  question- 
nera mesme  en  propos  ,  des  qu'elle  le  verra  ,  ce  qui 
viendra  encoresmieujx;  et  lors  n'oubliera,  s'il  lui  plaist, 
à  lui  dire  que  ce  qui  'accroist  mon  desplaisir  est  de  me 
trouver  par  ce  malheur  moins  utile  à  son  service. 

Le  mesme  ,  vers  MM.  de  Scbomberg  et  de 
sauf  qu'il   fault  qu'il  vienne  d'eulx  de  montrer  le  pa- 
pier, et  d'eulx  mesines  ils  ne  descouvrent  que  M.  de 
Bouillon  me  l'ait  envoyé. 

M.  de  Villeroy,  parce  qu'il  n'est  juge  en  cest  affaire, 
mais  ami ,  lui  dire  franchement  toute  ma  prétention  ,  et 
le  supplier  de  m'y  tenir  la  main;  et  parce  que  je  m'ap- 
perçois  que  le  roy  incline  plus  à  ceste  heure  qu'à  l'aul- 
tre,  qu'au  moins  si  le  public  y  perd  l'utilité  d'ung  grand 
exemple  en  mon  particulier,  mon  contentement  y  soit 
si  évident  et  si  plein  qu'il  ne  m'en  puisse  rester,  ni 
aulx  miens,  aulcung  remords. 

S'il  s'enquiert  si  j'ai  receu  la  commission  et  les 
lettres  pour  les  officiers  de  Tours,  lui  pourra  dire 
qu'oui  ;  mais  que  j'aurai  tant  déféré  à  ces  lettres  que 
je  ne  les  avois  encores  envoyées  à  Tours,  attendant  si 
je  verrois  chose  d'ailleurs  qui  me  deust  esmouvoir;  ce 
que  n'ayant  veu  en  ce  qui  m'a  esté  envoyé,  j'estimois 
qu'il  n'y  avoit  mal  d'advancer  ung  affaire,  lequel  se 
pourroit  tousjours  ou  allentir  ou  accroistre  quand  on 
attendoit  inieulx. 


502  MEMOIRE  PAR  M.  DUPLESSIS. 

M.  de  Rhosiiy ,  M.  de  Pierrefite  est  en  oultre  pryé 
de  se  ressoubvenir  de  ce  qui  me  feut  proposé  par  M.  de 
Schomberg,  dont  feut  faict  ung  escrit  par  M.  de  Cali- 
gnon  ,   lequel   estoit  plus  advantageux  ,  parce  qu'on 
en  avoit  ce  qu'il  peut  alléguer  au  roy, 

que  lors  niesnie  lui  dict  qu'il  parlast  audict  sieur  de 
Schomberg  sur  ce  subject.  Aussi  à  MM.  de  Bouillon, 
de  Scliomberg  et  de  Villeroy  mesmes  prendre 
de  là  que  M.  de  Schomberg  le  lui  monstre  et  baille  à 
considérer  pour  en  retirer  quelque  copie.  Ledict  escrit 
présupposant  confession  de  la  partie  de  tout  le  faict, 
jugement  de  MM.  les  mareschaulx,  portant  peine  de 
mort;  gens  du  roy  intervenans  en  ma  faveur,  en  estant 
pryé  par  les  communs  parens  et  pour  ma  satisfac- 
tion, le  genouil  en  terre,  avec  soubmis- 
sion  d'en  recevoir  autant,  moi  tenant  le  baston  en  la 
main,  etc. 

CT.XXIV.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL 

^  M.  Duplessis, 

MoNSTFUR  ,  nous  envoyons  ce  courrier  au  roy,  pour 
lever  quelque  accroche  qui  s'est  rencontré  en  ung  af- 
faire que  ces  messieurs  avoient  en  ce  lieu.  Vousjugerés 
assés,  par  ce  commencement,  que  c'est  en  matière  de 
finances  où  les  espines  naissent  sans  y  estre  plantées. 
Ils  partent  de  ce  lieu  dans  deux  jours  pour  poursuivre 
leur  voyage.  Ils  descouvrent  journellement  nouvelles 
occasions  de  se  haster;  car  on  tient  nostre  haste  pour 
course ,  encores  que  M.  de  Villeroy,  par  sa  lettre  du  6, 
n'en   parle  pas  si  résolument.    Mais   toutesfois  il   me 


LETTRE  DE  M.  DE  BUZENVAL,  etc.  5o3 

semble  en  approclier  plus  qu'il  n'a  faict  par  toutes  ses 
précédentes.  Les  advis  et  lettres,  que  nous  avons  ici 
trouvés  des  Pays  Bas,  nous  menacent  de  quelques  esmo- 
tions  en  quelques  endroicts,  si  on  n'y  prévoit  d'heure 
et  bien  sagement.  Les  ennemis  y  renforcent  leurs  prac- 
tiques.  Desjà  quelques  accidens  arrivés  en  la  ville 
d'Utreclit  ne  nous  présagent  rien  de  bon  de  ce  costé 
là.  Vous  sçavés  ce  que  je  vous  ai  dict  de  do  nostro 
heroe  qiio  nihil  ÀTohiriKîVia-fjLîv.  Il  est  bien  tard  d'ap- 
prendre ceste  science,  en  laquelle  son  père  a  tant  ex- 
cellé. Mais  de  nos  crainctes  et  de  nos  espérances  tou- 
chant ce  subject,  vous  en  aurés  de  plus  solides  discours 
de  ceci  quand  je  serai  sur  les  lieux.  J'ai  leur  response 
de  ce  que  j'avois  escrit  à  M.  de  Bouillon  ,  sur  vostre 
affaire,  quand  je  partis  de  Saulmur.  Je  vous  envoyé 
sa  lettre  raesmes.  Madame  la  princesse  d'Orange  m'es- 
crit  qu'elle  sçait  de  bon  lieu  que  vous  en  sortirés  avec 
vostre  honneur  bientost.  C'est,  monsieur,  le  meilleur 
et  le  plus  grand  désir  que  j'aye  pour  le  présent.  J'ai 
veu  ce  matin  M.  le  mareschal  de  Biron,  qui  partoit  en 
poste  pour  aller  en  Picardie ,  ou  il  asseure  la  paix. 
Tamen  nihil  nisipugnat  et  exercitus  narrât.  S'il  estoit 
creu  ,  les  Espaignols  auroient  encores  de  ia  besoingne 
pour  long  temps.  Sans  doute  nous  les  garantissons 
d'une  grande  ruyne,  et  ouvrons  la  porte  au  cardinal 
pour  aller  quérir  sa  chère  espouse.  Faictes  moi  cest  hon- 
neur de  m'aimer  et  de  me  tenir  tousjours  pour  celui 
que  avés  cogneu  et  jugé  digne  de  vostre  amitié. 

A  Paris  ,  ce  j  o  mai  \  698. 


5o4  LETTRE  DU  ROY 

CLXXV.  -—^LETTRE  DU  ROY 

Au  pape  ^  esc  rite  de  sa  main. 

Très  sainct  père ,  puisque  Dieu  nous  a  donné  la 
paix  par  le  moyen  de  vostre  saincteté,  il  est  bien  raison- 
nable qu'après  en  avoir  loué  sa  divine  majesté  comme 
j'ai  faict  de  tout  mon  cœur ,  je  ne  diffère  dadvantage 
d'en  remercier  vostre  saincteté,  et  me  conjouir  avec 
elle  de  la  gloire  que  ce  bon  œuvre  adjoustera  aulx  pré- 
cédentes de  son  heureux  pontificat,  qui  ne  rendra  la 
mémoire  de  son  sainct  nom  moins  recommandable  à  la 
postérité  que  ses  vertueuses  et  sainctes  actions  nous 
obligent  tous  à  l'honorer ,  servir  et  aimer. 

Je  supplie  donc  vostre  saincteté  trouver  bon  que 
mon  ambassadeur  s'acquitte  de  ce  debvoir  envers  vostre 
saincteté  pour  erres  de  ma  gratitude,  en  attendant  que 
j'y  satisfasse  publicquement ,  comme  je  ferai,  avec  la 
grâce  de  Dieu,  quand  il  sera  permis  de  manifester  îe- 
dict  traicté  qui  s'en  est  ensuivi ,  qui  est  certainement 
deu ,  après  Dieu  ,  à  vostre  saincteté,  à  la  prudence  de 
son  très  fidèle  et  affectionné  légat,  mon  cher  cousin 
et  ami,  et  à  la  diligence  du  père  gênerai  de  Tordre  de 
Sainct  François.  Très  sainct  père  ,  c'est  ung  tesmoignage 
que  nous  debvons  tous  ensemble  à  leur  vertu  et  mérite, 
mais  auquel  je  recognois  estre ,  en  mon  particulier, 
plus  atteneu  que  nul  aultre,  par  la  bienveillance  qu'ils 
ont  faict  paroistre  me  porter ,  et  au  bien  de  mon  estât 
en  tout  ce  qui  s'est  passé  ;  et  comme  je  sçais  qu'ils  l'ont 
faict  principalement  par  le  commandement  de  vostre 
saincteté,  je  lui  en  rends  grâces   très  humbles,  et  la 


AU  PAPE.  5o5 

supplie  aussi  affectueusement  avoir  bien  agréable  que 
je  la  requierre  faire  sçavoir  et  cognoistre  à  tout  le 
monde  le  gré  que  vostre  saincteté  leur  en  sçait,  et  le 
contentement  et  la  satisfaction  qui  lui  en  demeure  ; 
et  je  vous  asseure  que  je  participerai  à  la  recognois- 
sance  et  gratification  que  vostre  saincteté  leur  dépar- 
tira, non  moins  qu'à  l'obligation  qu'ils  lui  en  auront, 
comme  dira  plus  amplement  et  fera  entendre  à  vostre- 
dicte    saincteté  le  duc  de  Piney.  De  vostre  saincteté  , 

le ,   etc. 

Du  I  j  mai  1698. 

CLXXVI.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj  au  roj. 

Sire,  vostre  majesté  aura  veu  par  la  despesche  que 
lui  a  portée  le  sieur  de  Buny  ,  ce  que  nous  avons  ici 
negotié  avec  les  députés  d'Espaigne  et  de  Savoye, 
estans,  grâces  à  Dieu,  les  affaires  conduicts  à  ce  poinct 
que,  si  vostre  majesté  commaudoil  aujourd'hui  la  pu- 
blication de  la  paix,  on  pourroit  des  demain  com- 
mencer à  l'exécuter. 

Estant  le  double  des  articles  entre  les  mains  des 
députés  d'Espaigne  et  de  Savoye,  ils  Tout  envoyé  à 
leurs  maistres ,  et  tenons  pour  certain  qu'à  Bruxelles 
et  en  Savoye  plusieurs  sçavent  ce  qui  a  esté  ici  traicté, 
et  ne  voyons  pas  qu'il  soit  possible  de  le  tenir  secret. 

Il  fault  que  les  oslages  que  le  cardinal  doibt  livrer 
à  vostre  majesté  soient  à  la  frontière  sur  la  fin  de  ce 
mois,  que  la  ratification  du  traicté  leur  doibt  estre 
baillée  ,  et  au  mesme  temps  ils  doibvent  délivrer  les 
ostages. 


5o6  LETTRE 

Nous  avons  nommés  pour  ostages  l'admirai  d'Ara- 
gon ,  qui  est  de  la  maison  de  Mendoce ,  et  le  sieur  dom 
Louis  de  la  Velasco,  de  la  maison  du  connestable  de 
Casfille  ,  gouverneur  de  Milan;  nous  les  tenons  pour 
les  plus  qualifiés  Espaignols  qui  soient  en  ces  Pays  Bas. 
Pour  les  deux  Flamands,  nous  avons  nommé  le  duc 
d'Arscot  et  le  comte  d'Aremberg.  Le  cardinal  d'Au- 
triche leur  doibt  commander  de  se  tenir  prests  pour 
faire  ce  service  au  roi  catholique;  s'il  est  question  qu'ils 
soient  en  ceste  frontière  pour  la  fin  de  ce  mois,  il  leur 
fault  du  temps  pour  se  préparer  :  c'est  aujourd'hui 
le  i  2 ,  et  demain  arrive  à  Bruxelles  l'ung  des  députés 
d'Espaigne  qui  ont  traicté  avec  nous  ,  qui  porte  la  no- 
mination que  nous  avons  faicte  desdicts  ostages  ,  telle- 
ment que  par  force  forcée  il  fault  que  ce  traicté  soit 
publié;  et  quand  il  ne  le  seroit  à  l'occasion  desdicts 
ostages  ,  venant  la  ratification,  il  seroit  aussi  force  de 
le  publier;  ce  qui  nous  meut,  sire,  de  vous  escrire 
par  nosire  précédente,  et  supplier  très  humblement 
vostre  majesté  d'en  voulloir  advertir  vos  confédérés, 
auparavant  que  de  recevoir  leur  plaincte,  qu'on  le  leur 
a  votdlru  celer.  Sire,  quand  nous  monstrerions  des  au- 
jourd'hui la  ratification  à  ces  députés,  cela  serviroit  à 
faire  haster  leurs  ostages  qu'ils  doibvent  faire  venir  à 
Cambray;  vostre  majesté  commandera,  s'il  lui  pîaist, 
l'ordre  que  l'on  doibt  tenir  à  les  recevoir,  et  comme 
ils  doibvent  estre  gardés,  soit  qu'elle  le  veuille  com- 
mander à  M.  le  connestable  ou  à  nous;  ce  mois  sera 
bientost  passé,  et  n'avons  plus  de  temps  à  perdre. 

Sire,  vostre  majesté  nous  commande,  par  sa  des- 
pesche  du  i"  de  ce  mois,  de  haster  le  faict  de  Blavet. 
Nous  n'y  perdons  une  seule  heure  de  diligence.  Ces 
députés  nous  ont  dict  qu'ils  ne  sçavent  si   le  gouver- 


AU  ROY.  507 

neur  de  la  place  faict  travailler  aulx  fortifications  ou 
non.  A  nostre  instance  ,  ils  ont  escrit  au  cardinal 
d'Autriche  de  voulloir  commander  audict  gouverneur 
de  faire  cesser  les  fortifications,  disant  qu'en  cela  il 
peult  estre  excusé  pour  ce  que  jusques  à  présent  il 
n'a  poinct  receu  de  commandement. 

Ils  nous  ont  voulleu  bailler  ung  paquet  dudict  car- 
dinal ,  où  avec  sa  lettre  il  y  en  a  une  du  roy  d'Espaigne 
audict  gouverneur;  lui  est  ordonné  par  ledict  cardinal 
de  réduire  le  nombre  de  la  garnison,  et  renvoyer  en 
Espaigne  ung  terzo  d'Espaignols  qui  n'estoient  pas  logés 
dans  la  place  de  Blavet. 

Vostre  majesté  nous  a  commandé  de  leur  dire  qu'elle 
les  fera  accompaigner  de  vaisseaux  pour  les  porter  en 
Espaigne ,  en  baillant  asseurance  de  les  rendre.  Ils  se  sont 
trouvés  empeschés  comme  ils  pourroient  trouver  cau- 
tion en  France,  nousremonstrans  qu'en  cela  on  se  peult 
fier  à  la  parole  qu'en  donnera  le  cardinal  leur  maistre; 
nous  avons  dict  que  vostre  majesté  se  fieroit  en  lui  de 
trop  plus  grandes  choses,  mais  que  ces  vaisseaux  sont 
à  des  particuliers  qui  vouldront  avoir  caution  de  par- 
ticuliers solvables.  Nous  sommes  tombés  sur  le  sieur 
Zamet  qui  est  cogneu  en  Flandres ,  et,  s'il  en  est  pryé, 
pourroit  respondre  à  la  restitution  des  vaisseaux  dont 
on  les  accommoderoit.  Pour  ceste  occasion  ,  le  car- 
dinal d'Autriche  lui  a  escrit  une  lettre;  s'il  sçaura  que 
vostre  majesté  l'aura  pour  bien  agréable  ,  il  se  rendra 
encores  bien  plus  facile  à  cautionner;  sans  qu'en  ceste 
occasion  on  se  serve  dudict  sieur  Zamet,  il  seroit  bien 
difficile  de  sortir  de  ce  passage. 

Nous  ne  nous  sommes  pas  voulleu  charger  de  la 
lettre  que  ledict  sieur  cardinal  archiduc  d'Autriche 
escrit  au  susdict  sieur  Zamet,  ni  aussi  dudict  paquet 


5o8  LETTRE 

qu'il  addresse  au  gouverneur  de  Blavet,  pour  en  ré- 
duire ladicte  garnison ,  et  en  renvoyer  ledict  terzo 
d'Espaigiiols  en  Espaigne,  remonstrans  que  Ton  n'au- 
roit  pas  grand  esgard  aulxdictes  lettres,  si  elles  estoient 
présentées  par  aultres  que  par  les  ministres  dudict  car- 
dinal archiduc,  •" 

Pour  ceste  occasion  ,  ils  lui  ont  escrit  d'envoyer 
ici  ung  gentilhomme  pour  les  porter,  lequel  nous  at- 
tendons pour  mercredi  prochain  sans  faulte,  et  déli- 
bérons en  mesme  temps  d'envoyer  avec  lui  le  courrier 
La  Fontaine,  qui  le  mènera  à  vostre  majesté  pour  y 
recevoir  le  commandement  qu'elle  trouvera  bon  de  lui 
faire. 

Ils  nous  ont  dict  avoir  pryé  ledict  cardinal  archiduc 
d'y  envoyer  ung  Espaignol  qui  est  près  de  lui ,  et  per- 
sonnage d'entendement ,  de  bon  sens .  et  qui  parle 
francois. 

Nous  escrirons  au  sieur  Zamet  afin  qu'il  se  dispose 
de  faire  ce  service  et  nous  aider  àhaster  ceste  besoigne; 
ces  negotiations,  sire,  ne  permettent  que  ce  traicté 
soit  teneu  secret,  chacung  en  parle  en  ce  pays,  et 
comme  l'on  nous  dict ,  c'est  ici  le  lieu  où  l'on  en 
parle  le  moins ,  pour  ce  que  l'on  craint  de  nous  of- 
fenser. 

M.  le  connestabk  a  adverti  le  gouverneur  des  places 
d'observer,  pour  tout  ce  présent  mois,  ladicte  cessa- 
tion d'armes  que  vostre  majesté  a  ordonné  aulx  fron- 
tières. 

Ceulx  des  villes  d'Arras,  de  Dourlans  et  aultres  places 
du  roy  d'Espaigne,  quelque  chose  que  ces  députés 
leur  ayent  escrit,  l'ont  publiée;  les  peuples  ne  se  peuvent 
contenir,  tant  ceste  paix  est  désirée  et  souhaitée.  Nous 
disons  que  ceste  cessation  d'armes  n'est  que  pour  ce 


AU  ROY.  009 

mois;  mais  ce  bruict  de  la  paix  est  desjà  si  grand  qu'on 
la  tient  pour  faicte. 

'  Celte  faulte  ne  procède  pas  d'aulcung  de  vos  ser- 
viteurs, sire,  qui  ne  peuvent  eslre  maistres  en  auicune 
façon  ni  des  langues  ni  des  volontés  des  aultres. 

Ce  bruict,  pour  liuict  ou  dix  jours  seulement,  in- 
commodera quelque  peu  le  service  de  vostre  majesté, 
mais  en  recompense  cela  lui  faict  donner  une  infinité 
de  louanges  et  de  bénédictions.  Nous  pryons  Dieu, 


sire,  etc. 


Du  12  mai  iSgS. 


CLXXVII.  —  -V^LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sdlery  a  M.  de  VUleroy. 

Monsieur  ,  vous  avés  veu  ce  que  vous  a  porté  M.  de 
Berny;  il  ne  reste  rien  àescrire,  mais  il  est  question 
d'exécuter  ce  que  Ton  a  escrit.  Nous  attendons  la  rati- 
fication, et  n'y  a  plus  de  temps  à  perdre. 

Vous  verres  ce  que  nous  escrivons  au  roy  touchant 
Blavet. 

Il  est  impossible  de  negotier  l'exécution  de  ce  grand 
affaire,  et  le  tenir  secret.  Par  nostre. précédente,  nous 
vous  en  avons  escrit  si  amplement  que  nous  n'y  pou- 
vons rien  adjouster. 

L'ambassadeur  de  Venise ,  qui  est  à  Paris ,  a  ici 
envoyé  son  secrétaire  pour  se  congratuler  avec  M.  le 
légat  et  les  députés,  de  ce  traicté,  de  la  bonne  resolu- 
tion qui  a  esté  prise  touchant  la  paix. 

Nous  lui  avons  dict  que  nous  le  remercions  de 
tant  de  bonne  volonté  qu'il  nous  déclare,  et  quant  à 


5lO  LETTRE 

la  paix  que  nous  en  avons  bonne  espérance.  C'est  tout 
ce  qu'il  a  remporté  de  nous  ;  mais  faisons  ce  que  nous 
vouklrons.  Je  m'asseure  maintenant  qu'il  se  parle  en 
Italie  de  ceste  paix  plus  beaucoup  que  l'on  ne  faict 
ici.  Quand  ung  mariage  est  faict,  forcé  est  de  souffrir 
que  l'on  en  parle  ;  s'il  y  a  de  la  faulte  de  la  publication 
de  ceste  nouvelle,  elle  ne  vient  de  nous,  et  debvons 
estre  excusés,  puisque  nous  avons  faict  tout  ce  qui  se 
peult  pour  tenir  l'affaire  secret.  Nous  ne  sommes  pas 
maistres  des  langues  ni  des  volontés  des  aultres. 

Nous  avons  à  louer  Dieu  de  la  grâce  singulière  qu'il 
a  faicte  au  roy  et  à  ce  royaulme,  nous  donnant  la  plus 
honorable  paix  qui  ait  esté  faicîe  depuis  cinq  cens  ans 
en  çà,  et  nous  nous  sentons  très  obligés  à  Dieu  pre- 
mièrement, et  au  roy  de  l'honneur  que  nous  recevons 
d'avoir  servi  en  chose  si  utile  à  cest  estât ,  et  à  toute 
la  chrestienté.  Une  grande  partie  de  ceste  negotiation 
vous  est  deue  ,  qui  avés  si  vertueusement  travaillé  avec 
tant  de  jugement  et  de  dextérité  que  la  France  vous 
est  obligée  ;  ce  que  nous  tesmoignerons  tout  le  temps 
de  nostre  vie,  et  en  quelque  lieu  que  nous  soyons; 
les  grandes  difficultés  qui  se  sont  présentées  en  ceste 
negotiation  n'ont  pas  esté  surmontées  sans  que  vous 
avés  dormi  de  mauvaises  nuicts.  Nous  scavons  assés  la 
corruption  qui  est  demeurée  encores  au  cœur  de  beau- 
coup de  François,  qui  n'ont  rien  moins  au  cœur  que 
de  voir  le  roy  maistre  absoleu  en  repos  et  à  son  aise  ; 
mais,  Dieu  aidant,  il  le  sera  malgré  eulx  et  malgré  leurs 
dents;  enfin  on  le  nommera  par  noms  et  par  surnoms, 
et  ne  craindrons  jamais  d'avoir  pour  ennemis  ceulx 
que  nous  sçaurons  estre  ennemis  du  roy  et  de  Testât. 

Vous  verres,  monsieur,  ce  que  nous  escrivons  au 
roy,  touchant  M.  Zamet.  Nous  estimons  qu'il  aura  faict 


A  M.  DE  VILLEROY.  5il 

la  caution  auparavant  que  ceste  ci  vous  soit  rendeue, 
ce  neanlmoins  il  n'en  peult  que  bien  advenir,  si  le 
roy  ou  vous  lui  en  escrivés.  Nous  Tadvertissons  que 
par  sa  procuration  il  ne  fasse  poinct  de  mention  du 
service  du  roy,  car  nous  entendons  que  les  Esj)aignoIs 
seuls  lui  en  demeurent  obligés.  Monsieur,  si  le  roy 
veult  charger  sur  nous  que  nous  avons  advancë  cest 
affaire  plus  beaucoup  qu'il  n'eust  espéré,  nous  avons 
de  fort  bonnes  espaules  pour  supporter  tout  ce  dont  on 
vous  vouldra  bien  les  charger  pour  le  service  de  nostre 
maistre.  Cependant  nous  nous  recommandons,  etc. 

Du  I  2  mai  lôi^S. 

CLXXVIII.  —  ^LETTRE 

De  MM,  de  Belliei^re  et  de  Sillerj  au  roj. 

Sire,  nous  feismes  une  despesclie  à  vostre  majesté 
le  12^  de  ce  mois,  pour  lui  donner  advis  à  quoi  nous 
en  estions  de  la  negotiation,  touchant  la  redduction 
de  la  garnison  de  Blavet.  Ce  matin  les  députés  d'Es- 
paigne  nous  ont  dict  que  don  Juan  de  Vanegas,  ca- 
pitaine de  lances ,  entreteneu  par  la  personne  de  Far- 
chiduc,  est  arrivé  en  ceste  ville,  despesché  par  ledicl 
archiduc  pour  se  transporter  à  Blavet,  avec  charge 
d'ordonner  au  gouverneur  de  la  place  et  tous  aultres 
serviteurs  du  roy  d'Espaigne  de  cesser  tous  actes  d'hos- 
tilité, de  faire  sortir  du  pays  et  se  retirer  en  Espaigne 
don  Orozio  avec  le  terzo  d'Espaignols  aulxquels  il 
commande;  cpie  ledict  Vanegas  demeurera  dans  Blavet 
avec  don  Juan  d'Aquila,  et  la  garnison  qui  sera  néces- 
saire pour  la  garde  de  la  place  ,  jusques  à  ce  qu'il  ait 


5 1 2  LETTRE 

commandement  du  cardinal  archiduc  de  la  faire  des- 
moiir,  duquel  il  porte  lettres  et  pouvoirs  pour  ce 
faire,  comme  aussi  il  porte  la  descharge  et  lettres  du 
roy  d'Espaigne.  Nous  n'avons  pas  peu  ici  régler  le 
nombre  de  la  garnison ,  pour  ce  que  lesdicts  députes 
ont  dict  ne  sçavoir  de  quel  nombre  se  contentera  ledict 
don  Juan  d'Aquila,  qa^  le  tout  est  remis  à  ce  que  ledict 
Vanegas  en  advisera  avec  lui.  Il  sera  besoing  que  le 
pays  de  Bretaigne  s'efforce  de  les  faire  accommoder  de 
vaisseaux,  afin  que  tant  plus  tost  ils  en  soient  des- 
chargés. 

Par  nostredicte  despesche  du  12  de  ce  mois,  nous 
avons  escrit  à  vostre  majesté  l'ordre  que  nous  avons 
peu  adviser,  afin  qu'il  y  eust  asseurance  de  la  restitu- 
tion des  vaisseaux  dont  ils  seront  accommodés  ;  nous 
en  avons  desjà  escrit  au  sieur  Zamet ,  et  lui  en  escri- 
vons  derechef. 

Sire,  ayans  escrit  jusques  ici,  la  despesche  de  vostre 
majesté  du  9  de  ce  mois  nous  a  esté  rendeue ,  par  la- 
quelle nous  avons  veu  la  bonne  resolution  qu'il  lui  à 
pieu  de  prendre  de  communiquer  à  ses  bons  subjects 
de  Bretaigne,  assemblés  à  Rennes  pour  la  teneue  des 
estats  du  pays ,  Theureuse  nouvelle  de  ceste  paix  qui 
ne  pouvoit  estre  plus  longuement  celée  pour  les  rai- 
sons conteneues  en  nos  précédentes  ;  et  par  ce  que  nous 
jugeons,  il  ne  peult  advenir  que  beaucoup  d'incom- 
modité, et  de  réputation  à  vos  affaires  ,  si  elle  sera  pu- 
bliée partout  au  plus  tost  que  faire  se  pourra  :  nous  en 
avons  ce  matin  conimuniqué  avec  les  députés  d'Espai- 
gne ,  qui  nous  confirment  de  plus  en  plus  l'asseurance 
qu'ils  nous  ont  ci  devant  donnée,  qu'il  n'y  aura  poinct 
de  faulte  ni  de  retardemant  à  l'exécution  de  ce  qu'ils 
nous  ont  promis;  nous  ont  dict  que  dans nng  jour  ou 


AU  ROY.  5i3 

deux  ung  de  leurs  compagnons,  qui  est  allé  à  Bruxelles 
pardevers  ledict  cardinal,  doibt  estre  ici  de  retour, 
qui  apportera  la  ratification,  et  ce  qui  est  requis  de 
leur  part  pour  commencer  ladicte  exécution.  Ils  ont 
donné  ordre  que  les  ostages  se  trouveront  à  Cambray. 
Il  est  requis  de  la  part  de  vostre  majesté  que  l'on 
depnle  pour  les  recevoir  :  nous  ont  dict  que  sitost 
que  le  serment  aura  esté  donné  ,  qu'ils  exécuteront 
vifvement  et  de  bonne  foi ,  et  nous  ont  laissé  en 
bonne  espérance  qu'encores  qu'ils  ayei.t  trois  mois 
pour  la  restitution  de  Blavet ,  qu  allant  les  clioses 
par  Fordic  qu'elles  doibvent  aller,  que  le  tout  sera 
restitué. 

Il  ne  tiendra  poinct  à  la  bonne  sollicitation  que  vostre 
majesté  ne  soit  bien  servie.  Nous  envoyerons  le  cour- 
rier La  Fontaine  avec  ledict  don  Juan  Vaneeas,  afin 
qu'il  passe  plus  seurement.  Les  députés  lui  ont  donné 
charge  de  passer  au  lieu  où  sera  vostre  majesté  ,  afin 
que,  sçachant  son  bon  voulloir,  toutes  choses  se  puis- 
sent mieulx.  faire  selon  son  contentement  et  son  in- 
tention. 

Nous  attendons  avec  impatience  le  retour  du  sieur 
de  Berny,  qui  a  porté  à  vostre  majesté  le  double  des 
accords  qui  ont  esté  ici  faicts  ;  plus  tost  il  nous  baillera 
la  ratification  ,  plus  tost  nous  aurons  les  ostages,  et  se 
donnera  commencement  à  l'exécution  du  traicté.  Pour 
fin  de  lettre ,  nous  remercions  tant  et  si  humblement 
que  nous  pouvons  vostre  majesté  de  la  grâce  qu'elle 
nous  faict ,  agréant  avec  tant  de  bonté  et  de  faveur 
l'humble  service  que  nous  lui  avons  peu  faire  en  ceste 
negotiation  de  la  paix,  la  suppliant  tjes  humblement  de 
croire  que  nous  mourrons  en  ceste  volonté  de  la  bien 
et  fidèlement  servir  en  tout  ce  que  son  bon  plaisir  sera 

MÉM.  DE  DUPLESSIS-MORNAY.  ToMR  VIIT.  Js> 


/ 


5l4  LETTRE 

de  nous  honorer  de  ses  commandemens.  Nous  sup- 
plions le  Créateur  ,  etc. 

Du  17  mai  iSgS. 

GLXXIX.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  BelUevre  et  de  SUlerj  a  M.  de  Filleroy, 

MoNSiKUR,  nous  avons  receu  vostre  lettre  du  6  de 
ce  mois,  et  veu  le  double  de  celle  que  M.  de  Buzen- 
val  a  escrite  au  roy ,  contenant  la  response  des  députés 
de  Hollande,  à  l'offre  qui  leur  est  faicte  en  faveur  et 
contemplation  du  roy  d'une  suspension  d'armes  pour 
deux  mois.  Ils  sçavent  ou  doibvent  sçavoir  leurs 
affaires,  et  s'en  fault  remettre  à  eulx  :  encores  que  la 
peine  que  nous  avons  prise  en  cela  ne  leur  serve  ,  elle 
sert  à  la  réputation  au  roy  qui  a  faict  pour  eulx  tout 
ce  que  peult  ung  vrai  ami,  et  a  hazardé  les  affaires 
pour  les  accommoder.  Le  roy  ne  les  a  pas  mis  à  la 
guerre  ;  il  les  y  a  trouvés.  La  France  a  servi  de  bou- 
clier pour  recevoir  les  flèches  qui  se  tiroient  contre 
eulx.  Il  v  a  plus  d'un  g  an  que  le  roy  les  a  advertis  de 
sa  resolution  à  la  paix;  il  y  a  cinq  mois  que  l'on  les 
attend  ici  de  pied  coi.  S'ils  font  la  guerre  pour  avoir 
tousjours  la  guerre ,  qui  seroit  une  damnable  resokition , 
nous  ne  debvons  poinct  avoir  esgard  à  leurs  frénésies; 
si  c'est  pour  avoir  la  paix,  le  roy  les  a  mis  et  met  en- 
cores au  chemin.  M.  de  Buzenval  dict  qu'ils  n'ont  pou- 
voir d'accepter  ni  trefve  ,  ni  cessation  d'actes  d  hosti-  j 
lile  ,  et  que,  quand  ils  seront  arrives  en  leur  pays  ,  le  ^ 
temps  de  ceste  cessation  sera  expiré  ;  il  semble  que  ces 
députés  ne  sont  pas  veneus  en  France  pour  délibérer 


A  M.  DE  VILLEROY.  5iD 

avec  ïedict  roy  de  ce  qui  est  le  meilleur;  mais  seule- 
ment pour  lui  dire,  Faictes  cela;  car  nous  avons  reso- 
leu  que  cela  est  le  meilleur.  A  la  vérité  nous  trouvons 
estrange  et  nouvelle  ceste  façon  de  procéder.  Quant  à 
ce  qu'ils  disent  que  le  temps  de  ladicte  cessation  sera 
expire  auparavant  qu'ils  soient  en  leiu^s  maisons,  le 
temps  de  ladicte  cessation  commence  le  2  de  mai ,  et 
finit  le  2  de  juillet.  La  response  de  M.  de  liuzenval  est 
du  3  de  mai;  ung  jour  moins  ,  ils  avoient  encores  les 
deux  mois  entiers.  Quelque  chose  qu'escrive  M.  de 
Buzenval,  je  ne  les  tiens  pas  si  colères  qu'ils  n'avent  des- 
pe^ché  en  diligence  à  leurs  supérieurs  d'Amhoise;  ung 
courrier  ira  en  deux  jours  à  Dieppe,  et  de  Dieppe  en 
Hollande;  comme  le  vent  a  esté  bon  et  est  encores ,  ils 
peuvent  aller  en  deux  et  trois  jours  :  nous  sçavons  que 
c'est  de  ce  voyage;  bien  avons  nous  opinion  qu'aupara- 
vant que  de  retourner  en  leurs  maisons,  ils  iront  à 
Londres  h  l'oracle,  qui  n'est  pas  sans  quelque  peine  de 
ce  qu'il  s'est  trompé  en  ses  prédictions;  mais  puisque 
cela  revient  au  bien  âe  ce  royaume,  il  fault  que  nous 
ayons  patience  :  par  ce  que  nous  voyons,  on  nous 
donne  des  ad  vis  que  les  Aiiglois  s  efforceront  de  traver- 
ser nostre  negotiation.  Nous  voulions  espérer  que  tout 
ce  qu'ils  entreprendront  sera  en  vain  ,.  pourveu  que  de 
nostre  costé  nous  fassions  ce  que  nous  debvons.  Nous 
avons  veu  ce  que  nous  escrivés  d'une  part^  d'onze 
mille  escus;  il  est  bon  qu'en  ayons  esté  advert  ;  s'il  s'en 
parle,  nous  serons  prest  de  response. 

Depuis  la  despesche  que  vous  a  portée  La  Fontaine  , 
nous  vous  avons  escrit  des  2 ,  7  et  1  2  de  ce  mois.  Vous 
voyés  clair  au  fond  et  à  quoi  nous  en  sommes  de  ceste 
negotiation.  JNous  estimons  qu'auparavant  la  réception 
de  ceste  despesche,  vous  nous  aurés  renvoyé  M.  de 


5l6  LETTRE 

Berny  avec  la  ratification  ;  que  vous  aurés  aussi  adfvisé 
à  ceulx  qu'il  plaist  au  roy  de  députer  pour  recevoir  le 
serment  du  cardinal  d'Autriche.  Ces  députés  d'Espai- 
gne  nous  ont  dict  que  leur  compaignon ,  qui  est  allé  à 
Bruxelles,  leur  a  escrit  qu'il  faisoit  tenir  preste  la  rati- 
fication dudict  cardinal  ,  et  que  l'on  advisoit  à  ceulx 
qui  seroient  envoyés  pour  recevoir  le  serment  du  roy. 
S'ils  ont  envie  de  nous  rendre  Calais,  vous  ne  doubtés 
pas  que  nous  ne  desirions  encores  plus  qu'eulx  de  le 
faire  remettre  entre  les  mains  de  celui  auquel  il  plaira 
au  roy  d'en  commettre  la  charge. 

Ceste  place  est  de  très  grande  importance  au  roy  : 
ce  n'est  pas  à  nous  à  donner  conseil  à  sa  majesté  en  ce 
qui  ne  nous  est  pas  commandé.  Si  vous  dirons  nous 
que,  pour  faciliter  l'exécution  de  la  restitution  que  nous 
demandons,  il  est  à  propos  que  ledict  cardinal  n'entre 
pas  en  ombrage  de  celui  qui  y  doict  commander  :  en 
affaires  si  grands  ,  les  difficultés  naissent  d'elles  mesmes 
sans  que  nous  les  fassions  naistre. 

Monsieur,  ayans  escrit  jusques  ici ,  nous  avons  re- 
ceu  la  despesclie  du  roy  du  9  ;  vostre  lettre  est  du 
dixiesme. 

Nous  faisons  si  ample  response  au  roy  ,  que  nous  ne 
vous  ennuyerons  poinct  de  double  lecture.  Vos  lettres 
sont  si  favorables  que  vous  nous  fériés  exposer  à  tous 
les  dangers  de  mort  pour  bien  servir  le  maistre,  encores 
que  ne  soyons  pas  payés  pour  cela.  Nous  avons  une 
extresme  obligation  à  la  bonté  du  roy  qui  est  très 
grande  et  naifve  ;  mais,  monsieur,  avec  cela,  nous 
recognoissons  combien  nous  demeurons  obliges  à  vostre 
bonne  volonté. 

Nous  conserverons  au  cœur  ceste  grande  obligation 
pour  la  recognoistre  par  service  ,  là  où  nous  en  aurons 


A  M.  DE  YILLEROY.  5ij 

le  moyen  ;  nous  espérons  avoir  satisfaict  à  ce  que  de- 
siroit  M.  de  Bouillon ,  suivant  ce  que  nous  avons  sceu 
estre  Tintention  et  la  volonté  du  roy,  de  laquelle  nous 
ne  nous  départirons  jamais  en  aulcune  façon,  ni  à 
dextre  ni  à  senestre. 

Renvoyés  nous,  monsieur,  au  plus  tost  que  faire  se 
pourra,  M.  de  Berny  avec  la  ratification  de  la  paix,  et 
vous  verres  si  nous  avons  à  cœur  de  servir  ou  non. 

Il  fault  penser  où  l'on  prendra  de  l'artillerie  et  toutes 
auhres  munitions  de  guerre ,  pour  mettre  dans  les 
places  qui  nous  seront  rendeues.  Pensés  y  de  bonne 
heure,  car  c'est  tout  ce  que  vous  pourrés  faire  que  d'y 
pourvoir  à  temps.  Il  fault ,  ce  me  semble ,  que  toutes 
les  provinces  de  la  France  y  aident  et  y  contribuent. 

Par  nostre  despesche  du  12  de  ce  mois ,  vous  avés 
veu  ce  que  nous  avons  escrit  touchant  la  caution  de 
M.  Zamet  pour  les  vaisseaux.  Nous  lui  en  escrivons  de- 
rechef, n'ayant  pas  encores  eu  sa  response. 

Monsieur,  l'on  nous  asseure  et  certifie  que  dom 
Juan  Vanegas ,  qui  est  despesche  devers  le  gouverneur 
de  Blavet,  est  homme  de  courage  et  de  grande  valeur, 
et  il  mérite  que  le  roy  le  caresse.  Nous  avons  ici  bonne 
espérance  qu'il  fera  bien. 

La  garnison  du  chasteau  de  Dourlans  s'est  mutinée, 
et  les  députés  d'Espaigne  nous  ont  dict  et  asseuré  ce 
matin  qu'il  y  sera  tellement  pourveu  que  l'exécution 
de  nostre  traicté  n'en  sera  retardée  d'une  heure  seule- 
ment. Lesdicts  députés  nous  demandent  des  passe- 
ports pour  envoyer  en  Espaigne  et  à  Blavet. 

Nous  avons  donné  nostre  passeport  audict  dom  Juan 
de  Vanegas,  pour  aller  trouver  le  roy,  aullrement  tout 
demeureroit.  Nous  n'osons  pas  en  bailler  pour  aller 
en  Espaigne,  dont  nous  sommes  extresmement  solli- 


5l8  LETTRE,  etc. 

cités  et  mesme  fort  pressés  :  envoyés  nous  en  donc 
quelques  ungs,  s'il  vous  plaist,  et  au  plus  tost  que  vous 
pourres.  Et  cependant  nous  pryons  Dieu ,  etc. 

Du  17  mai  1698. 


CLXXX.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

^  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillerj. 

Messieurs  de  Bellievre  et  de  Sillery ,  je  vous  escri- 
vis,  le  6  de  ce  mois,  que  les  députés  des  estats  des  pro- 
vinces unies  des  Pays  Bas  n'avoient  vouileu  recevoir 
la  cessation  de  tous  aultres  actes  d'hostilité  durant  deux 
mois  que  nous  avons  obteneus  pour  la  royne  d'Angle- 
terre et  pour  eulx,  vous  ayant  envoyé  copie  de  la  lettre 
mesme  que  le  sieur  de  Buzenval  m'avoit  escrite  sur  ce 
subject,  afin  d'en  advertir  les  ambassadeurs  avec  les- 
quels vous  avés  traicté,  pour  me  'deschnrger  envers 
eulx  de  l'espérance  que  vous  leur  aviés  donnée  par  mon 
commandement,  que  lesdicts  députés  s'y  pourroient 
accommoder;  mais  je  n'ai  encores  receu  la  response  de 
la  royne  d'Angleterre  sur  ce  poinct,  combien  je  l'en  aye 
advertie  en  mesme  temps. 

Depuis  ayant  receu  vostre  despesche  du  2  de  ce 
mois,  j'ai  escrit  a  mon  cousin  le  cardinal  de  Florence, 
et  au  père  gênerai  des  cordeliers ,  comme  j'ai  faict  à 
vous,  le  contentement  que  j'ai  receu  de  la  conclusion 
et  sicrnature  de  vostre  traicte;  de  sorte  qu'eulx  ni  aultres 
ne  doibvent  poinct  doubter  que  je  ne  l'approuve  et  ra- 
tifie, avec  tout  ce  que  vous  avés  faict  ensuite  en  con- 
séquence d'icelui ,  dans  le  temps  qui  a  esté  promis.  A 
présent  vous  sçaurés  que  Berny,  présent  porteur,  ar- 


LETTRE  DU  ROY,  etc.  5 19 

riva  à  Vitré  le  i5  cle  ce  mois,  avec  la  copie  dudict 
traicté  gênerai  et  de  celui  des  particuliers,  et  de  tous 
les  aultres  actes  et  promesses  qui  ont  esté  faictes  sur  ce 
subject  ;  mais  je  ne  le  peus  voir  que  le  lendemain ,  parce 
que  j'estois  demeuré  derrière  à  Rennes  pour  mes  affai- 
res. Ce  que  je  vous  puis  dire  sur  cela  est  non  seulement 
que  je  suis  très  content  de  tout  ce  qui  a  esté  accordé, 
mais  aussi  que  j'ai  abandonné  mes  affaires  de  Bretaigne 
exprès  pour  vous  porter  moi  mesmes  ma  ratification, 
laquelle,  à  ceste  cause,  je  veulx  que  vous  donniés  toute 
asseurance  de  ma  part  aulxdicts  ambassadeurs ,  les 
pryans  et  les  sollicitans  de  préparer  leurs  ostages ,  et 
toutes  aultres  choses  nécessaires  pour  ndvancer  Texe- 
cution  dudict  traicté;  car  je  fais  estât  d'estre  en  ma  ville 
d'Amiens  le  1  juin,  avec  la  grâce  de  Dieu,  et  porterai 
avec  moi  ladicte  ratification  :  mais,  d'autant  qu'il  pour- 
roit  m'arriver  quelque  empeschement  qui  retarderoit 
mon  voyage  de  deux  ou  trois  jours,  j'escris  présente- 
ment à  mon  cousin  le  connestable  qu'il  se  prépare  pour 
recevoir  les  ostages  qu'on  vous  doibt  livrer  quand  ils 
recevront  madicte  ratification,  laquelle,  en  ce  cas,  je 
vous  ferai  tenir  à  poinct  nommé  ;  mais  j'aurai  à  plaisir 
de  ne  la  signer  devant  le  temps  promis,  plus  pour  sa- 
tisfaire à  moi  mesmes,  en  ne  manquant  a  la  parole  que 
j'ai  donnée  aulx  Anglois,  que  pour  aultre  bien  que  j'en 
espère.  Partant,  je  vous  prye  soulager  en  cela  mon  es- 
prit ,  et  respondre  hardiment  de  la  sincérité  de  mon 
intention. 

J'ai  bien  considéré  les  raisons  qui  vous  ont  meu  de 
passer  certaines  choses  en  ce  traicté,  que  vous  m'aviés 
du  tout  représentées  telles  par  vos  précédentes  qu'elles 
m'ont  esté  escrites,  lesquelles  j'ai  prises  en  bonne  part, 
estant  bien  asseuré  que  vous  les  avés  consenties  avec 


52 O  LETTRE  DU  ROY 

prudence  et  bonne  considération.  J'ai  aussi  toute  fiance 
en  vous,  et  ne  veulx  adjouster  aulcune  considération 
aulx  vostres ,  puisque  la  besoigne  est  achevée.  Joinct 
que  je  suis  certain  que  vous  vous  estes  représenté  tout 
ce  que  je  vous  en  pourrois  escrire ,  et  que  vous  en  estes 
sorti  au  meilleur  marclië  pour  mon  service  que  vous 
avés  peu;  aussi,  prévoyant  bien  qu'il  seroit  impossible 
de  tenir  secret  ledict  traicté ,  estant  concieu  et  signé 
comme  il  a  esté,  j'en  advertis  ladicte  royne  d'Angleterre 
et  lesdicts  estats,  après  la  réception  de  vostredicte  des- 
pesche  du  2  de  ce  mois ,  et  pris  resolution  d'en  dire 
moi  mesmes  les  nouvelles  à  mon  arrivée  en  ma  ville  de 
Rennes,  ainsi  que  je  vous  ai  escrit  par  ma  response 
datée  du  10  de  ce  mois;  de  sorte  que  vous  ne  debvés 
plus  vous  mettre  en  peine  de  le  celer,  mais  seulement 
d'en  advancer  l'exécution  de  tout  vostre  pouvoir,  à  la- 
quelle je  vous  asseure  avoir  jà  commencé  à  mettre  la 
main,  car  j'ai  licentié  en  Bretaigne  et  en  Picardie  plus 
de  six  mille  hommes  de  pied;  et,  puisque  j'ai  resoleu 
ladicte  paix,  croyés  que  j'en  veulx  faciliter  et  advancer 
l'accomphssement  de  tout  mon  pouvoir.  Je  me  suis  mis 
en  chemin  pour  cela,  ayant  commencé  à  prendre  telle 
asseurance  de  la  foi  et  volonté  du  cardinal  d'Autriche 
que  je  ne  veulx  plus  doubter  de  l'exécution  de  ses  pro- 
messes, persuadé  des  raisons  que  vous  m'avés  repré- 
sentées par  vos  lettres,  et  du  tesmoignnge  que  vous 
m'avés  rendeu  de  sa  rondeur  et  bonne  foi  de  laquelle 
on  traicte  avec  vous,  a  laquelle  je  veulx  correspondre 
comme  il  c(m vient  pour  atteindre  à  la  perfection  de  ce 
bon  œuvre ,  que  je  recognois  avec  vous  estre  le  plus 
glorieux  et  plus  utile  à  la  France  qui  ait  esté  faict  il  y 
a  long  temps.  Je  fais  compte  de  jurer  en  ladicte  ville 
d'Amiens  l'observation  dudict  traicté,  afin  que  ceulx 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.        ^21 

que  ledict  cardinal  députera  pour  y  assister  ayent  moins 
de  chemin  et  de  despense  à  faire.   Mais  je  n'entends 
pas  de  donner  la  cliarge  à  aultre  qu'à  vous  deux  d'aller 
recevoir  le  serment  dudict  cardmal  ;  car  vous  m'y  pou- 
vés  mieulx  servir  que  tous  aultres,  et  me  semble  que 
ceste  charge  vous  est  deue.  Partant,  je  vous  prye  vous 
disposer  à  me  faire  encores  ce  service,  et  je  vous  don- 
nerai moyen  de  fournir  aulx  frais  d'icelui.  Je  m'attends 
aussi  que  mondict  cousin  le  légat  se  rendra  en  ladicte 
ville  d'Amiens  après  que  j'y  serai  arrivé,  pour  honorer 
et  aucloriser  de  sa  présence  ce  qui  s'y  passera  ,  et  me 
donner  moyen  de  l'entretenir  du  passé  et  de  l'advenir, 
en  le  congratulant  et  remerciant  de  tant  de  peine  qu'il 
a  prise  pour  moi,  ainsi  que  vous  lui  dires, 

J'advertis  présentement  mondict  cousin  le  connes- 
table  de  ma  délibération  ,  afin  qu'il  donne  ordre  aulx 
logis  où  je  lui  mande  qu'il  employé  d'escuries,  et  pa- 
reillement aulx  vivres  ;  et  sera  bon  que  vous  envoyiés 
devers  eulx  quelqu'ung  qui  leur  enseigne  ce  qu'ils  au- 
ront à  faire  pour  accommoder  ledict  légat  et  sa  suite 
avec  les  députés  du  cardinal  d'Autriche ,  quand  vous 
sçaurés  leurs  qualités ,  et  aussi  les  ostages ,  lesquels  il 
me  semble  que  vous  avés  choisis  tels  que  je  pouvois  dé- 
sirer ^  ainsi  que  j'ai  appris  par  vostre  lettre  du  12  de  ce 
mois,  que  je  receus  hier  en  ce  lieu  par  la  poste. 

Mais  si  d'adventure  je  n'arrivois  en  ladicte  ville 
d'Amiens  preciseement  le  2^  jour  de  juin,  suivant  ma 
délibération,  comme  je  n'entends  pour  cela  retarder  la 
délivrance  de  madicte  ratification  ni  la  réception  des- 
dicts  ostages ,  j'estime  aussi  qu'il  ne  sera  besoing  de 
prolonger  la  cessation  d'armes  qui  doibt  finir  ce  jour 
là  mesme,  nostre  accord  estant  divulgué  comme  il  est. 
Toutesfois,  si  vous  jugés  que  vous  eu  debviés  user  aul- 


!)22  LETTRE  DU  ROY 

trement ,  d'autant  que  ladicte  paix  ne  doibt  estre  pu- 
bliée en  la  forme  accoustumee  qu'elle  n'ait  esté  ratifiée, 
et  que  lesdicts  ostages  n'ayent  esté  livrés,  j'escris  pré- 
sentement à  mondict  cousin  le  connestable  qu'il  advise 
avec  vous  d'en  user  ainsi  que  vousjugerés  ensemble 
estre  pour  le  mieulx.  Mais,  si  je  puis,  je  vous  relèverai 
de  ce  souci  ;  car  je  me  rendrai  audict  jour  en  ladicte 
ville,  et  prendrai  la  poste  plustost  que  d'y  faillir,  si  ma 
santé  le  me  peult  permettre,  comme  vous  dira  ledict 
Berny.  Cependant  j'attends  en  bonne  dévotion  celui  qui 
doibt  venir  de  par  deçà  pour  retrancber  la  gainison  de 
Blavet,  ainsi  que  vous  m'avés  escrit  par  vostre  dernière; 
et  ferai  demander  des  demain  au  sieur  Zamet  qu'il  ne 
fasse  difficulté  de  contenter  ledict  cardinal  de  son  obli- 
gation pour  la  seureté  des  navires  qu'il  leur  fault  bail- 
ler pour  porter  en  Espaigne  leurs  gens,  lui  faisant  en- 
tendre qu'il  me  fera  service  agréable.  Mais  il  fault  que 
je  vous  die  que  je  fais  grande  difficulté  d'accorder  au 
duc  d' Au  maie  ce  que  ledict  cardinal  demande  pour  lui; 
car  il  s'en  est  rcndeu  indigne  par  ses  actions  de  jouir 
jamais  de  l'air  de  la  patrie,  contre  laquelle  il  a  sans  rai- 
son et  contre  son  bonneur  et  debvoir  faict  le  pis  qu'il 
a  peu  ;  joinct  que  je  prévois ,  estant  l'article  qui  faict 
mention  de  nos  subjects  qui  ont  faict  la  guerre  avec 
nous  coucbé  comme  il  est,  qu'il  ne  sera  loisible  à  ung 
seul  des  leurs  qui  m'ont  servi  de  retourner  en  leur  pays 
ni  mesme  de  rentrer  en  la  jouissance  de  leurs  biens, 
parce  qu'ils  leur  feront  accroire  qu'ils  en  auront  esté 
spoliés  pour  aultre  crime  que  pour  la  guerre;  de  sorte 
que  si  je  n'use  de  la  mesme  rigueur  envers  les  miens 
qui  les  ont  suivis,  tant  de  povres  gens  qui  ont  eu  re- 
cours à  ma  protection  demeureront  misérables  et  auront 
occasion  de  s'en  plaindre.  C'est  pourquoi  je  désire  que 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY,       523 

vous  ne  m'engagiés  pas  dadvantage  à  faire  pour  ledict 
duc  d'Aumale  ce  que  l'on  désire ,  jusques  à  ce  que  je 
sois  arrivé  par  delà,  et  en  aye  conféré  avec  vous;  car, 
en  vérité ,  ce  souci  me  poise  plus  sur  le  cœur  que  je  ne 
le  vous  puis  escrire.  Ce  sera  la  fin  de  la  présente  avec 
laquelle  ve«'s  recevrés  lesdicts  passeports  en  blanc  que 
vous  avés  demandés,  et  celui  de  rambassadeur  de  Sa- 
voye  ;  mais  vous  aurés  soin  de  remplir  lesdicts  passe- 
ports ,  et  de  tenir  registre  exact  des  noms  de  ceulx 
dont  vous  les  remplirés  en  les  délivrant.  J'ai  aussi  escrit 
à  Bayonne  et  à  Lyon  qu'ils  laissent  passer  leurs  cour- 
riers ,  et  ai  donné  advis  partout  de  ladicte  cessation 
d'armes  et  actes  d'hostilité,  voire  mesme  de  la  conclu- 
sion de  ladicte  paix,  de  laquelle  je  prye  Dieu  de  nous 
faire  faire  longuement  jouir;  et  je  le  prye,  etc. 

Du  20  mai  iSgS. 


CLXXXI.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

^  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery. 

Messieurs,  nous  allons  à  vous  à  grandes  journées, 
bien  resoleus  de  faciliter  de  tout  nostre  pouvoir  l'exé- 
cution de  vostre  traicté,  ainsi  que  vous  dira  M.  de 
Berny,  avec  tout  ce  que  je  vous  pourrois  escrire  sur 
ce  subject;  partant  je  m'en  remettrai  sur  lui  et  sur  la 
lettre  que  le  roy  vous  escrit.  Je  lui  ai  dict  aussi  qu'il 
me  semble  que  nous  ne  debvons  faire  difficulté  de  ju- 
rer les  premiers  l'observation  dudict  traicté  de  paix, 
puisque  Ton  nous  doibt  bailler  des  ostages  en  baillant 
nostre  ratification  ;  préparés  donc  les  affaires  de  façon 
que  nous  puissions  bientost  jouir  du  fruict  de  vostre 


5^4  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

labeur;  et,  s'il  survient  chose  qui  retarde  nostre  voyage, 
je  vous  en  aclvertirai  soigneusement,  vous  pryant  me 
continuer  vostre  bonne  grâce,  que  je  salue,  etc. 

Du  20  mai  1 598. 


CLXXXIL  —-V-  LETTRE  DU  ROY 

A  M,  le  légat. 

Mon  cousin,  je  me  suis  jà  resjoui  avec  vous,  par 
ma  dernière  lettre,  de  l'heureuse  fin  que  Dieu  a  donnée, 
par  vostre  prudence  et  persévérance,  au  bon  œuvre 
entrepris  par  nostre  sainct  père,  pour  le  repos  gênerai 
de  la  chrestienté,  dont  je  ne  doubte  poinct  que  vous 
n'ayés  receu  une  très  grande  consolation  après  tant  de 
travaulx  que  vous  ayés  supportés,  et  difficultés  que 
vous  avés  surmontées  pour  y  parvenir,  toutes  lesquelles 
aussi  augmentent  nostre  obligation  envers  vous,  et 
qui  rendront  vostre  nom  plus  glorieux  à  la  postérité , 
dont  je  me  conjouis  derechef  avec  vous,  mon  cousin: 
vous  remerciant  du  bon  tesmoigna£;e  que  vous  avés 
vouUeu  me  rendre  par  vostre  lettre  du  1  de  ce  présent 
mois,  du  grand  contentement  que  vous  en  avés  receu 
pour  ma  considération  particulière,  et  vous  prye  d'estre 
asseuré  que  mon  royaulme  et  moi  vous  recognoistrons 
debvoir,  après  Dieu  et  sa  saincteté,  toute  la  félicité 
que  nous  attendons  de  ceste  heureuse  et  aimable  paix, 
de  quoi  j'espère  me  revancher  envers  vous  et  les  vos- 
tres  à  vostre  satisfaction  et  contentement.  Quoi  que 
soit,  vous  pourrés  des  à  présent  et  à  tousjours  disposer 
de  tout  ce  qui  despend  de  moi,  comme  chose  sur  la- 
quelle vous  avés  à  jamais  autant  de  puissance  que  le 


LETTRE  DU  ROY,  efc.  5^5 

mérite  l'amour  et  l'affection  avec  laquelle  vous  avés 
pris  et  embrassé  et  ensemble  favorisé  le  bien  de  mon 
estât,  comme  j'espère,  Dieu  aidant,  vous  dire  bientost 
moi  mesmes;  car  je  m'en  retourne  par  delà  à  grandes 
journées,  ainsi  que  vous  pourront  dire  les  sieurs  de 
Bellievre  et  de  Siliery. 

J'ai  aussi  receu  la  lettre  de  sa  saincteté  que  vous 
m'avés  envoyée,  accompaignee  de  celle  de  mon  cousin 
le  cardinal  de  Sainct  Georges,  aulxquelles  je  ferai  res- 
ponse  par  la  voye  et  ordinaire  de  mon  ambassadeur 
le  duc  de  Piney.  Je  prye  Dieu ,  etc. 

Du  20  mai  i5qS. 


CLXXXIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

J  M.  le  légat. 

MoNSEiGi>fEUR  ,   c'est   à   vostre   prudence    et  bonté 
que  la  chrestienté  doibt,  après  Dieu,  le  bonheur  du 
repos  que  vous  lui  avés  procuré ,  meu  non  d'ung  in- 
terest  privé  ni  d'aultre  obligation  particulière  que  celle 
de  vostre  singulière  affection  au  bien  public,  conforme 
au  sainct  désir  de  nostre  sainct  père.  En  quoi,  si  vous 
avés  esté  fidèlement  assisté  des  serviteurs  du  rov  aulx- 
quels  sa  majesté  a  confié  vostre  negotialion  ,  de  sorte 
que  vous  en  avés  contentement,  je  vous  asseure,  mon- 
seigneur, que  sa  majesté  les  en  aimera  et  estimera  dad- 
vantnge;-car  ils  l'ont  en  cela  servie  selon  son  intention, 
qui  a  tousjours  esté   de  déférer  entièrement  à  vostre 
prudence  la  direction   et  conduicte  de  ce  sainct  ou- 
vrage, lequel  elle  a  creu  ne  pouvoir  estre  parachevé 
que  de  vostre  maui,  auctorisé  de  sa  saincteté  comme 


526  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc. 

il  est  adveneu.  Pour  moi,  monseigneur,  je  vous  &uis 
très  redevable  de  l'opinion  que  vous  avés  ,  que  j'ai  eu 
ceste  occasion  servi  mon  roy,  comme  je  doibs  et  suis 
teneu  de  faire,  de  façon  qu'il  vous  en  demeure  quel- 
que satisfaction;  car  c'est  toute  mon  ambition  que  de 
faire  service  à  sa  majesté,  qui  lui  soit  utile  au  £;ré  et 
au  contentement  de  ceulx  qui  l'aiment  vraiment  comme 
vous  faictes ,  monseigneur ,  a  qui  je  voue  mon  très 
humble  service  et  une  perpétuelle  obéissance,  comme 
celui  qui  recevra  à  grand  honneur  d'estre  conservé  en 
votre  bonne  grâce  ,  et  tenpu  de  vous  pour  jamais, 
monseigneur,  pour  son,  etc. 

Du  20  mai  iSgS. 

CLXXXIY  —  ^ LETTRE 
De  3IM.  de  Bellievre  et  de  Sdlerj  au  roy. 

Sire,  vostre  majesté  aura  sceu,  par  nostre  despesche 
du  y  de  ce  mois ,  ce  qui  a  esté  ici  resoieu  touchant  \^ 
paix,  et,  depuis  les  i  et  17  de  cedict  mois,  lui  avons 
escrit  l'ordre  qui  a  esté  donné  pour  la  réduction  de  la 
garnison  de  Blavet  et  renvoi  des  aultres  forces  espai- 
gnoles  qui  sont  en  Bretaigne;  nous  attendons  le  retour 
du  sieur  de  Berny  avec  la  ratifîcaiion  de  vostre  ma'- 
jesté ,  des  articles  du  traicté  de  paix  qu'il  lui  a  portés. 
Le  sieur  Verreiken ,  Tung  des  trois  députés  d'Espaigne 
en  ceste  negotiation  ,  est  ici  de  retour  de  Bruxelles, 
où  il  nous  a  dict  avoir  laissé  le  cardinal  d'Autriche 
bien  resoieu  d'observer  promptement  et  de  bonne  foi 
ce  que  par  ledict  traicté  a  esté  promis  à  vostre  majesté. 
Il  a  ici  apporté  la  ratification  dudict  cardinal ,  et  Tacte 


LETTRE,  etc.  527 

de  la  publication  de  la  paix  ,  et  nous  asseure  qu'il  n'y 
aura  aulcune  faulte  à  la  délivrance  des  ostages  au 
temps  accordé,  tellement,  sire,  qu'il  semble  qu'il  ne 
tient  plus  qu'à  nous  que  l'exécution  de  ce  traicté 
ne  soit  plus  advancee  :  en  quoi  vostre  majesté  a  ung 
si  notable  interest  que  nous  nous  promettons  qu'elle 
aura  incontinent  faict  despescber  ledict  sieur  de  Bernv 
garni  de  sa  ratification,  et  de  tout  ce  dont  nous  avons 
besoing  pour  effectuer  ce  qui  est  de  son  service. 

Quant  à  Blavet ,  vostre  majesté  aura  veu  par  nostre 
despesche  du  17,  et  par  ce  que  lui  aura  dict  dom  Juan 
de  Vanegas ,  l'ordre  que  nous  y  avons*  peu  donner,  ap- 
prochant au  mieuk  qu'il  nous  a  esté  possible  ce  que 
pour  ce  regard  il  lui  a  pieu  de  nous  commander;  tout 
le  fruict  de  ceste  negotiation  est  en  Texecution  des  pro- 
messes; il  ne  s'y  perd  une  heure  qu'au  préjudice  de 
vostre  service;  plus  de  choses  s'offrent  ordinairement 
pour  gaster  ung  affaire  qu'à  l'accommoder;  il  y  a  plus 
de  gens,  et  de  toutes  sortes,   qui  pensent  à  traverser 
les  affaires  de  vostre  majesté  qu'à  la  servir.  Nostre  fidé- 
lité nous  contrainct  de  dire  à  vostre  majesté  que  tous 
aultres  pensèmens,  tous  aultres  affaires  doibvent  estre 
postposés  à  ce  qui  est  de  l'exécution  de  la  restitution 
de  vos  places ,  et  semble  pour  cest  effect  qu'il  est  bien 
requis  que  notis  retenions  le  plus  que  nous  pourrons, 
soit  ici ,  soit  près  de  vostre   majesté  ,  quelques  ungs 
de  ces  députés,  afin  qu'il  ne  faille  negolier  par  lettres 
avec  les  absens,  et  aussi  que  ,  jusques  à  l'entier  accom- 
plissement des  promesses,  le  cardinal  d'Autriche  doibt 
avoir  près  de  lui  Fung  de  vos  serviteurs,  pour  ne  laisser 
vieillir  le  faict  de  ceste  restitution.  Sire,  nous  avons 
rendeu  à  M.  le  légat  la  lettre  de  vostre  majesté ,  à  la- 
quelle il  nous  a  dict  se  sentir  si  obligé  qu'il  séjournera 


5*28  LETTRE 

très  volontiers  en  ce  lieu ,  et  se  transportera  par  tout 
ailleurs  oii  vostre  majesté  jugera  qu'il  soit  bon  à  lui 
faire  service.  Le  père  gênerai  des  cordeîiers  est  main- 
tenant à  Bruxelles.  Il  doibt  vous  venir  trouver  lorsqu'il 
se  parlera  de  la  restitution  des  places  ;  M.  le  légat  et 
lui  nous  ont  promis  de  vous  y  faire  tout  le  service  qui 
leur  sera  possible.  Sitost  que  nous  aurons  la  ratifica- 
tion de  vostre  majesté,  nous  commencerons  à  escbauffer 
l'affaire,  attendans  en  bonne  dévotion  Theureux  retour 
'et  approchement  de  vostre  majesté  en  ces  qu<'?rriers. 
Nous  avons  demandé  audict  sieur  Vei  reiken  s'ils  ont 
nouvelles  à  Bruxelles  si  les  Hollandois  entreprennent 
sur  les  places  du  roy  d'Espaigne;  ils  nous  ont  dict  que 
tout  l'advis  qu'ils  en  ont  est  qu'ils  se  préparent  à  la 
guerre,  et  qu'ils  ont  de  leurs  députés  près  de  la  royne 
d'Angleterre.  Nous  pryons  Dieu,  etc. 

Du  21  mai  i5g8. 


CLXXXY.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  a  M.  de  FUleroj. 

Monsieur,  nous  vous  escrivons  ce  qui  se  présente. 
Nous  avons  opinion  que  dom  Juan  Vanegas  vous  aura 
donné  satisfaction;  c'est  tout  ce  que,  pour  le  présent, 
s'est  peu  advancer  au  faict  de  Blavet.  Par  la  lettre  que 
nous  escrivons  au  roy ,  vous  verres  que  ces  gens  aulx- 
quels  nous  demandons  la  restitution  des  places  sont  plus 
prests  à  l'exécution  de  leurs  promesses  que  nous  qui  y 
avons  ung  si  notable  interest.  En  somme,  puisqu'ils  se 
sont  resoleus  que  c'est  ung  faire  le  sault,  l'ayans  ainsi 
promis,  nous  avons  opinion  que  si  nostre  negotiation 


A  M.  DE  VILLEROY.  ^29 

suivra  comme  elle  doibt,  qu'elle  aclvancera  plus  tost 
qu'elle  ne  sera  reculée. 

M.  le  président  Ricliardot  nous  a  dict  qu'ayans  la 
guerre  contre  la  royne  d'Angleterre  et  les  Hollandois, 
qu'ils  desireroient  bien  fort  qu'aulx  places  qu'ils  resti- 
tuent il  pleust  au  roy  n'y  eslablir  pas  gouverneurs  de 
la  nouvelle  relligion.  Ce  n'est  pas  chose  qui  soit  entrée 
en  ce  traicté  entre  nous;  car  nous  nous  feussions  bien 
gardé  de  faire  ceste  faulte.  Si  est  ce  que  nous  vous  di- 
rons que  plus  vous  leur  donnerés  de  contentement, 
plus  l'exécution  se  facilitera.  C'est  au  roy  à  juger  de  ce 
qui  est  le  plus  expédient  pour  son  service;  il  nous  en- 
nuyé d'estre  ici  sans  servir.  Donnés  nous  de  quoi  mettre 
en  besoigne,  et  croyés  que  nous  nous  rendrons  impor- 
tuns comme  Suisses  qui  demandent  de  l'argent.  Il  n'y 
a  poinct  de  temps  à  perdre;  conservés  ceste  negotia- 
tion  par  vostre  prudence,  vostre  beau  jugement  et  la 
diligence  qu'y  avés  apportée;  mais  tout  le  fruict  de  la 
negotiation  susdicte  est  en  la  restitution  de  toutes  les 
places  promises. 

Il  fault  que  nous  usions  en  leur  endroict  comme 
ceulx  qui  se  veullent  marier;  gardons  nous  de  faire 
quelque  sç  ttise  qui  desgouste  noslre  maistresse. 

Il  semble,  monsieur,  qu'il  est  à  propos,  venant  le 
roy  à  Amiens,  qu'il  prye  M.  le  légat  de  s'y  trouver.  Il 
fault  que  nous  y  soyons;  et  asseureement  il  ne  demeu- 
rera pas  ici  sans  nous.  Nous  pryerons  Dieu,  etc. 

Du  22  mal  iSc^Si» 


MlîM.  DE  DUFLESSIS-MORNAY.  ToME  VIII.  34 


53o  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

l^i"^^^  ^^^^  %^b/^  %/%^^  ^■'^ '^^  *''*^  V^r^»  *-'*.^  %/%''fc  %^»^  V-^i^»  ^^-fc.*^  %.^É/^  ^i^fc."^  %^fc,^,  %^»,'^  ■%,.^-^  ■%^^ 

CLXXXVI.—'V' LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Siller)'-. 

Messieurs  ,  don  Juan  de  Vanegas  arriva  hier  au 
Lude,  au  lever  du  roy ,  et  receusmes  vos  lettres  du  17 
par  La  Fontaine;  sa  majesté  veit  ledict  Vanegas  in- 
continent après  son  disner,  et  parla  long  temps  à  lui 
avec  sa  familiarité  et  privauté  accoustumee ,  puis  le 
consigna  à  M.  le  mareschal  de  Boisdaulphin  qui  alloit 
monter  à  cheval ,  afin  de  le  conduire  à  Sablé,  et  de  là 
le  faire  accompaigner  jusques  à  Rennes  ,  où  il  trouvera 
M.  le  mareschal  de  Brissac  et  M.  de  Schomberg,  qui 
donneront  ordre  à  tout  ce  qu'il  fault  pour  embarquer 
les  gens  de  guerre  qu'ils  veullent  renvoyer  en  Es- 
paigne ,  et  faciliter  l'exécution  de  la  commission  ,  à 
quoi  je  les  avois  jà  advertis  de  préparer  toutes  choses 
nécessaires,  et  ne  fault  pas  doubter  que  chacung  s'y 
employé  vivement,  afin  de  se  retirer  du  pied  ceste 
espine. 

M.  Zamet  nous  a  envoyé  procuration  pour  l'obliger, 
et  asseurer  les  vaisseaux,  dont,  si  je  suis  creu,  on  n'usera; 
sa  majesté  ne  laissera  pas  de  lui  en  sçavoir  gré,  et  l'en 
remercier  comme  elle  a  jà  faict.  Ledict  La  Fontaine  ne 
passera  Rennes.  Je  vous  escrirai  plus  au  long  par  lui. 
Cependant  je  n'ai  vouUeu  différer  à  vous  advertir  du 
passage  dudict  Vanegas,  lequel  en  donnera  aussi  advis 
à  ces  messieurs  qui  sont  à  Vervins,  par  ung  paquet 
que  je  lui  ai  envoyé  par  ung  courrier  qui  porte  la 
présente  jusques  à  Paris.  Ce  que  j'ai  à  vous  dire  de 
plus  est  que  nous  advançons  nostre  voyage  tant  que 


A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.      53 1 

nous  pouvons;  mais  il  est  tombé  ung  caterre  sur  ung 
des  bras  du  roy  qui  Tincommode  ung  petit.  Il  faict  ce 
qu'il  peult  pour  l'augmenter  a  force  d'aller  à  la  chasse 
et  de  travailler,  et  veult  que  nous  croyons  que  c'est 
pour  se  guérir  ;  mais  M.  du  Laurens  n'est  pas  de  cest 
advis.  En  vérité,  s'il  ne  se  repose,  il  ne  guérira  pas; 
il  faict  tousjours  cslat  d'arriver  a  Paris  à  la  fin  de  ce 
mois,  et  à  Amiens  le  2  de  juin;  mais  je  prévois  qu'il 
sera  difficile.  Nous  tiendrons  cependant  nos  ratifica- 
tions toutes  prestes  pour  vous  estre  envoyées  à  poinct 
nommé.  ^ 

Nous  avons  receu  des  lettres  d'Angleterre,  depuis 
l'arrivée  de  M.  Cécile.  On  nous  descoupe  bien;  mais, 
en  vérité,  contre  raison,  et  dont  en  tout  cas  je  vous 
asseure  que  je  ne  perdrai  le  dormir.  La  royne  incline 
plus  à  la  paix  qu'à  aultre  chose,  et  m'attends  qu'elle 
nous  pryera  bientost  de  différer  pour  quelque  temps 
brief  nostre  ratification  jusques  à  l'arrivée  de  ses  am- 
bassadeurs ;  mais  nous  lui  avons  desjà  faict  une  des- 
pesche  par  courrier  exprès  pour  gaigner  les  devans, 
et  nous  en  excuser ,  car  le  roy  a  resoleu  de  faire  ses 
affaires  après  celles  de  ses  voisins.  Partant ,  advancés 
et  préparés  tout  ce  qu'il  fault  pour  recueillir  le  fruict 
de  vostre  labeur. 

Le  roy  escrit  encores  tout  présentement  à  M.  le 
connestable,  qu'il  advise  avec  vous  ce  qu'il  faudra  faire 
pour  recevoir  et  garder  les  ostages  quand  ils  les  livre- 
ront, et  me  semble  qu'il  sera  à  propos  que  vous  en- 
vovés  quelqu'ung  devers  lui  pour  cela  qui  vienne  par 
après  trouver  sa  majesté  pour  lui  en  rendre  compte 
et  raison.  Ce  sera  tout  ce  que  vous  aurés  de  moi 
pour  ce  coup,  pryant  Dieu,  monsieur,  etc. 

Du  '23  mai  i5c)8. 


5j2  lettre  de  m.  de  BETHUNE,  etc. 

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CLXXXYII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BETHUNE 

^  M.  Duplessis. 

MoNSiEUR,j'ai  maintenant  plus  de  loisir  que  je  n'ai  eu 
à  Rennes ,  où  les  affaires  ne  m'ont  laissé  une  seule  heure 
à  moi.  Je  pensois ,  après  avoir  exécuté  ce  qui  m'avoit 
esté  commandé ,  avoir  quelque  relasche ,  et  qu'il  me 
serolt  permis  de  prendre  le  droict  chemin  de  chés  moi  ; 
mais ,  ayant  receu  exprès  commandement  du  roy  de 
l'aller  trouver  à  Tours,  je  m'y  achemine  tout  droict, 
et  suis  menacé  d'estre  mené  en  poste  avec  sa  majesté» 
Cela  est  cause  que  je  n'aurai  moyen  de  voir  ni  vous 
ni  madame  Duplessis.  Vous  ne  laisserés  tous  deux,  s'il 
vous  plaist,  de  croire  que  je  suis  entièrement  disposé 
à  vous  rendre  très  humble  service.  Il  ne  s'est  présenté 
occasion  de  le  tesmoigner  en  vos  affaires  touchant 
Sainct  Phal ,  car  je  n'en  ai  ouï  parler  en  aulcune 
façon,  et  l'incertitude  en  quoi  j'ai  esté  de  ce  qui  s'en 
estoit  passé,  depuis  mon  partement ,  m'a  empesché 
de  faire  aulcune  ouverture  sur  ce  subjeot.  Quant  à 
vostre  affaire  des  Sovoolt,  elle  est  asseuree,  et  en  ai 
signé  le  comptant  payable  en  trois  ans.  C'est  tout  ce 
que  la  nécessité  des  affaires  du  roy  m'a  peu  permettre 
de  faire  pour  vous.  Attendant  quelque  aultre  nouvelle 
occasion  de  vous  tesmoigner  ma  dévotion  à  vostre 
service,  je  vous  baiserai  très  humblement  les  mains. 
Adieu,  monsieur;  je  suis  vostre  très  humble  nepveu 

et  serviteur.  De  Béthune. 

A  Vitré,  ce  2 5  mai  1698. 


LETTRE,  etc.       -  533 


CLXXXVIII.  —  ^  LETTRE 

De  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  a  M,  de  Villeroy, 

Monsieur,  nous  avons  receu  la  despesche  du  rov 
du  20  de  ce  mois,  que  M.  de  Berny  a  remportée,  et 
depuis  Yostre  lettre  du  9.3.  Nous  n'escrivons  au  roy 
pour  ce  que  M.  de  Sillery  faict  estât  de  le  trouver  à 
Paris  à  son  arrivée,  pour  lui  rendre  compte  du  con- 
teneu  en  ladicte  despesche  et  aultres  occurrences.  Et, 
pour  cest  effect,  aidant  Dieu,  partirai  dans  une  heure 
ou  deux  de  ce  lieu.  Nous  n'avons  pas  receu  le  paquet 
du  sieur  dom  de  Vanegas ,  que  vous  avés  addressé  au 
sieur  Zamet;  nous  faisons  ceste  despesche  pour  vous 
donner  advis  qu'il  a  esté  resoleu  d'escrire  aulx  gouver- 
neurs des  places  que  la  cessation  d'actes  d'hostilité 
doibt  continuer  pour  tout  le  mois  de  juin.  Nous  ne 
laisserons  pas  pour  cela  de  faire  publier  la  paix.  Nous 
avons  veu  ce  que  vous  escrivés  à  la  royne  d'Angleterre, 
qu'elle  est  plus  encline  a  la  paix.  Il  fault  plus  aisee- 
ment  croire  le  contraire  de  ce  qu'elle  dict;  elle  se 
transformera  en  cent  sortes  pour  nous  faire  perdre 
Calais.  Nous  debvons  haster  ceste  exécution  ,  ne  voyant 
pas  que  le  retardement  soit  pour  apporter  aulcunes 
choses  que  traverses  et  incommodités  ;  résolvons  nous 
donc  de  ne  perdre  plus  une  heure  de  diligence  en 
chose  qui  nous  est  de  telle  et  si  grande  importance. 
Vous  avés  veu,  par  nos  précédentes,  quelles  estoient 
en  cela  nos  opinions,  dont  toutes  raisons  nous  con- 
seillent de  nous  despartir.  Envoyés  nous ,  s'il  vous 
plaist,  la  ratification.  Nous  avons  resoleu  que  la  pu- 


534  LETTRE 

blication  de  la  paix  se  fera  le  7  du  mois  prochain  ;  la 
ratification  et  ostages  se  bailleront  auparavant.  Si  vous 
envoyés  à  moi  Bellievre,  qui  m'achemine  a  Amiens, 
la  ratification  laissant  la  date  en  blanc,  je  la  mettrai 
du  5  ou  du  6,  comme  je  jugerai  estre  le  service  du 
roy.  S'il  vous  survenoit  quelques  ad  vis  d'Angleterre, 
je  mettrois  la  date  de  quelques  jours  auparavant,  ainsi 
que  me  manderés.  Geste  despesche  est  principalement 
pour  vous  dire  que  la  cessation  d'armés  et  d'hostilité 
accordée  avec  le  député  de  Savoye  n'est  que  pour  ung 
mois  seulement,  qui  s'en  va  finir.  Je  ne  sçais  comme 
en  aura  esté  resoleu  entre  ledict  duc  et  M.  de  Lesdi- 
guieres.  Nous  vous  pryons ,  en  tout  événement,  d'en 
escrire  à  M.  de  Lesdiguieres  en  diligence  ,  et  à  M.  de 
La  Guiche ,  et  à  ceulx  qui  commandent  en  Bresse  sôubs 
M.  le  mareschal   de  Biron  ;  en  somme  en   Provence , 
en  Guyenne  et  Languedoc.   On  doibt  aussi  estre  ad- 
verti  que  la  cessation  d'actes  d'hostilité  doibt  avoir  lieu 
pour  tout  le  mois  de  juin  prochain.  M;  le  connestable 
nous  escrit ,  demandant  nostre  advis,  comme  les  os- 
tages debvoient  estre  gardés.  Le  traicté  porte  qu'ils 
seront  teneus  honorablement;  en  cela  l'on  use  diver- 
sement. J'ai  veu ,  au  traicté  de  Tan   i559,  le  prince 
d'Orange  et  le  coiwte  d'Egmont,  ostages  à  Paris  du 
roy  catholique  ;  je  voyois  ordinairement  ledict  comte 
aller  à  la  chasse  avec  le  feu  roy  Henri  II ,  et  estoient 
lesdicts  ostages  en  la  mesme  liberté  que  s'ils  eussent 
esté  en   leurs  maisons.  Je  ne  vous  puis  pas   dire  s'ils 
avoient  baillé  leur  foy.  Nous  baillasmes  des  ostages  à 
îa  royne  d'Angleterre  pour  la  restitution  de  Calais; 
ce  lui  estoit  chose  d'importance  ,  et  qui  a   duré  long 
temps.  Quelquesfois  on  y  prenoit  garde  de  fort  près  ; 
aultresfois  nous  eusmes  advis  qu'ils  estoient  en  toute 


A  M.  DE  VILLEROY.  535 

liberté  pour  Londres.  Cel.i  despend  de  la  volonté  du 
roy ,  et  pouvés  avoir  souvenance  des  deux  faicts  dont 
j'escris  ci  dessus,  et  aussi  M.  Brulart,  qui  estoit  lors 
avec  M.  Bourdin.  Il  vous  plaira  de  nous  en  escrire 
la  volonté  du  roy  ;  nostre  opinion  seroit  que  si  à  Amiens 
il  y  a  quelque  honneste  monastère  bien  logeable,  qu'on 
les  y  accommode  ,  qu'on  leur  donne  une  couple  ou 
plus  grand  nombre  de  gentilsbommes  qui  les  accom- 
paignent  ordinairement.  La  question  est,  si  on  leur 
doibt  demander  leur  foy  qu'ils  ne  sortiront  poinct  du 
royaulme  sans  la  volonté  du  roy.  Jugés  aussi  s'il  est 
bon  que  soubsmain,  sans  qu'on  leur  demande  leur  foy , 
qu'on  leur  fasse  entendre  qu'ils  la  doibvent  offrir,  afin 
que  l'on  soit  meu  de  leur  faire  plus  gracieux  traic- 
tement.  Nous  en  parlerons,  estant  avec  M.  le  connes- 
table  ,  et  aurés  de  nos  nouvelles  d  heure  à  aultre;  car, 
Dieu  merci ,  quelque  chose  qu'en  ayés  pensé  a  la 
court,  nous  ne  sommes  pas  des  plus  paresseux  du 
monde  à  escrire.  Monsieur,  nous  obmettions  à  vous 
dire  que  les  députés  d'Espaigne  nous  ont  faict  voir 
une  lettre  que  leur  escrit  le  cardinal  Albert,  conte- 
nant qu'il  est  adverti  que  M.  de  Bouillon  déclare  de 
ne  voulloir  observer  la  paix,  et  qu'il  a  commandé  défaire 
amas  de  gens  de  guerre  pour  se  joindre  aulx  Hollandois. 
Cest  advisa  esté  donné  parceulx  du  Luxembourg.  Nous 
les  avons  pryés  de  n'adjouster  foy  à  telles  nouvelles, 
sçachant  que  M.  de  Bouillon  a  supplié  le  roy  que  les 
seigneurs  de  Sedan  soient  compris  en  ceste  paix,  ce 
qui  a  esté  faict  suivant  le  commandement  de  sa  ma- 
jesté; leur  avons  dict  que  nous  avons  telle  opinion  de 
la  prudence  de  mondict  sieur  de  Bouillon,  qu'il  se 
comportera  de  telle  sorte  avec  eulx,  qu'ils  n'auront 
aulcune  occasion  de  s'en  plaindre.  L'on  a  aussi  donné 


536  LETTRE,  etc. 

advis  à  ces  députés  que  la  lasserie  de  gens  de  guerre  ^ 
qire  le  roy  a  commandé,  se  faict  pour  les  envoyer  en 
Hollande,  à  quoi  nous  avons  respondeu  comme  nous 
debvons ,  etc. 

Si  l'on  commence  de  si  bonne  heure  à  contrevenir 
à  la  paix ,  nous  ne  sçavons  à  quoi  ces  gens  là  se  pour- 
roient  bien  resouldre. 

Nous  faisons  ce  qui  nous  est  possible  pour  servir  le 
roy,  nostre  bon  maistre;  si  d'aultres  feront  leur  pos- 
sible pour  le  desservir,  nous  ne  serons  responsables 
que  de  nostre  faict. 

Encores  que  la  paix  ne  se  publie  que  le  •y*'  du  mois 
de  juin  prochain  ,  le  roy  pour  cela  ne  doibt  pas  re- 
tarder sa  veneue.  Pensés  qu'en  mesme  jour  il  fault 
piiblier  la  paix  partout,  et  aulx  solemnités.  Nous  pryons 

Dieu ,  etc. 

Du  26  mai  1 5g8. 

CLXXXIX.  — -^  LETTRE  DE  M.  DE  BELLIEVRE 

A  M.  de  Villeroj. 

Moi^siFUR ,  j'ai  receu  vostre  lettre  par  M.  de  Berny. 
Je  suis  très  marri  de  ce  qui  lui  est  adveneu  par  l'indis- 
crétion d'aultrui  ;  je  vois  que  vous  lui  avés  esté  et  me 
promets  que  vous  lui  serés  tousjours  père;  c'est  ung 
honneste  homme  digne  de  vostre  faveur.  Je  l'ai  tous- 
jours  cogneu,  et  mesme  durant  le  chauld  de  la  Ligue, 
bon  et  affectionné  serviteur  de  ce  roy.  Puisque  je  ne 
vous  puis  voir,  je  me  console  que  par  advance  vous 
ayés  M.  de  Sillery,  que  j'estime  d'eslre  oii  il  est,  si  ne 
vous  puis  je  celer  que  je  brusle  de  désir  de  vous  voir. 


LETTRE  DE  M.  DE  BELLIKVRE,  etc.  537 

Nous  avons  coiireu  de  merveilleux  dangers.  Il  falloit  se 
saniver  en  ce  port  de  la  paix,  ou   se  perdre;  laissons 
qu'en  nostre  particulier,  TafTaire  succédant  mal,  nous 
estions  perdeus.   Pour    mon    particulier,  la   perte   ne 
pouvoit  estre  grande;  que  je  compte  ce  qui  me  reste 
de  jours,  le  compte  sera  bientost  faict.  S'il  m  eust  fal- 
leu  survivre  à  la  continuation  des  malheurs  du  royaulme, 
force  m'eust  esté  de  mourir  tous  les  jours  et  toutes  les 
heures  qui  me  restoient  de  vie.  Je  loue  Dieu  de  \out 
mon   cœur,  qui   a  exaucé  mes    humbles   et   ardcn\es 
pryeres.  Je  me  resjouis  du  bien  de  ma  patrie ,  et  nvi 
resjouis  qu'après  le  roy  vous  en  ayés  esté  le  principal 
pilote.  Il  a  passé  ci  devant  des  choses  qui  n'ont  peu 
passer  sans  vous  presser  le  cœur,  et  bien  avant.  Dieu, 
qui  n'abandonne  jamais  les  siens,  vous  envoyé  main- 
tenant en  une  heure  plus  de  vraie  consolation  qu'en 
toute  vostre  vie  vous  n'avés  receu  d'affliction. 

Vous  aures  pour  quelques  jours  la  douice  et  agréable 
compaignie  de  M.  de  Sillery ,  qui  scaura  de  vous,  et 
vous  aussi  de  lui,  les  hazards  que  ceste  negotiation  a 
coureus;  où  il  a  si  vifvement  et  vertueusement  tra- 
vaillé pour  la  soubtenir  et  advancer,  qu  il  t'ault  que 
je  vous  confesse  ingénument  que  je  me  suis  de  plus 
en  plus  oblige  de  l'aimer  avec  affection  et  de  l'estimer. 

De  tout  ce  qui  se  présente  maintenant,  je  me  re- 
mettrai et  me  reposerai  volontiers  sur  lui.  Et  sur  ce, 
saluant  vostre  bonne  grâce,  je  pryerai  Dieu,  mon- 
sieur, etc. 

Du  26  mai  i5c)iS. 


538  LETTRE  DE  M.  DE  BELLIEVRE ,  etc. 


CXC.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  BELLIEVRE 

^u  roj. 

Sire,  de  tout  ce  qui  se  présente  au  faict  de  la  ne- 
gotiation  de  ceste  paix ,  je  me  remettrai  à  la  suffisance 
de  M.  de  Sillery ,  qui  a  tellement  servi  vostre  majesté 
à  la  conduicte  et  direction  de  l'affaire  qu'il  lui  a  pieu 
dà  lui  commettre ,  et  à  moi ,  que  j'estime  de  lui  deb- 
iToir  rendre  ce  bon  tesmoignage  que  je  n'ai  jamais 
cogneu  ministre  qui  aye  mieulx  ni  plus  dignement  servi 
son  maistre.  Je  dirai  seulement  à  vostre  majesté,  pour 
ce  qui  me  toucbe  et  qui  me  concerne,  et  pour  res- 
pondre  au  commandement  qu'elle  me  faict  par  sa  lettre 
du  20®  de  ce  mois,  que  je  me  dispose  de  faire  le  voyage 
de  Bruxelles ,  pour  assister  et  me  trouver  présent  au 
serment  que  fera  le  cardinal  archiduc  d'Autriche ,  pour 
l'observation  du  traicté  de  paix,  et  servir,  me  trouvant 
près  de  lui ,  à  ce  qui  se  passera  pour  advancer  bien- 
tost  l'exécution  de  la  restitution  de  vos  places. 

Sire,  il  m'advient  doresnavant   comme   aulx   che- 

vaulx  qui  ont  faict  tant  de  voyages  qu'ils  n'en  peuvent 

plus  faire;  mais  je  me  resouds  que  plus,  heureuse  ni 

agréable  mort  ne  me  peult  advenir ,  que  celle  qui  me 

prendra  en  servant  vostre  majesté,  qui  est  mon  roy, 

mon  souverain  et  mon  chef;  et  quand  il  iroit  de  ma 

vie,  je  n'abandonnerai  jamais,  en  quelque  façon  que 

ce  soit,  le  lieu  où  il  lui  plaist  que  je  sois  demeurant. 

Et  sur  ce,  prye  Dieu,  etc. 

Du  26  mai  iSgS. 


POUR  LES  RATIFICATIONS,  etc.  ^3g 

CXCT.  —^  POUR  LES  RATIFICATIONS, 

Otages  et  publications  du  traicté  du  28  îuai  iSgB, 

a  Veivins. 

Il  a  esté  arresté  entre  tous  les  députés  des  deux  roys 
que  la  publication  de  la  paix  se  fera  le  dimanche  7^  du 
prochain  mois  de  juin ,  et  que  les  ratifications  et  ostages 
seront  fournis  auparavant,  à  sçavoir,  que  tous  lesdicts 
ostages  s'achemineront  à  ceste  fin  devers  la  ville 
d'Amiens;  et ,  entrant  en  France,  seront  receus  p?lr  les 
députés  du  roy  très  chrestien  de  France,  qui  leur  four- 
niront la  ratification  dudict  seigneur  roy  très  chrestien  , 
en  recevant  celle  du  serenissime  cardinal  Albert,  ar- 
chiduc d'Autriche. 

Il  a  esté  aussi  arresté  que  Ton  envoyera  au  plus  tost 
ung  gentilhomme  d'Arras,  le  jeudi  \l\'  jour  du  mois 
de  juin,  pour  advertir  les  ostages  du  lieu  où  ils  se 
doibvent  rendre  pour  estre  receus  par  lesdicts  députés 
du  roy  de  France. 

CXCII.  —  ^  LETTRE  DU  ROY 

A  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery. 

MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery,  vous  avés  esté  ad- 
vertis,  par  une  lettre  que  le  sieur  de  Villeroy  vous  a 
escrite  par  mon  commandement,  du  passage  de  donj 
Juan  de  Vanegas,  et  de  la  réception  de  vos  lettres  du 
12  et  I  7  de  ce  mois,  depuis  lesquelles  m'ont  esté  ren- 
deues  celles  du  22  ;  et  aurës  aussi  veu  Berny .  qui  partit 


34o  LETTRE  DU  ROY 

d'auprès  de  moi  le  20,  duquel  vous  aurés  sceu  mon 
acheminement  en  Picardie;  et  par  mes  lettres   qu'il 
vous  a  portées,  les  raisons  pour  lesquelles  je  ne  vous 
ai  envoyé  par  lui  mes  lettres  de  ratification  de  nostre 
traicte  de  paix ,  que  vous  recevrés  à  présent  par  ce 
porteur,  accompaignee  des  actes  de  la  publication  de 
ladicte  paix  ;  lesdictes  ratifications  et  actes  despeschés 
en  deux  formes,  afin  que  vous  choisissiés  celles  que 
vous  jugerës  les  plus  propres.  Je  faisois  estât,  quand 
ledict  Berny  partit,  que  j'arriverois  à  temps  à  Amiens 
pour  moi   mesmes   les   vous  bailler  ;   mais ,   m'estant 
trouvé  ung  peu  mal,  j'ai  esté  contrainct  de  raccourcir 
ung  peu  mes  journées.  Dadvantage,  j'ai  eu  des  nou- 
velles d'Angleterre  par  Edmond,  que  la  royne  m'a  ren- 
voyé; sur  quoi  j'ai  pris  resolution,  après  l'avoir  ouï, 
de  ne  prolonger  dadvantage   la  délivrance  desdictes 
ratifications  ni  l'exécution  de  nostre  accord,  auquel 
J  ai  eu  à  plaisir  d'avoir  esté  asseuré,  par  vostre  der- 
nière lettre  sur  le  rapport  que  vous   en   avoit  faict 
M.  Verreiken,  M.  le  cardinal  estre  prest  à  satisfaire. 
Partant  il  ne  fault  plus  perdre  de  temps;  car,  comme 
vous  me  représentés  très  sagement  par  vosdictes  lettres , 
il  y  va  par  trop  de  mon  service.  Vous  trouvères  la  date 
desdictes  ratifications  en  blanc,  parce  que  je  ne  veuîx 
pas  qu'elles  soient  datées  plus  tost  que  du  5  ou  du  6 
du  mois  de  juin,  pour  accomplir  le  délai  que  j'ai  pro- 
mis à  ladicte  royne  d'Angleterre,  combien  que  je  sois 
certain  qu'elle  ne  laissera  pas  d'estre  pour  cela  mal 
contente  de  moi  et  de  s'en  plaindre  ;  car  elle  m'a  faict 
pryer  par   ledict   Edmond   d'en    différer  l'expédition 
encores  pour  ung  aultre  mois  ,  dont  je  me  suis  excusé 
pour  les  raisons  que  vous  sçavés,  qui  m'ont  deu  mou- 
voir d'eu  user  ainsi.  Je  fais  compte  d'arriver  à  Pans  le 


'  A  MM.  DE  BELLIEVRE  ET  DE  SILLERY.        54 1 

2*  OU  3^  du  mois  de  juin,  et  y  séjourner  trois  jours; 
de  sorte  que  vous  pourrés  dater  dudict  lieu  lesdictes 
lettres  et  actes;  vrai  est  qu'entre  ci  et  là  mesmement, 
quand  le  courrier  La  Fontaine  repassera,  je  pourrai 
vous  faire  sçavoir  de  mes  nouvelles  plus  fraiscliement; 
mais  si  vous  n'en  recevés  vous  vous  reglerés  sur  cela. 
Je  vous  prye  de  gaigner  les  deux  ou  trois  jours  de 
temps  qu'il  fault  pour  accomplir  le  délai  promis  à 
ladicte  royne ,  et  libérer  la  parole  que  j'ai  donnée 
pour  cela,  estimant  que  c'est  chose  que  vous  pourrés 
facilement  faire  sans  faire  tort  à  mes  affaires,  estant 
nantis  desdictes  ratifications  comme  vous  ferés  ;  de 
quoi  je  me  repose  sur  vous,  comme  de  tout  le  de- 
meurant qu'il  fauldra  poursuivre  et  exécuter  après  que 
vous  aurés  baillé  lesdictes  ratifications  et  publié  ladicte 
paix,  et  pour  la  réception  des  ostages,  dont  j'escris 
encores  présentement  à  mon  cousin  le  connestable , 
par  ung  aultre  courrier,  qu'il  se  charge  et  advise  avec 
vous  ce  qu'il  fauldra  qu'il  fasse  pour  les  recevoir  et 
garder  en  attendant  que  j'arrive  par  delà,  où  je  m'ad- 
vancerai  tant  que  je  pourrai;  et  lorsque  je  serai  arrivé 
à  Amiens,  j'envoyerai  pryer  mon  cousin  le  cardinal  de 
Florence  d'y  venir,  estimant  qu'il  sera  nécessaire  qu'il 
demeure  cependant  à  Vervins,  et  que  vous  deux  ou 
Fung  de  vous  ne  l'abandonne  point  que  jusques  à  ce 
que  je  le  demande ,  afin  de  favoriser  et  advancer  l'exé- 
cution dudict  traicté  que  je  vous  prye  de  solliciter 
chauldement ,  suivant  vostre  délibération.  Je  vous  escri- 
rai  plus  amplement  par  ledict  La  Fontaine.  Vous  sçau- 
rés  aussi  par  lui  ce  qu'aura  faict  ledict  Vanegas,  lequel 
sera  arrivé  à  propos  à  Blavet  pour  faire  cesser  la  guerre 
qui  continuoit  à  s'y  faire,  combien  que  j'eusse  adverti 
celui  qui  commande  en  la  place  de  l'accord  de  la  ces- 


5/|2  LETTRE  DU  ROY,  etc. 

sation  d'armes;  car,  n'en  ayant  eu  advis  d'ailleurs,  il 
a  voit  faict  difficulté  de  la  recevoir.  Donnés  moi  souvent 
advis  de  ce  qui  se  passera  ,  et  spécialement  de  la  récep- 
tion desdictes  ratifications ,  lesquelles  j'entends  que 
vous  vous  delivriés ,  et  pareillement  que  vous  fassiés 
publier  ladicte  paix,  quand  les  5"  ou  6^  du  mois  pro- 
chain seront  passés,  sans  plus  attendre  que  je  sois 
arrivé  par  deià,  où  je  ne  laisserai  cependant  de  m'ache- 
miner;  mais  aussi  prenés  garde  que  vous  soyés  asseuré 
devant  d'avoir  les  ostages  qui  ont  esté  promis,  ainsi  et 
au  temps  qu'il  a  esté  conveneu  et  arresté.  Pryant 
Dieu,  etc. 

Du  28  mai  iSqB. 


CXCIII.  —  ^  LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY 

A  MM,  de  Bellievre  et  de  Sillery. 

Messieurs,  vous  aurés  nos  ratifications  par  ce  por- 
teur, despeschees  en  deux  sortes  avec  les  actes  de  la 
publication  de  nostre  paix,  dont  vous  choisirés  celle 
que  vous  jugerés  estre  la  meilleure,  et  ferés,  s'il  vous 
plaist ,  garder  Taultre  pour  m'estre  rendeue  quand  je 
vous  verrai.  Il  touchera  maintenant  à  vous  à  mettre  la 
main  à  la  besoigne  chauldement,  afin  que  nous  puis- 
sions jouir  du  bien  que  vous  nous  avés  procuré  ,  que  le 
roy  et  tout  le  royaulme  embrassent  à  deux  mains.  J'ai 
dict  à  sa  majesté  ce  que  vous  m'avés  escrit  touchant 
le  choix  de  ceulx  aulxquels  elle  donnera  la  charge  des 
places  restituées  ;  elle  Ta  pris  ien  bonne  part  :  si  M.  de 
Marivaux  eust  vécu ,  elle  Teust  mis  à  Calais  ,  où  je 
crois  qu'elle  employera  M.  de  Vie,  s'il  y  veult  entrer  ; 
à  Ardres,  M.  de  Berangeville  qui  commande  à  Meulan^ 


LETTRE  DE  M.  DE  VILLEROY,  etc.  543 

à  Dourlans  ,  M.  de  Rambures  de  Picardie  ;  au  Castelet , 
celui  qui  y  estoit;  mais  Ton  ne  parle  encores  asseuree- 
ment  de  La  Cappelle  ;  il  n'estoit  besoing  de  raconter 
cestfc  nomination  aulx  Espaignols;  aussi  je  ne  la  vous 
escris  que  pour  vous  faire  sçavoir  ce  que  j'en  sçais  ;  car 
il  sembleroit  que  Ton  le  feroit  pour  leur  en  rendre 
compte,  ce  qu'il  fault  éviter  comme  vous  sçavés  mieulx 
que  moi. 

Edmond  est  estonné  ;  il  asseure  que  sa  maistresse 
embrassera  la  cessation  d'actes  d'hostilité  accordée  pour 
deux  mois ,  et  qu'elle  traictera  :  toutesfois  il  parle  tous- 
jours  aussi  inc«^rtainement  que  devant ,  tendant  à  obte- 
nir une  prolongation  du  délai  que  le  roy  leur  a  accordé; 
mais  cela  a  esté  cause  que  nous  lui  avons  respondeu 
plus  résolument ,  et  que  nous  avons  advancé  l'envoy 
des  lettres  que  vous  porte  ce  courrier  ,  auquel  j'ai  com- 
mande d'arriver  à  vous  le  i"  du  mois  de  juin.  Il  est 
vrai  qu'il  fault  qu'il  aille  trouver  M.  le  chancelier 
pour  avoir  le  sceau  ;  mais  je  pense  qu'il  le  trouvera 
à  Chartres.  J'ai  si  grande  haste  de  le  faire  partir  que 
je  ne  vous  ferai  la  présente  plus  longue  que  pour  me 

recommander,  etc. 

Du  28  mai  lôgS. 


CXCIV.  —  ^  RESPONSE 

Du  duc  de  Savoye  a  la  dernière  que  sa  majesté  a 
Jaict  donner  au  sieur  Jacob ,  son  ambassadeur , 
le  dernier  mars  iSqS. 

Le  très  grand  désir  que  son  altesse  a  de  venir  à  par- 
achever ung  si  sainct  œuvre,  comme  est  la  conclusioiv 


544  LETTRE  DU  DUC  DE  SAVOYE 

de  ceste  paix  tant  necess.iire  pour  le  bien  et  soulage- 
ment du  povre  peuple,  encores  qu'il  eusl  espéré  que 
sa  nîajestë  ne  lui  eust  refusé  les  justes  demandes  que 
son  altesse  lui  avoit  faictes  de  sa  part;  toutesfois,  afin 
que  tout  le  monde  cognoisse  qu'il  ne  tient  à  lui  qu'ung 
si  grand  bien  n'advienne ,  il  accepte  sa  saincteté  pour 
arbitre ,  comme  sa  majesté  a  désiré ,  non  seulement 
pour  décider  sur  la  cognoissance  du  marquisat  de  Sa- 
luées et  terres  de  Gental  et  Chasteau  Daulphin,  mais 
sur  tous  les  aultres  articles  de  ce  traicté,  et  particuliè- 
rement et  avant  toutes  aultres  choses,  soit  par  elle  jugé 
de  la  validité  du  traicté  de  Bourgoing,  qui  est  tout  ce 
qui  se  peult  souhaiter  pour  mettre  une  bonne  fin  à  toutes 
ces  différences;  n'ayant  jamais  eu  son  altesse  aultre  désir 
que  de  seranger  toujours  à  la  justice  et  à  la  raison;  espé- 
rant que,  de  ceste  façon,  sa  majesté  et  chacung  pourra 
cognoistre  que  par  lui  ne  demeure  qu'ung  si  sainct 
œuvre  ne  soit  achevé.  Au  moins  si  ceste  sienne  si  bonne 
et  raisonnable  resolution  ne  sera  acceptée  de  sa  ma- 
jesté,  son  altesse  espère  que  Dieu,  qui  est  juste  juge, 
favorisera  ses  armes,  conformes  a  la  justice  de  sa  cause. 
Le  roy,  ayant  veu  la  response  que  M.  de  Savoye  a 
faicte  à  celle  qui  feut  baiilee  de  la  part  de  sa  majesté 
au  sieur  de  Jacob  son  ambassadeur,  le  dernier  jour  de 
mars,  datée  du  6  du  mois  de  mai,  signée  de  sa  main, 
et  contresignée  par  son  secrétaire,  qu'il  consent  et  ac- 
corde, sur  l'ouverture  que  sa  majesté  en  a  faicte ,  que 
nostre  sainct  père  le  pape  juge  des  différends  que  sa 
majesté  a  avec  lui,  comme  çà  tousjours  esté  le  désir  et 
intention  de  sadicte  majesté  d'en  sortir  par  voje  amia- 
ble, et  mesme  par  l'advis  et  jugement  de  sa  saincteté, 
ainsi  qu'elle  a  tesmoignépar  ses  responses,  a  déclaré,  et 
déclare  encores  par  la  présente,  qu'elle  accepte  voion- 


A  M.  JACOB.  545 

tiers  sa  saincteté  pour  juge  et  arbitre  de  tous  les  diffé- 
rends que  sa  majesté  a  avec  ledict  duc,  afin  qu'ils  soient 
jugés  et  terminés  par  sadicte  saincleté  ensemblement , 
comme  il  est  raisonnable  et  nécessaire  de  faire  pour 
establir  une  entière  amitié  et  bonne  paix  entre  sadicte 
majesté  et  ledict  duc,  leurs  subjects  et  pays;  sa  ma- 
jesté n'estant  marrie,  sinon  que  ledict  duc  n'a  plustost 
pris  ceste  resolution  ,  tant  elle  désire  sortir  d'affaires 
avec  lui  comme  avec  tous  ses  voisins,  pour  le  bien  uni- 
versel de  la  clirestienté ,  qui  lui  est  très  recommandé. 

Faict  à  Paris,  le  4  juin  lôgS. 


CXCV.  —  ^  RATIFICATION 

Des  anicles  du  traicté  de  paix, 

Henry,  etc.,  à  tous  ceulx,  etc.,  comme  en  vertu 
des  pouvoirs  respectivement  donnés  par  nous  et  très 
haut,  etc.,  le  roy  catholique  des  Espaignes  nostre  très 
cher  et  très  amé  bon  frère  et  cousin,  et  nos  commis 
et  députés ,  ils  ayent  en  nostre  ville  de  Vervins  le 
1^  jour  du  mois  de  mai  dernier,  passé,  concleu  et 
arresté  le  traicté  de  paix  et  de  ^-esolution  ,  duquel  la 
teneur  ensuit,  etc.  ;  nous  ayans  icelui  traicté  agréable 
en  tout  et  chacungs  les  poincts  et  articles  qui  y  sont 
conteneus  et  déclares,  avons  iceulx  ,  tant  pour  nous 
que  pour  nos  héritiers,  successeurs,  royaulmes,  pays, 
terres  et  seigneuries  et  subjects,  acceptés,  approuvés  , 
ratifiés  et  confirmés  ,  acceptons  ,  approuvons  ,  ratifions 
et  confirmons ,  et  le  tout  promettons  en  foi  et  parole 
de  roy ,  et  soubs  l'obligation  et  hypothèque  de  tous 
et  chacungs  nos  biens  presens  et  à  venir ,  garder,  ob- 

MÉAI.  DK  DUPLESSIS-MORNAY.   ToME  VIII.  35 


546  RATIFICATION,  etc. 

server  et  entretenir  inviolablement,  sans  jamais  aller 
ne  venir  au  contraire  directement  ou  indirectement 
en  quelque  sorte  et  manière  que  ce  soit.  En  tesmoing 
de  quoi  nous  avons  signé  ces  présentes  de  nostre  pro- 
pre main ,  et  à  icelles  faict  mettre  et  apposer  nostre  scel. 
Donné  à  Paris,  le  6  juin  i  SyS ,  et  de  nostre  règne  le  neufviesme. 


CXCVI. —  -^  LETTRE 

Aulx  goiwerneurs  pour  la  publication  de  la  paix. 

Monsieur  de,  etc.  Dieu  ayant  voulleu  donner  à 
mon  royaulme  la  paix  publicque  avec  mes  voisins ,  et 
particulièrement  avec  le  roy  d'Espaigne  et  le  duc  de 
Savoye ,  à  la  suite  de  l'heureux  voyage  que  j'ai  faict 
en  Bretaigne  ,  je  vous  envoyé  ladicte  publication  de  la- 
dicte  paix  avec  des  lettres  addressantes  tant  aulx 
evesques  qu'aulx  baillifs  et  seneschaulx  de  vostre  gou- 
vernement ,  lesquelles  vous  leur  ferés  tenir  incontinent, 
afin  que  lesdicts  evesques  ayent  à  faire  remercier  Dieu 
de  la  grâce  qu'il  m'a  faicte  et  à  mes  subjects ,  et  que 
lesdicts  baillifs  et  seneschaulx  fassent  publier  ladicte 
paix  en  l'estendeue  de  leur  ressort ,  comme  vous  ferez 
aussi  de  vostre  part ,  donnant  ordre  que  mon  intention 
soit  exécutée ,  suivie  et  gardée  comme  elle  doibt  estre 
pour  le  bien  public  de  mondict  royaulme  ;  et  sur  ce  , 
je  prye  Dieu  ,  etc. 


LETTRE,  etc.  547 


CXCVII.  —  ^  LETTRE 

Aulx  courts  de  parlemens. 

De  par  le  roy.  Nos  amés  et  feaulx,  après  tant  d'op- 
pressions que  nos  peuples  et  subjects  ont  souffertes 
par  la  continuation  des  guerres  qui  les  ont  si  longue- 
ment travaillés,  Dieu  nous  a  voulleu  donner  la  paix 
générale  à  la  suite  de  l'heureux  voyage  que  nous  avons 
faict  en  Bretaigne;  de  quoi  nous  vous  avons  bien  voullu 
faire  part  par  ceste  lettre  ,  en  vous  envoyant  l'acte  de  la 
publication  de  ladicte  paix,  pour  la  faire  publier  dans 
l'estendeue  de  vostre  ressort,  comme  nous  vous  man- 
dons faire ,  avec  les  formes  et  les  solennités  accous- 
tumees  en  semblables  occasions;  de  quoi  nous  escri- 
vons  aussi  aulx  evesques  de  vostredict  ressort,  afin 
qu'ils  en  fassent  remercier  Dieu  en  leurs  Eglises,  et 
que  chacun  g  se  dispose  de  recueillir  soubs  nostre  auc- 
torité  et  commandement,  le  fruict  que  nous  en  es- 
pérons pour  le  soulagement  de  nosdicts  subjects. 
Donné,  etc. 

CXCVIII.  —  ^  LETTRE 

Aulx  haiUifs  et  seneschaulx. 

De  par  le  roy.  Nostre  amé  et  féal ,  à  la  suite  de  l'heu- 
reux voyage  que  nous  avons  faict  dans  la  Bretaigne,  il 
a  pieu  à  Dieu  de  nous  donner  la  paix  générale  en  ce 
royaulme,  laquelle  désirant  observer  et  garder  aussi 
chèrement  comme  elle  est  nécessaire  et  agréable  pour 


548  LETTRE,  etc. 

le  soulagement  de  nos  povres  peuples  et  de  nos  sub- 
jects,  vous  ne  fauldrés  tout  incontinent  après  la  pré- 
sente receue  et  veue ,  d'en  faire  publier  l'acte  que 
nous  vous  envoyons  présentement  en  l'estendeue  de 
vostre  jurisdiction ,  et  tenir  la  main  que  nostre  in- 
tention soit  exécutée.  A  quoi  nous  vous  mandons 
vaquer  très  soigneusement,  comme  cbose  qui  importe 
grandement  au  bien  de  cest  estât.  Donné ,  etc. 


FIN    DU    TOME   HUITIEME. 


TABLE  DES  PIECES 

CONTENUES  DANS  LE  TOME  HUITIÈME. 


y 


I.  — '^Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et  de 
Sillery Page        i 

II.  —  *  Mémoire  baillé  à  Chastellerault,  le  2  febvrier  iSgS, 

à  M.  le  président  de  Thou 3^ 

III.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 6 

IV.  —  "*  Lettre  de  M.  de  Pierrefile  à  M.  Duplessis 7 

V.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme ô 

VI.  —  ^  Mémoire  de  M.  de  Pierrefite j  i 

VIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et  de 

Sillery 14 

VIII.  —  Lettre  de  messieurs  de  l'assemblée  de  Chastelle- 
•    rault  à  MM.  de  Courtaumer  et  de  Cazes  ,  faicte  par 

M.  Duplessis 16 

IX.  —  '*'  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme lo 

X.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 21 

XI.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis 22 

XII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à  M.  de 
Villeroy 23 

XIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  La  Boucherie  à  M.  Duplessis. .  .      24 

XIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Betliune  à  M.  Duplessis a6 

XV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 527 

XVI.  —  *  Lettre  de  Catherine  de  Navarre  (Madame)  à 

M.  Duplessis 2q 

XVII.  —  *  Lettre  de  M.  Servin  ,  conseiller  d'estat  et  advo- 

cat  gênerai ,  à  M.  Duplessis ihid. 

XVIII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Tamboneau  à  M.  Duplessis.  .      3o 

XIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Montigny  à  M.  Duplessis 3i 

XX.  —  *  Lettre  de  madame  Dubouchet  à  madame  Du- 
plessis  7 32 

XXI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Moudon  à  M.  Duplessis 33 

XXII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery 3/^ 


\ 


55o  TABLE  DES  PIECES 

XXIII.  —  *  Lettre  de  MM.   de   Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy Fage  36 

XXIV.  —  *  Lettre  de  MM.  de  BellieTre  et  de  Sillery  au  roy.  87 

XXV.  —  Lettre  de  M.  l'archevesque  de  Rheiras  à  M.  Du- 
plessis 49 

XXVI.  —  *  Lettre  de  M.  Diimaurier  à  M.  Duplessis 5o 

XXVII.  —  *  Lettre  de  M.  Dumaurier  à  madame  Duplessis.  5 1 

XXVIII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Mouy  à  madame  Duplessis.  52 

XXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Potier  de  Blancmesnil  à  M.  Du- 
plessis  = ibid. 

XXX.  —  *  Lettre  de  M.  Potier  de  Blancmesnil  à  madame 
Duplessis 53 

XXXI.  —  "^  Lettre  de  M.  de  Mouy  à  M.  Duplessis 54 

XXXIÏ.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 55 

XXX lil.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Pierrefite. .  .  58 

XXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Schomberg  à  M.  Duplessis.  59 

XXXV.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 60 

XXXVI.  —  *  Pouvoir  des  sieurs   président  Richardot  , 
Taxis  et  Verreyken 63 

XXX VIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 67 

XXXVIII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  femme 68 

XXXIX.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sil- 
lery   69 

XL.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  de  Bellievre  et  de 

Sillery 80 

XLI.  —  Lettre  de  M.  de  La  Scala  à  M.  Duplessis 82 

XLll.  —  Lettre  de  madame  de  Laval  à  M.  Duplessis 83 

XLIH.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 84 

XLIV.  —  *  Letfre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 87 

XLV  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 90 

XLVI.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  Duplessis 91 

XLVII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 92 

XLVIIl.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 95 

XLIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 96 

L.  —  *  Lettre  de  M.  de  Lomenie  à  Duplessis 97 

LI.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à  M.  de 

Villeroy , « .  99 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME.  55 1 

LU.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à  M.  de 

Villeroy Page   joi 

LUI.  —  Lettre  de  M.  de  Rohan  à  M.  Duplessis m 

LIV.  —  ^  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme i  ï  2 

LV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme ii3 

LVI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 1 16 

LVII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 117 

LVIIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 118 

LIX.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy. .  119 
LX.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à  M.  de 

Villeroy 1 33 

LXI.  —  *  Mémoire  de  ce  qui  a  esté  traicté  avec  les  ambas- 
sadeurs d'Espaigne 1 36 

LXII.  —  *  Mémoire  de  ce  qui  a  esté  traicté  avec  l'am- 
bassadeur de  Savoye 141 

LXIII.  —  "Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy.  149 
LXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery; i5i 

LXV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery i53 

LXVI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  Duplessis i56 

LXVII.  —  *  Lettre  du  duc  Bouillon  à  M.  Duplessis iSy 

LXVIII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme.  . i58 

LXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 160 

LXX.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery.  161 
LXXI.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery.  176 
LXXIL  ~*  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 178 

LXXIIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 180 

LXXIV.  —  *  Articles  VIII  et  XXVI  du  registre  de  l'as- 
semblée générale  teneue  à   Cliastellerault ibid, 

LXXV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 181 

LXXVL  —  *  Lettre  de  MM.   de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 184 

LXXVII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 190 

LXXVIII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 102 

LXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme iq3 

LXXX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  Duplessis 194 

LXXXI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme iqS 


552  TABLE  DES  PIÈCES 

LXXXII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme. . .  Page  igS 
LXXXin.  —  *  Lettre  de  M.  de  La  Fontaine  à  madame  Du- 
plessis     1  g8 

LXXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 199 

LXXXV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 200 

LXXXVI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 202 

LXXXVII.  —  *  Lettre  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au 

roy. 2o3 

LXXXVIII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery 

au  roy 214 

LXXXIX.  —  ^  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 217 

XC.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy .  .    218 

XCI.  —  *  Lettre  de  M.  le  légat  au  roy 228 

XCIL  —  "^  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery aSo 

XCIII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme.  ........  ,284 

XCIV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 235 

XCV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery 286 

XCVL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery 288 

XCVII.  --  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy ibid. 

XCVIII.—.*  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy.  241 

XCIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 344 

C.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 246 

CL  — *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 246 

CIL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 248 

cm.  —  "*■  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme ibid, 

CIV. —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 260 

CV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 261 

CVI.  — *  Projet  de  lettre  à  écrire  par  le  roy  au  parlement 

de  Paris,  envoyé  à  M.  Duplessis  pour  le  revoir 252 

CVII.  —  "*-  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 258 

CVIIl.  -  -  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 261 

CIX.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 262 

ex.  -"  ^  Lettre  de  M.  Duplessis  à  femme 268 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME.      553 

CXI.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à  M.  de 

Villeroy Page  264 

CXIL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy.   271 
CXIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery 274 

CXIV. —  *  Lettre  de  madame  de  Rolian  à  madame  Duplessis.  276 

CXV.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme ,    277 

CXVL  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 278 

CXVn.  —  *  Lettre  de  MM.   de  Bellievre  et  de   Sillery  à 

M.  de  Villeroy > 279 

CXVIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Pierrefite  à  madame  Du- 
plessis     280 

CXIX.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery.  290 
CXX.  —  '^  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre  et 

de  Sillery 3o4 

CXXI.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 3o6 

CXXII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  sa  femme 807 

CXXIII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Pierrefile  à  madame  Duplessis.   809 
CXXIV.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 3ir 

CXXV.  —  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery .    817 
CXXVL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 821 

CXXVII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au 

roy 332 

CXXVIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 3x5 

CXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  le  procureur  gênerai  du  parle- 
ment de  Paris  au  roy 326 

CXXX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villerov  à  MM.  Bellievre  et 

de  Sillery 327 

CXX  XL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  Duplessis.  .  .    33o 
CXXXII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery 

au  roy 33 1 

CXXXllL  ■—  '♦■Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery 

à  M.  de  Villeroy 3^3 

CXXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Bellievre  à  M.  de  Villeroy.   346 
CXXXV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 
et  de  Sillery 348 


554  TABLE  DES  PIÈCES 

CXXXVI.  —  *  Mémoire  de  quelques  poincls  louchant  le 
traicté  d'entre    la  royne  d'Angleterre  et  le  roy  d'Es- 

paigiie Page  352 

CXXXVII.  —  *  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Loraenie.   353 
CXXXVIII.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de 

Sillery  . 354 

CXXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bel- 
lievre et  de  Sillery 356 

CXL.  —  *  Relation  de  ce  qui  se  passa  à  la  conférence  pour 
la  paix  à  Vervins,  l'an  1698,  depuis  le  6  febvrier  jus- 
ques  au  i^'"mai;  mise  par  escrit  par  le  secrétaire  du 
cardinal  de  Florence ,  légat  à  latere  du  pape  Clé- 
ment VIII 358 

CXLI.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery.  412 
CXLII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 41-7 

CXLIII.  —  *  Lettre  de  M.  le  duc  de  Bouillon  à  M.  de 

Buzenval 410 

CXLIV.  —  Lettre  de  M.  Duplessis  à  M.  de  Villeroy ihid. 

CXLV.  —  *  Lettre  de  M.  Marbault  à  M.  Duplessis 4a  1 

CXLVL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  au  roy .   424 
CXLVII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 426 

CXLVIII.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  de  Lesdiguieres l\^o 

CXLIX.  —  *  Articles  du   traicté  de  paix ,  accordés  le  2 

mai  1 598 43  ï 

CL.  —  *  Traicté  des   particuliers ,  faict  à  Vervins ,  le  2 

mai  1 598 45o 

CLI.  —  *  Pouvoir  du  député  de  M.  de  Savoye.  .......    4^4 

CLII.  —  *  Acte  de  la  remise  du  traicté  es  mains  de  M.  le 

légat 4^5 

CLIII.  —  *  Negotiation  pour  la  cessation  de  la  guerre 
avec  la  royne  d'Angleterre  et  provinces  unies  des  Pays 

Bas ,  durant  deux  mois 457 

CLIV.  —  '*■  Negotiation  pour  la  cessation  de  tous  actes 
d'hostilité  jusques  à  la  publication  dudict  traicté  avec  le 

roy  d'Espaigne 4^9 

CLV.  —  *  Negotiation  pour  convenir  d'aultres  arbitres 
avec  M.  de  Savoye ,  en  cas  que  le  pape  vinst  à  décéder,  ibid. 


CONTETÎUES  DANS  CE  VOLUME.  555 

CLVI.  —  *  Negoliation  pour  laisser  emporter  l'artillerie 

qui  a  esté  mise  à  Berre  depuis  sa  prise ,  avec  les  armes , 

vivre  et  munitions  de  guerre Page  /,6o 

CLVII.  —  *  Mémoire  touchant  le  traicté  de  paix 461 

CLVIII.  —  *  Lettre  de  M.  de  Buzenval  au  roy 467 

CLIX.  —  *  Lettre  du  roy  à   messieurs  du   presidial  de 

Tours 469 

CLX.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  le  procureur  du  roy  de 

Tours : 4^0 

CLXI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  Duplessis 471 

CLXIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Bouillon  à  M.  Duplessis ....    472 
CLXIIL  —  *  Mémoire  joinct  à  la  lettre   précédente   de 

M.  de  Bouilllon  à  M.  Duplessis,  du  6  mai  iSyS 4n3 

CLXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Beliievre 

et  de  Sillery 4^4 

CLXV.  —  *  Lettre  de   MM.  de   Beliievre  et  de   Sillerv 

au  roy 4^6 

CLXVI.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy , /j8o 

CLXVIL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery  au 

roy ,  . 486 

CLXVIII.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 480 

CLXIX.  —  *  Lettre  de  M.  Pelesason  à  M.  Duplessis ibid. 

CLXX.  —  *  Lettre  du   roy  à  MM.  de   Beliievre   et   de 

Sillery 4<^o 

CLXXI.  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Beliievre 

et  de  Sillery , 4q3 

CLXXIL  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  le  légat 4q4 

CLXXm.  --  *  Mémoire  baillé  à  M.  Pierrefite,  allant  à 

Rennes ,  le  10  mai  1 698  ,  par  M.  Duplessis 

CLXXIV.  —  *  Lettre  de  M.  de  Buzenval  à  M.  Duplessis. .  5o2 
CLXXV.  —  *  Lettre  du  roy  au  pape ,  escrite  de  sa  main. .  5o4 
CLXXVI.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery 

au  roy 5o5 

CLXXV  IL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 5oq 

CLXXVIIL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Beliievre  et  de  Sillery 

au  roy 5,1 


556  TABLE  DES  PIÈCES,  etc. 

CLXXIX.  ~  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy. Page  5l4 

CLXXX.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sil- 
lery     5 1 8 

CLXXXL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 023 

CLXXXU.  —  *  Lettre  du  roy  à  M.  le  légat 5?4 

CLXXX IlL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  M.  le  légat.  .    525 
CLXXXIV.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery 

au  roy 626 

CLXXXV.  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery  à 

M.  de  Villeroy 628 

CLXXX VL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bel- 
lievre et  de  Sillery 53o 

CLXXXVIL  -—  *  Lettre  de  M.  de  Bethune  à  M.  Du- 

plessis 532 

CLXXXVIIL  —  *  Lettre  de  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery 

à  M.  de  Villeroy , 533 

CLXXXIX.  —  *  Lettre  de  M.  de  Bellievre  à  M.  de  Villeroy .    536 

CXC.  —  *  Lettre  de  M.  de  Bellievre  au  roy 538 

CA.CL —  *  Pour  les  ratifications,  ostages  et  publications 

du  traicté  du  28  mai  lôgS,  à  Vervins 539 

CXCn.  —  *  Lettre  du  roy  à  MM.  de  Bellievre  et  de  Sillery.  ibid, 
CXCIIL  —  *  Lettre  de  M.  de  Villeroy  à  MM.  de  Bellievre 

et  de  Sillery 642 

CXCIV.  —  *  Response  du  duc  de  Savoye  à  la  dernière 
que  sa  majesté  a  faict  donner  au  sieur  Jacob,  son  am- 
bassadeur, le  dernier  mars  1598 543 

CXCV.  —  *  Batificalion  des  articles  du  traicté  de  paix.  . .    545 
CXCVI.  —  *  Lettre  aulx  gouverneurs  pour  la  publication 

de  la  paix 546 

CXC  VIL  —  *  Lettre  aulx  courts  de  parlemens.  ........    547 

CXOV^III.  —  *  Lettre  aulx  baillis  et  seneschaulx ibid. 


FIN    DK    LA    TABLE    DU    TOME    HUITIEME. 


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