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HARVARD
COLLEGE
LIBRARY
Préservation facsimile
printed on alkaline/buffered paper
and bound by
Acme Bookbinding
Charlestown, Massachusetts
2004
HARVARD COLLEGE LIBRARY
THIS volume FROM THE
HARVARD COLLECTION OF
ymF BOOKS ON THE FINE ARTS IS
^ THE GIFT OF PROFESSOR
PAUL J. SACHS OF THE CLASS OF 1900,
OF THE FOGG MUSEUM OF ART
W [31
Charles-Nicolas COCHIN.
MÉMOIRES INÉDITS,
LILLE. IMPRIMERIE L. DANEL.
SOCIÉTÉ T)E L'HISTOIRE 'DE L'^ RT JRANÇAIS.
MFiVlOiRES INEDITS
DE
Charles-Nicolas COCHIN
SUR LE
Comic de C\\ i.U>. BUUCHAKDON, les SLODTZ.
Publiés d'après le manuscrit autographe
Avec lirreoDucTioN , Nonris et Appimdicb
Par M. Charles HENRY.
PARIS ,
f)AUR, LlBRAlRK DK l.x SOCIKTÉ ,
1 1 , rue des Saints • Pères.
1880
^^^-'7, A S
o
^
Monsieur Charles LÉVÊQUE
Membre de Tlnstitut ,
Professeur su Collège de Frince.
INTRODUCTION.
Qui dira toutes les puissances charmeresses du
dix-huitième siècle?... Le froufrou de ses élé-
gances « les bruits éteints de ses boudoirs, les
mythologies qui enroulent leur sommeil aux
chaînes de ses tapisseries ont dicté à Théophile
Gautier de merveilleux pastiches et de fan-
tasques créations. Arsène Houssaye lui doit
de charmants vers et le plus délicat de sa gen-
tilhommerie littéraire. Siècle d'étiquette et de
laisser-aller , de scepticisme et de passion , de
mysticité et de philosophie , il a prêté à Gérard
de Nerval le sujet de curieuses autopsies men-
tales et la trame d'une de ces existences , affolées
d'imprévu » que la Bohème , même la plus pica-
resque de notre temps . n'a pu faire réétinceler.
Avant de décapiter la royauté , ce siècle a fondé
une autocratie : la domination de la femme ; une
8 utuOtMXM DE GOCHm.
république , la république des arts ; par là il
séduisit MM. de Concourt.
Regardez ce charmant portrait : « Saas études,
parfois liseurs , mais sans lettres , sans usages ,
sans manières , formés tout seuls, poussés natu-
rellement à la volonté du hasard et de leur intel-
ligence,., les artistes du dix -huitième siècle...
avaient une façon de bon sens neuve , imprévue
et libre, un tour d'idée natif, heureux et joyeux.
Tout chez eux venait d'eux : leur fortune et leur
esprit , un esprit auquel nul n'avait touché , et
qu'ils n'empruntaient à rien , un esprit rare et
propre, loyal, franc, net, un esprit à la grâce de
Dieu , de bonne foi et de bonne source , vivant
et bien venu , comme un enfant de campagne.
Ils pensaient délibérément , à tous risques , ne
sachant se taire ni mentir, sachant rire. Ils avaient
été doués d'une belle humeur active , d'une ima^
gination ironique et plaisante. Ils avaient reçu ,
naissants , le don de la comédie des ateliers , le
don de cette vengeance rieuse , lutine, enfantine
et méchante , la charge , cette drôlerie entre la
niche et la farce , qu'on dirait inventée par Aris-
tophane à l'école. Il avaient été armés de gaieté.
Venus de bas , de rien , du peuple , montés dans
un monde de noblesse et ne s'oubliant pas , ils
INTRODUCTION.
gardaient et défendaient avec la gaieté Torgueil de
leur pauvre naissance. Us sauvaient leur dignité
en portant leur liberté partout, en prenant partout
leur franc juger , leur franc parler et leur franc
moquer , moquerie fière et haute , avec laquelle,
affranchis de la roture , les parvenus du talent
apprenaient l'égalité aux grands conune aux
riches. »(i)
Ainsi furent les Lebas, les Eisen, les Moreau,
les Audran, les de Troy. Ainsi fut Charles-
Nicolas Cochin.
Né en 1715, comme beaucoup d'alors élève de
son père, reconunandé par SoufQot à la Marquise
de Pompadour, il fut désigné à trente-quatre ans,
avec l'abbé Leblanc, le célèbre auteur, d'-^^^-
Satd, et Soufflot, pour accompagner, en Italie,
le Marquis de Marigny. Le voyage n'était pas un
voyage ordinaire ; il dura deux grandes années.
Le Marquis , nommé à vingt-un ans , en survi-
vance de M. Le Normant deTournehem , direc-
teur général ordonnateur des bâtiments du roi .
y devait puiser dans le commerce des œuvres
magistrales l'éducation de son sens artiste. M. de
Marigny rapporta-t-il d'Italie la critique et la lar-
(1) Portraits mtmcs du dùc-buUUme siècU. Parit Charpentier 1878,
page 289.
10 MÉICOIRES DE GOCHIM.
geur ? Les avis sont un peu partagés. En tous
cas , ritalie ne fut pas inutile à Cochin : elle lui
rapporta le cordon de Saint-Michel , la place de
graveur du Roi , de garde des dessins de sa Ma-
jesté , de Secrétaire perpétuel de l'Académie de
peinture et de sculpture , de censeur royal , puis
ce qui valait mieux encore, TafiFectueuse pro-
tection de M. de Marigny (i).
Et n'allez pas croire que l'artiste en fut moins
cette incarnation spirituelle et libre dont MM. de
Concourt ont esquissé le type.
Vers 1758, il écrivait à Desfriches : « Dieu vous
bénira , n'en doutez pas ; vous avez travaillé pour
la propagation des écus des Cochin , des Le Bas ,
si que leurs bourses deviennent grasses à lard. Que
de jouissances s'en suivront ! car voulez-vous de
bons soupers , ayez des écus ; voulez-vous de
bonne musique , ayez des écus ; voulez-vous de
belles filles , idem ; jugez donc combien vous allez
prospérer ! » (2) Vingt-quatre ans après , la note
(i) • Je n'entreprendrai point , Monsieur^ d'être l'interprète des senti-
ments de la Nation i votre égard, je me borne à vous supplier d'accepter
avec indulgence un léger tribut de ceux dont je suis pénétré. « ( Voyage
dt Italie , 011 Recueil de Notes sur les ouvrages de Peinture et de Sculpture
^o» voit dans Us principales villes d^ Italie, par M. Cochin. Paris joro-
bert M DCC LVIII. — Dédicace au Marquis de Marigny, page V-VI).
(a) Histoire des phts célèbres amateurs français par M. J. Dumesnil.
Tome fil. Paris, Renouard, 1858, page 88-89.
INTRODUCTION. 1 1
n'a pas changé : « Beaucoup d'affaires , des maux
d'yeu^, des soupers en ville , on se couche tard,
on ne se lève pas matin, des dessins à faire qui
sont pressés , où l'on emploie les parties de la
journée qu'on ne passe pas à table., ainsi se
passe la vie et après cela on se plaint qu'elle parait
courte. *>{i) Et encore : « Vous avez peut-être été
surpris d'apprendre que je me trouve quelquefois
aussi court d'argent ; mais le principal de ma petite
fortune est fondé sur les bienfaits du feu Roi , que
m'a procurés l'amitié de mon bon ami et protec-
teur M. de Marigny ; or, je n'en suis point payé ,
et ce qui m'est dû de ce côté monte à plus de
25,000 livres; au moyen de quoi je ne me sou-
tiens presque que par mon travail qui ne me
rapporte pas beaucoup , surtout à cause de la
quantité de corvées gratuites que je me trouve
engagé à faire , parce que je suis bon diable , et
qui me consomment un tiers de mon année , et
quelques autres raisons encore que je ne dois pas
expliquer. » (2) Ces demi-mots , ces phrases tour
à tour entortillées et rapides comme une impro-
(1) Hisimre des pha célèbres amateurs français par M. J. Dumesnil.
Tome m. Parii, Renouard, 1858, page 110.
(a) Ibid., page 1 16.
12 IcélCOmBS DE GOCfON.
visation . tout cela est clair , sincère , éloquent.
Mais ce n'est pas là qu'il faut chercher un complet
déshabillé, il est ici.
Dans cette œuvre , qu'il a modestement inti-
tulée Anecdotes, en se faisant Tanecdotier de son
art Gochin s'est fait l'anecdotier de son cœur. Et
cette âme consciencieuse et honnête, un peu sen-
timentale, un peu bourgeoisement éprise des dis-
tinctions hiérarchiques , avec sa finesse de vieux
paysan et son expérience teintée quelquefois
d'ironie et d'amertume, a tracé des hommes et
des choses une image peut-être moins primesau-
tière. moins spirituelle à coup sûr. mais plus scru-
puleuse que les Mémoires secrets de Bachaumont.
Son livre, il le parla plus d'une fois: dans l'anti-
chambre de l'Académie, au café , dans les ateliers ;
mais il ne le publia pas. Bien plus, pour éviter
une indiscrétion trop empressée il l'enterra, de par
son testament , à la Bibliothèque royale et c'est
tout récemment qu'un précieux catalogue nous
en a révélé l'existence déjà problématique (i).
(i) L. Delisle. Inventaire général des manuscrits de la Bibliothèque
Nationale. Tome 11, page 383.
« Un article du Magasin Encyclopédique de Tannée 1795, ** disent MM.
de Concourt, «• mentionne un manuscrit légué par Cochin et existant alors
la Bibliothèque Nationale , un manuscrit de cinq cents pages entière-
ment de sa main Ce manuscrit contenait deê anecdotes sur les Slodtz , sur
INTRODUCTION. l3
Hélas I qui le blâmerait d'avoir agi ainsi? Un
académicien, un employé des Menus- Plaisirs ne
pouvait disséquer tout ce que l'ignorance, la
bêtise, l'insolence entassaient d'arbitraire à l'Aca-
démie, aux Menus-plaisirs. La mallette, la Hol-
lande pouvaient le soustraire à l'autorité , mais
à l'embrigadement des coteries?... D'ailleurs, les
courageux eux-mêmes sont parfois timides ; celui
qui sut, malgré le clergé de France coalisé avec le
pape , malgré l'infâme Lebreton , malgré les cen-
seurs , conduire à bon port V Encyclopédie, quand
il écrivit le Neveu de Rameau louvoya, sollicita les
Bouchardon , Kur la tyrannie de M. de Caylus ; des espèces de mémoires
de l'art du temps , où , d'après l'analyse du Magasin Entyclopèdiqiu per-
çait une amertume à la Chamfort , l'amertume d'une vie d'bomme de
talent vécue dans la société des grands , une vengeance contre ces impor^
tamis riches, contre ces Mécènes de cour et leurs bas valets, si bien peints
déjà par le vers de Gresset : ^ Des protégés si bas , des protecteurs si
bêtes. . . •». Les catalogues des manuscrits de la Bibliothèque Impériale
ne contiennent nulle trace de ce manuscrit, et les recherches qu'a bien
voulu en faire , sur nos indications, M. Mabille , dans le fonds français,
n'ont malheureusement abouti à aucun résultat. •« ( Lart du diX'buiHèmt
siècle , tome II i p. 73 , note) La notice en question (tome sixième du
Magasim Enqtdopidique , pages 255-259 ), après avoir énuméré les princi-
pales Inimitiés du Comte de Caylus et précisé l'origine de sa haine contre
les gens de lettres, rapporte l'anecdote de M. de Bombarde et de l'auteur
dramatique , puis les répliques de Bouchardon et de de Troy au Duc
d'Antin. En somme, l'article est asses incomplet; inutile de dire qu'il est
ftuz sur le nombre des pages ; le volume de la Bibliothèque ne compte
que 156 pages in-4®. Dans leur étude sur Madame de Pompadour (Nou
velle édition, Paris, Charpentier, 1878, p. 197JMM. de Concourt
reviennent avec les mêmes regrets sur notre manuscrit.
14 MEMOIRES DE OOCHIlf.
poadérations du dialogue et ûnàkmœt recourut
à rinédit du portefeuille (i).
« Il fallait un calculateur pour remplir la place,
ce fut un danseur qui l'obtint. — Receroir ,
prendre et demander, voilà en trois mots le secret
du courtisan I >» ces généralités , on les applaudis-
sait au théâtre parce qu'elles étaient des généra-
lités et aussi parce qu'elles étaient pimentées d'es-
prit et de polissonnerie . servies par Dazincourt ,
relevées par le jeu passionnel de M"* Sainval et
la jolie beauté de M'^^ Contât ; mais un Cochin .
même indépendant, n'eût pu, sans précautions lit-
téraires, caricaturer les Contrôleurs ou cataloguer
les scandales des Menus-Plaisirs.
Ajoutez à cela que ce livre regorge de noms et
de personnalités. C'est le déroulement d'une
fresque ruisselante de figures , d'expression et de
caractéristique, mais d'une fresque dont toutes les
tètes, comme dans la Cène de Léonard de Vinci
semblent autant de points fascinés par un lieu
géométrique. \^s à vis de Bouchardon, derrière
les Slodlz, à travers ces coudoiements de gen-
tilshommes, d'artistes, d'hommes de lettres, de
(i) Ce point de vue a été excellemment mis en lumière par Ch.
Astelineau , dans son introductioD au Nivem de Rtmtan, Paris. Poulet-
Malassis, 1862, page XXI.
INTRODUCTION. l5
commis, de bourgeois, on entrevoit, on devine ,
on pressent Anne-Claude-Philippe de Tubières
de Grimoard de Pestels de Lévy^ comte de
Caylus.
Voltaire peut expérimenter, Montesquieu dis-
séquer des grenouilles, Diderot écrire un mé-
moire sur la développante du cercle » Rousseau
herboriser, Buffon écorcher Newton (i), Turgot
pratiquer la chimie (2), Daguesseau , Lamoignon
de Malesherbes, Dionis du Séjour , Joubert du
Bosc commettre pour la science d'austères infi-
délités à l'administration et au droit, la princesse
d*Anhalt-Dessau, Agnesi, la marquise du Chàte-
let, la duchesse de Chaulnes peuvent vouloir
ériger en tradition l'exemple d'Hypatie, Caylus
apportera , lui aussi , dans ses goûts cet imprévu
qui a fait de son temps un âge si personnel et si
sympathique .
Il reproduira, alors que Malherbe éclipsait
Ronsard, nombre de dessins de Raphaël, de
Michel-Ange, de Léonard de Vinci et de Rubens ;
il illustrera les Chats de Moncrif ; il gravera
(1) BoMut. Histoire giniraU d*$ mëtbématiqtus. Paris , tome II, p. 56.
(2) Bibliothèque Nationale. Manuscrit français N^ 12306. Lettres
inédites à Macquer publiées par nous dans la Gû^ttU mneedcHquê du 30
Juin 1880.
l6 MEMOIRES DE COCHIN.
d'après Bouchardon les fêtes lupercales et les
sujets de la fontaine de la rue de Grenelle; il
éditera les Cris de Paris et V Histoire de saint
Joseph.
Il écrira pour l'Académie des Inscriptions qua-
rante-cinq mémoires sur des sujets, la plupart
originaux, sur le papyrus, la peinture à l'encaus-
tique, etc. Il fondera à l'Académie de Peinture et
de Sculpture des prix d'expression et de costume,
composant dans l'intervalle des dissertations d'es-
thétique (i) et des notices sur Van Clève,Trémol-
lière, Michel Anguier, Regnaudin, François
Lemoine, Bouchardon, Mignard (2), Watteau (j).
Au Bout du Banc il imaginera , avec La
Chaussée , Voisenon , Moncrif, le grand prieur
de Vendôme, Duclos, Salley, Crébillon et
Mademoiselle Quinault, la présidente du lieu, des
(1) Un manuscrit conservé à la Bibliothèque de rUniversité sous le
titre : Corférences et détails tf administration de t Académie rotale ' de
Peinture et de Sculpture, année MDCCXLVII, présente de Caylus :
I® Réfleiions sur la peinture contenant les moyens que l'on croit les plus
capables pour développer et fortifier le génie et le goût de ceui que la
nature a fait naître pour les arts ; 2® Dissertation sur la manière relative-
ment à la partie du dessin et sur les moyens de l'éviter ( avec un petit
discours par forme de réponse de M. Coypel ) ; 3® Dissertation sur l'har^
monie en fait de peinture et sur la couleur (avec réponse de M. Coypel).
(3) Mémoires inédits sur la vie et les œuvres des membres de r Académie
de Peinture et de Sculpture, tome II, page XXXII.
(j) La notice sur Watteau a été retrouvée et publiée à Paris ches
Dentu en 1861, par MM. de Concourt.
INTRODUCTION. IJ
facéties, des nouvelles, des romans qui en sonune
composeront douze volumes in- 12, sans compter
l'inédit et les œuvres douteuses comme le B
rayai, etc. (1). Là et ailleurs, mais sans collabo-
ration , il donnera comme le marquis de Bièvre ,
comme le chevalier de Fénelon, comme le comte
de Lauraguais, des tragédies, des comédies,
quelquefois des parades (2). Bien mieux, il les
jouera lui-même à Morville (j), comme plus tard
devait faire à Trianon la famille royale, comme à
Chevrette la Marquise de Gléon et Mademoiselle
de La Valette , comme à Bemy le Comte de
Clermont et son fidèle Comte de Polignac,
comme la cour chez le Prince de Conti à Bagno-
let ou sur le théâtre particulier de la Duchesse
de Villeroy , ou , sous la direction du duc de la
Vallière, dans les « petits cabinets. »
Nous n'avons à retracer ici ni l'étrange
priapisme de ce temps, ni le dévergondage de
(1) Octave Uzanne. Petit conteurs du dix-kmtièmê siècU, Fucities du
Comte de C^hu» Paris, Qsuuitin 1879. Introduction.
(a) Voyez V Appendice II, S 2.
0} Un manutcrit de la Bibliothèque de l'Université (M. S. L. 111, 41)
nous apprend qu'à Morville Monsieur de Caylus joua les rôles de Pirantc
dans les Mariages assortis, du Marchand Mercier dans la Comidii^
impromptu, de l'Intendant Guillot dans la Maison culbutée, de Mathurin
dans le Confident intéressé , de Mathurin dans les Ages ou la Fée du
Loreau,
l8 MEMOIRES DE COCHIN.
toute cette littérature qui s'éditait à Cythère, « aux
dépens de la Volupté ," par les soins d'avocats au
Parlement. Mais ici encore Caylus se montre une
des plus brillantes personnifications de son siècle.
Il écrit à un vénérable Théatin : « En attendant je
vous prie de n'avoir aucun scrupule sur les obscé-
nités : je les aime et j'en suis digne (i). i» Il tire
pour son agrément personnel des planches dont
« les sujets étaient véritablement en action, n
Enfin il laisse , au rapport d'un biographe (2) , de
rarissimes plaquettes licencieuses, les mêmes peut-
être que celles dont nous avons retrouvé des
copies à la Bibliothèque de l'Université (}).
En ce siècle où le Trésor est une proie, où la
cour est une école de dilapidations intelligentes et
de délicates scélératesses (4), quoique ayant
renoncé de bonne heure à la Cour, Caylus intri-
guera, non pour lui-même, il n'en avait nul
besoin, mais pour ses adorateurs ou ses créatures.
On verra dans ces pages le multiple enroule-
(i) Correspondance inédite avec le P. Paciaudi , édition Nistrd. ParU
1877, tome I, page 113.
(2) Biographie Micbaud. Art. Caylua.
O) Voir Y Appendice 11> § i.
(4) H. Taine, Les origines de la France contemporaine. L'ancien
régime, f édition, Paris, Hachette, 1876, p. 89
IHTRODUCnON. 19
ment de ses machinations. Et ce spectacle ne doit
pas être considéré comme la pâture d'une futile
curiosité. L'intelligence n'est pas seulement dans
un théorème, une expérience ou une métaphore ;
elle est aussi dans la vie et dans le type. A ce
point de vue l'anecdote est conmie un appendice
au catalogue de l'œuvre ; le travail de Cochin
devient un monument de haute philosophie.
MÉMOIRES DE GOCHIN.
MANUSCRIT
Ligué à la bibliolhèque du T(oi , par Charles - J\(icolas
Cochin. Chevallier de T Ordre de Saint -CMichel.
dessinateur et grai^eur du Tipi , garde des desseins
de Sa CMajesti au Loupre, suivant son testament (i)
reçu par CM* L Homme et son confrère, notaires
à Paris , le 28 avril tj^ , et remis à la bibliothèque
par CM* ^elle , avocat en Parlement , Conseiller du
^i , Commissaire honoraire au Chdtelet de Paris ,
Exécuteur dudit Testament Le. (2)
(i) C est la première pièce de notre Appemdict (p. 147). L'original est
conacnré dans Tétiule de M* Cabaret ; nous en devons copie à l'oUi-
geance de M. Marc Fabre, notaire honoraire.
(1) Dana les documents que le doyen actuel de la Chambre des Notaires
de Paris , M* Thomas, a HrX imprimer pour les distribuer à acs confrères,
on trouve plusieurs détails caractéristiques sur Lhorome, notamment
celui-ci : Au plus fort de la Terreur , il sortit plusieurs mois de suite sans
chapeau afin de ne pas porter la cocarde obligatoire. Cet autre trait achèvera
de le peindre. 11 avait vendu sa charge au début de la Révolution ; par
suite des lois nouvelles , son successeur perdait le tiers ou la moitié du
prix qu'il avait payé à Lhomme. Un jour ce dernier vint dans l'étude de
son successeur avec un paquet volumineux sous le bras. Après quelques
paroles banales , Lhomme partit , laissant le paquet qu'il ne voulut
jamais reprendre et , sur les insistances de son jeune confrère , se sauva
précipitamment. L'autre y trouva une somme de cinquante ou soixante
mille livres en or.
M. LE COMTE DE CAYLUS.
{ 1692-1765).
Les éloges de M. le comte de Caylus ont
retentis (i) partout de son vivant et même après
sa mort. II en méritoit, son amour pour les Arts,
qui lui a fait faire beaucoup de choses louables ,
lui doit assurer un rang distingué entre les ama-
teurs. Cependant comme la postérité peut désirer
de connoistre les hommes de plus près , on ne
croit point être blâmable si Ton ose en dire quel-
ques vérités moins obligeantes , mais qui feront
connoistre la manière dont il s'est comporté avec
les artistes.
Les gens de condition font sans doute honneur
aux corps auxquels ils s'attachent, mais le malheur
est qu'ils le savent trop bien , et qu'il est rare
que leur protection ne dégénère pas en quelque
peu de tirannie. Le comte de Caylus aimoit les
(1) Nous conscrvoni Torthographe de Cocbin.
26 Milf012IBS DB COCHIN.
arts , et les conDaissoit certaiDement mieux que
la plupart des autres amateurs de son temps. Il
avoit étudié le dessein et s'étoit beaucoup appliqué
à la gravure à leau forte (i) ; cette pratique suivie
de l'un des arts lui avoit ouvert les yeux sur
leurs beautés. En général il jugeoit bien d'un
tableau , d une sculpture , et son premier coup-
d'œil étoit assés juste. Je dis son premier coup-
d'œil , parce que rarement il daignoit se livrer à
un examen plus sérieux, même il se décidoît trop
vite sur cette première vue; et s'il lui arrivoit
d'avoir prononcé légèrement, ce qui n'étoit
pas aussi rare qu'il le croyoit , il n'en vouloit
pas démordre , et il étoit presque impossible de
l'en faire revenir : d'ailleurs il prononçoit sa
décision si despotiquement que peu de gens se
seroient bazardés à vouloir la réformer.
Les plus grands défauts qu'on ait pu reprocher
à M . le comte de Caylus ; c'est qu'il étoit vindi-
catif à l'excès ; qu'il ne pardonnoit jamais à ceux
qui , en quelque manière que ce fût , à dessein ou
non, avoient en quelque chose heurté ses volontés.
D'ailleurs il étoit excessivement partial , dès qu'il
avoit épousé les talents d*un artiste , le mé-
rite des autres ne lui étoit plus sensible, tout
devoit être dans la manière de ce favorisé ; ce qui
(i) Voyez dans le Mamuel de V amateur d^ estampes de Le Blanc , Ténu-
inération aoinmaire des 885 pièces gravées à l'eau-forte par le Comte de
Caylus. Près de quatre cents pièces représentent des antiquités.
LE COMTE DR GAYLU8. 2J
S en éloignoit lui paroissoit , par cela seul
mauvais. Il faisoit plus : si quelque autre artiste
disputoit de réputation avec celui qu'il affection-
noit , il en devenoit l'ennemi (i).
C'est du moins » selon tout ce qu'on en a pu
juger , une des principales causes de son inimitié
contre M. Michel- René Slodtz(2), car on ne voit
point que cet artiste ail rien eu à démêler direc-
tement avec lui. Cependant M. le comte de
Caylus le persécuta sourdement partout où il put
le rencontrer. Slodtz étant encore en Italie , où
il a fait un long séjour , (3) s'étoit fait une réputa-
tion brillante qui perçoit jusqu'à Paris. Les pen-
sionnaires qui revenoient de Rome , chantoient
les louanges de ses talens et de son caractère.
(1) • Ce qui me déplaisait en lui ..•>, écrit Marmontel dans un portrait
resté célèbre par sa méchanceté, • c'était l'espèce de domination qu'il avait
usurpée sur les artistes et dont il abusait , en favorisant les talents mé-
diocres qui lui faisaient la cour , et en déprimant ceux qui plus fiers de
leur force n'allaient pas briguer son appui. • {Œmvres complètes, Paris,
1818, tome 1, page 359).
(a) Cet artiste dont il sera si souvent question dans ce volume , né le
29 septembre 1705, mort le 26 octobre 1764 , ne parvint jamais au rang
d'Académicien , bien qu'il eût été agréé par l'Académie dès 1744. Son
père était un sculpteur de mérite et on sait que deux de ses frères, dont
il sera question plus loin, suivirent la même carrière. Il n'en est que plus
singulier de voir cet artiste si vanté par Cochin rester toute sa vie Agréé
de l'Académie.
(3) Deux fois dans le concours pour le grand prix de l'Académie Slodts
seul iiit nommé ; deux fois on lui décerna un deuxième prix en 1724 et
en 1726. Il faut ajouter que la première fois il n'avait pas de concui^
rents ; la seconde , il n'en comptait qu'un. Il dut donc partir à Rome
vers 1726 ou 1727. Il y était encore en 1742. ( Voyex Archives éU Part
frmiçmis, T. V, 288 et 289 et VI , 99-104).
28 MiMOIRES DB COCHIH.
Ils disoient assés hautement que s'il revenoit il
seroit Témulede M. Bouchardon. Ces assertions
étoient un peu exagérées , et il est certain qu'à
beaucoup d'égards , M. Bouchardon lui étoit
supérieur, surtout pour la science des formes
correctes de la nature ; d'ailleurs il avoit moins
de manière , enfin c'étoit un plus grand sculpteur,
mais Slodtz avoit plus de grâce dans sa composi-
tion, plus de noblesse et de richesse dans ses
ajustemens ; il drappoit aussi bien , et exécutoit
beaucoup plus délicatement ses draperies. C'étoit
dequoy partager les goûts et les suffrages. M. le
comte de Caylus n'admettoit la comparaison de
qui que ce fût avec M . Bouchardon , à qui il
rendoit un culte exclusif; et on est fondé à croire
de là que cet amateur étoit prévenu contre Slodtz,
même avant qu'il arrîvast à Paris.
La manière dont Slodtz se trouva forcé de se
conduire avec lui depuis son arrivée , ne contribua
pas à faire revenir M. de Caylus sur son compte.
Cet amateur , avec une apparence de familiarité
qui sembloit établir entre lui et les artistes la plus
pafaite égalité , aimoit cependant qu'ils lui fissent
leur cour. Il vouloit dominer dans la petite répu-
blique des arts , ayant renoncé , je n'ay pas scu
pourquoy , à la considération que donne les accès
à la cour, (i) le seul empire qui lui restoit étoit
(i) Cet ëloignement pour la Cour peut s'expliquer par le caractère
même de Caylus : c Le comte de Caylus *, disent MM. de Concourt, v se
LB COMTB DE GAYLU8. aç
celui des arts , el Tautorité qu'il tàchoit de s'y
conserver (i) ; aussi préféroit-il entre les artistes .
ceux qui lui paroissoient les plus soumis , et qui
avoient la complaisance même de gâter quelquefois
leurs ouvrages pour suivre au pied de la lettre
ses avis, lesquels n'étoient pas toujours aussi
judicieux qu'il les croyoit.
Slodtz en arrivant à Paris (2) fut demeurer avec
ses frères (3) qui étoient dans un état d'aisance au-
dessus de la sienne. M. le comte de Caylus étoit
l'ennemi le plus déclaré des médiocres talens des
deux aines des Slodtz. Il les avoit barrés en
plusieurs occasions , ils ne l'ignoroient pas : ainsi
lorsque M . Slodtz parut désirer faire connaissance
avec M . le comte de Caylus , ils ne l'y excitèrent
pas , au contraire , ils lui firent assés connoistre
qu'ils le regardoient comme leur persécuteur.
M . Slodtz étoit dans une position assés embaras-
trouve à Paris en 1717, sans charge, sans emploi, désœuvré, encore plein
de la fièvre du voyage , plus ardent, plus actif qu'auparavant, avec moins
de goût que jamais pour se dépenser i la Cour nouvelle ou se perdre dans
les compagnies. Il se jette à de laborieux caprices. 11 se précipite à mille
études , variant furieusement ses goûts et l'occupation de ses heures , de
sa tête , de ses doigts , se poussant à des talents divers , impétueux et
s'éparpillant en tous sens , au gré d'aptitudes naturelles et vives. M. de
Ctjlus ne s'appartient plus. «> {Portraits mOrnss dm dix-buitUmi siklê,
etc. Paris 1878, page 151).
(1) Voyex les Remarques de l'auteur à la fin de ce portrait : 1 (p. 67).
(a) Vers 174a ou 1743.
0) Sébastien-Antoine et Paul-Ambroise, à qui Cochin consacre plus
loin une notice. On sait que Paul-Ambroise avait été nommé membre de
l'Académie royale dès le 29 novembre 174J. Il devint même Professeur
en 1754. Né en 1702, il mourut le 15 décembre 1758.
30 MÉMOIRES DR COCHIN.
santé , il aimoit ses frères et ne vouloit pas les
désobliger , joignes à cela une certaine n^ligence
et un éloignementà fairesacour que l'on contracte
naturellement à Rome. Il se contenta donc de se
présenter une fois ou deux à la porte de M . de
Caylus qu'il ne trouva point , et enfin le laissa ,
voila le grand crime de M . Slodtz envers M . de
Caylus , mais il n'en fallait pas tant pour s'attirer
son animadversion ; ne pas reconnoistre son tri-
bunal étoit une faute qu'il ne sçavoit point par-
donner.
M. de Caylus sembloit éviter de parler de
Slodtz dont , à la vérité , il n'avoit aucun mal à
dire ; ses mœurs et ses talens ne donnant point
de prise , il auroit trouvé trop de défenseurs , et
c'eut été dévoiler trop grossièrement une inimitié
dont on ne vouloit pas dire le fondement. Ne
scachant donc que lui reprocher , il le taxoit d'une
vanité ridicule en se laissant appeler Michel- Ange
Slodtz, comme se comparant au fameux M. A.
Buonarotti. Il ne vouloit pas faire attention que
ce n'étoit point Slodtz qui avoit pris ce nom ,
que par une suitte de l'usage établi à Rome , de
nommer chacun par son nom de baptême , ses
amis l'avoîent ainsi nommé, et qu'ils y étoient si
bien accoutumés qu'il ne dépendoit pas de lui de
les faire changer. Ce surnom , sans qu'il y eût
contribué , étoit tellement reçu que M . Cars gra-
vant son portrait mit son nom de cette manière
LB COMTE DB (UYLU8. 3l
et aucuD de ceux qui savoient son véritable nom,
n'y fit attention.
M . de Caylus ne se contenta pas de répandre
ce petit ridicule sur Slodtz , il le traversa plus
sérieusement lorsqu'il en put trouver l'occasion.
M. Slodtz arrivé à Paris, précédé d'une réputa-
tion établie sur les belles choses qu'il a faites à
Rome et à Vienne en Dauphiné, (i) crut pouvoir
demander à être chargé d'une figure pour le roy.
C'étoit à M . Coypel , premier peintre du roy ,
et chargé du détail des arts, à en faire la proposi-
tion à M. De Tournehem;maisM. Coypel croyoit
avoir besoin de l'appuy de M . de Caylus et le
ménageoit beaucoup. Il y a apparence que ce fut
le comte qui lui suggéra le sot motif qu'il allégua
pour le refuser. Il dit qu'il ne pouvoit pas confier
un ouvrage à un sculpteur , des talens de qui il
n'étoit point suffisamment instruit et dont on
avoit rien vu à Paris. C^est ce que j'ay insinué
dans ma lettre sur la vie de Slodtz. (2) Quel
(1) Il 8*agît ici du mausolée commun de deui archevêques de la ville
M. de Montmorin et le Cardinal d'Auvergne , son successeur , placé dans
la cathédrale de Vienne et dont Dargenville parle dans ses Vies de tculp'
UtiTS ( 11, 3^). Les Archives de fart français ( IV, 99, 104 ) ont donné
deui lettres de Slodtx relatives à ce travail achevé seulement en 1746.
(1) c M. Coypel , alors chargé du détail des Arts sous M. de Tour-
nehem, le reçut avec asses de froideur. Je n'en développerai point ici les
causes : Je dirai seulement qu'il ne Jugea pas à propos d'accorder sa
confiance à la réputation dont jouissoit M. Slodtz , et qu'avant que de le
charger d'aucun ouvrage , il voulut attendre que de nouveaux succès h
Paris établissent la certitude dont il croyoit avoir besoin. » ( Lettre de
M. CocksM aux auteur de la Galette Littéraire , page 4, ligne 17-38). Le
32 M^MOnES DE COCHIK.
misérable subterfuge I II n'avoit qu'à interroger
tous les artistes qui avoient été à Rome ; tous lui
auroieht dit qu'il avoit donné des preuves d'une
capacité distinguée. Il n'y a pas d'apparence que
réellement M . Coypel en doutast , mais il prenoit
les documents de M. de Caylus (i).
M . Slodtz fut chargé de décorer le chœur de
Saint-Germain L'Auxerrois , il en fit un très-
beau modèle , dont le fonds étoit enrichi d'une
magnifique gloire dans le goust de celle de Saint-
Pierre de Rome , et les côtés étoient décorés de
colomnes. On ne pouvoit reprocher à cette compo-
sition que d'être d'une architecture grecque qui
s'allioit peu avec le gothique qui règne au haut
de ce chœur ; du moins c'est le seul défaut qu'y
trouvoient M. Soufflot (2) et quelques autres
architectes.
C'est un problème difficile à résoudre , et je
ne sçay qui oseroit prendre sur soy de décider ,
si ayant une église gothique à décorer , on doit
volontairement et sciemment chercher une déco-
ration dans le goust manifestement mauvais de
ces archictectes goths , ou s'il est plus convenable
cttalogue des tableaux, destins, marbres , bronses , modèles , estampes ,
planches gravées, bijoux et autres curiosités appartenant à Charies Coypel
a paru à Paris en 1753.
(1) Voyex Diderot {Salon de fj6$,éd, Brière, p. 386).
(2) P.-Th. Bienaimé a écrit son Eloge (Paris, s. d. in-8<0. Le catalogue
des pastels , tableaux du cabinet de Soufflot a été publié en in-8® à Paris
(1780).
LB OOim DB (UYLU8. 33
de n^liger les rapports du tout ensemble et de
faire de belle architecture dans la partie qui nous
est confiée.
On dira peut-être qu'on pourroit trouver un
genre d'architecture » de bon goust , qui tint un
milieu entre le grecque et le gothique. En atten-
dant qu'on Tait trouvé , le plus sûr est vraysem-
blablement d'employer la belle architecture uni-
versellement reconnue pour telle. On pouvoit
encore reprocher au projet de Slodtz, et cela
étoit mieux fondé , que le chœur de Saint-Ger-
main déjà trop étroit , conmie le sont presque
tous les chœurs d'églises gothiques , se trouvoit
encore reserré par les saillies de son architecture
Quoiqu'il en soit, si l'employ de l'architecture
grecque eût été le seul défaut du projet de Slodtz»
il y eût scû remédier , si on l'eût désiré. Il auroit
fait un second projet , et certainement personne
n'avoit plus que lui le génie nécessaire pour ima*
giner une architecture mixte et ingénieuse.
Mais le principal défaut de ce projet étoit que
M. de Caylusne vouloit pas qu'il l'exécutast,
il ne pouvoit s'y opposer directement , il s'y prit
autrement. Voici ce qu'on en présuma alors :
On a pensé que M. Mariette devoit avoir eu
grande part à cette affaire et voicy comment :
M. Mariette» libraire et marchand d^estampes»
devenu fort riche par ces deux commerces réunis,
et considéré en conséquence , étoit fort amy de
34 ifâfoiHEs DE coarof.
M. le comte de Caylus (i) et fort susœptible d'en
recevoir les impressions , et de ne voir que par
ses yeux. Il ne fut pas difficile à M. de Caylus
de persuader à M. Mariette que M. Slodtz
n'étoit pas l'honmie à qui Ton devoit confier cet
ouvrage , et qu'on féFoit bien mieux d'en charger
Vassé , sculpteur , et Bacari , son beau-frère ,
architecte.
Vassé (2) étoit un sculpteur qui avoit quelque
génie et qui tenoit de M . Bouchardon son maistre,
un à peu près de bon goust général , ce n'étoit
ni un sculpteur savant • (3) ni fort estimé des
artistes ; mais il faisoit assidQement sa cour à
M . de Caylus et même lui gravoit beaucoup de
ces antiquailles sur lesquelles il a fait un si long
ouvrage , c'en étoit assés pour que cet amateur
prétendit l'élever au rang des premiers sculpteurs
(^1) Outre son Traité des pierres gravées dm cabinet du Roi tt divers
travaux moins importants il a fait imprimer un« ExplicaHom des peintures
antiques publiées par M. le Comte de Ct^lns.
(2) Fils d'un sculpteur habile , Loui»-Claude Vassé, né en 1716 « Ait
admis à l'Académie le 28 août 1751 et mourut le 1*'' décembre 1772 ; il
avait remporté le prix de Rome en 1739. ^ château de Dampierre ren-
ferme une œuvre de cet artiste. C*est une statue en marbre, représentant
une Naïade, qui décore le salon d'entrée sur la cour. ( Voyez archives de
fart français, VI, 369-372).
(3) C'est aussi le jugement de Diderot : • Le buste du Père Le Cointe
n'est assurément pas une mauvaise chose , ni la Nymphe qui se regarde
dans l'eau, ni le vase, ni les autres morceaux ; mais que m'importe que
vous soyez supportable , si l'art exige que vous soyez sublime ? « ( Salon
de 176 1 ). Voyez de Vassé le Catalogne des sculptures , peintures et gra-
vures, par Fr. Basan à la vente du 20 janvier 1773. (Paris in-12).
LB COIITB DB (UYLOS. 35
de son siècle. C'étoit donc à ce jeune homme
qu'il vouloit procurer cet ouvrage.
M. Mariette avoit marié une de ses filles à
M. Brochan(i), marchand d'étoffes; cette famille
étoit très-considérée dans la paroisse St-Germain
tant à cause de son opulence, qu'à cause des
mœurs les plus honnêtes et les plus respectables
dont elle faisoit profession. Ils n'entendoient rien
aux arts et regardoient M . Mariette comme un
aigle en ces matières; persuadé qu'il étoit par
M . de Caylus, il lui fut facile de leur communi-
quer cette persuasion et de leur donner de l'éloi-
gnement pour le modèle de M. Slodtz. Il fui
rejette et même il y a apparence qu'il n'a jamais
été payé du temps qu'il y avoit sacrifié, puisque
ce modèle s'est trouvé chez M . Slodtz, après son
décès. Ce sont petittes injustices dont les gens en
place ne se font pas grand scrupule.
Il ne fut pas bien honnête à M. de Caylus de
dérober cet ouvrage à M. Slodtz, car il y avoit été
appelle sans briguer, et il étoit arrêté qu'il en
seroit chargé longtemps avant que M . de Caylus
fit proposer Vassé.
Ce dernier et M. Bacariont fait la belle besogne
que Ton y voit maintenant; c'est-à-dire ces
ridicules colomnes canelées et qui semblent
(i) C'ett sans doute ce Brochant qui laissa une collection d'estampes ,
dessins, tableaux, coquilles , etc., vendue en 1774 et dont le catalogue fut
rédigé par Olomy.
36 M^OIRBS DB GOCHOf.
enterrées de leur moitié : et ce qu'il y a de plus
singulier c'est que ce projet a été approuvé par
l'Académie d'architecture (i).
M. Vassé fit aussi le modèle d'un tabernacle
assez mal pensé, quoique fort approuvé de
M • de Caylus, à cause qu'il lui paressoit avoir un
faux air de l'antique et surtout parce qu'il étoit de
son protégé. On y voit deux anges debout, tran-
quillement appuyés sur le haut du Tabernacle ,
qui regardent froidement rentrer et sortir le Saint-
Sacrement ; tandis que l'usage, beaucoup plus
raisonnable est de les prosterner en acte d'adoration
pour inspirer au peuple le respect dû à ce lieu
sacré, où repose le corps de Jésus-Christ. L'envie
de faire du nouveau fait faire bien des sottises (2) I
M. de Caylus tenta encore d'arracher à Slodtz
un autre ouvrage, non qu'il fut fort lucratif, mais
plutôt pour lui faire sentir le poids de son crédit .
M. Slodtz avoit été chargé des bas-reh*efs du
porche de Saint-Sulpice , (jj où il a fait de très-
belles choses. M. de Caylus voulut encore , après
(1) Voyez les Remarques à la fin de ce portrait II, (p. 67).
(2) Voyei les Remarquas U\, (p. 68).
(3) Dans le Voyage Pittoresque de Paris par M. D (argenville) , 4* éd.
de Bure, 1765, p. 371, on lit au sujet de ces bas-relieft, dont ni Piganiol
ni Thiéry ne disent mot : «• Dans le péristile, dont le sofBte est décoré des
plus riches ornements , on voit des bas reliefs de M.-Ànge Slodt^ repré-
sentant des Vertus. Les Théologales sont sur les trois portes et les Cardi-
nales sont sur les niches et les entrées des tours , toutes portées sur des
nuées éclairées par des rayons , ce qui les détache de leurs fonds. On y
remarque aussi les Évangélistes en quatre médaillons , accompagnés de
guirlandes de laurier qui régnent sur la corniche des portes et des niches
de ce péristyle. »
LE OOlCrS DB CàYLUS. ij
coup et lorsque tout étoit convenu, y fourrer son
cher Vassé , mais cela ne réussit point ; on ne nuit
pas touttes les fois qu'on le voudroit. Cependant
ce dessein de lui nuire n'a pas été tout à fait en
pure perte. Il n'a que trop réussi dans une occasion
sérieuse, dont j'auray occasion de parler dans les
anecdotes sur la vie de M. Slodtz, mais je crois
que M . le comte de Caylus n'a pas eu la consola-
tion de sçavoir tout le mal qu'il lui avoit fait.
Je n'entreray point dans des détails sur les divers
artistes que M. de Caylus a protégés pendant
quelque temps et qu'il a ensuitte abandonnés. Il
suffit de dire que presque tous ceux qui ont mon-
tré quelque talent, ont eu successivement leur
petit règne. Mais il n'y a eu que M. Bouchardon
à qui il ait été exactement fidèle jusqu'à la fin.
Ilaîmoit encore assés Carie Vanloo (i), parce qu'il
étoit bon homme et assés incapable de lui rien
contester ; et encore parce que c'étoit un moyen
de mortifier M. Pierre qu'il ne pouvoît souffrir (2).
(1) » Carie dessinait facilement . rapidement et grandement. 11 a peint
large , son coloris est vigoureux et sage ; beaucoup de technique , peu
d'idéal. Il se contentait difficilement , et les morceaux qu'il détruisait
étaient souvent les meilleurs. 11 ne savait ni lire ni écrire ; il était né
peintre comme on naît apAtre. » (Sûlou de 1765. Œmjres i$ Dideroi,
tome 8 , édition Brière , page lia). Plus d'une fois la prose de Diderot
reparaftra dans ces notes ; ce n'est pas que les Salons soient un évangile,
mais ils sont un document contemporain.
(a) M. de Cajlus partageait ce sentiment (le seul peut-être), avec
Diderot : « Je ne sais ce que cet homme devient. Il est riche ; il a eu de
l'éducation ; il a fiiit le voyage de Rome ; on dit qu'il a de l'esprit ; rien
ne le presse de 6nir un ouvrage ; d'où vient donc la médiocrité de presque
toutes ses compositions ? » (SûIoh de 1761).
38 MÉMOIRES DE COCHIN.
M . Pierre étant excessivement jaloux de M . Vanloo,
je ne parlerois point du mépris qu'il faisoit des
talens des frères Adam. Ce n'est pas en quoy je
le blàmerois car il étoit fondé en raison ; on n'y
pourroit trouver à redire que par l'excès. Il est
certain que la postérité ne comprendra pas com-
ment il a été possible que, pendant plusieurs an-
nées, le public ait comparé Adam l'ainé avec Bou-
chardon; ce sont de ces erreurs dont on reste étonné
lorsque les yeux sont désillés .
Ce qui pourroit faire l'éloge du bon goust de
M. le comte de Caylus, c'est cet attachement
inébranlable pour un vrayement grand artiste;
mais on peut l'attribuer en partie à la tournure
d'esprit de Bouchardon qui , quoique avec un air
assés pataud, étoit pourtant fm et rusé et d'ailleurs
très haut. M . De Caylus sentoit que Bouchar-
don, en quelque lieu qu'il fût, prendroit toujours
un vol d'aigle ; ainsi il étoit important au sultan
des talens de ménager et de gagner un espèce de
muphty qui alloit faire une religion nouvelle dans
le goust des arts.
Ils ne pouvoient qu'y trouver tous deux leur
compte. M . de Caylus faisoit preuve de son discer-
nement en fait de grands talens, et M . Bouchardony
rencontroit un prôneur qui lui épargnoit les mou-
vemens qui ne sont souvent que trop nécessaires
pour obtenir les grands ouvrages, quelque mérite
qu'on ait prouvé. Il est difficile de croire que
IM COMTE DK GATLUS. Sp
M . de Caylus trouvast beaucoup de complaisance
dans M. Bouchardon, il paroist même que ce fut
Tamateur qui fut obligé d'en faire les frais.
Cependant comme M . Bouchardon aimoit assez
qu'on lui fit la cour et qu'il ne pouvoit être que
flatté de l'assiduité de M . de Caylus ; qued'ailleurs
cet amateur donnoit beau jeu a l'humeur un peu
caustique de l'artiste en approuvant les sarcasmes
qu'il lançoit contre ses confrères , ils furent bientôt
amis et cette amitié dura plusieurs années, et
jusqu'à la mort de M. Bouchardon. M. Mariette
étoit en tiers dans cette liaison; elle lui donnoit de
la considération , eC d'ailleurs chaud désireux des
desseins de Bouchardon , il étoit par là à portée
d'en obtenir quelques-uns, et surtout un grand
nombre de contre-épreuves.
Il semble qu'on puisse regarder comme une
suitte de cette liaison le mépris qu'avoit M. de
Caylus pour tous les autres sculpteurs. Il le
manifesta même assés grossièrement lorsque,
allant voir chés M . Coustou le père les deux beaux
grouppes de chevaux retenus par des palfreniers,
qu'il faisoit pour Marly (i) au lieu de lui en faire
(i) Vojres dans les Nouvelles Arcbioes de Vartfrmiçais (1878 , p. 315-
3i8)« rettimation du prix de cet deux beiux groupes. Coustou demandaK
128800 fr.'t on lui alloua 85000 fr. 11 mourut d'ailleurs avant le règlement
do compte. On sait que les chevaux de Marly décorent aujourd'hui l'entrée
de l'avenue des Champ»*El]rsées où ils furent transportés le 1 1 septembre
1795 par le colonel d'artillerie Grosbert, à l'aide d'une ingénieuse machine
inventée spécialement pour cet usage. L'auteur de ce chariot nous en a
laissé la description et le dessin dans une publication spéciale.
40 idbfOIRBS DE GOCHIN.
compliment, il lui dit : M. Ctmstou, il faut avouer
que Bauchardan est un grand homme; on prétend
que M . Coustou lui répondit : Cela est vray ,
Monsieur , mais Je suis plus grand que lui de
toutte la teste (i).
Comme l'époque de la rénovation de la pein*
ture à l'encaustique des anciens , ou de quelque
chose d'approchant, est une des plus importantes
dans la vie de M . de Caylus, il ne sera pas hors
de propos de rendre compte des tracasseries qu'il
éprouva et qu'il fit éprouver à l'occasion de cette
découverte. Il est certain que ce fut M. de Cay-
lus qui fut le premier qui chercha à ressusciter
cette peinture en cire. Avec le secours de
M. Majault, médecin et chimiste, il trouva divers
moyens qu'il a expliqués dans un ouvrage (2) qu'il
a donné sur ce sujet (j).
M . Bachelier qui avoit quelques connoissances
de la chimie, imagina de mêler la cire avec l'eau
par le moyen du sel de tartre, de peindre avec les
couleurs imbibées de cette mixtion et ensuite de
■
refondre le tableau pour le fixer. Les divers essays
qu'il en fit lui réussirent (4) et si les tableaux qu'il
(1) Voyez les Remarqus à U fin de ce portrait IV (p. 68).
(2) Mémoire sur lapemttare à P encaustique, Paris, in-8^ 1755-
(j) Voyez les Remarques à la fin de ce portrait. V (p. 69].
(4) Ici Cochio aurait pu parler de lut-méme. On lit en efièt à l'article
Encaustique de V Encyclopédie (Tome V, p. 614 ) : «Au Imiit que fiiisait
cette tête ( la tête de Minerve exécutée par Vien d'après les procédés du
Comte de Caylus) M. Bachelier se reveilla. M. Cochin fils, auquel il parla
de son premier essai en 1749, l'engagea à y revenir • etc.
LB GOMTB DB CAYLU8. 4I
produisit ont été argués d'être un peu gris, ç*aété
la faute du peintre et non celle du moyen d'opérer.
M . Pierre en fit pour essày un petit tableau où il
y avoit des chairs de femme de la plus belle cou-
leur. Ce tableau n'a pas été fort connu, parce
qu'en le refondant M . Pierre ayant approché son
réchaud trop près y fit une tâche ; et comme il
n'aimoit point M . de Caylus. quoiqu'il lui mar-
quast toutte sorte d'attention il ne voulut pas
que cet amateur pût déclamer contre une sorte de
peinture qui produisoit des taches dans les
tableaux.
M. de Caylus témoigna à l'extérieur être satis-
fait de l'émulation qui avoit fait trouver une
manière de plus de peindre à Tencaustique, mais
dans l'intérieur il fut très-blessé d'une découverte
qui sembloit lui arracher une partie de la gloire
qu'il espéroit des soins qu'il s'étoit donnés pour
retrouver cette manière perdue.
Nous étions un bon nombre d'artistes qui fai-
sions bruit du moyen de Bachelier, les uns de bonne
foy, quelques autres avec malice. M. de Caylus
fit bonne contenance, mais, dans le fonds , il n'a
jamais pardonné à Bachelier ce petit désagrément
qu'il lui avoit donné (je crois) sans aucun dessein
de le désobliger, mais dont à la vérité d'autres
tirèrent parti pour mortifier un peu M . de Caylus.
On a lieu de croire qu'il eut sous main un peu
de part à ce que quelques auteurs écrivirent
42 irfMOIRBS OB COCHIN.
contre cette invention de Bachelier (i) ; on lui
donna le sobriquet de peinture au savon; on
prétendit même , par un bel étalage de raisonne-
mens chimiques , que le sel de tartre étant entré
dans cette peinture, elle ne pourroit soutenir
l'humidité , malgré l'expérience qu'on avoit faite
sur un tableau qu'on avoit laissé plus de six
semaines dans une cave très humide sans qu'il
en fût altéré. (2)
Touttes ces consolations furent bien troublées
par une incartade de Diderot, dont la cause
venoit de plus loin. Les auteurs de l'Encyclo-
pédie n'avoient point demandé à M. de Caylus
les articles concernant les arts , soit de peur de
l'importuner, soit qu'ils n'eussent pas de foy en
ses talens ; cependant ils ne crurent pas pouvoir
se dispenser de lui demander son avis et ses cor-
rections sur ce qu'on leur avoit broché à cet
égard. Il leur fit des notes marginales si insul-
tantes qu'ils en furent tout-à-fait offensés. Diderot
trouvant jour à le mortifier, fit une brochure (3)
où il exposa tout le moyen de peinture encaus-
(i) Voyez les Remarques. VI (p. 69).
(2) Voyex les Remarques. Vil (p 70).
(3) Histoire et secret de la peinture en cire (Brochure in- 1 a de 103 pages
numérotées , plus 3 pages non numérotées , sans lieu , sans date et sans
nom d'auteur). VUniversal Catalogue ofbooks on art lui attribue — mais
sans la donner pour certaine — la date de 1 756. La plaquette est anté-
rieure , car il y est fidt allusion dans un volume de VEncyclopddie publié
en 1755 ^article Encaustique). La paternité de l'Histoire et secret de la pein-
ture en cire ne prête toutefois matière à aucun doute. Il ne faut voir qu'un
artifice oratoire dans les lignes suivantes de Dom Pemety : i> Quelques-
ans ont prétendu que cet ouvrage était de M. Diderot ; mais cette calom-
LB COMTE DB CAYL08.
tique de Bachelier , et où il maltraita durement
M. le comte de Caylus. Celui-cy parut mépriser
cette misère , mais en fut si cruellement blessé
qu'il prit en haine, non-seulement Diderot(i).
mais encore tous les auteurs de ce dictionnaire ,
et qu'il suffisoit d'y avoir contribué pour être son
ennemi.
Il eut niéme peine à conserver la même affec-
tion pour M . Wattelet depuis qu'il eût accepté de
faire les articles des arts (2). En général M. de
Caylus halssoit un grand nombre des gens de
lettres d'alors , en qui il n'avoit pas trouvé de
docilité , aussi bien que la plupart des membres
de l'Académie françoise contre laquelle il se
nie n'a pu €tre suggérée que (wr l'envie : nous sommes convaincus que
M. Diderot se respecte trop à tous égards pour prêter la plume à l'indé-
cence et au mensonge. • ( DicHcmtaire portatif dt peinture , page Iviij
Ji la note).
(1) « Je connais peu Diderot parce que je ne l'estime point ; mais je
crois qu'il se porte bien. Il y a de certains bougres qui ne meurent pas
tandis que pour le malheur des lettres de l'Europe d'honnêtes gens comme
Mélot meurent dans leur plus grande force ( Lettre du Comte de Caylus
à Paciaudi du i6 février 1761 dans la Correspondance inédite, tome 1 .
page 237). Nous n'avons pas besoin d'ajouter que Diderot n'accordait
guère au Comte de Caylus plus de témoignages d'estime qu'il n'en rece>
▼ait lui-même. Les Observations sur la sculpture et sur Boucher don se
terminent par cette anecdocte : - J'allai l'autre jour voir Cochin; je trouvai
for sa cheminée cette brochure du Comte de Caylus. Je l'ouvris, je lus le
titre : Eloge de Bouchardon. Un malin avoit ajouté au crayon : ou Tart de
ùÀTt un petit homme d'un grand. * Cependant Diderot semble avoir eu
les premiers torts ; on sait à quel artifice les Souvenirs de Madame de
Caylus durent de paraître.
(s) « Il est aimable , mais son genre d'esprit et sa société ne vont pas
avec la fiiçon dont je pense sur certaines choses. ( Lettre écrite à Paciaudi
entre le to et le a mai iy6s dans la Correspondance inédite . tome 11 ,
p. 126).
44 MWIOItBI SB
lâchoit volontiers. Quelques uns prétendoient qu'il
ne les avoit ainsi pris en haine, que depuis
que , lassés de l'aider de faire ses écrits dont il
les accabloit trop fréquemment , ils avoient
renoncé, comme disoit Duclos. à lui raccom-
moder ses savates.
Je n'ay pu m'empecher d'avoir une pensée à
ce sujet dont je n'ay cependant nulle certitude
mais qui n'est pas sans vraisemblance ; je crois
' qu'intérieurement il auroit désiré d'être de l'Aca-
démie françoise ; il avoit beaucoup écrit (i) et ne
s'imaginoit pas écrire mal. Il étoit honune de
condition et l'on n'exige pas autant d'eux que des
auteurs de profession; mais, haut conune il
étoit , il n'auroit jamais voulu marquer ce désir ,
il auroit voulu que l'Académie le devinast et le
prévint , elle ne s'en avisa pas , et de là le mépris
qu'il en témoignoit. Beaucoup de gens sont à
l'yard de ce corps conune le renard et les raisins
de la fable.
Quant à Bachelier il ne paraissoit pas que M . le
comte de Caylus ait eu occasion de s'en vanger
plainement , mais on est fondé à croire qu'il le
lui gardoit. On entrevoyoit facilement quelques
traces de son inimitié ; lorsque Bachelier obtint
d'être reçu de l'Académie (2) conmie peintre
(1) Voyez notre Appendiu. II (p. 151) et le Cabmet des Fies, Amster^
dam 1786, in-8^ tomes XXIV et XXV.
(3) Le 2 septembre 1755. Bachelier, malgré le dédain que Cochin pro»
fesse ici pour son talent, devint Professeur en 1770 et fut même élu
Adjoint à Recteur en 1792.
LS COMTE OB CAYLU8.
d'histoire ce qu'on accorda partie à son importu-
nité, partie aux espérances assés bien fondées
que donnoient quelques tableaux de lui , qu'il se
perfectionneroit dans cette difficile partie de
l'art (i), M. deCaylus qui masquoit très bien
ses ressentimens , n'y mit opposition que sous
main et d'une manière si peu visible que plusieurs
crurent qu'il n'y prenoit aucun intérest , néan-
moins il en fut si offensé que ce fiit une des prin-
cipales causes pour quoy sans s'expliquer , il cessa
de venir à l'Académie; lui qui depuis plus de
trente ans n'y avoit presque jamais manqué.
Il ne s'en expliqua dans la suitte qu'à ses plus
familiers, tels que Vassé, Vien(2), et M. Ma-
(i) Voici comment Diderot juge dans Bachelier le peintre d'histoire :
w Vous vous €tes assex vainement tourmenté , que ne reve>
nes-Toua à vos fleurs et à vos animaux ? Voyca alors comme Minerve vous
sourit ; comme les fleurs s'épanouissent sur votre toile , comme ce cheval
bondit et rue ; comme ces chiens aboient , mordent et déchirent I Prenes-
y garde. Minerve vous abandonnera tout-à-fait. Vous ne saurez pas peindre
l'histoire ; et lorsque vous voudrez peindre des fleurs et des animaux , et
lorsque vous appellerez Minerve , Minerve , dépitée contre un enfant qui
n'en veut faire qu'à sa tête , ne reviendra pas. • ( Salon de 1765. Edition
Brière , tome 8 . page 168). Et ailleurs : •* Bachelier a de l'esprit et avec
cela il ne fera jamais rien qui vaille. Il y a dans sa tête des liens qui
garrotent son imagination et elle ne s'en affranchira jamais , quelque
secousse qu'elle se donne. « Diderot, Salim de ij6t, (St^plimim amx
œuvres dt Didiroi, stcande iàUùm, Paris, Bdin, 1819 , p. 3io)
(3) « Vien a de la vérité, de la simplicité , une grande sagesse dans ses
compositions; il paraît s'être proposé Le Sueur pour modèle. 11 a plusieurs
qualités de ce grand maître ; mais il lui manque sa force et son génie. Je
crois que Le Sueur a aussi le goût plus austère. «> Diderot, Selon dt iy6i.
% Vien est Isrge , sage comme le Dominicain Vien dessine bien ,
peint bien , mais il ne pense ni ne sent ; Doyen seroit son écolier dans
l'art , mais il seroit son maître en poésie On n'apprend jamais ce que
46 MEMOIRES DE GOCUIK.
riette. Je fus instruit de son motif, mais je faignis
de ne le point deviner. Plusieurs des membres de
l'Académie firent des démarches pour le ramener;
je ne m'y épargnay pas , je voulois seulement
qu'il y revint quelquefois , nous en vinmes à
bout, et quoique depuis ce temps il n'ait plus
aimé l'Académie , cependant il a d^isé son mé-
contentement et, pendant sa maladie , (i) il a
paru sensible aux marques d'attachement qu'il a
reçu du corps et de tous les membres.
Je n'ai point cherché à recueillir toutes les
plaintes des artistes contre M . de Caylus , peut-
être y en auroit-il peu qui n'eussent eu quelque
chose à lui reprocher , je me borne aux mécon-
tentemens qui ont eu quelque publicité. J'ay
eu ma bonne part à son inimitié intérieure , du
moins à ce que m'ont assuré quelques-uns de
ceux qui le voy oient le plus fréquemment.
S'il peut y avoir eu quelque raison , je ne vois
que celle de ne m'étre pas assujetti à me laisser
gouverner par ses idées. Le secrétaire , mon
le peintre de la prédication de Denis ignore. Pauvre d'idées , il restera
pauvre d'idées. Sans imagination , il n'en aura Jamais. * (Salûn de I76y.
Œuvres de Denis Diderot publiées sur les manuscrits de fauteur par Jacques-
André Naigeon Tome XIV, Plris. An VI-1798 , pages 54» 58-59.) Des
notices historiques sur Vien ont été écrites par Chaussard f Pausania.
français , Paris , 1806). par J. Lebreton (Magasin Encjelopédique , 1809)
par Eméric David (^(Moniteur Universel, 1809) et par Reboul (sans
lieu, ni date).
(1) Admis à l'Académie comme Conseiller honoraire amateur le 24
novembre 1 73 1 , le comte de Caylus mourut à 73 ans , le 5 septembre
1765.
LB OOHTB DE CAYL08. 47
prédécesseur, M. Lépicié, (à ce qu'on m'a dit)
avoît grand soin d'aller lui faire part de tout ce
qu'on projetoit de faire à l'Académie. Cette ser-
vitude qui déplaisoit à beaucoup de nos artistes
avoit fait beaucoup d'ennemis à Lépicié. Je sen-
tois qu'ils m'accuseroient de bassesse , d'ailleurs
mon caractère naturel répugnoit à se laisser
mener , surtout par des personnes que je ne
pouvois m'empècher de regarder comme de
petits tirans. Plusieurs personnes qui dévoient le
connoistre , et même de l'Académie des inscrip-
tions , me l'avoient dépeint, comme n'aimant que
ceux qu'il pouvoit tenir en tutelle et contraire
à ceux qui pouvoient voler de leurs propres
ailes. J 'a vois à ménager les Anticaylus , tels que
M. Pierre et quelques autres, mais en même
temps j'avois à rester neutre et à me garder de
leurs conseils qui m'auroient mal poussés et
m'auroient fait commettre quelques imprudences à
son égard.
De plus , je devoîs surtout prendre garde que
M. de Marigny(i), m'accordant sa confiance
dafis tout ce qui concemoit les arts , n'étoit pas
(1) Cochin t laissé sur lui une notice nécrologique {Journal de Paris,
1781, p. 614); ce nninistre n'était pas fort sympathique à Diderot qui
s'écrie à propos du marbre taché de la Baigmasê d'Allegrain : • On
demandera à jamais qui est-ce qui disposoit des marbres du souverain. A
la place du Marigny, j'entendrois sans cesse cette question . et je rougi-
rois. » (Salon de 1767. Œuvres de Diderot, édition Naigeon , tome
XV, page 114).
t riMii
à se laisser diriger par les cooseik d'ama-
teurs , à qui Ton auroit attribué tout ce qu*il
anroît £ût de biea, et qui auroient rejette sur lui
toutes les feutes qu'ils lui auroient £ut commettre.
Je œ voulois donc point qu'il pût me soupçon-
lier d'être livré à personne, ni d'être mû par
aucun autre motif que celui du bien des arts . et
de la ^oire de son ministère. Je tachois de me
tenir dans un juste milieu-, de rendre à M. de
Caylus tous les respects qu'il pouvoit désirer ,
mais de n'en n'être pas réellement gouverné.
Cette marche mesurée pouvoit n'être pas propre
à lui plaire . mais il n'en témoigna rien et me
marqua toujours beaucoup d'apparences d'amitié.
Cependant on m'a assuré qu'il avoit dit à quelques-
uns de nos artistes que j'étois une teste de bois
qui ne faisois rien qu'à ma fantaisie.
Je ne puis pas dire qu'il ait eu dessein de me
désobliger dans une occasion où il m'a fait un
espèce de tort, et où il a traversé quelques
espérances que j'avois formées. Il se peut qu'il
les ignorast » il se peut aussi que la vitesse et
l'irrégularité avec lesquelles il m'en frustra ,
vinssent de ce qu'il les avoit prévues. Je ne par-
lerois peut-être point d'un fait si peu important .
s'il ne tenoit pas à un événement plus sérieux
relatif à M. Bouchardon et à M. Pigalle (2}.
(1) On ponède sur Pigtlle un Elogt historique (par M. de Mopinot,
Londres 1786, in-4^, et une intéressante monographie de M. P. Tarbé.
Puis 1859, bh99.
LE COMTB DE CAYLUS. 49
Pendant le cours de la maladie de M. Bou-
chardon , il prit envie à M . de Caylus de faire
recevoir en survivance dans la place qu'il occu-
poit de dessinateur des médailles du Roy pour
TAcadémie des inscriptions , le bon amy Vassé.
J'avois d'autant plus jeté les yeux sur cette place
(à laquelle cependant je ne vouiois former aucune
prétention du vivant de M. Bouchardon) qu'ayant,
par la confiance de M. de Marigny, part en
quelque manière à la distribution des pensions du
Roy qu'il répartissoit aux artistes, il eût été indé-
cent à moy de m'en laisser attribuer aucune. Je
ne voyois guères d'autre manière d'avoir aussi
un petit bien-être que par le moyen de cette
place.
Bien des personnes pensoient qu'elle me conve-
noil , je le pensois aussi ; en supposant pourtant
que M. Slodtz mon ami , dessinateur excellent
et plus propre à cet employ ne le désirast point ;
mais il remplissoit des places supérieures à cette
bagatelle , et d'ailleurs il étoit assés mon amy
pour n'y point penser s'il avoit sçu que je pou-
vois la désirer , ce que je ne lui aurois pas laissé
ignorer. Les autres artistes qui m'étoient supé-
rieurs , tels que M . Boucher et quelques autres ,
m'en auroient également fait le sacrifice. Je me
doutois bien que M . de Caylus n'oublieroit point
son cher Vassé , mais je me flatois qu'il auroit
eu honte de me traverser » ou qu'au pis aller , il
5o MÉMOIRES DB COCHIN.
auroît pu en avoir le démenti. Le président
Hénault» M. Duclos et plusieurs dans TAcadé-
mie des belles-lettres m'affectionnoient ; j'avois
quelque rapport avec eux étant chaîné de l'his-
toire métallique. Enfin tout sembloit m'annoncer
le succès que je désirois , sans la tournure que
M. de Caylus donna à cette affaire.
Il étoit amy de M. le comte de Saint- Florentin
qui étoit le ministre protecteur de cette Académie,
dont M . de Caylus étoit membre. Lorsqu'on s'y
attendoit le moins , dans une assemblée très peu
nombreuse de cette Académie , il fut remis une
lettre de M . le comte de Saint- Florentin , dont
je n^ai jamais sçu au juste le contenu , mais elle
indiquoit qu'il étoit à propos de nommer M. Vas-
sé en survivance à M . Bouchardon , dont Page
et la maladie empêchoient que le service de l'Aca-
démie ne fût fait avec exactitude , ou, si elle ne
désignoit pas distinctement Vassé , M . de Caylus
sçut le faire accepter dans la même assemblée ;
cette Académie, n'étant prévenue de rien et
d'ailleurs étant fort étrangère aux arts, n'y fit
sans doute aucune difficulté.
Les relations que j'avois avec quelques uns des
membres de cette Académie étoient peu fré-
quentes , ainsi je n'en sçus rien par eux. J'appris
seulement qu'il étoit question de Vassé pour
être nommé en survivance à M. Bouchardon
mais je ne sçus point que cela étoit fait.
LB GOICTE DE CAYLU8. 5l
J'écrivis à M. le comte de Saint-Florentin et
lui exposay que les égards dûs à un homme tel
que M . Bouchardon ne m'auroient pas permis de
solliciter cette plaça de son vivant si je n'avois
appris qu'il étoit question de l'accorder à M . Vassé,
et je lui expliquay les raisons qui me donnoient
lieu d'espérer que l'Académie pourroit m'accorder
la préférence. J'en reçus une lettre fort polie, mais
qui m'annonçoit que la place étoit donnée. La
plus grande partie des membres de cette Acadé-
mie fut aussi surprise que les artistes , de ce choix
et de la vitesse avec laquelle il avoit été fait, et
quelques uns des membres furent fâchés de
n'avoir pu me rendre service dans cette affaire :
car , comme je l'ay dit , cette assemblée étoit très
incomplète.
On a assuré, de plus, que M . Bouchardon n'en
âvoit pas été prévenu et qu'il fut offensé lorsqu'il
le sçut • En effet il est désagréable de voir partager
sa dépouille de son vivant ; on ajoute même qu'il
le témoigna à Vassé, son élève, et qu'il lui ferma sa
porte. Cela ne réussit pas non plus dans le monde
et moins encore auprès de M. de Marigny qui
avoit beaucoup d'affection pour moy, et qui crut
entrevoir de la ruse dans ce procédé. Il m'assura
même qu'il m'en dédommageroit, s'il arrivait
faute de M . Bouchardon, dont l'état ne faisoit
que trop prévoir la fm prochaine en répandant sur
moy quelqu'un des bienfaits du Roy, dont jouis-
32 MélCOIRBS DB GOCHIN.
soit M. Bouchardon; maïs je n'acceptay point
cette offre . Je m'étois fait un principe de ne point
laisser appliquer à mon profit aucune des pen-
sions qui avoient coutume d'être attribuées aux
peintres et aux sculpteurs. Et en effet , à la mort
de M. Bouchardon, je priay M. de Marigny de
se détacher de cette idée.
Le mécontentement qu'avoit eu M . Bouchardon
de ce procédé de M . de Caylus et de Vassé peut
avoir beaucoup influé sur la précaution qu'il prit
à peu de temps de là pour l'achèvement de son
morceau de la Ville. Il ne voulut pas attendre que
M. de Caylus lui donnast encore un survivancier
à sa teste, et jetta les yeux sur M. Pigalle.
A l'occasion de cet artiste je reprendray les
choses de plus loin. M. Pigalle n'étoit pas aimé
de M. de Caylus, non qu'il n'eût eu les mesmes
égards dans les commencemens , que nous avions
tous, pour cet amateur. Il lui avoit même fait
quelques-uns de ces sacrifices, dont presque aucun
de nous n'avoit été exempt; c'est-à-dire qu'il
avoit fait pour lui ou pour ses amis des ouvrages
au prix qu'il avoit voulu, lequel prix étoit toujours
ruineux pour l'artiste. Néanmoins Pigalle n'avoit
pu capter sa bienveillance ; soit que le caractère
ferme et entier de Pigalle eût percé, malgré lui et
que M . de Caylus eût senti qu'il ne le méneroit
jamais, soit pour quelque autre raison.
Peut-être une des causes qui avoient éloigné
LE COMTE DE CAYLUS. 53
M . de Caylus étoit-elle que Pigalle (attentif à ses
intérêts lorsqu'il étoit question d'occasions capi-
tales et peu disposé à en faire le sacrifice aux
caprices de M . de Caylus), avoit fait parsoy-mème
et par ses amis touttes les démarches nécessaires
pour obtenir la statue pédestre du Roy à
Rheims (i), que M. de Caylus désiroit pour son
cher Vassé.
M . de Caylus avoit été consulté, car il s'étoit
fait une réputation dans la province et chés
l'étranger, telle que l'on croyoît ne pouvoir rien
faire de bien sans son attache. Il n'avoit pas
manqué de proposer son bien-aimé Vassé ; mais
le motif qu'il avoit allégué pour déterminer les
agents de Rheims en sa faveur avoit fait un effet
tout contraire. Il avoit prétendu qu'une des prin-
cipales raisons pour lui confier cet ouvrage, étoit
que ce jeune homme n'avoit point encore eu
l'occasion de faire aucun morceau considérable
qui lui eût donné lieu de développer ses talens.
Les députés de Rheims qui ne vouloient rien
donner au hasard , et qui apparenunent n'avoient
pas une confiance aveugle dans les décisions de
M . le Comte de Caylus désiroient au contraire de
(i) Vojez dans La vis et les enivres àtJ.-B. IHgaJU, par M. Tarbé,
l*hiftotre de ce beau monument qui se Yoit encore sur la place royale
de Reims. Les premiers pourparlers eurent lieu en 1 755 ; le traité avec
Pigalle était signé le « «eptembre 1756. Cf. VAppttidiu (111, p. 169).
54 MÉMOIRES DE COCHIN.
ne remettre leur ouvrage qu'entre les mains de
quelqu'un qui eût déjà prouvé (i).
M. Pigalle étoit piqué de rencontrer ainsi
M. de Caylus lui barrant le chemin. Il en avoit
déjà eu d'autres sujets de plainte, et comme il
n'étoit ni ployant, ni fort dissimulé , il ne s'en
cacha point, cessa de voir M . de Caylus et ne
l'invita plus à venir voir ses ouvrages. Avoir
secoué ce joug ne plut pas à M. de Caylus. Il
s'en ouvrit assés clairement, lorsque le modèle
de cet ouvrage étant fait, tous ses amis, lui en par-
lant, lui demandèrent pourquoy il n'avoit point été
le voir. Il répondit qu'il n'alloit point où il
n'étoit point appelle. Cette inimitié ne fit que
s'accroistre ; mais il étoit trop politique pour
contrecarrer la voix publique , qui alloit chantant
les louanges de Pigalle. Il garda le silence et n'en
dit ni bien ni mal.
Si quelque chose a dû irriter M . de Caylus (et
tous ceux qui le connoissoient bien n'en ont
point douté), c'a été le choix que fit à sa mort
M. Bouchardon de ce même Pigalle pour achever
son ouvrage de la statue équestre du Roy. Il laissa
une lettre à MM. de la Ville de Paris, qui a été
imprimée dans le Mercure (2), par laquelle il les
(1) C'est-i-dire : fait ms preuves.
(3) Noiu la reproduisons dans notre Appendke (IV, p. 173) : elle
parut dans le Mercure de septembre 1762, p. 163-166. La ville de Reims,
cbarroée d'apprendre le choix de Bouchardon , adressa à Pigalle une lettre
dclëiicttsttons. (Mercure de France ^ septembre 1762, page 162, note b)
LB GOMTB DS CATL08. 55
prioît de l'en charger comme étant celui en qui
il avoit le plus de confiance et qu'il croiroit le plus
capable (i).
Il est certain qu'il ne s'ouvrit point de ce des-
sein à M . de Caylus, tout amy qu'il étoit avec lui.
Il y a apparence que le mécontentement qu'il
avoit eu lorsque M . de Caylus avoit fait nommer,
sans son consentement, Vassé en survivance à sa
place de l'Académie des Inscriptions, en fut cause
en partie. D'ailleurs il pouvoit bien avoir aperçu
que le projet étoit formé, s'il venoit à mourir, de
faire avoir la continuation de cet ouvrage à ce
même Vassé. Il ne l'en jugeoit pas capable , et,
pour prévenir ce complot, il voulut désigner lui-
même son successeur. Il fit, conjointement avec
M . Mariette, cette lettre, lui ayant confié son
idée sous la promesse du plus grand secret.
M . Mariette le lui garda et s'en justifia comme il
put dans la suitte auprès de M. de Caylus.
Ceux qui ont bien connu M. de Caylus et
combien il sçavoit peu pardonner ce qui contra-
rioit ses idées, justes ou non, n'ont pas douté
que, malgré tous les beaux semblans d'amitié qu'il
continua de lui montrer , il n'ait été intérieure-
ment très refroidi pour lui. J'ay encore été
confirmé dans cette idée par l'aveu que j'ay
entendu faire à M. Mariette, que , malgré le long
(i) Voyez les Remarques , Vlll (p. 71.)
56 MÉMOIRES DR COCHIN.
attachement qu'il avoit témoigné à M. de Caylus,
il avoit aperçu que ce n'étoit point pour lui un
véritable amy. Il se peut que ce soit le refroidis-
sement de ces derniers temps, car il semble
certain que, pendant plusieurs années, M . Mariette
avoit été le héros de M. de Caylus. Il se peut
aussi que M. le Comte s aimant beaucoup soi-
même n'aimast les autres qu'autant qu'ils lui
étoient utiles, et qu'il ne connust pas la véritable
amitié. Ce sentiment est assés commun chés les
gens de qualité et chés les gens en place ; les
hommes ne sont pour eux que des outils dont ils
se servent.
M. Bouchardon avoit deviné bien juste; tout
étoit gagné en faveur de Vassé : M . le comte de
St- Florentin, M. le duc de Chevreuse, gouver-
neur de la Ville, le Prévost des marchands,
quelques Echevins; et Ton alloit le proclamer
lorsque la lettre de Bouchardon arrêta tout. Le
droit qu'il sembloit avoir de disposer de son ou-
vrage ; le choix judicieux qu'il faisoit d'un artiste
auquel Vassé ne pouvoit être comparé ; la publi-
cité de ce choix ; le cri d'applaudissement qu'il
excitoit, à l'exception de ceux qui avoient été
gagnés et qui n'osoient parler , tout enfin se
réûnissoit pour l'exécution du contenu dans la
lettre, et elle eut son effet.
On n'a point douté que ce coup n'ait été fort
sensible à M. de Caylus et à son cher Vassé. Il
LB GOMTB DE CAYLUS.
paroist cependant qu'ils ne renoncèrent pas
entièrement à ces espérances, du moins Vassé.
Ce dernier tenta dans la suitte de supplanter
M. Pigalle, et il y a bien de l'apparence que ce
ne fut pas sans le consentement de M . de Caylus,
quoiqu'il l'ait fortement nié.
M . Pigalle étoit d'abord entré dans l'affaire de
la statue équestre de Paris» aux mêmes conditions
que M. Bouchardon. C'est-à-dire que la Ville
faisoit diriger les atteliers par ses préposés et
que M. Pigalle étoit payé pour ses modèles et
pour la conduitte de l'ouvrage, en proportion
convenable de la somme convenue avec M . Bou-
chardon.
M. Pigalle s'aperçut bientôt du défaut d'éco-
nomie que la Ville apportoit à ses atteliers. Il
cessa d'être étonné qu'un ouvrage qui vraysem-
blablement par entreprise n'auroit dû coûter que
douze à quatorze cent mille livres, en coutast
déjà deux millions trois ou quatre cent mille,
quoiqu'il ne fût encore à peine qu'à sa moitié.
En conséquence, il proposa pour l'avantage de la
Ville et pour le sien propre , d'entreprendre tout
ce qui restoit à faire pour la somme de six cent
mille livres. Après que Ton eût examiné cette
proposition et qu'il en eût fait connoistre les
avantages, la Ville y acquiesça et passa ce marché
avec lui.
58
Vassé en eut vent et saisit, mais trop tard (i),
cette apparmce d'occasion d'enlever cet ouvrage
qu'il avoit tant à coeur d'avoir manqué. Il avoit
eu la précaution d'c^tenir une p^tte place de
sculpteur de la Ville : place peu convenable à un
Académicien et qui ordinairement n'avoit été
remplie que par des sculpteurs de la Maîtrise »
Toaàs qui lui donna une sorte d'accès à la ^lle.
C^te circonstance semble prouver qu'on guet-
toit de loin l'occasion et qu'on ne s'étoit pas tenu
pour entièrement battu, lorsque la lettre de Bou-
chardon avoit fait décider en faveur de Pigalle.
Quoiqu'il en soit, Vassé qui avoit fortement
gagné le Procureur du Roy de la Ville, fut lui
porter une soumission, par laqueUe Q offinoit
d'entreprendre le même ouvrage pour moitié du
prix demandé par Pigalle.
Ce procédé étoit odieux parce que M. Pigalle
étant en possession de l'ouvrage depuis plus d'un
an, les divers arrangemens qu'il pouvoit propo-
ser à la ^lle ne n^ardoient qu'elle et lui.
Vassé avoit eu la précaution d'obtenir de
M. Falconet, sculpteur, un certificat qui assuroit
que sa proposition étoit raisonnable. Il est vray
que le bon Falconet, qui de son naturel âait un
peu double (2} et qui n'étoit apparemment pas
(i) U ■«dbé éCiiC 6ît et i%Dé. ÇNêit Jg Cêeàm).
(2': € Voici ca bevnc qu a éa gMe, et qui a toatas aortes àt ^ÊoBltèi
impw paf ib te» avec le gétsie. qvoiqac ces Jeia iè f e » ar aotcst
LE GOMTB DE CAYLUS. 5g
fâché de faire enrager Pigalle qu'il halssoit , parce
que celui-cy , sans s'embarrasser de son esprit
caustique, le ménageoit peu, et lui disoit quel-
quefois des vérités dures ; il est vray, dis-je, que le
certificat que lui donnoit Falconet était un peu à
la Jésuitte et que pour ne se point compromettre
poartant rencontrées dtnt Fnnçois de Vérulim et dans Pierre Corneille.
C'est qu'il t de It finesse , du goût , de l'esprit , de It délicatesse , de la
gentillesse et de la grâce tout plein ; c'est qu'il est rustre et poli , afibble
et brusque, tendre et dur ; c'est qu'il pétrit la terre et le marbre, et qu'il
lit et inédite ; c'est qu'il est doux et caustique , sérieui et plaisant ; c'est
qu'il est philosophe , qu'il ne croit rien , et qu'il sait bien pourquoi ; c'est
qu'il est bon père, et que son fils s'est sauvé de chez lui ; c'est qu'il aimait
sa maîtresse à la folie , qu'il l'a fait mourir de douleur, qu'il en est devenu
triste , sombre , mélancolique , qu'il en a pensé mourir de regret , qu'il y
a longtemps qu'il l'a perdue , et qu'il n'en est pas consolé. Ajoutez à cela
qu'il n'y a pas d'homme plus jaloux du suffrage de ses contemporains , et
plus indifférent sur celui de la postérité. Il porte cette philosophie à un
point qui ne se conçoit pas ; et cent fois il m'a dit qu'il ne donnerait pas
un écu pour assurer une durée éternelle à la plus belle de tts statues.
Pigal , le bon Pi^l , qu'on appelait a Rome le mulet de la sculpture , à
force de fidre, a su faire la nature, et la faire vraie, chaude et rigoureuse ;
mais n'a et n'aura , ni lui ni son compère l'abbé Gouguenot , l'idéal de
Falconet ; et Falconet a déjà le faire de Pigal. Il est bien sûr que vous
n'obtiendrez point de Pigal, ni le Pygmalion, ni l'Alexandre , ni V Amitié
de Falconet ; et qu'il n'est pas décidé que celui-ci ne refît le Mercure et
le Ciioj^en, de Pigal. Au demeurant ce sont deux grands hommes , et qui ,
dans quinze ou vingt siècles , lorsqu'on retirera des ruines de la grande
ville quelques pieds ou quelques têtes de leurs statues , montreront que
nous n'étions pas des enfiints, du moins en sculpture. Qpant Pigal vit le
FygmaliùH de Falconet , il dit : Je voudrais bien l'avoir fait. Qpand le
monument de Reims fut exposé au Roule . Falconet , qui n'aimait pas
Pigal , lui dit , après avoir vu , et bien vu ton ouvrage : M. Pigal , je ne
vous aime pas , et je crois que vous me le rendez bien : j'ai vu votre
CiUjyem : on peut faire aussi beau , puisque vous l'aves hh ; mais je ne
crois pas que l'art puisse aller une ligne au-delà. Cela n'empêche pas
que noua ne demeurions comme nous sommes. Voilà mon Falconet. •
(Sëhmde 1765. Œuvres de Diderot , tome 8. Ed. Brière, p. 368370)
6o JléMOULBS DE GOCHIN.
il dîsoît : Si reposé que me fait M. Fasse est
exact, etc, , mais enfin il approuvoit la proposition
et la trouvoit non seulement exécutable, mais
encore prétendoit qu'il y avoit un bénéfice hon-
nête pour Tartiste.
M . le Procureur du Roy fit grand bruit de la
soumission de Vassé ; la Ville, se trouvant embar-
rassée, prit le parti de joindre à M . Gabriel et à
M . Soufflot plusieurs des plus habiles sculpteurs
de l'Académie, M. Le Moyne, qui avoit beau-
coup d'expérience dans la fonte , M . Coustou ,
M. Slodtz. Ils examinèrent exactement les esti-
mations et firent un devis exact, par lequel ils
démontrèrent qu'il y avoit près de cinq cent mille
livres de frais inévitables dans cet ouvrage et
qu'ainsi la proposition de le faire pour trois cent
mille livres était illusoire. Les cent et tant de
mille livres qui paraissoient devoir rester à
M . Pigalle n'avoient d'ailleurs rien d'exorbitant ,
puisqu'il couroit le risque de recommencer à ses
frais ce qui pourroit manquer à la fonte, et ainsi
de perdre tout son bénéfice.
On demandera peut-être quel pouvoit être
Tespoir de M. Vassé en faisant un marché rui-
neux ? Voicy ce qu'on a pensé. Le prenuer but
étoit , à quelque prix que ce Ait , d'arracher l'ou-
vrage à M. Pigalle. Il falloit trouver un moyen
dans lequel la Ville pût croire trouver un grand
avantage, et celui-cy étoit spécieux; elle ne
LB COMTE DE CAYLUS. 6l
pouvoit même s'y refuser sans donner à crier au
public que Ton jetoit l'argent. Au bout de quelque
temps de travail on en seroit venu à des repré-
sentations , et on n'auroit jamais pu forcer Vassé à
remplir un marché, où il auroit prouvé facile-
ment qu'il étoit lézé de moitié. Il n'avoit pas
grand chose à perdre , et la Ville n'auroit rien
gagné à le persécuter , et d'ailleurs ayant de si
fortes protections , les Echevins qui auroient fait
le marché n'y étant plus , à deux ou trois années
de là , il auroit facilement obtenu , ou un nou-
veau marché, ou des dédommagemenséquivalens.
Quoiqu'il en soit , la ruse ayant manqué son
effet , il s'éleva un cri de fureur chés les amis
de Pigalle, et d'indignation chés les artistes, qui se
répandit chés tous ceux qui avoientquelque relation
aux arts (i). On disoit dans le monde que Vassé
méritoit d'être rayé de l'Académie : je n'étois pas
de cet avis , quoique je blâmasse très-fort son
procédé, mais je regardois comme injuste de
faire perdre à un homme son état , pour une
faute de laquelle je sentois bien que » s'il avoit
eu plus d'esprit , il auroit su se justifier d'une
manière à embarasser l'Académie .
On disoit partout qu'il falloit le dénoncer;
cependant personne ne vouloit se charger de cette
dénonciation , qui avoit quelque chose d'odieux.
(i) «Je n'time pu Vassé ; c'est un vilain. ^ (SûIoh de 1767, Œuvres Je
Diderot, éd. Naigeon, tome XV, page 1 14).
62 MéMOIRBS DB OOCHIK.
Vassé eut l'imprudence de la faire lui-même.
Instruit de ce qui se disoit » il écrivit à l'Académie
une lettre où il prétendoit justifier sa conduite par
de mauvaises raisons qui ne la justifioient point
du tout. Il n'en savoit pas assés pour plaider une
mauvaise cause et la gagner. Il me demanda
conseil , je le refusay , étant Secrétaire de l'Aca-
démie et par conséquent devant rester neutre ;
cependant comme j'apréhendois que l'Académie
ne voulût aller plus loin qu'elle ne devoit et ne
pouvoit , je lui fis insinuer , par M. de la Tour(i),
qui paraissoit prendre intérest à sa position ,
quelques moyens de défenses , tirés de ce qu'il
étoit sculpteur de la Ville , qui auroient pu éblouir
(i) » Grand magicien! • Diderot, XV, 1798, p. ^^ DcGoncoart.
L*art du X^llI^ ùècU, tome I, p. 257, 2« édition.
On I beaucoup écrit sur Latour dans ces derniers temps. Voici les
titres d'ouvrages que M. G. Duplessis transcrit dans son Essmî de BMûh'
grûpkU générale :
Duplsquet. . . Eloge historique de Maurice-<^ientin de Latoar, peintre
du roi. . . Saint-Q}ientin et Paris, 1788, in-8.
M.'Q, de Latour . peintre du roi Loois XV, par Ch. Desmaze. Saint-
QMentin. 1853, in-8.
Nouv. éd. Paris 1854» ÎD-ia-
Les peintres de Laon et de Saint-Qoentin. De Latoor, par Champfleury.
Paris, 1853, in-8.
Eloge biographique de M.-Q, de Latour..., par Ernest Dréolle de
Nodon. Paris 1856. in-8 port.
Eloge de M.-Q, de Latour, par Emile Bcaudemont. Saiot-Q^entin .
1856, in-8.
Notice historique et biographique sur M.-Q. de Latour. Saint-(^entin ,
s. I. (lie) (!856) in-8.
Notice historique et biographique sur M.-Q, de Latour. Saint-Quentin.
(1856) in-8.
Ces deui derniers titres désignent probablement la même plaquette
(iQ-l6).
LB COMTE DS CAYLUS. 63
et même le faire paroistre excusable , mais ou on
ne les lui dit pas , ou il ne sçut pas en tirer parti.
Il se justifioit de l'erreur de prix de sa soumis-
sion , en la rejettant sur les ouvriers de différens
genres qu'il avoit consultés ; mais il ne justifioit
point le motif qui avoit pu Tauthoriser à courir
sur un marché fait par un de ses confrères depuis
longtemps.
La fin de cette rumeur . c'est qu'il fut inscrit
sur les registres de l'Académie une sorte de
réprimande , où il lui étoit enjoint d'être plus cir-
conspect à l'avenir. II y parut d'abord sensible ;
mais à peu de temps de là il revint à l'Académie,
et y prit le ton aussi haut que si l'on n'avoit jamais
rien eu à lui reprocher.
On ne parla point de M. Falconet à l'Académie,
non qu'on ne fut très mécontent de son procédé ,
car il paroissoit à plusieurs moins excusable que
Vassé , qui avoit pu être aveuglé par son intérest
et par le désir d'être chargé d'un grand ouvrage.
Mais Falconet sembloit avoir fait le mal sans
intérest, et seulement par un motif d'envie.
DaiUeurs la duplicité de ce certificat , où il avoit
voulu se réserver un faux fuyant . lui attiroit peu
d'estime. Cependant, comme on étoit assés fâché
d'avoir à mortifier un confrère , on ne cherchoit
point à grossir le nombre des coupables; quoiqu'on
n'aimast pas le caractère de Falconet , on estimoit
ses talens ; de plus il paraissoit si embarassé du
64 MilfOntBS DB GOCHOf .
sot rôle qu'il jouoit dans cet affaire qu'on ne
voulut pas augmenter sa honte.
M. de Caylus, voyant le tour qu'avoit pris
cette affaire , prit le parti de blâmer la conduite
de Vassé , et » dans l'occasion , d'assurer , sans
affectation, qu'il n'en avoit point été informé;
mais on n'en crut rien, et l'on soupçonna toujours
qu'il avoit trempé dans cette intrigue et même
qu'il en étoit le moteur. Qui est ce qui ne sçait
pas combien les gens de considération qui ont
autant d'esprit qu'en avoit M . de Caylus, sçavent
éviter d'être compromis ? Surtout lorsque les su-
balternes n'osent dévoiler la part qu'ils y ont ,
de crainte de s'en faire des ennemis.
Ce qui aida à confirmer cette idée c'est qu'ils
n'en furent pas moins bons amis qu'auparavant.
Le comte en a donné une dernière preuve en
marquant à sa mort le désir que ce fût Vassé qui
fit son tombeau ; du moins M . de Lignerac , son
héritier et M. Bombarde , son bon amy , (i) l'ont
annoncé à l'Académie.
Il est bon d'observer , à l'égard du petit despo-
tisme que M . de Caylus vouloit exercer sur les
arts , qu'il y avoit été accoutumé peu à peu , ce
qui le rend plus excusable. Peut-être même dans
les commencemens de ses liaisons ayec les
artistes n'avoit-il nullement ce dessein.
Sous le ministère de M. de Maurepas, qui étoit
(l| Voyex les Remarques, IX (p. 71).
LB GOMTB DR CàTLOS. 65
fort son amy , c'étoit en quelque manière lui qui
avoit décidé de tout ce qui concernoit les arts.
Sous la direction de M. de Tournehem, il y avoit
encore eu bonne part par le moyen de M. Coy-
pel sur qui il avoit pris l'ascendant ; mais M . de
Marigny ne voulant point être dirigé , il n'y étoit
plus appelé. N'étant plus le canal des grâces ,
quoique personne n'eût dessein de le négliger ;
tout naturellement on devient moins assidu chés
ceux de qui l'on attend presque plus rien ; ainsi
il se voyoit moins courtisé dans l'âge justement
crû n'ayant plus que ce hochet , il devient plus
nécessaire. Cela peut avoir contribué à lui donner
de l'humeur contre les artistes.
S'il n'avoit plus guères de part aux affaires de
l'intérieur . il lui restoit les correspondances qu'il
s'étoit faittes dans les Cours étrangères. Il disposoit
encore de presque tous les ouvrages qui se fai-
soient pour le dehors. Le mal étoit qu'afm de se
conserver ce crédit chés l'étranger, il abusoit
quelquefois de Tauthorité qu'il s'étoit acquise
sur les artistes pour leur faire faire des marchés
ruineux, et à l'exception de ses bons amis,
comme Saly (i) et Vassé , tous les autres gens de
(i) M. Georges Duplessis ( Essai de Bibliograpbû générale des Beanx»
Arts) signale un Catalogue de tableaux , sculptures eu broute, terre, plâtre
et ivoire t dessius, provenant du cabinet de feu M. Saly chevalier de l'ordre
du roi , de rAcadémie royale de peinture et sculpture de Paris, de celle
de Copenhague , etc. par P.-C. Joullain fils. Vente i Paris du 14 juin
1776, in-8.
66 MÉMOUtES DE OOCHIN.
talens qu'il a employés pour remplir ces commis-
sions dont il aîmoit à être chargé , y ont très mal
fait leurs affaires.
Voila ce que j'ay sçu de plus intéressant tou-
chant M. le comte de Caylus. On ne peut nier
qu'il aimoit les arts , qu'il les connaissoit assés bien
et qu'il a beaucoup fait pour eux : mais lorsqu'on
observera sa conduitle on trouvera qu'il y vouUoit
dominer trop impérieusement , que le plus grand
nombre des services qu'il a rendus aux artistes (i),
à l'exception de quelque favoris en petit nombre ,
a presque toujours été à de petits garçons qui lui
étoient très-soumis; que ces services mêmes
étoient cruels , en ce qu'il mettoit toujours des
prix si bas aux ouvrages qu'il leur faisoit faire ,
qu'à peine y trouvoient-ils leur nécessaire. (2)
Si en lisant ces anecdotes quelqu'un trouve que
j'ay traitté trop sévèrement M. de Caylus, je
réponds que j'ay dit la vérité telle qu'elle m'a
parue et telle que Tout vue presque tous nos
artistes; qu'il est utile que l'on connoisse les
petites tirannies que souvent les amateurs exer-
cent sur les artistes , afin que ceux qui leur
succèdent apprennent que la dureté et l'injustice
de leur procédés tost ou tard seront connus. On
jugc^iit les rois d'Egypte après leur mort : Loy
d^aufant plus sage et plus juste , qu'on n'ose
ydtmin IcH juger de leur vivant.
Oy y^f^Mf ifn Rêmarquei^ X(p. 75).
y%i ytty^f >•• ftmartjvet, X! (p. 75.)
LE COMTE DB CAYLU8. 67
REMARdUES.
I. (p. 29). — M. Carie Vanloo eut la complaisance
pour suivre les idées du costume qui lui étoient suggé-
rées par M. de Caylus, dépeindre un sujet de la vie de
saint Augustin avec touttes figures vêtues de blanc ; mais
comme cela ne faisoit aucun effet , il fut obligé de le
recommencer. M. Vien a gâté quelques compositions
de tableaux par cette même complaisance, et ce fut aussi
M. de Caylus qui l'engagea dans ces compositions
froides de figures à la grecque ; ce qui étoit d'autant
plus dangereux pour ce peintre que, tendant naturelle-
ment à un peu de sécheresse, il ne pouvoir que se
gâter en traittant de petits morceaux d'un si grand
fini.
M^ Vien qui avoit du talent dans la miniature (i)
n'osa jamais entreprendre de s'attacher à peindre des
têtes, ce qui lui auroit pu valoir beaucoup d'argent,
dans la crainte d'irriter M. de Caylus, qui vouloit abso-
lument qu'elle ne fit que de l'histoire naturelle.
Pigalle en a reçu quelquefois des conseils , qu'à la
vérité il n'a point suivis, les regardant comme nuisibles
à son ouvrage ; mais aussi il n'en a point été l'ami.
Beaucoup d'autres artistes ont été dans le même cas.
II. (p. 36). — Il y a apparence que l'Académie
d'architecture a craint de s'exposer aux criailleries du
protecteur, qu'elle pouvoit sçavoir d'ailleurs qui ne la
(t) » Madame Vien met dans set animaui de la TÎe et du mouTement •
(Diderot, Salon de 77^7, dans ses Œuvres, XIV, Ed. Naigeon, p. 377).
68 MéMOIRES DE COCHIN.
ménageoit pas, car il étoit très-irrité que cette Académie
se passoit d'amateurs, parce que, sans doute, s'il y en
avoit eu, il l'auroit été.
Elle aura mieux aimé laisser feire , d'autant plus que
si quelqu'un de ses membres en eût entreprb la cri-
tique, on n'auroit pas manqué de dire que c'étoit qu'il
vouloit s'approprier l'ouvrage.
On croit faire merveille de demander l'avis de ces
corps ; comme j'ay l'honneur d'être d'un, je sçais un
peu ce que c'est. Ils ne peuvent presque jamais le don-
ner bien franchement et sont retenus par mille bien-
séances» parce que tout ce qui s'y dit est trop connu.
D'ailleurs le plus grand nombre dans ces corps est
toujours les médiocres, et comme c'est la pluralité des
voix qui décide, le résultat n'est pas toujours le senti-
ment des plus habiles. Il vaut mieux prendre l'avis
d'un petit nombre des plus célèbres , et le prendre sans
éclat.
III ( p. 36). — Croiroit-on cependant que cette
idée de tabernacle a reçu les plus grands éloges de
M. Rîgolet de Juvîgny. Fier d'avoir fait jadis un mé-
moire contre M. de Voltaire dans l'afifaire de Trave-
noiles (i) qui avoit fait quelque bruit et qui est presque
le seul ouvrage qu'on puisse citer de lui, il se croyoit
un homme de goust et dont la décision étoit de poids
surtout dans les Arts. 11 avoit à la vérité une grande
facilité à bazarder son sentiment et une surabondance
de paroles pour le soutenir.
IV (p. 40). — Cette réponse étoit dure et haute ;
(1) Ce Travenol était violon de l'Opéra Mis en jugement pour avoir
colporté des libelles contre Voltaire , Rigoley de Juvîgny le défendit et
attaqua , suivant la tactique ordinaire , la partie adverse.
IX COMTB DE CAYLUS. 69
il n'étoit pas exactement vray que M. Coustou fût
beaucoup plus grand , même alors , que M. Bouchardon
qui peut être n'étoit pas encore au degré où il est par-
venu ; mais elle étoit excusable dans un homme en
possession depuis bien des années de la première répu-
tation, à qui l'on faisoit sentir d'une manière insultante
qu'on lui préféroit un jeune homme qui ayoit été son
élève, au moins à l'Académie, et même qui, je crois,
avoir commencé chés lui.
V (p. 40). — On sera peut-être étonné que ces
diverses manières de peindre n'ayent été suivies par
personne. M. de Caylus obtint de Carie Vanloo , de
Vien et de quelques autres qu'ils en fissent quelques
morceaux. Mais il faut considérer que des artistes qui
ont passé toute leur vie à surmonter les difficultés de la
peinture à l'huile et qui se la sont rendue familière,
auront toujours peine à se résoudre à employer un moyen
qui, quelque facile qu'il paroisse, leur coûteroit tou-
jours un nouvel apprentissage.
VI ( p. 42 ) — Don Pernety déclama tant qu'il
pût, dans son Dictionnaire Je peinture (i), contre
(1) » Nous ne feront point îd J'hîstorique de leur découverte ( celle de
MM. de Caylus et Majault) noua renvoyons le lecteur à notre préface ,
dans laquelle nous avons jugé i propos de traiter de toutes les espèces de
peinture. Nous nous y élendons beaucoup plus sur la peinture encaustiqué
que sur les autres , parce qu'un écrivain de nos jours s'est efforcé de faire
partager la découverte de MM. le comte de Caylus et Majault avec un
homme qui ne peut être censé que leur copiste. Nous éviterons d'appuyer
ce que nous en dirons sur des autorités frivoles , ou sur des oni-dire. Ce
•croit peu r e s pec te r le public , ce seroit peu se respecter soi-même *
{Didûmnaire portatif de peinture , p. 296 — p 297.) Depuis, M. Girardir
dans deux Mémoires à l'Académie des Inscriptions {(Mémoires de divers
savants, première série, tomes 11 et VI) a repris la question de la
peinture à l'encaustique. Enfin , tout récemment , M. Henry Cros nous a
montré de charmantes cires qui paraissent utisfiiire ii toutes les exigences
d'une restitution.
70 MEMOIRES DE GOCHIN.
Bachelier. Freron qui étoic toujours attentif à ne point
irriter les gens de considération, sentant bien que le
métier qu'il faisoit avoit besoin de protection , n'osa
jamais faire usage de quelques observations qu'il m'avoit
demandées sur ce sujet où j'avois été cependant très
impartial. Il sembla même prendre parti contre Bache-
lier, ne se contentant pas simplement de dire du bien
de M. de Caylus, comme il auroît dû faire. M. Rou-
quet(i] qui vivoit alors, qui étoit célèbre dans l'émail et
qui écrivoit avec beaucoup d'esprit, fit alors une plai-
santerie imprimée sous le nom de Peinture au fromage,
qui fut fort goûtée de M. de Caylus parce qu'elle ten-
doit à jeter un ridicule sur la découverte de Bachelier.
Elle étoit en effet très-agréable, mais elle avoit le défaut
de presque toutes les plaisanteries, c'est qu'elle ne prou-
voit rien (2).
VII (p. 42). — A l'égard du grand argument dont on
faisoit usage , en disant que le sel de tartre devoit altérer
à l'humidité ; outre que l'expérience lui étoit contraire,
il est aisé de sentir qu'une si petitte quantité de sel est
plus que sufisamment entourée par la quantité considé-
rable de cire, pour être à l'abry des attaques de l'humidité.
Ce qu'il 7 eut de plus plaisant c'est que plusieurs
années depuis, et plus de trois ans après que les volumes
de l'Encyclopédie ( où la découverte de Bachelier est
expliquée tout au long], avoient paru et étoient répan-
(1) Rouquet était d'origine Genevoise. Il Ait admis ii TAcadémie ,
quoique protestant , sur Tordre du Roi , Je 2j février 1754. Voyes sur ce
peintre en émail Les Beaux-Arts à Genève , par J.-J. Rigaud , 2« partie,
Genève, 1846, p. 55. Rouquet mourut au Louvre en 1758.
(2) Lart nottvean de la peinture en fromage ou en ramequin, inventée
pour suivre h louable projet de trouver graduellement des façons de peindre
inférieures à celles qui existent \ à Maroilles MDCC LV (petit in- 12 de
22 pages dont 10 numérotées).
LE GOMTB DE CAYLUS. Jl
dues dans toutte l'Europe, le prince de S. Severo (i) à
Naples se donna les airs de cette découverte, et en
remplit touttes les Gazettes. Il est facile d'inventer
ainsi.
VIII (p. 55). — Malgré le mérite réel et reconnu de
M. Pigalle, j'aurois été d'un autre sentiment que
M. Bouchardon. S'agissant de figures drapées dans le
goust antique , j'aurois préféré M. Slodtz , non que je
le regardasse comme plus grand sculpteur que M. Pi-
galle, s'il eût été question de nud, mais comme excellent
dans l'art de bien drapper, et plus propre à se rapprocher
du goust de M. Bouchardon. Mais ce dernier n'aimoit
point Slodtz , et peut-être avoit quelque antipathie pour
lui, comme on le verra dans les anecdotes sur Bou-
chardon .
Au reste, il a été heureux pour l'exécution de ce mor-
ceau qu'il ait été remis à Pigalle puisque M. Slodtz
seroit mort avant son achèvement. Pour le bien de
l'ouvrage il eût toujours falu revenir à M. Pigalle ou à
Vassé si la protection l'eût emporté : il n'y a pas d'ap-
parence que ce dernier en eût fait quelque chose de bien
bon.
J'observeray que M. Bouchardon n'avoit jamais
marqué beaucoup d'amitié à M. Pigalle, mais il fallut
choisir quelqu'un , et le morceau de Rheims lui avoit
plu.
IX (p. 64). — Ce M. Bombarde avoit joué un
assez grand rôle. Â bien l'apprécier, c'étoit simplement
un important riche, de ces gens qui font les entendus en
f i) Vojrez sur ce singulier personnage la Corrtspondanct ùiédiU dm comté
dâ Cûylms avec Paciaudi tome premier, page 64.
72 MEMOIRES DE COCHIN.
tout, sans que Ton sçache au juste pourquoy, qui
cependant viennent à bout de persuader aux gens en
place (qui malheureusement ordinairement sont très
ix)més par eux-mêmes) qu'on ne peut rien faire de
bien sans leurs conseils. Je l'ay assés connu pour pouvoir
assurer que c'étoit un fort honnête homme, mais très
médiocre, vrayement semblable à M. Gobe-Mouche (i)
de la soirée des boulevards.
Je me souviens que je fus appelle à quelques confé-
rences qui furent tenues chés lui , lorsqu'on se proposa
d'orner une édition in-folio des fables de La Fontaine »
des croquis que M. Oudry (2) avoit gribouillé à ses
heures perdues. Je fus chargé de rectifier les desseins où
il y auroit des figures qu'Oudry estropioit à merveille .
Mon affaire étoit rangée, il n'en étoit pas question.
Mais la partie tipographique étoit importante , et M. de
Montenault l'éditeur (du moins celui qui paroissoit , car
il n'étoit pas le véritable bailleur de fonds), n'auroit pas
cru rien faire de passable, sans la direction de M. Bom-
barde. 11 sçavoit, je crois, assés bien leur peu de valeur,
mais il sçavoit aussi qu'il faut avoir ces prôneurs bavards
pour soy. Il y avoit à ces conférences M. Berner, alors
Lieutenant de police et depuis Ministre (3), M. de
Malesherbes , Directeur de la librairie et fils de M. le
(1) C'était le surnom du Comte d'ArgenhU, Ministre du duc de Parme
à Paris.
(2) Vojez sur Oudry et les fables de La Fontaine la notice biographique
de L. Gouguenot insérée dans les Mémoires i$ùdit sur la vie ia Acaié-
mticiem, Dumoulin, in-8, t. II, p. 365.
(3) René Berryer, mort le 15 août 1762 , devint par la protection de
Madame de Pompadoor, Ministre de la marine (1758) et Garde des sceaux
(1761) après avoir été obligé de résigner ses fonctions de Lieutenant de
police à la suite de l'émeute de 1755.
LE GOMTB DE CAYLU8.
Chancelier (i), et enfin ce M. Bombarde , tous grands
juges, S07 disans , en tipographie. Encore que j'aye eu
quelques occasions en ma vie de voir de près combien
les gens en place sont au-dessous de ce que le public
en pense , il est certain que je n'ai jamais vu tenir tant
de propos sérieux sur rien. M. de Malesberbes étoit un
étourdi, le meilleur garçon possible, mais si distrait
qu'à chaque instant il avoit perdu le fil de ce qu'on
venoit de dire. M. Berrier mettoit de la dignité mêlée
de quelque quolibet à tout ce qui se disoit. M. Bom-
barde gobe-mouche étoit successivement de tous les
avis. Il étoit plaisant d'entendre les longues dissertations
qu'on falsoit pour sçavoir si l'on mettroit des lettres
grises , si la première letttre seroit une fois et demi ou
deux fois la hauteur des autres. Le bon c'est qu'après
plusieurs conférences où ces Messieurs n'avoient pu se
décider, nous restâmes et nous nous rendîmes, en toutte
politesse , les maîtres de l'édition et nous fîmes sage-
ment, car cela n'auroit jamais fini. En effet, le moindre
des imprimeurs en sçavoit plus qu'eux. Que les hommes
de talent sont malheureux ! On ne veut jamais croire
qu'ils puissent les sçavoir [sic) mieux que tous les char-
latans qui s'affichent pour décider de tout sans rien
sçavoir. Ils sont forcés de ramper sous l'ineptie et, s'ils
le refusent , on les décrie comme des obstinés. Il y a
plus ; si leurs talents se développent , ces Messieurs se
donnent des airs de dire qu'ils les ont formés.
A propos de ce M. Bombarde j'ai out conter une
anecdote assez plaisante que je ne puis garantir, n'en
ayant pas été témoin, mais qui est tellement bien dans
(l) C'ett le fiimeux Malesherbes qu'immortalisa la défense de Louis
XVI. Son père, Guillaume de Lamoîgnon^ créé Chancelier en 1750, Tavait
nommé Directeur de la librairie.
74 mwmoÊ n Eik de
k cafactère do penonagt que je ne doate pas qaTcfle
oe toit (ondée. Il atoit eu une sorte de directioo sor
rOpéra dont il étoit k plus grand cooseiL Dans ce lenq»-
là on antetir Tint lire devant loi les paroles d'onopéra.
Gnome il ùaat toojoors poor paroistre connaitsmr finie
force objections, M. Bombarde ne manqoa pas de tn-
caster le paorre aoteur. Celoi-ci ne saroit plos à qod
saint se vooer. A un endrcMt où M. Bombarde Farrêtoit
en blâmant un quatrain , il prit le parti de k prier de
Touknr Taider à le reformer et de refaire hii-même ces
qoatre vers dont il TOjoit bien k sens et qui d'ailleurs
étaient absolument nécessaires à la pièce
M, Bombarde se trouva pris : avouer qu'on n'a point
de talent affoiblit le crédit de critique. Il se met donc
en devoir de refaire les vers ; mais comme il n'est pas
aussi facile de faire que de trouver à redire, il se trouva
court. Il relut le premier vers et le trouva assés bon , k
second lui parut pouvoir passer , mais le troisième et
k quatrième étoient défectueux. Il avoit annoncé ces
ven f d'abord comme ne pouvant rester , il murmura
entre %eê dents divers moyens de les rectifier , et enfin
finit par dire que , quoiqu'ils ne fussent pas très-bons ,
ik pouvoient passer dans un opéra; que ceux qui
avoient le plus réussi, n'étoient pas sans quelques
mauvais vers. L'auteur qui vit le défaut de la cuirasse
le pressa , le supplia hipocritement de ne point l'épar-
gner « de réformer sans pitié tout ce qui ne lui sembloit
pas bien , se livrant aveuglement à ses doctes avis, et
désirant lui avoir cette obligation ; il n'en put tirer
autre chose sinon que cela pouvoit passer , et qu'ils
étoient suffisamment bons pour un opéra. Si l'on
examinoit de près ces prétendus connoisseurs qui
décident dans le grand monde , on trouveroit que les
neuf dixièmes ne sont autre chose.
LE OOMTE DE CAYLD8.
X (p. 66). — Du nombre de ces favoris il faut
mettre Fessard , graveur , pour lequel (par l'ascendant
qu'il avoit sur M. Bignon , Garde de la Bibliotèque du
Roy , et depuis Prévost des marchands) il fit créer une
place de graveur de la Bibliotèque du roy. Tous les
graveurs rirent de ce choix à cause de la médiocrité
connue du personnage, et M. de Caylus lui-même
n'étoit pas assés ignorant pour lui croire des talens et
pour ne pas sentir que si par malheur il étoit besoin
d'entretenir quelque planche usée du Cabinet du Roy ,
le pauvre Fessard (i) ne pouvoit que les gâter d'avan-
tage ; mais c'étoit son protégé qui avoit toujours été
à ses ordres, il faloit qu'on aperçut son crédit
XI (p. 66). — Entre plusieurs marchés dont j'ay
eu connoissance de la façon de M. de Caylus, je me
souviens de celui que feu M. DauUé (2) fit pour le
portrait de la princesse Trubetscoy d'après M. Rôslin(3).
M. Ville dont la vue (qui d'ailleurs étoit courte) finissoit,
ne vouloit point se charger de grands ouvrages , à
moins que ce fût pour lui des coups de fortune. 11 étoit
d'ailleurs d'autant mieux fondé à demander ce qu'il
lui plairoit , qu'en e£fet personne ne gravoit au burin
(1) Ce Fessard a gravé trois intailles dans les Monumenta PelopomuiU
de Paciaudi. {Correspondance inédite dn comte de Caylus, I, p. 83.)
(a) On possède un Catalogue des planches gravies par difwetj, DaulU,
granemr du Roi, . . dont les estampes se vendent cbe^ sa venve , sur le quai
âte Augustins, à Paris (s. d.) in-4.
0) « On trouve cependant que ce peintre a hit des progrès depuis le
dernier Salon et l'on a fort loué le portrait de Boucher et celui de ê»
femme qui est toujours belle. • Diderot. Salon de 17^/. (Supplément!
ses œuvres , a* édition, Paris 1819, p. 213 ). • Roslin est aujourd'hui un
auMi bon brodeur que Carie Van Loo fut autrefois un grand teinturier. •
(Salon de 77^5. Œmvres, édition Brière, t 8, p. aïo).
76 UÈaOOŒ» DB GOCHm.
comme lai , (i) et quH bisoit très bien ses afikires eo
gravant de petits morceaux d'après des mitres flamands
qo'il vendoit le prix qu'il vouloit , et qu'on achetoit
avec une avidité singulière. M. Ville donc demanda
d'abord un prix exhorbitant , trente mille livres ; mais
enfin il se restraignit à seize , ce qui étoit à la vérité
encore fort cher ; mais comme il demandoit ce prix
avant de commencer et qu'il ne surprenoit personne ,
on n'avoit qu'à accepter ou refuser.
M. de Caylus fiit furieux et déclama contre Ville ;
il lui sembloit qu'on devoit ménager l'argent de la
Russie , mime au détriment des artistes. On n'accepta
point, et M. de Caylus fut chercher le pauvre Daullé et
k prêcha tant qu'il le fit engager dans un marché par
écrit à se chaîner de graver cette planche pour quatre
mille. Autant M. Ville avoit été trop cher, autant
Daullé âoit trop bon marché ; il ne fut pas longtemps
à s'apercevoir combien il étoit la dupe de cette conven-
tion. Il est vrav qu'il la grava assés mal, en partie
parce que ses talens , qui n'étoient pas fondés sur beau-
coup de sçavoir , finissoient ; et en partie par l'envie
d'aller vite afin de perdre moins.
Lorsque la chose fut à peu près finie , le général
Betsk7(2) qui faisoit faire la planche, ne fut pas content.
(1) • Le bftnn de M. WQle , écrit Diderot en 1761 , • oonscnré m ce
nloo b grande répntatiofi dont il jooit. • {Smhm dé \y6i. Sa^piémtmi mut
mavra , 2* éditioii. Puis Belio 1819 , p. 229). En 1765 il ^oate : • \\
est le seul qui sache allier U fermeté arec le rnoOlem da borin. 11 n'y
a non plos qnc loi qoi sache rendre les petites têtes. • (Smlcm de 17^5.
Œavra, tome VIll, éd. Brière, p. 398). Et en 1767 : • U fut saisir tiwt
ee qni sertifa dn borin de cdni-d. Il est habile^ et travaille d'après habile,
il a csudlé dans de grands moroeauz , et il est prédeni dans les petits
WÊ^ftt» « (Sc/m de 1767. Œavres, éd. Na%eon, page IM*I35)- Voyes le
CmimUptt dé fmtort de )tmi Gem-ga WUU , pv M. Charles Le Blanc,
Uipng RedoMbe Weigel 1847.
(2) Ckoa& des lettres de Diderot an Général ces înt éi e stan ts fri^gments :
jtmoe élèfc de Pimitèle, hltcx^voos de rendre les traits de mon angnstc
LE COICTB DB G4YLU8. 77
Daullé rétoit encore moins • et demandoit des dédom-
magemens. Le comte de Caylus en appeloità la conven-
tion ainsi que le Général , Daullé crioit à la perte ; M.
Mariette fut mis entre deux pour tâcher d'arranger cela;
on n'étoit surtout pas content de la teste. Dans rembarras
de cette contestation, comme quand il s'est agi d'obliger,
je me suis toujours assés volontiers trouvé prest , lors-
qu'on apporta l'estampe chés madame Geofinn où étoit
le bureau des amateurs , voyant l'embarras de M. Ma-
riette qui ne sçavoit comment concilier tous ces intérêts,
j'ofins de retoucher des épreuves et de ramener la teste
à peu près au point où le Général la vouloit ; on accepta
et en effet nous contentâmes vaille que vaille le
Général.
Il restoit l'article de la gratification ou dédommage-
ment. M. de Caylus n'en vouloit pas entendre parler.
Il alléguoit le marché fait, disoit-il, volontairement
par Daullé ; mais je sçavois très bien, par Daullé même,
qu'il avoit demandé beaucoup plus , mais qu'à force de
propos M. de Caylus l'avoit engagé à passer à ce prix.
J'eus alors un peu occasion de faire sentir à M. de
Caylus combien il tirannisoit les artistes , car je lui fis
observer que trente ans auparavant on payoit ces sortes
de planches six mille livres , que , touttes les denrées
ayant au moins doublé , il étoit incontestable que le
prix de l'industrie devoit être augmenté , que cepen-
dant il avoit fait faire les mêmes ouvrages à un tiers de
moins ; et, pour répondre au mépris que je ne sçais que
bienfaitrice... C'ett par vous. Monsieur, que mon bonheur a commencé ;
c'est vous qui fîtes pour la première fois entendre mon nom à votre
auguste Souveraine. . . • ^ «> Portez-vous bien ; . . . faites le bien ; faites-le
avec cette merveilleuse opiniâtreté que le del vous a donnée... «« {Œuvr$$
compUta , éd. Toumeuz et Assésat , XIX, p. 498, XX, p 61 ; lettres du
20 décembre 1767 et du 9 juin 1774).
78 MÉMOIRES DB COCHIN.
trop que les gens de condition, malgré leurs beaux sem-
blans de politesse , ont pour tout ce qui n'est que
bourgeoisie , comme les artistes , je lui disois : Si vous
voulés que DauUé ne mange que des harangs sores ,
j'y consens, mais au moins songes que, lorsqu'on payoit
deux mille écus , ils ne valoient que deux liards et qu'à
présent ils valent au moins dix-huit deniers.
Je n ay pas sçu s'il avoit été accordé quelque grati-
fication, si bien due ; mais je pense que non. Le Général
Betsky, quoique très-bon homme, ne paraissoit pas
généreux, et d'ailleurs DauUé mourut à si peu de temps
de là que je crois qu'il en étoit encore à le solliciter
vainement.
M. le Bas (1) graveur, passa aussi par le piège de
M. de Caylus. M. Le Roy, architecte pensionnaire du
roy eut occasion de faire un voyage en Grèce ; il y
croqua les antiquités qu'il y trouva ; mais ses desseins
étoient si informes que , quand nous les vîmes à Paris ,
nous eûmes peine à croire qu'on en pût tirer quelque
chose. M. de Caylus , chaud amateur de la Grèce ainsi
que de l'Egipte , les fit redessiner par Le Lorrain qui ,
quoique peintre très-médiocre et manqué malgré les
plus belles dispositions , néanmoins dessinoit agréable-
ment et avec goust. Il vint à bout d'en tirer les desseins
que l'on a gravés ; on peut juger de là du degré de fidélité
et combien on peut se rapporter aux détails de cet
ouvrage.
Il étoit question de faire graver les planches; c'étoit
(1) c C'est lui qui a porté le coup mortel à la bonne gravure parmi
nous , par une manière qui lui est propre , dont l'effet est séduisant , et
que tous les jeunes élèves se sont efforcés d'imiter inutilement • (^Sahn
de 176$. Œuvres de Diderot. T. 8, édition Brière, Paris, MOCCCXXI,
page 398).
LE COMTE DE CAYLUS. 79
une dépense au-dessus des forces de M. Le Roy, à
moins qu'on ne les fit à très grand marché ; cependant
on vouloit qu'elles fussent bien gravées. On ne pouvoit
pas mieux choisir que le fit M. de Caylus en s'adressant
à M. Le Bas ; mais il fallut encore qu'il usast de toutte
son éloquence persuasive pour engager Le Bas à les
graver pour la moitié moins qu'elles ne valoient , en
lui faisant cependant entrevoir quelque dédommage-
ment si le livre réussissoit. Le livre s'est bien vendu, mais
la gratification n'est pas venue. Aussi M. Le Bas , qui
sçait très bien compter et qui n'est pas mal attaché à
ses intérests (i) s'en est-il toujours plaint.
Pendant que je suis en train de me rappeler de ces
(1) Diderot confirme cette assertion à propos de deux estampes des
ports de France , faites par Lebas et Cochin : • Gravures médiocres ,
écrit-il , ftites en commun par deux habiles gens » dont l'un aime trop
l'argent et l'autre trop le pUîsir • ( StUon de 1767, Œuvres de Diderot^
tome XV, Ed. Naigeon. Paris an VI-17981 page 134). Tout ceci s'ap-
plique probablement aux dernières années de l'artiste. Dans leurs /'or-
traiti intima , MM. de Concourt nous peignent tout autrement le Lebas
des jours heureux : » 11 menait grande vie, un train royalement bourgeois;
généreux , insoucieux comme un artiste qui se sent l'argent au bout des
doigts; sans enfant et n'ayant rien à prévoir, logeant et défrayant sa mère,
soutenant le père et les sœurs de sa femme, faisant fortune tous les jours,
jetant l'or à scb goûts , ne résistant point aux tentations , à un beau
tableau, à une rare gravure, aimant donner, acheter et voir le fond de sa
bourse ; brouillé avec les chiffres de l'ordre , ne comptant point avec le
gain , parfois surpris par l'échéance d'un billet ; alors il enfermait son
créancier, mettait la clef dans sa poche , courait emprunter chez un ami,
et rendait i l'homme du billet la liberté et son argent.... Ils étaient vrai-
ment une famille , le maître et les élèves ; famille en laquelle entraient
tour il tour Aliamet, Bacheley, Cathelin , Chenu , David , Duret , Ficquet,
Gaucher, Godefroy, Guibert, Elmann, julien, luiurent, Lemaire, Lemire,
Lemoine , Longueil , Malœuvre , Martini , Masquelier , Moreau jeune ,
Née, Riland, ^écossais Strange. Et je ne compte pas les amateurs, Blondel
d'Azincourt par exemple , et le comte de Caylus. Et j'oublie le jeune
Cochin s'échappant tous les jours de ches son père au grand matin ,
gagnant en deux heures le petit écu pour ses menus plaisirs , et retour*
8o MéxOttES DE GOCBDC
petits buts , yen rappoiteraj un qui me concerne où
Ton a prétendo qoe M. de Cayius aroit qudque part.
Lorsque je n'swois encore qu'enriron vingt ans , Téta-
Missement de l'Académie royale de chirurgie fut fait
par M. de la Péronie. Il fut question de £ûre graver
un frontispice pour le premier volume des Mémoires.
M. Quesnay, qui étoit ami démon père, m'en chargea.
Il suffit vis à vis des gens qui ne sont pas au fait de
l'art qu'on soit de leur connoissance pour supposer
qu'on a les talens dont ils ont besoin, car il k faut
avouer , j'étob encore extrêmement foible. Je le dessinaj
avec tout le soin dont j'étois capable et le gravay de
même (i] ; mais on ne me permit pas de mettre la
Minerve sur un nuage comme j'en avois besoin • si
bien que cette figure de Minerve fourrée dans la compo-
sition après coup étoit très misérable. Quoiqu'il en
soit , ils en parurent contents.
Il y avoit bien sept à huit mots que je n'avois point
nant auprès de son père qui crojait lai faire commencer sa journée •
Cette vivante étude se termine par une anecdote bien flatteuse pour
Cochin : ^ Cochin avait gravé les ports de mer de France en société avec
Le Bas. Aux termes de l'acte de société , Cochin pouvait prendre la
moitié des planches appartenant à Le Bas d'après l'estimation d'acadé-
miciens experts. Sa délicatesse se refusa à l'usage de son droit. Cochin
ne voulut pas qu'on soupçonnât ses confrères de l'avoir favorisé. Il doubla
la première enchère de prisée, et n'obtint qu'au prix de 91251 S les
huit planches des ports de mer qui avaient appartenu à son ancien ami. *
Portraits intimes dm dix-hmiticmê sièclt, etc. Puis, 1S78 , pages 293, 296
et 314).
(1) D'après ce passade, Cochin aurait fait ce frontispice vers l'année
1735 > puis<iu'il était né en 1715 ; cependant le frontispice des Mémoires
de l'Académie de chirurgie c où l'on voit la Chirurgie qui présente au
Roi ses Mémoires au milieu d'un camp » ne figure , sur le catalogue de
l'œuvre de Cochin par Ch.-Ant. Jombert , qu'à la date de 1743. Une
longue note , fournie probablement par Cochin , confirme le récit qu'on
lit ici. Le Bas avait été chargé de graver le dessin de Boucher en le recti-
fiant et en donnant la ressemblance ii la tête du Roi.
LE COMTE DE CAYLUS. 8l
demandé à être payé pour ne point paroistre avide ,
lorsque j'appris que M. Boucher (i) avoit fait un des-
sein et que M. Le Bas recommençoit la planche; je
demanday alors à être payé et j'en vins à bout.
Les deux planches faites, on ne sçut laquelle préférer;
le dessein de M. Boucher étoit mieux composé, mais
la figure du Roy étoit lourde et d'un caractère bas.
MM. de l'Académie de chirurgie, ne sachant comment
se déterminer prièrent M. le cardinal de Fleury de
les présenter touttes deux au Roy afin qu'il choisît, et la
mienne eut le bonheur d'être préférée; je le dis en
vérité bien sans vanité , car je conviens que c'est une
assés mauvaise besogne.
Je n'ay pas bien sçu le rapport qu'avoit eu M. de
Caylus à cette affaire, mais je sçais que M. Boucher
qui m'aimoit , fâché du risque que je courois lorsque
j'étois incertain si l'on ne me laisseroit point ma
planche • me dit : C'est ta faute ; tu ne vas jamais voir
M. de Caylus.
(i) • Je ne sais que dire de cet horome-ci. L« dégradation du goât,
de la couleur , de la composition , des caractères , de l'expression , du
dessin, a suivi pas à pas la dépravation des mœurs. Que voulez^vous que
cet artiste jette sur la toile ? Ce qu'il a dans l'imagination ; et que peut
avoir dans l'imagination un homme qui passe sa vie avec les prostituées
du plus bas étage ?... J'ose dire que cet homme ne sait vraiment ce que
c'est que la grâce ; j'ose dire qu'il n'a jamais connu la vérité ; j'ose dire
que les idées de délicatesse , d'honnêteté, d'innocence, de simplicité , lui
sont devenues presque étrangères ; j'ose dire qu'il n'a pas vu un instant
la nature, du moins celle qui est faite pour intéresser mon âme, la v6tre,
celle d'un enfant bien né , celle d'une femme qui sent ; j'ose dire qu'il
est sans goût. • (Salon de 176$. Œwvres de Diderot, Édition Brière ,
tome 8, page 114-115). Ces tirades de Diderot sont évidemment passion-
nées et injustes. «« Le goût qu'il eut toujours pour le plaisir « , remarque
l'abbé de Fontenay, » ne l'empêcha pas (Boucher) d'être le plus abondant
des peintres de son temps. Son imagination toujours active et son amour
pour son art ne lui laissèrent jamais perdre un jour pour sa gloire. «
(Dictionnaire des Artistes^ tome 1, p. 233).
M. BOUCHARDON.
( 1698-1762).
Dans le projet que j'ay formé de ramener les
portraicts qu'on a tracés des grands artistes à une
plus exacte ressemblance, je ne dois point ob-
mettre M. Bouchardon.
Cet artiste avoit fait un long séjour à Rome,
tant à la pension du Roy, que dehors. L'ordre
de l'entrée et de la sortie des élèves n'étoit pas
réglé comme il l'est présentement (i). Il s'y étoit
fait une grande réputation. Enfm M. le duc
d'Antin , ayant appris quel étoit son mérite , le
rappella à Paris , où il l'accueillit avec toutes les
marques de considération qui étoient en son pou-
voir. Il lui donna un attelier dans le Louvre, dans
lequel il lui fit bâtir un logement commode. Il
vint l'y voir et s'attendoit peut-être à de grands
remerciemens, mais M. Bouchardon, quoiqu'avec
un air tout rond, tout sans façon, étoit haut et
(i) Voyez les Remarpus de l'auteur k la fin de ce portrait : I. (p. 100)
84 MÉMOIRES DB G0CHU4.
pensoit qu'on ne pouvoit rien faire de trop pour
lui. M. d'Antin lui dit : Te voilà bien logé (ilavoit
la mauvaise habitude de tutoyer). Bouchardon lui
répondit : Monsieur , si vous maviés vu à Rome ,
vous ne penser iés pas ainsy ; j'y avois un palais .
Cette réponse a été admirée des adorateurs de
M . Bouchardon ; pour moy je ne puis m empê-
cher d'y trouver une dureté déplacée vis à vis
d'un bienfaiteur qui a fait ce qui étoit en son
pouvoir pour nous obliger, sans compter le défaut
de justesse de la comparaison d'une ville habitée
comme Paris, avec une ville dévastée comme celle
de Rome . Le Roy a tant de monde à loger dans
peu d'espace , au lieu qu'à Rome on trouve en
effet à louer pour peu d'argent des espèces de
palais, composés de grandes pièces, mais sans
aucunes commodités.
D'un autre côté l'on peut dire pour sa justifica-
tion qu'il pouvoit être instruit de la hauteur avec
laquelle M . le duc d'Antin traittoit les artistes .
même les plus célèbres , et qu'il voulut, dès le
commencement . lui faire sentir qu'il n'entendoit
pas être traitté ainsi : auquel cas ce seroit une
réponse courageuse et prudente (i).
M . de Caylus ( comme je l'ay dit dans
les anecdotes qui le concernent) et M. Ma-
riette faisoient très assiduement leur cour à
(i) Voyez lc« Remarques de Tauteur : II (p. 100).
BOUCHARDON. 85
M. Bouchardon. Le premier donnoit par là bonne
opinion de son goust, et le second en tiroit de la
considération et presque touttes les contrépreuves
de ses desseins. Il ne faut pas croire cependant que
ce fût Bouchardon qui eût beaucoup de complai-
sance pour eux. Il n'en étoit pas fort susceptible.
Il étoit très-despote chés lui, peut-être même
l'auroit-il été volontiers chés les autres, mais
comme cela n'auroit pas réussi dans le monde ,
il y a apparence que c'est ce qui Ta engagé à se
répandre peu , et à ne manger que très-rarement
hors de chés lui, si ce n'est chés M. Mariette qui ,
pour ainsi dire, étoit toujours à genoux devant lui.
M. Bouchardon a été certainement le plus
grand sculpteur et le meilleur dessinateur de son
siècle. On lui a l'obligation d'avoir ramené le
goust simple et noble de l'antique ; véritablement
la sculpture s'en éloignoit trop et se seroit encore
plus écartée par le goust maniéré des frères Adam(i).
Mais, comme je fais profession de dire icy mon
sentiment sans déguisement , j'oseray trouver
quelques défauts dans ce grand homme. C'eût
été un blasphème aux yeux de ses amis.
Il m'a paru qu'il oulroit la simplicité (2), que
quelquefois il adoptoit des coeffures de têtes
ignobles et qu'il a assés souvent approché si
(1) Vojei les Remarques : III (p. loi).
(a) Toutes les biographies insistent sur la simplicité de Bouchardon.
(DicHcnnûire des Artistes^ de Tabbé de Fontenaj, t. I, p. aja).
86 UÉMOtMEM DE COCBfir.
près du pauvre que quiconque lauroit imité ser-
vilement auroit pu tomber dans un ridicule insou-
tenable ; c'est un malheur attaché à l'humanité
que presque toujours pour éviter un excès, on
tombe dans un autre . Aussi sa manière eut de la
peine à prendre faveur et révolta d'abord même
les artistes ; cei)endant le profond scavoir qui sou-
tenoit ses ouvrages lui obtint les éloges qui lui
étoient dûs, et les beautés réelles qu'on y apperçut
arrachèrent l'estime même de ceux qui d'abord
en paroissoient les plus éloignés.
Il aimoit le fini, et sans doute il avoir raison.
En effet, il semble qu'on ne peut pas regarder
quelque chose conune véritablement et complète-
ment beau qu'il ne soit achevé. De plus, il est
tant d'artistes qui font des ébauches et des à peu
près charmans, et qui néanmoins sont incapables
de les achever avec succès , qu'un artiste ne peut
être reconnu grand que sur des ouvrages achevés.
Mais, si le fmi est un mérite, son excès est un
défaut. M. Bouchardon modeloit avec un esprit,
une justesse et une netteté admirable; mais
lorsqu'il travailloit le marbre, son extrême passion
pour le fmi a pu le mener trop loin , et jecrois pou-
voir avancer qu'il a paru ignorer ce que nous
appelions l'art de travailler pour la place et que
dans ces occasions, il ne sçavoit pas se dire : C'est
as ses.
Ce beau grouppe qui est à la fontaine de la
bouchàrdon. 87
rue de Grenelle (i) est un chef-d'œuvre à regar-
der de près ; je puis le certifier, l'ayant vu sous les
yeux dans son attelier , cependant il ne fait pas en
place la moitié de l'effet qu'il feroit, s'il étoit pl^s
heurté et que les formes en fussent plus res-
senties.
Il en a été de même de la statue du Roy à che-
val dont le modèle, trop fini pour la hauteur où il
est placé, a encore été gâté par le travail ignorant
des cizeleurs. Mais M. Bouchàrdon, bien loin
d'apercevoir que le mérite de la touche admirable
de son modèleseperdoit(2), vouloitquece morceau
fût limé, ciselé partout et enfin fini comme un
morceau d'orphèvrerie ; son goust d'élection étoit
contraire à son goust acquis (3).
M. Bouchàrdon drappoit supérieurement quant
à la disposition et au bon choix des plis. Mais j'ose
dire qu'il n'executoit pas aussi bien sesdrapperies.
C'eût été une hérésie épouvantable que d'avancer
cela de son temps. Cependant on peut remarquer
aux figures qui sont à Saint-Sulpice et à la statue
du Roy que les plis des draperies en sont travail-
lés (comme l'appellent les sculpteurs) à coups de
gouge. C'est-à-dire qu'au lieu de cet enchaînement
(1) Vojez sur cette fontaine It Littre de M. M. au» ami dé province
tm smjet de la nouvelle fontaine de la me de Grenelle an faubourg Saint'
Germain-^ieS'Prés , signée : M (triette). i*' mars 1746. Cette lettre a été
réimprimée par M. de Montaiglon dans l'appendice de VAhuedario.
(T. VI, p. 279-291).
(2) Voyez les Remarques à la fin de ce portrait : IV (p. 102).
(3) Vojes les Remarques : V (p. loj).
88 MéMomBs nm cocbw.
moSlleux de surfaces diverses qui, en passant for-
ment les différens mouvemens des plis, on y voit
des creux pratiqués aigrement et non adoucis
qui ressemblent aux creux que laisseroit une
longue coquille en enlevant partie d'une crème
cuitte et bien liée. Qu'on me pardonne cette compa-
raison que j'ai cru propre à faire entendre mon
idée.
C'est ce qui m'a fait insinuer d'une manière
couverte, dans ma lettre sur la vie de M . Slodtz (i),
qu'en général ce dernier exécutoit mieux ses
draperies que M. Bouchardon, mais je n'ay pas
osé le dire clairement; M. de Caylus vivoit
encore et ne me l'auroit pas pardonné.
Lorsque la figure de l'Amour par M . Bouchar-
don fut achevée (et c'est véritablement un chef-
d'œuvre de sculpture) (2), quoiqu'elle eût été
ordonnée pour le Roy , néanmoins, il signifia à
(1) » On ne Ta point surpassé quant au goût arec lequel il savoit
disposer , former et exécuter les plis des draperies délicates ; il êtoit
excellent dessinateur, non, comme je l'ai déjà dit, que ses formes fussent
toujours pures et correctes ; mais ses dessins, ainsi que tous ses ouvrages,
sont remplis de g^ces. • (JLettre de M, Cochin aux amtevrs de la Galette
Uttiraire, p. 1 1 .
(a) Nous lisons dans une note de VAbecedariQ de Mariette , édité par
MM. le Marquis Ph. de Chennevières et A. de Montaiglon , Paris 1851-
1853, (art. Bouchardon): « Notre ami, M. de Chennevières , a publié,
dans le premier volume des Archivti de TArt framçms ^ p. 16a , une
pièce relative i cette statue ; nous j renvoyons et pour la pièce et pour
une trè»-curieuse lettre de Voltaire. J'ajouterai seulement qu*i Londres
wa trouve , dans la collection de lord Ellesmere , un tableau dans le goilt
du Parmesan , et représentant l'Amour taillant son arc. Il est au moins
très probable que c'est ce tableau qui a donné à Bouchardon , sinon la
bouchàroon. 89
M. Coypel qu'il ne l'auroUpas pour 10,000 ^
qui étoit le prix ordinaire des estimations de ces
statues, qu'un Anglois lui en avoit offert 24,000 ^
Il fallut donc se résoudre à lui en offrir 20,000 ^
et on l'eut. Je ne blâme point assurément cette
demande, quoiqu'elle ait peut-être bien embar-
rassé M. Coypel. Ce morceau est d'une telle
beauté qu'on ne pouvoit pas trop le payer.
Mais ce qu'il y eut de singulier, c'est que cette
figure ne fit point fortune à la Cour. Placée au
milieu du salon d'Hercule à Versailles, elle attira
la critique de touttes les petittes maltresses et de
tous les talons rouges. La Cour donna dans cette
occasion une belle preuve de son ignorance et de
son peu de goust pour les Arts. Quoy, c'est là
V Amour, disoit-on, c'est donc ï Amour portefaix ;
mais cela n'est point du tout agréable. Le temps
même n'en fit point revenir ; et , comme c'est la
voix des jolies femmes qui décide de tout dans
ce pays-là, et qu'elles n'y trouvoient point un
freluquet musqué comme elles les aiment , tant
fut discouru et critiqué qu'il falut l'ôter de là ,
malgré les artistes qui en disoient merveille, mais
qu'on regarda comme des imbecilles (i). Il fut
pose, au moins l'idée de sa statue ; car ce tableau , comme le plus grand
nombre de ceux de cette collection , faisait partie de la collection du
Palais-Royal , où Boucbardon l'a pu voir. •
(1) VojTct les Ktmarqiu^^X , p. 105). Aux restrictions de Cochin on
peut ajouter ces critiques ingénieuses de Diderot : •> Il me semble qu'il
Aut bien du temps k un enfant pour mettre en arc l'énorme solive qui
go MÉMOOBS DE COCHIlf.
posé à Choisy dans un vestibule de l'Orangerie,
Comme ce lieu tient un peu de la forme d'un
temple il y est très-dignement et très-bien pour sa
conservation, et, n'en déplaise à la Cour, ce mor-
ceau sera quelque jour l'objet de l'étude de tous
les artistes.
On prétend que M . Bouchardon l'ayant été
voir depuis qu'il étoit dans ce lieu, après l'avoir
regardé avec attention , dit , Cela est bien , mot
plein d'un sens respectable si l'on veut le r^rder
comme la noble franchise d'un artiste qui juge son
ouvrage avec la même vérité qu'il jugeroit celui
des autres.
Ce que je ne feins point de reprocher à M . Bou-
chardon, c'est le mépris trop marqué qu'il faisoit
paroistre de presque tous les autres sculpteurs
ses contemporains. 11 avoit sans doute le plus
rare mérite, mais les autres avoient aussi des
talens et des parties où ils excelloient.
Lorsque le tombeau du curé de Saint-Sulpice (i)
armoit la main d'Hercule. Cette idée choque mon tnugination Je n'aime
pis TAmour si longtemps à ce travail manuel , et puis , je suis un peu de
l'avis de notre ingénieur. M. Le Romain, sur ces longues ailes avec
lesquelles on ne sauroit voler quand elles auroieot encore dii pieds d'en-
vergure. - (pbiiruitiom s»r la sculpture et sur Boucbardomd»ns les Œuvres
éê Diderot, tome XV, édition Naigeon, p. 318).
(1) L'abbé Languet de Gergy dont les originalités sont bien connues. On
trouve dans tous les anciens Guides de Paris et notamment dans la
Description de Paris de Piganiol ( VII , 325-333) une description de ce
monument théâtral. Piganiol en a même donné la gravure ; mais la
rtproduction que présente le Voyage pittoresque de Paris par Dargenville
fit bien supérieure. Ce tombeau obtint un grand succès.
B0UCH4RD0N. 9^
par Slodtz fût découvert, on prétend que M . Bou-
chardon, après l'avoir vu, rentrant à son atelier
dit à Bustel et à ses autres compagnons : Allés à
Saint-Sulpice; vous y verres le tombeau du curé;
vous rires bien. Il n'y a cependant pas de quoy et,
quoiqu'en ait pu penser M. Bouchardon et qu'il
y ait quelques défauts, il n'en est pas moins vray
que c'est un des plus beaux morceaux de sculpture
qu'il y ait à Paris. Il n'est pas possible que
M . Bouchardon , quelque aveuglé qu'il pût être
par la haute estime qu'il faisoit de soy-mème et
peut-être par la petite jalousie qu'il pouvoit
avoir contre Slodtz qu'on avoît osé lui comparer
tant à Rome qu'à Paris, il n'est pas possible, dis-
je, qu'il n'y sentit beaucoup de mérite, mais peut
être le mélange des marbres de diverses couleurs
(quoiqu'ingénieusement varié), l'avoit-il choqué
et qu'il avoit saisi ce côté pour y jetter un ri-
dicule.
Il faisoit encore moins de cas de M. Le Moyne.
Ce sculpteur étoit peu correct, emporté par son
feu. Il étoit quelquefois outré, conséquemment
il ne pouvoit pas plaire à Bouchardon , dont la
correction étoit fort sévère ; mais il auroit dû être
assés juste pour applaudir à un certain goust
animé et plein de feu qui vivifioit ses ouvrages. Il
auroit dû concevoir qu'on pouvoit être inférieur
à Bouchardon et être néanmoins un très-bon
sculpteur.
9*
Quoique M. Bouchardon n'eût pas l'esprit
brillant il a\*oit cependant quelquefois le mot
plaisantt surtout lorsqu'U étoit question de lancer
un trait sur un artiste, et c'étoit avec un air de
pesanteur et de bonhcnnie qui le rendoit encore plus
^ngulier. J'étois un jour avec lui près de T^se
Saint-Louis du Louvre. M. Le Moyne(i) nous
engagea à entrer pour y voir un autel de la Vierge
qu'il venoit de mettre au jour. C'est un morceau à
la vérité assés bizarre où M. Le Moyne , saisissant
mal ridée qu'on lui a donnée des tombeaux du
Bemin à Saint-Pierre de Rome, s'est avisé de
mêler de la peinture avec de la sculpture , ce qui y
donne Tair mesquin d'un ex veto. Je cherchay tout
ce que j'y pouvois trouver de louable pour en
faire compliment à M . Le Moyne. M . Bouchardon
parla peu , mais en sortant il me dit : Que veut-il
que je lui dise? Je ne me cannois qu^en sculpture;
ce nestpss là de la sculpture.
Il en vouloità M. Guillaume Coustou, le père,
et un jour que je le fus voir dans sa maladie, il me
(O * Cet artiste îùi bien le portrait ; c'est md fcol mérite. Lorsqu'il
tente use gruide madûve , m «est qoe U tCte n> répond pat. 11 a beau
•e frapper te fr»at ; 9 ■> a pera o— c. Sa cMopootion est mu grandeor,
sans féftie . sam terw . saas eflct ; ses Cgwcs sont insipides , froides ,
lourde* et maniérées : c*est oosmm son caractère, où il ne reste pas la
msxînJIre trace de l'boaasrie de natuv. • (Salwi de 176^^ Œuvra dt
Mkr^. toa»e S . édition Brîère , p. ^>. — -En général , les terres
Miles de Le Moine valent aùeu que ses marbres. Il fiiut qu'il ne le
aacbe pt» travailler. « (S^Um é* 17^7. Œmzrti it Diderot, édition Nai-
|;«on» tome XV. p« 1 it>)
bouchàrdon. 93
raconta fort au long comme quoy ce M . Coustou
avoit fait mettre à Saverne un buste de M . le car-
dinal de Rohan et en avoit déplacé un de lui Bou-
chàrdon. Il me répéta plus dune fois que le sien
étoit beau, que c'étoit un ouvrage fini et que celui
de M. Coustou étoit mauvais, que c* étoit une borne,
ce qui ne me parust pas fort honnête en ce qu'il
avoit été son élève et que d'ailleurs ce M . Coustou,
quand il avoit voulu s'en donner la peine, avoit
fait de très-belles choses , telles que le petit
Hercule que nous avons à l'Académie , les che-
vaux retenus par des palfreniers qui sont à Marly,
qui non-seulement sont de la plus grande beauté ,
mais qui de plus ont le mérite qui manquoit à
M . Bouchàrdon et dont peut être il ne sentoit pas
la valeur , je veux dire celui d'être achevés préci-
sément ce qu'il faut pour bien faire leur effet en
place.
Il louoit cependant quelquefois, mais rarement
et étoit fort économe de paroles à cet égard. Outre
qu'il a trouvé des beautés dans le morceau de
M . Pigalle pour Rheims puisque c'est ce qui l'a
déterminé à le demander pour son successeur , il
donna quelques éloges assés flatteurs aux fron-
tons que M. Coustou le fils avoit exécutés à
Belle Vue, et c'étoit beaucoup , car il n'aimoit pas
le père. J'ay eu aussi l'encouragement qu'il voulût
bien trouver du talent dans un dessein que j'avois
exposé au Salon , qui représentoit l'audience de
94 MEMOIRES DE COCHIN,
l'ambassadeur turc à Versailles, et il est certain
que cette marque de contentement de sa part me
fit plus de plaisir que tous les éloges du public et
même des autres artistes (i) •
Je rapporteray ici en passant un fait peu im-
portant , mais où il m'a paru que M. de Boze {2)
avoit lourdement pris le change sur le compte
de M. Bouchardon. Ce dernier , disoit M. de
Boze , à l'âge de quarante ans n'avoit pas encore
lu Homère. On peut juger quel opinion un
sçavant en us et en idès comme M. de Boze
pouvoit avoir d'un homme qui avoit si peu d'éru-
dition (}j. Quoiqu'il en soit, il lui prêta ce livre;
il lui demanda ensuite ce qu'il en pensoit. Bou-
chardon enchanté des images sublimes de ce
poète , lui répondit en langage d'artiste que les
héros d'Homère lui paroissoient avoir quinze
pieds de haut ; M . de Boze prit cette réponse pour
une naïveté et pensa que Bouchardon avoit cru
en effet que les hommes de ce temps là étoient
de cette grandeur. Le plaisant , c'est que M. de
Boze, qui se plaisoit à raconter ce fait , ne voyoit
pas que tous ceux à qui il le contoit prenoient la
réponse de Bouchardon dans un tout autre sens ,
c'est-à-dire qu'il leur paroissoit clair que Bou-
chardon, exprimant le sentiment qu'il avoft éprou-
(i) Voyez les Remarques à la fin de ce portrait : VlI (p. 105)
(2) Voyez les Remarques de Tauteur, VIIl (p. 107).
(3) Voyez les Remarques, IX (p. 107).
BOUCHARDON. gS
vé, avoit entendu qu'Homère avoit peint la nature
plus grande et plus belle qu'elle ne paroist ordi-
nairement (i).
En qualité de chai^ du détail des arts , j'ay
eu une petite occasion d'embarras vis-à-vis de
M. Bouchardon. Il avoit d'abord été chargé,
pour le roy, du tombeau du cardinal de Fleuri (2),
ouvrage qui depuis a été fait par M. Le Moyne
aux dépends de la famille ; il en avoit fait deux
esquisses fort belles , il avoit reçu 4000 ^ , à
compte ; il me pria de faire terminer cette affaire
afm qu'elle ne restast pas après lui.
Il étoit bien simple que les 4,000 ^ lui demeu-
rassent pour les esquisses qu'il avoit faittes ; j'en
écrivis à M . de Marigny qui en demeura d'accord ,
mais il pensoit qu'en conséquence M . Bouchar-
don nous remettroit les esquisses pour le Roy.
Je fus voir M . Bouchardon ; il ne fut point du
(i) Voyez les Remarqua i \% fin de ce portrait : X (p. loS.) L*abbé
Delille fait probablement allusion à cette anecdote en disant à Homère
dans son poème de Y Imagination :
Bouchardon des héros t'empruntait les modèles.
(2) Le tombeau du cardinal ayant été mis au concoure , le projet de
Bouchardon fût préféré. Outre Lemoine et Bouchardon les autres concur-
rents étaient Adam et La Datte. Voyez la chanson à laquelle cette histoire
donna naissance {Archives de Fart français , V, 62-64). Voici le couplet
relatif au modèle de Bouchardon :
Ct'-la qui est bâti tout rond
Qui l'a fait ? — C'est ce Bouchardon ,
Lon , Ion , la , etc.
C'est sa mode d'être arrondy
Lon , lon , la , etc.
96
tout de cet avis , et me dit qu*Q ne les donneroit
pas pour dix mille francs. Ce marché n'auroit
pas été avantageux pour le Roy. Coounent faire ?
Bouchardon n'entendoit pas que rien contra-
riast ses idées ; on ne 1 y avoit point accoutumé.
Il falloit donc que les 4,000 fr. lui fussent laissés
sans que le Roy eût rien. Heureusement M. de
Marigny n'aimoit point à traiter les artistes à la
rigueur ; il faisoit tout le cas de M . Bouchardon que
méritoient ses talens ; il consentit à tout plutost
que de fâcher M . Bouchardon , qui s'en seroit
plaint comme de la plus cruelle injustice et qui
n'auroit pas manqué de gens qui l'auroient cru
sans autre examen.
Lorsque le désir d'achever le Louvre fit ôter les
atelier aux sculpteurs . M . Bouchardon , comme
les autres , y perdit le sien et son logement ; on
peut juger s'il s'en plaignit . mais on lui en laissa
peu de loisir , car presque aussitost on pensa à le
dédommager. Le Roy lui accorda un logement à
son choix dans Paris dont la caisse des Bàtimens
payeroit le loyer. Il n'en avoit cependant pas
grand besoin , du moins ce fiit pendant bien peu
de temps, car il eut, ou alors, ou presque aussitost
son logement à ses ateliers du Roule. M. Bou-
chardon n'en voulut pas cependant tenir les Bàti-
mens quittes , à moins d'un loyer de deux mille
quatre cent livres, et lorsqu'ensuitte il arriva
quelque retard aux payemens à cause de la mal-
BOUCHARDON. 97
heureuse guerre où nous fûmes si malmenés,
on peut imaginer s'il jetta de beaux cris ; tout
fut cependant payé.
Il fîit le seul à qui le Roy accorda cette grâce.
Adam et les Slodtz moururent avant que d'obte-
nir aucun dédommagement ; Pigalle et Falconet
n'en obtinrent qu'après la mort de M . Bouchar-
don ; et ce furent les mêmes cent louis qui leur
furent partagés.(i)
Je n'entreray dans aucun détail sur l'exécu-
tion et la conduitte du travail de la statue équestre
du Roy ; j'ajouteray seulement qu'il y eut pendant
assés longtemps de grandes plaintes de la part
de tout ce qui tenoit à la Ville sur la lenteur de
M. Bouchardon , et de pareilles plaintes de la part
de M . Bouchardon sur les procédés de tous ces
gens là. M. Bouchardon, peut-être trop prévenu
de la considération qui étoit due à ses grands et
rares talens , ne pouvoit se prêter à tous les pro-
cédés d'ordre mercantile , que naturellement des
Echevins marchands mettent à tout ce qu'ils font.
Ce qui est de certain c'est que cet ouvrage a
langui longtemps par ce défaut de bonne intelli-
gence et que sans M . Lempereur , échevin , plus
intelligent et plus au fait de la manière d'agir con-
venable avec les artistes , peut-être cette statue
n'eût-elle pas été fondue du vivant de M, Bou-
chardon.
(1) Vojrei lei Rtmarques à la fin de oe portrait : XI, (p. 108).
98 MÉMOIRES DE COCHW.
Il n'est peut-être pas inutile d'ajouter qu'au
grand étonnement des artistes , il travailla cette
statue avec une quantité de points pris sur son
modèle plus nombreuse que n'en auroit mise
un compagnon ; en conclurar-t-on qu'on ne sauroit
prendre trop de précautions pour bien faire , ou
que beaucoup de ces précautions étoient de sure-
rogation ?
M. Bouchardon prétendit aussi avoir été
extrêmement troublé dans l'exécution de ce mor-
ceau et même obligé de le recommencer en entier
par les suittes de la visite dont le Roy l'honora ;
la quantité de personnes qui entrèrent avec le Roy
et leur poids, à ce qu'il a assuré, fît un peu jouer
le plancher sur lequel étoit le modèle et lui déran-
gea tous ces points , mais ces points étoient-ils
donc si nécessaires ? et un aussi habile homme
que lui étoit-il obligé de se copier lui même si
servilement qu'il ne pût suppléer à ce qui étoit
dérangé, sans avoir besoin de précautions si
minutieuses ? Si j'ose dire ce que j'en ay pensé ,
je crois qu'il étoit vray que ce dérangement
avoit en effet troublé son travail , mais je crois
aussi que , naturellement minutieux , un petit
obstacle, qui n'auroit pas beaucoup embarassé un
autre , le troubloit excessivement.
Ce qui causa principalement la longueur de
ce travail ce fut le mauvais succès de la fonte ,
car, quoi qu'on en ait vanté la réussite parce que les
BOUCHAROON. 99
figures sortirent touttes entières sans qu'aucune
partie eût manqué , néanmoins ce fut avec une
croûte adhérente qui coûta un travail infini
lorsqu'il fut question de l'emporter avec la lime
et le cizeler.
J'ay parlé à l'occasion de M. de Caylus, du
legs que fit M . Bouchardon de cet ouvrage et des
suittes qu*a eue cette affaire ; je n'ajouteray rien ,
sinon qu'il est étonnant que M . Bouchardon ait
donné dans sa lettre l'idée que les quatre figures
du piédestal étoient conrnie faittes , tandis qu'il
n'y avoit pas encore travaillé, et qu'elles n'étoient
que dans l'état où un compagnon qu'il avoit
(nommé Bustel) (i) avait pu les mettre.
Si j'ay osé parler avec tant de franchise d'un
aussi grand artiste . ce n'est pas que je ne respecte
infiniment sa mémoire , mais la vérité est préfé-
rable à tout ; tous les hommes ont leur défauts et
les portraits que l'on en fait doivent être tracés
avec exactitude. Si Ion avoit eu plus de sincérité
à cet égard, peut-être ne dirions-nous pas si sou-
vent que nos ancêtres valoient mieux que nous.
Les homes ont toujours été à peu près les mêmes.
(1) Bustel , praticien plutôt qu'artiste^ est resté profondément inconnu.
100 MÉMOIRES DB COCRIN
REMARQ.UES.
l (p. 83). — M. le duc d'Antîn donnoit beaucoup
à la protection, et ainsi qu'il arrive volontiers aux grands
seigneurs, jusqu'à ses valets protégeoient auprès de lui.
On laissoit des élèves excellens tels que Vanloo,
Boucher et autres, sans les envoyer à Rome, tandis
qu'on donnoit les places de pensionnaires à des élèves
sans talent, recommandés par ceux qui approchoient le
supérieur. Ceux qui y étoient y restoient presqu'autant
qu'ils le vouloient, ce qui faisoit perdre le tour de plu-
sieurs autres. Cette négligence cependant a eu quelques
bons effets, en ce que les bons élèves d'alors qui peuvent
obtenir cette grâce ont eu plus de temps pour se former.
Tels ont été Bouchardon, Slodtz et quelques autres.
II (p. 84). — M. d'Antin traittoit les académiciens
avec ass% de hauteur, aussi ne le voyoient-ils que dans les
cas de nécessité. Il les tutoyoit comme je l'ay dit. Cela ne
plaisoit pas à M. de Troy le fils. Les artistes appelloient
assés ordinairement M. d'Antin: Monseigneur. M. de
Troy ne le lui refusoit pas ; mais lorsqu'il en étoit tutoyé,
il ne l'appelloit plus que Monsieur. Enfin M. d'Antin y
fit attention , ne trouva point cette fermeté déplacée et
ne le tutoya plus que rarement, et comme par inad-
vertance.
Ce ministre protégeoit assés mal l'Académie. La
grande affection qu'il portoit à tout ce qui étoit pour
ainsi dire de son domestique, étoit très-forte pour
Stiémart (1). Et lorsque les seigneurs de la cour
(1) Dans la liste des membres de l'Académie , où il fut admis le a8
juin 1720, Stiémart est « copiste de la cour et décorateur du Louvre. •
Il avait donné pour morceau de réception une copie du portrait du Roi
d'après Rigaud De 1737 à 1740 , il fut le tapissier du salon , c'est-à-dire
BOUCHARDON. 10 1
lui demandoient son avis sur les tableaux dont ils déco-
reroient leur palais ou châteaux, il leur conseilloit
de ne point s'adresser aux Académiciens , mais de
faire faire par Stiémart de bonnes copies d'après les
grands maîtres. C'est ainsi que Stiémart, avec les foibles
talens d'un bon copiste, gagna plus de bien que les plus
habiles peintres.
Quelqu'un recommandoit un jour à M. le duc d'Antin
M. Colin de Vermont (i) peintre de l'Académie, et
croyoit donner plus de poids à sa recommandation en
ajoutant que c'étoit le frère de M. de Blamont , inten-
dant de la musique du Roy : Colin de Fermoni , Colin de
Blamont, je ne connais point tous ces Colins-là, dit M. d'An-
tin, 7V ne connois que Colin Tampon, quolibet en usage
alors.
III, (p. 85). — A l'occasion de Adam l'aîné (2), je
qu'il fut chargé du pitcement des tableaux à Texposition des peintres de
l'Académie, charge qui échut plus tard à Chardin.
(1) Peintre d'histoire, né à Versailles, mort en 1761. • Il posait supé-
rieurement le modèle et le dessinait correctement. • ( Dictionnûire des
Artistes de l'abbé de Fontenay. tome 1, Paris, 178a). Ce M. Colin de
Vermont est cité dans une lettre écrite par M. de Toumehem i M. Cazes,
directeur de l'Académie de peinture et de sculpture, parmi les onxe ofQ-
ciers de ladite Académie choisis pour travailler en concours supérieur
pendant l'année 1747. (ponfirtnces et détails ^administration de F Académie
roîale de Peinture et de Sculpture , année MDCCXLVII ). Ce manuscrit
conservé à la Bibliothèque de l'Université , à la Sorbonne , n'est pat
moins officiel que le manuscrit correspondant conservé à l'Ecole des
Beaux-Arts ; la copie du compte-rendu de chaque séance y est suivie de
la signature • Lépicié • ; mais il est plus complet. Voyex ci-dessus p. 16.
(a) Né en 1700, ce sculpteur est mort en 1759. C'est donc au cadet
que s'adresse cette diatribe de Diderot : « Abominable, exécrable Adam 1
Je ne parle pas du plus ancien des sots maris ; mais d'un sculpteur de
son nom , qui nous donne un des Pères du désert , qui prie sur le bout
d'une roche, pour Polyphème ; je ne sais quelle petite béte légère et frisée
pour un des moutons i longue laine du Cydope, et un sac de noix pour
un Ulysse. * (Salcn de 176$. Œuvres de Diderot , tome 8, édition Brière ,
p. 38o-)8i).
102 KÉMOmBS DB OOCHIK.
rapporteraj une pedtte anecdote , lors des commence-
mens de M. Bouchardon à Paris. Dînant avec mon père
à Saint-Cloud, chés M. Legrand» architecte de Nfarle
duc d'Orléans, cet architecte demanda à mon père à
qui il lui conseiUoit de s'adresser pour un grand grouppe
de pierre qu'on vouloit mettre au haut de la cascade ,
ajoutant que cela étoit si peu payé qu'il n'osoit le pro-
poser à un habile homme , qu'il voudroit seulement
trouver quelque jeune homme qui n'en fit pas absolu-
ment une mauvaise chose. D'après cet exposé mon
père n'osa point penser à M. Bouchardon dontil con-
noissoit les rares talens, et regarda cela comme au-
dessous de lui. Il indiqua Adaml'atné qui, comme jel'ay
dit, avoitalorsplusderéputation qu'il n'en méritoit. C'est
ce qui est cause que nous avons là le médiocre grouppe
qu'on y voit. M. Bouchardon reprocha depuis à mon
père de n'avoir point pensé à lui, qu'il l'auroit fait au
prix qu'on auroit voulu ; on peut juger par la besogne
d'Adam, si mon père en eut du r^ret.
IV (p. 87) — Après la mort de M. Bouchardon ,
Pigalle étant chargé de finir cet ouvrage fit appeller {du-
sieurs artistes de l'Académie pour qu'il fût décidé s'il étoit
vray, comme le prétendoient les fanatiques adorateurs
de M. Bouchardon, que les quatre figures de piédestal
(qui étaient teUes queBustel les avoit faites et où M. Bou-
chardon n'avoit pas encore touché}, étoîent en effet assés
£ûttes, et assés bien, pour qu'en se contentant simple-
ment de finir les têtes et les mains ébauchées, on pût les
fondre sur ce modèle. Il n'y eut qu\me voix de tous les
artistes capables d'en juger. Il fut décidé que kmodtfe
étoit à remanier tt à corriger partout. A cette occasion
ooos vîmes toute la statue du Roy et le cheval étant
limées et arrondies sans gous par les dzdeurs ; cepen-
BOOCHARDON. 103
dant nous eûmes le plaisir de voir une jambe et un pied
du Roy qui n'avoient point encore été cizelées et qui
étoient modelées avec un goust, une netteté et une fer-
meté admirables. Les touches meplattes et les formes
décidées y étoient encore; nous ne pûmes nous refuser
au déplaisir de voir qu'on étoit obligé de laisser gâter
encore cette belle partie afin qu'elle fût conforme au
reste. Mais nous conclûmes que M. Boucbardon, par
son goust excessif pour le fini , avoit laissé perdre les
principales beautés d'un ouvrage qui auroit fait Fadmi*
ration et l'étude des siècles à venir.
M. Pigalle dans son morceau pour la ville de Rheims
fut plus sage et ne le fit point ou peu dzeler. Il se peut
qu'il y ait eu des vues d'économie, en ce que cela lui
épargnoit les frais de la cizelure ; mais l'art y a gagné ; .
et l'on voit dans la figure du cytoyen tout l'art d'un
grand sculpteur. Il est vray que s'il avoit osé prévoir que
sa fonte eut un succès assez heureux pour pouvoir rester
sans être cizelée» il auroit pu finir ses cires avec plus de
propreté afin qu'on ne vit pas dans la fonte les traces
du torchon, mais il a mieux valu les laisser que d'ôter
avec la lime touttes les grâces du modelé sçavant qu'on
y découvre. Si M. Boucbardon avoit eu le même bon«
heur et que son ouvrage eut pu rester comme le pied
que nous avons vu, c'eût été un chef-d'œuvre.
V (p. 87). — Je distingue son goust d'élection d'avec
son goust acquis. J'appelle goust d'élection ce sentiment
qui nous fait préférer une manière d'être ou de
faire à une autre , le fini au heurté , etc. , et je nomme
goust acquis ce sentiment des beautés de détail de la
nature que l'on acquiert à force d'étudier d'après elle. Il
semble qu'on est fondé à croire que, par la science qu'il
104 idaKMBKS DE COCHOf.
aTmtdela nature, il ne poovoît se refbser à mettre dans
son modèle les touches méplates et sensibles qu'elle indi-
quoit, mais qu'il étoit channé quand quelqu'un moins
sçayant que lui Tenoit les ôter même en arrondissant ,
perdant l'esprit et gâtant l'ouvrage , et tout cela par la
crainte d'être maniéré, crainte qui l'occupoit d'autant
plus qu'il reprochoit ce prétendu défaut à presque
tous les sculpteurs tant anciens que modernes.
Ce goust d'élection, qui chés lui alloit jusqu'à la bi-
zarrerie, lui £sûsoit porter des jugemens singuliers sur
plusieurs ouvrages. U regardoit le cheval de la statue de
Henri IV, comme le meilleur qu'il j eût à Paris dans
ce genre, quoiqu'il ne paroisse qu'extrêmement mé-
diocre aux yeux de tous les artistes ; le portail gothique
de Saint-Germain i'Auxerrois auquel personne n'avoit
jamais fait attention lui paraissoit une belle chose. Il
trouvoit des beautés dans de méchantes images à deux
liards qui se vendoient sur les quais. Peut-être j avoit-
il un peu de cette envie de soutenir des paradoxes, à quoy
sont sujets beaucoup de personnes. L'amour-propre y
gagne en ce qu'on paroist plus éclairé lorsqu'on trouve
des beautés où les autres n'aperçoivent rien.
Cependant je ne prétends pas qu'il faille rejetter les
opinions des hommes de son mérite parce qu'elles ne
nous paroissentpas recevables d'abord ; mais il faut les
examiner. C'est ainsi qu'en considérant depuis le portai
de Saint-Germain je ne puis me refusera conveninque
les masses générales et les proportions de ce portail
sont en effet belles ; mais quant au cheval de bronze ,
j'ai eu beau le regarder il ne m'en a paru que plus
mauvais et je ne puis de^âner ce qu'il y a trouvé de
beau ; à moins que ce ne soit le grand fini et la propreté
du cizeler. En ce cas ce seroit sa marotte , si mieux l'on
BOUCHARDON. 105
n'aimoit imaginer que c'étoit une manière détournée
de faire la critique du cheval qu'avoit fait M. Le Moyne
pour la statue de Bordeaux, lequel lui paraissoit
maniéré.
VI (p. 89). — Cette figure est d'une nature qui n'est
pas entièrement formée. Les bras en sont maigres , les
jambes un peu engorgées, les pieds grands. Ce peut être
ce qui Ta rendue désagréable à ceux qui n'y sçavoient pas
voir les autres beautés. On prétend qu'il arriva à M.
Bouchardon une scène désagréable et ridicule. Comme
il alloit voir baigner les jeunes garçons sur les bords de
la rivière pour y chercher quelque beau modèle de
l'âge qu'il vouloit représenter dans sa figure, il en
trouva un qui lui parut beau , il lui proposa de venir
chés lui. Ce jeune homme s'alla imaginer qu'il avoit de
touttes autres intentions, l'insulta ; je crois même qu'il
appella la garde et que M. Bouchardon fut obligé de
décliner son nom et d'expliquer sts desseins.
VII (p. 94). — Ce dessein en 1740 ou 1742. m'avoit
coûté un temps considérable ; il m'avoit été décommandé
dans le temps qu'il étoit déjà suffisamment avancé pour
me faire désirer de l'achever, d'autant plus que je voyoïs
qu'il pourroitme faire honneur; ainsi, n'ayant plus de
temps déterminé, je l'achevay en différens temps et
comme il étoit à la mine de plomb sur vélin, et que la
mine de plomb s'évapore promptement, il me fallut le
refaire presque tout entier à plusieurs reprises. Lorsqu'il
fut achevé, je le montray à M. de Bonneval, alors
controUeur des Menus-Plaisirs du Roy. Il me parut le
désirer avec tant d'ardeur, lui qui étoit froid et peu
démonstratif, que je lui en fis présent. C'étoit à lui que
io6 uHuanEM m cocam.
l'ovois l'obligation d'avoir tnnraiUé pour le Roy dès
Fftge de vingt ans, honneur dont f étois flatté, ne pré-
voyant pas que je serois tou)oun fort mal payé dans ce
district et que je perdrois toutte ma jeunesse sans pro-
fità leur service. M. de Bonneval étoit alors par sa place
à portée de me faire du bien dans la suitte ; mais à peu
de temps de là il la quitta par les dégoûts que lui donna
M' le duc de Richelieu , premier gentilhomme de la
chambre du Roy : ainsi ce dessein fut en pure perte
pour moy.
M . le duc d' Aumont, aussi premier gentilhomme de la
chambre (i) , eut depuis envie de ce dessein; ce M. de
Bonneval ne sçavoit comment le garder et le lui refuser»
mais je ne voulus pas démentir le don que j*en avois fait.
(i) Ce duc avait été tounié en ridicnle dans une parodie deCma«;
Mannontel ayant récité cbea Madaine Gcoffrin qœlquea vert de cette
parodie et n'ajrant point voula en désigner rantenr, le premier gentilhomme
de la chambre le fit enfermer i la Bastille. La lettre suivante dn comte
de Saint-Florentin se rapporte à cette ai&ire. Noos en avons trouvé la
copie dans les papiers de Libri. (Bibliotbèque Nationale. Foods français.
Nouvelles acquisitions N* JjSl) :
A M. DB SAtmas.
A VtnnUa, U 27 ièumhr* 1759.
It Roy û jw^i à propos , Motaûmr , iiwtoytr if. dt HtrmmOtl k U
BûsHlU; éûmàjê voss atoo^ U Uttn iê 5* M^esUpomr Ty fmrt comèùro,
H suffira , j€ crois , qae two rtmvoyû^ tktrdm- et fa# cmd bd ordomsie^
de sy rendre, Kmb fere^ dire àM.ie Go&vemear de bd foire dmtmer mv
Voms comteisse^ les sentimeat ëvee les^aeis Je smis , Momietr, votre tri»-
S. FLOASimil.
On peai M foire dotmer des livres, des plames et dm pépier.
En msrge de cette lettre 00 lit Tannotition suivante :
€ Répondm le 28 décembre fu le siewr Mermomtel est entré ledit jomr à
U BéUtilU et qae jt me ceefoewereti à ce fB*i/ me mtu^tu. »
BOOCHARDON. IO7
quoique peut-être cela m'eût été profitable. J'encoura-
geay M. de Bonneval à soutenir qu'ayant été décom-
mandé il étoit à moy , qu'ainsi j'avois pu le lui donner
et que je persistois dans cette intention.
VIII (p. 94). — M. Gros de Boze, dont le nom mérite
de passer à la postérité à cause de quelques éloges d'aca-
démiciens très bien faits, étoit cependant un homme très-
lourd, très-pédant et fort ennuyeux par la lenteur de ses
propos et l'affectation avec laquelle il s'écoutoit parler.
Dailleur si plein d'estime pour soi-même qu'il en étoit
insolent ; une de ses phrases fovorites à ceux qu'il regar-
doit comme ses inférieurs ( et c'étoit presque tout le
monde) étoit : at^ec yotre petite permission.
Ce n'est pas la seule occasion que j'ay eu de m'aper-
çevoir qu'un bon nombre de gens de lettres, même de
ceux qui ont fait de bonnes choses , ne sont que de
grosses bêtes très instruites.
IX (p. 94.) — En général les gens de lettres font
l'honneur aux artistes de les regarder comme des ouvriers
renforcés, et s'il nous trouvent dans le cas d'ignorer quel-
ques-unes des choses dont le sçavoir les rend si fiers ,
ils en concluent étourdiment que nous ne pouvons pas
avoir de génie. Us ne font pas réflexion qu'ignorer ce que
l'on n'a pas appris ne peut être une preuve de manque
de génie , que même en po6sie ils ne peuvent refuser le
titre de grand génie à Shakespear et à d'autres qui ont
manqué d'instruction. D'ailleurs ce qui constitue le
génie de l'homme de lettres n'est pas précisémentla même
chose que ce qui constitue celui de l'homme d'art,
quoiqu'il y aît beaucoup de rapport ; mais je crois que
les connoissances du dernier n'exigent pas autant d'éten-
108 MÉMOaaS DE
dOe pour remplir leur but; peut-être même ocerois-îe
dire qu'elles sont d'une toutte antre espèce et que la
plus belle éducation quant aux lettres n'est pas encore un
pas de fait dans le carrière des arts. Le génie defbomme
d'art est un sentiment du grand , du beau , des grâces,
de la vie et du mouvement que lui présentent la nature
dans ses aspects extérieurs.
X -p. 95). — Cecj me rappelle un Eait peu important,
mais qui peut intéresser par le personnage. M. Jean-
Jacques Rousseau, de Genève, qui avoit tant d'esprit et
qui écrivoit si bien, prit biengaucbement un compliment
que j'avois voulu lui faire. J'avois dessiné pour frontis-
pice à son roman de Julie un peintre , la Nature rayon-
nante de gloire, l'Imagination allumant son flambeau
à celui de l'Amour , ^ le peintre faisant un tableau de
cette Nature plus grande qu'elle n'est. M. Rousseau crut
que j'avois voulu faire une critique de son ouvrage (1) ;
il fallut que quelques amis lui écrivissent pour le dis-
suader.
XI (p. 97). — M. Pigalle en eut seize cent livres
comme ayant perdu un grand atelier et des frais de
transports considérables. M. Falconnet en eut huit cent
livres.
( 1 ) M. Rousseau était eicosable. Diderot qui aimait Cochio lui a toujours
reproché un allégorîsme outré : • Autre vice de ces compositions , c'est
qu'il y a trop d'idées , trop de poésie , de l'allégorie fourrée partout ,
gîtant tout, brouillant tout, une ol>s#irité presque à l'épreuve de légendes.
Je ne m'y ferai jamais , jamais je ne cesserai de regarder l'allégorie
comme la ressource d'un tête stérile , foible, incapable de tirer partie de
la réalité , et appelant l'hiéroglyphe à son secours , d'où il résulte un
galimatias de personnes vraies et d'êtres imaginaires qui me choque ;
compositions dignes des temps gothiques , et non des nôtres.» (Diderot,
Sslêné0 1767, Œuvres, Tome XV. Ed. Naigeon, page i^a.)
BOUCHARDON. IO9
Lorsque M. de Marignj fut obligé d*6ter ces ateliers
aui artistes , il assuroit qu'il imploreroit les bontés du
Roy pour dédommager de cette perte des gens de mérite
qui n'avoient pas démérité. En effet on roula pendant
longtemps le projet de faire construire des ateliers
ailleurs » on marchanda un grand terrain sur la chaussée
d'Andn ; mais M. Gabriel, premier architecte, fit man-
quer tout par sa maladresse et par l'étendue ridicule
du projet qu'il forma. Il proposa un arrangement au
moyen duquel il en auroit coûté au Roy environ 600,000
fl pour ne faire que six ateliers ; je ne me souviens
pas bien si ce n'étoit pas douze ateliers , mais c'étoit
toujours trop cher et l'on pouvoit les contenter à beau-
coup moins. Uvouloit leur donnera chacun leur maison,
leur cour , leur jardin , etc.
C'est ainsi que la vaste étendue du projet fou qu'il
avoit imaginé pour l'Ecole millitaire a fait qu'il n'a point
eu d'exécution ; on n'en a construit que la sixième partie»
et cependant la moitié des élèves et tous leurs supé-
rieurs s'y sont trouvés très-bien logés.
M. Souffiot et moy nous formâmes divers pro-
jets pour retrouver des ateliers; enfin» au bout de
quelques années que le projet de finir le Louvre parois-
soit abandonné à cause de la détresse de l'État , et que
les contrôleurs généraux des finances avoient cessé de
donner le fonds de 25o,ooo ft à quoy on s'étoit borné
pour suivre ce projet qui néanmoins avec ce peu d'ar-
gent avoit été grand train par le zèle qu'y avoit mis
M. Orré , entrepreneur maître maçon du roy , qui étoit
riche et qui mtt son honneur à avancer une partie de
sa fortune pour le succès de cette belle entreprise ;
lors donc que cela fut suspendu , la partie à laquelle
on avoit travaillé se trouvoit couverte, j'avois hazardé d'y
UO MÉUOniES DE OOCHIIf.
demander on atdier poor Desbajs (i). M. de Marignj
VaYoit accordé ; nuis je n'osois pas encore de quelques
années en demander pour d'antres , si ce n'est poor on
méchanicien , homme de mérite et persécoté par des
gens très poissans ; il se nommoit Loriot (2).
Quelques autres 7 avoient obtenu quelques empla-
cemens de M. de Marigny, mais non pas par mon
canal ; j'en avois seulement £ût donner un petit coin à
un pauvre petit graveur qui n'étoitpas fort habile, mais
qui avoit trouvé un moyen assés ingénieux dlmiter
promptement l'effet du lavis (3) Enfin un beau jour un
sculpteur nommé Berruer (4) qui n'étoit pas même
encore de l'Académie, s'avisa de demander à M. de
Marigny la permission de se faire un atelier dans quel-
qu'une des places qui restoient; son Placet me fut
renvoyé ; îe saisis cette occasion pour dire à M. de
Marigny qu'il avoit là bien des places qui feroient
grand plaisir aux artistes et qui ne servoient à rien ;
(1) u C'est d»Iui-li qui avait du feu , de l'imagination et de la verve I
c'est celui-là qui savait montrer une scène tragique , et y jeter de ces
incidents qui font frissonner, . . c'est celui-là qui était vraiment poCte I
né libertin , il est mort victime du plaisir. » {Salon de ty6$, Œtevres
iê Diderot, tome 8. Ed. Briére, 1821» page 155.) Charles-Nicolas Cochin
a écrit un Eaai $ur la vie de M. Desbap. Paris, 21 juin 1765 in^ia. Jean
Fontaine Malherbe a rédigé son Éloge historique (Paris 1767, in-12, extrait
du Nécrologe). Le catalogue des dessins , tableaux et estampes qui ont
figuré à la vente de Deshays (26 mai 1765) a été dressé par P. Rémy.
(2) Ingénieur distingué , Loriots fait exécuter la table mécanique de
Choisy , qui montait le diner du roi dans les petits appartements sans
l'intervention' d'un valet. Il avait aussi inventé un ciment supérieur à
ceux qu'on connaissait alors. Frédéric 11 de Prusse avait (kit installer à
Postdam une table mécanique sur le modèle de celle de Choisy.
(j) Il se nommoit Chsrpentier. {Note de Cochin).
(4) a Ce jeune homme sait amollir et vivifier le marbre. » (Diderot,
Salon de 1766). c Berruer a du talent qu'il a bien caché cette année.
{Salon de ijCj).
BOUCHARDON. 1 1 1
comme il aimoît beaucoup à faire du bien aux altistes,
quand cela se pouvoit, il me dit : Hè bien, il ri y a qt^à y
en mettre tant qu'il en pourra tenir. Je ne lui fis pas dire
deux fois, et Souflot et moi (i) en moins de huitaine
nous en avions déjà installé huit ou dix.
Il est vray que comme cela fit un peu de bruit et qu'on
demandoit : « est-ce que Ton abandonne le projet de finir
le Louvre?» je reçus bientost une lettre de M. de Marigny
par laquelle il me demandoit la liste de ceux qui étoient
déjà dans le Louvre, voulant lui-même leur tracer
l'emplacement qu'il leur permettoit de prendre; le mal
étoit qu'ils étoient déjà tous placés et fort contens.
Cela étoit alarmant , parce qu'il étoit à craindre qu'il ne
leur fît une distribution plus resserrée ; je rompis adroi-
tement le coup et, comme il vouloit leur accorder cet
emplacement par une lettre , je lui écrivis que le projet
du Louvre n'étant que suspendu il me paroissoit néces-
saire que le don de ces ateliers qui n'étoit qu'une tolé-
rance , ne fût point authorisé par une lettre particu-
lière du supérieur qui sembleroit les mettre en droit »
en cas qu'il en falût sortir , de répéter des dédomma-
gemens, ce qui étoit bien opposé à ses intentions,
puisqu'au contraire il vouloit qu'ils s'engageassent
chacun par écrit chés M. Soufflot à déménager au
premier ordre sans prétendre â aucun dédommagement
(et en effet quoique ce cérémonial leur fit un peu mal
au cœur, nous l'exigions d'eux). M, de Marigny ne s'en
informa pas davantage et nous laissa placer des artistes
peintres , sculpteurs et autres , tant que nous en trour
vâmes qui nous parurent , à l'un ou à l'autre , en valoir
la peine.
(i) Cochin et Soufflot conservèrent toujours une grmnde influence auprès
de leur comfNignon de route en Italie
112 IfillOnES OR CQCHIK.
Nous eûmes beau leur dire d'éviter de faire de la
dépense dans des emplacemens qui pouvoient leur ètrt
redemandés dans le moment où ils s'y attendroient le
moins , il n'y en eut presque aucun qui voulût nous
croire ; ils s'y firent des logemens sans autrement pren-
dre le consentement de M. Souflot , et moins encore le
mien.
On peut juger si nous fûmes bien contens , Soufflot
et moi» de cette manière d'agir , un peu trop sans
façon ; mais, d'une part, l'envie de ne pas leur nuire en
irritant contre eux M. de Marigny qui n'étoit que trop
vif ( i) et que nous n'aurions peut-être pas arrêté où nous
aurions voulu ; de l'autre , la crainte d'être compromis
nous-mêmes auprès de M. de Marigny pour avoir trop
pris sur nous dans la distribution de ces ateliers ; tout
cela nous tint dans le silence, sauf à les abandonner si
leur imprudence leur attiroit quelques mésaventures
vis-à-vis du supérieur.
C'en est déjà trop sur ce sujet; je n'ajoute aucunes
réflexions sur le peu d'agrément qu'on retire en rendant
service et sur le besoin dont il est que ceux qui se
trouvent à portée de le faire , ayent pour unique but
de faire le bien , sans prétendre à la reconnaissance ;
c'est de quoy )e pourray traiter plus au long , si jécris
l'histoire de ma vie (2].
(1) « Jamais railleur n*a moins souffert la raillerie, b Œmx;rts posÈkumes
di (MarmonUl. (Mémoires , tome II , Paris, 1804 , page 5)
(a) Cochin ne parait pas avoir mis ce projet à exécution. 11 n'en est pas
trace dans le testament publié plus loin.
M. RBNi-MicHEL SLODTZ.
(1703-1764).
J'ay peu de chose à ajouter à ce que j'ay dit
dans ma Lettre sur la vie de M. R. M. Slodtz;
je ne lui ay point connu de défaut sensible et
c'étoit réellement un des meilleurs caractères
possible , ce que Ton appelloit alors un homme
delà vieille roche.
On ne pouvoit gueres lui reprocher qu'une cer-
taine indétermination , et une variation d'idées
qui cependant n'a jamais nui qu'à lui. Par exemple
il avoit été chargé d'une figure de l'Amour pour
Belle- Vue dans le temps que ce château apparte-
noit à M*"* de Pompadour (1). Il a fait cinq mo-
dèles de cette figure , en grand et achevés . sans
pouvoir se contenter. Ils étoient cependant tous
beaux, et nous ne pouvions deviner ce qu'il
cherchoit de plus. Tout le temps qu'il y avoit
(1) Le château de Bellevue fut vendu au roi en 1757 pour la tomme de
323000 livres. Sur cette délicieuse création de Madame de Pompadour
voyei E. et J. de Concourt, (Madame d* Pompadomr, 1878, p. lao et J.
Guiffrey, Les Caffieri, pp. 89 et 1 13.
8
114 MiMOniES DE COCHIN.
employé fut perdu pour lui , puisqu'il n'en mon-
tra jamais rien à M"»* de Pompadour , qui d'ail-
leurs longtemps avant sa mort avoit vendu Belle-
Vûe auroy. Ce qui est plus singulier c'est que, ce
projet abandonné , M . Slodtz qui conséquemment
ne continuoit plus la statue , faisoit néanmoins
achever le pieddestal en marbre et c'étoit un
travail assés considérable (i) et une dépense qu'il
faisoit sans destination.
Il fut plusieurs années à se déterminer à quitter
un logement très mal sain et lorsqu'il eût enfin
loué une assés belle maison au faubourg Saint-
Honoré. quoiqu'elle ne fût pas à lui, il y fit
beaucoup de dépense et y bâtit un corps de logis.
Non content de cela, il changea cinq ou six fois
ses appartemens de distribution et de décoration.
Enfin nous comptions qu'il n'en pouvoit gueres
être quitte à moins de 30,000 ^. Mais il étoit à
son aise ayant hérité de ses frères (2), et comme
nous voyons sa santé fort douteuse, nous désirions
que du moins il jouit à son goust pendant le peu
qui pourroit lui rester à vivre.
Cette indétermination lui attira quelquefois des
tracasseries de la part des Contrôleurs des Menus-
Plaisirs du Roy. Ce sont souvent des gens qui
n'entendent rien aux arts, et qui n'ont sçu
qu'acheter le droit de les employer avec un certain
^1} 11 étoit orné de b«s reliefii d'enftns; il s'est vendu pinnyses effeU
■près ton décès. {Note de Cochin).
(a) Voytt rAppêudici , V , p. 175. Mous dcrons à la courtoisie de
M. tults OuiflVty copie du testament de Slodti.
R.-M. SLOTDZ. Il5
air d'authorité et de décision» qu'ilsplacent à propos
ou non. Slodtz changeoit assés souvent d'idée
dans les choses qu'il faisoit pour eux et recom-
mençoit des ouvrages déjà faits. Comme ces
ouvrages doivent être terminés à jour prefix, les
valets des Menus- Plaisirs (qu'on y honore du
nom d'inspecteurs), pour faire les zélés , alloient
cornant aux oreilles de ces contrôleurs qu'on
n'auroit pas fait à temps, que M . Slodtz ne faisoit
que faire et défaire ; cependant il est vray qu'il a
toujours eu fini lorsqu'il convenoit et que ce
n'étoit que des alarmes prises mal à propos.
Il reste une anecdote plus importante et que je
ne rapporte qu'à regret , parce que M. le Marquis
de Marigny, mon protecteur et mon amy, y entre
pour beaucoup , et que je ne puis me cacher qu'il
m'a paru y avoir quelque tort. Cependant elle est
nécessaire à connoistre pour l'honneur de la
mémoire de mon amy Slodtz, et d'ailleurs il
me paroist qu'aux yeux de tout homme sensé elle
ne peut tacher celle de M'^le Marquis de Marigny,
qui sera toujours chère aux artistes. Si je ne m'en
croiois pas certain, je l'ensevelirois dans le plus
profond silence. Mon but donc en le rapportant
est uniquement de faire sentir aux gens en place
combien ils doivent peser leurs moindres actions à
l'égard de leurs inférieurs , à qui , souvent sans le
vouloir, ils causent les chagrins les plus cruels.
Il est nécessaire d'abord de dire que M. de
ii6
Marigny étoft rempli d'esdme et cfa^ctîoa pour
Slodtz, et hif eo avoit ionoé beaucoup de marques.
II avoît ru en Italie eta\lerxne, eu Dauphiné (i;,
ses plus beaux ouvrages. Tout ce que oousétîoas
d'artistes liés plus intimement avec M. de Mari-
gny, amis de Slodtz, nous ne faisions qu'aider i
fortifier cette estime bien méritée. Cependant ce
fut de ce supérieur affectionné que M. Slodtz
éprouva les chagrins que je vais dire.
J 'ay eu quelq ue lieu de penser que dès longtemps
avant, M. de Marigny n'étoît pas content que
M. Slodtz se fût tellement attaché aux Menus-
Plaisirs qu'il en eût en quelque façon abandonné
la grande sculpture statuaire ; mais M . Slodtz
Tavoit fait en quelque sorte involontairement et
entraîné par les circonstances. Ce qui sembleroit
contredire cette idée, c'est l'appuy que lui, M . de
Marigny, a voit donné à la requête de Slodtz,
lorsque celui-cy avoit demandé la place des
Menus-Haisirs vacante par la mort de ses frères.
Mais il se pouvoit que depuis M. de Marigny,
reflexion faitte, pensast autrement. Quoiqu'il en
soit, j'ai crû l'entrevoir, bien que M. de Marigny,
ne l'ait pas témoigné distinctement. C'a pu être
un premier motif de refroidissement et il n'en
faut pas davantage chez les gens en place pour
les disposer défavorablement.
(l) Voyez plus haut, ptge 31, note 1
R.-M. 8L0DTZ. 1 17
Lorsque Slodtz eût fait son premier catafalque
à Notre-Dame (i) , il se leva un cri d'applaudis-
sement par la surprise agréable que causèrent la
noblesse et la simplicité de son goust à la suite de
tant de colifichets qu'avoient faits ses frères dans ce
genre. Slodtz alla prier M. de Marigny de venir
voir son ouvrage. M. de Marigny en fit la partie
un jour au sortir de diner chés Madame Geoffrin.
Le comte de Caylus y dinoit aussi , car il étoit
rinventeur et la base fondamentale de ce dtner.
Il offrit de mener M. de Marigny dans son équi-
page. M. de Marigny, M. de Caylus et
M. Mariette se mirent donc dans cet équi-
page. M. Souflot me mena dans le sien. Nous
fûmes coupés et retardés par quelques embarras
et ne pûmes arriver à Notre-Dame que plus d'un
quart d'heure après les trois premiers. Ce court
intervalle a voit suffi au comte de Caylus pour
décrier tout à son aise cet ouvrage , et pour préve-
nir M. de Marigny contre; ce qu'il n'eût jamais
osé faire devant moy, car il sçavoit que j'étois le
Don Quichotte de tous les hommes de mérite et
j'avois bien des fois rompu des lances contre lui
(1) Est<^e celui qui fut fait en 1760 pour les pompes funèbres du Roi
et de la Reine d'Espagne? Les planches gravées par Martinet sont conser-
vées à la Chalcographie du Louvre (n* 3642-3651 du catalogue). La Chalco-
graphie du Louvre conserve aussi la planche également due à M. F. N
Martinet , représentant le bal du May donné à Versailles pendant le
carnaval de 1763, d'après M. -A Slodts (n" 3699).
Il8 HÂMOnUSS OB GOCHIN.
sur ce sujet, avec assés d'avantage pour qu'il
n'aimast pas à s'y jouer.
M. de Marigny ne sçavoit pas encore alors
combien M . de Caylus étoit un homme partial et
dangereux ennemy. Il le croyoit bon connoisseur
et y avoit encore confiance. Il l'étoit assés en
effet, s'il eût voulu être sincère ; mais, dès qu'il
n'aimoit pas quelqu'un, il ne lui voyoit plus de
talens. Quant à Mariette ce n'étoit que son écho.
Souflot et moy, nous nous aperçûmes bien du
beau coup qu'avoit fait M . de Caylus parce que ,
lorsque nous voulûmes faire remarquer quelques
beautés (et il y avoit de quoi s'étendre), nous
vtmes que cela ne prenoit point et que le bon
M. de Caylus, triomphant, nous regardoit en
pitié. Nous en étions très fâchés, mais que faire ?
le coup étoit porté, et d'ailleurs mon amitié pour
Slodtz que je ne cachois pas, me rendoit suspect .
Nous comptions bien, avec le temps, réparer le
mal ; mais le fait qui devoit brouiller Slodtz avec
M . de Marigny fut si précipité que nous n'eûmes
pas le temps.
Les premiers gentilshommes de la chambre
furent frappés des complimens qu'ils recevoient
de touttes parts sur la beauté de cet ouvrage, qui
étoit en effet composé d'excellent goust et
exécuté comme s'il eût dû durer éternellement .
Il leur prit envie de donner à M . Slodtz quelque
récompense brillante et comme volontiers les
R.-M. SLODTZ. 119
gens en place vont chercher dans le district
d'autruy les bienfaits qu'il convient qu'ils répan-
dent sur ceux qui les servent bien dans le leur ,
ils s'avisèrent de demander au Roy le cordon de
Saint-Michel pour M . Slodtz. Le Roy y consentit.
Ils firent plus, ils allèrent (ce que j'ay sçu depuis)
jusqu'à prendre tout de suite un bon du Roy.
Il est à remarquer que tous ceux qui ont le tra-
vail avec le Roy. et conséquemment sont en
quelque manière ministres dans leur partie sont ,
et avec raison, très- jaloux que personne n'empiète
sur leurs droits. En effet, dès qu'ils les laissent une
fois entamer, il n'y a plus de fin, et c'est à qui leur
arrachera quelque plume. Or c'étoit à M. de Ma-
rigny, en qualité de secrétaire des ordres, de
prendre ce bon du Roy , et il n'étoit pas homme
à laisser attaquer ses droits.
Les gentilshommes de la chambre qui n'avoient
pas fait cette réflexion, ou qui croyoient pouvoir
passer par dessus, firent sçavoir comme une
chose décidée à Slodtz qu'ils lui avoient obtenu
cette grâce. Ils en répandirent eux-mêmes la
nouvelle dans tout le district des Menus- Plaisirs.
Ainsi M . Slodtz fut forcé d'en recevoir les com-
pliments de tous ses amis , qui n'étoient pas en
petit nombre.
Après avoir été chés les premiers gentils-
hommes les remercier, Slodtz alla chés Soufflot
pour lui demander s'il n'étoit pas à propos qu'il
120 MÉMOIRES DB COCHIN.
vit M. de Marigny, ce qu'il lui conseilla et bien
vite. Quoique Soufflot et moy nous ignorassions
encore la circonstance du bon obtenu par ceux à qui
il n'appartenoit pas de le demander, nous sentîmes
d'abord que Slodtz ne tenoit rien s'il n'avoit un
plein consentement de M. de Marigny.
Il fut en effet chés M. de Marigny, mais il en
fût très mal reçu. Je rencontray Slodtz qui en
descendoit comme j'y allois dîner. Il me compta
tout, j'en fus affligé. Au sortir de table, M. de
Marigny m'en parla, je plaiday la cause de
Slodtz comme celle de mon amy, et même avec
une vivacité qui surprit M. de Marigny; je n'ay
cependant sçu que depuis combien il y avoit été
sensible.
Il s'étoit malheureusement mis dans la teste
que Slodtz avoit fait des démarches et sollicité
cette faveur, tandis que j'étois bien assuré qu'il
n'y avoit pas pensé etquelesgentilshommmes de
la chambre s'étoient faits un plaisir de le surprendre
agréablement.
Je représentay à M. de Marigny que j'étois
certain par tous les gens tenans aux Menus-
Plaisirs et plus encore par le témoignage de
M . Slodtz, que je lui certifioîs incapable de men-
songe, qu'on avoit fait à l'égard de M. Slodtz ,
comme lui, M. de Marigny, avoit fait à mon
égard lorsqu'il m'avoit honoré de ce môme ordre
auquel je n'avois jamais pensé.
R.-M. SLODTZ. 121
Imbu du mépris que M. de Caylus lui avoît
tout récemment inspiré pour le catafalque de
Slodtz, et dansce moment d'humeur, il me dit que
le cordon de Saint-Michel n'étoit pas la récom-
pense d'ouvrages de carton, que s'il avoit à le
donner dans la sculpture , il y avoit avant
M. Slodtz, M. Le Moyneet M. Pigalle.
Je lui répliquay que ce n'étoit pas la valeur de
la matière employée qui faisoit le mérite d'un
ouvrage, qu'il n'ignoroit pas que M. Slodtz étoit
un grand sculpteur en touttes matières, que je
convenois que sans la concurrence de M M . les
premiers gentilshommes de la chambre peut être ne
pourroist pas sans chagriner ces deux artistes (sic)
quoiqu'il fût vray qu'à l'égard de M. Pigalle
M. Slodtz étoit de beaucoup son ancien et qu'à
l'égard de M. Le Moyne peut-être pourroit-
on avancer qu'il lui étoit supérieur en talens
et en étendue de génie; mais que, sans avoir
recours à ces motifs de préférence peu obligeans ,
l'intervention des premiers gentilshommes dans
cette affaire le mettoit à l'abry de tout reproche ;
que, ceux-ci n'ayant reçu de service que de Slodtz,
il étoit naturel qu'ils ne le désirassent que pour
lui, qu'il pouvoit tout rejetler sur eux et n'y par-
ticiper qu'autant qu'il le voudroit parce qu'il pour-
roit toujours se retrancher sur ce qu'il n'auroit
pu se résoudre, étant le protecteur des arts, a
s'opposer aux récompenses accordées à un homme
12^ wnwftff BK œamf.
d'un vrav mérite, enfin quH n'avoit pas besoin
d'agir, qu'n suffisoît quH voulût bien ne point
mettre d'oppodtion.
Voyant cependant que je ne gagnois rien, je me
retranchay sur ce que je sentois bien que par la
délicatesse de la position il étoit peut-être néces-
sité à faire échouer cette afibire pour l'instant ,
mais que du moins certain que j'étois de l'estime
qu'il portoit avec justice à M . Slodtz et qu'il ne
s'opposeroit que malgré lui à ce qui pouvoit con-
tribuer à sa satisfaction, j'espérois que du moins,
s'il retardoit le don de cette grâce par des raisons
dans lesquelles je ne devois point entrer, sa bonté
et son affection pour cet homme estimable le por-
teroit à le lui rendre dans un autre temps.
Je finis par lui représenter que , pouvant lui
certifier que M. Slodtz n'avoit fait aucune dé-
marche , je le priois , s'il lui refusoit absolument
cette faveur , de lui conserver l'amitié dont jusque
là il l'avoit honoré et dont il ne s'étoit point rendu
indigne.
M. de Marigny sembla me rassurer en me
disant qu'il rendoit toujours à M. Slodtz toutte
la justice qui étoit due à un homme de son mé-
rite. Cependant il s'en suivit un refroidissement
qui dura près de deux ans ; et c'est en quoy j'ose
dire qu'il fut injuste et crut trop sa prévention.
Les gentilhommes de la chambre n'avoient
cependant pas perdu toutte espérance d'amener
R.-M. 8L0X>TZ. 123
cette affaire à bonne fin et ils en berçoient quel-
quefois M . Slodtz qui n'en croyoit rien et à qui
cela ne pouvoit que renouveler le déplaisir qu'il
avoit reçu.
Longtemps après , comme j'étois véritablement
chagrin de voir mon amy si longtemps traversé
par mon amy M. de Marigny (car j'ose sans
crainte le nommer ainsi » il m'en a donné des
preuves trop délicates pour que j'en puisse dou-
ter), je me hazarday d'écrire à M. de Marigny
une lettre sur ce sujet qui étoit assés vive et
pressante pour faire quelque effet si cela eût été
possible. Je lui rappelois les mêmes raisons que
j'avois pu lui dire dans le temps , mais exposées
d'une manière plus mesurée et plus touchante ;
il me répondit d'un ton d'amitié qu'il n'avoit pas
oublié avec quelle chaleur j'avois disputé cette
même cause contre lui , il y avoit quatorze mois
(tant il se ressouvenoit bien de ma vivacité), qu'il
avoit pour M. Slodtz toutte Testime que je pou vois
désirer, qu'il ne négligeroit pas de lui en donner
des preuves ; mais qu'à l'égard du cordon de
Saint-Michel , cela ne se pouvoit pas. En effet
Slodtz a encore vécu quelques années sans que
cela ait eu lieu , quoique cependant M . de Ma-
rigny lui ait donné quelques marques d'affection,
conmie de lui avoir augmenté , sur mon exposé ,
sa pension, quoique Slodtz ne l'eût pas demandé.
II y avait eu dans ces intervalles quelques faux
124 ■FMnnris m
rayons d'espérance de renouer Taffaire. Les
gentîlhommes de la chambre avoient un peu
ramené M . le comte de Saint-Florentin qui , en
qualité d'officier des ordres» avoit appuyé Fopo-
sidon de M. de Marigny. et avoit mis au néant le
mémoire que Slodtz lui avoit présenté , ainsi qu'il
est d'usage pour obtenir les lettres de noblesse.
Il avoit fait un espèce de raccomodement de
M. de Marigny avec Slodtz, car c'est une plai-
sante chose que les usages du monde ; lorsque
les supérieurs ont quelque tort , la politesse veut
que ce soyent les inférieurs qui leur demandent
excuse. Malgré tout cela M. de Marigny ne
retint point jusqu'où l'on désiroit, et peut-être
M . Perrier . premier commis des bàtimens alors ,
eut-il bonne part à empêcher que le supérieur ne
nous donnast cette satisfaction, car c'étoit lui
qui étoit chargé , sous M. de Marigny , de ce qui
concemoit les ordres, et quoiqu'il trouvast tout
simple qu'on eût honoré de cet ordre lui Com-
mis , il ne croyoit pas que l'art de la sculpture en
fût digne, (i)
Quelques-uns des amis de M . Slodtz ont cru
que ce chagrin pouvoit avoir eu quelque part à
la maladie qui lui a causé la mort, parce que ce
fut un épanchement d'un excès de bile dans le
sang qu'ils ont regardé comme la suitte de quelque
(i) Voyei la ifnwrr^M qui termine ce portinit (p. 126).
R.-M. SLODTZ. 125
chagrin. Il est vray que M. Slodtzétoit naturel-
lement sensible ; que , sans qu'il y eût de précipi-
tation de sa part, il s'étoit trouvé forcé à recevoir
les compliments sur cette faveur du Roy et qu'il
eût mieux valu pour lui de n'en avoir jamais
entendu parler : mais il n'est pas néceSvSaire d'avoir
recours à cet événement pour trouver dans sa vie
des causes de chagrin , et je puis ajouter qu'ayant
eu avec lui beaucoup de conversations sur ce
sujet, où j'ay eu lieu de croire qu'il me parloit
avec franchise , n'ignorant pas le zèle que je met-
tois à cette affaire , je l'ay toujours trouvé très-
modéré.
Je dis qu'il avoit eu d'autres causes de chagrin,
sans compter celui d'avoir été si longtemps à
Paris presque oublié , et sans être employé d'une
manière digne de lui ; les tracasseries qu'il éprouva
dans sa famille en recueillant la succession de ses
frères pour sa part sont plus que suffisantes
pour lui avoir fait amasser ce fonds de bile et il
m'y a toujours paru fort sensible. En effet ce
sont ces petits chagrins domestiques qui assoni-
ment par leur continuité.
Ainsi il est tout aussi raisonnable d'y placer la
cause de sa mort , qui dailleurs put bien être la
suitte d'un espèce de calharre qui quelques années
auparavant l'avoit mis au bord de la fosse , et
qui avoit cruellement affoibli son tempéram-
ment , à quoy l'on peut ajouter que peut-être ,
I2D mijÊf JÊM M S DE OOCBCr.
mal cQQsexIIé par queLfiies amis, il quitta un mé-
dscm qui , lors de sa première attaque , Tavoit
rems en fetat de convalescence pour se livrer à
d'autres qui ne scurent pas parer la rechute.
Enfin œ seroît un chagrin trop cruel pour moy
que d avoir en aucune manière à reprocher la
perte d'un amy que j'aimois tendrement à un
amy qui ne m'est pas ukhus cher ; ainsi je m'y
refuse entièrement , mais j'en infère au moins que
les gens en place ne peuvent trop apporter d'at-
tention à la manière dont ils traitent leurs infé-
rieurs , surtout des honunes sensibles comme le
sont la plupart des artistes , puisqu'on peut leur
attribuer des suittes fâcheuses qu'il n'ont pas sçu
prèwir . ei qu'ils seroient très-fachés d'avoir à se
reprocher lorsqu'ils ont le cœur bon.
REMARQUE.
;P* ij5)* — M. Perricr me dit à Toccasion de
ccttt croix promise à Slodtz qu'il y avoit bien des
m«chani$mes dans la sculpture ; je lui répliquay que
cVtoil un beau méchanisme que celui qui faisoit Tadmi-
ration de toutes les nations et qui conservoit la gloire
de$ empires trois mille ans après leur destruction; mais
c'étoit un fort honnête homme, très-îgnorant a Tégard
d«s arts et même des lettres, passablement hautain,
violent » emporté , mais cependant réellement • au de-
meurant, le meilleur fils du monde.
MM. SiÎBAsnEN- Antoine SLODTZ
BT
Paul-Ambroisb SLODTZ.
La vie des deux frères Slodtz offre peu de cir-
constances intéressantes. Us ont été moins célèbres
dans les arts que leur frère plus jeune ; peut-être
s'y seroient-ils rendus également habiles si les
circonstances où ils se trouvèrent Tavoient permis.
Ils étoient encore fort jeunes tous deux, lorsqu'ils
perdirent leur père ; ils se trouvèrent les aines
d'une famille nombreuse , et avec peu de bien ; il
fallut donc chercher les moyens de gagner promp-
tement.
Comme leur père (i) avoit été sculpteur des
Menus-Plaisirs du Roy , on leur continua cette
même place. Elle étoit peu importante alors ,
parce que la composition générale étoit accordée
à un peintre , et que le sculpteur n'y étoit que
(i) Sébastien SlodU, né à Anvers, élève de Girtrdon . mort en
1726, à Paris, âgé de 71 ans. II a laissé une statue d'Annibal , dont
Mariette (ait l'éloge (Abtctdario, V, 223).
128 MÉMOIRKS DE COCHIN.
comme subalterne et seulement chargé de sa
partie. Cependant il y avoit de temps à autre
des occasions de faire quelque chose de lucratif.
Gela les fit incliner tout naturellement du côté
de la décoration et de la sculpture d'ornement.
S. A. Slodtz l'alné surtout s'y livra entièrement.
P. A. Slodtz, en suivant aussi ces sortes de travaux,
s'attacha davantage à la figure et devint statuaire
passable.
A la mort de M. Pérot (assés bon peintre
d'architecture, mais mauvais compositeur) qui
avoit les Menus-Plaisirs , les deux frères Slodtz
s'étant fait bien venir des supérieurs , ils y furent
mis en chef. Auparavant ce qui se faisoit pour les
Menus-Plaisirs étoit peu de chose. Ce fut en
1745 (i) que les dépenses de cette espèce devinrent
très considérables, ce qui a continué depuis. Ils
furent chargés des fêles du premier mariage de M.
le Dauphin , pour lesquelles ils firent dans le ma-
nège de la petite écurie du roy une salle de bal
paré qui dans les vingt-quatre heures fut changée
en une salle de comédie dont on a fait usage pen-
dant quelques années. {2).
Depuis ce temps les décorations de feu d'arti-
(i) Voyez les Remsrqucs, I (p. 155).
( 2) Voyez les deux estampes représentant cette double décoration du
manège de Versailles à la Chalcographie du Louvre {n°* ^(tijtX 3618 du
catalogue). L'invention est attribuée par le catalogue aux Slodtz et à
Perrot ; la gravure est de Cochin.
S.-ANT. BT P.-AMB. SLOOTZ. 129
fice , de théâtres pour la Cour , et autres qui se
firent en différentes occasions furent exécutées
sur leurs desseins. Les pompes funèbres devin-
rent quelque chose entre leurs mains, (i) Ce
qu'on y avoit jusques là exécuté qu'en platte
peinture , il Texécutèrent en relief. Il est vray
qu'on leur a reproché qu'ils y avoient répandu
un goust galant et un air de fête peu convenable
à la gravité du cérémonial ; mais ils s'efforçoient
de plaire à la Cour qui n'admet de sérieux nulle
part qu'avec peine , et ils réussissoient assés. Ils
construisirent un théâtre à Saint-Cloud qu'on
trouva assés bien dans ce temps là ; ils faisoient
aussi force décorations d'autels d'église et ga-
gnoient beaucoup d'argent.
Si leur architecture et leur goust d'omemen
furent mauvais et mesquins , on ne peut guères
leur en faire un grand reproche ; les meilleurs
architectes d'alors n'en sçavoient pas d'avantage.
Depuis qu'on avoit négligé de les envoyer en
Italie» tous travailloient sans principes; ils se
livroient à touttes les idées folles qui leur pas-
(1) Le catalogue de la Chalcographie indique les principalcf décora-
tions de pompcf funèbrea exécutées par les frères Slodtz sous la direction
de M. de Bonneval. Les planches sont gravées par Cochin (n** 1636 à
3640). Ils furent chargés, en 1735» de la pompe funèbre de Polizène de
Hesse-Rinfels , Reine de Sardaigne , en l'église Notre-Dame ; en 1741 ,
de celle d'Elisabeth Thérèse de Sardaigne . en la même église ; en 1746 ,
de celle de Marie Thérèse d'Espagne , dauphine de France , en l'église
de Saint-Denis et à Notre-Dame de Paris ; enfin, encore à Notre-Dame de
Paris, de la pompe funèbre de Philippe V, roi d'Espagne, mort en 1746.
l3o WilCOOtBS DB OOCHDf.
soient par la teste , et œux qui en produisoient
de plus bizarres étoient ceux qui se faisoient le
plus de réputation, (i) Cependant on a lieu de
croire que les frères Slodtz auroient volontiers
saisi le bon goust s'ils en avoient été plus instruits,
puisque , leur frère étant revenu d'Italie et les
ayant aidés tant au projet d'une place pour la
statue équestre du Roy qu'au feu d'artifice
qu'ils décorèrent à la naissance de M^ le Duc
*
de Bourgogne , ils adoptèrent très-facilement le
goust qu'il leur inspira . et que l'on aperçut une
diflFèrence très considérable entre ce qu'ils firent
alors et ce qu'ils avoient produit auparavant {2).
S. A. Slodtz (3) , l'aîné, étoit un homme d'une
probité respectable , d'un caractère égal dans la
société . serviable et bon amy ; il joignoit à ces
qualités essentielles un noble désintéressement.
Il étoit ardent et laborieux pour remplir les objets
dont il étoit chargé , mais très n^ligent ensuitte
à en recueillir le payement , et il falloit que son
frère Paul le harcelast pour lui faire donner ses
mémoires.
(1) Voyex lc« Remarques, II (p. 140).
(2) c On vit bicDtdt une dififérence sensible pour ]*ezcellence du goAt
dans les ouvrages qu'ils produisirent conjointement avec lui. » {Lettre de
(M. Cockin tnue auteurs de lu Cadette Littéraire , page 5, ligne 3-7).
(3) Maillet du Boulaj, secrétaire de Tacadémie de Rouen , a laissé un
éloge d'Antolne-Sébastien et un autre de Michel-Ange Slodtx (jirchives
de Tari français , 1, 310 , note)
S.-ANT. BT P.-AMB. SLODTZ. l3l
P.-A. Slodtz, son frère, non moins honnête
homme , étoit néanmoins beaucoup plus attaché
à ses intérêts. Il ûit suspect d'un peu de jalousie
des talens et de Testime qu'avoit son frère R.-M.
Slodtz. En effet on distinguoit volontiers , chés les
artistes , ce dernier sous le nom de Slodtz l'habile
homme. Après avoir employé celui-cy pendant
beaucoup de temps à travailler à leurs décora-
tions et autres ouvrages peu dignes de ce grand
statuaire , il lui rendit peu de justice sur' la part
qu'il pouvoit prendre au bénéfice ; vraysembla-
blement Tatné l'auroit mieux traitté, mais les
comptes et le maniement des deniers étoient du
district de Paul. D'ailleurs, comme R.-M. Slodtz
ne se vouloit point plaindre de ses frères , l'alné
pouvoit ignorer qu'il ne fût point satisfait.
A propos de la chaleur que Paul Slodtz appor-
toit à ses intérests et de la jalousie qu'il ressen-
toit contre ceux qu'il croyoit qui pouvoient les
traverser , je me souviens de la colère ou il fut
contre Pigal le à qui M. Boffrand. architecte, vou-
lut procurer quelques bas-reliefs à Saint-Méry
où P. Slodtz se prétendoit le sculpteur habitué.
Il déclama abondanmient contre Pigalle et fît
pour ce petit ouvrage tous les mouvemens qu'il
auroit pu faire pour quelque chose de bien consi-
dérable; il l'emporta car il avoit surtout l'attention
de se faire des amis chés les marguilliers des
paroisses. Ces bonnes gens sont ordinairement
l32 MÉMOIRES DE GOCHIN.
très étrangers aux arts et les regardent conune
une sorte de commerce où chacun peut égale-
ment fournir du bon , et ainsi ils se croyent bien
fondés à préférer leurs amis.
Paul Slodtz, étant déjà assés âgé, eut l'ambition
d'être de l'Académie royale. Il y entra, ayant à la
rigueur les talens suifîsans , mais surtout beau-
coup d'amis, et , par la continuation de leur affec-
tion , il y arriva à son tour aux grades auxquels
il se trouva en droit de prétendre. Au reste ces
deux frères étoient de très-honnêtes gens vivant
avec beaucoup de décence , et dont les talens ,
sans être du premier ordre , n'étoient cependant
point à mépriser.
Outre ces trois frères, il y en avoit encore deux
et une sœur. Des deux frères , l'un fut un assés
mauvais peintre , ou plutôt son état fut de rac-
commoder les tableaux anciens , et il fut chargé
de l'entretien du cabinet de M^^ le duc d'Orléans ;
l'autre, nommé Dominique, après avoir été soldat
jusqu'à l'âge de trente ans , étant revenu chés ses
frères , ils tentèrent de lui faire apprendre quel-
que chose ; il étoit si borné qu'ils n'en purent venir
à bout ; néanmoins ils le fourrèrent dans les
Menus-Plaisirs comme entrepreneur de la pein-
ture ; il s'y soutint assez passablement pendant
plusieurs années par le secours de ses frères qui
veilloient à touttes les parties qui demandoient
quelque talent. Lorsqu'on fut forcé de le réformer
S.-ANT. BT P.-AMB. SLODTS. ' l33
à cause de son ineptie et de la dureté de son
caractère, il avoit gagné suffisamment pour s'en
passer.
La sœur fut mariée à M .Vanfalens, peintre assés
médiocre à l'imitation éloignée de Wouvermans.
Il fut cependant de l'Académie (i).
Ces cinq frères sont morts tous garçons (à l'ex-
ception du racconunodeur de tableaux) et à peu
près de la même maladie , de l'hidropisie ; leur
postérité tant de celui qui a été marié que de la
sœur, semble destinée à tomber dans le plus
parfait oubly.
(i) Charles Van Falens d'Anvers fut reçu académicien le 29 novembre
1726 et mourut, à quarante-neuf ans , le 29 mai 1733. La Chalcographie
du Louvre conserve plusieurs planches gravées d'après ses compositions.
REMARQ.UES.
I , (p. 128). — Ce fut une année où chacun fit assés
bien sa main : M. de Bonneval, cadet d'une famille de
financiers, n'ayant rien , ou très peu de chose , frère
d'un M. Michel fort riche, mais qui dans la suitte
culbuta; ce M. de Bonneval en resta riche.
Mais la fortune vrayement scandaleuse qui se fit alors
dans ce district, ce fut celle du petit l'Eveque. 11 avoit
commencé par être petit Commis du magasin des Menus-
Plaisirs à 800 ft par an ; il avoit joint à cela le petit
talent de monter des lustres. C'est avec ces deux foibles
outils et de bonnes grififes que nous le vîmes en peu
d'années de là avoir gagné assés de bien pour prendre
un carosse , plusieurs laquab à la petite livrée du Roy ,
et étaler impudemment le faste le plus insolent. En soy
ce n'étoit qu'un petit homme sans jugement , sans dé-
cence, insolent et bas, deux qualités qui se rencontrent
presque toujours ensemble , d'ailleurs actif, entrepre-
nant, ne doutant de rien.
De touttes les fortunes indécentes que l'on vit dans
ce siècle, qui fut celui où le vol marcha le plus tête
levée, ce fut certainement une des plus ridicules. A la
l36 MEMOIRES DB COCHIN.
Cour, on en haussa les épaules, ce fut la risée publique ;
néanmoins il ne fiit point recherché ; les premiers gen-
tilshommes de la Chambre voulurent bien croire que
c'étoit à faire des lustres qu'il avoit gagné tout cela.
Il eut même le crédit de culbuter un M. Le Noir de
Cindré , controlleur des Menus-Plaisirs , qui s'avisa de
vouloir éclairer sa conduitte. Comme ce M. Le Noir
n'étoit lui-même pas trop net et qu'il avoit un peu
triché pour fournir des cotillons à Mlle Clairon, cette
actrice célèbre qui depuis a joûé ou cru jouer un si
grand rôle , il en fut la dupe. Le petit l'Evêque le
dévoila et lui n'eut pas à l'esprit les preuves contre
l'Evêque , qui apparenmient étoit mieux protégé.
Quoiqu'il en soit, le pauvre M. Le Noir, pour cinquante
mille écus qu'on prouva qu'il avoit détourné à son
profit, fut chassé comme un coquin. L'Evêque, qui avoit
volé peut être plus d'un million, resta en faveur et même
obtint dans la suitteque, moyennant cent mille livres on
érigeroit sa place de garde-magasin des Menus-Plaisirs
en une charge ; ainsi il acquit le droit de profitter do-
resnavant à son aise , sans craindre un examen qui auroit
pu le mener loin.
A propos de ce tripot des Menus-Plaisirs que j'ai
connu d'assés près, je ne croy pas hors de propos de
dire quelques mots de certains controlleurs de ce district
qui l'ont géré de mon temps : un certain M. LeFebvre,
Amateur de l'Académie de peinture , étant cependant
si peu connoisseur qu'il soutint à M. Belle , peintre
de l'Académie, et à mon oncle, qu'un portraict qu'on
lui présentoit pour en être payé, n'étoit pas original,
parce que Tayant regardé par derrière la toile, il crut
apercevoir par le jour qui perçoit à travers la toile que
la teste avoit été achevée sur la première ébauche sans ce
8.-ANT. BT P.-AMB. 8L0DTZ. iSj
que l'on appelle un pentimento (i), ce qu'il regardoit
comme le caractère distinctif d'un original.
On est à plaindre quand on est soumis à de pareilles
connoisseurs. M. de Sindisant son confrère en charge,
encore plus ignorant , manifesta vilainement et inutile-
ment sa voracité dans une occasion. Les graveurs qui
avoient gravé les estampes du sacre du Roy furent
longtemps sans qu'on achevast de les payer. Lassés
d'attendre, ils s'adressèrent à Bargeac, valet de chambre
de M. le cardinal de Fleury et obtinrent un ordre pour
être payés. Lorsqu'ils furent chés M. de Sindisant, il
entra en fureur et leur dit : Hi ! (pCauray-)e donc moi
pour ks peines que je me suis dmnées ?
Il auroit donc espéré de gagner quelque chose avec
le Roy sur ces gravures. A cette occasion j'observeray
que j'ai été souvent blessé de la manière dont on nous
fait donner nos quittances aux Menus-Plaisirs ; nous
mettons notre nom en blanc sur un parchemin sans
spécifier la somme ; je veux croire qu'on n'en abuse
point ; mais il est clair qu'il est aisé de mettre sur cette
quittance une somme plus forte que celle que nous rece-
vons, au profit de qui il appartiendra. J'ai eu la conso-
lation de voir que dans les Bâtiments du Roy il n'en est
pas de même; chacun met de sa main et en touttes
lettres la somme qu'il reçoit ; aussi puis-je avancer que
dans ce district, que j'ay connu très bien, en général je
n'y ai vu que de l'honnêteté.
Après ces deux controUeurs succédèrent M. de Bon-
neval et M. de Cindré dont j'ay parlé. J'ajouteray seu-
lement que M. de Bonneval avoit une petittesse de glo-
riole assés singulière : sur mes planches dont j'avois fait
les desseins , il faisoit mettre De Bonneval invenii: on
(i) Proprement c reptmHr » , d*où c rtic&cke » , « earrectwm. »
l38 MiMOIRBS BB COGHIN.
en rioit, personne n'en étoit la dupe, mais il étoit
content.
De leurs successeurs je ne citeray que M. Bay de
Curis; ce n'est cependant pas manque de matière , mais
j'ay eu lieu de me louer de celui-cy, et c'est le seul qui
m'ait une seule fois fait payer convenablement. C'étoit
réellement un galant homme et de beaucoup d'esprit,
mais sans conduitte et dissipateur parfait. Il avoit gagné
du bien dans les affaires et avoit été, je crois, employé
dans les vivres. Il vouloit avoir les coquines les plus
chères , et tout alloit en proportion , si bien qu'avec les
plus belles occasions de gagner, il se ruina. Ce M. de
Curis eut envie de soutenir les droits de sa charge qui
consistent à pouvoir réviser sévèrement touttes les
dépenses qui se font dans ce district. Cela ne plut pas
à beaucoup de gens. Il se croyoit bien appuyé par le
crédit d'un ministre qui l'excitoit. Mais on fourra dans
la tête à MM. les gentilshommes de la Chambre que
c^étoit un brouillon qui les vouloit tracasser. Ils deman-
dèrent son renvoy. Les appuis sur lesquels il avoit
compté lui manquèrent , et il fut obligé de vendre sa
charge. Il en acheta une autre de secrétaire du cabinet
du Roy, qu'il a revendu depuis à M. Bouret peu de
jours avant sa mort.
Puisque je tiens M. Bouret, il en faut dire un petit
mot. Ce personnage , moitié fou , moitié grand , mais
surtout se croyant fait pour attirer les yeux, fermier
général et fermier des postes, célèbre pour avoir appro-
visionné une province en mettant la disette dans une
autre, ce qui fut cause qu'on lui frappa une médaille
dans un lieu, tandis qu'on l'auroit volontiers pendu dans
l'autre; ce personnage, dis-je, avoit mangé des mil-
lions à bâtir d'une manière extravagante , payé tout ,
S.-ANT. BT P.-AMB. 8L0DTZ. iSg
avec un fiiux air de noblesse, d'un argent qui ne lui
coûtoit gueres à gagner, de même que font tous $eê
chers confrères ; il avoit joint à cela touttes les autres
folies qui peuvent passer par la teste d'un financier im-
pudent. Il étoit enfin prest à manquer à ses créanciers ,
malgré les sommes énormes qui avoient passé par ses
mains, lorsque M. de La Borde, banquier de la Cour,
eut lliumanité de venir à son secours. Il exigea de lui
qu'il se restreignît pendant six ans à quinze mille livres
par an et, pendant cet intervalle, raccommodasesafifaires.
Cela est beau, sans doute, mais un homme sage et
honnête qui auroit manqué sa fortune par de véritables
malheurs, ne rencontreroit pas ces secours. Il est avan-
tageux de faire beaucoup parler de soy, fdt-ce par des
folies.
Encore une petitte anecdote et je finis cette remarque.
Je bats la campagne ainsi que ma mémoire me guide.
Ce M. de Bonneval fit une bonne bévue; je lui avois
donné un imprimeur pour imprimer mes planches de
1745; je l'avois prévenu que c'étoit un des plus habiles ,
mais qu'il avoit besoin d'être veillé. En effet parla
négligence de l'Evêque et des autres valets des Menus-
Plaisirs, avec qui il buvoit. il fit faire l'ouvrage par un
mauvais compagnon, au moyen de quoy les planches
furent usées sans avoir donné à peine cent bonnes
épreuves. J'en avertis plusieurs fois inutilement ; il les
servit donc de manière à mériter punition. Le bon
M. de Bonneval lui fit donner une pension.
Ce qu'il y eut de plaisant , c'est que l'imprimeur qui
avoit imprimé mon ouvrage, qui avoit mal servi, fut
bien payé et récompensé, et que moy je fus mal payé et
n'eus aucune récompense.
n . z lie , — n 5 est liB» ce Kasp^-là quantité
<ie 3issBr>afs arvcstescs ^'imcuMiis qoi fouirent de s
gfaa brTnarrrfergmrTnnn, -m Pfrngaq . i qui etfropiadesa
9Giîccxrea:i2CB l^i iJiinB,£a re.^ai«efitaior», La Joue (a}
nmftne ;:di:ne >f sdttfKcQzre asés médiocre» fit des
i e aai ! ic5 £zv nniieaa sks insénbles, qui se Tendirent
xvec !a zlcs ^rzade rragâfirr Toot étoit lîrré à un esprit
^ vertsgse.
I feisac uâ e r I ,. Jtflnrmtf qcd avoît TéritaUement du
génfe. Tcm 02 jcôsâe sais rt^ et de plus gâté en Italie
pir soa . kFuiî ârib ii pour k Bonomîni, acheva d'amener
le désordre i.i2s ^xl^tea^ !es têtes. Comme il étoit plus
icsé dlrrrrier ses cizir^\hg^nrr% que ce qu'Q pouvoit avoir
de boa,. sH ïioèbc par lui-même, il fut encore plus dan-
gereux pur ses asauTzis rrnTtatmrs. Néanmoins il fut
regardé de» soc temps comme une divinité et le
ËBoetix M. Gersiinx 4^ ^ui n'étoit pourtant pas fort
cbirîé dans U plopart de ses productions fut regardé
comme un jêtiBe âroid; on lui a bien rendu justice
t > Xàaola» P^jms oomt et 1754 ; 3 avait trsvaillé poar dhrertet
<t pcar Vcrmîlcsw II a lixsaé oa o m i ig e intitiilé: livre de
pm» M ttiMS -jrwrté* «t {rvié» fmr Piocao , lo feuilles.
^1' JAA^tsK» tJfmt . «ioùs i CAcadéflûe le 36 arril 1721 , mourut à
)^vittK^^;iue9ne ns fwô , I< 12 mît 1761.
;t j;M^Aa^»tc M««»esir? . aé i Tarin . mort à Par» en 1750 ,
iWt à !a »Na pcîetrv. KotpCcv , ardûtccte, dcsdnateur, et acquît une
grande rtp ata tictt fnnair orlètre. II lût orfèvre du Roi et premier deasi-
aatniv dtt Cièitaet «ài rot.
V4> Il »>S^ fitttic de Fra8çeia*Tboaaa Gennaio , que de son père
TWmm». »>>rt d^ Taaaée 1748. On sait que cet orfèvre fit une faillite
de f^i» d^ d««K aïK&îoes , à la suite de laquelle son logement du Louvre
Km Au f^tirv ;»««« le IhiUmmairÉ des ërtisies de l'abbé de Fontenay et
Ws .^-vM*"» A riârtfinçêis . paistm.).
S.-ANT. BT P.-AMB. SLODTZ. I4I
depuis (1), mais alors il éprouva beaucoup de refroidis-
sement de la part du public.
C'étoit M. Openor(2] architecte, qui avoit commencé
à sortir du bon goust du siècle de Louis XIV. Comme
il dessinoit avec chaleur, d'une plume ferme et hardie ,
ses desseins séduisirent; on en saisit les excès, et d'excès
en excès les choses arrivèrent au comble du ridicule
où nous les avons vues.
On peut donner pour première époque du retour d'un
meilleur goust, l'arrivée de Legeay (3) architecte, qui
avoit été pensionnaire à Rome. C'étoit un des plus
beaux génies en architecture qu'il y ait eu ; mais d'ail-
leurs, sans frein, et, pour ainsi dire, sans raison. Une
pouvoit jamais se borner à la demande qu'on lui faisoit,
et le grand Mogol n'auroit pas été assés riche pour éle-
ver les bfttimens qu'il projettoit.
Je me souviens qu'il fit douze desseins pour la déco-
ration du théfttre de la Tragédie des Jésuites, tous ingé-
nieux, mais dont pas un n'étoit propre à être exécuté
décemment dans ce lieu, tant ses idées étoient éloignées
de ce qu'on lui avoit demandé. L'un étoit un Parnasse
avec des cavernes, et l'on auroit vu sortir César et
{ i) • Le bruit de sa mort ayant été porté à Lisbonne , le roi de Portu>
gai ordonna qu'on lui fît un service solemnel , et Toulut que les artistes
de la ville y assistassent : témoignage glorieux de Pestime singulière que
ce monarque faisoit de Germain , digne de cette distinction par ses rares
talents.» [DicHomuure des artistes de Tabbé de Fontenai, tome premier,
page 6j9).
(s) Gilles Marie Oppenord , surnommé le Borromini français , était
mort en 1730 (Voyex sur lui le Dietwmairi its ArcbiUctn frmiçûU de
Lance . II, 173).
(3) Jean Le Geay travailla surtout à l'étranger et particulièrement à
Berlin. Les plans du château de Sans Souci lui sont attribués (Voyex
Lamct, II, 43.)
FOUBçét it sa
cscafien coomie csaz et
ksacSBirs kt
Mamncriqoi Toa ea
ea ceu idée fbfle <r<
Qooîqall en soie cosbk le ffoatt de Legesjr
rffrilrnr. îi aoirit les tcbs à trjtk.T.jm » de gtns. Les
fOTTcs arctôtecies le ssirexit jiilJiH ijii'Bs pmciic.
2txe pliifinif parce qaH leor psnxt ocoican (|Qe per on
i^mbie irnfîtTMSiic de xs beautés. Oniic ^^"f ! se&-
gWtfiTWiic récoie d'tfcfutBcozre m gnnd ^"'■"'^'i^rut de
tons ks srdÛDBCtes «ifims de FAcsdémie.
DqHiis, la TéritiHe époqac dédsm. ç'à été k retour
de M. de yUrignj dltaSe et de sa compagnie. Noos
snoos TU et TQ atec réâexioa. Le ridicok noos parut à
toQs bien sensibk et nous ne nous en tûmes poinL Nos
cris gagnèrent dans la suitte qpe Soa£Bot prêcha
d'exemple. D fut sniri de Pocaîn et de pfaisieiiri antres
bons aères ardiîtectes qui rerinrent de Rome. Fj aiday
aussi comme la mouche du coche. J'écriris dans le
Mercure contre les folies anciennes et ks couvris d'une
assés bonne dose de ridicuk (i).
Enfin tout k monde se remit, ou tâcha de se remettre
sur la voje du bon goust du sièck précédent. Et comme
il faut que tout soit tourné en sobriquet à Puis, on
appella cela de Tarchitecture à k grecque et bientôt on fit
jusqu'à des galons et des rubans à k grecque; il ne resta
(i) Dans le premier ^ime des Œmcra ihents ig {M. Céckm m
ncweU ii qiulqma piicts ctmctrumiUs Êrti{Hsu, Jonbcrt 1771 , ) toI,
io-ia } , tont reprodoits pltasîeurs artidcs imprimât dans le (Htrcmn et
où Tauteur plaisante spintoeUement k manvais goût des admirateurs ds
Borrontoi. C'est éridcmmest i ane de «s pièoes , dont les titres trop
longs ne sauraient être transcrits ici, qu'il est fiut allusioa dans ce passage.
S.-ANT. BT P.-AMB. SLODTZ. I43
bon goust qu'entre les mains d'un petit nombre de
personnes et devint une folie entre les mains des autres.
Nos architectes anciens qui n'avoient pas sorti de
Parb voulurent faire voir qu'ils feroient bien aussi dans ce
goust grec ; il en fut de même des commençans et même
des maîtres maçons. Tous ces honnêtes gens déplacèrent
les omemens antiques, les dénaturèrent, décorèrent de
guillochis bien lourds les appuis des croisées et commi-
rent mille autres bevûes. Le Lorrain (i) peintre, donna
des desseins bien lourds pour tous les ornemens de
l'appartement de M. de la Live , amateur riche et
qui dessinailloitun peu. Ils firent d'autant plus de bruit
que M. de Caylus les loua avec enthousiasme; de là
nous vinrent les guirlandes en forme de corde à puits,
les vases, dont l'usage ancien étoit de contenir des
liqueurs, devenus pendules à heures tournantes , belles
inventions qui furent imitées par tous les ignorans et
qui inondèrent Paris de drogues à la grecque. Il s'en
suivit ce qui sera toujours, c'est que le nombre de bonnes
choses sera toujours très-petit dans quelque goust que
ce soit et que l'ignorance trouvera toujours le moyen de
dominer dans l'architecture ; mais , quoiqu'il se fasse
toujours de bien mauvaises choses, elles sont du moins
plus approchantes du bon que le mauvais goust
qui les a précédées et que quiconque aura du goust
naturel, sera moins éloigné de la voye qui conduit au
bon qu'on ne l'étoit cy-devant, si touttefois ce goust ne
devient [par la faute de ceux qui en font la parodie), si
décrié qu'on ne puisse plus le souffiîr.
(1) Louii Le Lorrain , peintre d'histoire, né le 10 mars 1713 , admit
à l'académie le 21 juillet 1756 , mourut à Saint-Pétersbourg le 24 mars
1759. Il avait été appelé par la Cxarine Elisabeth pour diriger TAcadémic
que cette princesse venait d'établir dana sa capitale. ( Consultes suri i
Dussieux, AriiUn français à Vitrauger^ page 405).
APPENDICE.
lO
\
I.
TESTAMENT DE COCHIN.
Pardevant les conseillers du roy , notaires au Cbatelet
de Paris soussignés, fut présent Charles-Nicolas Cochin,
écuyer , chevalier de Tordre de Saint-Michel , secré-
taire de Tacadémie royale de peinture et sculpture , et
garde des dessins du Cabinet du Roy , demeurant à
Paris, aux galeries du Louvre, trouvé par les notaires
soussignés , dans une chambre du i*' étage , ayant vue
sur la rue des Orties , dépendant du logement du garde
des dessins du Cabinet du Roy, assis dans un fauteuil au-
près de la cheminée , indisposé de corps et touttes fois
sain d'esprit, mémoire, jugement et entendement, ainsi
qu'il est apparu aux notaires par ses discours et entre-
tiens.
Lequel, dans la vue et la certitude de la mort et de
l'incertitude du moment , a fait, dicté et nommé auxdits
notaires son présent testament comme il suit, après
avoir invoqué le sain nom de Dieu dans la miséricorde
duquel il déclare mettre sa confiance : Je déclare qu'in-
dépendamment des gages qui se trouveront dus au jour
de mon décès à la nommée Therèze , ma domestique ,
d'après mes registres , je lui dois douze cents livres en
deux parts par reconnaissances ou billets qu'elle a de
moi.
14^ TESTAMENT DE COCHIM.
Je donne et lègue au nommé Œatelain , la somme
de deux cents cinquante livres par chacune des quatre
années qui suivront mon décès , pour le mettre en état
de continuer ses études dans la gravure pour laquelle
je l'ai destiné.
Je donne et lègue à Jean-Charles Tardieu, fils de
M. Tardieu , mon cousin , graveur de l'Académie , la
somme de mille livres que me doit son père, aux termes
d'un acte qu'il a passé à mon profit , laquelle somme
il ne pourra repéter qu'après le décès de son père et
dans sa succession.
Plus je donne et lègue audit Jean-Charles Tardieu ,
la somme de miUe neuf cent quatre-vingt-douze livres
qui lui sera payée, savoir :
1* Cent vingt livres pendant chacune des trois années
qui suivront mon décès , pour son entretien et habile-
ment;
2* Quatre cents livres pendant chacune des trois mêmes
années pour payer sa pension chez son père et à son
défaut partout ailleurs ;
3* Et cent quarante-quatre livres pendant chacune
des mêmes trois années pour servir à payer les hono-
raires de son maître , à raison de douze livres par mois
Le tout pour le mettre en état de finir ses études ,
et se perfectionner dans la peinture.
Je donne et lègue à titre de prélegs , à dame Made-
lainc-Gcneviève Cochin , ma sœur , la somme de douze
cents livres , une fois payée, pour l'aider à subsister en
attendant qu'elle puisse jouir des revenus de legs uni-
versels que je x'ais lui faire d-après :
Je veux et entens que touttes les sommes que j'ay
ci-dessus léguées , soient prises et prélevées sur les
premiers deniers qui proviendront , soit de la vente de
mes meubles et effets, soit des recouvrements qui seront
faits de ce qui se trouvera dans ma succession.
TESTAMENT DE COCHIN. I49
Je charge mon exécuteur testamentaire, cy-après
nommé, de faire achever et perfectionner par M.
CbaufiTard , graveur , la planche du port de Rouen , qui
m'appartient , pour en remettre le produit avec plus
d'avantage dans ma succession, et de faire à ce sujet les
avances nécessaires sur ma succession , conmie aussi de
tenir compte et payer à M. Deschamps (i), de Rouen, la
somme de trois cents livres ou environ dont je lui fus
débiteur et qu'il a bien voulu consentir à ne recevoir
que sur le produit de cette même planche.
Je donne et lègue à la bibliothèque du roy, le manus-
crit de ma main qui se trouvera chez moy intitulé :
anecdotes, comme un monument relatif aux arts dont
j'ay eus la connaissance,
Je donne et lègue à l'Académie royalle de peinture et
de sculpture, comme une marque de mon attachement,
le volume in-folio grand aigle , où j'ay collé mon œuvre
qui sera complété autant qu'il sera possible avec les
estampes dispersées qui se trouveront chez moy et
ce tant par les soins de mon exécuteur testamentaire
que par ceux de M. Belle, son père , surinspecteur de la
manufacture des Goblins.
Plus je donne et lègue à ladite Académie les différents
portraits d'aucuns de Messieurs les académiciens que
j'ay dessiné.
Plus les volumes où se trouvent collées les estampes
que j'ai pu ramasser de l'oeuvre de mon père et de ceux de
ma mère , de sa sœur Madame Belle , de leur frère ,
M. Hortemels.etde leur beau-frère, mon oncle Tardieu.
Je donne et lègue au Cabinet des dessins appartenant
au roy dont j'ai eu l'honneur d'avoir la garde , les des-
sins allégoriques de ma main qui se trouvent faits pour
l'histoire métallique du feu roy , et ce afin qu'il reste
dans ce dépôt quelque mémoire de mes foibles talents.
Quant au surplus des biens que je laisserai au jour
(1) Probablement le peintre-écrivaîn (Desctmpi) auquel on doit les
f^iis des Peintres,
l5o TESTAMENT DE GOCHIN.
de mon décès, en quoi qu'ils puissent consister , je fais
et institue pour mes légataires universels , savoir:
madite sœur Madelaine-Genevièvre Cochin , quant à
l'usufruit et i"" M. Tardieu père, ci-dessus nommé ; 2*
le sieur Belle , surinspecteur des manufactures des
Goblins ; 3*" M. Belle, son frère • commissaire honoraire
au Chatelet; ^ et Madame Bareau, leur sœur, mes
cousins et cousines , quant au fond et propriété chacun
pour un quart.
Je choisis et nomme pour mon exécuteur testamen-
taire, ledit M. Belle, commissaire honoraire au Chatelet
de Paris, que je prie de vouloir bien en prendre la peine
et de me donner cette dernière marque de son amitié pour
moi , je veux et entends qu'il conserve cette qualité tout
le temps nécessaire pour l'exécution pleine et entière
de mes présentes dispositions , à l'effet de quoi je pro-
roge jusqu'à l'expiration de ce temps le délay de la
coutume.
Je révoque tout autre testament et dispositions à cause
de mort que je pourrais avoir fait avant le présent mon
testament, auquel seul je m'arrête comme contenant mes
dernières volontés.
Ce fut ainsi fait, dicté et nommé par ledit testa-
teur aux notaires soussignés , et ensuitte à luy par l'un
d'eux, l'autre présent, lu et relu, et qu'il a dit avoir
entendu et y persévérer.
A Paris, en la chambre sus-désignée : l'an mil sept
cent quatre-vingt-dix , le vingt-huilième jour d'avril ,
sur les six heures après midi,
Et à ledit sieur testateur signé avec les notaires.
COCHIN. MONNOT. LHOMME.
II.
§1.
CATALOGUE DES MANUSCRITS PROVENANT
DE CAYLUS.
(Bibliothèque de l'Universîtë ).
I. — CONTES ET VERS. (M. S. L. IV. in-8 13).
En envoyant un Portefeuille.
Les Inconséquences : Bouts rimes.
De la part d'un Comédien à une femme qui avoit
deviné qu'il avoit de la Voix , à la jeune Dame couleur
de rose.
Traduction de ces vers de Martial :
Cum peteret dulces audax Leandrus amores
Et fessus tumidis jam premeretur aquis.
Sic miser instantes afiTatus dicitur undas ;
Parcite dum propero, mergite dum redeo.
Vers à une Sourde qui avoit demandé des Vers sur
sa surdité. Il avoit été question des anciens et des
modernes.
Etrennes à une femme qui avoit une maison à Cour-
bevoye ; de la part de son amie.
De la part du Curé de. . . . à Mesdames de.... qui ne
manquoient pas un office.
A Madame de.... qui m'avoit demandé des Lunettes,
et qui m'avoit donné un Cordon bleu, avant que je fusse
nommé.
A Mademoiselle ... ; les vers expliquent ce qui y avoit
donné lieu.
Sonnet sur le même Sujet.
iSs C4TAtX>GfJE MS
A k même, le jour de ion Mariage.
A Meadamef qm demaiidoient des Caleçons pour
moTiîrr à aae.
A Madame la Dochesse de.... qui aToit Hgtntndé un
dktiaQnûe de Rimes.
De la part d^cne îeunefiemmequi eovojoîtàson amie
k portraii de sa fille âgée de trois ans.
A cnc Jolk Vémtienne à qui j'avois donné une Lor-
cnerrr et promis de fan envoyer du Rouge.
PyoT eue autre qui avoit donné ses ganti à M. de
yimroj pour lui en env oye r de pareils.
Rs que des Bouts Rimes.
A jrx famme qui se pbignoit que je lui disois trop de
caifTTgies.
CfflBfei: Le Brai« d^oôté.
Le pain héni.
L'amim I^eadnle.
Le NoiUTeas Rajeunissement.
LeCaK Répandu.
X. — CHAXSOXS. (M. S. L. IV. in^ 13).
U T aiû une plaisanterie établie d'un Bosquet en-
ciusxê qu*on piéûidcnt défendu par un amant de ma
£ae ac^mé Adrien et surnommé le Chevalier de la
CcQitisce, M* de \lella dit un jour l'avoir blessé à
i&«xt. L^Eréque de Lescar assura l'avoir enterré : il
3^i>(v«: hissé que la main, dehors , pour qu'il pût écrire
<QCCC, Tous les jours on voyoit de la part de cette main
^1^:^ et ckaosons. Elle demandoit une réponse qui selon
qu'cxie seroit Eivorable ou non, la désenchantèroit ou
«cbonsroit sa perte ; et voici cette réponse. Mr: Nous
sma%es pn^^epàntrs Jtwmwr,
Ounson sur deux soeurs qui ont montré ce que l'on
t* xvùr. Air : Gétrielle de Fergf.
Une femme m'avoit obligé de dire toute une soirée
DU COMTE DE OLYLUS. l33
assez dans chaque phrase. Air : F amour qui passa en un
jour.
A Mesdames... qui portoient des habits de Lévite.
Air: Le Moineau de Lesbie.
Sur de Jolies femmes que nous vîmes sur le chemin.
Air: Nous sommes Précepteurs.
A Mesdames qui avoient fait un seul couplet de
chanson pendant une longue Route de traverse. Air :
M"" le Prévôt des Marchands.
Quelques Couplets d'une chanson dont j'ai perdu le
reste. Air: Le Moineau de Lesbie,
A une femme qui avoit fait une chute d'ftne. Air: Tu
croyois en aimant Colette.
A une femme qui avoit pensé faire une chute heureuse
pour moi , et qui ne vouloit pas croire que je l'aurois
préférée à la Comédie de Madame de Montesson. Air:
Le Moineau de Lesbie.
Une femme le jour de sa fête avoit reçu de tout ce
qu'elle avoit de neveux un couplet où il y avoit six fois
le mot Tante, Air : Pour la Baronne.
AM^ de Laigie huit jours après sa fête. Air: Le
moineau de Lesbie.
A une Majore que j'aimois beaucoup. Air: Tu croyois
en aimant Colette.
Sur Toreille : Air : Nous sommes Précepteurs d'amour
ou : Sans dépit, sans Légèreté.
A une femme qui avoit fait un air charmant à cette
ancienne chanson.
A une femme qui apprenoit à broder de la verile. Air:
RéyeHlez-rous.
A une femme de Vingt-quatre ans. Air: Le Démon
malicieux et fin.
A Madame la D... D... D... D... dont je sais seule-
ment que c'est la fête, en lui donnant une pierre gravée
qui représentoit un petit amour. Air : Ton humeur est ,
Catherine , ou : le Curé de mmi FilU^e.
t54
Voccuum perdue en la Veilles. Air: Qmi wta
voisine.
Epithalame pour M' et M^ de ^mmerj. Air Cmanu
Pdlichioelle avoît chanté st dunion ordinaire sur
l'air Hi non»nan. non^Jetien f^eux pas dayanidgt i \e
fis accroire à Mad* de Ponunery qnec'étoit une diauiscHi
faite exprès pour elle ; Elle me la demanda , et je loi
donnai celle-ci. Air : Hi mm. non, non.
A Madame de. .. qui ne peut souffrir qu'on fosse de
chansons pour elle. Air: jé^ nos Jeux dans k ViUage.
Autre fkite à Souper à la Redoute chinoise. Même Air.
A Une Jeune femme qui, le jour de notre fête m'avoit
envoyé un Bouquet. Air : Lise chantoit dans la Prairie.
A une fête où on faisoit trouver à une femme , des
couplets dans tout. Je fus chargé de celui de son ombre.
Air : Dans un berger, Colinette , ou : S'il /allait qt^à la
plus Belle.
Impromptu pour le jour où Madame la D. D. D. D.
accouchera d'une fille. Air : Que le Sultan Saladin.
La Réalité de l'illusion. Romance. Air noté ; on peut
la chanter sur L'air de GaMelle de f^ergy.
Chanson a mon fils. Ceux qui le connoissent, en
sentiront la justesse. Air : La Chambari.
A Madame D. De la part de son Confesseur. Air :
Que fan goûte ici déplaisirs.
Portrait de Madame de. . . Par Elle-même. Air : du
Conjiteor.
Réponse. Même Air.
Couplets. Pour Le Proverbe de L'Indidse. Air : Ton
humeur est , Catherine.
y — MÉMOIRES DU COMTE DE ... ÉCRITS PAR LUI-MÊME
(M. S. L, III. 4.49;.
Première partie.
Seconde partie.
Troisième partie.
DU COMTE DB OLYLUS. l55
Histoire du Chevalier de ... .
Continuation des Mémoires.
Un autre manuscrit (i) renferme la 2* et la Biparties
du même ouvrage , qui n'a rien de commun avec les
Mémoires et Réflexions du comte de Caylus publiés à
Paris chez Rbuquette , 1874.
4 — TROP EST TROP. coNTiTiuiiBLtMiiiT moral.
(M. S. L. IV. io-ia 19).
5. — DISCOURS. (M. S. L. III. m-4 50).
l^ Sur l'orgueil , la vanité et l'amour-propre.
2*. Sur ce précepte : « Ne faites à autrui que ce que
vous voudriez qu'on vous ftt. »
3*. Sur l'ambition et l'avarice.
4*. Sur l'épicurisme. (Epître en vers).
y. Sur les Muses. (Epître en vers).
6*. Bonne influence des passions sur la politique.
7*. Epître adressée à M. de Villars. (Vers).
V. Discours sur la probité.
6. ^ POÉSIES DIVERSES. (M. S. L. III. 40 tn-4 et M. S. L. III.
47 «n-4 ).
(Deux volumes dont le second est une copie ptrtielle du premier).
1*. Le fourage ou Les Travaux d'Alix.
2*. Lettre écritte pendant le Siège de Namur.
y. Lettre écritte de Plombières en 1745 par Mr d'Ar-
gentiere et moi à M* de...
4*. Lettre à M' De Sade en 1746.
5*. Les avantages de la sottise.
6\ Epître à Madame La Marechalle de Villars,
dattée de Loyau en 1746.
7*. Epitre à M' De Forcalquîer, 1748.
8*. Epitre à M' De Tressan, 1748.
9*. Epitre à M' De Navarre sur le Bonheur , 1750.
10*. Epitre à M' De Cailus, 1750.
(\) M. S. L. III. 448.
l56 CâTALOGUB DBS HAMOSCRm
1 1*. Adieux aux Muses.
12*. Epitre à M"* de Maurepas, novembre lySo.
7. — ŒUVRES POrnaUES et morales. (M. s. L. II. is tiH4^
Outre les madères du volume précédent , ce manus-
crit renferme :
1* Réflexions sur Alexandre et César.
2* Réflexions sur L'origine et Les avantages des diffé-
rents gouvernements.
3" Réflexions sur La flatterie.
4'' Réflexions sur La superstition.
5* Réflexions sur la société.
6* L'ambition Et Tavarice.
y" Dissertation sur les Epicuriens et les Stoïciens.
8* Sur la Singularité.
8. — URADI ou LES INCONVÉNIENTS DE L'HUMEUR.
KOUVILLB ESPAONOU. (M. S. L. IV. JD-S l8).
Rédaction différente de celle de JJraJi , la nouvelle
espagnole qui se trouve dans le Recueil de ces Messieurs,
[Œuvres badines, tome V, page 33 1).
9. — ALLÉGORIES. (M. S. L. III. 111.4 44).
r. Fragment des douze volumes de l'histoire de
Rosanie ; allégorie différente de la féerie nouvelle du
Comte insérée dans le Cabinet des Fies ( tome XXIV,
p. 179).
a"". Histoire de Celamire Et d'Amelise ; fragment.
3*. Extrait D'un Manuscrit de Candgi, Docteur
Arabe, Auteur d'un Livre nommé Ossul.
4*. Allégorie.
5*. Le temple de L'amour ; allégorie.
10. * ÉPIMENIDES. HISTOIRE GRECQjUE. (M. S. L. III. 45 iB-4).
II. — MORCEAUX PHILOSOPHIQUES. (M. S. L. III. 4^ M).
1*. Réflexions sur la flaterie.
DU COMTE DE CAYLUS. iSy
2*. Réflexions sur la superstition.
3'. Suitte des réflexions sur l'origine et les défauts des
différents gouvernements.
12. — MÉLANGES. (M. S. L. III. 36 in 4).
r. Histoire de La Princesse Conunune Et du Singe
Verd ; fragment.
2*. Lettre Écrite le 14 Septembre 1733.
3*. Lettre Écrite de S^Dizier, le i2 7«»~ 1733.
4^. O toy jadis la douceur de ma vie....
5*. Lettre Écrite au Président Hainault , du Camp
de Stadel, le 12 juillet 1735.
6*. Chat écbaudé , comme on dit , craint l'eau froide.
7*. Epitre à M. De Caylus sur les malheurs de la
Guerre.
8*. Lettre Écrite à Madame de ***, le 10 Juillet 1735.
9*. Epitre Contre les Stoïciens.
Tous ces manuscrits proviennent de Caylus , d'après
le Catalogue de la Bibliothèque de l'Université (1).
S 2.
CATALOGUE
des manuscrits renfermant des œuvres autographes,
inédites ou rarissimes du Comte de Caylus.
(Bibliothèque Nationale, Portefeuilles UVallière).
I. — Mt. PKANÇAIS 24^4),
1*. « Les âges ou la fée du Loreau, comédie en prose
en un acte, 1739» ; 19 feuillets numérotés par pages; auto-
graphe du Comte de Caylus commençant : € Cèlimène.
(1) Lemt. M. S. 1. IV. ao, provenant des DoudeauYilIe, présente, entre
autres contes de Caylus, différents des rédactions imprimées, une allégorie :
U Princi RûsMor, arec corrections autographes.
l58 CATALOGUE OSS MANUSCRITS
Matfaurin n'as-tu point vu Hrante ? » finissant : c On
finit par la contre danse. »
OC^ZM.
e/c (X
-'^ /^ ^^
/^•<7J«^^ ^^^
2«. « Alcibiade, tragédie » ; in-8 de 71 pages.
3*. « Agathocle, tragédie en cinq actes; copie de
65 pages.
4^ « Agapitus , tragedia » du P. Porée ; copie de 45
pages.
5"*. « Agapit, tragédie » ; copie de 35 pages.
6*. « Agapit Martyr, tragœdie latine avec intermèdes
françois par le Père Porée, de la Compagnie de Jésus » ;
in-8 de 83 pages.
7*. € Parodie du prologue d'Alceste servant de pro-
logue à l'Avare fastueux » ; elle porte sur son premier
feuillet de garde : t Représentée en 1720 » ; copie de
38 feuillets.
ou COMTE DE CATLU8.
159
^
V
l6o CâTALOGOE
8*. < Addiîde da Goesdin. tragédie par M. de Voltaire
reprcxniée pour la première fois aux François k dix-
boit ^]nier 1734 > : copie de 42 feniUets.
9'. « La mort d'Absaloo. tragédie > : copie de
49 feuillets.
2. — Jts. nLâsçAS 24M4
r. c L'arantage de l'esprit, comédie en prose, en trob
actes. Tirée du caneru en un acte donné aux Italiens
par M. Corpel en 1728, 1731 » ; copie de 102 pages.
2*. € Les Bei^ers > ; copie de 44. pages.
3*. € L'Amante trarestie, comédie en trois actes et en
prose > ; copie de 53 feuillets.
4*. « L'Amante aimable . comédie ; ; autographe du
Comte de Cajius. 3 1 feuillets.
5*. c Broukolacas on la Fausse resnsdtée, tragi-
comédie vers 1700 > : copie de 17 feuillets,
6*. < La bourgeoise Madame, comédie » ; original de
22 feniUets.
7*. < Cancras des Bergers > : autographe du Comte
de Cavlus, 1 feuillet.
8' Ptaniire r&iacdon de YAmanie Aimable. 18 feuil-
lets.
9*. « .\sba. tragédie > : original et copie de 57 feuillets.
y — Ms. ntAMÇAis 14M5-
\* « Le Complaisant ou l'Ecole du monde, comédie
en trois actes en pers » ; copie non numérotée de 57
feuillets.
2^ < La Comédie impromptu, comédie en trois actes
en prose (par M. de Cajlus] (1) 1739. Représentée pour
I ' D «Ti« iMtre
DU COMTE DK CAYLUS. l6l
la première fois à Morville le i'^ septembre 1740 » ;
autographe, elle commence par ces mots : t Un Gagiste.
Monsieur , ayez la bonté d'attendre icy, M. Octave va
venir vous trouver » ; 3i feuillets , 7 compris ceux qui
sont intercallés et collés partiellement.
3*". « Sainte Cécile, tragédie en quatre actes » ; copie
de 64 pages.
4*. « La Comédie bourgeoise, en un acte, 173 1 » ;
copie de 60 pages in-8.
5*". La Comédie bourgeoise, en un acte, 1731 » ;
autographe du Comte de Caylus, 36 pages.
6*. « Fragment d'une Comédie de l'Enragé » ; copie
de 8 pages.
7^ « Le Confiant ou le Fat, comédie en cinq actes
en prose, 1733 j» ; 10 feuillets 7 compris les blancs et
le frontispice ; copie.
V. « Le Confiant ou le Fat, comédie en prose faite en
cinq mauvais actes en 1733 et remise par ordre en trois
mauvais actes en 1741 » (i) ; 3o feuillets, 7 compris le
frontispice ; autographe du comte de Ca7lus.
9*. « Le Confident intéressé, comédie en un acte en
prose avec un divertissement. Représentée pour la pre-
niière fois à Morville, le 7 septembre 1740 ». Cette
phrase depuis le mot : « Représentée » est écrite de la
main de Ca7lus ; la pièce est une copie corrigée par
Ca7lus; « manque la fin depuis la i5* scène » ; 60
pages.
4. — MS. PltANÇAIS 24346.
le. « La double Intrigue, comédie en un acte , en
prose. [Comme M. de Sades me Ta donnée double] (2);
copie de 47 feuillets numérotés.
( 1) Le mot V miuvais • a été ajouté après coup.
(3) De la main de Caylus.
Il
102 CATALOGUE DES MANUSCRITS
2». « La même copiée ; mais « telle que je Tay rendue
à M. de Sades en 1740 » (1); 64 pages numérotées.
3*. Demetrius, tragédie en cinq actes » avec Préface ;
copie de 65 pages numérotées.
4*. « Le Dépôt, comédie en trois actes en prose tirée
du trinumme de Plante, 1742 » ; autographe de Caylus ;
40 feuillets numérotés.
5*. « Les divertissements, comédie en trois actes en
prose » ; autographe du Comte de Caylus ; 18 feuillets
numérotés.
6*. « La double intrigue, comédie en un acte eo
prose, 1740 » ; autographe du Comte de Caylus ;
4r 19 feuillets y compris le canevas de la pièce » qui se
trouve avant le titre (2).
7*. « Le Désespoir amoureux, comédie en trois actes
avec des intermèdes par le licencié Janus Erythrceus
Udor » ; de 40 feuillets.
8*. « Les Fontanges, petite comédie par M. Perrault,
de l'Académie françoise, 1690» ; copie de i3 feuillets.
9*. La foire des Fées, pièce en un acte, 1722 » ; de
i3 pages.
10*. « La Folie raisonnable, comédie par M. Domi-
nique » ; copie de 57 pages in-8.
11* « L'Esprit de propriété, comédie en un acte, en
prose » ; autographe de Caylus de 20 feuillets.
(1) Note écrite par le comte de Caylus après la liste des person-
nages,
'2) Une copie de ces pièces se trouve encore dans le manuscrit français
9296 fde la collection Soleinne } sous le titre : La donhU mtrignt ^
eoméàie en un acte et en prose , par M. de Sades et retouchée par
M de Cêyluê, 1740. Écrite sur 26 feuillets (recto et verso) , die
commtnce : € Programme. Scène i** . Valère expose avec Frontin , son
$mwr pour Rosalide qu'il aimait » ; elle finit : l^alère. Belle Rosalide ,
î'«o êuis plus assuré que vous. » Nous pourrions signaler dans cette volii-
ffiireu«e collection d'autre copies ; mais la chose n'offrirait aucun intérêt.
DU GOMTB DE CAYLOS l63
12*. « Prologue de PEcoUe du monde et de la fausse
Niaise » ; 7 pages autographes de Caylus (i).
5. ^ MS. PtANÇAlt 34347,
l^ « Eriphile, etc., tragédie de M. de Voltaire, repré-
sentée le i3 mars 1782 » ; copie de 39 feuillets.
2*". « Electre, tragédie de M. de Longepierre, 1719.
Hilaire-Bernard de Roqueleyne, seigneur de Longe-
pierre, né à Dijon, est mort à Paris le 3i mars 1721, âgé
de.... » ; copie de 119 pages.
3*". € Sujet avec les caractères du Faux bonheur » ;
19 pages.
4*". « Le Faux bonheur, la Généralité ou la Nouvelle
Ressemblance , comédie » ; canevas de 48 feuillets.
5*. « La femme honnête homme, comédie en cinq
actes en prose » ; autographe du Comte de Caylus ;
5o pages.
6*. Fauste et Crispe, tragédie; original de ii5 pages.
7*. « La fille généreuse , tragi-comédie. » Le papier
qui portait probablement le nom de Fauteur a été dé-
coupé ; on lit au-dessous : « Pour lors âgé de 1 5 ans
et demy. Cette pièce n'a point été imprimée. i65o » ;
32 feuillets ; corrections.
8^ a Gonaxa, ou les Gendres duppez, comédie » ;
copie de 62 feuillets.
9*. « Bouts rimes, remplis par M. de La Mothe la
veille de la première représentation d'Inès de Castro » ;
un peu plus d'une demi-page numérotée 63.
10*. « Sur le recto du même feuillet : « Portrait d'un
anglois dévot. »
1 1*. Déclaration d'amour deVoltaire à la princesse de
Prusse suivie d'une critique (très amère).
(ij Voyez le fac^imile, page 159.
164 CATALOGUE OBS KAKUSCRITS
12*. « Sur le recto du feuillet suivant numéroté 64 :
€ A M. le chancelier sur la détention de M. Grand-
Jean, con*' au Châtelet » ; 8 lignes de la même écriture.
i3*. Sur le verso du même feuillet» de la même main:
10* € Echos » 1*, sur le duc de Gesvre ; 2*, sur le duc
d'Ayen; ¥, sur le duc de Richelieu; 4*, sur M. de
Sivry ; 5* sur les femmes ; 6*, sur M. de Maurepas ;
7% sur M. de Puizieux; 8*, sur M. l'évêque de Mirepoix;
9* sur le Prévost des marchands , Barnage ; 10*, sur
Voltaire.
6. — MS PtANÇAIS 24548.
i«. « La Haine inutille, comédie en trois actes en
prose, 1744 » ; autographe du comte de Caylus ; « 5o
feuillets y compris ceux d'un troisième acte double avec
des changements. #
2*. « Henry, tragi-comédie » ; copie de 36 feuillets avec
quelques corrections de l'auteur.
3*". « L'heure du Berger, commédie françoise en un
acte avec un divertissement » ; copie de 22 feuillets.
4*. « L'heureux Mensonge, comédie en un acte en
prose » ; original de 22 feuillets « imprimé en 1732 i>.
5"". D'une autre main avec des corrections de l'auteur
de la précédente : « l'Heureux mensonge avec des
changements »; 3i feuillets numérotés.
&", « L'homme marin , comédie en vers en un acte ,
représentée pour la première fois par les comédiens
italiens, le 22 may 1726»; copie de 48 pages numé-
rotées.
8*. « Hirlande , tragédie » ; copie de 56 feuillets nu-
mérotés,
8'. « L'humeur , comédie en prose en cinq actes » ;
autographe du comte de Caylus ; 127 pages numé-
rotées.
9*. « Le Jardinier de Chaîllot , Prologue » ; auto-
graphe du comte de Caylus; 10 feuillets numérotés
DU COMTE DE OlYLUS. l65
10*. 4r Méléagre , tragédie en musique ornée de
danses , de machines et de décorations , argument » ;
copie de i3 feuillets non numérotés.
7. — Mt. FtANÇAit a4i49'
i"". « Le marquis comtesse » ; copie de 65 feuillets
non numérotés.
2*. « La Mort d'Ulisse , tragédie » ; copie de 22 feuil-
lets non numérotés.
3*, « Les Incommodités De La Grandeur , comédie
héroïque »; copie de 74 feuillets non numérotés.
4*. « Vers sur le Prétendant » ; original , 1 feuillet
non numéroté.
5*. «c L'inconstance justifiée, comédie en prose en
cinq actes » ; 71 feuillets non numérotés.
6*. « Josias , tragédie, argument » ; copie de 45 feuil-
lets non numérotés.
7«. « Le Jaloux , comédie triste en trois actes , en
proses»; copie de iBp pages dont 187 seulement sont
numérotées ; le titre , les personnages , l'avertissement
au lecteur ne le sont pas.
8*. « Les Mariages assortis , comédie en deux actes
en prose, par M. d'Armenonville . représentée pour
la première fois à Morville , le i*' septembre 1740 » ;
copie de 3o feuillets non numérotés.
ACTEURS.
Pyrante . père d'Agathe , M' de Cailus.
Oronte , oncle de Valère • M' Escour.
Lucinde , veuve , sœur de Pyrante » M* de Surgeres.
Agathe. M"* de MorviUe.
Valère. M' d'Armenonville.
Lisette , suivante de Lucinde , M* d'Armenonville.
Pasquin, valet de Valère , M' de Surgeres.
Un laquais.
l66 CATALOGUE DES MANUSCRITS
9*. « Lisle de la Coquetterie » ; autographe du comte
de Caylus ; la feuillets non numérotés, entre le premier
et le second feuillet se trouvent quelques observations
sur la pièce , d'une écriture fort lâchée.
10*. Pièce in-S de 20 feuillets non numérotés,
en tête duquel on Ut: « Acte troisième, Arlinœ»;
original.
1 1*. Même ouvrage in-8 , copie corrigée.
8. — Ms. PtAHÇAlS 24350.
1*. « La maison culbutée , comédie en un acte et en
prose , avec un divertissement , représentée pour la pre-
mière fois à Morville. le i3* septembre 1738(1]»;
copie avec corrections du comtedeCajlus; 71 pages
dont 66 seulement sont numérotées , le titre , la liste
des acteurs et le divertissement écrit sur papier de mu-
sique ne sont pas numérotés : le comte de Caylus , le
chevalier de Caylus son frère, M. de Sades, NP" Socar,
Fleuri , etc., font partie des acteurs.
a*. « Le mariage par contre lettre » ; autographe du
comte de Caylus ; 18 feuillets non numérotés y compris
un petit feuillet collé.
3*. € Les Belles Manières , Parade de Cour , en un
acte et en prose , par M 17S5 » : copie in-folio de
i5 feuillets plies non numérotés.
4*. « Marianne, tragédie » ; copie de Sa feuillets non
numérotés.
5'. «Mustapha , tragédie envers, en cinq actes, 1738»,
copie de 147 pages numérotées.
6*. « Le Nouveliste Muet , comédie-tragicomique en
trois actes, 174a » ; t6 feuillets non numérotés, copie.
7*. « L'Oublieux , petite comédie en trois actes ( par
M. Perrault de l'académie françoise] 1691 »; copie
de 16 feuillets non numérotés.
( I ) De la wm de CaTh».
DU COMTE DE CAYLUS. 167
8\ « L'0£ficieux intéressé » ; la liste des acteurs est
de la main de Caylus , la première scène est une copie
de 3 feuillets , la seconde et la troisième scènes , de 4
feuillets non numérotés, sont écrites par Caylus; la
quatrième scène • 1 feuillet , est copiée ; la cinquième ,
1 feuillet , est de Caylus ; la sixième est une copie de
1 feuillet ; la septième , écrite par Caylus , comprend 2
feuillets; la huitième et la neuvième, de 4 feuillets, sont
copiées ; la dixième, la onzième et la douzième scènes,
comptant 3 feuillets , sont de Caylus ; la treizième ,
2 feuillets , est copiée; les quatorzième , quinzième ,
seizième et dix-septième scènes sont de Caylus et com-
prennent 6 feuillets ; en tout : 27 feuillets non numé-
rotés.
g\ « Pastoralles , tragédie » ; sur le feuillet du titre
se trouve un compte de femme de chambre ; copie de
82 pages numérotées.
10*. « Le paysan et la paysanne parvenus , comédie »,
copie de 58 pages numérotées.
i 1* « Promethée, comédie » ; copie de 29 feuillets non
numérotés.
9. — MS. PtANÇAlS 24351.
1', « Les deux Veuves, comédie en prose, en un acte
1732 » ; copie de 3o feuillets numérotés.
2% « Prologue pour la comédie de la Répétition ».
Les interlocuteurs sont d*abord M. Coypel et Caylus ,
survient Mademoiselle Quinault ; autographe du comte
de Caylus, 3 feuillets non numérotés commençant:
« Caylus : N'est'il pas vrai, mon cher Coypel, qu'il n'y
a peut-être pas dans tout Paris d'aussi bonnes gens que
nous deux ? »
3*. « La Soubrette maîtresse , comédie en trois actes,
en prose » ; autographe du comte de Caylus ; 26 feuil-
lets numérotés.
l68 CilTALOGUE DES MANUSCRITS 0U COMTE DB C4YLUS.
4*. « La défense des romans , comédie en un acte »;
copie de 35 feuillets non numérotés.
5^. € Roxelane , tragédie » ; i6 feuillets numérotés ;
original.
6*. Musique ; « Air chanté par Lydamon » , t Me-
nuet » , « Vaudeville » , € Divertissement du Confident
intéressé » ; 4 feuillets non numérotés dont 3 feuillets
in-folio.
7*. «r La Restauration du Parnasse , comédie en un
acte » ; copie de 26 feuillets non numérotés.
8*. « Silvie ou la fausse niaise , comédie en un acte
en prose avec un divertissement » ; copie de 40 feuillets
non nunlérotés , avec quelques corrections de Caylus ;
au bas du 32* feuillet est ajouté un feuillet entier écrit
recto et verso par le comte de Caylus.
g\ « Thémistocle, tragédie » ; original de 32 feuillets
non numérotés , sur le recto du premier desquels est
écrit: « De Petit ».
io\ « Le Silphe, comédie avec des divertissements»;
original de 1 18 pages numérotées.
1 1"*, « La Résolution pernicieuse , tragi-comédie » ;
original de 1 1 feuillets non numérotés ; analyse.
12*. «r Le Triomphe de Plutus; 9* avril 1728» ; origi-
nal de 18 feuillets non numérotés.
l3^ « Le Valet à deux Maîtres, comédie en trois
actes » 3o feuillets non numérotés ; autographe du
comte de Caylus.
Signaler les autographes du Comte de Caylus serait
une tâche toujours incomplète; indiquons cependant
dans le manuscrit 16986 du fonds français huit feuillets.
Notes techniques extraites pour la plupart du Diction-
naire de Lémery , ces pages attestent l'insatiable curio-
sité du Comte.
III.
LETTRES DE PIGALLE ET DE SA VEUVE.
Cet ouvrage de Pigalle devait avoir laissé quelques
traces dans la Bibliothèque de la ville de Reims. Voia
deux lettres inédites, la première de Pigalle, la seconde
de sa veuve.
Paris , ce 8 janvier 1763.
Messieurs ,
Je suis au désespoir que vous m'ayez prévenu dans
les souhaits de la nouvelle année ; et si j'ai tardé si
longtemps à vous faire mes remercîments de votre
obligeante lettre , ce n'est assurément point manque de
reconnaissance; mais je n'ai pas cru pouvoir mieux
vous la témoigner qu'en me mettant en état de vous
marquer au juste le tems de la fonte de la figure du
Roy. Nous fermons aujourd'hui samedy le recuit ; et
par conséquent la fonte sera en état d'être faite d'ici à
trois semaines au plus tard ; j'irai chez M. le Contrôl-
eur général pour l'engager à s'y trouver. Je crois
cependant que si Monsieur Clicquot était à Paris . il
170 LETTRE DE LA VEOVB PI6ALLE.
réussirait beaucoup mieux que moi à l'y déterminer.
Dans le cas où le jeudi 27 conviendrait à Monsieur le
Controlleur général plutôt que le samedi 29, nous
ferons en sorte d'être prêts pour ce jour là.
Je vous remercie beaucoup , Messieurs » de l'argent
que vous m'avez fait tenir. J'en avais un très-grand
besoin pour avancer vos ouvrages. La satisfaction que
vous paraissez avoir du choix que vous avez fait de moi
pour l'exécution de votre monument, est pour moi la
récompense la plus flatteuse et l'eguillon le plus fort
pour m'engager à redoubler d'attention et de travail
jusqu'à ce que je l'aie conduit à son entière perfection.
J*ai l'honneur d'être avec respea ,
Messieurs ,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur ,
PiGALLE.
Messieurs ,
Permettez-moi de vous importuner; je sais que
votre temps est précieux , aussi je vous promets de n'en
pas abuser. Je ne puis cependant m'empêcher de
parler , les circonstances m'en font un devoir.
Je suis créancière de la ville de Reims d'une rente
viagère de 3200 %. Cette rente n'est pas une grâce ,
une pension ; elle fait partie du prix des ouvrages que
M. Pigalle. mon mari, a fait dans votre ville. Il lui
restait dû 40000 ft. ; j'en ai consenti l'aliénation moyen-
nant ces 3200 tt. de rente viagère sur ma tête. Voilà
INSCRIPTIONS. 171
l'objet dont je veux vous parler et je vous avoue qu'il
commence à devenir pressant. Depuis le premier janvier
1790 je n'ai rien touché ; je ne vous dirai pas combien
j'ai fait de démarches chez M. Cambeau, correspondant
de votre ville , qu'elles ont toutes été infructueuses,
mais je vous avourai franchement que j'ay besoin de
mes revenus. Les hommes à talens s'attachent plus à
la gloire qu'à la fortune ; aussi la femme de Pigalle
n'est-elle pas riche. Je vous prie donc de me faire payer
les arrérages qui me sont dus et j'attens avec confiance
une réponse favorable à ma requête.
Ma reconnaissance pour vous , Messieurs , ne le
cédera qu'à mon respect.
Veuve Pigalle.
Paris , le 22 novembre 1792.
Ma demeure est rue St-Lazarre, barrière Blanche, N® ji.
Sur le piédestal de la statue sont gravées les deux
inscriptions suivantes :
I.
DE l'amour des français ÉTERNEL MONUMENT
INSTRUISEZ A JAMAIS LA TERRE
QUE LOUIS DANS NOS MURS JURA d'ÊTRB LEUR PÈRE
ET FUT FIDÈLE A SON SERMENT
A LOUIS XV
LE MEILLEUR DES ROIS
QUI PAR LA DOUCEUR DE SON GOUVERNEMENT
FATT LE BONHEUR DES PEUPLES.
1765.
ïj2 ncscMPnoifs.
2.
ÉRIGÉ PAR LA VILLB DB REIMS Elf MDOCLZT
M. SnTAINE ÉTANT LIEUTENANT, M. OOQUEBERT YICE-UKUTEKANT
M. CLIQUOT PREVOT, M. CUQUOT-BLERVACHE , PROCUREUR 0U ROI, STKBIC
RÉTABU PAR LA VUJLB DE REIMS EN MDOOCXVin
AU MOYEN d'une SOUSCRIPTION DES HABITANTS
SON EX^ M. LAINE ÉTANT MINISTRE DE l'iNTÉRIEUR
M. LE BARON DE JESSAINT, PRÉFET DE LA MARNE
M. LE COMTE H. DE GESTAS , SOUS-PRÉFET, M. LE BARON PONSARDDf, MAIRE
MM. ANDRIEUX , BOISSEAU , CAMU-DIDIER , ADJOINTS.
IV.
LETTRE DE MONSIEUR BOUCHARDON
A MESSIEURS DE LA VILLE DE PARIS.
« L'ouvrage important que j'ai entrepris pour la ville
de Paris , et que j'ai actuellement entre les mains , ne
cesse de m'occuper , même dans l'état de souffirance et
d'infirmité auqUel m'ont réduit des travaux, peut-être
au-dessus de mes forces ; plus j'approche du terme où
il plaira à Dieu de m'appeler à lui , plus cet ouvrage
me devient cher et me fait penser aux moyens de lui
donner son entière perfection. Supposé que lors de
mon décès il ne fût pas tout-à-fait terminé ; dans ce cas,
je supplie très humblement M. le Prévôt des Marchands,
et MM. du Bureau de la ville de Paris , de vouloir bien
permettre que je leur présente M. Pigalle , sculpteur
du roy et professeur de son académie royale de peinture
et de sculpture, dont Thabileté est sufisam ment connue;
et je les prie de l'admettre et d'agréer le choix que je fais
de lui pour l'achèvement de mon ouvrage. Assuré que
je suis de sa grande capacité et de l'accord de sa ma-
nière avec la mienne, j'espère que ces Messieurs ne
me refuseront pas cette dernière marque de leur
confiance : je la leur demande sans aucune vue d'intérêt
174 UETTRE DE BOOCHARDON.
et avec Tiastance de quelqu'un qui est aussi véritable-
ment jaloux de sa réputation , qu'il l'est de l'ouvrage
même : et je compte assez sur l'amitié de mon cher et il-
lustre confrère, pour oser me promettre qu'il fera pour
moi ce qu'en pareil cas il ne doit pas douter que je n'eusse
fait pour lui • s'il m'en avoit jugé digne» qu'il se char-
gera volontiers de terminer ce qui se trouvera man-
quer à mon ouvrage au jour de mon décès. Je lui en
réitère ma prière, et je souhaite, s'il s'y rend ainsi que je
Tespère, qu'il s'entende sur cela avec mes héritiers,
et que les modèles et desseins que j'ai déjà préparés
pour cette fin d'ouvrage, et qu'il estimera lui être néces-
saires , lui soient remis , sous le bon plaisir de la Ville ,
afin qu'il puisse mieux juger de mes intentions , et en
les remplissant autant qu'il le jugera à propos , qu'il
travaille pour ma gloire et pour la sienne. Car quoi-
que je sois très-<^onvaincu qu'il ne seroit pas difficile
de faire mieux , je crois devoir déclarer que dans l'état
où j*ai amené l'ouvrage il seroit dangereux d'y rien
changer tant par rapport à l'ordonnance générale , que
pour la disposition de chaque figure. Aussi est-ce par
cette considération et parce que je connois le goût et
la façon d'opérer de M. Pigalle , que j'ai principale-
ment jeté les yeux sur lui ; et que sans vouloir faire tort
à aucun de mes confrères , dont je respecte les talens ,
j'ose assurer de la réussite de l'ouvrage de la Ville , du
moment que la conduite lui en aura été confiée. Au
Roule, le 24 juin 1762. Signé: BOUCHARDON.
V.
TESTAMENT ET CODICILB
du sieur SLODTZ.
35 SBPTBMBRB — 23 OCTOBRE 1764.
(Archive* Nitionalc* Y 59, f* i6 verio).
TESTAMENT DU SIEUR SLODTZ
Du Samedy quairt May 176$.
Le désir que j'ay d'établir autant qu'il est possible
une égalité de fortune entre les personnes qui me sont
parentes et suivant la proportion des différends degrez
de leur proximité, m'engage à fixer sur un sujet aussy
intéressant et duquel doit résulter l'harmonie et la
payx que j'ay toujours soubaitté dans la famille , des
arrangements qui seront mes dernières volontés ; je les
fixe donc par ce présent testament que je commence par
le plus profond annéantissement devant Dieu pour im-
176 TESTAMENT DE SLODTZ.
plorer sa miséricorde et iuy demander pardon de mes
péchés.
Je désire qu'il soit dit peu après mon décès, un
annuel de cent messes pour le repos de mon âme dans
telle église et à telle rétribution que mon exécuteur tes-
tamentaire jugera à propos.
Je donne et lègue au nommé Gilon, mon frère de
lait, demeurant à Villiers-le*Bel, la somme de trois
cents livres à une fois payer.
Je donne et lègue au sieur Joseph Piquet, qui s'est
attaché depuis plusieurs années aux travaux de mon
attelier la somme de cinq cent livres aussi à une fois
payer.
Je donne et lègue à Marie-Madeleine Durand, ma
domestique, qui depuis douze ans est à mon service ,
si elle y est encore lors de mon décès, la somme de
deux mille [livres] à une fois payer.
Ces trois sommes seront payées sur les loyers , arré-
rages et intérêts qui me seront dus au jour de mon
décès de ma maison rue du Petit Lyon, de mes rentes
sur les postes, des sept cent livres de rente qui me sont
dues par l'abbaye de Chalys et de ma part dans les
objets de recouvrement de la succession de feu
M* Paul'Ambroise Slodiz, mon frère, qui n'auroient
point été recouvrés à mondit décès, et qui produiroient
alors des intérêts ; et si lesdits loyers, arrérages et inté-
rêts dus à mon décès, ne suffisoient pas pour l'acquit
de ces trois legs, le surplus sera suporté et payé par
mes légataires universelles.
Je donne et lègue à mon frère Dominique-François
Slodtz, à Marie-Angélique Slodtz, Marie-Julie Slodtz ,
Madeleine-Michelle Slodtz et Marie-Jeanne Slodtz, mes
nièces , filles du feu sieur. Jean-Baptiste Slodtz , mon
frère, Louis Van Païens, mon neveu , et à damoiselle
Marie-Louise-Charlotte Van Païens, ma nièce, maditte
maison rue du Petit Lyon, faubourg St-Germain, les
TB8TAMBHT DB SLOLTZ. 177
rentes à trois pour cent sur les Postes, de Tédit de May
mil sept cent cinquante-un , qui se trouverront dans ma
succession, la part des recouvrements qui resteront à
faire lors de mon décès de ceux laissés en commun
entre mes cohéritiers et moy, partage de la succession
dudit sieur Paul-Ambroise Slodtz, mon frère, ensemble
ce qui restera des loyers, arrérages et intérêts du tout •
échu à mon décès après le payement des trois legs par-
ticuliers cy-dessus faits audit Gilon et Fiquet et à la ditte
Durand.
Pour du tout jouir, faire et disposer en toute propriété,
tant en fonds que revenus, du jour de mon décès, sça-
voir : par ledit sieur Dominique-François Slodtz, pour
un tiers» par les quatre filles de mon frère Jean-Baptiste
Slodtz, conjointement pour un autre tiers, et par lesdits
sieur et demoiselle van Païens pour le dernier tiers.
Je donne et lègue de plus au sieur Dominique-
François Slodtz, mon frère, trois cent livres.
Audit sieur Van Falens cent cinquante livres ; à la
demoiselle Van Falens, aussy cent cinquante livres ; au
sieur Jean-Baptiste Loison, veuf de Marie-Madelaine
Van Falens, ma nièce, pareille somme de cent cinquante
livres.
Et au sieur Charles-Louis Deunel, veuf de Catherine
Suzanne Van Falens, aussy ma nièce, pareillement cent
cinquante livres.
Le tout de rente viagère à l'inventaire, exemptes de
toutes retenues, non saisissables par leurs créanciers
respectifs pour quelque cause que ce soit et qui com-
menceront de courir, sçavoir : celle dudit sieur Deunel,
du jour de mon décès, et celles dudit sieur Dominique-
François Slodtz et demoiselle Van Falens et sieur
Loison, seulement à compter d'un an après mon décès.
Pour acquitter les arrérages desdittes rentes , il sera
des premiers deniers de ma succession fait des emplois
et remplois suffisans dont le fond appartiendra à mes
la
178 TESTAMENT DE SLODTZ.
légataires universelles cy-après instituées, et dont les
revenus seront délégués ou assignés en usufruit par les
emplois même en faveur desdits rentiers ou réservés à
mesdites légataires universelles , à la charge du paye-
ment des arrérages desdittes rentes viagères , le tout
suivant que le Conseil cy-après l'estimera à propos
comme il décidera aussy es mains de qui seront payées
lesdittes rentes viagères des sieurs Loison et Deunel.
Je donne et lègue à Marie-Anne Loison , majeure ,
ma petite nièce , la somme de huit mille livres.
A Marie-Jeanne Loison , sa sœur , pareille [ somme
de] huit mille livres.
A Guillaume Loison , leur frère , aussy huit mille
livres.
A Gabriel-Charles Loison, leur père, aussy pareilles
huit mille livres.
Et à Marie-Antoinette Deunel, pareillement ma
petite-nièce , aussi huit mille livres.
Lesquelles sommes seront payées à chacun d'eux
respectivement en deniers , sçavoir : quatre ans après
mon décès à ceux d'entre eux qui seront alors majeurs
ou mariés , et pour les autres seulement à mesure de
leurs majorités ou mariages, le tout sans intérêt pen-
dant l'année qui suivra mon décès , mais avec un inté-
rêt d'un et demy pour cent seulement , sans retenues,
pour chacune des trois années suivantes, et de cinq pour
cent , aux déductions de droit, par chacune des années
ultérieures jusqu'au payement des principaux, et le
payement desquels intérêts se fera de quartier ou de
six mois en six mois au choix dudit Conseil cy-après
nommé.
Les différents termes que j'apporte au payement des
legs cy-dessus ont pour motifs la nature des biens de
ma succession qui seront composés pour la plus part
de recouvrements qui ne pourront tous être faits avec
la même facilité et la même célérité.
TESTAMENT DE SLODTZ. I79
J'institue mes légataires universelles par égalle portion
lesdittes Marie-Angélique Slodtz » Marie-Julie Slodtz ,
Madelaine-Michelle Slodtz, et Marie-Jeanne Slodtz»
mes nièces , auxquelles je donne et lègue tous mes
biens , droits et actions mobiliers et inmiobiliers qui
m'appartiendront au jour de mon décès, pour en jouir
par elles en toute propriété du jour de mon décès, à la
charge des legs particuliers cy-dessus spécifiés.
Mais comme les biens que mesdites légataires uni-
verselles ont recueilly des successions de leur père et de
mon frère Ambroise , Paul-Ambroise Slodtz, sont plus
que suffisans pour leur donner un entretien et une
éducation honnête, j'entend que tout ce qui composera
ma succession , excepté les objets cy-dessus spécifiés et
légués en nature, et sauf les payements dans les termes
cy-dessus déterminés des capitaux, intérêts et arrérages
de rentes viagères aussy cy-dessus légués , soit em-
ployé et remployé au proffit de mesdites légataires uni-
verselles , à mesure des recouvrements ou rembourse-
ments , qu'il en soit usé de même pour la portion de
mes légataires universelles dans le legs particulier
auquel elles sont cy-dessus appellées, et que les revenus
du tout de ceux desdits employs ou remploys soient
joints aux recouvrements ou remboursements subsé-
quents pour en être conjointement fait employ, soit à
mesure des recettes, soit de six mois en six mois, ou
d'année en année, suivant que l'estimera le Conseil
après nommé , le tout jusqu'aux majorités ou mariages
respectifs de chacune de mesdittes légataires universelles,
à mesure desquelles elles jouiront séparément par elles
ou leurs ayant-cause , de leurs portions dans lesdits
legs universels et dans ledit legs particulier , tant en
fond qu'en revenus , lors échus ou à échoir , et les
employs et remploys des revenus et recouvrements ne
continueront d'être faits que pour les portions des
igo TESTAMENT DE SLODTZ.
autres, et ainsy successivement jusqu'à ce qu'elles
soient toutes majeures ou mariées.
Et jusqu'à ce qu'elles ayent aussy toutes acquises leur
majorité ou qu'elles soient toutes mariées , les biens,
deniers et revenus de ma succession qui composeront
lesdits legs universels et particuliers , soit pour le tout ,
soit pour les portions de celles qui ne seront pas encore
ny majeures ny mariées , seront régis , gérés et admi-
nistrés par un Conseil, composé, savoir : M. Chauveau,
père , architecte , doyen des experts entrepreneurs , mon
cousin germain , et à son deffaut, M. Chauveau , son
fils, avocat en Parlement, de M. Legnel , marchand
drappier, rue du Petit-Pont, aussy mon cousin, de
M* Lambo , notaire, rue Saint-Honoré, et de M* Blaye,
procureur au Chatelet , dont les bons offices pour la
famille et particulièrement ceux dudit sieur Blaye pour
lesdits mineurs Slodtz , me persuadent qu'ils voudront
bien se charger de cette fonction , avec laquelle et in-
dépendamment d'icelle je désire qu'ils exercent chacun
les fonctions de leur ministère respectifs, selon qu'il
y aura lieu , sans qu'il puisse en être induit d'in-
compatibilité ; pendant la durée de laquelle adminis-
tration seront faits de ra\'is desdits sieurs ou au moins
de trois d'entre eux , et sur les quittances et par les
mains dudit sieur Lambot, tous les recouvrements,
employs et remploys , tant des fonds que des revenus ,
ainsy que les payements de mes dettes , et legs , et les
remboursements, sans que la dame veuve Slodtz, ses
parens ou les miens, ny autres personnes, puissent en
quelque cas , ou en quelque qualité que ce soit, faire
ou prendre lesdittes gestions, administrations et percep-
tions, excepté mondit sieur Chauveau père , ou mon
dit sieur Chauveau fils et mondit sieur Legnel , mes
cousins. Voulant au surplus que les sieurs Conseils
règlent tous les objets de comptes ou discutions qui
pourraient se trouver . soit entre mes présomptifs hérî-
TESTAMENT DE SLODTZ. l8l
siers , ou légataires , soit avec toutes personnes avec
qui ma succession pourrait avoir à régler quelques
comptes ou droits , activement ou passivement , comme
aussy que lesdits sieurs Conseils se choisissent les per-
sonnes qu'ils croiront à propos pour remplacer ceux
d'entre eux qui, pendant l'administration , cesseroient»
par mort ou autrement , d'y participer , et de même que
ledit sieur Lambot, ou la personne qui luyauroitété
subrogée par ledit Conseil, dans le cas cy-dessus prévu
et relativement aux opérations dont je l'ay cy-dessus
engagé de se charger , puissent au sujet donner à ceux
qu'ils choisiront les pouvoirs particuliers qui seroient
nécessaires. L'établissement et la forme que je prescris
desdits Conseils et administrations sont une condition
inhérante audit legs universel et que je veux être
exécuté sans qu'elle puisse être contredite par les léga-
taires universelles, leurs tuteurs, ny qui que ce soit,
autrement ledit legs universel nauroit point lieu,
et les biens le composant appartiendront, et je les lègue,
audit cas , à mes héritiers naturels.
Je veux que les parts de mes légataires universelles
dans les fonds et revenus , tant dudit legs universel que
de leur legs particulier et remploys d*iceux, ne puissent,
en cas qu'elles décèdent ou aucunes d'elles en minorité
et sans postérité , être recueillyes dans leurs successions
par laditte dame leur mère : mais que lesdittes parts
en fonds et revenus , échus alors et à échoir, passent ,
audit cas , par égalle portion à celles d'entre elles qui
survivront , et ainsy de suitte à chaque décès d'elles
arrivant en minorité et sans postérité , les substituant
à cet effet, audit cas seulement, les unes aux autres.
Arrivant le décès desdittes Marie-Jeanne Loison,
Guillaume Loison et Gabriel-Charles Loison , ou de
l'un d'eux en minorité et sans postérité , toutes fois
après mon décès, les legs cy-dessus faits et qui se trou-
veront revenir aux décédés , appartiendront aux survi-
l82 TESTAMENT DE SLODTZ.
vans d'entre eux et de laditte Anne-Marie Loison , leur
sœur , avec les revenus desdits legs lors échus ou à
échoir , les substituant quant à ce les uns aux autres »
ledit cas avenant seulement.
Pareillement, arrivant le décès de laditte Marie-
Antoinette Deunel en minorité et sans postérité , aussy
après mon décès , son legs cy-dessus et les revenus
d'iceluy échus et à échoir appartiendront pour un tiers
audit sieur Van Falens , pour le second tiers à laditte
demoiselle Van Falens , et pour le dernier tiers , par
égalles portions, aux dittes Anne-Marie, Marie-Jeanne ,
Guillaume et Gabriel-Charles Loison, ou à ceux d'entre
eux qui existeraient audit décès de laditte Deunel, à
laquelle à cet effet et audit cas cy dessus seulement , je
substitue les susnommés , suivant la répartition cy-
dessus.
Je veux , nonobstant les différentes reversions cy
dessus exprimées dans les cas y prévus, qu'il soit dans les
contrats de mariages de ceux de mes légataires univer-
selles , ou desdits Marie-Jeanne , Guillaume et Gabriel
Gabriel-Charles Loison , ou enfin de laditte Deunel ,
qui viendraient à se marier en minorité , stipulé toutes
espèces de conventions quand même elles dérogeroient
à l'effet et exécutions desdittes réversions.
Je prie ledit sieur Legnel de se charger de l'exécution
de mon présent testament ; j'espère qu'il voudra bien
ne pas refuser ce bon office à ma famille. Je le prie
d'accepter en reconnaissance mes deux flambeaux de la
façon de Monsieur Roè'tiers.
Je révoque expressément tout testament, codicille
et autres dispositions de dernières volontés que j'ay
pu avoir faits avant ce présent testament que je veux
seul être exécuté.
Fait à Paris , le vingt-cinq septembre mil sept cent-
soixante-quatre , signé : René-Michel Sladtz.
TESTAMENT DE SLODIZ. l83
Je désire qu'en cas que M* Blaye cesse , par mort ou
autrement , de faire partie du conseil que j'ay nonmié
par mon testament cy-dessus , ce soit M* Barré , l'aîné ,
son confrère, et qui a ma confiance, qui luy soit
subrogé dans cette fonction de conseil, à Paris, ce
vingt-trois octobre mil sept cent soixante-quatre, signé:
Rènè-Michel Slodtz.
Sur l'enveloppe tst écrit: ce papier contient mon
testament que je prie M* Lambot , notaire , de remettre
à M* Legnel , mon parent , après mon décès. Signé :
Rénè-Micbel Slodtz.
En marge de la première page dudit testament est
écrit : Vu au greffe des insinuations du Châtelet , du
trente octobre mil sept cent soixante-quatre , signé :
De LobeL
En fin dudit testament est écrit : ControUé à Paris ,
le trente octobre mil sept cent soixante-quatre , reçu
vingt-six livres, signé: Langlois,
Au-dessous dudit codicile est encore écrit : Controllé
à Paris , le trente octobre mil sept cent-soixante-quatre,
reçu treize sols , signé : Langlois,
Lesdits testament et codicile et leur enveloppe, signés
et paraphés ont été déposés pour minute à M' Lambot ,
Tun des notaires à Paris soussignés, de l'ordonnance de
M. le Lieutenant Civil audit Châtelet portée par le
procès-verbal de l'ouverture par luy faite en son hôtel
desdits testament et codicile, en datte du vingt-sept
dudit mois, sont demeurés en la possession dudit
M* Lambot . notaire, qui a délivré ces présentes, ce
jourd'huy trente octobre, mil sept cent soixante-quatre,
signé : Lambot, avec paraphe. En marge est écrit : scellé
ledit jour et an.
Pardevant les conseillers du Roy, notaires auChfttelet
de Paris, soussignés, fut présent sieur René-MicM
Slodtz, connu dans le monde sous le nom de Michel
184 TSSTAJCBNT DE SLODTZ.
Ange, dessinateur du Cabinet du Roy et l'un des
membres de son Académie royalle de peinture et de
sculpture , demeurant à Paris , grande rue du faubourg
Saint-Honoré , près la Madeleine de la ville TEvique,
trouvé par les notaires soussignés , au lit , malade de
corps , en une chambre au premier étage de la maison
où il demeure , appartenante à M. Pemel et ayant vue
sur la cour et face du jardin de laditte maison, mais
sain d'esprit, mémoire et bon jugement, ainsy qu'il est
apparu auxdits notaires soussignés par ses discours et
entretiens.
Lequel, dans la vue de la mort, a, par forme decodi-
cile dicté et nommé aux notaires soussignés ce qui
suit :
Je déclare avoir, le vingt-cinq septembre dernier, fedt
mon testament olographe, que je veux être exécuté, à
l'exception de ce qui va y être par moi changé et dérogé
par mon présent codicile.
Je donne et lègue à M. Brenel, sculteur, mon élève,
tant pour le payer de ce que je puis lui devoir pour
ouvrages, dont je le dispense de justiffier, qu'en recon-
naissance de son attachement à mes ouvrages et à
moy-même, la somme de mille livres à une fois payer.
Je désire que mon exécuteur testamentaire fasse
accepter à M. Brenel, père dé celuy-cy dessus nommé,
pour les gravures qu'il a faites sur ma vaisselle la somme
de deux cent quarante livres.
Je donne et lègue à M. Houdon qui, depuis huit ou
neuf ans , travaille en architecture sous moy la somme
de huit cent livres à une fois payer.
Je donne et lègue au nommé Noël, manœuvre, qui
a cessé de me servir depuis environ deux mois, la
somme de cent livres , aussy à une fois payer.
Je déclare devoir à M. Chauveau père, les honoraires
de plusieurs règlements de mémoires pour les succes-
sions de mes frères et pour moy, desquels il ne m'a
TESTAMENT DE SLODTZ. l85
jamais voulu dire ny recevoir le montant , et je désire
que mon exécuteur testamentaire lui fasse [accepter]
pour le payement et reconnaissance de ses bons offices
à ce sujet la somme de six cent livres.
Je donne et lègue à M. Chauveau, son fils, avocat en
parlement, mon bassin à barbe, les deux boëtes et le
marabout qui en dépendent, le tout d'argent, le priant
de continuer à ma famille ses conseils, et les bons
offices dont je Tay par mon dit testament prié de se
charger.
En cas que M. Dominique-François Slodtz, mon
frère, vienne à décéder avant moy , j'entends que le
legs que je luy ay fait par mon dit testament, passe à
mon neveu Van Falens pour un quart, à demoiseUe
Van Falens sa sœur, pour un autre quart et Mesd
moiselles Slodtz, mes quatre nièces mineures , pour les
deux autres quarts conjointement , leur faisant audit
cas don du legs par moy fait audit sieur Dominique-
François Slodtz , pour par lesdits sieur et demoiselles
Van Falens et demoiselles Slodtz, mineures , en jouir
et disposer suivant la distribution cy-dessus de la même
manière que les autres legs que j'ay fait à chacun d*eux
par mondit testament.
Quant à la rente viagère que j'ay par mon dit testa-
ment légué audit sieur Dominique-François Slodtz,
s'il me précède, j'en tend que la ditte rente demeure
éteinte et ne fasse point partie du legs éventuel que je
viens de faire à mes dits neveux et nièces ; j'entend que
l'on ne puisse imputer et déduire aux sieurs et demoi-
selles Loison et à demoiselle Deunel, mes petits-neveux
et nièces sur les legs particuliers que je leur ay faits par
mondit testament, ny répéter contre eux autrement,
les sommes que je puis avoir payées ou avancées pour
eux et en leur acquict , pour leur subsistance, pensions
et entretiens, au-delà toutes fois des sommes dont je
la'
l86 TESTAMENT DE SLODTZ.
pourrois avoir moy-même à leur compter, leur faisant
remise, don et legs de tout ce qu'ils pourroient me
devoir à ce sujet au-delà desdittes sommes dont je puis
moy-même leur être comptable.
Je prie M. Legnel, mon exécuteur testamentaire, de
se charger aussy de l'exécution de mon présent codicile.
Je confirme au surplus mondit testament en tout ce
qui n'y est pas dérogé par mon présent codicile.
Ce fut ainsy fait , dicté et nommé par ledit codicillant
auxdits notaires soussignés , et ensuite à lui par l'un
d'eux lu et relu , qu'il a dit avoir bien entendu et y
persévérer , à Paris ; en ladite chambre susdésignée ,
l'an mil sept cent soixante-quatre , le vingt-trois octobre
à une heure et demie de relevée , et a signé avec lesdits
notaires la minutte des présentes demeurée à M* Lam-
bot, notaire, qui a délivré ces présentes cejourd'huy
trente octobre mille sept cent soixante-quatre; le tout
demeuré audit M" Lambot, notaire. Signé : Lambot ,
avec paraphe. En marge est écrit : scellé ledit jour
et an. Au bas est écrit : Insinué à Paris , le six
avril, mil sept cent soixante-cinq, reçu pour le droit
d'insinuation des testament et codicile , neuf cent
soixante dix-huit livres dix-huit solz, et pour le centième
denier , cent quatre-vingt-deux livres , et trois livres
pour frais.
Signé : Le VACHER, pour De LOBEL.
TABLE ALPHABÉTIQUE
"DES ::^0A1S T>E PERSONNES
p.» aigniilc peintre ; se., sculpteur ; arch., architecte ; gr., graveur).
Adam ( Lambert • Sigiabert et
Nicolas - Sébastien) , se., 38,
85. 95*97» «o»-
Agnesi (Marie-Gaétane d'), 15.
Aguesseau (Henri-François d*) ,
chancelier , 15.
Aliamet (Jacques) , gr.. 79.
Allegrain ( Gabriel-Christophe ) ,
se., 47.
Andrieux , 17a.
Anguier, (Michel), se., 16.
Anhalt-Dessau (la princesse d'), 1 5
Antin (le duc d') , 1 ) , 83 , 84 ,
100, 101.
Argental (le comte d') , 73.
Ai^ntières (marquis d'/. 156.
Argenville (d'), voy. Dcuilier.
Armenonville(M. et M**d'), 165.
Asselineau (Charles) , 14.
Audran (les) , gr. 9.
Aumont (le duc d'), 106.
Auvergne (le cardinal d'), 31.
Ajen (le duc d'), 164.
Bacari (Louis-Antoine), se, 44i 35
Bachaumont (Louis) 12.
Bachcley (Jacques) , gr. 79.
Bachelier (Jean- Jacques) , p. 40 ,
41-44. 70
Bacon (François), 59.
Bareau (Mme) , f^o.
Bargeac (hi Barjac , 137.
Bamage , prévôt àt» marchands
164.
Barré, procureur au Châtelet, 183
Basan (Pierre-François), gr., 34.
Beaudemont (M. Emile) , 62.
Bay de Curis (M.), 138.
Belle, avocat en Parlement , 23,
150.
Belle ( Clément - Louis - Marie -
Anne), p. 136, 149, 150.
Belle (Mïno), 149.
Bcrruer (Pierre), se., 110
Berryer (Nicolas-René), lieutenant
de police, 72, 73.
Betzki (le général), 76. 78.
Bienainié(M. P.-Th.),3a.
Bièvre (le marquis de) ,17.
Bignon ( l'abbé ) , garde de la
bibliothèque du Roi , 75.
Blamont (Colin de) , \oj. Colin.
Blsye , procureur au Chitelet ,
180, 183.
Blondel d'Azincourt, amateur, 79.
BofTrand (Germain) arch. ,131
Boisseau ,173.
i88
TABLE
Bombarde (M. de), 13, 64,
71» 74.
Bonneval (Michel dej , intendant
des menus-plaisirs , 105-107 ,
«29. 135. »37» 139-
Borromini ( Francesco ) , arch . ,
140, 142.
Bossut ( Charles ) , mathéma-
ticien , 15.
Bouchardon (Edme), se, 13, 16,
a8, 34, 37-39. 43. 48-52, 54,
56-58 , 69 , 71 , 83-101 , 102-
103, 105, i73-'74-
Boucher (François) , p. 49 , 75 ,
80, 81, 100.
Bouret(M.), 138.
Bourgogne (le duc de) , 130.
Boze (Claude Gros de) , érudit ,
94, 107.
Brenel, se, 184.
Brochant, amateur, 35.
Buflfon (Jean-Louis Leclcrc, comte
de), 15.
Bustel , sc.,91, 99.
Cabaret, (M*), notaire, 24.
Cambeau , 171.
Camu-Didier, 173
Candji, docteur arabe, 156.
Cars, (Laurent), gr., 30.
Cathelin Louis-Jacques), gr., 79.
Caylus (la marquise de), 43
Caylus (ie comte de), 13, 15, 17,
25-84, 88, 99, 117-118, 121,
143, 151-168.
Caylus (le chevalier de), 166.
Cazes (Pierre-Jacques), p., 101.
Chamfort , ( Sébastien- Roch-Ni-
colas), 13.
Champfleury, (Jules-Fleury-Hus-
son, dit), 63.
Chardin (J.-B. Siméon) , p. 101.
Charpentier, gr., 110.
Châtelain, gr , 148.
Châtelet , (la marquise du), 15.
Chauffard, gr. 149.
Chaulnes (la duchesse de), 15.
Chauveau père, arch., 180, 184.
Cbennevières (le marquis de), 88.
Chenu, gr.,79.
Chevreuse (le duc de) , 56.
Cindré (Lenoir de), 136, 137.
Clairon ( MOa j, 136.
Clermont (le comte de), 17.
Clicquot , 169, 173.
Clicquot-Blervache, 173.
Cochin père ( Charles- Nicolas) ,
gf.i loa.
Cochin ( MQ«), 148, 150.
Colin de Blamont, 101.
CoUin de Vermont (Hyacinthe) ,
p. 101.
ConUt(MU«) 14.
Conti (le prince de), 17.
Corneille (Pierre) , 59.
Coquebert, 172.
Coustou , père (Guillaume), se.
59, 40, 69. 93-93.
Coustou, fils (Guillaume), se. 60.
Coypel (Charles-Antoine) , p. et
gr., 16, 31, 32, 65, 89, 160,
167.
Crébillon (Prosper Joliot de), 16.
Gros (M Henry), 69.
Daullé (Jean), gr., 75-78.
David (Emericj , 46.
David (François-Anne), gr., 79.
Daztncourt (J . J --B.) (Albouis dit)
14.
DeliUe (l'abbé), 95.
Delisle (M. Léopold), 12.
Delobel, 183^ 186.
Descamps (Jean-Baptiste), p. 1 50.
Desfriches f Aignan-Thomas) , p.
et gr., 10.
Deshays (Jean • Baptiste-Henri) ,
p., 110.
Desmaze (M Charles), 62.
Deunel, 177-178.
Deunel (Marie-Antoinette) , 1 78.
ALPHABETIQUE.
189
Dezallier d'Argemrille (Antoine-
|ofepb),ji, j6, 90.
Diderot (Denis) , 15. 3a, 34, 37,
4a» 43, 45» 47» 59.6» .62,
67.751 7^. 781 79.81 , 89,
92, loi, 108.
Dionis du Séjour, 15.
Doudeauville , 157.
Dojren (Gibriel-François) , p. 43.
DréolledeNodon(M. Ernest), 62.
Duclos (Charles-Pineiu), 16, 50.
Dumesnil (M. Jules), 10.
Dupltquet , 62.
Duplessts (M. Georges), 62, 65.
Durand, (Marie-Madeleine), 166-
«77
Durct, gr., 79.
Dussieux (M. Louis), 143.
Eisen (Charies), gr., 9.
Elisabeth fia Czarine) , 143.
Elisabeth-Thérèse, de Sardaignc,
129.
Ellesmere (lord) , 88.
Elmann, voy. Helmann.
Escour(M. d'), 165.
Espagne (Marie-Thérèse d'), 129.
Evèque (K), voy. Lévéque.
Fabre(M. Marc), 24.
Falconnet (Etienne-Maurice), se,
58» 59. 63, 97. »o8.
Fénelon (le chevalier de), 17.
Fessard (Etienne) gr,, 75.
Ficquet (Etienne), gr., 79.
Fiquet (Joseph), 176-177
Fleuri , 166.
Fleuri (\t cardinal de) , 81, 95 ,
«37.
Fontaine-Malherbe (Jean) , 110.
Fontenay (l'abbé de) , 81 , 85,
101, 141.
Forcalquier (M. de), 156.
Fréron (Elie-Catherine), 70.
Gabriel ( Jaoquet-Ange ) , arch..
60, 109.
Gaucher ( Charies-Etienne ), gr.,
79-
Gautier (Théophile;, 7,
Geoffirin (M"*), 77, 106, 1 17.
Germain (Thomas;, orftvre, 140.
Gestas (le comte H. de), 172
Gesvres(le duc de), 164.
Gilon, 176-177.
Girardin (M.), 69.
Girardon (François), se, 127.
Gleon (la marquise de), 17.
Glomy , 3>.
Godefroy (Jean), gr. 79.
Goncourt ( MM. Edmond et
Jules de), 8, 10, 12, 13, 16,
28, 62, 79, 113.
Gouguenot (l'abbé Louis), 59, 72.
Grandjean (M.), 164.
Gresset (Jean-Baptiste-Louis), 13.
Grosbert (le colonel ) . 39.
Guibert , gr., 79.
Guiffrey , (M. Jules) , 113, 114.
Helmann ( Isidore - Stanislas . .
g»*-. 79.
Hénault (le président) , 50, 157
Henri IV, 104.
Hesse-Rinfels ( la princesse de ; ,
129.
Homère, 95.
Horthemels (Frédéric), gr., 149.
Houdon (Jean-Antoine), 184.
Houssaye(M. Arsène), 7.
Hypatie , 15.
Jessaint (le baron de), 172.
Jombert (Charles-Antoine) , 10 ,
80.
Joubert du Bosc, 15.
Joullain fils (F.-C.), 65.
Julien, gr., 79.
La Borde (de), banquier, 139.
190 1
Udittc (FnncoU} , «c., 95.
Ujouc (JwaiuM), p. M"-
LiUw(M. ilïU).âm»ttur, i<j.
Umbot, noMJK, l$o-iBt. iBj,
m.
U Mothe (de), léj.
Lingloii, iS).
Lwgoit di Gcrgy (l'»bb*] . 90.
La Pérenie dcj, ihirurçiea , 80.
L«toi)r(Miurice-Qiientinde), 6t.
Uungujii [!ï comte de), 17.
Lâurtnt[Andr*], jf., 79.
Uï.]ette MH« de) , 17.
Lnillière (le duc de) , 17, 157.
Lcbu (Jiequei-Philippe), gr.,
9. .0, 78-81.
l^hlinc l'obb*), 9.
LeBlinc(M. Charlei), 16, 76.
Lebrcton (André-Fnnçoi») , im-
primeur, ij.
Leeointe (k Père), 34,
Lefébvre, imdeur, 136
Legeij, ireh., Ml>
Le|;nel, lSl-181. 1S3 . i86-
Legrind ( Jicquei Guîlliunie ) ,
Leiomtn (Louii) , p.. 7S> '*}•
Lemiire, gr,, 79.
Léinery{Nico1u), chimiste, 16S.
Leroire {Nicole) , gr. 79.
Lemoinc (François) , p., 16, 60,
79. 9'.9î.95. ">î. lï'-
Lempereur (I.ouii-Simon), gr.,
97-
Lenoir de Cindr* , loy. Cindr*.
Le Normand de Tournehem , 9,
j.. 65. 10..
Léonard de Vinci, 14, i;.
Lépici*(Bern»rd), p. 47. '<"■
Le Romain ingénieur , 90.
Le Roj (Julien-D«Tid), irch,,
78, 79-
Lesctr (l'tvéque deV IJ3.
I Leiucur (EuitochcJ, p. 45.
Leracber, 186.
L£*tque, i^, 139.
Lbomme, nouirc , j;, 14, 150.
Libri (Guillaume}, l<>6.
Lignerac (de), 64.
Loiwn (Jein-Biptiate). I77-I78-
Longepierre (le biren de], 163.
Longuiil (Joirpli de), gr., 79,
Loriot ( Antoine-Joiepb) , inven-
MabillelM.), 13.
Macquer (nerre-Joieph), ij.
Maillet du Boulay, 130.
Majtult , cbjmiite, 40, 69.
Miiciherbet (Cht^ticn-Guilliumi
l..mi5ignon de) , 15, 71, 73.
Milhcrbe (Franfoit), 15.
Malceuvre, gr. 79.
Minny (M. de), 153.
Mariette ( Pierre- Jean ), 3} , 3J
j9.4S.46.55.j6. 77.84.85.
8B, 117, i>8, 117.
Marignj I le mitquia de ) , 9. t K
47. 49. 5". 65, 95. 96, 109-
113, 115-iao, 131-114, 14^
NUrmomcl (Je-n-Françoi,) , 17.
106, ni.
Martial, pottc latin, ly.
Martinet (M.-F.-N.), gr,, 117
Martini, gr., 79.
Mat<)uelier{Claude-Loui>J, gr.
79-
Maurepti (le comte de), 64, l«4<
MaurepM{M"* de), ij6.
Mciuonnier ( |uat-Aurè1e ) , p.
•c. et arch., I40, 143.
Mtlot , 43.
Micbaud (biographie) , 18.
Michel, [35.
Michel-Ange, ij, 30.
Mignird (Pierre), p., 16.
Mircpoii (r*v*qu* de), 164.
ALPHABéTIQtlE.
191
Moncrif (Françoin-Aagustin Pa-
rêdt$ de), 15, 16.
Monnot, notaire, 150.
Montaiglon ( M Anatole de),
87, 88.
Montenault (de) , 72.
Montesquieu ( Charles de Se-
condât , t>aron de) , 15.
Montesson (M"* de), 153.
Montmorin (M. de), archevêque
de Lyon ,31.
Mopinot (M. de), 48
Moreau (les), gr., 9.
Moreau ( Jean • Michel , dit le
jeune), gr., 79.
Morville (MUede), 165.
Naigeon (Jacques-André) , 46.
Navarre (M. de), 156.
Née (François-Denis) , gr., 79.
Nerval (Gérard de). 7.
Newton, 15.
Noël , manœuvre, 184.
Oppenord (Gilles-Marie) , arch.,
141.
Orléans (le duc d'), 102.
Orré , entrepreneur de maçon-
nerie , 109.
Oudry (Jean-Baptiste), p., 72.
Paciaudi(LePère), 18,43,71,73.
Pernety (dom), 42, 69.
Pemcl, 184.
Pcrot, p. d'arcb., 128.
Perrault (Charles), 162, 166.
Perrier , commis des bâtiments ,
124, 126.
Philippe V , roi d'Espagne, 129.
Pierre (Jean-Baptiste-Marie), p.,
37,38. 4». 47-
Pigalle ( Jean-Pierre ) , se., 48 ,
5a-54, 57-^».67, 7«.93>97»
102, 103 , 108 , 121 , 131 ,
169-171, 173.
Pigantol de la Force, }6 , 90.
Pineau, se., 140.
Polignac (le comte de), 17.
Pommery (M. et M"* de) , 154.
Pompadour ( la marquise de ), 9,
13, 72, 113, 114
Ponsardin. (le baron), 172
Porée (le Père), 158.
Potain, arch., 142.
Puizieuz (de) ,164.
Quesnay (François. , 80.
duinault ' M>1«), 16, 167.
Raphaël, 15.
Reboul, 46.
Regnaudin (Thomas) , se. 16.
Remy (Pierre), expert, 110,
Richelieu (le duc de), 106 , 164.
Rigaud (Hyacinthe), p., 100.
Rigaud(J..J.), 70.
Rigoley de Juvigny ( Jean-An-
toine), 68
Riland, gr., 79.
Roëtiers, orfèvre, 18a.
Rohan (le cardinal de), 93.
Ronsard (Pierre de), 15.
Roslin (Alexandre) , p., 75
Rouquet, p. en émail, 70.
Rousseau (Jean -Jacques) , 15 ,
108.
Rubens (Pierre-Paul) ,15.
Sade (M. de), 156, 161, 16a,
166.
Saint-Florentin (le comte de), 50,
51,36, 106, 124.
Saînval ( MHa j, 14.
Salley, 16.
Saly (François-Joseph) , se , 65.
San Severo (le prince de), 7 1 .
Sartines (M. de), 106.
Shakspeare, 107.
Sindisant (de), 137.
192
TABLE ALPHABETIQUE.
Sivry (de), 164.
Slodtx (les frères) , se., 12, 14,
27-29,32-56, 49. 60, 71, 88,
91,97, 100, 113.133, 175186.
Socit(MO«). 166.
Soleinne (M.), 162.
Souf!]ot(Jacques Germain), arch.,
9,32, 60, 109, 111-112, 117,
119, 120, 142.
Stiémart (François) , p , 100.
Strange (Robert) , gr., 79.
Surgères (M. de), 165.
Sutaine, 172.
Taîne (M. Hippolyte), 18.
Tarbé (M. Prosper), 48. 53.
Tardieu (les) , gr., 148-130.
Thiéry, ?6.
Thomas (M ), notaire, 24.
Travenol (violon de l'Opéra), 68.
Tremollicre (Pierre-Charles) , p.,
16.
Tressan (M, de), 156.
Troubetikoî (la princesse de), 75.
Troy (les de), p., 9.
Troyc (Jean-François de), p., 100.
Turgot, 15.
U«anne(M. Octave), 17.
Vanclève (Corneille;, se, 16.
Vanfalens ( Charles ) , p., 133 ,
Vanfalens (Louis), 176-177, 182.
185.
Vanloo (Carie), p., 37, 38, 67,
69, 100.
Vassé f Louis Claude), se., 34-37,
45. 49. 50-53. 55. 56, 58.
60-65.
Vendôme (le grand prieur de), 1 6.
Vergy (Gabrielle de) , 153 , 154.
Viella(M. de), 152.
Vien (Jean-Marie) , p., 40 , 45 ,
67,69.
Vien (Madame), p., 67.
Villars (M. de), 155.
Villars (la maréchale de), 156.
Villeroy (la duchesse de), 17.
Voîsenon (l'abbé de) 16.
Voltaire, 15, 68, 160, 163.
Watelet (Claude-Henri) , littérat
et dessin , 43.
Watteau< Jean-Antoine j, p., 16
Wille (Jean Georges), gr., 75, 76.
Wouwerman (Philippe), p., 133.
TABLE DES MATIÈRES.
Pages
Introdoction 7
Anecdotes sur le comte de Caylus 25
Remarques 67
Anecdotes sur Bouchardon 83
Remarques 100
Anecdotes sur René-Michel Slodtz 1 13
Remarque ia6
Anecdotes sur Sébastien-Antoine Slotz et Paul-
Ambroise Slodtz 127
Remarques 1 35
Appendice 145
Testament de Cochin 147
Catalogues de manuscrits du comte de Caylus . 1 5 1
Lettres de Pigalle et de sa veuve 169
Lettre de Bouchardon 173
Testament de Slodtz 175
Table alphabétique 187
ULU. — IMP. L. DAMIk.
PUBLICATIONS
DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE L'ART FRANÇAIS.
Nouvelles Archives de f Art français, recueil de docu-
ments inédits.
Année 1872 (i** année) , prix du volume pour les non-
souscripteurs 25 fir.
Année 1873 (2* année) 20 fr.
Année 1874-75 (3* année) 20 fr.
Année 1876 (4» année) 15 fr.
Année 1877 (5* année) i5 fr.
Année 1878 (6* année) iS fr.
2* Sérib.
Année 1879-80 (7* année) t. VII i5 fr.
Procès-verbaux de t Académie royale de peinture et de
sculpture (1648-1792), publiés, avec l'autorisation de
M. le Ministre de l'Instruction publique , d'après les
registres originaux conservés à l'Ecole des Beaux-Arts :
1* volume, 1648-1672 10 fr.
2* volume , 1673-88 10 fr.
Le troisième volume paraîtra dans le courant de
l'année.
Les Comptes des Bâtiments du Roi (1528-1571) , suivis
de documents inédits sur les châteaux royaux et les
beaux-arts au XVI* siècle , recueillis et mis en ordre par
le marquis Léon de Laborde , 2 vol. in-8 25 fr.
Mémoires pour servir à fhistoire des Maisons royales
et Bastimens de France, par André Félibien, publiés
pour la première fois d'après le manuscrit de la Biblio-
thèque Nationale ; 1873 8 fr.
Ces treize volumes, tirés à 3oo exemplaires seulement,
sont délivrés aux nouveaux membres de la Société, avec
le Bulletin trimestriel ( 1875-1876) qui ne se vend pas
séparément , pour le montant de la cotisation de sept
années , soit 140 fr.
COLLECTION
DE TRAVAUX SUR L'ART FRANÇAIS
PUBLIÉS PAR LES AUTEURS SOUS LE PATRONAGE
DE LA sociéré.
1 . Actes d'État-civil d'artistes français , peintres ,
graveurs, sculpteurs , architectes , extraits des registres
de l'Hôtel-de-Ville de Paris , détruits dans l'incendie du
24 mai 1871, par H. Herluison. 1 vol. in-8, tiré à 23o
exemplaires ; 1873 20 fr.
Le même ouvrage , papier de Hollande , tiré à 10
exemplaries 3o fr.
2. Lettres de noblesse et décorations accordées aux
artistes en France pendant le XVII* et le XVIII* siècles ,
par J..J. GuiFFREY. 1 vol. in-8 , 1873 (tirage à part, sur
papier de Hollande, à 5o exemplaires] 3 fr.
3. Notes et documents inédits sur les expositions du
XVIII* siècle , recueillis et mis en ordre par J. J. Guif-
FREY. i vol. in-12, papier vergé, tiré à i5o exemplaires ;
1873 10 fr.
4. Notice sur Jacques Guay, graveur sur pierres fines
du roi Louis XV , documents inédits émanant de Guay
et notes sur les gravures en pierres fines et en taille-
douce de la marquise de Pompadour, par J. -F.
Leturcq. 1 vol. m-8, sur papier vergé, avec 12 pl. repro-
duisant par la photogravure la plupart des œuvres de
Guay, tiré à 3oo exemplaires ; 1873 i5 fr.
5. Éloge de Lakcret par Ballot de Sovot, accompagné
du catalogue de ses tableaux et de ses estampes, de
notes et de pièces inédites , le tout réuni et publié par
J. J. GuiFFRET. 1 vol. in-8 avec frontispice gravé, tiré
à 200 exemplaires sur papier de Hollande; 1874. 9 fr.
Le même ouvrage, papier de Chine (10 ex.). 25 fr.
6. NoBL Le Mire et son œuvre , suivi du catalogue
raisonné de l'œuvre de son frère Louis Le Mire et de
plusieurs tables, avec un portrait à Teau-forte par
Gilbert , etc. , par Jules Hédou. 1 vol. in-8 tiré à 3oo
exemplaires sur papier de Hollande 25 fr.
Le même ouvrage , papier Whatman , avec double
épreuve du portrait 35 fr.
7. Livret de l'Exposition du Colisée { 1776) , suivi de
l'Exposition ouverte à l'Elisée en 1797 et précédé d'une
histoire du Colisée d'après les mémoires du temps ,
avec une table des artistes qui prirent part à ces deux
expositions (complément des livrets de l'Académie
royale et de l'Académie de Saint-Luc), 2i5 exemplaires
sur papier vergé 3 fr.
10 sur papier de Hollande 6 fr.
5 sur papier de Chine 10 fr.
8. Sébastien Le Clerc et son œuvre (1637-1714) par
M. Edouard Meauiœ. Ouvrage couronné par l'Acadé*
mie de Metz. 1877, grand in-8 de 338 pages, sur
papier vergé de Hollande, tiré à 205* exempl . . i5 fr.
9. La famille des Juste en Italie et en France par
Anatole de Montaiglon. 1876-1877, in-4 de 76 pages, sur
papier de Hollande, avec 14 figures dans le texte, tirage
à part de la Gazette des Beaux- Arts à 5o exemplaires
dont 3o seulement sont mis en vente 12 fr.
10. Notice sur Jacques Neilson, entrepreneur et
directeur des teintures de la manufacture royale des
tapisseries des Gobclins au XVIII* siècle par M. Albert
Curmer. 1878, în-8, tiré à i25 exemplaires 4 fr.
11. Jean Le Prince et son œuvre (1734-1781) par
M. Jules Hédou, ouvrage comprenant une notice bio-
graphique, k catalogue de Foravre de raitâte • le
de ton procédé de gia t me aa km ef nombre dedoco-
meots inédits , arec on pcmnît à reaa-farte par A.
GtLBKKT. 1879. 1 ToL in-8 , tiré à 3oo exemplaires sur
papier de Hollande. 20 fr.
Le même ouvrage sar pa|»er Whatman , arec doohk
^ l e u f e do pOTtrait, tiré à 5o esemjriaircs 3o fir.
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de visites et déclarations kites en exécution de Tédit do
mois de mars 1700, pobliés et annotés par M. J. J.
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N9îa. — Aux termes de Tart. XII des statuts » les
membres de k Société de l'Histoire de TArt français
fouissent d'une remise de vingt pour cent sur le prix
des ouvrages publiés dans cette collection, en adressant
directement leurs demandes au libraire de k Société.
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