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Full text of "Mémoire sur cette question: la précession des équinoxes a-t-elle été connue ..."

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I 



HARVARD COLLEGE LIBRARY 



BOUGHT FROM THE INCOME OF THE FUND 

BEQUEATHED BY 

PETER PAUL FRANCIS DEGRAND 

OF BOSTON 



MÉMOIRE 



SUK CETTE QUESTION: 



LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES 






. A-TELLE ÉTÉ CONNUE 



DES ÉGYPTIENS OU DE QUELQUE AUTRE PEUPLE 



AVANT HIPPARQUE? 



EXTRAIT DU TOME VIII, I" PARTIE, 



DES MÉMOIRES 



DE L'AGAI)RMIE DBS INSCRIPTIONS ET BELLES-LBTTHES. 



MÉMOIRE 

SUR CETTE QUESTIOiN: 

LA PRÉCESSION DES ÉQUINOKES 

A-T-ELLE ÉTÉ CONNUE 

DES ÉGYPTIENS OU DE QUELQUE AUTRE PEUPLE 
AVANT HIFPARQUE? 

PAR TH.-HENRI MARTIN. 



PARIS. 
IMPRIMERIE IMPÉRIALE. 



M DCCC LXIX. 



KiCfei- \io^.v»«\ 






J'ittftA'Xi. 



^0r3 AA^t* «</.^(^^t4^-^ 



PRESERVATION MASTB^ 



MÉMOIRE' 



SUR CETTE QUESTION : 



LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES 

A-TELLE ÉTÉ CONNUE 

DES ÉGYPTIENS OU DE QUELQUE AUTRE PEUPLE 

AVANT HIPPARQUE? 



INTRODUCTION. 

Dans ses savantes Recherches sur le calendrier égyptien, M. Le* 
tronne^ a montré que, dans ce calendrier, à côté d'une année 
vague de 365 jours, une année sothiaque de 365 jours i/4, 
réglée par le lever héliaque du matin de Tétoile Sirius ob- 
servé à Memphis, était considérée en même temps comme 
année tropique, bien qu à ce dernier titre elle fût un peu trop 
longue. Mais, ayant accepté, comme tQus les égyptologues 
avant lui, la fausse interprétation que Ghampollion avait 

* Ce Mémoire, préseuté en i864i a été * Nom», r$ch, sar le calendrier des an- 

retoucbé en i865, et quelques renvois à eiens Éjfptient^ sa natare» $on histoire et 

des publications plus récentes ont été son origine (Mim, de VAcad, des inscr. 

ajoutés dans les notes, en 1868, pendant t. XXIV, 3* partie). Mémoires I et II, 

Timpression. p. i-i23. 

Précession des équinoxes. i 



— 2 — 

donnée pour les signes hiéroglyphiques des saisons \ et induit 
en erreur par une phrase d'un papyrus grec*^, à laquelle il 
avait attribué une importance illusoire^, M. Letronne a eu le 
tort d'imaginer une année rurale égyptienne commençant 3o jours 
après i'équinoxe d'automne*, et une année sothiaqae commen- 
çant du 9 au 1 G octobre julien ^i tandis que, comme je le 
montrerai ailleurs ^ Tannée sothiaque des Egyptiens a tou- 
jours commencé à l'époque du lev.er héliaque de Sirius, époque 
peu éloignée du solstice d'été et du commencement de l'inon- 
dation, première saison de l'année égyptienne. 

Sauf la nécessité de corriger cette erreur sur le point initial 
de Tannée fixe, les autres conclusions principales des Re- 
cherches de M. Letronne subsistent dans toute leur force. Il 
reste certain, d'après les preuves données dans ces savantes 
Recherches, et malgré les arguments ingénieux d'un illustre 
contradicteur de M. Letronne ^, qu'une antique période égyp- 



' ' YoyezM.BruQSch^ Nouvelles recherches 
sur la division de Vannée des anciens Égyp- 
tiens (Berlin et Paris, i856, in-o'), et 
Matériaux pour servir à Vhistoire du calen- 
drier des anciens Egyptiens, partie théorique, 
S 11, n"i-vi» p. 3&-36 (Leipzig, i864, 
in-foî.); M. de Bougé, Travaux de M, Biot 
sur le calendrier et Vastronomie des anciens 
Egyptiem (Revue contemporaine, 3o no- 
vembre 1862), p. 279-283. et flurlout 
Note sur quelques conditions préliminaires 
des calculs qu'on peut tenter su9 le calendrier 
et les dates égyptiennes, lad à TAcad. des 
inscr. le 1*' juillet 186^1 et insérée dans la 
Revue archéologique, Aoni i864, p. 81-87» 
* Papyrus grecs des collections da Louvre 
et de la Bihlioth. imp. 1" papyrus, Traité 
d'astronomie d'après Eadoxe, colonne 23, 
lignes 5 1 6-5 18 (Notices et extraits des mss. 



de la Bibkoth. imp, t. XVIU, p. ji). Com- 
parez M. Letronne, Mém. II, p. '57-61. 

' Voyez M. B<Bckli, Ueher die vierjœh- 
rigen Sonnenkreise der Alten, vorzàglich den 
eadexischen» p. 197-206, et Beilage IV, 

p. 417-434. 

* Mém. III de M. Letronne, p. 1 38- 139. 

' Mém. II, p. 61, 78 et 124; Mém. m, 
p. i27-t3o. 

' Dans un mémoire , que je prépare, Sur 
le point initial, la constitution et Vhistoire de 
Vannée fixe des Egyptiens» 

^ Dans un mémoire précédent Sur la 
date historique d'un renouvellement de période 
sothiaque et sur Vcmtiquité de cette périodeen 
Egypte, j*ai confirmé les vues de M. Le- 
tronne, en montrant que les conjectures 
de M. Biot reposent sur une erreur maté- 
rielle. 



tienne de 1 46o années de 365 jours i/4 établissait la concor- 
dance entre Tannée sothiaque, considérée comme tropique, et 
Tannée vague de 365 jours *• 

De plus, M. Letronne ^ affirme qu'on ne trouve chez les an- 
ciens Egyptiens aucune notion, soit d'une année tropique 
plus courte et plus exacte que celle de 365 jours. i/4, soit 
d'une année sidérale plus longue que Tannée sothiaque de 
365 jours i/4 et distincte de Tannée tropique. Pour qu'il en 
ait été ainsi, il faut que les Égyptiens aient ignoré la préces- 
sion des équinoxes, comme M. Letronne* le déclare. 

Cependant, jusqu'à ce jour, des savants du premier mérite* 
ont persisté à prétendre que les Égyptiens, connaissant la 
précession des équinoxes, avaient, outre leur année vague et 
leur année sothiaque, une année tropique vraie et une année 
sidérale, et qu'une période distincte de la période sothiaque 
établissait pour eux la concordance de Tannée vague avec 
Tannée tropique vraie. 

Cette opinion changerait entièrement la signification du 
calendrier égyptien. Car alors, dans ce calendrier, Tannée 
vague de 365 jours. Tannée sothiaque de 365 jours i/4f la 
période de quatre ans pour Tintercalation d'un jour, et la pé- 
riode sothiaque de i46o ans pour le retour dû premier jour 
de Tannée vague au premier jour de Tannée sothiaque, au lieu 



* Voyez M. Letronne, Mém. II, p. 1 1 1- 
11 6. Comparez p. 45, Si -Sa et 99, et 
Mém. III, p. 1218*139. 

* Mém. n, S &, p. 91-1 lA* 

' Mém. II, S 5, p. iaa-ia3. 

* Voyez Ideler, HisL Untersuchangen 
àber die asiron. Beohachtungen der Alten, 
p. 89 et $uiv. (Berlin, 1806, in-8*) et 
Handbuch der Chronologie, I. I, p- ay; 
M. Lepsius, Chronologie der Mgypier, 1. 1, 



p. 196-198 et a 10, et M. de Bunsen, 
JEgyptem Stelle in der Weltgeschichte , i . IV, 
p. 76. Voyez aussi M. Uhlemann, Thoth 
oder die Wissenschfien der JEgypter, S 38 
et 4o, p. 316 et 227 (Gœttingen, i855, 
in-8*). M. Biot avait professé cette opinion 
jusquVn i845; mais, depuis oe temps, 
sans y renoncer expressément, il avait 
cessé de la reproduire. Voyez ci -après, 
chap. II, S 5. 



1 . 



_ 4 -^ 

d'être Texpression complète d'une connaissance très-imparfaite 
du temps solaire » n'exprimeraient que quelques éléments ac- 
cessoires d'une science exacte et développée, que les Egyptiens 
auraient possédée et à laquelle ils auraient donné une expres- 
sion moins connue, mais plus digne de l'être. S'il en était 
ainsi, la période sothiaque, malgré son importance théorique 
pour le calendrier, n'aurait joué dans la science égyptienne 
qu'un rôle très-secondaire, à côté d'une période tropique d'en- 
viron 1 5o6 années vagues de 365 jours, équivalant à 1 5o5 an- 
nées tropiques ^ 

Pour combattre celte supposition, et pour défendre ce point 
capital des vues de M. Letronne sur le calendrier et l'astro- 
nomie des Égyptiens, je vais montrer d'abord que la décou- 
verte de la précession des équinoxes a pu échapper à des 
observations très-prolongées , si ces observations n'ont pas été 
faites avec des procédés convenables, et si elles n'ont pas été 
guidées par un esprit vraiment scientifique. Ensuite. je mon- 
trerai que, dans ce que nous savons de l'astronomie des Egyp- 
tiens, il n'y a rien qui nous force à admettre qu'ils aient dû 
arriver nécessairement à cette découverte. Je montrerai en 
même temps que rien ne prouve qu'en fait ils y soient arrivés, 
et je prouverai qne le contraire est établi d*une manière cer- 
taine. 

Mais cette question ne peut pas se renfermer dans le cercle 
étroit des études sur l'Egypte. Car, s'il était prouvé que les 
Perses, les Ghaldéens, ou les anciens Grecs avant l'époque 
alexandrine, ou d'autres peuples qui ont eu des relations avec 
l'Egypte, eussent connu la précession des équinoxes, il sem- 
blerait difficile, sinon impossible, de refuser cette connaissance 

' Voyez M. Biot, Recherches sur Vannée vague des Egyptiens (Acad. des sciences , i. XIII, 
p. 674-689). 



— 5 — 

« 

aux Égyptiens, et de ne pas croire qu'ils Teussenl soit emprun- 
tée, soit trouvée et transmise. Pour trancher définitivement la 
question, même en ce qui concerne les Égyptiens en particu- 
lier, il faut donc prouver que cette connaissance n'a appartenu 
à aucun de ces peuples avant l'époque alexandrine : il faut 
prouver que cette grande découverte appartient bien réelle- 
ment à Hipparque, qui l'a tirée d'observations grecques com- 
parées avec les siennes propres; il faut montrer que celte dé- 
couverte grecque a eu contre elle, chez les Grecs postérieurs 
à Hipparque, les admirateurs de l'astronomie égyptienne et 
orientale, à laquelle la notion de la précession des équinoxes 
était restée étrangère. 

Nous pourrions nous en tenir là. Car, lors même qu'on 
prouverait que, dès avant l'époque d'Hipparque, les Chinois 
ou les Indiens eussent trouvé la précession des équinoxes, il 
n'en résulterait nullement qu'ils eussent transmis cette notion 
aux Chaldéens, aux Égyptiens et aux Grecs. Mais, comme nous 
sommes en mesure d'établir que, jusqu'après l'époque d'Hip- 
parque, les Indiens et lés Chinois, de même que les Chal- 
déens et les autres peuples de l'antiquité, se sont occupés d'as- 
tronomie à leur manière, sans découvrir la précession, et que 
cette notion n'est venue aux Indiens et aux Chinois que tardive- 
ment et de sources grecques, celte partie complémentaire de 
notre tâche viendra confirmer utilement la partie principale. 

Nous espérons, d'ailleurs, que l'ensemble de ce Mémoire, 
outré son utilité spéciale pour la connaissance du calendrier 
égyptien, aura l'avantage plus général de marquer la diffé- 
rence profonde qui sépare les longs tâtonnements astrono- 
miques des autres peuples anciens, de la voie scientifique et 
progressive dans laquelle l'astronomie est entrée par l'heureuse 
initiative de l'école grecque d'Alexandrie et de Rhodes. 



— 6 — 

La discussion sera grave et étendue, comme elle doit Tétre 
lorsqu'il s agit d'ane page importante de l'histoire de lesprit 
humain. En effet, dans cette question, Thistoire de lesprit 
humain dans la haute antiquité se trouve engagée. 11 s'agit de 
savoir si la science grecque alexandrine n'est qu'un reste, plus 
ou moins habilement élaboré, de connaissances antiques qui 
auraient appartenu aux Égyptiens et à d'autres peuples dans 
une sorte d'âge d'or de la science, ou bien si, au contraire, 
animée d'un esprit jusqu'alors inconnu d'investigation scienti- 
fique, et guidée par une méthode nouvelle, la science grecque 
a réalisé la première, en astronomie, un immense prc^rès, 
gage des progrès futurs, qui, préparés par les Arabes musul- 
mans, s'accomplissent et se continuent chez les peuples mo- 
dernes. 



CHAPITRE PREMIER. 

LA PRéCESSION DSS ÉQUINOXBS ET LA DIFFIGULTl^, POUR LES ANCIENS PEUPLES, 

DE LA DÉCOUVRIR. 

Commençons (S i) par exposer, le plus clairement que nous 
pourrons, de quoi il s'agit : disons ce qu'CvSt la précession des 
équinoxes, et par quels changements visibles elle se manifeste. 
Cela fait, nous expliquerons (S q) comment des peuples adonnés 
à l'astronomie ont pu voir, pendant des siècles, les efiFets com- 
plexes de la précession , sans les discerner et sans apercevoir 
l'existence, la nature et la loi de ce perpétuel phénomène. 

SI". 

Il est démontré, par l'observation sidérale et par la méca- 
nique céleste, que l'axe de rotation du globe terrestre, sans 



cesser de passer par les deux mêmes points de la sur£ace de la 
t^re, change perpétuellement de direction par rapport aux 
étoiles. En vertu d'un mouvement continu imprimé an globe 
terrestre lui-même par Taction que les attractions du soleil et 
de la lune exercent sur son renflement équatorial, son axe de 
rotation décrit perpétuellement deux cônes, qui ont pour 
sommet commun le centre de la terre, et chacune des deux 
extrémités idéales de cet axe indéfini décrit, sur la surface 
idéale de la sphère céleste, à raison d'un degré en 7a ans 
environ, une circonférence de cercle autour de chacun des 
deux pôles de l'écliptique, c est-à-dire autour des pôles de l'or- 
bite décrite annuellement en réalité par la terre autour du 
soleil de l'ouest à Test, et en apparence par le soleil autour de 
la terre dans le même sens. 

En même temps, comme la direction de l'action attractive 
de la lune sur le renflement équatorial de la terre varie suivant 
la position des nœuds de l'orbite lunaire, c'est-à-dire suivant 
la position des deux intersections de l'orbite de notre satellite 
avec l'écliptique, et comme la révolution de ces nœuds autour 
de Técliptique s'accomplit en 19 ans et 2 mois environ, la 
courbe décrite par l'axe terrestre autour de chacun des deux 
pôles de l'écliptique, au lieu d'être un cercle parfait, est une 
ligne sinueuse, et cette courbe, au lieu d'être décrite d'un 
mouvement uniforme, l'est d'un mouvement tantôt accéléré et 
tantôt retardé. L'amplitude des sinuosités et la variation des 
vitesses sont représentées par une petite ellipse, dont les deux 
axes sont d'environ 18", 5 et i3",74, et l'extrémité idéale de 
l'axe terrestre décrit cette ellipse en 19 ans et q mois environ, 
tandis que le centre de cette ellipse décrit uniformément, au- 
tour du pôle de l'écliptique, à raison d'un degré en 72 ans 
environ, un cercle dont le rayon moyen est d'environ 2 3% 28', 



— 8 — 

Je dis le rayon moyen, car loblîquité de Técliptique sur Téqua- 
teur, et, par conséquent, Tangle compris entre ces deux cercles, 
varient perpétuellement, mais très-lentement et dans d'étroites 
limites. 

Gela posé, puisque les deux pôles de la rotation diurne ap- 
parente du ciel entier autour de la terre sont les points éva- 
nouissants de Paxe de rotation du globe ' terrestre , et puisque 
Téquateur céleste est déterminé par le plan de Téquateur ter- 
restre prolongé, il est clair qu en vertu de la partie principale 
et sensiblement uniforme du mouvement de Taxe terrestre et 
de la terre avec lui , l'équateur et ses deux pôles ont dans le 
ciel, par rapport à l'écliptique, un mouvement qui n'afiFecte en 
rien la position du plan de l'écliptique par rapport aux étoiles. 
En vertu de ce mouvement continu et uniforme de l'équateur et 
de ses pôles, les noeuds de Torbite terrestre, c'est-à-dire les 
deux points d'intersection de l'écliptique avec l'équateur, points 
qu'on nomme éqainoxiaux, rétrogradent d'un degré environ en 
72 ans de l'est à l'ouest sur l'écliptique, qui est parcouru en 
un an de l'ouest à l'est par le mouvement apparent du soleil. 
De là résulte, d'une part, pour toutes les étoiles, un accrois- 
sement uniforme de longitude céleste, c'est-à-dire de distance à 
l'est du demi-méridien dont le milieu passe par le point équi^ 
noxial de printemps, distance mesurée en degrés sur un cercle 
parallèle à l'écliptique. De là résulte, d'autre part, pour le 
soleil, une avance de l'époque où il arrive chaque année à ce 
même point équinoxial, et l'efiFet de cette avance est de donner 
à Y année tropique, c'est-à-dire à la période des saisons, une 
longueur moindre que celle de Yannée sidérale, marquée par le 
retour du soleil en conjonction avec une même étoile sur 
l'écliptique, ou bien par son retour au point où l'écliptique 
est coupé par un grand cercle perpendiculaire à l'écliptique 



— 9 — 

et passant par une même étoile ^ Cet accroissement continu 
de la longitude des étoiles par la rétrogradation des points 
équinoxiaux vers loccident, et Tavance de temps qui en résulte 
pour le retour du soleil au point équinoxial dans son mouve- 
ment annuel apparent d'occident en orient, constituent ce 
qu'on nomme précession des équinoxes ^. 

Ainsi le balancement du globe terrestre, produit par les 
attractions du soleil et de la lune sur le renflement équatorial 
de la terre, a pour effet principal et constant un déplacement 
continu des points équinoxiaux sur Técliptique, et un accrois- 
sement continu de longitude pour les étoiles fixes et pour tous 
les corps célestes, avec changement de déclinaison, cest-à-dire 
de distance à Téquateur, pour tous ces corps, mais sans chan- 
gement de latitade céleste, cest-à-dîre de distance à l'éclip- 
tique. 

Mais, en même temps, Tinfluence que la révolution des 
nœuds de l'orbite lunaire exerce sur le balancement circulaire 
de Taxe terrestre et de la terre avec lui a pour effets, d'une 



^ Voyez M. Biot, Astronomie physiqae, 
3' édilioD , livre I", chap. xvii , t. III , p. 3 1- 
3a et 38, et livre II, cbap. vu, l. IV, 
p. ii9-3j96. remploie les degrés à 36o 
par circonférence, tandis qne M. Biot 
emploie les grades k Aoo par circonférence. 
Ainsi 1 grade = ^ de degré. 

* Dans le langage des modernes, qai 
admettent la rotalion diurne de la terre et 
sa révolution annuelle autour du soleil , le 
nom de précession des éqainoxes n*est jus- 
tifié que par Vavance des époques équi- 
noxiales sur les époques sidérales. Mais, 
de [dus , pour les anciens , qui , admettant 
Timmobilité de la terre, attribuaient au 
ciel entier le mouvement diurne et au 
soleil le mouvement annuel, ce que nous 

Précession des équinoxes. 



nommons rétrogradation des points équi' 
noxiaaXj par rapport au mouvement an- 
nuel apparent du soleil de Touest à Test, 
était considéré comme ^ineprécessiondeces 
mêmes points par rapport au mouvement 
diurne, réel suivant eux, du ciel entier de 
Test à Touest. C'est ainsi que , cbez tous les 
astronomes grecs et latins , le mpuvement 
en avant, els rà tsrpotfyoùfieva , ad prœce- 
dentia signa, était un mouvement vers Voc^ 
vident, et le mouvement en arrière, eU rd 
éiréfieva, ad seqaentia signa, était un mou- 
vement vers l'orient. Telle est l'explication 
historique de ce terme d*astronomîe : 
comme elle a été souvent méconnue par 
les modernes, il était bon de la rappeler 
en passant. 



— 10 — 

part, une petite inégalité périodique de la précession, c est-à- 
dire de Taccroissement de longitude des étoiles fixes et des 
autres corps célestes, d'autre part, une petite variation pério- 
dique de l'obliquité de l'équateur sur l'écliptique, et, par suite, 
un petit changement périodique des déclinaisons* La période 
commune à cette inégalité et à cette variation est d'environ 
19 ans et 2 mois, comme la révolution des nœuds lunaires, 
qui en est la cause : voilà ce qu'on nomme natation de l'axe 
terrestre ^ 

Cette petite variation à courte période, que la nutation fait 
subir à l'obliquité de Técliptique, ne doit pas être confondue 
avec la variation séculaire de cette même obliquité. Cette der- 
nière variation, produite par l'action des planètes sur le renfle- 
nient équatorial de la terre, consiste en un mouvement oscil- 
latoire d'environ i%2o', que le plan de l'équateur exécute de 
part et d'autre de sa position moyenne par rapport à l'éclip- 
tique. Cette position moyenne est mesurée par une obliquité 
de 2 3°, 2 8' de l'écliptique sur l'équateur. Maintenant l'obliquité 
de l'écliptique est de 2 3**,2 7^3o'' environ et décroît d'environ 
48" par siècle^. Cette décroissance si lente d'une obliquité que 
les anciens n'ont jamais pu mesurer bien exactement est restée 
insensible pour eux. 

Le peu d'amplitude du mouvement de nutation ne le rend 
observable qu'à l'aide d'instruments très-perfection nés, qui 
manquaient aux anciens. Il n'est donc pas étonnant qu'il leur 
soit resté inconnu, de même que la variation séculaire de 
l'obliquité de l'écliptique. 

^ Voyez M. Biot, Astron, phys. liv. U, chap. v, sect i, t. IV, p. 89-99. ^^ '"^"^ ^^ 

chap. v« sect. 2, el chap. viii, t. IV, p. 99 rappeler que M. Biot compte par grades, 

et 397-4 1 1 • tandis que je compte par degrés. 

* Voy. M. Biot, même ouvrage, liv. 0, 



— Il — 

Mais, quant au mouvement perpétuel des points équi* . 
noiiaux et solsticiaux vers loccident, mouvement dont Feffet 
est d'accroître d'une manière continue et uniforme les longi- 
tudes de tous les corps célestes, ce mouvement, malgré sa 
lenteur, peut être constaté par la comparaison d'observations 
feites à un ou deux siècles d'intervalle avec des instruments 
médiocres, et c'est précisément dans ces conditions qu'il a été 
constaté par Hipparque. Est-il possible qu'il ne l'ait pas été 
antérieurement, par exemple chez les Egyptiens et les Chal- 
déens? Chez quel peuple et en quel siècle l'a-t-il été pour la 
première fois? Quels peuples ont ignoré ce mouvement, et 
jusqu'à quelle époque ? Comment sont-ils arrivés à- cette no- 
«tion, soit par eux-mêmes, soit par un enseignement venu du 
dehors? Ce sont là des questions de la plus haute importance 
pour l'histoire des peuples antiques, de leurs relations réci- 
proques et de leurs progrès intellectuels. Mais surtout ces 
questions ont une importance spéciale pour l'histoire de l'as- 
tronomie. Car, sans une connaissance plus ou moins exacte 
de la précession des équinoxes, il ne peut pas y avoir eu chez 
un peuple une astronomie vraiment savante. En e£Pet, d'une 
part, un peuple qui aurait fait, sur les positions des corps cé- 
lestes, des observations passablement exactes, persévérantes et 
dirigées par une pensée et une méthode vraiment scienti- 
fiques, n'aurait pas pu manquer d'acquérir quelque connais- 
sance de la précession; d'un autre côté, sans cette connaissance, 
on ne peut fixer d'une manière durable les positions des étoiles 
ni en ascension droite et en déclinaison , c'est-à-dire par rap- 
port à l'équateur, ni en longitude et en latitude, c'estrà-dire 
par rapport à l'écliptique; on ne peut pas. distinguer l'année 
tropique de l'année sidérale, et, par conséquent, confondant 
ces deux formes d'années, on doit se tromper considérable- 



3. 



— 12 — 

ment sur la longueur de l'une ou de Tautre, ou bien sur la 
longueur de toutes jdeux; on doit commettre des erreurs et des 
confusions sur les révolutions périodiques et les révolutions 
sidérales de la lune et des planètes. 

Ainsi, au point de vue historique, il est très-utile de savoir 
comment la connaissance de la précession des équinoxes a 
commencé, comment elle s'est transmise, et quels en ont été 
les progrès chez les différents peuples de l'antiquité. Mais, en 
raison même de son importance, soit pour l'histoire générale 
des peuples et de leurs relations antiques, soit pour l'histoire 
de l'astronomie en particulier, cette question doit être abordée 
sans préjugé, sans opinion préconçue. Par exemple, de ce que 
le fait de la précession est rendu évident par la science mo- • 
derne, il ne faut pas se hâter de conclure que, pour les anciens 
peuples, ce fait fût facile à découvrir. Il faut se reporter en ar- 
rière au point de vue de ces peuples; il ne faut pas leur prêter 
par hypothèse des idées et des méthodes que les témoignages 
les plus dignes de foi leur refusent; il faut constater les obstacles 
qui, pour eux, s'opposaient à cette découverte si facile en appa- 
rence. 

■ 

S 2. 

Chez tous les peuples, même chez les Grecs jusqu'à Hip- 
parque, la désignation des étoiles et la manière arbitraire de 
les grouper en constellations ont été très-incertaines et très-* 
variables, de sorte qu'à quelques siècles d'intervalle, dans un 
document sur les positions des étoiles par rapport aux points 
équinoxiaux et solsticiaux, ou bien par rapport aux pôles et à 
l'équateur, il pouvait être très-difficile de reconnaître avec 
certitude les étoiles désignées. On aurait donc pu, même en 
présence de documents de ce genre, si toutefois dans la haute 



— 13 — 

antiquité Ton prenait soin den transmettre, on aurait pu, 
dis-je, douter que ce fût bien la même étoile qui se fût nota- 
blement éloignée ou rapprochée de Téquateur ou du pôle, 
que ce fût bien la même étoile qui, pour un même lieu, fût 
entrée dans le cercle de perpétuelle apparition ou bien en fût 
sortie. Pour ce dernier point, on pouvait, de plus, être tenté 
d'expliquer la difiFérence en supposant que les observations 
antiques avaient été faites en d'autres lieux, sous une latitude 
difiFérente. On aurait pu être tenté d'expliquer de même 
d'autres effets de la précession, tels que le changement des 
amplitudes ortives des étoiles et des hauteurs de leurs culmi- 
nations, si toutefois des documents antiques suffisamment 
précis avaient permis de noter ces différences. Lors même que 
ni ridentité des étoiles désignées, ni l'identité des lieux d'ob- 
servation n'auraient paru suspectes, on aurait pu imputer les 
différences à l'inexactitude des observations* Lors même qu'on 
aurait cru à la réalité du changement, on aurait pu l'attribuer, 
soit à des mouvements capricieux des étoiles, soit à quelque 
prodige antique et soudain, dont le souvenir se serait perdu, 
ou bien dont on croirait reconnaître la trace dans quelque 
vieille tradition mythologique. 

Les anciens peuples auraient été amenés plus facilement 
qu'ils n'ont pu l'être à la découverte de la précession des équi- 
noxes, s'ils avaient eu foi à la simplicité et à la stabilité des 
lois de la nature. Mais les renseignements que nous possédons 
nous forcent à reconnaître qu'en général cette foi leur a 
manqué*, et que, chez les Grecs eux-mêmes, cette foi, qui 
est le premier et le dernier mot des sciences physiques, ne 
s'est établie que tardivement, difficilement et d'une manière 
contestée. Ainsi, lors même que les anciens peuples auraient 

' Voyez M. Letronne, Rech. noav. sur h calendrier des Egyptiens, Mémoire II , S 5, p. 1 1 g. 



— 14 — 

su, à nen pouvoir douter, que> quelques siècles auparavant, 
quelques étoiles, ou même toutes les étoiles ensemble, avaient 
eu, par rapport à l'équateur et à ses pôles , des positions autres 
que les positions qu'ils observaient actuellement, ils auraient 
pu s'expliquer ce changement par une de ces catastrophes cé- 
lestes auxquelles ils croyaient si volontiers, et non par un 
mouvement continu et uniforme de toute la sphère des fixes 
par rapport à la terre, ou bien de la terre par rapport à cette 
sphère. 

Le mouvement apparent des étoiles en longitude aurait, 
d'ailleurs, été pour eux d'autant plus di£Bcile à découvrir, que, 
considéré par rapport à l'équateur céleste , ce mouvement dif- 
fère, quant à sa vitesse et quant à sa direction, d'une étoile à 
une 'autre pour une même époque et d'une époque, à une 
autre pour une même étoile, attendu qu'il n'est régulier et 
sensiblement uniforme que par rapport à l'écliptique, auquel 
les anciens peuples, avant l'époque alexandrine, ne rappor- 
taient pas leurs observations sidérales. 

Il est bien vrai que la précession des équinoxes aurait pu 
leur être révélée autrement, savoir, si, par une vérification 
exacte et patiente du calendrier solaire, ils avaient reconnu la 
différence de l'année tropique et de l'année sidérale* Mais, 
sous cette forme même, la découverte de la précession des 
équinoxes n'était pas la conséquence nécessaire d'une longue 
suite d'observations imparfaites. En effet, le retour du soleil 
en conjonction avec une étoile située sur l'écliptique n'était 
pas un phénomène directement observable. Les moyens de 
suppléer à cette observation impossible étaient difficiles à 
trouver et à exécuter. Pour les chercher, il aurait fallu en 
sentir l'utilité, et, pour la sentir, il aurait fallu soupçonner 
d'avance la procession des équinoxes. 



— 15 — 

Il est vrai quon observait, d'une part, mais sans moyens 
sufiBsants d'exactitude, ie retour des équinoxes et surtout des 
solstices, et les phénomènes liés à la période qui les ramène, 
c est-à-dire à Tannée tropique, d'autre part les levers héliaques 
de quelques étoiles fixes, phénomènes liés à l'année sidérale, 
du moins en ce qui concerne les étoiles très-voisines de Héclip* 
tique. Ainsi les deux termes qu'il aurait fallu comparer et 
distinguer l'un de l'autre se trouvaient impliqués dans les ré- 
sultats de ces observations, mais ils n'y étaient pas en. évidence. 
Pour saisir la différence de ces deux termes, il aurait fallu 
d'abord connaître dune manière exacte et sûre au moins le 
premier terme, c'est-à-dire la durée de Tannée tropique. Or 
nous verrons qu'elle n'était connue qu'imparfaitement et avec 
beaucoup d'incertitude. Il aurait fallu ensuite que le second 
terme, c'est-à-dire la durée de Tannée sidérale, pût se déduire 
facilement de Tobservation des levers héliaques telle qu'on la 
pratiquait. Or il n'en était rien; car, outre que Tobservation 
annuelle du lever héliaque d'une même étoile pouvait être 
avancée ou retardée par la transparence variable de Tatmos- 
phère et par la sensibilité variable de la vue des observateurs, 
on avait coutume d'appliquer cette observation à des étoiles 
brillantes, situées à des distances très-diverses de Técliptique. 
Par conséquent, pour quelques étoiles, sous telle latitude ter- 
restre, Tintervalle moyen entre deux levers héliaques d'une 
même étoile était à peu près égal à Tannée tropique; pour 
d'autres étoiles, il était plus long; pour d'autres, il était plus 
court; de sorte qu'après un grand nombre d'années la place du 
lever héliaque dans Tannée tropique restait stationnaire pour 
quelques étoiles, avançait pour quelques*-unes et retardait 
pour d'autres. Ainsi, d'une part, ces différences ne devenant 
sensibles qu'après un grand nombre d'années, on pouvait 



— 16 — 

soupçonner quelque erreur sur les dates précises de mois et 
de jour des observations les plus anciennes, et quelques diflFé- 
rences dans la manière d apprécier la visibilité des étoiles; 
d'autre part et surtout, ces différences discordantes entre elles, 
lors même qu'on les aurait considérées comme indubitables, 
auraient pu surprendre sans éclairer; car, au lieu d'en soup- 
çonner la cause réelle et continue, on aurait pu les imputera 
des changements brusques et irréguliers survenus soit dans 
les positions réciproques des étoiles, soit dans la position de 
l'équateur et des pôles par rapport à l'horizon du lieu d'obser- 
vation, soit dans la direction de la route annuelle du soleil 
par rapport aux étoiles. En effets suivant certaines traditions, 
certaines étoiles avaient changé de place par rapport aux 
autres; suivant d'autres traditions, les pôles avaient été autre-* 
fois dans l'horizon , le pôle sud s'était abaissé et le pôle nord 
s'était élevé; suivant d'autres traditions, le soleil avait plusieurs 
fois changé de route. 

Pour soumettre à une loi unique et simple les différences 
de longueur des périodes qui ramenaient les levers héliaques 
des différentes étoiles, il aurait fallu deviner cette loi, et en- 
suite la vérifier par l'observation aidée du calcul. Or, pour 
cela, il aurait fallu, avant tout, pouvoir déterminer exactement 
dans le ciel, par rapport au« étoiles, les positions des princi- 
paux cercles de la sphère; il aurait fallu pouvoir, soit mesurer 
directement les longitudes et les latitudes des étoiles, c'est-à* 
dire leurs positions par rapporta l'écliptique, soit conclure tri- 
gonométriquement ces positions d'après la mesure des ascen* 
sions droites et des déclinaisons, c'est-à-dire des positions par 
rapport à l'équateur, ou bien d'après la mesure des hauteurs 
et des azimuts, c'est-à-dire des positions sur l'horizon du lieu 
d'observation. Or, avant d'affirmer que les anciens peuples ont 



— 17 — 

été capables de réaliser ces opérations, et que, par conséquent, 
ils ont possédé les connaissances sur lesquelles ces procédés se 
fondent et les instruments dont ils supposent l'emploi , il fau- 
drait pouvoir en donner la preuve historique. 

Il ne faut donc pas, comme on l'a fait trop souvent, décider 
a priori que tel peuple , s'étant occupé d'astronomie pendant 
bien des siècles, a dû nécessairement connaître la précession 
des équinoxes; il ne faut pas ensuite torturer les données 
insufiBsantes qu'on peut recueillir sur l'astronomie de ce peuple , 
de manière à en faire sortir une science avancée, qu'on y trouve 
parce qu on l'y a mise soi-même, et dans laquelle la précession 
des équinoxes occupe nécessairement la place qu'on lui a faite 
d'avance. 

Au contraire, il faut d'abord, sans parti pris, constater, sur 
les notions possédées par chaque peuple, tous les faits fournis 
par l'histoire et par les monuments, et déduire ensuite les 
conséquences naturelles de ces faits, au lieu de construire ha- 
bilement une ingénieuse hypothèse, en y faisant entrer les 
faits qui peuvent s'accorder avec elle, en rejetant ou en né- 
gligeant ceux qui la contredisent, ou même en violentant les 
témoignages pour en tirer les faits dont on a besoin et pour 
écarter ceux qui gênent. 

Nous venons de voir, d'une manière générale, combien 
étaient grands les obstacles qui, pour les peuples anciens, 
pouvaient s'opposer à la découverte de la précession des équi- 
noxes. Nous verrons mieux ces obstacles, et d'une manière plus 
précise, en étudiant les connaissances astronomiques de chaque 
peuple. Nous examinerons si la notion de la précession des 
équinoxes a dû nécessairement en faire partie, ou bien si, au 
contraire, cette notion n'a pu y trouver place; mais surtout 
nous verrons si la présence ou l'absence de cette notion peut y 

PrécessioD des ^({ainoxes. 3 



— 18 — 

être constatée d'uue manière positive : ce que nous cherchons, 
ce sont des faits , et non des hypothèses. 

Puisque cest à Toccasion du calendrier égyptien, et pour 
justifier un des points principaux de la doctrine de M. Letronne 
sur ce calendrier, que nous entreprenons cette étude, il est 
naturel de la diriger vers FEgypte avant toute autre contrée. 
Les autres peuples de l'antiquité viendront donc dans cette 
étude après ]*Egypte et suivant Tordre marqué par Tintimité 
de leurs relations avec elle. 



CHAPITRE IL 

LES ANCIENS^ EGYPTIENS ONT lÛNORé LA PROCESSION DES EQUINOXES. 

Pour savoir si les Égyptiens ont possédé la notion de la préces- 
sion des équinoxes, nous commencerons (S i) par consulter les 
documents astronomiques quils nous ont laissés eux-mêmes. 
Nous consulterons ensuite (S 2) les auteurs anciens qui ont 
connu l'astronomie égyptienne, savoir : d'abord ceux qui ont 
ignoré eux-mêmes la précession, ensuite ceux qui Tout connue 
et admise, enfin ceux qui Tout repoussée comme une erreur 
grecque. Nous verrons que, parmi tous ces auteurs, dont quel- 
ques-uns n auraient pas pu ignorer l'existence de cette notion 
dans le système égyptien, et dont plusieurs exaltent l'astro- 
nomie égyptienne au-dessus de l'astronomie grecque, aucun 
écrivain antérieur au vi* siècle de notre ère n'attribue aux 
Égyptiens une notion quelconque de la précession des équi- 
noxes, et que les documents grecs et romains s'accordent avec 
les documents égyptiens pour refiiser entièrement cette notion 
à l'Egypte pharaonique. Enfin, nous r^)ondrons à trois ordres 
d'objections, savoir : i"" à celles qui s'appuient sur quelques 
assertions byzantines ou arabes (S 3) ; a'' à celles qui prétendent 



— 10 — 

qu'il est iinpossibk que la précession des . équinoxes ait été 
ignorée des Égyptiens ($4)9 et à celles qui veulent trouver 
dans divers documents de lantique Egypte des preuves de 
cette connaissance (S 5). 

Des représentations astronomiques tracées par les Égyptiens 
existent sur des monuments de diverses époques, depuis les 
temps des anciennes dynasties pharaoniques jusqu'à ceux des 
empereurs romains. M, Lepsius^ trouve avec raison qu'il n'y 
a dans ces représentations aucun but vraiment scientifique, 
mais qu'on doit y reconnaître dés applications de certaines 
notions d'astronomie. La précession des équinoxes est-elle 
comprise parmi ces notions ? Voilà ce que nous avons à exa- 
miner. 

Il est bien démontré qne les planisphères d'Esneh et de 
Dendéra sont de l'époque de la domination romaine en 
Egypte*; que ce sont de simples représentations du ciel, assez 
vagues pour n'exprimer par elles*mêmes aucune date précise 
et certaine^; que ces planisphères ne sont soumis à aucune 
projection géométrique, mais qu'ils offrent seulement certaines 
positions astrologiques grossièrement déterminées, positions 
qui ont pu se rencontrer bien des fois à d'autres époques, de 



^ Chronologie ier JEgyfUr, t. I, p. 60- 
ia3. 

* Voyez Scb'aubach , Geêchiehtê der grie- 
Msehen Attrommie, p. 365-5$7 (Gœt- 
tingen, 180s , in-8*); Visconti, Diss. dans 
la trad. d*Hérodo(e par Larcher, t. II, 
p. 666-567 fa*édil. Paris, iSoî, în-S*); 
Testa, Sur deux zodmqaes itoaveUement 
découverts en Egypte (Rome, 1803); mais 
surtout Letronue , Rech pour servir à fhiS' 



toire d'Egypte { 1 83 3, in-8*) ; €hampollîon » 
Précis da tyst. hiérogl. p. 4-5 et lyi-iyS 
(i8a4» in-8*), et M. Lepsius, Chronologie 
der JEgypter, 1 1, p. 6a-6S et 99-10&. 

' Voyez ChampoHion et Letronne, ou- 
vrages cités; Lettonne, Obs. crit, et arch. 
sur Vohjet des représentations zodiacales de 
Deudéra et tEsnsk [Acad, des inscr, t. XVf , 
partie 11), et surtout M. Lepsius, Chron^ 
der Mg. 1. 1, p. 63-7g et 84- 108. 

3, 



— 20 — 

même que vers les époques^ d'ailleurs connues, de la construc- 
tion de ces monuments ^ ; que le zodiaque y est un emprunt fait 
à la Grèce, et que les figures du zodiaque sont étrangères à tous 
les monuments égyptiens antérieurs à Tinfluence grecque^. 

Mais la sphère égyptienne peut être étudiée dans des repré- 
sentations du ciel qui appartiennent à des monuments con- 
temporains des vieilles dynasties pharaoniques, et même dans 
les planisphères d'Esneh et de Dendéra, à l'exception seule- 
ment de la bande zodiacale^. Car M. Lepsius* a bien établi, 
contre M. Letronne^, qu'en dehors des figures zodiacales 
d'autres figures de ces planisphères sont astronomiques, et 
qu'on y trouve des positions célestes indiquées d'une manière 
grossièrement topographique. En même temps, M. Lepsius a 
démontré, avec M- Letronne et contre M. Biot^ que ce sont 
des thèmes astrologiques, et qu'on y chercherait en vain des 
indications exactes qui pussent servir à déterminer l'état du 
ciel pour une époque représentée par ces monuments. 



* Voyez M. Lepsius, Ckr. derjEg, t. I, 

P- 1^'79 ®* 99"ïo4' Ceci reste vrai, 
quoique M. Lepsius ait confondu entre 
elles les désignations égjcptiennes des cinq 
planètes. L* explication de ces désignations 
a été rectifiée par M. Brugsch , Sur les ob- 
servations planétaires consignées dans des la- 
blettes égyptiennes en écriture démotique [k 
la suite de ses Noux. rech. sarla division de 
l'année des anc. Ég. p. 38-53 , Paris et 
Berlin, i856. in-8*), et Ueber ein neuenl- 
decktes astronomisches Denkmal aus der 
thebanischen Nekropolis (Zeitschrifï der 
deatschen morgenlœndischen Gesellschaft, 
i8ô8, t. XIV, p. i5*a8), et par M. de 
Rougé, Note sur les noms égyptiens des pla- 
nètes, p. 6-21 (Exir. du Bulletin archéol 
de VAthenmumJr, i856). 



* Voyez M. Letronne, Obs. crit, et ar- 
chéol. sur l'objet des repr. zod, p. 53-7 * ®* 
90-1 10; ie même, Sur Vorigine grecque des 
zodiaques prétendus Égyptiens {Revue des 
Deux Mondes, août 1837), et Examen 
d'un mémoire de M, Ideler [Journal des Sa- 
vants, août et septembre 1839), et M. Lep- 
sius, Chr. der JEg. 1. 1, p. i65. 

' Voyez M. LepsiuS', 1. 1, p. io5-i 1 3 et 
i2a-ia3, 

* T. I, p. 64 et suiv. et 77-78. 

' Analyse critique des représentations zo- 
diacales de Dendéra et d'Esneh. 

* 'Recherches sur plusieurs points de l'as- 
tronomie égyptienne (Paris, i8a3, in-8*), et 
Mémoire sur le zodiaque circulaire de Den- 
déra (Acad. des inscr. t. XVI, partie 11). 



~ 21 — 

Sur les monuments pharaoniques comme sur ceux du temps 
des PtoléméeS) on constate^ la division de Téquatcur ou de la 
bande intertropicale du ciel en quatre quarts, en 1 2 parties ou 
signes correspondant aux 1 2 mois, et en 36 parties ou décans cor- 
respondant aux 3 décades de chaque mois. Cette division , qui 
a pour complément celle du cercle en 3 60 degrés et non en 
365 degrés et i/4, a passé de Tastrologie égyptienne dans las- 
trologie grecque et romaine, mais à titre de division de 
Técliptique ou de la bande zodiacale, tandis que les décans de 
l'ancienne sphère égyptienne paraissent avoir été , non pas des 
intervalles égaux en longitude, mais des intervalles égaux en 
ascension droite, correspondant à des divisions égales de 
l'équateur^ 

Suivant M. Letronne^, avant d'avoir complété leur année 
vague par l'addition des cinq jours épagomènes, et d'avoir 
formé ensuite, par l'addition du quart de jour, leur année 
sothiaque, considérée par eux comme tropique en même 
temps, les Égyptiens auraient eu, à une époque très-reculée, 
une année de 36o jours seulement, divisée en 1 a mois de 
3o jours, et dont chaque mois était divisé en 3 décades de 
jours. Pendant chacune des 36 décades de l'année de 3 60 
jours, le soleil aurait été supposé parcourir en ascension 
droite i/36 de circonférence^. De là serait résultée la division 
de Téquateur en décans, c'est-à-dire en dizaines de degrés, 

' Voyez les monuments égyptiens ci-> ' Rech. noav. sur le calendrier des Egyp- 

tés par M. Lepsius, Chron, der Mg. t. I, iiem, Mém. I, p. 4 1, et Mém. III, p. i34^ 

p. 1 o5- 1 08 et 1 20- 1 a 1 . Comparez Jambli- 1 38. 

i^t.,MysÛresdesEgypiiens,Vl\\tili\V\xAé' * Voyez mon Méih. swr le rapport des 

mée, Astrol. en qtuitre livres, I^ xii, xiv, lanaisons avec le calendrier des Egyptiens. 

XVI et xxiii, et Proclus, Comm. sw Voi- (Acad,des inscr.. Savants étrangers, t. VI, 

trol. de PtoUmée. 1" série, n* partie), S 1, p. g-10 du tirage 

' Voyez M. Lepsius, t. 1, p. 68-71 et à part. 
io5-ii3. 



— 22 — 

dont chacune aurait été supposée correspondre à une dizaine 
de jours. Mais Sothis, c est-à-dire Tëtoile Sirius, était la ré* 
gente des décades et gouvernait le premier décan. Le sys* 
tème des décades et des décans parait donc avoir été lié dès 
lorigine à une année sotliiaque ou considérée comme telle, 
c'est-à-dire à une année de 365 jours i/4, ou, du moins, de 
365 jours. Or, avec Tannée vague de 365 jours et avec Tannée 
sothiaque de 365 jours i/4, la correspondanôe était impossible 
entre les décades et les décans« La sphère égyptienne eut 
toujours ses 36 décans; maia une période de deux années 
vagues formait 73 décades, et chaque année vague se composait 
de 73 demi-décades, et, dans la quatrième année de chaque 
tétraétéride sothiaque, le sixième jour épagomène était le pre* 
mier jour dune 74* demi-décade^. 

Dans les parties des planisphères d'Esneh et de Dendéra 
situées en dehors de la bande zodiacale, et dans des monu- 
ments égyptiens plus anciens où le zodiaque ne joue aucun 
rôle, on trouve des figures adaptées à diverses constellations, 
qui donnent leurs noms chacune à un, deux, trais ou quatre 
décans, et quelquefois, dans cette attribution des noms des 
constellations aux décans, la partie aflPectée à chaque décan 
se trouve indiquée^. L*examen de ces figures et de leurs posi- 
tions prouve qu Ideler^ et M. Letronoe^ ont eu raison de sou- 
tenir que les constellations égyptiennes diffèrent entièrement 
de celles des Grecs par le mode de groupement des étoiles; 
mais cet examen prouve en même temps que ces deux savants 

' Vojez M. LepsÎQs, Chron, ier Xg, * Ex, mi. ia» Mém. de jlf. Idêler, 

t. I,p. 1^8-149. Comparez p. Il 1, et JuInis (Joamtd det SêmmU , êoât et sefi. iSi^) ^ 

Pirmîan , Astron, IV, xvi. pnUié à p*ri sous le titre : Sur f origine du 

* Vojez M. Lepsias, t. I, p. 68-71. zodiaque grec, p. i3 et 17 (Pans, i84o, 

' Ueher den Vrsprang des Thierkreiees , Sg p. m*â*). 
p. 9 (Berlin, i838, in-4*). 



— 23 — 

ont eu tort de prétendre que les constellations des Egyptiens, 
au lieu d'être représentées par des figures, ne Tétaient que 
par de simples noms désignant de petits groupes d*étoiles. 

Les constellations égyptiennes partagées ainsi entre les 
36 décans sont au nombre de 18 ou a o. Sauf quelques va- 
riantes pour un petit nombre d'entre elles, les mêmes cons- 
tellations correspondent aux mêmes décans sur des monuments 
astronomiques égyptiens de toutes les époques. Ainsi, pendant 
un trè»-grand nombre de siècles, Tensemble de ces constella- 
tions des décans a été le même, et aucun changement d'en- 
semble n'a été apporté à leur correspondance avec les décans ^ 

Les constellations des décans, servant à établir dans le ciel 
une division réelle fondée sur les différences d'ascension 
droite, étaient choisies parmi les constellations qui n'étaient 
pas trop éloignées de l'équateur ^ Il n'en était pas de même 
de certaines constellations égyptiennes affectées aux heures de 
ja nuit: ces constellations, qui marquaient les divisions de la 
nuit par leurs levers visibles ^, étaient choisies d'après les 
heures de leurs levers, sans égard à leur déclinaison plus ou 
moins grande ^. Des tables des heures, avec indication des 
constellations ou parties de constellations correspondantes, ont 
été trouvées dans plusieurs tombeaux de Thèbes appartenant 
à la xix^ et à la xx^ dynastie. Chaque document de ce genre se 
compose de 24 tables différentes, une pour le premier jour et 
une pour le 16 de chacun des douze mois de Tannée sothiaque 
considérée comme tropique, sans qu'une table soit affectée 

^ Voyez M. Lepsias, t. I, p. io5-i iS. Acad. des sciences, t. XXIV), el Sur an eu- 

* là, ihid, p. 1 13. * lendrier asironomniue et astrologiiitte trouvé 

' Voyez M. Biot, iteciLilifiidfMf cbl»! à Thèbes en Egypte, S i5-ai, p. 20-29 

ahsùiuês (fui peavent h ctmelure des dates (i853,in-4*tOUi4ca<{.<20sf jcîencei^t. XXFV) 
vagues inscrites sar des monuments égyptiens , ^ Voyez M. Lepsios, 1. 1, p. 1 12. 

part. II, p. 35-A7 (i853, in-4% ou bien 



— 24 — 

aux 5 ou 6 jours épagomèues de cette année fixe. Dans cha^ 
que table il y a i3 instants marqués, savoir : le commencement 
de la nuit y c'est-à-dire de la première heure de la nuit, puis 
1 3 heures, c est-à-dire les fins des 1 2 heures dont la dernière 
finit avec la nuit. Ainsi, dans ces tables, la nuit est toujours 
divisée en iq heures, qui, par conséquent, sont des heures 
temporaires, c est-à-dire inégales suivant les saisons, M. Biot^ 
a montré que, de plus, dans chaque nuit, ces intervalles mar- 
qués par des levers d'étoiles étaient plus ou moins inégaux 
entre eux, et il a p^ouvé^ contre M, Lepsius^ que la nuit, 
ainsi divisée en iq parties, était le temps pendant lequel les 
étoiles pouvaient être vues à l'œil nu , et non l'intervalle entre 
le coucher et le lever du soleil^. 

Un petit nombre seulement des constellations des décans se 
retrouve parmi les constellations des heures. Ces dernières, dans 
les tables, sont au nombre de i3 : parmi elles 6 ou 7 se 
trouvent certainement dans les planisphères de Dendéra; quel- 
ques autres ne peuvent être identifiées que d'une manière 
douteuse avec des constellations de ces planisphères; quelques 
autres ne s'y trouvent certainement pas. Il ne faut pas s'en 
étonner; car, lorsque le zodiaque grec fut introduit dans la 
sphère égyptienne, il dut en chasser les constellations égyp- 
tiennes situées dans la bande zodiacale^. 

En efiFet, il est reconnu aujourd'hui que les positions occu- 
pées par certaines figures dans la sphère grecque sont occu- 
pées, dans l'antique sphère égyptienne, par d^autres figures, 
dont les étendues entièrement différentes supposent un grou- 

* Sar un calendrier astronomiqae et as^ * ces Tables des ^are^ .concernent des sa- 
trohgiqae, S aA-sG, p. 3o-Ai- perstiiions astrologiques. 

* S i5-ai, p. aA-ag- * Voyei M. Lepsîus, t. I, p. iia el 

* Chron. derjEgA, I, p. log-iiS. iaa-ia3. 
*' D'aulres indications contenues dans 



— 25 — 

pement différent des étoiles en constellations \ et que, si un 
petit nombre de noms de constellations se retrouvent dans les 
deux sphères, c*est avec des applications très-différentes ^. 
C'est seulement sur les monuments égyptiens postérieurs à la 
fondation d'Alexandrie et même à la réduction de TEgypte 
en province romaine, quon trouve les i a. signes d'un zodia- 
que figuré : sur les monuments antérieurs, non-seulement on 
ne trouve aucun zodiaque entier, mais on ne rencontre aucune 
série de quelques-unes des figures zodiacales grecques suivant 
leur ordre, ni même isolément aucune de celles de ces figures 
zodiacales qui sont reconnaissables à des traits caractéristi- 
ques^. Les Egyptiens n'ont donc emprunté le zodiaque grec 
que bien après la conquête d'Alexandre. Cependant, en s'ap- 
prop riant les figures de ce zodiaque, non^seulement ils leur 
ont fait subir des modifications plus ou moins marquées, mais 
à quelques-unes des 1 2 constellations zodiacales grecques , à 
celles dont les noms se seraient confondus avec ceux d'autres 
constellations de leur sphère, suffisamment distinctes par leurs 
figures, ils ont donné les noms antiques de constellations 
égyptiennes dont les figures étaient très-différentes des figures 
grecques, quoiqu'elles s'appliquassent en partie aux mêmes 
étoiles. Par exemple, les Egyptiens du temps de l'empire ro- 
main figuraient dans le zodiaque le lion grec; mais, comme 
ils avaient ailleurs une autre constellation du lion, pour éviter 
une confusion de nom, ils appelaient le lion zodiacal le Cou-- 

*■ Voyez M. Lepsius , 1. 1 , p. io8-ii3et ^ Voyez M. Letronne, Origine grecque 

1 43- 1 44 1 6t M . Biot , iSar an calendr. astron, des zodiaques prétendus égyptiens ( Revue 

et astrol. Voyez, d'ailleurs, les témoignages des deux mondes, août 1837]; Sur V origine 

d*Achilles Tatius , d'Alexandre d*Aphrodi* du zodiaque grée (Journal des Savants, août 

sias et de Syrianus , cités ci-après , chap. III, et sept» 1 83g ), et Analyse critique des reprë- 

S 3. sentaHons zodiacales (Acad, des inscr» t. XVI, 

* Voyez M. Lepsius, t. I, p. 11 3. part. 11), et M. Lepsius, 1. 1, p. 65. 
Précession des éqainoxes. 4 



— 2a — 

teau, nom d'une constellation égyptienne qui comprenait pn> 
babiement les étoiles € 6 y ^ S du Lion. De même et pour 
une raison semblable, le scorpion zodiacal était nommé par 
eux le Serpent. Peut-être était-ce aussi une raison semblable 
qui les avait portés à donner à la constellation zodiacale du 
Cancer le nom de Scarabée et au Capricorne le nom de la 
Vie^. Or, si les Égyptiens avaient eu antérieurement un zo- 
diaque avec 1 2 figures de constellations zodiacales autres que 
celles des Grecs, ils n auraient pas eu besoin d*emprunter les 
1 2 figures grecques. Il parait donc qu avant l'époque alexan- 
drine ils n avaient aucun zodiaque présentant une série de- 
12 figures^; mais, dans la région zodiacale, ils avaient des 
constellations di£Férentes de celles des Grecs par leur nombre, 
par leur distribution, par leur étendue et par le groupement 
des étoiles en constellations, aussi bien que par les figures 
quils y appliquaient. Les décans, avec leurs constellations, 
et les constellations des heures leur sufiBsaient pour les opé- 
rations astrologiques et pour une observation plus ou moins 
approximative du temps des passages d'étoiles à l'horizon. Quant 
aux passages d'étoiles au méridien, rien ne prouve qu'ils s'en 
soient occupés. 

Les 36 décans des Égyptiens, étant considérés comme ayant 
des positions fixes par rapport à l'étoile Sirius, devaient avoir 
des positions mobiles par rapport aux points équinoxiaux et 
solsticiaux, puisque la longitude de Sirius et de toutes les 
étoiles s'accroît perpétuellement par la précession des équi- 
noxes. Les Égyptiens ont-ils constaté ce déplacement continu 

' Voyez M. Brugsch, Rech. surladivi- Bulletin archéoL ie VAihmmwn, i856). 
sion de Vannée âe$ anciens Egyptiens , p. a a * Voyez M. Letronne, Origine grecque 

el 53>6i, et M. de Rougé, Note sur les des zodiaques prétendus égyptiens, et Sur 

noms égyptiens des planâtes, p. 4-5 (Eitr. da Vorigine du zodiaque grec. 



— 27 — 

et uDiforme de leurs décans et des étoiles par rapport aux 
points équinoxianx et solstîciaux? Telle est la question qu'il 
s'agit de résoudre. Pour cela, il est utile de rappeler, comme 
objet de comparaison, ce qui a eu lieu dans l'astronomie grec- 
que, quand la notion de la précession s'y est introduite. 

Parmi les astronomes grecs, ceux qui ont connu et admis la 
précession ont été obligés de distinguer, comme on le fait 
maintenant, d'une part les 1 2 signes égaux, dont quatre com- 
mencent aux points équinoxiaux et solsticiaux et dont ainsi les 
longitudes sont invariables, d'autre part les 12 constellations 
zodiacales, dont chacune donne son nom à un signe, mais 
dont les étendues en longitude sont inégales et dont les longi- 
tudes changent sans cesse par la précession. Us ont conservé 
aux 12 signes les figures et les noms empruntés aux constel- 
lations, parce que les signes portaient ces noms et ces figures 
avant la découverte de la précession et n'en avaient pas d'autres. 
Quant aux 12 constellations homonymes, auxquelles ces 12 
signes n'avaient jamais correspondu exactement, et avec les-* 
quelles ils étaient de plus en plus en désaccord, ces astronomes 
leur assignaient, chacun pour leur époque, les positions eu 
longitude auxquelles ils les croyaient arrivées par la préces* 
sion. C'est ainsi que Ptolémée, dans son catalogue des fixes ^ 
dressé pour l'an i38 de notre ère, indique la position de 
chaque étoile de chacune des 1 2 constellations zodiacales en un 
des 3o degrés d'un signe qui n'est pas toujours celui de même 
nom. Par exemple, il marque en 18*" i/3 du signe du Cancer 
l'étoile du bout du mufle dans la constellation du Lion, en 
112^ 1/3 du^igne de la Balance l'étoile du bout du pied droit 
de la Vierge, et en 1 4** 2/^, lô"* 1/6 et 1 7** 2/3 du signe du Ca- 
pricorne les trois étoiles de la main gauche dans la constellation 

^ Grande composition mathématique, Vll-Vïll, t. II, p. 50-67 (Halma). 

A. 



— 28 — 

du Verseau. Àiusi, pour Plolémée, les constellations zodiacales 
et les signes du zodiaque, malgré Tidentité des noms, sont des 
choses très-diflférentes et dont la discordance va toujours aug- 
mentant. 

Revenons aux Égyptiens. Sur les plus anciens monuments 
astronomiques du temps des Pharaons, de même que sur les 
monuments égyptiens plus récents, les 36 décans, comme 
M. Lepsius^ le constate, portent à la fois les noms de 36 dieux, 
dont chacun préside à un décan, et les noms de 1 8 ou a o 
constellations intertropicales, dont quelques-unes, par leurs 
diverses parties, correspondent chacune à deux ou plusieurs 
décans. Or ces décans étaient supposés avoir une relation 
fixe avec des phénomènes liés à Tannée tropique. Par exemple, 
Sothis, régente du premier décan, présidait au commence- 
ment de l'inondation du Nil. Si donc les Égyptiens avaient 
connu la précession, ils auraient dû distinguer un système de 
décans fixes par rapport aux points équinoxiaux et un autre 
système de décans attachés aux constellations mobiles par 
rapport à ces points, ou bien séparer des décans fixes les 
constellations mobiles. Cela fait, pour mettre en évidence les 
résultats uranographiques de la précession, ils auraient eu 
une expression aussi claire que simple, et exempte de la com- 
plication et de Tobscurité produites dans l'astronomie grecque 
par l'homonymie des 12 signes égaux et fixes avec les 12 
constellations inégales et mobiles. Les Égyptiens n'auraient 
eu qu'à noter, sur les monuments astronomiques de diverses 
époques, la correspondance variable de leurs 36 décans, 
désignés par les noms des 36 dieux protecteurs, a^vec leurs 18 
ou 20 constellations intertropicales pour lesquelles ils avaient 
d'autres noms. 

' Ckron, der JEg. 1. 1, p. 107. 



— 29 — 

Au Heu de cela, que voyons-nous? Sur les monuments 
égyptiens de diverses époques depuis le commencement de 
la XVIII* dynastie pharaonique jusqu à l'époque des premiers 
empereurs romains, il n'y a qu'un système de décans, et les 
mêmes décans correspondent aux mêmes constellations et 
parties de constellations, sauf quelques variantes, qui portent 
uniquement sur quelques détails, sans affecter la correspon- 
dance immuable de l'ensemble : et c'est encore M, Lepsius 
lui-même* qui le constate, lui qui veut pourtant que les 
Egyptiens aient connu la précession des équinoxes. Sur les 
monuments des derniers siècles pharaoniques, les noms divins 
des décans sont omis, et les noms tirés des constellations 
restent seuls, appliqués aux décans suivant leur rang ordinal 
à partir de Sothis, voisine du point solsticial d'été^- Ainsi tous 
ces monuments égyptiens, les plus récents comme les plus 
anciens, supposent. que la correspondance des points solsti^ 
ciaux et équinoxiaux avec les constellations est invariable: 
c est la négation implicite de la précession des équinoxes. 

Sous les premiers empereurs romains, le zodiaque grec a 
pris place dans la sphère égyptienne : quel rôle y jouè-t-il? 
Les 13 figures zodiacales, dans le planisphère circulaire de 
Dendéra, se présentent à la fois comme signes zodiacaux et 
comme constellations, au milieu des constellations égyp- 
tiennes , et elles ont chassé de la bande zodiacale les anciennes 
constellations égyptiennes qui l'occupaient. Je dis que ces 1 2 
figures d'origine grecque ont, dans ce planisphère égyptien, 
outre le rôle de constellations, celui de 'signes zodiacaux avec 
des positions fixes par rapport aux équinoxes et aux solstices. 
En effet, le point solsticial d'été y est marqué entre les Gé- 
meaux et le Cancer, et le point solsticial d'hiver entre le Sagit- 

* T. I, p. 107-108. — * Voyei M. Lepsius, 1. 1, p. 107. 



— 30 — 

taire et le Capricorne ^ : c est bien la position perpétuelle des 
solstices dans le zodiaque une par rapport aux équinoxes, 
zodiaque dans lequel le point initial du signe et non de la 
constellation du Bélier est fixé invariablement au point équi- 
nouai de printemps. En même temps, dans les quatre plani* 
sphères de Dendéra et d'Esneh, les 36 décans sont mis en 
rapport trois à trois avec les signes zodiacaux correspondants v 
et la correspondance de ces décans avec les constellations est 
la même que dans les antiques monuments pharaoniques. 

Ainsi les Egyptiens, du moins sur leurs monuments astro^ 
nomiques, ont toujours assigné invariablement les mêmes 
constellations égyptiennes aux mêmes décans de leur sphère 
considérés par eux comme présidant toujours aux mêmes 
phases de Tannée tropique, et plus tard ils ont assigné les 
mêmes constellations zodiacales grecques aux mêmes dodéca* 
témories ou signes du zodiaque fixe des Grecs* De tout temps 
rlonc, même depuis Hipparque; la notion de la précession est 
restée étrangère à la sphère égyptienne, telle qu'elle était 
représentée sur des monuments dont les époques sont éche- 
lonnées dans un intervalle de plus de i5oo ans. Or ces repré- 
sentations astronomiques, sculptées et peintes sur des monu- 
ments religieux, venaient de la caste sacerdotale et savante. 
Elles devaient donc être conformes à la doctrine des prêtres 
astronomes. 

Veut-on cependant supposer que des traités astronomiques 
rédigés par des prêtres égyptiens, mais aujourd'hui perdus, 
aient contenu une doctrine différente et plus vraie, dans 
laquelle la précession des équinoxes ait trouvé place? Des 
documents grecs et romains vont nous prouver la fausseté de 
cette supposition gratuite. Parmi ces documents, les plus an- 

' Voyez M. Lepsius, Chron. der /Egf. l. 1, p. 77-76. 



— 31 — 

ciens, par lesquels nous commencerons, sont les moins précis 
et les moins décisifs, parce qu ils viennent d'auteurs auxquels 
la notion de la précession était étrangère, et qui peut-être 
ne connaissaient qulmparfaitement l'astronomie égyptienne ; 
mais d'autres témoignages plus récents, par lesquels nous fi- 
nirons, sont irrécusables, parce quiis viennent de témoins 
bien informés et qui connaissaient la portée de la question. 

S 2. 

Avant la fondation d'Alexandrie, des philosophes, des ma- 
thémiciens et des astronomes grecs avaient visité l'Egypte : ils 
avaient interrogé ses prêtres; ils avaient appris quelque chose 
de leurs sciences et de leur astronomie en particulier. Il ne 
paraît pas qu'aucun de ces Grecs eût rapporté d'Egypte la 
moindre notion de la précession des équinoxes. 

Parmi les Grecs plus ou moins initiés aux sciences de 
l'Egypte, je ne vois aucun motif spécial de citer le pythagori- 
cien Philolaûs, contemporain de la jeunesse de Platon. Si je 
parle ici de ce philosophe, c'est pour écarter une objection. 

En 1819, croyant avoir découvert que Philolaûs connais- 
sait la précession, M. Bœckh^ supposait que cette connaissance 
n'avait pu lui venir que des Egyptiens. Ideler^ avait accepté 
cette conclusion. Mais, en i845 et en 1862, M.Bœckh*, mieux 
informé, l'a complètement désavouée, et avec raison^ M. l-icp- 
sius* a eu lorl de la reprendre pour son propre compte; car, 
comme je le prouverai plus complètement ailleurs, ni Philo- 

* Philohw$desPythagmwgr$Lehren(Ber' Mamtho und die Hundsternsperiode , 

lin, 1819, in-8'),p. 118. p. 54 (Berlin, i845, in-8*), et Unienu- 

' Ushêt EudoxQM, n'*Abt)ieitung, p. 60 chungen àber dos kosmische System des Plu- 

(Acad. des $ciences de Berlin, Hist et phi- ton, p. gS (Berlin, i85a, in-8*). 
loi, i83o). * Chron, der JEg, t 1, p. 207-909. 



— 32 — 

laûs, ni les autres pythagoriciens, n'ont eu aucun soupçon de 
la précession des équinoxes. Philolaûs, Hicétas et leurs disci- 
ples expliquaient la succession des jours et des nuits par un 
mouvement diurne delà Terre, et cependant leur théorie phi- 
losophique voulait que la sphère des étoiles fixes eût, comme 
le soleil, la lune, les cinq planètes, la terre et Tantichthone 
imaginaire, un mouvement de révolution autour d'un feu 
central de l'univers, afin que le nombre sacré, dix, fût celui des 
révolutions simultanées autour de ce feu central supposé*. Us 
admettaient que l'hémisphère terrestre habité par nous était 
toujours tourné vers le dehors de l'orbite décrite chaque jour 
par la terre autour de ce feu, avec un rayon plus grand que 
celui de l'orbite de V antichthone , planète perpétuellement invi- 
sible pour nous, de même que le feu central. Dans ce système 
de Philolaùs et d'Hicétas, pour attribuer à la sphère des fixes 
un mouvement voulu par la spéculation philosophique, il y 
avait un moyen parfaitement étranger à toute notion de la 
précession : c'était d'expliquer l'apparence de la révolution 
diurne du ciel entier autour de notre globe, en majeure partie 
par une révolution diurne de la terre, d'occident en orient, 
autour du feu central du monde, dans le plan de l'équateur, 
mais en même temps, pour une petite partie, par une révolu- 
tion lente de la sphère des fixes et du ciel entier, d'orient en 
occident, autour de l'axe de l'équateur. 

Sur cette manière de partager entre la terre et le ciel le soin 

* Voyez M. Bœckh, De platonico sysie- Weltsystem, p. 3ao-3&a; le même. Philo- 
mate cϔestium glohoram et de vera indole laos, ii, 10-16, p. 8g-]36 (Berlin, 181g, 
astronomiœ philolaîcœ, p. 1 A - a a ( Hei- in*8") , el Untenuchangen àber das kosmische 
delberg, 1810, iu-4*), ou mieux dans System des Platon, f.S^-Qb(heriin^ iSb2, 
A. B(êckh*s gesammelte kleine Schrijien, in-8'), et mes Études sur le Timée, noie 
Iir^Band (Leipzig, 1866, in-S^j^p. 274- xxxvii, S 2 et 5, t. II, p. 92-101 et i23- 
a83, avec Anhang II, vom Philolaiscken 126 (Paris, i84ii in-8''). 



— 33 — 

de produire la succession des jours et des nuits, nous avons 
un témoignage précis et positif en ce qui concerne un système 
peu différent de celui de Philolaûs et d'Hicétas et sorti de la 
même école» Quelques philosophes grecs, par exemple le py- 
thagoricien Ecphantus et le platonicien Héraclide^ rempla- 
çaient par une rotation diurne delà terre au centre du monde 
sa révolution prétendue autour du feu central. Sans nommer 
Ecphantus et Héraclide, Ptolémée, dans sa discussion contre 
les partisans de la rotation de la terre^, constate que parmi eux 
41 y en a qui admettent que cette rotation (de l'ouest à Test) 
a lieu en un peu plus d'un jour, parce qu'une révolution lente 
du ciel entier (de l'est à l'ouest), suivant le même axe, concourt, 
d'après eux, à produire la succession du jour et de la nuit et 
en abrège la durée. Ptolémée, qui connaît la précession, com* 
prend bien qu'il n'en est pas question ici, puisque la préces- 
sion, bien loin de raccourcir le jour sidéral, l'allonge d'une 
quantité, il est vrai, imperceptible. 

Aristote complète et confirme ce témoignage de Ptolémée. 
Combattant à la fois les partisans de la rotation diurne de notre 
globe au centre du monde et les partisans de sa révolution 
diurne autour du feu central^, c'est-à-dire, d'une part, les 
disciples d'Ecphantus^ d'autre part, ceux de Philolaûs, Aristote 
suppose* que les uns et les autres laissaient à la sphère des 
fixes et au ciel entier une révolution d'orient en occident au- 
tour de l'axe de i'équateur, révolution à laquelle participaient 
les sphères du soleil, de la lune et des planètes, en même temps 
que, dans ces sphères, le soleil , la lune et les planètes allaient, 

' Voyez mes Études sur le Timée, note ' Dà ciel» II, iiv, p. ag6 a, l. 35- 

xxivii, S 5. n* 2, t. II, p. 126-127. 6, L 6 (Beriin). 

* Grande composition mathématique, I, * P. 296 a « 1. 35-6 « 1. 4. 

6, t. I, p. ig(Haliiia). 

Précession des ëquinoies. 5 



— 34 — 

plus ou moins lentement et plus ou moins obliquement, d'oc- 
cident en orient. Aristote leur objecte que le mouvement qu ils 
attribuent à la terre devrait être oblique à Téquateur, comme 
le sont tous les mouvements planétaires d'occident en orient 
Mais, s'il en était ainsi, les amplitudes ortives des étoiles 
fixes changeraient pour un même lieu. Or Aristote leur oppose \ 
comme un fait accepté par eux, Tinvariabilité de ces ampli- 
tudes. Il ignore donc, comme eux, la précession, qui, affectant 
les déclinaisons, change les amplitudes ortives des étoiles. 
D'ailleurs, puisque, suivant eux, la sphère du soleil participait , 
avec le ciel entier, à la révolution de la sphère des fixes, il 
n'aurait pu résulter de cette révolution aucun changement dans 
la position des points équinoxauxet solsticiaux par rapport aux 
étoiles, ni aucune différence entre Tannée tropique et l'année 
sidérale. Dans tout cela, il ne s'agissait que d'expliquer la 
succession des jours et des nuits : Aristote et Ptolémée l'expli- 
quaient uniquement par une révolution diurne du ciel entier 
autour de la terre. Certains philosophes grecs, qu'ils com- 
battaient, l'expliquaient principalement par un mouvement 
diurne de la terre, mouvement de rotation au centre du ciel, 
suivant les uns, mouvement de révolution autour de ce centre, 
suivant les autres ; mais, à ce mouvement de la terre d'oc- 
cident en orient, ils adjoignaient, comme auxiliaire, une 
révolution lente du ciel en sens contraire, parce que leurs 
principes philosophiques ne voulaient pas que la sphère des 
fixes et le ciel dans son ensemble fussent tout à £iit immo- 
biles. 

Ainsi ni Philolaûs, ni Ecphantus, ni leurs disciples, ni Aris- 
tote, n'ont eu la pensée de la précession des équinoxes. Du 
reste, l'hypothèse du mouvement de la terre ne vient ni de 
' P. 396 6, L 5-6. 



» 



— 35 — 

Pythagore ni des Égyptiens ^ : elle ne s'est produite dans Técole 
pythagoricienne qu après la mort du chef. 

Platon avait visité TÉgypte. Il n en avait rapporté ni Thypo- 
thèse de la rotation diurne de la terre ^^ ni la notion de la pré- 
cession. Il attribuait aux étoiles fixes deux mouvements : mais 
c étaient, d*une part, une révolution quotidienne de toute la 
sphère des fixes let du ciel entier autour de la terre, d'orient 
en occident; d'autre part, une rotation de chaque étoile fixe 
sur son axe propre *. 

Cependant on a prétendu trouver dans un mot du Timée de 
Platon* la rotation diurne de la terre ^, dans un passage des 
Lois^ la révolution annuelle de la terre autour du soleiF, et 
dans deux mots du Timée la précession des équinoxes ^. Mais 
les deux premières prétentions ont été solidement réfutées ^, 



^ Voyez mes Etadêt sur le Timée, note 
XXXVII, S 3|t. II, p. 101-119,6! M. Brandis, 
HanjihvLch der Geschichie der griechisch' 
rœmiscken Philosophie, t. U, p. 3 70. 

* Voyez mes Etades sar le Timée, note 
XXXVII, S 1, t. U, p. 86-93; M. Bran- 
dis, Handb. t II, p. 368, et M. Bœckh, 
Unters» àber dos kosm, Syst des Platon, 
et De platonico systemate eœlestiam gloho^ 
mm, etc., Anhang I, Platon s Tinueos 
enAàh nichi dàé Achsêndrehung der Erde 
( Gesamm. kl Schrifien , III ** Band ) , 
p. 294-330. 

^ Voyez le Timée, p. ào B, et mes 
Études sar le Timée, note xxxvi, t. II, 
p. 8o-85 ; M. Brandis, Handb. t. II, 
p. 369, et M. Bœckb, Unters. p. 33-34. 

* ElXXoftévrjv, Timée, p. 4oB. 

* Voyez M. Grappe, Die kosmischen 
Système der Griechen, i, p. i-i5 (Berlin, 
i85i, in-8*), et M. Hocheder, Ueber dos 
kosmisehe System des Platon, p. 10-1 5 



(Aschaffenbuiig, i854i in-8*). M. Gruppe 
a été réfuté par M. Bœclh, Unters. etc. 
Dans le texte des Lois (vu, p. 8a a A), 
allégué par M. Hocheder, p. 10-1 1 , ce qui 
est donné comme une fausse apparence , 
ce n^est pas la révolution diurne de tous 
les corps célestes d*orient en occident, 
mais c*est Tapparence des cercles nombreux 
du mouvement en spirale de chaque pla- 
nète, du soleil et de la lune, apparence 
produite par la combinaison du mouve- 
ment diurne avec le mouvement oblique- 
ment contraire suivant un cercle unique, 

* Lois, VII, p. 8a a A. 

' Voyez M. Gruppe , Die kosm, Syst, der 
Gr, XI, p. 1 51-173, et la réfutation par 
M. Bœckh , Unters. p. 48-67. 

* Voyez M. Hocheder, p. 11-1 a. Com- 
parez M. Bœckh, p. 33-35. 

* Par M. Bœckh, surtout p. 10-37, 
p. 48-76 et p. i44-i5o. 



5. 



— 36 — 

et nous allons voir que la troisième n'est pas mieux fondée que 
les deux autres. 

Suivant un passage du Timée\ concernant le soleil, la lune 
et les cinq planètes aussi bien que les étoiles fixes» chacun de 
ces corps, outre un mouvement de rotation sur lui-ménie, a 
un mouvement de translation circulaire d'orient en occident, 
parce qu il est dominé [Kparovfiévcf)) par la révolution diurne 
une et invariable. Danjs un autre passage^, on lit que cette 
même révolution non divisée enveloppe une autre révolution 
obliquement contraire et divisée en sept cercles, et que c'est à 
la révolution une et invariable, c'est-à-dire à celle de la sphère 
des fixes d'orient en occident suivant l'équalèur, que Dieu a 
donné la domination [ycpdTOs) sur les sept révolutions qu'elle 
enveloppe, c est-à-dire sur celles du soleil, de la lune et des 
cinq planètes d'occident en orient suivant le zodiaque. De 
même, voici le sens évident d'un troisième passage du 
Timée^, tel qu'on le lit dans un certain nombre dé manuscrits 
et dans de bonnes éditions'*, tel que Cicéron^ et Ghalcidius^ 



' P.4oB. 

* Timée, p. SBC. 

* P. 38E-39B. 

* Par exemple dans celle d'Henri Es- 
tienne et de Serran us, et dans la grande édi- 
tion de M. Slalibaum (Gotha, i838,in-8*). 
La traduction de Ficin suppose la même le- 
çon. M. Schneider (PZa/om^opera^ éd. Didot, 
t. II, p. a 10, 1. 12), qui corrige habituelle- 
ment la traduction de Ficin diaprés son 
texte, a laissé subsister ici la contradiction 
entre cette traduction et la fausse leçon qu'il 
adopte à Texemple de Bekker et d'Orelli. 

' Voici la traduction de Cicéron ( Ex 
Plaione Timœus, fragm., c. ix, Œuvres, 
t. XXIX, p. 3 1 A, éd. V. Le Clerc, in- 18) : 
« Tune ex alierias naturœ{Q'aré(>ov) motione 



i transversa, in ejusdem naiurœ{raùroîj)mo- 
« tum incurrentia (sidéra errantia), in eoque 
« h8erentiaatqueirr<^e{iito(xpaT0U|:i^v};r). . . p 
Cicéron a donc bien compris que c'est le 
motas ejusdem naturœ qui domine (impedit) 
les sept corps au mouvement varié (mo- 
tione allerius naturœ), 

* Voici la traduction de Chalcidius 
(fol. 8, Q , Paris , 1 5ao , in-fol. , ou bien 
Fragm, philos, gr. t. II , p. 1 66, Didot) : « Ea 
« (sidéra) quae diversœ naturœ motus (d-aré- 
f pov (^opàv) obliquus per directuin ejus» 
I dem naturœ motum (tsOtoû (^opàs) vertens 
tsemet, utpote consirictus {loriaàv re xal 
« Kpcnor)fjLévrfv),ciTcuTaîerehai... »C*estdonc 
bien le motus diversœ naturœ qui est dominé 
[constrictus) par le motus ejusdem naturœ. 



~ 37 — 

l'ont traduit, tel que Proclus^ la lu et commenté, et tel qu'il 
est confirmé par un passage des Lois^ : dans la révolution 
oblique, qui croise la révolution (diurne) une et invariable et 
qui est dominée par elle [xarà Sri riiv ^'diépo^j (popàv ^zsXayidv 
o^aav Sià Ttj^ tccùtov (pop&s lovadv re km Kp(x,Tov(iévriv), les 
corps qui décrivent de plus grands cercles (autour de la terre) 
ont des révolutions plus lentes que ceux qui en décrivent de 
plus petits, et, par l'effet combiné des deux mouvements obli- 
quement contraires, chacun des sept corps, bien qu'il décrive 
toujours le même cercle (d'occident en orient), semble dé- 
crire (d'orient en occident) une série de cercles, qui (du nord 
au sud et du sud au nord) forment une spirale, et les corps 
qui vont le j^lus vite (dans leur mouvement propre vers l'orient) 
semblent aller plus lentement que les autres (vers l'occident). 
Il est clair que, dans ce troisième passage du Timée comme 
dans les deux autres, on doit trouver la domination du mouvement 
diurne sur les mouvements propres et obliquement contraires 
du soleil, de la lune et des planètes, puisque^, sans cette domi- 
nation, ni le mouvement en spirale, ni le retard quotidien des 
sept corps sur les étoiles fixes, ne subsisteraient. C'est donc 
une fausse leçon que celle qui, faisant disparaître cette mention 
nécessaire au sens du passage, y substitue une mention qui 

' iSar le Timée, p. 261 £,Bâle (p. 633» avait sous les yeux, et prouve qu*il faut 

Schneider), Proclus dit : ToicLÛrv ^^ olaa lire xaU dans le second passage. Quant au 

)) ^arépoM 'îsfept(^pà ità rffs Taùrov eîtrt texte de Platon, inséré par un copiste dans 

%ai xparsiTûLi vv aiirov. Il dit quel- le Commentaire de Proclus, p. a6i C, Bâlc 

ques lignes plus loin (p. 633, Schneider) : (p. 63 a « Schneider) , il ny' a pas à en tenir 

T:^; Zif ^arépov (popSs ioitjtfs hà rift compte. 

raùrovxalxparovfiévijçvTT avrifç. Il est vrai ' Lois, VU, p. 82 a A. Ce texte et notre 

que, dans ce second passage, la conjonc* texte du Timée s*expliquent et se compiè- 

tion xaiy donnée par Schneider d après le tent Tun par Tautre. C*est dans ce texte 

manuscrit de Munich , est omise par Tédi- des Lois mal interprété que M. Gruppe a 

tion de Bâle. Mais 1^ premier passage cru trouver la révolution de la terre au- 

exclut tout doute sur la leçon que Proclus tour du soleil. 



— 38 — 

n aurait rien à faire ici, lors même qu elle ne serait pas étran- 
gère à la pensée de Platon , c est*à-dire la mention d'une do* 
mination exercée* par les mouvements obliques du soleil, de la 
lune et des cinq planètes, sur le mouvement diurne des étoiles 
fixes [xarà Sif rifv Q-arépov <^opàv isXaylav o^crav Stà rri$ 
TOLÙTêv <pop&^ lojjcrv^ Te xai Kparoxjfiévrts). Cette faute, ré- 
pétée dans la majorité des manuscrits actuels, mais inconnue 
à Cicéron, à Chalcidius et à Proclus, est évidemment l'œuvre 
de copistes ignorants, qui, ne comprenant pas le sens astro- 
nomique de ce passage, ont change trois lettres pour faire 
accorder les deux participes lovaav et xpoLrovfAévtfv avec le 
substantif le plus voisin, <popas. Ils nont pas vu que Platon 
a dû dire ici : ti)V ^arépov (popàv.... Stà rijç raùrov (popSL^' 
iovo'dv Te Haï xparovfiévrjv ^ de même qu'il a dit plus haut 
(p. 36 C) : Kpdros ^ ëScôxe r^ raùrov xal àfwiov ^aepi^opqi, 

et plus loin (p. 4o B) : éxdc/lcp [r&v d&lépcùv) ijito rifs 

TOLÙTov xcà ToO ôfwlov ^epi^op&ç Hparov(iévcf). Ainsi les géni- 
tifs loùtrriç et xpOLTOVfiévris^ se rapportant à la révolution diurne 
[raÙTOv (popà^)^ sont des fautes de copistes. Mais, lors même 
qu'ils appartiendraient au texte authentique, il faudrait les 
comprendre en ce sens, que le mouvement diurne, tout en 
entraînant les sept cercles intérieurs, serait cependant en 
quelque sorte vaincu aussi par eux [TcpoLrovfiévri^) , parce qu'il 
ne peut pas arrêter leur mouvement contraire. Ainsi, même 
avec cette fausse leçon, il ne faudrait pas entendre que, suivant 
Platon , la sphère des fixes est emportée par les mouvements 
planétaires d'occident en orient dans le sens de l'écliplique, de 
manière à produire pour les fixes un accroissement continu de 
longitude. Jamais aucun auteur ancien n'a cru voir la pré- 
cession dans ce passage du Timée. Ni Proclus, adversaire de 
la précession, ni aucun autre auteur ancien, n'a eu besoin de 



— 39 — 

combattre cette interprétation, parce que jamais elle ne s^était 
produite ; c est au xix* siècle qu elle a vu le jour pour la pre- 
mière fois. 

Eudoxe de Guide, mathématicien et astronome, disciple de 
Platon, voyagea en Egypte pour s'instruire : il en rapporta la 
connaissance de Tannée de 365 jours i/Ai considérée par les 
Égyptiens et par lui comme caniculaire et comme tropique 
en même temps ^ En astronomie comme en géométrie, aux 
notions pratiques des Egyptiens il ajouta ses propres théories. 
Dans son système astronomique, que de nombreux auteurs 
nous font connaître^, il n'y a nulle trace d'une année sidérale 
distincte de Tannée tropique, ni d'une année tropique distincte 
de Tannée caniculaire. Seulement, accordant une confiance 
exagérée à des observations grecques inexactes, Eudoxe croyait 
que les plus grandes amplitudes ortives et occases du soleil 
variaient un peu d'une année à une autre, et que les années 

« 

tropiques consécutives étaient un peu inégales. Pour rendre 
compte de ce double fait imaginaire, il supposait que Torbite 
du soleil était légèrement inclinée sur le cercle mitoyen du 
zodiaque, c'est-à*dire sur Técliptique, et que les nœuds de 
cette orbite solaire et de Técliptique se déplaçaient sur ce der- 



^ Voyez M. Letronne, Mém. sur Eadoxe, 
$ 5, a* 5, p. s&-a5 (Exir. da Jounud ie$ 
Savants, i84o-i84i)« et Noav, rech* sar 
le calendrier des Égyptiens, Mém. I, S 3, 
p. a4-37, et Mém. II, S i, p. 47-54*. 

' Vo7eiAri8tote,A&f(yA.A, viii,etDa 
Ciel « n , ui ; Simplîckis, Ou Ciel, II, p. 498- 
5o4 {Schol inArisU>t Berlio, i836, iii-4*), 
ou p« aao-2i!i8 (Simplieii Comm. de cmlo, 
éd. Karsteo, Utrecbt, i865, in-ibl); Hip- 
parque, 5«r les Phénomènes d^Araias, sur- 
tout , I , zxi ; IHioe .B.N.ÏL, xlvu , S. 48, 
n* i3o, t. I, p. i5a (Siiiig); Censorio, 



Dedienai, ch. xviii, p. 9 3 (Havercamp); 
Strabon , XVII , p. 806 et 8 1 6 (Gasaubon) ; 
le papyrus astronomique grec intitulé 
Eiid^ov 'véxyrf (Papyrus grecs des collec- 
tions da Louvre et de la BibUotk. imp, n* 1 , 
Notices et extraiU des Mu, t XXVIII. 
partie 11. p. 36-76) , et Théon de Smyrne , 
Astronomie, ch. zxu. Comparez ma Dis- 
sertation sur ThéoD de Smyrne (1, 6, p. 55- 
58), dans laquelle je relève quelques 
erreurs de Fauteur sur Tastronomied^Ku- 
doxe. 



— 40 — 

nier cercle, de Test à Touestj de sorte que, dans les solstices, 
tantôt la latitude du soleil s'ajoutait à sa déclinaison, c'est- 
à-dire à sa distance à l'équateur , et tantôt elle s'en retranchait *. 

Modifié légèrement par Gallippe, ce système fut adopté par 
Arîstote avec quelques amendements théoriques et se conserva 
dans l'école péripatéticienne. Âdraste, péripatéticien du i*' ou 
du 11^ siècle de notre ère, probablement d'accord avec Eudoxe 
et avec Aristote, veut que l'inclinaison de l'orbite solaire sur 
l'écliptique soit d'un demi-degré de part et d'autre de ce cercle, 
et que, la période qui ramène le soleil à la même déclinaison 
étant de 365 jours 1/4^ celle qui le. ramène à la même lati- 
tude céleste soit de 365 jours 1/8 : ce qui suppose, pour la 
révolution des nœuds de l'orbite solaire sur l'écliptique, une 
période de 2922 ans, à raison d'un peu moins d'un degré en 
8 ans^, c'est-à-dire en une octaétéride d'Eudoxe, contenant 
2922 jours ^. 

Cette notion erronée, qui remonte à Eudoxe, ne vient pro- 
bablement pas de l'Egypte, et certainement elle n'a rien de 
commun avec la précession des équinoxes, ni avec la notion 
d'une année sidérale plus longue que l'année tropique. C'est 
donc bien à tort que M. Uhlemann^ pour prouver que les 
Égyptiens connaissaient la précession des équinoxes, se con- 
tente de renvoyer, sans aucune explication, au texte de la 
Métaphysique d'Aristote sur le système d'Eudoxe. M. Lepsius^ 

' Vo^ezAristote»A/cf/(ïp^. A,viii,p. 1073 79, et 11, 4, S li, p. 108, el ma noie CC, 

b, 1. Qo-aa (Berlin); Simplîcius, Du Ciel, p. 373-374- 

II, p. 4986 J. 35 -p. 49901 1* 3a (Berlin), ^ Voyez M. Letronne, J/(^m. sur Eu- 

ou p. a 1 1 a J. 4 1- p- aaa fli 1. 1 (Karsten), daxe, S 3, n* 5, et Noav. rtch, sar le calen- 

e( Hipparque , sur Aratas > I , xxi , p. 1 98 D • drier des Egyptiens, Mém. II, S 1 , p. 5 1 . • 
(Pélau, UranoL i63o). * Thoth , oder die Wissenschajien der 

* Voyez Théon de Snoyrne, Astron, yCjr)7)ter, chap. iv,$4o, n*5, p. 227. 
chap. XXVII, p. a6a. Comparez ma Disser' * Ckron, der JEg, t. I, p ao4'ao6. 

lation en tête de rédition , 11, 3, S i5, p. 74- 



— 41 — 

avoue que la précession des équiuoxes est étrangère à ce sys- 
tème, tel qu il résulte des témoignages antiques. Mais M. Lep- 
sius suppose qu Eudoxe a dû se trouver conduit à ce système 
par une fausse interprétation de la notion de la précession des 
équinoxes, telle que le savant allemand l'attribue aux Égyp- 
tiens, c est-à-dire suivant Téquateur et non suivant Técliptique. 
Outre le tort d'être purement gratuite, cette hypothèse de 
M. Lepsius a le tort plus grave encore d'être impossible. Car 
l'inégalité des années tropiques consécutives et l'inégalité des 
déclinaisons solsticiales du soleil, ces deux erreurs d'Eudoxe, 
n'ont aucun rapport avec la précession des équinoxes. En effet, 
soit qu'on suppose faussement que le déplacement des étoiles 
par rapport aux points équinoxiaux s'opère parallèlement à 
l'équateur, soit qu'on sache bien que ce déplacement est pa- 
rallèle à l'écliptique, la précession des équinoxes laisse à l'année 
tropique et aux déclinaisons solsticiales du soleil leur invaria- 
bilité; seulement, en regard de l'année tropique invariable, 
elle produit une année sidérale plus longue et de même inva- 
riable. Il est donc impossible qu'Eudoxe ait pris l'une pour 
l'autre ces deux notions, qui n'ont pas l'ombre d'une ressem- 
blance entre elles : parce qu'il a enseigné l'une de ces deux 
notions, ce n'est nullement une raison de supposer qu'il eût 
trouvé l'autre chez les Égyptiens sans la comprendre. 

L'étude de la mécanique céleste d'Eudoxe^ va, d'ailleurs, 
nous prouver que la précession des équinoxes était tout à fait 

* Voyez Arûtote, Simplicius et Hip- tétedemon éd. de l*i45fronomi« de Théon de 

parque, cités ci-dessus. Comparez Ideler, Symrne, ii, 3, S 6, p. 55-58. J'apporterai 

Ueber Eadoxuê, Ablheilung IJ (i 83o- 1 83 1 ), ailleurs quelques modifications aux expli- 

p. 7&-84 (Acad. des se. de Berliu, i83a), cations d'Ideler et de M. Letronne sur le 

et M. Letronne, Mém. tar Eudoxe ,$ à , système des sphères d*Eudoxe; mais il 

n* 2, p. 39-35, in-4* (Extr. du Journal des nesl pas nécessaire d*entrer ici dans ces 

SamnU, i8Ao-i84i), et la Dittertaiion en détails. 

Précession des équinoxes. 6 



— 42 — 

étrangère à sa pensée. Eudoxe distingue huit principales cou- 
ches sphériques concentriques, que nous nommerons deux, 
et dont le centre commun est occupé par la terre. Ce sont : le 
ciel des étoiles fixes, le ciel de chacune des cinq planètes, le 
ciel du soleil et celui de la lune. Tous les mouvements des 
corps célestes, suivant lui, étaient circulaires, et, dans chaque 
ciel, ces mouvements étaient imprimés à ces corps par des 
couches sphériques secondaires, toujours concentriques, que 
nous nommerons sphères, et dont chacune tournait sur un axe 
fixe. Le mouvement ne se transmettait pas d\in ciel à un autre, 
suivant Ëudoxe; mais, dans chaque ciel, chaque sphère enve- 
loppée, tout en exécutant son mouvement propre de rotation 
sur son axe, subissait les mouvements de rotation imprimés 
par les sphères enveloppantes. Les inclinaisons diverses des 
axes de ces sphères étaient indiquées par comparaison avec les 
directions, supposées invariables, de l'axe de Téquateur ou 
de Taxe de Técliptique. Dans chaque ciel, la sphère envelop- 
pante avait un axe identique à celui de Téquateur, et elle 
expliquait la participation de ce ciel au mouvement diurne de 
tous les corps célestes autour de la terre d'orient en occident. 
Si donc Eudoxe avait emprunté aux Égyptiens la notion de la 
précession des équinoxes, il aurait dû évidemment la repré- 
senter en donnant au ciel des fixes une seconde sphère à ré* 
volution très-lente d occident en orient. L'axe de cette sphère 
motrice, au lieu d'être celui de l'écliptique, aurait été, comme 
celui de la sphère enveloppante, l'axe de l'équateur, si Eudoxe 
avait cru, comme M. Lepsius le suppose, que VefFet de la pré- 
cession fût pour les étoiles un accroissement d'ascension droite 
sans changement de déclinaison, mais avec changement de 
latitude, au lieu d'être un accroissement de longitude sans 
changement de latitude, mais avec changement de déclinai- 



* I 
■ I 



— 43 — 

son ^ Or il est certain, au contraire, qu*Eudoxe ne donnait 
au ciel des fixes quune seule sphère, parce qu'ignorant la 
précession des équinoxes, il n'attribuait aux fixes qu un seul 
mouvement, le mouvement de révçlutîon autour de la terre 
d'orient en occident en vingt-quatre heures. Mais il donnait 
trois sphères au ciel du soleil, savoir : pour le mouvement 
diurne, la sphère qui enveloppait les deux autres; pour le 
mouvement annuel, une seconde sphère enveloppée dans la 
première et exécutant sa révolution en 365 jours i/4 sui- 
vant l'axe de l'éclîptique ; enfin, pour l'inégalité prétendue 
des années tropiques et des déclinaisons solsticiales du soleil, 
une troisième sphère enveloppée dans la seconde et tournant 
lentement en sens contraire suivant un axe très-peu oblique 
à celui de l'écliptique. Évidemment la notion de la préces- 
sion des équinoxes et la notion d'une année sidérale plus 
longue que l'année tropique sont absolument étrangères à ce 
système, adopté par Callippe et par Aristote avec des modifi- 
cations qui n'en changeaient nullement la signification sur ce 
point. Ainsi ni Eudoxe, ni Callippe, ni Aristote, ne soupçon- 
naient un déplacement des points équinoxiaux par rapport 
aux étoiles, soit suivant l'écliptique, soit suivant Téquateur. 

Depuis la fondation d'Alexandrie, un demi -siècle avant 
Hipparque, le mathématicien grec Ératosthène, auteur de re- 
cherches sur l'histoire et la chronologie de l'Egypte, avait sous 
la main, dans la bibliothèque d'Alexandrie, dont la direction 
lui avait été confiée par Ptolémée III, des livres égyptiens sur 
l'astrqpomie et des traductions grecques d'ouvrages égyptiens : 
lui-même avait fait des traductions de ce genre ^. Pourtant ce 

' Voyez ci-dessus, chap. i, S i. chap. ii, p. 6a -64 (Paris, 182a, in-8*) ; 

' Voyez M. Letronne, Obs, crit. et ar- M. Paribey, Da» ahxandrinuche Miuœum, 

chéol sw Vobjei de$ npr. zod, part. 11, Nacbtrag, p. 219 (Berlin, i8â8, in-8*), 

6. 



— 44 — 

Savant) si bien en mesure d'être renseigné sur les connais- 
sances astronomiques des Égyptiens, n'a pas eu la moindre 
notion de la précession des équinoxes; car on ne trouve nulle 
trace de cette notion, soit dans les citations et les fragments 
qui nous restent de son poëme astronomique intitulé Hermès\ 
soit chez Hygin, qui la suivi ^ et l'analyse que Théon de 
Smyrne^ nous a conservée du commencement de Y Hermès nous 
montre qu Ëralosthène plaçait la terre immobile au centre du 
monde, et qu'il n'attribuait à la sphère des fixes qu'un seul 
mouvement, la révolution diurne autour de la terre d'orient 
en occident. 

Hipparque est le premier Grec qui ait connu la précession des 
équinoxes. Né en Bitliynie, il vivait à Rhodes au ii* siècle avant 
notre ère. Or il y avait beaucoup de relations entre Rhodes et 
l'Egypte sous les Ptolémées. Voyons si des données venues des 
anciens Egyptiens lui ont suggéré la pensée de la précession , 
ou bien l'ont aidé à la mesurer. Il n'en avait encore aucune 
notion à l'époque où il écrivait son Commentaire, qui nous reste, 
sur les Phénomènes ctAratas, Mais, de l'analyse et des extraits 
textuels que Ptolémée nous donne de deux ouvrages d'Hip- 
parque, l'un Sur le déplacement des points équinoxiaux, l'autre Sur 
la longueur de Yannée^^ il résulte que ce grand astronome » dont 



M. Ritschl, Die alexandriniscken Bihliothe- 
ken, p. 34 (Berlin, i838, in -8*], €t 
M. Lepsius, Chron. der JSg. t. I, p. àà, 
note II. 

* Voyez Bernhardy, Eratosthénica, p. 1 lo- 
167. 

' Voyez Hygin , Poet. astronomicon libri 
quatuor [Hygini quœ hodie exstant , éd. 
Scheffer, Hamburg, 1674* in-8*), et Hy 
yinus de imagimbas cœli (Poet. astr, liber 
tertias, texte différent de celui des édi- 



tions), éd. Hasper, Leipzig, 1861, 3a p. 
in-S**. Quant aux Catastérismes faussement 
attribués  Ëralosthène , ils paraissent tirés 
de Touvrage d*Hygin , .qui avait été écrit 
primitivement en grec « el dont nous n Sa- 
vons qu'une mauvaise traduction latine. 

* Attron. chap. xv, p. iga-tg^ (Paris, 
1849, in-8*). 

* Voyez* Ptolémée , Gr, eomp, math. 
VU, i-iii, t. II, p. i-a8 (Halma), surtout 
VII, II, p. 10 et i3, et VII, m, p. i5. 



— 45 — 

la sincérité est au-dessus du soupçon, se plaignait du petit 
nombre et du peu d*ancienneté des observations grecques qui 
lui avaient servi à faire sa découverte. Les observations sidérales 
d'Aristylle et de Timocharis, astronomes grecs alexandrins, 
antérieurs de deux siècles tout au plus, étaient, dit Ptolémée, 
presque les seules qu il eût à sa disposition pour les comparer 
avec les siennes ^ D'abord il fut lente de croire que Taccrois- 
semen t de longitude concernait seulement les étoiles zodiacales^. 
Mais ensuite il comprit qu il s'agissait d'un déplacement des 
points équinoxiaux, comme le prouve le titre même du premier 
des deux ouvrages cités : il savait donc que l'effet de ce dépla- 
cement concernait toutes les étoiles fixes ^, dont les positions 
réciproques restaient invariables^. Opérant sur un temps trop 
court et sur des observations trop peu sûres, il n'avait pas cru 
pouvoir évaluer exactement la quantité annuelle de la préces- 
sion, mais il avait posé seulement un minimum. Ce minimum 
de 36" par an a été considéré par Ptolémée comme égal à la 
valeur vraie , à laquelle il est inférieur de 1 4*" environ. Mais , en 
même temps, Hipparque et Ptolémée faisaient l'année tropique 
un peu trop longue. L'année sidérale de Ptolémée, étant la 
somme de deux quantités inexactes, l'une en plus, l'autre en 
moins, savoir, de son année tropique et du temps employé par 
le soleil à parcourir l'arc de précession, se trouvait approcher 
de l'exactitude^. 

Ainsi la découverte grecque de la précession ne doit rien aux 
Égyptiens. Cependant Hipparque, qui' avait bien pu se pro- 
curer les ouvrages grecs des astronomes alexandrins Aristylle 

' Voyex Ptolémée, Vil, i, p. a, et VII, ^ Voyez Ptolémée, VU, i. 

II, p. lo. * Voyez M. Letronne, Noav. rech. sur 
' Ibid. vu, I, p. 3. ie cal, égypL Mém. II, S 4i n* a, p. ici- 
' Voyez Ptolémée» VII, ii, p. 1 1 , et VII , io&. 

III, p. i4-i5. 



— 46 — 

et Timocharis, aurait pu consulter aussi facilement les traduc* 
lions grecques d'ouvrages égyptiens conservées dans les biblio* 
thèques alexandrines. Il aurait pu lire des ouvrages astrono- 
miques écrits en grec par le prêtre égyptien Manéthon, par 
exemple le traité Ilepi èoprSn) et le traité Ilepi (rdOecôç^. Or, 
dans le premier de ces deux ouvrages, Manéthon devait néces- 
sairement distinguer d'une part les fêtes attachées à Tannée 
vague, d'autre part quelques fêtes qu'on voulait rattacher à la 
période réelle des saisons^; et, si les Égyptiens avaient connu 
la précession, Manéthon n'aurait pas pu manquer de remar- 
quer que ces dernières fêtes se déplaçaient par rapport aux 
saisons, si elles suivaient l'année caniculaire de 365 jours i/4 
dite année solhiaque, ou bien qu'elles se déplaçaient dans 
l'année sothiaque, si elles suivaient la période réelle des sai- 
sons. De même, dans le second ouvrage, qui devait exister 
encore à l'époque d'Hipparque, et qui, probablement détruit 
dans l'incendie des livres à l'époque de Jules César ^, fut rem- 
placé depuis par un livre apocryphe sous le même titre*, 
Manéthon , si les Egyptiens avaient connu la précession , n'au- 
rait pas pu manquer de la mentionner comme cause d'une 
diflférence entre l'année sothiaque. Tannée tropique vraie et 
Tannée sidérale. Par conséquent, ces notions n'auraient pas 
pu être ignorées des astronomes alexandrins depuis Manéthon , 
et Hipparque aurait dû les connaître, soit par eux, soit par les 
écrits grecs de Manéthon même. Or, si Hipparque avait connu 

' Voyes M. Lepsius, Chron. der Mg, JulesCésar, De6eI2octvi7i«IIl,ci;Hirtius, 

I. I , p. 1 75 et 546. De bello dlexandrim, chap. xxiv, et M. Par- 

^ Voyez M. Lelroone, Noav, reck. sur le they, Dos alex. Mus. p. 3i-33 et 90-91. 

cal. des anc. Èg. Mém. 11, S 3, p. 81-90, * Voyez M. àehnnwa^ Mgyptens Sielle 

et M. Lepsius, t. 1, p. i43-i56. m der Weltgeschichte , 1. 1, p. 356-360, et 

' Voyez Dion Cassius, XLII, xxxvui; M. Lepsîus, Chron. ier JEg. t. I, p. 175, 

Âulus GelHus, VI, XVII ; Âmmien Marcel-* 4i3-âi4t 533 et 5^6. 
lin , XXII, XVI, et Oro»e, VI, xv. Comparez 



— 47 — 

une année égyptienne distincte de Tannée sotbiaque, il n'au- 
rait pas négligé de parler des données égyptiennes et de les 
comparer avec les données grecques, dont il regrettait expres- 
sément Tinsuffisance sur ce pointa Au lieu des tâtonnements 
habiles d'une découverte sans précédents, il aurait livré à la 
postérité la discussion , la vérification , et , au besoin , la rectifi- 
cation des notions égyptiennes sur la précession des équinoxes. 

Si la découverte de la précession par Hîpparque avait été 
la confirmation ou la modification d'une antique doctrine 
égyptienne ou chaldéenne, cette doctrine se serait propagée 
facilement et généralement chez les Grecs et chez les Romains 
avec l'astrologie égyptienne et l'astrologie chaldéenne, qui 
eurent une vogue si prompte et si durable en Grèce et dans 
tout l'occident. Mais nous avons vu (8 i*') que les Égyptiens 
attribuaient à leurs 36 décans, essentiellement fixes par 
rapport aux étoiles, la même fixité par rapport aux points 
équinoxiaux, et nous verrons (chap. m) qu'il en était de même 
chez les Chaldéens pour leurs dodécatémories zodiacales. La 
plupart des astrologues grecs et romains rejetèrent de même, 
au moins implicitement, la notion de la précession des équi- 
noxes. 

Il est vrai que l'astrologie égyptienne ou chaldéenne et l'as- 
trologie grecque, qui en est une imitation, peuvent se concilier 
avec cette notion , à la condition de faire dépendre les influences 
du soleil, de la lune et des planètes, de leurs positions par rap- 
port à des décans ou à des signes zodiacaux, dont les longitudes 
soient invariables, et non par rapport aux constellations zodia- 
cales, qui passent d'un décan ou d'un signe à un autre par la 
précession des équinoxes. C'est ainsi que Ptolémée a pu croire 

* Voyez Plolémée, Gr. comp. math, VII, m, t. II, p. i5. Comparez VII, i, p. a 
(Holma). 



— 48 — 

simultanément à la précession et à TastrologieS et ne pas parler 
de la précession dans ses ouvrages astrologiques. 

Mais, en même temps que les astrologues égyptiens et 
chaldéens attribuaient aux étoiles fixes des ascensions droites , 
des déclinaisons et des longitudes invariables, ces astrologues 
prétendaient que leur science se fondait sur des observations 
continuées à Babylone et à Memphis pendant des centaines 
de mille ans. Cette prétention était admise par la plupart des 
partisans grecs et romains de Tastrologie, et surtout par les phi- 
losophes néoplatoniciens ^. Mais, pour être conséquents avec 
eux-mêmes, ces astrologues et ces philosophes, de même que 
la plupart des écrivains grecs et romains sur l'astronomie, de 
même que Geminus, Cléomède, Théon de Smy rne , Pline , Cen- 
sorin,Martianus Capella, tenant comme non avenue la décou* 
verte d'Hipparque, rejetaient tacitement la précession. Simpli- 
cius croit faussement^ que des observations embrassant un 
intervalle de 3 1,000 ans ont été transcrites et envoyées de Ba- 
bylone en Grèce par Callisthène, et quà partir de cette époque 
Tastronomie grecque en a profité. Or Simplicius ne peut pas 
ignorer que, pendant les deux siècles qui séparent Callisthène 
d'Hipparque, les astronomes grecs ont continué d'ignorer 
entièrement la précession, à laquelle évidemment Simplicius 



* C'est à tort qu'on a voulu ôter à Pto- 
lémée ses ouvrages astrologiques, recon- 
nus pour authentiques par les anciens et 
adressés par lui à Syras, de même que ia 
Grande composition mathématique et les 
Hypothèses. Du reste , Ptolémée indique ses 
doctrines astrologiques dans ses Harmo- 
niques, m, VIII et IX, et dans Tlntroduc- 
tion de ses Apparitions des fixes; p. 19 
d'Halma (Chronologie de Ptolémée, 11* partie, 
Paris, 1819, in-4*). 



* Voyez les textes cités dans mon Mé- 
moire sur les observations envoyées, dit-on, 
de Babylone en Grèce par Callisthène, p. 1 3- 
ai. (Extrait de la u* part, du t. VI des 
Mém, présentés par divers savants à VAcad, 
des inscr.) 

' Voyez le même Mém., et comparei 
Simplicius, Du ciel, éd. Brandis , Schol, in 
Aristot, p. 5o3 a,\. 26-39 (Berlin, i836, 
in -4*), ou bien éd. Karsten, p. aa6 6, 
1. a5-3o. 



- 49 - 

lui--méme ne croit pas. Il dit* que les Égyptiens avaient 
conservé par écrit des observations sidérales continuées pen- 
dant 63o,ooo ans, et les Babyloniens des observations conti- 
nuées pendant i,44o,ooo ans, sans avoir noté jamais aucun 
changement dans les révolutions célestes. Jamblique^ dit que 
les Ghaldéens n'avaient pas seulement observé le ciel pendant 
270,000 ans, mais qu ils avaient gardé le souvenir de plusieurs 
de ces grandes révolutions qui ramènent le soleil, la lune et 
les cinq planètes à la fois en un même point du ciel. Quant 
à la période de 3 6,000 ans suivant Ptolémée, de moins de 
26,000 ans en réalité, qui ramène les étoiles fixes aux mêmes 
longitudes, ni Jamblique, ni Simplicius, ni aucun auteur 
connu, antérieur au vi* siècle de notre ère, ne dit que les an- 
ciens Égyptiens ou les Ghaldéens l'aient connue^. Évidemment 
Jamblique ne croit pas plus que Simplicius à l'existence de 
cette période et de la précession des équinoxes. • 

Ptolémée croit à la précession; mais, tout astrologue qu'il 
est, il ne croit pas à l'antiquité fabuleuse des observations 
égyptiennes et chaldéennes; et il déclare que, pour découvrir 
la précession, Hipparque n'a eu à sa disposition que des ob- 



' Du ciel^ éd. Karsten , p. 54 & > 1 . 8- 1 5. 
Comparez éd. Brandis, SchoL in Aristot 
p. à^b b, 1. i8*ao, et éd. Aid. f. 37 a, 
1. 3 1-34* M. Brandis a donné le texte 
authentique de ce Commentaire de Sim- 
plicius ; mais il ne i*a donné que par ex- 
trait , et dans notre passage il n*a pas donné 
la fin de la phrase, qu*il fallait chercher 
dans le texte des Aides , traduction grecque 
d*une traduction latine » avant que M. Kars- 
ten eût donné son édition complète du vrai 
texte de ce commentaire. Quant au com- 
mencement de la phrase, les nombres 
contenus dans le texte authentique ont été 

Prëcession des équinoxes. 



falsifiés par les traducteurs. Voyez mon 
Mémoire déjà cité, p. ia-i3. 

* Dans Proclus, Sur le Timée, p. 3i C 
et 377 F (Bâle), ou p. 71 et 671 (Schnei- 
der). Cesi par une erreur de chiffres que, 
dans le Mémoire cité (p. i4, note a), j*ai 
renvoyé aux p. 7a et 67a de Schneider. 

' Nous verrons (S 3) comment il faut 
apprécier les assertions d^ouvrages by- 
zantins , tels que la Chronique de George 
le Syncelle , la Chronique dite Vieille chro- 
nique égyptienne et de prétendus livres 
d'Hermès. 



~ 50 - 

servations grecques peu anciennes. Entre la notion scientifique 
de la précessîon, et le respect superstitieux pour la science 
mille et mille fois séculaire dont se vantaient les Égyptiens et 
les Chaldéens, qui n'avaient pas connu la précession, il fallait 
choisir. 

Proclus a fait son choix, et il en déduit les motifs, très- 
instructifs pour nous. Il croit à l'antiquité fabuleuse des obser- 
vations chaldéennes et égyptiennes, invoquées par les astro- 
logues comme bases nécessaires de leur science prétendue et 
comme garanties de sa certitude'. Mais, en deux de ses ou- 
vrages, il nie expressément la précession , parce qu'il sait qu'elle 
est étrangère aux connaissances astronomiques des Egyptiens 
et des Chaldéens, et parce qu'il pense qu'elle n'aurait pas pu 
échapper à leurs observations, continuées, suivant lui , pendant 
des milliers de siècles. Aucun critique moderne, du moins à 
ma connaissance, n'avait introduit avant moi^, dans l'histoire 
de l'astronomie, ces textes de Proclus, auxquels je vais m'ar- 
rêter ici, à cause de leur importance décisive, et parce qu'ils 
n'avaient jamais été discutés. 

Proclus, néoplatonicien du v* siècle de notre ère, était un 
philosophe distingué, un mathématicien commentateur d'Eu- 
clide, un astronome théoricien, auteur non-seulement d'un 
petit traité De la sphère céleste, mais encore d'un résumé intel- 
ligent de tout le système astronomique de Claude Plolémée, 
dont il a paraphrasé aussi le principal ouvrage astrologique. 
C'était, de plus, un érudit d'un immense savoir, admirateur 

' Voyez surtoul Cicérou, Divin. 1, i; * \oye% mon Mémoire sur h rapport des 

Jamblique, MysL égypU sect. IX, ch. iv, lunaisons avec le calendrier des Egyptiens, 

p. i68, i. 16 (Gale), et Favorinus d^Aries S 3, p. a8-5o. (Eztr. de la partie II du 

dans Aulus Gellios, N, A. xiv, 1, S lA- t. VI des Mém, prés. parUv, sav. àVAcad^ 

18. Comparez mon Mémoire déjà cité, des inscr^) 
p. i5-i6. 



— 51 — 

passionné des sciences mystérieuses de TÉgypte et surtout de 
la Babylonie et de TOrient, Sur ces sciences, aux documents 
laissés par Técole d'Alexandrie, Proclus, né en Lycie, avait joint 
les résultats de ses propres recherches, et de celles de Porphyre 
et de Jamblique, nés tous deux en Syrie. En astronomie, sec- 
tateur fidèle, pour tout le reste, du système de Ptolémée, Proclus 
s'en écarte sur un seul point, sur la précessîon des équinoxes, 
qu'il nie. Et pourquoi la nie-t-îl? C'est par respect pour la 
haute science des Egyptiens et des Chaldéens, dont l'autorité 
est sacrée à ses yeux. Écoutons-le lui-même. 

Dans son Tableau des hypothèses astronomiques, dressé d'après 
le système d'Hipparque et de Ptolémée, il pose* en ces 
termes le problème de la précession des équinoxes : « L'ob- 
«servation des étoiles nommées fixes, et qui le sont réelle- 
« ment, ne laissa pas que de leur causer des embarras, dit-il 
«en parlant des astronomes grecs; car ces étoiles, d'après 
«les observations, semblaient recevoir des distances variables 
« par rapport au pôle du monde , et paraissaient occuper 
«tantôt une position, tantôt une autre, comme si ces étoiles 
« avaient des mouvements, aussi bien que celles que tout le 
• monde nomme errantes (planètes), autour d'un pôle autre 
« que celui du monde. » Plus loin ^, Proclus expose l'opinion 
des astronomes qui veulent qu'on établisse une distinction 
entre l'année sidérale et l'année tropique, à cause d'un mou- 
vement continu des constellations vers l'est à raison d'un degré 
en cent ans. Mais il ne se range nullement parmi. ceux qu'il 
appelle les auteurs de cette opinion [ol to^toov «paxTeîi jœv 
Xàyœv) , non plus que parmi les partisans d'une autre opinion 

* Hypotyp<yses de Proclus, p. 69-70 Voyez le lexte grec et non la mauvaise 
(Haima) , à la suite des Hypothèses de Pto- traduction d'Halma. 
léraée, ii* partie (Paris, i8ao, in-4*). • P. 87-88 (Halma). 

7- 



— 52 — 

qu il signale et d'âpres laquelle le mouvement appartiendrait 
aux points équinoxiaux et solsticiaux, au lieu d'appartenir aux 
étoiles, et ce mouvement serait oscillatoire, s'étendant à quel- 
ques degrés seulement de part et d'autre d'une position 
moyenne. Plus loin encore ^ il définit, d'après Ptolémée, la 
précession continue des équinoxes, et il en présente les 
preuves, telles que cet astronome les lui fournil; mais il fait 
ses réserves : «L'admirable Ptolémée dit-iP, croit devoir dé- 
« montrer que la sphère des fixes se meut d'un degré en cent 
« ans, et, ce qui est le plus incroyable, que ce mouvement s'exé- 
« cute autour des pôles du zodiaque. » Evidemment Proclus ne 
croit pas à la précession. « Ptolémée pense, répète-t-il plus 
«loin^, qu'il faut admettre ce mouvement des fixes, d'un degré 
«en cent ans vers l'orient, pour sauver les apparences en ce 
« qui concerne les cinq planètes, n Mais qu'en pense Proclus 
lui-même? Il nous le déclare à la fin de l'ouvrage. «La neu- 
« vième difficulté, dit-il *, est le mouvement de la sphère des 
« fixes, tel que nous l'avons exposé ^ bien que nous ne l'admettions 
^pas. Il est vrai que, si ce mouvement n'a pas lieu, l'on se 
• trouve évidemment dans l'embarras pour les hypothèses re- 
tf latives aux cinq planètes; car on y emploie le mouvement de 
«la sphère des fixes vers l'orient. Cependant les phénomènes 
« mêmes prouvent qu'il ne faut pas admettre ce mouvement. Car corn- 
et ment les deux Ourses, comprises depuis tant et tant d années dans 
« le cercle de perpétuelle apparition, y seraient-belles encore, s'il était 
« vrai qu'elles avançassent dun degré en cent ans autour des pôles du 
« cercle mitoyen du zodiaque, qui ne sont pas ceux du monde ^? 

' p. ii3-ii5 (Halma). ' C'est-à-dire ceux de l'équateur et de 

* P. 11 3,1. 1-6. la révolution diurne apparente du ciel 
' P. ii5, 1. 1 i*iii. entier autour de la terre. 

* P. i5o»l. 1-17. 



i 



I 



— 53 -^ 

«Après avoir parcouru déjà un si grand nombre de degrés, 
« elles ne devraient plus passer au-dessus de Thorizon , mais 
« disparaître au-dessous dans quelques-unes de leurs parties. 
« C'est donc là une preuve défait contre ce mouvement Joignez-y 
« l'accord de tous les sages , qui n'attribuent à la sphère des fixes 
c qu'un mouvement autour du pôle du monde et vers l'occident^. » 

Ainsi s'exprime Proclus. A Athènes, où il écrivait, le cercle 
de perpétuelle apparition a un rayon de près de 38 degrés. 
11 y a treize mille ans, en vertu de la précession des équi- 
noxes, notre étoile polaire, l'étoile a de la Petite Ourse, aurait 
dû être hors du cercle de perpétuelle apparition d*Athènes, et 
certaines étoiles de la Grande Ourse, que Proclus voyait dans ce 
cercle, parce que la précession les y avait amenées, n'y auraient 
pas été trois ou quatre mille ans avant Proclus. 

Mais qui donc lui garantissait que les mêmes étoiles eussent 
toujours été dans le cercle de perpétuelle apparition P qui donc 
lui garantissait que les déclinaisons et les distances polaires 
des étoiles fussent invariables? Il vient de nous le dire : c'étaient 
tous les sages. Mais quels sont donc tous ces sages de l'antiquité, 
parmi lesquels il ne faut compter ni Hipparque, ni Ptolémée, 
partisans de la précession ? Ce sont les sages égyptiens et chal- 
déens, qui, suivant Proclus, comme suivant ses confrères en 
néoplatonisme, Porphyre, Jamblique et Simplicius, ou bien 
comme suivant les astrologues Bérose, Critodème et Épigène, 
avaient observé le ciel et consigné par écrit leurs observations 
pendant des milliers de siècles^, et qui, par conséquent, sui- 
vant Proclus, n'auraient pas pu ignorer la précession, si elle 

' G*e8t-à-dire le mouvemenl diurne du astronomiques envoyées , dit-on, de Babylone 

ciel entier autour de la terre, d'orient en en Grèce, par Callisthène, p. 8- 19 du tirage 

occident. à part. 

^ Voyez mon Mémoire sar les observations 



— 54 — 

avait été réelle. Ce sont les auteurs inspirés des Oracles [Xôyta) 
chaldaïques et autres ^ C'est le fils de Tastrologue Julien le 
Chaldéen, l'astrologue prophète Julien le Théurge, aux ensei- 
gnements duquel, dit Proclus^, il serait impie de ne pas croire^. 
Ce sont Pythagore, Platon et tous les sages grecs antérieurs à 
Hipparque, qui tous ont ignoré la précession. Ce sont tous 
ceux qui, depuis Hipparque, l'ont niée, comme Proclus, par 
respect pour la sagesse égyptienne et orientale. 

En effet, voici ce que Proclus nous dit dans son Commentaire 
sur h Timée de Platon^, Après avoir parlé du mouvement unique 
de translation attribué par Platon aux étoiles fixes, c'est-à-dire 
de leur révolution diurne apparente d'orient en occident, il 
ajoute : « Quant à ceux qui veulent que ces étoiles se meuvent 
u aussi d'un degré en cent ans autour des pôles du zodiaque 
«vers l'orient^, comme l'ont voulu Ptolémée, et Hipparque 
«avant lui, à cause de la confiance qu'ils ont donnée à des 
«observations, que ceux-là sachent d'abord que les Egyptiens ^ 
«qui avaient observé le ciel bien avant eux, et les Chaldéens, 
<(dont les observations remontent bien plus haut encore, et 
i^qui, avant d'avoir observé, avaient été instruits par les dieux, ont 
« pensé comme Platon sur le mouvement (unique) des fixes. • 
Proclus allègue ensuite l'autorité sacrée des Oracles, qui, dit-il, 
attribuent, non-seulement une fois, mais très-souvent, aux 
étoiles fixes le mouvement en avant (c'est-à-dire vers l'occident) , 
et fautorité non moins sacrée du théarge, c'est-à-dire de l'as- 

* Voyez Porphyre, De la philosophie à *Sur le Timée, p. 277 0-278 A (Bâle) , 
tirer des oracles, fragments, édit. G. Wolf p. 671-672 (Schneider). Comparez p. aSo 
(Berlin, i856. in-8'). B (Bâle), p. 677 (Schneider). 

* Sar le Timée, p. 258 C (Baie) , p. 264 1 * Le texte (p. 67 1 , 1. 1 2, Schneider) dit : 
I. 24-26 (Schneider). Comparez p. 97 A, vers les points qui suivent, cest-à-dîre vers 
246 F, 256C, a63 0,277 Det28oB (Baie). Torient. Voyez ci-dessiis, chap. i, S 1, 

^Sur les deux Julien, voyez Lobeck, p. 3 ii, note 2. 
Afflaophamus , p. gS-ioS. 



j 



— 55 — 

trologue chaldéen Julien le fils, célèbre comme évocateur des 
dieux au ii* siècle de notre ère, Procius'cite de lui les Prescrip- 
tions {i"ij5nyi?TiXû^), où on lisait que le troisième Père avait at- 
taché les étoiles fixes f de manière à ne leur permettre qu'un seul 
mouvement sans déviation (cest-à-dire la révolution diurne). 
Ensuite ici, de même que dans son ouvrage astronomique 
cité ci-dessus, Proclus invoque, comme un fait constaté, la 
persistance immémoriale des mêmes étoiles dans le cercle de 
perpétuelle apparition. Ici S de même que dans cet ouvrage^, 
il suppose faussement que la précession dès équinoxes n'est 
jugée nécessaire par Hipparque et par Ptolémée que pour 
expliquer les révolutions sidérales des cinq planètes seu- 
lement. «Il faut leur répondre, dit-il ^, que ceux qui nad- 
« mettent pas ce (second) mouvement des étoiles fixes s'accor- 
« dent supérieurement avec les phénomènes; car ils ont donné 
« des règles pour les mouvements des cinq planètes, et ils se 
« sont appliqués à tout ce qui concerne les thèmes astrologi- 
« ques, sans avoir besoin d'employer ce mouvement des fixes 
« pour exposer leurs règles ou pour trouver leurs thèmes de na- 
« tivité. Tels sont surtout les Chaldéens, dont les observations 
« ont embrassé des périodes cosmiques entières*, et dont les pré- 
«dictions, pour les événements tant publics que privés, sont 
«d'une vérité incontestable.» Après cet appel, qu'il croit 
triomphant, à Tastrologie des Chaldéens et à l'antiquité fabu- 
leuse qu'il prête ^ à leurs observations, Proclus termine^ en 

' Sur le Timëe, p. 673,!. à'6 (Schneider). planèles en même temps. Voyez Proclus , 

* Hypoiyposes, p. 1 1 5, 1. i-5, et p. 1 5o, Sur le Timée, p. 27 1 A (Bâle), p. 67 1 , \, der- 

1. 3-6 (Halma). Dans ce dernier passage, nière,-p. 672, I. 6 (Schneider), et mes 

il faut mettre un point après les mots : Etudes sur le Timée, note xxxiv, tome II, 

xiin^crei T^ff dhrÀanov^. p. 78-80. 

*P. 672, \, 6-i3 (Schneider). "Comparez p. 3iC(Bâie), p. 71, 1. 16- 

Cest-à-dire des périodes qui ramènent 22 (Schneider). 



4r" 



en un même point du zodiaque toutes les *P. 672, 1. i3-ig (Schneider). 



— 56 - 

demandant aux astronomes grecs, parmi lesquels il se range 
avec humilité : « Comment donc osons-nous invoquer nos 
ff connaissances, acquises par un petit nombre d'observations, 
«et notre contemplation du ciel, moins exacte et si peu an- 
« cienne, tandis que les Chaldéens rendent témoignage en 
« faveur de la doctrine des anciens sur le mouvement (unique) 
« des fixes (d'orient en occident]? Et comment ne savons-nous 
« pas que par de fausses hypothèses on peut arriver à une 
« conclusion vraie, et que la concordance de cette conclusion 
« avec les phénomènes n'est pas une preuve suffisante de la 
« vérité de ces hypothèses? » 

Comme on le voit, sur cette question, Proclus a son parti 
pris contre la science grecque : il ne veut pas accepter la pré- 
cession, parce que les astrologues et les astronomes de la Ba- 
bylonie et de l'Egypte le lui défendent au nom de leurs ob- 
servations, continuées, disent-ils, depuis des centaines de 
mille ans. 

En résumé, les monuments astronomiques qui nous restent 
des Egyptiens, depuis les temps des anciennes dynasties in- 
digènes jusqu'aux temps des Ptolémées et des empereurs 
romains, supposent l'invariabilité des longitudes des étoiles, 
c'est-à-dire la négation absolue de la précession des équinoxes. 
D'un autre côté, de tous les auteurs grecs et romains qui ont 
connu l'astronomie et l'astrologie des Égyptiens, depuis les 
temps les plus anciens jusqu'au vi* siècle de notre ère, aucun 
n'y a trouvé la précession des équinoxes : les uns l'ont ignorée; 
d'autres l'ont admise d'après des observations grecques posté- 
rieures à la fondation d'Alexandrie; d'autres l'ont rejetée, en 
invoquant contre elle l'autorité des Chaldéens et des Egyptiens 
de toutes les époques. Ainsi la voix unanime de l'antiquité 
égyptienne, grecque et romaine, nous dit que les anciens 



— 57 — 

Égyptiens n'avaient aucune notion de la précession des équi- 
noxes. C'est là une démonstration , que nous croyons péremp- 
toire, contre Thypothèse moderne qui fait honneur de cette 
connaissance aux Egyptiens. Il nous reste à répondre aux ob- 
jections des partisans de cette hypothèse. 

S 3. 

Commençons par les objections tirées de témoignages grecs, 
latins, byzantins et arabes, dans lesquels on prétend trouver 
des preuves de la connaissance que les Égyptiens auraient eue 
de la précession des équinoxes. 

On a allégué ^ les textes grecs et latins qui concernent la 
période égyptienne du phénix, et on a voulu conclure de ces 
textes que cette période était de i5o6 années vagues, ou 
de 1 5oo en nombre rond, et qu elle avait pour objet d'établir 
la concordance entre l'année vague et l'année tropique vraie, 
comme la période sothiaque de i46i années vagues établis- 
sait la concordance entre l'année vague et Tannée sothiaque. 
Or, connaissant la distinction de l'année sothiaque et de l'an- 
née tropique vraie, les Égyptiens auraient dû connaître aussi 
la précession des équinoxes, cause de cette différence, et par 
conséquent la distictîon de l'année tropique vraie et de l'année 
sidérale^. Dans un autre Mémoire^, j'ai répondu à cette objec- 
tion que M. Letronne ^ n'avait pas pu prévoir. J'ai prouvé que 

'Voyez M. Lepsius, Chron, der JEg. ^Mém. sur la période ég. da phénix, sur- 

t. I, p. 187-197, et Vorbedingangen' zur tout part. 11, n** 6, p. a5-3o du tirage à 

Entstekung einer Chronologie, p. 180 (Ber- part (Paris, i864, in-4*). 

lin, i848), et M. de Bunsen, ^gyp' ^ Ohs. crit. et archéoL sur l'objet des repr. 

tens Stelle in der Weltgeschichte , t. IV, p. zod, p. 62 et suiv. (Paris, i8a4, in-S"), 

75-8a. et Nouv, rech, sur le cal, ég. Mém. I, 

* Voyez ci-dessus, cliap. i, S 1. S 4, n' 2, p. io3. 

Précession des équinoxes. 8 



— 58 — 

la période du phénix était bien égyptienne, mais qu'elle avait 
une durée de 5oo ans, et non la durée de i5o6 ans ou de 
i5o© ans, qu'il a plûà des savants modernes de lui assigner, 
et qu elle n'avait aucune signification astronomique. 

On a prétendu ^ aussi qu'Hérodote , suivi en cela par Pom^ 
ponius Mêla et par Solin^, avait attesté, sans le savoir, l'exis- 
tence de la période tropique de i5o6 années vagues chez 
les Egyptiens, Or, si les Égyptiens avaient connu cette pé- 
riode, c'est qu'ils auraient connu une année tropique vraie, 
distincte de l'année sothiaque,et la ca»se de cette distinction, 
c'est-à-dire la précession des équinoxes. Mais voyons ce que 
signifie le texte d'Hérodote. 

Pour se moquer des Grecs, qui prétendaient descendre des 
dieux à la seizième générations^, les Égyptiens disaient que des 
dieux vivant au milieu des hommes avaient régné autrefois 
sur rÉgypte'^, mais que, depuis leur premier roi mortel jus- 
qu'au roi Séthos, prêtre de Vulcain, auquel succédèrent d'a- 
bord 12 rois simultanés et ensuite Psammétique seuP, an- 
térieur de deux siècles à l'époque d'Hérodote, il y avait eu 
34 1 générations, et que, pendant tout ce temps, aucun dieu 
sous forme humaine ne s'était montré sur la tefte; ils ajoutaient 
que, pendant ces 34 1 générations, k soleil s'était levé quatre 
foi&en dehors de sa place naturelle, que deux fois il s'était levé oii 
il se couche maintenant^ et deux fois il s'était couché ou il se lève 
maintenanl ^. 

Il me paraît évident que, des quatre levers extraordinaires 
du soleil dont il est question dans cette phrase , deux seule- 

* Voyez M. Lepsius, Cktvn. ier JEg. ' Voyez Hérodote, U, cxiiii» 

t. I, p. 190-196. * td. II, CXLIV. 

' Voyez Hérodote, U, i/ia, Potnponius ' II, cxu, OXLVli, gli*€Liii. 

Mêla, I, 9, p. 64-65 (Leyde, 1748, in-S*), et • II, cxlii. 

Solia,ch.3a,p.MG(Utrecht, 1689, in fol.]. 



— 59 — 

ment y sont définis; car les deux prodiges de couchere à i'o- 
rient ne font qu'un avec les deux prodiges de levers k Tocci- 
dent j dont ils «sont le complément: naturel. Quant aux deux 
autres prodiges, sur lesquels Hérodote ne donne aucune expli- 
cation, ils consistaient sans doute en ce que le soleil s'était 
levé au, nord fm au midi, itu lieu de se lever à Test. C'est bien 
ainsi qi*e le texte d'Hérodote a été compris par Pomponius 
IVtela et par Solin\ et les expicessions de ce texte sont à peu 
près celles que Platon^ et Euripide^ ont employées pour 
désigner la réstrogradation du soleil «devant Thorrible festin 
d'Atrée. Ces quatre prodiges égyptiens étaient sans doute sup- 
posés n'avoir duré quujn seul jour chacun, comme le prodige 
grec; seulement, pour enchérir sur les Grecs, les Égyptiens 
citaient quatre prodiges au lieu d'uiQ. Des savants modernes 
ont perdu l^jur temps, .quand ils ont <;herché dajQs ces fables 
de profonds aaaystères astronomiques \ 

L'explication que {lous venons de dpmier, après M. Le- 
tronne^, est la seule qui se préseute natfurellement, quand on 
aborde ce texte sans opinion préconçue:: il y a eu, suivant les 
Egyptiens, quatre ilwers du soleil hors de sa place ordinaire, 
comme le dit expressément; Hérodote, et non deua> ou (juatre 
changements dans le coutg du soleil, comme le veulent des cri- 
tiques qui altèrent oe texte en lisaot é| ^QéoDr dvob^rfvoi.i, au 
lieu de é| iiêéw> dvixT^ah 

L'un de ces critiques, M. Lepsius^, veut que cette tradition 

^ Aux endroits indiqués ci^essus. (A cad. des inscr, nouv. série , t. XII , part. 1 1 , 

* Politique, p. a68 £269 A. p. 5a-93.) 

^Oreste, v. 1000 et suiv. ^Ohs. suran passage de Diodore (Acad. des 

^VpyezDupuy,^ca({.<2ef in5€r«a90.«éri«, .inscr, nouv. série, t. XII, part. 11, p. 94- 

t. XXIX, hist. p. 72-118; Ideler, Handb, 11a.) 

der ChroRol t. I, p. 137-189, et M. de ^Chron, der ^g,l.l, p. 190-196. Goni- 

Saint^Martin, Consid. sur Vhist. d'Egypte parez M. Bœckh, Mamtho, p. 35-39. 

*• 8. 



— 60 — 

égyptienne conservée par Hérodote, la fable grecque d'Atrée' 
et le mythe de Platon dans le Politique^ ^ contiennent la notion 
de la période de i5o5 années tropiques vraies, plus courtes 
que les années solhiaques en ^ertu de la précessîon des équi- 
noxes. Seulement il avoue que ce sens mystérieux a échappé 
aux poëtes et aux mythographes grecs en ce qui concerne la 
fable d'Atrée , de même qu à Hérodote en ce qui concerne la 
tradition égyptienne; mais il veut que ce sens ait été compris 
par les prêtres égyptiens et par Platon. 

Suivant lui, les prêtres égyptiens devaient avoir dit à Héro- 
dote que, dépuis le commencement des dynasties humaines en 
Egypte, le soleil avait franchi deux fois le solstice d'hiver à 
Tépoque de la fête fictive du solstice d'été dans Tannée vague, 
et deux fois le solstice d'été à Tépoque de la fête vague du sol- 
stice d'hiver, et qu'ainsi il y avait eu deux des périodes qui ra- 
mènent les dates fictives de l'année vague aux dates correspon- 
dantes de l'année tropique, après les avoir fait passer par les 
dates diamétralement opposées et par toutes les dates inter- 
médiaires. Or ces périodes tropiques, bien distinctes des pé- 
riodes sothiaques, sont de i5o6 et non de i46i années vagues 
de 365 jours. Tel serait le renseignement important que, par 
an malentendu , Hérodote aurait transformé en deux levers du 
soleil au lieu habituel de son coucher, et en deux couchers du 
soleil au lieu habituel de son lever. Ainsi , suivant M. Lepsius, 
Hérodote aurait confondu le lieu du coucher diurne du soleil avec 
ïépoque de son passage annuel au solstice d^hiver, et le lieu du lever 
diurne du soleil avec Vépoque de son passage annuel au solstice 
d'été. 

Mais ce sont là des choses tellement dilféreûtes, et •dont 

' Voyez Euripide, Oreste, v. looo et Hygin, Fahle 88, el Sénèque, Thyeste, 
suiv.; Platon , Politique, f, 268 E-a6g A ; acl. IV, v. 776-885. — * P. 268 £-270 A. 



— 61 — 

TexpressioD est nécessairement si dissemblable, qu'il n'est pas 
supposable qu Hérodote ait pu les confondre ensemble. De plus, 
il faudrait prêter à Thistorien une autre confusion plus incon- 
cevable encore. Suivant la déclaration des prêtres égyptiens, 
telle qu'Hérodote Ta répétée, du premier roi mortel à Psammé- 
tique, il y avait eu 341 générations, et c'était dans cet inter- 
valle de 34i générations qu'avaient eu lieu les quatre prodiges 
mentionnés. Or, d'après l'interprétation qui fait de ces quatre 
prodiges deux périodes de i5o5 ans, il ne faudrait compter 
que 3oio ans pour 34 1 générations : ce qui donne 8 ans et 
un peu moins de lo mois par génération. En présence de cette 
conséquence absurde, il n'y a, pour l'auteur de cette interpré- 
tation, qu'une ressource, c'est d'écarter le nombre de 34i gé- 
nérations, en déclarant qu'il faut qu'Hérodote ait mal entendu. 

Traiter ainsi un texte, ce n'est pas l'interpréter, c'est y mettre 
ce qu'on veut y trouver. Cependant le point essentiel fait en- 
core défaut. En effet, il est bien vrai que la période qui ra- 
mène le commencement de l'année vague en coïncidence avec 
le commencement de l'année tropique vraie est de i5o5 ans 
et non de 1460. Mais les Égyptiens l'ont-ils su? voilà toute la 
question. Toute l'antiquité répond que les Egyptiens ont con- 
sidéré l'année sothiaque comme tropique en même temps. 
Ainsi, quand bien même les prêtres égyptiens auraient dit à 
Hérodote ce que M. Lepsius leur fait dire, ils auraient songé à 
des périodes de i46i années vagues, comme Ideler et M. de 
Bunsen l'ont pensé, et non à des périodes de i5o6 années 
vagues, comme le suppose M. Lepsius, qui fait cette supposi- 
tion gratuite, précisément parce qu'il veut que les Égyptiens 
aient connu la précession des équinoxes. 

M. Lepsius a-t-il plus de raisons de croire que Platon , admi- 
rateur des Égyptiens, ait vu dans la fable d'Atrée un symbole 



— 62 — 

delà précession des éq^înoxes? J^^^udiement. La précession «st 
restée inconnue à Pkton, qui n attribue aux étoiles fiâmes que 
deux mouvements^ isavoir : une rotation de chacune dWles sur 
elie*4nême, et une révolution quotidienne que toutes ensemble, 
avec le ciel entier, dans lequelleurs positions sont immuables, 
accomplissent autour de la terre, d'orient «en occident ^ Cette 
révolution diurne «st le seul mouvement que,danslePo/iVr9iie^, 
commedans ses autres ouvrages^, Platon attribue à la sphère des 
fixes et avec elle au ciel entier:: il n y a jamais joixrt un mouve- 
ment sfimuUané et obliquement contraire, qui aurait été nécessaire 
pour produire l'accroissemBOttt de longitude t des étoiles, c est-à- 
dire larprécession des équinoxes. Dans son Politùfoe^^ il ^piime 
clairement une hypothèse qui n a aucun rapport avec la pré- 
cession, mais qui ressemble à la fable indienne des longs som- 
meils de Brahma^, hypothèse que M. Bœckh a parfaiiiement 
comprise et qu'il a seulemea^t eu tort de vouloir retrouver a 
tout prix dans la fable égyptienne rapportée par Hérodote. 
Platon dit que , pendant d'immenses périodes de temps, k 
divinité suprême, entièrement appliquée à son œuvre, fait 
tourner les sphères célestes ^suivant certaines directions, de 
manière à produire un ordre parfait; mais que, pendant 
d'autres périodes, à l'une desquelles appartiennent les temps 
historiques de la Grèce , la divinité suprême se« repotse et laisse 
les sphères célestes^ abandonnées à eBes-mêmes et aux soins 
de dieux inférieurs, tourner suivant des directions contraires 

' Voyez vi-dessus. Sa. ^ Voyez les Lois de Manoti, I, 6à^^ 

' P. 269 E-270 A. [Livres sacrés de l'Orient, p. SSS-SSg, 

^ Voyez les textes de Platon indiqués Paris, i64o, gr* in-S" à deux colonnes) , 

dans mes études sur le Timée, notes xxv, et le Sonrya Siddhânta^ I, i3-24i p» 2*4 

xxxiv, XXXVI, XXXVII, S 1; xxxviii, Ss et de la tpad. aogl. de Bapu Deva Saairi 

3, t. Il, p. 40-46, 78.80, 8o-85, 86-93, (Calaulta, 1860, in-8"), ou p. 6- 1 a de 

1 36- 1 44. celle de M. Burgess (New-Haven , Connec^ 

* P. a68 D-274 E. licut, 1860, iB-8'*). 



— 63 — 

à GCilles que le Dieu suprême leur impriamit auparavanrt. Ha- 
bitué à traiter la mytliologie avec une liberté qui u est pas 
exempte âlrraiie, Platon prétend, mais d'une manière très«peu 
sérieuse \ que te( est ie sens de ki fable grecque sur Le prodige 
céteste accompli à Tépoque d'Atrée. Le sens réel de cette fable 
grecque, amalogue à la fable égyptienne d'Hérodote, est que 
lesoleii rétrograda un seul jour, pouar ne pas v«ir Thorrible 
festin d'Atrée, puis reprit son cours ordinaire : c'est une hy- 
perbole mythologique , et rien de plus. 

La précessîon des éqtiinoxes est donc enti^ement étrangère 
à ces deux fables. M. Lepsius^ accorde qucm pourrait se eon^ 
tenter d'y voir des renouvellements de la période sothiaque, 
et tel est le sens qu'ldeler^ et M. de Bunsen * prêtent au texte 
d'Hérodote sur les prodiges égyptiens concernant le cours du 
soleil; seulement M. Lepsius n'y trouverait que deux renouvel- 
lements de cette période, tandis* que M. de Bunsen en trouve 
quatre et M« Ideler huit. 11 n'y en a ni deux, ni quatre, ni 
huit, carie texte ne concerne en rien cette période égyptienne. 
Mais il est encore plus évident que ce même texte ne concerne 
pas la période tropique de i5o6 ou de i5oo années vagues, 
période dont il n'est question dans aucun document antique 
et qui est d'invention toute moderne* Quant à la fable grecque 
du festin d'Atrée, il n'y a pas l'ombre d'un prétexte pour y 
chercher une période égyptienne quelconque. 

Mais voici un écrivain grec qui a bien réellement attribué 
aux Égyptiens la notion de la précession des équinoxes : c est 
George le Syncelle. Ce moine et chroniqueur byzantin de la 
fin du VIII® siècle de notre ère ou du commencement du ix"" est 

* li in<Kque hii-méme (p. a68 D-a6g ' HunibuokderCkronûhfie^Ul^p.iîS, 
A) qveo'^st là de sa part an jeu desprit. . ^ J&gypieM Sieïkin dar WêltgetehUhte , 

* Ckron, ier Mg. t. I, p* ig&^ t IV, p. &5»6g. 



— 64 — 

le seul auteur qui nous ait conservé la mention d'une période 
égyptienne de 36,52 5 ans. Dans deux passages de sa chro- 
nique*, il dit que cette période est celle d'une révolution cos- 
mique connue des Egyptiens et des Grecs, savoir, de la révo- 
lution du zodiaque depuis le point équinoxial de printemps 
jusqu'à ce même point. En faveur de cette assertion, il cite'^ 
deux autorités apocryphes, qui sont les TevtKà d'Hermès^ et 
les livres Kyranides^. 

On peut douter que les TevtKà et les livres Kyranides soient 
antérieurs au vi® siècle^. De plus , on peut douter que la préces- 
sion des équinoxes y fût mentionnée. Car, dans le premier des 
deux passages où George le Syncelle les cite , la période de 
36,52 5 ans est nommée révolution cosmicfue {nocrfiiKii ditoKard^ 
aracTis). Il est vrai qu'il ajoute, comme entre parenthèses, que 
cette révolution est celle des constellations zodiacales d'un 
point équinoxial à ce même point. Mais c'est peut-être lui qui, 



* p. 35 D, et p. 5i-5îï (Goar). Com- 
parez p. 17. 

' P. 5i-52. 

^ Voyez Fabricius, Biblioth. gr. t. J, 
p. 87-88 (Harless). 

* Voyez Fabricius, Biblioth. gr, l. I,p. 69- 
75 (Harless), et t. XII, p. 763-756 (ancéd.). 
Le texte grec des Livres Kyranides existe en 
manuscrit. La traduction latine , dans l'édi- 
tion publiée par André Bacbmann, en latin 
Bivinus (Leipzig, i638, très-petit in-8*) , 
porte un titre aussi long que bizarre, dont 
voici la partie principale : Kirani Kira- 
nides et ad eas Rhyakini (Rivîni) Coronides 
(notas). Après la préface de Téditeur, 
avant là préface de Tancien traducteur 
latin, on lit un autre titre, dont voici le 
commencement : Liber physico ' medicas 
Kiranidam Kirtuii, id est régis PersaroM. 

* Les TsvtKà d*Hermès paraissent avoir 



été un ouvrage astrologique grec attribué 
à THermès égyptien par un faussaire grec 
d*une époque inconnue. Quant aux livres 
Kyranides, ils paraissent avoir été aussi un 
ouvrage écrit primitivement en grec et at- 
tribué tantôt à THermès égyptien , tantôt à 
un roi (xo/pavo;) de Perse. Le plus ancien 
auteur connu qui ait cité les livres Kyranides 
est l'alchimiste Olympiodore , postérieur à 
Talchimiste Zosime de Panoplis, qui vi- 
vait au V* siècle. C'étaient des livres de 
médecine .superstitieuse et de chimie, 
comme les citations d*OIympiodore le 
prouvent. Mais l'exemplaire lu par Olym- 
piodore était plus étendu que le texte qui 
nous reste en grec et en latin , et dans le- 
quel il n'y a que de la médecine supersti- 
tieuse, sans chimie. L'exemplaire lu par 
le Syncelle contenait sans doute une partie 
astrologique, que nous n'avons plus, 



— 65 — 

de sa propre autorité, ajoute cette interprétation, répétée par 
lui dans le second passage. Il est bien probable que la révolu- 
tion désignée par les livres qu il cite était la grande année plato- 
nique, qui était supposée ramener le soleil, la lune et les cinq 
planètes en conjonction au même pointa Du reste, entendus 
comme le Syncelle les explique, ces deux témoignages, apocry- 
phes et probablement postérieurs au commencement du vi*" 
siècle de notre ère, auraient contre eux l'unanimité des témoi- 
gnages antérieurs à cette époque. 

L^asserlion en elle-même, quelle qu'en soit la source, 
porte d'ailleurs la preuve intrinsèque et évidente de sa fausseté. 
En effet, après avoir tiré, d'un ouvrage fabriqué par un faus- 
saire byzantin sous le nom de Vieille chronique égyptienne^y une 
durée totale de 36,52 5 ans pour les dynasties tant divines 
qu'humaines de l'Egypte, le Syncelle lui-même^ déclare que 
la période de 36,52 5 ans est le produit de la période de i46i 
ans multipliée par 2 5. En d'autres termes, c'est le produit de 
la période sothiaque multipliée par le cycle lunaire d'Apis^. 
Ainsi, d'après sa formation même, cette période de 36,525 
années vagues est destinée à ramener à une même date de 
Tannée vague le lever héliaque de Sirius en coïncidence avec 



* Voyez Platon, Timée, p. 69 D; Pro- 
clus, SurieTimée, p. 370 C-Q71 B (Bàle), 
ou p. 6^5-647 (Schneider); Chalcidius, 
San le Timée, f. 34 v'-35 r*, éd. Ascensius 
(i5ao, in-fol.}; Alcinoùs, Introd, à la 
doctr. plaion. chap. xiv; Censorin , De die 
nai. chap. xviii, p. 97-99 (Havercamp) ; 
Plutarqae, Da destin, chap. m, et Sylla, 
chap. VII ; Cicéron , Dejinihus h, et m. 11 , 
3i; De nat. deor. 11, ao, et fragment de 
V Hortensias, dans Tacite, De orut. ch. xvi , 
et dans Servius, JEn, m, a84; Servius, 
ibid. et I, 369; Macrobe, in Somn, Scip. 

Précession des équinoxes. 



il, 11, t. I, p. 8o*83 (Janus); Stobée, 
Ed. phys. I, IX, 1. 1, p. a64 (Heeren), etc. 
Comparez mes Etudes sar le Timée, note 
XXXIV, t. II, p. 78-80. 

* Comparez M. do Bunsen, JEgyptens 
Stellein der Weltffeschichte , t. I, p. a6o- 
a63, el M. Lepsius, Chron. der Mg, t. I, 
p. 445-46o. 

' P. 5i-52 (Goar). 

* Voyez mon Mém. sur le rapport des 
lanaisons avec le calendrier égyptien , S 3 , 
p. a4-3o et 3i du tirage à part (Paris, 
i864t in-4*)' 



— 66 — 

une nouvelle lune. C'est donc par une fausse interprétation 
que cette période a été appliquée à la précession des équi- 
noxes , à laquelle d'ailleurs elle ne peut pas se rapporter par sa 
durée. En effet, la durée delà révolution complète des équinoxes 
est d'environ 269 siècles à raison d'un degré environ en 72 ans. 
Ptolémée la faisait de 3 60 siècles à raison d'un degré par siècle. 
C'était un nombre rond, pris comme valeur approximative, 
et qui était bien loin de la réalité. Mais une période de 36,52 5 
années vagues de 365 jours, égales à 36, 5oo années fixes égyp- 
tiennes de 365 jours ijk^ donnerait un nombre fractionnaire 
de degrés de précession par centaine ou millier d'années, et 
elle donnerait un nombre fractionnaire d'années pour un mou- 
vement d'un degré. Cette évaluation, appliquée à la précession 
ne pourrait donc pas être un nombre rond pris comme ap- 
proximatif par les Egyptiens, qui comptaient 36 décans ou 
3 60 degrés par circonférence. L'idée d'une telle évaluation, 
d'ailleurs très-éloignée de la vérité, n'aurait pu venir qu'à 
un peuple qui, comme les Chinois, aurait divisé la circonfé- 
rence en 365 parties i/4, et qui aurait compté une de ces 
parties pour la précession séculaire. 

Mais la période de 36,52 5 ans, même à titre de combinaison 
de la période sotbiaque et du cycle lunaire de 2 5 ans, est-elle 
une période égyptienne? Aucun indice probable et aucun témoi- 
gnage digne de foi n'induisent à le croire. Cette période, dont j'ai 
montré^ lafausseté et l'inutilité, est tout au plus une invention 
des Grecs alexandrins, et peut-être une invention byzantine^. 

^ Voyez mon Mémoire cilé dans la noie années sothiaqaes, ne renfermait probable- 
précédente, ment aucune allusion à une période de 

* Il est vrai que, dès Tépoque de Jam- 36,525 ans. Voyez Jamblique, Myst égypt, 

blique, on attribuait à Hermès lacompo- Vlil, i. licite Manéthon, mais peut-être 

sitionde 36,5a5 volumes. Mais ce nombre, d'après un ouvrage apocryphe, 
qui était celui des jours contenus dans cent 



— 67 — 

Les deux textes du Syncelle sur cette période fabuleuse sont 
donc un appui bien ruineux pour 1 opinion de M. Lepsîus^ et 
de M. de Bunsen^, qui s'autorisent de ces deux textes pour 
attribuer aux anciens Egyptiens la connaissance de la préces- 
sion des équinoxes. Passons à un témoignage arabe invoqué par 
M. Lepsius et ayant lui par d'autres savants. 

En matière d'astronomie, les Arabes ont été des commenta- 
teurs intelligents , des calculateurs habiles et d'assez bons ob- 
servateurs; mais ils ont manqué entièrement de critique en ce 
qui concerne l'histoire de la science, et les erreurs nombreuses 
et choquantes dont nous les trouvons coupables en ce genre, 
quand nous pouvons vérifier leurs assertions, doivent nous 
inspirer une légitime défiance, lorsque cette vérification est 
impossible ^ 

Albategni, astronome arabe du ix® siècle de notre ère, men- 
tionne Mans un endroit une année de i6b jours, 1 5', a 7", 3o'', et 
dans un autre endroit^ une année de i6b jours, 6 heures et pres- 
que un cinquième d'heure. Ces deux formules , à peu près équiva- 
lentes^, reviennent à S65 jours, 6 heures et ii ou 12 minutes. Dans 
le second passage, Âlbategni dit : 1^ que c'était l'année tropique, 
telle qu'elle était évaluée par les astronomes antérieurs à Hip- 
parque; a"* qu Hipparque le premier fit l'année de 365 jours i/4 ; 
S** que Ptolémée la diminua de -^ de jour. Or il y a là autant 
d'erreurs manifestes que de propositions. Car, i*" l'ennéadécaé- 
téride de Méton supposait une année tropique de 36S jours, 
6 heures et 19 minutes; mais on ne trouve nulle part avant 

* Chron. der JEg. t. I, p. aïo. rech. sur le calendrier ég. Hém. II, % Ix, 

* Mg. Stelle, l. IV, p. 76. n° a , p. io3. 

^ Voyez Ideier, Hist. Unters. àber die ^ Deicientiastellarum,chap,xiYUtf,6b. 

astronomischen Beobacktungen der Aïten, * Ibidem, chap. lu, p. ao5. 

p. gi; Halley, dans Philosoph. transuct. * Dans la première, Albategni emploie 

t. XVII, p. 91 3, et M. LetronnCi, /Voov. la division sexagésimale du jour. 



— 68 — 

Hipparque une année de 365 jours, 6 heures et ii ou 12 mi- 
nutes; 2^ avant Hipparque, non-seulement les Égyptiens^ mais 
des Grecs, tels que Démocrite, Eudoxe et Callippe, faisaient 
Tannée tropique de 365 jours i/4; 3*" ce fut Hipparque lui- 
même, et non Ptolémée, qui proposa le premier d'en retrancher 
YTô ^^ j^^^' ^t Ptolémée en resta au même point. Dans le 
premier passage, Albategni attribue cette année de ^65 jours, 
6 heures et 11 ou 12 minutes, aux Égyptiens et aux Babyloniens, 
et il ajoute en cet endroit que, suivant Ptolémée, c'était une 
année sidérale. Etait-ce aussi une année sidérale au jugement 
des Egyptiens et des Babyloniens? Il ne le dit pas expressément. 
Quand même il le dirait ici, faudrait-il l'en croire , lorsque , dans 
lautre passage, il dit que c'était l'ancienne évaluation de l'an- 
née tropique? Faut-il même croire, sur sa parole, qu'à un titre 
quelconque les anciens Égyptiens et les Babyloniens aient eu 
une année de cette longueur? Non , d'après les erreurs et les 
contradictions que nous venons de relever dans ses deux 
témoignages. C'est à titre d'année tropique qu'il attribue cette 
année aux astronomes antérieurs à Hipparque, et à ce titre 
elle serait très-inexacte. Il dît que Ptolémée l'a considérée 
comme sidérale. Où a-t-il vu cela ? Ce n'est pas dans la Grande 
composition mathématique de Ptolémée, dont le IIP livre tout 
entier concerne la longueur de Tannée, et dont le VII* presque 
entier concerne la précession des équinoxes. De la comparai- 
son de ces deux livres il résulte que l'année sidérale de Pto- 
lémée est de 365 jours, 6 heures, 9 minutes et 38 secondes, c'est- 
à-dire trop longue de moins d'une demi-minute. Mais cette 
approximation, si remarquable au premier coup d'œil, n'est, 
comme M. Letronne^ l'a montré, que l'eflFetd'un heureux ha- 
sard, puisqu'elle résulte de la compensation de deux erreurs 

* Nouv, rech, sar le cal ég. Mém. II, S 4, n* a, p. io4-io5. 



— 69 — 

graves de Plolémée, Tune de près de 6 minutes 1/2 en plus 
sur Tannée tropique, et l'autre de 6 minutes environ en moins 
sur la précession évaluée en temps. Quant à une année si- 
dérale de 365 jours, 6 heures et 1 1 minutes, et quant à l'attri- 
bution de cette année aux Égyptiens ou aux Chaldéens , ii n'en 
est pas question dans le grand ouvrage de Ptolém^e, Il n'en 
est pas question davantage dans ses Hypothèses, ni dans son 
Inscription de Canobe, opuscules où il revient brièvement sur 
les mêmes objets, ni dans aucun autre de ses ouvrages. 

En un mot, la citation d'Âlbategni est fausse. Où en a-t-il 
trouvé le prétexte? M. Letronne* l'a découvert. Albategni^ dit 
que Ptolémée déclare ouvertement dans son livre que les étoiles ont 
un mouvement alternatif de 8** à raison de 1*^ en 80 ans. Or un 
mouvement de i°en 80 ans donne un arc annuel de 4o", par- 
couru en 16 minutes et 19 secondes de temps. Ajoutons 16 
minutes et 1 9 secondes à l'année tropique de Ptolémée , qui 
est de 365 jours, 5 heures et 55 minutes, nous avons une 
année sidérale de 365 jours, 6 heures, 1 1 minutes et 19 secondes, 
qui est bien l'année sidérale de 365 jours, 6 heures et 11 ou 
12 minutes, mentionnée par Albategni. Mais ce qu'il appelle, 
dans sa citation inexacte, le livre de Ptolémée, ce n'est pas, 
comme on devrait le croire, la Grande composition mathématique 
de Ptolémée; c'est un ouvrage qui n'est pas de Ptolémée, c'est 
le Commentaire de Théon d'Alexandrie sur les Tables manuelles. 
Dans cet ouvrage^, Théon mentionne l'hypothèse d'un mouve- 
ment oscillatoire des fixes suivant un arc de 8"" à raison de 1 "" 
en 80 ans; mais il n'approuve nullement cette hypothèse, et il 
dit expressément qu'elle est étrangère à la doctrine de Ptolémée. 

' Nottv, rech, sur îe cal, ég, Mém. II , S il , Delambre, Astron, du moyen âge, p. 53-54- 
n* a,p. 105-109. ' 1** partie, p. 53, éd. Halma (Paris, 

* De scientia siellaram, c. lu. Compares 182a, in-A*"). 



— 70 — 

A qui Théon rattribue-t-il? C'est aux anciens astrologues (tafo- 
XoLioi dTToreXsfTfiot^rtKol). Ainsi Âibategni a substitué le nom 
de Ptolémée à celui de Théoo, et il a prisuue simple mentiou 
pour une approbation. L'année sidérale que l'hypothèse men- 
tionnée implique avait appartenu à d'anciens astrologues, c est- 
à-dire à jîertains astrologues grecs postérieurs à Hipparque, 
mais antérieurs à Ptolémée, et très -anciens pour Théon, qui 
vivait six siècles après Hipparque. Âibategni transforme cette 
année sidérale de certains astrologues grecs alexandrins , tantôt en 
une année tropique des astronomes antérieurs à Hippairfue, tantôt 
en une année sidérale des Egyptiens et des Babyloniens. Pour ia 
première de ces deux interprétations, le mot ©aXoMo/, rap- 
porté à l'époque de Ptolémée au lieu de celle de Théon , sert 
de prétexte; pour la seconde -interprétation , contradictoire avec 
la première, Aibategni suppose que ce sont les Égyptiens et les 
Babyloniens qui sont désignés sous le nom d'anciens astrologues. 
Telle est l'autorité en vertu de laquelle la notion d'une année 
sidérale de 365 jours, 6 heures et 1 1 minutes, comme distincte 
de l'année tropique, et, par conséquent, la connaissance delà 
précession des équinoxes, ont été attribuées aux Égyptiens et 
aux Chaldéens par Fréret\ aux Chaldéens seuls par Montucla^, 
par Bailly^ et par M. Lepsius**. Espérons que cette assertion 
fausse, avec le témoignage arabe, grossièrement erroné, sur 
lequel elle s'appuie, disparaîtra définitivement de Thistoire^ 



* Acad. des Inscr, anc. série, t. XVI, quelque part que, suivant les prêtres égyp- 
Mém. p. aiA-ai5. tiens, la précessîoii était de 5o" lo"* par 

* HisU des math, t. I , p. 5g ( éd. La- an. Voyez Philos, transact n* 1 58 , année 
lande). 1694; Tabrégé français, t. I, p. 95a, et 

' HisU de l'astron. anc, p. 1^91 i65-i66, Bailly, Astron. indienne et orientale, p. 2 18. 

393 et 4o3. Contre une assertion aussi vague, tonte 

* Chron, der JEg, 1. 1, p. 197. réfutation directe est aussi superflue quîm- 
^ Edward Bernard prétendait avoir vu possible. 



— vi- 
de la science» d'où elle doit êtxe exclue par les témoignages 
nombreux et décisifs qui la condamnent ^ 

Cependant cette erreur pourrait garder encore un appui, 
qu il faut lui enlever, et la vérité contraire, que nous croyons 
avoir suffisamment établie, pourrait courir encore quelque 
danger en face d'une objection, qu'il faut détruire. 

5 4. 

U est impossible, disent Gatterer^, Ideler^ et M. Lepsius*, 
que les anciens peuples, par exemple les Égyptiens, par leurs 
longues observations, n'aient pas connu la précession des 
équinoxes. C'est là un préjugé par lequel ont été trop souvent 
dominés et induits en erreur d'illustres savants et des criti- 
ques distingués qui ont abordé la question historique des no- 
tions antiques sur ce phénomène capital en astronomie. Nous 
avons déjà combattu^ ce préjugé d'une manière générale, en 
montrant combien était grande, pour les anciens peuples, la 
difficulté de découvrir la précession. Nous allons le combattre 
ici d'une manière plus spéciale en ce qui concerne les Égyp- 
tiens, d'après les données positives que nous avons pu re- 
cueillir sur leur astronomie. 

Mais, — qu'on le remarque bien, — le fait qu'il s'agit d'ex- 
pliquer, c'est-à-dire l'ignorance des Égyptiens sur ce phéno- 
mène, est un fait constaté historiquement, et, par conséquent, 
lors même que nous ne réussirions pas ou que nous ne réus- 
sirions qu'imparfaitement dans cette explication , ce fait resterait 
avec sa certitude propre, en attendant une explication meil- 

' Voyez le S précédent. ' Handbuchder Chronologie, 1. 1. p. 27. 

* Cité par Ideler, Hist Untersuch, ùber * Chron, d&r Mg, 1. 1, p. 197. 

i. aslron. Beobacht d. Allen, p. 108. * Chap. i, Sa. 



— 72 — 

leure. Il en est tout autrement d'une hypothèse qui, en 
l'absence de faits certains, trouve sa probabilité dans la 
vraisemblance des explications qu elle reçoit elle-même et 
t|u'elle fournit pour d'autres difficultés historiques. Mais, 
lorsque des faits bien constatés s'élèvent contre une hypothèse, 
elle doit tomber malgré toutes les explications qui, jusqu'a- 
lors, avaient seiqblé la rendre plausible. Or nous avons vu 
que l'hypothèse d'après laquelle les Egyptiens auraient connu 
la précession des équinoxes, une année sidérale et une année 
tropique autre que l'année sothiaque, est une hypothèse con- 
tredite par des faits certains et par des témoignages irrécusa- 
bles. Le fait de l'ignorance des Egyptiens sur ces trois points 
liés entre eux resterait donc acquis à l'histoire, lors même que 
ce fait serait inexplicable pour nous. Mais nous allons voir 
qu'il est loin d'être aussi inexplicable qu'on l'a prétendu. 

Nous avons vu ce qu'étaient les décans des Egyptiens et ce 
qu'étaient leurs Tables des heures^. Comment est-il possible, 
d'une part, que, pendant 2000 ans et plus, les Egyptiens ne se 
soient pas aperçus que les mêmes décans liés aux mêmes cons- 
tellations de leur sphère , avaient cessé d'occuper les mêmes 
positions par rapport aux points équinoxiaux et solsticiaux, 
et que les levers des mêmes constellations équatoriales avaient 
cessé de correspondre aux mêmes heures de la nuit pour 
chaque époque de Tannée tropique? Gomment est-il possible, 
d'autre part, que, pendant 2000 ans et plus, ils aient employé 
leur année sothiaque de 365 jours i/4 comme année tropique, 
sans s'apercevoir qu elle était plus longue que la période qui 
ramène les saisons et les phénomènes lies aux saisons, par 
exemple la crue annuelle du Nil? Ou bien comment est-il 
possible qu'ayant fait ces remarques, ils n'en aient pas conclu 

* Voyez ci-dessus, chap. ii, S i. 



— 73 — 

Texistence de la prëcession des équinoxes, c est-à-dire d'un 
déplacement lent et continu des points équinoxiaux par rap- 
port aux étoiles ou des étoiles par rapport à ces points? Certes, 
je n'ai pas atténue l'objection : je l'ai fortifiée en la précisant. 
Voilà le problème nettement posé : c'est un premier pas fait 
pour le résoudre. Commençons par les décans. 

Pendant 2000 ans et plus, jusqu'à l'époque d* Alexandre, les 
36 décans de la sphère égyptienne étaient-ils déterminés dans 
le ciel par des méridiens qui divisaient Téquateur en 36 arcs 
réellement égaux et exactement mesurés par rapport aux 
étoiles? Les Égyptiens étaient-ils capables de suivre exacte- 
ment la trace de ces méridiens sur la voûte étoilée? Connais- 
saient-ils exactement les positions des points équinoxiaux et 
solsticiaux sur cette sphère, et les positions des étoiles par 
rapport à ces points et par rapport aux décans? Si l'on devait 
répondre affirmativement à ces trois questions, il serait incon- 
cevable, en effet, que les Égyptiens ne se fussent pas aperçus 
de la continuité du déplacement que toutes les étoiles et les 
décans éprouvaient par rapport aux points équinoxiaux et 
solsticiaux dans une direction commune et constante. Mais ce 
serait par une supposition gratuite qu'on attribuerait cette 
perfection à la sphère et à l'astronomie sidérale des Égyptiens. 
C'est, de même, par une supposition gratuite, et certainement 
fausse \ qu'on a voulu prêter cette même perfection à la sphère 
d'Eudoxe, disciple grec des Égyptiens. Ideler et M. Letronne 
ont montré qu'Eudoxe donnait aux étoiles, par rapport aux 
cercles de la sphère, aux points équinoxiaux et solsticiaux et 
aux colures passant par ces points, des positions dont quel- 
ques-unes, pour son temps, étaient vraies ou à peu près, mais 
dont d'autres avaient cessé d'être vraies depuis plus ou moins 

* Voyex ci-après, chap. iv, S i. 

Préceftsion des éqaiDOxes. i o 



— 74 — 

longtemps, jusqu à loou 1 5 siècles ou même davantage avant 
lui , tandis que d'autres ne sont devenues vraies que longtemps 
après lui, d'autres ne le sont pas encore, et quelques-unes ne 
le seront que dans quelques siècles. 

Il était plus facile de vérifier l'existence de la précession 
déjà découverte et d'en perfectionner peu à peu l'évaluation, 
que de la découvrir. Pourtant nous verrons^ que, pendant 
sept siècles après Hipparque, auteur de cette découverte, la 
plupart des savants grecs et romains, à l'exception d'un petit 
nombre d'astronomes, ont écarté tacitement ou nié expressé- 
ment la précessîon , s'obstinant à placer invariablement le point 
équinoxial de printemps à la longitude des premières étoiles 
de la constellation du Bélier, et à faire passer perpétuellement 
les colures des équinoxes et des solstices par les mêmes étoiles 
des mêmes constellations. Les astronomes grecs, peu nom- 
breux, qui, après Hipparque, ont admis la précession, n'en 
ont pas perfectionné la mesure. Ptolémée^, trois siècles après 
Hipparque, et Héron de Gonstantinople^, huit siècles après 
Ptolémée, prétendaient observer toutes les étoiles précisément 
aux longitudes voulues par la précession d'un degré en cent 
ans à partir des positions qu'Hipparque leur avait assignée» 
pour son temps, tandis que les longitudes des étoiles s'étaient 
accrues à raison d'un degré en 72 ans environ^. Rien ne nous 
prouve que la sphère des Égyptiens fût beaucoup plus exacte 
que celle de leur disciple Eudoxe, ni que, par leurs connais- 
sances astronomiques, leurs moyens et leurs procédés d'ob- 

* Chap. IV, S 3. * Pour ce qui concerne Terreur énorme 

• Gr. comp, math, vu , i- 1 3. de Ptolémée «ur la position de Tapogée so- 
' Voyez mes Bech. sar HéroncTAlexattr laire, si bien déterminée par Hipparque 

drie et sar toas les ouvrages maihémaliqaes pour son temps, voyez ma Dissertation en 
grecs attribués à an auteur nommé Héron, tête de V Astronomie de Théon de Smyrne, 
V* partie, p. 267-275 el p. 3 1 5-3 19. II, iv, $ i3, p. i02-io4. 



— 75 — 

servatioo sidérale , ils fussent supérieurs aux astronomes grecs, 
qui, malgré l'autorité d'Hipparque et en s appuyant précisé- 
sur celle des Égyptiens, persistaient à méconnaître le fait de 
la précession des équinoxes. 

Les Égyptiens pouvaient donc se tromper grandement sur 
les positions des étoiles en ascension droite et en déclinaison , 
et sur les positions des points équinoxiaux et solsticiaux par 
rapport aux étoiles et aux décans. Du reste, si une erreur de 
ce genre, devenue trop choquante par le progrès de la pré- 
cession, venait à être remarquée par les prêtres égyptiens > 
ils pouvaient croire que cette erreur appartenait aux anciennes 
déterminations, qu elle était due à Timperfection de l'antique 
astronomie, et non à un changement survenu peu à peu dans 
le ciel. Us devaient être d'autant moins portés à soupçonner 
ce changement, si en même temps certaines erreurs de leur 
sphère antique avaient disparu ou s'étaient atténuées par la 
précession des équinoxes; car ils devaient être portés à croire 
que, sur ces derniers points, l'état antique du ciel n'avait pas 
changé. 

Le fait de la précession pouvait, de même, ne leur être pas 
révélé par les Tables des heures, c'est-à-dire par ces tables qu'ils 
dressaient pour marquer la correspondance des heures de la 
nuit avec les levers quotidiens des étoiles pendant les vingt- 
quatre demi-mois d'une année vague, non compris les cinq 
jours épagomènes. Rien n'indique qu'ils renouvelassent sou- 
vent ces tables des heures, et, comme on n'en trouve que sur 
un petit nombre de monuments, rien n'indique qu'ils en 
conservassent de longues séries chronologiques pour les com- 
parer entre elles. Ces tables, du moins celles qui nous res- 
tent, étaient au nombre de 2 4 pour une même époque : elles 
étaient espacées de 1 5 jours en 1 5 jours pendant la durée 



lO. 



— 76 — 

d'une année vague, sans tenir compte des cinq jours qui la 
complétaient. Si Tannée sothiaquc avait été tropique comme 
ils le supposaient, et si la précession dès équinoxes n'avait 
pas existé, les mêmes tables auraient dû convenir exactement 
à deux années vagues éloignées Tune de l'autre d'une période 
sothiaque, c'est-à-dire de i46i années vagues, égales à i46o 
années sothiaques. Mais, pour faire cette comparaison et pour 
constater ainsi une discordance résultant d'un accroissement 
de longitude des étoiles, il aurait fallu savoir d'avance qu'il y 
avait tout juste une période sothiaque entière entre les deux 
époques dont on aurait comparé les tables des heures. Or Élien ^ 
dit que les prêtres ne pouvaient pas s'accorder entre eux sur le 
calcul des époques de renouvellement d'une période de 5oo 
ans. En effet, la comparaison des listes royales de Manéthon 
avec les documents égyptiens prouve que la chronologie des 
Egyptiens comportait des erreurs de plusieurs années, même 
pour des époques peu reculées^. Pour un intervalle de i5 siè- 
cles , par exemple , l'incertitude chronologique pouvait couvrir 
une grande partie de la différence de 45 ans entre la période 
sothiaque et la période qui aurait ramené l'année tropique vraie 
en concordance avec l'année vague de 365 jours. 

L'incertitude de l'observation des heures des levers quoti- 
diens des constellations suffisait bien pour couvrir le reste de 
la différence. En effet, comme le prouvent les monuments 
égyptiens^, d'une part, les étoiles désignées dans les Tables des 
heures étaient presque toujours des constellations ou des par- 

* Nature des animaux, VI, LVin. thon sar la durée totale de ses trente dynas- 

* Voyez M. Mariette, dans le Bulletin fies égyptiennes, p, 16 et 3 1 -33 (Extr. delà 
archéoL de VAthenœum fr, année i855, Rev. archéoL 1860). 

p. 45 el suiv.; M. de Rougé, dans le Jour- ' Voyez les deux mémoires de M. Biot 

nal asiatique , série v, t. XII, p. 367-360, et cités ci-dessus, S 1 
mon Mémoire intitulé : Opinion de Mané- 



— 77 — 

ties étendues de constellâtioDS, et Don des étoiles indiquées 
chacune séparément; d'autre part, les heures auxquelles ces 
constellations ou parties de constellations étaient affectées 
ainsi d'après leurs levers quotidiens, étaient des douzièmes 
de la nuit comptée à partir du moment où Ton commençait à 
voir les étoiles par un temps serein, jusqu'au moment où le 
jour naissant ne permettait plus de les voir. C'étaient donc 
des heures nocturnes temporaires, c'est-à-dire d'une longueur 
di£Pérente suivant les saisons. Mais, de plus, c'étaient des 
heures inégales entre elles pour une même nuit, divisée ap- 
proximativement en douze intervalles inégaux par des levers 
de groupes d'étoiles. 

Ainsi , même en supposant que les tahles dressées aux deux 
époques l'eussent été pour une même latitude, et que les 
Égyptiens connussent exactement l'intervalle chronologique 
entre ces deux époques, l'effet dé la précession des équinoxes 
sur la correspondance des levers de constellations avec les 
heures nocturnes au hout d'une période sothiaque aurait été 
dissimulé par le concours, i^ d'une incertitude sur l'heure 
précise des observations de levers d'étoiles; a^ d'une incerti- 
tude sur le point précis qui, dans la constellation, devait 
marquer l'heure par son lever; 3** d'une incertitude sur celui 
des jours auquel chaque lever marqué pour un demi-mois 
aurait dû convenir exactement. En outre, on ne faisait pas, 
pour chaque année, q4 nouvelles Tables des heures, puisqu'on 
trouve les mêmes tables dans le tombeau de Ramsès VI et 
dans celui de Ramsès IX^ Il parait probable que les mêmes 
tables semi-mensuelles servaient pour les mêmes demi-mois 
pendant 60 ans, quoiqu'en 60 ans les mois de l'année vague 

' Voyez M. Biot, Reck. de quelques dates absolues, ii* partie, p. 4i-il6 (Paris, i853, 
in-4% Acad. des sciences, t. XXIV). 



I 



— 78 — 

se déplaçassent de 1 5 jours dans Tannée sothiaque considérée 
comme tropique ^ Ainsi chaque table, dressée pour un demi- 
mois de Tannée vague et servant pendant 60 ans , comportait, 
par sa construction même et indépendamment des fautes 
d exécution, une latitude d'un mois entier, et, par conséquent, 
une incertitude de 3o degrés environ. 

Toutes ces causes auraient bien suffi seules pour masquer 
la discordance résultant de la précession. Mais nous avons vu 
que, de plus, Tincertitude des Égyptiens sur Tintervalle précis 
des deux époques pour lesquelles ils auraient voulu comparer 
les Tables des heures devait achever d'effacer à leurs yeux les 
effets de la précession sur les heures quotidiennes des levers 
d'étoiles. Supposons pourtant que les prêtres égyptiens eus- 
sent entrevu quelques discordances trop choquantes entre les 
heures des levers observés en une certaine saison et celles que 
la comparaison avec des tables antiques aurait pu leur faire 
attendre d'après le calcul du roulement de leur année vague 
dans Tannée fixe de 365 jours i/4 : ils auraient pu imputer 
cette discordance soit à une erreur chronologique sur l'inter- 
valle des deux époques , soit à une méprise des anciens obser- 
vateurs, soit à quelque autre cause inconnue, par exemple à 
quelque antique prodige qui aurait bouleversé Tordre des 
cieux. Mais ils se seraient bien gardés de signaler la discor- 
dance; car les Tables des heures portent le cachet de la supersti- 
tion astrologique, dont elles étaient Tinstrument. Or Tastrolo- 
gie, qui avait des prétentions mensongères àTexactitude, et qui 
invoquait des centaines de mille ans d'expérience prétendue^, 

' Voyez M. Biol, au même endroit, lane en Grèce par CallUUiènesp' ia-a3 du 

p. 45-/i6. tirage à part. (Extrait de la ii* partie du 

' Voyez mon Mémoire sur des observa- t. VI des Mém. prés, par div. sav. à l'Acad, 

tiofis astronomiques envoyées, dit-on, de Baby- des inscr.) 



— 79 — 

avait intérêt à dissimuler tout ce qui aurait pu compromettre 
la confiance qpi'on avait dans les procédés des anciens astro- 
logues. 

Voyons- si la précession des équinoxes devait être révélée 
plus facilement aux Égyptiens par le roulement de Tannée 
sothiaque dans Tannée vague. Le commencement de Tannée 
sothiaque était marqué par le lever héiiaque du matin de 
Sirius à Memphis. L'époque annuelle du phénomène variait 
de sept jours, selon quon Tobservait dans la partie la plus 
septentrionale ou la plus méridionale de TEgypte. Il est vrai 
que Tobservation faite à Memphis faisait loi pour TÉgypte 
entière^. Mais, pour un même lieu, la date annuelle de la 
première observation du lever de Sirius avant le lever du 
soleil pouvait varier de quatre jours au moins, par un ciel 
sans nuages, suivant le plus ou moins de pureté de Tair et 
suivant le plus ou moins de puissance de la vue des observa- 
teurs. D'un autre côté, rien ne prouve que les Egyptiens aient 
jamais été capables de trouver le solstice d'été avec la certi- 
tude de ne pas commettre une erreur de plusieurs jours; car 
la lenteur extrême du mouvement du soleil en déclinaison aux 
époques des solstices rend cette observation très-délicate. 
Enfin, non-seulement Tinondation du Nil est très-loin de 
commencer le même jour pour toute Tétendue de TÉgypte du 
sud au nord, mais, dans chaque lieu, ce phénomène est loin 
de commencer toujours exactement au même jour de Tannée 
tropique vraie, et il ne commence pas d'une manière soudaine 
et bien sensible dès le premier instant : tout ce qu'on peut 
dire, c'est que Tépoque moyenne du commencement de la 
crue des eaux du Nil à la latitude de Memphis suivait de près 
le solstice d'été. Or le lever héliaque du matin de Sirius à 

' Voyez M. Letronne, Noavn rech, sar h cah ég. Mém. I, SS a, 3 et 4f p. l^'àà^ 



— 80 — 

Memphis avait coïncidé avec le solstice vers 33oo ans avant 
notre ère^ ; dix siècles plus tard, il était postérieur au solstice 
de 7 jours au moins; il Tétait de i5 jours dix siècles encore 
plus tard; il Tétait de 3 2 jours à Tépoque de la conquête de 
TEgypte par Alexandre. Pendant les 1 5oo ans qui avaient pré- 
cédé la conquête grecque, c est-à-dire depuis Texpulsion des 
Hycsos jusqu à cette conquête, le retard de ce lever dans Tannée 
tropique vraie avait été de près de 12 jours, tandis que, dans 
l'année de 365 jours i/4, connue en Egypte plus de 1 5oo ans 
avant Alexandre, la place de ce lever était restée invariable. 

Gela posé, si les Égyptiens, convaincus, comme ils Tétaient, 
que Tépoque de Tinondation dépendait de celle du lever hé- 
liaque du matin de Sirius et que ce lever avait une position 
fixe par rapport au solstice d'été, en étaient venus peu à peu 
à placer le solstice quelques jours trop tard, pour ne pas le 
séparer du lever héliaque de Sirius et du commencement de 
Tannée de 365 jours i/4, et s'ils en étaient venus, en même 
temps et pour le même motif, à prendre pour type les années 
où le commencement variable de Tinondation était le plus 
tardif et à ne pas tenir compte des premiers et presque insen- 
sibles progrès des eaux, ils avaient pu persister à croire que, 
depuis i5oo ans et plus, le lever de Sirius et le commence- 
ment de Tannée de 365 jours i/4 ne s'étaient déplacés ni par 
rapport au solstice, ni par rapport au commencement de la 
crue du Nil. En ce qui concerne Tépoque annuelle du com- 
mencement de celte crue, il y a une circonstance qui peut 
rendre leur erreur bien facile à concevoir : des témoignages, 
dont j'ai montré ailleurs^ la vraisemblance, nous disent que 

* Voyez M. Biot , Recherches sar l'année ' Voyez mon Mémoire sar le rapport des 

vague des Égyptiens. (Académie des sciences lunaisons avec le calendrier égyptien, S i, 
t. XIII, p. 6oi-6o5.) p. ii-i3 du tirage à part. (Extrait de la 



— 81 — 

les Égyptiens, considérant la crue du Nil comme influencée 
par la lune, en rattachaient le commencement, non pas direc- 
tement au solstice ou bien au lever héliaque de Sirius, mais 
à la dernière nouvelle lune avant ce lever, ou bien à la pre- 
mière nouvelle lune après le solstice. En ce qui concerne 
l'époque annuelle du lever héliaque de Sirius par rapport au 
solstice et à la crue du Nil, l'illusion leur était d'autant plus 
facile, si, comme il est très-vraisemblable, ils ne pouvaient 
pas se tenir assurés de savoir au juste quel avait été, en des 
temps très-reculés, le rapport précis des époques annuelles de 
ces trois phénomènes donnés comme rapprochés les uns des 
autres, mais non comme simultanés* Par exemple, si, d'une 
part, faute de documents sûrs et par une erreur de 6 jours 
sur la position que le lever héliaque de Sirius avait dû oc- 
cuper par rapport au solstice i5oo ans avant la conquête 
d'Alexandre, les Égyptiens pouvaient croire qu'à cette époque 
reculée ce lever était déjà postérieur de i5 jours au solstice, 
tandis qu'il l'était en réalité de 9 jours seulement à Memphis 
dans les circonstances ordinaires de transparence de l'air et de 
clairvoyance des obsei-vateurs; si, d'autre part, les Égyptiens 
contemporains d'Alexandre retardaient de 6 jours le solstice 
pour leur époque, par une erreur supposable de leur part dans 
cette observation bien plus diflicile pour eux que ne l'aurait 
été celle des équinoxes^ ils pouvaient croire que de leur temps, 
comme i5oo ans auparavant, le lever héliaque de Sirius à 
Memphis était postérieur de i5 jours environ au solstice, 

11* partie du t. VI des Mém. prés, par div. ment de Fiaondation du Nil et de In prê- 
tai;, à VAcad. des inscr.) Mes conclusions mière saison de Tannée égyptienne, appe- 
ont été confirmées par M. Brugsch, Mafé- lait l'attention des Égyptiens plus que les 
riaux, etc. $ 8, n**3-5, p. i3-i5 (Leipzig. équinoxes. Voyez Geminus , chap. vi, p. 34 
1 864, in-foL). B C (Uranol de Pétau , 1 63ô , in fol. ). 
' Le solstice d'été, lié au commence- 

Précession des équinoxes. 1 1 



— 82 — 

tandis qu'en réalité il Tétait alors de aa jours environ dans le 
même lieu où 1 5oo ans auparavant il ne Tétait que de 9 jours 
dans des conditions semblables. 

Ainsi expliquée , Tignorance des Égyptiens sur la distinction 
entre Tannée tropique vraie et Tannée sothiaque de 365 jours 
1/4 n ofFre rien d'incroyable. Ajoutons que leur ignorance de 
Tannée sidérale est expliquée du même coup, puisque Texcès 
de Tannée sidérale sur Tannée tropique se conclut du temps 
dont le soleil a besoin pour parcourir Tare annuel de préces- 
sion. Il est vrai qu'on aurait pu trouver directement Tannée 
sidérale par des observations continuées pendant des siècles 
sur le déplacement que les levers héliaques des étoiles situées 
sur Técliptique éprouvent dans Tannée tropique vraie. Mais , 
outre que les considérations présentées pour expliquer Tigno- 
rance des Egyptiens sur Taccroissement de la distance entre 
ie solstice d'été et le lever béliaque de Sirius s'appliqueraient 
en grande partie aux levers héliaques de ces étoiles, il y a une 
considération plus décisive : c'est que rien n'indique que les 
Egyptiens se soient occupés spécialement des levers héliaques 
d'étoiles connues par eux pour être situées sur Técliptique. 

Enfin, Tannée sothiaque, considérée faussement par les 
Egyptiens comme tropique en même temps, ayant précisé- 
ment une longueur intermédiaire entre celle de Tannée tro- 
pique vraie et celle de Tannée sidérale, devait être pour eux 
un obstacle à la découverte de ces deux formes d'année, 
dont elle tenait pour eux la place. Mais, quand bien même 
ils auraient pu entrevoir quelques raisons de douter de Texac- 
titude de Tannée sothiaque en tant que tropique ou bien en 
tant que sidérale, les yeux auraient pu aisément leur être 
fermés sur ce point, suivant la remarque de M. Letronne*, 

Noav. rech. sur le caL ég, Mém. II, S 5, p. lai. 



— 83 — 

par le respect superstitieux que leur inspirait le lever héliaque 
de Sirius, de Sothis, étoile du commencement de l'année. Les Grecs 
n'avaient pas la même raison pour tenir à Tannée de 365 jours 
1/4 ; Hipparque leur avait montré quelle était un peu trop 
longue, et il leur avait prouvé l'existence de la précession des 
équinoxes : pourtant, chez les Grecs eux-mêmes, pendant des 
siècles après Hipparque, la notion de la précession n'a été 
adoptée que par quelques savants, et l'année de 365 jours i/4 
est restée seule en usage; adoptée par Jules César, aidé de 
l'astronome alexandrin Sosigène, elle s'est conservée sans cor- 
rection chez les Romains, et ensuite chez les peuples chrétiens 
jusqu'au xvi* siècle. Quant aux anciens Chinois, il est cons- 
tant, comme nous le verrons \ que, pendant des siècles, ils ont 
employé l'année de 365 jours i/4, sans faire un pas vers la 
découverte d'une année tropique plus exacte, et sans soup- 
çonner la précession des équinoxes. Cet exemple, allégué avec 
raison par M. Letronne^, montre bien que les Egyptiens ont 
pu n'être pas plus habiles sur ce point. 

Les Égyptiens ont donc pu ignorer que les étoiles eussent 
un mouvement continu par rapport aux points équinoxiaux et 
solsliciaux, et qu'il y eût une distinction à faire entre l'année so- 
thiaque de 365 jours i/4. Tannée tropique et Tannée sidérale; 
car ils ont pu ignorer que les positions de Sinus et des autres 
étoiles eussent changé par rapport aux points équinoxiaux 
et solsticiaux, et que le lever héliaque de Sirius et les levers 
des étoiles à certaines heures de la nuit eussent changé d'épo- 
ques par rapport aux équinoxes et aux solstices. Nous avions 
prouvé historiquement (8S 1 et 2) la réalité de l'ignorance des 
Egyptiens sur ces points. Pour répondre à des objections, 

^ Cbap. VII, S 4. — * Nouv. rech. sur le cal. ég, Obs. prél. p. 7, et Mena. II, $ 4, n* 2, 
p. 101. 

1 1 . 



— 84 — 

nous venons de donner, sur la possibilité de cette ignorance 
chez les Égyptiens , des explications qui nous paraissent suffi- 
santes, et nous pourrions nous en tenir là sur cette question. 
Mais aux explications qui précèdent nous allons en ajouter 
d'autres, qui peuvent soit les remplacer, soit les fortifier et les 
compléter. 

Supposons, pour un instant, qu'un certain nombre de 
siècles, par exemple un millier d'années avant notre ère, les 
Egyptiens eussent reconnu qu'autrefois très-voisine du solstice 
d'été, l'époque du lever héliaque de Sirius était devenue pos- 
térieure d'un certain nombre de jours, par exemple d'une 
quinzaine. Ils auraient pu croire que l'étoile Sirius seule s'était 
éloignée du point solsticial, soit par un mouvement propre et 
continu de cette étoile, soit par quelque antique et brusque 
changement de position. Nous verrons^ qu'une fable indienne 
attribuait aux Pléiades un déplacement bien plus prodigieux, 
et les fables égyptiennes présentaient, suivant la remarque de 
M. Letronne^, des merveilles célestes plus incroyables encore. 

Supposons même, pour un instant*, que les Égyptiens 
eussent constaté que non-seulement Sirius, mais toutes les 
étoiles avaient subi un déplacement par rapport aux points 
équinoxiaux et solsticiaux. Même après cette découverte , qu'ils 
n'ont jamais faite, mais que nous leur prêtons ici par hypo- 
thèse, non-seulement ils auraient pu, comme M. Lepsius* en 
convient , laisser aux Grecs l'honneur de découvrir que ce dé- 
placement apparent consiste, pour tous les corps célestes, en 
un accroissement de longitude, sans changement de latitude, 
et avec changement de déclinaison, c'est-à-dire en un mouve- 

' Chap. vi,S3. ^ Nous avons prouvé hisloriquemeni 

^ Nouv. rech. sar le cal ég. Mém. Il, S 5, ($2) la fausselé de cette supposition, 
p. 1 19. * ChronoL der Mg. t. I, p. 196-198. 



— 85 — 

ment dans le sens de récliptique, de Touest à l'est; mais ils au- 
raient pu ne pas songer non plus à un mouvement lent et con- 
fina des étoiles vers Test dans le sens de réquateur, mouvement 
dont M. Lepsius a eu tort de leur attribuer la pensée. Au lieu 
de cela, lors même qu après bien des siècles ils auraient cons- 
taté que les positions des étoiles n'étaient plus celles qu'auraient 
indiquées les plus anciennes traditions orales ou écrites, ils 
auraient pu croire qu'à quelque date comprise entre ces temps 
reculés et leur époque, un changement soudain et miraculeux 
s'était opéré dans le ciel, et, pour justifier leur science pré- 
tendue, les astrologues égyptiens auraient pu dire qu'elle avait 
tenu compte de ce changement et de ses conséquences. La 
possibilité d'une telle erreur, chez un peuple placé dans l'état 
de civilisation où étaient les Égyptiens, nous est prouvée par 
l'exemple des Indiens^; car les astronomes indiens croyaient 
que, par un antique prodige, les positions des colures avaient 
changé tout à coup de a 3*^ i/3, et quelques-uns d'entre eux 
ont persisté dans cette croyance, même après que d'autres 
eurent accepté la doctrine grecque de la précession des équi- 
noxes. D'ailleurs, les Égyptiens eux-mêmes, comme nous 
l'avons vu (S 3), imaginaient des prodiges astronomiques bien 
plus incroyables, savoir, par exemple, le soleil se levant à 
l'occident. 

Du reste, nous le répétons, les Égyptiens n'ont pas eu l'oc- 
casion de recourir à un miracle pour expliquer le déplace- 
ment des étoiles par rapport aux points équinoxiaux et sols- 
ticiaux; car, comme nous l'avons prouvé , ce déplacement leur 
est resté inconnu. Mais, lors même qu'ils auraient entrevu les 
efiets accumulés de la précession des équinoxes, ils auraient 
pu cependant ne pas soupçonner ce déplacement lent et con- 

' Voyez ci-après, chap. vi , S4. 



— 86 — 

tinu qui constitue la précession. Pour la découvrir, outre de 
bons procédés d'observation, il leur manquait ce qu avait Hip- 
parque : l'esprit scientifique et la foi à la stabilité des lois de 
la nature. 

Résumons en quelques mots ce long paragraphe : 

1° Nous avons montré que les Égyptiens ont pu ne pas 
s'apercevoir que leur année sothiaque de 365 jours i/4 s'était 
déplacée de quelques jours dans l'année tropique. 

2** Subsidiairement nous venons de montrer qu'ils auraient 
pu faire cette remarque, sans soupçonner aucunement une 
diflférence habituelle de longueur entre l'année tropique et 
Tannée sothiaque , parce qu'ils auraient pu recourir à l'hypo- 
thèse d'un prodige soudain pour expliquer ce déplacement*. 

3° Nous avons montré que les Égyptiens ont pu ne pas s'a- 
percevoir que les points équinoxiaux et solsticiaux s'étaient dé- 
placés par rapport aux étoiles , ou réciproquement les étoiles 
par rapport à ces points. 

4° Subsidiairement nous venons de montrer que, quand bien 
même les Egyptiens se seraient aperçus des effets accumulés 
de ce déplacement, ils auraient pu ne pas soupçonner qu'il 
fût continu, soit suivant l'équateur, soit suivant l'écliptique ; 
car ils auraient pu croire, comme certains astronomes indiens, 
à un déplacement soudain des points équinoxiaux, déplace- 
ment antique, mais pourtant postérieur aux plus anciennes 
observations. 

Ainsi les Égyptiens ont ignoré la précession des équinoxes 
et la distinction à faire entre leur année sothiaque, l'iinnée 
tropique et Tannée sidérale : c'est là un fait que nous avons 
prouvé parles monuments égyptiens (S i ) et par les témoignages 
unanimes de l'antiquité (8 2), et nous venons de montrer (S 4) 
que ce fait certain est en même temps explicable. 



— 87 



$5. 

Cependant, depuis le commencement de ce siècle jusqu'à 
nos jours, des savants, convaincus d'avance que les Égyptiens 
n'avaient pas pu ignorer la précession des équinoxes, ont cher- 
ché et ont cru trouver, dans les monuments astronomiques de 
l'Egypte , des preuves de cette connaissance. D'après ce que 
nous venons de voir, leur opinion sur ce point était un préjugé 
bien capable de les induire en erreur sur le sens des symboles 
égyptiens qu'ils avaient à interpréter. 

J'avais d'abord placé ici une réfutation détaillée des inter- 
prétations suggérées par ce préjugé. Mais j'ai reconnu qu'il 
n'était pas nécessaire de débattre de nouveau une affaire sur 
laquelle il existe un jugement bien motivé et accepté comme 
définitif par tout le monde savant. Il suffit de rappeler ici 
brièvement les points principaux de ces longs débats et les con- 
sidérations les plus décisives. 

Commençons par les fameux planisphères de Dendéra et 
d'Esneh, auxquels on attribuait des dates plus ou moins an- 
tiques, et pour la plupart prodigieusement reculées, expri- 
mées, disait-on, à dessein sur ces tableaux mêmes par les effets 
de la précession des équinoxes. Ces planisphères, construits 
sous les empereurs romains, et dans lesquels un des éléments 
principaux est le zodiaque grec, tandis que tout le reste y dif- 
fère entièrement de la sphère grecque, ne peuvent pas offrir 
la reproduction d'un plan antérieur à l'époque aïexandrine, 
jusqu'à laquelle le zodiaque grec a été étranger à l'Egypte*. 
Ce sont des représentations générales du ciel , dans lesquelles 
les consteUations zodiacales grecques et les constellations ex- 

* Voyez ci- dessus, S i. 



~ 88 — 

tra-zodiacales égyptien nés sont placées d'une manière grossière- 
ment topographique, mais nullement d'après une projection 
mathématique, de sorte que les constructeurs n'ont pas voulu 
désigner une époque déterminée par les positions des constel- 
lations. Du reste, en dehors du zodiaque, les identifications 
d'étoiles qu'on avait tentées étaient fausses ^ Ce sont là des 
faits désormais incontestables. Mais un point reste à éclaircir. 
Dans le zodiaque circulaire de Dendéra, le signe du Cancer 
est élevé au-dessus de la tête du Lion , qui le suit. Dans le zo- 
diaque rectangulaire de Dendéra, divisé en deux bandes de 
six signes chacune, le signe du cancer est placé à la fin d'une 
bande et à la suite des cinq signes précédents; mais ilestmisen 
dehors et au delà de cette bande vers |a gauche, au-dessous 
du niveau des onze autres signes^. Dans le zodiaque du sarco- 
phage thébain du prêtre Héter de Dendéra ^, le premier signe 
au haut de la bande située le long du flanc droit de la déesse 
du ciel est ce même signe du Cancer. Au contraire, dans la 
bande unique du zodiaque rectangulaire du temple du nord 
d'Esneh, le premier signe à la droite est la Vierge; elle est aussi 
le premier signe d'une des deux bandes du zodiaque du grand 
temple d'Esneh*. Faut-il chercher là quelque commémora- 
tion d'un changement amené parla précession des équinoxes? 
Non certes; car, entre les époques de ces monuments égyp- 
tiens du temps de l'empire romain, il n'y a qu'un petit nombre 
d'années, tandis qu'entre le Cancer et la Vierge il y a une 

^ Voyez M. de Rougé, Travaux de ' Voyez la planche jointe au mémoire 

M. Biot, etc. % 3 (Revue contemporaine, de M. Brugsch, Veher ein neuentdecktes 

lO noY. i86a,p. 372 et 279). astr. Denkmal ans dar tkeb. Nekropolis 

* Voyez les figures de ces zodiaques (Zeitschrift der deutschen morgenlœndischen 

dans les planches I et II jointes au mé- GeseîhchaJÏ, t. XIV). 

moire de M. Letronne, Analyse cnt des * Voyez les planches III et IV à la suite 

repr, zod. de Dendéra et d'Esneh (i845, du Mémoire de M. Letronne. 
in./i-). 



— 89 — 

(KfiFérence de 60 degrés. Ces deux nianières de couper le zo- 
diaque, soit avant le Cancer, soit avant la Vierge, pourraient 
être considérées comme indiquant en quel mois zodiacal, ou 
bien sous quelle influence astrologique, auraient été érigés ou 
consacrés les monuments. Mais une autre explication me paraît 
plus probable. Pourquoi, dans les zodiaques de Dendéra et 
dans celui du tombeau d'Héter, le Cancer est-il désigné à l'at- 
tention comme premier signe? C'est parce que l'entrée du 
soleil dans ce signe du zodiaque fixe est marquée par le sol- 
stice d'été, voisin du lever héliaque du matin de Sirius, c'est-à- 
dire du point de départ réel de l'année sothiaque et du point 
de départ fictif de l'année vague. Pourquoi, dans les zodiaques 
d'Esneh, la Vierge est-elle indiquée comme premier signe? 
C'est parce que l'année fixe alexandrine commençait le 29 août 
julien, peu après l'entrée du soleil dans le signe de la Vierge, 
qui étaft le troisième signe depuis le point solsticial d'été ^ 

Quoi qu'il en soit de cette explication, au moins vraisem- 
blable, ce qu'il y a de certain, c'est qu'on ne peut signaler 
ddns ces zodiaques aucune indication concernant la préces- 
sion des équinoxes. D'ailleurs, quand bien même une indica- 



' Dans uoe note lue à TAcadémie des 
inscrjplions et belles- lettres en ]853 
(voyez le Journal général de l'instruction 
publique, t. XXII, p. 6oo-6oi , n* 76, 
2 1 sept. i853), M. Brunet de Presle sup- 
pose que les douze signes zodiacaux de 
Dendéra et d'Esneh désignent les mois 
correspondants de Vamnée julienne. U com- 
mence par la bande de gauche dans le zo- 
diaque rectangulaire de Dendéra» afin 
d'avoir pour premier signe le Verseau, 
correspondant à janvier, premier mois du 
calendrier jolien. Mais jamais le calendrier 
julien na été en usage dans la haute 
Précession des équinoxes. 



Egypte, ni même à Alexandrie. D'ailleurs, 
dans le zodiaque circulaire du même mo- 
nument, on ne peut rien trouver qui dé- 
signe le Verseau comme premier signe. 
Dans les deux zodiaques d'Esneh, en 
commençant par la bande de gauche , ce 
seraient les Poissons , et non le Verseau , 
qu'on aurait pour premier signe. Ces mo- 
numents égyptiens ne peuvent se rap- 
porter qu'à des formes d'année qui aient 
été 'Usitées en Egypte : telles sont Vannée 
vague. Vannée sothiaque et Vannée jixt 
alexandrine. 



12 



— 90 — 

tion de ce genre se révélerait sur ces monuments de Tas- 
trologie égyptienne modifiée par Tinfluence gréco- romaine, 
il n'en résulterait nullement que les anciens Égyptiens eussent 
connu la précession, puisque cette connaissance aurait pu 
être, chez les Égyptiens de l'époque romaine, le résultat 
des enseignements des Grecs alexandrins, disciples d'Hip- 
parque. 

Mais ce n'est pas seulement sur des monuments égyptiens 
ornés de zodiaques et appartenant à l'époque romaine, c'est 
aussi sur des monuments de l'époque des Ptolémées, dans les- 
quels le zodiaque ne figure pas, et même sur des monuments 
purement égyptiens et antérieurs à l'influence grecque, qu'on a 
cru trouver l'indication de l'année tropique vraie comme dis- 
tincte de l'année sothiaque, et l'indication de dates marquées 
à dessein par les longitudes variables des étoiles fixes, c'est-à- 
dire par les effets de la précession des équinoxes. Il est vrai 
qu'un illustre savant , qui, en i835, avait proposé ces explica- 
tions', M. Biot, a paru y renoncer implicitement, lorsqu'en 
1845 et en 1862^ il a admis que les Égyptiens n'avaient pas 
connu une année tropique plus courte que leur année so- 
thiaque de 365 jours i/4- Mais, en faisant cet aveu, il n'a pas 
formulé expressément l'abandon de ses anciennes hypothèses, 
qui pourraient avoir gardé des partisans», ou qui pourraient 
en retrouver. Voilà pourquoi il n'est pas inutile d*en dire ici 
quelques mots. 

D'abord, ces hypothèses ont le tort grave de reposer sur 
une autre hypothèse, considérée longtemps comme un fait in- 

* M. Biot, Rech. sur Cannée vaguê des fartii.f, 6 (Ac. des sciences, i8àb,i'^yi, 
Eg, (Mém, de l'Ac de sciences, p. 551-707 ; part. 11), et Etudes sur l'astr. ind. et chin. 
i835,in-4"). Introd. p. xixvi (Paris, 18621, iiv4'). 

* Mém, sur div, points d'astron. anc. 



— 91 — 

dubitable, mais aujourd'hui tout à fait ébranlée, pour ne pas 
dire détruite. Des témoignages irrécusables nous font connaître 
les noms individuels que les Égyptiens donnaient à leurs douze 
mois, et le rang ordinal de chacun des mois ainsi nommés. 
Champollion avait cru que, dans la notation hiéroglyphique 
des trois saisons égyptiennes de quatre mois chacune, la sai- 
son de l'inondation était la dernière et que le lever héliaque 
du matin de Siriusdevait tomber au neuvième mois. Ainsi, au 
lieu du premier mois, thoth, ce fut le neuvième mois, pachon, 
qu'il considéra comme devant commencer normalement vers 
le solstice d'été et vers le commencement de la crue du Nil. 
Partant de cette hypothèse comme d'un fait certain, il en cher- 
cha la vérification sur les monuments égyptiens ^ Or, sur un 
monument érigé à Edfou (Apollinopolis Magna) dans la haute 
Egypte, sous les Ptolémées, au m* siècle de notre ère, et dans 
le Ramesseum de Thèbes, monument purement pharaonique, 
on voit, au-dessous des signes hiéroglyphiques des douze mois, 
désignés par leur rang dans les trois saisons, douze figures 
symboliques qui les personnifient. Il s'agissait d'y reconnaître 
des allusions aux phases de l'année tropique. Le grammairien 
Horapollon^, interprète grec des symboles égyptiens, dit que 
deux pieds debout et rapprochés Tun de l'autre signifient le mou-- 
vement du soleil au solstice dhiver. La neuvième et la seconde 
des douze figures symboliques sur les deux monuments sont 
des figures de dieux emmaillottés comme des momies. Cham- 
pollion suppose , sans y être autorisé par HorapoUon , que l'em- 
maillottement exprime l'un et l'autre solstice, et que la neu- 

* Vojez M. Biol , Bech. sur V année vagae Comparez 1 , 58 et 65 , el les notes de Lee- 
des Eg. (Ac. des sciences, t. XIII , p. 6i8* mans, p. 3o4 et 2187. Il faut lire (Twr^fAé- 
636.) voi , rapprochés, et non <rwtfiiiiévoi, liés 

* Hiérogi II, i3, p. 64 (Leemans). ensemble. 



1 a . 



— 92 — 

vième figure, celle du paois pachon, est représentée ainsi, 
parce que le solstice d'été est au commencement de ce mois, 
lorsque les saisons fictives de Tannée vague se trouvent avoir 
avec les saisons réelles le rapport normal et primitif qu'il croit 
lire dans la notatîon symbolique. Or l'intervalle d'un solstice 
d'été au solstice d'hiver précédent est de six mois et quelques 
jours à cause de l'anomalie du mouvement solaire. Il est donc 
naturel, suivant ChampoUion, que, le solstice d'été étant placé 
au commencement du mois/^oc/ton^neuvième mois de l'année, 
le solstice d'hiver soit placé* vers la fin du deuxième mois, 
nommé phaophi. En efiet, le second dieu emmaillotté se trouve, 
au-dessous du signe hiéroglyphique du deuxième mois, dans 
un naos funéraire, indiquant, suivant ChampoUion, la mort du 
soleil en hiver. Du solstice d'hiver àl'équinoxe vernal, l'inter- 
valle est d'un peu plus de trois mois : le solstice d'hiver étant 
vers la fin du deuxième mois, phaophi, l'équinoxe vernal doit 
se trouver vers la fin du cinquième, tybL Or, à Edfou et dans 
le Ramesseum, le cinquième mois est personnifié de deux ma- 
nières difierentes, mais qui expriment toutes deux la fécon- 
dation. 11 est vrai qu'à l'équinoxe vernal les blés sont déjà 
mûrs en Egypte ; mais c'est l'époque de la fécondation des fleurs 
du palmier. Quant à l'équinoxe d'automne, c'est une époque 
où il y a beaucoup de grenouilles en Egypte : une déesse à tête de 
grenouille^ personnifie le douzième mois, mésori, vers le com- 
mencement duquel l'équinoxe d'automne doit être placé. Entre 
cet équinoxe et le solstice d'hiver, il y a le douzième mois, 
moins quelques jours, les cinq jours complémentaires, le 
premier mois entier, et le deuxième mois, moins quelques 
jours. 

Ces rapprochements sont très-ingénieux; mais les allusions 
sur lesquelles ils se fondent sont très-loin d'être évidentes , et 



- 93 — 

l'interprétation qu ils appuient dépend de plusieurs supposi- 
tions très-contestables, dont voici Ténumération : 

1*^ Les signes hiéroglyphiques des trois saisons égyptiennes 
s'expliqueraient par le symbolisme idéographique et non par le 
phonétisme : il faudrait y chercher des images et non des mots. 

2"* Le commencement normal de Tannée égyptienne serait 
postérieur de quatre mois au solstice d'été , et ne serait en rap- 
port ni avec un équinoxe, ni avec un solstice, ni avec le lever 
héliaque de Sirius. 

S"* Les Égyptiens auraient connu l'anomalie du mouvement 
solaire et en auraient tenu compte dès la plus haute antiquité, 
quoique leur disciple Eudoxe Tait ignorée. 

à"* Le débordement du Nil, principe de Jla fécondité du sol 
égyptien, au lieu d'ouvrir le cercle des saisons et de précéder 
la végétation et les récoltes, comme la cause précède naturel- 
lement les efiPets, aurait été rélégué à la fin de Tannée égyp- 
tienne. 

De ces quatre suppositions, la première n'est ni évidente 
ni démontrée. La seconde, qui est la principale, a contre elle les 
témoignages de Tantiquité. La seconde, la troisième et la qua- 
trième ont contre elles la vraisemblance. 

Ces suppositions et Tinterprétalion qui en dépend sont-elles 
vraies? Depuis ChampoUion, non - seulement M. Biot, mais 
M. Letronne, M. Lepsius et les égyptologues en général, Tont 
cru sans hésiter, jusqu'au jour où M. Brugsch^ est venu pro- 
poser une interprétation toute différente, à laquelle, en somme 
et malgré quelques réserves, M. Bœckh^ paraît avoir adhéré, 

^ Nouv, rech. sur la division de l'année Partie théorique, S ii, n*" i-6, p. 34-36 
des anciens Égyptiens (Berlin et Paris, (Leipzig, i864, in>foL ). 
i856, in-8^, et Matériaux pour servir à * UeberdievierjœhrigenSonnenkreisederAl- 
l'histoire du calendrier des anciens Egyptiens, ten, Deiiage IV, p. 4a 7 (Berlin, 1 863, in-8*) . 



- 94 - 

que M. de Rougé ^ a confirmée en la modifiant et en la com- 
plétant, et qui, solidement établie désormais, se résume dans 
les deux propositions suivantes : 

!<" Les signes hiéro^yphiques des saisons expriment des 
mots, qu'il faut lire. 

2"" La lecture de ces mots, d'accord avec les témoignages 
de l'antiquité et avec la vraisemblance, prouve que l'année 
égyptienne avait pour première saison celle de l'inondation, 
dont le commencement était voisin du lever héliaque du 
matin de Sirius et du solstice d'été. 

Cela posé, revenons à la précession des équinoxes. M. Biot^, 
en 1 835, attribuait aux Egyptiens la connaissance d'une année 
tropique vraie, plus courte que celle de 365 jours et i/4, et 
réglée, depuis 3ooo ans avant notre ère, par l'observation des 
équinoxes et des solstices; il leur attribuait la connaissance 
d'une période de 1 5o5 ans, qui, plus longue de 45 ans que la 
période sothiaque, ramenait en concordance avec l'année tro- 
pique vraie une année vagiie de 365 jours. M. Biot prétendait 
trouver la preuve de cette double connaissance des Égyptiens 
dans l'interprétation donnée par Champollion aux figures sym- 
boliques des mois, telles qu'on les voit à Edfou et dans le Ra- 
messeum de Thèbes; car, suivant M. Biot, par leur signifi- 
cation, ces figures devaient se rapporter à l'année tropique 
vraie, et leur concordance avec la notation hiéroglyphique des 
mois de l'année vague de 365 jours sur les deux monuments 

' Lettre à la suite d*un artide de tenter sur le calendrier et les dates égyptiennes 

M. Biot, Journal des Savants, sept. 1867; {Revue archéologique, août i86At p> 81- 

Travaux de M. Biot sur le calendrier et Vas- 87 ). 

ironomie des anciens Égyptiens (ifeons cou- ' Recherches sur Vannée vague des Egyp- 

temporaine, 3o novembre 1862, p. 279- tiens (Acad, des sciences, t. XIII, p. 6o3- 

a83), et surtout. Note sur quelques condi- 6âo). 
iions préliminaires des calculs qu'on peut 



— 95 — 

devait exprimer la commémoration d'une de ces époques où 
le commencement du neuvième mois, pachon, avait coïncidé 
avec le solstice d*été, 

. Si l'interprétation de Champoiïion tombe, il est évident que 
les conclusions que M. Biot en a tirées doivent tomber avec 
elle. Mais j'ajoute qu'on devrait rejeter ces conclusions, lors 
même qu'on admettrait l'interprétation de Ghampollion , tant 
pour la notation hiéroglyphique des saisons de l'année vague 
que pour les figures symboliques correspondant aux douze 
mois. En effet, suivant Ghampollion et M. Biot, sur les ta- 
bleaux d'Edfou et du Ramesseum comme partout, les douze 
mois exprimés par la notation hiéroglyphique d'après leurs 
rangs dans les trois saisons sont des mois vagues distribués en 
trois saisons fictives , qui se déplacent perpétuellement par rap- 
port aux saisons réelles. Il doit donc naturellement en être de 
même des douze mêmes mois, personnifiés en outre dans les 
deux mêmes tableaux par douze figures symboliques; car la 
disposition de ces tableaux indique chaque figure symbolique 
comme la personnification divine du mois correspondant. Par 
conséquent, si la notation hiéroglyphique se rapporte aux douze 
mois de l'année vague, les douze figures doivent s'y rapporter 
également. 

Sans doute, la science moderne a trouvé qu'une période de 
1 5o5 ans devait ramener les saisons fictives de l'année vague 
de 365 jours en concordance avec les saisons réelles corres- 
pondantes. Mais les sculptures du Ramesseum et d'Edfou ne 
prouvent nullement que les Égyptiens aient su que cette pé- 
riode est plus longue que la période sothiaque, ni qu'ils aient 
su que l'année tropique est plus courte que l'année sothiaque 
de 365 jours i/4. Pour faire cette double découverte, il aurait 
fallu avoir des observations d'équinoxes et de solstices non- 



— 96 — 
seulement exactes, mais datées dans une chronologie suivie, 
qui permît d'en mesurer exactement les intervalles de temps. 
Or cest là ce qui a toujours manqué aux Égyptiens \ comme 
M. Biot lui-même^ Ta reconnu depuis. Quant à la seconde dé^ 
couverte, nous avons montré quelle a très-bien pu échapper 
aux Egyptiens ^, et en efiFçt leurs monuments n'en ofiFrent pas 
de traces. 

Ainsi, par les figures symboliques des douze mois, comme 
par la notation hiéroglyphique de ces mêmes mois, quelle que 
soit l'interprétation qu'on adopte pour cette notation, les ta- 
bleaux du Ramesseum et d'Edfou doivent exprimer la consti- 
tution perpétuelle d'une même forme d'année, et non une 
antique coïncidence de deux années de longueur difiFérente. 
Pour que ces deux monuments d'époques si différentes dussent 
être considérés comme destinés à fixer le souvenir d'une de 
ces époques, éloignées l'une de l'autre de i-5o5 ans, auxquelles 
les saisons fictives de l'année vague et les saisons réelles cor- 
respondantes de l'année tropique avaient coïncidé ensemble, 
il faudrait que cette hypothèse invraisemblable s'appuyât sur 
des données positives. 

M. Biot ^ a senti la nécessité de trouver dans ces deux mo- 
numents des preuves de cette hypothèse. Il a voulu montrer 
que la date de cette coïncidence y est marquée par des obser- 
vations sidérales liées à la précession des équinoxes. Contre 
les preuves prétendues de cette assertion, une discussion dé- 
taillée serait longue; mais quelques mots suffiront. 

Sur le tableau astronomique du monument d'Edfou, cons- 

* Voyez H. Martin, Opinion de Mam- ' Voyez ci-dessus, S &. 

thon sur la durée totale de, ses trente dynas- ^ RechT ^f Vannée vague des Egypt. 

ties, p. 3 1-33 (Revue archéol. i86o). (Académie des sciences, t. XIII, p. 63o- 

' Rech, sur quelques dates absolues, etc. 657). 
p. 5-6 (Acad, des inscr, t. XXIV). 



— 97 — 

truit en 275 avant J. C, M. Biot a cru voir rîndicatioo prémé- 
ditée des époques, distantes entre elles de 1 5o5 ans, où le sol- 
stice d'été vrai, se déplaçant dans l'année sothiaque en vertu du 

». < 

mouvement du point solsticial par rapport aux étoiles, revenait 
en coïncidence avec le commencement de pachon , neuvième 
mois de l'année vague. Trompé par un dessin inexact de Cham- 
pollion, M. Biot a cru voir sur ce tableau deux truies, qui re- 
présenteraient le sixième mois, méchir, et le septième mois, 
phaménoth. Mais ces deux truies prétendues sont des hippo- 
potames ^ Ensuite, trompé par une fausse étymologie du mot 
grec ICdSes, et supposant faussement que ce nom grec d'un 
petit groupe d'étoiles devait être la traduction d'un symbole 
égyptien, M. Biot a cru .que les deux traies prétendues signi- 
fiaient les Hyades. Près d'elles se trouvent les légendes grand feu 
et petit fea^, qu'il a plu à M, Biot de considérer comme signi- 
fiant lever cosmicjue et lever héliacjue des Hyades à récjuinoxe vernaL 
Or il est vrai qu'en 32 85, de même qu'en 276 et qu'en 1780 
avant J, C, le commencement du neuvième mois, pachon, 
tombait sur le solstice d'été; mais, d'une part, en 32 85 seule- 
ment, et non en 275, ni en 1780, les Hyades étaient près du 
point équinoxial; d'autre part, en 1780 seulement, et non en 
3285, ni en 275, le lever cosmique des Hyades avait lieu en 
méchir. Ainsi, même en adoptant l'interprétation de Cham- 
poUion pour l'ordre des saisons égyptiennes, même en prenant 
les deux hippopotames du monument d'Edfou pour deux 
truies, les deux truies prétendues pour les Hyades, et les lé- 
gendes grand feu et petit feu pour l'indication du lever cosmique 

* Voyezhgmide Description de l'Egypte du calendrier égyptien. Partie ihéorique, 

(in-fol.), vol. I, planche 63; M. Lepsius, S la, p. 53. 

Chron.der.^gA.l,p. iSg, et M. Brugsch, * Voyez M. Lepsius, Chron. der JEg, 

Matériaux pour servir à la reconstruction t. I, p. iSg. , 

Précession des équinoxes. 1 3 



— 98 — 

et du lever héliaque des Hyades à récjainoœe vernal, même au 
prix de toutes ces erreurs accumulées, on n'arriverait à trouver 
sur le monument d'Edfou qu'une commémoration contradic- 
toire, qui, convenant en partie à chacune de ces deux époques, 
distantes entre elles de i5o5 ans, et antérieures l'une de 
1 5o5 ans et l'autre de 3oio ans à l'époque du monument, ne 
conviendrait en somme à 'aucune époque. Le résultat serait 
donc aussi inacceptable en lui-même que le sont les moyens 
employés pour l'obtenir. 

- Dans le tableau du Ramesseum, M. Biot croit retrouver la 
même combinaison impossible de ces deux mêmes commémo- 
rations contradictoires entre elles. Mais ici l'illusion est plus 
évidente encore. Car les deux truies prétendues du monument 
d'Edfou sont remplacées, dans le tableau du Ramesseum, par 
deux chacals, symboles de l'horizon oriental et de l'horizon 
occidental K Or l'horizon oriental est la place du lever héliaque 
et du lever cosmique du matin, et c'est bien de ces deux levers 
qu'il s'agit ici pour les Hyades. Suivant M. Biot, les Hyades 
seraient sous -entendues à l'horizon oriental sur le monument : 
comme si l'objet essentiel d'un tableau symbolique pouvait 
se sous-entendre ! Par une compensation étrange, à l'horizon 
occidental, où les Hyades ne devraient pas être, M. Biot croit 
les trouver exprimées par une tête de taureau : comme si, soit 
en particulier la figure de la constellation grecque du Taureau, 
dans la tête duquel sont les Hyades, soit en général les douze 
figures du zodiaque grec, appartenaient à la sphère égyptienne 
(lu temps de Ramsès ! 

C'est là une erreur que M. Biot, comme tant d'autres sa- 
vants, admettait sans examen en i835, mais qu'il n'a plus 

' Voyez M. Biol, Acad, des sciences, Chron, der,^ g. tV^ p. lào.elM.Bm^h, 
t. XIII, p. 6Ai. Comparez M. Lepsius, Matériaux, etc. Partie théorique, p. 53. 



— 99 — 

soutenue depuis i845, c est-à-dire depuis sa mémorable dis- 
cussion académique contre M. Letronne^ Dans un Mémoire^ 
publié en i853, M. Biot a contribué lui-même à détruire cette 
fausse hypothèse, en prouvant la différence complète de Tan- 
tique sphère égyptienne et de la sphère grecque. Ce n'est donc 
pas contre Topinion définitive de M. Biot que nous allons dis- 
cuter ici, ce n'est pas contre une opinion qui lui ait appartenu 
plus qu'à beaucoup d'autres savants; c'est contre tous les par- 
tisans du fameux taureau équinoxial, témoin prétendu de la 
précession des équinoxes depuis une époque antérieure de 
2600 ou 3 000 ans à celle d'Hipparque : hypothèse qui avait 
séduit autrefois M. Letronne lui-même, comme il en fait l'aveu^. 

Il serait long de discuter la signification du taureau équi- 
noxial, du lion sohticial et du scorpion équinoxialy signalés sur 
divers monuments égyptiens, dont quelques-uns appartien- 
nent aux temps pharaoniques, et desquels on a voulu conclure 
que les Égyptiens, dès ces temps reculés, connaissaient la 
précession des équinoxes. Mais quelques mots peuvent suffire 
pour faire justice de cette conclusion. 

Ce taureau, ce lion et ce scorpion, mêlés à d'autres figures 
non zodiacales sur de vieilles sculptures égyptiennes, ne sont 
pas des signes du zodiaque mobile par rapport aux points équi- 
noxiaux, c'est-à-dire que ces trois figures ne sont pas, comme 
Ta cru Fourier, des dodécatémories égales dont la position en lon- 
gitude change par rapport à ces points sur le zodiaque fixe; et 
elles ne sont pas davantage des constellations zodiacales, comme 
l'ont cru M. Jomard, M. Biot et tant d'autres. Car jamais les 
Égyptiens, avant Tépoque des Ptolémées, ni même avant 

» 

^ Acad. des inscr. t. XVI, part. 11, trouvé à Thèbes, en Egypte, Mém. II et 
p. i-aio. dernier (Acad, des sciencgs, t. XXIV). 

' Sur an calemlrier astron. et astroî. ' i4cc(eI.e2e5iR5cr.t.XVI, part. 11, p. 106. 

î3. 



— 100 — 

l'époque des empereurs romains, n'ont employé des figures du 
zodiaque grec pour représenter soit les signes de ce zodiaque, soit 
les constellations grecques qui ont donné leurs noms à ces signes. 
Voilà ce que M. Letronne^ a démontré dès iSa^i et M. Biot 
lui-même^, abandonnant tacitement ses anciennes hypothèses, 
a confirmé cette vérité historique, lorsquen i853 il a publié 
ses Recherches sur les constellations des Égyptiens. 

Cependant nous ferons ici une réserve, que nous répéterons 
en parlant des monuments mithriaques. Quoique nous soyons 
bien convaincu que, sur les monuments égyptiens, l'équinoxe 
vernal n est pas exprimé par le taureau, ni le solstice d'été par 
le lion, ni l'équinoxe d'automne par le scorpion, l'objet de 
notre discussion présente nous permettrait pourtant d'accepter 
provisoirement cette hypothèse. Mais ce que nous ne pouvons 
pas admettre un seul instant, même à titre d'hypothèse, c'est 
que ce taureau, ce lion et ce scorpion représentent les constéU 
lations ou les signes homonymes du zodiaque grec mobile par 
rapport aux équinoxes ^. 

Les opinions que nous venons d'écarter brièvement sont 



* Obs. crit, et archéoh sur l'objet des re- 
présentations zodiacales qui nous restent de 
V antiquité ( iSaA, in-8% 1 18 p. ) ; Sur l'ori- 
gine des zodiaques prétendus égyptiens (1837, 
in-S**, e xtr. de la Revue des Deux Mondes) ; 
Sur l'origine du zodiaque grec, etc, (i8â6, 
jn-4''i 59' p. exir. du Journal des Savants, 
1839-1840) ; Analyse critiqua des représen- 
tations zodiacales, etc. (Âcad, des inscr. 
i845, t. XVI, part. 11). 

* Sur un calendrier astron. et astrol. 
trouvé à Thèbes , en Egypte ( A cad. des scien- 
ces, i853, t XXIV). 

^ Porphy re (A npre des Nymphes, ch . xx i v, 
p. 23 éd. Van Goêns) indique ie taureau 



comme symbole de l'équinoxe veraal , 
mais cest en parlant des doctrines mi- 
thriaques gréco- romaines. Plutarque {Uis 
et Osiris, ch. xxxviii) indique le lion 
comme symbole de Tinondation annuelle 
de rÉgypte; mais il parle expressément 
du signe zodiacal du lion, que ie soleil 
parcourait pendant le fort de la crue du 
Nil. Il ne faut donc pas rapporter ce sjm- 
bole à Vantique sphère égyptienne , mais 
à celte sphère transformée par Tintroduc- 
tion du zodiaque grec , ni aux plus anciens 
temps de TÉgypte, mais au temps de 
Plutarque, qui, en eflîet, parle ici au pré- 
sent. 



— 101 — 

désormais insoutenables; mais pourtant elles méritaient d'être 
mentionnées, à cause de la grande vogue qu elles ont eue jus- 
qu'à une époque peu éloignée de nous, et à cause du mérite 
distingué de leurs auteurs. Quant à d'autres opinions peu 
connues et peu dignes de l'être, qui supposent de même chez 
les anciens Égyptiens la notion de la précession des équinoxes, 
et qui ont pour auteurs, l'une M. Thilorier \ l'autre M. Seyf- 
farth^, elles portent en elles-mêmes leur réfutation évidente 
pour tout lecteur un peu compétent. 



' Comptes rendus des séances de V Aca- 
démie des sciences, 5 octobre i8âo, l. XI, 
p. 670-573. Comparez M. Henry, V Egypte 
pharaonique, t. 1 , p. 69 et p. 83 et sui- 
vantes. Deux légendes arabes aussi ab- 
surdes que contradictoires indiquent deux 
dates très-différentes pour la construction 
des pyramides de Memphis. L'une de ces 
deux dates , indiquée expressément comme 
antédiluvienne , est antérieure de 3g2ii ou 
^9^1 ans à Thégire, et par conséquent de 
3d84 ou 3^74 ans À Tère chrétienne. 
L*autre date, liée & un faux calcul de la 
précession des équinoxes, fixe cette cons- 
truction à 73,000 ans avant Thégire. 
M . Thilorier, transformant les ans en mois 
lunaires sidéraux, réduit les 72,000 ans à 
quaranle-cinq siècles. Puis , après avoir fa- 
briqué ainsi cette date, il prétend la re- 
trouver dans des inscriptions de Ja pyra- 
mide de Chéops, inscriptions qui , suivant 
lui, noteraient un lever de Tétoile Véga de 
la Lyre, arrivé à midi, le jour du solstice, 
à Tépoque de la construction , et observé 
en plein jour, sans doute avec un téles- 
cope antédiluvien ! Mais, dans ces inscrip- 
tions, comme M. Thilorier l'avoue, ni 
Tétoile Véga, ni la Lyre ne sont désignées : 
il faut les y deviner. La constellation de 



la Lyre est nommée dans la seconde lé- 
gende arabe ; mais , au lieu d*un lever sol- 
sticial de cette constellation dmi£, antérieur 
de quarante- cinq siècles à Vère chrétienne, 
suivant un calcul de Thilorier, il y est 
question de la présence de la Lyre dans le 
signe du Cancer 72,000 ans avant Vhégire, 
* Berichtigungen der, . . . Chronologie, 
p. 1 o6- 1 1 3 et 1 37-ao3, surtout p. 1 4o- 1 48. 
Comparez M. Uhlemann , Thoth oder die 
Wissenschqfïen der Mgypter, p. a34- Pour 
trouver dans des tableaux égyptiens les 
douze signes du zodiaque grec, M. Seyf- 
fartb n*a pas besoin d*y voir les figures 
de ces douze signes ; car chacune de ces 
figures a, suivant lui, chez les Egyptiens, 
de nombreux équivalents, quil reconnaît 
au premier coup d*œil , malgré leur entière 
différence. C'est ainsi qu a l'aspect d'un 
tableau égyptien quelconque, il en dit la 
date sans hésiter, parce qu'il y trouve 
marquées les positions des planètes dans 
un zodiaque mobile, que certainement, 
suivant lui , les Égyptiens savaient distin- 
guer du zodiaque fixe. Dans un autre 
Mémoire (Sur la période égyptienne du phé- 
nix, part. II, S 9), nous avons discuté 
trop longuement d'autres illusions de 
M. Seyffarth. 



— 102 — 

HâtODS-nous de résumer ce long chapitre. 

1*" Nous avons prouvé (SS i et a), par des documents égyp- 
tiens, grecs et romains, que les anciens Égyptiens n ont connu 
ni la précession des équinoxes, ni une année tropique plus 
courte que Tannée sothiaque de 365 jours i/4. 

2"" Nous avons montré (S 3) qu'aucun document de Tanti- 
quité grecque et romaine n attribue aux anciens Égyptiens ces 
connaissances, et que les documents byzantins et arabes qui 
les leur attribuent sont de nulle valeur. 

3*" Nous avons répondu (SS 3, 4 et 5) à diverses objections, 
savoir : à celles d'après lesquelles il serait incroyable que les 
Égyptiens n'eussent pas possédé ces mêmes connaissances (S 4)i 
et à celles d'après lesquelles on en trouverait l'indice, soit dans 
leurs traditions et dans leurs périodes de temps (S 3), soit sur 
leurs monuments astronomiques ($5). 

Sur ce point capital de l'histoire de l'astronomie égyptienne , 
nous croyons en avoir dit assez pour convaincre les esprits les 
plus difficiles. Cependant des doutes pourraient renaître, si la 
notion de la précession des équinoxes était constatée chez des 
peuples avec lesquels les Égyptiens se' trouvaient en rapport. 
Nous allons suivre nos adversaires sur cet autre terrain, qui 
ne leur sera pas plus favorable. 



CHAPITRE III. 

LES CHALDiiENS BT LES PERSES ONT IGNORli LA PROCESSION DBS EQUINOXES. 

Nous commencerons par la Babylonie et la Perse : la Baby- 
lonie, sur laquelle TÉgypte, depuis la dix-huitième dynastie 
jusqu'au milieu de la vingt-unième, a exercé, pendant près de 
cinq siècles, du xvii* au xif avant notre ère, une influence 



— 103 — 

domiDatrice ^ ; et la Perse, qui, devenue maîtresse de la Baby- 
lonie, a subjugué TEgypte, et qui, de l'époque de Cambyse à 
celle d'Alexandre, Ta gardée sous son pouvoir pendant près 
de deux siècles, sauf une interruption d'un peu plus d'un demi- 
siècle. Il faut avouer que, si la notion de la précession des 
équinoxes était antique chez les Chaldéens ou chez les Perses, 
il serait difficile de concevoir comment les Égyptiens auraient 
pu l'ignorer entièrement. Mais les Chaldéens et les Perses 
l'ont-ils connue? Non, comme il nous sera facile de le mon- 
trer. Ensuite nous examinerons, à titre d'objections, les preuves 
prétendues de l'opinion contraire. 

S1-. 

Notre preuve a été faite d'avance à propos de l'Egypte '^ : 
nous n'avons plus besoin que de la rappeler et de montrer 
qu'elle s'applique aux Chaldéens et aux Perses, tout aussi bien 
qu'aux Égyptiens. 

Depuis l'époque d'Alexandre, la Babylonie étant tombée et 
restée au pouvoir des Grecs, de même que l'Egypte, les doc- 
trines des Chaldéens ont été bien connues des Grecs. Des ob- 
servations astronomiques chaldéennes, postérieures à l'ère de 
Nabonassar, furent apportées de bonne heure en Grèce, peut- 
être déjà par Eudoxe^. Hipparque s'en est servi. Mais il n'y a 
trouvé aucune indication, ni de la précession des équinoxes, 
ni d'une année tropique plus courte que l'année chaldéenne 
de 365 jours un quart. C'est dans la comparaison de ses 
propres observations avec des observations grecques peu an- 

^ Voyez M. de Rougé« Mém. sur une * Voyez ci-dessus , chap. ii« S a. 

stèle égyptienne (Joarnal asiatique, n*^ de ' Voyez M. Letronne, Journal des Sa- 

juin à septembre i858). vants, nov. iSSg, p. 661. 



— 104 — 

ciennes, qu Hipparque a troijvé les seuls indices qu'il ait pu 
réunir en faveur de ces deuiL notions, qui, considérées comme 
paradoxales, n'obtinrent, pendant bien des siècles, que peu de 
faveur chez les Grecs et les Romains \ L'astronome chaldéen 
Séleucus de Babylone écrivait en greô vers l'époque d'Hip- 
parque^. Son nom, cité pour d'autres doctrines astronomi- 
ques^, ne l'a jamais été en faveur de ces deux notions contro- 
versées, qui ne sont attribuées aux Chaldéens par aucun auteur 
antérieur au vi* siècle de notre ère. 

L'astrologie chaldéenne a été enseignée en langue grecque 
par le Chaldéen Bérose dès les premiers temps de l'empire des 
Séleucides*, plus tard par le Chaldéen Teucer de Babylone^, 
plus tard encore par les deux astrologues et théurges chal- 
déens, père et fils, qui portaient le nom de Julien^. Les Grecs 
et les Romains cultivèrent avec ardeur l'astrologie chaldéenne 
plus ou moins modifiée. Pendant des siècles, la précession des 
équinoxes n'y tint aucune place, et, quand elle s'introduisit 
dans les écrits d'un petit nombre d'astrologues grecs, ce fut à 
titre de doctrine hétérodoxe, et pourtant sous une forme at- 
ténuée, sous la forme de la précession oscillatoire, qui était. 



' Voyez ci-dessus, chap. ii, S a, et ci- 
après, chap. IV, S 3. 

' Séleucus avait été cité par Hipparque 
(voyez Strabon , 1, i , S 9 , p. 6 Cas.) , et i) 
avait combattu une opinion du grammai- 
rien Cratès (voyez Stobée, App. e Ms. 
Florent, t. IV, p. 437-438, Gaisford). Il 
vivait donc, comme Hipparque et Cratès , 
au n* siècle avant notre ère. 

' Voyez Plularque, Quest. plat. VIU, i; 
Stobée, App. e Ms. Florent, t. IV. p. 437- 
438 (Gaisford), et Ed. phys, I, xxii, 
t. I, p. 44o (Heeren), le faux Plutarque, 
Op. des philos. III, xvii, et H, i; Strabon, 



I, I, S 8, p. 6, et III, V, S 8, p. 174. Com- 
parez Strabon, XVI, i, S 6, p. 73g. 

* Voyez Vitruve, IX, 11 (iv) , et vi (vu), 
t. I, p. 247 et a55 (Schneider); Pline, 
VII, XXXVII, S ia3, t. II, p. 39 (Sillig.); 
Sénèque, N. Q. III, xxix; Josèphe, Contre 
Apioïit I, XIX. 

* Voyez Démopliite, Schol in Ptolemœi 
Qaadrip, p. aoo (Bâle, ibgg, in-fol.), et 
Psellus, cité par Fabricius, B. Gr. t. II, 
p. 5 17-5 18 (Vet. cd.). Comparez p. 5 10. 

^ Voyez les textes cités par Lobeck, 
Âgtaophamus, I, xiv, p. 98-104, el par 
Thilo, De cœlo empjreo, part. 11, p. 8. 



— 105 — 

comme nous le verrons \ un compromis entre la fixité absolue 
des points équînoxiaux, admise par les disciples fidèles des 
Ghaldéens et des Égyptiens, et la révolution complète de ces 
points, admiseTpar les disciples fidèles d'Hipparque. 

Les doctrines des mages de la Perse furent transmises aux 
Grecs par deux mages connus sous le nom d'Ostanès ^, dont 
l'un vînt en Grèce avec Xercès, et dont Tautre fut contemporain 
d'Alexandre le Grand ^, puis par le péripatéticien Eudème *, 
et par le péripatéticien Hermippe, auteur d'un Traité sur les 
mages et interprète grec des doctrines de Zoroastre ^, puis par 
une foule d'auteurs grecs, qui continuèrent cette initiation®. 
Ces doctrines superstitieuses, dans lesquelles l'astronomie et 
l'astrologie tenaient une place secondaire ^, se mêlèrent avec 
celles des Ghaldéens et avec celles des platoniciens grecs : de 
ce mélange sortirent les Oracles magiques et chaldaïques ® et les 



' Chap. IV, S a. 

* Suivant Suidas (au mot ù&lSvat), 
ce serait un nom appellatif. 

' Voyez Pline, XXX , i, s. a, SS 8 el 1 1 , 
et XXX, II, s. 5, 5 i4> t. IV, p. 379-880, 
38 1 et 38a (Sillîg), et Dîogène de L. I, 
proœm. s. a. 

^ Voyez Damascius, Problèmes et solutions 
snr les premiers principes, p. 384 (Kopp). 

* Voyez Plîne, XXX, 1, s. a, S 4« t. IV, 
p. 378 (Sillîg), et Diogène de L. 1, proœm. 
a. 8. 

* Outre l^îne et Diogène, voyez Por- 
phyre, Antre des Nymphes, ch. vi, p. 7 
(Van Goens), et Ahstin. 11, lvi, p. aoa; 
IV, XVI, p. 348*3^9 et 35 1 (J. de Rhoer); 
Proclus, Sur h Timéê, p. 64 B (Bâle), ou 
p. 149 (Schneider); Damascius, ProbL et 
»oh sur les premiers principes, p. 384 et 396 
(Kopp), et morceaux inédils, Vil. p. 111- 
11 a (Ruelle). Comparez Cicéron, Div. I, 

Précession des équiooxes. 



xxiiï et xLi ; Origène, Contre Celse, 1 , lvii , 
et LX; Minucius Félix, Octavius, p. 37 1 [Gro- 
nov.), et le faux saint Basile , Hom, in Christ, 
Gêner, t. il, Âppend. p. 600 G (Bened.). 

^ Voyez Justin, Hist. I, i. Comparez 
Dinon et Hermodore dans Diogène de L., I, 
proœm. s. 8; le faux Clément de Rome, 
Reconnaissances, IV, xxvii-xxix, tr. lat. de 
Rufin.p. ia5-ia6 (Gernsdorf); àSuidas, 
aux mots k&lpovoiiia et Zùfpoéu/Jpï^ç. 

* Voyez Porphyre , De la philosophie à 
tirer des oracles, fragm. (éd. G. Wolf, Ber- 
lin, i856, in-8**); Damascius, Pr-obl. et 
sol, p. ii5, iSo, 170, 17a, 187, 195, 198, 
199, a4ii a43, a68, a70, a9i, 346, 37a, 
379 (Kopp), et morceaux inédits, I, IV et 
IX, p. 93-93, 100 et 11 5 (Ruelle), et les 
textes de Proclus et d'autres auteurs cités 
par Thilo, De cœlo etnpyreo, part, i et 11 
(HalJe, 1839, in-4*), et par Lobeck , 
Aglaophamus, I, xiv, p. 981 11, 

i4 



— 106 ~ 

symboles mithriaques. Toutes ces importations de l'Orient 
obtinrent une grande faveur dans le monde gréco-romain. 
Dans tout cela, aucun auteur antérieur au vi* siècle de notre 
ère n'a signalé aucune trace de la précession 'des équinoxes. 
On n'en trouve non plus aucune trace dans ce qui reste de 
VAvesta\ ni dans des ouvrages que la Perse a produits à une 
époque plus récente, et qui contiennent des restes plus ou 
moins altérés de la doctrine physique et cosmographique des 
mages, par exemple dans VArdâ-Vtrâf-Nâme, imitation du livre 
grec de Y Ascension d'haie, composée au m* siècle de notre ère 
par ordre du premier roi Sassanide^, et dans le Boandeesch, 
rédigé par les Perses après la conquête arabe ^. Suivant ces 
deux ouvrages, le ciel des étoiles est plus bas et plus rapproché 
de la terre que ceux de la lune et du soleil *. Suivant le Boun-- 
déesch^y la terre est entourée d'une haute chaîne de montagnes*, 
derrière laquelle les astres se lèvent et se couchent, et derrière 
laquelle ils reviennent du couchant au levant. Jean de Lydie ^ 
savait que Zoroastre plaçait le soleil au-dessus des étoiles fixes. 
Le superstitieux empereur Julien ^ connaît aussi cette étrange 
opinion; mais, à l'exemple des Oracles chaldaïques grecs, il 



* Voyez Spiegel, Avesia, die keiUgen 
Schrijïen der Parsen, 3 vol. in -8* (Leipzig, 
i65a.i863). 

' Voyez la Irad. angl. de Pope ( Londres, 
i8i6, in-8^ de ia3 p.). Comparez M. de 
Satnl- Martin, Acad, des inscr, t. XIV, 
part. Il, p. io3-io4 et ia5, cl surtout 
M. Spiegel, Avesta, t. I, p. ai -23. ^ 

* Voyez la Irad. fr. d'Anqoetil Duper- 
ron, à la suite du Zend- Avesia, 

* Voyez le Vtrâf-Nâme, cité par M. de 
Saint-Martin (Acad^desinscr. t. XIV, part. !i, 
p. i84)f qui a tort d'ajouter entre paren- 

hèses qu*il s*agit du ciel et des étoiles 



mobiles seulement, el le Boandeesch [Zend- 
Avesia d*Anquetii Duperron, t. II, p. 356 
et 36A)- Comparez le Zerduschl • Nâme , 
ibidem, ié I, part, ii, p. 28-29; Anquetil 
Duperron, Acad. des inscr. anc. série, 
t. XXXVII, p. 628, et Creuzer, Religions 
de Vaniiqudté, trad. de M. Guigniaut, III, 
II, t. I, p. 328 et 712. 

' Zend- Avesia d* Anquetil Duperron, 
t. II, p. 357 et 364-365. Comparez t. I, 
part. II , p. 3o. 

* Des mois, II, vi, p. 16 (Bekker). 

' Discours sur le soleil roi, p. i48A 
(Spanheim). 



— 1D7 — 

rînterprète^ en ce sens qu au-dessus de notre soleil, de la lune, 
des planètes et des étoiles fixes, il y a un autre soleil supérieur, 
le soleil du ciel éthéré, qui n'a au-dessus de lui que le ciel 
empyrée '. C'est là, dit l'empereur philosophe ^, un dogme 
révélé par les dieux, tandis que les opinions des astronomes 
sur les sphères célestes ne sont que des hypothèses, qui ne 
tirent leur vraisemblance que de leur accord ayec les phéno- 
mènes. 

Le philosophe Proclus disait qu'il aurait voulu pouvoir dé- 
truire tous les autres livres, pour ne garder que les Oracles 
magiques et ckaldaïqaes avec le Timée de Platon^. Il mettait 
dans son estime les mages de la Perse au même niveau que 
les Chaldéens de l'Assyrie et que les prêtres de l'Egypte ^. S'il 
avait trouvé chez les Perses ou chez les Chaldéens la notion 
de la précession des équinoxes, il Taurait admise, lors même 
qu elle aurait élé niée par Hipparque et par Ptolémée. Mais, 
comme nous Ta vous vu^ il la rejette, malgré les observations 
grecques, parce que les observations, bien plus antiques des 
Egyptiens et des Chaldéens, et surtout leur science astrono- 
mique révélée par les dieux, la condamnent. 

En efiFet, Diodore de Sicile^ dit que, suivant les Chaldéens, 
les planètes ont un mouvement propre, tandis que les fixes 
n'ont qu un seul mouvement toujours le même, c est-à-dire le 
mouvement diurne autour de la terre, d'orient en occident 

« 

Ainsi les Grecs et les Romains connaissaient les doctrines 

* p. iSoetsaiv. (Spanheim). • Sur le Timée, p. 3i C, 64 BC et 

* Voyez Thilo, Z)e ccb/o em/7jreo, part, lu 277 DF (Baie), p. 71, i/ig, 671-672 
(HaJle, i84o, in-4*). (Schneider). Comparez p. 264 D, 273 BC 

' Discoars sur le soleil roi, p. i48 A et a85 F-286 A (Bâle), p. 689, 661 et 

(Spanheim). 691-692 (Schneider). 

* Voyei Marinus, Vie de Proclus, * Cbap. 11, S 2. 
ch. XXXVIII (Boissonade). ^ ii, 3i. 

i4. 



— 108 — 

astronomiques des Chaldéens et des Perses. Ils savaient que la 
notion de la précession des équinoxes était étrangère à ces 
doctrines. On invoquait contre cette notion Tautorité scienti- 
fique et religieuse des Chaldéens et des mages. Des philosophes 
grecs, comme Proclus etlempereur Julien, dans leur respect 
fanatique pour cette autorité sacrée à leurs yeux, lui sacri- 
fiaient volontiers les découvertes de la science grecque. 

$ 2. 

Cependant, au ix* siècle de notre ère, Albategni attribue 
aux Chaldéens, de même qu'aux Égyptiens, une année de 
365 jours, 6 heures et ii minutes, en ajoutant que, suivant 
Ptolémée, c'était une année sidérale distincte de l'année tro- 
pique. Nous avons montré ^ par quelle série d'erreurs et de 
malentendus Albategni avait tiré cette assertion d'un texte grec 
qui n'est pas de Ptolémée, et qui ne concerne ni les Égyptiens , 
ni les Chaldéens, mais quelques astrologues grecs. Nous n'avons 
donc besoin de rien ajouter ici contre l'opinion de Fréret ^, 
de Bailly ^, de Fourier* et de M. Lepsius^ qui, sur cette seule 
autorité, affirment que les Chaldéens avaient évalué l'année 
sidérale à 365 jours, 6 heures et 1 1 minutes, avec une erreur 
qui ne dépasse pas deux minutes. Nous répéterons seulement 
que ces savants ont doublement tort d'en conclure que les 
Chaldéens, connaissant presque exacteniient la valeur de la 
précession annuelle en temps, devaient avoir une année tro- 
pique presque exacte de 365 jours, 5o minutes et 48 secondes 

' Chap. Il, S 3 , p. 369-373. * Bech. sur les sciences et le goav. de VE- 

^ Acad. des iiiscr. t. XVI, Mém. p. 31 4- 9yp^^> ^^^^' (Descr. de l'Eg, Antiq. Mém, 

ai 5. t. I, p. 818-819, in-fol). 

* Astr. anc.V, xv, p. lig, elEcl.lV, xuv, * Chron, der jEg. t. I, p. 297. 

p. 39a; Astr, iW. et orient, p. 219 et 271. 



_ 109 ~ 

environ. Ces savants oublient ^ qu une évaluation très-appro- 
chée de Vannée sidérale peut résulter de la combinaison d'une 
année tropique beaucoup trop forte avec une précession an- 
nuelle beaucoup trop faible ; et nous avons vu que tel était 
précisément le cas de ces astrologues grecs dont Théon d'A- 
lexandrie a paiié, et au lieu desquels Àlbategni a nommé par 
erreur les Ghaldéens et les Egyptiens. C'est donc là une ques- 
tion jugée^ Mais nous avons à examiner d'autres documents 
d'où l'on a voulu conclure aussi que les Perses connaissaient 
la précession des équinoxes. 

Celse^ dit que, dans les mystères mithriaques des Perses, on 
trouve une représentation de deux révolutions célestes, dont 
l'une est celle des étoiles fixes et l'autre celle des planètes. 
Bailly ^ veut que cette révolution des fixes soit la précessîon 
des équinoxes. Mais le sens évident de ce passage est que les 
Perses, de même que les Ghaldéens, les Égyptiens, les Grecs 
et les Romains, n'admettant pas la rotation quotidienne de 
la terre sur son axe, croyaient à la réalité de la révolution 
quotidienne apparente de la sphère des étoiles fixes autour 
de la teire, d'orient en occident, et à un mouvement obli- 
quement contraire, par lequel le soleil, la lune et les pla- 
nètes, emportés par le mouvement diurne de la sphère des 
fixes, se déplaçaient d'occident en orient dans cette sphère. 
Ce qu'il y avait de particulier aux Perses, c'étaient, d'une 
part l'ordre étrange qu'ils assignaient aux corps célestes à 

■ 

partir de la Terre, d'.autre part Içs voyages qu'ils attribuaient 
aux âmes à travers les sphères célestes, comme Celse l'in- 
dique. 

* Voyei M. Lelronne, Noav.reck, sur h * Dans Origènc, Contre Celse, VI, xxii. 

caUnirier des anc. Egyptiens, }Aéïa,\{,% U^ ' Aetr, anc. V, i5, p. i49« et Ecl. 

n' a, p. io3-i 11. IV, XLiv, p. Sga-SgS. 



110 



» 



Dans un passage du Boundéesch}^ il est question d*une pé- 
riode astrologique de 12,000 ans, qui embrasserait l'existence 
totale du monde, et dans laquelle chaque millier d'années 
serait sous la présidence d'un des douze signes du zodiaque. 
S'il fallait en croire Suidas^, cette croyance orientale se serait 
retrouvée chez les Etrusques. Bailly^, Daunou* et SeyfiFarth^ 
croient y reconnaître une révolution entière de la précessiou 
des équinoxes, que les Perses et les Etrusques auraient évaluée 
à 3"* par siècle. Cette opinion ferait peu d'honneur à ces deux 
peuples; car il y aurait plus d'erreur à faire la précession de 
S"" par siècle qu'à la faire nulle. Mais, d'après le langage de 
tous les astrologues anciens, les douze signes du zodiaque sont 
les dodécatémories d'un zodiaque ^rc^, et non d'un zodiaque 
mobile par rapport aux points équinoxiaux et solsticiaux. La 
précession des équinoxcs, niée ou négligée par les astrologues, 
n'entrait pas dans le calcul de la grande année cosmique : cette 
grande année était marquée par le retour de toutes les planètes 
en conjonction dans le signe du Cancer, où, disait-on, elles 
s'étaient trouvées à l'origine du monde et qui avait présidé à 
cette origine^. Peut-être chacun des douze milliers d'années, 
suivant le Boundéesch, devait voir les sept planètes en conjonc- 
tion dans un des douze signes, sous la présidence duquel ce 
douzième de la vie du monde était placé. Ainsi ia précession 
des équinoxes serait étrangère à cette superstition, comme elle 



* Zend-Avesta d'Anquetil Duperron, 
t. II, p. Aao. Comparez un passage du 
Modjmel el Tavarick , ibidem, p. 35a, 
noie. 

* Au mot Tv^^ipfioL, Comparez Creuzer, 
Rel. de Vaniiq. trad. de M. Guigniaul, 
t. II, p. 4o5-iio8. 

•^ Asir. anc, Ecl. IV, xliv, p. 391-393. 

* Cours d'études hisL t. III, p. a5i. 



^ Berichtigungen , etc, p. 129. Il fait 
dire au Boundéesch ce qu il ne dit pas. 

• Voyez Proclus, Sur le Timée, p. 270 
€271 B (Baie), p. 645-647 (Schneider), 
el J. Philoponus, De la création du monde, 
IV, XIV, p. 555 (Gallandius). Comparez 
Censorin , De die nat, chap. xviii , et mes 
Etudes sur le Timée, note xxiv, t. II, 
p. 78-80. 



— 111 — 

Tétait à Tastrologie en général. Mais^ quand bien même la notion 
de la précession se trouverait dans le Boundéesch, et quand bien 
même elle serait attribuée aux Etrusques par Suidas, il ne serait 
pas prouvé pour cela que cette notion eût appartenu aux Perses 
ou aux Étrusques. Car, pour ces derniers, Suidas tout seul est 
une autorité trop peu sûre^ et le Boundéesch contient d*une 
part des emprunts faits aux Grecs, aux Indiens et aux Arabes^, 
d*autre part des doctrines des Parses, très -différentes de celles 
des anciens Perses. La période de i a,ooo ans n est pas grecque, 
mais elle n'appartient pas non plus à Tantique magisme, ni 
aux sectateurs fidèles de Zoroastre : elle appartient à une secte 
plus récente, à celle des Zervanites^. 

$ 3. 

^vant d'arriver aux monuments mithriaques, il est néces- 
saire de nous occuper du zodiaque des Perses et des Chaldéens ; 
car les monuments mithriaques sur lesquels on a cru décou<- 
vrir des indications relatives à la précession des équinoxes 
sont d'une époque où les doctrines des mages de la Perse et 
des Chaldéens s'étaient fondues ensemble et avec certaines 
doctrines des platoniciens grecs et romains* Avant d'interpréter 
ces monuments au point de vue astronomique, il faut donc 
tâcher d'y distinguer ce qui est perse ou chaldéen de ce qui 
est grec ou romain. Pour faire cette distinction, il y a une 
question préliminaire à résoudre : les Perses ou les Chaldéens 

* Plutarque (Sylla, chap. vu) suppose, glès. Notices et extraits des nus, t. VII, p. 

au contraire, que les Étrusques ne comp- a3a-a36, et M. Sédillot, HisL des Arabes, 

(aient que huit âges, sans aucun rapport p. aiÂ-ai&, a3o, 35 1, 357 ^ ^^9* 

avec le zodiaque. ' Voyez M.Spiegel, Avesta,i II, p. aao- 

' Voyez M. Reinaud , AI ^m. #ar Vlnde, aaa. 
p.3o8-3io, 3i5i3i7, 3i9et3a7; M. Lan- 



— 112 — 

avaient-ils, avant les Grecs, un zodiaque pareil au zodiaque 
grec? 

D*abord, en ce qui concerne les Perses, il n*y a aucun 
motif de le croire. On ne trouve aucune trace de ce zodiaque 
dans les livres zends^ Scaliger^ a tiré d'un livre manuscrit 
d'Aben-Esra, intitulé Le Commencement de la sagesse, une sphère 
perse, dans laquelle, suivant sa remarque, les figures difierent 
entièrement de celles des constellations grecques, sauf l'homo- 
nymie fortuite d'un petit nombre de constellations situées en 
des régions différentes du ciel, et il est impossible d'y trouver 
rien qui ressemble à la série des douze signes du zodiaque 
grec. On trouve dans le Boandéesch^ deux divisions du ciel 
étoile, l'une en vingt-huit parties, qui sont les vingt-huit man- 
sions du zodiaque lunaire, l'autre en douze parties, qui sont 
les douze signes du zodiaque solaire. Le Boundéesch leur donne 
douze noms qui sont la traduction des douze noms greci, y 
compris celui du signe de la Balance, substitué aux Serres du 
Scorpion par les Grecs alexandrins. C'est là un emprunt fait 
aux Grecs dans cet ouvrage rédigé après l'établissement de 
l'islamisme. Les autres noms d'étoiles et de constellations qu'on 
trouve dans le Boundéesch^ n'ont aucun rapport avec les noms 
grecs, et il en est de même des étoiles nombreuses nommées 
dans les livres zends^. 

Quant aux Chaldéens, il est certain^ qu'ils ont eu de bonne 
heure la notion du zodiaque, c'est-à-dire d'une zone céleste, 

^ V. Spiegd, Avesta, t. I, p. 372-276. p. 272-276. Comparez Vendidad, ix, 126, 

' Excursus 1 sur ]e livre V de Mauilius 1. 1, p. 25i; Yaçna, i, 35, m, àQ, xvii, 

(Potff. {af. min. t.VI,p. 6i2-632,Lemaire). 2U, xxvii, 5, t. Il, p. do, 62, 91, 112; 

' ZendrAvesta, traducl. d*Anquetil Du- Khorda'Avesla,YU, 2,xxiv, xxviii, 25-32, 

perron , t. II, p. 3^9» 357» 359 et do2-iio3, xxix , 43-^6 * xxxiv , 5-7 , xxivi , xliv , 1 3, 

* Zend'Avesia, trad.* d'Ânquetil Duper- t. III, p. 9, 63-7^, 110, 119, 121, 170, 

ron, l. II, p. 349, 35o-356et 370. 171, i85 et 200 (Spiegel). 

' Voyez Spiegel, Avesta, t. I, Exe. i, * Voyez Diodore de Sic. II, xxx. 



— 113 — 

qui, coupée dans sa largeur en deux parties égales par l'éclip- 
tique, route annuelle du soleil, contenait les routes de la 
lune et des cinq planètes, et qu'ils divisaient cette zone, dans 
sa longueur, en douze parties égales, fixes par rapport aux 
points équinoxiaux et solsticiaux. Il est probable que les Grecs 
leur ont emprunté cette notion du zodiaque et de sa division 
duodécimale, conséquence naturelle de la division de Tannée 
solaire chaldéenne en douze mois, et fondement de la division 
chaldéenne du nycbtbémère en douze heures équinoxiales 
doubles ^ Mais ensuite les Égyptiens, les Chaldéens, les In- 
diens, et plus tard les Arabes et les Persans, ont emprunté 
aux Grecs les noms et les figures des douze constellations iné- 
gales et des douze signes égaux du zodiaque^. Quand l'opinion 
que nous venons de résumer a été exprimée par M. Letronne, 
elle a semblé d'abord un paradoxe; mais, depuis ce temps, 
elle a été acceptée par la plupart des juges les plus compé- 
tents^. Nous allons montrer, en peu de mots, qu'elle repose 
sur une interprétation exacte des faits et des témoignages de 
l'antiquité. 

Commençons par les faits. Si, comme le veulent Ideler ^, 
M. Lassen^ et M. Lepsius^, les Chaldéens avaient transmis 



' Voyez Hérodote , II , cix , et le popyrus 
aslronomique du Louvre, col. 16, p. 66- 
67. (Notices et extraits des mss, t. XVIll , 
part. II.) Comparez M. Letronne, Journal 
des Savants, oct. i83g, p. bSb-bSj, 

* Voyez M . Letronne, Sur T origine du zod, 
gr. Journal des Savants, août et sept. 1859, 
p. 480-^93 et 527-539. 

^ Voyez M. Letronne, Sur l'origine du 
zod, gr. etc. (Paris, i8ilo, in-&*, ei Journal 
des Savants, iSSg-iSAo); M. Carteron, Ana- 
lyse des recherches de M, Lefronne svr les re- 
présentations zodiacales, p. 119 (i843, 

Prëcession des équinoxes. 



in-8*); HoUzmann, Veber den griechischen 
Ursprung des indischen Thierkreises (Karls- 
ruhe, i8il 1 . in-8*); M. Reinaud , Géographie 
d'Ahoulféda,\. I, Intr. p. glxxxix et suiv. ; 
Al. de Humboldt, Cosmos, trad. fr. t. 111, 
p. i33-i3/i et3a4-327; Albrecbt Weber, 
Akad. Varies, àher die indische Literaturge- 
schichte, p. 307 et 227-228. 

* Veber den Ursprung des Thierkreises 
( i838, Acad, des sciences de Berlin). 

* Jndische Alterthamskunde , ï. H, pages 
1 122-1 129. 

* Chron, der jEg, t. I, p. ia2-i25. 



• • 



it) 



— 114 - 

aux Grecs les noms et les figures des douze signes, nous de- 
vrions trouver en Grèce un zodiaque complet, avec ses douze 
figures, dès sa première apparition. Au contraire, M. Letronne 
a prouvé que les douze constellations zodiacales avec leurs 
noms et leurs figures se sont produites en Grèce les unes après 
les autres, sans aucune indication d'une origine chaldéenne 
et avec l'indication des inventeurs grecs de plusieurs d'entre 
elles, et notamment de quelques-unes peu avant l'époque 
d'Alexandre. Quand il y eut onze figures d'êtres vivants [^coSta] 
dans la zone nommée plus tard zodiaque, on divisa l'une de ces 
onze figures, le Scorpion, en deux parties, afin d'avoir douze 
signes ((T>ffiaTa), qui, malgré leur inégalité, étaient mis en 
rapport avec les dodécatémories égales, el la douzième fi- 
gure, la Balance, ne prit la place des Serres du Scorpion que long- 
temps après la fondation d'Alexandrie. Le zodiaque figuré, 
avec le signe de la Balance, se trouve en Egypte et dans tout 
rOrient, mais seulement à des époques très-postérieures aux 
conquêtes d'Alexandre. 

Il est vrai que, sur deux monuments assyriens, savoir : sur 
un fragment de sculpture trouvé dans le Tigre, à Akerkuf, 
par M. Lottin de Laval, et sur une pierre conique trouvée à Tak- 
Kesra par Michaux, on remarque, au milieu de figures étran- 
gères au zodiaque grec, doux ou trois figures qui ont quelque 
analogie lointaine avec des figures do ce zodiaque*. Mais cette 
analogie ne suffit pas pour prouver un emprunt de la part des 
Grecs. D'ailleurs, quand bien même cet emprunt serait réel 
pour ces deux ou trois figures, co pourrait n'être là qu'un cas 
particulier de Tinfluence de Fart assyrien sur l'art grec, et ce 
fait, étranger à l'histoire de l'astronomie, ne prouverait rien 
contre l'originalité du zodiaque grec considéré dans son en- 

* Voyez M. Guigniaul, art. Ckaldée, dans ï Encyclopédie moderne. 



— 115 — 

semble. Cdr, sur ces monuments assyriens, rien n indique que 
ces figures soient zodiacales. L'absence des autres figures zo- 
diacales et la présence de figures étrangères au zodiaque in- 
diquent même le contraire. Il y aurait donc là tout au plus, 
de la part des Grecs, une imitation de forme avec changement 
de destination. Mais, je le répète, cette imitation même est très- 
contestable. Ce qu'il faut reconnaître, et ce qui justifie entiè- 
rement les prévisions de M. Letronne, c'est que l'existence de 
la série des douze figures du zodiaque grec n'a été constatée, 
jusqu'à ce jour, ni chez les Égyptiens, ni chez les Chaldéens, 
ni chez aucun autre peuple, pour une époque aussi ancienne 
que chez les Grecs. C'est chez les Grecs aussi que l'on voit la 
série de ces douze figures se former peu à peu en s'appliquant 
à des constellations zodiacales. C'est donc aux Grecs qu'il faut 
en attribuer l'origine. 

Des textes anciens viennent confirmer cette conclusion. 
Citons d'abord un texte de Diodore de Sicile, qui a pourtant 
été invoqué contre l'opinion de M. Letronne \ mais qui en 
doit être un des appuis. Dans un passage où il met en œuvre 
d'antiques documents fournis par les Grecs après la conquête 
de la Babylonie, Diodore^ dit que les Chaldéens ont douze 
grands dieux , à chacun desquels ils attribuent un mois et rœv 
Xeyofxévœv ^cûSkûv è'r, c'est-à-dire une des choses nommées ^ccSia. 
Ces divisions célestes étaient nommées ainsi par les Grecs. Por- 
taient-elles, chez les Chaldéens, avant l'influence grecque, un 
nom de même signification? Non; car alors le mot XeyofJLévccv 
serait inutile, à moins qu'il ne fût accompagné des mots nai 
zsap QLÙroTs. Les expressions de Diodore, telles qu'elles sont, 
signifient donc ïane de ces douze divisions (fixe nous nommons 

' Voyez M. Lussen ^ Indiiche Altertkumskande, t. II, p. ii32-iQa6, et M. Guigniaut 
art. Ckaldée (EncycL nwd,), -*- * II, 3o. 

i5. 



— 116 — 

^coSkx. Diodore ajoute le mot Xeyofiévù)Vy pour excuser Tim- 
propriété de l'expression grecque ?«5<a, appliquée aux dodéca- 
témories chaldéennes, qui, personnifiées par les douze grands 
dieux des Ghaldéens, devaient être désignées par les noms de 
ces dieux et probablement par leurs figures. Ainsi, bien loin 
de signifier que les Ghaldéens avaient les douze ^cùSm des Grecs 
avec leurs figures et leurs noms, ce texte de Diodore indique 
précisément le contraire. Ge témoignage, ainsi expliqué, est 
confirmé par un texte hébraïque ^ sur le culte rendu par les 
Ghaldéens aux mazzaloth, divinités zodiacales. Platon^ pensait 
peut-être à ces dodécatémorîes des Ghaldéens, lorsqu'il voulait 
qu'à Timitation du ciel le territoire de sa république idéale 
fût un cercle divisé en douze secteurs égaux, appartenant 
chacun à une tribu et consacrés chacun à une divinité. 

Plusieurs auteurs attestent que les Ghaldéens distinguaient 
spécialement trente-six étoiles zodiacales, éloignées l'une de 
l'autre environ du tiers d'une dodécatémorie , arc parcouru par 
le soleil en dix jours environ ^. G'étaient donc les étoiles déter- 
minatrices de trente-six décans analogues à ceux des Egyptiens*. 
En outre, les Ghaldéens distinguaient horsdu zodiaque douze 
étoiles au nord et douze au midi ^. G'étaient sans doute des 
étoiles dont chacune, dans laBabylonie, se levait en même 
temps qu'une dodécatémorie zodiacale, et elles avaient sans 
doute, pour marquer les heures nocturnes, le même usage 
que les vingt-quatre groupes d'étoiles dont, chez les Egyp- 

' IV, Rois (H Samuel), xxiii, 5. (Pétau), par Plutarque , h. et Os. c. lxxv, 

* Lois, V, p. 7^5 B-E; VI, p. 760 B-D et par le faux Hermès, Asclepius, p. 3o2 

el p. 771 BÇ. (Apulée, l. II, éd. Deux-Ponts, 1788, in-8). 

"^ M. Lelronne prouve que le nombre Tous les dix jours environ arrivait le cou- 

3o, donné par Diodore (II, xxx-xxxi), est cher héliaque d'une de ces étoiles. 

faux. Le vrai nombre, â6, est donné par * Voyez ci-dessus, chap. 11, S 1. 

Julien, Discours sur le soleil roi, p. 276 * Voyez Diodore de Sicile, 11, 3o el 3i. 



y 



— 117 — 

tiens, treize étaient assignées, de quinze jours en quinze jours, 
aux heures de la nuit^ Tout cela offre beaucoup plus de 
rapports avec l'Egypte qu avec la Grèce. Souvenons-nous que, 
du xvn* au xii* siècle avant notre ère, TÉgypte et la Baby- 
lonie ont été en relations intimes par la domination des Égyp- 
tiens aux bords de TEuphrate. 

Dira-t-on qu outre les dodécatémories égales attribuées à 
leurs douze grands dieux, les Ghaldéens avaient douze cons- 
tellations zodiacales identiques à celles des Grecs et repré- 
sentées par les mêmes figures? Gette supposition a contre elle 
le fait de l'invention successive des figures et des noms de ces 
constellations en Grèce, et voici des documents dignes de foi 
qui la condamnent. 

Pour pi^ouver que c'est arbitrairement qu'on applique aux 
constellations les noms de certains êtres animés, Achillcs 
Tatius^ dit que, ni dans la sphère égyptienne, ni dans la 
sphère chaldéenne, ces figures et ces noms ne sont les mêmes 
que dans la sphère grecque. Quoi qu'en ait pu dire M. Lep- 
sius^ ce témoignage s'applique à toutes les constellations, et 
non pas seulement à la Grande Ourse, à la Petite Ourse, au 
Dragon et à Géphée, qu'Achillès Tatius cite comme exemples 
à l'appui de son assertion générale. Il n'aurait pas pu manquer 
d'excepter expressément les douze constellations zodiacales, 
si elles avaient eu les mêmes figures chez les Ghaldéens que 
chez les Grecs. Il est vrai qu'Achillès Tatius ne dit pas expres- 
sément que la différence qui existe pour les noms et les figures 
entre les constellations grecques, égyptiennes et chaldéennes, 
existe également pour le groupement des étoiles en constella- 
tions chez les Ghaldéens et chez les Grecs. Mais, quand bien 

' Voyez ci-de5ftus, chap. 11, s I. i64 (Uranol. de Pélau, i63o, in-fol.). 

* Inlrod, aax Phénom. ch. xxix, p. i6S- ' Ckron. der JEg. t. I, p. 126. 



1 



— 118 — 

même ce dernier point resterait douteux, le premier point, 
qui est bien constant, suffirait pour réfuter forigine prétendue 
chaldéenne du zodiaque figuré des Grecs. D'ailleurs, sur le 
dernier point même, le témoignage d'Achiliès Tatius est com- 
plété par d'autres témoignages que nous allons citer. 

Dans un passage du xiii*" livre de la Métaphysique^^ Àristote 
combat ceux qui considèrent les nombres comme causes de 
la constitution des objets où ils se rencontrent, par exemple, 
le nombre sept comme cause de la réunion des sept chefs 
Argiens devant Thèbes ou bien des sept étoiles de la Pléiade, 
et le nombre douze comme cause de la réunion des douze 
étoiles de la Grande Ourse. Nous comptons, dit Aristote, sept 
étoiles dans la Pléiade et douze dans la Grande Ourse; mais 
d'autres en comptent davantage. • 

Alexandre d' Aphrodisias , dans son commentaire sur ce 
passage^, dit que les Clialdéens ajoutaient d'autres étoiles à ces 
deux groupes, et il déclare que, si les nombres causaient le grou- 
pement des étoiles, tous les peuples les grouperaient comme les 
Grecs y et Ion ne verrait pas les Grecs établir d'une manière la posi- 
tion des constellations, et les Chaldéens ou Babyloniens l'établir d! une 
manière différente. Ainsi, entre les Grecs et les Chaldéens, le 
commentateur constate la discordance pour le groupement des 
étoiles en constellations. Admettons que, pour la Grande 
Ourse, il puisse s'agir seulement d'une différence peu impor- 
tante de délimitation. Mais, les sept étoiles de la Pléiade 
étant un petit groupe bien nettement défini, dire que les 
Chaldéens donnaient à ce groupe un plus grand nombre 
d'étoiles et une autre étendue que les Grecs, c'est dire qu'ils 
marquaient dans leur sphère une constellation qui n'était ni 

' N, 6, p. 1093 a, l i3-i9 (Berlin, * P. 811, i. 22-27, éd. Bonite (Berlin, 

i83i,in.ii*). i847^in-8'). 



— 119 — 

le Taureau, ni la Pléiade des Grecs, mais dont la Pléiade faisait 
partie avec d'autres étoiles. Cet exemple nous montre comment 
le savant commentateur d'Aristote comprenait la difiFérence 
des deux sphères. 

Écoutons maintenant Syrianus, dont le témoignage est 
aussi d'une haute importance; car, maître de Proclus, il avait 
composé des livres sur les Oracles Chaldaîqves \ et il avait 
étudié avec son disciple toutes les doctrines attribuées aux 
Chaldéens^. Dans son commentaire sur le même passage 
d'Aristote^, il dit que le groupement des étoiles en constel- 
lations est arbitraire, et qu'ainsi les étoiles fixes sont groupées 
autrement [AXXùù^) chez les Égyptiens, autrement [èrépeoç) chez 
les Chaldéens et chez les Grecs. S'il y avait èrépcos dans les 
deux endroits, Ja phrase pourrait être entendue comme in- 
diquant seulement deux manières de grouper les étoiles, la 
manière des Égyptiens et la manière des Chaldéens et des 
Grecs. Mais il y a ici une nuance que la traduction littérale 
en français ne peut pas rendre : la phrase grecque, telle 
qu elle est, me parait signifier qu'il y a deux manières diffé- 
rentes (éx^pw^), l'une pour les Chaldéens, l'autre pour les 
Grecs, et une troisième [âXXœ$) pour les Egyptiens *. D'ail- 
leurs, Syrianus avait sous les yeux le commentaire d'Alexandre 
d'Aphrodîsias , qu'il cite quelques lignes plus loin ^, et il 



' Voyez Suidas au mot Xvptavàs. 

* Voy. Marlnus, Vie de P rodas , c. xxvi. 

' In îib. XIII Mefapk. Ariilot. tr. Ut. de 
Bagolino, fol. lao 6 (Venise, i54S, in A**]- 
Voici le texte inédit de ce passage diaprés 
les mas. de Paris 1894^ ^^97 ^^ ^9^^ 
(ancien fonds) et 161 (fonds Coislin) : 
Kai Tû> àvTt yeXoîov ^ tôv kpyeicûv al pet- 
Xïjyêûv vàv ipiOyiOV tovtov edriâtrOcu il rifs 
UXetàloç. OHè yàp ^oepè aùrffs B'àifipovvré 



è&liv elveïv 6ti o^ù) o'vvr^axTai ^rj^iiOMp- 
yix&s, dXXà fiâXXov 6ti tgàs b xarourlept'- 
<fpès 'aoXXffs fAsréxet ^étrscâs' htà xcU vap 
AiyvTfTlotç iXXcûs, tirapdk 3é XaX^alots xcù 
ÈXXrjaiv érépays eM <Tvvrsxayfiévot ol 
âTrXaveïç. 

* Sur la différence complèle de Tan- 
tique sphère égyptienne et de la sphère 
grecque, voyez ci-dossus chap. 11, S i. 

^ F 133 a, Ir. lat. de Bagolino. 



— 120 — 

y voyait que le groupement des étoiles en constellations n était 
pas le même chez les Chaldéens que chez les Grecs. Il ajoutait 
que ce groupement n'était pas le même chez les Egyptiens 
que chez les Grecs ou chez les Chaldéens. 

La remarque d'AchillèsTatius et celles d'Alexandre d'Aphro- 
disias et de Syrianus s'expliquent et se complètent mutuel- 
lement. Achillès Talius nous dit très - clairement que ni 
les constellations des Chaldéens ni celles des Egyptiens ne 
portaient ni les mêmes noms ni les mêmes figures que les 
constellations des Grecs. Alexandre d'Aphrodisias et Syrianus 
ajoutent que la difîerence des constellations grecques, chai- 
déennes et égyptiennes, concernait non-seulement les noms et 
les figures, mais la distribution même des étoiles en constel- 
lations, de sorte que les étoiles qui appartenaient à une même 
constellation suivant un de ces peuples appartenaient à deux 
ou plusieurs constellations différentes suivant les deux autres. 

Du reste, je le répète, pour la question que nous allons 
traiter, il suffit de savoir que les figures zodiacales n'étaient pas 
les mêmes chez les Chaldéens que chez les Grecs. 

5 4. 

Maintenant que nous savons à quoi nous en tenir sur l'an- 
tiquité prétendue du zodiaque grec chez les Perses et chez les 
Chaldéens, nous pouvons aborder l'étude des monuments 
inithriaques romains sur lesquels on a cru reconnaître la re- 
production d'une indication antique de la précession des équi- 
noxes, exprimée à l'aide des signes de ce zodiaque. On y voit 
une scène dont l'objet principal est le dieu Mithras immolant 
un taureau. De plus, dans les représentations les plus com- 
plètes, le taureau est assailli par un chien, par un ou plusieurs 



— 121 — 

serpents et par un ou plusieurs scorpions ^ Sur un monument, 
on voit de plus une fourmi^. Sur un autre, le chien semble 
défendre le taureau contre Mithras^. Sur plusieurs monu- 
ments*, des épis sortent de la queue du taureau, près de 
laquelle un génie porte un flambeau renversé, tandis que, près 
de la tête du taureau, un génie tient un flambeau droit; on 
bien ces deux génies sont placés Tun au-dessus de Tautre, en 
dehors du cadre, et sont remplacés, dans le cadre, l'un, du 
côté de la queue, par un arbre chargé de fruits, près duquel 
on voit un scorpion et un flambeau renversé, Tautre, du côté 
de la tête, par un arbre couvert de feuilles, portant un 
flambeau droit et une tête de taureau. Près du taureau , l'on voit 
un petit lion accroupi, ou assis sur ses pattes de derrière et le 
reste du corps vertical, ou bien la tête en bas au-dessus d'un 
vase. Sur deux de ces monuments ^, on voit dans le lointain 
Mithras à cheval sur le taureau vivant. Porphyre^ dit que la 
place propre de Mithras est aux équinoxes, et que cette posi- 
tion sur l'équateur, entre les deux hémisphères , lui est com- 
mune avec le taureau de Vénus, qui lui sert de monture, et 
qui est, comme lui, le maître de la génération. 

Dupuis^, M. Félix Lajard® et d'autres savants^, n'hésilent 



* Voyez Creuzer, Religions deV antiquité, 
trad. de M. Guigniaul, ii, 4. !• Ii p> 354 
et 355; la note ix de M. Guigniaul, 1. 1, 
p. 738-748, el les planched xxvi, xxvii, 
XXVIII, XXVII 611, XXVIII his; Hammer, Mi- 
thriaca (Caenet Paris, i833), et M.Lajard, 
Mém, sur deax bas-reliefs mithriaques qui ont 
été découverts en Trxtnsylvanie (Acad. des 
inscr. nouvelle série, t. XIV, part. 11 , p. 54- 
i85). 

* Voyez Creuzer, trad. fr. l. ï, p. 355 
et 358. 

' Voy. M.Guîgniaut, noie ix, 1. 1, p. 747. 
Précession des équinoxes. 



* Voyez les planches 1 et v du Méni. 
de M. Lajard. . 

* Planche 1 de M. Lajard. 

* Antre des nymphes, chap. xxiv, p. aa- 
a3 (Van Goens). 

^ Origine de tous les cultes, t. III, p. 43- 

44. 

* Mémoire cilé, p. 70, 'j^-'j^^ 76-78, 
I la-iaa, i3a, 176-177. 

* Voyez Creuzer, Rel. de Vaut. Irad. fr. 
t. I, p. 357, cl M. Biot, Rech. sur l'année 
vague des Eg. (Acad. des sciences, t. XIII, 
p. 665). 

16 



~ 122 — 

pas à reconnaître, dans le taureau, le scorpion et le lion de ces 
représentations mithriaques, des constellatTons zodiacales, con- 
sidérées les deux premières comme équinoxiales et la troisième 
comme solsticiale, et à conclure que l'idée de cette scène re- 
monte à une époque comprise entre 45oo et 2600, ou bien 
entre 44^0 et 2666 ans avant notre ère, époque où Féquinoxe 
de printemps, Téquînoxe d'automne et le solstice d'été se 
trouvaient dans le Taureau, le Scorpion et le Lion, considérés 
soit comme constellations, soit comme dodécatémories égales 
du zodiaque mobile. 

Outre les figures dont nous venons de parler, certains mo- 
numents mithriaques en présentent plusieurs autres, dont la 
signification qon zodiacale est expliquée par M. Lajard. Sur 
deux monuments dont il s'est plus spécialement occupé', outre 
le tableau principal, une bande supérieure et une bande infé- 
rieure présentent deux autres scènes relatives aux destinées des 
âmes et au règne de Mithras dans le ciel et dans les enfers. 
Mais, au milieu de la bande supérieure se trouve une petite 
maison, dont la porte ouverte laisse voir un animal à tête de 
bouc; en côté delà maision est un homme à genoux, et derrière 
lui un archer prêt à lancer une flèche. Sur un autre monument 
mithriaque^, on voit Mithras immolant le taureau, à l'en- 
trée d'une grotte, dont le cintre porte, de gauche à droite, 
les six signes du zodiaque à partir du Bélier, et, de droite à 
gauche, les six autres signes à partir de la Balance, qui se 
trouve au-dessus de la tête de Mithras. Au haut du cintre, au- 
dessus du Capricorne, on voit une montagne, au pied de la- 
quelle on retrouve l'homme à genoux et l'archer des deux 
autres monuments. Or Porphyre^, interprète des doctrines 

^ PI. VII de M. Lajard. ^ Antre des nymphes, chAp.xX'Wiu.^.i g- 

* Voy. M. Lajard, p. 116-119. ai.ComparezMa€robe,/it.Somii.5ci/>. M2. 



— 125 — 

mithriaques^ dit qu au point le plus boréal du zodiaque est 
la porte par où les âmes descendent sur la terre, et qu'au 
point le plus austral est la porte par où elles remontent au 
ciel. M. Lajard^ dit, avec raison, que ces trois monuments 
mithriaques romains attribuent au Capricorne la porte pour 
Tascension des âmes, et mettent ainsi Téquinoxe de printemps 
dans le Bélier, le solstice d'été dans le Lion, et Téquinoxe 
d'automne dans la Balance. Ce savant ^ prétend voir là les 
traces d'une réforme astronomique, opérée après qu'on eut 
reconnu que, par la précession des équinoxes, le solstice d'hi- 
ver avait passé du Verseau dans le Capricorne, où il s'est 
trouvé de Tan 3 a 66 à l'an io3 avant notre ère. 

Toute cette interprétation astronomique des njonuments 
mithriaques, considérés comme impliquant la notion de la 
précession des équinoxes, repose sur les hypothèses suivantes: 
1° pour les Perses adorateurs de Mithras, le taureau immolé 
par ce dieu serait la constellation grecque du Taureau, le scor- 
pion qui le mord serait la constellation grecque du Scorpion , 
et le lion qu'on voit près du taureau sur quelques monuments 
mithriaques serait la constellation grecque du Lion; 2** le Ca- 
pricorne et les autres figures du zodiaque grec qu'on voit on 
dehors de la scène principale sur ces monuments mithriaques 
romains viendraient des anciens Perses. Supprimez ces deux 
hypothèses: la commémoration prétendue d'époques marquées 
par les effets de la précession des équinoxes, c'est-à-dire toute 
la théorie astronomique de Dupuis, de M. Lajard et d'autres 
savants, sur le taureau équinoxiai et le lion solsticial desmonu- 
juents mithriaques, disparaît avec elles. Examinons donc si ces 
deux hypothèses sçnt vraies, et, pour le savoir, consultons 

* Voyex Porphyre, Antre des nymphes, * P. 99-100, et 116-119. 

chap. VI, p. 7, ctchap. XXIV, p. aa-aS. ' P. 11.^, laa, i3a, 176-177. 

16. 



— 124 — 

d'abord les livres zends et le Boundéesch, puis les auteurs grecs 
sur les doctrines des Perses, et enfin les monuments niithria- 

^ 

ques eux-mêmes. 

Dans les livres zends, comme dans le Boundéesch, le taureau 
primitif \ mâle et femelle^, et Thomme primitif et unique, 
sorti du taureau mourant, sous le nom de Gaiomaratan [Kaio- 
morts), c est-à-dire taureau— homme^ ^ ont été créés par le prin- 
cipe du bien Ahura-Mazda [Oromazde); le corps du taureau a 
péri; mais son âme [Goschoroan) , ayant survécu, est montée 
dans le ciel, d'où elle descend pour protéger les créatures*. 
De sa queue sont sorties vingt-cinq espèces de plantes à grains^, 
(?t sa semence, transportée dans la lune, est le principe de la 
vie des plantes et des animaux utiles^, parmi lesquels le chien" 
tient un des premiers rangs. Le dieu Mithras, chef des Yazatas 
[Izeds)^ Mithras, dieu aux 10,000 yeux, personnification de 
la lumière solaire, est le protecteur des créatures d'Ahura- 
Mâzda (Oromazde) ; il est la terreur du génie du mal Agramai- 



' Voyez dans VAvesla, trad. aliem. de 
M. Spiegel, !e Vendidad, Fargard xxi, i, 
t. 1 , p. 35g-a6i; Vispered, xxiv, 3; Yaçna, 
m, liQ, XVII, a3, xix, 3, 5, i8, xxviii, 
I, XXIX, 1 et 9, LXV11, 63, t. II,p. 3i, gi, 
9^, g5, 96, 1 i3f 1 15, 117, aoo; Khorda- 
Avesta, vu, 1, xvi, 4» n* 6, xxni, 5-6, 
xLiv, i4, ». m, p. 9. a6, 63-63, 200; 
Boundéesch, iii, iv, x, xiv.xxvn, xxxiv, 
dans le Zend Avesta, trad. d'Anquetil Du- 
perron, t. II, p. 35a-354i 355*356, 363, 
371 , 4o3, iao. 

' Avesta, trad. de M. Spiegel, Yaçna, 
1, 1, n" 6, xiv, 18, t. II, p. 36 et 89; Khor- 
da-Avesia, fragment 5, t. III, p. a54 
(comparez Inlrod. p. lv). 

^ Avesta, Ir, de M. Spiegel, Vispered, 
xxiv, 3; Yaçna, xiv, 18, xxvi, i/i et 33, 



Lxvii,63, t. 11, p. 3i, 89, iio, 111, 
200; Kkorda, vu, 1, xxix, 86-87, *• '^'^ 
p. 9 et ia5 (comparez Introd. p. lxv) ; 
Boundéesch, m , iv, xv, xxiv, xxviii, xxxi , 
XXX II , XXX IV, dans le Zend-Avesta, trad. 
d'Anquetil Duperron, t. Il, p. 35a, 354- 
355. 356,376,381, 397, 407, 4ia,4i6. 
4ao. 

* Boundéesch, trad. d*Anqaetil Duper- 
ron, p. 355-356. 

* Boundéesch, xiv elxxvii, p. 37 1 et4o3. 

* Boundéesch, x et xiv, p. 365 et 371- 
376. 

^ Avesta, trad. de Spiegel, Vendidad, 
F. VIII, 4i'4q*xiii, 106-1 14. 1.I1 p. i4a- 
i43 et 197; Boundéesch, trad. d^Anquetil 
Duperron , xiv, xix et xxiv, p. 373,389 et 
398 (comparez p. 375 et 376). 



— 125 — 

nyus [Ahrimane)K Ce dernier a créé les animaux malfaisants 
[Kkrafçlrasy, tels que les serpents^, les scorpions*, les fourmis^, 
les lions^, etc. Agramainyus (Âhrimane) lui-même est un ser- 
pent^. A Taide de ces animaux malfaisants, il a fait périr le 
taureau primitif^. 

Evidemment le taureau des monuments mithriaques est 
bien le taureau primitif de la tradition sacrée des Perses, tué 
par le serpent Agramainyus [Ahrimane) et par les Khrafçtras 
[Kharf esters). Mais, suivant cette tradition des Perses, ni Mithras 
ni le chien n avaient dû prendre part à ce meurtre. L'immo- 
lation du taureau par Mithras vient du mélange de la doctrine 
des Perses avec la doctrine phrygienne de Bacchus-Sabazius, 
mélange opéré sous l'influence du mysticisme gréco-romain^. 
Dans YAvesta, il est beaucoup question de Mithras et du tau- 
reau primitif, principe de toute vie. Mais, dans YAvesta, il ny 
a nulle trace de constellations zodiacales ou de signes zodia- 
caux figurés par un taureau, un lion et un scorpion. Dans le 
Boundéesch, on trouve, d'une part, le taureau primitif, assailli 



* Avesta, trad. de Spiegel, Vendidad, 
F, XIX, ga-gS, t. I, p. îiAg; yaçna, i, i, 
n' g, 1, a, n* i5, i, 3, n*' a3 el 4g, 
Lxv, 6, etc. l. n, p. 36-37, US, 5i, 5a, 
g6 , elc. ; Khorda- Avesta, vu , a , viii , 3 el 
4, XVI, 1, n* 8, XVIII, ky XXII, 5, xxvi, 
ii45î surtout 7, i3, 54, 6g, g5-ioo, 
i3a-i34i 1. 111, p. g, 1 f, la, aa, 35, 61, 
80, 81, 88, go, g4-g5, 100-101, etc. 
Comparez M. Spiegel , l. I , Exe. i, p. 374 < 
el t. lil, Intr. p. xxiv-xxvi. 

' 4vesta, Irad. de Spiegel, Vendidad, 
F. XIV, g-17, ag, xviii, 5, t. I, p. ao3- 
ao4i ao5, aa8 (coïkiporez 1. 1, p. ag3- 
:i^l\)\Boundéesch, trad. d'Anquetil Duper- 
ron, m. Vil, xix,p. 353,358, 35g, 36o, 
361,386,388, 38g. 



' Avesta, trad. de Spiegel, Vendidad, 
XIV, g-io et ag, l. I, p. ao3 el ao5; 
Kharior Avesta , xix, 8, 11, i5, t. 111, 
p. 38-4o; Boandéesck, trad. d*Anquetil, 
p. 354. 

* Boandéesck, p. 354- Comparez Aga- 
thias , Il , a4 ( Niebnhr) , et Spiegel , A resta, 
t. I, p. ag4. 

' Avesta, trad. de Spiegel, Vendidad, 
XIV, i4i i5, U 1, p. ao4i et Boandéesck, 
Irad. d*Anquelil , xix , p. 389. 

* Boandéesck, xxiv, p. 3g8. 

^ Avesta, Vendidad, xxi, 5-6, t. 1, 
p: a64t et Boandéesck, m, p. 35 1. 
^ Boandéesck, m, p. 35i-354' 

* Voyez M.Guigniaut, note g sur Creu- 
zer Bel. de Vant, liv. II, t. I p. 738-748. 



— 126 — 

par le scorpion, les serpents et d autres kharfesters, mais sans 
aucun rapport avec les signes du zodiaque; d'autre part, les 
signes du zodiaque fixe des Grecs, avec le Bélier pour premier 
signe, comme il Ta toujours été depuis l'invention de ce zo- 
diaque, el comme il Test encore aujourd'hui dans le système 
du zodiaque fixe. Quant au Bélier, au Taureau, au Lion, au 
Scorpion, considérés soit comme signes égaux d'un zodiaque 
mobile, soit comme constellations zodiacales inégales passant 
d'un signe à un autre du zodiaque fixe, il n'y en a pas trace 
dans le Boundéesch, livre rédigé pourtant par les Perses à 
l'époque musulmane, c'est-à-dire à une époque où la notion 
de la prccession des équinoxes, mise au jour par les Grecs, était 
répandue en Orient. Si cette notion se trouvait dans le Bonn— 
déesch, cela ne prouverait pas que les anciens Perses l'eussent 
connue. Comme elle ne s'y trouve pas, du moins dans ce mythe 
antique de la mort du taureau, cela confirme ce que nous sa- 
vons d'ailleurs, c'est-à-dire que les anciens Perses l'ont ignorée. 
Maintenant consultons les témoignages grecs et romains sur 
les mystères mithrîaques. Nous y trouverons une doctrine très- 
mélangée, qui est très-loin d'être conforme à celle des Perses. 
Mais y trouverons-nous la précession des équinoxes? Nous ne 
devons pas nous y attendre; car nous avons vu^ qu'en Grèce 
elle fut toujours rejetée parles partisans des doctrines orien- 
tales, et qu'elle le fut par eux, précisément à cause de leur 
respect pour ces doctrines. En effet nous ne l'y trouverons pas. 
Porphyre ne fait aucune allusion à une immolation du taureau 
par Mithras. H connaît^ le taureau de Vénus, monture de Mi- 
thras; il connaît le taureau et Mithras coranie symboles de la 
vie universelle et du principe supérieur qui la dirige; mais il 

' Chap. II, Sa. 33, (Van Goens). Comparez chap. xvii, 

' ' Antre des nymphes, chap. xxiv, p. 33> p. 17, et cbap. xx, p. iç. 



— 127 — 

ne fait pas de ce taureau mitliriaque un signe zodiacal. Peut- 
être Plularque' mêle-t-ilàla doctrine des Perses des doctrines 
étrangères, quand il considère Mithras comme un médiateur 
entre Oromazde et Ahrimane. Peut-être Porphyre^ fait-il un 
mélange semblable, quand, citant les Égyptiens au lieu des 
Perses, il place Mithras et le taureau aux équinoxes, sur Téqua- 
teur, entre le Midi et le Nord, séjour d' Ahrimane et de ses mi- 
nistres', et quand, avec plusieurs platoniciens*, il place ^ à la 
partie la plus méridionale du zodiaque la porte par laquelle 
les âmes montent au ciel, et à la partie la plus septentrionale 
du zodiaque la porte par où elles redescendent sur la terre. 
Du moins nous ne trouvons rien de pareil ni dans YAvesta, ni 
dans le Bonndéesch y ni dans YArdâ^Vtrâf-Nâmé^.CestdiUx Egyp- 
tiens, et non aux Perses, que Porphyre^ attribue cette doctrine 
des deux portes; il ajoute* qu'on nomme porte du Cancer la 
porte boréale pour la descente des âmes, et porte du Capricorne 
la porte australe pour leur ascension; enfin il dit, avec les pla- 
toniciens grecs Numenius et Cronius^, et avec le platonicien 
romain Macrobe^^ que la première de ces deux portes se nomme 
porte de la Lune, et la seconde porte de Saturne; il en donne pour 
raison que le Cancer est la maison astrologique de la lune, et 
que le Capricorne est une des deux maisons de Saturne. 

' iSar Is, et Os, chap. xlvi. et chap. xxiT, p. aa. Comparez chap. xx, 

' Antredes nymphes, chap,jixi\, p. ^2-2d>. p. 19. et chap. xxv, p. 33. 

' Voyez VAvesta, trad. de M. Spiegel, * Trad.angl. de Pope [Londres, 1816, 

Vendidad, F. vu. A, viii, 44, 46, 48, in-8*). Comparez M. Lajard, Acad. des 

XIX, 1. 1, p. ia4i i43, i43, a43; Khorda- inscr, t. XIV, part. 11, p. io4, et M. Spîe- 

Avesta, xix, 9, 1 a, 16, 17, t. III, p. 3g, gel, Avesta, t. I, p. ai-a3. 

4o. ' Antre des nymphes, chap. xxiv,p. 22. 

* Voyez Namenius, Cronius et les théo- Comparez chap. xxiii, p. 21. 

logientj cités par Porphyre , Antre des nym- ' Ibid, chap.' xxi, xxii, xxiii et xxviii, 

phes, chap. xxi et xxii, p. 20 et 21; et p. 20, 21, 22 et 25 26. 

Macrobe, Somn. Scip. i, 12. * Cités par lui, chap. xxi, p. 20. 

' Antre des nymphes, chap. xxii, p. 21, ^* Somn, Scip. i, 12. 



— 128 — 

Nous voilà bien loin des doctrines de YAvesta. Cependant, 
malgré ce mélange d'astrologie grecque, supposons, pour un 
instant, que le fond de cette doctrine vienne des anciens Perses: 
nous devrons constater que la précessîon des équinoxes n'y est 
nullement impliquée. Dans tout ce passage , Porphyre parle au 
présent : il déclare* que les deux points solsticiaux sont aux 
commencements des signes du Cancer et du Capricorne; par 
conséquent, il met, comme il le dit d'ailleurs expressément^ 
les points équinoxiaux aux commencements du Bélier et de la 
Balance. Il ne peut donc pas mettre en même temps le point 
équinoxial de printemps dans le signe du Taureau du même 
zodiaque, ni dans la constellation du Taureau, de laquelle ce 
point était alors très-éloigné. En effet, il ne dit pas que ce 
point soit dans le Taureau zodiacal , ni qu'il y ait jamais été. 
Il dit^ que Mithras, étant, comme le taureau mithriaque, le 
maître de la génération , a sa place naturelle sur l'équateur, 
aux deux points équinoxiaux. Dira-t-on qu'il met le taureau, 
en même temps que Mithras, à ces deux mêmes points? Soit. 
Mais évidemment ce taureau symbolique, ainsi placé à l'équi- 
noxe d'automne en même temps qu'à l'équinoxe de printemps, 
ne pourrait être ni la constellation grecque du Taureau, ni le 
signe zodiacal du Taureau. A l'époque où Porphyre écrivait, 
c'est-à-dire au iv* siècle de notre ère, depuis longtemps l'équi- 
noxe de printemps n'était plus ni dans la constellation du Tau- 
reau, ni dans celle du Bélier; il était, depuis 4oo ans et plus, 
dans la longue constellation des Poissons, de laquelle il n'est 
pas encore sorti. Mais les signes zodiacaux dont Porphyre 
parle sont ceux du zodiaque fixe, dans lequel on nomme in- 
variablement signe du Bélier les 3o degrés comptés sur l'éclip- 
tique, d'occident en orient, à partir de l'équinoxe vernal. En 

' Chap. XXI, p. 20. — ' Chap. xxiv, p. aa. •^^ Chap. xxiv, p. 22 -aS. 



— 129 — 

efiFet, Porphyre^ dit que les portes du Cancer et du Capricorne se 
nomment arnssl portes du Soleil, parce qu'à partir de la première 
le soleil descend vers le sud, et quà partir de la seconde il re- 
monte vers le nord. 11 est donc bien évident que le taureau équi- 
noxial de Porphyre , .son taureau mithriaque, n*est ni une cons- 
tellation ni un signe zodiacal, puisque Porphyre suppose que, 
de son temps et toujours, la place dé ce taureau symbolique 
est simultanément aux commencements des deux signes du 
Bélier et de la Balance du zodiaque fixe. 

Il faut pourtant avouer que Porphyre^ assimile les proprié- 
tés du taureau mithriaque à celles du Taureau zodiacal. Mais 
cette assimilation arbitraire et superstitieuse des propriétés de 
ces deux objets si diflFérents n implique pas l'identité impos- 
sible de ces objets mêmes. 

Passons aux monuments mithriaques romains. Dans ces ta- 
bleaux, tous postérieurs à la découverte grecque delà préces- 
sioD des équinoxes, il y a beaucoup d'éléments très-étrangers 
aux doctrines des anciens Perses^. La notion de la précession 
des équinoxes pourrait donc s'y trouver, sans qu'on fût en 
droit d'en conclure que les anciens Perses l'eussent possédée. 
Mais il nous est aisé maintenant de prouver qu'elle n'y est 
pas. Le taureau immolé par Mithras est placé, sur ces monu- 
ments, entre les symboles de l'énergie vitale du printemps 
et les symboles de l'engourdissement de cette énergie en au- 
tomne. La mort du taureau se rapporte à l'automne, et non 
au printemps. Ce taureau n'est donc ni le signe zodiacal ni 
la constellation du Taureau. Quand bien même il aurait l'une 
de ces significations, les scorpions qui figurent comme acces- 

^ Chap. xxviii, p. a5-26. sus, et comparez M. Guigniaut, noie 9 

' Chap. XXII, p. a 1 , etchap. xxiv, p. aa. sur le livre II de sa traduction de Greuzer, 
' Voyez ce que nous avons dit ci-des- Religions de l'antiquité, t. I,p. ^38-748. 

Précession des équinoies. 1 7 



— 130 — 

soires dans le tableau, et qui sont des symboles des causes des* 
tructrices de la vie, ne pourraient être ni la constellation du 
' Scorpion , ni le signe homonyme. Car, enti*e le Taureau zodiacal 
' et le Scorpion zodiacal, un tel rapprochement est impossible. 
De même le lion, les serpents et la fourmi, sont là à titre 
d'animaux malfaisants, ministres d'Âhrimane, et non à titre 
de constellations. La scène principale , dans laquelle des savants 
modernes avaient cru voir une commémoration de Tépoque 
où les équinoxes étaient dans les constellations du Taureau et 
du Scorpion et le solstice d'été dans la constellation du Lion, 
n'a donc aucune signification zodiacale. Quant aux monuments 
sur lesquels, en dehors de la scène principale, le Capricorne 
figure comme premier signe après le solstice d'hiver, et quant 
aux monuments sur lesquels, en outre, le zodiaque entier figure 
avec le Bélier pour premier signe à partir de l'équinoxe de 
. printemps, ces monuments contredisent bien évidemment la 
fausse interprétation d'après laquelle, dans la scène princi- 
pale, le taureau immolé serait le Taureau zodiacal représenté 
comme constellation équinoxiale; car il est vraiment absurde 
de supposer qu'un même monument exprime simultanément, 
pour l'équinoxe vernal, deux positions diflFérentes de 3o degrés. 
Au lieu de ces deux commémorations prétendues, dont la fu- 
sion et l'incompatibilité seraient si choquantes, ces monuments 
présentent deux choses plus concilia blés , savoir: d'une part 
un symbole, en partie oriental et en partie gréco-romain, sur 
les vicissitudes de la vie universelle et sut les migrations ^es 
âmes, d'autre part le zodiaque fixe des Grecs, dans lequel les 
positions des points équino&iaux et solsticiaux sont essentiel- 
lement invariables par rapport aux douze signes de 3o degrés 
chacun, soit que l'on admette ou non le déplacement des 
constellations par rapport à ces signes et à ces points. 11 est 



— 131 — 

donc tout naturel que, sur ces monuments, les portes pour la 
descente et l'ascension des âmes soient placées aux commence- 
ments des signes du Cancer et du Capricorne, puisque, dans 
ce zodiaque fixe, les deux points solsticiaux, par lesquels, sui- 
vant une croyance antique, les âmes devaient descendre et 
remonter, sont invariablement aux commencements de ces deux 
signes, tan dis que les coR5fe//af ions zodiacales et autres subissent 
un accroissement lent et perpétuel de longitude, reconnu par 
les disciples d'Hipparque , mais nié par les sectateurs grecs des 
doctrines orientales. 

Si des savants distingués, au lieu de voir cette explication ,si 
simple et si naturelle, ont cru trouver dans chacun de ces mo- 
numents deux révélations astronomiques qui ont le défaut 
d'être contradictoires, c'est qu'ils ont abordé cette étude avec 
un préjugé, qui consistait a poser comme axiome ce qui était 
précisément en question et ce dont nous venons de voir la 
fausseté, savoir: que les monuments niithriaques romains re- 
produisaient fidèlement et uniquement les doctrines astrono- 
miques des Perses, que les Perses avaient connu de tout temps 
la précession des équinoxes, et qu'ils en avaient exprimé les 
effets à l'aide de figures zodiacales identiques à celles des 
Grecs. 

Ainsi, non-seulement nous ne trouvons pas plus chez les 
Perses et chez les Chaldéens que chez les Égyptiens , des traces 
de cette notion capitale, sans laquelle il ne peut pas y avoir une 
astronomie vraiment scientifique, mais des preuves irrécu- 
sables nous ont montré que cette notion a manqué à tous ces 
peuples, jusqu'à l'époque où l'astronome Hipparque y a été 
amené le premier par la comparaison de ses observations avec 
celles d'autres astronomes grecs des premiers temps de l'époque 
alexandrine. 

17' 



^- 132 



CHAPITRE IV. 

HISTOIRE DES NOTIONS QUE LES GRECS ONT EUES SUR LA PROCESSION DES ÉQUINOXBS. 



$ r. 



Dans notre second chapitre (S 2), nous avons montré que la 
notion du déplacement des points équinoxiaux et solsticiaux 
par rapport aux étoiles fixes, ou de Fenscmble de ces étoiles 
par rapport à ces points, est restée entièrement étrangère aux 
systèmes des astronomes grecs antérieurs à l'époque alexan- 
drine, et notamment, quoi qu on en ait dit, à ceux de Philo- 
laûs et d'autres pythagoriciens, de même qu'à celui de Platon 
et qu'à ceux d'Eudoxe, de Callippe et d'Aristote. C'est là un 
fait démontré, qu'il suffit de rappeler, sans en répéter ici les 

m 

preuves. 

Quant à la prétendue sphère des Argonautes, et à d'autres 
sphères grecques ou orientales, parfaitement exactes chacune 
pour leur temps, sphères que des savants modernes ont ima- 
ginées, et dont, suivant eux, les éléments, rendus discordants 
par la précession des équinoxes, auraient été mêlés ensemble 
dans la sphère de l'astronome grec Eudoxe, indigne succes- 
seur, dit-on, des auteurs de ces sphères antiques, c'est-à- 
dire de Musée, du centaure Chîron, de Gadmus, d'Hercule et 
d'autres astronomes de ce genre, célébrés par tant de savants 
du siècle dernieV et du nôtre, depuis Newton, Frérel et Bailly 
jusqu'à Daunou^ : c'est là un roman astronomique, dont j'avais 
d'abord voulu résumer ici la très-curieuse histoire; mais, pour 
abréger, je me contente, sur cette question irrévocablement 

* Chronologie têchnlifae, xvii* leçon (Cours d'histoire, t. IV, p. aa). 



— 133 — 

jugée, de renvoyer aux savantes discussions de Montucla\ de 
Schaubach^, et surtout de Delambre^ d'Ideler* et de M. Le- 
tronne^, qui ont rais cette fable à néant. Arrivons à l'his- 
toire sërieuse des notions grecques sur la précession des 
équinoxes. 

$.2. 

Sous les Ptolémées, Alexandrie devint le centre principal 
des éludes scientifiques de la Grèce* Dès la première moitié 
du III* siècle avant J. C, deux astronomes grecs alexandrins, 
Aristylle et Timocbaris, laissèrent par écrit des observations 
datées d'éclipsés de lune, d'occultations d'étoiles par la lune 
et d'appulses, et des déterminations de positions d'étoiles 
fixes *• Ces positions étaient déterminées par eux en ascension 
droite et en déclinaison, c'est-à-dire par rapport à l'équateur^. 
Sans avoir grande confiance dans Texaclitudc d' Aristylle et de 
Timocharîs, Hipparque vit que les ascensions droites et les 
déclinaisons avaient subi , entre l'époque de ces deux obser- 
vateurs et la sienne, des changements qui ne pouvaient pas 
s'expliquer tous par des erreurs d'observation. Inventeur de la 
trigonométrie rectiligne et sphérique^, il rapporta les positions 
d'étoiles à l'écliptique, en transformant en longitudes et en 
latitudes célestes les ascensions droites et les déclinaisons de 
ses deux prédécesseurs^. A cause de l'inexactitude et du peu 

^Rut des mathém. part. I, Hv. ii,$ 7, 2* * Voyez Ptolémée, Gr, comp, math, VU, 

édit. 1. 1, p. 78*81. I, a et m. 

' Gesckickte der griechiscken Astronomie, '' Ibid, VII, m, p. i5, 1. 35, p. 16, ). 6; 

p. 354-365 (Gœttingen, 1803, m-8*]. p. 16-ai, etc. (Halma). 

^HUt, de Vastron. anc, 1. 1, p. 106-1 3g, * Voyez Delambre, Astr. euic, III, 11 et 

et Disc, préliro. p. xi et xli. m, t. I, p. 37-46. 

^ Ueber Eadoxus, 11, p. 55-56 (AcaJ. * Voyez Ptolémée, Gr, comp. math, VII, 

des sciences de Berlin» année i83o). 11, p. lo-i 1, et VII, m, p. i5 (Halma). 

* Mém, sur Eudoxe, p. ao-ai. 



— 134 — 

crancienneté de leurs observalions, il n'exprima qu avec une 
prudente réserve sa conclusion y d'après laquelle ni les positions 
réciproques ni les latitudes des étoiles fixes n avaient changé, 
mais les longitudes célestes s'étaient accrues de 2 degrés 
environ pour chaque étoile ^ Mais, quoiqu'il y eût beaucoup 
moins de 200 ans pour ces 2 degrés de déplacement des 
points équinoxiaux et solsticiaux par rapport aux étoiles^, tout 
ce qu'il osa dire, et encore avec l'expression d'un doute, ce fut 
que ce déplacement devait être au moins d'un degré par siècle^. 
Delambre^ a montré que la comparaison des principales 
observations de déclinaisons d'étoiles d'Hipparque avec les 
observations correspondantes de Timocharis et d'Aristylle 
donnerait en moyenne une précession de 5i' 2 3"' 2 4'' par an, 
et, par conséquent, d'un degré en 70 ans et 19 jours. 

Une des conséquences de la découverte d'Hipparque était 
la distinction entre l'année sidérale et l'année tropique. Il re- 
marqua bien celte conséquence. En eflFet il parlait de la pré- 
cession dans son traité De la longueur de l'année^. Il n'ignorait 
certainement pas que, suivantEudoxe^ comme suivant les Egyp- 
tiens^, l'année sothiaque de Memphis, année de 365 jours 1/4, 



' Voyez Ptolémée, Gr. comp, math, VII, 

I, t. II, p. a; vil, II, p. 10-1 1, et VII, m, 
p. i5 (Halma). 

'Voyez, dans Ptoléinée,VII, m, p. ai, 
as , a3, a4 et a6, les dates de quatre ob- 
servations de Timocliaris , dont une est de 
Fan a84f une est de Tan a83 el deux sont 
de Tan ag4 avant J. C. L'époque moyenne 
est 389 avant J. G. Une observation sidé- 
rale d'Hipparque , citée par Plolémée (VII , 

II, p. la), est de Tan i38 avant J. C, et 
Ptolémée ( VI( , m , p. 1 3) place même vers 
i37 avant J. C. Tépoque moyenne des 
observations sidérales d'Hipparque. L'in- 



tervalle moyen entre Timocharis et Hip- 
parque n*e8t donc que de i6a ans envi- 



ron. 

3 



Voyez Ptolémée, VU, i, p, a; VII, 
II, p. 10-11 et surtout p. i3; VII, m, 
p. i5, etc. Voyez Je texte grec, et non la 
traduction d*Halma. 

^Astr,anc, t. Il, p. a54-a55. 

*Cité par Plolémée, VU, ii, p. i3. 

^ Voyez M. i^etronne, Rech. sur le ca- 
lendrier des anc. Egyptiens, Mém. I, S 3, 
p. a4-a5. 

' Voyez M. I.etronne, Reck, etc. Mém. I 
et II. 



N. 



— 135 — 

était CD même temps l'année tropique. Il en aurait été ainsi, 
sans la précession des équino&es; mais, à cause de la pré* 
cession, Tannée tropique devait être plus courte que Tannée 
sothiaque, tandis que Tannée sidérale, c'est-à-dire la période 
qui ramène le soleil en conjonction avec une même étoile si- 
tuée sur Técliptique, devait être plus longue que Tannée so- 
thiaque, comme Hipparque s'en était aperçue De ses obser- 
vations d'équinoxes, comparées avec celles des astronomes 
grecs antérieurs, il avait conclu^ que Tannée Iropique vraie 
devait être plus courte de yy-j- de jour environ que Tannée de 
365 jours i/4. Ainsi Tannée tropique aurait été, suivant lui, 
de 365 jours, 5 heures, 55 minutes et 1 2 secondes. Mais 
l'imperfection des observations antérieures lui laissait, sur la 
constance de la durée de Tannée, quelques doutes, et il léguait 
à ses successeurs le soin de les dissiper^. Nous verrons que les 
uns, s'en tenant à Tannée de 365 jours i/4, répudièrent cet 
héritage du grand astronome, et que les autres Tacceptèrent 
sans remplir les conditions du legs et sans en tirer T utilité 
pratique qu'il comportait. Quant à Tannée sidérale, Hipparque 
la supposait de 365 jours, 6 heures, 1 4 minutes et 1 a secondes, 
puisque, suivant le témoignage de Ptolémée*, il admettait 
que, par rapport aux étoiles fixes, le soleil parcourait 345 cir- 
conférences entières, moins 7*" 1/2 à très-peu de chose 
près, en 126,007 jours et 1 heure équinoxiale, durée de la 
plus courte période qui, suivant ses observations d'éclipsés de 
• lune comparées à celles des Chaldéens, ramène les éclipses de 
lune après des nombres égaux de mois lunaires synodiques 

' Voyez Plolémée, Gr. comp. méifÀ. III, 'Voyez Ptolémée, III, ii, p. 162- 

II, 1. 1, p. i5o (Halma). i53. 

' Vojez Ptoléniée, III, 11. 1. 1, p. 16a et * IV, 11, p. ai6. 
i6â. 



— 136 — 

et dans des mouvements égaux ^ La comparaison de Tannée 
tropique d'Hipparquc avec son année sidérale aurait donné 
un arc de 46^.807 pour la précession annuelle ^ et, par consé- 
quent, 1 degré de précession en 77 ans et 46 jours. • 

Les observations d^ascensions droites et de déclinaisons pu- 
bliées par Aristylle et par Timocharîs s'appliquaient à des 
étoiles situées dans le zodiaque. C'est pourquoi Hipparque se 
posa une première hypothèse, d'après laquelle l'accroissement 
de longitude n'aurait affecté que les étoiles zodiacales^. Mais il 
n'examina cette hypothèse que pour l'écarter^; non-seulement 
il ne supposa pas que l'accroissement uniforme de longitude 
résultât d'un mouvement propre à ces étpiles seules, mais il 
l'attribua à un mouvement des points solsticiaux et équinoxiaux 
autour de l'axe de l'écliptique, et, par conséquent, par rapport à 



'Voyez M. Biot, Journal des Savants, 
1843, p. 610. Comparez M. Sédiltot, 
Menu prés, par div. sav. à VAcad, des 
inscr. 1. 1, p. 30, et Matériaux pour servir 
à r histoire des sciences math, chez les Grecs 
et les Orientaux, p. i3-iâ- M. Sédillot a 
eu tort de dire que les observations cbal- 
déennes avaient servi à Hipparque pour dé- 
terminer la longueur de l'année. 11 résulte 
seulement des expressions de Ptolémée 
qu*Hipparques'en était servi pour réformer 
la période qui ramène les éclipses de lune. 

•Voyez MM. Biôt et Sédillot, Il ce, 

'Voyez Ptolémée, VU, i, p. 3, texte 
grec (Halma). La traduction est fautive. 

* M. Letronne (Rech, sur le calendrier 
des anc. Egyptiens, Mém. II, S 4i n* a, 
p. loo-ioi) s'est mépris, quand il a cru 
voir dans Ptolémée (VII, i, p. 3) qa Hip- 
parque n'osa jamais décider si l'accroisse- 
ment de longitude se borne aux étoiles 
zodiacales, ou s'il s'étend à toutes les 



étoiles. La pbrase grec(|ue, mal traduite 
par Halma , signifie que les positions des 
étoiles zodiacales, par rapport aux étoiles 
non zodiacales, changeraient, * si, suivant 
Vhypothèse qu Hipparque expose la première, 
les étoiles zodiacales seules avaient un mou- 
vement de translation vers l'Orient. • Exposer 
une hypothèse, avec une ou plusieivs autres 
à la suite, ce n'est pas nécessairement 
adhérer à la premllre. Il esl certain, au 
contraire, qu'Hipparque rejetait celle-ci, 
puisque, dans un passage de son traité 
Sur la longueur de Vannée (cité par Ptolé- 
mée, VII, II, p i3), il attribue le mouve- 
ment aux points équinoxiaux et solsticiaux • 
eux-mêmes, par rapport aux étoiles, et, 
par conséquent , par rapport à toutes , et 
puisque son traité spécial sur la précession 
des équinoxes était intitulé : Du déplace- 
ment des points équinoxiaux et solsticiaux. 
(Voyez Ptolémée, VII, ii, p.*io,etVII, m, 
p. i5.) 



— 137 — 

toutes les étoiles. Ainsi, du premier coup, cet homme de génie 
trouva la vérité complète sur ce point, malgré l'insuffisance 
des données dont il disposait. Héritiers de ces mêmes données 
et d'autres plus récentes, les astronomes grecs postérieurs ne 
surent, comme nous le verrons, que gâter et altérer sa doc- 
trine sur la précession des équinoxes, cette doctrine qu'il avait 
formulée avec une timidité si modeste, pour les engager à la 
vérifier et à la perfectionner. 

Puisque Hipparque attribuait la précession à un mouvement 
des points équinoxiaux et solsticiaux, il devait considérer 
ce mouvement comme relatif à l'apogée solaire aussi bien 
qu'aux étoiles. Quant au mouvement propre de l'apogée par 
rapport aux étoiles, Hipparque n'avait aucun indice qui put 
lui en faire soupçonner l'existence. Il fixa pour son temps, avec 
une remarquable exactitude, la position de cet apogée ^ Gomme 
personne n'avait fixé cette position avant lui , il ne put pas en 
constater l'accroissement de longitude, qui résulte non-seule- 
ment de la précession des équinoxes, mais encore d'un mou- 
vement propre de l'apogée solaire. Cet accroissement de la 
longitude de l'apogée fut méconnu par les astronomes grecs 
postérieurs, qui, en général, s'obstinèrent à retrouver l'apogée 
solaire à la longitude déterminée par Hipparque, c'est-à-dire 
à 65** 1/2 de longitude, tandis que quelques autres assignè- 
rent à ce même apogée une révolution rapide en sens con- 
traire à son mouvement réeP. 

Pendant les deux siècles et demi qui s'écoulèrent entre l'é- 
poque d'Hîpparque et celle de Ptolémée, divers astronomes 

* Voyez Ptolémée, III, IV, l. I, p. 184. * Voyez la même Dissertation, II, 

Comparez ma Dissertation en tète de Tili- iv, SS iS et i4 , p. 103 -io5 et 109- 
tronomie de Théon de Smyrne , II , iv, S 1 3, 1 1 1 . 
p. ioa-io3 (Paris, iSâg. in-S**). 

Précession des équinoxes. 1 8 



— 138 — 

grecs firent des observations qui pouvaient conduire à déter- 
miner des longitudes d'étoiles pour diverses époques. Par 
exemple, Agrippa, sous Domitien, et Ménélas, sous Trajan, 
observèrent des occultations d'étoiles par la lune^ Mais il ne 
nous est pas attesté qu'aucun d'eux soit arrivé à une meilleure 
évaluation de la précession des équinoxes, ou même qu'aucun 
d'eux ait affirmé la réalité de la précession. En choisissant 
parmi les observations d'Aristylle et de Timocharîs, d'Hip- 
parque, d'Agrippa et de Ménélas, et en les comparant avec les 
siennes propres, Ptolémée prétendait trouver que la valeur 
exacte de la précession était précisément le minimum posé par 
Hipparque, c'est-à-dire qu'il la fit de 36'' par an, et, par consé- 
quent, de i degré par siècle^, tandis quelle est de 5o^ 2 ou un peu 
plus par an , et, par conséquent, de i degré en moins de 72 ans. 
D'un autre côté, Ptolémée voulut que la longitude de l'apogée 
fût invariable : il s'arrangea de manière à la retrouver à la longi- 
tude de Gô^'i/'i, déterminée par Hipparque près de trois siècles 
auparavant^ tandis que cet apogée était déjà vers 70*" 1/2 de lon- 
gitude , ayant reçu , penda nt ces trois siècles , un accroissement de 
longitude d'environ 5 degrés , savoir, de près d'^un degré par son 
mouvement propre, et de plus de 4 degrés par la précession des 
équinoxes^. Proclus^ affirme aussi l'immobilité parfaite de l'a- 
pogée solaire par rapport aux points équinoxiaux et solsticiaux. 



' VoyezPiolémée, VII,iii,p. aa , 25,27. 

* Voyez Ptolémée, Gr. comp. matk.Wl, 
m, p. i/i-a8, ei Hypothèses, p. àà et 45-46 
(Halma). Cependanl Delainbre (Astr. 
anc. t. II, p. a54-a55) a montré que la 
comparaison des principales observations 
de déclinaisons d'étoiles de Ptolémée 
avec celles de Timocharis et d'Hipparque 
aurait pu lui donner, en moyenne, une 
précession annuelle de Av'A^'". 



* Voyez Ptolémée, Gr, comp. math. III, 
IV, t. I, p. 187-188 (Halma), et Hypo- 
thèses, p. 44-45 (Halma). Comparez Gr, 
comp. math. III, iv, p. i84i et lU, vi, 
p. 2o5. 

* Voyez ma Dissertation en tête do ri45- 
tron. de Théon de Smyrne, lî, iv, $ i3, 

p. 102-105. 

* Représentation des hypothèses astron, 
p. 87 et 89-90 (Halma). 



— 139 — 

Pour la durée de Tannée tropique, Ptolénaée^ trouve y^-^- de 
jour à retrancher de Tannée de 365 jours i/4, comme 
Hipparque Tavait dit, et Proclus^ affirme que telle est la gran- 
deur exacte de Tannée. En un mot, Ptolémée feint de trouver 
par Tobscrvation et par le calcul ce qu'il ne fait que copier. 
Par ses affirmations tranchantes, cet habile généralisateur fixa 
Tastronomie grecque ; mais il en arrêta le progrès. Il fit autorité 
pour les astronomes grecs et romains postérieurs, excepté pour 
les faiseurs de manuels, habitués à ignorer ou à négliger tout 
ce qui dépasse les premiers éléments de la science , et pour 
les esprits rétrogrades, qui osaient nier, au lieu d'ignorer en 
silence. 

$3. 

On ne trouve aucune allusion à la précession des équinoxes 
dans les traités élémentaires de Geminus, de Théon de Smyrne 
et de Cléomède. Il n'en devait pas être question davantage 
dans les Météorologiques de Posidonius, ouvrage suivi surtout 
par Cléomède^, ni dans les traités de Dercyllidès et d'A- 
draste, que Théon de Smyrne a principalement suivis^. On 
n'en trouve nulle trace chez Manilius, chez Pline, qui pourtant 
aime à citer Hipparque et qui fait Téloge de son astronomie 
sidérale en particulier^, chez Censorin, chez Firmicus, chez 
Achillès Tatius, chez Ghalcidius, chez Macrobe, chez Martia- 



^ Gr. camp, maik, III, ii, p. 160-162. 

Comparez p. 1 ^9. 

' Représ, des hypotk, astron. p. 88 (Halma.) 
' Voyez Qéomède, surtout II, vu, fin, 

p. i5i (Bake); Simplicius, Sw la Phys. 

p. 64 h (Aid.), et Bake, Possiionii reliquiœ 

doctrinm, chap. 11, S 5 et 6, p. 59-76, et 

chap. V, p. 21^1-2^2. 

^ Voyez ma Dissertation sur Y Astron, de 



Théon de Smyrne, II, m, S 1/4, 1 5 et 17. 
p. 69-79 et 81-82. Comparez II, iv, S 7, 
p. 88-89. 

» II,Uvi, Sa4, n'95,t. I,p. i35(Simg). 
Suivant Pline, ce qui décida Hipparque k 
dresser un catalogue général des étoiles , 
ce fut Tobservation d'une étoile nouvelle 
et douée d*un mouvement remarquable. 
Ce devait être une comète sans queue. 

18. 



— 140 — 

nus Capella. Le silence de tous ces auteurs est bien près d'é- 
quivaloir à une négation implicite. Il est vrai qu'à la fin du 
IV* siècle de notre ère, Théon d'Alexandrie, dans son com- 
mentaire sur le vil® livre de Ptolémée \ admet la précession à 
raison d'un degré en loo ans. Mais, au v* siècle, comme nous 
l'avons vu^, Proclus, malgré son admiration pour Ptolémée, 
nie d'une manière absolue la précession des équinoxes. 

L'astronome alexandrin Sosigène, celui qui assista Jules 
César dans la réforme du calendrier romain, considéra Tannée 
sothiaque de 365 jours i/4 comme identique à l'année tro- 
pique vraie ^. Ainsi firent les astronomes qui réglèrent l'année 
fixe alexandrine au commencement du règne d'Auguste. Ainsi 
pensèrent même Geminus\ Théon de Smyrne^ et Censorin^ 
qui se contentèrent d'indiquer que Tannée de 365 jours i/4 
n'était peut-être qu'approximativem en t vraie ^. Malgré la re- 
marque d'Hipparque et de Ptolémée, jamais une année tro- 
pique plus exacte ne fut employée dans Tusage civil par les 
anciens. Seulement quelques astronomes proposèrent d'appli- 
quer l'évaluation d'Hipparque et de Ptolémée, en retranchant 
un 366® jour tous les 3ooans, comme Proclus^ nous Tatteste. 

Les dates annuelles des levers et des couchers héliaques 
d'étoiles diffèrent non-seulement selon les latitudes, mais 
aussi suivant les époques pour un même lieu de la terre, et la 
précession des équinoxes est cause de cette seconde différence, 

' VII, p. 354-358 (éd. gr. de Bâle). • De die nat. chap. xviii, p. 96, et 

Voyez aussi VIII, p. 36 1. chap. xx, p. 109-1 10 (Havercamp). 

' Cliap. II, S a. ' Voyez Geminus (chap. i, p. 2 C), qui 

' Voyez M. Letronne , iVouv. reck. sur le dit es ^77<cr7a ; Théon de Smyrne {Astron. 

calendrier des anc. Égyptiens, Mém. H, 5 4, chap. xxvii, p. a6o), qui dit (Htveyyiis , et 

n" 1, p. 94-98. Censorin(chap.xviif, p 96),quiditcirci««r. 

* Chap. i , p. a B et p. a C ; chap. vi , * Représentation des hypothèses astron. 
p. 36 A, p. 38 B, etc. p.88(Halina). 

* Astron, chap. xxvii, p. a 60. 



— 141 — 

que Ptolémée * a signalée à Tattention de ceux qui voudraient 
s'appliquer à déterminer ces dates annuelles. Mais, parmi les 
nombreux auteurs grecs et romains qui, depuis la découverte 
de la précessiou des équinoxes par Hipparque, 9e sont occupés 
des levers et des couchers héliaques d'étoiles, aucun n'a tenu 
compte de la précession, et les Romains ont souvent copié les 
Grecs en cette matière, sans même tenir compte de la diffé- 
rence des latitudes ^. 

Dans l'astrologie tant chaldéenne qu'égyptienne, l'influence 
des étoiles fixes était supposée se confondre avec celle des ré- 
gions célestes où on les croyait fixées à perpétuité. Cependant, 
par la précession des équinoxes, les étoiles changeaient de ré- 
gions. Même après la découverte de la précession, l'aslrologie 
grecque et romaine ne tint aucun compte de ce changement. 
En principe, une influence était attribuée aux étoiles fixes ^; 
mais, en fait, on se préoccupait surtout de l'influence des do- 
décatémories zodiacales égales entre elles et fixes par rapport 
aux points équinoxiaux et solsticiaux ^ : c'étaient les positions 
des planètes dans ces dodécatémories que l'on considérait, et 
c'était par rapport à ces dodécatémories qu'on calculait l'ho- 
roscope d'après l'heure du jour ou de la nuit, suivant les sai- 
sons^. L'observation du ciel n'était, pour le preneur d'horos- 

' Gr.cofn/).matà.Vn,yi,p. iia(Halma). * Voyez Ptolémée, ibid. I, x et suiv. 

* Voyez Kœhler, Ueber den Auf- and f. 8 et 3uiv. et Proclus, ibid. l, xiv et suîv. 



Untergang der G estime bei den Alten, p. a4- 
3o, surtout p. a 5 (Cobourg, i8a3, petit 
in-4*)t et M. Letronne, Nouv. rech. sur le 
calendrier des anc. Egyptiens, Mém. I, S 3, 
p. ao-3o, surtout p. a8-3o. 

' Voyez Ptolémée, Composition en quatre 
livres, I, ix, f. 6-7, et H, iv, f. 19 (Nurem- 
berg, i535, petit in-4*)i et le Commentaire 
de Proclu8,I, ix-xi, p. 3a-4o, et II, iv, 
p. 109 (Leyde, i635, in<i8). 



p. 45 et suîv. 

' Voyez Ptolémée, ibid. III, 11, f. 28, et 
Proclus, ibid. III, m, p. i55-i58; Vet- 
tius Vatens , Anthol. fragm. du livre 1 , 
p. 335*339, à la suite de J. Lydus, 
Des mois (éd. Rœtber). Comparez Hypsi- 
clés, De l'ascension des signes da zo- 
diaque, prop. 4-6, p. 1 1-29 (Paris, 1657 
in-4'). 



— 142 — 

copes, qu'un moyen de connaître Theure nocturne» à défaut 
d'instruments suffisamment exacts pour la mesure du temps. 
Ainsi, même pour Ptolémée, qui croyait à Tastrologie et 
en même temps à la précession continue des éqainoxes, 
Tastrologie pratique n'avait pas à s'occuper de la précession. 
Mais, pour la foi à l'astrologie, il y avait là un danger, sur 
lequel les astrologues ne prirent pas tous, comme Ptolémée,- 
le parti de fermer les yeux. Les adversaires de lastrologie di- 
saient que cette fausse science aurait eu besoin de s'appuyer 
sur des observations faites et conservées depuis des centaines 
de mille ans. Les défenseurs de l'astrologie en convenaient, et 
ils attribuaient à l'astrologie des Ghaldéens et des Egyptiens 
ces antiquités énormes, que les adversaires leur refusaient ^ 
Mais si, comme les astrologues le prétendaient, les Chaldétens 
et les Égyptiens avaient accumulé, pendant des centaines de 
mille ans, des observations astronomiques, comment n'auraient- 
ils pas légué aux Grecs le souvenir de plusieurs révolutions 
complètes des points équinoxiaux et solsticiaux par rapport aux 
étoiles ? Comment se faisait-il qu'au contraire ils attribuaient 
perpétuellement, depuis des siècles, aux mômes positions par 
rapport aux points équinoxiaux et solsticiaux les mêmes étoiles 
et les mêmes constellations attachées aux mêmes décans^? 
Parmi les partisans grecs de l'astrologie, les uns, comme Pro- 
clus, dans leur admiration pour la science sacrée des Egyp- 
tiens et des Ghaldéens, pour cette science mille et mille fois 
séculaire et enseignée par les dieux, rejetaient la précession des 
équinoxes: vaine hypothèse, disaient-ils, fondée surlesobser- 

* Voyez mon Mémoire sar les offgervations l'Aead, des inseripi. p. i i-a3 du tirage à 

envoyées, iit-on, de Bahylone en Grèce, part). 

par CalUsfkène (Extrait du t. VI, i'* série, * Voyes ci-dessus , ehap. ii, S i, 

II* partie, des hfém. prés, par div. saw à 



— 143 — 

vations purement humaines d'un peuple enfant, cest-à-dire 
des Grecs ^ D'autres voulurent concilier la science fabuleuse 
des Egyptiens et des Ghaldéens avec la découverte d'Hipparque. 
La correspondance des constellations inégales du zodiaque 
avec les dodécatémories égales et avec les décans égaux est 
nécessairement très*imparfaite. Cette correspondance élastique 
*nest pas rompue entièrement par un écart peu étendu, par 
exemple, de k degrés à droite et de k degrés à gauche d'une 
position moyenne. Or Hipparque n'avait pu constater le mou- 
vement des points équinoxiaux vers l'occident que pour les 
deux siècles antérieurs à son temps, et depuis Hipparque un 
temps peu considérable s'était écoulé; en somme, l'arc de 
précession constaté n'était que d'un petit nombre de degrés. 
Pourquoi ne pas supposer qu'au mouvement des points équi* 
noxiaux vers l'occident succéderait bientôt un mouvement de 
ces mêmes points vers l'orient, et qu'ainsi le mouvement oscil- 
lait des deux côtés d'une position moyenne, dont il s'écartait à 
4 degrés vers l'orient et à 4 degrés vers l'occident ? Telle fut l'hy- 
pothèse conciliante imaginée par quelques astrologues grecs, 
que Théon d'Alexandrie^, au iv* siècle de notre ère, nommait 
anciens [^akatoCj. M, Letronne^ remarque que Synesius^, con- 
temporain de Théon, désigne Hipparque par l'épilhètede tout 
à fait ancien (tarajxiroiXato^). Ces astrologues inventeurs de la 
précessîon oscillatoire étaient donc probablement d'une époque 
intermédiaire entre celle d'Hipparque et celle de Ptolémée. Ils 
attribuaient ainsi à l'arc d'oscillation une amplitude de 8 de- 
grés, parcourus, suivant eux, en 64o ans, à raison d'un degré 

^ Voyez ci-dessus, chap. II, s 2. Egyptiens, Mém. II, S 4i n"* a, p. 107- 

* Comm* sur les Tables manuelles de Plo- 1 08. 
lémée, V* partie, p. 53 (Halma). * A Pœonias sur le don d'an cutrolabe, 

^ Noav. rech, sar l» calendreir des anc. Œuvres, p. .SioB (Pétau,i6ia, in-fol.) 



— 144 — 

en 80 ans, c'est-à-dire à raison de kb" de degré par an : ils pré- 
tendaient que le mouvement des points équinoxiaux vers Toc- 
cident avait commencé l'an 128 avant Auguste, c'est-à-dire l'an 
i58 avant J. C. (l'an-iôy astronomique). Par conséquent, ce 
mouvement uniforme aurait dû, suivant eux, continuer jus- 
qu'en 483 de notre ère et être remplacé alors soudainement 
par un mouvement d'égale vitesse en sens contraire. Cette hy-* 
pothèse, mécaniquement absurde, pouvait leur avoir été sug- 
gérée, suivant une conjecture très-vraisemblable de M. Le- 
tronne ^ par une fausse interprétation du changement apporté 
par Hipparque à la division de Técliptique. Méton, Eudoxe 
dans son Calendrier y et d'autres auteurs, avaient marqué les 
commencements des signes du Bélier, du Cancer, des Serres du 
Scorpion, et du Capricorne, 8 degrés à l'ouest des points équi- 
noxiaux et solsticiaux^. Hipparque trouva plus naturel de faire 
coïncider avec ces points les commencements de ces quatre 
signes. Ce changement sans importance, opéré par lui avant 
qu'il eût découvert la précession, ne concernait qu'une manière 
arbitraire de diviser le zodiaque fixe, et Hipparque ne faisait 
que revenir à la division adoptée par Euctémon et suivie par 
Euciide et par Aratus^. Les astrologues dont nous parlons 
s'imaginèrent sans doute que ce changement avait une tout 
autre portée, et qu'il était la conséquence de la découverte du 



' iVoav. rech, sur le calendrier des anc. 
Égyptiens, Hém. II, $4i n** 3, p. 106-1 10. 

* Voyez Colamelle, IX, xiv; Pline, XI, 
XIX, sect. 17, n* 81, 1. 1, p. laS; XVIII, 
XXV, sect. 5g, n* 33 1 , et XVIII, xxviii, sect. 
68, n' 36/1, t. m, p. igSel 20a (Sillig) ; 
Âchiilès Tatius, chap. xxiii, p. i46 A 
(Vranol, de Pétau, i63o]; le scholiaste 
d*Aratus, v. Ag9« p. 116 et 807 (Buhle); 
)e fauY Manéthon. Apotel, II, 7a; Vîtruve, 



IX, m (v), t. I, p. 3^9 (Schneider); Ma- 
nilius, Astron. III, 676-679, et Martianus 
Capella, Vm, 383, p. 65o-65i (Kopp). 

' Voyez Euctémon' dans Geminus , 
chap. VI, p. 64-70 (Uranol. de Pétau, 
i63o); Euciide, Phénomènes, p. 56 1 (Gré- 
gory), et Aratus, Phénomènes, y. 534-539 
et 548- 55 1. Comparez Hipparque, HI, 

III, p. 313, 3l3, 



— 165 — 

mouvenienl des points équinoxiaux el solsticiaux: ils suppo- 
saient quHipparque avait fait cette correction de 8 degrés, 
parce qu*il s'était aperçu qu avant lui, depuis l'époque des posi- 
tions célestes conservées à tort par Méton et par Eudoxe, chacun 
de ces points avait parcouru, en 64o ans, 8 degrés de l'occi- 
dent à l'orient. Les astrologues supposaient qu'à partir de l'an 
i58 avant J. C, époque présumée des premières observations 
d'Hipparque, ces points s'étaient mis en mouvement en sens 
contraire, c'est-à-dire vers l'occident. Pour la vitesse de ce 
mouvement, Hipparque avait posé comme minimum l'évalua- 
tion d'un degré par siècle : au lieu de prendre, comme le fit Pto- 
lémée, ce minimum pour la valeur exacte, ces astrologues comp- 
tèrent un degré en 8o ans. Ce fut ainsi qu'ilspurent trouver dans 
la sphère d'Hipparque un vain prétexte pour leur fausse hypo- 
thèse. Proclus*, qui mentionne aussi cette hypothèse, nous 
apprend que, de même qu'Hipparque, ils attribuaient le mou- 
vement aux points équinoxiaux par rapport aux étoiles, et 
non aux étoiles par rapport à ces points, comme Ptolémée. 

Quand l'an 483 de notre ère fut passé, la perpétuité du 
mouvement des points équinoxiaux vers l'occident, ou bien 
des étoiles vers l'orient, dut devenir de plus en plus évidente. 
Dès lors, il fallait bien, pu renoncer à la précession oscilla- 
toire, ou augmenter l'étendue de l'arc d'oscillation. Ce der- 
nier parti fut pris, comme nous le verrons, par des astro- 
nomes indiens et arabes. Nous ignorons si des astronomes 
grecs leur en avaient donné l'exemple. 

Au x** siècle, Héron de Constantinople acceplaitla doctrine 
de Ptolémée sur la précession continue, et il l'évaluait, comme 
Ptolémée, à un degré par siècle. Par suite de cette erreur, il 
assignait aux étoiles pour son temps les positions voulues par 

' Représ, des hypotL astron. p. 88 (Halma). 

Précession des équinoxes. 1 9 



— 146 — 

le catalogue de Ptolémée, avec une augmentation de 8 degrés 
de longitude pour chaque étoile, en raison de la précession 
accomplie en 800 ans\ et il prétendait observer les étoiles 
aux déclinaisons voulues par cette évaluation erronée de la 



précession ^, 



CHAPITRE V. 



ORIGINE GRECQUE DES OPINIONS ARABES SUR LA PROCESSION OSCILLATOIRE. 

L'hypothèse de la précession oscillatoire a joué nn grand 
rôle dans lastronomie arabe. D'où leur était venue cette hypo- 
thèse ? 

S'il fallait en croire Abraham Zachut, juif espagnol de la 
fin du XV* siècle» et son élève le kabbaliste italien du com- 
mencement du XVI* siècle, Agostino Ricci de Casale^, la doc- 
trine arabe de l'oscillation serait fondée sur deux observations 
de longitudes d'étoiles, faites par Hermès 1986 ans avant l'é- 
poque du catalogue de Ptoléméc, c'est-à-dire dix- huit siècles 
et den)i avant notre ère : d'après ces observations d'Hermès, 
les longitudes d'étoiles auraient été alors plus grandes de plus 
de 7 degrés qu'à l'époque de l'astronome grec. Thoth ou Her- 
mès était un dieu, à qui les Égyptiens attribuaient l'origine 
de la plupart de leurs connaissances, et qui devait avoir ré- 
gné en Egypte bien des milliers d'années avant Menés, pre- 
mier roi historique de l'Egypte, Quant à un Hermès vivant au 
XIX'' siècle avant notre ère, c'est-à-dire un peu avant l'époque 

* Voyez mes Recherches sar la vie et les p. 3 3. Il cite son maître Zachut. Com- 
oavrages d* Héron (tAL et sar tous les oavr, parez Regiomontanus , Epit. Almag, Vil, 
mathém, yr. attribués à un auteur nommé p. 6, et Bailiy, Astr, mod. Éclaire. V, xii. 
Héron, v* partie, p. 271-275. t. I, p. 587-588, et Astr. ind, et orient, 

* /6/rf. p. 317-319. Disc, prélim. p. xxxi-xxxii, et chap. v, 
^ Voy. Riccius, De mota octavœ spharœ, S 37, p. 1 36- 137. 



— 147 — 

probable du commencement de la xviif dynastie humaine 
de Manéthon, c'est là un personnage inventé en dehors des 
traditions égyptiennes. D'ailleurs, pour que les observations 
prétendues de cet Hermès lui eussent montré, au milieu du 
xîx* siècle avant notre ère, les étoiles à des longitudes qu elles 
n'atteignirent que vingt-cinq siècles plus tard, il faudrait que 
l'hypothèse de l'oscillation fût vraie. La fausseté de cette hy- 
pothèse étant constante, il est certain que ces observations 
sont l'œuvre d'un faussaire. Des livres astrologiques ont été 
fabriqués sous le nom d'Hermès par des astrologues grecs, 
qui ont mêlé des idées grecques à des idées égyptiennes. Mais, 
dans ce qui nous reste de ces livres hermétiques grecs con- 
cernant l'astrologie, il n'est pas question de la précession des 
éqûinoxes, soit continue, soit oscillatoire, ni d'observations 
antiques qui la justifient ^ Zachul doit donc avoir puisé ce 
document sans valeur, soit dans quelque ouvrage apocryphe 
grec, aujourd'hui perdu, soit plutôt dans quelque ouvrage 
composé ou interpolé par des kabbalistes juifs ou par des 
astrologues arabes. 

Un témoignage plus sûr va nous indiquer la vraie source 



* Sur les Tevixà, les Épfiaîxai haràÇets 
et les kXfjLevta)(ày ouvrages astrologiques 
grecs attribués à Hermès et aujourd'hui per- 
dus, sauf quel<}ues fragments et quelques ci- 
tations , voyez Fabricius , Biblioth. yr, anc. 
éd. t. I, p. 77-79. Le traité astrologique 
en deux livres qui nous reste en latin sous 
le titre Hermetis de revolationihas nativita- 
tum (à la suite des commentaires d*un ano- 
nyme , de Porphyre et de Démophile sur 
l'astrologie de Ptoiémée, Bâle, iSSg, in- 
fol.) , et qui est donné comme traduit du 
grec , quoiqu'il soit plein de mots barbares , 
est Tœuvre d un compilateur. L'auteur avait 



écrit une Introduction à l'astrologie (il, 
p. 261 ). Il cite Hermès (IIi p. a 66); mais 
il cite aussi Ptolémée (I, p. ai 3). Il cit^^ 
les Perses (II, p. 31g et 260), les Babylo- 
niens et les Égyptiens (II, p. a 60) , les In- 
diens (II, p. 360 et 363). Il parle (p. a64 
et 378) de la tête et de la queue du dragon, 
c'est-à-dire de Rahou et de Kélou , planètes 
imaginaires des Indiens. Quant aux Cent 
aphorismes d* Hermès, dont il nous reste 
une traduction latine, c'est l'œuvre d'un 
faussaire arabe. Voyez Fabricius, Biblioth. 
gr, anc. éd. 1. 1, p. 61-63. 



«9 



— 148 — 

(les doctrines arabes sur la précession oscillatoire. On lit, dans 
un ouvrage arabe du xiii^ siècle ^ que, sous Âlmamoun , c est-à* 
dire au commencement du ix* siècle, Habascb, fils d'Abdallah, 
emprunta à Théon d'Alexandrie Fidée du mouvement des si- 
gnes du zodiaque en avant et en arrière : c'est la précession 
oscillatoire, dont la notion est attribuée, comme nous l'avons 
vu, par Théon à cYanciens astrologues grecs. Vers la fin du 
IX* siècle, l'astronome arabe Albategnî niait l'oscillation et ad- 
mettait la révolution complète des points équinoxiaux à raison 
d'un degré en 66 ans, et, par conséquent, d'un peu plus de 54' 1/2 
de degré par an; mais il attestait^ qu'avant lui des astronomes 
arabes avaient admis l'oscillation avec une amplitude de 8 degrés 
à raison d'un degré en 80 ans ou 84 ans : c'était bien, de la part 
de ces astronomes arabes, la reproduction pure et simple de la 
doctrine de quelques astrologues grecs mentionnée par Théon 
d'Alexandrie. Albategni ^ imputait faussement à Plolémée lui- 
même cette hypothèse absurde*, qui n'avait jamais été pro- 
fessée par aucun Grec digne du nom d'astronome. Ptolémée 
n'avait pas daigné la mentionner. Théon et Proclus l'avaient 
citée en passant, mais sans l'approuver. 

Je dis que cette hypothèse était absurde. En effet, les no • 
lions les plus vulgaires de mécanique disent assez qu'un mou- 
vement oscillatoire ne peut pas être uniforme pendant la durée 
de chaque oscillation, ni se changer brusquement en un mou- 
vement d'égale vitesse en sens contraire. D'ailleurs, entre lé- 

* Cité par M. Reinaud, Mém, sur VInde p. aao-aai (ou Misceîlaneous Essays, t. II, 
(Acad. des inscript, t. XVIU , part, ii, p. 383-385). 

p. 3 1 9. ) ^ De scientia slellarum , chap. lu , p. ao5. 

* De scientia steîlarum, chap. li cl lu. Comparez Delambre, Astr, da moyen âge. 
Comparez Bailly. Astr. mod. Eclaire. v> i5, p. 53-5^, et M. Letronne, Noav, rech, sur 
t. I, p. 509-691; Delambre, Aslr. du. le calendrier des anc. Egyptiens, Mém. II, 
moyen Age, p. 73 et suiv. et p. 8a et suiv» S 4, n* 2, p. 106. 

et Colebrooke, Asiatic researches , t. XII, * Voyez ci-dessus, chap. 11, fin du S 3. 



— 149 — 

poque de Timocharis et celle d'Àlmamoun, la précession avait 
dépassé les limites d'un arc de 8 degrés. 

Voilà, sans doute, ce que comprit l'arabe Tliébit bon Corah , 
contemporain d'Albategni^ D'ailleurs il s'étonnait de la diver- 
sité des valeurs assignées à la précession annuelle. Pour les con- 
cilier entre elles, il imagina que les points opposés d'un éclip- 
tique mobile, compris dans la huitième sphère avec les étoiles 
fixes, décrivaient, en 4171 ans et demi, un cercle de 4''i8'43'' 
de rayon autour des points équinoxiaux d'un écliptique fixe et 
appartenant à une neuvième sphère enveloppante, de manière 
à produire, pour les spectateurs placés sur la terre, l'appa- 
rence d'une oscillation non uniforme de 21** 3o' d'amplitude, 
parcourus deux fois en 4171 ans 1/2 par les longitudes de 
tous les points de la sphère des fixes, à laquelle Técliptique 
mobile appartenait. Il ne paraît pas avoir remarqué qu'une 
variation périodique de 22' et 22^^ aurait dû en résulter pour 
l'obliquité de l'écliptique ^. Cette hypothèse, qui appartient en 
propre à Thébit, lui fait peu d'honneur, quoiqu'elle soit la 
forme la moins absurde de l'hypothèse de la précession oscil- 
latoire. 

D'autres astronomes arabes, après avoir emprunté aux Grecs 
la notion de la précession continue, eurent le mérite d'en per- 
fectionner l'évaluation, qui, comme nous l'avons vu, loin de 
faire des progrès, avait rétrogradé chez les Grecs depuis Hip- 
parque. Les Arabes arrivèrent presque exactement à la valeur 
vraie '• Mais leurs travaux sur ce point sont en dehors de l'objet 
de nos recherches. 



^ Sur l'époque de Thébit voyez Bailly, ' Voyez M. Sédillot, Matériaux pour 

Aslr, mod. Eclaire. V, xii, t. II, p. 687. servir à l'kisL comparée des sciences math, 

' Voyez Delambre , Astr, da moyen âge, chez les Grecs et chez les Orientaux, part. 11 , 

p. 73-76. • App. note IV, p. 278-281. 



150 — 



CHAPITRE VI. 

ORIGINE GRECQUE DES DOCTRINES INDIENNES SUR LA PROCESSION DBS OqUINOXES. 

De nos jours, un savant^ a prétendu que de la Chine, au 
vi^ siècle avant notre ère, étaient venues, avec l'hyperboréen 
Abaris, les doctrines du philosophe grec Pythagore, et que de 
rinde, par l'Egypte, étaient venues, au siècle suivant, les doc- 
trines de l'école grecque d'Élée. Dès lors, que ne peut-on pas 
faire venir de la Chine et de l'Inde dans la Grèce antique? 
Cependant, puisqu'il est bien démontré, d'une part, que ni 
les Perses, ni les Chaldéens, ni les Grecs avant Hipparque, 
n'ont soupçonné la précession des équinoxes, d'autre part, 
qu'Hipparque et les autres Grecs qui l'ont admise l'ont conclue 
d'observations grecques, et que les Grecs en ont transmis la 
notion aux Arabes, il n'est plus possible de supposer avec 
Bailly^ que des astronomes égyptiens ou chaldéens avaient 
reçu cette notion de l'Inde et l'avaient transmise aux Grecs, qui 
en auraient dissimulé l'origine ^. Nous avons vu qu'au con- 

' M. Gladisch , Die alten Chinesen und faux calcul rétrograde. Il est encore moins 

die Pythagoreer [Posen, iSlii^ inS'*); Die nécessaire de discuter les observations 

Eleateriind3ieIndier(Posen,iSlkàAn'S''); non indiennes de longitudes d*étoiles que 

Philosophie und Religion, p. iSo-iSg et BaiWy (Asir. anc. f, 1 3 i-iSg et 356-357; 

1 àg- 1 6 1 ( Breslau , 1 85 1 , in-8*}. Astr, mod, 1. 1 , p. 5o7 -5o8, eiAsir. ind, et or. 

* Astr. indienne et orientale, p. 28'J'2Sq, Diso. prél, p. xxxii, chap. v, p. i36-i37» 

^ Il n*e8t plus nécessaire aujourd'hui et chap. x> p. a6i-a66) transporte arbitrai- 

de s'arrêter à prouver, contre Bailiy {Astr, rement, pour les rendre vraies, dans un 

ind, et or. Disc. prcL part, i, p. xxv-xxvii, lodiaque indien imaginaire, en les altri- 

XLii,XLVii, LV, Lxiv-Lxvi,etcb. iv,p. 5, 7, buant non moins arbitrairement à deux 

83, 137, 139; iAo-i4i et i8a-i84)tquela Hermès indiens, non moins imaginaires, 

conjonction planétaire prétendue de Tan qui auraient vécu l'un au xix* siècle et 

3 1 oa avant J. C. , prise pour point de départ Tautre au xxxiv* avant notre ère , c'est -à- 

des Ta6/e5astronomiques de Tirvalour, n'est dire à des époques où les Arjas, ancêtres 

pas le résultat d'une observation faite par des Indiens, n'étaient pas même encore 

le? Indiens en 3 103 av. J. C. , mais d'un arrivés dans l'Inde. 






— 151 — 

traire les adversaires grecs de la précession, très-adonnés aux 
études égyptiennes et orientales, s'autorisaient du silence des 
Égyptiens et des Orientaux pour la rejeter. 

Cependant nous allons, suivant notre promesse, compléter 
surabondamment notre démonstration, en prouvant que les 
Indiens et les Chinois n ont connu la précession que tardive- 
ment, que les premiers l'ont connue par les Grecs, et que les 
derniers Font connue par les Indiens, qui en devaient la no- 
tion aux Grecs. Nous compléterons ainsi en même temps l'his- 
toire des notions antiques sur la précession des équinoxes. 
Commençons par les Indiens. 

$ 1^ 

Quand on veut employer les documents indiens sur l'astro- 
nomie ou sur tout autre objet, il faut d'abord fixer l'âge de ces 
documents, et il y a là une difficulté grave; car la science 
de la chronologie historique est restée étrangère à l'Inde brah- 
manique pendant toute la durée de son indépendance. Les 
savants indianistes de notre époque, lorsqu'ils ont voulu fixer 
quelques dates approximatives dans le développement si riche, 
mais si confus, de l'esprit indien, ont été obligés d'abord de 
déterminer, d'après des caractères intrinsèques, les rapports 
d'antériorité et de postériorité des monuments de cette litté- 
rature \ conservés par des prodiges de mémoire jusqu'à l'é- 
poque, si tardive pour elle, de l'usage de l'écriture^. Ensuite, 
pour trouver des points fixes dans ces époques relatives, ils 

• 

' Voyez sartoot M. A. Weber, Akad. primitive reUgionofthe Brahmtms, sec. éd. 

Varies, àber die indische LitératurgescKichle, revised (London, 1860, in-S*'). 
el M. Max Mûller, A History ofancient sans- * Voyez M. Max Mâller, cbap. m , p. 497- 

krit littérature, sofar as it illastrates the 5a/|. 



— 152 — 

ont tâché d'y déterminer les places de quelques faits saillants, 
tels, que le schisme de Bouddha, l'invasion d'Alexandre, et 
l'ambassade de Mégasthène, envoyé par Seleucus Nicator à 
Tchandragoupta, grand-père du célèbre roi bouddhiste 
Açoka^ Il résulte de ces recherches que la mort de Bouddha 
est probablement antérieure d'un siècle, ou tout au plus d'un 
siècle et demi, à l'époque d'Alexandre le Grand^. Il résulte de 
ces mêmes recherches^ que l'origine du bouddhisme est con- 
temporaine du milieu de l'époque des Soufras védiques, c'est-à- 
dire de certains résumés de la doctrine des Védas en formules 
obscures et énigmatiques, époque qui est aussi celle des plus 
anciens Vedangas ou trait.és didactiques ajoutés aux Védas; que 
la formation du quatrième Véda, c'est-à-dire de YÀtharvavéda, 
et la composition des Brâhmanas, des Aranyakas et des plus 
anciens Oapanichads, dissertations ajoutées aux quatre recueils 
d'hymnes védiques, sont contemporaines du premier dévelop- 
pement des principaux systèmes philosophiques de Tlnde, et 
que la composition des hymnes du Rigvéda, à l'exception de la 
fin de ce recueil, est antérieure aux Brâhmanas. Dans ces 
hymnes antiques, on peut suivre les progrès de l'invasion 
lente des Aryas dans l'Inde, depuis le Caboul et le Pendjab 
jusqu'aux extrémités de l'Hindou stan et jusqu'aux bords du 
Gange ^. Cette arrivée des Aryas sur le sol indien remonte peut- 
ôtre à i5oo ou 1600 ans .avant notre ère. L'époque principale 
de la composition des hymnes védiques peut avoir duré jusque 
vers 1000 ou 900 ans avant J. C. L'époque des Brâhmanas et 

' VoyecM.MaxMûllcr, p.33-35,24a,elc. dhas Todesjahr, Irad. du danois en alie- 

* Voyez M. Weber, Akad. Vorles, p. 25i- majid (Breslau, 1862, in-8®). 

256; M.Kœppen, Die Religion desBuddhu, ^ Voyez surtout Vexcellenl ouvrage de 

t. I, p. 201-209 (Berlin, 1867, in-8*) , M. Max M aller. 

M. Max Mû lier, Hisi, ofanc. sansk. litU p. ^ VoyezM.A.Weber,i4Ara<i(. Vorlesungen, 

298-299, el M. Weslergaard, Ueher Bad- p. 2-3 el 37-39. 






— 153 — 

de Torganisation du régime des castes peut avoir duré pen- 
dant les trois ou quatre siècles suivants. Les derniers hymnes 
du Rigvéda auraient été composés pendant cette même époque, 
qui aurait vu clore le recueil des hymnes du Samavéda, celui 
de YYadjourvéda sous ses deux formes, c est-à-dire du noir 
Yadjourvéda d'abord et du blanc ensuite, et enfin celui de VA- 
tharvavéda. L'époque des Soutras védiques peut avoir com- 
mencé vers 600 ans avant notre ère et s'être continuée jusque 
vers l'an 200 avant J. C.^ Pendant celte dernière époque, l'u- 
sage de l'écriture s'est introduit chez les brahmanes^. Vers 
45o ans avant notre ère, Bouddha a prêché sa nouvelle doc- 
trine. Les Lois dites de Manon ^ les Lois dites d'Yâdjnavalkya, 
et de Parâçara^y et les grands poèmes épiques, au moins dans 
leur rédaction actuelle^, de même que les grands monuments 
de l'architecture indienne^, sont postérieurs à l'an 200 avant 
notre ère. Les poëtes lyriques profanes, les poètes dramatiques 
et les fabulistes de l'Inde sont encore plus récents^. I^es Pou- 
ranas, sous leur forme actuelle, sont d'époques bien plus ré- 
centes encore^. 

Tous les traités astronomiques indiens qui nous restent, 

* même ie Calendrier des Védas, ont été rédigés après la fin dé 

l'époque des Soutras, c est-à-dire après l'an 200 avant J. C.^, 



' Voyez M. Max Mùller, Samkr. litL sur- 
tout chap. I, p. a 44, cbap. m, p. àQ'J^ et 
chap. IV, p. 573. 

* VoyezM.MaxMûller^chap. m, p.497- 
524. 

^ Voyez M. Max Mùller, Inlr. p. 6i-6a, 
67 et 68; chap. i, p. 86-g4 et i3a-i53; 
ch. II, p. 33o-333. 

* Voyez M. Weber, Ak. Varies, p. 1 75- 
i83; et M. Ma3^ Mùller, Intr. p. 36-37- 

' Voyez M. Lasse n , Indische Alter- 

Précession des équinoxes. 



thamskunde, t. U, p. 5 1 3-5 18 et 1166- 
118a. 

• Voyez M. Weber, Ak. Vorles. p. i83- 
195. 

' Voyez Wilford , AsiaL res. t. IX , p. 1 33 ; 
Colebrooke, Asiat res, t. Vil» p. a8o, et t. 
VIII, p. 487; M. Weber, Akademische Vor- 
lesangen, 179-180, et M. Max Mùller, 
Intr. p. 61. 

* Voyez M. Weber, Vedakalenden p. i- 
i3 (Berlin, 186a, in.4'). 



20 



— 154 — 

comme îeur forme métrique seule suffirait pour en donner la 
preuve'. 

Les Séleucides et les Lagides, dans les Etats desquels l'as- 
tronomie grecque était florissante, entretinrent avec l'Inde des 
relations suivies ^, à tel point que des missionnaires boud- 
dhistes venaient en Syrie ^. Des rois indiens et des populations 
du nord de l'Inde parlaient grec*. Des rois grecs régnèrent long- 
temps sur des populations en partie grecques dans la Bac- 
triane et au delà de l'Indus ^. Les Indo-Scythes, qui lent 
succédèrent, mettaient des inscriptions grecques stlr leurs mé- 
dailles^ Des relations intimes existèrent entre l'Inde et l'Egypte 
sous les empereurs romains^. A cette époque, des philosophes 
grecs, comme Apollonius de Tyane, voyageaient dans l'Inde^. 

Les poëmes astronomiques indiens, dont quelques-uns, ano- 
nymes ou pseudonymes, sont attribués à des révélations di- 
vines prodigieusement antiques, par exemple, le Sourya-Sid- 
dhânta , ^ont pleins de doctrines grecques étrangement déguisées 
et pourtant très-reconnaissables : les durées des révolutions 
célestes y sont indiquées à l'aide de formules mnémoniques. 



^ Voyez M. Max Mûller, chap. i , p. 68- 
69, et M. Weber, Vedakah p. 7. 

^ Voyez M. Lassen, Ind, Alt, i. Il, p. 118- 
119. 

' Voyez M. Benfey« art. Indien dans V En- 
cyclopédie d*Ersch el Gniber. 

* Voyez Sénèque, Consolaiio ad Hel- 
viam, c. VI, S 8, et Phîlostrale, Vie d'Apol- 
lonius, II, a3, a6, 37, 39, 3^; m, la, i6- 
36, etc. 

* Voyez M. Lassen, Ind, Ali, t. Il, p. 
322344. 

^ Voyez M. Lassen, Ind, Alt. t. Il, p. 3Ao- 
344, 353-398, el M. Grotefend, Mûnzen der 
Kônige von Baktrien and den Làndem am 
/n</iw (Hanover, i838 in-S"). 



' Voyez SlraboD , II , v, S 9, el XV, i, S 3- 
4 f p. Il 6 el p. 685-686 (Casaubon) ; Pline , 
//. N. VI, XXVI, sect. 6, n* io4, 1. 1, p. Mo 
(Sillig) ; le Périplede la mer Erythrée, p. 1 74 
(Blancanus), et Ammien Marcellin, xxii, 
7. Comparez M. Reînaud, Relation des 
voyages faits par les Arabes dans l'Inde, 1. 1, 
Intr. p. XXVIII et suîv.; Mem, sar laMésène 
et la Ckaracène, S 4t p* 96-104 < et Relations 
politiques et commerciales de l'empire romain 
avec -l'Asie orientale, S 1 , p. 33, et S 2 , 
p. 160-184, elM. Weber, Ind. Skizz, p. 85- 
88 (Berlin, 1857, in^8'). 

' Voyez Pbilostrate, Vie d'Apollo- 
nius. , 



1 1 



— 155 — 

dans lesquelles des expressions symboliques signifient les nom* 
bres de ces révolutions compris dans les immenses périodes 
d'une cbronologie fantastique ^ Mais l'origine grecque est 
trabie d'une manière incontestable par des expressions grec- 
ques légèrement altérées^. Aucun de ces poëmes n'est anté- 
rieur au v* siècle de notre ère. C'est à partir de ce siècle que 
viennent se placer, à dîvers intervalles , les plus anciens traités 
astronomiques indiens composés par des auteurs connus, tels 
qu'Aryabbata l'ancien vers la fin du v*' siècle, Varâha-Mihira 
au commencement du vi% Brabmagoupta au vu'', et Bhâscara 
au XI*. Il en est de même des traités attribués à Garga et à Pa- 
râçara, personnages d'une antiquité fabuleuse^. Ce Garga, cité 
par les Indiens comme leur plus ancien astronome, Varâba- 
Mibira, et, en général, les astronomes indiens, professent hau- 
tement leur admiration pour l'astronomie grecque*. 

Revenons aux poèmes astronomiques qui se disent révélés. 
Le titre, même du Romaka-Siddhânta indique l'origine gréco- 
romaine que la tradition indienne elle-même attribuait à ce 
poëme astronomique^, malgré son caractère prétendu divin. Il 

* \oyez\e Soarya-Siddhânta,\Taà,eLDgi. 234; M. Whitney, Additional notes, à la 
de Burgesfl avec- les notes de Whtlney suite du Sourya-Siddhâata, irai, de M. But- 
(New-Haven, Gonnectlcut, 1860, in-8*); gess, p. 274-278, et surtout le docleur 
M. Guérin, Astronomie indienne, cbap. ix- Bhâu Dàjî, Brief notes on tke âge and au- 
xif (Paris, 1847, *'^'8*), etc. thenticily ofthe works oj Aryahkata, Varâ- 

* Voyez Colebrooke , Miscellaneous Es- hamihira, Brahmagapta, BhattotpaJa and 
says, t. Il, p. 370-373 et 626-547; Stuhr, Bhâskarâchârya. (Journal ofthe asiatic so- 
Vntersuchangen àber die Vrsprànglichkeit ciety of Great Britain and Ireland, new 
and AlteThûmîichkeit der Sternkande unter séries, vol. I, part. 11, i86ô , p. 3g 2 - 
den Chinesen und Indiern, p. 107-1 1 1 (Bcr- 4 18.) 

lin, i83i, in-8*); M. Weber, Ak. Vorles, * Voyez Colebrooke, Mise, Ess, t. II, 

p. 226-227; Ind. Skizz. p. 95*97, et une p. 4io et suiv.; M. Weber, Ak, Vorles. 

note de M. Régnier, publiée par M. Biot, p. 325, et Albirouni , cité par M. Reinaud, 

Et, sur Vastr. ind. et ckin. p. 102 (Paris, Mém. sur Vlnde, p. 336. 
1862, in-8*). * Voyez M. Weber, Ak, Vorles, p. 226, 

* Voyez M. Weber, Ak, Vorles. p. 225- avec la note 1. 

ao. 



— 156 — 

en est ainsi du Soarya- Siddhânta. Ce poëme* se donne lui- 
même comme une révélation adressée par Sourya, dieu du 
soleil, à un asoura, c est-à-dire à un démon, nommé Maya, 
vers la fin de l'âge krila, c est-à-dire plus de 2 millions d'an- 
nées avant l'ère chrétienne^. Dans tous les manuscrits du 
chapitre premier de l'ouvrage, le soleil, cédant aux sollicita- 
tions de ce démon, lui dit : «Nul n'est capable de supporter 
« mon éclat; pour une communication, le loisir me manque; 
M cette personne, qui est une partie de moi-même, te rapportera 
«tout.» Dans beaucoup de manuscrits, on lit ensuite'' ; «Va 
« donc dans la cité de Romaka, ta résidence propre; là, subissant 
u une incarnation dans le corps d'un barbare, en vertu d'une 
• « malédiction de Brahma, je te communiquerai cette science. » 
Puis tous les manuscrits ajoutent : « Ayant ainsi parlé, le dieu 
« disparut^ après avoir donné ses instructions à cette partie de /ne- 
« même. Cette dernière personne s'adressa ainsi à Maya, qui se 
«tenait incliné en avant, les mains jointes devant lui, d'une 
« manière suppliante : Ecoute avec une attention concentrée 
«l'ancienne et haute science qui a été dite, dans chaque âge 
« successif, aux anciens sages par le soleil même. • 

Ainsi, d'après ce texte, le soleil renouvelle sa révélation astro- 
nomique dans chacun des longs d^e^ de la chronologie fabuleuse 
des Indiens; mais un de ces renouvellements s'est fait par l'in- 
termédiaire d'une personne que le soleil appelle une partie de 
lui-même, et cette révélation astronomique a été adressée à un 
démon. Jusque-là, tous les manuscrits sont d'accord. Mais à quoi 
bon mentionner ce démon et cet intermédiaire, si leur inter- 



^ I, a-9; XII, 1, etc. suivant le Sourya-SiUhànta, I, iA-17, 

* La somme des deux âges compris p. 8-g, trad. de M. Burgess. 

entre la fin du Kritayouga et le commence- ^ Trad. angl. de M. Burgess, note de 

ment du Kaliyougo , est de a , 1 60,000 ans, M. Whitney, p. 3. 



— 157 ~ 

vention ne devait être ni motivée, ni expliquée? Il faut donc 
admettre Tauthenticité de la phrase qui manque dans quelques 
manuscrits; car, avec cette phrase, tout s'explique. La révéla- 
tion astronomique s'est faite dans la cité de Romaha, qui, située 
à go"* à l'ouest de l'Inde, suivant le Sourya-Siddkânta \ était la 
capitale du monde gréco-romain et la patrie du démon Maya. 
De plus, cette révélation a été faite à ce démon par l'intermé- 
diaire d'un barbare; mais ce barbare était un avatar du soleil , un 
autre lui-même, iiu^arné sous cette forme abjecte en vertu d'une 
malédiction de Brahma. 

Dans ce texte, il y a deux .choses caractéristiques : d'une 
part, la haine de l'Indien contre les barbares [mlechtas) de 
l'occident lointain, contre l'empire gréco-romain, dont la re- 
nommée s'étendait au delà del'Indus; d'autre part, l'aveu forcé 
de ce fait, que la science astronomique a été transmise à l'Inde 
par ces odieux barbares. On conçoit que cet aveu ait été sup- 
primé dans quelques manuscrits, depuis que Ips Indiens, au 
milieu de leur décadence, ont voulu effacer le souvenir des 
emprunts que leurs ancêtres avaient faits à la science grecque ^. 
Mais beaucoup d'ouvrages indiens postérieurs au Sourya-Sid- 
dhânta font allusion à cette incarnation du dieu du soleil dans la 
cité de Romaka chez les Yavanas, c'est-à-dire chez les Grecs, 
et à cette révélation astronomique opérée par lui dans cette 
contrée^. L'un de ces ouvrages indiens* ajoute que le Romaka- 
Siddhânta a été révélé de la même manière. Ainsi la même 
fable, aveu dissimulé d'une origine grecque, se trouvait dans 

* XÎI, 38-3g, p. a46-a47. trad. de * VoyezM. Whitney, note8U^le^Sott>ya- 
M. Burgess. SMMnta, I, 6, p. 3. 

' Dès le XII 1* siècle, ils avaient inventé et * Le Djnâna-Bhàscara , cité par M.We* 

conté a ax Arabes la fable A^xxn Almagesteinr ber, dans son Catalogue des mss. sanskrits 

dien,souTce deV Almagesle grec àeVioXémée, de Berlin, p. 287. 
Voyez M. Reinaud^ Mém. sur VInde, p. 3aâ. 



— 158 — 

ces deux traités astronomiques considérés comme des livres 
sacrée. 

D'un autre côté, ia tradition épique consignée dans le Mahà- 
bhârata donne le nom à'Asoura-Maya au plus ancien astro- 
nome indien, instruit par le dieu même du soleil ^ Dans le 
Sourya-Siddhânta y ouvrage où, comme nous le verrons, Tin- 
fluence grecque est évidente. Maya est un démon [Asoura) ré- 
sidant à Bomaka, c'est-à-dire dans l'Empire romain. Le nom 
Asonra-Maya ne serait-il pas plutôt celui •d'un astronome, 
comme le veut la tradition épique, mais d'un astronome dont 
la patrie serait celle qui est indiquée par le Sourya-Siddhânta? 
Ce nom ne pourrait-il pas avoir été formé par corruption de 
Touramaya, nom donné aux rois Ptolémées dans des inscriptions 
indiennes? Ainsi Asoura-Maya, astronome indien suivant la 
tradition épique, mais démon savant du monde gréco-romain 
suivant la tradition astronomique, pourrait être, d'après une 
ingénieuse conjecture, Touramaya, c'est-à-dire l'astronome grec 
Ptolémée ^ 

On objecte ^ que, parmi les astronomes et astrologues grecs, 
Ptolémée n'est pas celui que l'auteur du Sonrya- Siddhânta a 
spécialement suivi. Cette remarque est vraie; mais l'objection 
n'est pas péremptoire; car le rédacteur du Sourya-Siddhdnla a 
pu connaître le nom de Ptolémée comme celui du plus célèbre 
représentant de l'astronomie grecque, et n'avoir cependant à 
sa disposition que des traités élémentaires, rédigés d'après les 
principes d'astronomes et d'astrologues grecs antérieurs à Pto- 
lémée. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas révoquer en doute 

* Voyez M. Weber, Akadem. Varies. i. c. p. 396, note 1 [Joum. ofthe royal as. 
p: a a 5. soc. vol. I, part. 11, i865). 

• Voyez M. Weber, Ind. Stad. t U, ' Voyez M. Bio t. £f. «ar/Wr. i/wi. 3* art. 
p. a43; Ak. Vorles. p. aa5-aa6, et Ind. p. 4i-â3«note 2, et p. ôi, et &* art. p. 53- 
Skizz. p. 96, et le docteur Bhâu Dâjî, 5^ (Bitr. du Journal des Savants , iSSg). 



— 159 — 

rorigine grecque des doctrines enveloppées sous une forme 
indienne dans le Sourya-Siddhânla, qui nous reste, et dans le 
Romaka-Siddhânta , aujourd'hui perdu. 

Passons au Pauliça-Siddhânta. Les principales données de ce 
poëme astrologique et astronomique, que nous n avons plus, 
sont citées dans des ouvrages postérieurs. Il tirait son nom de 
son auteur, que Varâha-Mihira * désigne comme grec, et qui, 
suivant le savant arabe Aibirouni ^, était Pau/ le Grec, originaire 
d! Egypte. En effet, un passage du Paaliça-Siddhânta, cité par 
Varâha-Mihira, est traduit presque mot pour mot d'un passage 
du traité astrologique grec de Paul d' Alexandrie ^ qui vivait à 
la fin du iv"" siècle de notre ère. OrDamascius* nous apprend 
qu'à cette époque des brahmanes de l'Indè venaient à Alexan 
drie. Cependant le Pauliça-Siddhânta était plus astronomique 
qu'astrologique, et il était rédigé à la manière indienne : le 
traité astrologique que nous possédons de Paul d'Alexandrie 
n'était sans doute qu'une des sources grecques dans lesquelles 
le rédacteur indien avait puisé. L'école des imitateurs du 
Pauliça-Siddhânta était rivale de celle d'Aryabhata *, commen- 
tateur du Sowya-Siddhânta^j et désigné par les Indiens comme 
auteur du plus ancien poëme astronomique non révélé par les 
dieux '. 

Nous avons dit que Varâba-Mihira reconnaissait les Grecs 

* Voyez M. Weber, Ind. Siudien^ t. Il, Siddhânta tir&d.âe M., burge»8, Add. notes, 
p. a66 et 277; Ind, Skizz. p. 96-97, et note 1, p. 276. 

M. Lassen, Ind. Alt. l. II, p. ii3o- ' Voyez M. Wilson, Mackensie coUec- 

1 1 3 1 . t'ion, t. I , p. 1 1 9, n* 5 , et M. Lassen , Ind. 

' Voyez M. Retnaud, Mém, sur l'Inde, Alt, t. I, p. 1137. 

p. 33i-33a. ' Voyez Var&ha-Mihira, cité par Bohien, 

^ Voyez M. Lassen, t. II, p. 1 i3o-i t3i. Dos aile Indien, t. II, p. 378, el Ganeça', 

^ Vie d'Isidore, dans la Biblioth. de cité par Colebrooke, Mise, Ess. t. Il, 

Photius, p. 3âo (Bekker). p. ^76. 

• Voyez M. Whitney, sur le Sourya- 



— 160 — 

pour SCS maîtres : cet astronome indien du commencement du 
VI® siècle avait composé un recueil de tables astronomiques 
tirées des cin(j Siddhântas par excellence ^ ce^t-à-dire du Pau- 
Uça-Siddhânta , du Romaka- Siddhârrta , du Sourya-Siddhânta, du 
Paitâmaha-Siddhânta , autrement nommé Brahma-SiddhântUy et 
du Vasichta-SiddÂânta\ Dans les rédactions actuellement sub- 
sistantes de ces trois derniers siddhântas, et dans les citations 
qui nous restent des deux premiers, l'influence grecque est 
évidente. Cette influence est à l'origine de tout ce développe- 
ment de l'astronomie indienne, qui date du v* siècle de notre 
ère, et dans lequel, comme nous le verrons, se retrouvent les 
diverses opinions grecques sur la précession des équinoxes. 
Mais il faut chercher d'abord ce qu'était l'astronomie indienne 
avant cette influence. 

$2. 

On trouve, soit dans les hymnes des Védas^ soit dans les 
Brâhmanas et dans les Oapanichads, certaines notions astro- 
nomiques auxquelles l'influence grecque n'a aucune part, et 
cette astronomie élémentaire purement indienne est résumée 
dans le Calendrier des Védas, opuscule rédigé probablement 
entre le premier et le quatrième siècle de notre ère^. Voyons 

^ Voyez M. Weber, Ak» Varies, p. 229- de celte dernière recension, îl est question 

280. du zodiaque grec; mais ce distique est in- 

* Voyez M. Weber, Ueber den Veia- i.erpolé, car Somâkara ne l'a pas connu, 

kalender, Namens Jyotisham, p. 1-1 3 (Ber- et il manque dans l*aulre recension. Voyez 

lin, 186a, in-^"*). Il existe deux rédactions M. Weber, p. 1 1 el ai -23. Ce savant a 

de ce calendrier. L'une, plus ancienne, publié, traduit et commenté, en s*aidant 

plus courte (36 distiques) et plus altérée, du travail de Somâkara, la rédaction jointe 

est jointe au Rigvéda; Tautre, moins an- à V Yadjourvéda ; lia indiqué les variantes 

cienne, plus longue (43 à 45 distiques), deTautre rédaction et les vers qui y man- 

et non exempte d'altérations, est jointe à quent, et il a ajouté à la fm (p. 1 12-1 13) 

V Yadjourvéda et accompagnée d'un corn- les vers, peu nombreux, qui ne se trouvent 

mentaire par Somâkara. Dans un distique que dans cette rédaction plus courte. - 



I 



— 161 — 

si une notion quelconque de la précession des équinoxes s y 
trouve impliquée. 

Dans la plus ancienne des deux formes de VYadjourvéda, 
cest-à-dîre dans le noir Yadjourvéda^^ de même que dans une 
multitude d'ouvrages indiens postérieurs^, on nomme nak" 
châtras ^27 étoiles ou groupes d'étoiles zodiacales, qui marquent 
les étapes de la lune pendant les !2 7 jours du mois lunaire sidé- 
ral ou périodique : Soma ou Tchandramas, dieu de la lune, 
partage ses faveurs entre les 27 filles de Dakcha, qui sont les 
déesses des nakchatras^. Chaque nakchatra est désigné par 
un nom propre : quelques-uns des noms les plus anciens ont 
été plus tard modifiés ou remplacés par d'autres; mais l'en- 
semble de ces 27 noms est resté parfaitement reconnaissable ^. 
Le nombre dès étoiles de chaque nakchatra est marqué dans 
certains documents plus ou moins anciens; mais ce nombre 
a varié suivant les époques, et s'est généralement augmenté 
par l'adjonction d'étoiles voisines : plusieurs nakchatras furent 
d'abord chacun une seule étoile prise à part [ekanakchatra) ^ 
avant de compter chacun deux ou plusieurs étoiles; primiti- 

^ Voyez les textes cités par M. Weber, cité par M. Guérin , Astrvn. ind, p. 3o ; 

Ind. Stud. t. U, p. 287; Ak, Vorïes.p. 3o le Padma-ponrana » cité par Wilson, Vi- 

eip.S'j^noiei^ei Die vedischenNachrichtea krama and Urvasi, p. 7* et par M. Pau- 

vonden Naxatra, II, p. 278; M. Whitiiey, thier, note sur les Lois de Manou, IX, 

notes sur le Sourya-Siddhànta, p. 18a et 3iâ (Livres sacrés de f Orient, p. àià)- 

suiv. et M. Lassen, Ind. Alt. t. I, App. Dans ces deux derniers textes, le dieu de 

p. Cl, et t. II, p. 1 1 15, note 4* la lune n*est pas nommé Soma, mais 

* \oyezM.VfebeT,Ved.Nach.v.d.Nax. Tchandramas. L'identité de Soma et de 
II, p. 274-279. Tchandramas, comme dieu de la lune, est 

* Voyez un hymne du Rigvéda, cité par indiquée par un hymne du Rigvéda, VIII , 
M. Max Mûller, Hist, of anc. sansk. litt. m, 4 «t. IV, p. 3ai et 3aa-3a3 delatrad. 
sec. éd. p. a 1 a , note 1 ; les Lois de Ma- franc, de M. Langlois. Comparez VIII , 11 , 
non, IX, 128-129, et XII, 48; le Mahà- 3, t. IV, p. a8o et suiv.; I, vi, 4, et vu, 
bhàrata, III, i63, v. 11871 et suiv. et 7, 1 1, t. I, p. 160 et aoi. 

d'autres textes cités par M. Weber, Nax. * Voyez M. Weber, Nax. II, p. 3oo- 

II, p. 375-278 et 281; le Kalika-pourana, 3o4« 3i9-320, 368-376. 

Précession des équinoxes. 2 1 



— 162 — 

YBuient aucun autre nakchatra n'égalait le nombre des 7 étoiles 
du nakchatra Krittika, c est-à-dire des Pléiades ^ Primitivement 
aussi les intervalles que la lune avait à parcourir entre les 
27 nakcbatras étaient supposés à peu près égaux ^. Divers 
auteurs ont donné sur les 2 7 nakchatras des renseignements 
assez précis pour que les savants modernes aient pu recon- 
naître, sauf de légères incertitudes, les étoiles qui les com- 
posent?. Les 27 groupes sont tous situés, soit dans la bande 
zodiacale parcourue par la lune, soit à peu de distance au 
nord et au sud de celte bande large de plus de 1 o degrés. Mais 
il y a quelques-uns de ces nakchatras dont les noms s'étaient 
appliqués autrefois à d'autres groupes d'étoiles, et, en général, 
les nakchatras nouveaux étaient ceux qui s'écartaient le plus 
de Técliptique, tandis que les anciens nakchatras étaient plus 
rapprochés de ce cercle^. 

Vers la fin de la période des Brâhmanas, on commença de 
compter un 28* nakchatra destiné à marquer le tiers de 
jour, excédant du mois lunaire périodique sur les 27 jours 
entiers. Mais, ajouté ainsi pour faire nombre, ce nakchatra 
fut, sinon choisi d'abord, du moins relégué plus tard bien 
loin au nord de la bande zodiacale^ : nommé Abhidjit [le Con-- 
(luérant)j il comprenait alors les étoiles a, e et ?r de la Lyre®. 
Mais beaucoup d'auteurs postérieurs à son introduction négli- 
gèrent cet intrus, pour s'en tenir à l'antique nombre de 27 nak- 
chatras ^. 



' VoyezM.Weber, iVff^. lI,p.38o-383. * Voye» M. Weber, Nax. I, p. Sao^ 

* Ihid. p. 275, 276, 277 et 286. 321, et II, p. 3o7-3o8. 

' Voyez M. Whitney, sur le Sourya-Sid- * Voyei M. Whitney, sur le Soarja-Sid' 

dkânta, p. 175-212, et M. Weber, Nax, dhânta, p. 196-196, et M Weber, Nax. 

I, p. 33 1-332, et II, p. 367-376. I, p. 332, et H, p. 3o7-3o8. 

* VoyeiM. Weber, A^odP. II,p. 3o6-3o9 ' Voyez M. Weber, Nax. II, p. 279- 
et 377-378. 281. 



— 163 — 

Le mot nakchatra, dans les auteurs de l'époque sanscrite, pos- 
térieure à l'époque védique, désigne exclusivement les 37 ou 
a8 constellations du zodiaque lunaire; mais, dans la langue 
védique, on trouve ce mot employé pour désigner les étoiles 
en général \ et le nom de nakchatra s y trouve même appliqué 
au soleiP. Ainsi, dans les textes védiques, le nom de nak-^ 
châtra ne suffit pas pour prouver qu'il soit question des 27 ou 
38 constellations du zodiaque lunaire, à moins que le nombre 
de 27 ou 28 ne s'y trouve indiqué, ou bien que leurs noms 
propres n y soient énumérés^. Les plus anciens textes védiques 
qui satisfassent à ces deux conditions remontent à 800 ans au 
moins et probablement à 900 ans avant notre ère *. 

M. Weber ^ parait incliner à supposer que de cette époque 
seulement daterait la notion des 27 constellations lunaires 
dans rinde, et qu'elle y serait venue de Babylone. Je ne 
pujs accepter cette opinion. En effet, c'est bien aux constella- 
tions du zodiaque lunaire que paraît se rapporter un texte de 
la fin du Rigveda^ sur Soma, dieu de la lune, reposant dans le 
giron des nakchatras, et il me paraît bien difficile de se refuser 
à voir une allusion semblable dans un texte de la partie la 
plus ancienne du Rigvéda^ sur la bien-aimée de Soma, dieu de la 
lune, visitée par les Açvins. Suivant le commentateur indien^. 



' Voy.M. Weber, Nax. II, p. 373-274. 

* Ibid. p. 371. 

* Tel est le jugement exprimé par 
M. Weber, ibid. p. 274. 

* Tel est y Âge des textes du noir Yad- 
jouTvéda, Voj, M. Max Mûller. Hist of 
anc. sanskr. litt. sec. éd. p. 35o-55i , 435 
et 573. 

* Mia;a/ra^I, p. 3o6-3io,etII,p. 36i- 
363 , 38o et 4oo , et surtout Vedakalender, 
p. i4-i5. 

* VIII, m. 30 (X, Lxxxv, 3). Voyez 



M. MaxMuller, Hist.ofanc. sanskr, litl. sec. 
éd. p. 313, note 1 , et M. Weber, Nax, II, 
p. 374. Comparez la trad. franc, du Rigvéda, 
par M. Langlois, VIII, m, i4, a, t. IV, 
p. 3 30. Il existe deux distributions des 
hymnes du Rigvéda. Nous adoptons celle 
que M. Langlois a suivie. Dans sa traduc- 
tion trop peu précise de ce passage , les mots 
grandes ^toi/^i remplacent le mot nakchatras. 

M, III, 3, t. I. p. 63 de la trad. franc, 
de M. Langlois, et notes, p. 366. 

* Cité par M. Langlois, p. 366. 



91 . 



— 164 — 

cette bien-aimée de Soma est sa consteliation favorite, c'est- 
à-dire sans doute le nakchatra Rohini, indiqué par d'autres 
textes indiens ^ comme étant la bien* aimée de Soma. Les 
Açvins qui la visitent sont des dieux du jour et de la nuit, 
et, suivant le Rigvéda^^ ils sont fils de la déesse Âçvinî, qui 
elle-même a donné son nom à Tun des nakchatras. Dans trois 
hymnes du Rigvéda^^ Açvinî et Rohinf sont mentionnées 
comme déesses brillantes. Dans un hymne de la fin du Rig^ 
véda^y les Âghâhs et les deux Ardjounyahs sont, sous d'autres 
noms, Maghâ et les deux Phâlgounts, c'est-à-dire trois nakcha- 
tras, suivant un commentateur indien^, et cette interprétation 
s'accorde parfaitement avec la pensée de l'hymne, qui con- 
cerne le cycle lunisolaire. De plus, il faut remarquer que les 
!2 7 dévatas, dieux régents des 27 nakchatras^, appartiennent 
tous à la mythologie védique, et que les divinités plus récentes 
du panthéon indien n'yjouent aucun rôle ^« Il me parait donc 
très-probable que la notion des 27 nakchatras remonte aux 
premiers temps du séjour des Aryas dans l'Inde. 

Depuis leur arrivée sur le sol indien, l'observation du pas- 
sage de la lune près des 27 nakchatras leur donna le mois 
lunaire sidéral et périodique, qui pourtant ne joua, dans leur 
calcul du temps, qu'un rôle secondaire^. Dans l'ensemble des 

* Cités par M. Weber, Nax. II , p. 275- * Voyez ia note de M. Langlois, t. IV, 
377, et par M. de Stuhr, Untersachungen p. 496. Comparez M. Weber, Ak. Vorles. 
àher die Unprànglichkeii und Allerthûm' p. a a a. 

lickkeit der Stemkande unter den Chineten * Voyez M. Weber, Vedak. p. 94-96. 

und Indiem , p. Sa, noie 217. ' M. Lassen, Ind. Alt t. I, p. 746 

* Trad.de M. Langlois, t IV, p. 169, note 1; M. Whitney, sur le SoaryaSid- 
et t. II, p. 5 10. dhânta, p. ao3, et M. Weber, Nax. II, 

* IV, n, i4, VI, VII, 4, et Vn, vi. la, p. 879. 

t. II,p. 3a3,t.IU,p. 4aa, ett. IV, p. 169 * Voyez H. Weber, Nax. II, p. a8o- 

de M- Langlois. 289. 

* VIII, III, i4> t. IV, p. 3aa, même trad. 



r 



— 165 — 

langues indo-européennes, les mois qui signifient lune et mois 
se rattachent à un radical qui signifie mesure^. Ainsi y dès avant la 
séparation de ces peuples, et, par conséquent, pour les Aryas, 
avant leur arrivée dans Tlnde» le mois lunaire était la mesure 
du temps. Mais c était le mois lunaire synodique, marqué par 
le retour des phases lunaires, «c'est-à-dire par le retour de la 
lune à la même position par rapport au soleil et non par rap- 
port aux étoiles ou par rapport aux colures. Le mois lunaire sy- 
nodique servait à mesurer Tannée solaire, marquée par le 
retour des saisons. 

Dans le Calendrier des Védas ^, on trouve i a mois lunaires 
synodiques, dont chacun a sa place supposée fixe dans Tannée 
tropique. Dans les Brâhmanas, de même que dans ce calendrier, 
chacun de ces mois porte un nom tiré de celui du nakchatra 
près duquel la lune était supposée se trouver pendant ce mois, 
au moment de son opposition avec le soleil ^. Cette fixité ap- 
proximative des mois lunaires indiens dans Tannée solaire 
était établie par un cycle lunisolaire de 5 ans, dont 2 avaient 
i3 mois lunaires synodiques au lieu de 12. Ce cycle est 
constaté par le Calendrier des Védas ^. Un cycle lunisolaire 
existait bien réellement dès les temps védiques; car il est 
exprimé dans un hymne du Rigvéda sous le symbole d'un ma- 
riage du soleil (déesse) et delà lune (dieu)', et le treizième mois 
est mentionné dans un autre hymne du même recueil^ et dans 
d'autres documents védiques'. 

' Voyes M. Max Mûller, HisL rf. anc. * Voyes M. Weber, Vedakal p. a3. 

sanskr. Utt. sec. éd. p. aii-ai2, et M. * Voyez le iti^v^, m, m, là.i- IV, 

Pictet, Le$ originu indo-européennet» V, 3, p. 3ao-3a6, trad. de M. Langlois. 
sect. a, S 371, u* partie, p. 693-596. * I,ii, 6, 1. 1, p. 43, même trad. Corn- 

* Voyes M . Weber, Vedakal p. a 3-39, parez M. Max Mûller, HisL rf. sanskr, 
3o-3a et 95-97. litt sec. éd. p. aia-ai3. 

• Voyez M. Weber, Nax, H. p. 3a6. ' Voyez M. Weber. iVcur. II, p. 336, 
348. note i. 



166 



Mais, d'un autre côté, Ton trouve aussi dans les Védas des 
mois solaires de 3o jourset une année de 36o jours, considérée 
comme solaire ^ On devait être bien loin de songer alors à 
la possibilité d'une distinction entre Tannée solaire sidérale 
et l'année tropique, puisqu'on était si loin de connaître la 
mesure de Tune et de l'autre confondues ensemble. 

On trouve dans les Védas une division de l'année solaire en 
six saisons, dont l'usage c'est conservé dans l'Inde entière. Ce- 
pendant les noms de ces six saisons expriment des phénomènes 
météorologiques dont la succession régulière ne convient 
qu'au climat du nord de l'Inde, occupé le premier par les 
Aryas^. Dans Tlnde comme en Chine, le rapport du plus long 
jour de l'année au plus court est resté fixé par tradition d'une 
manière qui ne convient ni à la Chine, ni au climat moyen de 
rinde. Ce rapport convient à la Babylonie, mais il convient 
aussi aux bords de l'Indus, par exemple au Pendjab ^. Chacune 
de ces saisons comprend deux mois, dont les noms védiques 
ont tous deux une même signification météorologique d'accord 
avec celle de la saison entière*. 

Revenons aux nakchatras. Dans toutes les énumérations 
appartenant à l'époque védique, le premier nakchatra est 
Krittikâ, c'est-à-dire le groupe des Pléiades^. Or, dans les 
temps védiques, l'année des Indiens commençait au prin- 



384 àe M. Langlois, les notes du traduc- 
teur, p. 56a-56Â; M. Weber, Ak, Vori 
p. 1&6; Nax, II, p. a88, et Vedaka- 
lender, p. la. 

' Voyez M.' Lassen, Ini, AU, t. I, 
p. 319-aai. 

* Voyez M. Weber, Nax. I, p. 3o6- 
3 10; II, p. 36 1-363 et Aoo; Vedakah 
p. i4-i5. 



* Voyez Colebrooke, Mise, Ess. t. I, 
p. 106-1 10 et 201 -203 ; M. Lassen, Ind, 
Ah. t. I, p. aao-aQi, note 1, et p. 7&5; 
M. Langloi», notes sur le Rigvéda, t. I, 
p. agA-agS, 667, &6a-&6à, et t. II, p. 
470 «t 5a3, et M. Weber, Nax, II, p, 348- 
355. 

* Voyez, pour rénumération de ces 
textes, M. Weber, Nos, II, p. 357, 
note 1. 



— 167 — 

temps' ; mais il est douteux qu elle commençât toujours pré- 
cisément à Féquinoxe. Le contraire est même très -probable, 
puisque Tannée commença d'abord avec le premier des deux 
mois de printemps, Phâlgouna, ensuite avec le second, Tchai- 
ira^. D'ailleurs, puisque les Indiens ont bien pu garder inva- 
riablement pour premier nakcbatra le groupe des Pléiades 
pendant looo ans et plus^, des savants modernes se sont fait 
illusion, quand ils ont prétendu indiquer avec certitude en 
quelle année les Pléiades avaient dû être choisies pour premier 
groupe stellaire du zodiaque lunaire. Ces déterminations di- 
verses, comprises entre Tan a 87 5 avant J. C., indiqué par 
M. Biot, et Tan 85o avant J. C. , indiqué par M. Lassen ^, sont 



* Voyez M. Weber, Naa:, II, p. 32q et 
35a, et Vedakal. p. 37. 

* Voyei M. Weber, iV«p. Il, p. 827- 
334 et 3A9-353. 

^ Voyez M. Weber, Vedakal. p. 11. 

* M. Biot [RecL sur Vanc. astr. chin. 
P- 90*90 transporte cette invention en 
Chine, afin de fonder son calcul sur les 
Sieou chinois et non sur les nakchatras 
indiens, limités d*une autre manière : il 
suppose que Tétoile 9 des Pléiades, mar- 
quant le commencement du Sieou, avait 
été prise comme équinoxiale , avec un ou 
deux degrés d'erreur, sous Yao, vers 
a 357 avant J. CM. Lassen {Ind, Alt i. I, 
p. 743-743) avait d*abord accepté cette 
opinion de M. Biot. Puis (t. Il, p. 116 et 
note a) il a fait le calcul pour les nakcha- 
tras indiens, en comptant par erreur 1 9* 1/3 
au lieu de 29* i/a entre les étoiles déter- 
minatrices d*Açvini et de Kriltikà , et c*est 
ainsi qu*à raison de 1* de précession en 
71 ans il est arrivé à fan i35o avant Tan 
5oo de notre ère, G'est4-dire à Tan 85o 
avant J. C. » époque, suivant lui, de l'in- 



troduction des a 8 Sieou chinois dans 
rinde ! Celte note de M. Lassen est pleine 
de fautes de chiffres. M. Guérin (Astr. intL 
p. 7a, 75, 79 et 137) trouve 1671 avant 
J. C. pour la date précise où les Indiens 
ont fait eux-mêmes cette invention, en 
supposant que dès lors , de même qu'en 
Tan 5oo de noire ère, le commencement 
du segment polaire Krittikà était fixé à 
io%5o' à Touest deTétoile tf des Pléiades. 
M. Weber (Ind. Stud. t. II, p. a4o, et 
Ak, Vorles. p. 3o et p. 87, note 1 ) dit 
que Féquinoxe vernal a été dans les limites 
de ce même segment depuis Tan 147 a 
jusqu'à Tan 536 avant J. C; mais il suppose 
faussement,: 1* que ce segment polaire 
était ainsi mesuré dès le xv* siècle avant 
notre ère; a* que les positions calculées 
par les astronomes indiens postérieurs au 
V* siècle de notre ère étaient exactes; 
3"* que la précession est exactement d*un 
degré en 7a ans. Du reste, il se contente 
de dire que Tordre des Nakchatras com- 
mençant par Krittikà a dû être établi entre 
147a et 536 avant J. C. 



— 168 — 

les unes incertaines, les autres inadmissibles ^ Tout ce qu'on 
peut dire, cest que l'époque la plus probable de ce choix est 
celle où, pour les Aryas établis dans le nord de Tlnde, le lever 
béliaque matinal des Pléiades avait lieu vers le commence- 
ment de la saison de deux mois qu ils appelaient printemps 
{vasanta)^ et que cette époque, qu'il est impossible de préci- 
ser, peut remonter jusque vers le xvi* siècle avant notre ère, 
cest-à-dire jusque vers l'époque même de l'arrivée des Aryas 
sur le sol de l'Inde. 

Si les Indiens avaient connu dès lors, ou bien s'ils avaient 
découvert pendant le cours des temps védiques la précession 
des équinoxes, ils auraient compris, au bout de quelques siè- 
cles, la nécessité de commencer la série des nakchatras par le 
nakcbatra suivant, ou bien d'établir une distinction entre la 
petite constellation Krittikâ, dont la longitude s'était accrue, 
et une région céleste Krittikâ fixe par rapport au point équi- 
noxial, mais de laquelle cette constellation s'était écartée. Est-ce 
là ce qui est arrivé? Non; jusqu'à l'époque où ils ont subi 
l'influence grecque, les Indiens ont toujours gardé le groupe 
des Pléiades pour premier nakchatra; quand ils eurent connu 
le zodiaque solaire grec commençant par le Bélier et les 
opinions grecques sur la précession , sautant brusquement de 
leur premier nakchatra Krittikâ au troisième, ils commen- 
cèrent leur zodiaque lunaire par Âçvini, nakchatra composé 
des étoiles |S et y an Bélier^. 

Les astronomes indiens du v* siècle de notre ère et des siè- 
clés suivants divisaient le zodiaque lunaire, soit en 28 seg- 
ments polaires, dont 27 étaient égaux, tandis que celui qui 
correspondait à la constellation Abhidjit n'était que le tiers de 

' Voyex M. Weber, Vedakal p. ii. le» notes de M. Whilney, p. i75-ai5, et 

* \oyez\eSonrya'Siddhânta,ch8ip.viu, M. Weber, Nax. I, p. 33 1 -33 a. 



— 169 — 

chacun des autres \ soit, plus habituellement, en 27 segments 
polaires égaux, contenant un égal nombre de degrés et de 
minutes d'ascension droite, mais non de longitude, et homo- 
nymes aux Q7 constellations nakchatras, à l'exception de la 
constellation Abhidjit, à laquelle on attribuait alors fictive- 
ment un segment polaire de nulle étendue^. Ensuite ils choi- 
sirent dans chaque constellation nakchatra une étoile dite de 
jonction [yogatârâ) , dont ils marquèrent la position en minutes 
et degrés d'ascension droite et de déclinaison dans les segments 
nakchatras. Mais les intervalles des constellations nakchatras 
étaient si inégaux, que les yogatârâs de trois de ces constella- 
tions se trouvèrent tomber en dehors des segments homo- 
nymes, outre l'yogatârâ d'Abhidjit, qui n'avait pas de segment 
correspondant^. 

Les 27 nakchatras, considérés comme intervalles égaux 
d'ascension droite dans le zodiaque lunaire, se trouvent déjà 
dans, le Calendrier des Vèdas^. Mais, ni dans aucun document 
de l'époque védique, ni dans le Calendrier des Védas, on ne 
trouve les yogatârâs avec leurs positions marquées en degrés 
et minutes. La division en degrés était alors inconnue aux 
Indiens. 

Il est possible que, dès avant l'influence grecque, les Indiens 
aient eu la notion d'un zodiaque solaire divisé idéalement en 
12 parties égales. Mais alors, bien qu'ils dussent le consi- 
dérer comme fixe, ce devait être en réalité un zodiaque so- 
laire sidéral mobile par rapport aux points équinoxaux, et non 

* Voyez M. Lassen, Ind, Alt. ï. \, * Voyez le Sourya-Siddhànta, VIII, 

p. 744* note a, et M. Guérin, Astr, Ind. i-ig.etjes notes de M. Whitney, p. 179- 

cbap. III, p. 3o. 180. 

' Voyelle SoaryaSiddhânta, II, 6à,ei * W ojei M, W eher, Vedakal$nd0r,p ,52- 

VIII, 1-9, et les notes de M. Whitney, 33. 
p. 91 et p. 175-180. 

Précession des équînozes. 3 3 



— 170 — 

le zodiaque fixe par rapport à ces points, tel qu'on le trouve 
dans les ouvrages indiens postérieurs à Tinfluence grecque, 
par exemple dans le Sourya^Siddhânta^. Du reste, ces mêmes 
ouvrages connaissent aussi le zodiaque mobile par rapport auK 
points équinoxiaux et fixe par rapport aux étoiles ^. Chacune 
des dodécatémories égales de ce dernier zodiaque contenait 
deux ou trois constellations nakchatras, et devait naturellement 
porter le nom de la constellation nakchatra, qui elle-même 
donnait son nom à celui des mois lunaires synodiques de 
Tannée lunisolaire pondant lequel la lune, au moment de 
son opposition avec le soleil, se trouvait dans le voisinage 
de cette constellation nakchatra. De plus, cette même constel- 
lation donnait son nom au mois solaire sidéral qui coïncidait 
en majeure partie avec ce mois lunaire et pendant lequel 
celle même constellation nakchatra, se trouvant en opposition 
avec le soleil, était vue au méridien vers le milieu de la nuit^. 
Quaut à un zodiaque solaire dont les ii signes égaux et 
indépendants des constellations portent des noms indiens à peu 
près identiques, pour la signification, aux noms des 1 1 signes 
des Grecs et de leurs 12 constellations zodiacales, il est bien 
constaté que ce zodiaque a été emprunté aux Grecs par les 
Indiens \ Les traités où on le trouve portent les uns l'aveu 
exprès, les autres l'aveu implicite et involontaire dune in- 
fluence grecque. On y trouve des mots grecs plus ou moins 

' I, 28 el 3âi et XIV, 3 et 7-10. M. hegnier, publiée par M. Biol, Et. 

' Voyez \e Sourya'Siddhânta,\\l,Q-i^, sur Vasir. ind, et chin. p. 26-37 (P^i'i^* 

et XI, ai. Comparez II, 1, et XII, 6. i86a, in-S**). Le nom du signe de la Ba- 

' W oyez \e Swrya'Siddhànta , I, ia-i3, lance n*a été inventé par les Grecs qu'à 

et XIV, 3 et 16-17, avec les notes de Tépoque aiexaudrine. Ce nom (Toula) se 

M. Whitney, p. a65-a66 et 268371. trouve dans le Sourya-Siddhénta, I, 58i 

* Voyez Bd. Whitney, sur le Sourya- II, 45; III, 19 et 44; XII, 45, 49) 58 et 

Siddkdnta, I, 58, p. 37, et une note de 67; XIII, 7; XIV, à- 



— 171 — 

altérés, mais très-reconnaissables^ Avec les signes du zodiaque 
grec, quelques auteurs indiens ont emprunté les noms grecs 
eux-mêmes transcrits en caractères indiens^. Quant aux mo- 
numents indiens sur lesquels on voit les figures des 1 2 signes 
grecs, ils sont tous d'une époque où la langue et les sciences 
►des Grecs étaient connues dans l'Inde^. Il en est de ces zo- 
diaques indiens comme des zodiaques égyptiens d'Esnéh et de 
Dendéra. 

Cet aperçu de l'astronomie indienne antérieure à l'influence 
grecque suffit pour montrer que la notion de la précession 
des équinoxes, c'est-à-dire d'un mouvement continu et sensi- 
blement uniforme des points équinoxiaux et solsticiaux par 
rapport aux étoiles, ou bien de toutes les étoiles ensemble 
par rapport à ces points, et, par conséquent, la notion d'une 
année solaire sidérale distincte de l'année tropique, étaient 
étrangères à cette astronomie. 

Nous allons maintenant examiner quelques faits qui, au 
premier coup d'oeil, pourraient sembler contredire cette con- 
clusion, mais qui, au contraire, viennent la confirmer. Ensuite 
nous verrons que, même après l'époque' où les Indiens connu- 
rent l'astronomie grecque, même après l'époque où ils surent 
que les points équinoxiaux et solsticiaux n'avaient pas gardé 
leurs positions antiques par rapport aux étoiles, des astro- 
nomes indiens refusèrent d'accepter, comme conclusion de ce 
fait, la précession des équinoxes, considérée soit comme con- 

* Voyez, par exemple, le Sourya-Sid- ' iW. et chin. p. loa (Paris, i86a, in-8"). 

dhànta, I, ag et 45 ; VllI, i ; Xll, 6et 79, * \M,Remaud,Mém.surVInde,f.362' 

avec les notesdeM.Whilney,p. i4, ôS-Sg, 364; M. Guérin, Astr. ind. ch. vu, p. 68- 

7 1 et a5a. Comparez Colebrooke , Mise. 7 1 , et M. Weber. Ak. Varies, p. 227, note 1 . 

£«.1.11, p. 370-373 et 626-527; M. Weber, * Voyez M. Lassen, Ind. Alt t. II, 

in</. S^iiTz. p. 95-97,etunenole de M. Ré- p. 5i3-5i8, 1166 et 1182. Comparez 

gnier, publiée par M. Biot, Et. sur Vastr. M. Guérin, Astr, ind. p. 78-79 



23. 



— 172 — 

tinue, soit comme oscillatoire, et nous constaterons que ces 
deux notions diverses de la précession sont venues toutes deux 
de la Grèce aux Indiens. 

$3. 

Le Calendrier des Védas^ et un ouvrage attribué au fabuleux 
Parâçara^ supposent que le point solsticial d'hiver est au com- 
mencement du nakchatra nommé Dhanichtâ ou Vasou, iden- 
tique à Sravichlâ, et que le point solsticial d'été est au milieu 
du nakchatra Sarpa, identique à Aslechâ. Gomme constella- 
tion, Aslechâ, 7* nakchatra de la série commençant par 
Krittikâ, est la tète de THydre, et Sravichtâ ou Dhanichtâ, 
21* nakchatra, comprend les étoiles a, §, y, 5 du Dauphin. 
Mais il s'agit ici du système des 2 7 segments égaux en ascen- 
sion droite. En effet, entre le commencement du 21* et le 
milieu du 7* des 27 segments égaux, positions des deux sols- 
tices, il y a bien exactement i3 segments et 1/2, c'est-à-dire 
la moitié de 27. Mais alors, dans ce même système, le colure 
des équino&es aurait dû passer aux 3/4 du 27'' nakchatra 
Bharanî^ c'est-à-dire à i/4 de segment, ou 3° 20', à Fouest 
du commencement de Krittikâ. Golebrooke^ a bien vu que 
cette position des colures conviendrait à peu près à l'an 1 4oo 
avant J. G. Mais les auteurs du Calendrier des Védas et du Pâ- 
râçaram-Tantram ne tenaient peut-être pas compte d'un quart 



* Voyez M. Weber, Vedakal. p. aS-ag^ 
et AToo;. II. p. 354.355. 

' C'est le Pârâçaram- Tanlranx « cité par 
Bhattotpala. Voyez M. Weber. Nax. II, 
p. 355*356. C'est à tort que )a Pârâ- 
çart'Sanhitâ est citée ici par W. Jones, 
As. Researches, t. II, p. 393, et après 
lui par Bentley, As, Res, t. VIII, u* 6, 
'par Coiebrooke, Mise. Ess. t. II, p. 355, 



et par Delambre , Astronomie ancienne, 1. 1 , 
p. 497. 

' Mise. Ess. t. I, p. 109-110 et aoo- 
aoi. Comparez W. Jones, ii5. Res, t. II, p. 
a68 et 393 ; Davis, As, Res. i. II, p. a68, 
et t. V, p. a88; BohIen, Dcu alte Indien, 
t. Il» p. a68; M. Lassen, Ind. Alt, t. I, 
p. 5o5, note 2, et M. Weber, Nax II, 
p. 355360. 



' 



— 173 — 

de segment» de sorte -que la position du colure des solstices 
au commencement de Sravichtâ et au milieu d'Aslécfaâ pou- 
vait être pour eux approximativement d'accord avec la po- 
sition de Téquinoxe de printemps au commencement de Krit- 
tikâ^ Cependant admettons, pour un instant» que, dans leur 
pensée, ce fût là une correction apportée à la détermination 
plus ancienne de la série commençant par Krittikâ. Cette cor- 
rection aurait dû leur paraître motivée par la découverte de 
l'inexactitude de l'ancienne détermination, et non par un dé- 
placement lent et régulier des points équinoxiaux. Car il est 
bien évident que, s'ils avaient eu la pensée d'un tel déplace- 
ment, ils auraient reconnu que cette correction, vraie pour 
le XIV* siècle avant notre ère, aurait été tout à fait insufBsante 
pour leur époque, postérieure à l'ère chrétienne. 

Suivant un ouvrage attribué à Parâçara^ l'étoile Agastya, 
c'est-à-dire Canope (a du Navire)^, paraît quand le soleil est 
dans le nakchatra Hasta, marqué par la constellation du Cor- 
beau^, et disparaît quand le soleil est dans le nakchatra Ro- 
hinî, marqué par les Hyades^. Colebrooke a montré que, pour 
le nord de l'Inde, ce lever et ce coucher héliaque de Canope 
conviennent aussi à peu près à l'an i4oo avant J. C. Mais, 
la latitude du lieu d'observation restant indéterminée, il n'y 
a là aucune date, même approximative, à espérer. Tout ce 
qu'on peut dire, c'est qu'il peut y avoir là une tradition assez 
ancienne, conservée dans cette compilation apocryphe. Or, 
à l'époque de cette compilation, l'on croyait que ces dates 

' Voyez M. Weber, Nax, U, p. 357, ^^ Delambre, Astronomie ancienne, t. 1, 

note 1, et surtout VediJ^al. p. a8. p. 5og. 

* Voyez Colebrooke, Misceîl Esi. t. I, * Voyez M.Whitney, suvle Soarya-Sid- 

p. aoo-aoi , et t. II, p. 35i-355. i&^lnto^ V11I, lo, p. aia-ai3. 
Comparez Bendey, As. Res. t. VIII , n* 6 ; ^ Voy. id. p. i go. 

Lassen, Ind. AU. t. I» p. 7A7, note 1, * Voy. id.f, i85. 



— 174 — 

annuelles du lever et du coucher héliaques de Canope étaient 
restées vraies, puisque le compilateur parle au présent. Par 
conséquent, la persistance de cette fixation traditionnelle est 
une preuve de fignorance où les Indiens étaient restés sur la 
précession des équinoxes. Cependant nous verrons que la pré- 
cession oscillatoire se rencontre dans la Pârâçari-Sanhitd. Mais 
les traités astronomiques attribués au fabuleux Parâçara et à 
son contemporain prétendu le fabuleux Garga sont des compi- 
lations de matériaux dont quelques-uns portent l'empreinte 
de l'influence grecque. 

Dans un Oapanichad qui n'est pas du nombre des plus an- 
ciens S on lit que l'étoile polaire [dhrouva) change de place. 
Que signifie cette assertion isolée? L'auteur a pu vouloir dire 
simplement que cette étoile, n'étant pas exactement polaire, 
décrit chaque jour un petit cercle autour du pôle, en vertu 
de la révolution diurne du ciel entier autour de la terre d'orient 
en occident. Supposons pourtant qu'il ait voulu dire que cette 
étoile s'est écartée du pôle. Si cette assertion, entendue en ce 
sens, se rapportait à un déplacement d'une étoile considérée 
comme polaire d'après une antique tradition, et qui aurait 
cessé d'être polaire, il pourrait être question de l'étoile h du 
Dragon, qui était près du pôle au xiii* siècle avant J. C.^ 
Mais ce mouvement aurait été considéré par l'auteur de TOu- 
panichad comme propre à cette étoile seule. Par conséquent, 
cette observation, ainsi formulée, supposerait l'ignorance com- 
plète de l'auteur sur la précession des équinoxes. De même, 
par une fable grossièrement erronée, une tradition indienne 

' Le Maitrâyana - Oupanichad, Voyez citent vagoement cette donnée comme 

Vl. Weber, Ak. Vorles, p. gS-gS. William tirée des Védas. 

Jones ( Works, t. XllI, p. 871) et, après * V. Ck>lebrooke, Mise. Ess. t II, p. 3a8, 

lui, Boblen (Dasaltê Indien, t. U» p. 377) et hohien, AU. Ind. t. iI,p.a77,noteia45. 



— 175 — 

attribuait aux sept Richis, c est-à-dire aux étoiles a, §, 7, <5, e, 
^, rj de la Grande Ourse ^ une révolution propre et rapide, à 
raison de iS"* 20' par siècle, autour du pôle : on disait qu'à 
l'époque de la grande gueire mythologique des Kourous et 
des Pandous, Garga avait observé les sept Richis dans le segment 
polaire Maghâ, marqué par le groupe de la Faucille, partie 
de la constellation du Lion, et Ton voyait qu'ils n'y étaient 
plus^. Mais la haute antiquité attribuée à Garga est fabuleuse , 
et il en est de même de son observation prétendue, puisque 
aucune étoile fixe n'a, soit par rapport aux points équinoxiaux, 
soit par rapport aux autres étoiles fixes, un mouvement de 1 3** 
par siècle. Un tel mouvement n aurait aucun rapport avec la 
précession des équînoxes, par laquelle les longitudes de toutes 
les étoiles augmentent seulement de 1^ et moins de 2 4' par 
siècle. 

On lit bien aussi dans les Brâhmanas védiques^ qu'autrefois . 
les sept Kriltikâs , c est-à-dire les sept Pléiades, avaient été près 
des sept Richis, et qu'une catastrophe les en avait séparées. Cette 
catastrophe fabuleuse, dont la tradition s'est perpétuée dans 
l'Inde^, est bien étrangère à la précession, qui ne change ni 
les latitudes des étoiles, ni leurs distances réciproques : entre 
les Pléiades el les sept étoiles principales de la Grande Ourse, 
il y a toujours eu, comme aujourd'hui, une distance angu- 
laire énorme. 

' Voyez le Sourya-SiddhâiUa, XIU, 9» ' Voyez le Çatapatha-Brâhmana et le 

les noies de M. Whitney, p. aao et a58; Kàthakam, cités par M. Weber, Ntuc, II, 

M. Pictet, Les origines indo-éhropéennes, p. 377-378. 

V, 3, s. 1, S 365, part. 11, p. 58i, et * Voyez Moor, Hinda- Panthéon, p. 87, 

M. W«ber, Nax, U, p. 377, note a. 53, 1 76 ; Graham, Leffér» on India, p.3oa, 

* Voyez Golebrooke, Mùc. Est, t. U, elStuhr, Untersuchangen uber d. Ursprmg* 

p. 355-36i; Las8en,/itd. i4/f. t. I,p. 5o4« liehkeit and AUerlhàmlichkeit der Stem- 

5o8 et 83o. et Delambre , i4«tr. anc. t. I, kunde nnter den Chinesen and Indien, 

p. 509-5 10. p. 8a-83. 



— 176 



5 4. 

Quand les Indiens, déjà initiés à l'astronomie grecque, fu- 
rent forcés de reconnaître que les points équinoxiaux et sols- 
ticiaux n étaient plus dans les positions supposées par leurs 
traditions et par leurs plus anciens documents, ils s'obstinèrent 
à voir là l'eflFet d'un accident inexplicable, au lieu d'y voir la 
conséquence régulière d'une loi astronomique. 

Dans l'ouvrage attribué à Garga, l'arrivée des solstices avant 
que le soleil ait atteint les points marqués par le Calendrier 
des Védas est signalée comme un prodige funeste et surna- 
turel ^ L'auteur qui a pris le nom de Garga ^, et l'astronome 
indien Varâha-Mihira ^, au commencement du vi*^ siècle de 
notre ère, s'accordent à professer une grande admiration pour 
les astronomes grecs. Cependant, après avoir rappelé que la 
position des solstices au milieu du nakchatra Asléchâ et au 
commencement du nakchatra nommé Sravichtâ ou Dhanichtâ 
est marquée par les anciens Castras, Varâha-Mihira dit que, 
de son temps, au contraire, ces points se trouvent aux com- 
tnencements de Carcata, c'est-à-dire du Cancer, et de Macara, 
c'est-à-dire du Capricorne : il ajoute que, lorsque le soleil re- 
tourne sur ses pas autre part qu'en ces points, c'est l'annonce 
de grands malheurs; dans un autre passage, comparant l'an- 
tique position du solstice d'été au milieu à! Asléchâ avec la 
nouvelle dans le nakchatra Pounarvasou, il a soin de dire que 
c'était l'ancienne position qui était la Ifiûnne^. En s'exprimant 

* Voyez le texte cité par W. Jones, p. âio-Âti. * — Voyes les textes éeVa- 
Worh, t. IV, p. 59-60. râha-Mihira, cités par W. Jones, Works, 

* Voyez M. Weber, Ak. Vorles. p. aa5, t. IV, p. 5a-53, et par Golebrooke, Mise. 
et VedakaL p. 13. Ess. i. II, p. 387. 

' Voyez Golebrooke, Mise, Ess, t. 0, 



— 177 — 

ainsi, Varâha-Mihira parle comme Indien; mais il parlait 
comme disciple des Grecs, lorsqu'il admettait, comme nous le 
verrons, la précession oscillatoire des équinoxes. 

Vers la fin du v* siècle, Aryabhata, commentateur du Sou- 
rya-Siddhânta \ c'est-à-dire d*un ouvrage dans lequel Tinfluence 
grecque est patente, admettait la précession dansY Aryâchtaçata , 
mais il paraît qu il la niait dans le Daçagttika'^ . Au commence- 
ment du VII* siècle de notre ère, Brahmagoupta , qui connaissait 
les travaux des mathématiciens grecs^, croyait que, de son temps, 
les colures avaient gardé les positions marquées par Varâha- 
Mihira au commencement du vi^ siècle et données comme 
moyennes par leSourya-Siddhânta dans Thypothèse de la préces- 
sion oscillatoire; car Brahmagoupta* croyait trouver, comme Va- 
râha-Mihira et comme le rédacteur du Sonrya^Siddhânta ^, le zéro 
de longitude, la fin du dernier nakchatra Révatiet le commence- 
ment du premier nakchatra Âçvint, sur Tétoile Ç des Poissons, 
yogatârâ de Révatî. Il faisait donc passer le colure des équinoxes 
au commencement diÂçvinieten 6%4o' de Tchitrâ, et le colure 
des solstices en lo*" de Ponnarvason et en 3^2o' à'Ottttarâckâdd, 
c est-à-dire à 26^4o'des positions indiquées parla tradition, qui 
faisait commencer le zodiaque avec le nakchatra Krittikâ, et à 
2 3'',Qo' des positions marquées par le Calendrier des Védas. En 
même temps, Brahmagoupta mentionnait ces dernières positions 
comme ayant existé réellement autrefois, et cependant il niait 

* Voyez Wiison, Mackensie Collection, * Voyez M. Guérin, Astr. ind. chap. iv, 
l. I, p. 1 19, n* 5. Comparez Lassen, Ind. p. SS-Sg 

AU. t. II, p. 1187, et le docteur Bhàu ' Voyez le Sbarja-iSicUhintoj Ul.g-ia, 

Dâjî, loc. du et VIII , 1 -9, avec les noies de M. Whitney, 

* Voyez Colebrooke, Mise. Ess. t. II, p. ioo-io5, et 175-312, et Colebrooke, 
p. 878, note 3 , et le docteur Bhâu Dâjî, Mise. Ess. t. II, p. 344 et 464. M. Guérin 
loc. cit, {Astr. ind, chap. 11 et m, p. 9-19 et a6- 

' Voyez mes Rech.sur la vie et les œur 37) a suivi un texte défectueux du cha- 
vres et Héron, p. 164-176, inVi*. pitre viii du Sourya-Siddhànla. 

Précession des équinoxes. 23 



^ 178 — 

la précessîon des équinoxes à titre de phénomèDe constant et ré- 
gulier : il supposait que ce changement de 23^ao'dansla posi- 
tion des colures s'était opéré à une époque inconnue, depuis 
laquelle les points solsticiaux et équinoxiaux étaient restés im- 
mobiles par rapport aux étoiles ^ Au xii* siècle , Bhâscara , qui 
croyait à la précession, s'étonnait que Brahmagoupta n eût pas 
cédé, sur ce point, à l'autorité sacrée du SourjOrSiddhânta. Pour- 
tant il n'osait pas l'en blâmer au point de vue scientifique, parce 
qu'alors, dîsait*il, la précession des équinoxes n'était pas en- 
core prouvée par des observations^ : c est-à-dire qu'au vu* siècle 
de notre ère, du temps de Brahmagoupta, mdgré le souvenir 
d'une position différente des colures, les Indiens n'avaient pas 
encore constaté par eux-mêmes que ces points se déplaçaient 
perpétuellement. Jusqu alors, ceux qui croyaient à la perpé- 
tuité de ce déplacement, et non à un déplacement antique, 
soudain et miraculeux, ne pouvaient alléguer, en fait d'obser- 
vations suivies en faveur de la précession, que les observations 
d'Hipparque et de quelques autres astronomes grecs. 

Il est donc bien établi, par le témoignage des Indiens eux- 
mêmes, que la précession leur était inconnue jusqu'au com- 
mencement de l'influence grecque. Ceuxdes Indiens qui, depuis 
cette influence, rejetaient la précession, comme Aryabhata 
dans un de ses ouvrages et comme Brahmagoupta, ou qui 
n'en parlaient pas ^, avaient pour eux l'autorité des nom- 
breux ouvrages grecs sur l'astronomie dans lesquels, même 
après Hipparque, même après Ptolémée, la précession était 
passée sous silence ou niée expressément *. 

^ Voyez G>lebrooke, Mise. E$$, 1.11, ' Voyeâ Colebrooke, Mise. Ess. t. II, 

p. 38o-38a. p. 38o. 

* Voyez Colebrooke, Mise, Ess, t. II, ^ Voyez ci -dessus, chap. ii, S 2, et 

p. 38o, 38 1 et 391. cfaap. v. 



— 179 



$5. 



Arrivons aux astronomes indiens, tous postérieurs au îv^ 
siècle de notre ère, qui ont admis le fait de la précession des 
équinoxes et qui ont essayé d'en formuler la loi. Nous venons 
de constater que la science indienne antérieure ne leur four- 
nissait pas les éléments de cette théorie. Nous avons constaté 
aussi qu ils connaissaient Tastronomie grecque. Nous allons 
montrer que cest à celte astronomie qu ils font empruntée. 
L'astronomie s*appuie sur l'observation exacte du ciel, sur la 
chronologie historique et sur le calcul. Le talent d'observation 
scientifique et la chronologie historique ont manqué aux 
Indiens ; mais ils ont été d'habiles calculateurs. Pour trouver 
les formules d'une astronomie savante, ils ont donc eu besoin 
de recevoir d'un autre peuple des observations datées dans 
une chronologie bien établie. Nous allons voir que leurs opi- 
nions sur la précession résultent de calculs faits sur les don- 
nées d'Hipparquc, mais accommodés aux hypothèses d'autres 
astronomes grecs et surtout d'astrologues grecs, et traduits 
dans le style de la chronologie imaginaire des Indiens. Mais, 
malgré cette transformation, l'empreinte grecque est restée. 
Par exemple, dans le Sourya-Siddhânta lui-môme, dans ce livre 
sacré, révélé, disait-on , plus de 2 millions d'années avant notre 
ère, outre des doctrines grecques, il y a des mots grecs trans- 
crits en lettres sanscrites ^ 

Les plus anciens traités astronomiques indiens que nous 
possédions, à l'exception du Calendrier des Fédas, sont du 
V* siècle de note ère, époque du Sourya-Siddhânta. L'influence 

* Voyei aae note de M. Régnier, publiée par M. Biot, Et lur Vasiron. ind, et 
ckin. p. 103 (Paris, i&6a, in-S*). 

a3. 



— 180 — 

grecque y est flagrante, et la précessioD des équinoxes s*y 
trouve. Mais, selon toutes les vraisemblances, cette influence 
astronomique des Grecs et la notion de la précession doivent 
être plus anciennes de quelques siècles dans Tlnde. Suivant 
une tradition indienne, une astronomie savante serait venue 
des brahmanes du nord à Tépoque de Çâlivâhana\ c est-à-dire 
vers 79 de notre ère- Or on sait que le nord-ouest de l'Inde 
était resté sous la puissance grecque, qui y fiit renversée au 
premier siècle de notre ère par les Indo-Scytbes, Mais nous 
avons vu que, sous ces derniers, la culture grecque subsista 
dans ces contrées. Il est donc probable que Tinfluence grecque 
sur l'astronomie indienne se développa du i*' au v*" siècle 
de notre ère. 

Ou ne connaît qu'un petit nombre d'astronomes indiens 
qui aient accepté la doctrine d'Hipparque et de Ptolémée, 
d'après laquelle les points équinoxiaux exécutent une révolu- 
tion complète. Colebrooke^ cite Vichnou-Tchandra, Moundjala 
et Bhâscara. Moundjala vivait au x* siècle^ et Bbâscara au xii**. 
Maïs Vichnou-Tchandra, antérieur à Brahmagoupta ^, vivait 
probablement au vi* siècle de notre ère* Le seul ouvrage qu'on 
cite de lui est un Vasichta^Siddhdnta^^ remaniement de l'ou- 
vrage ainsi nommé, qui était l'un des cinq Siddhântas mis à 
profit, au commencement du vi"" siècle, par Varâha-Mihira. 
Dans le Soarya-Siddhânta même, la précession continue, éva- 
luée grossièrement et en nombres ronds à un degré en 60 ans, 

* Voyez Legentil , Mém. de VAcad, ' VojeiColehrooVe^ Mise, Esst^$,i.U , 

des sciences, 177a, p. 17a ; 1785, p. 38^ ; p. A61 et 463. 

Hist de VAcad. des sciences, 1 776 , p. 108 , * Voyez Coiebrooke , Mise. Essays, t. II , 

et Voyage dans les mers de l'Inde, t. I, p. 46i. 

et Delambre, Astronomie ancienne, t. 1, * VoyexColebrooke,Mtfc. £«fii)r«, t. U, 

p. 5i 1. p. A07, A76 et 480. 

' Mise. Essays, t. II. p. 378-380 et * Voyez M. Whilaey, Add. note i sur 

38a. ie Sourya-Siddhànta, p. 376-377. 



— 181 — 

et par conséquent à une minute par an, parait avoir été la 
donnée primitive, conservée dans deux passages du texte 
actuel \ et l'autre hypothèse semble avoir été ajoutée après 
coup dans deux distiques de cet ouvrage^- Il est probable que 
la doctrine de la précession continue se trouvait aussi dans le 
VasichtaSiddhânta primitif, et que cette doctrine grecque est 
aussi ancienne dans Tlnde que l'autre hypothèse, également 
grecque, dont nous allons parler. 

Suivant un passage de la rédaction actuelle du Sourya-Sid^ 
dhânia^y et suivant Aryabhata, Varâha-Mihira et la plupart 
des astronomes indiens^, le mouvement des points équinoxiaux 
et solsticiaux serait oscillatoire, et il serait uniforme pendant 
toute la durée de chaque oscillation. Nous avons constaté que 
cette hypothèse, mécaniquement absurde, avait appartenu à 
certains astrologues grecs postérieurs à Hipparque, mais anté- 
rieurs de plusieurs siècles à 1 époque où nous retrouvons cette 
même hypothèse adoptée dans Tlnde ', époque contemporaine 
d'une influence incontestable de l'astronomie grecque sur celle 
des Indiens^. C'est une époque avant laquelle les Indiens, 
instruits par les Grecs, avaient renoncé brusquement à garder 
Krittikâ, c'est-à-dire les Pléiades, pour premier nakchatra de 
leur antique zodiaque lunaire, pour commencer désormais 
par leur troisième nakchatra d'autrefois, c'est-à-dire par \es 
étoiles ê" et y du Bélier, première constellation du zodiaque 

' Sourya-Siddhânta, III, 9 « et XII» 8g. avait même été entièrement étrangère à la 

Sur le second passage , il fant remarquer rédaction primitive du Sourya^Siddhânta, 

que les rayons des orbites sont propor- Je crois que c*est aller trop loin, 

tionneb aux durées des révolutions des ' III, 10-1 a. 

corps célestes (Scarya-Siddhânta, XII, 80- * Voyei Colebrooke, Mise. Essays, t. II, 

89). Comparez les notes de M. Whilney, p« 377-878 et 38ai. 

p. 100, io3, a53et a54. * Voyez ci-dessus, chap. iv, S 3. 

* Sourya'Siddhânia,lU,iO'i2.U.Vi]ni' * Voyez ci-dessus , chap. vi , S 1. 
ney (p. ioo-io5) pense que la précession 



— 182 — 

solaire des Grecs ^ Il est donc tout naturel d'admettre que 
ces astronomes indiens ont emprunté aux astrologues alexan* 
drins Thypothèse de loscillation , de même que d'aulres as- 
tronomes indiens ont emprunté à Hipparque la notion de la 
révolution complète des points équinoxiaux. Les astrologues 
alexandrins avaient limité lare d'oscillation à S'', parce qu'ils 
n'avaient pas d'observations qui pussent les forcer à admettre 
une variation plus étendue dans la longitude des étoiles, et 
parce qu'ils imaginaient faussement que la découverte de la 
précession avait motivé la différence de 8"^ entre les commen- 
cements des signes suivant Eudoxe et les commencements des 
mêmes signes suivant Hipparque^. Au contraire, les Indiens 
postérieurs au iv* siècle de notre ère eurent un motif décisif pour 
donner à l'arc d'oscillation plus d'^amplitude ; car, pour eux, 
cette oscillation devait suffire au moins à expliquer la différence 
de deux nakchatras, c'est-à-dire de sô^'j^o', entre Krittikâ, 
premier nakchatra de leur antique zodiaque lunaire, et Açvinî, 
adopté comme premier nakchatra à l'imitation du zodiaque 
solaire des Grecs. Aussi nous verrons que les Indiens donnè- 
rent à l'arc d'oscillation, les uns 54"^, nombre double de celui 
des 27 nakchatras, les autres 48"", nombre quadruple de celui 
des 12 signes. D'ailleurs, si l'oscillation avait été de 8® seule^ 
ment, et si, comme les astrologues grecs le disaient, une pé- 
riode d'oscillation avait commencé 128 ans avant l'ère d'Auguste 
à raison de i"" en 80 ans, elle aurait dû changer de direction en 
l'année 483 de notre ère. Ainsi, lors même que les Indiens au- 
raient pu accepter d'abord cette évaluation alexandrine de l'arc 
d'oscillation, ils auraient été bientôt obligés de l'augmenter, tan- 
dis que 48 ou 54 degrés leur donnaient trois ou quatre mille 
ans d'attente paisible et sans démenti à craindre de Texpérience. 

* VoycE ci-dessus, chap. vi, S 2. — * Voyez ci-dessus, cliap. iv, S 3. 



— 183 — 

Pour les astrologues grecs » le centre d*osciilatioD était en (i 
des Poissons ^ L'auteur du Sourya- Siddhânta , faisant finir le 
dernier nakchatra Révati et commencer ]e premier nakchatra 
Açvinî à Tétoile Ç des Poissons ^, 3** 1/2 à Test de l'étoile ,a, 
trouva commode de prendre pour centre d'oscillation l'étoile ^ 
origine nouvelle du zodiaque lunaire. Tels sont les motifs 
naturels pour lesquels, en empruntant cette hypothèse à des 
astrologues grecs, les Indiens changèrent légèrement le centre 
d'oscillation, en même temps qu'ils augmentèrent de beaucoup 
l'amplitude de l'arc. Ce double changement avait d'ailleurs 
l'avantage de dissimuler l'emprunt fait aux Grecs ^. 

Quant à la vitesse de la précession telle que les Indiens l'ont 
estimée, ce n'était pas sur des observations indiennes que leurs 
calculs se fondaient, puisque nous avons constaté chez eux 
l'absence avouée d'observations suffisantes. Il nous reste à 
montrer que c'était sur des observations grecques, auxquelles 
ils eurent seulement le mérite d'appliquer le calcul. Quelques 
astronomes indiens, ayant adopté purement et simplement la 
fausse évaluation de Ptolémée à i"" par siècle ou 36" par an, 
la donnèrent comme une antique révélation de Brahma ^. Mais, 
en général, suivant la remarque de Colebrooke^, ce sont les 
données astronomiques d'Hipparque qu'ils paraissent avoir 
mises surtout à profit. Rappelons-nous^ que la comparaison 
des principales observations de déclinaisons d'étoiles d'Hip- 
parque avec celles de Timocharis donnerait en moyenne une 
précession de ôi^aS^a V'paran, et, par conséquent, de i^'en 

* Voyez M. Bîol» Et, sur l'astr. ind. et ^ Voyes l*arabe Massoudi, cité par de 

chin. p. 87-88 (Paris, i86a, in-S**). Guignes, Acad. des inscr, t. XXVI, p* 771* 

' Voyez M. Whitney, sar le Saaiya-&'J- * VoyesGoIebrooke^Muc. £sfax«« t. II, 

dhània, p. ai i. p. 4oo-Aoi. 

' Voyez M. Bioi, Et, sur Vasù', ind. et * Voyez ci-dessus, chap. iv, S a. 
chin. p. 87-89. 



— 184 — 

70 ans et 19 jours; que la comparaison de Tannée sidérale 
d'Hipparque avec son année tropique donnerait une pré- 
cession annuelle de 46\48'^,25"", et, ip^r conséquent, une 
précession de 1** en 77 ans et 46 jours, et que des astrologues 
alexandrins, postérieurs à la découverte de la précession par 
Hîpparque, et auteurs de l'hypothèse de Toscillation , avaient 
évalué la vitesse de celle-ci à i"* en 80 ans, et, par conséquent, 
à 45" par année tropique. Aryabhata, dans ï Aryâchtaçata et 
Tauteur de la PârâçarUSanhitâ, qui donnent à l'arc d'oscillation 
des équinoxes 24** de part et d'autre de la position moyenne, 
et, par conséquent, une amplitude totale de 48'', comptent, le 
premier 578,169, et le second 681,709 oscillations complètes 
de 96** par halpa^ : ce qui donne 45'' et 5 S*' environ pour la pré- 
cession pendant une année sidérale suivant Aryabhata, dont 
le kalpa est de 4,354,56o,ooo années sidérales^ et 46^3îl'' 
environ pour la précession pendant une année suivant la Para-- 
çart-Sanhitâ, si le kalpa y est de 4,3 2 0,000,000 ans, comme 
dans les Lois de Manon^^ dans le Sourya-Siddhânta^ et dans la 
plupart des traités astronomiques indiens. Le Sourya-Siddhânta^ 
donne à l'arc d'oscillation, de part et d'autre de la position 
moyenne, une amplitude de 27% c est-à-dire d'un peu plus de 
deux des 27 segments polaires égaux, et, par conséquent, une 



* Voyez Golebrooke, Mise, Essays, t. H, 
p. 378. 

* \oyezCo\ébro6ke, Mise. Es8ays,L II, 
p. 4i4* Par une distraction étrange, 
M. Lassen (Ind. Alt. t. II, p. ii 43), sup- 
posant qu*Aryabfaata ne comptait qu un 
quart d'osciilation (2^!') par kalpa, et 
donnant 4«354i5oo,ooo ans, au lieu de 
4t354i56o,ooo ans , au kalpa d*Arya- 
bhata, a cru lire dans Ck>lebrooke (Mise, 
Ess, t. Il, p. 378 et 4i4) ce qui n*y est 



pas, savoir, qu' Aryabhata estimait la pré- 
cession à a 4* parcourus en un kalpa de 
4i354i5oo,ooo ans : ce qui donnerait 1* 
seulement de précession en i8i,437,5oo 
ans I 

' I, 64-86. 

* I, ii-a3. 

' III, g-ia. Comparez les notes de 
M. Whitney, p. ioo-io5, et Colebrooke, 
Mise. Ess, t. II, p. 374-378. 



— 185 — 

amplitude totale de 54^ : il compte trente vingtaines d'oscilla- 
tions de 108* par Mahayougade 4,3 2 0,000, et, par conséquent, 
600,000 oscillations par kalpa de 4,3 3 0,000,000 d'années : 
ce qui donne 54' pour la précession annuelle, ou i** 1/2 par 
siècle ^ Cette hypothèse et cette évaluation paraissent avoir été 
adoptées, au vi® siècle, par Varâha-Mihira ^ ; elles lont été, à 
la fin du XI* siècle, par Çatânanda^. On les retrouve dans le 
Soma-Siddhânta, dans le Laghou-^VasichtOrSiddhAnta et dans la 
Çâkafya-Sankitâ , ouvrages d'époques douteuses*. Moundjala au 
x"" siècle et Bhâscara au xii'^, rejetant Thypothèse de Toscilla- 
tion, comptent 199,669 révolutions complètes des points équi- 
noxiaux par kalpa : ce qui donne environ 59\54" pour la 
précession annuelle'. Le même Bhâscara, dans le Carana-Cou- 
toûahaluf compte l'entière de précession par année^. Cependant 

* Nous avons déjà mentionné les doutes * Du moins on les trouve dans le 

de M. Wbitney sur ce passage. Bhâscara, Djâtakdmava, ouvrage attribué à Varâha- 
dans le Golâdhyâya du Siddhânta-Siro- 
mani, VI , 1 71 p. 1 57 de la trad. angl. de 
M. Lancelot Wilkinson (Calcutta, 1861, 
in-S*"), dit que le Souiya-Siddhânta assigne 
à la précession 3o révolutions par youga. 
Lors même qu'il s'agirait de révolutions 
complètes, cela ne donnerait que 9' de 
précession par an, au lieu de 54". Les 
commentateurs indiens ont torturé ce 
texte de Bhâscara, pour le mettre d* ac- 
cord avec celui du Sonrya - Siddkânta, 
(Voyez Colebrooke, Mise, Essays, t. II, 
p. 374-377.) U me parait probable que 
Bhâscara s'est trompé en croyant lire 
dans le Sourya-Siddhânta (III, g), avec 
changement d'une seule lettre, trinçat- 
kritvas (3o fois), au lieu de trinçatkritycu 
(3o vingtaines), et en ne comprenant pas 
qu'il s'agit d* oscillations, comme l'indique 
pourtant le mot âvritya (III , 1 a). Comparez 
M. Whitney, p. 101 et 10a. 

Précesftion des équinoxes. 



Mihira et rédigé probablement d'après 
ses principes. Voyez Colebrooke, Mise. 
Essays, t. II, p. 385, note 1, et p. 48 1- 
48a. 

' Voyez Colebrooke, Mise. Essays, t. II, 
p. 385, note 1 . Comparez p. 3go, note 1 . 

* Voyez Colebrooke, Mise, Essays, t. II, 
p. 377. Comparez p. 358, p. 37g, note 1, 
p. 38a et p. 39a. 

* Voyez Moundjala cité par Bliâscara 
dans le Golâdhyâya du Siddkânta -Siro- 
mani, VI, 18, p. 157 de la trad. angl. 
(Calcutta, 1861, in -8"), et le Vasana- 
Bachya de Bhâscara, cité par Colebrooke, 
Mise. Ess, t. II , p. 378-383. Pour ce qui 
concerne Moundjala, comparez Albirouni, 
traduit par M. Reinaud, Fragments arabes 
et persans, p*. 159. 

* Voyez Colebrooke , Mise. Essays > t. II , 
p. 378. Comparez p. 4i9' 



s4 



— 186 — 

il est postérieur au commencement de Tinfluence arabe sur 
l'astronomie indienne ^ La même évaluation de la précession 
à l' par année est donnée aussi , au* xiii'' siècle, par Ramatchandra 
dans le Cala-Niranya, et elle est répétée, au xvi* siècle, par 
Ganeça dans le Grahalâfjhava^ . 

Le plus ancien astronome indien dont nous connaissions le 
nom et l'époque et dont il nous reste des ouvrages ou des 
fragments authentiques, Aryabhata, vers la fin du v® siècle 
de notre ère, est donc, avec l'auteur du Sourya^Siddhânia, un 
peu plus ancien encore, et avec le compilateur de la PârâçarU 
Sanhilâ, celui des astronomes indiens qui a le plus approché 
de la vraie valeur de la précession, puisque cette valeur était 
alors d'un peu moins de 5o" par an ^. En formulant leurs éva- 
luations à l'aide de la chronologie fabuleuse des âges du 
mondp, Aryabhata et l'auteur de la Pârâçart^ Sanhilâ se sont 
trompés environ, l'un de 3' 1/2, l'autre de 4" en moins, et 
l'auteur du Sourya-Siddhânta s'est trompé de 4" en plus sur la 
valeur annuelle de la précession. Entre l'évaluation du Sourja- 
Siddhânta et celle qui pouvait se conclure de la comparaison 
générale des observations d'Hipparque citées par Ptolémée 
avec celles de Timocharis pour les déclinaisons des princi- 
pales étoiles, il n'y a que 2" 1/2 de diflPérence. Les évaluations 
d'Aryabhata et de la Pârâçari- Sanhilâ sont à peu près iden- 
tiques à celle qui pouvait se conclure de la comparaison de 
l'année sidérale d'Hipparque avec son année tropique, et elles 
sont égales à l'évaluation des astrologues alexandrins partisans 
de la précession oscillatoire^ sauf une diflFérence d*un peu 

' Voyez M. Weber, Ak, Voiries, p. a3a- ^ Voyez M. Whilney, note sur le Soarya 

qS/i. Siddhânta, VIU, la, p. io5, et M. Bio(, 

* Voyez Colebrooke, Mise, Essays, t. II, Et. sur Vasiron, ind, et chin. p. 83. 
p. 37g, note 1. . t 



ïR 



— 187 — 

moins de i'' pour Aryabhata et d*un peu plus de i" 1/2 pour 
la PârâçartSanhitâ. 

Ces évaluations indiennes représentent donc les données 
grecques » soumises au calcul p*ar les Indiens et traduites par 
eux dans le style étrange de leurs formules astronomiques. 
Les astronomes indiens postérieurs se sont écartés de plus en 
plus de la vérité sur la valeur de la précession, quand ils ne 
l'ont pas niée. Aryabhata lui-même Tavait regetée dans son 
résumé astronomique en dix chants [Daçagttika) ^ Bhrama- 
goupta la niait encore au vu" siècle. Au vi*, le célèbre astro- 
nome indien Varâha-Mihira, admirateur des Grecs, et dont 

■ 

les ouvrages astronomiques étaient pleins de mots grecs ^, ad- 
mettait d'une part la doctrine du Sourya-Siddhânta sur la pré- 
cession oscillatoire, empruntée à certains astrologues grecs, 
d'autre part la tradition indienne sur la révolution complète 
des sept étoiles principales de la Grande Ourse autour du pôle 
de l'équateur en 37 siècles, et, par conséquent, à raison de 
l3^2o' par siècle et de 8' par an^. Bhâscara, au xii^ siècle, 
acceptait la doctrine grecque de la révolution complète des 
points équînoxiâux; mais il avouait que, du temps de Brahma- 
goupta, c'est-à-dire au vn"" siècle, les Indiens n'avaient pas 
encore appuyé cette doctrine sur des observations *. Leurs 
observations postérieures les conduisirent, comme nous ve- 
nons de le voir, à des évaluations plus fautives que celle 
qu'ils avaient empruntée d'abord aux astrologues alexan- 
drins. 

Ainsi les faits, consciencieusement étudiés, nous conduisent 

* Voyez Colebrooke, Mise, EssaysA-Hy p> 355-36i, el M. Lassen, Ind. AU, t. I, 
p. 378, note 1. p. 5o4, 5o8 et 83o. 

* Voyez M. Weber, Ak. Vorles. p. a a 6- * Voyez Col ebrooke , ilfwc. Essays, l. II. 
207, et Ind. Skizz. p. 96-97. p. 38 1 , 383 et 391. 

^ Voyez Colebrooke, Mise. Essays,%. Il, 

2^ . 



— 188 — 

à une conclusion identique à celle de M. Biot^ et contraire à 
celle du savant Colebrooke^, qui croyait à Toriginalité de la 
doctrine indienne sur la précession des équinoxes. Cette doc- 
trine, que par eux-mêmes les Indiens n'avaient pas même en- 
trevue, leur est venue d'Hipparque, soit directement par la 
lecture de ses œuvres, soit indirectement par l'intermédiaire 
d'astrologues grecs et d'auteurs de manuels qui en avaient 
profité en l'altérant. ' 

Il ne nous reste plus qu'à voir si les opinions des Chinois 
sur la précession remontent^ chez eux, à une antiquité plus 
haute, et s'il faut assigner à ces opinions chinoises une autre 
origine. 



CHAPITRE VIL 

ORIGINE TARDIVE ET PROBABLEMENT GRECQUE ET INDIENNE DE LA NOTION 
DE LA PROCESSION DES J^QUINOXES CHEZ LES CHINOIS. 

Ce n'est point ici le lieu d'examiner toute l'histoire de l'as- 
tronomie chinoise et les savants travaux dont elle a été l'objet. 
Cependant, en dehors de la question spéciale que j'ai à trai- 
ter, je suis obligé de toucher à quelques points qui s'y rat- 
tachent. 

Vers Tannée 2 13 avant J. C. Tempereur chinois Tshin-chi- 
hoang, quatrième et avant-dernier souverain de la dynastie 
de Tshin, ordonna de brûler tous les livres d'astronomie et 
d'histoire, et poursuivit cette œuvre de destruction pendant 

* Et sur Vastron, ind, etchin^p, 85^86 (Paris, 1862, in-8"). — * Mise. Essays, t. II, 
p. 38A-386. 



— 189 — 

quatre ans jusqu'à sa mort K Vers Tannée 179 avant J. C., 
Hiao-vea-ti , troisième empereur de la dynastie des Han occi- 
dentaux, ordonna de rechercher et de copier les manuscrits 
qui avaient échappé au feu, et de faire écrire de mémoire, 
autant qu'on le pourrait, les livres perdus^. Parmi les livres 
qu'on cite sur l'histoire et les sciences des Chinois pour les 
temps antérieurs à Tshin-chi-hoang, il y en a dont l'exhu- 
mation réelle ou prétendue, contemporaine de l'introduction 
progressive du bouddhisme indien en Chine, est suspecte d'in- 
terpolation ou même de supposition frauduleuse^. D'autres 
ont été refaits de mémoire *, avec toutes les chances d'erreur 
que devait comporter un tel travail, surtout dans un pays où 
l'usage des livres dispensait des efforts de mémoire habituels 
dans l'Inde aux temps védiques. 

Le Chou-king, vast« recueil rédigé au v* siècle avant notre 
ère par Confucius, était au nombre des livres détruits. Vers 
179 avant J. C, Hiao-ven-ti en fit récrire une partie, d'après 
les souvenirs d'un vieillard nommé Fou-cheng. Vers i4o 
avant J. C, sous Vou-ti, cinquième empereur de la dynastie 
des Han, l'on retrouva un manuscrit beaucoup plus étendu, 
mais presque illisible, qu'un savant nommé Kong-gang-koue 
déchiffra comme il put. Jusqu'au vi* siècle de notre ère, les 

' Voyez Gaubil, préface de ia trad. du ère. Voyez Gaubil, Lettres édif, t. XXVI, 

Ckott'king, S i, et Astron, chin, dans les p. 127 et suiv. Tel est aussi le Tckeou-U. 

Lettres édif. (Paris, 1783), t. XXVI, \oyezM.V/eheT,VedischeNachrichtenvon 

p. 356-337; Ideier, Zeitrechnang der Chi- den NoxairUi I, p. 391-298. 
RMen^ Nachtragiii, I7eber Ji> finy^ p. 93- * Tel est, par exemple, le Hia-siao- 

94. Comparez Beilage i, p. 3i-33. tching, petit calendrier de la dynastie des 

* Voyez Gaubil , préface pour le Chour Hia (33o5 à 1766 avant J. C), compris 

hing,%\^i^,\ (Livres sacrés de V Orient, iv9A, dans la compilation Y-li, détruite par 

de H. Pautbier). Comparez Ideler,ZeiVrecA- Tshin-chi-hoang, puis refaite d après la 

nang der Chinesen, Beil. i, p. 33. tradition. Voyez M, Biot, Rech. sur Vanc. 

' Tel est, par exemple, le Tcheou-fou, astron. chin. p. is et i4 (i84o. in-4%extr. 

retrouvé, dit-on, au m* siècle de notre du Joamàl dm Savants), 






— 190 — 

Chinois n'acceptèrent comme authentique que le Œçu-king 
de Fou -ch en g; mais, depuis le vi* siècle, le Chou-king de 
Kong-gang-koue a été adopté, et il s'est conservé seul jusqu'à 
nos jours ^ 

Lorsque les Han voulurent régler le calendrier, les savants 
auxquels ils s'adressèrent furent très -embarrassés pour faire 
concorder les calculs avec les observations : ce sont les Chinois 
qui l'avouent^. Or, s'il y avait eu antérieurement en Chine un 
calendrier bien réglé, la destruction des livres accomplie en 
quatre ans, dcQiSàaio avant J. C, n'aurait pas pu faire 
oublier tout d'un coup les principes de ce calendrier, que les 
Han, arrivés au pouvoir en 206 avant J. C, n'auraient pas 
eu bien de la peine à retrouver. Aussi les auteurs chinois re- 
connaissent la faiblesse, ou, pour mieui dire, la nullité de leur 
astronomie, telle qu'elle existait pendant les trois siècles de 
troubles qui avaient précédé l'avènement des Han^ et, par 
conséquent, vers l'époque où Confucîus rédigeait le Chou-king. 
En effet, les textes astronomiques de ce livre, pris dans leur 
sens naturel, font peu d'honneur à la science de leur au- 
teur. 

Mais, pour se dédommager de ce pénible aveu, les Chinois 
supposent qu'un ou deux mille ans auparavant leur astronomie 
était d'une perfection merveilleuse*. Par exemple, ils veulent 
que, de tout temps, leurs astronomes aient su, et qu'ils aient 
dû, sous peine de la vie, prédire exactement les éclipses de 

* Voyez Gaubil, préface pour le Choa- ^ Voyez Gaabil, Lettres édif. t. XXVI, 

feing, S i, p. i -a, et les Mém, sar les Chi- p. 227-228, et dans Soucîel, Ohserv. 

nois, par les missionnaires de Pékin, 1. 1, t. II, p. i-3. 

p. 64-68 , in-4*. * Voyez Gaubil , dans Souciet , Obs. t. III , 

*Voy.\eP.Souciet,Obs.math.,asir.,géog„ p. 4 elAg, et Lettres éd^. t. XXVI, p. 169- 

chronoletphys.,faitesaaxlndesetàla Chine, 1 70. 
t. II, p. 4 (Paris, 1729-1732,3 vol. în-4*). 



— 191 — 

lune et de soleil ^ En i84o. M. Biot^ admettait cette préten- 
tion des Chinois comme un fait généralement reconnu, et il 
en concluait que, dès avant Tépoque de Tcheou-kong, cest- 
à-dire avant le commencement du xi^ siècle antérieur à notre 
ère, les Chinois avaient rapporté les mouvements du soleil et 
de la lune à Técliptique. Mais les documents chinois établissent 
que, jusqu^à notre ère, ils ne rapportaient les positions célestes 
qu'à Téqualeur ', qu ils ignoraient la trigonométrie sphérique *, 
qu ils attribuaient au soleil et à la lune des mouvements uni- 
formes en ascension droite^, et que, bien loin de connaître 
exactement les mouvements de la lune en latitude, ils attri- 
buaient à la lune neuf routes, dont chacune était supposée 
rester la même pendant deux ans ^. Quant aux parallaxes géo* 
cen triques de la lune, nécessaires pour prédire les éclipses de 



' Voyez Souciet, Obs. t. II, p. 33. Com- 
parez le ChoU'king, ii, Ai et M. Biot, Et 
sur Vculron. ind. et chin. p. 872-373. D'a- 
près ce texte du Chett-king, au xx 11* siècle 
avant notre ère, les astronomes Hi et Ho, 
absents de leur poste et occupés à boire , 
avaient manqué, non pas à prédire une 
éclipse, mais à V observer ei à ordonner les 
pratiques superstitieuses usitées en pareil 
cas. C'est pourquoi l'empereur Tchong- 
kang fit marcher contre eux une armée, 
pour leur faire subir la peine capitale dé- 
crétée par les anciens rois. Pour prêter a 
ce passage du Choa-king un sens raison- 
nable, M. Biot suppose, en dépit de ce 
texte même, que la négligence de Hi et 
de Ho nétait que le prétexte de leur châ- 
timent, et qu'ils avaient abandonné leur 
poste astronomique pour aller exciter une 
révolte. Il y a, d'ailleurs, une autre diffi- 
culté : c'est que , suivant un autre passage 
du Chou'king (i, 1), les astronomes Hi 



et Ho exerçaient leurs fonctions a 00 anb 
auparavant, sous Yao. On se tire d'affaire 
en supposant que c'étaient deux autres as- 
tronomes portant les mêmes noms. Quoi 
qu'il en soit, je crois qu'on a pris une 
peine inutile , quand on a essayé de calcu- 
ler cette éclipse du Choa-king, cause de la 
fin tragique de Hi et de Ho. Du reste, ces 
essais ont été infructueux. Voyez M. Biot, 
Et. surtastron, ind. etchin, p. 373-38 1. 

' Rech. sur l'anc. astron, chin. p. 9. 

' Voyez M. Biot lui-même. Recherches, 
etc, p. 13-17. 

* Voyez Souciet, Observ, t. HI, p. 81 -Sa ; 
Ideler, Zeitr, derChin. p. 10a, et M. Biot, 
Rech. p. â6-47i et Tr, élém. d^astron, phys. 
3* éd. 1. 1, p. 71, note. 

' Voyez GaubU, Lettres édif. t XXVI, 
p. 77 et suiv. et 13Ô et suiv. et M. Biot, 
Et, sur Vaslron, ind, et chin, p. 368. 

• Voyez M. Biot, Rech. p. ài-Uà. et 
Delambre, Astr. anc, t. I, p. 169. 



— 1Ô2 — 

soleil 9 il leur était bien impossible de les mesurer avec des 
idées cosmographiques telles que celles qu on trouve dans les 
passages astronomiques du Tcheou-li^j c est-à-dire de ce traité 
dont on veut faire honneur au prince astronome Tcheou- 
kong, et dans lequel on prétend trouver la preuve de son 
savoir. Du reste, en 1862, M. Biot^ a reconnu que jamais 
les Chinois nont su calculer ni les éclipses de soleil, ni 
même les éclipses de lune ^. 



$2. 



Mais, tout en réduisant la science astronomique des Chinois 
à des proportions plus modestes, M. Biot^ a persisté à sou- 
tenir, d'une part, que leurs 28 divisions équatoriales avaient 
été déterminées par des observations d'ascensions droites 
d'étoiles entre le xxiv* siècle et le xii* avant notre ère, et que 
les 28 nakchatras des Indiens en étaient une contrefaçon; 
d'autre part, que, par la comparaison de leurs observations 
d'ascensions droites d'étoiles, les Chinois avaient été conduits 
à la découverte de la précession des équinoxes, sans aucune 
influence étrangère. C'est surtout cette seconde proposition 
qui nous intéresse. Disons cependant d'abord quelques mots 
de la première. 



* IX, 6-9;XXVL 19 ; XXXVII, i4; XL, 
67;XLII, 19; XLIII, 45 (t.I, p. aoo-201; 
t. II, p. ii4, 374t 488, 5aa-5a3 et 667', 
trad. de M. Éd. Biot). Comparez les Mém. 
concernant les Chinois, par les mission- 
naires de Pékin , et M. Reinaud , Acad, des 
inicr, t. XVIII, part, ii, p. i6a. 

* Et, sur Vanc. astron, chin. p. a85-a86 
et 355356. 

* Voyez Souciet, Obs. t. H, p. 3», 33, 



55, 65, 7a, 73, 80, 84, 86; etc. et De- 
lambre, Astron. anc. t. I, p. 365-371 et 
383-385. 

* Ét,surf astron, ind. etehin,p. a6o-a64, 
et Lettres à M. Th, Ber^ey, p. 389-396 
(Paris , 186a, in-S**). Comparez Rech. p. 57- 
64 et 74*8 a {Joum, des Sav, i84o}; Sur 
îesNacshatras, p. a (Joum, des Sav. i845) , 
et Et. sur Vastron, ind. p. 73 {Joum. des 
Sav. iSb^). 



F - 



— 193 — 

M. Biot ^ a cru prouver, par une interprétation très-peu na- 
turelle d*un texte bizarre du CAon-itm^ ^ que 4 des 28 étoiles dé- 
terminatrices des 28 divisions équatoriales chinoises avaient dû 
être choisies à l'époque dTao, pour représenter les ascensions 
droites des équinoxes et des solstices telles qu'elles étaient 
au XXIV* siècle avant notre ère. Ensuite, par une conjecture 
mal appuyée sur un texte qui appartient à un commentaire du 
VIII* siècle de notre ère sur le Tcheou4l^, et qui, d'ailleurs, ne 
dit rien de semblable, M. Biot veut que 20 autres de ces étoiles 
déterminatrices aient été choisies aussi à l'époque d'Yao, mais 
de manière à représenter approximativement les ascensions 
droites de quelques étoiles circompolaires telles qu'elles étaient 
alors, et il suppose tout à fait .arbitrairement que les quatre 
dernières étoiles ont été choisies à l'époque de Tcheou-kong, 
vers la fin du xii* siècle av. J. C, pour représenter les ascensions 
droites des équinoxes et des solstices, telles qu'elles étaient de- 
venues douze siècles après Yao par la précession des équinoxes. 
Examinons brièvement les bases de cette interprétation hardie. 

Le texte du Choa-king dit que l'empereur Yao envoya aux 
quatre extrémités nord, sud, est et ouest de l'empire quatre 



' Rech. sur l'anc. astron. chin. p. 67-64 
et 74-8a , et Et. sur Vastron, ind, et chin, 
p. 361-371. 

* I, 1. Diaprés ce texte, quatre astro- 
nomes devaient se rendre aux quatre ex- 
trémités de Tempire, Tun à Test, pour 
trouver Téquinoxe de printemps par inob- 
servation d'une étoile; un autre au midi, 
pour trouver le solstice d*été par l'obser- 
vation d'une autre étoile ; un autre à Touest , 
pour trouver Téquinoxe d'automne par 
l'observation d'une troisième étoile ; le 
dernier au nord, pour trouver le solstice 
d'hiver par l'observation d'une quatrième 
Précession des équinoxes. 



étoile. Les noms de deux seulement de 
ces étoiles sont ceux de deux détermina- 
trices de divisions équatoriales chinoises. 
L'identité des deux autres avec deux dé- 
terminatrices est admise, malgré la diffé- 
rence des noms , sur la foi des commenta- 
teurs. 

' Tcheou-lij X, i5. Commentaire C, Com- 
parez t. I, Introd. de M. Éd. Biot, p. lxi. 
Le commentateur attribue à Tcheou-kong 
la division de l'équateur en douze parties , 
mais nullement les vingt-huit divisions 
stellaires. 



25 



-^ 194 — 

astronomes pour trouver les équinoxes et les solstices par Tob- 
servatîon de quatre étoiles quil nomme, mais il n*explique 
nullement le rapport quî existait, du temps d'Yao , entre chaque 
point solsticial ou équinoxial et f étoile à observer. Le calcul 
montre que la distance de chacune des quatre étoiles au point 
correspondant était de 90 degrés environ, mais seulement 
à quelques degrés près. Si, dans les habitudes chinoises, il y 
avait eu un procédé pour trouver les équinoxes et les solstices 
par l'observation d'étoiles ainsi placées par rapport à ces 
points, les commentateurs chinois auraient donné ce procédé. 
Maïs, au contraire, ils avouent leur embarras, et la seule ex- 
plication qu'ils aient trouvée, explication que Gaubil accepte 
faute de mieux, est insoutenable, comme M. Biot^ en con- 
vient. Suivant les commentateurs chinois et GaubiP, l'obser- 
vation prescrite par Yao aurait dû se faire au coucher du so- 
leil. Mais, au solstice d'été et au solstice d'hiver, les étoiles 
situées près de l'équateur à un quart de circonférence à l'est 
du -soleil en ascension droite étaient bien loin du méridien au 
coucher du soleil. Il aurait donc fallu mesurer leurs distances 
au méridien , pour calculer leur passage, au lieu de l'observer^, 
et c'est ce dont les Chinois du temps d'Yao et même des temps 
postérieurs étaient incapables. Quand même ils l'auraient pu, 
le précepte d'Yao aurait été absurde, comme créant à plaisir 
une difficulté inutile, qu'il était si facile d'éviter en indiquant, 
pour chaque point solsticial ou équinoxial, l'observation de 
l'étoile située à une demi-circonférence du soleil et passant, par 
conséquent, au méridien à minuit. M. Biot suppose que la 

' Et. sur faitroiL ind, et chin. p. SGy- Paulhier), et Hist, de Vastron. chin. dans 

369. les Lettres édif, t. XXVI, p. 'J'J-'jg' 

* Préf. de sa trad. du Chou-king, $ à, ' Voyez Gaubil, Lettres édif. t. XXVI, 

p. 4 (Livres sacrés de VOrient, éd. fr. de p. 80-81. 



— 195 — 

prescription s'appliquait spécialement au solstice d'hiver, et 
encore il avoue ^ que, pour trouver ce solstice par le procédé 
indiqué, il fallait en connaître d'avance l'époque par un autre 
procédé. Il suppose que les trois autres phases de l'année se trou- 
vaient ensuite par le calcul, dans la fausse hypothèse chinoise 
du mouvement uniforme du soleil en ascension droite. Ainsi, 
suivant M. Biot, c'était hien le passage de l'étoile au méridien 
qu'il s'agissait d'observer. Mais, des quatre observations pres- 
crites par Yao suivant le Chou-king, trois étaient impossibles 
pour les Chinois, puisqu'ils n'avaient pas de télescopes pour 
observer, malgré la lumière du soleil couchant aux deux équi- 
noxes, ou du soleil encore haut sur l'horizon au solstice d'été, 
des étoiles situées à 90 degrés d'ascension droite à l'est du 
soleil. Ainsi le savant empereur envoyait aux quatre extrémités 
de l'empire quatre astronomes pour faire quatre observations 
qui auraient pu tout aussi bien se faire dans la capitale qu'ail- 
leurs, si elles avaient été possibles; mais trois de ces obser- 
vations, celles qui devaient servir à déterminer les deux 
équinoxes et le solstice d'été, étaient absolument impossibles, 
et la quatrième était peu utile pour trouver le solstice d'hiver. 
L'étoile Hiu des Chinois est |3 du Verseau. Yao prescrit d'ob- 
server cette étoile pour trouver l'équinoxe d'automne. D'où 
M. Biot croit pouvoir conclure qu'Yao savait que, de son temps, 
cette étoile était à 90 degrés à l'est du point équinoxial d'au- 
tomne, et, par conséquent, près de l'ascension droite du point 
solsticial d'hiver. M. Biot avoue qu elle en était éloignée de 
près de 7 degrés. Les trois autres étoiles, rj des Pléiades, a de 
l'Hydre, et tt du Scorpion, étaient moins éloignées des ascen- 
sions droites des trois autres points cardinaux de l'écliptique. 
Mais, pour trouver dans ce texte du Chou-king l'intention 

' Et, sur Vastron, ind, et chin, p. 368,1. i6-ao. 

aS. 



— 1Ô6 — 

d'indiquer quatre étoiles comme situées chacune 90 degrés à 
l'est du point cardinal de Técliptique correspondant à Téqui- 
noxe ou au solstice qu'elle doit servir à trouver, il faut torturer 
le texte de manière à en tirer ce qui n'y est pas, et il faut 
prêter à Yao, d'une part une science profonde, dont rien n'au- 
torise à supposer l'existence en Chine vingt-quatre siècles 
avant notre ère \ d'autre part des absurdités incroyables. En 
résumé, ce petit conte inséré dans le Choa-^king ne prouve 
qu'une chose, c'est-à-dire l'ignorance astronomique du ré- 
dacteur. 

Parce que 4 des 28 étoiles déterminalrices chinoises se 
sont trouvées représenter, l'une d'elles avec une erreur de 3 
degrés, les ascensions droites des points équinoxiaux et sol- 
sticiaux à l'époque de Tcheou-kong, ce n'est pas une raison 
suffisante de croire qu'à celte époque et pour ce motif elles 
aient été ajoutées aux 2 4 étoiles déterminatrices dont on fait 
remonter le choix jusqu'à Yao. 

Quant aux 20 étoiles circompolaires que M. Biot a choisies 
à son gré pour représenter les ascensions droites des culmi- 
nations inférieures ou supérieures de ao étoiles détermina- 
trices des divisions équatoriales chinoises au temps d'Yao, la 
seule autorité que M. Biot puisse invoquer, c'est un commen- 
taire peu ancien du TcheouAi. Or non-seulement ce commen- 
taire ne désigne pas ces 20 étoiles circompolaires, mais il 
exclut la plupart d'entre elles, en désignant comme seules 
employées les 7 étoiles principales de la Grande Ourse^. Quant 
à l'époque d'Yao, choisie aussi par M. Biot, le commentateur 
chinois n'en parle pas. Il en est du rapport de ces 20 étoiles 

' Contre cette antiquité fabuleuse de la et vi, p. 65-78 (Londres, i868, in-S''). 
civilisation chinoise , voyez M. Johi^Chal- * Comparez Gaubil , Letirts édif. t. XXVI, 

mers, The Origin of the Chinese, chap. y p. i37-i38. 



— 197 — 

circumpolaires* avec 20 des 28 divisions équatoriales chinoises , 
comme de la prétendue projection mathématique des zo- 
diaques de Dendéra et d'Esneh* : ces inventions ne prouvent 
qu'une chose bien connue, c'est-à-dire l'habileté ingénieuse 
de leur savant auteur. 

Par des discussions historiques et critiques qu'il serait trop 
long de reproduire ou même de résumer ici, M. Weber^ a 
prouvé qu'aucun document vraiment authentique et digne de 
foi ne garantit au système chinois des 28 Sieou, c est-à-dire 
des 28 divisions équatoriales marquées par 28 étoiles, une 
antiquité supérieure au milieu du m® siècle avant notre ère, 
époque de Lu-pou-ouey, chez qui, à côté de la mention 
expresse des 28 Sieou, l'on trouve des traces évidentes d'in- 
fluence indienne. M. Weber a montré qu'avant cette époque 
se déroule l'histoire des nakchatras indiens, au nombre de 27 
d'abord, puis de 28, commençant d'abord parles Pléiades, 
puis par les étoiles |3 et y du Bélier, et que les Sieou chinois 
correspondent à la dernière phase de l'histoire des nakcha- 
tras, dont ils ont répudié le caractère lunaire et la relation 
avec le mois lunaire sidéral. 



5 3. 

■ 

Passons à la seconde proposition de M. Biot ^. Il avoue que 
la connaissance de la précession des équinoxes n'est pas très- 
ancienne chez les Chinois, mais il veut qu'ils n'en soient rede- 
vables qu'à eux-mêmes. Il remarque, en s*appuyant du témoi- 
gnage de GaubiP, que le plus ancien traité astronomique 

* Voyez ci-dessus , chap. ii, S 5. * Et sur Vastron, ind, et chin» p. 3oo et 

* Ved, Nachr. v. d. Naxatra, i , p. a84- 3o3-3o7. 

3o6. * Dans Souciet, Ohs, t. D, p. 7 et ao. 



— 198 — 

chinois que Ton connaisse a été rédigé sous leS Han , l'an 66 
de notre ère, et que ses auteurs, Lo-hia-hong et Lieou-hin, 
ignorant la précession et les antiques données qui pouvaient 
servir à la constater, plaçaient le point solsticial d'hiver au 
commencement de la 20^ division équatorîale. M. Biot ajoute 
qu en 86 de notre ère les auteurs du Sse-fen trouvèrent que 
Lo-hia-hong et Lieou-hin s'étaient trompés, et que ce sol- 
stice était à 5 degrés plus à Touest dans la 1 9^ division; qu en 
Tannée 206 on retrouva un document d'après lequel Tchequ- 
kong, à la fin du xii'' siècle avant J. C, avait placé le sol- 
stice d'hiver au deuxième degré chinois de la 2 1*" division {Niu 
ou iVtt), et qu'on vit par le Chou-king qu'au xxiv* siècle avant 
J. C, sous Yao, ce même solstice était dans la 22"^ division 
[Hiu). Les Chinois en conclurent, suivant M. Biot, que ce sol- 
stice rétrogradait vers l'ouest. Ce fut ainsi, suivant lui; qu'ils 
découvrirent la précession des équinoxes au m'' siècle de l'ère 
chrétienne. Nous examinerons tout à Theure si cette histoire 
de la découverte de la précession des équinoxes chez les Chi- 
nois est authentique. Examinons d'ahord si elle est vraisem- 
hlable. 

Suivant M. Biot S Yao fixa quatre divisions équatoriales 
d'après les ascensions droites des points équinoxiaux et sol- 
sticiaux, et douze siècles plus tard Tcheou-kong fixa quatre 
autres divisions équatoriales d'après les ascensions droites de 
ces mêmes points , qui s'étaient déplacés. La continuité de ce 
déplacement aurait dû être connue des Chinois, si, comme le 
croit M. Biot, depuis le xxiv* siècle avant notre ère jusque 
vers la fin du vi^, depuis Yao jusqu'aux longs troubles des 
deux ou trois derniers siècles de la dynastie des Tcheou , pen- 

' Et, sur Vastron. ind, et chin. p. 363 , 3o6 et 363-369 , et Rech. mr l'anc. astron. ckin* 
p. io-i5, 57-64 et 74-8a. 



— 199'— 

dant dix*huit cents ans, les Chinois avaient observé avec des 
instruments les équinoxes, les solstices et les heures des pas- 
sages des étoiles au méridien suivant les saisons de Tannée. Si 
aucune influence étrangère n est venue éclairer les Chinois 
vers les premiers siècles de Tère chrétienne, comment se fait-il 
qu'ils aient découvert alors la précession et qu ils ne Taient . 
pas découverte bien des siècles plus tôt? Il semble, en effet, 
qu'ils auraient dû faire cette découverte dès Tépoque de 
Tcheou-kong ou plus anciennement encore, si dès lors leur 
astronomie avait eu des observations suivies et des procédés 
comme ceux que M. Biot indique. 

« Supposons un instant, dit M. LetronneS qu il ne reste de 
toute Thistoire de Tastronomie en Chine que ce petit non^bre 
de faits, à savoir que, dès le temps dTao dans le xxiv"^ siècle 
avant notre ère, les Chinois connaissaient Tannée de 365 jours 
1/4 ; qu ils observaient dès lors les équinoxes et les solstices, et 
que, onze cents ans avant notre ère, ils obtinrent des observa- 
tions méridiennes si exactes, que Laplace a pu les faire entrer 
dans sa théorie des variations de Tobliquité de Técliptique. De 
ces faits certains, on pourrait se croire en droit de conclure que 
les Chinois ont dâ de très*bonne heure connaître la vraie lon- 
gueur de Tannée tropique, et en faire la règle de leur calendrier, 
qu ils n ont pu manquer d'apercevoir le phénomène de la rétrogra- 
dation des fixes, et quils ont dû être en état de calculer les 
éclipses. Malheureusement Thisloire de la Chine est là pour 
attester tout le contraire. » 

Si cet exposé de M« Letronne, conforme aux opinions de 
M. Biot sur les mérites de Tastronomie chinoise, était vrai, 
la conclusion naturelle serait que, sur la précession des équi- 
noxes et sur d'autres points de Tastronomie, Tignorance an- 

* iVoHv. r0cA. sur le calendrier des anc. Égyptiens, Ohs, préUm. p. 6-7. 



— 200 — 

tique des Chinois est uo fait certain , mais inexplicable à cause 
de leurs notions avancées sur d^aulres points. Nous allons 
essayer de montrer que l'explication du fait est possible, et 
que Tinvraisemblance' disparaît, quand on réduit Tantique 
astronomie chinoise à sa juste valeur. Cette explication n est 
pas inutile pour le but que nous nous proposons; car, bien 
que la précession des équinoxes soit une de ces vérités qu il 
est difficile de trouver, mais non moins difficile d'oublier après 
Tavoir connue, l'on pourrait être tenté de supposer qu'après 
avoir devancé de bien des siècles Hipparque et les Grecs dans 
cette découverte, les Chinois en avaient perdu le souvenir 
pendant les derniers siècles de la dynastie des Tcheou, et 
qu'ainsi, au m* siècle de notre ère, ils n'avaient fait que re- 
trouver ce qu'ils avaient su autrefois ^ Nous allons voir qu'il 
n'y a aucune raison pour supposer, avant ces temps de trou- 
bles, un âge d'or de l'astronomie chinoise. 

Nous avons déjà vu qu'il n'est nullement prouvé qu Yao ait 
fixé pour son temps les ascensions droites des points équi- 
noxiaux et solsticiaux et de 20 étoiles circompolaires. Il n'est 
pas prouvé davantage que, dès le temps d'Yao, l'année chinoise 
eût une durée fixe de 365 jours i/^. Nous avons montré quel 
degré de confiance le Ckou-king mérite en ce qui concerne les 
institutions astronomiques d'Yao. Du reste le Chou-king^ dit 
que ce savant empereur voulait que Vannée fût de 366 jours : 
il dit Vannée; il ne dit pas une année sur quatre. Quand on s'ap- 
puie sur un seul témoignage, il faut le prendre tel qu'il est. 
Changer ainsi ce témoignage, sous ce prétexte qu'Yao était trop 
savant pour donner 366 jours à Tannée tropique, c'est sup- 
poser précisément ce qui est en question. 

* VoyeiM.bioi, Et sar Vastron. ind. et * I, i, n. 8, p. 47, Livres sacrés de 

chin. p. 3oo. VOrient. 



— 201 — 

Ce qu'il y a de certain^ c'est que, depuis ravénement des 
Han et sans doute longtemps auparavant , Tannée des Chinois, 
considérée par eux comme tropique, était de 365 jours i/4. 
Si, pendant une longue suite de siècles, ils furent amenés 
quelquefois par l'évidence à retrancher Terreur accumulée de 
cette année trop longue, ils le firent sans songer à trouver 
une évaluation plus exacte \ et sans tenir compte de ces sup- 
pressions' de jours, qui, rompant d'une manière irrémédiable 
la continuité de leur chronologie antique, devaient rendre 
inutiles à la science leurs plus anciennes observations astrono- 
miques ^. 

Afin d'avoir pour le soleil un mouvement d'un degré par 
jour, ils divisaient idéalement Téquateur et Técliptique eu 
365 degrés i//|. Comptés sur Técliptique, ces degrés chi- 
nois étaient essentiellement inégaux, parce qu'ils étaient 
considérés comme déterminés par des cercles de déclinai- 
son qui divisaient Téquateur en 365 degrés égaux et i/4 de 
degré ^. 

Jusqu'au commencement du vi* siècle de notre ère, les 
Chinois supposèrent que le mouvement solaire était uniforme 
en ascension droite , et qu'ainsi les équinoxes et les solstices 
étaient séparés par quatre intervalles de temps égaux*. Il est 
donc impossible de leur attribuer des observations exactes 
d'équinoxes et de solstices, qui, comparées avec des observa- 
tions exactes de passages des étoiles au méridien , auraient pu 
leur révéler la différence de Tannée sidérale et de Tannée tro- 

* Voyez M. Biot, Résumé, etc. p. 34o. * Voyez Gaubil, Lettres éàif. t. XXVI, 

' Voyez M. Biot, A^^am^ cbcAron. mtr. p. 1 35-136, et M. Biot, Et. sur Vastron. 

p. 38 1 et 395 {Acad. des sciences, t. XXII), ind, et chin. p. 279 et Say. 

et M. Sédillot, Matériaux pour servir à ^ Voyez Gaubil, dans Souciet, Obs. 

l'histoire comparée des sciences mathém. chez t. II , p. 5.7-60, et t. III , p. 1 a5, et M. Biot, 

les Grecs et les Orientaux, p. 592-593. Et, sur Vastr. ind, et chin. p. 368, 1. a3-a5. 

PrécessioD des équinozes. 26 



— 202 — 

pique et le déplacement des points équinoxiaux et solsticiaux 
par rapport aux étoiles. 

Quant aux observations de passages d'étoiles au méridien, 
i] n'est nullement prouvé que, dès une haute antiquité, ils les 
aient pratiquées d'une manière suivie et autrement qu'à vue 
d'œil. Us ont donc pu ne pas remarquer un changement con* 
tinu et progressif de la date annuelle du passage d'une étoile 
au méridien à une heure donnée. S'ils remarquaient un chan- 
gement entre une date traditionnelle et la date présente d'un 
de ces passages, ce ne pouvait être qu'au bout de plusieurs 
siècles, et alors ils avaient une explication toute prête; car, 
d'après leur croyance invariable', les vices et lés vertus de 
leurs empereurs avaient le pouvoir merveilleux de changer 
l'ordre des mouvements célestes. D'ailleurs ils n'observaient 
que les ascensions droites et les déclinaisons^, et, lorsque, 
depuis l'ère chrétienne, ils essayèrent de les transformer en 
longitudes et latitudes célestes, ce fut en commettant dans 
cette transformation des erreurs de 4 à 5 degrés ', parce qu'ils 
ignoraient la trigonométrie sphérique*. Ils auraient donc été 
bien incapables de mesurer la précession, qui n'est uniforme 
qu'en longitude. 

Mais si, dès la fin du xii^ siècle avant notre ère, Tcheou- 
kong avait été aussi habile qu'on le suppose dans les obser- 
vations gnomoniques et solsticiales comparées aux observations 
sidérales, il semble que les Chinois auraient dû arriver de 
bonne heure, sinon à mesurer la précéssion, du moins à la 

* Voyez Gaubii, dans Souciet, Ohserv. 8a; Ideler, Zeitr. der Ckin^ p. loa, et 
t. II,p.3i-33el86,etLe(^^^iif. t. XXVI, M. Biot, Rech. sur l'anc» astr. chin. p. à6- 
p. ga. Compares M. Biot, El sar Vastr. 47. 

ind. ei chin. p. 355-356. * Voyez Souciet, Obs. t. U, p. ii4" 

* Voyez Souciet, Obs, L II, p. 5. 11 5, et M. Biot, Rech, p. 46« 
' Voyez Souciet, Obs. t. 111, p. 81- 



— 203 — 

constater. Examinons les preuves historiques de cette habi- 
leté prétendue. 

$4. 

Parlons d'abord de la mesure exceHente que Tcheou-kong 
est supposé avoir prise des ombres solsticiales du gnomon , 
mesure qui a eu l'insigne honneur d'être présentée par Laplace 
et par M* Biot comme une confirmation expérimentale des cal- 
culs de la Mécanique céleste sur la variation de l'obliquité de 
l'écliptique^ On lit dans le Tcheou-li^ que l'ombre méridienne 
du gnomon est de i pied et 5/i o au centre de la Terre, c'est-à- 
dire dans la capitale de V Empire du Milieu, ou, en d'autres 
termes, de la Chine. Un commentateur^ ajoute que cette indi- 
cation doit se rapporter au solstice. d'été, et que l'ombre est de 
1 3 pieds au solstice d'hiver. Dans le calendrier Sse-fen, l'auteur 
Hi-fang, astronome du ii* siècle de notre ère, dit avoir trouvé 
cette même longueur d'ombre à Loyang avec un gnomon 
de 8 pieds*. Cette même longueur du gnomon est indiquée 
par un commentateur du Tcheou-li au i*' siècle de notre ère^. 
Mais la citation de cette mesure dans le TcheouAi ne prouve 
nullement qu'elle ait été prise à l'époque de Tcheou-kong, ni 
même qu'elle ne soit pas postérieure à la fin de la longue dy- 

' Au premier siècle avant J. C. Tauteur même, de la dire mesurée par le côté du 

du Sanriong estimait Tobliquité de réclip- pentédécagone régulier inscrit au cercle, 

tique à a4 degrés chinois, c*esi-à-dire à * Livre IX, S lO-ao, t. I, p. aoo-aoi 

a4 parties de la circonférence d*un cercle (trad. de M. Éd. Biot). Coaip. liv. XX , S 4o , 

de dédinaison divisé en 365 parties égales t. I, p. 488-489 ; liv. XXXIII, S 60, t. II, 

et 1/4. (Voyez Souciet, Observ t. II, p. 8.) p. 279, et liv. XLII, S 19, t. II, p. 622- 

Ces a 4 degrés étaient un nombire rond. Sa 3. 

qui , par hasard, approchait de lexaditude. ^ Liv. XLII ,$19, Commentaire B, t. II , 

De même, la plupart des écrivains grecs p. 5a 3. G>mparez t. I, Intr. p. lx*lxi. 

sur Tastronomie se contentaient d*évaluer * Voyez Souciet, Ohs, t. II, p. ai. 

en nombre rond Tobiiquité de Técliptique ^ Liv. XI , S 17-ao, Commentaire A , 1. 1, 

à a4 degrés grecs, ou, ce qui revient au p. aoa. Comparez 1. 1, Intr. p. lx. 

26. 



— 204 — 

nastie des Tcheou; car, non-seulement le Tcheoa-'li peut avoir 
été rédigé bien des siècles après Tcheou -kong, mais il a été 
refondu et profondément altéré sous les Han, qui ont voulu 
prêter ainsi à certains règlements de leur époque le prestige 
d\ine haute antiquité : M. Edouard Biot lui-même et les com- 
mentateurs chinois nous le disent ^ U y a même de fortes 
raisons de croire que le Tcheou-li n a été rédigé que sous les 
Han, et telle était Topinion dominante des Chinois au xii'' 
siècle de notre ère^. D'ailleurs, ni le TcheoaAi, ni ses com- 
mentateurs n'attribuent cette mesure d'ombre à Tcheou-kong. 
Le Tcheou-li ne désigne pas davantage Loyang comme lieu 
d'observation > et ne donne pas la longueur du gnomon. Les 
seuls auteurs qui la donnent sont, comme nous l'avons dit, 
un commentateur du premier siècle de notre ère, et Hi-fang, 
qui vivait au ii"". Ce dernier dit avoir trouvé lui-même à Loyang, 
avec un gnomon de 8 pieds, la longueur d'ombre voulue. Il 
le fallait bien , pour l'honneur et les droits sacrés de cette 
capitale des Han orientaux, qui autrement n'aurait pas été le 
centre de la terre, marqué par la juste mesure de l'ombre à 
midi suivant le TcheovAi ^. D'ailleurs, selon la remarque de 
Delambre ^, 1 3 pieds pour l'ombre méridienne du gnomon au 
solstice d'hiver, et un pied plus cinq dixièmes ou pouces chinois 
pour cette même ombre au solstice d'été, ce sont là des nombres 
ronds, où sans doute on ne regardait pas à un demi-pouce 
chinois près. Si, par hasard, ces longueurs se trouvent avoir 
approché beaucoup de l'exactitude à Loyang pour l'époque de 

^ Voyez M. Edouard fiiot, trad. fr. * Voyez M. Weber, Ved, Nachr. v. d. 

du Tcheou 'li, t. I, Introd. p. zvi-xii, Naxatra,!, p, 291-^98. 
surtout p. xx-xxi, et les notes des com- * IX, 16-ao, t. I, aoo-aoi, avec les 

nienlateurs chinois, t. 1 , p. 3o7 et notes des commentateurs chinois, p. ao t - 

327 -3a8, et t. II, p. 456 et suiv. et 2o3 (trad.de M. Éd. Biot). 
p. 567. * Aitr, anc, 1. 1, p. 391. 



— 205 — 

Tcheou-kong, époque qui n'est nullement désignée ici par 
les textes chinois, ce n est nullement une raison pour supposer 
qu'elles aient été trouvées par Tcheou-kong en cette ville, ni 
d'y voir, soit une preuve de l'habileté de Tcheou-kong comme 
observateur, soit un témoignage en faveur de la variation de 
Tobliquité de Técliptique, comme de savants astronomes ont 
cru pouvoir le faire ^ Une donnée dont la base historique est 
si défectueuse ne peut rien ajouter à la valeur, beaucoup plus 
digne de confiance, des calculs de la Mécanique céleste. Prendre, 
dans un ouvrage antique, une observation sans date et donnée 
comme perpétuelle; calculer, en vertu d'une théorie moderne, à 
quelle date unique l'observation a pu être exacte; puis affirmer 
que l'observation a dû être faite à cette date précise; enfin, tirer 
de là, d'une part, une preuve prétendue de l'habileté merveil- 
leuse de l'observateur antique, d'autre part, une confirmation 
prétendue de la théorie moderne, qui heureusement n'en a pas 
besoin : c'est là un cercle vicieux, dans lequel il est étonnant 
que de grands esprits aient pu tourner sans s'en apercevoir. 
Est -il mieux prouvé que Tcheou-kong ait su fixer avec 
précision et exactitude les positions des points équinoxiaux et 
solsticiaux par rapport à des cercles de déclinaison passant 
près d'étoiles voisines de l'équateur, et qu'il ait fixé le solstice 
d'hiver au deuxième degré de la division équatoriale Niu (ou 
Nu) commençant au cercle de déclinaison qui passait par e du 
Verseau? Est-il vrai, comme M. Biot^ l'affirme, qu'un texte de 

' Voyez Laplace , Connaisscaice des temps ' Et, sur Viutr. ind» et chin. p. 3o6 , 

pour 1809, p. 3g3, et pour 18x1, p. 434 1. ia-16. Il m^est impossible d^admetlre, 

ei suiy, el Exposition du système da monde, avec M. Biot (note a, p. 387, 1. 30), 

5* éd. p. 3o3, 345, 4o3, 4o6 et 4o8; qu un texte de Tsay-yong, postérieur de 

M. J. B. Biot, Traité éUm» d'astron. pkys. treixe siècles, soit ici une autorité presque 

3* éd. t. IV, p. go et 61 4-6 18, et M. Mœd- équivalente à celle de Tcheou-kong lui- 

1er, Populàre Astronomie^ p. 533 et suiv. même, vainement annoncée par M. Biot. 
(Berlin, i84i.) 



_ 206 — 

Tcheou - koQg , contenant cette détermination, ait été retrouvé 
en i'an 206 de notre ère? Voilà ce quil s'agit d'examiner 
d'après l'ensemble des documents cités par Gaubil et par 
M. Biot. Commençons par un document dont M. Biot ne parle 
pas et qui peut éclairer les autres. 

Une table dressée en l'an 85 de notre ère par l'historien 
impérial Pou-kong indique, de 76 ans en 76 ans, i5 
solstices arrivés à minuit à l'époque de la conjonction du 
soleil et de la lune ^ : le plus ancien est de l'an 1111 
avant J. C. , cinquième année du règne du frère de Tcheou- 
kong, à la première lune, le jour Teng-se, à minuit, au 
moment de la conjonction du soleil et de la lune. Dans 
le Tien-yuen-li-liy ouvrage composé vers l'an 1700 de notre 
ère, il est dit que ce solstice de Tcheou-kong eut lieu au 
deuxième degré de la division équatoriale Nu, dont le com- 
mencement est marqué par e du Verseau^. Mais Gaubil lui- 
même ^ déclare qua les 1 5 solstices arrivant à minuit et à la 
conjonction du soleil et de la lune à 76 ans de distance les 
uns des autres sont de l'invention de Pou-kong. En effet, il est 
bien évident que sa liste est faite d'après un calcul rétrograde , 
qui suppose faussement l'exactitude parfaite de la période 
lunisolaire de 76 ans, c'est-à-dire de la période grecque 
de Callippe avec son année tropique de 365 jours 1/4. Pou- 
kong rapporte le plus ancien de ces solstices à l'époque 
de Tcheou-kong, mais sans dire que Tcheou-kong ait ob- 
servé ce solstice, ni surtout qu'il l'ait observé au deuxième 
degré de la division Nu. L'indication du deuxième degré 

^ Voyez Soucîet, Ob$, t. Il, p. 3o-37, et ' Dans Souciet, Observ. t II, p. So-Sy. 

Gaubil, Chronologie chinoise» m* partie, CompacreiU.SéàiBoi, Matériaux pour î'hii- 

p. a3o (Paris, 181 &, in-4^). toire comp. des sciences math. p. 679- 

' Voyez M. Biot, Rech, sur i'anc. a$tr, 589. 
vhin. p. 5l. 



^ 



— 207 — 

de cette division équatoriale, comme lieu du point solslicial 
du temps de Tcheou-kong, est tirée de deux ouvrages 
indiqués par Gaubil. L'un de ces ouvrages est le Tien^ 
ynm^li^li, composé sous Kang-hi, vers Tan 1700 de notre 
ère* L'autre est \ Astronomie des Han, c est- à -dire le Tien- 
siang [Image du ciel) y ouvrage composé en 206 de notre ère 
par Lieou-hong et par Tsay-yong^ En e£Pet, M. Stanislas 
Julien a trouvé ce passage du Tien- siang cité sous le nom de 
Tsay-yong dans deux autres ouvrages chinois. Mais on n'y lit 
nullement quun texte de Tcheou-kong constatant cette ob- 
servation ait été retrouvé en Tan 206. Le fait de l'observation 
de Tcheou-kong ne s'appuie donc pas sur un témoignage de 
Tcheou-kong lui-même, mais, ce qui est très-différent, sur 
l'assertion d'un auteur postérieur de treize siècles, et qui ne 
cite lui-même aucune autorité. M. Biot^ remarque que cer- 
tains détails de cette assertion s'accordent avec des détails 
astronomiques contenus dans le Tcheou^-lù Mais cet accord 
ne prouve pas la haute antiquité de la tradition à laquelle 
ces détails se rattachent; car nous venons de voir que le 
Tcheou-li a été au moins remanié et peut-être composé sous 
les Han ^• 

Gaubil veut que quelques astronomes chinois aient eu 
quelque notion du mouvement des fixes par rapport aux 
points équinoxiaux et solsticiaux dès les premières années 
de notre ère^, ou dès lepoque de Lu-pou-ouey, c'est-à-dire 
au 111^ siècle avant J. G.^, ou même dès le v^ siècle avant 
notre ère^. Mais ce sont là des conjectures que Gaubil 

' Voyez M. Biot, Et. sur Vastr. ini* et parexM. Weber, Ved. Nackr. i>. d, Namatra, 

chin, note i, p. 386-388. I« p. aga, note i. 

' Ibid, p. 388. ' Lettres édif. t. XXVI, p. 348. Gom- 

* Voyez ci-deBsus, p. 5o6. pareip. a3i-a3a. 

* Lettres édif, t. XXVI» p. a49. Cçok^ * Ihid. p. aa5, note i. 



— 208 ~ 

ne fonde sur aucun document. Au contraire, il déclare* qu'il 
ne connaît aucun auteur chinois qui ait parlé expressément 
de la précession avant Yu-hi, qui vivait vers la fin du m* siècle 
de notre ère. Mais rien ne prouve qu au commencement de 
ce même siècle Tsay-yong n'ait pas connu la précession. Nous 
venons de voir qu'au ii® siècle Pou-kong avait marqué, en 
vertu dun faux calcul rétrograde, un solstice arrivé à minuit 
et à la nouvelle lune en Tannée 1 1 1 1 avant J. G., mais sans 
indiquer la position du point solsticial par rapport aux étoiles 
pour cette époque. Tsay-yong a ajouté cette indication, 
sans doute en vertu d'un calcul rétrograde, qui, par hasard, 
s'est trouvé donner un résultat à peu près juste. Je dis 
d'abord que ce fut en vertu d'un calcul rétrograde; car, si 
cette détermination avait été fondée par lui sur un document 
historique, il serait resté constant que ce solstice d'hiver avait 
été au deuxième degré de Nu à l'époque de Tcheou-kong. 
Or, au contraire, GaubiP nous apprend qu'un siècle après 
Tsay-yong, des astronomes chinois, qui admettaient la pré- 
cession, calculaient que le point solsticial d'hiver avait dû être 
dans la division Nli, non pas à l'époque de Tcheou-kong, 
mais douze ou treize siècles auparavant, sous Yao. Ilsconsi* 
déraient donc la détermination de Tsay-yong comme le ré- 
sultat d'un faux calcul, et non comme un fait historiquement 
établi. Je dis, de plus, que c'est sans doute par hasard que ce 
résultat obtenu par Tsay-yong s'est trouvé à peu près juste. 
En effet, le hasard, qui ne peut pas expliquer une série de dé- 

' Dans Souciet, Obs. t. II, p. 46. Com- ' * Dans Souciet, Ob$, t. II, p. 49. D*au- 

parez Gaubil, ibid. p. 9, ai, 67, 45- 1res astronomes chinois plus récents rem- 

49 1 et t. m, p. 9, et Préf. de sa trad. placèrent la division équatoriale Nu (ou 

du Chou'king, $4> p. 4 (Livres sacrés de Niu) par la division Hiu pour Tépoque 

t Orient), etldehr, Zeitr, der Chin.f. 106- d'Yao. Voyez Souciet, Obs, t. II, p. 61, 

107. 8i fit loa. 



— 209 — 

terminations justes, peut expliquer une rencontre heureuse, 
quand elle est isolée, comme celle-ci, et il n*est pas difficile 
de concevoir comment cette heureuse rencontre a pu s'accom- 
plir. Au commencement du ii* siècle de notre ère, époque de 
Tsay-yong, les Chinois étaient très-éloignés de connaître sû- 
rement et exactement la position présente des points solsti- 
ciaux et équinoxiaux par rapport aux étoiles déterminatrices 
des divisions équatoriales. Ce fut seulement vers la fin de ce 
siècle que Kiang-ki, contemporain de Yu-hi, inventa un 
procédé pour obtenir cette position pour le temps présenta 
H est donc probable que la détermination à peu près juste de 
Tsay-yong pour l'époque de Tcheou-kong fut le résultat for- 
tuit de la compensation d'une erreur sur la position présente 
du point solsticial avec une erreur en sens contraire sur la 
valeur séculaire de la précession, valeur qu'après lui, comme 
nous le verrons, les Chinois connaissaient fort mal, et dont ils 
donnaient des estimations aussi diverses qu'erronées. Ces 
fausses évaluations seraient inconcevables, si, la position pré- 
sente du point solsticial d'hiver étant connue par le procédé 
de Kiang-ki, la position de ce même point pour le temps de 
Tcheou-kong avait été connue par un document historique; 
car, pour avoir la valeur moyenne de la précession annuelle 
en ascension droite suivant la méthode chinoise, il n'y aurait 
eu qu'à diviser la différence d'ascension droite des deux posi- 
tions par le nombre bien connu des années écoulées depuis 
l'observation de Tcheou-kong. Mais, du moment qu'au lieu 
de reposer sur un document historique l'indication de Tsay- 
yong résultait d'un calcul rétrograde, les astronomes chinois 
du siècle suivant pouvaient croire que leurs calculs valaient 
mieux que les siens. 

^ Voyez Souciet, Obs, I. II, p. &5. Comparez Ideler, Zeitr, der Chin, p. 106. 
Précession des équinoxes. 2 7 



— 210 — 

Ainsi, jusque vers le commencement du m'' siècle de notre 
ère, les Chinois paraissent avoir ignoré entièrement la pré- 
cession des équinoxes, et, d'après ce que nous savons de leur 
antique astronomie, leur longue ignorance sur ce point est 
très-concevable. Mais pourquoi et comment cette ignorance, 
qui durait depuis tant de siècles, a-t-elle cessé au m* siècle de 
notre ère? et est-il aussi certain qu'on le prétend qu'aucune 
influence étrangère n'ait contribué à ce changement? Pour 
nous mettre en état de répondre à ces questions, étudions 
brièvement les relations que les Chinois ont pu avoir avec 
d'autres peuples plus avancés dans les sciences. 

$5. 

Le philosophe chinois Lao-tseu, auteur du Tao-te-king 
et fondateur de la secte du Tao, est un peu plus ancien que 
Confucius et vivait vers la première moitié du v* siècle avant 
notre ère. Mais les doctrines principales du Tao sont entière- 
ment étrangères aux traditions nationales de la Chine, dont 
Confucius a été l'interprète et le rénovateur, et elles sont 
évidemment inspirées par l'Inde : on y reconnaît surtout 
l'athéisme théorique et le nihilisme de la philosophie Sankhya 
de Kapila \ l'une des doctrines les plus antiques des Indiens. 
Suivant Ko-hong, sectateur chinois de Lao-tseu au iv* siècle 
de notre ère^, ce philosophe était né avec des cheveux blancs 
plus de quatre-vingts ans après sa conception, et son âme, 
avant sa naissance, avait voyagé dans les contrées occidentales 

' Voyez le Lao-tsea-Tao-te-king , trad. le Droit dans la doctrine de Lao-tsea, p. 1 6b 

fr. de M. Stanûlas Julien, avec Tlntrod. et suiv. (Paris, i86i, in-8*.] 
et les notes du traducteur (Paris, i84a. * Voyez M. Stanislas Julien , Intr. p. ix 

in-8*), et M. Franck, Études orientales^ et p. xxxii-xxxiii. 



— 211 — 

de la Perse, Suivant d*autres traditions chinoises, Lao-tseu avait 
fait lui-même de longs voyages en Occident. Ce qu'il y a de 
vrai sous ces traditions fabuleuses, et ce qui résulte évidem- 
ment de Tétude du Tao-te-king, c'est lorigine occidentale et 
surtout indienne de la doctrine du Tao ^ 

Quant au bouddhisme, cette doctrine, née dans Flnde proba- 
blement vers le commencement du iv* siècle avant J. C.^, avait 
fait une apparition en Chine en Tan a 1 7 avant notre ère ^ : 
elle y fit de grands progrès, sous le nom de secte de Fo, à 
partir du premier siècle de notre ère*; elle y devint la religion 
dominante par la conquête mongole au xiii* siècle. Les rap- 
ports scientifiques de la Chine avec l'Inde se continuèrent de- 
puis le commencement de notre ère, toujours au profit des 
Chinois, comme Gaubil l'a reconnu^. En effet, il est tout na- 
turel que les bouddhistes chinois, ayant emprunté aux In- 
diens une religion et les livres de cette religion, aient connu 
aussi, surtout à partir du premier siècle de notre ère, quelque 
chose des livres des bouddhistes indiens et même des brah- 
manes sur le calendrier et sur l'astronomie. Ces connaissances 
des Chinois sur l'Inde ont dû s'étendre, lorsque, du iv'' siècle 
au IX* de notre ère, ils ont pris l'habitude de faire des pèleri- 
nages dans la patrie de Bouddha. D'un autre côté, au vin"^ siècle 
de notre ère, le Kieoa^tche, traité astronomique venu de Kant-gu, 
capitale du pays des Yu-tse, que l'on croit être celui des Tar- 
tares Usbecks, fut traduit en chinois, et, dès auparavant, ce 

* Outre M. Stan. Julien, voyez M. de * VoyezM.Lajsen, //u{. ^11^ t.II,p. 55- 
Slahr, Untersachungen. , . der Stemkande 56; Abel Rémusat, Nouv, mél. as. t. I, 
derChinesen and Indier, p. 38-4 1- p- 38, et trad. du Foe-koue-ki, Introduc- 

* Voyez ci-dessus, chap. VI, S I, p. 454- tion, p. zxxviii-xxxix , et M. Pauthier, 
' Voyez M. Lassen, Ind, Alt t. II, art. Chinois deun le Dictionnaire des scifincm 

p. 54-55, et M. Barthélemy-Saint-Hiiaire, philosophiques. 

Séances et trav. de VAc. des se. mor, et poh * Dans Souciet, Obs, t. II, p. lai, laa 

sér. I, t. X, p. 3o6. et 134. 

27. 



— 212 — 

traité avait eu, dans Tastronoine chinois Y-hang, un imitateur 
et un plagiaire ^ Les Chinois disent que les habitants de Kant* 
gu avaient des livres sacrés qui n'étaient autres que ceux des 
Polomen, c'est-à-dire des bonzes indiens. Baîlly^ se fait une 
bien étrange illusion, quand il ose conclure de là que toute la 
science de Tlnde venait originairement du pays des Tartares 
Usbecks. Au contraire, on sait que les Tartares Usbecks, con- 
vertis au bouddhisme indien, avaient reçu de l'Inde les livres 
sacrés de Bouddha, et il est probable qu'outre ces livres, où 
figurait une cosmographie extravagante, ils avaient reçu, par 
la même voie, des connaissances astronomiques, dont ils pou- 
vaient avoir profité mieux que les Chinois. En effet, dans le 
KieouMche, on trouvait la méthode du Lohéoa et du Kitou, 
c est-à-dire la période indienne de Rahoa et de Kétou pour le cal- 
cul des éclipses^, période qui, bien qu'elle retrace le souve- 
nir d'une antique superstition nationale, appartenait à l'as- 
tronomie indienne transformée par l'influence grecque*. 

Les Chinois avouent eux-mêmes que les lumières de la 
science leur sont venues primitivement de l'Occident^, et ils 
signalent eux-mêmes leurs relations fréquentes avec les peuples 
de l'Asie occidentale^. En l'an a 48 avant notre ère, le com- 
merçant chinois Lu-pou -ouey, sectateur du Tao, devenu 
grand dignitaire près des rois de la dynastie de Tshin, em- 
ployait de grandes richesses à réunir des livres, et composait 
lui-même un ouvrage où il est difficile de ne pas reconnaître 

' Voyez Souciel, Obs. t. II, p. 73, 89 p. 3oa-3o3 , el M. Guérin , Astr. ind. 

et ia3-ia5. p. io5 61167. 

' Hist de Vast. mod. l. I", p. 276. • Voyei Gaubil, Lettres édif. t. XXVI, 

^ Voyez M. Guérin, Astr. iW. ch.xiii, p. ^à6. 

p. 164, et Delambre, Astr. une, l. 1", * Voyez Gaubil, Lettres édif. t. XXVI, 

' p. 378. p. 16 1-1 6a, et dans Souciet, Obs, t. II, 

* Voyez Davis, Rech. as. trad. fr. t. II, p. 19, 39, 96, 1 19, laft, i3o, etc. 



— 213 — 

des enaprunts faits à l'Inde ^ par exemple en ce qui concerne 
les 71 mahâ-yougas ou grands âges, qui forment un Manvan- 
tara dans la chronologie fabuleuse des Lois de Manoa'^. Les 
rapports entre la Chine et l'Inde avaient lieu alors à travers le 
Turkestan par le Caboul et le Cachemire ^. Or, par suite des 
conquêtes d'Alexandre, de l'influence de ses successeurs jus- 
qu'aux bords de l'Indus, et des relations d'Alexandrie d'abord 
et ensuite de Rome avec l'extrême Orient*, il est certain que 
non-seulement les peuples de l'Asie occidentale^ mais aussi les 
Indiens, furent initiés à l'astronomie grecque alexandrine^, 
dont la vogue s'étendait dans tout l'Orient *. Ainsi les Chinois 
purent la connaître dès avant l'ère chrétienne, surtout par 
l'intermédiaire des Indiens. 

Or que voyons-nous? Au premier siècle avant notre ère ap- 
paraissent en Chine les cycles luni-solaires de Méton et de 
Callippe, cycles inventés en Grèce 4oo ans auparavant^. Le 
cycle de Méton se trouve un peu corrigé par l'emploi de Tan- 
née chinoise de 365 jours i/A» mais avec l'inconvénient d'a- 
voir un nombre fractionnaire de jours pour le total des 1 9 ans 
du cycle. Quant au cycle de Callippe, dans lequel l'année est 
de 365 jours i/4, il est reproduit par les Chinois sans aucune 
modification de ses deux éléments fondamentaux. Sur l'inven- 
tion de ces deux cycles, l'histoire chinoise est muette^. On 



* Voyez Gaubil, TV. de chron. chin. 
avant-propos, p. vu, et p. 108 et 1 ig. 

* J, 79, p. 338 (Livres sacrés de /'O- 
rient). 

' Voyez Abel Rémusat , Histoire de la 
ville de Khotan^f, i-aS, et Klaproth, Ta- 
hleauœ hist, de rAsie, p. i33*i34- 

* Voyez M. Reinaud, Relations poli' 
tiques et commerciales de Vempire romain 
avec VAsie orientale (Paris, i863, in-S**). 



• Voyez ci-dessus, chap. vi , SS 1 , 4 et 5. 

• Voyez Souciet , Ohs. t. Il , p. 1 1 9 , et 
Letronne, Joarnal des Savants, i84o, 
p. Sog-Sio. 

' Voyez Souciet, Obs. t. Il, p. 7-18, 
et p. 23 et suiv. Comparez M. Biot, Ré- 
sumé de chron, astr. p. 38a-383 (Acad. 
des sciences, t. XXII }. 

• Voyez Souciet, Obs. t. II, p. la. 



— 214 — 

manque donc de témoignages positifs sur l'intermédiaire par 
lequel ils avaient été introduits en Chine. Mais on sait qu au 
milieu du v^ siècle de notre ère ce fut un astronome chinois, 
initié par un prêtre de Bouddha à la connaissance de lastro- 
nomie indienne \ qui enseigna à ses compatriotes à détermi- 
ner les solstices mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'alors^; Ton 
sait aussi que, vers le vu* ou le viii* siècle de notre ère, ce fut 
un bonze indien qui fit connaître aux Chinois les noms et les 
figures des 1 2 signes du zodiaque grec^, et qu'au viii* siècle 
un traité indien traduit en langue chinoise leur fit connaître 
aussi la division du zodiaque en 36o degrés^. Pourtant ils 
n'adoptèrent cette double division du zodiaque qu'au xvii"" siè- 
cle, par l'influence des jésuites^. Il est probable que c'était 
de même par leurs relations avec les Indiens que les Chinois 
avaient reçu les cycles luni-solaires de Méton et de Callippe dès 
le premier siècle avant notre ère. Mais, dès qu'ils possédèrent 
ces cycles, ils s'empressèrent de leur prêter en Chine une an- 
tiquité fabuleuse, et d'en faire la base de périodes remontant 
fictivement à des millions d'années dans le passé®. Faut-il s'en 
étonner, lorsqu'on sait que les Chinois osaient faire de Ptolé- 
mée un humble disciple de leurs astronomes^? 

$6. 

D'après tous ces faits, que faut-il penser, quand nous 
voyons la notion de la précession, étrangère aux astronomes 



* Voyez Souciet , Obs. t. II , p. 48 et i a i . " Voyez Gaubil , Lettres édif, t. XXVI , 

* Voyez id. ibid. p. 47-5o. p. 266-268, et dans Souciet, Obs. t. II, 
^ Voyez id. ibid. p. laa. p. 5-36. 

* Voyez id. ibid. p. ia5. ' Voyez Gaubil, Lettres édif. t. XXVI, 

* Voyez id. ibid. p. 7, et t. III, p. 5 1. p. 169-170. 



— 215 — 

de Tépoque de Han^ apparaître en Chine au m* siècle de 
Tère chrétienne, c est-à-dire à une époque où il y avait certai- 
nement des relations scientifiques entre la Chine et Tlnde, et 
où les Indiens, déjà initiés à Tastronomie grecque, devaient 
connaître les deux hypothèses grecques de la précession con- 
tinue et de la précession oscillatoire? Dans Tlnde, ces deux 
hypothèses subsistèrent, et ce fut la seconde qui devint prédo- 
minante. Mais nous avons trouvé^ des raisons de penser 
qu antérieurement la première hypothèse, appuyée de Tauto- 
rité d'Hipparque et de Ptolémée, n avait pas obtenu moins de 
faveur chez les Indiens. C'est la doctrine de la précession con- 
tinue que nous trouvons chez les Chinois à partir du m'' siècle 
de notre ère. Ce fut sans doute, comme le pensait M. Le- 
tronne ^, Tautorité des savants de l'Occident qui les décida à 
admettre que le changement de position des points équi- 
noxiaux et solsticiaux par rapport aux étoiles, changement 
qu ils avaient ignoré jusqu alors, ou bien qu'ils n'avaient en- 
trevu qu'à titre de prodige inexplicable, pouvait être soumis 
à une loi constante, au lieu de dépendre de la conduite bonne 
ou mauvaise des jils da ciel, c'est-à-dire de leurs empereurs. 
Mais, habitués à ne compter que par degrés d'ascension droite 
et non par degrés de longitude céleste, et à diviser leurs 
cercles en 365 parties i/4, et ne sachant pas transformer 
trigonométriquement leurs ascensions droites en longitudes et 

' Voyez Gaabil, Lettres êdif. t. XXVI, que de leur temps. Mais il veut que ces 

p. 349- Il constate que les astronomes astronomes aient été égarés en cela par 

chinois de Tépoque des Han supposaient Tesprit de système, et que la précession 

expressément Tinvariabilité des points sol* ait été connue en Chine avant eux. Nous 

sticiaux et équinoxiaux par rapport aux avons montré Tinanité de cette conjec- 

étoiles fixes , et que , dans leurs calculs sur ture. 

les positions des fixes en ascension droite * Chap. vi, S ô. 

et en déclinaison, ils admettaient que ces * Origine grecque des zodiaques préten- 

posîtioos avaient toujours été les mêmes dui égyptiens, p. 17. 



— 216 — 

réciproquement, ils ne durent pas savoir d'abord comment 
s'approprier les évaluations indiennes et grecques de la. pré- 
cession, si toutefois ces évaluations en degrés de longitude 
leur furent transmises en même temps que la notion fonda- 
mentale. 

Quoi qu'il en soit, ils paraissent avoir essayé de mesurer 
eux-mêmes la vitesse du déplacement des points équinoxiaux 
et solsticiaux en ascension droite. Yu-hi est le premier astro- 
nome chinois que J'on cite comme ayant énoncé expressé- 
ment, vers la fin du m* siècle de notre ère, le fait de la pré- 
cession ^ Kiang-ki, contemporain de Yu-hi, indiqua le premier 
une méthode pour en trouver la mesure, en déterminant la 
position du point solsticial par rapport aux étoiles. Long- 
temps avant lui, les Chinois essayaient de trouver les époques 
précises des solstices par l'observation des longueurs d'ombre 
du gqjomon^; mais Kiang-kî fut le premier qui, par l'observa- 
tion de la position de la lune par rapport aux étoiles à l'ins- 
tant d'une opposition nocturne à l'époque du solstice, cher- 
cha à déterminer, par rapport aux étoiles, la position du point 
solsticial opposé à celui où se trouvait le soleiP. Mais, dans 
des observations de ce genre, outre leurs incertitudes sur l'ins- 
tant précis de l'opposition et sur l'époque précise du solstice, 
les Chinois devaient trouver une cause d'erreur dans le mou- 
vement de la lune en latitude; car, habitués à ne s'occuper 
que des ascensions droites et des déclinaisons, et ignorant la 

' Voyez Souciet, Obs. t. Il, p. 46. poque des Han, c est-à-dire pour une 

Comparez Ideler, Zeitr. der Chin, p. 106. époque antérieure k Tan a65 de notre 

^ Voyez M. Biot, Et surVastr, ind. et ère. Voyez M. Biot lui-ménie, Rech. sur 

chin. p. 396-303 et 3o6-3o9. Quant au Vanc. astr. chin. p. 10, noie a, dernière 

gnomon à trou, que M. Biot veut attri- ligne de la page 10. 
buer à Tcheou-kong, le texte du Tcheoa- * Voyez Souciet, Ohs, t. II, p. 45.Gom- 

pey n*en prouve lusage que pour l'é- parez Ideler, Zeitr. p. 106. 



i 



— 217 — 

trigonométrie sphérique, ils ne savaient pas réduire exacte- 
ment la position de la lune à Técliptique. II ne faut donc pas 
s'étonner de la fausseté des évaluations quils essayèrent de 
trouver eux-mêmes. 

lis estimèrent d'abord le déplacement du point solsticial à 
un de leurs degrés d'ascension droite en 5o ans ou même en 
^5 ans* : c'était faire la précession beaucoup trop rapide. 
Puis, au v"" siècle, par un excès contraire, ils la firent d'un de 
leurs degrés en loo ans^. Mais, au lieu d'être obtenue par les 
Chinois eux-mêmes, cette évaluation est peut-être, de leur 
part, une reproduction de celle de Ptolémée, adoptée par 
quelques astronomes indiens^, auxquels ils purent l'emprun- 
ter. En passant des Grecs et des^ Indiens aux Chinois, cette 
évaluation trop faible était rendue encore plus défectueuse 
par la différence des degrés chinois, plus petits que les degrés 
grecs et indiens. 

Après l'époque des Han, c'est-à-dire après Tan 2 65 de notre 
ère, voisin de l'époque de Yu-hi et de Kiang-ki, les Chinois 
étaient si peu experts dans les calculs rétrospectifs fondés sur 
la précession , et si dépourvus de témoignages historiques sur 
les positions antiques des points solsticiaux, qu'ils croyaient 
que, du temps d'Yao, le point solsticial d'hiver avait été dans 
la division équatoriale Nu*, dont le commencement était mar 
que par l'étoile e du Verseau'^, tandis que ce point n'arriva 
au second degré de celte division qu'à l'époque de Tcheou- 
kong, postérieur de 12 siècles à Yao^. Plus tard, ils firent 

^ Voyez Gaubil, Tr. de chron. chin. * Voyez Gaubil , dans Sguciet , Ohs. 

p. a58. Comparez Ideler, Zeitr, p. 107. t. II, p. à^. 

* Voyez Gaubil, dans Soucîet, Obs. ^ Voyez M. Biot, Rech, etc. p. 73 el 
l. il, p. i5-i8. Comparez M. Sédillot, 8a, et M. Weber. Ved, Nachr. r. d. Naxa- 
Matériaax, etc. p. 599-600. tra, I, p. 33a. 

* Voyez ci-desKus, ch. vi, $ 5. ^ Voyez M. Biot, Rech. p. ^9. 

Précession des équiooxes. 3$ 



-- 218 — 

des calculs très-divers, mais pourtant géuéralement moins er- 
ronés. «Plusieurs astronomes chinois, dit Gaubil\ en consé- 
« quence de leurs systèmes sur le mouvement propre des fixes, 
M et du temps où ils ont fait vivre Yao, avant l'an aSoo avant 
« J. C, ont dit quau temps dTao le solstice d'hiver était au 
«premier degré de la constellation Hiu, au septième degré, 
«au dernier degré, ou à une autre constellation. Ce qu'ils 
« disent, ajoute Gaubil, est le résultat de leurs calculs, et non 
« d'une observation qu'ils rapportent. » Ce que Gaubil nomme 
la constellation Hiu, c'est la division équaloriale Hiu, commen- 
çant à l'ascension de l'étoile |S du Verseau^. Prenons acte de 
cette déclaration de Gaubil, d'après laquelle, pour les Chi- 
nois, la position du point solsticiai au temps d'Yao n'était 
nullement un fait observé à cette époque reculée et attesté par 
d'antiques témoignages, mais le résultat d'un calcul rétrograde 
fait après le m* siècle de notre ère. 

Les Chinois n'eurent une détermination un peu exacte de 
la vitesse de la précession qu'au xiv*' siècle, c'est-à-dire lorsque 
leur tribunal mathématique était sous la direction d'astro- 
nomes mahométans', et, par conséquent, on ne peut pas en 
faire honneur aux Chinois. 

En un mot, la notion générale du déplacement des points 
équinoxiaux et solsticiaux paraît être venue des Grecs aux Chi- 
nois, par l'intermédiaire des Indiens, au m* siècle de notre 
ère. Les Indiens calculèrent la vitesse de la précession d'après 
les observations grecques. Plus observateurs, mais moins bons 
calculateurs que les Indiens, et gênés par leur coutume d'em- 

• 

' HisL de Vastr. chin. dans les Lettres * Voyez M. Biot, Rech, p. 7a et 7^1 et 

édif. (Paris, 178^, iii-12 ) , t. XXVI, M. Weber, iVaarafra, I. p. 332. 
p. 267. Comparez M. Weber, Naxatra,\, ' Voyez Gaubil, dans Souciet , Ohs, 

p. 289. Voyez aussi Gaubil, dans Sou- t. Il , p. 1 16, et Ideler, Zeiir. p. 107. 
ciet, t. II, p. 61, 81 et 102. 



— 219 — 

ployer les degrés d'ascensioD droite à lexclusion des degrés 
de longitude et par leur ignorance de la trigonométrie, les 
Chinois essayèrent, mais avec bien peu de succès, de mesurer 
la précession d'après les observations qu ils firent eux-mêmes; 
au v^ siècle, ils s'arrêtèrent à une évaluation qui était celle de 
Ptolémée, rendue plus fautive par la petitesse plus grande de 
leurs degrés. 



CONCLUSIONS. 

Résumons en peu de mots les conclusions de cette longue 
histoire de la notion de la précession des équinoxes dans l'an- 
tiquité. 

Ni les Égyptiens, ni les Chaldéens, ni les Perses, ni les 
Grecs avant la fondation d'Alexandrie, ni les Arabes, les In- 
diens et les Chinois, avant d'avoir subi l'influence des Grecs 
alexandrins, n'ont connu le déplacement perpétuel et uni- 
forme des points équinoxiaux par rapport aux étoiles. Cette 
notion, sans laquelle il ne peut pas y avoir une astronomie 
vraiment savante, a été mise au jour pour la première fois et 
démontrée par Hipparque. Les Égyptiens n'ont été pour rien 
dans cette découverte, faite par un Grec et fondée sur des ob- 
servations grecques. Pour découvrir la précession, ce qui a 
manqué aux Égyptiens, de même qu aux autres peuples que 
nous venons de nommer, c'est la réunion de trois conditions 
dont une seule, ou deux, sans la troisième, étaient insuffi- 
santes, savoir: i® la foi à la stabilité des lois de la nature; 
2^ le génie de l'observation exacte et scientifique et de l'induc- 
tion; 3® la science mathématique, pour trouver la formule 

arithmétique et géométrique des faits observés Hipparque, 

28. 



— 220 — 

auteur de la découverte, a réuni ces trois conditions à un de- 
gré plus éminent qu'aucun autre astronome de l'antiquité. 
L'exactitude consciencieuse d'observation ne s'est retrouvée 
au même degré chez aucun de ses successeurs grecs et ro- 
mains, qui n'ont fait faire aucun progrès à la doctrine de la 
précession. Parmi ces astronomes,. beaucoup ont omis cette 
doctrine; d'autres l'ont niée, par respect pour les traditions 
égyptiennes et orientales, qui en supposaient l'absence; 
d'autres l'ont altérée par l'hypothèse de l'oscillation; d'autres 
enfin, comme Ptolémée, l'ont amoindrie et faussée, en pré- 
tendant conclure de l'ensemble des observations et en présen- 
tant comme valeur vraie une valeur qu'Hipparque n'avait in- 
diquée que comme un minimum des évaluations possibles. Les 
astronomes indiens et arabes ont eu le mérite de revenir aux 
données d'Hipparque. Mais les Indiens se sont bornés à y ap- 
pliquer le calcul, non sans y mêler, pour la plupart, l'hypo- 
thèse de l'oscillation; tandis que les astronomes arabes, dont 
quelques-uns aussi se laissèrent séduire par cette vaine hypo- 
thèse de quelques astrologues grecs , ont repris avec succès la 
voie de l'observation scientifique, et ont fait faire ainsi à l'éva- 
luation, de la précession des équinoxes des progrès nouveaux. 
L'astronomie moderne a continué ces progrès, et elle y a joint 
d'une part la découverte de la nutation, d'autre part la défini- 
tion de la nature de la précession et de la nutation, et l'expli- 
cation de la cause mécanique de ces deux mouvements com- 
binés de l'axe terrestre, et du globe terrestre avec son axe, 
par rapport au plan de l'orbite que ce globe çlécrit annuelle- 
ment autour du soleil. 



TABLE DES CHAPITRES. 



Page». 

Introduction l 

Chapitre I*'. — La précession des éqainoxeft, et la difficulté, pour les anciens 

peuples, de la découvrir 6 

Chapitre II. — Les anciens Egyptiens ont ignoré la précession des équinoxes. 1 8 

Chapitre III. — Les Chaldéens et les Perses ont ignoré la précession des 

équinoxes 102 

Chapitre IV. — Histoire des notions que les Grecs ont eues sur la précession 

des équinoxes 1 32 

Chapitre V. — Origine grecque des opinions arabes sur la précession oscil- 
latoire L 46 

Chapitre VI. — Origine grecque des doctrines indiennes sur la précession 

des équinoxes 1 5o 

Chapitre VIL — Origine tardive et probablement grecque et indienne de la 

notion de la précession des équinoxes chez les Chinois 188 

Conclusions 219 



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