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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/mmoiresetcorre08morn
MEMOIRES
ET
CORRESPONDANCE
DE DUPLESSIS-MORNAY.
TOME VllI.
ÉCRITS POLITIQUES ET CORRESPOND JIVCE,
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET,
roe de "Vaugirar J , ri° 9.
MÉMOIRES r „AR '.^T, ,
ET V^/>» "^^^
CORRESPONDANCE
DE DUPLESSIS-MORNAY,
roun SERVIR
A l'histoire de la réformatiôn et des guerres civiles et
RELIGIEUSES EN FRANCE , sous LES RÈGJVKS DE CHARLES IX , DE
HENRI III, DE HENRI IV ET DE LOUIS Xlll , DEPUIS l'aN 167 1
jusqu'en 1623.
ÉDITION COMPLÈTE,
Publiée sur les manuscrits originaux, el précédée des MÉMOIRES
DE MADAME DE MORNAY sur la vie de son mari, écrits par
elle-même pour l'instruction de son fils.
TOME HUITIEME.
*^<
A PARIS,
CHEZ TREUTTEL ET WÙRTZ, LIBRAIRES,
RUE DE BOURBON, N° I7.
A Strasbourg et a Londres, même Maison de Commerce.
1824.
MEMOIRES
ET CORRESPONDANCE ,
DE
DUPLESSIS-MORNAY.
I. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj,
Messieurs , je vous escrivishier au soir; mon paquet
a esté baillé à madame de Bellievre pour vous faire te-
nir, comme elle m'a mandé qu'elle a faict par ung
courrier qui alloit trouver M. le légat. Dans ledict pa-
quet il y en avoit ung du roy pour ledict sieur legat,
et des lettres de Suisse pour vous.
A présent je vous envoyé ce porteur commis de
M. de Varenne , premièrement pour dresser les postes
sur le chemin d'ici à Vervins , comme nous avons ar-
resté ; et après pour vous faire sçavoir qu'il est arrivé
ici ung gentilhomme nommé La Patriere, qui avoit
accompaigné en Italie le fils de M. de Mayenne, lequel
partit de Ferrare le 3 de ce mois de janvier dernier
passé , et nous a asseuré y avoir veu le nom et l'aucto-
rité du pape recogneue entièrement, tant par dom Cé-
sar d'Est , lequel y a esté forcé par les habitans , que
par la noblesse et toute la ville , après que l'evesque
eut faict publier l'excommunication du pape en une
MÉx>I. DE DuPLESSIS-MoRNA.Y, ToME VIII. I
2 LETTRE DE M. DE Y ILLEROY
grande assemblée qu'il avoit convoquée, soubs pré-
texte de la mort d'ung chanoine de l'église , de bonne
maison , îiyant osé à l'heure mesmes faire afficher à la
porte du palais dudict dom César ladicte sentence d'ex-
communication , encores qu'il feust assisté de plus de six
mille soldats estrangers, de sorte que ledict dom César,
lequel on dict s'estre comporté fort laschement, se
voyant reduict en tels termes , auroit pryé la duchesse
d'Urbin d'aller trouver le cardinal Aldobrandin , légat
de sa saincteté, qui estoit j«\ à Fayence avec vingt cinq
ou trente mille hommes, pour traicter et composer; ce
qui auroit esté faict par la permission de sa saincteté,
qui l'auroit altendeue cinq ou six jours; de manière
que l'accord s'estant ensuivi , le nom de sadicte sainc-
teté et du sainct siège avoit esté recogneu en ladicte
ville, du consentement mesmes dudict dom César d'Est,
et la sentence d'excommunication levée au contente-
ment d'ung chacung; ledict dom César d'Est debvoit se
retirer avec ses meubles à Reggio et Modena. Et
adjousle qu'il n'a trouvé de comptant que 4<^0jO0O
e^cus, sans en ce comprendre les apostres d'or et aul-
tres meubles de la maison d'Est, qu'il doibt emporter, sui-
vant le testament du dernier duc. Voil?t ce que m'en a dict
ledict de La Patriere, qui est gentilhomme croyable et
d'entendement, lequel m'a asseuré avoir veu tout ce
que je vous mande; et que le fils de M. de Mayenne
n'a esté à Ferrare que depuis ladicte excommunication
levée, l'ayant laissé prest à partir pour s'en revenir en
France par l'Allemaigne. Le roy vous prye de faire part
à M. le légat de ceste bonne nouvelle, et vous en con-
jouir avec lui en son nom , avec les meilleurs propos
que vous lui pourrés tenir sur ung tel subject, qui glo-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 3
rifiera de plus en plus le pontificat de sa saincteté. Je
ne vous en dirai dadvantage pour le présent, saluant
vos bonnes grâces , etc.
Du I" febvrier 1698.
II. — ^ MEMOIRE
Baillé à Chastellerault , le 1 fibvrier 1 598 ^a M, le
président de Thoii.
Le 28 d'octobre 1^97, estant le sieur Duplessis
Marly en la ville d'Angers pour les affaires du roy ,
conjoinctement avec M. de Scliomberg, et à l'instante
pryere de M. le marescbal de Brissac, le sieur de Sainct
Phal, beau frère dudict sieur marescbal, qui n'en pou-
voit ignorer, pour les avoir veus tout le matin en con-
seil ensemble , au sortir de chés M. de La Rocbepot ,
gouverneur et lieutenant pour sa majesté en Anjou, où
ils avoient tous disné, suivit ledict sieur Duplessis , et
sans lui avoir monstre auparavant aulcung signe ce
mauvaise volonté , lui demanda en la rue de parler à
lui , ce qu'il accepta volontiers; ledict sieur de Sainct
Phal, accompagné de dix ou douze hommes de main,
botté, esperonné, ung cheval le suivant; ledict sieur
Duplessis, accompaigné de quattre seulement, dont les
deux n'estoient ses domestiques, et d'ung page.
Lui demanda raison ledict sieur de Saint Phal de la
prise d'ung des siens nommé Moncenis, et de l'ouver-
ture de lettres dont il estoit chargé.
Lui respondit ledict sieur Duplessis que ledict Monce-
nis avoit esté pris par quelques habitans de Monstreuil
Bellay, allans à la guerre vers Mirebeau , qui l'estimoient,
4 MEMOIRE
veu le chemin qu'il prenoit , qu'il feust de la Ligue ;
que le président de Eslens et le capitaine dudict Mons-
treuil lui avoient envoyé les lettres qui s'estoient trou-
vées sur lui , le pryant de leur commander ce qu'ils
auroient à en faire, parce qu'ils le jugeoient homme
de menée, et serviteur de M. de Mercœur, soit de le
retenir ou de le relascher, ou mesme de lui mener à
Saulmur; et neantmoins, après avoir ouTcrt partie des
lettres, il les leur auroit renvoyées, et leur auroit
mandé qu'ils le laissassent aller son chemin , et les lui
rendissent, parce qu'il appartenoit à ung serviteur du
roy. Ledict sieur de Sainct Phal répliqua qu'il voulloit
avoir la raison de ses lettres ouvertes.
Respondit le sieur Duplessis que si celle qu'il lui fai-
soit ne le contentoit , il la lui feroit quand et en telle
façon qu'il vouldroit.
Lui demanda ledict sieur de Sainct Phal s'il lui don-
noit sa parole,
Respondit le sieur Duplessis qu'oui, et très volon-
tiers. *
Lui demanda ledict sieur de Sainct Phal s'il feroit
annoncer aulxdicts président et capitaine ce qu'il di-
soit.
Respondit le sieur Duplessis qu'oui , parce que
c'estoit la vérité.
Lui demanda ledict sieur de Sainct Phal quand. Res-
pondit ledict sieur Duplessis : Au premier jour, et des
qu'il seroit à Saulmur, où il retournoit des le lende-
main.
Répliqua ledict sieur de Sainct Phal qu'il voulloit
sçavoir quand, et qu'il le falloit.
Lors le sieur Duplessis, se sentant pressé, lui auroit
dict qu'il n estoit homme qui le menast par je veulx ,
A M. DE THOU. 5
ni par il fault. Qu'estant en charge publicque , il
n'estoit teneu d'en rendre compte qu'au roy, là où il
alloit de son service. Que ce qu'il en faisoit, au reste,
n'estoit que pour le désir de contenter ung chacung.
Le sieur de Sainct Phal lui dict : Doubtés vous que je
n'en puisse avoir raison? Non, lui dict le sieur Duples-
sis ; parce que je vous ai jà dict que je la vous veulx
faire, et en telle façon que vous vouldrés. Et s'appro-
clioient tousjours les hommes dudict de Sainct Phal de
plus près, ayant leurs espees tirées des pendans, et la
main sur la garde.
Enfin lui auroit demandé ledict sieur de Sainct Phal
s'il ne lui en voulloit dire aullre chose; sur quoi lui
ayant le sieur Duplessis respondeu qu'il ne sçavoit pas
que lui en dire de plus, auroit ledict sieur de Sainct Phal
tiré ung baston qu'il avoit porté des le matin, qu'il ca-
choit derrière; ayant, pour mieulx hausser le bras, la
manche de sa Juppé attachée; en auroit frappé ledict
sieur Duplessis sur la teste, à l'endroict de la tempe
gauche; dont voullant mettre l'espee en la main, il se-
roit tombé en terre , où lui auroient esté tirées quelques
estocades, desquelles il auroit esté couvert par ung des
siens , et se seroit promptement relevé l'espee en la
main ; mais auroit trouvé que ledict sieur de Sainct
Phal se seroit retiré vers son cheval tost après le
coup donné, laissant sept à huict des siens l'espee en
la main, pour tenir le travers de la rue, lesquels au-
roient blessé deux de ceulx du sieur Duplessis poursui-
vant ledict sieur de Sainct Phal , l'ung d'une estocade
en ung bras, d'ung en Tespaule, Avoit aussi esté saisi
par derrière ung gentilhomme qui estoit avec lui, au
corps, et jette par terre à l'instant que le coup feut
donné au sieur Duplessis, lequel voyant ledict sieur
/
6 MEMOIRE, etc.
de Sainct Phal évadé , se seroit tout doulcement retiré
en son logis.
III. —-V- LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, je t'ai escrit amplement par Gharton ; je
n'ai rien eu de toi. Je crains que le mauvais temps t'ait
faict de la peine; mais il semble amender maintenant.
Nous advançons tant que nous pouvons. Le retour
de MM. de Courtaumer et de Gazes, que j'attends
dans quattre ou cinq jours, nous abrégera fort. Ma-
dame la princesse d'Orange verra le roy , et séjournera
douze jours à Paris. Elle a congé de séjourner ung an
en France de par messieurs les estais. Le roy l'a voulleu
voir et son fils, et par conséquent M. de Pierrefite
aura du temps assés. Il me tarde que je n'aye de tes
nouvelles sur ce que je t'avois escrit du faict qui est
entre les mains de Le temps a esté fort fas-
clieux. M. de La Boucherie est parti d'ici une heure
après que j'y feus arrivé, et n'ai poinct parlé a lui;
mais j'avois laissé des lettres à Saulmur pour lui. Nous
avons trouvé Tranchant ici, qui nous baillera dans
huict jour les 5oo liv. de La Rochelle, moyennant
quinze cens de perte , et ne s'est peu faire à meilleur
marché. Je te les porterai, aidant Dieu, à Saulmur»
M. Constant m'a parlé de l'homme que tu sçais. Il est
engagé d'amour à une fille de Madame de
Sainct Gelais m'est veneu voir aujourd'hui, qui est
fort en peine de la nourriture de son fils, et de trouver
ung gentilhomme qui en soit capable. Elle le tiendroit
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. 7
ung an à Paris ou plus , et puis l'enverroit en Hollande.
Il est fort gentil garçon d'espérance, et a desjà fort
advancéaulx lettres. J'avois pensé du bon homme M. de
La Montagne. Elle m'a dict qu'elle le trouvera bien ;
mais je n'ai voulleu presser jusques où je pense qu'il
est bien de l'en ce nous seroit autant.
Mande moi quel denier a deu faire nostre nouveau re-
ceveur; car j'en suis en peine. Je t'envoye une recette
que M. de Bouillon m'a donnée, et pour fin je t'em-
brasse, etc.
De Chastellerault, ce 2 febvrier iSgS.
Tu ne m'as rien mandé du passage de M. de Mont-
martin.
IV. —-V^ LETTRE DE M. DE PIERREFITE
A M. Duplessis.
Monsieur , je vousescrivis d'ici dimanche par ung de
Bourguent, qui ne vint quérir mes lettres. Depuis,
j'ai communiqué fort particulièrement avec MM. de
Rheims , de Rhosny , de Vardes , de Fresne , de Gesvre ,
de Blancmesnil et Tambonneau, tous en leurs logis. Si
ce n'est M. de Vardes , ils ont esté d'avis , par la crainte
du parlement inopiné du roy , de se haster de s'assem-
bler, y appellant seulement les parens qui sont ici, et
les plus considérés, ne trouvant bon que la resolution
qui y sera prise soit divulguée, ce qui pourroit estre,
si on y appelloit ung grand , comme celui duquel vous
avés parlé ung sieur d'Armaignac, auquel ils ont esté
d'advis que je ne baille la lettre. Enfin , ils sont d'advis
qu'il n'y ait que les susnommés avec M. le comte de
8 LETTRE DE M. DE PIERREÏTTE
Sainct Aignan , lesquels tous m'ont promis de s'y trou-
ver demain à deux heures après midi , qui est le jour
et heure qu'ils ont pris sur le doubte qu'ils ont que le
roy parte jeudi. MM. de Rolian et deBeauvaisleur
s'y trouveront aussi. J'ai faict trouver bon à M. de
Rheims que M. de Rohan parlast le premier, disant seu-
lement que, comme vostre parent, il accompaigne
mondiet sieur de Rheims et vos aultres parens en la
supplication qu'ils font à sa majesté par la bouche de
mondict sieur.^ Ces messieurs ont trouvé à propos que
M. de Mouy ne s'y trouvast , sur la remonstrance qu'il
m'a faicte qu'il desiroit sçavoir s'ils Tavoient agréable ,
craignant que sa présence empeschast la liberté des
advis. Je crois que seur il est plein d'affection ; je leur
parlerai pour faire qu'il soit de la requeste. MM. de
Monlouet, de Montataire et de Vicose ne sont ici. Je
vis hier madame de Simiere pleine de bonne volonté.
Le capitaine Dauîphin arriva hier avec lettres de M. de
Schomberg , qui donnoit advis au roy de ma veneue et
du subject pourquoi, ainsi que m'a cejourdliui dict
M. de Gesvre. Mondict sieur de Schomberg doict
estre demain ici. J'ai vu cejourd'hui M. le chancellier
extresmement plein d'affection en vostre endroict. Je
n'ai encores rendeu vos lettres à madame, messeigneurs
de Montpensier et connestable, et ne le puis encores
pour demain , non plus qu'à MM. Servin , Marion et
Erard. Je verrai au plus tost que je pourrai la première,
et après la requeste faicte à sa majesté, irai visiter les
aultres, nommeement M. Servin, que M. le chevalier de
Chaze m'a dict se plaindre de vous avoir escrit deux
fois sans response. Je ne pense pas mal à propos que
je voye madame la princesse d'Orange, et sur les
asseurances que je m'asseure qu'elle me donnera de sa
A M. DUPLESSIS. 9
bonne volonté en vostre endroict , que je la supplie
d'en parler à sa majesté, et lui remonstre combien il
importe pour sa réputation d'en faire bonne justice. Je
la verrai au plus tost que je pourrai. Je suis marri d'ad-
vancer si peu ; mais je vous supplie de croire que je ne
perds poinct de temps. La requeste faicte a sa majesté, et
M. de Schomberg ouï , nous fera voir quelque forme
en cest affiiire. Je prye Dieu qu'il nous y bénie. Je ne
m'inquiète poinct des affaires publicques. On attend
les ambassadeurs d'Angleterre et des Pays Bas. On dict
que M. Du Perron va à Rome pour obtenir dispense
pour le mariage du roy. On asseure que Ferrare a esté
rendeu au pape par composition. Je ne faillirai par
toutes les commodités que j'en aurai de vous donner
advis de tout ce que j'apprendrai.
A Paris , ce 3 febvrier i 698.
P. S. Monsieur , j'ai encores cejourd'bui parlé à
M. de Beauvais , qui m'a asseuré qu'il prepareroit M. de
Roban à parler selon la forme ci dessus qu'il tient fort
bonne, et n'a ouï parler d'aulcune difficulté.
V.— ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
J'ai receu tes lettres d'hier matin. Je me doubtois
bien que le temps pluvieux pourroit modérer ta santé;
mais il fault mieuîx espérer d'ung meilleur. Je n'im-
prouve poinct la resolution de nostre homme ni son
voyage, soit que le vienne à bien ou non. Le temps
seulement y est à plaindre; mais il ne se perd poinct
10 LETTRE DE M. DUPLESSIS
quand il ne se peult gaigner. Legoux est arrivé ce
matin; il m'a apporté de fort favorables lettres du roy.
11 rencontra vendredi M. de Pierrefite près d'Etampes,
et sa majesté estoit à Sainct Germain, d'où elle se
retournoit le samedi a Paris. Madame la princesse
d'Orange avoit veu le roy, que M. Dumaurier m'escrit
avoir monstre grand ressentiment de nostre oultrage.
Le mesme m'escrit M. de La Fontaine , de la royne
d'Angleterre et de tous les gens de bien de delà, et
M. de Buzenval de Hollande. Leurs députés doibvent se
trouver à Rouen avecceulx du roy, resoleus à continuer
la guerre entre l'Espaignol ; et le roi leur en donne le
choix de guerre ou de paix, pourveu qu'ils conviennent
de moyens pour la bien faire. Le roy et monseigneur de
Montpensier veullent persuader à madame la princesse
d'Orange que le mariage de M. de La Tremouille se
fasse à Saulmur; mais on lui a faict aujourd'hui une
despesche fort expresse, par laquelle elle est pryee de
venir droict ici. Quant à je suis fort aise de ce que
tu m'en escris. Il sera bon de le saluer en mon nom.
Il fault enfin que toutes longueurs prennent fin , et celle
là sera fort bonne bénie de Dieu. Je crois que je pourrai
amener à temps pour lever la difficulté, et c'est mon
desfr. Grâces à Dieu, je ne me sens d'aulcung mal, et
mon principal désir seroit que tu feusses de mesmes.
M. Penillau t'a escrit de M. Daulines, médecin ; je crains
que ceulx qui sont si attachés à leur estude acquièrent
moins d'expérience : il s'en fault enquérir. Je t'envoye
des lettres de M. de La Fontaine , et pour nostre fils.
Tu auras bien considéré que je ne pouvois empescher
que escrivist. M. Legoux a rapporté toutes les com-
missions pour lesquelles il estoit allé. Les créanciers
promettoient d'envoyer pour prendre resolution avec
A MADAME DUPLESSIS. 1 1
nous, et des terres en payement. J'envoye quelques
sauvegardes, et en ferai encores expédier. Le roy a ouï
nos députés; il leur a donné grande attention, et pro-
met de les renvoyer au plus tost ; mais il semble
qu'ils ne peuvent tarder. Je t'embrasse, etc.
De Chastellerault , ce 3 febvrier 1698 , au soir.
VI. —-V- MEMOIRE
De M. de Pierrejîte.
Le sieur de Pierrefite s'addressera premièrement à
M. de Rheims, lequel il supplie de voulloir assembler
les parens et alliés de M. Duplessis, qui se trouveront
sur les lieux, les supplians de sa part, estans tous en-
semble , de lui faire cest honneur de prendre ung bon
advis de la procédure qui aura esté teneue, pour avoir
prompte justice de Sainct Phal , soit par la voye de jus-
tice ou auhrement, dont les suppliera de voulloir faire
Ting bon résultat, auquel le sieur Duplessis ne fauldra
de se conformer, pour l'honneur qu'il porte à leurs
bons et sages advis.
Ores, sur ce propos, fauldra faire traicter les ques-
tions qui ensuivent ; Si ledict sieur doibt prendre la
voye de la force, selon les occasions qui s'en présente-
ront ou la voye de justice; s'il doibt rechercher la jus*
tice en la court de parlement ou pardevant monseigneur
le connestable et les mareschaulx de France. Au parle-
ment, si ce doibt estre en son nom , attendeu que ceste
voye exclueroit celle de la force , ou bien au nom du
roy, par commandement qu'il en fasse à M. le procu-
reur gênerai , ou en tout cas, soubs le nom d'ung tiers ,
la MEMOIRE
puisqu'il y en a deux des siens qui ont esté blessés a\ec
lui , lesquels il pourroit faire déclarer parties. Parde-
\'ant monseigneur le connestable pareillement, si ce
doibt estre en son nom , attendeu qu'il y a mesme in-
convénient, ou bien du propos, mouvement et com-
mandement de sa majesté, se sentant intéressée en cest
oultrage, et soit en l'une ou en Taultre voye, quel en
debvra estre le commencement et le progrès, jusques
en la définition de cest affaire.
Plus, s'il n'est poinct à propos, menant Sainct Phal
par la justice, que le sieur Duplessis prenne à partie
le sieur mareschal de Brissac , par la voye d'honneur,
attendeu qu'il lui a sousbtraict son ennemi , s'estant
chargé de le représenter, ce qu'il ne faict, lui toutesfois
qui se debvoit sentir le plus offensé, en tant que le
sieur Duplessis seroit allé à Angers pour le service du
roy, à son instante pryere.
Semble audict sieur Duplessis debvoir commencer
cest affaire par ung premier ordre ; sçavoir, que les
parens plus notables qui se trouveront sur les lieux ou
non trop esloingnés , fassent cest honneur au sieur Du-
plessis, de demander justice de cest assassinat à sa ma-
jesté, tous ensemble, par une seule voix, en la plus
solemnelle forme qui se puisse; la remercier très hum-
blement du ressentiment qu'il lui a pieu avoir , et du
soing qu'elle a pris jusques ici pour l'affaire, et la
suppliant, avec toute affection, de la vouUoir abréger
par son auctorité, selon que sa majesté cognoist plus
que tout aultre combien sont cuisantes et pleines d'im-
patience les playes qui attentent à l'honneur d'ung gen-
tilhomme.
Le mercredi 4 febvrier se sont assemblés au logis de
M. de Rheims, à deux heures après midi, MM. de
DE M. DE PIERREFITE. i3
Rohan, de Rheims, de Rhosny, de Fresne, de Gesvre,
président de Blancmesnil , etTambonneau, de Vardes et
comte de Sainct Aignan , pour délibérer de ce que
dessus, et ont esté d'advis:
Que M. Duplessis ne peult prendre la voye de justice,
ni ceulx qui ont esté blessés avec lui; que la voye de la
force lui est honorable; qu'il peult chercher la raison
avec tel advantage qu'il vouldra, attendeu l'assassinat,
lascheté et supercherie dont on a usé contre lui.
Ont esté d'advis que les parens en corps demandent
justice au roy ; mais qu'auparavant il en fault donner
advis au roy, pour sçavoir s'il l'aura agréable, et ont
pris la charge d'en parler à sa majesté MM. de Rhosny,
de Fresne et de Gesvre.
Plus ont esté d'advis de différer ladicte demande de
justice à sa majesté, jusques à ce que M. de Schomberg
feust veneu et ait parlé au roy, d'autant qu'il lui a
escrit qu'avec le conseil de MM. de Thou et de Cali-
gnon il lui proposera ung expédient pour sortir de cest
affaire; et, pour cest effect, supplioit sa majesté de ne
despescher le sieur de Pierrefite qu'il n'ait parlé à sa-
dicte majesté.
Ont esté d'advis que lesdicts parens demanderont
justice au roy de parole et non par escrit, et le sup-
plieront de commander à son procureur gênerai d'en
poursuivre vivement la justice, et le tenir adverti de
ce qui se fera.
Ne sont au reste nullement d'advis de prendre le
sieur mareschal à partie.
Du 4 febvrier iSgS.
l4 LETTRE DE M. DE VILLEROY
VII. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
-^ MM. de Belliei^re et de Sillerj.
Messieurs, il fault que je vous mande encores une
bonne nouvelle, c'est que les habitans de la ville de
Dinan, assistés de ceulx de Sainct Malo, se sont saisis
de leur ville pour le service du roy contre la garnison
de M. de Mercœur, commandée par le sieur de Sainct
Laurent, qui s'estoit saulvé dans ung petit chasteauqui
debvoit eslre forcé le lendemain : ca esté le 3o du mois
passé que l'exécution en a esté faicte; j'en ai veu les
lettres d'advis qui sont du dernier. Ce coup est d'im-
portance, tant pour la qualité de la place que pour
l'exemple; croyés qu'elle sera bienlost suivie d'aultres.
Ceci hastera le partement du roy sans doubte, car nous
sçavons , et vous aussi, quelle est sa diligence, et es-
père que son approcbement en fera danser d'aultres ; on
dictquecesera pour lundi prochain. Je parle par ouï dire,
parce que je n'ai veu sa majesté il y a quattre jours.
J'ai faict caresme prenant avec mes petites filles à
Pontoise, dont je revins des hier; mais le roy estoit
allé à Sainct Germain et a coureu le cerf aujourd'hui,
d'oïl il n'est encores reveneu , et s'il est dix heures du
soir, il couchera ici; quand il sera arrivé, je lui ferai
part de vostre lettre du 4 ^ (fue j'ai receue ce soir par
le commis du sieur de La Varenne.
Par lettres de Venise, du 17 de janvier, nous avons
eu la confirmation de la renonciation faicte du duché
de Ferrare avec la ville de Commachio, en faveur de
l'Eglise, par dom César d'Est; ce feut le 9. Il s'est
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. i5
depuis retiré à Modena; les lettres de Rome du lo
dudict mois de janvier n'en font poinct de mention;
mais elles nous ont asseurë de l'entière convalescence
de nostre sainct pcre. L'evesque d'Aversa n'a encores
veu le roy, à cause des jours gras et de son absence;
il a appris ici le faict de Ferrare, duquel il ne peult
tarder qu'il ne reçoive Fadvis et le commandement de
sa saincletë.
Au reste, je vous dirai que le jour que vous par-
listes de ceste ville, le sieur Bouchary me vint trouver
pour prendre congé de moi, me disant qu'il alloit voir
M. le légat, et qu'il esperoit passer seurement avec
vous. Je lui dis que vous estiés jà partis, et qu'il me
sembloit qu'il debvoit remettre ce voyage à une aultre
fois ; mais, voyant qu'il persistoit en sa délibération, je
passai oultre, et lui dis qu'il ne debvoit pas s'esloin-
gner ainsi que le roy n'en feust adverti^ estant prests à
se resouldre les affaires que nous avons à desmesler
avec le grand duc; il me prya donc d'en advertir sa
majesté; mais deux heures après il me revint trouver,
et me dict que , ayant compris ce que je lui avois re-
monstré, il avoit pris resolution de différer ce voyage,
en quoi je le confortai; je ne l'ai veu depuis cela, et
userai de ce que m'en avés escrit selon vostre inten-
tion, ayant esté meu à donner ce conseil de mes rai-
sons sagement deduictes par vostre lettre.
Peult estre que M. le légat sera marri de l'esloingne-
ment du roy; mais qui peult conseiller à sa majesté de
perdre les belles occasions qui l'appellent en Bretaigne
sur des espérances et propositions incertaines, cognois-
sans le naturel de ceulx aulxquels nous avons affaire,
il est en eulx d'abréger les choses; de sorte que, s'ils
ont envie de sortir d'affaires , ce sera bientost faict, et
ï6 LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc.
iiostre esloiiignement ne l'empeschera pas. On se doibt '
contenter que nous ayons hazardé, en accordant vostre
conférence, la créance que nous avons avec nos alliés,
les députés desquels ne comparoissent pas encores:
toutesfois les Anglois doibvent partir de Londres le
27 du passé; mais aulcungs ont opinion que le bruict
de l'esloingnement du roy les arrestera , car Cécile ne
veult traicter qu'avec sa majesté. Nous n'avons aul-
cunes nouvelles des HoUandois.
Vous ferés service très agréable à sa majesté, si vous
pouvés faire rejetter du traicté ces renégats ennemis
de leur patrie , desquels vostre lettre faict mention ;
car elle consentira très mal volontiers qu'ils rentrent en
ce royaulme, et moins en leurs biens pour l'exemple.
Je crois qu'aurés de présent receu mon premier
paquet, consigné par madame de Bellievre à ung des
gens de M. le légat. Vous aurés sceu par icelui comme
madame de Coucy preparoit sa maison pour recevoir
M. le légat; M. de Schomberg est arrivé en bonne
santé, lequel baste fort le roy. Je me recommande à
vos bonnes grâces , etc.
Du 5 febvrier 1698.
VIII. — LETTRE
De messieurs de rassemblée de Chastellerault a
MM. de Courtaumer et de Cazes yfaicte par M. Du-
plessis.
Messieurs, nous avons receu vos lettres du ^5,
27 et 28 du passé, par lesquelles nous recognoissons
vostre diligence en la poursuite de la charge que nous
LETTRE, etc. î'7
vous avons pryé de prendre pour nos communs affaires.
Nous recevons à la vérité beaucoup de contentement
de la bonne et attentive audience que vous avés eue du
roy-; mais nous avons grandement à louer Dieu de la
vertu qu'il vous a donnée à proposer et maintenir ce
qui est de la justice de nostre cause, intégrité de nos
personnes , et sincérité de nos procédures ; nous ne
pouvons donc sinon vous pryer d'y persévérer , et de
presser tellement ceste sollicitation, vous ressoubvenans
des longueurs passées et du terme qui vous a esté li-
mité , que vous ayés plustost à le prévenir que nous
à l'attendre. A cela nous convient plusieurs raisons,
que sçavés assés considérer, ne feust ce que la longue
attente de nos provinces et la nostre propre. Mais sur-
tout nous voyons qu'on est sur le bord d'ung traicté
avec le roy d'Espaigne , et de décider avec M. de Mer-
cœur, soit par une pacification, soit par une guerre
qu'on portera dans nos provinces; ores nous importe il
infiniment que nostre traicté soit concleu premier que
ceulx là, ayant affaire à personnes qui ne mesurent pas
nos conditions, ou à nostre justice, ou mesmes à la
volonté du roy, comme il nous en appert assés; mais
ou à leurs animosités particulières, on à la condition du
temps, selon qu'ils pensent avoir plus de moyen de
nous nuire, ou moins de besoing d'estre servi de nous.
C'est pourquoi nous sommes d'advis que vous voyés
de nos parts MM. les ambassadeurs de la royne d'An-
gleterre et de messieurs des Provinces Unies, et leur fas-
siés entendre où nous en sommes, et les tergiversations
par lesquelles on nous mené, quelquefois en reculant
au lieu d'advancer; leur remonstriés mesmes, oultre
nostre considération , de quelle importance il leur est
que nostre traicté soit concleu premier qu'ils entrent
MÉM, DJe DurtESSIS-MoRKAY. ToiME VIII. 2
l8 LETTRE ^
plus avant à celui pour lequel ils viennent; leur faisant
considérer que le roy ne peult frapper bon coup contre
l'Espaignol, tandis que les bras de ceulx de la relligion
sont comme liés par l'incertitude de leur condition,
lesquels intéressés en la ruyne de cest ennemi, peuvent
roidir et fortifier le roy en ses bons desseings, au lieu
que les aultres, pour la pluspart, n'ont but que de les
relasclier , ou niesmes rompre. D'ailleurs, que ce traicté
estant arresté avec ceulx de la relligion, leur sera
une marque infaillible que le roy se veult lier estroic-
tement d'amitié avec leurs estats, faisans mesme pro-
fession , et s'engager à bon escient avec eulx en la guerre
contre le roy d'Espaigne; comme le contraire leur doibt
laisser des doubles, quoiqu'on leur promette que ce
qu'on aura traicté de guerre contre lui ne sera que
pour le menacer, afin d'accélérer la paix; n'estant à
croire que le roy, avant à entreprendre ung tel ennemi ,
se voulleust à son escient lier et rendre inutile son bras
droit, sçavoir ceulx de la relligion, qui, en cest esgard,
font la plus saine et la plus forte partie de Testât, bien
que non la plus grande. Les requeriés consequemment
de presser selon leurs prudences et par les plus propres
moyens qu'ils scauront bien choisir, qu'il y soit mis
au plus tost une fin; des effects desquels nous ne lais-
serons pas de recognoistre leur avoir de l'obligation,
parce que nous les sçaurons bien remarquer, encores
que les causes et ressorts en demeurent occultes. Au
reste, PtlM. les presidens de Thou et de Calignon nous
ont baillé nostre cahier respondeu par sa majesté,
duquel nous examinons les responses. Dont nous ne
vous disons encores rien, parce que nous n'avons com-
mence qu aujourd l\ui ; nous espérons que vous aurés
fiiict telle dîligence que vous nous apporlerés bientost
A MM. DE COTJRTA.UMER ET DE CAZES. lo
les responses de sa majesté sur celui que porta M. de
Claiiville , pour en délibérer tout eriseuible. Cependant
nous vous pryons, si le roy partolt pour son voyaqe
de Bretaigne , et que pour quelconque occasion vous
feussiés tant soit peu relardés, de nous advertir en di-
ligence, et plustost par homme exprès, tant de son
partement que au chemin que sa njajesté tiendra,
parce qu'd nous imporle pour certaines considérations.
Vous ne man({ueres poinct là de personnes qui vien-
nent en poste à toute heure vers ces quartiers. Et sur
ce, messieurs, nous saluons humblement, etc.
Du 5 febvrier iSgS.
IX.— .^LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa ftmme.
M' AMIE, j'ai receu tes lettres par le porteur, qui
sera cause que je retiendrai Barbenoire ung jour de
plus. Il m'a osté de peine de nostre homme ; mais non
de ta santé , que j'esj)ere toutesfois que le beau temps
qui commence pourra amender. J'attends en dévotion
ce qu'auront faict nos gens, et me fiiîure que le jour
de demain m'en esclaircira. J'en ai' prye Dieu de bon
cœur. Ce seroit une grande eschelle pour Taultre af-
faire pour laquelle m'as enyoyé me presse
fort de l'affaire que tu sçais. Jescris tousjours, selon
que l'avons resoleu. Legoux a aujourd'bui envoyé des
despesches partout, qui me promet de s efforcer que
je sois payé ceste année de la moitié de mou man-
dement. M. Erord prendra une commission pour la
Picardie. Bîessieurs les creancieis envoyent des députés
•»»»•
'20 LETTRE DE M. DUPLESSIS
traicter avec nous. Il ne se peult que cela ne produise
quelque chose; mais je Youldrois bien aussi que nostre
Basque feist quelque chose. Je ne crois poinct ce qu'on
a dict de Montieuil. Si M. disoit vrai , cela
\'ouldra bien y entendre. Je ne crois poinct que M. de
Laverdin vienne à Saulmur, car il est trop constant
que c'est M. le mareschal de Rhetz qui a charge d'as-
sembler les trouppes. Je n'ai pas opinion qu'il séjourne
à Saulmur. Ce porteur m'a faict espérer , pour la gar-
nison , de nous faire toucher argent , qui m'a relevé
de la peine que je sçais qu'aultrement tu aurois.
Nous avons eu nouvelles de MM. de Gourtaumer et de
Gazes, et feront quelque chose sans nous. M. de Vil-
leroy a charge de les despescher , s'ils reviennent con-
tens. Il y a apparence d'achever du reste
Cependant il m'ennuye de me voir absent de toi , du-
rant ton mal, renchéri de nouvelles appréhensions,
et Dieu le sçait. Mais ce sera le moins que je pourrai
en partant d'ici, des que j'y verrai tant soit peu de
subject. Le roy ne partira de Fontainebleau avant
le 1 5, et de Paris avant le lo. M. de Pierrefîte aura
eu tout loisir, car il y arriva dans le dernier du passé ,
et M. de Schomberg le i febvrier. Je fais estât , des
que j'aurai la nouvelle que j'attends de toi , d'y
redespescher exprès ung exprès. Au reste, je fais faire
les ciseaulxque tu demandes, et j'en ai donné la charge
au tailleur; mais fais lui bien expliquer comment il
fault qu'elles soient. J'ai receu des lettres de MM. de
Beauvais, La Nocle et de M. de La Nocle son frère,
fort affectionnés. Il m'offre une bonne et forte maison
qu'il a proche M. le comte de Crissey aussi
et son fils n>e sont cejourd'hui veneus voir, qui se sont
fort officieusement offerts à moi , et sans rien excepter.
A MADAME DUPLESSIS. il
Ce qui m'est plus cher, c'est que tu ne t'ennuyepoinct,
ains te resjouisse en pleine confiance que Dieu aura
soing de nous et de toutes ces perplexités , nous fera
du contentement et de la gloire en cherchant la sienne.
Et sur ce, m'amie, je t'embrasse, etc.
'De Chastellerault , ce 6 febvrier iSgS, au soir.
P. S. Je t'envoye des lettres de M. de Buzenval. Je
t'ai mandé comme nostre accident avoit esté receu en
Angleterre.
X. — ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ safomme.
M'amie, hier au soir m'arriva celui que je t'avois
despesché d'ici, avec tes lettres du 5 et 6. La conti-
nuation de tes battemens me tient en peine , que je
ne peulx attribuer qu'à ce que les remèdes touchent
à l'humeur; il fault patienter ce que le printemps
nous apportera. Je crains aussi que la melancholie ne
t'emporte; mais, en faisant ce que nous pouvons, il
fault remettre le reste à Dieu. Si avoit
réussi , ce seroit ung grand coup pour le public et non
moindre acheminement pour le particulier ; mais je
crains que la trefve ne soit contreveneue , laquelle
toutesfois sera troublée par la prise de la ville de Di-
nan, au moins en Bretaigne. Aultrement nous aurons
des preuves qu'il est malaisé de rien faire qui vaille
de Je suis bien aise que Caboz soit reveneu.
Je pense que ceulx qui sont es environs de Douay, se-
ront rappelles soit par la trefve , soit par la prise de
11 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
Dinan et aultres , dont M. le mareschal Brissac nous
menace en ses lettres. Je suis bien aise des propos que
tu as eus avec le mareschal de llhetz. C'est autant de
préparé, pourveu qu'il tienne coup. Il m'a fasclié de
ce que nostre triennal faict si mal son debvoir. Je lui
escris une lettre que j'envoye à Pela , fort aspre là
dessus. S'il est habile homme, il vouidra parler d'ap-
pointemens, et avoir recours à toi pour se justifier et
s'obliger à mieulx faire, sinon je ferai en effect ce que
je lui mande. C'est qu'il ne verra que du papier en
son année. Le sergent major m'escrit , se plaignant
du peu de moyens qu'il a. Il sera bien que tu l'asseure
qu'à mon retour j'y aurai esgard , et qu'il ne s'ennuye
poinct. Je t'envoye, en tout cas, des lettres pour nos
voisins, encores que je ne m'eschauffe gueres pour ce
voyage, jusqu'à ce que je sois hors de mon affaire par
une voye ou par aultre. Je redespesche exprès aujour-
d'hui vers le roy. Nous espérons bientost les sieurs de
Courtaumer et de Cazes, parce que M. de Villeroy est
chargé de leurs despesches. S'ils rapportent conten-
tement, il y aura apparence de faire quelque chose
de bon , non si facilement que désire sa majesté.
M. de La Noue est ici, non encores M. de Parabere.
MM. d'Orival et de Clairville y sont mandés. Je t'em-
brasse, etc.
De Chastellerault, jce 8 febvrier lôgS , au matin.
XL — ^ LETTRE DU ROY
A M. Duplessis.
M. Duplessis, j'ai entendeu bien particulièrement,
par le sieur de Pierrefîte, ce que vous l'aviés chargé
LETTRE DU ROY, etc. 2^
de me dire; sur quoi, oultre ce qu'il vous dira, vous
sçaurés de luoi et seres asseuré que je ne manquerai
à rien de ce que je vous ai ci devant mandé et promis,
et que je ne vous serai pas seulement bon roy, bon
maistre, mais bon ami. J'espère de vous voir bientost,
car je m'achemine en vos quartiers, où vous ne serés
des derniers : aussi pouvés vous faire estât que je vous
aime et que vous me trouvères tousjours bon maistre.
Adieu, M. Duplessis. Henry.
A Paris, ce 9 febvrier iSgS.
XII. — ^LETTRE
De MM. de Bellies^re et de Sillery a M. de Vdleroj,
1
Monsieur, celle ci est seulement pour vous donner
advis que MM. Richardot et Taxis arrivèrent hier au
soir; ceste après disnee, nous nous debvons trouver
chés M. le légat pour voir les pouvoirs; demain ou
après demain, nous vous pourrons despescher La Fon-
taine. Le commis de M. de La Varenne partit de Sainct
Quentin le 6 de ce mois; nous espérions qu'il auroit
faict tourner ici les postes , comme il nous avoit pro-
mis que les trouverions à nostre arrivée en ceste ville;
mais nul n'est ici veneu de la part du chevaucher de
la ville de Peronne.
Madame de Goucy a receu M. le légat fort courtoi-
sement; tous ses prélats sont fort bien accommodés de
logis, comme aussi sont MM. les ambassadeurs d'Es-
paigne. Nous nous recommandons bien , etc.
De Vervins, ce 9 febvrier iSyS.
'^4 LETTRE DE M. DE LA BOUCHERIE
Xin. — ^ LETTRE DE M. DE LA BOUCHERIE
udl 31. Duplessis.
Monsieur , je regrette infiniment que lorsque arri-
vastes à Chastellerault, que n'eus le loisir de vous voir
à vostre logis, pour vous faire réitération de mon très
humble service. Il ne me restoit plus que le reste de
ce jour là, et le vendredi et samedi, pour me retirer
de Fresne. Je me suis tousjours fort opposé aulx des-
seings des ennemis, comme vous avës peu sçavoir de
temps en temps, mais particulièrement depuis le com-
mencement du mois de septembre dernier, que j'ai
faict la guerre ouverte de ce lieu , et mis bon nombre
de gens de guerre. Je n'ai faict naufrage , tant par la
force d'ancienneté de ma maison , que par le bon
nombre d'amis et créance que j'ai dans le pays; mais
voyant qu'oultre Tiffauges, qui n'est qu'à une lieue
d'ici , ceste maudicte Ligue avoit encores pris Sainct
Georges à deux lieues de moi d'ung aultre costé, de-
meurant entre les deux, et batteu deux jours de canon ,
et qu'elle venoit à moi sans M. de La Tremouille et no-
blesse du pays, je me suis resoleu, ce que n'avois jà
peu faire, à faire fortifier ma maison contre le canon;
et, depuis la mi octobre, ai faict faire deux bastions de
soixante et dix pas de courtine -en escbarpe , d'autant
qu'elle est en quarré longuet; et en oultre faict ter-
rasser par le dedans : j'espère selon que verra le temps
en faire faire deux aultres pareils ; et puis quattre plus
petits au milieu; M. des Fontaines en a le plan, non
comme les qunttre petits seront, car on m'a conseillé
A M. DUPLESSIS. 35
de les mettre au dehors du fossé ; comme il y a une
ligne tirée, s'il vous plaist prendre la peine de le voir;
et pour conclusion, de peur de vous ennuyer, MM. les
ducs de Bouillon et de La Tremouille trouvent que la
place n'est poinct mauvaise et le sieur du Tau; et en
oultre d'aussi grande conséquence qu'aulcune que nous
ayons , n'y ayant qu'elle entre Fontenay et Nantes où
il y a vingt lieues. Il y en a quatorze d'ici à Beauvoir,
et autant d'ici à Talmont, et douze d'ici à Thouars :
la plus près c'est où il n'y en a que huict. Le
roy m'y a promis bon entretenement si la guerre con-
tineue : si elle vient contre ceulx de la relligion, on
m'en donnera assés ; mais, en cas d'ung edict de paix,
je desirerois, monsieur, estre mis au nombre de places
de seureté, pour estre dans le corps et avoir quelque
entretenement , tant pour faire tousjours faire quelque
petite fortification ou dedans ou dehors, que pour
subvenir aulx frais de la seureté de l'assemblée et des-
pense, n'y ayant de bourgade près; car M. de La
Tousche y a assemblé partie de son Eglise , et ceulx
qu'il y a de la relligion en Anjou et en Bretaigne, de
quattre à seize lieues, estans ici sur les marches com-
munes : et si j'estois, monsieur, asseuré de quelque
chose , je mettrois du mien pour faire encores faire ung^
esperon ou deux, avec grand nombre de journaliers,
avant la définition du faict de M. de Mercœur, qui
me donne occasion de travailler à ceste fin que chan-
gement arrivant, je feusse plus paré à faire résistance.
J'y ai trouvé MM. de Bouillon et de La Tremouille bien
disposés. Je sçais , monsieur , le pouvoir que vous y
avés, et particulièrement estant du nombre des six
qui doibvent faire la distribution des deniers que le roy
nous offre, s'il nous en laisse le pouvoir, qui me faict
26 LETTRE UE M. DE LA BOUCHERIE, etc.
implorer vostre faveur, estant resoleu d'employer et
la vie et la raison pour le parti auquel je suis né et
nourri ; je m'asseure que , oultre la place, qu'on ne trou-
vera les personnes de mon frère et de moi inutiles; et
voullant ne rien esperonner, il me semble qu'on doibt
pourvoir à nous, soubs l'espérance de l'advenir ; et non
nous reserver seulement qu'à la nécessité. Vous m'avés, /
monsieur, beaucoup rendeu de tesmoignages de l'hon-
neur de vostre amitié qui me faict bien espérer , et re-
cherclier toute ma vie les occasions d'effectuer vos
commandemens. La Boucherie.
Ce lo febvrier iSgS.
XIV. — ^ LETTRE DE M. DE BETHUNE
J M. Duplessis.
Monsieur , vous me trouvères tousjours disposé à
vous faire très humble service, et n'espargnerai jamais
ma vie ni chose qui en despende, pour vous en rendre
preuve suivant vostre désir. Nous nous sommes assem-
blés plusieurs de vos parens et amis, et avons pris ré-
solution sur ce que pensions nécessaire sur les difficultés
proposées par le sieur de Pierrefîte , laquelle ayant faict
entendre au roy, il a jugé à propos pour plusieurs rai-
sons, à la vérité fort considérables , d'en différer l'exécu-
tion jusques à ce que vous eussiés parlé à lui. Ores , pour
ce que la commodité s'y offre, en bref, nous avons es-
timé cedelai supportable, tantya quesa majesté estde-
liberee de vous donner subject de contentement. M. de
Pierrefite vous en discourra tout au long. Quant aulx
affaires generauL^:, nous partons dans qualtre jours avec
LETTRE DE M. DE BETHUNE,etc. 27
espérance d'ung bon succès en Bretaigne. Vous nous
verres aussi nécessiteux que jamais, car personne ne se
veult régler ni reliancher, la despense croist et les reve-
neus diminuent : nostre espoir est la paix, mais c'est
ung contract dont les parties ne sont pas encores d'ac-
cord , et au(juel , s'il y a quelques roses, il se trouvera
bien des espines, si Ton n'y marche fort prudemment.
Je remets ce discours et infinis aullres, dont j'ai bien
envie de vous en [retenir, a nostre première veue. Ce-
pendant aimés moi et me tenés en vos bonnes grâces.
Je vous baise et à madame Duplessis bien humblement
les mains. Je suis , monsieur, vostre très humble nepveu
et serviteur. Maximilien de Bethune.
De Paris, ce 10 febvrier i5ijS.
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XV. — -^LETTRE DE M. DUPLESSIS
u4 sa femme.
»
M'amie, je te renvoyé Estienne. Ce mauvais temps
me tient en perpétuelle allarme de ta santé, et me
tarde fort qu'il ne se mette au beau. J'ai considéré
î'advis qui vient d'Angers; j'y trouve de l'apparence.
Il y a de quoi ne se commettre pas aulx lieux où on
nous peult nuire ; car je ne double poinct que la mau-
vaise volonté n'y soit toute entière. J'y prendrai garde
de plus en plus, aidant Dieu. Je suis esbahi que nous
ne sçavons qu'est deveneu La trefve de mardi
le pourra aussi retenir, efla rupture du jeudi remis
en train. Je suis bien aise neantmoins que soit
reveneu. Je lui escris selon ton intention; c'est ung
rand heur du capitaine Caboz et de M. Lambert;
or
28 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
mais je désire fort sçavoir ce qu'aura faict Fontbarbau.
Il est certain que si je leur mande qu'ils s'ad-
dressent sur ce qu'ils demandent quelques hommes,
lequel s'y rendra selon que tu trouveras à propos, et
qu'on aura entendeu de duquel je suis en
quelque peine , parce qu'on me dict que ceulx qui
tourmentoient Doué allèrent passer Loire à Montjean,
sur la nouvelle de Dinan. A ce propos, je tiens le chas-
teau pour perdeu ; car les regimens qui vont en Nor-
mandie s'y achemineront promptement, et M. de Mer-
cœur n'osera laisser Nantes de Fougères. Celui qui
menoit l'entreprise m'avoit dict que c'estoit pour Pé-
tard, ou il fault que ce en soit ung aultre. J'ai redes-
pesché aujourd'hui exprès au roy, et ai escrit à nos
amis, nommeement à M. de Pierrefite. Nous eusmes hier
lettres de MM. de Courtaumer et de Gazes, qui atten-
doient au lendemain leur despesche , et l'espère assés
bonne. Cela estant , tout se portera bien. J'advance
avec Legoux tout ce que je puis , et prépare Taultre
partie sur , Je n'ai encores rien du Basque
neantmoins viendra à propos. Il me tardera infiniment
que je te voye, parce que je ne puis m'asseurer de ta
santé aultrement. Je te la recommande de tout mon
cœur; et sur ce, je t'embrasse, etc.
De Chastelleraiilt , ce lo febvrier i5gS , au malin.
Je me plains de nos filles , qui ne m'escrivent plus
de ta santé.
LETTRE DE CATHERINE DE NAVARRE, etc, 29
XVI. — -^ LETTRE
De Catherine de Nai^arre ( Madame) a M. Duplessis.
M. Duplessis, j'ai receu la lettre que vous m'avés
escrite par le sieur de Pierrefite, et vous dirai que j'ai
parlé au roy, mon seigneur et frère, de vostre affaire,
lequel m'a asseuré qu'il vous fera en icelui office de
bon maistre et de bon roy, dont je serai bien aise pour
vostre contentement, auquel je vous prye de croire
que j'apporterai tousjours tout ce qui me sera possi-
ble. Je vous veulx bien dire aussi que j'espère que
nous serons bientost par delà. Sa majesté est desjà
partie; et moi, encores bien que je sois indisposée
depuis quelque temps, si est ce que cela n'interrompra
mon voyage ; je serai bien aise de voir la rivière de
Loire, et de vous pouvoir tesmoigner que je suis,
M. Duplessis , vostre bien affectionnée amie ,
Catherine. •
De Paris , ce i o febvrier 1 598.
fc-**/^ V ■». ^^^'%/«/%'«,-^/%^w'^'^'v
XVIL — -V- LETTRE DE M. SERVIR,
Conseiller d' estât et advocat gênerai, a M. Duplessis.
Monsieur, j'ai appris de M. de Pierrefite les parti-
cularités de l'oultrage qui vous a esté faict, et non à
vous seulement, ains au roy et au public. Je trouvois
le faict estrange devant qu'avoir ouï ledict sieur de
Pierrefite; mais je le trouve aujourd'bui d'autant plus
barbare , qu'il est circonstancié d'une insigne ingrati-
3o LETTRE DE M. SËRVIN, etc.
tude. On disoit jadis tov ypdfyov (pi^ov sç«<r yîirovct é'I
HK I ^ii^. Mais au lieu de ce mot rapporté par le chan-
cellier de Charîemaigne, on peuit dire avec vérité, des
hommes de noslre siècle, qu'il n'y a liomme au monde
pire aidx François que le François mesmes. llzia-rov
KctKov evpetç entre les hommes, disoit ung poète grec.
Mais c'est le cipumv kchcmv en la France, ou, comme
Salvian disoit, que le Pfrsan genus erat sermonis non
criminis. Lingratitude et la violence sont sortes de
vertu et de valeur, et non de crime. Il seroit bcsoing
donner une action et peine extraordinaires contre Tune,
et observer la science des loix contre Taullre, pour la
vindicte publicque.il en seroit mieuîx à Testât, atten-
dant que la règle y soit remise. Je vous supplie croire
que ce qui touchera vostre faict je m'y porterai autant
que je pourrai, pour la vindicte puhlicque qui m'ap-
partient, en quoi vous p.urés aussi l'assistance de tous
bons juges, voyant cbacung offensé connue si Tinjure
lui avoit esté faicte. J'ai pryé M. de Rlieims, quand il
jugera que je pourrai vous servir, de me tenir adverti,
et que je ferai comme partie avec vous, dont, croyant
que vous avés ferme asseurauce, je vous tesmoignerai
que je suis, monsieur, vostre plus affectionné servi-
teur, Seryin.
A Paris, ce lo febvrier 1698.
XVIII. ~ ^ LETTRE DE M. DE TAMBONEAU
A M. Duplessis.
Monsieur, je ne vous ferai aulcung discours de ce
qui s'est passé par deçà en vostre affaire , me reinettanl
LETTRE DE M. TAMBONEAU, etc. 3r
à M. de Pierrefile, duquel le pouvés trop mieulx et plus
particulièrement entendre, pour l'avoir entièrement
negotié avec le soing, affection et diligence qui s'y
peult désirer. Je désire fort que lorsque le roy sera par
delà, tout se parachevé ta vostre contentement, et ai
entendeu dire à M. de Pierrefite que telle est l'intention
de sa majesté, comme plus amplement pourrcs en-
tendre de lui. Si en cela et toute aultre chose je vous
puis faire service, je vous supplie user de moi comme
de celui qui est tout à vous. Je pense que les députés
pour la conférence de la paix sont à présent ensemhle.
Dieu, par sa grâce, veuille le tout conduire au hien
et repos de la France !
De Paris, ce lofebvrier jSgS.
%,'^'^'««'^'^^^'%^»r^^.^'^'X/%'«.'«,^«%.'%.'X.«.'%.'X. W. ^ ■%.-%. "V %,'X^-». ■% ■^--« %.'%'^^/^^ *.^»'*^'X/^^^^.-* ^^'^^'^.'^^^
XIX. — ^ LETTRE DE M. DE MONTIGNY
A M. Duplessis.
MoNSiFUR, nous sçavons, par M. de Pierrefite, ce
qui-5e passe par deçà, et pliis particulièrement par les
députés qui font estât de partir après demain en poste
avec leurs responses. Les ambassadeurs de la royne
d'Angleterre et du Pays Bas n'ont encores passé, ayant
tousjours veu le vent contraire. Il semble que les pre-
miers ne demandoient que la paix, et ici on faict estât
de l'avoir quand on vouidra. MM. de Bellievre et de
Sdlery sont retournés; et croit on que l'entreveue se
fera à Vervins. Cependant Fennemi dresse une armée
pour le secours du duc de Mercœur, comme rappor-
tent ceulx qui viennent d'Espaigne, et en Luxembourg
se font de grands préparatifs pour ung siège. M. de
Nevers est vers ceste frontière, mais mal assisté de
32 LETTRE DE M. DE MONTIGNY, etc.
capitaines , de soldats et d'argent. MM. le connestable
et mareschal de Biron, qui ont la charge de Picardie,
sont encores ici; et faulte de payeur, tous les soldats
se débandent, mesrne ceulx qu'entretenoient les estats
des Pays Bas pour ne recevoir meilleur traictement
que les aultres. La guerre d'Italie est finie sans coup
ferir, le duc ayant esté trahi par ung evesque qu'il
avoit advancé et promis de ne mentionner l'excom-
munication du pape , lequel contre sa promesse épia
l'occasion de la mort d'ung chanoine , où, soubs couleur
de faire une harangue , publia ladicte excommunica-
tion au peuple; ce qu'ayant entendeu le duc, se retira
dans son cabinet, et accorda à telles conditions que
le pape voulleust, estant sorti de Ferrare et de tout
le duché avec ses meubles seulement , et est main-
tenant à Florence, ce qui a rendeu ledict pape si in-
solent et l'Italie si estonnee , que les princes et repu-
blicque ont envoyé vers lui congratuler de sa vic-
toire. Ses forces ne sont encores licenciées. On nous
advertit d'Allemaigne que le Turc faict ses préparatifs
pour le siège de Vienne , et que l'empereur ne se pré-
pare pas beaucoup pour se deffendre. Dieu veuille di-
vertir ce grand orage, et vous donner, monsieur, en
très heureuse prospérité , très longue vie !
Du lo febvrier 1698.
i,i'%/%%>%^'»."».'«
XX. — ^ LETTRE DE MADAME DUBOUCHET
^ madame Diiplessis.
Madame ma cousine, vous scaurés de M. Pierre-
fite l'assemblée qu'on a faicte et la resolution; mais.
LETTRE DE MADAME DUBOUCHET, etc. 33
pour vous en dire mon advis , je ne pense pas que
ce ne feust une extresme longueur, si la poursuite se
faisoil par le procureur gênerai , et pour plusieurs
raisons que je ne vous puis escrire; et, selon mon
petit jugement , j'en ferois supplier et importuner le
roy par ceulx de la relligion, de ceulx que cognoissés
qtfe le roy a les plus agréables, et toutesfois que ce
feust au nom de tous ceulx de la relligion joincts en-
semb'e , car c'est ung faict qui touche tout le corps.
Il a esté faict pour d aultres. Il me soubvient que , quand
M. de La Curée feut tué par ung meschant assassinat,
qu'on y procéda de ceste façon; et pleust à Dieu que
j'eusse autant de moyens de vous y servir, comme
j'en aurois de volonté! Je le vous ferois bien paroistre,
car je porte vostre affliction et celle de ,M. Duplessis
avec beaucoup de regret. Quant à vostre aultre affaire,
je ne vous puis encores rien mander, parce qu'il fault
voir toutes les dates; et, selon cela, on vous en don-
nera advis. Celui qu'avés envoyé est aile vers madame
de Yancelas , ma cousine , et pour yoir la date des
pièces qui servent à vostre faict.
Du lofebvrier i5g8i
XXI. —A^ LETTRE DE M. DE MOUDO?^
A M. Duplessis.
MoNSiFUK, je ne tiens pas à peu de gloire de vous
servir en une si sensible occasion , et bien^ qu'avec
vostre mérite mon maistre y soit du tout porté par
une juste inclination , je ne manquerai dé lui en donner
souvent mémoire , et de rendre à la vostre ce que
MÉM. DE DuTLESSIS-MoRJf AY. ToME VIII. 3
34 LETTRE DE M. DE MOUDON , etc.
je doibs d'honneur et de service , protestant , mon-
sieur, de ne périr non plus en ceste volonté, que je
désire de bon cœur d'y contribuer ma vie, et ce qui
despendra jamais, monsieur, de vostre, etc.
A Paris , ce i o febvrier i 698.
XXII. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
, A MM. de Bellie{>re et de Sillerj.
Messieurs, je vous ai adverti de la prise de Dinan
pour le service du roy, qui nous a esté depuis con-
firmée , mesme par lettres de M. de Mercœur qui en
demande raison, comme faicte contre la trefve; mais
nous n'avons encores advis de la rendition du chas-
teau , de laquelle toutesfois ceulx qui cognoissent la
place, et les moyens que M. de Mercœur a de la se-
courir, ne font aulcung doubte. Le roy partit hier
pour aller à Fontainebleau, où je me rendrai dans
deux jours , estant demeuré ici pour donner ordre à
mes affaires domestiques.
L'evesque d'Aversa a eu son audience, en laquelle il
a salué et pris congé de sa majesté tout ensemble , à
cause de l'esloingnement de sadicte majesté.
Il a justifié les armes de nostre sainct père le pape
contre Ferrare, et a prvé sa majesté d'y vonlloir as-
sister sadicte saincteté. Vous sçavés que nous avions
preveneu la demande par nostre offre a sa saincteté,
laquelle lui a esté en tout confirmée, combien que sa
majesté lui ait dict et faict voir que le besoing en estoit
tout à faict passé par la grâce de Dieu, et le bonheur
particulier de sadicte saincteté.
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. 35
Il a aussi parlé de la paix et amitié publicque, à quoi
sadicte majesté lui a dict qu'elle vous avoit envoyé ses
députés et ambassadeurs par delà pour cest effect ,
plus pourtant pour contenter sadicte saincteté, et
aussi M. le légat , que pour auicunne nécessité qu'elle
eust, grâces au bon Dieu, de ladicte paix, laquelle es-
tant à bonne fin entreprise par nostre dict sainct père
le pape, sadicte majesté esperoit neantmoins grande-
ment qu'elle se feroit , quoi advenant, son pontificat
seroit grandement bonoré et loué de trois plus glo-
rieux et recommandabies actes qu'aultres auroit esté
remarqué par ci devant, à sçavoir, la reconciliation
de la France avec le sainct siège, la rehabilitation de
sadicte majesté, le recouvrement du duché de Ferrare
à TEglise romaine et au sainct siège , sans avoir tiré
ung seul coup de canon , et la paix publicque de la
chrestienté, ce que sa majesté disoit debvoir estre at-
tribué à la grande pieté de sa saincteté et à sa pru-
dence et bonté, etc.
Si au retour dudict evesque sa majesté est encores
à Fontainebleau, il l'y verra, sinon je lui ferai trouver
ici sa despesche, pour après s'en aller de longue.
Au reste, nous n'avons aulcunes nouvelles des am-
bassadeurs d'Angleterre et Hollande; on en accuse les
vents, et je n'en veulx dire aultre chose.
M. le connestable ira demain à Fontainebleau, dont
il prendra congé du roy, qui dict assureement en voul-
loir partir lundi prochain sans fatdte, messieurs du
conseil prenant divers chemins; mais je suivrai sa ma-
jesté, afin de ne vous manquer poinct.
Si lesdicts ambassadeurs arrivent à Dieppe , devant
que sa majesté parte dudict Fontainebleau, et qu'elle
en soit advcrtie , elle les y pourra bien attendre , sinon
:>6 LETTRE DE M. DE VILLEROY, eic.
M. le connestable, assisté de M. de Maisse, aura charge
de les bien recevoir , et traicter avec eulx s'ils le veul-
lent faire.
Et, s'ils veullent voir sa majesté devant que traicter
et de negotier avec personne, ledict M. de Maisse les
nous amènera en quelque part que nous soyons. Je
fne recommande à vos bonnes grâces , etc.
Du lo febvrier i5^S.
XXIII. — -V- LETTRE
De MM. de Belliei^re et de Sillerj h M. de Fdleroy.
Monsieur , nous vous renvoyons ce lacquais , es-
pérant de faire pour aujourd'hui nostre despesche, que
nous vous envoyerons sans manquer par La Fontaine.
Les postes sont maintenant tournées jusques à Sois-
sons. Nous avions obmis d'accuser la réception de la
despesche qui feut baillée à l'homme de M. le légat,
qui ne se hasta pas de partir de Paris.
Nous baillasnies audict sieur le légat celle que sa
majesté lui escrit , dont il receut ung infini et grand
contentement.
Nous lui avons faict part de la bonne nouvelle de
la prise de la ville de Dinan; il se resjouit grandement
de toute la prospérité qui advient à sa majesté. Sur
ce, nous recommandons bien à vos bonnes grâces, et
demeurons, etc.
Du 10 febvrier 1598.
LETTRE AU ROT. 37
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XXIV. — -V- LETTRE
De MM. de Bellieç^re et de Silleiy au roy.
Sire, nous arrivasmes samedi dernier, -y de ce mois,
en ceste ville de Vervins, avec M. le légat; le lende-
main, les sieurs président Richardot et commandeur
Taxis, avec le père gênerai. Le jour suivant, estans
assemblés chés M. le légat, le lieu plus honorable pour
la séance après M. le nonce, qui se trouva en ceste
conférence , nous feut accordé. Le père gênerai des
cordeliers s'y trouva aussi. Nous communiquasmes de
pari et d'aultre nos pouvoirs; nous leur baillasmes
copie du nostre, signé de nous, et euîx semblablement
nous baillèrent la copie du leur , signée d'eulx et du.
secrétaire d'estat , qui est aussi nommé en leur pouvoir;
signé Albert, cardinal; et plus bas, Le Vasseur, scellé
en placard.
Nous avons reteneu l'original de ladicte copie, et en
envoyons un g double à vostre majesté. Nous avons aussi
veu l'original du pouvoir que le roy d'Espaigne a donné
audict sieur cardinal, qui est en bonne forme, signé
io elrey; et plus bas, dom Martin d'Idiaques, scellé
en placard. Ayant leu ces deux pouvoirs, qui semblent
estre en bonne forme, nous leur avons dict que vostre
majesté s'est tousjours déclarée de ne vouUoir traicter
que la royne d'Angleterre, sa bonne sœur, et ses con-
fédérés des provinces unies des Pays Bas ne soient
compris en la paix. Ils nous ont dict avoir aussi pou-
voir suffisant pour traicter avec ladicte dame royne et
provinces. Ayans leu les pouvoirs qu'ils nous ont com-
38 LETTRE
muniqués , qui sont dudict sieur cardinal seulement,
nous avons demande de voir le pouvoir qu'il avoit eu
dudict sieur roy, pour resouldre l'accord avec ladicte
dame royne et estats. Ils ont dict que la personne du-
dict sieur cardinal est assés auctorisee, qui oblige son
honneur et ses biens pour l'observation de ce que pour
ce regard aura este par eulx promis; et oultre ce, pro-
met, par le pouvoir qu'il leur a donné, de le faire rati-
fier, confirmer et approuver par sa majesté catholique.
Nousavons dict qu'il est à craindre que ladicte dame royne
d'Angleterre et estats ne veuUent entrer en ce traicté,
s'ils ne voyent l'original du pouvoir pour ce donné par le
roy catholique audict sieur cardinal ; et qu'au pouvoir
qu'il a envoyé pour traicter avec vostre majesté, il pou-
voit aussi adjouster le pouvoir de traicter avec lesdicts
confédérés. A quoi ils ont respondeu que la royne d'An-
gleterre ne s'est poinct faict entendre de voulloir traic-
ter avec sa majesté catholique. Que lorsque le pouvoir
de traicter avec vostre majesté feut signé par ledict
sieur roy , l'armée de mer de ladicte royne ravageoit
les costes d'Espaigne et isles de son obéissance ; qu'au
mois d'aoust qu'il signa ladicte patente , aulcung ne
lui parloit de comprendre en ceste paix ladicte royne
et estats; et que pour le regard de traicter avec vostre
majesté , qu'il en feut lors instamment requis par le
nonce du pape résidant près de lui. Remonstrans dere-
chef que la personne dudict sieur cardinal est tant auc-
torisee, qu'il ne fault pas craindre qu'il soit desadvoué
de chose qu'il ait promise; et pour oster tout doubte,
ledict sieur cardinal leur a donné charge de promettre
et asseurer que si ladicte dame royne et estats le dési-
rent, qu'il envoyera courrier exprès en Espaigne, et
obtiendra dudict sieur roy tel et si exprès pouvoir qu'ils
AU ROY. 39
sçauroient désirer, ce qu'ils ont dict le pouvoir faire
dans quinzaine, si vostre majesté leur permet de
faire passer par vostre royaulme le courrier que pour
cest effect il despeschera en Espaigne. Nous les priasmes
de nous voulloir bailler copie desdicts pouvoirs , afin
de les envoyer à vostre majesté, qui en vouldra tenir
advertis ladicte dame royne et estats. Ils nous ont pryé
les voulloir excuser s'ils ne nous en bailloient copie,
ne sçachans si ladicte dame et estats veullent entrer en
ce traicté; en quoi ils offrent de les recevoir très vol-
lontiers : mais ils ont trouvé bon que nous les lussions
et fissions extraict des clauses principales ci dessus in-
sérées. Ils nous ont aussi dict de sçavoir pour chose
bien certaine que ledict sieur cardinal a receu lettres
expresses dudict roy catholique, qui lui mande qu'il
trouve bon que ladicte dame et estats soient compris
en ce traicté de paix; et qu'il ne fault croire qu'ung
prince si sage et si advisé, comme est ledict sieur
cardinal, hazardast son honneur d'entrer en telles
promesses , s il n'avoit charge bien expresse de la
faire.
Nous remismes à leur faire response au lendemain.
Nous trou vans ensemble le join suivant, 10 de ce mois,
mondict sieur le légat nous demanda si , de part et
d'aultre, nous estions satisfaicts des pouvoirs que nous
îusmes hier; sur ce nous respondismes que pour le re-
gard du pouvoir donné aulxdicts sieurs ambassadeurs
d'Espaigne pour traicter avec les députés de vostre
majesté, que nous lui envoyerions la copie, voullans
espérer qu'elle en demeureroit satisfaicte; mais que
nous craignons que ladicte royne d'Angleterre et estats
feissent difficulté d'entrer en ce traicté, sans qu'il leur
apparust du pouvoir que le roy d'Espaigne eust donné
4o LETTRE
audict sieur cardinal de resouldre ceste paix avec eiilx;
ce qui a esté debatteu de part et d'aultre par les rai-
sons ci dessus conteneues. Comme nous insistions pour
satisfaire au commandement qu'il a pieu à vostre ma-
jesté sur ce nous donner, remonstrans qu'elle ne voul-
loit en chose que ce soit contrevenir a ce qu'elle a pro-
mis à ses confédérés, ils nous ont demandé si vostre
majesté est du tout resoleue de ne traicter avec le roy
d'Espaigne , si vos confédérés ne l'approuvent. Nous
avons respondeu que vostre nicnjesté ne recognoist pour
maistre que Dieu et la raison ; aussi qu'on ne debvoit
attendre d'elle qu'elle condescendist à chose qui feust
contre le debvoir et la raison. Ils nous ont demandé si
nous estimons que la royne d'Angleterre ne veuille la
paix. Nous avons dict que ladicte dame a escrit à vostre
majslé qu'elle la désire, pourveu que ce soit une paix
non feinte ni simulée.
Nous faisans semblable demande touchant les estats,
et s'ils ont faict entendre à vostre majesté qu'ils désirent
entrer en ce traicté de paix, nous avons dict que nous
estimons qu'ils se trouveront en bref près d'elle, oîi ils
pourront prendre resolution d'entrer en ce traicté. A
ce ils ont respondeu d'estre bien advertis qu'ils ne vien-
nent en France que pour inviter vostre majesté à con-
tinuer la guerre ; et à ces fins promettront de faire
convertir en or le Mont Cenis ; et sçavoir , qu'ils se
vantent d'avoir lettres de vostre majesté, qui leur pro-
met et asseure , quelque pourparler de paix qui se fasse ,
qu'il ne s'en conclura rien; ce que nous leur avons nié
fort expresseement , et pryé que si l'on met en avant
telles inventions, comme nous ne doubtons que les en-
nemis de la paix ne fassent bien souvent , quils ne
•veuillent adjouster foi , et qu'ils s'asseurent que la pa^
AU ROY. 4i
rôle de vostre majesté se trouvera tousjours ferme et
véritable.
Laissnns ces propos , ils nous ont demandé ce que
nous estimons debvoir estre faict pour parvenir à la
conclusion de ce traicté. Nous avons dict que vostre
majesté se. monstreroit désireuse du repos de la chres-
tienté , et fort raisonnable en ses demandes, qui sont
ce qui a esté occupé sur la France depuis le traicté du
Cbasteau en Cambresis, faict en Tan ïSSq, lui soit res-
titué, et que la royne d'Angleterre et les estats des Pro-
vinces Unies soient compris en cest accord. Sur cela,
par forme d'esbauclier Taffaire, plusieurs cboses ont esté
debatteues de part et d'aultre, dont la conclusion a esté
que , se resolvant vostre majesté à la conclusion de
ceste paix , ils ont charge et pouvoir dudict sieur car-
dinal de nous promettre et asseurer qu'icelui sieur car-
dinal , suivant le pouvoir qu'il en a eu du roy d'Espaigne,
de faire de bonne foi , et sans mettre l'affaire en lon-
gueur, remette entre les mains de vostre majesté les
villes de Calais, Ardres, Dourlans, Le Castelet, La Ca-
pelle, Montliulin, Blavet, et les aultres places que les
Espaignols tiennent en Bretaigne ou ailleurs , qui ont
esté occupées sur la France depuis ledict traicté. Sur ce
a esté dict que le jour suivant seroit parlé des moyens
qu'il fault tenir pour parvenir à ceste exécution, accor-
dans qu'elle se fasse en la sorte qu'il en feut usé lors-
que ledict traicté de Fan iSSg feut exécuté; et ne re-
fuseront d'accorder tous aultres meilleurs expediens qui
seront proposés pour faciliter l'exécution de ce qui est
promis à vostre majesté; ce que nous considérerons avec
tout le soing, diligence et fidélité que nous debvons h
vostre service.
Ce propos fini, ils nous ont demandé ung passeport
42 LETTRE
pour le député que M. de Mercœnr Youldra envoyer
en ceste assemblée. Nous avons dict ne le pouvoir faire,
et que vostre majesté ne le trouveroit bon. A ce ils ont
respondeu que ceulx des Provinces Unies sont subjects
du roy catholique leur maistre, comme peult estre le-
dict sieur de Mercœur de vostre majesté. Nous avons
dict que les Provinces Unies font un g estât formé et
puissant ; que M. de Mercœur est uno de vos lieutenans
generaulx, qui se trouve enfermé dans une ville qu'il
ne pourra garder que jusques à vostre arrivée en Bre-
taigne , et que nous estimons que , des à présent , il
aura resoleu son accord et reconciliation avec vostre
majesté. Ils nous ont requis de leur donner passeport
pour envoyer par devers ledict sieur de Mercœur. Nous
avons dict ne le pouvoir faire sans le commandement
de vostre majesté, à laquelle nous escririons ce qu'ils
nous demandent touchant ledict sieur de Mercœur.
Estans sortis de cest affaire , ils nous ont demandé
ung passeport pour l'ambassadeur de Savoye; ce qui
leur a esté accordé.
Ayans escrit jusques ici nous nous sommes derechef
assemblés chez M. le légat, cejourd'hui onziesme de
febvrier. M. Taxis a commencé par se plaindre de ce
que nous leur refusasmes hier le passeport qu'ils de-
mandent pour envoyer à M. de Mercœur, dont il a faict
grande instance.
Nous sommes demeurés fermes à la response que
leur fismes hier ; sur quoi il plaira à vostre majesté
nous commander son bon voulloir.
Le président Richardot nous a dict qu'ils sont ici
veneus pour conclure une bonne paix entre les deux
couronnes; qu'ils nous ont faict apparoir de leur pou-
voir, qui est suffisant; qu'ils ont aussi veu le nostre ,
AU ROY. 43
dont ils se contentent, paruuit a ce que l'on mette fin
au parachèvement d'ung si bon œuvre. INous pryent de
leur voulloir déclarer si nous nous voulions tenir à ce
dont il feut parle hier de renouveller la paix aulx
mesmes conditions qui sont conteneues au traicte de
Tan 1659; ^"^ ^^ ^^^^ P^^^ ^-^ avoient charge dasseu-
rer et promettre que le roy catholique s'en contentera;
qu'ils estoient prests de nous bailler signe de leurs
mains; que les places de Calais, Ardres, Monthulin et
Dourlans, Le Castelet, La CapeUe, Blavet, et toutes les
aultres places que les Kspaignols tiennent en Breiaigne,
seroient de bonne foi restituées à vostre majesté.
Que pour le semblable, suivant le pouvoir gênerai
que nous avions, que nous leur badiassions signe de nos
mains, qu'elle se contentera que !a paix se renouvelle
aulx conditions conteneues audict traicté.
Sur ce, nous avons parlé de deux choses suivant ce
que vostre majesté s'est déclarée à nous de son inten-
tion, comme aussi elle a faict. et par plusieurs fois, à
M. le légat et à M. le père gênerai; l'une que les villes
occupées sur la France depuis ledict traicte de 1 an
1559, lui soient restituées; Taultre, que la royne d'An-
gleterre et les provinces unies des Pays Ba^ soient com-
pris en cest accord; et qu'auparavant que de traicter,
elle voulloit qu'on lui feist apparoir du pouvoir sur ce
donné par le roy d'Espaigne au cardinal d'Autriche,
tant pour son regard que pour ce aussi qui concerne
ladicte royne et estats; que nous leur dismes hier ce en
quoi ladicte danie et estats se pourroient fonder pour
soubtenir que lesdicts pouvoirs sont défectueux; que
nous ferions le tout entend^^e à vostre majesté pour en
juger, et de nostre part apporterions de bonne foi tout
ce qui despendroit de nous pour faciliter ceste negotia-
44 LETTRE
tion. Ce propos a esté long , s'estant le président Ri-
chardot fort estendeu pour essayer de nous persuader
que debvions passer oultre , ou leur déclarer si vostre
majesté estoit resoleue de ne traicter poinct, si par
mesnie moyen ladicte dame royne et estats ne traic-
toient.
Sur quoi leur a esté respondeu encores plus expres-
seement que ne feut faict hier, et sommes demeurés en
nostre opinion ci dessus conteneue; et d'autant que ces
gens se déclarent d'estre entrés en souspçon que nous
cherchons de tenir cest affaire en longueur, nous sup-
plions très humblement vostre majesté, pour le bien de
son service, de nous commander sur ce son intention
au plustost que faire se pourra.
Ce propos achevé, a esté faict lecture dudict traicté
de paix de Fan iSSg, et avons^de part et d'aultre con-
sidéré les articles qui doibvenf demeurer ou estre clîan-
gés. Cela faict, nous sommes veneus à parler de la forme
que l'on doibt tenir, et du temps qui leur peult èstre
accordé pour restituer les places qu'ils promettent
rendre h vostre majesté. Nous leur avons dict qu'ils se
peuvent contenterd'ung mois; que vostre majesté entend
que l'on commence par Calais et Ardres; qu'ils baillent
ostages pour asseurance de l'exécution de leurs pro-
messes; que les forteresses ne soient aulcunement dé-
molies ni endommagées; que l'artillerie de France,
pouldre et boulets du calibre et tiltre de France n'en
soient transportés , ni aultres munitions de guerre ;
qu'ils pourvoient qu'il n'advienne longueur, soubs pré-
texte de soldats que l'on dict estre mutinés à Calais et
aultres places; car cela advenant, vostre majesté le
tiendra pour contravention à la paix.
A ce ils ont respondeu que, pour le regard du temps ,
AU ROY. 45
s'ils demandoient trois mois, comme feut accordé au
roy catholique par le traicté de Chasteau en Cambre-
sis, et que le terme commençast du jour que la paix
auroit esté jurée par vostre majesté, et le traicté publié
en vos parlemens , nous leur dismes que le feu roy
Henry II se contenta de deux mois pour toute la resti-
tution qu'il escheoit faire en Corse, Toscane, Piémont,
Savoye, Luxembourg et aultres lieux du costé de deçà.
Cela faict, estoit accordé ung mois au roy catholique,
qui arvoit donné ostages , et n'estoit teneu de restituer
que ledict Henry n'eust accompli sa promesse; et par-
tant, le terme d'ung mois nous semble eslre plufi que
raisonnable et suffisant; et quant à ce qu'ils demandent
que le terme commence seulement du jour que le traicté
aura esté juré par vostre majesté, et publié en vostre
parlement; que nous ne voulions aulcunement dépar-
tir de ce qui a esté ci devant faict et observé; et per-
sistons, pour ce regard , que la mesme clause, à sçavoir
du jour et date des présentes, que nous lisons au pré-
cèdent traicté, soit mise en cestui ci; à quoi ils se sont
condescendeus.
Mais, pour le regard du terme, ont persisté qu'il leur
seroit impossible de satisfaire à ladicte restitution en
moins de deux mois, qui estoit ce à quoi ils se peuvent
restraindre, alléguant qu'ils ont à faire avec des soldats
espaignols qui sont coustumiers de faire infinies inso-
lences quand Ton vient à compte avec eulx, renvoyent
par plusieurs fois les commissaires , les excédent sou-
vent, tellement qu'il leur fault du temps pour venir à
bout de ces gens là, et leur seroit impossible de satis-
faire à ceste promesse en moins de deux mois; ce que
nous n'avons pas accepté, et leur avons dict seulement
que le ferions entendre à vostre majesté.
46 ^ LETTRE
Quant à Bîavet , ils ont dict que la restitution s'en
pourroit faire en moins de trois mois, d'autant que
dom Jean d'Aquila, qui y commande, n'obéit pas au
cardinal d'Autriche; et que la coustume des capitaines
espaignols qui sont chargés de la garde d'une place,
est de ne la rendre poinct, s'ils n'ont le contre signal
du prince qui les a mis dans la place ; mais que ledict
sieur cardinal promettoit et se faisoit fort d'obtenir du
roy d'Espaigne tout ce qui seroit requis pour en effec-
tuer la restitution , dont vostre majesté demeureroit
contente; nostre response a esté que le roy d'Espaigne,
s'il a la volonté que ceste place soit restituée , le nous
peuît faire entendre et exécuter aussi aiseement dans
ung mois que dans trois , et que nous en advertirions
vostre majesté.
Quant à ce que nous demandons que la restitution
des places commence par Calais, ils ont dict d'en estre
bien contens.
Et quant aulx ostages que nous demandons, disent
aussi en estre contens, et que vostre majesté les choi-
sisse; sur ce que nous demandons que les forteresses ne
soient desmolies ni endommagées , ont dict qu'ils en sont
tous contens pour le regard de celles qui sont de deçà,
et que vostre majesté trouvera qu'ils ont faict une très
grande et notable despense à fortifier Calais, comme
aussi ils ont beaucoup despendeu à reparer les aultres
places de la Picardie.
Pour le regard de Blavet, ont dict que le roy d'Es-
paigne entend qu'il soit desmoli. Nous leur avons re-
monstré qu'audict traicté de i SSg, i' feut dict, touchant
les restitutions des places aulxqueiles s'obligèrent les
deux roys, qu'il ne seroit loisible de les desmolir ni
endommager; que le fondement de ce traicte est de
AU ROY. 4-7
suivre le précèdent; à quoi il sera contreveneu, si Ton
procède à la desmolition de Blavet.
Leur response a esté que les deux roys rendroient
l'ung à Taultre les places qu'ils avoient prises par guerre,
et qui avoient esté possédées par celui auquel on les
restituoit, n'ayant semblé raisonnable de les rendre
endommagées; mais quant à Blavet, que l'on rend la
place telle que l'on l'a trouvée; et quelque pryere et
instance que leur ayons faict de consentir à ceste de-
mande, ils ont persisté à leur première response, di-
sant qu'ils ne peuvent faire aultrement.
Quant a l'artillerie de France, pouldre et boulets du
tiltre et calibre de France, disent que c'est chose qu'on
n'a point accoustumé de faire; qu'au traicté précèdent,
auquel ils se réfèrent, il en feut usé aultrement. Que
l'artillerie, pouldre , boulets et aultres munitions sont
meubles qui leur appartiennent, comme appartient au
soldat qui en sort l'argent qu'il se trouve avoir en sa
bourse ; et n'ont voulleu accorder ceste demande ,
quelque instance que nous en ayons faicte.
Quant aulx soldats mutinés , et que nous demandons
qu'ils pourvoyent qu'à ceste occasion il n'advienne
longueur au faict de ceste exécution , ont dict qu'ils y
donneroient bon ordre, qu'ils ont l'argent qu'il fault
pour les payer, estimans qu'avec quarante mille escus
qu'ils en viendront bien à bout.
C'est, sire, ce que nous avons peu cejourd'hui traic-
ter et ad viser avec lesdicts ambassadeurs, en présence
de M. le légat.
Il y a quelques aultres poincts, comme est d'adviser
que, concluant ce traicté, ne soit faict préjudice aulx
justes prétentions de vostre majesté sur ce qui a esté
occupé de son royaulme de Navarre^ de parler de la
4B LETTRE
ville de Cambray, et aultrcs articles conteneus en nostre
instruction ; il sera plus à propos cFen parler à la con-
clusion du traicté. De tout ce que dessus, sire, il n'a
rien esté pris par escrit de part ni d'aultre, encores
qu'ils nous ayent offert de le faire; mais, jugeans de
la volonté de vostre majesté par le conteneu en l'in-
struction qu'il lui a pieu de nous bailler, craignans que
la royne d'Angleterre ne prétende quelque défectuosité
au pouvoir que ledict cardinal d'Antricbe a baillé pour
traicter avec elle, nous avons estimé que ne debvions
procéder à signer aulcung accord que n'eussions sur
ce receu vostre bon commandement, dont les ambas-
sadeurs d'Espaigne font une plaincte infinie , comme
a esté dict ci dessus ; mais nous avons rejette la faulte
sur eulx ; et neantmoins , sire , l'affection et fidélité que
nous debvons à vostre majesté et à votre service nous
commande de lui dire Testât auquel se trouve ceste
negotiation , les personnes aulxquelles on a affaire,
considerans combien il est important d'user de l'occa-
sion qui ne demeure pas long temps en une place, et
fort souvent une heure seule juge du succès des af-
faires, soit en bien soit en mal; que nous estimons, à
quoi qu'il plaise à vostre majesté se resouldre , que
son service est que cest affaire ne soit point teneu en
longueur; la royne d'Angleterre et les estats des pro-
vinces unies des Pays Bas ont des long temps pensé à
quoi ils se veullent resouldre, et ne changeront pas
l'advis qu'ils ont pris, si quelque grand et fort accident
ne les fc.ict tout d'ung coup changer.
Quant est des estats estans de retour en nos logis ^
le sieur Verreyken , secrétaire d'estat des Pays Bas, et
i'ung des députés dudict cardinal en ceste negotiation ,
nous a monstre ung pouvoir particulier du roy d'Es-
AU ROY. 49
paigne , addressé audict cardinal pour traicter avec
lesdicts estais.
Quant est de la royne d'Angleterre, nous n'estimons
pas qu'ils en ayent aultre pouvoir que ce dont nous
avons escrit ci dessus ; ils se font forts de l'obtenir aussi-
tost qu'il aura esté demandé, et pour cest effect ledict
Verreyken nous a requis de supplier vostre majesté de
commander qu'il nous soit envoyé ung sien passeport
pour le courrier, que, pour ce subject, et à ceste occa-
sion, ils veullent envoyer et despescher au plus tost
en Espaigne ; vostre majesté verra et considérera, s'il
lui plaist, s'il est bon et à propos d'envoyer présente-
ment le susdict passeport, ou bien de différer jusques
à ce que la royne d'Angleterre se soit bien ouverte-
ment déclarée si elle se contente du pouvoir tel qu'il
est ci dessus escrit et représenté; sur quoi, sire, nous
supplions de tout nostre cœur le Créateur vous conser-
ver et garder, etc.
Du II febvrier iSgS.
XXV. —LETTRE
De M. l'archeuesque de Rheims a M. Duplessis.
Mon nepveu , vous entendrés bien particulièrement
de M. de Pierrefite ce qui s'est peu faire en la charge
que vous lui aviés donnée par deçà, et la resolution de
l'assemblée qui y a esté faicte selon vostre intention. Je
vous supplie croire qu'en ce qui despendra de moi, je
m'y employerai tousjours de la mesme affection que
peult faire ung père pour son enfant. Si j'estois de la
profession de vous présenter une espee , je le ferois
MÉ.M. DE DuPLESriIS-MoRNAY. ToME VUE. 4
5o LETTRE DE L'ARCHEVESQUE DE RHEIMS, etc.
aussi promptement qu'en l'aage de vingt ans. Vous
pouvës disposer de moi et de tout ce qui est en ma
puissance, qui sera tousjours du tout voué à ce qui
sera à vostre contentement, selon l'obligation que j'ai
de vous servir et aimer comme moi mesmes. L'espé-
rance que j'ai d'estre bientost à Angers, partant d'ici
samedi pour m'}^ acheminer, et par ce moyen d'avoir
cest lieur de vous voir, ensemble la suffisance de ce
porteur, faict que je ne vous en dirai dadvantage, re-
mettant le tout à nostre première veue , me contentant
de baiser humblement les mains de vous et de ma
nièce, et pryer Dieu, mon nepveu, vous donner très
bonne et longue vie. Vostre humble et meilleur oncle
à vous faire service,
Philippe du Bec , archevesque duc de Piheims.
De Paris, ce ii febvrier lôgS.
XXVL — ^ LETTRE DE M. DUMAURIER
^ M. Duplessis.
Monsieur, ce seroit présomption à moi de voulloir
vous escrire une longue lettre par M. de Pierrefîte. Il
sçait tellement Testât des affoires et du gênerai et de
vostre particulier, pour lequel il estoit veneu, qu'il
seroit et mal séant et superflu d'en parler avec lui ni
après lui. Je me suis chargé des lettres à MM. Marion
et Arnaud, que je leur rendrai. J'ai parlé à cestui ci de
ceste généalogie d'Estouteville. Il Fa faict escrire par
ce Portugais, curieux de telles choses. Il ne tiendra à
de l'argent que vous ne l'ayés, si elle se peult rencon-
trer, et je n'y obmettrai rien, ni à quelconque chose
LETTRE DE M. DUMAURIER, etc. 5l
qui m'apparoisse estre de vostre désir et service. Le
vent contraire, qui empesche le passage des ambassa-
deurs, retient le partement du roy pour quelques jours
à Fontainebleau. Je m'y en vais faire ung tour, pour
apprendre de plus près le temps du partement de sa
majesté . afin d'en advertir monseigneur de Bouillon.
3'estime que MÎM. de Courtaumer et de Gazes s'y en
vont , et qu'ils seront redespeschés de là.
A Paris , ce 1 1 febvrier lôgS.
XXVII. — ^ LETTRE DE M. DUMAURIER
A madame Duplessis.
Madame , il me messieroit de vous faire long dis-
cours par M. de Pierrefite. Il sçait mieulx les affaires du
gênerai et de vostre particulier qu'une lettre ne le
sçauroit dire. Il semble que le roy y veuille mettre la
main lui mesmes; Dieu le veuille confirmer en ceste
volonté. Je vois qu'il entre en quelque considération
de la personne de M. de Brissac en la province, encores
qu'il ne l'exprime pas. Peult estre ne sera ce que jus-
ques à son entière réduction. Le vent contraire, qui
retient les ambassadeurs d'Angleterre et du Pays Bas,
arreste le partement du roy encores pour quelques
jours. Mais je tombe en la faulte que du commencement
je voulois éviter.
De Paris, ce ii febvrier iSgS,
5^ LETTRE DE M. DE MOUY, cic.
XXVIII. —-^LETTRE DE M. DE MOUY
A madame Duplessis,
Madoie ma cousine, j'escris à M. mon cousin vostre
mari , ce qu'il me semble de ses affaires. Je vouldrois
qu'il m'eust cousté chose extresme , et le pouvoir sou-
lager ou servir. Faulte d'argent me retient que je ne
vous aille voir. Le roy me traicte ici assés bien. Tou-
tesfois si me trouvés utile , donnés m'en advis ; car je
quitterois tout pour y aller. Quant à mes amours, j'en
suis en quelque bon train , pourveu que le roy me feist
quelque bien; mais il me tient naturellement, je ne
sais pourquoi , si n'est que lui ai trop faict de service.
Ores, si je manque à me marier maintenant , me fault
plus à mon advis que jamais faire aultre desseing ; car
l'on me mettra à la Conciergerie pour mes debtes, tant
mes créanciers m'accablent. Voilà où j'en suis reduict;
quoiqu'il faict , tenés moi en vos bonnes grâces.
A Paris , ce 1 1 febvrier 1698.
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XXIX. —^LETTRE
De M. Potier de Blancmesnil a M. Duplessis.
Monsieur , suivant ce que vous m'avés escrit, nous
nous sommes assemblés. On a pris la resolution con-
forme au premier advis que j'avois donné des le com-
mencement à M. Dumaurier, et que j'avois mesmes
ouvert à M. de Rhosny. Je vouldrois que ceste voye
eust esté suivie des l'heure que l'accident advint ; car
LETTRE DE M. POTIER DE BLANCMESNIL, etc 53
l'affaire eust esté plus advancee qu'elle n'est. L'on m'a
dict que l'on a faict ouverture au roy de quelques ex-
pediens ; Dieu veuille que le tout tourne à vostre con-
tentement. De ma part j'y apporterai de bon cœur
tout ce qui me sera possible pour vous y servir avec
autant d'affection que je me recommande biçn humble-
ment à vos bonnes grâces.
De Paris , ce 1 1 febvrier i5gS.
XXX. — ^ LETTRE
De M. Potier de Blancmesnil à madame Diiplessis.
Madame, depuis avoir receu vostre lettre, je me
suis trouvé en l'assemblée qui s'est faicte pour l'affaire
dont vous m'avés escrit. Le gentilhomme, présent por-
teur, vous dira ce qui s'y est passé, et la resolution
qui a esté prise , conforuie à l'ouverture que j'en avois
faicte, des le commencement, à M. de Rhosny et à
M. Dumaurier. Si ceste voye eust esté prise des le com-
mencement, j'estime qu'elle vous eust esté plus ad-
vantageuse. Je crains que la longueur et les divers ex-
pediens dont on fera ouverture , n'affoiblissent ou ne
diminuent les moyens d'en avoir la raison telle que
l'atrocité du faict le requiert. Sur la resolution der-
nière qui s'en pendra par deçà , si en l'exécution il se
présente chose où je vous puisse servir, je vous sup-
plie de croire que j'y apporterai de bon cœur tout
ce qui sera en ma puissance et avec autant d'affection
que vous le scauriés désirer, et me recommande bien
humblement ?i vos bonnes grâces.
De Paris , ce t i febvrier i 698-
54 LETTRE DE M. DE MOUY
XXXL — ^ LETTRE DE M. DE MOUY
A M. Duplessis.
Monsieur mon cousin , sa majesté ne me donnant
nul moyen , la nécessité me retient desjà et m'empesche
vous aller trouver ainsi que je le désire, pour vous
servir de ma personne et de mon advis, puisque me
faictes l'honneur de le demander. Je me suis offert à
M. de Pierrefite d'assister en l'assemblée de ceulx qu'a-
vés choisis en ceste ville pour vous donner conseil, et
toutesfois afin que, sur la considération du nom que
je porte , nul de ceste compaignie ne feust reteneu de
la liberté que chacung doibt avoir en tel cas, j'ai pryé
ledict sieur de Pierrefite , sçavoir d'eulx s'ils auroient
ma personne agreîible; à quoi me feut respondeu qu'il
leur sembloit à propos que j'en feusse absent, mais
bien que parlant au roy, seroit bon que je leur assis-
tasse, chose à quoi me suis offert tousjours. Cependant
ils se sont présentés pour parler, pour les raisons
que M. de Pierrefite vous dira. C'est pourquoi ne pou-
vant rien plus maintenant pour vostre service que de
mon advis, je dis qu'il me semble qu'en cest affaire,
je rencontre l'interest de deux différentes personnes,
sçavoir, du roy qui y est offensé, et de vous qui estes
extresmement oultragé. Si le roy se véult satisfaire par
sa justice ou ses armes, vous serés suffisamment con-
tenté; sinon, me .semble que c'est l'usage qu'en tout
négoce , l'on suit la forme dont l'affaire est com-
mencé en la mesme forme dont qu'avés receu l'oul-
trage; que ceste mesme forme, dis je, vous en cher-
eberés satisfaction. Vous voyés €omme je parle contre
A M. DUPLESSIS. v 55
le chef de mon nom et de mes armes. Je le fais sans
crainte, ne voullant rien retenir ou garder derrière
nioy, en ce qu'il y aura de vostre interest. Je vous suis
obligé, et porterai mon espee là où il vous plaira. Je
vous supplie donc très humblement me conserver
vostre fraternelle amitié, et croire que de ma part elle
sera inviolable; et, pour retourner à nostre affairé, ung
inconvénient manifeste s'y recognoist : c'est qu'estonné
de la justice ou puissance du roy et sa partie , qu'il
s'esloigne du royauîme, et que le temps, par risque
des armes, maladie ou aultre inconvénient, ne l'oste
du monde, chose à quoi je ne puis faire de solution.
Si vous croyés que je vous sois utile en quelque chose,
en estant adverti , je ne fauldrai à vous aller trouver,
et vendrois plustost mon bien que d'y manquer. Obli-
gés moi donc de vos bonnes grâces , et croyés que
toute ma vie serés, monsieur mon cousin, vostre très
humble et pUis affectionné cousin. De Mouy.
Du 12 febvrier i5g8.
XXXIL — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M' AMIE , j'ai esté fort aise d'entendre de tes nou-
velles mesmes par nostre fils, qui m'a asseuré que tu
estois mieulx, et ai esté d'advis qu'il s'en retournast
pour les raisons qu'il te dira, lui déclarant neantmoins
que je ne prends poinct de plaisir qu'il fasse telles
allées et veneues que bien accompaigné. Je te dirai
amplement mon advis sur le faict des Barres, de
C'est, en somme, qu'il nous fault bailler
ung honneste homme à Barres , qui voje par son
o6 LETTRE DE M. DUPLÈSSïS
moyen sa maison , et par ce moyen , pour l'entre-
prise on se pourra passer de son escalade , si on s'ap-
perçoit qu'il ne procède bien et pour batterie; en
sera instruict neantmoins, l'entretenant tousjours en
ses propositions, comme si on s'en entendoit du tout
à lui de parler de tout en ung temps, je
n'y vois aulcune apparence, mais bien de commen-
cer par le dernier, pour essayer en icelui les artifices,
afin de les employer plus seurement au premier, sans
craindre que, pour ung- premier effect, ils se feussent
rendeus si descouverts qu'ils en feussent deveneus inu-
tiles, et j'en ai dict d'aullres raisons au porteur, qui
seroient trop longues. Cependant ai esté d'advis, avant
que La?igevin partist, qu'il contractast avec lui, et lui
en ai donné le moyen et les conditions , afin qu'à
faulte de cela il n'allast pas recourir a quelque aultre,
n'estant ce qu'il propose ni du tout à approuver ni
aussi à négliger, mesme quand on en peult voir la
preuve dans peu de jours. Quant au rapport du capi-
taine Foubarban, il me l'a faict tel que je trouve la cbose
très difficile, et qu'il nous convie à tenter d'aultres
expediens. Je viens à nostre affaire avec Sainct Pliai.
J'ai leu les deux lettres de M. de Pierrefîte , et t'en en-
voyé une que j'ai receue ce soir : jusques là bien, et
certes il me semble qu'il n'y oublie rien; mais il me
tarde que je ne sçacbe la response du roy sur la re-
queste verbale et les deux poincts qu'elle contient , car
je n'ignore pas les foiblesses d'aulcungs, mesmes de nos
amis. Mais l'ung moyen ne doibt cesser pour l'aultre.
J'ai envoyé au dict sieur de Pierrefite des advertisse-
mens que j'ai eu des desseings qu'on a sur nos vies;
lai aussi adverti des mauvaises pratiques de Sancy
et les vioîens propos de Espernon. Nostre fils te dira
A MADAME DUPLESSIS. 67
afin que le roi les sceust, ainsi que sur ce subject il se
disposas! à trouver bon tout ce que je pourrai entre-
prendre , et y despesche encores demain à ceste fin.
J'approuve fort ce que tu as faict des tesmoings et n'en
cognois poinct d'aultres. Il fault continuer à voir le
reste , ceulx qu'on pourra , afin qu'ils se disposent à
dire vérité. J'en communiquerai avec MM. les presi-
dens ; mais il me semble qu'ils seront mieulx ouïs à
Tours qu'à Angers. Le lieutenant gênerai y est fort
homme de bien, et s'est offert a moi. Je ne vois poinct
encores le partement du roy si près, au moins pour
s'esloinaner de Fontainebleau : tout le monde ira et
donnera prou de loisir. A M. de Pierrefite je ne puis
aussi respondre. J'irai jusqu'à ce que MM. de Cour-
taumer et de Gazes soient veneus, lesquels nous pen-
sons en chemin, parce que le messager qui est veneu
cejourd'hui ne nous apporte rien, sinon une lettre de
M. du Fresne Canaye , qui dict qu'ils disputèrent ver-
tueusement leur despesche avec M. Forget. Alors je
me resouldrai sur le poinct que tu desires, si je pas-
serai à ou non, dont certes il me seroit mal
aisé de me passer; mais nous y trouverons, aidant
Dieu, nostre seureté. D'ailleurs, quant au voyage de
Bretaigne , je persiste à ne le faire poinct que je n'y
voye bien clair, et pour ma satisfaction et pour ma
seureté , et en tout cas trouve bon de retenir près de
moi le capitaine Baudouin, Lourin et quelques aultres
gens de bien. J'en ai parlé au capitaine Baudouin , con-
formeement à ton désir. Jen'avois poinct escrit à M. de
Bournay, ni au sieur de La Yignolle, reservant à les
voir comme plus familiers. Quant au voyage que
veult faire avec moi , je m'en desmeslerai. Je
t'envoye la saulve garde requise par M. de La Fresnaye.
I
58 LETTRE DE M. DUPLESSIS
J'escris aussi à M. Pena, selon tes intentions. Il est cer-
tain que ne te dict pas peu de choses selon tes
précédentes, et qu'il y aura bien à louer Dieu. Le
Basque est arrivé ceste après disnee ; il se reposera deux
jours, et puis je te le despescherai. Cependant je t'en-
voye copie des lettres des sieurs Charron et Bellair.
Celui ci en escrit encores plus fermement et asseuree-
ment à M. de Calignon, duquel j'ai faict voir les lettres
h nostre fils. A celui là je redespescherai , et n'y ou-
blierai rien , ni pour le faict de Brusard , ni pour haster
les compositions. M. Dupont aussi m'asseure fort nos
estats de l'année passée et de celle ci, qui est tout ce
que tu auras pour le coup , sauf ce que j'en ai dict
plus au long à nostre fils. Et sur ce, m'amie , je t'em-
brasse, etc.
De Chastellerault , ce i 2 febvrier 1 698.
XXXIIL — -V- LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ M. de Pierrefite,
Monsieur , ^e vous ai escrit par M. Hesperien , qui
vous aura aussi dict de nos nouvelles ; et toutesfois je
n'ose croire que vous soyés encores à Paris. Mon homme
est tousjours à Beaupreau, qui y vit en grand sousp-
çon , et par conséquent avec bonne garde , et verres ,
par les advis que j'en ai de bon lieu, ce qu'il entre-
prend contre moi. Il importe que le roy l'entende. Je
sçais qu'il se faict des brigues à la court, entre autres
M. de Faujas, passant hier ici , dict à ung de mes
amis que M. de Cavoy s'en mesle fort avant, jusques
à l'avoir voulieu practiquer contre nioij mais il n'a
A M. DE PIERREFITE. Sg
laissé pour cela de m'ofTrir son espee et de ses amis.
Je serai bien aise que par uA\e voye que sçauiés
niieulx choisir, le roy le sçache, et juge de quel esprit
cela vient. J'ai esté adverti aussi que M. d'Espernon
avoit dict à personne d'honneur que Sainct Phal , en
ce qu'il avoit faict contre moi, l'avoit preveneu , et
fault que je vous die que, depuis que vous estes parti,
je n'ai que semblables advis de toutes parts, qui n'est
pas m'acheminer à ce que M. de Schomberg me pro-
posoit. Mes amis voyans ces mauvais desseings accu-
mulés sur ce premier, me conseillent de l'assiéger et
m'en ouvrent et offrent les moyens. J'en suspends la
resolution jusqu'à ce que j'aye de vos nouvelles, et
suis tout en esmoi d'avoir ung seul mot du roy, sans
aultre advis qu'il ne le trouvoit poinct mauvais. Je
vous propose tout cela pour en mieulx juger sur les
lieux; et vous prye que j'aye de vos nouvelles, ce que
je n'ai encores eu. Nous attendons MM. de Courtaumer
et de Cazes , desquels le retour avec contentement
portera ung grand coupa ceste negotiation. Sur ce , etc.
Du 1*2 febvrier iSgS.
XXXIV. -~ ^ LETTRE DE M. DE SCHOMBERG
^ M. Duplessis,
MoNSiKUR , M. de Pierrefîte vous représentera l'at-
tention que le roy et M. le connestable portent à vostre
justice et contentement, dont, je m'asseure, vous ver-
res les effets. Ayés seulement la patience que sa ma-
jesté soit par delà; elle faict estât d'arriver à Angers
le 26. Le retardement de la veneue des ambassadeurs
6o LETTRE DE M. DE SCHOIVTBERG, etc.
d'Angleterre et du Pays Bas est cause de nos longueurs.
Sa majesté faict neantmoins estât de partir mardi de
Fontainebleau. Vous aurés plus amples nouvelles de moi
avant la réception de la présente, par une despesche
que je fais à MM. les presidens de Thou et de Calignon.
De Paris, ce 12 febvier iSgS.
XXXV. — ^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj a M. de Villeroj.
Monsieur , nous faisons au roy une si ample des-
pesche, que n'avons jugé à propos de vous ennuyer
d une double lecture ; nous avons ici advancé le ser-
vice de sa majesté au mieulx qu'il nous a esté pos-
sible, ce que nous pouvons adjouster à la lettre que
nous escrivons au roy, et que nous vous pryons, aulx
occasions qui se présenteront, de faire entendre a sa ma-
jesté , que, parce que nous comprenons, cest affaire
empirera plustost qu'il n'amendera par la longueur.
Nous avons affaire avec gens fort chatouilleux et sousp-
çonneux, comme nous avons recogneu , lorsque nous
avons refusé de signer la confirmation du traicté pré-
cèdent. S'ils entrent en défiance de nos volontés , ils
trouveront peult estre avec qui traicter, car croyés
que Calais est fort envié; et ceste princesse a en main
de quoi leur faire venir l'envie de le lui rendre.
Quant aulx estats , le père gênerai nous a dict
qu'estant à Bruxelles, il sceut qu'ung desdicts estats
envoyé soubs main au président Richardot , pour en-
tendre de lui comme le cardinal se voulloit comporter
en leur endroict, dict audict Richardot que iedict car-
LETTRE, etc. 6i
(îinal ne faisoit pas bien de commencer à traicter avec
le roy de France; que quand ils lui auroicnt restitué
les places qu'ils ont prises sur lui, il se mocqueroit
d'eulx, et ne se soucieroit d'observer le traicté ; qu'ils
feroient mieulx, sans s'affoiblir par la rendition des-
dictes places, de commencer par eulx à traicter; nous
nous remettons à ce qui en est. Le roy, par Tinstruc-
tion, nous lie à quelques articles qui ne doibvent estre
cause de rompre ung traicté si important.
Nous escrivons au roy les responses qui nous ont
esté faictes par ces ambassadeurs sur le faict de la res-
titution des places. Nous n'estimons pas que nous puis-
sions gaigner beaucoup dadvantage ; nous ne laissons
de faire tout effort pour abréger le temps de la res-
titution , et M. le légat mesmes s'y employé avec
beaucoup d'affection. Il est besoing que ceulx qui ne-
gotient ayent ung peu la bride lasche aulx choses
moindres, afin de pouvoir venir à bout des grandes;
il vous plaira le considérer, et par la response que
vous ferés que nostre pouvoir soit ung peu plus ample,
sur ce que vous voyés avoir esté traicté par nous, que
ne porte l'instruction. Nous ne serons pas prodigues
du bien du roy , et ce que nous en escrivons est pour
la crainte que nous avons que le peu fasse perdre
le plus.
L'ambassadeur de Savoye n'est pas encores ici. Le
mieulx que l'on sçauroit faire seroit de revenir au
traicté de l'an iSSq.
Mais ceste demande que nous faisons de Savillan ,
comme place du marquisat, M. de Savoye la bailla au
roy Charles IX, quand Thurin , Quiers, et aultres
places lui feurent remises : le feu roy la lui a voulleu
rendre , non comme place du marquisat , mais comme
62 LETTRE
estant du pays de M. de Savoye; je m'enquis, partant
de Paris avec le procureur gênerai au parlement de
Grenoble , s'il estimoit que Savillan feust du mar-
quisat , il me dict que non ; ceste demande seroit trop
mal receue , et semble qu'elle se feroit seulement pour
perpétuer la guerre au delà ; enfin nous ferons ce
que le roy commande , et remonstrerons ce qu'estimons
estre de son service.
Quant à ceste negotiation , il en fault sortir avec
honneur; mais si nous nous arrestons aulx conseils de la
royne d'Angleterre et estats , nous aurons dix ans de
guerre, et jamais de paix; si vous vous attendes qu'ils
fassent nos affaires , vous vous trouvères fort trompés:
sans l'empescliement qui vient de ce qu'ils n'ont ici
envoyé , ceste negotiation seroit achevée en huict
jours; et, si nous ne serrons ce marché, nous craignons
que nous ne puissions y revenir. Nous désirerions , en
ceste negotiation , d'avoir eu moyen de servir plus
utilement le roy , nostre bon maistre , qui nous per-
mettra , s'il lui plaist , de lui dire que depuis cinq cens
ans en çà n'a esté faict traicté de paix plus à l'honneur et
advanlage de la France, qu'est celui qu'ung si puis-
sant prince et si grand ennemi offre maintenant de
conclure et resouldre avec nostre roy. Si le roy juge
que Taffaire de la royne d'Angleterre et estats ne peult
estre sitost fini , et qu'il est nécessaire que cest af-
faire tire en longueur , sa majesté sera servie comme
elle commandera ; mais soubs sa bonne correction le
bien rie son service requiert que l'on ne tienne en
longueur la conclusion de ce qui le concerne; ce qui
se tiendra secret tant que faire se pourra.
Quant est d'obtenir une trefve de six mois ou ung
an , durant lequel temps la royne d'Angleterre et es-
A M. DE VILLEROY. 63
tats se déclareront , s'ils y veullent entrer ou non ,
encores que nous n'en ayons parlé, je tiens la chose
pour faicte,'si elle sera demandée.
Nous venons de recevoir vostre despesche du lo,
dont nous vous remercions ; il sera besoing, s'il vous
plaist, de faire donner de Targent aulx postes de la
traverse, pour leur donner courage de continuer.
Nous vous envoyons ung article d'une lettre que
M. le légat a receue de Rome, par laquelle vous verres
comme les offres que le roy a faictes au pape ont esté
bien receues, etc.
Monsieur, nous nous recommandons, etc.
Du 12 febvrier lôgB.
XXXVI. — ^ POUVOIR
Des sieurs président Richardot^ Taxis et Ferrejken.
Albert, cardinal par la grâce de Dieu, archiduc
d'Autriche, etc. , lieutenant gouverneur et capitaine gê-
nerai des pays par deçà et de Bourgoigne; à tous ceulx
qui ces présentes verront , salut. Comme il soit qu'ayant
par nostre sainct père le pape Clément VIII, esté faicl
grande instance vers très hault , très excellent et très
puissant prince, le roy mon seigneur, afin de voulloir
entrer en traicté de paix avec aussi très hault, très
excellent et très puissant prince le roy très chrestien,
Henry IV^ de ce nom, sa majesté, comme prince ca-
tholique, désireux d'icelle , et du repos de toute la
republique chrestienne, nous ait envoyé ample pou-
voir en langue castillanne à cest effect, dont la teneur
s'ensuit de mot à aultre.
64 POUVOIR
« Don Plielipe, por la gracia de Dios, rey de Cas-
tilia , de Léon , de Aragon , de las dos Sicilias, de Hieru-
zalem, de Portugal de Navarra, y de las Indeas, etc.;
archiduque de Austria, duque de Borgonna, de Bra-
bante y de Milan ; conde de Habspurg, de Flandres
y de Tyrol , etc. ; por quanto adviendose movido pra-
ticas de paz por su sanctitad , como padre comun de
la Christiandad, conforme al sancto zelo que siempre
hatenido y tiene entre mi y el rey de Francia , écho
semé por su nuncio muchas y grandes instancias de su
parte ; para che me contente de que se continuen por
uia de mis estados Baxos, y que io embie alla mis
poderes, esperando que potra resultar dello servicio
de Dios nostro sennor y exaltamiento de su yglesia
catholica y bien y quietud de toda la christiandad,
que es el blancho a que siempre han tirado mis in-
tentos, para que este tan importante, pueda llegara
effecto, siendo el serenissimo archiduque Alberto mi
sobrino , governador y capitan gênerai de los dichos
mis estados Baxos cuya authoridad y medio sera de
tanto provecho , par a todo confîrmando me con las
sanctas amonestationes y voludad de su sanctidad , he
tenido por bien de cometerle y remeterle la conclu-
sion del negocio y assi par la présente doy al dicho my
sobrino poder y facultad tan complidaly bastante como
en tal caso se requière, para que por mi en mi nombre
pueda trattar, capitular y assentar une paz firme ^ y
duradera con el dicho rey de Francia, o qualquier
tregua y suspension de armas larga ocorta en la forma
y maiiera y con las condiciones que le pareciere espe-
rando que se ran taies que se consig^i servicio de
nostro sennor y bien comun de la republica christiana
y establesca entre my el dicho sennor , y nostros rey-
DES SIEURS RICHARDOT, etc. 65
nos , y subditos muy buona arriislad , y correspon-
dencia , y todo loque en razon desto el dicho my so-
brino capilulara y conciliera, pronieto, y don my fey
palabra real di estar, y passar por ello y tenerlo por
firme, estabie y valedero, y assi complirlo puntua!-
mente, sin fa!îa y diminurion alguna , y para todo
ello le doy entera faculdad, y poder tan complido , y
bastante como io lo tengo y para firmez a dello mande
despachar !a présente, fîrmada de nii manoy selladacon
mi selio. Dat en San Haranço, a doze de agosto i ^^97. »
Ainsi soiibscrit : el Rey.
Et plus bas : Por niandado de! nostro sennor,
El signé dom Martiiv^ ue Idiaques.
Et est ladicle patente scellée dn grand scel de sa
majesté en forme de placard.
Et pour autant que sa majesté très cbrestienne /
nous a présentement envoyé certain passeport , signé
de sa propre main, à comparoir de nostre part avec
ceulx députés de la sienne à l'assemblée accordée en
la ville de Vervins pour la traicîation de ladicte paix,
sçavoir faisons que nous desirans ensuite de la pieuse
et saincte intention de sadicte majesté, satisfaire au
bon plaisir d'icelle, et en tout et partout cbercher et
procurer le bien et repos de ladicte cbrestienté, et
faire cesser les maulx. et inconveniens qui se commet-
tent à Foccasion de ceste présente guerre; et pour la
bonne cognoissance que avons des sens, vertus, pru-
dence et longue expérience de nos chers et bien amés
messire Jean Richardot , chevalier, sieur de Rerly , etc. ,
chef président du conseil privé du roy mon seigneur,
et de son conseil d'estat, et messire Jean Baptiste de
Taxis, chevalier commandeur de los santos , de Tordre
Mf.:M. UB DuPLESSIS-iVioRNAY. To.-\IE VIH. 5
66 POUVOIR
militaire de Sainct Jacques de la Espada, dudict con-
seil d'estat et de guerre de sa majesté ; nous confians à
plain de leurs sens, intégrité et bonne diligence : avons
iceulx, en vertu du pouvoir de sadicte majesté ci dessus
inséré, commis, député et subdelegué, commettons, dé-
putons et subdeleguons par cesdictes présentes , et avec
eulx pour y entrevenir semblablement et les assister,
messire Louis Verreyken , cbevalier, audiencier, pre-
mier secrétaire et thresorier des cbartes dudict conseil
d'estat, et de la personne duquel nous avons la mesme
cognoissance et confidence, pour se trouver et assem-
bler avec les personnages députés ou à députer par
ledict sieur roy très cbrestien, garnis de pouvoir suffi-
sant, audict lieu des Vervins, et illec de la part de
sadicte majesté et nostre, traicter, conclure et accorder
avec eulx une bonne et sincère et entière paix et amitié
entre sadicte majesté et ledict sieur roy et ses alliés,
s'ils y envoyent leurs députés soubs telles portions,
conditions et convenances qu'ils verront estre à faire
pour la direction d'icelle paix, de quel poids, gran-
deur et importance qu'elles soient , tout ainsi et en
la mesme forme et manière comme nous mesmes pour-
rions faire en nostre propre personne, à quoi nous
les auctorisons et donnons tout plein pouvoir et auc-
torité , joinct qu'il y eust cbose qui requist mandement
plus spécial que par ces présentes n'est exprimé ; si
promettons en foi et parole de prince , et pour nostre
honneur et obligation de tous et singuliers nos biens
presens et à venir, d'avoir agréable, ferme et stable et
inviolablement observer mesme , si le besoing est, faire
par sadicte majesté solemnellement confirmer, ratifier,
et approuver tout ce que par nosdicts procureurs sera
faict, concleu et traicté en cest endroict, sans jamais y
DES SIEURS RICHANDOT, etc. 67
aller ni venir à l'encontre directement ou indirecte-
ment comme qu'il soit ; en tesmoing de ce nous
avons signé ceste de nostre main, et y faict apposer
nostre scel. Donné en la ville de Bruxelles, le penul-
tiesme jour de janvier, l'an de grâce \5gS.
Jinsi soubscrit : Albert, cardinal.
Et plus bas : Par ordonnance de son altesse,
Et signé F. Levasseur.
Et est ladicte présente scellée du scel de sadicte
altesse , y mis en forme de placard.
XXXVII. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M' AMIE, je suis en peine pour la garnison; car je
vois que nostre triennal prend ung chemin auquel il
ne le fault pas accoustumer. C'est pourquoi je lui ai
escrit ung peu rudement , et ferai de mesuie s'il ne
s'amende. Ses compai gnons en charge n'ont pas ainsi
veu. Je suis d'advis qu'on le lui fasse sentir à bon es-
cient une fois pour toutes. J'ai faict une bonne des-
pesche à M. de Pierrefîte ; et au reste ne scais plus que
t'adjouster, remettant le surplus sur nostre fils. Sur
ce, je te recommande ta santé de tout mon cœur, et
supplie le Créateur, m'amie, qu'il te garde, etc.
De Cliastellerault , ce 1 3 febvrier 1 598 , à 9 heures du matin.
6S LETTRE DE M. DUPLESSIS
XXXVm. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa femme.
M' AMIE , tu auras maintenant nostre fils avec toutes
nouvelles. Hier je receus des lettres de M. de Pierrefite ,
que je t'envoye , esquelles tu verras tout ce qui s'est
passé en nostre affaire , sans que je te le répète. Il
semble que le roy craigne d'altérer quelque chose en
ses affaires de Eretaigne , et pour ce désire estre en
Anjou, premier que d'y toucher; mais je crois que
c'est qu'il veult prendre Fexpedient que proposoit
M. de Schomberg dressé par M. de Calignon , comme
il appert par la fin de la lettre. Il eust esté neantmoins
à désirer que le corps des parens eust demandé jus-
tice. Dieu nous en ouvrira , s'il lui plaist , les moyens ,
et bénira ceulx que nous y cherchons en bonne con-
science. J'eusse fort désiré que M. de Pierrefite eust
peu recevoir les despesches que je lui ai faictes d'ici.
En tout cas, M. Dumaurier les ouvrira, qui fera en-
tendre leconteneu au roy ou de par lui mesmes ou
par tierces personnes, tant y a que ce que le rcy aura
sceu de ceulx qui avoient à lui présenter la requeste
lui fera encores plus peser l'affaire. Hier au soir vint
ici nouvelle par ung marchand de Poictiers, qu'ung
messager y est arrivé de Nantes, asseurant que la ville
s'est eslevee contre M. de Mercœur, et le tient bloqué
dedans le chasteau. Vous en aurés les premiers la
nouvelle à Sauîmur. Rinette, député de M. de Mer-
cœur, qui est aile vers le roy, pour avoir raison de
Dman, pris durant la trefve, a eu response que c'es-
A MADA.ME DUPLESSIS. 6g
toit ung préalable au traicté de prendre Nantes et
Dinan , et que c'est la moitié du chemin faict.
M. de Montmartin a demandé le gouvernement du
chasteau , et l'a obteneu , reste à en jouir. M. de
Sclîomberg y presse fort le roy de se baster , et semble
qu'il lui résolve pour la fin du mois estre a Angers.
On asseure cependant qu'il attendra les ambassadeurs
d'Angleterre et des estats, qui seront à Dieppe au pre-
mier vent. Madame la princesse d'Orange partit hier
de Paris. Nos députés doibvent estre partis des le 12,
et n'estoient despeschés avec partie de contentement ;
nous n'en sçavons les particularités. Le cardinal ar-
chiduc ne sera que gouverneur héréditaire des Pays
Bas. On s'est apperceu que les peuples ne l'eussent
accepté pour seigneur; l'infante aussi ne le venlt pour
mari , et demande pour dot le duché de Milan et non
ung procès. Le traicté d'Espaigne ne s'advance poinct.
Il y a plus d'apparence que la guerre contineue de
ceste part; ce que tu bailleras pour consolation à ton
fils, et me tarde infiniment que je ne te voye. Je t'em-
brasse, etc.
De Chastellerault , ce i5 febvrier iSgS.
Je pense que M. de Pierrefite sera ici dans trois ou
quattre jours.
XXXIX. — -V- LETTRE DU ROY
^ MM. de Bellie\^re et de Sillety,
m
MM. de Bellievre et de Sillery , oe courrier arriva
hier au soir ici avec vostre despesche du 11 de ce
mois , laquelle m'a esté leue ce matin, présent mon cou-
70 LETTRE DU ROY
sin le connestable; mon cousin le maresclial de Biron
y est aussi surveneu ; j'ai bien considéré avec eulx le
conteneu d'icelle, selon son mérite, et recognois que
vous m'avés très dignement servi au bon achemine-
ment que vous avés donné aulx affaires que je vous ai
commises, qui est ce que je me suis tousjours promis
de vous, dont je demeure très content, vous pryant de
continuer jusques à la perfection de l'œuvre, que j'af-
fectionne comme je faisois quand vous estes partis ;
car comme vous sçavés que la resolution que j'ai prise
d'entendre à la paix , a esté bastie sur fondemens pleins
de justice et d'honneur, assurés vous aussi qu'il n'y a
rien qui la puisse esbranler, ni m'en desmouvoir, que
si on voulloit me faire quitter le chemin de Tung et de
l'aullre ; c'est pourquoi j'ai pris grand plaisir à la res-
ponse que vous avés faicte aulx députés avec lesquels
vous avés conféré, quand ils vous ont demandé si je
ne traicterois poinct du tout sans mes confédérés ; car
il est très certain qu'il n'y a que Dieu et la raison qui
ayent pouvoir sur moi en pareilles occasions; mais
aussi comme le premier me commande et oblige d'avoir
soing des peuples' qu il a mis soubs ma puissance , et
l'aultre d'affectionner le bien public de la chrestienté
comme ung bon prince doict faire , je ne serai jamais
si mal conseillé que de suivre les volontés et opinions
de ceulx qui , par leurs intérêts privés , vouldroient me
faire perdre l'occasion de bien faire à tous les deux
ensemble. Je veulx croire aussi que ce n'est pas le but
de mes confédérés.
Comme il est certain que je n'ai jamais escrit aulx
estais des provinces unies des Pays Bas les lettres dont
lesdicts députés vous ont dict qu'ils se vantent avoir
receues de moi , je crois aussi que ce n'est qu'une in-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 71
veiîtion qui tient plus de lEspnignol que du Hollan-
dois, dont je fais fort peu de 'compte , me contentant
de suivre la droicte voye que doibt tenir ung prince
qui a sa foi et sa réputation aussi chère que sa vie.
Le paquet dedans lequel vous m'avés envoyé la
copie des pouvoirs dedicts députés, qui avoit esté ou-
blié à mettre dans ceslui qu'a apporté ledict courrier,
est arrivé tout présentement, et ai trouvé, comme vous,
leur pouvoir pour traicter avec moi en bonne forme.
Il est vrai que j'ai remarqué que le cardinal Albert
a voulleu me faire comme demandeur de l'envoi des-
dicts députés, ayant fondé son pouvoir sur le passe-
port que j'avois envoyé par le père gênerai pour les
faire acheminer, de quoi il eust peu se passer; mais ce
sont de leurs ruses accoustumees dont je ne me don-
nerois aulcune peine , si je n'avois opinion qu'ils ont
plus grande envie de me diviser d'avec mesdicts con-
fédérés pour faire leurs affaires à mes despens , que de
conclure et exécuter ung bon accord ; toutesfois je ne
veulx poinct débattre ledict pouvoir.
Mais il est très certain que la royne d'Angleterre
ne se contentera de celui dudict cardinal , ne repré-
sentant celui dudict roy d'Espaigne , faisant men-
tion d'elle comme vous leur avés remonstré , et
m'avés faict plaisir d'y persister ; car, encores que je ne
veuille obliger a suivre en ce faict la volonté de ladicte
dame , de laquelle je cognois les intentions et fins
mieulx que nul aultre, neantmoins je ne veulx pas lui
donner occasion de se plaindre de ma foi , comme je
ferois si je resolvois et concluois mon traicté sans elle,
ou sans lui avoir ouvert le chemin d'y entrer ; c'est
pourquoi j'approuve l'ouverture qu'ils vous ont faicte
d'envoyer ung courrier en Espaigne pour le denian-
7 2 LETTRE DU ROY
der et apporfer , puis mesmes qu'ils asseurent qu'ils le
recevront dans quinze jours ; mais il me semble qu'il
sera plus à propos que leur courrier passe soubs le
nom de mon cousin le cardinal de Florence , et pour
les affaires de nostre sainct père , que soubs celui du-
dict cardinal Albert ; partant, je le vous envoyé con-
ceu de ceste façon ; dadvan^age je veulx que vous Tac-
compaigniés d'ung aultre de mes courriers, tant pour
faciliter son voyage que pour l'observer par les che-
mins. Ores, je ne doubte poinct qu'ils n'escrivent par
ledict courrier tout ce que bon leur semblera ; mais
j'aime mieulx courre le liazard du mal qui m'en peuit
arriver que de leur desnier le moyen de recouvrer et
advancer ledict pouvoir pour m'acquitter de mon deb-
■voir envers ladicte rovne; pour ceste cause, vous le
ferés despescher au plus tost. Cependant les députés de
ladicte royne, qui n'ont encores passé la mer h cause
du mauvais temps, pourront arriver, et je ferai sçavoir
par courrier exprès à ladicte royne, ce que vous m'avés
escrit qui la regarde, afin qu'elle me mande si elle se
contentera de traicter sur le pouvoir dudict cardinal
Albert, en attendant que l'aultre soit arrivé, comme
il me semble qu'elle pourroic faire ; car il se passera
Lien quinze jours de temps devant que l'on puisse
lomber d'accord avec elle des différends qui sont entre
ledict roy d'Espaigne et elle.
Mais je vouldrois que ledict courrier rapportast
aussi le contresigne ou commandement dudict roy
d'Espaigne pour la redduction de Blavet, afin de n'en
faire à deux fois, et de n'en excuser ou retarder l'exé-
cution sur ce prétexte ; partant , vous en ferés instance,
leur disant que si je n'avois volonté de m'accorder, je
ne leur ferois ramenîevoir ceste despesche , laquelle
A MM. DE BELLTEVRE ET DE SILLERY. 7 3
peult grandement advancer et faciliter les affaires; et
plus ils me recognoissent soigneux de m'acquitter de
mon deljvoir envers mes amis ; ils doibvent mieulx es-
pérer de ma foi, et priser mon amitié, estant vrai-
semblable que si je ne passois légèrement par dessus
ce qui les concerne, contre ce que je leur ai promis,
qu'ils auroient d'autant moins de cause de se fier de
moi, qu'ayant ainsi manqué à mesdicts amis, il me
demeureroit tousjours quelque regret et remords de
conscience d'en avoir ainsi usé, oultre ce qu'ils me
tiendroient pour un^ prince léger et de peu de foi ;
je veulx donc mettre mesdicts amis en leur tort , en.
justifiant ma foi et mes actions, tant envers eulx qu'à
l'endroict d'ung chacung, s'il fault que je me sépare
d'eulx pour le bien de la paix; et puisqu'ils ont ung
pouvoir particulier du roy d'Espaigne pour traicter
lesdicts estats, il n'en fault poinct cbercher d'aultre
pour cela , dont j'advertirai leurs députés quand ils
seront arrivés , et despescberai devers eulx pour les
faire advancer, n'estimant pas qu'il soit à propos de
parler des six mois ou d'ung an de trefve pour leur
regard , que nous n'ayons eu response de ladicte royne
ou desdicts estats, ou veu leursdicts ambassadeurs pour
scavoir leurs volontés.
Mais deffendés vous tousjours du passeport qu'ils
ont demandé pour envoyer devers le duc de Mercœur ,
ou faire venir devers eulx ung député de sa part ; car
resoluement je ne l'accorderai jamais pour les raisons
portées par vostre instruction , qui se rendent tous les
jours plus pregnantes , sa foiblesse et sa mauvaise foi
se descouvrant plus grandes que jamais , aussi bien en-
vers eulx qu'envers moi ; car il m'a faict dire par le
dernier qu'il m'a envoyé, qu'il quitteroit plustost son
74 LETTRE DU ROY
gouvernement que de traicter et le conserver par le
moyen des Espaignols , desquels il se plainct grande-
ment, et je crois qu'il leur en a faict dire autant de
moi ; mais j'espère que les dissimulations et tromperies
dont il use , advanceront sa punition , et la rendront
inévitable avec l'aide de Dieu , au moyen de quoi per-
sistes constamment au refus dudict passeport , et de
comprendre audict traicté ledict duc de Mercœur.
Et puisqu'ils ont accordé de rendre toutes mes villes
avec les fortifications qui y sont , excepté Blavet qu'ils
entendent desmenteler, et de laisser en Testât qu'il
estoit quand ils s'en sont saisis, il n'est plus question que
de convenir du temps qu'ils les rendront, et de l'ar-
tillerie, pouldres et balles à canon qu'ils y laisseront,
ayans promis de bailler des ostages comme vous avés
demandé; sur quoi je vous dirai qu'il me semble que
ladicte restitution pourroit s'accomplir et parfaire def-
dans ung mois, comme vous leur avés proposé, s'ils
voulloient s'y bien employer, mesmement ayant receu
le commandement et contresigne pour Blavet , par le
courrier qu'ils doibvent envoyer présentement ; par-
tant, continués à les presser de se contenter dudict
terme dung mois, à compter du jour de la signature
du traicté, faictc par nos députés, comme vous leur
avés proposé , ou bien demandés et obtenés que les
villes de Calais et Ardres , par lesquelles ils accordent
de commencer ladicte restitution , me soient rendeues
douze ou quinze jours au plus après la signature sus-
dicte des articles , et que les aullres places soient en-
tièrement rendeue? dedans six sepmaines,ou bien de-
dans lesdicts deux mois dont ils ont parlé, si vous
ne pouvés mieulx obtenir sans aultre prolongation , de
quoi ils ne doibvent faire difficulté, s'ils ont telle vo-
A MM. DE BELLIEVRE* ET DE SILLERY. yS
lonté d'effectuer ce qii ils promettent et font entendre ;
lesdictes villes de Calais et Ardres estant rendenes ,
elles serviront d'arrhes et de gages certains de la resti-
tution pleniere des aultres.
Mais je ne puis leur laisser emporter toutes les pièces
d'artillerie qui estoient esdictes villes, quand elles ont
esté prises, principalement celles qui sont à la marque
de France, avec les balles du calibre d'icelle; bien suis
je content me départir de la demande des aultres avec
la pouidre à canon ; vous sçavés que mon royaulme est
si mal pourveu d'artillerie , que s'ils emportent toute
celle qui est dans lesdictes villes , elles en demeureront
toutes desgarnies, et me sera difficile d'y en remettre
d'aultres de long temps en nombre qu'il fault pour les
garder: continués donc à faire instance de ce poinct,
et plustost que d'en estre du tout esconduicts , res-
traingnés ladicte restitution à ung certain nombre de
pièces pour chacune place , et qu'il y ait le plus de ca-
nons et de couleuvrines que fiiire se pourra , accompai-
gnees de boulets du mesme calibre , n'estant la raison
de leur refus desdictes pièces digne d'estre receue ;
car, puisque pour ung bien de paix, ils me veullent
rendre mes villes , lesquelles leur sont aussi bien ac-
quises que mon artillerie , ils peuvent aussi bien m'ac-
corder ladicte artillerie pour mesme considération , et
vous asseure que si mon royaulme en esloit garni
comme il a esté aultresfois, je n'en ferois si grande
instance : persistes y donc, je vous prye , et ne croyés
pas qu'ils veuillent pour peu révoquer le plus ou le
principal qu'ils ont desjà accordé ; car ils feroient une
trop lourde faulte, en laquelle la nécessité de leurs
affaires les gardera bien de tomber après les avoir bien
contraincts de passer si avant qu'ils ont faict ; toutes-
7 G LETTRE DU ROY
fois conduises , le tout avec vostre prudence accous-
tuniee, de laquelle je me confie entièrement, etc.
Ores, j'ai bien remarqué l'instance qu'ils vous ont
faicte, de mettre par escrit et signer ce qui a esté
traicté entre nous et eulx , avec la plaincte que vous
m'avés escrite qu'ils ont faicte du refus que vous en
avés faict , à cause du commandement que je vous en
ai faict par vostre instruction.
Sur quoi je vous dirai que les mesmes raisons qui
m'ont meu de vous faire commandement de ne vous
engager dadvantage en ce traicté, me semblent plus
fortes et considérables qu'elles n'estoient lorsque vous
estes partis, puisqu'ils n'ont apporté, comme nous pen-
sions qu'ils feroient , ung pouvoir dudict ray d'Espaigne
suffisant pour comprendre au traicté de la royne d'An-
gleterre, comme vous les avés sagement remonstré; de
sorte qu'il fault qu'ils s'accusent de la longueur et
difficulté dont ils se plaignent, sans s'en prendre à moi
ni à vous; et fault que je vous die que la plaincte
qu'ils en font m'est très suspecte, croyant qu'ils la font
sonner si hault pour justifier leur procédure, en cas
qu'ils se retirent sans rien faire ; ou pour, en tirant le-
dict escrit de vous , s'en prevalloir envers mesdicts
confédérés , devant que d'avoir accordé avec moi pour
ceste cause; il me semble qu'il fault estre fort reteneu
en ce faict; dadvantage, je considère que leur baillant
par escrit les poincts et articles à mesure qu'on en
tombera d'accord, devant que toutes clioses soient re-
soleues et accordées, il sera en eulx de proposer tous-
jours quand ils vouldront nouveaulx faicts, et sur
iceulx rompre ledict traicté , et après faire profict à
mon dommage des fragmens d'icelui qui seroient de-
meurés entre leurs mains, chose que je veulx éviter;
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 77
car c'a tousjours esté ma craincte et mon opinion qu'ils
ne voulloient procéder rondement ni de bonne foi en
ceste negotiation, comme vous sçavés que je fais avec
eulx. Au moyen de quoi je vouldrois, devant que d'es-
crire, que nous feussions bien d'accord de tous les
poincts et articles desquels on prétend traicter, sans
qu'il feust loisible aulx ungs ni aulx autres de faire
après nouvelles demandes et propositions; mais, cela
faict, je ne trouverois mauvais qu'il feust faict et signé
ung escrit de part et d'aultre, qui feust baillé en garde
à mon cousin le cardinal de Florence , représentant la
personne de nostre sainct père , afin d'estre teneu se-
cret ; de quoi je ne ferois difficulté de me fier en lui
comme en moi mesmes, jusques au retour dudict
courrier qui doibt estre envoyé en Espaigne, avec le
pouvoir pour traicter avec ladicte royne d'Angleterre,
et le commandement dudict roy d'Espaigne pour la
restitution dudict Blavet , ou qu'ayant ouï parler les
ambassadeurs de ladicte royne et desdicts estats, j'aye
esté esclairci de leur intention et satisfaict à la pro-
messe que je leur ai faicte par le traicté que j'ai faict
avec eulx à ma descharge. Car, par ce moyen, toutes
choses pourroient estre resoleues, sans perdre le temps
ni faire préjudice à mon service et à ma réputation,
estans conduictes comme elles doibvent estre. Consi-
dérés cest expédient; je vous en fais ouverture, meu
de l'affection que j'ai de faire le bien sans me faire
mal, s'il est possible, qui est tout ce que Ton peult et
doibt désirer de moi , et dont je me remets à vos pru-
dences d'user ainsi que vous jugerés d'estre à faire
pour le mieulx, sans rien précipiter qui nous puisse
charger de reproche pour craincte de la rupture de ce
traicte, et qu'ung aultre entre en ma place; car 5 d'ung
* 7^ LETTRE DU ROY
costë, je crois qu'il est difficile que cela advienne, et
de l'aultre , i'aime mieulx courre la fortune de la guerre
que de faire bresclie à ma foi et à ma réputation, avec
laquelle vous sçavés que j'ai restauré et saulvé ma cou-
ronne, etc.
BTais, pour suivre ce chemin, il fault vuider le faict
qui concerne mon royaulme de Navarre, comme tous
les aultres dont vostre instruction faict mention , afin
de ne rien laisser en arrière.
Il fauldroit pareillement resouldre celui du duc de
Savoye, puisqu'on est resoleu de le comprendre en ce
traicté. Sur quoi je vous dirai que je veulx sçavoir
quelles ouvertures fera son député pour s'accorder
avec moi, devant que vous donner ung dernier com-
mandement sur ce qui le concerne; car je ne veulx pas
qu'il y demeure rien du mien.
Et pense estre bien fondé à demander Savillan ,
comme le marquisat de Saluées, puisqu'il est certain
que ceste ville lui feut rendeue avec Pignerol par le feu
roy, au retour de Polongne, à force d'argent, dont il
corrompit ses serviteurs, et sans aulcune raison. Par-
tant ne faictes difficulté d'en faire instance, quand vous
la debvriés fonder sur la recompense des ruynes que
ledict duc a faictes à mon royaulme, qu'il a assailli ,
comme il a usurpé ledict marquisat contre toute rai-
son et justice; puis, selon la response dudict député,
on pourra se conduire.
Mais, en vérité, je serois très aise de pouvoir traicter
avec ledict cardinal sans y comprendre ledict duc de
Savoye; toutesfois, s'ils ne le veullent faire, il fauldra
rendre sa condition la moins advantageuse que faire se
pourra.
Et s'il y a d'aultres poincts en vostre instruction sur
A MM. DE BELLIEYRE ET DE SILLERY. 79
lesquels vous estimés estre nécessaire qu'il vous soit
permis de vous en dispenser, me les cottans, je vous en
resouldrai par ma première despesche.
Je désire aussi que vous me fassiés sçavoir par la
vostre ce que vous aurés appris, tant de Testât du
mariage du cardinal Albert avec l'infante d'Espaigne^
et de l'exécution de la donation que ledict roy d'Es-
paigne a faicte en faveur d'icelui , que de la disposition
des affaires des Pays Bas; quelles forces ils y ont; si
ledict roy a composé avec les marchands , quels de-
niers ils ont receus et attendent audict pays, comme
ils espèrent avoir la raison desdicts estats, s'ils refusent
d'entrer en ce traicté avec moi , et se deffendre de la
royne d'Angleterre en cas pareil ; si ladicte infante
doibt passer ceste année aulxdicts Pays Bas, quand et
comment se fera ledict mariage, quels advis ils ont de
la disposition dudict roy d'Espaigne , s'il secourra
ledict duc de Mercœur, et avec quelles forces ; qui
gouverne à présent les affaires en Espaigne ; si le prince
est bien d'accord*avec l'infante sa sœur, et s'il approuve
la susdicte donation ; et pareillement le traicté que
faict avec moi ledict cardinal , et tout ce que vous
aurés peu apprendre, tant en gênerai qu'en particu-
lier, et qui mérite estre escrit.
Et je vous dirai que je fais compte de partir dans
mercredi prochain pour aller en Bretaigne sans plus
reculer, attendant de jour à aultre la prise du chas-
teau de Dinan, assiégé par le mareschal de Brissac ,
assisté de tous mes aultres serviteurs et bons subjects
du pays. Je prye Dieu, etc.
Du i5 febvrier i5o8.
8o LETTRE DE M. DE VILLEROY
XL. — -^LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de BelUevre et de Sillerj.
Messieurs, vous estes plus expérimentés aulx af-
faires du monde de la court que moi, c'est pourquoi je
déférerai tousjours a vos advis en toutes choses; mais
vous sçavés que Dieu conduict les cœurs de nos princes,
et qu'ils suivent souvent plustost leurs volontés en leurs
affaires que les conseils de leurs serviteurs, soit qu'ils
soient portés à ce faire par des raisons incogneues aulx
aultres , ou qu'ils veuillent que chacung fléchisse et
s'accommode à leurs intentions.
Le roy veuit la paix autant que jamais , mais il veult
aussi descharger sa conscience, et satisfaire à sa foi
envers ses confédérés , ainsi que vous cognoistrés par
sa lettre, et vous asseure que sa majesté s'est fort peu
esmeue de la jalousie que l'on lui veult donner de la
royne d'Angleterre ; car elle est bien asseuree que la-
dicte dame ne traictera poinct avec eulx sans Calais, et
qu'ils ne lui rendront jamais ladicte ville qu'elle ne leur
rende aussi celle qu'elle tient en Zelande, desquelles
sa majesté sçait très bien qu'elle ne peult pas disposer;
dadvantage , elle aime quasi mieulx perdre Calais que
de perdre sa réputation, et manquer de foi et de res-
pect à ses amis. Mais jestime que toutes choses se
pourront accommoder avec le temps, les conduisant
par degré sans les précipiter. Nous sçavons bien aussi
que les estats ne traicîeront poinct sans le roy , encores
estimons nous qu'ils ne le feront qu'avec sa majesté,
quoique M. le cardinal d'Autriche leur ait faict escrire,
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 8l
et à M. le prince Maurice , par M. le prince d'Orange ,
son frère; de sorte qu'il semble à sa majesté qu'elle
ne doibt rien précipiter ; aussi ne veult elle perdre
l'occasion d'advancer ses affaires, comme vous colli-
gerés de la lettre qu'elle vous escrit, qui est si ample, et
respond si clairement et particulièrement à tous les
poincts de la vostre, que je n'y puis rien adjouster. J'ai
faict voir au roy l'extraict de la lettre veneue de Rome
à M, le légat que vous m'avés envoyé, auquel sa majesté
a pris ung grand plaisir.
Par lettres de Lyon du 12 de ce mois, nous avons
eu confirmation de l'accord de Ferrare, sans toutesfois
que l'on nous en escrive les particularités; mais on nous
a escrit que celui pour lequel M. de Savoye avoit faict
demander ung passeport à M. de La Guiclie , par
M. l'evesque d'Aversa, pour envoyer devers le roy,
depuis l'avoir receu a pris aultre brisée; de quoi ledict
sieur de La Guiche s'est plainct à sa majesté, qui l'a
trouvé estrange , et dict que ledict duc a faict tort
audict evesque , et par conséquent à sa saincteté , de
l'employer en ceci pour en abuser. Je ne vous puis re-
présenter Testonnement auquel l'on nous rapporte tous
les jours que M. de Mercœur est entré depuis la prise
de la ville de Dinan , sur la déclaration que ceulx de
Nantes lui ont faicte en public de voulloir envoyer de-
vers le roy pour la paix; mesme les ecclésiastiques lui
ont protesté qu'ils ne pouvoient plus, en saine con-
science, s'abstenir de pryer Dieu pour le roy, puisque
le pape Tavoit approuvé et commandé. Jugés en quels
termes il se trouve , et s'il a besoing d'estre persuadé
par MM. le président Ricbardot et commandeur Taxis
pour s'accorder avec nous. Pour Dieu, qu'ils ne parlent
plus de cela, s'ils désirent l'amitié de sa majesté, la-
Mihr. DE DuPLEssis-MoftA'AY. To:»rE vtii. 6
82 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
quelle faict estât de partir après demain sans plus différer.
Si elle ne feust allée à la cliasse aujourd'hui , ce courrier
eust est-é despesclié des ce matin. Ne vous prenés donc
à moi du retardement , et me continués vos bonnes
grâces, que je salue, etc.
Du 16 febvrier i5g8.
ICLL —LETTRE DE M. DE LA SCALA
A M. Diiplessis.
Monsieur, je vous envoyé mon livre de Emenda-
tione temponun y reveu et augmenté de beaucoup. Il
n'a teneu qu'aulx imprimeurs que vous ne l'ayés eu
plus tost , qui ont discontinue l'œuvre par plusieurs
fois. Si ce mien labeur vous est agréable , ce m'est
assés; car je ne me donne poinct de peine des aultres,
qui aiment mieulx reprendre qu'apprendre. Je m'as-
seure que si vos affaires vous permettent de peser mes
raisons , vous aurés occasion de vous esbahir des resve-
ries de nos chronologues touchant l'histoire biblique.
Mais je le laisse à vostre jugement, lequel je désire -
scavoir, s'il vous plaist me tant honorer que de m'en
escrire vostre advis; et je l'accepterai comme venant
de celui duquel j'admire la vertu, et que je désire
infiniment servir.
De Leyden, ce 16 febvrier 1698
LETTRE DE MADAME DE LAVAL, etc. 83
XLIl. — LETTRE DE MADAME DE LAVAL
A M. Duplessis.
Monsieur, à quelque moins asseuré et confident
ami que vous ne vous estes tousjours faict paroistre
en nostre endroict , je craindrois que le silence dont
j'ai usé depuis quelque temps l'eust faict entrer en
quelque sinistre opinion de moi. Mais de vous , mon-
sieur, je crois que ce bonheur me reste entre tant de
malheurs, que vous m'honores tousjours de vostre
amitié, et que vous ne doubtés poinct aussi du pou-
voir que vous avés sur moi , tel que vous Tesprouverés
toutes les fois que j'aurai moyen de vous faire service,
et que me vouldrés tant obliger de me commander; ce
que vous pouvés avec entière asseurance de mou de-
sir à vous obéir, et à vous honorer, certes, de toutes
mes affections. De quoi je vous eusse rendeu une petite
preuve, si j'eusse esté d'ung aultre sexe, ou que mon
fils feust en aage de vous aller offrir sa vie et tout ce
qui est de lui. Nous ne nous feussions laissé lors de-
vancer à nul de diligence, non plus que nous ne pen-
sons estre précédés d'aulcung en affection. Mais nos
impuissances, monsieur, m'ont faict retenir l'offre de
personnes incapables en tels faicts, ne voullant payer
de paroles ii: utiles les services que je vous doibs en
effect , et que je vous rendrai, tant que je vivrai, en
toutes les occasions qui m'en seront jamais offertes.
Croyés le, monsieur, s'il vous plaist , et qu'il ne me
reste ami au monde de qui je fasse si asseuré estât que
de vous 5 ni à qui aussi je sois plus entièrement de-
84 LETTRE DE MADA.ME DE LAVAL, etc.
Youee; c'est avec ceste asseurance de Yostre bonne
volonté, que je vous supplierai bien bumblement croire
que j'approuve fort ce que faict M. de La Moucbe, et
que pour ce qui regardera l'advancement de la gloire
de Dieu , je ne plaindrai jamais ma vie, et ce qui me
reste ; mais , désirant faire plustost parler mes effects
que mes paroles , il m'est très nécessaire , pour plusieurs
raisons qui ne se sçauroient escrire, que cela soit, s'il
vous plaist , fort secret; et à vous seul, monsieur, di-
rai je mon intention en cela , sçacbant combien pru-
demment vous sçaurés user de ceulx qui sont tout à
vous. Je me suis promis ung long temps ce contente-
ment de vous voir, ayant des affaire^ qui me convioient
à aller en vos quartiers; mais en ayant de bien fas-
cheuses en plus d'ung endroict, je suis arrestee en ce
beau lieu ici par des contrainctes qui me priveront,
c'ai je peur, pour quelque temps de ce contentement
de vous entretenir; bien que je ne désire pas peu , et
qui ne me seroit pas peu utile ; qui est ce qui me faict
croire que je ne le recevrai pas. Ores , monsieur , où
que ma misère me guide, faictes estât asseuré, s'il
vous plaist, d'y avoir vostre plus liumble et obéissante
à vous faire service, Anite d'Allègre.
A Montfort , ce 17 febvrier 1 698.
XLIIl. — ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M' AMIE, tu auras eu le grand Basque. Depuis, j'ai
receu tes lettres du i4 par Barbenoire, et du i5, par
le capitaine Pbilippe. Je ne laisse d'entrer en peine,
LETTRE DE M. DUPLESSIS , etc. 85
parce que j'ai sceu que tu as eu ung accès de fîevre, et
tu ne m'en parles poinct. Cependant je considère bien
quelle surcharge de mal ce nous seroit après tant de
douleurs , et me tarde bien que je ne sois près de toi
pour t'en soulager. J'ai despesché deux hommes exprès
vers M. de Malicorne, pour l'advis que tu m'as donné
par le sieur d'Ambresaigues. Je pense que tu auras
approuvé mes intentions , et que nostre fîis t'aura re-
présentées. C'est ne rien négliger, et neantmoins ne
tenter rien mal à propos. Je cognois la présomption
de Je suis d'advis , vu ce que tu m'escris, que nous
ne nous meslions poinct du faict de La Valliere. Il
est certain que cela tend à mauvaise fin. Quant à en-
voyer ceulx que tu m'escris à Paris, je pense avoir dans
deux jours M. de Pierrefîte ici , comme tu auras veu
par celles que je t'ai envoyées, avec lequel je m'en re-
souldrai sur ce qu'il me rapportera de l'advis de nos
amis. Pour Sainct Phal , je ne peulx croire qu'il s'ar-
reste à La Barauchere ^ veu la description que m'en a
faicte le capitaine Baudouin ; mais pourra il s'arrester à
Sainct Mesmin, qui n'est qu'à huit lieues de Parthenay^
au milieu de nos amis; et , en ce cas, je suis bien resoleu
de ne les espargner pas, car il nous importe trop.
M. Constant s'en retourne dans le pays qui s'offre
d'affeclion a moi, que je pryerai d'y veiller et d'y dis-
poser les gens de bien , nommeement M. de La Taba-
tière. Ce n'est pas loin g de Monchamp. Si d'adventure
tu escris à madame de Rohan , n'ouWie que j'ai faict
escrire en Languedoc, par M. le baron de Fort, da
mariage de M. le duc d'Uzes. Je ferai faire de bonnes
despcsches aulx sieurs Bellenon et de Charon. Celui ci
doibt aller au grand conseil, où je pense qu'il fault
faire retourner le procès de Bruzac; car la chambre
86 LETTRE DE M. DUPLESSIS
de Guyenne pourroit tarder; quant à celui là, je ferai
presser le terme par M. de Calignon, et le surplus
aussi vers car je scais assés de quoi il nous y va.
Je tiens la somme pour fort asseuree. La procuration
à esté envoyée à M. Pruneau, à La Rochelle. Je suis
d'advis que ceulx qui ont voulleu desrober les vins
servent d'exemple , et en escris au sergent major. Le
tiers aulx dénonciateurs, le tiers au rov, et le reste à
lui. Il sera bon neantmoins de s'enquérir comment on
a accoustumé d'en user, qui est cause que je ne le
particularise qu'à toi, qui lui diras après mon inten-
tion. Je suis fort en peine de la garnison, et si nostre
triennal ne faict aultre debvoir, je me fascherai. Au
moins fault il qu'il paye le mois entier, tel qu'il est
payé par nostre estât que je t'ai laissé, sans laisser nos
estats derrière , puisqu'il a l'ordonnance que M. Hardy
a envoyée. Tu m'as envoyé les papiers d'un brochard
que je n'ai peu encores lire et moins comprendre. Je
suis trompé si ce n'est ung grand fol.
Tu m'escris que six bourgeois de Nantes ont passé,
et mon fils adjouste qu'ils sont du corps de ville allant
trouver le roy. Si cela est, j'estime les affaires de M. de
Mercœur bien esbranlés. Le roy est à Fontainebleau ,
dont il doibt partir cejourd'hui pour venir à Orléans
et de là à Tours. Madame est demeurée à Paris ung
peu malade; madame de Beaufort est jà partie tirant
droict à Vendosme, et de là à la Flèche, où elle doibt
faire ses couches, aulcungs tiennent que et
c'est pour cela qu'elle tient le chemin de et qu'elle
s'advance ; car d'ailleurs et de bon lieu on asseure que
le roy a promis d'attendre les députés d'Angleterre et
des Pays Bas; mais il est bien certain que M. de Schom-
berg le presse fort. Nos députés ne peuvent plus tarder,
A MADAME DUPLESSIS. 87
car ils sont despescliés. et une partie de contentement;
cela nous dorncra nnoven de nous resouidre, et à moi
de te voir bientost, ce qui me dure plus que tu ne
scaurois croire pour la peine où je suis de ta santé.
Madame la princesse d'Orange debvoit partir hier de
Paris, et madame de Bouillon de Turenne. Si Dieu
donne de conclure , je verrai au plus tost le roy et fran-
chirai mes affaires, car ils me tiennent au cœur;
mais il fault que je voye là dessus je ne puis me
passer de dire que viendront très à propos pour
infinies raisons, ce que j'attends dans peu, selon les
lettres du tt, car en cel'es du depuis lu n'en parles
poinct M. de Bacefer m'escrit sa joie de la protestation
de M. d'AmbelIin, en laquelle Dieu le veuille fortifier.
Ne me reste, m'amie, qu'a te recommander ta santé,
et de m'en relever de peine par fréquentes nouvelles,
puisque les longueurs nous esloingnent plus que je
n'avois pensé, ce que j'espère que Dieu nous abrégera
par grâce en peu de jours; que si ton mal te pressoit,
m'en advertissant, ne doubte que je ne laisse tout pour
t'aller voir. Je t'embrasse, etc.
Be Chastellerault, ce 17 febvrier 1598.
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XLIV. —^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa femme.
M'amie, je cognois par tes lettres que mon malheur
travaille ton esprit et te faict malade, et c'est ce qui
me peine plus que tout aultre chose. Ne t'imagine ce-
pendant pas que je chosme, car depuis mes précédentes
j'ai disposé toutes choses pour recueillir la première
88 LETTRE DE M. DUPLESSIS
occasion sans qu'il y manque rien de part ni d'aultre.
Si donc Baudouin rapporte ce que nous soyons d'ail-
leurs advertis que Sainct Phaî soit à Sainct Mesmin ou
en l'aultre, j'envoye lettres de M. de Bouillon et de La
Tremouille à ceulx qui commandent les regimens, à ce
qu'ayant à passer Loire au mandement de M. le mares-
chal de Rh-e;./;, ils ayent à laisser derrière, sous quelques
prétextes, tous les arquebusiers à cheval pour en faire
ce qui leur sera ordonné par mon fils; lequel, attendant
l'occasion, leur donnera quartier, ainsi que je lui mande,
parce qu'icelle adveneue courra investir l'homme, et
pour l'y assister et addresser aiu^'i le capitaine Ausnee,
qui les commandera tous; des qu'il aura l'advis m'ad-
Yertira en toute diligence ; et j'ai pris asseurance de
madame de laHoussaye d'avoir son canon deFontenay,
le mesme de M. de La Tabariere pour celui de la ville,
et s'il est besoing en ferai autant avec M. de Parabere,
que nous attendons ici demain. Par ainsi je n'aurai
qu'à me transporter aussitost sur le lieu pour le faire
acheminer, en quoi je serai assisté des personnes de
leurs amis, oultre que tout le pays m'est favorable et
routes seures. Ne reste donc qu'à voir pour ce regard ce
qui se pourra faire, et neantmoins parce que je doubte
qu'il bouge de ne fault laisser tousjours d'y penser
autant qu'il se pourra. J'escris quelques circonstances
sur ces faits à
Pour conserver mes resolutioiTS , MM. les presidens
approuvent ung expédient que je leur ai proposé ; c'est
que Pilet et Drugeon présentent requeste au lieutenant
gênerai ou criminel d'Angers, à ce qu'il leur soit permis
d'informer pardevant le premier conseiller, huissier ou
sergent, sur ce requis, de l'assassinat sur eulx attenté
par le sieur de Sainct Pliai, eulx estans en la compai-
A MADAME DLiPLESSIS. 89
gnie du sieur Duplessis, dont ils auroient esté excédés
en leur personne, ce qui leur sera accordé, et lors
s'addresscrpnt secrettenient à tel du siège, qu*ils sçau-
ront choisir plus a profîct, lequel mesmes ils feront venir
en tel lieu a trois, quattre et cinq lieues de la ville qu'ils
Youldront, premier l'intimidation, et pardevant lui fe-
ront ouïr les tesmoings, etc., auquel cas pourront mesmes
mes domestiques estre ouïs, et seront enquis les tesmoings
sur le factum qui sera baille fort ample, afin qu'ils res-
pondent de toutes les circonstances qui me touchent.
Est à noter qu'aussi bien lesdicts Drugeon et Pilet ne
seront receus à tesmoigner de mon faict, ayant esté
blessés en ma compaignie; ne fault oublier à les faire
interroger sur Moncenis, La Pierre, Davillers et aultres
complices; quoi faict, se retireront par requeste à mes-
sieurs de la court de parlement de Paris, remonstrans
qu'ils ont faict informer; mais que le siège d'Angers leur
est suspect , attendeu mesme que d'ung tel assassinat ne
se trouve officier qui voulleust ou osast informer d'office,
et requérant d'estre renvoyé à quelque aultre prochain
non suspect et lors en sa court, on retiendra la cog-
noissance pour l'importance de la chose et des per-
sonnes, à quoi les gens d'honneur tiendront la main,
ou les renverront au juge presidial de Tours, et, soit
en l'ung ou en l'aultre, sera lors aisé d'obtenir ung
décret de prise de corps, àTexecution duquel on pourra
tenir la main, et sera pour donner la forme en justice
à cest affaire sans que mon nom y intervienne. Sera
bon neantnioins, parce que je pourrois faillir en quel-
ques circonstances, de faire ung extrait de cest article
pour estre communiqué à M. des Biraudieres.
Nous avons eu aujourd'hui ici M. de Ilostain, en
poste, de la court. Nos députes en partiront le i4;
90 LETTRE DE BI. DUPLESSIS
M. de Pierrefite aussi. Nous l'attendons à toute heure.
Cela m'a faict estimer debvoir surseoir ma despesche
en court , parce que je la ferai plus solide ayant parlé
à lui. Je ferai par mesme moyen bailler les lettres à
Mx^. les presidens; mais je te prye , m'amie, de toute
mon affection , ne t'afflige oultre mesure , car je sais
que Dieu nous tirera de ces perplexités. Le roy persis-
toit de partir le i6 de Fontainebleau. On doubte s'il
viendra à Orléans ou à Vendosme; mais madame la
duchesse est en chemin de Vendosme, si ce que je t'ai
escrit n'a lieu, et madame la princesse d Orange escrit
que le roy nous y veult mander MM. de BouiHon , de La
Tremouille et moi pour conclure. Dieu m'y conseil-
lera. Je t'embrasse, etc.
De Chastellerault , ce 18 febvrier 1598.
Vous ne m'escrivés poinct de vostre fiebvre. J'ensuis
d'autant en peine.
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XLV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amte, tu as receu de mes nouvelles amplement
par Estienne. Ma santé est, grâces a Dieu, bonne. Je
vouldrois bien estre aussi asseuré de la tienne. Nous
eusmes hier au soir ici ung lionneste homme venant de
la court. Il veit, samedi 1/4, M. de Pierrefite, prenant
congé de M. de Schomberg à Paris. S'il a pris son che-
min droict à Saulmur, il y doibt estre: sinon il doibt
arriver ici aujourd'hui de bonne heure. MM. de Cour-
taumer et de Gazes aussi. Ledict sieur de Schomberg
avoit le commandement du roy de le rencontrer, hier ig,
A MADAME DUPLESSTS. 91
à Thoury en Beauce , pour tirer droict à Chartres,
Vendosme , Langets , Saulmur , sans séjourner. Ce
pourroit estre pour estre audict Saulmur environ de
lundi en huict jours ; entre ci et là et plus tost je m'y
rendrai, aidant Dieu. Geste veneue esclaircira ; mais
elle nous traversera ung peu le moyen de se venger,
auquel neantmoins il fault travailler sans intermission.
M. de Parabere arriva hier , qui m'asseure de sa per-
sonne et de ses amis; le mesme de M. de La Taba-
riere; mesme nous aurons en payant
car les chemins sont plus es'ranges qu'il n'est à croire.
MM. les presidens eurent liier tes lettres, qui me
doibvent venir voir ce matin. Présentement arrivent
MM. de Courtaumer et de Gazes. Ce soir je te despes-
cherai. Ceci n'est que par ung lacquais de madame
de La Boulaye qui s'en va a Angers. Je vois que ceste
veneue et passage de la court nous amènera grande
despense, qui me fait tascher de recevoir quelque somme
de M. Legoux. M'amie , surtout mets ton esprit en
repos. Je t'embrasse, etc.
De Cuastellerault , ce 10 febvrier lôgS.
XLVL — ^ LETTRE DU ROY
A M, Duplessis,
M. Duplessis, vous verres ce que j'ai accordé à
Harambrier et Bysense , pour leur donner moyen d'estre
assideus a mon service, avec plus de commodité qu'ils
n'ont eu jusques ici. Vous cognoissés et leur service et
leur mérite : je vous prye faire pourvoir à toutes les
provisions qui leur seront nécessaires , comme chose
9'^ LETTRE DU ROY, etc.
que j'aurai très agréable et que je désire. J'ai esté
adverti que, depuis peu de jours, le duc de Mercœur
avoit faict descendre quelques hommes pour entre-
prendre sur vostre place, et qu'ils ont esté descouverts.
Mandés moi ce qui en est, comme aussi de ce que
vous cognoistrés importer mon service. Adieu, M. Du-
plessis. HEifRY.
De Chartres, ce 21 febvrier lôgS.
XLVII. —^LETTRE DE M. DUPLESSTS
A sa femme,
M'amte , je suis fort aise que tu a3'es veu M. de Pierre-
fite, et d'avoir entendeu par le capitaine La Notre le
succès de son voyage. J'eusse esté esbahi que M. de
Schomberg nous eust traversé nostre requeste. Quant
à M. de Rliosny, il nous dira ses raisons quand nous
le verrons ; mais maintenant que nous avons rendeu
à nos parens ce qui leur est deu , je pense que nous
debvons prendre nos conseils en nous mesmes, et sur-
tout ne nous impatienter poinct en ung affaire qui ne
se peult faire que par patience. Tu auras veu par la
despesche d'Estienne ce que j'ai préparé. Je t'envoye
encores une lettre pour le sieur de Sainct Christophe,
qui commande pour M. de La Tremouille dans Mau-
leon , afin qu'il advertisse nostre fils, si l'on vient à
Sainct IV^esmin; c'en est à deux Je considère
ce que madame la présidente t'escrit, et y trouve ap-
parence; je ferai que rassemblée en fera parler au roy,
non toutesfois comme requérant, pour ne l'offenser
ou meltre en jalousie , mais comme tesmoiguant le res-
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. g'i
sentiment que tontes les parties en ont eu , et la louange
que. toutes Jui onc donné de l'avoir prise à cœur, leur
faisant par là cognoistre à tous combien il leur reserve
de bonne volonté, en faisant neantmoins justice. Nos
députés arrivèrent hier, qui se sont dignement et ver-
tueusement comportés en court. Je suis ordonné pour
voir aujourdhui MM. les députés du roy, le fond de
ce qu'ils peuvent offrir de fondre la cloche , et venir
à une conclusion. Cela désormais ne peult plus tarder,
quoi faict, je me dispose d'aller à Vendosme, où le roy
pourra estre le ^5, par les journées que nous mande
M. de Yilleroy ; mais il y séjournera quelques jours
pour ouïr les ambassadeurs d'Angleterre et des Pays
Bas, lesquels ne veullent pas venir jusqu'à Angers, ce
que j'ai appris par lettres de Paris , et non obscureement
par celles de M. de Schomberg ; et de ceste heure, je
despesche à M. de Vignoles pour m'y faire retenir
logis : ce sera pour y séjourner peu ; et , cela faict, ne
m'engager en voyage quelconque que je ne sois satis-
faict par une voye ou aultre; en quoi c'est quelque
chose d'avoir du roy le mot a quelque chose
en main. On le verra entre ci et là, sinon, veu le peu
de debvoir, il sera à propos qu'il vienne avec moi. Aussi
bien nous et aultres ne se remueront pas sans
ma présence. Je pryerai M. de Pierrefite d'estre de la
partie, et mènerai La Vignole, le capitaine La Roche,
Baudouin , Coignard , Philippe , et advertirai à poinct
nommé du jour qu'il fauldra partir pour me mener mes
chevaulx à Tours. Madame la princesse d'Orange escrit
que le roy mande à Saulmur; je ne sçais encores
ce qui s'en fera, on en pourroit aussi, en ce cas, tirer
quelque fruict. Madame me mande qu'elle vient l\ Saul-
mur. Elle a donné charge à M. de Gazes de me de-
g4 LETTRE DE M. DUPLESSlS
mander mon advis sur le faict de son mariage, et
semble qu'elle veuille revenir en bonne volonté. Pré-
sentement arrive le Basque, duquel j'ai deschiffré les
lettres. Je ne puis me bien ressoubvenir de celui qui
donna Tadvis de Ghastellcrault. Si c'est du dernier des-
seing , ce seroit le frère de Cornesac : d'où qu'il vienne
je sçais que tu prouveras mon à ne double
qu'aidant Dieu , je ne pense à P et plus Je
ne doubte poinct que ne preist volontiers ce
subject pour donner sur J'escrirai avec plus
de loisir à madame de Rohan , et cependant , pour
gaigner temps, escrirai pour l'affaire qu'elle désire en
court. M. Erard m'escrit que son estude va très bien.
Je suis bien aise que M. persiste, tout son
temps est désormais passé. M. le président de Thou
a receu les secondes. li aura jà eu les premières. Le
précepteur de mon nepveu me touche ung mot de
Tavoir près de moi : je pense que c'est ung flatteur.
Quant au page dont ma sœur m'escrit , je pense qu'il
s'en fauldra excuser; s'il estoit en aage, on le pourroit
retirer en la garnison. Ne me reste plus rien , sinon ,
m'amie, de t'embrasser de tout mon cœur, etc.
De Chastelierault, ce 21 febvrier 1098.
On s'attend ici que Mirebeau se reduict. Lugny veult
bien qu'on baille l'argent à sa femme. Je te prye, m'amie,
de sçavoir de Lineau ce qui est deu à M. de Corgrey, soit
en response ou en argent , afin que j'y pourvoye
et aultres ont fort loué la lettre de M. le
baron de Chaulne a eu le gouvernement de Dinan
depuis, que xM. le mareschal de Brissac pensoit retenir
et avoit demandé pour soi.
A MADAME DUPLESSIS. gS
XLVIII. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
. j^., ^ safeitime.
:-> T--
M'a^îie, tu auras veu ce matin le sergent Paradis,
et pour les lettres qu'il te porte, entendeu mon in-
tention , c'est d'avoir où P se rendra , ai-
dant Dieu, sans faillir, lequel désire que M. de Pierre-
fite en soit, comme il lui a escrit, aussi les capitaines
Baudouin, La Vignole , Colynard parce qu'il
a rien de prest , et pour le peu de secours, je pense
avoir donné ordre, par le moyen de MM. les presidens,
que P nommera à Vendosme; là nous travaillerons
et ferons, comme j'espere bien, ce que tu m'escris , et
viendroit à propos. Le roy me commande de
tenir ma compaignie preste, et qu'il Fa faict assif^ner
d'ung quartier sur le taillon. C'est à !a vérité favorable-
ment; mais il fault penser pour ne la faire poinct si
elle ne doibt estre belle et sans entrer en nouvelles
despenses. D'ailleurs je ne m'obligerai à rien que je ne
sois bors de la fascbeuse affaire. Je loue Dieu que tu
ayes amendement. Tu n'auras que ceci pour ce coup,
car je suis pressé. Excuse moi envers M. de Pierrefite.
Je t'embrasse , etc.
De Chastelleraiilt , ce 28 febvrier iSgS.
Ne doubte que je ne reçoive en bonne part ce que
tu m'escris, mais je vouldrois bien que tu ne t'en affli-
geasses pas tant.
96 LETTRE DE M. DUPLESSIS
XLIX. —'V' LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme, ^^^.jf
M\mie , nous sommes arrivés à mesme instant à
l'isle Bouchard , encores que je ne feusse parti qu'après
midi de Chastellerault ; mais la rivière est forte. Ce
matin j'ai eu Hesperien avec lettres du roy , qui me
mande qu'il sera dimanche au plus tard à Saulmur,
Madame de Beaufort avec lui, peu de noblesse; mais
j'ai estimé ung debvoir aller au devant, s'il est pos-
sible , jusqu'à Amboise , où il doibt estre demain ou ven-
dredi. Ce sera pour coucher dem»ain à Tours, Dieu ai-
dant. D'argent , ne t'en mets en peine ; j'en ai plus qu'il
n'en fault , et encores près de L\csO livres, et puis je te
reverrai avec sa majesté. C'est assés pour faire bonne
chère à nos amis. Nos affaires de Chastellerault sont en
très bon train; j'en àsseurerai le roy, et frapperai
coup à ce qui reste. Je pense mesmes que
se resouldra de le voir à MM. de Thou se-
ront samedi ou dimanche à Saulmur; ils craignent que
la court ne les brouille, et pryent d'avoir ung loge-
ment ung peu commode pour euix deux, sinon une
chambre au chasteau, dont on les obligeroit fort. Je
pense qu'il fault essayer d*e les y accommoder; ce n'est
qu'une passade. Ils suivront le roy. J'espère que nostre
voyage profitera pour nostre fasclieux affaire. Tu
peulx penser que je n'y oublierai rien. J'ai mesme
pourveu que ceulx qui seront députés de l'assemblée
lui en parlent à propos; mais non pour les requérir,
ains seulement pour lui tesmoign^r leur ressentiment
A MADAME DUPLESSIS. 97
des torts que j'ai receus, et le contentement qu'ils ont
commencé à recevoir de la justice que le roy m'a pro-
mis. Je ferai particulièrement instance pour ces gens.
Je mené Estienne pour t'en escrire. Je plains la peine
que te faict ceste gendarmerie. M. et madame de
sont de nos amis ; mais c'est une gresie qu'il fault
souffrir. Je verrai ce qui se pourra pour madame de
Rolian. Nous leur sommes trop obligés. M. de Bu-
zenval n'est encores en France. Madame la princesse
arrive vendredi à Chastellerault; madame de Bouillon
aujourd'hui. Les noces se feront à Thouars dans huict
jours ou environ. Je suis bien aise que M. de Pierusse
soit accreu d'ung fîîs , car c'estoit le souhait de sa
femme. Il me tarde fort de voir ung Je dirai
volontiers que les patiences nous font ce mal; deux
mois depuis le jour de l'an s'en vont passés. Je m'en
plains principalement, et la médecine veura santé qui
en a tant besoing ; mais si ne fault il pas l'essayer la
première. Le temps semble aujourd'hui se voulloir
mettre au beau; mais il nous a tant trompés de fois que
je ne sçaurois que dire. Je te recommande tousjours d'en
avoir soing. Je t'envoye des cizeaux ; et pour la fin ,
m'amie, je t'embrasse, etc.
De risle Bouchard , ce 25 febvrier iSgS, au soir.
L. —^LETTRE DE M. DE LOMENIE
A M. Duplessis.
IMoNSiEUR , il y a trois jours que la vostre du i4 de
cestui ci m'a esté rendeue. Je m'estonne de ce que
celles du premier ne soyent plustost parveneues à vous.
MÉM. DE DUPLESSIS-MORNAY. ToME VIII. H
gS LETTRE DE M. DE LOMF.NIE
J'estime que vous ne sçauriés mieiiix faut* que de vous,
et me ressens h ce que vous m'avés faict , et que je
dise que les choses réussirent a mon conlentemeut. Il
est vrai que je ne doubte nullement que la longueur
ne vous ennuyé. Je ne puis, pour ce faict, qu'ad-
jouster à celles que M. de Bouillon , de Yilleroy et
Fresnes vous escrivent ; si en cest affaire j'avois autant
de pouvoir que de volonté , vous en sériés desjà des-
livré à mon contentement. M. de Calignon faict mine
de voulloir s'employer infructueusement pour la li-
quidation de la debte de la maison de Navarre; mais
j'ai peur que le relasche, ou que les difficultés qu'il y
trouvera lui fassent tout quitter, et je prévois que Ton
veult encores demander quelque chose sur ceste mai-
son pour le dernier mai.
Je n'ai ouï parler de ce gouvernement que vous me
mandés; s il envoyé quelque chose à ma cognoissance ,
. je tiendrai la main à ce que vous désirés de moi.
Pour les nouvelles, nous nous en allons à Mous-
ceaux commencer la diète qui sera demi mois ; cela
faict vers la fin de novembre, nous ferons le mariage
de mademoiselle à Fontainebleau. Vous ne sçauriés
croire combien mademoiselle s'est bien gouvernée avec
M. le duc de Lorraine et cardinal son fils. M. de
Sillery part bientost pour s'en aller à Rome, d'où nous
avons nouvelles que sa saincteté ne veult ce que nous
desirions de lui, touchant la dissolution. M. le pré-
sident de Villiers part aussi pour Venise, et M. de
Basise pour l'Angleterre. Il y a quelques jours que
MM. de Bourges s'assemblèrent sur ce projet, qu'ils
s'évertuent d'examiner vostre dernier livre pour y res-
pondre, ce qu'ils prétendent de faire en bref L'annonce
que nous avions de la mort du roy d'Espaigne ne con-
A M. DUPLESSIS. 99
tineue. L'archiduc est parti pour s'en aller quérir la
fille de Farchiduc Mathias, et la mener en Espaigne
pour femme à son beau frère , et lui ramener en Pays
Bas sa maistresse. Continués à me voulloir du bien et
à vous asseurer de mon fidèle service qui ne vous
manquera jamais ; c'est avec quoi je veulx finir, et par
vous baiser les mains, etc.
Du 25 febvrier iSgS.
LI. — ^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Slllery a M. de Villeroj.
MoNSiFUR, ceste sera seulement pour accuser la ré-
ception de la despesche du roy du 16 de ce mois.
Nous vous remercions humblement de la bonne sou-
venance qu'avés eue de nous. L'ambassadeur de Savoye
doibt arriver demain en ceste ville; lui veneu , nous
entrerons bien avant en affaires que nous avons avec
lui, et mettrons peine de vous faire response sur tous
les poincts conteneus en la lettre de sa majesté, et
vostre; ceste ci est baillée au courrier qui porte la
despesche de M. le légat, avec lequel nous en avons
mis ung, duquel nous sommes bien asseurés qu'il s'ac-
quittera fidèlement de sa charge. Nous lui avons baillé
l'argent qu'il lui fault pour ung si long voyacre; mais
c'est du nostre. Nous vous supplions, monsieur, de
faire l'ordonnance pour le courrier que nous despes-
chons, qui doibt aller de ce lieu jusques à la frontière
d'Espaigne; nous advançons l'argent : le principal est
qu'il nous soit rendeu. Nous vous dirons, monsieur
que vostre passeport est du 16 de ce mois.
lOO LETTRE, etc.
Le courrier, pour des occasions qui sont surve-
neues, ne peult partir que demain sur les dix heures
du matin , ne restant que deux jours de ce mois , et
seize de Faultre. Vostre passeport n'est que pour ung
mois ; il lui seroit impossible d'estre ici de retour
d'aussi peu de temps. Le courrier, que nous lui bail-
lons pour Taccompaigner , attendra son retour à
Bayonne ; il yous plaira d'envoyer à Bourdeaulx , à
M. de Mattignon, ung passeport pour ledict courrier,
pour retourner à Vervins, qui soit de quinze jours
après le i6 du mois prochain escheu; vous ferés ung
fort grand plaisir à mondict sieur le légat, qui estime
que sans la prorogation dudict passeport son courrier
ne pourra pas retourner en seureté. M. de Mattignon
l'envoyera à celui qui commande à Bayonne pour le
bailler audict courrier à son retour dEspaigne; nous
ne nous estendrons pour ceste heure en plus longue
lettre, espérant que dans quattre ou cinq jours nous
vous ferons une aultre despesche que nous faisons
estât de vous envoyer par La Fontaine. Nous atten-
dons, en grande dévotion , des nouvelles de l'ambas-
sade d'Angleterre et des estats qui doibvent partir
d'Angleterre des le 2 5 du passé. Il est difficile à croire
que depuis ung mois en çà il n'y ait eu ung jour ou
deux pour passer la mer; si nous en sommes ici en
peine , vous en avés vostre part. Nous nous recom-
mandons bien, etc.
Du 35 febvrier 1698,
LETTRE, etc. lOi
LU. — -^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj a M. de Villeroj.
MM. les ambassadeurs d'Espaigne ont proposé qu'es-
tant ceste paix si advantageuse en toutes choses pour
la France , comme elle est , attendeu une si notable
restitution qu'ils accordent leur faire contre toutes les
resolutions qui ont esté prises entre eulx jusques à pré-
sent, estant bien à croire qu'ils n'eussent faict la des-
pense de cent soixante mille escus a fortifier Calais,
s'ils eussent eu quelque opinion de le debvoir rendre;
qu'il plaise au roy faire quelque déclaration signalée
de la bonne volonté et faveur dont il veult honorer le
serenissime cardinal d'Autriche , auquel le roy catho-
lique baille en dot de madame l'infante le comté de
Bourgoigne , accordant audict cardinal la souverai-
neté du comté de Charolois, qui est fort peu de chose
à sa majesté, pour estre ledict comté de fort petite
estendeue , et dont ledict sieur cardinal se sentiroit in-
finiment gratifié, non moins de la faveur qu'il plairoit
à sa majesté très chreslienne de lui déclarer que de
la valeur de la chose.
A ce nous avons respondeu qu'ils jugent assés
que telles choses ne sont pas comprises en nostre
instruction, mais que nous donnerions advis à vostre
majesté de tout ce qui nous estoit par eulx proposé,
et neantmoins que nous ne pouvions leur ceier qu'au
traicté de paix de Cambray, faict en l'an iS^q, le roy
François, qui estoit lors prisonnier en Espaigne, ne
vouUeut poinct se despouiller de ceste souveraineté,
102 LETTRE
ni aussi au Iraictë de Crespy , qui feut faict en
l'an .1 544 9 ^t pareillement par le traicté de Cliasteau
en Cambresis , faict en l'an î55c^. Telle souveraineté
n'a poinct esté mise en dispute, et tousjours a esté
réservée à la France, ce qui est fondé en toute justice
et ouître la justice ; la situation du lieu , qui est partout
enclavé dans le duché de Bourgoigne, ne permet que
vostre majesté puisse prendre ce conseil, que de con-
sentir que ledict comté soit desmembré de sa cou-
ronne.
Plus, lesdicts sieurs ambassadeurs, ont proposé tou-
chant certains villages au pays d'Artois, dont ils sont
en différend avec la France, qu'il seroit expédient de
vuider, et pareillement le faict de quelques lieux que
l'on prétend estre de la Franche Comté , et ceulx du
duché de Bourgoigne , prétendent qu'ils sont du
duché.
A ce a esté respondeu que nous n'avons poinct de
certaine cognoissance des lieux dont est question , et
que nous n'en sçaurions parler que par advis de pays ;
partant que nous estimons que le meilleur est de
nous remettre de part et d'aultre à ce qui en feut
resoleu au traicté de l'an iSSq, et jugeons raison-
nable qu'il soit procédé au jugement et exécution du-
dict traicté par les commissaires dont on conviendra,
et qui seront à ce députés.
Lesdicts sieurs ambassadeurs ont remonstré que le
traicté de la neutralité, entre lesdicts duché et comté
de Bourgoigne, doibt expirer d'ici à quelques années ;
qu'il seroit expédient pour le bien des deux provinces
que, traictant de ceste paix, il feust aussi resoleu de
proroger le temps de ladicte neutralité ; à quoi a esté
respondeu que ledict traicté de neutralité a esté re-
A M. DE VILLEROY. lo3
confirmé par voslre majesté, lorsqu'elle estoit à Lyon,
et qu'en ce faict vraisemblablement elle Youîdra pro-
céder selon les formes accoustumees, et que nous lui
en donnerions advis.
Lesdicts sieurs ambassadeurs ont faict une grande
plainte de ce que M. de Guise a faict mettre à la
chaisne ung grand nombre de soldats espaignols, qui
venoient en Italie pour le service du roy catholique,
l'enseigne desployee; que c'est contre l'ordre de la
guerre et contre l'humanité, qui doibt estre observée
entre les clirestiens, de mettre à la chaisne les gens de
guerre comme s'ils estoient Turcs, ou condamnés de
crimes ; qu'ils tiennent vostre majesté pour prince si
bening, et qui a faict tant de preuves de sa bonté et
clémence, qu'ils s'asseurent qu'elle n'approuve poinct
telles inhumanités.
Nous leur avons respondeu que nous n'avons poinct
sceu que vostre majesté aye donné ce commandement
à M. de Guise, lequel (si tant est qu'il en ait usé de
la sorte) ne l'aura pas faict, si ce n'est pour avoir la
revanche des povres François, marchands et mariniers,
que l'on dict partout avoir esté mis à la chaisne par les
Espaignols qui les ont pris dans leurs ports, où ils es-
toient allés soubs la foi publicque, exerçant commerce
de marchandise; que nous jugeons très raisonnable
que , concluant ceste paix , les ungs et les aultres feus-
sent délivrés de ceste captivité , dont nous escririons à
vostre majesté.
Lesdicts ambassadeurs ont dict avoir charge expresse
de traicter pour les François réfugiés en leur pays,
qui ont suivi leur parti, remonstrant qu'ils ne les peu-
vent abandonner , leur honneur saulve , et sont dignes
de compassion , d'autant qu'ils ont pris les armes et
îo4 LETTRE
continué de les porter , meus seulement du zèle de
relligion , et non qu'ils ayent esté mal affectionnés à leur
roy ni à leur patrie ; demandons à ceste occasion qu'il
plaise au roy leur accorder qu'ils puissent jouir de
pareilles grâces qui ont esté accordées à ceulx qui se
sont remis soubs l'obéissance de sa majesté très chres-
tienne, en vertu de l'edict qui a esté faict sur la
redduction de M. de Mayenne, n'estimant pas que sa
majesté voulleust moins gratifier ceulx qui lui sont
recommandés de la part du roy catholique, qu'elle a
faict à ,ceulx que ledict sieur de Mayenne a désiré
d'estre compris avec lui audict edict. Aussi que ceste
demande est conforme aulx clauses conteneues es
traictés precedens, contenant la grâce faicte aulx sub-
jects des deux estats qui ont servi en guerre le parti
contraire à leur prince : et se sont lesdicts sieurs am-
bassadeurs fort estendeus sur cest article, comme es-
tant chose que leur maistre affectionne grandement,
et dont il ne se peult despartir sans faire préjudice à
son honneur.
Consideransla cause de ceste demande, nous n'avons
voulleu entrer à décider et resouldre cest article, re-
monstrans que c'est chose qui ne despend pas de
nostre jugement, mais seulement de la bonne volonté
du roy nostre maistre, auquel nous en donnerons advis;
leur disant neantmoins qu'en ce faict il y a beaucoup
de considérations, et que tous les François réfugiés
audict pays ne sont pas en mesme cause ; qu'il y a
M. d'Aumale qui a jusques à présent continué de porter
les armes contre le roy, comme aussi a faict le vice
seneschal de Valentinois et quelques gentilshommes de
ceste frontière qui sont en petit nombre; qu'ils peu-
vent avoir parmi eulx quelques officiers de judicature,
A M. DE YILLEROY. lo5
quattre ou cinq curés, et quelques financiers; les ungs
les ont suivi pour adhérer à leur parti, comme a faict
ledict sieur d'Aumale, ledict vice seneschal qui a esté
dans La Fere durant le siège. Pour le regard des curés
et gens de judicature , il y en a aulxquels on a donné
le billet pour sortir de Paris lorsque le roy y entra; s'ils
se sont retirés es Pays Bas, le roy cathoîicque n'a non
plus d'interest de se mesler d'eulx que s'ils eussent
choisi de se retirer à Venise. Quant au prétexte dont
ils se veullent servir, que le seul zèle de relligion les a
faict continuer en la resolution de ne se conformer
au commandement du roy, et jouir de la grâce de sa
majesté conteneue en l'edict faict sur la redduction de
M. de Mayenne, nous leur avons dict que c'est chose
que nous ne pouvons en aulcune sorte supporter; car
en premier lieu , lors desdicts commandemens, le roy
estoit reconcilié avec nostre sainct père et le sainct
siège apostolicque , et ne se peult dire avec vérité que
le roy, depuis la reconciliation, ne se soit monstre en
toutes choses très affectionné et vrai conservateur de la
relligion cathoîicque ; partant il n'y a rien qui les ait
deu ni peu desmouvoir de se resouldre avec M. de
Mayenne qui estoit leur chef, à l'obéissance et fidélité
à laquelle Dieu et la nature les obligeoient envers leur
roy; partant, s'ils ont mesprisé le bénéfice du roy, ils
souffrent maintenant le mal qu'ils se sont faict eulx
mesmes; et puisqu'ils veullent e;5tre teneus pour plus
affectionnés catholicques que les aultres , ils ont deu
porter plus de respect qu'ils n'ont faict à la desclara-
tion de nostre sainct pcre, qui a recogneu le roy pour
le roy très chrestien, premier fils de l'Eglise, exhortant
ung chacung de le recognoistre pour tel; ce qu'ils
i 06 LETTRE
n'ont pas faict, et y viennent maintenant que le temps
de la grâce accordée par ledict edict est expiré.
Quant à ce qu'ils remonstrent que le roy ne vouldra
pas moins faire en faveur du roy catholicque qu'il a
faict pour M. le duc de Mayenne, sa majesté sçait assés
la différence qu'il y a et le respect qui est deu plus à
l'ung qu'a l'aultre; mais ce qu'il a faict à l'edict tou-
chant la redduction de M. de Mayenne, n'a pas esté
pour le favoriser seulement, mais c'est que sa majesté
a voulleu favoriser ses affaires, réduisant par ce moyen
ung grand nombre de ses subjects, et beaucoup de
villes et pays soubs son obéissance; pour le regard de
cèulx qui sont maintenant absens de son royaulme, ils
sont en si petit nombre, que la susdicte considération
ne peult pas avoir lieu ; et quoique ce soient les subjects
de sa majesté qui désireront retourner soubs son obéis-
sance, feront plus sagement de la rechercher par hum-
bles supplications que par faveur d'ung grand prince,
comme est le roy d'Espaigne.
Quant est des clauses des traictés en divers traictés,
elles sont couchées diversement au dernier traicté de
l'an 1559; ^' ^^* ^^^^^ ^"^ ^^^ subjects de part et d'aultre
retourneront en leurs biens; il n'y a pas expresseement
qu'ils retourneront en leur patrie. Au traicté de Cam-
bray il est dict qu'ils retourneront en leur patrie,
poinveu qu'ils ne soyent preveneus d'aultres delicts
que d'avoir servi en guerre contre leur prince , etc.
Sur ces difficultés, nous avons déclaré aulxdicts
sieurs ambassadeurs qu'il n'est pas en nostre pouvoir
de nous resouldre ici sur cest article, sans avoir eu sur
ce le commandement du roy nostre maistre.
N'estant plus à la conférence, lesdicts sieurs ambas-
A M. DE VILLEROY. 107
sadeurs nous ont faict bailler ung escrit desdicts réfu-
giés, que nous avons leu. Il plaira au roy de le faire
voir et considérer; ce que nous pouvons adviser en cest
affaire, est que si sa majesté le trouve bon, on pour-^
roit faire insérer en ce traicté la clause touchant ce
faict, conteneue au traicté de l'an i559, qui est telle:
« Et retourneront les subjects et serviteurs d'ung costé
et d'aultre, tant ecclésiastiques que séculiers, nonob-
stant qu'ils ayent servi ung parti contraire, pleinement
en la jouissance de tous et chacun gs leurs biens im-
meubles, rentes perpétuelles, viagères et à rachat,
saisis et occupés à l'occasion de ceste guerre, pour en
jouir des la publication de ceste paix , sans rien que-
reller toutesfois , ni demander les fruicts perceus des le
saisissement desdicts biens immeubles, jusques au jour
et date de ce présent traicté , ni des debtes qui auront
esté confisquées avant ledict jour, et se tiendra pour
bon et valable le repartement qu'en aura faict le prince
son heutenant ou commis, vers la justice et juris-
diction duquel ledict arrest sera faict , et ne pourront
jamais, les créditeurs de telles debtes ou leurs ayans
cause, estre receus à en faire quelque poursuite, en
quelque manière et par quelque action que ce soit ,
contre ceulx aulxquels lesdicts dons auront esté faicts,
ni contre ceulx qui , par vertu de tels dons et confis-
cations, les auront payés pour quelque cause que les-
dictes debtes puissent estre, nonobstant quelques lettres
obligatoires que lesdicts créditeurs en puissent avoir,
lesquelles, pour l'effect de ladicte confiscation, seront
et demeureront par ledict traicté, cassés et annullés,
et sans vigueur. »
Au traicté de Madrid il y a une clause restrictive
qui pourroit estre adjoustee à la précédente, à sçavoir :
I08 LETTRE
c( Pourveu que lesdicts subjects et serviteurs ne se
trouvent chargés d'aultres crimes et delicts que d'avoir
servi l'ung desdicts princes contre l'aultre. »
Fault considérer si , attendeu que parmi ces absens il
y en peuit avoir qui sont preveneus de crimes et delicts
aultres que d'avoir servi les Espaignols en ceste guerre,
qu'il y en a aussi qui sont absens seulement pour avoir
esté chassés du royaulme, pour estre teneus factieux;
fault voir s'il seroit à propos d'adjouster à ce que dessus
la clause qui ensuit :
« Et ne pourront neantmoins rentrer dans les terres,
pays et seigneuries desdicts sieurs roys, sans avoir pre-
mièrement sur ce obteneu permission et lettres pa-
tentes de leurs majestés, desquelles ils ne seront teneus
de poursuivre la vérification pardevant les courts et
officiers de leurs majestés. »
C'est ce que nous avons peu adviser sur cest article,
ou parce que nous voyons qu'il y aura beaucoup de
difficulté, et doublons fort qu'ils le veuillent passer en
la sorte qu'il est couché ci dessus.
En la mesme conférence nous avons proposé aulx-
dicts sieurs ambassadeurs , que , pour remettre toutes
choses en Testai qu'elles estoient lors du précèdent
traicté , il seroit raisonnable que la ville de Cambray
feust remise et délaissée au pouvoir de l'evesque qui en
est le seigneur temporel et spirituel , pour estre par
lui teneue et possédée comme ville neutre soubs la
protection de l'empire, ainsi qu'elle estoit auparavant
la construction de la citadelle , laquelle à ceste fin doibt
estre abatteue pour obvier aulx jalousies que la garnison
d'icelle peult nourrir sur la frontière.
A ce les ambassadeurs d'Espaigne ont respondeu
que la citadelle de Cambray a esté construicte et bastie
A M. DE VILLEROY. 109
du temps de l'empereur Charles H, sur le territoire
de Hainault dont il estoit seigneur naturel, confinant
ledict territoire jusques aulx murailles de Cambray,
comme d'ung aultre costé l'ung des faulxbourgs dudict
Cambray est sur le territoire d'Artois; que lors de la
paix dernière faicte en Tan iSdq, ladicte citadelle es-
toit bastie; partant que, pour ce regard, on ne peult
demander avec justice que l'on change maintenant ce
qui leur estoit contredict au temps du dernier traicté.
Quant à ce que nous demandons, que la ville de
Cambray soit remise à l'evesque, pour estre par lui
teneue soubs la protection de l'empire, disent qu'ils ont
pareil interest de nous demander que la ville de Metz
soit remise soubs la protection de l'empire pour l'inte-
rest des pays du roy catholicque, voisins dudict Metz;
que la ville de Cambray a esté prise par force par l'ar-
mée dudict sieur roy catholicque sur celui qui l'occu-
poit injustement ; que la ville et chapitre ont voulleu
recognoistre et adhérer à Finjuste usurpateur, qui faict
que le roy catholicque pourroit prétendre et soubtenir
d'estre bien fondé à se dire le vrai seigneur de ladicte
ville , dont il a la protection comme comte d'Alost; en
vertu de laquelle protection le feu empereur Charles II,
et depuis son successeur, auparavant la rébellion de
ladicte ville y a tousjours teneu gardes aulx portes,
oultre la citadelle qu'il y avoit bastie comme comte de
Hainault.
Nous ne leur avons pas accordé que la citadelle soit
bastie sur le territoire de Hainault; la vérité est qu'il
s'est dict des long temps, aulcungs aussi ont dict le
contraire ; ce neantmoins il est vrai que du temps du
dernier traicté ladicte citadelle estoit bastie, et long
temps auparavant; et, depuis ledict traicté, le roy ca-
IlO LETTRE
tholicque est demeuré en ceste possession , sans que
nous l'ayons contredicte. Quant à ce qu'ils ont dict des
gardes qui ont esté mises aulx portes, nous sçavons
assés que ledict empereur et son successeur en ont usé
au préjudice de la neutralité, en laquelle, suivant les
anciens traictés, ladicte ville doibt estre teneue avec ce
royaulme et les seigneurs des Pays Bas, à laquelle il
n'a poinct esté dérogé par le dernier traicié; partant
que nous demandons que toutes choses soyent remises
entre lesdictes deux couronnes , en Testât qu'elles es-
toient lors dudict traicté.
Et ne sert de rien ce que l'on allègue, que nous te- ,
nons Metz; car nous ne débattons pas ici les droicts
de l'empire, mais nostre interest particulier, qui est le
droict de neutralité qui ne nous peult justement ni
en aulcune façon estre debatteu.
Quant à ce qu'ils disent que l'armée du roy catho-
licque a pris par force ladicte ville sur l'injuste usur-
pateur ; que la ville et chapitre ont consenti à ladicte
usurpation; que leur faultes tombent sur eulx, et
n'aillent poinct plus avant que sur les aucteurs. Par !a
paix les choses mal passées s'oublient, et quand la-
dicte ville et chapitre auroient faict faulte, elle doibt
estre à leur préjudice et non pas au nostre; car comme
il est raisonnable que nous rentrions en la possession
de Calais et Ardres, aussi debvons nous rentrer en la
possession dudict droict de neutralité. D'ailleurs il se
peult dire, quand ladicte ville et chapitre auroient faict
faulte , qu'est ce que l'on peult imputer aulx evesques
deCambray, qui ont teneu tousjours le parti et servi
le roi cathoîicque? C'est sans raison de dire que ladicte
ville peult appartenir au roy cathoîicque par droict de
guerre, pour ce qu'il la prit par force sur l'injuste
A M. DE VILLEROY. i 1 1
usurpateur. Le roy Henry II prit Albe et Casai au Mont-
ferrat sur les Espaignois, qu'ils avoient usurpé sur le
duc de Mantoiie, marquis de Montferrat ; pour cela il
n'est pas dict qu'il estoit raisonnable que ledict duc les
perdist; il les lui a restituées de bonne foi. Aultrement
qu'ung voleur, par le commandement d'ung prince
puissant, occupe une place, que ce prince la reprenne
sur le voleur, il aura trouvé moyen d'occuper sur les
seigneurs légitimes les places qu'il estimera lui eslre
commodes.
A ce ils ont respondeu que l'evesque de Cambrav
jouit entièrement des reveneus de l'evesché et de sa
jurisdiction; que, s'il y a quelque différend entre le
roy catholicque et ledict evesque, il s'accommodera
aiseement par Tauctorité du pape qui s'en est entremis..
Nous avons dict que nous n'entendons que l'accord
entre ledict sieur roy et l'evesque de Cambray puisse
prejudicier aulx droicts de ceste couronne, et esté en
nostre pouvoir de tirer deux aultres responses. Ainsi
signe, Bellievre, Brulart.
Du 26 fcbvrier i5q8.
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LUI. — LETTRE DE M. DE ROHAN
A M. Duplessis.
Monsieur, vous eussiés faict tort à mon affection,
si vous ne m'eussiés faict Tbonneur de désirer que je
m'employasse en l'affaire qui a amené M. de Picrrefite
ici; et eusse pris autant de subject de m'en plaindre
et de le vous reprocber, comme j'en ai de vous y ser-
vir; et quand vous ne vous feussiés soubveneu de moi
ÏI2 LETTRE DE M. DE ROHA.N , etc.
en cela, je n'eusse laissé de vous y faire paroistre la
mémoire que j'ai tousjours de mes parens, et l'envie
que j'ai de me pouvoir voir content, au contentement
que la justice nous doibt rendre en la poursuite et pu-
nition de vos ennemis , de qui la lascheté s'est autant
rendeue digne , qu'elle est indigne d'estre poursuivie
par les armes. Je vous dirai, monsieur, qu'après avoir
esté trouver M. de Rheims et tous vos aultres amis , il
feut resoleu que M. de Rhosny demanderoit à sa ma-
jesté si elle auroit agréable que nous l'allassions trou-
ver tous ensemble : ce qu'il feit hier; et elle lui res-
pondit qu'il n'en estoit poinct de besoing, et qu'elle
avoit autant que nous cest affaire en recommandation.
Si ce n'estoit mon prince, je lui eusse disputé cela;
car je ne souffrirai jamais que personne puisse ni em-
porter le prix sur mon affection , ni égaler la bonne
volonté de demeurer, monsieur, vostre bien humble
et affectionné cousin à vous servir.
Henry de Rohan.
Du . . febvrier 1698.
LIV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M' AMIE, entre ci et Amboise, j'ai sceu que le roy
y disne demain. Je m'en suis veneu à Escure attendre
le roy au passage, vers lequel j'ai envoyé Marbaut en
poste, lequel me dira ceste nuict ce que j'aurai à faire.
Nous nous portons tous bien , grâces à Dieu. Sa majesté
pourra aller demain à Ghenonceaux. C'est en haste. Je
t'embrasse , etc.
D'Escure, ce vendredi V^ mars iSgS , à six heures du soir.
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. ii3
LV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
yé sa femme,
M' AMIE, hier je rencontrai sa majesté a une lieue
de Biois , sur l'eau, où elle me feit cest honneur de
me recevoir en son bateau avec nostre fils, et eus loisir
de l'entretenir jusqu'à Amboise , et du public et du
particulier. Le visage feut fort bon et les paroles de
mesme. M. d'Espernon y estoit, qui feut cause que le
roy ne parla de ce qui s'estoit passe entre nous. Le jour
précèdent, ledict sieur, sur ce que le roy disoit à ung
chacung que je le venois trouver , en tesmoignant
quelque contentement, lui dict qu'il a voit à se plaindre
de moi et s'en expliqua. Le roy lui respondit avec
beaucoup de vigueur jusqu'à ces mots, qu'il ne trou-
voit pas estrange ce que j'avois faict, veu qu'il verroit
de Bourg, etc. , dont tu ne feras pas semblant. Je pense
qu'à six heures il nous fera parler ensemble, à quoi il
estoit fort disposé par MM. de Schomberg et de Ro-
quelaure. Pour nostre principal , me monstrant madame
la duchesse, il me dict : Voilà ung des bons gensd'armes
que vous ayés pour vostre affaire; et de ce pas il entra
en propos. Il en avoit consulté une heure le jour pré-
cèdent avec MM. de Schomberg et de Villeroy, et en
feut le résultat tel que si, dedans ung jour qui seroit
prefix, Sainct Phal ne se resolvoit d'en passer par l'expé-
dient duquel tu as ouï parler pour me debvoir la vie et
l'honneur, il donneroit d'ores et deçà commandement
à M. de Villeroy d'escrire à ses gens qu'ils se feissent
partie, et à M. le premier président qu'il feist justice.
MÉM. DE D^TLESSIS-MORKAY. ToMF. VHT, 8
Il4 LETTRE DE M. DUPLESSIS
Nous estions en lieu si estroict et si près de personnes,
qu'il n'estoit à propos qu'ils ouïssent mes répliques,
que j'en tus plusieurs choses que je dirai , aidant Dieu,
aujourd'hui. Tant y a que tous ceulx à qui je parle
me tesmoignent qu'il parle lousjours de mesme. A Am-
boise il disna au chasteau, et aussitost alla à Chenon-
ceaux , et M. de Schomberg et moi, par son comman-
dement, vinsmes coucher en ceste ville, sa majesté
mettant toustefois à nostre choix de le suivre là; mais
j'eus esgard que je ne pourrois avoir près de moi mes
amis , n ayant qu'une chambre au chasteau et eulx à
Bleray ; ce que je ne trouvai convenir. En oultre, je
vouliois aussi entendre toutes choses plus au long par
M. de Schomberg , pour estre mieux instruict quand
j'aurai à parler à sa majesté pour le particulier. Il est
en bon train et fais estât de faire assigner les trente
mille livres payables en trois ans au plus, avec et par
mesme moyen que les garnisons de la relligion. J'ai
aussi desjà fort ébauché les difficultés qui restoient à
Chastellerault , et en espère bien. Sa majesté sera ici
ce soir. Il est encores incertain si elle ira demain à Saul-
mur; mais je fais estât d'y estre demain, aidant Dieu.
La court est petite : il n'y a que MM. de Rohan , d'Es-
pernon, de Roquelaure, de Schomberg, de Sancy, de
Yilleroy, de Gesvre , de Chasteauvieulx , peu d'aultres.
Nous ferons conserver la maison de ville pour MM. de
Schomberg et les presidens. Je crois quil y fauldra
quelques licts de plus ; mais M. de Schomberg , qui en-
"voye ses officiers devant à Angers, s'attend que nous
le défrayerons en la maison de ville ; à quoi je te prye
de pourvoir au mieulx qu'il sera possible, et pour ça
je t'envoye Courville , car je n'ai peu me passer de Ca-
seaux. Il fauldra tenir toute Tartillene preste. On nous
A MADAME DUPLESSIS. l i 5
demandera force pour les trains , et fauldra
s'en excuser tant qu'on pourra ; aussi n'y a il pas grand
danger. Mais nous aurons le soing que sa majesté
voye nos hommes. Est besoing aussi que le receveur
Benoist distribue les corselets et cuirasses et nos mo-'
rions aulx soldats, afin qu'ils se voyent en bon contre.
J'arriverai devant pour pourvoir au surplus. On doubte
si madame de Beaufort s'arrestera pour quelques jours
ici, M. de Sancy m'a mandé qu'il me viendroit voir.
C'est la court; mais il n'en fault faire semblant. M. de
Rhosny faict tout en finances ; il n'y sera de dix à
douze jours. Mon nepveu de Vaurelaz aussi n'y est
poinct. La Vignole s'en est retourné par le logis de
son beau père.
Présentement arrive Barbenoire , qui m'estoit allé
chercher à Ghenonceaux. Il me met en grande peine
de ta santé par tes lettres, et sur ce poinct rien ne
me contente. Cest hyver pluvieux nous a faict bien du
mal , et ceste paralysie s'en est augmentée. D'ailleurs ,'
ces sollicitudes qui nous viennent ne nous amendent
pas. Ce n'a pas esté une petite fascherie que de ces
trouppes de M. de Miossans. Nostre amitié requeroit
mieulx que cela. J'ai desjà parlé à M. de Schomberg
du faict du sieur Macé ; et ce soir verrai M. de Villeroy
là dessus. Nous aurons assignation de six vingt dix mille
livres pour nos ministres : ce que je te responds sur
ce que tu me dis de M. de La Noue; mais on n'a
poinct encores advisé comme ceste somme seroit dis-
tribuée. Elle nous viendroit bien à propos. Je retiens
Estienne pour te le despescher peult estre dans ce
soir. Je renvoyé meschevaulx, et Brouard les conduict,
par lequel je viens présentement de sçavoir que le roy
ne sera que demain ici, et court aujourd'hui ung cerf
Il6 LETTRE DE M, DUPLESSIS
à Chenonceaux. Je pense qu'il nous fault préparer eu
sorte que si le roy se pryoit à souper à son arrivée à
la maison de \iile, il le puisse faire sans toutesfois
parler de lui. D'ailleurs j'ai pensé que tu pourrois avoir
besoin d'Estienne , pour l'envoyer deçà et delà. Je te
le renvoyé et Barbenoire aussi , qui aidera à ramener
mon équipage, et te despescherai demain ung lacquais,
comme je désire fort aussi des nouvelles de ta santé
vraies dans demain au soir. Si on pouvoit faire pré-
parer par nos gens de dessus les ponts quelques pe-
tites pataches pour accompaigner le roy à Angers : il
m'en a parlé et trouve fort à propos, M. Niotte mesna-
gera bien cela. Je t'embrasse, etc.
De Tours, ce 2 mars 1598.
k'^/«./%'<«^'»/«
LVI. —^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
J sa femme.
M^AMiE , je ne pensois pas de te donner tant de
peine, quand je t'ai escrit d'accommoder M. de Schom-
berg et MM. les presidens en la maison de ville. La vérité
est qu'en a fort pressé et en a parlé aulx marescliaulx
de logis du roy. Je n'ignorois pas que ce ne pouvoit
estre sans incommodité, et y plaignois fort ta santé;
mais on a bien de la peine à contenter ung cbacung.
Si dextrement on y peult faire loger le roy, j'en serai
bien aise et le laisse à ta conduicte. Le roy arrive ce
soir; M. de \^illeroy, à ma pryere, ce matin, et disne-
rons ensemble. Sa majesté séjournera deux jours en
ceste ville, qui seroit pour n'arriver que jeudi à Saul-
mur , OLi le séjour sera au plus d'ung jour. J'eusse bien
A MADAME DUPLESSIS. 117
esté à Clienonceaux, mais nos amis eussent esté in-
commodés et à Bleray, et le roy n'y a faict que chasser.
Je vouldrois bien que tu tempérasses ces appréhen-
sions qui nuisent à ta santé infiniment, et ne mettent
pas peu en peine. J'essayerai d'arriver à Saulmur ung
jour devant le roy. La Vignole a voulleu s'en retour-
ner. Ce sont gens qu'on ne retient pas comme on veult.
Je t'ai escrit amplement ce matin par M. Paulet. Je
t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur, ne te dissi-
mulant poinct que je suis affligé de ton indisposition
et trop de sollicitude. Dieu nous en soulagera quand
il lui plaira , lequel je supplie , m'amie, qu'il te garde
et conserve.
De Tours, ce 'i mars iSgS.
Quand je t'ai escrit que le roy pourroit souper à la
maison de ville, j'ai entendeu à l'improviste, comme
il faict souvent quand il arrive tard. Mande moi s'il
fault avoir quelque cbose d'ici. Je t'enverrai demain
Caseaux. Je dirai à M. de Schombcrg que tu m'as
mandé que tu as faict desmeubler la maison de ville,
pour y loger le roy et accommoder MM. les presîdens
en ung logis proche du chasteau , que tu leur as faict
meubler.
LVII. -. ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, présentement j'ai sceu que M. de Bouillon
arrive aujourd'hui à Saulmur. MM. les députés du
roy aussi, et les nostres de l'assemblée : sçavoir, MM. de
Constant, de La Mothe Charnier et Cazes, avec pouvoir
1 1 8 LETTRE DE M. DUPLESSIS
de conclure. C'est la suite de ce que j'ai apporté et
assuré au roy. Il nous fault, quoiqu'il en soit, saulver
la maison de ville pour M. de Schomberg et ses con-
sors , comme les mareschaulx des logis en ont charge.
Je sçais que tu n'es sans peine; mais ce n'est d'aujour-
d'hui que tu m'as soulagé en semblables. Il est vrai
que tes maladies requieroient plus de tranquillité. Le
roy disnera demain ici. J'escris à M. de Bouillon. Je
t'embrasse.
De Tours , ce i mars 1 5g8.
LVIII. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, je t'escrivis hier amplement; mais je ne
puis perdre la commodité de M. Paulet qui t'a voul-
leu voir. Il cherche parti , et je le lui vouldrois bien
trouver a son contentement. MM. de Bouillon et de
La Tremouille arrivèrent hier au soir, et ce matin sont
allés trouver le roy. Ils y receurent bon visage. Vous
aurés des hier eu M?^I. les presidens et nos dépu-
tés. La maison de ville nous sera réservée pour MM. de
Schomberg , et pour lesdicts sieurs presidens. Le roy
sera ici à ce soir. M. de Villeroy a disné à ma pryere ,
afin de conférer de nos affaires avec lui. Tout s'éboule
en Bretaigne ; Ancenis a composé ; Rochefort , Fou-
gères , Vannes, Hannebon , Craon et plusieurs autres,
parties ont traicté , parties traictent , ce qui toutesfois
ne doict encores estre divulgué. Je pense que la guerre
ne s'y fera qu en housse. Madame de Mercœur vient
les mains jointes. La resolution est que monseigneur
A MADAME DTJPLESSIS. lUj
quittera le gouvernement de Bretaigne, remettra le
chasteau de Nantes , et chacung en sa maison ; rien aul-
trement. Je trouvai hier M. d'Elbœuf qui m'offrit sa
vie et son espee , et ses amis, avec une affection.
Je ferai en sorte que le roy le sçache. Je plains extres-
mement tes maulx , mesmes en ceste occasion. Je pré-
viendrai le roy de quelques heures. Nous ne l'aurons
que mercredi à Saulmur. S'il y survient changement,
aussitost je t'en advertirai. On est encores en doubte si
madame la duchesse ira , ou si elle attendra quelques
jours en ceste ville. Je t'embrasse, etc.
De Tours , le lundi 3 mars iSgS, à huict heures du matin.
Nostre affaire de la relligion , sans doubte, se con-
clura. J'en escris ung mot à MM. les députés; M. le
chancellier arriva hier à Clienonceaux.
LIX. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sûleiy au roy.
Sire , nous remercions très humblement vostre ma-
jesté de la faveur qu'elle nous a faicte, agréant l'hum-
ble service que nous lui avons peu faire en ce com-
mencement de negotiation de paix ; suivant son com-
mandement , nous avons mis en peine , auparavant
qu'elle s'esloingnast de ces quartiers pour son voyage
de Bretaigne, de l'esclaircir de l'intention des Espaignols
au faict de ceste paix , en quoi , comme nous estimons,
il y a quelque lumière, sans que nous soyons engages,
ni ayons oultre passé d'une seule lettre l'instruc-
tion que vostre majesté nous a faict bailler. Ce matin
avons visité M. le légat , afin de le rendre capable
120 LETTRE
des bonnes intentions de vostre majesté, et qu'il nous
aidast à disposer les ambassadeurs d'Espaigne de
ne prendre pour longueur ou refroidissement ce que
vostre majesté désire estre pourveu au defïault qui se
trouve au pouvoir qu'ils ont ici apporté pour n^gotier
avec la royne d'Angleterre. Il semble qu'en cela nous
n'avons pas perdeu nostre peine , se monstrant ce bon
prélat très devotieux à vous faire tout le service qui
peult despendre de lui. Nous nous sommes trouvés
ceste après disnee en son logis avec lesdicts ambassa-
deurs , aulxquels nous avons faict entendre le som-
maire du conteneu en la lettre de vostre majesté , leur
remonstrant vivement combien elle se monstroit affec-
tionnée à la conclusion de ceste paix , suivant la bonne
instruction qu'il lui a pieu nous donner par sadicte
lettre; à quoi ils nous ont faict une honneste response,
et se sont fort estendeus sur ce qu'ils jugent de ce qui
leur a esté par nous proposé; mais d'autant qu'ils ont
dict en voulloir délibérer par ensemble, et que demain
ils nous feront response, nous différons d'en^scrire à
vostre majesté , jusques à ce qu'ayons sceu quelle est
en cela leur resolution.
Ce propos fini, ils nous ont demandé si nous avons
obteneu de vostre majesté le passeport dont ils nous
ont requis pour envoyer à M. de Mercœur; nous avons
dict que vostre majesté nous a sur ce faict entendre
son intention, qui est de ne l'accorder en aulcune
sorte , dont l'ung et l'aultre des deux ambassadeurs se
sont pîaincts grandement, rcmonstrans qu'il y a trop
d'inégalité que vostre majesté veuille que pour son
honneur tous les confédérés soient compris en ceste
paix ; qu'ils peuvent dire avec autant de raison les
HoUandois rebelles du roy catholicque leur maistre,
AU ROY. I5î
que vostre majesté tient et déclare pour rebelle le
duc de Mercœur , et qu'en cela il y va trop avant de
l'honneur de leur maistre; que nous traictons mainte-
nant d'unir, reconcilier et confederer ave4: vostre ma-
jesté, fequel nous debvrions respecter plus, comme ils
feront de leur part, tout ce qui concernera Thonneur et
le respect qui est deu à vostre majesté.
Ce propos a esté long, et n'avons pas esté courts
en response, qui a esté en somme, que vostre majesté
est du tout resoleue de n'accorder poinct ledict passe-
port ; que nous ne voyons poinct que ledict sieur de
Mercœur les ait requis de faire ceste poursuite pour
lui, qfî'au contraire nous avons sceu de bonne part
qu'il a faict dire à vostre majesté qu'il aimeroit mieulx
perdre son gouvernement que de le conserver par le
moyen des Espaignols ; que maintenant que nous traic-
tons de le faire comprendre en ceste paix, nous tenons
son traicté pour tout faict avec vostre majesté , qui en
usera benignement en son endroict, comme elle a faict
envers tous les aultres ; à quoi nous avons adjousté
une raison que nous estimons fort considérable , c'est
que, demeurant ledict duc de Mercœur en vertu de ce
traicté gouverneur de Bretaigne, il tiendroit ceste
obligation du roy d'Espaigne, et vostre majesté veuît
avec toute raison qu'il la recognoisse d'elle seule ;
d'ailleurs vostre majesté, se resolvant pour ung bon
coup à la paix, ne veult poinct laisser de prise ni
d'occasion de revenir à la guerre, ce qui se peult
craindre , comprenant en ceste paix ledict duc de Mer-
cœur; advenant qu'on ne le contentast en quelque de-
mande , il pourroit dire au roy d'Espaigne qu'on ne
lui observe pas la paix; le semblable ne se peult pas
dire des Provinces Viiies ; car cest ung estât formé et
î'2i LETTRE
puissant que le roy d'Espaigne ne désire pas moins
estre compris en ce traicté que nous mesmes , et pres-
que sans la bonne aide et auctorité de vostre majesté,
il n'y a pas d'apparence qu'ils y puissent entrer ; qu'il
y a grande différence entre lesdictes provinces si puis-
santes , et ledict duc de Mercœur, qui n'a peult estre
pas en sa puissance à l'heure que nous parlons une seule
A'ille h laquelle il commande absolument; que les princes
quand il y a en leurs estatsune grande soublevation sont
conseillés de faire ung edict de paix ; si le nombre
n'en est pas grand, ils les font punir par justice. Geste
affaire longuement desbatteue de part et d'aultre ,
nous sommes demeurés en nostre resolution : ils nous
ont pryé de nous voulloir modérer.
Apres cela, ils ont parlé de M. de Savoye , et nous
ont déclaré expresseement qu'ils n'ont pouvoir de
traicter sans le comprendre en la paix, disant, oultre
plusieurs aultres raisons, qu'il est du sang, et que leur
maistre ne le peult abandonner; nous avons dict que
s'il faict ce qu'il doibt envers vostre majesté, qu'il en
doibt attendre tout bon et favorable traictement.
Sire, suivant la resolution qui feut prise hier, nous
nous sommes assemblés cejourd'hui , 22 de ce mois dé
febvrier, chés M. le légat. La response des ambassa-
deurs d'Espaigne , à ce que nous leur proposasmes
hier, a esté qu'ils s'accordoient à ce qui leur feut hier
par nous proposé; qu'ils trouvoient bon d'envoyer en
Espaigne courrier exprès , pour obtenir le pouvoir du
roy d'Espaigne, dont vostre majesté estime que la
royne d'Angleterre vouldra estre asseuree auparavant
que d'envoyer ici les députés; que par mesme moyen
ledict seigneur roy sera supplié d'envoyer le contresigné
à dom Jean d'Aquila , avec commaiidement de restituer
AU ROY. J2J
Blavet, ainsi qu'il lui sera ordonné par le cardinal
d'Autriche. Se serviront du passeport qu'il a pieu a
vostre majesté nous envoyer par le courrier qu'ils des-
pescheront en Espaigne, qui sera, comme nous avons
dict, accoTPnaiçfné de l'unir des vostres: ils avoient
desjà ici les lettres dudict cardinal pour obtenir ledict
pouvoir ; mais ils *^onl contraincts de renvoyer par
devers lui à ce qu'il escrive aussi en Espaigne pour
avoir le contresigne de Blavet, ce qui pourra retarder
le partemcnt de leur courrier de trois ou qualtre jours.
Ils sont aussi de mesme advis que nous debvons cepen-
dant traicter et prendre résolution sur tous les articles
qui seront escrits et signés de part et d'aultre, et qu'il
se puisse ci après venir à nouvelles demandes, con-
sentant que ledict escrit soit mis entre les mains de
M. le légat, et teneu secret jusques au jour que nous
en consentirons la publication; qui est, comme nous
estimons , le plus sage expédient qui se pouvoit prendre
en cest affaire.
Ce propos achevé, ils ont recommencé à parler de
M. de Mercœur, et ont dict que ce refus pourroit ap-
porter longueur à ce traicté. Nous nous sommes remis
à ce qui leur feut dict hier de l'intention de vostre
majesté, les pryant, puisque ledict duc a traicté deux
ans avec vostre majesté sîins les appeller, qu'ils trou-
vent bon que nous traictions ung mois ici sans lui,
tenant pour certain que ce qu'il a à traicter avec vostre
majesté sera achevé en moins de temps , remonstrant
qu'il ne fault pas espérer qu'estant desjà bien avant
sur le chemin de Bretaigne, et ayant despensé plus de
trois cens mille escus pour le payement de l'armée
qu'elle y faict acheminer, que sur Tadvis que nous lui
donnerons sur la demande que pour ce regard ils nous
Î24 " LETTRE
font, qu'elle veuille rompre ne différer son entreprise;
que ce qu'ils demandent pour ledict duc de Mercœur
le rendroit tousjours suspect à \ostre majesté, et lui
porteroit trop de préjudice.
Ils ont aussi remis le propos touchant M. de Savoye,
nous déclarant ouvertement qu'ils ne peuvent rien
traicter sans lui; et sur ce , nous dirons à vostre majesté
que de tout ce qui nous reste à negotier avec les am-
bassadeurs d'Espaigne, soit des affaires de vostre ma-
jesté, soit de ce qui concerne la royne d'Angleterre et
Provinces Unies, il n'y a rien qui nous donne plus de
craincte de voir rompre ceste negotiation , que le faict
dudict sieur duc de Savoye ; car, du surplus que vostre
majesté demande, on en peult sortir d'une sorte ou
d'aultre.
Quant à ladicte royne et provinces , faisant ce à
quoi vostre majesté est obligée, comme elle faict, elle
en demeure deschargee devant Dieu et devant les
hommes; mais pour le regard dudict duc, par ce qui
nous est rapporté , il se fîict entendre qu'il ne veuk
en aulcune sorte restituer le marquisat de Saluées.
Toutesfois , sire , n'ayant encores sceu que portera son
ambassadeur, que nous attendons ici de jour à aultre,
nous remettons à nous en resouldre et donner advis à
vostre majesté , après que nous l'aurons ouï.
Sire, nous nous sommes derechef assemblés le 24
de ce mois de febvrier et aultres suivans , où nous
avons traicté bien avant, avec lesdicts sieurs ambassa-
deurs d'Espaigne , de tout ce dont il a pieu à vostre
majesté de nous charger. Les affaires ont esté fort de-
batteus de part et d'aultre, sans neantmoins que nous
ayons encores resoîeu de signer les articies, pour ce
principalement que le faict M. de Savoye n'est vuidc.
AU ROY. 1^5
n'estant pas eu leur pouvoir de conclure ceste paix:
sans l'y comprendre; et attendant la veneue dudict
ambassadeur, nous avons employé le temps à resouldre
les demandes de voslre majesté, ainsi qu'il lui plaira
de voir par Tcficrit que lui envoyons avec la présente,
auquel nous avons mis fidèlement les raisons qui ont
esté deduictes de part et d'aultre; en quoi, sire, si
nous avons satisfaict au désir de vostre majesté, nous
nous estimerons heureux; bien Tasseurerons nous qu'il
n'a esté en nostre pouvoir de mieulx faire ; et, après une
si longue dispute, n'avons pas opinion qu'il s'y puisse
rien adjouster.
Sire , lesdicts ambassadeurs d'Espaigne et nous
feusmes assemblés cbés M. le légat le dernier du mois
passé, 1*' et 3 de ce mois de mars, où le marquis
de Lullin, ambassadeur de M. de Savoye , s'est trouvé,
qui a insisté , et les ambassadeurs d'Espaigne avec
lui, que vostre majesté est obligée de promesse à l'ob-
servation de ce qiîi est en certain escrit qui feut baillé,
par son commandement, à celui par lequel le sieur
Jacob envoya la response dudict sieur duc, qu'il reçut
sur la montaigne de Tarare, en retournant en Savoye;
ii n'y a poinct eu plus de contention sur article qui ait
esté proposé que cestui ci. Les ambassadeurs d'Es-
paigne et de Savoye disent de ne pouvoir resouldre la
paix sans ledict duc de Savoye, qui est du sang, au-
quel sa femme l'infante a laissé neuf enfans, petits fils
de leur maistre le roy catholique, que pour rien du
monde ne les vouldra abandonner. En somme, sire,
comme nous avons preveu des le commencement, nous
trouvons ce passage le plus fascheux de toute ceste
negotiation, et avons sceu d'ung ami que ledict duc
de Savoye a des lettres dudict roy catholique, qui lui
^26 LETTRE
a ci devant conseillé de ne restituer en aulcune sorte
ledict marquisat de Saluées. Tellement, sire, qu'il y a
apparence que tout ce qui a esté traicté jusques a pré-
sent est en vain , si l'on ne trouve quelque expédient
pour surmonter ceste difficulté. Il seroit trop long de
mettre en ceste lettre tout ce que sur ce subject a esté
dict de part et d'aultre; il en a esté dressé ung mé-
moire que nous avons mis avec la présente, qu'il plaira
à vostre majesté de considérer. Apres une longue dis-
pute, le père gênerai des cordeliers, en ayant conféré
avec M. le légat et les ambassadeurs d'Espaigne, nous
a dict , par forme d'ouverture, qu'il lui sembleroit que,
sans que vostre majesté se déclare obligée, en vertu
de la promesse du 4 de juin dernier, elle pourroit
maintenant accorder, de sa pure libéralité et bonté,
par le désir qu'elle a de voir finir les guerres entre les
potentats chrestiens, que sa saincteté jugeast des dif-
férends entre vostredicte majesté et ledict sieur duc ,
en la forme qui est conteneue au susdict escrit; que
par ce moyen il ne se perd rien de vos droicts et pré-
tentions; qu'il n'est pas à craindre que le pape juge à
vostre préjudice contre ce qui est raisonnable; qu'il
n'en jugera par l'advis d'une congrégation où il y
pourroit avoir des personnes suspectes; qu'il est homme
très docte, qui en jugera par son opinion, et non par
celle d'aultrui ; que par ce moyen on viendroit à la
conclusion de cest affaire, qui aultrement pourroit
prendre ung long traict; car, ne se pouvant resouldre
sans y comprendre le duc de Savoye, ledict duc, au-
paravant que de joindre, vouldrqit envoyer en Es-
paigne pour s'asseurer et gaigner la volonté du roy
catholique, qui, durant ces longueurs, pourroit mou-
rir, comme il est homme vieil et meur ; que l'on a opi-
AU ROY. 127
nion que la volonté du frère ne seroit pas telle envers
l'infante sa sœur, qu'est celle du père envers sa fille,
joinct qu'es Pays Bas et en Espaigne la nation esj^ai-
gnole se déclare fort mal contente que l'on démembre
de la domination de leur roy ung si grand nombre de
si belles provinces, comme sont celles des Pays Bas. '
Nous remonstrant ledict père gênerai que, prenant
vostre majesté ceste resolution, rien ne dépérit de ses
droicts; et se peult asseurer que dans deux mois, après
que nous aurons signé les articles qui ont esté traictés ,
vostre majesté, sans aulcune longueur ni difficulté,
rentrera en la possession de tant de places qui ont esté
occupées sur son royaulme par ledict roy d'Espaigne;
car on nous donneroit asseurance que ce que dessus
estant accordé par vostre majesté, le faict de M. de
Savoye ne retarderoit pas d'une seule beure ladicte
restitution ; à ceste proposition nous n'avons sceu
faire aultre response, si ce n'est que ceste ouverture est
du tout contre la charge que vostre majesté nous a
ordonnée, qui est que, ne se sentant plus obligée par
le susdict escrit, et que voullant la paix avec M. de
Savoye , elle la veult raisonnable sans y laisser rien du
sien.
Nous estant depuis assemblés chés M. le légat, nous
avons persisté en nos demandes , et remonstré de nou-
veau les commandemens de vostre majesté et les rai-
sons très grandes qui l'ont meue à prendre ceste reso-
lution. Sire, nous n'avons rien peu advancer en cela,
ni avec l'ambassadeur de Savoye, ni aussi avec ceulx
d'Espaigne, que nous avons pryés instamment de re-
cognoistre les raisons de vostre majesté , et , y ayant
esgard, en rendre capable, et y disposer ledict ambas-
sadeur de Savoye; sur quoi ils se sont estendeus en
1 28 LETTRE
iing fort long discours, dont la conclusion a esté qu'ils
supplioient vostre majesté de voulloir accepter le pape
pour arbitre des différends qu'elle a avec M. le duc de
Savoye, suivant son offre et déclaration dudict 4 ^6
juin , pour response à celle dudict sieur duc du 6 de
mai dernier, qu'ils demandent estre joinctes à ladicte
déclaration de vostre majesté. Nous leur avons faict la
mesme response qu'avions dicte le matin audict père
gênerai, qui est que ceste demande est du tout contre
nostre instruction; leur remonstrant vivement la justice
de vostre demande, à laquelle, avec toute raison, ils se
doibvent conformer. Ils nous ont requis, puisque les
asseurions de n'avoir le pouvoir d'accepter ceste ou-
verture , d'en voulloir escrire à vostre majesté; et,
voyant de ne le pouvoir refuser, leur avons dict que
nous estimons que vostre majesté ne changeroit pas
d'opinion, mais que nous ne sçavions comment lui escrire
ce qu'ils demandent, que cest arbitrage soit déféré au
pape, pour juger, suivant lesdictes déclarations de
vostre majesté et dudict sieur duc; car, en premier
lieu , nous soubstenons que vostre majesté n'est plus
obligeee à l'observation du conteneu en sadicte décla-
ration ; et quant à celle dudict sieur duc, qu'il ne fault
attendre qu'elle la veuille approuver en aulcune sorte,
apparoissant assés, par sadicte déclaration, qu'elle n'en
estoit aulcunement satisfaicte.
Ce poiiict a esté longuement debatteu, et se sont
retirés à part lesdicts trois ambassadeurs et ledict père
gênerai pour en délibérer. En ayant parlé longuement
par ensemble , ils nous ont dict qu'ils nous pryent de
voulloir escrire à vostre majesté leur demande, qui est
de la supplier de voulloir trouver bon, pour le bien
de la paix, ce qu'elle jugea raisonnable et accorda par
AU ROY. 129
sondict escrit dudict mois de juin dernier; que, suivant
icelui, l'arbitrage des différends de vostre maiesté avec
ledict sieur duc soit remis à nostre sainct père Clé-
ment VIII, qui les jugera dans ung an, à compter du
jour que l'accord sera signe, et par sa sentence ordon-
nera du temps lequel elle debvia estre exécutée; et
cependant sera ledict sieur duc compris en ceste paix,
demeurant les choses de part et d'aultre en Testât
qu'elles sont à présent, sans qu'il y soit rien innové ; et
pourront, des le jour de la publication du traicté , les
subjects des deux costés ^ en gardant les loix et cous-
tumes des pays, aller, venir, demeurer, fréquenter,
converser et retourner es pays l'ung de l'aultre mar-
chaudement, et comme mieulx leur semblera, ainsi
qu'il se faisoit auparavant la guerre. C'est, sire, tout ce
à quoi se sont vouUeu resouldre et déclarer lesdicts
sieurs ambassadeurs. Et par ce que nous avons peu
comprendre, par tant et de si longues conférences, il
n'y a pas espérance que l'on en puisse tirer dadvan-
tage.
Parlant à part avec lesdicts ambassadeurs d'Espaigne,
ils nous ont dict et asseuré, comme aussi ils nous ont
faict dire depuis par ledict père gênerai, que s'accor-
dant vostre majesté au susdict arbitrage entre les mains
de nostre sainct père le pape, ils n'entendent pour
cela de différer une seule heure la restitution des places
qu'ils ont promis de rendre à vostre majesté; sur quoi
il lui plaira de nous faire entendre son bon voulloir et
<;ommandement.
Sire, par une lettre de M. de Villeroy, que nous
receusmes liier , nous avons veu ce que vostre majesté
lui a commandé de nous escrire ; que nous prenions
garde à nous , car elle est tousjours en craincte que l'on
MÉM. DE DurLEssis-MoRjy.vY. Tome Ani, q
î 3o LETTRE
l'abuse, et nous aussi; que le duc de Mercœur attend
des forces d'Espaigne; que ledict duc a esté asseiiré
de nouveau, par le cardinal Albert, que la paix qui
se traicte à Vervins ne sera concleue sans lui, et que,
s'il veult tenir bon de son coslé , qu'il se mettra en
campaigne dans ung mois pour attaquer nostre fron-
tière.
Sire , Dieu n'a pas donné à l'homme de dire cer-
tainement ce qu'ung aultre a dans le cœur. Parlant
comme hommes et comme fort fidèles et loyaulx ser-
viteurs de vostre mdjesté , nous lui dirons que jusques
à présent, ni M. le légat, ni nous, n'avons pas apperceu
qu'il y ait de la tromperie en ceste negoliation. Nous
avons les yeulx ouverts, sçachant d'avoir affaire à en-
nemis et Espaignols. Enfin , vostre majesté n'a pas
desgarni sa frontière sur Tesperance de la conclusion
de ce traicté; elle ne leur rend ni promet de rendre
aulcune place, accorde seulement de recevoir ce que
les Espaignois offrent de rendre, que tous les traictés
qui ont este faicts depuis trois cens ans en çà soient
veus. Nous n'estimons pas qu'il s'y puisse trouver chose
semblable qui soit tant à Thonneur de la France; et,
s'il fault due ce qui en est en tous les aultres traictés,
encores qu'ils ayent esté utiles, ne se peult dire qu'il
n'y ait eu de la diminution de la dignité et des limites
de ce royaulme; ce qui ne peult estre dict du traicté
qui se negotie maintenant. Si l'intention du cardinal
Albert est âv. tromper vostre majesté ou non, Dieu le
sçait, nous ne le sçavons pas; nous dirons seulemejit,
puce que nous en apprenons que ledict cardinal
cherche d'acquérir réputation de prince qui faict pro-
fession de garder sa parole , que nous traictons ic^i avec
les sieurs président Richardot et commandeur Taxis ,
AU ROY. liï
qui sont les premiers au conseil du roy d'Espaigne
establis en Pays Bas , qu'ils sont teneus pour person-
nages d'honneur. Nous avons d'eulx toute l'asseurance
qui se peult donner par paroles. Gomme a esté dict, on
ne hazarde entre leurs mains. Ils nous ont souvent dict
que ledict cardinal désire infiniment d'acquérir les
bonnes grâces de vostre majesté; et, parlant en nostre
conférence, ont dict par trois fois qu'il venlt eslre ser-
viteur de vostre majesté, qui sont termes dont les
princes d'AlIemaigne n'ont pas accoustumé d'user
quand ils escrivent au roy de France, mesme ceulx
qui sont de la qualité qu'il est. C'est, sire, ce que nous
pouvons escrire à vostre majesté sur ce faict , ne pou-
vant rien adjouster à ce qui a esté mis ci dessus tou-
chant le duc de Mercœur.
Sur ce propos, nous dirons à vostre majesté une ou-
verture que nous feit ces jours passés ledict père gêne-
rai, comme venant de lui : mais nous estimons qu'il en
sçavoit l'opinion des ambassadeurs d'Espaigne. C'est
qu'il proposa que pour oster toute occasion de défiance
entre vostre majesté et le roy catholique, il seroit à pro-
pos que le cardmal Albert nous donnast asseurance qui
seroit teneue secrette, et neantmoins bien et fidèlement
observée, que durant ce pourparler de paix il ne fe-
roit, ni lui ni tous ceulx qui du costé de deçà despen-
dans du roy d'Espaigne , aulcune entreprise sur les
places de vostre majesté; estimant le père gênerai que
si vostre est de faire audict cardinal une semblable pro-
messe, que l'affaire passera au contentement des deux
parties. N'ayans pouvoir de respondre sur cest article,
nous ne nous y arrestasmes pas; et neantmoins n'avons
voulleu faillir d'en donner advis a vostre majesté, qui
nous commandera, s'il lui plaist, son bon voulioir. Les
i3i LETTRÉ
ambassadeurs d'Espaigne ne nous en ont pas parlé. Ils
despescherent le 2 5 du mois passé leur courrier, pour
obtenir du roy d'Espaigne le contresigne de Blavet et
le pouvoir pour traicter avec la royne d'Angleterre.
Il nous reste, vsire, à faire response à vostre majesté
sur ce que par la fin de ladicte lettre elle nous com-
mande de lui donner advis de ce que nous apprenons
des intentions dudict cardinal , des moyens qu'il a de
faire la guerre , de ce qu'il attend du costé d'Espaigne,
et aultres choses pareilles. Sire , nous avons ici affaire
à deux vieulx ambassadeurs qui ne parlent des affaires
de leur maistre qu'à son advantage. Hier le père gêne-
rai nous dict qu'ils avoient eu advis qu'à Calais estoit
arrivée une cai^tivelle pour advertir de la veneue de
quarante navires chargés de quattre mille soldats espai-
gnols, et que lesdicts navires portoient sonnne notable
d'argent; que de Calais on en voyoit la flotte. Quant à
l'intention du cardinal, c'est de parvenir au plus tost
qu'il pourra à ce mariage qui lui est accordé ; qu'ils
attendent pour cest esté l'infante es Pays Bas; qu'il de-
sire de s'asseurer de l'amitié de vostre majesté, et n'a
pas moins d'envie de moyenner que les places promises
lui soient rendeues au plus tost que se pourra, afin que
par le moyen de ceste restitution, survenant la mort
du roy d'Espaigne, il y eust moins de contradiction à
ce qui lui a esté accordé. Qu'à cesle occasion , vostre
majesté se doibt d'autant plus asseurer qu'il y procède
de bonne foi , estant ainsi , que l'interest est le maistre
des affaires. On tient pour certain que les provinces
s'accordent de le recevoir pour seigneur, dont, à ce
que l'on nous a dict, il a faict trois despesches au roy
d'Espaigne, qui affectionne ce faict.
Que ledict roy d'Espaigne n'a poinct présentement
AU ROY. i33
de maladie qui fasse doubler de la vie , mais qu'il est
fort meur, ayant septante et ung ans; que le prince son
fils est employé aulx affaires plus qu'il ne saouloit; mais
que ledict roy retient tousjours Fauctorité sur toutes
choses; qu'on n'estime pas que ledict prince ait agréable
la donation que son père faict audict cardinal ; mais il
ne lui oseroit contredire, que près dudict roy le sieur
Jean d'Idiaques, Christophore de Mora, et le comte de
Clîinçon , sont ceulx qui ont le plus d'auctorité. Quant
au parti que l'on dict qui a esté faict avec les marchands
pour la guerre des Pays Bas , ils s'en vantent, mais nous
n'en avons poinct de certitude. Si ceulx des Provinces
Unies ne vouldront recognoistre ledict cardinal , il faict
estât que le roy catholique l'assistera de ses moyens,
et qu'enfin ils ne lui pourront résister.
Sire, ledict peie gênerai nous a encores proposé de
la part de l'ambassadeur de Savoye , que s'il plaist à
vostre majesté faire abattre le fort de Charbonnières ,
que tient vostre majesté en Maurienne, que ledict duc
de Savoye fera abattre le fort qu'il a faict faire à Bar-
rault en Daulpliiné. Nous avons dict que nous n'esti-
mons pas que vostre majesté le trouve bon, et qu'il ne
s'en doibt plus parler. Ce neantmoins n'avons voulleu
faillir d'en donner advis à vostre majesté. Sire, etc.
Du 4 mars 1 5g8.
LX. — -^ LETTRE
De MM, de Bellievre et de Sillerj à M. de Villeroy .
MojNSiEUR, nous accuserons la réception de vostre
despesche du 27 du mois dernier; la dernière lettre
t 34 LETTRE
que vous avés esciite est du 16 dudict mois, que nous
baillasmes à celui qui accoinpaignoit le courrier d'Es-
paigne. La despesche que nous faisons au roy est si
ample , qu'il n'est besoing que nous adjoustions ici
aulcune chose de particulier, si ce n'est que de tout ce
que nous en pouvons juger, nostre opinion est qu'il ne
se peult rien diminuer ni adjouster à ce que nous avons
mis par escrit. Toutes clioses ont, esté fort considérées
et longuement desbatteues. Si on nous commande de
fViire dadvantage, on nous commandera de faire ce qui
n'est pas en nostre pouvoir. Le faict de M de Savoye
nous a donné une merveilleuse peine; ce que nous en
escrivons au roy ne vient pas de nous; mais nous vous
dirons librement , et comme doibvent serviteurs du
roy fidèles et affectionnés, que nous ne voyorts et n'es-
timons pns qu'il v ait aulcung aultre moyen pour en
sortir. Si cela ne se peult faire , il se fault resouldre
d'avoir par les armes ce que maintenant on vous offre
par ccst accord; car, à considérer toutes choses, il est
presque impossible que le roy d'Espaigne veuille aban-
donner son gendre , qu'il a mis a la querelle.
Peult estre que le cardinal d'Autriche, pour faire les
affaires, s'y pourroit accommoder , mais le roy d'Es-
paigne ne le souffriroît pas; ce qui a esté mis par apos-
tille au bout de la despesche que nous faisons au roy,
est ce qui nous a esté proposé ce matin.
Geste après disnee les ambassadeurs d'Espaigne sont
veneus nous trouver pour nous en pryer, et en ont
faict très grande instance. Nous leur avons dict que
nous craignons que le roy ne s'en sente importuné. Ils
nous ont pryé d'en escrire à sa majesté. Il semble que
le conteneu en nostre lettre doit suffire; et neantmoins
vous en escrivons ce mot pour satisfaire à leur pryere.
A M. DE VILLEROY. rj5
C'est au roy à juger si c'est son service d'eschanger le
fort de Charbonnières a celui de Barrault. Se faisant, la
paix nous estimons qu'il y fauldra venir; mais si ce sera
auparavant l'exécution de la sentence du pape ou non ,
nous nous en remettons à vos meilleurs jugemens. Les-
dicts ambassadeurs partans d'avec vous ont dict que ,
pour ce poinct, l'accord ne se rompra pas: mais que c'est
chose qu'ils désirent afin de donner quelque contente-
ment à M. de Savoye , et qu'il ait moins d'occasion de se
plaindre de ce traicté. L'on a ici mis ung billet qui est du
chiffre que vous nous avés baillé à nostre partement; il
vous plaira de le considérer. Lesdicts sieurs ambassadeurs
nous ont dict avoir entendeu que le roy veult, à la con-
clusion de ce traicté, envoyer aulcungs des plus grands
de son royaulme. Nous leur avons dict de n'en avoir
encores eu la certitude; que s'il en sera quelque chose,
nous les advertirons aussitost qwe nous le sçaurons,
dont ils nous ont pryé , à ce qu'ils fassent tenir prests
les seigneurs que M. le cardinal Albert vouldra dépu-
ter pour cest effect.
Sur ce poinct, il fault considérer, resolvans les arti-
cles comme nous ferons, suivant ce que le roy nous en
ordonnera, que les deux mois pour la restitution cou-
rent du jour que nous les aurons signés, sans attendre
la veneue des seigneurs qui pourront estre ici envoyés.
Monsieur , nous vous envovons avec ceste ci des
lettres de M. le légat , qui nous a baillé des mémoires
de ce que le pape demande; c'est le cardinal Saincl
George qui a faict la despesche en l'absence du cardi-
nal Aldobrandin. Il vous plaira de lui faire response;
il nous a chargés de vous en pryer de sa part, ce que
nous faisons, desirans de contenter ce bon homme.
Les ambassadeurs d'Espaigne nous ont proposé que,
\
1 36 LETTRE , etc.
se remettant de cest arbitrage au pape Clément , si sa
mort survenoit durant l'année que ledict arbitrage doibt
durer, qu'ils trouvent bon qu'il se fasse ung escrit à
part, afin que le pape ne voye pas que l'on a pensé à
sa mort, par lequel il sera accordé que la cessation
d'armes et liberté du commerce durera trois mois après
sa mort, pendant lesquels on se pourra accorder d'aul-
tres arbitres.
Le père gênerai nous vient de dire tout présente-
ment, de la part des ambassadeurs d'Espaigne , que
l'instance qu'ils ont faicte pour l'escbange desdicts forts
de Barrault en Dauipbiné , et Cbarbonnieres en Mau-
rienne , ne pourra différer ne rompre Taccord qui a
esté traicté pour le duc de Savoye , et que le tout est
remis au bon plaisir du roy; et, pour vous en dire ce
que nous en pensons , qui désirera que ce que nous
traictons sorte effect, il n'en fault pas différer la conclu-
sion. Nous nous recommandons, etc.
Du 4 mars i "jgS.
LX!.—-^ MEMOIRE
De ce qui a esté traicté avec les ambassadeurs
d'Espaigne.
Aujourd'hui, 28 de febvrier 1 ^98, les ambassadeurs
de France traictans avec MM. le président Richardot
et commandeur Taxis, ambassadeurs d'Espaigne, en
présence de monseigneur Tillustrissime et reverendis-
sime cardinal de Florence , légat de sa saincteté en
France, les articles qui ensuivent ont esté accordés.
Que le traicté de paix entre très bault, très puis-
MEMOIRE, etc. l37
sant et très excellent prince Henry IV, roy très chres-
tien de France et de Navarre , et très puissant et très
excellent prince Philippe il, roy catholicque des Es-
paignes, etc., sera resoleu, conformément et en ap-
probation des articles conteneus au traicté de paix faict
au Cliasteau en Cambresis, en l'an i^Sg, entre feu de
très haulte mémoire Henry H, roy de France, et ledict
sieur roy calholicque , suivant lequel toutes choses doib-
vent estre remises, sinon en tant que par ses articles il
y seroitexpresseement dérogé, en Testât qu'elles estoient
lors d'icelui traicté, et se rendront les places qui ont
esté occupées sur le royaulme de France depuis ledict
traicté; à sçavoir, Calais, Ardres , Monthulin, Dour-
lans, La Cappelle et Le Castekt en Picardie, Blavet en
Bretaigne, et toutes aultres places que ledict sieur roy
catholique y destient.
Pour le regard desdictes places de Calais , Ardres ,
Monthulin, Dourlans, La Cappelle et Le Castelet, la
restitution de toutes lesdictes six places se fera effec-
tuellement de bonne foi, et sans aulcune faulte ni
retardement , et seront remises et rendeues entre les
mains de celui ou ceulx qui seront à ce députés par sa
majesté très chrestienne , dedans deux mois , précisé-
ment après que les prescns articles auront esté signés
par les ambassadeurs desdicts roys , et remis entre les
mains de mondict sieur le légat, n'ayant peu le serenis-
sime cardinal Albert se restreindre à moindre terme ,
encores qu'il désire grandement de le faire, pour com-
mencer à donner contentement à sa majesté très chres-
tienne ; mais ayant affaire à soldats espaignols fort dif-
ficiles à manier, qui sont mutinés es villes de Calais,
Ardres et Le Castelet , pour appaiser la sédition et ré-
duire iesdicts soldats à ce qui est du debvoi^i-, il \\\\ est
l38 MEMOIRE
impossible, par ce qu'il en peult juger, de satisfaire à
ladicte restitution en moindre temps que de deux mois;
et, s'il aura moyen de l'accourcir, il le fera très volon-
tiers, tant pour faire chose dgreable audict sieur roy,
duquel il désire les bonnes grâces, qu'aussi pour sou-
lager la bourse du roy d'Espaigne du payement de six
mille soldats qu'il pourroit utilement employer es aultres
lieux où il en a affaire pour la conservation des Pays
Bas, et ne voullant faillir d'ung jour à la promesse,
moyennera par effect que ladicte restitution se fera
entièrement dans lesdicts deux mois, offrant de com-
mencer par Calais et Ardres, et le tout sans que sa
majesté très chrestienne soit importunée du payement
des soldats ou remboursement de ce qui a esté des-
pendeu pour les fortifications.
Pour ce regard , lesdicts sieurs ambassadeurs ont dict
que le sieur cardinal ne veult en aulcune façon faillir
h la promesse; pour ceste cause demande trois mois
de terme pour ladicte restitution , d'autant qu'il fault
envoyer en Espaigne pour avoir le contresigne , et
commandera audict sieur cardinal de l'envoyer à don
Juan d'Aquila , qui est homme fort pointilleux; et oultre
ce, il fauldra faire venir d'Espaigne des vaisseaux pour
porter les soldats espaignols et aultres qui sont à Blavet,
soit en Espaigne ou es Pays Bas ; en quoi il y va du
temps ; bien promet ledict sieur cardinal, que, s'il peult,
il fera exécuter !adi<;te restitution dans les deux mois
que les places de Picaidie se rendront; mais ne se veult
obliger sans estre bien certain de pouvoir obliger et
observer ce qu'il aura promis, estant bien asseuré de
la volonté dudict sieur roy catholique , qui ne souffrira
qu'il soit contreveneu à ce qu'il aura promis en son
nom. Ont aussi promis lesdicts sieurs ambassadeur^^
DES AMBASSADEURS D'ESPAIGNE. iSt)
cFEspaigne, que les six places de Picardie seront resti-
tuées en Testât qii'elles sont maintenant, sans démo-
lition ou dommage.
Pour le regard de Blavet , leur charge est d'en pro-
mettre la restilution, à la charge neantmoins que les
fortifications qui ont esté faictes aulx despens du roy
d'Espaigne soient démolies, et la place remise en Testât
qu'elle estoit lorsqu'elle a esté occupée par les Espai-
gnols, excepté qu'ils ontfaict trancher ung roc qui leur
a beaucoup cousté, et ne se peult reparer.
Quant à ce qui leur a esté demandé de laisser es
places qu'ils restituent l'artillerie de France, pouldre
et boulets qui sont du tiltre et calibre de France, ont
dict qu'en ayant esté usé aultrement entre les deux
roys audict traicté de Tan i559, que leur charge est,
comme desjà ils ont faict entendre, de déclarer que
leur resolution est d'emporter lesdictes artillerie, poul-
dres et boulets; et, sur l'instance qui leur a esté faicte
d'en laisser en chacune place une partie, ils ont déclaré
resoleument ne le pouvoir faire , et qu'il y a en France
de leur artillerie; qu'à Meaux ils ont six ou huict de
leurs demi canons; à Soissons, deux de leurs canons,
et pareillement qu'il y en a à La Fere , et leur pont à
bateaux est à Amiens, qu'on ne leur rend pas; que
l'artillerie françoise qui leur demeure n'est pas grand'
chose ; qu'ils ne trouvent à Calais que trente deux
pièces , dont il y en avoit de rompeues , d'aultres
aulx armes d'Angleterre, dans Ardres, seulement, et
ailleurs fort peu ; tellement que le roy très chrestien
n'en reçoit p^xs grand dommage , au lieu de ce qu'il
reçoit une grande commodité des fortifications qu'ils
ont faictes, et lui sont laissées à Calais, Ardres et La
Cc-^ppelle , qui est maintenant une bonne jilace : et
l4o MEMOIRE, etc.
quant à Calais, ils y ont despendeu cent soixante mille
escus à le fortifier, et cinquante mille escus à Ardres,
comme aussi les aultres places ont esté réparées , dont
ils ne demandent rien audict sieur roy très chrestien.
Et pour l'exécution de leurs promesses, sa majesté
s'en peult du tout asseurer sur l'offre qu'ils lui font
et exécuteront de lui bailler les ostages qu'il lui plaira
demander.
Et s'il y a quelque retardement plus à Blavet qu'aulx
aultres places, ne doibt estre imputé audict sieur car-
dinal , qui fera son pouvoir ; et sa majesté très chres-
tienne en peult demeurer satisfaicte, tant pour ce qu'elle
aura des ostages qu'aussi pour ce qu'elle se peult bien
asseurer qu'ils ne commenceront pas de rendre les
places de Picardie pour faillir à rendre Blavet, et perdre
avec le fruict de la paix les places qu'ils auroient desjà
rendeues.
A aussi este resoleu et accordé, que les deux mois
accordes pour l'exécution de ladicte restitution des
villes de Picardie, et trois pour Blavet, commenceront
des le jour que les articles auront esté signés de part
et d'anltre, et remis entre les mains de M. le légat;
bien entendeu qu'auparavant que venir à la restitution,
lesdicts articles leur seront baillés en bonne forme au-
thentique, signés et scellés ainsi que est la coustume.
Et pareillement seront baillés lesdicts articles en
bonne forme et authentique, signés et scellés du scel
de sa majesté très chrestienne , et le seront aussi de
celui dont ledict sieur cardinal a accoustumé de se
servir es despesches qu'il ordonne pour ledict sieur
roy catholique, avec promesse de lui faire tout ratifier.
MEMOIRE, etc. l4l
LXII. — ^ MEMOIRE
De ce qui a esté tralcté avec V ambassadeur de Savoje.
Ce qui a passé entre les roys deffuncts et le duc de
Savoye , dernier mort, et son fils, qui lui a succédé
depuis le traicté du Chasteau de Cambresis, l'an iSSq,
a esté longuement deduict; comme aussi ce que le roy
à présent régnant a trouvé bon qu'il feust traicté sur
ce dont M. de Savoye Ta faict requérir , estant chose
notoire, il sera ici obmis ; on touschera seulement
quelques poincts qui concernent les dernières nego-
tiations, après ce qui feut faict à Bourgoing, en sep-
tembre iSgS. MM. le baron d'Armenzé et président
Rochette feurent députés par M. de Savoye , pour
venir trouver le roy de sa part, et mettre fin audict
traicté, qui avoit esté commencé à Bourgoing. Lediet
baron d'Armenzé mourut à Ghamberv de mort soub-
daine; lediet sieur président, sur le commandement
qu'il en eut de son altesse, acheva le voyage jusques
à Palembray, où il feut par deux fois ouï par le roy,
ayant auparavant conféré suivant ce qu'il feut advisé
par sa majesté avec deux de ses conseillers, aulxquels
il se déclara de sa charge, qu'il feit aussi entendre
à sadicte majesté, presens M. le connestable , M. de
Villeroy et lesdicts deux conseillers, à laquelle il dict
entre aultreâ choses que lediet duc, son maistre, ne
feroit poinct de difficulté de recognoistre de sa cou-
ronne le marquisat de Saluées, aussi qu'elle desiroit,
et y adjousteroit d'aultres offres et asseurances de la
bonne volonté dudict sieur duc, que l'on obmet pour
le présent.
l42 MEMOIRE
Sur cela sa majesté députa M. le mareschal de Biron
et M. le président de Sillery , pour resouldre et jurer
le traicté ; estant lors ledîct mareschal au siège de
Seurre, laissa ce siège pour venir à Dijon, se préparer
pour ce voyage, où aussi estoit ledict sieur de Sillery avec
îedict sieur président Rochette , qui eut advis, estant
audict lieu , à ce que Ton a esté adverti que son
maistre avoit change de volonté, et comniença lors à
parler de cest affaire , qui feut cause que ce voyage
feut rompeu , et les choses demeurèrent imparfaictes.
Depuis ledict sieur de Sillery, en estant requis par
ledict sieur duc, l'alla trouver au lieu de Suse, oii les
affaires ne feurent pas plus advancés de ce qu'ils es-
toient auparavant ; ledict sieur duc , au lieu de ren-
voyer le président Rochette, qui avoit assisté à la pre-
mière negotiation , a député M. Jacob , son lieutenant
gênerai en Savoye, pour venir trouver le roy, qui lui
donna audience à Gaillon, au mois de Ledict
sieur de Jacob desadvoue tout ce qui avoit esté dict
par ledict sieur président Rochette , dont sa majesté
feut très mal contente , et neantmoins on feit le pos-
sible afin de ne rompre pas ceste negotiation ; et pour
cest effect feut proposé audict sieur de Jacob que le
roy trouveroit bon que ces différends feussent remis
à la bonne volonté et sain jugement de nostre sainct
père le pape.
Ledict sieur de Jacob revint en France avec reso-
lutions qui desplurent encores plus que celles qu'il
avoit apportées au précèdent vovage; à sçavoir que
son maistre se remettroit au jugement du pape, tou-
chant le faict de la recognoissance , pourveu que la-
dicte recognoissance feust faicte en une forme limitée
qu'il représenta au roy; ce qui desplut à sa uiajesté ,
DE L'A^MBASSADEUR DE SAVOYE. il[?y
pour ce qu'il donnoit par là la leçon au pape et au
roy , et ne voulloit recevoir le pape pour arbitre des
aullres différends.
Ledict sieur de Jacob partant d'auprès du roy, qui
se declaroit très mal content de sou maistre, demanda
à sa majesté, attendeu que le temps de la trefve estoit
expiré, ou prest à expirer, qu'il pleust à sa majesté la
faire proroger pour quelque temps ; ce qu'il faisoit ,
afin que son maistre eust plus de moyen de n^.ettre ses
forces ensemble, et cependant faire consommer l'armée
du roy, qui estoit preste des long temps sur la fron-
tière de Savoye. Sa majesté lui refusa la trefve , lui dé-
clarant que telles trefves n'avoient que trop duré , et
qu'elle voulloit paix ou guerre. Estant ledict sieur de
Jacob sur la montaigne de Tarare, trouva ung nommé
le sieur Trouillons , qui lui apportoit une despesche
de son maistre pour rendre au roy, contenant en
quelle sorte il acceptoit ledict arbitrage. L'escrit feut
porté au roy par ledict sieur Trouillons , qui arriva en
court, estant desjà la trefve finie , et par conséquent
pourroit estre reteneu prisonnier de guerre ; mais il
feut renvoyé avec passeport et response du roy; sur
laquelle l'ambassadeur de M. de Savoye prétend estre
bien fondé à demander l'exécution du conteneu en la-
dicte response , comme ayant esté par icelle les offres
h audict sieur duc acceptées de se remettre en l'arbi-
trage du pape. Ci dessus a esté dict au vrai comme
toutes choses ont passé en cest affaire jusqu es au par-
tement dudict sieur de Jacob. On mettra ici les mots
de la response dudict sieur duc, qui feut portée au
roy par ledict Trouillons.
Toutesfois, afin que tout le monde cognoisse qu'il
ne tient à lui qu'ung si grand bien n'advienne, il ac-
l44 • MEMOIRE
cepte sa saincteté pour arbitre , comme sa majesté a
désiré non seulement pour décider sur la recognois-
sance dudict marquisat de Saluées , terres de Cental et
Chasteau Daulphin , mais sur tous les auUres articles
de ce traicté , et particulièrement et avant toutes choses ,
soit par elle jugée de la validité ou invalidité du traicté
de Bourgoing, qui est tout ce qui se peult souhaiter
pour mettre une bonne fin à tous ces différends, n'ayant
jamais eu son altesse aulcung désir que de se ranger
tousjours à la justice et à la raison, espérant que de
ceste façon sa majesté pourra cognoistre que pour lui ne
demeure qu'une si saincte œuvre ne soit achevée; au
moins si ceste sienne si bonne et raisonnable resolu-
tion ne sera acceptée de sa majesté, son altesse es-
père que Dieu, qui est juste juge, favorisera ses armes
conformes à la justice de sa cause. Le dernier jour de
mars iSgy.
Encores que ceste dernière clause de la response
dudict sieur duc, qui menace de ses armes ung prince
qui n'a pas occasion d'en avoir peur , et que le por-
teur de cest escrit peult estre reteneu prisonnier de
guerre , si est ce que la bonté et générosité de sa majesté
passant par dessus tout cela, sans déclarer le mescon-
tentement qu'elle eust peu avoir , ne laissa pas de faire
audict sieur duc une fort honneste response qui est
telle :
« Le rov consent et accorde , sur l'ouverture que sa
majesté en a faicte , que nostre sainct père le pape
juge des différends qu'elle a avec lui , comme c'a tous-
jours esté son désir et intention d'en sortir par voye
amiable, et mesme par l'advis et jugement de sa sainc-
teté, ainsi qu'elle a tesmoigné par sesdictes responses ,
a déclaré et déclare encores par la présente , qu'elle
DE L'AMBASSADEUR DE SAVOYE. i45
accepte volontiers sa saincteté pour juge et arbitre de
tous lesdicts différends que sa majesté a avec ledict
duc, afin qu'ils soient jngés et terminés par sadicte
saincteté , ensemblemenl comme il est raisonnable et
nécessaire de faire pour estabîir une entière amitié
entre sadicte majesté et ledict duc, leurs subiecls et
pays, n'estant marrie, sinon que ledict duc n\a plus-
tost pris ceste resolution, tant elle désire sortir d'af-
faires avec lui, connue avec tous ses voisins, pour
le bien universel delà cbrestienté. » A Paris, le T'de
jnin 1597.
La susdicte response dudict duc est datée du dernier
jour de mars , et celle du roy est du i"' juin , ou que les
conseillers dudict sieur duc ont faict longuement garder
ceste response, ou que ledict sieur de Jacob a faict
préjudice a son maistre de Tavoir gardée si longue-
ment, sans en advertir le roy que par ledict siem^Trouil-
lons , qu'il renconslra sur la montaigne de Tarare, et
feut despescbé de la court peu de jours après son ar-
rivée ; car estant la guerre ouverte, il n'estoit à propos
de le faire arrester à la suite du roy; en cela il y a
quelque mystère qui ne s'entend pas.
Venant maintenant à considérer si le roy est obligé au-
dict arbitrage, et si ledict sieur duc le peu!t justement
requérir d'observer le conteneu en la response faicte
par sa majesté le i*"jour de juin ci dessus inséré, re-
présentons nous en premier lieu les paroles de l'accep-
tation faicte par ledict sieur duc dudict arbitia^^e;
après avoir consenti à l'arbitrage, il met ces mots : Et
particulièrement et avant toutes clioses soit par elle
jugé de la validité ou invalidité du traic'é de Uour-
going, etc.
En la response par le roy, il est dict expresseement :
MÉw. DE DuprFssis-MoRîy vY. ToniF. virr. jq
l46 MEMOIRE
Déclare encores par la présente qu'elle accepte volon-
tiers sa saincteté pour juge et arbitre de tous lesdicts
différends, afin qu'ils soient jugés et terminés par sa-
dicte saincteté ensemblement , comme il est raison-
nable et nécessaire de faire , pour establir une entière
amitié et bonne paix entre sadicte majesté, ledict duc,
leurs pays et subjects.
L'ambassadeur de M. de Savoye dict que ia response
du roy ci dessus insérée , faicte sur la déclaration du-_
dict sieur duc qu'il acceptoit l'arbitrage en la personne
du pape, oblige sa majesté à Tobservalion de sa pro-
messe, conteneue en ladicte response. Nous disons
que non pour plusieurs raisons ; la première est que
ledict sieur duc accepte l'arbitrage, à condition que
le pape juge avant toutes clioses de la validité ou in-
validité du traicté de Bourgoing; voilà donc, par la-
dicte acceptation , si le pape accorde d'estre arbitre ,
qu'il est lié, premièrement de juger de la validité du-
dict traicté. Voyons la response du roy, à ceste de-
mande; j'en escrirai derechef les mots : Accepte volon-
tiers sa saincteté pour juge et arbitre de tous lesdicts
différends qu'il a avec ledict duc, afin qu'ils soient
jugés et terminés par sadicte saincteté ensemblement,
comme il est raisonnable et nécessaire pour establir
une entière amitié , etc.
Si ce que ledict duc met en sa déclaration que le
pape, avant toutes choses, juge de la validité ou inva-
lidité dudict traicté, et ce que le roy met en sa res-
ponse, qu'il accepte nostre sainct père pour arbitre
de tous lesdicts différends qu'il a avec ledict duc, afin
qu'ils soient jugés et terminés par sa saincteté ensem-
blement, est la mesme chose, nous confessons que oui
et non est la mesme chose ; que séparément et con-
DE L'AMBASSADEUR DE SAVOYE. 147
joinctement est la mesme chose; et, pour faire le plus
évidemment cognoistre quelle estoit en cela l'inten-
tion de sa majesté , il adjouste à sadicte response les
mots, après ce mot ensemblement , «comme il est rai-
sonnable et nécessaire de faire ; » par ces mois, il appert
que le roy ne désire pas seulement que le tout soit
décidé ensemblement, mais aussi qu'il le juge néces-
saire; la raison pour laquelle sa majesté la doibt ainsi
désirer, est qu'il a estimé qu'il n'estoit à propos de
tenir l'affaire en longueur, ce qui adviendroit s'il en
fault faire deux jugemens.
L'aultre raison est que, consistant ce traicté en partie
de ce qui a esté mis par escrit, et de ce qui a esté
seulement promis de bouche par les députés dudict
sieur duc, dont on ne doibt doubter, attendeu les as-
seurances qu'on ne peult nier avoir esté données par
ledict sieur président Rochette, qui estoit de la re-
cognoissance dudict fief, restitution de quelque nombre
de canons, oultre quelques aultres promesses qui feu-
rent advancees , dont Ton se taira pour le présent. Ce
ne seroit pas le service du roy de commencer par la
déclaration de la validité, qui ne contient qu'une partie
du traicté. Le roy a jugé nécessaire que le tout feust
décidé ensemblement et non separeement. Il en a mis
le marché en main audict sieur duc; nous disons que
s'il le voulloit servir de ladicte response du roy, il a
deu déclarer qu'il l'acceptoit , ce qu'il n'a pas faict,
et vient bien tard pour le dire.
On respond à ce que dessus , que la guerre s'ouvrit
en mesme temps entre les deux estats; que son altesse
commença à se deffendre des entreprises de M. de
Lesdiguieres , et non pas à escrire.
Nous disons que quand la response du roy feut
l48 MEMOIRE
baiilee aiidict sieur Trouillons que la guerre estoit desjà
ouverte, et lui feut dict que, nonobstant que M. de
Lesdiiïuieres feust entré dans le pavs dudict sieur duc,
que, s'il acc^pîoit ce que sa majesté lui offroit , il en
feroit retirer ses forces.
Ledict sieur duc n'a jamais déclaré, jusques à pré-
sent, de se voulloir aider de ladicte response du roy ;
il lui estoit aisé d'envoyer ung trompette jusqu'à Lyon ,
porter à M. de Guiche la response qu'il voulloit faire
au roy, dont il ne debvoit estre enipescbé, a l'occa-
sion que la guerre estoit ouverte , lui ayant usé le roy
de ceste sjracieuseté de lui escrire estant la guerre
ouverte.
L'ambassadeur de Savoye dict que pour monstrer
que ledict sieur duc, son maistre, a tousjours coi —
tinué en ceste volonté d'accepter ladicte response du
roy, et conclure avec sa majesté une bonne paix, son
altesse avant entendeu que le serenissime cardinal Al-
bert estoit entré en propos de traicter la paix entre
les deux couronnes, l'envoya incontinent par devers
ledict sieur cardinal, pour lui faire entendre qu'il de-
sire estre compris en ceste paix ; et sur ceste occasion
est ici veneu pour le nous monstrer, et que son maistre
entend de s'aider de la susdicte response du roy, îou-
cbant l'acceptation de l'arbitrage, dont il ne s'est
poinct desparti. A cela nous avons respondeu que ,
pour aller trouver le roy, il ne fnlloit pas qu'il prist
son cbemin par la Flandres ; qu'il avoit deux voyes qui
estoient plus courtes, l'une d'en escrire au roy, comme
lui estoit aisé de faire par M. de La Guicbe; l'aullre
qu'il eust peu escrire au pape, qu'il estoit prest d'ac-
cepter l'arbitrage, et le supplier d'en voulloir escrire
à sa majesté; mais il n'a faict ni l'ung ni l'aultre, au
DE L'AMBASS/VDEUR DE SAVOYE. 149
contraire, a envoyé par deveis celui qui lui avoit sur-
pris Amiens, et lui faisoit la guerre en toute cesle
liontiere.
Pour conclure ce faict , nous avons dict que sa ma-
jesté n'est aulcunement obligée à l'observation de la-
dicte response , attendeu la guerre très cruelle qui a
depuis longuement continué entre les deux estais, et
dure encores à présent. Que s'il avoit surpris au roy
une bonne ville, il ne la rendroit pas en vertu de ceste
jesponse et de sa déclaration, que s'il se met à ce qui
est du debvoir, sa majesté lui accordera volontiers.
Sa majesté lui accordera très volontiers toutes choses
bien raisonnables, et ce qu'elle fera n'est pas par obli-
gation , mais principalement pour le désir qu'elle a du
repos universel de toute la chrestienté, et comme aussi
de vivre en bonne intelligence, paix, amitié et voisi-
nance avec icelui duc de Savove.
LXIII. — ^LETTRE
De MM. de BelUevre et de Sillerj au roy.
Sire, nous estimons que le courrier La Fontaine,
qui partit de ce lieu de Vervins le 5 de ce mois, avec
une bien ample despesclie, que faisions a vostre majesté
sur ce qui se présente du costé de deçà, sera arrivé
auprès d'elle auparavant que ceste ci lui soit rendeue.
Par ladicte despesclie, nous lui escrivions ce que nous
avions entendeu de Tadvis qu'ils avoient eu à (-ialais
de 4îOOo Espaignols portés sur quarante navires, qui
dans peu y debvoient arriver. Le père gênerai des cor-
deliers nous est depuis veneu dire que les ambassa-
1 5o LETTRE
deurs d'Espaigne qui sont ici ont advis certain qu'iî
est descendeu audict Calais 4i5oo Espaignols que l'on
a despartis es environs de Lille et aultres lieux circon-
"voisins; nous a dict de la part desdicts ambassadeurs,
que la veneue de ce renfort d'Espaignols ne nous doibt
faire entrer en souspçon que par là on prenne occa-
sion de Youlloir changer ou diminuer aulcune chose
de ce qui a esté traicté entre eulx et nous; et nous
debvons asseurer qu'ils procèdent avec nous de bonne
foi; car estans bien asseurés de ce secours , ils nous ont
ci devant convié, comme ils font de nouveau, à la con-
clusion de cest affaire; que si nous sommes prests à
signer les articles dont nous avons traicté, que de leur
costé ils sont prests à le faire , et nous donnent asseu-
rance que ni par faulte d'argent, ni à l'occasion des
soldats mutinés, il n'y aura aulcune longueur ni retar-
dement à la restitution des places qu'ils ont promis de
rendre; à quoi ils estiment que l'on a desjà si bien
commencé à y pourvoir, qu'il sera satisfaict de bonne
foi à leur promesse.
Quant à l'argent qu'ont porté ces navires, nous ne
le pouvons pas dire pour certain ; le bruict est qu'il y
a somme notable. Quant aulx desseings des Espaignols,
ces ambassadeurs se laissent entendre qu'ils désirent la
paix avec vostre majesté, dont ils ont bonne espé-
rance qu'il ne tiendra au roy catholicque qu'elle ne se
fasse avec la royne d'Angleterre et les Hollandois; s'ils
continuent à voulloir la guerre, qu'il employera les
moyens pour la leur faire, qui est la cause de ce grand
nombre d'Espaignols qu'il a envoyés, oultre lesquels
on nous asseure que le cardinal Albert peult faire
mettre en campaigne 3,5oo Espaignols, vieulx soldats.
Vostre majesté aura veu, par nostre précédente des-
AU ROY. i5i
pesche, ce qui nous a esté ci devant proposé par ledict
père gênerai , que si son bon plaisir sera tel de bailler,
sa parole audict cardinal , que vos gens de guerre ne
feront aulcune entreprise sur les places dudict sieur
roy catholicque; que ledict cardinal baillera semblable-
ment sa parole, qui sera escrite, ou dicte de bouche
seulement, que les gens de guerre qui sont soubs sa
charge ne feront aulcune entreprise sur les places de
vostre majesté pour ce que à nostre partement de Paris,
parce que nous en peusmes juger, vostre majesté n'es-
toit pas en ceste volonté; nous ne nous sommes arres-
tés sur ce propos. Sur l'advis que lui en avons donné,
nous attendrons son bon voulloir et commandement.
Nous escrirons à M. le connestable ce que nous enten-
dons de l'arrivée desdicts Espaignols, qui est ung ren-
fort qui doibt donner à penser à vos serviteurs. Sire ,
nous supplions le Créateur, etc.
Du 7 mars iSgS.
LXIV. — -^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bdlievre et de Sillerj,
Messii-urs, j'envoyerai à M. de Matignon la prolon-
gation du passeport du courrier de M. le légat, suivant
vostre lettre du 2 5 du mois passé que j'ai receue au-
jourd'hui, et attendrons plus amplement de vos nou-
velles par La Fontaine; et quand MM. dTncarville et le
thresorier de l'espargne seront arrivés, je leur parlerai
du remboursement de vostre advance pour les frais du
courrier que vous avés envoyé avec l'aultre, et pour
contenter les cinq postes tournées sur le chemin de
i52 LETTRE DE M. DE VILLEROY
Vervins, aiilxquelles je solliciterai qu'il soit donne
moyen de résider en Jeur traverse.
Je vous envoyé une lettre de M. de Buzenval , que
j'ai receue aujourd'hui , par laquelle vous apprendrés
des nouvelles de ce costé là, pour vous en servir en
vostre negoliation , de laquelle je vois sa majesté pren-
dre plus grande desfiance que jamais, à cause des arti-
fices dont usent nos ennemis pour séparer les estats
d'avec nous. Sur cela , nous avons sceu estre arrivés à
Calais 4,000 hommes de pied veneus d'Espaigne par
mer. Nous avons ici ung de leurs capitaines qui a esté
à Dieppe, duquel nous avons sceu le mérite de ce se-
cours, qui est plus composé de Basques et de Portu-
gais, et gens ramassés, que de bons soldats; tqutesfois,
puisqu'ils se fortiHent d'hommes, nous disons qu'ils
pensent bien autant à la guerre qu'à la paix. .Te sçais
bien qu'ils diront que c'est le moins qu'ils peuvent faire,
estans incertains de nos intentions, de s'armer et de se
fortifier, sans rien oublier à faire de ce qui les peult
advantager, à quoi je ne me puis opposer; toutesfois
vous les pouvés faire parler sur cela et sur le conteneu
de la susdicte lettre de M. de Buzenval , laquelle je vous
prye de me renvoyer après Tavoir veue, car je n'en ai
poinct reteneu de double.
x\u reste le roi partira demain d'ici pour poursuivre
son voyage. Nous avons séjourné ung jour à Chenon-
ceaux, et ung aultre ici, oii le roy s'est purgé, non
qu'il se trouve mal , mais c'a esté pour asseurer sa santé
(jui est très bonne. Dieu merci.
Madame de Mercœur est à Rochefort, en intention de
venir trouver le roy quand il sera à Angers. Elle est
accompaignee de ievesque de Sainct Mnlo et du sieur
de La Pardicu; mais je crois que son voyage sera du
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. lS3
tout inutile ; car le roy veult que M. de Mercœur quitte
et abandonne du tout la Bretaigne, s'il veult estre son
auji et avoir paix avec lui, à quoi on n'estime pas qu'il
acquiesce que par force ouverte; mais j'espère que
chacung l'abandonnera, car il n'y a celui qui n'ait desjà
envoyé devers sa majesté pour faire la paix, de quoi je
vous escrirai ainplement des nouvelles, et le plus sou-
vent que je pourrai. Sur ce, monsieur, je prye Dieu, etc.
De Tours, ce 3 mars i5g8.
LXV. —^ LETTRE DE M. DE VIELEROY
^ MM. de BelUevre et de Sillerj.
Messieurs, je vous ai escrit de Tours, du 3 de ce
mois, et je vous escrirai encores la présente, pour
vous advertir que les gouverneurs des places de Roche-
fort et Ancenis ont recogneu le roy et juré fidélité à
sa majesté, à nostre arrivée en ce lieu, où nous avons
trouvé madame de Mercœur accompaignee de Fevesque
de Nantes , de Cussé, et des sieurs de La Pardieu et de
La Ragotiere, qui ont donné à sa majesté toute asseu-
laiice de l'obéissance de M. de Mercœur et de tout ce
qui despend de lui ; de façon que, si les effects cor-
respondent aulx paroles, j'espère que nous ferons nos
pasques en la ville de Nantes, et que nous aurons bien-
tost mis en repos ces piovinces qui en avoient tant be-
soing , la place de Blavet exceptée , contre laquelle nous
tournerons toutes nos forces, si bien que j'estime que
nous l'aurons bientost reduicte à la raison, ou en estât
qu'elle ne fera plus grand mal.
L'intention de sadicte majesté n'est pas de laisser la
l54 LETTRE DE M. DE VILLEROY
cliarî^e du pays à M. de Mercœur, à quoi il semble qu'il
s'accorde , tant il est trouvé abandonné de tous les
siens , car il n'y a pas ung des gouverneurs des places
qui l'ont suivi , qui n'ait envoyé à part devers sa ma-
jesté, pour se mettre à couvert sans lui. Je vous dis
jusques à ses plus intimes amis et serviteurs, tant a eu
de force la justice de la cause de sa majesté, fortifiée de
sa présence, accompaignee comme elle est. De maniera
que ledirt duc a esté bien conseillé de se soubmettre
à la bonté de sadicte majesté, laquelle est encores plus
grande que ne sont ses forces. Dedans deux jours, je
vous pourrai escrire plus asseureement ce qui s'en
suivra.
J'adjousterai que MM. de Bouillon et de La Tre-
mouille sont veneus à la rencontre de sa majesté jus-
ques à Tours, lesquels Tont prié d'excuser le passé,
et d'attendre d'eulx pour l'advenir toute obéissance.
L'assemblée de Cbastellerault a aussi envoyé qbattre
députés pour conclure et acbever du tout les affaires
qui les concernent ; si bien que j'estime que nous en
pourrons sortir a Angers où nous allons aujourd'hui;
mais vous sçavés à quel prix ce sera , car ils n'ont rien
rabatteu de leur compte ; et pourveu qu'ils soient
sages et qu'ils recognoissent comme ils doibvent la
bonté de sa majesté , encores n'en serons nous que
bons marchands; lesdicts sieurs s'en sont retournés à
Cbastellerault où ils avoient laissé madame la princesse
d'Orange, pour faire le mariage de mondict sieur de
La Tremouille avec sa belle fille ; je n'ai poinct encores
remarqué qu'ils ayent faict offices contraires à vostre
negotiation ; mais je vois plusieurs personnes depuis
l'arrivée à Calais des Espaignols, dont je vous ai donné
advis par mes dernières, doubler grandement de l'isseue
A MM. DE BELLÎEVRE ET DE SILLERY. i/j5
d'icelle , de quoi nous nous attendons d'estre esclaircis
au premier jour , par vos premières letrr^es.
M. Cécile, accompaigné de deux cent cinquante
chevaulx , arriva à Dieppe le dernier du mois passé;
sa majesté lui mande qu'il la vienne trouver par deçà ,
ne pouvant s'en esloingner , afin de ne poinct laisser
imparfaicte la délivrance entière de ceste province qui
est desjà si advancee; nous ayant escrit avoir charge
de sa souveraine de ne poinct traicter avec personne
qu'il n'ait veu le roy, et lui ait descouvert toutes les
intentions et le cœur de la royne ; de sorte que nous
ferons venir M. de Maisse , mais les députés de Hol-
lande ne sont pas encores ici arrivés.
M. le duc de Savoye s'est mis aulx champs avec
lîuict ou neuf mille hommes de pied , et huict cens à
mille chevaulx, et a assiégé Aiguebelle , comme nous
a escrit et faict sçavoir M. de Lesdiguieres, qui de-
mande secours d'argent, avec lequel il dict qu'il ne lui
manquera poinct de forces pour rompre et faire avor-
ter les desseings dudict duc. Vous sçavés ce que nous
pouvons y apporter; mais le roy proteste, sitost qu'il
aura achevé ici , de tourner de ce costé là , si les né-
cessités de nostre frontière de Picardie le nous per-
mettent; c'est ce que je vous puis escrire pour le pré-
sent, avec la bonne et parfaicte santé du roy, et mes
bien humbles recommandations à vos bonnes grâces;
pryant Dieu , etc.
Du 7 mars lôgS.
I 56 LETTRE DE M. DE VILLEROl
LXVI. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ M. Duplessis.
Monsieur , puisque madame doibt estre bientost
vostre hostesse, nous ne faisons pas estât de vous voir
plus tosl qu'elle, combien que vostre présence soit très
désirée et nécessaire. Je vous ai escrit par le sieur
Saurin, comme le roy m'a dict qu'il avoit faict la répri-
mande aulx officiers de ceste ville , pour avoir faict trop
peu de compte de l'attentat commis en vostre personne.
Sa majesté m'a dict encores hier qu'elle la redoubleroit :
au reste , elle avoit dict aulx parens de Sainct Phal
qu'il falloit qu'ils le lui représentassent, ou qu'elle
commanderoit à sa court de parlement de lui faire son
procès. J'entends que sur cela ils ont proposé et qu'ils
poursuivent, par le moyen de M. de Schomberg ,
quelque expédient pour sortir de ce bourbier à vostre
contentement, et à la seureté de la vie et personne
dudict Sainct Phal; car ils ne le peuvent faire à son
lionneur, tant le forfaict est sale. Mais il me semble
que cela ne doibve retarder dadvantage vostre veneue
quand madame sera passée; car il ne fault pas que ni
par la craincte ni la tentative de cest accord vous re-
tienne où vous estes esloingné de sa majesté et de son
service , aulx occasions qui se présentent : toutesfois
vous en userés comnie il vous plaira, et je vous ser-
virai de tout mon pouvoir. Sa majesté avoit une fois
commandé passeport pour les députés dont vous m'avés
escrit ; mais il a esté advisé depuis d'en surseoir l'ex-
pédition pour deux jours , dedans lesquels nous sommes
resoleus de l'accord de M. de Mercœur qui trnisne en-
A M. DUPLESSIS. 107
cores plus que le service de sa rnnjesté ne requeroit
qu'il partist.
D'Angers, ce 11 mars i^gS.
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LXVIT. — ^ LETTRE
/)// cfuc de Bouillon h M. Duplessis.
MoTs'^siFXTi, toute la famille vous est obligée, et en
ce qui est de céans, vous n'avés rien tant à vous, et
^oiis prye de tenir pour très asseuré tout ce qui des-
pendra de nous. Les nopces sont faictes , mais non
du tout accomplies, s'y estant passé plusieurs jolies
contestations. Mandés nous, je vous prye, les causes
de l'accroche du traicté, et si le roy se rendra au siège
de Blavet , où est l'armée, et soubs qui conduicte. Si
vous jugés que je puisse servir à vostre affaire, je me
rendrai sans délai près du roy, pour travailler à vostre
contentement , tout ainsi que si c'estoit pour mon
propre fils. Nous avons eu des notes de Languedoc, où
tout va mal. M. de Sainct Germain est allé à Aubenas
avec franchise de mer; vous asseurant qi:ie vous le
pourries faire , si vous allés trouver le roy. Je vous
prye de vous soubvenir de ce qui me touche, demeu-
rrnt fixe à l'alternative que je vous ai dicte. Le fer de
la messe de La Rochelle nous prendra ; pour le moins
fault il mesnager cest affjiire par le temps de l'exécu-
tion, en chargeant les instructions des commissaires,
en leur en faisant donner commandement. Je vous baise
les mains et à madame Duplessis, etc.
Henry de La Tomi.
Du I 3 mars 1598.
l58 LETTRE DE M. DUPLESSIS
LXVIII.---V^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'a-MIe, j'ai receu tes lettres avec les pièces de
Drugeon. Je ne le posséderai pas long temps sans les
employer ; car M. de Rheims se faict fort de l'amitié de
M. de Launay Blavon, et d'ung aultre conseiller à
Rennes, nommé Aubebert, fort honneste homme,
pardevant lequel nous le ferons ouîr. Il est question
de sçavoir seulement s'ils y seront encores, parce que
leur semestre est fini du dernier de febvrier. Aujour-
d'hui M. de Villeroy doibt parler au roy , et ce mesme
jour le roy nous faict parler ensemble, M. d'Espernon
et moi , des la première fois que nous nous trouverons
devant lui. Je verrai ce que nous pourrons faire pour
l'excuser. M. de Puysieux est veneu pour me voir en
mon logis ; mais les premiers jours il n'est pas aisé de
m'y trouver. Nostre ex triennal s'en retourne avec
charge de payer le dernier mois non sans difficulté ;
car l'ex thresorier de Tespargne nous voulloit rejetter
sur la creue des garnisons. M. de Rhosny nous y a faict
fort bon office , et s'offre fort affectueusement pour le
principal, lls'excuse du passé sur ce que le roy crai-
gnoit de fascher le mareschal de Brissac, jusqu'à ce
qu'il feust en Bretaigne. Nous verrons maintenant ; il
fault dire à M. Niotte qu'il presse la levée des garni-
sons, afin que nous ne soyons plus en peine; mais,
d'ailleurs, je pense qu'aujourd'hui nous achèverons à
peu près l'affaire de la relligion , moyennant quoi nous
serons réglés comme les aulties garnisons. Le traicté de
A M. DLPLESSIS. i5g
M. de Mercœur ne tient qu'a fort peu. Cejourd'hui arrive
M. de La Pardieu, qui en apportera la finale conclu-
sion. Il est aisé a voir au poulx de madame de Mer-
cœur qu'il ne se peult aultrenient. Je la gouvernai hier
au soir, et non sans me dire qu'elle voyoit mes pré-
dictions accomplies. Le roy parle de partir lundi. C'est
à nous à adviser pour nos logis; la pluspart de nos clie-
\aulx sont au pont de Ce. Nous serons mieulx à
Nantes. J'ai entamé l'affaire des 3o,ooo liv. avec MM. de
Schomberg et de Rhosny pour en assurer les assigna-
tions. J'en espère bien; M. de Rhosny m'a aussi asseuré
le triennal des traictes, receveur et controlleur. C'est
pour Pulet et pour le nepveu de M. Niotte. Je verrai
aujourd'hui ce qui se pourra pour M. Peullau. M. de
Calignon m'a promis de parler vivement à M. de Lus-
son , et en tout cas despescher à M. Lesdiguieres pour
]a somme entière. Je me suis fort enquis des complices
de Sainct Pbal , mesmes de la plaincte qui a esté ici.
M. de La Ferriere m'a asseuré qu'il n'estoit poinct de
l'assassinat. Il n'y sera rien oublié. M. de Malicorne sera
demain ici. M. de Brissac ne se haste gueres , aussi n'en
a il pas grand subject. J'ai receu lettres de M. de
Vaynes. Je suis bien aise que tu ayes veu Dujon , et
n'oublierai à parler de nos enfans. Je doubte fort que
M. de Boisguerin ne fera rien ici. J'ai une despesche
preste pour madame de Rohan ; mais messieurs ses en-
fans n'y despeschent poinct, et l'attendent à Nantes. Je
satisferai par la première voye à ses lettres. Au reste ,
je te prye , mets ton esprit en repos. Nous ne trouvons
ici que des amis. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon
cœur, et supplie le Créateur qu'il te garde et conserve,
et toute nostre famille.
D'Angers, ce 1 4 mars 1698.
l6o LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
Je t'ai mandé ce que j'ai appris de M. Erard. Je trou-
vai de l'acccord et du desaccord; il ne se peult asseurer
du temps de la dévotion, et en la conférence qu'a ce-
lui ci représentée, et ne soient plus les choses si prestes.
Par le faict de la royne, ii en attend response.
LXIX.—^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie , tu auras veu le Basque ; depuis sont ve-
ïieues nouvelles de Nantes. M. de Mercœur a desja mis
les Espaignols dehors , et rendeu à Villehois sa foi et à
celui de Belin, et doibt venir trouver le roy en ceste
ville dans la sepmaine où nous entrons ; cela est cause
que sa majesté ne bouge pas encores , dont nous ferons
nos affaires plus paisiblement. Nostre triennal s'en re-
tourne avec charge de payer le demi mois. Cela faict,
je suis d'advis que M. Niotte fasse ung tour ici avec nos
papiers, d'où peult estre le ferai je donner jusqu'à
Rennes pour ce que tu sais, ou en tout cas quelque
aultre. Je sçais cependant gouverner l'escuyer. Le roy m'a
commande fort expresseement de faire venir M. Erard.
Je lui en escris ; cela servira aussi à son particulier.
Nos chevaulx sont au pont de Ce. Le maistre de la
poste de Chozay , en lui faisant passer quelques bleds ,
promit de m'amener cinq cens d'avome au prix qu'il
les aura achetées. Elles coulent le double ici , et tout à
l'advenant. Je verrai aussi dcmesnager le service de
lîostre bateau. J'ai veu Dujon qui me promit de penser
sérieusement à ton mal sur les erremens de M. Petit.
Je t'embrasse, etc.
D'Angers, ce 1 4 mais 1 598.
LETTRE DU ROY, etc. i6l
LXX. — 'V^ LETTRE DU IIOY
A MM. de Belliei^re et de SUlery.
Messieurs de Bellievre et de Sillery, vostre des-
pesche du 4 de ce mois, que j'ai receue le q, m'a
donné à penser quattre jours entiers, durant que j'aie
peu en commencer la response ; car si d'ung costé je
désire grandement descharger mon peuple et moi des
incommodités et ruynes de la guerre , et pareillement
contenter nostre sainct père et M. le légat, en bien fai-
sant à toute la chrestienté; de l'aultre je suis si jaloux
de ma réputation et de ma foy, que je ne puis per-
mettre qu'il soit faict chose qui puisse prejudicier à
l'une, et ne veulx aussi manquer à l'aultre, non plus à
mes ennemis , si je puis, qu'à -mes amis. Vous sçavés
que c'est le chemin que j'ai suivi jusques à présent en
la conduicte de mes affaires, duquel je me suis si bien
trouvé , que je veulx y continuer tant qu'il me sera pos-
sible ; et, sur ce fondement, je vous dirai que je me
suis faict lire par deux fois vostredicte lettre , avec
tous les Mémoires que vous m'avés envoyés, pour mieulx
entendre les raisons qui y sont deduictes; j'ai mesmes
veu la lettre que vous avés escrite au sieur de Villeroy,
et le billet eç chiffre que vous lui avés addressé. Tout
bien considéré, il me semble que je puis passer et
accorder les articles dont vous avés conveneu avec les
ambassadeurs d'Espaigne , représentés par l'ung de vos-
dicts Mémoires.
Encores que je trouve long le terme de trois mois
qu'ils ont demandé pour rendre Blavet , voyant qu'ils
MÉM. DE DuPLKSSTS-MoRîfAY. ToUIF VIII, I I
l6l LETTRE DU ROY
ont jà envoyé quérir en Espaigne le contresigne né-
cessaire pour faire obéir celui qui y commande; tou-
tesfois je ne ni'arresterai pas à cela quand le reste sera
accordé; car j'estime comme vous qu'ils ne me ren-
droient pas les places de Picardie s'ils vouUoient man-
quer à la restitution dudict Blavet, dedans le temps
qu'ils promettent , d'autant qu'ils perdroient le fruict
de la paix; ils ne nous bailleroient aussi les ostages
qu'ils accordent.
Et afin que vous sçachiés mon intention sur le nom-
bre desdicts ostages, je vous dirai que si vous en pouvés
obtenir six, la seureté en sera plus grande; partant
faictes en instances; toutesfois s'ils n'en veullent accor-
der que quattre, il fauldra s'en contenter; mais deman-
dés que Tadmiral d'Aragon en soit ung, avec ung aultre
Espaignoî de qualité, et pour les deux aultres prenés
deux seigneurs du pays, et faictes qu'il soit accordé
que tous lesdicts ostages demeureront entre mes mains
jusques à l'entière restitution de toutes lesdictes places,
et mesme dudict Blavet.
J'eusse bien désiré qu'ils eussent laissé dedans les-
dictes villes mon artillerie , ou une partie d icelle ;
neantmoins ce traicté ne doibt estre rompeu pour cela,
et trouve bon que le temps de la restitution desdictes
villes courre depuis le jour que les articles seront si-
gnés et baillés en garde à M. le légat, et qu'ils soyent
après expédiés et délivrés en forme autbentique; c'est
à dire signés et scellés de nos seings et sceaulx , devant
que de venir à ladicte restitution; mais prenés garde
que sur ce mot authentique, et en la foruie accous-
tumee, ils ne puissent prétendre qu'ils soient vérifiés
et homologués au parlement.
Au reste, j'approuve la response que vous leur avés
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SÎLLERY. i6^>
faicte à la demande qu'ils vous ont faicle pour la sou-
veraineté de Charolois, laquelle je ne veulx poinct
quitter aulcunenient.
Je suis content aussi que le différend de nos limites,
tant du costé d'Artois que de celui de Bourgoigne,
soyent vuidés suivant le tr.'n'cté de l'an i559, ^'"'^i
que vous leur avés respondeu.
Et pour le regard de la prorogation de la neutralité
de Bourgoigne, qui a esté renouvelle pour , les
sieurs des Ligues se plaindroient si nous en convenions
sans eulx, et d'autant plus qu'ils sont pleiges et cau-
tions de Tobservation, d'icelle ; mais ce sera chose qui
se pourra fjiire tousjours par leur entremise, quand
on vouldra, à quoi l'on me trouvera tousjours très
disposé.
Connue à faire délivrer les soldats et aultres subjects
du roy d'Espaigne qui ont esté mis à la cbaisne, tant
par mon nepveu le duc de Guise que par aultres, pour-
veu qu'ils accordent et fassent le semblable de leur
costé. Ils ont les premiers exercé ceste rigueur, qui
est en vérité très aliéné de mon naturel.
Mais vous n'avés poinct parlé des aultres prisonniers
qui sont deteneus de part et d'auître; demandés qu'ils
soyent en liberté sans payer rançon, ou bien que les-
dictes rançons soyent du moins modérées de façon aue
lesdicts prisonniers les puissent payer; ce que je vous
dis, parce qu'ils taillent si hault ceulx qui tombent
entre leurs mains, et les traictent si rudement, que la
plus grande partie y laissent la vie, de quoi je me suis
plainct souvent, et toutesfois inutilement, connue peult
tesmoigner le gênerai des cordeliers; apportes y donc
quelque remède s'il est possible.
Quant à l'instance qu'ils nous ont faicte en faveur
l64 LETTRE DU ROY
de mes subjects qui me restent avec eulx , encores que
par leurs actions, et mesme par l'impertinence de leurs
demandes conteneues au mémoire qu'ils vous ont baillé,
ils se soyent rendeus indignes de toute grâce de moi
et de leur patrie; toutesfois je suis content que l'on
couche ung article dans ce traicté, semblable à celui
que vous m'avés représenté par vos Mémoires estre
dans celui de l'an iSSq, y adjoustant la restriction du
traicté de Madrid , avec la dernière clause portée par
vosdicts Mémoires, afin qu'ils ne puissent rentrer dans
mes pays sans nostre permission ; mais s'ils insistent
qu'il soit accordé plus que cela , défendes vous en de
façon qu'ils soyent esconduicts; car je ne veulx, en
façon quelconque, recevoir en mon royaulme de telle
sorte de traistres , et moins les conserver en leurs af-
faires et offices ou bénéfices, quand bien ils en seroient
deument et légitimement pourveus.
Mais vous n insisterés pas dadvantage sur la neutra-
lité de Gambray, s'ils se despartent de leurs aultres de-
mandes ; car mon but n'est pas de desbattre ni contester,
et moins opiniastrer les choses qui peuvent empescher
ou retarder la conclusion d'ung bon accord ; au con-
traire il fault que je vous die que plus Dieu m'envoye
de prospérités , il augmente le désir et la volonté de
mettre la chrestienté en repos, comme je vous ai sou-
vent déclaré.
Vous aurés sceu, par les advis que je vous ai faict
donner, comme le duc de Mercœur, sçachant ma ve-
neue, m'a envoyé sa femme accompaignee de l'evesque
de Nantes, et des sieurs de La Pardieu et de La Rago-
tiere, laquelle m'a donné sa foy, et asseuré de son
obéissance, jusques à me donner sa parole de la remise
entre mes mains, non seulement du chasteau de Nantes,
A MM. DE BELLTEVRE ET DE SILLERY. l65
mais aussi du gouvernement du pays de Bretaigne. Sur
cela on a mis par escrit les articles de sa reconciliation,
lesquels sa femme lui a envoyés par ledict La Pardieu,
qui doibt estre de retour dans deux jours avec sa re-
solution; de sorte qu'il ne sera jà besoing que les am-
bassadeurs du roy d'Espaigne se mettent en aultre peine
de traicter pour lui. Ledict duc a esté contrainct de
prendre ce parti, comme le dernier de son salut qui lui
restoit , d'autant qu'il alloit estre abandonné de tous
les capitaines des places et forces qui favoient suivi ,
tout ainsi qu'il a esté à mon arrivée en ceste ville de
ceulx de Rochefort et d'Ancenis; car tous avoient en-
voyé devers moi, et m'avoient promis jusques à ses
plus intimes amis et privés serviteurs, soit que ledict
duc l'accordast ou non, de me servir, et le quitter s'il
ne me contentoit ; de sorte que si ledict duc eust re-
fusé la grâce de ma bonté, et refuse encores, je dirai
que Dieu l'aura condamné en son ire pour ses faultes
passées, afin de le faire servir d'exemple à la postérité,
pour tous ces advantages que Dieu et la justice de ma
cause m'ont donné sur lui. Sa femme m'ayant proposé
le mariage de sa fille avec Gesar, je n'ai pas voulleu
laisser d'y entendre pour mieulx couvrir la démission
de son gouvernement, lequel j'ai délibéré mettre au
nom dudict César, et par ce moyen advancer la déli-
vrance de la province et mon desengagement d'icere;
à quoi la veneue du sieur Ragazzon , despesché par M. le
légat, par le commandement de nostre sainct père, ne
pourra qu'aider; partant vous en remercierés de ma
part ledict sieur légat, lui baillant la lettre que je vous
envoyé qui en faict mention, et lui dires que Dieu
bénissant toutes les intentions et actions de nostre
sainct père, comme très justes et légitimes, a voulleu
ï6G LETTRE DU ROY
encores faire rencontrer heureusement et prospérer
l'office de sa paternelle bonté envers moi et ledict duc
de Mercœur en ceste occasion, par prudence et dili-
gence dudict sieur légat, dont je me sens obligé à sa
saincteté et à lui aussi.
Quand j'escrirai à sadicte saincteté, je respondrai h
la lettre que ledict sieur légat m'a envoyée dedans le
paquet que ce porteur m'a baillé. J'ai advisé de re-
tenir ici ledict Ragazzon jusques au retour dudict de
La Pardieu , pour régler ce qu'il aura à dire audict
duc, suivant ce que nous rapportera ledict sieur de
La Pardieu; cependant la veneue dudict Ragazzon,
divulguée et sceue d'ung chacung avec le subject
d'iceîle, faict quasi autant d'effect que s'il avoit accom-
pli tout à faict sa légation.
Ores je vous dirai derechef que tant s'en fault que
toutes ces prospérités me diminuent le désir de la paix
publicque, qu'elles me font mieulx cognoistre le be^
soing que mon royaulme en a, et partant m'augmente
la volonté de l'embrasser; je le vous dis confidemment
comme à mes bons et fidèles serviteurs, et désire que
vous le croyés ainsi, et aussi que vous en asseuriés ledict
sieur légat; et véritablement ce que vous m'avés re-
présenté par vos lettres de la procédure des ambassa-
deurs, avec lesquels vous traictés, et des propos qui
vous ont esté îeneus de la part du cardinal d'Autriche,
m'y confortent grandement; car je priserai tousjours
Tamitié de ceulx qui font cas de la mienne, et feront
profession de garder leur foy et de procéder sincère-
ment en mon endroict, comme vous pourrés dire aulx-
dicts sieurs ambassadeurs.
Mais si je suis bien édifié de lui, il fault que je vous
cVie que je le suis très mal du duc de Savoye, et de la
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 167
procédure de son ambassadeur, qui veult me faire
croire que j'ai accepté nostre sainct père pour arbitre
de nos différends à sa poste. La response que je fis a son
captieux du 6 mai dernier passé est si claire, au con-
traire, que l'on n'en a peu doubter, comme vous leur avés
très bien remonstré. Dadvantage, quel compte a il faict
depuis de l'accepter? Il dict que la guerre l'en a em-
pescbé; à quoi vous avés respondeu pertinemment. Il
feroit beaucoup mieuk d'advouer que les Espaignols
l'en ont diverti, de quoi le bannissement du comte Mar-
tinnengue , et le mauvais traictement que plusieurs
aultres ont receu pour avoir favorisé nostre accord ,
rendent bon tesmoignage. Il auroit meilleur compte de
moi s'il procedoit plus sincèrement. J'ai proposé le pre-
mier l'arbitrage de sa saincteté, plus désireux de vivre
en paix avec mes voisins , qu'estonné de ses armes ni
de ses practiques en mon royaulme , pour lesquelles fo-
menter vous sçavés qu'il m'envoya, par deux fois, son
Jacob, au lieu du président Rocbette, avec des ouver-
tures et demandes si impertinentes , que lui mesmes
•avait bonté de les desbattre. Mais son but estoit de faire
durer sa negotiation exprès pour pouvoir mieuîx cou-
vrir ses menées, et, soubs prétexte de reconciliation,
exciter des séditions et rebellions nouvelles en mon
estât, dont Dieu a destourné les effects par son accous-
tumee bonté. Mais sa procédure bien vérifiée, comme
vous scavés qu'elle est, nous a faict cognoistre sa mau-
vaise foi , laquelle , entre princes qui font profession
d'honneur, n'est excusée ni couverte du prétexte de la
guerre. Et vous dirai que, quand il n'y auroit d'aultre
raison et considération qui ne desmeuvent de consen-
tir a la demande, celle ci m'y feroit resouldre, et seroit
suffisante aussi pour me desengager de l'acceptation
\
l68 LETTRE DU ROY
dudict arbitrage, quand bien ma response s'accorderoit
avec sa demande ; ce qui n'est pas. Ce que je vous
escris plus pour vous représenter mon indignation , et
le peu d'occasion que j'ai de me fier aulx paroles et à
la foi dudict duc, que pour fortifier les raisons avec
lesquelles vous avés desbatteu et rejette ladicte de-
mande.
A quoi j'adjousterai que, s'il ne nous avoit trompé
qu'une fois, peult estre en rejetterois je la faulte sur ses
ministres; mais qu'a il faict aultre chose depuis qu'il a
renoncé à l'alliance de France pour s'attacher à celle
d'Espaigne? Feut ce pas en pleine paix qu'il prit sur le
feu roy, et à la France, le marquisat de Saluées, alors
que moins on se doubtoit de sa foi , et qu'il avoit aussi
moins d'occasion de la violer ? Que n'a il faict depuis
et entrepris contre moi , tant en Provence , Daulphiné,
Lyonnois, qu'ailleurs? Encores que je ne l'aye oncques
offensé , et que pour l'honneur que je porte à la mé-
moire de ma bonne tante sa mère, je l'aye souvent asr
seuré de mon amitié; et maintenant il veult triompher
de sa perfidie aulx despens de mon honneur et de ma
couronne, voullant retenir ledict marquisat. C'est chose
que je ne puis digérer; et ne puis aussi me persuader
que le roy d'Espaigne , qui faict profession d'équité ,
lui ait donné conseil de le retenir, comme dict son am-
bassadeur; et moins qu'il veuille le soubstenir en son
usurpation, qu'il accorde, pour le bien de la paix , de
me rendre toutes les places de mon royaulme qu'il a
acquises et prises par ses armes en guerre ouverte; et
partant, qu'il peult dire siennes à bon tiltre , et qu'il
soit loisible audict duc de retenir celles qu'il a desro-
bees et usurpées en temps de paix , et soubs prétexte
d'amitie. Je ne puis croire qu'il l'entende ainsi; et quand
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 169
il seroit vrai , transporté de son interest ou d'aullres
considérations, c'est ung poinct que Ton ne gaignera
jamais sur moi; la honte et le dommage m'en seroient
insupportables.
Je considère bien qu'en m'en remettant au jugement
de nostre sainct père, tant s'en fault que je quitte le-
dict marquisat audict duc; que je doibs espérer que sa
sainctete me fera justice, et me conservera le droict que
j'y ai ; car je ne me doibs aulcunement desfîer de sa jus-
tice ni de sa bonté , non plus que de mon droict ,
comme véritablement je ne fais. Mais pourquoi remet-
trois je au jugement d'ung tiers ung héritage qui m'ap-
partient si justement et à bon tiltre , pour contenter
ledict duc, qui m'a offensé en tant de sortes? Si l'on
veult que je le fasse pour ung bien de paix, il fault
que je sois devant réintégré en ma possession, de la-
quelle j'ai este spolié injustement, ou du moins qu'elle
soit séquestrée et mise en main tierce, pour me garan-
tir de la violence avec laquelle il m'a esté usurpé et
m'est encores desnié. Si l'on veult faire l'ung ou l'aultre,
je suis content de soubmettre au jugement de sa sainc-
tete le droict que j'ai audict marquisat, avec tous les
aultres différends que j'ai avec ledict duc; mais je ne le
veulx faire aultrement; car je ne me puis confier en sa
foi , ni me faire ce tort que de céder à son obstination,
comme je ferois si j'accordois ledict arbitrage, consen-
tant que ledict duc feust cependant receu en ladicte
paix , et que les choses demeurassent entre nous en
Testât qu'elles sont , avec la liberté du commerce ,
comme il a esté proposé; car je vivrois en perpétuelle
craincte et défiance de sa foi; et je sçais bien qu'il n'en
recevroit aulcung mal de la mienne. Il fauldroit que je
demeurasse tousjours en armes en Daulphiné, en Bour-
l'jO LETTRE DU ROY
goigne, en Bresse, en Lyonnois et en Provence, et par-
tout ailieius, tousjours sur mes gardes contre ses prac-
ti(|Ues et menées ordinaires en mon royauhne. Et si
Dieu disposoit de nostre sainct père , ou il me fauldroit
soubmettre au jugement de son successeur, de la fa-
veur duquel en justice j'aurois peult estrc occasion de
n'avoir la fiance que j'ai de sa saincteté, ou il fauldroit
que je l'offensasse; car comment aulîrement le pour-
rois je refuser? Ce sont des peines et accidens que je
veulx esviter de tout mon possible.
Ils ont parlé d'esclianges des forts de Barrault et de
Charbonnières; cependaiit ledict duc a assiège le der-
nier à force ouverte, lequel peult estre il prendra de-
vant la conclusion de nostre traicté; quoi advenant, le-
dict fort de Barrault luy demeurera pour entreprendre
sur moi, et je n'aurai moyen de l'en empescber ni de
rien revancber. Je ne veulx poinct vivre et demeurer
ainsi avec lui; il fault que je sorte tout à faict d'affaires
avec lui comme avec les auîires, eu que nous coriti-
nuions h nous battre et faire la guerre.
J'ai bien considère ce qui est porté par vostre billet
escrit en chiffre, et pareillement fasseurance qui vous
a esté donnée que ledict arbitrage ne retardera la res-
titution des places accordées par les Espaignols, avec
l'advantage que j'en puis recevoir, et les cliangemens
que la mort du roy d'Espaigne peult apporter en ce
faict, avec tous les aultres poiriCts que vous m'avés très
sagement et fidèlement représentés par vosdictes lettres
et mémoires. Toutesfois tout cela n'est suffisant pour
me faire avaller la honte , et adoulcir la pîaye que la
France et moi recevrions cedans à l'injuste demande et
obstination dudict duc.
Dadvantage je ne puis croire que ledict roy d'Es-
A MM. Di: BELLIEVRE ET DE SILLERY. 171
paigne, qui a autant besoing et doibt avoir autant de
désir de la paix que moi , s'en \euille priver pour le-
dict duc , et pour le soubstenir en une si mauvaise
cause, ni que ledict cardinal d'Autricbe, qui a tant
d'intcrest à ladicte paix, laisse à la conclure pour fa-
voriser ledict duc, lequel peult estre s'opiniastre exprès
en ce faict , pour enipescher ou relarder ladicte paix ,
et, par ce moyen, troubler ou rompre par jalousie ou
aultrement le mariage de l'infante, et le priver du fruict
de la donation que lui a faict ledict roy d'Espaigne en
faveur d'icelui , comme je désire que vous fassiés sen-
tir aulx serviteurs dudict cardinal, lequel je vouldrois
Lien, comme je vous ai desjà escrit, pouvoir séparer
de la cause dudict duc; car si cela pouvoit s'effectuer,
je vous assure que je le visiterois fort volontiers au par-
tir de ce pays; mais je ne m'y veulx plus attendre,
ayant veu ce que vous m'en avés escrit. Au contraire,
j'espère que ledict cardinal à la fin tirera avec lui à la
raison ledict duc; de sorte qu'il m'accordera la restitu-
tion dudict marquisat et de tout ce qui m'appartient,
comme aussi j'offre de lui rendre ce que je tiens de
lui. Partant, je vous prye d'en faire nouvelle instance,
et me donner advis de la dernière solution qui s'y
p rendra.
Cependant les ambassadeurs d'Angleterre et de Hol-
lande pourront arriver auprès de moi; ceulx là estans
jà à Paris , d'où ils doibvent s'acbeminer ençà au plus
tost ; mais je n'ai poinct encores eu advis du passage
des aultres, de quoi je suis en très grande peine. J'en-
voye présentement devers eulx pour les baster. Et en-
cores que je me sois conduict en ceste occasion , en-
vers ladicte royne et les estats des Provinces Unies, de
façon qu'ils ne peuvent avec raison se plaindre de moi;
172 LETTRE DU ROY
ains doibt estre deschargé du debvoir de nostre alliance.
Neantmoins je a'ous dirai confiderrmient que je serai
très aise de voir lesdicts ambassadeurs , leur dire mes
raisons et entendre les leurs , devant que de conclure
du tout, ou pour le moins manifester ledict accord.
Joinct que je crains, icelui resoleu , que ledict sieur
légat s'en veuille revenir , et que lesdicts députés audict
cardinal d'Autriche se retirent et séparent , de manière
qu'il y ait peine après de les rassembler pour traicter
les affaires des aultres. Au moyen de quoi je vous prye
de prendre parole et asseurance dudict sieur légat et
desdicts députés, quand bien lesdicts articles seroient
signés , -qu'ils ne desemparent pour le moins que le
terme de la restitution de mes places estant expiré, on
n'ait commencé à l'exécuter , quand ce ne seroit que
pour faciliter toutes choses , et pourvoir sur le champ
aulx difficultés qui y pourroient survenir.
Au demeurant, j'ai remarqué qu'en toutes vos lettres
et mémoires il n'est faict mention aulcune du royaulme
de Navarre; de sorte que j'estime que vous aurés jugé
plus à propos de n'en poinct parler, de quoi vous sça-
vés que je me suis remis à vous. Neantmoins j'aurai
tousjours à plaisir de sçavoir les raisons qui vous ont
meu de suivre ce chemin plustost que celui que vous
aviés projette. Partant, vous m'en advertirés par vos
premières lettres.
Vous m'esclaircirés aussi si lesdicts ambassadeurs
sont d'accord de n'adjouster aulcune chose aulx articles
que vous m'avés envoyés.
Surtout je ne veulx pas m'obliger de me séparer de
l'amitié de mes alliés , combien qu'ils demeurent en
guerre avec les Espaignols, afin qu'ils ne me reprochent
que je ne sois accordé à leurs despens. Au contraire ,
y
A MM. BE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 173
je reviens à ma première opinion , portée par vostre
instruction , qui est que si vous pouvés tomber d'ac-
cord du faict dudict duc de Savoye , vous demandiés
et obteniés, s'il est possible , une trefve et cessation
d'armes d'ung an , pour ladicte royne d'Angleterre et
lesdicts estats , afin de leur en présenter le choix , et ,
par ce moyen , leur donner du temps pour penser à
leurs affaires, et leur oster toute occasion de se plaindre
que je les aye laissé en peine; mais je vouldrois que cela
feust teneu secret jusques à ce que j'eusse parlé à leurs-
dicts députés, et sceu leur délibération.
Ce n'est pas la mienne d'envoyer à vostre assemblée
aultres personnes pour conclure et accorder ce traicté,
ni en signer les articles, que vous principalement, que
le temps de la reddition susdicte de mes villes, duquel
vous aurés conveneu, ne soit expiré, et qu'il ne faille
manifester et exécuter lesdicts articles.
Quant au chasteau d'If, je n'estime pas qu'il soit à
propos d'en parler; au contraire, je suis d'advis que le
grand duc soit par nous compris et nommé en ceste
paix comme ung de mes alliés et amis ; car je veulx
croire qu'il me fera raison dudict chasteau , sur l'in-
stance que j'ai advisé de lui en faire faire par l'evesque
de Rennes; et quand ainsi seroit qu'il me le desnieroit,
il me sera tousjours facile d'en tirer raison par aultre
voye , sans qu'il soit besoing pour cela d'obliger les
Espaignols, et d'autant plus que c'est chose que je ne
puis attendre d'eulx; qu'ils ne me demandent et veullent
obliger aussi de n'assister tous ceulx aulxquels ils seront
contrai nets de faire la guerre pour recouvrer le leur.
Partant, il me semble qu'il vault mieulx taire ce poinct
que de le remuer à telle condition, et ni proficter aultre
chose.
174 LETTRE DU ROY
Quant à l'asseurance cle ne rien entreprendre les
ungs sur les aultres, tant de ma part que de celle du-
dict cardinal , durant ceste negotiation , en attendant
l'accord et signature des articles d'icelui , qui vous a
esté proposé par le père gênerai, je ne désire pas y en-
tendre, parce que je sçais bien que si je le promets, je
l'observerai, et redouble que les aultres le fassent; et
toutesfois nous nous y endormirions tellement a la fran-
çoise, que je craindrois qu'il en arrivast quelque incon-
vénient. Partant, excusés vous en doulcement, et con-
tinués à m'advertir soigneusement, comme vous avés
commencé, de toutes occurrences.
Il fauit que je vous, parle encores d'ung poinct; c'est
que mes subjects de la relligion pretendeue reformée
qui ont envoyé ici leurs députés pour resouldre leurs
affaires , continuent à faire grande instance que les
lettres de marque entre ceulx du comté de Venisse et
eulx soient jugées par la cliambrc mi partie de Gre-
noble, ou bien par les juges des lieux, comme il est
porté par le traicté et accord de Nismes, qui a esté faict
avec les officiers du pape, et confirmé par lui, sans
abstreindre les parties à se pourvoir par devant moi, à
cause de la distance des lieux et de la fréquence des
injustices qu'ils disent leur estre faictes audict comtat,
et des frais que cela leur apporteroit. Et comme il leur
a esté remonstré que je ne pouvois desnier à sa sainc-
tete la cognoissance desdictes lettres contre ses subjects,
puisque j'en use ainsi a Fendroict de ceulx des aultres
princes mes voisins, et mesme à fendroict des Espai-
gnols, ils ont respondeu que les officiers du pape, meus
de la considération de la relligion, font gloire et cous-
tume de saisir leurs biens et de les maltraicter, de sorte
qu'ils ont à desmesler tous les jours quelque cbose avec
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. i 75
eulx; ce qui ne se passe ninsi avec les aultres princes.
Dadvantage ils disent que ledict accord de Nismes a esté
faict autant pour le repos et bien des subjects du pape,
que pour le leur. Que si on le veult violer en ung
poinct, il ne sera gardé et observé aulx autres, et qu'il
en arrivera du mal, de quoi ils s'asseurent qu'ils s'en
plaindront les premiers. On a proposé sur cela de faire
que ladicte cliambre mi partie reçoive les plainctes que
mes subjects pourroient faire desdictes injustices, et
qu'elle me donne advis sur icelles; sur lequel je com-
manderois après lesdictes lettres de marque, ou bien
de nommer et députer des k présent sur les lieux trois
personnes du coslé du pape, et trois du mien, pour
vuider lesdictes plaintes, et en ordonner par l'amiable;
mais ceulx de ladicte relligion ont rejette ces deux ou-
vertures, persistans à ce que ledict traicté de Nismes
feust suivi en tous les poincts.
Si on leur refuse ladicte cliambre , en quoi je me
trouve bien empescbé; car, d'ung costé , je ne veulx
poinct donner occasion ni subject à sa saincteté de se
plaindre en aulcune fiçon de moi ; et je vois d'ailleurs
que ceci engendrera tost ou tard du trouble et de
grandes querelles entre ceulx dudict comtat et mes sub-
jects, que je ne pourrai pas après appaiser quand et
comme je vouldrai.
Je vous prye d'en conférer avec ledict sieur légat, et
m'en mander sur ce vostre advis. Cependant je surseoi-
rai ceste resolution, a ce qu'il ne soit rien ordonné ni
faict au contraire à ce qui a esté faict à ceulx dudict
comtat en faveur de sa saincteté; mais en vérité je
crains qu'à la longue ils s'en trouvent mal , et que j'en
sois en peine quelque jour. Je prye Dieu , messieurs, etc.
Du 4 mars i5g8.
176 LETTRE DU ROY
LXXI. — ^ LETTRE DU ROY
J MM. de Bellievre et de Sillerj,
MM. de Bellievre et de Sillery, mon aultre lettre
estoit faicte quand j'ai receu la vostre du 7 de mois ,
sur laquelle j'ai pris resolution d'entendre à l'ouverture
que vous a faicte le père gênerai des cordeliers, par la
seureté réciproque de nos villes et places de frontière
durant vostre negotiation et pourparler de paix ; par-
tant , je vous dirai que je trouve bon que vous don-
niés ma parole à qui il appartiendra ; que mes gens de
guerre ne aultres estant à mon service, n'entrepren-
dront rien sur les villes et places du roy d'Espaigne
jusques à la fin du mois d'apvril, que pourra donner
ladicte negotiation , pourveu que l'on vous donne celle
du cardinal d'Autriche; qu'il ne sera aussi faict aul-
cune entreprise par ses gens sur les miennes; et s'il
fault en mettre quelque chose par escrit, pour plus
grande seureté, je vous permets de le faire; mais je
désire que ledict escrit demeure entre les mains de mon
cousin le cardinal de Florence, afin qu'il soit teneu
secret.
Je vouldrois aussi que ladicte asseurance feust géné-
rale, afin qu'elle comprist aussi bien mes villes de Cham-
paigne que celles de Picardie; toutesfois je vouldrois
que pour cela on ne laissast pas de faire la guerre de
part et d'aultre en la campaigne, afin que l'on ne
puisse dire que j'aye faict une trefve , ou une cessation
entière d'armes ; car mes alliés , si je l'avois accordé ,
s'en plaindroient autant que si j'avois faict la paix
entière.
l
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 177
Traictés cela donc , je vous prye , de façon que
mesdictes places demeurent asseurees, et que mes
alliés n'ayant occasion de me reprocher la parole que
je leur ai donnée, et advertissés incontinent mon cou-
sin le connestable de ce que vous aurés arresté ; car
je lui donne présentement âdvis du commandement
que je vous en faict , dont il fauldra aussi qu'il adver-
tisse mon nepveu le duc de Nevers , en cas que la
Champaigne soit comprise en ladicte asseurance.
J'adjousterai encore ung poinct sur le subject de
mon aultre lettre; c'est que je désire que vous obte-
niés , de ceulx avec lesquels vous traictés , que la garni-
son de Blavet soit diminuée et reduicte en moindre
nombre de gens que faire se pourra , après que nous
aurons signé et consigné entre les mains dudict sieur
légat ledict accord , jusques à ce que ladicte place me
soit rendeue , afin de me délivrer de la jalousie et dis-
pense en laquelle les forces qui sont de présent en
ladicte place y demeurant me tiendroient durant ledict
temps; car elles ne sont pas moindres aujourd'hui que
de deux mille cinq cens hommes , et la place peult estre
gardée à beaucoup moindre nombre, joinct que, quand
nous aurons signé lesdicts articles , il ne nous sera loi-
sible d'entreprendre les ungs sur les aultres.
Renvoyés moi incontinent ce porteur, et par lui la
resolution que vous aurés prise , et eue sur la présente
et sur ma première lettre ; et sur ce je prye Dieu ,
messieurs , etc.
Du 4 mars lôgS.
MÉ.ir. DE DUPLESSIS-MORA^Y. ToME VIII. J 7.
17^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
LXXIT. — 'V' LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ MM, de Bellievre et de Silleiy.
Messieurs, vous cognoistrés par la lettre que le
roy vous escrit , que je lui ai leu la vostre du 4 de ce
mois, apportée par La Fontaine, et que sa majesté a
considéré et espluché tous les poincts de vostre des-
pesche , et fault que je vous die que je ne vis jamais
sa majesté si picquee et altérée, que je l'ai veue sur
ce faict de Savoye; car elle n'eust jamais creu que Ton
lui eust dict si destroussement que Ton ne lui rendra
jamais le marquisat de Saluées; et après la voulloir
forcer et obliger à se soubmettre à l'arbitrage de nostre
sainct père à la poste dudict duc , je lui ai représenté
sur cela vostre billet en cbiffre, avec les advantages ou
desadvantages qui lui peuvent advenir d'accepter ou
refuser ceste ouverture ; coîligés de vos lettres et du
jugement que j'en puisse faire; mais comme rien ne
Tesmeut tant que la conservation de son bonneur et
de sa parole, elle dict qu'elle ne peult céder ledict
marquisat à l'injuste demande dudict duc, sans faire
honte à soi et à la France , et qu'elle ne veult poinct
faire la paix, si elle ne la faict entière et asseuree; car
elle dict que pour ne la faire qu'à demi, elle offensera
autant ses alliés que si elle la faict générale.
Sa majesté. estime beaucoup le recouvrement de ses
villes; mais elle ne prise pas moins l'amitié de ses alliés
et sa réputation; il fault donc trouver quelque aultre
expédient de la contenter sur le faict de Savoye qui
vouldra faire la paix.
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 179
Je ne vous en puis fiire d'ouverture , parce que je
n'en ai aulcune charge, et que j'ai trouvé sa majesté
ferme et constante au recouvrement dudict marquisat;
toutesfois je vous dirai que si on voulloit nous rendre
Berre des à présent pour gage et asseurance de Tac-
complissement dudict arbitrage, peult estre que cela
y feroit entrer sa majesté , et aussi que ledict duc pro-
mit de n'assister poinct la fortune qui est dedans
Seurre , si après nostre accord il refusoit d'obéir au roy
contre sa promesse, jà donnée à sa majesté par lui de
la servir; car sa majesté ne veult demeurer avec tant
d'espines au pied de tous costés , lesquelles la contrain-
droient d'entretenir des garnisons partout, qui lui
cousteroient aussi cher qu'une armée, et tient pour
certain que, s'il lui arrivoit quelque accident, que ledict
duc avec les advantages qui lui demeureroient lui feroit
pis que jamais; c'est pourquoi sa majesté a pris la re-
solution qu'elle vous escrit, de laquelle Dieu nous
donnera telle isseue qu'il lui plaira; mais, pour mon
regard , je ne suis pas d'advis , quoi que Ton vous y res-
ponde, que vous rompiés du tout la paille, parce que
ce seroit ung bien grand malheur de perdre l'occasion
qui se présente à nous de bien faire à tous, et de nous
mettre en paix; mais, parmi le monde, il y en a de si
subtils et desfians qui nous veulîent faire croire que le
susdict duc de Savoye s'opiniastre à la rétention du
susdict marquisat de Saluées par l'advis et par le con-
sentement mesmes du cardinal Albert d'Autriche, et
des sieurs président Richardot et commandeur Taxis,
pour rompre tout à faict ce traicté desjà bien advancé,
jugeans bien que nous ne passerons jamais en aulcune
façon ce poinct, et partant qu'ils en retireront leur
espingle sans reproche, ayant desja recogneu que le
1 8o LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc.
bruict de la paix n'a proficté , comme ils esperoient ,
pour nous diviser d'avec les provinces unies des Pays
Bas, et les esmouvoir à traicter avec eulx ; toutesfois je
ne suis de leur advis.
Nous en serons esclaircis par les evenemens ; sur ce,
messieurs, je prye Dieu, etc.
Du 14 mars i5g8.
LXXIII. — ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie , voyant que le roy passera ici la feste , et
séjournera à Nantes pour la teneue des estais , j'ai pensé
de renvoyer nos chevauix qui sont fort incommodés et
chèrement, sauf trois que nous retenons pour la néces-
sité. Pilet aussi s'en va pour l'affaire que tu sçais. Je ne
sçais plus qu'adjouster , sinon te pryer de toute mon
affection d'avoir soing de ta santé, et de mettre ton
esprit en repos en la conduicte de Dieu, qui a tous-
jours eu soing de nous. Je t'embrasse, etc.
D'Angers, ce i5 mars 1598, au matin.
LXXIV. — ^ARTICLES YIII ET XXVI
Du registre de V assemblée générale , teneue a
Chastellerault.
Le sieur de Gourtaumer ayant représenté l'impor-
tance de certain hasvre de Normandie , et combien il
seroit profictable pour ladicte province s'il estoit tant
soit peu fortifié et habité , et que celui à qui il appar-
ARTICLES , etc. 1 8 [
tient le veult rendre, et que pour le bien des Eglises,
ladicte province l'a requis de l'acheter, ce qu'il feroit
s'il estoit assisté par le gênerai, tant pour la garde que
pour aider à le fortifier; l'assemblée ayant sceu l'im-
portance dudict lieu et commodité du hasvre, et faci-
lité de le fortifier, a advisé de faire couler vingt cinq
hommes soubs la garnison de Saulmur , et vingt sur
celle de Niort , par Testât qui sera envoyé en court ,
pour estre employés par le conseil de ladicte province
à la garde dudict lieu , soubs la garde dudict sieur de
Courtaumer, s'il en acheté la propriété, ou en telle
aultre place qu'il advisera pour le bien de la province ;
et sera escrit au sieur Duplessis et de Parabere pour
le trouver bon , et donner la paye dudict nombre
d'hommes audict sieur de Courtaumer.
Du i5 mars iSgS.
LXXV. — -V' LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, j'ai receu tes lettres des i[\ et 1 5. M. Dujon
travaille pour ta maladie sur le mémoire de M. Petit,
qu'il approuve fort. Je l'en entretins hier au soir, et
attendois cejourd'hui son escrit, selon sa promesse.
Je ne sçais s'il aura esté occupé auprès de madame du
Fresne, qui a eu ung accès de fiebvre. Il m'a semblé
estimer que la saignée te seroit fort bonne , sans tirer
plus d'une palette de san^, et neantmoins il a cncores
voulleu penser. Lorsque tu verras qu'il sera à propos,
je le pryerai de nous donner ung mois; mais sur ce que
tu me touches au dessus de la lettre, tu peulx penser
l82 LETTRE DE M. DUPLESSIS
quel plaisir ce me seroit que ta santé te peust porter
à Nantes pendant le séjour que nous avons à y faire,
et cependant je n'ose ni nie le promettre ni te le per-
suader, mesme ne sçais si je me doibs resjouir de ce
beau temps , tant toutes choses en ceste maladie me sont
suspectes. Le roy passera ici les festes. Le traicté de
M. de Mercœur est accordé, mais il fault qu'il soit
vérifié. MM. de Rohan entrent en toutes leurs maisons,
et ainsi des aultres. J'ai parlé à l'escuyer qui m'a
promis de desposer. Ghesneau et Gâteau, chirurgiens,
dressent leur rapport. On m'a aussi parlé d'ung boulan-
ger qui en peult parler. M. de Launais Blavon sera à
Rennes tous les trois mois; mais M. Audebert qui le
debvoit ouïr est h Orléans. Je fais demain resouldre
M. de Rheims de quelque aultre, en qui nous ayons
pareille confiance. Je crois qu'il nous y fauldra en-
voyer M. Niotte, et pour l'escuyer, le pryer d'aller à
Tours. Par ainsi , nous n'aurions affaire d'une troi-
siesme commission. Le roy a parlé fermement à M. de
La Rochepot et aulx officiers. Il me dict qu'ils le voul-
leurent payer d'excuses, mais qu'ils estoient estonnés:
hier aussi, il déclara à M. de La Rochepot que si,
dans fort brefs jours, on ne lui representoitSainct Phal ,
il ordonneroit à ses gens à Paris de lui faire faire son
procès. Je l'ai fort pressé de limiter le terme; il a dé-
siré temporiser deux ou trois jours, pendant lesquels
M. de Mercœur preste son serment. Il voit que le ma-
reschal de Brissac marchande à le venir trouver, et
craint des traverses. Il en sera encores pressé demain
matin et de bon endroict. Ce soir, M. d'Espernon et
moi estions assignés pour nous faire parler enseud^le;
mais le cerf a mené le roy plus loin qu'il ne voulloit ,
tellement qu'il n'est poinct de retour. M. de Calignon
A MADAME DUPLESSIS. i83
ira demain voir M. de Lusson exprès pour en retirer
une forte despesche. S'il la baille, Je suis d'advis de
l'envoyer par Puisieux , et lui donner aussi charge vers
Charon. S'il y reste difficulté, j'en ferai faire une unie
à M. Desdiguieres, et tousjours en tout cas pour les
mille escus. Il n'y sera enfin rien omis. Le grand conseil
doibt venir en ce pays, mesme est en doubte de s'ar-
restcr a Saulmur. Ce nous sera une commodité pour
sortir de Bruzac, et je manderai à M. Charon d'y venir.
Je me desmesle du 3i3 de 4 doulcement pour pt. 3^
f. 28. 4- Y a consenti plus qu'on n'a voulleu sans que
j'en aye parlé encores à Pr. On faict estât d'employer
deux cent mille escus pour le dégager des créanciers,
pris de la couronne, qui seroit ung moyen d'asseurer
la partie de 2. Je suis en bon train pour trente mille
livres; mais il y fauldra trois années. Si M. Niotte vient
ici, nous ferons aussi pour les fortifications. Il ne fault
pas qu'il oublie d'apporter ce qu'il a du don qui nous
est. commun à M. de Souvray et à moi. Nous debvons
recevoir asseureement les cinq cens livres de M. de
Schomberg, premier qu'il parte pour aller à Nantes,
c'est à dire, en dedans mercredi. Je suis d'advis de lais-
ser passer le terme à M. Pena. La maladie de Dumau-
rier me met en peine. Je crains aussi que tu ne de-
meures sans argent. M. de Rolian s'en va quérir ma-
dame sa mère au Parc présentement. J'en reçois lettres
que je t'envoye. Tu verras ce qu'elle m'escrit de M. de
Cargroy. Je tascherai désire bien logé à Nantes, où le
roy enverra d'Escure, fort habile homme, pour dis-
poser toutes choses. Le roy arrive tout présentement.
Je ne sçais si je le verrai à ce soir, parce qu'il est tard.
Et sur ce je t'embrasse de tout mon cœur, et supplie
l84 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
le Créateur qu'il te garde et conserve, et toute nostre
famille.
D'Angers, ce 16 mars 1698.
LXXVI. — -V^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj a M. de Villeroy.
Monsieur, nous avons à vous remercier du soing
que vous avés à nous tenir advertis et instruire de ce
qui nous peult aider et servir nostre maistre, comme
vous scavés estre son intention.
Vous craignes que Ton ne cherche de nous abuser et
amuser en nous paissant de vaines espérances ; ceste
craincte nous est commune avec vous ; mais , comme
nous vous avons escrit ci devant, nous jugeons des
hommes par l'interest; et, si nous ne sommes fort trom-
pés, le cardinal d'Autriche a le mesme interest que
nous , que ce qui nous sera promis soit observé et
exécuté.
Ce traicté est principalement pour la France et les
Pays Bas. Quant à la France, nous ne laschons rien , et
ne croirons pas aulx paroles ; nos mains auront des
yeulx, elles croiront ce qu'elles verront. Pour le regard
des Pays Bas , ledict cardinal , entre les mains duquel
est la negotiation , traicté pour establir sa grandeur ,
et non pas pour contenter l'ambition des Espaignols ,
qui ne voyent pas volontiers le desmembrement de tant
de provinces d'avec le royaulme d'Espaigne ; c'est pour-
quoi il y a apparence qu'il hastera plustost qu'il ne
reculera la restitution des places dont nous traictons ;
la chose estant commencée, comme ils offrent de faire,
LETTRE, etc. l85
en bref, ce seroit trop de sottise à eulx de ne l'ache-
ver. C'est pourquoi nous nous fions aiseement à ce que
promet ledict cardinal , pour ce qu'il a autant d'inte-
rest que nous qu'il soit faict, et comme nous estimons;
dadvantage , c'est imprudence de se fier aiseement ,
c'est bestise de se desfier de toutes choses. Ores, mon-
sieur , pour nous faire voir plus clair en cest affaire ,
vous avés trouvé bon de nous envoyer la lettre que
de Buzenval vous escrit de ce qui se dict en Hollande
touchant ceste negotiation. Monsieur , il y a assés long
temps que nous sçavions à peu près tout le conteneu
en ceste lettre.
Par nos précédentes , nous vous avons donné advis
de la veneue de cest homme d'Anvers h Bruxelles. Ce
personnage , pour le faict de la relligion , est retiré au
pays d'Hollande , et faict entendre audict cardinal et
au président Richardot qu'il désire la paix et le repos
du pays. Nous avons sceu d'ung , auquel le président
Richardot s'est descouvert , et qui l'a aussi sceu d'ail-
leurs, que l'on tient cest homme d'Anvers pour ung
mauvais garçon, mais que l'on se veult servir de lui.
Vous sçavés combien de telles gens qui portent des
deux costés nous ont passé par les mains. Ne doubtés
pas que le président Richardot ne lui ait mis en avant
tout ce qui se peult dire pour intimider et induire les
Provinces Unies à recognoistre le roy d'Espaigne ; s'il
en a usé de la sorte , je l'en trouve plus habile homme,
et qu'il en a usé comme doibt ung affiné serviteur du
roy catholique. Je m'esbahis plustost qu'il n'en a dict
dadvantage ; car rien ne l'obligeoit à la garantie de son '
dire. Je ne sçais si ledict sieur R.ichardot se sera ainsi
voulleu descouvrir de la Bretaigne à ce personnage ,
dont, comme je vous ai dict, il a mauvaise opinion;
l86 LETTRE
car ce que nous en avons tiré a esté avec la force de la
negotiation. Et vous pourrons asseurer que le père gê-
nerai des cordeliers, qui estoit à Bruxelles quand ce-
dict homme d'Anvers s'y est trouvé , n'estimoit pas que
ces ambassadeurs eussent charge de nous accorder ce
qu'ils nous ont accordé de Blavet; et quand ils en las-
cherent la parole en présence de M. le légat, ledict père
gênerai s'en nionstra estonné, et nous dict, estant les
ambassadeurs d'Espaigne sortis de la chambre de M. le
légat, qu'il estimoit qu'ils ne s'estoient pas sceu bien
expliquer en italien; mais nous estions bien asseurés de
nostre baston. >
Ce qu'il dict des prétentions de Bretaigne est imper-
tinent; car le roy d'Espaigne n'y prétend pas, et en
cela il fault qu'ils veuillent brouiller, et qu'ils n'enten-
dent pas ce qu'ils disent; le monde est plein d'inven-
tions , et surtout ccuix qui craignent.
Nous avons opinion que la forme du passeport dont
escrit M. de Buzenval a esté concertée entre les deux
parties, et que ceulx du conseil establi à La Haye en
sçavoient autant que ceulx du conseil de Bruxelles; car,
à nostre advis, c'est ung homme qui sert des deux
costés. Ceulx de La Haye auront voulleu sçavoir par
lui ce qui se faict ;i Bruxelles, et ceulx de Bruxelles
de mesme ; mais M. de Buzenval ne nous escrit poinct
du conseil que ledict homme donna à ceulx de Bruxelles,
qu'ils ne debvoient poinct negotier avec le roy de
France, qu'ils n'eussent achevé leur negotiation avec
ceulx d'Hollande; car, traictant avec le roy, ils se se-
roient affoiblis de Calais , ville si nnportante , et aultres
qu'ils offrent de rendre, et n'auront aulcune asseu-
rance que le roy leur garde sa promesse après qu'il les
aura recouvertes, remonstrant que ceulx d'Hollande
A M. DE YILLEROY. l 87
ne peuvent approuYcr ceste résolution. Cest homme
d'Amiens est madré , et semble qu'il parloit selon la
charge qu'il avoit des Hollandois, qui n'ont aultre but
que de rompre ceste negotiation. Il nous semble que
ladictc lettre de M. de Buzenval ne nous doibt pas
beaucoup mouvoir.
INous avons trouvé plus mauvais ce qu'il escrit de
certaine conférence qu'a eue M. de Saincte Aldegonde :
il faict fort dangereux de parler avec telles gens qui
adjoustent ce qui leur plaist a ce qui leur a esté dict;
et, puisque l'on cognoist l'artifice dont use ledict sieur
de Saincte Aldegonde, le meilleur est de ne mettre
entre ses mains aulcunes paroles doubteuses et incer-
taines. Ils ont un but, et n'y a rien qu'ils ne fassent
pour y parvenir.
Nous laissons ce propos pour vous dire qu'ayant sceu
de M. le légat, et non d'aultre, que le secrétaire Cécile
a passé par Paris, nous attendons en bonne dévotion
de sçavoir ce qu'il vous aura apporté , ou plustost ce
à quoi le roy se sera resoleu. Nous avons trop de cog-
noissance des intentions de la royne d'Angleterre pour
en doubter; nous scavons celles du roy; mais nous ne
voyons d'ici , ce que vous , qui estes près de sa majesté,
pouvés voir de Testât de ses affaires, parce que l'on
escrit de Paris, et comme plusieurs disent, ceste opi-
nion de la court, que le renfort des Espaignols qui est
arrivé à Calais a rompeu nostre negotiation , qu'ils
sont prests à nous recommencer la guerre, que ceste
frontière est en danger. Nous ne pouvons parler
que par conjectures de ce qu'ils ont dans le cœur. Si
Ton nous dict que nostre frontière est mal gardée , nous
sommes de mesme advis, estant les compaignies fort
foibles, sans chefs et sans payement, dont nous avons
l88 LETTRE
adverti M. le coniiestable , qui nous escrit d'Escouen ,
du 20 de ce mois, qu'il s'acheminoit en Picardie; c'est
la dernière nouvelle que nous avons eue de lui. Il seroit
à propos qu'il veist en quel estât sont les places ; cela
donneroit occasion aulx gouverneurs de mieulx pour-
voir à ce qui est de leur charge. Nous donnerons advis
audict seigneur de ce que nous pourrons sçavoir du
remuement des ennemis, dont, si l'on a craincte, ce
n'est pas sans occasion. Ce n'est pas petite force que
de huict mille Espaignols naturels ; oultre ce , nous
sommes advertis que le cardinal a ordonné de faire ses
recreues à tous les regimens de lansquenets et Walons ,
ce qui ne se faict sans desseing; et si nous tenons
longuement en doubte les ambassadeurs que nous avons
ici de nostre resolution, nous ne sçavons ce qui pourra
advenir; telles forces que cela ne demeurent pas volon-
tiers oisives ; et , quand ils feroient quelque entreprise
sur nous, cependant que nous traictons, ils ne feroient
rien contre leur promesse, ni contre leur debvoir,
puisque nous sommes ennemis.
Par nostre précédente despesche , nous vous avons
mis le marché en main. Si nous demandons la seureté
de nos places, il ne tient qu'à nous que nous ne
l'ayons , puisque ainsi est qu'ils nous ont faict porter
la parole pour s'asseurer de nous, et nous d'eulx. Nous
verrons ce que rapportera le courrier La Fontaine , si
on les tiendra en incertitude. Nous ne pouvons pas
respondre de leur resolution; ils nous ont dict, et nous
font dire tous les jours, que si nous voulions signer ce
qui a esté traicté entre nous et vous avons envoyé,
qu'ils sont prests à signer, qu'ils nous ont déclaré ce
qu'ils demandent en faveur de M. de Savoye. Son am-
bassadeur a promis de le signer; mais, qu'il le signe ou
A M. DE VILLEROY. 189
non, ils déclarent que, nonobstant son refus, ils sont
resoleus de signer ce qui a esté traicté. Ces choses nous
donnent occasion d'estimer que jusques à présent ils
procèdent de bonne foi avec nous. Si nous appercevons
qu'il y ait changement, nous nous conduirons selon
les occasions, et ne ferons faulte de vous en donner
advis.
Il est à désirer que puissiés, en bref, achever la ne-
gotiation de M. de Mercœur, dont, à ce que nous
jugeons, ils sont en peine; et croyons fermement qu'il y
a eu ci devant quelque promesse. Nous soubtenons ce
faict, et nous tenons fermes comme nous debvons.
Vous leur ferés ung grand plaisir, et le roy n'y per-
dra rien, s'ils pourront reprocher à M. de Mercœur
qu'il a negotié sans eulx. C'est ce que nous disons ordi-
nairement, et trouvons qu'il sert beaucoup à nostre
negotiation.
Par nostre précédente , nous avons escrit de l'esmo-
tion adveneue à Sainct Quentin, à cause de l'impost
des toiles.
Il y a aussi l'edict des cabaretiers, que l'on exécute
contre ces Picards avec beaucoup de rigueur, et quel-
ques aultres edicts dont ces peuples se plaignent fort.
Nous remonstrons ce que nous debvons pour les con-
tenir; mais, comme serviteurs du roy, qui n'avons plus
grande passion que de voir prospérer ses affaires, nous
vous dirons librement que telles charges extraordinaires
aliènent fort les volontés des subjects , dont pourroit
advenir trop plus de mal au service du roy que n'ap-
portera commodité l'argent qui en peult provenir.
Nous vous renvoyons avec ceste ci la lettre de M. de
Buzenval.
Nous obmettions à vous dire que l'on a voulleu
îgo LETTPtE, eic.
imprimer en la teste de ces ambassadeurs, et, comme
nous entendons du cardinal, que le roy n'a pas volonté
de conclure ceste paix, mais qu'il a cherché seulement
de les amuser; cependant qu'il s'asseure de la Bre-
taigne; nous estimons les avoir rendeus capables de la
droicte intention du roy. Ils jugeront de ce faict selon
la response que nous apportera La Fontaine. Nous esti-
mons qu'au mesme temps ils pourront avoir leur cour-
rier, qui est allé en Espaigne.
Nous accuserons la réception de vostre despesche
du 7 de ce mois, vous remerciant humblement des
advis qu'il vous a pieu de nous donner, dont nous nous
servons au mieulx que nous pouvons.
Il n'y a rien qui puisse plus troubler ceste negotia-
tion que le faict de M. de Savoye. Nous nous recom-
mandons , etc.
Du i6 mars i SgS.
LXXVIl. — -V^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M' A MIE , je ne t'escrivis poinct hier, parce que
nous feusmes fort occupés. Ce matin le roy nous a
faict parler ensemble, M. d'Espernon et moi. Cela s'est
passé fort honorablement , n'y ayant que sa majesté
et nous deux, et depuis nous a ensemble entreteneus
de ses affaires , nous commandant de communiquer
ensemble pour son service. Pour Sainct Phal, le roy,
en présence de M. de Villeroy, a dict à M. de La Ro-
chepot que si on ne le lui representoit, il me baille-
roit 4000 livres de pouklre et dix canons pour le
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. Xjî
prendre où il scroit, el commanderoit a la court de
lui faire son procès. Les parens allèrent trouver M. de
Roquelaure hier pour le prycr de faire trouver bon
au rov (ju'il me satisfeist par les voyes d'honneur. Le
roy m'a dict qu'il ne lui en avoit poinct parlé, ce que
j'eusse bien voulleu (pi'il eust faict , et nos meilleurs
amis aussi. Je Timpute plus à ia contradiction qu'il
s'est proposé d'y rencontrer vers le roy, qu'à amitié
envers nous. J'ai pressé le roy de prendre ung jour
prefix. Je remarque qu'il crainct d'estre traversé en
l'exécution du traicté de Nantes. Sa response a esté
qu'il me pryoit d'avoir patience, et que le serment
pris de M. de Mercœur , s'il avoit esté au pas en nostre
affaire pour le passé , je verrois qu'il iroit en poste.
M. de Bouillon est ici dans six jours, qui nous y
tiendra la main. Il m'a mandé que pour l'amour de
moi il se bastera si je veulx ; quant à ce qui se nego-
tioit par M. de Scbomberg; il ne s'en parle plus, et n'en
suis pas marri. Nous ferons ouïr nos tesmoings, et je
n'attends que M. Niotte pour l'envoyer à Rennes,
lequel j'addresserai à nos amis pour lui choisir ung
bon juge, pardevant lequel M. Delaunay Blavon sera
ouï. Je ferai aussi conduire l'escuyer à Tours; mais il
fault le faire adjourner au nom de Drugeon, dont il sera
bon que M. Niotte vienne bien informé par M. des
Beraudieres et par la communication qu'il aura eue de
ce qui se sera faict à Tours. Le traicté de Bretaiane
est arresté. Celui de la relligion n'attend que le
retour de M. de Cazes , qui est allé à Chastellerault.
Nos affaires particuliers prendront bon train. Ne reste
que celui de M. Pena, que je vouldrois bien qui vinst
à temps pour nous relever de plusieurs importunités.
Les ambassadeurs d'Angleterre sueront jusques à Or-
T92 LETTRE DE M. DUPLESSIS
leans. Vuilks, qui en estoit, secrétaire de la royne, est
mort à Rouen. Il fault que nos eschevins leur fassent
accoutrer quattre honnestes logis pour quattre sei-
gneurs , dont je leur enverrai au premier jour les
noms. Il fauldra aussi leur donner du vin et des fruicts,
et je leur en escris par ceste mesme voye. Quant à
ceulx des Pays Bas , nous n'avons poinct encores sceu
leur passage. M. de Buzenval a charge de les prévenir
de quelques jours, lequel je verrai, et nous peult
faire ung bon office, en disant au roy comme Toul-
trage que j'ai receu a esté receu, et ce qu'on en at-
tend de sa majesté aulx Pays Bas, et le mesme se pour-
roit practiquer vers les députés d'Angleterre ou par
son moyen , ou de quelque aultre. Je suis en peine
de quel effect aura apporté le beau temps. Madame
Dufresne a une fiebvre tierce, sans cela j'eusse des-
bauché Dujon. Je t'embrasse, m'amie, de toute mon
affection, et prye Dieu qu'il te garde et conserve et
toute nostre famille.
D'Angers, ce i8 mars iSgS.
LXXVIII. —-^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, je t'ai escrit aujourd'hui amplement par le
chevaulcheur de Chousay , mesme de la reconciliation
avec M. d'Espernon , qui s'est fort bien passée , et du
train ou nous sommes pour le principal. Ceste est pour
t'asseurer de la réception des tiennes par le pré qui
me faict craindre du beau temps, au lieu d'en espérer,
et ce n'est pas sans peine. M. Dujon a médité sur le
>
A MADAME DL'PLESSIS. 19^
mémoire de M. Petit , puis en a conféré avec M. de
La Rivière et du Laurens. Ils sont d'advis, avec ledict
M. Petit, et de la cause, et des remèdes, et de la pro-
cédure. Seulement qu'il les fault continuer ; mais
ledict sieur Dujon t'enverra vendredi son memoirç
avec certains doulx remèdes qu'il te prépare, scavoir,
de la manne de Calabre, de la conserve de roses de
Naples , et aultres fort doulx et cordiaulx, lesquels
nous avons advisé de faire venir dltalie par le seigneur
Yalerio qui s'y en va, homme confident, et cependant
il nous aide de ce qu'en a M. de Fresne. Je suis bien
aise de ce que 81. 63. t'a dict ; le tout est qu'il n'y
a plus de remède. En tout cas, je ne laisserai de tra-
vailler à nos assignations, et puis donneront bon ordre
qu'elles soient bien maniées. J'ai escrit à nos officiers
et esclievins ce que tu auras veu par le passade des
ambassadeurs d'Angleterre, aussi au sergent major.
Je te prye de plus en plus de soulager ton esprit, car
Dieu est pour nous; lequel je supplie, m'amie, qu'il
te garde et conserve. Sur ce, je t'embrasse de tout
mon cœur.
D'Angers, ce 18 mars 1698.
LXXIX. — ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, je t'escrivis hier amplement, par la voye
de la poste de Chouzay. Depuis, il n'est rien surveneu.
L'escuyer m'a promis; mais mande moi s'il sera en-
cores receu à tesmoigner à Tours , sinon je l'enverrai
à Rennes, oii toutesfois je ne puis encores m'asseurer
MÉM. DE DUPLESSIS-MORNAY. ToME VIII. l3
194 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
d'ung juge, et présentement nous avons nouvelles de
M. de Montbazon , duquel je me pourrai aider. Demain
part madame de Mercœur, pour aller quérir son mari.
Madame a faict ce que le roy a voulleu. Elle est fort
r£Soleue de se marier. Le receveur Benoist est veneu ;
j'aiderai à ses affaires. Et pour les fortifications il sera
malaisé que 96 n'y voye clair, car des Saulmur on ne
lui en aura parlé que trop indirectement. Nous trou-
verons moyen de le contenter, ou de là ou d'ailleursi-
en Testât des garnisons. L'affaire de la relligion séfaT
concleue ceste sepmaine. Dans la prochaine, nous au-
rons M. de Bouillon. M. Hesperien t'entretiendra du
surplus , lequel s'en va eu Bearn. Je fais solliciter Dujon
à oultrance. J'ai encores, ce matin, parlé a M. de Lau-
rens et d'abondant d'une saignée d'une palette , et
non plus. Je tembrasse, m'amie , de tout mon cœur.
D'Angers, ce 19 mars 1698.
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LXXX. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A M. Duplessis.
Monsieur, le roy m'a dict avoir parlé de vostre
affaire aulx officiers de ceste ville; mais M. le mares-
cbal de Brissac ne pouvant venir sitost , il me semble,
sauf vostre meilleur advis, que vous ne debvés différer
à vous acheminer ici, suivant l'intention de sa majesté ,
laquelle faict estât d'en partir mercredi pour aller à
Ancenis, et de là à Nantes, Taccord de M. de Mer-
cœur estant enfin resoleu , comme vous aura dict M. de
Lomenie; de sorte qu'il ne me reste qu'à vous présenter
mon service avec ma bien humble recommandation
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. igS
à vos bonnes grâces et à celle de madame vostre femme,
pr)^nnt Dieu, monsieur, qu'il vous conserve en bonne
santé , etc.
D'Angers, ce 19 mars iSyS.
LXXXI. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, présentement et depuis ma lettre escrite
par le porteur, à dix beures, pour t'envoyer la des-
pescbe de Dujon , j'ai receu lettre que je t'envoye , de
M. La Vairie. J'ai recogneu au style et au langage du
lacquais, que leur intention estoit de loger à La Dagui-
niere, sans venir ici, pour n'avoir equippage, et à cause
de la grossesse. J'ai double aussi qu'ils feussent bien
accommodés en la presse qui croist tous les jours; mais
j'ai commandé à nostre fils de les voir à La Daguiniere ,
ce que j'eusse bien peu faire moi mesmes , n'estoit que
ceste après disnee je signe le traicté de Bretaigne , où
j'ai commandement d'assister. Je te baise, m'amie, de
tout mon cœur.
D'Angers, ce 20 mars 1598.
LXXXIL— ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, j'ai receu ce soir tes lettres du 21 par Cour-
ville. Ce n'est sans estre en grand peur de ce que ton
mal te presse extraordinairement, et aussitost ai envoyé
quérir M. Dujon, lequel je n'ai peu encores avoir. Je te
pryerai de méditer sur les lettres et de Taller voir toi
îg6 LETTRE DE M. DUPLESSIS
mesmes , encores qu'il me semble que tu persistes à ne
le voulloir poinct , jusqu'à ce que tu ayes receu res-
ponse de M. Petit; mais si me semble et qu'il ne te
pouvoit nuire; je me tirerai aussi le plus tost que je
pourrai de ceste court, pour aller aider à te guérir,
car rien qui me retient ici ne me peult toucher de si
près , et je te prye de le croire autant que tu m'aimes.
Encores aujourd'hui le roy m'a promis d'abréger nostre
affaire , et d'en ordonner à la court de parlement. L'es-
cuyer sera mardi au soir à Saulmur et le m'a promis.
J'ai la liste de la grand'chambre de Rennes, sur laquelle
je ferai choisir ung ou plusieurs au default l'ung de
l'aultre, et y enverrai La Periere. J'ai faict derechef
arrester Testât de lieutenant de la prevosté, et espère
obtenir ung estât de secrétaire de la maison et cou-
ronne de France, !e premier vacant, pour M. Pena,
c'est ce qui se pourra pour ceste heure. Pour nos aultres
affaires, ia royne Marguerite m'a escrit celle dont je
t'envoye copie. Elle m'a parlé de la procuration ni en
bien ni en mal ; mais il y a ung sien secrétaire ici qui
m'a baillé ses lettres, lequel me doibt venir voir. Elle
tesmoigne ung grand mécontentement contre M. Erard,
je ne sçais sur quel subject ; mais, en confessant ce qu'elle
a dict de lui, elle me semble ne dissimuler gueres qu'elle
a bien peu dire de reste. Nous verrous toutesfois le se-
crétaire. Je crois que ledict sieur Erard pourra bien
t'aller voir. Madame la duchesse faict estât de racheter
en deux ans tout le domaine qui est engagé de la duché
de Vendosuie, et le rov lui faict fonds à ceste fin. Ma-
dame y a consenti et signé sans contredict. M. de Gali-
onon a desjà esté trois fois exprès chez M. de l^usson
sans le trouver. Il m'a promis de l'attraper lundi de
bon inatiii cliez lui. S'il asseure la partie par une bonne
A MADABIE DUPLESSIS. 197
despesche, nous enverrons exprès, sinon je lui ferai
aussitost flespescher à M. Lesdiguieres pour toute la
somme. La partie de 3o,ooo livres est consentie par
le roy; nous ne comptions qu'une bonne assignation
dont je m'asseurerai, partie en faisant Testât de nos gar-
nisons, qui se fera ceste sepmaine , partie en faisant
continuer nos subsides , dont j'ai à communiquer avec
M. Niotte. Madame de Rohan sera ici au premier jour,
ce ne sera pas sans parler de M. de Cargroy. Le roy sera
à Nantes après Quasimodo, où il tiendra les estais. Il
est conseillé , d'après iceulx , de retourner au plus tost
vers la France, où 3 10. T. 201. se pourra faire. Je
suis fort aise du bon espoir où tu es du sieur Dumau-
rier. M. 81. 63. nous traisne tousjours, et j'en plains
plus la longueur pour ta santé qu'aultrement, encores
n'en fauldroit il pas user légèrement , ni subir la pre-
mière preuve. 4o. 9. 64. 33. m'en a entreteneu tout le
matin, qui dict merveille et parle fort confîdemment,
mais du temps il n'ose asseurer. Tu as eu trop de soing
de renvover mes babiîlemens. Demain nous faisons la
cène chés Madame , où je pense qu'il se trouvera près
de trois mille personnes. Nous n'avons peu achever
aujourd'hui pour ce qui reste de nos affaires, mais ce
sera pour lundi. Présentement M. Dujon me vient voir,
il persiste au conseil qu'il te donne. Il m'a promis de
t'aller voir mardi prochain , dont je l'ai fort prvé. Cela
ne peult nuire, attendant nouvelles de M. Petit; mais
certes je desirerois fort, quoi qu'il coustast, que tu peusses
débaucher M, Petit pour ung mois ou six sepmaines,
et pense qu'il fault tendre à cela, et si tu le trouves
bon je lui en jescrirai ; de sorte que j'espère qu'il ne
nous esconduira poinct , m'amie, que j'aye à toute
heure de tes nouvelles. Je t'embrasse de tout mon cœur,
igB LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
et supplie le Créateur qu'il te garde et conserve, et
toute nostre famille.
D'Angers , ce 21 mars i5g8 , à dix heurs du soir.
J'ai pensé depuis de te renvoyer La Periere pour
conduire l'escuyer, et j'enverrai La Roche à Rennes,
que je ferai partir le mesme jour.
Si nous ne pouvons avoir M. Petit, je ferai en sorte
4 d'avoir Dujon quand tu vouldras.
LXXXIlï. — ^ LETTRE
' De M. de La Fontaine a madame Diiplessis.
Madame, j'espère que vous aurés eu ma response
à vos lettres , desquelles il vous pleut m'honorer après
ce malheureux attentat, qui estoit le subject de vos
lettres. Ce que depuis je n'en ai rien ouï, me faict
croire qu'il n'y a rien de pis; mais aussi ne m'en faict
il pas voir la justice promise. J'espère que ceste ap-
proche de sa majesté y sçaura bien pourvoir. Dieu nous
veuille donner et l'isseue selon vostre souhait, et l'usage
selon nostre debvoir de ce beau voyage. Ce sont choses
qu'il n'y a que la pieté qui puisse bien joindre en-
semble. S'il m'est possible de pouvoir eschapper d'ici,
j'espère de faire une course à Orléans cest esté, et
mesmes jusques à Pougues. Je vous désire mieulx que
la nécessité de vous y rencontrer; mais si elle y est,
ce me sera contentement de vous y tesmoigner mon
service, très asseuré à vous et à ce qui est vostre. Ma
femme, qui a esté malade ces huict mois, vous baise
très humblement les mains avec moi , comme aussi
font mes filles^; et j'espère que mon fils, qui suit la
LETTRE DE M. DE LA FONTAINE, etc. 199
court, le fera en présence. Vous favoriserés, s'il vous
plaist, et à bon escient, sa requeste envers M. Duplessis,
lequel veult et peult en mes petits affaires.
A Londres, ce 21 mars 1698.
LXXXIV. -—^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa femme.
Je ne fais qu'adjouster par le capitaine Coignard ,
sinon que je n'ai poinct eu aujourd'hui de tes nouvelles
et en suis en peine. Je tascherai de m'eschapper pour
t'aller voir , si nos affaires domestiques ne me retiennent
bien court. Le roy s'en va demain à la chasse au Verger.
M. de Rheims, aujourd'hui au sortir du service, s'est
alité d'une grande defluxion qui le menace d'une para-
lysie. Demain matin se prend une resolution pour nostre
principal affaire, ainsi que le roy m'a promis ce soir.
Aussitôst je t'en donnerai advis. Il m'ennuye que je ne
te voye. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers , ce 22 mars iSgS.
Je crains que nous ne puissions revoir si tost Du-
jon , pour la maladie de M. de Rheims. Il ne tiendra
à s'en passer. Je desirerois fort, à quelque prix que ce
feust, que nous puissions avoir M. Petit pour six sep-
maines, et t'envoye des lettres à cèste fin.
:200 LETTRE DE M. DUPLESSIS
LXXXV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, mon nepveu de Vaucelas arriva hier. Il alla
désirant te voir premier que passer oultre. Cela lui vient
de bon naturel, et en ai esté bien aise. Si j'eusse peu,
je l'y eusse conduict; mais quelques raisons m'ont re-
teneu, que tu considéreras assés. Loué soit Dieu cepen-
dant que par tes lettres de ce matin tu as quelque
amendement, et veuille, par sa grâce, y donner ac-
croissement et en exaucer mes souspirs. Ce matin le
roy, premier que partir, a déclaré à MM. de La Roche-
pot et d'Avaugour qu'ils ayent à lui remettre, dans le
cKisteau d'Angers, leur parent dans ceste sepmaine,
sinon qu'il lui feroit faire son procès par la court de
parlement. Ils ont respondeu qu'ils y feroient leur deb-
voir; qu'ils le jugent raisonnable : s'il n'obéit, qu'ils le
laisseront là, et n'en parleront jamais. Sa majesté le
m'a dict, et m'a envoyé quérir exprès. Nous verrons
ce qui en réussira. J'envoye cependant La Periere des
demain, si je puis, avec l'escuyer à Tours, qui sçaura
de toi ce qu'il aura à faire; seulement je crains que la
montre des officiers d'artillerie , qui se doibt faire de-
main ou mercredi en ceste ville, ne le retienne. Je
despescherai aussi des demain La Roche à Rennes.
Quant aulx tesmoings qu'il m'a nommés ici pour ne rien
descouvrir, je n'ose y toucher. Il fault les remettre
alors que le faict aura à estrt; Louché ouvertement. M. de
Calignon a parlé ce matin à M. de Lusson. Il lui a
respondeu qu'il doibt la somme et la veult payer; que
A MADAME DUPLESSIS. 20 1
son homme ne l'a faict, parce que le convoi de Bour-
deaulx a manque ceste année ; mais qu'il partira des
qu'il sera à Nantes pour s'en retourner à Blayes, et ne
sera sitost arrivé qu'il ne la mette es mains de Rellujon.
Alors je pense qu'il suffira que nous escrivions pour
la recevoir; pour le surplus, il en réitère une despesche
dudict M. de Calignon. Tu as veu lettre de la royne;
et l'homme qui la me bailla m'a veu qui ne m'a du tout
rien dict. J'en ai receu depuis une aultre par ung lac-
quais exprès, par laquelle, après plusieurs honnestes
paroles, elle me prye de m'employer vers le roy à ce
qu'il soit pourveu en sa faveur à ung estât de prési-
dent à Toulouse, vacant par mort, dont aussi elle
m'envoye lettres pour le roy. M. de Rheims est ung
peu mieulx; mais il lui restera une paralysie, si ce n'est
grand merveille; cela nous occupera. Dujon, qui me
faict d'autant plus bander à M. Petit. Quant à madame
de Fresne, elle n'a poinct eu son accès aujourd'hui.
Les médecins du roy approuvent tous la saignée; pour
les bains, conseillent de s'en abstenir pendant la craincte
de paralysie, sauf à en mieulx juger avant, et obser-
vant les cours des remèdes. M. Erard approuve l'opiate
que propose M. Pena pour ta santé. Je ne l'ai poinct
encores enquis sur 1 hyppocondriaque. Si Dieu nous
faisoit la, grâce que tu peusses faire le voyage de Nantes,
dont tu me menaces, je ne me soucierois gueres de ce
que t'auroit dict que tu cognois assés , et ce
qu'il accuse en toi ne peult en lui mesmes estre que
louange. Il semble que le roy ait eu quelque envie
d'aller cest esté à Pougues. Je désire voir Niote, pour
le mettre en train de nos affaires. Aussi scrois je bien
aise que les ambassadeurs d'Angleterre, qui doibvent
passer mercredi à Saulmur, feussent passés; cela faict,
202 LETTRE DE M. DUPLESSIS
je me dérobe ici pour estre avec toi quattre ou cinq
jours. M. de Bouiilon doibt arriver au premier jour,
et est pressé du roy , qui tiendra la main a nostre affaire.
Le roy m'a accordé ung eslat de secrétaire de la maison
de France, le premier vacant , pour M. Pezillau. J'eusse
désiré quelque chose de plus prompt et de plus cer-
tain, et y tasclie encores. Sa majesté aussi m'avoit
donné l'abbaye de Melleray(i), en cas que Dieu or-
donnast deM. deRlieims; mais j'ai veu qu'il en avoit jà
disposé en faveur de mon cousin de Sainct Maio. C'est
tout ce que je puis te dire, sinon, m'amie, que je
t'embrasse de tout mon cœur, et supplie le Créateur
qu'il te garde et rende une santé parfaicte.
D'Angers , ce 23 mars 1 698 , au soir.
LXXXVL — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa femme.
Mamie , j'ai pryé M. de Piérrefite de se trouver à
Saulmur à l'arrivée des ambassadeurs d'Angleterre ,
afin que nostre garnison y feust mieulx ordonnée et
qu'il V eust personne pour les recevoir et entretenir.
Considérant la maladie, et comme je t'ai laissée seule,
il m'a semblé aussi importer qu'ils feussent bien imbuô
de nous et de nos affaires à leur veneue, oultre ce que
j'ai pensé, qu'il leur pourroit dire quelques mots à
propos de nostre principal affaire. Il te dira particu-
lièrement tout ce qui s'est passé ici, et en public et en
particulier. Il ne m'a certes pas abandonné , et s'est
f 7 ) La Meilleraye en Bretagne.
A MADAME DUPLESSIS. 2o3
teneu fort subject près de moi. Demain part La Roche ,
bien instruict. Je t'envoye copie de ses instructions. Je
pense aussi faire partir Fescuyer , qui m'a traisné de jour
à aultre , et le baille à La Periere. M. de Rheims se porte
mieulx. Je t'ai mandé ce qui estoit de Tabbaye. Niote
est arrivé. Aussitost j'embarquerai ici nos affaires.
Gourmandure est aussi de retour. Les gens vont et
viennent, mais tousjours ne suis je poinct tout seul. J'ai
quelque espoir que ce temps humide amendera ton mal,
puisque le sec Taura empiré. M. Erard tient que la mé-
decine dont est question y sera très propre, lequel j'en
ai requis ce matin. Je ne perdrai aulcune occasion pour
te voir et t'aider à guérir, et t'en repose sur moi. Je
sçais bien aussi que tu sçais considérer ce qui se peult
et ce qui non. M. 8i. 63. vouldroit bien quitter tout,
s'il dict vrai. Je>suis bien aise que M. Dumaurier se gué-
risse. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur, etc.
D'Angers, ce ^4 mars iSgS , au soir.
LXXXVIL — -V' LETTRE
De MM. de BelUevre et de Slllerj au roj.
Nous avons esté d'accord avec les ambassadeurs d'Es-
paigne de la restitution des villes de Calais, Ardres ,
MonthuUn, Dourlans, La Cappelle, Le Castelet, en
Picardie , Blavet et aultres places que le roy catholicque
occupe en Bretaigne, en la forme et ainsi que ci de-
vant a esté escrit à vostre majesté.
Plus, lesdicts ambassadeurs nous ont confirmé de-
rechef ce qu'ils nous ont promis au nom de l'ambassa-
deur de Savoye, pour la restitution de Berre , le démo-
-i04 LETTRE
lissement du fort de Barrault en Daulphiné , et que le
duc de Savoye desadvouera , et abandonnera le capi-
taine La Fortune qui est dans Berre , aulx conditions
dont nous escrivons à sa majesté , adjoustant que les
François qui ont servi le duc de Savoye jouiront de la
clause du traicté de Fan iSSg, contenant que ceulx
qui ont servi en parti contraire , seront remis en leurs
biens, ce qui n'a peu estre refusé, attendeu que ledict
duc est compris en ceste paix.
Lesdicts ambassadeurs ont insisté que les lettres de
ratification de ce traicté leur soient baillées au plus tost
que faire se pourra, à ce qu'ils ayent temps aupara-
vant les deux mois escbeus, qu'ils se trouveront obligés
à la restitution des places dont est conveneu entre
nous, d'envoyer par devers sa majesté , et recevoir
son serment pour l'observation du traicté , offrant
qu'au mesme temps que nous leur baillerons lesdictes
lettres de ratification, ils délivreront lesostages, et se
sont restreints au nombre de quattre , tels qu'il plaira
à sa majesté de choisir, remonstrant qu'à l'aultre paix
on s'est contenté de pareil nombre ; ont soubteneu
qu'il est raisonnable, se mettant en ce debvoir de bailler
ostages, qu'on ne leur refuse poinct le serment de sa
majesté auparavant la restitution des places , qu'ils en-
tendent faire preciseement au jour promis, et plus tost
s'ils peuvent, car qui leur refuseroit le serment, ou
les mettroit en souspçon, et ne le demandent en in-
tention de différer la restitution ; car ils désirent à ces
fins que lesdictes lettres de ratification leur soient
baillées vingt jours après qu'ils auront signé les articles
du traicté , à ce qu'ils ayent assés de temps pour aller
trouver vostre majesté pour recevoir le serment, et ne
différer d'ung seul jour ladicte restitution , qui ne
AU ROY. 2o5
cîebvra estre retardée , s'ils n'auront faict leurs dili-
gences d'envoyer vers vostre majesté pour ledict ser-
ment. Les voyans fort fermes en ceste resolution, nous
avons dict qu'on leur baillera la ratification ung mois
après que lesdicts articles auront esté signés, estant
saisis de ladicte ratification , l'affaire n'est plus secret;
s'ils vont en France pour le serment , semble que qui leur
refuseroit, comme ils sont souspçonneux, on prejudi-
dicieroit aulx affaires de sa majesté et h l'exécution de
ce qui a esté traicté.
A esté remonstré aulxdicts ambassadeurs que, con-
cluant ce traicté entre les deux roys , il seroit conve-
tiable que nous prissions resolution que le roy catho-
licque accordast une trefve d'ung an ou six mois, à la
royne d'Angleterre et Provinces Unies, durant laquelle
ils peussent trafiquer les ungs avec les aultres seure-
ment et librement, afin de donner plus de loisir et
moyen à nostre maistre de persuader ladicte royne et
estats d'entrer et prendre part au bénéfice de ce traicté ;
et leur ont esté deduictes plusieurs raisons , qui les
doibvent mouvoir à prendre ce conseil pour leur bien
et utilité; qu'ils peuvent juger que ce que nous en
disions n'est pas pour nostre profict , mais pour une
paix universelle entre les potentats de la cbrestienté;
cest article a esté traicté avec lesdicts ambassadeurs
deux jours durant ; enfin ils nous ont dict ne pouvoir
en aulcune sorte accorder ladicte trefve, ou cessation
d'armes ; en premier lieu , que ladicte royne et estats
ne la demandent pas, et feroit bonté au roy catbo-
licque , l'ayant présentée, d'en estre refusé; en second
lieu, et principalement disent que ce seroit cliose par trop
préjudiciable à leurs affaires , qu'ils cognoissent assés
le naturel des Hollandois, qui pourroient faire sem-
2o6 LETTRE
blant d'accepter ceste trefve, envoyer ici les députés
pour traicter , et tenir ung an durant les affaires en irré-
solution ; ce qu'ils ne sont délibérés de supporter, et
consommer leur armée et leur argent pour faire plaisir
aulx HoUandois.
Us nous ont dict qu'ils espèrent que, dans six sep-
maiues, ils mettront vingt cinq mille hommes de pied
en campaigne; que, sans sortir les Espaignols qui sont
ordonnés pour les garnisons, ils .en peuvent mettre
en campaigne bien près de neuf mille, qu'ils ont faict
faire leurs levées et recreues en Allemaigne, et auront
dix mille lansqtienets ; le surplus seront Wallons ; qu'ils
ont argent pour les soldoyer, que la despense de la
guerre leur revient par chacung mois à trois cens
mille escus; qu'ils ne veullent perdre la saison qui est
belle, le temps et leur argent; que pour cela ils ne
rejeUent pas le bon conseil que vostre majesté leur
donne, de se resouldre à la paix avec ladicte royne et
estais , qu'ils l'en remercient humblement , et désirent
qu'elle soit comme arbitre de leurs différends; et , pour
monslrer le respectque ledict sieur cardinal lui veult
porter, déclarent d'estre contens que si, dans six mois
après la conclusion de ce traicté, ladicte royne et les
Provinces Unies leur feront entendre de se resouldre
à la paix avec le roy catholicque , ils les recevront à
traicier et estre compris en ce traicté de paix , et pour
cest effect viendront en ce lieu de Vervins ou tel aultre
qui sera advisé, traicteront de la paix en nostre pré-
sence, et si les choses se trouveront disposées , ne se
reii riront difficiles à accorder une trefve.
Mais pour les raisons que dessus, et pour avoir
fort suspectes les actions desdicts HoUandois , ne s'y
veullent obliger , et , parce que nous avons peu com-
AU ROY. 207
prendre de leur dire, ils ne seroient si difficiles à ac-
corder ceste trefve pour le regard de la royne d'An-
gleterre, c'est la dernière response que nous avons
peu tirer d'eulx, ayans de longue main essayé de les
faire proposer ceste ouverture; mais ni nous ni nos
amis n'y ont rien profîctë, et n'estimons pas qu'ils
soient pour changer d'opinion et d'advis.
A esté parlé des subjects des deux roys qui ont
servi contre leur prince. Lesdicts ambassadeurs ont
insisté qu'd soit accordé à ceulx qui sont retirés en
Flandres avec eulx, pareille grâce que celle qui est
conteneue en l'edict faict sur la redduction de M. de
Mayenne, pour le regard de ceulx qui avoient suivi
son parti. Nous avons dict que cest article doibt. estre
escrit tant pour les ungs que pour les aultres; qu'il y
a en France des subjects du roy d'Espaigne, que Ce ne
seroit pas l'honneur de vostre majesté de les abandon-
ner, non plus que ledict roy ne veult pas abandonner
les François qui l'ont servi ; que , pour ce regard, nous
accordions l'article du précèdent traicté , y adjoustant
ceste clause, pourveu qu'ils ne soient chargés d'aultres
crimes et delicts que d'avoir servi en parti contraire;
jugeons aussi qu'il y fauit adjouster que, pour rentrer
aulx pays, terres et seigneuries desdicts seigneurs roys,
ils obtiendront permission et lettres patentes scellées du
grand sceau de leurs majestés, lesquelles ils ne serppt te-
neus faire vérifier par devant les courts et officiers de
leursdiclés n)aiestes ; lesdicts ambassadeurs ont monstre
d'estre fort mal contens de ce que l'on y veult com-
prendre les subjects de leur roy; car, parmi les trouppes
que les Provinces Unies entretiennent en France , il
y peut avoir des subjects de leur maistre ; qu'ils ne
seront délibérés eh façon du monde de recevoir, d'ail-
2o8 LETTRE
leurs ils ont dict qu'ils ont charge expresse de deman-
der une exception particulière pour le sieur Antonio
Ferez , et ceulx qui ont suivi sa faction ; et qu'en l'aultre
traicté de paix en faveur de leur maistre, le roi Henry II
accorda une exception particulière de dom Juan de
Luna , qui avoit esté caslelan de Milan; que l'on ne
doibt refuser à leur maistre ce qu'ils demandent tou-
chant ledict sieur Antonio Ferez, qu'il ne recevra ja-
mais en son royaulme.
Nous avons dict que l'exception que nous inserons
en cest article leur doibt suffire touchant ledict sieur
Antonio Ferez; car , s'il n'est preveneu de crimes aultres
que d'avoir servi nostre roy, comme ils disent, il est
excleu du traicté, et, de plus, il lui fauldra et aulx
siens obtenir lettres patentes , qu'on ne leur baillera
pas si elles ne sont jugées raisonnables; ils se sont fort
obstinés sur ce poinct ,et se sont despartis d avec nous,
nous pryant d'avoir plus d'esgard à l'honneur de leur
maistre, en escrivant le traicté; s'il plaist à vostre ma-
jesté nous en donner le pouvoir, nous tascherons d'ac-
commoder cest affaire; tous les articles ne se peuvent
pas resouldre , quand il fault avoir le consentement
d'ungaultre, comme ils sont baillés par l'instruction.
Four le regard des rançons que nous avons demandé
estre quittées de part et d'aultrc, on dict qu'ils ne
scavent d'avoir nombre de prisonniers francois en leur
pays, et ceuîx qui y sont deteneus ont pour la plus-
part composé de leurs rançons, qui seroient exceptés
si l'on vient à mettre cest article; si l'on parle de mo-
dérer ceulx qui ont composé , ils demanderont que la
rançon du marquis de Varembon , qui excède trente
six mille escus, soit modérée, d'autant que, vendant
tout le bien qu'il a, il auroit peine à mettre ensemble
AU ROY. 209
une telle somme ; le fils de don Juan d'Idiaques a esté
mis à vingt mille escus, et le père n'a pas quattre mille
escus de reveneu. Ce neantmoins, si vostre majesté de-
sire que les rançons de ceulx qui sont prisonniers
soient modérées, en estant baillé ung rolle à M. le car-
dinal archiduc , ils s'asseurent qu'il les traictera si fa-
vorablement que vostre majesté en demeurera con-
tente.
Quant à ce qu'ils ont faict demander la délivrance
des prisonniers espaignols que M. de Guise a faict
mettre à la chaisne , disent que cela donnera occasion
h leur maistre d'user de mesme humanité envers les
François qui pourroient estre deteneus en ses galères;
et ont promis que , comme il en sera usé par vostre
majesté, il en sera faict de mesme par leur roy.
Ont demandé que les François, qui sont establis au
bien des affaires qui servent au parti contraire, soient
conservés en leurs fermes , s'il n'y a fraude ou lésion
par trop grande, et ce pour éviter aulx procès qui
pourroient survenir à ceste occasion; nous avons dict
que, par le bénéfice de paix, chacung rentre en son
bien; que les François en prenant les fermes ont peu
sçavoir comme en a esté usé auparavant , et que la paix se
pouvoit faire , et que nous craignons qu'il y eust plus
grande involution de procès , si l'on est contrainct de
venir à prouver la fraude ou la lésion.
Lesdicts ambassadeurs ont remonstré qu'es places
par eulx occupées, ils ont esté contraincts d'y establir
plusieurs officiers qui ont laissé leurs aultres vacations,
demandent qu'ils soient recompensés de la valeur de
leurs offices , ou qu'il leur soit permis d'en composer
avec vos subjects, à prix modéré; nous avons dict que
vostre majesté ne veult poinct d'officiers de leurs
MÛM, DE DUPLF.SSIS-MORXAY. ToME VIII. l4
210 LETTRE
mains, et qu'ils ontdeu sçavoir, entrans en ces charges,
qu'ils estoient subjecls à en sortir.
Que le feu roy Henry II rendant la Savoye et le Pied-
mont ne demanda pas au duc de Savoye de recom-
penser le grand nombre d'officiers qui demeurèrent
privés de leurs charges par la restitution desdicts pays.
Sh'e, lesdicts ambassadeurs ont remonstré, attendeii
que ledict cardinal d'Autriche s'est monstre si affec-
tionné à procurer et advancer ceste paix , par le moyen
de laquelle vostre majesté est remise en ung si grand
nombre de places, qu'ils espèrent que vostre majesté
aura esgard à la demande et pryere qu'ils nous requiè-
rent de lui escrire , que son bon plaisir feust d'accorder
en souveraineté à madame l'infante le comté de Ghar-
rolois , qui n'est qu'une petite pièce de terre, eu esgard
à ce qui est rendeu si favorablement.
Sur quoi nous avons faict la response qu'il a pieu à
vostre majesté de nous commander , dont ils ont mon-
stre d'estre mal satisfaicts ; et ont faict une grande in-
stance, qu'au moins il pleust à vostre majesté donner
à madame l'infante et audict sieur cardinal ce tesmoi-
gnage de sa bonne volonté , que comme il pleut au feu
roy François I" accorder ladicte souveraineté à ma-
dame Marguerite d'Autriche , douairière de Savoye,
qui s'entremeist de la paix dudict seigneur roy avec
l'empereur Charles V ; aussi vostre bon plaisir feust
gratifier icelle dame infante, qu'elle peust jouir dudict
comté de Charrolois en souveraineté sa vie durant seu-
lement.
Nostre response a esté que nous ne pouvions accor-
der ceste demande , non plus que la première , et ne
leur en avons voulleu donner aulcune espérance. Neant-
moins, pour ce qu'ils nous en ont requis avec tant
AU ROT. 211
d'instance , n'avons voulleu faillir d'en mettre ici cest
article.
Lesdicts ambassadeurs ont demandé que le prince
d'Orange soit remis en la possession des biens qu'il
avoit au royaulme de France; cest article, estant en tous
les aultres traictés , ne leur a peu estre refeusé.
Quant au différend des limites, a esté resoleu que
commissaires seront députés de part et d'aultre pour
parachever l'exécution de ce qui reste à exécuter du
précèdent traicté.
Quant est de diminuer la garnison de Blavet, leur
avons remonstré que, après que les articles auront esté
signés, que alors pour garder la place ils n'auront be-
soing de si grand nombre d'hommes, se deschargeront
de despense, et vostre majesté du payement des gar-
nisons qu'il lui fauldra entretenir , cependant que ce
grand nombre de gens de guerre sera audict Blavet.
A ce lesdicts ambassadeurs ont respondeu qu'aupara-
vant que de se resouidre sur ce faict, il faut qu'ils
sçachent ce que leur apportera le courrier qu'ils ont
despesché en Espaigne; que s'il sera question d'en faire
sortir les Espaignols qui y sont , ils seront contraincts
de pryer vostre majesté de les accommoder de quel-
ques navires pour les transporter en Flandres ou en
Espaigne , offrans de bailler seureté pour la restitution.
Il a esté parlé de la réservation des droicts et pré-
tentions de vostre majesté au royaulme de Navarre. Ils
s'estoient desjà déclarés à M. le légat et au père gê-
nerai, qu'en cela ils ne souffriroient qu'il feust faict
préjudice au roy catholicque leur maistre; comme nous
en avons ouvert le propos, ils nous ont présenté ung
escrit qu'ils avoient faict fort à leur advantage; de
nostre part nous avons dressé nostre escrit au mieulx
1 i 2 LETTRE
que nous avons peu pour le service de vostre majesté.
Nous leur avons remonstré que nous nous asseurons
qu'ils ont tant de jugement, qu'ils n'ont pas estimé que
vostre majesté s'accordant à ceste paix veuille con-
sentir que par le moyen d'icelle elle perde ses droicts,
actions et prétentions au royaulme de Navarre; ils ont
dict qu'ils ne demandent que vostre majesté les quitte;
mais aussi que leur charge est d'adviser qu'il ne soit
faict préjudice à leur maistre. Sur ce nous avons pro-
posé nostre escrit, contenant que vos droicts et actions
sont réservés, aulxquels n'a esté renoncé par vous ou
vos predesseurs , qui vous appartiennent à cause de
vos royaulmes de France et de Navarre, pays et sei-
gneuries. A ce ils nous ont dict que si nous faisions
mention du royaulme de Navarre, ils feront aussi men-
tion en leur réservation de la duché de Bretaigne. Nous
avons remonstré la différence; car nous ne traictons
pas avec madame l'infante; ils ont insisté et dict que,
demeurant l'article comme nous le proposons, il seroit
au pouvoir de vostre majesté , ung mois après qu'elle
auroit recouvert ses places, de commencer la guerre
au roy d'Éspaigne, en cas qu'il ne voulleust rendre le
royaulme de Navarre; ce que l'on sçait assés qu'il n'est
pas resoleu de faire; que nous ne debvons pas les tenir
pour personnes de si peu de jugement qu'ils soient
pour faire aujourd'hui la paix, s'affoiblir de tant de
places pour ravoir demain la guerre; nous requerans
de leur déclarer si nostre intention est telle de persister
à ceste demande; ayant dict le président Richardot,
qu'il aimeroit mieulx estre bruslé que d'avoir baillé
ung si mauvais conseil à leur maistre; sire, nous n'a-
vons pas peu dire que vostre majesté faict ceste paix
avec une reserve cachée sur une clause de leur faire la
AU ROY. 2i3
guerre sans rompre ceste paix ; et à la vérité, sire , c'est
chose qui ne se peult soubtenir, et, voyant le sousp-
çon oii ces gens la entroient , avons considéré ce qui
est escrit au traicté de Cambray, que l'empereur Char-
les V se contente de ne faire poursuite pour la duché
de Bourgoigne, si ce n'est par voye amiable et de jus-
tice ; et au traicté de Tan i559, le roy Henry II et le
roy catholicque, parlans de quelques particuliers, es
biens desquels ils estimoient avoir droict, mettent la
mesme clause de les poursuivre par justice, et non par
les armes. Nous avons eu crainte de faire tort à vostre
service, et que les ferions entrer en trop de défiance,
si nous les refusions d'insérer l'article comme il est
mis ci dessoubs.
Et sont réservés audict sieur roy très chrestien de
France et de Navarre , ses successeurs et ayans cause ,
tous les droicts, actions et prétentions qu'il entend
lui appartenir à cause de sesdicts royaulmes , pays et
seigneuries , aulxquels n'a esté renoncé par lui ou ses
prédécesseurs, nonobstant quelque prescription et laps
de temps que l'on peult alléguer au contraire , pour
en faire poursuite par voye amiable ou de justice, et
non par les armes, comme au semblable sont réservés
audict sieur roy catholicque des Espaignes , etc. , ses
successeurs et ayans cause, tous les droicts, actions et
prétentions qu'il entend lui appartenir à cause de ses-
dicts royaulmes, pays et seigneuries, aulxquels n'a esté
renoncé par lui ou ses prédécesseurs, nonobstant quel-
que prescription et laps de temps que l'on peult allé-
guer au contraire, pour en faire poursuite par voye
amiable ou de justice, et non par les armes.
C'est, sire, la resolution qui a esté prise sur cest
article, declarans lesdicts ambassadeurs qu'ils sont ici
:2l4 LETTRE
pour traicter une paix finale, et que, s'il est question
de revenir à la guerre , il leur est plus advantageux de
la continuer en Testât qu'ils sont, que quand ils seront
affoiblis de la restitution d'ung si grand nombre de
places.
Faict à Ver\fins, le 25 mars iSgS.
LXXXVIII. — -ï;^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj au roj.
Sire , nous supplions très humblement vostre ma-
jesté de nos imputer à faulte le doubte où nous som-
mes entrés sur l'interprétation d'ung article conteneu
en la lettre qu'il lui a pieu de nous escrire. Nous escri-
rons ici ledict article.
Surtout, je ne me veulx pas obliger de me séparer
de l'amitié de mes alliés, combien qu'ils demeurent en
guerre avec les Espaignols, afin qu'ils ne me repro-
chent que je me sois accordé à leurs despens.
Sire , nous comprenons cest article , que vostre ma-
jesté ne veult ni entend se séparer de Tamitié de ses
alliés quelque guerre qu'ils fassent au roy d'Espaigne ;
aussi, sire, les ambassadeurs ne nous en ont pas re-
quis. Ce que nous eussions rejeté , s'ils nous eussent
demandé d'insérer en ce traicté la clause qui est au
ti aicté de Crespy , auquel l'empereur Charles V et le
roy François P' promirent estre amis d'amis , et enne-
mis des ennemis , à quoi ledict empereur s'obligea , bien
qu'en ce temps là il feust en ligne offensive et deffen-
sive avec le roy Henry VIII d'Angleterre , qu'il avoit
faict venir en France pour y faii*e la guerre avec lui ,
AU ROY. 2i5
€t se trouvoit lors engagé au siège de Bouloigne. La
niesme clause est aulx traictés precedens. Ce dernier
traicté ne va pas si avant. Les deux roys se trouvent
aulx termes de n'entreprendre rien , ni adhérer , et de
renoncer aulx practiques et intelligences qui pour-
roient redonder au préjudice de l'ung de l'aultre.
Suivant le commandement de vostre majesté , nous
avons demandé que toutes choses feussent remises
entre les deux couronnes , en Testât qu'elles estoient
lors du traicté de l'an iSoQ, faict à Chasteau en Cam-
bresis. Ledict traicté a esté leu par deux fois entre
nous, en présence de M. le légat, qui eust rejette cest
article. C'eust esté parler contre ce qui est porté par
nostre instruction , contre ce qui a esté faict en tous
les traictés, et contre ce qui est de l'ordre de la nature
de la chose que l'on traictoit; et si telle clause a esté
jugée nécessaire aulx precedens traictés, en cestui ci
il a esté plus nécessaire qu'en tous les aultres de l'ac-
corder de la part de vostre majesté , veu que ce traicté
se faict principalement pour parvenir au recouvre-
ment d'ung si grand nombre de villes, et qui sont
de si grande importance à vostre couronne, n'estant
aulcunement à croire que les Espaignols, contre leur
coustume , se soient maintenant resoleus à faire res-
titution de ce qu'ils ont une fois occupé , si tant estoit
que vostre majesté declarast que nonobstant ladicte
restitution, elle entend d'assister et favoriser les armes
de leurs ennemis; car, en ce cas, il semble qu'ils eus-
sent mieulx aimé d'avoir la guerre ouverte, et demeurer
plus forts qu'ils ne seront quand ils auront restitué
lesdictes places, et avec moyens d'entreprendre d'aul-
tres conquestes sur vostre royaulme.
Sire, si nous eussions faict la moindre difficulté du
2i6 LETTRE
monde, sur l'acceptation de cest article, le traicté es-
toH rompeu , et les eussions mis en tel souspçon qu'il
ne falloit espérer de traicter d'aulcune chose avec eulx.
Et dirons, souhs la correction de vostre majesté,
que tous aultres prétextes qui se pourroient mettre en
avant pour rompre ce traicté , seroient moins préjudi-
ciables au service de vostre majesté, que de se re-
souldre au refus du susdict article, sans lequel il est
impossible de dire que l'on traicté une paix; et s'il se
falloit resouldre a ce refus, il seroit nécessaire de nous
révoquer, estant chose que nous ne pouvons ignorer,
que si on leur en donne le moindre souspçon que ceste
negotiation est rompeue , et presque toute espérance
perdeue de la pouvoir remettre à l'advenir.
Il, nous est impossible de nous persuader que ce
puisse estre l'intention de vostre majesté, qui a tous-
jours dict qu'elle veult ce traicté en la forme qu'est le
précèdent, mais d'autant qu'il y a quelque obscurité
en Tescriture de la lettre de vostre majesté, ou que
celui qui Ta mise en chiffre a oublié le mot expres-
seement après celui de m'obliger, y ayant peult estre
esté escrit. Je ne me veulx pas obliger expresseement de
me séparer de l'amitié de mes alliés, ce qui ne seroit
aulcunement raisonnable; car, cela estant ainsi escrit,
vos alliés se pourroient plaindre que les nouveaulx
amis font oublier les vieulx. Au contraire , il fauldra
foire mention honorable de vos alliés du soing que
vostre niaiesté a de leur conservation , comme il pa-
roistra par effect, leur ayant procuré une trefve d'ung
an ou de six mois , pour traicter et resouldre leurs
affaires avec le roy d Espaigne , si tant est qu'ils trou-
vent bon d'y entendre.
Vostre majesté pardonnera , s'il lui plaist , à la crainte
AU ROY. 217
que nous avons eue de faillir en chose que ce soit,
à ce qui est de ses commandemens et intentions , la
suppliant très humblement de voulloir par sa bonté
esclarcir nostre ignorance. Et sur ce, sire, nous sup-
plions le Créateur, etc.
Du 20 mars iSgS.
LXXXIX. — ^ LETTRE
De MM. de Bellieçre et de Sillerj a M. de Villeroy.
Mo]>fsiEUR, nous escrivons une lettre au roy, tou-
chant le doubte où nous sommes entrés sur l'interpré-
tation d'une: article conteneu en la lettre de sa ma-
jesté ; c'est chose que nous n'avons estimé debvoir
estre mise en la response que nous faisons à ladicte
lettre ; car il peult estre que vous jugerés que nostre
crainte est sans occasion; et si ainsi est, nous vous
supplions de ne souffrir que nostre lettre soit veue,
car cela nous porteroit préjudice, et ceste faulte ne
procederoit que du respect que nous portons à tout*ce
qui peult estre des intentions de sa majesté. Mais s'il y
.•ivoit apparence que l'on feist entendre au roy ce dont
nous disons estre en crainte , nous serions infidèles
à son service , si nous lui taisions ce que nous jugeons
en cest affaire, vous suppliant de croire que s'il falloit
parler du refus dont nous escrivons, que nous ferions
une playe aulx affaires de sa majesté , que les plus
habiles hommes de France ne sçauroient guérir ni repa-
rer le mal qui en adviendroit; et, en ce cas, monsieur,
nous jugeons que le service du roy requiert que nostre
lettre soit leue : si l'on aura esgard à ce que nous re-
a 1 8 LETTRE
inonstrons, on évitera iing grand mal; si on se resouldra
de n'en faire compte, on ne passera jamais six mois,
que l'on ne sente les effects de ce refus, et perdrions
l'honneur envers sa majesté et le monde, s'il n'appa-
roissoit que nous avons fidèlement remonstré ce que
loyaulx subjects et serviteurs doibvent remonstrer en
ung tel affaire. Cependant , nous nous recomman-
dons , etc.
Du 25 mars iSgS.
XC— ^LETTRE
De MM. de BeUievre et de Sillery au roy.
Sire , si nous n'avons ce contentement d'avoir ob-
teneu tout ce qui est conteneu en l'instruction qui nous
a esté baillée par le commandement de vostre majesté ,
au moins avons nous ceste consolation qu'il ne s'en
fault pas beaucoup , et qu'ayant eu ceste faveur de
vostre bonté qu'elle s'est faict lire par deux fois nos
longues despesches, elle a peu cognoistre avec quelle
ardeur nous la servons, et que nous n'avons pas beau-
coup obmis de tout ce qui se peult dire pour obtenir
ce qu'elle nous a ordonné de demander en ceste con-
férence. Sire , nous avons leu tous les traictés pre-
cedens, et sommes vieillis en servant ; mais nous n'avons
poinct appris qu'en traicté de telle importance , l'une
des parties ait obteneu ce qu'elle a demandé ; nous
louons Dieu , et recognoissons le bonheur de vostre
majesté, qui estes le premier de nos roys qui ait faict
venir à la raison la maison d'Autriche , qui ne feut
jamais si grande , ni vostre royaulme plus appovri
AU ROY. - -U9
qu'il est à présent. Dieu vous a suscité en ce siècle pour
le remettre à sa première splendeur, et semble que
le navire est comme arrivé à bon port; que tous les
precedens traictés soient veus, il n'y en a pas ung où
tous les articles ne soient a Tad vanta ge des ennemis,
diminution de ceste couronne, et par conséquent de
riionneur de la France, et cestui ci tout ce que jusques
à présent y a eslé resoleu , est à la grandeur et répu-
tation de vostre couronne , dont après Dieu Thonneur
en est deu à la grande vertu de voslre majesté.
Sire, nous avons faict entendre à M. le légat, et
aulx ambassadeurs d'Espaigne , la response qu'il a pieu
à voslre majesté de nous faire par sadicte despesche
du j4 de ce mois; nous avons commencé par les ar-
ticles qui concernent le roy d'Espaigne, sur quoi nous
ne nous sommes estendeus en long propos , pour ce
que c'esloient clioses accordées.
Venant à ce qui a esté traicté touchant M. de
Savoye, nous avons vivement remonstré combien il
est impossible à vostre majesté de supporter que ce
prince , qui vous est de tant inférieur , présume de
retenir ce qui appartient à la couronne de France,
n'en pouvant dire aultre raison , si ce n'est qu'il le
veult retenir, qu'il y va trop avant de l'honneur de
vostre majesté de le souffrir; que si le roy d'Espaigne
et le cardinal d'Autriche désirent vostre amitié, comme
de leur part ils nous ont faict déclaration, ils admo-
nesteront ledict duc de prendre ung plus sage conseil;
et, s'il s'y obstine, ne prendront une si injuste que-
relle. Sire, lesdicts ambassadeurs nous ont respondeu
que ledict roy d'Espaigne et cardinal d'Autriche, leurs
maistres, ont assés monstre leur inclination à la paix,
et désirs qu'ils ont d'affermir une bonne amitié avec
220 LETTRE
vostre majesté par l'offre qu'ils lui font de la resti-
tution d'ung si grand nombre de places si importantes
à vostre majesté et à eulx.
Pour le regard de M. de Savoye, est que nous ju-
geons assés que le roy catholique ne peult et ne doibt
en auîcune sorte l'abandonner, estant son gendre,
son associé en ceste guerre, et qui a de feu l'infante
minor sa fille, neuf enfans vivans; qu'ils nous décla-
rent qu'ils ont charge et commandement très exprès
de ne rien traicter sans lui , qu'ils se font loyaulment
employer a pousser et persuader l'ambassadeur dudict
duc d'accepter l'arbitrage du pape, non à la forme
que son maisfre le demandoit, mais tout tel que vostre
majesté Ta ci devant offert , et signé de sa main ; qu'ils
n'ont pas estimé, en nous proposant telles choses,
qu'on leur peust imputer que ce feust au préjudice de
l'honneur de vostre majesté ; qu'ils sçavent trop le
respect qui est deu à ung si grand prince ; mais ils
ont eu opinion que pour le bien de la paix elle ne
feroit difficulté de trouver bon maintenant ce qu'aul-
tresfois elle avoit approuvé et signé ; que si , lorsqu'elle
le signa , elle jugea que ce n'estoit poinct chose contre
son honneur, à plus forte raison maintenant elle
pourroit continuer en ceste opinion que cest arbi-
trage doibt avoir lieu, et qu'il n'est aulcunement contre
son honneur , s'accordant mesmement à cest arbitrage
pour parvenir à ung plus grand bien qui concerne le
repos de vostre couronne et l'universel de la chres-
tienté.
Quant est d'envoyer de nouveau en Espaigne , ou
au duc de Savove pour entendre leurs opinions, que
ceste longueur nous porteroit plus tost à la guerre que
ce que nous traicterions ne nous remettroit à la paix ;
I
AU ROY. 22 î
qu'il seroit plus expédient que mous leur déclarassions
ouvertement si vostre majesté est du tout resoleue
à ne vouUoir poinct de paix, afin qu'ils ne perdent ici
plus longuement de temps au préjudice de leurs
affaires , etc.
C'est , sire, ce que nous avons peu recueillir du dire
desdicts ambassadeurs , à quoi nous avons respondeu
diligemment : sur quoi nous ne nous estendrons pour
n'ennuyer vostre majesté d'une trop longue lettre.
Sire, nous trouvans en ces perplexités, et prests à
voir rompre ce traicté , nous avons eu plusieurs con-
férences avec M. le légat et le père gênerai , qui tous
deux se monstrent fort estonnés , et comme reduicts au
desespoir du succès de cest affaire. M. le légat nous a
dict qu'on l'a faict tenir ici cinq ou six mois, où il a
soubteneu beaucoup d'incommodités et de traver-
ser ; qu'espérant de faire service à Dieu et à vostre
majesté, il a pris le tout en patience; mais, si on le
contrainct de faire ici plus long séjour, on le contrain-
dra d'y laisser sa vie ; que vostre majesté a cogneu sa
bonne volonté et l'affection qu'il a à son service ;
qu'il la supplie de ne perdre poinct l'occasion d'estabîir
les affaires que Dieu lui donne par la nécessité qu'a le
cardinal d'Autriche d'establir les affaires par l'amitié
de vostre majesté ; lui deffaillant ce moyen , il sera con-
trainct d'en chercher d'aultres , qui ne lui deffauldront
pas, soit que le roy d'Espaigne, au lieu de ses Pays
Bas , donne en dot à sa fille aisnee le royaulme de Por-
tugal, Naples, ou Milan, ce qu'il mit en délibération
auparavant que de se resouldre à lui laisser les Pays
Bas, comme il a faict maintenant, qui pourroit estre
cause qu'au lieu d'avoir pour voisin à nostre couronne
ung petit prince comme sera le seigneur des Pays Bas
111 " LETTRE
lesdicts pays demeureront unis avec ceste grande puis-
sance au roy d'Espaigne ; nous a dict dadvantage ledict
sieur legat , qu'attendeu Toffre qui est faicte à vostre
majesté de la restitution de tant de places, si elle se
resouidra de ne l'accepter , qu'il est impossible que le
pape et toute la clirestienté n'estime que vostredicte
majesté ne veult poinct de paix ; à quoi il adjouste
que nous avons peu sçavoir ce que vostre majesté lui
a faict dire ci devant du naturel de la royne d'Angle-
terre ; que si par ses menées et de ses adherans elle
gaignera que vostre majesté rompe du tout avec le roy
d'Espaigne , la voyant soubtenir à la ruyne de son
royaulme tout le faix de ceste guerre, elle se tiendra
pour arbitre de la paix et de la guerre, et nous fera
plus de mal par ses dissimulations que le roy d'Espai-
gne par ses armes.
Nous remonstrans enfin que vostre majesté, qui a
receu tant de prospérités par la grâce de Dieu , est
obligée de le recognoistre, en donnant, comme il est
en son pouvoir de faire, la paix, le repos à toute la
clirestienté.
Quant au père gênerai, a dict que, depuis ung an
en ça, il n'a faict aultre cbose que despenser et travailler
à l'advancement de cest affaire, espérant de faire ser-
vice à Dieu et à vostre majesté; que , puisqu'il voit les
cboses reduictes en ces termes, il ne sçait plus que
dire ni faire ,'si ce n'est de prendre le chemin d'Italie.
Sire, ces propos nous ont esté dicls par M. le legat et
père gênerai avec beaucoup de douleur; ils nous ont
pressé de leur dire, afin qu'ils n'attendent plus longue-
ment à parler de ceste negotiation, si vostre majesté
est du tout resoleue de ne poinct faire paix; nous avons
dict ce qu'elle nous commande d'asseurer, que les
AU ROY. ^i3
prospérités qu'il a pieu à Dieu de vous envoyer, vous
augmentant plustost le désir de la paix qu'elles ne le
diminuent; sur ce, il nous ont requis de leur dire,
puisque le moyen qu'ils leur ont proposé, qu'en leurs
, consciences ils trouvoient utile et advantageux pour le
bien des affaires de vostre majesté f car elle recouvroit
cependant les places occupées sur son royaulme, et ne
quittoit rien du sien) que nous qui debvions mieulx
sçavoir qu'eulx ce qui est de l'intention de vostre ma-
jesté, leur fassions quelque ouverture qui la peust con-
tenter; sur quoi ne nous pouvans resouldre, nous de-
partans d'avec eulx, ils nous ont pryé d'y voulloir pen-
ser, et le leur faire entendre; car, de leur part, ils
n'estoient pas délibérés de proposer aulcune cbose ,
veu que l'ouverture qu'ils ont mise en avant a si mal
succédé, et n'en rapportent aultre chose que d'avoir
perdeu toute créance avec ses ambassadeurs d'Espai-
gne , et ne donnant aulcung contentement à vostre
majesté, considérant que nous ne pouvions induire
lesdicts ambassadeurs à abandonner le duc de Savoye ,
ni l'ambassadeur dudict duc à passer plus avant qu'à
l'arbitrage, dont par nostre précédente nous avons
donné advis à vostre majesté ; et voyant que , sans quel-
que nouvelle ouverture , il falloit rompre ceste nego-
tiation nouvelle , dont nous n'avons pas charge de
vostre majesté, et ne jugeons pas que ce feust son ser-
vice de se précipiter à ceste rupture sur les bruicts
qu'ils ont faict ici courir de la deffaicte des trouppes
de M. de Crequy, et prise de la tour Charbonnière,
nous avons proposé par forme d'ouverture , et sans
nous obliger de promettre que vostre majesté l'aura
agréable, qu'il y avoit apparence que vostre majesté
pourroit modérer l'indignation qu'elle a justement con-
I
3îi4 LETTRE
ceue contre ledict duc, pour ce qu'il a attenté au pré-
judice de vostre couronne , s'il tesmoignoit par quel-
ques bons effects le respect qu'à l'advenir il veult
porter à vostre majesté, qui seroient s'il desadvouoit
et abandonnoit le capitaine Lafortune qui est dedans
Seurre , s'il vous rendoit la ville de Berre en Provence,
et du Uaulphiné le fort Barrault; s'il s'accommodoit à
ce que dessus vostre majesté pourroit prendre asseu-
rance qu'il observeroit ce qui seroit ordonné par le
pape , en cas que vostre majesté le voulleust soubmettre
à l'arbitrage, dont lui avons escrit ci devant; sur ce,
ils se sont plaincts de nos excessives demandes : nous
avons dict que , si elles estoient bien considérées , ils
trouveroient qu'elles estoient et utiles et honorables à
M. de Savoye pour plusieurs raisons que nous avons
deduictes ; mondict sieur le legat et père gênerai
nous ont demandé si , negotians avec nous sur ces
demandes , les ambassadeurs d'Espaigne se pourroient
asseurer de negotier sur chose certaine; et., estant ac-
cordé ce que dessus , si ce traicté se pourroit tenir
pour concleu et resoleu ; nous avons dict que nous
proposions ceste ouverture de nous mesmes , et ne le
pouvions asseurer sans sçavoir sur ce 1 intention de
vostre majesté; quand il en a esté parlé aulx ambassa-
deurs d'Espaigne , jls se sont plaincts que nous n'avons
pouvoir que de demander, et non de resouldre sur
chose qui soit proposée. Nous sommes demeurés fermes
en nostre opinion, et dict que, s'ils veullent la paix,
comme de nostro costé nous la voulions , il fault qu'ils
s'efforcent à faire passer les choses , sans lesquelles cest
accord ne se peult faire. Mondict sieur le legat , le père
gênerai, les ambassadeurs d'Espaigne et nous, avons
travaillé pour faire accorder ce que dessus à l'ambas-
AU ROY. 2iS
sadeur de Savoye , et pour lui donner crainte de refu-
ser lesdicts ambassadeurs d'Espaigne; après l'avoir pryé
et conseillé d'accorder nos demandes , lui ont dict que,
s'il refusoit de le faire , ils signeroient le traicté sans y
comprendre son maistre, ce qui a meu ledict ambassa-
deur de Savoye d'accorder ladicte demande, au nom
duquel les ambassadeurs d'Espaigne ne nous ont pro-
mis et asseuré que , s'il plaira à vostre majesté se soub-
mettre à l'arbitrage de nostre sainct père en la forme
qui a esté ci devant traictee entre nous, que l'ambas-
sadeur de Savoye promettra en bonne forme, en pré-
sence de M. le légat , et obligera son maistre de rendre
à vostre majesté dedans deux mois la ville de Berre*
que dans le mesme temps il fera démolir le fort de
Barrault en Daulpbine, abandonnera et desadvouera le
capitaine Lafortune qui occupe Seurre : c'est, sire,
ce qu'à l'extrémité nous avons peu penser et faire pour
empescber la rupture de ce traicté, estans lesdicts am-
bassadeurs d'Espaigne entrés en tel souspçon , à cause
du refus dudict arbitrage, et de ce aussi que nous les
avons voulleu asseurer que vostre majesté approuvera
ladicte ouverture , que nous pensions pour certain
qu'ils partiroient de ce lieu , laissant ceste besoigne
imparfaite; nous n'avons eu aultre moyen de les rete-
nir, si ce n'est en les asseurant qu'à ce coup ils scau-
roient la finale resolution de vostre majesté sur tout ce
qui concerne ce traicté, et que voullions présentement
resouldre avec eulx de toutes cboses , afin de n'estre
contraincts d'envoyer de nouveau ung courrier pour
P sçavoir la volonté de vostre majesté, que nous sup-
plions très bumblemcnt de nous commander son bon
I voulloir sur le conteneu en nostre despesche ; car, après
que leur auront faict sçavoir nostre response, s'ils
MÉM DE DurLEfSIS-BîORNVY. TortTE TIIÎ. l5
s 26 LETTRE
n'en demeurent satifaicts , il est sans doubte que cestc
negotiation est ronipeue, et qu'ils s'en retourneront par-
devers le cardinal Albert; aussi n'estimons nous pas
que l'on puisse plus longuement retenir ici M. le légat.
Nous attendrons par ce courrier le commandement de
vostre majesté, soit qu'il lui plaise que nous arrestions
plus longuement en ce lieu , ou que nous retournions
pas devers elle lui rendre compte de ceste légation , ne
nous restant aulcune espérance d'obtenir aultre chose
que ce qui est conteneu en la despesche que nous fai-
sons à vostre majesté.
Ayans escrit jusques ici , l'ambassadeur de Savoye
nous est veneu trouver , et nous a promis au nom de
son maistre qu'il sera satisfaict à ce que nous ont dict
de sa part les ambassadeurs d Espaigne, s'asseurantque,
par tous aultres offices et services, son maistre s'effor-
cera de donner contentement à vostre majesté , et re-
gaigner ses bonnes grâces.
Le mesme jour les ambassadeurs d'Espaigne nous
sont veneus trouver , et avons reveu par ensemble les
articles dont nous n estions encores d'accord ; ce que
nous avons mis en ung escrit à part , qu'il plaira à vostre
majesté faire considérer. Toutes choses n'ont pas peu
passer en la sorte que nous desirions; mais, après longues
disputes , il ne nous a esté aulcunement possible de ti-
rer desdicts ambassadeurs aultre resolution; et fault en
tout rompre , ou se tenir à ce qui est conteneu audict
escrit; car, sire, comme nous voyons les choses dispo-
sées, cest affaire ne peuît plus estre teneue en longueur.
Selon les advis que nous avons , les Espaignols ont
leurs forces prestes. Vostre majesté sçait les forces
qu'elle a en ceste frontière , estant le bruict commun
que toutes les compaignies de gens de guerre y sont
AU llOY. 227
mal coniplettes. Nous n'avons pas resoleu la cessation
d'armes pour le regard des entreprises sur les villes ,
dont par deux despesclies nous avons donné advis à
Yostre majesté. Le père gênerai nous a dict qu'encores
qu'il la nous eust offert de la part desdicts ambassa-
deurs, estans lors en nostre pouvoir de raccepter et la
resouldre; que maintenant il voit lesdicts ambassadeurs
entrés en ung si grand souspçon que vostre majesté ne
veult pas la paix, qu'ils n'estiment pas que ce feustde
vostre service de leur en parler maintenant. Que selon la
response qui sera apportée par le courrier que nous des-
peschons, ils s'y resouldront; et le mesme nous a esté
dict par lesdicts ambassadeurs.
Sire , estant ceste après disnee les ambassadeurs
d'Espaigne, de Savoye et nous, cbés M. le légat,
nous avons faict entendre audict sieur légat ce que
nous avons traicté par ensemble touchant M. de Savoye.
Lesdicts ambassadeurs ont dict à M. le légat que ce qui
a esté offert de la restitution de Berre, et demolisse-
ment du fort Barrault, et desadveu du capitaine Lafor-
tune, sera observé de bonne foi. S'estant retiré ledict
ambassadeur de Savoye, nous avons pryé M. le légat,
et avons obteneu de lui qu'il arrestera ung mois en
ceste ville de Vervins, après que les articles auront esté
signés. Estant esclieu le temps que la ratification se
doibt bailler, ils ne pourront plus estre secrets.
A esté accordé entre nous que du jour que les ar-
ticles auront esté signés et remis entre les mains de
M. le légat, si vostre majesté le trouvera bon, on ne
pourra faire entreprise sur les places l'ung de l'aultre,
désirant qu'il y ait trefve , ou pour le moins cessation
d'armes et de tous les actes d'hostilité; n'estant raison-
nable que l'on prenne les subjects de vostre majesté, ni
2 28 LETTRE, etc.
aussi ceuix du loy leur maistre, comme si la guerre cîu-
roit; et jugent qu'à quoi que l'on se résolve, il est très
juste et très raisonnable que tous les prisonniers soient
rend eus.
Nous ont requis de supplier vostre majesté de nous
envoyer quelques passeports, qui leur seront baillés
après qu'ils auront signé les articles , d'autant qu'il leur
fauldra despescher aussitost en Espaigne pour l'exécu-
tion de cette negotiation, et aussi à Blavet.
Désirent qu'il y ait deux passeports pour deux gen-
tilshommes dont les noms soient laissés en blanc, que
nous remplirons en les délivrant. Estiment aussi d'avoir
besoing de passeports pour quelques courriers, et que
les passeports pour les gentilshommes soient pour
quattre chevaulx. Sire , nous supplions de tout nostre
cœur le Créateur, etc.
Du 26 mars iSgS.
XCT. — -V^ LETTRE DE M. LE LEGAT
yîu rof.
Christianjssimo re, se io pretendessi con il mio
rephcare aile lettere di vestra macsta farli mutare il suo
prudetite consiglio sarei poco accorto, et al tutto senza
giudicio, massime trattando si cosa di tanta importanza,
come il negotio di pace, che debbo credere, che debba
essere stato essaminato da lei con tutte quelle conside-
rationi che si eno possibili a un principe grande, volo-
roso, et pio, come è la maesta vestra nondimeno sendo
io in questo regno cocarioche ho et sapendo il deside-
rio di sua beatitudine, et trattandosi nuovo partito, et
LETTRE DE M. LE LEGAT, etc. 229
non persuadendo clie ella non raquisiti il suo , mi pare
poterc con quella leverenza che io debbo dirli alcuno
parole , supplicando la chessendo condetto fra la maesta
vestra, et il re catolico il traltato a tanto buon termine,
che ella non ributti il partito , che se li propone per
conto di Savoya , nel quai caso non considero vestra
maesta la differenza che effra lei , et quel duca ne si
muova per farli cosa grata ma con generoso , et reaie
animo risgardi il beneficio di tutta la christianita , et
poi che ella si e mostrata tanto affectionata al papa, et
pochi giorni sono gH afutto si segnalato ajuto alla re-
ciiperatione di ferrara , cumuli quello con la conclu-
sione délia pace, diche sua beatitudine ne sentira non
mlnor contento, che sinabbia sentito del passato, et ne
restera obligata in perpetuo alla maesta vestra, con
tanta sua gloria quanta habbi mai havuta nessuno de i
suoi antecessori ; ne mai sara giudicato al présente,
ne anche ne i futuri secoli. Che la maesta vestra , che
cha se ben con giusto titolo recuperato, con il suo va-
lore un regno tanto grande, sendo vittoriosa habbia
messo dell'honor suo largheggiando nel trattare con
nno chegli e tanto in tutte le cose inequale. Non ha
proportione quello che toleta la maesta vestra a temp-
bal duca di Savoya con il gran servitio che si fa à Dio,
alla christianita, et ai popoli; non da niente del suo al
duca, ma lo soresiede, con il imeterlo, non in un prin-
cipe aîieno, ma in suo amore volessimo padre, del quale
ella è primogenito, per il quale ha il titolo di christia-
nissimo al quale i suoi antecessori lianno dati tanti aiuti
et diffesolo con la faculta, con i popoli , et con la per-
sona, egli è detto vero servo si Dio, giusto et obligato,
et per fare quella che conviene con quella candidezza ,
clîe si ricerca à vionrio di Christo in terra, et a huomo
aSo LETTRE DE M. LE LEGAT, etc.
clie ama tanto la maesta \estra che sendo infelississimo
stato et gloriosissimo re non debbe considerare i ponti
minuti, con chi tanto è debole à sua proporsione. Non
vorrei abusare con il mio troppo scrivere il favore che
mi fa la maesla vestra et valenne indiscretamente peib
faro fine, di nuovo quanto sb et possb humilmente, et
con le lacrime Alcuore supplicandola che con questo
spaccio se gli propone, ne guardi al mio Ptozzo scrivere,
ma alla cosa inse stessa corne spero che ella sia per fare,
et ringratiandola di quanto mi han detto in suo nome
monsignor di Bellievre et di Sillery faro fine. Dio la
conser\i et esalti. Di Vervins, il di aS di marzo iSgS.
Bi vestra maesta christianissima humillimo servitor,
Il cardinale di Firenze.
XCII. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de SiUerjr.
Messieurs, M. de Mercœur arriva hier en ceste
ville , oïl le roy nous a mandé qu'il se rendra ce soir.
Je visitai hier , par son commandement , M. Cécile.
Je crois qu'il ne me dict pas sa charge , du moins le
secret d'icelle; car il le reserve à sa majesté, comme
il est bien raisonnable. Toutesfois il voulleut que je
creusse, par son langage, qu'il avoit l'esprit plus paci-
fique que guerrier, disant que sa souveraine estoit,
pour son sexe, pour son aage, et de son naturel, plus
encline au repos qu'aulx armes ; qu'elle avoit faict de
grandes despenses depuis quelques années , desquelles
elle avoit tiré moins de profict que ses voisins ; qu'elle
se resjouissoit de la prospérité du roy son beau frère ,
LETTRE, etc. '23 1
et tenoit bien employés les secours qu'elle lui avoit
baillés ; car c'estoit pour le réintégrer dedans ce qui
lui appartenoit que Ton lui desbattoit injustement;
mais que d'aultres, voullant dire les estats , s'en estoient
bien accreus dadvantage ; mais qu'il falloit qu'ils bor-
nassent leurs desseings, et qu'ils se contentassent de
raison ; qu'il s'esbabissoit du retardement de leurs dé-
putés , lesquels il avoit attendeu en Angleterre plus de
trente jours, et que depuis son arrivée en France il ne
s'estoit poinct basté pour leur donner loisir de le
joindre , et toutesfois qu'il n'avoit poinct encores d'eulx
aulcunes nouvelles; qu'il estimoit bien qu'ils ne voul-
loient poinct de paix, mais que c'estoit le moins qu'ils
pouvoient faire que de faire trouver ici leurs députés
à son arrivée, y ayant esté conviés par le roy et par
sa souveraine, pour tous ensemble resouldre leurs
affaires, comme bons alliés doibvent faire; qu'il les
attendroit encores quelques jours, après qu'il auroit
baisé les mains du roy ; mais que s'il voyoit qu'ils ne
vinssent , il recevroit la volonté de sa majesté , à la-
quelle celle de sa maistresse s'accommoderoit. Sur
cela , il s'enquit fort si le pouvoir que l'on avoit envoyé
quérir en Espaigne pour traicter avec sa royne estoit
arrivé. Je lui dis que je n'en avois eu aulcung advis
encores , mais que j'estimois qu'il ne pouvoit plus gueres
tarder. Le courrier qui avoit esté despescbé pour l'aller
quérir estant parti le 25 du mois passé, il ne veult
croire que le mariage de l'infante major avec M. le car-
dinal d'Autriche , et la donation des Pays Bas et du
comté de Bourgoigne se fasse ; il croit que c'est ung
artifice seulement , tant pour amuser le roy et la royne
sa maistresse , que pour diviser et gaigner les estats
avec lesquels il a opinion que l'on traicte secrettement.
232 LETTRE
Je lui ai remoiistré que tel artifice pouvoit bien faire
descouvrir et esmouvoir les esprits d'aulcungs, mais
que je ne les estimois pas assés forts pour les faire re-
souldre à changer de desseing, et s'y endormir; que
jusques à présent nous n'y avions rien perdeu, et espé-
rions encores y perdre moins à Tadvenir; que je m'as-
seurois que sa souveraine, qui cognoissoit les Espai-
gnols encores mieulx que nous, ne s'y laisseroit pas
tromper, et que les eslats le feroient encores moins;
de sorte que, si ceci estoit ung desguisement , j'esti-
mois qu'il tourneroit plus au préjudice et à la honte
desdicts Espaignols, qu'il ne feroit de dommage à leurs
ennemis. Pour cela, il ne laissa pas de persister en sa
défiance, d'autant qu'il dict qu'il ne voyoit poinct
que l'on preparast le passage de l'infante, ni chose
approchante d'ung tel changement. Je lui respondis
qu'il sembloit que la paix que l'on recherchoit estoit
la porte par laquelle ils debvoient entrer et effectuer
l'ung et Taultre, ce qu'il recogneut estre véritable.
J'appris de lui que tous les François qui parlent à
lui ne sont pas de mesme advis touchant la paix; et je
lui dis que l'Angleterre, qui estoit plus paisible que la
France, n'estoit pas exempte de ce mal là. il me l'ad-
voua. Enfin, il voulleut , comme je vous ai dict, me
faire croire qu'il tendoit du tout à la paix, et qu'il s'ac-
commoderoit du tout au désir de sa majesté. Quand il
aura parlé a elle , nous en pourrons sçavoir dadvan-
tage. Cependant j'ai estimé vous debvoir envoyer cest
eschantillon, pour vous en prevalloir; joinct qu'estant
à la veille de fondre nostre resolution, il me semble
que je ne puis trop souvent vous donner advis de ce
qui se passe, ni en recevoir de ce que vous faictes.
Je vous ai bien escrit la prise du fort de Charbon-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 233
niercs et de Barrault, mais non celle de M. de Crequv,
adveneue durant l'effect dudict Barrault, parce que je
ne Tavois pas seu encores; c'est Sainct Julien qui nous
en apporte advis. Ceulx qui gardt>ient ledict fort de
Charbonnières, qui estoit en la Morienne, ayant com-
posé, M. de Savoye se doublant bien que ledict sieur
de Crequy viendroit au secours de la place, feit conti*
nuer la batterie, comme si la place eust encores teneu,
et feit advancer quelques trouppes du costé où estoit
ledict sieur de Crequy, pour l'amorcer, séparant son
armée en deux; ledict sieur de Crequy ne faillit pas de
s'advancer, pour charger ses premières trouppes, les-
quelles se retirent comme elles avoient charge de faire ;
si bien qu'elles en^jagerent ledict sieur de Crequy entre
les deux parties de l'armée dudict duc, l'une l'ayant
pris par derrière, et l'aultre par devant, sans toutesfois
s'advancer pour combattre ledict sieur de Crequy, qui
avoit avec lui huict cens hommes choisis. Se voyant
ainsi enfermé, et ne pouvant, à cause des neiges,
prendre parti à droicte ni à gauche , feut enfin con-
trainct de se rendre au plus fort.
Il est demeuré prisonnier avec tous les capitaines, et
les soldats qu'il avoit avec lui ont tous esté desarmés.
Geste adventure avoit estonné grandement la province
de Daulphiné, mais la prise du fort de Barrault l'a ung
peu depuis rasseuree.
On dict que M. le duc de Savoye y est accoureu à
grande haste pour l'assiéger. Si ainsi est, ceci engen-
drera bientost quelque nouveauté; et semble que ledict
tluc de Savoye n'ait aulcune envie ni désir que la paix
se fasse.
Albigny commande à l'armée dudict duc.
Si messieurs du parlement l'eussent traicté plus doul-
2 34 ' LETTRE, etc.
cernent, il ne seroit pas là. Mais je vois le roy plus pi-
qué et animé que jamais contre ledict duc de Savoye ;
car vous sçavés que l'esprit de sa majesté ne cède pas
beaucoup volontiers à tels et semblables accidens.
Nous verrons ce que vous nous en manderés sur la
despescbe que La Fontaine vous a portée , pour selon
cela nous resouldre. Je prye Dieu que ce soit à sa gloire
et au salut de ce royaulme, et qu'il vous conserve,
messieurs , etc.
Du 25 mars i5gS,
XCIIL — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie , je ne puis que faire peu adjouster à celles
de M. de Pierrefite. L'escuyer n'a peu encores obtenir
congé; il espère l'avoir ce soir. En ung mot, je le lui
ferai donner; mais je n'ai osé parler. Tu auras veu , par
mon mémoire, que je n'ai pas oublié madame de La
Rocbegiffart. Dujon m'a promis de t'escrire ce soir.
Rien ne me travaille tant que ton indisposition, et ne
peult plus soulager que l'amendement, s'il plaist à Dieu
d'y donner. J'ai pourveu pour avoir des grenades et des
citrons de Nantes. Au retour du roy, nous recouvre-
rons du bezoar. M. de Nantes amende; mais il demeu-
rera hypothéqué de quelques membres, le crains je,
veu son aage. Il se loue fort de la saignée qui à l'instant
lui descharge la teste. Je n'ai laissé, pour la response de
M. de Lussan , de faire faire une bonne despescbe à Be-
lain. Je n'ai pas encores entreteneu M. Niotte,qui a esté
trompé par son fils. Geste après disnee ont esté resoleus
LETTRE t)E M. DUPLESSIS, etc. 2*35
tous les affaires de la relligion , sauf à dresser Testât
des garnisons, et commencera on des demain à dresser
Tedict. Je t'embrasse , etc.
D'ÀDgers, le 26 mars i5y8.
Le pouvoir est veneu. Tu as trop de soing de nous.
XCIV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS^
^ sa femme.
M AMIE , Tescuyer s'en va, conduict par La Periere ,
auquel j'ai faict bailler dix escus pour faire les frais du
vojage. Il sera bon de le faire doulcement instruire.
Madame de Rohan est arrivée ce matin , que j'ai esté
voir. Elle m'a parlé du mariage que tu sçais. L'homme
loue l'alliance, ne faict pas grande instance sur la
somme ; mais , pour cela, il ne se resoult pas , et juge ,
madicte dame , que cela auroit besoing d'une cognois-
sance familière des personnes , de laquelle les occasions
ne se rencontrent pas aiseement. 8 1 . 63. coudroit toutes
ces difficultés, et le terme qu'il prend par tes lettres du
23 expire; mais combien d'aultres fois! Je t'embrasse,
m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers , ce 26 mars 1 698.
On attend samedi M. de Mercœur ici. Il a ratifié le
traicté.
^36 LETTRE DE M. DE VILLEROY
XCV. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de Sillejj.
Messieurs, j'ai receu vostre lettre, du 16 ce mois,
le 24, avec celle de M. de Buzenval que je vous avois
envoyée, sur le conteneu de laquelle j'ai bien consi-
déré ce qu'il vous a pieu m'escrire, principalement de
cest habitant d'Anvers qui a esté à Bruxelles, et je crois
avec vous qu'il a faict ce voyage autant par l'advis de
ceulx de Hollande que de ceulx du conseil du car-
dinal d'Autriche; il a force gens bandés pour rompre
îîostre traicté, et nous faire perdre le fruict d'icelui,
non , comme vous jugés trop mieulx , pour bien qu'ils
nous veullent; mais je vois le roy bien délibéré à ne
croire à tels conseils.
Sa majesté est à la chasse au Verger depuis deux
jours , d'où elle ne reviendra que samedi ; quand je
l'aurai veue , je respondrai particulièrement à vostre
susdicte lettre. M. de Mercœur a ratifié l'accord faict
par madame sa femme, et a jà mis hors de Nantes les
gens de guerre qui y estoient, lesquels sont arrivés en
l'armée du roy, après avoir juré fidélité a sa majesté,
laquelle sera ici samedi.
M. Cécile y arrivera aussi demain.
Vous verres , par une lettre de M. de La Boderie
que je vous envoyé, le langage qu'il a teneu , et je
vous escrirai , quand je l'aurai veu , ce que j'en aurai
appris. M. de Blaille , qui est arrivé ici aujourd'hui,
m'a dict que le sieur Cécile ne lui a parlé que de
guerre. Peult estre a il deux sortes de langage, qu'il
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 237
employé selon l'humeur et goust de ceulx aulxquels
il parie ; mais j'espère que nous le ferons parler ce
coup clairement, s'il y a moyen de réduire à ce poinct
ung Angiois ; mais nous n'avons aulcungs advis des
députés de Hollande ; aulcungs estiment qu'ils sont de-
meurés exprès pour ne se trouver par deçà, quand la
paix qu'ils tiennent pour resoleue se concleuera, ou
pour, en nous entretenans d'espérance, mieulx couvrir
et resouldre ce qu'ils traictent avec ledict cardinal
d'Autriche ; mais pour moi je ne crois ni l'ung ni
l'aultre, et attribue leur retardement avec les vents,
aulx advis et conseils du sieur de Saincte Aldeg^onde,
qui leur a proposé des chimères dont vous vous soub-
venés qu'il nous feit ouverture , lesquelles ont esté
semées et goustees par aulcungs de deçà. Ores vous
serés adverti de ce qui se passera.
Les affaires des huguenots ont esté arrestees du tout
aujourd'hui; mais ce n'a esté sans contester, ni à nostre
mot. M. le cardinal de Joyeuse sera ici dedans deux
jours, et plusieurs aultres seigneurs, mesmes MM. de
Bouillon et de La Tremouille, avec madame la prin-
cesse d'Orange et leurs femmes. Ma dernière vous a
esté portée par M. Ragazzon; je vous avois escrit le 17
par la poste ordinaire : vous me donnerés advis, s'il
vous plaist , de la réception de l'une et de l'aultre, et
je me recommande, etc.
Du 26 mars iSgS.
238 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
XCVI. — ' ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ MM. de Bellievre et de Sillerj,
Messieurs, je vous ai escrit aujourd'hui par la voye
de la poste la prise du fort de Charbonnières , faicte
par M. de Savoye par composition , après l'avoir batteu
de douze canons, et avoir soubteneu ung assault. Depuis,
M. de Crequy , estant allé à la guerre , a esté faict pri-
sonnier, avec perte de quelques gens; mais nous venons
avoir advis de la revanche que M. Lesdiguieres en a
prise, ayant emporté le fort de Barrault par escalade,
ainsi que vous verres par l'extrait de Tadvis que j'en ai
tiré d'une lettre de M. de La Baulrae , telle que M. de
Botheon m'a envoyée. Voilà l'eschange proposé tout
faict ; et si les hommes n'achèvent le reste , afin que
chacung ait en justice ce qui est sien, Dieu y opérera
comme il a commencé. Nos Anglois n'arriveront ici
que demain; ceste ville n'est pas assés grande pour les
loger. M. de Mercœur y arrivera samedi, et tout va,
pour ce regard, de bien en mieulx; mais nous n'avons
encores aulcung advis des Hollandois. Je me recom-
mande derechef, etc.
Du 26 mars i5q8.
XCVIL — ^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillery a M. de Villeroj.
Monsieur , nous continuons à vous ennuyer de nos
longues despesches, et nous le sommes dadvantage des
LETTRE, etc. 239
longueurs et hazards que nous voyons en ceste nego-
tiation ; nous ne sçaurions dire certainement qui be-
soigne si bien à mettre ces ambassadeurs d'Espaigne
en souspçon de nos actions , et que nous ne sommes ici
que pour les abuser. Nous sçavons qu'il leur vient de
mauvais vents du costé de Paris; mais nous descou-
vrons qu'il leur en vient encores de plus dangereux
du costé de Hollande. Le père gênerai les voyant ainsi
troubles, et en souspçon comme ils se monstroient ces
jours passés et sont encores, nous a dict souvent que
les Hollandois font grand préjudice à nos affaires.
M. le président Richardot s'est fort informé du voyage
de M. de Saincte Aldegonde en France. Ce marchand
meslé, dont M. de Buzenval vous a escrit, par nostre
opinion leur donne des advis. M. de Saincte Aldegonde
et de Bellievre ayans esté long temps avec lui, c'est le
plus madré homme que je cognoisse et des plus dan-
gereux de sa paroisse. Monsieur, ces gens de Ligue ont
ung but, et pour y parvenir, ils vendront père et mère,
et Jésus Christ mesmes. Il leur seroit fort difficile de
nous tromper; car nous ne nous y fierons pas.
La despesche que nous faisons au roy, si elle sera
rejettee, vous la pouvés tenir pour la dernière c^ie re-
cevrés de nous touchant ceste negotiation. Nous ne nous
trouvasmes jamais plus empeschés en affaire ; car et
M. le légat et le père gênerai des cordeliers et les am-
bassadeurs estoient entrés en tel souspçon de nous ,
que l'heure a esté que nous tenions tout à faict ceste
negotiation rompeue et abandonnée , et ces gens du
tout resoleus de n'avoir rien à faire avec nous ; ce nous
a esté ung merveilleux tourment et embarras d'esprit
avec beaucoup de peine, de souci et d'ennui, et de
patience. Nous sommes sortis de ce mauvais et espi-
2f\0 LETTRE
neux passage; mais il seroit trop dangereux d'y retour-
ner; si Ton refuse ce que nous escrivons, il se fault re-
souldre à la guerre; et estans nos ennemis plus prests
que nous ne sommes à mettre leur armée en campaigne,
le meilleur conseil que sa majesté peult prendre est
que, sans s'arrcster plus longuement en Bretaigne, il
revienne en ceste frontière au plus tost que faire se
pourra, où presque il n'y a place, Amiens ni Peronne
qui neantmoins n'est pas trop bonne, exceptées, que
l'ennemi ne prenne en huict jours.
Vous verres, par la despesche, qu'ils se sont des-
partis de ce que par deux fois ils nous ont faict offrir
que l'on ne feroit entreprise les ungs sur les aultres.
Nostre despesche est si ample que nous ne nous
estendrons sur le faict de la negotiation ; seulement
vous pryerons nous de nous faire tant de faveur, que
de vous employer à ce que ce courrier ne soit longue-
ment arresté à la court.
S'il porte response qui contente ces gens , cela
nous aidera à mieulx faire le service de sa majesté; si
la response sera aullre, au moins il portera la volonté
du roy à M. le connestable , de l'ordre qu'il doibt tenir
à conserver ceste frontière. Donnés nous congé de nous
en retourner, ou ne le donnés pas, pour nostre regard
nous obéirons à ce qui nous sera commandé; mais nous
ne pourrons pas arrester les ambassadeurs d'Espaigne,
Et sur ce nous nous recommandons bien, etc.
Du 26 mars iSgS.
AU ROY. ■ 241
XCVIII. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sîllefj au roj.
Sire , ayant veii ce qu'il a pieu à vostre majesté de
nous conunander (jue missions peine de rendre capable
Ms le legac des raisons que mettent en avant vos sub-
jects du pays de Languedoc , qui font profession de la
rellîgion pretendeue reformée , par lesquelles ils esti-
ment cstre bien fondés à supplier vostre majesté de
trouver bon que les lettres de représailles leur soient
accordées par les cbambres mi parties contre ceulx du
comte de Venisse , qu'on ne leur en fera. Sire , les
affaires oîi nous nous trouvons en ce lieu, dont l'es-
prit de M. le légat est merveilleusement travaillé,
eussent requis que Ton n'y adjoustast poinct l'ennui de
ceste poursuite , et avons esté en peine comme pour-
rions couvrir le propos audict sieur légat sans faire pré-
judice à vostre service , sçachant assés les plaintes
qu'il en a faictes , et quelle est en cela son opinion ;
mais force est d'obéir à ce qu'il plaist à vostre majesté
de nous commander. Nous lui en avons parlé en la
meilleure sorte qu'il nous a esté possible. Il nous a
dict qu'il en a desjà esté adverti ; mais qu'il est telle-
ment travaillé des aultres affaires qui s'offrent ici,
qu'il remettoit à nous en parler d'ici à quelques jours;
sire, ledict sieur légat se plaint infiniment de ceste
poursuite, et nous a dict qu'ayant vostre majesté ac-
cordé au pape une cbose qu'elle ne vouldroit avoir
refusée au moindre comte qui ait souveraineté en Italie,
qu'il se promet que vostre majesté ne rompra poinct
MÉ3I. DE DUPLESSIS-MORKA-Y. ToME YIH. lO
24îi LETTRE
sa promesse déclarée par les lettres patentes, qui est
selon le droicl des gens, pour contenter en une si im-
portune demande ceulx de la relligion, au préjudice
de l'honneur du pape qui porteroit impatiemment
d'estre jugé par ces chambres mi parties; car il esti-
mera que ceulx qui jugeront du desni de justice, de
ses officiers, jugeront de lui mesmes, et qu'il ne pour-
roit supporter en façon du monde de dire que les sub-
jects de sa saincteté, pour estre plus foibles que ceulx
de vostre majesté, en souffriront plus que les aultres.
Ledict sieur légat dict qu'il estime et s'asseure que sa
majesté leur commandera , comme estant leur roy , et
qu'elle se fera obéir en ce que le pape le pryera pour
la raison , et n'a voulieu prendre pour excuse ce que
nous avons dict des accords qui ont esté faicts ci
devant , ayant respondeu que les papes ont esté con-
traincts de souffrir que leurs subjects, pour se redimer ,
ayent contribué de grosses sommes à M. de Lesdi-
guieres, qu'il ne s'ensuit pas pour cela qu'ils approu-
vent telles contributions, ni qu'ils les veuillent tous-
jours souffrir. Quant à ce que nous avons dict de l'in-
commodité du voyage jusques en vostre court, que
la mesme raison auroit lieu pour les subjects du duc
de Savoye , de M. de Lorraine , et aultres aulxquels
vostre majesté ne permet que l'on exerce la rigueur
que l'on demande contre ceulx du pape, sire, nous
n'avons pas veu qu'en ce faict on puisse faire changer
d'opinion audict sieur légat; et, pour nostre regard,
nous désirerions fort , pour le bien de vostre ser-
vice, qu'il pleust à ceulx de ladicte relligion de se
modérer en ceste demande qui leur importe de si peu,
et presque ne peult servir qu'à altérer la bonne vo-
lonté du pape.
AU ROY. 9.43
Ledict sieur légat est en allarme des advis qu il a de
ce qu'il piaist à vostre majesté accorder de nouveau à
ceulx de ladicte relligion; il nous a souvent parlé, et
avons peine de parer à ce coup; nous avons tousjours
faict profession de désirer la paix en ce royauline , et y
avons servi de nostre pouvoir et les ungs et les aul-
tres, désirons qu'il n'y eust qu'une relligion, comme
il est fort à désirer; mais puisque les choses sont re-
duictes à ces termes, que l'on ne peult subsister sans
la paix, il est plus expédient de se resouldre par ce
qui est du salut de Testât, que par ce qui est de nos
désirs. Cela ne nous empeschera pas de dire que la
moitié se trouvera enfin estre plus que le tout, que
ceulx de ladicte relligion considèrent que ce qui leur
est maintenant accordé ne sera pas approuvé de tous ,
qu'il y pourra avoir des contradictions, si oultre la
cause publicque le pape se sentira offensé en son par-
ticulier à cause de ces représailles. Ce faict particulier
fera peult cstre qu'il parlera de ce qui est de la cause
publicque avec plus de véhémence , soubs la bonne
correction de vostre majesté; nostre opinion seroit que
l'on resoleust maintenant de députer quelques bons et
notables personnages pour adviser avec les députés
du pape à décider lesdicts différends qui sont entre vos
subjects de ladicte relligion et les habitans dudict
comté, et que par ensemble ils formassent ung advis
qui seroit approuvé et auctorisé tant par sa saincteté
que par vostre majesté, des moyens qu'il fault tenir
pour faire cesser les plaintes et empescher les desordres
entre les subjects des deux estats.
Sire , nous supplions le Créateur de, etc.
Du 26 mars 1598.
^44 LETTRE DE M. DLPLESSIS
XCIX. —-V^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
J safomme.
M'amîe, je plains le grand abord de Saulmur, qui
ne peult que t'incommoder de ta maladie. Dans peu de
jours nous y aurons le grand conseil qui y doibt rési-
der pendant que le roy sera en Bretaigne. Là dessus ,
j'ai mandé à M. Charron qu'il se haste et apporte
toutes nos pièces, et comme préparé pour faire vuider
nostre procès de Bruzac et les aliénations de Perigord.
Ce ne sera pas tout perdre. J'ai commencé à enfourner
nos principaulx affaires de bonne sorte; mais il fault
de nécessité estre ici, parce qu'on est sur les grands
coups , et fie toi à moi que je ne laisserai passer oc-
casion de te voir. M. de Savoye a pris Aiguebelle, et
reduict à mauvaise composition M. de Crequy, qui la
venoit secourir. Il est prisonnier, mené à Thurin, et
ses gens dévalisés. L'histoire en seroit longue; mais à
mesme instant M. Lesdiguieres a recouvré la perte et
l'honneur, ayant pris d'escalade le fort deBarrault, que
M. de Savoye avoit faict à l'entrée du Daulphiné, où
il a tout taillé en pièces, sauf le gouverneur, et pris
huict canons. La difficulté sera à le garder, parce que
le duc tient la campaigne. C'est tout ce que je sçache.
Je t'embrasse de tout mon cœur.
D'Angers, 27 mars iSgS.
A MADAME DUPLESSIS. '2/\5
C. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ sa femme,
M'amie, Pizieux arriva hier au soir. J'ai esté bien
aise de l'ordre que tu as donné à la réception de
MM. les ambassadeurs ; mais il fault que telles choses
se fassent sans travailler son esprit, mesme sur ces
agitations d'humeur. M. Dujon est d'advis que tu te
fasses saigner du bras droict en la basilique ; mais si tu
m'advertis du temps , il m'a promis d'y estre, ce que je
ferai aussi volontiers; mais nous sommes au fort de nos
affaires particuliers, car nous continuons à travailler
aulx assignations pour les garnisons de la relligion ,
sur quoi je veulx compter parler de 3o,ooo livres aussi.
Nous embarquons celle des fortifications et aultres;
si m'ennuyera il prou de te voir avant que d'aller à
Nantes , et n'en perdrai l'occasion. Le roy sera ici
dimanche entré ci et là; nous verrons ce qu'auront
faict les parties de Sainct Phal. Tu auras veu Tes-
cuycr. Du cordonnier je n'en ose rien remuer ici,
parce que je ne m'y fie pas. Il fault le reserver à quand
l'on besoignera tout ouvertement. Tu as eu trop de
soin g de nous envoyer de l'argent. On nous asseure
de jour en jour la partie de M. de Schomberg. Je crois
qu'elle ne manquera poinct. Je crains que la veneue
de M. de Bouillon ne te fasse peine , surtout mets ton
esprit en repos. Je t'embrasse , m'amie , de tout mon
cœur.
D'Angers, ce 'i^ mars iSgS^
24^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
CI. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
u4 sa femme.
M'amte, m. Dujon devoit t'aller voir aujourd'hui:
il avoit des affaires, et avoit remis à demain matin. Son
malheur a \oulleu que, revenant ce soir à son logis,
il a esté chargé par des voleurs de cappe , qui Font
blessé en danger de perdre luig œil , s'il n'est déjà per-
deu. Il en a blesse quelqu'ung dont on pourra descou-
vrir les complices, à quoi on travaille. J'y ai grand
regret, et particulièrement à ton occasion. Je te prye,
m'amie, de songer à quelque aultre expédient pour ta
santé, etc. Moi, je m'arresle fort, s'il y a moyen, à
faire venir M. Petit. J'ai deffendeu à ton fils d'aller de
nuict pour quelque cause que ce soit, ce que j'observe
aussi de mon costé. Je pense avoir asseuré aujourd'hui
la partie de 3o,ooo livres, en sorte que nous en serons
payés en trois années, esgalement sur la mesme nature
de nos garnisons, et sans qu'on ait à passer par la
chambre des comptes. MM. de Rbosny et d'incarville ,
celui ci nommeement m'y faict fort bon office. L'af-
faire des fortifications est aussi en train : il les fault
lous deux achever parfaictement ; mais à peine pourra
ce estre en ce lieu , car le roy y arrive demain, et M. de
Mercœur \ est auiourdliui avec madame et sa fille. Ce
sera, à mon advis, pour aller bientost à Nantes, si la
veneue des ambassadeurs anglois ne nous retient, ce
que je ne pense pas. Je persiste neantmoins, si tu ji'as
advis contraire , de t'envoyer Bourville. M. de Bouillon
a passé au port de Lorges, et delà est allé trouver le
A MADAME DUPLESSIS. 247
roy au Verger. M. le cardinal de Joyeuse est ici. Il y
auroit .plaisir de faire quelque chose avec lui pour
Verrier avec M. d'Epernon aussi et nostre procès, et
pour ce je cherche accès à quelqu'ung de ses confidens
serviteurs. Je t'ai escrit comme je haste M. Charron
sur la veneue de MM. du grand conseil à Saulmur. Il
fault faire en nos affaires ce qui se peult sans perdre
temps. Aujourd'hui nous avons conféré avec M. de
Merle , portant la parole pour tous les créanciers de
Navarre. Ils semblent voulloir prendre bon et bref che-
min , et nous les y aiderons. Nous sommes aussi en bon
train pour nos garnisons de la relligion, oii j'ai soing
particulier de ce qui nous touche; 81. 63. nous tire-
ront de tout cela; mais je joue au plus seur. J'ai faict
arrester ce matin ung estât de secrétaire de la maison
de France au conseil, pour M. Perillan , dont le roy
m'avoit accordé ung brevet du premier vacant pour
lui depuis deux jours; mais je doubte s'il nous réussira,
parce qu'ils ne sont poinct réputés vaquer quand" on
en a servi vingt ans. Il est allé trouver le roy pour se
l'asseurer autant qu'il pourra. Tout en somme iroit
bien si j'avois le contentement que tu revinsses en
bonne santé, dont je prye Dieu de tout mon cœur. Je
me confie que, pour l'amour de moi, tu n'y oublies
rien; surtout il le fault dépouiller, autant que le monde
peult le permettre, de sollicitudes et d'appréhensions
que je sais que tu es plus pour moi que pour toi. Je
n'ai rien de ce que veult faire nostre homme; je pres-
serai le roy à son retour, et sur cela prendrai conseil
avec Dieu. Je t'embrasse , m'amie, de toute mon affec-
tion.
D'Angers, ce 28 mars 1598.
M. de Schomberg a commandé à Dartiems de payer
24P> LETTRE DE M. DUPLESSIS
les 5oo livres, et s'est fasché qu'ils ne le feussent en-
cores. J'ai obteneii le quartier, c'est à dire les deux
mois et demi pour la garnison, selon j'en eus de ceste
année. On en levé les expéditions. Je ferai aussi ordonner
pour le pont Souchard.
CIL —-^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amje, depuis ma lettre escrite, j'ai receu celle que
tu m'as escrite par Estienne, que je renvoyé aussitost.
J'ai persuadé à M. Dujon de t'aller voir, ce qu'il faict.
Je ne sçais si nous pourrons gaigner de le retenir; pour
moi , j'attends ici demain le roy , pour le faire resouldre
selon que Sainct Phal auroit obéi ou non. Cependant
ne te mets poinct en peine, car je ne vais poinct que
bien accompaigné , et rarement le soir. Je fais aussi
estât que Bourville t'ira voir au mesme instant que
ira a Nantes, pour dérober les premiers temps qui se
passeront sans pouvoir faire grands affaires. Je pr^^e
Dieu, m'amie, qu'il nous bénie en iceulx, et surtout
nous donne en santé achever nos jours ensemble.
D'Angers, ce 28 mars 1598.
CIIL— ^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme,
M'amie, je t'ai escrit amplement de tous nos affaires ,
qui s'acheminent autant que je pourrai; mais pour le
principal, le roy n'arrive que demain , et ceste entre-
A MADAME DUPLESSIS. îi49
veue de M. de Mercœur roccupera ung bon jour. Je
n'y perdrai temps. Ton nepveu est reveneu, que j'ai-
merai bien. Je lui ai recommandé de me voir souvent.
Nostre fils et lui hanteront MM. le comte Henry de
Rohan, de Chastillon , etc. Je plains ta santé, encores
que je n'y voye quelque amendement pour l'inconvé-
nient arrivé à M. Dujon, que je t'ai escrit; il ne fault
parier de ses secours de longtemps. Advise si M. de
Colombieres ou Chesneau , qui est ici, peulvent sup-
pléer la place ; mais je m'arreste volontiers sur M. Petit,
et te prye d'y penser. Ce qu'on t'a dict que madame la
duchesse s'estoit blessée ne se trouve véritable : elle en
a eu peur. On n'a veu jamais rien de si contrict que
M. de Mercœur. Nos orgueils sont rabatteus à bon
escient. Il pourra aller au devant du roy. Nostre fîls
a envie de voir ceste rencontre, qui y sera accompaigné
des sieurs de La Ferriere, de La Vignole et aultres des
nostres : mon nepveu sera aussi de la partie. Nous avons
receu aujourd'hui les 5oo livres de M. de Schomberg.
Ils ne pouvoient manquer, mais c'est autant de faict.
Pour ceulx de Nantes, il fault attendre M. Perilleau,
qui est allé trouver le roy pour son affaire, afin qu'il
retire une quittance qu'on a à Saulmur, sans laquelle
on ne peult rien faire; si nous Favions, Pizieux iroit
aussitQSt à Nantes. M. de Bels , nostre triennal , m'a
promis de payer la garnison d'ung demi mois, et plus
tost d'aller emprunter l'argent à Tours. Il sçait qu'or-
donnance nous a esté accordée pour les trois premiers,
revenant de dix à deux et demi que nous recevrons dans
an. Delà en avant nous serons payés selon Testât qui
sera dressé pour les garnisons de la relligion , à quoi
je veillerai pour le bien public, et nostre. 8i. 63., ce
me semble , nous remet encores longs jours , mais nous
2 5o LETTRE DE M. DUPLESSIS
n'y perdrons rien , parce que nous ne laissons de gai-
gner temps en nos affaires. Je ferai ordonner que les
réparations du pont Souchard seront prises ailleurs que
sur nous, et au reste asseurerai, aidant Dieu, nos prin-
cipaulx affaires que nous pouvons solidement disposer
pour nos enfans ce que tu sais estre mon but. Quant à
mes allées et veneues, je te prye , ne t'en mets en peine.
Je te considère plus que toutes choses; mais je ne ferai
rien, aidant Dieu, qu'à propos et seurement. Sçachant
aussi que tu es si asseuree de mon amitié, que tu ju-
geras toujours que ce que je ne ferai pas, je ne le pour-
rai faire. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers , ce 29 mars 1 598 , au soir.
CÏV. —-î^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, je t'escrivis hier au soir. Je t'envoye exprès
ce porteur pour te porter ce que M. Dujon a faictpour
toi, et ai ouvert ce qu'il m'a baillé clos, afin d'avoir
contentement de voir ce qui t'est ordonné. Aujourd'hui
se signent les articles du traicté de Bretaifjne. Des ce
soir, madame de Mercœur part pour aller quérir son
mari. M. Hesperien t'aura dict toutes les nouvelles.
Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers , ce 29 mars 1698 , à dix heures du malin.
J'enverrai l'escuyer lundi à Tours, s'il y a encores
lieu. Il ne s'est peu plus tost. Je cherche aussi le rolle
de la grand'chambre de Rennes, pour sçavoir devant
qui M. de Launay Blavon despose.
A MADAME DUPLESSIS. 261
CV. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSÎS
A sa femme,
M'amie, j'ai receu tes lettres du 3o , par le Basque.
Je plains une si longue continuation de maulx, et l'in-
convénient de Dujon qui est veneu mal à propos. On
espère qu'il ne perdra poinct l'œil. M. de La lliviere
s'offre fort à moi pour t'aller voir exprès, adjoustant
qu'il ne croit rien aulx mémoires, mais principalement
à la vue du patient; mande moi si tu l'auras agréable,
car il m'a semblé que tu le refusois. Le roy arriva hier
au soir bien tard. Ce jour a esté occupé à l'entretene-
ment et audience des ambassadeurs d'Angleterre. Le
roy cependant a confirmé à M. de Bouillon ce qu'il
avoit promis pour mon affaire. J'espère qu'il lui en
sera parlé demain par M. de Villeroy de la bonne sorte,
nommeement pour m'en resouldre premier que partir
d'ici. Sa majesté part de jeudi ou vendredi, doibt sé-
journer peu à Nantes, voir quelques villes du pays,
puis au plus tost retourner vers Paris, et semble que
ses affaires le veullent ainsi. Mets ton esprit en repos
pour moi et pour nostre fils; car, avec l'aide de Dieu,
nous sommes bien assistés ; nous y prenons fort garde.
J'ai aujourd'hui salué MM. le duc de Mercœur et car-
dinal de Joyeuse ; je presse les expéditions de mes par-
ties et des fortifications , car je les veulx asseurer à
poinct nommé. M. d'Incaryille m'y est fort bon ami;
Pizieux partira demain pour la partie de Nantes. Je
prépare Le Goux à nous trouver de l'argent pour le
besoing. Je t'envoye des lettres qui font mention de
2D2 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
M. Charron , auquel j'ai despesché ung exprès pour le
haster, et de M. de Bellujon; des que M. de Lusson
sera à Nantes, il partira pour s'en retourner à Blaye,
et Pizieux pour aller en Guyenne. En mesme temps ,
si 8i. 63. disoit vrai,- il nous tireroit de beaucoup des
importunités, surtout, je le pense, pour ta santé et
pour nostre conservation que je désire , autant ou plus
que jamais , pour ta consolation et la mienne. Je fais
response à M. d'Orval. Tu ne me mandes poinct s'il t'a
rien dict de Villarnoul. Je t'embrasse , m'amie , de tout
mon cœur.
D'Angers, ce dernier mars i 698.
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GVI. —-V- PROJET
De lettre à écrire par le roj au parlement de Paris y
erii^ojé h M. Duplessis pour le revoir.
De par le roy, nos amés et feaulx : La longueur des
troubles qui ont affligé ce royaulme a apporté en icelui,
entre aulîres maulx , ung tel mespris de nostre aucto-
rité et de la justice , que plusieurs ont cru qu'il estoit
loisible à ung chacung d'exercer ses passions et de
commettre toutes sortes de crimes impuneement. Ceulx
là principalement sont tombés en ceste erreur, qui,
estant nés durant lesdicts troubles, n'ont eu cognois-
sance de la vraie révérence et obéissance que les Fran-
çois souloient porter à leurs roys et aulx loix du
royaulme , dont sont adveiieus plusieurs accidens pu-
blics et privés , que nous n'avons peu jusques à présent
éviter ni corriger selon nostre deslr , à cause du sup-
port qu'ont tousjours trouvé les auteurs de tels crimes
envers les factieux et leurs adberens, lesquels ont re^
PrtOJET DE LETTRE. i53
cueilli, embrassé et couvert tous malfaicteurs qui ont
eu recours à eulx pour s'en servir et fortifier en leurs
pernicieux desseings; mais, puisque Dieu nous a faict
]a grâce d'achever de purger nostre royaulme des fac-
tions, nous n'avons rien plus à cœur que de restablir
nostre auctorité et justice en leur entière force et di-
gnité ; pour à quoi donner commencement, nous vous
escrivonsla présente, par laquelle vous sçaurés qu'ayant,
l'année passée, commandé aulx sieurs de Scliomberg
et Duplessis Mornay (la qualité desquels vous estasses
cogneue) de prendre cognoissance et s'entremettre des
affaires de nostre duché de Bretaigne, lors travaillé
diversement entre la crainte de la guerre et Tesperance
de la paix, de laquelle nous estions entreteneus; nostre
cousin le comte de Brissac, mareschal de France , et nos-
tre lieutenant gênerai au duché de Bretaigne, estant ve-
neuen nostre ville d' Anoers (a) oii s'esloù aussi rendea
ledict sieur de Schomberg ^ Vung et Vaultre ensemble ,
le sieur de La Rochepot, gouverneur de nostre pays
d'Anjou y auraient envoyé prjer ledict sieur Duplessis
qui estoit en nostre ville de Saulmur dont il est gou-
verneur^ de se transporter en ladicte ville pour ad-
viser et coriferer ensemble des affaires dudict pays
de Bretaigne oït il se seroit incontinent acheminé, dési-
reux de nous servir en ceste occasion , comme il a tous-
jours faict en toutes autres très fidèlement et à nostre
grand contentement. Le jour mesme (f) ou le lende-
main qu'il feut arrivé en ladicte ville, {c) retournant
(d) du logis dudict sieur de La Rochepot oh ils avoient
esté ensemble avec lesdicts sieurs ^ il feut assailli de
guet à pens par les rues, en plein jour et aulx yeulx
d'ung chacung, par le sieur de Sainct Phal , non pour
toute aultre cause que pour avoir veu certaines lettres
254 PROJET
escrites en lieu duquel nous avions lors toute occasion
de nous desfier, lesquelles lui a voient esté envoyées
par les officiers de nostre ville de Montreuil Bellay,
qui les avoient (e) ostees au porteur d'icelles (/*) pour
la mesme jalousie, afin d'en ordonner et faire ce qu'il
jugeroit estre à propos pour nostre service, dont son
affection naturelle et la charge que nous lui avons
donnée en ladicte ville de Saulmur et aulx environs,
l'obligeoient d'avoir soing et prendre cognoissance , et
mesme d'en user comme il feit, de sorte qu'il nes'atten-
doit à rien moins qu'à debvoir tomber en peine, pour
nous avoir faict ce service. Neantmoins ledict sieur de
Sainct Phal , sans avoir esgard aulx qualités et mérite
dudict sieur Duplessis, qui a cest honneur que d'estre
de nos plus anciens serviteurs, de nostre conseil d'es-
tat, capitaine de cinquante hommes d'armes de nos or-
donnances, et gouverneur de ladicte ville de Saulmur,
qu'il avoit esté mandé par lesdicts sieurs de Brissac ,
de Schomberg et de La Rochepot (^), il estoit en
ladicte ville expres'pour nos affaires, que ledict sieur
de Sainct Phal estoit beau frère dudict mareschal de
Brissac et proche parent dudict sieur de La Rochepot,
à l'instance (A) desquels ledict sieur Duplessis s'estoit
acheminé en ladicte ville, et qu'il n'avoit peu faire moins
pour son debvoir à nostre service, que de prendre
cognoissance de cesdictes lettres, comme il lui avoit
représenté sur le champ , jusques à lui offrir (/) de lui
en faire raison par les armes , s'il ne s'estimoit satisfaict
de ce qu'il lui en disoit , l'auroit neantmoins obsédé et
offensé en sa personne , avec telle violence et oultrage
que, sans la résistance qui lui feut faicte par aulcungs
de ceulx qui suivoient ledict sieur Duplessis, il l'eust
assassiné tout à faict , de quoi estant adverti , nous
DE LETTRE. 2 55
receusmes le desplaisir et mescontentement aue mérite
ung tel attentat commis contre nostre auctorité, et en
la personne d'iing de nos plus fidèles serviteurs , pour
la seule considération de nostre service, qui feut cause
qu'ayant sceu que ledict mareschal de Brissac s'estoit
chargé de la personne dudict sieur de Sainct Phal, et
avoit promis de le nous représenter, nous despes-
chasmes devers lui ung exempt de nos gardes exprès,
par lequel nous lui commandasmes de lui délivrer et
remettre entre les mains ledict sieur de Sainct Pliai,
pour le mettre et garder dedans nostre chasteau de
nostre ville d'Angers, de quoi ledict sieur mareschal
s' estant excusé, combien que nos lettres feussent très
expresses, nous lui aurions depuis réitéré le mesme
commandement, par le mesme exempt de nos gardes,
a quoi il n'auroit non plus satisfaict qu'au premier; et
comme nous avions jà resoleu nostre acheminenjent
par deçà, nous nous promettions que, y estans arrivés,
ledict sieur de Sainct Phal nous seroit représenté par
ledict mareschal dont , à ceste fin , nous aurions faict
commandement très exprès à ses principaulx parens,
leur faisant entendre combien nous estions à bon droict
offensés, premièrement de l'oultrage faict par lui au-
dict sieur Duplessis , et secondement de sa contumace
et désobéissance ; mais pour cela nous n'y aurons peu
gaigné dadvantage. Quoi voyant et considérant com-
bien il importe à nostre service que tels mespris de
nostre auctorité et commandement soient reprimés ,
après avoir mis ce faict en délibération avec nos cousins
les mareschaulx de France, qui sont près de nous, et
jugé avec eulx debvoir estre traicté et puni comme
ung crime très énorme et ung attentat faict à nostre
auctorité , pour la seule considération de nostre ser-
2^)6 PROJET
vice, nous avons advisé vous en renvoyer et commettre
la cognoissance, afin d'y pourvoir par la voye de la
justice comme il convient , au moyen de quoi nous
vous mandons et ordonnons, sur tant que vous affec-
tionnés , la conservation de nostre auctorité , et estes
obligé de faire justice à nos subjects, d'embrasser vive-
ment la punition de ce crime , et y user de toute la
diligence et seureté requise, afin que nous soyons sa-
tisfaicts , et que Texemple qui s'ensuivra serve à l'ad-
venir de règle et de terreur à tous aultres ; car en vain
employerions nous nos armes pour nous faire recog-
noistre et obéir par les provinces de nostredict royaul-
me, comme Dieu les a encores favorisées à présent en
celles de Bretaigne, si elles n'estoient secondées par
nos officiers, aulxquels nous avons confié raclministra-
tion de nostre justice pour réprimer l'audace et témé-
rité de ceulx qui commettent semblables forfaicts. Par-
tant nous vous recommandons derechef d'en faire
vostre plein debvoir; mais d'autant que nous avons
recogneu que nos officiers de la justice du siège de
ceste dicte ville d'Angers , oii ce délit a esté commis ,
ont faict peu de compte et debvoir d'y pourvoir, comme
ils estoient teneus de faire, et que nous n'avons pas
occasion d'espérer qu'ils fassent mieulx à l'advenir,
nous voulions que vous commeltiés et envoyés exprès
sur les lieux l'uno des conseillers de nostre court de
parlement pour en informer; et, si c'est chose que vous
ne puissiés faire si promptement qu'il est nécessaire
pour en faire la justice aussi diligemment que nous le
vous mandons, vous adviserés d'y employer les officiers
du plus prochain siège, comme sont ceulx de nostre
ville de Tours, afin que la justice s'en ensuive telle
qu'il est nécessaire pour reparer et chastier l'injure et
DE LETTRE. 207
offense faicte à nostre auctorité en la personne dudict
sieur Duplessis, et obvier aulx acciclens que Timpunité
d'un g tel acte pourroit engendrer, tant pour la suite
que pour l'exemple et conséquence d'iceîui, dont il est
certain qu'il feust jà sorti des effects très préjudiciables
à nostre service, si ceulx qui y ont interest n'eussent
esté reteneus en la révérence de nos commandemens
et de l'affection qu'ils portent au bien de nos affaires.
HllNRY.
Donné à Angers, le . . avril i5g8.
Corrections et additions /aides h ceste lettre par
M. Duplessis Mornay,
[a) En place des mots soulignes ^ lises : S'y se-
roient aussi rendeus, partant ensemble de Saulmur,
lesdicts sieurs de Scbomberg et Duplessis Mornay, à la
pryere de nostredict cousin le mareschal de Brissac ,
lequel desiroit communiquer avec eulx des affaires de
nostre province de Bretaigne , tant de la paix que de
îa guerre. Ledict sieur Duplessis a ce convié par lettres
de mondict cousin à lui envoyées par gentilbomme
exprès, sur lesquelles il se seroit aussitost transporté
en nostredicte ville d'Angers, estant.
{l?) Au lieu des mots soulignés , Usés : Le lende-
main 1 octobre.
(c) Adjoustés : Ayant conféré tout le matin ensemble
de nosdicts affaires, allé disner de compaignie cliés le-
dict sieur de La Rochepot, lors se trouvant ledict sieur
Duplessis peu accompaigné, et ne se doublant de rien.
{d) Au lieu des mots soulignés , Usés : De son logis ,
feu t.
(e) Au lieu de ces mots : Ostees au , Usés : Prise sur le.
{/) Adjoustés : Sur le chemin de Mirebeau.
MÉivr. i>E DuPLEssis-MoRiVAY. Tome viit. I n
258 , PROJET DE LETTRE.
(^) Laissés seulement : Ledict sieur de Brissac.
(h) Duquel.
(^'j Jdjoustês : Par plusieurs fois.
CVII. —-V^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de Sillerj,
Messieurs, La Fontaine arriva hier au soir ici avec
vos lettres, que j'ai toutes leues au roy ce matin devant
qu'il ait donné audience à M. Cécile, qu'il a veu après
disner.
Je ne vous cèlerai poinct que vos despesches Font
mis en grande peine, principalement sur deux poincts.
Le premier est celui de M. de Savoye; et Taultre, le
refus qu'ils font de donner temps à la royne d'Angle-
terre et à messieurs les estats d'entrer en ce traicté par
une cessation d'armes.
Sa majesté dict, sur le premier article, que M. de
Savoye a perdeu ie fort de Rarrault, comme je vous ai
escrit; de sorte qu'il est de présent en sa disposition ;
qu'elle a appris au retour du sieur de Champion,
qu'elle avoit envoyé devers La Fortune, que ledict duc
n'a auîcune part avec lui, s'estant jette entre les bras
de M. le mareschal de Biron ; et , quant à Berre , sa ma-
jesté a sceu aussi depuis peu que ledict duc y a moins
de pouvoir qu'il ne pense, et que celui qui y com-
mande despend d'aultres plus que de lui; partant sa
majesté dict qu'il lui seroit plus dommageable d'ac-
cepter l'offre qu'ils nous ont faicte, à cause de la dé-
molition dudict fort deBarrault, que s'ils n'en faisoient
poinct, ne pouvans avaller ce desboire du délaisse-
ment du marquisat, soubs prétexte d'ung arbitrage.
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. aSg
Que si ce poinct lui louche au cœur, l'auitre le tra-
vaille encores plus; car sa majesté dict que Ton veult
accabler ses amis et alliés à forces d'armes, en faisant la
paix avec elle ; qu'elle a toujours dict à M. le légat et
au gênerai des cordeliers qu'elle demandoit le sien, et
que ses alliés feussent compris en la paix, comme elle
ne voullantles abandonner; chose que du commence-
ment on lui a dict que l'on trouvoit bonne; mesme
vous lui avés escrit que vous estimés que, aussitost
que l'on proposeroit ladicte suspension d'armes ou
trefve, qu'elle seroit accordée; et sa majesté voit main-
tenant que l'on l'a refusé , afin de la surchar<yer de
honte et reproche envers ses alliés, et non seulement
leur manquer de foy, mais aussi estre faulteur de leur
ruyne; encores veullent ils tirer de nous une ratifica-
tion des articles accordés, et en conséquence d'icelle
ung serment public, ung mois devant que de com-
mencer à nous rendre nos places, afin de mieulx effa-
roucher nosdicts alliés, et leur courre sus devant que
de nous rien rendre, et par mesme moyen leur donner
occasion de se plaindre de noslre foy, devant que nous
en ayons tiré aulcung profict.
Messieurs, je vous dis que le roy perdra pîustost, je
ne dirai les villes que l'on parle de lui rendre, mais son
estât, que de faire une telle laschelé. Vous sçavés que
sa majesté a tousjours conjoinct les deux poincts sur
lesquels elle a approuvé ceste negotiation, non pour
s'assujettir aulx volontés desdicts alliés refusans la rai-
son, mais pour faire les choses avec honneur; ce que
les ungs ont dict qu'ils procureroient, et les aultres
qu'ils estoient contens de faire ; et toutesfois leurs
députés sont veneus sans pouvoir suffisant pour y com-
prendre nos alliés, et veullent nous engager en ce
26o LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc.
traicté, sans leur donner ie loisir d'y penser et se re-
souldre. De sorte que le commencement de nostre repos
sera celui de la ruyne de nosdicts alliés, desquels nous
avons esté favorablement assistés contre nos ennemis,
qui seuls en feront leur profict à nostre honte. Le roy
dict qu'il aime mieulx conserver sa foy et sa réputa-
tion , que de recouvrer ses places au prix de l'ung et
de l'aultre. Je vous ai bien voulleu escrire par la
présente , en attendant que l'on vous renvoyé ledict
Lafontaine.
Demain doibvent arriver ici les députés de Hollande ,
lesquels nous voulions ouïr devant que de vous ren-
voyer ledict courrier. Entre ci et là, nous pourrons
aussi avoir advis de celui que vous aviés envoyé en
Espaigne; car Lafontaine m'a dict qu'il l'a rencontré
entre Orléans et Paris, pour scavoir s'il a rapporté les
pouvoirs qu'il estoit allé quérir, tant pour traicter avec
nosdicts alliés que pour rendre Blavet.
Au reste, je vous dirai que M. de Mercœur est ici
aussi privé qu'ung aultre. Nous faisons estât d'aller à
Nantes jeudi, n'y demeurer que quattre jours; et,
après avoir pourveu au blocquement de Blavet, retour-
ner vers la Seine, et mesme en Picardie; car nostre
rapprochement de ce Costé là ne pourra estre que très
utile et très nécessaire, soit que nous fassions la paix
ou non.
Ce sera tout ce que je vous escrirai pour le présent ,
vous pryant me donner advis de la réception de la
présente, comme de celles que je vous ai escrites par
la poste, les 17, 21 , 22, 26 et 23 du présent mois,
pryant Dieu de tout mon cœur, monsieur, etc.
Du dernier mars 1698.
LETTRE DE M. DUPLESSIS, eic. 261
CVIIL—^V^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, tu auras eu aujourcriiui de mes lettres bien
amples, par MM. Duverger et Chenon. Depuis, le roy
s'est resoleu de commander la despesche à son procu-
reur gênerai. M. de Villeroy l'a faicte de bon stvle , et
je tiens a quelque cliose de plus par l'auctorité du roy.
La Roche aussi est de retour, qui a rapporté les dépo-
sitions de l'homme et de son valet, mais closes et scel-
lées, et n'en ai peu avoir la copie. Est certain qu'il
n'en a pas tant dit là comme il en avoit devisé entre
ses amis en chemin. Il a descouvert ung aultre tes-
moing, marcband de Vitray , qui dict de bonnes choses
que je ferai ouïr, et de ce pas en escris. Le roy ne
part d'ici de ceste sepmaine, à cause des ambassadeurs.
Tu auras maintenant veu M. de RuzenvaL Je lui envoyé
demain nostre fils au devant, bien accompaigné, avec
ung carrosse pour l'amener. Nos affaires vont leur train
tant que je puis. [\o. 25. 87. 32. opinion d'envoyer
madame de Beau fort à Blois ; ce n'esloit pas pour la
faire longue /{O. 80. 23 1. J'ai faict conférer Pizieux
avec des gens qui entendent que c'est du change nom-
meement d'Ecosse. Ils n'estiment qu'on puisse rien
faire à Nantes contre Poulain , si ce n'est de gré à gré,
jusqu'à ce qu'on ait nouvelles sur ses lettres; on aura
pourveu ou non, nous y enverrons encores demain. Je
n'escris point encores à M. de Pierrefîte pour ce coup.
Je vois qu'il a envie de donner ung traict ici pour son
affaire de Chastillon. Les députés des Pays Bas passés
202 LETTRE DE M. DUPLESSÏS
et messieurs du grand conseil arrivés, je n'y vois de
difficuité, pourveu que ce soit pour peu de jours. Tu
m'en manderas ton advis, comme aussi de M. de La
Rivière. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers, ce i" avril 1698.
CIX. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSÏS
A sa femme.
M'a^mie, j'ai receu tes lettres par M. d'Aersens, non
les aultres par le lacquais de madame de Rolian. Je
loue Dieu que tu ayes quelque amendement; mais il
fault , avec aide de Dieu , gaigner jusques à santé , à quoi
je sçais bien que ma présence t'aidera fort; mais je
désire extresmement voir une clarté dans nos affaires^
et tant y a qu'il m'ennuye plus que tu ne sçaurois
croire. Le roy est resoleu que Sainct Phal sera pour-
suivi roidement par la justice. M. de Schomberg ,
voyant sa désobéissance contre ce qu'il s'estoit promis,
y a vertueusement parlé : si moings il s'y feust attendeu,
la vérité est bien que nous en feussions plus avant.
M. de Yilleroy fera la despescbe à chaux et à sable,
ainsi qu'en avons conféré. Reste à moi neantmoins à
rechercher les aultres moyens, en quoi je ne veulx rien
oublier, et pour ce me despescherai de la court le
plus tost que je pourrai. J'ai bien acheminé le faict
des fortifications. 81. 63. nous sera ung grand abrégé.
Nous sommes sur Testât de nos garnisons, où nous
travaillons pour huict ans, et importe que j'y aye bien
l'œil. Le roy part la sepmaine prochaine pour Nantes.
Fizieux s'y en va pour les 56o livres ^ et pour me retenir
A MADAME DUPLESSIS. 263
logis. li sera bien que lundi au soir mon bateau soit
ici, non mes cbevaulx; car je n'en aurai besoing que
pour mon retour. Je pense que pour peu de jours il
aura mieulx \alleu que je ne t'aye poinct escrit; car
nous sommes au fort de tous nos affaires , sur lesquels
il ne fault pas laisser refroidir nos amis. Il me tardera
prou que je ne te voye, mais tu auras tous les jours
de mes nouvelles et moi des tiennes. Je t'embrasse,
m'amie , de toute mon affection.
D'Angers, ce i avril iSgS, à dix heures du soir.
ex. — ^ LETTRE DE M. DUPLESSiS
y/ sa femme,
M'amie, je responds par celle ci à plusieurs de tes
lettres que j\'u receues toutes ensemble. Nostre cousin
de Villebon en a voulleu estre le porteur, qui s'en va
voir sa première belle mère. M. de Villeroy faict la des-
pesche au parlement, bonne et forte. Je pense qu'elle
sera portée par un g valet de chambre du roy exprès f
nous l'javons consultée ensemble. Je tasclie de faire que
riiomme soit investi dans sa maison; mais depuis que
le roy est deçà , il s'arreste peu en ung lieu. Je doubte,
par celles de madame de La Roche , que cest homme
ait esté foible ; on s'en servira comme on pourra.
Pour les aultres qui sont à ouïr, suffira lorsque la com-
mission de la court viendra. Nous acheminerons les
aultres affaires lentement , selon la nature de ceste
court. Pizieux est allé à Nantes, et ai faict escrire pour
avoir response de Renoist. Il ne tarde de partir pour
Bourdeauix avec M. de Lusson. J'ai esté fort aise de voir
264 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
M. de Buzenval. Madame la princesse faict force ex-
cuses. Je Tai encores peu veue. Je pleure la mort de
M. de Madaillan, et vouldrois bien que nous peussions
quelque chose pour ses enfans. 8i. 63. nous apportoit
de grandes facilités à bien faire, et nous soulageroit de
plusieurs importunités; si Marbaut voyoit M. de La Ga-
chere, il n'y oublieroit rien. M. de La Vergne me doibt
amener ung aultre créancier, advocat de cette \ille, qui
promet bonneste composition. M. de Pierrefîte arriva
hier au soir; je suis fort en peine de la garnison , et j'y
ferai travailler aujourd'hui. Nous avons ici affaire à ung
homme qui nous les rend ainsi crainctifs et rudes ; ce
n'est pas ce que le triennal m'avoit promis. J'accorde
volontiers l'appoinctement au Poirier. Pour Barrion, je
verrai ce qui s'y pourra faire. Dujon se portera bien
pour la vie, mais il est incertain de l'œil , et plustost en
pis qu'en mieulx. Il fault voir plus clair au faict de
M. de Yillarnoui , lequel toutesfois n'est à rejetter.
Quant à l'aultre, il y a long temps que semblable pro-
position m'avoit esté faicte. Tout m'est supportable ,
fors l'incommodité de ta santé; et me tarde que tu n'ayes
nouvelles de M. Petit pour t'en resouldre. Je fus hier
voir M. Cécile, de qui je feus fort favorablement receu.
C'est tout, sinon que je t'embrasse de tout mon cœur.
D'Angers, ce 3 avril i5g8.
CXI. —-^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillery a M. Villeroj.
MOiNSTEUR, nous despescliasmes le courrier La Fon-
taine, le 26 de ce mois, avec une bien ample despesche
sur tout ce qui se presentoit es affaires que nous traie-
LETTRE, etc. 265
tions. Il n'est depuis surveneu chose digne de vous
estre escrite. M. le prevost des marchands nous a donné
advis du passage de M. Cécile, et comme il a publié
par Paris, et lui a soubteneu par plusieurs raisons,
que si le roy veult croire au conseil de la royne d'An-
gleterre , il est maintenant en son pouvoir de ruyner
le roy d'Espaigne, et Taccroistre de ses beaulx pays du
costé de deçà. Je m'asseure que ledict sieur prevost
vous en aura tout autant escrit, et la response qu'il lui
a faicte; et vous et nous avons eu aultresfois quelques
charges, mais ce n'a pas esté nostre coustume de par-
ler si advantageusement du faict de nos charges.
Cest hoste de Gascoigne qui prend son arbalestre
pour tuer un g lièvre pour vostre disner, attendes qu'il
revienne; endurés la faim cependant, et à son retour
vous n'aurés que des oignons.
Nous sommes en peine de ce que nous escrit ledict
sieur prevost , qu'ils n'ont poinct de nouvelles à Paris
de l'arrivée des ambassadeurs de Hollande. Ce retarde-
ment ne peult estre qu'ung jeu joué par ordonnance
de la royne d'Angleterre, qui estime que ces longueurs
feront naistre quelque accident , lequel , veuillons ou
non, nous mettra à la guerre, estant bien difficile de
contenir longuement telles forces que se trouve mainte-
nant avoir le cardinal d'Autriche , sans qu'il se fasse quel-
que entreprise. Et, sur ce propos, nous vous dirons que
le colonel Galati nous escrit d'Amiens qu'ils ont advis
que l'armée des Espaignols est passée par Arras , et a
pris le chemin de Peronne. Ici nous n'en avons enten-
deu aulcune chose ; estant nostre opinion que cepen-
dant que le cardinal d'Autriche aura espérance que ce
traicté de paix se peult resouldre , il n'entreprendra
pas aiseement sur les places du roy, sçachant que telle
266 LETTIIE
chose ne pourroit, sinon altérer la bonne volonté de
sa inajesîé, et que, faisant la paix, il fauldroit rendre
ce qu'il auroit occupé. Ledict cardinal est teneu pour
prince bien advisé, et qui n'entreprendra rien légère-
ment, ne nous pouvans assés estonner de Topinion de
ceulx qui ont voulleu dire de par delà qu'il suscitoit
les flifficultés qui nous ont esté proposées ici par Tam-
bassadeur de Savoye , afin dVstre quitte des promesses
qu'il a faiotes de restituer les places. Ceulx là, à mon
advis, voient fort mal clair aulx affaires de (ieçà, si tant
est qu'ils disent ce qu'ils pensent. La bonne fortune et
establissement de ce cardinal despend principalement
de faire ceste paix; se continuant la guerre auparavant
qu'il soit establi, le roy d'Espaigne peult changer d'ad-
vis, et, ce qui est plus vraisemblable, pourra finir ses
jours. Ce prince estant mort, il n'est pas à croire (et
c'est l'opinion des Espaignoîs) que son successeur souffre
que les Pays Bas soient démembrés de la domination
d'Espaigne. Ces raisons sont si fortes que c'est sans
apparence de raison de dire que ce cardinal traverse la
negoîiation de ceste paix, par le moyen des importunes
demandes de l'ambassadeur de Savoye. Ores, monsieur,
si Ton vous donne ces souspçons du costé de delà , l'on
donne ici d'aultres à nostre préjudice, que le roy ne
veult poinct de paix. Jusques à présent nous avons payé
de raisons les ambassadeurs d'Espaigne; mais si la res-
ponse que nous apportera La Fontaine ne sera resoleue,
nous prévoyons que ces gens là prendront la longueur
pour refus; estans armés comme ils sont, et nous ici,
comme vous sçavés que nous le sommes , la meilleure
resolution que sçauroit prendre le roy seroit d'appro-
cber toutes ses forces de ces quartiers, et pourvoir à
bon escient à la conservation de ceste frontière.
\
A M. DE VILLEROY. 267
Par noslre précédente , nous le vous avons escrit
âssés expresseement , et le vous escrivons derechef,
parce que nous estimons que le service du roy requiert
que vous vous resoiviés; que ces gens ne tarderont à
se resouldre. Nous prenons peine h nous esclaircir de
la vérité de Tadvis que nous donne ledict colonel Ga-
lati, que les forces des Espaignols approcheiit du costé
de Peronne. Jusques à présent nous n'en avons peu
descouvrir aulcune chose. Nous en avons conféré avec
le père gênerai des cordeliers, qui nous a dict qu'il n'en
croit rien ; et en mesme temps nous a monstre une
lettre qui lui a esté escrite par ung cordeiier espaignol
qui s'est trouvé au siège d'Amiens, et maintenant a esté
ordonné pour servir auprès des Espaignols qui sont des-
cendeus k Calais. Par ceste lettre, il appert qu'ils ont
faict les pasques aulx logis qui leur feurent ordonnés au
sortir de Calais; et ne parle aulcunement qu'on les aye
mandés pour marcher. Et ceste après disnee le père
gênerai nous est veneu voir pour nous dire que ce ma-
tin il a parlé au président Riciiardot, pour entendre ce
qu'il lui vouidroit dire touchant cegt advis. Si ledict
sieur Richardot lui a voulleu dire la vérité ou non, nous
nous remettons a ce qui en est. Ce qu'il nous en a rap-
porté , est que ledict président Piichardot l'a asseuré
qu'il n'a aulcung advis que le cardinal d'Autriche ait
faict assembler ses forces, ni marcher du costé de Pe-
ronne; et, pour son regard, qu'il estime qu'd n'en est
rien. Pour tout cela nous ne laisserons de nous en in-
former, et advertirons M. le connestable de ce qu'en
pourrons apprendre. Nous attendrons le retour du
messager par lequel nous lui avons escrit que poiu' le
présent n'aurions peu resouldre avec ces ambassadeurs
que durant ce traicté on n'entreprendroit de surpren-
268 LETTRE
dre les places Tung de Taultre. Suivant ce que La Fon-
taine nous rapportera, nous en remettons le propos ou
laisserons les cho'îes en Testât qu'elles sont.
INÎous accuserons la réception de vostre despesche
du 17 de ce mois, que nous receusmes le mesme jour
que INî. Ragazzon arriva , qui nous a rendeu vostre
lettre du 21. La Fontaine vous a porté nostre response
à vos lettres du i4, et avons accusé la réception de vos
lettres des 3 et du 7. Il est impossible à dire combien
M. le légat s'est senti consolé au rapport que ledict sieur
Ragazzon lui a faict de la bonne volonté que le roy lui
porte; aussi ledict sieur Ragazzon se loue infiniment
de tant de courtoisie qu'd a receue de vous. Il a ici faict
ung fort bon et digne rapport des affaires du roy, dont
il escrit au pape par commandement de mondict sieur
le légat.
Quant à ce que vous escrivés de M. Serapbin, nous
sommes très marris que ceste desfaveur lui soit adve-
neue. S'il n'y aura moven de fléchir les volontés du
pape, nous estimons que si le roy lui donnera ung bon
evesclîé, et l'employera en son conseil, que sa majesté
tesmoignera à toute la chrestienté sa gratitude et re-
cord des bons services dudict sieur Séraphin , qui est
personnage de grande expérience , très docte et très
vertueux.
Par ce que nous avons ])eu coniprendre d'ung dis-
cours qui nous a esté faict par M. le légat , il semble
que le principal désir qu'a le pape est d'unir tous
les potentats chrestiens à s'opposer contre le Turc ;
et pourra estre qu'il ne tardera d'en faire parler au
roy.
M. le légat nous redoubla hier la plaincte des repré-
sailles que l'on accorde, au préjudice de ceulx d'Avi-
A M. DE VILLEROY. 269
gnon, et dn respect que le pape mérite qu'on lui porte.
Par La Fontaine nous en avons escrit au roy.
M. Taxis, attendant le retour de nostre courrier, est
allé jusques à Bruxelles. Il a dict avoir eu advis que sa
femme estoit à Textremité. Nous croyons plustost que
c'est pour informer le cardmal de ce qui s'est passé en
ceste negotiation.
Le marquis de Lullin , ambassadeur de Savoye , est
aussi allé à Bruxelles voir sa femme, qui est la veufve
du feu comte d'Egmont. Ils doibvent estre ici de retour
dedans huict jours.
M. le baron de loux nous escrit que M. de Montpen-
sier veult ici envoyer pour les affaires qu'il a avec
M. de Savoye. Nous ne sçaurions empescber qu'il ne
despense son argent à faire ici venir celui des siens
que bon lui semblera; nous sçavons assés que cest am-
bassadeur ne lui fera aulcune response qui le satisfasse.
Si M. de Montpensier nous envoyera quelques mé-
moires , nous ferons pour son service ce qui despendra
de nous.
Les advis que nous bailloit ledict baron de Joux tou-
chant les affaires de Daulpliiné, ne se sont trouvés que
trop vrais; et celui qui disoit que tout s'y portoit bien ,
et que M. de Savoye se vantoit d'avoir plus de forces
qu'il n'avoit à nostre advis , ne se donnoit pas grande
peine si M. de Lesdiguieres se perdoit ou non. Vous
cognoissés l'humeur et les divisions du pays ; le mal est
que le service du roy en souffre. Il y a long temps que
nous avions les mesmes advis , et eussions fort désiré
que Ton y eust peu pourvoir. Le Daulpliiné , le Lyon-
nois, le pays de Bombes, et ce que l'on a conquis en
Bresse, nous doibvent bien donner à penser. Il n'y a
presque poinct de forces pour le roy , il y a une très
270 • LETTRE
mauvaise intelligence entre les chefs; tout y est plein
d'envie et de confusion. Le bon Dieu , par sa grâce ,
nous veuille bien consoler et bien assister.
Monsieur, comme nous voullions bailler à la poste
ceste despesche, le courrier que ces ambassadeurs ont
despesché en Espaigne est reveneu.
Vous sçaurés , par la lettre que nous escrivons au
roy, qu'il en a apporté les pouvoirs que nous avons
demandés.
Nous accuserons par ceste ci la réception de deux
des vostres despesches datées du mesme jour 26 du
mois passé. Nous ne scaurions assés vous remercier du
soing quil vous plaist avoir de nous; vous le faictes
pour le service du roy; si recognoissons nous en toutes
vos lettres des marques particulières de vostre bonne
volonté en nostre endroict, dont nous vous demeure-
rons très obligés.
Nous avions sceu le malheur arrivé à M. de Crequy;
c'est une lourde perte. On nous avoit escrit la revanche
qu'en a eue M. de Lesdiguieres; mais nous avions peine
à le croire, jusques à ce que nous en ayés donné la
certitude. Comme vous dictes, ?*L de Lesdiguieres se
mesle , et à bon escient, d'exécuter nostre traicté ; si
avés vous peu juger par nos despesches que nous y
avions pensé, comme doibvent bons serviteurs du roy,
et que nous avions faict venir à quelque sorte de rai-
son l'ambassadeur de M. le duc de Savoye, qui ne sça-
voit rien de ceste nouvelle.
Qui s'arreste aulx petites choses ne parviendra ja-
mais aulx grandes ; tenons bien , et suivons ceste
maxime.
C'est une bien bonne nouvelle que M. de Mercœur
ait signé le traicté, et que la veille de Quasimodo il deust
\
A M. DE VILLEROY. ' 271
arriver à Angers, qui est le mesme jour que vous at-
tendiés M. Cécile. Vous estes en peine qu'Angers ne
soit pas astés grand pour le loger; il est Anglois , et
lui fault plus de satin qu'à ung aultre pour lui faire
ung pourpoinct. Nous espérons que M. le commandeur
Taxis sera de retour de Bruxelles dans ung jour ou
deux; cependant nous nous recommandons, etc.
• Du 'i avril Iv^qS.
CXII. — ^LETTRE
De MM. de Bellie^re et de Sillerj au roj.
Sire, estant ici de retour, le courrier que les am-
bassadeurs d'Espaigne ont despesché par devers leur
niaistre , et par vostre permission , a passé et repassé
par vostre royaulme. Nous n'avons voulleu faillir d'en
donner advis à vostre majesté, et lui dire que le prési-
dent Richardot nous a asseuré que ledict courrier a
apporté les pouvoirs signés de la main du roy d'Es-
paigne, et scellés en bonne forme, tels que nous leur
avons demandés pour traicter, tant avec les députés du
roy, de la royne d'Angleterre, que ceulx des Provinces
Unies, si tant est qu'ils veuillent entendre et estre
compris en ce traicté de paix , qui se negotie avec
vostre majesté ; il nous a dict qu'ils sont en la mesme
forme, et contiennent les mesmes clauses que celui qui
concerne vostre majesté, dont nous lui avons envoyé
copie. Toute la despescbe a esté envoyée à M. le car-
dinal d'Autriche, qui est à Bruxelles. Ledict sieur Ri-
chardot attend pour demain ou après demain le retour
du sieur Taxis, qui partit d'ici huict jours y a, par
1^1 LETTRÉ
lequel il espère avoir toutes nouvelles et certitude de
la volonté dudict cardinal. Nous avons opinion qu'ils
nous feront voir lesdicts pouvoirs pour en avoir la lec-
ture, comme ils feirent ci devant de ceulx qu'ils avoient
ici apportés pour traicter avec lesdicts députés, s'ils s'y
feussent trouvés avec nous ; et des lors ils nous dirent
qu'ils ne bailleroient poinct la copie de leurs pouvoirs,
si ce n'est aulx ambassadeurs se trouvant presens pour
traicter avec eulx, jugeant qu'il y alloit trop avant du
service et de l'honneur de leur maistre de bailler copie
de leurs pouvoirs à ceulx qui n'ont poinct de bonne
volonté de traicter.
Nous avons demandé audict sieur Richardot des
nouvelles de la santé de leur maistre; il nous a dict que
toutes choses sont en repos en Espaigne; que ce cour-
rier qu'ils ont despesché, ayant dict au maistre de la
chambre qu'il desiroit fort voir son roy, ledict roy le
feit entrer en sa chambre , où il dict qu'il le veit avec
ung fort bon visage, le teint vermeil; le prince estant
auprès de lui teste nue, et madame l'infante d'ung
aultre costé, qui tous deux se portoient bien; que le
roy d'Espaigne, se tournant vers madame l'infante, lui
dict en souriant : « Regardés, regardés ce courrier que
M. le cardinal nous a despesché. » Sire , par l'asseurance
que nous donne ledict sieur Richardot, il semble que
nous pouvons escrire à vostre majesté que ledict car-
dinal a les pouvoirs tels que nous les avons demandés
pour traicter avec ladicte royne d'Angleterre et Pro-
vinces Unies , qui est ung tesmoignage du soing que
vostre majesté a voulleu avoir d'eulx, et c'est chose
qui peult servir au repos de la chrestienté; mais, n'ayant
volonté de traicter, comme la pluspart tient qu'ils n'en
ont poinct, ils pourroient se prevalloir de ceste cour-
AU ROY. 273
toisie au préjudice des affaires de vostre majesté, se
declarans de voulloir traicter pour tenir ceste ne^o-
tiation en longueur, à quoi ils buttent principalement
par tout ce que nous comprenons de leurs actions, et
apprenons des propos dont ils se descouvrent en plu-
sieurs lieux, qui nous sont souvent rapportés.
La royne d'Angleterre se promet qu'il est impos-
sible , si cest affaire est teneu en longueur, qu'il ne
naisse quelque accident, qui fera que, veuille ou non
vostre majesté, elle sera contraincte de continuer la
guerre avec l'Espaignol. C'est le seul moyen qui lui
reste pour empescher que vostre majesté ne recouvre
Calais , ce qu'elle crainct comme la mort, ce que vostre
majesté juge trop mieulx pour sa grande prudence, et
que Dieu , qui l'a honoré de tant de grâces , l'a establi
roy de France pour conserver ses subjects en paix,
repos et félicité , et non pour assouvir les mauvaises
volontés de ceulx qui estiment que i'asseurance de leur
félicité despend de la ruyne des François et abaisse-
ment de vostre couronne. Ces considérations, sire,
nous font de plus en plus louer le sage et prudent ad-
vis qu'a ci devant pris vostre majesté de procurer et
moyenner de son pouvoir une bonne paix pour ses
confédérés, vouUant neantmoins et nous ordonnant,
attendeu la longueur dont jusques à présent ont usé
vosdicts confédérés, d'envoyer leurs ambassadeurs pour
traicter la paix ; ce qui ne peult estre que fort suspect
à tous ceulx qui en jugent sans passion , et non moins
préjudiciable à vos affaires, qu'il soit par nous passé
oultre à signer le traicté avec lesquels ambassadeurs
d'Espaigne et de Savoye, si tant est que nous demeu-
rions d'accord avec eulx des justes demandes que
vostre majesté a commandé de leur faire. En cela, sire,
MÉAT. DE DurLBSSIS-MoRIÏAY. ToME YIH. I 8
2^4 LETTRE, etc.
le moindre retardement et longueur ne peult estre que
bien fort dommageable ; car le terme accordé pour la res-
titution de tant de places , et qui vous sont de si grande
importance, ne court que du jour que nous aurons
de part et d'aultre signé l'accord, et remis entre les
mains de M. le légat.
Sire, nous avons voulleu aussi sçavoir dudict sieur
président Richardot si ce courrier a apporté le contresi-
gné dudict seigneur roy d'Espaigne touchant la restitu-
tion de Blavet. Il nous a asseuré que ledict contresigné
est dans la despesche qui a esté portée audict sieur
cardinal , et qu'il sera entièrement satisfaict , et de
bonne foi, à tout ce qui a esté par eulx promis. Ayant
sceu la volonté de vostre majesté sur la despesche que
lui a portée le courrier La Fontaine, nous obéirons
très fidèlement à tout ce qu'il lui aura pieu nous or-
donner.
Sire, nous supphons le Créateur, etc.
Du 3 avril iSgS.
CXIIL — ^LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messieurs , je vous ai escrit une lettre par la voye
de la poste , depuis l'arrivée ici du courrier La Fontaine ,
comme je vous ai escrit et envoyé par la mesme ad-
dresse plusieurs aultres devant sa veneue, de la récep-
tion desquelles vous ne m'avés donné aulcung advis,
dont j^ suis en peine.
Je vous ai mandé, par ma dernière datée du dernier
de mars, comment la royne avoit receu et pris k des-
LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc. 273
pesclie apportée parledict La Fontaine, duquel, ayant
sceu qu'il avoit rencontré par delà Orléans le courrier
envoyé en Espaigne avec le passeport du roy, nous
avons esté depuis tousjours attendans de vos lettres ,
comme nous faisons encores, pour sçavoir s'il a rap-
porté ce pouvoirpour traicter avec la royne d'Angleterre
et pour faire rendre Blavet, qu'il estoit allé quérir; car
nous ne pouvons rien advancer ici avec les ambassa-
deurs de ladicte royne sans cela, et sommes estonnés
que nous n'en ayons eu de vous aulcung advis encores ,
veu le temps qu'a peu arriver à Vervins ledict courrier,
qui a dict, en plusieurs lieux par où il a passé, ou
celui qui l'accompaignoit, qu'il portoit pour la paix la
carte blanche. On me l'a escrit d'Orléans. M. Cécile,
qui a desjà eu deux ou trois audiences, dict que sa
souveraine est preste de traicter, quand elle cognoistra
que c'est à bon escient que Ton le veult faire. C'est
pourquoi il est nécessaire que nous sçachions si Ton a
apporté ledict pouvoir; car sans cela nous ne pou-
vons rien advancer avec ledict Cécile. Esclaircissés
nous en donc, je vous prye, au plus tost.
Ceulx d'Hollande arriveront ici aujourd'hui. M. de
Buzenval est veneu devant, duquel nous avons appris
qu'ils sont plus bandés à la guerre qu'à la paix ; toutes-
fois, peult estre qu'ils changeront de conseil, quand
ils auront entendeu la resolution du roy , mesme si
ladicte royne ne s'y conjoinct, de quoi nous vous
esclaircirons ; mais je vous supplie nous escrire plus
souvent par les postes ordinaires que vous n'avés faict
depuis quinze jours, afin que nous sçachions comme
tout va; car, en vérité, cela peult plus servir que je
ne vous puis escrire. M. de Retz est allé prendre pos-
session de ia ville et chasteau de Nantes, où le roy dict
276 LETTRE DE M. DE VILLEROY, ete.
qu'il s'acheminera lundi. Cela estant, nous mènerons
avec nous lesdicts ambassadeurs. Et prye Dieu , etc.
Du 4 avril i5^8.
CXIV. — -V' LETTRE DE MADAME DE ROHAN
^ madame Duplessis.
Madame , ce porteur vous dira ce que je sçais des
nouvelles de deçà, bien que je crois que vous en soyés
assés advertie. D'ailleurs je vous dirai seulement pour
les miennes particulières, que la présence de M. Du-
plessis me rejouit en toutes façons, me promettant que
si mes affaires se doibvent faire, elles se feront par son
moyen; et, s'il ne s'y faict rien, je n'aurai poinct de
regret de n'y avoir essayé ce que j'aurai peu , croyant
que ce qui ne s'y fera poinct ne s'y pourra. Mes filles
ont eu beaucoup de regret de ne vous avoir poinct
veue en passant , ni mesme de n'avoir peu avoir com-
modité d'envoyer sçavoir de vos nouvelles. Mais le peu
de gens qu'elles ont, dont encores lors elles ne peurent
disposer, les empesclia d'avoir ce contentement. Remet-
tant toutes aultres nouvelles à ce porteur, je vous sup-
plierai, madame, faire tousjours estât asseuré de moi,
comme vostre obéissante et affectionnée à vous servir.
Catherine pe Parthenay.
D'Angers, ce 4 avril 1598.
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. 277
CKV. — -^LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sa femme.
M'amie, je sollicite tant que je puis les ordonnances
pour les garnisons; car la volonté du receveur n'est
pas bonne; mais le principal desordre vient d'ici, où
on préfère la nécessité qu'on y ressent à la nostre. J'ai
plainct surtout la peine que tu en reçois; mais il y sera
pourveu, premier que je les laisse en repos une fois
pour toutes. Nostre despesche se faict ; M. de Villeroy
n'y oublie rien. L'bomme n'est poinct chez lui ; mais
se cache chés ses amis, tantost en une maison, tantost
en l'aultre. Je prends advis, et mesme avec MM. les
presidens , de l'ordre qu'on aura à tenir pour la justice,
mesme pour ung solliciteur. Pour le surplus, le roy
approuvera ce que je ferai. Il fauldra prendre du loisir
pour y vaquer. J'ai escrit à M. de La Ganetiere affir-
mativement, car on le trouva parti. Je t'envoye ung
mémoire d'une aultre debte que m'a baillé M. le pré-
sident Vergne; il s'offre de composer. Il me tarde fort
que je n'aye nouvelles de M. Petit; car il est impos-
sible que tes douleurs de teste continuelles ne te tra-
vaillent fort. De 81. 63. je vois ce que tu m'escrit
par M. Benoist ; ce sont tousjours remises; mais pa-
tience, il ne nous en disent rien. Nous ne partons que
mercredi. Je t'embrasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers , ce 6 avril 1698 , au matin, en hasle.
3 78 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
CXVl. — -^LETTRE DE M. DUPLESSIS
J sa femme.
M'amie, je pense que nous aurons aujourd'hui nos-
tre ordonnance pour la garnison , et qu'il y sera pris
meilleur ordre pour Tadvenir. J'ai veu la despesche
que faict M. de Villeroy, où il ne manque rien. Je t'en
enverrai copie au premier jour; mais il la fault tenir
secrète. M. de Bouillon m'a parlé par deux fois, me
conseillant d'adviser aulx moyens d'en sortir, et s'of-
frant d'en parler au roy, pour resouldre avec MM. les
mareschaulx par où il en fauldroit passer. Il ne m'a
poinct dissimulé ce que j'apperçois bien aussi, que c'es-
toit à l'instance des parens offrant de l'abandonner,
s'il ne faisoit ce qui seroit jugé raisonnable. Je lui ai
respondeu que l'on ne m'avoit pas donné subject de
penser à cela, car je ne voullois pas traverser le chemin
de la justice où nous sommes. Je haste nos affaires tant
que je puis; mais les publics accrochent les particu-
liers, et tout se faict ici lentement. Il me tarde pour
que je te soulage en tes maulx. M. de Mouy arriva
hier au soir ici, que j'ai esté ftort aise de voir. Je l'ac-
commoderai avec M. de Villeroy. 8i. 63. nous vien-
droit bien à propos en beaucoup de sortes. Je t'em-
brasse, m'amie, de tout mon cœur.
D'Angers, ce 7 avril lôgS.
LETTRE, eic. 279
CXVIl. — -^^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj a M. de Villeroj,
Monsieur, par iioslre despesclie du 3 de ce mois,
nous avons faict response aulx deux vostres du 16 du
mois passé ; par ceste nous faisons response à vos deux
lettres des 9.9 et dernier dudict mois. Nous vous di-
rons en premier lieu , que M. Taxis est de retour de
Bruxelles, qui nous a asseuré d'avoir les pouvoirs du
roy d'Espaigne pour traicter avec la royne d'Angle-
terre et les Provinces Unies, qui sont en la mesme
forme qu'est celui qu'ils nous monstrerent, et dont
nous avons envoyé copie au roy pour traicter avec sa
majesté.
Ils n'estiment pas que ce feust l'honneur de leur
maistre d'envoyer à la royne d'Angleterre et Provinces
Unies la copie desdicts pouvoirs ; mais le président
Richardot et ledict Taxis asseurent sur leur honneiir
de les avoir; qu'aussitost que les ambassadeurs de la-
dicte royne et Provinces se présenteront en ceste con-
férence, qu'ils les leur communiqueront, comme est
la coustume entre ambassadeurs qui les recevront à
bras ouvert, et leur bailleront tout raisonnable con-
tentement au jugement du roy mesmes et de ses servi-
teurs; pryeront sa majesté d'y voulloir interposer son
auctorité , et donner le tort à celui qui l'aura. Nous les
avons pryés, pour donner plus de contentement au rov
et adoulcir l'aigreur des humeurs de ceulx de Hollande,
de leur accorder des à présent une trefve de six mois
ou trois pour le moins; ils ont dict que l'accord de
V
aSo LETTRE
ceste trefve, au lieu cVaclvancer la paix la reculeroit ,
et que se coiifîans en ceste trefve ils ne feroient compte
de venir en ceste conférence pour traicter de la paix ;
mais que , s'ils se resouldront d'y venir, ils traicteront
de toutes choses gracieusement avec eulx; ils ne se
sont voulleus obliger à la trefve , mais bien nous en
ont ils donné bonne espérance , si tant est qu'ils se
résolvent devenir en ceste conférence, à quoi, mon-
sieur, il semble que le roy les doibt conforter, s'ils ont
envie de traicter. Il semble que pour ce regard ils
seront satisfaicts. S'ils n'ont poinct envie de traicter,
nous ne voyons pas qu'il soit fort à propos de remuer
le faict de ceste trefve ; nous avons affaire à gens qui
voyent fort clair en leurs affaires, qui se défient des
Hollandois, et ne croiront qu'aulx effects.
Nous avons veu par vostre lettre , qu'au lieu où vous
estes l'on est en peine de trois choses , Tune que les
ambassadeurs d'Espaigne n'ont pas voulleu accorder
une trefve de six mois à ladicte royne et Provinces ;
l'aultre que l'on demande au roy la ratification du
traicté, ung mois après que les articles auront esté
signés , et après cela le serment ; le troisiesme poinct
concerne le refus que faict M. de Savoye de rendre au
roy le marquisat de Saluées.
Quant est de la trefve , nous en avons eu bonne es-
pérance, jusques à ce qu'il a falleu conclure le traicté,
et ne doubtons poinct qu'ils ne la leur eussent offerte,
comme ils ont faict au roy, s'ils feussent veneus traicter.
Quand ils font offert, le roy ne l'a pas voulleu ; l'ayant
de nouveau offerte, ou surseance d'entreprise, estans
entrés en souspçon que le roy ne voulloit pas la paix,
à cause de ce que nous rapporte La Fontaine, s'aug-
xnentant la deffiance, ils changèrent d'advis, et ont esté
A M. DE YILLEROY. l8l
plus fermes à nous refuser la Irefve que nous deman-
dions pour ladicte royne et Provinces. La Fontaine qui
vous porta nostre lettre, qui vous donnoit l'espérance,
porta aussi au mesme voyage une aultre lettre qui
contenoit le refus.
Si avons nousdesbatteu cest article fort obstineemenl,
ce que pour response ils nous ont dict, est que la dicte
trefve ne leur estoit poinct demandée par leurs enne-
mis, qui ne se declaroient pas seulement de voulloir
traicter; au contraire ceulx des Provinces Unies se
declaroient de ne voulloir en aulcune sorte entendre à la
paix, et partant que le conseil de leur offrir la trefve,
seroit très honteux el très dommageable à leur mais-
tre ; qu'ils ont faict leurs levées, se trouvent chargés
d'une très grosse despense pour l'entretenement de
leurs gens de guerre ; que la raison ne veult pas que ,
pour faire plaisir à leurs ennemis , ils consomment leur
armée , le temps et leur argent; disent que pour le re-
gard desdictes provinces , ils sont veneus ici garnis de
pouvoir suffisant pour traicter avec la royne d'Angle-
terre, qui n'eust rien concleu sans avoir telle ratifica-
tion du roy catholique qu'elle eust sceu désirer; à
quoi le cardinal d'Autriche s'obligeoit; que pour cest
effect avoit despesché courrier exprès en Espaigne.
Quand nous les avons requis d'accorder ladicte trefve
pour le respect du roy , ils nous ont dict qu'en faveur
du roy, ils ont accordé que si la royne d'Angleterre et
estats se veullent resouldre à la paix dans six mois
après la publication de ce traicté, ils seront receus et
compris en ce traicté , soubstenant avoir par là suffisam-
ment satisfaict à ce que le roy leur a faict dire , qu'il
ne voulloit traicter sans que ses confédérés feussent
compris au traicté , ce qu'ils accordent volontiers ^
282 LETTRE
et aultre chose leur a esté dicte cle la part de sa
majesté.
Quant au second poinct, qui est sur la demande
qu'ils font d'avoir la ratification ung mois après que
les articles auront esté signés et remis entre les mains
de iM. le légat , que l'on juge ce que l'on a peu et
deu faire.
Le roy, par sa despesche du 16 febvrier, nous or-
donne, estant d'accord de tous les poincts, de signer
les articles, les remettre, et par la mesme despesche
nous commande de faire instance que les places lui
soient restituées ung mois après les articles signés. Si
nous eussions peu estre d'accord de toutes choses,
lorsque nous reçeusmes ladicte despesche, des le 18
du mois passé ils eussent commencé à restituer les
places, ce que vous n'estimés pas qu'ils eussent faict,
sans avoir en main la ratification ; c'est le moins que
l'on pouvoit faire que de leur donner du parchemin
pour avoir de telles places ; cela estant , nostre accord
seroit bien plus public qu'il n'est.
La Fontaine n'est pas de retour; et, quand il sera
veneu , il fault negotier , signer et remettre le traicté ,
et après cela il y a encores ung mois ; mais l'on dict
que l'on oblige cependant le roy à ung serment, l'af-
faire se publie, et il n'a rien en main. Il vous plaira
de considérer nostre despesche; en leur baillant la ra-
tification , ils sont teneus de nous bailler les ostages :
cela est devant le serment ; depuis qu'ils auront la ra-
tification , l'affaire est publié; estant le traicté pu-
blic, comme leur peult on refuser le serment, sans les
mettre en deffîance, et vous en danger de demeurer
frustrés de vos places? et l'exemple et la nature de la
chose ne pennettroit pas que nous insistassions a leur
A M. DE VILLEROY. 28?*
refuser la ratification comme ils l'ont demandée, puis-
que , suivant l'exprès commandement du roy , nous les
requérions de ne faillir ung seul jour à la promesse
qu'ils ont faicte de la restitution des places. Si vous
voullés que l'affaire soit teneu plus longuement secret,
ne baillant ratification, et ne faisant serment, il fault
par nécessité que l'on se résolve à attendre plus lon-
guement en la restitution des places. Si c'est le service
du roy ou non, nous vous le laissons à juger. Leroy afaict
envers ses confédérés tout ce que requiert l'office d'ung
bon ami ; il les a advertis des long temps de la resolu-
tion qu'il a prise de traicter le paix auparavant que
d'entrer à traicter ; il a voulleu qu'on lui accordast
que ses confédérés seroient compris au traicté. Depuis
trois mois en ça, on les attend en ce lieu, où ils
n'ont faict compte de venir; il a faict obtenir les pou-
voirs du roy d'Espaigne pour traicter avec eulx tels
qu'ils peuvent désirer ; il leur faict accorder six mois
pour estre compris en ce traicté , si tant est qu'ils le
désirent ; il a ordonné à ses ambassadeurs de leur
faire en ce traicté toute assistance , et en toutes choses
raisonnables les favorisera de son auctorité ; que peu-
vent ils , avec raison , demander dadvantage de leur
ami, si ce n'est qu'ils soient resoleus, par le moyen de
telles longueurs, faire en sorte que le roy demeure
frustré de la restitution de ses places, engagé à per-
pétuité en ceste guerre, se jouant le jeu sur son ta-
blier, à la ruyne totale de ses bons subjects ; ce que ses-
dicts confédérés ne doibvent pas voulloir s'ils sont ses
amis: s'ils ne sont ses amis, on ne les doibt pas croire.
Nous obmettions à vous dire que ledict sieur Taxis
nous a asseuré d'avoir veu le contresigné de Blavet
entre les mains du cardinal d'Autriche, qui asseure
284 LETTRE
que pour ce regard il n'y aura poinct de faulte, ni
aussi en tout ce qu'ils ont ici promis pour le roy d'Es-
paigne : il nous a aussi dict qu'il n'y a aulcung doubte
que le mariage dudict cardinal ne soit concleu avec
l'infante.
Et quant à la cession des Pays Bas en faveur de ce
mariage, que le roy d'Espaigne s'y monstre de plus en
plus resoleu , ayant mesmeinent veu le consentement
de toutes les provinces ; asseure aussi de la bonne
santé du roy d'Espaigne, de l'inclination qu'il a à la
paix; c'est ce que nous avons appris de ces ambassa-
deurs avec lesquels nous avons esté ceste après disnee
tout entière.
Ledict sieur Taxis nous a dict que M. le cardinal
archiduc supplie le roy d'une courtoisie qui est que ,
se resolvant ce traicté entre nous, il plaise à sa majesté
nous envoyer ici quelques passeports , afin qu'il aye
moyen d'escrire et se conserver en la bonne grâce de
sa maistresse. C'est à vous aultres , messieurs, qui estes
amoureux, à penser ce qui se doibt accorder à ung amou-
reux ; si vous dictes que ce cardinal est ung sainct
homme, qu'il ne se doibt inesler de telles choses, soub-
venés vous de ce que disoit feu M. le cardinal de Bour-
bon, le roy putatif, qu'il n'y a chaleur que d'ung jeune
presbtre.
Il reste à parler du troisiesnie poinct qui est la res-
titution du marquisat de Saluées ; excusés nous, mon-
sieur, si nous vous disons que d'accepter l'arbitrage
tel qu'il est proposé , n'est pas faire perdre ce marquisat
au roy soubs prétexte dudict arbitrage : nous désire-
rions qu'il feust desjà recouvert par la force; il peult
survenir que le roy sera empesché ailleurs, comme en
A M. DE VILLEROY. 2^5
ce royaulme, depuis trente cinq ans en ça, il n'y a eu
jamais faulte d'exercice.
Le roy d'Espaigne s'entreniettant en cest affaire pour
la deffense de son gendre , ia partie seroit assés forte ,
et se pourroit dire qu'il semble qu'il y a plus d'asseu-
rance de recevoir bientost ledict marquisat par le
moyen dudict arbitrage , que si on employera les ar-
mes. Quand le roy dira au pape (ju'il se soubmet à
son arbitrage pour estre jugé selon les formes au
droict, il est impossible au pape de le condamner en
une si juste cause , et M. le légat et père gênerai ne
font poinctde doubte que le roy ne gaigne sa cause par
la sentence du pape, de l'exécution de laquelle on ne
doibt doubter ; car le roy d'Espaigne ne sçauroit hon-
nestement soubstenir son gendre en une si mauvaise
querelle , et le pape ne souffriroit que l'on se mocquast
de son jugement ; et cependant le roy recouvroit les
places qui lui sont occupées. Ores, monsieur, bien
que nous ayons vivement desbatteu tout ce qui se peult
dire pour la justice de la cause du roy, si est ce que
voyant que l'on veult imprimer au roy une opinion
pour aultre, il nous a semblé de vous en debvoir dire
ce que nous en pouvons juger.
Quant à M. le légat, il nous a dict par plusieurs
fois qu'il seroit meilleur que ce marquisat feust sub-
mergé en la mer, que si, à l'occasion d'ung si petit
pays, qui ne peult valloir que quatorze mille escus à
son maistre, la chrestienté sera privée de l'espcrance
qu'elle a conceue de jouir d'ung repos universel , qu'il
a pieu à Dieu maintenant de mettre entre les mains du
roy; nous remonstrant que le pape qui s'est si franche-
ment employé pour persuader le roy d'Espaigne à la
restitution des places qu'il occupe sur ce royaulme ,
lS6 LETTRE
se promet que le roy ne le vouldra pas escondiiire
d'une si saincte pryere qu'il lui faict de voulloir don-
ner au bien public le mescontentement qu'il a conceu
contre M. de Savoye ; ce qui pourroit nourrir et ac-
croistre ung grand feu parmi toute la cbrestienté ; car
remonstrant ledict duc à son beau père , que, traictant
seul avec le roy, sa majesté lui a offert, dix mois y a,
de condescendre audict arbitrage , non comme il Tavoit
demandé, mais comme sa majesté l'a voulleu accorder
et signer de sa main , il semble impossible que ledict
roy d'Espaigne le peust abandonner , n'y presser plus
avant pour le présent.
Nous a dict en oultre ledict sieur légat , qu'il n'y a
chose en ce monde que sa saincteté affectionne tant
que cest accord qui lui est à cœur plus que n'estoit le
recouvrement de Ferrare ; car sans Ferrare son estât
pouvoit subsister ; sans cest accord toute la cbrestienté
court ung merveilleux danger ; que sa saincteté ne de-
mandoit chose qui feust au préjudice, ni de l'honneur ,
ni des affaires de sa majesté: quant à l'honneur, la
mesme raison, et le mesme interest se pouvoit dire et
considérer il y a dix mois , quand sa majesté accorda
ledict arbitrage , ce qu'elle n'eust faict s'il y feust allé de
son honneur.
Quant au bien des affaires de sa majesté , ce qu'on
lui accorde de rendre est d'autre considération que n'est
ce marquisat ; par cest accord , il n'est en aucune sorte
prejudicié aulx droicts qu'elle a audict marquisat de Sa-
luées : on diffère seulement pour quelque peu de
temps la dicte restitution de ce qu'elle estime lui deb-
voir estre rendeu tout présentement ; et , quand il au-
roit pieu au roy de consentir à ceste ouverture, nous
n'aurions pas failli de déclarer et protester que c'est seu-
A M. DE VILLEROY. 287
lernent pour s'accommoder en la forme, afin d'advan-
cer , ou de n'empescher la conclusion d'une bonne
paix ; mais que son intention est d'avoir ce qui lui ap-
partient, et ne lui peult estre desnié. Monsieur, nous
n'estimions pas qu'il escheust de vous escrire si ample-
ment de ces affaires : vostre lettre nous en a donné le
subject : comme nous vous avons dict par nos précé-
dentes , il n'y a rien plus à disputer avec ces ambassa-
deurs ; il fault prendre ou laisser , à quoi nous confirme
ce que nous a dict M. le président Richardot en parlant
du retour de nostre courrier; que s'il ne plaist au roy
de trouver bon ce qu'ils nous ont peu accorder, ils
n'ont rien plus à faire ici qu'à s'en retourner en leurs
maisons. Nous pryons Dieu, monsieur, de voulloir
inspirer et mettre au cœur du roy le conseil qui lui est
plus utile.
Nous ne pouvons que louer la resolution qu'a prise
sa majesté, de ne différer plus long temps à appro-
cher de cesle frontière de Picardie.
Nous ne dirons pas que nous n'aimions la paix , et
ne desirions de tout nostre cœur le repos du roy et
de son estât , et n'avons plus grande passion que de
servir sa majesté selon ses volontés ; si la guerre con-
tinue, il fauldra boire beaucoup de coup d'arquebuses
avant que l'on ait pris par force ce que Ton consent
de rendre par accord; oultre que, comme bons subjects
nous aimons le roy , nous jugeons que la vie et la mort
de ce royaulme dépendent de la conservation ou de
la perte de sa majesté , qui ne va pas à la guerre par
procureur.
Nous loucherons ung aultre poinct, comme ceulx
qui aimons et affectionnons en toutes choses le repos
de l'eslat. Vous ne pouvés ignorer que le pape n'en-
2 88 LETTRE, etc.
tende avec ung merveilleux degoust ce que Ton ac-
corde de nouveau à ceulx de la relligion , et pleust à
Dieu que cela feust seulement à Rome, et que nous
feussions tous assés sages en France ! Il n'y a rien qui
puisse plus adoucir l'esprit dit pape, et l'aigreur de
ceulx qui veullent estre plus sages que les aultres , que
le contentement que l'on recevroit de ceste paix. Toutes
choses vous sont devant les yeux mieulx qu'à nous.
Dieu, par sa grâce , veuille mettre le tout en bien !
Nous avions sceu ce qu'est adveneu en Daulphjné
et Savoye : la prise au. fort de Barrault nous a remis
le cœur; si avés vous peu cognoistre que nous avions
pensé à ce que pour ce regard pourroit advancer le
service du roy.
Nous estimons que les Savoysiens ne se monstreront
pas si impudens que d'en vouUoir demander la démo-
lition ; c'est à sa majesté à faire de ce fort ce que bon
lui semblera.
Quant à La Fortune , nous estimons qu'il n'est que
bien à propos pour le service du roy que ce soldat de
fortune soit du tout abandonné de M. de Savoye. Il n'y
a pas grande asseurance sur ce qu'ung tel galand a
promis à M. le mareschal de Biron.
Pour le regard de Berre, nous n'avons pas sceu
qu'aultre que M. de Savoye ou le roy d'Espaigne se
meslent d'en payer la garnison ; quoi que ce soit , estant
celui qui y commande abandonné desdicts roy et duc ,
sa journée ne pourra pas beaucoup monter. Nous nous
recommandons, etc»
Du 7 avril iSgS.
LETTRE DE M. DE PIERREFITE, etc. 289
L.%.^V'*^».'**^m^fc/%^<'^'% w^-^ '%/^/»»^fc'^»»^^-fc^^%.^%.^^-v ■^^•%%.'-^^'X^m^^.'^'fc*'%^*-'^».^^X/-m-'^
CXVIII. — ^ LETTRE DE M. DE PIERREFITE
J madame Duplessis.
Madame , nous pensions partir ce matin pour
Nantes, mais le roi s'est ravisé de séjourner encores
cejourdlîui. Les lettres pour le parlement sont faictes
et fort bien. Apres avoir veu M. de Mouy, il m'a
fort entreteneu de s'entremesler d'accord, avec de
grandes protestations qu'il n est poinct neutre, mais
du tout à Monsieur , lequel il trouve peu disposé. Je
n'ai encores eu loisir de lui en dire, à bon escient,
mon; advis ce qu'il est d'y entendre, et me semble
qu'il ne se peult trouver ung instrument plus propre
pour faire comparoistre Sainct Pliai, que mondict sieur
de Mouy, lequel s'y gouvernera comme on vouldra.
Sa majesté avoit , comme vous sçavés, commandé à
MM. d'Avaugour et de La Rochepot de faire que ledict
Sainct Pliai se rendist au chasteau d'Angers ; mais , à
mon advis, Tung d'eulx n'estoit aiilcunement propre
pour le lui conseiller. Je désire fort de vous voir hors
de cest affaire, et le seul moyen est de le faire com-
paroistre, et mondict sieur de Mouy est extresmement
propre pour cela : aultrement j'y prévois une très
grande longueur et péril de plus grand inconvénient.
Je ferai ce que je pourrai pour le faire trouver bon à
mondict sieur. On a teneu conseil , sur la demande de
l'ambassadeur des Pays Bas, ce soir fort tard. Je ne sçais
ce qui aura esté resoleu pour nostre affaire. On nous
regratte tousjours quelque chose, et à ceste heure on
vient diminuer la somme promise. J'espère toutesfois
M^M. DE DUPLESSTS-MORN \y. ToME VIIT. IQ
290 LETTRE DE M. DE PIERKEFITE, etc.
que nous en sortirons. Pour mon particulier, le sieur
de Boumanfray est ici, avec lequel j'espère m'accorder
aiseement.
D'Angers, ce 8 avril iSgS.
CXTX. — ^ LETTRE DU ROY
J MM. de Bellievre et de SUlerj,
Messieurs de Bellievre et de Sillery, j'ai différé de
respondre à vostre despesche du 26 du mois passé,
receue le 3o par ce porteur, jusques à ce que les dé-
putés des provinces unies des Pays Bas feussent arrivés
et que je les eusse ouïs, comme j'avois faict les am-
bassadeurs de la royne d'Angleterre, ma bonne sœur
et cousine, afin de vous faire ma response entière et
parfaicte, comme yous trouvères par la présente; ores
lesdicts députés n'arrivèrent ici que le 4 de ce mois : je
les vis le lendemain ; mais il a bien falleu employer trois
bons jours de temps à traicter avec eulx devant que
j'aye peu fonder une bonne et solide resolution; car,
à vous dire la vérité, je les ai trouvés au commence-
ment si farouches et aliénés de la paix, qu'a grand
peine ai je peu seulement les rendre capables de raison
et nécessité , qui m'ont forcé de permettre que la nego-
tiation en ait esté entamée, tant est grande l'appré-
hension qu'ils ont du mal que peult apporter à leur
estât le bruict d'icelle paix ; en quoi je puis dire que
les Anglois les ont plustost fortifiés que desmeus,
combien qu'ils m'ayent teneus et à plusieurs de mes
:serviteurs des langages tous contraires à cela, comme
ceulx qui estans incertains de ce qu'ils veullent faire,
LETTRE DU ROY, etc. aqi
ont pour but de nous faire nnger ou noyer dans la mer
de leur incertitude et irrésolution naturelle et arti-
ficieuse, pour continuera triompher de nos calamités
et misères; de quoi je me suis plainct si vivement aulx
ungs et aulx aultres, qu'enfin j'ai commencé à amollir
aulcunement la dureté des ungs, et à disposer les
aultres d'entrer en ladicte paix. Sur quoi est arrivé bien
à propos vostre lettre du 3 de ce mois, par laquelle
vous m'avés adverti de la réception du pouvoir pour
traicter avec eulx, qui a esté apporté d'Espaigne par
le courrier qui y avoit esté despesché; car en ayant
adverti lesdicts Anglois, et leur ayant faict dire que je
ne pouvois ni voullois retarder dadvantage ma reso-
lution, cela les a esmeus , de façon qu'il semble main-
tenant qu'ils se disposent d'envoyer à Vervins queî-
qu'ung d'eulx pour voir ledict pouvoir duquel ils veul-
lent que je croye qu'ils doubtent encores, pour ce que
vous ne l'aviés encores veu , et prendre part au traicté
qui s'y faict, duquel ils ont appris plus de nouvelles
qu'ils n'en sçavoient par une despesché interceptée du
cardinal d'Autriche au roy d'Espaigne, jettee en mer par
ceulx qui en estoient chargés, laquelle a esté recueillie
et peschee par aulcungs pescheurs anglois, dont je n'ai
sceu que ce qu'ils m'ont voulleu dire, qui est ce que
vous verres par ung mémoire que je vous envoyé. Si
lesdicts ambassadeurs ont volonté de traicter à bon
escient et de bonne foi ou non , je n'en puis respondre;
mais je ne doubte poinct qu'ils ne soient très marris
que Calais me soit rendeu , et partant qu'ils ne fassent
soubs main ce qu'ils pourront pour m'y traverser par
une voye ou par aultre; c'est pourquoi il fault asseurer
nos affaires devant qu'ils soyent par delà, si faire se
peult.
292 LETTRE DU ROY
Quant à ceiilx des Provinces Unies , j'ai à demi vaincu
leurs députés , de sorte qu'ils ne se défendent plus que
du commandement absoleu qu'ils ont apporté de leurs
supérieurs de ne parler d'aultre chose que de la conti-
nuation de la guerre; car ils recognoissent à présent
que leurs moyens doibvent céder à nos nécessités, ou
pour mieulx dire impossibilités , et leurs offres à nos
raisons , et qu'ils empireroient par trop leur condition
s'ils vouUoient s'opiniastrer à soubtenir seuls le faix de
la guerre, la France et l'Angleterre s'accommodans;
mais ils désirent que nosdictes raisons soyent repré-
sentées à leurs supérieurs par aultres que par eulx , pour
la craincte qu'ils ont d'estre mal veneus s'ils s'en char-
geoient, et pour leur faire mieulx gouster et recevoir;
de sorte que je prévoie qu'il sera nécessaire que j'en-
voye encores quelqu'ung en Hollande exprès pour cest
effect, comme je ferai volontiers quand je cognoistrai
le pouvoir faire utilement, et pour ce faire il est né-
cessaire que je sois asseuré de la délibération des Es-
paignois sur ceste ouverture; mais il est besoing sur-
tout qu'ils me donnent le loisir de traicter ce faict avec
eulx, en s'abstenans de faire aulcung acte d'hostilité
contre eulx, durant trois ou quattre mois que l'on
pourra employer en ce voyage , de peur d'irriter dad-
Yantage les esprits de ceulx desdictes provinces , et
pour donner plus de créance à mes raisons; les-
quelles engendreroient en eulx ung desespoir plustost
qu'ung esprit de reconciliation, si, lorsqu'elles leur
seront proposées, ils se voyent assaillir par lesdicts
Espaignols , et abandonnés de moi et de ladicte royne
d'Angleterre.
J'ai bien considéré les raisons qui nous ont esté allé-
guées par les députés dudict cardinal contre ladicte
A MM. DE BELLTEVRE ET DE SILLERY. ^gS
cessation d'armes ; mais raccordans à moi , et non aulx-
dicts estats, tant s'en fault qu'elle leur soit honteuse
que je tiens pour certain qu'elle leur sera honorable et
utile; car quelle plus grande gloire peult acquérir ung
prince que d'user de bonté envers ses subjects, et les
raddresser au droict chemin de leur debvoir, quand ils
en sont desvoyés, par doulceur plustost que par la ri-
gueur des armes? Vous sçavés que je m'en suis bien
trouvé d'avoir practiqué ce remède ; et pouvons dire
que le roy d'Espaigne s'est très mal trouvé d'en avoir
usé jusques à présent aultrement. Je sçais bien que nos
peuples n'estans de mesme naturel, il fault aussi les
traicter et se comporter envers eulx diversement; mais
aussi fault il considérer que les saisons ne sont pas
tousjours semblables, ni les peuples d'une mesme vo-
lonté; quand ceulx desdictes provinces qui ont vescu.
assés heureusement que le roy d'Espaigne a faict la
guerre en France , sçauront que je me suis accordé
avec lui , et que la royne d'Angleterre est en termes
d'en faire autant, que je leur conseillerai de prendre
ce mesme chemin , et qu'ils cognoistront pouvoir ac-
quérir du repos par mon moyen , et qu'ils y seront en.
mesme temps conviés de plusieurs aultres endroicts, et
mesme par la debonnaireté dudict cardinal , qui doibt
estre leur seigneur , il fault espérer qu'ils changeront
de propos, comme ont jà faict d'opinion leursdicts
députés qui sont ici ; ou au contraire il est à craindre
que, si on entreprend de les avoir par la force, ils
prennent des conseils désespérés, et qu'estans puissans
comme ils sont , au lieu de les subjuguer , on les fortifie ;
et pour estre les evenemens des armes si incertains qu'ils
sont, joinct que ce dernier remède ne peidt fuir audict
cardinal, quand l'aultre ne lui succédera heureuse-
294 LETTRE DU ROY
ment; mais il ne recouvrera jamais l'occasion de pro-
fîcter de l'aultre, s'ils rejettent celle qui se présente;
ils opposent à cela les deniers qu'ils employent à en-
tretenir leurs gens de guerre, lesquels ils ne veullent
consommer inutilement , ni les grandes forces qu'ils
ont assemblées avec le long temps, et d'autant plus
qu'ils ne recognoissent aulcune inclination à la paix de
la part desdicts estats des Provinces Unies. A quoi je
responds qu'il est quelquesfois expédient pour sortir
d'affaires de perdre ou se relascher de quelque chose,
pour ne faciliter et ne perdre l'espérance d'ung profict
si advantageux que seroit celui de la reconciliation des-
dictes provinces avec eulx , s'ils la peuvent obtenir,
contre lesquels ils ont ci devant employé et consommé
tant d'années, d'armes et de sommes de deniers^ sans
en pouvoir venir à bout, encores qu'elles feussent
beaucoup plus foibles qu'elles ne sont, et qu'elles ne
peuvent estre plus abandonnées et délaissées de toutes
parts qu'elles estoient lors. Dadvantage, quelle honte
me sera ce que j'abandonne tout à faict , et du premier
coup, lesdictes provinces, de sorte que ce commence-
ment de la paix que je ferai avec mes ennemis et les
leurs, contre lesquels ils m'ont fidèlement et coura-
geusement assisté, soit le commencement de leurs tra-
vaux, et ung acheminement a leur ruyne! Geste consi-
dération me touche au cœur plus vivement que je ne
vous puis escrire , et d'autant plus que je vois que
leurs députés s'estans laissés esbranler à mes raisons ,
me font espérer que leurs supérieurs en pourront faire
de mesme par mon entremise , les choses estans con-
duictes avec prudence et modération ; ce n'est pas
comme s ils estoient obstinés et irréconciliables ; car
en ce cas je serois suffisamment deschargé de les aban-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. agS
donner, après m'estre mis en debvoir de les rendre
capables de la raison; et fault que je ne vous die que
je ne nie vois tomber, par le refus que vous ont faict
lesdicts Espaignols de la cessation d'armes que vous
avës proposée , en la fosse pleine de honte et de re-
proche , en laquelle j'ai preveu des le commencement
que me feroit tresbucher cestc negotiation, qui est
l'abandon et séparation honteuse de mes alHés; à quoi
trop de personnes ont conspiré , comme ils continuent
encores de faire avec moins de prudence, ce me semble,
que d'utilité pour eulx ou pour le public ; car si tant
est que nostre sainct père ait intention de liguer en-
semble les princes de la chrestienté pour faire la guerre
au Turc, il fault qu'il commence par une paix géné-
rale* car si la guerre dure en quelque endroict, ou
elle en engendrera d'aultres , ou chascung par jalou-
sie conservera et mesnagera en soi ses moyens et ses
forces sans s'en desgarnir, et permettre qu'elles servent
ailleurs; au moyen de quoi il est nécessaire que ledict-
cardinal accorde ladicte cessation d'armes, s'il a autant de
volonté de la paix qu'il en faict de démonstration. Vous
sçavés le fruict que j'ai recueilli des trefves et surseances
d'armes que j'ai quelquefois accordées en ce royauîme
contre mes subjects rebelles. Ce peu qu'il bazardera en
cela facilitera et asseurera du tout nostre accord , et en
produira peultestre ung aultre qu'il n'acquerra de long
temps à prix d'argent , ni à la poincte de l'espee.
Je vous prye de remonstrer toutes ces raisons aulx-
dicts députés, y adjouster encores celles dont vous
pourrés vous adviser, ramentevoir à M. le légat ce
que je lui ai tousjours dict sur ce subject, et pareille-
ment au père gênerai des cordeliers, et vous soubvenés
des espérances que vous m'avés données ci devant de
296 LETTRE DU ROY
la facilité d'obtenir ceste surseance , quand elle seroit
demandée, sans laquelle peult estre je ne me feusse
pas tant engagé que j'ai faict audict traicté; et sur ce,
dire aulxdicts légat , gênerai et députés qu'en me con-
tentant sur ce poinct , vous aurés charge d'accorder
tous les aultres, ainsi qu'il en suit, et de dresser en
forme et de signer, des à présent, les articles de nostre
accord , pour estre mis entre les mains dudict sieur
légat, ainsi qu'il est proposé.
Premièrement , j'approuve les articles concernans
la restitution des places qui m'appartiennent avec tout
ce qui en despend, suivant vostre mémoire du i[\ feb-
vrier, et ma response sur icelui portée par ma lettre
du i4 mars, et partant que les deux mois dans lesquels
on promet d'accomplir ladicte restitution , commen-
cent à courir du jour de la signature desdicts articles
déposés, ainsi que dict est, entre les mains dudict
légat; que la ratification en soit baillée et les ostages
livrés ung mois après la signature, afin de me donner
plus de loisir de joindre mes alliés en ce traicté avec
moi , comme je prétends et espère de faire.
Quand les ostages auront esté livrés, je veux bien
faire le serment que l'on désire de moi , entre les mains
de ceulx que ledict cardinal d'Autriche députera; mais
aussi je vouldrois estre asseuré d'estre remis dedans
mesdictes villes , ou pour le moins dedans Calais et
Ardres, par où on doibt commencer trois, quattre ,
six ou huict jours au plus après ledict serment preste,
sans attendre que lesdicts deux mois soient du tout
expirés, parce que je ne vous puis celer, voyant
mesmes qu'ils font difficulté d'accorder ladicte sur-
seance d'armes , que je ne sois en grande deffiance
qu'ils désirent de moi toutes ces démonstrations d'ac-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE STLLERY. 297
cord , plus pour intimider et désunir mes alliés d'avec
moi que pour effectuer leur promesse; car, comme ils
sont gens qui font fort peu de compte de leur parole
et réputation, où il va de leur profict, je doibs crain-
dre qu'après qu'ils m'auront faict faire le sault, qui
me séparera d'avec mes amis , qu'ils fassent naistre
des difficultés en ladicte restitution qui me privent
d'icelles; au moyen de quoi faictes tant qu'ils l'abrè-
gent au moins pour une partie desdictes villes, pour
la seureté des aultres.
Et cependant qu'i]^ réduisent la garnison de Blavet
à deux ou trois cens hommes au plus, après la signa-
ture desdicts articles , et je ferai accommoder de navires
les gens de guerre qui en sortiront, pour les transpor-
ter en Espaigne , et non aulx Pays-Bas, de peur qu'ils
fassent quelque mauvaise rencontre par les chemins ,
ou que mes alliés ne me reprochent le passage des-
dictes forces, à la charge aussi qu'ils donneront les
seuretés nécessaires pour le renvoi desdicts vaisseaux
et navires.
Mais vous pryerés de ma part mon cousin le légat,
puisqu'il a tant enduré et travaillé pour faire la paix,
qu'il ne s'esloingne de ma frontière que ladicte resti-
tution ne soit faicte , ou du moins commencée, ainsi
que dict est ; car comme sa présence asseurera gran-
dement l'exécution d'icelle, aussi son esloingnement
m'en mettroit en grand doubte, lui disant que j'espère
estre si près de lui dedans ce mois, qu'il n'aura pas
grand chemin à faire pour me trouver , non plus que les
députés que ledict cardinal d'Autriche envoyera pour
recevoir mondict serment. Ores je me promets tant
de l'amitié dudict sieur légat, qu'il ne me refusera
ce temps pour me rendre jouissant du fruict qu'il
298 LETTRE DU ROY
m'aura procuré; vous l'en pryerës donc très instam-
ment.
Quant au faict du duc de Savoye,je suis content
pour le bien de la paix , accorder que nostre sainct
père le pape sera arbitre de tous les différends que j'ai
avec lui, suivant mon escrit du 4 de juin 1597, aulx
charges et conditions portées par vostre lettre du 4 de
mars , y adjoustant ce qui est nécessaire pour les offi-
ciers qui m'ont servi en Piedmont , et au marquisat de
Saluées, suivant ung mémoire que je vous ai envoyé,
et dont je vous renvoyé encores Je double , parce que
vous ne m'avés adverti de la réception d'icelui , et que
mes aultres subjects qui ont des biens en ses terres, et
les siens qui m'ont servi en ceste guerre soient aussi
traictés comme il demande que le soient les miens
qui l'ont servi, au nombre desquels j'entends que ma
cousine, l'admirai de Chastillon, soit comprise et nom-
mée, afin de la tirer de la perplexité en laquelle elle
est reduicte pour le seul respect de mon service; par-
tant vous en ferés instance.
Vous n'oublierés pas de comprendre ceulx de Ge- '
neve audict accord, et nos aultres alliés et amis que
vous sçavés y avoir interest , afin qu'ils puissent jouir
du bénéfice d'icelui.
J'entends aussi qu'en accordant ce que dessus au-
dict duc de Savoye , qu'il me rendra Berre franche-
ment et quittement, et sans aulcune démolition de la
place , ni des fortifications d'icelle , suivant vostre lettre
du 2 5 de mars. Il est vrai que je vouldrois qu'il abre-
geast le terme qu'il demande de deux mois, à ung, ou
à six sepmaines, pour tant plus tost recevoir des effects
de sa foy et de ses promesses , de quoi je me remets
à vous.
A MM. DE BFXLIEVRE ET DE SILLERY. 299
Quant au fort de Barrault, je prétends le retenir et
garder, puisque je Fai si bien et loyaulment acquis, et
qu'il est basti sur mon fonds. Partant il ne sera besoing
d'en parler, non plus que de la démolition de la tour
de Cbarbonnieres; mais ne sera que bon d'y faire em-
ployer le desadveu du capitaine La Fortune pour
Seure, encores qu'il soit prest à s'accorder, et me quit-
ter du tout la place, comme m'a escrit depuis deux
jours mon cousin le mareschal de Biron.
Puisque lesdicts Espaignoîs ne veullent bailler que
quattre ostages pour asseurer la susdicte restitution
de mes places, il fault s'en contenter, et demander de
qualité et de service , et qu'il y ait deux Espaignoîs , et
entre aultres l'admirai d'Aragon. Je me remets à vous
du cboix des aultres, dont vous me donnerés advis;
comme il fault accorder, si l'ung desdicts ostages de-
cedoit devant Tentiere restitution desdictes places,
qu'ils m'en livreroient ung aultre, aussi à mon cboix,
afin que nous demeurions tousjours nantis de ce gage
jusques à ladicte restitution.
Je vous répéterai derecbef que je serai très marri et
en grande peine s'ils continuent à mé refuser ceste sur-
seance d'armes que je leur demande pour l'Angleterre
et les estats des Provinces Unies, pour les raisons ci
dessus deduictes ; car je ne vois pas que je me puisse
développer honorablement de laliiance que j'ai avec
eulx , si je n'obtiens ce délai. Puisque la royne déclare
qu'elle veult traicter des à présent, et que les députés
des aultres ne me désespèrent d'y pouvoir disposer leurs
supérieurs, ce sera en ma fiiveur et considération, et à
mon instance, que ladicte surseance sera accordée, et
non de ladicte royne ni desdictes pjovinces; de sorte
que tant s'en fault qu'elle soit honteuse au roy d'Es-
3oo # LETTRE DU ROY
paigne, pour n'avoir esté demandée par les auitres;
que coinme il m'obligera par icelle à faire que les auitres
l'acceptent, elle lui sera honorable; il fault espérer
aussi qu'elle lui sera très utile , et principalement au-
dict cardinal, pour favoriser ses prétentions; d'autant
que lesdicts estats l'accepteront plus tost, voyant que je
leur respondrai de l'observation d'icelle, et que ma foi
y sera engagée. Et fault espérer que ce commencement
d'adoulcissement les acheminera à la reconciliation que
doibt désirer ledict cardinal, pour faciliter et asseurer
son establissement aulxdicts pays , si tant est que le roy
d'Espaigne contineue en ce desseing , dont je vois que
les Anglois et les Hollandois doubtent plus que jamais.
Partant je vous prye mettre peine de nous en esclair-
cir, afin de m'en advertir; car comme on ne voit en-
cores aulcungs préparatifs du mariage et passage de
l'infante , plusieurs infèrent de là que le bruict a esté
publié pour nous tromper tous. Ores , j'ai si à cœur le
délai pour mes alliés , que je vous prye derechef de
l'obtenir; car, sans cela, je ne puis me deslier d'avec
eulx sans faire tort à ma réputation et à ma foi ; et
comme je ne puis me persuader qu'ils le me refusent,
j'ai tant faict que j'ai reteneu auprès de moi lesdicts
ambassadeurs jusques au retour de ce courrier, sans
toutesfois leur rien dire de ma demande pour celer
vostre response , et me resouldre avec eulx de ce que
je ferai; car s'il ne me rapporte le traicté resoleu avec
la surseance d'armes, ou pour le moins de tout siège
de place, j'embrasserai les offres qu'ils me font, qui
sont à la vérité suffisantes pour esbranler le courage
d'ung prince qui seroit moins affectionné au bien pu-
blic et au contentement du pape que moi.
J'entends aussi que l'article qui concerne nos subjects
A MM. DE BELLIKVRE ET DE SILLERY. 3oi
qui ont servi Tiing et Taultre parti soit couché en termes
generaulx , suivant rouverlure que vous en avés faicte,
et sans que le sieur Antoine Perez ni aultres en soient
exceptés, pour les raisons que vous avés remonstrees,
qui importent par trop à ma dignité et réputation. Par-
tant, ne consentes aulcunement qu'il soit faict mention
de ladicte exception; mais, hors cela, j'approuve que
■vous accommodiés ledict article comme vous jugerés
estre pour le mieulx.
Je vous en dis autant pour les rançons et dehvrance
de ceulx qui sont à la chaisne , et aultres prisonniers
de part et d'aultre.
Mais je n'approuve aulcunement l'article par lequel
ils veuUent conserver les fermiers des biens des absens,
pour les raisons que vous leur avés dictes.
Vous avés bien faict aussi d'avoir rejette la demande
qu'ils ont faicte pour les officiers qu'ils ont establis aulx
places par eulx occupées.
Et pour le regard de la comté de Charolois , je ne
veulx rien changer de ce que je vous en ai escrit ci de-
vant.
Je serai tousjours très aise de gratifier ladicte infante
comme ledict cardinal , pourveu que ce ne soit au
dommage de ma couronne et de ma réputation, etc.
Mais la demande qu'ils ont faicte pour le prince
d'Orange est raisonnable, et ne peuh estre refusée aul-
cunement.
J'approuve aussi la resolution prise pour achever
d'exécuter le précèdent traicté, et vuider tous nos aultres
différends.
Mais , puisque le contresigne pour la restitution de
Blavet a esté apporté d'Espaigne, obtenés, s'il est pos-
sible , que le terme de trois mois qu'ils ont demandé
3o'2 LETTRE DU ROY
pour l'exécution d'iceiui soit abrégé , afin que nous
sortions du tout des affaires que nous avons ensemble
le plus tost que nous pourrons.
J'approuve pareillement que l'article conteneu en
vostre mémoire du 20 mars, pour la réservation de
nos droicts, actions et prétentions, soit couclié ainsi
qu'il est escrit en icelui.
Pour le regard de la renonciation aulx intelligences
que j'ai avec mes alliés, ne permettes qu'il en soit faict
mention expresse par ce qui sera de présent escrit, mais
que le tout soit référé au traicté de l'an i559.
MM. de Bellievre et de Sillery, vous pouvés juger,
par la présente, en quel debvoir je me mets pour à ce
coup conclure et terminer ladictë paix; et partant, que
mes prospérités ne me transportent poinct, ni toutes
aultres offres qui me peuvent estre faictes par dessus
le terme de la raison et du bien public ; ce que vous
ferés entendre et valloir par delà, comme il est néces-
saire pour ma réputation et mon service, principale-
ment envers ledict sieur légat. Mais, si vous ne pouvés
obtenir ladicte surseance d'armes pour trois ou quattre
mois, faictes au moins qu'ils promettent qu'ils n'assié-
geront aulcunes places desdicts estats des Pays Bas de
deux mois, afin qu'au moins j'aye recouvert mes places
devant qu'ils en viennent là ; et je ferai que lesdicts
estats me feront la mesme promesse; et en cas qu'ils
vous accordent pour mesdicts alliés l'une et l'aultre des
demandes susdictes , je trouve bon que vous resolviés
et signiés des à présent les articles du présent traicté,
et qu'ils soient mis en depost entre les mains dudict
sieur légat, afin qu'ils soient concleus et arrestés du
tout , et que l'on n'y puisse plus rien adjouster ni
changer.
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 3o:>
Quoi faisant, vous ii'oublierés à nommer et com-
prendre en icenix les anciens et modernes amis, alliés
et confédérés de ceste couronne , en la forme et manière
accoustumee, entre les(|uels il me semble qu'il ne fault
pas oublier le grand duc de Toscane, et d'en faire men-
tion en termes bonorables, pour les raisons que vous
pouvés mieulx juger.
Je trouve bon aussi qu'il soit accordé, quand lesdicts
articles seront signés, qu'il ne sera rien entrepris sur
nos places de part et d'aultre, afin de nous délivrer de
la jalousie que nous avons ; toutesfois il fauldra que
cela soit encores teneu secret, à cause de nosdicts alliés;
et suffira que vous en adv^rtissiés mon cousin le con-
nestable, comme vous ferés incontinent que vous serés
d'accord.
Je vous envoyerai les passeports qu'ils demandent
quand je sçaurai que lesdicts articles seront accordés ;
et partant , vous m'en advertirés en toute diligence ,
afin que j'en sois faict certain , devant que je congédie
lesdicts ainbabsadeurs, qui pressent fort leur retour, et
se monstrent très mal contens de mon inclination à la
paix. *
Celui d'Angleterre parle d'envoyer le commissaire
qu'il a mené avec lui , soubs prétexte de voir le pouvoir
apporté d'Espaigne; s'il le faict, vous en serés advertis.
Cependant j'aurai ce plaisir que vous voyiez ledict pou-
voir, afin que, si vous n'en pouvés avoir la copie, vous
me puissies mander ce qu'il contient; car ledict ambas-
sadeur faict semblant de ne croire pas qu'il soit arrivé.
Au reste, j'ai tant faict que mes subjects de la relli-
gion pretendeue reformée se sont despartis de l'instance
qu'ils faisoient pour le jugement des lettres de repré-
sailles contre ceulx d'Avignon et du Comtat; de sorte
3o4 LETTRE DU ROY^ etc.
qu'aiiltreqiie moi n'en ordonnera, comme il a esté pro-
mis à sa saincteté, dont vous advertirés ledict sieur lé-
gat, lui disant que je mettrai tousjours peine de lui faire
cognoistre par effect, en toutes occasions, combien a
de pouvoir sur moi le respect que je porte à nostre
sainct père, et l'affection que me porte ledict sieur lé-
gat, lequel j'espère recevoir bientost. J'ai délibéré de
reprendre le chemin de Picardie, et m'y rendre dedans
ce mois, et plus tost si je puis; car je recognois avec
vous que ma présence par delà est plus nécessaire
qu'ici. Mais je vous prye derechef de me renvoyer ce
porteur en toute diligence, et advancer le plus que vous
pourrés la conclusion du présent traicté et accord; car
puisque j'ai déclaré et faict sçavoir à mes alliés que je
suis resoleu de traicter , il en fault franchir le sault,
pour ne tomber aulx grands inconveniens très dange-
reux et honteux que m'apporteroit une irrésolution; et,
pryant Dieu, etc.
Du 9 avril 1698.
CXX. —-V- LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de Sillery.
MESSIEURS, les grands affaires ne se font pas sans
grande peine; vous en conduises ung qui est le plus
important à toute la chrestienté, et à ce royaulme en
particulier, qui s'est jamais présenté, et le plus diffi-
cile et espineux. Nous en avons ici esprouvé quelque
chose depuis l'arrivée de ce courrier ; mesmes depuis
que l'on a envoyé à M. Cécile , ambassadeur d'Angle-
terre, le paquet surpris, duquel nous envoyons l'ex-
traict. Ladicte despesche contenoit plusieurs aultres
LETTRE J)E M. DE VILLEROY , eto 3o5
choses qu'ils ne nous ont pas nionstrees, dont je vois
qu'ils ont plus grande allarme; de quoi jemesoucierois
bien peu si nos affaires estoient faicts : mais, à la vé-
rité, il nous en peult arriver beaucoup de préjudice,
estans incertains du succès de nostre negotiation.
Vous apprendrés, par la lettre du roy, la dernière
resolution de laquelle je ne pense pas que sa majesté
se départe, quoi qui en puisse arriver; de sorte que si
la despesche que vous nous ferés sur icelle ne la con-
tente, je prévois qu'elle prendra parti avec ces mes-
sieurs , lesquels offrent plus qu'ils ne peuvent porter
pour rompre ledict accord. Partant, donnez ordre, s'il
vous plaist , que nous sçacbions au plus tost la reso-
lution que vous prendrés, afin que nous ayons loisir de
traicter avec lesdicts ambassadeurs, et que nous ne de-
meurions à terre entre deux selles. Sa majesté est par-
tie d'ici pour aller à Nantes, et m'a laissé derrière pour
faire partir ledict courrier. Elle y arrivera samedi où
lesdicts ambassadeurs la suivront, et je partirai demain
pour la suivre, si Dieu plaist.
J'ai parlé du faict des Suisses, et faict toutes les des-
pesches que Ton a demandées , tant pour le domaine
que pour la rente de Bretaigne , et les edicts qui leur
ont esté affectés. Je continuerai encores à les assister
de tout mon pouvoir, et parce que je sçais que M. Gau-
las et Baduel vous advertissent de tout ce qui se passe
pour ce regard, je ne vous en ferai redicte. Mais vous
sçavés qu'il ne s'en est gueres falleu que le roy n'eust
envoyé par delà M. de Sancy, pour vous fortifier en
vostre negotiation, principalement pour obtenir ceste
surseance dont il est question ; mais lui mesmes s'en est
excusé, craignant d'y estre inulile. Toutesfois, si vous
jugés qu'il en doibve advenir aultremtnt, je vous prye
MÉM. DE DuPLESSrS-MoRNAY. ToME VIII. 20
3o6 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
de m'en donner ad vis. J'ai receu vos lettres du 25, 26
et dernier de mars, et la dernière du 3 du présent.
Sur la plaincte que vous nous avés faicte des exac-
tions que l'on faict par delà contre les cabaretiers et
aultres semblables, nous avons despesché une déclara-
tion de surseance de l'exécution de toutes les commis-
sions extraordinaires, réservées aulcunes nommées par
la déclaration, qui importent au service du roy, entre
lesquelles on a oublié celle des Suisses, dont le peuple
sera soulagé. C'est pour response à vostre lettre du 16
de mars, qui a fort demeuré par les chemins; pryant
Dieu, etc.
Du 9 avril 1698.
CXXI. — -^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
A sajeinme.
M' AMIE , nous arrivasmes hier en ceste ville de
Nantes, prévenant le roy d'ung jour, que nous avons
laissé à Ancenis, afin d'estre bien logés; à quoi j'ai
trouvé que Pizieux avoit donné très bon ordre, et
vouldrois de bon cœur que ta santé peust te donner
les moyens d'y participer, tandis que la clarté que je
désire voir en nos affaires me retiendra ici, encores que
ce sera pour t'aller voir au plus tost que je pourrai. Il
me tardera fort que je sçaclie l'amendement que tu
auras receu du régime de M. Petit, mesme de la
saignée; mais pour la drogue de 81. 63, il n'en
fault pas faire la première espreuve. Pizieux t'escrit
de l'affaire de change; je ne puis rien adjouster aulx
aultres. Je pense que M. Niotte t'aura porté provision
LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc. Soy
pour la garnison de laquelle deux mois nous serons
moins travaillés. C'est ung des miracles de ce temps ,
qu'à peine se trouve il ici ung homme de la Ligue,
tant chacung en a honte. C'est certes une belle
ville , surtout pour l'assiette ; mais qu'ils avoient mal
ménagée pour la deffendre. i. 63. 80. 11. i. 58. 3ro.
57. 4- 9 70- ^' i3o. II. 84.; mais en l'accommodant
aulx l\o. i5. 99. II. 83. autant que faire se pourra.
Renouvelle aussi la 3 12. 92. 84. 64- 33. v. i36. , pour
nous aultre ce qui n'est que 4- no. Le valet de chambre
partit d'Angers avec les lettres dont tu as eu copie,
et desquelles je l'aurai authentique, accompaignees
de semblables aulx gens du roy , tant en corps qu'en
particulier à ung chacung. Le roy lui en dict sa volonté
de bouche en assés forts termes. Je t'embrasse, m'amie,
de tout mon cœur.
De Nantes, ce 1 1 avril iSgS.
Je suis en peine que tu ayes faulte d'argent. Mes-
dames de Rohan sont arrivées ici d'hier avec cent
gentilshommes Poictevins , la pluspart de la relligion
et de nos amis. Mon cousin de Mouy est ici; les sieurs
de La Ferriere, de La Vignolle, Tesseran, etc., qui ne
bougent d'avec moi. Ne te mets en peine de nous
pour la seureté.
CXXIL —-^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
j4 sa femme.
M' AMIE , je t'avois escrit quant j'ai receu les tiennes
du 8, par ung messager de Rouen. A bon droict tu
t'ennuves, et en tes douleurs et en mon absence, et
3o8 LETTRE DE M. DUPLESSIS
je ne suis pas sans en porter ma part; mais j'ai
estimé qu'il falloit user de l'occasion, et certes avec
plus grande resolution que jamais d'achever nos jours
ensemble , et de procurer que ce puisse £stre avec
quelque repos. Je t'ai èscrit par le Basque, où je suis
de tous nos affaires. Tu auras veu aussi la despesche
qui a esté envoyée par ung valet de chambre exprès
au parlement. Je suis resoleu, dans peu de jours, de
demander congé au roy, pour me donner tout entier
à ce qui despend de cest affaire. Seulement je serai
bien aise de remporter avec moi les assignations de la
somme que nous avons dediee au mariage de nos
filles, et Testât de nostre garnison tel qu'il doibt de-
meurer; ce qui, à mon advis, ne peult gueres tar-
der. Quant à l'ouverture qui t'a estonnee , elle n'a
poinct eu de suite, parce que je l'ai arrestee; et,
quand elle en eust deu avoir, ce n'eust esté ni de par
moi ni en ma présence. Le contract aussi , dont tu es
en peine, n'est poinct signé de Boinville. Ce qui me
fasche de tout cela , c'est que je vois que tu t'affliges
des maulx aulxquels nous ne pouvons remédier. Ce
qui n'est pas pour amender ta santé. Ores, m'amie ,
je te verrai, aidant Dieu, plus tost que tu ne penses,
et lors t'en ferai reproche. Mets ton esprit en repos en
Dieu. Je suis de ton advis pour le mariage de nostre
niepce. D'Amberville nous sera en descharge ; nous
adviserons à nostre première veue à ce que nous au-
rons à y faire. J'ai cogneu le père du gentilhomme qui
avoit du bien honnestement selon le pays. Je fais
chercher du bezoard ici , car il ne s'en est poinct
trouvé es coffres du roy , parce qu'à ce que M. Be-
ringhen m'a dict, ses médecins n'en usent poinct.
iNous t'enverrons aussi des grenades. M. de Lusson
A MADAME DUPLESSIS. '5og
part dans trois jours, à qui je ferai faire une forte re-
charge par M. de Calignon. Le roy disne demain à
Chassay, et couche ici. Pizieux t'escrit du faict de
Poulain. Il a esté mal mesnagé, mais il en fault sortir.
M'amie , je te baise de tout mon cœur.
D'Angers (i) , ce 1 1 avril 1 5gS , au soir.
CXXIII.— ^LETTRE DE M. DE PIERKEFITE
yï madame Duplessis.
Madame , j'ai , parlant à M. de Mouy, teneu tout
ce mesme langage que m'escriviés lui avoir dict, et
suis fort bien de vostre advis , qu'il n^est à propos
qu'il s'addresse à M. Duplessis; mais bien qu'il en peult
communiquer de lui mesmes avec les aultres parens,
pour se rendre au lieu où le roy a ordonné. Je ne fais
poinct de doubte que les effects du parlement ne soient
ung bon moyen pour le haster, sans lequel je ne
pense pas que les parens que j'ai veus ici soient propres
pour le réduire à ce poinct, et ne cognois que mon-
dict sieur de Mouy qui à mon jugement le puisse
faire ; encores je ne sçais si , attendeu les mauvais
conseils qu'on lui peult avoir donnés, il en pourra venir
à bout. Mondict sieur de Mouy m'a advoué qu'il estoit
fort pryé de madame de Chavigny, M. le comte de
Montgommery et du sieur de La Planche , qui est à
Sainct Phal , de s'entremettre de cest affaire. Il a ici
receu lettres dudict Sainct Phal , qui le pryoit et con-
juroit fort de Taller voir, ce qu'il a faict, m'en ayant
premièrement parlé. Je lui conseillai de n'en parler
(i) Erreur; écrile de PSantes comme la précédente.
3lO LETTRE DE M. DE PÏERREFITE
nullement à M. Duplessis, ni à homme quel qu'il
feust, ce qu'il m'a promis de faire, combien qu'il eust
auparavant aultre intention. Il me jura n'en avoir
parlé à personne. Nous verrons, par son retour, ce
qu'il aura fait; et, quoi que soit, je m'asseure que
monsieur ne fera rien contre l'honneur : et si par la
poursuite des parens il se faisoit quelque ouverture
mal à propos, il vauldroit mieulx se retirer pour
quelque temps. Je ne crois pas toutesfois que le roy
les voulleust escouter au préjudice de l'honneur de
mondict sieur. Nostre edict est concleu ; il est vrai
qu'on nous retranche quelque chose de la somme ac-
cordée, mais tout ne laisse d'estre bien. Les ambas- ,
sadeurs d'Angleterre et des Pays Bas viennent en ceste
ville, et pressent d'estre despeschés. Je crois que le
conseil du roy est fort proche à la paix d'Espaigne. Je
ne pense pas qu'on assiège Blavet; et, quand ainsi
seroit, il me semble que M. de Bours n'y debvroit
aller. En finissant ceste lettre , sa majesté est arrivée
ici. Les habitans sont allés au devant dicelle , ont
dressé ung bataillon avec dix enseignes et des enfans
perdeus, le tout assés mal ordonné, combien qu'ils
feussent assés braves. Ils ont enchéri le taffetas blanc
pour faire des escharpes. Et depuis , M. de Mouy es-
tant de retour , m'envoya quérir. Il me dict qu'il avoit
trouvé Sainct Pliai bien disposé , qu'il falloit com-
mencer par le faire venir trouver le roy. J insistai qu'il
se debvroit rendre au chasteau d'Angers, et non ail-
leurs ; que de lui bailler des gardes, c'est chose qu'on
faict aulx moindres querelles pour empescher le com-
bat, combien qu'il n'y ait poinct eu de supercherie.
Il avoit ad visé d'en parler au roy. Je m'y opposai ; et
en son deffauît il desiroit qu'ung aultre en parlast, et
A MADAME DUPLESSIS. 3l I
me nomma le comte de Montgommery, qui est allé
voir Sainct Phal. Je ne me voulleus charger d'en parler
à M. Duplessis, et lui conseillai de n'en parler poinct
lui mesmes, et lui dict que ses ouvertures ne me sem-
bloient bonnes. Enfin , il s'y trouve fort empesché.
Je prye Dieu qu'il nous bénie en cest affaire et toutes
les aultres que nous avons ici, et qu'il vous donne,
madame, en santé, heureuse et longue vie.
A Nantes, ce i3 avril i5gS.
CXXIV. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj a M. de Villeroj.
Mo]NSi£UR, depuis le partement de La Fontaine,
qui feut le 26 du mois passé, nous vous avons escrit
les 3 et 8 de ce mois d'avril, et accusé la réception de
toutes vos lettres , dont il semble par vostre despesche
du 4, que nous receusmes hier au soir seulement, que
vous soyés en peine, mais principalement de ce que
n'avés esté par nous adverti de ce qu'a apporté le cour-
rier qui est reveneu d'Espaigne , dont nous vous avons
faict deux bien amples despesches, aulxquelles atten-
dons response , et n'y pouvons pour le présent adjouster
aulcune chose. Il n'eust pas esté possible que, lors de
vostre dernière lettre, datée du 4 de cedict mois,
eussiés sceu de nous ce qu'a apporté d'Espaigne ledict
courrier, qui n'arriva ici que le dernier du mois passé;
ces ambassadeurs mirent ce jour à voir leurs despes-
ches ; le lendemain, noussceusmes ce dont nous es.cri-
vismes, et en traictasmes Tapres disnee chés M. le lé-
gat. M. Richardot asseuroit que les despesches avoient
3l2 LETTRE
esté apportées, non qu'il les eustveues, disant que le
tout avoit esté envoyé au cardinal d'Autriche ; nous
vous escrivismes ce que nous en apprisnies, et estant
de retour de Bruxelles, M. le commandeur Taxis qui
nous asseura d'avoir porté avec lui les pouvoirs signés
du roy d'Espaigne, pour traicter avec la royne d'An-
gleterre et ceux des estats; nous vous en fismes tout
incontinent une despesche qui partit d'ici le 8. Nous
estimons qu'à présent vous aurés receu et l'une et
l'aultre de nos despesches, nous ayant escrit M. Louvet
qui vous a envoyé en diligence celle du 8, estant,
comme vous nous avés escrit, l'incertitude de ces pou-
voirs, la seule cause qui nous retardoit de negotier
avec l'ambassadeur d'Angleterre, vous demeurés main-
tenant satisfaicts pour ce regard , et a la royne d'An-
gleterre occasion de sçavoir gré au roy du soing qu'il
a pieu h sa majesté avoir d'elle, car sans l'instance et
fort expresse que nous avons faicte d'avoir lesdicts
pouvoirs, et que sans cela nous ne pouvions entendre
à aulcung traicté, il est certain que ce n'estoit pas
l'intention du roy d'Espaigne de signer le pouvoir
pour traicter avec la royne d'Angleterre; car, à ce
que nous comprenons, il desiroit fort pour divers res-
pects que nous conclussions ce traicté sans elle. Ores,
les choses sont en Testât que le roy les a demandées,
tant pour le regard desdicts pouvoirs que du contre-
signe de Blavet; il ne reste plus en cest affaire, si ce
n'est que si ladicte royne et estats veullent traicter,
qu'ils déclarent par effect quelle est en cela leur in-
tention; car, toutes choses considérées, il semble que
la longueur dont il sera usé en cest affaire tombe prin-
cipalement sur les coffres du roy, s'il ne se faict poinct
de paix; c'est ce que désire la royne d'Angleterre, et
A M. DE yiLLEROY. 3l3
encores plus ceulx des Provinces Unies; quant aulx
Espaignols, ils la désirent, mais ils n'ont rien lasché
des villes qu'ils doihvent restituer ; cependant que
nous en disputons , ils en demeurent garnis ; leur ar-
mée se trouve debout; cependant que nous sommes
irresoleus, ils peuvent surprendre Tune de nos villes,
ou nous l'une des leurs : l'ung et l'aultre de ces acci-
dens peult estrc cause de rompre ce traicté; peult sur-
venir la mort du roy d'Espaigne, de l'infante, du
cardinal , changement de volonté et aultres choses
semblables : bref, tels accidens qui peuvent advenir
durant ces longueurs pourroient estre cause que le
roy demeurera frustré de la restitution de tant de
places dont il peult estre maistre en peu de tenips; si
nous retardons a conclure ce traicté , ce que nous
avons dict qui nous prejudicieroit, peult servir aulx
desseings de la royne d'Angleterre , qui sont principa-
lement d'entrer dans Calais , et que nous en demeu-
rions excleus; le but de ceulx des provinces ne tend
pas à nous faire perdre Calais: mais, à quelque prix
que ce soit qui nous doibve advenir, ils regardent à
ce qui leur est plus proche, qui est de se saulver, en
moyennant par leurs offres que nous demeurions con-
tinuellement en guerre avec eux : le roy par sa grande
prudence considère ces choses trop mieux que nous;
mais puisqu'il a pieu à sa majesté de nous commettre
cest affaire, nostre débvoir nous oblige d'en dire li-
brement ce que nous en pensons , et que nous y voyons.
Ces considérations nous doibvent mouvoir à avoir l'œil
ouvert, se déclarant ladicte royne et provinces ne voul-
loir entendre à ce traicté, qu'à ceste occasion sur cer-
taines considérations , le roy ne demeure pas frustré
de ce qui lui est certain et asseuré , se resolvant à con-
3i4 LETTRE
dure ce traicté comme cela se doibt, et par quels
honnestes moyens, nous espérons que, parla première
despesche , nous recevrons sur ce commandement du
roy, et de nostre part nous y penserons fort soigneu-
sement.
Nous scavons le respect qui se doibt porter aulx
traictés de confédération , nous scavons aussi que so-
ciété n'est pas servitude. Le roy Henry VIII d'Angle-
terre estoit joinct d ung fort traicté avec l'empereur
Charles V contre le roi François r^ et son rovaulme.
Quand ledict roy feut faicl prisonnier à Pavie, crai-
gnant ledict roy d'Angleterre que se faisant l'empereur
maistre de la France , il ne lui feust par trop formi-
dable et dangereux voisin , il se despartit de ceste con-
fédération, et se joignit avec la France pour empescher
sa totale ruyne , et si il y avoit toutes ces clauses de
traicter ni paix ni trefve Fung sans l'aultre ; pareil
traicté de confédération feut depuis faict entre lesdicts
princes, avec mesmes clauses, quand ledict empereur
feit la paix de Salions traictee à Crespy ; il avoit faict
passer la mer au roy d'Angleterre; se voyant pressé
de la nécessité des vivres et de maladies, il resoleut la
paix avec le roy François , reservant que le roy d'An-
gleterre y seroit compris ; à quoi neantmoins il ne se
voulleut re.souldre, et demeurasmes en guerre avec
lui. Ces exemples, monsieur, nous enseignent comme
ces deux grands princes, qui ont esté teneus fort pru-
dens et des plus advisés de leur siècle , en ont usé
quand pareilles occasions se sont offertes. L'honneur
des princes consiste principalement à sçavoir conser-
ver leurs estais ; comme les choses semblent estre dis-
posées, c'est l'interest des Espaignols de traicter avec le
roy; mais s'il advient qu'ils ayent pareil ou plus grand
A M. DE VILLEROY. 3 1 5
interest de traicter avec les Anglois , croyés , monsieur,
qu'ils feront comme les marchands, qui vont là où ils
estiment qu'il y a le plus de profict ; il fault donc bien
penser , nous remettant à traicter en compaignie des
Anglois, qu'en voulant faire leurs affaires, nous ne
perdions les nostres : ce n'est pas qu« nous n'estimions
qu'il faille faire le dernier effort pour leur donner, et
à ceulx desdictes provinces tout le contentement qui
se peult, si l'affaire passe par devant nous, nous nous
y employerons fort franchement, et nous y comporte-
rons si vivement qu'ils auront occasion d'en remercier
le roy : c'est le service de sa majesté qu'ils soient con-
servés , et qu'en usions de la sorte.
Nous avons parlé ceste après disnee à MM. le prési-
dent Richardot et commandeur Taxis , et avons remis en
avant le propos qu'il seroit bon qu'ils se resoleussent
d'accorder quelques mois de trefve à ladicte royne d'An-
gleterre et Provinces Unies , afin de leur donner plus de
volonté d'entendre à ce traicté; en usant aultrement ,
au lieu de parler de paix , il fault qu'ils pensent à la
guerre; ils nous ont dict qu'on les trouvera tousjours
disposés à servir et s'accommoder à tout ce qui peult
advancer la paix ; et nous ont parlé tellement touchant
le faict de ceste trefve , qu'il nous semble avoir peu
recueillir de leur dire que si ladicte royne et provinces
se resouldront de venir ici pour traicter de paix, que
sans difficulté ils se resouldront à leur accorder la
trefve pour quelque temps , si tant est qu'ils se résol-
vent de la demander ; et vous dirons que nostre opi-
nion est que , s'ils tenoient pour resoîeu de nostre part
ce qu'ils nous ont proposé pour parvenir à ceste paix
avec le roy, nous aurions plus de moyen de les per-
suader.
3j6 lettre
Et touchant ladicte trefve et aiiltres choses dont
nous les requerrions pour les accorder avec ladicte
royne et estats, lesdicts sieurs Richardot et Taxis nous
ont renouvelle avec fort grande instance la pryere de
M. le cardinal archiduc, à ce qu'il plaise au roy lui
faire ceste faveur que d'accorder qu'il puisse escrire
en Espaigne pour ses affaires particuliers , ayant une
maistresse de telle qualité, qu'il désire sur toutes
choses lui tesmoigner combien il désire estre conservé
en sa souvenance ; que s'il plaist à sa majesté de le gra-
tifier en cela de la faveur qu'il lui demande, il lui en
demeurera extresmement obligé. Il desireroit que le
passeport feust pour l'ung de ses courriers ; mais si
c'est chose qui soit suspecte au roy de laisser passer
par son royaulme ung courrier qui parte d'auprès de
lui , il se contentera que l'on baille son paquet à ung
courrier françois qui le portera jusques à Iron , et at-
tendra la response qui lui sera envoyée d'Espaigne
pour la porter en ces quartiers ; il aimeroit mieulx
que son courrier passast pour lui porter la nouvelle
de ce qu'il aura veu; mais qu'il se contentera de ce
qu'il plaira au roy lui accorder, soit l'ung ou l'aultre ;
qu'il ne fault craindre qu'il escrive chose qui soit au
préjudice des affaires du roy, car il sçait assés que
si on veult ouvrir ses lettres, qu'on le pourra faire.
Ils nous ont tellement pressé de faire ceste pryere,
que nous ne l'avons peu refuser; il semble que le feu
soit à la maison.
Nous leur avons parlé de l'indiscrétion de leur cour-
rier, qui a semé partout qu'il portoit la carte blanche
de la paix, dont ils ont monstre d'estre très marris, et
remonstré qu'il ne fault croire qu'il ait eu charge
d'Espaigne de faire une telle faiilte, estant plustost le
A M. DE VILLEROY. 817
mal des affaires d'Espaigne, de ce qu'on les tient trop
cachés à ceidx qui les doibvent sçavoir, que de commet-
tre une telle sottise que d'en parler à ung tel galand ,
comme est ce courrier, qui s'est meslé de parler de ce
dont il ne sçavoit rien du tout. A ce que nous enten-
dons, ce mesme courrier a dict les mesmes choses et
les mesmes sottises en la ville de Paris, et ailleurs où
il a passé; et ceulx qui sçavent que c'est de telles gens
s'en mocquent, si est ce pourtant que tels langages ne
peuvent nuire.
Les maistres des postes sont curieux à demander des
nouvelles, et ce fol a esté si indiscret et si mal advisé
à leur en dire beaucoup plus qu'il n'en sçavoit. Nous
nous recommandons bien , monsieur, etc.
Du i3 avril lôgS.
CXXV. — ^LETTRE DU ROY
A MM. de Bellies^re et de Sillerj.
MM. de Bellievre et Sillery , je vous escris la pré-
sente pour vous donner advis de mon arrivée en ceste
ville, et de la possession que j'ai prise par icelle de la
réduction en mon obéissance de mon duché de Bretai-
gne, afin que vous vous resjouissiés de ma part avec
mon cousin le cardinal de Florence , légat de nostre
sainct père le pape, comme à celui que je recognois
avoir bonne part à ceste mienne prospérité ; aussi veulx
je qu'il croye que son contentement me sera tousjours
aussi cher que le mien propre, comme j'espère lui
dire moi mesmes bientost ; car je fais compte de par-
ût de ce pays dedans la fin de ce mois au plus tard
3l8 LETTRE DU ROY
pour m'en retourner en Picardie, où je commencerai
des demain à faire acheminer une partie des forces que
j'ai amenées par deçà, et y en laisserai encores assés
pour bloquer et tenir en subjection ceulx de Blavet,
en attendant la conclusion du traicté , pour lequel vous
estes par delà , duquel je désire plus que jamais voir
une bonne fin pour le repos de la chrestienté, et le
particulier de mon royaulme. Partant, je vous prye
en advancer la conclusion tant qu'il vous sera possible ,
suivant ma dernière despesche, portée par le courrier
La Fontaine que je vous ai envoyé en partant de ma
ville d'Angers , me faisant scavoir de vos nouvelles plus
souvent que vous ne faictes; vos dernières sont du 3 de
ce mois : il importe grandement à mon service que je
sois adverti souvent du progrès de vostre negotiation.
Les ambassadeurs d'Angleterre m'ont faict dire de-
puis le partement dudict La Fontaine estre resoleus de
s'acheminer euîx mesmes à Yervins , pour entrer en ce
traicté pour leur maistresse , chose que je leur ai faict
entendre que je ne puis trouver que très bonne ; mais
je cognois bien qu'ils sont en peine comme ils auront
à se conduire envers ledict sieur legat, quand ils se-
ront arrivés par delà ; car comme ils ont appris par les
lettres interceptées, dont je vous ai donné advis que les
ambassadeurs du cardinal d'Autriche ont charge ex-
presse entre aultres choses de faire instance du resta-
blissement en Angleterre de l'exercice de la relligion
catholicque, ils appréhendent la rencontre dudict legat
sur ce subject , et craignent que l'on les accroche à ce
poinct , ayans remarqué par lesdictes lettres interceptées
que l'on n'a pas grande envie de leur amitié ; pour
ceste cause, ils m'ont faict parler de transférer en
quelque lieu , entre Calais etBoloigne, leur conférence
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. ^19
avec lesdicts députés dudict cardinal , se persuadaiis
que ledict légat aussi bien aura à plaisir de ne ly trou-
ver poinct , et le gênerai des cordeliers aussi ; sur quoi
je leur ai faict dire que je ne pouvois me passer de la
présence de Tung ni de l'auUre pour la conclusion de
ce qui me concerne , d'autant qu'il importoit que le
pape ayant commencé et poursuivi ceste negotiation ,
demeurast comme pleige et caution de ce qui y seroit
conveneu , ce qui n'adviendroit, si lesdicts légat et gê-
nerai Tabandonnoient , et que j'estimois estre très dif-
ficile de les remuer ailleurs, à cause de leur aage et
de leur indisposition, après avoir tant séjourné et
perdeu de temps audict Vervins , à l'occasion seule
et sur l'attente desdicts Anglois, joinct que mes affaires
n'avoient besoing d'une telle prolongation et remise
de la resolution dudict traicté, comme l'apporteroit
le changement et remuement de ladicte assemblée,
estant mesmes la saison si advancee qu'elle est, et pour-
roit estre aussi que le but des Anglois seroit aussitost
de la retarder que de la terminer, comme ceulx que je
ne me puis persuader avoir à plaisir que l'on me res-
titue mes villes , et principalement celle de Calais , en-
cores qu'ils n'en ayent faict jusques à présent aulcune
démonstration ; mais je vois bien qu'ils ont faict une
grande allarme de vostre procédure depuis qu'ils ont
"veu les lettres interceptées ; car depuis ils ont changé
de langage, et déclaré ouvertement voulloir traicter,
et pour cest effect aller audict Yervins ; mais, à mon ad-
vis, pour m'obliger de ne conclure mon accord sans
eux, esperans, estans sur les lieux, de la traverser ou
retarder, de façon que ayant de part et d'aultre assem-
blé nos forces, il surviendra quelque nouveauté qui
favorisera leur desseing. C'est pourquoi il fault arrester
320 LETTRE DU Ï^OY
nos articles le plus tost que nous pourrons , suivant
ce que je vous ai escrit par ledict La Fontaine, à quoi
je commencerai à préparer lesdicts Anglois le mieulx
qu'il me sera possible , afin qu'ils ne s'en effarouchent
tout à faict ; car je désire aider à les mettre en repos
aussi bien que moi ; mais je n'entends pas gaster mes
affaires pour leur considération, le salut de mon peu-
ple m'estant plus cher que toute aultre chose. Lesdicts
Anglois arrivent ici aujourd'hui ; s'ils me font quel-
que ouverture, vous en serés incontinent advertis. Ce-
pendant vous ferés vostre profîct de ce que je vous
escris avoir descouvert de leur intention, et me don-
nerés vostre advis sur tout.
Je suis en beaucoup plus grande peine des estats
des Pays Bas que des aultres ; car tout le faix de la guerre
leur tombera sur les bras, soubs lequel je crains qu'ils
succombent du premier coup; c'est pourquoi j'ai tant
désiré et désire encores obtenir la cessation d'armes ,
dont je vous ai escrit par ledict La Fontaine, et vous
prye encores de vous y employer vivement : toutesfois
si vous n'en pouvés venir à bout, ne différés pour cela
de conclure nostre marché ; mais obtenés pour le
moins qu'il soit donné temps audicts Anglois et estats
des Pays Bas de traictcr , et advisés qu'en cela les
choses passent à ma descharge le plus que faire se
pourra ; et advisés s'il sera à propos de convenir et
excuser l'advancement de ce que vous aurés faict sur
l'indisposition dudict sieur légat, sur la jalousie que les
Espaignols ont pris de la longueur de vostre negotia-
tion , sur la prospérité de mes affaires par deçà , et
l'arrivée ici desdicts Anglois et HoUandois , et sur l'im-
patience audict Vervins d'ung plus long séjour des
ungs et des aultres; car il ne fault poinct doubter que
A MM. DE BELLEEVRE ET DE SILLERY. 321
ce que nous ferons ne soit poinct descouvert, et que
les ungs et les aultres ne m'en attaquent, et ne s'en plai-
gnent vifvement, combien qu'en vérité ils soient seuls
cause de ce qui en adviendra , pour le peu de compte
qu'ils ont faict des advis que je leur ai donnés dudict
traicté, et d'y envoyer leurs gens à temps comme ils
debvoient et pouvoient faire : advertissés moi en dili-
gence de tout ce que vous ferés , et recommandés le
secret audicl sieur légat, afin qu'il oblige lesdictsEspai-
gnols, et fassent qu'ils l'observent tant que faire se
pourra, et si vous tombés d'accord avec eulx, n'ou-
bliés à pourvoir à la seureté de nos places frontières,
et d'en donner advis à mon cousin le connestable, ainsi
que je vous ai escrit par ledict La Fontaine. Je prye
Dieu , etc. ^
Du 14 avril lôgS,
CXXVI. — -^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de BelUevre et de SUlerj,
Messieurs, comme je voullois faire partir la despes-
che que je vous envoyé, j'ai receu la vostre du 7 du
courant, laquelle j'ai incontinent portée au roy , qui
a pris plaisir à la lecture; et comme sa majesté vous
resoleut etesclaircit bien particulièrement de son inten-
tion sur les trois poincts desquels vous discoures par
vostredicte lettre , tant par celle ci que par celle que
La Fontaine vous a portée, il ne me reste qu'à vous
addresser le passeport que vous avés demandé pour
favoriser les amours de M. le cardinal d'Autriche, que
sa majesté a volontiers accordé comme celle qui a es-
Mem. de Duplessis-Mornay. Tome viti. 'X \
J2'2 LETTRE DE M. DE VILLEROY, «ic.
prouvé que vault ceste passion, nous asseurant qu'il
n'en sera abusé, et qu'il ne sera délivré que vous
n'ayés vostre compte ; ce sera tout ce que je vous escri-
rai, remettant le reste à ladicte lettre du roy;et sur ce,
messieurs, je pryerai Dieu , etc.
Du 14 avril 1598.
CXXVII. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sllletj au roj.
Sire , nous receusmes hier , sur les huict heures du
soir, la despesche de vostre majesté du q de ce mois,
par laquelle il lui a pieu de nous faire entendre la finale
résolution sur tous les articles de l'accord qu'elle nous
a commandé de traicler avec les ambassadeurs d'Es-
paigne et de Savoye. Ce matin nous avons veu M. le
légat et le père gênerai des cordeliers , aulxquels nous
avons vivement faict entendre la grande bonté que
vostre majesté monstre, s'accommodant en tout ce qui
concerne ce traicté au désir de nostre sainct père le
pape. Nous n'avons rien obmis de ce que avons estimé
de pouvoir dire pour les rendre bien capables de vostre
saincte intention, du grand soing qu'a eu vostre ma-
jesté de disposer à la paix les ambassadeurs d'Angle-
terre , et spécialement ceulx des Provinces Unies, qui
sont veneus en vostre royaulme avec toute aultre
charge que de traicter de paix. Nous ne leur avons pas
teu comme franchement vostre majesté leur a déclaré
sa resolution de voulloir entendre à la paix , et le pru-
dent conseil qu'elle leur a baillé de prendre la mesme
resolution; ce qui auroit eu tel pouvoir sur eulx, qu'ils
LETTRE AU ROT. ^23
seseroient déclarés, que pour leur regard ils ne semons-
treroient pas aliénés d entendre à ung bon accord , et
laissoient seulement de venir ici en ceste conférence ,
pour ce que leur pouvoir ne s'estendoit pas à cela; ce
qui auroit nieu vostre majesté de prendre resolution
d'envoyer ung personnage notable de sa part aulxdictes
Provinces , pour les persuader à la paix , en quoi sa
peine seroit inutile ; si cependant qu'elle leur conseille
l'accord , le cardinal arcbiduc entreprendra de les for-
cer par les armes. Pour ceste cause , vostre majesté
desireroit qu'en sa faveur on ieur accordast une trefve
de quattre mois, afin que durant ce temps cest affaire
se peust traicteravec la dignité et doulceur qui est re-
quise pour la conduire à une bonne et heureuse fin ;
que , moyennant cela, et non aidtrement , nous avions
pouvoir de conclure et de signer le traiclé suivant ce
que ci devant a esté advisé entre nous.
Nous avons à mesme fin traicté, ceste après disnee,
avec les ambassadeurs d'Espaigne, les choses fort con-
sidérables de part et d'aultre. lis nous ont dict que
pour le regard d'eulx trois, qui ont ici la charge de
ceste negotiation pour le roy d'Espaigne et cardinal
archiduc, ils nous declaroient, puisque vostre majesté
trou voit bon de conclure présentement le traicté, que
leur opinion est que ledict sieur cardinal s'accommo-
dera à ce que vostre majesté lui faict demander par
nous touchant ladicte trefve, et ce, pour trois mois
seulement; mais que leurs pouvoirs ne s'estendent pas
de resouldre les affaires de ceulx qui ne sont pas ici
veneus pour traicter ; qu'ils en escriroient audict sieur
cardinal par courrier exprès; mais à ce qu'il n'advienne
aucune longueur ni contrariété au consed lorsqu'il en
sera délibéré, ils ont resoleu que l'ung d'eulx pnrtiroi{
324 LETTRE
d'ici par les postes des trois heures du matin , et seroit
ici de retour samedi prochain avant midi , nous pryant
de prendre ce délai en bonne part ; car il n'y auroit
faulte qu'audict jour nous aurions response , et ne fai-
soient poinct de doubte que vostre majesté n'en de-
meurast satisfaicte. C'est, sire, ce que nous avons peu
advancer en cest affaire. Entre ci et samedi , nous vac-
querons à dresser le traicté , et faisons estât que ledict
jour de samedi nous despescherons à vostre majesté le
courrier qui nous a apporté sa despesche , n'ayant
voulleu faillir de lui donner cependant cest advis par
la voye ordinaire des postes.
Et aussi de Tadvertir de l'instance que leur avons
faicte de voir les pouvoirs qui leur ont esté envoyés
pour traicter avec ladicte royne d'Angleterre et Pro-
vinces , en quoi ils ont faict grande difficulté, remons-
trant qu'ils craignent que Ton prenne la chose en moc-
querie, qu'on leur fasse monstrer leurs pouvoirs, et
puis que l'on die qu'on ne se soulcie poinct de traicter
avec eulx. Ils nous ont faict serment de les avoir ici ,
et d'estre prests de les monstrer quand les aultres am-
bassadeurs seront prests de monstrer les leurs. Nous
les en avons pryé si instamment , comme de chose qui
nous est fort expresseement commandée par vostre
majesté , qu'enfin nous avons obteneu d'eulx qu'ils
nous les ont monstres. Nous asseurerons vostre majesté
de les avoir veus et leus d'ung bout à aultre, qu'ils
sont signés de la main du roy d'Espaigne à Madrid ,
le 1 7 mars iSqB, et lui dirons, pour chose vraie, qu'ils
sont en aussi bonne forme et autant authentique que
peult estre celui qui concernoit vostre majesté, dont lui
avons envoyé ci devant le double.
Nous leur avons dict qu'il s'est parlé en vostre court
AU ROY. 3^5
qii'nng commissaire d'Angleterre, qui se trouve avec
M. Cécile, pourroit ici venir pour voir ledict pouvoir,
afin d'en asseurer la royne d'Angleterre. Ils nous ont
dict que si ce commissaire viendra ici avec pouvoir de
traicter avec eulx, monstrant son pouvoir, qu'aussi
eulx monstreront le leur; mais s'il vient seulement
pour voir leur pouvoir, qu'il fera chose mal a propos
de penser obtenir d'eulx chose qui seroit contre la
coustume et la dignité d'ung si grand roy comme est
le roy d'Espaigne.
Quand nous leur avons demandé s'il y a quelque
doubte en ce mariage dudict cardinal avec madame
l'infante, ou à la cession des Pays Bas, ils nous ont
dict que c'est contre toute apparence de raison d'en
doubter. Pour nostre regard, nous ne pouvons com-
prendre que la chose puisse estre révoquée en doubte.
Sire , nous supplions le Créateur, etc.
Du 14 avril 1698.
CXXVIII. — ^ LETTRE
De MM, de Bellievre et de Sillery a M. de Villeroj.
Monsieur, nous avons travaillé ce matin et toute
ceste après disnee, à ce qu'il a pieu à sa majesté de
nous escrire et commander, par sa despesche du neuf-
viesme, que le courrier La Fontaine nous a apportée.
Nous ne vous ennuyerons et importunerons de plus
longue lettre ; il n'y a pierre que nous n'ayons ici
remuée, afin de rendre en tout le roy content et satis-
faict. Nous estimons que sa majesté recognoistra en
toutes choses avec quel zèle et avec quelle affectioi*
îious la servons en ceste negotiation.
3^6 LETTRE, etc.
Nous avons espérance de vous renvoyer La Fontaine
des samedi prochain , qui vous portera la certitude de
toutes choses. Voyant la peine en laquelle vous estes
avec ces ambassadeurs, tant pour le faict des pouvoirs
que la trefve qui s'accordera pour la royne d'Angle-
terre et pour les estats des Provinces Unies , nous
avons advisé de faire courir ceste despesche , et escri-
vons à M. Louvet, s'il ne se présente occasion de faire
porter diligemment ceste despesche, que plustost il
vous envoyé l'ung de ses garçons. Excusés, monsieur,
la négligence de ceste lettre; la journée nous a lassés.
Monsieur, accordant le cardinal la trefve à la royne
d'Angleterre et Provinces, il sera de besoing que le roy
s'asseure d'euix qu'aussi de leur costé ils l'observeront.
Nous nous recommandons bien , etc.
4^u i4 avril 1598.
CXXIX. — ^ LETTRE
De M. le procureur gênerai du parlement de Paris
au roj.
Sire, suivant le commandemant qu'il a pieu à vostre
majesté nous faire sur ce qui s'est passé entre M. Du-
plessis, nous avons présenté vos lettres à vostre court
de parlement, et obteneu commission d'elle pour in-
former, addressante aulx juges, que vostre majesté a
trouvé bon. Nous la renvoyons par ce présent porteur,
vostre valet de chambre, afin qu'elle soit mise entre
les mains de celui que vostre majesté commandera ,
pour en poursuivre l'exécution, en laquelle et en tous
vos aultres commandemens nous apporterons tout ce
LETTRE AU ROY. Siiy
qui sera de nostre debvoir, avec autant de dévotion
que nous pryons le Créateur vous conserver, sire, en
santé très heureuse et longue vie. Vos très humbles,
très obeissans et très fidèles subjects et serviteurs ,
De La Guesle, Marion.
Du 3o avril i5g8.
CXXX. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de Sillery.
Messieurs, Louvet nous a faict tenir de Paris ici,
par homme exprès, vostre despesche du \[\ de ce mois;
si bien que nous l'avons receue très à propos le ig au
soir, avec laquelle j'ai trouvé celle du i3 adressante
à moi; et d'autant que je vous ai adverti par la nostre
du i4 de ce mois, que j'ai aussi faict tenir audict Lou-
vet, par homme exprès, de la réception de vostre
précédente du 8 , je ne vous en ferai redicte. Vous
sçaurés maintenant que nous comptons les heures du
retour de La Fontaine, ayant appris par vostre dernière
que vous esperiés le faire partir samedi dernier, nous
estant advis qu'il a desjà trop demeuré par les chemins;
de sorte que nous commençons à avoir opinion qu'il
sera surveneu quelque difficulté qui aura accroché les
affaires et retardé sa despesche; de quoi d'ailleurs nous
disons que vous nous auriés adverti si cela estoit; car
vous sçavés combien il nous importe que nous soyons
asseurés du succès de vostre negotiation , devant que
sa majesté donne congé aulx ambassadeurs de la royne
d'Angleterre et des estats , lesquels nous ne retenons
et n'avons reteneu depuis qu'ils ont veu la despesche
prise de M. le cardinal d'Autriche au roy d'Espaigne ,
3^8 LETTRE DE M. DE VILLEROY
de laquelle je vous ai donné advis , que par artifice et
contre leur volonté; de sorte que sans doubte ils nous
eschapperont dedans ceste sepmaine ; et si, entre ci et
là, nous n'avons certitude de vostre accord, M. de Bar-
nevelt acquerra réputation du bon prophète; car il a
faict tout ce qu'il a peu pour nous faire croire que ces
messieurs qui traictent avec vous vous tromperont en
la conclusion de vostre traicté, et en l'exécution et ac-
complissement d'icelui, comme ceulx qui font profes-
sion et gloire d'abuser tous ceulx qui traictent avec
eulx. Toutesfois ils n'auront rien du nostre , combien
que le profîct qu'ils tireroient de nous avoir faict mal
contenter nos amis, et rompre paille avec eulx, ne se-
roit de petite importance, comme vous pouvés mieulx
juger.
Ores nous touchons à la veille d'estre esclaircis de
l'ung ou de l'aultre, par ou vous pouvés juger avec
quelle impalience nous attendons vostre courrier; et
parce que j'espère qu'il arrivera devant que vous rece-^
vies la présente, je ne vous en dirai dadvantage.
A présent que l'on parle plus librement de la paix ,
et de l'opinion que chacung a que vostre negotiation
la nous donnera, chacung aussi qui estime avoir inte-
rest se recommande et faict instance que l'on asseure
ce qui le concerne. Je vous envoyé sur cela certains
mémoires que sa majesté m'a commandé vous faire te-
nir et recommander de sa part; l'ung est pour la du-
chesse d'Arscot, et l'aultre pour madame la princesse
d'Orange. Vous verres ce qu'ils contiennent; et vous
prye faire pour lesdictes dames tout ce que vous pour-
rés. Je n'ai pas dict à ceulx qui parlent pour elles que
je crains que leurs mémoires vous arrivent trop tard,
car il n'est pas raisonnable qu'on en sçache tant.
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 329
M. de Bouillon demande aussi que par où le traicté
de l'an i 559 ^^ ^^^ ^^^^'' ^"^ï^'^ioï^ ^^ ^^ maison de La
Marck, il soit dict seulement que le roy prend et tient
en sa protection les sieurs de Sedan, sans spécifier la-
dicte maison. C'est à la fin dudict traicté, en l'article
qui faict mention des amis et alliés de la couronne de
France, où il demande que ce changement soit faict,
dont sa majesté desne qu'il soit rendeu content si faire
se peult; estant très mal satisfaict du comte de Maule-
vrier, pour une nouvelle entreprise qu'il a tentée sur
le chasteau de Sedan, en laquelle nous avons appris que
les Espaignols debvoient avoir plus de part que lui, si
elle feust réussie aussi bien qu'elle a esté faillie; car
ceuîx de dedans en avoient advis, de façon que ceulx
qui la faisoient y ont tous esté tués ou pris ; il ne s'en
est saulvé que deux. M. le comte de Maulevrier aussi
se levé trop tard pour surprendre sa partie; et ne
croirai jamais que cela arrive que le monde ne ren-
verse.
J'ai charge encores de vous recommander la déli-
vrance sans payer rançon de M. de Crequy, prisonnier
de M. de Savoye, lequel n'a encores composé de sadicte
rançon. Le roy affectionne cela pour le respect de ceulx.
qui y ont interest; que M. de Savoye ne doibt désespé-
rer de son amitié pour avoir bien servi le roy, s'il veult
gaigner celle de sa majesté, comme il vous plaira re-
monstrer de bonne sorte et manière à son annbassa-
deur.
Je vous envoyé aussi quelques paquets en espaignoi,
qu'Edmond, secrétaire d'Angleterre, m'apporta hier de
la part de leur ambassadeur. Ils sont escrits par certains
prisonniers espaignols qui sont en Angleterre, ainsi
qu'il me dict. Voyés les, s'il vous plaist, devant que de
33o LETTRE DE M. DE VILLEROY
les délivrer aulx ambassadeurs d'Espaigne; car j'ai dict
audict Edmond que je le vous escrirois.
Je vous envoyé le passeport qui vous a esté demandé
de la part dudict sieur cardinal d'Autriche, pour en-
voyer en Espaigne ; de sorte qu'il ne me reste rien à
vous escrire. L'offre accoustumee de mon service et de
mes bien humbles recommandations; pryant Dieu, etc.
Du 22 avril iS^S.
CXXXI. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ M. Duplessis,
Monsieur, Guichard est arrivé ce matin avec les
lettres et la commission que je vous envoyé, dont je
n'ai voulleu parler au roy devant que d'avoir vostre
advis , pour sçavoir à qui il vous semble que nous en
debvons faire escrire; car il fault que ce soit personne
qui en ait soing. Ores Guichard m'a rapporté de bouche
que M. le procureur gênerai lui avoit dict que la lettre
du roy ne s exphquoit pas assés, sans en esclaircir dad-
vantage; de sorte que je comprends encores moins son
dire. Tant il y a qu'il a encores la commission pour infor-
merqueje vous envoyé, de laquelle il vous eust esté aussi
Lon qu'il eust faict lui mesmes l'addresse, et qu'il l'eust
accompaiguce de letlre fort expresse, comme d'une
chose (jue sa majesté a à cœur; car qui s'en chargera
par deçà? Il seroit mal séant que le roy en sollicitast
l'exécution , ou mandast à quelqu'ung de s'en char-
ger ; car cela seroit hors des formes ordinaires de la
justice et du parlement. Vous m'en manderés, s'il vous
pia-st. vostre advis, que je vculx v suivre de tout n]on
A M. DUPLESSÎS. 33 1
pouvoir. Le roy dict qu'il partira mardi pour aller à
Rennes, oii il ne pourra demeurer moins de six jours,
et trois à aller et deux à revenir; car il laissera ici ces
dames, de sorte qu'il sera obligé de repasser à Angers.
Les affaires sont quasi encores aussi incertains de toute
part qu'ils estoient à nostre partement. Jeudi dernier,
nos Anglois s'en sont allés, qui n'ont diminué nos in-
certitudes, dont je vous asseure que je crois Tesprit en
repos.
De Nantes, le 25 avril i5g8.
CXXXIL — ^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Silleiy au rojt
SiRK, considerans avec combien de raison et d'affec-
tion vostre majesté nous ordonne, par sa despesclie du
9 de ce mois, de faire derechef toute l'instance qui nous
est possible envers les ambassadeurs d'Espaigne , afin
que, se resolvant ce traicté de paix, le cardinal archi-
duc accorde en faveur et considération de vostre ma-
jesté, à vos confédérés la royne d'Angleterre et Pro-
vinces Unies, une trefve de quattre ou trois mois pour
le moins, durant lequel temps vosdicts confédérés pour-
ront à loisir se resouldre s'il leur est plus expédient
d'entendre à la paix ou de continuer la guerre. Sire,
bien que nous eussions ci devant avec beaucoup de
contention desbatteu ce poinct avec lesdicts ambassa-
deurs, sans les avoir peu fléchir de consentir à ceste
demande , si est ce que voyant ce dernier et si exprès
commandement de vostre majesté, nous nous sommes
resoleus d'v faire encores le dernier effort. Vovans les
332 LETTRE
trois ambassadeurs qui sont ici , que, nous estant accorde
ce poinct, nous accordions de signer le traicté, ils nous
ont dict que ce que nous leur demandons est de telle
conséquence, et si contraire à la resolution que ledict
sieur cardinal a prise en cest affaire, qu'il n'est en
leur pouvoir de nous accorder ladicte trefve sans son
sceu et commandement; ce neantmoins nous decla-
roient qu'eulx trois estoient d'opinion que ladicte trefve
debvoit estre accordée selon la demande de vostre ma-
jesté , et qu'ils avoient bonne espérance que ledict sieur
cardinal s'y accommoderoit ; et pour la craincte qu'ils
avoient qu'à la response qui se resouldroit sur leurs
lettres, au conseil dudict cardinal, il n'y eust de la con-
trariété, adviserent, pour faciliter l'affaire, que le pré-
sident Richardot se transporteroit à Bruxelles par de-
vers ledict cardinal , où il s'achemina mercredi i 5 de
ce mois, d'où il est retourné samedi dernier. Il feit en-
tendre par le père gênerai, à M. le légat, la response
qu'il remportoit, qui est que ledict sieur cardinal est
du tout resoleu à la paix, veult qu'ils signent les arti-
cles ainsi qu'ils ont esté resoleus entre nous; et, pour
le regard de ladicte trefve, que ledict sieur Richardot
a rapporté qu'il s'est trouvé au conseil dudict cardinal
une merveilleuse contrariété, tellement que, quelque
chose qu'il ait sceu dire, l'opinion contraire Tauroit
emporté ; se fondans qu'oultre la perte du temps et
consommation de leurs moyens, il alloit trop avant de
l'honneur du roy catholique d'offrir la trefve aulx Hol-
landois, qui ne la demandoient pas, et avoient dict de
nouveau que, du vivant dudict roy, ils ne feroient ni
paix ni trefve ; et qu'il estoit sans doubte que vostre
majesté, qui estoit satisfaicte en toutes ses aultres de-
mandes, qui sont de si grande importance, ne rom-
AU ROY. :^33
proit pas pour si peu de chose , ayant plus que salis-
foict à tout ce qu'en telles choses elle peult estre obli-
gée a ses confédérés; les avant depuis ung an exhor-
tés d'entrer en la paix, obteneu qu'ils y seront aniia-
blement receus; que le roy d'Espaigne a envoyé tous
les pouvoirs pour traicter avec la royne d'Angleterre et
Hollandois; que vostre majesté a désiré, et de plus qu'il
est accordé par les articles que nous avons resoleus ,
que si dans six mois ils y veulient estre compris, ils y
seront receus. Tellement, sire, que ledict sieur Richar-
dot a esté ici renvoyé avec ceste response : Que vostre
majesté ne romproit poinct pour cela. Il s'est trouvé en
ce conseil beaucoup d'Espaignols, qui sont marris du
desmembrement des Pays Bas d'avec l'Espaigne; entre
aultres il y a don Diego d'ibara , qui n'est pas ung meil-
leur François à Bruxelles qu'il s'est monstre ci devant
estant dans vostre ville de Paris. C'est la flicon de ceulx
qui veulient rompre ung bon affaire de dire à leur
maistre, et tascher de le persuader, qu'une chose s'ac-»
cordera aiseement, bien qu'ils ne doubtent poinct qu'il
soit impossible de l'obtenir. Sire, M. le légat ayant eu
cest advis , il nous manda de l'aller trouver; nous feit
le récit de ce que dessus, et nous demanda conseil, et
quel estoit nostre advis en cest affaire. Nous dismes que
nous ne pouvions avoir aultre advis que d'advertir
vostre majesté de la response qu'auroit rapportée ledict
sieur Richardot ; que nous avions commandement ex-
près de lui renvoyer en toute diligence le courrier qui
nous a apporté sa despesche; ce que nous avions dif-
féré de faire, esperans en chose si raisonnable que Ton
nous feroit une meilleure response; mais puisque nous
nous trouvions frustrés de nostre opinion, contre l'es-
pérance et presque certitude que nous avoient baillée
334 LETTRE
les ambassadeurs d'Espaigne, que cest affaire passeroit
selon nostre désir; nous ne pouvions, ne debvions re-
tarder plus longuement d'advertir vostre majesté de ce
a quoi s'estoit resoleu le cardinal d'Autriche, afin
qu'estans encores auprès d'elle les ambassadeurs d'An-
gleterre et des Provinces Unies, elle prist la resolution
sur ceste response telle que Dieu lui conseiileroit pour
le bien de ses affaires. Voyant M. le légat ce que nous
lui avions respondeu, il manda ledict père gênerai, au-
quel nous fîsmes vifvement entendre la justice des de-
mandes de vostre majesté, et lui dismes avec douleur
la juste occasion qu'elle auroit de se plaindre de ce re-
fus, qui ne se pouvoit fonder en raison qui feust va-
lable. Le pryasmes de faire entendre le tout aulxdicts
ambassadeurs d'Espaigne, que nous requérions très jus-
tement de nous faire entendre la resolution dudict car-
dinal, dont nous délibérions sans plus différer advertir
des le soir mesmes vostre majesté, par le courrier qui
nous a apporté sa despesclie. Ledict gênerai alla trou-
ver lesdicts ambassadeurs , et nous feit les excuses de
M. Richardot, qui est vieil, et estoit las d'avoir coureu
la poste , et se trouvoit en peine de nous faire ceste
response, nous pryans, attendeu qu'il estoit nuict, de
voulloir avoir patience jusques au lendemain matin
qu'ils nous verroient en nos maisons, et nous feroient
entendre comme toutes choses ont passé; à quoi nous
nous accommodasmes , ne pouvans faire aultre chose.
Le lendemain, 19 de ce mois, estans ensemble, ledict
sieur Richardot nous feit ung long récit de la ferme
resolution dudict sieur cardinal à la conclusion de ce
traicté, et observation de tout ce qui aura esté promis,
des raisons qui le mouvoient de supplier vostre majesté
de l'excuser s'il ne s'accommodoit à ceste trefve; à quoi.
AU i\oY. 335
sire, nous respondismes tellement que, par ce que nous
en pouvions juger, ils feurent contraincts de céder à nos
raisons. M. Taxis prit la parole, et dict qu'es difficultés
adveneues sur les despesches de vostre majesté, on au-
roit mis en avant de proposer aultres moyens plustost que
de rompre l'affaire; qu'il en failoit faire de mesme en
celle qui se présente ; et, après avoir essayé si nous nous
pouvions relascher en quelque chose , et veu que nous
demeurions fermes, il a proposé si nous aurions agréa-
ble que le père gênerai retournast par devers M. le car-
dinal d'Autriche, pour lui faire entendre que n'estions
resoleus de signer le traicté s'il ne s'accommodoit en
quelque sorte au désir de vostre majesté touchant ceste
trefve; et que, de leur part, ils en escriroient de si bonne
encre qu'ils destromperoient ceulx qui veullent persua-
der audict cardinal que vostre majesté ne rompra poinct
pour cela. Sire, jugeans que ces ambassadeurs procè-
dent de bonne foi en cest affaire, nous n'avons pas es-
timé de debvoir rejetter ceste ouverture; y adjoustans
ceste condition, que l'on use de diligence à nous faire
response, ils ont dict que nous la pourrions avoir dans
quattre jours; nous pryans instamment de restreindre
le terme de trois mois que nous demandons, à deux,
afin que , nous rendans nos places , ils voyent aussi que
les Hollandois ne se prevallent poinct du secours de
vostre majesté; ne nous voulîans celer qu'il leur vient
de mauvais advis du costé de la Hollande ; qu'ils sont
asseurés du secours de vostre majesté , sitost qu'elle aura
recouvert ses places; ce que les Espaignols font fort
sonner aulx oreilles dudict cardinal , qui est nouveau
en ce maniement d'affaires, et crainct les rapports qui
en peuvent estre faicts au roy catholique son oncle. A
ce, sire, nous avons respondcu comme nous debvons;
436 LETTRE
et, comme nous en estimons, ils en sont demeurés sa-
tisfaicts ; et, pour response à ce qu'ils nous ont demandé
de restreindre le terme de la trefve k deux mois, nous
avons respondeu ne le pouvoir faire; mais, pour mons-
trer audict sieur cardinal que, de la part de vostre ma-
jesté, on cherche de lui donner tout le contentement pos-
sible, on accordera qu'il ne se parle de trefve, puisqu'ils
estiment que c'est chose qui prejudicie à Thonneur du
roy catholique ; mais que l'on se contentera qu'il soit
dict que , de trois mois , ils ne feront siège ni entreprise
sur les places que tiennent ceulx des Provinces Unies;
et vostre majesté moyennera que ceulx desdictes pro-
vinces lui feront la mesme promesse. Comme lesdicts
ambassadeurs sortoient d'avec nous, ledict père gefce-
ral nous est Veneu voir pour conférer de cest affaire. Il
est resoleu, suivant ceste ouverture, de faire le voyage
de Bruxelles, où il ira en diligence, avec promesse de
nous advertir promptement de la response du cardinal
par courrier exprès. Il se monstre homme d'entende-
ment et de valeur, et est parti d'ici bien resoleu de
n'obmettre rien de tout ce qui se peult pour advancer
cest affaire. Il porte une bien longue lettre de M. le lé-
gat audict cardinal, qui le prye très instamment, au
nom du pape, de se monstrer facile à contenter vostre
majesté , suivant ce qui lui en sera représenté par le-
dict père gênerai, duquel nous nous sommes diligem-
ment enquis de la cause qui pouvoit mouvoir ledict
cardinal à se rendre si entier à refuser ceste trefve. Il
nous a dict que ce propos a esté souvent traic«^é entre
nous; ce qu'il en a peu descouvrir dudict sieur Richar-
dot, oultre la perte du temps et de l'argent qui se faict
cependant, et ce qui a esté dict de l'honneur, est que
les Hollandois leur ont faict faire de très mauvais rap-
AU ROY. 3^7
ports; qu'ils sont asseurés du secours de vostre majesté
aussitost qu'elle aura recouvert ses places; que, pour
son regard , il a vostre majesté en toute opinion de
preudliomme et de prince très généreux et très véri-
table, et qu'ainsi il se soubtiendra devant le conseil du-
dicl cardinal et partout ailleurs. Nous lui avons dict
que l'on peult prendre certain tesmoignage et preuve
de la sincérité de vostre majesté par toutes ses actions
passées; et en l'affaire qui se présente, si elle eust eu
la moindre volonté de contrevenir à sa oromesse, elle
ne se feust pas rendeue si difficile à entrer en ce traicté,
et en resouldre les articles comme elle a faict : qui eust
voulleu tromper, on eust tout accordé pour liaster la
conclusion du traicté et restitution des places qu'ils ont;
et voyent de quel pied vostre majesté et ses ministres
y ont marché jusques à présent; que si malicieusement
on semé quelques bruicts pour mettre le cardinal en
souspçon, il sera, à nostre ad vis, si prudent, qu'il
considérera que ce sont ennemis ; que cela vient
de ceulx qui craignent de se perdre, et sont comme
l'homme qui est en danger de se noyer. Il n'y a rien
qu'il n'essaye avec despens de qui que ce soit pour se
saulver. Sire , ledict père gênerai a esté contrainct de
faire plus long séjour en son voyage que nous n'espé-
rions; ce qui nous faict craindre que vostre majesté
n'ait trouvé mauvais d'avoir esté si long temps sans nos
lettres; nous craignions d'ailleurs de tomber en une
plus grande faulte , lui escrivant seulement l'incertitude
de ceste negotiation; et M, le légat et nous avons souf-
fert une douleur extresme de ceste longueur, qui nous
mettoit en doubte de l'événement. Ledict père gênerai
nous a enfin rapporté la resolution dudict cardinal, qui
est qu'en faveur et contemplation de vostre majesté, il
Mj':m. de Dupxessis-Morjs'ay, Tome yiii- 22
338 LETTRE
accorde à la royne d'Angleterre et Provinces Unies ces-
sation d'entreprises sur leurs places, et actes d'hosti-
lité, pour deux mois, à compter du jour que le traicté
de paix sera par nous signé. A quoi il n'entend estre
obligé auparavant qu'il sçaclie s'ils ont accepté son
offre , ou que vostre majesté lui déclare de l'accepter
pour eulx. Nous avons longuement desbatteu pour avoir
le troisiesme mois, mais il nous a esté du tout impos-
sible. Si les ambassadeurs de Hollande sont encores en
vostre court , et aussi celui d'Angleterre , ou qu'ils ayent
donné la parole à vostre majesté de faire pour eulx ceste
promesse, sera le bon plaisir de vostre majesté de nous
renvoyer incontinent ce courrier, à ce que nous en
advertissions ces députés, qui le pourront faire sçavoir
audict cardinal dans ung jour. Nous espérons que ce
traicté de paix pourra estre signé et remis entre les
mains dudict sieur légat le premier jour du mois pro-
chain; et partant, que vosdicts confédérés, s'ils approu-
vent ceste cessation d'armes, en pourront jouir les mois
de mai et de juin prochains.
A dadvantage ledict cardinal ne s'est voulleu ac-
corder sur ce qu il dict estre si informé de la mauvaise
volonté des HoUandois , que s'il avoit accordé trefve
ou cessation d'armes, qui durast après la restitution
des places, ils ne fauldroient pas de trouver quelque
invention pour faire croire à vostre majesté que c'est
lui qui leur a rompeu la trefve , qu'il désire vostre
bonne grâce, et en fera tant de preuves qu'elle en de-
meurera asseuree, et qu'il la prye de prendre en bonne
part ce qu'il a peu accorder touchant ceste cessation
d'armes , ce qu'il a faict seulement pour le respect
qu'il veult porter à vostre majesté. Nous louons Dieu ,
sire, d'avoir peu en ceste occasion satisfaire au juste
I
AU ROY. 339
désir de vostre majesté, qui a obteneu pour la royne
d'Angleterre que le roy catholique s'est resoleu de
traicter avec elle, estant expresseernent conteneu au
pouvoir qu'il a signé de sa main pour traicter avec
ladicte dame, qu'il a resoleu ledict pouvoir sur ce que
le roy de France a déclaré de ne voulloir entrer ea
aulcung traicté, sans que ladicte royne y soit com-
prise ; aussi à nostre remonstrance le pouvoir pour
traicter avec les Provinces Unies a esté envoyé plus
ample que celui que ces députés avoient ici apporté.
Nous avons aussi obteneu que ladicte royne d'An-
gleterre et estats seront compris au traicté , si dans
six mois ils demandent y esire receus.
Vostre majesté leur a de plus moyenne ladicte ces-
sation d'armes pour deux mois , qui se pourra pro-
longer, si le cardinal cognoistra que c'est à bon es-
cient que ces gens veuUent traicter. Par cela vos
confédérés ressentent les fruicts de la bonté de vostre
majesté , qui eust peu ravoir toutes ses places six mois
y a, sans qu'elle a voulleu respecter leur amitié et
pourvoir à leurs commodités, quelque hazard et dom-
mage qui en peust advenir à ses affaires. Sire, nous
avons en toutes choses mesnagé mieuîx qu'il nous a
esté possible le pouvoir qui nous a esté donné; et,
grâces à Dieu , encores qu'il nous feust permis de
signer le traicté , encores que la trefve nous feust re-
fusée, nous avons tellement desbatteu ce faict que
vostre majesté demeure en cela servie comme elle nous
a commandé. Dieu , s'il lui plaist, nous fera la grâce
qu'elle agréera nostre humble service que nous conti-
nuerons avec toute fidélité, tant qu'il nous laissera en vie.
Nous ferons response à ce qu'il plaist à vostre ma-
jesté de nous escrire touchant le sieur Cécile. Sire
34o LETTRE
nous n'attendons pas que sa \'eneue en ce lieu ap-
porte aulcung bien à \os affaires ; mais puisque vostre
majesté Ta convié d'y venir pour noslre advis le meil-
leur est qu'il en fasse comme bon lui semblera, et
plustost on lui doibt monstrer que l'on désire qu'il
vienne qu'aultrement ; et s'il s'y resouldra, et qu'en
soyons advertis, nous pryerons les ambassadeurs de
l'attendre, ce que desjà ils nous ont promis de faire.
Quant à M. le légat, il ne faict pas estât de le voir,
et de ce que nous pouvons juger, on n'est pas pour
leur parler de remuer aulcune chose en Angleterre au
faict de la relligion. Ce sera à nous à penser qu'il ne
puisse faire le mal qu'il vouldroit ; estant le traicté
signé, comme nous espérons qu'il sera dans quattre
jours, sa journée ne monslrera pas beaucoup. Nous
avons pryé ceulx avec lesquels nous negotions de tenir
le traicté secret; si par faulte d'aultrui il en advient
aultrement, les excuses ne nous deffauldront pas d'avoir
si longuement attendeu les députés de vos confédérés;
parlerons de l'indisposition et du mescontentement de
M. le légat d'avoir esté ici teneu sans rien faire si
long temps, dont il dict que procède en grande partie
son indisposition ; que les prélats qui l'assistent lui
ont reproché que nous l'avions ici arresté par trop
de temps contre la dignité du pape, que nous les avons
attendeus pour traicter des le mois de janvier, et avons
faict pour eulx ce qui se pouvoit en leur absence;
iedict sieur légat, estant ce traicté signé, se resoult
d'aller en la ville de Rbeims, ayant à la vérité beau-
coup souffert en ce long séjour de Vervins, il ne sera
esloincrné de nous, et arrestera , pour le bien de vostre
service, jusques à ce que l'exécution de la restitution
des places soit achevée ou bien advancee.
AU ROY. '^4ï
Nous sommes obligés de dire à vostre majesté qu'il
s'est fort franchement employé en cest affaire, et deb-
vons rendie le mesme tesmoignage audict père gê-
nerai, jugeant M. le légat que vostre majeslé fera
chose digne de sa bonté, si elle escrira au pape le
contentement qu'elle a du grand debvoir qu'a faict
ledict père gênerai à advancer ceste paix; à quoi, avec
la bonne permission de vostre majesté, nous adjous-
terons que s'il lui plaira de favoriser de sa recomman-
dation, à ce que sa saincteté le veuille honorer de la
dignité de cardinal, comme nous avons entendeu estre
son intention , elle acquerra beaucoup d'obligation sur
ledict père gênerai, qui est homme de valeur, et qui
a bien mérite de vostre service.
Sire, nous n'estimons pas que ce soit vostre service
de changer ce lieu de Vervins pour mettre ceste con-
férence en ung aultre lieu près de Calais; il ne seroit
pas aisé de remuer M. le légat , et il peult beaucoup ser-
vir à favoriser l'exécution de la restitution desdictes
places.
Le traicté lui doibt estre remis dans quattre jours ,
signé de tous les ambassadeurs qui sont ici, de France,
Espaigne et Savoye. Il a esté advisé, pour plus de
seureté, que des maintenant il sera dressé et remis
audict sieur légat en la forme qu'il doibt estre ratifié
par nos maislres , et partant la paix est teneue pour
faicte et concleue des le jour que le traicté sera signé ;
mais d'autant que c'est chose qui sera teneue secrette
d'ici à ung mois, que les ratifications seront baillées,
a esté advisé qu'il se pourra escrire aulx gens de
guerre qui sont sur la frontière, que , pour aulcunes
bonnes occasions, ils ne fassent courses sur l'ennemi de
quinze jours, ni entreprises sur leurs places, renou-
342 LETTRE
"vellant ceste deffense pour aultres quinze jours, qu'on
sera au mois que la ratification doibt estre baillée et
la paix publiée, mesmement que vostre majesté sera
saisie des ostages , et ne seroit possible de tenir l'affaire
secret; nous en advertirons M. le connestable, qui en
advertira les gouverneurs , et aultres qui ont les places
et la campaigne.
Il plaira aussi à vostre majesté d'en faire donner
advis à M. de Lesdiguieres, d'autant que nous avons,
par mesnie moyen , resoleu le traicté de paix avec le
député de M. de Savoye, ne le pouvant faire l'ung
sans l'aultre; et qu'estant ledict sieur de Lesdiguieres
asseuré du costé de M. de Savoye, qu'il n'entreprendra
rien sur toutes les places où il commande pour le ser-
vice de vostre majesté, et qu'il ne fera aulcung acte
d'hostilité; qu'il en sera de mesme à l'endroict dudict
sieur duc , dans un g mois qu'il aura faict observer
ceste cessation d'armes , sa majesté lui commandera
«on bon plaisir sur la publication de la paix. Il est
aussi requis que les gouverneurs de Provence, de
Lvon, qui en advertira celui de Dombes et de la pro-
•vince de Bourgoigne, en soient advertis.
Apres que le traicté aura esté signé , nous en don-
nerons advis , et en advertirons aussitost et tout in-
continent vostre majesté, et en toute diligence, et
mesme de ce que nous aurons peu negotier sur quel-
ques aultres poincts de toutes vosdictes lettres.
Nous pryons Dieu, sire, de faire la grâce à vostre
majesté qu'elle jouisse et possède longuement et heu-
reusement de ceste bonne et honorable paix et accord ,
et qu'il vous donne, sire, etc.
Bu 26 avril i5g8.
A M. DE VILLEROY. %3
m
CXXXIII. — . ^ LETTRE
De MM. de Bellie<^re et de Sillery a M. de Vdleroy,
Monsieur , vous nous accusés de ne vous escrire
assés souvent; les despesches que vous avés receues ,
après vos lettres escrites , ont peu respondre pour nous.
Mnintenantnous vous confessons que nous vous en avons
donné beaucoup d'occasion , estant ici de retour La
Fontaine, d'autant que nous demeurions en incerti-
tude si la trefve vous seroit accordée ou non, nous
ne feusmes pas d'advis de le vous renvoyer, sans vous
donner asseurance de ladicte trefve, sans laquelle il
ne nous estoit permis de signer les articles, ou du
refus qui nous en auroit esté faict, voullant le roy
fonder sur cela la resolution qu'il prendroit en ses af-
faires. Les trois ambassadeurs d'Espaigne , qui sont ici ,
nous en donnèrent si bonne espérance que nous te-
nions , comme faisoit aussi M. le légat et le père gê-
nerai, la chose comme faicte ; et à l'instant, le i4 de
ce mois , nous feismes une despesche qui feut mise sur
les postes, et escrivismes à M. Louvet de la vous faire
tenir par ung de ses garçons, ce qu'il nous escrit
avoir faict.
Au retour de M. le président Ricliardot, nous nous
sommes trouvés en une merveilleuse confusion , crai-
gnans que cest affaire ne feust du tout renversé. Nous
avons remué le ciel et la terre pour la remettre, de
vous escrire le mal sans le remède ou le faict ou failli;
nous craignons de mettre le roy en une grande peine,
et faire plus de mal mettant vos esprits en ceste in-
344 LETTRE
certitude, que si nous vous laissions sans nos lettres
trois ou quattre jours dadvanlage, et de ce nous en
avons esté tellement prjés par M. le légat, que s'il en
feust adveneu du mal, il le nous eust imputé.
Monsieur, avec beaucoup de regret, nous avons
faict ceste faulte, mais çà esté pour en éviter une plus
grande. Par la despesche du roy, vous verres comme
le tout est passé.
Nous vous pryons de nous renvoyer au plus tost
le courrier avec la response du roy , sur Tacceptation
de la trefve pour la royne d'Angleterre et Hollandois,
d'autant que jusques alors le cardinal n'entend d'estre
obligé ; ils nous ont dict que ceulx des Provinces Unies
arment fort à Nimegues poiir faire entreprise, que
le cardinal est bien délibéré de les recevoir. Dieu nous
doint à tous la paix , et de faire nostre profîct de tant
de grâces que nous recevons de sa bonté; il est impos-
sible à dire les ruses dont usent les Hollandois pour
faire rompre ce traicté , faisant courir par Bruxelles
de bien mauvaises lettres à nostre desadvantag^. Il se-
roit à propos quand quelqu'ung, abusant de la liberté
françoise, parle au roy de ces affaires, qu'il receust une
response qui servist à faire perdre les souspçons où
l'on met le cardinal.
Si en ce grand affaire nous obmettons ung seul
poinct de la prudence, nous nous mettons en danger
évident de perdre ce que nous tenons à la main. Nous
nous recommandons bien , etc.
Du 26 avril 1698
A M. DE VILLEROY. , 345
CXXXIV.—'V' LETTRE DE M. DE BELLIEVRE
A M. de Villeroj.
Monsieur , je vous fais ceste lettre à part , touchant
ce que vous escrivés à M. de Sillery, et à rrjoi, du
voyage de M. de Sancy en ces quartiers.
Quant à Toccasion du voyage elle est cessée, comme
vous voyés, par la despesche que nous faisions au roy ,
vous asseurant que je suis bien marry que plus tost il
n'en a esté parlé. J'ai toute occasion d'aimer et hono-
rer M. de Sancy , et de désirer sa bonne compaignie.
Je désire en cela tout ce qu'il désirera _, et vous responds
que M. de Sillery a la mesme volonté. En cest esloingne-
ment de la court que nous peult il mieulx arriver et
advenir que de vivre avec ung personnage de valeur
que nous aimons et sommes obligés d'aimer? Nous
laissons donc ce jugement à ce que vous deux trouvè-
res le meilleur. Il sera question d'envoyer par devers
le cardinal et en Espaigne , pour recevoir le serment;
en l'aultre paix de l'an iSSg, le cardinal de Lorraine,
MM. le mareschal de Sainct André et de Morvilliers
feurent députés pour recevoir le serment de ce roy
catholique. M. de Sancy en peult estre l'ung. Consi-
dérés si c'est chose où il veuille servir.
Il y a ung aultre faict qui nous met en peine; vous
sçavés que M. le connestable faisoit estât d'estre em-
ployé en ce traicté; M. le mareschal de Biron s'est
déclaré à quelqu'ung de mes amis, que le roy lui a
dict qu'il l'y voulluit employer. Vous jugés assés que
M. de Sillery et moi nous avons deu désirer que ces
grands personnages soyent nommés au traicté, comme
s.
346 LETTRE DE M. DÉ BELLIEVRE
a esté faict en celui de l'an iSdq; mais la nature de
la chose n'a permis qu'ils se soyent trouvés en ceste
negotiation; car ils faisoient trop de lustre pour laisser
croire aulx Anglois et Hollandois que l'on ne faisoit ici
qu'esbaucher la matière, et vous dis en vérité que,
selon mon petit jugement qui eust manié ce traicté
aultrenient qu'a esté faict, suivant les bons advis qui
ont esté pris pour le roy, qu'il y avoit danger trop
évident, ou que l'on ne feist rien du tout, qui estoit
le but des Anglois et Hollandois , ou que tout le fruict
de ce traicté feust tombé en l'escuelle de la royne d'An-
gleterre; ce qu'encores elle espère obtenir par l'élo-
quence du fils de son grand thresorier. Pour vous en
dire l'opinion de M. le légat, il n'estoit pas d'advis
que l'on envoyast ici des grands du royaulme, non pas
pour ce qu'il n'aye opinion que M. le connestable ne
désire la paix , mais disoit le cardinal Albert en voul-
dra aussi envoyer, et peult estre seront ils d'une
humeur si difficile qu'au lieu d'accommoder les af-
faires ils les gasteront, et y auroit peult estre telle
jalousie pour les précédentes que la feste se gasteroit.
Nous ne le voulleusmes pas escrire ; car il eust peu
sembler que nous n'eussions pas voulleu voir ici M. le
connestable, duquel je puis dire qu'estant à Lyon, lui
parlant du service du roy, il m'a tousjours faict plus
d'honneur que je ne puis mériter ; à quoi qu'il plaise
au roy de se resouldre en cest affaire , nous tiendrons
la main à ce qu'il soit trouvé bon par les aultres, et
n'en advienne reculement au service de sa majesté ;
jugés seulement de ce qui est le plus expédient; et
pour vous dire à quoi j'en suis, je vouldrois desplaire
à personne, mesmes à ceulx que j'honore et doibs ho-
norer ; jugés, estant resoleu et signer ce traicté par
. A M. DE VILLEROT. 3/i7
aultres, comme on mettroit leurs noms. Vous estes si
bon médecin que vous trouvères remède à ceste maladie.
M. de Montpensier estime que, traictant avec M. de
Savoye, nous pourrons aiseement obtenir qu'il lui laisse
Cbastillon et quelques aultres places qu'il a occupées
sur lui en la Bresse, et ce pour le recompenser et satis-
faire de grandes ruynes que les armées dudict duc ont
faictes en son pays, de bombes durant ces dernières
guerres. Son conseil est d'advis que c'est chose qui
s'obtiendra facilement en faveur du roy ; ce que je crois,
pourveu que le roy le veuille acheter aulx despens de
son marquisat de Saluées.
M. le mareschal de Balagny nous demande advis de
ce qu'il doibt pryer le roy de nous commander de faire
instance. Il désire avoir quelque recompense pour la
perte qu'il a faicte de Cambray. Je le désire aussi;
mais en cela je suis despourveu de conseil; aultre res-
ponse ne lui ai je peu faire. Je vous envoyé la lettre
qu'il m'en a escrite, je lui désire tout bien; mais, s'il
n'aura aultre bien que celui que les Espaignols lui
veuUent faire, il ne fault pas que sur ceste espérance il
haulse son train.
Les princes d'Espinoy nous ont faict escrire par
M. le connestable , etc.
Le comte Amoral d'Egmont nous faict aussi parler
pour estre remis en ses biens ; c'est chose que nous
désirerions pouvoir faire ; il se fault resouldre par ce
qui se peult. Attendant le retour du père gênerai , j'avois
commencé la lettre; depuis son retour nous avons pris
resolution de finir et de concleure l'affaire tout d'ung
coup , comme vous verres par la lettre que nous en
escrivons au roy. Je vous baise , etc.
Du 26 avril i5g8.
348 LETTRE DE M. DE VILLEROY
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CXXXV. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J MM. de Bellievre et de Slllerj.
Messieurs, le 19 de ce mois nous receusmes, par
iing des gens de Louvet , vos lettres du i4, aulxquelles
je feis response le 22 par la mesme voye. Depuis nous
avons tousjours attendeu l.a Fontaine, lequel vous
nous promettiés faire partir des le samedi d'après 18
mni. Il ne comparoist poinct encores, dont je suis en
peine; car je crains qu'il soit surveneu chose qui ac-
croche la résolution de vostre traicté. Toutesfois je
veulx croire que si cela esloit, que vous n'auriés plainct
vostre peine ni celle d'ung courrier pour nous en
donner advis, cognoissant, et vous ayant aussi escrit ,
comhien Tincertitude de ce faict nous importe. Il est
vrai que si vous nous y laissés plus long temps, ce ne
sera sans donner subject au roy de s'en plaindre, et
augmenter nostre soulci ; car nous avons esté con-
traincts de despescher et licentier les ambassadeurs
d'Angleterre et de Hollande, parce qu'ils ont voulleu
s'en retourner, et n'a esté possible de les retenir dad-
vanlage; les ungs et les aultres s'en sont allés très mal
contens : ceuix là, parce qu'ils voulloient nous obliger
à ne resouldre et conclure nostre accord sans eulx,
sans aultrement nous asseurer de leurs volontés, ni du
temps qu'ils feroient trouver leurs députés en l'assem-
blée pour traicter ; et les aultres, parce qu'ils s'atten-
doient de nous porter à la guerre, et nous leur avons
faict cognoistre que nous les voullions porter à la paix
avec nous; et, comme ils nous ont dict qu'ils n'avoient
A MM. DE BELLTEVKE ET DE SILLERY. 849
p&s pouvoir de ce faire, sa majesté a pris resolution
de renvoyer devers leurs supérieurs le sieur de Bu-
zenvai , pour les y persuader, si faire se peult, suivant
ce que nous vous avons escrit par nostre despescbe
du 9 de ce mois. Les choses estant en tels termes, je
vous laisse à penser où nous nous trouverions , si à
présent onrompoit par delà avec vous, et quelle peine
nous aurions de regaigner avec les ungs et les aultres
nostre première créance; car, bien que nos intérêts en
la poursuite de la guerre nous rejoignent, ce ne pour-
roit estre toutesfois avec telle confiance et asseurance
que devant, qui est le seul mal que nous avons tous-
jours crainct debvoir advenir de vostre negotiation et
des bruicts de paix qui ont esté publiés. Ores, soit
que nous debvions boire ce calice ou non, je vous dis,
comme je vous ai jà escrit, qu'il nous importe fort
d'en estre esclaircis , et mis hors de doubte bientost
pour donner ordre en nos affaires en une sorte ou
aultre.
Le roy doibt partir demain pour aller a Rennes. Il
demeurera en ce voyage douze ou quinze jours, et re-
viendra après ici pour prendre les dames, et nous
acheminer du costé de Paris. Cependant nous ferons
partir, des jeudi prochain, des environs de Rennes,
sept ou huict mille hommes de pied , accompaignés de
cavallerie, pour retourner en Picardie, par la Nor-
mandie , qui est le plus court et droict chemin ; mais
lesdictes gens de guerre ne pourront arriver au plus
tost qu'à la fin de mai. Ce sera le temps aussi que sa
majesté pourra arriver à Paris, ou je vouldrois avoir
payé chose qui me feist faulte , et qu'elle feust desjà
arrivée, tant j'estime sa présence et son approchement
par delà nécessaire.
35o LETTRE DE M. DE VILLÈROY
Quand ces ambassadeurs d'Angleterre arrivèrent,
ils ne nous parloient que d'attendre l'arrivée du pou-
voir que l'on avoit envoyé quérir en Espaigne , pour
envoyer en l'assemblée et traicter, nous parlant de la
continuation de la guerre en termes qui nous fai-
soient croire qu'ils n'avoient aulcune envie de s'y en-
gager plus avant; mais, quand ils ont sceu que ledict
pouvoir estoit arrivé, et qu'il a esté question de se
resouldre , ils nous ont déclaré que le pouvoir que leur
souveraine leur avoit donné de traicter estoit restrainct
au consentement de ceulx des estats des Provinces
Unies, de sorte qu'ils ne pouvoient rien faire sans
eulx ; et, voyant qu'ils n'avoient charge de s'engager
en ceste negotiation, ils estoient d'advis de continuer
Ja guerre, pour laquelle ils offroient d'envoyer au roy
six mille hommes payés , mesme pour reprendre Ca-
lais; à quoi , si nous ne voullions entendre, ils ont dict
qu'il falloit donc qu'ils retournassent en Angleterre
pour faire lever ladicte restriction, pour pouvoir en-
trer en traicté sans lesdicts estats , et sont partis sur
cela le 2 5 de ce mois , ayant pris leur chemin par Caen.
Ils ont faict ce qu'ils ont peu pour tirer parole du roy
de n'arrester cependant ses conditions devant leur re-
tour d'Angleterre , qu'ils ont dict debvoir estre dedans
ung mois ou dix jours après; mais sadicte majesté n'a
voulîeu leur donner ceste parole là , oui bien d'entre-
tenir les choses en estât, que, s'y présentant dedans
ce temps là, ils trouveroient encores la porte ouverte
pour y entrer et y estre receus. Sur cela , ils m'ont faict
bailler, par escrit , les articles qu'ils prétendent pro-
poser s'ils traictent , lesquels ils m'ont pryé de vous
envoyer, afin que vous preniés la peine d'en discourir
comme de vous mesmes avec les ambassadeurs d'Es-
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 35 1
palgne, pour, s'il est possible, descouvrir leur inten-
tion sur iceulx , et nous en donner advis. Je vous en-
voyé donc ledict mémoire pour faire cest office, si
vous pouvés; car sa majesté Faura bien agréable : si-
non en user comme vous jugerés estre pour le mieulx;
car sa majesté ne veult retarder ni gaster ses affaires
pour eulx ni pour aultres , comme je vous ai escrit
par nostre despesclie du i/J de ce mois, que j'ai ad-
dressee par exprès à Louvet pour vous faire tenir, au
conteneu de laquelle nous nous arresterons.
J'ai bien recogneu que lesdicts Anglois ne s'atten-
dent de rendre aulx Espaignols les places que les
estats leur ont engagées, et qu'ils gardent, disant que
s'il fault qu'ils les quittent, ce doibt estre à ceulx qui
les leur ont baillées , après qu'ils auront esté remboursés
de leurs advances, qu'ils font monter bien hault; et
semblent qu'ils ayent appris, par les lettres intercep-
tées dont je vous ai donné advis, quel est le but sur ce
desdicts Espaignols. Quant à moi, je vois que lesdicts
Anglois feront toute sorte de diligence , offres et efforts
pour traverser vostre traicté envers lesdicts Espai-
gnols, puisqu'ils n'y ont rien gaigné avec nous, afin
d'avoir Calais, où gist toute leur ambition. S'estant
gouvernés ici avec tant de dissimulation et artifice
grossier, toutesfois que nous avons moindre occasion
d'en bien attendre que jamais; partant il vous plaira
d'y prendre garde; et vous asseure que si vous pouviés
advancer la restitution de ladicte ville de Calais , vous
fériés beaucoup pour le roy et pour le royaulme. Il
me semble qu'il vauldroit mieulx se passer de moindre
nombre d'ostages pour les aultres, et advancer la red-
dition dudict Calais. Toutesfois, je vous dis cela comme
de moi mesmes, et le remets à vostre meilleur advis;
352 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
mais je vous supplie de nous faire sçavoir de vos bonnes
nouvelles , et me continuer , etc.
Du 28 avril lÔgS.
CXXXVI. —^ MEMOIRE
De quelques poincts touchant Je traictè d'entre la
rojne cV Angleterre et le roy d'Espaigne.
Que les anciens traictés d'amitié, privilèges et li-
bertés qui feurent conveneus entre le feu roy Hen-
ry Vlll son père et l'empereur Charles V, comme duc
de Bourgoigne, soyent renouvelles, avec abolition de
toutes les contraventions qui y ont esté faictes de-
puis le commencement des règnes de ladicte royne et
roy.
Et que les subjects de ladicte dame royne puissent
avoir libre trafic en tous les pays du roy d'Espaigne,
sans qu'ils. soyent recherchés ni molestés en leurs per-
sonnes ou bien par l'inquisition ecclésiastique , si ce
n'est qu'ils donnent cause apparente de scandale.
Aussi que les traictés et commerces soyent renou-
velles et restablis , qui feurent anciennement entre
l'Angleterre et le Portugal, avant que le royaulme de
Portugal feust annexé aulx Espaignes.
Que toutes les prises et déprédations faictes de part
et d'aultre , soit par mer ou bien par terre , soyent
mises en oubli, et que tous les prisonniers qui n'au-
ront poinct compose pour leurs rançons soyent restitués
de chaque costé.
Que ledict roy rembourse la royne des deniers qu'elle
presta en l'année 1677 aulx estats qui se tenoient à
»IEMOIRE. 353
Bruxelles, ?i Tinstance et requeste de ses ambassadeurs,
pour l'argent nécessité et pour le grand besoing de ses
affaires.
CXXXVII.—^ LETTRE DE M. DUPLESSIS
^ M. de Lomenie,
Monsieur, je feus fort marri de ne vous avoir vea
premier que partir. J'avois eu congé du roy , auquel
j'avois dict sommairement mes raisons; mais je le pris
sans cérémonie, parce que mon malbeur m'oblige à
cacber mes voyages, mesme au milieu des amis de mon
ennemi. J'avois sceu que messieurs de la court de par-
lement envoyoient commissaire pour informer de l'at-
tentat faict contre moi, et vous sçavés encores que je
ne me déclare pas partie; qu'aultre que moi, bien que
soubs main , n'administrera les preuves. C'est à quoi je
travaille et plus soigneusement, parce qu'on tascbe à
les me faire desperir. Aussi, s'estant passé six mois
depuis une playe si cuisante sans grand progrès , tous
momens m'y sont et doibvent estre chers, maintenant que
j'y vois quelque voye ouverte; car la vérité est que je
ne vis pas aussi peu qu'au feu. Je ne vous veulx d'ail-
leurs sceller que je crois voir que de mes plus intimes
amis à bonne intention s'entremettent d'unir accord,
auquel il m'est mal séant d'estre ni postulant ni com-
muant, directement ou indirectement, dont cependant
je ne pourrois éviter le blasme , conversant à toutes
heures si-priveement ensemble , que je ne dissimulerai
poinct à M. de Villeroy. Ores, le roy ne doibt trouver
estrange que je sois ou chatouilleux, ou frémissant en
une si sensible playe; doibt au contraire désirer, aimant
MÉM DE DUPLESSIS-MORJVAY. ToME VIIT. 23
354 LETTRE DE M. DUPLESSIS, eu.
mon honneur, comme il lui a pieu tesmoigner, qu'il
y soit recogneu tout entier. Ce que je vous dis, parce
que quelqu'ung m'a escrit que sa majesté avoit esté
offensée que je ne Pavois reveue depuis mon congé , et
laquelle je vous supplie de faire entendre ma raison ,
et que rien ne me faict plus désirer de sortir de cest
affaire, soit par son auctorité, soit par telle occasion
que Dieu m'en présentera , que le regret de m'en voir
moins capable de lui faire service ; car vous n'ignorés
pas , oultre l'impatience d'esprit , que je ne puis estre
en court qu'extraordinairement accompaigné, et par
conséquent sans une despense que je ne puis longue-
ment porter. Faictes moi donc ce bon office après tant
d'aultres. Et sur ce, monsieur, je salue humblement
vos bonnes grâces , et prye Dieu vous avoir en sa
saincte garde. Vostre humble et affectionné ami à
vostre service , Duplessis. f
De Saulmur, ce 29 avril lôgS.
Je vous prye me marquer ce qui se sera passé de la
part du roy avec M. le mareschal de Brissac; car je ne
pense avoir moins de subject de me plaindre de lui
que de son beau frère.
GXXXVIII. — ^ LETTRE DU ROY
J MM. de Bellievre et de Sdlerj.
MM. de Bellievre et de Sillery, je ne puis demeurer
plus long temps en la peine en laquelle je vis depuis
huict jours par faulte d'estre adverti de vostre negotia-
tion ; car les dernières lettres que j'ai receues de vous
sont du 14, par lesquelles vous m'asseuriés que vous
LETTRE DU ROY, etc. 355
me (îespecheriés le samedi d'après, qui estoit le i8, le
courrier La Fontaine avec la resolution entière de nos-
tre traicté , auquel il sembloit par vostre lettre qu'il ne
debvoit plus avoir de difficulté ; mesmes vous me don-
niés espérance que le délai de trois mois que j'ai de-
mande pour donner loisir aulx Anglois et Hollandois
d'entrer en ce traicté , seroit accordé : toutesfois non
seulement ledict La Fontaine n'est pas encores arrivé,
mais je n'ai receu ung seul mot d'advis de l'occasion de
son retardement, ni de l^estat de vostredicte negotia-
tion ; sur cela les Anglois et Hollandois qui estoient
ici s'en sont retournés très mal satisfaicts de moi ;
ceulx là pour croire que j'ai faict et arresté mon ac-
cord sans eulx , ayant appris par la despesche intercep-
tée , tombée entre leurs mains, de laquelle je vous ai
donné advis , que vous estiés entrés en matière des le
mois de febvrier, plus avant qu'ils ne s'estoient pro-
mis ; et de ceulx ci pour s'estre trouvés trompés de
Testât qu'ils avoient faict de me porter à la guerre ,
quand ils m'auroient représenté leurs raisons, et faict
offre de leurs forces et moyens, tant y a qu'il ne m'a
esté possible de les retenir plus long temps. Vous ayant
faict advertir particulièrement par le sieur de Villeroy
à quels termes j'en suis demeuré avec eulx à leur parte-
ment ; partant, je ne vous en ferai redicte; mais je
vous dirai que depuis je me suis trouvé merveilleuse-
ment empesché à resouidre ce que je doibs faire des
forces que j'ai ici sur les bras ; car, s'il fault continuer
la guerre , il fault que j'en dispose aultrement que si
j'avois la paix. Cependant mon peuple est mangé, mes
deniers sont consommés ; je perds le temps; l'ennemi
fortifie Blavet à furie; j'offense mes confédérés, et
perds le credict de toutes parts sans les aultres inconi-
356 • LETTRE DU ROY, etc.
modités et desadvantages que m'apporte une telle in-
certitude, de laquelle je crois que vous n'estes pas
moins desplaisans que moi mesmes ; mais ce n'est pas
des difficultés et longueurs avec lesquelles ceulx aulx-
quels vous avés affaire, vous entretiennent que je'me
plains ; c'est de quoi vous me laissés si long temps
ignorans de ce que vous faictes et des termes où
vous en estes avec eulx ; c'est donc pourquoi je vous
envoyé ce courrier, lequel je vous prye me renvoyer
en toute diligence pour me délivrer de ceste anxiété
qui est plus grande que je ne la vous puis représen-
ter par escrit, et doresnavant ne faictes faulte de m'es-
crire par la poste de deux jours l'ung ; quand vous
n'auriés à me faire aultre chose que Testât de vostre
disposition , pour le moins sçaurai je qu'il ne sera rien
surveneu de nouveau, dont je doibve estre en peine.
Je prye Dieu , etc.
Du dernier avril i5g8.
» ^'«..^«^'«•^ ^,-v^ %^'«^<1
CXXXIX. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messieurs , vous avés peu cognoistre par nos lettres
des 14, '-^2 et 27 de ce mois la peine en laquelle nous
tient l'incertitude de vostre negotiation, la vous ayant
représentée particulièrement par iceîles ; depuis elle
est tellement accreue pour n'avoir receu ung seul mot
d'advis de vous , que la patience avec laquelle nous avions
attendeu jusques aujourd'hui l'arrivée de La Fontaine,
nous est eschappee ; de sorte que l'on m'a commandé
de vous despescher ce courrier avec la lettre qu'il vous
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. 357
porte; quand la paix ne se fera poinct, on ne s'en
prendra pas à vous ; car elle ne despend pas de vous ;
et si nous ne nous pendrons pas pour cela; car, grâces
il Dieu, nous n'avons pas faulte encores de courage,
ni de moyens de nous deffendre , voire assaillir nostre
ennemi , et le faire repentir de nous avoir abusé
quand il Taura faict ; ce n'est pas aussi là le subject
de nostre plaincte; elle est fortifiée sur ce que vous
nous laissés si long temps demeurer sans sçavoir à
quoi vous en estes; car ceste incertitude est cause que
nous ne pouvons pourveoir à nos affaires , comme
nous ferions, si nous estions esclaircis de ce que vous
faictes , vous pryans de croire que cela nous faict plus
de mal que je ne vous puis représenter par escrit ,
avec ung tel desplaisir de sa majesté, qu'elle s'en
2)rend à tout le monde; tirés nous en donc, je vous
prye , et ne permettes à l'advenir que nous y retom-
bions. Nous avons advis que ceuix de Blavet se forti-
fient tant qu'ils peuvent. On nous escrit aussi de tous
costés , et mesmes d'Italie, que les Espaignols ne nous
parlent de paix que pour nous tromper, ne voullant
faire aultre cliose que nous desunir d'avec nos confé-
dérés, mesmes qu'ils traictent à part avec les Anglois ;
tous ces advis, joincts aulx discours que nous faisons
sur ce retardement dudict La Fontaine, et vostre si-
lence, nous atterrent merveilleusement; toutesfois le roy
a délibéré d'attendre encores en ce pays le retour de
ce courrier, afin de se trouvera l'ouverture des estats
de ce pays qui doibvent estre ensemble à Rennes le i5
du prochain : nous ne laisserons à faire advancer en
Picardie une partie des forces que nous avons amenées
par deçà, lesquelles sa majesté suivra le plus tost qu'elle
pourra ; mais elle est contraincte de demeurer quelques
358 LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc.
jours encores dedans le pays pour y establir les affaires
à cause de Blavet.
Au reste , je ne veulx finir la présente sans vous
^ faire part de l'advis qui nous a esté donné de la reprise
de Savarin par les chrestiens , ainsi que vous verres par
la lettre d'Orlandin , maistre des courriers de Lyon,
que je vous envoyé. Le mesme advis nous a esté escrit
de Venise du 8 de ce mois pour tout assuré , le secré-
taire de l'empereur l'ayant faict entendre à la seigneurie.
C'est le baron de Schaartzemberg qui a conduict et
exécuté cet exploict. Je me recommande, etc.
Du dernier avril i5g8.
CXL. — ^ RELATION
De ce qui se passa a la conférence pour la paix a
Veivins y Van 1098, depuis le ^ fehvrier jusques
au \^^ mai; mise par escrit par le secrétaire du
ca?'dinal de Florence^ légat à latere du pape Cle~
ment FUI.
Le 6 febvrier 1598, nous partismes de Sainct Quen-
tin, et joignismes le lendemain les députés de France;
ceulx du cardinal d'Autriche, comme procureur du
roy d'Espaigne, y arrivèrent le jour suivant; ils avoient
avec eulx le gênerai des cordeliers , lequel ayant lettre
du cardinal de Florence, légat de nostre sainct père
en France , leur avoit assigné le jour de se trouver là.
Ils feurent incontinent visités de la part du légat , par
son maistre de chambre. Ils estoient trois : le président
Richardot le premier; Taxis, chevalier de Sainct Jacques,
le second; et ung certaing audiencier du Pays Bas.
Estans veneus saluer M. le légat, il les receut avec
RELATION SUR LA. PAIX. 359
grande démonstration de contentement et beaucoup
de courtoisie, les faisant entrer dans sa chambre, où
il leur parla avec zèle et charité, les exhortant à s'ac-
commoder autant que leurs commissions le pouvoient
porter, et lever les difficultés qui se presenteroient,
ayant esgard au service de Dieu et à Thonneur et
satisfaction de sa saincteté, qui avoit tant travaillé à
lier ceste conférence pour le repos et advantage des
peuples soubmis à l'une et à laultre des deux cou-
ronnes , dont on estoit veneu traicter la paix. Il s'offrit
ensuite comme ministre de sa saincteté , et non comme
arbitre, ou comme juge. Le président Richardot res-
pondit pour tous avec beaucoup de soubmission , lui
tesmoignant qu'ils avoient une très grande confiance
en lui , et s'asseurant fort expresseement que le roy
d'Espaigne ne s'estoit porté à nommer le cardinal
d'Autriche son procureur que pour complaire au
pape , et que son altesse ne les avoit députés aussi que
pour ce mesme subject ; leur ayant enjoinct de faire
tout ce que M, le légat leur commanderoit , et qu'ils
eussent à se fier en lui , le recevant non seulement pour
entremetteur, mais mesme pour arbitre et pour juge.
Le légat les remercia, sans se voulloir engager dans
ces grandes offres qu'ils lui avoient faictes , se restrei-
gnant à estre simplement médiateur.
Il leur dépeignit le naturel noble et franc du roy de
France, et leur feit scavoir les bonnes conditions de
MM. de Bellievre et de Sillery, députés de sa majesté,
afin qu'ils peussent se conduire avec plus de lumière
en leur negotiation. Ces desputés partirent sur cela,
et ceulx de France arrivèrent aussitost, qui dirent à
M. le légat qu'ils estoient prests de faire tout ce qu'if
lui plairoit de commander, que le roy leur avoit donné
36o RELATION
ordre de s'assembler quand bon lui sembleroit, et
qu'ils prissent garde que rien ne se feist que par Tauc-
torité du pape; ensuite ils lui touchèrent ung niot de
la préséance, ce qui ne surprit pas le légat, parce
que des Paris il avoit parlé de cela avec le gênerai des
cordeliers, et depuis le propos s'en estoit renouvelle
dans Sainct Quentin , sur quoi ils avoient tous deux
l'esprit extresmement en suspens , et si fort partagé
qu'ils attendoient que le temps y apportast quelque re-
mède, songeant neantmoins cependant à trouver des
expediens dont le légat ne manquoit point, ayant esté
long temps ambassadeur; mais les propos fermes et
resoleus que lui tint M. de Bellievre Festonnèrent
grandement; lui disant qu'il ne voulloit poinct d'ac-
commodement en ce qui estoit de la préséance, comme
on en avoit usé au concile de Trente; qu'alors le car-
dinal de Lorraine avoit misérablement trahi la France;
qu'ils estoient resoleus de se retirer pluslost que de
mettre ce poinct en compromis, et qu'il ne falloit
poinct y chercher d'expédient. Il feit soubvenir le légat
de la déclaration faicte a Rome par le pape Pie IV, en
faveur de la France, la maintenant en la possession
de la préséance, lui adjoustant qu'il estoit obligé de
maintenir et deffendre ce que le pape avoit faict.
Le légat usa sur cela de bonnes paroles , les asseu-
rant que ce n'estoit pas son intention de leur faire
rien perdre, et que peult estre les auhres se dispose-
roient à céder, comme n'estans que députés du car-
dinal d'Autriche. M. de Bellievre repartit qu'ils enten-
doient traicter avec les députés du roy d'Espaigne et
non du cardinal d'Autriche. Le légat repartit que le car-
dinal estoit procureur du roy catholique , et qu'ainsi
il pouYoit nommer des députés en sa place qui ne (raie-
SUR LA PAIX. 3Gl
teroient pas absolument au nom du roy catholique,
mais comme personnes subdeleguees par le cardinal.
Cela adoulcit aulcunement M. de Bellievre, qui dict
qu'il falloit voir les pouvoirs avant que parler d'aultre
chose, et sur cela prit congé avec M. de Sillery. Le
Jegat s'enferma lors avec le gênerai , pour délibérer
sur ceste difficulté, laquelle lui sembloit, comme elle
estoit en effect, de grande importance; le cardinal lui
dict que jamais les Flamands ne se disposeroient à
céder absolument, et sur ceste inquiétude ils advise-
rent de proposer l'expédient que voici : que l'evesque
de Mantoue, comme nonce de sa saincteté, se trouve-
roit aulx assemblées, et que le légat prenant sa place
au bout de la table, le nonce seroit à sa droicte , et les
François les premiers vis h vis de lui à la gauche, les
Flamands prenans immédiatement leurs places au
dessoubs du nonce, au nombre de trois, puisque Fau-
diencier estoit nommé dans leurs pouvoirs. Quant au
gênerai , il seroit au bas bout opposé au légat, lequel
il envoya proposer cest expédient aulx parties, qu'elles
acceptèrent toutes deux sans difficulté , chacune y
trouvant son compte.
Le jour suivant, qui feut le 9, le légat tint la pre-
mière assemblée, oîi on ne spécifia poinct si les Fla-
mands esloient députés d'Espaigne, du roy catholique
ou du cardinal d'Autriche. A la vérité, les François
parlans d'eulx , les nommèrent ambassadeurs du roy
catholique, et les mesmes François feurent ceulx qui
parlèrent les premiers, voullans en oultre que le légat
dict en ceste première assemblée , en quel lieu cha-
cung debvoit prendre sa place ; ce qui feut faict par le
légat après avoir conféré avec les parties, car il pro-
cedoit avec grande circonspection.
362 RELATION
Estans donc tous assemblés sur les deux heures après
midi, le legat feit ung discours fort approprié au sub-
ject, leur représentant combien saincte et nécessaire
estoit l'œuvre pour laquelle sa saincteté les avoit con-
viés et sollicités à s'assembler; quelle grande consola-
tion elle en recevroit, et quelle espérance on debvoit
prendre d'ung bon succès, veu qu'on ne se le pouvoit
promettre aultre, eu esgard à la promptitude avec la-
quelle ils s'estoient trouvés là, et à la grande confiance
qu'ils tesmoignoient avoir les ungs des aultres. Il s'of-
frit ensuite à tous les deux partis avec mesme affec-
tion, promettant que comme le pape estoit et voul-
loit estre père commun , son legat aussi ne seroit poinct
plus d'ung costé que d'aultre, n'ayant poinct d'aultre
but ni d'aultre fin que le service de Dieu et de toute
la chrestienté. Il feut respondeu qu'ils estoient très
disposés à faire la paix , et qu'ils esperoient de la pou-
voir conclure, non seulement entre les deux couronnes,
mais mesme avec leurs confédérés; c'est à sçavoir,avec
l'Angleterre et les Pays Bas ; sur quoi il y eut ung fort long
discours, avec beaucoup de confiance et de courtoisie
entre les parties. Enfin la conclusion feut que le len-
demain ils se monstreroient leurs pouvoirs les ungs
aulx aultres, et qu'estant trouvés suffisans on passeroit
oultre; et cela arresté, ils se retirèrent qu'il estoit desjà
nuict.
Le jour suivant on se rassembla , oii le legat feit la
proposition de ce qu'on debvoit traicter ; ils se com-
muniquèrent réciproquement leurs pouvoirs qui es-
toient tels : celui de France estoit très ample et libre ;
celui d'Espaigne à la personne du cardinal d'Autriche
estoit semblable, mais en langage espaignoi, et le pou-
voir que le cardinal donnait à ses députés en françois.
SUR LA PAIX. d63
Celui du roy d'Espaigne ne parloit poinct aulx confé-
dérés, mais celui des députes du cardinal leur donnoit
la faculîé de traicter la paix avec les confédérés. M. de
Bellievre s'arresta là dessus , et monstra par bonnes
raisons que leur pouvoir en ce qui touchoit les confé-
dérés n'estoit pas suftisant, et qu'il ne le pouvoit pas
accepter sans l'avoir communiqué au roy et à ses con-
fédérés. Les Flamands respondirent que la royne d'An-
gleterre estant en guerre avec le roy d'Espaigne
lorsque ces pouvoirs avoient esté expédiés, comme il
ne sçavoit pas que le roy de France la voulleust com-
prendre, il n'avoit pas aussi envoyé de pouvoir pour
cela ; mais que le cardinal s'obligeroit bien de faire ra-
tifier le roy d'Espaigne; et que, si besoing estoit, on
despescberoit ung courrier en Espaigne qui en seroit de
retour en peu de jours. Geste proposition ne pleut pas
au légat, qui empescba avec dextérité cest envoi de
courrier en Espaigne, disant qu'on pourroit traicter
entre France et Espaigne , et venir à quelque adjus-
tement. Taxis là dessus demanda permission à Ricbar-
dot de parler , parce qu'il n'estoit que le second , et
dict (peult estre avec trop de liberté) qu'eulx députés
du cardinal voulloient traicter avec grande franchise,
et dire nettement tout ce qu'ils avoient pouvoir d'ac-
corder au roy de France , qui estoit de lui rendre non
seulement les cinq places de Dourlans, Le Castelet, La
Cappelle , Ardres et Calais, mais mesme Blavet, et
cela sans aulcune restriction , sinon qu'on y procede-
roit de la mesme façon qu'à la paix de Chasteau en
Cambresis. M. de Bellievre respondit , répétant ponc-
tuellement la proposition , laquelle estant faicte sans
aulcune reserve . il l'accepta , en réitérant plusieurs
fois les p^'opres termes. Le président Ricbardot, en-
364 , RELATION
cotes qu'il estimast que Taxis avoit passé ung peu
trop avant , il n'usa neantmoins d'aulcune contradic-
tion , et répéta plusieurs fois que la restitution se feroit
selon les capitulations du traicté de Chasteau en Cam-
bresis, à quoi les François ne contredirent nullement.
Les députés d'Espaigne demandèrent ensuite deux
choses : la première, que l'ambassadeur de Savoye eust
ung passeport pour venir en Flandres avec quarante
chevaulx, et qu'il lui feust permis d'intervenir en ce
traicté pour, soubs la protection du roy d'Espaigne,
accommoder ses affaires en France; la seconde, qu'il
peust venir quelqu'ung de la part du duc de Mercœur
en ceste assemblée, avec seureté, pour faire son ac-
commodement, et qu'à cest effect ils lui peussent es-
crire et donner advis certain sur cela. M. de Bellievre
ayant consulté avec M. de Sillery, respondit à la pre-
mière demande, que, pour ce qui estoit de l'ambassa-
deur de Savoye, ilsauroient le passeport qu'on deman-
doit, mais non pas pour ung si grand nombre de
chevaulx; qu'ils le donneroient, ne l'ayant reteneu jus-
ques à l'heure que pour ce que le roy leur maistre ne
voulloit pas que l'affaire du duc de Savoye se traictast
en l'assemblée, mais à part.
Quant au duc de Mercœur, que, sans expresse com-
mission et permission du roy, ils ne pou voient donner
aulcune seureté ni passeport, parce qu'estant son vas-
sal, il n'estoit pas digne de cest honneur; mais qu'on
pouvoit laisser traicter cest affaire entre sa majesté
et ledict duc, sans que personne s'en entremist. Les
Flamands demeurèrent estonnés, et neantmoins il ne
sembla pas qu'ils se souciassent beaucoup du duc de
Mercœur, mais seulement qu'ils vouUoient faire quel-
que office pour lui.
SUR LA PAIX. 365
On demanda au legar ce que l'on feroit le lende-
main; à quoi il respondit que Ton s'assembleroit à pa-
reille heure, et qu'il falloit apporter le traicté de paix
faict à Chasteau en Cambresis, que l'on liroit article
par article.^ afin de resouldre les moyens qu'on tien-
droit pour faire la restitution. Cela feut accepté , et les
députés se retirèrent, laissant le légat en espérance de
bon succès.
Le jour suivant ils se rendirent à Theure donnée, et
le légat ayant proposé qu'on feist lecture de la paix,
M. de Bellievre dict qu'il avoit de nouveau considéré
kur pouvoir, et qu'il persistoit en son opinion que
celui du cardinal n'estoit pas suffisant en ce qui tou»
choit les confédérés; que le roy de France ne pou voit
avec honneur passer plus avant sans le consentement
de ses confédérés; que pour ce subject il estoit néces-
saire qu'il en escrivist à sa majesté, pour sçavoir comme
elle et ses confédérés recevroient ceste proposition ,
ceulx des Pays Bas se trouvant lors auprès de sa ma-
jesté , on attendoit de jour à aultre ung secrétaire
d'Angleterre qui pouvoit bien desjà estre arrivé. Il re-
marqua que le deffault de pouvoir suffisant aulx dé-
putés en ce qui touchoit les confédérés, estoit de no-
table préjudice au roy de France, et que, présumant
qu'ils l'auroient, il avoit consenti que le légat tinst
ceste assemblée, de laquelle s'ils estoient tousjours ex-
cleus , ils n'avoient point besoin d'aultre prétexte pour
abandonner ses interesls, et piqua là dessus avec dex-
térité ses adversaires; il parla poseement, obscuree-
ment, et avec quelque équivoque. C'est ung fin vieil-
lard et fort advisé. Richardot, qui ne l'avoit pas bien
entendeu, lui feit response avec beaucoup de chaleur,
disant qu'il leur scnibloit qu'on leur faisoit grand tort.
366 RELATION
veu qu'on les avoit amenés en une assemblée sur ung
affaire qui s'estoit traiclé assés de mois auparavant ,
pour que sa majesté très chrestienne sceust au vrai si
les confédérés voulloient ou non entrer au traicté de
paix , et neantmoins qu'ils n'avoient encores peu ap-
prendre quelle estoit leur intention, qu'ils estoient
toutesfois prests de traicter avec eux, ne pensans pas
qu'il y allast de l'honneur du roy d'Espagne, et qu'ils
estoient veneus exprès pour sçavoir quelle estoit sur
cela l'intention du roy très chrestien et des confédérés.
Il se plaignit de ne pouvoir rien obtenir de ce qu'ils
demandoient ni pour le duc de Savoye, ni pour le duc
de Mercœur, et qu'il lui sembloit que c'estoit une es-
trange façon de procéder. Le légat voyant qu'on com-
mençoit à hausser la voix , et qu'on n'avoit pas bien
entendeu M. de Bellievre, qui peult estre n'avoit pas
voulleu qu'on l'entendist mieulx , interrompit la dis-
pute, disant qu'ils ne s'entendoient pas, et répéta le
discours de M. de Bellievre, lequel en substance con-
tenoit que les pouvoirs, en ce qui concernoit les con-
fédérés, estoient bien suffisans d'une part; mais que,
craignans que ce qu'on offroit ne suffîst pas, c'est à
sçavoir de faire promettre au cardinal que le roy d'Es-
paigne ratifieroit , il avoit voulleu le faire sçavoir h son
roy , puisque l'affaire estoit en aultre terme , attendeù
que le roy de France avoit tousjours expresseemeht
commandé qu'il ne sefeist poinct d'assemblée,, si on n'y
apportoit des pouvoirs suffisans , mesme à l'esgard des
confédérés. Cela dict, le légat se tourna vers le gêne-
rai , et lui ordonna de faire entendre à l'assemblée ce
que le roy de France lui avoit dict sur ce particulier.
Le gênerai confirma tout ce que le légat avoit dict,
et répéta tout l'affaire en ce qui concernoit ce chef
SUR LA PAIX. 367
des confédérés; cela appaisa les députés d'Espaigne,
qui dirent que , pour ce qui estoit des Hollandois
(car ils nomment ainsi les estats), ils avoient en main
de quoi leur donner toute satisfaction; mais qu'à l'es-
gard de l'Angleterre , il leur sembloit que ce qu'ils
avoient offert debvoit suffire; que sa majesté catho-
lique n'avoit poinct deu donner procuration pour
traicter de paix avec l'Angleterre pour ce qu'au mesme
temps que le roy d'Espaigne donnoit le pouvoir de la
faire avec la France, la royne d'Angleterre l'attaquoit
avec une armée, et que l'honneur de sa majesté catho-
lique ne souffroit pas de donner des pouvoirs de faire
la paix avec une personne inférieure pendant qu'elle
lui faisoit la guerre, et sans qu'elle l'en requist. Les
François ne dirent poinct s'ils acceptoient ou non ces
excuses; mais ils parlèrent plus doulcement. Le légat
ne desiroit nullement qu'on en vinst jusques à ce par-
ticulier d'envoyer ung courrier en Espaigne; et pour
cela il moyenna que les députés d'Espaigne trouvassent
bon qu'on escrivist au roy de France , espérant en ce
que beaucoup de choses se proposent pour plus grande
seureté , et non pas avec une déterminée rosolution
de les faire passer de la sorte. Voyant donc ung peu
les esprits plus tranquilles, il feit que la paix de Cam-
bresis feut leue par l'audiencier. Elle estoit en langue
françoise , et feut leue en ceste mesme langue; mais
le légat l'avoit traduicte en italien , ce qui la lui fai-
soit entendre. Il n'y eut pas grande difficulté par ce
traicté , sur les moyens de faire la restitution. La reso-
lution feut prise du consentement des deux partis,
quoique M. de Bellievre ne voulleust pas consentir en-
tièrement quant au temps, que Calais et Ardres se-
roient rendeues deux mois après la ratification du roy
368 RELATION
(le France, lesquels comiîienceroient à courir du jour que
la paix seroit jurée par sa majesté très chrestienne , et
que les trois aultres places , Dourlans , Le Castelet et
La Cappelle se rendroient dans trois mois ou environ;
car le temps n'en feut pas si expresseement déterminé;
que toutes les cinq places seroient données au roy de
France avec toutes leurs améliorations ; que le roy
d'Espaigne satisferoit tous les soldats qui estoient de-
dans mutinés ; que Tartillerie qui y estoit y seroit
laissée par les Espaignols ; que Blavet se demoliroit.
Mais, pour ce qu'il falloit ici plus de temps, ils ne
vouUeurent pas estre pressés, et demandèrent qu'on
le leur donnast suffisant pour faire venir les contre-
seings d'Espaigne , parce que celui qui commandoit
en ceste place n'en retireroit pas aultrement sa gar-
nison , ni n'en permettroit la démolition. Les François
demeurèrent fort contens de ce traicté ; et, pour l'ob-
servation de tout ce que promettoient les Espaignols,
demandèrent des ostages au choix du roy très chres-
tien , jusques à ce que les cinq places feussent resti-
tuées, et Blavet desmoli. Ils feurent promis, quoique
avec ung peu de difficulté. A la fin, M. de Bellievre
s'adoulcit encores qu'il restast quelque difficulté au
subject de l'artillerie; ce qui feut de plus important,
feut que les François prirent asseurance qu'on traictoit
tout de bon. On arresta que pour le lendemain on ne
s'assembleroit poinct , parce qu'ils voulloient avoir du
temps pour escrire à leur roy, et lui despescher ung
courrier. Les Espaignols sortirent les premiers; et le
légat, les voyant ung peu en suspens, leur demanda
qu'il leur peust parler le jour suivant en particulier,
ce qu'ils promirent volontiers. Il parla après cela long
temps à MM. de Bellievre et de Sillery; lesquels lui
l
SUR LA. PAIX. 369
dirent qu'il l'asseurast que la royne d'Angleterre ne gas-
teroit rien , et qu'il ne trouvast pas mauvais qu'on
attendist la response du roy. Ils parlèrent avec liberté
de la royne, et répétèrent ce qu'ils avoient dict en
l'assemblée , que le roy de France n'estoit poinct soub-
mis à la royne d'Angleterre, et que les affaires ne pas-
seroient pas à sa fantaisie. Ils pryerent ensuite le légat
de donner ordre au secret de ceste negotiation , ayant
l'œil sur ceulx mesmes qui ne se trouvoient pas en
l'assemblée, parce qu'ils sçavoient bien qu'on escrivoit
à Paris et ailleurs beaucoup de cboses, lesquelles vrayes
ou faulses, avoient porté et portoient encores grand
préjudice à ceste negotiation. Le légat , trouvant cest
advertissement bon , prit cest expédient après que
les François feurent sortis, de parler aulx prélats de
sa suite qu'il voyoit tous les jours, fort curieux de
sçavoir ce qui se passoit, et leur dict qu'ils feroient
bien d'avoir leurs plumes reteneues pour beaucoup
de respects , et particulièrement pour ce qu'ils ne sça-
voient pas bien ce qu'ils escrivoient, et ne laissoient
pas de pouvoir faire beaucoup de mal aulx affaires,
escrivant le vrai ou le faulx; qu'il sçavoit bien que
leurs nouvelles et leurs spéculations, qu'ils avoient dict
et escrit à Sainct Quentin, avoient nui grandement;
qu'ils s'abstinssent de le faire doresnavant, l'impor-
tance en estant plus grande que jamais; qu'il ne lui
seroit pas difficile de sçavoir ceulx qui y contrevien-
droient, comme il ne lui avoit pas esté par le passé,
et qu'il leur protestoit que s'ils contrevenoient à ce
qu'il leur disoit, il leur rendroit de très mauvais offices
vers sa saincteté, pour le service de laquelle il n'au-
roit respect de qui que ce feust. Il n'y eust pas ung
d'eulx qui lui repliquast rien; mais cbacung s'alloit
MÉar, UK Dupj-Essis-MoKJfAY. Tome viir. ^4
Syo RELATION
imaginant de ce que le légat avoit voulleu parler, ne
le pouvant apprendre de leur propre conscience, parce
que le légat parla généralement à tous sans s'addresser
particulièrement à pas ung. Il en feurent fortfaschés,
et en feirent grande plaincte.
Le jour suivant , les Espaignols vinrent trouver le
légat, estant fort en peine de ce qu'ils croyoient que
les François ne voulloient pas la paix; et si ils en
avoient desjà fait leur plaincte au gênerai des le ma-
tin , oultre ce dont ils s'estoient faict entendre dans
l'assemblée, de quoi il avoit donné advis au légat. Es-
tans entrés, il les asseura par beaucoup de raisons que
les François desiroient certainement la paix, et qu'ils
estoient contens des conditions proposées, comme ils
avoient peu voir. Aussi que sans doubte il leur estoit
plus préjudiciable de ne la pas faire qu'à eulx Espai-
gnols, veu que ceste assemblée qu'ils avoient faicte,
avoit donné de la jalousie à tous leurs confédérés;
qu'il croyoit que ce que M. de Bellievre apportoit de
la difficulté sur leurs pouvoirs en ce qui regardoit l'An-
gleterre , n'estoit que pour mettre à couvert l'honneur
de son roy, selon qu'on pouvoit conjecturer des pro-
pos qui avoient esté teneus en l'assemblée, et à lui
en particulier ; qu'ils ne debvoient pas trouver es-
trange que les François voulleussent escrire en court,
;Comme il avoit esté arresté, veu que l'affaire avoit
changé de face , puisqu'eulx n'avoient pas apporté des
pouvoirs pour le faict des confédérés , tels que les
avoit désirés et demandés absolument le roy de France;
qu'ils pou voient remarquer qu'on cherchoit les moyens
de n'avoir poinct besoing de despescher en Espaigne ,
attendeu que les François l'en sollicitoient , et qu'ils
taschoient d'abréger le temps de la restitution des
SUR LA PAIX. 371
places. Avec telles et semblables raisons du légat, les
députés d'Espaigne demeurèrent satisfaicts, et lui de-
mandèrent ce qu'il lui sembloit de l'affaire de Savoye,
Il feit response que les François souffriroient qu'on en
parlast, mais qu'ils ne voulloient pas entretenir le
traicté précèdent , parce qu'ils voulloient ravoir le
marquis de Saluées, et qu'ils ne voulloient pas traicter
en commun les interests des deux couronnes avec ccuIk
de Savoye. Les députés remercièrent fort le légat, et
se retirèrent très satisfaicts , ainsi que l'apprit depuis
le gênerai.
Le treiziesme jour de l'assemblée ne se tint poinct ,
parce que M. de Bellievre avoit pris médecine, etc.
Le lendemain matin il y en eut plus tost, afin qu'on
ne s'estonnast pas de ce manquement que pour aultre
chose; car, en effect, on aUendoit pour prendre réso-
lution la response du roy, qui estoit depuis peu allé
à Fontainebleau. On y traicta que la paix se faisant
entre les deux couronnes, ceulx là y feussent teneus
pour compris, que les roys auroient engagé aulx mau-
vaises grâces de l'une ou de laultre, comme aussi du
cardinal d'Autriche, si le roy cathohque lui donnoit
la Flandres. Le legat feit ceste proposition à la réqui-
sition des Espaignols, et elle feut acceptée par les
François sans aulcune difficulté. Les députés du car-
dinal prirent congé les premiers , et les François de-
meurèrent. Le legat tascha de sçavoir d'eulx ce qu'ils
esperoîent de la response du roy très chrestien ; il lui
feut respondeu qu'ils l'esperoient bonne. Le legat re-
partit : Il ne se peult qu'elle ne soit telle, puisque vous
avés tout ce que vous demandés. Ils répliquèrent
qu'il estoit vrai , mais qu'ils desiroient pourtant qu'on
restreignist le temps des restitutions. Le legat leur
072 RELATION
dict : Vous désirés qu'on abrège, et neantmoins vous
tenés suspendeue l'assemblée, proposant qu'il est ne^
cessaire de despescher ung courrier en Espaigne pour
ce qui touche l'Angleterre. Ils dirent qu'ils ne pen-
soient pas que cela deust empescher le traicté, ni re-
tarder la conclusion ; neantmoins qu'ils ne pouvoient
parler avec certitude, tout despendant de la response
de sa majesté, de laquelle ils esperoient fort bien.
Le légat dict qu'ils ne debvoient plus craindre qu'on
ne procedast en cest affaire tout de bon ; ils feirent
response qu'ils s'en tenoient asseurés , et pryerent de
nouveau le légat de faire que le temps des restitutions
feust plus brief, disant que leur roy estoit souspçon-
neux, et qu'il n'estoit pas bon de le tenir en ceste
jalousie, estant partis sans qu'on eust arresté si l'as-
semblée tiendroit le lendemain , et le gênerai n'en
ayant rien dict le matin au légat, sinon qu'au cas qu'il
y en eust ou deust avoir il le lui feroit sçavoir. Sur
ung peu d'indisposition causée par la néphrétique, le
légat se meit au lict, où il ne feut pas plustost que
les députés arrivèrent ; il crut qu'ils estoient veneus
pour le visiter , et pour cela il les feit entrer. Ung peu
après le gênerai lui vint dire que ceulx d'Espaigne ve-
noient aussi pour s'assembler; le légat se plaignit lors
de ce qu'on ne lui avoit pas fait sçavoir plus tost, et se
voulleut habiller vistement, pour ce que leur donnant
audience dans le lict, l'ordre de la séance se con-
fondoit entièrement. Les François ne vouîleurent ja-
mais permettre qu'il se levast, estant bien aises qu'il
n'y eust poinct d'assemblée , et le gênerai se chargea
d'empescher les aultres d'entrer , ce qu'il feit facilement.
Le légat entretint fort au long les François, et le len-
demain, qui estoit le i3 du mois, donna pareille au-
SUR LA PAIX. 373
dience aulx Espaignols. Il tenoit pour asseuré qu'il ne
restoit aulcune difficulté pour concleure, sinon que
les François ne vouiloient pas que le duc de Savoye
intervins! au traictë , et les Espaignols ne le desiroient
pas laisser derrière ; que les François vouiloient ra-
voir le marquisat de Saluées, et le duc de Sa/oye ne
le voulloit pas rendre, et de plus, qu'ils demandoient
qu'on abregeast le temps de la restitution des places ,
et les Espaignols dictoient qu'ils ne le pouvoient faire,
c'est oii en estoit l'affaire ; cependant qu'on atten-
doit la response de la court de France, qui ne pou-
voit plus gueres tarder. Le légat avoit appris de don
Pietro Ursino que le duc de Savoye lui avoit dict qu'il
ne rendroit poinct le marquisat de Saluées pour faire
la paix; mais bien qu'il cl^iercberoit tous les aultres
moyens de s'accommoder avec la France, lui adjous-
tant qu'il sçavoit bien que le légat estoit d'advis de ki
restitution du marquisat. Ores, cela estoit une pure
imagination du duc, parce que le légat, depuis la
guerre, n'en avoit jamais parlé, sinon à Theure; et si il
n'avoit pas dict que le duc deust rendre le marquisat,
mais seulement que les François le vouiloient ravoir,
et si lorsqu'il ledict le duc ne le pouvoit pas sçavoir.
Cela ne laissa pas de donner quelque desplaisir au
légat; mais il ne cessa pour cela de s'employer, de
tout son possible , à ce que le duc feist son accommo-
dement.
Cependant M. de Bellievre se trouva mal, et le
courrier ayant tardé son retour jusques au 20, il n'y
eut poinct jusques là d'assemblée; mais le légat s'oc-
cupoit durant ce temps à oster les jalousies et lessousp-
çons qu'avoient les Espaignols, et se servit en cela du
gênerai; lequel, bien qu'il lui semblast que les Fran-
374 RELATION
cois ne parloient pas assés franchement (ce qui lui
donnoit souspçon ), feit neantmoiris cest office sur l'as-
seurance que lui donnoit le legat. Que si le légat eust
procédé avec plus d'ardeur en cest affaire , et qu'il
n'eust usé de patience, il Teust ruyné, parce que ou
il se seroit monstre partial , ou il auroit souffert
que les parties intéressées eussent tout gasté entre elles
par les deffîances réciproques où elles estoient, qu'on
les vouUoit tromper. Le legat leur ostoit tousjours
ces ombrages, estant asseuré qu'on traictoit sincère-
ment, et avec desseing de co*cleure la paix. Ce feut
pourquoi il ne voulleut jamais consentir au conseil que
beaucoup lui donnoient, sans en estre requis, de tes-
mo'igner quelque mescontentement du procédé du roy
très cil! estien , et de quelques aultres , parce qu'il
jugea to\sjours que la patience et la neutralité con-
duiroient heureusement ung si grand affaire.
Pour la reprendre , l'histoire porte que le jour d'après
la veneue du courrier les députés de France vinrent
des le matin trouver le legat , et lui dirent que leur
rcy estoit tousjours en la mesme disposition de faire la
paix, et qu'il acceptoit les conditions comme elles
avoient esté traictees, sans y rien changer; mais qu'il
ne pensoit pas qu'on se peust dispenser de despescher
ung courrier en Espaigne , afin que le roy catholique
donnast ung pouvoir suffisant pour faire aussi la paix
avec l'Angleterre; que c'estoit chose que sa majesté
a voit tousjours demandée comme nécessaire, parce
que la promesse du cardinal , de faire ratifier le roy
d'Espaigne , n'estoit pas suffisante, comme il avoit esté
dict. Que le roy ne voulloit pour cela arrester le traicté
là dessus, qui se pou voit cependant advancer entre
les deux coui^onnes , en touchant les articles séparée-
SUR LA. PAIX. ' 375
ment, et selon qu'ils seroient accordés parles parties,
les signans après tous ensemble; et cjue, jusques à ce
quela response feust veneue d'Espaigne, on les despo-
seroit entre les mains de M. le légat, qui auroit soing
de les conserver et tenir secrets.
Ils s'estendirent fort sur les louanges du pape, et
remercièrent, au nom du roy , le légat des peines qu'il
prenoit et de la patience qu'il avoit; adjoustans qu'ils
ne demandoient rien dadvantage; à l'esgard des estats,
pour ce qui avoit esté traicté sur cela suffisoit; qu'au
surplus, ce courrier estoit en toute façon nécessaire,
puisqu'il debvoit apporter le contreseing de Blavet ,
pour pouvoir exécuter ce qui avoit esté arresté.
Ils lui feirent aussi entendre qu'ils desiroient fort que
les députés d'Espaigne feussent bien informés de tout
cela avant que l'on vinst à l'assemblée, afin qu'ils ne
feissent pas difficulté d'envoyer le courrier; ce qu'ils
ne pouvoient d'ailleurs refuser, ayans offert en pleine
assemblée de le faire partir et retourner en peu de
jours. Le légat donna part de ce que dessus aulx dépu-
tés d'Espaigne, par le gênerai, arrestant que le jour
suivant ils se trouveroient tous à l'assemblée. Il sur-
vint quelque petit desordre lorsque cbacung s'y deb-
voit acheminer, parce que les François n'entroient pas
pour donner temps au légat de parler aulx aultres
avant leur arrivée, ne sçachans pas qu'ils avoient esté
informés de tout, et les Espaignols attendoient jusques
h. ce que les François feussent passés les premiers. Le
légat s'estant apperceu de cela , les feit pryer de venir ;
ce qu'ils feirent.
Les spéculatifs s'imaginèrent là dessus qu'il y avoit
différend pour les rangs, et le publièrent ainsi; ce qui
n'estoit pourtant nullement vrai. Toute la compaignie
376 RELATION
se trouvant assemblée, M. de Bellievre exposa, avec
plus de doulceur qu'il n'avoit de coustume, la response
du roy très chrestien, en la mesme façon que le légat
la leur avoit faict entendre. Les Flamands l'escouterent
attentifvement, et ayans discoureu entre eulx, ils re-^
partirent fort courtoisement , acceptans la response
qu'on leur venoit de faire. Ils demandèrent temps jus-"
ques au lendemain pour resouldre l'affaire du courrier.
Ils parlèrent au duc de Mercœur, taschans de traicter
pour lui , et de lui faire donner advis ; ce que les Fran-^
cois refusèrent, et l'affaire ne passa pas oultre. On parla
aussi du duc de Savoye; les François ne s'esloingnerent
pas de traicter avec lui , ce qu'ils avoient refusé d'aulx
tresfois; mais ils estoient comme persuadés des raisons
du légat qui les y avoit portés. L'assemblée se sépara
là dessus jusques au lendemain, où les Flamands, qui
avoient pris temps pour respondre, acceptèrent entiè-
rement la response du roy très chrestien , tant pour
dresser les articles et les souscrire que pour les dépo-
ser entre les mains du légat; ils dirent qu'ils avoient
des lettres au cardinal pour expédier le courrier en
Espaigne, et qu'il estoit desjà prest pour cela; mais
puisqu'on avoit adjousté à ceste despesche de faire
venir d'Espaigne les contreseings pour la démolition de
Blavet , il estoit besoing qu'on prist sur cela de nou-
velles lettres du cardinal , ce qui se feroit prompte-
ment, et qu'ensuite ils despescheroient le courrier tant
pour cest affaire que pour le pouvoir nécessaire à
l'esgard de l'Angleterre. Les François demeurèrent très
satisfaicls, et le légat accepta la consignation et la garde
des articles, après qu'ils auroient esté agréés par les
parties. Les François sollicitèrent la veneue de Taiiibas-
sadeur de Savoye, laquelle ils n'avoient poinct jusques
SUR LA PAIX. 377
là tesmoigné désirer. On arresta qu'on commenceroit
h dresser les articles, et pour cest effect on ne s'as-
sembla pas le jour suivant, qui estoit le 9.3 , afin qu'on
eust eu ce temps pour les mettre par escrit.
Les François commencèrent à estre plus faciles qu'ils
n'avoient esté auparavant; d'où on peult conjecturer
qu'ils avoient eu de plus amples commissions. Quant
au duc de Mercœur, les Espaignols faisans de nou-
velles instances pour lui, il feut resoleu de différer
pour quelque temps à parler de son traicté, estant
teneu pour certain qu'il se soubmettroit au roy très
chrestien, ou mesmes qu'il l'avoit desjà faict.
Le jour de surseance passé , on s'assembla le 24 du
mesme mois. Les François y récapitulèrent tout ce
qu'on avoit traicté ; c'est à sçavoir qu'on dressast des
articles tels qu'on peust avoir une bonne et durable
paix, avec toutes les asseurances dont on pourroit
convenir, levans tous les empescbemens qui se pour-
roient rencontrer, lis demandèrent qu'on restreignist
le temps de la restitution des places a ung mois seule-
ment; dirent que le roy très chrestien auroit désiré
avoir toute l'artillerie qui y estoit, ou au moins la
moitié, et qu'il falloit se despescher de signer les ar-
ticles, afin de les mettre , comme on avoit conveneu,
entre les mains du légat. Richardot feit response qu'on
ne pouvoit abréger le temps de la restitution, parce
qu'ils ne pensoient pas pouvoir donner plus tost les
ordres nécessaires pour cela, veu qu'il y avoit dans
les places des soldats mutinés, qu'il estoit raisonnable,
pour maintenir la réputation de leur roy, de cbastier
eji quelque façon; qu'ils ne voulloient ce temps là que
pour satisfaire pleinement à tout; que debvans rendre
les places, leur advaiitage estoit de le faire plus tost
378 RELATION
que plus tard, tant pour se descharger de despense
que pour divers aultres respects qu'il esloit aisé de
s'imaginer, les interests du cardinal y estans visibles.
Les François ne se contentoient pas de cela; au con-
traire, ils remonstroient que pour la paix de Canibray
il n'y avoit eu qu'ung mois de temps pour semblables
restitutions, et demandoient qu'on abregeast le terme
au moins de quinze jours. Les Espaignols estoient
inexorables; mais le légat et le gênerai, s'interposans
pour accommoder l'affaire , feirent en sorte qu'ayant
esté parlé au précèdent de rendre les cinq places h
deux fois, c'est à scavoir Calais et Ardres dans deux
mois, et les trois aultres ung mois après, il feut arresté
que toutes les cinq seroient rendeues dans les deux
premiers mois ; et ce feut la conclusion de ce différend.
Quant a Blavet, il y avoit aussi de la difficulté pour le
temps dans lequel on en debvoit oster la garnison et
démolir les fortifications. Les François trouvèrent long
le terme de trois mois, et les aultres n'en voulloient
rien rabattre. Le légat, voyant ces difficultés, parla à
tous et avec des raisons pleines d'efficaces, feit com-
prendre aulx François qu'ils ne pouvoient doubter de
l'affaire de Blavet, parce que les cinq places leur estans
rendeues pour faire la paix , il n'estoit pas vraisem-
blable qu'on feist après difficulté de demander Blavet,
parce que les Espaignols ne trouveroient pas leur
compte, ayans restitué ces villes, à se reserver Blavet,
sans avoir la paix.
Tous demeurèrent contens de ce qu'il avoit dict; et,
quant à la démolition de Blavet, on demeura dans le
terme de trois mois, avec parole de laquelle on se
contenta, que, si faire se pouvoit, on l'accourciroit.
L'on concleut aussi que le temps des deux mois corn-
SUR LA PAIX. 379
1 • 1 *
îiienceroit à courir du jour qu'on signeroit les articles;
et que dans ce temps la paix entre les deux couronnes
seroit jurée par le roy de France et par le cardinal
d'Autriche; et qu'après on en fourniroit la ratification
du roy d'Espaigne. L'on parla du duc de Savoyc, et
les François demandèrent de nouveau qu'on feist venir
son ambassadeur. Le légat donna jour ensuite pour
l'assemblée; et, quant au différend qui estoit pour l'ar-
tillerie, les François n'y peurent rien gaigner, encores
qu'ils en demandassent une partie de courtoisie.
Tout cela feut ainsi arresté sans qu'on en deust plus
parler, sinon par les articles.
Le 26 se passa sans assemblée, bien qu'elle y eust
esté assignée, parce que le courrier de Bruxelles ar-
riva avec lettres et les contreseings qu'on attendoit ;
ce que les Espaignols voulleurent faire voir aux Fran-
çois, et pour cela les feurent trouver; de sorte que la
journée se passa toute à cela. On feit les expéditions;
et , le lendemain , on despescha le courrier en Espaigne ,
la couverture de la despesche portant le sceau du légat,
avec l'addresse aunoncedesasaincteté, résidant auprès
du roy d'Espaigne, parce que les François ne voul-
leurent pas qu'il traversast la France soubs le nom du
roy d'Espaigne , bien qu'il n'y eust rien du légat en
tout le paquet que la couverture.
Le 26 , on tint l'assemblée en laquelle les François
demandèrent que Cambray feust remis en neutralité ,
comme il estoit avant qu'il feust retourné entre les
mains des François. On disputa beaucoup sur cela sans
rien resouldre , bien qu'il pareut assés que du temps
de Charles Quint la forteresse estoit entre ses mains ; et
si on croit pour certain que la garde des portes depen-
doit de lui. On parla aussi des François qui estoient
38o RELA.TION
clii parti contraire au roy, aulxquels on desiroit qu'on
pardonnast , et qu'ils faussent remis dans leurs biens.
A quoi M. de Bellievre feit quelques fortes oppositions,
comme de dire que c'estoient vassaulx du roy de
France, duquel seul ils debvoient recevoir leur grâce,
et non par lentremise du roy d'Espaigne , auquel ils
n'avoient rendeu nul service , estant simplement des
fugitifs. Neantmoins il ne se rendit pas opiniastre , le
nombre en estant petit, et n'y ayant que M. d'Aumale,
duquel on n'aVoit pas confisqué les biens , qui feust de
grande considération, etc.
Le legat crut qu'on ne debvoit plus tenir d'assemblée
que l'ambassadeur de Savoye ne feust veneu, la substance
des choses estant arrestee entre les deux couronnes,
de craincte qu'en retouchant ces mesmes choses on ne
prist occasion de nouvelles difficultés. De sorte que sur
la fin de l'assemblée , on trouva bon de n'en faire plus
jusques à la veneue de cest ambassadeur; lequel arriva
le jour d'après , et feut receu des Espaignols avec ung
grand honneur. Richardot et Taxis lui feurent au de-
vant à cheval , et le mirent entre eulx deux ; chose
qui lui grossit le courage plus qu'il ne debvoit; car
l'assemblée se debvant tenir le lendemain , il n'y voul-
loit pas céder à l'audiencier, pretendans de seoir au
dessus de lui.
Le gênerai le feit sçavoir au legat, lequel ne s'en
voulleut poinct mesler, disant qu'ils vuidassent entre
eulx ce différend , puisqu'ils estoient une mesme chose.
Le gênerai , par le moyen d'ung de ses moines qui
Favoit servi à Ver vins, envoyé exprès pour y servir le
duc de Savoye , feit en sorte que son ambassadeur se
contenta d'estre vis à vis du les-at, au bas bout de la
table, a la main gauche du gênerai.
SUR LA PAIX. 38 f
Et le matin suivant , avant l'heure de l'assemblée ,
il alla saluer le légat ; le salua de la part du duc son
maistre, lui tesmoignant beaucoup de confiance. La
conclusion de son discours feut que le duc de Savoye
desiroit la paix, nonobstant la guerre ouverte; qu'il
avoit l'escrit et les lettres du roy à ce subject , et qu'il
esperoit que sa majesté entretiendroit l'accord faict de
se remettre de tous les différends au pape. Le légat ne
voulleut pas venir beaucoup au particulier, ne le ju-
geant pas à propos en ceste première conférence par ce
qu'il avoit appris des François. Il croyoit qu'ils pre-
tendoient n'estre pas obligés à maintenir ce qui s'estoit
traicté auparavant avec Savoye; et pour ce, il prya
l'ambassadeur de Savoye de voulloir faciliter les af-
faires, et ne pas tesmoigner estre si ferme en ses
propositions, de craincte de tout rompre.
Le mesme jour il y eut assemblée, en laquelle le
legat eut bien de la peine a réduire l'ambassadeur de
Savoye à voulloir faire ses propositions et rechercher
les François, ce qu'enfin il lui persuada. Il feit sa pro-
position en la mesme forme que lui avoit diet le legat.
M. de Bellievre respondit et commença son discours
par cotter les obligations que la maison de Savoye
avoit à la France, et nommeement depuis François P' ;
remarqua beaucoup de bienfaicts, et l'honneur des
alliances qu'elle avoit receu des roys 1res chrestiens ;
puis parla de leur droict et possession du marquisat
de Saluées, et de la façon qu'd avoit esté occupé par
le duc de Savoye. Il discourent ensuite des pourpar-
lers et propositions de paix qui avoient esté faictes,
monstrant qu'il n'avoit teneu qu'au duc de Savoye
qu'elle n'eust esté concleue , et qu'il pretendoit que
son roy n'estoit plus teneu à l'observation de ce qui
382 RELA.TION
avoit esté aultrefois traicté; mais il n'exprima pas cela
nettement, ne se laissant pas absolument entendre. Il
se tourna là dessus vers M. de Sillery, lui disant que,
puisqu'il avoit negotié le particulier de cest accom-
modement, qu'il en feibt son rapport. M. de Sillery
asseura que le roy très chrestien avoit proposé de re-
mettre au pape les différends qui restoient depuis le
premier traicté concernant le marquisat de Saluées,
la restitution du Gental et le Chasteau Daulphin, avec
les aultres places nouvellement occupées , sur les-
quelles de part et d'aultre il y avoit des prétentions. Il
dict que le duc de Savoye, ou son ambassadeur Jacob,
n'avoit pas voulleu accepter ce parti là, sans parler de
deux lettres, l'une du duc de Savoye et l'aultre du
roy de France, qui sont de grande importance. Par la
première, le duc tombe d'accord de remettre au pape
tous les différends; et par la seconde, le roy se faict en-
tendre qu'il y consentiroit, et ce au temps que la guerre
estoit ouverte. L'ambassadeur de Savoye, qui avoit
ouï faire mention de cèsÇ'Iettres , soit qu'il n'en feust
pas bien informé, soit qu'il ne s'en souvinst pas, n'en
parla poinct en la response qu'il feit à M. de Sillery;
au contraire , confirmant que tout ce qu'avoient dict
MM. de Bellievre et de Sillery estoit véritable, toute
l'assemblée jugea qu'il n'avoit pas bien deffendeu sa
proposition, d'en demeurer aulx termes du premier
traicté. L'ambassadeur de Savoye se retira le premier,
qui ne voulloit jamais sortir ni entrer avec ses adbe-
rens, n'ayant pas une entière confiance en eulx ; et après
lui les Flamands , n'ayant plus rien à dire, s'en allèrent
aussi. Les François demeurèrent les derniers avec le
légat, fort contens, parce qu'il leur sembloit d'avoir
mis l'ambassadeur de Savcve dans la confusion.
SUR LA PAIX. 383
Le soir mesme et le lendemain matin, les Espaignols
et l'ambassadeur de Savoye feurent trouver ce frère
cordelier dont nous avons parlé, qui estoit malade à
Vervins, où il estoit de la part du duc de Savoye, et
se nommoit frère François de Martinengue , lequel ,
comme mieulx informé, leur donna les lettres susmen-
tionnées, et ung fort long discours, par lequel on
Yoyoit que, depuis Fan i loo jusques à François 1", le
duc de Savoye, qui lors, et long temps depuis, estoit
seulement nommé comte, et non duc de Savoye, avoit
esté continuellement recogneu des marquis de Saluées
pour leur supérieur, et lui avoient juré hommage. Le
marquisat ayant esté possédé par les roys de France ,
seulement dopuis François P"^, ils mirent ces pièces
ensemble; et l'ambassadeur de Savoye, tout fier de
ceste descouverte, les porta au légat, lequel les veit,
et n'esleva pas le courage de l'ambassadeur; mais aussi
ne lui voulleut il pas rabattre, de peur qu'on se defiast
de lui. Il lui conseilla d'en parler le lendemain dans l'as-
semblée. L'ambassadeur en feit difficulté , prétendant
que les François debvoient estre les premiers à faire
leurs demandes ; à quoi ils estoient resoleus de ne con-
descendre jamais. L'ambassadeur de Savoye s'estant
ainsi retiré, le légat feit de sorte, par l'entremise du
gênerai, qu'il se modéra ung peu. Les Espaignols arri-
vèrent les premiers à l'assemblée avec l'ambassadeur
de Savoye , et Richardot receut de ses mains les pa-
piers. On tomba d'accord que le légat entameroit le
propos, en disant que l'ambassadeur de Savoye avoit
encores beaucoup de choses à dire. Sur cela, il parla
et rapporta ce que contenoient les papiers. Les Fran-
çois ne contredirent poinct aulx lettres; et M. de Sil-
lery , qui en avoit copie en main , dict qu'elles estoient
384 RELATION
véritables, et qu'il avoit faict celle du roy, mais qu'elle
estoit conditionnée. Sur ce, quelques difficultés. L'am-
bassadeur de Savoye demanda qu'il lui feust permis de
parier françois pour pouvoir plus facilement dire son
faict, et ainsi tous commencèrent à parler françois,
examinant l'ung après l'aultre tous les mots de la lettre
au roy très chrestien. M. de Bellievre dict que le roy
pretendoit n'estre plus teneu à aulcung traicté , ni au
conteneu de sa lettre, parce qu'elle n'avoit pas esté
acceptée en temps, et que la guerre s'estoit faicte de-
puis, qui avoit rompeu toute sorte de traicté. Richardot
dict, là dessus, que le mot de capture, par la voye des
armes , faisoit voir assés le mauvais procédé. M. de
Bellievre se mit en colère là dessus, et répliqua que
jamais la France n'avoit rien faict que bien à propos.
Comme tous ces discours se tenoient en françois,
le legat ne les entendit pas , et ne dict mot , comme
aussi feirent les parties qui demeurèrent dans le silence
assés long temps. Le gênerai , voyant que la bile estoit
esmeue, et craignant qu'on en \inst à de plus fasclieux
termes, dict au legat qu'on pouvoit finir pour ce jour
là. Le legat , faisant réflexion sur ce que le gênerai ve-
noit de dire, encores qu'il n'eust pas entendeu tout ce
qui s'estoit passé, dict que telles disputes estoient ac-
compaignees de plus d'aigreur que d'équité ; et peu
après se leva, et rompit l'assemblée, après que M. de
Bellievre eut dict à l'ambassadeur de Savoye que le
jour suivant il s'expliquast de ce qu'il voulloit pour le
duc son maistre, afin qu'il en peust escrire au roy. Ce
qu'il prononça fort esmeu , et s'en alla avec M. de
Sillery. Les Espaignols et l'ambassadeur de Savoye de-
meurèrent; et le legat, s'estant bien faict dire tout ce
qui s'estoit passé , en feit remonstrance à Ricbardot ,
SUR LA PAIX. 385
qui receut bien la réprimande, advenant qu'il croyoit
avoir failli. Le légat leur diet qu'ils n'avoient pas rai-
son de voulloir que le roy de France feust obligé en
son lionneur, et dans les voyes de justice. Sur cela,
l'ambassadeur de Savoye s'en alla; et les Flamands
estant demeurés, l'affaire feut examiné de plus près,
et avec ceste conclusion, quç , soit qu'il y eust obliga-
tion ou non, on n'useroit plus de ce terme, et qu'il
n'en seroit plus parlé. Ils vouUurent obliger le légat à
proposer les conditions; de quoi il ne se chargea pas,
disant qu'oultre qu'il ne pouvoit pas mettre en avant
des propositions desquelles il ne feust asseuré , il ne
voulloit pas aussi tesmoigner prendre aulcung parti.
Ils prirent bien ces raisons, et s'en allèrent, avec reso-
lution de ne plus user de ce mot d'obligation. Le gêne-
rai estoit en peine, craignant que ces paroles ne cau-
sassent une rupture, et se plaignit fort de Richardot,
qui s'estoit eschappé de la sorte. Le légat lui donna le
courage et ordre d'aller le lendemain rnatin trouver les
François, et qu'il apportast tout le remède possible à
ce desordre surveneu. il y feut; et, bien qu'ils eussent
du ressentiment de ce qui s'estoit passé , si n'avoient ils
pas volonté de rompre, et conclurent qu'on ne parle-
roit plus de tout cela ; mesme M. de Sillery, h qui il parla
hors la présence de M. de Bellievre, lui donna quelque
lumière d'accommodement. Le gênerai, s'en estant re-
tourné vers le legat , se soulagea fort. La pensée de ce
qui s'estoit passé lui avoit donné * ne mauvaise nuict; il
ne les eut gueres meilleures pendant tout le temps de
ce traicté, estant tousjours en craincte sur la moindre
difficulté, à laquelle il remedioit de tout son possible.
Le 3 de mars au matin, les Espaignols et l'ambassa-
deur de Savove s'accordèrent de demander en çrace,
h^
MÉM. DR DUPLESSIS-MORWAY. To.'WE VIII. ' 2 1>
386 RELATION
et, en faveur du roy des Espaignes , à celui de France,
parlant à ses députés , qu'il lui pleust de remettre les
différends qui pourroient naistre entre sa majesté et le
duc à sa saincteté; et sur ceste resolution, on teint
l'assemblée, les François ayant eu advis de tout. Là,
le légat dict en peu de mots que les députés françois
s'estoient chargés des dernières lettres pour y respon-
dre qu'on avoit laissé passer ung jour, afin qu'on peust
mieulx digérer les affaires qui se presentoient entre la
France et la Savoye ; qu'il desiroit que les François
disent ce qui leur sembloit de ces lettres. M. de Bel-
lièvre monstra , avec beaucoup de puissantes raisons,
que sa majesté très chrestienne n'estoit pas obligée par
la rigueur, ni par l'équité , ni par sa parole, à faire ce
qui estoit porté par sa dernière lettre; et dict, entre
aultres choses , qu'il s'estoit passé dix mois sans que
Je duc de Savoye y eust faict response; et que, bien
qu'il eust envoyé depuis quelques mois son ambassa-
deur au cardinal d'Autriche, il ne debvoit pas envoyer
en Flandres pour cela, mais vers le roy; car, encores
qu'il y eust guerre ouverte, il n'eust pas manqué de
passeports pour venir trouver seurement sa majesté;
aussi qu'il avoit peu donner son consentement par
lettre , et faire que l'on procedast en l'affaire avec les
instrumens publics qui estoient nécessaires pour don-
ner ung commencement à l'arbitrage. L'ambassadeur
de Savoye feit response qu'il comprenoit bien que le
roy n'estoit en façon quelconque obligé ni par raison
ni par parole; mais que neantmoins il demandoit ceste
orace à sa majesté très chrestienne au nom du duc son
maistre , qu'il lui pleust agréer les conditions portées
par sa lettre, qui sont telles qu'on remit au jugement
du pape tout le différend, et particulièrement la ques-
SUR LA PAIX. 387
tîon si on suivroit ou non le traicté souscrit par M. de
Sillery. Les François contredirent à cela , et protes-
tèrent que cela estoit mal proposé, puisque, par la
lettre du roy, on ne voyoit poinct ceste particularité,
n'y ayant rien de précis, qu'encores falloit il qu'ils lui
escrivissent , de ceste demande générale, de se remettre
au jugement du pape, ne pouvant pas se resouldre sur
cela sans nouveau pouvoir, puisque la demande estoit
nouvelle; mais que sansMoubte, s'ils lui faisoient en-
tendre ceste demande particulière, sa majesté la re-
butteroit , espérant qu'au contraire elle agreeroit le
compromis gênerai de tous les différends. Apres quel-
ques répliques, les députés espaignols se retirèrent à
part avec l'ambassadeur , et disputèrent quelque temps.
Le gênerai, voyant qu'ils ne s'accordoient pas, feut
vers eulx , et tesmoigna du ressentiment de ce qu'ils
varioient sur ce dont ils estoient demeurés d'accord
avec lui.
L'ambassadeur de Savoye dict, quand ils feurent tous
retournés à l'assemblée, qu'il se contentoit qu'on de-
mandast au roy la remise, ou compromis gênerai, et
remercia le légat de son entremise , le pryant de conti-
nuer jusques à ce qu'on eust obteneu le consentement
du roy très chrestien. Les François se cbargerent d'en
escrire à leur roy, et d'en attendre la response , ce qui
feut pris ; de sorte qu'on creut aiseement qu'ils estoient
seurs qu'il n'y auroit poinct de difficulté. Le legaf,
voyant les choses reduictes à bon poinct, parla en
ceste sorte :
Illustrissimes seigneurs, puisqu'il a pieu à Dieu
qu'une si pieuse et si saincte affaire soit portée à si
bon terme, qu'on peult dire que la paix est faicte, les
deux couronnes estans d'accord , et le duc de Savoye
388 RELATION
après avoir surmonté tant de difficultés qui se sont
trouvées, à présent que l'assemblée délibérera pour
conclure et terminer tous les differens : je vous snp-
plie , messieurs , de considérer les périls qu'il y a de
prolonger la conclusion d'ung si bon œuvre, et d'ung
bien si gênerai à toute la chrestienté. Je vous dirai
qu'il y a beaucoup de personnes qui interviennent en
ce traicté, la vie desquels est du tout nécessaire pour
sa perfection. Ce sont princes'dont il y en a quelques
ungs d'aage, et les auîtres qui sont tous les jours dans
les périls de la guerre. De plus, les séditieux et malins
hérétiques, usurpateurs du bien d'aultrui , ne cessent
de faire tout leur effort, et d'user de toute sorte d'ar-
tifice pour empescher ici le service de Dieu. Croyés
moi, messieurs, que le démon vole par tout pour se-
mer la zizanie, ne pouvant pas recevoir ung plus rude
coup que celui ci, il fournit à ses partisans le feu, la
flamme , le poison , et la cruauté pour empescher ceste
paix , et mettre la guerre en sa place. Je ne puis m'em-
pescher que je ne m'estende sur ce propos , et qu'avec
le plus de reteneue qu'il m'est possible, je ne vous
advertjsse que ceulx qui doibvent mettre la main h la
plume le fassent nettement, afin qu'il ne soit poinct
besoing d'en venir aulx lepliques ; que ceulx qui
doibvent travailler en cest affaire le fassent courageu-
sement, afin d'oster tous intrigues, et qu'il ne reste
plus de doubte : commencés à penser au lieu , au temps ,
et à la façon de dresser le compromis nouveau ; escri-
vés au roy comme il en a esté traicté par deçà. Le zèle
me faict parler; le mal que j'appréhende me faict insis-
ter , le bien que j'espère me porte à vous .donner ces
advertissemens : comme serviteur et ministre , je
vous fais ceste instance au mieulx qu'il m'est possi-
SUR LA PAIX. 389
ble, et avec toute l'afTection que je doibs. Les r>an-
çois lui respondirent les premiers, lui disans qu'il ne
doubtast poinct qu'attendant la response, ils ne per-
droient pas le temps; qu'on dressoit les articles entra
la France et l'Espaigne, et qu'ils les reduiroient à tel
poinct qu'il ne resteroit plus qu'à les signer. Ils de-
mandèrent tous au légat son advis sur le temps du
compromis, et si pendant icelui il y auroit paix ou
trefve entre PVance et Savoye. Il feit difficulté de
dire son opinion. Neantmoins, sur l'instance qu'on lui
en feist avec pryere, il dict que son sentiment estoit
qu'on feist le compromis le plu£ libre qu'on pourroit
entre les mains du pape. Que le temps feust de six
mois qui se peust prolonger par sa saincteté jusques à
ung an; qu'on feist la paix plus tost qu'une trefve des
i'beure mesmes, si on le jugeoit possible, et que pen-
dant le terme du compromis, les choses demeurassent
au mesme estât qu'elles estoieut, chacung retenant ce
qu'il possedoit, et promettant d'observer et exécuter
tout ce qui seroit jugé par le pape. Tout cela feut re-
ceu avec joye, et ne feut en rien contredict : on pro-
posa si l'on debvoit des l'heure licentier les gens de
guerre, et de quelle façon on conserveroit les places.
Les François respondirent que, quant aulx gens de
guerre, il ne falloit pas tout congédier en ce commen-
cement, et le légat dict que les places se conserve-
roient ad arbitriuni boni vîri , et ainsi l'assemblée se
sépara ; toutes les parties demeurans très satisfaictes du
Icgat et du gênerai.
Il se trouva après beaucoup de difficultés à accom-
moder les affaires de Savoye avec son ambassadeur,
parce qu'encores qu'il eust consenti de se remettre de
toutes les difficuilés au pape, et nu'smcs qu'il l'eust
ôgo RELATIOIS'
ainsi cleinandé, il faisoit neantmoins difficulté de lais-
ser les choses en Testât qu'elles estoient , et desiroit
que durant l'arbitrage on eust restitué au duc son
maistre Sainct Jean de Maurienne.
Cela ne feul pas accepté des François , alleguans
beaucoup de raisons pour lesquelles on ne le pouvoit
faire; et, pour mieulx disposer Tambassadeur , on re-
soleut de ne poinct tenir l'assemblée le 4 mars ; enfin,
il se contenta de se remettre sans aulcune reserve au
jugement du pape.
Le jour d'après, on despescha ung courrier au roy ,
et depuis on demeura beaucoup de jours , attendant
la response, sans que pendant ce temps on tinst d'as-
semblée , ni Ton proposast les articles. Il vint de
Flandres des advis aulx députés espaignols qu'apporta
ung secrétaire , par lesquels on leur faisoit sçavoir que
le roy de France donnoit des paroles seulement pour avoir
le temps de se mettre en estât de bien faire la guerre : le
légat chercha les moyens de leur oster ceste opinion, et
avec beaucoup de raison leur persuada le contraire ;
d'aultre costé , les François commencèrent à doubter qu'il
y eust quelque tromperie ou quelque entreprise , estant
arrivés par mer, à Calais , quatre mille cinq cens Espai-
gnols ethuict cent mille ducats; sur cela les François feu-
rent trouver le légat , pour sçavoir s'il croyoit que les Es-
paignols voulleussent brouiller, et pour tascher à des-
couvrir s'ils avoient quelque desseing. Le légat tasclia
de leur oster toutes ces deffiances , disant que la ve-
neue des Espaignols estoit une suite des ordres donnés
il Y avoit beaucoup de mois ; de sorte qu'elle ne pou-
voit estre prise pour une contravention de paix , pour
ce que quand ils estoient partis d'Espaigne , on n'y
pouvoit pas encores avoir nouvelle que les députés feus-
SUR LA PAIX. 391
sent assemblés , et qu'il ne croyoit pas qu'il y eust rien
de tel à appréhender , puisque l'affaire estoit entière-
ment en la main du cardinal Albert, auquel il im-
portoit extresmement que la paix se concleust, parce
que aultrement il ne recevroit pas en dot la Flandres,
et ne pourroit jamais espérer de succéder par le moyen
de sa femme à tant de royaulmes et d'estat; neant-
moins que chacung prist garde à soi , pour ce que n'y
ciyant ni paix ni trefve, chacune des parties pouvoit
faire ce qu'elle estimeroit lui estre plus advantageux.
Les François s'appaiserent au discours du légat , et
quelques jours après ils receurent des lettres de la court,
qui estoit à Angers, par lesquelles ils apprirent de M. de
Villeroy que le duc de Mercœur avoit envoyé sa femme
trouver le roy pour faire ses accommodemens, et que
Ton croyoit que sa majesté très chrestienne feroit ses
pasques dans Nantes. Gest advis feut confirmé de Paris
par plusieurs personnes; ce qui feit que le légat s'es-
tonna moins que le courrier ne feust pas encores de re-
tour; car il s'estoit passé asscs de temps pour estre re-
tourné commodeement. Neantmoins il estoit en quel-
que deffiance , pour ce qu'on escrivoit de Paris qu'il
estoit veneu d'Angleterre ung ambassadeur très bien
accompaigné; de sorte qu'il ne se pouvoit asseurer, en-
cores que les François dissent, que cela ne pouvoit en
rien altérer le traicté de paix; quand bien les nouvelles
qu'ils ne croyoient pas eussent esté vraies, qui disoient
que la royne d'Angleterre avoit faict de grandes offres,
pour ce que son ambassadeur n'avoit voulleu negotier
avec personne , encores que le roy eust ordonné qu'il
s'arrestast à Paris, et qu'il traictast avec le connestable
et quelques aultres, attendeu qu'il ne voulloit pas qu'il
feist le voyage de Bretaigne, pour ne le pas laisser ap-
Sqî RELATION'
piocher des hérétiques de France, de craincte de quel-
que sédition.
Les choses estans en ces termes, et le roy avec une
armée en Bretaigne , le légat estoit en inquiétude à
cause des longueurs; et encores qu'il feust resoleu à la
patience, contre l'opinion de quelques ungs, il n'estoit
pas pourtant sans appréhender.
Pendant ce temps, il feut attaqué de sa colique né-
phrétique. Une lettre du 5 , veneue de Flandres , le
travailloit encores, qui portoit que le cardinal Aldo-
brandin estoit subitement parti de Ferrare pour aller
à Rome, ce qui donnoit subject de craindre qu'il ne
feust surveneu quelque accident de maladie au pape;
et encores que la lettre de Flandres, qui estoit du nonce
qui y residoit, feust datée (]u 5 de mars, et que le lé-
gat en eust une aultre du cardinal Aldobrandin du 20
febvrier, par laquelle on voyoit qu'il n'avoit pas lors
desseing de partir qu'après les festes , il ne s'ensuivoit
pas qu'il n'eust peu changer d'advis. Il y avoit eu assés
de temps, quoique très court, pour que ceste nouvelle
différente peust estre veneue de Flandres.
Pendant ce temps, fincertitude de la conclusion du
traicté travailloit le légat; considérant tous les subjects
de deffiance qui naissoient, il fondoitson espérance sur
ce que vraisemblablement le roy desiroit de faire res-
ponse , à cause que l'accord du duc de Mercœur n'estoit
pas encores faict. *
Comme on estoiten ceste grandeattente delaresponse
de sa majesté , elle arriva le 19 au soir, portée par le
mesme courrier, La matinée suivante , le légat n'en
sceut poinct le particulier, parce que lui et les Fran-
çois estoient occupés au service du jour de la Passion;
mais ils lui demandèrent audience , qu'ils lui donnèrent
SUR LA PAIX. 393
après le disner. Estans arrivés , iis répétèrent avec de
fort belles paroles ce qui s'estoit traicté au nom du roy;
ils remercièrent le légat des grandes peines qu'il se
donnoit pour le bien de la paix, et lui présentèrent les
lettres de créance de sa majesté, par lesquelles le roy
disoit avoir remercié sa saincteté, par sa response, de
la grande affection et persévérance avec laquelle cesfc
affaire estoit traicté. Ils entrèrent après au particulier,
confirmans toute la negotiation entre France et Espai-
gne, par rentremise du cardinal d'Autriche. Ils se plai-
gnirent pourtant de ne pouvoir obtenir l'artillerie et
places qui leur deb voient estre rendeues, comme aussi
de n'avoir peu conserver ia neutralité de Cambray. Et
puis ils vinrent à parler avec beaucoup de ressenti-
ment du procédé du duc de Savoye, repetans toutes
les injures que son altesse avoit faictes à la couronne
de France, et les mauvais moyens qu'il avoit teneus en
traictant de paix du temps de son ambassadeur Jacob;
que le comte d'Auvergne, faisant sa reconciliation avec
le roy, les avoit descouverts ; que , traictant avec ung roy
puissant, et qui avoit l'obéissance de tous ses estats, il
debvoit negotier comme inférieur, mesmement après
que le duc de Mercœur avoit faict son accord, sa femme
ayant desjà soubscrit des articles qui portoient qu'il
abandonneroit le gouvernement de Bretaigne; que le
roy lui donneroit trois cent mille escus et cinquante
mille livres de pension, et qu'une sienne fille unique de
sept ans seroit donnée en mariage à César M oii sieur, au-
quel on donneroit le gouvernement de Bretaigne; qu'il
ne restoit à ces articles, le roy les ayant desjà signés et
agréés, que la signature du duc de Mercœur, qui estoit
attendeu de jour à aultre à Angers, où le roy estoit.
Apres ceste digression, ils revinrent à leur premier
394 RELATION
discours, et dirent enfin que sa majesté n'avoit pas le
compromis agréable; non pas qu'elle n'eust toute con-
fiance en Clément Vill , mais pour ce qu'elle croyoit
qu'il y alloit de son honneur, après s'estre accommo-
dée honorablement avec les Espaignols, de faire son
accord avec la Savoye dans ung si grand desadvantage,
compromettant de ce qui lui appartenoit; oultre cela,
qu'il n'avoit pas asseurance de la vie du pape; et que,
s'il venoit a manquer avant que d'avoir donné son ju-
gement, il pourroit avoir ung successeur qui ne lui se-
roit pas confident, et lequel neantmoins il n'oseroit pas
refuser, pour ne le pas mescontenter et se le rendre
ennemi des le commencement de son pontificat. Ils di-
rent encores assés d'aultres choses qu'il n'est pas be-
soing de rapporter, pour n'estre pas essentielles. Enfin
ils se mirent à pryer le légat avec beaucoup de soub-
mission qu'il n'abandonnast pas pour cela l'entreprise,
et qu'il persistast à procurer quelque satisfaction au
roy ; qu'il ne desesperast pas pour cela des affaires, et
qu'il pourroit trouver quelques moyens d'accommode-
ment, ayant assés d'auctorité pour disposer les parties
à ce qui lui sembleroit à propos. Geste response ne
contenta pas le légat en ce qui regardoit le particulier
de Savoye; et, s'en plaignant, leur répliqua qu'il ne
sçavoit quel parti proposer aulx Espaignols ni au Sa-
voyard, qui estoit tout rebuté de la façon avec laquelle
il avoit esté receu par l'ambassadeur du grand duc. Que
sans doubte il se rendroit suspect (et peult estre l'estoit
il desjà) d'estre partial pour la France; qu'ils n'avoient
pas deu se charger d'en escrire en court, veu le succès,
après avoir donné espérance que le roy trouveroil bon
ce qui s'estoit traicté; que l'affaire n'estoit plus en son
entier; que les Espaignols estoient en grande deffiance,
SUR LA PAIX. SgS
voyans le roy armé avec quatorze mille hommes d'in-
fanterie qu'il soudoyoit tousjours ; se doubtans qu'il
voulloit accommoder ses affaires, et se mettre en bon
ordre pour faire la guerre, et cependant les entretenir
de paroles; que le duc de Savoye n'estoit plus en Testât
précèdent, parce qu'il estoit veneu nouvelle à son am-
bassadeur qu'il avoit pris la vallée de Maurienne et la
ville de Sainct Jean , avec grande perte des trouppes
de Lesdiguieres, et d'ung fort qu'il avoit construict en
ces quartiers là ; et que Crequy, son gendre, avoit esté
pris prisonnier par le duc de Savoye, avec quattre ca-
pitaines. Les François répliquèrent qu'ils n'avoient ap-
pris ceste nouvelle que dans Vervins; mais que, quand
elle seroit véritable , ce n'estoit rien , pour ce que la
vallée de Maurienne et Sainct Jean n'estoient pas choses
qui se peussent deffendre , estans ouvertes à quiconque
estoit maistre de la campaigne; ainsi que tout cela n'au-
roit pas la suite que l'on pensoit , veu que Lesdiguieres
reprendroit tout, et mettroit le duc de Savoye en pire
estât qu'au précèdent. Le légat ne gousta pas ces rai-
sons; et, sur l'instance que lui faisoient les François
qu'il trouvast quelque accommodement, il ne jugea pas
à propos d'en proposer aulcung, et les convia de faire
quelque ouverture. Estans fort pressés par le légat, ils
dirent que l'on pourroit desposer le marquisat entre les
mains de quelque prince , nommant mesme sa sainc-
teté. Le parti ne pleut pas, pour divers respects, au
légat ; il ne le resprouva pas , et il n'y consentit pas
aussi.
Apres quelques propos, on feit venir le gênerai, le-
quel, entendant la resolution de sa majesté à l'esgard
de Savoye, eut mauvaise opinion de l'affaire. Les Fran-
çois donnèrent beaucoup de bonnes paroles , et con-
396 RELATION
clcurent qu'il falloit presser l'affaire , disans que si il
ne se concluoit clans deux jours, c'en estoit faict , et
qu'il n'en falloit plus parler. Le gênerai dict qu'il ne
sçavoit pas ce l'on pouvoit traicter, eulx ne specifîans
poinct jusques où et à quoi sa majesté très chrestienne
consentiroit. Les François dirent qu'il estoit Jjon de
dormir là dessus, et que le lendemain matin on parle-
roit de nouveau , et peult estre il s'ouvriroit quelque
parti. Le gênerai estant demeuré avec le légat, ils reso-
ieurent que le premier iroit trouver les ungs et les •
aultres , taschant d'adoulcir les Espaignols et de tirer
dadvantage des François; lesquels, au sorîir de chés le
légat, feurent visiter les Espaignols, à qui ils parlèrent
fort courtoisement, de sorte qu'ils ne comprirent nul-
lement par leurs discours où alloit l'affaire. Le gênerai
les alla tous voir; et lui feut dict par les François qu'il
estoit nécessaire d'adoulcir le roy , qui estoit fort indi-
gné contre le duc de Savoye ; et que le moyen de le faire
estoit de lui restituer quelque chose de ce que le duc
tenoit, et, du reste, faire ung compromis au pape. Le
gênerai leur demandant si , au cas qu'on feist condes-
cendre l'ambassadeur de Savoye à quelque chose de
plus , ils avoient pouvoir de conclure sans escrire en
cour de nouveau, ils lui respondirent qu'il y fauldroit
despescher, adjoustans qu'ils ne s'asscuroient pas que
le roy acceptast ce qui seroit proposé. Le gênerai rap-
porta le tout au légat, qui se fascha fort de ce qui s'estoit
passé , et souspçonna qu'il y eust là dessoubs quelque
stratagesme pour tirer de longueur sans rien faire, et
que le roy voulleust raccommoder ses affaires, et puis
rompre quand il les auroit entreteneus là tant qu'il au-
roit jugé à propos, fondant ceste opinion sur quelques
indices qu'il en avoit. Estans en ceste inquiétude, les
. SUR L\ PAIX. 397
Espaignols lui demandèrent audience, qni leur feut sur
l'heure accordée. Estans \eneus, ils feirent beaucoup de
pîainctes, et dirent qu'il leur sembîoit qu'on se itjoc-
quoit d'eulx , et qu'ils ne sçavoient plus que mander au
cardinal, ni comment disposer la Savoye, ne voyant
seureté sur chose quelconque; qu'ils estoient vencus
pour faire la paix , mais qu'ils n'eussent jamais creu
d'estre Iraiclës de la sorte; qu'ils le venoient trouver
pour prendre acte; qu'il n'avoit pas teneu à eidx ni à
leur maistre qu'on ne feust veneu à une conclusion ,
mais bien aulx François , afin qu'il peust faire foi à sa
sainctcté de cesle vérité. Le légat leur feit response
avec beaucoup d'addresse ; et , pour les divertir du
discours qui les portoit à la rupture, leur repela tout
ce qui s'estoit passé en cest affaire de la paix , monstrant
que, de tous les costés, on avoit traicté réellement et
sans fraude; qu'à la vérité les choses avoient quelque-
fois changé , mais que jamais on n'avoit trompé. Qu'il
cognoissoit fort bien ceulx avec qui on traictoit, et par-
ticulièrement le naturel du roy de France, qui n'alloit
pas seulement à l'utile, mais beaucoup plus à l'hon-
neur, lequel sa majesté mesnageoit fort; ce qui estoit
aisé a voir, parce qu'il demeuroit d'accord de tout ce
qui avoit esté traicté avec le roy d'Espaigne et le car-
dinal d'xlutriche; mais qu'il ne pouvoit souffrir qu'ung
sien inférieur retinst son bien , et voulleust traicter
avec sa majesté avec tant d'advantage; qu'il ne sçavoit
pas bien ce que les François pouvoient ou voulloient
£iire; mais que , quand on debvroit despescher ung
aultre courrier, le temps pour avoir la response n'es-
toit poinct si long, que quand ils le debvroient perdre,
ils ne deussent l'attendre, ung chacung gardant cepen-
dant ce qu'il tenoit. Il leur feit comprendre que le roy
SgS RELATION
de France ne pouvoit pas faire voler une armée contre
la Flandres et le roy d'Espaigne; et que ce qu'il avoit
de trouppes en Bretaigne n'estoit pas pour venir en Pi-
cardie; la plus grande partie de ceulx qui servoient là
sa majesté le faisoient plus pour se délivrer du duc de
Mercœur que pour aultre respect. Les Flamands ne
contredirent poinct à ces raisons , mais ils lui feirent
instance qu'il feist paroistre quelque effect de son auc-
torité; lui tesmoignans au reste beaucoup de respect et
une grande créance; sur quoi ils prirent congé de lui.
. Le légat envoya quérir les François, et les pressa plus
qu'il n'a voit jamais faict de lui dire ce qu'ils pou voient
faire. Ils lui respondirent que le roy ne leur avoit donné
aulcung pouvoir de conclure quoi que ce peust estre
avec le duc de Savoye, s'il ne restituoit le marquisat de
Saluées ; mais qu'ils apprenoient de leurs amis qui
avoient la familiarité du roy, que s'il adoulcissoit l'es-
prit de sa majesté avec quelque restitution , ils espe-
roient avec grand fondement qu'elle consentiroit à ung
accord. Le légat leur demanda si, avec ceste condition,
ils avoient plus d'espérance de succès qu'à l'aultre pro-
position. Ils respondirent qu'oui. Le légat leur protesta
que s'il en alloit aultrement, qu'il publieroit qu'on lui
auroit manqué de parole. Ils s'arresterent à lui faire
voir avec de puissantes raisons qu'ils avoient tousjours
procédé avec vérité; que ç.'avoit esté sans fraude, et
qu'ils avoient désiré, comme ils desiroient encores, la
paix; et puis prirent congé du légat, le laissans en
meilleure humeur qu'il n'estoit auparavant. On parla
depuis peu aulx Flamands , qui se plaignoient fort de
ce que les François voulloient traicter, n'ayans pas de
pouvoir, quoiqu'au commencement ils eussent dict le
contraire. Neantmoins le gênerai feit tant avec eulx
SUR LA PAIX. 399
qu'ils consentirent, et aussi Tambassadeur de Savoye ,
à la restitution de Berre, et qu'ung fort occupé par le
duc de Savoye, près de Grenoble, feut démoli; qu'il
ne protegeroit plus aussi ung certain La Fortune, qui
tenoit une place dans la Provence ; après quoi on feroit
suspension d'armes. Tous les différends se remettroient
au pape, selon le traicté, et qu'on conclueroit la paix.
Ensuite qu'on feroit toutes les diligences possibles, et
qu'on despescberoit le courrier au plus tost.
Apres cela, les François feurent par civilité trouver
les Espaignols , et traicterent ensemble fort au long,
dressans les articles du traicté. Cependant le légat
avoit l'esprit en grande inquiétude, se trouvant assés
de personnes qui le mettoient dans les deffiances, lui
asseurant que le roy ne voulloit poinct la paix, et n'avoit
jamais eu intention de la faire; qu'il s'accommoderoit
avec la royne d'Angleterre et les estats de Hollande,
et puis se mocqueroit du légat , l'ayant teneu cinq mois
hors de Paris, assés indignement pour lui et pour le
pape ; qu'il estoit donc temps qu'il veist clair en cest
affaire et qu'il ne se laissast plus donner de vaines
paroles. Tous ces propos estoient autant de coups qui
perçoient le cœur du légat, et ce d'autant plus vive-
ment qu'il ne se portoit pas bien, estant travaillé du
mal de reins et d'une débilité d'estomach, il n'avoit
personne que le gênerai sur qui il peust descharger
son cœur, encores estoit il lui mesmestout ennuyé de
tant de longueurs et de deffiances. Nonobstant tout
cela le légat estoit resoleu de prendre patience, en
quoi il ne pensoit pas faire de préjudice au pape, veu
qu'il n'estoit pas seul en cela , les deux parties inté-
ressées estant obligées à la mesme chose; il ne pouvoit
croire, considérant le naturel du roy, d'estre trompé,
4 00 REL.iTION
et finalement il ne hazardoit rien qui tonchast le pape,
duatiel il scavoit que le rov avoit besoin» nécessaire-
loi»' O
ment en d'aultres affaires; et que d'ailleurs certaine-
ment sa majesté estimoit, aimoit et reverroit sa sainc-
teté; de sorte qu'il n'y avoit poinct d'apparence qu'il
lui voulleust faire ung affront; il consideroit que ce
n'estoit pas le roy qui se retirait du traicté, puisqu'il
avoit tousjours dict qu'il voulloit ravoir le marquisat,
et qu'il n'avoit jamais donné espérance d'aultre con-
dition. Il avoit donc pris une ferme resolution de ne
poinct rompre , d'attendre, de répliquer, de pryer,
d'admonester et de persévérer, sans en venir aulx pro-
testations que quelques ungs lui conseilloient ; Testât
neantmoins auquel il se trouvoit estoit assés fasclieux,
son espérance estoit en dieu , aulx pryeres du pape,
en la sincérité du roy, au besoing des aultres, et en la
confiance qu'avoient en lui toutes les deux parties qui
s'y fîoient entièrement, cognoissans sa neutralité et
sa volonté exemptes de tout interest et de toute pas-
sion.
Les députés s'estans trouvés plusieurs fois ensemble,
ayans recapitulé tout le passé, et de nouveau con-
veneu avec l'ambassadeur de Savoye, on tint le 2 5
l'assemblée devant le légat, en laquelle M. deBellievre
rapporta tout ce qui s'estoit passé en l'affaire de Savoye,
et répéta la première proposition qu'on avoit escriteau
roy; laquelle, comme il dict, n'ayant pas esté acceptée
par sa majesté, afin de ne pas rompre le traicté, on
avoit conveneu de nouveau de renvoyer ung courrier
au roy, avec lettres expresses, par lesquelles il estoit
porté que le duc de Savoye offroit de rendre à sa ma-
jesté, deux mois après la signature des articles, la
place de Berre, de desmolir le fort d'auprès Grenoble
SUR LA PAIX. . /401
et d'abandonner la protection du capitaine La For-
tune, qui tient une place de la couronne de France
dans la Provence, remettant tout le reste au pape,
comme on avoit conveneu au précèdent. M. de Bel-
lièvre ayant fini , M. le légat demanda si tous consen-
toient à cela; ils respondirent qu'oui, et l'ambassadeur
de Savoye le prya le mieulx. qu'il peut d'y contribuer
sa faveur : cela faict , cest ambassadeur se retira, et
tous les aultres demeurèrent , discourans fort particu-
lièrement sur beaucoup de poincts qui importoient
aulx deux couronnes. Les François arresterent que,
quand les articles seroient signés de toutes les parties,
on les mettroit entre les mains du légat , mais qu'on
tiendroit la paix secrette, et que tous demeureroient
dans Vervins jusquês à la conclusion; ils demandèrent
aulx Espaignols qu'après la soubscription des articles,
on ostast aussitost de Blavet la garnison espaignole
superfleue pour la garde de la place; ce qui feut ac-
cordé par eulx, en donnant par les François les barques
et commodités requises pour les tirer de là; à quoi les
François ayans répliqué qu'ils n'y estoient pas obligés,
les aultres les en requirent de courtoisie, promettans
de donner asseurance que les barques seroient rame-
nées; les François promirent de faire leur possible
pour l'obtenir, mais ils firent quant et quant paroistre
qu'il n'y auroit pas grande difficulté; ils feirent tous
leurs excuses au légat de ce qu'ils s'arrestoient si long
temps, et lui faisoient souffrir tant d'incommodités en
ce lieu là. Il repartit qu'il estoit vrai qu'il souffroit,
mais que c'estoit plus de l'esprit que du corps, et qu'il
ne falloit pas prendre garde à cela , estant vrai que
pour conduire à bonne fin ung si sainct ouvrage , il
n'en partiroit volontiers de dix ans; mais il les remercia
MÉM. DB DuPLKssis-MoR:>îAy. T031E VIII. 26
4o2 RELATION
tous au nom du pape et au sien, de ce qu'il recog-
noissoit bien qu'ils cheminoient rondement et unani-
mement tous , pour la conclusion de l'affaire ; sur
quoi il tomba en une telle tendresse qu'on lui vit jetter
des larmes. Il pressa l'expédition du courrier, et escri-
vit au roy une lettre pleine d'affection, le pryant avec
beaucoup de raisons qu'il acceptast les conditions, il
la monstra aulx François qui en feurent fort satisfaicts.
Il parla à tous deux à part, qui lui donnèrent bonne
espérance, et lui dirent que la raison pour laquelle on
voulloit tenir la paix secrette , estoit pour donner ceste
satisfaction aulx confédérés, qu'ils eussent du temps
pour y entrer , mais qu'encores qu'on en usast ainsi , le
roy n'entendoit pas gaster les affaires en leur considé-
ration. Ils parloient et avoient negotié en sorte qu'on
pouvoit croire qu'ils avoient la conclusion en main ;
neantmoins ils ne voulleurent jamais, ni en public ni
en particulier , rien promettre ni dire qu'ils eussent
aulcung pouvoir.
Le lendemain matin, qui feut le 26 mars, le cour-
rier partit avec le paquet pour le roy. Depuis son par-
lement, les François receurent des lettres de M. de
Villeroy, par lesquelles il asseuroit qu'encores que la
paix eust beaucoup d'ennemis, le roy perseveroit à la
voulloir; et, depuis celles là, il en vint d'aultresqui ac-
cusoient l'arrivée du courrier, et excusoient le roy de
ce qu'il n'avoit pas encores faict response, asseurant
que sa majesté n'avoit supersedé que sur l'attente des
HoUandois , pour traicter avec eux ; et , quant à l'An-
gleterre , ils disoient qu'on avoit negotié avec l'ambas-
sadeur de la royne qui estoit disposée à la paix.
Le légat estoit cependant fort en suspens et fort tra-
vaillé, espérant d'ung costé et craignant de l'aultre,
SUR LA PAIX. 4o3
en ce qu'il lui sembloit que Testât des affaires chan-
geoit, car le duc de Savoye avoit pris la Maurienne,
faict beaucoup de prisonniers, et entre aultres CrequY,
gendre de Lesdiguieres, avec vingt capitaines. Lesdi-
guieres avoit despuis pris le fort de Barrault par force
en une escalade , et le capitaine La Fortune s'estoit
accordé avec le mareschal de Biron. Il ne restoit rien
à faire du nouveau traicté, sinon la restitution de la
place de Berre; les François donnoient bon courage,
asseurans que tous ces accidens surveneus n'alteroient
en rien l'affaire de la paix. D'aultre costë, ils se plai-
gnoient qu'alors qu'on estoit le plus avant dans le
traicté de paix , le duc de Savoye avoit faict de nou-
velles entreprises. Les Flamands, daultre costé, di-
soient que le roy voulloit faire ses affaires sur le pré-
texte du traicté de paix, et qu'après les avoir faicts il
recommenceroit la guerre, ayant desjà accommodé de
ceste sorte les affaires de Bretaigne avec le duc de Mer-
cœur, n'attendant que le temps pour rompre le traicté
quand il le jugeroit à propos.
Les ungs et les aultres alloient faire leurs plainctes
au légat; et, bien que cela le fascbast assés, il les ap-
paisoit neantmoins par bonnes raisons , faisant voir
aulx Flamands que le roy avoit beaucoup d'affaires
bien importans, et qui le pressoient, âulxquels ils ne
pouvoient remédier qu'en faisant la paix, que jusques
à la fin il lui estoit impossible de croire qu'on le trom-
past; qu'en tout cas il n'y avoit trefve qu'à quattre
lieues aulx environs d'où ils estoient, et qu'on n'em-
peschoit personne de penser à soi et de faire ses af-
faires ; d'aultre costé, il asseuroit les François que le
cardinal Albert ne feroit rien qui peust prejudicier à
la paix , veu qu'elle lui estoit si advantageuse que
4o4 RELATION
par son moyen il gaignoit la Flandres, et l'infante pour-
femme, par le mariage de laquelle il pouvoit aspirer
au royaulme d'Espaigne, n'y ayant comme rien qui
l'empeschast d'y parvenir. Il ne se peult dire combien
le légat prit de peine en ce temps, qui feut de beau-
coup de jours, après lesquels le courrier reveint d'Es-
paigne, qui apporta les pouvoirs de traicter et accorder
avec l'Angleterre, avec les contreseings nécessaires
pour le demantellement de Blavet; le roy le sceut, et
feit instance qu'on tinst les choses secrettes à Vervins,
se plaignans par ses lettres que le courrier avoit dict
beaucoup d'impertinences en son passage par la France,
c'est à sçavoir que la paix estoit faicte; et que si le duc
de Savoye ne se voulloit accorder avec le roy d'Es-
paigne, il l'abandonneroit : tous ces desgousts venoient
au légat, lequel d'abondant entendoit semer de mau-
vaises nouvelles de Paris dans sa maison, par lesquelles
on donnoit advis que le roy se mocquoit du pape et
du légat; cela l'afQigeoit, et neantmoins il demeuroit
ferme, asseurant tantost l'une des parties, et tantost
l'aultre; et véritablement ne se retiroient jamais d'au-
près de lui qu'elles ne feussent en repos.
Il tenoit tout l'affaire secret sans en rien commu-
niquer à pas ung des siens , ce qui ne laissoit pas de
lui donner de la peine, parce qu'ils l'importunoient
sur cela de leurs plainctes, tant par personnes qui les
lui rapportoient qu'en parlant mesme à lui. C'est une
merveille qu'il ne lui survint poinct de maladie causée
par l'agitation qui lui venoit de tant de lieux , en ung
affaire de si grande importance.
Estant en toutes ces peines la nuict du i4 d'avril,
le courrier retourna ; Iç gênerai le sceut avant le légat,
et le lendemain matin il lui en vint donner advis, sans
SUR LA PAIX. 4o5
sçavoir quelle response il apportoit. Il sonda là dessus
M. de Sillery; mais il n'en peut rien tirer : cela donna
bien de la peine au légat , craignant que la royne ne
persistast à voulloir ravoir le marquisat; car il faisoit
de mauvaises conjectures de ce que les François tar-
doient a lui venir donner advis, et de ce qu'ils ne
s'estoient voulleus descouvrir de quoi que ce feust au
gênerai.
Quelque temps les François veinrent trouver le lé-
gat, et, avec ung long circuit de paroles, M. de Bel-
lievre dict que le roy vouUoit la paix, qu'il n'avoit
poinct changé d'advis , et qu'il ne voulloit pas innover
une seule syllabe en tout ce qui avoit esté concerté;
qu'il acceptoit les conditions proposées pour le regard
du duc de Savoye , c'est à sçavoir que la place de
Berre lui feust rendeue , et que ses prétentions sur le
marquisat de Saluées feussent remises au jugement du
pape, comme on avoit arresté; mais qu'il voulloit,
oultre cela, absolument, que le cardinal Albert feist
une trefve de quattre mois avec l'Angleterre et avec
les estats de Hollande, afin qu'ils eussent du temps
pour convenir avec le cardinal de la paix dont il espe-
roit venir à bout, encores que les Hollandois feissent
tous leurs efforts pour faire continuer la guerre, et
qu'il estoit content qu'aussitost que le cardinal auroit
accepté ceste trefve, on feist la paix entre France,
Espaigne et Savoye, et qu'on en signast les articles,
qui seroient mis entre les mains du légat, pour n'estre
publiée qu'après qu'on auroit veu ce qui arriveroit du
surplus.
Geste response feut'fort agréable au légat, et en
rendit grâces à Dieu ; elle lui feut confirmée par une
lettre du roy très chrestien, fort pleine et remplie
4o6 RELATION
d'affection et d'honneur, premièrement envers le pape,
et puis à Tesgard de sa propre personne.
Avant que les François se retirassent, il feit appeller
le gênerai , et voulleut que M. de Bellievre repetast la
mesme chose qu'il lui avoit desjà dicte; le gênerai se
chargea de l'aller faire sçavoir aulx députés du car-
dinal Albert, archiduc d'Autriche, comme il feit, et
ung peu après ils feurent trouver les François, où ils
convinrent après beaucoup de répliques que le pré-
sident Richardot iroit rendre compte de la response
du roy au cardinal, et rapporteroit la resolution de la
trefve proposée. Il partit en poste le quinziesme d'avril,
avant le jour. Ils ne donnèrent pas part de tout cela à
l'ambassadeur de Savoye , de peur qu'il ne le divul-
guast; de quoi il tesmoigna beaucoup de ressenti-
ment; mais le légat l'appaisa, lequel sçavoit si bien
faire, qu'ils demeuroient dans l'observation de ce qu'il
leur voulloit persuader, sans que personne le contre-
dist, l'aimant et l'estimant tous plus qu'on ne sçau-
roit dire.
Le retour du président feut le i8 avril à midi, et
lors le gênerai le feut trouver, pour sçavoir quelles
nouvelles il apportoit; il lui dict que le cardinal n'avoit
nullement voulleu accepter le parti de la trefve avec
les Hollandois, pour ce qu'il y alloit de son honneur
et de celui du roy d'Espaigne, de faire trefve avec des
vassaulx rebelles , qui se vantoient partout qu'ils ne
voulloient poinct de paix ni de trefve avec le vieulx
roy d'Espaigne ; le président s'excusa de n'avoir peu
obtenir dadvantage du cardinal, le pryant de reporter
cela au légat , mais qu'il n'en parlast pas sitost aulx
François; le gênerai s'en alla fort mal satisfaict trouver
le légat, et lui feit rapport de tout : cela le fascha in»
SUR LA PAIX. 407
finiment. Il consulta avec le gênerai ce qui se debvoit
faire, pour ne pas rompre là dessus le Iraicté de paix.
Apres beaucoup d'advis , ils se resoleuront d'envoyer
quérir les François , et que le légat leur feist entendre
priveenient ceste response, leur demandant conseil de
ce qui se debvoit faire, pour ne pas rompre. MM. de
Beîlievre et de Sillery tesmoignerent estre fort piqués
de ceste nouvelle, disans qu'ils avoient esté trompés,
et qu'ils avoient trompé leur roy, ayant escrit à sa
majesté sur les paroles des députés du cardinal, qu'ils
avoient une espérance comme certaine d'obtenir la
trefve , qu'ils ne pouvoient rien proposer, ni donner
aulcung conseil ; mais qu'ils estoient resoleus de rompre
à riieure mesme, escrire au roy et partir, ne voullant
plus ouïr parler de la paix , de laquelle ils estoient
rebutés; que ce qu'ils avoient faict jusques là seroit
sans doubte leur ruyne, puisqu'ils avoient trompé leur
roy, encores que sans y penser et qu'ils l'eussent esté
les premiers, le légat leur laissa jetter leur coîere,
et avec beaucoup de patience taschoit de les adouîcir.
Il leur dict que s'ils vouiloient rompre , il ne les pou-
voit pas empcscber; mais qu'il estimoit, quant à lui,
qu'il le falloit éviter; il leur proposoit quelques ou-
vertures pour les entretenir , et laisser reposer leur
bile.
Cependant il feit venir le gênerai , lequel veneu rap-
porta tout ce qu'avoit dict le président Ricbardot ,
comme il l'avoit desjà faict entendre au legat. Il dict
aussi aulx François qu'il leur estoit libre de rompre;
mais qu'il seroit tousjours temps, et qu'il n'estimoit
pas qu'ils le deussent faire qu'ils n'eussent entendeu
la response de la propre boucbe du président Ri-
cbardot. M. de Beîlievre s'allentit ung peu, disant que
4o8 RELATION
ce n'estoit pas à eulx à rompre, mais au roy ; qu'ils
seroient bien aise d'avoir une response précise à l'heure
mesme pour despescher ung courrier à sa majesté,
qui avoit tousjours entreteneu ses confédérés pour
s'accommoder avec eulx , au cas qu'on ne condescendist
pas à la trefve; qu'au surplus ils ne desiroient pas qu'on
les amusast pour estre ruynés auprès du roy, comme
c'estoit peult estre le desseing des Espaignols; qu'ils
vouUoient donc avoir response, et qu'eulx, estans allés
faire la proposition , la civilité voulloit que les aultres
leur vinssent rendre la response ; le gênerai respondit
que cela estoit de la bienséance , mais que Richardot
estoit vieil , et fort las d'avoir coureu la poste ; qu'il
croyoit qu'on debvoit attendre jusques au lendemain ,
veu mesmement qu'il estoit desjà nuict. Les François
ne voulloient poinct consentir à cela , et disoient affir-
mativement qu'ils voulloient despescher sur l'heure
mesme ung courrier. Le légat , voyant ceste resolu-
tion, et d'aultre costé lui semblant que M. de Bellievre
s'adoulcissoit ung peu , proposa que le gênerai allast
trouver les Flamands, et leur feist rapport de ce qui
s'estoit passé avec M. le légat , leur disant que les Fran-
çois ne voulloient pas attendre dadvantage , et qu'ils
donnassent response. Le gênerai s'y en alla, avec pro-
messe de retourner, aussitost leur dire ce qu'il auroit
negotié, comme il feit. Cependant le légat tascha
d'adoulcir les François , leur disant que le roy n'avoit
pas subject de se plaindre; qu'il ne s'agissoit pas de
chose qui feust a mespriser, et qu'il falloit retarder la
rupture le plus qu'on pourroit ; qu'il estimoit impos-
sible qu'il ne se trouvast quelque moyen de surmonter
l'empeschement qui se presentoit, lequel estoit fort
léger, si on consideroit la substance et riiiiportance
SUR LA PAIX. 409
de l'affaire ; qu'il sçavoit bien que les ï'ianiands es-
toient très desplaisans de cest accident, et que sans
doubte leur procédé estoit franc , comme ils pouvoient
croire que avoit esté aussi le sien , pouvant dire qu'il
avoit travaillé de sorte en cest affaire; que pendant
six mois il avoit esté comme en croix, qu'il sembloit
qu'il estoit juste que si on debvoit rompre, cela se feit
de sorte que sa saincteté ne se peust pas plaindre de
tous, mais seulement de ceulx qui en estoient cause;
qu'on combattoit pour ung petit poinct d'honneur;
qu'on trouveroit peuît estre moyen d'accommoder, et
qu'en tout cas, ayant cheminé droictement et ronde-
ment en cest affaire , ceulx qui en estoient fort bons
tesmoings estoient obligés par toutes sortes de consi-
dérations à faire que le monde, qui juge des choses
par les effects , cogneust ici la vérité, puisqu'il avoit
servi le roy et le royaulme avec tant d'amour et d'af-
fection. M. de Bellievre respondit qu'il avoit raison ,
et que c'estoit à quoi on ne manqueroit nullement, lui
faschant extresmement que tant de peine et de soings
qu'il avoit pris ne lui servist de rien.
Sur cela le gênerai des cordeliers retourna , qui es-
toit assés satisfaict. Il les prya de ne despescher poinct
que le lendemain matin; et Kichardot, se trouvant;
mal en effect; qu'au surplus on leur donneroit peult
estre de telles raisons, qu'ils auroient moins de subject
de se scandaliser; mais ils ne promirent pas pour-
tant de ne poinct despescher.
Le lendemain matin les Espaignols vinrent trouver
le légat, et le pryerent instamment qu'il trouvast bon
que le gênerai allast à Bruxelles , afin que le roy très
chrestien eust ce qu'il leur demandoit, c'est à sçavoir
qu'on feist une suspension d'armes pour trois mois. Le
4lO REL.VnON
légat le permit, et escrivit au cardinal archiduc, le
prvant d'aîToction de voulloir favoriser, et mettre fin
au Iraiclé de paix, sans voulloir entrer en des con-
sidérations qui n'estoient pas de grand advantage, et
qui n'estoient nullement approuvées.
Le gênerai partit, et feut tant en chemin qu'en la
ville de Bruxelles jusques au ^5% escrivit pendant ce
temps une lettre à M. le légat , par laquelle il lui faisoit
entendre et sçavoir accortement et adroictement que
l'affaire alloit bien. Estant de retour, il rapporta que
le cardinal trou voit bon de donner sa parole pour le
temps de deux mois , et non plus. Il y eut beau-
coup d'allées et de veneues , et de contestations entre
les François et les députés flamands. Enfin les Fran-
çois et les aultres s'accordèrent à soubscrire les articles
en la façon qu'il avoit esté arresté auparavant , sans
faire aulcune mention des confédérés , et travaillèrent
à accorder leurs escritures. Estant absolument d'accord
sur tous les chefs, ils se donnèrent entre eulx la parole
de faire la suspension d'armes avec les confédérés pour
deux mois seulement, qui commenceroient à courir du
jour de la ratification de la paix par les deux couronnes
et la Savoye.
Cela ainsi arresté, le diable ne manqua pas de
semer de nouvelles zizanies. Lorsqu'il falleut estendre
lesdicts articles de la paix entre les deux couronnes ,
il survint là dessus beaucoup de difficultés, et quasi
une rupture entière , parce que les députés françois
voulloient, h cause du royaulme de Navarre, mettre
tout expresseement que la prescription ne pourroit
prejudicier au roy très chrestien de France, et les Fla-
mands ne le voulloient pas consentir en aulcune façon,
leur semblant que c'estoit altérer et faire tort aulx rai-
SUR LA PAIX. 4ri
sons ^\i\ poiivoient estre acquises au roy d'Espaigne ,
leur maislre, etc.
On alla et vint tant sur cela, qu'enfin les députés
françois trouvèrent bon qu'on n'en parlast poinct du
tout. Ils estendirent les articles, et contre la volonté
et contre le gré du légat ils voulleurent envoyer, par
courrier exprès, au cardinal Albert, disant que, comme
il estoit si voisin et si proclie , il sembloit qu'il y avoit
trop d'incivilité et trop peu de courtoisie à ne l'en pas
faire participant.
On les renvoya donc; et, en attendant la response,
on estendit les articles du traicté avec M. le duc de
Savove, où il y eut encores beaucoup de difficultés.
Le légat se Irouvoit lors plein de bonne espérance,
estant asseuré par les parties qu'il ne pouvoit naistre
aulcung inconvénient, neantmoins il craignoit, et d'ail-
leurs il pensoit aulx moyens de despescher secrette-
ment à Pvoîue , selon que les François lui en avoient
donné advis. Cela se passa ainsi entre le 27^ et dernier
jour du mois d'avril; auquel jour, à midi, le courrier
qui avoit esté envoyé à Bruxelles devers le cardinal
arcbiduc, retourna avec lettres dudict cardinal ar-
cbiduc à ses députés, par lesquelles lettres il approu-
voit tout ce qui avoit esté par eulx negotié sans y rien
cbanger, sinon en cliose de peu de conséquence, et
ainsi on se mit à baster les escritures, et convenir en
mesme temps en ce qui concernoit la Savoye, pour
laquelle il y avoit de la difficulté , à cause de la res-
titution des pris«onniers, car l'ambassadeur de Savoye
disoit que le duc, son maistre, en ayant beaucoup plus
que les François, il entendoit qu'ils feussent n:iis à
rançon, et les François en faisoient instance au con-
traire, et disoient que, ayant esté conveneu avec les
4l2 RELA^TION SUR LA PAIX.
Espaignols qu'on restitueroit librement tous ceulx qui
n'avoient poinct arresté leur rançon, sans avoir esgard
au moindre ou plus grand nombre, on debvoit faire
le mesme parti avec la Savoye.
On différa sans conclure jusques au lendemain, qui
feut le I*' jour du mois de mai, où il survint beau-
coup de difficultés, qui feurent toutes surmontées par
le respect que l'on porta au légat, lequel y eut assés
de mal. Enfin estans tous assemblés devant lui, les
articles feurent soubscrits, et mis entre ses mains pour
estre teneus secrets pendant ung mois, si faire se pou-
voit , et puis rendeus aulx parties avec ceste condi-
tion, que si plus tost elles estoient d'accord de les
retirer, il pleust les leur restituer.
On despescha ung courrier pour en donner advis
aulx deux roys, à quattre heures après midi, selon
qu'on compte en France , les escritures n'ayant peu
estre achevées le soir d'auparavant. Dieu soit loué de
tout, qui par son infinie puissance et miséricorde feit
tout cest affaire par les mérites de sa saincteté, et
pour l'utilité générale de toute la chrestienté.
CXLT. — ^ LETTRE DU ROY
. ^ MM. de Bellievre et de Slllerj,
MM. de Bellievre et de Sillery , vostre lettre du 26
avril , que j'ai receue ce matin , m'a délivré de la peine
en laquelle je vous escrivis hier par courrier exprès,
que m'avoit mis le long temps qui s'estoit passé depuis
celle du i4, sans avoir receu d'aultres de vous pour
les raisons portées par icelle ; mais ayant appris par
LETTRE DU ROY, etc. 4i3
celle ci les causes de vostre silence , et de ce qui s'en
est ensuivi j'en demeure très satisfaict , et vous re-
mercie du bon debvoir que vous m'aves faict pour me
servir en ceste occasion si fidèlement et heureusement
que vous avés faict.
Vous avés esté advertis par les lettres qui vous ont
esté escrites le 22 et 27 avril par la voye de Louvet,
du départ des ambassadeurs d'Angleterre et. d'Hollande,
et comme il m'a esté impossible de les retenir dadvan-
tage , ayans les ungs et les aultres faipt contenance
d'estre très mal centens de moi ; les premiers poitr
m'estre advancé de traicter sans eulx , et les aultres
pour n'avoir peu me faire changer la volonté que je
leur ai déclarée avoir de recouvrer mes places par la
paix ; enfin , j'ai promis aulxdicts Anglois de ne ratifier
de quarante jours les articles que vous aurés signés,
dedans lequel temps ils m'ont aussi promis qu'ils re-
tourneront avec la volonté de leur maistresse pour en-
trer au traicté, ou pour s'en retirer du tout. Ce feut
le 24 ou 25 dudict mois qne je leur feis ceste promesse,
pour laquelle toutesfois je n'entends pas de différer
d'ung jour à faire mes affaires, si ce délai me peult
prejudieier ; car je n'ai que trop d'occasion de croire
qu'il m'a esté demandé autant pour avoir le loisir et
moyen de traverser et de rompre ladicte paix que pour
la favoriser ; enfin , je me conduirai en cela comme je
cognoistrai que les aultres se gouverneront en mon
endroict , et qu'il sera utile pour mon service , lequel
je veulx préférer à toute aultre considération.
Et suis bien de vostre advis que nous ne debvons
changer le lieu de l'assemblée, du moins que mes villes
ne m'ayent esté rendeues, afin d'y estre assisté de l'auc-
torité de M. le légat et de sa présence ; mais j'espère
4l4 LETTRE DU ROY
estre si près de vous dedans ce temps là, que j'en pourrai
conférer avec vous pour m'en resouldre par vostre bon
conseil.
Quant aulx Hollandois, je les ai trouvés sur la fin
encores plus durs à la paix et difficiles à gouverner
qu'au commencement, disans n'avoir aultre pouvoir
que de m'offrir leurs forces pour continuer la guerre,
si je m'y voullois resouldre , sans seulement me laisser
aulcune espérance de les disposer à ladicte paix , jus-
ques à m'avoir refusé leur parole sur l'observation de
là trefve, dont je leur ai dict vous avoir commandé
de faire instance en cas qu'elle feust accordée par le
cardinal archiduc, voire mesmes une simple cessation
d'entreprise sur les places et actes d'hostilité de part
et d'aultre; bien m'ont ils dict que je pouvois, si bon
me sembloit, envoyer quelqu'ung devers leurs supé-
rieurs, pour leur en faire ouverture, à laquelle peult
estre qu'ils s'accounnoderoient pour ma seule considé-
ration plus que pour leur commodité.
Sur ceste incertitude , j'a vois délibéré d'envoyer après
eulx en leur pays le sieur de Buzenval , tant pour gai-
gner ce poinct , que pour les exhorter et disposer à la-
dicte paix , sans laquelle en vérité je n'estime pas qu'ils
puissent subsister; mais je crains la longueur et incer-
titude dudict voyage. C'est pourquoi je m'en vais des-
pesclier devers lui ung courrier exprès ( car je lui ai
commandé accompaigner lesdicts deputésjusques à Pa-
ris), par lequel je lui ordonnerai leur dire que, s'ils ne
veullent ou peuvent me donner la foi et parole de
leursdicts supérieurs sur l'observation de ladicte ces-
sation, qui a esté accordée en ma considération avec
toutes les peines çt difficultés du monde, je n'entends
pas m'y engager plus avant , et je vous escrirai après
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 4i5
leur response; mais comme cependant je ne veulx abu-
ser personne, vous dires aulx ambasseurs dudict car-
dinal archiduc , que je n'enlends poinct qu'ils demeu-
rent obligés à l'observation de ladicte cessation, ni
aussi estre obligé pour lesdicts estast , sur ce qui a esté
conveneu entre nous a ma pryere, jusques à ce que je
les asseure que lesdicts estats l'ayent acceptée, les re-
merciant de la bonne volonté que ledict sieur cardinal
archiduc a voulleu me tesmoigner en cest endroict,
dont j'espère me revancher bientost.
Lespryans, au reste, de n'adjouster foi aulx advis
qui leur sont donnés d'Angleterre et de Hollande pour
les faire entrer en deffîance de ma foi ; car ce sont
toutes inventions de gens qui portent envie à nostre
accord, et qui n'obmettront aulcune sorte d'artifice
pour le rompre.
Il fault aussi qu'ils considèrent que je ne doibs dés-
espérer personne de mon amitié , que nostre traicté
ne soit accordé, et signé comme il doibt estre, leur
disans qu'ils doibvent s'arrester aulx effects, et non
aulx bruicts et paroles qui se publient. Ores , si vous
avés suivi vostre project , ledict traicté aura esté au-
jourd'hui signé et livré en forme audict sieur légat,
dont je serai adverti avant que ce courrier arrive à
vous; toutesfois si la chose n'estoit encores faicte, je
vous prye de ne la différer et retarder plus après la
réception de la présente ; car je veulx terminer ce
faict pour le bien et repos de mon estât , sans m'arres-
ter dadvantage aulx interests d'aultrui, ayant suffisam-
ment salisfaict pour ce regard au debvoir de ma foi.
Mais faictes qu'ils envoyent en diligence à Blavet
pour faire cesser les fortifications que continuent à
fajre ceulx qui sont dedans , et diminuer à deux cens
4i6 LETTRE DU ROY
hommes , ainsi que je vous ai escrit , les quinze ou seize
cens hommes qui y sont , afin que je ne sois contrainct
de laisser une armée par deçà quand j'en partirai,
pour les brider comme j'avois proposé de faire; car je
serai très aise d'en estre deschargé ; n'oubliés donc pas
ce poinct, je vous en prye.
Je partirai mardi prochain pour aller à Rennes, où
je mande les estats du pays au quinziesme de ce mois
que j'avois premièrement convoqués en ceste ville ; je
fais estât d'y demeurer huict jours , et après repren-
dre le droict chemin de Paris sans repasser par ici.
Cependant je ferai advancer en Picardie par la Nor-
mandie les regimens de Navarre et de Piedmont que
j'avois amenés en ce pays, pour m'en servir en ce qui
se présentera sur l'exécution de nostre accord.
Au reste , je trouve très bon le conseil que vous avés
pris d'advertir mon cousin le connestable de deffendre
à nos gens de guerre de faire des courses sur l'ennemi de
quinze jours en quinze jours. J'escrirai aussi au sieur de
Lesdiguieres , et aulx aultres de ce costé là qu'ils s'ab-
stiennent d'entreprendre aulcune chose sur le duc de
Savoye, qu'ils n'ayent aultre commandement de moi,
estant asseurés de la part dudict duc de Savoye qu'il en
usera de mesmes en leur endroict.
Je n'oublierai pareillement à me louer à nostre sainct
père le pape du père gênerai des cordeliers , et lui
recommander son advancement, suivant le sage advis
dudict sieur légat et le vostre ; mais il ne fauît poinct
doubter que l'on ne tienne la paix faicte sitost que le-
dict sieur légat partira de Vervins pour se retirer à
Rheims ou ailleurs, comme vous m'avés escrit qu'il
veult faire; toutesfois je suis si jaloux de sa bonne
santé , que si c'est chose qui soit nécessaire qu'il fasse
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 417
pour la conservation d'icelle , je la préférerai tousjours
à toute auitre ; partant, je me remets à ce qu'il en re-
souldra lui mesmes, après que vous lui aurés vifve-
ment et de bonne sorte remonstré le bruict que en-
gendrera sa retraite et son esloingncment , et ce qui en
succédera, etc.
Du 1*" mai i5g8.
CXLIL—'î;^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messieurs, La Fontaine, qui est arrivé ce matin,
nous a tiré des limbes , où vostre silence nous avoit
plongés; et vous dirai que toutes vos faultes vous sont
maintenant remises, et tournées en grâce et mérite;
achevés donc vostre ouvrage le plus tost que vous pour-
rés, sans vous arrester ni amuser dadvantage aulx de-
sirs et aulx fantaisies de nos voisins , aulxquels sa ma-
jesté a eu trop d'esgard; car il est certain qu'ils portent
envie à sa majesté dudict accord , et qu'ils feront ce
qu'ils pourront pour le renverser. Jamais sadicte ma-
jesté n'a peu persuader aulx Hollandois d'accepter ceste
cessation d'armes que vous avés enfin obteneue en
grande peine et soing pour eulx, ayant respondeu qu'il
falloit s'en addresser à leurs supérieurs; de sorte que
je plains fort le temps que vous y avés perdeu; toutes-
fois. le roy vous sçait très bon gré de ceste victoire,
dont il ne faict pas peu de compte. Les ungs et les
aultres sont demeurés si estonnés de nous, vous si en-
clins et si resoleus à la paix et en si bons termes
de sortir d'affaires, qu'ils n'ont sceu sur quelle des-
MÉM. DE DUPLESSIS-MORA'AY. ToME VIIT. 2 "7
4l8 LETTRE DE M. DE VILLEROY
marche ils debvoient se mettre, nous ayans faict miile
et mille sortes de propositions, principalement les
Anglois, pour nous entamer et faire broncher; mais
ils n'y ont rien gaigné , grâces au bon Dieu.
Et vous prye ne croire pas que sa majesté fasse aul-
cune chose qui lui puisse faire perdre avec raison le
fruict que vous lui avés avec tant de soing et de peine
cultivé, et de n'adjouster poinct de foy à ceulx qui
pourroient donner par delà des advis et des impres-
sions contraires à cela, comme je suis très certain et
asseuré qu'il sera faict d'Angleterre et de Hollande, et
peult estre aussi de nostre cour mesmes; car je vous
asseure qu'il s'y trouve des dom Diego d'Ibara , pires
peult estre pour la France que celui qui est à Bruxelles;
mais il fault prendre bon courage , car nostre maistre
est homme de bien, et est prince de foi et de juge-
ment. Il n'entend pas qu'aultres que vous intervienne
en ce traicté , principalement qu'il ne doibve estre pu-
blié ; il dict qu'il vous verra devant que cela arrive,
et vous asseure et certifie que c'est aujourd'hui son
plus grand souci de sortir hors de ce pays pour s'ap-
procher de vous.
Ces trois dernières lignes serviront de response à
une lettre particulière que M. de Beliievre m'a escrite
sur ce subject, estant certain que, si vostre negotia-
tion eust esté maniée par d'auitres et avec d'aultres
que vous, les choses n'eussent succédé si heureuse-
ment qu'elles ont faict. Il fault louer Dieu de tout, et
vous remercier du bon debvoir que vous y avés faict.
J'ai dict au roy ceque vous, M. de Beliievre, m'avés
escrit, l'instance que font les gens de monseigneur de
Montpensier, et M. le mareschal de Balagny. Sadicte
majesté dict que vous fassiés ses affaires, et qu'estans
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 419
faicts, \cs auUres y prendront part avec ses aultres
subjects. Ce sera donc tout ce dont je vous supplierai,
et aussi que vous me teuiés tousjours en vos bonnes
grâces, etc.
Du 1er mai i 598.
CXLIII. —^ LETTRE
y V M. le duc de Bouillon a M. de Buzenval.
Monsieur, j'envoye à M. Dnpiessis le project qui
s'est taicl pour sa querelle. Je désire fort qu'il y prenne
une ferme resolution, ne pouvant les longueurs estre
que desadvantageuses. Vous aurés sceu les nouvelles
qui circulent des Cevennes. Il se remeue quelque chose
du costé dTtalie ; mais je ne vois pas que le roy y voye
encores bien clair. Le séjour de ces messieurs sera plus
long qu'ils ne Fesperoient; s'ils peuvent partir, ce que
l'on leur a faict espérer, et si vous l'attendes, vous
vous tromperies encores, je parie. Envoyés moi, je
vous prye, en toutes occasions de vos nouvelles , avec
asseurance que je les recevrai comme le plus asseuré
ami que vous ayés. Je vous baise les mains. C'est vostre
humble ami à vous servir. Henry de La Tour.
A Nantes, ce . . mai iSqS.
CXLIV. — LETTRE DE M. DUPLESSIS
A M, de Villeî^oj.
MoNSTFUR , depuis mes lettres du 29, est arrivé ici
M. Erard, le 3o avril, avec celles qu'il vous a pieu
4^0 LETTRE DE M. DUPLESSIS, etc.
m'escrire du 2 5. Son indisposition l'aura peu retarder
par le chemin. J'y recognois de plus en plus le soing que
vous daignés prendre de ce qui me touche, dont vous
me comblés d'obligation. J'ai considéré la despesche
apportée par le sieur Guichard, laquelle je vous ren-
vove par ce porteur exprès, et estime qu'eust bien esté
à désirer que messieurs les gens du roy eussent addressé
la commisîiion, y adjoustant leurs lettres. Cependant,
puisqu'il ne s'est faict, je vous supplie, monsieur,
d'adviser s'il seroit pas à propos que ledict sieur Gui-
chard mesmes la portast à M. le lieutenant gênerai de
Tours , avec lettres du roy , par lesquelles l'exécution
lui en feust recommandée; et par auUres lettres au
substitut du procureur gênerai h Tours. Je crains , si
vous en reparlés au roy, sur ces propositions d'accord
projectees à la sollicitation des parens qui se retrou-
vent près de lui, que l'attente qu'on lui en donnera
lui fasse suspendre la diligence, au lieu que ce seroit
le temps de la presser. C'est pourquoi, n'estant ques-
tion que d'une dépendance du premier commande-
ment de sa majesté, j'estime qu'il ne sera besoing de
lui en parler. Vous voyés , monsieur, connue trop pri-
veement je m'explique à vous de mes pensées. M. Erard
part ce matin. MM. les députés des estats sont en
nostre faulxbourg, que je m'en vais voir et les tiendrai
en bonne bouche. Je suis en appréhension que les dé-
putés du cardinal veuillent faire leur profict du mes-
contentement qui esclatera de l'ambassadeur d'Angle-
terre ; mais les grands affaires ne se font qu'en bazar-
dant quelque chose.
De Saulmur, le i^'^^mai iSgS.
LETTRE DE M. MARBAULT, etc. 421
CXLV. —^LETTRE DE M. MARBAULT
A M. Duplessis,
MoNSEiGiNEUR, j'ai receu celle dont il vous a pieu
m'honorer , du 26 d'avril, par ung valet de pied de
Madame, Je crois que vous aurés depuis receu plusieurs
des miennes, vous ayant escrit par cinq divers messa-
gers. J'ai veu M. de Montmartin , qui dict que M. de
Brissac se promet une grande facilité en vostre affaire,
et lui avoir dict qu'au lieu de la facilité qu'il y trou-
voit, il pensoit qu'il y rencontreroit beaucoup de dif-
ficulté, pour ce qu'une personne comme vous, ayant
esté si griefvement affectée, ne se contenteroit pas de
vent ni de parole, et qu'il l'avoit assés cogneu, lorsque
vous estiés ici; mais il lui respondit que vous y faisiés
de la difficulté, parce que vous vous en estiés allé mal
content du roy, et ne clierchiés qu'une cause de nies-
contentement. M. de Montmartin lui dict que vous
n'aviés eu ici aulcung subject de mescontentement ;
ains, au contraire, de vous contenter en la justice que
le roy vous promet de l'oultrage receu. On ne lui parle
plus de cest affaire là , à ce qu'il dict. Enfin ledict sieur
marescbal ne trouve poinct de difficulté en cest affaire.
Ils y attendent beaucoup de secours de M. de Rhosny.
Je l'ai rencontré cejourd bui au chasteau. Il s'est en-
quis si j'avois veu M. de Bouillon, et ce qui avoit esté
conveneu en l'assemblée de ces messieurs. Je lui dis
que non; il me respondit qu'il y trouvoit matière de
contentement. Il semble que le principal subject de son
voyage ait este pour essayer d'accommoder cest affaire.
4^2 LETTRE DE M. MARBAULT
Il dict ne vous en avoir osé parler bien librement, de
peur de vous atterrer, vous ayant trouvé si aigri en ce
faict, auquel , à la vérité, il est fort malaisé de s'adoul-
cir; que, vous trouvant tous deux Tespee a la main,
son espee tranche pour vous; mais qu'il lui seroit grief
de voir à Paris, en Grève, Teffigie et l'arrest d'ung
qui porte son nom et ses armes , ou lui voir faire une
amende honorable, mené par le bourreau; qu'il voul-
droit avoir receu deux coups de baston de vous, et
que vous feussiés satisfaict; en somme, qu'il fera ce
que vous le ferés de faict et de parole ; que s'il derneu-
roit ici, il s'asseuroit de le vous mener à Saulmur,
pour en recevoir telle satisfaction que vous jugeriés,
et puis vous Tameneroit en ce lieu , pour vous rendre
devant tout le monde celle qui sera jugée par MM. les
mareschaulx; que jamais chose ne lui pesa tant que
cest affaire, n'y ayant personne au monde à qui il ait
tant d'obligation qu'à vous, et*qui l'ait tant soubteneu
et porté en ses afflictions que vous; qu'il ne scait
comme il se doibt gouverner, pour ce faict là, en vostre
endroict; estant une playe si sensible, qu'il ne sçait
quel remède y apporter, craignant de vous estre sus-
pect. Je lui en ai parlé le plus sobrement qu'il m'a
esté possible. Il m'en a teneu de si longs discours, qu'ils
ne se peuvent escrire; mais, en somme, j'en recueille
qu'ils craignent extresmement la poursuite qui se faict à
la court de parlement, et que cela les fera haster d'es-
sayer par tous moyens de vous contenter, comme de
faict M. de Sours, ancien de la maison du roy, dict
hier a M. de Cugy, lui disant le sçavoir de bonne part ,
et ne lui voullant aultrement nommer, que Sainct Phal
feut adverli de vostre partement par ung de ses amis,
qui lui conseilloit de vous rencontrer sur le chemin ,
A M. DUPLESSIS. 4^3
accompaigné de ses amis, le plus qu'il pourroit en
amas<=ier ; et du plus loin qu'il vous verroit, mettre
pied à terre, et vous aller au devant vous supplier de
lui pardonner l'offense qu'il avoit commise en vostre
endroict, et de juger quelle satisfaction vous desiriés
de lui, qu'il la vous rendroit en public, et la vous si-
gneroit en tels termes que vous vouldrës; qu'il s'asseu-
roit de faire plus par ce moyen que par tous les com-
mandemens du roy , qui est chose forcée , et que de
faict il partit pour cela ; mais qu'il ne vous peut ren-
contrer ni attrapper. On l'a dict aussi à M. de La Fer-
rieres. Je crois que ce sont bruicts qu'ils font courre ,
afin de vous adoulcir, et pour sonder vostre intention.
M. le mareschal de Rhetz a dressé le mémoire de ce
qu'ils avoient resoleu ensemble debvoir eslre faict pour
vostre satisfaction; mais il estoit si mal dressé, qu'il ne
se pouvoit plus, et a esté jugé par M. le mareschal de
Bouillon n'y avoir subject de contentement, lequel l'a
corrigé ; et dict que si vous vous voullés contenter
d'une satisfaction de parole , il ne sçavoit qu'y adjous-
ter. 11 le doibt présenter au roy. M. de Lomenie m'a
promis que lorsque sa majesté l'aura veu et faict mettre
en la forme qu'il jugera , il m'en baillera copie. Ils
s'estoient assemblés, lorsque le mémoire leur feut pré-
senté. M. de Souvray y estoit, qui s'y est fort bien
porté et passionné , ainsi que m'a dict M. le président
Verniez, qui estoit d'advis que je l'en remerciasse, non
toutesfois de vostre part, mais comme ayant sceu par
lui le bon office qu'il vous y avoit rendeu; ce que je
n'ai voulleu faire sans avoir vostre commandement, et
que je doubte que vous approuviés ce qu'ils y font.
M. de Bouillon s'est plainct à M. de Lomenie que vous
ne lui aviés pas daigné escrire ung mot de cest affaire.
4^4 LETTRE DE M. MARBAULT , etc. ^
et qu'il ne sçait s'il y faict trop ou trop peu ; qu'il
desireroit fort en sçavoir vostre volonté, pour vous y
rendre les offices d'ami qu'il vous y a promis. J'avois
reteneu ce messager , pensant vous mander de plus
particulières nouvelles , M. de Lomenie m'ayant promis
de vous escrire et de s'en informer, mesme de ce que
le roy avoit dict à M. de Brissac ; il m'a tousjours remis
d'heure en heure. Enfin, il m'a dict ce matin qu'il ne
sçavoit que vous escrire , et qu'il n'avoit rien sceu.
Pour le faict de Guichard , vous en estes maintenant
bien informé; car je crois que M. Erard vous aura
baillé le paquet de M. de Villeroy pour le demi mois
qui reste de ce qui est payé , selon les estats du roy. Je
n'en ai rien peu obtenir de M. d'incarville; car il m'a
dict que ce seroit aujourd'hui tout faict pour les gar-
nisons avec MM. les députés, et qu'après nous pour-
suivrions tout ensemble. Je supplie le Créateur vous
donner en parfaicte santé longue vie.
De Nantes , ce i^r mai iSgS.
P. S. Monseigneur, je vous envoyé le mémoire qu'a
dressé M. de Calignon, duquel je n'ai rien peu ap-
prendre.
CXLVI. — ^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Silleiy au roj.
Sire, ayant negotié la cessation de tous actes d'hos-
tilité pour deux mois, pour la royne d'Angleterre et
Provinces Unies, nous renvoyasmes incontinent à vostre
majesté le courrier La Fontaine pour lui en donner
advis , et en quels termes nous estions pour le surplus
LETTRE, etc. 4 2 5
des articles de ce traicté de paix, tant avec les députés
d'Espaigne que celui de Savoye. Depuis ce temps nous
n'avons cessé de travailler pour mettre fin aulx difficul-
tés qui restoient à resouldre , que , grâces à Dieu, nous
avons surmontées. Avons concleu et signé le traicté
avec lesdicts députés , et remis entre les mains de M. le
légat. Nous les avons pryés de tenir le tout secret jus-
ques au jour que la ratification sera envoyée et les
ostages deslivrés. Le traicté est mis en la forme qu'il
doibt demeurer, sans que l'on n'y puisse adjouster ni
diminuer. Nous pryons Dieu , sire-, que vostre majesté
puisse longuement et heureusement jouir de ceste paix,
laquelle estant des maintenant concleue et arrestee
avec les eslats de la majesté du roy catholique , et du duc
de Savoye, et en estant differea la publication, pour
l'effect que vostre majesté veult estre porté à ses con-
fédérés, il est besoing que les gouverneurs, ou les
lieutenans generaulx de vos princes , soient advertis
de la cessation de tous aultres actes d'hostilité, qui
a esté accordée de part et d'aultre, dont vostre ma-
jesté a esté advertie par nostre précédente lettre et
despesche.
A quoi nous remettant, nous lui dirons que M. le
légat nous a promis qu'il ne partira de ce lieu de Ver-
vins sans que, premièrement , il ait sceu la volonté de
vostre majesté. Il dict que si les députés d'Angleterre
viennent ici, il n'y peult arrester avec son honneur;
mais que doulcement il se retirera à Rheims, sans que
l'on s'apperçoive pour quelle occasion il le faict; et
qu'il sera si près de nous , qu'il ne defauldra à servir
en tout ce dont nous le requérons pour le bien de vostre
service. Ce bon prélat est plein de zèle et d'affection
envers vostre majesté , à laquelle il se sentira fort
426 LETTRE
obligé, si, escrivant au pape, elle l'honorera de son
tesmoignage.
Sire, nous venons de signer et remettre ledict traicté
entre les mains de M. le légat , et n'y a plus rien en
dispute.
Il nous reste seulement à resouldre quelques poincts
concernant les particuliers qui ne sont pas d'impor-
tance. Nous en\ oyerons au premier jour à vostre ma-
jesté le traicté, pour, s'il lui plaist, le nous renvoyer
avec la ratification , estant le terme si court, que nous
n'avons poinct de temps à perdre. Nous advertirons
M. le connestable , suivant le commandement qu'en
avons de vostre majesté, à laquelle nous pryons Dieu,
sire, etc.
^ Du 2 mai 1698.
CXLVII. —-^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Silleij a M. Villewj.
Monsieur, nous avons receu vostre lettre du 11 du
mois passé , par laquelle avec beaucoup de regret nous
avons veu la peine où vous estes, pour n'avoir eu de
nos lettres depuis le \[\ dudict mois. Par la nostre du
16. vous sçaurés que si au lieu où vous estes vous
, avés esté en peine, nous avons esté ici en martyre.
Nous vous avons escrit par La Fontaine , que tran-
cheement la trefve que le roy demande pour les Anglois
et Hollandois avoit esté refusée, et qu'estions sans es-
pérance de l'obtenir; et neantmoins le roy veult que
nous fassions instance de l'avoir, et sans cela ne nous
est donné pouvoir de signer les articles. Nous avons
remonstré si vifvement qu'il ne falloit qu'ils rompissent
A M. DE YILLEROY. 427
à ceste occasion , y einployaiis et l'auctoritë de M. le
légat, et la diligence de M. le père gênerai, qu'enfin
les députés d'Espaigne ont dict (jiie, s'ils avoient le pou-
voir, ctsie trefve nous seroi t accordée. M. le président
Richardot se resoleut d'aller à Bruxelles pour venir à
bout de ceste demande. Il en revient avec ung court
refus ; et vous dirons que le pcre gênerai , qui depuis a
esté à Bruxelles, nous a rajjporté que les Espaignols
veullent mal audict Richardot d'avoir faict ce voyage
pour une telle occasion. Pour cela nous ne nous ren-
dons pas; et, comme avés sceu, ceste charge retombe
sur le père gênerai, qui s'en est bien acquitté, comme
vous aurés veu par nostre despesche du 16. Il fault
quelque temps pour venir à bout de si grands affaires.
Nous sommes hommes, et non pas anges, pour faire
ce qui est commandé en ung moment. Considérés la
longueur au'il v a eu aulx articles de M. de Mercœur et
de ceuix de la relligion , qui sont subjects ; et nous
avons ici affaire à nos anciens ennemis, qui sont fort
rudes et desfians. Nous estimons, monsieur, que vous
jugés que si le roy a eu quelque mescontentement de
ceste longueur, qu'au moins nous sommes dignes de
compassion.
Les ennemis ne nous ont pas laissé dormir les nuicts
entières; et Dieu veuille qu'il ne nous en advienne pis!
En ce faict nous n'avons perdeu une seule heure de
ddigence. La Fontaine arriva ici le i3, à neuf heures
du soir. Au mesme instant nous voyons vostre despes-
che du 9 , qui est longue , et à la vérité des mieulx
faictes qui se puissent dire. Le lendemain matin nous
voyons M. le légat et le père gênerai; l'apres disner,
les députés d'Espaigne; et moyennons le partement de
M. Richardot, qui partit de ce lieu à deux heures après
4-^8 LETTRE
Ja miiiLiict. Ung jour après son retour, resoleusmes le
parlement duclict père gênerai; et le jour mesme qu'il
nous eut faict entendre ce qu'il rempor^oit dudict car-
dinal archiduc, nous despeschasmes La Fontaine. Nous
ne pouvons pas voir qu'aultres , quels qu'ils soient,
eussent peu user de plus grande diligence. Si l'on dict :
(f Au moins nous debviés nous advertir que vous ne pou-
vies rien faire, monsieur»; nous laissons à vostre meil-
leur jugement si cela eust servi à advancer cest affaire.
Si l'on se plainct que nous ayons failli en cela , on se
plainct que nous ne vous ayons faict de plus grands
ennuis que nous ayons senti en nos vies; et, avec l'en-
nui , il eust peu advenir que ceste negotiation eust esté
bien hazardee. Nous n'avons pas cessé jusques à ce que
nous ayons mis la dernière main à ce traicté , que
nous avons signé ce soir avec les trois ambassadeurs
d'Espaigne et celui de Savoye , et à l'instant l'avons
remis entre les mains de M. le légat, avec ung acte
de la substance de celui que nous avons ci devant
envoyé.
Il ne reste aulcune chose a faire jusques à ce que
vous nous aurés envoyé la ratification, que nous leur
debvons fournir d'ici à ung mois ; et eulx celle du car-
dinal d'Autriche , et , par mesme moyen , les quattre
seigneurs ostages qu'ils nous ont promis.
Les ostages baillés, ils peuvent demander le serment
au roy; le serment faict, ils sont obligés d'entrer à la
restitution des places, à quoi il fauldra tenir la main
fort vifvement. lis asseurent qu'il n'y aura poinct de
faulte. Il fault aussi que , du costé du roy , chacung
s'efforce de ne leur donner poinct de deffiance, ce que
plusieurs ont essayé de faire , et mesmement les Hollan-
dois, qui font soubs main courir des lettres à Bruxelles
A M. DE VILLEROY. 429
pour donner occasion audict cardinal de se desfîer du
roy. Dieu aidant, nous n'obmettrons rien de ce qui
peiîlt servir à ce que la restitution de tant de places se
fasse de bonne foi. Ce sont choses dont , de mémoire
d'homme, les François n'a voient ouï parler; et n'a pas
esté sans passer de mauvaises nuicts que nous avons
surmonté tant de difficidtés qui sont surveneues en
ceste negotiation. Nous espérons que Dieu nous fera la
grâce que le roy aura nostre service agréable.
C'est chose que nous attendons de sa bonté.
Nous vous avons escrit comme M. le légat s'y est
dignement et vertueusement comporté. Le roy lui fera
faveur si , en escrivant au pape, il lui tesmoignera le
grand contentement qu'il reçoit des bons offices que le-
dict sieur légat a faicts durant sa légation, pour l'ai-
der à remettre son royaulme en repos et en meilleur
estât qu'il y arriva, et surtout au faict de ce traicté. Il
est très digne de ceste faveur.
Nous vous avons aussi rendeu le tesmoignage que
debvons au bon debvoir que le père gênerai a faict
pour advancer et conduire à bon port toute ceste ne-
gotiation.
Mondict sieur le légat nous a dict que le pape recevra
si grand contentement de ceste paix, qu'il estime que
si le roy le requerra d'ung cardinal de plus, qu'il l'en
gratifiera.
Monsieur, au traicté il y a ung article qui contient
que ceulx qui n'auront accordé de leur rançon seront
mis en liberté sans payer rançon. Nous vous en avons
voulleu advertir, afin si vous jugés qu'il soit à propos
d'en advertir M. de Lesdiguieres, à ce que M. de Cre-
quy et les aultres prisonniers ne soient hastés d'accor-
der ; et sur l'accord que peult estre ils estimeroient
4v3o LETTRE, etc.
gracieux , et qui leur sera faict , s'ils ont le vent de
cesle nouvelle , qu'ils ne mettent la main à la bourse;
l'argent receu ne se rend pas aiseement. Il fault con-
duire ce faict dextrement, sans descouvrir à quelle in-
tention nous vous avons faict passer cest article. La vérité
est que nous avons fort pressé cest ambassadeur qu'il
fault que son maistre déclare la bonne volonté qu'il a
de bien traicter les serviteurs du roy, afin d'acquérir
les bonnes grâces du roy. il nous a dict que ce qu'il
passoit cest article n'estoit que pour cela; car il n'avoit
pas opinion qu'ils eussent encores accordé.
Nostre ad vis est que s'ils accordent après le traicté,
qu'ils ne doibvent rançon; mais le danger seroit si on
avoit toucbé leur argent. Sur ce nous pryons Dieu, etc.
Du 2 mai i5g8.
CXLVIII: —^ LETTRE DU ROY
^ M, de Lesdigideres.
M. de Lesdiguieres, vous avés esté adverti de la ne-
gotiation de la paix qui se traicte à Vervins entre mes
ambassadeurs et ceulx du roy d'Espaigne, et aussi ceulx
du duc de Savoye. Les clioses en ont passé si avant qu'il
a esté accordé qu'il ne sera rien entrepris, ni faict aul-
cung acte d'hostilité les ungs sur les aultres d'ung mois,
à compter de cejourd'hui second jour du mois présent.
Partant, je vous prye de le voullofr observer comme il
fault de vostre costé; ledict duc de Savoye nous don-
nant asseurance de faire le semblable du sien; et je vous
feray sçavoir dedans ledict temps ce que vous aurés à
faire là dessus pour mon service , me donnant advis
LETTRE DTJ ROY, etc. 43 1
aussitost de la réception de la présente. Je prye Dieu,
M. de Lesdiguieres , etc.
Du 2 iiiai 1 698.
/
CXLIX. — ^ ARTICLES
Du traicté. de paix , accordés le 2 mai \ 598.
Au nom de Dieu le Créateur, à tous presens et ad-
venir soit notoire : qu'ayant le royaulme de France et
provinces unies des Pays Bas souffert de très grandes
pertes, ruynes et désolations, à cause des guerres qui
depuis plusieurs années ont continué, dont aussi se
seroicnt grandement ressentis les royaulmes d'Espaigne
et d'Angleterre , et pays de Savoye , durant lequel
temps le commun ennemi du nom chrestien tenant nos
maulx pour son occasion , en se prévalant de nos di-
visions, auroit faict de très grands et très dangereux
progrès et usurpations es provinces de la chresîienté,
ce que considérant nostre sainct père le pape Clé-
ment VllI de ce nom, désirant y apporter remède con-
venable et couper le mal à la racine, auroit délégué
en France l'illuslrissime et reverendissime cardinal de
Florence, Alexandre de Medicis, son légat et du sainct
siège apostolique, par devers très liault, très excellent
et très puissant prince Henri IV, par la grâce de
Dieu roy de France et de Navarre, pour l'induire et
persuader à une bonne paix, amitié et concorde avec
très haut, très excellent et très puissant prince Phi-
lippe If, par la niesme «race roy catholique de Cas-
tille, de L(îon, d'Aragon, des deux Siciles, de Hieru-
salem , de Portugal, de Navarre et des Indes, etc.,
auquel aussi sa saincteté auroit faict et faict faire par
432 ARTICLES
son nonce et aultres semblables remonstrances et ex-
hortations , et depuis ayant ledict sainct père esté ad-
verti que ledict sieur roy catholique auroit remis le
faict de ladicte paix, et à ces fins donné pouvoir à très
hault et très puissant prince Albert, cardinal archiduc
d'Autriche , son nepveu , pour la confiance qu'il a en
IiA , et pour l'avoir tousjours cogneu très affectionné au
bien de la paix , auroit envoyé par devers lui le révé-
rend père frère Bonaventure Calatagirone , gênerai de
l'ordre de Sainct François, pour lui faire sur ce en-
tendre son désir, et ce qu'il auroit sceu de l'intention
dudict sieur roy catholique, touchant ladicte paix, ayant
le tout esté représenté par ledict père gênerai audict
seigneur roy très chrestien, suivant la charge qu'il en
avoit de sa saincteté, lesquels seigneurs roys, meus du
zèle de pieté, de la compassion, et de l'extresme regret
qu'ils ont et sentent en leurs cœurs, des longues et
griefves oppressions qu'à l'occasion desdictes guerres,
leurs royaulmes, pays et subjects ont souffertes et souf-
frent encores à présent , ne vouUant obmettre chose
qui soient au pouvoir de bons princes , craignans Dieu et
aimans leurs subjects, pour mettre et establir ung bon
et asseuré repos en toute la chrestienté , et particuliè-
rement es provinces dont il a pieu à Dieu leur com-
mettre la charge, et mettant comme porte leur deb-
voir en bonne et grande considération les très sages et
paternels admonestemens de nostre sainct père, con-
formans à iceulx , auroit exhorté leurs amis et confé-
dérés de vouUoir entendre avec eulx et se resouldre
à une bonne paix, union et concorde, à l'honneur de
Dieu , exaltation de son sainct nom , asseurance et
tranquillité de toutes les provinces chrestiennes , et
au soulagement et repos de leurs peuples et subjects,
DU TRAICTÉ DE PAIX. 433
et pour y parvenir, et icelle paix et amitié traicter ,
conclure et arrcster, auroient esté commis et députés,
c'est à sçavoir, de la part dudict seigneur roy très
chrestien, messire Pompone de Bellievre , chevalier
sieur de Grignon, conseiller en son conseil d'estat, et
messire Nicolas Brulart, chevalier sieur de Sillery,
aussi conseiller dudict seigneur roy en son conseil
d'estat, et président en sa court de parlement de Paris;
et par ledict sieur cardinal archiduc, au nom dudict
seigneur roy catholique, suivant le pouvoir a lui donné
par ledict seigneur roy catholique, messire Jean Ri-
chardot, chevalier, chef et président du conseil privé
dudict seigneur roy et de son conseil d'estat , messire
Jean Baptiste de Taxis, chevalier commandeur de Los
Santos, de Tordre militaire de Sainct Jacques, dudict
conseil d'estat et du conseil de guerre , et messire
Louis Verreiken, aussi chevalier audiencier, et premier
secrétaire et thresorier des chartres dudict conseil d'es-
tat, tous garnis de pouvoirs suffîsans qui seront insérés
en la fin des présentes, lesquels en vertu de leursdicts
pouvoirs, en présence dudict sieur légat cardinal de Flo-
rence, qui a longuement et très vertueusement travaillé
à promouvoir ceste honne paix et reconciliation, ont
\ faict, concleu et accordé les articles qui ensuivent:
L Premièrement, est conveneu et accordé que le
traicté de paix demeure concleu et resoleu entre les-
dicts seigneurs roys Henry IV et Philippe II, confor-
meement et en approbation des articles conteneus au
traicté de paix faict au Chasteau en Gambresis, en
Tan iSSg, entre feu de très haulte et très louable mé-
moire Henry de France et ledict sieur roy catholique,
et lequel traicté lesdicts députés, esdicts noms, ont de
nouveau confirmé et approuvé en tous ses poincts ,
IMÉSI. DE DUPLESSIS-MORNAY. ToME VIII. 9.8
l
434 ARTICLES
comme s'il esloit inséré de mot à aultre, et sans inno-
yer aulcune chose en icelui ni es aultres precedens,
qui tous demeurent en leur entier, sinon en ce qui y
seroit expresseement dérogé par ce présent traicté.
, IL Et suivant ce, que doresnavant du jour et date
du présent traicté entre lesdicts seigneurs roys, leurs
enfans nés et à naistre, hoirs, successeurs et héri-
tiers, leurs royaulmes, pays et subjects, y aura bonne,
seure, ferme et stable paix, confédération et perpe*
tuelle alliance et amitié, s'entr'aimeront comme frères,
procurans de tout leur pouvoir le bien, Thonneur et
la réputation Tung de l'aultre , et esviteront tant qu'ils
pourront loyaulment le dommage l'ung de l'aultre, ne
soubtiendront, ne favoriseront personne, quelle qu'elle
soit, Tung au préjudice de l'aultre, et des maintenant
cesseront toutes hostilités, oublians toutes choses ci
devant mal passées, quelles qu'elles soient, qui de-
meureront abolies et esteintes, sans que jamais ils en
fassent ressentiment quelconque , renonçant par ce
présent traicté à toutes practiques , ligues et intelli-
gences qui pourroient, en quelque sorte que ce soit,
redonder au préjudice l'un de l'aultre, avec promesse
de ne jamais faire ni pourchasser par l'ung chose qui
puisse tourner au dommage de l'aultre , ni souffrir que
leurs vassaulx et subjects le fassent directement ou in-
directement; et si aulcungs d'iceulx, de quelque qua-
lité et conditions qu'ils soient, y contrevenoient ci
après pour aller servir par mer ou par terre, ou bien
aultrement aider et assister en chose qui, en sorte que
ce soit, pourroit prejudicier à l'ung desdicts seigneurs
roys, l'aultre sera obligé de s'y opposer et l'empes-
cher, et les chastier seulement comme des infracteurs
de ce traicté et des perturbateurs du repos public.
DU TRAICTÉ DE PAIX. 435
III. Et par le moyen de cettedicte paix et estroicte
amitié, les subjects des deux costés, quels qu'ils soient,
pourront, en gardant les loix et les coustumes du pays,
aller, venir, demeurer, fréquenter, converser et re-
tourner es pays Tung de Taultre marchandement, et
comme mieulx leur semblera, tant par mer que par
terre et eaux doulces, traditer et converser ensemble,
et seront soubteneus et deffendeus les subjects de Fung
au pays de Taultre, comme propres subjects, en payant
raisonnablement les droicts en tous lieux accoustumés,
et aultres, qui par leurs majestés et leurs successeurs
d'icelles seront imposés.
IV. Et se suspendent toutes lettres de marque et
représailles qui pourroient avoir esté données à quel-
que cause que ce soit, et ne s'en donneront doresna-
\ant aulcunes par Tung desdicts princes, au préjudice
des subjects de Taullre, sinon contre les principaulx
delinquans , leurs biens et de leurs complices , et ce
encores , en cas seulement de manifeste dénégation de
justice , de laquelle et des lettres de sommation et ré-
quisitions d'icelle , ceulx qui poursuivront lesdictes
lettres de marque et représailles debvront faire appa-
roir en la forme et en la manière que de dî^oict est
requis.
V. Les vil'es, subjects, manans et babitans des com-
tés de Flandres et Artois, et des aultres provinces des
Pays Bas, ensemble du royaulme d'Espaigne, jouiront
des privilèges et libertés qui leur ont esté accordées
par les roys de France , prédécesseurs dudict seigneur
roy très cbrestien , et pareillement les villes , manans,
liabitans et subjects du royaulme de France , jouiront
aussi des privilèges , franchises et libertés qu'ils ont
esdicts Pays Bas et royaulme d'Espaigne, tout ainsi
436 ARTICLES
qu'ung cbacung d'eulx en ont ci devant joui , et comme
ils ont et en joiii>soient, en vertu dudict traicté de
l'an 15^9 et aultres traictés precedens.
Vf. Aussi a esté conveneu et accordé, en cas que
ledict seigneur roy catholique donne ou transfère par
testament, donation, résignation ou aultrement, à
quelque tiltre que ce soit, à la serenissime infante ma-
dame Isabelle, sa fille aisnee ou aullres, toutes les
provinces de ses Pays Bas, avec les comtés de Bour-
goigne et de Charolois, que toutes lesdictes pro-
vinces et comtés s'entendent estre compris en ce pré-
sent traicté, comme elles estoient en celui de l'an i ^5g.
Ensemble ladicte dame infante, ou celui en faveur
duquel ledict seigneur roy catbolique en auroit dis-
posé, sans que pour cest effect il soitbesoing d'en faire
aultre nouveau traicté.
VII. Et retourneront les subjects et serviteurs d'ung
costé et d'aullre, tant ecclesiasticjues que séculiers,
nonobstant qu'ils ayent servi en parti contraire , en
leurs offices et bénéfices, dont ils estoient pourveus
avant la fin de décembre i588; sinon des cures dont
aultres se Irouveroient canoniqueiricnt pourveus, en-
semble en la jouissance de tous et cbacungs leurs
biens immeubles, rentes perpétuelles, viagères et à
rachat, saisis et occupés h Foccasion de la guerre com-
mencée sur la fin de l'an i588, pour en jouir des la
publication de ladicte paix, et pareillement de ceulx
qui leur sont depuis adveneus et escheus par succes-
sion ou aultrement, sans rien quereller toulesfois, ni
demander les fruicts perceusdes le saisissement desdicts
biens immeubles, jusques au jour de la publication du
présent traicté, ni des debtes qui auront esté confis-
quées avant ledict jour, et se tiendra pour bon et va-
DU TRAICTÉ DE PAIX. 43;
lable le repartement qu'en aura faict ou fera faire le
prince, son lieutenant ou commis, vers-la jurisdiction
duquel leclict arrest sera faict, et ne pourront jamais les
créditeurs de telles debtes ou leurs ayans cause estre
receus à en faire poursuite, en quelque manière et par
quelque action que ce soit contre ceulx aulxquels les-
dicts dons auront este faicts , ni contre ceulx qui par
vertu de tels dons et confiscations les auroient payés,
pour quelque cause que lesdictes debtes puissent estre,
nonobstant quelques lettres obligatoires que lesdicts
créditeurs en puissent avoir, lesquelles, pour l'effect
de ladicte confiscation , seront et demeureront par ce-
dict traicté cessées, annullees et sans risueur.
VIII. Et se fera ledict retour desdicts subjects et
serviteurs, d'ung costé et d'aultre, à leurs biens im-
meubles et rentes comme dessus , nonobstant toutes
les donations , confiscations commises et sentences
données par contumace, et en Fabsence des parties,
et icelles non ouïes à l'occasion de cestedicte guerre,
comme qu'il soit, lesquelles sentences et tous juge-
mens donnés tant en civil qu'en criminel, demeureront
nuls et sans aulcung effect , et comme non atlveneus,
re?iieita!U iceulx subjects quant à ce pleinement , et
ceas.'ivit tous empescliemens et contredicts aulx droicts
qu'ils a voient au temps de l'ouverture de ladicte guerre,
sans qu'aulcung puisse estre recberché pour charges
eî t'itr omises publicques qu'il auroit eu, soit pour les
vivii-s, manieinent de deniers ou aultrcment , pen-
dant le tt inps et à l'occasion de ladicte guerre, dont
i' auroit rendeu compte pardevant ceulx qui avoient
lors pouvoir d'en ordonner, pourveu que lesdicts sub-
jects et serviteurs ne se trouvent chargés d'aultres
crimes et débets que d'avoir servi en parti contraire.
438 ARTICLES
IX. Et ne pourront neantmoins rentrer dans les-
dictes terres, pays et seigneuries desdicts roys, sans
avoir premièrement sur ce obteneu permission et let-
tres patentes scellées du grand scel de leurs majes-
tés , desquelles ils seront teneus poursuivre la vé-
rification pardevant les courts et officiers de leurs
majestés.
X. Ceulx qui auront esté pourveus d'ung costé et
d'aultre des bénéfices , estans à la collation , présenta-
tion ou aultre disposition desdicts sieurs rovs ou aul-
tres personnes laïcs, demeureront en la possession et
jouissance desdicts bénéfices, comme bien et deumenfe
pourveus.
XI. En faveur et contemplation de ceste paix, et
pour donner par lesdicts sieurs roys contentement l'ung
à l'aultre, est conveneu et accordé qu'ils rendront et
restitueront réellement de faict et de bonne foy l'ung
à l'aultre, ce qui se trouvera avoir esté pris, saisi et
occupé par culx ou aullres, ayant charge d'eulx ou en
leurs noms es pays l'ung de l'aultre. C'est à sçavoir :
Ledict sieur très chrestien audict sieur roy catholique ,
la jouissance et possession du comté de Charolois ,
ses appartenances et despendances, pour en jouir par
lui et ses successeurs, pleinement et paisiblement, et
le tenir soubs la souveraineté des roys de France ; et
s'il se trouve d'aultres places occupées depuis ladicte
paix de iSSq, par ledict sieur roy très chrestien ou
par les siens, seront pareillement restituées, et le tout
dans deux mois, à compter du jour et date de ces
patentes.
XII. Et pareillement ledict sieur roy cathoHque
rendra et restituera audict sieur roy très chrestien les
places qui se trouveront avoir esté par lui ou aultres,
DU TRAICTÉ DE PAIX. 43c)
ayant charge de lui ou en son nom, prises, saisies et
occupées depuis ledict traicté de Chasteau en Cam-
bresis.
Xlir. A sçavoir, Calais, Ardres, Monthulin, Dour-
lans, La Cappelle et Le Castelet en Picardie, Blavet en
llretaigne, et toutes aultres places que ledict sieur roy ca-
tholique y auroit occupées ou ailleurs au royaulme de
France, depuis ledict traicté , et sont par lui ou par les
siens deteneues.
XIV. Pour le regard de Calais, Ardres, Monthulin,
Dourlans, La Cappelle et Le Castelet, seront icelles
places remises et rendeues par ledict sieur roy catho-
. lique ou ses ministres effectuellement, de bonne foi,
et sans aulcune longueur ni difficulté pour quelque
prétexte ou occasion que ce soit, à celui ou ceulx qui
seront à ce députés par ledict sieur roy très chrestien,
dans deux mois preciseement, à compter du jour et
date de ces présentes, en Testât qu'elles se trouvent à
présent, sans y rien desmolir, affoiblir, ni endommager
en aulcune sorte que l'on puisse prétendre , ni de-
mander aulcung remboursement pour les fortifications
faictes esdictes places , ni pour le payement de ce qui
pourroit estre deu aulx soldats et gens de guerre y
estans, et se fera ladicte restitution premièrement des
\illes de Calais et Ardres , et des aultres puis après ,
en sorte que la restitution entière desdictes places soit
accomplie dans ledict temps de deux mois.
XV. Quant à Blavet, la restitution en sera aussi faicte
effectuellement et de bonne foi , sans aulcune lon-
gueur ni difficulté, soubs quelque prétexte que ce soit ,
à celui ou à ceulx qui à ce seront commis par ledict
seigneur roy très chrestien, et ce dans trois mois, du
jour et date de ces présentes, et pourra ledict seigneur
44o ARTICLES
roy catholique faire desmolir les fortifications par lui
faictes ou par les siens audict Blavet, et aultres lieux
qui seront par lui deteneus en Bretaigne, si aul-
cungs y a.
XVI. Restituantlesdictes places, pourra ledict seigneur
roy catholique faire emporter toute Tarlilierie, pouldre,
boulets, armes, vivres, et aultres munitions de guerre
qui se trouveront esdictes places , au temps de la res-
titution. Pourront aussi les soldats, gens de guerre et
aultres qui sortiront desdictes places, faire emporter
tous biens, meubles à eulx appartenant, sans qu'il
leur soit loisible exiger aulcune chose des habitans
d'icelles places et du plat pays , ni endommager leurs
maisons , ou en emporter aulcune chose appartenant
aulxdicts habitans.
XVII. Et à ce que ces gens de guerre , estans audict
Blavet, se puissent plus promptement retirer en Es-
paigne , ledict seigneur roy très chrestien les fera ac-
commoder de vaisseaux et mariniers , dans lesquels
vaisseaux ils pourront faire charger l'artillerie, vivres
et aultres munitions de guerre , avec leurs bagages ,
estans audict Blavet, et aultres lieux qui seront res-
titués en Bretaigne , en baillant asseurance de la resti-
tution desdicts vaisseaux et renvoi des mariniers, dans
le temps qui sera accordé.
XVIII. Promettent en oultre lesdicts députés, pour
asseurance de la restitution desdictes places, aussitost
que la ratification du présent traictc, faicte par ledict
seigneur roy très chrestien , aura esté fournie , de
bailler et délivrer quattre ostages tels qu'il vouldra
choisir, subjects dudict sieur roy catholique, qui se-
ront bien et honorablement teneus ainsi qu'il convient
à leurs qualités; laquelle restitution estant faicte et
DU TRATCTÉ DE PAIX. 44 ^
réellement accomplie , lesdicts oslages seront rendeus
et mis en liberté de bonne foi , et sans aulcung délai ,
bien entendeu qu'estant accomplie la restitution des-
dictes places de Picardie, deux desdicts ostages se-
ront deslivrés, demeurant les aultres deux jusques a la
restitution dudict Blavet.
XIX. Et pour le regard des choses conteneues audict
traicté de l'an i 559 , qui n'ont esté exécutées suivant
les articles d'icelui, l'exécution en sera faicte et para-
chevée en ce qui reste à exécuter, tant pour la teneure
féodale du comté de Sainct Paul , limites des pays des
deux princes, terres teneues en surseance, exemption
des gabelles, et impositions foraines pretendeues par
ceulx du comté de Bourgoigne , evesché de The-
rouenne, abbaye de Sainct Jean au Mont, duché de
Bouillon, restitution d'aulcunes places pretendeues de
part et d'aultre debvoir estre restituées en vertu
dudict traicté, et tous aultres différends, qui n'ont esté
vuidés et décidés ainsi qu'il a esté conveneu; seront
à cest effect nommés arbitres et députés de part et
d'aultre , suivant ce qui a esté resoleu par ledict traicté;
lesquels s'assembleront dans six mois es lieux designés
par icelui, si les parties consentent, sinon s'accorde-
ront d'ung aultre lieu.
XX. Et d'autant qu'en la division des terres ordon-
nées aulx diocèses d'Arras, Amiens, Sainct Omer et
Bouloigne, il se trouve des villages de France attribués
aulx eveschés d'Arras et de Sainct Omer, et aultres
villages du pays d'Artois et Flandres, aulx eveschés
d'Amiens et de Bouloigne, dont advient souvent des-
ordre et confusion , a esté conveneu qu'après avoir
eu le consentement et permission de nostre sainct père
îe pape, commissaires de part et d'aultre seront de-
44^^^ ARTICLES
pûtes, qui s'assembleront dedans ung an au lieu qui
sera advisé pour resouldre Tescbange qui pourroit
eslre faicte desdicts villages à la commodité des ungs
et des aultres.
XXI. Tous prisonniers de guerre estant deteneus
de part et d'aultre seront mis en liberté, en payant
leurs despens et ce qu'ils pourront justement debvoir,
sans estre teneus de payer aulcune rançon , sinon qu'ils
en ayent conveneu ; et s'il y a plaincte de l'excès d'icelle ,
en sera ordonné par le prince au pays duquel les pri-
sonniers seront deteneus.
XXII. Tous aultres prisonniers, subjects desdicts
seigneurs roys, qui pour la calamité des guerres pour-
roient eslre deteneus aulx galères de leurs majestés,
seront promptement deslivrés, et mis en liberté sans /
aulcune longueur pour quelque prétexte ou occasion
que ce soit, et sans qu'on leur puisse demander aul-
cune cbose pour leurs rançons ou pour leurs despens.
XXIII. Et sont réservés audict seigneur roy très
cbrestien de France et de Navarre, ses successeurs
et ayans cause de sesdicts royaulmes , pays et seigneu-
ries, ou aultrement ailleurs pour quelque cause que
ce soit, auquel n'auroit esté par lui ou par ses prédé-
cesseurs expresseement renoncé pour en faire pour-
suite par voye amiable ou de justice , et non par les
armes.
XXIV. Comme en semblable sont réservés audict sei-
gneur roy calbolique des Espaignes, et à la serenissime
infante sa fille aisnee, leurs successeurs et ayans cause,
de tous les droicts, actions et prétentions qu'ils en-
tendent leur appartenir à cause desdicts royaulmes ,
pays ou seigneuries , ou aultrement ailleurs pour
quelque cause que ce soit , aulxquels n'auroit esté
DU TRAICTÉ DE PAIX. 44^
par eulx ou par leurs successeurs expresseement re-
noncé, pour en faire poursuite par voye amiable ou de
justice, et non par les armes.
Et sur ce qui auroit esté remonstré par tesdicts
députés dudict seigneur roy catholique, que pour par-
venir à une bonne paix, il est très requis que très
excellent prince, M. le duc de Savoye, soit compris en
ce traicté , désirant ledict seigneur roy catholique et
affectionnant le bien et conservation dudict sieur duc
comme la sienne propre pour In proximité du sang
et d'alliance dont il lui appartient. Ce qu'aussi ils ont
dict avoir charge expresse de proposer de la part du-
dict sieur cardinal archiduc, ayant aussi déclaré mes-
sire Gaspard de Genève, marquis de Lullin, conseiller
d*estat, chambellan, et colonel des gardes dudict sieur
duc , son lieutenant et gouverneur du duché d'Aouste
et cité d'Ivree, son commis et député, comme appert
par son pouvoir et procuration ci dessoubs insérée ,
qu'icelui sieur duc son maistre a l'honneur d'estre isseu
du frère de la bisaïeule dudict seigneur roy très chrestien,
et de la cousine germaine de la royne sa mère ; que son
intention est de donner contentement audict seigneur
roy, et comme son très humble parent le recognoistre
de tout l'honneur, service et observance d'amitié qui
lui sera possible pour le rendre à l'advenir plus content
de lui et de ses actions que le temps e.t les occasions
passées ne lui en ont donné le moyen , et qu'il se pro-
met dudict seigneur roy que , recognoissant ceste sienne
Lonne affection, il usera envers lui de la mesme bonté
et déclaration d'amitié dont les quattre roys derniers
ses prédécesseurs ont usé à l'endroicl de feu , de très
louable mémoire , M. le duc de Savoye son père.
A esté concleu et arresté rrue ledict sieur duc scr.^
444 ARTICLES
receu et compris en ce ti aicté de paix , et pour tes-
moigner le désir qu'il a de donner contentement nii-
dict seigneur roy très chrestien, rendra et restituera
la ville et le chasteau de Berre dedans deux mois , à
compter du jour et date de ces présentes, effecluelle-
ment et de bonne foi, sans aulcune longueur ni diffi-
culté, soubs quelque prétexte que ce soit, et sera icelle
place remise et rendeue par ledict sieur duc à celui
ou à ceulx qui seront à ce députés par ledict seigneur
roy, dans ledict temps preciseement , en Testât qu'elle
se trouve à présent sans y rien desmolir, affoiblir ni
endommager en aulcune sorte, et sans que l'on puisse
prétendre ni demander aulcung remboursement pour
les fortifications faictes en ladicte ville et chasteau , ni
aussi pour ce qui pourroit estre deu aulx gens de guerre
y estans, et délaissera toute l'artillerie qui estoit dans
ladicte place lors de la prise d'icelle, avec les boulets
qui se trouveront de mesme calibre , et pourra retirer
celle que depuis il y aura mis, si aulcune en y a.
Aussi a esté conveneu et accordé que ledict sieur
duc desadvouera et abandonnera entièrement , et de
bonne foi , le capitaine La Fortune , estant en la ville
de Seurre , pays de Bourgoigne, sans qu'il lui baille,
ni aultre qui usurperoit ladicte ville contre la volonté
dudict seigneur roy très chrestien , directement ou indi-
rectement, aulcune aide, support, ni faveur.
Et, pour le surplus des aultres différends qui sont
entre ledict seigneur roy très chrestien et ledict sieur
duc , lesdicts députés aulxdicts noms consentent et
accordent pour le bien de la paix qu'ils soient remis
au jugement de nostre sainct père Clément VIII, pour
estre vuidés et décidés par sa saincteté dedans ung an ,
à compter du jour et date de ces présentes , suivant la
DU TRAICTÉ DE PAIX. 445
response dudict seigneur roy, baillé par escrit le 4
juin dernier ci après insérée, et ce qui sera ordonné
par sa saincteté sera entièrement accompli , et exécuté
de part et d'aidtre sans aulcune longueur ni difficulté ,
soubs quelque cause ou prétexte que ce soit, et ce-
pendant, et jusques à ce qu'aultrement en soit décidé
par nostre saincl père le pape, demeureront les cboses
en Testât qu'elles sont a présent sans y rien cbanger ni
innover ; et , comme elles sont possédées de part
et d'aultre, sans qu'il soit loisible de s'estendre plus
avant , imposer ou exiger contributions, ni aultre cbose
hors de territoire des places qui sont teneues par les
ungs ou par les aultres.
Et, suivant ce. a esté convenéu et accordé que des
à présent il y aura paix , ferme, stable , amitié et bonne
voisinance entre lesdicts seigneurs roy et duc^ leurs
enfans nés et à naistre , hoirs, successeurs et héritiers,
leurs royaulmes, pays et subjec^s, sans qu'ils puissent
faire aulcune entreprise sur les pays et subjecis Tung
de Taultre pour quelque cause ou prétexte que ce
soit ; que les subjects et serviteurs d'ung costé ou
d'aultre, tant ecclésiastiques que séculiers, nonobstant
qu'ils ayent servi en parti contraire , retourneront
pleinement et en la jouissance de tous et cliacung
leurs biens, offices et bénéfices, tout ainsi qu'il a esté
dict ci dessus pour les subjects et serviteurs des deux
roys , sans que cela puisse estre entendeu des gou-
verneurs.
Quant aulx prisonniers de guerre , en sera usé comme
il a esté convenéu entre les deux roys , ainsi qu'il est
conteneu ci dessus.
Et sont confirmés en tous leurs poincts et articles
les traictés faicts ci devant entre les feus roys très
446 ARTICLES
chrestiens Henry II en Tan i 559 , à Chasteau en Cam-
Lresis, Charles IX et Henry III , et ledict feu sieur duc
de Savoye , sinon en ce qui auroit esté dérogé par le
présent traicté ou par aultres, et suivant ce demeu-
rera ledict sieur duc de Savoye avec ses terres, pays
et subjects , bon prince, neutre, et ami commun des-
dicts seigneurs roys, et du jour de la publication da
présent traicté sera le commerce libre et asseuré entre
leursdicts pays et subjects conteneu esdicts tra'ictés, et
en a esté usé en vertu d'iceulx , et seront observés les
reglemens y conteneus, mesmes pour le regard des
officiers (jui ont servi les seigneurs roys, sinon que
par aultre traicté y eust esté desrogé.
En ceste paix , alliance et amitié seront compris de
commun accord et contentement desdicts seigneurs
roys, si compris y veullent estre , premièrement de la
part dudict seigneur roy très chrestien nostre sainct
père le pape, et le sainct siège apostolique, l'empe-
reur , les électeurs , princes ecclésiastiques et séculiers ,
villes, communautés et estats dudict sainct père, et
par spécial MM. le comte Palatin, électeur, marquis
de Brandebourg, duc de Wittemberg, landgrave de
Hesse, le marquis d'Anspach, les comtes de Frise orien-
tale , les villes maritimes , selon les anciennes alliances,
le roy et le royaulme d'Escosse , selon les anciens traic-
tés , alliances et confédérations qui sont entre les
royaulmes de France et d'Escosse, les roys de Poloi-
gne, Danemarck et Suéde, le duc et seigneurie de
Venise, les treize cantons des ligues Suisses, les sei-
gneurs des trois ligues Grises, fevesque et seigneurs du
pays de Valais , l'abbé et ville de Sainct Gai , tout
Rembourg , Mulhausen , comté de Neufcliastel , et aul-
tres alliés et confédérés desdicts sieurs des ligues ,
DU TRAICTÉ DE PAIX. 4^7
M. le duc de Lorraine, M. le grand duc de Toscane,
M. le duc de Mantoue, la republique de Lucqnes, les
evesques et chapitres de Metz, Toid et Verdun,
l'abbé de Gorze , les seigneurs de Sedan et le comte
de La Mirande, bien entendeu toutesfois que le con-
sentement que ledict seigneur roy catholique donne à la
compréhension des comtes de Frise orientale soit sans
préjudice du droict que sa majesté catholique pré-
tend sur les pays d'iceulx , comme aussi demeurent
ressentes à rencontre les deffenses , droicts et excep-
tions desdicts comtes , le tout avec déclaration que le-
dict seigneur roy catholique ne pourra directement
ou indirectement travailler par soi, ou par d'aul-
tres, aulcung de ceulx qui de leur part dudict sei-
gneur roy très chrestien , ont ci dessus esté compris,
et que si ledict seigneur roy catholique prétend aul-
cune chose à i'encontre d'eulx , il les pourra seule-
ment poursuivre par droict pardevant les juges com-
petans , et non par la force en manière que ce soit ; et
de la part dudict seigneur roy catholique seront com-
pris audict traicté, si compris y veullent estre, premiè-
rement, nostre sainct père le pape, le sainct siège apos-
tolique, l'empereur des Romains , messieurs les archi-
ducs, les frères et cousins, leurs royaulmes et pays,
les électeurs, princes, villes et estats du sainct empire
obeivSsans à icelui , le duc de Bavière , le duc de Gleves ,
evesque et pays de Liège, les villes maritimes et les
comtes d'Ostfrise; et renoncent lesdicts princes à toutes
practiques, promettans de n'en faire ci après aulcunes,
ni en la chrestienté, ni hors d'icelle où que ce soit,
qui puisse estre préjudiciable , ni audict seigneur em-
pereur, ni aulxdicls membres et estats dudict sainct
empire, ains qu'ils procureront de leur pouvoir le
448 ARTICLES
bien et repos d'icelui, pourveu que ledict seigneur em-
pereur et lesdicts estats se comportent respectivement,
amiablement avec lesdicts seigneurs roys très chrestien
^ et catholique , et ne fassent rien au préjudice d'iceulx ,
et de mesmes y seront compris messieurs des cantons
des ligues des Haultes Allemagnes, et les ligues Grises
et leurs alliés, le roy de Poloigne et de Suéde, le roy
d'Escosse, le roy de Danemarck, le duc et seigneurie
de Venise, le duc de Lorraine, le grand duc de Tos-
cane , les republicques de Gesnes et de Lucques , le duc
de Parme et de Plaisance , le cardinal Farnese son
frère, le duc de Mantoue, le duc d'Urbin , les chefs
des maisons Colone et Ursine, le duc de Sennonete ,
le sieur de Monaco, le marquis de Final, le marquis
de Mossa , le sieur de Piombin , le sieur de Sala , le
comte de Colorno , pour jouir pareillement du bénéfice
de ceste paix, avec déclaration expresse que ledict
seigneur roy très chrestien ne pourra directement ou
indirectement travailler par soi , ou par aultres aulcungs
d'iceulx, et que s'il prétend aulcune chose à l'encontre
d'eulx , il les pourra seulement poursuivre par droict
devant juges competans , et non par la force en ma-
nière que ce soit.
Et aussi seront compris en ce présent traicté tous
aultres qui de commun consentement desdicts sei-
gneurs roys, se pourront dénommer, pourveu que six
mois après la publication de ce présent traicté , ils don-
nent leurs lettres declaratoires et obligatoires en tel cas
requises respectivement.
Et pour plus grande seureté de ce traicté de paix et
de tous les poincts et articles y conteneus, sera icelui
traicté, vérifié, publié et enregistré en la court de par-
lement à Paris, et en tous aultres parlemens du royaulme
DU TRAICTÉ DE PAIX. 449
de France et chambre des comptes de Paris, comme au
semblable sera vérifié, publié et enregistré au grand
conseil, aultres conseils et chambres des comptes des
Pays Bas dudict seigneur roy catholique , et le tout sui-
vant et en la forme qui est conteneue audict traicté de
l'an i559, <^^oi^t seront baillées les expéditions de part
et d'aultre dans trois mois après la publication du pré-
sent traicté.
Lesquels poincts et articles ci dessus , compris en-
semble tout le conteneu en chacung d'iceulx , ont esté
traictés, accordés, passés et stipulés entre lesdicts dé-
putés aulx noms que dessus, lesquels, en vertu de leurs
pouvoirs, ont promis et promettent soubs l'obligation de
tous et chacungs les biens presens et advenir de leurs-
dicts maistres , qu'ils seront par iceulx inviolablement
observés , et de leur faire ratifier et en bailler les unes
aulx aultres lettres authentiques, signées et scellées,
où tout le présent traicté sera inséré de mot à aultre,
et ce dans ung mois du jour et date des présentes pour
le regard dudict seigneur roy très chrestien , cardinal ,
archiduc et duc de Savoye , lequel sieur cardinal pro-
mettra de se fournir trois mois^apres semblables lettres
de ratification dudict seigneur roy catholique, et oultre
ont promis et promettent lesdicts députés esdicts noms
que lesdictes lettres de ratification desdicts roy très
chrestien, cardinal, archiduc et duc de Savoye, jure-
ront solemnellement sur la croix, sainctes Evang^iles ,
canon de la Messe, et sur leur honneur, en présence
de tels qu'il leur plaira députer , d'observer et accom-
plir pleinement, réellement et de bonne foi le conte-
neu esdicts articles , et semblable serment sera faict par
ledict seigneur roy catholique dans trois mois après , ou
lorsqu'il en sera requis. En tesmoing desquelles choses
MÉM. DE DUPLESSIS-MCRXAY. ToME VIII. 2Q
45o ARTICLES DU TRAICTÉ DE PAIX.
ont lesdicts députés soubscript le présent traicté de
leurs noms au lieu de Vervins, le i jour de mai lôgS.
CL. — ^ TRAICTÉ DES PARTICULIERS
Faict à Feivms y le i mai x^cfi.
Au nom de Dieu le Créateur , à tous soit notoire
comme cejourd'hui 2® de mai ioqS, a esté conceu le
traicté de paix entre très hault, très excellent et très '^
puissant prince Henry IV, par la grâce de Dieu roy
très chrestien de France et de Navarre ; et très hault ,
très excellent et très puissant prince Philippe II, par
la mesme grâce roy catholique des Castilles, d'Ara-
gon, de Léon, des deux Siciles, de Jérusalem, de Por-
tugal , de Navarre , de Grenade , etc. ; par messire Pom- '
pone de Bellievre; sieur de Grignon , du conseil d'estat
dudict seigneur roy très chrestien ; et Nicolas Brulart ,
sieur de Sillery, conseiller dudict conseil d'estat, et
président du parlement de Paris; et messire Jean Ri-
chardot, chevalier, chef président du conseil privé
dudict seigneur roy catholique , et de son conseil
d'estat; Jean Baptiste de Taxis, chevalier et comman-
deur de los Santos , de l'ordre militaire de Sainct Jac-
ques de la Spada , dudict conseil d'estat et de guerre
dudict seigneur roy catholique ; et Louis Verreiken ,
aussi chevalier audiencier , premier secrétaire et thre-
sorier des chartres dudict conseil d'estat , iceulx commis
et députés, en vertu de leurs pouvoirs, oultre le con-
teneu audict traicté de paix, ont accordé les articles
suivans, pour estre ung chacung d'iceulx observés et
gardés inviolablement par lesdicts seigneurs roys, leurs
ÏRAICTÉ DES PARTICULIERS. 4^^
successeurs et avans cause, et avec la mesme force,
vigueur et prérogative, comme s'ils estoient expressee-
ment insérés audict traicté de paix.
Premièrement , que sera faict bonne et briefve justice
à la veufve et enfans de feu messire Pierre de Melun ,
pour le droict et possession par eulx pretenJeu sur les
biens qui appartenoient au feu sieur prince d'Espiney
dans les pays dudict seigneur roy catholique.
Comme au semblable sur les demandes et prétentions
de la duchesse d'Arscot, lui sera faict bonne et brefve
justice.
Le semblable sera faict à la veufve du feu prince
d'Orange, estant retirée en France, pour le douaire
qu'elle prétend sur les biens du feu prince d'Orange;
ensemble pour la jouissance du traicté de Cohgny, en
ce qui est situé dans les pays dudict roy catholique.
Le prince d'Orange sera remis en la possession et
souveraineté de la principauté d'Orange, et de toutes
aultres terres dont lui et les siens jouissoient au royaulme
de France auparavant la guerre , et dont il avoit esté
dépossédé à l'occasion d'icelle; et pareillement sera
remis en tous les aultres droicls, noms, raisons et ac-
tions qui lui appartenoient auparavant ladicte guerre,
pour raisons desquelles lui sera faict bonne et briefve
justice.
Le duc d'Arscot sera remis au plus tost en possession
et jouissance des choses que lui et le feu duc son père
ont possédées au royaulme de France avant ladicte
guerre, et lui sera observé tout ce qui aura esté dis-
posé aulx traictés precedens en faveur dudict feu duc
son frère et de ses prédécesseurs, et sur tout ce qu'il
aura à prétendre lui sera administré bonne et briefve
justice ; et si aulcunes sentences ou jugemens avoient
45^ TRAICTÉ
esté donnés an préjudice des preccdens traictés , non-
obstant icelles, le droict dudict sieur duc demeurera
en son entier.
Que ledict seigneur roy très chrestien fera admi-
nistrer bonne et briefve justice au comte de Cham-
plite et aultres héritiers de la maison de Vergy, en ce
qu'ils prétendent sur Sainct Dizier, Yitry en Partois, la
seigneurie de Vergy , et aultres biens et droicts qu'ils
maintiennent leur appartenir , et dont est faict men-
tion par plusieurs precedens traictés.
Le semblable sera faict au sieur de Glayon , pour
tous les droicts qu'il prétend lui appartenir dans le
royaulme de France, et sur les prétentions du comte
de Solre, à cause de madame sa femme, sur certain
quartier de marais, qu'il dict estre des marais d Audrun
et Bredenarde; lui sera aussi faict bonne et briefve
justice, comme au semblable sera faict pour le droict
pretendeu par madame Marie de Renti , femme de dom
Gaston d'Espinola, sur la baronie d'Ardres.
Sera aussi faict bonne et briefve justice au comte de
Pont de Vaux, pour les biens qu'il prétend lui estre
escheus par le trespas de feue la comtesse de Pont de
Vaux et de Cerny, sa grand' mère, ensemble sur la res-
titution des meubles par lui pretendeus avoir esté
déposés en la ville de Rheims par ordonnance de jus-
tice , et d'aultres occupés par qui que ce soit.
Et sur la plaincte par lui faicte de sa prison et
rançon, présentant sa requeste audict seigneur roy très
chrestien , il en sera ordonné en sorte qu'il aura occa-
sion de se contenter de la justice qui lui en sera faicte.
Sera aussi faict bonne et briefve justice au sieur de
Beaurepaire, sur ce qu'il prétend la terre d'Aix, en
Boulonois, lui appartenir.
DES PARTICULIERS. 4^3
L'abbé de Dammartin jouira des biens à lui apparte-
nant dans le rovauhne de France , comme avant la
guerre lui et ses prédécesseurs en ont joui.
Et, pour terminer et décider les différends qui sont
pour les abbayes de Vaucelles et de Fesmy, seront députés
commissaires de part et d'aultre, qui s'assembleront
dans six mois au lieu qui sera accordé.
Et généralement tous subjects, de part et d'aultre,
seront remis et réintégrés en tous leurs biens , rentes
perpétuelles, viagères et à racbat, dont ils avoient esté
dépossédés à l'occasion desdictes guerres, nonobstant
qu'ils ayent servi en parti contraire , ainsi qu'il est
conteneu au traicté cejourd'bui concleu entre lesdicts
seigneurs roys.
Et, s'il restoit quelque chose à exécuter du précè-
dent traicté , faict pour les particuliers à Chasteau en
Cambresis en iSSq. sera exécuté, pleinement et de bonne
foi, de part et d'aultre. Lesquels poincts et articles sus-
dicts, et tout le conteneu en iceulx, lesdicts députés
desdicts seigneurs roys, en vertu de leurs pouvoirs,
ont traicté , concleu et arresté, promettant de les faire
ratifier, et faire observer entièrement et de bonne foi,
comme dessus est dict.
En tesmoignage de ce , ont signé ces présentes en
ce lieu de Vervins, les jour et an que dessus,
POMPONE DE BeI.LIEVRE, NlCOLAS BRULA.RT,
Jean RicHARDOT , Jea-N Baptiste Taxis et
Loujs Verreiken.
454 POUVOIR
CLl. — ^POUVOIR
Du député de M. de Sai^oje.
Charles Emmanuel, par la grâce de Dieu duc de
Savoye, Chablais , Aouste, et Genevois, prince et vi-
caire perpétuel du sainct empire romain , marquis en
Italie, prince de Piedmont, comte de Genève, Baugé,
Romont, Nice, etc.; comme ainsi soit qu'il auroit
pieu au roy nostre beau père, et à M. le cardinal archi-
duc d'Autriche, nostre cousin, nous donner advis de
certain pourparler de paix ou trefve d'entre leurs deux
majestés, par l'entremise de quelque tiers, nous invi-
tant à y faire entrevenir quelqu'ung de nostre part
pour nos particuliers interests; nous, à ceste cause
voullant députer personnage sur lequel nous ayons
totale confiance , et qui soit de qualité , expérience et
capacité telle que requiert ung affaire de si grande
importance, de présent et pour l'advenir, avons faict
choix et élection de vous, nostre très cher, bien amé
et féal conseiller d'estat, chambellan gouverneur de
nostre duché d'Aouste et cité d'Ivree, et colonnel de
nostre garde suisse; messire Gaspard de Genève, mar-
quis de Lulîin , pour la grande preuve que nous avons
de vostre suffisance, et de l'affection que vous avés
desmonstree à nostre service en tant d'aultres remar-
quables tiffaires, et légation que vous avés heureuse-
ment et prudemment conduicte à nostre singulière
satisfaction; et par ce, vous avons constitué, et estabh,
et député, constituons, establissons et députons nostre
procureur gênerai et spécial, en façon que la gênera-
DU DÉPUTÉ DE M. DE SAVOYE. 455
Jité ne déroge à la spécialité ni au contraire, pour, à
nostre nom , vous rendre et transporter la part où se
fera la conférence et pourparler, pour l'adv-ancement
de ladicte paix ou trefve, par les députés entre les deux
majestés susdictes, et en toute aultre part où besoing
sera, pour illec advancer nos raisons et prétentions, et
icelles débattre, proposer, traicter, resouldre , délibé-
rer, conclure, consentir et soubscrire de nostre part
à ladicte paix ou trefve. Le tout comme ferions ou faire
pourrions nous mesmes si presens et assislans y estions,
sans aulcune reserve ni limitation, promettant en foi
et parole de prince d'avoir pour très agréable, et à
jamais ferme et stable , tout ce que par vous aura esté
concleu , consenti et arresté comme dessus, et le tout
approuver et observer inviolablement, sans jamais y
contrevenir ni permettre qu'il ^y soit contreveneu en
façon et manière que ce soit. En tesmoing de quoi
nous avons signé les présentes, et scellé de nostre
cachet, en nostre armée, à Barrault, le lo® septembre
1597.
Charles Emmanuel; et plus bas, Roncas.
Et a costéy Visa Rochette, pour M. le grand chan-
cellier, avec ung placard en sceau dudict sieur duc,
armoyé de ses armes.
k^.'^*'11^r%>^^.'«^-K'%.'«.'^ V*-^^,-^^ ^«'^'^^r^^i'%^1^^^%
CLIT. — J?' ACTE
De la remise du traicté es mains de M. le légat.
Cejourd'hui , 2o jour du mois de mai 1598, les
articles de paix et reconciliation entre très haiilt, très
excellent et très puissant prince Henry IV, par la grâce
456 NEGOTIATION.
de Dieiî roy très chrestien de France et de Navarre;
et très hault, très excellent et très puissant prince
Philippe, par la niesme grâce de Dieu roy catholique
des Espaignes, etc., et encores ledict seigneur roy ires
chrestien et très excellent prince Charles Emmanuel,
duc de Savoye, ont esté resoleus, et accordés par leurs
commis et députés , suivant les pouvoirs qui pour ce
leur ont esté donnés, à sçavoir, de la part dudict sei-
gneur roy très chrestien , messire Pompone deBellievre,
chevalier, sieur de Grignon , conseiller en son conseil
d'estat; et messire Nicolas Brulart, chevalier, sieur de.
Sillery, aussi conseiller au conseil d'estat dudict sei-
gneur roy , et président en la court de parlement de
Paris; de la part dudict seigneur roy catholique, mes-
sire Jean Piichardot , chevalier; sieur de Bàrly,chefet
président du conseil privé dudict seigneur roy, et de
son conseil d'estat; messire Jean Baptiste de Taxis,
chevalier commandeur de los Santos, de l'ordre militaire
de Sainct Jacques, dudict conseil d'estat et du conseil
de guerre; et messire Louis Verreiken , aussi chevalier
audiencier, premier secrétaire et thresorier des Chartres
dudict conseil d'estat, suivant la deputation et cliarge
expresse sur ce à eulx donnée par très liault et très
puissant prince le cardinal Albert, archiduc d'Autriche,
en vertu du pouvoir sur ce à lui donné par ledict
seigneur roy catholique; et de la part dudict duc de
Savoye , messire Gaspard de Genève, marquis de Lullin,
conseiller d'estat, chambellan et colonnel des gardes
dudict sieur duc, gouverneur et son lieutenant gênerai
au duché d'Aouste et cité d'Yvree, lesquels articles et
traictés soubscrits des noms de tous les susdicts com-
mis et députés desdicts roy, cardinal et duc de Savoye ,
ont esté par eulx remis entre les mains de l'illustris-
NEGOTIATION. 4^7
sime et reverendissime cardinal de Florence, légat de
sa saincteté et du sainct siège apostolique en France,
en présence duquel iceulx articles ont esté traictés et
resoleus pour estre par ledict sieur légat gardes et te-
neus secrets jusques à la fin du présent mois, si plus
tost les parties ne consentent à la publication d'iceulx,
et sans que ci après il soit loisible d'y adjousler ou
diminuer; à l'observation desquels articles lesdicts dé-
putés ont obligé la foi desdicts seigneurs roys, cardi-
nal, arcbiduc, et duc de Savoye, en vertu des pouvoirs
à eulx donnés, es mains dudict sieur cardinal légat,
représentant la personne de sa saincteté en ceste nego-
tiation; en tesmoignage de quoi iceulx députés ont
signé ce présent escrit le jour et an que dessus.
CLIII. — -^ NEGOTIATIOIN^
Pour la cessation de guerre avec la rojne d'Angle-
terre et provinces unies des Pajs Bas ^ durant
deux mois.
En traictant les articles de paix entre très liault,
très excellent et très puissant prince Henry IV, par la
grâce de Dieu roy très chrestien de France et de Na-
varre ; et très hault, très excellent et très puissant
prince Pbiiippe II, par la mesme grâce roy catholique
des Espaignes , etc. , sur ce qui auroit esté remonstré
par les députés dudict seigneur roy très chrestien,
qu'ils ont tousjours déclaré, comme ils déclarent en-
cores à présent , de ne pouvoir passer oultre à la con-
clusion du traicté de paix, sinon que très liaulte , très
excellente et très puissante princesse la royne d'Angle-
458 NEGOÏIATION.
terre, et les provinces noies des Pays Bas confédérés
de sa majesté très chrestienne , soient admis et receus
au traicté; à quoi auroit esté respondeu par les députés
dudict seigneur roy catholique, que, des le commence-
ment de ceste conférence , ils ont déclaré qu'ils estoient
prests et contens de recevoir à traicter lesdicts dépu-
tés de îadicte royne et provinces , et qu'ils ont faict
assés long séjour en ce lieu pour leur donner loisir de
s'y acheminer, s'ils eussent eu ceste volonté; a esté
concleu et arresté que, si dans six mois les députés de
Iadicte dame royne d'Angleterre, et des provinces unies
des Pays Bas, viennent avec pouvoirs suffisans , et dé-
clarent de voulloir traicter de paix et d'accord , ils y
seront receus; et, pour cest effect, les députés dudict
seigneur roy catholique se trouveront en ce lieu de
Vervins,ou tel aultre qui d'ung commun consente-
ment et accord desdictes parties sera advisé, et sur
l'instance expresse qui en a esté faicte par les députés
dudict seigneur roy très chrestien , a esté conveneu ,
stipulé et accordé qu'il y aura cessation de toutes les
entreprises de guerre, et de tous actes d'hostiHté entre
lesdicts seigneurs roy catholiques, royne d'Angleterre,
et provinces unies des Pays Bas, pour deux mois seule-
ment, à compter du jour des presens; bien entendeu
que ladiete cessation d'armes n'aura lieu que du jour
que Iadicte royne d'Angleterre et provinces unies des
Pays Bas auront fai'ct sçavoir à très hault et très puis-
sant prince Albert, cardinal, archiduc d'Autriche, qu'ils
prennent et acceptent Iadicte cessation d'armes, ou
qu'en leurs noms îedict seigneur roy très chrestien ait
faict faire Iadicte déclaration. Faict ce 9.^ jour de mai
l'an iSgB.
NEGOTIATION. 459
CLIV. — ^ NEGOTIATION
Pour la cessation de tous actes d'hostilité jus gués à
la publication dudict traicté ai^ecle rojd'Espaigne,
En concluant le traicté de paix, faict cejourd'hui
2 mai , entre très hault , etc. , Henry IV, roy très chres-
tien de France et de Navarre , et très hault , etc. , Phi-
lippe II, roy catholique des Espaignes, a esté conveneu
et accordé entre les députés desdicts seigneurs roys,
encores que la publication dudict traicté soit différée
pour ung mois, que neantmoins pendant ledict temps
il y aura cessation de toutes entreprises de guerre et
de tous actes d'hostiHté, et que s'il y estoit contreve-
neu de part et d'aultre par prise de places , prisonniers
ou d'aultres choses en quelque sorte que ce soit, la
contravention sera réparée de bonne foi , sans longueur
ni difficulté ; et pour effectuer ce que dessus , sera escrit
par lesdicts députés où il sera besoing. En foi de quoi
ils ont soubscrit les présentes de leurs noms. AVervins,
ce 2^ jour de mai iSqS.
A esté faict ung semblable acte avec le député de
Savoye.
CLV. — ^ NEGOTIATION
Pouj' convenir d'aultres arbitres avec M. de Savore ,
en cas que le pape vi?ist a décéder.
Comme ainsi soit que cejourd'hui i mai iSqS, en
traictant les articles de paix entre très hault , très ex-
46o NEGOTIATION.
cellent et très puissant prince Henry IV, par la grâce
de Dieu roy de France et de Navarre, et très excellent
prince M. le duc de Savoye. Entre aultres choses, au-
roit esté accordé que les différends qui n'ont esté dé-
cidés et terminés par le traicté de paix faict cejourd'hui,
seroient remis au jugement de nostre sainct père le pape
Clément VIII, pour estre par sa saincteté jugés et dé-
cidés dans ung an, suivant la response dudict seigneur
roy, baillée par escrit le quatriesme jour de juin iSgy;
et d'autant que tout ce qui est né est subject à la mort,
il a esté conveneu et accordé entre les députés desdicts
seigneur roy et duc , que s'il advenoit que Dieu ne
veuille que nostre sainct père le pape dececlast dans
ledict temps , et auparavant que lesdicts différends
aient esté par sa saincteté terminés: ce neantmoins il
n'adviendra aulcune rupture à ladicte paix ; mais que
lesdicts seigneur roy et duc conviendront d'aultres ar-
bitres dans trois mois, ou bien adviseront entre eulx
d'aultres moyens pour finir à l'amiable lesdicts diffé-
rends; en tesmoing de quoi lesdicts députés ont signé
et soubscrit le présent acte, les jour et an que dessus.
Gaspard de Genève.
CLVl. — ^NEGOTIATION
Pour laisser emporter Vartillerie qui a este mise a
Berre depuis sa prise ^ avec les armes ^ vivi^es et
munitions de guerre.
Cejourd'hui deuxiesme jour de mai iSgS, en traic-
tant les articles de paix entre, etc. :
A esté conveneu et accordé , oultre le conteneu es-
/
NEGOTIATION. 46 ï
dicts articles, qu'en restituant par le sieur duc la ville
et chasteau de Berre, avec l'artillerie qui estoit dans la-
dicte place lors de la prise d'icelle, avec les boulets de
mesme calibre, qu'il pourra faire emporter l'artillerie
que depuis il y auroit mise, si aulcune y en a; ensemble
les vivres et aultres munitions de guerre qui se trou-
veront en ladicte place lors de la restitution ; pourront
aussi les soldats, gens de guerre et aultres qui en sor-
tiront, faire emporter tous biens meubles à eulx appar-
tenans , sans qu'il leur soit loisible d'exiger aulcune
cbose des babitans de ladicte place et du plat pays, ni
endommager leurs maisons ou emporter aulcune chose
qui soit appartenante aulxdicts babitans. En tesmoing
de quoi, etc. .
CLVII. — A^ MEMOIRE
Touchant le traictê de paix.
Il est impossible qu'il ne se trouve quelque chose à
désirer au traicté de paix que, suivant le commande-
ment du rov, avons ici resoleu avec les députés du roy
catholique et de M. de Savoye; ce que pour ce regard
nous pouvons considérer est :
Qu'en la préface il se faict mention des progrès que
faict le Turc sur les provinces chrestiennes, avec une
expresse déclaration qu'ils ont à la conservation des-
dictes provinces. Si l'on dict que le meilleur eust esté
de ne mettre par escrit chose qui puisse mettre le Turc
en deffiance de l'amitié du rov:
On respond que deux choses nous ont meu de mettre
en avant ceste considération. L'une, qu'es traictés de
4^2 MEMOIRE
paix de Madrid , de Gambray et de Crespy en Laon-
nois, faicts par le feu roy François I" avec l'empereur
Charles V, non seulement a esté faict mention du dan-
ger ou se trouve la chrestienté, à cause des entreprises
et usurpations des Turcs; mais on se déclare ouverte-
ment de la resolution que l'on a prise de s'y opposer et
les repousser par les armes. Le semblable est conteneu
au traicté de Chasteau en Cambresis, faict par le feu
roy Henry II avec le roy catholique ; et toutesfois ledict
feu seigneur roy François n'a pas laissé, après lesdicts
traictés , de demeurer en bonne amitié et intelligence
avec le grand seigneur, comme ont faict nos roys, fils et
successeurs dudict roy Henry II , après ledict traicté
contenant la déclaration que dessus.
L'aultre considération est que , qui n'eust faict men-
tion du Turc comme a esté faict le plus sobrement que
l'on a peu, et beaucoup plus qu'aulx precedens traic-
tés, est que la royne d'Angleterre, le roy de Dane-
marck et aultres qui se sont séparés de l'Eglise catho-
lique romaine, entreroient en suspicion, et diroient
que cest accord se faict principalement pour l'exécu-
tion du concile de Trente; ce que l'on faict desseing
de leur faire la guerre; mesmement qu'il appert par le-
dict traicté que le pape en est le principal promoteur;
que les articles ont esté traictés et resoleus en présence
de son légat.
En ce traicté il y a ung aultre poinct que peult estre
on eust désiré en France qu'il eust esté moins exprès.
Cest article, qui faict mention de la réconciliation entre
les deux princes , renonciation à toutes practiques et
intelligences qui seroient au préjudice l'ung de l'aultre.
On a tasché de se remettre en ce faict au traicté pré-
cèdent ; voyant que l'on ne s'en contentoit pas , nous
TOUCHAINÏ LE TRAICTÉ DE PAIX. 463
avons voulJeu mettre l'article avec moins d'expression.
Sur ce les députés d'Espaigne ont dict que nous deb-
vons déclarer si nous voulions faire la paix tout de bon
ou non; car, s'il estoit question qu'après nous avoir
rendeu ung si grand nombre de places , et si impor-
tantes à leurs estats et aulx nostres, ils rentrassent en
guerre avec nous, ils seroient teneus pour gens qui
n'ont pas le sens commun s'ils entroient en une telle
restitution; disans que, s'ils feront la guerre avec les-
dictes places, ils pourront grandement incommoder le
pays de France ; et peult estre que , par le moyen
d'icelles, ils en pourroient a<;querir d'aultres sur nous,
comme leur est adveneu que Dourlans leur a donné
moyen de surprendre Amiens , oultre que lesdictes
places servent de frontière à leur pays, et couvrent
fort leurs aultres places. Ils nous ont dict que nous
sommes advertis des bruicts que les Hollandois font
semer parmi eulx, et par lettres supposées, et par aultre
moyen, que le roy très chrestien les a asseurés qu'il les
aura tousjours en sa protection ; et ce qu'il traictoit
maintenant n'estoit seulement que pour recouvrer ses
places ; estans bien advertis que telles inventions des
Hollandois mettoient l'esprit du cardinal Albert en ung
merveilleux souspçon et deffiance de nous , à quoi il
estoit confirmé par tous les Espaignols qui sont près
de lui, aulxquels desplaist grandement de voir ce dé-
membrement des Pays Bas d'avec la couronne d'Es-
paigne.
Nous resoleusmes qu'il estoit trop dangereux d'aug-
menter ce souspçon par le refus d'une chose que d'ail-
leurs nous leur accordions , sinon si expresseement , pour
le moins en telle sorte que , sans user de cavillation ,
nous n'eussions peu dire de n'avoir accordé et promis ,
464 MEMOIRE
soit pour nous référer en ce faict au précèdent traicté,
sans insérer l'article en cestui ci, soit pour dresser l'ar-
ticle en paroles ung peu plus couvertes; et, pour ceste
cause, avons jugé que ferions une trop grande faulle
du service du roy de refuser l'expression d'une chose
que nous ne pouvions nier avec vérité y estre comprise
et debvoir estre accordée, n'estant possible que l'on se
persuade que l'on fasse paix avec ung prince pour souf-
frir que, dans deux mois après, il lui renouvelle la
guerre. Nous remonstrans sur ce, que, s'il fault faire la
guerre, ils sont resoleus de la faire, estans et demeu-
rans fortifiés desdictes places, et non pas affoiblis par
la restitution d'icelles.
Aussi ont remonstré que nous ne debvions pas esti-
mer que si le roy nostre maistre aidoit leurs ennemis
contre eulx, qu'ils soient délibérés de le laisser en re-
pos , afin qu'il ait plus de moyen de secourir de ses
forces ceulx qui leur font la guerre.
Ces raisons nous ont faict juger que ceste dispute
estoit trop dangereuse , et ne pouvoit servir qu'à les
mettre en deffîance du roy, et estre cause que sa ma-
jesté demeurast frustrée de la restitution d'ung si grand
nombre de places; et leur avons en cela accordé ce
qu'avec raison on ne pouvoit desbattre. Nous eussions
désiré de pouvoir satisfaire au désir du roy d'abréger
le temps de la restitution de Blavet et de Calais; mais,
estans choses traictees et resoleues après longues dis-
putes, les députés d'Espaigne ne se sont vouUeu des-
partir de ce qui avoit esté escrit; remonstrans qu'il se-
roit fort difficile d'advancer le temps ; qu'ils feront
volontiers ce qu'ils verront se pouvoir faire pour s'ac-
commoder au désir du roy; mais qu'ils ne se veullent
obliger à chose que peult estre ils ne pourroient obser-
TOUCHANT LE TRAICTÉ DE PAIX. 465
ver. Et, pour le regard de Blavet, ils se mettent en deb-
■voir de contenter sa majesté, retranchant la garnison
suivant Tordre qui en sera donné par M. le cardinal
archiduc, dont le roi sera adverti.
M. Je légat a faict grande instance que M. le grand
duc de Toscane feust mis au traicté après les Vénitiens.
Sa majesté nous a faict entendre que son intention est
qu'il soit mis en lieu honorable ; en cela nous nous
sommes trouvés fort empeschés, non de satisfaire à ce
qui nous est ordonné par le roy, car nous ne nous des-
partirons jamais de ses commandemens ; mais comme
nous pourrions contenter mondict sieur le légat , oui
nous en parle et escrit avec beaucoup de passion. Nous
avons considéré qu'au traicté de l'an iSSg, M. de Lor-
raine précède M. de Savoye , lequel , par sentence du
pape, précède le grand duc de Toscane. Nous n'avons
sceu prendre resolution que de suivre Tordre du traicté
précèdent, et avons respondeu à M. le légat que ce n'est
pas à nous à donner ni oster le rang aulx princes; que
nous laissons les choses comme nous les avons trouvées.
Les députés d'Espaigne en ont usé comme nous.
Nous avons suivi ce qu'il a pieu au roy nous com-
mander touchant le seigneur de Sedan, et n'avons spé-
cifié la maison de La Marck. Celui qui se trouvera sei-
gneur de Sedan sera compris. Si ceulx de la maison de
La Marck s'en plaignent, il y a une clause au traicté
en vertu de laquelle, s'il plaira au roy, on les y fera
comprendre dans six mois.
Parmi les compris au traicté , nous avions employé
la ville de Genève avec les aultres confédérés des Suisses.
Les députés d'Espaigne ont dict qu'ils ne pourroient ni
oseroient signer le traicté où ladicte ville seroit com-
prise.
MÉ.v. DE DurLEssis-MoRiî.vY. To.uE VIII. 3o
466 MEMOIRE
Nous avons remonstré qu'ils ne font difficulté de si-
gner le traiclé où sont compris ceulx de Zurich , de
Berne, de Basle, de Schaffouse, et les princes électeurs
qui sont de mesme relligion. Ils ont dict qu'eulx mesmes
les y comprennent; mais pour le regard de ladicte ville,
qu'ils nous pryoient de les excuser, car ils ne le pou-
voient faire. M. le légat s'est en cela tellement formalisé,
que sans doubte il se feust desparti d'avec nous plus-
tost que d'accepter la garde de ce traicté, comme nous
estions d'accord qu'il feroit. Ce faict nous a mis en une
peine extresme, car nous demandions chose raisonna-
ble; mais qu'en façon du monde, il n'a esté en noslre
pouvoir d'obtenir.
Nous leur avons dict qu'estans ceulx de Genève con-
fédérés aulx cantons des Suisses, qu'on ne pou voit nier
qu'ils ne feussent compris en la clause générale où nous
comprenons tous leurs confédérés. A cela ils ne nous
ont pas contredict, et avons signé le traiclé comme il
est, prevoyans assés que M. le légat, qui le debvoit
avoir entre ses mains, ne feindroit d'en advertir incon-
tinent le pape, dont pourroit advenir que le roy se
trouveroit de nouveau chargé d'une fascheuse crierie.
Et afin que ceulx de Genève n'estiment que nous
n'ayons pensé à eulx , nous avons osté du traicté les
noms des aultres confédérés, qu'on ne peult doubler
qu'on ne soit entendeu qu'ils soient et doibvent estre
compris. M. le légat, en recevant ledict traicté, nous a
mis en une aultre peine; car ce bon homme, qui est
scrupuleux, nous a dict que le pape intervient en ce
traicté, et qu'il crainct de faire choses dont sa saincteté
soit offensée , si l'on y comprend ceulx qui sont séparés
de l'Eglise. Il a longuement insisté sur ce faict , telle-
ment qu'enfin nous avons esté contraincts de lui dire
TOUCHATST LE TRAICTÉ DE PAIX. 467
que ce traictë%e rompra plustost que nous consentions
d'en forclorre les anciens amis de la couronne ; et
qu'en ayant de tout temps usé de la sorte par nos roys
et par les empereurs, qu'il ne falloit pas attendre que
pour chose que ce soit nous nous despartions des ordres
anciens de ceste couronne. Enfin ce bon seigneur s'est
payé de raison, et a receu le traicté pour le garder,
selon qu'il a esté resoleu entre nous. Si ceulx de Genève
demanderont h sa majesté une déclaration contenant
qu'elle entend qu'en la clause générale qui comprend
tous les confédérés des Suisses, ils soient compris ; nous
estimons qu'elle la leur pourra accorder, et qu'ils au-
ront occasion de s'en contenter.
CLVIIl.—.-V^ LETTRE DE M. DE BUZENVAL
^u roj.
Sire, j'ai receu cejourd'hui, sur les trois heures
après midi, la lettre qu'il a pieu à vostre majesté de
m'escrire du i" de ce mois, laquelle j'ai communiquée
à ces MM. les députés, incontinent après estre arrivés
en ce lieu; ils remercient très humblement vostre ma-
jesté de la continuation du soing qu'il lui plaist avoir
au bien de leurs affaires, et seroient bien aises d'user
du bénéfice qui leur est procuré par MM. vos ambas-
sadeurs qui sont en la ville de Yervins, s'ils avoient
pouvoir de l'accepter; mais, se trouvans sans aulcune
charge, je ne dis pas de conclure, mais seulement de
traicter choses semblables à celles que l'on propose,
touchant une suspension d'armes pour le terme de
deux mois, ils ne peuvent asseurer vostre majesté d'aul-
468 LETTRE DE M. DE BUZENVAL
cune chose sur ce subject , que premî^remerit ils ne
Tayent proposé à leurs supérieurs, et enteiideu sur
icelui leur volonté; ce qu'ils trouvent difficile et pres-
que impossible de pouvoir faire , à cause de la briefveté
du terme que donne le cardinal Albert, car il est bien
certain qu'avant que ceste ouverture peust estre faicte,
et le rapport d'icelle à MM. les députés generaulx, la
pluspart du temps des deux mois seroit escheue et ex-
pirée, ne pouvant estre devant le lojuin en Hollande,
quelque diligence qu'ils fassent; de sorte que, tant
pour ce regard que pour le peu de profict et de gain
qu'ils prevoyent et espèrent de ceste action, ils sup-
plient très humblement vostre majesté ne voulloir
poinct retarder les fruicts qu'elle espère de son traicté
pour ce respect, et sont bien faschés des bruicts qu'ar-
tificieusement les ennemis sèment et font courir, et
pour les différer et retarder, ou pour en frustrer du
tout vostre majesté; car ils protestent de n'avoir rien
dict, ni mesme escrit aulcune chose par où ceulx de
Hollande peussent concevoir les espérances qu'ils au-
roient depuis faict couler aulx oreilles et escrits des
Espaignols , comme ils s'en plaignent, touchant sa
mauvaise foi, de laquelle vostre majesté traictoit avec
eulx , et me font juger par plusieurs preuves, qu'en-
cores aujourd'hui en Hollande on ne croit poinct que
vostre majesté conclue la paix avec TEspaignol; ains
plustost acceptera les offres qui lui ont esté faictes de
leur part, pour la continuation de leur guerre, aile-
guans mesme qu'il seroit très prcjudiciable à leurs af-
faires et à leurs projects que les estats entendissent par
aultres que par eulx mesmcs, et de leurs bouches, la
resolution de la paix en laquelle ils ont laissé vostre
majesté : bien y a il apparence que les Anglois n'en
AU ROY. 469
auront usé de la mesme façon, et qu'ils n'auront laissé
aulcung artifice en jetlant divers scrupules aul* escrits
des Espaignols, pour rompre le cours de ce traicté, ou
pour le tourner tout à faict à leur advantage, qui est,
sire, ce que je puis escrire sur ce subject à vostre ma-
jesté; l'asseurant que je trouve de plus en plus ces
MM. les députés si resserrés et reteneus en ce qui
pourroit prejudicier au fruict qu'elle espère de son
traicté , que je ne me veulx promettre qu'ils ne donne-
ront aulcung subject à vostre majesté de se plaindre
d'eulx. Et sur ce je pryerai Dieu, etc., etc.
Du 3 mai i5c)8.
GLIX. — ^ LETTRE DU ROY
J messieurs du presidial de Tours.
De par le roy, nos amés et feaulx, nostre court de
parlement de Paris ayant faict expédier la commission
(\\\e nous vous envo)'ons par ce porteur exprès, ten-
dant à fin d'informer des excès et violences commises
en la ville d'Angers, au mois d'octobre dernier, en la
personne du sieur Duplessis, conseiller en nostre con-
seil d'estat et gouverneur de nostre ville de Saulmur,
nous y avons bien voulleu adjouster nostre recomman-
dation par ceste lettre, par laquelle nous voulions et
vous mandons que , suivant le conteneu en ladicte
commission, vous ayés à vous employer, par tous les
moyens qui vous seront ouverts , à tirer lumière des-
dicts excès et violences, et en informer si particulière-
ment nostre court qu'elle y puisse, par son auctorité,
apporter le remède que nous desirons, tant nour
47<^ LETTRE DU ROY
l'exemple et la suite cFung attentat de telle consé-
quence que pour la réparation de l'honneur dudict
sieur Duplessis ; car c'est chose que nous avons gran-
dement à cœur et qui importe aussi à nostre auctorité.
Et partant, vous y userés du debvoir et intelligence
que nous attendons de vostre affection. Si n'y faictes
fauîte, car telle est nostre plaisir.
Henry; et plus bas , De Neufville.
Donné à Nantes, le 4 ï^ai iSqS.
Et au dos: A nos amés et feaulx conseillers les gens
tenant le siège presidial de Tours.
CLX. — ^LETTRE DU ROY
A M. le pwcujuur du roy de Tours.
De par le roy, nostre amé et féal, l'attentat commis
en la ville d'Angers, au mois d'octobre dernier, en la
personne dudict sieur Duplessis, conseiller en nostre
conseil d'estat et gouverneur de nostre ville de Saul-
niur, est si détestable que nous n'en pouvons escrire
ou parler qu'avec ung regret indicible, de l'injure qui
a esté faicte pour nostre service à ung homme de telle
({ualitë, et par ce que nous desirons que la punition
en soit faicte, nous envoyons par ce porteur exprès,
aulx gens tenans le siège presidial à Tours , la com-
mission de noslre court de parlement à eulx addressante
pour en informer. Et vous mandons que vous ayés à
y tenir la main de vostre part , avec telle sollicitude
que Ton en puisse tirer lumière, pour en faire la pu-
nition et réparation convenable ; car c'est chose que
A M. LE PROCUREUR DU ROY. 4?*
nous avons très à cœur, et en quoi, vous employant,
nous le tiendrons à service très agréable.
Henry ; et plus bas , De Neufville.
Donné à Nantes, le 4 mai 1698.
El au dos : A nostre amé et féal conseiller et pro-
cureur au siège presidial de Tours.
«^'W^ «rf-^.-^ ^.'^/^ •.'«.'ik. -«W^»^ «^«'^ ^.r^.'^ •^.'«f^ ^^'««'^ •«■'%^« ^.^«r^ ^.'«.^ ^■>'^^^h^%^^ %/^-% %/-U^% ^,-%^ ^r'%^% ^v^h'% ^^%^^^
CLXÏ. — ^LETTRE DE M. DE VILLERO^
y4 M. Diiplessis.
Monsieur, Ton lient ici le projet faict pour vous
faire satisfaire par le sieur de Sainct Pliai, tout resoleu,
et par conséquent vostre accord. Le roy me l'a ainsi
dict ce matin, quand je lui ai parlé de recommander
aulx officiers de Tours la justice de vostre affaire.
Toutesfois sa majesté n'a pas laissé de trouver bon que
je vous aye envoyé les lettres pour ces messieurs , afin
que vous cognoissiés qu'elle veult vous contenter,
mais elle vous prye d'en surseoir l'envoi pour quelques
jours. Aussi bien m'y a elle parlé rendre porteur Gui-
chard, car il passoit ici, et Moreau pareut. Voilà ce
que feus en cbarge de vous escrire, en présence de
M. de Bouillon , qui a grand soin de ce qui vous con-
cerne. S'il fault faire tenir en après lesdictes lettres à
Tours, il fauldra en rendre porteur le courrier, sans
attendre après Guichard. C'est pourquoi je vous ren-
voyé avec icelles la commission de la court, qui sera
inutile, si le faict s'accommode, comme sa majesté
croit qu'il fera et à vostre contentement, et véritable-
ment le chemin sera plus court que l'aultre pour vous
ramener plus tost auprès du roy. Ores, sa majesté pa-
47^ LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
roist tousjours vous désirer grandement, vous pryant
de croire que, si je pouvois mener vous à fin en ceste
occasion , je le ferois de bien bon cœur. Je dirai à
M. le président Jeannin le gré que vous lui sçavés de
l'office qu'il vous a faict , dont je n'avois rien sceu , et
d'autant que l'effect vous le recevrés bientost. Je ne
vous dirai aulcune nouvelle, sinon que nous tenons
le fort de Beauvais par accord, encores que n'ayons
advis qu'il soit signé ; mais le premier courrier qui en
viendra nous en apportera, a ce qu'on espère, la certi-
tude.
De Nantes, ce 4 niai i5g8,
CLXIL — ^ LETTRE DE M. DE BOUILLOIN'
A M. Dupîessis.
MoNSTEiTR , vous avés occasion de vous asseurer de
moi, vous protestant que je mets pareil soin de ce qui
vous touche , comme si c'estoit mon propre faict. Mais
la sagesse est grand chose où l'on voit plusieurs dan-
gers de prendre parti, en se resolvant à ung, et les
aultres, au contraire, querellent le plus grand danger
qui s'y présente. C'est qu'elle vous demeure long temps
sur les bras , la langueur y pouvant plustost porter ung
mal que vostre satisfaction, pour les raisons que vos
amis vous ontdiscoureu. Vous verres ung escrit qui s'est
faict. Le roy l'a veu , et plusieurs personnes qui ont
jugé qu'il ne s'y peuît gueres adjouster une parole. Je
le vous envoyé comme vostre ami, afin que vous m'en
envoyiés vostre resolution par le messager. Et en cas
que vous le trou vies à propos, donnés moi advis du temps
LETTRE DE M. DE BOUILLON, etc. 4?^
et du lieu où vous désirés que les choses se passent:
le plus tost sçavoir de vos nouvelles sera le meilleur. Je
vous baise les mains, et espère que je vous verrai bien-
tost. C'est vostre humble ami à vous faire service.
Hp:wpvY de La Tour.
A Nantes, ce 6 mai lôgS.
CLXIII. — -V- MEMOIRE
Joînct a la lettre précédente de M. de Bouillon
h M. Diiplessis ^ du 6 mai iSgS.
MoJNSiEiJR , ayant sceu que vous aviés faict quelque
rapport au roy qui peult révoquer en doubte la fidélité
que je lui doibs, comme son très fîdele subject, cela a
esté occasion qu'estant à Angers, ayant disné ensemble
au logis de M. de La Hochepot , vous voyant sortir du
logis, accompaigné de quattre hommes, je sortis ung
peu après vous, plus accompaigné que vous, et en
trouvai encores en vous suivant qui se joignirent avec
moi. Vous ayant ratteint, je voulleus m'esclairer de ce
doubte avec vous , sur quoi vous me tinstes des hon-
nestes langages, qui estoient suffisans pour me con-
tenter; mais la croyance de ceste offense, avec peu de
sur moi , qu'elle m'osta la raison , et feit
passer à l'injure que j'avois délibéré de vous faire ,
prenant ung baston que j'avois derrière mon dos, sans
que vous le puissiés prévoir, et vous en donnai ung
coup qui vous porta par terre. Soubdain j'allai à mon
cheval , quoique les miens missent l'espee à la main, et
donnèrent quelques coups aulx vostres, qui vous voul-
/ -. r
/J74 MEMOIRE, etc.
loient garantir. Je recognois vous avoir faict cesle of-
fense de propos délibéré, et avec tel advantage qu'il
n'y a homme d'honneur à qui l'on n'en peult faire le
semblable, qui me faict vous supplier de me le par-
donner, et me soubmets à recevoir de vostre main ung
pareil coup que vous, recherchant de demeurer amis,
vous suppliant d'intercéder envers le roy à ce qu'il
fasse arresler le cours de la justice pour la punition
que j'ai méritée d'avoir si indignement offensé ung
conseiller d'estat, et qui exerce une commission de si
grande importance; et demeurerai, en recompense,
tout le temps de ma vie vostre serviteur.
Note de la main de M. de Bouillon , joincte ait
Mémoire pièce dent,
Oultre cela, l'on a advisé que le roy donnera ung
pardon à Sainct Phal, dans le narré duquel sera con-
teneu l'acte qui vous a esté faict , oii il sera expliqué ,
par termes plus exprès, de la supercherie qui vous a
esté faicte, et ce pardon sera escrit et scellé.
CLXIV. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messieurs, le roy m'a commandé vous envoyer ung
double de la lettre que M. de Buzenval lui a escrite ,
pour response à l'advis que sa majesté lui avoit de-
mandé donner aulx députés des estats des provinces
unies des Pays Bas, de ce qu'elle avoit obteneu pour
eulx, par vostre moyen et diligence, par ou vous ver-
res le peu de compte qu'ils en font; de sorte qu'il ne
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. 47 5
fault plus s'arrester h ce poinct , mais conclure vostre
traicté le plus tost que vous pourrés.
Car sans double les Anglois feront ce qu'ils pourront
pour le traverser. Jà on nous a dict qu'ils veullent
offrir Ostende pour avoir Calais, et obtenir qu'ils puis-
sent garder les aultres places qu'ils tiennent en Zelande,
pour gage et seureté de l'argent qu'ils ont preste aulx-
dicts estais. Je ne scais si M. le cardinal d'Autriche
embrassera ceste ouverture ; mais j'ose bien vous pré-
dire que s'il s'y embarrasse, qu'il ne fera la paix avec
eulx ni avec nous; comme nous n'eussions faict la paix
ni la guerre comme il fault, si nous les eussions vouUeu
croire.
Par vostre dernière vous nous avés asseuré que voslre
traiclé debvoit eslre concleu et signé le i"de ce mois,
de quoi nous attendons au plus tost la certitude en fort
bonne dévotion, afin que nous réglions sur cela nos
affaires en ceste province de Bretaigne et ailleurs.
Au reste, il fault que vous sçachiës que les députés
desdicts estais, estant arrivés en ce roynulme, pres-
terent à sa majesté la somme de 11,000 escus, pour
faire paver une demie monstre aulx regimens de pied
des sieurs de La Noue , Régnât et de Sainct Geran ,
qu'ils sont souldoyés et payés l'année passée à leurs
despens , lesquels ils nous ont Ires instamment pryés
de leur rendre devant que de partir, parce qu'ils nous
ont dict qu'ils n'avoient pas aulcung pouvoir de nous
les prester et de nous les délivrer, que au cas que
nous voulleussions continuer avec eulx la guerre. De
sorte que ceste somme de i 1,000 escus leur doibt eslre
rendeue en la ville de Paris , dont j'ai estimé vous en
debvoir advertir pour pouvoir respondre de la vérité
du faict s'il est besoin g.
47^ LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
Le roy part cejourdliui de ceste ville pour aller en
celle de Rennes, oli il ne faicl pas estât de demeurer et
séjourner plus de huict ou dix jours. Il ne repassera pas
ici; mais prendra le droict chemin de Paris, où, si
j'en eusse esté creu, il y a desjà quinze jours que nous
serions arrivés; mais les affaires de ceste province n'ont
pas permis à sadicte majesté d'en pouvoir partir plus
lost. Je me recommande bien , etc.
Du 6 mai iSqS.
CLXV. — ^ LETTRE
De MM. de Belliei^re et de Sdleij au roy.
Sire , par nostre despesche du 2 de ce mois , nous
avons adverti vostre majesté de la resolution des ar-
ticles de la paix. S'estant ici trouvé avec nous le sieur
de Berny , que nous avons tousjours cogneu fort fidèle
et affectionné à vostre service, nous l'avons employé
à escrire le traicté, et aultres actes concernant ce faict;
nous estant confiés en lui seul de Fescriture, jugeans
et ayans trouvé par effect qu'en partie c'est le secret
qui a conservé ceste negotiation. Il dira fidèlement à
vostre majesté ce qu'il en a veu et appris de nous,
comme elle a esté advertie.
L'original du traicté a esté remis entre les mains de
M. le légat , avec l'acte sur ce faict , dont ledict sieur
de Berny présentera les copies à vostre majesté.
Et de l'accord faict avec les députés d'Espaigne,
que la royne d'Angleterre et les Provinces Unies seront
admises et receues à traicter dans six mois, et de la ces-
sation de toutes entreprises et actes d'hostilité, qui leur
a esté accordée en vostre faveur pour doux mois.
LETTRE, etc. 477
Vostre majeslé commandera , s'il lui plaist, qu'ils en
soient adverlis au plus tost ; et, nous faisant sur ce
entendre son bon voulloir, nous v obéirons avec toute
affection et fidélité.
Nous envoyons aussi , avec la présente, l'acte de
la cessation de tous actes d'hostilité pour ung mois,
que nous avons ici traictee , dont des le 3^ de mois
nous donnasmes advis à M. le connestable, afin qu'il
en advertisse ceulx qui commandent aulx gens de guerre
en ses trois gouvernemens, nous ayant esté souvent
remonstré, par lesdicts députés, que tous vos servi-
teurs entreprenoient sur les places de leur maistre;
cependant qu'ils faisoient tous debvoir à persuader
M. le cardinal d'Autriche de ne voulloir consentir que
l'on entreprist sur celles de vostre majesté, et qu'ils
n'estoient pas sans moyens de le faire, pouvant mettre
cent mille hommes de pied ensemble; mais que l'as-
seurance que nous leur donnions de la bonne resolu-
tion de vostre majesté à la paix les a plus conteneus
que la craincte de ne pouvoir exécuter quelque bonne
entreprise. C'est chose, sire, qui nous a souvent mis
en peine, de peur que ce qui se remueroit du costé de
deçà ne travei^ast Theureuse réduction de vostre pavs
de Bretaigne, sçachant, au vrai, et que vos ennemis se
trouvoient avec beaucoup de forces, et que les com-
paignies de vos gens de guerre qui sont aulx garnisons
se trouvent fort mal complètes. Dieu a faict ceste grâce
à vostre majesté , que durant son absence il n'est adve-
neu chose en ceste frontière qui porte préjudice à ses
affaires.
Sire, nous avons traicté pareille cessation d'actes
d'hostilité avec le député de M. de Savoye, dont lui
envoyons copie , estant fort requis que les gouverneurs
47^ LETTRE
et vos lieutenans generaulx en Provence , Daulphiné ,
Lyonnois et Bourgoigne en soient advertis au plus tost;
car l'accord porte que ce qui aura esté faict des le jour
du traicté au préjudice d'icelui sera reparé.
Il est aussi requis que vos lieutenans generaulx en
Guyenne et Languedoc en soient advertis , à ce qu'il
n'advienne contravention du costé de la frontière d'Es-
paigne , nous ayant asseuré lesdicts députés qu'ils en
donneront advis, en Espaigne, à leur maistre et à ses
ministres.
Sire, oultre le traicté gênerai de la paix, il y en a
ung pour les particuliers , comme a tousjours esté faict
aulx paix précédentes. Ni les ungs ni les aultres n'y
avons pas beaucoup gaigné; et, pour cela, il n'estoit
pas raisonnable de rompre le traicté. Enfin chacung
des députés s'est resoleu de ne rien quitter de ce qui
est de l'auctorité du maistre.
Les députés d'Espaigne se sont du tout formalisés de
ce qu'en façon du monde, nous n'avons vouUeu com-
prendre M. d'Aumale au traicté particulier.
Nous avons monstre qu'il est suffisamment pourveu
à ce qu'il doibt demander et peult obtenir par l'article
concernant les subjects qui ont servi en parti contraire,
qui est mis dans le traicté gênerai. Ils ont insisté que
M. le cardinal d'Autricbe a ce faict fort à cœur, et
qu'il s'estimera mesprisé si on le refuse de ceste de-
mande.
Enfin , sire , pour en sortir avec eulx, nous les avons
pryés de ne nous presser poinct de mettre ung article
toucbant ledict sieur d'Aumale; que ce seroit chose
qui, à l'advenir, tourneroit à son deshonneur, estant
né vostre subject ; et, pour éviter cela, leur avons
promis qu'en supplierons vostre majesté , et donne
AÎJ ROY. 4/9
espérance qu'en faveur dudict sieur cardinal, elle ac-
cordera lettres particulières audict sieur d'Aumale ,
pour l'asseurcr de ce qui est conteneu audict traicté.
Ils nous ont dict que sur nostre parole ils n'insisteroient
dadvantage de le faire comprendre au traicté; mais que
plus les lettres seront favorables, plus ledict sieur car-
dinal s'en sentira obligé à vostre majesté.
Sire, nous considérons qu'ayant esté envoyé le
double de ce traicté de paix à M. le cardinal d'Autriche,
qui l'aura faict voir à ceulx de son conseil, il est mer-
veilleusement difficile à croire que la royné d'Angle-
terre et provinces unies des Pays Bas n'en soient ad-
verties, si desjà des à présent elles ne le sont.
La ratification et les ostages se doibvent bailler et
délivrer dans ung mois, et par là le traicté est publié.
D'ici à ce temps , il n'y a plus que vingt cinq jours.
Vostre majesté, par sa prudence , jugera s'il n'est pas
plus de sa dignité de faire sçavoir ce qui s'est passé
aulx ungs et aulx aultres, les rendant capables de rai-
sons et considérations qui l'ont meu h passer oultre k
la conclusion de ce traicté, qui aultrement se rompoit,
ne voullant plus longuement séjourner ici M. le légat,
et moins encores les trois députés d'Espaigne, qui se
plaignoient grandement qu'on les y entretenoit en
vain et h crédit, cependant qu'on leur preparoit une
forte guerre.
Vostre majesté nous permettra , s'il lui plaist, de lui
dire que nous estimons qu'il est plus honorable et
bien plus expédient pour son service qu'elle les ad-
vertisse le premier que non pas si elle attend de faire
response à leurs plainctes.
Sire, ayant escrit ceste lettre, nous avons receu la
despesche de vostre majesté du dernier jour du mois
48o LETTRE
passé. C'est le malheur des serviteurs, quand en toutes
choses ils ne peuvent contenter leurs maistres. Nous
appréhendions grandement et craignions ce danger,
comme il lui aura pieu de voir par nos précédentes
lettres du 26 du mois passé, et du jo^ de ce mois;
mais nous avons estimé debvoir préférer vostre ser-
vice à toutes aultres considérations.
Nous espérons que Dieu nous fera la grâce que
■vostre majesté demeurera satisfaicte de nostre fidélité
et de nostre diligence. Nous pryons Dieu , etc.
Du 6 mai i5^S.
CLXVI. — -V' LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj à M. de Villeroy\
Monsieur, vostre lettre du 27 du mois passé nous
a apporté autant de consolation que la précédente , de
crainte que le roy demeurast mal satisfaict de ce que
ne lui avons peu escrire si souvent qu'il nous estoit or-
donné, et que desirions.
Nostre dernière despesche contient et porte nos ex-
cuses; nous vous dirons seulement que si nous eussions
peu comprendre que les députés d'Espaigne marchas-
sent de mauvais pied au faict de la paix, que nous
n'eussions faict faulte à vous en advertir par courrier
exprès, sçachant assés de quelle importance il estoit,
se trouvans les ambassadeurs d'Angleterre et de Hol-
lande près du roy, pour le faire resouldre à la guerre,
que sa majesté sceust au vrai à quoi elle en estoit avec
ces gens ici , pour ne demeurer comme vous dictes à
terre entre deux selles. Nous avons tousjours cogneu
A M. DE VILLEROY. 48 i
ces députés resoleus à la paix, et n'avons jamais fnict
doubte qu'ils n'observent ce qu'ils ont promis; no^tre
fondement n'est pas sur leur parole, mais sur l'interest
qu'a le cardinal d'Autriche que ceste paix se fasse, par
le moyen de laquelle il peult establir sa fortune, et a
interesl de haster l'exécution des promesses , cepen-
dant que le roy d'Espaigne est en vie.
Nous n'avons pris long terme pour l'exécution; il
fault poursuivre vifvement ceste poincte. La peine où
nous avons esté provenoit de ce que le roy nous a
commandé d'obtenir la trefve pour la royne d'Angle-
terre et Hollandois, après que nous l'avons adverti
que n'avions espérance que ledict cardinal y consen-
tist, ayans esté les députés d'Espaigne sur le poinct
de rompre, quand ils nous ont veus resoleus de ne
rien faire, si on ne nous accordoit cest article. Ils pre-
noient par là opinon , avec les aultres advis qui leur
venoient du costé de Hollande, que ce que nous en de-
mandions n'estoit que pour leur faire consommer leurs
forces en vain , et les mettoit en une extresme deffiance
de la volonté du roy. Monsieur , nous avons paré à ces
coups au mieulx que nous avons peu, et peult estre si
nous n'eussions esté ici, leur donnant toute asseurance
de la ferme resolution à la paix , et qu'ils ne nous ont pas
eu en opinion de trompeurs, vous eussiés ouï aupara-
vant vostre retour de Bretaigne que Monstreuil et Bo-
logne estoient assiégés, et Dieu sçait comme ces places
sont munies , et les moyens qu'a ici M. le connestable
de se mettre en campaigne. Vous sçavés de telles choses
plus que nous; mais nous sommes si près des lieux, et
parlons si souvent à ceulx qui sçavent comme le tout
va, que nous eussions esté sans sentiment, si nous n'eus-
sions craint de voir ung merveilleux desordre en ceste
IVIÉAi. DE Duplessis-Mob^ay. Tome viii. 3i
482 LETTRE
frontière. Il est question de bien user des grâces qu il
pldist à Dieu faire à ce royaulme , comme nous vous
avons escrit ci devant, attendeu les souspçons que l'on
a donnés de nous. Il fault éviter tout ce qui en peult
donner occasion , et n'espérés pas que vous aurés pour
amis ceulx qui s'appercevront que vous machinés leur
ruyne.
Nous venons à respondre à ce que nous escrivés du
partement desdicts ambassadeurs d Angleterre et de
Hollande : ils ne servoient plus de rien près du roy.
Vous les avés mis en contumace, ayans faict obtenir
les pouvoirs qu'ils ont demandés , la déclaration qu'ils
seront favorablement admis à traicter ; que pour cest
effect nous les avons ici attendeus trois mois , et que
d'ici à six mois ils ne laisseront d'y estre admis et
receus; que si présentement ils veullent s'acheminer en
ce heu, ils le peuvent faire; s'ils nous advertissent,
nous les attendrons.
Le roy, par la grande instance qu'il en a faicte, leur
a moyenne deux mois de trefve , c'est à dire de ces-
sation d'actes d'hostilité : nous ne sçavons et ne voyons
qu'avec raison ils puissent demander dadvantage de
leur ami.
Nous avons veu la response qu'il a pieu au roy de
leur faire , ce qu'ils ont demandé que la paix ne se re-
soleust sans eulx; nous jugeons que ceste response est
pleine de prudence et de toute raison. Ces gens cher-
chent de faire leur profîct de nos malheurs, et sur-
tout la royne d'Angleterre, qui ne peult desmordre
ceste passion d'avoir Calais, et pour le moins empes-
cher que nous ne l'ayons. Puisqu'elle juge que c est
chose si bonne d'avoir ceste place , nous sommes d'ad-
vis que nous la gardions pour le roy et pour ses enfans.
A M. DE VILLEROY. 483
Nous avons considéré le Mémoire que vous avés en-
voyé des demandes que doibt faire l'ambassadeur d'An-
gleterre : nous en avons ouvert le propos à MM. Ri-
chardot et de Taxis.
Quant au renouvellement de tous les traictés prece-
dens , c'est chose où il ne se trouvera difficulté , comme
aussi de passer que qui a perdeu a perdeu. Quant à la
restitution des deniers que ladicte royne a preslés aulx
estats qui feurent teneus à Bruxelles en l'an iS^y, ils
disent que ce n'a pas esté pour le service du roy d'Es-
paigne , et soubstiennent que ce n'est pas chose rai-
sonnable , et qu'elle a des bagues dudict roy en gage
qui vallent plus que son argent : nous leur avons dict
qu'il ne fault pas que pour argent ceste paix se rompe ;
la grosse corde sera de Flessingue; ladicle royne la
veult restituer aulx Provinces Unies qui la lui ont des-
posee. En cela, il y a apparence; mais il est malaisé
que le cardinal s'y accorde ; car Flessingue est la clef
d'Anvers. Si les provinces estoient comprises en ceste
paix, nous aurions opinion qu'elle pourroit rendre au
roy d'Espaigne Flessingue, et ce seroit peult estre le
plus court moyen pour pai'venir a ceste reconciliation.
Il est question de l'argent que ladicte dame a preste
aulx estats. Nous avons opinion qu'en cela on pou voit
negotier quelque chose , cependant que le cardinal
peult user de la bourse du roy d'Espaigne , qui a ce
but de s^establir avec sa fille aisnee en la possession
des Pays Pas : s'il estoit mort , comme il est fort caduc,
il n'est pas à croire que son fils ouvrist si aiseement la
bourse , qui se sentira assés grevé de se voir frustré
desdicts Pays Bas.
Monsieur , nous attendons d'heure h aultre la res-
ponse que le cardinal d'Autriche fera à ses députés
484 LETTRE
sur la diminution de la garnison de Blavet , ainsi qu'ils
nous ont promis qu'il fera; mais ils attendent l'ordre
qu'il veult estre donné en cela, dont nous vous adver-
tirons incontinent.
Ils disent avoir ici besoing de passeports pour en-
voyer des courriers en Espaigne et à Blavet. Le passe-
port que vous nous avés envoyé est pour ung gentil-
homme , et pour la diligence ils veullent despescher
ung courrier ; nous escrirons , afin qu'il passe seure-
ment avec le passeport que nous avons ; envoyés nous
en, s'il vous plaist, six ou huict pour des courriers, et
ung ou deux pour des gentilshommes. Il fault manier
ce faict vifvement ; nous ne dormirons de bon sommeil
que nous ne voyons le roy dedans Calais et Ardres ;
nous tirerons ceste charrue avec vous , estant bien de-
hberés de vous faire perdre l'opinion que nous sommes
paresseux.
Il y a l'ambassadeur de Savoye qui désire retourner
en Savoye par la France. Il mené sa femme qu'il a prise
depuis qu'il est veneu pour ceste légation; c'est la
veufve du feu comte d'Egmont, qui feut tué en la ba-
taille d'Ivry. Cest ambassadeur a ici vingt cinq chevaulx;
sa femme aussi, qui est de la maison d'Horne, a du
train ; il demande passeport pour quarante chevaulx.
Les depu tés d'Espaigne désirent qu'il plaise au roy d'en-
voyer quelques passeports au gouverneur de Bayonne,
pour les courriers que le roy d'Espaigne vouldra des-
pescher en ces quartiers ; le mesme désire l'ambassa-
deur de Savoye, que l'on envoyé des passeports à M. de
La Guiclie pour les courriers que ledict duc de Savoye
vouldra envoyer en ce lieu; ce qu'il vous plaira de
considérer. Enfin, il y aura de la longueur, si nous
ne les accommodons des chemins.
A M. DE VILLEROY. 48?)
Comme vous verres par la lettre du roy , nous nous
sommes deffendeus tant qu'il nous a esté possible de
comprendre M. d'Aumale au traicté particulier : nous
estimons , puisqu'il plaist au roy de le retirer , que le
meilleur est de le favoriser d'une lettre qui lui puisse
donner contentement.
Nous ne debvons obmettre à vous dire que le service
du roy requiert et demande que la ratification soit ici
envoyée le plus tost que faire se pourra ; sans cela nous
ne pouvons avoir les ostages, ni haster en aulcune fa-
çon la restitution , comme nous vous avons ci devant
escrit.
Auparavant que de restituer , il est accordé qu'on
les contentera du serment; s.'il fault qu'ils aillent en
Bretaigne pour jurer, il ira beaucoup de temps, et la
restitution sera reculée.
Le retour du roy en ces quartiers nous feroit gai-
gner le temps qu'ils seront contraincts de mettre au
voyage, et donneroit chaleur à la negotiation.
Il est à propos que le roy ordonne de ceulx qu'il
veult employer pour estre presens au serment du car-
dinal d'Autriche. On peult mettre en considération qui
le fera le premier. Je ne m'arresterois pas h ceste cé-
rémonie, s'il ne tient qu'à jurer que le roy n'aye ses
places ; il fault plus tost faire ressusciter M. d'O.
Monsieur , nos deux précédentes despesches satisfont
à ce que vous désirés de nous par la vostre du dernier
du mois passé, à quoi nous nous remettions, et à la lettre
que nous avions escrite, quand le courrier nous a ren-
deu vostre despesche; adjousterons seulement que nous
craignons que le voyage que le roy faict à Rennes
n'apporte reculement à la restitution des places. Faictes
entendre , s'il vous plaist , à sa majesté que son retour
liSG LETTRE
en ces quartiers est très requis pour advancer l'exécu-
tion de ce qui nous a esté promis. S'il fault que ces
gens aillent en Bretaigne pour prendre le serment, ce
ne sera jamais faict. Nous vous supplions de penser à
cela comme chose très importante et nécessaire.
Nous ne voyons pas que ceste affaire se puisse tenir
plus secrète de nostre part : nous y faisons le possible ;
mais nous ne tenons pas les langues des aultres. Consi-
dérés s'il n'est pas à propos que le roy en advertisse ses
confédérés, auparavant que de recevoir leurs plainctes.
On nous escrit que Ton accourcisse le temps de la resti-
tution : quand des aujourd'hui mesmes l'on commen-
ceroit là l'exécution , c'est tout ce que l'on pourroit
faire d'en venir à bout dans le temps promis.
Monsieur, il est nécessaire que M. deBerny ne tarde
à nous remporter la ratification , afin que, l'ayant entre
nos mains, nous soyons plus hardis a solliciter les dé-
putés d'Espaigne de l'exécution de leurs promesses ,
et par ce moyen , nous essayerons si le temps se peult
accourcir, dont nous ne serons hors d'espérance, si en
toutes choses l'on se conduict comme l'on doibt faire;
et cependant nous pryons Dieu , etc.
Du 7 mai iSgS.
CLXVIL — -^ LETTRE
De MM. de BelUe^^re et de Slllery au roy.
Sire, ayant escrit nostre aultre lettre, nous avons
receu la despesche de vostre majesté du i" de ce mois,
par laquelle il plaist à sa bonté nous tesmoigner si
favorablement le contentement qu'elle reçoit du fidèle
AU ROY. 487
service que lui avons peu faire en ceste negotiation
de paix, que nous en louerons Dieu tout le temps de
nostre vie , et en remercierons vostre majesté avec
toute l'humilité que peuvent et doibVent obcissans sub-
jects à leur bon roy et leur bon maistre. La gloire soit
à Dieu , qui contineue d'assister de ses grâces les bonnes
intentions de vostre majesté ; nous sommes veneus à
bout du plus grand, plus espineux et plus important
affaire qui ait esté traicté en la chrestienté depuis cent
ans ençà. Vostre majesté a l'honneur d'avoir remis en
son entier ceste grande monarchie de France par ses
armes et par sa vertu ; maintenant il plaist à Dieu
d'honorer vostre bonté de ceste couronne de gloire,
que par sa prudence elle donne la paix et le repos non
seulement à ce sien royaulme de France, mais aussi à
tout le surplus des provinces chrestiennes. Nous pryons
Dieu, sire, de vous continuer et accroistre ce con-
tentement, prolonger vos jours en sa grâce, tout heur
et félicité, et mettre au cœur de vos subjects et de
toute la chrestienté de recognoistre avec gratitude le
bien de ceste heureuse paix, que vous leur avés donnée
et moyennee. .
Sire, nous avons veu ce qu'il plaist à vostre majesté
de nous escrire, qu'elle a dict le 24 ^^ ^^ ^^^ mois
passé à l'ambassadeur d'Angleterre qu'elle ne ratifiera
poinct les articles de ceste paix de quarante jours
après; nous avons signé les articles le 2 de ce mois.
Le 2 de juin escherra le jour que nous avons promis
de fournir la ratification. Depuis le jour de la promesse
de vostre majesté jusques au 2 juin il y a trente liuict
jours ; il ne resteroit que deux jours pour faire les
quarante, d'où nous sortirons.
Mais, sire, nous estimons qu'il est du tout requis
4<^B LETTRE
pour le bien rie vostre service, que nous ayons ici au
plus tost la ratification, qui pourra eslre envoyée es-
tant la date en blanc, que nous remplirons, ainsi que
vostre majesté nous le commandera , estant besoing
que nous fassions voir à ces députés d'Espaigne que
nous l'avons entre les mains, et par ce mesme moyen
les bastions d'accomplir leurs promesses, conservant
la fiance qu'ils ont pris de nous, nous ayans trouvés
tousjours en toutes cboses fort véritables, qui est Tune
des cboses qui ont autant servi que nulle aultre a faire
arrester les entreprises que le cardinal pouvoit avoir
sur vos places, et à effacer les mauvais bruicts que les
Hollandois leur voulloient imprimer, que vostre ma-
jesté, ayant recouvert ses places, estoit resoleue du tout
de continuer la guerre et leur protection ; nous avons
servi en cela au mieulx que nous avons sceu, et ferons
le possible pour leur faire perdre ceste opinion.
Sire, nous avons veu ce qu'il plaist à vostre majesté
de nous commander toucbant Blavet; lesdicts députés
attendent sur cela response du cardinal archiduc leur
maistre. Nous leur en ferons encores une forte re-
charge , et au premier jour nous advertirons vostre
majesté de ce que nous aurons peu obtenir, la sup-
pliant très humblement de nous voulloir tousjours con-
tinuer au nombre de ses plus fidèles et plus obeissans
serviteurs, etc.
Du 7 mai lÔgS.
A M. DE VILLEROY. 4^9
CLXVIII. —-V- LETTRE
De MM. de Bellievre et de Silleij a M. de VUleroy.
Monsieur, ce nous a esté une grande consolation
de voir, par la despesche que le courrier La Fontaine
nous a apportée, la faveur qu'il plaist à sa majesté de
nous faire, agréant si favorablement l'humble service
que nous lui avons peu faire en ceste negotiation de
paix ; il n'y a rien qui nous peust advenir dont nous
receussions plus de contentement : la plus grande re-
compense qu'attend ung fidèle serviteur est l'honneur
des bonnes grâces de son maistre. Nous recognoissons
particulièrement combien en cela nous vous sommes obli-
gés, qui avés avec toute sincérité et candeur représenté
au roy la peine que nous avons ici prise pour son ser-
vice; nous vous en remercions, monsieur, bien hum-
blement , vous pryant de croire que nous n'en aurons
jamais le cœur ingrat. Sur ce nous saluons, etc.
Du 7 mai iSgS.
CLXIX. — ^ LETTRE DE M. PELES ASON
A M. Duplessis,
Monseigneur , mon partement a esté retardé jusqties
au 1 5^ de ce mois, pour avoir moyen de composer
avec ung gentilhomme, qui désire avoir une pièce des
anciennes aliénations , appellee la Prevoste Sainct
Yriejr, de laquelle il m'a faict offrir trois mille escus ,
en lui rendant arrest en main fixe, qui est aisé,
49^ LETTRE DE M. PELESASON, etc.
comme je vous ferai entendre estant par de là. Je ne
l'ai voulleu faire moins de quattre mille escus, à la-
quelle je m'asseure qu'il monstera. Nous nous debvons
assembler le i4'' de ce mois; et le lendemain je partirai,
Dieu aidant.
De Brissac, ce 8 mai iSgS.
^^■^ * ^'f''*'^ ■^-'•'^ ^■''%'^ "»-^*''% 'm^'*.^» V"*.-^ 'x*'»*'»-».-^^^ ^,-^.^-v %.'%»'^ "^'^.^ -^
CLXX. — ^ LETTRE DU ROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messifurs de Bellievre et de Sillery, vous m'avés
faict ung très signalé et agréable service d'avoir concleu
et signé nostre traicté de paix , ainsi que vous m'avés
escrit par vostre lettre du 2 de ce mois, que j'ai receue
le huictiesme. Je vous remercie de tout mon cœur du
bon debvoir que vous y avés faict ; il a respondeu à
mes espérances; car quand je vous cboisis pour def-
fendre ma cause, je ne m'en promettois pas moins que
cela. Soubvenés vous de ce que je vous dis à vostre par-
-tement, et je me soubviendrai à jamais, pour le re-
cognoistre envers vous et les vostres, de la fidélité, pru-
dence et diligence dont vous m'avés servi en ceste
occasion.
Vous avés esté advertis par nos précédentes de la
promesse qu'ont tirée de moi les ambassadeurs d'An-
gleterre , et depuis du peu de compte qu'ont faict les
députés des estats des provinces unies des Pays Bas de
la cessation d'armes de deux mois que vous avés avec
tant de peine obteneue pour eulx. Quoi voyant, il m'a
semblé que je n'estois obligé à celer plus long temps
la conclusion dudict accord , puisque nous n'avions de-
LETTRE DU HOY , etc. 49 ^
sirë qu'il feust teneu secret que pour la seule considé-
ration de mes alliés.
Pour ceste cause estant contrainct , pour advancer
l'exécution dudict accord , de partir de ce pays dans peu
de jours, j'ai voulleu annoncer ceste bonne nouvelle aulx
estats d'icelui , que j'ai trouvés assemblés en ceste ville à
mon arrivée en icelle , pour les délivrer de l'appréhension
en laquelle j'ai recogneu qu'ils estoient du fort de Blavet,
croyans que je leur laisserois ceste espine au pied, la-
quelle à la longue pouvoit les incommoder peult estre
plus qu'ils ne l'avoient esté des armes du duc de Mer-
cœur; et fault que je vous die que jamais je ne vis
gens plus aisés et contens qu'ils ont esté de ceste reso-
lution; mais il fault donner ordre qu'eulx et moi jouis-
sions des effects d'icelle dans le temps qui a esté con-
veneu, et que cependant les Espaignols retranchent la
garnison dudict Blavet au nombre que je vous ai ci de-
vant mandé, et qu'ils ont accordé, afin que je puisse
délivrer le pays de gens de guerre qui y sont demeu-
rés, comme je vous ai escrit par ma dernière, sur la-
quelle j'attends vostre response en bonne dévotion ;
car je fais estât de partir de ce pays dans la sepmaine
prochaine pour retourner à Paris, et delà, sans m'arres-
ter à Amiens, pour vous voir et effectuer vostre conseil,
ce que vous avés promis pour moi ; et je serois très aise
de voir la réduction de Blavet faicte devant que de
m'en esloingner, pour laisser le pays en plein repos. Je
suis asseuré que vous y avés travaillé de façon que je
recevrai bientost le contentement que j'en attends.
Au reste, je me suis reposé sur l'advis que vous
m'avés mandé que vous donneriés à mon cousin le
connestabie et à mon nepveu le duc de Nevers , de la
cessation d'armes; de sorte que j'en ai adverti seulement
492 LETTRE DU ROY, etc.
les gouverneurs de Bourgoigne, Bresse, Lyonnois ,
Daulphiné et Provence, ainsi que je vous ai escrit par
La Fontaine. Toutesfois je leur en ferai une recharge
des aujourd'hui ; mais aussi j'entends que les aultres
fassent le sembiahle de leur costé , car c'est à ceste
condition là que je Tai commandé, et ordonnerai en-
cores aulxdicts gouverneurs d'observer ladicte cessa-
tion.
Mais je me resjouis grandement de la promesse que
vous a faicte mon cousin le cardinal de Florence, légat
de nostre sainct père , de ne partir de Vervins que je
ne lui aye dict ma volonté ; car je suis asseuré que sa
présence facilitera grandement l'exécution de nostre
accord. Partant, après l'avoir remercié de la peine qu'il
a prise pour moi par la lettre que je vous envoyé pour
lui présenter, je le prye me donner encores par delà le
temps qui m'est nécessaire pour me rendre jouissant
entièrement du fruict de ses labeurs, l'asseurant que
je me rendrai si près de lui dans la fin de ce mois, que
je le remercierai moi mesmes du plaisir qu'il m'aura
faict , dont vous le fortifîerés en ce propos selon mon
désir ; et j'en remercierai nostre sainct père par ma
première, lui donnant bon tesmoignage de l'obligation
que j'ai audict sieur légat pour sa bonne et heureuse
conduicte en ce traicté.
J'ai jà faict aussi l'office pour le père gênerai des
cordeliers, comme vous m'en avés escrit; et vous as-
seuré que je le verrai volontiers jouissant de la bonne
recompense que je lui souhaite, et qu'il a très bien
méritée, ainsi que vous lui dires. Je prye Dieu, etc.
Du 9 mai 1698.
I
LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc. 493
CLXXI.—^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messteurs, jamais despesche ne feut receue ni veue
avec plus de contentement qu'a esté vostre lettre du
1 de ce mois , que nous avons receue le 8 entre ci et
Nantes, ayans esté asseurés par icelle de la conclusion
et signature de la paix. Cela faict resouldre sa majesté
de ne demeurer ici que trois jours; de sorte qu'elle en
partira mercredi pour retourner par le droict chemin
à Paris, et de là à Amiens. Partant, j'espère que nous
vous verrons bientost, avec l'aide de Dieu , pour vous
rendre compte de toutes choses.
Nous porterons la ratification de tout ce qui a esté
faict par vous telle qu'il convient ; mais le roy a esté
conseillé de manifester ici ledict accord, parce que plu-
sieurs murmuroient de ce qu'il laissoit Blavet en Testât
qu'il est; et vous asseure que nous avons trouvé ceste
province si desbauchee que, si cest appui d'Espaigne
leur feust demeuré, le roy y eust esté très mal obéi. Le
bon Dieu soit donc loué du bon remède que vous y
avés donné , par lequel vous avés obligé la France à
honorer et à bien dire à jamais de vostre diligence,
prudence et de vostre nom ; je m'en resjouis grande-
ment avec vous, comme celui qui est le plus fidèle de
tous vos amis et serviteurs.
Vous pryant bien fort de vous soubvenir de faire
pourvoir au retranchement de ladicte garnison dudict
Blavet, pour les raisons que sa majesté vous a jà escrites
et vous répète par sa lettre.
494 LETTRE DE M. DE VILLEROY , etc.
M. de Lesdiguieres a esté par nous adverti de ce que
vous nous avés mandé pour M. le marquis de Crequy.
Mais M. de Bouillon est en doubte si vous avés eu
soubvenance de ce que nous vous avons mandé qui le
concerne , parce que vos lettres n'en font poinct men-
tion. Il s'est très bien remis auprès du roy, ainsi que je
vous dirai quand j'aurai ce bien de vous voir. Je prye
Dieu, messieurs, etc.
Du lo mai lôgS.
CLXXII. — -^LETTRE DU ROY
A M. le légat.
Mon cousin , j'espère vous voir bientost , et moi
mesmes me conjouir avec vous de l'heureuse fin que
Dieu a donnée à vos travaux et longues poursuites pour
la paix publicque de la chrestienté, de la conclusion de
laquelle mes ambassadeurs m'ont donné advis. Cepen-
dant je n'ai voulleu différer dadvantage à vous remer-
cier de l'affection avec laquelle ils m'ont faict sçavoir
que vous avés embrassé et favorisé tout ce qui me con-
cerne, et vousasseurer que je m'en ressens si extresme-
ment obligé à nostre sainct père, et à vous en particu-
lier, que je n'en perdrai jamais la mémoire, et ne serai
content ni satisfaict qu'il ne se présente occasion de
m'en revancber, et le recognoistre au contentement de
sa saincteté et le vostre , comme vous diront plus au
long mesdicts ambassadeurs. Et tant je prye Dieu, mon
cousin, etc.
Du lo mai lôgS.
MEMOIRE , etc. 495
CLXXIII. — ^ MEMOIRE
Baillé à M. de Pierrefile , allant a Rennes ^ le 10 mai
i5(j8, par M. Duplessis,
1°. Sa. majesté a tousjours entendeu que SainctPhal,
avant toutes choses, se rendroit prisonnier. Et est à
requérir, suivant les precedens evenemens, que ce sera
au chasteau d'Angers, cas que le roy ne vinst à An-
gers, à ung chasteau tenant lieu de prison, eu esgard
que le crime y a esté commis. Fault donc sçavoir si sa
majesté Tentend pas encores ainsi ; sinon le sieur
Duplessis n'auroit subject de contentement , d'autant
que ceste façon de se représenter à sa majesté ne tien-
droit rien de criminel. Ores est il de la satisfaction du
sieur Duplessis , tant au regard du roy que de lui
mesmes, que ce faict soit recogneu et traicté comme
crime, et la suite de la procédure, qui se termine par
ung pardon du roy, le veult ainsi.
1". A esté tousjours proposé ci devant au sieur Du-
plessis et à lui mandé, que sa majesté, et plusieurs fois
mesme par Hesperien , que sa majesté entendoit que
Sainct Phal demandast pardon au sieur Duplessis, le
genouil en terre; ce qui n'est ici observé, oii il ne le
fait qu'en considération de sa majesté, et se levé aussi-
tost pour parler au sieur Duplessis. Est à considérer
que, quand il auroit faict pareille offense au moindre
gentilhomme de France, il la repareroit par lui de-
mander pardon et se soubmettre à une semblable.
Partant ne peult moins que de mettre le genouil en
terre, demandant pardon au sieur Duplessis, veu ses
49^ MEMOIRE
qualités et les circonstances de l'oultrage, faict de guet
apens délibéré , comme il le recognoist. A tout le
moins , lorsqu'il prononcera ces mots : Tout me faict
vous supplier de le me pardonner, et me soubmets, etc. y
le sieur Duplessis neantmoins qui ne veult, quelque
offensé qu'il soit, prendre les choses à la rigueur, se
contente, soubs le bon plaisir de sa majesté, de le rele-
ver tout aussitost.
Poursuivant maintenant Texamen de l'escrit conte-
nant ce que ledict Sainct Pbal doibt prononcer au sieur
Duplessis.
3°. Il commence par ces mots : Ayant sceu que
vous aviès faict ^ etc. y où il prend ung faulx fonde-
ment, car le si^ur Duplessis n'escrivit ni manda jamais
rien de Sainct Pbal à sa majesté , comme elle peult
tesmoigner et a jà tesmoigné, ni mesme à aultre quel-
conque. Et cependant, présupposant cela, on faict le-
dict sieur Duplessis premier offensant. Partant il ne
peult agréer ces mots, sans approuver cbose fausse et
se faire tort. Il pourroitdonc estre ainsi revisé: M' ayant
este dict que vous aviés faict quelque rapport de moi
au roy , etc. , ce que f ai sceu toutesfois depuis estre
faulx.
4*^. Ces mots honnestes langages doibvent estre
éclairés, parce qu'on ne pourroit penser que le sieur
Duplessis l'avoit vouUeu adoulcir par paroles moins
que véritables. Il fault adjouster ces mots : Mesme
m' offris tes, si vos propos ne me contentoient , de m'en
faire la raison quand et en telle façon que je voul-
drois. Ce que ledict Sainct Pbal ne peult nier lui avoir
esté répété par trois fois, et y en a de bons et suffisans
tesmoins.
5". Qui vous voulloient garantir. Fault au moins
PAR M. DUrLESSIS. [^^j
adjouster des miens; car, premier que ledict sieur se
peust relever, ce qu'il eust l'espee en la main, ils lui
tirèrent à terre plusieurs estocades.
6". Ung pareil coup. ^'s,\. à sçavoir si le sieur Duplessis
ne doibt pas à ces mots avoir ung baston en main; et
qui le lui baillera , si ce sera la partie mesmes. Semble
ainsi y désirer estre adjousté : ou de subir telle autre
satisfaction que sçauriés désirer de moi, veu qu'ung
premier coup ne s'abolit que par ung semblable.
7°. Ces mots demeurer amis me semblent à propos.
8^ Si prodigieusement offensé ung conseiller d' es-
tai, etc. Est besoing de dire : Ung gentilhomme de
telle qualité que vous , mes me conseiller d' estât et
exerçant une commission , etc. Aultrement semble-
roit -que la punition ne lui feust deue qu'à cause de
ceste qualité , sans avoir esgard à la nature de l'acte et
à la qualité personnelle et naturelle du sieur Duplessis.
Apres que Sainct Pbal aura parlé , requiert le sieur
Duplessis que les parens assistans sa majesté, pryent
le sieur Duplessis, par la boucbe de l'ung d'eulx , par-
lant pour tous , de se voulloir contenter de ceste sa-
tisfaction.
9^. Retournant maintenant à la suite du premier
mémoire , il est dict par la voje d'honneur^ ce que
le sieur Duplessis ne peult approuver, parce que ces
mots voje dhonneur s'interpresteroient de la voye du
duel. Ores a il tousjours esté présupposé que cest at-
tentat est ung crime, non réparable par ceste voye, et
a tousjours esté dict au sieur Duplessis, par tous ses
amis, qu'il se feroit tort de Tappeller, à quoi il sem-
bleroit maintenant se soubmettre, par conséquent
avoir failli de ne l'avoir plus tost faict. Et pourtant se
pourroit l'article coucber en ces mots : M. Duplessis
i\ÏÉiVr. DE DuPLRSSrS-MoRNAY. ToME VIII. 3^
49^^ MEMOIRE
suppliant le roj de lai permettre , pour ce qui con*
cerne son faict particulier, d'en tirer sa raison dudict
sieur de Saine t Phal y par les vojes en tel cas accous-
tumees entre personnes de sa profession et qualité ^
comme ilscaura le faire , et neantmoins , pour l'offense
faicte a sa majesté , qu'il la supplie très humblement
de la lui pardonner.
io°. Le roy lors ^ etc. Semble que cest article est
cruement couché, en ce qu'il déclare trop affirmative-
ment la pretendeue suffisance de la réparation , et qu'il
passeroit mieulx comme il s'ensuit ; Le roj lors fera
cest honneur audict sieur Duplessis de lui dire _,
qu'attendeu la soumission dudict de Sainct Phal^ sa
jeunesse, et la prjere instante de leurs communs
parens y il se doibt contenter de ces te réparation y et
quil len prye et le lui commande , mesme pour ce
quilj va de son service de voir assoupir des animo-
sités e titre ses serviteurs de telle qualité (car il fault
fuir le mot de querelle en tout cest affaire); et pour
ce qui est de V offense de sa majesté (qu'elle sçait
bien recognoistre telle qu'elle est) , qu'elle f pour-
vojera selon qu'elle verra estre a faille.
1 1^. Lors M. Duplessis dira audict de Sainct Phal
que y puisqu'il plais t a sa majesté y recognoistre le
bien de son service y il lui pardonne par son com-
mandement et a lapryere des parens communs d'eulx
deux. C'est aussi en ce lieu où il fault que le sieur Du-
plessis ait le baston en main, duquel, en pareil cas,
on faict signe de frapper, sans toutesfois le faire. Et
fault s'enquérir comment on entend qu'en ce poinct il
ait à se gouverner.
Est besoing de sçavoir en quels termes sa majesté
aura à faire ceste remonstrance , parce qu'en iceulx
PAR M. DUPLESSIS. 499
paroist partie de la satisfaction du sieur Duplessis ;
sçavoir, lui prononcer qu'il auroit mciité de perdre
l'honneur et la vie, et qu'il en estoit en beau chemin,
mais qu'il lui pardonne et lui en faict grâce , par la
pryere du sieur Duplessis, et commandera lui en estre
expédié un g pardon.
i3°. Et semblable erreur. Ces mots sont trop doulx
pour l'acte et pour ung roi justement courroucé: crime
seroit le propre mot.
Et parce que M. de Bouillon parle d'ung pardon qui
doibt estre expédié , signé et scelle, où sera qualifié le
faict auquel seroit le principal contentement du sieur
Duplessis, est à remonstrer qu'il desireroit , premier
que passer oultre, voir quel il sera, sur quoi fondé, en
quels termes conceu et à quoi il conclura. Ores ne
fault oublier de qualifier le faict de guet apens , et
d'y reprendre le mesme narré qui est porté par les
lettres que le roy en a escrites à messieurs de la court
de parlement, desquelles est baillé copie, et seroit à
propos que M. de Villeroy, qui a dicté lesdictes lettres,
prist la peine de dresser le pardon. A qui en sera l'ad-
dresse pour l'entériner, laquelle semble debvoir estre
devant messieurs de la court de parlement, attendeu
la commission à eulx addressee.
Ilew.. Si on n'entend pas que copie authentique en
demeure es mains du sieur Duplessis, pour s'en aider,
cas que Sainct Pliai se voulleust prévaloir de l'oultrage
à lui faict, et de la satisfaction par lui acceptée.
Item. S'il ne lui demeuroit pas acte à mesme fin de
ce qui en aura esté jugé par MM. les mareschaulx,
avec clause au pied, par laquelle ils certifient qu'en
pareil cas ils se contenteroient de pareille satisfaction.
Pense en oultre le sieur Duplessis , quand on sera
5oo MEMOIRE
conveneii de tout ce que dessus, et que Sainct Phal
se sera rendeu prisonnier, que sa majesté lui debvra
faire cest honneur, puisqu'il lui a pieu de prendre
soing de cest affaire, d'envoyer ung gentilhomme de
qualité vers lui pour le rendre capable de sa volonté.
Aussi qu'en mesme temps l'ung des plus qualifiés pa-
rens dudict Sainct Phal vienne trouver le sieur Du-
plessis, au nom de tous les parens, pour le pryer de
ne s'y i"endre difficile : ce qu'ils ne peuvent refuser,
l'ayant ci devant proposé et offert.
Ce que M. de Pierrefite est pryé de dire à mes amis
en court.
M. de Pierrefite parlera à M. de Bouillon comme
estant allé pour ses affaires, et neantmoins , s'en met-
tant au propos de mon faict, lui pourra dire avoir veu
ce qu'il m'en a envoyé , en quoi je remercie le soing
qu'il lui plaist avoir de moi. Mais, sur ce qu'il s'est
plaint que je ne m'en serois poinct ouvert à lui, qu'il
peult juger en quelle façon et avec quel honneur je
l'eusse peu faire.
S'il s'enquiert ce que je juge de ce qui a esté faict,
lui dire qu'il y a quelques poincts où je m'apperçois
qu'il a mis la main ; mais qu'aussi y en a d'aultres en
très grand nombre dont je crois bien qu'il n'a esté creu ,
m'estonnant bien comment en ung oultrage si énorme
on veult tant mesurer les paroles.
Et s'il demande quels, lui dira que c'est chose qui
est malaisée de voir que sur le papier; mais, s'il lui
plaist le faire approcher, qu'il les lui remarquera au-
tant qu'il s'en pourra soubvenir, ne lui dissimulant
poinct que, pour la confiance de son amitié, il n'y de-
mandast au partir ce qu'il auroit à lui en dire, il n'au-
roit trouvé mauvais qu'il s'expliquast à lui, mais non
PAR M. DUPLESSIS. 5oi
h d'aultres, s'informant si tel acte est réparable par
paroles, de ce qu'il en jugeoit; sauf à M. de Villeroy,
auquel sa majesté se seroit tousjours addressee pour
les expediens concernans cest affaire.
Si, après ceste il veult que le roy en
parle à M. de Picrrefite, est à propos de ne l'en dédire
poinct , et de rendre et remuer sa majesté capable des
mesmes choses, laquelle, y a appareîice, le question-
nera mesme en propos , des qu'elle le verra , ce qui
viendra encoresmieujx; et lors n'oubliera, s'il lui plaist,
à lui dire que ce qui 'accroist mon desplaisir est de me
trouver par ce malheur moins utile à son service.
Le mesme , vers MM. de Scbomberg et de
sauf qu'il fault qu'il vienne d'eulx de montrer le pa-
pier, et d'eulx mesines ils ne descouvrent que M. de
Bouillon me l'ait envoyé.
M. de Villeroy, parce qu'il n'est juge en cest affaire,
mais ami , lui dire franchement toute ma prétention , et
le supplier de m'y tenir la main; et parce que je m'ap-
perçois que le roy incline plus à ceste heure qu'à l'aul-
tre, qu'au moins si le public y perd l'utilité d'ung grand
exemple en mon particulier, mon contentement y soit
si évident et si plein qu'il ne m'en puisse rester, ni
aulx miens, aulcung remords.
S'il s'enquiert si j'ai receu la commission et les
lettres pour les officiers de Tours, lui pourra dire
qu'oui ; mais que j'aurai tant déféré à ces lettres que
je ne les avois encores envoyées à Tours, attendant si
je verrois chose d'ailleurs qui me deust esmouvoir; ce
que n'ayant veu en ce qui m'a esté envoyé, j'estimois
qu'il n'y avoit mal d'advancer ung affaire, lequel se
pourroit tousjours ou allentir ou accroistre quand on
attendoit inieulx.
502 MEMOIRE PAR M. DUPLESSIS.
M. de Rhosiiy , M. de Pierrefite est en oultre pryé
de se ressoubvenir de ce qui me feut proposé par M. de
Schomberg, dont feut faict ung escrit par M. de Cali-
gnon , lequel estoit plus advantageux , parce qu'on
en avoit ce qu'il peut alléguer au roy,
que lors niesnie lui dict qu'il parlast audict sieur de
Schomberg sur ce subject. Aussi à MM. de Bouillon,
de Scliomberg et de Villeroy mesmes prendre
de là que M. de Schomberg le lui monstre et baille à
considérer pour en retirer quelque copie. Ledict escrit
présupposant confession de la partie de tout le faict,
jugement de MM. les mareschaulx, portant peine de
mort; gens du roy intervenans en ma faveur, en estant
pryé par les communs parens et pour ma satisfac-
tion, le genouil en terre, avec soubmis-
sion d'en recevoir autant, moi tenant le baston en la
main, etc.
CT.XXIV. — ^ LETTRE DE M. DE BUZENVAL
^ M. Duplessis,
MoNSTFUR , nous envoyons ce courrier au roy, pour
lever quelque accroche qui s'est rencontré en ung af-
faire que ces messieurs avoient en ce lieu. Vousjugerés
assés, par ce commencement, que c'est en matière de
finances où les espines naissent sans y estre plantées.
Ils partent de ce lieu dans deux jours pour poursuivre
leur voyage. Ils descouvrent journellement nouvelles
occasions de se haster; car on tient nostre haste pour
course , encores que M. de Villeroy, par sa lettre du 6,
n'en parle pas si résolument. Mais toutesfois il me
LETTRE DE M. DE BUZENVAL, etc. 5o3
semble en approclier plus qu'il n'a faict par toutes ses
précédentes. Les advis et lettres, que nous avons ici
trouvés des Pays Bas, nous menacent de quelques esmo-
tions en quelques endroicts, si on n'y prévoit d'heure
et bien sagement. Les ennemis y renforcent leurs prac-
tiques. Desjà quelques accidens arrivés en la ville
d'Utreclit ne nous présagent rien de bon de ce costé
là. Vous sçavés ce que je vous ai dict de do nostro
heroe qiio nihil ÀTohiriKîVia-fjLîv. Il est bien tard d'ap-
prendre ceste science, en laquelle son père a tant ex-
cellé. Mais de nos crainctes et de nos espérances tou-
chant ce subject, vous en aurés de plus solides discours
de ceci quand je serai sur les lieux. J'ai leur response
de ce que j'avois escrit à M. de Bouillon , sur vostre
affaire, quand je partis de Saulmur. Je vous envoyé
sa lettre raesmes. Madame la princesse d'Orange m'es-
crit qu'elle sçait de bon lieu que vous en sortirés avec
vostre honneur bientost. C'est, monsieur, le meilleur
et le plus grand désir que j'aye pour le présent. J'ai
veu ce matin M. le mareschal de Biron, qui partoit en
poste pour aller en Picardie , ou il asseure la paix.
Tamen nihil nisipugnat et exercitus narrât. S'il estoit
creu , les Espaignols auroient encores de ia besoingne
pour long temps. Sans doute nous les garantissons
d'une grande ruyne, et ouvrons la porte au cardinal
pour aller quérir sa chère espouse. Faictes moi cest hon-
neur de m'aimer et de me tenir tousjours pour celui
que avés cogneu et jugé digne de vostre amitié.
A Paris , ce j o mai \ 698.
5o4 LETTRE DU ROY
CLXXV. -—^LETTRE DU ROY
Au pape ^ esc rite de sa main.
Très sainct père , puisque Dieu nous a donné la
paix par le moyen de vostre saincteté, il est bien raison-
nable qu'après en avoir loué sa divine majesté comme
j'ai faict de tout mon cœur , je ne diffère dadvantage
d'en remercier vostre saincteté, et me conjouir avec
elle de la gloire que ce bon œuvre adjoustera aulx pré-
cédentes de son heureux pontificat, qui ne rendra la
mémoire de son sainct nom moins recommandable à la
postérité que ses vertueuses et sainctes actions nous
obligent tous à l'honorer , servir et aimer.
Je supplie donc vostre saincteté trouver bon que
mon ambassadeur s'acquitte de ce debvoir envers vostre
saincteté pour erres de ma gratitude, en attendant que
j'y satisfasse publicquement , comme je ferai, avec la
grâce de Dieu, quand il sera permis de manifester îe-
dict traicté qui s'en est ensuivi , qui est certainement
deu , après Dieu , à vostre saincteté, à la prudence de
son très fidèle et affectionné légat, mon cher cousin
et ami, et à la diligence du père gênerai de Tordre de
Sainct François. Très sainct père , c'est ung tesmoignage
que nous debvons tous ensemble à leur vertu et mérite,
mais auquel je recognois estre , en mon particulier,
plus atteneu que nul aultre, par la bienveillance qu'ils
ont faict paroistre me porter , et au bien de mon estât
en tout ce qui s'est passé ; et comme je sçais qu'ils l'ont
faict principalement par le commandement de vostre
saincteté, je lui en rends grâces très humbles, et la
AU PAPE. 5o5
supplie aussi affectueusement avoir bien agréable que
je la requierre faire sçavoir et cognoistre à tout le
monde le gré que vostre saincteté leur en sçait, et le
contentement et la satisfaction qui lui en demeure ;
et je vous asseure que je participerai à la recognois-
sance et gratification que vostre saincteté leur dépar-
tira, non moins qu'à l'obligation qu'ils lui en auront,
comme dira plus amplement et fera entendre à vostre-
dicte saincteté le duc de Piney. De vostre saincteté ,
le , etc.
Du I j mai 1698.
CLXXVI. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillerj au roj.
Sire, vostre majesté aura veu par la despesche que
lui a portée le sieur de Buny , ce que nous avons ici
negotié avec les députés d'Espaigne et de Savoye,
estans, grâces à Dieu, les affaires conduicts à ce poinct
que, si vostre majesté commaudoil aujourd'hui la pu-
blication de la paix, on pourroit des demain com-
mencer à l'exécuter.
Estant le double des articles entre les mains des
députés d'Espaigne et de Savoye, ils Tout envoyé à
leurs maistres , et tenons pour certain qu'à Bruxelles
et en Savoye plusieurs sçavent ce qui a esté ici traicté,
et ne voyons pas qu'il soit possible de le tenir secret.
Il fault que les oslages que le cardinal doibt livrer
à vostre majesté soient à la frontière sur la fin de ce
mois, que la ratification du traicté leur doibt estre
baillée , et au mesme temps ils doibvent délivrer les
ostages.
5o6 LETTRE
Nous avons nommés pour ostages l'admirai d'Ara-
gon , qui est de la maison de Mendoce , et le sieur dom
Louis de la Velasco, de la maison du connestable de
Casfille , gouverneur de Milan; nous les tenons pour
les plus qualifiés Espaignols qui soient en ces Pays Bas.
Pour les deux Flamands, nous avons nommé le duc
d'Arscot et le comte d'Aremberg. Le cardinal d'Au-
triche leur doibt commander de se tenir prests pour
faire ce service au roi catholique; s'il est question qu'ils
soient en ceste frontière pour la fin de ce mois, il leur
fault du temps pour se préparer : c'est aujourd'hui
le i 2 , et demain arrive à Bruxelles l'ung des députés
d'Espaigne qui ont traicté avec nous , qui porte la no-
mination que nous avons faicte desdicts ostages , telle-
ment que par force forcée il fault que ce traicté soit
publié; et quand il ne le seroit à l'occasion desdicts
ostages , venant la ratification, il seroit aussi force de
le publier; ce qui nous meut, sire, de vous escrire
par nosire précédente, et supplier très humblement
vostre majesté d'en voulloir advertir vos confédérés,
auparavant que de recevoir leur plaincte, qu'on le leur
a votdlru celer. Sire, quand nous monstrerions des au-
jourd'hui la ratification à ces députés, cela serviroit à
faire haster leurs ostages qu'ils doibvent faire venir à
Cambray; vostre majesté commandera, s'il lui pîaist,
l'ordre que l'on doibt tenir à les recevoir, et comme
ils doibvent estre gardés, soit qu'elle le veuille com-
mander à M. le connestable ou à nous; ce mois sera
bientost passé, et n'avons plus de temps à perdre.
Sire, vostre majesté nous commande, par sa des-
pesche du i" de ce mois, de haster le faict de Blavet.
Nous n'y perdons une seule heure de diligence. Ces
députés nous ont dict qu'ils ne sçavent si le gouver-
AU ROY. 507
neur de la place faict travailler aulx fortifications ou
non. A nostre instance , ils ont escrit au cardinal
d'Autriche de voulloir commander audict gouverneur
de faire cesser les fortifications, disant qu'en cela il
peult estre excusé pour ce que jusques à présent il
n'a poinct receu de commandement.
Ils nous ont voulleu bailler ung paquet dudict car-
dinal , où avec sa lettre il y en a une du roy d'Espaigne
audict gouverneur; lui est ordonné par ledict cardinal
de réduire le nombre de la garnison, et renvoyer en
Espaigne ung terzo d'Espaignols qui n'estoient pas logés
dans la place de Blavet.
Vostre majesté nous a commandé de leur dire qu'elle
les fera accompaigner de vaisseaux pour les porter en
Espaigne , en baillant asseurance de les rendre. Ils se sont
trouvés empeschés comme ils pourroient trouver cau-
tion en France, nousremonstrans qu'en cela on se peult
fier à la parole qu'en donnera le cardinal leur maistre;
nous avons dict que vostre majesté se fieroit en lui de
trop plus grandes choses, mais que ces vaisseaux sont
à des particuliers qui vouldront avoir caution de par-
ticuliers solvables. Nous sommes tombés sur le sieur
Zamet qui est cogneu en Flandres , et, s'il en est pryé,
pourroit respondre à la restitution des vaisseaux dont
on les accommoderoit. Pour ceste occasion , le car-
dinal d'Autriche lui a escrit une lettre; s'il sçaura que
vostre majesté l'aura pour bien agréable , il se rendra
encores bien plus facile à cautionner; sans qu'en ceste
occasion on se serve dudict sieur Zamet, il seroit bien
difficile de sortir de ce passage.
Nous ne nous sommes pas voulleu charger de la
lettre que ledict sieur cardinal archiduc d'Autriche
escrit au susdict sieur Zamet, ni aussi dudict paquet
5o8 LETTRE
qu'il addresse au gouverneur de Blavet, pour en ré-
duire ladicte garnison , et en renvoyer ledict terzo
d'Espaigiiols en Espaigne, remonstrans que Ton n'au-
roit pas grand esgard aulxdictes lettres, si elles estoient
présentées par aultres que par les ministres dudict car-
dinal archiduc, •"
Pour ceste occasion , ils lui ont escrit d'envoyer
ici ung gentilhomme pour les porter, lequel nous at-
tendons pour mercredi prochain sans faulte, et déli-
bérons en mesme temps d'envoyer avec lui le courrier
La Fontaine, qui le mènera à vostre majesté pour y
recevoir le commandement qu'elle trouvera bon de lui
faire.
Ils nous ont dict avoir pryé ledict cardinal archiduc
d'y envoyer ung Espaignol qui est près de lui , et per-
sonnage d'entendement , de bon sens . et qui parle
francois.
Nous escrirons au sieur Zamet afin qu'il se dispose
de faire ce service et nous aider àhaster ceste besoigne;
ces negotiations, sire, ne permettent que ce traicté
soit teneu secret, chacung en parle en ce pays, et
comme l'on nous dict , c'est ici le lieu où l'on en
parle le moins , pour ce que l'on craint de nous of-
fenser.
M. le connestabk a adverti le gouverneur des places
d'observer, pour tout ce présent mois, ladicte cessa-
tion d'armes que vostre majesté a ordonné aulx fron-
tières.
Ceulx des villes d'Arras, de Dourlans et aultres places
du roy d'Espaigne, quelque chose que ces députés
leur ayent escrit, l'ont publiée; les peuples ne se peuvent
contenir, tant ceste paix est désirée et souhaitée. Nous
disons que ceste cessation d'armes n'est que pour ce
AU ROY. 009
mois; mais ce bruict de la paix est desjà si grand qu'on
la tient pour faicte.
' Celte faulte ne procède pas d'aulcung de vos ser-
viteurs, sire, qui ne peuvent eslre maistres en auicune
façon ni des langues ni des volontés des aultres.
Ce bruict, pour liuict ou dix jours seulement, in-
commodera quelque peu le service de vostre majesté,
mais en recompense cela lui faict donner une infinité
de louanges et de bénédictions. Nous pryons Dieu,
sire, etc.
Du 12 mai iSgS.
CLXXVII. — -V^LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sdlery a M. de VUleroy.
Monsieur , vous avés veu ce que vous a porté M. de
Berny; il ne reste rien àescrire, mais il est question
d'exécuter ce que Ton a escrit. Nous attendons la rati-
fication, et n'y a plus de temps à perdre.
Vous verres ce que nous escrivons au roy touchant
Blavet.
Il est impossible de negotier l'exécution de ce grand
affaire, et le tenir secret. Par nostre. précédente, nous
vous en avons escrit si amplement que nous n'y pou-
vons rien adjouster.
L'ambassadeur de Venise , qui est à Paris , a ici
envoyé son secrétaire pour se congratuler avec M. le
légat et les députés, de ce traicté, de la bonne resolu-
tion qui a esté prise touchant la paix.
Nous lui avons dict que nous le remercions de
tant de bonne volonté qu'il nous déclare, et quant à
5lO LETTRE
la paix que nous en avons bonne espérance. C'est tout
ce qu'il a remporté de nous ; mais faisons ce que nous
vouklrons. Je m'asseure maintenant qu'il se parle en
Italie de ceste paix plus beaucoup que l'on ne faict
ici. Quand ung mariage est faict, forcé est de souffrir
que l'on en parle ; s'il y a de la faulte de la publication
de ceste nouvelle, elle ne vient de nous, et debvons
estre excusés, puisque nous avons faict tout ce qui se
peult pour tenir l'affaire secret. Nous ne sommes pas
maistres des langues ni des volontés des aultres.
Nous avons à louer Dieu de la grâce singulière qu'il
a faicte au roy et à ce royaulme, nous donnant la plus
honorable paix qui ait esté faicîe depuis cinq cens ans
en çà, et nous nous sentons très obligés à Dieu pre-
mièrement, et au roy de l'honneur que nous recevons
d'avoir servi en chose si utile à cest estât , et à toute
la chrestienté. Une grande partie de ceste negotiation
vous est deue , qui avés si vertueusement travaillé avec
tant de jugement et de dextérité que la France vous
est obligée ; ce que nous tesmoignerons tout le temps
de nostre vie, et en quelque lieu que nous soyons;
les grandes difficultés qui se sont présentées en ceste
negotiation n'ont pas esté surmontées sans que vous
avés dormi de mauvaises nuicts. Nous scavons assés la
corruption qui est demeurée encores au cœur de beau-
coup de François, qui n'ont rien moins au cœur que
de voir le roy maistre absoleu en repos et à son aise ;
mais, Dieu aidant, il le sera malgré eulx et malgré leurs
dents; enfin on le nommera par noms et par surnoms,
et ne craindrons jamais d'avoir pour ennemis ceulx
que nous sçaurons estre ennemis du roy et de Testât.
Vous verres, monsieur, ce que nous escrivons au
roy, touchant M. Zamet. Nous estimons qu'il aura faict
A M. DE VILLEROY. 5il
la caution auparavant que ceste ci vous soit rendeue,
ce neanlmoins il n'en peult que bien advenir, si le
roy ou vous lui en escrivés. Nous Tadvertissons que
par sa procuration il ne fasse poinct de mention du
service du roy, car nous entendons que les Esj)aignoIs
seuls lui en demeurent obligés. Monsieur, si le roy
veult charger sur nous que nous avons advancë cest
affaire plus beaucoup qu'il n'eust espéré, nous avons
de fort bonnes espaules pour supporter tout ce dont on
vous vouldra bien les charger pour le service de nostre
maistre. Cependant nous nous recommandons, etc.
Du I 2 mai lôi^S.
CLXXVIII. — ^LETTRE
De MM, de Belliei^re et de Sillerj au roj.
Sire, nous feismes une despesclie à vostre majesté
le 12^ de ce mois, pour lui donner advis à quoi nous
en estions de la negotiation, touchant la redduction
de la garnison de Blavet. Ce matin les députés d'Es-
paigne nous ont dict que don Juan de Vanegas, ca-
pitaine de lances , entreteneu par la personne de Far-
chiduc, est arrivé en ceste ville, despesché par ledicl
archiduc pour se transporter à Blavet, avec charge
d'ordonner au gouverneur de la place et tous aultres
serviteurs du roy d'Espaigne de cesser tous actes d'hos-
tilité, de faire sortir du pays et se retirer en Espaigne
don Orozio avec le terzo d'Espaignols aulxquels il
commande; cpie ledict Vanegas demeurera dans Blavet
avec don Juan d'Aquila, et la garnison qui sera néces-
saire pour la garde de la place , jusques à ce qu'il ait
5 1 2 LETTRE
commandement du cardinal archiduc de la faire des-
moiir, duquel il porte lettres et pouvoirs pour ce
faire, comme aussi il porte la descharge et lettres du
roy d'Espaigne. Nous n'avons pas peu ici régler le
nombre de la garnison , pour ce que lesdicts députes
ont dict ne sçavoir de quel nombre se contentera ledict
don Juan d'Aquila, qa^ le tout est remis à ce que ledict
Vanegas en advisera avec lui. Il sera besoing que le
pays de Bretaigne s'efforce de les faire accommoder de
vaisseaux, afin que tant plus tost ils en soient des-
chargés.
Par nostredicte despesche du 12 de ce mois, nous
avons escrit à vostre majesté l'ordre que nous avons
peu adviser, afin qu'il y eust asseurance de la restitu-
tion des vaisseaux dont ils seront accommodés ; nous
en avons desjà escrit au sieur Zamet , et lui en escri-
vons derechef.
Sire, ayans escrit jusques ici, la despesche de vostre
majesté du 9 de ce mois nous a esté rendeue , par la-
quelle nous avons veu la bonne resolution qu'il lui à
pieu de prendre de communiquer à ses bons subjects
de Bretaigne, assemblés à Rennes pour la teneue des
estats du pays , Theureuse nouvelle de ceste paix qui
ne pouvoit estre plus longuement celée pour les rai-
sons conteneues en nos précédentes ; et par ce que nous
jugeons, il ne peult advenir que beaucoup d'incom-
modité, et de réputation à vos affaires , si elle sera pu-
bliée partout au plus tost que faire se pourra : nous en
avons ce matin conimuniqué avec les députés d'Espai-
gne , qui nous confirment de plus en plus l'asseurance
qu'ils nous ont ci devant donnée, qu'il n'y aura poinct
de faulte ni de retardemant à l'exécution de ce qu'ils
nous ont promis; nous ont dict que dans nng jour ou
AU ROY. 5i3
deux ung de leurs compagnons, qui est allé à Bruxelles
pardevers ledict cardinal, doibt estre ici de retour,
qui apportera la ratification, et ce qui est requis de
leur part pour commencer ladicte exécution. Ils ont
donné ordre que les ostages se trouveront à Cambray.
Il est requis de la part de vostre majesté que l'on
depnle pour les recevoir : nous ont dict que sitost
que le serment aura esté donné , qu'ils exécuteront
vifvement et de bonne foi , et nous ont laissé en
bonne espérance qu'encores qu'ils ayei.t trois mois
pour la restitution de Blavet , qu allant les clioses
par Fordic qu'elles doibvent aller, que le tout sera
restitué.
Il ne tiendra poinct à la bonne sollicitation que vostre
majesté ne soit bien servie. Nous envoyerons le cour-
rier La Fontaine avec ledict don Juan Vaneeas, afin
qu'il passe plus seurement. Les députés lui ont donné
charge de passer au lieu où sera vostre majesté , afin
que, sçachant son bon voulloir, toutes choses se puis-
sent mieulx. faire selon son contentement et son in-
tention.
Nous attendons avec impatience le retour du sieur
de Berny, qui a porté à vostre majesté le double des
accords qui ont esté ici faicts ; plus tost il nous baillera
la ratification , plus tost nous aurons les ostages, et se
donnera commencement à l'exécution du traicté. Pour
fin de lettre , nous remercions tant et si humblement
que nous pouvons vostre majesté de la grâce qu'elle
nous faict , agréant avec tant de bonté et de faveur
l'humble service que nous lui avons peu faire en ceste
negotiation de la paix, la suppliant tjes humblement de
croire que nous mourrons en ceste volonté de la bien
et fidèlement servir en tout ce que son bon plaisir sera
MÉM. DE DUPLESSIS-MORNAY. ToMR VIIT. Js>
/
5l4 LETTRE
de nous honorer de ses commandemens. Nous sup-
plions le Créateur , etc.
Du 17 mai iSgS.
GLXXIX. — ^ LETTRE
De MM. de BelUevre et de SUlerj a M. de Filleroy,
MoNSiKUR, nous avons receu vostre lettre du 6 de
ce mois, et veu le double de celle que M. de Buzen-
val a escrite au roy , contenant la response des députés
de Hollande, à l'offre qui leur est faicte en faveur et
contemplation du roy d'une suspension d'armes pour
deux mois. Ils sçavent ou doibvent sçavoir leurs
affaires, et s'en fault remettre à eulx : encores que la
peine que nous avons prise en cela ne leur serve , elle
sert à la réputation au roy qui a faict pour eulx tout
ce que peult ung vrai ami, et a hazardé les affaires
pour les accommoder. Le roy ne les a pas mis à la
guerre ; il les y a trouvés. La France a servi de bou-
clier pour recevoir les flèches qui se tiroient contre
eulx. Il v a plus d'un g an que le roy les a advertis de
sa resolution à la paix; il y a cinq mois que l'on les
attend ici de pied coi. S'ils font la guerre pour avoir
tousjours la guerre , qui seroit une damnable resokition ,
nous ne debvons poinct avoir esgard à leurs frénésies;
si c'est pour avoir la paix, le roy les a mis et met en-
cores au chemin. M. de Buzenval dict qu'ils n'ont pou-
voir d'accepter ni trefve , ni cessation d'actes d hosti- j
lile , et que, quand ils seront arrives en leur pays , le ^
temps de ceste cessation sera expiré ; il semble que ces
députés ne sont pas veneus en France pour délibérer
A M. DE VILLEROY. 5iD
avec ïedict roy de ce qui est le meilleur; mais seule-
ment pour lui dire, Faictes cela; car nous avons reso-
leu que cela est le meilleur. A la vérité nous trouvons
estrange et nouvelle ceste façon de procéder. Quant à
ce qu'ils disent que le temps de ladicte cessation sera
expire auparavant qu'ils soient en leiu^s maisons, le
temps de ladicte cessation commence le 2 de mai , et
finit le 2 de juillet. La response de M. de liuzenval est
du 3 de mai; ung jour moins , ils avoient encores les
deux mois entiers. Quelque chose qu'escrive M. de
Buzenval, je ne les tiens pas si colères qu'ils n'avent des-
pe^ché en diligence à leurs supérieurs d'Amhoise; ung
courrier ira en deux jours à Dieppe, et de Dieppe en
Hollande; comme le vent a esté bon et est encores , ils
peuvent aller en deux et trois jours : nous sçavons que
c'est de ce voyage; bien avons nous opinion qu'aupara-
vant que de retourner en leurs maisons, ils iront à
Londres h l'oracle, qui n'est pas sans quelque peine de
ce qu'il s'est trompé en ses prédictions; mais puisque
cela revient au bien âe ce royaume, il fault que nous
ayons patience : par ce que nous voyons, on nous
donne des ad vis que les Aiiglois s efforceront de traver-
ser nostre negotiation. Nous voulions espérer que tout
ce qu'ils entreprendront sera en vain ,. pourveu que de
nostre costé nous fassions ce que nous debvons. Nous
avons veu ce que nous escrivés d'une part^ d'onze
mille escus; il est bon qu'en ayons esté advert ; s'il s'en
parle, nous serons prest de response.
Depuis la despesche que vous a portée La Fontaine ,
nous vous avons escrit des 2 , 7 et 1 2 de ce mois. Vous
voyés clair au fond et à quoi nous en sommes de ceste
negotiation. JNous estimons qu'auparavant la réception
de ceste despesche, vous nous aurés renvoyé M. de
5l6 LETTRE
Berny avec la ratification ; que vous aurés aussi adfvisé
à ceulx qu'il plaist au roy de députer pour recevoir le
serment du cardinal d'Autriche. Ces députés d'Espai-
gne nous ont dict que leur compaignon , qui est allé à
Bruxelles, leur a escrit qu'il faisoit tenir preste la rati-
fication dudict cardinal , et que l'on advisoit à ceulx
qui seroient envoyés pour recevoir le serment du roy.
S'ils ont envie de nous rendre Calais, vous ne doubtés
pas que nous ne desirions encores plus qu'eulx de le
faire remettre entre les mains de celui auquel il plaira
au roy d'en commettre la charge.
Ceste place est de très grande importance au roy :
ce n'est pas à nous à donner conseil à sa majesté en ce
qui ne nous est pas commandé. Si vous dirons nous
que, pour faciliter l'exécution de la restitution que nous
demandons, il est à propos que ledict cardinal n'entre
pas en ombrage de celui qui y doict commander : en
affaires si grands , les difficultés naissent d'elles mesmes
sans que nous les fassions naistre.
Monsieur, ayans escrit jusques ici , nous avons re-
ceu la despesclie du roy du 9 ; vostre lettre est du
dixiesme.
Nous faisons si ample response au roy , que nous ne
vous ennuyerons poinct de double lecture. Vos lettres
sont si favorables que vous nous fériés exposer à tous
les dangers de mort pour bien servir le maistre, encores
que ne soyons pas payés pour cela. Nous avons une
extresme obligation à la bonté du roy qui est très
grande et naifve ; mais, monsieur, avec cela, nous
recognoissons combien nous demeurons obliges à vostre
bonne volonté.
Nous conserverons au cœur ceste grande obligation
pour la recognoistre par service , là où nous en aurons
A M. DE YILLEROY. 5ij
le moyen ; nous espérons avoir satisfaict à ce que de-
siroit M. de Bouillon , suivant ce que nous avons sceu
estre Tintention et la volonté du roy, de laquelle nous
ne nous départirons jamais en aulcune façon, ni à
dextre ni à senestre.
Renvoyés nous, monsieur, au plus tost que faire se
pourra, M. de Berny avec la ratification de la paix, et
vous verres si nous avons à cœur de servir ou non.
Il fault penser où l'on prendra de l'artillerie et toutes
auhres munitions de guerre , pour mettre dans les
places qui nous seront rendeues. Pensés y de bonne
heure, car c'est tout ce que vous pourrés faire que d'y
pourvoir à temps. Il fault , ce me semble , que toutes
les provinces de la France y aident et y contribuent.
Par nostre despesche du 12 de ce mois , vous avés
veu ce que nous avons escrit touchant la caution de
M. Zamet pour les vaisseaux. Nous lui en escrivons de-
rechef, n'ayant pas encores eu sa response.
Monsieur, l'on nous asseure et certifie que dom
Juan Vanegas , qui est despesche devers le gouverneur
de Blavet, est homme de courage et de grande valeur,
et il mérite que le roy le caresse. Nous avons ici bonne
espérance qu'il fera bien.
La garnison du chasteau de Dourlans s'est mutinée,
et les députés d'Espaigne nous ont dict et asseuré ce
matin qu'il y sera tellement pourveu que l'exécution
de nostre traicté n'en sera retardée d'une heure seule-
ment. Lesdicts députés nous demandent des passe-
ports pour envoyer en Espaigne et à Blavet.
Nous avons donné nostre passeport audict dom Juan
de Vanegas, pour aller trouver le roy, aullrement tout
demeureroit. Nous n'osons pas en bailler pour aller
en Espaigne, dont nous sommes extresmement solli-
5l8 LETTRE, etc.
cités et mesme fort pressés : envoyés nous en donc
quelques ungs, s'il vous plaist, et au plus tost que vous
pourres. Et cependant nous pryons Dieu , etc.
Du 17 mai 1698.
CLXXX. — ^ LETTRE DU ROY
^ MM. de Bellievre et de Sillerj.
Messieurs de Bellievre et de Sillery , je vous escri-
vis, le 6 de ce mois, que les députés des estats des pro-
vinces unies des Pays Bas n'avoient vouileu recevoir
la cessation de tous aultres actes d'hostilité durant deux
mois que nous avons obteneus pour la royne d'Angle-
terre et pour eulx, vous ayant envoyé copie de la lettre
mesme que le sieur de Buzenval m'avoit escrite sur ce
subject, afin d'en advertir les ambassadeurs avec les-
quels vous avés traicté, pour me 'deschnrger envers
eulx de l'espérance que vous leur aviés donnée par mon
commandement, que lesdicts députés s'y pourroient
accommoder; mais je n'ai encores receu la response de
la royne d'Angleterre sur ce poinct, combien je l'en aye
advertie en mesme temps.
Depuis ayant receu vostre despesche du 2 de ce
mois, j'ai escrit a mon cousin le cardinal de Florence,
et au père gênerai des cordeliers , comme j'ai faict à
vous, le contentement que j'ai receu de la conclusion
et sicrnature de vostre traicte; de sorte qu'eulx ni aultres
ne doibvent poinct doubter que je ne l'approuve et ra-
tifie, avec tout ce que vous avés faict ensuite en con-
séquence d'icelui , dans le temps qui a esté promis. A
présent vous sçaurés que Berny, présent porteur, ar-
LETTRE DU ROY, etc. 5 19
riva à Vitré le i5 cle ce mois, avec la copie dudict
traicté gênerai et de celui des particuliers, et de tous
les aultres actes et promesses qui ont esté faictes sur ce
subject ; mais je ne le peus voir que le lendemain , parce
que j'estois demeuré derrière à Rennes pour mes affai-
res. Ce que je vous puis dire sur cela est non seulement
que je suis très content de tout ce qui a esté accordé,
mais aussi que j'ai abandonné mes affaires de Bretaigne
exprès pour vous porter moi mesmes ma ratification,
laquelle, à ceste cause, je veulx que vous donniés toute
asseurance de ma part aulxdicts ambassadeurs , les
pryans et les sollicitans de préparer leurs ostages , et
toutes aultres choses nécessaires pour ndvancer Texe-
cution dudict traicté; car je fais estât d'estre en ma ville
d'Amiens le 1 juin, avec la grâce de Dieu, et porterai
avec moi ladicte ratification : mais, d'autant qu'il pour-
roit m'arriver quelque empeschement qui retarderoit
mon voyage de deux ou trois jours, j'escris présente-
ment à mon cousin le connestable qu'il se prépare pour
recevoir les ostages qu'on vous doibt livrer quand ils
recevront madicte ratification, laquelle, en ce cas, je
vous ferai tenir à poinct nommé ; mais j'aurai à plaisir
de ne la signer devant le temps promis, plus pour sa-
tisfaire à moi mesmes, en ne manquant a la parole que
j'ai donnée aulx Anglois, que pour aultre bien que j'en
espère. Partant, je vous prye soulager en cela mon es-
prit , et respondre hardiment de la sincérité de mon
intention.
J'ai bien considéré les raisons qui vous ont meu de
passer certaines choses en ce traicté, que vous m'aviés
du tout représentées telles par vos précédentes qu'elles
m'ont esté escrites, lesquelles j'ai prises en bonne part,
estant bien asseuré que vous les avés consenties avec
52 O LETTRE DU ROY
prudence et bonne considération. J'ai aussi toute fiance
en vous, et ne veulx adjouster aulcune considération
aulx vostres , puisque la besoigne est achevée. Joinct
que je suis certain que vous vous estes représenté tout
ce que je vous en pourrois escrire , et que vous en estes
sorti au meilleur marclië pour mon service que vous
avés peu; aussi, prévoyant bien qu'il seroit impossible
de tenir secret ledict traicté , estant concieu et signé
comme il a esté, j'en advertis ladicte royne d'Angleterre
et lesdicts estats, après la réception de vostredicte des-
pesche du 2 de ce mois , et pris resolution d'en dire
moi mesmes les nouvelles à mon arrivée en ma ville de
Rennes, ainsi que je vous ai escrit par ma response
datée du 10 de ce mois; de sorte que vous ne debvés
plus vous mettre en peine de le celer, mais seulement
d'en advancer l'exécution de tout vostre pouvoir, à la-
quelle je vous asseure avoir jà commencé à mettre la
main, car j'ai licentié en Bretaigne et en Picardie plus
de six mille hommes de pied; et, puisque j'ai resoleu
ladicte paix, croyés que j'en veulx faciliter et advancer
l'accomphssement de tout mon pouvoir. Je me suis mis
en chemin pour cela, ayant commencé à prendre telle
asseurance de la foi et volonté du cardinal d'Autriche
que je ne veulx plus doubter de l'exécution de ses pro-
messes, persuadé des raisons que vous m'avés repré-
sentées par vos lettres, et du tesmoignnge que vous
m'avés rendeu de sa rondeur et bonne foi de laquelle
on traicte avec vous, a laquelle je veulx correspondre
comme il c(m vient pour atteindre à la perfection de ce
bon œuvre , que je recognois avec vous estre le plus
glorieux et plus utile à la France qui ait esté faict il y
a long temps. Je fais compte de jurer en ladicte ville
d'Amiens l'observation dudict traicté, afin que ceulx
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. ^21
que ledict cardinal députera pour y assister ayent moins
de chemin et de despense à faire. Mais je n'entends
pas de donner la cliarge à aultre qu'à vous deux d'aller
recevoir le serment dudict cardmal ; car vous m'y pou-
vés mieulx servir que tous aultres, et me semble que
ceste charge vous est deue. Partant, je vous prye vous
disposer à me faire encores ce service, et je vous don-
nerai moyen de fournir aulx frais d'icelui. Je m'attends
aussi que mondict cousin le légat se rendra en ladicte
ville d'Amiens après que j'y serai arrivé, pour honorer
et aucloriser de sa présence ce qui s'y passera , et me
donner moyen de l'entretenir du passé et de l'advenir,
en le congratulant et remerciant de tant de peine qu'il
a prise pour moi, ainsi que vous lui dires,
J'advertis présentement mondict cousin le connes-
table de ma délibération , afin qu'il donne ordre aulx
logis où je lui mande qu'il employé d'escuries, et pa-
reillement aulx vivres ; et sera bon que vous envoyiés
devers eulx quelqu'ung qui leur enseigne ce qu'ils au-
ront à faire pour accommoder ledict légat et sa suite
avec les députés du cardinal d'Autriche , quand vous
sçaurés leurs qualités , et aussi les ostages , lesquels il
me semble que vous avés choisis tels que je pouvois dé-
sirer ^ ainsi que j'ai appris par vostre lettre du 12 de ce
mois, que je receus hier en ce lieu par la poste.
Mais si d'adventure je n'arrivois en ladicte ville
d'Amiens preciseement le 2^ jour de juin, suivant ma
délibération, comme je n'entends pour cela retarder la
délivrance de madicte ratification ni la réception des-
dicts ostages , j'estime aussi qu'il ne sera besoing de
prolonger la cessation d'armes qui doibt finir ce jour
là mesme, nostre accord estant divulgué comme il est.
Toutesfois, si vous jugés que vous eu debviés user aul-
!)22 LETTRE DU ROY
trement , d'autant que ladicte paix ne doibt estre pu-
bliée en la forme accoustumee qu'elle n'ait esté ratifiée,
et que lesdicts ostages n'ayent esté livrés, j'escris pré-
sentement à mondict cousin le connestable qu'il advise
avec vous d'en user ainsi que vousjugerés ensemble
estre pour le mieulx. Mais, si je puis, je vous relèverai
de ce souci ; car je me rendrai audict jour en ladicte
ville, et prendrai la poste plustost que d'y faillir, si ma
santé le me peult permettre, comme vous dira ledict
Berny. Cependant j'attends en bonne dévotion celui qui
doibt venir de par deçà pour retrancber la gainison de
Blavet, ainsi que vous m'avés escrit par vostre dernière;
et ferai demander des demain au sieur Zamet qu'il ne
fasse difficulté de contenter ledict cardinal de son obli-
gation pour la seureté des navires qu'il leur fault bail-
ler pour porter en Espaigne leurs gens, lui faisant en-
tendre qu'il me fera service agréable. Mais il fault que
je vous die que je fais grande difficulté d'accorder au
duc d' Au maie ce que ledict cardinal demande pour lui;
car il s'en est rcndeu indigne par ses actions de jouir
jamais de l'air de la patrie, contre laquelle il a sans rai-
son et contre son bonneur et debvoir faict le pis qu'il
a peu ; joinct que je prévois , estant l'article qui faict
mention de nos subjects qui ont faict la guerre avec
nous coucbé comme il est, qu'il ne sera loisible à ung
seul des leurs qui m'ont servi de retourner en leur pays
ni mesme de rentrer en la jouissance de leurs biens,
parce qu'ils leur feront accroire qu'ils en auront esté
spoliés pour aultre crime que pour la guerre; de sorte
que si je n'use de la mesme rigueur envers les miens
qui les ont suivis, tant de povres gens qui ont eu re-
cours à ma protection demeureront misérables et auront
occasion de s'en plaindre. C'est pourquoi je désire que
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY, 523
vous ne m'engagiés pas dadvantage à faire pour ledict
duc d'Aumale ce que l'on désire , jusques à ce que je
sois arrivé par delà, et en aye conféré avec vous; car,
en vérité , ce souci me poise plus sur le cœur que je ne
le vous puis escrire. Ce sera la fin de la présente avec
laquelle ve«'s recevrés lesdicts passeports en blanc que
vous avés demandés, et celui de rambassadeur de Sa-
voye ; mais vous aurés soin de remplir lesdicts passe-
ports , et de tenir registre exact des noms de ceulx
dont vous les remplirés en les délivrant. J'ai aussi escrit
à Bayonne et à Lyon qu'ils laissent passer leurs cour-
riers , et ai donné advis partout de ladicte cessation
d'armes et actes d'hostilité, voire mesme de la conclu-
sion de ladicte paix, de laquelle je prye Dieu de nous
faire faire longuement jouir; et je le prye, etc.
Du 20 mai iSgS.
CLXXXI. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
^ MM. de Bellievre et de Sillery.
Messieurs, nous allons à vous à grandes journées,
bien resoleus de faciliter de tout nostre pouvoir l'exé-
cution de vostre traicté, ainsi que vous dira M. de
Berny, avec tout ce que je vous pourrois escrire sur
ce subject; partant je m'en remettrai sur lui et sur la
lettre que le roy vous escrit. Je lui ai dict aussi qu'il
me semble que nous ne debvons faire difficulté de ju-
rer les premiers l'observation dudict traicté de paix,
puisque Ton nous doibt bailler des ostages en baillant
nostre ratification ; préparés donc les affaires de façon
que nous puissions bientost jouir du fruict de vostre
5^4 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
labeur; et, s'il survient chose qui retarde nostre voyage,
je vous en aclvertirai soigneusement, vous pryant me
continuer vostre bonne grâce, que je salue, etc.
Du 20 mai 1 598.
CLXXXIL —-V- LETTRE DU ROY
A M, le légat.
Mon cousin, je me suis jà resjoui avec vous, par
ma dernière lettre, de l'heureuse fin que Dieu a donnée,
par vostre prudence et persévérance, au bon œuvre
entrepris par nostre sainct père, pour le repos gênerai
de la chrestienté, dont je ne doubte poinct que vous
n'ayés receu une très grande consolation après tant de
travaulx que vous ayés supportés, et difficultés que
vous avés surmontées pour y parvenir, toutes lesquelles
aussi augmentent nostre obligation envers vous, et
qui rendront vostre nom plus glorieux à la postérité ,
dont je me conjouis derechef avec vous, mon cousin:
vous remerciant du bon tesmoigna£;e que vous avés
vouUeu me rendre par vostre lettre du 1 de ce présent
mois, du grand contentement que vous en avés receu
pour ma considération particulière, et vous prye d'estre
asseuré que mon royaulme et moi vous recognoistrons
debvoir, après Dieu et sa saincteté, toute la félicité
que nous attendons de ceste heureuse et aimable paix,
de quoi j'espère me revancher envers vous et les vos-
tres à vostre satisfaction et contentement. Quoi que
soit, vous pourrés des à présent et à tousjours disposer
de tout ce qui despend de moi, comme chose sur la-
quelle vous avés à jamais autant de puissance que le
LETTRE DU ROY, efc. 5^5
mérite l'amour et l'affection avec laquelle vous avés
pris et embrassé et ensemble favorisé le bien de mon
estât, comme j'espère, Dieu aidant, vous dire bientost
moi mesmes; car je m'en retourne par delà à grandes
journées, ainsi que vous pourront dire les sieurs de
Bellievre et de Siliery.
J'ai aussi receu la lettre de sa saincteté que vous
m'avés envoyée, accompaignee de celle de mon cousin
le cardinal de Sainct Georges, aulxquelles je ferai res-
ponse par la voye et ordinaire de mon ambassadeur
le duc de Piney. Je prye Dieu , etc.
Du 20 mai i5qS.
CLXXXIII. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
J M. le légat.
MoNSEiGi>fEUR , c'est à vostre prudence et bonté
que la chrestienté doibt, après Dieu, le bonheur du
repos que vous lui avés procuré , meu non d'ung in-
terest privé ni d'aultre obligation particulière que celle
de vostre singulière affection au bien public, conforme
au sainct désir de nostre sainct père. En quoi, si vous
avés esté fidèlement assisté des serviteurs du rov aulx-
quels sa majesté a confié vostre negotialion , de sorte
que vous en avés contentement, je vous asseure, mon-
seigneur, que sa majesté les en aimera et estimera dad-
vantnge;-car ils l'ont en cela servie selon son intention,
qui a tousjours esté de déférer entièrement à vostre
prudence la direction et conduicte de ce sainct ou-
vrage, lequel elle a creu ne pouvoir estre parachevé
que de vostre maui, auctorisé de sa saincteté comme
526 LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc.
il est adveneu. Pour moi, monseigneur, je vous &uis
très redevable de l'opinion que vous avés , que j'ai eu
ceste occasion servi mon roy, comme je doibs et suis
teneu de faire, de façon qu'il vous en demeure quel-
que satisfaction; car c'est toute mon ambition que de
faire service à sa majesté, qui lui soit utile au £;ré et
au contentement de ceulx qui l'aiment vraiment comme
vous faictes , monseigneur , a qui je voue mon très
humble service et une perpétuelle obéissance, comme
celui qui recevra à grand honneur d'estre conservé en
votre bonne grâce , et tenpu de vous pour jamais,
monseigneur, pour son, etc.
Du 20 mai iSgS.
CLXXXIY — ^ LETTRE
De 3IM. de Bellievre et de Sdlerj au roy.
Sire, vostre majesté aura sceu, par nostre despesche
du y de ce mois , ce qui a esté ici resoieu touchant \^
paix, et, depuis les i et 17 de cedict mois, lui avons
escrit l'ordre qui a esté donné pour la réduction de la
garnison de Blavet et renvoi des aultres forces espai-
gnoles qui sont en Bretaigne; nous attendons le retour
du sieur de Berny avec la ratifîcaiion de vostre ma'-
jesté , des articles du traicté de paix qu'il lui a portés.
Le sieur Verreiken , Tung des trois députés d'Espaigne
en ceste negotiation , est ici de retour de Bruxelles,
où il nous a dict avoir laissé le cardinal d'Autriche
bien resoieu d'observer promptement et de bonne foi
ce que par ledict traicté a esté promis à vostre majesté.
Il a ici apporté la ratification dudict cardinal , et Tacte
LETTRE, etc. 527
de la publication de la paix , et nous asseure qu'il n'y
aura aulcune faulte à la délivrance des ostages au
temps accordé, tellement, sire, qu'il semble qu'il ne
tient plus qu'à nous que l'exécution de ce traicté
ne soit plus advancee : en quoi vostre majesté a ung
si notable interest que nous nous promettons qu'elle
aura incontinent faict despescber ledict sieur de Bernv
garni de sa ratification, et de tout ce dont nous avons
besoing pour effectuer ce qui est de son service.
Quant à Blavet , vostre majesté aura veu par nostre
despesche du 17, et par ce que lui aura dict dom Juan
de Vanegas , l'ordre que nous y avons* peu donner, ap-
prochant au mieuk qu'il nous a esté possible ce que
pour ce regard il lui a pieu de nous commander; tout
le fruict de ceste negotiation est en Texecution des pro-
messes; il ne s'y perd une heure qu'au préjudice de
vostre service; plus de choses s'offrent ordinairement
pour gaster ung affaire qu'à l'accommoder; il y a plus
de gens, et de toutes sortes, qui pensent à traverser
les affaires de vostre majesté qu'à la servir. Nostre fidé-
lité nous contrainct de dire à vostre majesté que tous
aultres pensèmens, tous aultres affaires doibvent estre
postposés à ce qui est de l'exécution de la restitution
de vos places , et semble pour cest effect qu'il est bien
requis que notis retenions le plus que nous pourrons,
soit ici , soit près de vostre majesté , quelques ungs
de ces députés, afin qu'il ne faille negolier par lettres
avec les absens, et aussi que , jusques à l'entier accom-
plissement des promesses, le cardinal d'Autriche doibt
avoir près de lui Fung de vos serviteurs, pour ne laisser
vieillir le faict de ceste restitution. Sire, nous avons
rendeu à M. le légat la lettre de vostre majesté , à la-
quelle il nous a dict se sentir si obligé qu'il séjournera
5*28 LETTRE
très volontiers en ce lieu , et se transportera par tout
ailleurs oii vostre majesté jugera qu'il soit bon à lui
faire service. Le père gênerai des cordeîiers est main-
tenant à Bruxelles. Il doibt vous venir trouver lorsqu'il
se parlera de la restitution des places ; M. le légat et
lui nous ont promis de vous y faire tout le service qui
leur sera possible. Sitost que nous aurons la ratifica-
tion de vostre majesté, nous commencerons à escbauffer
l'affaire, attendans en bonne dévotion Theureux retour
'et approchement de vostre majesté en ces qu<'?rriers.
Nous avons demandé audict sieur Vei reiken s'ils ont
nouvelles à Bruxelles si les Hollandois entreprennent
sur les places du roy d'Espaigne; ils nous ont dict que
tout l'advis qu'ils en ont est qu'ils se préparent à la
guerre, et qu'ils ont de leurs députés près de la royne
d'Angleterre. Nous pryons Dieu, etc.
Du 21 mai i5g8.
CLXXXY. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillery a M. de FUleroj.
Monsieur, nous vous escrivons ce qui se présente.
Nous avons opinion que dom Juan Vanegas vous aura
donné satisfaction; c'est tout ce que, pour le présent,
s'est peu advancer au faict de Blavet. Par la lettre que
nous escrivons au roy , vous verres que ces gens aulx-
quels nous demandons la restitution des places sont plus
prests à l'exécution de leurs promesses que nous qui y
avons ung si notable interest. En somme, puisqu'ils se
sont resoleus que c'est ung faire le sault, l'ayans ainsi
promis, nous avons opinion que si nostre negotiation
A M. DE VILLEROY. ^29
suivra comme elle doibt, qu'elle aclvancera plus tost
qu'elle ne sera reculée.
M. le président Ricliardot nous a dict qu'ayans la
guerre contre la royne d'Angleterre et les Hollandois,
qu'ils desireroient bien fort qu'aulx places qu'ils resti-
tuent il pleust au roy n'y eslablir pas gouverneurs de
la nouvelle relligion. Ce n'est pas chose qui soit entrée
en ce traicté entre nous; car nous nous feussions bien
gardé de faire ceste faulte. Si est ce que nous vous di-
rons que plus vous leur donnerés de contentement,
plus l'exécution se facilitera. C'est au roy à juger de ce
qui est le plus expédient pour son service; il nous en-
nuyé d'estre ici sans servir. Donnés nous de quoi mettre
en besoigne, et croyés que nous nous rendrons impor-
tuns comme Suisses qui demandent de l'argent. Il n'y
a poinct de temps à perdre; conservés ceste negotia-
tion par vostre prudence, vostre beau jugement et la
diligence qu'y avés apportée; mais tout le fruict de la
negotiation susdicte est en la restitution de toutes les
places promises.
Il fault que nous usions en leur endroict comme
ceulx qui se veullent marier; gardons nous de faire
quelque sç ttise qui desgouste noslre maistresse.
Il semble, monsieur, qu'il est à propos, venant le
roy à Amiens, qu'il prye M. le légat de s'y trouver. Il
fault que nous y soyons; et asseureement il ne demeu-
rera pas ici sans nous. Nous pryerons Dieu, etc.
Du 22 mal iSc^Si»
MlîM. DE DUFLESSIS-MORNAY. ToME VIII. 34
53o LETTRE DE M. DE VILLEROY
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CLXXXVI.—'V' LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM. de Bellievre et de Siller)'-.
Messieurs , don Juan de Vanegas arriva hier au
Lude, au lever du roy , et receusmes vos lettres du 17
par La Fontaine; sa majesté veit ledict Vanegas in-
continent après son disner, et parla long temps à lui
avec sa familiarité et privauté accoustumee , puis le
consigna à M. le mareschal de Boisdaulphin qui alloit
monter à cheval , afin de le conduire à Sablé, et de là
le faire accompaigner jusques à Rennes , où il trouvera
M. le mareschal de Brissac et M. de Schomberg, qui
donneront ordre à tout ce qu'il fault pour embarquer
les gens de guerre qu'ils veullent renvoyer en Es-
paigne , et faciliter l'exécution de la commission , à
quoi je les avois jà advertis de préparer toutes choses
nécessaires, et ne fault pas doubter que chacung s'y
employé vivement, afin de se retirer du pied ceste
espine.
M. Zamet nous a envoyé procuration pour l'obliger,
et asseurer les vaisseaux, dont, si je suis creu, on n'usera;
sa majesté ne laissera pas de lui en sçavoir gré, et l'en
remercier comme elle a jà faict. Ledict La Fontaine ne
passera Rennes. Je vous escrirai plus au long par lui.
Cependant je n'ai vouUeu différer à vous advertir du
passage dudict Vanegas, lequel en donnera aussi advis
à ces messieurs qui sont à Vervins, par ung paquet
que je lui ai envoyé par ung courrier qui porte la
présente jusques à Paris. Ce que j'ai à vous dire de
plus est que nous advançons nostre voyage tant que
A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 53 1
nous pouvons; mais il est tombé ung caterre sur ung
des bras du roy qui Tincommode ung petit. Il faict ce
qu'il peult pour l'augmenter a force d'aller à la chasse
et de travailler, et veult que nous croyons que c'est
pour se guérir ; mais M. du Laurens n'est pas de cest
advis. En vérité, s'il ne se repose, il ne guérira pas;
il faict tousjours cslat d'arriver a Paris à la fin de ce
mois, et à Amiens le 2 de juin; mais je prévois qu'il
sera difficile. Nous tiendrons cependant nos ratifica-
tions toutes prestes pour vous estre envoyées à poinct
nommé. ^
Nous avons receu des lettres d'Angleterre, depuis
l'arrivée de M. Cécile. On nous descoupe bien; mais,
en vérité, contre raison, et dont en tout cas je vous
asseure que je ne perdrai le dormir. La royne incline
plus à la paix qu'à aultre chose, et m'attends qu'elle
nous pryera bientost de différer pour quelque temps
brief nostre ratification jusques à l'arrivée de ses am-
bassadeurs ; mais nous lui avons desjà faict une des-
pesche par courrier exprès pour gaigner les devans,
et nous en excuser , car le roy a resoleu de faire ses
affaires après celles de ses voisins. Partant , advancés
et préparés tout ce qu'il fault pour recueillir le fruict
de vostre labeur.
Le roy escrit encores tout présentement à M. le
connestable, qu'il advise avec vous ce qu'il faudra faire
pour recevoir et garder les ostages quand ils les livre-
ront, et me semble qu'il sera à propos que vous en-
vovés quelqu'ung devers lui pour cela qui vienne par
après trouver sa majesté pour lui en rendre compte
et raison. Ce sera tout ce que vous aurés de moi
pour ce coup, pryant Dieu, monsieur, etc.
Du '23 mai i5c)8.
5j2 lettre de m. de BETHUNE, etc.
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CLXXXYII. — ^ LETTRE DE M. DE BETHUNE
^ M. Duplessis.
MoNSiEUR,j'ai maintenant plus de loisir que je n'ai eu
à Rennes , où les affaires ne m'ont laissé une seule heure
à moi. Je pensois , après avoir exécuté ce qui m'avoit
esté commandé , avoir quelque relasche , et qu'il me
serolt permis de prendre le droict chemin de chés moi ;
mais , ayant receu exprès commandement du roy de
l'aller trouver à Tours, je m'y achemine tout droict,
et suis menacé d'estre mené en poste avec sa majesté»
Cela est cause que je n'aurai moyen de voir ni vous
ni madame Duplessis. Vous ne laisserés tous deux, s'il
vous plaist, de croire que je suis entièrement disposé
à vous rendre très humble service. Il ne s'est présenté
occasion de le tesmoigner en vos affaires touchant
Sainct Phal , car je n'en ai ouï parler en aulcune
façon, et l'incertitude en quoi j'ai esté de ce qui s'en
estoit passé, depuis mon partement , m'a empesché
de faire aulcune ouverture sur ce subjeot. Quant à
vostre affaire des Sovoolt, elle est asseuree, et en ai
signé le comptant payable en trois ans. C'est tout ce
que la nécessité des affaires du roy m'a peu permettre
de faire pour vous. Attendant quelque aultre nouvelle
occasion de vous tesmoigner ma dévotion à vostre
service, je vous baiserai très humblement les mains.
Adieu, monsieur; je suis vostre très humble nepveu
et serviteur. De Béthune.
A Vitré, ce 2 5 mai 1698.
LETTRE, etc. - 533
CLXXXVIII. — ^ LETTRE
De MM. de Bellievre et de Sillery a M, de Villeroy,
Monsieur, nous avons receu la despesche du rov
du 20 de ce mois, que M. de Berny a remportée, et
depuis Yostre lettre du 9.3. Nous n'escrivons au roy
pour ce que M. de Sillery faict estât de le trouver à
Paris à son arrivée, pour lui rendre compte du con-
teneu en ladicte despesche et aultres occurrences. Et,
pour cest effect, aidant Dieu, partirai dans une heure
ou deux de ce lieu. Nous n'avons pas receu le paquet
du sieur dom de Vanegas , que vous avés addressé au
sieur Zamet; nous faisons ceste despesche pour vous
donner advis qu'il a esté resoleu d'escrire aulx gouver-
neurs des places que la cessation d'actes d'hostilité
doibt continuer pour tout le mois de juin. Nous ne
laisserons pas pour cela de faire publier la paix. Nous
avons veu ce que vous escrivés à la royne d'Angleterre,
qu'elle est plus encline a la paix. Il fault plus aisee-
ment croire le contraire de ce qu'elle dict; elle se
transformera en cent sortes pour nous faire perdre
Calais. Nous debvons haster ceste exécution , ne voyant
pas que le retardement soit pour apporter aulcunes
choses que traverses et incommodités ; résolvons nous
donc de ne perdre plus une heure de diligence en
chose qui nous est de telle et si grande importance.
Vous avés veu, par nos précédentes, quelles estoient
en cela nos opinions, dont toutes raisons nous con-
seillent de nous despartir. Envoyés nous , s'il vous
plaist, la ratification. Nous avons resoleu que la pu-
534 LETTRE
blication de la paix se fera le 7 du mois prochain ; la
ratification et ostages se bailleront auparavant. Si vous
envoyés à moi Bellievre, qui m'achemine a Amiens,
la ratification laissant la date en blanc, je la mettrai
du 5 ou du 6, comme je jugerai estre le service du
roy. S'il vous survenoit quelques ad vis d'Angleterre,
je mettrois la date de quelques jours auparavant, ainsi
que me manderés. Geste despesche est principalement
pour vous dire que la cessation d'armés et d'hostilité
accordée avec le député de Savoye n'est que pour ung
mois seulement, qui s'en va finir. Je ne sçais comme
en aura esté resoleu entre ledict duc et M. de Lesdi-
guieres. Nous vous pryons , en tout événement, d'en
escrire à M. de Lesdiguieres en diligence , et à M. de
La Guiche , et à ceulx qui commandent en Bresse sôubs
M. le mareschal de Biron ; en somme en Provence ,
en Guyenne et Languedoc. On doibt aussi estre ad-
verti que la cessation d'actes d'hostilité doibt avoir lieu
pour tout le mois de juin prochain. M; le connestable
nous escrit , demandant nostre advis, comme les os-
tages debvoient estre gardés. Le traicté porte qu'ils
seront teneus honorablement; en cela l'on use diver-
sement. J'ai veu , au traicté de Tan i559, le prince
d'Orange et le coiwte d'Egmont, ostages à Paris du
roy catholique ; je voyois ordinairement ledict comte
aller à la chasse avec le feu roy Henri II , et estoient
lesdicts ostages en la mesme liberté que s'ils eussent
esté en leurs maisons. Je ne vous puis pas dire s'ils
avoient baillé leur foy. Nous baillasmes des ostages à
îa royne d'Angleterre pour la restitution de Calais;
ce lui estoit chose d'importance , et qui a duré long
temps. Quelquesfois on y prenoit garde de fort près ;
aultresfois nous eusmes advis qu'ils estoient en toute
A M. DE VILLEROY. 535
liberté pour Londres. Cel.i despend de la volonté du
roy , et pouvés avoir souvenance des deux faicts dont
j'escris ci dessus, et aussi M. Brulart, qui estoit lors
avec M. Bourdin. Il vous plaira de nous en escrire
la volonté du roy ; nostre opinion seroit que si à Amiens
il y a quelque honneste monastère bien logeable, qu'on
les y accommode , qu'on leur donne une couple ou
plus grand nombre de gentilsbommes qui les accom-
paignent ordinairement. La question est, si on leur
doibt demander leur foy qu'ils ne sortiront poinct du
royaulme sans la volonté du roy. Jugés aussi s'il est
bon que soubsmain, sans qu'on leur demande leur foy ,
qu'on leur fasse entendre qu'ils la doibvent offrir, afin
que l'on soit meu de leur faire plus gracieux traic-
tement. Nous en parlerons, estant avec M. le connes-
table , et aurés de nos nouvelles d heure à aultre; car,
Dieu merci , quelque chose qu'en ayés pensé a la
court, nous ne sommes pas des plus paresseux du
monde à escrire. Monsieur, nous obmettions à vous
dire que les députés d'Espaigne nous ont faict voir
une lettre que leur escrit le cardinal Albert, conte-
nant qu'il est adverti que M. de Bouillon déclare de
ne voulloir observer la paix, et qu'il a commandé défaire
amas de gens de guerre pour se joindre aulx Hollandois.
Cest advisa esté donné parceulx du Luxembourg. Nous
les avons pryés de n'adjouster foy à telles nouvelles,
sçachant que M. de Bouillon a supplié le roy que les
seigneurs de Sedan soient compris en ceste paix, ce
qui a esté faict suivant le commandement de sa ma-
jesté; leur avons dict que nous avons telle opinion de
la prudence de mondict sieur de Bouillon, qu'il se
comportera de telle sorte avec eulx, qu'ils n'auront
aulcune occasion de s'en plaindre. L'on a aussi donné
536 LETTRE, etc.
advis à ces députés que la lasserie de gens de guerre ^
qire le roy a commandé, se faict pour les envoyer en
Hollande, à quoi nous avons respondeu comme nous
debvons , etc.
Si l'on commence de si bonne heure à contrevenir
à la paix , nous ne sçavons à quoi ces gens là se pour-
roient bien resouldre.
Nous faisons ce qui nous est possible pour servir le
roy, nostre bon maistre; si d'aultres feront leur pos-
sible pour le desservir, nous ne serons responsables
que de nostre faict.
Encores que la paix ne se publie que le •y*' du mois
de juin prochain , le roy pour cela ne doibt pas re-
tarder sa veneue. Pensés qu'en mesme jour il fault
piiblier la paix partout, et aulx solemnités. Nous pryons
Dieu , etc.
Du 26 mai 1 5g8.
CLXXXIX. — -^ LETTRE DE M. DE BELLIEVRE
A M. de Villeroj.
Moi^siFUR , j'ai receu vostre lettre par M. de Berny.
Je suis très marri de ce qui lui est adveneu par l'indis-
crétion d'aultrui ; je vois que vous lui avés esté et me
promets que vous lui serés tousjours père; c'est ung
honneste homme digne de vostre faveur. Je l'ai tous-
jours cogneu, et mesme durant le chauld de la Ligue,
bon et affectionné serviteur de ce roy. Puisque je ne
vous puis voir, je me console que par advance vous
ayés M. de Sillery, que j'estime d'eslre oii il est, si ne
vous puis je celer que je brusle de désir de vous voir.
LETTRE DE M. DE BELLIKVRE, etc. 537
Nous avons coiireu de merveilleux dangers. Il falloit se
saniver en ce port de la paix, ou se perdre; laissons
qu'en nostre particulier, TafTaire succédant mal, nous
estions perdeus. Pour mon particulier, la perte ne
pouvoit estre grande; que je compte ce qui me reste
de jours, le compte sera bientost faict. S'il m eust fal-
leu survivre à la continuation des malheurs du royaulme,
force m'eust esté de mourir tous les jours et toutes les
heures qui me restoient de vie. Je loue Dieu de \out
mon cœur, qui a exaucé mes humbles et ardcn\es
pryeres. Je me resjouis du bien de ma patrie , et nvi
resjouis qu'après le roy vous en ayés esté le principal
pilote. Il a passé ci devant des choses qui n'ont peu
passer sans vous presser le cœur, et bien avant. Dieu,
qui n'abandonne jamais les siens, vous envoyé main-
tenant en une heure plus de vraie consolation qu'en
toute vostre vie vous n'avés receu d'affliction.
Vous aures pour quelques jours la douice et agréable
compaignie de M. de Sillery , qui scaura de vous, et
vous aussi de lui, les hazards que ceste negotiation a
coureus; où il a si vifvement et vertueusement tra-
vaillé pour la soubtenir et advancer, qu il t'ault que
je vous confesse ingénument que je me suis de plus
en plus oblige de l'aimer avec affection et de l'estimer.
De tout ce qui se présente maintenant, je me re-
mettrai et me reposerai volontiers sur lui. Et sur ce,
saluant vostre bonne grâce, je pryerai Dieu, mon-
sieur, etc.
Du 26 mai i5c)iS.
538 LETTRE DE M. DE BELLIEVRE , etc.
CXC. — ^ LETTRE DE M. DE BELLIEVRE
^u roj.
Sire, de tout ce qui se présente au faict de la ne-
gotiation de ceste paix , je me remettrai à la suffisance
de M. de Sillery , qui a tellement servi vostre majesté
à la conduicte et direction de l'affaire qu'il lui a pieu
dà lui commettre , et à moi , que j'estime de lui deb-
iToir rendre ce bon tesmoignage que je n'ai jamais
cogneu ministre qui aye mieulx ni plus dignement servi
son maistre. Je dirai seulement à vostre majesté, pour
ce qui me toucbe et qui me concerne, et pour res-
pondre au commandement qu'elle me faict par sa lettre
du 20® de ce mois, que je me dispose de faire le voyage
de Bruxelles , pour assister et me trouver présent au
serment que fera le cardinal archiduc d'Autriche , pour
l'observation du traicté de paix, et servir, me trouvant
près de lui , à ce qui se passera pour advancer bien-
tost l'exécution de la restitution de vos places.
Sire, il m'advient doresnavant comme aulx che-
vaulx qui ont faict tant de voyages qu'ils n'en peuvent
plus faire; mais je me resouds que plus, heureuse ni
agréable mort ne me peult advenir , que celle qui me
prendra en servant vostre majesté, qui est mon roy,
mon souverain et mon chef; et quand il iroit de ma
vie, je n'abandonnerai jamais, en quelque façon que
ce soit, le lieu où il lui plaist que je sois demeurant.
Et sur ce, prye Dieu, etc.
Du 26 mai iSgS.
POUR LES RATIFICATIONS, etc. ^3g
CXCT. —^ POUR LES RATIFICATIONS,
Otages et publications du traicté du 28 îuai iSgB,
a Veivins.
Il a esté arresté entre tous les députés des deux roys
que la publication de la paix se fera le dimanche 7^ du
prochain mois de juin , et que les ratifications et ostages
seront fournis auparavant, à sçavoir, que tous lesdicts
ostages s'achemineront à ceste fin devers la ville
d'Amiens; et , entrant en France, seront receus p?lr les
députés du roy très chrestien de France, qui leur four-
niront la ratification dudict seigneur roy très chrestien ,
en recevant celle du serenissime cardinal Albert, ar-
chiduc d'Autriche.
Il a esté aussi arresté que Ton envoyera au plus tost
ung gentilhomme d'Arras, le jeudi \l\' jour du mois
de juin, pour advertir les ostages du lieu où ils se
doibvent rendre pour estre receus par lesdicts députés
du roy de France.
CXCII. — ^ LETTRE DU ROY
A MM. de Bellievre et de Sillery.
MM. de Bellievre et de Sillery, vous avés esté ad-
vertis, par une lettre que le sieur de Villeroy vous a
escrite par mon commandement, du passage de donj
Juan de Vanegas, et de la réception de vos lettres du
12 et I 7 de ce mois, depuis lesquelles m'ont esté ren-
deues celles du 22 ; et aurës aussi veu Berny . qui partit
34o LETTRE DU ROY
d'auprès de moi le 20, duquel vous aurés sceu mon
acheminement en Picardie; et par mes lettres qu'il
vous a portées, les raisons pour lesquelles je ne vous
ai envoyé par lui mes lettres de ratification de nostre
traicte de paix , que vous recevrés à présent par ce
porteur, accompaignee des actes de la publication de
ladicte paix ; lesdictes ratifications et actes despeschés
en deux formes, afin que vous choisissiés celles que
vous jugerës les plus propres. Je faisois estât, quand
ledict Berny partit, que j'arriverois à temps à Amiens
pour moi mesmes les vous bailler ; mais , m'estant
trouvé ung peu mal, j'ai esté contrainct de raccourcir
ung peu mes journées. Dadvantage, j'ai eu des nou-
velles d'Angleterre par Edmond, que la royne m'a ren-
voyé; sur quoi j'ai pris resolution, après l'avoir ouï,
de ne prolonger dadvantage la délivrance desdictes
ratifications ni l'exécution de nostre accord, auquel
J ai eu à plaisir d'avoir esté asseuré, par vostre der-
nière lettre sur le rapport que vous en avoit faict
M. Verreiken, M. le cardinal estre prest à satisfaire.
Partant il ne fault plus perdre de temps; car, comme
vous me représentés très sagement par vosdictes lettres ,
il y va par trop de mon service. Vous trouvères la date
desdictes ratifications en blanc, parce que je ne veuîx
pas qu'elles soient datées plus tost que du 5 ou du 6
du mois de juin, pour accomplir le délai que j'ai pro-
mis à ladicte royne d'Angleterre, combien que je sois
certain qu'elle ne laissera pas d'estre pour cela mal
contente de moi et de s'en plaindre ; car elle m'a faict
pryer par ledict Edmond d'en différer l'expédition
encores pour ung aultre mois , dont je me suis excusé
pour les raisons que vous sçavés, qui m'ont deu mou-
voir d'eu user ainsi. Je fais compte d'arriver à Pans le
' A MM. DE BELLIEVRE ET DE SILLERY. 54 1
2* OU 3^ du mois de juin, et y séjourner trois jours;
de sorte que vous pourrés dater dudict lieu lesdictes
lettres et actes; vrai est qu'entre ci et là mesmement,
quand le courrier La Fontaine repassera, je pourrai
vous faire sçavoir de mes nouvelles plus fraiscliement;
mais si vous n'en recevés vous vous reglerés sur cela.
Je vous prye de gaigner les deux ou trois jours de
temps qu'il fault pour accomplir le délai promis à
ladicte royne , et libérer la parole que j'ai donnée
pour cela, estimant que c'est chose que vous pourrés
facilement faire sans faire tort à mes affaires, estant
nantis desdictes ratifications comme vous ferés ; de
quoi je me repose sur vous, comme de tout le de-
meurant qu'il fauldra poursuivre et exécuter après que
vous aurés baillé lesdictes ratifications et publié ladicte
paix, et pour la réception des ostages, dont j'escris
encores présentement à mon cousin le connestable ,
par ung aultre courrier, qu'il se charge et advise avec
vous ce qu'il fauldra qu'il fasse pour les recevoir et
garder en attendant que j'arrive par delà, où je m'ad-
vancerai tant que je pourrai; et lorsque je serai arrivé
à Amiens, j'envoyerai pryer mon cousin le cardinal de
Florence d'y venir, estimant qu'il sera nécessaire qu'il
demeure cependant à Vervins, et que vous deux ou
Fung de vous ne l'abandonne point que jusques à ce
que je le demande , afin de favoriser et advancer l'exé-
cution dudict traicté que je vous prye de solliciter
chauldement , suivant vostre délibération. Je vous escri-
rai plus amplement par ledict La Fontaine. Vous sçau-
rés aussi par lui ce qu'aura faict ledict Vanegas, lequel
sera arrivé à propos à Blavet pour faire cesser la guerre
qui continuoit à s'y faire, combien que j'eusse adverti
celui qui commande en la place de l'accord de la ces-
5/|2 LETTRE DU ROY, etc.
sation d'armes; car, n'en ayant eu advis d'ailleurs, il
a voit faict difficulté de la recevoir. Donnés moi souvent
advis de ce qui se passera , et spécialement de la récep-
tion desdictes ratifications , lesquelles j'entends que
vous vous delivriés , et pareillement que vous fassiés
publier ladicte paix, quand les 5" ou 6^ du mois pro-
chain seront passés, sans plus attendre que je sois
arrivé par deià, où je ne laisserai cependant de m'ache-
miner; mais aussi prenés garde que vous soyés asseuré
devant d'avoir les ostages qui ont esté promis, ainsi et
au temps qu'il a esté conveneu et arresté. Pryant
Dieu, etc.
Du 28 mai iSqB.
CXCIII. — ^ LETTRE DE M. DE VILLEROY
A MM, de Bellievre et de Sillery.
Messieurs, vous aurés nos ratifications par ce por-
teur, despeschees en deux sortes avec les actes de la
publication de nostre paix, dont vous choisirés celle
que vous jugerés estre la meilleure, et ferés, s'il vous
plaist , garder Taultre pour m'estre rendeue quand je
vous verrai. Il touchera maintenant à vous à mettre la
main à la besoigne chauldement, afin que nous puis-
sions jouir du bien que vous nous avés procuré , que le
roy et tout le royaulme embrassent à deux mains. J'ai
dict à sa majesté ce que vous m'avés escrit touchant
le choix de ceulx aulxquels elle donnera la charge des
places restituées ; elle Ta pris ien bonne part : si M. de
Marivaux eust vécu , elle Teust mis à Calais , où je
crois qu'elle employera M. de Vie, s'il y veult entrer ;
à Ardres, M. de Berangeville qui commande à Meulan^
LETTRE DE M. DE VILLEROY, etc. 543
à Dourlans , M. de Rambures de Picardie ; au Castelet ,
celui qui y estoit; mais Ton ne parle encores asseuree-
ment de La Cappelle ; il n'estoit besoing de raconter
cestfc nomination aulx Espaignols; aussi je ne la vous
escris que pour vous faire sçavoir ce que j'en sçais ; car
il sembleroit que Ton le feroit pour leur en rendre
compte, ce qu'il fault éviter comme vous sçavés mieulx
que moi.
Edmond est estonné ; il asseure que sa maistresse
embrassera la cessation d'actes d'hostilité accordée pour
deux mois , et qu'elle traictera : toutesfois il parle tous-
jours aussi inc«^rtainement que devant , tendant à obte-
nir une prolongation du délai que le roy leur a accordé;
mais cela a esté cause que nous lui avons respondeu
plus résolument , et que nous avons advancé l'envoy
des lettres que vous porte ce courrier , auquel j'ai com-
mande d'arriver à vous le i" du mois de juin. Il est
vrai qu'il fault qu'il aille trouver M. le chancelier
pour avoir le sceau ; mais je pense qu'il le trouvera
à Chartres. J'ai si grande haste de le faire partir que
je ne vous ferai la présente plus longue que pour me
recommander, etc.
Du 28 mai lôgS.
CXCIV. — ^ RESPONSE
Du duc de Savoye a la dernière que sa majesté a
Jaict donner au sieur Jacob , son ambassadeur ,
le dernier mars iSqS.
Le très grand désir que son altesse a de venir à par-
achever ung si sainct œuvre, comme est la conclusioiv
544 LETTRE DU DUC DE SAVOYE
de ceste paix tant necess.iire pour le bien et soulage-
ment du povre peuple, encores qu'il eusl espéré que
sa nîajestë ne lui eust refusé les justes demandes que
son altesse lui avoit faictes de sa part; toutesfois, afin
que tout le monde cognoisse qu'il ne tient à lui qu'ung
si grand bien n'advienne , il accepte sa saincteté pour
arbitre , comme sa majesté a désiré , non seulement
pour décider sur la cognoissance du marquisat de Sa-
luées et terres de Gental et Chasteau Daulphin, mais
sur tous les aultres articles de ce traicté, et particuliè-
rement et avant toutes aultres choses, soit par elle jugé
de la validité du traicté de Bourgoing, qui est tout ce
qui se peult souhaiter pour mettre une bonne fin à toutes
ces différences; n'ayant jamais eu son altesse aultre désir
que de seranger toujours à la justice et à la raison; espé-
rant que, de ceste façon, sa majesté et chacung pourra
cognoistre que par lui ne demeure qu'ung si sainct
œuvre ne soit achevé. Au moins si ceste sienne si bonne
et raisonnable resolution ne sera acceptée de sa ma-
jesté, son altesse espère que Dieu, qui est juste juge,
favorisera ses armes, conformes a la justice de sa cause.
Le roy, ayant veu la response que M. de Savoye a
faicte à celle qui feut baiilee de la part de sa majesté
au sieur de Jacob son ambassadeur, le dernier jour de
mars, datée du 6 du mois de mai, signée de sa main,
et contresignée par son secrétaire, qu'il consent et ac-
corde, sur l'ouverture que sa majesté en a faicte , que
nostre sainct père le pape juge des différends que sa
majesté a avec lui, comme çà tousjours esté le désir et
intention de sadicte majesté d'en sortir par voje amia-
ble, et mesme par l'advis et jugement de sa saincteté,
ainsi qu'elle a tesmoignépar ses responses, a déclaré, et
déclare encores par la présente, qu'elle accepte voion-
A M. JACOB. 545
tiers sa saincteté pour juge et arbitre de tous les diffé-
rends que sa majesté a avec ledict duc, afin qu'ils soient
jugés et terminés par sadicte saincleté ensemblement ,
comme il est raisonnable et nécessaire de faire pour
establir une entière amitié et bonne paix entre sadicte
majesté et ledict duc, leurs subjects et pays; sa ma-
jesté n'estant marrie, sinon que ledict duc n'a plustost
pris ceste resolution , tant elle désire sortir d'affaires
avec lui comme avec tous ses voisins, pour le bien uni-
versel de la clirestienté , qui lui est très recommandé.
Faict à Paris, le 4 juin lôgS.
CXCV. — ^ RATIFICATION
Des anicles du traicté de paix,
Henry, etc., à tous ceulx, etc., comme en vertu
des pouvoirs respectivement donnés par nous et très
haut, etc., le roy catholique des Espaignes nostre très
cher et très amé bon frère et cousin, et nos commis
et députés , ils ayent en nostre ville de Vervins le
1^ jour du mois de mai dernier, passé, concleu et
arresté le traicté de paix et de ^-esolution , duquel la
teneur ensuit, etc. ; nous ayans icelui traicté agréable
en tout et chacungs les poincts et articles qui y sont
conteneus et déclares, avons iceulx , tant pour nous
que pour nos héritiers, successeurs, royaulmes, pays,
terres et seigneuries et subjects, acceptés, approuvés ,
ratifiés et confirmés , acceptons , approuvons , ratifions
et confirmons , et le tout promettons en foi et parole
de roy , et soubs l'obligation et hypothèque de tous
et chacungs nos biens presens et à venir , garder, ob-
MÉAI. DK DUPLESSIS-MORNAY. ToME VIII. 35
546 RATIFICATION, etc.
server et entretenir inviolablement, sans jamais aller
ne venir au contraire directement ou indirectement
en quelque sorte et manière que ce soit. En tesmoing
de quoi nous avons signé ces présentes de nostre pro-
pre main , et à icelles faict mettre et apposer nostre scel.
Donné à Paris, le 6 juin i SyS , et de nostre règne le neufviesme.
CXCVI. — -^ LETTRE
Aulx goiwerneurs pour la publication de la paix.
Monsieur de, etc. Dieu ayant voulleu donner à
mon royaulme la paix publicque avec mes voisins , et
particulièrement avec le roy d'Espaigne et le duc de
Savoye , à la suite de l'heureux voyage que j'ai faict
en Bretaigne , je vous envoyé ladicte publication de la-
dicte paix avec des lettres addressantes tant aulx
evesques qu'aulx baillifs et seneschaulx de vostre gou-
vernement , lesquelles vous leur ferés tenir incontinent,
afin que lesdicts evesques ayent à faire remercier Dieu
de la grâce qu'il m'a faicte et à mes subjects , et que
lesdicts baillifs et seneschaulx fassent publier ladicte
paix en l'estendeue de leur ressort , comme vous ferez
aussi de vostre part , donnant ordre que mon intention
soit exécutée , suivie et gardée comme elle doibt estre
pour le bien public de mondict royaulme ; et sur ce ,
je prye Dieu , etc.
LETTRE, etc. 547
CXCVII. — ^ LETTRE
Aulx courts de parlemens.
De par le roy. Nos amés et feaulx, après tant d'op-
pressions que nos peuples et subjects ont souffertes
par la continuation des guerres qui les ont si longue-
ment travaillés, Dieu nous a voulleu donner la paix
générale à la suite de l'heureux voyage que nous avons
faict en Bretaigne; de quoi nous vous avons bien voullu
faire part par ceste lettre , en vous envoyant l'acte de la
publication de ladicte paix, pour la faire publier dans
l'estendeue de vostre ressort, comme nous vous man-
dons faire , avec les formes et les solennités accous-
tumees en semblables occasions; de quoi nous escri-
vons aussi aulx evesques de vostredict ressort, afin
qu'ils en fassent remercier Dieu en leurs Eglises, et
que chacun g se dispose de recueillir soubs nostre auc-
torité et commandement, le fruict que nous en es-
pérons pour le soulagement de nosdicts subjects.
Donné, etc.
CXCVIII. — ^ LETTRE
Aulx haiUifs et seneschaulx.
De par le roy. Nostre amé et féal , à la suite de l'heu-
reux voyage que nous avons faict dans la Bretaigne, il
a pieu à Dieu de nous donner la paix générale en ce
royaulme, laquelle désirant observer et garder aussi
chèrement comme elle est nécessaire et agréable pour
548 LETTRE, etc.
le soulagement de nos povres peuples et de nos sub-
jects, vous ne fauldrés tout incontinent après la pré-
sente receue et veue , d'en faire publier l'acte que
nous vous envoyons présentement en l'estendeue de
vostre jurisdiction , et tenir la main que nostre in-
tention soit exécutée. A quoi nous vous mandons
vaquer très soigneusement, comme cbose qui importe
grandement au bien de cest estât. Donné , etc.
FIN DU TOME HUITIEME.
TABLE DES PIECES
CONTENUES DANS LE TOME HUITIÈME.
y
I. — '^Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et de
Sillery Page i
II. — * Mémoire baillé à Chastellerault, le 2 febvrier iSgS,
à M. le président de Thou 3^
III. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 6
IV. — "* Lettre de M. de Pierrefile à M. Duplessis 7
V. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme ô
VI. — ^ Mémoire de M. de Pierrefite j i
VIL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et de
Sillery 14
VIII. — Lettre de messieurs de l'assemblée de Chastelle-
• rault à MM. de Courtaumer et de Cazes , faicte par
M. Duplessis 16
IX. — '*' Lettre de M. Duplessis à sa femme lo
X. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 21
XI. — * Lettre du roy à M. Duplessis 22
XII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à M. de
Villeroy 23
XIIL — * Lettre de M. de La Boucherie à M. Duplessis. . . 24
XIV. — * Lettre de M. de Betliune à M. Duplessis a6
XV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 527
XVI. — * Lettre de Catherine de Navarre (Madame) à
M. Duplessis 2q
XVII. — * Lettre de M. Servin , conseiller d'estat et advo-
cat gênerai , à M. Duplessis ihid.
XVIII. — * Lettre de M. de Tamboneau à M. Duplessis. . 3o
XIX. — * Lettre de M. de Montigny à M. Duplessis 3i
XX. — * Lettre de madame Dubouchet à madame Du-
plessis 7 32
XXI. — * Lettre de M. de Moudon à M. Duplessis 33
XXII. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery 3/^
\
55o TABLE DES PIECES
XXIII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy Fage 36
XXIV. — * Lettre de MM. de BellieTre et de Sillery au roy. 87
XXV. — Lettre de M. l'archevesque de Rheiras à M. Du-
plessis 49
XXVI. — * Lettre de M. Diimaurier à M. Duplessis 5o
XXVII. — * Lettre de M. Dumaurier à madame Duplessis. 5 1
XXVIII. — * Lettre de M. de Mouy à madame Duplessis. 52
XXIX. — * Lettre de M. Potier de Blancmesnil à M. Du-
plessis = ibid.
XXX. — * Lettre de M. Potier de Blancmesnil à madame
Duplessis 53
XXXI. — "^ Lettre de M. de Mouy à M. Duplessis 54
XXXIÏ. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 55
XXX lil. — * Lettre de M. Duplessis à M. de Pierrefite. . . 58
XXXIV. — * Lettre de M. de Schomberg à M. Duplessis. 59
XXXV. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 60
XXXVI. — * Pouvoir des sieurs président Richardot ,
Taxis et Verreyken 63
XXX VIL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 67
XXXVIII. — * Lettre de M. Duplessis à femme 68
XXXIX. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sil-
lery 69
XL. — * Lettre de M. de Villeroy à M. de Bellievre et de
Sillery 80
XLI. — Lettre de M. de La Scala à M. Duplessis 82
XLll. — Lettre de madame de Laval à M. Duplessis 83
XLIH. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 84
XLIV. — * Letfre de M. Duplessis à sa femme 87
XLV — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 90
XLVI. — * Lettre du roy à M. Duplessis 91
XLVII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 92
XLVIIl. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 95
XLIX. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 96
L. — * Lettre de M. de Lomenie à Duplessis 97
LI. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à M. de
Villeroy , « . 99
CONTENUES DANS CE VOLUME. 55 1
LU. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à M. de
Villeroy Page joi
LUI. — Lettre de M. de Rohan à M. Duplessis m
LIV. — ^ Lettre de M. Duplessis à sa femme i ï 2
LV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme ii3
LVI. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 1 16
LVII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 117
LVIIL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 118
LIX. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy. . 119
LX. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à M. de
Villeroy 1 33
LXI. — * Mémoire de ce qui a esté traicté avec les ambas-
sadeurs d'Espaigne 1 36
LXII. — * Mémoire de ce qui a esté traicté avec l'am-
bassadeur de Savoye 141
LXIII. — "Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy. 149
LXIV. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery; i5i
LXV. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery i53
LXVI. — * Lettre de M. de Villeroy à M. Duplessis i56
LXVII. — * Lettre du duc Bouillon à M. Duplessis iSy
LXVIII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme. . i58
LXIX. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 160
LXX. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery. 161
LXXI. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery. 176
LXXIL ~* Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 178
LXXIIL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 180
LXXIV. — * Articles VIII et XXVI du registre de l'as-
semblée générale teneue à Cliastellerault ibid,
LXXV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 181
LXXVL — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 184
LXXVII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 190
LXXVIII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 102
LXXIX. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme iq3
LXXX. — * Lettre de M. de Villeroy à M. Duplessis 194
LXXXI. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme iqS
552 TABLE DES PIÈCES
LXXXII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme. . . Page igS
LXXXin. — * Lettre de M. de La Fontaine à madame Du-
plessis 1 g8
LXXXIV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 199
LXXXV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 200
LXXXVI. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 202
LXXXVII. — * Lettre MM. de Bellievre et de Sillery au
roy. 2o3
LXXXVIII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery
au roy 214
LXXXIX. — ^ Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 217
XC. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy . . 218
XCI. — * Lettre de M. le légat au roy 228
XCIL — "^ Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery aSo
XCIII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme. ........ ,284
XCIV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 235
XCV. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery 286
XCVL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery 288
XCVII. -- * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy ibid.
XCVIII.—.* Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy. 241
XCIX. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 344
C. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 246
CL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 246
CIL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 248
cm. — "*■ Lettre de M. Duplessis à sa femme ibid,
CIV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 260
CV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 261
CVI. — * Projet de lettre à écrire par le roy au parlement
de Paris, envoyé à M. Duplessis pour le revoir 252
CVII. — "*- Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 258
CVIIl. - - * Lettre de M. Duplessis à sa femme 261
CIX. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 262
ex. -" ^ Lettre de M. Duplessis à femme 268
CONTENUES DANS CE VOLUME. 553
CXI. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à M. de
Villeroy Page 264
CXIL — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy. 271
CXIIL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery 274
CXIV. — * Lettre de madame de Rolian à madame Duplessis. 276
CXV. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme , 277
CXVL — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 278
CXVn. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy > 279
CXVIIL — * Lettre de M. de Pierrefite à madame Du-
plessis 280
CXIX. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery. 290
CXX. — '^ Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre et
de Sillery 3o4
CXXI. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 3o6
CXXII. — * Lettre de M. Duplessis à sa femme 807
CXXIII. — * Lettre de M. de Pierrefile à madame Duplessis. 809
CXXIV. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 3ir
CXXV. — Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery . 817
CXXVL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 821
CXXVII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au
roy 332
CXXVIIL — * Lettre de M. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 3x5
CXXIX. — * Lettre de M. le procureur gênerai du parle-
ment de Paris au roy 326
CXXX. — * Lettre de M. de Villerov à MM. Bellievre et
de Sillery 327
CXX XL — * Lettre de M. de Villeroy à M. Duplessis. . . 33o
CXXXII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery
au roy 33 1
CXXXllL ■— '♦■Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery
à M. de Villeroy 3^3
CXXXIV. — * Lettre de M. de Bellievre à M. de Villeroy. 346
CXXXV. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 348
554 TABLE DES PIÈCES
CXXXVI. — * Mémoire de quelques poincls louchant le
traicté d'entre la royne d'Angleterre et le roy d'Es-
paigiie Page 352
CXXXVII. — * Lettre de M. Duplessis à M. de Loraenie. 353
CXXXVIII. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de
Sillery . 354
CXXXIX. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bel-
lievre et de Sillery 356
CXL. — * Relation de ce qui se passa à la conférence pour
la paix à Vervins, l'an 1698, depuis le 6 febvrier jus-
ques au i^'"mai; mise par escrit par le secrétaire du
cardinal de Florence , légat à latere du pape Clé-
ment VIII 358
CXLI. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery. 412
CXLII. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 41-7
CXLIII. — * Lettre de M. le duc de Bouillon à M. de
Buzenval 410
CXLIV. — Lettre de M. Duplessis à M. de Villeroy ihid.
CXLV. — * Lettre de M. Marbault à M. Duplessis 4a 1
CXLVL — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery au roy . 424
CXLVII. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 426
CXLVIII. — * Lettre du roy à M. de Lesdiguieres l\^o
CXLIX. — * Articles du traicté de paix , accordés le 2
mai 1 598 43 ï
CL. — * Traicté des particuliers , faict à Vervins , le 2
mai 1 598 45o
CLI. — * Pouvoir du député de M. de Savoye. ....... 4^4
CLII. — * Acte de la remise du traicté es mains de M. le
légat 4^5
CLIII. — * Negotiation pour la cessation de la guerre
avec la royne d'Angleterre et provinces unies des Pays
Bas , durant deux mois 457
CLIV. — '*■ Negotiation pour la cessation de tous actes
d'hostilité jusques à la publication dudict traicté avec le
roy d'Espaigne 4^9
CLV. — * Negotiation pour convenir d'aultres arbitres
avec M. de Savoye , en cas que le pape vinst à décéder, ibid.
CONTETÎUES DANS CE VOLUME. 555
CLVI. — * Negoliation pour laisser emporter l'artillerie
qui a esté mise à Berre depuis sa prise , avec les armes ,
vivre et munitions de guerre Page /,6o
CLVII. — * Mémoire touchant le traicté de paix 461
CLVIII. — * Lettre de M. de Buzenval au roy 467
CLIX. — * Lettre du roy à messieurs du presidial de
Tours 469
CLX. — * Lettre du roy à M. le procureur du roy de
Tours : 4^0
CLXI. — * Lettre de M. de Villeroy à M. Duplessis 471
CLXIL — * Lettre de M. de Bouillon à M. Duplessis .... 472
CLXIIL — * Mémoire joinct à la lettre précédente de
M. de Bouilllon à M. Duplessis, du 6 mai iSyS 4n3
CLXIV. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Beliievre
et de Sillery 4^4
CLXV. — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillerv
au roy 4^6
CLXVI. — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery à
M. de Villeroy , /j8o
CLXVIL — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery au
roy , . 486
CLXVIII. — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery à
M. de Villeroy 480
CLXIX. — * Lettre de M. Pelesason à M. Duplessis ibid.
CLXX. — * Lettre du roy à MM. de Beliievre et de
Sillery 4<^o
CLXXI. — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Beliievre
et de Sillery , 4q3
CLXXIL — * Lettre du roy à M. le légat 4q4
CLXXm. -- * Mémoire baillé à M. Pierrefite, allant à
Rennes , le 10 mai 1 698 , par M. Duplessis
CLXXIV. — * Lettre de M. de Buzenval à M. Duplessis. . 5o2
CLXXV. — * Lettre du roy au pape , escrite de sa main. . 5o4
CLXXVI. — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery
au roy 5o5
CLXXV IL — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery à
M. de Villeroy 5oq
CLXXVIIL — * Lettre de MM. de Beliievre et de Sillery
au roy 5,1
556 TABLE DES PIÈCES, etc.
CLXXIX. ~ * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy. Page 5l4
CLXXX. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sil-
lery 5 1 8
CLXXXL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 023
CLXXXU. — * Lettre du roy à M. le légat 5?4
CLXXX IlL — * Lettre de M. de Villeroy à M. le légat. . 525
CLXXXIV. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery
au roy 626
CLXXXV. — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery à
M. de Villeroy 628
CLXXX VL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bel-
lievre et de Sillery 53o
CLXXXVIL -— * Lettre de M. de Bethune à M. Du-
plessis 532
CLXXXVIIL — * Lettre de MM. de Bellievre et de Sillery
à M. de Villeroy , 533
CLXXXIX. — * Lettre de M. de Bellievre à M. de Villeroy . 536
CXC. — * Lettre de M. de Bellievre au roy 538
CA.CL — * Pour les ratifications, ostages et publications
du traicté du 28 mai lôgS, à Vervins 539
CXCn. — * Lettre du roy à MM. de Bellievre et de Sillery. ibid,
CXCIIL — * Lettre de M. de Villeroy à MM. de Bellievre
et de Sillery 642
CXCIV. — * Response du duc de Savoye à la dernière
que sa majesté a faict donner au sieur Jacob, son am-
bassadeur, le dernier mars 1598 543
CXCV. — * Batificalion des articles du traicté de paix. . . 545
CXCVI. — * Lettre aulx gouverneurs pour la publication
de la paix 546
CXC VIL — * Lettre aulx courts de parlemens. ........ 547
CXOV^III. — * Lettre aulx baillis et seneschaulx ibid.
FIN DK LA TABLE DU TOME HUITIEME.
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