U dVof OTTAWA
3900300268B512
^'
<^
L\
«^'V
^
'^_^w4'4--»^
BIBUOTHECÂ /]
SUR LES
ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Dl RHIiV ET Dl UmU.
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/mmoiresurles02ring
MÉMdlKE
ÉTAIJIJSSEMB^TS
ROMAINS
Dl) RHIN ET ni DAMJBE,
PRINCIPALEIWKJNT
DANS LE SUD-OUEST DE L'ALLEMAGNE,
MAXIMILIEN DE RiNG,
chevalier du Lion-Je-ZieliiiiijjiMi , luciiilne Je plusieurs sociétés sa\aiiles, cuiiespoiiiianl <l(i miaistère
de l'iiislriicllon publique piiur les sciences hist<iri<|iies.
«=»•«»-
TOME II.
PARIS,
CHEZ A. LELELX , ÉDITEUR DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUE
RLE DES POITEVINS, II.
TREUTTELET WÙRTZ, LIBRAIRES, RUE DE LILLE, 19.
STRASBOURG,
iMÊME MAISO> , GRAND'RI'E, 15.
1853,
DO
SI
STRASnOt'RG. IMiMUMUniK ni-: li. SII.ni':RMA>>.
MÉMOIRE
SUR LES
ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Dl RHL\ ET DU DAMBE,
PRINCIPALEMENT
DANS LE SUD-OUEST DE L'ALLEMAGNE.
DEUXIEME PARTIE.
Ri'ABLlSSEMEMS ROMAliNS SUR LE UIIIN.
§3.
ÉTABLISSEMENTS DE LA llIVE GAUCHE DU RHIN.
La première forteresse que Rome bâtit au nord sur
le Rhin, fut, comme nous l'avons dit, celle de Vê-
lera, près des ruines de laquelle s'étend aujourd'hui,
d'un côté la petite ville de Xanten, de l'autre, le ha-
meau de Rirten. Ce fut Auguste qui , en 737 de Rome,
fonda cet établissement, lorsque, appelé dans la Ger-
manie inférieure par l'importance des événements,
et surtout par la défaite de Lollius, il mit ce fleuve
H. »
2 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
en étal de défense contre les irruptions des peuples
germains.
Sur la colline qui domine le sud-est de la ville, et
dont le Rhin, qui aujourd'hui circule à quelque dis-
tance, baignait alors le pied', se développe au regard
une vue lointaine dans toutes les directions; l'on y
domine, comme d'un vaste belvédère, toute la con-
trée opposée du fleuve, dont ce fort était surtout
destiné à proléger le passage. H s'élevait, comme
l'écrit Tacite, qui sans doute en parle en témoin ocu-
laire, du pied du Rhin, qui touchait ses remparts,
jusque sur le sommet du plateau, où quelques ves-
tiges de ses fortifications antiques se montrent en-
core.
Les habitants se servent encore aujourd'hui du
puits profond, revêtu de pierres de tuf, qui fournissait
l'eau potable à la forteresse.
D'après ces faibles restes et l'emplacement connu
de deux tours fortes qui restèrent intactes jusqu'en
1670, époque où elles furent démolies, il est permis
déjuger de toute l'étendue de 1 immense carré que
formait le mur d'enceinte du camp , qui répond, en
efi'et, sur le terrain à la description qu'en a faite
Tacite, et où se trouvaient des casernes et des ma-
gasins assez considérables pour loger et nourrir deux
légions et , par conséquent , une garnison de douze
mille hommes.
Par la suite s'établirent tout autour une foule d'ou-
* Voy. dans Houben , Denkmdler von Castra Vetera , le plan du lieu
antique.
DU RHIN ET DU DANUBE. 3
vriers, de marchands^ d'autres particuliers et d'agri-
culteurs, dont le nombre, peu à peu s'augmentant,
finit par former une commune que le même Tacite
compare à un municipe. Des temples s'y élevèrent,
et plus d'un autel, dédié au dieu Mars, à Jupiter', à
Mercure, à la Fortune^au dieu Silvain^et à d'autres
1 i. 0. m. conser
vatorI. terti
nivs. vitalis
MILES. LEG. XXX. V. V. S. A
I LIB. PRAEF. PRO. SE
ET. SVIS. V. S. L. M.
VI. KAL. MAIAS.
LVPO ET M . . . IMO COS.
Jovi optimo îlaxitno, Conservatori, Tertinius Vitalis, miles legionis
Iricesimœ, ulpiœ, victricis , severianœ , alexandrinœ , librarius Prœ-
fecti , pro se et suis votum solvit lubcns merito, sextum kalendas Maias,
Lupo et Maximo Consulibus. (An de Jésus-Christ 232.)
2 FORTVNAE
SACRYM.
. SEXTILIVS
. EPIDYS. YET
. EG. XXX. V. V.
. RO. SE. eT. SYIS
V. S. L. L. M.
Fortunée sacrum {.} Sextilius (Vepidus, veteranus [l]e(jionis trice ■
simœ, ulpiœ, victricis , (p)ro se et suis votum solvit lœtus lubcns mé-
rita.
3 DEO SILYAXO
CESSORIXIYS
AMMAYSIYS
YRSARIYS LEG
XXX Y Y S A Y S. L. M.
Deo Silvano Cessorinius Ammausius Ursarius , letjionis tricesima
severianœ, alexandrinœ , etc.
II. '•
4 ÉTABLISSEMENTS KOMAINS
divinités', est venu attester le culte antique de ces
» ALA EIVl
AE. EX
IVSSV I ////
DIVO. S
MEDICY
Alaleiviw , ex jussu ipsius , Divo Medicus.
ÎSe serait-ce pas une corruption d'I^^lXciôoia {Iliihya), nom que
Diane , ainsi que nous l'avons dit plus avant , portait comme déesse
des accouchements , et à laquelle le médecin Divo, d'origine gauloise,
sacrifia; ou bien Alateivia serait elle une divinité celtique ou ger-
maine, la même peut-être qu'Alaiervia, une des matrones dont le
culte fut aussi en honneur sur le Rhin? C'est une question que je ne
prétends point résoudre.
DEAE
HLVDAÎSAE
SACRVM
C. TIBERIVS
\ER\S
Hludana est la même déesse que l'Herta ou l'Edda des peuples du
Nord. Voy. à ce sujet, De Hludana dea , dans les Exercit. ad. Germ.
sacr. Gentil.; Mûnter, Geschichte der Einfuhrung des Christenthums in
Danemark , p. 31, et sutout l'écrit que le D"" Tholacius , de Copenhague ,
a publié sur cette divinité.
MATRIBVS
TREVERIS
T. PATERNIVS
PERPETVVS
CORNICVLAR
LEO. LEO.
XXX. VV. L. M.
Malribus Treveris , T. Patrrnius Perpetuus . rornicularins legio-
DU RHIN ET DU DANUBE. 5
habitanls avant que le christianisme ne l'eût ren-
versé.
C'est de ce lieu, justement célèbre clans l'anti-
quité par les divers événements politiques qui se
passèrent sous ses remparts, que Germanicus, la
quatorzième année de l'ère chrétienne, fit traverser
le Rhin aux légions qu'il venait de faire rentrer dans
le devoir; parcourant avec elles la Germanie, il vengea
la défaite de Varus par le massacre des Marses. Ce fut
alors aussi que, pour cette expédition , il fit cons-
truire sur le fleuve un pont de pilotis. On peut en-
core très-bien distinguer, au bas de la montagne,
l'ancien lit que le Rhin remplissait seul du temps des
Romains , avant celui qu'il se creusa depuis, au moyen
âge , et qu'une partie du fleuve parcourt même au-
jourd'hui.
Souvent dans les basses eaux s'aperçoivent les
restes des palées de ce pont et les vestiges du port,
où l'histoire nous apprend que Drusus réunit la flotte
qui fut en partie construite sur les chantiers de cette
forteresse, et qui, par le canal qui fut alors creusé^
fut portée dans l'Océan jusqu'à l'embouchure de
lEms.
Ce canal, selon l'opinion la plus généralement re-
narius leg^ionis tricesimœ , ulpiœ , victricis , Ubenter merito voluin
solvit.
On appelait Corniculaires les soldats qui, pour récompense de leur
valeur ou de leur bonne conduite, recevaient du général en chef le
Corniculum , espèce d'ornement en forme de corne, qui s'adaptait au
casque. Voy. Tit. Liv., 1. x , c. i4. Ils étaient , en cette qualité , presque
toujours attachés à un officier supérieur. Voy. Suét.,. in Domit., 17.
6 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
çiie, serait cette partie de l'Yssel qui d'Ysselort s'é-
tend jusqu'à Doesbourg.
Cependant, si l'on considère que cette rivière, du
temps des Romains, ne se jetait point dans le Zuyder-
sée, mais qu'elle allait en ligne droite aboutir à la
mer du Nord, en traversant le pays des Frisons;
que, d'ailleurs, l'histoire ne la cite jamais, et que
nul vestige d'établissements romains ne se montre
sur ses rives, on est porté au doute, et il est plus
naturel de penser que les traces de ce canal ont été
perdues et que la majeure partie de son cours a été
engloutie par le Zuydersée. Ce golfe, à l'époque ro-
maine, connu sous le nom de lac Flevo, était d'une
bien minime étendue, comparativement à celle qu'il
atteignit au treizième siècle, lorsque la mer en-
gloutit les terres basses sur lesquelles elle creusa son
bassin.
Quoi qu'il en soit, cette communication directe
avec la mer du Nord devait donner une importance
d'autant plus grande h Vetera que c'était la princi-
pale place de guerre de toute la Germanie inférieure,
et qu'elle ne descendit au second rang que lorsque
la cité des Ubiens eut reçu une colonie. Vetera fut,
comme nous l'avons vu dans la partie historique de
cet écrit, le théâtre des événements les plus impor-
tants pendant la guerre de Civilis, époque après la-
quelle son nom disparaît de l'histoire; il n'est plus
cité alors que par le géographe Ptolémée, par V Itiné-
raire d'Anlonin et par la Table de Théodose.
Cependant tout porte h croire qu'il se releva alors
de ses ruines.
DU RHIN ET DU DANUBE. 7
A l'époque où Varus était venu prendre le coni-
mandeinent de la Germanie, la dix-huitième et la
dix-neuvième légion formaient la garnison de Vê-
lera.
Ce fut avec ces troupes auxquelles il adjoignit la dix-
septième légion, qui était dispersée dans le château
d'Alison et dans les autres camps retranchés de la
rive droite du Rhin, qu'il entreprit sa malheureuse
expédition.
Parmi les monuments funéraires trouvés à Ve-
tera, il en est un surtout d intéressant en ce qu'il
rappelle cette catastrophe. C'est le cénotaphe d'un
légat de la dix-huitième légion, tombé sous les coups
des Germains, dans la malheureuse campagne de
Varus, et à qui ses fidèles affranchis élevèrent ce
mausolée \
M. CAELIVS
M. CAELIVS
M. L.
M. L.
PRIVATVS.
THIAMINVS
M. CAEL'OT. F. L^M. BoN ////
irO. LEG. XIIX. A\\. LUI . s
////CIDIT. BELLO VARIANO. OSSA
////NFERRE. LICEBIT. P. CAELiYS. T. F.
LEM////FRATER. FECIT.
M.Cœlius, M. libertits, Privalus, M. Cœlius. il. Ubertus ^ Tliiaminus ,
M. Cœlio , T. Filio, Lemonio , Bononia, legato legionis decimce octavœ,
annorum quinquaginta trium semis; Cecidit bello Variano. Ossa in-
ferre licebit P. Cœlius, T. filius, Lemonio , f rater, fecit.
Voy. Taschenmacher , Annales Cliviœ, p. 48; Dorow, Denkmale
germanischer und rômisclier Zeit , p. 64, pi. \xi; Fiedler, Romische
Denkmàler der Gegend von Xanten und Wesel , p. 230 0"., etc.
8 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
A la mort d'Auguste, la cinquième^ et la vingt et
unième légion^ tenaient garnison dans ces murs.
Pendant la guerre des Bataves ce furent la cinquième
etla quatorzième, sous le commandement de Mumius
Lupercus et de Numisius Rufus.
Du reste, la première ^ la sixième ^ la huitième ^
la dixième^, la quinzième ^ la vingt-deuxième^ et la
trentième légion ^ ont aussi laissé des souvenirs ,
1 LEG V. R. - LEG. V. SATRI. - LEG. V. A.
2
LA
FILIVS. H
L. VeTtIvS. L. F. VOL
REGIMS. AQVILIF
LEG. XXL NEPOTI SVO
PRO pIetate. SVA
F. C.
"* L. L M. (Legio prima, Minervia^,
* LEG. VL VICTR. P. F. [Legio sexta victrijc , pia , fidclis]
^ LEG. AVG. [Legio Augusta.)
® LEG. X. G. {Legio décima , germanica.)
' LEG. XV. [Legio quindecima.)
^ LEG. XXIL PRL P. F. [Legio vicesima secunda, primigenia, pia.
fidelis.)
^ C'est celle qui a laissé le plus d'inscripiions. Tantôt elle porte l'é-
pithète CCVlpia victrix. (LEG. V V.), tantôt celle de SEVERIAÎNA ,
ALEXANDRIhw, pia, fidelis, en reconnaissance de sa réorganisation
DU RHIN ET DU DANUBE. 9
soit dans les inscriptions de ce lieu, soit dans celles
de la colonie de Trajan, qui, sous le règne de ce
prince, fut fondée à une faible distance de ce
camp.
Nous en trouvons aussi d'une légion cis et transrhé-
nane \ d'une cohorte maurilane^, de vexillaires^,
d'une cohorte de Breuciens , peuple de Panno-
nie\ de la première aile de cavalerie du Norique^,
sous Alexandre Sévère, et de l'attachement qu'elle portait à cet em-
pereur.
Voy., pour ces diverses inscriptions , Lerscli, Centralmuseuvirhein-
làndischer Inschriften. 2'- cahier. Die romischen Inscliriften in Xanten,
erklàrt von Prof. Franz Fiedler. AVesel 1839. in-4-', etc.
< . . . . CISRHENANA ... — ... TRANSRHENANA . . .
2 . . . . MAYR.
3 . . . . VEX.
* . . . . COH. BREVCORVM.
MACRLNVS. SVR
CONIS. F. BREVCV
MIL. EX. COH. YÎn
BREVC. AxNN. XXXV.
STIP. XII. II. S. E.
^ C. IVLIO. ADARI. F
PrKiO. TRE^'ERO
EQ. ALJE >ORIC.
STATORI. AN. XXVII.
STIP. VU. H. A. S. F. C.
Cajo Julio, Adari filio , Primo, Trevero , equiti alœ Noricœ, stator i .
annorum XXVII, stipendiorum VII, hœres cere suo faciendinn cm-
ravit.
10 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et enfin quelques-unes de loule l'arme'e de Germa-
nie'.
La colonie de Trajan ne nous est connue que par
la mention qu'en font la Table de Théodose et Vlli-
néraire d'Antonin^,
Aucun des historiens n'en parle; mais tous té-
moignent des soins que ce grand prince prit de
fonder des villes dans tout son empire, de cons-
truire et de rétablir des routes, de créer une foule
de monuments d'utilité publique. Pendant six ans il
resta à Cologne comme gouverneur de la Basse-Ger-
manie.
Après qu'il fut monté sur le trône, les provinces
rhénanes furent toujours l'objet particulier de son
attention. Ce dut être alors vraisemblablement qu'il
fonda cette colonie, à l'occasion, peut-être, de la
réorganisation de la trentième légion, qui» comme
nous l'atteste Dion Cassius, reçut de cet empereur
le nom d'Ulpia et de Viclrix, et qui, après avoir
laissé quelques inscriptions sur le Mein^ reçut pour
garnison Vetera.
Selon toute probabilité, c'était dans la plaine qui
s'étend au nord de Xanten, et dont le sol, à quatre
et à huit pieds de profondeur, présente partout les
fondements d'anciennes bâtisses romaines, que la
^ EX. GERM. (Exercitus germanicus.)
2 La première cite de Yetera à Colonia Trajana, XL. M. Celle dis-
lance est fausse, non moins que celle de XL M., qu'on a voulu lui subs-
tituer. Vliinéraire marque simplement M. P., ce qui est, en effel.
exact.
•' Vov. t. 1 de ce Mémoire , p. 309.
DU RHIN ET DU DANUBE. 1 1
ville s'élevait. Plusieurs de ces décombres et de ces
ruines attestent une construction colossale. Plusieurs
aussi montrent encore aux regards les traces du feu
qui les anéantit. Rien dans l'histoire ne nous per-
met de préciser le temps où cette catastrophe eut
lieu.
Les nombreuses tombes romaines , ouvertes dans
les environs de Xanten, sont toutes de l'époque
d'Auguste, de Drusus, de Germanicus, de Claude,
de Caligula, de Néron, de celle des empereurs de la
famille Flavienne, et de celle des Antonins'.
Les temps qui suivirent cette dernière période
semblent avoir été moins florissants pour ces lieux
qui, toujours les premiers exposés aux déprédations
des Francs, dans les nombreuses irruptions que ces
peuples firent dans la Gaule, finirent sans doute par
être enfin anéantis par eux, lorsqu'au quatrième
siècle ils se répandirent sur tout le Rhin et s'empa-
rèrent même de Cologne.
Julien cependant semble avoir relevé ces murailles,
lorsqu'en360, après avoir chassé les Francs, il ré-
tablit, selon le témoignage d'Ammien Marcellin^, les
sept villes de Castra Herculis, nuiourd'hui Malbourg;
de Quadr ibur gium , Qusdbouvg , situé près de Calcar;
de TricesimcBy ou du camp de la trentième légion,
qui ne peut être autre que Vetera ou la colonie Tra-
jane, et de Novesium, Bonna, Anlunnacum et Bingio,
Neuss, Bonn, Andernach et Bingen. Lui-même passa
' Voy. Houben , Denkmuler von Vêlera , p. 33 cl sv
" L. xviii, c. 2.
12 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
le fleuve à Tricesimae, pour châtier les Attuares,
peuple qui faisait partie de la coalition franque.
Depuis cette époque le nom de ce lieu disparut
dans les annales de l'antiquité.
Sur les ruines de Vetera, de la colonie de Trajan,
et du fort de Julien, s'éleva, sous la domination des
Francs, quand enfin les légions furent obligées de
quitter les rives du Rhin, la petite ville de Xanten,
où le poëme des Nibelungen, cette épopée dont
l'action nous reporte au cinquième siècle, place le
palais de Sigismund et de son épouse Siegelinde,qui
donnèrent naissance à Siegfried, le héros principal
du poëme.
Une suite de douze cents monnaies d'or romaines,
depuis Auguste jusqu'à Arcade et Honorius, furent
trouvées au bas de la colline qui soutenait Vê-
lerai
Ces monnaies semblent attester une époque oii
l'aigle enfin recula, et où, dans la précipitation de
la retraite , ce trésor fut enfoui.
Les Francs qui s'établirent sur le Rhin, et dont
les rois firent de ce lieu leur résidence, prirent
le nom de Ripuaires, c'est-à-dire de riverains du
grand fleuve, pour se distinguer des tribus franques
qui habitaient les bords de l'Yssel et de lEscaut,
connues sous le nom de Saliens.
Ce fut du séjour de ces rois Francs sur les ruines
de la colonie Trajane, dont le nom, par corruption,
fut changé en celui de Troja, que s'établit la singu-
' Houben, oiivr. ciié, \>. 7.
DU RHIN ET DU DANUBE. 13
lière opinion, que ces peuples qui avaient inondé la
Gaule descendaient des ïroyens; origine que tous
les chroniqueurs des Pays-Bas et de France, l'abbé
Tritbème, et, après lui, Guagin et Paul -Emile, se
sont^ au moyen âge, efforcés de prouver. Plus tard,
les documents de celle ville la citent sous le nom de
Troja sancta\ de Troja sanctorum, de Troja Fran-
corurn ou Minor, qui avec le temps s'est changé en
celui de Sancten et Xanlen, qu'elle porte seule en-
core aujourd hui.
Du reste, déjà du temps de l'occupation romaine,
une fable populaire que la plume de Tacite ne dé-
daigna pas de nous transmettre'^, avait mentionné
le voyage d'Ulysse sur les bords du Rhin, tradition
qui, pour l'époque où elle fut reçue, n'était pas moins
extraordinaire que celle de l'origine de ces rois Francs
établis dans l'ancienne colonie romaine devenue
Troja, et dont on avait fini par oublier le fondateur ^
' On trouve même ceUe dénomination sur une monnaie d'argent
du onzième siècle, et sur une de cuivre de 1457. La première, battue
sous Herraann, évéque de Cologne, représente l'église de Xanten
avec la légende SCA. TROIA. [Sancta Troja] ; l'autre, battue sous Jean,
duc de Clèves, représente, d'un côté, la figure du prince avec la lé-
gende lOHÂNNES. TROIANORVM. REX, et, sur le revers, les armes
de la ville avec la légende MONETA NOVA TROI XNORIS {ifoneta
nova Trojœ minoris\
2 Ceterum et Vtixem quidam opinantur longo illo et fubuloso errore
in hune Oceanum delatum adisse Germaniœ terras, Âsciburgiumque ,
quod in ripa Rheni situtn hodieque incolitur ab illo constitiitum, nomi-
natumque , etc.
3 Cette fable n'a pas plus de fondement que n'en ont les autres tradi-
tions mythiques et héroïques, auxquelles donnèrent Heu dans la Gaule
les plus anciennes colonies grecques, tellesque les voyages qu'Hercule fil
14 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Nul lieu, sur tout le Rhin, n'a peut-être offert un
plus grand nombre d'objets d'art de l'époque ro-
maine.
Bijoux, camées, figurines de bronze, lacryma-
toires, vases cinéraires, tronçons d'armes et autres
antiquités ornent le musée de celte ville, qui eût pu
être d'une richesse immense, si tout ce que son sol
en a livré depuis des siècles eût été conservé.
Entre Birten et Grûnlhal se montrent encore quel-
ques restes de l'antique route militaire qui reliait
Vetera à la colonie d'Agrippine. Cette roule allait au
nord joindre les divers camps et les cités de la Ba-
lavie, tandis qu'un autre embranchement relia t au
Rhin les établissements de la Niers ou Nira, et au
delà de cette rivière ceux de la Meuse. Un fragment
de cette route s'est encore conservé intact près de
Pont, sous le nom de HochstrasseK
Vllinéraire d'Antonin conduit, au sortir de la co-
lonie Trajane, à Burginalium, et de là à Arenatio,
à Carvone, à Mannaritium, etc., jusqu'au Lugdunum
Bataviae, qui est le moderne Leyde.
Burginatium était un camp placé entre Kehrum
et Calcar, au pied du Mouterberg; il servait de ré-
dans ceUe contrée , plus de 2000 ans avant Jésus-Christ ; le combat de
ce dieu contre Albion et Bergion , fils de Neptune ; la fondation qu'on
lui attribuait d'Héraclée , à l'embouchure du Rhône , et celle de Ne-
mausus ou Nismes, que Parthenius de Phocée, cité par Etienne de
Byzance, attribuait aussi à Nemosus, un des descendants de ce
dieu.
^ Voy. Schmidt, Untersuchungen iibcr die Romerstrassen in den
Bhein- und Moselgegenden. Berlin 18/53.
DU RHIN ET DU DANUBE. 1 5
sidence à l'aile de cavalerie du Norique, qui a aussi
laissé, comme nous l'avons vu, quelques inscriptions
à Vetera.
Arenalium dut être placé près de Qualbourg, dans
les environs de Clèves, lieu où beaucoup d'antiquités
ont été trouvées , et qui lui-même paraît avoir été
le prétoire des différents camps fortifiés qui proté-
geaient cette partie des frontières romaines entre le
Rhin et la* Meuse.
On en attribue la première fondation à Jules-Cé-
sar; il est plus probable que ce fut sous le règne
d'Auguste que furent élevées les tours qui couron-
naient le Schlossberg, sur la pente des collines.
Ces fortifications durent être imposantes, alors que
Berg-und-Thal, que Donsbrug, que Bedbourg, trois
autres lieux où Rome a laissé des souvenirs de son
pouvoir, soutenaient par leurs castels les abords de
la forteresse.
Nous trouvons établi à Clèves le culte de Jupiter*
et de Mercure^, et dans ses environs des autels furent
« I. 0. M.
T. GRANIVS.
VICTOR!
NVS.
OPTIO. V. S.
L. M.
2 MERCVRI
0. M. C. P.
V. S. L. M.
1 6 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
élevés à Junon, à Minerve* et à Martia^ nom sous
lequel sans doute Bellone fut invoquée.
Dans la direction de Cologne, Vilinéraire ne cite,
une fois, entre les deux grandes colonies de Trajan
et d'Agrippine, que les deux établissements de Calone
et de Novesium, et une autre fois il fait mention entre
ces deuxvilles de Calone, de Gelduba, de Novesium,
de Buruncum et de Durnomagus ; ce qui permettrait
de présumer qu'il dut exister deux embranchements
de routes, dont lune allait en ligne directe, et dont
l'autre suivait, en remontant, les sinuosités du Rhin^.
Vilinéraire compte de Vetera à Novesium trente-six
milles, et de là à Cologne seize lieues gauloises, qui
font aussi vingt-quatre milles. La distance totale est
< I. 0. M. IVNONI. REGESE.
MINERVAE. T. QYARTIM
VS. SATVR?sALIS. SIGNI
FER. LEO. XXX. V. V. PRO. SE
ET. SVIS. V. S. L. M.
MPD>GORDIA>0 ET. AVIOLACoSKAL I.
Monumentum positum, domino nostro Gordiano et Aviola consu-
libus, Kalendas Julias. (An 239 de Jésus-Christ.)
a MARTIAE.
SACRVM
LEG. EX
V'SV
T. G. L. F
V. S. L. L. M.
3 Itin. Atilon., \^. 255 el 370.
DU llHiN ET DU DANUBE. * 17
donc de soixante milles, que Tacite mentionne aussi
dans ses Annales * , et qui est , en effet, exacte, puis-
que cinq milles romains répondent à un mille
d'Allemagne.
Comme le même Itinéraire compte, sur la première
desdeuxroutes,dix-huitmillesdeVetera àCalone "^^ et
dix-huit autres deCalone à Novesium, il faut nécessai-
rement, puisque, comme nous venons de le dire, ladis-
lance totale eslexacte, placer l'établissement deCalone
entre la hauteur de Meurs et de Crefeld, deux lieux
dans les environs desquels plusieurs inscriptions ont
prouvé la présence des Romains. Calone aurait donc
été probablement placé sur le sol que recouvre au-
jourd'hui le village de Kalenhousen, qui a en partie
conservé le nom antique, quoique toute trace ro-
maine ait disparu.
En sortant de Vetera, nous visitons sur le Rhin la
petite ville de Budeiich, qui, par elle-même, n'est
pas d'un intérêt majeur, puisque aucun fait historique
ne s'y rattache , mais qui cependant mérite notre at-
tention parce qu'elle me semble être l'antique Budoris,
dont parle le géographe Ptolémée, et dont on a en vain
cherché la position dans le sud-ouest de l'Allemagne.
Les uns ont cité sous ce nom la ville de Duilach ,
au pied de l'Abnoba, d autres celle d Heidelberg^
sur les bords du Necker, et d'autres encore celle de
Dùsseldorf, sur la rive droite du Rhin.
• Tacite, Annal., i, 15.
- Cité, à celte occasion, aussi sous les noms de Colone, de Callone
et de Coloniœ, dans les ditTôrenls manuscrits qui nous restent de Ylti-
neVajre. Comp. les édit. deWessf liug et de G. t^aiiliey et M. Pinder.
n.
1 8 * ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Ces opinions conliaires, toutes erronées, du reste,
viennent du respect trop aveugle que les différenls
écrivains qui les ont émises ont porté à l'autorité
du philosophe d'Alexandrie, et à la différence des
degrés qui sont marqués sur les diverses éditions
qu'ils ont consultées. Car on sait que les unes portent
pour latitude de Budoris le 49® degré , tandis que
les autres, sur la rectification d Érasme, portent
le51^
On ne peut donc s'en rapporter exactement à leur
calcul.
Abstraction faite de celte difficulté, Ptolémée place
Budoris au sud du château d'Alison, qui, comme
nous l'avons vu dans le chapitre précédent, doit
avoir été élevé à la jonction de l'Aime, l'antique Alise,
et de la Lippe. Or, c'est aussi un peu au sud de l'em-
bouchure de cette dernière rivière que s'étend le
bourg de Buderich, dont le nom est incontestable-
ment la continuation du nom antique de Budoris, et
011 la présence du Romain nous est attestée par une
inscription que son sol a livrée ^ Il est donc hors de
doute, ou qu'il y eut deux endroits qui portèrent ce
nom, l'un sur la rive gauche, l'autre sur la rive
1 I. 0. M.
CL. NERO.
L. M. s.
L. (î) M. 6
Jovi optimo ilaximo , Claudius S'ero Uhero mente {votum) solvit
hibens merito.
Voy. Fiedler, p. 146; Dorow, p. 100; Steiner, p. 622; Lorsoh ,
p. 9, 2" cah.
DU RHIN ET DU DANUBE. 19
droite du Rhin, ou que le fleuve, en changeant son
cours^ a jeté sur sa rive gauche ce lieu qui autrefois
était sur sa rive droite , ou qu il y a erreur dans le
texte de Ptolémée.
Après Budoris nous atteignons Asciburgium, an-
cien camp romain, placé sur la hauteur d'Asbourg,
et qui est à la fois cité par la carte routière de Théo-
dose et par Tacite, qui, non -seulement en parle
comme d'un lieu dont la tradition germanique attri-
buait l'origine au voyage fabuleux d'Ulysse sur le
Rhin, mais encore en fait mention en décrivant les
événements de la guerre de Civilis. Il servait alors
de garnison à une aile de cavalerie, qui fut défaite
parles cohortes de ce général, pendant leur marche
sur Gelduba\
Ptolémée parle aussi d'Ascibourg qu il place vers
la même latitude sur la rive droite du Rhin. Y a-t-il
encore erreur dans le texte de ce géographe^ ou le
Rhin ici a-t-il aussi changé de cours? C'est ce qu'il ne
nous est pas permis de préciser.
Quant au castrum de Gelduba, il était de même,
d'après le témoignage de Pline, posé sur les bords
du Rhin'\ où son nom s'est perpétué dans celui du
village de Gelb ou Gellep, bâti près des ruines de l'an-
tique castel.
Entre ce fort et Neuss était situé Buruncum, sur
1 Rapiunt in transitu Hiberna alœ , Asciburgii sita. Tacite, Hist.,
l. IV, c. 23.
-Gelduba castellum Rlieno impositum. Pliue , Hist. nal., 1. \IX ,
c. io.
II. ''
20 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
l'emplacement de Burich , lieu que V Itinéraire d'An-
tonin place à torl entre cette ville et Dormagen. Les
deux villages de Nieder et d'Ober-Cassel, dont les
tours se reflètent dans le Rhin, se sont comme lui
élevés sur les ruines d'antiques castels romains.
Neuss (ou \mjs) est le Novesium des deux cartes
routières. Il est cité par Tacite et par Ammien; par
l'un, en décrivant la guerre de Civilis, par l'autre,
en mentionnant les campagnes de Julien qui , comme
nous l'avons dit, rétablit les fortifications de cette
ville. Des monnaies romaines et diverses antiquités
ont été retirées de son sol; parmi ces dernières
se trouve une statuette de bronze, surtout remar-
quable par l'inscription qu'elle porte, dédiée à Mi-
thra, dont le culte était très-répandu sur cette partie
du Rhin^ La sixième'^ et la seizième^ légion y ont
aussi laissé des souvenirs.
1 La voici :
DEOLNVtO
MITHIR
SECVNDENTS
DAT.
La statuette représente un jeune homme tenant un bouclier avec un
serpent. C'est sur le bouclier que l'inscription est gravée.
^ IVL. MACRO L. VI. VICTRIX.
VET. LEO. \T. Vie
P. F.
LEG. XVI.
(Sur une brique.)
DU RHIN ET DU DANUBE. 21
La route romaine allait directement de cette ville
à Durnomagus, laissant à gauche sur les bords du
fleuve Sontium \ qui n'est cité que par Tacite.
Durnomagus est le moderne Dormagen.
La vingt- deuxième légion^ et l'aile de cavalerie
du Norique, ainsi que la légion transrhénane ^ que
nous avons signalée à Vetéra, ont stationné en ce
lieu, où, comme à Neuss, nous trouvons plusieurs
inscriptions en l'honneur du soleil invincible Mi-
Ihra*.
' Aujourd'hui Zons.
2 IIXXII PRPF.
3 . . . TRANSRtENANA. — . . . NSRtENANA
* DEO. SOLI I. M. P. S. ISVRA////S
DVt>///4LE. NORICORVM.
Deo Soli invicto Mithrœ^pro salute Imperii, Suranus duplaris alœ
Noricorum.
Les duplares milites étaient les soldats qui avaient double paie.
D. S. I. IMP. C. AMANDINIVS
VERVS. BVC. V. S. L. L. M.
Deo Soliinvicto, Imperii conservatori, Caius Amandinius Verus, bue.
cinator, votum solvit lœtus lubens merito.
Ces deux pierres, ainsi qu'une troisième, furent trouvées, en 1821 ,
dans les débris d'une vieille bâtisse romaine, sur une voûte que le ha-
sard fit heurter. Le mythe de Mithra y était représenté. Les parois du
lieu conservaient encore leur poli , et l'on put très-bien reconnaître les
traces de la couleur rouge et verte dont elles avaient été badigeonnées.
Près de ces trois pierres se trouvaient douze boules en tuf, depuis la
grosseur d'une tête humaine jusqu'à celle d'une bille; douze monnaies
d'argent et de cuivre aux types de Nerva, de Trajan, d'Antonin-
le-Pieux et de Vespasien , et neuf lampes , dont une de bronze et huit
d'argile.
22 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Plus rapproché de Cologne s'étend le bourg de
Woringen, célèbre par la victoire que le duc de
Brabant, Jean-le-Victorieux , y remporta, le 5 juin
1288, sur l'archevêque Siegfried et ses alliés ^ Wesse-
ling, d'après Crombach, et, après lui, Huepsch et
Steiner, nous ont conservé une inscription très-in-
téressante de cet endroit; elle prouve d'une manière
certaine l'emplacement du bourg moderne sur le
bourg antique de Segorigium^ dont il retient en partie
le nom ^. La pierre qui nous transmet ce fait fut élevée
à la reine des dieux par les habitants de cette bour-
gade. Un autre autel, posé pour le salut d'un empereur
de la famille Antonine, y fut aussi dressé à Jupiter très-
bon et très-puissant. Nous trouvons en ce lieu une
aile de cavalerie du surnom à'Indiane^, cavalerie
' J'ai décrit cette bataille dans mon Essai historique sur Jean-le-
Victorieux , inséré dans le Messager des sciences historiques de Belgique ,
année 1^49, p. 465 et sv., et 1850, p. 35 et sv.
2 IN. H. D. D
DEAE REGIN
VICANI SE
GORIGIENSES.
Voy. Wesseling, p. 372; Huepsch, 36, 6; Steiner, 703.
.3 ALBAMO. VITALI
EQ. ALAE. IN)IAÎsAE
TXK. BARBI. CIVI
TRE\T:R0. ANXXXStPX
H. EX. T. F. G.
Albanio Yitali, equiti Alœ Indianœ, turma Barbi, civi Trevero, anno-
rum triginta , stipendiorum decem , hères ex testamento faciendum cu-
ravit.
Voy. Galonius, De magnit. Colon., p. 198.
DU RHIN ET DU DANUBE. 23
espagnole, que le roi Indo^ conduisit au secours de
César contre Pompée, et qui probablement continua
de servir dans les armées romaines en retenant le
nom du souverain dont elle rappelait les services.
Vis-à-vis l'embouchure de la Wipper s'élevaient
deux autres castels, sur l'emplacement desquels re-
posent les deux village et hameau de Rhein-Cassel
et de Casselberg. Nous avons du premier une inscrip-
tion qu'un bénéficiaire du préfet du prétoire (sans
doute du prétoire des Gaules) fit graver sur la tombe
d'un de ses collègues, bénéficiaire du commandant
de la seconde légion, du surnom de Parthique'^.
Cologne était, comme nous l'avons dit, le chef-
lieu de toute la province de Germanie inférieure ou
seconde.
Ce fut l'an de Rome 716, et trente-huit ans avant
l'ère chrétienne, que les Ubiens, reçus comme alliés
du peuple romain , commencèrent à bâtir cette ville
qui devint leur métropole. Dans ces murailles naquit
Agrippine, fille de Germanicus, que l'empereur Claude
' Voy. Oudendorp, llist. bell. Hisp., c. 10.
i
10. VICTORl
CIPIS. LEG. II. PARTHIC ....
EVERVS. BF. PREF. PRET . . .
J'ai eu occasion de citer à Canstadt, t. i, p. 248 , des inscriptions
dues à des bénéficiaires de consuls. Les bénéficiaires des préfets et des
légats jouissaient des mêmes prérogatives. Paulus , dans Festus , s'ex-
prime ainsi à leur égard : Beneficiarii diceOantur milites qui vacabant
muneris beneficio. J'ai dit, d'après Vegetius, 1. il, c. 7, en quoi con-
sistaient leurs prérogatives.
24 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
épousa, et dont cette cité prit le nom, lorsque Rome,
pour mieux assurer son pouvoir sur le Rhin, y éta-
blit une colonie de vétérans.
Ce fut l'an de Rome 803 que cette colonie fut fon-
dée. Elle reçut, comuie Lyon, le droit italique \ et
devint la résidence du légat impérial, qui jusqu'alors
avait demeuré à Vetera.
Sous l'influence des institutions romaines, cette
ville acquit une grande importance. Elle joua surtout
un rôle historique dans les guerres civiles qui trou-
blèrent le Rhin, lorsque, après la mort de Vitellius ,
qui avait été salué empereur, les chefs gaulois et
belges s'y conjurèrent contre Rome. Ce fut aussi
dans ses murs que Trajan fut proclamé Auguste
après la mort de Nerva, qui déjà l'avait, avec le titre
de césar, associé à l'empire. Constantin s'y arrêta,
et il joignit par un pont la ville à la rive droite du
Rhin, où s'étendait le fort de Divitia^, qui déjà sans
doute avait été bâti à une époque antérieure, mais
qu'il releva alors des ruines où l'avaient laissé les
Germains. Julien reprit Cologne sur les Francs, qui,
après la mort de Constantin, inondèrent de nou-
veau la Gaule.
• Paulus, De Censibus, l. vill.
2 Devtz. Il est cité sous le nom de Divitia dans Grégoire de Tours;
sous celui de Duizia dans les Annales des rois Francs. Robert , abbé de
Deutz, rapporte que, lorsqu'on démolit un mur pour réparer son cou
vent, on découvrit une pierre dont l'inscription portait que le fort avait
été élevé par Constantin , sur le territoire des Francs, afin de préserver
la Gaule de leurs irruptions. Consultez ^gidius, Belgium romanum,
p. 232.
DU RHIN ET DU DANUBE. 25
La dernière des inscriptions historiques que les
monuments de cette cité nous présentent est de
l'an 392, 93 ou 94 , alors qu'en Orient régnait Théo-
dose , qui s'était associé à l'empire son fils Ar-
cade, et que l'Occident reconnaissait l'autorité d'Eu-
gène.
Cette inscription décorait, à ce qu'il paraît, une
tour, ou un monument public, que le temps avait
fait écrouler, et qui fut alors relevé par Tordre du
comte Arbogaste^
Sa date la place au rang des dernières inscriptions
que les Romains ont laissé dans le pays. Près de
quatre siècles et demi s'étaient écoulés depuis la
fondation de Cologne par les Ubiens, lorsqu'enfin la
grande invasion des peuples Germains dans la Gaule ,
en 406, y fit cesser le pouvoir de Rome.
De tous les monuments qui la décoraient alors, il
n'en est aucun qui se soit conservé intact, quoique,
çà et là, quelques pans de murailles s'en montrent
encore, et que le souvenir de plusieurs ait survécu
a^ IMPERATORIBVS NOST
SIO. L L. ARCADIO. T. FL. EVGENIO
T. CONLABSAM. IVSSV. YIRI. CL . . .
STIS. COMITIS. T INSTANTIA. VC
MITIS. DOMESTICORVM. El
SEX. INTEGRO. OPERE. FACIVN
VIT. MAGISTER PRAELIVS.
Imperatoribus nostris Theodosio , Arcadio , et Eugenio, tunevi
conlabsam, jussu viri clarissimi Ârbog astis , etc.
26 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
par tradition dans la mémoire du peuple*. L'habi-
tant montre encore la place qu'occupait la porte de
Jupiter; celle où, sur le Capitole, fut posé le temple
de ce dieu, et où s'élevait aussi le temple de Vénus;
la porte de Mars, celle de Junon , celle de Janus, la
Naumachie, l'arsenal, et à côté l'amphithéâtre; plus
loin, le prétoire militaire, dont une tour existe en-
core, remarquable par son extrême solidité et par la
marqueterie des pierres qui la revêtent; le prétoire
civil , sur lequel repose l'Hôtel-de-Ville; le temple de
Mars, le palais et le castel de Drusus, tous lieux dont
les nouvelles constructions qui les recouvrent n'ont
pu faire oublier l'antique destination. Le castel de
Drusus surmontait la colline qui porte encore le nom
d'Altebourg.
L'autel qui fut érigé à Auguste, et que des princes
étrangers se firent même un honneur de desser-
vir, était posé sans doute sur la place élevée qui
borde le Rhin , et qui autrefois formait une île.
La rue qui y conduit semble en avoir conservé le
nom'^.
D'autres autels par leurs inscriptions nous attestent
1 Dans les derniers temps une mosaïque intéressante a été décou-
verte à Cologne. Elle forme un carré parfait, renfermant lui-même un
hexagone , au centre duquel , comme l'indique une inscription grecque ,
dut figurer le buste de Diogène-le-Cynique. Cet hexagone est renfermé
dans un cercle , et ses six angles sont ornés chacun d'un médaillon ,
dont quatre , encore distincts , contiennent les figures de Socrate , de
Sophocle , de Chilon et de Cléobule ; les deux autres figures sont mé-
connaissables.
2 Aregasse, rue de l'Autel.
DU RHIN ET DU DANL-BE. 27
le culte des antiques habitants pour Mercure*, pour
Diane 2, pour le dieu Soleil Sérapis\ pour Proser-
pine*, et pour les divinités secondaires, telles que
i MERCVRIO MERCVRIO
T. FLAVIVS CESSONIO
VICTORl IARI...VS
NVS. 0. LEG SEN...*S
XXX. V. V. V.S.L.M.
V. s.
2 DEANAE
SACRMI
A TiTiVS. C. F
POM. SEVER
VS. ARRTIO
7 LEGVIYIC. P. F
IDEMQYE. yi\ ARI
VM. SAEPSIT.
Trouvé près des décombres de l'amphithéâtre. Voy. Beiblatt zur
Koln. Zeitung, 1829, n» 17.
3 SOLI SERAPI
CVMSVACLDE
Cs'. H. DD.
DEXTRI^^ArV'STA
L. DEXTRINinSTI
////iLIA. AGRIPP. D. D.
4 DITI
PATRI. ET
PROSERPIN
SACRYM.
28 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Séniélé et ses sœurs \ la Victoire 2, la Fortune, les
* DEAE SEMELAEET
SORORIBVS eIvS
DEABYS OBiOx>ORai
SACRIMATRATVS
REGINA PATERNA
MATERNATA. ET
PACTA. ARAM. PO
SMT.
SVB. SACERDOTA////
SERANIO CALVLLO
PATRE.
Les sœurs de Sémélé étaient Autonoé et Agave. Séniélé semble
ici être identique avec la terre («■ri'îrip yala); ce qui explique le litre
de Sacer matratus , donné à ses prêtresses, qui , quoique vierges ,
avaient cependant la dignité, et jouissaient de la considération des
matrones.
2 DEAE
VICTORIAE
SACRVM.
Cet autel, enrichi de bas-reliefs sur les quatres faces, fut trouvé à
Cologne, en 1606, selon le témoignage de Brœlmann (n» li) et de
Gruter (c. H, H). Transporté de cette ville à Blankenheim et de là à
Bonn, il devint la propriété d'un chanoine, du nom de Pick, qui en fit
présent à sa ville natale , à condition qu'on en décorerait une place
publique. Il orne aujourd'hui la place de Saint-Remi , où il fut posé
le 5 décembre 1809. Voy. Description d'un autel de la Victoire, mo-
nument antique, érigé sur la place de Saint-Remi à Bonn. Avec estampe.
Bonn 1810.
DU UHIN ET DU DANUBE. 29
Matrones', l'Honneur^, invoqué aussi comme un
dieu.
A ce culte de la nature et des passions personni-
fiées s'unit, dans les derniers temps, le spiritualisme
chrétien qui, çà et là , sur une tombe, a aussi inscrit
sa formule de paix, à la place de l'invocation aux
Mânes, qui se remarque sur toutes les tombes
païennes ^.
1 Parmi les diverses inscriptions adressées aux malrones , il en est
une qui mérite notre attention , parce qu'elle peut servir à soulever une
question de géographie antique. La voici :
M'RONIS
A/FANIB. C
IVL. M\NSVE
TVS. M. L. I. M.
P. F. V. S. L. M. FV
FADALVTW
FLWEN. SECVS
MOiNr CA/CASI.
Matronis Aufanibus Caius Julius Mansuetus , miles Icf/ionis primœ,
Minerviw, piw, fidelis , votum solvit lubens merito , fecit voto fado ad
Alutum flumen secus montem Caucasi.
On ignore encore quelle est la rivière du Caucase désignée par cette
inscription.
2 HONORI
E UI ORI
SATVRN
NIVS. LV
BVLVS.
Les Romains élevèrent un temple à l'Honneur dans la ville de Rome.
Cicéron, De leg., u, 3; P. Victor, Reg. urb., i. Marins lui en éleva un
à Arezzo. Orelli , inscript. 543.
3 Voy. Lersch, Centralmuseumrheinlàndischer Inschriften. 1<^' cah.,
p. 65 et sv.
30 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Les troupes dont ces tombes nous attestent la pré-
sence à Cologne , sont la sixième , la vingt et unième,
la vingt-deuxième et la trentième légion , ainsi qu'une
aile de cavalerie, dont le surnom de Vengeresse de la
foi\ qu'elle prend dans ses inscriptions, est surtout
remarquable.
Je ne sache pas que l'histoire en ait jamais fait
mention, ni que dans aucun autre lieu elle ait jamais
laissé des souvenirs.
Quatre routes principales aboutissaient à la colo-
nie. Indépendamment de celle que nous venons de
suivre depuis Vetera, il en existait une autre qui
reliait ces deux villes, et qui , par Juliers, où fut sta-
tionnée une partie de la vingt et unième légion , allait
joindre le val de là Meuse. Un troisième embranche-
ment se dirigeait sur Trêves et atteignait le bourg
de Tolbiac^, célèbre par la victoire que Clovis, le
conquérant des Gaules, y remporta sur les Alle-
manes, en 496.
La quatrième, ou celle de Mayence, était la con-
tinuation de celle de Vetera.
C'est cette dernière que noussuivons jusqu'à Bonn,
visitant sur notre route deux inscriptions intéres-
santes de Wesseling et d'Hersel. La première couvrait
la tombe qu'vElia Timoclia fit élever à son époux Eva-
« APOLLOMAE. MCTORINAE. BESSVLA//////
VALGASMAIERI. DEC. ALAE. FIDEVIJJDICIS
CONIVGI. CARISSIMAE. MEMORIAM. QYEM
ROGAVIT. FECIT.
-Zu/ptc/i. On y a trouvé plusieurs inscriptions cl monnaies romaines.
DU RHIN ET DU DANUBE. 31
rète le philosophe*, ami de Salviiis Julien, célèbre
jurisconsulte, qui, sous l'empire d'Adrien, rédigea
YÉdit perpélueP; la seconde fut placée sur la tombe
d'un des présidents de la province de Germanie in-
férieure, par quatre centurions'de la première légion
Minervienne^.
Bonn est cité dans l'antiquité par Ptolémée, Stra-
4 Q AELIO
EGRILIO
EVARETO
PllLOSOHO
AMICO. SALVI
IVLIANI AEL'A
TIMOCLIA \SoR
CVM. FILIS.
2 Lisez sa vie dans Rutile , ntœ ICtorum, c. 66, et dans Rertrandus ,
Biot vofxixwv, I, c. l'^'".
3
.... F s . .
. . 0 A. . . .
MANIAE. INFER.
TEM. HISPANIAE. CITER
T. FL. DYBITATVS. STRATEIVS
M. ALPINIVS. FIRMANV/////
P. AELIVS MARINVS
P. IVLIVS MEMORII///\///
r>0 LEG I MINER
PRAESIDI SANCTISSIMO.
Centuriones legionis primœ , Minf'rviœ, Prœsidi sanctissimo.
32 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
bon, les deux Itinéraires, Pline, Tacite et Am-
mieii.
Le dernier historien fait aussi mention, outre cette
ville et la cité d'Agrippine, de l'établissement de Ca-
lidon,qui probablement recouvrait le sol près du-
quel s'étend Keldenich, et sous lequel aussi sont en-
fouis d'anciens fondements de bâtisses, sans que
toutefois ni monnaies ni inscriptions en aient jus-
qu'ici été retirées.
Le fort de Bonn, qui indubitablement fut un des
cinquante castels bâtis par Drusus au bord du Rhin ,
s'élevait sur la partie centrale que la ville moderne
recouvre aujourd'hui. Il dominait du côté de
Coblence et de Cologne les deux embranchements de
la chaussée antique, au bord de laquelle se grou-
paient les monuments funéraires des officiers et sol-
dats de sa garnison.
D'après les inscriptions qui se lisent sur ceux de
ces monuments qui ont été retirés du sol , ce furent la
première, la quinzième et la vingt-deuxième légion,
ainsi que la cinquième cohorte des Asturiens, qui
furent successivement postées dans ces murailles.
Dans l'intérieur de la ville, sur le Beldenberg, sur
la place Saint- Rémi, sur le Vichelshof, furent déjà
souvent retrouvés les fondements d'anciennes bâ-
tisses romaines et divers objets d'antiquités. Une
grande partie de la lue du Prince est assise sur les
encombrements d'une voûte colossale, et derrière
les maisons du Marché et de la rue de 1 Étoile sont
encore enfouis les restes des antiques murailles. Le
castel semble avoir été partagé en deux parties dis-
nu RHIN ET DU DANUBE. 33
linctes, à l'exemple de plusieurs camps de la Vindé-
licie; et c'est sur les ruines de ces doubles enceintes
que se sont, au moyen âge, établis les deux quartiers
séparés de Bonn et de Bern, dont le dernier paraît
lui-même avoir dans l'antiquité porté le nom de Ve-
rona. \ous avons encore une des ordonnances de
Valentinien, de Valens et de Gratien, signée de Ve-
ronîK, le VIH des Ides de décembre 366 ', époque où ,
d'après le témoignage de l'historien, Valentinien était
dans les Gaules. Peut-être est-ce sous cet empereur,
qui entreprit tant de travaux sur le Rhin, et qui le
fortifia depuis sa source jusqu'à son embouchure,
que sur les murailles renversées par les Allemanes
furent relevées celles de ces deux camps réunis.
Les deux communes qui prirent naissance dans ces
enceintes continuèrent d'être séparées de nom depuis
le dixième jusqu'au quatorzième siècle, époque où
celui de Bern ou Verona disparut tout à fait pour
laisser subsister seul le nom le plus antique-.
Un passage de Floruscite Bonn comme avant été
joint par des ponts à un autre lieu du nom de Ge-
sonia^
Ce passage de l'historien guerrier a donné lieu à
beaucoup de commentaires.
On a cherché de plusieurs façons à rectifier le texte
1 Codex Theoi., I, 9, De vétéran.
^ Lersch , dans les JahrbUcher des Vereins von Alterilaimsfreunden
im Rlieinlande , i^'' cah., article Verona. a donné la récapitulation des
différents diplômes et des différentes monnaies de ces temps qui at-
testent celte séparation des deux communes. J'y renvoie le lecteur.
3 Florus, 1. IV, 12, § 26.
II. '
34 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
qui paraît, en effet, avoir été tronqué. Les uns on t subs-
titué Mogontiacum à Gesonia; les autres ont laissé
subsister le mot de Gesonia, regardant le hameau
de Geusen ou Gesselar, à une faible distance de la
rive droite du Rhin, comme étant le lieu antique
de l'historien. D'autres ont substitué Verona à Ge-
sonia, et l'ont joint à Bonn par des ponts, dont quel-
ques-unes des voûtes qui se trouvent enfouies sous
le sol de la ville moderne, et dont j'ai plus haut
signalé l'existence, seraient les ruines. Cette opinion,
qui est l'une des plus récentes, est cependant l'une
des moins soutenables. D'autres enfin ont rectifié le
texte, en substituant aux deux mots de Bonna et de
Gesonia les deux noms de Bononia et de Gesoriacum,
et plaçant, par conséquent, les deux endroits, dont,
selon le passage de FIorus,le général romain pro-
tégea les abords par des flottes, non sur le Rhin,
mais sur les côtes de l'Océan, où s'étend aujourd'hui
le port de Boulogne.
Sans me rallier à cette dernière opinion, qui ne peut,
en effet, jamais atteindre l'importance d'une vérité
historique, elle me semble digne d'être approfondie.
La présence de flottes stationnées en avant des
deux villes, pour en couvrir les avances \ an-
nonce une place de guerre considérable et un port
étendu; ce que ne fut jamais Bonn, dont rien dans
l'histoire ne nous atteste une telle importance, et qui
ne joua jamais, en effet, qu'un rôle secondaire. Nous
n'avons nulle notice que des flottes aient, sous le
' Classibus firmavii. Flot US, IV. 12 . § 26.
DU KHIN ET [)U DANUBE. 35
gouvernement (Je Drusus, parcouru le Rhin. Ce ne
fut que sous Germanicus que des vaisseaux furent
construits sur les chantiers de ses principales villes
riveraines, non toutefois pour stationner sur le fleuve,
mais pour ensuite descendre jusqu'à l'Océan et porter
les légions dans le nord de la Germanie'.
Boulogne, au contraire, fut, dès l'arrivée des Ro-
mains dans la Gaule, une de leurs principales sta-
tions maritimes sur l'Océan. Ce fui probablement
de ce port que César passa en Angleterre ^ Claude,
suivant Suétone, dirigea de Gesoriacum son expé-
dition contre cette île^ Gesoriacum fut plus tard
appelé du nom de Bononia\ nom qui semble attester
la réunion des deux lieux. Peut-être du temps de
Florus étaient-ils séparés par la Lianne.
Malheureusement toutes ces questions n'éclair-
cissent point le louche qui continue de régner dans
le passage de l'historien.
Le Rhin devant Bonn ne présente aucun vestige
d'antiques constructions romaines, soit qu'en effet il
n'en ait jamais existé, soit que le temps ou la main
des générations postérieures ait renversé jusqu'à la
dernière pierre que le grand peupley avait cimentée.
* Tacite, Annal., Il, 6.
- Ipse ciim omnibus copiis in Morinos proficiscilur, quod inde erat
brevissimus in Brittanniam transjectus. César, De bell. fjalL, IV. 21.
Pline, 1. lY, c. 17 el Mêla, 1. ii, c. 2, appellent Boulogne Portas
Morinorum.
"^ Suétone, in Claud., 17.
'* Bononia, quam Galli priiis Gesoriacum vocabant. Anonym. Valesii
script. De Constnntino. — Gesoyiaco quod mine Bononia. Table de
Théod.
H. ''
36 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
La roule romaine, enquiltanl Bonn, suivait, comme
la route moderne, la direction de Godesberg pour
atteindre Remagen. Le sommet du Godesberg est
encore surmonté des ruines d un chàtel du moyen
âge, construit sur les ruines d'un castel romain'. Les
eaux thermales qui se trouvent au pied de la mon-
tagne paraissent avoir été connues de bonne heure.
Une inscription, dédiée à Esculapeet à Hygie, et gra-
vée sur une pierre comme un monument de recon-
naissance, à l'érection duquel prit part un légal de la
première légion, à laquelle Bonn servait de quartier
dans la septième décade du premier siècle '^ prouve
du moins suffisamment que déjà les Romains les
avaient mises à profita
^ Il fut construit, en 1210, par Théodoric, archevêque de Cologne,
ainsi que le prouve un document. Pendant les guerres auxquelles don-
nèrent lieu la conversion au protestantisme de l'archevêque Gebhard
et son mariage avec la belle comtesse de Mansfekl , ce prélat plaça
dans ces murs une garnison hollandaise. Gebhard ayant plus lard été
démis de son siège , son successeur Ernest , de la maison de Bavière ,
fit sauter le château en 1593.
2 Bonnam , hiberna primœ legionis. Tacit., Hist.^ 1. iv.
3 FORTVM
SALVTARIBV
AESCVLAPIO HYG
Q VENIDIVS RVF
MARIV// MAXn
L. CALVIMANV
LEG. LEG. I. M. I.
LEG. AVG. PR/////
PROVINC. Gin
////
l'ortunis sulutaribus , Msculapio , Ihjgiœ, Quintus Vcnidius Ihtfus ^
Marins, Maximus, Lucius Calvinianus , legalus legionis primœ, Mi-
nervice , piœ , legatus Augusti, prtPtor provinciœ Germaniœ inferioris,
dedicaverunt.
DU lUMN ET DU DANUBE. 37
Une antique tradition parle d'un temple de Mercure
qui s'élevait sur la pointe de la montagne, et qui,
lorsque le christianisme fut introduit, fut remplacé
parunechapelle dédiée à saint Michel ,qui elle-même
esttombée en ruines. On attribue à Julien la fondation
du castel romain, quoique, selon toute probabilité,
ce fut bien antérieurement à ce prince que ses cré-
neaux s'élevèrent. Peut-être seulement les releva-t-il
lorsqu il reprit sur les Francs, Remagen et Cologne,
qui pendant dix mois étaient restés au pouvoir de
ces peuples'.
Remagen , selon le témoignage d'Ammien Marcel-
lin, était alors avec Cologne la seule ville romaine
qui n'eut pas été anéantie'^. La terminaison celtique
de son nom^ prouve en faveur de sa haute antiquité,
comme le titre ù'oppùlum que lui donne l'historien,
prouve son importance comme place forte. En 1769,
on trouva près de ce lieu deux pierres milliaires, dont
lune fut posée vers l'an 1 40, sous Anionin-le-Pieux \ et
' Juliani epistola adSenatum, p. 512.
- Anini. Marcel., 1. xvi, c. 3, p. 85 de l'édit. de Deux-Ponls.
^ Rigomayum oppidum. Aium. Marcel., 1. xvi , c. 3, p. 85.
1 HADI
Npai
PRON
inTo^Iv
P MTR
m P. P. A
M. P. . . .
[Imperatore Cœsare, divi) Had{riani filio , divi Tra)jani, Par{thici
nepote , divi Nervœ) pron{epote , Tito /Elio Iladriano AnloniQ[o, Au-
gusto , pio,) Pontifice maxiino , tribunicia (potestate ilerum , consuli)
tertium, pâtre patriœ^a [colonia Âgrippina) Millia passuum [triginta).
38 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
l'autre vers lan 1 63 , sous les règnes de Marc Aurèle
et deLuciusVerus'.
Elles servent à indiquer les dates des différentes
époques où furent mesurées les distances itinéraires
dans les provinces rhénanes.
Un fragment d'inscription d une troisième pierre
milliaire fut aussi trouvé près d'Andernach, sans
qu il nous soit permis de juger si elle répond pour
la date aux deux que nous venons d'indiquer.
Avant d'atteindre cette dernière ville, nous tou-
chons Breisig (Brisiacum), lieu celtique, où furent aussi
trouvées plusieurs monnaies romaines, et Brohl, dont
les carrières de tuf furent exploitées par le grand
peuple.
Plusieurs inscriptions nous prouvent que ce furent
les soldats des légions, et surtout ceux de la dixième,
qui furent chargés de l'extraction de ces pierres,
qui sans doute servirent alors à la bâtisse des diverses
» IMP. CAES
M. AVREL. ANTO
NINO. AVG. PONT
MAX. TR. POT. XVI
COS. m ET
IMP. CAES
L. AVREL. VERO. AVG.
TR. POT. COS II.
A COL. AGRIPP
M. P. XXX.
Celte pierre se trouve présentement à Mannheim. Les Actt. Acad.
Palat.. t. IV, p. 40, Steiner, jt. 761, et Grreff, p. 8, filent fausse-
ment Neuniaeen comme le lieu d'où elle provient.
DU RHIN ET DU DANUBE. 39
forteresses du Rhin et de la Moselle ^ Elles nous
attestent et lavie active du soldat romain et les rudes
travaux auxquels il était employé.
Andernach , que nous trouvons cité dans Ammien ,
' HERCVLI IN
VICTO. SAC
RYM. C. TER
ENTIVS BASS
VS > LEG VTVI
CTRICIS ET VE
XILATIOLE El
ieyio sexta victrix et vexillatio
legionis ejusdem.
tERCNLI
SAXMO
NEXILIATIO
COHORTIS
T. C. R
NI S. L. M.
Coliors prima civium romanorum .
HERCVLI SAy
SANO
QMNLIVS
PRISCVS > I E
C X CEMINA
Il COMIL'TONES
V. S. >///
Legio décima gemina.
HERCVLI SAXA
N0 L LICLMVS
FESTV//// 3 LEG XX//
RAP ET MILITES
LEG EIVSDEM
V. L. S.
Legio unavicesima , rapax.
Au sujet d'Hercule Saxanus , ou dieu des carrières , voy. Fiedler,
p. 224, et Hagenbuch , Antiquitatum Clivensium sive inscript ionum
Bergendalensium investigatio I, de Hercule Saxsano. Susati I73I. On
a voulu voir dans cette divinité une identification avec celle mentionnée
sous le nom de Saxonote , dans une des formules d'abjuration, rédigée,
en 743 , au concile de Leptines : End ec forsacho allum diaboUs wer-
cum, endwordum, Tfiunaer ende Woden^ end Saxonote ende allem
them unholdiim, the hira genotas sint. «Et je renonce à toutes les ac-
« lions du démon , et à ses paroles , à Thor et à W'odan et à Saxonot ,
« et à tous leurs serviteurs, etc.» On a cru que le culte d'Hercule, étant
4-0 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et dont le nom paraît aussi clans les deux Uinéraires\
est un des lieux les plus intéressants de tous ceux
qui bordent la rive gauche du Rhin. Sa situation est
extrêmement pittoresque. Posée au milieu d'un vaste
amphithéâtre de montagnes basaltiques, cette ville
offre au bord du fleuve un aspect antique et sombre.
Aux débris de ses vieux monuments se rattachent à
la fois et les souvenirs de Rome et ceux du moyen
âge.
Elle fut d abord fortifiée par Drusus,et elle eut
ensuite à souffrir pendant les guerres de Civilis. Le
môle colossal que les Romains avaient élevé pour
amarrer les bâtiments de guerre dont cette ville pa-
raît avoir été une des stations du temps de Germa-
nicus, n'avait point encore tout à fait disparu sous la
domination des rois d'Austrasie. Les ruines du palais
de ces princes se découvrent encore, et c'est sur les
fondements romains que repose la grosse tour du
Rhin, dont l'aspect pittoresque fait un des principaux
charmes du joli paysage qu'elle embellit. Une ins-
en honneur chez les Germains , et que le trouvant établi sur le Rhin ,
lorsqu'ils se ruèrent dans la Gaule , les Francs avaient conservé au
dieu le surnom sous lequel il était invoqué dans ([uelques localités par
les colons gaulois , au milieu desquels ils se mêlèrent. Mais cette sup-
position me semble hasardée. Le Saxonot flamand , uni au dieu Thor
et à Odin, me paraît plutôt avoir été une divinité saxonne, dont les
Flamings, ou émigrés de cette nation, qui vinrent au qu;iirième siècle
s'emparer des dunes de Dunkerque, et donner au pays le nom de
Flandre, et au rivage le nom de Utins saxonicum, avaient apporté le
culte avec eux.
' Ainniien Marcellin le nomme Antunnactim; Vltinérairc d'Antouin
Anlunnavo; la TaOle de Théodose Autumnacum.
DU KHIN ET DU DANUBE. 41
criptioii du plus grand intérêt historique , laquelle fut
trouvée non loin d'Andernach, cite la flotte de Ger-
manie.
Elle fut sans doute élevée aux Matrones tutélaires
du lieu dont le soldat qui leur voua son culte était
originaire, pendant le temps que les préparatifs, dont
l'histoire nous entretient, avaient lieu sur le fleuve
pour l'expédition maritime du Nord.
De toutes les inscriptions connues, c'est la seconde
qui fasse mention de la flotte dont les opérations
furent dirigées contre la Germanie \ Sous les murs
de l'Hôtel-de-VilIe d'Andernach se remarquent en-
core de vastes souterrains, restes des bains romains
qui ornaient la cité
Une vieille porte , toute criblée de trous de mi-
traille, et noircie par le temps, est nommée par
l'habitant la porte romaine, quoique la forme de
l'arcade indique une origine moins antique. Les mon-
* La première, sur laquelle est cilé un irierarque ou capitaine d'une
trirème de la flotte de Germanie, fut trouvée à Arles. Voy. Mura-
lori, II, p. Dcccxi, 1.
Voici celle du Rhin :
MATRIBVS
S\;IS
SIMILIOMII//
ES EX CASSE 6
RMAMCA PED
PLER CRESIMl
V. S. L. L. M.
Matribus suis , Similio , miles ex classe Germanica , etc.
42 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
naies trouvées sur ce sol sont de toutes les périodes
du grand peuple. Détruite par les Francs, au qua-
trième siècle, la ville fut, comme nous l'avons dit,
rebâtie par l'empereur Julien, et devint, vers les
derniers temps de l'Empire, le quartier général d'un
préfet militaire ^ Au cinquième siècle , ce n'était plus
qu'un castel, ainsi que nous l'atteste un passage de
Fortunat^
Une autre préfecture militaire était Coblence, lieu
qui prit son nom de sa position au confluent du Rhin
et de la Moselle^.
Nous avons déjà souvent eu occasion de faire re-
marquer quel soin particulier les Romains mirent
surtout à fortifier l'entrée des vallées principales.
Celle de la Moselle, pour eux si importante, et au
sein de laquelle s'étendait la riche et grande cité de
Trêves, ville déjà puissante avant leur prise de pos-
session du pays, et qui devint, sous Constantin, la
métropole des Gaules, dut de bonne heure fixer leur
attention.
Il est donc probable que déjà Drusus bâtit le pre-
mier castel qui défendit l'embouchure de cette ri-
vière, lorsqu'il fortifia le cours du grand fleuve.
Il est probable encore que ce fut sous la protection
de ce castel que se groupa dans la vallée le primitif
établissement communal, sur lequel, du reste, nous
1 Notit. dignit. imp. occid., édit. citée, p. 2001.
2 Antonacense castellum. Venant. Fortunatus , De navigio suo, 1. x.
3 Apud Confluentes, locum ita cognominatum , ubi amnis Mosella
ronfiinditur Rheno. Amni. Marc, 1. XVI, 3.
DU RHIN ET DU DANUBE. 43
n'avons aucune notice, et dont nulle inscription ne
nous rappelle le régime municipal ni le culte. Les
murailles romaines renversées servirent à l'élévation
des murs d'enceinte de la ville nouvelle que bâtirent
sur le même sol les premiers rois Francs qui s'éta-
blirent sur le Rhin. Quelques pans de ces murs, res-
pectés parles siècles, montrent dans leurs matériaux
des blocs que tailla le ciseau romain; l'on conserve
encore dans la salle des conférences du Gymnase
une de ces pierres qui recouvrit un mausolée, et qui,
après avoir pendant plusieurs centaines d'années
fait partie du mur d'enceinte qui borde la Moselle,
en a enfin été extraite, il y a une trentaine d'années,
pour la préserver d'une ruine totale. Déjà 1 inscrip-
tion en est aux trois quarts effacée ^
La quatorzième'^ et la vingt-deuxième^ légion sont
les seules troupes romaines qui aient laissé des sou-
venirs de leur présence en ce lieu ; dans les derniers
temps de l'Empire y était placée une cohorte de sol-
dats défenseurs, sous les ordres d'un préfet*.
M////////// VS////// SIBI VIVVS//////////
/////////////////////// MONVMENTVM/////
/////////////////////////////VHMAVIXI///////
Voy., pour cette pierre , Klein , Herbstproyramm von Koblenz. 1823.
p. 3 12; 1826, p. 19—28, et August. Willieira, Die romiscke Sta-
tion Confluentes, dans les Deutschen Alterthiimer , de Kruse , lll, 3,
p. 1-15.
2L XIIII GM. — L rni(I) GMPF. (August. Wilhelm, ouvr. cité,
p. 13.)
3 LEG. XXII C////. (Klein , Gymnasialprogramm , de 1837 et 1838,
p. 29 et 33.) •
* Notit. dignit. imp. occid., édit. cit., p. 2001.
44 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Les montagnes qui depuis Andernach bordent le
Rhin , encaissent le fleuve dans la masse colossale
de leurs rocs; c'est sur leur pente que déjà dans
l'antiquité, au moyen de la pioche et du ciseau, avait
été taillée la route romaine qui , au-dessus du préci-
pice, circulait en en suivant les détours.
Cette route atteignait Boppart, lieu désigné sur
une colonne milliaire, trouvée près de Tongres, en
1817^ sous le nom de Bondobrica, et où les mêmes
légions qui ont buriné leurs chiffres sur les inscrip-
tions de Coblence, étaient aussi en partie stationnées ^.
Au dernier temps de l'occupation romaine y étaient
placés, sous les ordres d'un préfet, les soldats char-
gés du service des balistes, troupe qui, dans les ar-
mées de l'Empire, répondait assez exactement à
notre artillerie. On sait que les balistes étaient des
armes de jet, propres à lancer à une distance prodi-
gieuse des pierres, des carreaux ferrés, pesant jus-
' Voy. Hennequin, De origine et natura principatus urbis Trajecti
ad Mosam medio œvo.
2 LEGoIIXXC.
PRINCEPS. II LEG. XIII!
GEM. AN. LXmi STIP
XL VI. MILIT. XVI. CVRA
TORIA. VETERAN. ÏÏÏÏ
EVOCATIVA ÏÏÏ.
Princeps secundus legionis der.imœ quartœ geniinœ, annorum
sexaginta qtiattior, stipendiorum quadraginla sex , militiariim sede-
cim , curaloria veteranorum quarla, evocativa leriia.
DU RHIN ET DU DANUBE. 45
qu'à soixante livres, des flèches, et quelquefois
même, lorsqu'elles étaient employées dans le siège,
des torches enflammées, qui devaient porter lin-
cendie dans les villes'.
'( Les balistes et les onagres, dit Vitruve, manœu-
«vrés avec activité par des gens habiles, sont au-
« dessus de tout. Il n'y a contre leurs coups au-
« cun moyen de défense. Semblables à la foudre,
« ils brisent et mettent en poussière tout ce qu'ils
« frappent.»
Chaque légion possédait un certain nombre de ces
machines de guerre, montées sur des roues, quelle
traînait avec elle dans toutes ses marches. Par le Livre
de la Notice, nous voyons que les soldats qui les ser-
vaient formaient un bataillon à part, placé dans des
garnisons particulières, où sans doute existait, comme
aujourd'hui pour notre artillerie, une école qui les
formait, et où ils s'exerçaient au tir des divers pro-
jectiles.
Entre Boppart et Bingen, dernière ville où, à la
même époque, était placé un préfet commandant les
soldats qui portaient le nom du lieu même, l'ins-
* Une balisle n'était qu'une grosse arbalète. Un châssis de charpente
lui donnait la solidité qui était nécessaire. Son ressort consistait en
deux écheveaux de cordes de boyaux ou de crins , que deux bras ,
engagés dans le centre, et tirés à l'aide d'ud cable et d'un treuil , for-
çaient à se tordre. C'était par cette l rsion progressive que l'on accu-
mulait une force d'impulsion qui se dégageait tout entière à l'instant
où le cable qui unissait les deux bras , étant parvenu à l'endroit de la
détente, se redressait subitement en chassant le projectile devant lui.
(Encyclop. nouvelle.)
46 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
criplion de la colonne de Tongres cite la mansion de
Vosolvia ou d'Ober-WeseP.
A ce lieu que l'antiquité précise, il faut ajouter Sal-
zig2 et le castel de Saint-Goar, ainsi que celui qui, à
l'opposé des ruines de Stahleck, dominait la petite
ville de Bacharacli, que le géographe de Ravenne
semble avoir voulu désigner, en citant dans ces en-
virons un lieu du nom de Boderecas. Tous ces lieux
ont offert quelques antiquités.
Le fort de Bingen que Drusus éleva au confluent
du Rhin et de la Nava, couronna indubitablement
la hauteur où, sur ses ruines, fut, au moyen âge,
bâti un couvent. La bourgade qui s'étendait à ses
pieds, fut plus tard augmentée par Julien, circons-
tance dont le poëte Ausonne fait allusion dans ses
vers, lorsque, chantant le voyage qu'il fît, en 368,
de Mayence à Trêves, il décrit le cours rapide de la
1 La Table de Théodose en fait mention sous le nom de Vosavia.
2 On a voulu faire de Salzig le Salissone de {'Itinéraire d'Antonin ,
cité comme station intermédiaire entre Baudobriga et Bingium , sur
la route de Trêves à Argentoratum. Les distances indiquées par l'Iii-
néraire s'accordent cependant tellement peu avec celles de ce lieu et
des villes précisées qu'il faut nécessairement chercher un autre em-
branchement de route de Trêves à Bingen. Or, les traces de cette route
se retrouvent encore depuis Trêves jusqu'à la Brims, dans les environs
de Wadern , où le village de Bubrig paraît avoir conservé la racine du
nom antique de Bodobrigaou Baudobriga, et de là jusqu'à SienetKefers-
heim, où le village de Sulzbach paraît avoir conservé celle du nom de
Salisso. Les distances s'accordent parfaitement avec celles de l'Itiné-
raire. La route allait joindre la Nahe , dont quelques ruines du pont
antique , par suite du changement que le cours de la rivière a subi ,
sont enfouies sous le gazon des prairies, et suivait l'angle de cette ri-
vière jusqu'à Bingen.
DU KHIN ET DU DANUBE. 47
Nava qu'il traversa, contemplant les nouvelles mu-
railles qui avaient été ajoutées au vieux bourg ^
Tacite parle aussi de Bingen ^ quand, à une époque
' Transieram celerem nebuloso lumine Navam
Addita miratus veteri nova mœnia vico :
Aequavit Latias ubi quondam Gallia Cannas ;
Infletœqiie jacent inopes super arva catervœ.
Unde iter ingrediens nemorosa per avia solum ,
Et nulla humani spectans vestigia cultuS;
Prœtereo arentem sitienlibus undique terris
Dumnissum, riguasque perenni fonte Tabernas ,
Arvaque Sauromatum nuper metala colonis.
Et tandem primis Belgarum conspicor oris
Nivomagum , divi castra inclyta Constantini.
Purior hic campis aer; etc.
(Auson., Mosella, 1,2.)
Le champ de bataille dont parle le poëte est celui où Tutor fut vaincu
avec les Trëviriens et les autres peuples alliés dans sa retraite sur
Bingen. Tabernae était sans aucun doute placé au bord de la Heiden-
pfûlze, là où la roule romaine forme une bifurcation dont l'embran-
chemeut principal continue sa direction vers Neumagen, et dont l'autre
va par Haag, Breit , le pont de Bùdelich et Fell aboutir à Trêves. La
Heidenpfùtze est elle-même cette fontaine d'eau pure dont parle Au-
sone, et qui fournissait l'eau à Tabernae. Tout autour, l'on trouve des
briques , et l'on y a même déterré les restes d'une colonne milliaire.
Voy. Steiniuger, Geschichte der Trevirer unter der Herrsc.'iaft der Bo-
rner, p. 162 et 163.
Quant aux colons sarmates, dont parle Ausone, et qui étaient ré-
pandus sur le Hundsrùck , il est probable (jue , pour réparer la dépo-
pulation du pays , occasionnée par les irruptions subséquentes des AUe-
manes , Gratien y avait transplanté les Sarmates qui , pendant la guerre
que son père avait porté aux Quades et à leurs alliés, étaient tombés
au pouvoir des Romains. Il s'agit, dans ces vers, des environs de la
lour tronquée [des stumpfen Tliunnes), de Hag , de Morbach et de Bi-
schofskron.
^ Tacite, Hisf., iv, 70.
48 ÉTABLISSEMENTS ROiMAlNS
antérieure, déroulant le tableau des guerres de Ci-
vilis, il nous représente Tutor, h la tête de ses Tré-
viriens, se retirant par le pont de la Nava, devant
les légions restées fidèles.
Un autel, dédié à Jupiter, et élevé sous le consulat
d'Alexandre Sévère et de Dion Cassius, en 229 \ et
un autre, sur les deux faces duquel sont sculptées les
figures du dieu Mars et de la Victoire, et qui sans
doute avait été dédié à ces deux divinités^, furent
retirés du sol oii le lieu antique se déployait sous la
protection du castel, un peu plus éloigné du Rhin
sur la Nahe, que ne l'est la petite ville moderne.
Les monnaies trouvées dans les environs de Bingen
sont de toutes les époques de la domination ro-
maine. Placé sur la grande voie militaire du Rhin,
ce lieu reliait les communications de Trêves et de
Mayence.
La route antique, jusqu'à la forteresse rhénane,
ne longeait pas le Rhin , comme la chaussée moderne,
mais, traversant en ligne directe le Hasselberg, sur
« IN. H. D. D.
I. 0. M. PATRONVS
PATRIiSVS. ARA
M. DE. SVO. IN.
SVO. POSVIT.
L. L. MEUTO
D. N. SEVERO.
ALEXANDRO. III
ET. DIONE. COS.
- Lehne , inscripl. 88.
DU RHIN ET DU DANUBE. 49
la gauche de Nieder-Ingelheim, où ses traces n'ont
point encore tout à fait disparu, elle partait du castel,
au bas duquel s'étendait le Bingium romain, tandis
que sur la place qu occupe la ville moderne, et sur
le versant de la montagne que recouvrent ses de-
meures, se groupaient les tombeaux de ses habi-
tants ^ C'est en suivant cette direction que nous at-
teignons Mayence.
De toutes les forteresses du Rhin, Mayence fut la
plus renommée. Son nom celtique désigne sa position
élevée au-dessus du Mein, qui, en effet, débouche
dans le Rhin du côté opposé de la rive où la ville
s'élève en amphithéâtre et dont elle domine le
cours.
La position avantageuse du lieu semble de bonne
heure avoir porté les premiers habitants du Rhin à
s'y établir. Soit que la bourgade qu ils y fondèrent
eût été renversé par les Germains, lorsque ces der-
niers s'emparèrent des bords du fleuve, soit que les
chaumières réunies des deux peuples fussent encore
groupées quand, h leur tour, les Romains y par-
vinrent, il est certain que son nom s'était conservé
parmi la population que ces derniers y trouvèrent,
et qu'ils le transmirent au castel qui s'éleva sur son
emplacement.
Ce castel, construit par Drusus, recouvrait la par-
tie la plus élevée de la ville moderne, sur le Linsen-
berg. Comme tous les camps romains, sa forme était
' On en a retiré une foule tianliquilés, de vases cinéraires, de li-
crvnialoires, etc.
n. *
50 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
un carré parfait, aux miiraillescrénelées et flanquées
de tours fortes, dans lequel quatre portes donnaient
entrée. Par celle de gauche principale conduisait la
route du Haut-Rhin, et par celle de droite, la chaus-
sée que nous venons de suivre depuis Bingen. Par
la porte Prétorienne l'on descendait au Rhin, où
un pont, jeté sur le fleuve, joignait le castel de
Mayence avec celui de Drusus, bâti sur la rive droite
chez les Mattiaques; par la porte Décumane, qui lui
était opposée, on se dirigeait vers Alzey.
Au temps d'Adrien, deux moindres forts furent
élevés sur les flancs du camp principal; l'un, dans
la direction nord, en avant de Gonzenheim, l'autre,
dans cefle du sud, au delà de Weissenau. Ils flan-
quaient les abords de la forteresse du côté gauche
du fleuve, comme nous avons vu que, sur la rive
droite, deux fortins aussi défendaient, au nord et au
sud , les approches de la cité des Mattiaques.
Au sein du castel s'élevaient le Prétoire, la Questure,
les Archives\ et d'autres monuments publics, ainsi
' Construites, ainsi que nous l'atteste une inscription, en l'an 217,
sous le consulat de C. Bruitius Prœsens et de Titus Messius Exlricalus.
La voici :
DEAE. PALLADI. C.
AVR. FESTINVS. y
STRAT. CI. MOC. E. T
/// GNATIANI. LEO
TABVLARIAM. PENSI
LEM. A. SOLO. FECIT
ADIVTORE. CoSIO
xMARTlNO. PRAE///
A\E. T. EXTRICATO. C.
DU RHIN ET DU DANUBE. 51
qu'un temple de Diane, un autre de Pallas, et les au-
tels de la Foitune de retour^de Minerve, de la For-
lune et du génie du lieu^.
Devant la porte Décumane était le réservoir de
Drusus, auquel aboutissait l'aqueduc dont les traces
» PRO. SALVTE. IMP. M. AV
REL. Commodi. ANTO^M
PII. FELICIS.
FORTVNÂE. REDVCl
LEG. XXTl PR. P. F. G. GEiNTL
IVS. VICTOR. VET. LEG
XXII. PR. P. F. M. H. M. NEGOT
lATOR. GL\DIARIVS
TESTAMENTO. SVO. FIERI
IVSSIT. ADIIS. N. VÏÏTmIL
Pro sainte imperatoris Marci Atirelii Commodi Antonini, pii, feli-
cis , Fortunœ reduci legionis XXU primirjeniœ . piœ, fidelis , Cajus Gen-
tilius Victor, veteranus legionis XJIl primigeniw , piœ, fidelis, missus
honesta missione . negotiator gladiarius ^ testamento suo fieri jussit,
adjectis sestertiis nummis Vlll. millihus.
'^ MLNERVAE. FORTV
NAE REDVGI
ET GEMO HVI
VS. LOCI. CET
ERIS DIS DEA
BVSQVE. IMMO
rtalibus
llllllllllllllllllllll
52 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
se découvrent encore, et près des ruines duquel ont
aussi été retrouvés deux autels, lun, dédié à Jupiter
et aux déesses mères', 1 autre, aux dieux lares car-
re fou riens ^.
Ce fut proche de ce réservoir que, lorsque le poi-
gnard eut atteint Alexandre Sévère, un cénotaphe
lui fut érigé,
La roule antique traversait le village de Zahl-
bach, et c'est tout le long de son cours que se
découvrent surtout les tombes de la garnison ro-
maine, composée, à différentes époques, ainsi que
nous l'indiquent les inscriptions de ces tombeaux^,
de la première, de la quatrième, de la quatorzième,
de la seizième, de la vingt et unième et de la vingt-
deuxième légion, dune cohorte d'Asturiens et de
' covi
ET MA
TRIB
\S. PE
RPET
V\. P
V. S. L L D. S.
2 LARIBVS
COMPETALI
BVS. SIVE
QVADRIVI
Voy. Fuchs, Geschichte von ilainz.
3 Ils sont au nombre de plus de 80. Voy. Leline, Rumische Alter-
thùmer der Gauen des Donnersbergs , t. l et n.
DU lUlIN ET DU DANUBE. 53
Callaïques, peuple du nord-ouesl de l'Espagne, de la
première cohorte des Lucentiens espagnols ^ de la
première cohorte des ïturéens, peuple renommé par
son adresse à tirer l'arc^ et de deux ailes de cavalerie
du Norique et d'Espagne.
A ces troupes il faut ajouter la cinquième cohorte
des Dalmates, l'aile Indiane, dont nous avons aussi
lu une inscription à Woringen, une cohorte préto-
rienne, une autre de Rhétiens et de Vindéliciens, un
nombre d'explorateurs, une cohorte de Thraces et
une autre aile de cavalerie, du surnom de Ruson,
nom qu'elle semble avoir adopté de son fonda-
teur.
Sur les tombes de tous ces soldats, la piété d'une
mère, dun fils, d'un ami, a gravé une inscription
qui instruit la postérité de leur amour, de leur dou-
leur ou de leur devoir accompli.
Le castel inférieur d'Adrien était lié au castel su-
périeur par un chemin qui circulait au bas de la mon-
tagne où était posé le camp principal, devant lequel,
du côté du sud, s'étendait le champ-de Mars, et sé-
levait le temple de ce dieu.
A côté de ce temple était placé le mausolée de
Drusus, dont la ruine immense est encore debout,
et que n'ont pu anéantir les dix -huit siècles dont il
1 De Lucentum, le moderne Alicante , ou de Lucus Augusli, aujour-
d'hui Lugo.
Voy. Pline, Hist. nat., 1. m, c. 4, § 6.
^Cicéron., Philipp., ii, 44. Ils habitaient la Cœlesyrie, près de
l'Anti -Liban. Strabon, Geogr., 1. xvi , c. 2, § 18, 20. Pline, 1. v,
c. 19.
54 ÉTABLISSEMENTS nOMAINS
a VU passer les générations^Plus loin se développait
rampilhéâlre.
C'est proche des ruines du premier des deux forts
que je viens de mentionner, que furent trouvés l'autel
dédié aux sept divinités qui présidaient aux sept jours
de la semaine, celui d'Hercule et celui du Génie de
la jeunesse^.
Ce dernier est surtout du plus grand intérêt pour
l'histoire municipale de Mayence, en ce qu'il nous
indique un des quartiers qui, autour de l'enceinte
de ce camp et sous la protection de ses murailles,
se groupèrent en municipe.
^ Eu 1828 fut trouvé un bas- relief , représentant le héros avec l'ins-
criplion suivante : IN MEMORIAM DRVSI GERMANICI. Fuchs, dans
son Histoire de Mayence . t. I, p. 70, cile un monument à peu près
semblable. Peut-être est-ce le même monument , le même autel sur
lequel les habitants des Gaules venaient annuellement sacrifier, et de-
vant lequel, selon Suétone, les guerriers, sur le champ de Mars, ho-
noraient par des évolutions et des exercices militaires la mémoire de
l'illustre Romain.
IN. H. D. D.
GENIO. COLLEGÏ
IVVEMVTIS. ACVTIVS
VRSVS. ET ACVTIÂ. VRSA
DONViM. DEDERYNT
IMP. Cœs M. Aurel.
Antonino, pio , fid.
Aug. m. ET COMA
ZONTE
COS. 'An 220 de Jcsus-Chrisl.
DU RHIN ET DU DANUBE. * 55
L'absence de toute inscription autre que celles
des légionnaires, pendant tout le cours du premier
siècle, semble être une preuve que, pendant cet es-
pace de temps, la population de Mayence fut essen-
tiellement militaire. Ce ne fut que lorsque le repos
commença à régner sur le Rhin, sous lempiie de
Nerva, de Trajan, d'Adrien, qu'attirés par les spé-
culations de commerce, qu'une telle place de guerre,
défendue par une garnison de près de vingt mille
hommes, devait nécessairement développer, des ha-
bitants, soit d'Italie, soit des contrées transrhénanes,
vinrent s'établir sous ses murailles.
Alors se formèrent diversquartiers et, entre autres,
celui auquel se rapporte 1 inscription que nous ve-
nons de signaler, et celui du surnom de Salutaire,
qui nous est aussi attesté par une autre inscription \
et qui, se retrouvant à Rome, d'après la description
que Sextus Rufuset Publius Victor font de cette ville,
laisse présumer que ce fut à l'imitation des divers
quartiers de celte capitale que furent nommés ceux
de Mayence, par les citoyens romains qui s'y éta-
blirent.
Le municipe s'étendait incontestablement sur le
versant de la colline, du côté du Rhin, où se groupe
aujourd'hui en amphithéàlie la ville moderne, et
' I. 0. M. ET
IVNOM. REGIMAE
VICAM. SALVTARES
Suivcnl les noms.
56 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
OÙ furent encore décoiiveiies , il y n peu d'an-
nées, trois pierres enrichies d'inscriptions, dont
l'une est surtout intéressante en ce qu'elle nous
atteste au sein de la cité la présence des arus-
pices'.
Les inscriptions qui nous restent nous prouvent,
d'un autre côté, que, comme à Cassel les habitants
du Taunus s'étaient mêlés aux Mattiaques, ces mêmes
habitants s'étaient aussi mêlés à Mayence aux citoyens
romains, et que ces deux genres de citoyens for-
maient la population de la cité. Attirés sans doute
par les Romains au sein de ces deux villes, ces habi-
tants du Taunus semblent s'y être établis en même
temps et avoir reçu dans l'une et dans l'autre le pri-
vilège de leur nationalité.
Ce litre de citoyen romain de Mayence et de ci-
toyen du Taunus n'est toutefois inscrit sur la pierre
que lorsqu'il s'agit des magistrats particuliers aux
' La voici
TIB. ADN. SEQVENS
PRO. SALVT. SVA. T. SaV
. ^CETAE. CON. . . .
JRMI
T. SATVRNIN. AVRELIYS
PRO SALVTE. SVA. ET
IVNIAE. LVCILIAE
COiMVG. ET. TITI. M
APOLLINÂRIS. FILI,
HARVSPICIB. COL. D. 1».
DU RHIN ET DU DANUBE. 57
uns OU aux autres'; car, dans les inscriptions qui
regardent un acte public, c'est la cité elle-même
que nous trouvons mentionnée ; elle comprenait sous
ce titre tous les citoyens qui l'habitaient'^.
C. SERTORIVS. L. F
OVF. TERTVLLIANVS
VETERANVS. LEG XYI
CVRATOR CIVtVM ROMAN
MOGVrsTIACI.
IN H. D. D.
DEAE. LVNAE
MARCELLINIVS
PLACIDINVS
D. C. R. MOG.
ET. MARTIMA
MARTINA ME
EX VOTO P. I.
TACITO. ET AEMI
LIANO COS. (An 276.)
Decurio civium romanorum Moguntiaci.
D. M.
C. PATERNI. POSTVMINI. DEC. C. TAV
NENSIVM. YIRI SACERQOTASIS. PRAGMA
TIC PATERNIA. HONORATA. FIL. ET. HE
RES. PER SVOS PARENTES
F. C.
IN
IVNONI. . . .
MINERVAE . .
BVSQVE. IMP .
SALVTE. ET. IN
DD. NOSTROI .
iMAXIMIANI . .
AVGVST0RV3 .
ET MAXIMI . .
CIMTAS. MOG .
.V LIO. T A\'
. . \ . . yETI
In konorein domus divinœ, Jovi et) Junoni {reginœ), Minervtp, {Su-
58 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Sur les bords du Rhin fut trouvé un autel, dédié à Ju-
piter et au génie du lieu, élevé en 198 de Jésus-Christ,
par un signifère de la vingt-deuxième légion, qui en
même temps était inspecteur du port^ Un autre
autel, cité par Muratori^ était dédié à Junon et au
mini) busqué imp'erii, pro] salute et in{columitate') dominorum nostro-
(rum Diocletiani et) ilaximiani, {invictorum] augustorum (Constantii]
et Maximi'ani cœsarum,) civitas iIog{untiacensis.)
(dedicavit).
J'ai, ci-dessus, parlé de cette inscription dans une note (t.i, p. 272),
en décrivant les antiquités de Ladenbourg. Elle a probablement été buri-
née sur le marbre en 292 de l'ère chrétienne. La pierre qui la supportait,
trouvée à Mayence , avait, comme je l'ai dit, été transportée à Laden-
bourg et fut plus tard déposée à Mannheim. J'observera' que Schœpflin ,
qui a cité celte inscription; Gruter, qui l'a insérée dans son recueil;
Lehne , qui en a fait l'historique , diffèrent dans la leçon qu'ils en ont
donnée.
» I. 0. M.
ET. GENIO. LOCI
L. SEPTIM. lYLIVS
SIG. LEG. XXÏi. PR
OPTIO. NAVALIorum
V. S. L. L. M.
SATVRNINO
ET GALLO. COS.
2 I^^NONI. REG. ET
GENIO. LOCI. L
CRESCENTINIVS
LEG. V. S. L. L. M.
DED. X. KAL. AVG.
IMP. D. N. A!>rONl
NO. COS. (An 139, 140 ou 145 de J. C.)
Muratori, i, p. cccxxvi, 3.
DU RTIIN ET DU DANUBE. 59
génie du lieu, et fut érigé sous l'un des consulats de
l'empereur Antonin, le 10 des Kalendes d'Auguste,
le même jour, par conséquent, ou se célébraient les
Neptuniales, fêtes accompagnées de sacrifices et de
jeux publics. C était donc là que s'étendait le port,
donnant abri en même temps aux bateaux que le
gouvernement pouvait entretenir pour le transport
de ses troupes sur le Rhin , et aux bateaux de com-
merce qui descendaient ou remontaient le fleuve.
A l'époque de Constantin, lorsque, sous lui, l'Em-
pire fut partagé en quatre grandes préfectures, régies
chacune par un préteur, et que les trois diocèses
d'Espagne, de Bretagne et de la Gaule proprement
dite furent réunis, Mayence continua toujours d être
la capitale de la Germanie supérieure ou première,
une des dix-sept provinces qui constituèrent la Gaule.
Dans ses murs alors résida un des ducs qui furent
mis à la tête des douze divisions de l'armée que
commandait en chef le maître de la cavalerie. Le
pouvoir de ce duc s'étendait depuis Andernach jus-
qu'à Selz, où commençait la subdivision militaire
d'Argentorat, sous les ordres d'un cornes, laquelle
touchait au sud le territoire sur lequel commandait
le duc qui résidait à Olino'. La ville romaine de
Mayence fut démantelée, en 406 , par les Allemanes,
après avoir eu déjà, sous Constance II, à supporter
les déprédations de ces peuples. Ce qui avait alors
été épargné, ce qui avait été de nouveau rebâti,
fut détruit de fond en comble.
' Voy. ci-dessus, t. i, p. 184.
60 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
C'est sur ces ruines relevées, mais renversées de
nouveau par les Huns et par les Francs que, lors-
qu'enGn l'Empire de ces derniers se fut étendu sur
tout le Rhin, la ville épiscopale de Mayence se déve-
loppa.
Aucun reste d'architecture de l'antiquité romaine
ne s'est conservé in tact dans la cité. Ce n'est qu'en fouil-
lant ce sol, si souvent remué, que, çà et là, quel-
ques débris de constructions, un autel, une tombe,
une statue mutilée, de nombreuses monnaies, ou
des tronçons d'armes, peuvent être rendus à la
science.
Tout près de Mayence sont les deux villages de
Gonzenheim et de Bretzenheim. Dans le premier
furent retrouvées les traces d'un bain antique et d'un
aqueduc. Bretzenheim a aussi offert quelques ins-
criptions'.
Ce dernier lieu reçut son nom des Bretons que
Rome transplanta sous la forteresse de Mayence. Ils
y peuplèrent la bourgade de Sicila, qui reçut d'eux
le nom de Ficus Brittanorum, dernier nom sous le-
quel les documents du huitième siècle le citent en-
core^.
Cette transplantation de Bretons sur les bords du
Rhin a été l'objet du doute de plusieurs savants,
' El entre autres de la deuxième , de la quatrième et de la quator-
zième légion. Voy. Lehne, inscript, t. n.
^ In villa nominata Prittonorum; in monte Prittonorum; in villa
Brittanorum; in villa Brettanorum. VoY. Schanuat., Irad. Fuldenses,
ii«2, 40, 52.
DU RHIN ET DU DANUBE. 61
sans qu'elle me paraisse cependant plus extraordi-
naire que celle de colons Sarniates, que le poëte Au-
sonne cite entre Trêves et Mayence, cultivant les
sommets du Hundsriick^ C'est une politique que
Rome suivit trop souvent et dont nous avons trop
d'exemples pour qu'elle puisse nous surprendre. Tout
porte à croire que ce fut à la suite de la quatorzième
légion, à laquelle Mayence dut l'origine de ses for-
tifications, et qui, plus tard, envoyée en Bretagne,
y acquit par sa valeur le surnom de Martia et de
Victn'x, que ces Bretons furent amenés, lorsque cette
légion fut de nouveau rappelée sur le Rhin par Ves-
pasien^.
Ce qui donne une importance historique à l'endroit
qui leur fut assigné pour demeure , c'est le meurtre
qui y fut commis, le 19 mars de l'an 235, sur la per-
sonne d'Alexandre Sévère. Lampride^ place le lieu
de cet assassinat dans la Bretagne, ou , selon d'autres,
dit-il^ à Sicila dans la Gaule. Aurelius Victor* dit
que ce fut dans un bourg de Bretagne, du nom de
Sicila.
Jules Capitolin^ rapporte que l'empereur se trou-
vait dans la Gaule lorsque le poignard le frappa;
Euirope*^ est du même avis. Jornandès' enfin cite
' Voy. ci-dessus, p. 4.7.
- An 70 de Jésus-Christ.
■^ Alex. Sever., c. 59.
* Aurei. Vict., part, ii, c. 24..
s Jul. Capit., cl.
'■' Eutrop., VII, 12.
' .Tornandès , De regnor. successione ., c. 50.
62 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Mayence comme le lieu de l'assassinat. Tous ces pas-
sages, qui semblent se contredire, s'accordent dans
une vérité, savoir, que ce fut à Sicila, pioche de
Mayence, bourg habité par les Bretons, que cet em-
pereur fut massacré parles soldats.
Sicila était placée près du chemin qui de Mayence
conduisait à Altiaia, lieu antique, qui s'est perpétué
sous le nom d'Alzey , et où Valentinien I, qui y reçut
une ambassade des Bourguignons, signa une de ses
ordonnances \
Nous laissons à droite cette route, et nous sui-
vons, sur les bords du Rhin, les traces de l'antique
chaussée romaine, sur laquelle encore, çà et là, cir-
cule la route moderne. Quelques tombes ont été dé-
couvertes dans cette direction près de Laubenheim, et
surtout celle d'une esclave, du nom de Lycnis, que
1 On y a trouvé trois inscriptions; l'une, dédiée à Minerve, l'autre
à la Fortune, et la troisième aux Nymphes. Cette dernière, posée le
10 des Kalendes de décembre , sous le consulat de Maximus et de Pa-
pyrius iElianus (an de Jésus-Christ 223), est la plus intéressante en
ce qu'elle confirme le nom antique de l'endroit,
F.a voici :
IN. H. D. D.
D\ NYMPHIS
VICANI. AL
TIAIENSES
AUÂM. POS\^R
CVRA. OSTOi>I
LiBERTI. T. OSTONl
CASSI. X. K. DEC
MXiMo. E. AEL'NO. COS.
DU RHIN ET DU DANUBE. 63
je ne cite ici que pour mentionner l'âge extraordi-
naire auquel parvint la femme que cette pierre re-
couvrait, et qui, d'après l'inscription, vécut au delà
d'un siècle et demi^
Celte chaussée conduisait à Bonconica, aujour-
d'hui Oppenheim, lieu qui n'est cité pendant toute la
période romaine que par la seule Table de Théodose.
Le silence que garde de cet endroit la Notice de l'Em-
pire peut l'aire présumer, ou qu'il était de peu d'im-
portance, ou que, détruit par les Allemanes, ce cas-
tel n'avait point été relevé lorsque cette Notice fui
écrite.
Ce qui peut donner quelque poids à cette der-
nièie assertion, c'est que le bain de iNieistein, situé
tout auprès, et dont la source thermale, mise à profit
par la population gallo-romaine, a été retrouvée au
commencement de ce siècle, n'a lui-même offert
qu'une suite de monnaies qui, remontant jusqu'à
l'empire de Domilien, cessent avec celui de Pos-
thume.
' LYCNIS
Q. EPlH)
ANCILL//
ANN. V. CL.
ET. MEN lllt
H. S. E.
FELIXS
POSIT.
Lycnis , Q. Epidii ancill i , annos vixil centitm et quinquaginta et
menses quatuor, hic sila est. Félix suo posuil.
64 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Ces monnaies, déposées dans la source, entou-
rées de globules de gypse, et toutes remarquables
par la beauté de leurs empreintes, sont des témoins
muets de la reconnaissance de ceux qui un jour vou-
lurent sans doute consacrer la date des secours
qu'ils avaient reçus des divinités qui y présidaient, et
que nous fait connaître un autel dédié à Apollon et
à Sirona'.
Nous avons déjà lu une inscription sur le Necker
qui nous parle de cette déesse, la même divinité
gauloise sans doute que la Diane, reine de l'onde,
dont parle une autre inscription antique de la Pan-
nonie^.
Ces monnaies, selon moi, précisent le temps où
ces lieux étaient florissants et oii, détruits et dévas-
tés, ils cessèrent d'être en usage. Ce furent les
Gaulois qui vinrent, pendant la domination romaine,
s'établir sur les bords du Rbin, qui probablement
mirent les premiers cette source à profit, et qui lui
donnèrent le nom de Neri, nom qu'un document du
huitième siècle lui accorde encore ^ et qu'un autre
petit endroit de la Gaule centrale, également célèbre
< DEO
APOLLIM
ET SIRONAE
IVLIA FRON
TINA.
V. S. L. L. M.
•^ Voy. Griller, p. xxxix , 8.
■'' Seri-stein. Eckliart . (omm.de reb. l'raiiciœ orient.. I. I, \). .'591,
DU UUIN ET DU DANUBE. 65
par ses eaux thermales, portail aussi '.Tout fait pré-
sumer que, par souvenir des contrées d'où ils étaient
sortis, ces colons, en formant ce nouvel établisse-
ment, lui avaient donné un nom qui leur rappelait
leur patrie primitive.
Bonconica formait la station intermédiaire entre
Mayence et la cité des Vangiones. Dans ses murs fut
un jour postée l'aile de cavalerie picentine, dont
quelques tombes ont été trouvées dans ses envi-
rons.
La route romaine, au delà de ce fort , a laissé quel-
ques traces prèsd'Alsheim.En 1824, fut aussi retirée
du sol la pierre qui recouvrait en ce lieu la tombe
d'un singulare à pied consulaire^.
Comme Bonn, Andernach, Bingen, Mayence, et
la plupart des autres lieux de la rive gauche du Rhin,
la métropole des Vangiones ne fut d'abord occupée
parles Romainsque militairement. La peuplade ger-
maine des Vangiones avait indubitablement trouvé
cette bourgade déjà établie par la population celtique
qui, antérieurement à elle, habitait cette partie du
fleuve, et qui l'avait nommée du nom de Borbeto-
magus^; elle devint sa métropole. Lorsque plus tard,
* Aquœ Neri, aujourd'hui Néris en Bourbonnais.
2 Lehne , inscript., t. ii, p. 315.
"•* On la trouve mentionnée aussi sous les noms de Borbitomagus ,
Borgilotnagus et Dormitomagus, etc. Bormitomagus semble être la
leçon la plus récente , si l'on réfléchit à la contraction allemande de
Worms, que son nom antique a éprouvée. Comp. l'inscription de la
colonne de Tongres , Hennequin , ouvrage cité ; les variantes de Vlti-
néraire (ÏAntonin, édit. de Partbey et Pinder; la Table de Théo-
dose^ etc.
II. ^
66 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
SOUS la tutèle de la forteresse que Drusus y bâtit, la
civilisation romaine y fut implantée, ce fut à la fois
sous le nom que les habitants primitifs lui avaient
donné, et sous celui de cité des Vangiones, que le
municipe qui s'y forma fut désigné.
Ce titre de cité que portaitcette ville nous est attesté
à la fois par Ammien Marcellin et par l'inscription
d'une pierre qui fut déposée sur la tombe d'un sévir
augustalien de la classe des citoyens âgés ^ Cette
classe, comme on sait, comprenait tous ceux qui
avaient atteint l'âge de quarante- cinq ans, tandis
que la classe des jeunes hommes comprenait ceux
qui étaient âgés de dix -sept à quarante -cinq an-
nées.
Cette classification des citoyens qui pouvaient avoir
part aux emplois de la cité, était dans tous les mu-
nicipes des provinces copiée sur celle qui existait à
Rome, où cette institution datait de Servius Tul-
lius.
Le sol de cette cité, si cruellement dévasté par les
Allemanes et par les Vandales, et plus lard, à deux
reprises, par les Huns et par les Normands , a , dans
les divers sièges qu'elle eut alors à supporter, et à la
* D. M.
C. CANDIDIO. MARTINO. IIIIIIVIRO
AVGYST. C. SENIOR.
SEVERIA. SEVERA. CONIVX
ET. CANDIDIA. SIVE, MARTINIA
DIGNILLA. FILIA. FAC. CVR.
Tirée d'un manuscrit des archives de Worms.
DU RHIN ET DU DANUBE. 67
suite desquels l'incendie la dévora, perdu jusqu'aux
traces des antiques constructions romaines. Elle se
releva cependant chaque fois de ses ruines, et déjà
sous les Bourguignons, et plus tard sous l'empire
des Francs , où elle prit le nom de cité royale\ et où
elle fut ornée d'un magnifique palais"^, elle fut encore
une des villes les plus florissantes du Rhin.
Au milieu de la poussière des bâtiments romains
n'ont été trouvées que quelques antiquités, telles que
des autels où il fut sacrifié aux dieux, des pierres
mortuaires qui recouvrirent les tombes de légion-
naires ou de cohortales, des urnes cinéraires, des
statuettes de diverses divinités, des bijoux, des tron-
çons d'armes, des monnaies.
Les inscriptions qui ornent ces pierres parlent de
la seizième légion et de la cohorte rhélique, de la
première cohorte de Thrace, de l'aile Indiane, de
celle d'Espagne, de l'aile Agripiane, et d'une autre,
commandée par un tribun de la septième légion et
composée de Scubuliens, peuple dont nous ignorons
le séjour, si ce ne sont pas des habitants de Scupi,
sur les bords de l'Axius, dans la Dardanie^
' Civitas regia,
' Insigne palathim.
^ C. RABVRIVS
FESTVS. TRIB. LEG.
vît. g. F. PRAEF
ALAE. SCVBYLORVM.
10 VI.
II.
68 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Au dernier temps de l'occupation romaine, la ville
servit aussi de garnison à la deuxième légion, du
surnom de Flavienne. Elle portait alors le nom de
Vangionnej nom sous lequel elle est citée par Ammien
Marcellin et par la Notice de VEmpireK Ce nom ce-
pendant ne semble plus avoir été en usage sous la
domination des Bourguignons, qui changèrent son
nom primitif de Borbelomagus ou Bormilomagus en
celui de Bormaiia, et par contraction en celui de Vor-
?wa/m;, et deWorms, qu'elle portait seul encore du
temps des Mérovingiens.
U Itinéraire d'Anlonin conduit directement de cette
villeàNoviomagus, sans faire mention du fort d'Alt-
rippe, qui se trouvait placé sur le Rhin entre les
deux cités.
Nous avons déjà eu occasion , en parlant de la for-
teresse que Valentinien I bâtit à l'embouchure du
Necker, de citer ce dernier castel, dont le lit du fleuve
recouvre, selon toute probabilité, aujourd'hui l'em-
placement, tandis que dans la plaine est posé le petit
village qui a conservé son nom antique, et qui s'é-
tend encore sur la place de la bourgade que le fort
dut dominer des bords du Rhin, ainsi que son nom
nous l'indique.
Du sein des décombres du lieu romain , qui est
cité par le Code de Théodose'^ et par la Notice de V Em-
pire"^, qui y place un préfet militaire, ont été retirées
1 Anim. Marcel., 1. xvi, c. 2. — ISot. dign. imp. occid., c. 8.
- Codex Theodos., leg. 4, tit. 31,1. XI.
^ Grœvii Tkesaur. antiq. roman., t. vil, p. 2002.
bu luiiN ET DU dânubh:. ~ 69
plusieurs antiquités du plus grand intérêt. Je citerai
entre autres un autel, dédié à Jupiter et h Junon,
du troisième siècle^; un autre monument du même
genre, consacré au dieu Mars et à la divinité tulé-
laire des Nemèles, et surtout plusieurs fragments de
pierres milliaires, dont les inscriptions sont d'autant
plus précieuses que l'une d'elles^ nous confirme le
litre de cité porté par la métropole des Nemètes,
titre qui nous est aussi attesté par une autre colonne
milliaire, trouvée à une demi-lieue au delà de Sa-
verne du Rhin.
C'est de la métropole que les distances sont
désignées sur les deux pierres. Le lieu où a été
i 1. 0. M
IVN REG REG
VS PO ENS
VS X K OCT
GORDIANO
VG E AVIOLA
coss.
Jovi optimo maximo et Jiinoni Reginœ Reginius Potens volum solvit ,
decimo kalendas octobres , Gordiano Augusto et Aviola ConsuUbus.
(An 239 de Jésus-Chiisl.)
- La voici
IMP CAES///R
VALLICINI' .
//iCINlOPl 10
/////NV AVG.
. G. N.
L. 11.
70 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
retirée du sol la pierre d'Alta-Ripa , ne peut avoir été
toutefois celui où elle fut primitivement placée, vu
que la distance désignée par elle ne répond point à
celle qui sépare les deux lieux. Il faut penser que ce
monnnient aura été transporté ici pour servir plus
tard à d'autres bâtisses. La pierre de Saverne^ au
contraire, contient sur son inscription une distance
conforme à celle qui existe effectivement du lieu où
elle a été trouvée à l'ancienne cité dont elle fait
mention ^
Nous voyons par ces deux pierres que sous l'em-
pire de Licinius on répara cette route, h l'entre-
tien de laquelle Trajan, Antonin- le -Pieux, Marc
Aurèle et Maximin avaient déjà auparavant donné
leurs soins.
Il paraît que ce fut de chaque métropole des di-
vers peuples du Rhin que les distances furent alors
indiquées.
Je le préjuge du moins par l'inscription d'une
y IMPERATORI. CESARI
VALERIO. LICINIANO ET
LICINIO NORILIS
SIMO. CESARI
C. N. iv XIII.
Imperatori Cœsari Valerio Liciniano et Licinio nobilissimo Cœsari;
a Civilate Nemetum L. Xlll.
La Table de Théodose cite de Novioniagus à Tabernœ douze
lieues gauloises; la pierre qui nous occupe a été trouvée à une lieue
plus loin ; la distance marquée par l'inscription est donc exacte.
DU RHIN ET DU DANUBE. 71
autre colonne niilliaire de Brumath, dont le point de
départ était la cité des Triboques^
Par quel événement le nom de Licinius fut-il ins-
crit sur ces pierres , lui qui , fait césar par Galère
Maximien, en 307, et salué empereur en Pannonie,
un an après, n'eut jamais la Gaule dans son gouver-
nement?
C'est une de ces énigmes historiques qu'il est
difficile de deviner II faut admettre cependant que
cette voie porta son nom. Comme les mêmes pierres,
posées en son honneur, se retrouvent jusque dans
les Alpes pennines ^, il est à croire qu'il vint de
l'Italie dans la Gaule, pendant qu'on était, peut-être,
occupé de la réparation de cette route, et que, par
déférence pour sa personne, et pour conserver la
' IMP. CAES. PVB
LIO. LICIMO
VALERIANO. PIO
FELICI. INVICTO
AVGVSTO. CIV.
TRIBOCORVM.
Voy. Schœpflin , Alsat. illustr., t. ii , p. 551.
2 LMP CAES. . VA
. . ICIMANO LICIMO
P F INVICTO AVG
F C VALL. OCT.
M P XVII
Forum Claudii Vallensium Octodurus.
Voy. Orelli , Inscript., n° 337.
72 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
mémoire de ce voyage, on inscrivit son nom sur ces
bornes milliaires.
Ce qui rend surtout précieuses pour l'histoire de
ces contrées celles d'Altrippe et de Saverne, c'est
que, posées au nord et au sud de la cité dont elles
marquent l'éloignement, elles précisent quelle fut la
métropole des Nemètes, dont il est impossible de
révoquer en doute l'existence dans la ville de Spire.
Ce qui ajoute à cette certitude, c'est la pierre trouvée
à Godramstein, avec l'inscription au dieu Visucius,
de laquelle j'ai déjà fait mention en commentant
celle de Kœngen sur le Necker, adressée à ce même
dieu.
Cette pierre nous atteste que le territoire de
Godramstein était dans l'enclave de la cité des Ne-
mètes, dont un décurion, qui en même temps était
médecin de la cité, éleva le temple dédié à Visu-
cius ^
A ces preuves on peut ajouter l'inscription de l'au-
tel d'Altrippe, élevé au dieu Mars et à la déesse Ne-
» VESVCIO
ADa\I C^M SFGN
c candidivs
ca^pyrtsInys
D. C. c. SN T. JBC
C. reîiE. FEC
Vesucio œdem cum sîgno C. Candidius Calpurnianus, decurio civium
collegii senium et medicus civitatis Nemetum , fecit.
Comp. ci-avant, 1. 1, p. 245 et 276, les deux autres inscriptions
adressées à ce dieu.
DU KHIN ET DU DANUBE. 73
metone\ divinité locale, qui ne peut avoir été que
la déesse tutélaire des Nemètes. Le courage de ce
peuple que les annales historiques nous dépeignent
entreprenant et guerrier, explique l'association du
culte de cette divinité et de celui du dieu Mars ro-
main.
Toutes ces preuves monumentales, soutenues par
les textes de Ptolémée , des deux Itinéraires et de la
Notice de VEmpire,i\éivm'àeni le doute qu'on a cherché
à élever de nos jours sur la vraie position qu'occu-
pait cette peuplade-.
Altrippe, quoique tard mentionnée dans l'histoire,
» MARTI ET PCMETO
NAE
SILYIMVSTVS
E DVBITATVS
V S L L P.
Marti et Netnetonœ Silvinius Justus et Dubitatus , votum solventes
lasti , libenter posuerunt.
2 Entre autres , le baron de Leuisch , Ueber die Belgen des Julius
Cœsar. Giessen 1844. in-8°. L'auteur, dont nous avons cité le mémoire,
en parlant des Caracates, s'appuie sur divers passages de Pline et de
Tacite (Pline, Bist. nat., 1. iv, c. 31; Tacite, Germania, c. 28), où
ces deux écrivains , en faisant mention des Nemètes , des Triboques
et des Vangiones , interposent , en effet , dans leur citation les Tri-
boqnes entre les deux autres peuples , pour tirer de ces passages une
preuve historique et géographique sur la position respective qu'occu-
paient ces trois nations au bord du Rhin. Il place donc sur la carte qui
accompagne son mémoire , les Nemètes à Strasbourg , les Triboques à
Spire, et les Vangiones à Worms. Les inscriptions que nous venons de
citer détruisent mieux que ne pourraient le faire tous nos raisonne-
ments les assertions erronées de l'auteur.
74 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
paraît cependant être d'une origine fort reculée. Un
autel, dédié au génie des bénéficiaires consulaires*
de la Germanie supérieure et à la Concorde du lieu,
déterré il y a peu d'années, nous prouve par son
inscription, datée du deuxième siècle, que le lieu
romain existait à cette époque déjà depuis longtemps,
puisque le temple que décorait cet autel fut alors
lui-même réparé. Le nom de l'endroit annonce une
origine essentiellement romaine, et il est permis de
croire que le castel primitif fut élevé par Drusus.
Plus tard, Valentinien le rétablit, et il paraît même,
par un passage de Symmaque, que sous ces murs
l'empereur attaqua et défit un corps d'Allemanes'^.
Spire est située au bord du Rhin , à deux lieues en-
viron plus au sud qu'Ai Irippe.
Le nom que porte cette ville date de l'époque
*■ I N y^ — V D D.
geMo bfcosgset
loci concordwr
u- I A HCIV. lADVaSTVS
BF COS DP //////////////
////ag///:bvrrocs
VS L LM
V///irM REST
In honorem domus divinœ, Genio beneficiariorum consularium Ger-
maniœ superioris et loci Concordiœ Julius Âdventus , be-
neficiarius consulis, imperatore M. Aurelio Commodo Antonino Au-
gusto tertium et Burro Consulibus, volum solvens libens lœtus merito,
templum restituit.
(An 181 de Jésus-Christ.)
2 Orat. II. laudd. in Valentinian., c. 3, p. 16.
DU RHIN ET DU DANUBE. 75
Franque, alors que tout le pays fut partagé en diffé-
rents cantons, qui reçurent presque toujours le nom
des principales rivières qui les parcouraient. La Spira
donna le sien au Spirachgau, et ensuite à la ville
principale de l'arrondissement. Le nom de Neo- ou
Noviomagus cessa d'être en usage, et celui des Ne-
mètes disparut même entièrement.
Peu d'antiquités, comparativement à d'autres lieux
d'une bien moindre importance, ont été conser-
vées dans nos musées, provenant de cette ancienne
cité.
Un autel, dédié à JupiteretàJunon'; un autre, sans
inscription, mais revêtu de bas-reliefs des quatre di-
vinités présidant à la naissance, à l'éducation, à la
vie active, et enfin aux derniers moments de l'homme^;
un autre encore, dédié aux génies des carrefours^,
sont les seules pierres qui nous soient parvenues
ET IVNONI
REGINAE
VECCIINIVS
SIMILIS. ET
SVPERINI
A. DECVMIL
LA. V. S. L. L. M.
2 Junon , Minerve , Hercule et Mercure.
3 L'inscription de ce dernier autel est exactement la même que celle
que j'ai transcrite ci-avant, trouvée dans les ruines de Rottweii (t. i,
p. 222}. Il est à croire que ce fut le même Romain qui éleva l'un et
l'autre autel dans ces deux villes , où il paraît avoir successivement
résidé.
76 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
relatives à son culte. La quatrième légion, du surnom
de Flavienne, paraît y avoir été postée; nous avons
trouvé la tombe d'un soldat de cette légion, qui
prit part, dit l'inscription, à l'expédition de Ger-
manie.
Comme cette légion fut formée en Syrie parVespa-
sien, lors de la guerre de Judée, et que ce ne fut
que sous Alexandre Sévère qu'elle vint sur le Rhin,
il paraît probable que l'expédition de Germanie dont
il est ici fait mention , fut celle de Maximin'.
La Notice de l'Empire cite cette ville comme le
siège d'un préfet militaire, placé sous les ordres
du duc de Mayence^. Malgré les désastres sans
nombre auxquels Spire fut livrée , malgré son
' Voici l'inscription :
D. M.
AVR. VITALl
MIL. LEG. IIU. FL
STIP. VU. VIXIT
AN. XXV. AGENS
EXPEDITIONE
GERMAMAE. FL
AVIVS. PROCL
VS. MIL. LEG. SS.
SECViNDVS. HERES
CONTVRERNALI
BENE. MEREN. F. C.
Voy. Steiner, Cod. inscript, rovi. liheni, n° 17".
2 Nolit. dignit., édit. citée , p. 2001.
DU UIlliN ET DU DANUBE. 77
anéantissemenl total aux temps des Allemanes, re-
nouvelé dans les guerres du dix-septième siècle, où
elle resta déserte pendant dix ans, on montre en-
core, non loin du Rhin, les restes d'une tour qui
date de l'époque romaine, et non loin du dôme, où
le culte du Christ succéda au culte de Jupiter, les
débris d'une porte antique que l'on attribue égale-
ment au grand peuple.
Vllinéraire d'Antonin conduit directement de la
cité des Nemètes au fort de Saverne, sans parler
du Julius Ficus que cite la Notice de V Empire \
De Spire à Saverne, le Rhin forme de nombreux
détours, et le génie militaire des Romains leur fit
sentir le besoin de veiller, pour la sûreté de leurs
grandes forteresses, au passage du fleuve dont la
disposition, en ces parages, pouvait surtout offrir de
grandes facilités aux barbares. A l'embouchure de la
Queich fut donc élevé un castel protecteur, autour du-
quel une bourgade semble s'être formée, maisqui n'est
point citée par] Itinéraire, parce que la grande voie mi-
litaire,en remontant, laissait à gauche cette position. Ce
que ce lieu nous a offert de plus intéressant, c'est l'ins-
cription qui fut placée sur le temple de la déesse Maïa-,
' Notit. dignit , p. 2001.
2 DEAE. MAIIAE
AEDEM. A. SOLO. FE
CIT. C. ARRIVS. PA
TRVITVS. BF. COS.
V. S. L. L. M.
Deœ Maïœ cedem a solo fecit Cajus Arriiis Patruitus , beneficiarius
consnlaris , votitm solvens libens lœlus merito.
78 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
celle Pléiade aimée de Jupiter, laquelle en eut Mer-
cure, et dont nous avons déjà vu le culte associé
à celui' de son fils sur les bords du Necker.
La pierre qui la supporte, trouvée sous le sol en 1 834,
est d'autant plus remarquable que le nom de cette
déesse est plus rarement cité. C était elle cependant
qui donnait son nom au mois consacré à Vénus, et
pendant lequel se célébrait la fête de Mercure, fête
à laquelle elle était associée pour linfluence que son
astre bienfaisant exerçait sur la navigation.
Saverne est à peu près à la même distance de Ger-
mersheim, situé sur l'emplacement de l'établisse-
ment romain de Julius Viens ^ que ce dernier l'est de
Spire.
On a aussi trouvé au delà, sur le sol que recouvre
le village de Herth, quelques bas-reliefs, provenant
de l'époque gallo-romaine.
Trois lieux du nom de Saverne existent encore,
placés sur les débris des trois Tabernœ des Ro-
mains.
L'un, celui que nous foulons, est posé dans la
plaine, non loin du Rhin; et les deux autres sont
situés au pied des montagnes , sur le revers desquelles
se dressaient les tours crénelées de leurs castels. Le
plus célèbre fut celui qui, au-dessus du val de laZorn,
dominait toute la plaine d'Alsace, et qui, fortifié par
Julien, servit à cet empereur de point de départ, et
en quelque sorte de place d'armes, dans son expé-
dition contre les Allemanes, qu'il battit sous les murs
d'Argentorat. De tout temps la route qu'il défendait
servit de grande voie de communication entre la
DU UIIliN ET DU DANUBE. 79
vallée (lu Rhin et les vallées de la Meuse, de la Marne
et de la Seine. On y a trouvé quelques pierres monu-
mentales, et entre autres, tout près du lieu, un autel
qu'un Gaulois, du nom de Magiorix, et un Romain,
appelé Quintus, élevèrent ensemble à Mercure et à
Apollon ^
Saverne du Rhin n'est citée que dans XJlinéraire
d'Anlonin et par la JSotice de l'Empire. Le grand
nombre d'antiquités romaines qui y ont été décou-
vertes de nos jours, annoncent toutefois que l'établis-
sement qu y avait fondé le grand peuple, n'était pas
sans importance. Pour l'étude de l'art, sous les Ro-
mains, ces antiquités, qui surtout comprennent des
bronzes, des bas-reliefs et de petits autels en terre
cuite, sont extrêmement précieuses; pour l'histoire
du lieu , elles ne le sont pas moins , en ce qu'elles nous
prouvent le commerce considérable de poterie qui
s'y faisait. S'il faut croire le rapport qu'un habitant
de l'endroit fit à feu M. Schweighseuser, on y aurait
trouvé plus de trente fours, destinés à la cuisson de
la poterie rouge 2. Les inscriptions demi- barbares
» MERCVRIO
ET APOLLIM
MAGIORIX. ET
QVINTVS. SECVN
DI. FIL. V. S. L. JI.
^Notice sur les antiquités gallo-romaines de BJieinzabern , par
Schweighseuser, dans les Mémoires de la dixième session du Congrès
scientifique de France, p.3o0. — Voy. aussi Antiquités de Rheinzabern,
publiées par M. Maller, d'après les manuscrits de M. Schweighseuser.
in-i».
80 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
qui souveiil sont inscrites sur ces terres cuites, et les
noms inconnus des divinités auxquelles souvent aussi
elles sont adressées, ne forment point la partie la
moins intéressante de ces objets.
Déjà à une époque antérieure avait été trouvé à
Saverne un superbe bas -relief en marbre, repré-
sentant Apollon, Minerve et Mercure, élégamment
groupés, un autel consacré à ce dernier dieu\ et une
pierre monumentale, dont l'inscription prouve la
construction ou réparation des ponts du lieu an-
tique'^.
Il est à regretter que la qualité de celui qui en
entreprit les travaux n'y soit pas signalée, ce qui
aurait pu donner quelque lumière sur le régime mu-
nicipal de l'endroit.
1 DEO
MERCVRIO
5\NSVTVS
AFRACI. F.
OCIATIA
SECVNDA
V. S. L. L. M.
Deo Mercurio Mansuetus, Afraci filins, et Ocintia Secunda votum
solverunt , etc.
2 IN H DD.
L. SILVANIVS
PROBVS
PONTES
D. S. n. D.
DU RHIN ET DU DANUBE. 81
Le troisième Saverne est situé sur la hauteur qui
domine h l'enlrëe des Vosges le cours de l'Erlenbach,
ruisseau qui baigne aussi le territoire de Saverne du
Rhin, et qui se jette dans le fleuve non loin de ce
dernier lieu.
Quoique l'endroit ne soit nommé par aucun auteur
romain, son nom et un monument consacré au dieu
des Vosges qu'on y a trouvé ne peuvent laisser de
doute sur l'existence d'un établissement du grand
peuple'.
L'inscription de celte dernière pierre est du plus
grand intérêt pour Ihistoire du culte dans ces régions.
Le paganisme symbolisait la nature entière; les
fleuves, les montagnes, tout avait son génie pro-
tecteur.
La chaîne des Vosges eut le sien auquel on sacrifia ,
et qui, comme Diane, au sein de l'Abnoba, comme le
dieu Pennus , dans les Alpes penniques, comme la
déesse Ardoinna, dans les Ardennes, y était invoqué
sous le nom de Vosegus.
Une seconde route, partant de la cité des Nemètes,
semble, sous la protection du castpl de Tabernae,
avoir suivi la pente des montagnes et, par Concordia
et Brocomagus, avoir joint, comme la route du Rhin ,
la forteresse d'Argenlorat. Vilinéraire d'Anlonin cite
« VOSEGO
MAXSIl
MLNVS
V. S. L. L.
Voseyo Maxsiminus volutn solvit lubens libenler.
U.
82 ÉTABLISSEMENTS ROMAIKS
du moins cette voie de communication. Quoique toute
trace de l'antique chaussée ait disparu, la direction
que V Itinéraire nous donne de Spire à Brumath , situé
sur l'emplacement de Brocomagus, semble devoir
nous conduire nous- même au village d'Altstatt sur
la Lauler, près de Wissembourg, oii, en effet, nous
sommes assuré que les Romains avaient un établis-
sement.
La quantité de monnaies, de fragments de po-
terie et d'autres antiquités, déterrés en ce lieu, et
une inscription qu'un préposé à la garde des armures
de la vingt-deuxième légion, conjointement avec un
de ses parents', burina sur une pierre consacrée à
Mercure, et qui , retirée du sol d'Altstatt, fut plus
tard transportée à Saint-Rémy, ne peuvent laisser
de doute à ce sujet.
Il est probable que l'endroit aura été détruit et
saccagé par le vindicatif Allemane, et abandonné
' Ils portaient du moins tous deux le même nom de Nagissius.
Voici l'inscription :
IN H D D
DEO MERCVR
10. AEDEiM. AR
AM. ATTIAN
VS. MAGISS. ET
MAGISSIVS. II
IBERNVS G. A.
LEG XXII P. P. F
In honorem domus divinœ, Deo Mercurio œdem [posuerunt "t) aram
Altianns Magissius et Magissius Hibernus , citstos armorum legio-
nisAXU primigeniai. pieu , fidelis. .
DU lUlIN ET DU DANUBE. 83
par ses habitants. Il est probable encore qu'au lieu
de revenir sur les ruines encore fumantes de leurs
demeures, ils les transportèrent à quelque distance,
et que ce fut de ces nouvelles constructions, éclatantes
de blancheur, que le nouveau lieu fut nommé. Peu
à peu le nom antique de l'établissement primitif fut
oublié.
Toutefois le terrain qu'il avait recouvert ne le
fut point; et, lorsque avec le temps d'autres habi-
tations s'élevèrent sur ces débris, ce fut toujours
sous le nom d'Allsladt ou de la vieille ville que ce
groupe de maisons continua de s'appeler.
Plus rapproché du Rhin, sur le même torrent,
semble avoir été placé le fort de Tribuni ou Tribun-
cum, dont parle l'historien Ammien IVlarcellin. Cet
auteur, en décrivant la campagne de Julien contre
les Allemanes, dit, en effet, que Chnodomar, l'un
de leurs rois, avait posé son camp en ce lieu, afin
que «si le sort lui était contraire, il pût se réfugier
abord de ses embarcations'.» Le fort de Tribuni
devait donc être situé non loin du fleuve.
Or, près de Laulerbourg^ ont déjà souvent été
trouvés des fondements de bâtisses et des monnaies
romaines, qui semblent attester que le grand peuple
y avait un établissement. Il n'est pas sans quelque
vraisemblance que c'est le même que celui cité par
l'historien.
< castra, quœ prope Tribuncos et Concordiam munimenta Ro-
mana fixit intrepidus , ut escensis navigiis, dudiim paratis ad casus
ancipiies , in secretis se secessibus amandaret. Âmm. Marcel., 1. XVI,
c. 12.
II. 6-
84 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Vïlméraire cependant n'en fait pas mention , non
plus que la Carte routière de Théodose.
Cette dernière conduit directement de Tabernae
h Salelio, et de là h Brocomagus et à Argentorat,
tandis que V Itinéraire, comme nous l'avons dit, donne
deux routes difïérentes, celle du Rhin et celle des
montagnes.
L'antique Saletio est en grande partie recouvert
par le lit du Rhin qui, en se ruant sur les terres d'Al-
sace, a englouti les décombres de cette ville. Son nom
cependant s'est perpétué dans le bourg de Selz, que
les habitants, forcés de fuir le fléau, ont reconstruit
à quelque distance.
Ammien cite ce lieu parmi ceux dont les AUemanes
s'étaient emparés et que l'empereur Julien reprit sur
eux.
On le trouve aussi mentionné dans la Notice de
l'Empire, qui y place un préfet militaire, sous les
ordres du duc de Mayence, du gouvernement duquel
cette ville formait la limite.
Au delà s'étendait le territoire des Triboques,
dont la cité était Brumath , ainsi que nous l'a indiqué
la colonne milliaire trouvée près de ce lieu*.
Nul auteur de l'antiquité n'a cependant donné ce
titre à cette ville; et l'on a pensé que le mot de cité,
inscrit sur cette pierre, ne regardait point la ville
de Brumath particulièrement, mais toute la cité, c'est-
• Voy. ci-dessus, p. 71. Un document du moyen âge nomme encore
ce lieu Hruochmagat , corruption du latin Broromaijus. Voy. Lau-
risfiemense Chronicov, dans la coUection de Duchesne, t. m, p. 501.
DU RHIN ET DU DANUBE. 85
à-dire la nation des Triboques en général. Toutefois
c'est une hypothèse qui ne peut être admise , parce
qu'il est bien apparent, par la colonne milliaire qui
nous occupe, que c'était une colonne de départ
des différentes routes romaines dans l'enclave de
la cité, pierres que Strabon désigne sous le nom
de xaTEOii]lo^ivi]Vy et que, par conséquent, le lieu
même où elle fut trouvée dut être la métropole de
la nation.
Car, quoique le mot de cité comprît toutes les villes et
châteaux forts situés dans l'enclave de la cité même,
c'était toujours dans la ville principale de l'arrondis-
sement qu'était le siège de la juridiction, et c'était
aussi de ce centre que les distances étaient comp-
tées.
Or, sur la pierre milliaire que nous avons devant les
yeux, il n'existe aucun chiffre; ce qui prouve bien
que le centre de l'administration de la cité était la
ville même au sein de laquelle la colonne avait été
posée.
Brumath, fondé parla population celtique du Rhin,
avant même que la peuplade germaine des Triboques
ne vînt s'asseoir sur cette partie du fleuve, dut donc
être un établissement d'une importance majeure.
Nul lieu romain dans toute l'Alsace n'a livré un
nombre plus considérable d'antiquités de toute es-
pèce.
On y a trouvé des monnaies d'or, d'argent et de
billon de tous les empereurs des quatre premiers
siècles, des vases de diverses argiles, des urnes ci-
néraires, des camées, des bijoux de différentes
86 ÉTABLISSEMEINTS ROMAINS
sortes, et plusieurs objets d'art et de sculpture, entre
autres un autel, sur trois côtés duquel sont repré-
sentés Vénus , Minerve et Apollon.
Un autre autel, avec une inscription adressée à Ju-
piter et à Junon\ est orné sur ses deux faces latérales
de génies qui, par les emblèmes que leur a donnés
l'artiste, semblent devoir être Castor et Pollux.
Comme toutes les villes du Rhin, florissantes sur-
tout pendant l'époque des Antonins, Brumath eut à
souffrir plus tard des déprédations des Allemanes,
lors des différentes irruptions que ces peuples firent
dans les Gaules. Us étaient en possession de cette
cité, lorsque Julien, descendant, comme nous l'avons
dit, de Saverne, et longeant les bords de la Souffel,
vint leur livrer, sous les murs d'Argentoral, la ba-
taille sanglante qui en délivra le pays. Au cinquième
siècle, ils la reprirent et en rasèrent les murailles.
C'est à côté des ruines du lieu antique que se sont
relevées plus tard les demeures du lieu moderne, qui
ne renferme lui-même rien de romain.
Argentorat n'était situé qu'à vingt mille pas de
cette cité.
1 Voici l'inscription :
I. 0. M.
ET lYSO^l
REGI .... ELYC
miVS. YICT
VRVS. EX. V.
Jovi optimo Maximo et Jutioni reginœ Elucinius Victurus ex voto.
DU RUIN ET DU DANUBE. 87
L'importance de Strasbourg, posé sur l'emplace-
ment de l'établissement romain, augmente lintérêt
historique qui se rattache à l'origine de cette ville.
Malheureusement nous n'avons à ce sujet que bien
peu de données. Nul écrivain de l'antiquité, à l'ex-
ception du géographe d'Alexandrie, n'en fait mention
jusqu'à Ammien iMarcellin et Eutrope\qui l'un et
l'autre combattirent dans les armées de Julien, et,
plus tard, Victor^ et Zosime^, qui décrivirent aussi les
guerres de cet empereur.
Ptolémée y place la huitième légion, dont la pré-
sence dans cette forteresse nous est, en effet, con-
firmée par des inscriptions* et plusieurs tombeaux
romains qui y ont été découverts. Un fragment d'une
autre inscription, trouvé dans les substructions de
l'ancien couvent de Saint-Étienne, et qu'ont cité plu-
sieurs des écrivains^ qui ont décrit les antiquités de
Strasbourg, nous donne pour date le règne de Ju-
lien.
Malheureusement il a depuis longtemps dis-
paru.
L'inscription avait été burinée sur le marbre, en
l'honneur de cet empereur, comme un hommage
rendu à ce prince par la province de Germanie su-
1 L. X, c. 7, num. 5.
2 Epitome , c. XLII.
3 L. m, c. 3.
* LEG. VIII. AVG. — EG VIII AVG. — LEC VIII A G. Sur des
dalles de terre cuite.
5 Mabillon, Annal. Bénédictin., t. I, p. 493; Kœnigshovcn, Chron.,
p. 1124.
88 ÉTABLISSEMENTS ROUMAINS
périeure, sans doute lorsque, vainqueur de l'Alle-
manie, il revint triomphant sur les bords du Rhin'.
Acette époque, selon le témoignage de l'historien,
s'étendait, sous la protection de ce castel, un muni-
cipe qui dut être assez important, puisqu'il le cite
avec ceux de Worms, de Spire et de Mayence'^.
Une inscription récemment découverte prouve que
dans ses murs s'élevait un temple dédié à Minerve et
au génie du lieu, temple qui, en 202 de l'ère chré-
tienne, sous le consulat de Mucien et de Fabien, fut
réparé par le lieutenant et le secrétaire du princeps
qui résidait dans les murs de la cité, mais dont la
réparation ne fut achevée que l'année suivante, sous
le consulat des deux Auguste Sévère et Antonin, aux
frais et par les soins de Catule, lieutenant du prin-
ceps, qui avait remplacé le premier^Le fort embras-
1 La voici :
IVIJAN
AVG. PR
OVINC.
'Prima Germania, ubi prœter alia municipia Moguntiacus est ^ et
Vangiones, et Nemetes et Argentoratus . barbaris cladibus nota. Anim.
Marcel., 1. xv, cil.
3 IN. H. D. D. MnTRVAE SAN
CTE. ET. GEMO. LOCI. C. AMA'
DIVS. FIMTVS. OPT. PRINCI . . .
ET T. CELSIVS. VICTORINVS.
LIBR. PRINCIPIS. REFECER>T
MVCIANO. ET. FABIAîsO. COS.
c. Q. CA^VS. oT. PR. INCHOÏA-JI. D. S. PERFECt". DVOB.
AVG. SEVERO III ET ... . OXN. COS.
In konorem domus divinœ, Mtnervœ sanctœ et Genio loci C. Aman-
DU RHIN ET DU DANUBL. 89
sait alors la partie de Strasbourg qui est le plus à
l'est, baignée au sud par l'Ill, et à l'orient par le bras
de celte rivière connu sous le nom de canal du
Faux-Rempart; il se trouvait défendu, au nord et à
l'ouest, par des murailles et de profonds fossés, au
delà desquels se développait la voie romaine qui liait
la cité au camp de Kœnigshofen, qu'occupait la hui-
tième légion.
Des fouilles récemment faites dans ce dernier lieu
ont mis à nu plusieurs autels, des tombeaux, des
poteries, des statuettes , des monnaies des diverses
époques de l'ère romaine.
Le princeps qui résidait à Argentorat y était sans
doute comme subdivisionnaire du chef militaire de
la province qui résidait à Mayence. Lorsque plus
tard Constantin établit les quatre grandes prétures,
Argentorat, comme nous l'avons vu, en parlant de
Mayence, reçut un comte, dont la charge était pure-
ment militaire, et qui était préposé à la garde du
passage que cette forteresse défendait \ Car, comme
aujourd'hui encore, l'importance de sa position avait
porté les Romains à en faire une place de guerre du
premier rang, où ils entretenaient des arsenaux, et
où se fabriquait tout ce qui était nécessaire à l'arme-
ment des armées^.
dius Finitus, optio Principis , et T. Celsius Victorinus , librarius Prin-
cipis , refecerunt , Muciano et Fabiano consulibus. C. Q. Catulus , optio
Principis, inchoatum de suo perfecit , duobus Augustis Severo III et An-
tonino consulibus.
' Sub dispositione viri spectabilis comttis Argentoratensis tractus
Argentoratensis. Not. dignit., édit. cit., p. 1947.
^Notit. dignit. imperii occident., c. 29.
90 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Restée intacte sous la puissance romaine, depuis
l'époque où les légions vinrent planter leurs aigles
sur le Rhin, cette ville qui, de simple bourgade cel-
tique, s'était élevée au rang de forteresse et de mu-
nicipe, tomba en ruines, avec les autres cités rhé-
nanes, au commencement du cinquième siècle. L'in-
vasion des Allemanes, sous Alexandre Sévère, celle
que ces peuples renouvelèrentsous Constantin, et celle
qui les mit en présence des armes de Julien , n'avaient
été que des fléaux passagers. Mais l'irruption des Van-
dales fut plus sanglante pour elle. Elle fut alors sac-
cagée; ses malheureux habitants furent entraînés en
esclavage au sein de la Germanie. A la suite des Van-
dales et des Suèves s'avancèrent les Allemanes qui ,
tandis que les premiers se répandirent dans la Gaule,
ne laissant derrière eux que des ruines fumantes, se
mirent en possession de toute la plaine des Vosges et
du Rhin.
Alors succéda à la forteresse romaine démantelée
une nouvelle bourgade qui, toutefois, ne fut de
nouveau ceinte de remparts que sous l'empire des
Francs.
Au huitième siècle existaient encore les ruines ro-
maines, ainsi que nous l'apprend un document de
cette époque qui règle la fondation du couvent de
Saint-Étienne^
Au nom celtique latinisé avait cependant déjà, au
1 « in parte suœ hcereditatis , quœ sibi pertinuit inter rtiinas
i veteris Argentoraci . pro opportunitate solitudinis et juxta fluenlis
* Brusci fluvii.j) Charte de Loihairc.
DU RHIN ET DU DANUBE. 91
sixième siècle, été substitué celui de Stratebourg^; ce
qui semblerait annoncer que l'endroit n'avait pas
cessé d'être habité. Ce nom correspond assez au nom
celtique d'Argentorat, puisque ce dernier désigne
un lieu de passage sur un fleuve, et que le mot alle-
mand de Stratebourg, changé en celui de Stratz-
bourg^, et enfin de Slrassbourg , désigne un fort
placé sur la route qu'il est destiné h défendre.
Les démolitions romaines servirent sans doute de
matériaux à ces nouvelles bâtisses que les siècles, les
guerres, ont depuis si souvent renouvelées; c'est ce
qui peut seul expliquer le petit nombre d'inscrip-
tions qui ont été retirées de ce sol, comparative-
ment à d'autres localités d'une bien moindre impor-
tance.
La route romaine conduisait d'Argentorat à Hel-
lenum, placé au lieu même que recouvre le village
d'EU.
Les fouilles qui ont été faites à diverses reprises
en ce dernier lieu, ont livré une foule de monnaies,
de vases d'argile, de poteries et d'autres objets de
terre cuite, ainsi que divers autels ornés des bas-re-
liefs consacrés à différentes divinités. L'inscription
de l'un de ces autels est relative au culte des ma-
trones, et offre le plus grand intérêt.
Celte inscription, burinée sur le marbre, porte
^ Ad Argentoracensem urbem , quam nunc Slrateburgum vacant.
Grégoire de Tours, Hist. Francorum , . x, c. 19.
2 In civitate quœ olim Ârgentaria vocabatur, nunc autem Slratzburg
vulgo dicitur. Nilhard , au neuvième siècle.
92 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
qu'un individu, du nom de Sextiis, pour l'accom-
plissement d'un vœu qu'il avait fait, renferma d'un
mur une portion de terrain qu'il dédia aux déesses-
mères'.
Comme ce monument ne fait mention ni d'autel
ni de temple, il est probable que dans l'enceinte que
le Romain Sextus consacra, n'étaient placées que les
images de ces divinités.
Hellenum paraît avoir été un de ces camps ro-
mains qui, peu à peu, s'élevèrent au rang de villes.
Placé sur les bords de l'Ill, à deux lieues du Rhin,
il servait à couvrir cette ligne qu'observaient en
arrière les divers castels élevés sur la crête des
Vosges.
Sans doute il aura eu le sort d'Argentorat et de
Brocomagus, et il aura été ruiné au commencement
du cinquième siècle^ lors de la grande invasion
des barbares.
La Table de Théodose, qui donne à ce lieu le nom
d'Helellum, le place à douze lieues gauloises d'Ar-
gentorat, ce qui répond assez exactement à la dis-
tance de Strasbourg au village d"Ell. Il est cité sous
le nom d'Elcebus par Ptolémée^ et sous celui d'Hel-
> MATRABYS ACRV
EX MACERIE CIRC
VM DVCTYM SEXT
VS CLEMENTIS FIL
V S L L M.
2 "EXjCYjêoî. Géoyr., . 11, c. 9.
DU RHIN ET DU DANUBE. 93
vélum par Yllinéraire d'Antonin, qui indique deux
routes différentes au sud de celte ville; l'une, allant
directement joindre Argenlo varia , l'autre, le rocher
de Brisach.
Argentovaria a été le sujet de beaucoup de disser-
tations de la part de plusieurs savants qui jusqu'ici
l'ont toujours confondue avec l'Argentaria d'Ammien
Marcellin , lieu près duquel les généraux de Gratien
défirent, en 378, la peuplade allemane des Leniiens.
Nous aurons occasion, en décrivant les établisse-
ments romains du lac Brigantin, de faire voir com-
bien cette opinion est erronée, et de prouver que
l'Argentaria dont parle l'historien ne doit nullement
être confondue avec l'Argentovaria de Plolémée, de
Vitméraire d'Anlonin et de la Carte routière de Théo-
dose.
Celaient deux lieux différents, dont le premier
était posé sur les bords du lac, à l'embouchure de la
petite rivière d'Argen, et dont le second était situé
sur rill, près du village d'Horbourg, lequel, au cin-
quième siècle, surgit des ruines de l'établissement
romain.
Les moissons aujourd'hui recouvrent la plaine où
cette ville s'étendait, et dont le sol, remué par la
charrue, livre encore, de temps à autre, quelques
restes d'antiquités romaines. Le nombre de monnaies
qui y ont été trouvées est très-considérable ; elles se
succèdent pendant toute la période des quatre pre-
miers siècles ^ Plusieurs pierres monumentales en
' Rhenanus. Epistola ad Mattiam Erbium, p. Mi.
94- ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
ont aussi été retirées; entre autres deux autels en-
richis d'inscriptions.
Nous ignorons la divinité à qui l'un d'eux était
consacré*; l'autre l'était à Apollon, du surnom de
Grannus, et à une autre divinité celtique qui, pour
la première fois, vient s'offrira nos recherches sous
le nom de Mogounus^.
C'est surtout sur le Danube, comme nous le ver-
rons plus tard, que les inscriptions d'Apollon, avec
le surnom de Grannus, sont fréquentes. Il lui avait
été donné comme au dieu des sources , auxquelles
il présidait, ainsi que ce surnom nous l'indique, et
que nous le confirment les statues et les autels
qui, partout oii des thermes existaient, lui furent
élevés.
Son culte s'était répandu jusque dans les pays les
plus septentrionaux, et jusqu'au sein des montagnes
1 L\ II DD
ARAM
BIRRIVS
MARTIYS
D. S. D.
2 APOLLIM. GRAN
NO MOGOVNO
ARAM
Q. LICINIVS. TRIO
D. S. D.
Apollini Granno et Mogouno aram Q. Licinius Trio de siio dicat.
DU RHIN ET DU DANUBE. 95
des Calédoniens, où était aussi en honneur celui du
dieu Mounusou MoguntiuSjdivinité qui sembleavoir eu
les mêmes attributs que l'Esculape des Grecs. C'est ce
qui explique son association sur le même monument
avec Apollon Grannus ou le dieu des sources. Dans
le cabinet de 3Junich se trouve, en effet, une sta-
tuette d'Apollon qui peut servir à éclaircir les attri-
buts de ce dernier dieu.
Il est représenté sous les traits d'un jeune homme
couronné d'une auréole lumineuse à cinq pointes,
et revêtu d'une légère tunique. Il supporte du bras
gauche un vase où, comme dieu de la médecine, et
présidant à la santé des hommes, il tient renfermés
les baumes qui peuvent servir à la leur rendre. Les
plis de son manteau recouvrent cette partie du corps,
tandis que le bras droit est libre et tient levé le cou-
vercle du vase, comme pour inviter à venir prendre
part à ses dons. Sur sa robe sont inscrits , en carac-
tères moitié celtiques, moitié grecs, ces deux mots
Selmyio et EQivoiLiaL,f éclaire et je distribue, de\ise
qui exprime bien l'éclat et l'action du dieu, en même
temps que le nom de Grannus, c'est-à-dire du dieu
qui préside aux sources thermales, donné à Apollon
sur le piédestal, exprime sa puissance curatrice.
Or, sur une autre pierre votive , trouvée dans l'an-
tique Calédonie, est exprimée la reconnaissance d'un
valétudinaire envers le dieu Moguntius , auquel il
devait la vie ^
*Voy. Caraden, Britlannia , p. 433; Gorden, Itiner. septentrion.,
p. 98.
96 ÉÏABLISSEMEISTS nOMAlNS
Si nous devons voir dans le dieu Mogounus de l'ins-
cription d'Argentovaria la même divinité que celle
que cette pierre mentionne, nul doute que sa puis-
sance curatrice ne lût égale à celle d'Apollon , et que
ce fût pour marquer à ces deux dieux toute sa
reconnaissance que le Romain, du nom de Licinius,
qui leur éleva l'autel qui nous occupe, les a associés
dans son vœu.
Argentovaria, elle aussi, fut ruinée au cinquième
siècle.
VUinéraire d'Antonm^ sur la route qui, de cette
ville conduisait à la colonie des Rauraques, cite la
mansion de Slabula, lieu qui, selon cet Itinéraire,
situé à six mille pas de Cambes, et, par conséquent,
à trois de nos lieues du bourg de Kembs, paraît avoir
été placé sur le même terrain que recouvre aujour-
d'hui Banlzenheim.
« On ne peut remuer le sol en cet endroit, dit Bea-
«tus RhenanusS qui vivait au seizième siècle, sans
« que l'on ne trouve quelques restes d'antiquités ro-
« maines. Toute la campagne , lorsqu'on la fouille,
<r laisse voir les ruines d'un ancien établissement qui
« s'étendait jusqu'à l'antique chaussée dont les restes
« sont encore désignées sous le nom de Hochstrass.
<t Souvent aussi l'on y déterre des sarcophages de
« pierre.»
Induit en erreur par ces vestiges, Rhenanus avait
placé en ce lieu le fort d'Arialbinnum.
Nous avons toutefois fait voir, en décrivant les an-
* Beatus Rhenanus, Rer. Genn., 1. m, p. 278.
DU RHIN ET DU DANUBE. 97
tiquités de la colonie d'Augusla chez les Rauraques,
la vraie position de cette forteresse, qui était située
sur l'emplacement du moderne Binningcn.
Les ruines que nous foulons ne peuvent donc être
que celles de Stabula, lieu où l'empereur Constance,
pendant le séjour qu'il fit dans les Gaules, signa une
de ses ordonnances*, et d'où, en effet, comme nous
l'indiquent les deux Itinéraires, nous arrivons bien-
tôt après au bourg de Kembs qui a conservé en par-
tie le nom antique de Cambes, et où les ruines sou-
terraines, qui ont été retrouvées au seizième siècle ^
prouvent aussi l'emplacement du lieu romain.
Entre ces deux endroits est situé le village d'Ott-
marsheim, où la tradition place dans l'église que l'il-
lustre Schœpflin a décrite ^ et qu'il regarde comme
les restes d'un temple du paganisme, le culte de
Mars, dont ce village aurait en partie conservé le
nom.
En arrière et séparé du Rhin par les forêts qui
aujourd'hui encore recouvrent cette partie de la pro-
vince, et qui devaient être alors bien plus étendues,
était situé le camp dUrunca, sur les restes duquel
s'éleva plus tard le Richeneshaim du moyen âge.
La position du lieu moderne, qui lui a succédé,
répond exactement à celle que Vltinéraire assigne
au lieu antique, puisque, à un mille près, il le
' Lege IV. Cod., De oper. publ.
^ Supra Cambeten, etipso vico , mira vestigia tnurorittn subterra-
neorum apparent. B. Rhenanus , Rer. Germ., 1. m , p. 277.
"^ Alsat. illustr., 1. 1, p. 504 et suiv.
II. 7
98 ÉTABLISSEMENTS UOMAlNS
place à distance égale d'Arialbinnumet du Mons Bri-
siacus, dont il liait la communication. Les traces de la
chaussée romaine n'ont point encore tout à fait dis-
paru , non plus que celles de la route qui , de Cambes,
allait en ligne directe, et en croisant cette chaussée,
joindre le fort d'Epamanduodurum, lieu situé près
de Monlbéliard, et où, indépendamment d'autres
antiquités, fut aussi trouvée une pierre miliiaire du
règne de Trajan'.
Tels furent les principaux établissements que les
Romains, pendant les quatre siècles qu'ils furent
maîtres du Rhin, formèrent le long de la rive gauche
de ce fleuve.
Toute cette ligne de forteresses, qui devaient faire
la sécurité des Gaules, était toutefois encore soute-
nue en arrière par les autres fortifications de la
Meuse, de la Moselle, du Mont-Tonnerre et des
Vosges, sur la crête desquels le Celte guerrier avait
déjà placé les remparts que Rome mit aussi plus
tard à profit.
Cependant je ne m'éloignerai pas de la frontière
du Rhin, qui fut celle de la Germanie romaine pen-
dant la moitié du premier siècle, et qui la redevint
IMP. NERViE
TRAIANO
CAES. AVG. GER.
DIVI. NERVAE. F.
P. M. TR. P. P. P. CoS. II
VESANT. M P. XXXXIIX.
DU RHIN ET DU DANUBE. 99
lorsque, au troisième siècle, Rome eut perdu ses
conquêtes d'outre-Rbin. Les Romains ne se sou-
tinrent plus alors dans la Germanie proprement dite
que sur le Danube.
aa9»»£^»»6«n-^ -
100 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
TROISIEME PARTIE.
ÉTABLISSEMENTS ROMAINS DU DANUBE ET DE l'aLBE.
L'Albe, ou la chaîne des Alpes suéviques, s'étend
entre le Necker et le Danube, depuis la Schmiech ,
dont le cours la sépare à une petite dislance de la
Forêt-Noire, jusqu'à la hauteur de Kœnigsbronn. Au
sud , ces montagnes s'abaissent insensiblement vers
le grand fleuve, et à l'est, vers la rivière de Brenz;
mais, au nord et à l'ouest, elles s'élèvent rapidement
et forment de vastes plateaux, dans lesquels les val-
lées sont profondément encaissées. Les principales
rivières qui y prennent leurs sources sont la Brenz,
la Rocher, la Rems, la Fils, la Lauter, 1 Ems, la Lau-
chart, l'Aach^, la Blau et la Lonlel , tous courants d'eau
qui se jettent soit dans le Danube, soit dans le Necker.
Prise en ligne droite, la longueur de l'Albe, depuis
Kœnigsbronn jusqu'à Ebingen, comprend une dis-
lance de vingt à vingt-deux de nos lieues; nulle part
sa largeur ne dépasse quatre à huit lieues.
Les Romains, après leur prise de possession des
Gaules, envahirent de bonne heure ces plateaux,
qu'ils enclavèrent dans la province de Rhétie, et en
avant desquels ils placèrent leur limite.
L'occupation de ces montagnes et de leurs ver-
sants fut, comme sur lAbnoba et sur le Mein, suivie
de la colonisation qui , tandis que le nord de la Ger-
DU RHIN ET DU DANUBE. 101
manie se débattit sous les serres de l'aigle, s'étendit
ici sous l'influence de plus d'un siècle de paix. Le
Danube, qui, depuis la jonction des deux petits tor-
rents de la Breg et de la Brigach , réunis aux sources
de Donaueschingen , coule dans un val profond , au
milieu de deux chaînes de rocs calcaires , et qui , plus
loin, à mesure qu'il s'augmente du tribut de cent
ruisseaux et de plusieurs torrents et rivières , tels que
l'iller, la Gûntz, la iMindel, le Lech et la Paar, voit
les hauteurs s'éloigner de ses bords et baigne une
plaine fertile entrecoupée de coteaux, reçut en ar-
rière plusieurs grands établissements.
De toutes les villes qui se fondèrent, soit sur ses
rives, soit sur ses confluents, la plus considérable
et la plus florissante fut, comme nous l'avons dit,
celle qui, en l'honneur d'Auguste, reçut de son fon-
dateur le nom d'Augusta.
C'estau sein de cette ville , située près de la jonction
du Lech et de laWertach, dont les eaux étreignent
des deux côtés son territoire, que venaient, comme
dans un point central, se réunir toutes les voies
de communication qui reliaient à la fois cette grande
cité à 4'ltalie, à la Gaule, au Rhin et à la Pannonie.
Ce fut sous le règne d'Auguste, et seize ans avant
l'ère chrétienne que Drusus entreprit sa campagne
contre les Rhétiens , peuples que leurs Alpes sépa-
raient de rilalie , mais qui commençaient à en in-
quiéter le sol. Il les combattit non loin de Magia , sur
le même champ de bataille où, quatre-vingt-cinq
ans auparavant , Marins avait anéanti l'armée des
Cimbres. Tous les passages des Alpes furent conquis.
102 ÉTABLISSEMENTS IIOMAINS
Au noi'd de ces montagnes s'étendaient les Licatiens
aux sources du Lech, et sur cette rivière et la Wer-
lach, les Vindéliciens, dont les diverses tribus, de-
puis le Danube jusqu'au lac Briganiin, se virent, par
la défaite des Rhétiens, en présence des légions de
Drusus. Ce général, conjointement avec Tibère, en-
voyé, l'année suivante , avec des renforts pris dans
les Gaules, commença contre ces peuples une nou-
velle campagne, qui, menant les Romains aux sources
du Danube, rendit tributaires tous les peuples du
lac , et eut pour résultat de mettre sous le joug de
Rome tout le pays qui s'étend entre le Norique et
l'Abnoba. Toute la contrée devint romaine. Pour
en assurer la conquête, on établit divers camps,
où furent placées les légions et les cohortes, et on
conduisit sur les bords du Lech la colonie d'Auguste,
dont le nom, plus tard, en l'honneur d'Adrien, fut
changé en celui d'^Elia Augusta \
1 Nous avons encore l'inscriplion que la ville reconnaissante con-
sacra sur un monument en l'honneur de Malidie , belle-sœur de cet
empereur.
La voici :
MATID////////////
DIV.E MATI///
///VGV. FIL. DI
MARCIANA/////
////PTI DIVI////
////NI ABNE////
DIVAE SABI///
//////////////so//
Matidiœ , divce Matidiœ Augustœ filiœ, divœ Marcianœ Augustœ nepti,
divi Trajani abnepti , divœ Sabina',divi Hadriani Augustœ, sorori.
DU RHIN ET DU DANUBE. 103
Celle cilé devint la métropole de toute la Vindé-
licie, et la ville la plus florissante de toute la Rhétie,
d'après le dire de Tacite.
C'était, comme on sait, avec la plus grande solen-
nité que l'installation de pareilles colonies avait
lieu.
C'était sur le vestige du sillon tracé par la charrue
sacrée, au joug de laquelleétaientaltachés le taureau
et la génisse blanche, destinés au sacrifice, que leurs
murailles s'élevaient. Celles de la ville nouvelle em-
brassèrent un vaste terrain, et ce fut, selon toute
probabilité, au centre et sur l'emplacement de Saint-
Ulrich où, en 1606, fut découverte une inscription
colossale, dédiée à Jupiter \ que s'éleva le capitole,
consacré, comme celui de Rome, au maître des
dieux, à Junon et à Minerve.
Là où la petite église de Saint -Gai est placée,
fut posé le temple de Mercure, dont l'inscription
dédicatoire a aussi été retrouvée au commencement
Le divin Trajan , dont parle l'inscription, était le père de l'empe-
reur Trajan. Il est cité dans les fastes consulaires sous le nom de
M. Ulpius Trajanus. Il eut deux enfants, l'empereur et Marcienne, en
l'honneur de laquelle, s'il faut en croire Amniien Marcellin et Jornan-
dés, la ville de Marcianopol en Mœsie aurait reçu son nom. Matidie,
fille de Marcienne , eut pour époux Boïonius Proculus (voy. Reines ,
p. 306,. C'est d'eux que naquit Matidie, sœur de Sabine, qui épousa
l'empereur Adrien. Voy. les Tables généalogiques deLohmeier,'i'' part.,
labl. 2 et 3 de l'édition de Lunebourg, 1731.
P 0 M P
Patri optimo Maximo positum.
104 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
du seizième siècle'. Le Forum s'étendait sur l'em-
placement de la cathédrale, ainsi que la basilique et
son portique, dont quelques restes de colonnes et
une pierre de marbre, supportant dans une niche
les bustes en relief de deux duumvirs, ont été dé-
couverts intacts.
* MERCVRIO
CVIVS. SEDES A TERGO
SVNT
APPIVS. CL. LATERANVS
XV. VIR. SACR. FAC
COS. DESIGN.
LEG. AVG. PR. PR.
LEG, III. ITA.
V. S. L. M.
Mercurio, cujus sedes a ter go sunt , Appîus Cl. Lateranus , quindecim-
vir sacris faciendis , consul designatus , legatus Augusti j proprœtor
legionis III italicœ, votum solvit lubens mérita.
Les quindecimvirs avaient l'inspection des livres sybillins, à la garde
desquels ils étaient préposés. Comme leur emploi les mettait en con-
tact avec le culte , ils ajoutaient à leur titre les mots de sacris facien-
dis, comme ayant rapport h. leurs fonctions sacerdotales.
C'était le second grand collège des prêtres de l'Empire Dans les
temps difficiles, ils devaient consulter les livres sybillins par l'ordre
des pontifes et faire alors le sacrifice expiatoire que ces livres pres-
crivaient. A l'origine de leur création leur nombre fut de deux (Dionys.,
IV, 62; Livius, III ,10). Il fut, en 237 de Rome, porté à dix membres,
dont cinq patriciens et cinq plébéiens (Livius, vi , 37, 42). Plus tard
il fut encore augmenté de cinq. Enfin, leur nombre ne fut plus stipulé,
quoiqu'ils continuassent de porter depuis le nom de quindecimvirs [Li-
vius, XXXIII, 42; Cicer., De orat., m, 19; Feslus, Declam. de Ilarusp.
resp., 101).
DU RHIN ET DU DANUBE. 105
Plus de soixante- dix monuments, portant des
inscriptions, ont été retirés de ce sol classique.
Mars et la Victoire S Hercule^ et le dieu Silvain^
m. H. DD.
DEO. MARTI
ET. VICTORLE
CONTVBERM
V.M. MARTICVL
TORYM. POSVE
RVNT. V. S.
LL. M.
.... CVLI. STATVAM
CVM. BASE AVRELIVS
MVTIANYS. V. P. P. PR.
PRO. SALYTE. SVA. SVO
RVMQVE. OMNIYM
. . SYIT. CYRANTE
GERYNTIO
ilulianus, vir perfectissimus , proprœtor' provinciœ ■ etc.
IN. H. D. D. DEO. SILYANO
TEMPL. CYM. SIGNO. YE
TYSTATE. CONLABSYM
SEXT. ATTONIYS. PRIYATYS
CIYES. TREYER. Iiml. YIR
AYGYSTALIS. PEC\^IA.
SYA. RESTITYIT.
106 ÉTABLISSEMENTS KOMAINS
les Parques 1 et les autres divinités protectrices de la
cité '\ Isis même \ et , hors de l'antique enceinte , Plu-
ton et ProserpineS y eurent des autels.
. ARCI .
SACR. .
c . . . .
COSSITIVS
PRIMVS
V. S. P.
L. L. M.
Farcis sacrum, etc.
. 0 M.
TERNO. SERVATORt.
. . . DEABVSQVE
. . . YS. LOCl.
. . ETERIS DUS
DEABVSQVE
OMNIBYS.
Jovi optimo Maximo , œterno conservatori , cœterisque Bits ^ Deabus-
que hujus loci.
Manlius, dans Tile-Live (1. vi), s'écrie : a Jupiter optimus maximus,
i. Junoque regina, ac Minerva , cœtertque DU Deœque qui capitolium
t arcemque incoîitislt C'est la même invocation qui se retrouve ici
sur ces deux pierres.
ISlD(i)
Fragment d'inscription.
PLVTOM ET
PROSERPIN
AE. FLAV[A
VENERIA
BESSA EX
VISV yEDEM
I). S. P. V. I. S. L. M.
DU RIIIN ET DU DANUBE. 107
La ville, indépendamment de son tilre de colonie,
eut la consiitiition d'un municipe^ Comme telle elle
eut à la tête de sa curie des quadrumviis, ainsi que
nous l'atteste un fragment d'inscription, adressée
comme invocation par un décurion à la déesse qui
devait présider à la sécurité perpétuelle de la cité^
Les deux bustes de duumvirs que nous avons ci-des-
sus mentionnés, nous prouvent cependant aussi que,
à une autre époque que celle d'Adrien, à laquelle
celte inscription semble appartenir, l'administration
municipale du lieu était dirigée parde tels magistrats.
Du reste, les sénateurs ou décurions ont laissé le plus
de souvenirs. Nous trouvons à côté d'eux les sévirs au-
MVMCIPI. AEL. AVG. NEGOTIATOR
N . . . ET . . . AEDEM.
CVM. SVIS. ORNAMENTIS. SIBI. ET
ANTONIO. AELIANO. EQVITI. ROMANO.
DECVRIONI. MMNIC. AEL. AVG ... PO.
DEC. m . .
FRATRIS. El
FILIVS
HERES
L. D. D. D.
PERPETVAE SECVRITATI
C. IVLIANVS. IVLIVS. DEC. MVN.
IIIIVIRALIS
Perpétues Securitati, C. Juîianius Julius , decurio municipii qua-
tuorviralis. . . .
108 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS
guslaliens et toutes les tribus et les diverses classes de
citoyens qui se rencontraient dans les principaux mu-
nicipes. Le commerce de la ville était important, et
parmi les pierres tumulaires qui, de la hauteur de l'an-
cien lieu de sépulture, près duquel fut placé le temple
des dieux infernaux, furent précipitées par les bar-
bares dans le torrent de la Wertach, plus d'une rap-
pelle le titre des différents négoces auxquels s'étaient
adonnés ceux dont elles couvrirent les tombes i.
L'un, entre autres, du nom de Tiberius Cleuphas,
faisait le commerce des étoffes de pourpre.
Les troupes qui ont laissé quelques souvenirs de
leur présence à Augusta sont la troisième légion ita-
lique, dont le chef y faisait sa résidence, la cavalerie
et quelques auxiliaires attachés à cette légion, et les
singulares à cheval, corps d'élite dont nous avons
déjà eu occasion de parler, qui servait de garde aux
généraux et aux consuls. Ils formaient ici celle des
légats ou propréteurs de la province, dont cette ville
était le siège, et dont quatre d'entre eux ont inscrit
leurs noms sur des monuments publics.
Appius Claudius Laleranus vivait en 196 de Jésus-
Christ. Nous ignorons l'époque où les trois autres,
Aurelius Mutianus, P. Dyonisius et V^olus Prudens
Uttedianus, furent en fonction. Avec ce litre de légat
et de propréteur, leur était aussi donné celui de
* VoY. Peulinger, Inscript, vetust. Roman, et earum fragmenta in
Augusta Vindelicorum , el Raisser, Die rijmischen Alterthiimer zu Augs-
burg, i. I, p. 72 et suiv., et t. ii, p. 61 et suiv. du 3« cah. Consultez
aussi les inscriptions de Gruler, d'Appien , d'Oielli . etc.
DU RHIN ET i)U DANUBE. 109
recleur ou de président. Sous l'empereur Aurélien,
Fulvius Bojus était duc de la limile rhélique, et, sons
le règne de Probe, Bonose était revêtu de la même
dignité'. Le duc de la province remplaça plus tard
celte charge , et nous voyons par la Notice de l'Em-
pire que, vers la fin du quatrième siècle, ce duc com-
mandait h la fois la première et la seconde Rhétie-'.
Augusta, qui fut fondée l'an 740 de Rome, qua-
torze ans avant Jésus- Christ, ressentit à plusieurs
reprises les secousses que les Allemanes et les autres
peuples germains donnèrent h l'Empire. Au milieu
du troisième siècle elle fut investie par eux, et tomba
enfin en ruines à la fin du quatrième siècle, sans que
la ligne de fortifications qui s'étendait tout le long
du Dannbe_, put la préserver de leurs ravages^. Tout
alors fut détruit et saccagé. Les Huns, lors de leur
passage dans les Gaules , renversèrent encore ce qui ,
malgré tant de désastres, était resté debout; et c'est
sur ces décombres que s'éleva par la suite la petite
ville épiscopale d'Augsbourg, à laquelle succéda, au
moyen âge, la cité qui, sous l'Empire germanique,
devint si florissante.
Les fortifications danubiennes n'étaient pas tant
une suite de retranchements, liés entre eux par une
ligne continue comme le grand rempart, qu'une
' Voy. sur ces différents sujets, Raiser, Ober-Donau- Kreis, 3, 71
et 7:2; Kogalnitchan , Histoire de la Talachie , t. 1, p. 9; Vopisc, Au-
relian., c. 13; idem, Firm., Saturn., Procul., Bonos.. c. 13.
- Notit. dignit. imperii occident., édit. cit
3 Les monnaies trouvées à Augsbourg et dans ses environs des-
cendent depuis Auguste, l'an 30 avant Jésus-Clirist, jusqu'à Théo-
dose-le-Grand et Arcade, sou fils aîné, l'an 3ôi de l'ère chrétienne,
110 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
suite de camps qui, en arrière du fleuve, se succé-
daient de distance en distance pour en protéger le
cours.
Elles furent élevées, sans nul doute, dès la pre-
mière arrivée des Romains sur le Danube.
En effet, ce ne fut qu'au commencemen* du
deuxième siècle, lorsque, déjà depuis cent ans, le
pays avait été colonisé, que la limite transdanu-
bienne fut construite, et que la rive gauche du fleuve
reçut aussi des établissements romains et de pa-
reilles fortifications.
Ces camps formaient plusieurs groupes, chacun
compris sous un nom collectif. Pour me servir des
expressions de Schélius, dans ses commentaires sur
Hygin : «ils n'avaient pas seulement été élevés à
« grands frais contre les attaques de l'ennemi , mais
« ils avaient encore été disposés à l'intérieur avec le
a plus grand soin pour la commodité de leurs habi-
« tants. Souvent la pierre avait été employée pour en
« élever les murailles, surtout aux confins de l'Em-
«pire, et en présence de nations turbulentes. Lad-
« ministration de ces camps était en partie militaire
« et en partie civile; et, comme ces lieux s'agrandirent
« avec le temps, ils donnèrent souvent naissance à
« des villes considérables ^»
^ « Istahibernaculanon tantùm exterius advenus omnesconatus hostiles
« magno opère emuniebantur, sed et interius laxius disponebantur multo
" paratu multâque cura. Sœpe lapide vel saxo contra inclementiam et
« injurias aëris œdificabantur^ prœsertim quœ in finibus imperii aut
« ferocibus et nondum satis pacatis nationibus ; sed belli aut servitutis
1 pluriumque annorum hiberna ralionem quidem et ordinem castrorum ,
DU RHIN ET DU DANUBE. 1 1 1
Parmi ces dernières se distinguèrent sur le Da-
nube les deux cités de Ratisbonne et de Gùnz-
bourg.
La première, située vis-à-vis l'embouchure de la
Regen , dut être un lieu important, si l'on doit s'en
rapporter au dessin de la Table de Théodose. Ses nom-
breuses inscriptions, dont plusieurs datent de l'é-
poque des Gordiens \ nous prouvent qu'elle eut
une garnison permanente que composèrent succes-
sivement une aile de cavalerie^ et les première,
troisième et quatrième légions, du surnom d'Ita-
liques.
Le nom latin de Reginum, sous lequel cette ville est
indiquée sur cet itinéraire, s'est perpétué jusqu'à
«ceterum omnia in modttm municipii habebant. Ideoque et tractu tem-
« poris magisque adauctœ, quœdam eorum claris aliquot oppidis origi-
nnem dederunt» {Thés. Grœv. Antt. Rom., t. X, p. 1110).
' \oy. Âpiani Inscriptiones ; Aventini Chronica ; Gewald, Delineatio
Norici; et surtout ZirngibI , dans les Historischen Abhandhmgen der
konigl. baier. Académie der Wissenschaften , t. II, p. 203-230.
2 DUS MAINIBVS
CL. C. F. MELI . .
CLAVDIANVS
PRAEF. T.
Diis Manibtis , Claudio , Caji filio , Melius Claudianus , proefectus
turtnarum.
Mayer, dans son Handbuch der rômischen Alterthiimer, donne à
chaque aile de cavalerie romaine 300 hommes, subdivisés en 10 lurraes
ou compagnies de 30 chevaux {terdeni), commandées chacune par un
décurion ; le préfet commandait l'aile entière.
112 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
nos jours dans celui de Regensbourg que lui donnent
les Allemands.
Les routes qui venaient y aboutir du Norique et
de la Pannonie, et une autre en ligne droite d'Au-
gusta, jointes à la grande voie militaire du Rhin et
du Necker, entretenaient ses communications et pro-
tégeaient son commerce que sa position sur le fleuve,
dont la navigation lui était ouverte, dut rendre im-
portant.
Du moins voyons - nous par une inscription re-
trouvée en fouillant son sol, qu'une association de
quelques-uns de ses négociants releva, en 204 de Jé-
sus-Christ, sous le consulat de Cilon et de Libon, le
temple de Mercure, dont elle restaura les ornements
et les autels.
De cette ville à la station d'Abusina, la Table de
Théodose marque vingt-deux mille pas. Or, c'est à peu
près la distance qui existe des rives de l'Abens à
Ratisbonne. Les vestiges d'une redoute romaine,
près d'Unter-Laiendorf, quelques monuments dé-
couverts à Abbach\ et d'autres antiquités trouvées à
Gebrachingen , nous montrent, à défaut des traces
de la route même, le cours qu'elle a dû suivre. Elle
venait donc joindre le camp d'Einingen en deçà du
torrent de l'Abens, derrière lequel s'est, après la
chute de l'établissement romain, élevé Neustadt ou
^ Ces monuments sont une pierre votive élevée à Jupiter Stator ; une
autre, élevée à Mercure et à la Fortune, qui ramena victorieuses les
légions , et une troisième pierre qu'un bon fils et époux posa sur la
tombe de sa mère et de son épouse. Voy. Aventini Chronica.
DU IIIIIN ET DU DANUBE. 1 13
la ville neuve. Une pierre votive, dédiée aux trois
grandes divinités prolectrices du Capitol et au gé-
nie de la troisième cohorte britannique, en 289,
sous le consulat de Gentiane et de Bassus^; une
autre, que l'empereur Septime Sévère éleva lui-même
aux dieux et aux déesses suprêmes''', et quantité de
monnaies romaines, de bijoux, d'anneaux et de po-
teries, retirés de ce sol, annoncent toute son impor-
tance.
C'était le principal des divers camps élevés sur le
Danube pour protéger le cours de l'Abens; il corres-
pondait avec Gœgging, où se sont retrouvées les
ruines d'un bain antique, avec le pontdeSiegenbourg
et avec Neukirch. Sans doute, dans un temps posté-
rieur à l'époque florissante de loccupation romaine,
ces divers camps servirent à couvrir stralégique-
ment cette frontière de la Vindélicie du côté du
nord-est^.
La route de jonction d'Abusina à Celeusum tou-
chait Sitling et traversait le Danube proche d'Irn-
sing. Sur les hauteurs qui dominent les rives du
fleuve peuvent encore s'apercevoir les ondulations de
terrain formées par les deux redoutes qui , de chaque
côté du Danube, protégeaient ce passage. La voie se
partageait en deux branches, dont l'une formait la
route militaire proprement dite, et dont l'autre allait
' Voy. Raiser, Ober-Donau-Kreis , 3« part., p. 34.
2 \ erkandlungen des historischen Vereins im Reyenkreis. i^'" année,
2« cah., p. 93.
3 Consultez Buchner, Reisen auffler Teufelsmauer, S'^cah., p. 13 ol
siiiv.
H. «
1 1 4 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
par Arrcsllng, où se trouvent aussi d'anciens vestiges
de fortifications, joindre le grand rempart à Laimer-
stadt, à Hagenhilîl et à Altnianstein. Une pierre
trouvée dans le sol de l'avant- dernier de ces lieux,
est d'un intérêt majeur en ce que l'inscription qu'elle
supporte nous prouve tous les soins que l'empereur
Adrien, à qui le rempart dut en grande partie son
existence, mit à l'entretien de ces voies de commu-
nication ^
Celeusum comprenait plusieurs camps, depuis
l'embouchure de l'Allmiihl et Kellieim, qui paraît en
avoir conservé le nom, jusqu'au Kels^ où Aventin, le
premier, retrouva les vestiges du camp prélorial^
Quelques restes de la chaussée antique ont été
découverts près de Marching , où l'on a également
trouvé des tombes et des monnaies romaines ^ Proche
du Kels, elle reparaît encore intacte. Le fort pré-
torial lui-même était situé à un demi-quart de lieue
de Pfœring, sur le champ élevé de Biba, qui do-
mine au loin tous les alentours. La circonférence de
ses remparts peut avoir été de mille soixante-seize
pas, formant, comme tous les camps romains que
nous avons visités, un carré, dont le côté nord pou-
vait avoir deux cent quatre-vingts pas, celui du sud
et celui de l'ouest, chacun deux cent soixante-huit,
et celui de l'est deux cent soixante. Le terrain en
marque encore très-bien l'emplacement. Les fouilles
* Elle se trouve copiée dans les Verhandlungen des historischen
Vereins zu Regensbury , t. I, cah. II, p. 88.
2 Voy. Aventini Chronica
3Mayer, 1. c, p. 23et2i.
DU RHIN ET DU DANUBE. 115
qui y ont été faites ont eu pour résultat de mener
sur les fondements de diversesbâlisses.et de remettre
à nu des restes de corniches et de colonnes, dont
un chapiteau, entre aulres, présente la forme d'un
panier à fruits. On y découvrit aussi le torse d'une
statue en pierre, des fragments de poterie, des
briques avec l'inscription dune cohorte \ et diverses
monnaies, qui remontent depuis Alexandre Sévère
jusqu'à Auguste. Aventin nous a conservé quelques
inscriptions monumentales retirées de ces lieux,
mais perdues aujourdhui, dont l'une, entre autres,
était dédiée aux divinités champêtres et à la déesse
Épone, et une autre avait été placée sur un temple
lors de la restauration qui fut faite^ de cet édifice.
Trois autres pierres sépulcrales qui, quoique trouvées
danscesenvirons,proviennentsansdouteaussideCe-
leusum^ n'offrent rien en elles mêmes de remarquable ;
je ne les cite ici que pour avoir occasion de parler
'CI. FC. (Cohors prima fecit.)
2 IN HONOR DD.
TMi 4 XKVSÏAT
CoN.^ABSVM COR
iNEL ROGATV^ R
A5F Coll. I. JL SQV . . . ER
CONI ME 'E REST.
In lionorem cîomus divinœ, templum vetustate donlabsum Cornélius
Rogatus , prœfectus cohortis I militum squamiferorum , ccnfirmala
mente restauraviC.
Celte troupe paraît avoir porté ce nom des cottes de mailles dont
elle était revêtue.
H. 8'
116 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
de l'une d'elles qui contient le mot de Ca^ft;, circons-
tance dont on a voulu, comme je l'ai dit, se piéva-
loir, pour prouver le nom latin que portait la ville de
Canstadt. D'après cette inscription, ce serait une
épouse qui aurait placé cette pierre sur la tombe de
son mari , citoyen de Cana^
Or, il existait une ville de ce nom en Éolie, vis-
à-vis les côtes de l'antique Lesbos^. Il en existait en-
core une autre, faisant un grand commerce, dans
l'Arabie heureuse, sur les côtes de la mer Ery-
ihrée^.
Il est donc probable que ce fut de la première de
ces villes que le citoyen dont parle cette épitaphe,
et dont le nom a quelque chose d'étranger, vint
avec les légions sur le Danube; c'est du moins un
motif suffisant pour m'avoir porté au doute, lorsque
je citai l'opinion de quelques savants, qui ne crai-
gnirent pas de faire du nom de Cana , inscrit sur cette
pierre, celui du moderne Canstadt, dans les envi-
< D. M.
L. OCEANEOLO. MAX
IMILLIO MIRIO ClVl
CANAE. ANN XX. . NA
liEMA. C. C.
Dits Manibiis , L. Oceaneolo Maximillio Mirio , civi Canœ , anno-
rum viginti , Narenia condi curavit.
2 Hérodote, Slrabon, Pline, Mêla, Tile-Live, Plolémée, Éiienne
de Byzance. — Le conile de Choiseiiil cile l'endroit moderne qui lui a
succédé sous le nom de Kanot-Koi.
^ Ptolemée, Geofjr., I. vi , c. 8.
DU RHIN ET DU DANUBE. 1 17
rons duquel, malgré le grand nombre d inscrip-
lions qui, comme nous l'avons vu, y ont été trouvées,
aucune ne peut faire préjuger que cette ville ait porté
ce nom.
La route, au delà de Celeusum^ va aboutir à Teis-
sing et à Strasshausen, et ensuite au bourg de Kœ-
sching, dont les murs, élevés au moyen âge, ren-
ferment une foule de matériaux romains. Le castel
qui protégeait la cité montre à quelques cents pas à
l'ouest du bourg ses remparts et ses fossés; il en
existaitencoreunevieilletouràla fin du dix-septième
siècle.
Une foule de monnaies romaines ont été retirées
dece lieu, qui servit un jour de garnison à la première
aile de cavalerie Flavienne, troupe qui, en 141 de Jésus-
Christ, y éleva un monument de reconnaissance à
la mémoire du divin empereur Antonin-le-Pieux'.
C'était là, selon toute probabilité, l'endroit que la
Table de Théodose cite sous le nom de Germanicum ,
et qui formait la station intermédiaire entre Celeusum
et les camps de Vetoniania.
. p. CAES. DIVI. HA . .
INI. FIL. DIVI. TRA . .
NEPOTI. DIVI. NERV . .
. RONEPOTI. T. AEL. H
RIANO. ANTON ....
AVG. PIO. P. P. PONT .
TRIB. POT. mi. C. III
ALA. I. FL. 0. P.
Imperatori Cœsari ^ divi Hadriani filio , divi Trajani nepoti ^ divi
Nervœ pronepoti , Tito Aelio Hadriano Ântonino Augttsto ^ pio , patri
patriœ , pontifici maxitno , tribunilia potestate quarto, consulari
tertio , ala prima flavia optimo principi.
1 1 8 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Celle forteresse était l'on ne peut plus favorable-
ment située à l'embranchement de deux routes,
dont l'une est la grande voie militaire du Necker, et
dont l'autre allait par Hepberg et par le pont de
l'Altmiihl joindre les fortifications du grand rempart.
Le principal camp de Veloniania dut être Nassen-
fels, où une foule d'inscriptions, de monnaies et
d'autres antiquités ont été retrouvées.
Avant d'y arriver, nous passons par Wolkertshofen,
où fut déterrée une pierre de l'époque de Septirae
Sévère , élevée à cet empereur et à ses fils Caracalla et
Gela, l'an 208 de Jésus- Christ, par les soldais de la
cavalerie Aurélienne. Du côté opposé, dans le bois
d'Ickstœtt, on retira du sol une pierre milliaire,
élevée de même sous cet empereur, en 202, et por-
tant le nom du souverain et de son fils Caracalla \
* Les voici l'une et l'autre :
Imp. Cœs. L SEPT SEVERO SAR
. . . ARABICO ADIAB P SEVERVS PIVS
TRIB POT XIX . . G. ARAB
ET IMP CAES M AVR . . MCVS MAXIMVS
^n^or^INO PIO INViCTIS TRIB. POT VIII
PRliNCIPI TRIB . . P. PROCOS ET
POT XIIII IMP III COS III MARCVS AVREL
FEL
ORD AVR FELIC PRIN
Doml^Sis LNDVL^e«(ISSIMIS.
Imperator Cœsar Severus ,
pius, Auguslus, Arabicus , Adiabenicus , Maximus , tribunitia potes-
tate VIII, pater patriœ , proconsul, et Marcus Aurelius Autoninus
Au sujet de la première pierre , consultez : Leichtlen , Forschungen
im Gebiete der GeschiclUe , ¥ cal)., p. 182; Raiser, Ober-Donaukreis ,
3<^ part., p. 10; Topograpliisches Lexicon von Franken, à l'article Reb-
dorf, etc. On voit que le nom de Géta a été exprès effacé.
DU RHIN ET DU DANUBE. 119
Celte pierre avait été posée à la jonction de deux
rDutes, dont l'une, en ligne droite, allait, comme
le décrit la Table de Théodose, toucher les camps de
Biricinaî et dlciniacuni, et dont l'autre, tournant au
sud , allait traverser le Danube à Steppberg. Une autre
route de jonction venait de Pfùnz aboutir à Veto-
niania, de manière que de ce point central les com-
munications s'étendaient dans tous les sens.
Celte position avantageuse dut donner à ce lieu
quelque importance, ainsi que l'attestent ses inscrip-
tions qui nous parlent de son culte adressé à Jupiter,
aux autres grands dieux et à Mercure. Nous voyons
par elles que les Sulèves y eurent aussi des adorateurs ' ,
et que Mars et la Victoire virent fumer l'encens sur
leurs autels, en reconnaissance delà protection que
sans doute ils accordèrent aux armes romaines '^ Les
monnaies trouvées à Nassenfels remontent à près
SVLEVIS
SAC
IVL PATER
NA PATER
P S ET S
V. S. L. L. M.
MARTI ET VICTOR lAE
M
S CVRA
C ... IV ... .
IMPERATOR . . . I . . FL
GEMELLINO LMP . . C .
M . . F . .
1 20 ÉTABLISSEMENTS ROMAIINS
detrois siècles, et tout ce que son sol a livré annonce
la vie industrieuse de ses habitants.
L'autre route qui de Germanicuni allait joindre
les rives de l'Altmùhl, était, à peu de distance de
cette ville, protégée parle castel d'Hepberg, dont le
terrain conserve encore très-bien le tracé, et qui dat
être dominé par une tour d'observation, qui corres-
pondait avec une autre tonr placée sur la Hoch-
warte, lieu, en effet, très -élevé, qui en a conservé
le nom.
Cette route aboutissait à Pfûnz, endroit qui fut in-
contestablement ainsi appelé du pont romain jeté sur
le torrent.
Sur une hauteur escarpée qui domine le bourg
vers le sud , était placé le camp, vaste enceinte, for-
mant un carré imparfait \ dont les côtés du nord et
de l'ouest, protégés par des rocs à pic, n'étaient
garnis que d'un mur et d'un fossé, là où le terrain le
permettait, mais qui, des deux autres côtés, était
défendu par un triple rempart et un triple fossé. Il
servait de garnison à la première cohorte britan-
nique qui, dans cette forteresse , en arrière du grand
rempart, entretenait elle-même les divers postes
répandus dans les castels situés sur la limite même,
et vers lesquels conduisaient d'ici différentes routes
militaires.
Car, si l'on se ressouvient de la description que
' Sun cnccinle pouvait comprendre 40,000 pieds carrés. Le côte
sud avait environ 558 pieds , celui de l'est 521 , et les deux côtés du
nord et de l'ouest chacun environ 425.
DU niIllS ET DU DANUBE. 121
jai donnée du grand rempart, on sait que, de dis-
lance en distance, des tours fortes le flanquaient,
destinées à recevoir quelques soldats, tandis que
dans les camps principaux que nous décrivons étaient
placées les garnisons qui fournissaient ces avant-
postes.
Ces camps se succédaient en avant du Danube,
comme se succédaient à l'extrême frontière les forts
qui protégeaient le rempart, où les vestiges de tous les
grands travaux qui y ont été faits, surtout depuis
le Danube jusqu'à Kipfenberg, et vis-à-vis sur le
iMichelsberg, et à Arnsberg, étonnent véritablement
l'imagination ^
Près du camp de Pfùnz s'élevait un temple dont
les murs, d'après la tradition, furent, après le dé-
part des Romains, mis à profit par le christianisme,
et subsistèrent comme église jusqu'à l'époque des
guerres des Suédois. Ses ruines apparaissent encore,
assises au centre d'une enceinte de terre, où se
trouvent aussi les restes d'un puits profond qui,
creusé dans le roc, atteignait le niveau du tor-
rent.
Une inscription remarquable fut tirée de ces
ruines.
Elle porte que la première cohorte britannique,
commandée par le décurion Jules Maxime, fit un
' Je renvoie pour la description détaillée de ces diverses fortifica-
tions à l'ouvrage du D' Mayer, intitulé : Beschreibung der rumischen
Landmarkung von der Donau bis Kipfenberg, inséré dans le huitième
volume des Acad. Denkschriften.
122 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
sacrifice au dieu Sedatus*. Celle divinilé ne nous est
connue que par une autre inscription qui fut trou-
vée en Carinlhie^ Peut-être était-ce un génie local,
au culte duquel les soldats de la cohorte britannique
étaient restés fidèles, comme on a trouvé à Biden-
hard (l'antique Bedajum, cité par la Table de Théo-
dose), près de Séon, deux inscriptions en l'honneur
du dieu Bedajus^ qui, dans d'autres endroits, fut
aussi invoquée En adoptant cette explication, il fau-
drait dès lors se ranger à l'opinion de ceux qui ont
donné au camp de Pfiinz le nom de Sedatum; ce que
nous ne faisons toutefois qu'avec la plus grande ré-
serve.
Les fondements de plusieurs de ses maisons
bâties à l'extérieur de ses remparts, le long de la
< SEDATO
SACRW
COIIIBRE
E X V S L
VSCMVL
MAXIM
ODEC.
Sedato sacrum [fecit] cohors prima Brittannica , ex voto suscepto;
libenter votum solvit, C. Julio Maximo decurione.
2 A Gurckfeld.
Voici l'inscription :
SEDATO AVGVSTO SACRVM. P. RACONIVS. AEDEM. ET. ARAM. D. D.
3 BEDAIO SACRVM. — BEDAIO SANCTO.
^ Par exemple , près de Salzbourg , où une inscripltou porlc :
BEDAIO AVG. ET. ALOVJNIS.
Voy. Orelli, Inscript., n° 1964.
DU RHIN ET DU DANUBE. 123
roule qui conduisait à Vetoniania', ont été retrouvés
au commencement de ce siècle, et sur un mon-
ticule qui domine à gauche la même route, ont
aussi été fouillées plusieurs tombelles coniques éle-
vées par la population celtique. L'une d'elles a offert
une monnaie de Tibère, sans cependant que cette
particularité soit une preuve que le camp ait déjà
été fondé sous ce césar. Car ce n'est que depuis Tra-
jan que les monnaies trouvées sur cet ancien sol
romain se succèdent de règne en règne; et, comme
c'est avec l'époque des Gordiens que leur suite cesse,
tout porte aussi à croire que ce fut sous ce dernier
empereur que ce camp , ainsi que la pliqjart des for-
tifications de cette partie de la rive gauche du Da-
nube, tombèrent en ruines^.
Les traces de l'antique chaussée jusqu'à Vetoniania
ont été retrouvées en plusieurs endroits.
Nous revenons sur ce lieu, et, après avoir visité
Allenfeld, où, sur l'emplacement même de l'église,
exista une tour d'observation romaine; Unterstall,
oii fut aussi posé un castel ; Joshofen, lieu qui pro-
bablement doit son nom au culte de Jupiter, qui y
aura été en honneur, et dont la tour forte pou-
vait au loin explorer tout le pays; Irgertsheim et
Dûnzelau, où Mercure eut des temples et des au-
' On peut en lire la description et en voir les plans dans les Denk-
wiirdigkeiten des Ober-Donaukreîses. 1824-20. 2"^ part., p. G6. Le plan
du camp y est aussi tracé.
2 Voy. ^^i?>QV, Denkvoiirdigkeiten des Ober-Donaukreises. i^^i-'ïo.
1" part., p. 65.
124 ÉTABLISSEMENTS HOiMAIINS
lels\ nous continuons de suivre la grande vole mi-
litaire jusqu'à Iciniacum.
Itzing paraît avoir été le noyau des différentes for-
tifications que la Table de Théodose mentionne sous
ce nom. Car je crois devoir rappeler au lecteur que
chaque groupe de ces camps , stralëgiquement coor-
donnés pour défendre telle ou telle position, était
nommé d'un nom collectif. C'est ce qui rend souvent
si difficile de faire accorder les distances marquées
sur l'itinéraire romain avec celles des lieux dont il y
1 MERCVRIO MERCVRiO
AEDEM FECIT TEMPLVM
ET SIGNVM EX VOTO SYS
POSVIT CEPTO. CLAV . .
C. TOGIOMVS . . . GYSTANVS
CVPITVS . . L. L. M.
C. TOG. SVMVS
FIL. REFECIT.
A ligertsheini fui aussi trouvée une pierre volive dédiée à Jupiter,
portant cette inscription :
I. 0. M.
M. COC. C
ADIVTOR
V. S. L. L. M.
Jovi optimo maximo , M. Cochis , Commenlariensis adjutur, volum
solvit lubens libenter merito.
Les adjuteurs ou adjoints aux commissaires de guerre [Commenta-
rienses) sont cités dans la Notice de l'Empire, p. 137G; une autre
classe d'adjuteurs était aUachée aux Magistri o/pciorum. \oy. Noiit.
imp., p. 1512, édit. citée.
DU IIHIN ET DU D,V[SLBE. 125
esl fait menlion. Par exemple, entre Veloniania et
Iciniaciim, on trouve la station intermédiaire de
Biricianae, qui est marquée à dix-huit mille pas du
premier de ces lieux, et qui ne pouvait nécessaire-
ment avoir cette distance qu'autant qu'on visitât les
lieux les plus reculés qui faisaient partie de ce
groupe.
Or, cette ligne s'étend principalement sur lAlt-
rnuhl, tandis que les fortifications d Iciniacum re-
couvrent surtout le bassin du petit ruisseau d'Ussel;
celles de Mcdianœ défendaient le cours de la Wœr-
nitz.
Nous avons parlé de la pierre milliaire trouvée dans
le bois d'Ickslaett. Elle nous guide dans notre direc-
tion sur Iliitting, lieu qui est placé dans le lit d'un
ancien bras du Danube, tandis que sur les rocs qui
s'élèvent au bord du vallon , se montrent comme sus-
pendues les ruines d'une vieille tour romaine.
Plus loin, au-dessus du village de Maurn, un
autie castel était placé sur la sommité des rocs,
inabordable de trois côtés^ et qui, comme le nid
d'un aigle, planait sur les trois vallées de Wellheim ,
d'Ellenbrunn et de Meilenhofen, qu'il servait à ex-
plorer ^
Nous atteignons alors en une heure le village de
' Il porte encore aujourd'hui le nom de Mmerschanze. Dans l'église
de Maurn est enclavée une pierre sépulcrale en relief, représentant
mari et femme dans le costume romain. Elle est surmontée d'une autre
pierre arrondie, supportant deux cignes à télé de chien dont les cous
sont entrelacés. On peut en voir la représentation dans le deuxième
volume des Xeriburgischen VrminziftlbUitter. p. iOI.
126 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Burkmannshofen , où fut retrouvée une colonne mil-
liaire analogue à celle du bois d'Ickst3elt^
Il est à regretter que la partie du monument la plus
intéressante, celle où était gravée la distance, ait été
brisée.
Cependant il est à croire que cette distance était
comptée d'Augusta, ainsi qu'elle dut l'être aussi sur
la colonne précédente'^.
Nous sommes à l'embranchement de deux routes,
dont l'une, qui se dirige vers Itzigen, est celle de la
Table de Théodose, et dont l'autre conduit par Alt-
heimau milieu des forêts qui s'étendent entre Mœhren
et Auernheim, et au sein desquelles sont enfouies
sous le sol d'antiques murailles d'une vaste étendue,
L. SEPTIMIVS
PERTINAX AVG . . AB
. . ADIAB. PARTHICVS MAXIMVS
PONTIF MAX TRIB POT VIIII
IMP XII COS II P P PROCOS ET
IMP CAESAR M\RCVS AVREL
ANTONINVS AVG TRIB
POT IIII PROCOS
Itnperator Ccesar L. Septimius Pertinax ^ Augustus , Arabictis , Aâia-
benicus , Partkicus , Maximus, pontifex maximus , Iribunitia potes-
fate VIIII, Imperator XII, consul II, pater patries, proconsul, et
Imperator Ccesar Marcus Aurelius Antoninus , Augustus, tribunilia po-
testate IIII, proconsul
* Voy. ci avant, p. H8.
DU UHIN ET DU DANUBE. 127
non moins mystérieuses que rétablissement de Kœn-
gen sur le Necker, ou que celui du Hagenschieswald
sur l'Abnoba.
Nous atteignons alors Dietfurt, lieu où les Romains
eurent un passage sur l'Altmùhl, et où furent aussi
trouvés un fragment d'inscription ^ et différentes
monnaies.
Au delà du torrent, nous visitons Gœhrn, placé
de même sur les décombres d'un établissement
romain, où Jupiter et Gérés eurent des autels \ et
du sein des ruines duquel, où tout annonce que la
flamme dévora un jour ce lieu, ont été retirées une
foule de monnaies, d'armes et d'antiquités de toute
espèce.
Arrivé sur laRelzat, nousallons nous asseoir sur les
ruines du camp d'Emezheim, où Mercure reçut des
... A. EX. REL. EORV . .
DE. SVO. PRO. SE. ET. S.
l. 0. M.
SACR
IVL. VI
ATOR
V. S. LL. M.
CERERI SACRVM.
(Sur une coupe de sacrifice que décorent aussi quelques épis.)
Voy. Jahrbericht der Akademie der Wissenschaften in Munchen.
1829.
128 ÉTABLISSEMENTS nOMAINS
sacri^lces^etoù les dieux du Nil semblent aussi avoir
eu des adorateurs^. Une aile de cavalerie, du surnom
à' Aurélienne , y était placée dans la seconde moitié
du deuxième siècle. Weissen bourg, proche de ce
lieu ^, nous offre aussi une inscription dédiée à Mercure
et une autre à Jupiter. Nous suivons la route romaine
qui se déploie derrière les ruines du grand rempart,
et qui , par Raitenbuch et dominée par la tour d'Al-
tenbourg, allait joindre le camp de Pfûnz que nous
avons décrit, et d'où, par Dolnstein, nous rentrons
au sein d'Iciniacum.
Cinqcampsdont les tracés peuvent encore très-bien
s'apercevoir, et dont les vestiges des remparts et des
fossés qui les entouraient n'ont point encore disparu,
se succédaient en demi -cercle autour du bassin de
» PRO SAI.VTE
ANTOMNI. IMP. N.
MERCVRIO SACRVM
FL. RAETICVS OPTIO
EQ. AL. AVR.
V. S. LL. M.
2 II existait autrefois dans l'église du lieu deux figures d'fsis et d'O-
siris. On les trouve représentées dans l'ouvrage de Falkcnslcin sur
les anliquités de ce canton, 1. c., pi. 3; j'y renvoie le lecteur.
3 MERCVtîo)
ARAM. D. IVL.
PRISCINVS EX VOTO SYSCfï-lPTO
S. LL. M.
L\ IIDD
I. 0. M.
DU RIIIN ET DU DANUBE. 129
l'Ussel dont ils dominaient les abords. Celui d'Itzing,
le lieu principal de celte petite colonie, était placé
de l'autre côté du torrent. Je ne sache pas que dans
ces environs aient été trouvées des inscriptions ; mais
on y a découvert en foule des monnaies d'or, d'ar-
gent et de billon, des tronçons d'armes, des vases,
des urnes cinéraires, et quantité d'autres ustensiles.
Quatre puits, creusés dans la vallée, ont aussi attiré
l'attention, et surtout l'un d'eux, situé dans la direc-
tion de Mûndling, près duquel ont été retrouvées
d'anciennes murailles et plusieurs pièces d'or ro-
maines.
D'Iciniacum à Aquileia,la Carte routière marque
quatre stations : celle de Medianis, celle de Loso-
dica, celle de Septimiaci, et celle d'Opie.
Aquileia, sans nul doute, a donné son nom à la
petite ville d'Aalen, située non loin des sources de ïa
Kocher.
Opie semble avoir donné le sien au bourg de
Bopfmgen.
11 est impossible de préciser d'une manière cer-
taine les autres stations; dans le doute, on ne peut
que suivre les traces des diverses routes que le temps
n'a pas effacées.
L'une d'elles allait , au sud , joindre la chaussée qui
bordait la rive gauche du Danube, et aboutissait à
Marxheim , où les vestiges des palées d'un vieux pont
étaient encore visibles au dernier siècle^; l'autre,
1 Dans les fossés du château fut trouvée une monnaie de Julia Au-
gusta. Voy. Jahrbericht des historischen Vereins iin Rezatkreis. Année
1830, p. 9, n" 14.
II. «
130 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
par Mûndiing et Markof, joignait les rives de la
Wœrnitz, et, selon toute probabilité, la route de
Ponione à Opie; deux autres enfin allaient, dans la
direction du nord, circuler par plusieurs ramifica-
tions sur les hauteurs qui s'étendent entre l'AUmûlil
et la Wœrnitz jusqu'au pied du grand remp»irt. Là,
nous voyons Gnotzheini et Spielberg; l'un, assis sur
les débris d'un vieux camp*, l'autre, montrant les
restes d'une tour d'observation qui, placée sur un
sommet élevé, pouvait correspondre par signaux
avec toutes les tours fortes de la grande limite^. La
chaussée romaine, de Gnolzheim au grand rempart,
montre encore son pavé assez intact. Au sud^, entre
Ursheim et Hechlingen, elle le laisse également
apercevoir çà et là. Nous le foulons pour aller visiter
dans le val de l'Altmiihl une inscription qui fut dé-
terrée sur le territoire de Treuchtlingen, et qui suffit
pour prouver l'origine romaine de cet endroit, sans
que toutefois elle puisse servir de preuve à l'assertion
de quelques observateurs qui , d'après elle, ont voulu
donner à ce lieu le nom de colonie Aurélienne^.
' On y a trouvé une foule de monnaies, d'armes, de bijoux, de dé-
bris de poteries et d'autres anti(iuités.
- On y trouve toujours encore de temps en temps quelques vieilles
monnaies.
^ Voici cette inscription :
. . . AVRELIARVM
EMERITi COMVGI
SABINAE FILIAE
VERECVNDAE MATRI
SABINEIVS SABINVS
KARISSIMIS.
DU lUIIN ET DU DANUBE. 131
Avant d'y arriver, nous nous assurons, près de
Wettelsheim, de l'emplacement dune autre tour
d'observation, dans les décombres de laquelle furent,
en les déblayant, trouvées quelques monnaies ro-
maines; l'une d'elles était de Viteliius.
C'est, selon toute probabilité, celte suite d'éta-
blissements qui s'étendaient entre la Wœrnilz et
l'Altmùhl qui portait le nom de castra Mediana.
A l'ouest du premier de ces torrents durent être
placés ceux de Losodica, dans le bassin qu'arrose la
rivière d'Eger. Le lieu qui , dans celte dernière sta-
tion, a laissé le plus de traces de son antique im-
portance est Gross- Sorheim, village situé à trois
quarts de lieue de Harbourg. Sur une colline arron-
die qui le domine, dans la direction de Nœrdlingen ,
s'élevait encore au moyen âge un vieux château ,
situé sur l'emplacement d'un camp romain. Ses ruines
ont succédé aux ruines romaines. Trois colonnes
antiques, trouvées au bas de la colline, les traces
d'un aqueduc, quelques fondements de bâtisses, et
les énormes parties sexuelles d'un Priape,qui y étaient
enfouies; d'autres colonnettes, des briques, des frag-
ments de vases et de poteries, et enfin des monnaies
romaines annoncent qu'un établissement assez con-
sidérable a dû y exister. La voie romaine liait ce
lieu à Allerheim, où, sur le sommet d'une montagne,
était placée une tour d'observation ^ Plus au nord,
* II y a une vingtaine d'années, qu'en en déblayant les décombres,
l'on découvrit un puits encore très-bien muré qui , ù travers la mon-
tagne, devait atteindre le niveau de la ^Yoernitz. C'est incontestable-
ment un ouvrage romain.
II. '•
132 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Wallerstein, Maihingen, et d'autres lieux ont aussi
offert quelques antiquités provenant du grand
peuple'.
Nous touchons le territoire des castra Seplimiaca,
dont le village de Maihingen fut peut-être le lieu
principal, et dont le réseau s'étendait depuis là jus-
qu'au grand rempart dans tout le bassin de la
Sechtach.
Sur les bords mêmes du torrent, l'on peut encore
étudier l'emplacement d'un des castels qui devaient
protéger la vallée. Aufkirch, Thannhausen, Walx-
heim^ ont également présenté quelques vestiges
d'antiques fortifications.
Au delà de la Sechtach se montre sur un haut som-
met le château de Baldern, que nous avons cité en
faisant la description du grand rempart, et qui a suc-
cédé à des constructions du moyen âge qui elles-
mêmes avaient été posées sur l'emplacement d'un
castel romain. Un bas-relief, représentant un guer-
rier, et de nombreuses monnaies, dont plusieurs, en
' Dans le dernier village fut trouvée une pierre sépulcrale avec une
inscription en lettres moitié grecques et moitié latines. Elle a été pu-
bliée par Hanselmann, t. ii, p. 30.
La voici d'après lui :
EYnOPOC
OYPBIKii <I>I
Mil BENEME
HEMl <|)HKI
Euporus Vrbico fiUo beticmerenli (hoc monumentum) fecil.
DU nilIN ET DU DANUBE. 133
argent, sont du règne de Trajan et de celui d'Adrien,
ont été retirés de son sol. La position était on ne
peut plus avantageuse pour l'exploration. Car de cette
hauteur l'œil embrasse tout le pays dans un rayon
de douze lieues, et voit se développer les collines et
les plaines où circule la Riess, et dont la fertilité dut
appeler de nombreux colons.
Plus au sud , un autre camp était placé près de Rœt-
tingen, non loin de la station dOpie.
Nous en visitons l'emplacement avant de nous
rendre dans ce dernier lieu qui, selon toute proba-
bilité, occupait le sommet élevé de llpf, que les
Romains avaient nivelé pour y poser leur établisse-
ments Ils avaient aussi vis-à-vis bàli un autre caslel
sur le Flochberg.
C'est sans doute apiès la destruction de l'un et
de l'autre par les Allemanes que leurs matériaux
servirent aux constructions du boui-g de Bopfmgen,
dans la vallée.
D'Opie à Aquileia,la Table marque dix-huit mille
pas, et dAquileia,elleen marque vingt mille jusqu'aux
camps de la Luna, qui devaient embrasser les forti-
fications de Welzheim, dont nous avons parlé en
parcourant le grand rempart, et devant lesquelles
circulait le petit torrent de la Lein, qui sans doute
fut la Luna des Romains,etoù commençait la grande
voie romaine qui allait par Sumlocène et Arae FlaviaB
joindre le Rhin à Tenedone.
* On y a découvert plusieurs monnaies , dont une entre autres d'ar-
gent, au type d'Antonin-ie-Pieux , et une autre de billon du règne de
Doraitien.
134 ÉTABLISSEMENTS UOiMAINS
La distance totale d'Opie aux camps de la Luna
était donc de trente -huit mille pas et, par consé-
quent^ conforme à celle qui sépare effectivement le
sommet de Tlpf de Welzheim.
La station d Aquileia comprenait deux camps prin-
cipaux.
Nous avons, en faisant la description du grand
rempart , cité celui de Buch , situé à un quart de lieue
de la limite antique.
Son tracé est encore entier; çà et là, les murs,
recouverts de gazon, s'élèvent à trois et quatre pieds
tout autour de la double enceinte carrée que proté-
geaient deux fossés profonds.
Des débris de colonnes, des briques et des frag-
ments de poterie, joints à une grande quantité de
monnaies , dont la suite remontait depuis Cons-
tance jusqu'à Domitien, ont été retirés de ces ruines
qui malheureusement n'ont point offert d'inscrip-
tion.
Au milieu de l'espace que ces restes recouvrent
est un parallélogramme de cent soixante- dix pieds,
appelé par les habitants le château '.C'était peut-être
le prétoire.
L'autre camp était plus en arrière, situé sur l'em-
placement même qu'occupe la petite ville d'Aalen,
sur la rive droite de la Kocher. Nulle ruine, nulle
inscription n'en subsiste, et l'on ne peut juger de sa
position que par le nom de Maueracker que portent
les champs qu'il recouvrait à l'ouest de la ville, où
' IHc Bitrg.
DU RHIN ET DU DANUBE. 135
ses murailles ont dû s'élever, et d'où plus d'une cen-
taine de monnaies ont été retirées ^
Quelques tours fortes couronnaient les hauteurs.
Celle d'Oberalfingen qui, de son sommet, pouvait
correspondre avec celle de Baldern , avec Kapfen-
bourg, et les tours fortes de la chaîne de l'Albuch,
était la plus élevée. Ses murailles n'avaient pas moins
de neuf pieds d'épaisseur. Aujourd'hui elle a tout à
fait disparu.
Nous suivons les traces de la chaussée romaine
jusqu'à Lorch, bourg célèbre par l'abbaye que les
ducs de Franconie et de Souabe, de la maison de
Hohenstaufen, firent bâtir sur les fondements du
castel romain. Un fragment d'inscription '^, des pote-
ries, dont quelques-unes recouvertes de beaux em-
blèmes, et dont un vase entre autres était orné du
triomphe en relief de Bacchus, ont été trouvés dans
les vieux décombres romains. C'était le camp le plus
méridional de la station à'ad Lunam, dont celui de
Welzheim était le prétoire. C'était le point de sépa-
ration des gouvernements de la Germanie supérieure
et de la Rhétie.
^ Le plus grand nombre est de l'époque d'Adrien el des Anloniiis;
cependant on en a aussi trouvé de Constantin et de Constance. Voy.
Wtirlemberyiiche Jahrbucher. 1831. 2'" cah., p. 102 et suiv.
.... ES DOMO
NEG. ART. C. {netjotialor arlis cictariœ)
B-tS PARENT
INCO.MPQ
. . . Fit.. DVLC
136 ÉTABLISSEMENTS IIOMAINS
Nous avons décrit les élablissenients romains fie
la première de ces provinces. Nous devons donc
nous rabattre de nouveau vers le Danube, et, entre
ce fleuve et le Necker, chercher sur l'Albe les princi-
pales positions mises à profit par le grand peuple.
Plusieurs routes durent dans l'antiquité circulei*
sur ces plateaux et joindre l'un à l'autre les deux bas-
sins qu'arrosent ce fleuve et cette rivière.
La première est celle qui s'élevait sur les plateaux
qui dominent la Rocher et la Brenz, d'Aquileia à
Heidenheim, et qui allait joindre le Danube à Pomone.
Déjà le nom d'Heidenheim marque un lieu qui fut
habité du temps du paganisme. Et, en efl'et, nous y
trouvons plusieurs inscriptions laissées par la po-
pulation romaine; l'une d'elles s'adressait à Mer-
cure'.
Le bourg est pittoresquement situé ; et les rocs élan-
cés qui, sourcilleux, s'élèvent au-dessus de lui, sou-
tiennent encore les débris de murailles d'un vieux
chîilel que le moyen âge bâtit sur les vestiges de plus
antiques fortifications.
Heidenheim a longtemps été regardé comme l'A-
i MEUCVRIO.
SAC. EX. VO
TO . . . FLO
RENTINVS
110 SALVTE
PRIMITIVI
FILI
V. S L L M.
DU RHIN ET nu DANUBE. 137
quileia de la Table de Théodose , réunion de camps
dont nous avons avec plus de raison placé le prétoire
près du grand rempart. En le faisant, nous avons
suivi l'opinion du topographe Paulus qui, commen-
tant la Table de Peulinger, a donné des raisons extrê-
mement plausibles pour faire regarder l'embranche-
ment de route qui, de Sumiocène, traversait les
hauteurs du Schœnbuch,et liait cette colonie ro-
maine à Clarenna ou Canstadt, comme étant celui
de cet Itinéraire.
Si cette opinion est vraie, comme elle en a toute
l'apparence, la station d'arf Lunam devait être né-
cessairement placée, comme nous l'avons dit, aux
sources de la Lein ou de la Luna ; et, comme consé-
quence, celle d'Aquileia, qui était éloignée A ad Lu-
yiam de vingt mille pas, devait l'être prèsdelaKocher,
où la petite ville d'Aalen a conservé le nom iVAqui-
/em, seulement contracté. La route militaire qui, de
la colonie du Necker, passant par Grinario , formait
une courbe légère sur les plateaux du Schœnbuch,
traversait donc cette rivière à Canstadt et allait en
ligne droite, à l'est, lier les stations du grand rem-
part, dont nous avons décrit les positions. Ce qui a
surtout portéquelquessavants^ à regarderie moderne
Heidenheim comme l'Aquileia des Romains, c'est
une épitaphe trouvée dans les ruines du camp qui
couronnait ce bourg dans lanliquité.
1 Grolesend, Leichtlen, et surtout Bucliner qui, dans un mémoire
spécial sur les forlificaiions de Lonsé.e ; s'est à ce sujet laissé aller à
toute son imat'inaiion.
138 ÉTABLISSEMENTS IIOMAIINS
L'inscriplion nous apprend que Flavius Aucus,
secrétaire et héritier de T. Flavius Vitalis, fit éri-
ger cette pierre aux mânes de ce citoyen d'Iala^
Mais nous avons déjà fait observer, en parlant de l'é-
pitaphe d'un citoyen de Cana , trouvée à Celeusum ,
que, loin d'être une preuve en faveur du nom de
Cana qu'a dû porter Cansladt, cette inscription ne
prouve, au contraire, que le droit de cité qu'eut
dans l'antique ville de Cana en Eolie, vis-à-vis
les côtes de Lesbos, celui dont elle rappelle la mé-
moire.
Il en est de même de la pierre d'Heidenheim , dont
répitaphe indique que celui qu'elle recouvrait était
citoyen, non d'Aquileia (puisque l'inscription est
complète), mais bien d'Iala, bourg d'Italie, situé sur
une petite rivière qui portait le même nom, et qui
se jette dans le lac de Côme. Elle ne prouve pas plus
en faveur du nom antique d'Heidenheim que celle
de Celeusum a pu prouver en faveur du nom de
Canstadt.
Les traces de la chaussée romaine sont surtout
visibles au delà d'Heidenheim, au sein des forêts où,
près d'Haunsheim, se montrent aussi les vestiges
d'un castel. Le carré en est parfaitement tracé , et ses
1 D. M.
T FL MTALIS
CIVES lAL
MX. AN LXX
FL AVCVS LFB
KT ERES FACCVU.
Librurius et Itères.)
DU RHIN ET DU DANUBE. 139
remparts sont encore élevés de cinq à dix pieds au-
dessus du sol, dans une étendue de quatre cent
soixante-cinq pieds au nord et à l'ouest, et de quatre
cent six à l'est et au sud Dans ces murailles, dont
les tours et les créneaux renversés sont aujourd'hui
enfouis sous les troncs droits de la forêt, était placée
une cohorte de Thraces, si toutefois l'inscription
murée dans l'église d'Haunsheim provient de ces
ruines ^
Le grand nombre de monnaies trouvées dans ces
environs et sur les territoires d'Herbrechtingen , de
Giengen, de Burgberg, d'Hermaringen, de Brenz et
de Sonlheim, prouvent combien la colonisation ro-
maine, que ces camps étaient destinés à proléger, y
était répandue.
La route d Heidenheim à Pomone allait joindre la
colonie Vindélicienne d'Augusta, et ce transit devait
nécessairement donner de l'importance aux diffé-
* Voy,, pour plus de détails, Raiser, Der Ober-Donaukreis unter den
Rômern, ii, 6, p. 57.
Voici l'inscription
MVL.EKI INN .
TISSIME. VXO
SANCTISSIM. .
REGREDER . .
AÎSNOS AGE .
LVCIVS NOR .
FORTVNAT . .
PRAEF. COH. . .
TIIACVM posviT
140 ÉTABLISSEMENTS UOMAIISS
renies mansions qui l'abordaient et y agglomérer la
population.
Une autre route que nous pouvons appeler une
enfourchure de celle dont nous venons de parler,
partait de Pomone et allait dans la direction du nord
joindre la station d Opie. Cette route est connue sous
le nom de Steimtrass , que lui donnent les habitants,
et qui semble provenir de ce qu'effectivement elle
est composée d'une couche de pierre calcaire d'un ,
de deux, et même de trois pieds d'élévation. Elle est
en général , dans tout son cours, large de dix -huit
pieds.
Plusieurs points méritent d'être mentionnés sur
cette voie ou dans le district qu'elle parcourt, entre
autres le village de Wiltislingen, où fut trouvée une
inscription adressée à Mercure, et dont le clocher de
réglise repose sur les fondements d'une vieille tour
romaine, et Oberbœchingen, dans les forêts duquel
se voient encore les traces d'un vieux camp que sur-
montait une tour d'observation. Une charmante sta-
tuette en marbre d'un amour endormi a été retirée
de ces ruines'.
Je citerai encore Zoschingen, d'où provient un
fragment de bas- relief représentant Palias et Mer-
cure'^, et peut-être les deux tours fortes de Stauffcii
et de Katzenstein.
• Voy. Raiscr, Der Ober-Donaukrcis. Ouvrage cilc, 2"^ paît., p. 51 ,
not. 123.
~ Desdireibuny des rumisclien Antiquariums in Anysbunj , u" 15,
p. 05.
DU IIIIIIN ET bV DANUDE. 141
Sur la droite de Finningen, où est venue s'offrir à
nous une inscription d'Apollon Grannus^Hochstett,
Dillingen , Lizheim , dernier lieu où la troisième
légion italique^ a laissé quelques souvenirs, et les
traces du castel qui, entre Finningen et Luzingen ,
couronnait la pointe d'un sommet élevé d'où la
vue s'étend sur tout le val du Danube, et dont les
signaux pouvaient correspondre avec ceux des autres
tours qui se succédaient tout le long du fleuve , com-
plètent la monographie de cette partie de la pro-
vince.
Un troisième embranchement de route qui partait
de Pomone allait, par Gundelfuigen et le val de la
Lontel, aboutir à Lonsée, petit endroit placé aux
sources de ce torrent, sur le sommet des Alpes sué-
viques, et qui était lui-même le point de jonction
de plusieurs autres voies romaines. Gundeliîngen a
livré sur son territoire une pierre portant un frag-
ment d'inscription adressée à Jupiter, et un pot rempli
de monnaies d'argent, la plupart de l'époque des
1 APOLLINI
GRANiNO
SABIlNIVS
PROVINCIALIS
L L M.
LEG ITAL II I M.
Inscription trouvée sur deux briijues. On y a aussi découverl plu-
sieurs monnaies de Trajan , d'Adrien et des Sévère.
142 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Antonins. L'un et l'autre gisaient sous terre, à une
denii-Iieue de l'endroit.
Une des routes qui aboutissaient à Lonsée courait
au nord parAltenstadt, près de Geisslingen , et, pas-
sant par Ueberkingen et au pied du Hohenstaufen ,
liait entre elles les diverses vallées de la Fils, de la
Rems, de la Koeher et du Necker. Une autre route
circulait elle-même sur les hauts plateaux de l'Albe,
et une troisième liait (sans doute par Altheim) les
communications de la Brenz et de l'Eger.
Lonsée n'offre lui-même que de bien faibles ves-
tiges de la présence des Romains, qui sans doute n'y
eurent qu'un poste militaire, fortifié, comme tous les
lieux où ils posèrent le moindre de leurs établisse-
ments, et qui dut servir à la sécurité de toutes ces
roules. Cependant ils occupèrent longtemps cette val-
lée, ainsi que le prouve un fragment d'inscription
découvert lors de la restauration de l'église du village
d Hausen, qui nous reporte au règne de Gallien. Cet
empereur y est surnommé le Germanique , titre qui
lui fut donné pour la première fois sur ses monnaies,
en 257 ^ et qu'il renouvela pour la cinquième fois dix
ans après, un an avant que le poignard ne le frappât.
C'est donc de toutes les inscriptions trouvées entre le
Danube et le Necker celle qui est la plus récente de
date'^.
» Eckhel, Doct. num. vet., 1, 391.
- Schicubische Clironick du 16 mars 1835.
Voici l'inscriplion :
I P CAES. GALLI
GERMAMCV
INVICTVS. AV
DU KIIIN ET DU DANIBE. 143
La roule de l'Albc présente encore quelques-uns
de ses vestiges jusqu'à la hauteur de Gruorn, village
au delà duquel il est assez difficile d'en marquer la
direction. Elle sert toutefois de preuve évidente que
sur ces plateaux élevés la colonisation s'était répan-
due.
L'Erins* prend sa source non loin de cet endroit»
et dans sa gorge découpée, célèbre par les ruines
pittoresques que le moyen âge y a laissées à Uracb ,
plusieurs souvenirs de l'époque romaine ont été re-
trouvés.
Deux inscriptions de 3Ietzingen nous prouvent
qu'il existait surle terrain où ce village est placé un
temple qui était commun à tous les habitants de cette
vallée"^.
Plusieurs bas- reliefs^ une figure de Mercure, des
monnaies et d'autres antiquités^ peuvent donner une
assez haute idée de l'importance de l'endroit.
A Plezhausen,à Pfullingen, furent aussi découverts
deux bas-reliefs^; surle sommet de l'Achalm, que
' Armisia,
5 I. 0. M. I. 0. M.
CONFANES . . Vi\0r4 REGIN.
SES. ARMI , . . . .
SSES. VSL ARMISSES
L. M.
3 VOY. Schivubische Chronik. 1789. 11° 418, et Meinminger, De-
schreibung des Oberamts Urach, p. IG el sv.
* L'n potier romain de Plullingen nous a conservé son nom sur ses
poteries. Voici son monogramme :
PRIMITlVoS.
1 44 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS
couronnait un castel explorateur, d'autres moindres
antiquités ont été mises au jour.
Au delà de ce sommet élevé, dans les environs de
Bœtzingen, les traces de lantique voie romaine re-
paraissent; nous les suivons par VVankheim jusqu'à
la colonie de Sumlocène. Une autre route, signalée
par tradition chez les habitants de Kùsterdingen sous
le nom de Hœrweg , paraît aussi s'être dirigée sur
Sumlocène par Metzingen et Tubingue.
L'église de Kùsterdingen conserve encore sur son
portail le reste d'une inscription dédiée à Jupiter et
à Junon^
Il est à présumer que la route de Gruorn descen-
dait à travers le val de l'Emis que nous avons suivi,
tandis que sans doute du côté opposé un autre em-
branchement allait par le val de la Lauter aboutir au
Danube, et que, coupant l'Albe dans ses plateaux les
plus élevés et passant sous les murs de Hohenzollern,
un troisième embranchement allait par plusieurs
ramifications joindre les sources du fleuve et du
Necker.
C'est la dernière de ces directions que nous sui-
vons, et qui nous conduit au bord du Danube sur les
ruines dHombourg(ou d'Honberg), au -dessus de
Tutllingen.
I. 0. M.
ET IVNO
REG. se
IVN///////
PA////////
///////////
DU UIIIN ET DU DANUBE. 145
Nous voyons, pour y arriver, s'étendre à notre
gauche le Hard, plateau qui lui-même n'est qu'un
prolongement de l'Albe entre la Schmiech et la Béer,
et dont le nom rappelle celui des Harudes, qui l'ha-
bitaient dans l'antiquité et qui combattirent contre
César dans les armées d'Arioviste.
Le château d'IIombourg, que le moyen âge bàlit
sur les débris d'un castel romain, n'a offert de la pé-
riode romaine que des monnaies qui remontaient de-
puis l'empereur Trajan jusqu à Vespasien. Il paraît
qu'il fut construit à la même époque où furent placés
sur le Necker les Autels Flaviens. Posé à pic sur un
cône élevé, il conunandail la route qui, venant de
cette dernière ville par le plateau du nord, des-
cendait vers le Danube, et, remontant au côté op-
posé, se partageait en une enfourchure; l'une des
branches, à Test, suivait les plateaux qui do-
minent le fleuve, et l'autre, au sud , se dirigeait vers
le lac Brigantin.
Dans tous ces environs, h Thuningen, à Unterdi-
gisheim, à Kœnigsheim, à Beerenthal, furent trou-
vées des monnaies romaines^
Non loin de l'embouchure de la Béer dans le Da-
nube, le couvent de Beuron s'étend dans la vallée.
Sur les rocs qui le dominent, d'anciennes fortifica-
tions, dont le carré est encore bien marqué, ont un
caractère d'antiquité romaine qui ne peut être mé-
* Slaelin, Wirtemberyische Geschichte , 1. 1, p. iS. A Untcrdigislieim
ces monnaies se succédaient depuis Aninnin - le -Pieux jusqu'à
Alexandre Sévère.
II. '"
146 ÉTABLISSEMENTS ROMAmS
connu. Le peuple leur donne le nom d'AUstadl^ nom
qu'il donne aussi h remplacement d'un autre établisse-
ment romain près de Mœskirch, dont on a prétendu
faire l'antique Bragadurum cité par Ptolémée. Les
traces de la route romaine n'ont point encore disparu
entre l'un et l'autre de ces lieux ; elles reparaissent
sur les hauteurs qui dominent le cours de l'Aach, et
surcellesdela presqu'île du lac, oùelleallaitaboulirà
la cité de Constance. Quelques décombresdemurailles,
auxquels l'habitant donne le nom de Heidenschloss
(nom qui partout généralement marque la présence
des Romains), proviennent sans doute des tours fortes
qui devaient observer ce passage et qui devaient
veiller à sa sécurité.
Nous touchons le Hégau, bassin qui s'étend entre
le lac, le Rhin et le Danube, dominé h l'est par les
sommités basaltiques du Randenberg, auxquelles les
ruines du moyen âge, qui couronnent chacune de ces
pointes, prêtent un caractère si pittoresque.
Ptolémée, dans sa Géographie, en décrivant les
frontières de la Rhétie, donne à celte dernière pour
limites, à l'ouest, le mont Adula et la ligne qui s'é-
tend depuis le Danube jusqu au coude formé par
le Rhin; au nord, le Danube, depuis sa source jus-
qu'à l'embouchure de l'Inn dans ce fleuve; à l'est,
le cours de cette rivière, et, au sud, les Alpes pen-
niques.
C'est dans ces dernières, ajoute -t- il, que l'iller,
qui se jette dans le Danube, prend sa source, et elles
séparent la Rhétie de l'Italie; celles qui s'étendent
vers Gra3a sont situées par le 30*^ degré de longitude
DU aiIIN ET DU DANUBE. 147
et le 45'^ degré 20 minutes de latitude. Comme c'est
aux mêmes degrés environ qu'il place la tête du Rhin
et les deux villes de Brigance et de Taxgœtium , posées
sur ses rives, il faut croire que le géographe d'A-
lexandrie voulait désigner par là le commencement
du grand cours du fleuve à sa sortie du lac Brigantin,
dont il semble avoir ignoré l'existence. Or, c'est à
peu près, comme le dit aussi Strabon , à une journée
de marche environ que les sources du Danube sont
éloignées du lac Brigantin ^
Il faut donc, d'après cette description du géo-
graphe d'Alexandrie, que les monts connus au-
jourd'hui sous le nom d'ArIberg, aient porté dans
l'antiquité le nom de Penniques^, et regarder les
hauteurs qui s'étendent depuis ces Alpes jusqu'à
versleHégau, et peut-être aussi les rocs basal-
tiques de ce canton qui, comme dévastes murailles,
s'élèvent perpendiculairement au-dessus du bassin
qu'ils dominent, comme appartenant à la prolon-
gation de cette chaîne à l'ouest.
Le nom de Grjjea^se serait perpétué danse lui
du donjon d Hohenkrœen qui, au moyen âge, a, se-
lon toute apparence, été bâti sur de plus antiques
fondements.
Il est indubitable du moins que, pour contenir le
peuple qui habitait ce pays et qui avait une origine
t 'HijL£pr,Giov oâ (XTro xrfi Xiivrr^c, TrpoEÀOwv ooov TiêÈptoç, îtoj xa; zvj
"Iffxpou TtriYâç. Strab., 1. vu.
' Ilotvâi. Ptol.. Géogr., 1. Il, f. 1-2.
'• rpott'at.
H. !"•
1 48 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
commune avec ces Rhétiens que Drusus et Tibère
vinrent combattre et soumettre, Rome a dû y bâtir
des forteresses.
Tous ces monts du Hégau offraient des positions
trop importantes sous le rapport stratégique pour
n'avoir point attiré les regards des ingénieurs ro-
mains, et il est plus que probable que, comme
Hohenkrîeen , bon nombre des châteaux élevés au
moyen âge par la noblesse allemane, ont eu comme
ce donjon une origine romaine, et que HohentwieP,
Nellenbourg'^ le donjon d'Engen, d'où les vestiges
d'un chemin antique peuvent encore être étudiés,
jusqu'au fort dont les ruines couronnent la petite
ville de Tuttlingen, et peut-être les murs renversés
de Bodmann, sur une des sommités du lac, ont dû
leurs premières murailles aux Romains.
Les traces de l'ancienne voie mihtaire du Danube^
peuvent se suivre sur les plateaux qui dominent la
rive droite du fleuve, depuis Altsladt, près de Mœs-
kirch , jusqu'au bord de la Riss, où fut placé l'éta-
blissement de Risstissen .
^ Duellium?
2 Als die Schlosskirche abgebrochen wurde, fand man ini Grunde
Spuren eines eingeslùrzlen Gebseudes, auf dcssen Triimmern das
Schloss gebaul war. Unter diesen Trummern fand man zwo Urnen ,
die nebeneinander standen, die aber beim Ausgraben so iibel behan-
dell worden sind , dass man ausser der rœmischen Form nichts daran
entdecken konnte. Topograpinsches Lexicon von Schicaben,t.u, p. 225.
Kolb , Topographisches Lexicon von Baden, t. Il, p. 310 , répèlc à peu
près les mêmes mots.
^ Die Ueer strass. G'csl SOUS ce nom qu'elle est partout désignée.
DU RHIN ET DU DANUBE. 149
D'Allsladt au camp de Beuron a dû exister un
autre embranchement qui lui-même touchait le
fleuve à Dietfurt ; à la défense de ce passage veil-
lait une tour forte, dont les ruines pittoresques
s'élèvent encore inébranlables sur une pile de
rocs.
Nous atteignons la petite ville de Mengen, dans les
environs de laquelle furent trouvées, près d'Ennen-
dach, une inscription adressée à Apollon Grannus
et aux nymphes ^ ainsi qu'une image en bronze de
Mercure et des monnaies du grand peuple.
Plus loin, sur la rive gauche du Danube, apparaît
le village d'Althcim, dont le nom semble attester son
origine antique.
A droite, au fond du tableau, et au delà de la Kan-
zach, qu'alimente le Federsée, s'élève majestueuse-
ment le sommet élancé du Bussen, mont élevé, où
existait une tour romaine, qui, par signaux, pouvait
même correspondre avec les tours du Hégau.
A une lieue de la rive gauche du Danube, au pied de
l'Albe et au confluent de deux ruisseaux, se montrent
le village et l'abbaye de Zwiefalten.
Là même où l'église de l'abbaye est posée , était
* APOLLIM
GRANNO
ET MMPH
IS. C. YIDIVS
IVLIYS PRO
SE ET SVIS
V. S. LLM.
150 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
placé, SOUS l'empire des Romains, un temple dédié
au dieu SoIeiP. Nous arrivons à Obermarchthal ,
où des monnaies romaines ont été retrouvées et où
existait, comme à Dietfurt,uncaslel protecteur, des-
tiné à commander ce passage du Danube.
Quelques vestiges de chaussée romaine, décou-
verts dans la région du Federsée, sont une preuve
évidente, à défaut d'autres antiquités, que dans les
vallées qui s'étendent entre l'iUeret le lac Brigantin,
la colonisation avait aussi partout pénétré.
Si l'on passe le Danube à Marchthal, l'on retrouve
la chaussée romaine sous le nom de Hochstrasse.
Un embranchement allait joindre le val de la Blau
et la station duLonsée;un autre, sans doute, comme
nous l'avons fait entrevoir, remontait le val de la
Lauter.
Dans le Blaulhal fut découverte h Ehrenstein une
statuette en bronze de Jupiter, tandis qu'à Ulm même
1 t)EO. INVICTO
SOLI. TEMPL\M
A SOLO. RESTI
TVIT. YALERIVS
YEN VST VS. Y. P. P
pT^. SICYTI. YOTO
AC MENTE. CON
CEPERAT. RED
DITYS. S.\MTATI
Y. S. L. E. M.
Veo invicto Soli (empluin a solo resliluil Valerius Venitslus, tir per-
fectissimus , pater patrum, etc.
Celte épithètc de patcr patrum désigne le poiilife supérieur des ini-
tiés aux mystères de Miilira.
DU RHIN ET DU DANUBE. 151
on a retrouvé des monnaies et, près d'Erbach, quel-
ques restes de bâtisses.
Nous nous dirigeons sur Risstissen , où une inscrip-
tion intéressante nous confirme le culte des Romains
pour le dieu du Danube. La pierre qui la supporte
est murée dans l'église, où sont de même enclavés
plusieurs autres bas- reliefs, dont l'un surtout est
digne de remarque comme représentant le mythe de
Daphné , ou le symbole de l'entrée dans une autre vie.
L'inscription porte pour date la première année
du troisième siècle ^ C'est dans ces environs que,
grossi par les eaux de la Riss et de l'Iller, le Danube
commence à être navigable.
La personnification de ce fleuve et les autels qui
lui furent élevés, prouvent tout ce que les habitants
de cesrives attendaient de sa protection pour leurs
transactions commerciales , qui , comme sur le Rhin ,
comme sur le Necker, durent principalement se faire
par eau.
Nous passons l'Iller à Unterkirchberg, et nous
abordons les camps de Finiania, dont Ptolémée fait
IN H. D. D.
I. 0. M. ET DANV
VIO. EX VOT
0. PRIMANVS
SECVNDI. V S L L
MVCIANO ET FABI
In honorem domus divinœ, Jovi oplimo Maximo et Danuvio , ex voto >
Primantis , Secundi filius y votum solvit lubens libentissime , Muciano
et Fabiano Consulibus.
(An 201 de l'ère chrétienne.)
152 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
mention et que la Notice de l Empire cite aussi sous
le nom de Phebianis.
C'est la seule des quatre villes que, dans la des-
cription qu'il fait de la Rhétie, le philosophe d'A-
lexandrie place sous le Danube même', dont il nous
soit possible de préciser la position.
Il cite avec elle Bragadurum qui , comme nous l'a-
vons observé, était peut-être l'Alistadl, près de Mœs-
kirch; Dracuina, que quelques-uns ont placée à Riss-
tissen, que nous venons de quitter, et Viana , que
les uns ont placée à Wain,et que d autres ont regardée
comme étant le même lieu que la Table de Théodose
[segment 3) menlionne sous le nom de Viaca, sur
la loute de Brigance à Augusta. Si lune de ces deux
opinions peut avoir quelque fondement, c'est la pre-
mière , parce que, comme nous le verrons, les camps
de Viaca doivent dater d'une époque postérieure.
Plolémée cite ensuite à la tête du Rhin Taxgaetium
et Briganlium, et après, dit- il, viennent les quatre
villes de Viens, dEbodurum, de Drusomagus et
d'Ectodurum, lieux que Ion a à tort cherché sur les
bords du Danube (car le géographe n'eût pas sauté
de ce fleuve aux rives du Rhin, s'il eût eu à les y
mentionner), mais qu'il faut chercher aussi dans les
régions du Rhin même, où, en effet, W^icken, Ben-
deren,Triesen et Guttenbourg en ont en partie per-
pétué les noms.
Nous ne pouvons tenir compte au géographe des
degrés de latitude et de longitude qu'il assigne à
1 Atto u£v aùxôv TCiv oavoûfiiûv iojvtava. Ptoléiii , Goeyr.. I. ll,c. li.
DU RHIN ET nu DAiSUBE. 153
toutes ces positions, car aucun n'est exact; mais
nous suivons son récit, et il nous guide dans nos
recherches.
La route romaine qui d Unterkirchberg conduit à
Finningen, village éloigné d'Ulm d'environ un mille
bavarois, et qui a conservé le nom de l'ancien poste
militaire de Finiania, montre encore ça et là quelques
traces de son pavé antique.
Une maison du village est elle - même assise sur
cette base inébranlable qui lui sert de fondement.
Comme toutes ces pierres sont calcaires, on s'en est
souvent servi pour fabriquer de la chaux; et, comme
elles sont propres à la bâtisse, on en a employé une
immense quantité lors de la construction du couvent
de Roggen bourg.
Les différentes fortifications qui dépendaient du
camp de Finningen étaient placées sur les collines
de Neuhausen et de Holzheim et s'étendaient aussi
sur l'Iller.
A Unterkirchberg, sur la hauteur où est aujour-
d'hui placée l'église, se montrent encore les traces
d'un castel et de fossés profonds '.Une tour forte dut
s'y élever, correspondant avec les autres tours de
Brandenbourg,de.Balzheim et de Kirchberg, près de
Mont-Cœlius (Kellmiinz), où une autre tête de pont
existait.
Ce fut sans doute à l'époque où les contrées du lac
et des sources du Danube cessèrent d'être romaines
que ces travaux straie'giques furent élevés sur la rive
' Denkwûrdiykeilen des Ober-Donaukreises, !'<= pail., l>. tOi.
I 54 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
dioile de l'ilier, qui devint, en effet, à louesl la fron-
tière de la Vindélicie.
Nous suivons la route romaine, désignée ici sous
le nom de Heerslrasse ou route militaire. Elle nous
conduit par Sleinheim, Strass, Leipheim et Bubes-
heim, au sein des murs de Gùnzbourg, une des villes
dont le nom antique s'est le mieux conservé. Elle
est située sur une colline, placée à l'embouchure de
la Gûnz dans le Danube, et domine au loin toute la
contrée.
Ptolémée n'en fait pas mention; mais elle est
citée dans Vllùiéraire d'Anlonin comme station in-
termédiaire entre le Mont-Cœlius et Augusta, sur
la roule de celte capitale de la Vindélicie à Rauraque',
par le panégyriste Eumène, qui parle du passage
du Danube sous ses murailles', et dans la Notice de
l'Empire"^, qui nomme comme tenant garnison dans
cette ville un corps d infanterie espagnole des en-
virons d'Ursa*.
Trois pierres, trouvées dans le Tyrol, nous
prouvent par leurs inscriptions que ce fut Claude ,
fils de Drusus, qui, en Tan 47 de Jésus - Christ,
rétablit la roule romaine que son illustre père
avait le premier ouverte à travers les Alpes, et qu'il
1 Édit. de Wesseling, p. 230.
2 Panegerici Veteres., p. 208.
^ Sotilia (lifjnitalum imperii occiilentis , édil. cilce, p. 1977.
* « Ursa Picenorutn est civitas et urbs in Jlispania, unde hi milites
< sunt extracti.» VAndvo\c , Comment, in Notitiam utriusque imperii,
c. 84.
DU RHIN ET DU DANUBE. 155
la munit de places fortes jusqu'aux rives du Da-
nube'.
* Voici ces trois inscriptions :
TI. CLAVDIVS CÂESAR .
AVGVSTVS. GEUM
PONT. MAX. ÏRIB. POTEST
COS. DESIG. IIH. IMP. XI. P. P.
VI.\M. CLAVDIAM. AVGVSTAM.
QVAM. DRVSVS. CAESAR. PRIVS
OBICIR. PATEE ACTIS. ITER. EXS I
M R///ST
S . . . P . . M . P . . . CV . . . .
TI. CLAVDIVS CAESAR . .
AVGVSTVS. GERMAMCVS
PONT. MAX. TRIB. POT. VI
COS. DESIG. IIlî. IMP. XI. P. P.
VIAM. CLAVDIAM. AVGVSTAM.
QVAM. DRVSVS. PATER. ALPÎBVS
BELLO. PATEFACTIS. DEREXERAT
MVNIT. A. FLVMINE PADO. AT [ad)
^VFLVMEN. DANVVIVM. PER
... P ... ce
TI. CLAVDIVS. DRVSI. F
CAESAR. AVG. GERMA
NICVS. PONTIFEX. MAXV
MVS. TRIBVNITIA. POTESTA.
TE. VI. COS. IIH. IMP. XL P. P.
CENSOR. VIAM. CLAVDIAM. AVGVSTAM
QVAM. DRVSVS. PATER. ALPIBVS. BELLO. PATI
FACTIS. DERIVAVIT. MVNIT. AB
ALTINO. VSQVE. AD. FLVMEN
DANVVIVM. M. P. ceci.
156 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Peut-être est-ce lui qui éleva les remparts de Gun-
lia, sur les décombres desquels est placée la ville de
Gûnzbourg. La tour de l'église est elle-même posée
sur la base d'une vieille tour romaine. Celte forte-
resse formait un carré imparfait, conforme à l'iné-
galité du plateau qu'elle recouvrait. L'on voit encore
les traces des autres fortifications qu'elle dominait,
au bord de la Giinz, où s'élevaient une tour forte et
plusieurs retranchements destinés h protéger la route
et le pont\ au delà duquel s'étend une plaine où,
dans la mémoire du peuple, s'est, de génération en
génération, conservé le souvenir d'une victoire que
Constance Chlore, père de Constantin, a dû remporter
sur les Allemanes (peut-être en 297 de l'ère chré-
tienne) ^.
Une pierre dédiée à Neptune ^ et trouvée dans
la Gûnz, est surtout remarquable en ce que, près
de l'endroit où elle fut retirée de l'eau, il existe un
moulin.
Le mot moUnator, inscrit sur l'autel, semble ex-
primer la qualité de celui qui, un jour, consacra par
un vœu cette pierre au dieu du liquide élément. Il
faut donc penser que le moulin moderne s'est re-
nouvelé pendant seize siècles sur les fondements de
^ Beitràge fiir Kiinst und Alterthum im Ober- Donaukreis. 1831.
p. 2.
2 Le terrain se nomme encore der Mordschlacht. Pour la ilale,voy.
dans le lome premier de ce Mémoire notre précis historique, p. 96.
3 NEPTV
SACR
MOLIN.
DU RHIN FT DU DAINUDE. 157
celui dont le toit abrita un jour le meunier qui,
fidèle à Neptune, grava cette inscription.
La route romaine va, au delà du Danube, aboutir
au Lonthal, et par une courbe redescend au fleuve
vers Pomone.
La voie principale, celle d'Augusta aux camps de
Finiania, suivait, selon toute probabilité, les hau-
teurs qui dominent la rive droite du fleuve, et, par
Reisensbourg et Rettenbach, touchait de nouveau
ses rives vis-à-vis de Lauingen^
A une petite distance de cette ville, nous foulons
les ruines d'un vieux camp, sous les murs duquel
s'était par la suite élevé un municipe qui , à en juger
par les nombreuses inscriptions de Lauingen,ne fut
pas sans quelque importance.
Le camp, élevé sur une hauteur et destiné à
protéger le pont jeté sur le Danube, était d'une vaste
étendue ; l'on peut encore en étudier l'emplace-
ment.
Les pierres de taille des vieux murs remplissent
les fossés; plusieurs ont roulé jusque dans le fleuve;
quelques-unes, portant des fragments d'inscriptions,
en ont été retirées^.
Le municipe s'étendait, à un petit quart de lieue
de la forteresse, sur les bords du Danube, oii une in-
finité de claires fontaines, qui sans doute y furent
' Cette route est appelée par l'iiabitant die Ochsenstrasse.Ceslh Via
Augusta des Romains. L'Allemand, par contraction, en a fait Augs-
strasse , nom que le peuple , dans son langage bannal , a changé en ce-
lui d'Ogstrasse, et enlin (ÏOchsenstrasse.
^ Neiihurgische Provinzialblcitter, t. II, p. 414.
158 ÉTABLISSEMENTS ROUMAINS
mises à profit par les Romains, durent en avoir fait
un lieu de bain fréquenté. Du moins voyons -nous
par une inscription adressée à Apollon Grannus, le
dieu des thermes, qui y était invoqué, conjointe-
ment avec Hygie, la tille d'Esculape, que ces deux
divinités y avaient des autels'.
Quatre autres monuments, dont deux proviennent
de Faimingen, portent de même le nom de ce dieu,
qui eut des temples dans la forteresse et dans la val-
lée, et dont une des statues, d'après l'inscription,
était d'argenté Elle fut inaugurée par un tribun de
la troisième légion italique, qui sans doute fut en
garnison dans le fort, ou qui, venu en ces lieux pour
y prendre les eaux, voulut, après avoir recouvré la
santé, exprimer au dieu sa reconnaissance.
» APOLLINI. GRAMO. ET SANG
TAE. HYGIAE(rMm ornamen)T\^
AEDIVM IPSORYM PRO SALVTE. SVO
LVG(iU5)
La pierre sur laquelle celle inscription esl gravée fui retirée des flots
du Danube. Elle était irès-cndommagée. A la même place était aussi
engloutie dans le fleuve une autre pierre, portant de même une ins-
cription , et un bas-relief représentant Apollon . couronné d'une au-
réole lumineuse, et assis, comme dieu Soleil, sur le dos d'un lion.
2 APOLLIM GRANNO
M. YIPIVS SECVNDVS
T. LEG. III. ITAL. ARAI
GVM SIGNO ARGENTEO
V. S. L. L. M.
DU RHIN ET DU DANUBE. 159
Un aulie de ces autels fut élevé par un des légats
Augustes, propréleu r delà province, duquel nous avons^
d'après l'inscription qui recouvre cette pierre, rétabli
le nom parmi ceux de ces officiers généraux qui ont
dû résider à Augsbourg ^
A côté de ce culte florissait aussi celui de Mercure ,
dont une inscription nous a été conservée ^. Parmi
les pierres tumulaires, je citerai celle d'un aquilifère,
vétéran de la troisième légion. Quelques autres frag-
ments de bas-reliefs ont aussi été retrouvés; l'un,
entre autres, qui, à la toge dont est recouvert le per-
sonnage qu'il représente, indique que ce dut être un
des magistrats du lieu.
Ce fut sans doute au commencement du deuxième
siècle, lorsque Adrien plaça la frontière de la Vin-
délicie au delà du Danube, et qu'il donna à cette
province le nom de seconde Rhétie , que s'éleva la ville
de Lauingen. Les monnaies qu'on y trouve descendent
jusqu'à la fin du règne de Valens, en 378 de Jésus-
1 APPOLLINIS GRAMI
REL
. . . P . P . dio
NYSIVS. LEG. AVG. PR. PR.
. . . KAL. IVNIAS.
Voy. ci-dessus p. 108.
2 IN. H. D D.
MERVCRIO
VTROC
VICTOR
EX. VOT . . PoS
L. L. M.
160 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Christ, et il est à croire que ce fut à cette époque
que la forteresse fut démantelée et que le vindicatif
Alleniane en rasa les murailles.
Il est présumable que ce fort faisait partie des re-
tranchements de Pomone, dont il formait comme
la tête de pont et dont le prétoire dut être placé en
deçà du Danube, au lieu même où au moyen âge
furent construits (sans doute avec ses matériaux) les
deux donjons de Baumgarten ^ Dans les ruines de
ces châteaux furent trouvées plusieurs monnaies de
la deuxième légion , et de Constantin , de Constant
et de Constance.
Les constructions du moyen âge ont fait disparaître
les traces de fortifications plus antiques. iMais à Ais-
lingen ces vestiges reparaissent , et l'on peut très-
bien encore distinguer le cours d'un double rempart
et le fossé profond qui entouraient un autre camp,
destiné à soutenir le premier. Le front de ces mu-
railles du côté du nord, où était placée la porte dé-
cumane, n'avait pas moins de trois cents pieds d'é-
tendue. A Glœtt, à Dùrr-Lauingen étaient posées
deux simples tours d'observation.
Tous ces travaux stratégiques devaient protéger la
roule, dont les restes sont encore intacts près de
Mœnsletten, et se liaient aux autres fortifications
qui, en arrière du fleuve, s'étendaient jusqu'au Lech.
Car, lorsque Rome eut perdu la limite du grand
rempart, et que le Danube fut redevenu la frontière
' Dans les plus anciens documents aussi nommes l*om cl i'awm-
gai'leu , Paumgarlen , clc. Gcschichte der Stadt Lauiiiyen , p. \'.i.
DU RHIN ET DU DANUBE. 16t
de la Vindélicie, en présence d'un ennemi qui, tou-
jours remuant, épiait chaque occasion pour se ruer
sur cette province , elle redoubla d'efforts pour mettre
la rive droite dans un état de défense redoutable;
nous voyons, en effet, que sur toute la chaîne des
collines, dans un espace de huit lieues, elle mit à
profit chaque endroit avantageusement placé, pour
y poser ses fortifications, soit comme lieu de garni-
son, soit comme simple tour de signal.
Sur le Schlossberg, près d'Eppisbourg, était placé
un camp, dont les fossés et le double rempart ont
encore laissé leurs vestiges du côté du nord et du
midi.
A un quart de lieue plus loin, sur le mont Ep-
pisbourg même, paraissent aussi quelques traces
d'autres fortifications, ainsi que sur le Hohen-Berg ,
où était placée une tour forte, entourée de quelques
murailles, et d'oîi la vue dominait au loin tout le val du
Danube. Près de Binswangen se retrouvent de même
les traces d'un carré régulier, précédé d'un plus vaste
terrain qu'entourait un rempart, et au sein duquel
fut trouvée une monnaie romaine du règne de Cons-
tance.
Une tour d'observation était posée sur la hau-
teur de Wertingen ; elle pouvait correspondre par ses
signaux avec le camp de Binswangen et, à droite, avec
celui qui, posé sur le Dirleberg, avait à la fois un
emplacement des plus favorables pour la défense
comme pour l'exploration. La vue, en effet, de ce
sommet élevé, plane sur tout le cours du Danube»
depuis Ulm jusqu'à JNeubourg, et les divers accidents
II. 11
162 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
du terrain, protégé en avant par le cours des eaux
et parlesniaraisqui,àl époque romaine, devaient cou-
vrir tous les bas -fonds qui s'étendent tout le long
du fleuve, en rendaient l'abord aussi difficile que
dangereux. Le camp était très-étendu; l'on peut
encore très-bien distinguer les traces de ses remparts
du côté du nord-ouest, dans un espace de six cents
pas; il était protégé par un fossé large de trente pieds ,
et qui en a encore dix de profondeur. Plusieurs mon-
naies romaines d Agrippa, d'Auguste, de Faustine,
de Caracalla et de Claude, y ont été trouvées.
Nous atteignons alors Druisheim', lieu près du-
quel était placé le dernier camp de cette ligne.
Là, tout annonce un établissement considérable.
Malheureusement nulle inscription ne nous en a
été conservée, quoique les matériaux de l'ancien lieu
romain aient plus tard servi, au moyen âge, à la cons-
truction de différents châteaux forts et couvents. Mais
plus de trois cents monnaies romaines des premier,
deuxième, troisième et quatrième siècles en ont été
retirées, ainsi que diverses antiquités, des bijoux,
des ustensiles, des clefs de bronze de toute grandeur
et de toute façon, un petit aigle du même métal,
d'un pouce environ d'envergure, des lampes antiques,
le tronc d'un petit buste d'empereur, des fragments
de poterie, et quantité de métal fondu, circonstance
qui semblerait attester que le feu dévora ces dé-
combres. C'est à côté de l'emplacement du fort, où
' Au moyen âge, Trouwenshciin , Triushaiin, Troushcim, Truighs-
lioim , Trushcim , ol enfin Druisheim.
DU nniN ET DU DANUBE. 163
dut s'étendre la ville romaine, que tons ces objets
antiques et des fondements de bâtisses ont été re-
trouvés.
Toute cette ligne de fortifications, depuis la Glœtt
jusqu'au Lech , a été comprise par quelques auteurs
modernes sous le nom de Parrodunum, nom que la
seule Notice de V Empire mentionne, mais qui me
paraît plutôt devoir être une des dénominations de
l'endroit que la Table de Théodose cite, plus au sud,
sous le nom de Tarleno, Vilinéraire d'Anlonin sous
celui de Parthano, le géographe de Ravenne sous
celui de Parna\ Peut-être faudrait- il plutôt mar-
quer ici avec Leichtlen l'emplacement de Venaxa-
modurum, cité par cette même Notice comme étant,
à l'époque où elle fut écrite, le siège du tribun
qui commandait la sixième cohorte des Rhétiens.
D'autres auteurs ont placé ce dernier lieu à Weissen-
horn^. Je ne prétends pas m'arrêter à ce conllit d'o-
pinions que mon but n'est pas de critiquer, puisque
nulle inscription ne nous permet de sortir d'incer-
titude à cet égard. Il suffit à mon sujet d'avoir re-
trouvé sur toute cette ligne les traces des anciens
établissements militaires que Rome y posa, et autour
desquels la colonisation s'était partout répandue^.
* Aujourd'hui Parlhenkirch.
2 Voy. Raiser, Antiquarische Reise , p. 83; Tschudi , Gallia comata,
i.u, c. 7, p. 271.
3 C'est ce que prouve , en tant de lieux , la trouvaille tantôt de quel
ques monnaies romaines, tantôt de tombeaux gallo-romains, tantôt
d'antiquités diverses. Consultez à ce sujet les Annales du cabinet
d'Augsbourf/, où toutes ces antiquités ont été en grande partie dé-
posées.
■ I 11.
164 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Quatre routes aboutissaient à la ville, près des
ruines de laquelle s'est par la suite élevé le vil-
lage de Druisheim. L'une, la seule dont les traces
n'aient pas disparu entièrement, suivait le cours de
la Schmutter et passait sous la tour de Biberbach et
sous celle de Pfersée avant d'entrer h Augusla. Les
autres ne sont que problématiques; mais Tune d'elles
doit, parAuchsesheim', avoir couru au nord et avoir
joint l'embouchure du Lech, près duquel nous avons
eu occasion de citer le pont antique jeté sur le Da-
nube à Marxheim.
On peut encore aujourd'hui voir dans cette direc-
tion, en avant de l'ancien fort, les vestiges de plu-
sieurs redoutes, élevées sans doute à l'époque où
Rome fut obligée d'abandonner la rive gauche du
fleuve.
La troisième dut joindre les communications des
divers lieux que nous venons de parcourir depuis
Pomone, et s'embrancher sur Allmannsliofen, Nor-
dendorf et Holzheim , où quantité de monnaies ro-
maines ont été retrouvées^. Ce dernier embranche-
ment traversait le Lech à l'est et servait de jonction
aux divers autres établissements du Danube jusqu'à
Reginum.
C'est cette direction que nous allons suivre.
Nous passons le Lech et, nous dirigeant sur
Walden, nous allons, près de Wa^chtering, visiter
* Auchseslicim ne serait- il pas la contraction du mot Vena.jca-
modurum ?
"2 On peut en lire la nomenclature dans Raiser, Ober-Donaukreis
unter den Bijmern , p. 42 et 43.
DU KHIN ET DU DANUBE. 165
les vestiges de foilificalions qui durent couronner le
CastelbergS et de là ceux de Walden même. Ces
vestiges sont à peine reconnaissables. Mais il existe
une tradition populaire qui place sous le sol de ce
village et sous celui de Weydorf les ruines d'une
ville antique.
La culture, les constructions du moyen âge, ont
dans ce coin de la province fait disparaître presque
toutes les traces d'une plus antique colonisation;
mais le peu d'antiquités que le territoire de Rain
et de ses environs a livrées, prouvent suffisamment
que cette colonisation n'avait pas été moins répan-
due sur la rive droite du Lech que nous ne l'avons
trouvée sur la rive gauche. Une route romaine se
dirigeait vers Augusta en remontant l'Ach, courant
d'eau qui, à l'est, accompagne le Lech dans son cours.
Elle passait sur le ban des communes de Thier-
haupten et de Rehlingen, et de ce dernier lieu reliait
par un embranchement le castel placé derrière une
tête de pont entre Langweid et Staitenhofen. Faisant
ensuite une courbe par Schernegg, Affing et Miil-
hausen '^, elle se dirigeait sans doute vers Augusta, où
«elle venait s'unir à la grande voie citée par Vilinéraire
d'Antonin, et qui , s'appuyanl sur la Paar et sur 1 llm ,
allait aboutir h Abusina, et joignait les stations de
' lions Castrensis. Il est cité sous ce nom dans le Saalbuch de
Louis -le-Sévère de l'an 1275.
- Tous lieux où ont été ouvertes des lombes celto-romaines. Voy.
Caron Duval, Entdeckungen der Grabhiigel bei Affing , Miilhausen und
Anwaldingen , dans la Urkundliclie Geschichte der Stadt Lauingen, du
D"" Raiser, p. 22 et sv.
16G ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Quintana * et de Balava ^ au delà de Regiiuim. La
Notice de l'Empire place dans l'une la première aile
Flavienne des Rhétiens, dans l'autre une cohorte de
Balaves nouvellement formée ^.
Nous nous dirigeons sur Strass, village dont le
nom seul indique qu'il est posé sur une ancienne
voie romaine. En eiïet, les restes de celte route,
connue sous le nom d'Ogstrasse, via Augusla, se
sont retrouvés près de ce lieu , dans la direction de
Neubourg. Pour y arriver, nous passons à Gemfîng,
où existait une tour romaine. Elle était posée sur la
colline en terrasse, où est aujourd'hui placée l'é-
glise. De là, par Burgheim , près du château du-
quel furent trouvées un assez bon nombre de mon-
naies romaines, nous atteignons le Rayserbourg, et
ensuite le Stettenberg, mont situé vis-à-vis de la tour
forte qui dominait le village de Steppberg, sur la
rive gauche du Danube, où nous avons vu que la
route qui sortait de Vetoniania venait aboutir. Le
fleuve est encaissé entre ces deux hauteurs, dont les
fortifications durent être principalement destinées à
protéger de chaque côté le pont qui sans doute y
était jeté. Le bas du Stettenberg porte le nom de.
haute rive^', la région supérieure, dont le plan re-
pose sur des rocs empilés, porte le nom de roche de
la cité^y et sur le sommet, qui lui-même est appelé la
1 KûDzing, près du Danulie.
2 Passau.
■* Tribunus cohortis novcp Batavorum Bnlavis Not d'f/n. i^np. ocrul.
* Das ïiuchgestad.
^ l)er Stadtfelsen.
DU RHIN ET DU DANUBE. 167
ville\ se remarquent encore les traces d'un rempart,
dont le carré, parfaitement conforme à la structure
des camps romains, a une longueur de quatre à cinq
cents pas sur deux cents à deux cent cinquante de
largeur. Si l'on fouille ce terrain, l'on découvre des
décombres de bâtisses.
\ une demi -lieue de cet endroit est situé le Kai-
serbourg, ancien castel, dont il n'existe plus qu'un
simple pan de muraille, et dont les décombres gisent
au sein des broussailles qui les recouvrent. La roule
romaine qui reliait ce fort à celui d'Altenbourg est
encore visible. Rien de romain n'y existe cependant;
toutes ses ruines sont du moyen âge. Mais à Neu-
bourg nous retrouvons des souvenirs de Rome, et
nul doute que la partie haute de la ville ne soit balie
sur l'emplacement d'un camp romain. Dans les jar-
dins qui l'entourent furent déjà souvent déterrés des
monnaies et des fragments de poteries; d'ailleurs
plusieurs pierres sépulcrales romaines, dont l'une
couvrit la tombe d'un curateur du lieu^, et l'inscrip-
tion d'une pierre votive élevée à Mercure, ne peuvent
laisser de doute que les Romains n'aient eu là un
établissement.
1 Die Stadt.
P. AEL. T. SATVRNINVS
ATILI. CV. ET. CIVIS. VET.
VIXIT. A. LXXV.
SATVRNINVS CRESCENS
IIII KLENDS lAN.
168 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
La colline sur laquelle la ville est posée, est la
dernière qui domine le Danube , dont le cours dès
lors s'élargit et qui coule en avant d'une plaine qui
s'étend jusqu'à la Paar, et dont le terrain marécageux
dut être mis à profit par la stratégie romaine. Par
la facilité que l'Aicha et ses confluents donnaient de
l'inonder, toutes les dunes que, dans l'antiquité du
monde, le fleuve avait formées, et que les Romains
couronnèrent de tours fortes, pouvaient être isolées
en cas de danger.
La tradition qui s'est conservée parmi les habi-
tants de Feldkirchen, qu'entre ce village et Neu-
bourg, qui n'est éloigné de cet endroit que d'un quart
de lieue, a dû exister l'ancienne ville romaine, dont
les fortifications de Neubourg n'auraient dès lors été
que la citadelle protectrice, ne repose sur aucun fait
qui puisse lui donner quelque poids; maison a trouvé
dans ce village même plusieurs antiquités, telles que
des monnaies, de vieilles ferrailles, et cinq figurines
de bronze, dont deux statuettes d'Isis et dAnubis
surtout ne sont point sans intérêt.
Plus en arrière, du côté de Zell , fut trouvée, près
de la chapelle de Saint- André, une monnaie ro-
maine, et, à peu de distance de ce lieu, des fonde-
ments de bâtisses et d'une vieille tour ronde furent
mis à nu en remuant le sol. Zell même n'a rien off'ert
de romain, mais l'on peut à un quart de lieue de cet
endroit, et au milieu d'un petit bois, distinguer l'an-
tique chaussée romaine. Nous traversons le Zeller-
bach, petit ruisseau qui va se jeter dans l'Aicha, et
non loin de Bruck, sur une colline dont il baigne le
DU RHIN ET DU DANUBE. 1 69
côté de l'ouest, nous visitons les vestiges d'un an-
tique caslel; le carré, long de soixaiUe-cinq pas sur
soixante de large, en est encore bien reconnaissable.
La contrée qui s'étend sous ses pieds porte le
nom de See {lac), et il est présuniable que ce nom
vient de l'antique tradition qui a conservé le souve-
nir du lac qui un jour dut la recouvrir. De l'autre
côté du fossé qui l'entoure était placée sur une autre
dune une tour d'observation, entourée elle-même
d'un petit rempart et d'un fossé qui est encore au-
jourd'hui large de dix à quinze pieds. Elle correspon-
dait avec la tour de Vehering, au centre d'un castel
situé sur une troisième dune, et dont un des fronts
m'a offert une longueur de cent pas. En avant de ce
carré est un autre emplacement, qui sans doute fut
lié au fort, et dont le côté sud est baigné par l'Aicli-
bach.
Avant de l'atteindre, nous foulons de nouveau,
dans l'épaisseur des bois, l'ancienne voie romaine ,
sedessinant au-dessus du sol comme une longue traî-
née de terre. Elle nous conduit dans la direction de
Manching qui, placé sur les bords de la Paar, était
le dernier fort de celte ligne étendue. On peut encore
marquer remplacement des deux castels qui durent
s'y élever; l'un , sur le soi-disant Schlossberg, l'autre,
sur le Burgfeld , dont le sol fut mis à profit comme
carrière par les habitants pour en extraire les pierres
de taille. Une ligne retranchée peut encore être
assez bien étudiée à l'embouchure de la Paar dans
le Danube, et au sein des forêts, où ses vestiges
recouverts d'immenses chênes que plus de cinq
170 ÉTABLISSEMENTS 1\0MAIINS
siècles ont vu croître et verdir, s'élèvent encore à
huit, à dix , à dix-huit et même à vingt pieds de hau-
teur. Au sud , elle aboutit de nouveau à la rivière,
après un cours de plus d'un mille, et va joindre une
dune connue sous le nom de Burghiigel, et où, d'a-
prèsquelques traces de murailles, s'élevait sans doute
une tour forte ',
Quoique ces restes soient bien faibles, il est permis
déjuger par eux des soins que les Romains (proba-
blement après avoir perdu la rive gauche du Danube)
prirent de fortifier cette position qui, en effet, était
d'une importance majeure, puisque , cette ligne, rom-
pue, le val de la Paar s'ouvrait devant un ennemi vain-
queur, et que le Lech et par conséquent, la capitale
de la Vindélicie se trouvaient menacés. Il était donc
nécessaire , pour soutenir cette première ligne ,
qu'en arrière le cours de cette rivière, comme celui
de rilm, du Sandrach, du Breilbach, et des autres
moindres torrents, fût aussi protégé, et que de fortes
garnisons, capables de se réunir au premier signal,
veillassent à la sûreté de ce pays ouvert. C'est ce que
nous savons que Rome fit en effet; et nous voyons
par la Notice de l'Empire'^ que jusqu'aux derniers
^ Voy., pour plus de détails, Neuburger Wochenblàtter, année 1821,
11° 42, p. 171 , et n" 43, p. 175. Voy. aussi Bucliner, Reise au/ der
Teufelsmauer, art. Vallatum^ p. 17 et sv.
~ Prœfectus legionis tertiœ italicœ partis superioris Castra Regina,
nunc Vallato. Prœfectus Alœ Secundw Valeriœ Singularis, Vallalo. —
Equités Stablesiani juniores Submuntorio. — Prœfectus legwnis
m italicœ partis superioris deputatœ Ripœ primœ , Submuntorio.
Notit. dignit. imp. occid., édil. citée, p. t978.
DU RHIN ET DU DANUDE. 171
temps de sa possession, elle entretenait un redoutable
corps de cavalerie et d'infanterie à Summonlorium ,
à Ripa prima et à Vallatum , dernier groupe de for-
tifications dont celles qui protégeaient l'embouchure
de la Paar devaient faire partie.
Ripa prima, qui lui même dépendait de Summon-
torium, comprenait les fortifications danubiennes
que nous venons de parcourir, entre le Lech et la
Paar, tandis que, placé plus en arrière du fleuve,
entre Augusla et Vallatum, Summontorium s'ap-
puyait à la fois sur la Paar et sur l'IIm.
Le terrain sur lequel s'élève, de l'autre côté de cette
dernière rivière, le Burgstall, à l'opposé de VValh
petitendroit situé au milieu desbois, au sud de Gei-
senfeld , peut être regardé comme l'emplacement du
principal camp de Vallatum. Sa distance d'Abusina
est assez conforme aux dix-huit mille pas que lui as-
signe Vllméraired'Antomn, qui , entre Augusta et Sum-
montorium, en maïque vingt, et seize de Summonto-
rium à Vallatum.
La route romaine qui liait ces divers lieux, et qui
doit avoir été celle de V Itinéraire, passait sous le
donjon d'Hohenwart et près de Schrobenhausen ^
ville qui, d'après une antique tradition, fut totalement
détruite par les Huns; la voie dut ensuite prendre
la direction d'Aichach pour passer le Lech un peu au-
dessus d'Augusfa. Près de Vallatum elle se bifurquait;
car nous trouvons au sud, près d'Indersdorf sur la
Glon, les traces d'une autre route qui allait joindre
' Schœnwieser, Ad Itin. Ant., p. 20.
172 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
la Station de Vallatum au nord, et dont on peut en-
core très -bien étudier le parcours jusque dans les
environs d'un camp romain perdu sur la droite de
rilm, dans l'épaisseur des forêts, et au sein duquel,
ainsi que dans ses environs, l'on découvrit une
grande quantité de monnaies. Le carré du camp est
très-bien tracé, et il est entouré d'un double rem-
part, qui en plusieurs endroits s'élève encore à vingt
pieds de hauteur. De moindres fortifications, dont
les traces sont encore visibles, s'élevaient près de
Sigmarshausen, de Frauenhofen, d'Arnzell et de
Peterzell, tous lieux oii furent aussi trouvées des
monnaies de l'époque romaine.
De même, peut-être, il faudrait attribuer à cette
époque les premières fondations de Raderzhausen,
sur la cime élevée d'une montagne, et celles sur les
ruines desquelles, au douzième siècle, s'élevait le
château de Pfaffenhofen , dont les murs ont dis-
paru.
Toutes ces fortifications, qui se soutenaient stralé-
giquement, couvraient au nord-est les abords d'Au-
gusta et s'appuyaient sur la Glon, à gauche de laquelle,
non loin d Adelshausen, se montrent encore les ves-
tiges d'un ancien camp romain, destiné h protéger la
route dont un embranchement allait par Meigentau
joindre le Lech, et dont un autre, circulant devant
Euratzbourg , Holzberg , Nannhofen et Gunzelhofen \
aboutissait par une courbe à la station iVad Ambre.
' Dans les murs du chàleau de Gunzelliofen est enclavée une pierre
milliane de Seplime Sévère, où se lit distinclemenl la dislanre de
DU UHIN ET DU DANUBE. 173
C'est au bord de l'AmmerS en aval du lac^ que
cette rivière traverse pour aller, dans la direction
du nord-est, se joindre à l'Iser, qu'était située cette
localité. Non loin du village de Schœngeising se
montre encore l'emplacement du lieu antique dont
quatre colonnes marquent l'étendue. Les traces de
ses remparts, de ses fossés se voient encore, et il
suffit de creuser à deux pieds de profondeur ce ter-
rain pour retrouver le pavé de ses rues. Sur le Son-
nenbourg qui le domine était placée une tour d'ob-
servation, et en amont de l'Ammer, près de Wilden-
roth, s'élevait un moindre castel dont la destination
sembleavoir été de couvrir la route du côté d'Abodia-
cum. Une tête de pont protégeait le passage de la ri-
vière dans la direction d"Augusta,et l'on peut suivre
la route romaine jusqu'à Jessenwang^ d'où, circulant
sous le castrum de Purck, elle allait joindre le pas-
sage du Lech que nous avons ci-dessus mentionné ,
et qui était de même défendu par des travaux stra-
tégiques très-considérables.
Enfin, une quatrième route aboutissait à ce lieu:
trente et un mille pas d'Augusta. Comme, d'après l'Itinéraire d'Anto-
nin, la distance d'ad Ambre à cette colonie est de trente-deux mille pas,
il faut cependant que cette pierre n'ait pas primitivement été trouvée
ici, mais à mille pas d'ad Ambre, du côté d'Augsbourg.Elle aura plus
lard été transportée à Gunzelhofen lors de la construction du châ-
teau.
1 Amber flumen.
2 Amber lacus.
3 On y a découvert deux monnaies, l'une de Licinius et l'autre de
Constantin.
174 ÉTADLISSEiMEINTS ROMAINS
c'est celle qui , citée par \ Itinéraire rf'Jw^o/im, sortait
de Veldidena , et qui , passant par Parthanum , traver-
sait les ponts Tessins.
Ces ponts, selon toute probabilité, étaient placés
près d'Etthal, où, en effet, leurs vestiges se ren-
contrent encore'.
La voie militaire passait sous la tour forte d'An-
dechs, située à environ une demi -lieue de la rive
droite de lAmmersée, et par FischenjPœhljDeuten-
hausen, Romeck et Murnau, tous lieux où l'on croit
avoir retrouvé quelques traces de fortifications; elle
traversait les ponts Tessins jetés sur les marais du
Loisach pour entrer à Parthanum , où , à la fin du qua-
trième siècle, était placée la première cohorte Hercu-
léenne des Rhétiens,sous les ordres d'un tribun^.
La Table de Théodose, en citant les diverses étapes
qui se trouvaient placées entre celte ville et Augusta,
ne nomme pas ces ponts, mais on y voit indiquées
les sources de Ticenum , qui ne peuvent s'entendre ici
que de celles de l'Animer même qui, en effet, son
des rocs élancés du Kuchel , au sein de l'Ammerwald.
C'est sur ces rocs qu il faut chercher les fortifications
de Coveliacae, fortifications qui ont plus tard, au
moyen âge, servi de base à divers castels.
De Parthanum à Coveliacae, la Carte routière que
nous continuons de citer, marque vingt mille pas.
Cette distance n'est exacte qu'autant qu'on fait une
large part aux difficultés du terrain et aux détours
des montagnes. Les autres distances ne sont plus
' Voy. Diiclinor, ouvr. cité.
- TriOttnus coliortis pvimœ herculeœ UkelonunVariadunu, Sol. iinp.
DU RHIN ET DU DANUBE. 175
marquées jusqu'à Augusta, et il est assez difficile de
concilier celles que donne, avec des lacunes, Vlliné-
raire d'Antomi.Toulefois la route moderne court en-
core sur !a route antique depuis Coveliaca3 jusqu'à
Reitenbuch, où, se bifurquant, la voie romaine, d'un
côté, joignait à rouest,Esconepar le pont de Bruck,
et de l'autre, au nord, touchait le Lech et le camp qui
s'élevait sur les rives, vis-à-vis de Schœngau, et tra-
versait la rivière devant OEpfach.
Là , nous retrouvons, avec les souvenirs de Rome ,
ses monuments et ses inscriptions.
OEpfach est l'antique Abodiacum. Bâti avec les dé-
combres de l'ancien lieu romain, il offre à nos regards
curieux ses débris de temples et de palais, ses co-
lonnes, d'ordre dorique, ses restes de frises élé-
gantes, de corniches, de pilastres, et d'autres orne-
ments d'architecture, et ces pierres, où une main
pieuse traça, il y a dix-huit siècles, les noms de morts
illustres, et prit soin d'instruire la postérité du ré-
gime administratif qui réglait la cité.
Abodiacum, ainsi que nous l'indique une de ces
inscriptions, eut ses décurions \ et, comme Augusta,
1 (d) M.
{et per petit) XE SECVRl
{tati.. SERCIAL. AELIANO
(decu)RIOM. MVMCIPI. PVBL
lA CEIOMA. VLNDELICA. F1L(îJA
ET H(e;RES. PATRI. SIC
VD. TESTAMEMO. PRAI
CEPERAT. SESTERTIS
VI MILIBVS. FACIENDViM
CVRAVIT.
176 ÉTABL1SSEME^TS ROMAINS
ce fut un municipe. Ses temples, ses palais sont
renversés; mais le peu de débris que son sol nous
a conservés, nous prouvent toute la magnificence du
lieu.
Plusieurs pierres de taille, toutes revêtues de
fragments d'inscriptions, hautes d'un demi-pied,
contiennent la dédicace d'un de ses monuments pu-
blics \ et on a retrouvé aussi la statue de marbre
blanc, mais mutilée de Cérès, qui paraît avoir eu un
temple au sein de ces murailles.
i
paTERNV
PROC
S CLEMEns.l TRIB. mil.
AV^ILEG
PRAEF. EQ. AL
TORQV
AE. SILIAnI
ATAE. C. R
S. SICCAT
FECIT.
La tombe du haut personnage, dont il est ici fait mention, a aussi été
retrouvée à OEpfach.Voy. Beitrage fur Kunst und Alterthum im Ober-
Donaukreis , 2*= part., p. 6 et 8. La famille Clémentine était floris-
sante à Augsbourg , où se trouvent plusieurs monuments qui en font
mention. Un T. Flavius Primanus eut pour épouse une femme de la
famille Trajane. Un autre Flavius Cleniens, fils aussi d'un Primanus,
fut consul à Rome en 195 de Jésus-Christ. Quant à l'aile de cavalerie,
du surnom de Siliana, M. Metzger, professeur et conservateur de la
bibliothèque d'Augsbourg, a fait sur elle un travail qui mérite nos
éloges. Selon l'auteur, les ailes de cavalerie romaine portaient les noms
de ceux qui les premiers en avaient pris le commandement lors de leur
formation , comme les alœ Picentina , Petrina , Scriboniania , Flaviana ,
et Siliana, nom d'une famille qui nous est connue par les lettres de
Cicéron à Atticus (xii , 27 et 31); ou des nations dont elles étaient com-
posées, comme les alœ Treverensium, Narciscorum,Vindeliciœ, Panno-
niœ,Britanniœ, Phrifgum;o\i bien des municipes dont elles sortaient,
comme les Alœ Cetienses, Comagenenses , Aventicorum, Brigantiœ, et
d'autres; ou bien enfin de circonstances diverses , comme les alœ Sin-
gularium, Scubulorum , Centenariorum , etc.
DU RHIN ET DU DANUBE. 177
Tous ces restes de l'époque romaine avaient servi
de matériaux aux murs d'enceinte qui , au moyen âge,
avaient été bâtis sur la colline de Saint -Laurent, et
qui furent démolis en 1830^ C'était l'emplacement
du castel dominant le pont jeté sur le Lech, et qui était
lui-même défendu du côté opposé de la rivière par
d'autres fortifications. Sur le Hassloch s'élevait le
camp principal, qui veillait sur la vallée où devait
s'étendre le municipe, et où déjà des fouilles anté-
rieures avaient mis à nu quelques pierres qui cou-
vrirent les restes de soldats de la troisième légion
italique.
Une immense quantité de monnaies, provenant
des ruines d'OEpfach, ornent la collection d'Augs-
bourg. Elles descendent depuis Auguste jusqu'au
règne de la famille Constantine, époque où il sem-
blerait qu'Abodiacum ait été détruit par les Alle-
manes.
Sur les bords du Lech furent découvertes deux
pierres milliaires, dont les eaux avaient, en les bai-
gnant, fait disparaître les insciiplions. Il est permis
de croire cependant que les dislances y étaient mar-
quées depuis Augusta; et cette circonstance porterait
à penser qu'une route romaine venait, en ligne droite,
de cette capitale aboutir à ce lieu.
En effet, en suivant la Table de Théodose, on trouve
entre Abodiacum et Augusta la station intermédiaire
dW Novas, fortifications postérieures au règne des
' Voy. Erster Jahrhericht des liistorischen Vereins im Ober-Donau-
kreis, année 1833, S» part., p. 3 et sv.
n. "
178 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Antonins, puisque le Routier de Caracalla n'en fait
pas mention.
Ces fortifications s'étendaient à gauche du Lech,
depuis Landsberg jusqu'au castrum de Buchloe,
d'où, se groupant au sud jusqu'à Kurishofen, où
se distinguent les traces d'un ancien camp, et s'ap-
puyant sur Waal et Waalhaupten, où nous trouvons
encore visibles des restes de retranchements et de
travaux stratégiques, elles protégeaient les abords
de la Gennach, tandis que, sur la rive opposée du
Lech, Landsberg même, et les diverses hauteurs de
Piirgen, de Thaining, d'Altenbourg, de Kaufering et
d'Haldenberg, avaient reçu aussi ou des castels pro-
tecteurs ou des tours exploratrices. Eggling, Stein-
dorf , Merching et Mering, tous lieux où 1 on décou-
vrit en assez grand nombre des monnaies romaines,
semblent devoir nous attester la direction que la
route antique prit au delà.
Un second embranchement de communications
d'Abodiacum , sur la rive droite du Lech , conduisait
à la fois au sud de l'Ammersée et au nord de ce lac, où
durent setendrelesdiverscampsd'Urusa. La distance
de douze mille pas , marquée par la Carte routière de
Théodose, d'Abodiacum à Urusa, sur le chemin qui
va joindre l'Iser, s'accorde assez avec celle qui se
trouve entre OEpfach et Utting.
La route, près de ce dernier lieu , porte encore le
nom de Hochslrasse , nom sous lequel , ainsi que nous
avons déjà souvent eu occasion de le remarquer, les
voies romaines, vu leur élévation au-dessus du sol, sont
désignées par l'habitant. Elle joignait les trois camps
DU RHIN ET DU DANUBE. 179
(les environs d'Utting , dont deux portent les noms de
Burggraben^ et de Rœmersberg"^, et dont le troisième
sansdoule était le j^Mrgf, autre castel d'une plus grande
extension, placé sur une hauteur élevée, au bord de
la Windach,et fortifié par la nature. Un simple rem-
part le protégeait du côté du sud et de l'orient; un
double rempart du côté du nord et de l'ouest. Long
de huit cents pieds sur sept cents de large, il semble
avoir été le principal lieu de toutes les fortifications
d'Urusa.
Sur une montagne située un peu plus au nord se
remarquent les traces d un autre castel , le Burgleile ^
et enfin, à un quart de lieue nord -est, celles d'un
second camp, long de deux cent quarante-cinq pieds
sur cent vingt de large, dont les fossés ont quinze
pieds de profondeur, et dont les remparts s'élèvent
encore au même nombre de pieds.
Partout dans ces environs furent trouvées des mon-
naies d'Auguste, de Domitien, d'Antonin-le-Pieux et
de Constantin.
Enfin, en suivant le lac au sud, nous parvenons à
un lieu nommé Rœmenlhal , où nous visitons les ves-
tiges d'un autre fort et ceux d'un ancien bâtiment qui
longeait le lac, et dont deux cents pieds de murailles
laissent encore voir leurs fondements.
Tout près de cet endroit existait, il y a vingt-deux
ans, une vieille tour qu'on a prétendu être romaine.
' Le fossé du fort.
- Le mont des Romains.
•^ On V a trouvé des tronçons d'armes.
11. '■''
180 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et qu'on fut obligé de démolir, vu qu'elle menaçait
ruinée
A ses pieds passait la route romaine de Par-
thanum, venant de Pœhl, et que nous suivons dans
la direction de Ludenhausen, où ses vestiges se re-
trouvent.
Ce dernier lieu est incontestablement romain. Il dut
y exister un sacellum consacré à Mercure Cimiacinus ,
dont une inscription, qui date de l'an 289 de Jésus-
Christ, nous a été conservée 2. Cette inscription est
^ La tour de Diessen.Voy., sur sa destruction , le Baiersche Landbote
de 1830, n° 167, p. 1420.
2 DEO
MERCVRIO
CIMIACINO
ARAM TVRARIAM
M. PATERNINVS
VITALIS. QVI
AEDEM. FECIT. ET
SIGNVM. POSVIT
V. S. L. L. M.
DEDICAT III KAL. OCTOBR
GENTIANO ET BASSO CoS.
Mercure Cimiacinus ne nous est connu par aucune autre inscription.
Ou , comme Jupiter porta ciiez les Grecs , habitants de l'Élide , le nom
d'ATro;ji.utoç, de MuioiSriç et de Muïaypoç (de !^ûia, musca , mouche) pour
avoir, selon la fable , délivré celte contrée du supplice des mouches ,
en les chassant au delà de l'Alphée , et comme Apollon porta les noms
de MuoxTOvoç [murium uccisor, tueur de souris, de [xii<; , mus, souris),
de 2|jiiv6euç (de o-[jlivôoç, mus dômes Hcus , souris domestique' et de
I
DU miIN ET DU DANUBE. 181
doublement intéressante, et par le surnom qui est ici
donné au dieu, et parce que nous voyons par elle qu'au
lieu de répandre le sang des victimes, on y brûlait
sur ses autels un pur encens.
Nous avons cité, en parlant des ponts Tessins, la
route qui d'Abodiacum remontait la rive droite du
Lech; il ne nous reste plus qu'à signaler deux autres
voies romaines qui, de ce municipe, conduisaient,
l'une à Navoe, l'autre à Escone et à Campodunum.
La première, dans la direction de l'ouest, atteint
Helmishofen,et la route qui vient s'y croiser, descen-
dant par Ostendorf, Blonenhofen, Altenberget Auf-
kirch des fortifications d'ad Novas, elqu\, par Osler-
zell,Salabeuern,llsung-Bûhl,lieuxoùse remarquent
des vestiges de remparts antiques, et par Kœngets-
ried et le Schloss-Bùhl, où l'on rencontre des traces
semblables, aboutissait aux camps d'Escone.
La seconde passait sous le castel de Kinsau , sous
le monopyrgium de Hohenfurch, et joignait l'Alten-
stadt de Schœngau , d'où , longeant le pied du castrum
de Thannenberg, elle aboutissait aux divers camps
d'Escone, dont celui placé près de deux fermes, con-
nues sous le nom d'Echt, paraît avoir été le pré-
toire.
Pendant longtemps ce fut dans l'Altenstadt de
SaupoxTovo? (lueur de lézards, de aaupa, lacerta , lézard), il faut croire
que les Romains du Lech, pouravoirélé délivrés par Mercure du sup-
plice des punaises, lui avaient par reconnaissance d nné le surnom
de Cimiacinus (de cimex, punaise) ; ou bien ce nom était local , et il dut
alors avoir été donné à ce dieu du culte particulier qui lui était rendu
dans une ville , à nous inconnue , du nom de Cimiacum.
182 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Scliœngau qu'on chercha cet établissement romain.
Mais ni la distance de dix-huit mille pas d'Abodiacum
à Escone, désignée par la Carte routière de Théodose\
ni celle de vingt mille pas que la même carte men-
tionne de ce lieu à Campodunum, ne s'accordent
avec la distance qui existe entre OEpfach et Altensladt,
ni avec celle d'Altenstadt à Kempten. Il fallait donc
que l'établissement romain fût plus au centre de ces
deux lieux.
Nulle position ne peut être plus en rapport avec
celle d'Escone que le camp d'Echt, dont le nom mo-
derne a quelque chose du nom antique. Une tour
d'observation, placée sur l'Auerberg, explorait à l'est-
sud-est la route du Lech, qui aboutissait à Bruck.
Tout porte à croire qu'un chemin de communica-
tion circulait aussi au sud , conduisant au sein des
Alpes penniques. Nous trouvons du moins dans celte
direction, à Rieden, et dans les environs de FiJssen^,
les traces d'anciennes fortifications, dont les dernières
surtout, fouillées il y a une vingtaine d'années, ont
livré une suite de monnaies descendant depuis les
premiers empereurs jusqu'aux règnes des Constan-
tin , des Valentinien , et même jusqu'à celui d'Arcade ^.
A l'ouest, la route d'Escone à Campodunum cir-
culait sur le territoire de l'ancienne préfecture im-
périale de Geisenried, où nous visitons les vestiges
^ (Segment 3).
2 Fauces Alpium.
3 On peut en lire la liste dans les AuszUgen aus den eingesendeten
Beitràgen zu Beschreibung und Erhaltung der artistiscken und hist.
Denkwilrdigkeiten des Ober-Donaukreises. 1829. p. 9 Cl 46.J'y rcnvoic
le lecteur.
DU RHIN ET DU DANUBE. 183
d'un vieux camp, et, traversant la Wertach, passait
sous le fort d'Hausen , si favorablement placé comme
point de défense et comme point d'exploration, et
reliait les divers lieux romains d'Oster-et de Seelen-
berg, de Burgslal, de Westerried, de Kipfenberg,
de Thingau et de Wageck.
Tous offrent encore quelques vestiges de fortifica-
tions; mais surtout le camp de Kipfenberg qui, posé
sur le sommet d'une montagne , a une étendue de
cinq cents pieds de long sur trois cents de large, et
montre encore la place de ses tours fortes et de ses
triples, quadruples et quintuples remparts et fossés'.
Campodunum est le moderne Kempten.
Cette ville est citée par Ptolémée, par Strabon,
par Y Itinéraire d'Anlonin et par la Notice de l'Em-
pire'^.
La citadelle était assise sur la Burghalde , montagne
isolée que quelques pans de murailles en ruines,
d'une époque plus récente, ceignent encore, et dans
l'enceinte de laquelle, ainsi que dans les Bleicher- et
Linderberger-OEsch , deux quartiers de la ville mo-
derne, les monnaies romaines ont été retrouvées en
plus grand nombre.
Ces monnaies, qui sont en foule et qui des-
cendent depuis Auguste jusqu'à Tbéodose leG^and^
prouveraient seules le long séjour qu'y firent les Ro-
' On y a aussi trouvé des monnaies.
2 Le premier le nomme Katji8o§ouvov , le second Ka[A7roSouvov, V iti-
néraire Campodunum, la Notice Cambidununi.
3 On en peut lire la liste dans le Ober-Donaukreis unterden Rômern,
du D'" Raiser, !'•« part., p. 42 et sv.
184 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
mains, quand bien même nul autre monument n'y
eût été trouvé, et que même nul historien n'en eût
parlé.
Malheureusement nous ne possédons qu'une seule
inscription tirée de ce lieu, encore n'est-ce qu'une
inscription tumulaire, sans intérêt historique, et qui
ne nous apprend rien touchant l'administration ni
le culte de la cité. Mais ce qui prouve l'importance
de cette ville, c'est une pierre milliaire trouvée près
d'Isny, et dont la distance est comptée depuis Cam-
podunum^
C'était encore à la dernière époque de l'Empire
la principale cilé du centre de la Rhétie,et c'était
dans son sein que résidait le commandant de la lé-
gion , ayant sous ses ordres les troupes chargées de la
défense de cette partie de la province ^.
La grande voie militaire qui reliait Campodunum
à Augusta, passait par les trois grandes étapes de
Navoe, de Roslrum et de Rapis.
Nous les explorerons successivement pour revenir
ensuite dans cette ville par Viaca et par le Mont-
Cielius.
Navoe n'est pas cité par Xllinéraire d'Antonin, qui
conduit d'Augusta à Campodunum par Rostro Nema-
viae, tandis que la Carte routière de Théodose, en sui-
vant la même route, cite les deux stations de Navoe
et de Rapis. On ne peut expliquer celte différence
que par la différence de date que portent les deux
' A Campoduno. XI. M. V.
2 Not. dign. imp. occid., p. 1977.
DU RHIN ET DU DANUBE. 185
Itinéraires; car les distances marquées par les deux
routiers sont assez exactes , puisque Vltinéraire ^
compte de Campodunum à Augusta cinquante -sept
milles et que la Table de Théodose en compte
soixante.
On ne peut cependant croire avec quelques auteurs
que Navoe et Roslrum Nemaviîe aient été le même
et unique lieu, puisque le premier est cité dans la
Carie routière comme étant à dix-huit milles de Cam-
podunum, tandis que le second est dans Vltinéraire
marqué à trente-deux milles, et, par conséquent, à
quatorze milles plus rapproché d'Augusta.
Il faut donc comprendre sous le nom général de
Navoe tous les castels appartenant au prétoire du
camp principal que nous placerons à Ober-Giinz-
bourg, et qui s'étendaient jusqu'à Baisweil, h la
distance que lui assigne la Carte routière de Théodose,
et au delà duquel durent commencer les camps de
Nemaviœ, dont le prétoire, en suivant Vltinéraire
d'Aiitonin, dut être placé sur le Goldberg, un peu
au-dessus de la petite ville de Turkheim.
La route romaine , depuisWageck , courait au nord ,
et, passant sous le monopyrgium de Sollthurn, domi-
nait le cours de la Giinz, près d'Ober Giinzbourg.
Ce fort défendait l'abord de deux vallées. Sur la pointe
la plus avancée de cette espèce de promontoire était
placée une tour, séparée du camp par un fossé. Au-
jourd'hui ce lieu sert de cimetière , et en fouillant le
terrain, on y a déjà souvent trouvé d'assez nom-
* Édit. de Parthey et Pinder, p. 1*20.
186 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
breuses monnaies. Au pied du castel dut s'élendre
une ville romaine, et, dans la rue moderne, près de
l'église, fut, en creusant le sol, retrouvé un autel de
marbre, dédié à Mercure \ dont le temple reposait
peut-être sur la place même que celte église oc-
cupe.
Au delà d'Ober-Giinzbourg,lavoie romaine s'élève
sur la pente escarpée des montagnes, et suit le cours
de la Giinz jusque dans les environs des sources de
la Mindel. On en voit encore les traces, recouvertes
de bois et de quartiers de roches, détachés des
grandes masses. De distance en distance se montrent
les vestiges d'antiques fortifications; nous avons été
à même de compter huit endroits semblables dans le
rayon d'une lieue autour de l'ancien établissement
romain.
Nous atteignons Rœhrwang, village près duquel
furent déterrés les décombres d'un antique bâtiment
de la période romaine. De ce lieu au camp de Bais-
weil, quatre colonnes milliaires furent trouvées à
distance égale l'une de l'autre; elles marquaient qua-
rante, quarante et un, quarante-deux et quarante-
trois mille pas d'Augusta^.
. . . PRO SALVTE
DEO MERCVRIO
vs
2 Voici l'inscription de l'une d'elles :
« Imperator Cœsar, Lucius Septimius Severus, plus ^ Pertinax, Âu-
ugustus, Arabicus, Adiabenicus, Parthicus, Maximus ^ pontifex maxi-
DU Rlim ET DU DANUBE. 1 87
A droite, un embranchement de route conduit à
Kemnath, lieu dont le nom celto-grec exprime lui-
même l'emplacement d'un poste militaire, et dont la
tour, élevée sur le sommet de rocs élancés, dominait
le val de la Wertach qu'elle pouvait au loin explorer
jusqu'à Augusta. Elle correspondait avec toutes les
tours fortes des environs, et devait être d'une im-
portance majeure comme point de signal. En arrière
s'étend une plaine, et sur le penchant de la montagne,
à une portée de fusil du point culminant, se dis-
tingue la place d'un ancien camp, espace long de
deux cents pas, et large de cent vingt, dont les dé-
bris de remparts et de fossés ont été explorés il y a
une quinzaine d'années.
Il paraît que de Wageck un chemin de communi-
cation allait par les camps de Westerried, et par
Wengling et Herschzell, où se montrent aussi quel-
ques traces de fortifications, joindre le camp de Kem-
nath, et qu'au nord, par Germaringen et Gutenberg,
un autre embranchement reliait les différents castels
de Navoe.
Le camp de Baisweil, situé, ainsi que l'indique la
colonne milliaire qui y fut déterrée, à quarante milles
d'Augusta, fut, d'après une tradition, remplacé au
moyen âge par un châtel dont les ruines ont elles-
mêmes disparu.
mnus, tribunilia potestate VIIII , imperator XII, consul II, pater
npatriœ, proconsul, et imperator Cœsar Marctis Âurelius Antoninus ,
K plus , Augustus , tribunitia potestate Illl , proconsul , et imperator
H Publius Septimius Geta, Augustus , tribunitia potestate, vias et pon-
« tes restauraverunt ab Augusta M. P. XÎXX. » Intelligenzblàtter des
lllerkreises , année 1814, p. 667-671.
188 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Toutefois les siècles n'ont pas entièrement auéanti
les vestiges des fortifications romaines. On distingue
encore leur tracé et les profonds sillons des fossés
qui l'entouraient.
L'emplacementquela forteresse occupait se nomme
encore aujourd'hui les Burggrœben ', et la plaine qui
s'étend à ses pieds, le Weiher'^', ce qui semblerait
prouver qu'à l'époque lointaine qui nous occupe, un
étang recouvrait cette plaine et protégeait les abords
de la colline oii le castel s 'élevait^ dominant les deux
embranchements de route d'Abodiacum et de Nema-
vi3e,et les vallées de la Mindel et de la Flossach, où
la population celto-romaine a laissé partout de ses
souvenirs.
Une immense quantité de tumuli sont encore vi-
sibles non loin de ce endroit et s'étendent l'espace de
trois lieues jusqu'au delà de la Wertach.Ils montrent,
près de Lauchdorf , près de Schliengen , près de Ried ,
près de Kelterschwang et de Gulenberg, leur sphé-
rique gazonnement. Si on les ouvre, rien ne se pré-
sente aux regards que des fragments de grossières
urnes cinéraires.
Cette circonstance a fait demander à quelques ob-
servateurs si ces ossements, si, ces cendres ne sont
pas ceux d'Allemanes et de Romains, tombés en-
semble en combattant, et si peut-être ces plaines qu'ar-
rose la Wertach , ne sont pas celles qu'ensanglanta ,
en 274, la défaite des premiers, sous le règne d'Au-
^ Le fossé du fort.
'^ Le vivier, l'élane.
DU RHIN ET DU DANUBE. 189
rélien, OU celles dans lesquelles Constance Chlore, à
qui cette première victoire fut principalement due,
battit de nouveau ces peuples, en 298, étant lui-
même césar \
Nous visitons près de Wœrishofen les traces d'un
castel, placé sur les bords de la Flossach , et, sui-
vant à gauche la route qui bordait le cours du tor-
rent, nous nous dirigeons jusqu'au prétoire de Ne-
maviae.
Ce camp, placé, comme nous l'avons dit, sur le
Goldberg, près de Turkheim, fut fouillé à plusieurs
reprises; chaque fois il a offert des décombres de
bâtisses et du bois charbonné ; ce qui semblerait an-
noncer que le feu l'a détruit.
Le Pœnebourg, autre castel romain, à un quart
de lieue du premier, montre encore le carré de ses
antiques remparts et fossés. Trois portes conduisaient
dans son intérieur, où l'on trouva une monnaie de
Trajan de l'an 116 de Jésus-Christ.
A Turkheim est placée devant la porte du château
une pierre milliaire privée d inscription, soit que
cette inscription ait été détruite par les siècles, soit
qu'elle n'ait jamais existé. Dans le premier cas, sa
distance d'Augusta devait être marquée de vingt-
cinq mille pas, et, dans le second, la pierre date-
rait de la première période romaine dans ces con-
trées.
De Nemaviae à Rapis, nous suivons de nouveau la
^ « Quid commemorem Lingonicam victoriam, etiam imperatoris vul-
<(nere gloriosam? Quid Vindonis campos , liostium strage apertos et
*adhuc ossibus complétas ?i Eumène, Faneg., vi, c. 6.
190 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Table de Théodose qui, de Navoe à celle station, marque
vingt-quatre mille pas, et dix-huit mille de Rapis à
Augusta.
En nous guidant, d'après cette carte routière, ce
sera dans les environs de Schwabeck , dont le château
du moyen âge avait été construit sur l'emplacement
du fort romain, destiné à protéger le pont jeté sur la
Wertach^ qu'il.faudra la chercher.
Le camp principal était placé à un demi-quart de
lieue plus au nord-ouest, sur le soi-disant Biischel-
grœben, montagne aujourd'hui recouverte de chênes
que six siècles ont vu croître et verdir. Sur le Burg-
halden était posé un autre castel.
Sous ces fortificalions se partageait l'embranche-
ment des deux roules de Guntia et d'Augusla, dont
la première , par Munster et sous le castel de Brenn-
bourg, allait sur les bords de la Schmutter aboutir
au camp du Buschelberg , près de Fischach.
Les travaux stratégiques qu'y firent les Romains y
ont laissé leurs vestiges.
Au bas delà montagne, une redoute, dont les fossés
ont été comblés, montre encore ses antiques glacis.
En arrière, le mont s'élève en trois terrasses, pré-
sentant les traces des remparts et des fossés qui en
défendaient alternativement l'abord. Sur le sommet
s'élevaient le camp proprement dit et sa tour, dont les
signaux pouvaient au loin être vus de toutes les tours
fortes environnantes. Elle correspondait avec celle
du Wolfsberg, en communication avec les diverses
positions fortes des deux vallées de la Zusam et de la
Laugna, où de distance en distance se montrent dans
DU RHIN ET DU DANUBE. 191
tout leur cours tantôt les traces d'un castel , tantôt
celles d'une tour isolée.
La route romaine de la rive gauche de laWertach
est encore assez intacte sur les hauteurs qui dominent
la rivière.
En suivant son cours, nous passons sous le Gug-
genberg, dont le nom seul semble attester qu'il dut
être surmonté d'une tour d'observation, et par Strass ,
auquel la route a donné son nom ; par Pférsée nous
rentrons à Augusta.
Cependant la grande voie militaire suivait la rive
droite de la Wertach et passait par Aitingen, Bo-
bingen, Inningen et Gœggingen, tous villages où
furent en plus ou moins grand nombre trouvées des
monnaies romaines et d'autres antiquités.
Cette rencontre de monnaies, dans une direction
suivie, est presque toujours une preuve évidente du
cours d'une antique chaussée, à défaut de ses ves-
tiges que le temps a fait disparaître.
Aussi sera-ce notre seul guide pour nous diriger
surlescamps de Viaca qui sont marqués sur la Carte
routière de Théodose à la distance de vingt mille pas
d'Augusta, et qui, à une époque où l'Empire était
menacé dans sa barrière du Danube et de l'iUer,
semblent avoir été élevés pour soutenir, en arrière
du fleuve et de cette rivière, les approches de la ca-
pitale de la province.
C'est ce qui rend compte du silence qu'en garde
V Itinéraire d'Antonin, rédigé à une époque antérieure,
sous le règne de Caracalla, et avant que le grand
rempart eût jamais été rompu.
192 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Ces camps s'appuyaient principalement sur la
Mindel, sur la Kanilach et sur la Gûnz, protégeant
les diverses routes de Mont- Cœlius, de Gunlia et
de Finiania, qu'ils couvraient de leurs retranche-
ments.
Leurs restes se montrent encore à Krumbach, où
paraît avoir été le prétoire; àHohen-Raunau et sur le
Tobel , castels élevés l'un et l'autre à quelque distance
des deux côtés correspondants de la Kamlach : à Wal-
tenberg , à Olgishofen , dernier lieu où furent trouvées
quantité de monnaies romaines de Gordien III, des
deux Philippe, d'Otacilla, l'épouse du premier de ces
empereurs, de Dèce, de Gallus^ de Valérien et de Gai-
lien; à Breitenihal, à quelque distance, sur la gauche
de la Gunz, où furent de même trouvées quelques
monnaies de Constance et de Constantin, et, sur la
rive droite de la même rivière, à Deissenhausen, dont
le castel était destiné à protéger le passage de la
route qui de Finiania y descendait par le camp de
Weissenhorn.
Nous sommes guidé dans notre course par les
antiquités et surtout par les monnaies qui ont été
trouvées à Diedorf, à Anhausen , sur le Sandberg et
dans ses environs, à Kutzenhausen, à Steinenkirch
et sur le Wolfsberg.
La situation de tous ces lieux ne permet pas de
douter qu'arrivée à la Schmutter, près de Dielhkirch,
la route sortie d'Augusta se partageait en deux
branches, dont l'une, par Kutzenhausen et Wolfs-
berg, était la grande voie militaire de celte capitale
à Finiania, et dont l'autre devait nécessairement
DU RHIN ET DU DANUBE. 193
atteindre le Bnschelberg^ près de Fischach, et par
le castel de Burg^ aboutir au prétoire des camps de
Viaca.
Ces camps, stratégiquement placés pour défendre,
comme je l'ai dit, l'angle formé par la jonction de
riller et du Danube, étaient liés aux fortifications
de Guntia et de ses environs par une autre route
qui, partant de Deissenhausen , passait par Obereck,
Hausen et Waldstetten, près duquel l'antique voie
romaine, qui circule au milieu des forêts, sert encore
aujourd'hui aux communications^.
Quelques tours d'observation, placées de distance
en distance, servaient aux signaux, et surtout celle de
Kemnath , dont le nom , analogue à celui du castel que
nous avons plus au sud visité près de Navoe, atteste
la même origine antique, et celle qui, placée sur le
cône où, au moyen âge, les chevaliers de Watlen-
weiler bâtirent sur ses ruines leur châtel , et dont
l'emplacement, aujourd'hui privé de murailles, a
cependant offert quelques monnaies et quelques
autres moindres antiquités, pouvait explorer tout le
val de la Giinz, à une distance de six à sept lieues.
A l'ouest^ un autre embranchement de route abou-
tissait au Mont-Caîlius, forteresse dont parlent à la
fois et y Itinéraire d'Anlonin et la Notice de l'Empire ^
et qui , sans être aussi élevée que son nom semble
< Entre Burgel Krunibach furent aussi trouvées, sur le territoire de
Brunnach et de Mindelzell, trois monnaies d'Adrien, d'Ântonin-le-Pieux
et de Constantin.
- Dans tous ces lieux et leurs environs ont été trouvées quelques
monnaies.
II. ''
194 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
l'indiquer, l'était cependant assez pour dominer au
loin le cours de l'Iller dont elle défendait le pas-
sage ^
Sur l'emplacement du lieu antique s'est perpétué
le bourg de Kellmiinz, dont l'église est elle-même
posée sur la base inébranlable d'anciennes murailles
romaines. A l'exception cependant des monnaies
trouvées dans ce bourg, nul monument de l'époque
romaine n'en a été retiré, et toutes les ruines qui
nous y frappent encore datent du moyen âge qui a
substitué ses constructions aux murs renversés d'un
temps antérieur.
Nous ne pouvons juger de l'importance du lieu que
par la Notice de V Empire, qui , dans sesmuiailles, fait
tenir garnison à la troisième cohorte Herculéenne
des Pannoniens, sous les ordres de leur tribun^.
V Itinéraire d'Antonin^ place le Mont-Caelius à seize
mille pas de Guntia et à quatorze mille de Campo-
dunum.
Il marque ensuite vingt-deux mille pas de Guntia
à Augusta.
Mais toutes ces distances sont trop faibles.
Il faut que dans les divers manuscrits les nombres
aient été mal indiqués, à moins qu aux milles mar-
qués par eux, l'on ne substitue des lieues [leugœ)
^ Celle roule passait de Krunibach par Olgisliofen , par le bois de
Schwendi el par Unter-Scliœnegg , où quelques forlificalions assuraient
aussi le passage de la Gûnz, el, au delà , par Oslerberg et Weiler, où
ses traces sont encore bien recounaissables.
2 Not. dign. imp. occid., p. 1978, édil. cilée.
3 Édil. de Wesseling, p. 250.
DU RHIN ET DU DANUBE. 195
qui, d'après Marcellin, étaient de 1500 doubles pas ou
de 7500 pieds romains; ce qui égaliserait également
les distances d'Augusla à Guntia, et de Guntia au
Mont-Cselius, puisqu'un mille est à une leuga comme
deux est à trois ou comme quatorze est à vingt
et un.
Nous aurions alors d'Augusta à Guntia vingt- deux
lieues ou trente -deux mille pas, et de Guntia au
Mont-Cœlius seize lieues ou vingt-six milles. Quant
à la distance du 31ont-Ca3lius à Campodunum, elle
aurait été, en suivant un des manuscrits de Paris,
et en substituant toujours des lieues gauloises aux
milles indiqués, de vingt -quatre lieues; c'est cette
distance qui sépare, en effet, Kemplen de Kell-
miinz^
La route du Mont-Ca3lius à Campodunum paraît
avoir eu deux embranchements: l'un, passant par
Memmingen, parTeisselberg, dont les traces du caslel
sont encore visibles, et par Falken et le caslel d'Hal-
denwang; l'autre, suivant le cours de llller, par Alt-
hayn,Bronnen,KronbourgelRolhenstein, tous lieux
qui semblent avoir eu sous Rome quelques fortifi-
cations; à Bronnen se trouvait sans doute le passage
de llller.
C'est là que venait aboutir la via Claudia de la
Table de Théodose, qui, sans mentionner ni Cam-
' Les autres manuscrits qui tous portent le chififre XIIII et que l'on
a suivi pour les éditions modeiiies de l'Itinéraire , ont incontestable-
ment une trop faible distance.
Comparez , pour plus d'éclaircissements , Parthey et Pinder, Itin.
Ant., p. 116 et 120, et Wesseling, p. 237 et 231.
U. '''
196 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
podunum ni le Mont-Cselius, conduit directement
de Vemania à Viaca, laissant, par conséquent, à
droite, la première, à gauche, la seconde de ces
deux villes.
Les castra Vemania comprenaient toutes les forti-
fications jetées sur les deux rivières d'Argen qui , pre-
nant leur source l'une et l'autre dans le comté de
Kœnigseck, se réunissent non loin d'Achberg, et
coulent ensemble dans le lac de Constance près de
Langenargen.
Ce fut donc pour protéger la frontière nord-est
du lac et couvrir les passages des Alpes penniques,
où le Lech prend sa source , que ces camps furent
élevés.
Ils s'appuyaient au sud sur les deux places fortes
de TaxgïEtium et de Brigantia, et à l'est sur la for-
teresse de Campodunum, où nous avons vu que dans
les derniers temps de l'Empire résidait le chef de la
troisième légion italique, dont le gouvernement s'é-
tendait d puis Vemania jusqu'à Cassiliacum, le mo-
derne Kislegg'.
La seconde aile Valérienne des Séquaniens était
alors placée dans ces camps sous les ordres d'un tri-
bun. Sans doute il résidait à Isny, qui sembleen avoir
été le prétoire, et où, à une époque antérieure, les
diverses cités des environs avaient ensemble élevé
' Voy. la ^ot. imp. Il y a peu d'années que tout près de Kislegg une
jeune fille trouva à Unlerhorgen un vieux pot rempli de six cents pièces
romaines toutes d'argent. Elles étaient la plupart des règnes de Com-
mode, de Septime Sévère, de Caracalla, d'Héliogabale , d'Alexandre
Sévère, de Gordien 111, de Philippe I, de Valérien et de Gallien.
DU RHIN ET DU DANUBE. 197
un monument au divin Antonin- le -Pieux, fils
d'Adrien.
L'inscription de ce monument nous a été conservée
par la chronique de l'abbaye d Isny et par le moine
historien qui a laissé manuscrite l'histoire des dy-
nastes de Trauchbourg'.
Le titre de cités donné aux villes qui en firent la
dédicace, prouve toute leur importance. Sans doute
celle d Isny comprenait l'enclave de tous les camps
de Vemania, dont faisaient partie ceux de Wangen'^
de Thaldorf et de Gestraz, et les diverses tours
fortes de Nellenbruk, de Wengen, d'Alt-Trauch-
bourg, et plusieurs autres lieux peut-être, sur les
décombres desquels la noblesse allemane bâtit plus
tard ses demeures; car nul canton dans tout le pays
^ Politisch-statistische Geschichle der Dynastie Trauchbury .
Voici l'inscription :
IMP . . . CAE . . .
DIVI F. DIYI. TRAIAM. N . . .
DIV[. NERYAE. PRONE.
ANTOMNO. AVG. PIO.
PONT. ilAX. TRli . .
POT. Vil.
COS. IIII. P. P.
CIVITATES.
Imperatori Cœsari , divi Hadriani filio, divi Trajani nepoti , divi
Nervœ pronepoti, Ântonino Augusto ^ pio, pontifici maximo , tribu-
nitia potestate FJ/, consuli llll ^ patri patriœ , civitates.
2 Le nom de Wangen , ainsi que celui de Wengen , vient lui-même
de Vemania.
198 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
n'offre un nombre plus considérable de vieilles ruines
et de vieux chàtels.
S'il faut en croire une antique tradition, le nom
que porte la ville d Isny lui viendrait du culte d'Isis,
qui y fut en honneur, et dont le temple s'élevait, dit-
on, sur la montagne qui domine le hameau de Burg-
\vang\ et où semble avoir été posé un castel qui
défendait le passage de l'Argen. Tous les murs en
ont toutefois été rasés. La route, protégée par une
tête de pont, passait sous la tour d'Ail- Trauch-
bourg, où fut trouvée la pierre milliaire dont j'ai
donné l'inscription en faisant la description de Cam-
podunum, et par le Wengerthal s'élevait, comme
aujourd'hui, sur le Buchenberg, où, au milieu du
bois , sont encore engloutis les murs d'un ancien
camp^.
Des monnaies romaines trouvées à Eschach , des
traces de fortifications dans les forêts de Kirnach
et de Waldenberg, peuvent faire présumer qu'un
chemin de traverse suivait au nord -est celte direc-
tion.
Au sud -est, un autre chemin allait probablement
par Goldbùhl et Freundholzen , lieux où l'on a trouvé
quelques antiquités , aboutir à llller dont il remontait
le cours.
Quant à la route de Vemania à Briganlia, toute
trace en a disparu , et il est impossible de préciser
par où elle passait.
' La Bettmauer.
2 Voy. Karrer, Geschichte der Stadt Kempten, p. 190.
DU RHIN ET DU DANUBE. 199
Bregenz a conservé le nom de la ville antique de
Brigantia.
Il en est parlé dans Ptolémée, dans Pline et dans
Strabon; et, à en juger par l'étendue du sol où l'on
a trouvé des monnaies et d'autres antiquités romaines,
ainsi que des fondements de bâtisses , cette cité dut
être grande et populeuse.
Des divers monuments qui la décoraient, il ne
nous est parvenu qu'une inscription burinée dans une
pierre en l'honneur du dieu Mercure Arcecius^
Cette inscription est intéressante en ce qu'elle nous
indique que dans cette place tenait garnison une par-
tie de la troisième légion italique, troupe qui, plus
tard, dans les derniers temps de l'occupation ro-
IN. H. DD.
DEO MERCVRIO
ARCECIO EX VO
TO ARAM. POSVIT
SEVERIVS SEVE
RIANVS SVB COS
LEG III ITAL F
. . GORDIAN . . .
. . PE . . . CO . .
S. L.
. if. Ânt. Gordiano Augusto II et T. Cl. Pompeiano II Consu-
libus. (An 241 de Jésus-Christ.)
Voy. Welser, Inscript. , fol. 43, n» 19; Gruter, Monument., fol. 39,
nMO.
200 ÉTABLESSEMENTS ROMAINS
maine, fut remplacée par un numerus des Barba-
ricaires '.
La Notice de l'Empire, qu\ nous conûrme ce dernier
fait, dit expressément que le préfet qui les comman-
dait^ résidait à Briganceou aux confluents^, nom qui
n'est donné nulle part à ce lieu que dans cette occa-
sion, et qui ne peut s'expliquer que par sa position
rapprochée de l'embouchure de la Bregenz dans le
lac Brigantin. Son enclave devait s'étendre au sud-
ouest jusqu'au Rhin, où, près de l'entrée du fleuve
dans le lac, s'élevait le fort de Rheineck\ que Vltiné-
raire d'Antonin ne mentionne point, parce que, à
l'époque où ce routier fut rédigé, il n'existait point
encore , mais qui , comme nous l'avons vu, bâti plus
tard par Constance Chlore, lorsque cet empereur
prit soin de fortifier tout ce côté du lac contre les
irruptions des Allemanes^ est placé sur la Table
* Voy. -Vof. cUgnit. imp. occid., édit. citée, p. 1977, et le Commen-
taire de Pancirole, c. 82, dans le Grœvii Tàesaur. antiquit. roman.,
t. VII.
D'après cet auteur, ces soldats étaient ainsi nommés ou de la riche
armure qui les recouvrait , ou parce que peut-être aussi ils étaient en-
rôlés parmi les nations barbares non soumises à l'Empire. Justiuien
définit les Barbaricaires, arrjenti tel auri distractores et officinatores.
D'après celte explication , l'on pourrait croire que c'était une compagnie
de mineurs et qu'elle portail ce nom parce que le travail des mines et
la frappe de l'argent étaient effectivement confiés aux barbâtes.
- Prwfeclus numeri Barbaricariorum.
■> Confluentibus siue Brecantiœ.
' Ad IVienttm.
' Tome 1, p. 189.
DU RHIN ET DU DANUBE. 201
Théodosienne comme station intermédiaire entre Bri-
gance et Arbon^
Au nord, cet enclave devait s'étendre jusqu'au fort
de Lindau qui , ainsi que ses dépendances, recouvrait
les trois îlots où est aujourd'hui située la ville de ce
nom , baignant ses murs dans les flots bleus du lac que
dominent devant elle, dans le fond du tableau, les som-
mets élancés du Vorarlberg. C'est sans doute l'île dont
parle Strabon, VoQLirjTr^()iov Ti^c()îov,\e receplaculum
Tiherii, f\or\\. ce général s'était emparé sur les Vindé-
liciens, et près duquel il les vainquit dans un combat
naval ^.
De toutes les constructions que Rome y éleva , il ne
subsiste plus que les restes d'une tour forte, nommés
indistinctement par Ihabitant le mur de Tibère et le
mur des Païens ^ et un autre pan de muraille qui sert
h fermer le port dans lîlot du Burg, où a du exister
un fort que l'on attribue à Constance Chlore qui,
après avoir défait les AUemanes, l'éleva pour la sûreté
des vaisseaux qui y étaient amarrés. Déjà plus d'une
fois des monnaies romaines ont été trouvées dans ces
deux endroits^.
• Tabul. Theod., segni. lÂBC, segm. 2A.
- Sirabon , Géorjr., 1. vu, p. 332 de l'édit. de Bâle.
3 Gruler cile l'inscriplion suivante comme ayant été trouvée à
Lindau :
DUS MAXIMIS
BACCHO ET SOMNO
HVMANAE VITAE
SYAVISSIMIS
COjNSERVATOUIB.
Je ne m'en prévaudrai pas comme d'une preuve en laveur de l'an-
202 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Sous ce dernier empereur et sous ses successeurs,
les camps de Brigance devinrent surtout importants
comme formant, au sud-ouest, la frontière de l'Em-
pire contre les Lentiens , peuplade allemane qui ,
comme nous l'avons vu, s'était répandue tout le long
de la rive septentrionale du lac Brigantin.
Cette contrée, aujourd'hui si suave et d'un aspect
si riant et si fertile, est représentée sous une teinte
bien différente par l'historien Marcellin, qui nous
dépeint l'inclémence de son climat et la sombre
horreur des forêts oii ces peuples s'étaient retran-
chés ^
Quoique la couleur en soit peut-être outrée^ son
tableau n'en est pas moins digne de remarque.
tiquité de ce lieu , parce que l'anliquilé romaine de la pierre d'oîi cette
inscription doit avoir été tirée ne me semble pas elle-même assez
prouvée.
Le sommeil était , comme dieu , représenté sous les mêmes attributs
à peu près que Bacchus, et il est assez difficile de les distinguer l'un
de l'autre. Comme figure allégorique , c'est sous les traits d'un jeune
homme puisant dans une corne d'abondance des pavots et répandant
les songes , et quelquefois aussi sous les traits d'un enfant endormi ,
tenant un pavot à la main, et ayant à côté de lui un lézard, qu'il était
représenté.
Du reste, le culte de Bacchus était répandu dans l'Helvétie, ainsi
que le prouvent deux inscriptions d'Aventicum , sur le lac du même
nom. Il pouvait aussi bien avoir des autels dans la Rhétie , sur les bords
du lac Brigantin.
^ ... •< Rhenus lacum invadit rotundum et vastum, quem Brigan-
(' tiam accola Rhœtus appellat , perque quadringinta et sexaginta sta-
adia longum , parique poene spatio late di/fusum, liorrore sylvarum
nsqualentium inaccessum, [nisi qua velus illa Romana virtus et ^obria
«iter composuit latum) barbaris et natura locorum et cœli inclementia
«refragante.» Aram. Marcel., l. xv, c. 4.
DU RHIN ET DU DANUBE. 203
A l'embouchure de l'Argen, dont le cours lent et
boueux dut, avant que la culture eût élagué ces
forêts, entretenir les vastes marais qui avoisinaient
le lac^ était située Argenlaria, lieu dont ce seul his-
torien ait aussi fait mention dans l'antiquité.
Cette ville est célèbre par la victoire que les deux
généraux de Gratien, Nannienus et Mallobaude, roi
des Francs, et comte du palais, remportèrent sur les
Lentiens, en 378.
Cependant tous les chroniqueurs français et d'autres
historiens, tels que Rhenanus, Stumpf, Crusius,
Schœpflin , etc., ont cherché ce champ de bataille
sous les murs d'Argentovaria, en Alsace, lieu cité
par \ Itinéraire d'Anlonin entre Rauraque et Argen-
torat.
Si l'on étudie le passage d'Ammien Marcellin \ il
1 Voici le texte de l'auteur :
« Et jam Lentiensis Alatnannicus populus , tractibus Rœtiarum
« con finis, per fallaces discursus violato fœdere dudum concepto, col-
« limitia nostra tentabat : quœ clades liinc exitiale primordium sumsit
«Ex hac natione quidam inter Principis armigeros militans , poscente
anegolio reversus in larem , ut erat in loquendo effusior, interrogantes
iimultos, quid ageretur in palatio , docet arcessitu Valentis patrui
«Gratianum Orientemvcrsus mox signa moturum : ut duplicatis viribns
« repellantur plagarum terminalium accolœ, ad Romanorum verum
« excidium. conjurati. Quibus avide Lentienses acceptis, ipsi quoque fiœc,
a quasi vicini, cémentes, ut sunt veloces etrapidi, conferti in prœda-
u torios globos, Rhenum gelu pervium pruinis Februario mense
«tendentes prope cum Petulantibus Celtœ ^ non sine sui jactura afflic-
« tos graviter adultis viribus averterunt. Verum retrocedere coacti Ger-
amani, atque noscentes , exercitus pleramque partem in Illgricum, ut
ulmperatore mox affuturo, prœgressam, exarsere flagrantius : majora-
<c que conceptantes , pagorum omnium incolis in unum collectis , cum
204 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
est toutefois évident que ce ne fut point dans les
Gaules , mais aux frontières mêmes de la province
romaine, où les Lenliens habitaient, que cette bataille
se donna.
L'historien, en effet, rapporte que ces peuples,
d'origine allemanique, voisins de la Rhétie, ayant
appris par un de leurs transfuges, qui servait dans
l'armée impériale, que Gratien se proposait de porter
la guerre en Orient, passèrent en plusieurs bandes,
au mois de février, le Rhin sur la glace.
Malheureusement le texte de l'auteur est inter-
rompu.
Mais, malgré cette lacune, on voit que, par les efforts
mêmes des Gaulois qui , sans doute , s'opposèrent aux
déprédations des Lentiens, ceux-ci furent obligés
« quadraginta armatorum millibus, vel septuaginta , ut quidam laudes
« extollendo Principis jactitarunt , sublati in superbiam nostra confi-
(( dentius irruperunt. Quibus Gratianus cum formidine magna comper-
« tis, revocatis cohortibus , quas prœmiserat in Pannonias , convocatis-
« que aliis , quas in Galliis retinuerat dispositio prudens , Nannieno ne-
agotium dédit virtutis sobriœ duci: eique Mallobaudem junxit pari po-
« testate collegam , domesticorum comitem, regemque Francorum,virum
<f bellicosum et fortem. Nannieno igitur pensante fortunarum versabiles
ncasus, ideoque cunctandum esse censente , Mallobaudes alla pugnandi
acupiditate raptatus , ut consueverat , ire in liostem differendi impa-
<i tiens angebatur. Proinde horrifico adversum fragore terrente , pri-
« mum apud Argentariam signo per cornicines data , concurri est cœp-
« tum, etc.-» Amin. Marcel., Annal., 1. xxxi, c. 10.
Et plus loin :
« Ilac lœli successus fiducia Gratianus erectus , jamque ad partes ten-
(idens Hoas , lœvorsus flexo itinere latenter Rheno transita , spe incita-
« tior bona,universam, si id tentanti fors adfuisset , delere staluit ma-
ule/idam et turbarum avidam gentem, etc.» L. XXXI, c. 10.
DU RHIN ET DU DANUBE. 205
de reculer et, par conséquent, de repasser le fleuve;
car il est dit ensuite qu'ayant eu connaissance que
déjà la majeure partie de l'armée romaine était en
marche pour l'Illyrie, ils conçurent des projets plus
hardis, et que, se réunissant en masse de toutes
les parties de leur pays, au nombre de quarante à
soixante- dix mille hommes, ils se ruèrent sur la
frontière romaine.
C'est donc ici une seconde expédition.
Le territoire qu'ils vinrent menacer ne pouvait
être l'Alsace, puisque, pour atteindre celte contrée,
ils eussent été obligés de traverser l'Abnoba, et qu'ils
eussent, par conséquent, aussi entraîné avec eux
les Allemanes de la vallée du Rhin, dont il n'est, au
contraire, fait aucune mention. Il est certain que les
Lentiens étaient alors seuls sous les armes. C'est donc
le pays qu'ils avoisinaient et, par conséquent, la
Rhétie que, dans leur audacieuse levée de boucliers,
ils voulurent envahir. C'est alors que les légions qui
étaient déjà en marche pour la Pannonie, reçuient
l'oidre de rétrograder afin de s'opposer à leur incur-
sion, et que, secourues par les troupes qui furent
envoyées des Gaules, elles battirent ces barbares
sous les murs d Argentaria, lieu situé sur les rives
du lac.
C'est tellement clair, que l'historien dit ensuite que
l'empereur, qui était déjà en route pour l'Orient [ad
partes tendens ^oas), revint par un chemin détourné,
et que, traversant le Rhin, il rejoignit son armée el
commença, à la tète des troupes, la campagne qui
se poursuivit contre les Lentiens sur leur propre 1er-
206 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
riloire et sur les montagnes où ils s'étaient retran-
chés, et où ils se défendirent si vaillamment que Gra-
tien se vit forcé de renoncer à ses projets d'exter-
mination et de faire la paix.
L'erreur des historiens modernes vient de ce que ,
négligeant le sens du récit de l'ancien écrivain, ils
ont confondu VArgentovaria de la Germanie supé-
rieure avec \ Argentaria du lac Brigantin. Aucun
géographe de l'antiquité, il est vrai, n'a cité ce der-
nier lieu; mais son nom s'est perpétué dans celui de
Langenargen que porte le bourg moderne, assis sur
le sol antique au bord du torrent, et qui. d'après le
passage d'Ammien Marcellin, fut incontestablement
le lieu près duquel le combat se donna. Là , sur ce
sol marécageux, durent se heurter les légions et les
bandes de Priar, qui déjà avaient envahi la frontière
romaine de la Rhétie. Là, les Romains assaillis,
lâchèrent d'abord pied, jusquà ce que de nouvelles
troupes venant à leur secours, ils poussèrent à leur
tour les barbares qui, en arrière, s'élevèrent sur
leurs montagnes et s'y retranchèrent. Là, sur ce sol
élevé que les forêts alors recouvraient, se termina le
drame de cette guerre dont les conditions de paix
qui suivirent permirent au jeune empereur de pour-
suivre, par Arbor Félix et Lauriacum', sa marche
vers 1 Illyrie.
La route que Ihistorien désigne avec tant de pré-
cision dans ses pages, marque bien l'emplacement
1 u Gratianus exinde digressus per castra, ^'< i6us Felicis Arboris
" nomen est , per Lauriacum ad opitulandum oppresses parti porrectis
vitineribus ire tendebat.« Amni. Marcel., 1. xxxi, c. 10.
DU RHIN ET DU DANUBE. 207
OÙ le second combat se donna ; car Marcellin n'eut
point nommé la station d'Arbor Félix , sur les rives
du lac Brigantin, comme la première que Gratien
toucha, si, parti d'un autre point du territoire en-
nemi, il eût, pour atteindre ce lieu, été obligé de
traverser d'autres villes. L'auteur a nommé cette
station, ou plutôt la réunion des camps qui portaient
ce nom, parce que ce fut le premier établissement
romain que le souverain dut effectivement toucher,
au delà du lac, en quittant les plateaux de la rive
droite.
Les Lentiens , peuple suévique que Gratien venait
de vaincre, avaient succédé dans la possession de ce
coin de la province aux Rhétiens décimés par Tibère,
et aux colons gaulois, à qui Rome avait distribué des
terres; ils s'y étaient établis en même temps que la
vallée du Rhin était devenue la proie des autres tri-
bus de la coalition allemanique.
Us s'étendaient sur toutes les vallées situées entre
rUler et le lac, comprises au moyen âge dans divers
cantons, dont celui du Linzgau a conservé le nom
de ce peuple.
Us y avaient porté leur culte, et avaient consacré
à Wodan ou Odin le bassin argenté, dans les flots
duquel, aux jours solennels, ils lançaient les chevaux
indomptés, offerts en sacrifice à ce dieu^ La culture
1 Le mot allemand Bodensee , nom que porte le lac , est lui-même la
corruption de Wodansee, lac consacré à Wodan ou Odin. Quant aux
sacrifices des chevaux qu'on lançait dans les flots en son honneur,
voy. dans les Actt. sanct. Boll. Mart., t. I, p. 433-441 , la vie de saint
Fridolin.
208 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
que Rome avait portée sur les bords du lac disparut
en grande partie pour laisser croître de nouveau
ces immenses forêts dont Ammien Marcellin nous
décrit les profondeurs, et qui, selon l'auteur de la
Vie de saint Gai, existaient même encore lorsque la
religion du Christ remplaça, au commencement du
septième siècle, les sacrifices de Wodan.
A cette époque, cette partie de l'ancienne province
romaine au delà du Rhin était devenue le centre de
l'administration du duché d'Allemanie. C'était sous
la suzeraineté des rois Francs, dans les murs d'Ue-
berlingen, que le duc Gunzo (613) avait porté sa ré-
sidence, et avait placé le siège de son gouverne-
ment ^
Celle ville n'a elle-même rien offert qui rappelât
l'époque romaine. Cependant il est incontestable que ,
lorsque le grand peuple fut maître du pays, le com-
merce du lac, dont les produits allèrent, comme
Pline l'atteste, jusqu'au sein de l'Italie, avait dû
exiger dans tous les parages de ce vaste bassin des
points de communication et d'échange.
Le châtel de Wasserbourg , entre Argen et Lindau,
dut protéger la route qui, suivant le lac au nord,
allait aboutir aux vieux murs du Heidenschloss, dont
nous avons déjà eu occasion de parler, et à la grande
voie du Danube.
Sur cette étendue considérable de côtes n'est cité
dans lantiquité que la seule station romaine de Tax-
gaetium^ par le géographe d'Alexandiie.
1 Voy. Wallafrid, l. i, c. 14.
2 Ta;Y°''^'^'°^-
DU UniN ET DU DANUBE. 209
Ce nom que lui donne Ptolémée n'est sans cloute
que la corruption du nom latin Trajectium; d'après la
position qu'il assigne à ce lieu , relativement à Bri-
gance et aux sources du Danube, il devait être placé
entre ces deux points opposés. Or, celte situation est
effeclivement celle d'Ueberlingen, dont le nom alle-
mand exprime exactement l'idée attachée au mot
Trajectium (ou Trajectio), c'est-à-dire celle d'un lieu
de passage d'un bord à l'autre du lac. C'était là sans
doute que s'opéra le débarquement de Tibère quand
il traversa le lac avec sa flotte pour gagner les sources
du Danube.
Strabon dit, en effet, que ce général, après avoir
débarqué, se trouvait à une journée de marche des
sources de ce fleuve*.
Pour que Tibère ait pu les atteindre dans cet es-
pace de temps, selon le rapport de l'historien géo-
graphe, il faut nécessairement qu'il ait débarqué aux
confins nord-nord-ouest du lac. Or^ c'est dans ces
parages que Ptolémée place, comme nous l'avons vu,
Taxgaetium, près de la tête du Rhin, c'est-à-dire du
lieu d'où ce fleuve commence son grand cours.
Ces diverses circonstances peuvent faire regarder
la ville moderne d Ueberlingen comme la cité alle-
mane qui succéda à la cité romaine.
Les événements politiques dont elle fut le théâtre,
les guerres qu'elle eut à soutenir au moyen âge,
toutes ces raisons ont pu faire disparaître les traces
de l'occupation romaine; mais ce que nous venons de
< Strabon, cité ci-avanl, p. ^il.
II. '*
2t0 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
rapporter coïncide si bien avec sa position, son nom
moderne répond si bien à son nom antique, que
nous ne faisons nulle difficulté de placer sur son
sol la ville romaine, même à défaut de toute ins-
cription.
DU RHIN ET DU DANUBE. 21 1
QUATRIÈME PARTIE.
POLITIQUE ET LÉGISLATION.
Dans toutes les contrées où Rome étendit sa do-
mination, elle adoucit l'infortune des peuples vain-
cus, en les associant à ses institutions. Pour prix de
la liberté qu'elle leur ravit, elle leur donna sa civili-
sation, et leur apporta ses lois, la pompe de son culte,
son commerce et son industrie.
Avant que ses légions touchassent le Rhin, tout le
cours de ce fleuve lui était inconnu.
Seulement elle avait appris, par la poétique imagi-
nation des Grecs, que le Rhône et le Pô prenaient
leurs sources au sein de plusieurs grands lacs qui
communiquaient ensemble et qui donnaient aussi
naissance à un troisième fleuve qui, au nord, allait
se jeter dans l'Océan'.
C'était le Rhin.
Ce qui donna probablement naissance à celte
fable, ce fut la connaissance plus ou moins imparfaite
que les habitants de Marseille euieiit du lac Léman
^ Apollonius de Rhodes, Argonaut., 1. iv, v. 627.
H.
l'i.
212 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et du lac Briganlin, dont ils entendirent parler dans
leurs transactions commerciales. Elle ne cessa du
moins d'être reçue comme une vérité que lorsque les
Gaulois du nord de l'Italie eurent appelé contre eux
les armes des Romains. Alors les vrais cours du Rhône
et du Pô furent connus.
Polybe, qui voyagea dans les Gaules un siècle avant
les conquêtes de César, décrit ces deux fleuves en
témoin oculaire. Les notions positives , mais bornées ,
qu'il recueillit lui-même, lui firent rejeter comme
des fictions inventées à plaisir tout ce que les auteurs
les plus anciens avaient raconté de la Celtique*. Mais
il passe le Rhin sous silence.
Ce ne fut que lorsque César eut pénétré dans les
Gaules et que ce général eut planté les aigles ro-
maines sur les rives mêmes de ce fleuve , dont il
place les sources dans les monts habités par les Lé-
pontiens^ que les Romains connurent aussi son cours
jusqu'aux rives de l'Océan.
Sous Auguste, la puissance de Rome s'étendit sur
toute la rive gauche du Rhin. Elle se servit des éta-
blissements purement militaires qu'elle y fonda, pour
exercer son influence politique sur les peuples aux-
quels, d'après les Gaulois, elle donna le nom com-
mun de Germains.
Ses diverses expéditions, comme nous l'avons vu,
la rendirent maîtresse de tous les pays du Nord, de-
puis la Lippe jusqu'à l'Océan.
• Polyb., III. c. 38.
2 César, De Bell. Gall.^ 1. iv, c. 10.
DU RHIN ET DU DANUBE. 213
Or, d'après la couliime romaine, tout pays conquis
devenait la propriété de lÉtat. D'après le droit de
guerre, tout ce que la nation vaincue possédait,
même ses lieux sacrés, même les choses appartenant
au culte, était à la disposition du vainqueur. Ce der-
nier était maître de la vie et de la propriété des ha-
bitants; il en disposait à sa volonté. S'il usait de ce
droit sans restriction, tous étaient vendus comme
esclaves, ou entraînés en masse, ou même, dans quel-
ques cas, exterminés. Leurs biens étaient confisqués,
leurs terres devenaient propriété du fisc, et l'on s'em-
parait même des simulacres des dieux, après les
avoir d'abord évoqués.
Ainsi le peuple vaincu cessait réellement d'exister.
Mais la dédition avait-elle lieu , il échappait à l'es-
clavage en renonçant seulement à sa propre souve-
raineté. Il était obligé de donner des otages, de livrer
ses armes et de recevoir des garnisons romaines.
La plupart du temps il conservait ses propriétés, sa
liberté individuelle; c'était d'après les conventions
stipulées entre le vainqueur et lui qu'étaient réglés
les tributs, les contingents qu'il s'engageait à fournir
aux armées, et les autres charges qui lui étaient im-
posées. Il devenait même l'allié du peuple romain,
qui en cette qualité lui devait aide et protection en
cas qu'il fût attaqué par ses voisins'.
Dans tout le nord de la Germanie , les Romains ,
* Voy. les divers passages de Tite-Live, de Polybe, de Gaius, de
Feslus , d'Appien , de Denys d'Halicarnasse , de Pline , de Saluste , etc.,
où ces diverses particularités sont indiquées.
214 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
comme nous l'avons vu en traçant l'histoire de leurs
diverses expéditions, usèrent de ces deux modes
après la victoire.
Les peuples de la rive gauche du Rhin qui se sou-
mirent à eux conservèrent la plupart leur liberté in-
dividuelle et leur territoire; ils devinrent les alliés
des Romains avant même que tout leur pays fût ré-
duit en province romaine. Les Ubiens, qui déjà de
l'autre côté du Rhin avaient ressenti Tinfluence de
leur politique et s'étaient mis sous leur protection,
en reçurent du secours lorsque leur tribu fut en
danger; ils acquirent sur la rive gauche une portion
de territoire que les riverains se virent obligés de leur
céder. Les Sicambres, au contraire, deux fois in-
fidèles à leurs serments et aux traités, furent répar-
tis_, plus au nord, parmi les Ménapiens et les garni-
sons romaines. Les premiers, en qualité d'alliés,
trouvèrent asile et protection ; les seconds , domptés
par la force, furent arrachés à leur terre natale et
traités en esclaves. C'était le sort qu'avaient eu en par-
tie à supporter les habitants de la Rhétie et de la
Vindélicie subjugués par Tibère.
Cette politique adroite qui , d'un côté, inspirait la
confiance, de l'autre, la terreur, soumit aux Romains
tout le nord de la Germanie jusqu'à l'Elbe. Toute la
contrée depuis le Rhin jusqu'à ce lleuve, occupée
par les légions, sous les ordres d'un proconsul, ne
forma point cependant une province, dans le sens
que ce mot comporte, quoique, géographiquement
parlant, elle en fît une. Car il fallait toujours, pour
qu'un pays conquis fût regardé comme une province ,
DU RHiN ET DU DANUBE. 215
que le sénat sanclionnât par un décret la première
institution de la part du général qui en avait fait
la conquête, à moins qu'avant la conquête même,
il n'eût chargé le général de cet acte. Or, c'est ce
qui n'avait pas eu lieu pour cette partie de la Ger-
manie , où, en effet, le pays ne fut jamais que
militairement occupé, où jamais les Romains ne fon-
dèrent ni ville ni colonie, et où aussi, par conséquent,
jamais le régime romain ne fut établi. C'est, au con-
traire, pour avoir intempestivement tenté de l'intro-
duire, que Varus fit perdre à Rome tout le fruit de
ses victoires, et qu'à la voix d'IIermann, qui, au
nom de la liberté et de la patrie, sut réveiller le
courage de ses concitoyens et les soulever contre la
tyrannie, tout ce que les Romains avaient préparé
pourl'œuvre civilisatrice fut anéanti. Après le combat
de Teutobourg et le massacre des légions, tous les
pays du Nord recouvrèrent leur indépendance, sans
que les guerres subséquentes qui, momentanément,
promenèrent les armes romaines dans toute la con-
trée, pussent de nouveau y affermir le pouvoir im-
périal.
Dans le sud-ouest , au contraire, la colonisation
suivit de près la conquête.
Dès que Rome se vit maîtresse delaRhétieet delà
Vindélicie , elle fit une province de ces deux pays et
y transporta son administration. Pour en réparer la
solitude et la dévastation , et pour confier, d un autre
côté, à la vigilance des vétérans le dépôt de la nou-
velle conquête, elle établit la colonie d'Augusla, au
sud du confluent de la Wertach et du Lech.
*2I6 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Cette ville devint le siège du gouvernement de la
nouvelle province.
Elle reçut un légat Auguste, avec le titre de pro-
préleur, qui la régit au nom de l'empereur, à qu'
cette province appartenait. En lui résidait à la fois et
le pouvoir civil et le pouvoir militaire \
A celte magistrature était ordinairement adjoint
un procureur, chargé de la rentrée des contributions
dues à l'État, et quelquefois aussi muni du pouvoir
judiciaire.
Du temps de Galba, ce dernier, dans la Rhétie,
remplaça le propréteur ^.
Cette prise de possession d'une contrée qui touchai t
aux montagnes qu'habitaient les Marcomans , et,
d'un autre côté, l'assiette déjà redoutable que Rome
commençait aussi à prendre sur le Taunus et sur le
Mein, firent craindre à ces peuples pour leur indé-
pendance, et provoquèrent, comme nous l'avons vu,
leur départ. Ils abandonnèrent l'Abnoba et l'Albe, et
laissant au premier occupant une région où ifs
avaient trop à craindre pour leur liberté, allèrent en
suivant le Danube chercher de nouvelles demeures
au milieu du bassin auquel les Boïens avaient donné
leur nom.
Leur migration servit à la fois la politique et les
intérêts des Romains, auxquels les vallées que les
Marcomans venaient de délaisser furent ouvertes.
• Voy. ci-avant, p. lOS, les noms do ces officiers généraux qui nous
ont été conservés.
2 Tacite, Hist , i. 11.
DU RHIN ET DU DANUBE. 217
Sans combattre, ils se virent maîtres de tout le pays
depuis laVindélicie jusqu'au Rhin, et depuis le Mein
jusqu'au Danube. Ils en prirent militairement pos-
session.
Sans faire une province de cette contrée, ils se
contentèrent de l'enclaver dans leurs provinces gau-
loises d'outre-Rhin.
Nous avons dit que, sous la protection des armes
romaines, furent alors appelés de toutes les parties
des Gaules de nouveaux habitants à qui Rome assigna
des demeures, et qui défrichèrent les districts les
moins sauvages, en se mêlant à ceux des habitants qui
n'avaient point émigré. Par une ancienne coutume
rapportée par Appien ', les seules terres de labour
étaient mises en distribution lorsque, sur les traces
d'un peuple vaincu, Rome étendait sa domination sur
une nouvelle contrée. C'est ce qui eut aussi lieu dans
cette partie de la Germanie, où plusieurs grands éta-
blissements furent alors fondés par elle, et, entre
autres, les Autels Flaviens, et surtout la colonie de
Sumlocène que Ihistoire ne mentionne nulle part ,
mais dont l'existence nous a été attestée par ses ins-
criptions. Pour les peupler, elle fit appel aux vétérans
et leur donna des terres. Ensuite elle continua celte
distribution de terres qui donna lieu à d'autres en-
droits moins importants^ lesquels eurent, comme les
colonies, leurs décurions et leurs magistrats présidan t
* Appien, De bell. civil., lib. I, § 7 (t. II, p. 10 et 11 édit. Schweig-
hœuser).
2 Oppida, concj/taÔM/fl. Consultez Livins,xxv, 3, 22; xxxix, 14 , 18;
XL, 19, 37: xuTi, U.
218 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
à la justice el réglant les droits du marché', et dont
quelques-uns mêmes finirent par s'élever au rang de
municipes. C'est, comme nous lavons fait voir, du
mode suivi alors, en mesurant le terrain pour en faire
la distribution, que toute la région prit le nom de
champs décumates.
De toutes ces villes , quelques-unes devinrent d'une
importance majeure et prirent elles-mêmes le nom
de république et de cité, nom qui atteste leur pré-
pondérance sur tous les lieux environnants, et qui
prouve un enclave considérable et une juridiction qui
dut s'étendre au loin.
Strabon, au premier siècle, et Dion Cassius au
troisième, ont, après César, donné dans leurs écrits
la démarcation des provinces de la Gaule. Le premier
se contente, dans la description qu'il en fait, de citer
les quatre grandes divisions d'Aquitaine, de Narbon-
naise, de Lyonnaise et de Belgique. «Au delà de
« l'Aquitaine et de la Narbonnaise , dit-il '\ s'étend une
«autre portion de pays qui embrasse tout ce qui est
«compris entre la Loire et le Rhône, depuis les
«sources de ce fleuve, dont le cours va atteindre
«Lyon, jusqu'au Rhin. De cette étendue de pays, la
«partie supérieure, située aux sources du Rhône et
«du Rhin , appartient au territoire de Lyon, et le
«reste, avec les côtes de l'Océan, est compté parmi
«les régions que les Belges tiennent en propre;» ce
* A ce sujet, consultez Paulus, Sent, rec, iv, c. 2, et les fragments
de la loi Manilia, 3 , 5; la lex rubrica de Gallia cisalp., 23; la lex ta-
bul. heracl., p. 11, lib. XLV, et le fragment de la loi Servilia , 12.
■^ Strabon , Geogr., au commencement du livre iv.
DU RHIN ET DU DANUBE. 219
qui conGrme exactement ce qu'il dit après : «qu'Au-
«guste partagea en deux tout le pays qui n'était pas
«compris dans la Narbonnaise et l'Aquitaine, et que
«la première de ces deux parties qui s'étendait jus-
«qu'au Haut-Rhin\ appartenait à Lyon, et que le
«reste appartenait à la Belgique.»
D'après ces deux passages de Strabon, il faudrait
nécessairement conclure que toute l'IIelvétie était
comprise du temps d'Auguste dans la Gaule lyon-
naise.
Mais Pline ^, d'un autre côté, et après lui Ptolé-
mée^ étendent, au contraire, la Gaule belgique jus-
que dans IHelvélie; et le premier cite parmi les
peuples de cette province les Séquaniens, les Rau-
raques et les Helvétiens, assertion confirmée par le
second, et, après lui, par le périple de Marcien, qui
l'a copié; ils s'accordent à dire que la Belgique touche
au sud la Narbonnaise, les Alpes et le mont Adula,
et à l'est touche le Rhin. Ptolémée cite môme à celte
occasion le I orum Tiberii et Ganodurum , lieux qu'il
assigne à l'Helvétie, en plaçant dans la Séquanie
Avenilcum et la Colonia equestris.
Quelque peine qu'on se soit donnée pour concilier
ces deux opinions, il existe à ce sujet trop d'incerti-
tude pour que la question puisse être regardée comme
irrévocablement résolue; le plus sage est de penser
que la différence que nous trouvons entre elles pro-
* Mi/pi Twv avw ijLspwv -ou 'Pv^vou.
2 Pline, Hist. nat., 1. iv, c. 17.
^ Geogr., I. ii, c. 8.
220 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
vient du point de vue sous lequel les auteurs l'ont
considérée, en s'attachant trop ou trop 'peu à la di-
vision ethnologique et géographique des contrées
dont ils ont parlé, reproche que Ion pourrait faire,
du reste, à tous les géographes qui les ont suivis jus-
qu'à nos jours ou qui les ont commentés.
Je ne m'y attacherai pas, parce que la question
en elle-même est en dehors de mes recherches; il
me suffit d'avoir tiré du passage de ces trois écri-
vains la preuve que tout le cours du Rhin jusqu'aux
Rauraques faisait partie de la Belgique, qui elle-
même comprenait les deux Germanies. D'ailleurs,
nous avons pour le confirmer encore deux pas-
sages d'iEthicus Ister et surtout d'Orose et d'Isi-
dore, d'une époque bien moins reculée, qui attestent
que du temps de Constantin on avait encore l'ha-
bitude de se servir de cette grande division; car le
second dit expressément ':« que la Rhétie avait à
« l'ouest pour frontière la Gaule belgique, et au nord-
« ouest les sources du Danube et le rempart qui sé-
«pare la Gaule de la Germanie;» et, plus loin «que
« la Gaule est séparée à lest de la Germanie par le
« rempart du Rhin.» Il donne exactement pour fron-
tière celle que nous avons décrite, en nous arrêtant
sur tous les établissements que les Romains y avaient
fondés, et où nous avons lu leurs diverses inscrip-
tions aux dieux gaulois ou de Rome.
Sous Auguste, avons-nous dit, et après les victoires
remportées par Drusus et Tibère, huit légions vinrent
' Ofose, 1. 1, c. 2; Isidore, Etymol., 1. xiv, c. 4.
DU RHIN ET DU DANUBE. 221
prendre possession de tout le cours du Rhin , depuis
la Rhétie jusqu'à son embouchure, afin de contenir
à la fois les Germains et les Gaulois K Celte armée
prit le nom de Germanique, et fut partagée en deux
grandes divisions, dont celle du Nord prit le titre
d'armée de Germanie inférieure, celle du Sud celui
d'armée de Germanie supérieure. Il s'ensuivit que le
pays occupé par elle prit les mêmes noms, quoique non
encore formé en provinces particulières dans le sens
géographique, mais continuant dans la division de
la Gaule à être compris dans la Belgique. A la tête
de ces armées furent mis des généraux auxquels 1 his-
toire donne indifféremment le titre de légats, de pré-
leurs, de présidents ou de consulaires^ et qui , aussi
loin que s'étendait le rayon des quartiers d'hiver de
leurs troupes, gouvernèrent militairement le pays;
je dis militairement, parce que la perception des im-
pôts dut continuer à être dans les attributions du
procureur de la Belgique; ce qui nous expliquerait
pourquoi les inscriptions font à la fois mention de
procureurs de Belgique et de Germanies supérieure et
inférieure, et jamais seulement de l'une ou de l'autre
Germanie, et pourquoi , à l'époque où la révolte eut
lieu sur le Rhin, en faveur de Vitellius, nous trou-
vons en Germanie Propinquus, procureur de la Bel-
gique.
D'ailleurs, Ammien Marcellin , en déroulant le
* Commune in Germanos Gallosque prwsidium.Tacile,Âr,nal.,ï\. b.
2 Tacit., Jnnal.; Suét., Domit., 6; Dion Cassius,57, 10; Vellejus,
II, 105; Salmas, Ad Jul. Capit.; M. Ant. PML, p. 86, n»9; p. 93,
n" 6 ei7: Digest., i, 18; plusieurs inscripiions , etc.
222 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
tableau de la division des Gaules avant Constantin,
a eu soin de nous instruire que deux juridictions
avaient existé en Belgique et dans les deux Germa-
nies\ juridictions qu'il ne précise pas, il est vrai,
mais que l'état des choses même nous permet de pré-
juger, et qui ne pouvaient être que les deux juridic-
tions civiles et militaires que nous avons signalées, et
qui subsistèrent, en effet, jusqu'à ce que cet em-
pereur eût entrepris une nouvelle organisation des
provinces. Alors les deux Germanies ne prirent plus
que le titre de première et de seconde, et reçurent
une démarcation de frontières fixes, tandis qu'au sud
la Séquanie vint aussi s'étendre en province jusque
vers le Haut-Rhin.
Les légats de la Germanie inférieure, forcés, comme
nous l'avons vu , par les circonstances de se renfer-
mer dans la limite du Rhin, n'avaient point, comme
nous l'a prouvé la description des établissements
romains de cette partie du fleuve, placé bien loin
au delà de son cours la ligne de leurs retranche-
ments.
La Germanie transrhénane de leur gouvernement
fut donc depuis Varus d'une bien minime étendue.
Ceux de la Germanie supérieure, au contraire,
avaient successivement, depuis le règne de Domitien,
de Trajan, et surtout des Antonins, placé leurs
camps et les postes fortifiés de leurs troupes jusque
sur le Danube, au lac de Constance, sur les Alpes
' Superioremet inferiorem Germaniam, Belgasque tluœ jurisdictiones
iisdetn rexere temporibus. Ânini. Marcel., I. XV, c. il.
DU RHIN ET DU DANUBE. 223
suéviques,oùnous avons retrouvé leurs inscriptions,
sur le 31ein et sur le Taunus , où nous avons aussi
eu occasion de les signaler. Leur gouvernement s'é-
tendait donc depuis le revers occidental des Vosges
et du Mont-Tonnerre jusqu'au grand rempart, dont
nous avons suivi la ligne en avant du Necker et du
Mein, et en longueur depuis le versant nord du Tau-
nus jusqu'au Jura et au bassin de l'Aar chez les Hel-
véliens.
Il touchait ainsi la Vindélicie et la Rhétie; et on
peut, en tirant une ligne depuis le couvent de
Lorch,au grand rempart, jusqu'au Danube, du côté
de Tuttlingen, et depuis ce lieu jusqu à Pfinn (l'an-
tique Fines), au delà du lac de Constance, avoir la
démarcation exacte entre ces deux provinces. Ce
pouvoir militaire s'étendait même au commencement
jusque sur la Rhétie, oii n'existaient que des troupes
auxiliaires, et où nous ne trouvons point alors de
légats, mais simplement des procureurs; ce qui ex-
plique les diverses circonstances des mouvements
d'Alienus Caecina (qui pendant les guerres civiles d'O-
thon et de Vitellius tenait le parti du dernier et com-
mandait les troupes de la Haute -Germanie), avec la
vingt et unième légion , qui , comme nous l'avons
vu, a laissé ses inscriptions à Vindonissa et à Téné-
done.Ce ne fut que sous Marc Aurèle qu'on procéda,
en Rhétie, à l'organisation de la troisième légion ita-
lique.
La vingt et unième, du surnom de Rapax, reçut
plus tard celui de Severiana, de Septime Sévère, qui la
rappela de Mœsie, où elle était restée pendant les
224 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
règnes de Trajan et d'Adrien, et les surnoms d'^-
lexandrina et de Claudia , d'Alexandre Sévère et de
Claude-le-Gothique; sous ces derniers noms elle a
laissé des souvenirs à Kioten et à Windisch^
La longuesuile d'inscriptions qu'on trouvede celte
légion dans les divers quartiers qu'elle occupa, et la
certitude que nous avons qu'elle faisait partie de
l'armée soumise au légat de la Haute -Germanie,
conflrment donc le passage de Dion Cassius, qui fait
toucher aux Alpes le gouvernement de celte province.
Mais cet état de choses ne dura pas au delà du
temps où l'histoire cesse de mentionner aucun légat
de Germanie supérieure , et où des ducs des frontières
apparaissent à la tête des provinces limitrophes des
barbares^. Posthume est cité en cette qualité, en
1 OrcUi, 5027, 404, 441,
- Les noms des légats de cette province qui nous sont connus par
les monuments sont :
entre les années 138etl61 , C. Popilius, C. F. Carus Pedo;
— — — — C. Dasumius Tullius Tuscus;
— — 161 — 180, Aufidius Victorinus;
_ _ 198-211)
ou 247-249 i ^- ^*^*''"^ Pudens ;
— — 222 235, C. Csesonius, C.F.MacerRufinianus.
Le temps de gestion de Cociavius Tidius Tossianus Jaonus Priscus
est incertain.
Entre les années 161 el 192 apparaît le nom de Bassoeus M. F. Ru-
fus comme procureur de la province. Les noms des autres procureurs,
C. F. Sabinius Aquila, T. Cl. Candidus, T. Varius Clemens et P. Pe-
tronius M. F. Quir. Honoratus, nous ont été conservés sans date.
Voy. Kellerniann, Vigilum Roman, latercula duo Cœlimontana ,
n» 247 et 259 ; Gruter, Corp. inscr., t. i, p. 375 , n» 1 ; 381 , n" 1 ; 389 ,
n» 2; 457, n"6; Bullett. dell' inst. archeoL, 1830, p. 199; Annali
d. inst. archeoL, 1832, p. 152; Reines., Inscr., p. 459 et 943; Mli-
ralori , Thcs inscr., t. il, p. 691, n» 1.
DU RHIN ET DU DANUBE. 225
même temps qu'il était gouverneur des Gaules, sous
Valérien K H est le premier à qui l'histoire ait con-
cédé cette dignité. Nous trouvons encore, comme
nous l'avons vu à Augsbourg, un duc de la frontière
rhétique^ Sous ce nom, ces chefs militaires réunis-
saient pour les pays qu ils régissaient tous les pou-
voirs civils et administratifs; pouvoirs dont jouirent
aussi les ducs sous Constantin, quand cet empereur
eut donné aux provinces une constitution stable et
régulière.
C'est à l'époque des trente tyrans que paraît
s'être formée la province de Séquanie ou Grande-
Séquanaise, dont le chef- lieu fut Besançon, et qui,
d'après la Notice de l'Empire, s'étendait jusqu'aux
Triboques, et comprenait dans son sein tout le terri-
toire des Rauraques.
Les armées romaines étaient alors victorieuses, et
quoique les barbares, au delà du Rhin, eussent tout
mis à feu et à sang, on n'avait pas renoncé à la con-
servation de cette limite de l'Empire, qui unissait
le Rhin au Danube; c'est en présence d'un ennemi
de nouveau repoussé, alors que l'aigle planait encore
une fois sur le Mein et sur le Necker, et que Probe
relevait les tours fortes du rempart, que les limites
respectives des trois provinces limitrophes furent
définitivement réglées. La Séquanie, en suivant au
^ Transrhenani limitis dux et Galliœ prœses. Trcb. PolL.XXX. Tyr.,
De Posthumio.
2 Dux limitis Rliœtici. Il y avait aussi un dur limitis Scxjthici; uii
dux limitis orientalis ; un dux limitis lllyriciani. Voy. PoUio , EutropC ,
Sexlus Rufus, Amniien Marcellin, Vopiscus, etc.
II. ''
2-2G ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
delà du Rhin la ligne qui la séparait des Triboques
sur la rive gauche du fleuve, dut aller joindre les
sources du Necker, et comprendre ainsi dans son sein
toute la partie méridionale de l'Âbnoba, tandis que,
conservant à elle tout le reste des pays arrachés aux
Allemanes, la Germanie première s'étendait depuis
la Vindélicie jusqu'au versant occidental des Vosges,
et depuis la Grande-Séquanaise jusqu'au versant nord
du Taunus. Cette province ainsi organisée avait une
superficie non moins grande que celle de la seconde
Germanie.Elle ne fut réduite à devenir une des pro-
vinces les plus minimes des Gaules que lorsque , après
la mort de Probe, elle sévit enlever tout ce que cet em-
pereur, après Posthume, avait de nouveau conquis et
pacifié.
Mais les passages d'Orose et d'Isidore , que j'ai cités
ci-dessus', prouvent cependant que ce pays, quoique
alors occupé parles Allemanes, n'en était pas moins
considéré comme faisant partie de l'Empire, et que les
Romains regardèrent toujours, jusqu'au cinquième
siècle, le rempart rhétique et le rempart transrhénan
comme lavraiefrontièrequi séparait leur grande pro-
vince des Gaules de la Germanie barbare. Ils en reti-
raient même des troupes^ Jl n'est donc pas étonnant
que, sous Constantin , l'état des choses, en ce qui con-
cerne la démarcation de la Germanie première, n'ait
pas été changé; c'est ce qui peut expliquer com-
• Orose, 1. 1, e. 2; Isidore, Etymol., 1. xiv. c. i.
'■^ La Notice de l'Empire cite les Brisigavi, peuple iiu Brisgan , qui
servaient clans l'armée romaine.
DU IIIIIIN ET DU DANUBE. 227
ment ce gouvernemenl, qui, sous Auguste et sous
les premiers césars, avait été l'un des plus étendus,
se trouva, aux derniers temps de l'Empire, res-
serré dans la vallée du Rhin, entre ce fleuve et les
Vosges.
La Car le routière de Théodose, qui ne sort jamais des
limites romaines, traverse cependant le Danube pour
déciire la grande voie militaire qui joignait la Grande-
Séquanaise à cette province, et cette dernière à la
Rlîélie; c'est une preuve nouvelle que, quoique les
Ailemanes occupassent tout l'Abnoba, jamais traité
ne leur en avait officiellement reconnu la posses-
sion.
On comprend encore moins alors comment Ammien
Marcellin (car je ne veux pas parler d'Ausone et de
Symmaque, poëte et panégyriste, auxquels on per-
met tout)^ comment, dis -je, Ammien Marcellin, ce
soldat historien , a pu , comme je lai fait observer en
m'arrétant à Sumlocène, décrire si vaguement les
lieux dont il fait mention, et qui, quoique temporai-
rement hors du pouvoir de Rome, n'en étaient pas
moins regardés comme faisant partie d'une de ses
provinces.
Ce furent les empereurs de la famille Flavienne
qui, les premiers, comme nous l'avons vu, tentèrent
la colonisation des pays décumates^ que Trajan réu-
nit détlnitivement à l'Empire.
* Comparez ce que dit à ce sujet K. L. Roth , dans son mémoire in-
titulé : Die Vereinigung Schwabens mit dem roinisc.'ien Reiche clurch
Domitianus , inséré dans le Schtveizer. Uluseum fUr hislorische Wissen-
schaften, de Gerlach, t. ii, p. 30-40.
n • 15.
228 ÉTABLISSEMEINTS ROMAINS
La colonie, les cités qui, dans la succession des
temps, s'y élevèrent, comme les citésetlesmunicipes,
qui partout surgirent derrière l'enclave du grand
rempart, eurent alors, à quelque nuance près, la
même administration, et jouirent des mêmes droits
municipaux que les colonies, les cités et les autres
municipes des Gaules.
Il doit y avoir eu dans l'antiquité plusieurs lois qui
réglèrent ces droits ^
Malheureusement elles ont été perdues, et ils
ne sont nulle part régulièrement distingués et énu-
mérés.
L'histoire cependant et les inscriptions indiquent
les principales attributions dont jouissaient les co-
lonies et les municipes.
Ainsi, chaque ville avait la liberté de son culte.
Elle possédait le droit de régler tout ce qui s'y rap-
portait, et de choisir et de nommer les ministres
préposés aux autels^.
Chaque municipe avait également l'administration
de ses biens et de ses revenus particuliers. C'était à
sa charge que s'élevaient les édifices publics. C'était à
1 Voici quelques passages qui le prouvent :
u Decuriones in albo ita scriptos esse oportet, ut a lege municipali
prœcipitur.» L. Decurionis , I, D., lib. 50, til. 3, De alto scrib.
« Lege municipali cavetur ne ordo non aliter habeatur, quant duabus
partibus adhibitis.» L. Iege3, D., lib. 50, tit. 9, De decurion.
({ Municipii ita lege cautum est.» L. mtmicip., 6, D., lib. 50, tit. 9,
De decurion.
^ Rotli , De re munie. Bom., p. 21, not. xxxtv.
DU RHIN ET DU DANUBE. 229
sa curie à les entretenir et à pourvoir aux dé-
penses des fêtes, des réjouissances et des autres
solennités purement locales. Les habitants nom-
maient eux-mêmes les magistrats chargés de ces
différents services K
La police intérieure se trouvait aussi entre les
mains des magistrats locaux. Quoique la haute jus-
lice se rendit sous les auspices du président ou du
préfet, chaque ville avait sa police municipale et
ses magistrats jugeant les contraventions aux rè-
glements de la salubrité publique, aux poids et
aux mesures, et réglant l'ordre des ventes, des mar-
chés*, etc.
Mais, pour avoir part à l'exercice de ces droits mu-
nicipaux, il fallait être membre de la cité et posséder
surtout la quantité d'arpents de terre stipulés par la
loi.
Car les cités représentaient en petit le gouverne-
ment de Rome.
A leur tête étaient les duumvirs, deux magistrats
dont la charge correspondait assez exactement à
celle de nos maires, et qui dirigeaient l'administra-
tion intérieure de la cité. Ils remplissaient à peu près
les mêmes fonctions que remplissent encore aujour-
d'hui dans les villes d'outre-Rhin les bourguemestres,
c'est-à-dire qu'ils avaient une juridiction bornée aux
affaires de peu de valeur, et exerçaient une autorité
de police qui leur permettait d'infliger des punitions
' Rolh, p. "2-2, not. xxxviii.
- Idem , p. 2i, not. xl.
230 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
légères aux esclaves \ de saisir les fugitifs et de les
livrer aux autorités du gouvernement 2.
Quelquefois le nombre de ces magistrats était porté
h trois et même à quatre^. Alors ils prenaient le titre
de irnimvirset de ^M«</rMmi'/r5. Cependant dans quel-
ques localités ce dernier titre revenait aussi aux
magistrats spéciaux chargés de veiller à la fabrica-
tion des monnaies , et qui d'abord avaient été nom-
més triumviri, à cause de leur nombre ^ Depuis Jules-
César, qui avait fixé ce nombre à quatre, ils por-
taient le titre de qualuorviri, que prenaient également
les quatre commissaires qui dans d autres villes for-
maient, comme nous l'apprennent les Pandecies, un
collège chargé de l'entretien des routes.
Sous ces duumvirs, triumvirs ouquadrumvirs mu-
nicipaux se trouvaient les édiles, dont la magistra-
ture était un peu inférieure.
Ils avaient l'inspection des édifices publics, des
rues, des approvisionnements de grains, des poids
et mesures^, et ils étaient tenus, conjointement
avec les duumvirs, de donner des jeux et des fêtes
publics.
Venait ensuite le curateur (de la colonie, de la
* Rolh , De re munie. Rom., p. 90-95,
2 Magistratus municipales ad officium prœsidis provinciœ vel pro-
consulis conprehenses fugitivos recte transmittunt. L. Umenarcka; 3,
D., lib. II, lit. 4, De fugitiv.
3 Voy. ci-avant les inscriptions d'Augsbourg.
^ Voy. Pline et Abot de Bazinghen , t. ii , p. 66 et 67.
^ Rolh, De re munie. Rom , p. 96-98. — Fr. un. D., De via publ.
(43, 10);Fr. 13, §8, D. Locat. H9, 2);Fr. 17, D., 7)e cowpcH*. il 6, 2).
DU RHIN ET DU DANUBE. 231
république ou de la cité 'y qui, comme l'édile, exerçait
aussi une certaine surveillance sur les édifices pu-
blics, mais dont l'attribution principale était toutefois
l'administration financière. C'était lui qui affermait
les biens du municipe, qui recevait les comptes des
travaux publics, qui gérait les capitaux de la cité,
ou qui, dans un cas voulu, faisait un emprunt-,
A ces charges honorifiques il faut ajouter les em-
ployés tels que le percepteur des impôts, sous la res-
ponsabilité des curialesqui le nommaient ^ les com-
missaires de police chargés de la recherche et de la
première poursuite des délits S les curateurs ou em-
ployés préposés à tel ou tel service particulier^, les
scribes, les tabellions, et tous les autres moindres
employés dont nos inscriptions ne font pas mention,
il est vrai, mais qui, existant dans tous les lieux ro-
mains, durent aussi se trouver dans les villes romaines
de la Germanie.
Les principales charges du moins se sont toutes
présentées à nous dans les inscriptions que nous
avons transcrites.
Entre les magistrats et les employés, il y avait
celte différence qu'aux premières charges étaient
• Curalor coloniœ Sum'.ocen. ; curator civilatis Matliacorum; cura-
tor civium Mogunt., elc. Voy. ci-avanl mes inscriptions.
2Rolh, p. 98-100.
^ Susceptor. Rolh , p. 107-109.
* Ircnarchœ. Rolh , p. 109 et 110.
'" Curator frumenti , curator calendarii , etc. Rolh, 111 61112. Fr,
18, § 2, D., De inunere (oO , i^ : Fr. 9, § 7, 8, 9, D., De adinin. re-
ritm civit. {f\0, 8j, c. 1, r. Th. de rurat. Kaleitd. 12, II.
232 ÉTABLISSEMENTS KOSIAINS
attachés quelques honneurs et une certaine juridic-
tion, tandis que les secondes ne conféraient aucune
dignité particulière.
La curie cependant nommait aux magistratures
comme aux emplois.
Or, sous ce nom de curie ^ il faut entendre l'ordre
des décurions ou des sénateurs ^ ordre qui formait
dans chaque ville une sorte de patriciat municipal,
et qui était chargé de défendre et de surveiller les
intérêts communs des citoyens et les affaires de la
cité.
Assemblée délibérante, elle nommait parmi ses
membres les magistrats qu'elle munissait de ses pou-
voirs, et qui, à l'expiration de leur charge, ren-
traient dans son sein. La considération dont jouis-
sait le décurionat le fit rechercher comme un hon-
neur.
Le grand nombre d'inscriptions qui nous restent
de cette dignité dans les divers lieux antiques de la
province , prouvent toute l'importance de cette charge
aux yeux du gouvernement comme aux yeux des ci-
toyens.
Ce fut, en effet, pendant l'époque où le régime
municipal avait atteint son plus grand développement,
que les villes d'outre-Rhin furent principalement flo-
rissantes. Elles ne virent point la crise que ce régime
eut à supporter sous Constantin , puisque, sous lui,
* Savigny, Geschichte des romisclien Redits, t. I, p. 40 el SV. ; Ilei-
nec, Ant. rom., i, p. 399 et suiv., 409. Ainsi, quand Tutor el Classi-
cus passèrent le Rhin , ils étaient suivis de cent treize sénateurs de
Trêves.
DU RIUN ET DU DANUBK. 233
la plupart d'entre elles avaient déjà depuis long-
temps été renversées par les Allemanes.
Celles de la Vindélicie furent seules alors en con-
tact avec les exigences du pouvoir qui , à mesure que
les barbares avançaient, que la populace romaine
augmentait, que les troupes étaient plus vénales,
avait besoin de plus d'argent pour acheter la paix
des uns, pour nourrir la seconde, pour contenir les
troisièmes, et qui, pour subvenir à toutes ces dé-
penses, fit peser sur les villes un poids qui fut sur-
tout onéreux à leurs décurions. Aussi, depuis cette
époque, cette dignité, qui avait d'abord été si recher-
chée, devint un joug auquel on chercha, autant que
possible, à se soustraire. Le grand nombre de lois
coercitives qui furent promulguées alors pour faire
rentrer dans la cuiie la multitude de ceux qui ten-
tèrent d'en sortir, prouvent combien cette charge
était devenue accablante.
Quant aux fonctions de cet ordre, l'antiquité nous
a aussi laissé quelques documents à cet égard.
Convoqués par le magistrat supérieur, les décu-
rions avaient à examiner les affaires qui leur étaient
soumises, concernant la cité, et à prononcer leur
décision.
Pour que cette décision fût valable, il fallait que
les deux tiers des curiales fussent présents à la déli-
bération.
Les duumvirs, chargés des fonctions municipales
actives, faisaient ensuite exécuter les décrets émanés
de l'assemblée.
D'après les inscriptions et divers passages des lois
234 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et des codes romains, on voit que ces décrets con-
cernaient les récompenses pécuniaires à décerner,
la reconnaissance que la cité exprimait à l'un de ses
bienfaiteurs, la nomination aux diverses charges
municipales et à ses emplois, l'examen et le choix
des professeurs et des médecins, la délibération sur
les droits relatifs aux propriétés municipales, sur les
héritages revenant à la cité, sur les ventes et sur les
transactions, la cession du terrain nécessaire pour les
monuments publics, et enfin l'établissement des foires
et des marchés ^
Parfois aussi la curie était préposée à la garde et
à la surveillance des dépôts de subsistances, dhabil-
lements ou d'armes, que l'État formait pour les be-
soins de l'armée ; elle était de plus chargée des man-
sions on étapes militaires sur les grandes routes.
Pour subvenir aux frais de son administration,
chaque ville avait un patrimoine ou domaine muni-
cipal, qui dut être plus ou moins considérable, selon
1 importance des localités. Ce patrimoine se composait
de fonds de terres affermés à des particuliers, de
capitaux prêtés à intérêts, et du produit des impôts
sur le transport, l'entrée et la consommation des
denrées et des marchandises dans les villes.
L'emploi de ces fonds pour subvenir aux dépenses
était aussi discuté dans l'assemblée.
Cependant, dans des cas graves, comme par exemple
quand il s'agissait d aliéner une propriété commu-
nale, ou d'envoyer à l'empereur des députés chargés
' liolli De rc munir. Uom.. p. 7i.
DU RHIN ET DU DANUBE. 235
de lui faire quelques représentalions, la seule aulo-
risalion de la curie était insuffisante; il fallait alors
le concours de tous les habitants.
Or, la multitude d hommes qui constituait le peuple
dans toutes les cités, était composée de plusieurs
éléments.
Après les sénateurs ou décurions venaient les pro-
priétaires qui, possédant vingt -cinq journaux de
terre, n'avaient cependant point encore été appelés
à la curie.
Ensuite ceux qui, possédant un domaine d'une
moindre étendue, n'étaient point, par cela même,
éligibles aux fonctions de curiales.
Puis, les juges des divers tribunaux;
Puis, les médecins, rhéteurs, professeurs et ar-
tistes;
Les cohortales, les vétérans et les gardes de la
cité;
Les commerçants, négociants, marchands, etc.;
Et enfin tous les artisans qui, formant le principal
noyau de la population, furent plus tard, sous le
lègne d'Alexandre Sévère, distribués en corpora-
tions, sous la tutelle de protecteurs spéciaux, choisis
parmi les personnages les plus distingués ^
Ces agrégations de fabricants, d'artistes, d'ouvriers
d'une même profession, qui d'abord n'avaient été que
• Corpora omnium constiliiit vinariorum , lupinariorum , calitjario-
rum et omnino omnium ariium; Jusque ex sese defensores dédisse,
et jussisse quid ad quos judices pertineret. Lamprid., Alex. Severus,
r. 33.
236 ÉTABLISSEMENTS ROMAliNS
tolérées par le gouvernement, reçurent alors une
organisation régulière qu'il est d'autant plus impor-
tant de signaler, que c'est une des institutions des
Romains qui s'est conservée la pins intacte, sous
l'empire des peuples qui leur succédèrent, que nous
trouvons même établie au moyen âge, et qui aujour-
d'hui encore existe au delà du Rhin.
Ainsi constituées, les villes eurent une indépen-
dance d'administration que le gouvernement non-
seulement toléra, mais qu'il était expressément dé-
fendu à ses agents de blesser.
Ce ne fut que lorsque le régime municipal tomba
en décadence qu aux duumvirs furent substitués les
principales, et que l'indépendance des curies fut res-
treinte. Néanmoins , pour procurer aux villes quel-
que sûreté, on donna à chacune d'elles un défen-
seur chargé de protéger le peuple contre l'oppres-
sion des officiers impériaux. Mais cette innovation,
qui ne date que de la moitié du quatrième siècle, ne
regarde point les villes d outre-Rhin, qui depuis de
longues années avaient déjà , lors de son introduction ,
été détruites ou avaient subi le joug étranger; elle ne
toucha même que fort peu les intérêts locaux des
villes de la Vindélicie qui, elles aussi, resseniiient à
leur tour le pouvoir des barbares.
Aussi, de toutes les inscriptions de la province
transrhénane, n'en est-il aucune qui nous parle de
cette macfistrature.
Le droit de citoyen romain, accordé par Caracalla
indistinctement h tous les habitants du vaste Empire,
ne changea rien non plus à la constitution intérieure
DU RHIN ET DU DANUBE, ' 237
des villes 1, mais il égalisa leuis droits. Il eut pour
résultat de faire disparaître toutes les teintes de lé-
gislation qui les distinguaient.
Du moment qu'il y eut égalité de droit pour tout
citoyen , il dut nécessairement y avoir égalité de droit
pour toutes les villes. C'est cette égalité qui enfanta
leur bien-être, et c'est ce qui rend compte de cette
reconnaissance que toutes les cités du Rhin témoi-
gnèrent si souvent aux empereurs de la famille An-
tonine, sous qui leur prospérité grandit.
Nous avons souvent eu occasion, pendant notre
course archéologique, de visiter les restes d'anciens
monuments publics, de temples, d'aqueducs, de
routes, de ponts, de théâtres; toutes ces construc-
tions sont pour la plupart de l'époque de ces princes.
Leur élévation était de la compétence définitive de la
curie, et elles furent bâties avec les deniers prove-
1 Cette mesure fut purement fiscale. On sait qu'Auguste , pour la
fondation d'une caisse militaire, avait institué un droit d'héritage de
5 p. 0 0 ou d'un vingtième (vicesima liœreditalum) pour tout citoyen
romain qui héritait en dehors de sa qualité d'agnat, stipulée dans la loi
des douze tables. Les pauvres seuls en avaient été exemptés. Plusieurs
empereurs, après lui, mus par des sentiments plus humains, exemp-
tèrent aussi de cet impôt tous les citoyens indistinctement jusqu'à un
certain degré de parenté. Mais Caracalla, pour subvenir aux besoins
du trésor, le rétablit, et non-seulement porta cet impôt à 10 p. 0/0 ou
au dixième des fortunes héritées, mais encore, pour augmenter les
revenus du fisc, donna le droit de citoyen à tout homme de condition
libre sur toute la surface du vaste Empire. Macrin, qui lui succéda,
abolit cependant cet impôt , mais conserva le droit de cité établi par
son prédécesseur. Voy. Dion Cass., 1. xxviii, 18; Heinec, Antiquit.
rom., I, p. 284 et suiv.; Waller, Geschichte des rômischen Rechts .
p. 347 et suiv.
238 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
liant des revenus de la cité ou fournis par la mu-
nificence des particuliers.
On était fier, dans ces derniers cas, du titre de
citoyen. Éloigné de sa patrie, on le portait avec
amour, on le gravait sur la pierre, comme un sou-
venir rendu à la cité qui vous avait vu naître ou qui
vous avait adopté.
Du reste, ce titre de citoyen n'était pas propre aux
seuls habitants de la ville municipale; il revenait à
tous les habitants des bourgs et villages qui y étaient
enclavés ^ et qui étaient gouvernés par des officiers
dont l'autorité toute locale est à peine signalée dans
l'histoire.
Ainsi, autant de cités, autant de districts, qui de
ce point central recevaient leur nom et leur admi-
nistration civile et judiciaire. Le pouvoir supérieur
émanait sur eux des villes oii siégeait le gouverne-
ment.
De toutes les cités Iransrhénanes, celles d'Augusta ,
de Sumlocène, et celle des Rauraques, de ce côté
du fleuve, furent les plus importantes, ainsi que le
prouve leur titre de colonie. Ce titre, pour la pre-
' C'est ce que prouvent deux passages d'une loi romaine qui , quoi-
que d'une date étrangère à l'époque dont je m'occupe, jette cependant
(juelque lumière sur ce sujet.
Cette loi dit :
t Qui e vico ortus est, eam patriam intelligilur habere, cui ret'pu-
blicœ vicus haberet.) L. qui ex. D., lib. L, lit. \, Ad municipalem.
Et plus loin :
« Ejus civitatis adscribendi siint ordini , sub qua vicus ille ac pnssessio
rensetur.» L. siquisZ, cod. lib. V, til. 27, De nat. lib.
1
- DU RHIN ET DU DANUBE. 239
mière, nous est attesté par Tacite \ quoique, dans
ses inscriptions, elle prenne seulement celui de mu-
ni ci pe.
La seconde, au contraire, porte partout dans les
siennes le titre de colonie.
Mais en même temps nous y trouvons un président
ou préfet , autorité que possédaient également plu-
sieurs autres colonies et municipes d'Italie.
Ces préfets, dans les temps antérieurs, étaient an-
nuellement envoyés de Rome, pour présider à l'ad-
ministration de la justice dans les villes oià, par con-
séquent, n'existaient point de magistrats chargés de
la rendre.
Firent-ils ici une exception h la règle? C'est ce qu'il
ne nous est pas possible de préciser. Nous les trou-
vons en fonction en 200 et 204 de l'ère chrétienne,
sans que nous puissions dire si les magistrats, duum-
virs, triumvirs ouquadrunivirs, dont les inscriptions
de cette ville font aussi foi, ont existé avec eux à la
même époque, ou si leur présence et leur élection
dans la colonie fut antérieure ou postérieure à celle
des préfets; car une loi nous apprend qu'autrefois
lesvilles nommèrent aussi ces derniers^qui, du reste.
* Splendissima liœtiœ Provincice Colonia. Tacil., De mor. Germ.,
c. 41.
2 Prcetores itaque très numéro in urbe rébus administrandis ab eo
[senalu) prœficiebantur, isque actus sanctione legis procedebat. Xeque
vero in urbe solum , sed in aliis etiam civitatibus , a decurionibus , ut
vocabantur, prœfecti quidam (non taies, quales fiodie militaris prœfec-
tura novit , sed excellentiores quidam, quique aliatn curam demanda-
tam haberent), prœficiebantur. Léon., Novel. Const. 47, quod alius.
240 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
n'avaient point à se mêler de l'administration de la
cité, et qui n'assistaient jamais aux actes munici-
paux.
C'étaient purement des agents du gouvernement,
chargés de présider à l'administration de la jus-
tice.
C'est ce que nous confirme cette même loi, qui
nous dit que les fonctions de ces préfets répondaient
à celles qu'exerçaient à Rome le préteur de la ville,
nom sous lequel, comme nous l'avons vu, est aussi
mentionnée cette magistrature sur une inscription
de Sumlocène^
Quant à la colonie des Rauraques, la perte de
presque toutes ses inscriptions ne nous permet pas
de rien préciser à son sujet. Sa fondation, n'ayant
toutefois eu lieu que peu de temps avant celle de la
colonie des Vindéliciens, tout porte h croire que son
administration intérieure fut la même que celle de
celte ville.
Lescitésnoncolonies furent en plus grand nombre.
L'immense quantité de ruines sur lesquelles nous
nous sommes assis nous l'ont prouvé, quoique ce-
pendant peu de localités aient livré des preuves
évidentes de l'existence de leur antique magistra-
ture.
Cen'est,eneffet,au delà du Rhin, qu'à OEpfach, à
Isny, à Kœngen, à Bûrg, à Pfûnz, à Heidelberg, à Bade,
à Cassel et à Heddernheim , que les inscriptions que
nous avons eu occasion de lire, nous ont instruit,
' AERA : SEP : PRAE. VRB. SVM. Voy. ci-avanl, 1. 1, p. 232.
DU RHIN ET DU DANUBE. 241
avec quelque certitude, de l'état normal de ces lieux
sous les Romains.
Toutefois les restes de Rollweil, de Canstadt et
de Marbach sur le Necker; ceux d Aschaffenbourg
et de Stockstadt sur le Mein; les débris de Riss-
tissen , de Gûnzbourg, de Xeubourg et de Ratis-
bonne sur le Danube; ceux de Kelmûnz et de
Kempten sur l'Iller; ceux de Brigance, sur le lac dont
cette ville portait le nom ; tant de vestiges qui an-
noncent limportance d'autres lieux à l'époque ro-
maine, ne nous permettent pas de douter que le
nombre de ces cités, de ces municipes, n'ait été très-
considérable.
De toutes ces villes, celle de Bade porta seule le nom
de république, qu'elle grava sur les pierres milliaires
placées au bord des diverses routes qui débouchèrent
de son enceinte ; le seul Cassel , vis-à-vis de Mayence,
nous a à la fois montré sur ses inscriptions le nom
du peuple dont ce lieu fut la cité, et celui des
habitants étrangers qui , à côté de lui, y séjour-
nèrent.
Nous avons eu occasion de citer les inscriptions
qui confirment ce fait et qui prouvent que les habi-
tants du Taunus, quoique résidant dans la cité des
.Mattiaques et dans celle de Mayence, avaient ce-
pendant conservé, au milieu de ces deux villes,
leurs propres droits, et qu'ils avaient leurs magis-
trats municipaux, indépendants de ceux de ces der-
niers.
Ainsi , il n'est point sans exemple dans le régime
municipal romain de voir dans la même ville deux
u. ''
242 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
espèces de citoyens: les uns, actifs et donnant leur
nom à la cité, les autres, étrangers et conservant le
nom de la contrée dont ils étaient venus, régis tous
deux par une administration séparée.
Dans quelques cas, les cités se réunissaient en
assemblées générales, où elles étaient représentées
par leurs députés. L'histoire nous a conservé des
exemples de pareilles assemblées dans les Gaules,
et une inscription que nous avons rapportée en
décrivant les environs d'Isny, nous prouve que de
telles assemblées eurent aussi lieu au delà du Rhin.
Cette inscription, ainsi que nous l'avons vu, exprime
la reconnaissance des cités (soit de toute la province,
soit d'une partie seulement) pour le divin empereur
Antonin-le-Pieux. Quel fut le but de l'assemblée, et
quels intérêts y furent débattus? C'est ce que le temps
a recouvert d'un voile. H est présumable toutefois
que ce furent les intérêts locaux de ces diverses villes ,
et il est évident, d'un autre côté, que leur hommage
n'eût pas été rendu d'une manière si solennelle, s'il
n'avait pas été pris une délibération qui consacrât le
vœu public.
Celle organisation politique et cette administra-
lion civile et législative toute romaine (car nulle
autre loi que la loi romaine ne régit le pays) durent in-
fluer nécessairement sur le développement intérieur
des villes de la rive droite du Rhin et sur celles du
Danube.
Tout ce que nous avons eu occasion de trouver de
restes d antiquités dans la province, atteste la vie
active de ses habitants et un commerce étendu. Sans
DU RHIN ET DU DANUBE. 243
avoir, comme nos provinces méridionales, à offrir des
temples, des théâtres, des arcs de triomphe somp-
tueux, que les siècles respectèrent, les ruines de plu-
sieurs de ces villes, qu'il faut la plupart du temps
chercher sous terre, annoncent cependant qu'elles
ne manquaient pas d'un certain air de grandeur. Les
Romains avec leur civilisation apportèrent dans ces
climats rudes et agrestes leur architecture et leurs arts;
plus d'un monument, tel que l'amphithéâtre d'Au-
gusla, près de Bâle; tel que le palais que décorait la
superbe mosaïque de Rotweil ; tel que le bain antique
etsomptueuxde Badenweiler; tel enfin que le temple
qui s'élevait à OEpfach, et dont les débris de co-
lonnes, de corniches, de frises et d'architecture, les
unes de marbre, les autres de pierre calcaire, tail-
lées sur le modèle de celles du Panthéon et du Co-
lysée de Rome, de celles de Pola et de Vérone, ont
été retrouvés en fouillant le sol, annonce un luxe
de bâtisses digne du peuple qui l'éleva.
Pour déployer un tel luxe, il fallait nécessairement
que les villes fussent opulentes. Or, l'opulence des
cités ne vient jamais que des échanges du commerce.
Et ce commerce dut être important aux frontières
d'un pays qui lui-même manquait de fabriques, et
où les produits de lindustrie romaine durent dès lors
refluer, tandis que les produits bruts du sol refluèrent
à leur tour vers l'Italie.
Ce commerce d'échange entre les barbares et les
Romains consistait principalement, de la part des
premiers, dans des pelleteries, des bestiaux, des
peaux de bison, des plumes d'oie, dont Pline vante
II.
16.
244 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
la qualité supérieure'^ du chanvre ^ dont ils con-
feclionnaieni principalement leurs habits, de blondes
chevelures, qui sevendaient au prix d'or, et d'autres
produits de leur sol, tels que les lottes du lac Brigan-
tin, qui se transportaient jusqu'à Rome, à cause de
la délicatesse de leurs foies ^ et une espèce de navet
si renommé qu'on l'expédiait aussi jusque dans cette
capitale*.
Ils recevaient des Romains des étoffes, des armes,
des objets de luxe et divers ustensiles qu'ils prenaient
en échange et qui se fabriquaient dans les diverses
villes du Rhin et de la Vindélicie.
C'était par les Hermondures que se faisait princi-
palement ce commerce; et ces peuplesvenaient sans
crainte, dit Tacite, trafiquer dans la colonie d'Augs-
bourg, ville qui, par sa position avantageuse, devint
l'entrepôt du Nord et du Midi.
1 « Candidi ibi (in Gerniania) verum minores, gantœ vocantur. Prœ-
atium plumœ eorum in libros denarii quini.» Pliil., Hist. nat., 1. x,
c. 17 (22j.
Ce que le célèbre naturaliste ajoute après , prouve que la chasse de
ces oiseaux était un des plaisirs favoris des officiers romains dans leurs
cantonnements de la Germanie.
dEt inde crimina plerumque auxiliorum prœfectis, a vigili statione
uad hœc aucupia dimissis cohortibus totis. Eoque deliciœ processere ,
« ut sine hoc instrumento durare jam ne virorum quidem cervices pos-
(Lsint.T) Plin., loc. cil.
'•^ Plin., l.ix, c. 1.
^ (Gadus Iota, L.) tJecnrmustelarum, qiias [mirum dictu] inter Alpes
« quoque lacus Rœtiœ Brigantinus œmulas marinis générât. r> Plin. , Ilist.
nat., 1. IX, 29 (17).
' Plin., 1. IX, loc. cil.
DU niIIN ET DU DANUBE. 245
La longue paix dont jouit le pays protégea le dé-
veloppement de son industrie, et il se forma à la fois
dans ses villes bon nombre de fabriques et plusieurs
sociétés commerciales. Nous avons eu occasion de
citer à Sumlocène une fabrique de manteaux de
guerre, dont une inscription est venue nous confirmer
l'existence. Nous avons trouvé à Augsbourg un né-
gociant trafiquant avec la pourpre; un autre, à Cassel,
faisant la banque el facilitant par les échanges les
transactions commerciales ; à Marbach était l'entrepôt
d'un collège de marchands étrangers. Avec eux nous
apparurent aussi les A'aw/cp, corporation dont la ville
de Bade et celle d'Eltlingen ont aussi conservé deux
autres inscriptions qui prouvent tout le développe-
ment que ces transactions mercantiles avaient pris
au Nord par le Rhin.
Sous ce nom de Naulœ , il ne faut pas entendre les
seules associations de bateliers, mais bien tous les
armateurs, de quelque genre de trafic qu'ils s'occu-
passent, qui , par les lois de l'Empire, avaient le pri-
vilège de faire par eau le commerce.
On trouve leur corporation à Rome et dans plu-
sieurs lieux d'Italie, et dans la Gaule^ h Arles, à
Lyon, sur la Saône, et surtout à Paris, oîi ils jouèrent
un rôle très-important.
C'était par eau, dans ces siècles éloignés, que,
partout où une rivière navigable permettait aux ba-
teaux de circuler, se faisaient les transports. La ville
de Bade, il est vrai, n'était pas située sur une telle
rivière. Mais les divers torrents qui, dans son en-
clave, descendent des montagnes, durent entretenir
246 ÉTABLISSEMENTS P.OMAIINS
déjà alors le commerce de ses bois, commerce qu'il
est d'autant plus à propos de signaler ici, que les
compagnies qui étaient autorisées à l'exploiter du
temps des Romains, semblent s'être perpétuées sous
l'empire des Allemanes et des Francs, et, toujours
intactes aux lieux oii leur institution prit naissance,
se sont en partie conservées jusqu'à nos jours. Ce
sont ces compagnies qui, sous le nom de Schiffer,
nom allemand qui correspond exactement aux Nautœ
des Romains, exploitent aujourd'hui encore ces vastes
forêts, et expédient les bois immenses qu'ils en re-
tirent jusque dans la Batavie'.
Rome dans cette île, soumise à ses armes, avait
placé ses principaux arsenaux de marine; et ce fut
là que, depuis la première apparition de son pavillon
dans les mers du Nord , se rassemblèrent toujours ses
principales forces maritimes.
La navigation du Rhin était non moins suivie.
Ni les forêts du Nord, ni celles de la Belgique, ne
fournissaient comme l'Abnoba ces sapins flexibles,
aussi avantageux pour la bâtisse que pour la mâ-
ture. L'exploitation de ces bois et leur flottage devint
donc un desgrandsproduits des habitants de cesmon-
lagnes, et c'était alors comme aujourd'hui , jusqu'à
Mayence et Andernach que se rendaient ces radeaux ,
descendant le Rhin et se cramponnant là aux an-
neaux de cette grosse tour si pittoresque d'An-
^ Voy. ma notice intitulée : Les Nautœ du Rhin , dans mes Mélanges
historiques , extraits (lu Messager des sciences historiques de Belgique ,
année 1842, p. 332ctsv.
DU lUllIN ET DU DANUBE. ''lïl
dernach , que les vagues du Rhin battent depuis seize
siècles et dont elles n'ont pu entamer la solidité. C'est
de là qu'ils se rendaient aussi à Cologne et à Vêlera,
et enfin jusque dans la Batavie, où se trouvaient les
principaux chantiers de constrnction pour la marine
romaine.
Ces compagnies jouissaient toutes de très -grands
privilèges, et elles avaient d'un autre côté l'obligation
de servir les transpoits du gouvernement et de dé-
poser d'une place de guerre à l'autre ce que l'État
leur confiait.
Les habitants des principales rivières qui dé-
bouchent dans le Rhin, et surtout ceux du Necker,
où Rome possédait le plus d'établissements floris-
sants, prirent part à cette navigation.
Les villes du Rhin entretenaient elles-ménips un
commerce de transit considérable que ces diverses
compagnies du sud -ouest de l'Allemagne alimen-
taient en partie, rapportant du Nord les produits que
les riverains de la Meuse et de la Moselle leur li-
vraient, pour les déposer ensuite dans les diverses
villes rhénanes jusque chez les Rauraques, au sein
de la colonie d'Augusta.
Les routes nombreuses , dont le réseau s'étendait
surtout le pays, entretenaient d'un autre côté les
relations de l'intérieur, et, facilitant les communica-
tions d'une ville à l'autre, donnaient à l'habitant le
moyen de fréquenter les marchés les plus favorable-
ment situés et, par conséquent, d'y transporter ses
produits agricoles.
Les hautes montagnes de l'Abnoba, l'intérieur de
248 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
rodenwald, les régions marécageuses de rOrtenau
et du lac de Brigance, n'avaient point encore été dé-
frichés; ils ne le furent que lorsque de pieux céno-
bites, au moyen âge, y cherchèrent une retraite. Mais
autour de ces bois sombres et de ces marais, le colon
gaulois et le vétéran romain avaient mis partout le
terrain à profit; et, selon toutes les données que nous
possédons, tout le pays colonisé, recouvert de vil-
lages, autour des camps ou des villes principales,
dont le rayon s'agrandit peu à peu, et qui, jusqu'après
le règne des Antonins, protégées par une longue paix,
devinrent toujours de plus en plus florissantes, était
couvert de moissons et de fruits. La culture des blés
y était si avancée que, plus dune fois, lorsqu'une
disette menaçait l'Italie, les empereurs firent venir
cette denrée de la Germanie romaine ^
Peut-être faut-il aussi attribuer aux Romains la
première culture de la vigne sur les collines les plus
avantageusement situées de la vallée du Rhin, culture
qui, sous l'empire de Probe, s'étendit du moins sur
toute la Gaule ^.
De tous les travaux que le grand peuple entreprit
dans la province, il n'en est point dont les restes
soient plus nombreux, comme nous lavons vu, que
ceux des routes qu'il y établit.
Quelques-uns de ces chemins, dont nous avons
cité les principales ramifications, servent encore au-
' Voy. à ce sujet, entre autres, pour les derniers temps de l'Em-
pire, Claude, in Eutrop., I, 406.
' Vopiscus, c. 18; Aurolius Victor, in Cas., c. 37.
DU lUlIN ET DU DANUBE. 249
joui'd hui, après dix-huit siècles, aux communica-
lions.
Il y eu avait de plusieurs classes, et ils étaient, se-
lon leur importance, désignés sous les noms dévoies
principales ou Augustes, de voies militaires, ou de
simples voies vicinales ^
Sur les deux premières, qui correspondaient à nos
grandes routes de poste, étaient placées de distance
en d'islunce une mcmsion , où le voyageur pouvait s'ar-
rêter, et une mutation^ où il trouvait des chevaux de
rechange.
A l'aide de cette institution, les agents du gouver-
nement et ses courriers pouvaient avec une rare cé-
lérité accomplir les plus longs trajets.
L'entretien de ces routes était aux fra"s de la
province, et le légat en réglait le service et les tra-
vaux^.
Toutes, à quelque chose près, dans le choix des
matériaux, toujours appropriés à ceux que présen-
taient les localités, avaient le même piincipe de bâ-
tisse. Toutes étaient élevées en chaussées, dont la
base se composait d'une couche de gios blocs de
pierre, soit calcaires, soit de grès, soit de granit,
carrément taillés et profondément enfoncés dans le
sol.
Ces blocs étaient quelquefois liés entre eux par
du mortier, du plâtre ou de la chaux, et souvent
même par des crampons de fer. Au-dessus de cette
' Viœ principales Âugustœ, viœ militariœ , vice diversoriœ.
- Voy. Ciccron, pro Fontejo, 4; ïacit., AgricoL, 34
250 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
base inébranlable était dans quelques cas piétonnée
une couche de terre glaise, sur laquelle reposait un
empierrement, soit de gravier, soit de calcaire, et
parfois aussi , comme cela peut s'observer à Both-
nang, dans le Wurtemberg, une couche de sable
mêlé de pierres, au-dessus de laquelle était placé un
second pavé, recouvert lui-même d'un dernier em-
pierrement.
Dans les lieux de marécage, le bois remplaçait
quelquefois ces matériaux. La province rhétique con-
serve encore, dans les environs d'Agalhazell, les
restes d'une chaussée qui aujourd'hui est enfouie
sous la tourbe qui la recouvre, et dont la base est
uniquement composée de troncs d'arbres d'un pied
et demi de diamètre. Cette route, par sa pesanteur,
s'est peu à peu enfoncée dans le marais jusqu'à trois
ou quatre pieds de profondeur \
Ce qui distinguait surtout ces chaussées des nôtres ,
c'est leur tracé qui suivait toujours les hauteurs et
évitait, autant que possible, les vallées. Quand elles
descendaient forcément dans un vallon, elles étaient
protégées par des fortifications et elles remontaient
de suite sur les hauteurs opposées. En cas de guerre,
l'ennemi ne pouvait jamais y avancer sans être aperçu^
et elles servaient d'un autre côté de remparts contre
leurs attaques. Aussi, dans quelques localités, comme
cela eut lieu sur celle qui liait le Mein à la Gers-
prinz, étaient-elles dans tout leur cours flanquées de
tours fortes.
* Voy. Kr. IntelligenzBlatter, année 1829, p. 4565 et 1566.
DU RHIN ET DU DANUBE. 251
L'extrême soliciilé de construction de toutes ces
routes peut faire comprendre comment» après tant
de siècles, elles existent encore si intactes dans
beaucoup de parties de la province. Plusieurs ,
comme celles du Taunus, comme celles de Vérone
au Danube, furent sans doute construites par les lé-
gions et datent de la première prise de possession
du pays. D'autres, comme celles du Rhin à la cité
Flaviennedu Necker, semblent plus particulièrement
appartenir au règne des empereurs de cette famille.
Le plus grand nombre, et surtout celles de la vallée
du Rhin, appartiennent aux règnes des Antonins,
alors que les villes eurent reçu tout leur développe-
ment administratif.
' Les dislances sur toutes ces roules , ainsi que le prouvent les iti-
néraires qui nous restent, et que nous l'ont appris les pierres niilliaires
du Rhin , dont nous avons eu occasion de parler, se comptaient selon
les provinces qu'elles parcouraient, et souvent aussi, par des raisons
qui nous sont inconnues, tantôt par lieues ou leuçiœ de 50 au degré,
tantôt par milles romains d'un tiers plus faibles. Ces lieues ou leugœ,
que les Romains adoptèrent dans les pays où elles étaient en usage,
sont indubitablement les mesures que donne la Table Théodosienne ,
dans le parcours de la célèbre voie militaire qui reliait le Rhin aux
camps de la Luna , depuis ce fleuve , au sud , jusqu'à ces camps , c'est-
à-dire dans le trajet qu'elle faisait à travers la Germanie supérieure
avant que la partie la plus méridionale de celte province fût encla-
vée dans la Grande-Séquanaise. Depuis ces camps jusqu'au Danube,
c'est-à-dire dans le parcours que la route faisait ensuite à travers la
province de Rhélie, ces distances étaient comptées par milles. C'est
grâce à cette manière d'interpréter les chiffres de la Table , qui ne sont
point autrement indiqués, que nous avons retrouvé la plupart des dis-
tances qui séparaient l'une de l'autre les stations que nous avons par-
courues, et dont nous avons donné une exacte description dans notre
course archéologique. Grâce aussi à la précieuse mosaïque de Rott-
252 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
C'est aussi de cette époque florissante que nous
ont été conservés le plus grand nombre de mo-
weil et aux nombreuses inscriptions de Rottenbourg , nous n'avons pas
craint de doubler presque les distances qui séparaient ces deux villes ,
et de suivre , sans nous arrêter aux considérations de cbiffres , ni à la
direction de la route mal indiquée sur la Carte Théodosienne , les ves-
tiges que l'antiquité avait pour ainsi dire semés sous nos pas.
Si quelque chose a pu nous étonner surtout, c'est que V Itinéraire
d'Antonin {V Itinerarium adnotaturtij ait gardé le Silence sur la grande
voie militaire qui reliait la ville des Flaviens à la florissante colonie de
•Sumlocène , ainsi que sur les autres voies qui parcouraient les champs
décumates et qui reliaient la colonie des Rauraques à la cité des Anlo-
nins dans l'Abnoba , tandis qu'à une époque où ces villes étaient tom-
bées au pouvoir des Allemanes , et à laquelle les camps du grand rem-
part, où les monnaies seules de Constance et de Constantin prouvent , à
cette période de l'histoire , la présence des cohortes dans ces murs,
devaient être aussi en grande partie détruits , la Table Théodosienne
ou V Itinerarium pictum, sans menûonner les routes du Rhin, a cité
cependant celle qui établissait une communication entre ces camps.
Ne faudrait -il pas penser dès lors que l'Itinéraire d'Antonin a été
rédigé avant que ces voies aient reçu le titre de voies Augustes, et
que la Table routière a primitivement été tracée à une époque où les
camps du grand rempart étaient encore florissants; mais que, comme
sous Constantin on ajouta, ainsi qu'il est évident, à Y Itinéraire, qui,
souvent, cite des positions qui datent d'une époque postérieure à sa
première rédaction , on ajouta , sous Théodose , à la Table routière , dont
nous ne connaissons point au juste l'origine , et qu'on y intercala , d'un
côté, les positions des camps qui évidemment datent de l'époque où les
barbares menaçaient sous ce règne le Danube, et que, de l'autre, on
conserva les positions de la rive gauche du fleuve, auxquelles Rome
n'avait point encore renoncé, et sur lesquelles peut-être elle méditait
alors des pensées de conquête qu'elle était loin de pouvoir réaliser.
C'est à cette circonstance sans doute qu'on doit de trouver sur celte
carte qui, à n'en point douter, date du quatrième siècle , les positions de
celte époqueelcelles desépoques antérieures, c'esl-à-dire des Ântonins
elde la famille Conslanline. Les matériaux qui ont servi à la carte ma-
iiuscrite, qui seule nous est parvenue, n'existent plus. La carie telle
que nous la possédons a été faite par quelque scribe (moine ou autre) du
DU RHIN ET nu DANUBE. 253
numents et d'objets d'art dans le sud -ouest de l'Al-
lemagne.
Les différentes dates des inscriptions que nous
avons rapportées, descendent toutes plus ou moins,
sur le Mein, sur l'Odenwald et sur le Taunus, jus-
qu'en 246 de Jésus -Christ. C'est cette dernière date
que nous trouvons aussi au nord sur la Wied.
La dernière inscription trouvée à Cassel, vis-à-vis
de Mayence, était de 255.
Dans toute la vallée du Rhin et sur le Necker, nulle
inscription n'a plus été gravée sur les pierres que
treizième siècle (on veut même que ce moine ait été de Colmar), d'a-
près une carte plus antique, sur laquelle il a lui-même brodé, et au texte
de laquelle il s'est permis plus d'une interpolation. On sent combien un
tel monument doit contenir d'erreurs. Mais l'on a outrepassé l'esprit de
critique, lorsqu'on a voulu, d'un autre côté, révoquer en doute l'au-
thenticité du document antique qui lui a servi de base, et qu'on a voulu
considérer toute la facture de la carte comme une œuvre du moyen
âge.
Les inscriptions que nous avons retrouvées à Sumlocène, qui est in-
diqué sur la Table comme une ville de premier rang, et les noms des
stations, qu'en partant de cette localité nous avons presque tous re-
trouvés, ne permettent point un tel soupçon. D'ailleurs, il est cer-
tain que les Romains, déjà du temps d'Auguste, mesurèrent les pro-
vinces de l'Empire, et conséquemment les distances qui séparaient
une ville de l'autre.
On en a un exemple dans le tableau qu'Agrippa fit placer sous le
portique de son palais , et qui probablement a été gravé sur le bronze
ou le marbre. Sous Tbéodose-le-Grand ces mesures furent renouve-
lées, ainsi que nous l'atteste un auteur du neuvième siècle, d'après
de plus vieux documents. Il est probable qu'à cette époque aussi fut
remaniée , avec ces nouvelles mesures , la carte qui nous occupe , et
qui était du genre de celles qu'on donnait aux chefs d'armées pour les
guider dans le parcours des diverses roules qu'ils devaient suivre et
leur fournir les noms des lieux d'étapes avec l'indication des distances.
254 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
nous avons vues passé l'an 237, excepté dans la co-
lonie de Sumlocène où, en 250, les Romains se sou-
tenaient encore.
Entre le grand rempart et le Danube, une pierre
fut élevée dans le val de la Lontel à l'empereur Gal-
lien, entre les années 257 et 267.
Dans la Vindélicie, c'est jusqu'au quatrième siècle
que ces inscriptions descendent.
Toutes ressemblent pour le style, la plupart du
temps elliptique, à celles qui recouvrent les monu-
ments de la Gaule, de la Bretagne, de tous les pays
barbares où les Romains pénétrèrent ^
La plupart de ces autels sont assez grossièrement
taillés, quoique parfois aussi Ton en rencontre dont
le travail et les sculptures prouvent en faveur de
l'artiste qui les exécuta.
De toutes les statues des dieux, celles de Mercure
sont les plus fréquentes.
Les autres figures de divinités le plus souvent re-
présentées sont celles d'Hercule, de Pallas, de Diane,
de Vesla, de Maïa, de la Victoire, de Vénus, de Vul-
cain, de Saturne et de Neptune, ainsi que celles
' J'ai la plupart du temps soigneusement conservé le style lapidaire
dans les explications que j'ai données des inscriptions , afin de ne rien
ôter à l'intérêt qu'elles présentent sous le rapport philologique. Cepen-
dant je me suis abstenu de tous les détails de critique qui n'entraient
point dans le cadre de mon ouvrage. Quelquefois j'ai rempli les ellipses
des inscriptions; d'autres fois, où malgré ces ellipses l'inscription
pouvait être comprise , je les ai laissé subsister. Du reste , pour l'homme
qui ne s'est point occupé de cette partie de la science, je le renvoie
aux judicieuses observations que feu M. Letronne a insérées, en 1850,
dans la Revue archéologique (livr. de juillet).
DU RHIN ET DU DANUBE. 255
(les matrones; on les trouve tantôt taillées dans le
marbre, tantôt dans le grès ou d'autres pierres.
D'après les inscriptions qui nous restent, on voit
que Rome avait transporté au delà du Rhin toute la
pompe , toutes les cérémonies de son culte. Ses grands
dieux y eurent des temples et des autels. Tous les
dieux secondaires, ceux des fleuves et des mon-
tagnes, ceux des carrefours, les dieux des moissons
et des forêts, les génies protecteurs, y furent partout
adorés.
Avec eux apparaissent les dieux gaulois, non point
tels qu'ils furent primitivement invoqués dans les
forêts sauvages où le druide avait établi ses mystères
et où il fit ruisseler de sang humain leurs autels,
implacables et terribles, mais appropriés aux mœurs
plus polies que la civilisation de Rome avait apportées
dans la Gaule, et assimilés dès lors aux dieux mêmes
du grand peuple.
Les Romains trouvèrent établi chez les Gaulois le
culte de Tentâtes, de Taranis et d'Hésus. Ils compa-
rèrent la première de ces divinités, la principale des
peuples celtiques, à leur dieu Mercure, inventeur
de tous les arts, et présidant au commerce et aux
communications. Le dieu Taranis fut leur Jupiter.
Ilésus, le dieu qui présidait aux combats, fut assimilé
au dieu Mars.
A mesure-que le culte druidique s'affaiblit, que la
langue romaine devint plus générale, les noms ro-
mains de ces divinités furent aussi plus généralement
adoptés.
Les colons gaulois qui vinrent s'établir sur le
256 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Mein et sur le Necker, portèrent avec eux la religion
moins sanglante que Rome leur avait fait prendre,
et ils élevèrent partout à leur dieu Mercure des statues
dont le manque des parties qui constituent le sexe
est significatif, car on sait que c'est un des caractères
distinctifs du Mercure gaulois. Ils lui donnèrent par-
fois même un nom local qui rappelait l'endroit où,
dans la Gaule; son culte était surtout célèbre. Ils éle-
vèrent aussi des statues et des autels à Jupiter, en
l'invoquant sous le nom de Taramicnus , qui rappelle
l'antique culte de Taranis. Ils invoquèrent le dieu
Mars qu'on adorait aussi dans la Gaule, et auquel,
pour le distinguer du dieu Mars romain, on ajouta
le surnom de la province d'où son culte avait été ap-
porté'.
Il en fut de même du culte des matrones que nous
trouvons établi sur le Rhin, sur le Mein, sur le Xecker
et sur le Danube. C'était un culte celtique, le culte
des fées, né des mystères du druidisme, où les prê-
tresses jouèrent un si grand rôle. Avec les colons que
les Romains entraînèrent à leur suite au delà du
Rhin, ce culte fut implanté partout où ils s'arrê-
tèrent.
Partout dans les possessions romaines d'outre-Rhin
nous trouvons ces génies mystérieux cités sous les
noms de Deœ Maires, de Malrœ, de Mairœ, de Ma-
tronœ,de Campesires^et aussi sous ceux de Dominœ,
de Junones, de Nymphœ, de Herœ, de Sulevœ, de
' Ainsi nous avons vu une inscripUon du dieu Mars Caturix , l. i ,
p. 262.
DU «HIN ET DU DANUBE. 257
5î///œ, présidant, selon ces noms différents et leurs
attributs, aux moissons, aux troupeaux, aux forêts,
à l'éducation et aux destins des hommes et des ani-
maux. Leur influence bienfaitrice s'étendait tantôt sur
toute une contrée , comme celle des matrones des Pan-
noniens, des Dalmates, des Gaules, invoquées dans
ces différentes régions où des inscriptions nous les
font connaître, tantôt sur le rayon d'une simple com-
mune, d'une forêt, d'un hameau. Alors, déesses lo-
cales, elles prenaient les noms de ces locali tés mêmes;
comme telles nous apparaissent les Malronœ Gabiœ,
Aumenaienœ, Malvisiœ, Elraienœ, AUiœnœ , Treverœ
et Nehiahenœ; sous ces deux derniers noms elles
se sont présentées à nous à Xanten et à Neiden-
slein^
Sur tous les bas-reliefs que j'ai eu occasion de voir,
' Il est incontestable que le nom de iVeiden*<em vient, comme nous
l'avons avancé (p. 217 du 1. 1 de ce Mémoire] du nom celtique de Ne-
liiaha, que devait porter pendant les périodes celtique et romaine le
lieu moderne où l'inscription qui parle des matrones de Nehiaha a été
trouvée. La pierre qui la supporte , et qui fut dédiée à ces déesses par
Julius Veranus Superior, est encore aujourd'hui murée dans l'église du
lieu. Plusieurs localités dans les provinces rhénanes ont conservé jus-
qu'aujourd'hui les noms que portaient les matrones dans ces mêmes
localités (voy. à ce sujet les Rkeinlàndiscken Jahrbucher). Il en a été
de même à Neidenstein , où probablement les premiers colons qui y
bâtirent leurs demeures, portèrent avec eux le culte des Nekœ ou .Ye-
kalœ qui , ainsi que Nehalennia , la Druis antistita , maniaient la longue
quenouille (voy., sur ces divinités, Keyssler, Antiq. sep., p. 263 et sv.,
378etsv.,et 423 et sv.; Boxhorn, De Dea Nehalennia, etc.). Le bourg
lui-même aura pris le nom de. ces divinités, qui en devinrent les
déesses locales , comme nous l'a prouvé le surnom de Nehahenœ ,
qu'elles y portent sur l'inscription. Voy., sur les fées en général,
II. ''
258 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS
c'est toujours au nonibie de trois que ces déesses
sont représentées. Si ce sont les fruits des campagnes
qu'elles étaient appelées à protéger, des épis ou des
rameaux sont presque toujours répandus sur leurs
girons; si ce sont les forêts (auxquelles elles pré-
sidaient sous le nom de Sulèves, ou compagnes du
dieu Sylvain), des pommes de pin forment leurs attri-
buts. Présidaient -elles aux jardins, alors les fruits
des arbres remplissent le paniei' que soutient une
de leurs mains. Du reste, ces attributs changent
ou sont simultanément donnés à l'une ou l'autre de
ces divinités, selon que, sous leur tutelle, on plaçait
les jardins^ les campagnes, les forêts, ou qu'on im-
plorait leur protection pour tous ces lieux réunis.
Et ce qui prouve que sous les divers noms qu'on leur
donnait, la protection qu'on en attendait était autre,
c'est que le titre de matrones est souvent uni à celui
de déesses-mères^ ou h celui de Sulèves, et qu'on
trouve l'un et l'autre inscrits sur les mêmes pierres.
Ce culte était surtout répandu dans 1 île de Bre-
tagne et dans la Gaule, d'où il passa en Espagne,
en Italie, et jusqu'en Pannonie, c'est-à-dire partout
où des colons des provinces romaines de l'Ouest et
d'origine celtique suivirent les légions.
Schreiber, Taschenbuch fur Geschtchte und Allerthum in Siid-Deutsch-
land, année 1846, et sur les matrones, Martin, Religion des Gaulois,
t. Il, p. I'i7-199; Monlfaiicon, Supplément à l'antiquité expliquée,
t. I, p. 235-237, pi. 85; Lamey, Actt. Acad. Tlieod. Pal., t. vi, Hist.,
p. 62-78; Mone, Gescldchte des Heidentkums, (. ii, p 396-399; Ban-
nier, Sur les déesses-mères ._ dans les Mémoires de l'Académie des Ins-
criptions, t. VII , p. 34 et sv., etc.
DU RHIN ET DU DANUBE. 259
La même religion que la civilisation romaine avait
introduite dans la Gaule fut donc celle des provinces
du Rhin pendant tout le temps que les légions s'y
maintinrent.
Déjà avant leur arrivée dans la Vindélicie, le culte
d'isis y avait été transporté. Comment et par qui il y
fut répandu , c'est ce qu'il ne nous est pas donné de
découvrir; on peut seulement présumer qu'il y fut
introduit en même temps que^ par la colonie pho-
céenne de Marseille, il se propagea dans la Gaule
méridionale.
Sous le règne d'Adrien , la secte de Milhra bâtit des
temples sur le Mein , sur le xXecker et sur le Danube.
Déjà ses mystérieuses doctrines avaient commencé
à pénétrer en Italie, vers l'an 687 de Rome, pendant
la guerre des pirates; leurs progrès, au delà du Rhin,
furent d'autant plus rapides que les légions qui y
étaient cantonnées lecélaient dans leur sein un plus
grand nombre d'Orientaux, sans doute initiés à ces
mystères.
J'ai signalé dans ma course archéologique les diffé-
lents bas-reliefs trouvés dans la province, qui re-
pi'ésentent ledieu Mithrasur le taureau qu'il égorge,
pour désigner la force du soleil lorsqu'il entre dans
ce signe.
Si sous le rapport de l'art ces bas -reliefs n'offrent
rien de remarquable, ils sont d'autant plus intéres-
sants pour l'histoire religieuse de ces contrées, que
la manière dont le dieu est représenté semble attester
une union intime du culte persan et du culte phry-
gien.
II. "•
260 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Déjà à une époque antérieure, Jupiter Dolichène,
représenté de même sur le taureau comme dieu So-
leiP, et Jupiter Sérapis ou Égyptien, avaient égale-
ment eu des autels sur le Mein et sur l'Abnoba.
Ces deux cultes y furent sans doute apportés par
les légions qui de la Syrie et de l'Egypte furent en-
voyées sur le Rhin.
Ce fut avec la propagation des idées mythiques
attachées au culte de Sérapis et d Isis, que la semaine
ou nombre de sept journées, consacrées h cha-
cune des sept planètes connues des anciens , semble
avoir été introduite dans lEinpire. Dion Cassius est
le premier des écrivains de Rome qui, à l'occasion
du sabbat des juifs, parle d'une telle période de
jours ^.
Commode avait, comme on sait, joué un rôle
sacerdotal dans les mystères de ces deux divinités.
Il est présumable que ce fut sous le règne de ce prince
que la période hebdomadaire commença à être
adoptée. Ce ne fut que sous Alexandre Sévère que
cette supputation de temps fut généralement mise
en usage.
Dion explique de deux manières le rang qu'oc-
cupent les sept planètes.
D'abord par le mouvement visible du ciel et par
' . .0 01 (ZeÙç) xaupotdiv loÉ^ETai. Lucien, §31, p. 448. C'esl ainsi ,
conuiie nous l'avons vu dans le l*^' vol. de ce Mémoire, p. 300, qu'il
est représenté dans le cabinet de Stuttgart, excepté que, pour mieux
l'assimiler au Jupiter des Romains, l'artiste a sous le taureau déployé
l'aigle qui lui était consacré dans leur mythologie.
- Dion. Cassius, Uist. rom., xxxvi , 18.
DU RHIN ET DU DANUBE. 261
l'harmonie des sphères planétaires, explication inys-
tique sur hiquelle il s étend longnenient, et dont
il est facile de reconnaître l'origine égyptienne, et
ensuite par le rapport que les sept premières heures
de la journée ont avec les sept jours de la semaine,
explication qu'il est plus facile de comprendre.
«On compte, dit-il, les heures du jour et de la
« nuit à commencer par la première que l'on attribue
«h Saturne; la seconde l'est à Jupiter; la troisième
«l'est à Mars;laquatrième, au Soleil; la cinquième, à
«Vénus; la sixième, à Mercure, et la septième, à la
« Lune. C est Tordre que les Égyptiens lui assignent
« dans le grand cercle. Si l'on continue à compter
«jusqu'à vingt-quatre, la première heure du lende-
« main sera consacrée au Soleil. Ensuivant le même
«mode pour les autres vingt-quatre heures, la pre-
«mière heure du troisième jour désignera la Lune;
« et ainsi de suite chaque jour recevra son rang d'a-
« près ce simple calcul.»
Cette dernière explication n'a pas besoin de com-
mentaire.
On dressa des autels à ces divinités planétaires,
dont l'influence sexerçait sur tous les jours de la
vie.
Sur les quatre faces du pied d'un autel trouvé dans
les décombres de Cassel, se montrent, sur la pre-
mière, la figure de Junon, tenant le sceptre d'une
main, et de l'autre la coupe du sacrifice dont elle
alimente le feu sacré; sur la seconde, celle de Mi-
nerve, telle qu'elle est ordinairement représentée;
ensuite celle d'Hercule, et enfin celle de Mercure.
262 ÉTABLISSEiMEiNTS ROMAINS
Ces quatre diviniiës résument toute la vie humaine,
dont il semble que la religion se soit emparée comme
d'une allégorie. Junon, toute-puissante, préside à la
naissance de Ihomme et le conduit en ce monde; la
déesse de la sagesse éveille et ennoblit son génie;
Hercule lui donne la force et la santé; Mercure enfin
préside à ses derniers moments et le conduit dans
l'empire des ombres.
Heureux l'homme auquel, à toutes les heures de
son existence, ces divinités étaient propices!
Pour rendre l'allégorie plus complète, les figures
des sept dieux planétaires ou de la semaine ornent
le couronnement à huit pans de lautel. Sur le hui-
tième est écrite celte comte inscription : En Vhon-
neur de la famille impériale \
C'est une prière muette, adressée au ciel, afin de
demander, pour chacun des jours de cette vie, pro-
tection, salut, force et bénédiction.
Un autel du même genre, mais plus petit, fut trouvé
h Mayence; un autre dans la vallée du Jaxt; un autre
encore à Godramslein. Sur tous, c'est par le samedi
que la semaine commence, conformément au rite
égyptien, et à l'opposé de la coutume des Juifs, dont
ce jour, au contraire^ la terminait. Leur existence,
dans les pays du Rhin, est d'autant plus digne de
' IN
H
D. D.
lu konorem domus divinœ.
DU RHIN ET DU DANUBE. 263
nous intéresser que c'est jusqu'ici la seule contrée
(lu monde lomain où ce genre de monument ail été
rencontré.
Ainsi, sur ce sol réputé barbare, furent implantés
les dogmes religieux de toutes les civilisations. A
mesure que les peuples étrangers furent incorporés
dans l'Empire, leurs dieux furent presque toujours
adoptés. C'était par un décret spécial du sénat que
cette adoption avait lieu^
Les Romains regardaient la religion comme une
chose qui appartenait à la nation. Aussi laissèrent-ils
à chaque peuple ses usages, et la loi défendit -elle
seulement, non pour cette nation de s'y conformer,
mais par de nouvelles doctrines de s'élever contre
les dieux de 1 Empire. C'est ce qui fit prohiber le
judaïsme '^ dont le spiritualisme n'admettait point
d'autres dieux que le sien, et ce qui surtout mit en
dehors de la loi la secte des chrétiens^ qui, s'élevant
contre l'idolâtrie païenne, renversèrent dans leur
enthousiasme religieux ses autels et attirèrent sur eux
la persécution.
Cette secte, au delà du Rhin, n'a point laissé de
souvenirs.
Ni dans la grande vallée, ni dans celle du Necker,
ni sur le Mein, ni sur l'Odenwald , ni dans l'Abnoba,
ni sur le Danube, n'a été trouvée une seule inscrip-
^ Livius, 1. IV, c. 30; 1. xxv, c. 1; 1. xxxix , c. 16; Cicéron , De
leg., 1. II, c. 8.
2 Sparlian., Sever., 17 ; Paul., Sent, rec, v, 22, § 3 cl -4.
^ Tacite, Ann., 1. XV, c. 44; Sparlian., Sever.. 17.
264 ÉTABLISSEMEINTS ROMAINS
lion qui prouve que le christianisme y ait fait des
progrès.
La Vindélicie elle-même, cette province qui resta
romaine jusque sous le règne de Valentinienll inté-
gralement', lorsque déjà depuis plus d'un demi-siècle
la croix avait remplacé sur les étendards de l'Empire
l'aigle de Jupiter, ne nous a point oiïert de monu-
ments chrétiens.
Quoiqu'il soit présumable que, dans les derniers
temps de l'occupation romaine, le christianisme y
ait eu des sectateurs, on ne peut cependant admettre
avec quelques écrivains enthousiastes que déjà au
troisième siècle une communion chrétienne y ait été
établie. Rien sur le Danube n'atteste I implantation de
ceculte, dont au contraire nous trouvons des preuves
évidentes dans les inscriptions de la rive gauche du
Rhin, à Cologne, à Bonn, à Trêves, et dans d'autres
cités.
Ce ne fut que sous l'empire des Francs que le
paganisme y fut renversé, et que, sur les décombres
des temples dédiés aux divinités présidant aux di-
verses fonctions de la nature, les églises des chrétiens
s'élevèrent.
Ces temples furent en grand nombre, ainsi que
l'ont prouvé leurs vestiges et leurs inscriptions. Ceux
qui desservirent leurs autels durent être non moins
nombreux.
Il faut compter à côté d'eux les pragmatiques
sacerdotaux, mythologues instruits dans toutes les
' Nons avons vu du moins la Notice de l'Empire, à la lin ilu qua-
liiènu; siècle , y i)lacor parlout des [,'arnisons.
DU RHIN ET DU DANUBK. 265
sublililés des différenls culles et qui présidaient aux
sacrifices domestiques', et les séviis auguslaliens,
sorte de prêtres honorifiques, qui dans les princi-
pales villes foimaient un collège de six membres se
vouant au culte des empereurs déifiés.
Ainsi , pour me résumer, l'administration religieuse
fut non moins que l'administration civile exactement
semblable à celle de la rive gauche du Rhin.
Pour contenir, non la population qui, composée
en grande partie de vétérans, eut intérêt à ce que
l'ordre de choses établi se maintînt, mais les nations
germaines voisines du grand rempart, Rome tira un
cordon de troupes tout le long de cette frontière, et
en répandit d'autres dans les diverses villes intérieures
de la province.
Sous Alexandre Sévère, beaucoup de ces vétérans
reçurent des terres à bail héréditaire. C'était une es-
pèce de fief militaire qui leur fut donné pour récom-
penser leurs services, à la condition cependant que
leurs fils seraient soldats^ Ces colons militaires s'u-
nirent parfois à des femmes germaines et gauloises,
résidant dans le pays, et leurs descendants en cette
qualité prirent à la fois le titre de citoyens romains
et de citoyens de la tribu dont leur mère était issue;
circonstance dont nous avons eu occasion de citei-
quelques exemples en lisant les inscriptions du
Taunus.
' Pline, Ilist. nat., 1. xxviiF, c. 3. Voy. ci-avant, t. i, p. 320, les
inscriptions de Casscl.
2 Lainprid., in Severo Alexand , 58.
266 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Lorsque plus tard les Romains furent chassés ,
beaucoup de ces demeures conservèrent leur inté-
grité, soit que leurs propriétaires en eussent été laissés
paisibles possesseurs, soit que, pour récompenser des
services analogues, les nouveaux conquérants les
eussent données à leur noblesse. Nous les trouvons
encore intactes sous l'empire des Francs, et men-
tionnées sous le nom de Beunengûter, c'est-à-dire de
domaines fermés, en opposition des Builengûler\
c'est-à-dire des domaines ouverts, à la possession
desquels chacun pouvait prétendre par achat. Les
premiers appartenaient à la couronne et, comme
domaine de l'État^, étaient donnés par les princes
francs en bénéfices. Ils furent surtout en grand
nombre sur le Mein et sur le Taunus, parce que là
principalement la disposition d'Alexandre Sévère
semble avoir reçu sa sanction la plus étendue. Les
militaires auxquels ce partage de terres fut fait,
étaient des vétérans légionnaires ou cohortales.
Les légions romaines dont les inscriptions attestent
leur présence prolongée au delà du Rhin et sur le Haut-
Danube, sont la troisième italique, la quatrième, la
cinquième , la septième , la huitième , du surnom à' Au-
guste, la onzième, la quatorzième, la vingt et unième et
la vingt-deuxième. La troisième, formée au deuxième
siècle dans la Rhétie, resta toujours dans cette pro-
vince jusqu'aux derniers temps de l'occupation ro-
maine. La huitième, la onzième et la vingt-deuxième
• Des deux vieux mots binncn (intra) el biiiten {extra).
- Posscssioncs regiœ.
DL lUHN ET DU DANUBE. 267
siirtoul onl laissé le plus de souvenirs sur le Tau-
nus, sur le Mein, sur le Necker et clans tout l'Ab-
noba.
C'étaient, avec les légions du Khinet du nord de la
Germanie, les troupes de l'Empire qui avaient la re-
nommée la mieux acquise. Aguerries contre des
peuples belliqueux et forts, elles étaient fières elles-
mêmes de cette valeur dont elles avaient donné des
preuves dans cent combats. Elles regardaient comme
inférieures à elles les auties légions postées dans
des climats moins rudes et en présence de peuples
efféminés'. Cette supériorité dont elles avaient la
conscience, les rendait l'objet de la jalousie de ces
dernières^.
Ce qui contribua beaucoup à entretenir la crainte
qu'elles inspiraient, ce fut le grand nombre de
Germains qui y furent incorporés, et dont la haute
stature, la voix puissante, étaient devenues pro-
verbiales. Beaucoup d'entre eux s'élevèrent même
aux premières dignités militaires; nous voyons, sous
Aurélien, figurer parmi les généraux romains un
Hartemond, un Heldegaste, un Hildemond, un Ca-
riovisque^ circonstance qui , du reste, ne doit pas
étonner, si l'on songe que Maximin lui-même, qui
revêtit la pourpre impériale, était Golh de nation, et
né en Thrace d'une mère alane.
Les légions qui dans le principen'étaientcomposées
• Vopiscus, Aurel., 7.
- Tacite, Hist., i, c. 80.
^ Vopiscus, Aurel., M.
268 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS
que de citoyens romains, le furent donc, sous les
empereurs, de soldats enrôlés dans toutes les con-
trées.
Les inscriptions que nous avons eu occasion de lire,
nous ont offert des noms de toutes les parties du
monde: de l'Afrique, des rives de la mer Noire, de
la Pannonie, de l'Asie-Mineure. Des cohortes d'étran-
gers et de provinciaux leur furent adjointes comme
auxiliaires. Marc Aurèle alla jusqu'à prendre à sa
solde des tiibus entières de Germains qu'il tit com-
battre contre les Germains ses ennemis \ et dont la
première cohorte a laissé deux de ses inscriptions à
Jaxthausen et à Olnhausen^.
Toutes les troupes étrangères que nous avons vues
postées au delà du Rhin furent prises, du reste,
parmi les peuples renommés pour étie les meilleurs
soldats.
D'après la récapitulation de nos inscriptions et des
autres d'un moindre intérêt que nous avons passées
sous silence, ce fut pour l'infanterie une cohorte de Dal-
mates et une autre d Asturiens, nation qui passait pour
la plus belliqueuse de toutes les Espagnes. Ensuite, la
première cohorte des Bretons et d'autres troupes de
Bretons calédoniens et de Bretons de Tripulium, la
pi'emière et la troisième cohorte des Helvétiens, une
cohorte de Tréviriens, du surnom d'Alexandhne , la
quatrième et la cinquième cohorte des Vindélicicns,
' Emit et Germanorum auxilia contra Germanos. Capitol., in Marco.,
21.
^Sueliii, Wirt. Gescli., t. I, insciipt. 252 cl 257; Ilanssclmann ,
ouvr. cil., pi. XIV, Ole.
DU RHIN ET DU DANUBE. 209
et la deuxième cohorte des Rhétiens; ce dernier
peuple surtout était connu pour son courage belli-
queux.
A ces troupes il faut ajouter la vingt-quatrième et
la vingt-sixième cohorte des citoyens romains volon
taires, et une autre cohorte de volontaires portant le
numéro XXXII, qui fut placée sur le Taunus, ainsi
qu'une cohorte prétorienne, du surnom de Pieuse
et de Vengeresse.
La cavalerie était composée de la troisième et de
la quatrième cohorte à cheval des Aquitains, de la
deuxième cohorte des Cyrénaïques, du surnom (X Au-
guste, et de plusieurs ailes de cavalerie, dont entre
autres celle du surnom de Picenline , deux autres,
dans la Rhétie, portant les surnoms de Flavienne et
d'Aurélimne, sont inscrites sur la pierre. Nous trou-
vons aussi dans cette dernière province une aile de
Singulares de l'empereur, troupe qui , composée de
citoyens romains, formait probablement un corps
spécial, attaché à la personne du prince ^
1 L'inscription qui nous les rappelle est citée par Avenlin et a été
expliquée par Grotesend, dans la Secbode's Riblioth., 1828, p. 367.
Nous l'avons nous-méme citée en décrivant les restes de Celeusum,
où le préfet , qui commandait ce corps de cavalerie , la fit inscrire en
l'honneur des divinités champêtres et d'Épone, déesse qui présidait
aux écuries (Juven.).
La voici d'après cette explication :
Campestribus et Eponœ ala prima singularium imperatoris ci-
vium romanorum , cui prœest .Elius Bassianus , Praefectus , votum sol-
vit, etc.
Voy. ci-avant , t. i , p. 322 et 323 , ce que nous avons dit des Singu-
270 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS
Dans la Vindélicie, la Notice de V Empire place avec
la troisième légion, qui nous y a laissé ses inscrip-
tions, d'autres cohortes de Bretons, de Balaves, de
Pannoniens et de Rhétiens, etc., ainsi que la deuxième
aile de cavalerie Valérienne des Séquaniens, ladeu-
xième aile singulare, et la première aile Flavienne
des Rhétiens, diverses troupes qui y étaient encore
aux derniers temps de l'occupation romaine ^ Sur
le Mein nous avons trouvé desvexillaireset une com-
pagnie de pontonniers, et sur la Wied une compa-
gnie de soldats du train.
Comme la majeure partie de nos insciiptions ne
nous oflVent cependant point de dates, il ne nous
appartient pas de préciser toujours l'époque o\x cha-
cune de ces troupes en particulier fut stationnée dans
le pays.
Ce qu'elles nous apprennent de certain , c'est
que la quatrième, la cinquième, la septième et la
quatorzième légion , ainsi que les cohortes qui y
étaient adjointes ^ occupèrent les premières le pays
lares en général, à l'occasion des Singulares à pied que nous avons
trouvés à Cassel.
1 Not. dign. imp. occicl., édit. citée, t. vu, p. !977 et 1978.
2 Ces cohortes étaient , comme nous avons eu occasion de le voir par
le grand nombre d'inscriptions qu'elles ont laissées sur le Rliin et su!'
le Danube , composées tantôt de citoyens romains volontaires , tantôt
de barbares enrôlés dans toutes les contrées.
Borghesi , Annal dell' inst. di corr. archeol.,\} ,137, s'exprime ainsi
à l'égard des premiers :
0 F.e espressioni « cohortes civium romanorum , » « voluntariorum ,o
«vnhtnlariorium civium romanorum ,n « ifalicorum voluntariorum, n
DU RHIN ET DU DANUBE. 271
sur le Mein et sur le Taunus; que la onzième légion
fut principalement répandue sur la partie sud de
l'Abnoba, depuis 98 jusqu'en 117 de Jésus- Christ;
que la vingt et unième le fut principalement sur la
partie du Rhin qui coule depuis le lac jusqu'à l'an-
cien territoire des Rauraques; que la huitième enfin
et la vingt-deuxième occupèrent le pays en général
sur les traces de ces autres légions.
Les inscriptions de la huitième descendent depuis
148 jusqu'en 213, celles de la vingt-deuxième depuis
186 jusqu'en 230, époque vers laquelle les Allemanes
envahirent le pays.
Nous trouvons au milieu de ces légions et des co-
hortes qui en dépendaient, des chefs et des soldats
de toutes les parties du monde romain. Les inscrip-
tions que nous avons eu occasion de voir dans notre
course archéologique, nous prouvent toutefois que
c'était dans les cohortes étrangères que le plus grand
nombre de citoyens romains, venusdes pays lointains
où Rome avait plantéses aigles, prenaient du service.
■ ingenuorum ,i> aingenuorum civium romanoriim ,» denotano lutte le
« medesinie coorti che con inlera denoniinazione furono doniandate
.COHORTES. ITALIC.E. CIVIV.M. ROMANORVM. VOLYxNTARIO-
iRYM, corne appresso il Kellermann Vigiles nr. 269, benche al solito
«délie frasi troppo lunghe se ne scorciasse in appresso Tappellazione,
»ora in un modo, ora in un altro. E realmente dopo che Augusto per
i un tralto di astuta politica ebbe assoluta l'Italia d' ail' obbligo del ser-
« vigio militare , siccome c' insegna Erodiano , 1. 2 , c. 1 1 , e 1. 3 , c. 7,
« stà bene che gl' Italiani , i quali ciô non ostante seguirono il mestiere
' deir armi, fossero e si chiamassero voluniarj Di tali coorti sene
ïConoscoDO fino a trenta due.»
Nous avons vu ci - dessus ce dernier numéro indique sur une de
nos inscriptions.
272 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Nous avons renconlré à Offenbourg' un préfet de
cohorte, venu de Domana, dans la Petite-Arménie;
sur rodenwald un centurion de la tribu PoUia, com-
mandant les Bretons de Triputium, venu de Sinope^,
sur les bords du Pont-Euxin ; un autre tribun, venu de
la province d'Afrique^, commandait, sur le Necker,
une centurie d'une cohorte de volontaires. Les noms
romains de ces chefs, étrangers aux climats d'Europe,
prouvent évidemment qu'ils sortaient des familles
romaines qui allèrent en Asie ou en Afrique peupler
les colonies; car on sait, par exemple, qu'après la
chute du royaume de Pont, fondé par Mithridale,
Sinope, ville de la province de Paphlagonie, devenue
capitale du royaume, et qui brillait entre toutes les
autres cités sur le Pont-Euxin, fut dépouillée de ses
richesses artistiques par Lucullus, et reçut ensuite
une colonie romaine dans ses murailles^.
Nous avons remarqué d'autres noms, dont ceux qui
les portaient, simples soldats, étaient avec ces chefs
venus sur le Rhin dans les légions ou les cohortes
formées en Orient. Une de ces cohortes, composée
de Thraces, était placée sur l'Albe, près du Danube.
C'est à ce déploiement de troupes qu'il faut attri-
buer l'élévation de l'immense quantité de camps for-
tifiés, où elles étaient stationnées, et dont nous avons
parcouru les ruines. C'est à elles qu'il faut attribuer
aussi la construction de l'immense rempart qui en-
» Tom. I, p. 206.
2 Ou Senope, comme le porte notre inscription. Voy. 1. 1, p. 284.
•'Tom. I, p. 252.
' Slrabon , Geogr., I. xii.
DU UniN ET DU DANUBK. 273
ferma le pays, el derrière lequel la colonisation fit
Jes progrès si rapides.
Ainsi, d'un côté, elles servirent à la sûreté de
Rome, en contenant les peuples Germains qui, sans
elles, n'eussent pas respecté cette frontière, et, de
l'autre, elles contribuèrent au développement de l'in-
dustrie de ces contrées par lescommunications qu'elles
y ouvrirent. Le gouvernement donnait au soldat la
ration de pain, de biscuit, de vinaigre, d'huile, de
vin, de sel . de lard et de viande fraîche. S'il ne la
lui donnait point en nature, il lui en remboursait le
prix en argenté Cet argent circulait dans l'enclave
de l'endroit où se tenait la garnison; cette dernière
contribuait donc au bien-être de l'habitant, dont elle
récompensait le travail et dont elle favorisait les dé-
bouchés, soit de ses produits agricoles, soit de ceux
de son industiie.
La circulation des espèces dut être, en effet, très-
considérable dans tous les lieux où ces troupes ré-
sidèrent.
L'immense quantité de monnaies romaines trou-
vées dans tous ces camps et dans les villes prin-
pales en est une preuve évidente. Dans les derniers
temps de l'occupation romaine sur le Danube, il pa-
raît même que ces espèces se frappaient dans ces
forteresses, sous l'inspection du commandant qui y
résidait.
Dans plusieurs du moins furent trouvés des mor-
ceaux de métal préparés pour recevoir l'empreinte,
' Gothofr., Pnrat., I. ad. C. Th., vu , i , p. 259 el 260.
U.
18
274 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
et qui ne la reçurent jamais. C'était sans doute de
Rome qu'en envoyait les matrices nouvelles, soit
à l'occasion de l'apothéose d'un empereur, soit à
l'avènement de son successeur. Ces pièces, frap-
pées à l'effigie du nouveau souverain, étaient dis-
tribuées aux soldats et passaient d'eux dans la cir-
culation.
Le métal lui-même était en partie une production
du pays; car nous avons des preuves irrécusables
que déjà du temps des Romains les mines du Taunus,
de l'Abnoba , de l'Albe et d'autres lieux furent ex-
ploitées. Ces mines faisaient une partie des revenus
du trésor, ainsi que les salines, dont le produit, si
nécessaire à l'entretien de l'homme et des bestiaux,
était sans doute, comme en Italie, soumis à une taxe
stipulée par le gouvernement et donné pour un prix
convenu aux consommateurs'.
Les mines étaient exploitées par le gouverne-
ment lui-même, ou affermées à des villes ou à des
particuliers qui devaient en payer le bail ^. Il ne
pouvait y avoir à ce sujet de différence avec ce
qui se pratiquait dans les autres contrées de l'Em-
pire; je veux croire qu'il en était de même de tout
ce qui avait rapport aux péages, aux tributs, aux
impôts, qui au delà du Rhin durent être conformes
à ceux des provinces dont ces pays dépendaient.
^ A Rome cela regardait le censeur. Voy. Tite-Live, xxix, 37.
- Consultez, sur l'administration des mines chez les Romains, Slra-
bon, I. 111; Cicéron , pro lege lUanil., 6, ad faniiL,\m, 65; Pline,
Hist. nat., 1. XXXIII, 21 (4); XXXIV, 49 (17); Diodore de Sicile,
y, 36.
DU RHIN ET DU DANUBE. 275
Comme cependant il n'existait point encore à cet
égard de mesure fixe, que l'impôt sur les terres et la
capitation ne furent uniformément réglés pour tout
I Empire que sous le règne de Maximien\ époque
où déjà depuis longtemps les contrées d'outre- Rhin
luttaient avec peine contre les barbares, nous ne
pouvons en parler que par conjecture. La Vindélicie
dut alors dans tous les cas avoir part à cette dispo-
sition.
Tel était l'état normal de la Germanie romaine
lorsque les Allemanes en envahirent le territoire.
Deux siècles de colonisation avaient, comme nous
venons de le voir, fait de cette contrée un pays aussi
florissant que bien cultivé dans ses principales val-
lées, et où les empereurs, et particulièrement ceux
de la famille Antonine, s'étaient plu à résider, et
avaient à la fois donné tous leurs soins à développer
son industrie, à protéger sa défense, à le couvrir de
routes, de villes , de camps et de tours fortes, et à ré-
gulariser dans ces villes le régime municipal comme
dans le reste de l'Empiie.
Ce bien-être fut anéanti dans une seule cam-
pagne.
Tous les établissements que les Romains avaient
fondés surleNecker, depuis le cours delà Fils jusqu'à
l'embouchure du fleuve, et tous ceux qu'ils avaient
placés sur le Mcin, sur l'Odenwald, sur l'Abnoba et
dans la vallée du Rhin, furent alors détruits, sacca-
' Aurel. Victor., De Çœsar. , 39 ; Laclance , Ve mort, persecuto-
rum , 26.
IT.
18.
276 ÉTABLISSEMEiNTS ROMAINS
gés, livrés au pillage et brûlés. Passé le règne de
Maximin, il n'a plus élé trouvé dans toute cette éten-
due de terre une seule inscription qui puisse prouver
la présence paisible des Romains. Cependant, re-
poussés par cet empereur, les Allemanes ne semblent
point encore être restés à demeure fixe dans le pays.
Mais la chute de toutes les forteresses, démantelées
par eux, leur en avait ouvert les avenues, et ils en
profitèrent depuis pour s'y ruer à chaque occasion ,
jusqu'à ce qu'enfin dans les temps orageux, où les
trente tyrans s'élevèrent contre l'autorité de Valérien
et de Gallien, ils s'avancèrent à la fois jusqu'au Rhin
et envahirent la Rhétie'.
Le roi d'une des tribus de leur coalition passa
même dans la Gaule, et, après s'être emparé de
Langres, qu'il mit à feu et à sang, de Clermont,
dont il pilla le temple, s'avança jusque dans les envi-
rons de Javoulx et d Arles, où enfin, arrêté par une
armée romaine, défait et pris , il termina sa vie dans
les plus horribles tourments^.
1 {Sub principe Galieno) amissa Rœtia. Eumène, Panegyr. Cons-
tant., 10.
2 Horum [Valeriani et Galieni) tempore et Chrocus ille Alamannorum
rex , commoto exercitu , GalUas pervagavit. Ilic autem Chrocus miiltœ
adrogantiœ fertur fuisse. Qui cum nonnulla inique gessisset ,- per con
silium, ut aiunt, matris iniques , collectam Alamannorum gentem, uni-
versas Gallias pervagatur, cunclasque œdes , qucp antiquitus fabricatœ
fuerunt , a fundamentis subvertit , etc. Greg. Turon., 7/**^ Franc, i,
30; \oy.Act. S. Privati in Actt. SS. BoL Aug., l. iv, p. 439; Act. S. De-
sideriiib Maj., l. V, p. 244; Bouquet , dans ses Fragments de l'histoire
de France, II, 464, en fait un roi des Vandales. Voy., sur celle con-
troverse, BoUa., Aug., t. IV, p. 435.
DU lUIlN ET DU DANUBE. 277
Tout ce qui n'avait point encore été renversé sous
Maximin le fut à cette époque. Presque partout où
nous nous sommes arrêté , nous avons vu les traces
de l'incendie, et tout ce que nous ont offert les dé-
combres que nous avons fouillés, nous a prouvé
avec quelle rage aveugle l'Allemane alors détruisit
tout.
Cependant il fut encore repoussé au delà des monts
de l'Abnoba, où Posthume, pour mieux le contenir,
fil élever les diverses tours fortes dont nous avons
signalé les ruines.
Mais, après la mort de Posthume, les Allemanes
n'en revinrent que plus audacieux à la charge; ils
pénétrèrent de nouveau dans la Gaule, et s avan-
cèrent même jusque dans l'Italie ^
La bataille qu'ils perdirent sous les murs de Mi-
lan, les força, il est vrai, à évacuer cette dernière
contrée, sans que toutefois les provinces gauloises
pussent en être délivrées.
Ce fut alors qu'ils paraissent s'être établis d'une
manière fixe sur le Necker, sur le Mein et sur toute la
Souabe occidentale, dont leurs tribus se partageaient
le territoire, tandis que les généraux d'Aurélien re-
mettaient au pouvoir de Rome la Vindélicie. Probe
cependant les en chassa de nouveau et rétablit même
l'antique ligne fortifiée des Romains; mais cette nou-
velle prise de possession du pays ne fut que momen-
tanée; à peine cet empereur eut cessé de vivre, que
' Alumanni, vaslalis Galliis, in Ualiam penelraverunt. Eulrop
IX, 8.
278 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
ces mêmes tribus renversèrent de nouveau celle
limite.
Le panégyriste de Maximien ' désigne le Rhin
comme frontière de lEmpire ; et, depuis lors,
malgré les campagnes de Julien et de Valentinien,
jamais le pouvoir de Rome ne put se rétablir au
delà.
Tous ceux qui tenaient au gouvernement romain,
durent nécessairement, lors de l'invasion des bar-
bares, quitter le sol germanique. Mais les habitants
paisibles qui se soumirent aux Allemanes vain-
queurs furent épargnés (du moins en partie), et ils
se mêlèrent indubitablement par la suite aux con-
quérants.
Les ravages que firent les hordes barbares dans
leur débordement sur la province furent terribles
et sanglants; mais, après la première fureur du
carnage et de la dévastation, lorsqu'à leur tour ils
réorganisèrent l'administralion du pays selon leurs
lois, et qu'avec la tranquille possession revint la paix,
tous ceux de ces habitants que la guerre n'avait point
décimés, revinrent aux lieux où la flamme avait in-
cendié leurs demeures; ils les rétablirent, ou, trou-
vant plus avantageux de les reconstruire sur un nou-
veau terrain, formèrent souvent une nouvelle bour-
gade à côté de celle qui avait été renversée, et qui
avec le temps ne fut plus connue que sous le nom
d'AUstadl, ô'Altheùn , tVAKwetler ou (ÏAUdorf, la
vieille ville , le vieil endroit , le vieux village , le vieux
' Maiiierlin., l'anegyr. itaximiniau . 7.
DU miIN KT DU DANUBE. 279
hameau, noms qui nous ont si souvent frappé dans
notre course.
Lorsque Valentinien vint combattre les Allemanes
sur le Necker, le pays était déjà depuis une soixan-
taine d'années au pouvoir de ce peuple. Cependant,
dans la description que l'historien Ammien Marcellin
fait de cette campagne, il cite sous l'un des mêmes
noms qu'elle portait sous les Romains la ville de Soli-
cinium, près de laquelle l'armée ennemie fulvaincue.
Le poêle panégyriste cite celle de Lupodunum , qui,
toute dévastée qu'elle avait pu être, s'était donc aussi,
en paitie du moins, relevée de ses ruines.
Il en dut être de même de la plupart des établis-
sements romains, que l'Allemane, avide de pillage,
avait saccagés, mais qui, sous linfluence de la paix,
qui était enfin revenue, réparèrent j)lus ou moins
leurs pertes. Leur état llorissant fut incontestable-
ment anéanti ; mais du moins ce fut cette popula-
tion gauloise, à qui Rome avait donné sa civilisa-
lion, qui servit à adoucir en partie la barbarie de
ses vainqueui's; ce fut die aussi qui dut leur ap-
prendre les arts qu elle continua de cultiver et aux-
quels les Allemanes mêmes se livrèrent par la suite
avec assez d'adresse, si l'on consulte le nombre de
métiers qui, lorsqu'enfin l'écriture pénétra chez eux,
furent cités dans le code qui leur servit de loi'.
Ce code, qui n'est que le résumé des coutumes
traditionnelles de ce peuple, nous prouve expres-
' Comparez les Tit. 39, 63 , 79 , 80, 83, lOi , el les Capit. add. 17
et 44 de celte loi.
280 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
sèment qu'il n'assimila jamais à lui-même par les
lois la population conquise. Il laissa cette dernière
stationnaire partout où il la trouva; et une preuve
évidente que la population gauloise ne suivit point
en masse l'aigle dans sa retraite, c'est que l'AUemane
lui-même, avec lequel elle finit par se mêler, nomma
du nom celtique qu'elle leur avait donné, les monts
et toutes les rivières, au sein des vallées desquelles
elle s'était répandue^ et où il se répandit à son tour
sur ses traces. Lorsque les Romains évacuèrent la
Vindélicie, l'ordre fut donné, il est vrai, à tout ci-
toyen romain de quitter le pays^ 31ais cet ordre ne
regarda pas le fond de la population, ni l'artisan, ni
l'agriculteur, qui changèrent de maîtres, mais qui
n'abandonnèrent point leurs cabanes.
La plupart des lieux romains avaient en partie
conservé l'enceinte de leurs murailles. C'est dans
ces enceintes que continua de vivre ce qui échappa
aux désastres de la guerre, aussi incendiaire, du
reste, de la part des Romains, lorsqu'ils revinrent
combattre les Allemanes, qu'elle l'avait été de la part
de ce peuple, lorsqu'il les en chassa.
Nous en avons une preuve rapportée par l'his-
torien de saint Gai, qui, lorsqu'au septième siècle,
ce propagateur de la foi chrétienne vint prêcher sur
le lac de Constance, nous le représente, trouvant en-
core dans l'intérieur des murs démantelés des an-
ciennes forteresses, les descendants des habitants
' Universos jussit ad Ituliam miyrarc liomanos. Eu|J:i|)|»ius , Vila s.
Severini, c. 30.
DU UHIN ET DU DANUBE. 281
primitifs et des Romains, associés aux Allemanes
leurs vainqueurs.
C'est ce qui rend compte du nombre considé-
rable de villes, de villages et de bourgs qui, au
moyen âge, exislaienl encore sur les ruines des éta-
blissements romains, et dont les habitants d'abord
ne furent point ces mêmes Allemanesqui méprisaient
ces enceintes murées, mais les colons gaulois, aux-
quels ils finirent par s'associer, et dont la fusion
ne forma qu'un seul peuple. Ce sont même les villes
que 1 histoire nous représente comme ayant le plus
souffert, telles que Cologne, Mayence, Spire, Augs-
bourg, Ratisbonne, Xeubourg, qui toutes, lorsque
les Francs exercèrent à leur tour leur suzeraineté
sur le Rhin et sur le Danube, furent de nouveau
les plus florissantes et devinrent les métropoles des
divers diocèses.
Cesvilles, malgré les divers désastres auxquels elles
avaient été en proie, s'étaient donc relevées chaque
fois de leurs ruines.
D'autres, telles que Bade, Kempten, Gùnzbourg,
Rottenbourg, étaient du rang de cités ou de muni-
cipes descendues à celui de simples bourgades ou
de villages.
La cité chez les Allemanes avait, à part la ville de
l'arrondissement, la même signification que chez les
Romains. C'était la tribu tout entière. Le territoire
que celte tribu occupait fut partagé plus tard sous les
Francs en petits pays ou districts, sous le nom de
Gaueîi\
' Payi.
282 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS
Ces Gauen reçurent rareineiU leur nom d'un lieu
habité , mais presque toujours de la rivière, du tor-
rent ou du ruisseau principal qui les arrosait, ex-
ceptionnellement aussi d'un roc célèbre, d'une mon-
tagne, ou de la tribu qui primitivement s'y était fixée.
Cela prouve bien la haine de l'Allemane pour les en-
ceintes murées, où il ne s'était point encore renfermé
et où il laissa vivre seuls alors les malheureux habi-
tants que la force des événements venait de mettre
sousson pouvoir, et parmi lesquels durent nécessaire-
ment se soutenir en partie les institutions romaines.
Je dis en partie, parce que la fusion des deux peuples
finit cependant par avoir lieu, et parce que, à mesure
que les Allemanes vinrent à leur tour résider dans ces
villes, leur langue finit par y prévaloir et àêtreadoptée
même par les restes de la nation vaincue. Le nom
des localités fut conservé, il est vrai, mais en adop-
tant la forme germanique. Nous avons eu l'occasion
de citer plus d'une inscription qui prouve cette trans-
formation de nom.
Cette fusion des deux peuples eut aussi pour ré-
sultat de substituer, je le répète, en partie, au régime
municipal des Romains le régime de la cité germa-
nique.
Il est certain du moins que sous les rois Francs,
(|ui acceptèrent les produits des changements sur-
venus depuis deux siècles, quelques-unes des villes
principales qui étaient restées debout avaient une
commune, à la tète de laquelle apparaît presque tou-
jours, il est vrai, un agent du gouvernement, mais
où cependant, counne un des restes de l'ancienne
DU niim ET DU DANUBE. 283
indépendance de ces cilés, appanfissent aussi les cor-
porations et tons leurs privilèges. Car, qu'on le re-
marque bien, ce ne fut point le régime municipal
romain qui , comme on a à tort voulu le prouver,
se soutint intact avec son sénat, sa magistrature et
ses employés; mais ce fut dans les villes romaines
que la franchise renaquit plus tard, par l'influence
qu'y exercèrent les corporations des marchands et
des artisans. Les murailles de ces cités , toutes déman-
telées qu'elles étaient, prêtèrent cependant un asile
à ces artisans, dont les dilTérenles associations, étroi-
tement liées entre elles, parvinrent peu à peu , grâce
aux richesses qu'elles acquirent,, à jouer un certain
rôle politique; les privilèges suivirent. Il n'est point
d'agrégation d habitants qui puisse se maintenir sans
le lien d'une association communale, en présence
d'une autorité à laquelle est confiée le soin des in
téréts communs. Aussi beaucoup de lieux du moyen
âge, entés sur les débris romains, eurent- ils une
administration communale avant même qu'une charte
leur eût été octroyée. Celte administration n'élait
qu'un reste des coutumes qui s'étaient transmises à
travers les siècles sous l'empire des Allemanes et des
Francs.
Comme la loi romaine redevint plus tard en vi-
gueur, h mesure que la civilisation chrétienne se dé-
veloppa, il n'est pas étonnant que l'influence des
institutions de Rome n'ait pas été perdue, malgré la
barbarie qui revint un moment s'implanter sur ses
anciennes possessions, et que nous trouvions au-
jourd'hui encore des souvenirs de ces institutions
284 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS DU RHIN ET DU DANUBE.
là même où ses ruines nous ont prouvé sa colonisa-
tion.
Pour l'écrivain philosophe qui voudra s'occuper
de ces recherches, mon livre sera le guide le plus
fidèle.
TABLE DES MATIÈRES.
TOME PREMIER.
PREMIÈRE PARTIE.
Précis historique des guerres romaines sur le Rhin , depuis l'an de
Rome 696 jusqu'en 407 de l'ère chrétienne . . 1
DEUXIÈME PARTIE.
Établissements romains sur le Rliin.
§ ler. Établissements de l'Abncba et du N'ecker lôO
§ 2. Établissements de l'Odeimald et du Tauuus -218
TOME II.
§ 5. Établissements de la rive gauche du Rhin •
TROISIÈME PARTIE.
Établissements romains du Danube et de l'Albe lOO
QUATRIÈME PARTIE.
Politique ellégislation -'*
I^DEX GÉOGRAPHIQUE
DES POSITIONS ROMAINES
INDIQUÉES SUR LA CARTE.
NB. Nous engageons ceux de nos lecteurs qui voudraient suivre notre
récit dans tous ses détails, de se servir des cartes de V Atlas de l'Europe
centrale, du professeur J. E. Wœrl, publiées en 1839 à Fribourg (Bade),
par l'éditeur Herder. Ceux qui ne possèdent point cet Allas, pourront se
procurer les cartes nécessaires détachées; ce sont celles de Constance, de
Stuttgartet Munich, de Weiinar, de Cologne , de Strasbourg et Carlsruhe,
de Besançon et Bâle. La carte qui accompagne ce Mémoire suffît pour les
positions romaines.
A.
Abodiacum , H , 174, 175, 178, 180,
182.
Abiioba , m , GO, 130, 133, 163, 105,
208, 210.
Abusina, 148; H. 112, 113, 1G5.
Ad Ambre, H, 172.
Ad Fines, 188, 190.
Ad Lunam, II, 135,137.
Ad Novas, II, 177, 181.
Ad Rhenum, 189; II, 200.
Aduatici , p., 140,
/Ella Augusta, voy. Augusta Vin-
delicorum,
Alba,m., 14,60,89, 164; II, 100
et sv.
Allemani, Alamanni, AXa[j.avoi ,
p , 77—83, 86—88, 92, 94, 96—98,
102, 105, 107 109, 111-120, 126,
128. 129, 147, 154, 155, 163, 182,
193.
Aliso . casl., 12, 22,31,32, 355, 359;
II, 18.
Alpes , voy. Alba.
Alpes Pœnae, 8; II, 147.
Altiaia, 203; 11,62.
Alla Ripa, 118.136, 271 , 275; II,
68 , 70 , 72 , 73.
Amsibari , p., 43.
Anlunnacum, 139; II, 11, 38, 39,
41, 44. 59.
Aqua; Malliaca;, 120, 337.
Aquileia,II,129, 133, 134.
Arœ Flaviœ, 195, 202, 203, 221 ,
228 , 229 , 231 .
Arbor Félix, 189; II, 206, 207.
Aredunum , 204.
Aroiiatium , II, 14, 15.
Arga , F., II . 93
Argentaria, 123; II, 93, 203
Argenloralum, 106, 128, 144, 196;
II, 46, 59. 81, 84,86—01.
Argenio varia, 184; II, 93—96,
Arialbinnum, 183. 184; II, 96
Armisscs , Il , 143.
Ascapha , 296 , 209 , 300.
Asciburgium , 54 , 155; II , 19.
INDEX GÉOGRAPEIIQUE.
287
Ascis , 294 , 295.
.*ttuarii, p.,15; II, 12 ils sont ainsi
nommés par Ammien Marcelliii .
C'est le même peuple que Tacite
mentioune sous le nom de Cha-
«j/ar! ,Vellejus sous celui de Chat-
tuarii , etc. Voy. Ditbmar, Com-
ment, sur Tacite.
Alualuca, 180.
Auofusla Rauracorum . 4, 128, 143,
171, 172, 177, 184, 188, 193, 195,
196, 202
Augusta Treverorum colonia, 5, 7,
46, 58, 63, 93, 95, 97, 99, 100, 127,
129, 137; II, 30, 46,48.
Au^iisla Vindelicorum , 8, 188; II,
loi - 109, 165, 194, 195.
B.
Balava castra , II, 166.
Ilatavi , p., 48-51, 65.
Batarorum insula , 10 , 31 , 65 , 93 ,
95, 97.
Bethasii , p., 60 , 140.
Hibium , 215.
Bingium, 62; II, 11, 45, 46-48
Biriciaiia castra. II, 119, 125.
Bodobriga ou Baudobriga, 139; II,
46.
Bonconica , II , 63, 65.
Bondobrica , 11 , 44 , 45
Bonna, 46.52,53,58,65; 11,11.
30, 31,33—36.
Bononia , II , 34 , 35.
Borbetomagus, 128, 137; 11,65
Bragaduruiii , II, 146, 148, 149, 152.
Brigantia, 189; II, 152, 196,198,
199, 200, 202.
Brisiacum, 139; II, 38.
Biigobanne , 203, 228, 229, 237
Broeoraagus, 104,137; II, 71,81,
82, 84, 85, 86.
Bructcri, p. ,2, 10, 11, 15,23,25,28,
43, 52, 82, 97.
Bucinobantes, p., 98, 120, 343.
Budoris, II, 17—19
Burginatium , Il , 14.
Burgundiones (Bur;;undij, p.,89,92,
94, 98,111, 119, 120, 129, 154,
155.
Buruncura, II, 16, 19, 20.
Caesia Silva, 24.
(:a>liusmons, II, 153, 184, 193,
194. 196.
Calidon, II, 32.
Caione, 11, 16, 17.
Cambes, 184, 185; II, 97.
Campodunum , 181—183,194—196.
Campi decumatps, 69,70, 146.
Canifates, p., 15, 50, 57, 64
Caracates , p., 61, 78, 331—333.
Carvone , II , 14.
Cassiliacum , II, 196.
Castra Herculis, II , 11.
Castellum Drusi , voy. Civitas Mal-
tiacorum.
Castra Vetera, 28, 51,52,54,57,58,
64, 14.3, 146; II. 1, 6, 10-12, 14-
17, 30.
Catii, p. ,.3, 10, 12, 23,26, 31, 36,
41, 42, 55, 77, 159, 160, 161.
Celeusum,II, 113 — 117.
Cevelum, II, 15.
Chamavi, p., 43, 81, 97.
Cherusci, p., 3, 1 1 , 12, 15, 23, 26,
27,30,32—34,40,41,159.
(évitas Aurélia Aquensis, 195, 211.
Civitas Mattiacorum, 318 et sv.
Clarenna, 248; II, 137
Cœlius mons, voy. Caelius mons.
Colonia Agrippina , 4, 42 , 45 — 47 ,
52, 55, 58, 60, 63, 68, 85, 91, 97,
103, 104, 124, 128, 161; II, 14,
16, 23, 37.
(Colonia Trajana, voy. Castra Vêlera.
Concordia , 11 , 81.
Condrusi , p., 131, 1.39, 140.
Confluenles Brigantiae , II , 200.
Confluenles , II, 42.
Confluenles , 188.
Constantia, 189—191.
Coveliacae, II , 174.
D.
Divitia , II, 24.
Dracuina , II, 152.
Duellium, II, 148.
Dumnum , idJ.
Dunum , 230.
Durnomagus , II , 16, 19, 21.
Eburum, 204.
Epamanduodurum , 184 . II , 98.
Escone, II, 175, 181, 182.
Fauces,II, 182.
Finiania Castra , II, 152, 153, 192.
Flevo lacus , Il , 6.
288
INDEX GÉOGIIAPHIQCE.
Forum Tiberii, l'JO,
Frisii, p., 2, 10. 43,50.
G.
Gannodurum , 190.
Gelduba,53, 54; II, 16, 19.
Germania inferior, C, 40, 42.
— superior, 6, 40, 144, 151,
165.
Germania Magna , 10.
Germanicum , II , 117, 120.
Gesonia , II, 33, 34.
Gesoriacum , II, 34, 35.
Grœa, II, 147.
Grinario, 242; II, 137.
Gugerni , p., 143.
Guntia, 194; II, 111, 154, 156, 194,
195.
II
Harudes, p., 134; II, 145.
Hellenum, 137; II, 91, 92.
Helvelii, p ,132,171.
Hermiones, p., 2
Hermunduri, p , 2, 39, 70, 161, 162.
I.
Iciniacum, II, 119, 124—126, 128,
129.
Juliomagus, 229.
Julius viens , Il , 77, 78.
Julhungi, p., 87, 98, 109.
Lacus Brigantinns , 164,188, 193;
II, 207.
Langobardi, p., 3,15, 38, 41 , 72, 92.
Lingoncs, 46, 96; II, 189.
Lingones , p., 44, 61, 96.
Larga , 184.
Laureacum , 150, 152-154 • Il , 135.
Lenlienses, p. 98, 102, 122; II, 202
et sv.
Licalii , p.; II, 102.
Limes rhaeticus , 152, 163, 166.
— transrhenanus , 152, 166.
Losodica castra , II, 129, 131.
Lugdunnm Balaviœ , II, 14.
I.nna. F., 154, 247
Lnpodunum , 1 17, 237, 239,271 , 290.
M.
Maniinritium , II, 14.
Marcoinanni, p., 2, 10, 14 16,40,68
69, 71, 73-76, 79, .S7, 96, 143, 164!
Marsi, p., 24, 26,27, 41.
Maltiaci, p. ,3, 26, 27, 55, 159, 160
318,321.
.Madiiim, 159
Mediana cas ra , II, 125, 129, 131.
Mediomatrici, p.. 62, 133.
Moguntiacum , 12, 45 , 51 , 53, 55",
57,58, 62, 66, 80,85, 107, 110,
120, 128, 143, 158, 159, 326; II ,
30, 46, 48.
Mons Brisiacus,118,183, 185,196,
197; II, 93.
Murra , 251 ,
N.
Nava , F., 62, 137. 139 ; II , 46-48.
Navoe, II, 184, 187
Nehiaha, 217.
Nemetes, p., 8, 133, 134, 136
Neri fons , 260; II, 63.
>eo ou \oviomagus (Neuraagen',
139; II, 47.
Xeo ou Noviomagus CSpire), 128,
137; II, 68, 74,75.
Xovesium, 53, 54, 57 , 58 , 64 , 05,
354; II, 11, 16, 17,20,21.
0.
Olino, 184; 11,59.
Opie, II, 129, 130,133, 139.
Palas capellalium; 154.
Parrodunnin, vov. Paithanum.
ParUianum, II, 163, 174.
Phebianis (Febianis), voy. Finiania
castra.
Pomoue, 194;II, 130,139, 142, 157,.
160.
Q
Quadi , p., 3, 68, 71, 73—76,92, 96.
113,128.
Qiiadiiburgium , II, 15.
Quinlana castra . II, 165.
R.
Rapis, II , 184, 189.
Receplaculuni Tiberii , H, 201.
Roginum, 147; II, 111.
Ripa prima , II, 171 .
Roslrum >'emavi.T, II, 18-5, 189.
Rauraci p., 132, 133,
INDEX GÉOGRAPHIQUE.
289
Rhaelia , 8 , 69 , 7 1 , 73, 79, 94 1 44
145,146,151,165
Rhaeli , p., 164. 228; II, 102.
Rigodulum , 63.
Rigola, 204.
Rigomagus, 104; II, 36, 37.
Robur, 177, 181, 182, 185.
Salolio, 137, 215; II, 84.
Salissone, II, 46
Salodurum , 185.
Samuloceni^ , vo\. Sumlocene.
Sanclio, 112 193.
Scarpona , 114
Sedalum, II, 119, 121, 128.
Segorigiom , II , 22.
Segodunum , 151,353,355.
Semnones , p., 3, 38, 74.
Senotum , 219.
Septimiaca ou Sepleraiaca caslra, II,
129, 132.
Sicambri , p , 2, 6, 7, 9, 10, 11, 13,
82; II, 214
Sicila, II, 60—62.
Solicinium , voy. Sumlocene.
ftonlium, II, 21.
Stabula, II, 96.
Suevi, p.,2,4,5, U, 12,24, 71, 128,
158, 182.
Sumlocene, 116,230,231,236,238,
241, 243. 250; II, 144.
Summontorium , II, 171.
SuUnum , 60.
Tabernae, 105, 203; II, 78.
— 11,69,70,72,77-81.
— 11,78,81.
Tabernae MoselianEe , II, 47.
Tarodunum , 199. 202, 203.
Taunus mons , 12, 26, 157, 159,
161,316, 317.
Tasgsptium , II, 196
Tenchleri, p.,2, 6, 7, 11, 13,23 43
52,157,161.
Tenedone, 192, 196, 229.
Tewloburgicn>is SaKus, 20, 21, 155.
Tolbiacum , II , 30.
Treveri, p., 51, 55,60, 62, 133, 139.
Triboci , p , 61 , 133 136, 171 , 253,
332 ; II , 84, 85.
Tribuni ou Tribuncum , II, 83.
Tribur, 335.
Tricesimae, voy. Caslra votera.
Tubantes , p., 25, 43, 97.
Tubingjum, 241 ; II, 144.
Ubii, p., 4, 13 31,51,00, 140, 158:
II, 25, 214. '
l'ninca, 183; II, 97.
Urusa , II , 178.
Usipf'Ies. p., 6, 7, 10,25,43,55, 158,
160.
Vallalum, II, 171 .
Valenliniani munimenlum, 271.
Vangiones, p ,8,61,133, 331-333.
Vargiones, p., 332.
Vemania castra , II , 196, 198.
Venaxamodurum , II , 163.
Verona , II , 34.
Vetoniania, 11,117.119,123,125.
Viaca castra, II, 152, 184, 191, 193,
196.
Viana, II, 152.
Vindelicia , 8. 88, 145, 163, 165.
Vindelici, p., 8,24, 145, 164, 228;
II, 102.
Vindonissa, 58, 144, 183—187,230
Viludurum , 188, 190
Vosegus mons , 133, 134, 11,81.
Vosolvia , II, 46.
il.
19
\^iM«tfiiig4f^.
ERRATA ET RECTIFICATIONS.
TOME PREMIER.
Page 1Ô7 , ligne 21 , Salbourg, lisez Saalbouig.
— 148, ligne 5, nord-est, mettez nord-ouest.
— 156, note, BuYOvvToi, mettez Bouyouvrot.
— 164, ligne 15, desquels, mêliez desquelles.
— 185, Noie 2, extructum , lisez exstructum, et après Nol.
, imp., ajoutez [Comment.).
— 245 , ligne 17 , cinquième , mettez quatrième.
TOME II.
Page 19. noie l>"e, ligne 2, 23, lisez 33.
— 45 , note 4 , dans , lisez dans.
— 111 , ligne 2 (noie), magisque, lisez magis magisque.
— 114, ligne 4, Biricinae, Biriciansp.
The Library
La Bibliothèque
Université d* Ottawa
Echéance
The Library
University of Ottawa
Date due
T
^39002 002688^ ÎTb
/
CE CG 0059
.G2P55V4 1852 VCC2
COO RINGt MAXIM NEMOIRE
ACC^ 1C75371
SUR