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Full text of "Mémoire sur les établissements romains du Rhin et du Danube, principalement dans le sud-ouest de l'Allemagne"

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BIBUOTHECÂ  /] 


SUR    LES 


ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Dl  RHIiV  ET  Dl  UmU. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/mmoiresurles02ring 


MÉMdlKE 


ÉTAIJIJSSEMB^TS 

ROMAINS 


Dl)  RHIN  ET  ni  DAMJBE, 


PRINCIPALEIWKJNT 


DANS  LE  SUD-OUEST  DE  L'ALLEMAGNE, 


MAXIMILIEN  DE  RiNG, 

chevalier  du  Lion-Je-ZieliiiiijjiMi  ,  luciiilne  Je  plusieurs  sociétés  sa\aiiles,  cuiiespoiiiianl  <l(i  miaistère 
de  l'iiislriicllon  publique  piiur  les  sciences  hist<iri<|iies. 


«=»•«»- 


TOME  II. 


PARIS, 

CHEZ  A.  LELELX  ,  ÉDITEUR  DE  LA  REVUE  ARCHÉOLOGIQUE 

RLE    DES    POITEVINS,     II. 

TREUTTELET  WÙRTZ,  LIBRAIRES,  RUE  DE  LILLE,  19. 

STRASBOURG, 

iMÊME    MAISO>  ,    GRAND'RI'E,    15. 

1853, 


DO 
SI 


STRASnOt'RG.    IMiMUMUniK   ni-:    li.    SII.ni':RMA>>. 


MÉMOIRE 

SUR    LES 

ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Dl  RHL\  ET  DU  DAMBE, 


PRINCIPALEMENT 


DANS  LE  SUD-OUEST  DE  L'ALLEMAGNE. 


DEUXIEME  PARTIE. 

Ri'ABLlSSEMEMS  ROMAliNS  SUR   LE  UIIIN. 

§3. 

ÉTABLISSEMENTS  DE  LA  llIVE  GAUCHE  DU  RHIN. 


La  première  forteresse  que  Rome  bâtit  au  nord  sur 
le  Rhin,  fut,  comme  nous  l'avons  dit,  celle  de  Vê- 
lera, près  des  ruines  de  laquelle  s'étend  aujourd'hui, 
d'un  côté  la  petite  ville  de  Xanten,  de  l'autre,  le  ha- 
meau de  Rirten.  Ce  fut  Auguste  qui ,  en  737  de  Rome, 
fonda  cet  établissement,  lorsque,  appelé  dans  la  Ger- 
manie inférieure  par  l'importance  des  événements, 
et  surtout  par  la  défaite  de  Lollius,  il  mit  ce  fleuve 
H.  » 


2  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

en  étal  de  défense  contre  les  irruptions  des  peuples 
germains. 

Sur  la  colline  qui  domine  le  sud-est  de  la  ville,  et 
dont  le  Rhin,  qui  aujourd'hui  circule  à  quelque  dis- 
tance, baignait  alors  le  pied',  se  développe  au  regard 
une  vue  lointaine  dans  toutes  les  directions;  l'on  y 
domine,  comme  d'un  vaste  belvédère,  toute  la  con- 
trée opposée  du  fleuve,  dont  ce  fort  était  surtout 
destiné  à  proléger  le  passage.  H  s'élevait,  comme 
l'écrit  Tacite,  qui  sans  doute  en  parle  en  témoin  ocu- 
laire, du  pied  du  Rhin,  qui  touchait  ses  remparts, 
jusque  sur  le  sommet  du  plateau,  où  quelques  ves- 
tiges de  ses  fortifications  antiques  se  montrent  en- 
core. 

Les  habitants  se  servent  encore  aujourd'hui  du 
puits  profond,  revêtu  de  pierres  de  tuf,  qui  fournissait 
l'eau  potable  à  la  forteresse. 

D'après  ces  faibles  restes  et  l'emplacement  connu 
de  deux  tours  fortes  qui  restèrent  intactes  jusqu'en 
1670,  époque  où  elles  furent  démolies,  il  est  permis 
déjuger  de  toute  l'étendue  de  1  immense  carré  que 
formait  le  mur  d'enceinte  du  camp  ,  qui  répond,  en 
efi'et,  sur  le  terrain  à  la  description  qu'en  a  faite 
Tacite,  et  où  se  trouvaient  des  casernes  et  des  ma- 
gasins assez  considérables  pour  loger  et  nourrir  deux 
légions  et ,  par  conséquent ,  une  garnison  de  douze 
mille  hommes. 

Par  la  suite  s'établirent  tout  autour  une  foule  d'ou- 

*  Voy.  dans  Houben ,  Denkmdler  von  Castra  Vetera ,  le  plan  du  lieu 
antique. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  3 

vriers,  de  marchands^  d'autres  particuliers  et  d'agri- 
culteurs, dont  le  nombre,  peu  à  peu  s'augmentant, 
finit  par  former  une  commune  que  le  même  Tacite 
compare  à  un  municipe.  Des  temples  s'y  élevèrent, 
et  plus  d'un  autel,  dédié  au  dieu  Mars,  à  Jupiter',  à 
Mercure,  à  la  Fortune^au  dieu  Silvain^et  à  d'autres 

1  i.  0.  m.  conser 

vatorI.  terti 
nivs.  vitalis 


MILES.  LEG.  XXX.  V.  V.  S.  A 
I  LIB.  PRAEF.  PRO.  SE 
ET.  SVIS.  V.  S.  L.  M. 
VI.  KAL.  MAIAS. 
LVPO  ET  M  .  .  .  IMO  COS. 

Jovi  optimo  îlaxitno,  Conservatori,  Tertinius  Vitalis,  miles  legionis 
Iricesimœ,  ulpiœ,  victricis ,  severianœ ,  alexandrinœ ,  librarius  Prœ- 
fecti ,  pro  se  et  suis  votum  solvit  lubcns  merito,  sextum  kalendas  Maias, 
Lupo  et  Maximo  Consulibus.  (An  de  Jésus-Christ  232.) 

2  FORTVNAE 
SACRYM. 

.  SEXTILIVS 
.  EPIDYS.  YET 
.  EG.  XXX.  V.  V. 

.  RO.   SE.   eT.    SYIS 
V.  S.  L.  L.  M. 

Fortunée  sacrum  {.}  Sextilius  (Vepidus,  veteranus  [l]e(jionis  trice  ■ 
simœ,  ulpiœ,  victricis  ,  (p)ro  se  et  suis  votum  solvit  lœtus  lubcns  mé- 
rita. 

3  DEO  SILYAXO 
CESSORIXIYS 
AMMAYSIYS 
YRSARIYS  LEG 

XXX  Y  Y  S  A  Y  S.  L.  M. 

Deo  Silvano   Cessorinius   Ammausius  Ursarius ,  letjionis  tricesima 

severianœ,  alexandrinœ ,  etc. 

II.  '• 


4  ÉTABLISSEMENTS  KOMAINS 

divinités',  est  venu  attester  le  culte  antique  de  ces 

»  ALA  EIVl 

AE.  EX 
IVSSV  I  //// 
DIVO.  S 
MEDICY 

Alaleiviw ,  ex  jussu  ipsius  ,  Divo  Medicus. 

ÎSe  serait-ce  pas  une  corruption  d'I^^lXciôoia  {Iliihya),  nom  que 
Diane ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  avant ,  portait  comme  déesse 
des  accouchements ,  et  à  laquelle  le  médecin  Divo,  d'origine  gauloise, 
sacrifia;  ou  bien  Alateivia  serait  elle  une  divinité  celtique  ou  ger- 
maine, la  même  peut-être  qu'Alaiervia,  une  des  matrones  dont  le 
culte  fut  aussi  en  honneur  sur  le  Rhin?  C'est  une  question  que  je  ne 
prétends  point  résoudre. 

DEAE 

HLVDAÎSAE 

SACRVM 

C.  TIBERIVS 

\ER\S 

Hludana  est  la  même  déesse  que  l'Herta  ou  l'Edda  des  peuples  du 
Nord.  Voy.  à  ce  sujet,  De  Hludana  dea  ,  dans  les  Exercit.  ad.  Germ. 
sacr.  Gentil.;  Mûnter,  Geschichte  der  Einfuhrung  des  Christenthums  in 
Danemark ,  p.  31,  et  sutout  l'écrit  que  le  D""  Tholacius ,  de  Copenhague , 
a  publié  sur  cette  divinité. 

MATRIBVS 

TREVERIS 

T.  PATERNIVS 

PERPETVVS 

CORNICVLAR 

LEO.  LEO. 

XXX.  VV.  L.  M. 

Malribus    Treveris ,    T.    Patrrnius  Perpetuus .   rornicularins    legio- 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  5 

habitanls  avant  que  le  christianisme  ne  l'eût  ren- 
versé. 

C'est  de  ce  lieu,  justement  célèbre  clans  l'anti- 
quité par  les  divers  événements  politiques  qui  se 
passèrent  sous  ses  remparts,  que  Germanicus,  la 
quatorzième  année  de  l'ère  chrétienne,  fit  traverser 
le  Rhin  aux  légions  qu'il  venait  de  faire  rentrer  dans 
le  devoir;  parcourant  avec  elles  la  Germanie,  il  vengea 
la  défaite  de  Varus  par  le  massacre  des  Marses.  Ce  fut 
alors  aussi  que,  pour  cette  expédition ,  il  fit  cons- 
truire sur  le  fleuve  un  pont  de  pilotis.  On  peut  en- 
core très-bien  distinguer,  au  bas  de  la  montagne, 
l'ancien  lit  que  le  Rhin  remplissait  seul  du  temps  des 
Romains ,  avant  celui  qu'il  se  creusa  depuis,  au  moyen 
âge ,  et  qu'une  partie  du  fleuve  parcourt  même  au- 
jourd'hui. 

Souvent  dans  les  basses  eaux  s'aperçoivent  les 
restes  des  palées  de  ce  pont  et  les  vestiges  du  port, 
où  l'histoire  nous  apprend  que  Drusus  réunit  la  flotte 
qui  fut  en  partie  construite  sur  les  chantiers  de  cette 
forteresse,  et  qui,  par  le  canal  qui  fut  alors  creusé^ 
fut  portée  dans  l'Océan  jusqu'à  l'embouchure  de 
lEms. 

Ce  canal,  selon  l'opinion  la  plus  généralement  re- 


narius    leg^ionis   tricesimœ ,   ulpiœ ,    victricis ,   Ubenter  merito  voluin 
solvit. 

On  appelait  Corniculaires  les  soldats  qui,  pour  récompense  de  leur 
valeur  ou  de  leur  bonne  conduite,  recevaient  du  général  en  chef  le 
Corniculum ,  espèce  d'ornement  en  forme  de  corne,  qui  s'adaptait  au 
casque.  Voy.  Tit.  Liv.,  1.  x ,  c.  i4.  Ils  étaient ,  en  cette  qualité ,  presque 
toujours  attachés  à  un  officier  supérieur.  Voy.  Suét.,.  in  Domit.,  17. 


6  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

çiie,  serait  cette  partie  de  l'Yssel  qui  d'Ysselort  s'é- 
tend jusqu'à  Doesbourg. 

Cependant,  si  l'on  considère  que  cette  rivière,  du 
temps  des  Romains,  ne  se  jetait  point  dans  le  Zuyder- 
sée,  mais  qu'elle  allait  en  ligne  droite  aboutir  à  la 
mer  du  Nord,  en  traversant  le  pays  des  Frisons; 
que,  d'ailleurs,  l'histoire  ne  la  cite  jamais,  et  que 
nul  vestige  d'établissements  romains  ne  se  montre 
sur  ses  rives,  on  est  porté  au  doute,  et  il  est  plus 
naturel  de  penser  que  les  traces  de  ce  canal  ont  été 
perdues  et  que  la  majeure  partie  de  son  cours  a  été 
engloutie  par  le  Zuydersée.  Ce  golfe,  à  l'époque  ro- 
maine, connu  sous  le  nom  de  lac  Flevo,  était  d'une 
bien  minime  étendue,  comparativement  à  celle  qu'il 
atteignit  au  treizième  siècle,  lorsque  la  mer  en- 
gloutit les  terres  basses  sur  lesquelles  elle  creusa  son 
bassin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  communication  directe 
avec  la  mer  du  Nord  devait  donner  une  importance 
d'autant  plus  grande  h  Vetera  que  c'était  la  princi- 
pale place  de  guerre  de  toute  la  Germanie  inférieure, 
et  qu'elle  ne  descendit  au  second  rang  que  lorsque 
la  cité  des  Ubiens  eut  reçu  une  colonie.  Vetera  fut, 
comme  nous  l'avons  vu  dans  la  partie  historique  de 
cet  écrit,  le  théâtre  des  événements  les  plus  impor- 
tants pendant  la  guerre  de  Civilis,  époque  après  la- 
quelle son  nom  disparaît  de  l'histoire;  il  n'est  plus 
cité  alors  que  par  le  géographe  Ptolémée,  par  V Itiné- 
raire d'Anlonin  et  par  la  Table  de  Théodose. 

Cependant  tout  porte  h  croire  qu'il  se  releva  alors 
de  ses  ruines. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  7 

A  l'époque  où  Varus  était  venu  prendre  le  coni- 
mandeinent  de  la  Germanie,  la  dix-huitième  et  la 
dix-neuvième  légion  formaient  la  garnison  de  Vê- 
lera. 

Ce  fut  avec  ces  troupes  auxquelles  il  adjoignit  la  dix- 
septième  légion,  qui  était  dispersée  dans  le  château 
d'Alison  et  dans  les  autres  camps  retranchés  de  la 
rive  droite  du  Rhin,  qu'il  entreprit  sa  malheureuse 
expédition. 

Parmi  les  monuments  funéraires  trouvés  à  Ve- 
tera,  il  en  est  un  surtout  d  intéressant  en  ce  qu'il 
rappelle  cette  catastrophe.  C'est  le  cénotaphe  d'un 
légat  de  la  dix-huitième  légion,  tombé  sous  les  coups 
des  Germains,  dans  la  malheureuse  campagne  de 
Varus,  et  à  qui  ses  fidèles  affranchis  élevèrent  ce 
mausolée  \ 


M.   CAELIVS 

M.   CAELIVS 

M.   L. 

M.    L. 

PRIVATVS. 

THIAMINVS 

M.  CAEL'OT.  F.  L^M.  BoN  //// 
irO.  LEG.  XIIX.  A\\.  LUI  .  s 
////CIDIT.  BELLO  VARIANO.  OSSA 
////NFERRE.  LICEBIT.  P.  CAELiYS.  T.  F. 

LEM////FRATER.  FECIT. 

M.Cœlius,  M.  libertits,  Privalus,  M.  Cœlius.  il.  Ubertus  ^  Tliiaminus , 
M.  Cœlio  ,  T.  Filio,  Lemonio ,  Bononia,  legato  legionis  decimce  octavœ, 
annorum  quinquaginta  trium  semis;  Cecidit  bello  Variano.  Ossa  in- 
ferre licebit  P.  Cœlius,  T.  filius,  Lemonio ,  f rater,  fecit. 

Voy.  Taschenmacher ,  Annales  Cliviœ,  p.  48;  Dorow,  Denkmale 
germanischer  und  rômisclier  Zeit ,  p.  64,  pi.  \xi;  Fiedler,  Romische 
Denkmàler  der  Gegend  von  Xanten  und  Wesel ,  p.  230  0".,  etc. 


8  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

A  la  mort  d'Auguste,  la  cinquième^  et  la  vingt  et 
unième  légion^  tenaient  garnison  dans  ces  murs. 
Pendant  la  guerre  des  Bataves  ce  furent  la  cinquième 
etla  quatorzième,  sous  le  commandement  de  Mumius 
Lupercus  et  de  Numisius  Rufus. 

Du  reste,  la  première ^  la  sixième ^  la  huitième ^ 
la  dixième^,  la  quinzième ^  la  vingt-deuxième^  et  la 
trentième  légion  ^  ont  aussi  laissé  des  souvenirs , 

1  LEG  V.  R.  -  LEG.  V.  SATRI.  -  LEG.  V.  A. 


2 


LA 

FILIVS.  H 

L.  VeTtIvS.  L.  F.  VOL 
REGIMS.  AQVILIF 
LEG.  XXL  NEPOTI  SVO 

PRO  pIetate.  SVA 

F.  C. 

"*  L.  L  M.  (Legio  prima,  Minervia^, 

*  LEG.  VL  VICTR.  P.  F.  [Legio  sexta  victrijc ,  pia ,  fidclis] 

^  LEG.  AVG.  [Legio  Augusta.) 

®  LEG.  X.  G.  {Legio  décima ,  germanica.) 

'  LEG.  XV.  [Legio  quindecima.) 

^  LEG.  XXIL  PRL  P.  F.  [Legio  vicesima  secunda,  primigenia,  pia. 
fidelis.) 

^  C'est  celle  qui  a  laissé  le  plus  d'inscripiions.  Tantôt  elle  porte  l'é- 
pithète  CCVlpia  victrix.  (LEG.  V  V.),  tantôt  celle  de  SEVERIAÎNA  , 
ALEXANDRIhw,  pia,  fidelis,  en  reconnaissance  de  sa  réorganisation 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  9 

soit  dans  les  inscriptions  de  ce  lieu,  soit  dans  celles 
de  la  colonie  de  Trajan,  qui,  sous  le  règne  de  ce 
prince,  fut  fondée  à  une  faible  distance  de  ce 
camp. 

Nous  en  trouvons  aussi  d'une  légion  cis  et  transrhé- 
nane \  d'une  cohorte  maurilane^,  de  vexillaires^, 
d'une  cohorte  de  Breuciens ,  peuple  de  Panno- 
nie\  de  la  première  aile  de  cavalerie  du  Norique^, 


sous  Alexandre  Sévère,  et  de  l'attachement  qu'elle  portait  à  cet  em- 
pereur. 

Voy.,  pour  ces  diverses  inscriptions ,  Lerscli,  Centralmuseuvirhein- 
làndischer  Inschriften.  2'-  cahier.  Die  romischen  Inscliriften  in  Xanten, 
erklàrt  von  Prof.  Franz  Fiedler.  AVesel  1839.  in-4-',  etc. 

<  .  .  .  .  CISRHENANA  ...  —  ...  TRANSRHENANA  .  .  . 

2  .  .  .  .  MAYR. 

3  .  .  .  .  VEX. 

*  .  .  .  .  COH.  BREVCORVM. 

MACRLNVS.  SVR 
CONIS.  F.  BREVCV 
MIL.  EX.  COH.  YÎn 
BREVC.  AxNN.  XXXV. 
STIP.  XII.  II.  S.  E. 

^  C.  IVLIO.  ADARI.  F 

PrKiO.  TRE^'ERO 

EQ.  ALJE  >ORIC. 

STATORI.  AN.  XXVII. 

STIP.  VU.  H.  A.  S.  F.  C. 

Cajo  Julio,  Adari  filio  ,  Primo,  Trevero  ,  equiti  alœ  Noricœ,  stator i . 
annorum  XXVII,  stipendiorum  VII,  hœres  cere  suo  faciendinn  cm- 
ravit. 


10  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  enfin  quelques-unes  de  loule  l'arme'e  de  Germa- 
nie'. 

La  colonie  de  Trajan  ne  nous  est  connue  que  par 
la  mention  qu'en  font  la  Table  de  Théodose  et  Vlli- 
néraire  d'Antonin^, 

Aucun  des  historiens  n'en  parle;  mais  tous  té- 
moignent des  soins  que  ce  grand  prince  prit  de 
fonder  des  villes  dans  tout  son  empire,  de  cons- 
truire et  de  rétablir  des  routes,  de  créer  une  foule 
de  monuments  d'utilité  publique.  Pendant  six  ans  il 
resta  à  Cologne  comme  gouverneur  de  la  Basse-Ger- 
manie. 

Après  qu'il  fut  monté  sur  le  trône,  les  provinces 
rhénanes  furent  toujours  l'objet  particulier  de  son 
attention.  Ce  dut  être  alors  vraisemblablement  qu'il 
fonda  cette  colonie,  à  l'occasion,  peut-être,  de  la 
réorganisation  de  la  trentième  légion,  qui»  comme 
nous  l'atteste  Dion  Cassius,  reçut  de  cet  empereur 
le  nom  d'Ulpia  et  de  Viclrix,  et  qui,  après  avoir 
laissé  quelques  inscriptions  sur  le  Mein^  reçut  pour 
garnison  Vetera. 

Selon  toute  probabilité,  c'était  dans  la  plaine  qui 
s'étend  au  nord  de  Xanten,  et  dont  le  sol,  à  quatre 
et  à  huit  pieds  de  profondeur,  présente  partout  les 
fondements   d'anciennes   bâtisses  romaines,  que  la 


^  EX.  GERM.  (Exercitus  germanicus.) 

2  La  première  cite  de  Yetera  à  Colonia  Trajana,  XL.  M.  Celle  dis- 
lance est  fausse,  non  moins  que  celle  de  XL  M.,  qu'on  a  voulu  lui  subs- 
tituer. Vliinéraire  marque  simplement  M.  P.,  ce  qui  est,  en  effel. 
exact. 

•'  Vov.  t.  1  de  ce  Mémoire  ,  p.  309. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  1  1 

ville  s'élevait.  Plusieurs  de  ces  décombres  et  de  ces 
ruines  attestent  une  construction  colossale.  Plusieurs 
aussi  montrent  encore  aux  regards  les  traces  du  feu 
qui  les  anéantit.  Rien  dans  l'histoire  ne  nous  per- 
met de  préciser  le  temps  où  cette  catastrophe  eut 
lieu. 

Les  nombreuses  tombes  romaines ,  ouvertes  dans 
les  environs  de  Xanten,  sont  toutes  de  l'époque 
d'Auguste,  de  Drusus,  de  Germanicus,  de  Claude, 
de  Caligula,  de  Néron,  de  celle  des  empereurs  de  la 
famille  Flavienne,  et  de  celle  des  Antonins'. 

Les  temps  qui  suivirent  cette  dernière  période 
semblent  avoir  été  moins  florissants  pour  ces  lieux 
qui,  toujours  les  premiers  exposés  aux  déprédations 
des  Francs,  dans  les  nombreuses  irruptions  que  ces 
peuples  firent  dans  la  Gaule,  finirent  sans  doute  par 
être  enfin  anéantis  par  eux,  lorsqu'au  quatrième 
siècle  ils  se  répandirent  sur  tout  le  Rhin  et  s'empa- 
rèrent même  de  Cologne. 

Julien  cependant  semble  avoir  relevé  ces  murailles, 
lorsqu'en360,  après  avoir  chassé  les  Francs,  il  ré- 
tablit, selon  le  témoignage  d'Ammien  Marcellin^,  les 
sept  villes  de  Castra  Herculis,  nuiourd'hui  Malbourg; 
de  Quadr ibur gium ,  Qusdbouvg ,  situé  près  de  Calcar; 
de  TricesimcBy  ou  du  camp  de  la  trentième  légion, 
qui  ne  peut  être  autre  que  Vetera  ou  la  colonie  Tra- 
jane,  et  de  Novesium,  Bonna,  Anlunnacum  et  Bingio, 
Neuss,  Bonn,  Andernach  et  Bingen.  Lui-même  passa 


'  Voy.  Houben ,  Denkmuler  von  Vêlera ,  p.  33  cl  sv 
"  L.  xviii,  c.  2. 


12  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

le  fleuve  à  Tricesimae,  pour  châtier  les  Attuares, 
peuple  qui  faisait  partie  de  la  coalition  franque. 

Depuis  cette  époque  le  nom  de  ce  lieu  disparut 
dans  les  annales  de  l'antiquité. 

Sur  les  ruines  de  Vetera,  de  la  colonie  de  Trajan, 
et  du  fort  de  Julien,  s'éleva,  sous  la  domination  des 
Francs,  quand  enfin  les  légions  furent  obligées  de 
quitter  les  rives  du  Rhin,  la  petite  ville  de  Xanten, 
où  le  poëme  des  Nibelungen,  cette  épopée  dont 
l'action  nous  reporte  au  cinquième  siècle,  place  le 
palais  de  Sigismund  et  de  son  épouse  Siegelinde,qui 
donnèrent  naissance  à  Siegfried,  le  héros  principal 
du  poëme. 

Une  suite  de  douze  cents  monnaies  d'or  romaines, 
depuis  Auguste  jusqu'à  Arcade  et  Honorius,  furent 
trouvées  au  bas  de  la  colline  qui  soutenait  Vê- 
lerai 

Ces  monnaies  semblent  attester  une  époque  oii 
l'aigle  enfin  recula,  et  où,  dans  la  précipitation  de 
la  retraite ,  ce  trésor  fut  enfoui. 

Les  Francs  qui  s'établirent  sur  le  Rhin,  et  dont 
les  rois  firent  de  ce  lieu  leur  résidence,  prirent 
le  nom  de  Ripuaires,  c'est-à-dire  de  riverains  du 
grand  fleuve,  pour  se  distinguer  des  tribus  franques 
qui  habitaient  les  bords  de  l'Yssel  et  de  lEscaut, 
connues  sous  le  nom  de  Saliens. 

Ce  fut  du  séjour  de  ces  rois  Francs  sur  les  ruines 
de  la  colonie  Trajane,  dont  le  nom,  par  corruption, 
fut  changé  en  celui  de  Troja,  que  s'établit  la  singu- 

'  Houben,  oiivr.  ciié,  \>.  7. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  13 

lière  opinion,  que  ces  peuples  qui  avaient  inondé  la 
Gaule  descendaient  des  ïroyens;  origine  que  tous 
les  chroniqueurs  des  Pays-Bas  et  de  France,  l'abbé 
Tritbème,  et,  après  lui,  Guagin  et  Paul -Emile,  se 
sont^  au  moyen  âge,  efforcés  de  prouver.  Plus  tard, 
les  documents  de  celle  ville  la  citent  sous  le  nom  de 
Troja  sancta\  de  Troja  sanctorum,  de  Troja  Fran- 
corurn  ou  Minor,  qui  avec  le  temps  s'est  changé  en 
celui  de  Sancten  et  Xanlen,  qu'elle  porte  seule  en- 
core aujourd  hui. 

Du  reste,  déjà  du  temps  de  l'occupation  romaine, 
une  fable  populaire  que  la  plume  de  Tacite  ne  dé- 
daigna pas  de  nous  transmettre'^,  avait  mentionné 
le  voyage  d'Ulysse  sur  les  bords  du  Rhin,  tradition 
qui,  pour  l'époque  où  elle  fut  reçue,  n'était  pas  moins 
extraordinaire  que  celle  de  l'origine  de  ces  rois  Francs 
établis  dans  l'ancienne  colonie  romaine  devenue 
Troja,  et  dont  on  avait  fini  par  oublier  le  fondateur  ^ 

'  On  trouve  même  ceUe  dénomination  sur  une  monnaie  d'argent 
du  onzième  siècle,  et  sur  une  de  cuivre  de  1457.  La  première,  battue 
sous  Herraann,  évéque  de  Cologne,  représente  l'église  de  Xanten 
avec  la  légende  SCA.  TROIA.  [Sancta  Troja]  ;  l'autre,  battue  sous  Jean, 
duc  de  Clèves,  représente,  d'un  côté,  la  figure  du  prince  avec  la  lé- 
gende lOHÂNNES.  TROIANORVM.  REX,  et,  sur  le  revers,  les  armes 
de  la  ville  avec  la  légende  MONETA  NOVA  TROI  XNORIS  {ifoneta 
nova  Trojœ  minoris\ 

2  Ceterum  et  Vtixem  quidam  opinantur  longo  illo  et  fubuloso  errore 
in  hune  Oceanum  delatum  adisse  Germaniœ  terras,  Âsciburgiumque , 
quod  in  ripa  Rheni  situtn  hodieque  incolitur  ab  illo  constitiitum,  nomi- 
natumque ,  etc. 

3  Cette  fable  n'a  pas  plus  de  fondement  que  n'en  ont  les  autres  tradi- 
tions mythiques  et  héroïques,  auxquelles  donnèrent  Heu  dans  la  Gaule 
les  plus  anciennes  colonies  grecques,  tellesque  les  voyages  qu'Hercule  fil 


14  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Nul  lieu,  sur  tout  le  Rhin, n'a  peut-être  offert  un 
plus  grand  nombre  d'objets  d'art  de  l'époque  ro- 
maine. 

Bijoux,  camées,  figurines  de  bronze,  lacryma- 
toires,  vases  cinéraires,  tronçons  d'armes  et  autres 
antiquités  ornent  le  musée  de  celte  ville,  qui  eût  pu 
être  d'une  richesse  immense,  si  tout  ce  que  son  sol 
en  a  livré  depuis  des  siècles  eût  été  conservé. 

Entre  Birten  et  Grûnlhal  se  montrent  encore  quel- 
ques restes  de  l'antique  route  militaire  qui  reliait 
Vetera  à  la  colonie  d'Agrippine.  Cette  roule  allait  au 
nord  joindre  les  divers  camps  et  les  cités  de  la  Ba- 
lavie,  tandis  qu'un  autre  embranchement  relia  t  au 
Rhin  les  établissements  de  la  Niers  ou  Nira,  et  au 
delà  de  cette  rivière  ceux  de  la  Meuse.  Un  fragment 
de  cette  route  s'est  encore  conservé  intact  près  de 
Pont,  sous  le  nom  de  HochstrasseK 

Vllinéraire  d'Antonin  conduit,  au  sortir  de  la  co- 
lonie Trajane,  à  Burginalium,  et  de  là  à  Arenatio, 
à  Carvone,  à  Mannaritium,  etc.,  jusqu'au  Lugdunum 
Bataviae,  qui  est  le  moderne  Leyde. 

Burginatium  était  un  camp  placé  entre  Kehrum 
et  Calcar,  au  pied  du  Mouterberg;  il  servait  de  ré- 


dans ceUe  contrée ,  plus  de  2000  ans  avant  Jésus-Christ  ;  le  combat  de 
ce  dieu  contre  Albion  et  Bergion ,  fils  de  Neptune  ;  la  fondation  qu'on 
lui  attribuait  d'Héraclée ,  à  l'embouchure  du  Rhône ,  et  celle  de  Ne- 
mausus  ou  Nismes,  que  Parthenius  de  Phocée,  cité  par  Etienne  de 
Byzance,  attribuait  aussi  à  Nemosus,  un  des  descendants  de  ce 
dieu. 

^  Voy.  Schmidt,   Untersuchungen  iibcr  die   Romerstrassen    in    den 
Bhein-  und  Moselgegenden.  Berlin  18/53. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  1  5 

sidence  à  l'aile  de  cavalerie  du  Norique,  qui  a  aussi 
laissé,  comme  nous  l'avons  vu,  quelques  inscriptions 
à  Vetera. 

Arenalium  dut  être  placé  près  de  Qualbourg,  dans 
les  environs  de  Clèves,  lieu  où  beaucoup  d'antiquités 
ont  été  trouvées ,  et  qui  lui-même  paraît  avoir  été 
le  prétoire  des  différents  camps  fortifiés  qui  proté- 
geaient cette  partie  des  frontières  romaines  entre  le 
Rhin  et  la*  Meuse. 

On  en  attribue  la  première  fondation  à  Jules-Cé- 
sar; il  est  plus  probable  que  ce  fut  sous  le  règne 
d'Auguste  que  furent  élevées  les  tours  qui  couron- 
naient le  Schlossberg,  sur  la  pente  des  collines. 
Ces  fortifications  durent  être  imposantes,  alors  que 
Berg-und-Thal,  que  Donsbrug,  que  Bedbourg,  trois 
autres  lieux  où  Rome  a  laissé  des  souvenirs  de  son 
pouvoir,  soutenaient  par  leurs  castels  les  abords  de 
la  forteresse. 

Nous  trouvons  établi  à  Clèves  le  culte  de  Jupiter* 
et  de  Mercure^,  et  dans  ses  environs  des  autels  furent 

«  I.  0.  M. 

T.  GRANIVS. 
VICTOR! 
NVS. 

OPTIO.  V.  S. 
L.  M. 

2  MERCVRI 

0.  M.  C.  P. 
V.  S.  L.  M. 


1  6  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

élevés  à  Junon,  à  Minerve*  et  à  Martia^  nom  sous 
lequel  sans  doute  Bellone  fut  invoquée. 

Dans  la  direction  de  Cologne,  Vilinéraire  ne  cite, 
une  fois,  entre  les  deux  grandes  colonies  de  Trajan 
et  d'Agrippine,  que  les  deux  établissements  de  Calone 
et  de  Novesium,  et  une  autre  fois  il  fait  mention  entre 
ces deuxvilles de  Calone,  de  Gelduba,  de  Novesium, 
de  Buruncum  et  de  Durnomagus  ;  ce  qui  permettrait 
de  présumer  qu'il  dut  exister  deux  embranchements 
de  routes,  dont  lune  allait  en  ligne  directe,  et  dont 
l'autre  suivait,  en  remontant,  les  sinuosités  du  Rhin^. 
Vilinéraire  compte  de  Vetera  à  Novesium  trente-six 
milles,  et  de  là  à  Cologne  seize  lieues  gauloises,  qui 
font  aussi  vingt-quatre  milles.  La  distance  totale  est 

<  I.  0.  M.  IVNONI.  REGESE. 

MINERVAE.  T.  QYARTIM 
VS.  SATVR?sALIS.  SIGNI 
FER.  LEO.  XXX.  V.  V.  PRO.  SE 
ET.  SVIS.  V.  S.  L.  M. 


MPD>GORDIA>0  ET.  AVIOLACoSKAL  I. 

Monumentum  positum,  domino  nostro  Gordiano  et  Aviola  consu- 

libus,  Kalendas  Julias.  (An  239  de  Jésus-Christ.) 

a  MARTIAE. 

SACRVM 

LEG.  EX 

V'SV 

T.  G.  L.  F 

V.  S.  L.  L.  M. 

3  Itin.  Atilon.,  \^.  255  el  370. 


DU  llHiN  ET  DU  DANUBE.  *  17 

donc  de  soixante  milles,  que  Tacite  mentionne  aussi 
dans  ses  Annales  * ,  et  qui  est ,  en  effet,  exacte,  puis- 
que cinq  milles  romains  répondent  à  un  mille 
d'Allemagne. 

Comme  le  même  Itinéraire  compte,  sur  la  première 
desdeuxroutes,dix-huitmillesdeVetera  àCalone  "^^  et 
dix-huit  autres  deCalone  à  Novesium,  il  faut  nécessai- 
rement, puisque,  comme  nous  venons  de  le  dire,  ladis- 
lance  totale  eslexacte,  placer  l'établissement  deCalone 
entre  la  hauteur  de  Meurs  et  de  Crefeld,  deux  lieux 
dans  les  environs  desquels  plusieurs  inscriptions  ont 
prouvé  la  présence  des  Romains.  Calone  aurait  donc 
été  probablement  placé  sur  le  sol  que  recouvre  au- 
jourd'hui le  village  de  Kalenhousen,  qui  a  en  partie 
conservé  le  nom  antique,  quoique  toute  trace  ro- 
maine ait  disparu. 

En  sortant  de  Vetera,  nous  visitons  sur  le  Rhin  la 
petite  ville  de  Budeiich,  qui,  par  elle-même,  n'est 
pas  d'un  intérêt  majeur,  puisque  aucun  fait  historique 
ne  s'y  rattache  ,  mais  qui  cependant  mérite  notre  at- 
tention parce  qu'elle  me  semble  être  l'antique  Budoris, 
dont  parle  le  géographe  Ptolémée,  et  dont  on  a  en  vain 
cherché  la  position  dans  le  sud-ouest  de  l'Allemagne. 

Les  uns  ont  cité  sous  ce  nom  la  ville  de  Duilach , 
au  pied  de  l'Abnoba,  d  autres  celle  d  Heidelberg^ 
sur  les  bords  du  Necker,  et  d'autres  encore  celle  de 
Dùsseldorf,  sur  la  rive  droite  du  Rhin. 

•  Tacite,  Annal.,  i,  15. 

-  Cité,  à  celte  occasion,  aussi  sous  les  noms  de  Colone,  de  Callone 
et  de  Coloniœ,  dans  les  ditTôrenls  manuscrits  qui  nous  restent  de  Ylti- 
neVajre. Comp.  les  édit.  deWessf  liug  et  de  G.  t^aiiliey  et  M.  Pinder. 

n. 


1  8  *  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Ces  opinions  conliaires,  toutes  erronées,  du  reste, 
viennent  du  respect  trop  aveugle  que  les  différenls 
écrivains  qui  les  ont  émises  ont  porté  à  l'autorité 
du  philosophe  d'Alexandrie,  et  à  la  différence  des 
degrés  qui  sont  marqués  sur  les  diverses  éditions 
qu'ils  ont  consultées.  Car  on  sait  que  les  unes  portent 
pour  latitude  de  Budoris  le  49®  degré ,  tandis  que 
les  autres,  sur  la  rectification  d Érasme,  portent 
le51^ 

On  ne  peut  donc  s'en  rapporter  exactement  à  leur 
calcul. 

Abstraction  faite  de  celte  difficulté,  Ptolémée  place 
Budoris  au  sud  du  château  d'Alison,  qui,  comme 
nous  l'avons  vu  dans  le  chapitre  précédent,  doit 
avoir  été  élevé  à  la  jonction  de  l'Aime,  l'antique  Alise, 
et  de  la  Lippe.  Or,  c'est  aussi  un  peu  au  sud  de  l'em- 
bouchure de  cette  dernière  rivière  que  s'étend  le 
bourg  de  Buderich,  dont  le  nom  est  incontestable- 
ment la  continuation  du  nom  antique  de  Budoris,  et 
011  la  présence  du  Romain  nous  est  attestée  par  une 
inscription  que  son  sol  a  livrée  ^  Il  est  donc  hors  de 
doute,  ou  qu'il  y  eut  deux  endroits  qui  portèrent  ce 
nom,  l'un  sur  la    rive  gauche,  l'autre  sur  la  rive 

1  I.  0.  M. 

CL.  NERO. 

L.  M.  s. 
L.  (î)  M.  6 

Jovi  optimo  ilaximo  ,  Claudius  S'ero  Uhero  mente  {votum)  solvit 
hibens  merito. 

Voy.  Fiedler,  p.  146;  Dorow,  p.  100;  Steiner,  p.  622;  Lorsoh , 
p.  9,  2"  cah. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  19 

droite  du  Rhin,  ou  que  le  fleuve,  en  changeant  son 
cours^  a  jeté  sur  sa  rive  gauche  ce  lieu  qui  autrefois 
était  sur  sa  rive  droite ,  ou  qu  il  y  a  erreur  dans  le 
texte  de  Ptolémée. 

Après  Budoris  nous  atteignons  Asciburgium,  an- 
cien camp  romain,  placé  sur  la  hauteur  d'Asbourg, 
et  qui  est  à  la  fois  cité  par  la  carte  routière  de  Théo- 
dose et  par  Tacite,  qui,  non -seulement  en  parle 
comme  d'un  lieu  dont  la  tradition  germanique  attri- 
buait l'origine  au  voyage  fabuleux  d'Ulysse  sur  le 
Rhin,  mais  encore  en  fait  mention  en  décrivant  les 
événements  de  la  guerre  de  Civilis.  Il  servait  alors 
de  garnison  à  une  aile  de  cavalerie,  qui  fut  défaite 
parles  cohortes  de  ce  général,  pendant  leur  marche 
sur  Gelduba\ 

Ptolémée  parle  aussi  d'Ascibourg  qu  il  place  vers 
la  même  latitude  sur  la  rive  droite  du  Rhin.  Y  a-t-il 
encore  erreur  dans  le  texte  de  ce  géographe^  ou  le 
Rhin  ici  a-t-il  aussi  changé  de  cours?  C'est  ce  qu'il  ne 
nous  est  pas  permis  de  préciser. 

Quant  au  castrum  de  Gelduba,  il  était  de  même, 
d'après  le  témoignage  de  Pline,  posé  sur  les  bords 
du  Rhin'\  où  son  nom  s'est  perpétué  dans  celui  du 
village  de  Gelb  ou  Gellep,  bâti  près  des  ruines  de  l'an- 
tique castel. 

Entre  ce  fort  et  Neuss  était  situé  Buruncum,  sur 


1  Rapiunt  in  transitu  Hiberna  alœ ,    Asciburgii  sita.  Tacite,   Hist., 
l.  IV,  c.  23. 

-Gelduba  castellum  Rlieno    impositum.  Pliue ,    Hist.   nal.,  1.   \IX  , 
c.  io. 

II.  '' 


20  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

l'emplacement  de  Burich ,  lieu  que  V Itinéraire  d'An- 
tonin  place  à  torl  entre  cette  ville  et  Dormagen.  Les 
deux  villages  de  Nieder  et  d'Ober-Cassel,  dont  les 
tours  se  reflètent  dans  le  Rhin,  se  sont  comme  lui 
élevés  sur  les  ruines  d'antiques  castels  romains. 

Neuss  (ou  \mjs)  est  le  Novesium  des  deux  cartes 
routières.  Il  est  cité  par  Tacite  et  par  Ammien;  par 
l'un,  en  décrivant  la  guerre  de  Civilis,  par  l'autre, 
en  mentionnant  les  campagnes  de  Julien  qui ,  comme 
nous  l'avons  dit,  rétablit  les  fortifications  de  cette 
ville.  Des  monnaies  romaines  et  diverses  antiquités 
ont  été  retirées  de  son  sol;  parmi  ces  dernières 
se  trouve  une  statuette  de  bronze,  surtout  remar- 
quable par  l'inscription  qu'elle  porte,  dédiée  à  Mi- 
thra,  dont  le  culte  était  très-répandu  sur  cette  partie 
du  Rhin^  La  sixième'^  et  la  seizième^  légion  y  ont 
aussi  laissé  des  souvenirs. 


1  La  voici  : 

DEOLNVtO 

MITHIR 

SECVNDENTS 

DAT. 

La  statuette  représente  un  jeune  homme  tenant  un  bouclier  avec  un 
serpent.  C'est  sur  le  bouclier  que  l'inscription  est  gravée. 

^  IVL.  MACRO  L.  VI.  VICTRIX. 

VET.  LEO.  \T.  Vie 
P.  F. 


LEG.     XVI. 


(Sur  une  brique.) 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  21 

La  route  romaine  allait  directement  de  cette  ville 
à  Durnomagus,  laissant  à  gauche  sur  les  bords  du 
fleuve  Sontium  \  qui  n'est  cité  que  par  Tacite. 

Durnomagus  est  le  moderne  Dormagen. 

La  vingt- deuxième  légion^  et  l'aile  de  cavalerie 
du  Norique,  ainsi  que  la  légion  transrhénane  ^  que 
nous  avons  signalée  à  Vetéra,  ont  stationné  en  ce 
lieu,  où,  comme  à  Neuss,  nous  trouvons  plusieurs 
inscriptions  en  l'honneur  du  soleil  invincible  Mi- 
Ihra*. 

'  Aujourd'hui  Zons. 

2  IIXXII  PRPF. 

3  .  .  .  TRANSRtENANA.  —  .  .  .  NSRtENANA 

*  DEO.  SOLI  I.  M.  P.  S.  ISVRA////S 

DVt>///4LE.  NORICORVM. 

Deo  Soli  invicto  Mithrœ^pro  salute  Imperii,  Suranus  duplaris  alœ 
Noricorum. 
Les  duplares  milites  étaient  les  soldats  qui  avaient  double  paie. 

D.  S.  I.  IMP.  C.  AMANDINIVS 
VERVS.  BVC.  V.  S.  L.  L.  M. 

Deo  Soliinvicto, Imperii  conservatori,  Caius  Amandinius  Verus,  bue. 
cinator,  votum  solvit  lœtus  lubens  merito. 

Ces  deux  pierres,  ainsi  qu'une  troisième,  furent  trouvées,  en  1821 , 
dans  les  débris  d'une  vieille  bâtisse  romaine,  sur  une  voûte  que  le  ha- 
sard fit  heurter.  Le  mythe  de  Mithra  y  était  représenté.  Les  parois  du 
lieu  conservaient  encore  leur  poli ,  et  l'on  put  très-bien  reconnaître  les 
traces  de  la  couleur  rouge  et  verte  dont  elles  avaient  été  badigeonnées. 
Près  de  ces  trois  pierres  se  trouvaient  douze  boules  en  tuf,  depuis  la 
grosseur  d'une  tête  humaine  jusqu'à  celle  d'une  bille;  douze  monnaies 
d'argent  et  de  cuivre  aux  types  de  Nerva,  de  Trajan,  d'Antonin- 
le-Pieux  et  de  Vespasien ,  et  neuf  lampes ,  dont  une  de  bronze  et  huit 
d'argile. 


22  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Plus  rapproché  de  Cologne  s'étend  le  bourg  de 
Woringen,  célèbre  par  la  victoire  que  le  duc  de 
Brabant,  Jean-le-Victorieux ,  y  remporta,  le  5  juin 
1288,  sur  l'archevêque  Siegfried  et  ses  alliés  ^  Wesse- 
ling,  d'après  Crombach,  et,  après  lui,  Huepsch  et 
Steiner,  nous  ont  conservé  une  inscription  très-in- 
téressante de  cet  endroit;  elle  prouve  d'une  manière 
certaine  l'emplacement  du  bourg  moderne  sur  le 
bourg  antique  de  Segorigium^  dont  il  retient  en  partie 
le  nom  ^.  La  pierre  qui  nous  transmet  ce  fait  fut  élevée 
à  la  reine  des  dieux  par  les  habitants  de  cette  bour- 
gade. Un  autre  autel,  posé  pour  le  salut  d'un  empereur 
de  la  famille  Antonine,  y  fut  aussi  dressé  à  Jupiter  très- 
bon  et  très-puissant.  Nous  trouvons  en  ce  lieu  une 
aile  de  cavalerie  du  surnom  à'Indiane^,  cavalerie 

'  J'ai  décrit  cette  bataille  dans  mon  Essai  historique  sur  Jean-le- 
Victorieux  ,  inséré  dans  le  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique , 
année  1^49,  p.  465  et  sv.,  et  1850,  p.  35  et  sv. 

2  IN.  H.  D.  D 

DEAE  REGIN 
VICANI  SE 
GORIGIENSES. 

Voy.  Wesseling,  p.  372;  Huepsch,  36,  6;  Steiner,  703. 

.3  ALBAMO.  VITALI 

EQ.  ALAE.  IN)IAÎsAE 
TXK.  BARBI.  CIVI 
TRE\T:R0.  ANXXXStPX 
H.  EX.  T.  F.  G. 
Albanio  Yitali,  equiti  Alœ  Indianœ,  turma  Barbi,  civi  Trevero,  anno- 
rum  triginta ,  stipendiorum  decem ,  hères  ex  testamento  faciendum  cu- 
ravit. 

Voy.  Galonius,  De  magnit.  Colon.,  p.  198. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  23 

espagnole,  que  le  roi  Indo^  conduisit  au  secours  de 
César  contre  Pompée,  et  qui  probablement  continua 
de  servir  dans  les  armées  romaines  en  retenant  le 
nom  du  souverain  dont  elle  rappelait  les  services. 

Vis-à-vis  l'embouchure  de  la  Wipper  s'élevaient 
deux  autres  castels,  sur  l'emplacement  desquels  re- 
posent les  deux  village  et  hameau  de  Rhein-Cassel 
et  de  Casselberg.  Nous  avons  du  premier  une  inscrip- 
tion qu'un  bénéficiaire  du  préfet  du  prétoire  (sans 
doute  du  prétoire  des  Gaules)  fit  graver  sur  la  tombe 
d'un  de  ses  collègues,  bénéficiaire  du  commandant 
de  la  seconde  légion,  du  surnom  de  Parthique'^. 

Cologne  était,  comme  nous  l'avons  dit,  le  chef- 
lieu  de  toute  la  province  de  Germanie  inférieure  ou 
seconde. 

Ce  fut  l'an  de  Rome  716,  et  trente-huit  ans  avant 
l'ère  chrétienne,  que  les  Ubiens,  reçus  comme  alliés 
du  peuple  romain ,  commencèrent  à  bâtir  cette  ville 
qui  devint  leur  métropole.  Dans  ces  murailles  naquit 
Agrippine,  fille  de  Germanicus,  que  l'empereur  Claude 

'  Voy.  Oudendorp,  llist.  bell.  Hisp.,  c.  10. 

i 

10.  VICTORl 

CIPIS.  LEG.  II.  PARTHIC  .... 
EVERVS.  BF.  PREF.  PRET  .  .  . 

J'ai  eu  occasion  de  citer  à  Canstadt,  t.  i,  p.  248  ,  des  inscriptions 
dues  à  des  bénéficiaires  de  consuls.  Les  bénéficiaires  des  préfets  et  des 
légats  jouissaient  des  mêmes  prérogatives.  Paulus ,  dans  Festus ,  s'ex- 
prime ainsi  à  leur  égard  :  Beneficiarii  diceOantur  milites  qui  vacabant 
muneris  beneficio.  J'ai  dit,  d'après  Vegetius,  1.  il,  c.  7,  en  quoi  con- 
sistaient leurs  prérogatives. 


24  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

épousa,  et  dont  cette  cité  prit  le  nom,  lorsque  Rome, 
pour  mieux  assurer  son  pouvoir  sur  le  Rhin,  y  éta- 
blit une  colonie  de  vétérans. 

Ce  fut  l'an  de  Rome  803  que  cette  colonie  fut  fon- 
dée. Elle  reçut,  comuie  Lyon,  le  droit  italique \  et 
devint  la  résidence  du  légat  impérial,  qui  jusqu'alors 
avait  demeuré  à  Vetera. 

Sous  l'influence  des  institutions  romaines,  cette 
ville  acquit  une  grande  importance.  Elle  joua  surtout 
un  rôle  historique  dans  les  guerres  civiles  qui  trou- 
blèrent le  Rhin,  lorsque,  après  la  mort  de  Vitellius  , 
qui  avait  été  salué  empereur,  les  chefs  gaulois  et 
belges  s'y  conjurèrent  contre  Rome.  Ce  fut  aussi 
dans  ses  murs  que  Trajan  fut  proclamé  Auguste 
après  la  mort  de  Nerva,  qui  déjà  l'avait,  avec  le  titre 
de  césar,  associé  à  l'empire.  Constantin  s'y  arrêta, 
et  il  joignit  par  un  pont  la  ville  à  la  rive  droite  du 
Rhin,  où  s'étendait  le  fort  de  Divitia^,  qui  déjà  sans 
doute  avait  été  bâti  à  une  époque  antérieure,  mais 
qu'il  releva  alors  des  ruines  où  l'avaient  laissé  les 
Germains.  Julien  reprit  Cologne  sur  les  Francs, qui, 
après  la  mort  de  Constantin,  inondèrent  de  nou- 
veau la  Gaule. 


•  Paulus,  De  Censibus,  l.  vill. 

2  Devtz.  Il  est  cité  sous  le  nom  de  Divitia  dans  Grégoire  de  Tours; 
sous  celui  de  Duizia  dans  les  Annales  des  rois  Francs.  Robert ,  abbé  de 
Deutz,  rapporte  que,  lorsqu'on  démolit  un  mur  pour  réparer  son  cou 
vent,  on  découvrit  une  pierre  dont  l'inscription  portait  que  le  fort  avait 
été  élevé  par  Constantin ,  sur  le  territoire  des  Francs,  afin  de  préserver 
la  Gaule  de  leurs  irruptions.  Consultez  ^gidius,  Belgium  romanum, 
p.  232. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  25 

La  dernière  des  inscriptions  historiques  que  les 
monuments  de  cette  cité  nous  présentent  est  de 
l'an  392,  93  ou  94 ,  alors  qu'en  Orient  régnait  Théo- 
dose ,  qui  s'était  associé  à  l'empire  son  fils  Ar- 
cade, et  que  l'Occident  reconnaissait  l'autorité  d'Eu- 
gène. 

Cette  inscription  décorait,  à  ce  qu'il  paraît,  une 
tour,  ou  un  monument  public,  que  le  temps  avait 
fait  écrouler,  et  qui  fut  alors  relevé  par  Tordre  du 
comte  Arbogaste^ 

Sa  date  la  place  au  rang  des  dernières  inscriptions 
que  les  Romains  ont  laissé  dans  le  pays.  Près  de 
quatre  siècles  et  demi  s'étaient  écoulés  depuis  la 
fondation  de  Cologne  par  les  Ubiens,  lorsqu'enfin  la 
grande  invasion  des  peuples  Germains  dans  la  Gaule , 
en  406,  y  fit  cesser  le  pouvoir  de  Rome. 

De  tous  les  monuments  qui  la  décoraient  alors,  il 
n'en  est  aucun  qui  se  soit  conservé  intact,  quoique, 
çà  et  là,  quelques  pans  de  murailles  s'en  montrent 
encore,  et  que  le  souvenir  de  plusieurs  ait  survécu 


a^  IMPERATORIBVS  NOST 

SIO.  L  L.  ARCADIO.  T.  FL.  EVGENIO 
T.  CONLABSAM.  IVSSV.  YIRI.  CL  .  .  . 
STIS.  COMITIS.  T  INSTANTIA.  VC 
MITIS.  DOMESTICORVM.  El 

SEX.  INTEGRO.  OPERE.  FACIVN 

VIT.  MAGISTER  PRAELIVS. 

Imperatoribus  nostris  Theodosio  ,  Arcadio ,  et  Eugenio,   tunevi 

conlabsam,  jussu  viri  clarissimi  Ârbog astis ,  etc. 


26  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

par  tradition  dans  la  mémoire  du  peuple*.  L'habi- 
tant montre  encore  la  place  qu'occupait  la  porte  de 
Jupiter;  celle  où,  sur  le  Capitole,  fut  posé  le  temple 
de  ce  dieu,  et  où  s'élevait  aussi  le  temple  de  Vénus; 
la  porte  de  Mars,  celle  de  Junon ,  celle  de  Janus,  la 
Naumachie,  l'arsenal,  et  à  côté  l'amphithéâtre;  plus 
loin,  le  prétoire  militaire,  dont  une  tour  existe  en- 
core, remarquable  par  son  extrême  solidité  et  par  la 
marqueterie  des  pierres  qui  la  revêtent;  le  prétoire 
civil ,  sur  lequel  repose  l'Hôtel-de-Ville;  le  temple  de 
Mars,  le  palais  et  le  castel  de  Drusus,  tous  lieux  dont 
les  nouvelles  constructions  qui  les  recouvrent  n'ont 
pu  faire  oublier  l'antique  destination.  Le  castel  de 
Drusus  surmontait  la  colline  qui  porte  encore  le  nom 
d'Altebourg. 

L'autel  qui  fut  érigé  à  Auguste,  et  que  des  princes 
étrangers  se  firent  même  un  honneur  de  desser- 
vir, était  posé  sans  doute  sur  la  place  élevée  qui 
borde  le  Rhin ,  et  qui  autrefois  formait  une  île. 
La  rue  qui  y  conduit  semble  en  avoir  conservé  le 
nom'^. 

D'autres  autels  par  leurs  inscriptions  nous  attestent 


1  Dans  les  derniers  temps  une  mosaïque  intéressante  a  été  décou- 
verte à  Cologne.  Elle  forme  un  carré  parfait,  renfermant  lui-même  un 
hexagone ,  au  centre  duquel ,  comme  l'indique  une  inscription  grecque , 
dut  figurer  le  buste  de  Diogène-le-Cynique.  Cet  hexagone  est  renfermé 
dans  un  cercle ,  et  ses  six  angles  sont  ornés  chacun  d'un  médaillon , 
dont  quatre ,  encore  distincts ,  contiennent  les  figures  de  Socrate ,  de 
Sophocle ,  de  Chilon  et  de  Cléobule  ;  les  deux  autres  figures  sont  mé- 
connaissables. 

2  Aregasse,  rue  de  l'Autel. 


DU  RHIN  ET  DU  DANL-BE.  27 

le  culte  des  antiques  habitants  pour  Mercure*,  pour 
Diane  2,  pour  le  dieu  Soleil  Sérapis\  pour  Proser- 
pine*,  et  pour  les  divinités  secondaires,  telles  que 

i  MERCVRIO  MERCVRIO 

T.  FLAVIVS  CESSONIO 

VICTORl  IARI...VS 

NVS.  0.  LEG  SEN...*S 

XXX.  V.  V.  V.S.L.M. 

V.  s. 

2  DEANAE 

SACRMI 
A  TiTiVS.  C.  F 
POM.  SEVER 
VS.  ARRTIO 
7  LEGVIYIC.  P.  F 
IDEMQYE.  yi\  ARI 
VM.  SAEPSIT. 
Trouvé  près  des  décombres  de  l'amphithéâtre.  Voy.  Beiblatt  zur 
Koln.  Zeitung,  1829,  n»  17. 

3  SOLI  SERAPI 

CVMSVACLDE 
Cs'.  H.  DD. 
DEXTRI^^ArV'STA 
L.  DEXTRINinSTI 
////iLIA.  AGRIPP.  D.  D. 

4  DITI 

PATRI.  ET 

PROSERPIN 

SACRYM. 


28  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Séniélé  et  ses  sœurs \  la  Victoire 2,  la  Fortune,  les 

*  DEAE  SEMELAEET 

SORORIBVS  eIvS 
DEABYS  OBiOx>ORai 
SACRIMATRATVS 
REGINA  PATERNA 
MATERNATA.  ET 
PACTA.  ARAM.  PO 

SMT. 
SVB.  SACERDOTA//// 
SERANIO  CALVLLO 

PATRE. 

Les  sœurs  de  Sémélé  étaient  Autonoé  et  Agave.  Séniélé  semble 
ici  être  identique  avec  la  terre  («■ri'îrip  yala);  ce  qui  explique  le  litre 
de  Sacer  matratus ,  donné  à  ses  prêtresses,  qui ,  quoique  vierges , 
avaient  cependant  la  dignité,  et  jouissaient  de  la  considération  des 
matrones. 

2  DEAE 

VICTORIAE 
SACRVM. 


Cet  autel,  enrichi  de  bas-reliefs  sur  les  quatres  faces,  fut  trouvé  à 
Cologne,  en  1606,  selon  le  témoignage  de  Brœlmann  (n»  li)  et  de 
Gruter  (c.  H,  H).  Transporté  de  cette  ville  à  Blankenheim  et  de  là  à 
Bonn,  il  devint  la  propriété  d'un  chanoine,  du  nom  de  Pick,  qui  en  fit 
présent  à  sa  ville  natale ,  à  condition  qu'on  en  décorerait  une  place 
publique.  Il  orne  aujourd'hui  la  place  de  Saint-Remi ,  où  il  fut  posé 
le  5  décembre  1809.  Voy.  Description  d'un  autel  de  la  Victoire,  mo- 
nument antique,  érigé  sur  la  place  de  Saint-Remi  à  Bonn.  Avec  estampe. 
Bonn  1810. 


DU  UHIN  ET  DU  DANUBE.  29 

Matrones',  l'Honneur^,  invoqué  aussi  comme  un 
dieu. 

A  ce  culte  de  la  nature  et  des  passions  personni- 
fiées s'unit,  dans  les  derniers  temps,  le  spiritualisme 
chrétien  qui,  çà  et  là ,  sur  une  tombe,  a  aussi  inscrit 
sa  formule  de  paix,  à  la  place  de  l'invocation  aux 
Mânes,  qui  se  remarque  sur  toutes  les  tombes 
païennes  ^. 


1  Parmi  les  diverses  inscriptions  adressées  aux  malrones ,  il  en  est 
une  qui  mérite  notre  attention ,  parce  qu'elle  peut  servir  à  soulever  une 
question  de  géographie  antique.  La  voici  : 

M'RONIS 

A/FANIB.  C 

IVL.  M\NSVE 

TVS.  M.  L.  I.  M. 

P.  F.  V.  S.  L.  M.  FV 

FADALVTW 

FLWEN.  SECVS 

MOiNr  CA/CASI. 

Matronis  Aufanibus  Caius  Julius  Mansuetus ,  miles  Icf/ionis  primœ, 
Minerviw,  piw,  fidelis ,  votum  solvit  lubens  merito  ,  fecit  voto  fado  ad 
Alutum  flumen  secus  montem  Caucasi. 

On  ignore  encore  quelle  est  la  rivière  du  Caucase  désignée  par  cette 
inscription. 

2  HONORI 

E  UI  ORI 
SATVRN 
NIVS.  LV 
BVLVS. 

Les  Romains  élevèrent  un  temple  à  l'Honneur  dans  la  ville  de  Rome. 
Cicéron,  De  leg.,  u,  3;  P.  Victor,  Reg.  urb.,  i.  Marins  lui  en  éleva  un 
à  Arezzo.  Orelli ,  inscript.  543. 

3  Voy.  Lersch,  Centralmuseumrheinlàndischer  Inschriften.  1<^'  cah., 
p.  65  et  sv. 


30  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Les  troupes  dont  ces  tombes  nous  attestent  la  pré- 
sence à  Cologne ,  sont  la  sixième ,  la  vingt  et  unième, 
la  vingt-deuxième  et  la  trentième  légion ,  ainsi  qu'une 
aile  de  cavalerie,  dont  le  surnom  de  Vengeresse  de  la 
foi\  qu'elle  prend  dans  ses  inscriptions,  est  surtout 
remarquable. 

Je  ne  sache  pas  que  l'histoire  en  ait  jamais  fait 
mention,  ni  que  dans  aucun  autre  lieu  elle  ait  jamais 
laissé  des  souvenirs. 

Quatre  routes  principales  aboutissaient  à  la  colo- 
nie. Indépendamment  de  celle  que  nous  venons  de 
suivre  depuis  Vetera,  il  en  existait  une  autre  qui 
reliait  ces  deux  villes,  et  qui ,  par  Juliers,  où  fut  sta- 
tionnée une  partie  de  la  vingt  et  unième  légion ,  allait 
joindre  le  val  de  là  Meuse.  Un  troisième  embranche- 
ment se  dirigeait  sur  Trêves  et  atteignait  le  bourg 
de  Tolbiac^,  célèbre  par  la  victoire  que  Clovis,  le 
conquérant  des  Gaules,  y  remporta  sur  les  Alle- 
manes,  en  496. 

La  quatrième,  ou  celle  de  Mayence,  était  la  con- 
tinuation de  celle  de  Vetera. 

C'est  cette  dernière  que  noussuivons  jusqu'à  Bonn, 
visitant  sur  notre  route  deux  inscriptions  intéres- 
santes de  Wesseling  et  d'Hersel.  La  première  couvrait 
la  tombe  qu'vElia  Timoclia  fit  élever  à  son  époux  Eva- 

«  APOLLOMAE.  MCTORINAE.  BESSVLA////// 

VALGASMAIERI.  DEC.  ALAE.  FIDEVIJJDICIS 
CONIVGI.  CARISSIMAE.  MEMORIAM.  QYEM 
ROGAVIT.  FECIT. 

-Zu/ptc/i.  On  y  a  trouvé  plusieurs  inscriptions  cl  monnaies  romaines. 


DU  RHIN   ET  DU  DANUBE.  31 

rète  le  philosophe*,  ami  de  Salviiis  Julien,  célèbre 
jurisconsulte,  qui,  sous  l'empire  d'Adrien,  rédigea 
YÉdit  perpélueP;  la  seconde  fut  placée  sur  la  tombe 
d'un  des  présidents  de  la  province  de  Germanie  in- 
férieure, par  quatre  centurions'de  la  première  légion 
Minervienne^. 

Bonn  est  cité  dans  l'antiquité  par  Ptolémée,  Stra- 

4  Q  AELIO 

EGRILIO 
EVARETO 
PllLOSOHO 
AMICO.  SALVI 
IVLIANI  AEL'A 
TIMOCLIA  \SoR 
CVM.  FILIS. 

2  Lisez  sa  vie  dans  Rutile ,  ntœ  ICtorum,  c.  66,  et  dans  Rertrandus  , 
Biot  vofxixwv,  I,  c.  l'^'". 

3  

....  F s  .  . 

.  .  0 A.  .  .  . 

MANIAE.  INFER. 
TEM.  HISPANIAE.  CITER 
T.  FL.  DYBITATVS.  STRATEIVS 
M.  ALPINIVS.  FIRMANV///// 
P.  AELIVS  MARINVS 
P.  IVLIVS  MEMORII///\/// 
r>0  LEG  I  MINER 
PRAESIDI  SANCTISSIMO. 

Centuriones  legionis  primœ ,  Minf'rviœ,  Prœsidi  sanctissimo. 


32  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

bon,  les  deux  Itinéraires,  Pline,  Tacite  et  Am- 
mieii. 

Le  dernier  historien  fait  aussi  mention,  outre  cette 
ville  et  la  cité  d'Agrippine,  de  l'établissement  de  Ca- 
lidon,qui  probablement  recouvrait  le  sol  près  du- 
quel s'étend  Keldenich,  et  sous  lequel  aussi  sont  en- 
fouis d'anciens  fondements  de  bâtisses,  sans  que 
toutefois  ni  monnaies  ni  inscriptions  en  aient  jus- 
qu'ici été  retirées. 

Le  fort  de  Bonn,  qui  indubitablement  fut  un  des 
cinquante  castels  bâtis  par  Drusus  au  bord  du  Rhin , 
s'élevait  sur  la  partie  centrale  que  la  ville  moderne 
recouvre  aujourd'hui.  Il  dominait  du  côté  de 
Coblence  et  de  Cologne  les  deux  embranchements  de 
la  chaussée  antique,  au  bord  de  laquelle  se  grou- 
paient les  monuments  funéraires  des  officiers  et  sol- 
dats de  sa  garnison. 

D'après  les  inscriptions  qui  se  lisent  sur  ceux  de 
ces  monuments  qui  ont  été  retirés  du  sol ,  ce  furent  la 
première,  la  quinzième  et  la  vingt-deuxième  légion, 
ainsi  que  la  cinquième  cohorte  des  Asturiens,  qui 
furent  successivement  postées  dans  ces  murailles. 

Dans  l'intérieur  de  la  ville,  sur  le  Beldenberg,  sur 
la  place  Saint- Rémi,  sur  le  Vichelshof,  furent  déjà 
souvent  retrouvés  les  fondements  d'anciennes  bâ- 
tisses romaines  et  divers  objets  d'antiquités.  Une 
grande  partie  de  la  lue  du  Prince  est  assise  sur  les 
encombrements  d'une  voûte  colossale,  et  derrière 
les  maisons  du  Marché  et  de  la  rue  de  1  Étoile  sont 
encore  enfouis  les  restes  des  antiques  murailles.  Le 
castel  semble  avoir  été  partagé  en  deux  parties  dis- 


nu  RHIN  ET  DU  DANUBE.  33 

linctes,  à  l'exemple  de  plusieurs  camps  de  la  Vindé- 
licie;  et  c'est  sur  les  ruines  de  ces  doubles  enceintes 
que  se  sont,  au  moyen  âge,  établis  les  deux  quartiers 
séparés  de  Bonn  et  de  Bern,  dont  le  dernier  paraît 
lui-même  avoir  dans  l'antiquité  porté  le  nom  de  Ve- 
rona.  \ous  avons  encore  une  des  ordonnances  de 
Valentinien,  de  Valens  et  de  Gratien,  signée  de  Ve- 
ronîK,  le  VIH  des  Ides  de  décembre  366  ',  époque  où , 
d'après  le  témoignage  de  l'historien,  Valentinien  était 
dans  les  Gaules.  Peut-être  est-ce  sous  cet  empereur, 
qui  entreprit  tant  de  travaux  sur  le  Rhin,  et  qui  le 
fortifia  depuis  sa  source  jusqu'à  son  embouchure, 
que  sur  les  murailles  renversées  par  les  Allemanes 
furent  relevées  celles  de  ces  deux  camps  réunis. 
Les  deux  communes  qui  prirent  naissance  dans  ces 
enceintes  continuèrent  d'être  séparées  de  nom  depuis 
le  dixième  jusqu'au  quatorzième  siècle,  époque  où 
celui  de  Bern  ou  Verona  disparut  tout  à  fait  pour 
laisser  subsister  seul  le  nom  le  plus  antique-. 

Un  passage  de  Floruscite  Bonn  comme  avant  été 
joint  par  des  ponts  à  un  autre  lieu  du  nom  de  Ge- 
sonia^ 

Ce  passage  de  l'historien  guerrier  a  donné  lieu  à 
beaucoup  de  commentaires. 

On  a  cherché  de  plusieurs  façons  à  rectifier  le  texte 


1  Codex  Theoi.,  I,  9,  De  vétéran. 

^  Lersch  ,  dans  les  JahrbUcher  des  Vereins  von  Alterilaimsfreunden 
im  Rlieinlande ,  i^''  cah.,  article  Verona.  a  donné  la  récapitulation  des 
différents  diplômes  et  des  différentes  monnaies  de  ces  temps  qui  at- 
testent celte  séparation  des  deux  communes.  J'y  renvoie  le  lecteur. 

3  Florus,  1.  IV,  12,  §  26. 

II.  ' 


34  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

qui  paraît,  en  effet,  avoir  été  tronqué.  Les  uns  on  t  subs- 
titué Mogontiacum  à  Gesonia;  les  autres  ont  laissé 
subsister  le  mot  de  Gesonia,  regardant  le  hameau 
de  Geusen  ou  Gesselar,  à  une  faible  distance  de  la 
rive  droite  du  Rhin,  comme  étant  le  lieu  antique 
de  l'historien.  D'autres  ont  substitué  Verona  à  Ge- 
sonia, et  l'ont  joint  à  Bonn  par  des  ponts,  dont  quel- 
ques-unes des  voûtes  qui  se  trouvent  enfouies  sous 
le  sol  de  la  ville  moderne,  et  dont  j'ai  plus  haut 
signalé  l'existence,  seraient  les  ruines. Cette  opinion, 
qui  est  l'une  des  plus  récentes,  est  cependant  l'une 
des  moins  soutenables.  D'autres  enfin  ont  rectifié  le 
texte,  en  substituant  aux  deux  mots  de  Bonna  et  de 
Gesonia  les  deux  noms  de  Bononia  et  de  Gesoriacum, 
et  plaçant,  par  conséquent,  les  deux  endroits,  dont, 
selon  le  passage  de  FIorus,le  général  romain  pro- 
tégea les  abords  par  des  flottes,  non  sur  le  Rhin, 
mais  sur  les  côtes  de  l'Océan,  où  s'étend  aujourd'hui 
le  port  de  Boulogne. 

Sans  me  rallier  à  cette  dernière  opinion,  qui  ne  peut, 
en  effet,  jamais  atteindre  l'importance  d'une  vérité 
historique,  elle  me  semble  digne  d'être  approfondie. 

La  présence  de  flottes  stationnées  en  avant  des 
deux  villes,  pour  en  couvrir  les  avances \  an- 
nonce une  place  de  guerre  considérable  et  un  port 
étendu;  ce  que  ne  fut  jamais  Bonn,  dont  rien  dans 
l'histoire  ne  nous  atteste  une  telle  importance,  et  qui 
ne  joua  jamais,  en  effet,  qu'un  rôle  secondaire.  Nous 
n'avons  nulle  notice  que  des  flottes  aient,  sous  le 

'  Classibus  firmavii.  Flot  US,  IV.  12  .  §  26. 


DU  KHIN  ET  [)U  DANUBE.  35 

gouvernement  (Je  Drusus,  parcouru  le  Rhin.  Ce  ne 
fut  que  sous  Germanicus  que  des  vaisseaux  furent 
construits  sur  les  chantiers  de  ses  principales  villes 
riveraines,  non  toutefois  pour  stationner  sur  le  fleuve, 
mais  pour  ensuite  descendre  jusqu'à  l'Océan  et  porter 
les  légions  dans  le  nord  de  la  Germanie'. 

Boulogne,  au  contraire,  fut,  dès  l'arrivée  des  Ro- 
mains dans  la  Gaule,  une  de  leurs  principales  sta- 
tions maritimes  sur  l'Océan.  Ce  fui  probablement 
de  ce  port  que  César  passa  en  Angleterre ^  Claude, 
suivant  Suétone,  dirigea  de  Gesoriacum  son  expé- 
dition contre  cette  île^  Gesoriacum  fut  plus  tard 
appelé  du  nom  de  Bononia\  nom  qui  semble  attester 
la  réunion  des  deux  lieux.  Peut-être  du  temps  de 
Florus  étaient-ils  séparés  par  la  Lianne. 

Malheureusement  toutes  ces  questions  n'éclair- 
cissent  point  le  louche  qui  continue  de  régner  dans 
le  passage  de  l'historien. 

Le  Rhin  devant  Bonn  ne  présente  aucun  vestige 
d'antiques  constructions  romaines,  soit  qu'en  effet  il 
n'en  ait  jamais  existé,  soit  que  le  temps  ou  la  main 
des  générations  postérieures  ait  renversé  jusqu'à  la 
dernière  pierre  que  le  grand  peupley  avait  cimentée. 

*  Tacite,  Annal.,  Il,  6. 

-  Ipse  ciim  omnibus  copiis  in  Morinos  proficiscilur,  quod  inde  erat 
brevissimus  in  Brittanniam  transjectus.  César,  De  bell.  fjalL,  IV.  21. 
Pline,  1.  lY,  c.  17  el  Mêla,  1.  ii,  c.  2,  appellent  Boulogne  Portas 
Morinorum. 

"^  Suétone,  in  Claud.,  17. 

'*  Bononia,  quam  Galli  priiis  Gesoriacum  vocabant.  Anonym.  Valesii 
script.  De  Constnntino.  —  Gesoyiaco  quod  mine  Bononia.  Table  de 
Théod. 

H.  '' 


36  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

La  roule  romaine,  enquiltanl  Bonn,  suivait,  comme 
la  route  moderne,  la  direction  de  Godesberg  pour 
atteindre  Remagen.  Le  sommet  du  Godesberg  est 
encore  surmonté  des  ruines  d  un  chàtel  du  moyen 
âge,  construit  sur  les  ruines  d'un  castel  romain'.  Les 
eaux  thermales  qui  se  trouvent  au  pied  de  la  mon- 
tagne paraissent  avoir  été  connues  de  bonne  heure. 
Une  inscription,  dédiée  à  Esculapeet  à  Hygie,  et  gra- 
vée sur  une  pierre  comme  un  monument  de  recon- 
naissance, à  l'érection  duquel  prit  part  un  légal  de  la 
première  légion, à  laquelle  Bonn  servait  de  quartier 
dans  la  septième  décade  du  premier  siècle '^  prouve 
du  moins  suffisamment  que  déjà  les  Romains  les 
avaient  mises  à  profita 

^  Il  fut  construit,  en  1210,  par  Théodoric,  archevêque  de  Cologne, 
ainsi  que  le  prouve  un  document.  Pendant  les  guerres  auxquelles  don- 
nèrent lieu  la  conversion  au  protestantisme  de  l'archevêque  Gebhard 
et  son  mariage  avec  la  belle  comtesse  de  Mansfekl ,  ce  prélat  plaça 
dans  ces  murs  une  garnison  hollandaise.  Gebhard  ayant  plus  lard  été 
démis  de  son  siège ,  son  successeur  Ernest ,  de  la  maison  de  Bavière , 
fit  sauter  le  château  en  1593. 

2  Bonnam  ,  hiberna  primœ  legionis.  Tacit.,  Hist.^  1.  iv. 

3  FORTVM 
SALVTARIBV 
AESCVLAPIO  HYG 
Q  VENIDIVS  RVF 
MARIV//  MAXn 

L.  CALVIMANV 
LEG.  LEG.  I.  M.  I. 
LEG.  AVG.  PR///// 
PROVINC.  Gin 

//// 
l'ortunis  sulutaribus ,  Msculapio ,  Ihjgiœ,  Quintus  Vcnidius  Ihtfus  ^ 
Marins,  Maximus,  Lucius  Calvinianus ,  legalus  legionis  primœ,   Mi- 
nervice ,  piœ  ,  legatus  Augusti,  prtPtor  provinciœ  Germaniœ  inferioris, 
dedicaverunt. 


DU  lUMN  ET  DU  DANUBE.  37 

Une  antique  tradition  parle  d'un  temple  de  Mercure 
qui  s'élevait  sur  la  pointe  de  la  montagne,  et  qui, 
lorsque  le  christianisme  fut  introduit,  fut  remplacé 
parunechapelle  dédiée  à  saint  Michel  ,qui  elle-même 
esttombée en  ruines. On  attribue  à  Julien  la  fondation 
du  castel  romain,  quoique,  selon  toute  probabilité, 
ce  fut  bien  antérieurement  à  ce  prince  que  ses  cré- 
neaux s'élevèrent.  Peut-être  seulement  les  releva-t-il 
lorsqu  il  reprit  sur  les  Francs,  Remagen  et  Cologne, 
qui  pendant  dix  mois  étaient  restés  au  pouvoir  de 
ces  peuples'. 

Remagen ,  selon  le  témoignage  d'Ammien  Marcel- 
lin,  était  alors  avec  Cologne  la  seule  ville  romaine 
qui  n'eut  pas  été  anéantie'^.  La  terminaison  celtique 
de  son  nom^  prouve  en  faveur  de  sa  haute  antiquité, 
comme  le  titre  ù'oppùlum  que  lui  donne  l'historien, 
prouve  son  importance  comme  place  forte.  En  1769, 
on  trouva  près  de  ce  lieu  deux  pierres  milliaires,  dont 
lune  fut  posée  vers  l'an  1 40,  sous  Anionin-le-Pieux  \  et 

'  Juliani  epistola  adSenatum,  p.  512. 

-  Anini.  Marcel.,  1.  xvi,  c.  3,  p.  85  de  l'édit.  de  Deux-Ponls. 

^  Rigomayum  oppidum.  Aium.  Marcel.,  1.  xvi ,  c.  3,  p.  85. 

1  HADI 

Npai 

PRON 

inTo^Iv 

P  MTR 

m  P.  P.  A 

M.  P.    .     .     . 

[Imperatore  Cœsare,  divi)  Had{riani  filio  ,  divi  Tra)jani,  Par{thici 
nepote ,  divi  Nervœ)  pron{epote ,  Tito  /Elio  Iladriano  AnloniQ[o,  Au- 
gusto ,  pio,)  Pontifice  maxiino  ,  tribunicia  (potestate  ilerum ,  consuli) 
tertium, pâtre  patriœ^a  [colonia  Âgrippina)  Millia  passuum  [triginta). 


38  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

l'autre  vers  lan  1 63 ,  sous  les  règnes  de  Marc  Aurèle 
et  deLuciusVerus'. 

Elles  servent  à  indiquer  les  dates  des  différentes 
époques  où  furent  mesurées  les  distances  itinéraires 
dans  les  provinces  rhénanes. 

Un  fragment  d'inscription  d  une  troisième  pierre 
milliaire  fut  aussi  trouvé  près  d'Andernach,  sans 
qu  il  nous  soit  permis  de  juger  si  elle  répond  pour 
la  date  aux  deux  que  nous  venons  d'indiquer. 

Avant  d'atteindre  cette  dernière  ville,  nous  tou- 
chons Breisig  (Brisiacum),  lieu  celtique,  où  furent  aussi 
trouvées  plusieurs  monnaies  romaines,  et  Brohl,  dont 
les  carrières  de  tuf  furent  exploitées  par  le  grand 
peuple. 

Plusieurs  inscriptions  nous  prouvent  que  ce  furent 
les  soldats  des  légions,  et  surtout  ceux  de  la  dixième, 
qui  furent  chargés  de  l'extraction  de  ces  pierres, 
qui  sans  doute  servirent  alors  à  la  bâtisse  des  diverses 

»  IMP.  CAES 

M.  AVREL.  ANTO 
NINO.  AVG.  PONT 
MAX.  TR.  POT.  XVI 

COS.  m  ET 
IMP.  CAES 

L.  AVREL.  VERO.  AVG. 
TR.  POT.  COS  II. 
A  COL.  AGRIPP 
M.  P.  XXX. 

Celte  pierre  se  trouve  présentement  à  Mannheim.  Les  Actt.  Acad. 
Palat..  t.  IV,  p.  40,  Steiner,  jt.  761,  et  Grreff,  p.  8,  filent  fausse- 
ment Neuniaeen  comme  le  lieu  d'où  elle  provient. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  39 

forteresses  du  Rhin  et  de  la  Moselle ^  Elles  nous 
attestent  et  lavie  active  du  soldat  romain  et  les  rudes 
travaux  auxquels  il  était  employé. 

Andernach ,  que  nous  trouvons  cité  dans  Ammien , 


'  HERCVLI  IN 

VICTO.  SAC 
RYM.  C.  TER 
ENTIVS  BASS 
VS    >  LEG  VTVI 
CTRICIS  ET  VE 
XILATIOLE  El 

ieyio  sexta  victrix  et  vexillatio 
legionis  ejusdem. 


tERCNLI 
SAXMO 
NEXILIATIO 
COHORTIS 
T.  C.  R 
NI     S.  L.  M. 

Coliors  prima  civium  romanorum . 


HERCVLI  SAy 
SANO 
QMNLIVS 
PRISCVS  >  I  E 
C  X  CEMINA 
Il  COMIL'TONES 
V.  S.  >/// 

Legio  décima  gemina. 


HERCVLI  SAXA 
N0  L  LICLMVS 

FESTV////  3  LEG  XX// 
RAP  ET  MILITES 
LEG  EIVSDEM 
V.  L.  S. 

Legio  unavicesima  ,  rapax. 


Au  sujet  d'Hercule  Saxanus  ,  ou  dieu  des  carrières ,  voy.  Fiedler, 
p.  224,  et  Hagenbuch ,  Antiquitatum  Clivensium  sive  inscript ionum 
Bergendalensium  investigatio  I,  de  Hercule  Saxsano.  Susati  I73I.  On 
a  voulu  voir  dans  cette  divinité  une  identification  avec  celle  mentionnée 
sous  le  nom  de  Saxonote ,  dans  une  des  formules  d'abjuration,  rédigée, 
en  743 ,  au  concile  de  Leptines  :  End  ec  forsacho  allum  diaboUs  wer- 
cum,  endwordum,  Tfiunaer  ende  Woden^  end  Saxonote  ende  allem 
them  unholdiim,  the  hira genotas sint.  «Et  je  renonce  à  toutes  les  ac- 
«  lions  du  démon ,  et  à  ses  paroles ,  à  Thor  et  à  W'odan  et  à  Saxonot , 
«  et  à  tous  leurs  serviteurs,  etc.»  On  a  cru  que  le  culte  d'Hercule,  étant 


4-0  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  dont  le  nom  paraît  aussi  clans  les  deux  Uinéraires\ 
est  un  des  lieux  les  plus  intéressants  de  tous  ceux 
qui  bordent  la  rive  gauche  du  Rhin.  Sa  situation  est 
extrêmement  pittoresque.  Posée  au  milieu  d'un  vaste 
amphithéâtre  de  montagnes  basaltiques,  cette  ville 
offre  au  bord  du  fleuve  un  aspect  antique  et  sombre. 
Aux  débris  de  ses  vieux  monuments  se  rattachent  à 
la  fois  et  les  souvenirs  de  Rome  et  ceux  du  moyen 


âge. 


Elle  fut  d  abord  fortifiée  par  Drusus,et  elle  eut 
ensuite  à  souffrir  pendant  les  guerres  de  Civilis.  Le 
môle  colossal  que  les  Romains  avaient  élevé  pour 
amarrer  les  bâtiments  de  guerre  dont  cette  ville  pa- 
raît avoir  été  une  des  stations  du  temps  de  Germa- 
nicus,  n'avait  point  encore  tout  à  fait  disparu  sous  la 
domination  des  rois  d'Austrasie.  Les  ruines  du  palais 
de  ces  princes  se  découvrent  encore,  et  c'est  sur  les 
fondements  romains  que  repose  la  grosse  tour  du 
Rhin,  dont  l'aspect  pittoresque  fait  un  des  principaux 
charmes  du  joli  paysage  qu'elle  embellit.  Une  ins- 


en  honneur  chez  les  Germains ,  et  que  le  trouvant  établi  sur  le  Rhin , 
lorsqu'ils  se  ruèrent  dans  la  Gaule ,  les  Francs  avaient  conservé  au 
dieu  le  surnom  sous  lequel  il  était  invoqué  dans  ([uelques  localités  par 
les  colons  gaulois ,  au  milieu  desquels  ils  se  mêlèrent.  Mais  cette  sup- 
position me  semble  hasardée.  Le  Saxonot  flamand ,  uni  au  dieu  Thor 
et  à  Odin,  me  paraît  plutôt  avoir  été  une  divinité  saxonne,  dont  les 
Flamings,  ou  émigrés  de  cette  nation,  qui  vinrent  au  qu;iirième  siècle 
s'emparer  des  dunes  de  Dunkerque,  et  donner  au  pays  le  nom  de 
Flandre,  et  au  rivage  le  nom  de  Utins  saxonicum,  avaient  apporté  le 
culte  avec  eux. 

'  Ainniien  Marcellin  le  nomme  Antunnactim;  Vltinérairc  d'Antouin 
Anlunnavo;  la  TaOle  de  Théodose  Autumnacum. 


DU  KHIN  ET  DU  DANUBE.  41 

criptioii  du  plus  grand  intérêt  historique ,  laquelle  fut 
trouvée  non  loin  d'Andernach,  cite  la  flotte  de  Ger- 
manie. 

Elle  fut  sans  doute  élevée  aux  Matrones  tutélaires 
du  lieu  dont  le  soldat  qui  leur  voua  son  culte  était 
originaire,  pendant  le  temps  que  les  préparatifs,  dont 
l'histoire  nous  entretient,  avaient  lieu  sur  le  fleuve 
pour  l'expédition  maritime  du  Nord. 

De  toutes  les  inscriptions  connues,  c'est  la  seconde 
qui  fasse  mention  de  la  flotte  dont  les  opérations 
furent  dirigées  contre  la  Germanie  \  Sous  les  murs 
de  l'Hôtel-de-VilIe  d'Andernach  se  remarquent  en- 
core de  vastes  souterrains,  restes  des  bains  romains 
qui  ornaient  la  cité 

Une  vieille  porte ,  toute  criblée  de  trous  de  mi- 
traille, et  noircie  par  le  temps,  est  nommée  par 
l'habitant  la  porte  romaine,  quoique  la  forme  de 
l'arcade  indique  une  origine  moins  antique.  Les  mon- 


*  La  première,  sur  laquelle  est  cilé  un  irierarque  ou  capitaine  d'une 
trirème  de  la  flotte  de  Germanie,  fut  trouvée  à  Arles.  Voy.  Mura- 
lori,  II,  p.  Dcccxi,  1. 

Voici  celle  du  Rhin  : 

MATRIBVS 

S\;IS 
SIMILIOMII// 
ES  EX  CASSE  6 
RMAMCA  PED 
PLER  CRESIMl 
V.  S.  L.  L.  M. 

Matribus  suis ,  Similio ,  miles  ex  classe  Germanica ,  etc. 


42  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

naies  trouvées  sur  ce  sol  sont  de  toutes  les  périodes 
du  grand  peuple.  Détruite  par  les  Francs,  au  qua- 
trième siècle,  la  ville  fut,  comme  nous  l'avons  dit, 
rebâtie  par  l'empereur  Julien,  et  devint,  vers  les 
derniers  temps  de  l'Empire,  le  quartier  général  d'un 
préfet  militaire  ^  Au  cinquième  siècle  ,  ce  n'était  plus 
qu'un  castel,  ainsi  que  nous  l'atteste  un  passage  de 
Fortunat^ 

Une  autre  préfecture  militaire  était  Coblence,  lieu 
qui  prit  son  nom  de  sa  position  au  confluent  du  Rhin 
et  de  la  Moselle^. 

Nous  avons  déjà  souvent  eu  occasion  de  faire  re- 
marquer quel  soin  particulier  les  Romains  mirent 
surtout  à  fortifier  l'entrée  des  vallées  principales. 
Celle  de  la  Moselle,  pour  eux  si  importante,  et  au 
sein  de  laquelle  s'étendait  la  riche  et  grande  cité  de 
Trêves,  ville  déjà  puissante  avant  leur  prise  de  pos- 
session du  pays,  et  qui  devint,  sous  Constantin,  la 
métropole  des  Gaules,  dut  de  bonne  heure  fixer  leur 
attention. 

Il  est  donc  probable  que  déjà  Drusus  bâtit  le  pre- 
mier castel  qui  défendit  l'embouchure  de  cette  ri- 
vière, lorsqu'il  fortifia  le  cours  du  grand  fleuve. 

Il  est  probable  encore  que  ce  fut  sous  la  protection 
de  ce  castel  que  se  groupa  dans  la  vallée  le  primitif 
établissement  communal,  sur  lequel,  du  reste,  nous 


1  Notit.  dignit.  imp.  occid.,  édit.  citée,  p.  2001. 

2  Antonacense  castellum.  Venant.  Fortunatus ,  De  navigio  suo,  1.  x. 

3  Apud  Confluentes,  locum  ita  cognominatum ,  ubi  amnis  Mosella 
ronfiinditur  Rheno.  Amni.  Marc,  1.  XVI,  3. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  43 

n'avons  aucune  notice,  et  dont  nulle  inscription  ne 
nous  rappelle  le  régime  municipal  ni  le  culte.  Les 
murailles  romaines  renversées  servirent  à  l'élévation 
des  murs  d'enceinte  de  la  ville  nouvelle  que  bâtirent 
sur  le  même  sol  les  premiers  rois  Francs  qui  s'éta- 
blirent sur  le  Rhin.  Quelques  pans  de  ces  murs,  res- 
pectés parles  siècles,  montrent  dans  leurs  matériaux 
des  blocs  que  tailla  le  ciseau  romain;  l'on  conserve 
encore  dans  la  salle  des  conférences  du  Gymnase 
une  de  ces  pierres  qui  recouvrit  un  mausolée,  et  qui, 
après  avoir  pendant  plusieurs  centaines  d'années 
fait  partie  du  mur  d'enceinte  qui  borde  la  Moselle, 
en  a  enfin  été  extraite,  il  y  a  une  trentaine  d'années, 
pour  la  préserver  d'une  ruine  totale.  Déjà  1  inscrip- 
tion en  est  aux  trois  quarts  effacée  ^ 

La  quatorzième'^  et  la  vingt-deuxième^  légion  sont 
les  seules  troupes  romaines  qui  aient  laissé  des  sou- 
venirs de  leur  présence  en  ce  lieu  ;  dans  les  derniers 
temps  de  l'Empire  y  était  placée  une  cohorte  de  sol- 
dats défenseurs,  sous  les  ordres  d'un  préfet*. 

M//////////  VS//////  SIBI  VIVVS////////// 
///////////////////////  MONVMENTVM///// 
/////////////////////////////VHMAVIXI/////// 

Voy.,  pour  cette  pierre ,  Klein ,  Herbstproyramm  von  Koblenz.  1823. 
p.  3  12;  1826,  p.  19—28,  et  August.  Willieira,  Die  romiscke  Sta- 
tion Confluentes,  dans  les  Deutschen  Alterthiimer ,  de  Kruse ,  lll,  3, 
p.  1-15. 

2L  XIIII  GM.  —  L  rni(I)  GMPF.  (August.  Wilhelm,  ouvr.  cité, 
p.  13.) 

3  LEG.  XXII  C////.  (Klein  ,  Gymnasialprogramm ,  de  1837  et  1838, 
p.  29  et  33.)  • 

*  Notit.  dignit.  imp.  occid.,  édit.  cit.,  p.  2001. 


44  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Les  montagnes  qui  depuis  Andernach  bordent  le 
Rhin ,  encaissent  le  fleuve  dans  la  masse  colossale 
de  leurs  rocs;  c'est  sur  leur  pente  que  déjà  dans 
l'antiquité,  au  moyen  de  la  pioche  et  du  ciseau,  avait 
été  taillée  la  route  romaine  qui ,  au-dessus  du  préci- 
pice, circulait  en  en  suivant  les  détours. 

Cette  route  atteignait  Boppart,  lieu  désigné  sur 
une  colonne  milliaire,  trouvée  près  de  Tongres,  en 
1817^  sous  le  nom  de  Bondobrica,  et  où  les  mêmes 
légions  qui  ont  buriné  leurs  chiffres  sur  les  inscrip- 
tions de  Coblence,  étaient  aussi  en  partie  stationnées  ^. 

Au  dernier  temps  de  l'occupation  romaine  y  étaient 
placés,  sous  les  ordres  d'un  préfet,  les  soldats  char- 
gés du  service  des  balistes,  troupe  qui,  dans  les  ar- 
mées de  l'Empire,  répondait  assez  exactement  à 
notre  artillerie.  On  sait  que  les  balistes  étaient  des 
armes  de  jet,  propres  à  lancer  à  une  distance  prodi- 
gieuse des  pierres,  des  carreaux  ferrés,  pesant  jus- 

'  Voy.  Hennequin,  De  origine  et  natura  principatus  urbis  Trajecti 
ad  Mosam  medio  œvo. 
2  LEGoIIXXC. 


PRINCEPS.  II  LEG.  XIII! 


GEM.  AN.  LXmi  STIP 


XL VI.  MILIT.  XVI.  CVRA 
TORIA.  VETERAN.  ÏÏÏÏ 
EVOCATIVA  ÏÏÏ. 

Princeps  secundus  legionis  der.imœ  quartœ  geniinœ,  annorum 

sexaginta  qtiattior,  stipendiorum  quadraginla  sex ,  militiariim  sede- 
cim  ,  curaloria  veteranorum  quarla,  evocativa  leriia. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  45 

qu'à  soixante  livres,  des  flèches,  et  quelquefois 
même,  lorsqu'elles  étaient  employées  dans  le  siège, 
des  torches  enflammées,  qui  devaient  porter  lin- 
cendie  dans  les  villes'. 

'(  Les  balistes  et  les  onagres,  dit  Vitruve,  manœu- 
«vrés  avec  activité  par  des  gens  habiles,  sont  au- 
«  dessus  de  tout.  Il  n'y  a  contre  leurs  coups  au- 
«  cun  moyen  de  défense.  Semblables  à  la  foudre, 
«  ils  brisent  et  mettent  en  poussière  tout  ce  qu'ils 
«  frappent.» 

Chaque  légion  possédait  un  certain  nombre  de  ces 
machines  de  guerre,  montées  sur  des  roues,  quelle 
traînait  avec  elle  dans  toutes  ses  marches.  Par  le  Livre 
de  la  Notice,  nous  voyons  que  les  soldats  qui  les  ser- 
vaient formaient  un  bataillon  à  part,  placé  dans  des 
garnisons  particulières,  où  sans  doute  existait,  comme 
aujourd'hui  pour  notre  artillerie,  une  école  qui  les 
formait,  et  où  ils  s'exerçaient  au  tir  des  divers  pro- 
jectiles. 

Entre  Boppart  et  Bingen,  dernière  ville  où,  à  la 
même  époque,  était  placé  un  préfet  commandant  les 
soldats  qui  portaient  le  nom  du  lieu   même,  l'ins- 


*  Une  balisle  n'était  qu'une  grosse  arbalète.  Un  châssis  de  charpente 
lui  donnait  la  solidité  qui  était  nécessaire.  Son  ressort  consistait  en 
deux  écheveaux  de  cordes  de  boyaux  ou  de  crins ,  que  deux  bras , 
engagés  dans  le  centre,  et  tirés  à  l'aide  d'ud  cable  et  d'un  treuil ,  for- 
çaient à  se  tordre.  C'était  par  cette  l  rsion  progressive  que  l'on  accu- 
mulait une  force  d'impulsion  qui  se  dégageait  tout  entière  à  l'instant 
où  le  cable  qui  unissait  les  deux  bras ,  étant  parvenu  à  l'endroit  de  la 
détente,  se  redressait  subitement  en  chassant  le  projectile  devant  lui. 

(Encyclop.  nouvelle.) 


46  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

criplion  de  la  colonne  de  Tongres  cite  la  mansion  de 
Vosolvia  ou  d'Ober-WeseP. 

A  ce  lieu  que  l'antiquité  précise,  il  faut  ajouter  Sal- 
zig2  et  le  castel  de  Saint-Goar,  ainsi  que  celui  qui,  à 
l'opposé  des  ruines  de  Stahleck,  dominait  la  petite 
ville  de  Bacharacli,  que  le  géographe  de  Ravenne 
semble  avoir  voulu  désigner,  en  citant  dans  ces  en- 
virons un  lieu  du  nom  de  Boderecas.  Tous  ces  lieux 
ont  offert  quelques  antiquités. 

Le  fort  de  Bingen  que  Drusus  éleva  au  confluent 
du  Rhin  et  de  la  Nava,  couronna  indubitablement 
la  hauteur  où,  sur  ses  ruines,  fut,  au  moyen  âge, 
bâti  un  couvent.  La  bourgade  qui  s'étendait  à  ses 
pieds,  fut  plus  tard  augmentée  par  Julien,  circons- 
tance dont  le  poëte  Ausonne  fait  allusion  dans  ses 
vers,  lorsque,  chantant  le  voyage  qu'il  fît,  en  368, 
de  Mayence  à  Trêves,  il  décrit  le  cours  rapide  de  la 


1  La  Table  de  Théodose  en  fait  mention  sous  le  nom  de  Vosavia. 

2  On  a  voulu  faire  de  Salzig  le  Salissone  de  {'Itinéraire  d'Antonin , 
cité  comme  station  intermédiaire  entre  Baudobriga  et  Bingium ,  sur 
la  route  de  Trêves  à  Argentoratum.  Les  distances  indiquées  par  l'Iii- 
néraire  s'accordent  cependant  tellement  peu  avec  celles  de  ce  lieu  et 
des  villes  précisées  qu'il  faut  nécessairement  chercher  un  autre  em- 
branchement de  route  de  Trêves  à  Bingen.  Or,  les  traces  de  cette  route 
se  retrouvent  encore  depuis  Trêves  jusqu'à  la  Brims,  dans  les  environs 
de  Wadern ,  où  le  village  de  Bubrig  paraît  avoir  conservé  la  racine  du 
nom  antique  de  Bodobrigaou  Baudobriga,  et  de  là  jusqu'à  SienetKefers- 
heim,  où  le  village  de  Sulzbach  paraît  avoir  conservé  celle  du  nom  de 
Salisso.  Les  distances  s'accordent  parfaitement  avec  celles  de  l'Itiné- 
raire. La  route  allait  joindre  la  Nahe ,  dont  quelques  ruines  du  pont 
antique ,  par  suite  du  changement  que  le  cours  de  la  rivière  a  subi , 
sont  enfouies  sous  le  gazon  des  prairies,  et  suivait  l'angle  de  cette  ri- 
vière jusqu'à  Bingen. 


DU  KHIN  ET  DU  DANUBE.  47 

Nava  qu'il  traversa,  contemplant  les  nouvelles  mu- 
railles qui  avaient  été  ajoutées  au  vieux  bourg ^ 
Tacite  parle  aussi  de  Bingen  ^  quand,  à  une  époque 


'  Transieram  celerem  nebuloso  lumine  Navam 

Addita  miratus  veteri  nova  mœnia  vico  : 
Aequavit  Latias  ubi  quondam  Gallia  Cannas  ; 
Infletœqiie  jacent  inopes  super  arva  catervœ. 
Unde  iter  ingrediens  nemorosa  per  avia  solum , 
Et  nulla  humani  spectans  vestigia  cultuS; 
Prœtereo  arentem  sitienlibus  undique  terris 
Dumnissum,  riguasque  perenni  fonte  Tabernas , 
Arvaque  Sauromatum  nuper  metala  colonis. 
Et  tandem  primis  Belgarum  conspicor  oris 
Nivomagum  ,  divi  castra  inclyta  Constantini. 
Purior  hic  campis  aer;  etc. 

(Auson.,  Mosella,  1,2.) 

Le  champ  de  bataille  dont  parle  le  poëte  est  celui  où  Tutor  fut  vaincu 
avec  les  Trëviriens  et  les  autres  peuples  alliés  dans  sa  retraite  sur 
Bingen.  Tabernae  était  sans  aucun  doute  placé  au  bord  de  la  Heiden- 
pfûlze,  là  où  la  roule  romaine  forme  une  bifurcation  dont  l'embran- 
chemeut  principal  continue  sa  direction  vers  Neumagen,  et  dont  l'autre 
va  par  Haag,  Breit ,  le  pont  de  Bùdelich  et  Fell  aboutir  à  Trêves.  La 
Heidenpfùtze  est  elle-même  cette  fontaine  d'eau  pure  dont  parle  Au- 
sone,  et  qui  fournissait  l'eau  à  Tabernae.  Tout  autour,  l'on  trouve  des 
briques ,  et  l'on  y  a  même  déterré  les  restes  d'une  colonne  milliaire. 
Voy.  Steiniuger,  Geschichte  der  Trevirer  unter  der  Herrsc.'iaft  der  Bo- 
rner, p.  162  et  163. 

Quant  aux  colons  sarmates,  dont  parle  Ausone,  et  qui  étaient  ré- 
pandus sur  le  Hundsrùck ,  il  est  probable  (jue  ,  pour  réparer  la  dépo- 
pulation du  pays ,  occasionnée  par  les  irruptions  subséquentes  des  AUe- 
manes ,  Gratien  y  avait  transplanté  les  Sarmates  qui ,  pendant  la  guerre 
que  son  père  avait  porté  aux  Quades  et  à  leurs  alliés,  étaient  tombés 
au  pouvoir  des  Romains.  Il  s'agit,  dans  ces  vers,  des  environs  de  la 
lour  tronquée  [des  stumpfen  Tliunnes),  de  Hag ,  de  Morbach  et  de  Bi- 
schofskron. 

^  Tacite,  Hisf.,  iv,  70. 


48  ÉTABLISSEMENTS  ROiMAlNS 

antérieure,  déroulant  le  tableau  des  guerres  de  Ci- 
vilis,  il  nous  représente  Tutor,  h  la  tête  de  ses  Tré- 
viriens,  se  retirant  par  le  pont  de  la  Nava,  devant 
les  légions  restées  fidèles. 

Un  autel,  dédié  à  Jupiter,  et  élevé  sous  le  consulat 
d'Alexandre  Sévère  et  de  Dion  Cassius,  en  229  \  et 
un  autre,  sur  les  deux  faces  duquel  sont  sculptées  les 
figures  du  dieu  Mars  et  de  la  Victoire,  et  qui  sans 
doute  avait  été  dédié  à  ces  deux  divinités^,  furent 
retirés  du  sol  oii  le  lieu  antique  se  déployait  sous  la 
protection  du  castel,  un  peu  plus  éloigné  du  Rhin 
sur  la  Nahe,  que  ne  l'est  la  petite  ville  moderne. 
Les  monnaies  trouvées  dans  les  environs  de  Bingen 
sont  de  toutes  les  époques  de  la  domination  ro- 
maine. Placé  sur  la  grande  voie  militaire  du  Rhin, 
ce  lieu  reliait  les  communications  de  Trêves  et  de 
Mayence. 

La  route  antique,  jusqu'à  la  forteresse  rhénane, 
ne  longeait  pas  le  Rhin ,  comme  la  chaussée  moderne, 
mais,  traversant  en  ligne  directe  le  Hasselberg,  sur 

«  IN.  H.  D.  D. 

I.  0.  M.  PATRONVS 
PATRIiSVS.  ARA 
M.  DE.  SVO.  IN. 
SVO.  POSVIT. 

L.  L.  MEUTO 
D.  N.  SEVERO. 
ALEXANDRO.  III 
ET.  DIONE.  COS. 

-  Lehne ,  inscripl.  88. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  49 

la  gauche  de  Nieder-Ingelheim,  où  ses  traces  n'ont 
point  encore  tout  à  fait  disparu,  elle  partait  du  castel, 
au  bas  duquel  s'étendait  le  Bingium  romain,  tandis 
que  sur  la  place  qu  occupe  la  ville  moderne,  et  sur 
le  versant  de  la  montagne  que  recouvrent  ses  de- 
meures, se  groupaient  les  tombeaux  de  ses  habi- 
tants ^  C'est  en  suivant  cette  direction  que  nous  at- 
teignons Mayence. 

De  toutes  les  forteresses  du  Rhin,  Mayence  fut  la 
plus  renommée.  Son  nom  celtique  désigne  sa  position 
élevée  au-dessus  du  Mein,  qui,  en  effet,  débouche 
dans  le  Rhin  du  côté  opposé  de  la  rive  où  la  ville 
s'élève  en  amphithéâtre  et  dont  elle  domine  le 
cours. 

La  position  avantageuse  du  lieu  semble  de  bonne 
heure  avoir  porté  les  premiers  habitants  du  Rhin  à 
s'y  établir.  Soit  que  la  bourgade  qu  ils  y  fondèrent 
eût  été  renversé  par  les  Germains,  lorsque  ces  der- 
niers s'emparèrent  des  bords  du  fleuve,  soit  que  les 
chaumières  réunies  des  deux  peuples  fussent  encore 
groupées  quand,  h  leur  tour,  les  Romains  y  par- 
vinrent, il  est  certain  que  son  nom  s'était  conservé 
parmi  la  population  que  ces  derniers  y  trouvèrent, 
et  qu'ils  le  transmirent  au  castel  qui  s'éleva  sur  son 
emplacement. 

Ce  castel,  construit  par  Drusus,  recouvrait  la  par- 
tie la  plus  élevée  de  la  ville  moderne,  sur  le  Linsen- 
berg. Comme  tous  les  camps  romains,  sa  forme  était 

'  On  en  a  retiré  une  foule  tianliquilés,  de  vases  cinéraires,  de  li- 
crvnialoires,  etc. 

n.  * 


50  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

un  carré  parfait,  aux  miiraillescrénelées  et  flanquées 
de  tours  fortes,  dans  lequel  quatre  portes  donnaient 
entrée.  Par  celle  de  gauche  principale  conduisait  la 
route  du  Haut-Rhin,  et  par  celle  de  droite,  la  chaus- 
sée que  nous  venons  de  suivre  depuis  Bingen.  Par 
la  porte  Prétorienne  l'on  descendait  au  Rhin,  où 
un  pont,  jeté  sur  le  fleuve,  joignait  le  castel  de 
Mayence  avec  celui  de  Drusus,  bâti  sur  la  rive  droite 
chez  les  Mattiaques;  par  la  porte  Décumane,  qui  lui 
était  opposée,  on  se  dirigeait  vers  Alzey. 

Au  temps  d'Adrien,  deux  moindres  forts  furent 
élevés  sur  les  flancs  du  camp  principal;  l'un,  dans 
la  direction  nord,  en  avant  de  Gonzenheim,  l'autre, 
dans  cefle  du  sud,  au  delà  de  Weissenau.  Ils  flan- 
quaient les  abords  de  la  forteresse  du  côté  gauche 
du  fleuve,  comme  nous  avons  vu  que,  sur  la  rive 
droite,  deux  fortins  aussi  défendaient,  au  nord  et  au 
sud ,  les  approches  de  la  cité  des  Mattiaques. 

Au  sein  du  castel  s'élevaient  le  Prétoire,  la  Questure, 
les  Archives\  et  d'autres  monuments  publics,  ainsi 

'  Construites,  ainsi  que  nous  l'atteste  une  inscription,  en  l'an  217, 
sous  le  consulat  de  C.  Bruitius  Prœsens  et  de  Titus  Messius  Exlricalus. 
La  voici  : 

DEAE.  PALLADI.  C. 

AVR.  FESTINVS.  y 
STRAT.  CI.  MOC.  E.  T 
///  GNATIANI.  LEO 
TABVLARIAM.  PENSI 
LEM.  A.  SOLO.  FECIT 
ADIVTORE.  CoSIO 
xMARTlNO.  PRAE/// 
A\E.  T.  EXTRICATO.  C. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  51 

qu'un  temple  de  Diane,  un  autre  de  Pallas,  et  les  au- 
tels de  la  Foitune  de  retour^de  Minerve, de  la  For- 
lune  et  du  génie  du  lieu^. 

Devant  la  porte  Décumane  était  le  réservoir  de 
Drusus,  auquel  aboutissait  l'aqueduc  dont  les  traces 

»  PRO.  SALVTE.  IMP.  M.  AV 

REL.  Commodi.  ANTO^M 

PII.  FELICIS. 
FORTVNÂE.  REDVCl 

LEG.  XXTl  PR.  P.  F.  G.  GEiNTL 
IVS.  VICTOR.  VET.  LEG 
XXII.  PR.  P.  F.  M.  H.  M.  NEGOT 
lATOR.  GL\DIARIVS 
TESTAMENTO.  SVO.  FIERI 
IVSSIT.  ADIIS.  N.  VÏÏTmIL 

Pro  sainte  imperatoris  Marci  Atirelii  Commodi  Antonini,  pii,  feli- 
cis ,  Fortunœ  reduci  legionis  XXU  primirjeniœ .  piœ,  fidelis ,  Cajus  Gen- 
tilius  Victor,  veteranus  legionis  XJIl  primigeniw ,  piœ,  fidelis,  missus 
honesta  missione .  negotiator  gladiarius  ^  testamento  suo  fieri  jussit, 
adjectis  sestertiis  nummis  Vlll.  millihus. 

'^  MLNERVAE.  FORTV 

NAE  REDVGI 
ET  GEMO  HVI 
VS.  LOCI.  CET 
ERIS  DIS  DEA 
BVSQVE.  IMMO 

rtalibus 

llllllllllllllllllllll 


52  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

se  découvrent  encore,  et  près  des  ruines  duquel  ont 
aussi  été  retrouvés  deux  autels,  lun,  dédié  à  Jupiter 
et  aux  déesses  mères',  1  autre,  aux  dieux  lares  car- 
re fou  riens  ^. 

Ce  fut  proche  de  ce  réservoir  que,  lorsque  le  poi- 
gnard eut  atteint  Alexandre  Sévère,  un  cénotaphe 
lui  fut  érigé, 

La  roule  antique  traversait  le  village  de  Zahl- 
bach,  et  c'est  tout  le  long  de  son  cours  que  se 
découvrent  surtout  les  tombes  de  la  garnison  ro- 
maine, composée,  à  différentes  époques,  ainsi  que 
nous  l'indiquent  les  inscriptions  de  ces  tombeaux^, 
de  la  première,  de  la  quatrième,  de  la  quatorzième, 
de  la  seizième,  de  la  vingt  et  unième  et  de  la  vingt- 
deuxième  légion,  dune  cohorte  d'Asturiens  et  de 

'  covi 

ET  MA 
TRIB 
\S.  PE 
RPET 
V\.  P 
V.  S.  L  L  D.  S. 

2  LARIBVS 

COMPETALI 
BVS.  SIVE 
QVADRIVI 


Voy.  Fuchs,  Geschichte  von  ilainz. 

3  Ils  sont  au  nombre  de  plus  de  80.  Voy.  Leline,  Rumische  Alter- 
thùmer  der  Gauen  des  Donnersbergs ,  t.  l  et  n. 


DU  lUlIN  ET  DU  DANUBE.  53 

Callaïques,  peuple  du  nord-ouesl  de  l'Espagne,  de  la 
première  cohorte  des  Lucentiens  espagnols  ^  de  la 
première  cohorte  des  ïturéens,  peuple  renommé  par 
son  adresse  à  tirer  l'arc^  et  de  deux  ailes  de  cavalerie 
du  Norique  et  d'Espagne. 

A  ces  troupes  il  faut  ajouter  la  cinquième  cohorte 
des  Dalmates,  l'aile  Indiane,  dont  nous  avons  aussi 
lu  une  inscription  à  Woringen,  une  cohorte  préto- 
rienne, une  autre  de  Rhétiens  et  de  Vindéliciens,  un 
nombre  d'explorateurs,  une  cohorte  de  Thraces  et 
une  autre  aile  de  cavalerie,  du  surnom  de  Ruson, 
nom  qu'elle  semble  avoir  adopté  de  son  fonda- 
teur. 

Sur  les  tombes  de  tous  ces  soldats,  la  piété  d'une 
mère,  dun  fils,  d'un  ami,  a  gravé  une  inscription 
qui  instruit  la  postérité  de  leur  amour,  de  leur  dou- 
leur ou  de  leur  devoir  accompli. 

Le  castel  inférieur  d'Adrien  était  lié  au  castel  su- 
périeur par  un  chemin  qui  circulait  au  bas  de  la  mon- 
tagne où  était  posé  le  camp  principal,  devant  lequel, 
du  côté  du  sud,  s'étendait  le  champ-de  Mars,  et  sé- 
levait  le  temple  de  ce  dieu. 

A  côté  de  ce  temple  était  placé  le  mausolée  de 
Drusus,  dont  la  ruine  immense  est  encore  debout, 
et  que  n'ont  pu  anéantir  les  dix -huit  siècles  dont  il 


1  De  Lucentum,  le  moderne  Alicante ,  ou  de  Lucus  Augusli,  aujour- 
d'hui Lugo. 

Voy.  Pline,  Hist.  nat.,  1.  m,  c.  4,  §  6. 

^Cicéron.,  Philipp.,  ii,  44.  Ils  habitaient  la  Cœlesyrie,  près  de 
l'Anti -Liban.  Strabon,  Geogr.,  1.  xvi ,  c.  2,  §  18,  20.  Pline,  1.  v, 
c.  19. 


54  ÉTABLISSEMENTS  nOMAINS 

a  VU  passer  les  générations^Plus  loin  se  développait 
rampilhéâlre. 

C'est  proche  des  ruines  du  premier  des  deux  forts 
que  je  viens  de  mentionner,  que  furent  trouvés  l'autel 
dédié  aux  sept  divinités  qui  présidaient  aux  sept  jours 
de  la  semaine,  celui  d'Hercule  et  celui  du  Génie  de 
la  jeunesse^. 

Ce  dernier  est  surtout  du  plus  grand  intérêt  pour 
l'histoire  municipale  de  Mayence,  en  ce  qu'il  nous 
indique  un  des  quartiers  qui,  autour  de  l'enceinte 
de  ce  camp  et  sous  la  protection  de  ses  murailles, 
se  groupèrent  en  municipe. 


^  Eu  1828  fut  trouvé  un  bas- relief ,  représentant  le  héros  avec  l'ins- 
criplion  suivante  :  IN  MEMORIAM  DRVSI  GERMANICI.  Fuchs,  dans 
son  Histoire  de  Mayence .  t.  I,  p.  70,  cile  un  monument  à  peu  près 
semblable.  Peut-être  est-ce  le  même  monument ,  le  même  autel  sur 
lequel  les  habitants  des  Gaules  venaient  annuellement  sacrifier,  et  de- 
vant lequel,  selon  Suétone,  les  guerriers,  sur  le  champ  de  Mars,  ho- 
noraient par  des  évolutions  et  des  exercices  militaires  la  mémoire  de 
l'illustre  Romain. 


IN.  H.  D.  D. 
GENIO.  COLLEGÏ 
IVVEMVTIS.  ACVTIVS 
VRSVS.  ET  ACVTIÂ.  VRSA 
DONViM.  DEDERYNT 
IMP.   Cœs  M.  Aurel. 
Antonino,  pio ,  fid. 
Aug.  m.  ET  COMA 
ZONTE 

COS.  'An  220  de  Jcsus-Chrisl. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  *  55 

L'absence  de  toute  inscription  autre  que  celles 
des  légionnaires,  pendant  tout  le  cours  du  premier 
siècle,  semble  être  une  preuve  que,  pendant  cet  es- 
pace de  temps,  la  population  de  Mayence  fut  essen- 
tiellement militaire.  Ce  ne  fut  que  lorsque  le  repos 
commença  à  régner  sur  le  Rhin,  sous  lempiie  de 
Nerva,  de  Trajan,  d'Adrien,  qu'attirés  par  les  spé- 
culations de  commerce,  qu'une  telle  place  de  guerre, 
défendue  par  une  garnison  de  près  de  vingt  mille 
hommes,  devait  nécessairement  développer,  des  ha- 
bitants, soit  d'Italie,  soit  des  contrées  transrhénanes, 
vinrent  s'établir  sous  ses  murailles. 

Alors  se  formèrent  diversquartiers  et,  entre  autres, 
celui  auquel  se  rapporte  1  inscription  que  nous  ve- 
nons de  signaler,  et  celui  du  surnom  de  Salutaire, 
qui  nous  est  aussi  attesté  par  une  autre  inscription  \ 
et  qui,  se  retrouvant  à  Rome,  d'après  la  description 
que  Sextus  Rufuset  Publius  Victor  font  de  cette  ville, 
laisse  présumer  que  ce  fut  à  l'imitation  des  divers 
quartiers  de  celte  capitale  que  furent  nommés  ceux 
de  Mayence,  par  les  citoyens  romains  qui  s'y  éta- 
blirent. 

Le  municipe  s'étendait  incontestablement  sur  le 
versant  de  la  colline,  du  côté  du  Rhin,  où  se  groupe 
aujourd'hui  en  amphithéàlie  la   ville   moderne,  et 

'  I.  0.  M.  ET 

IVNOM.  REGIMAE 
VICAM.  SALVTARES 


Suivcnl  les  noms. 


56  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

OÙ  furent  encore  décoiiveiies ,  il  y  n  peu  d'an- 
nées, trois  pierres  enrichies  d'inscriptions,  dont 
l'une  est  surtout  intéressante  en  ce  qu'elle  nous 
atteste  au  sein  de  la  cité  la  présence  des  arus- 
pices'. 

Les  inscriptions  qui  nous  restent  nous  prouvent, 
d'un  autre  côté,  que,  comme  à  Cassel  les  habitants 
du  Taunus  s'étaient  mêlés  aux  Mattiaques,  ces  mêmes 
habitants  s'étaient  aussi  mêlés  à  Mayence  aux  citoyens 
romains,  et  que  ces  deux  genres  de  citoyens  for- 
maient la  population  de  la  cité.  Attirés  sans  doute 
par  les  Romains  au  sein  de  ces  deux  villes,  ces  habi- 
tants du  Taunus  semblent  s'y  être  établis  en  même 
temps  et  avoir  reçu  dans  l'une  et  dans  l'autre  le  pri- 
vilège de  leur  nationalité. 

Ce  litre  de  citoyen  romain  de  Mayence  et  de  ci- 
toyen du  Taunus  n'est  toutefois  inscrit  sur  la  pierre 
que  lorsqu'il  s'agit  des  magistrats  particuliers  aux 


'  La  voici 


TIB.  ADN.  SEQVENS 

PRO.  SALVT.  SVA.  T.  SaV 

.      ^CETAE.  CON.     .     .     . 

JRMI 

T.  SATVRNIN.  AVRELIYS 
PRO    SALVTE.  SVA.  ET 
IVNIAE.  LVCILIAE 
COiMVG.  ET.  TITI.  M 
APOLLINÂRIS.  FILI, 
HARVSPICIB.  COL.  D.  1». 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  57 

uns  OU  aux  autres';  car,  dans  les  inscriptions  qui 
regardent  un  acte  public,  c'est  la  cité  elle-même 
que  nous  trouvons  mentionnée  ;  elle  comprenait  sous 
ce  titre  tous  les  citoyens  qui  l'habitaient'^. 


C.  SERTORIVS.  L.  F 
OVF.  TERTVLLIANVS 
VETERANVS.  LEG  XYI 
CVRATOR  CIVtVM  ROMAN 
MOGVrsTIACI. 


IN  H.  D.  D. 

DEAE.  LVNAE 

MARCELLINIVS 

PLACIDINVS 

D.  C.  R.  MOG. 

ET.  MARTIMA 

MARTINA  ME 

EX  VOTO  P.  I. 

TACITO.  ET  AEMI 

LIANO  COS.      (An  276.) 

Decurio  civium  romanorum  Moguntiaci. 

D.    M. 
C.  PATERNI.  POSTVMINI.  DEC.  C.  TAV 
NENSIVM.  YIRI  SACERQOTASIS.  PRAGMA 
TIC  PATERNIA.  HONORATA.  FIL.  ET.  HE 
RES.  PER  SVOS  PARENTES 

F.   C. 


IN 

IVNONI.  .  .  . 
MINERVAE  .  . 
BVSQVE.  IMP  . 
SALVTE.  ET.  IN 
DD.  NOSTROI  . 
iMAXIMIANI  .  . 
AVGVST0RV3  . 
ET  MAXIMI  .  . 
CIMTAS.  MOG    . 

.V LIO.  T  A\' 

.     .     \     .     .    yETI 


In   konorein  domus  divinœ,  Jovi  et)  Junoni  {reginœ),  Minervtp,  {Su- 


58  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Sur  les  bords  du  Rhin  fut  trouvé  un  autel,  dédié  à  Ju- 
piter et  au  génie  du  lieu,  élevé  en  198  de  Jésus-Christ, 
par  un  signifère  de  la  vingt-deuxième  légion,  qui  en 
même  temps  était  inspecteur  du  port^  Un  autre 
autel,  cité  par  Muratori^  était  dédié  à  Junon  et  au 

mini)  busqué  imp'erii,  pro]  salute  et  in{columitate')  dominorum  nostro- 
(rum  Diocletiani  et)  ilaximiani,  {invictorum]  augustorum  (Constantii] 

et  Maximi'ani  cœsarum,)  civitas  iIog{untiacensis.) 

(dedicavit). 

J'ai,  ci-dessus,  parlé  de  cette  inscription  dans  une  note  (t.i,  p. 272), 
en  décrivant  les  antiquités  de  Ladenbourg.  Elle  a  probablement  été  buri- 
née sur  le  marbre  en  292  de  l'ère  chrétienne.  La  pierre  qui  la  supportait, 
trouvée  à  Mayence ,  avait,  comme  je  l'ai  dit,  été  transportée  à  Laden- 
bourg  et  fut  plus  tard  déposée  à  Mannheim.  J'observera'  que  Schœpflin , 
qui  a  cité  celte  inscription;  Gruter,  qui  l'a  insérée  dans  son  recueil; 
Lehne ,  qui  en  a  fait  l'historique ,  diffèrent  dans  la  leçon  qu'ils  en  ont 
donnée. 

»  I.  0.  M. 

ET.  GENIO.  LOCI 
L.  SEPTIM.  lYLIVS 
SIG.  LEG.  XXÏi.  PR 
OPTIO.  NAVALIorum 
V.  S.  L.  L.  M. 
SATVRNINO 
ET  GALLO.  COS. 

2  I^^NONI.  REG.  ET 

GENIO.  LOCI.  L 
CRESCENTINIVS 
LEG.  V.  S.  L.  L.  M. 
DED.  X.  KAL.  AVG. 
IMP.  D.  N.  A!>rONl 
NO.  COS.  (An  139,  140  ou  145  de  J.  C.) 

Muratori,  i,  p.  cccxxvi,  3. 


DU  RTIIN  ET  DU  DANUBE.  59 

génie  du  lieu,  et  fut  érigé  sous  l'un  des  consulats  de 
l'empereur  Antonin,  le  10  des  Kalendes  d'Auguste, 
le  même  jour,  par  conséquent,  ou  se  célébraient  les 
Neptuniales,  fêtes  accompagnées  de  sacrifices  et  de 
jeux  publics.  C  était  donc  là  que  s'étendait  le  port, 
donnant  abri  en  même  temps  aux  bateaux  que  le 
gouvernement  pouvait  entretenir  pour  le  transport 
de  ses  troupes  sur  le  Rhin ,  et  aux  bateaux  de  com- 
merce qui  descendaient  ou  remontaient  le  fleuve. 

A  l'époque  de  Constantin,  lorsque,  sous  lui,  l'Em- 
pire fut  partagé  en  quatre  grandes  préfectures,  régies 
chacune  par  un  préteur,  et  que  les  trois  diocèses 
d'Espagne,  de  Bretagne  et  de  la  Gaule  proprement 
dite  furent  réunis,  Mayence  continua  toujours  d  être 
la  capitale  de  la  Germanie  supérieure  ou  première, 
une  des  dix-sept  provinces  qui  constituèrent  la  Gaule. 
Dans  ses  murs  alors  résida  un  des  ducs  qui  furent 
mis  à  la  tête  des  douze  divisions  de  l'armée  que 
commandait  en  chef  le  maître  de  la  cavalerie.  Le 
pouvoir  de  ce  duc  s'étendait  depuis  Andernach  jus- 
qu'à Selz,  où  commençait  la  subdivision  militaire 
d'Argentorat,  sous  les  ordres  d'un  cornes,  laquelle 
touchait  au  sud  le  territoire  sur  lequel  commandait 
le  duc  qui  résidait  à  Olino'.  La  ville  romaine  de 
Mayence  fut  démantelée,  en  406 ,  par  les  Allemanes, 
après  avoir  eu  déjà,  sous  Constance  II,  à  supporter 
les  déprédations  de  ces  peuples.  Ce  qui  avait  alors 
été  épargné,  ce  qui  avait  été  de  nouveau  rebâti, 
fut  détruit  de  fond  en  comble. 

'  Voy.  ci-dessus,  t.  i,  p.  184. 


60  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

C'est  sur  ces  ruines  relevées,  mais  renversées  de 
nouveau  par  les  Huns  et  par  les  Francs  que,  lors- 
qu'enGn  l'Empire  de  ces  derniers  se  fut  étendu  sur 
tout  le  Rhin,  la  ville  épiscopale  de  Mayence  se  déve- 
loppa. 

Aucun  reste  d'architecture  de  l'antiquité  romaine 
ne  s'est  conservé  in  tact  dans  la  cité.  Ce  n'est  qu'en  fouil- 
lant ce  sol,  si  souvent  remué,  que,  çà  et  là,  quel- 
ques débris  de  constructions,  un  autel,  une  tombe, 
une  statue  mutilée,  de  nombreuses  monnaies,  ou 
des  tronçons  d'armes,  peuvent  être  rendus  à  la 
science. 

Tout  près  de  Mayence  sont  les  deux  villages  de 
Gonzenheim  et  de  Bretzenheim.  Dans  le  premier 
furent  retrouvées  les  traces  d'un  bain  antique  et  d'un 
aqueduc.  Bretzenheim  a  aussi  offert  quelques  ins- 
criptions'. 

Ce  dernier  lieu  reçut  son  nom  des  Bretons  que 
Rome  transplanta  sous  la  forteresse  de  Mayence.  Ils 
y  peuplèrent  la  bourgade  de  Sicila,  qui  reçut  d'eux 
le  nom  de  Ficus  Brittanorum,  dernier  nom  sous  le- 
quel les  documents  du  huitième  siècle  le  citent  en- 
core^. 

Cette  transplantation  de  Bretons  sur  les  bords  du 
Rhin  a  été  l'objet  du  doute  de  plusieurs  savants, 


'  El  entre  autres  de  la  deuxième ,  de  la  quatrième  et  de  la  quator- 
zième légion.  Voy.  Lehne,  inscript,    t.  n. 

^  In  villa  nominata  Prittonorum;  in  monte  Prittonorum;  in  villa 
Brittanorum;  in  villa  Brettanorum.  VoY.  Schanuat.,  Irad.  Fuldenses, 
ii«2,  40,  52. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  61 

sans  qu'elle  me  paraisse  cependant  plus  extraordi- 
naire que  celle  de  colons  Sarniates,  que  le  poëte  Au- 
sonne  cite  entre  Trêves  et  Mayence,  cultivant  les 
sommets  du  Hundsriick^  C'est  une  politique  que 
Rome  suivit  trop  souvent  et  dont  nous  avons  trop 
d'exemples  pour  qu'elle  puisse  nous  surprendre.  Tout 
porte  à  croire  que  ce  fut  à  la  suite  de  la  quatorzième 
légion,  à  laquelle  Mayence  dut  l'origine  de  ses  for- 
tifications, et  qui,  plus  tard,  envoyée  en  Bretagne, 
y  acquit  par  sa  valeur  le  surnom  de  Martia  et  de 
Victn'x,  que  ces  Bretons  furent  amenés,  lorsque  cette 
légion  fut  de  nouveau  rappelée  sur  le  Rhin  par  Ves- 
pasien^. 

Ce  qui  donne  une  importance  historique  à  l'endroit 
qui  leur  fut  assigné  pour  demeure ,  c'est  le  meurtre 
qui  y  fut  commis,  le  19  mars  de  l'an  235,  sur  la  per- 
sonne d'Alexandre  Sévère.  Lampride^  place  le  lieu 
de  cet  assassinat  dans  la  Bretagne,  ou  ,  selon  d'autres, 
dit-il^  à  Sicila  dans  la  Gaule.  Aurelius  Victor*  dit 
que  ce  fut  dans  un  bourg  de  Bretagne,  du  nom  de 
Sicila. 

Jules  Capitolin^  rapporte  que  l'empereur  se  trou- 
vait dans  la  Gaule  lorsque  le  poignard  le  frappa; 
Euirope*^  est  du  même  avis.  Jornandès'  enfin  cite 


'  Voy.  ci-dessus,  p.  4.7. 

-  An  70  de  Jésus-Christ. 

■^  Alex.  Sever.,  c.  59. 

*  Aurei.  Vict.,  part,  ii,  c.  24.. 

s  Jul.  Capit.,  cl. 

'■'  Eutrop.,  VII,  12. 

'  .Tornandès ,  De  regnor.  successione .,  c.  50. 


62  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Mayence  comme  le  lieu  de  l'assassinat.  Tous  ces  pas- 
sages, qui  semblent  se  contredire,  s'accordent  dans 
une  vérité,  savoir,  que  ce  fut  à  Sicila,  pioche  de 
Mayence,  bourg  habité  par  les  Bretons,  que  cet  em- 
pereur fut  massacré  parles  soldats. 

Sicila  était  placée  près  du  chemin  qui  de  Mayence 
conduisait  à  Altiaia,  lieu  antique,  qui  s'est  perpétué 
sous  le  nom  d'Alzey ,  et  où  Valentinien  I,  qui  y  reçut 
une  ambassade  des  Bourguignons,  signa  une  de  ses 
ordonnances \ 

Nous  laissons  à  droite  cette  route,  et  nous  sui- 
vons, sur  les  bords  du  Rhin,  les  traces  de  l'antique 
chaussée  romaine,  sur  laquelle  encore,  çà  et  là,  cir- 
cule la  route  moderne.  Quelques  tombes  ont  été  dé- 
couvertes dans  cette  direction  près  de  Laubenheim,  et 
surtout  celle  d'une  esclave,  du  nom  de  Lycnis,  que 

1  On  y  a  trouvé  trois  inscriptions;  l'une,  dédiée  à  Minerve,  l'autre 
à  la  Fortune,  et  la  troisième  aux  Nymphes.  Cette  dernière,  posée  le 
10  des  Kalendes  de  décembre ,  sous  le  consulat  de  Maximus  et  de  Pa- 
pyrius  iElianus  (an  de  Jésus-Christ  223),  est  la  plus  intéressante  en 
ce  qu'elle  confirme  le  nom  antique  de  l'endroit, 

F.a  voici  : 

IN.  H.  D.  D. 
D\  NYMPHIS 
VICANI.  AL 
TIAIENSES 
AUÂM.  POS\^R 
CVRA.  OSTOi>I 
LiBERTI.  T.  OSTONl 
CASSI.  X.  K.  DEC 
MXiMo.    E.  AEL'NO.  COS. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  63 

je  ne  cite  ici  que  pour  mentionner  l'âge  extraordi- 
naire auquel  parvint  la  femme  que  cette  pierre  re- 
couvrait, et  qui,  d'après  l'inscription,  vécut  au  delà 
d'un  siècle  et  demi^ 

Celte  chaussée  conduisait  à  Bonconica,  aujour- 
d'hui Oppenheim,  lieu  qui  n'est  cité  pendant  toute  la 
période  romaine  que  par  la  seule  Table  de  Théodose. 
Le  silence  que  garde  de  cet  endroit  la  Notice  de  l'Em- 
pire peut  l'aire  présumer,  ou  qu'il  était  de  peu  d'im- 
portance, ou  que,  détruit  par  les  Allemanes,  ce  cas- 
tel  n'avait  point  été  relevé  lorsque  cette  Notice  fui 
écrite. 

Ce  qui  peut  donner  quelque  poids  à  cette  der- 
nièie  assertion,  c'est  que  le  bain  de  iNieistein,  situé 
tout  auprès,  et  dont  la  source  thermale,  mise  à  profit 
par  la  population  gallo-romaine,  a  été  retrouvée  au 
commencement  de  ce  siècle,  n'a  lui-même  offert 
qu'une  suite  de  monnaies  qui,  remontant  jusqu'à 
l'empire  de  Domilien,  cessent  avec  celui  de  Pos- 
thume. 

'  LYCNIS 

Q.  EPlH) 

ANCILL// 
ANN.  V.  CL. 
ET.  MEN  lllt 

H.  S.  E. 

FELIXS 

POSIT. 

Lycnis ,  Q.  Epidii  ancill  i  ,  annos  vixil  centitm  et  quinquaginta  et 
menses  quatuor,  hic  sila  est.  Félix  suo  posuil. 


64  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Ces  monnaies,  déposées  dans  la  source,  entou- 
rées de  globules  de  gypse,  et  toutes  remarquables 
par  la  beauté  de  leurs  empreintes,  sont  des  témoins 
muets  de  la  reconnaissance  de  ceux  qui  un  jour  vou- 
lurent sans  doute  consacrer  la  date  des  secours 
qu'ils  avaient  reçus  des  divinités  qui  y  présidaient,  et 
que  nous  fait  connaître  un  autel  dédié  à  Apollon  et 
à  Sirona'. 

Nous  avons  déjà  lu  une  inscription  sur  le  Necker 
qui  nous  parle  de  cette  déesse,  la  même  divinité 
gauloise  sans  doute  que  la  Diane,  reine  de  l'onde, 
dont  parle  une  autre  inscription  antique  de  la  Pan- 
nonie^. 

Ces  monnaies,  selon  moi,  précisent  le  temps  où 
ces  lieux  étaient  florissants  et  oii,  détruits  et  dévas- 
tés, ils  cessèrent  d'être  en  usage.  Ce  furent  les 
Gaulois  qui  vinrent,  pendant  la  domination  romaine, 
s'établir  sur  les  bords  du  Rbin,  qui  probablement 
mirent  les  premiers  cette  source  à  profit,  et  qui  lui 
donnèrent  le  nom  de  Neri,  nom  qu'un  document  du 
huitième  siècle  lui  accorde  encore  ^  et  qu'un  autre 
petit  endroit  de  la  Gaule  centrale,  également  célèbre 

<  DEO 

APOLLIM 
ET  SIRONAE 
IVLIA  FRON 

TINA. 
V.  S.  L.  L.  M. 

•^  Voy.  Griller,  p.  xxxix ,  8. 

■''  Seri-stein.  Eckliart .  (omm.de  reb.  l'raiiciœ  orient..  I.  I,  \).  .'591, 


DU  UUIN  ET  DU  DANUBE.  65 

par  ses  eaux  thermales,  portail  aussi '.Tout  fait  pré- 
sumer que,  par  souvenir  des  contrées  d'où  ils  étaient 
sortis,  ces  colons,  en  formant  ce  nouvel  établisse- 
ment, lui  avaient  donné  un  nom  qui  leur  rappelait 
leur  patrie  primitive. 

Bonconica  formait  la  station  intermédiaire  entre 
Mayence  et  la  cité  des  Vangiones.  Dans  ses  murs  fut 
un  jour  postée  l'aile  de  cavalerie  picentine,  dont 
quelques  tombes  ont  été  trouvées  dans  ses  envi- 
rons. 

La  route  romaine,  au  delà  de  ce  fort ,  a  laissé  quel- 
ques traces  prèsd'Alsheim.En  1824,  fut  aussi  retirée 
du  sol  la  pierre  qui  recouvrait  en  ce  lieu  la  tombe 
d'un  singulare  à  pied  consulaire^. 

Comme  Bonn,  Andernach,  Bingen,  Mayence,  et 
la  plupart  des  autres  lieux  de  la  rive  gauche  du  Rhin, 
la  métropole  des  Vangiones  ne  fut  d'abord  occupée 
parles  Romainsque  militairement.  La  peuplade  ger- 
maine des  Vangiones  avait  indubitablement  trouvé 
cette  bourgade  déjà  établie  par  la  population  celtique 
qui,  antérieurement  à  elle,  habitait  cette  partie  du 
fleuve,  et  qui  l'avait  nommée  du  nom  de  Borbeto- 
magus^;  elle  devint  sa  métropole.  Lorsque  plus  tard, 

*  Aquœ  Neri,  aujourd'hui  Néris  en  Bourbonnais. 

2  Lehne  ,  inscript.,  t.  ii,  p.  315. 

"•*  On  la  trouve  mentionnée  aussi  sous  les  noms  de  Borbitomagus , 
Borgilotnagus  et  Dormitomagus,  etc.  Bormitomagus  semble  être  la 
leçon  la  plus  récente  ,  si  l'on  réfléchit  à  la  contraction  allemande  de 
Worms,  que  son  nom  antique  a  éprouvée.  Comp.  l'inscription  de  la 
colonne  de  Tongres ,  Hennequin ,  ouvrage  cité  ;  les  variantes  de  Vlti- 
néraire  (ÏAntonin,  édit.  de  Partbey  et  Pinder;  la  Table  de  Théo- 
dose^  etc. 

II.  ^ 


66  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

SOUS  la  tutèle  de  la  forteresse  que  Drusus  y  bâtit,  la 
civilisation  romaine  y  fut  implantée,  ce  fut  à  la  fois 
sous  le  nom  que  les  habitants  primitifs  lui  avaient 
donné,  et  sous  celui  de  cité  des  Vangiones,  que  le 
municipe  qui  s'y  forma  fut  désigné. 

Ce  titre  de  cité  que  portaitcette  ville  nous  est  attesté 
à  la  fois  par  Ammien  Marcellin  et  par  l'inscription 
d'une  pierre  qui  fut  déposée  sur  la  tombe  d'un  sévir 
augustalien  de  la  classe  des  citoyens  âgés  ^  Cette 
classe,  comme  on  sait,  comprenait  tous  ceux  qui 
avaient  atteint  l'âge  de  quarante- cinq  ans,  tandis 
que  la  classe  des  jeunes  hommes  comprenait  ceux 
qui  étaient  âgés  de  dix -sept  à  quarante -cinq  an- 
nées. 

Cette  classification  des  citoyens  qui  pouvaient  avoir 
part  aux  emplois  de  la  cité,  était  dans  tous  les  mu- 
nicipes  des  provinces  copiée  sur  celle  qui  existait  à 
Rome,  où  cette  institution  datait  de  Servius  Tul- 
lius. 

Le  sol  de  cette  cité,  si  cruellement  dévasté  par  les 
Allemanes  et  par  les  Vandales,  et  plus  lard,  à  deux 
reprises,  par  les  Huns  et  par  les  Normands ,  a ,  dans 
les  divers  sièges  qu'elle  eut  alors  à  supporter,  et  à  la 

*  D.     M. 

C.  CANDIDIO.  MARTINO.  IIIIIIVIRO 

AVGYST.  C.  SENIOR. 
SEVERIA.  SEVERA.  CONIVX 
ET.  CANDIDIA.  SIVE,  MARTINIA 
DIGNILLA.  FILIA.  FAC.  CVR. 

Tirée  d'un  manuscrit  des  archives  de  Worms. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  67 

suite  desquels  l'incendie  la  dévora,  perdu  jusqu'aux 
traces  des  antiques  constructions  romaines.  Elle  se 
releva  cependant  chaque  fois  de  ses  ruines,  et  déjà 
sous  les  Bourguignons,  et  plus  tard  sous  l'empire 
des  Francs ,  où  elle  prit  le  nom  de  cité  royale\  et  où 
elle  fut  ornée  d'un  magnifique  palais"^,  elle  fut  encore 
une  des  villes  les  plus  florissantes  du  Rhin. 

Au  milieu  de  la  poussière  des  bâtiments  romains 
n'ont  été  trouvées  que  quelques  antiquités,  telles  que 
des  autels  où  il  fut  sacrifié  aux  dieux,  des  pierres 
mortuaires  qui  recouvrirent  les  tombes  de  légion- 
naires ou  de  cohortales,  des  urnes  cinéraires,  des 
statuettes  de  diverses  divinités,  des  bijoux,  des  tron- 
çons d'armes,  des  monnaies. 

Les  inscriptions  qui  ornent  ces  pierres  parlent  de 
la  seizième  légion  et  de  la  cohorte  rhélique,  de  la 
première  cohorte  de  Thrace,  de  l'aile  Indiane,  de 
celle  d'Espagne,  de  l'aile  Agripiane,  et  d'une  autre, 
commandée  par  un  tribun  de  la  septième  légion  et 
composée  de  Scubuliens,  peuple  dont  nous  ignorons 
le  séjour,  si  ce  ne  sont  pas  des  habitants  de  Scupi, 
sur  les  bords  de  l'Axius,  dans  la  Dardanie^ 


'  Civitas  regia, 
'  Insigne  palathim. 

^  C.  RABVRIVS 

FESTVS.  TRIB.  LEG. 
vît.  g.  F.  PRAEF 
ALAE.  SCVBYLORVM. 
10  VI. 
II. 


68  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Au  dernier  temps  de  l'occupation  romaine,  la  ville 
servit  aussi  de  garnison  à  la  deuxième  légion,  du 
surnom  de  Flavienne.  Elle  portait  alors  le  nom  de 
Vangionnej  nom  sous  lequel  elle  est  citée  par  Ammien 
Marcellin  et  par  la  Notice  de  VEmpireK  Ce  nom  ce- 
pendant ne  semble  plus  avoir  été  en  usage  sous  la 
domination  des  Bourguignons,  qui  changèrent  son 
nom  primitif  de  Borbelomagus  ou  Bormilomagus  en 
celui  de  Bormaiia,  et  par  contraction  en  celui  de  Vor- 
?wa/m;,  et  deWorms,  qu'elle  portait  seul  encore  du 
temps  des  Mérovingiens. 

U Itinéraire  d'Anlonin  conduit  directement  de  cette 
villeàNoviomagus,  sans  faire  mention  du  fort  d'Alt- 
rippe,  qui  se  trouvait  placé  sur  le  Rhin  entre  les 
deux  cités. 

Nous  avons  déjà  eu  occasion ,  en  parlant  de  la  for- 
teresse que  Valentinien  I  bâtit  à  l'embouchure  du 
Necker,  de  citer  ce  dernier  castel,  dont  le  lit  du  fleuve 
recouvre,  selon  toute  probabilité,  aujourd'hui  l'em- 
placement, tandis  que  dans  la  plaine  est  posé  le  petit 
village  qui  a  conservé  son  nom  antique,  et  qui  s'é- 
tend encore  sur  la  place  de  la  bourgade  que  le  fort 
dut  dominer  des  bords  du  Rhin,  ainsi  que  son  nom 
nous  l'indique. 

Du  sein  des  décombres  du  lieu  romain ,  qui  est 
cité  par  le  Code  de  Théodose'^  et  par  la  Notice  de  V Em- 
pire"^, qui  y  place  un  préfet  militaire,  ont  été  retirées 


1  Anim.  Marcel.,  1.  xvi,  c.  2.  —  ISot.  dign.  imp.  occid.,  c.  8. 

-  Codex  Theodos.,  leg.  4,  tit.  31,1.  XI. 

^  Grœvii  Tkesaur.  antiq.  roman.,  t.  vil,  p. 2002. 


bu  luiiN  ET  DU  dânubh:.  ~         69 

plusieurs  antiquités  du  plus  grand  intérêt.  Je  citerai 
entre  autres  un  autel,  dédié  à  Jupiter  et  h  Junon, 
du  troisième  siècle^;  un  autre  monument  du  même 
genre,  consacré  au  dieu  Mars  et  à  la  divinité  tulé- 
laire  des  Nemèles,  et  surtout  plusieurs  fragments  de 
pierres  milliaires,  dont  les  inscriptions  sont  d'autant 
plus  précieuses  que  l'une  d'elles^  nous  confirme  le 
litre  de  cité  porté  par  la  métropole  des  Nemètes, 
titre  qui  nous  est  aussi  attesté  par  une  autre  colonne 
milliaire,  trouvée  à  une  demi-lieue  au  delà  de  Sa- 
verne  du  Rhin. 

C'est   de   la   métropole   que    les    distances  sont 
désignées  sur  les  deux   pierres.   Le  lieu  où  a  été 

i  1.  0.  M 

IVN  REG  REG 
VS  PO  ENS 
VS  X  K  OCT 
GORDIANO 
VG    E  AVIOLA 

coss. 

Jovi  optimo  maximo  et  Jiinoni  Reginœ  Reginius  Potens  volum solvit , 
decimo  kalendas  octobres ,  Gordiano  Augusto  et  Aviola  ConsuUbus. 

(An  239  de  Jésus-Chiisl.) 


-  La  voici 


IMP  CAES///R 
VALLICINI'   . 
//iCINlOPl  10 
/////NV  AVG. 
.     G.  N. 
L.  11. 


70  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

retirée  du  sol  la  pierre  d'Alta-Ripa ,  ne  peut  avoir  été 
toutefois  celui  où  elle  fut  primitivement  placée,  vu 
que  la  distance  désignée  par  elle  ne  répond  point  à 
celle  qui  sépare  les  deux  lieux.  Il  faut  penser  que  ce 
monnnient  aura  été  transporté  ici  pour  servir  plus 
tard  à  d'autres  bâtisses.  La  pierre  de  Saverne^  au 
contraire,  contient  sur  son  inscription  une  distance 
conforme  à  celle  qui  existe  effectivement  du  lieu  où 
elle  a  été  trouvée  à  l'ancienne  cité  dont  elle  fait 
mention  ^ 

Nous  voyons  par  ces  deux  pierres  que  sous  l'em- 
pire de  Licinius  on  répara  cette  route,  h  l'entre- 
tien de  laquelle  Trajan,  Antonin- le -Pieux,  Marc 
Aurèle  et  Maximin  avaient  déjà  auparavant  donné 
leurs  soins. 

Il  paraît  que  ce  fut  de  chaque  métropole  des  di- 
vers peuples  du  Rhin  que  les  distances  furent  alors 
indiquées. 

Je  le  préjuge   du  moins   par  l'inscription  d'une 

y  IMPERATORI.  CESARI 

VALERIO.  LICINIANO  ET 
LICINIO  NORILIS 
SIMO.  CESARI 
C.  N.  iv  XIII. 

Imperatori  Cœsari  Valerio  Liciniano  et  Licinio  nobilissimo  Cœsari; 
a  Civilate  Nemetum  L.  Xlll. 

La  Table  de  Théodose  cite  de  Novioniagus  à  Tabernœ  douze 
lieues  gauloises;  la  pierre  qui  nous  occupe  a  été  trouvée  à  une  lieue 
plus  loin  ;  la  distance  marquée  par  l'inscription  est  donc  exacte. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  71 

autre  colonne  niilliaire  de  Brumath,  dont  le  point  de 
départ  était  la  cité  des  Triboques^ 

Par  quel  événement  le  nom  de  Licinius  fut-il  ins- 
crit sur  ces  pierres ,  lui  qui ,  fait  césar  par  Galère 
Maximien,  en  307,  et  salué  empereur  en  Pannonie, 
un  an  après,  n'eut  jamais  la  Gaule  dans  son  gouver- 
nement? 

C'est  une  de  ces  énigmes  historiques  qu'il  est 
difficile  de  deviner  II  faut  admettre  cependant  que 
cette  voie  porta  son  nom.  Comme  les  mêmes  pierres, 
posées  en  son  honneur,  se  retrouvent  jusque  dans 
les  Alpes  pennines  ^,  il  est  à  croire  qu'il  vint  de 
l'Italie  dans  la  Gaule,  pendant  qu'on  était,  peut-être, 
occupé  de  la  réparation  de  cette  route,  et  que,  par 
déférence  pour  sa  personne,  et  pour  conserver  la 


'  IMP.  CAES.  PVB 

LIO.  LICIMO 

VALERIANO.  PIO 

FELICI.  INVICTO 

AVGVSTO.  CIV. 

TRIBOCORVM. 

Voy.  Schœpflin  ,  Alsat.  illustr.,  t.  ii ,  p.  551. 

2  LMP  CAES.  .  VA 

.  .  ICIMANO  LICIMO 
P  F  INVICTO  AVG 
F  C  VALL.  OCT. 
M  P  XVII 

Forum  Claudii  Vallensium  Octodurus. 
Voy.  Orelli ,  Inscript.,  n°  337. 


72  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

mémoire  de  ce  voyage,  on  inscrivit  son  nom  sur  ces 
bornes  milliaires. 

Ce  qui  rend  surtout  précieuses  pour  l'histoire  de 
ces  contrées  celles  d'Altrippe  et  de  Saverne,  c'est 
que,  posées  au  nord  et  au  sud  de  la  cité  dont  elles 
marquent  l'éloignement,  elles  précisent  quelle  fut  la 
métropole  des  Nemètes,  dont  il  est  impossible  de 
révoquer  en  doute  l'existence  dans  la  ville  de  Spire. 
Ce  qui  ajoute  à  cette  certitude,  c'est  la  pierre  trouvée 
à  Godramstein,  avec  l'inscription  au  dieu  Visucius, 
de  laquelle  j'ai  déjà  fait  mention  en  commentant 
celle  de  Kœngen  sur  le  Necker,  adressée  à  ce  même 
dieu. 

Cette  pierre  nous  atteste  que  le  territoire  de 
Godramstein  était  dans  l'enclave  de  la  cité  des  Ne- 
mètes, dont  un  décurion,  qui  en  même  temps  était 
médecin  de  la  cité,  éleva  le  temple  dédié  à  Visu- 
cius ^ 

A  ces  preuves  on  peut  ajouter  l'inscription  de  l'au- 
tel d'Altrippe,  élevé  au  dieu  Mars  et  à  la  déesse  Ne- 

»  VESVCIO 

ADa\I  C^M  SFGN 

c  candidivs 
ca^pyrtsInys 

D.  C.  c.  SN  T.  JBC 

C.  reîiE.  FEC 

Vesucio  œdem  cum  sîgno  C.  Candidius  Calpurnianus,  decurio  civium 
collegii  senium  et  medicus  civitatis  Nemetum  ,  fecit. 

Comp.  ci-avant,  1. 1,  p.  245  et  276,  les  deux  autres  inscriptions 
adressées  à  ce  dieu. 


DU  KHIN  ET  DU  DANUBE.  73 

metone\  divinité  locale,  qui  ne  peut  avoir  été  que 
la  déesse  tutélaire  des  Nemètes.  Le  courage  de  ce 
peuple  que  les  annales  historiques  nous  dépeignent 
entreprenant  et  guerrier,  explique  l'association  du 
culte  de  cette  divinité  et  de  celui  du  dieu  Mars  ro- 
main. 

Toutes  ces  preuves  monumentales,  soutenues  par 
les  textes  de  Ptolémée ,  des  deux  Itinéraires  et  de  la 
Notice  de  VEmpire,i\éivm'àeni  le  doute  qu'on  a  cherché 
à  élever  de  nos  jours  sur  la  vraie  position  qu'occu- 
pait cette  peuplade-. 

Altrippe,  quoique  tard  mentionnée  dans  l'histoire, 


»  MARTI  ET  PCMETO 

NAE 

SILYIMVSTVS 

E  DVBITATVS 

V  S  L  L  P. 

Marti  et  Netnetonœ  Silvinius  Justus  et  Dubitatus ,  votum  solventes 
lasti ,  libenter  posuerunt. 

2  Entre  autres ,  le  baron  de  Leuisch  ,  Ueber  die  Belgen  des  Julius 
Cœsar.  Giessen  1844.  in-8°.  L'auteur,  dont  nous  avons  cité  le  mémoire, 
en  parlant  des  Caracates,  s'appuie  sur  divers  passages  de  Pline  et  de 
Tacite  (Pline,  Bist.  nat.,  1.  iv,  c.  31;  Tacite,  Germania,  c.  28),  où 
ces  deux  écrivains ,  en  faisant  mention  des  Nemètes ,  des  Triboques 
et  des  Vangiones ,  interposent ,  en  effet ,  dans  leur  citation  les  Tri- 
boqnes  entre  les  deux  autres  peuples ,  pour  tirer  de  ces  passages  une 
preuve  historique  et  géographique  sur  la  position  respective  qu'occu- 
paient ces  trois  nations  au  bord  du  Rhin.  Il  place  donc  sur  la  carte  qui 
accompagne  son  mémoire ,  les  Nemètes  à  Strasbourg ,  les  Triboques  à 
Spire,  et  les  Vangiones  à  Worms.  Les  inscriptions  que  nous  venons  de 
citer  détruisent  mieux  que  ne  pourraient  le  faire  tous  nos  raisonne- 
ments les  assertions  erronées  de  l'auteur. 


74  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

paraît  cependant  être  d'une  origine  fort  reculée.  Un 
autel,  dédié  au  génie  des  bénéficiaires  consulaires* 
de  la  Germanie  supérieure  et  à  la  Concorde  du  lieu, 
déterré  il  y  a  peu  d'années,  nous  prouve  par  son 
inscription,  datée  du  deuxième  siècle,  que  le  lieu 
romain  existait  à  cette  époque  déjà  depuis  longtemps, 
puisque  le  temple  que  décorait  cet  autel  fut  alors 
lui-même  réparé.  Le  nom  de  l'endroit  annonce  une 
origine  essentiellement  romaine,  et  il  est  permis  de 
croire  que  le  castel  primitif  fut  élevé  par  Drusus. 
Plus  tard,  Valentinien  le  rétablit,  et  il  paraît  même, 
par  un  passage  de  Symmaque,  que  sous  ces  murs 
l'empereur  attaqua  et  défit  un  corps  d'Allemanes'^. 

Spire  est  située  au  bord  du  Rhin ,  à  deux  lieues  en- 
viron plus  au  sud  qu'Ai Irippe. 

Le  nom  que  porte  cette  ville  date  de  l'époque 


*■  I   N    y^ — V     D   D. 

geMo  bfcosgset 
loci  concordwr 

u-  I  A  HCIV.  lADVaSTVS 
BF  COS  DP  ////////////// 

////ag///:bvrrocs 

VS        L        LM 
V///irM      REST 

In  honorem  domus  divinœ,  Genio  beneficiariorum  consularium  Ger- 

maniœ  superioris  et  loci  Concordiœ Julius  Âdventus ,  be- 

neficiarius  consulis,  imperatore  M.  Aurelio  Commodo  Antonino  Au- 
gusto  tertium  et  Burro  Consulibus,  volum  solvens  libens  lœtus  merito, 
templum  restituit. 

(An  181  de  Jésus-Christ.) 

2  Orat.  II.  laudd.  in  Valentinian.,  c.  3,  p.  16. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  75 

Franque,  alors  que  tout  le  pays  fut  partagé  en  diffé- 
rents cantons,  qui  reçurent  presque  toujours  le  nom 
des  principales  rivières  qui  les  parcouraient.  La  Spira 
donna  le  sien  au  Spirachgau,  et  ensuite  à  la  ville 
principale  de  l'arrondissement.  Le  nom  de  Neo-  ou 
Noviomagus  cessa  d'être  en  usage,  et  celui  des  Ne- 
mètes  disparut  même  entièrement. 

Peu  d'antiquités,  comparativement  à  d'autres  lieux 
d'une  bien  moindre  importance,  ont  été  conser- 
vées dans  nos  musées,  provenant  de  cette  ancienne 
cité. 

Un  autel,  dédié  à  JupiteretàJunon';  un  autre,  sans 
inscription,  mais  revêtu  de  bas-reliefs  des  quatre  di- 
vinités présidant  à  la  naissance,  à  l'éducation,  à  la 
vie  active,  et  enfin  aux  derniers  moments  de  l'homme^; 
un  autre  encore,  dédié  aux  génies  des  carrefours^, 
sont  les  seules  pierres  qui  nous  soient  parvenues 


ET  IVNONI 

REGINAE 

VECCIINIVS 

SIMILIS.  ET 

SVPERINI 

A.  DECVMIL 

LA.  V.  S.  L.  L.  M. 

2  Junon ,  Minerve ,  Hercule  et  Mercure. 

3  L'inscription  de  ce  dernier  autel  est  exactement  la  même  que  celle 
que  j'ai  transcrite  ci-avant,  trouvée  dans  les  ruines  de  Rottweii  (t.  i, 
p.  222}.  Il  est  à  croire  que  ce  fut  le  même  Romain  qui  éleva  l'un  et 
l'autre  autel  dans  ces  deux  villes ,  où  il  paraît  avoir  successivement 
résidé. 


76  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

relatives  à  son  culte.  La  quatrième  légion,  du  surnom 
de  Flavienne,  paraît  y  avoir  été  postée;  nous  avons 
trouvé  la  tombe  d'un  soldat  de  cette  légion,  qui 
prit  part,  dit  l'inscription,  à  l'expédition  de  Ger- 
manie. 

Comme  cette  légion  fut  formée  en  Syrie  parVespa- 
sien,  lors  de  la  guerre  de  Judée,  et  que  ce  ne  fut 
que  sous  Alexandre  Sévère  qu'elle  vint  sur  le  Rhin, 
il  paraît  probable  que  l'expédition  de  Germanie  dont 
il  est  ici  fait  mention ,  fut  celle  de  Maximin'. 

La  Notice  de  l'Empire  cite  cette  ville  comme  le 
siège  d'un  préfet  militaire,  placé  sous  les  ordres 
du  duc  de  Mayence^.  Malgré  les  désastres  sans 
nombre   auxquels   Spire   fut   livrée ,    malgré   son 

'  Voici  l'inscription  : 

D.  M. 
AVR.  VITALl 
MIL.  LEG.  IIU.  FL 
STIP.  VU.  VIXIT 
AN.  XXV.  AGENS 
EXPEDITIONE 
GERMAMAE.  FL 
AVIVS.  PROCL 
VS.  MIL.  LEG.  SS. 
SECViNDVS.  HERES 
CONTVRERNALI 
BENE.  MEREN.  F.  C. 

Voy.  Steiner,  Cod.  inscript,  rovi.  liheni,  n°  17". 
2  Nolit.  dignit.,  édit.  citée ,  p.  2001. 


DU  UIlliN  ET  DU  DANUBE.  77 

anéantissemenl  total  aux  temps  des  Allemanes,  re- 
nouvelé dans  les  guerres  du  dix-septième  siècle,  où 
elle  resta  déserte  pendant  dix  ans,  on  montre  en- 
core, non  loin  du  Rhin,  les  restes  d'une  tour  qui 
date  de  l'époque  romaine,  et  non  loin  du  dôme,  où 
le  culte  du  Christ  succéda  au  culte  de  Jupiter,  les 
débris  d'une  porte  antique  que  l'on  attribue  égale- 
ment au  grand  peuple. 

Vllinéraire  d'Antonin  conduit  directement  de  la 
cité  des  Nemètes  au  fort  de  Saverne,  sans  parler 
du  Julius  Ficus  que  cite  la  Notice  de  V Empire  \ 

De  Spire  à  Saverne,  le  Rhin  forme  de  nombreux 
détours,  et  le  génie  militaire  des  Romains  leur  fit 
sentir  le  besoin  de  veiller,  pour  la  sûreté  de  leurs 
grandes  forteresses,  au  passage  du  fleuve  dont  la 
disposition,  en  ces  parages,  pouvait  surtout  offrir  de 
grandes  facilités  aux  barbares.  A  l'embouchure  de  la 
Queich  fut  donc  élevé  un  castel  protecteur,  autour  du- 
quel une  bourgade  semble  s'être  formée,  maisqui  n'est 
point  citée  par]  Itinéraire,  parce  que  la  grande  voie  mi- 
litaire,en  remontant,  laissait  à  gauche  cette  position. Ce 
que  ce  lieu  nous  a  offert  de  plus  intéressant,  c'est  l'ins- 
cription qui  fut  placée  sur  le  temple  de  la  déesse  Maïa-, 

'  Notit.  dignit  ,  p.  2001. 

2  DEAE.  MAIIAE 

AEDEM.  A.  SOLO.  FE 
CIT.  C.  ARRIVS.  PA 
TRVITVS.  BF.  COS. 
V.  S.  L.  L.  M. 

Deœ  Maïœ  cedem  a  solo  fecit  Cajus  Arriiis  Patruitus ,  beneficiarius 
consnlaris ,  votitm  solvens  libens  lœlus  merito. 


78  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

celle  Pléiade  aimée  de  Jupiter,  laquelle  en  eut  Mer- 
cure, et  dont  nous  avons  déjà  vu  le  culte  associé 
à  celui' de  son  fils  sur  les  bords  du  Necker. 

La  pierre  qui  la  supporte,  trouvée  sous  le  sol  en  1 834, 
est  d'autant  plus  remarquable  que  le  nom  de  cette 
déesse  est  plus  rarement  cité.  C  était  elle  cependant 
qui  donnait  son  nom  au  mois  consacré  à  Vénus,  et 
pendant  lequel  se  célébrait  la  fête  de  Mercure,  fête 
à  laquelle  elle  était  associée  pour  linfluence  que  son 
astre  bienfaisant  exerçait  sur  la  navigation. 

Saverne  est  à  peu  près  à  la  même  distance  de  Ger- 
mersheim,  situé  sur  l'emplacement  de  l'établisse- 
ment romain  de  Julius  Viens ^  que  ce  dernier  l'est  de 
Spire. 

On  a  aussi  trouvé  au  delà,  sur  le  sol  que  recouvre 
le  village  de  Herth,  quelques  bas-reliefs,  provenant 
de  l'époque  gallo-romaine. 

Trois  lieux  du  nom  de  Saverne  existent  encore, 
placés  sur  les  débris  des  trois  Tabernœ  des  Ro- 
mains. 

L'un,  celui  que  nous  foulons,  est  posé  dans  la 
plaine,  non  loin  du  Rhin;  et  les  deux  autres  sont 
situés  au  pied  des  montagnes ,  sur  le  revers  desquelles 
se  dressaient  les  tours  crénelées  de  leurs  castels.  Le 
plus  célèbre  fut  celui  qui,  au-dessus  du  val  de  laZorn, 
dominait  toute  la  plaine  d'Alsace,  et  qui,  fortifié  par 
Julien,  servit  à  cet  empereur  de  point  de  départ,  et 
en  quelque  sorte  de  place  d'armes,  dans  son  expé- 
dition contre  les  Allemanes,  qu'il  battit  sous  les  murs 
d'Argentorat.  De  tout  temps  la  route  qu'il  défendait 
servit  de  grande  voie  de  communication  entre  la 


DU  UIIliN  ET  DU  DANUBE.  79 

vallée  (lu  Rhin  et  les  vallées  de  la  Meuse,  de  la  Marne 
et  de  la  Seine.  On  y  a  trouvé  quelques  pierres  monu- 
mentales, et  entre  autres,  tout  près  du  lieu,  un  autel 
qu'un  Gaulois,  du  nom  de  Magiorix,  et  un  Romain, 
appelé  Quintus,  élevèrent  ensemble  à  Mercure  et  à 
Apollon  ^ 

Saverne  du  Rhin  n'est  citée  que  dans  XJlinéraire 
d'Anlonin  et  par  la  JSotice  de  l'Empire.  Le  grand 
nombre  d'antiquités  romaines  qui  y  ont  été  décou- 
vertes de  nos  jours,  annoncent  toutefois  que  l'établis- 
sement qu  y  avait  fondé  le  grand  peuple,  n'était  pas 
sans  importance.  Pour  l'étude  de  l'art,  sous  les  Ro- 
mains, ces  antiquités,  qui  surtout  comprennent  des 
bronzes,  des  bas-reliefs  et  de  petits  autels  en  terre 
cuite,  sont  extrêmement  précieuses;  pour  l'histoire 
du  lieu ,  elles  ne  le  sont  pas  moins ,  en  ce  qu'elles  nous 
prouvent  le  commerce  considérable  de  poterie  qui 
s'y  faisait.  S'il  faut  croire  le  rapport  qu'un  habitant 
de  l'endroit  fit  à  feu  M.  Schweighseuser,  on  y  aurait 
trouvé  plus  de  trente  fours,  destinés  à  la  cuisson  de 
la  poterie  rouge 2.  Les  inscriptions  demi- barbares 

»  MERCVRIO 

ET  APOLLIM 
MAGIORIX.  ET 
QVINTVS.  SECVN 
DI.  FIL.  V.  S.  L.  JI. 

^Notice  sur  les  antiquités  gallo-romaines  de  BJieinzabern ,  par 
Schweighseuser,  dans  les  Mémoires  de  la  dixième  session  du  Congrès 
scientifique  de  France,  p.3o0.  — Voy.  aussi  Antiquités  de  Rheinzabern, 
publiées  par  M.  Maller,  d'après  les  manuscrits  de  M.  Schweighseuser. 
in-i». 


80  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

qui  souveiil  sont  inscrites  sur  ces  terres  cuites,  et  les 
noms  inconnus  des  divinités  auxquelles  souvent  aussi 
elles  sont  adressées,  ne  forment  point  la  partie  la 
moins  intéressante  de  ces  objets. 

Déjà  à  une  époque  antérieure  avait  été  trouvé  à 
Saverne  un  superbe  bas -relief  en  marbre,  repré- 
sentant Apollon,  Minerve  et  Mercure,  élégamment 
groupés,  un  autel  consacré  à  ce  dernier  dieu\  et  une 
pierre  monumentale,  dont  l'inscription  prouve  la 
construction  ou  réparation  des  ponts  du  lieu  an- 
tique'^. 

Il  est  à  regretter  que  la  qualité  de  celui  qui  en 
entreprit  les  travaux  n'y  soit  pas  signalée,  ce  qui 
aurait  pu  donner  quelque  lumière  sur  le  régime  mu- 
nicipal de  l'endroit. 

1  DEO 
MERCVRIO 
5\NSVTVS 
AFRACI.  F. 
OCIATIA 
SECVNDA 

V.  S.  L.  L.  M. 

Deo  Mercurio  Mansuetus,  Afraci  filins,  et  Ocintia  Secunda  votum 
solverunt ,  etc. 

2  IN  H  DD. 
L.  SILVANIVS 

PROBVS 

PONTES 

D.  S.  n.  D. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  81 

Le  troisième  Saverne  est  situé  sur  la  hauteur  qui 
domine  h  l'enlrëe  des  Vosges  le  cours  de  l'Erlenbach, 
ruisseau  qui  baigne  aussi  le  territoire  de  Saverne  du 
Rhin,  et  qui  se  jette  dans  le  fleuve  non  loin  de  ce 
dernier  lieu. 

Quoique  l'endroit  ne  soit  nommé  par  aucun  auteur 
romain,  son  nom  et  un  monument  consacré  au  dieu 
des  Vosges  qu'on  y  a  trouvé  ne  peuvent  laisser  de 
doute  sur  l'existence  d'un  établissement  du  grand 
peuple'. 

L'inscription  de  celte  dernière  pierre  est  du  plus 
grand  intérêt  pour  Ihistoire  du  culte  dans  ces  régions. 
Le  paganisme  symbolisait  la  nature  entière;  les 
fleuves,  les  montagnes,  tout  avait  son  génie  pro- 
tecteur. 

La  chaîne  des  Vosges  eut  le  sien  auquel  on  sacrifia , 
et  qui,  comme  Diane,  au  sein  de  l'Abnoba,  comme  le 
dieu  Pennus ,  dans  les  Alpes  penniques,  comme  la 
déesse  Ardoinna,  dans  les  Ardennes,  y  était  invoqué 
sous  le  nom  de  Vosegus. 

Une  seconde  route,  partant  de  la  cité  des  Nemètes, 
semble,  sous  la  protection  du  castpl  de  Tabernae, 
avoir  suivi  la  pente  des  montagnes  et,  par  Concordia 
et  Brocomagus,  avoir  joint,  comme  la  route  du  Rhin , 
la  forteresse  d'Argenlorat.  Vilinéraire  d'Anlonin  cite 


«  VOSEGO 

MAXSIl 

MLNVS 

V.  S.  L.  L. 

Voseyo  Maxsiminus  volutn  solvit  lubens  libenler. 
U. 


82  ÉTABLISSEMENTS  ROMAIKS 

du  moins  cette  voie  de  communication.  Quoique  toute 
trace  de  l'antique  chaussée  ait  disparu,  la  direction 
que  V Itinéraire  nous  donne  de  Spire  à  Brumath ,  situé 
sur  l'emplacement  de  Brocomagus,  semble  devoir 
nous  conduire  nous- même  au  village  d'Altstatt  sur 
la  Lauler,  près  de  Wissembourg,  oii,  en  effet,  nous 
sommes  assuré  que  les  Romains  avaient  un  établis- 
sement. 

La  quantité  de  monnaies,  de  fragments  de  po- 
terie et  d'autres  antiquités,  déterrés  en  ce  lieu,  et 
une  inscription  qu'un  préposé  à  la  garde  des  armures 
de  la  vingt-deuxième  légion,  conjointement  avec  un 
de  ses  parents',  burina  sur  une  pierre  consacrée  à 
Mercure,  et  qui ,  retirée  du  sol  d'Altstatt,  fut  plus 
tard  transportée  à  Saint-Rémy,  ne  peuvent  laisser 
de  doute  à  ce  sujet. 

Il  est  probable  que  l'endroit  aura  été  détruit  et 
saccagé  par  le  vindicatif  Allemane,  et  abandonné 

'  Ils  portaient  du  moins  tous  deux  le  même  nom  de  Nagissius. 

Voici  l'inscription  : 

IN  H  D  D 
DEO  MERCVR 
10.  AEDEiM.  AR 
AM.  ATTIAN 
VS.  MAGISS.  ET 
MAGISSIVS.  II 
IBERNVS  G.  A. 
LEG  XXII  P.  P.  F 


In  honorem  domus  divinœ,  Deo  Mercurio  œdem  [posuerunt  "t)  aram 
Altianns  Magissius  et  Magissius  Hibernus ,  citstos  armorum  legio- 
nisAXU  primigeniai.  pieu ,  fidelis.  . 


DU  lUlIN  ET  DU  DANUBE.  83 

par  ses  habitants.  Il  est  probable  encore  qu'au  lieu 
de  revenir  sur  les  ruines  encore  fumantes  de  leurs 
demeures,  ils  les  transportèrent  à  quelque  distance, 
et  que  ce  fut  de  ces  nouvelles  constructions,  éclatantes 
de  blancheur,  que  le  nouveau  lieu  fut  nommé.  Peu 
à  peu  le  nom  antique  de  l'établissement  primitif  fut 
oublié. 

Toutefois  le  terrain  qu'il  avait  recouvert  ne  le 
fut  point;  et,  lorsque  avec  le  temps  d'autres  habi- 
tations s'élevèrent  sur  ces  débris,  ce  fut  toujours 
sous  le  nom  d'Allsladt  ou  de  la  vieille  ville  que  ce 
groupe  de  maisons  continua  de  s'appeler. 

Plus  rapproché  du  Rhin,  sur  le  même  torrent, 
semble  avoir  été  placé  le  fort  de  Tribuni  ou  Tribun- 
cum,  dont  parle  l'historien  Ammien  IVlarcellin.  Cet 
auteur,  en  décrivant  la  campagne  de  Julien  contre 
les  Allemanes,  dit,  en  effet,  que  Chnodomar,  l'un 
de  leurs  rois,  avait  posé  son  camp  en  ce  lieu,  afin 
que  «si  le  sort  lui  était  contraire,  il  pût  se  réfugier 
abord  de  ses  embarcations'.»  Le  fort  de  Tribuni 
devait  donc  être  situé  non  loin  du  fleuve. 

Or,  près  de  Laulerbourg^  ont  déjà  souvent  été 
trouvés  des  fondements  de  bâtisses  et  des  monnaies 
romaines,  qui  semblent  attester  que  le  grand  peuple 
y  avait  un  établissement.  Il  n'est  pas  sans  quelque 
vraisemblance  que  c'est  le  même  que  celui  cité  par 
l'historien. 

<  castra,  quœ  prope  Tribuncos  et  Concordiam  munimenta  Ro- 

mana  fixit  intrepidus ,  ut  escensis  navigiis,  dudiim  paratis  ad  casus 
ancipiies ,  in  secretis  se  secessibus  amandaret.  Âmm.  Marcel.,  1.  XVI, 
c.  12. 

II.  6- 


84  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Vïlméraire  cependant  n'en  fait  pas  mention ,  non 
plus  que  la  Carte  routière  de  Théodose. 

Cette  dernière  conduit  directement  de  Tabernae 
h  Salelio,  et  de  là  h  Brocomagus  et  à  Argentorat, 
tandis  que  V Itinéraire,  comme  nous  l'avons  dit,  donne 
deux  routes  difïérentes,  celle  du  Rhin  et  celle  des 
montagnes. 

L'antique  Saletio  est  en  grande  partie  recouvert 
par  le  lit  du  Rhin  qui,  en  se  ruant  sur  les  terres  d'Al- 
sace, a  englouti  les  décombres  de  cette  ville.  Son  nom 
cependant  s'est  perpétué  dans  le  bourg  de  Selz,  que 
les  habitants,  forcés  de  fuir  le  fléau,  ont  reconstruit 
à  quelque  distance. 

Ammien  cite  ce  lieu  parmi  ceux  dont  les  AUemanes 
s'étaient  emparés  et  que  l'empereur  Julien  reprit  sur 
eux. 

On  le  trouve  aussi  mentionné  dans  la  Notice  de 
l'Empire,  qui  y  place  un  préfet  militaire,  sous  les 
ordres  du  duc  de  Mayence,  du  gouvernement  duquel 
cette  ville  formait  la  limite. 

Au  delà  s'étendait  le  territoire  des  Triboques, 
dont  la  cité  était  Brumath ,  ainsi  que  nous  l'a  indiqué 
la  colonne  milliaire  trouvée  près  de  ce  lieu*. 

Nul  auteur  de  l'antiquité  n'a  cependant  donné  ce 
titre  à  cette  ville;  et  l'on  a  pensé  que  le  mot  de  cité, 
inscrit  sur  cette  pierre,  ne  regardait  point  la  ville 
de  Brumath  particulièrement,  mais  toute  la  cité,  c'est- 


•  Voy.  ci-dessus,  p. 71.  Un  document  du  moyen  âge  nomme  encore 
ce  lieu  Hruochmagat ,  corruption  du  latin  Broromaijus.  Voy.  Lau- 
risfiemense  Chronicov,  dans  la coUection  de  Duchesne,  t.  m,  p.  501. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  85 

à-dire  la  nation  des  Triboques  en  général.  Toutefois 
c'est  une  hypothèse  qui  ne  peut  être  admise ,  parce 
qu'il  est  bien  apparent,  par  la  colonne  milliaire  qui 
nous  occupe,  que  c'était  une  colonne  de  départ 
des  différentes  routes  romaines  dans  l'enclave  de 
la  cité,  pierres  que  Strabon  désigne  sous  le  nom 
de  xaTEOii]lo^ivi]Vy  et  que,  par  conséquent,  le  lieu 
même  où  elle  fut  trouvée  dut  être  la  métropole  de 
la  nation. 

Car,  quoique  le  mot  de  cité  comprît  toutes  les  villes  et 
châteaux  forts  situés  dans  l'enclave  de  la  cité  même, 
c'était  toujours  dans  la  ville  principale  de  l'arrondis- 
sement qu'était  le  siège  de  la  juridiction,  et  c'était 
aussi  de  ce  centre  que  les  distances  étaient  comp- 
tées. 

Or,  sur  la  pierre  milliaire  que  nous  avons  devant  les 
yeux,  il  n'existe  aucun  chiffre;  ce  qui  prouve  bien 
que  le  centre  de  l'administration  de  la  cité  était  la 
ville  même  au  sein  de  laquelle  la  colonne  avait  été 
posée. 

Brumath,  fondé  parla  population  celtique  du  Rhin, 
avant  même  que  la  peuplade  germaine  des  Triboques 
ne  vînt  s'asseoir  sur  cette  partie  du  fleuve,  dut  donc 
être  un  établissement  d'une  importance  majeure. 
Nul  lieu  romain  dans  toute  l'Alsace  n'a  livré  un 
nombre  plus  considérable  d'antiquités  de  toute  es- 
pèce. 

On  y  a  trouvé  des  monnaies  d'or,  d'argent  et  de 
billon  de  tous  les  empereurs  des  quatre  premiers 
siècles,  des  vases  de  diverses  argiles,  des  urnes  ci- 
néraires, des  camées,   des  bijoux    de   différentes 


86  ÉTABLISSEMEINTS  ROMAINS 

sortes,  et  plusieurs  objets  d'art  et  de  sculpture,  entre 
autres  un  autel,  sur  trois  côtés  duquel  sont  repré- 
sentés Vénus  ,  Minerve  et  Apollon. 

Un  autre  autel,  avec  une  inscription  adressée  à  Ju- 
piter et  à  Junon\  est  orné  sur  ses  deux  faces  latérales 
de  génies  qui,  par  les  emblèmes  que  leur  a  donnés 
l'artiste,  semblent  devoir  être  Castor  et  Pollux. 

Comme  toutes  les  villes  du  Rhin,  florissantes  sur- 
tout pendant  l'époque  des  Antonins,  Brumath  eut  à 
souffrir  plus  tard  des  déprédations  des  Allemanes, 
lors  des  différentes  irruptions  que  ces  peuples  firent 
dans  les  Gaules.  Us  étaient  en  possession  de  cette 
cité,  lorsque  Julien,  descendant,  comme  nous  l'avons 
dit,  de  Saverne,  et  longeant  les  bords  de  la  Souffel, 
vint  leur  livrer,  sous  les  murs  d'Argentoral,  la  ba- 
taille sanglante  qui  en  délivra  le  pays.  Au  cinquième 
siècle,  ils  la  reprirent  et  en  rasèrent  les  murailles. 
C'est  à  côté  des  ruines  du  lieu  antique  que  se  sont 
relevées  plus  tard  les  demeures  du  lieu  moderne,  qui 
ne  renferme  lui-même  rien  de  romain. 

Argentorat  n'était  situé  qu'à  vingt  mille  pas  de 
cette  cité. 

1  Voici  l'inscription  : 

I.  0.  M. 
ET  lYSO^l 
REGI  ....  ELYC 
miVS.  YICT 
VRVS.  EX.  V. 

Jovi  optimo  Maximo  et  Jutioni  reginœ  Elucinius  Victurus  ex  voto. 


DU  RUIN  ET  DU  DANUBE.  87 

L'importance  de  Strasbourg,  posé  sur  l'emplace- 
ment de  l'établissement  romain,  augmente  lintérêt 
historique  qui  se  rattache  à  l'origine  de  cette  ville. 

Malheureusement  nous  n'avons  à  ce  sujet  que  bien 
peu  de  données.  Nul  écrivain  de  l'antiquité,  à  l'ex- 
ception du  géographe  d'Alexandrie,  n'en  fait  mention 
jusqu'à  Ammien  iMarcellin  et  Eutrope\qui  l'un  et 
l'autre  combattirent  dans  les  armées  de  Julien,  et, 
plus  tard,  Victor^  et  Zosime^,  qui  décrivirent  aussi  les 
guerres  de  cet  empereur. 

Ptolémée  y  place  la  huitième  légion,  dont  la  pré- 
sence dans  cette  forteresse  nous  est,  en  effet,  con- 
firmée par  des  inscriptions*  et  plusieurs  tombeaux 
romains  qui  y  ont  été  découverts.  Un  fragment  d'une 
autre  inscription,  trouvé  dans  les  substructions  de 
l'ancien  couvent  de  Saint-Étienne,  et  qu'ont  cité  plu- 
sieurs des  écrivains^  qui  ont  décrit  les  antiquités  de 
Strasbourg,  nous  donne  pour  date  le  règne  de  Ju- 
lien. 

Malheureusement  il  a  depuis  longtemps  dis- 
paru. 

L'inscription  avait  été  burinée  sur  le  marbre,  en 
l'honneur  de  cet  empereur,  comme  un  hommage 
rendu  à  ce  prince  par  la  province  de  Germanie  su- 


1  L.  X,  c.  7,  num.  5. 

2  Epitome  ,  c.  XLII. 

3  L.  m,  c.  3. 

*  LEG.  VIII.  AVG.  —  EG  VIII  AVG.  —  LEC  VIII  A  G.  Sur  des 

dalles  de  terre  cuite. 

5  Mabillon,  Annal.  Bénédictin.,  t.  I,  p.  493;  Kœnigshovcn,  Chron., 
p.  1124. 


88  ÉTABLISSEMENTS  ROUMAINS 

périeure,  sans  doute  lorsque,  vainqueur  de  l'Alle- 
manie,  il  revint  triomphant  sur  les  bords  du  Rhin'. 

Acette époque,  selon  le  témoignage  de  l'historien, 
s'étendait,  sous  la  protection  de  ce  castel,  un  muni- 
cipe  qui  dut  être  assez  important,  puisqu'il  le  cite 
avec  ceux  de  Worms,  de  Spire  et  de  Mayence'^. 

Une  inscription  récemment  découverte  prouve  que 
dans  ses  murs  s'élevait  un  temple  dédié  à  Minerve  et 
au  génie  du  lieu,  temple  qui,  en  202  de  l'ère  chré- 
tienne, sous  le  consulat  de  Mucien  et  de  Fabien,  fut 
réparé  par  le  lieutenant  et  le  secrétaire  du  princeps 
qui  résidait  dans  les  murs  de  la  cité,  mais  dont  la 
réparation  ne  fut  achevée  que  l'année  suivante,  sous 
le  consulat  des  deux  Auguste  Sévère  et  Antonin,  aux 
frais  et  par  les  soins  de  Catule,  lieutenant  du  prin- 
ceps, qui  avait  remplacé  le  premier^Le  fort  embras- 

1  La  voici  : 

IVIJAN 
AVG.  PR 

OVINC. 

'Prima  Germania,  ubi  prœter  alia  municipia  Moguntiacus  est  ^  et 
Vangiones,  et  Nemetes  et  Argentoratus .  barbaris  cladibus  nota.  Anim. 
Marcel.,  1.  xv,  cil. 

3  IN.  H.  D.  D.  MnTRVAE  SAN 

CTE.  ET.  GEMO.  LOCI.  C.  AMA' 
DIVS.  FIMTVS.  OPT.  PRINCI  .  .  . 
ET  T.  CELSIVS.  VICTORINVS. 
LIBR.  PRINCIPIS.  REFECER>T 
MVCIANO.  ET.  FABIAîsO.  COS. 

c.  Q.  CA^VS.  oT.   PR.  INCHOÏA-JI.   D.   S.   PERFECt".   DVOB. 
AVG.   SEVERO  III  ET   ...    .   OXN.   COS. 

In  konorem  domus  divinœ,  Mtnervœ  sanctœ  et  Genio  loci  C.  Aman- 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBL.  89 

sait  alors  la  partie  de  Strasbourg  qui  est  le  plus  à 
l'est,  baignée  au  sud  par  l'Ill,  et  à  l'orient  par  le  bras 
de  celte  rivière  connu  sous  le  nom  de  canal  du 
Faux-Rempart;  il  se  trouvait  défendu,  au  nord  et  à 
l'ouest,  par  des  murailles  et  de  profonds  fossés,  au 
delà  desquels  se  développait  la  voie  romaine  qui  liait 
la  cité  au  camp  de  Kœnigshofen,  qu'occupait  la  hui- 
tième légion. 

Des  fouilles  récemment  faites  dans  ce  dernier  lieu 
ont  mis  à  nu  plusieurs  autels,  des  tombeaux,  des 
poteries,  des  statuettes ,  des  monnaies  des  diverses 
époques  de  l'ère  romaine. 

Le  princeps  qui  résidait  à  Argentorat  y  était  sans 
doute  comme  subdivisionnaire  du  chef  militaire  de 
la  province  qui  résidait  à  Mayence.  Lorsque  plus 
tard  Constantin  établit  les  quatre  grandes  prétures, 
Argentorat,  comme  nous  l'avons  vu,  en  parlant  de 
Mayence,  reçut  un  comte,  dont  la  charge  était  pure- 
ment militaire,  et  qui  était  préposé  à  la  garde  du 
passage  que  cette  forteresse  défendait  \  Car,  comme 
aujourd'hui  encore,  l'importance  de  sa  position  avait 
porté  les  Romains  à  en  faire  une  place  de  guerre  du 
premier  rang,  où  ils  entretenaient  des  arsenaux,  et 
où  se  fabriquait  tout  ce  qui  était  nécessaire  à  l'arme- 
ment des  armées^. 

dius  Finitus,  optio  Principis ,  et  T.  Celsius  Victorinus ,  librarius  Prin- 
cipis ,  refecerunt ,  Muciano  et  Fabiano  consulibus.  C.  Q.  Catulus ,  optio 
Principis,  inchoatum  de  suo  perfecit ,  duobus  Augustis  Severo  III  et  An- 
tonino  consulibus. 

'  Sub  dispositione  viri  spectabilis  comttis  Argentoratensis  tractus 
Argentoratensis.  Not.  dignit.,  édit.  cit.,  p.  1947. 

^Notit.  dignit.  imperii  occident.,  c.  29. 


90  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Restée  intacte  sous  la  puissance  romaine,  depuis 
l'époque  où  les  légions  vinrent  planter  leurs  aigles 
sur  le  Rhin,  cette  ville  qui,  de  simple  bourgade  cel- 
tique, s'était  élevée  au  rang  de  forteresse  et  de  mu- 
nicipe,  tomba  en  ruines,  avec  les  autres  cités  rhé- 
nanes, au  commencement  du  cinquième  siècle.  L'in- 
vasion des  Allemanes,  sous  Alexandre  Sévère,  celle 
que  ces  peuples  renouvelèrentsous  Constantin,  et  celle 
qui  les  mit  en  présence  des  armes  de  Julien ,  n'avaient 
été  que  des  fléaux  passagers.  Mais  l'irruption  des  Van- 
dales fut  plus  sanglante  pour  elle.  Elle  fut  alors  sac- 
cagée; ses  malheureux  habitants  furent  entraînés  en 
esclavage  au  sein  de  la  Germanie.  A  la  suite  des  Van- 
dales et  des  Suèves  s'avancèrent  les  Allemanes  qui , 
tandis  que  les  premiers  se  répandirent  dans  la  Gaule, 
ne  laissant  derrière  eux  que  des  ruines  fumantes,  se 
mirent  en  possession  de  toute  la  plaine  des  Vosges  et 
du  Rhin. 

Alors  succéda  à  la  forteresse  romaine  démantelée 
une  nouvelle  bourgade  qui,  toutefois,  ne  fut  de 
nouveau  ceinte  de  remparts  que  sous  l'empire  des 
Francs. 

Au  huitième  siècle  existaient  encore  les  ruines  ro- 
maines, ainsi  que  nous  l'apprend  un  document  de 
cette  époque  qui  règle  la  fondation  du  couvent  de 
Saint-Étienne^ 

Au  nom  celtique  latinisé  avait  cependant  déjà,  au 


1  « in  parte  suœ  hcereditatis ,  quœ  sibi  pertinuit  inter  rtiinas 

i  veteris  Argentoraci .  pro  opportunitate  solitudinis   et  juxta  fluenlis 
*  Brusci  fluvii.j)  Charte  de  Loihairc. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  91 

sixième  siècle, été  substitué  celui  de  Stratebourg^;  ce 
qui  semblerait  annoncer  que  l'endroit  n'avait  pas 
cessé  d'être  habité.  Ce  nom  correspond  assez  au  nom 
celtique  d'Argentorat,  puisque  ce  dernier  désigne 
un  lieu  de  passage  sur  un  fleuve,  et  que  le  mot  alle- 
mand de  Stratebourg,  changé  en  celui  de  Stratz- 
bourg^,  et  enfin  de  Slrassbourg ,  désigne  un  fort 
placé  sur  la  route  qu'il  est  destiné  h  défendre. 

Les  démolitions  romaines  servirent  sans  doute  de 
matériaux  à  ces  nouvelles  bâtisses  que  les  siècles,  les 
guerres,  ont  depuis  si  souvent  renouvelées;  c'est  ce 
qui  peut  seul  expliquer  le  petit  nombre  d'inscrip- 
tions qui  ont  été  retirées  de  ce  sol,  comparative- 
ment à  d'autres  localités  d'une  bien  moindre  impor- 
tance. 

La  route  romaine  conduisait  d'Argentorat  à  Hel- 
lenum,  placé  au  lieu  même  que  recouvre  le  village 
d'EU. 

Les  fouilles  qui  ont  été  faites  à  diverses  reprises 
en  ce  dernier  lieu,  ont  livré  une  foule  de  monnaies, 
de  vases  d'argile,  de  poteries  et  d'autres  objets  de 
terre  cuite,  ainsi  que  divers  autels  ornés  des  bas-re- 
liefs consacrés  à  différentes  divinités.  L'inscription 
de  l'un  de  ces  autels  est  relative  au  culte  des  ma- 
trones, et  offre  le  plus  grand  intérêt. 

Celte  inscription,  burinée  sur  le  marbre,  porte 

^  Ad  Argentoracensem  urbem ,  quam  nunc  Slrateburgum  vacant. 
Grégoire  de  Tours,  Hist.  Francorum  ,   .  x,  c.  19. 

2  In  civitate  quœ  olim  Ârgentaria  vocabatur,  nunc  autem  Slratzburg 
vulgo  dicitur.  Nilhard ,  au  neuvième  siècle. 


92  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

qu'un  individu,  du  nom  de  Sextiis,  pour  l'accom- 
plissement d'un  vœu  qu'il  avait  fait,  renferma  d'un 
mur  une  portion  de  terrain  qu'il  dédia  aux  déesses- 
mères'. 

Comme  ce  monument  ne  fait  mention  ni  d'autel 
ni  de  temple,  il  est  probable  que  dans  l'enceinte  que 
le  Romain  Sextus  consacra,  n'étaient  placées  que  les 
images  de  ces  divinités. 

Hellenum  paraît  avoir  été  un  de  ces  camps  ro- 
mains qui,  peu  à  peu,  s'élevèrent  au  rang  de  villes. 
Placé  sur  les  bords  de  l'Ill,  à  deux  lieues  du  Rhin, 
il  servait  à  couvrir  cette  ligne  qu'observaient  en 
arrière  les  divers  castels  élevés  sur  la  crête  des 
Vosges. 

Sans  doute  il  aura  eu  le  sort  d'Argentorat  et  de 
Brocomagus,  et  il  aura  été  ruiné  au  commencement 
du  cinquième  siècle^  lors  de  la  grande  invasion 
des  barbares. 

La  Table  de  Théodose,  qui  donne  à  ce  lieu  le  nom 
d'Helellum,  le  place  à  douze  lieues  gauloises  d'Ar- 
gentorat, ce  qui  répond  assez  exactement  à  la  dis- 
tance de  Strasbourg  au  village  d"Ell.  Il  est  cité  sous 
le  nom  d'Elcebus  par  Ptolémée^  et  sous  celui  d'Hel- 


>  MATRABYS  ACRV 

EX  MACERIE  CIRC 

VM  DVCTYM  SEXT 

VS  CLEMENTIS  FIL 

V  S  L  L  M. 

2  "EXjCYjêoî.  Géoyr.,    .  11,  c.  9. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  93 

vélum  par  Yllinéraire  d'Antonin,  qui  indique  deux 
routes  différentes  au  sud  de  celte  ville;  l'une,  allant 
directement  joindre  Argenlo varia ,  l'autre,  le  rocher 
de  Brisach. 

Argentovaria  a  été  le  sujet  de  beaucoup  de  disser- 
tations de  la  part  de  plusieurs  savants  qui  jusqu'ici 
l'ont  toujours  confondue  avec  l'Argentaria  d'Ammien 
Marcellin ,  lieu  près  duquel  les  généraux  de  Gratien 
défirent,  en  378,  la  peuplade allemane  des  Leniiens. 

Nous  aurons  occasion,  en  décrivant  les  établisse- 
ments romains  du  lac  Brigantin,  de  faire  voir  com- 
bien cette  opinion  est  erronée,  et  de  prouver  que 
l'Argentaria  dont  parle  l'historien  ne  doit  nullement 
être  confondue  avec  l'Argentovaria  de  Plolémée,  de 
Vitméraire  d'Anlonin  et  de  la  Carte  routière  de  Théo- 
dose. 

Celaient  deux  lieux  différents,  dont  le  premier 
était  posé  sur  les  bords  du  lac,  à  l'embouchure  de  la 
petite  rivière  d'Argen,  et  dont  le  second  était  situé 
sur  rill,  près  du  village  d'Horbourg,  lequel,  au  cin- 
quième siècle,  surgit  des  ruines  de  l'établissement 
romain. 

Les  moissons  aujourd'hui  recouvrent  la  plaine  où 
cette  ville  s'étendait,  et  dont  le  sol,  remué  par  la 
charrue,  livre  encore,  de  temps  à  autre,  quelques 
restes  d'antiquités  romaines.  Le  nombre  de  monnaies 
qui  y  ont  été  trouvées  est  très-considérable  ;  elles  se 
succèdent  pendant  toute  la  période  des  quatre  pre- 
miers siècles  ^  Plusieurs  pierres  monumentales  en 

'  Rhenanus.  Epistola  ad  Mattiam  Erbium,  p.  Mi. 


94-  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

ont  aussi  été  retirées;  entre  autres  deux  autels  en- 
richis d'inscriptions. 

Nous  ignorons  la  divinité  à  qui  l'un  d'eux  était 
consacré*;  l'autre  l'était  à  Apollon,  du  surnom  de 
Grannus,  et  à  une  autre  divinité  celtique  qui,  pour 
la  première  fois,  vient  s'offrira  nos  recherches  sous 
le  nom  de  Mogounus^. 

C'est  surtout  sur  le  Danube,  comme  nous  le  ver- 
rons plus  tard,  que  les  inscriptions  d'Apollon,  avec 
le  surnom  de  Grannus,  sont  fréquentes.  Il  lui  avait 
été  donné  comme  au  dieu  des  sources ,  auxquelles 
il  présidait,  ainsi  que  ce  surnom  nous  l'indique,  et 
que  nous  le  confirment  les  statues  et  les  autels 
qui,  partout  oii  des  thermes  existaient,  lui  furent 
élevés. 

Son  culte  s'était  répandu  jusque  dans  les  pays  les 
plus  septentrionaux,  et  jusqu'au  sein  des  montagnes 

1  L\  II  DD 

ARAM 

BIRRIVS 

MARTIYS 

D.  S.  D. 

2  APOLLIM.  GRAN 

NO  MOGOVNO 

ARAM 

Q.  LICINIVS.  TRIO 

D.  S.  D. 

Apollini  Granno  et  Mogouno  aram  Q.  Licinius  Trio  de  siio  dicat. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  95 

des  Calédoniens,  où  était  aussi  en  honneur  celui  du 
dieu  Mounusou  MoguntiuSjdivinité  qui  sembleavoir  eu 
les  mêmes  attributs  que  l'Esculape  des  Grecs.  C'est  ce 
qui  explique  son  association  sur  le  même  monument 
avec  Apollon  Grannus  ou  le  dieu  des  sources.  Dans 
le  cabinet  de  3Junich  se  trouve,  en  effet,  une  sta- 
tuette d'Apollon  qui  peut  servir  à  éclaircir  les  attri- 
buts de  ce  dernier  dieu. 

Il  est  représenté  sous  les  traits  d'un  jeune  homme 
couronné  d'une  auréole  lumineuse  à  cinq  pointes, 
et  revêtu  d'une  légère  tunique.  Il  supporte  du  bras 
gauche  un  vase  où,  comme  dieu  de  la  médecine,  et 
présidant  à  la  santé  des  hommes,  il  tient  renfermés 
les  baumes  qui  peuvent  servir  à  la  leur  rendre.  Les 
plis  de  son  manteau  recouvrent  cette  partie  du  corps, 
tandis  que  le  bras  droit  est  libre  et  tient  levé  le  cou- 
vercle du  vase,  comme  pour  inviter  à  venir  prendre 
part  à  ses  dons.  Sur  sa  robe  sont  inscrits ,  en  carac- 
tères moitié  celtiques,  moitié  grecs,  ces  deux  mots 
Selmyio  et  EQivoiLiaL,f  éclaire  et  je  distribue,  de\ise 
qui  exprime  bien  l'éclat  et  l'action  du  dieu,  en  même 
temps  que  le  nom  de  Grannus,  c'est-à-dire  du  dieu 
qui  préside  aux  sources  thermales, donné  à  Apollon 
sur  le  piédestal,  exprime  sa  puissance  curatrice. 

Or,  sur  une  autre  pierre  votive ,  trouvée  dans  l'an- 
tique Calédonie,  est  exprimée  la  reconnaissance  d'un 
valétudinaire  envers  le  dieu  Moguntius ,  auquel  il 
devait  la  vie  ^ 


*Voy.  Caraden,   Britlannia  ,  p.  433;  Gorden,  Itiner.  septentrion., 
p.  98. 


96  ÉÏABLISSEMEISTS  nOMAlNS 

Si  nous  devons  voir  dans  le  dieu  Mogounus  de  l'ins- 
cription d'Argentovaria  la  même  divinité  que  celle 
que  cette  pierre  mentionne,  nul  doute  que  sa  puis- 
sance curatrice  ne  lût  égale  à  celle  d'Apollon ,  et  que 
ce  fût  pour  marquer  à  ces  deux  dieux  toute  sa 
reconnaissance  que  le  Romain,  du  nom  de  Licinius, 
qui  leur  éleva  l'autel  qui  nous  occupe,  les  a  associés 
dans  son  vœu. 

Argentovaria,  elle  aussi,  fut  ruinée  au  cinquième 
siècle. 

VUinéraire  d'Antonm^  sur  la  route  qui,  de  cette 
ville  conduisait  à  la  colonie  des  Rauraques,  cite  la 
mansion  de  Slabula,  lieu  qui,  selon  cet  Itinéraire, 
situé  à  six  mille  pas  de  Cambes,  et,  par  conséquent, 
à  trois  de  nos  lieues  du  bourg  de  Kembs,  paraît  avoir 
été  placé  sur  le  même  terrain  que  recouvre  aujour- 
d'hui Banlzenheim. 

«  On  ne  peut  remuer  le  sol  en  cet  endroit,  dit  Bea- 
«tus  RhenanusS  qui  vivait  au  seizième  siècle,  sans 
«  que  l'on  ne  trouve  quelques  restes  d'antiquités  ro- 
«  maines.  Toute  la  campagne ,  lorsqu'on  la  fouille, 
<r  laisse  voir  les  ruines  d'un  ancien  établissement  qui 
«  s'étendait  jusqu'à  l'antique  chaussée  dont  les  restes 
«  sont  encore  désignées  sous  le  nom  de  Hochstrass. 
<t  Souvent  aussi  l'on  y  déterre  des  sarcophages  de 
«  pierre.» 

Induit  en  erreur  par  ces  vestiges,  Rhenanus  avait 
placé  en  ce  lieu  le  fort  d'Arialbinnum. 

Nous  avons  toutefois  fait  voir,  en  décrivant  les  an- 

*  Beatus  Rhenanus,  Rer.  Genn.,  1.  m,  p.  278. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  97 

tiquités  de  la  colonie  d'Augusla  chez  les  Rauraques, 
la  vraie  position  de  cette  forteresse,  qui  était  située 
sur  l'emplacement  du  moderne  Binningcn. 

Les  ruines  que  nous  foulons  ne  peuvent  donc  être 
que  celles  de  Stabula,  lieu  où  l'empereur  Constance, 
pendant  le  séjour  qu'il  fit  dans  les  Gaules,  signa  une 
de  ses  ordonnances*,  et  d'où,  en  effet,  comme  nous 
l'indiquent  les  deux  Itinéraires,  nous  arrivons  bien- 
tôt après  au  bourg  de  Kembs  qui  a  conservé  en  par- 
tie le  nom  antique  de  Cambes,  et  où  les  ruines  sou- 
terraines, qui  ont  été  retrouvées  au  seizième  siècle  ^ 
prouvent  aussi  l'emplacement  du  lieu  romain. 

Entre  ces  deux  endroits  est  situé  le  village  d'Ott- 
marsheim,  où  la  tradition  place  dans  l'église  que  l'il- 
lustre Schœpflin  a  décrite ^  et  qu'il  regarde  comme 
les  restes  d'un  temple  du  paganisme,  le  culte  de 
Mars,  dont  ce  village  aurait  en  partie  conservé  le 
nom. 

En  arrière  et  séparé  du  Rhin  par  les  forêts  qui 
aujourd'hui  encore  recouvrent  cette  partie  de  la  pro- 
vince, et  qui  devaient  être  alors  bien  plus  étendues, 
était  situé  le  camp  dUrunca,  sur  les  restes  duquel 
s'éleva  plus  tard  le  Richeneshaim  du  moyen  âge. 

La  position  du  lieu  moderne,  qui  lui  a  succédé, 
répond  exactement  à  celle  que  Vltinéraire  assigne 
au  lieu  antique,  puisque,  à  un   mille  près,  il   le 


'  Lege  IV.  Cod.,  De  oper.  publ. 

^  Supra  Cambeten,  etipso  vico ,  mira  vestigia  tnurorittn  subterra- 
neorum  apparent.  B.  Rhenanus ,  Rer.  Germ.,  1.  m  ,  p.  277. 
"^  Alsat.  illustr.,  1. 1,  p.  504  et  suiv. 

II.  7 


98  ÉTABLISSEMENTS  UOMAlNS 

place  à  distance  égale  d'Arialbinnumet  du  Mons  Bri- 
siacus,  dont  il  liait  la  communication.  Les  traces  de  la 
chaussée  romaine  n'ont  point  encore  tout  à  fait  dis- 
paru ,  non  plus  que  celles  de  la  route  qui ,  de  Cambes, 
allait  en  ligne  directe,  et  en  croisant  cette  chaussée, 
joindre  le  fort  d'Epamanduodurum,  lieu  situé  près 
de  Monlbéliard,  et  où,  indépendamment  d'autres 
antiquités,  fut  aussi  trouvée  une  pierre  miliiaire  du 
règne  de  Trajan'. 

Tels  furent  les  principaux  établissements  que  les 
Romains,  pendant  les  quatre  siècles  qu'ils  furent 
maîtres  du  Rhin,  formèrent  le  long  de  la  rive  gauche 
de  ce  fleuve. 

Toute  cette  ligne  de  forteresses,  qui  devaient  faire 
la  sécurité  des  Gaules,  était  toutefois  encore  soute- 
nue en  arrière  par  les  autres  fortifications  de  la 
Meuse,  de  la  Moselle,  du  Mont-Tonnerre  et  des 
Vosges,  sur  la  crête  desquels  le  Celte  guerrier  avait 
déjà  placé  les  remparts  que  Rome  mit  aussi  plus 
tard  à  profit. 

Cependant  je  ne  m'éloignerai  pas  de  la  frontière 
du  Rhin,  qui  fut  celle  de  la  Germanie  romaine  pen- 
dant la  moitié  du  premier  siècle,  et  qui  la  redevint 


IMP.  NERViE 

TRAIANO 

CAES.  AVG.  GER. 

DIVI.  NERVAE.  F. 

P.  M.  TR.  P.  P.  P.  CoS.  II 

VESANT.  M    P.  XXXXIIX. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  99 

lorsque,  au  troisième  siècle,  Rome  eut  perdu  ses 
conquêtes  d'outre-Rbin.  Les  Romains  ne  se  sou- 
tinrent plus  alors  dans  la  Germanie  proprement  dite 
que  sur  le  Danube. 


aa9»»£^»»6«n-^   - 


100  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 


TROISIEME  PARTIE. 

ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS  DU   DANUBE   ET  DE  l'aLBE. 

L'Albe,  ou  la  chaîne  des  Alpes  suéviques,  s'étend 
entre  le  Necker  et  le  Danube,  depuis  la  Schmiech  , 
dont  le  cours  la  sépare  à  une  petite  dislance  de  la 
Forêt-Noire,  jusqu'à  la  hauteur  de  Kœnigsbronn.  Au 
sud  ,  ces  montagnes  s'abaissent  insensiblement  vers 
le  grand  fleuve,  et  à  l'est,  vers  la  rivière  de  Brenz; 
mais,  au  nord  et  à  l'ouest,  elles  s'élèvent  rapidement 
et  forment  de  vastes  plateaux,  dans  lesquels  les  val- 
lées sont  profondément  encaissées.  Les  principales 
rivières  qui  y  prennent  leurs  sources  sont  la  Brenz, 
la  Rocher,  la  Rems,  la  Fils,  la  Lauter,  1  Ems,  la  Lau- 
chart,  l'Aach^,  la  Blau  et  la  Lonlel ,  tous  courants  d'eau 
qui  se  jettent  soit  dans  le  Danube,  soit  dans  le  Necker. 
Prise  en  ligne  droite,  la  longueur  de  l'Albe,  depuis 
Kœnigsbronn  jusqu'à  Ebingen,  comprend  une  dis- 
lance de  vingt  à  vingt-deux  de  nos  lieues;  nulle  part 
sa  largeur  ne  dépasse  quatre  à  huit  lieues. 

Les  Romains,  après  leur  prise  de  possession  des 
Gaules,  envahirent  de  bonne  heure  ces  plateaux, 
qu'ils  enclavèrent  dans  la  province  de  Rhétie,  et  en 
avant  desquels  ils  placèrent  leur  limite. 

L'occupation  de  ces  montagnes  et  de  leurs  ver- 
sants fut,  comme  sur  lAbnoba  et  sur  le  Mein,  suivie 
de  la  colonisation  qui ,  tandis  que  le  nord  de  la  Ger- 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  101 

manie  se  débattit  sous  les  serres  de  l'aigle,  s'étendit 
ici  sous  l'influence  de  plus  d'un  siècle  de  paix.  Le 
Danube,  qui,  depuis  la  jonction  des  deux  petits  tor- 
rents de  la  Breg  et  de  la  Brigach  ,  réunis  aux  sources 
de  Donaueschingen ,  coule  dans  un  val  profond ,  au 
milieu  de  deux  chaînes  de  rocs  calcaires  ,  et  qui ,  plus 
loin,  à  mesure  qu'il  s'augmente  du  tribut  de  cent 
ruisseaux  et  de  plusieurs  torrents  et  rivières ,  tels  que 
l'iller,  la  Gûntz,  la  iMindel,  le  Lech  et  la  Paar,  voit 
les  hauteurs  s'éloigner  de  ses  bords  et  baigne  une 
plaine  fertile  entrecoupée  de  coteaux,  reçut  en  ar- 
rière plusieurs  grands  établissements. 

De  toutes  les  villes  qui  se  fondèrent,  soit  sur  ses 
rives,  soit  sur  ses  confluents,  la  plus  considérable 
et  la  plus  florissante  fut,  comme  nous  l'avons  dit, 
celle  qui,  en  l'honneur  d'Auguste,  reçut  de  son  fon- 
dateur le  nom  d'Augusta. 

C'estau  sein  de  cette  ville ,  située  près  de  la  jonction 
du  Lech  et  de  laWertach,  dont  les  eaux  étreignent 
des  deux  côtés  son  territoire,  que  venaient,  comme 
dans  un  point  central,  se  réunir  toutes  les  voies 
de  communication  qui  reliaient  à  la  fois  cette  grande 
cité  à  4'ltalie,  à  la  Gaule,  au  Rhin  et  à  la  Pannonie. 
Ce  fut  sous  le  règne  d'Auguste,  et  seize  ans  avant 
l'ère  chrétienne  que  Drusus  entreprit  sa  campagne 
contre  les  Rhétiens ,  peuples  que  leurs  Alpes  sépa- 
raient de  rilalie ,  mais  qui  commençaient  à  en  in- 
quiéter le  sol.  Il  les  combattit  non  loin  de  Magia ,  sur 
le  même  champ  de  bataille  où,  quatre-vingt-cinq 
ans  auparavant ,  Marins  avait  anéanti  l'armée  des 
Cimbres.  Tous  les  passages  des  Alpes  furent  conquis. 


102  ÉTABLISSEMENTS  IIOMAINS 

Au  noi'd  de  ces  montagnes  s'étendaient  les  Licatiens 
aux  sources  du  Lech,  et  sur  cette  rivière  et  la  Wer- 
lach,  les  Vindéliciens,  dont  les  diverses  tribus,  de- 
puis le  Danube  jusqu'au  lac  Briganiin,  se  virent,  par 
la  défaite  des  Rhétiens,  en  présence  des  légions  de 
Drusus.  Ce  général,  conjointement  avec  Tibère,  en- 
voyé, l'année  suivante ,  avec  des  renforts  pris  dans 
les  Gaules,  commença  contre  ces  peuples  une  nou- 
velle campagne,  qui,  menant  les  Romains  aux  sources 
du  Danube,  rendit  tributaires  tous  les  peuples  du 
lac  ,  et  eut  pour  résultat  de  mettre  sous  le  joug  de 
Rome  tout  le  pays  qui  s'étend  entre  le  Norique  et 
l'Abnoba.  Toute  la  contrée  devint  romaine.  Pour 
en  assurer  la  conquête,  on  établit  divers  camps, 
où  furent  placées  les  légions  et  les  cohortes,  et  on 
conduisit  sur  les  bords  du  Lech  la  colonie  d'Auguste, 
dont  le  nom,  plus  tard,  en  l'honneur  d'Adrien,  fut 
changé  en  celui  d'^Elia  Augusta  \ 

1  Nous  avons  encore  l'inscriplion  que  la  ville  reconnaissante  con- 
sacra sur  un  monument  en  l'honneur  de  Malidie ,  belle-sœur  de  cet 
empereur. 

La  voici  : 

MATID//////////// 

DIV.E  MATI/// 
///VGV.  FIL.  DI 
MARCIANA///// 
////PTI  DIVI//// 
////NI  ABNE//// 

DIVAE  SABI/// 

//////////////so// 

Matidiœ ,  divce  Matidiœ  Augustœ  filiœ,  divœ  Marcianœ  Augustœ  nepti, 
divi    Trajani    abnepti    ,  divœ  Sabina',divi  Hadriani  Augustœ,  sorori. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  103 

Celle  cilé  devint  la  métropole  de  toute  la  Vindé- 
licie,  et  la  ville  la  plus  florissante  de  toute  la  Rhétie, 
d'après  le  dire  de  Tacite. 

C'était,  comme  on  sait,  avec  la  plus  grande  solen- 
nité que  l'installation  de  pareilles  colonies  avait 
lieu. 

C'était  sur  le  vestige  du  sillon  tracé  par  la  charrue 
sacrée,  au  joug  de  laquelleétaientaltachés  le  taureau 
et  la  génisse  blanche,  destinés  au  sacrifice,  que  leurs 
murailles  s'élevaient.  Celles  de  la  ville  nouvelle  em- 
brassèrent un  vaste  terrain,  et  ce  fut,  selon  toute 
probabilité,  au  centre  et  sur  l'emplacement  de  Saint- 
Ulrich  où,  en  1606,  fut  découverte  une  inscription 
colossale,  dédiée  à  Jupiter  \  que  s'éleva  le  capitole, 
consacré,  comme  celui  de  Rome,  au  maître  des 
dieux,  à  Junon  et  à  Minerve. 

Là  où  la  petite  église  de  Saint -Gai  est  placée, 
fut  posé  le  temple  de  Mercure,  dont  l'inscription 
dédicatoire  a  aussi  été  retrouvée  au  commencement 


Le  divin  Trajan ,  dont  parle  l'inscription,  était  le  père  de  l'empe- 
reur Trajan.  Il  est  cité  dans  les  fastes  consulaires  sous  le  nom  de 
M.  Ulpius  Trajanus.  Il  eut  deux  enfants,  l'empereur  et  Marcienne,  en 
l'honneur  de  laquelle,  s'il  faut  en  croire  Amniien  Marcellin  et  Jornan- 
dés,  la  ville  de  Marcianopol  en  Mœsie  aurait  reçu  son  nom.  Matidie, 
fille  de  Marcienne ,  eut  pour  époux  Boïonius  Proculus  (voy.  Reines , 
p.  306,.  C'est  d'eux  que  naquit  Matidie,  sœur  de  Sabine,  qui  épousa 
l'empereur  Adrien. Voy.  les  Tables  généalogiques  deLohmeier,'i''  part., 
labl.  2  et  3  de  l'édition  de  Lunebourg,  1731. 


P   0    M    P 

Patri  optimo  Maximo  positum. 


104  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

du  seizième  siècle'.  Le  Forum  s'étendait  sur  l'em- 
placement de  la  cathédrale,  ainsi  que  la  basilique  et 
son  portique,  dont  quelques  restes  de  colonnes  et 
une  pierre  de  marbre,  supportant  dans  une  niche 
les  bustes  en  relief  de  deux  duumvirs,  ont  été  dé- 
couverts intacts. 


*  MERCVRIO 

CVIVS.  SEDES  A  TERGO 

SVNT 

APPIVS.  CL.  LATERANVS 

XV.  VIR.  SACR.  FAC 

COS.  DESIGN. 

LEG.  AVG.  PR.  PR. 

LEG,  III.  ITA. 

V.  S.  L.  M. 

Mercurio,  cujus  sedes  a  ter  go  sunt ,  Appîus  Cl.  Lateranus ,  quindecim- 
vir  sacris  faciendis ,  consul  designatus ,  legatus  Augusti j  proprœtor 
legionis  III  italicœ,  votum  solvit  lubens  mérita. 

Les  quindecimvirs  avaient  l'inspection  des  livres  sybillins,  à  la  garde 
desquels  ils  étaient  préposés.  Comme  leur  emploi  les  mettait  en  con- 
tact avec  le  culte ,  ils  ajoutaient  à  leur  titre  les  mots  de  sacris  facien- 
dis, comme  ayant  rapport  h.  leurs  fonctions  sacerdotales. 

C'était  le  second  grand  collège  des  prêtres  de  l'Empire  Dans  les 
temps  difficiles,  ils  devaient  consulter  les  livres  sybillins  par  l'ordre 
des  pontifes  et  faire  alors  le  sacrifice  expiatoire  que  ces  livres  pres- 
crivaient. A  l'origine  de  leur  création  leur  nombre  fut  de  deux  (Dionys., 
IV, 62;  Livius,  III  ,10).  Il  fut,  en 237  de  Rome,  porté  à  dix  membres, 
dont  cinq  patriciens  et  cinq  plébéiens  (Livius,  vi ,  37,  42).  Plus  tard 
il  fut  encore  augmenté  de  cinq.  Enfin,  leur  nombre  ne  fut  plus  stipulé, 
quoiqu'ils  continuassent  de  porter  depuis  le  nom  de  quindecimvirs  [Li- 
vius, XXXIII,  42;  Cicer.,  De  orat.,  m,  19;  Feslus,  Declam.  de  Ilarusp. 
resp.,  101). 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  105 

Plus   de  soixante- dix  monuments,  portant  des 
inscriptions,  ont  été  retirés  de  ce  sol  classique. 
Mars  et  la  Victoire  S  Hercule^  et  le  dieu  Silvain^ 


m.  H.  DD. 

DEO.  MARTI 

ET.  VICTORLE 

CONTVBERM 

V.M.  MARTICVL 

TORYM.  POSVE 

RVNT.  V.  S. 

LL.  M. 


....  CVLI.  STATVAM 
CVM.  BASE  AVRELIVS 
MVTIANYS.  V.  P.  P.  PR. 
PRO.  SALYTE.  SVA.  SVO 

RVMQVE.  OMNIYM 

.  .  SYIT.  CYRANTE 

GERYNTIO 

ilulianus,  vir  perfectissimus ,  proprœtor' provinciœ  ■  etc. 

IN.  H.  D.  D.  DEO.  SILYANO 
TEMPL.  CYM.  SIGNO.  YE 
TYSTATE.  CONLABSYM 
SEXT.  ATTONIYS.  PRIYATYS 
CIYES.  TREYER.  Iiml.  YIR 
AYGYSTALIS.  PEC\^IA. 
SYA.  RESTITYIT. 


106  ÉTABLISSEMENTS  KOMAINS 

les  Parques  1  et  les  autres  divinités  protectrices  de  la 
cité '\  Isis  même  \  et ,  hors  de  l'antique  enceinte ,  Plu- 
ton  et  ProserpineS  y  eurent  des  autels. 


.  ARCI  . 
SACR.  . 
c  .  .  .  . 
COSSITIVS 
PRIMVS 
V.  S.  P. 
L.  L.  M. 


Farcis  sacrum,  etc. 


.  0    M. 

TERNO.  SERVATORt. 
.  .  .  DEABVSQVE 
.  .  .  YS.  LOCl. 


.  .  ETERIS  DUS 
DEABVSQVE 
OMNIBYS. 


Jovi  optimo  Maximo ,  œterno  conservatori ,  cœterisque  Bits  ^  Deabus- 
que  hujus  loci. 

Manlius,  dans  Tile-Live  (1.  vi),  s'écrie  :  a  Jupiter  optimus  maximus, 
i.  Junoque  regina,  ac  Minerva ,  cœtertque  DU  Deœque  qui  capitolium 
t  arcemque  incoîitislt  C'est  la  même  invocation  qui  se  retrouve  ici 
sur  ces  deux  pierres. 


ISlD(i) 


Fragment  d'inscription. 


PLVTOM  ET 

PROSERPIN 

AE.  FLAV[A 

VENERIA 

BESSA  EX 

VISV  yEDEM 

I).  S.  P.  V.  I.  S.  L.  M. 


DU  RIIIN  ET  DU  DANUBE.  107 

La  ville,  indépendamment  de  son  tilre  de  colonie, 
eut  la  consiitiition  d'un  municipe^  Comme  telle  elle 
eut  à  la  tête  de  sa  curie  des  quadrumviis,  ainsi  que 
nous  l'atteste  un  fragment  d'inscription,  adressée 
comme  invocation  par  un  décurion  à  la  déesse  qui 
devait  présider  à  la  sécurité  perpétuelle  de  la  cité^ 
Les  deux  bustes  de  duumvirs  que  nous  avons  ci-des- 
sus mentionnés,  nous  prouvent  cependant  aussi  que, 
à  une  autre  époque  que  celle  d'Adrien,  à  laquelle 
celte  inscription  semble  appartenir,  l'administration 
municipale  du  lieu  était  dirigée  parde  tels  magistrats. 
Du  reste,  les  sénateurs  ou  décurions  ont  laissé  le  plus 
de  souvenirs.  Nous  trouvons  à  côté  d'eux  les  sévirs  au- 


MVMCIPI.  AEL.  AVG.  NEGOTIATOR 

N  .  .  .  ET  .  .  .  AEDEM. 

CVM.  SVIS.  ORNAMENTIS.  SIBI.  ET 
ANTONIO.  AELIANO.  EQVITI.  ROMANO. 
DECVRIONI.  MMNIC.  AEL.  AVG  ...  PO. 


DEC.  m    .  . 

FRATRIS.  El 
FILIVS 
HERES 
L.  D.  D.  D. 


PERPETVAE  SECVRITATI 
C.  IVLIANVS.  IVLIVS.  DEC.  MVN. 
IIIIVIRALIS 


Perpétues  Securitati,  C.  Juîianius  Julius ,  decurio  municipii  qua- 
tuorviralis.  .  .  . 


108  ÉTABLISSEMENTS  UOMAINS 

guslaliens  et  toutes  les  tribus  et  les  diverses  classes  de 
citoyens  qui  se  rencontraient  dans  les  principaux  mu- 
nicipes.  Le  commerce  de  la  ville  était  important,  et 
parmi  les  pierres  tumulaires  qui, de  la  hauteur  de  l'an- 
cien lieu  de  sépulture,  près  duquel  fut  placé  le  temple 
des  dieux  infernaux,  furent  précipitées  par  les  bar- 
bares dans  le  torrent  de  la  Wertach,  plus  d'une  rap- 
pelle le  titre  des  différents  négoces  auxquels  s'étaient 
adonnés  ceux  dont  elles  couvrirent  les  tombes i. 

L'un,  entre  autres,  du  nom  de  Tiberius  Cleuphas, 
faisait  le  commerce  des  étoffes  de  pourpre. 

Les  troupes  qui  ont  laissé  quelques  souvenirs  de 
leur  présence  à  Augusta  sont  la  troisième  légion  ita- 
lique, dont  le  chef  y  faisait  sa  résidence,  la  cavalerie 
et  quelques  auxiliaires  attachés  à  cette  légion,  et  les 
singulares  à  cheval,  corps  d'élite  dont  nous  avons 
déjà  eu  occasion  de  parler,  qui  servait  de  garde  aux 
généraux  et  aux  consuls.  Ils  formaient  ici  celle  des 
légats  ou  propréteurs  de  la  province,  dont  cette  ville 
était  le  siège,  et  dont  quatre  d'entre  eux  ont  inscrit 
leurs  noms  sur  des  monuments  publics. 

Appius  Claudius  Laleranus  vivait  en  196  de  Jésus- 
Christ.  Nous  ignorons  l'époque  où  les  trois  autres, 
Aurelius  Mutianus,  P.  Dyonisius  et  V^olus  Prudens 
Uttedianus,  furent  en  fonction.  Avec  ce  litre  de  légat 
et  de  propréteur,  leur  était  aussi  donné  celui  de 


*  VoY.  Peulinger,  Inscript,  vetust.  Roman,  et  earum  fragmenta  in 
Augusta  Vindelicorum ,  el  Raisser,  Die  rijmischen  Alterthiimer  zu  Augs- 
burg,  i.  I,  p.  72  et  suiv.,  et  t.  ii,  p.  61  et  suiv.  du  3«  cah.  Consultez 
aussi  les  inscriptions  de  Gruler,  d'Appien ,  d'Oielli .  etc. 


DU  RHIN  ET  i)U  DANUBE.  109 

recleur  ou  de  président.  Sous  l'empereur  Aurélien, 
Fulvius  Bojus  était  duc  de  la  limile  rhélique,  et,  sons 
le  règne  de  Probe,  Bonose  était  revêtu  de  la  même 
dignité'.  Le  duc  de  la  province  remplaça  plus  tard 
celte  charge ,  et  nous  voyons  par  la  Notice  de  l'Em- 
pire que,  vers  la  fin  du  quatrième  siècle,  ce  duc  com- 
mandait h  la  fois  la  première  et  la  seconde  Rhétie-'. 

Augusta,  qui  fut  fondée  l'an  740  de  Rome,  qua- 
torze ans  avant  Jésus- Christ,  ressentit  à  plusieurs 
reprises  les  secousses  que  les  Allemanes  et  les  autres 
peuples  germains  donnèrent  h  l'Empire.  Au  milieu 
du  troisième  siècle  elle  fut  investie  par  eux,  et  tomba 
enfin  en  ruines  à  la  fin  du  quatrième  siècle,  sans  que 
la  ligne  de  fortifications  qui  s'étendait  tout  le  long 
du  Dannbe_,  put  la  préserver  de  leurs  ravages^.  Tout 
alors  fut  détruit  et  saccagé.  Les  Huns,  lors  de  leur 
passage  dans  les  Gaules ,  renversèrent  encore  ce  qui , 
malgré  tant  de  désastres,  était  resté  debout;  et  c'est 
sur  ces  décombres  que  s'éleva  par  la  suite  la  petite 
ville  épiscopale  d'Augsbourg,  à  laquelle  succéda,  au 
moyen  âge,  la  cité  qui,  sous  l'Empire  germanique, 
devint  si  florissante. 

Les  fortifications  danubiennes  n'étaient  pas  tant 
une  suite  de  retranchements,  liés  entre  eux  par  une 
ligne  continue  comme   le  grand   rempart,  qu'une 

'  Voy.  sur  ces  différents  sujets,  Raiser,  Ober-Donau-  Kreis,  3,  71 
et  7:2;  Kogalnitchan ,  Histoire  de  la  Talachie  ,  t.  1,  p.  9;  Vopisc,  Au- 
relian.,  c.  13;   idem,  Firm.,  Saturn.,  Procul.,  Bonos..  c.  13. 

-  Notit.  dignit.  imperii  occident.,  édit.  cit 

3  Les  monnaies  trouvées  à  Augsbourg  et  dans  ses  environs  des- 
cendent depuis  Auguste,  l'an  30  avant  Jésus-Clirist,  jusqu'à  Théo- 
dose-le-Grand  et  Arcade,  sou  fils  aîné,  l'an  3ôi  de  l'ère  chrétienne, 


110  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

suite  de  camps  qui,  en  arrière  du  fleuve,  se  succé- 
daient de  distance  en  distance  pour  en  protéger  le 
cours. 

Elles  furent  élevées,  sans  nul  doute,  dès  la  pre- 
mière arrivée  des  Romains  sur  le  Danube. 

En  effet,  ce  ne  fut  qu'au  commencemen*  du 
deuxième  siècle,  lorsque,  déjà  depuis  cent  ans,  le 
pays  avait  été  colonisé,  que  la  limite  transdanu- 
bienne fut  construite,  et  que  la  rive  gauche  du  fleuve 
reçut  aussi  des  établissements  romains  et  de  pa- 
reilles fortifications. 

Ces  camps  formaient  plusieurs  groupes,  chacun 
compris  sous  un  nom  collectif.  Pour  me  servir  des 
expressions  de  Schélius,  dans  ses  commentaires  sur 
Hygin  :  «ils  n'avaient  pas  seulement  été  élevés  à 
«  grands  frais  contre  les  attaques  de  l'ennemi ,  mais 
«  ils  avaient  encore  été  disposés  à  l'intérieur  avec  le 
a  plus  grand  soin  pour  la  commodité  de  leurs  habi- 
«  tants.  Souvent  la  pierre  avait  été  employée  pour  en 
«  élever  les  murailles,  surtout  aux  confins  de  l'Em- 
«pire,  et  en  présence  de  nations  turbulentes.  Lad- 
«  ministration  de  ces  camps  était  en  partie  militaire 
«  et  en  partie  civile;  et,  comme  ces  lieux  s'agrandirent 
«  avec  le  temps,  ils  donnèrent  souvent  naissance  à 
«  des  villes  considérables  ^» 


^  «  Istahibernaculanon tantùm exterius advenus omnesconatus hostiles 
«  magno  opère  emuniebantur,  sed  et  interius  laxius  disponebantur  multo 
"  paratu  multâque  cura.  Sœpe  lapide  vel  saxo  contra  inclementiam  et 
«  injurias  aëris  œdificabantur^  prœsertim  quœ  in  finibus  imperii  aut 
«  ferocibus  et  nondum  satis  pacatis  nationibus ;  sed  belli  aut  servitutis 
1  pluriumque  annorum  hiberna  ralionem  quidem  et  ordinem  castrorum  , 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  1  1  1 

Parmi  ces  dernières  se  distinguèrent  sur  le  Da- 
nube les  deux  cités  de  Ratisbonne  et  de  Gùnz- 
bourg. 

La  première,  située  vis-à-vis  l'embouchure  de  la 
Regen ,  dut  être  un  lieu  important,  si  l'on  doit  s'en 
rapporter  au  dessin  de  la  Table  de  Théodose.  Ses  nom- 
breuses inscriptions,  dont  plusieurs  datent  de  l'é- 
poque des  Gordiens  \  nous  prouvent  qu'elle  eut 
une  garnison  permanente  que  composèrent  succes- 
sivement une  aile  de  cavalerie^  et  les  première, 
troisième  et  quatrième  légions,  du  surnom  d'Ita- 
liques. 

Le  nom  latin  de  Reginum,  sous  lequel  cette  ville  est 
indiquée  sur  cet  itinéraire,  s'est  perpétué  jusqu'à 


«ceterum  omnia  in  modttm  municipii  habebant.  Ideoque  et  tractu  tem- 
«  poris  magisque  adauctœ,  quœdam  eorum  claris  aliquot  oppidis  origi- 
nnem  dederunt»  {Thés.  Grœv.  Antt.  Rom.,  t.  X,  p.  1110). 

'  \oy.  Âpiani  Inscriptiones ;  Aventini  Chronica  ;  Gewald,  Delineatio 
Norici;  et  surtout  ZirngibI ,  dans  les  Historischen  Abhandhmgen  der 
konigl.  baier.  Académie  der  Wissenschaften ,  t.  II,  p.  203-230. 

2  DUS  MAINIBVS 

CL.  C.  F.  MELI  .  . 

CLAVDIANVS 

PRAEF.  T. 

Diis  Manibtis ,  Claudio ,  Caji  filio  ,  Melius  Claudianus ,  proefectus 
turtnarum. 

Mayer,  dans  son  Handbuch  der  rômischen  Alterthiimer,  donne  à 
chaque  aile  de  cavalerie  romaine  300  hommes,  subdivisés  en  10  lurraes 
ou  compagnies  de  30  chevaux  {terdeni),  commandées  chacune  par  un 
décurion  ;  le  préfet  commandait  l'aile  entière. 


112  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

nos  jours  dans  celui  de  Regensbourg  que  lui  donnent 
les  Allemands. 

Les  routes  qui  venaient  y  aboutir  du  Norique  et 
de  la  Pannonie,  et  une  autre  en  ligne  droite  d'Au- 
gusta,  jointes  à  la  grande  voie  militaire  du  Rhin  et 
du  Necker,  entretenaient  ses  communications  et  pro- 
tégeaient son  commerce  que  sa  position  sur  le  fleuve, 
dont  la  navigation  lui  était  ouverte,  dut  rendre  im- 
portant. 

Du  moins  voyons  -  nous  par  une  inscription  re- 
trouvée en  fouillant  son  sol,  qu'une  association  de 
quelques-uns  de  ses  négociants  releva,  en  204  de  Jé- 
sus-Christ, sous  le  consulat  de  Cilon  et  de  Libon,  le 
temple  de  Mercure,  dont  elle  restaura  les  ornements 
et  les  autels. 

De  cette  ville  à  la  station  d'Abusina,  la  Table  de 
Théodose  marque  vingt-deux  mille  pas.  Or,  c'est  à  peu 
près  la  distance  qui  existe  des  rives  de  l'Abens  à 
Ratisbonne.  Les  vestiges  d'une  redoute  romaine, 
près  d'Unter-Laiendorf,  quelques  monuments  dé- 
couverts à  Abbach\  et  d'autres  antiquités  trouvées  à 
Gebrachingen ,  nous  montrent,  à  défaut  des  traces 
de  la  route  même,  le  cours  qu'elle  a  dû  suivre.  Elle 
venait  donc  joindre  le  camp  d'Einingen  en  deçà  du 
torrent  de  l'Abens,  derrière  lequel  s'est,  après  la 
chute  de  l'établissement  romain,  élevé  Neustadt  ou 


^  Ces  monuments  sont  une  pierre  votive  élevée  à  Jupiter  Stator  ;  une 
autre,  élevée  à  Mercure  et  à  la  Fortune,  qui  ramena  victorieuses  les 
légions ,  et  une  troisième  pierre  qu'un  bon  fils  et  époux  posa  sur  la 
tombe  de  sa  mère  et  de  son  épouse.  Voy.  Aventini  Chronica. 


DU  IIIIIN  ET  DU  DANUBE.  1  13 

la  ville  neuve.  Une  pierre  votive,  dédiée  aux  trois 
grandes  divinités  prolectrices  du  Capitol  et  au  gé- 
nie de  la  troisième  cohorte  britannique,  en  289, 
sous  le  consulat  de  Gentiane  et  de  Bassus^;  une 
autre,  que  l'empereur  Septime  Sévère  éleva  lui-même 
aux  dieux  et  aux  déesses  suprêmes''',  et  quantité  de 
monnaies  romaines,  de  bijoux,  d'anneaux  et  de  po- 
teries, retirés  de  ce  sol,  annoncent  toute  son  impor- 
tance. 

C'était  le  principal  des  divers  camps  élevés  sur  le 
Danube  pour  protéger  le  cours  de  l'Abens;  il  corres- 
pondait avec  Gœgging,  où  se  sont  retrouvées  les 
ruines  d'un  bain  antique, avec  le  pontdeSiegenbourg 
et  avec  Neukirch.  Sans  doute,  dans  un  temps  posté- 
rieur à  l'époque  florissante  de  loccupation  romaine, 
ces  divers  camps  servirent  à  couvrir  stralégique- 
ment  cette  frontière  de  la  Vindélicie  du  côté  du 
nord-est^. 

La  route  de  jonction  d'Abusina  à  Celeusum  tou- 
chait Sitling  et  traversait  le  Danube  proche  d'Irn- 
sing.  Sur  les  hauteurs  qui  dominent  les  rives  du 
fleuve  peuvent  encore  s'apercevoir  les  ondulations  de 
terrain  formées  par  les  deux  redoutes  qui ,  de  chaque 
côté  du  Danube,  protégeaient  ce  passage.  La  voie  se 
partageait  en  deux  branches,  dont  l'une  formait  la 
route  militaire  proprement  dite,  et  dont  l'autre  allait 


'  Voy.  Raiser,  Ober-Donau-Kreis ,  3«  part.,  p.  34. 

2  \ erkandlungen  des  historischen  Vereins  im  Reyenkreis.  i^'"  année, 
2«  cah.,  p.  93. 

3  Consultez  Buchner,  Reisen  auffler  Teufelsmauer,  S'^cah.,  p.  13  ol 
siiiv. 

H.  « 


1 1  4  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

par  Arrcsllng,  où  se  trouvent  aussi  d'anciens  vestiges 
de  fortifications, joindre  le  grand  rempart  à  Laimer- 
stadt,  à  Hagenhilîl  et  à  Altnianstein.  Une  pierre 
trouvée  dans  le  sol  de  l'avant- dernier  de  ces  lieux, 
est  d'un  intérêt  majeur  en  ce  que  l'inscription  qu'elle 
supporte  nous  prouve  tous  les  soins  que  l'empereur 
Adrien,  à  qui  le  rempart  dut  en  grande  partie  son 
existence,  mit  à  l'entretien  de  ces  voies  de  commu- 
nication ^ 

Celeusum  comprenait  plusieurs  camps,  depuis 
l'embouchure  de  l'Allmiihl  et  Kellieim,  qui  paraît  en 
avoir  conservé  le  nom,  jusqu'au  Kels^  où  Aventin,  le 
premier,  retrouva  les  vestiges  du  camp  prélorial^ 

Quelques  restes  de  la  chaussée  antique  ont  été 
découverts  près  de  Marching ,  où  l'on  a  également 
trouvé  des  tombes  et  des  monnaies  romaines  ^  Proche 
du  Kels,  elle  reparaît  encore  intacte.  Le  fort  pré- 
torial  lui-même  était  situé  à  un  demi-quart  de  lieue 
de  Pfœring,  sur  le  champ  élevé  de  Biba,  qui  do- 
mine au  loin  tous  les  alentours.  La  circonférence  de 
ses  remparts  peut  avoir  été  de  mille  soixante-seize 
pas,  formant,  comme  tous  les  camps  romains  que 
nous  avons  visités,  un  carré,  dont  le  côté  nord  pou- 
vait avoir  deux  cent  quatre-vingts  pas,  celui  du  sud 
et  celui  de  l'ouest,  chacun  deux  cent  soixante-huit, 
et  celui  de  l'est  deux  cent  soixante.  Le  terrain  en 
marque  encore  très-bien  l'emplacement.  Les  fouilles 

*  Elle  se  trouve   copiée  dans  les  Verhandlungen  des  historischen 
Vereins  zu  Regensbury ,  t.  I,  cah.  II,  p.  88. 
2  Voy.  Aventini  Chronica 
3Mayer,  1.  c,  p.  23et2i. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  115 

qui  y  ont  été  faites  ont  eu  pour  résultat  de  mener 
sur  les  fondements  de  diversesbâlisses.et  de  remettre 
à  nu  des  restes  de  corniches  et  de  colonnes,  dont 
un  chapiteau,  entre  aulres,  présente  la  forme  d'un 
panier  à  fruits.  On  y  découvrit  aussi  le  torse  d'une 
statue  en  pierre,  des  fragments  de  poterie,  des 
briques  avec  l'inscription  dune  cohorte \ et  diverses 
monnaies,  qui  remontent  depuis  Alexandre  Sévère 
jusqu'à  Auguste.  Aventin  nous  a  conservé  quelques 
inscriptions  monumentales  retirées  de  ces  lieux, 
mais  perdues  aujourdhui,  dont  l'une,  entre  autres, 
était  dédiée  aux  divinités  champêtres  et  à  la  déesse 
Épone,  et  une  autre  avait  été  placée  sur  un  temple 
lors  de  la  restauration  qui  fut  faite^  de  cet  édifice. 
Trois  autres  pierres  sépulcrales  qui,  quoique  trouvées 
danscesenvirons,proviennentsansdouteaussideCe- 
leusum^  n'offrent  rien  en  elles  mêmes  de  remarquable  ; 
je  ne  les  cite  ici  que  pour  avoir  occasion  de  parler 

'CI.  FC.   (Cohors  prima  fecit.) 

2  IN  HONOR  DD. 

TMi  4  XKVSÏAT 
CoN.^ABSVM  COR 
iNEL  ROGATV^  R 
A5F  Coll.  I.  JL  SQV  .  .  .  ER 
CONI  ME  'E  REST. 

In  lionorem  cîomus  divinœ,  templum  vetustate  donlabsum  Cornélius 
Rogatus ,  prœfectus  cohortis  I  militum  squamiferorum ,  ccnfirmala 
mente  restauraviC. 

Celte  troupe  paraît  avoir  porté  ce  nom  des  cottes  de  mailles  dont 
elle  était  revêtue. 

H.  8' 


116  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

de  l'une  d'elles  qui  contient  le  mot  de  Ca^ft;,  circons- 
tance dont  on  a  voulu,  comme  je  l'ai  dit,  se  piéva- 
loir,  pour  prouver  le  nom  latin  que  portait  la  ville  de 
Canstadt.  D'après  cette  inscription,  ce  serait  une 
épouse  qui  aurait  placé  cette  pierre  sur  la  tombe  de 
son  mari ,  citoyen  de  Cana^ 

Or,  il  existait  une  ville  de  ce  nom  en  Éolie,  vis- 
à-vis  les  côtes  de  l'antique  Lesbos^.  Il  en  existait  en- 
core une  autre,  faisant  un  grand  commerce,  dans 
l'Arabie  heureuse,  sur  les  côtes  de  la  mer  Ery- 
ihrée^. 

Il  est  donc  probable  que  ce  fut  de  la  première  de 
ces  villes  que  le  citoyen  dont  parle  cette  épitaphe, 
et  dont  le  nom  a  quelque  chose  d'étranger,  vint 
avec  les  légions  sur  le  Danube;  c'est  du  moins  un 
motif  suffisant  pour  m'avoir  porté  au  doute,  lorsque 
je  citai  l'opinion  de  quelques  savants,  qui  ne  crai- 
gnirent pas  de  faire  du  nom  de  Cana ,  inscrit  sur  cette 
pierre,  celui  du  moderne  Canstadt,  dans  les  envi- 

<  D.    M. 

L.  OCEANEOLO.  MAX 
IMILLIO  MIRIO  ClVl 
CANAE.  ANN  XX.  .  NA 
liEMA.      C.  C. 

Dits  Manibiis ,  L.  Oceaneolo  Maximillio  Mirio  ,  civi  Canœ  ,  anno- 
rum  viginti ,  Narenia  condi  curavit. 

2  Hérodote,  Slrabon,  Pline,  Mêla,  Tile-Live,  Plolémée,  Éiienne 
de  Byzance.  —  Le  conile  de  Choiseiiil  cile  l'endroit  moderne  qui  lui  a 
succédé  sous  le  nom  de  Kanot-Koi. 

^  Ptolemée,  Geofjr.,  I.  vi ,  c.  8. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  1  17 

rons  duquel,  malgré  le  grand  nombre  d  inscrip- 
lions  qui,  comme  nous  l'avons  vu,  y  ont  été  trouvées, 
aucune  ne  peut  faire  préjuger  que  cette  ville  ait  porté 
ce  nom. 

La  route,  au  delà  de  Celeusum^  va  aboutir  à  Teis- 
sing  et  à  Strasshausen,  et  ensuite  au  bourg  de  Kœ- 
sching,  dont  les  murs,  élevés  au  moyen  âge,  ren- 
ferment une  foule  de  matériaux  romains.  Le  castel 
qui  protégeait  la  cité  montre  à  quelques  cents  pas  à 
l'ouest  du  bourg  ses  remparts  et  ses  fossés;  il  en 
existaitencoreunevieilletouràla  fin  du  dix-septième 
siècle. 

Une  foule  de  monnaies  romaines  ont  été  retirées 
dece  lieu,  qui  servit  un  jour  de  garnison  à  la  première 
aile  de  cavalerie  Flavienne,  troupe  qui,  en  141  de  Jésus- 
Christ,  y  éleva  un  monument  de  reconnaissance  à 
la  mémoire  du  divin  empereur  Antonin-le-Pieux'. 

C'était  là,  selon  toute  probabilité,  l'endroit  que  la 
Table  de  Théodose  cite  sous  le  nom  de  Germanicum , 
et  qui  formait  la  station  intermédiaire  entre  Celeusum 
et  les  camps  de  Vetoniania. 


.  p.  CAES.  DIVI.  HA  .  . 
INI.  FIL.  DIVI.  TRA  .  . 
NEPOTI.  DIVI.  NERV  .  . 
.  RONEPOTI.  T.  AEL.  H 

RIANO.  ANTON  .... 
AVG.  PIO.  P.  P.  PONT  . 
TRIB.  POT.  mi.  C.  III 

ALA.  I.  FL.  0.  P. 


Imperatori  Cœsari  ^  divi  Hadriani  filio ,  divi  Trajani  nepoti  ^  divi 
Nervœ  pronepoti ,  Tito  Aelio  Hadriano  Ântonino  Augttsto  ^  pio  ,  patri 
patriœ ,  pontifici  maxitno  ,  tribunilia  potestate  quarto,  consulari 
tertio  ,  ala  prima  flavia  optimo  principi. 


1  1  8  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Celle  forteresse  était  l'on  ne  peut  plus  favorable- 
ment située  à  l'embranchement  de  deux  routes, 
dont  l'une  est  la  grande  voie  militaire  du  Necker,  et 
dont  l'autre  allait  par  Hepberg  et  par  le  pont  de 
l'Altmiihl  joindre  les  fortifications  du  grand  rempart. 

Le  principal  camp  de  Veloniania  dut  être  Nassen- 
fels,  où  une  foule  d'inscriptions,  de  monnaies  et 
d'autres  antiquités  ont  été  retrouvées. 

Avant  d'y  arriver,  nous  passons  par  Wolkertshofen, 
où  fut  déterrée  une  pierre  de  l'époque  de  Septirae 
Sévère ,  élevée  à  cet  empereur  et  à  ses  fils  Caracalla  et 
Gela,  l'an  208  de  Jésus- Christ,  par  les  soldais  de  la 
cavalerie  Aurélienne.  Du  côté  opposé,  dans  le  bois 
d'Ickstœtt,  on  retira  du  sol  une  pierre  milliaire, 
élevée  de  même  sous  cet  empereur,  en  202,  et  por- 
tant le  nom  du  souverain  et  de  son  fils  Caracalla \ 

*  Les  voici  l'une  et  l'autre  : 

Imp.  Cœs.  L  SEPT  SEVERO  SAR 

.  .  .  ARABICO  ADIAB  P  SEVERVS  PIVS 

TRIB  POT  XIX .  .  G.  ARAB 

ET  IMP  CAES  M  AVR  .  .  MCVS  MAXIMVS 

^n^or^INO  PIO  INViCTIS  TRIB.  POT  VIII 

PRliNCIPI  TRIB  .  .  P.  PROCOS  ET 

POT  XIIII  IMP  III  COS  III  MARCVS  AVREL 

FEL 

ORD  AVR  FELIC  PRIN  

Doml^Sis  LNDVL^e«(ISSIMIS.  

Imperator  Cœsar  Severus , 
pius,  Auguslus,  Arabicus ,  Adiabenicus ,  Maximus ,  tribunitia  potes- 
tate  VIII,  pater  patriœ  ,  proconsul,  et  Marcus  Aurelius  Autoninus 

Au  sujet  de  la  première  pierre ,  consultez  :  Leichtlen ,  Forschungen 
im  Gebiete  der  GeschiclUe ,  ¥  cal).,  p.  182;  Raiser,  Ober-Donaukreis , 
3<^  part.,  p.  10;  Topograpliisches  Lexicon  von  Franken,  à  l'article  Reb- 
dorf,  etc.  On  voit  que  le  nom  de  Géta  a  été  exprès  effacé. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  119 

Celte  pierre  avait  été  posée  à  la  jonction  de  deux 
rDutes,  dont  l'une,  en  ligne  droite,  allait,  comme 
le  décrit  la  Table  de  Théodose,  toucher  les  camps  de 
Biricinaî  et  dlciniacuni,  et  dont  l'autre,  tournant  au 
sud ,  allait  traverser  le  Danube  à  Steppberg.  Une  autre 
route  de  jonction  venait  de  Pfùnz  aboutir  à  Veto- 
niania,  de  manière  que  de  ce  point  central  les  com- 
munications s'étendaient  dans  tous  les  sens. 

Celte  position  avantageuse  dut  donner  à  ce  lieu 
quelque  importance,  ainsi  que  l'attestent  ses  inscrip- 
tions qui  nous  parlent  de  son  culte  adressé  à  Jupiter, 
aux  autres  grands  dieux  et  à  Mercure.  Nous  voyons 
par  elles  que  les  Sulèves  y  eurent  aussi  des  adorateurs  ' , 
et  que  Mars  et  la  Victoire  virent  fumer  l'encens  sur 
leurs  autels,  en  reconnaissance  delà  protection  que 
sans  doute  ils  accordèrent  aux  armes  romaines '^  Les 
monnaies  trouvées  à  Nassenfels  remontent  à  près 


SVLEVIS 

SAC 

IVL  PATER 

NA  PATER 

P  S  ET  S 

V.  S.  L.  L.  M. 

MARTI  ET  VICTOR lAE 

M 

S CVRA 

C  ...  IV  ...  . 
IMPERATOR  .  .  .  I  .  .  FL 
GEMELLINO  LMP  .  .  C  . 

M  .  .  F  .  . 


1  20  ÉTABLISSEMENTS  ROMAIINS 

detrois  siècles,  et  tout  ce  que  son  sol  a  livré  annonce 
la  vie  industrieuse  de  ses  habitants. 

L'autre  route  qui  de  Germanicuni  allait  joindre 
les  rives  de  l'Altmùhl,  était,  à  peu  de  distance  de 
cette  ville,  protégée  parle  castel  d'Hepberg,  dont  le 
terrain  conserve  encore  très-bien  le  tracé,  et  qui  dat 
être  dominé  par  une  tour  d'observation,  qui  corres- 
pondait avec  une  autre  tonr  placée  sur  la  Hoch- 
warte,  lieu,  en  effet,  très -élevé,  qui  en  a  conservé 
le  nom. 

Cette  route  aboutissait  à  Pfûnz,  endroit  qui  fut  in- 
contestablement ainsi  appelé  du  pont  romain  jeté  sur 
le  torrent. 

Sur  une  hauteur  escarpée  qui  domine  le  bourg 
vers  le  sud  ,  était  placé  le  camp,  vaste  enceinte,  for- 
mant un  carré  imparfait  \  dont  les  côtés  du  nord  et 
de  l'ouest,  protégés  par  des  rocs  à  pic,  n'étaient 
garnis  que  d'un  mur  et  d'un  fossé,  là  où  le  terrain  le 
permettait,  mais  qui,  des  deux  autres  côtés,  était 
défendu  par  un  triple  rempart  et  un  triple  fossé.  Il 
servait  de  garnison  à  la  première  cohorte  britan- 
nique qui,  dans  cette  forteresse ,  en  arrière  du  grand 
rempart,  entretenait  elle-même  les  divers  postes 
répandus  dans  les  castels  situés  sur  la  limite  même, 
et  vers  lesquels  conduisaient  d'ici  différentes  routes 
militaires. 

Car,  si  l'on  se  ressouvient  de  la  description  que 


'  Sun  cnccinle  pouvait  comprendre  40,000  pieds  carrés.  Le  côte 
sud  avait  environ  558  pieds ,  celui  de  l'est  521 ,  et  les  deux  côtés  du 
nord  et  de  l'ouest  chacun  environ  425. 


DU  niIllS  ET  DU  DANUBE.  121 

jai  donnée  du  grand  rempart,  on  sait  que,  de  dis- 
lance en  distance,  des  tours  fortes  le  flanquaient, 
destinées  à  recevoir  quelques  soldats,  tandis  que 
dans  les  camps  principaux  que  nous  décrivons  étaient 
placées  les  garnisons  qui  fournissaient  ces  avant- 
postes. 

Ces  camps  se  succédaient  en  avant  du  Danube, 
comme  se  succédaient  à  l'extrême  frontière  les  forts 
qui  protégeaient  le  rempart,  où  les  vestiges  de  tous  les 
grands  travaux  qui  y  ont  été  faits,  surtout  depuis 
le  Danube  jusqu'à  Kipfenberg,  et  vis-à-vis  sur  le 
iMichelsberg,  et  à  Arnsberg,  étonnent  véritablement 
l'imagination  ^ 

Près  du  camp  de  Pfùnz  s'élevait  un  temple  dont 
les  murs,  d'après  la  tradition,  furent,  après  le  dé- 
part des  Romains,  mis  à  profit  par  le  christianisme, 
et  subsistèrent  comme  église  jusqu'à  l'époque  des 
guerres  des  Suédois. Ses  ruines  apparaissent  encore, 
assises  au  centre  d'une  enceinte  de  terre,  où  se 
trouvent  aussi  les  restes  d'un  puits  profond  qui, 
creusé  dans  le  roc,  atteignait  le  niveau  du  tor- 
rent. 

Une  inscription  remarquable  fut  tirée  de  ces 
ruines. 

Elle  porte  que  la  première  cohorte  britannique, 
commandée  par  le  décurion  Jules  Maxime,  fit  un 


'  Je  renvoie  pour  la  description  détaillée  de  ces  diverses  fortifica- 
tions à  l'ouvrage  du  D'  Mayer,  intitulé  :  Beschreibung  der  rumischen 
Landmarkung  von  der  Donau  bis  Kipfenberg,  inséré  dans  le  huitième 
volume  des  Acad.  Denkschriften. 


122  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

sacrifice  au  dieu  Sedatus*.  Celle  divinilé  ne  nous  est 
connue  que  par  une  autre  inscription  qui  fut  trou- 
vée en  Carinlhie^  Peut-être  était-ce  un  génie  local, 
au  culte  duquel  les  soldats  de  la  cohorte  britannique 
étaient  restés  fidèles,  comme  on  a  trouvé  à  Biden- 
hard  (l'antique  Bedajum,  cité  par  la  Table  de  Théo- 
dose),  près  de  Séon,  deux  inscriptions  en  l'honneur 
du  dieu  Bedajus^  qui,  dans  d'autres  endroits,  fut 
aussi  invoquée  En  adoptant  cette  explication,  il  fau- 
drait dès  lors  se  ranger  à  l'opinion  de  ceux  qui  ont 
donné  au  camp  de  Pfiinz  le  nom  de  Sedatum;  ce  que 
nous  ne  faisons  toutefois  qu'avec  la  plus  grande  ré- 
serve. 

Les   fondements   de   plusieurs   de   ses   maisons 
bâties  à  l'extérieur  de  ses  remparts,  le  long  de  la 


<  SEDATO 

SACRW 

COIIIBRE 

E  X  V  S  L 

VSCMVL 

MAXIM 

ODEC. 

Sedato  sacrum  [fecit]  cohors  prima  Brittannica ,  ex  voto  suscepto; 
libenter  votum  solvit,  C.  Julio  Maximo  decurione. 

2  A  Gurckfeld. 
Voici  l'inscription  : 

SEDATO   AVGVSTO   SACRVM.    P.    RACONIVS.    AEDEM.  ET.  ARAM.    D.  D. 

3  BEDAIO  SACRVM.  —  BEDAIO  SANCTO. 

^  Par  exemple ,  près  de  Salzbourg ,  où  une  inscripltou  porlc  : 

BEDAIO  AVG.  ET.  ALOVJNIS. 
Voy.  Orelli,  Inscript.,  n°  1964. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  123 

roule  qui  conduisait  à  Vetoniania',  ont  été  retrouvés 
au  commencement  de  ce  siècle,  et  sur  un  mon- 
ticule qui  domine  à  gauche  la  même  route,  ont 
aussi  été  fouillées  plusieurs  tombelles  coniques  éle- 
vées par  la  population  celtique.  L'une  d'elles  a  offert 
une  monnaie  de  Tibère,  sans  cependant  que  cette 
particularité  soit  une  preuve  que  le  camp  ait  déjà 
été  fondé  sous  ce  césar.  Car  ce  n'est  que  depuis  Tra- 
jan  que  les  monnaies  trouvées  sur  cet  ancien  sol 
romain  se  succèdent  de  règne  en  règne;  et,  comme 
c'est  avec  l'époque  des  Gordiens  que  leur  suite  cesse, 
tout  porte  aussi  à  croire  que  ce  fut  sous  ce  dernier 
empereur  que  ce  camp ,  ainsi  que  la  pliqjart  des  for- 
tifications de  cette  partie  de  la  rive  gauche  du  Da- 
nube, tombèrent  en  ruines^. 

Les  traces  de  l'antique  chaussée  jusqu'à  Vetoniania 
ont  été  retrouvées  en  plusieurs  endroits. 

Nous  revenons  sur  ce  lieu,  et,  après  avoir  visité 
Allenfeld,  où,  sur  l'emplacement  même  de  l'église, 
exista  une  tour  d'observation  romaine;  Unterstall, 
oii  fut  aussi  posé  un  castel  ;  Joshofen,  lieu  qui  pro- 
bablement doit  son  nom  au  culte  de  Jupiter,  qui  y 
aura  été  en  honneur,  et  dont  la  tour  forte  pou- 
vait au  loin  explorer  tout  le  pays;  Irgertsheim  et 
Dûnzelau,  où  Mercure  eut  des  temples  et  des  au- 


'  On  peut  en  lire  la  description  et  en  voir  les  plans  dans  les  Denk- 
wiirdigkeiten  des  Ober-Donaukreîses.  1824-20.  2"^  part.,  p.  G6.  Le  plan 
du  camp  y  est  aussi  tracé. 

2  Voy.  ^^i?>QV,  Denkvoiirdigkeiten  des  Ober-Donaukreises.  i^^i-'ïo. 
1"  part.,  p.  65. 


124  ÉTABLISSEMENTS  HOiMAIINS 

lels\  nous  continuons  de  suivre  la  grande  vole  mi- 
litaire jusqu'à  Iciniacum. 

Itzing  paraît  avoir  été  le  noyau  des  différentes  for- 
tifications que  la  Table  de  Théodose  mentionne  sous 
ce  nom.  Car  je  crois  devoir  rappeler  au  lecteur  que 
chaque  groupe  de  ces  camps ,  stralëgiquement  coor- 
donnés pour  défendre  telle  ou  telle  position,  était 
nommé  d'un  nom  collectif.  C'est  ce  qui  rend  souvent 
si  difficile  de  faire  accorder  les  distances  marquées 
sur  l'itinéraire  romain  avec  celles  des  lieux  dont  il  y 

1       MERCVRIO  MERCVRiO 

AEDEM  FECIT  TEMPLVM 

ET  SIGNVM  EX  VOTO  SYS 

POSVIT  CEPTO.  CLAV  .  . 

C.  TOGIOMVS  .  .  .  GYSTANVS 

CVPITVS  .  .  L.  L.  M. 
C.  TOG.  SVMVS 
FIL.  REFECIT. 

A  ligertsheini  fui  aussi  trouvée  une  pierre  volive  dédiée  à  Jupiter, 
portant  cette  inscription  : 

I.  0.  M. 

M.  COC.  C 

ADIVTOR 

V.  S.  L.  L.  M. 

Jovi  optimo  maximo ,  M.  Cochis ,  Commenlariensis  adjutur,  volum 
solvit  lubens  libenter  merito. 

Les  adjuteurs  ou  adjoints  aux  commissaires  de  guerre  [Commenta- 
rienses)  sont  cités  dans  la  Notice  de  l'Empire,  p.  137G;  une  autre 
classe  d'adjuteurs  était  aUachée  aux  Magistri  o/pciorum.  \oy.  Noiit. 
imp.,  p.  1512,  édit.  citée. 


DU  IIHIN  ET  DU  D,V[SLBE.  125 

esl  fait  menlion.  Par  exemple,  entre  Veloniania  et 
Iciniaciim,  on  trouve  la  station  intermédiaire  de 
Biricianae,  qui  est  marquée  à  dix-huit  mille  pas  du 
premier  de  ces  lieux,  et  qui  ne  pouvait  nécessaire- 
ment avoir  cette  distance  qu'autant  qu'on  visitât  les 
lieux  les  plus  reculés  qui  faisaient  partie  de  ce 
groupe. 

Or,  cette  ligne  s'étend  principalement  sur  lAlt- 
rnuhl,  tandis  que  les  fortifications  d  Iciniacum  re- 
couvrent surtout  le  bassin  du  petit  ruisseau  d'Ussel; 
celles  de  Mcdianœ  défendaient  le  cours  de  la  Wœr- 
nitz. 

Nous  avons  parlé  de  la  pierre  milliaire  trouvée  dans 
le  bois  d'Ickslaett.  Elle  nous  guide  dans  notre  direc- 
tion sur  Iliitting,  lieu  qui  est  placé  dans  le  lit  d'un 
ancien  bras  du  Danube,  tandis  que  sur  les  rocs  qui 
s'élèvent  au  bord  du  vallon ,  se  montrent  comme  sus- 
pendues les  ruines  d'une  vieille  tour  romaine. 

Plus  loin,  au-dessus  du  village  de  Maurn,  un 
autie  castel  était  placé  sur  la  sommité  des  rocs, 
inabordable  de  trois  côtés^  et  qui,  comme  le  nid 
d'un  aigle,  planait  sur  les  trois  vallées  de  Wellheim  , 
d'Ellenbrunn  et  de  Meilenhofen,  qu'il  servait  à  ex- 
plorer ^ 

Nous  atteignons  alors  en  une  heure  le  village  de 


'  Il  porte  encore  aujourd'hui  le  nom  de  Mmerschanze.  Dans  l'église 
de  Maurn  est  enclavée  une  pierre  sépulcrale  en  relief,  représentant 
mari  et  femme  dans  le  costume  romain.  Elle  est  surmontée  d'une  autre 
pierre  arrondie,  supportant  deux  cignes  à  télé  de  chien  dont  les  cous 
sont  entrelacés.  On  peut  en  voir  la  représentation  dans  le  deuxième 
volume  des  Xeriburgischen  VrminziftlbUitter.  p.  iOI. 


126  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Burkmannshofen ,  où  fut  retrouvée  une  colonne  mil- 
liaire  analogue  à  celle  du  bois  d'Ickst3elt^ 

Il  est  à  regretter  que  la  partie  du  monument  la  plus 
intéressante,  celle  où  était  gravée  la  distance,  ait  été 
brisée. 

Cependant  il  est  à  croire  que  cette  distance  était 
comptée  d'Augusta,  ainsi  qu'elle  dut  l'être  aussi  sur 
la  colonne  précédente'^. 

Nous  sommes  à  l'embranchement  de  deux  routes, 
dont  l'une,  qui  se  dirige  vers  Itzigen,  est  celle  de  la 
Table  de  Théodose,  et  dont  l'autre  conduit  par  Alt- 
heimau  milieu  des  forêts  qui  s'étendent  entre  Mœhren 
et  Auernheim,  et  au  sein  desquelles  sont  enfouies 
sous  le  sol  d'antiques  murailles  d'une  vaste  étendue, 


L.  SEPTIMIVS 
PERTINAX  AVG  .  .  AB 
.  .  ADIAB.  PARTHICVS  MAXIMVS 
PONTIF  MAX  TRIB  POT  VIIII 
IMP  XII  COS  II  P  P  PROCOS  ET 
IMP  CAESAR  M\RCVS  AVREL 
ANTONINVS  AVG  TRIB 
POT  IIII  PROCOS 


Itnperator  Ccesar  L.  Septimius  Pertinax ^  Augustus ,  Arabictis ,  Aâia- 
benicus  ,  Partkicus ,  Maximus,  pontifex  maximus ,  Iribunitia  potes- 
fate  VIIII,  Imperator  XII,  consul  II,  pater  patries,  proconsul,  et 
Imperator  Ccesar  Marcus  Aurelius  Antoninus ,  Augustus,  tribunilia  po- 
testate  IIII,  proconsul 

*  Voy.  ci  avant,  p.  H8. 


DU  UHIN  ET  DU  DANUBE.  127 

non  moins  mystérieuses  que  rétablissement  de  Kœn- 
gen  sur  le  Necker,  ou  que  celui  du  Hagenschieswald 
sur  l'Abnoba. 

Nous  atteignons  alors  Dietfurt,  lieu  où  les  Romains 
eurent  un  passage  sur  l'Altmùhl,  et  où  furent  aussi 
trouvés  un  fragment  d'inscription  ^  et  différentes 
monnaies. 

Au  delà  du  torrent,  nous  visitons  Gœhrn,  placé 
de  même  sur  les  décombres  d'un  établissement 
romain,  où  Jupiter  et  Gérés  eurent  des  autels \  et 
du  sein  des  ruines  duquel,  où  tout  annonce  que  la 
flamme  dévora  un  jour  ce  lieu,  ont  été  retirées  une 
foule  de  monnaies,  d'armes  et  d'antiquités  de  toute 
espèce. 

Arrivé  sur  laRelzat,  nousallons  nous  asseoir  sur  les 
ruines  du  camp  d'Emezheim,  où  Mercure  reçut  des 


...  A.  EX.  REL.  EORV  .  . 
DE.  SVO.  PRO.  SE.  ET.  S. 

l.  0.  M. 

SACR 

IVL.  VI 

ATOR 

V.  S.  LL.  M. 

CERERI  SACRVM. 


(Sur  une  coupe  de  sacrifice  que  décorent  aussi  quelques  épis.) 

Voy.  Jahrbericht  der  Akademie   der    Wissenschaften   in   Munchen. 
1829. 


128  ÉTABLISSEMENTS  nOMAINS 

sacri^lces^etoù  les  dieux  du  Nil  semblent  aussi  avoir 
eu  des  adorateurs^. Une  aile  de  cavalerie,  du  surnom 
à' Aurélienne ,  y  était  placée  dans  la  seconde  moitié 
du  deuxième  siècle.  Weissen bourg,  proche  de  ce 
lieu  ^,  nous  offre  aussi  une  inscription  dédiée  à  Mercure 
et  une  autre  à  Jupiter.  Nous  suivons  la  route  romaine 
qui  se  déploie  derrière  les  ruines  du  grand  rempart, 
et  qui ,  par  Raitenbuch  et  dominée  par  la  tour  d'Al- 
tenbourg,  allait  joindre  le  camp  de  Pfûnz  que  nous 
avons  décrit,  et  d'où,  par  Dolnstein,  nous  rentrons 
au  sein  d'Iciniacum. 

Cinqcampsdont  les  tracés  peuvent  encore  très-bien 
s'apercevoir,  et  dont  les  vestiges  des  remparts  et  des 
fossés  qui  les  entouraient  n'ont  point  encore  disparu, 
se  succédaient  en  demi -cercle  autour  du  bassin  de 


»  PRO  SAI.VTE 

ANTOMNI.  IMP.  N. 

MERCVRIO  SACRVM 

FL.  RAETICVS  OPTIO 

EQ.  AL.  AVR. 

V.  S.  LL.  M. 

2  II  existait  autrefois  dans  l'église  du  lieu  deux  figures  d'fsis  et  d'O- 
siris.  On  les  trouve  représentées  dans  l'ouvrage  de  Falkcnslcin  sur 
les  anliquités  de  ce  canton,  1.  c.,  pi.  3;  j'y  renvoie  le  lecteur. 

3  MERCVtîo) 
ARAM.  D.  IVL. 

PRISCINVS  EX  VOTO  SYSCfï-lPTO 
S.  LL.  M. 

L\  IIDD 
I.  0.  M. 


DU  RIIIN  ET  DU  DANUBE.  129 

l'Ussel  dont  ils  dominaient  les  abords.  Celui  d'Itzing, 
le  lieu  principal  de  celte  petite  colonie,  était  placé 
de  l'autre  côté  du  torrent.  Je  ne  sache  pas  que  dans 
ces  environs  aient  été  trouvées  des  inscriptions  ;  mais 
on  y  a  découvert  en  foule  des  monnaies  d'or,  d'ar- 
gent et  de  billon,  des  tronçons  d'armes,  des  vases, 
des  urnes  cinéraires,  et  quantité  d'autres  ustensiles. 
Quatre  puits,  creusés  dans  la  vallée,  ont  aussi  attiré 
l'attention,  et  surtout  l'un  d'eux,  situé  dans  la  direc- 
tion de  Mûndling,  près  duquel  ont  été  retrouvées 
d'anciennes  murailles  et  plusieurs  pièces  d'or  ro- 
maines. 

D'Iciniacum  à  Aquileia,la  Carte  routière  marque 
quatre  stations  :  celle  de  Medianis,  celle  de  Loso- 
dica,  celle  de  Septimiaci,  et  celle  d'Opie. 

Aquileia,  sans  nul  doute,  a  donné  son  nom  à  la 
petite  ville  d'Aalen,  située  non  loin  des  sources  de  ïa 
Kocher. 

Opie  semble  avoir  donné  le  sien  au  bourg  de 
Bopfmgen. 

11  est  impossible  de  préciser  d'une  manière  cer- 
taine les  autres  stations;  dans  le  doute,  on  ne  peut 
que  suivre  les  traces  des  diverses  routes  que  le  temps 
n'a  pas  effacées. 

L'une  d'elles  allait ,  au  sud ,  joindre  la  chaussée  qui 
bordait  la  rive  gauche  du  Danube,  et  aboutissait  à 
Marxheim ,  où  les  vestiges  des  palées  d'un  vieux  pont 
étaient  encore  visibles  au  dernier  siècle^;  l'autre, 

1  Dans  les  fossés  du  château  fut  trouvée  une  monnaie  de  Julia  Au- 
gusta.  Voy.  Jahrbericht  des  historischen  Vereins  iin  Rezatkreis.  Année 
1830,  p.  9,  n"  14. 

II.  « 


130  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

par  Mûndiing  et  Markof,  joignait  les  rives  de  la 
Wœrnitz,  et,  selon  toute  probabilité,  la  route  de 
Ponione  à  Opie;  deux  autres  enfin  allaient,  dans  la 
direction  du  nord,  circuler  par  plusieurs  ramifica- 
tions sur  les  hauteurs  qui  s'étendent  entre  l'AUmûlil 
et  la  Wœrnitz  jusqu'au  pied  du  grand  remp»irt.  Là, 
nous  voyons  Gnotzheini  et  Spielberg;  l'un,  assis  sur 
les  débris  d'un  vieux  camp*,  l'autre,  montrant  les 
restes  d'une  tour  d'observation  qui,  placée  sur  un 
sommet  élevé,  pouvait  correspondre  par  signaux 
avec  toutes  les  tours  fortes  de  la  grande  limite^.  La 
chaussée  romaine, de  Gnolzheim  au  grand  rempart, 
montre  encore  son  pavé  assez  intact.  Au  sud^,  entre 
Ursheim  et  Hechlingen,  elle  le  laisse  également 
apercevoir  çà  et  là.  Nous  le  foulons  pour  aller  visiter 
dans  le  val  de  l'Altmiihl  une  inscription  qui  fut  dé- 
terrée sur  le  territoire  de  Treuchtlingen,  et  qui  suffit 
pour  prouver  l'origine  romaine  de  cet  endroit,  sans 
que  toutefois  elle  puisse  servir  de  preuve  à  l'assertion 
de  quelques  observateurs  qui ,  d'après  elle,  ont  voulu 
donner  à  ce  lieu  le  nom  de  colonie  Aurélienne^. 

'  On  y  a  trouvé  une  foule  de  monnaies,  d'armes,  de  bijoux,  de  dé- 
bris de  poteries  et  d'autres  anti(iuités. 

-  On  y  trouve  toujours  encore  de  temps  en  temps  quelques  vieilles 
monnaies. 

^  Voici  cette  inscription  : 

.  .  .  AVRELIARVM 

EMERITi  COMVGI 

SABINAE  FILIAE 

VERECVNDAE  MATRI 

SABINEIVS  SABINVS 

KARISSIMIS. 


DU  lUIIN  ET  DU  DANUBE.  131 

Avant  d'y  arriver,  nous  nous  assurons,  près  de 
Wettelsheim,  de  l'emplacement  dune  autre  tour 
d'observation,  dans  les  décombres  de  laquelle  furent, 
en  les  déblayant,  trouvées  quelques  monnaies  ro- 
maines; l'une  d'elles  était  de  Viteliius. 

C'est,  selon  toute  probabilité,  celte  suite  d'éta- 
blissements qui  s'étendaient  entre  la  Wœrnilz  et 
l'Altmùhl  qui  portait  le  nom  de  castra  Mediana. 

A  l'ouest  du  premier  de  ces  torrents  durent  être 
placés  ceux  de  Losodica,  dans  le  bassin  qu'arrose  la 
rivière  d'Eger.  Le  lieu  qui ,  dans  celte  dernière  sta- 
tion, a  laissé  le  plus  de  traces  de  son  antique  im- 
portance est  Gross- Sorheim,  village  situé  à  trois 
quarts  de  lieue  de  Harbourg.  Sur  une  colline  arron- 
die qui  le  domine,  dans  la  direction  de  Nœrdlingen , 
s'élevait  encore  au  moyen  âge  un  vieux  château , 
situé  sur  l'emplacement  d'un  camp  romain.  Ses  ruines 
ont  succédé  aux  ruines  romaines.  Trois  colonnes 
antiques,  trouvées  au  bas  de  la  colline,  les  traces 
d'un  aqueduc,  quelques  fondements  de  bâtisses,  et 
les  énormes  parties  sexuelles  d'un  Priape,qui  y  étaient 
enfouies;  d'autres  colonnettes,  des  briques,  des  frag- 
ments de  vases  et  de  poteries,  et  enfin  des  monnaies 
romaines  annoncent  qu'un  établissement  assez  con- 
sidérable a  dû  y  exister.  La  voie  romaine  liait  ce 
lieu  à  Allerheim,  où,  sur  le  sommet  d'une  montagne, 
était  placée  une  tour  d'observation ^  Plus  au  nord, 

*  II  y  a  une  vingtaine  d'années,  qu'en  en  déblayant  les  décombres, 
l'on  découvrit  un  puits  encore  très-bien  muré  qui ,  ù  travers  la  mon- 
tagne, devait  atteindre  le  niveau  de  la  ^Yoernitz.  C'est  incontestable- 
ment un  ouvrage  romain. 

II.  '• 


132  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Wallerstein,  Maihingen,  et  d'autres  lieux  ont  aussi 
offert  quelques  antiquités  provenant  du  grand 
peuple'. 

Nous  touchons  le  territoire  des  castra  Seplimiaca, 
dont  le  village  de  Maihingen  fut  peut-être  le  lieu 
principal,  et  dont  le  réseau  s'étendait  depuis  là  jus- 
qu'au grand  rempart  dans  tout  le  bassin  de  la 
Sechtach. 

Sur  les  bords  mêmes  du  torrent,  l'on  peut  encore 
étudier  l'emplacement  d'un  des  castels  qui  devaient 
protéger  la  vallée.  Aufkirch,  Thannhausen,  Walx- 
heim^  ont  également  présenté  quelques  vestiges 
d'antiques  fortifications. 

Au  delà  de  la  Sechtach  se  montre  sur  un  haut  som- 
met le  château  de  Baldern,  que  nous  avons  cité  en 
faisant  la  description  du  grand  rempart,  et  qui  a  suc- 
cédé à  des  constructions  du  moyen  âge  qui  elles- 
mêmes  avaient  été  posées  sur  l'emplacement  d'un 
castel  romain.  Un  bas-relief,  représentant  un  guer- 
rier, et  de  nombreuses  monnaies, dont  plusieurs,  en 

'  Dans  le  dernier  village  fut  trouvée  une  pierre  sépulcrale  avec  une 
inscription  en  lettres  moitié  grecques  et  moitié  latines.  Elle  a  été  pu- 
bliée par  Hanselmann,  t.  ii,  p.  30. 

La  voici  d'après  lui  : 

EYnOPOC 
OYPBIKii  <I>I 
Mil  BENEME 
HEMl  <|)HKI 

Euporus  Vrbico  fiUo  beticmerenli  (hoc  monumentum)  fecil. 


DU  nilIN  ET  DU  DANUBE.  133 

argent,  sont  du  règne  de  Trajan  et  de  celui  d'Adrien, 
ont  été  retirés  de  son  sol.  La  position  était  on  ne 
peut  plus  avantageuse  pour  l'exploration.  Car  de  cette 
hauteur  l'œil  embrasse  tout  le  pays  dans  un  rayon 
de  douze  lieues,  et  voit  se  développer  les  collines  et 
les  plaines  où  circule  la  Riess,  et  dont  la  fertilité  dut 
appeler  de  nombreux  colons. 

Plus  au  sud ,  un  autre  camp  était  placé  près  de  Rœt- 
tingen,  non  loin  de  la  station  dOpie. 

Nous  en  visitons  l'emplacement  avant  de  nous 
rendre  dans  ce  dernier  lieu  qui,  selon  toute  proba- 
bilité, occupait  le  sommet  élevé  de  llpf,  que  les 
Romains  avaient  nivelé  pour  y  poser  leur  établisse- 
ments Ils  avaient  aussi  vis-à-vis  bàli  un  autre  caslel 
sur  le  Flochberg. 

C'est  sans  doute  apiès  la  destruction  de  l'un  et 
de  l'autre  par  les  Allemanes  que  leurs  matériaux 
servirent  aux  constructions  du  boui-g  de  Bopfmgen, 
dans  la  vallée. 

D'Opie  à  Aquileia,la  Table  marque  dix-huit  mille 
pas,  et  dAquileia,elleen  marque  vingt  mille  jusqu'aux 
camps  de  la  Luna,  qui  devaient  embrasser  les  forti- 
fications de  Welzheim,  dont  nous  avons  parlé  en 
parcourant  le  grand  rempart,  et  devant  lesquelles 
circulait  le  petit  torrent  de  la  Lein,  qui  sans  doute 
fut  la  Luna  des  Romains,etoù  commençait  la  grande 
voie  romaine  qui  allait  par  Sumlocène  et  Arae  FlaviaB 
joindre  le  Rhin  à  Tenedone. 

*  On  y  a  découvert  plusieurs  monnaies ,  dont  une  entre  autres  d'ar- 
gent, au  type  d'Antonin-ie-Pieux  ,  et  une  autre  de  billon  du  règne  de 
Doraitien. 


134  ÉTABLISSEMENTS  UOiMAINS 

La  distance  totale  d'Opie  aux  camps  de  la  Luna 
était  donc  de  trente -huit  mille  pas  et,  par  consé- 
quent^ conforme  à  celle  qui  sépare  effectivement  le 
sommet  de  Tlpf  de  Welzheim. 

La  station  d  Aquileia  comprenait  deux  camps  prin- 
cipaux. 

Nous  avons,  en  faisant  la  description  du  grand 
rempart ,  cité  celui  de  Buch ,  situé  à  un  quart  de  lieue 
de  la  limite  antique. 

Son  tracé  est  encore  entier;  çà  et  là,  les  murs, 
recouverts  de  gazon,  s'élèvent  à  trois  et  quatre  pieds 
tout  autour  de  la  double  enceinte  carrée  que  proté- 
geaient deux  fossés  profonds. 

Des  débris  de  colonnes,  des  briques  et  des  frag- 
ments de  poterie,  joints  à  une  grande  quantité  de 
monnaies  ,  dont  la  suite  remontait  depuis  Cons- 
tance jusqu'à  Domitien,  ont  été  retirés  de  ces  ruines 
qui  malheureusement  n'ont  point  offert  d'inscrip- 
tion. 

Au  milieu  de  l'espace  que  ces  restes  recouvrent 
est  un  parallélogramme  de  cent  soixante- dix  pieds, 
appelé  par  les  habitants  le  château '.C'était  peut-être 
le  prétoire. 

L'autre  camp  était  plus  en  arrière,  situé  sur  l'em- 
placement même  qu'occupe  la  petite  ville  d'Aalen, 
sur  la  rive  droite  de  la  Kocher.  Nulle  ruine,  nulle 
inscription  n'en  subsiste,  et  l'on  ne  peut  juger  de  sa 
position  que  par  le  nom  de  Maueracker  que  portent 
les  champs  qu'il  recouvrait  à  l'ouest  de  la  ville,  où 

'  IHc  Bitrg. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  135 

ses  murailles  ont  dû  s'élever,  et  d'où  plus  d'une  cen- 
taine de  monnaies  ont  été  retirées ^ 

Quelques  tours  fortes  couronnaient  les  hauteurs. 
Celle  d'Oberalfingen  qui,  de  son  sommet,  pouvait 
correspondre  avec  celle  de  Baldern ,  avec  Kapfen- 
bourg,  et  les  tours  fortes  de  la  chaîne  de  l'Albuch, 
était  la  plus  élevée.  Ses  murailles  n'avaient  pas  moins 
de  neuf  pieds  d'épaisseur.  Aujourd'hui  elle  a  tout  à 
fait  disparu. 

Nous  suivons  les  traces  de  la  chaussée  romaine 
jusqu'à  Lorch,  bourg  célèbre  par  l'abbaye  que  les 
ducs  de  Franconie  et  de  Souabe,  de  la  maison  de 
Hohenstaufen,  firent  bâtir  sur  les  fondements  du 
castel  romain.  Un  fragment  d'inscription  '^,  des  pote- 
ries, dont  quelques-unes  recouvertes  de  beaux  em- 
blèmes, et  dont  un  vase  entre  autres  était  orné  du 
triomphe  en  relief  de  Bacchus,  ont  été  trouvés  dans 
les  vieux  décombres  romains.  C'était  le  camp  le  plus 
méridional  de  la  station  à'ad  Lunam,  dont  celui  de 
Welzheim  était  le  prétoire.  C'était  le  point  de  sépa- 
ration des  gouvernements  de  la  Germanie  supérieure 
et  de  la  Rhétie. 


^  Le  plus  grand  nombre  est  de  l'époque  d'Adrien  el  des  Anloniiis; 
cependant  on  en  a  aussi  trouvé  de  Constantin  et  de  Constance.  Voy. 
Wtirlemberyiiche  Jahrbucher.  1831.  2'"  cah.,  p.  102  et  suiv. 


....  ES  DOMO 

NEG.  ART.  C.   {netjotialor  arlis  cictariœ) 

B-tS  PARENT 

INCO.MPQ 

.  .  .  Fit..  DVLC 


136  ÉTABLISSEMENTS  IIOMAINS 

Nous  avons  décrit  les  élablissenients  romains  fie 
la  première  de  ces  provinces.  Nous  devons  donc 
nous  rabattre  de  nouveau  vers  le  Danube,  et,  entre 
ce  fleuve  et  le  Necker,  chercher  sur  l'Albe  les  princi- 
pales positions  mises  à  profit  par  le  grand  peuple. 

Plusieurs  routes  durent  dans  l'antiquité  circulei* 
sur  ces  plateaux  et  joindre  l'un  à  l'autre  les  deux  bas- 
sins qu'arrosent  ce  fleuve  et  cette  rivière. 

La  première  est  celle  qui  s'élevait  sur  les  plateaux 
qui  dominent  la  Rocher  et  la  Brenz,  d'Aquileia  à 
Heidenheim,  et  qui  allait  joindre  le  Danube  à  Pomone. 
Déjà  le  nom  d'Heidenheim  marque  un  lieu  qui  fut 
habité  du  temps  du  paganisme.  Et,  en  efl'et,  nous  y 
trouvons  plusieurs  inscriptions  laissées  par  la  po- 
pulation romaine;  l'une  d'elles  s'adressait  à  Mer- 
cure'. 

Le  bourg  est  pittoresquement  situé  ;  et  les  rocs  élan- 
cés qui,  sourcilleux,  s'élèvent  au-dessus  de  lui,  sou- 
tiennent encore  les  débris  de  murailles  d'un  vieux 
chîilel  que  le  moyen  âge  bâtit  sur  les  vestiges  de  plus 
antiques  fortifications. 

Heidenheim  a  longtemps  été  regardé  comme  l'A- 

i  MEUCVRIO. 

SAC.  EX.  VO 
TO  .  .  .  FLO 
RENTINVS 
110  SALVTE 
PRIMITIVI 

FILI 
V.  S  L  L  M. 


DU  RHIN  ET  nu  DANUBE.  137 

quileia  de  la  Table  de  Théodose ,  réunion  de  camps 
dont  nous  avons  avec  plus  de  raison  placé  le  prétoire 
près  du  grand  rempart.  En  le  faisant,  nous  avons 
suivi  l'opinion  du  topographe  Paulus  qui,  commen- 
tant la  Table  de  Peulinger,  a  donné  des  raisons  extrê- 
mement plausibles  pour  faire  regarder  l'embranche- 
ment de  route  qui,  de  Sumiocène,  traversait  les 
hauteurs  du  Schœnbuch,et  liait  cette  colonie  ro- 
maine à  Clarenna  ou  Canstadt,  comme  étant  celui 
de  cet  Itinéraire. 

Si  cette  opinion  est  vraie,  comme  elle  en  a  toute 
l'apparence,  la  station  d'arf  Lunam  devait  être  né- 
cessairement placée,  comme  nous  l'avons  dit,  aux 
sources  de  la  Lein  ou  de  la  Luna  ;  et,  comme  consé- 
quence, celle  d'Aquileia,  qui  était  éloignée  A  ad  Lu- 
yiam  de  vingt  mille  pas,  devait  l'être  prèsdelaKocher, 
où  la  petite  ville  d'Aalen  a  conservé  le  nom  iVAqui- 
/em,  seulement  contracté.  La  route  militaire  qui,  de 
la  colonie  du  Necker,  passant  par  Grinario ,  formait 
une  courbe  légère  sur  les  plateaux  du  Schœnbuch, 
traversait  donc  cette  rivière  à  Canstadt  et  allait  en 
ligne  droite,  à  l'est,  lier  les  stations  du  grand  rem- 
part,  dont  nous  avons  décrit  les  positions.  Ce  qui  a 
surtout  portéquelquessavants^  à  regarderie  moderne 
Heidenheim  comme  l'Aquileia  des  Romains,  c'est 
une  épitaphe  trouvée  dans  les  ruines  du  camp  qui 
couronnait  ce  bourg  dans  lanliquité. 


1  Grolesend,  Leichtlen,  et  surtout  Bucliner  qui,  dans  un  mémoire 
spécial  sur  les  forlificaiions  de  Lonsé.e  ;  s'est  à  ce  sujet  laissé  aller  à 
toute  son  imat'inaiion. 


138  ÉTABLISSEMENTS  IIOMAIINS 

L'inscriplion  nous  apprend  que  Flavius  Aucus, 
secrétaire  et  héritier  de  T.  Flavius  Vitalis,  fit  éri- 
ger cette  pierre  aux  mânes  de  ce  citoyen  d'Iala^ 
Mais  nous  avons  déjà  fait  observer,  en  parlant  de  l'é- 
pitaphe  d'un  citoyen  de  Cana ,  trouvée  à  Celeusum , 
que,  loin  d'être  une  preuve  en  faveur  du  nom  de 
Cana  qu'a  dû  porter  Cansladt,  cette  inscription  ne 
prouve,  au  contraire,  que  le  droit  de  cité  qu'eut 
dans  l'antique  ville  de  Cana  en  Eolie,  vis-à-vis 
les  côtes  de  Lesbos,  celui  dont  elle  rappelle  la  mé- 
moire. 

Il  en  est  de  même  de  la  pierre  d'Heidenheim ,  dont 
répitaphe  indique  que  celui  qu'elle  recouvrait  était 
citoyen,  non  d'Aquileia  (puisque  l'inscription  est 
complète),  mais  bien  d'Iala,  bourg  d'Italie,  situé  sur 
une  petite  rivière  qui  portait  le  même  nom,  et  qui 
se  jette  dans  le  lac  de  Côme.  Elle  ne  prouve  pas  plus 
en  faveur  du  nom  antique  d'Heidenheim  que  celle 
de  Celeusum  a  pu  prouver  en  faveur  du  nom  de 
Canstadt. 

Les  traces  de  la  chaussée  romaine  sont  surtout 
visibles  au  delà  d'Heidenheim,  au  sein  des  forêts  où, 
près  d'Haunsheim,  se  montrent  aussi  les  vestiges 
d'un  castel.  Le  carré  en  est  parfaitement  tracé ,  et  ses 

1  D.  M. 

T  FL  MTALIS 

CIVES  lAL 

MX.  AN  LXX 

FL  AVCVS  LFB 

KT  ERES  FACCVU. 

Librurius  et  Itères.) 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  139 

remparts  sont  encore  élevés  de  cinq  à  dix  pieds  au- 
dessus  du  sol,  dans  une  étendue  de  quatre  cent 
soixante-cinq  pieds  au  nord  et  à  l'ouest,  et  de  quatre 
cent  six  à  l'est  et  au  sud  Dans  ces  murailles,  dont 
les  tours  et  les  créneaux  renversés  sont  aujourd'hui 
enfouis  sous  les  troncs  droits  de  la  forêt,  était  placée 
une  cohorte  de  Thraces,  si  toutefois  l'inscription 
murée  dans  l'église  d'Haunsheim  provient  de  ces 
ruines  ^ 

Le  grand  nombre  de  monnaies  trouvées  dans  ces 
environs  et  sur  les  territoires  d'Herbrechtingen ,  de 
Giengen,  de  Burgberg,  d'Hermaringen,  de  Brenz  et 
de  Sonlheim,  prouvent  combien  la  colonisation  ro- 
maine, que  ces  camps  étaient  destinés  à  proléger,  y 
était  répandue. 

La  route  d  Heidenheim  à  Pomone  allait  joindre  la 
colonie  Vindélicienne  d'Augusta,  et  ce  transit  devait 
nécessairement  donner  de  l'importance  aux  diffé- 


*  Voy,,  pour  plus  de  détails,  Raiser,  Der  Ober-Donaukreis  unter  den 
Rômern,  ii,  6,  p.  57. 


Voici  l'inscription 


MVL.EKI  INN  . 
TISSIME.  VXO 
SANCTISSIM.  . 
REGREDER  .  . 
AÎSNOS  AGE  . 
LVCIVS  NOR  . 
FORTVNAT  .  . 
PRAEF.  COH.  .  . 
TIIACVM  posviT 


140  ÉTABLISSEMENTS  UOMAIISS 

renies  mansions  qui  l'abordaient  et  y  agglomérer  la 
population. 

Une  autre  route  que  nous  pouvons  appeler  une 
enfourchure  de  celle  dont  nous  venons  de  parler, 
partait  de  Pomone  et  allait  dans  la  direction  du  nord 
joindre  la  station  d  Opie.  Cette  route  est  connue  sous 
le  nom  de  Steimtrass ,  que  lui  donnent  les  habitants, 
et  qui  semble  provenir  de  ce  qu'effectivement  elle 
est  composée  d'une  couche  de  pierre  calcaire  d'un  , 
de  deux,  et  même  de  trois  pieds  d'élévation. Elle  est 
en  général ,  dans  tout  son  cours,  large  de  dix -huit 
pieds. 

Plusieurs  points  méritent  d'être  mentionnés  sur 
cette  voie  ou  dans  le  district  qu'elle  parcourt,  entre 
autres  le  village  de  Wiltislingen,  où  fut  trouvée  une 
inscription  adressée  à  Mercure,  et  dont  le  clocher  de 
réglise  repose  sur  les  fondements  d'une  vieille  tour 
romaine,  et  Oberbœchingen,  dans  les  forêts  duquel 
se  voient  encore  les  traces  d'un  vieux  camp  que  sur- 
montait une  tour  d'observation.  Une  charmante  sta- 
tuette en  marbre  d'un  amour  endormi  a  été  retirée 
de  ces  ruines'. 

Je  citerai  encore  Zoschingen,  d'où  provient  un 
fragment  de  bas- relief  représentant  Palias  et  Mer- 
cure'^, et  peut-être  les  deux  tours  fortes  de  Stauffcii 
et  de  Katzenstein. 


•  Voy.  Raiscr,  Der  Ober-Donaukrcis.  Ouvrage  cilc,  2"^  paît.,  p.  51  , 
not.  123. 

~  Desdireibuny  des  rumisclien  Antiquariums  in  Anysbunj ,  u"  15, 
p.  05. 


DU  IIIIIIN  ET  bV  DANUDE.  141 

Sur  la  droite  de  Finningen,  où  est  venue  s'offrir  à 
nous  une  inscription  d'Apollon  Grannus^Hochstett, 
Dillingen ,  Lizheim ,  dernier  lieu  où  la  troisième 
légion  italique^  a  laissé  quelques  souvenirs,  et  les 
traces  du  castel  qui,  entre  Finningen  et  Luzingen  , 
couronnait  la  pointe  d'un  sommet  élevé  d'où  la 
vue  s'étend  sur  tout  le  val  du  Danube,  et  dont  les 
signaux  pouvaient  correspondre  avec  ceux  des  autres 
tours  qui  se  succédaient  tout  le  long  du  fleuve ,  com- 
plètent la  monographie  de  cette  partie  de  la  pro- 
vince. 

Un  troisième  embranchement  de  route  qui  partait 
de  Pomone  allait,  par  Gundelfuigen  et  le  val  de  la 
Lontel,  aboutir  à  Lonsée,  petit  endroit  placé  aux 
sources  de  ce  torrent,  sur  le  sommet  des  Alpes  sué- 
viques,  et  qui  était  lui-même  le  point  de  jonction 
de  plusieurs  autres  voies  romaines.  Gundeliîngen  a 
livré  sur  son  territoire  une  pierre  portant  un  frag- 
ment d'inscription  adressée  à  Jupiter,  et  un  pot  rempli 
de  monnaies  d'argent,  la  plupart  de  l'époque  des 

1  APOLLINI 

GRANiNO 

SABIlNIVS 

PROVINCIALIS 

L  L  M. 


LEG  ITAL  II I  M. 


Inscription  trouvée  sur  deux  briijues.  On  y  a  aussi  découverl  plu- 
sieurs monnaies  de  Trajan ,  d'Adrien  et  des  Sévère. 


142  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Antonins.  L'un  et  l'autre  gisaient  sous  terre,  à  une 
denii-Iieue  de  l'endroit. 

Une  des  routes  qui  aboutissaient  à  Lonsée  courait 
au  nord  parAltenstadt,  près  de  Geisslingen  ,  et,  pas- 
sant par  Ueberkingen  et  au  pied  du  Hohenstaufen  , 
liait  entre  elles  les  diverses  vallées  de  la  Fils,  de  la 
Rems,  de  la  Koeher  et  du  Necker.  Une  autre  route 
circulait  elle-même  sur  les  hauts  plateaux  de  l'Albe, 
et  une  troisième  liait  (sans  doute  par  Altheim)  les 
communications  de  la  Brenz  et  de  l'Eger. 

Lonsée  n'offre  lui-même  que  de  bien  faibles  ves- 
tiges de  la  présence  des  Romains,  qui  sans  doute  n'y 
eurent  qu'un  poste  militaire,  fortifié,  comme  tous  les 
lieux  où  ils  posèrent  le  moindre  de  leurs  établisse- 
ments, et  qui  dut  servir  à  la  sécurité  de  toutes  ces 
roules.  Cependant  ils  occupèrent  longtemps  cette  val- 
lée, ainsi  que  le  prouve  un  fragment  d'inscription 
découvert  lors  de  la  restauration  de  l'église  du  village 
d  Hausen,  qui  nous  reporte  au  règne  de  Gallien.  Cet 
empereur  y  est  surnommé  le  Germanique ,  titre  qui 
lui  fut  donné  pour  la  première  fois  sur  ses  monnaies, 
en  257  ^  et  qu'il  renouvela  pour  la  cinquième  fois  dix 
ans  après,  un  an  avant  que  le  poignard  ne  le  frappât. 
C'est  donc  de  toutes  les  inscriptions  trouvées  entre  le 
Danube  et  le  Necker  celle  qui  est  la  plus  récente  de 
date'^. 

»  Eckhel,  Doct.  num.  vet.,  1,  391. 

-  Schicubische  Clironick  du  16  mars  1835. 

Voici  l'inscriplion  : 

I  P  CAES.  GALLI 

GERMAMCV 

INVICTVS.  AV 


DU  KIIIN  ET  DU  DANIBE.  143 

La  roule  de  l'Albc  présente  encore  quelques-uns 
de  ses  vestiges  jusqu'à  la  hauteur  de  Gruorn,  village 
au  delà  duquel  il  est  assez  difficile  d'en  marquer  la 
direction.  Elle  sert  toutefois  de  preuve  évidente  que 
sur  ces  plateaux  élevés  la  colonisation  s'était  répan- 
due. 

L'Erins*  prend  sa  source  non  loin  de  cet  endroit» 
et  dans  sa  gorge  découpée,  célèbre  par  les  ruines 
pittoresques  que  le  moyen  âge  y  a  laissées  à  Uracb , 
plusieurs  souvenirs  de  l'époque  romaine  ont  été  re- 
trouvés. 

Deux  inscriptions  de  3Ietzingen  nous  prouvent 
qu'il  existait  surle  terrain  où  ce  village  est  placé  un 
temple  qui  était  commun  à  tous  les  habitants  de  cette 
vallée"^. 

Plusieurs  bas- reliefs^  une  figure  de  Mercure,  des 
monnaies  et  d'autres  antiquités^  peuvent  donner  une 
assez  haute  idée  de  l'importance  de  l'endroit. 

A  Plezhausen,à  Pfullingen, furent  aussi  découverts 
deux  bas-reliefs^;  surle  sommet  de  l'Achalm,  que 

'  Armisia, 

5  I.  0.  M.  I.  0.  M. 

CONFANES  .  .  Vi\0r4  REGIN. 

SES.  ARMI  ,  .  .  .  . 

SSES.  VSL  ARMISSES 

L.  M.  

3  VOY.  Schivubische  Chronik.  1789.  11°  418,  et  Meinminger,  De- 
schreibung  des  Oberamts  Urach,  p.  IG  el  sv. 

*  L'n  potier  romain  de  Plullingen  nous  a  conservé  son  nom  sur  ses 
poteries.  Voici  son  monogramme  : 

PRIMITlVoS. 


1  44  ÉTABLISSEMENTS  UOMAINS 

couronnait  un  castel  explorateur,  d'autres  moindres 
antiquités  ont  été  mises  au  jour. 

Au  delà  de  ce  sommet  élevé,  dans  les  environs  de 
Bœtzingen,  les  traces  de  lantique  voie  romaine  re- 
paraissent; nous  les  suivons  par  VVankheim  jusqu'à 
la  colonie  de  Sumlocène.  Une  autre  route,  signalée 
par  tradition  chez  les  habitants  de  Kùsterdingen  sous 
le  nom  de  Hœrweg ,  paraît  aussi  s'être  dirigée  sur 
Sumlocène  par  Metzingen  et  Tubingue. 

L'église  de  Kùsterdingen  conserve  encore  sur  son 
portail  le  reste  d'une  inscription  dédiée  à  Jupiter  et 
à  Junon^ 

Il  est  à  présumer  que  la  route  de  Gruorn  descen- 
dait à  travers  le  val  de  l'Emis  que  nous  avons  suivi, 
tandis  que  sans  doute  du  côté  opposé  un  autre  em- 
branchement allait  par  le  val  de  la  Lauter  aboutir  au 
Danube,  et  que,  coupant  l'Albe  dans  ses  plateaux  les 
plus  élevés  et  passant  sous  les  murs  de  Hohenzollern, 
un  troisième  embranchement  allait  par  plusieurs 
ramifications  joindre  les  sources  du  fleuve  et  du 
Necker. 

C'est  la  dernière  de  ces  directions  que  nous  sui- 
vons, et  qui  nous  conduit  au  bord  du  Danube  sur  les 
ruines  dHombourg(ou  d'Honberg),  au -dessus  de 
Tutllingen. 


I.  0.  M. 

ET  IVNO 
REG.  se 

IVN/////// 
PA//////// 
/////////// 


DU  UIIIN  ET  DU  DANUBE.  145 

Nous  voyons,  pour  y  arriver,  s'étendre  à  notre 
gauche  le  Hard,  plateau  qui  lui-même  n'est  qu'un 
prolongement  de  l'Albe  entre  la  Schmiech  et  la  Béer, 
et  dont  le  nom  rappelle  celui  des  Harudes,  qui  l'ha- 
bitaient dans  l'antiquité  et  qui  combattirent  contre 
César  dans  les  armées  d'Arioviste. 

Le  château  d'IIombourg,  que  le  moyen  âge  bàlit 
sur  les  débris  d'un  castel  romain,  n'a  offert  de  la  pé- 
riode romaine  que  des  monnaies  qui  remontaient  de- 
puis l'empereur  Trajan  jusqu  à  Vespasien.  Il  paraît 
qu'il  fut  construit  à  la  même  époque  où  furent  placés 
sur  le  Necker  les  Autels  Flaviens.  Posé  à  pic  sur  un 
cône  élevé,  il  conunandail  la  route  qui,  venant  de 
cette  dernière  ville  par  le  plateau  du  nord,  des- 
cendait vers  le  Danube,  et,  remontant  au  côté  op- 
posé, se  partageait  en  une  enfourchure;  l'une  des 
branches,  à  Test,  suivait  les  plateaux  qui  do- 
minent le  fleuve,  et  l'autre,  au  sud ,  se  dirigeait  vers 
le  lac  Brigantin. 

Dans  tous  ces  environs,  h  Thuningen,  à  Unterdi- 
gisheim,  à  Kœnigsheim,  à  Beerenthal,  furent  trou- 
vées des  monnaies  romaines^ 

Non  loin  de  l'embouchure  de  la  Béer  dans  le  Da- 
nube, le  couvent  de  Beuron  s'étend  dans  la  vallée. 
Sur  les  rocs  qui  le  dominent,  d'anciennes  fortifica- 
tions, dont  le  carré  est  encore  bien  marqué,  ont  un 
caractère  d'antiquité  romaine  qui  ne  peut  être  mé- 


*  Slaelin,  Wirtemberyische  Geschichte ,  1. 1,  p.  iS.  A  Untcrdigislieim 
ces  monnaies  se  succédaient  depuis  Aninnin  -  le -Pieux  jusqu'à 
Alexandre  Sévère. 

II.  '" 


146  ÉTABLISSEMENTS  ROMAmS 

connu.  Le  peuple  leur  donne  le  nom  d'AUstadl^  nom 
qu'il  donne  aussi  h  remplacement  d'un  autre  établisse- 
ment romain  près  de  Mœskirch,  dont  on  a  prétendu 
faire  l'antique  Bragadurum  cité  par  Ptolémée.  Les 
traces  de  la  route  romaine  n'ont  point  encore  disparu 
entre  l'un  et  l'autre  de  ces  lieux  ;  elles  reparaissent 
sur  les  hauteurs  qui  dominent  le  cours  de  l'Aach,  et 
surcellesdela  presqu'île  du  lac,  oùelleallaitaboulirà 
la  cité  de  Constance.  Quelques  décombresdemurailles, 
auxquels  l'habitant  donne  le  nom  de  Heidenschloss 
(nom  qui  partout  généralement  marque  la  présence 
des  Romains),  proviennent  sans  doute  des  tours  fortes 
qui  devaient  observer  ce  passage  et  qui  devaient 
veiller  à  sa  sécurité. 

Nous  touchons  le  Hégau,  bassin  qui  s'étend  entre 
le  lac,  le  Rhin  et  le  Danube,  dominé  h  l'est  par  les 
sommités  basaltiques  du  Randenberg,  auxquelles  les 
ruines  du  moyen  âge,  qui  couronnent  chacune  de  ces 
pointes,  prêtent  un  caractère  si  pittoresque. 

Ptolémée,  dans  sa  Géographie,  en  décrivant  les 
frontières  de  la  Rhétie,  donne  à  celte  dernière  pour 
limites,  à  l'ouest,  le  mont  Adula  et  la  ligne  qui  s'é- 
tend depuis  le  Danube  jusqu  au  coude  formé  par 
le  Rhin;  au  nord,  le  Danube,  depuis  sa  source  jus- 
qu'à l'embouchure  de  l'Inn  dans  ce  fleuve;  à  l'est, 
le  cours  de  cette  rivière,  et,  au  sud,  les  Alpes  pen- 
niques. 

C'est  dans  ces  dernières,  ajoute -t- il,  que  l'iller, 
qui  se  jette  dans  le  Danube,  prend  sa  source,  et  elles 
séparent  la  Rhétie  de  l'Italie;  celles  qui  s'étendent 
vers  Gra3a  sont  situées  par  le  30*^  degré  de  longitude 


DU  aiIIN  ET  DU  DANUBE.  147 

et  le  45'^  degré  20  minutes  de  latitude.  Comme  c'est 
aux  mêmes  degrés  environ  qu'il  place  la  tête  du  Rhin 
et  les  deux  villes  de  Brigance  et  de  Taxgœtium ,  posées 
sur  ses  rives,  il  faut  croire  que  le  géographe  d'A- 
lexandrie voulait  désigner  par  là  le  commencement 
du  grand  cours  du  fleuve  à  sa  sortie  du  lac  Brigantin, 
dont  il  semble  avoir  ignoré  l'existence.  Or,  c'est  à 
peu  près,  comme  le  dit  aussi  Strabon ,  à  une  journée 
de  marche  environ  que  les  sources  du  Danube  sont 
éloignées  du  lac  Brigantin  ^ 

Il  faut  donc,  d'après  cette  description  du  géo- 
graphe d'Alexandrie,  que  les  monts  connus  au- 
jourd'hui sous  le  nom  d'ArIberg,  aient  porté  dans 
l'antiquité  le  nom  de  Penniques^,  et  regarder  les 
hauteurs  qui  s'étendent  depuis  ces  Alpes  jusqu'à 
versleHégau,  et  peut-être  aussi  les  rocs  basal- 
tiques de  ce  canton  qui,  comme  dévastes  murailles, 
s'élèvent  perpendiculairement  au-dessus  du  bassin 
qu'ils  dominent,  comme  appartenant  à  la  prolon- 
gation de  cette  chaîne  à  l'ouest. 

Le  nom  de  Grjjea^se  serait  perpétué  danse  lui 
du  donjon  d  Hohenkrœen  qui,  au  moyen  âge,  a,  se- 
lon toute  apparence,  été  bâti  sur  de  plus  antiques 
fondements. 

Il  est  indubitable  du  moins  que,  pour  contenir  le 
peuple  qui  habitait  ce  pays  et  qui  avait  une  origine 

t  'HijL£pr,Giov  oâ  (XTro  xrfi  Xiivrr^c,  TrpoEÀOwv  ooov  TiêÈptoç,  îtoj  xa;  zvj 
"Iffxpou  TtriYâç.  Strab.,  1.  vu. 

'  Ilotvâi.  Ptol..  Géogr.,  1.  Il,  f.  1-2. 
'•  rpott'at. 

H.  !"• 


1  48  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

commune  avec  ces  Rhétiens  que  Drusus  et  Tibère 
vinrent  combattre  et  soumettre,  Rome  a  dû  y  bâtir 
des  forteresses. 

Tous  ces  monts  du  Hégau  offraient  des  positions 
trop  importantes  sous  le  rapport  stratégique  pour 
n'avoir  point  attiré  les  regards  des  ingénieurs  ro- 
mains, et  il  est  plus  que  probable  que,  comme 
Hohenkrîeen ,  bon  nombre  des  châteaux  élevés  au 
moyen  âge  par  la  noblesse  allemane,  ont  eu  comme 
ce  donjon  une  origine  romaine,  et  que  HohentwieP, 
Nellenbourg'^  le  donjon  d'Engen,  d'où  les  vestiges 
d'un  chemin  antique  peuvent  encore  être  étudiés, 
jusqu'au  fort  dont  les  ruines  couronnent  la  petite 
ville  de  Tuttlingen,  et  peut-être  les  murs  renversés 
de  Bodmann,  sur  une  des  sommités  du  lac,  ont  dû 
leurs  premières  murailles  aux  Romains. 

Les  traces  de  l'ancienne  voie  mihtaire  du  Danube^ 
peuvent  se  suivre  sur  les  plateaux  qui  dominent  la 
rive  droite  du  fleuve,  depuis  Altsladt,  près  de  Mœs- 
kirch ,  jusqu'au  bord  de  la  Riss,  où  fut  placé  l'éta- 
blissement de  Risstissen  . 


^  Duellium? 

2  Als  die  Schlosskirche  abgebrochen  wurde,  fand  man  ini  Grunde 
Spuren  eines  eingeslùrzlen  Gebseudes,  auf  dcssen  Triimmern  das 
Schloss  gebaul  war.  Unter  diesen  Trummern  fand  man  zwo  Urnen , 
die  nebeneinander  standen,  die  aber  beim  Ausgraben  so  iibel  behan- 
dell  worden  sind ,  dass  man  ausser  der  rœmischen  Form  nichts  daran 
entdecken  konnte.  Topograpinsches  Lexicon  von  Schicaben,t.u,  p.  225. 
Kolb  ,  Topographisches  Lexicon  von  Baden,  t.  Il,  p.  310  ,  répèlc  à  peu 
près  les  mêmes  mots. 

^  Die  Ueer strass.  G'csl  SOUS  ce  nom  qu'elle  est  partout  désignée. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  149 

D'Allsladt  au  camp  de  Beuron  a  dû  exister  un 
autre  embranchement  qui  lui-même  touchait  le 
fleuve  à  Dietfurt  ;  à  la  défense  de  ce  passage  veil- 
lait une  tour  forte,  dont  les  ruines  pittoresques 
s'élèvent  encore  inébranlables  sur  une  pile  de 
rocs. 

Nous  atteignons  la  petite  ville  de  Mengen,  dans  les 
environs  de  laquelle  furent  trouvées,  près  d'Ennen- 
dach,  une  inscription  adressée  à  Apollon  Grannus 
et  aux  nymphes  ^  ainsi  qu'une  image  en  bronze  de 
Mercure  et  des  monnaies  du  grand  peuple. 

Plus  loin,  sur  la  rive  gauche  du  Danube,  apparaît 
le  village  d'Althcim,  dont  le  nom  semble  attester  son 
origine  antique. 

A  droite,  au  fond  du  tableau,  et  au  delà  de  la  Kan- 
zach,  qu'alimente  le  Federsée,  s'élève  majestueuse- 
ment le  sommet  élancé  du  Bussen,  mont  élevé,  où 
existait  une  tour  romaine,  qui,  par  signaux,  pouvait 
même  correspondre  avec  les  tours  du  Hégau. 

A  une  lieue  de  la  rive  gauche  du  Danube,  au  pied  de 
l'Albe  et  au  confluent  de  deux  ruisseaux,  se  montrent 
le  village  et  l'abbaye  de  Zwiefalten. 

Là  même  où  l'église  de  l'abbaye  est  posée ,  était 

*  APOLLIM 

GRANNO 
ET  MMPH 
IS.  C.  YIDIVS 
IVLIYS  PRO 
SE  ET  SVIS 
V.  S.  LLM. 


150  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

placé,  SOUS  l'empire  des  Romains,  un  temple  dédié 
au  dieu  SoIeiP.  Nous  arrivons  à  Obermarchthal , 
où  des  monnaies  romaines  ont  été  retrouvées  et  où 
existait, comme  à  Dietfurt,uncaslel  protecteur,  des- 
tiné à  commander  ce  passage  du  Danube. 

Quelques  vestiges  de  chaussée  romaine,  décou- 
verts dans  la  région  du  Federsée,  sont  une  preuve 
évidente,  à  défaut  d'autres  antiquités,  que  dans  les 
vallées  qui  s'étendent  entre  l'iUeret  le  lac  Brigantin, 
la  colonisation  avait  aussi  partout  pénétré. 

Si  l'on  passe  le  Danube  à  Marchthal,  l'on  retrouve 
la  chaussée  romaine  sous  le  nom  de  Hochstrasse. 
Un  embranchement  allait  joindre  le  val  de  la  Blau 
et  la  station  duLonsée;un  autre,  sans  doute, comme 
nous  l'avons  fait  entrevoir,  remontait  le  val  de  la 
Lauter. 

Dans  le  Blaulhal  fut  découverte  h  Ehrenstein  une 
statuette  en  bronze  de  Jupiter,  tandis  qu'à  Ulm  même 


1  t)EO.  INVICTO 

SOLI.  TEMPL\M 

A  SOLO.  RESTI 

TVIT.  YALERIVS 

YEN  VST  VS.  Y.  P.  P 

pT^.  SICYTI.  YOTO 

AC  MENTE.  CON 

CEPERAT.  RED 

DITYS.  S.\MTATI 

Y.  S.  L.  E.  M. 

Veo  invicto  Soli  (empluin  a  solo  resliluil  Valerius  Venitslus,  tir  per- 
fectissimus ,  pater  patrum,  etc. 

Celte  épithètc  de  patcr  patrum  désigne  le  poiilife  supérieur  des  ini- 
tiés aux  mystères  de  Miilira. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  151 

on  a  retrouvé  des  monnaies  et,  près  d'Erbach,  quel- 
ques restes  de  bâtisses. 

Nous  nous  dirigeons  sur  Risstissen ,  où  une  inscrip- 
tion intéressante  nous  confirme  le  culte  des  Romains 
pour  le  dieu  du  Danube.  La  pierre  qui  la  supporte 
est  murée  dans  l'église,  où  sont  de  même  enclavés 
plusieurs  autres  bas- reliefs,  dont  l'un  surtout  est 
digne  de  remarque  comme  représentant  le  mythe  de 
Daphné ,  ou  le  symbole  de  l'entrée  dans  une  autre  vie. 

L'inscription  porte  pour  date  la  première  année 
du  troisième  siècle ^  C'est  dans  ces  environs  que, 
grossi  par  les  eaux  de  la  Riss  et  de  l'Iller,  le  Danube 
commence  à  être  navigable. 

La  personnification  de  ce  fleuve  et  les  autels  qui 
lui  furent  élevés,  prouvent  tout  ce  que  les  habitants 
de  cesrives  attendaient  de  sa  protection  pour  leurs 
transactions  commerciales ,  qui ,  comme  sur  le  Rhin , 
comme  sur  le  Necker,  durent  principalement  se  faire 
par  eau. 

Nous  passons  l'Iller  à  Unterkirchberg,  et  nous 
abordons  les  camps  de  Finiania,  dont  Ptolémée  fait 


IN  H.  D.  D. 

I.  0.  M.  ET  DANV 

VIO.  EX  VOT 

0.  PRIMANVS 

SECVNDI.  V  S  L  L 

MVCIANO  ET  FABI 


In  honorem  domus  divinœ,  Jovi  oplimo  Maximo  et  Danuvio ,  ex  voto  > 
Primantis ,  Secundi  filius  y  votum  solvit  lubens  libentissime ,  Muciano 
et  Fabiano  Consulibus. 

(An  201  de  l'ère  chrétienne.) 


152  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

mention  et  que  la  Notice  de  l  Empire  cite  aussi  sous 
le  nom  de  Phebianis. 

C'est  la  seule  des  quatre  villes  que,  dans  la  des- 
cription qu'il  fait  de  la  Rhétie,  le  philosophe  d'A- 
lexandrie place  sous  le  Danube  même', dont  il  nous 
soit  possible  de  préciser  la  position. 

Il  cite  avec  elle  Bragadurum  qui ,  comme  nous  l'a- 
vons observé,  était  peut-être  l'Alistadl,  près  de  Mœs- 
kirch;  Dracuina,  que  quelques-uns  ont  placée  à  Riss- 
tissen,  que  nous  venons  de  quitter,  et  Viana ,  que 
les  uns  ont  placée  à  Wain,et  que  d  autres  ont  regardée 
comme  étant  le  même  lieu  que  la  Table  de  Théodose 
[segment  3)  menlionne  sous  le  nom  de  Viaca,  sur 
la  loute  de  Brigance  à  Augusta.  Si  lune  de  ces  deux 
opinions  peut  avoir  quelque  fondement,  c'est  la  pre- 
mière ,  parce  que,  comme  nous  le  verrons, les  camps 
de  Viaca  doivent  dater  d'une  époque  postérieure. 

Plolémée  cite  ensuite  à  la  tête  du  Rhin  Taxgaetium 
et  Briganlium,  et  après,  dit- il,  viennent  les  quatre 
villes  de  Viens,  dEbodurum,  de  Drusomagus  et 
d'Ectodurum,  lieux  que  Ion  a  à  tort  cherché  sur  les 
bords  du  Danube  (car  le  géographe  n'eût  pas  sauté 
de  ce  fleuve  aux  rives  du  Rhin,  s'il  eût  eu  à  les  y 
mentionner),  mais  qu'il  faut  chercher  aussi  dans  les 
régions  du  Rhin  même,  où,  en  effet,  W^icken,  Ben- 
deren,Triesen  et  Guttenbourg  en  ont  en  partie  per- 
pétué les  noms. 

Nous  ne  pouvons  tenir  compte  au  géographe  des 
degrés  de  latitude  et  de  longitude  qu'il  assigne  à 

1    Atto  u£v  aùxôv  TCiv  oavoûfiiûv  iojvtava.  Ptoléiii  ,  Goeyr..  I.  ll,c.  li. 


DU  RHIN  ET  nu  DAiSUBE.  153 

toutes  ces  positions,  car  aucun  n'est  exact;  mais 
nous  suivons  son  récit,  et  il  nous  guide  dans  nos 
recherches. 

La  route  romaine  qui  d  Unterkirchberg  conduit  à 
Finningen,  village  éloigné  d'Ulm  d'environ  un  mille 
bavarois,  et  qui  a  conservé  le  nom  de  l'ancien  poste 
militaire  de  Finiania,  montre  encore  ça  et  là  quelques 
traces  de  son  pavé  antique. 

Une  maison  du  village  est  elle  -  même  assise  sur 
cette  base  inébranlable  qui  lui  sert  de  fondement. 
Comme  toutes  ces  pierres  sont  calcaires,  on  s'en  est 
souvent  servi  pour  fabriquer  de  la  chaux;  et,  comme 
elles  sont  propres  à  la  bâtisse,  on  en  a  employé  une 
immense  quantité  lors  de  la  construction  du  couvent 
de  Roggen bourg. 

Les  différentes  fortifications  qui  dépendaient  du 
camp  de  Finningen  étaient  placées  sur  les  collines 
de  Neuhausen  et  de  Holzheim  et  s'étendaient  aussi 
sur  l'Iller. 

A  Unterkirchberg,  sur  la  hauteur  où  est  aujour- 
d'hui placée  l'église,  se  montrent  encore  les  traces 
d'un  castel  et  de  fossés  profonds '.Une  tour  forte  dut 
s'y  élever,  correspondant  avec  les  autres  tours  de 
Brandenbourg,de.Balzheim  et  de  Kirchberg,  près  de 
Mont-Cœlius  (Kellmiinz),  où  une  autre  tête  de  pont 
existait. 

Ce  fut  sans  doute  à  l'époque  où  les  contrées  du  lac 
et  des  sources  du  Danube  cessèrent  d'être  romaines 
que  ces  travaux  straie'giques  furent  élevés  sur  la  rive 

'  Denkwûrdiykeilen  des  Ober-Donaukreises,  !'<=  pail.,  l>.  tOi. 


I  54  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

dioile  de  l'ilier,  qui  devint,  en  effet,  à  louesl  la  fron- 
tière de  la  Vindélicie. 

Nous  suivons  la  route  romaine,  désignée  ici  sous 
le  nom  de  Heerslrasse  ou  route  militaire.  Elle  nous 
conduit  par  Sleinheim,  Strass,  Leipheim  et  Bubes- 
heim,  au  sein  des  murs  de  Gùnzbourg,  une  des  villes 
dont  le  nom  antique  s'est  le  mieux  conservé.  Elle 
est  située  sur  une  colline,  placée  à  l'embouchure  de 
la  Gûnz  dans  le  Danube,  et  domine  au  loin  toute  la 
contrée. 

Ptolémée  n'en  fait  pas  mention;  mais  elle  est 
citée  dans  Vllùiéraire  d'Anlonin  comme  station  in- 
termédiaire entre  le  Mont-Cœlius  et  Augusta,  sur 
la  roule  de  celte  capitale  de  la  Vindélicie  à  Rauraque', 
par  le  panégyriste  Eumène,  qui  parle  du  passage 
du  Danube  sous  ses  murailles',  et  dans  la  Notice  de 
l'Empire"^,  qui  nomme  comme  tenant  garnison  dans 
cette  ville  un  corps  d  infanterie  espagnole  des  en- 
virons d'Ursa*. 

Trois  pierres,  trouvées  dans  le  Tyrol,  nous 
prouvent  par  leurs  inscriptions  que  ce  fut  Claude , 
fils  de  Drusus,  qui,  en  Tan  47  de  Jésus  -  Christ, 
rétablit  la  roule  romaine  que  son  illustre  père 
avait  le  premier  ouverte  à  travers  les  Alpes,  et  qu'il 


1  Édit.  de  Wesseling,  p.  230. 

2  Panegerici  Veteres.,  p.  208. 

^  Sotilia  (lifjnitalum  imperii  occiilentis ,  édil.  cilce,  p.  1977. 

*  «  Ursa  Picenorutn  est  civitas  et  urbs  in  Jlispania,  unde  hi  milites 
<  sunt  extracti.»  VAndvo\c ,  Comment,  in  Notitiam  utriusque  imperii, 
c.  84. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  155 

la  munit  de  places  fortes  jusqu'aux  rives  du  Da- 
nube'. 

*  Voici  ces  trois  inscriptions  : 

TI.  CLAVDIVS  CÂESAR  . 

AVGVSTVS.  GEUM 

PONT.  MAX.  ÏRIB.  POTEST 
COS.  DESIG.  IIH.  IMP.  XI.  P.  P. 
VI.\M.  CLAVDIAM.  AVGVSTAM. 
QVAM.  DRVSVS.  CAESAR.  PRIVS 
OBICIR.  PATEE ACTIS.  ITER.  EXS  I 

M R///ST 

S  .  .  .  P  .  .  M  .  P  .  .  .  CV  .  .  .  . 

TI.  CLAVDIVS  CAESAR  .  . 
AVGVSTVS.  GERMAMCVS 
PONT.  MAX.  TRIB.  POT.  VI 
COS.  DESIG.  IIlî.  IMP.  XI.  P.  P. 
VIAM.  CLAVDIAM.  AVGVSTAM. 
QVAM.  DRVSVS.  PATER.  ALPÎBVS 
BELLO.  PATEFACTIS.  DEREXERAT 
MVNIT.  A.  FLVMINE  PADO.  AT  [ad) 
^VFLVMEN.  DANVVIVM.  PER 
...  P  ...  ce 

TI.  CLAVDIVS.  DRVSI.  F 

CAESAR.  AVG.  GERMA 

NICVS.  PONTIFEX.  MAXV 

MVS.  TRIBVNITIA.  POTESTA. 

TE.  VI.  COS.  IIH.  IMP.  XL  P.  P. 

CENSOR.  VIAM.  CLAVDIAM.  AVGVSTAM 

QVAM.  DRVSVS.  PATER.  ALPIBVS.  BELLO.  PATI 

FACTIS.  DERIVAVIT.  MVNIT.  AB 

ALTINO.  VSQVE.  AD.  FLVMEN 

DANVVIVM.  M.  P.  ceci. 


156  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Peut-être  est-ce  lui  qui  éleva  les  remparts  de  Gun- 
lia,  sur  les  décombres  desquels  est  placée  la  ville  de 
Gûnzbourg.  La  tour  de  l'église  est  elle-même  posée 
sur  la  base  d'une  vieille  tour  romaine.  Celte  forte- 
resse formait  un  carré  imparfait,  conforme  à  l'iné- 
galité du  plateau  qu'elle  recouvrait.  L'on  voit  encore 
les  traces  des  autres  fortifications  qu'elle  dominait, 
au  bord  de  la  Giinz,  où  s'élevaient  une  tour  forte  et 
plusieurs  retranchements  destinés  h  protéger  la  route 
et  le  pont\  au  delà  duquel  s'étend  une  plaine  où, 
dans  la  mémoire  du  peuple,  s'est,  de  génération  en 
génération,  conservé  le  souvenir  d'une  victoire  que 
Constance  Chlore,  père  de  Constantin,  a  dû  remporter 
sur  les  Allemanes  (peut-être  en  297  de  l'ère  chré- 
tienne) ^. 

Une  pierre  dédiée  à  Neptune  ^  et  trouvée  dans 
la  Gûnz,  est  surtout  remarquable  en  ce  que,  près 
de  l'endroit  où  elle  fut  retirée  de  l'eau,  il  existe  un 
moulin. 

Le  mot  moUnator,  inscrit  sur  l'autel,  semble  ex- 
primer la  qualité  de  celui  qui,  un  jour,  consacra  par 
un  vœu  cette  pierre  au  dieu  du  liquide  élément.  Il 
faut  donc  penser  que  le  moulin  moderne  s'est  re- 
nouvelé pendant  seize  siècles  sur  les  fondements  de 


^  Beitràge  fiir  Kiinst   und  Alterthum  im    Ober-  Donaukreis.  1831. 
p.  2. 

2  Le  terrain  se  nomme  encore  der  Mordschlacht.  Pour  la  ilale,voy. 
dans  le  lome  premier  de  ce  Mémoire  notre  précis  historique,  p.  96. 

3  NEPTV 

SACR 
MOLIN. 


DU  RHIN  FT  DU  DAINUDE.  157 

celui  dont  le  toit  abrita  un  jour  le  meunier  qui, 
fidèle  à  Neptune,  grava  cette  inscription. 

La  route  romaine  va,  au  delà  du  Danube,  aboutir 
au  Lonthal,  et  par  une  courbe  redescend  au  fleuve 
vers  Pomone. 

La  voie  principale,  celle  d'Augusta  aux  camps  de 
Finiania,  suivait,  selon  toute  probabilité,  les  hau- 
teurs qui  dominent  la  rive  droite  du  fleuve,  et,  par 
Reisensbourg  et  Rettenbach,  touchait  de  nouveau 
ses  rives  vis-à-vis  de  Lauingen^ 

A  une  petite  distance  de  cette  ville,  nous  foulons 
les  ruines  d'un  vieux  camp,  sous  les  murs  duquel 
s'était  par  la  suite  élevé  un  municipe  qui ,  à  en  juger 
par  les  nombreuses  inscriptions  de  Lauingen,ne  fut 
pas  sans  quelque  importance. 

Le  camp,  élevé  sur  une  hauteur  et  destiné  à 
protéger  le  pont  jeté  sur  le  Danube,  était  d'une  vaste 
étendue  ;  l'on  peut  encore  en  étudier  l'emplace- 
ment. 

Les  pierres  de  taille  des  vieux  murs  remplissent 
les  fossés;  plusieurs  ont  roulé  jusque  dans  le  fleuve; 
quelques-unes,  portant  des  fragments  d'inscriptions, 
en  ont  été  retirées^. 

Le  municipe  s'étendait,  à  un  petit  quart  de  lieue 
de  la  forteresse,  sur  les  bords  du  Danube,  oii  une  in- 
finité de  claires  fontaines,  qui  sans  doute  y  furent 

'  Cette  route  est  appelée  par  l'iiabitant  die  Ochsenstrasse.Ceslh  Via 
Augusta  des  Romains.  L'Allemand,  par  contraction,  en  a  fait  Augs- 
strasse ,  nom  que  le  peuple  ,  dans  son  langage  bannal ,  a  changé  en  ce- 
lui d'Ogstrasse,  et  enlin  (ÏOchsenstrasse. 

^  Neiihurgische  Provinzialblcitter,  t.  II,  p.  414. 


158  ÉTABLISSEMENTS  ROUMAINS 

mises  à  profit  par  les  Romains,  durent  en  avoir  fait 
un  lieu  de  bain  fréquenté.  Du  moins  voyons -nous 
par  une  inscription  adressée  à  Apollon  Grannus,  le 
dieu  des  thermes,  qui  y  était  invoqué,  conjointe- 
ment avec  Hygie,  la  tille  d'Esculape,  que  ces  deux 
divinités  y  avaient  des  autels'. 

Quatre  autres  monuments,  dont  deux  proviennent 
de  Faimingen,  portent  de  même  le  nom  de  ce  dieu, 
qui  eut  des  temples  dans  la  forteresse  et  dans  la  val- 
lée, et  dont  une  des  statues,  d'après  l'inscription, 
était  d'argenté  Elle  fut  inaugurée  par  un  tribun  de 
la  troisième  légion  italique,  qui  sans  doute  fut  en 
garnison  dans  le  fort,  ou  qui,  venu  en  ces  lieux  pour 
y  prendre  les  eaux,  voulut,  après  avoir  recouvré  la 
santé,  exprimer  au  dieu  sa  reconnaissance. 

»                     APOLLINI.  GRAMO.  ET  SANG 
TAE.  HYGIAE(rMm  ornamen)T\^ 
AEDIVM  IPSORYM  PRO  SALVTE.  SVO 
LVG(iU5) 

La  pierre  sur  laquelle  celle  inscription  esl  gravée  fui  retirée  des  flots 
du  Danube.  Elle  était  irès-cndommagée.  A  la  même  place  était  aussi 
engloutie  dans  le  fleuve  une  autre  pierre,  portant  de  même  une  ins- 
cription ,  et  un  bas-relief  représentant  Apollon .  couronné  d'une  au- 
réole lumineuse,  et  assis,  comme  dieu  Soleil,  sur  le  dos  d'un  lion. 

2  APOLLIM  GRANNO 

M.  YIPIVS  SECVNDVS 

T.  LEG.  III.  ITAL.  ARAI 

GVM  SIGNO  ARGENTEO 

V.  S.  L.  L.  M. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  159 

Un  aulie  de  ces  autels  fut  élevé  par  un  des  légats 
Augustes, propréleu  r  delà  province,  duquel  nous  avons^ 
d'après  l'inscription  qui  recouvre  cette  pierre,  rétabli 
le  nom  parmi  ceux  de  ces  officiers  généraux  qui  ont 
dû  résider  à  Augsbourg  ^ 

A  côté  de  ce  culte  florissait  aussi  celui  de  Mercure , 
dont  une  inscription  nous  a  été  conservée  ^.  Parmi 
les  pierres  tumulaires,  je  citerai  celle  d'un  aquilifère, 
vétéran  de  la  troisième  légion.  Quelques  autres  frag- 
ments de  bas-reliefs  ont  aussi  été  retrouvés;  l'un, 
entre  autres,  qui,  à  la  toge  dont  est  recouvert  le  per- 
sonnage qu'il  représente,  indique  que  ce  dut  être  un 
des  magistrats  du  lieu. 

Ce  fut  sans  doute  au  commencement  du  deuxième 
siècle,  lorsque  Adrien  plaça  la  frontière  de  la  Vin- 
délicie  au  delà  du  Danube,  et  qu'il  donna  à  cette 
province  le  nom  de  seconde  Rhétie ,  que  s'éleva  la  ville 
de  Lauingen.  Les  monnaies  qu'on  y  trouve  descendent 
jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Valens,  en  378  de  Jésus- 

1  APPOLLINIS  GRAMI 

REL 


.  .  .  P  .  P  .  dio 
NYSIVS.  LEG.  AVG.  PR.  PR. 
.   .  .  KAL.  IVNIAS. 

Voy.  ci-dessus  p.  108. 

2  IN.  H.  D  D. 

MERVCRIO 

VTROC 

VICTOR 

EX.  VOT  .  .  PoS 

L.  L.  M. 


160  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Christ,  et  il  est  à  croire  que  ce  fut  à  cette  époque 
que  la  forteresse  fut  démantelée  et  que  le  vindicatif 
Alleniane  en  rasa  les  murailles. 

Il  est  présumable  que  ce  fort  faisait  partie  des  re- 
tranchements de  Pomone,  dont  il  formait  comme 
la  tête  de  pont  et  dont  le  prétoire  dut  être  placé  en 
deçà  du  Danube,  au  lieu  même  où  au  moyen  âge 
furent  construits  (sans  doute  avec  ses  matériaux)  les 
deux  donjons  de  Baumgarten  ^  Dans  les  ruines  de 
ces  châteaux  furent  trouvées  plusieurs  monnaies  de 
la  deuxième  légion  ,  et  de  Constantin  ,  de  Constant 
et  de  Constance. 

Les  constructions  du  moyen  âge  ont  fait  disparaître 
les  traces  de  fortifications  plus  antiques.  iMais  à  Ais- 
lingen  ces  vestiges  reparaissent ,  et  l'on  peut  très- 
bien  encore  distinguer  le  cours  d'un  double  rempart 
et  le  fossé  profond  qui  entouraient  un  autre  camp, 
destiné  à  soutenir  le  premier.  Le  front  de  ces  mu- 
railles du  côté  du  nord,  où  était  placée  la  porte  dé- 
cumane,  n'avait  pas  moins  de  trois  cents  pieds  d'é- 
tendue. A  Glœtt,  à  Dùrr-Lauingen  étaient  posées 
deux  simples  tours  d'observation. 

Tous  ces  travaux  stratégiques  devaient  protéger  la 
roule,  dont  les  restes  sont  encore  intacts  près  de 
Mœnsletten,  et  se  liaient  aux  autres  fortifications 
qui,  en  arrière  du  fleuve,  s'étendaient  jusqu'au  Lech. 
Car,  lorsque  Rome  eut  perdu  la  limite  du  grand 
rempart,  et  que  le  Danube  fut  redevenu  la  frontière 

'  Dans  les  plus  anciens  documents  aussi  nommes  l*om  cl  i'awm- 
gai'leu  ,  Paumgarlen  ,  clc.  Gcschichte  der  Stadt  Lauiiiyen  ,  p.  \'.i. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  16t 

de  la  Vindélicie,  en  présence  d'un  ennemi  qui,  tou- 
jours remuant,  épiait  chaque  occasion  pour  se  ruer 
sur  cette  province ,  elle  redoubla  d'efforts  pour  mettre 
la  rive  droite  dans  un  état  de  défense  redoutable; 
nous  voyons,  en  effet,  que  sur  toute  la  chaîne  des 
collines,  dans  un  espace  de  huit  lieues,  elle  mit  à 
profit  chaque  endroit  avantageusement  placé,  pour 
y  poser  ses  fortifications,  soit  comme  lieu  de  garni- 
son, soit  comme  simple  tour  de  signal. 

Sur  le  Schlossberg,  près  d'Eppisbourg,  était  placé 
un  camp,  dont  les  fossés  et  le  double  rempart  ont 
encore  laissé  leurs  vestiges  du  côté  du  nord  et  du 
midi. 

A  un  quart  de  lieue  plus  loin,  sur  le  mont  Ep- 
pisbourg  même,  paraissent  aussi  quelques  traces 
d'autres  fortifications,  ainsi  que  sur  le  Hohen-Berg , 
où  était  placée  une  tour  forte,  entourée  de  quelques 
murailles,  et  d'oîi  la  vue  dominait  au  loin  tout  le  val  du 
Danube.  Près  de  Binswangen  se  retrouvent  de  même 
les  traces  d'un  carré  régulier,  précédé  d'un  plus  vaste 
terrain  qu'entourait  un  rempart,  et  au  sein  duquel 
fut  trouvée  une  monnaie  romaine  du  règne  de  Cons- 
tance. 

Une  tour  d'observation  était  posée  sur  la  hau- 
teur de  Wertingen  ;  elle  pouvait  correspondre  par  ses 
signaux  avec  le  camp  de  Binswangen  et,  à  droite,  avec 
celui  qui,  posé  sur  le  Dirleberg,  avait  à  la  fois  un 
emplacement  des  plus  favorables  pour  la  défense 
comme  pour  l'exploration.  La  vue,  en  effet,  de  ce 
sommet  élevé,  plane  sur  tout  le  cours  du  Danube» 
depuis  Ulm  jusqu'à  JNeubourg,  et  les  divers  accidents 
II.  11 


162  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

du  terrain,  protégé  en  avant  par  le  cours  des  eaux 
et  parlesniaraisqui,àl  époque  romaine,  devaient  cou- 
vrir tous  les  bas -fonds  qui  s'étendent  tout  le  long 
du  fleuve,  en  rendaient  l'abord  aussi  difficile  que 
dangereux.  Le  camp  était  très-étendu;  l'on  peut 
encore  très-bien  distinguer  les  traces  de  ses  remparts 
du  côté  du  nord-ouest,  dans  un  espace  de  six  cents 
pas;  il  était  protégé  par  un  fossé  large  de  trente  pieds , 
et  qui  en  a  encore  dix  de  profondeur.  Plusieurs  mon- 
naies romaines  d  Agrippa,  d'Auguste,  de  Faustine, 
de  Caracalla  et  de  Claude,  y  ont  été  trouvées. 

Nous  atteignons  alors  Druisheim',  lieu  près  du- 
quel était  placé  le  dernier  camp  de  cette  ligne. 

Là,  tout  annonce  un  établissement  considérable. 

Malheureusement  nulle  inscription  ne  nous  en  a 
été  conservée,  quoique  les  matériaux  de  l'ancien  lieu 
romain  aient  plus  tard  servi,  au  moyen  âge,  à  la  cons- 
truction de  différents  châteaux  forts  et  couvents.  Mais 
plus  de  trois  cents  monnaies  romaines  des  premier, 
deuxième,  troisième  et  quatrième  siècles  en  ont  été 
retirées,  ainsi  que  diverses  antiquités,  des  bijoux, 
des  ustensiles,  des  clefs  de  bronze  de  toute  grandeur 
et  de  toute  façon,  un  petit  aigle  du  même  métal, 
d'un  pouce  environ  d'envergure,  des  lampes  antiques, 
le  tronc  d'un  petit  buste  d'empereur,  des  fragments 
de  poterie,  et  quantité  de  métal  fondu,  circonstance 
qui  semblerait  attester  que  le  feu  dévora  ces  dé- 
combres. C'est  à  côté  de  l'emplacement  du  fort,  où 

'  Au  moyen  âge,  Trouwenshciin ,  Triushaiin,  Troushcim,  Truighs- 
lioim  ,  Trushcim  ,  ol  enfin  Druisheim. 


DU  nniN  ET  DU  DANUBE.  163 

dut  s'étendre  la  ville  romaine,  que  tons  ces  objets 
antiques  et  des  fondements  de  bâtisses  ont  été  re- 
trouvés. 

Toute  cette  ligne  de  fortifications,  depuis  la  Glœtt 
jusqu'au  Lech ,  a  été  comprise  par  quelques  auteurs 
modernes  sous  le  nom  de  Parrodunum,  nom  que  la 
seule  Notice  de  V Empire  mentionne,  mais  qui  me 
paraît  plutôt  devoir  être  une  des  dénominations  de 
l'endroit  que  la  Table  de  Théodose  cite,  plus  au  sud, 
sous  le  nom  de  Tarleno,  Vilinéraire  d'Anlonin  sous 
celui  de  Parthano,  le  géographe  de  Ravenne  sous 
celui  de  Parna\  Peut-être  faudrait- il  plutôt  mar- 
quer ici  avec  Leichtlen  l'emplacement  de  Venaxa- 
modurum,  cité  par  cette  même  Notice  comme  étant, 
à  l'époque  où  elle  fut  écrite,  le  siège  du  tribun 
qui  commandait  la  sixième  cohorte  des  Rhétiens. 
D'autres  auteurs  ont  placé  ce  dernier  lieu  à  Weissen- 
horn^.  Je  ne  prétends  pas  m'arrêter  à  ce  conllit  d'o- 
pinions que  mon  but  n'est  pas  de  critiquer,  puisque 
nulle  inscription  ne  nous  permet  de  sortir  d'incer- 
titude à  cet  égard.  Il  suffit  à  mon  sujet  d'avoir  re- 
trouvé sur  toute  cette  ligne  les  traces  des  anciens 
établissements  militaires  que  Rome  y  posa,  et  autour 
desquels  la  colonisation  s'était  partout  répandue^. 

*  Aujourd'hui  Parlhenkirch. 

2  Voy.  Raiser,  Antiquarische  Reise ,  p.  83;  Tschudi ,  Gallia  comata, 
i.u,  c.  7,  p.  271. 

3  C'est  ce  que  prouve ,  en  tant  de  lieux  ,  la  trouvaille  tantôt  de  quel 
ques  monnaies  romaines,  tantôt  de  tombeaux  gallo-romains,  tantôt 
d'antiquités  diverses.  Consultez  à  ce  sujet  les  Annales  du   cabinet 
d'Augsbourf/,  où  toutes  ces  antiquités  ont  été  en  grande  partie  dé- 
posées. 

■  I  11. 


164  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Quatre  routes  aboutissaient  à  la  ville,  près  des 
ruines  de  laquelle  s'est  par  la  suite  élevé  le  vil- 
lage de  Druisheim.  L'une,  la  seule  dont  les  traces 
n'aient  pas  disparu  entièrement,  suivait  le  cours  de 
la  Schmutter  et  passait  sous  la  tour  de  Biberbach  et 
sous  celle  de  Pfersée  avant  d'entrer  h  Augusla.  Les 
autres  ne  sont  que  problématiques;  mais  Tune  d'elles 
doit,  parAuchsesheim',  avoir  couru  au  nord  et  avoir 
joint  l'embouchure  du  Lech,  près  duquel  nous  avons 
eu  occasion  de  citer  le  pont  antique  jeté  sur  le  Da- 
nube à  Marxheim. 

On  peut  encore  aujourd'hui  voir  dans  cette  direc- 
tion, en  avant  de  l'ancien  fort,  les  vestiges  de  plu- 
sieurs redoutes,  élevées  sans  doute  à  l'époque  où 
Rome  fut  obligée  d'abandonner  la  rive  gauche  du 
fleuve. 

La  troisième  dut  joindre  les  communications  des 
divers  lieux  que  nous  venons  de  parcourir  depuis 
Pomone,  et  s'embrancher  sur  Allmannsliofen,  Nor- 
dendorf  et  Holzheim ,  où  quantité  de  monnaies  ro- 
maines ont  été  retrouvées^.  Ce  dernier  embranche- 
ment traversait  le  Lech  à  l'est  et  servait  de  jonction 
aux  divers  autres  établissements  du  Danube  jusqu'à 
Reginum. 

C'est  cette  direction  que  nous  allons  suivre. 

Nous  passons  le  Lech  et,  nous  dirigeant  sur 
Walden,  nous  allons,  près  de  Wa^chtering,  visiter 

*  Auchseslicim  ne  serait- il  pas  la  contraction  du  mot  Vena.jca- 
modurum  ? 

"2  On  peut  en  lire  la  nomenclature  dans  Raiser,  Ober-Donaukreis 
unter  den  Bijmern ,  p.  42  et  43. 


DU  KHIN  ET  DU  DANUBE.  165 

les  vestiges  de  foilificalions  qui  durent  couronner  le 
CastelbergS  et  de  là  ceux  de  Walden  même.  Ces 
vestiges  sont  à  peine  reconnaissables.  Mais  il  existe 
une  tradition  populaire  qui  place  sous  le  sol  de  ce 
village  et  sous  celui  de  Weydorf  les  ruines  d'une 
ville  antique. 

La  culture,  les  constructions  du  moyen  âge,  ont 
dans  ce  coin  de  la  province  fait  disparaître  presque 
toutes  les  traces  d'une  plus  antique  colonisation; 
mais  le  peu  d'antiquités  que  le  territoire  de  Rain 
et  de  ses  environs  a  livrées,  prouvent  suffisamment 
que  cette  colonisation  n'avait  pas  été  moins  répan- 
due sur  la  rive  droite  du  Lech  que  nous  ne  l'avons 
trouvée  sur  la  rive  gauche.  Une  route  romaine  se 
dirigeait  vers  Augusta  en  remontant  l'Ach,  courant 
d'eau  qui,  à  l'est,  accompagne  le  Lech  dans  son  cours. 
Elle  passait  sur  le  ban  des  communes  de  Thier- 
haupten  et  de  Rehlingen,  et  de  ce  dernier  lieu  reliait 
par  un  embranchement  le  castel  placé  derrière  une 
tête  de  pont  entre  Langweid  et  Staitenhofen.  Faisant 
ensuite  une  courbe  par  Schernegg,  Affing  et  Miil- 
hausen  '^,  elle  se  dirigeait  sans  doute  vers  Augusta,  où 
«elle  venait  s'unir  à  la  grande  voie  citée  par  Vilinéraire 
d'Antonin,  et  qui ,  s'appuyanl  sur  la  Paar  et  sur  1  llm , 
allait  aboutir  h  Abusina,  et  joignait  les  stations  de 

'  lions  Castrensis.  Il  est  cité  sous  ce  nom  dans  le  Saalbuch  de 
Louis -le-Sévère  de  l'an  1275. 

-  Tous  lieux  où  ont  été  ouvertes  des  lombes  celto-romaines.  Voy. 
Caron  Duval,  Entdeckungen  der  Grabhiigel  bei  Affing ,  Miilhausen  und 
Anwaldingen ,  dans  la  Urkundliclie  Geschichte  der  Stadt  Lauingen,  du 
D""  Raiser,  p.  22  et  sv. 


16G  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Quintana  *  et  de  Balava  ^  au  delà  de  Regiiuim.  La 
Notice  de  l'Empire  place  dans  l'une  la  première  aile 
Flavienne  des  Rhétiens,  dans  l'autre  une  cohorte  de 
Balaves  nouvellement  formée  ^. 

Nous  nous  dirigeons  sur  Strass,  village  dont  le 
nom  seul  indique  qu'il  est  posé  sur  une  ancienne 
voie  romaine.  En  eiïet,  les  restes  de  celte  route, 
connue  sous  le  nom  d'Ogstrasse,  via  Augusla,  se 
sont  retrouvés  près  de  ce  lieu ,  dans  la  direction  de 
Neubourg.  Pour  y  arriver,  nous  passons  à  Gemfîng, 
où  existait  une  tour  romaine.  Elle  était  posée  sur  la 
colline  en  terrasse,  où  est  aujourd'hui  placée  l'é- 
glise. De  là,  par  Burgheim ,  près  du  château  du- 
quel furent  trouvées  un  assez  bon  nombre  de  mon- 
naies romaines,  nous  atteignons  le  Rayserbourg,  et 
ensuite  le  Stettenberg,  mont  situé  vis-à-vis  de  la  tour 
forte  qui  dominait  le  village  de  Steppberg,  sur  la 
rive  gauche  du  Danube,  où  nous  avons  vu  que  la 
route  qui  sortait  de  Vetoniania  venait  aboutir.  Le 
fleuve  est  encaissé  entre  ces  deux  hauteurs,  dont  les 
fortifications  durent  être  principalement  destinées  à 
protéger  de  chaque  côté  le  pont  qui  sans  doute  y 
était  jeté.  Le  bas  du  Stettenberg  porte  le  nom  de. 
haute  rive^',  la  région  supérieure,  dont  le  plan  re- 
pose sur  des  rocs  empilés,  porte  le  nom  de  roche  de 
la  cité^y  et  sur  le  sommet,  qui  lui-même  est  appelé  la 

1  KûDzing,  près  du  Danulie. 

2  Passau. 

■*  Tribunus  cohortis  novcp  Batavorum  Bnlavis  Not   d'f/n.  i^np.   ocrul. 
*  Das  ïiuchgestad. 
^  l)er  Stadtfelsen. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  167 

ville\  se  remarquent  encore  les  traces  d'un  rempart, 
dont  le  carré,  parfaitement  conforme  à  la  structure 
des  camps  romains,  a  une  longueur  de  quatre  à  cinq 
cents  pas  sur  deux  cents  à  deux  cent  cinquante  de 
largeur.  Si  l'on  fouille  ce  terrain,  l'on  découvre  des 
décombres  de  bâtisses. 

\  une  demi -lieue  de  cet  endroit  est  situé  le  Kai- 
serbourg,  ancien  castel,  dont  il  n'existe  plus  qu'un 
simple  pan  de  muraille,  et  dont  les  décombres  gisent 
au  sein  des  broussailles  qui  les  recouvrent.  La  roule 
romaine  qui  reliait  ce  fort  à  celui  d'Altenbourg  est 
encore  visible.  Rien  de  romain  n'y  existe  cependant; 
toutes  ses  ruines  sont  du  moyen  âge.  Mais  à  Neu- 
bourg  nous  retrouvons  des  souvenirs  de  Rome,  et 
nul  doute  que  la  partie  haute  de  la  ville  ne  soit  balie 
sur  l'emplacement  d'un  camp  romain.  Dans  les  jar- 
dins qui  l'entourent  furent  déjà  souvent  déterrés  des 
monnaies  et  des  fragments  de  poteries;  d'ailleurs 
plusieurs  pierres  sépulcrales  romaines,  dont  l'une 
couvrit  la  tombe  d'un  curateur  du  lieu^,  et  l'inscrip- 
tion d'une  pierre  votive  élevée  à  Mercure,  ne  peuvent 
laisser  de  doute  que  les  Romains  n'aient  eu  là  un 
établissement. 


1  Die  Stadt. 


P.  AEL.  T.  SATVRNINVS 
ATILI.  CV.  ET.  CIVIS.  VET. 
VIXIT.  A.  LXXV. 
SATVRNINVS  CRESCENS 
IIII  KLENDS  lAN. 


168  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

La  colline  sur  laquelle  la  ville  est  posée,  est  la 
dernière  qui  domine  le  Danube ,  dont  le  cours  dès 
lors  s'élargit  et  qui  coule  en  avant  d'une  plaine  qui 
s'étend  jusqu'à  la  Paar,  et  dont  le  terrain  marécageux 
dut  être  mis  à  profit  par  la  stratégie  romaine.  Par 
la  facilité  que  l'Aicha  et  ses  confluents  donnaient  de 
l'inonder,  toutes  les  dunes  que,  dans  l'antiquité  du 
monde,  le  fleuve  avait  formées,  et  que  les  Romains 
couronnèrent  de  tours  fortes,  pouvaient  être  isolées 
en  cas  de  danger. 

La  tradition  qui  s'est  conservée  parmi  les  habi- 
tants de  Feldkirchen,  qu'entre  ce  village  et  Neu- 
bourg,  qui  n'est  éloigné  de  cet  endroit  que  d'un  quart 
de  lieue,  a  dû  exister  l'ancienne  ville  romaine,  dont 
les  fortifications  de  Neubourg  n'auraient  dès  lors  été 
que  la  citadelle  protectrice,  ne  repose  sur  aucun  fait 
qui  puisse  lui  donner  quelque  poids;  maison  a  trouvé 
dans  ce  village  même  plusieurs  antiquités,  telles  que 
des  monnaies,  de  vieilles  ferrailles,  et  cinq  figurines 
de  bronze,  dont  deux  statuettes  d'Isis  et  dAnubis 
surtout  ne  sont  point  sans  intérêt. 

Plus  en  arrière,  du  côté  de  Zell ,  fut  trouvée,  près 
de  la  chapelle  de  Saint- André,  une  monnaie  ro- 
maine, et,  à  peu  de  distance  de  ce  lieu,  des  fonde- 
ments de  bâtisses  et  d'une  vieille  tour  ronde  furent 
mis  à  nu  en  remuant  le  sol.  Zell  même  n'a  rien  off'ert 
de  romain,  mais  l'on  peut  à  un  quart  de  lieue  de  cet 
endroit,  et  au  milieu  d'un  petit  bois,  distinguer  l'an- 
tique chaussée  romaine.  Nous  traversons  le  Zeller- 
bach,  petit  ruisseau  qui  va  se  jeter  dans  l'Aicha,  et 
non  loin  de  Bruck,  sur  une  colline  dont  il  baigne  le 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  1  69 

côté  de  l'ouest,  nous  visitons  les  vestiges  d'un  an- 
tique caslel;  le  carré,  long  de  soixaiUe-cinq  pas  sur 
soixante  de  large,  en  est  encore  bien  reconnaissable. 

La  contrée  qui  s'étend  sous  ses  pieds  porte  le 
nom  de  See  {lac),  et  il  est  présuniable  que  ce  nom 
vient  de  l'antique  tradition  qui  a  conservé  le  souve- 
nir du  lac  qui  un  jour  dut  la  recouvrir.  De  l'autre 
côté  du  fossé  qui  l'entoure  était  placée  sur  une  autre 
dune  une  tour  d'observation,  entourée  elle-même 
d'un  petit  rempart  et  d'un  fossé  qui  est  encore  au- 
jourd'hui large  de  dix  à  quinze  pieds.  Elle  correspon- 
dait avec  la  tour  de  Vehering,  au  centre  d'un  castel 
situé  sur  une  troisième  dune,  et  dont  un  des  fronts 
m'a  offert  une  longueur  de  cent  pas.  En  avant  de  ce 
carré  est  un  autre  emplacement,  qui  sans  doute  fut 
lié  au  fort,  et  dont  le  côté  sud  est  baigné  par  l'Aicli- 
bach. 

Avant  de  l'atteindre,  nous  foulons  de  nouveau, 
dans  l'épaisseur  des  bois,  l'ancienne  voie  romaine  , 
sedessinant  au-dessus  du  sol  comme  une  longue  traî- 
née de  terre.  Elle  nous  conduit  dans  la  direction  de 
Manching  qui,  placé  sur  les  bords  de  la  Paar,  était 
le  dernier  fort  de  celte  ligne  étendue.  On  peut  encore 
marquer  remplacement  des  deux  castels  qui  durent 
s'y  élever;  l'un ,  sur  le  soi-disant  Schlossberg,  l'autre, 
sur  le  Burgfeld ,  dont  le  sol  fut  mis  à  profit  comme 
carrière  par  les  habitants  pour  en  extraire  les  pierres 
de  taille.  Une  ligne  retranchée  peut  encore  être 
assez  bien  étudiée  à  l'embouchure  de  la  Paar  dans 
le  Danube,  et  au  sein  des  forêts,  où  ses  vestiges 
recouverts  d'immenses   chênes  que   plus  de  cinq 


170  ÉTABLISSEMENTS  1\0MAIINS 

siècles  ont  vu  croître  et  verdir,  s'élèvent  encore  à 
huit,  à  dix ,  à  dix-huit  et  même  à  vingt  pieds  de  hau- 
teur. Au  sud  ,  elle  aboutit  de  nouveau  à  la  rivière, 
après  un  cours  de  plus  d'un  mille,  et  va  joindre  une 
dune  connue  sous  le  nom  de  Burghiigel,  et  où,  d'a- 
prèsquelques  traces  de  murailles,  s'élevait  sans  doute 
une  tour  forte  ', 

Quoique  ces  restes  soient  bien  faibles,  il  est  permis 
déjuger  par  eux  des  soins  que  les  Romains  (proba- 
blement après  avoir  perdu  la  rive  gauche  du  Danube) 
prirent  de  fortifier  cette  position  qui,  en  effet,  était 
d'une  importance  majeure,  puisque ,  cette  ligne, rom- 
pue, le  val  de  la  Paar  s'ouvrait  devant  un  ennemi  vain- 
queur, et  que  le  Lech  et  par  conséquent,  la  capitale 
de  la  Vindélicie  se  trouvaient  menacés.  Il  était  donc 
nécessaire ,  pour  soutenir  cette  première  ligne , 
qu'en  arrière  le  cours  de  cette  rivière,  comme  celui 
de  rilm,  du  Sandrach,  du  Breilbach,  et  des  autres 
moindres  torrents,  fût  aussi  protégé,  et  que  de  fortes 
garnisons,  capables  de  se  réunir  au  premier  signal, 
veillassent  à  la  sûreté  de  ce  pays  ouvert.  C'est  ce  que 
nous  savons  que  Rome  fit  en  effet;  et  nous  voyons 
par  la  Notice  de  l'Empire'^  que  jusqu'aux  derniers 

^  Voy.,  pour  plus  de  détails,  Neuburger  Wochenblàtter,  année  1821, 
11°  42,  p.  171  ,  et  n"  43,  p.  175.  Voy.  aussi  Bucliner,  Reise  au/  der 
Teufelsmauer,  art.  Vallatum^  p.  17  et  sv. 

~  Prœfectus  legionis  tertiœ  italicœ  partis  superioris  Castra  Regina, 
nunc  Vallato.  Prœfectus  Alœ  Secundw  Valeriœ  Singularis,  Vallalo.  — 
Equités  Stablesiani  juniores  Submuntorio.  —  Prœfectus  legwnis 
m  italicœ  partis  superioris  deputatœ  Ripœ  primœ  ,  Submuntorio. 
Notit.  dignit.  imp.  occid.,  édil.  citée,  p.  t978. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUDE.  171 

temps  de  sa  possession,  elle  entretenait  un  redoutable 
corps  de  cavalerie  et  d'infanterie  à  Summonlorium  , 
à  Ripa  prima  et  à  Vallatum ,  dernier  groupe  de  for- 
tifications dont  celles  qui  protégeaient  l'embouchure 
de  la  Paar  devaient  faire  partie. 

Ripa  prima,  qui  lui  même  dépendait  de  Summon- 
torium,  comprenait  les  fortifications  danubiennes 
que  nous  venons  de  parcourir,  entre  le  Lech  et  la 
Paar,  tandis  que,  placé  plus  en  arrière  du  fleuve, 
entre  Augusla  et  Vallatum,  Summontorium  s'ap- 
puyait à  la  fois  sur  la  Paar  et  sur  l'IIm. 

Le  terrain  sur  lequel  s'élève,  de  l'autre  côté  de  cette 
dernière  rivière,  le  Burgstall,  à  l'opposé  de  VValh 
petitendroit  situé  au  milieu  desbois,  au  sud  de  Gei- 
senfeld ,  peut  être  regardé  comme  l'emplacement  du 
principal  camp  de  Vallatum.  Sa  distance  d'Abusina 
est  assez  conforme  aux  dix-huit  mille  pas  que  lui  as- 
signe Vllméraired'Antomn,  qui ,  entre  Augusta  et  Sum- 
montorium, en  maïque  vingt,  et  seize  de  Summonto- 
rium à  Vallatum. 

La  route  romaine  qui  liait  ces  divers  lieux,  et  qui 
doit  avoir  été  celle  de  V Itinéraire,  passait  sous  le 
donjon  d'Hohenwart  et  près  de  Schrobenhausen  ^ 
ville  qui,  d'après  une  antique  tradition,  fut  totalement 
détruite  par  les  Huns;  la  voie  dut  ensuite  prendre 
la  direction  d'Aichach  pour  passer  le  Lech  un  peu  au- 
dessus  d'Augusfa.  Près  de  Vallatum  elle  se  bifurquait; 
car  nous  trouvons  au  sud,  près  d'Indersdorf  sur  la 
Glon,  les  traces  d'une  autre  route  qui  allait  joindre 

'  Schœnwieser,  Ad  Itin.  Ant.,  p.  20. 


172  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

la  Station  de  Vallatum  au  nord,  et  dont  on  peut  en- 
core très -bien  étudier  le  parcours  jusque  dans  les 
environs  d'un  camp  romain  perdu  sur  la  droite  de 
rilm,  dans  l'épaisseur  des  forêts,  et  au  sein  duquel, 
ainsi  que  dans  ses  environs,  l'on  découvrit  une 
grande  quantité  de  monnaies.  Le  carré  du  camp  est 
très-bien  tracé,  et  il  est  entouré  d'un  double  rem- 
part, qui  en  plusieurs  endroits  s'élève  encore  à  vingt 
pieds  de  hauteur.  De  moindres  fortifications,  dont 
les  traces  sont  encore  visibles,  s'élevaient  près  de 
Sigmarshausen,  de  Frauenhofen,  d'Arnzell  et  de 
Peterzell,  tous  lieux  oii  furent  aussi  trouvées  des 
monnaies  de  l'époque  romaine. 

De  même,  peut-être,  il  faudrait  attribuer  à  cette 
époque  les  premières  fondations  de  Raderzhausen, 
sur  la  cime  élevée  d'une  montagne,  et  celles  sur  les 
ruines  desquelles,  au  douzième  siècle,  s'élevait  le 
château  de  Pfaffenhofen ,  dont  les  murs  ont  dis- 
paru. 

Toutes  ces  fortifications,  qui  se  soutenaient  stralé- 
giquement,  couvraient  au  nord-est  les  abords  d'Au- 
gusta  et  s'appuyaient  sur  la  Glon,  à  gauche  de  laquelle, 
non  loin  d  Adelshausen,  se  montrent  encore  les  ves- 
tiges d'un  ancien  camp  romain,  destiné  h  protéger  la 
route  dont  un  embranchement  allait  par  Meigentau 
joindre  le  Lech,  et  dont  un  autre,  circulant  devant 
Euratzbourg ,  Holzberg ,  Nannhofen  et  Gunzelhofen  \ 
aboutissait  par  une  courbe  à  la  station  iVad  Ambre. 


'  Dans  les  murs  du  chàleau  de  Gunzelliofen  est  enclavée  une  pierre 
milliane  de  Seplime  Sévère,  où  se  lit  distinclemenl  la  dislanre  de 


DU  UHIN  ET  DU  DANUBE.  173 

C'est  au  bord  de  l'AmmerS  en  aval  du  lac^  que 
cette  rivière  traverse  pour  aller,  dans  la  direction 
du  nord-est,  se  joindre  à  l'Iser,  qu'était  située  cette 
localité.  Non  loin  du  village  de  Schœngeising  se 
montre  encore  l'emplacement  du  lieu  antique  dont 
quatre  colonnes  marquent  l'étendue.  Les  traces  de 
ses  remparts,  de  ses  fossés  se  voient  encore,  et  il 
suffit  de  creuser  à  deux  pieds  de  profondeur  ce  ter- 
rain pour  retrouver  le  pavé  de  ses  rues.  Sur  le  Son- 
nenbourg  qui  le  domine  était  placée  une  tour  d'ob- 
servation, et  en  amont  de  l'Ammer,  près  de  Wilden- 
roth,  s'élevait  un  moindre  castel  dont  la  destination 
sembleavoir  été  de  couvrir  la  route  du  côté  d'Abodia- 
cum.  Une  tête  de  pont  protégeait  le  passage  de  la  ri- 
vière dans  la  direction  d"Augusta,et  l'on  peut  suivre 
la  route  romaine  jusqu'à  Jessenwang^  d'où,  circulant 
sous  le  castrum  de  Purck,  elle  allait  joindre  le  pas- 
sage du  Lech  que  nous  avons  ci-dessus  mentionné , 
et  qui  était  de  même  défendu  par  des  travaux  stra- 
tégiques très-considérables. 

Enfin,  une  quatrième  route  aboutissait  à  ce  lieu: 


trente  et  un  mille  pas  d'Augusta.  Comme,  d'après  l'Itinéraire  d'Anto- 
nin,  la  distance  d'ad  Ambre  à  cette  colonie  est  de  trente-deux  mille  pas, 
il  faut  cependant  que  cette  pierre  n'ait  pas  primitivement  été  trouvée 
ici,  mais  à  mille  pas  d'ad  Ambre,  du  côté  d'Augsbourg.Elle  aura  plus 
lard  été  transportée  à  Gunzelhofen  lors  de  la  construction  du  châ- 
teau. 

1  Amber  flumen. 

2  Amber  lacus. 

3  On  y  a  découvert  deux  monnaies,  l'une  de  Licinius  et  l'autre  de 
Constantin. 


174  ÉTADLISSEiMEINTS  ROMAINS 

c'est  celle  qui ,  citée  par  \ Itinéraire  rf'Jw^o/im,  sortait 
de  Veldidena ,  et  qui ,  passant  par  Parthanum ,  traver- 
sait les  ponts  Tessins. 

Ces  ponts,  selon  toute  probabilité,  étaient  placés 
près  d'Etthal,  où,  en  effet,  leurs  vestiges  se  ren- 
contrent encore'. 

La  voie  militaire  passait  sous  la  tour  forte  d'An- 
dechs,  située  à  environ  une  demi -lieue  de  la  rive 
droite  de  lAmmersée,  et  par  FischenjPœhljDeuten- 
hausen,  Romeck  et  Murnau,  tous  lieux  où  l'on  croit 
avoir  retrouvé  quelques  traces  de  fortifications;  elle 
traversait  les  ponts  Tessins  jetés  sur  les  marais  du 
Loisach  pour  entrer  à  Parthanum ,  où ,  à  la  fin  du  qua- 
trième siècle,  était  placée  la  première  cohorte  Hercu- 
léenne des  Rhétiens,sous  les  ordres  d'un  tribun^. 

La  Table  de  Théodose,  en  citant  les  diverses  étapes 
qui  se  trouvaient  placées  entre  celte  ville  et  Augusta, 
ne  nomme  pas  ces  ponts,  mais  on  y  voit  indiquées 
les  sources  de  Ticenum ,  qui  ne  peuvent  s'entendre  ici 
que  de  celles  de  l'Animer  même  qui,  en  effet,  son 
des  rocs  élancés  du  Kuchel ,  au  sein  de  l'Ammerwald. 
C'est  sur  ces  rocs  qu  il  faut  chercher  les  fortifications 
de  Coveliacae,  fortifications  qui  ont  plus  tard,  au 
moyen  âge,  servi  de  base  à  divers  castels. 

De  Parthanum  à  Coveliacae,  la  Carte  routière  que 
nous  continuons  de  citer,  marque  vingt  mille  pas. 
Cette  distance  n'est  exacte  qu'autant  qu'on  fait  une 
large  part  aux  difficultés  du  terrain  et  aux  détours 
des  montagnes.  Les  autres  distances  ne  sont  plus 

'  Voy.  Diiclinor,  ouvr.  cité. 

-  TriOttnus  coliortis  pvimœ  herculeœ  UkelonunVariadunu,  Sol.  iinp. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  175 

marquées  jusqu'à  Augusta,  et  il  est  assez  difficile  de 
concilier  celles  que  donne,  avec  des  lacunes,  Vlliné- 
raire d'Antomi.Toulefois  la  route  moderne  court  en- 
core sur  !a  route  antique  depuis  Coveliaca3  jusqu'à 
Reitenbuch,  où,  se  bifurquant,  la  voie  romaine, d'un 
côté,  joignait  à  rouest,Esconepar  le  pont  de  Bruck, 
et  de  l'autre,  au  nord,  touchait  le  Lech  et  le  camp  qui 
s'élevait  sur  les  rives,  vis-à-vis  de  Schœngau,  et  tra- 
versait la  rivière  devant  OEpfach. 

Là ,  nous  retrouvons,  avec  les  souvenirs  de  Rome , 
ses  monuments  et  ses  inscriptions. 

OEpfach  est  l'antique  Abodiacum.  Bâti  avec  les  dé- 
combres de  l'ancien  lieu  romain,  il  offre  à  nos  regards 
curieux  ses  débris  de  temples  et  de  palais,  ses  co- 
lonnes, d'ordre  dorique,  ses  restes  de  frises  élé- 
gantes, de  corniches,  de  pilastres,  et  d'autres  orne- 
ments d'architecture,  et  ces  pierres,  où  une  main 
pieuse  traça,  il  y  a  dix-huit  siècles,  les  noms  de  morts 
illustres,  et  prit  soin  d'instruire  la  postérité  du  ré- 
gime administratif  qui  réglait  la  cité. 

Abodiacum,  ainsi  que  nous  l'indique  une  de  ces 
inscriptions,  eut  ses  décurions \  et,  comme  Augusta, 

1  (d)     M. 

{et  per petit) XE  SECVRl 
{tati..  SERCIAL.  AELIANO 
(decu)RIOM.  MVMCIPI.  PVBL 
lA    CEIOMA.  VLNDELICA.  F1L(îJA 
ET  H(e;RES.  PATRI.  SIC 
VD.  TESTAMEMO.  PRAI 
CEPERAT.  SESTERTIS 
VI  MILIBVS.  FACIENDViM 
CVRAVIT. 


176  ÉTABL1SSEME^TS  ROMAINS 

ce  fut  un  municipe.  Ses  temples,  ses  palais  sont 
renversés;  mais  le  peu  de  débris  que  son  sol  nous 
a  conservés,  nous  prouvent  toute  la  magnificence  du 
lieu. 

Plusieurs  pierres  de  taille,  toutes  revêtues  de 
fragments  d'inscriptions,  hautes  d'un  demi-pied, 
contiennent  la  dédicace  d'un  de  ses  monuments  pu- 
blics \  et  on  a  retrouvé  aussi  la  statue  de  marbre 
blanc,  mais  mutilée  de  Cérès,  qui  paraît  avoir  eu  un 
temple  au  sein  de  ces  murailles. 


i 


paTERNV 
PROC 


S  CLEMEns.l  TRIB.  mil. 


AV^ILEG 


PRAEF.  EQ.  AL 
TORQV 


AE.  SILIAnI 
ATAE.  C.  R 


S.  SICCAT 
FECIT. 


La  tombe  du  haut  personnage,  dont  il  est  ici  fait  mention,  a  aussi  été 
retrouvée  à  OEpfach.Voy.  Beitrage  fur  Kunst  und  Alterthum  im  Ober- 
Donaukreis ,  2*=  part.,  p.  6  et  8.  La  famille  Clémentine  était  floris- 
sante à  Augsbourg ,  où  se  trouvent  plusieurs  monuments  qui  en  font 
mention.  Un  T.  Flavius  Primanus  eut  pour  épouse  une  femme  de  la 
famille  Trajane.  Un  autre  Flavius  Cleniens,  fils  aussi  d'un  Primanus, 
fut  consul  à  Rome  en  195  de  Jésus-Christ.  Quant  à  l'aile  de  cavalerie, 
du  surnom  de  Siliana,  M.  Metzger,  professeur  et  conservateur  de  la 
bibliothèque  d'Augsbourg,  a  fait  sur  elle  un  travail  qui  mérite  nos 
éloges.  Selon  l'auteur,  les  ailes  de  cavalerie  romaine  portaient  les  noms 
de  ceux  qui  les  premiers  en  avaient  pris  le  commandement  lors  de  leur 
formation ,  comme  les  alœ  Picentina ,  Petrina ,  Scriboniania ,  Flaviana , 
et  Siliana,  nom  d'une  famille  qui  nous  est  connue  par  les  lettres  de 
Cicéron  à  Atticus  (xii ,  27  et  31);  ou  des  nations  dont  elles  étaient  com- 
posées, comme  les  alœ  Treverensium,  Narciscorum,Vindeliciœ,  Panno- 
niœ,Britanniœ,  Phrifgum;o\i  bien  des  municipes  dont  elles  sortaient, 
comme  les  Alœ  Cetienses,  Comagenenses ,  Aventicorum,  Brigantiœ,  et 
d'autres;  ou  bien  enfin  de  circonstances  diverses , comme  les  alœ  Sin- 
gularium,  Scubulorum ,  Centenariorum ,  etc. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  177 

Tous  ces  restes  de  l'époque  romaine  avaient  servi 
de  matériaux  aux  murs  d'enceinte  qui ,  au  moyen  âge, 
avaient  été  bâtis  sur  la  colline  de  Saint -Laurent,  et 
qui  furent  démolis  en  1830^  C'était  l'emplacement 
du  castel  dominant  le  pont  jeté  sur  le  Lech,  et  qui  était 
lui-même  défendu  du  côté  opposé  de  la  rivière  par 
d'autres  fortifications.  Sur  le  Hassloch  s'élevait  le 
camp  principal,  qui  veillait  sur  la  vallée  où  devait 
s'étendre  le  municipe,  et  où  déjà  des  fouilles  anté- 
rieures avaient  mis  à  nu  quelques  pierres  qui  cou- 
vrirent les  restes  de  soldats  de  la  troisième  légion 
italique. 

Une  immense  quantité  de  monnaies,  provenant 
des  ruines  d'OEpfach,  ornent  la  collection  d'Augs- 
bourg.  Elles  descendent  depuis  Auguste  jusqu'au 
règne  de  la  famille  Constantine,  époque  où  il  sem- 
blerait qu'Abodiacum  ait  été  détruit  par  les  Alle- 
manes. 

Sur  les  bords  du  Lech  furent  découvertes  deux 
pierres  milliaires,  dont  les  eaux  avaient,  en  les  bai- 
gnant, fait  disparaître  les  insciiplions.  Il  est  permis 
de  croire  cependant  que  les  dislances  y  étaient  mar- 
quées depuis  Augusta;  et  cette  circonstance  porterait 
à  penser  qu'une  route  romaine  venait,  en  ligne  droite, 
de  cette  capitale  aboutir  à  ce  lieu. 

En  effet,  en  suivant  la  Table  de  Théodose,  on  trouve 
entre  Abodiacum  et  Augusta  la  station  intermédiaire 
dW  Novas,  fortifications  postérieures  au  règne  des 

'  Voy.  Erster  Jahrhericht  des  liistorischen  Vereins  im  Ober-Donau- 
kreis,  année  1833,  S»  part.,  p.  3  et  sv. 

n.  " 


178  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Antonins,  puisque  le  Routier  de  Caracalla  n'en  fait 
pas  mention. 

Ces  fortifications  s'étendaient  à  gauche  du  Lech, 
depuis  Landsberg  jusqu'au  castrum  de  Buchloe, 
d'où,  se  groupant  au  sud  jusqu'à  Kurishofen,  où 
se  distinguent  les  traces  d'un  ancien  camp,  et  s'ap- 
puyant  sur  Waal  et  Waalhaupten,  où  nous  trouvons 
encore  visibles  des  restes  de  retranchements  et  de 
travaux  stratégiques,  elles  protégeaient  les  abords 
de  la  Gennach,  tandis  que,  sur  la  rive  opposée  du 
Lech,  Landsberg  même,  et  les  diverses  hauteurs  de 
Piirgen,  de  Thaining,  d'Altenbourg,  de  Kaufering  et 
d'Haldenberg,  avaient  reçu  aussi  ou  des  castels  pro- 
tecteurs ou  des  tours  exploratrices.  Eggling,  Stein- 
dorf ,  Merching  et  Mering,  tous  lieux  où  1  on  décou- 
vrit en  assez  grand  nombre  des  monnaies  romaines, 
semblent  devoir  nous  attester  la  direction  que  la 
route  antique  prit  au  delà. 

Un  second  embranchement  de  communications 
d'Abodiacum  ,  sur  la  rive  droite  du  Lech ,  conduisait 
à  la  fois  au  sud  de  l'Ammersée  et  au  nord  de  ce  lac,  où 
durent  setendrelesdiverscampsd'Urusa.  La  distance 
de  douze  mille  pas ,  marquée  par  la  Carte  routière  de 
Théodose,  d'Abodiacum  à  Urusa,  sur  le  chemin  qui 
va  joindre  l'Iser,  s'accorde  assez  avec  celle  qui  se 
trouve  entre  OEpfach  et  Utting. 

La  route,  près  de  ce  dernier  lieu  ,  porte  encore  le 
nom  de  Hochslrasse ,  nom  sous  lequel ,  ainsi  que  nous 
avons  déjà  souvent  eu  occasion  de  le  remarquer,  les 
voies  romaines,  vu  leur  élévation  au-dessus  du  sol,  sont 
désignées  par  l'habitant.  Elle  joignait  les  trois  camps 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  179 

(les  environs  d'Utting ,  dont  deux  portent  les  noms  de 
Burggraben^  et  de  Rœmersberg"^,  et  dont  le  troisième 
sansdoule  était  le  j^Mrgf, autre  castel  d'une  plus  grande 
extension,  placé  sur  une  hauteur  élevée,  au  bord  de 
la  Windach,et  fortifié  par  la  nature.  Un  simple  rem- 
part le  protégeait  du  côté  du  sud  et  de  l'orient;  un 
double  rempart  du  côté  du  nord  et  de  l'ouest.  Long 
de  huit  cents  pieds  sur  sept  cents  de  large,  il  semble 
avoir  été  le  principal  lieu  de  toutes  les  fortifications 
d'Urusa. 

Sur  une  montagne  située  un  peu  plus  au  nord  se 
remarquent  les  traces  d  un  autre  castel ,  le  Burgleile  ^ 
et  enfin,  à  un  quart  de  lieue  nord -est,  celles  d'un 
second  camp,  long  de  deux  cent  quarante-cinq  pieds 
sur  cent  vingt  de  large,  dont  les  fossés  ont  quinze 
pieds  de  profondeur,  et  dont  les  remparts  s'élèvent 
encore  au  même  nombre  de  pieds. 

Partout  dans  ces  environs  furent  trouvées  des  mon- 
naies d'Auguste,  de  Domitien,  d'Antonin-le-Pieux  et 
de  Constantin. 

Enfin, en  suivant  le  lac  au  sud,  nous  parvenons  à 
un  lieu  nommé  Rœmenlhal ,  où  nous  visitons  les  ves- 
tiges d'un  autre  fort  et  ceux  d'un  ancien  bâtiment  qui 
longeait  le  lac,  et  dont  deux  cents  pieds  de  murailles 
laissent  encore  voir  leurs  fondements. 

Tout  près  de  cet  endroit  existait,  il  y  a  vingt-deux 
ans,  une  vieille  tour  qu'on  a  prétendu  être  romaine. 


'  Le  fossé  du  fort. 

-  Le  mont  des  Romains. 

•^  On  V  a  trouvé  des  tronçons  d'armes. 

11.  '■'' 


180  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  qu'on  fut  obligé  de  démolir,  vu  qu'elle  menaçait 
ruinée 

A  ses  pieds  passait  la  route  romaine  de  Par- 
thanum,  venant  de  Pœhl,  et  que  nous  suivons  dans 
la  direction  de  Ludenhausen,  où  ses  vestiges  se  re- 
trouvent. 

Ce  dernier  lieu  est  incontestablement  romain.  Il  dut 
y  exister  un  sacellum  consacré  à  Mercure  Cimiacinus , 
dont  une  inscription,  qui  date  de  l'an  289  de  Jésus- 
Christ,  nous  a  été  conservée  2.  Cette  inscription  est 

^  La  tour  de  Diessen.Voy.,  sur  sa  destruction ,  le  Baiersche  Landbote 
de  1830,  n°  167,  p.  1420. 

2  DEO 

MERCVRIO 

CIMIACINO 

ARAM  TVRARIAM 

M.  PATERNINVS 

VITALIS.  QVI 

AEDEM.  FECIT.  ET 

SIGNVM.  POSVIT 

V.  S.  L.  L.  M. 

DEDICAT  III  KAL.    OCTOBR 
GENTIANO  ET  BASSO  CoS. 

Mercure  Cimiacinus  ne  nous  est  connu  par  aucune  autre  inscription. 
Ou ,  comme  Jupiter  porta  ciiez  les  Grecs ,  habitants  de  l'Élide ,  le  nom 
d'ATro;ji.utoç,  de  MuioiSriç  et  de  Muïaypoç  (de  !^ûia,  musca ,  mouche)  pour 
avoir,  selon  la  fable ,  délivré  celte  contrée  du  supplice  des  mouches , 
en  les  chassant  au  delà  de  l'Alphée ,  et  comme  Apollon  porta  les  noms 
de  MuoxTOvoç  [murium  uccisor,  tueur  de  souris,  de  [xii<; ,  mus,  souris), 
de  2|jiiv6euç  (de  o-[jlivôoç,  mus  dômes Hcus ,  souris  domestique'  et  de 


I 


DU  miIN  ET  DU  DANUBE.  181 

doublement  intéressante,  et  par  le  surnom  qui  est  ici 
donné  au  dieu,  et  parce  que  nous  voyons  par  elle  qu'au 
lieu  de  répandre  le  sang  des  victimes,  on  y  brûlait 
sur  ses  autels  un  pur  encens. 

Nous  avons  cité,  en  parlant  des  ponts  Tessins,  la 
route  qui  d'Abodiacum  remontait  la  rive  droite  du 
Lech;  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  signaler  deux  autres 
voies  romaines  qui,  de  ce  municipe,  conduisaient, 
l'une  à  Navoe,  l'autre  à  Escone  et  à  Campodunum. 

La  première,  dans  la  direction  de  l'ouest,  atteint 
Helmishofen,et  la  route  qui  vient  s'y  croiser,  descen- 
dant par  Ostendorf,  Blonenhofen,  Altenberget  Auf- 
kirch  des  fortifications  d'ad  Novas,  elqu\,  par  Osler- 
zell,Salabeuern,llsung-Bûhl,lieuxoùse  remarquent 
des  vestiges  de  remparts  antiques,  et  par  Kœngets- 
ried  et  le  Schloss-Bùhl,  où  l'on  rencontre  des  traces 
semblables,  aboutissait  aux  camps  d'Escone. 

La  seconde  passait  sous  le  castel  de  Kinsau ,  sous 
le  monopyrgium  de  Hohenfurch,  et  joignait  l'Alten- 
stadt  de  Schœngau ,  d'où ,  longeant  le  pied  du  castrum 
de  Thannenberg,  elle  aboutissait  aux  divers  camps 
d'Escone,  dont  celui  placé  près  de  deux  fermes,  con- 
nues sous  le  nom  d'Echt,  paraît  avoir  été  le  pré- 
toire. 

Pendant  longtemps  ce   fut  dans  l'Altenstadt  de 

SaupoxTovo?  (lueur  de  lézards,  de  aaupa,  lacerta ,  lézard),  il  faut  croire 
que  les  Romains  du  Lech,  pouravoirélé  délivrés  par  Mercure  du  sup- 
plice des  punaises,  lui  avaient  par  reconnaissance  d  nné  le  surnom 
de  Cimiacinus  (de  cimex,  punaise)  ;  ou  bien  ce  nom  était  local ,  et  il  dut 
alors  avoir  été  donné  à  ce  dieu  du  culte  particulier  qui  lui  était  rendu 
dans  une  ville ,  à  nous  inconnue ,  du  nom  de  Cimiacum. 


182  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Scliœngau  qu'on  chercha  cet  établissement  romain. 
Mais  ni  la  distance  de  dix-huit  mille  pas  d'Abodiacum 
à  Escone,  désignée  par  la  Carte  routière  de  Théodose\ 
ni  celle  de  vingt  mille  pas  que  la  même  carte  men- 
tionne de  ce  lieu  à  Campodunum,  ne  s'accordent 
avec  la  distance  qui  existe  entre  OEpfach  et  Altensladt, 
ni  avec  celle  d'Altenstadt  à  Kempten.  Il  fallait  donc 
que  l'établissement  romain  fût  plus  au  centre  de  ces 
deux  lieux. 

Nulle  position  ne  peut  être  plus  en  rapport  avec 
celle  d'Escone  que  le  camp  d'Echt,  dont  le  nom  mo- 
derne a  quelque  chose  du  nom  antique.  Une  tour 
d'observation,  placée  sur  l'Auerberg,  explorait  à  l'est- 
sud-est  la  route  du  Lech,  qui  aboutissait  à  Bruck. 

Tout  porte  à  croire  qu'un  chemin  de  communica- 
tion circulait  aussi  au  sud ,  conduisant  au  sein  des 
Alpes  penniques.  Nous  trouvons  du  moins  dans  celte 
direction,  à  Rieden,  et  dans  les  environs  de  FiJssen^, 
les  traces  d'anciennes  fortifications,  dont  les  dernières 
surtout,  fouillées  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  ont 
livré  une  suite  de  monnaies  descendant  depuis  les 
premiers  empereurs  jusqu'aux  règnes  des  Constan- 
tin ,  des  Valentinien ,  et  même  jusqu'à  celui  d'Arcade  ^. 

A  l'ouest,  la  route  d'Escone  à  Campodunum  cir- 
culait sur  le  territoire  de  l'ancienne  préfecture  im- 
périale de  Geisenried,  où  nous  visitons  les  vestiges 

^  (Segment  3). 

2  Fauces  Alpium. 

3  On  peut  en  lire  la  liste  dans  les  AuszUgen  aus  den  eingesendeten 
Beitràgen  zu  Beschreibung  und  Erhaltung  der  artistiscken  und  hist. 
Denkwilrdigkeiten  des  Ober-Donaukreises.  1829.  p.  9  Cl  46.J'y  rcnvoic 
le  lecteur. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  183 

d'un  vieux  camp,  et,  traversant  la  Wertach,  passait 
sous  le  fort  d'Hausen ,  si  favorablement  placé  comme 
point  de  défense  et  comme  point  d'exploration,  et 
reliait  les  divers  lieux  romains  d'Oster-et  de  Seelen- 
berg,  de  Burgslal,  de  Westerried,  de  Kipfenberg, 
de  Thingau  et  de  Wageck. 

Tous  offrent  encore  quelques  vestiges  de  fortifica- 
tions; mais  surtout  le  camp  de  Kipfenberg  qui,  posé 
sur  le  sommet  d'une  montagne ,  a  une  étendue  de 
cinq  cents  pieds  de  long  sur  trois  cents  de  large,  et 
montre  encore  la  place  de  ses  tours  fortes  et  de  ses 
triples,  quadruples  et  quintuples  remparts  et  fossés'. 

Campodunum  est  le  moderne  Kempten. 

Cette  ville  est  citée  par  Ptolémée,  par  Strabon, 
par  Y  Itinéraire  d'Anlonin  et  par  la  Notice  de  l'Em- 
pire'^. 

La  citadelle  était  assise  sur  la  Burghalde ,  montagne 
isolée  que  quelques  pans  de  murailles  en  ruines, 
d'une  époque  plus  récente,  ceignent  encore, et  dans 
l'enceinte  de  laquelle,  ainsi  que  dans  les  Bleicher-  et 
Linderberger-OEsch ,  deux  quartiers  de  la  ville  mo- 
derne, les  monnaies  romaines  ont  été  retrouvées  en 
plus  grand  nombre. 

Ces  monnaies,  qui  sont  en  foule  et  qui  des- 
cendent depuis  Auguste  jusqu'à  Tbéodose  leG^and^ 
prouveraient  seules  le  long  séjour  qu'y  firent  les  Ro- 


'  On  y  a  aussi  trouvé  des  monnaies. 

2  Le  premier  le  nomme  Katji8o§ouvov ,  le  second  Ka[A7roSouvov,  V iti- 
néraire Campodunum,  la  Notice  Cambidununi. 

3  On  en  peut  lire  la  liste  dans  le  Ober-Donaukreis  unterden  Rômern, 
du  D'"  Raiser,  !'•«  part.,  p.  42  et  sv. 


184  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

mains,  quand  bien  même  nul  autre  monument  n'y 
eût  été  trouvé,  et  que  même  nul  historien  n'en  eût 
parlé. 

Malheureusement  nous  ne  possédons  qu'une  seule 
inscription  tirée  de  ce  lieu,  encore  n'est-ce  qu'une 
inscription  tumulaire,  sans  intérêt  historique,  et  qui 
ne  nous  apprend  rien  touchant  l'administration  ni 
le  culte  de  la  cité.  Mais  ce  qui  prouve  l'importance 
de  cette  ville,  c'est  une  pierre  milliaire  trouvée  près 
d'Isny,  et  dont  la  distance  est  comptée  depuis  Cam- 
podunum^ 

C'était  encore  à  la  dernière  époque  de  l'Empire 
la  principale  cilé  du  centre  de  la  Rhétie,et  c'était 
dans  son  sein  que  résidait  le  commandant  de  la  lé- 
gion ,  ayant  sous  ses  ordres  les  troupes  chargées  de  la 
défense  de  cette  partie  de  la  province  ^. 

La  grande  voie  militaire  qui  reliait  Campodunum 
à  Augusta,  passait  par  les  trois  grandes  étapes  de 
Navoe,  de  Roslrum  et  de  Rapis. 

Nous  les  explorerons  successivement  pour  revenir 
ensuite  dans  cette  ville  par  Viaca  et  par  le  Mont- 
Cielius. 

Navoe  n'est  pas  cité  par  Xllinéraire  d'Antonin,  qui 
conduit  d'Augusta  à  Campodunum  par  Rostro  Nema- 
viae,  tandis  que  la  Carte  routière  de  Théodose,  en  sui- 
vant la  même  route,  cite  les  deux  stations  de  Navoe 
et  de  Rapis.  On  ne  peut  expliquer  celte  différence 
que  par  la  différence  de  date  que  portent  les  deux 

'  A  Campoduno.  XI.  M.  V. 

2  Not.  dign.  imp.  occid.,  p.  1977. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  185 

Itinéraires;  car  les  distances  marquées  par  les  deux 
routiers  sont  assez  exactes ,  puisque  Vltinéraire  ^ 
compte  de  Campodunum  à  Augusta  cinquante -sept 
milles  et  que  la  Table  de  Théodose  en  compte 
soixante. 

On  ne  peut  cependant  croire  avec  quelques  auteurs 
que  Navoe  et  Roslrum  Nemaviîe  aient  été  le  même 
et  unique  lieu,  puisque  le  premier  est  cité  dans  la 
Carie  routière  comme  étant  à  dix-huit  milles  de  Cam- 
podunum, tandis  que  le  second  est  dans  Vltinéraire 
marqué  à  trente-deux  milles,  et,  par  conséquent,  à 
quatorze  milles  plus  rapproché  d'Augusta. 

Il  faut  donc  comprendre  sous  le  nom  général  de 
Navoe  tous  les  castels  appartenant  au  prétoire  du 
camp  principal  que  nous  placerons  à  Ober-Giinz- 
bourg,  et  qui  s'étendaient  jusqu'à  Baisweil,  h  la 
distance  que  lui  assigne  la  Carte  routière  de  Théodose, 
et  au  delà  duquel  durent  commencer  les  camps  de 
Nemaviœ,  dont  le  prétoire,  en  suivant  Vltinéraire 
d'Aiitonin,  dut  être  placé  sur  le  Goldberg,  un  peu 
au-dessus  de  la  petite  ville  de  Turkheim. 

La  route  romaine ,  depuisWageck ,  courait  au  nord , 
et,  passant  sous  le  monopyrgium  de  Sollthurn,  domi- 
nait le  cours  de  la  Giinz,  près  d'Ober  Giinzbourg. 
Ce  fort  défendait  l'abord  de  deux  vallées.  Sur  la  pointe 
la  plus  avancée  de  cette  espèce  de  promontoire  était 
placée  une  tour,  séparée  du  camp  par  un  fossé.  Au- 
jourd'hui ce  lieu  sert  de  cimetière ,  et  en  fouillant  le 
terrain,  on  y  a  déjà  souvent  trouvé  d'assez  nom- 

*  Édit.  de  Parthey  et  Pinder,  p.  1*20. 


186  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

breuses  monnaies.  Au  pied  du  castel  dut  s'élendre 
une  ville  romaine,  et,  dans  la  rue  moderne,  près  de 
l'église,  fut, en  creusant  le  sol,  retrouvé  un  autel  de 
marbre,  dédié  à  Mercure \  dont  le  temple  reposait 
peut-être  sur  la  place  même  que  celte  église  oc- 
cupe. 

Au  delà  d'Ober-Giinzbourg,lavoie  romaine  s'élève 
sur  la  pente  escarpée  des  montagnes,  et  suit  le  cours 
de  la  Giinz  jusque  dans  les  environs  des  sources  de 
la  Mindel.  On  en  voit  encore  les  traces,  recouvertes 
de  bois  et  de  quartiers  de  roches,  détachés  des 
grandes  masses.  De  distance  en  distance  se  montrent 
les  vestiges  d'antiques  fortifications;  nous  avons  été 
à  même  de  compter  huit  endroits  semblables  dans  le 
rayon  d'une  lieue  autour  de  l'ancien  établissement 
romain. 

Nous  atteignons  Rœhrwang,  village  près  duquel 
furent  déterrés  les  décombres  d'un  antique  bâtiment 
de  la  période  romaine.  De  ce  lieu  au  camp  de  Bais- 
weil,  quatre  colonnes  milliaires  furent  trouvées  à 
distance  égale  l'une  de  l'autre;  elles  marquaient  qua- 
rante, quarante  et  un,  quarante-deux  et  quarante- 
trois  mille  pas  d'Augusta^. 


.  .  .  PRO  SALVTE 
DEO  MERCVRIO 


vs 


2  Voici  l'inscription  de  l'une  d'elles  : 

«  Imperator  Cœsar,  Lucius  Septimius  Severus,  plus  ^  Pertinax,  Âu- 
ugustus,  Arabicus,  Adiabenicus,  Parthicus,  Maximus ^  pontifex  maxi- 


DU  Rlim  ET  DU  DANUBE.  1  87 

A  droite,  un  embranchement  de  route  conduit  à 
Kemnath,  lieu  dont  le  nom  celto-grec  exprime  lui- 
même  l'emplacement  d'un  poste  militaire,  et  dont  la 
tour,  élevée  sur  le  sommet  de  rocs  élancés,  dominait 
le  val  de  la  Wertach  qu'elle  pouvait  au  loin  explorer 
jusqu'à  Augusta.  Elle  correspondait  avec  toutes  les 
tours  fortes  des  environs,  et  devait  être  d'une  im- 
portance majeure  comme  point  de  signal.  En  arrière 
s'étend  une  plaine,  et  sur  le  penchant  de  la  montagne, 
à  une  portée  de  fusil  du  point  culminant,  se  dis- 
tingue la  place  d'un  ancien  camp,  espace  long  de 
deux  cents  pas,  et  large  de  cent  vingt,  dont  les  dé- 
bris de  remparts  et  de  fossés  ont  été  explorés  il  y  a 
une  quinzaine  d'années. 

Il  paraît  que  de  Wageck  un  chemin  de  communi- 
cation allait  par  les  camps  de  Westerried,  et  par 
Wengling  et  Herschzell,  où  se  montrent  aussi  quel- 
ques traces  de  fortifications,  joindre  le  camp  de  Kem- 
nath, et  qu'au  nord,  par  Germaringen  et  Gutenberg, 
un  autre  embranchement  reliait  les  différents  castels 
de  Navoe. 

Le  camp  de  Baisweil,  situé,  ainsi  que  l'indique  la 
colonne milliaire qui  y  fut  déterrée,  à  quarante  milles 
d'Augusta,  fut,  d'après  une  tradition,  remplacé  au 
moyen  âge  par  un  châtel  dont  les  ruines  ont  elles- 
mêmes  disparu. 

mnus,  tribunilia  potestate  VIIII ,  imperator  XII,  consul  II,  pater 
npatriœ,  proconsul,  et  imperator  Cœsar  Marctis  Âurelius  Antoninus , 
K  plus ,  Augustus ,  tribunitia  potestate  Illl ,  proconsul ,  et  imperator 
H  Publius Septimius  Geta,  Augustus ,  tribunitia  potestate,  vias  et  pon- 
«  tes  restauraverunt  ab  Augusta  M.  P.  XÎXX.  »  Intelligenzblàtter  des 
lllerkreises ,  année  1814,  p.  667-671. 


188  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Toutefois  les  siècles  n'ont  pas  entièrement  auéanti 
les  vestiges  des  fortifications  romaines.  On  distingue 
encore  leur  tracé  et  les  profonds  sillons  des  fossés 
qui  l'entouraient. 

L'emplacementquela  forteresse  occupait  se  nomme 
encore  aujourd'hui  les  Burggrœben  ',  et  la  plaine  qui 
s'étend  à  ses  pieds,  le  Weiher'^',  ce  qui  semblerait 
prouver  qu'à  l'époque  lointaine  qui  nous  occupe,  un 
étang  recouvrait  cette  plaine  et  protégeait  les  abords 
de  la  colline  oii  le  castel  s 'élevait^  dominant  les  deux 
embranchements  de  route  d'Abodiacum  et  de  Nema- 
vi3e,et  les  vallées  de  la  Mindel  et  de  la  Flossach,  où 
la  population  celto-romaine  a  laissé  partout  de  ses 
souvenirs. 

Une  immense  quantité  de  tumuli  sont  encore  vi- 
sibles non  loin  de  ce  endroit  et  s'étendent  l'espace  de 
trois  lieues  jusqu'au  delà  de  la  Wertach.Ils  montrent, 
près  de  Lauchdorf ,  près  de  Schliengen ,  près  de  Ried , 
près  de  Kelterschwang  et  de  Gulenberg,  leur  sphé- 
rique  gazonnement.  Si  on  les  ouvre,  rien  ne  se  pré- 
sente aux  regards  que  des  fragments  de  grossières 
urnes  cinéraires. 

Cette  circonstance  a  fait  demander  à  quelques  ob- 
servateurs si  ces  ossements,  si,  ces  cendres  ne  sont 
pas  ceux  d'Allemanes  et  de  Romains,  tombés  en- 
semble en  combattant,  et  si  peut-être  ces  plaines  qu'ar- 
rose la  Wertach ,  ne  sont  pas  celles  qu'ensanglanta , 
en  274,  la  défaite  des  premiers,  sous  le  règne  d'Au- 


^  Le  fossé  du  fort. 
'^  Le  vivier,  l'élane. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  189 

rélien, OU  celles  dans  lesquelles  Constance  Chlore,  à 
qui  cette  première  victoire  fut  principalement  due, 
battit  de  nouveau  ces  peuples,  en  298,  étant  lui- 
même  césar  \ 

Nous  visitons  près  de  Wœrishofen  les  traces  d'un 
castel,  placé  sur  les  bords  de  la  Flossach ,  et,  sui- 
vant à  gauche  la  route  qui  bordait  le  cours  du  tor- 
rent, nous  nous  dirigeons  jusqu'au  prétoire  de  Ne- 
maviae. 

Ce  camp,  placé,  comme  nous  l'avons  dit,  sur  le 
Goldberg,  près  de  Turkheim,  fut  fouillé  à  plusieurs 
reprises;  chaque  fois  il  a  offert  des  décombres  de 
bâtisses  et  du  bois  charbonné  ;  ce  qui  semblerait  an- 
noncer que  le  feu  l'a  détruit. 

Le  Pœnebourg,  autre  castel  romain,  à  un  quart 
de  lieue  du  premier,  montre  encore  le  carré  de  ses 
antiques  remparts  et  fossés.  Trois  portes  conduisaient 
dans  son  intérieur,  où  l'on  trouva  une  monnaie  de 
Trajan  de  l'an  116  de  Jésus-Christ. 

A  Turkheim  est  placée  devant  la  porte  du  château 
une  pierre  milliaire  privée  d  inscription,  soit  que 
cette  inscription  ait  été  détruite  par  les  siècles,  soit 
qu'elle  n'ait  jamais  existé.  Dans  le  premier  cas,  sa 
distance  d'Augusta  devait  être  marquée  de  vingt- 
cinq  mille  pas,  et,  dans  le  second,  la  pierre  date- 
rait de  la  première  période  romaine  dans  ces  con- 
trées. 

De  Nemaviae  à  Rapis,  nous  suivons  de  nouveau  la 

^  «  Quid  commemorem  Lingonicam  victoriam,  etiam  imperatoris  vul- 
<(nere  gloriosam?  Quid  Vindonis  campos ,  liostium  strage  apertos  et 
*adhuc  ossibus  complétas ?i  Eumène,  Faneg.,  vi,  c.  6. 


190  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Table  de  Théodose  qui,  de  Navoe  à  celle  station,  marque 
vingt-quatre  mille  pas,  et  dix-huit  mille  de  Rapis  à 
Augusta. 

En  nous  guidant,  d'après  cette  carte  routière,  ce 
sera  dans  les  environs  de  Schwabeck ,  dont  le  château 
du  moyen  âge  avait  été  construit  sur  l'emplacement 
du  fort  romain,  destiné  à  protéger  le  pont  jeté  sur  la 
Wertach^  qu'il.faudra  la  chercher. 

Le  camp  principal  était  placé  à  un  demi-quart  de 
lieue  plus  au  nord-ouest,  sur  le  soi-disant  Biischel- 
grœben,  montagne  aujourd'hui  recouverte  de  chênes 
que  six  siècles  ont  vu  croître  et  verdir.  Sur  le  Burg- 
halden  était  posé  un  autre  castel. 

Sous  ces  fortificalions  se  partageait  l'embranche- 
ment des  deux  roules  de  Guntia  et  d'Augusla,  dont 
la  première ,  par  Munster  et  sous  le  castel  de  Brenn- 
bourg,  allait  sur  les  bords  de  la  Schmutter  aboutir 
au  camp  du  Buschelberg ,  près  de  Fischach. 

Les  travaux  stratégiques  qu'y  firent  les  Romains  y 
ont  laissé  leurs  vestiges. 

Au  bas  delà  montagne,  une  redoute,  dont  les  fossés 
ont  été  comblés,  montre  encore  ses  antiques  glacis. 
En  arrière,  le  mont  s'élève  en  trois  terrasses,  pré- 
sentant les  traces  des  remparts  et  des  fossés  qui  en 
défendaient  alternativement  l'abord.  Sur  le  sommet 
s'élevaient  le  camp  proprement  dit  et  sa  tour,  dont  les 
signaux  pouvaient  au  loin  être  vus  de  toutes  les  tours 
fortes  environnantes.  Elle  correspondait  avec  celle 
du  Wolfsberg,  en  communication  avec  les  diverses 
positions  fortes  des  deux  vallées  de  la  Zusam  et  de  la 
Laugna,  où  de  distance  en  distance  se  montrent  dans 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  191 

tout  leur  cours  tantôt  les  traces  d'un  castel ,  tantôt 
celles  d'une  tour  isolée. 

La  route  romaine  de  la  rive  gauche  de  laWertach 
est  encore  assez  intacte  sur  les  hauteurs  qui  dominent 
la  rivière. 

En  suivant  son  cours,  nous  passons  sous  le  Gug- 
genberg,  dont  le  nom  seul  semble  attester  qu'il  dut 
être  surmonté  d'une  tour  d'observation,  et  par  Strass , 
auquel  la  route  a  donné  son  nom  ;  par  Pférsée  nous 
rentrons  à  Augusta. 

Cependant  la  grande  voie  militaire  suivait  la  rive 
droite  de  la  Wertach  et  passait  par  Aitingen,  Bo- 
bingen,  Inningen  et  Gœggingen,  tous  villages  où 
furent  en  plus  ou  moins  grand  nombre  trouvées  des 
monnaies  romaines  et  d'autres  antiquités. 

Cette  rencontre  de  monnaies,  dans  une  direction 
suivie,  est  presque  toujours  une  preuve  évidente  du 
cours  d'une  antique  chaussée,  à  défaut  de  ses  ves- 
tiges que  le  temps  a  fait  disparaître. 

Aussi  sera-ce  notre  seul  guide  pour  nous  diriger 
surlescamps  de  Viaca  qui  sont  marqués  sur  la  Carte 
routière  de  Théodose  à  la  distance  de  vingt  mille  pas 
d'Augusta,  et  qui,  à  une  époque  où  l'Empire  était 
menacé  dans  sa  barrière  du  Danube  et  de  l'iUer, 
semblent  avoir  été  élevés  pour  soutenir,  en  arrière 
du  fleuve  et  de  cette  rivière,  les  approches  de  la  ca- 
pitale de  la  province. 

C'est  ce  qui  rend  compte  du  silence  qu'en  garde 
V Itinéraire  d'Antonin,  rédigé  à  une  époque  antérieure, 
sous  le  règne  de  Caracalla,  et  avant  que  le  grand 
rempart  eût  jamais  été  rompu. 


192  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Ces  camps  s'appuyaient  principalement  sur  la 
Mindel,  sur  la  Kanilach  et  sur  la  Gûnz,  protégeant 
les  diverses  routes  de  Mont- Cœlius,  de  Gunlia  et 
de  Finiania,  qu'ils  couvraient  de  leurs  retranche- 
ments. 

Leurs  restes  se  montrent  encore  à  Krumbach,  où 
paraît  avoir  été  le  prétoire;  àHohen-Raunau  et  sur  le 
Tobel ,  castels  élevés  l'un  et  l'autre  à  quelque  distance 
des  deux  côtés  correspondants  de  la  Kamlach  :  à  Wal- 
tenberg ,  à  Olgishofen ,  dernier  lieu  où  furent  trouvées 
quantité  de  monnaies  romaines  de  Gordien  III,  des 
deux  Philippe, d'Otacilla,  l'épouse  du  premier  de  ces 
empereurs,  de  Dèce,  de  Gallus^  de  Valérien  et  de  Gai- 
lien;  à  Breitenihal,  à  quelque  distance,  sur  la  gauche 
de  la  Gunz,  où  furent  de  même  trouvées  quelques 
monnaies  de  Constance  et  de  Constantin,  et,  sur  la 
rive  droite  de  la  même  rivière,  à  Deissenhausen,  dont 
le  castel  était  destiné  à  protéger  le  passage  de  la 
route  qui  de  Finiania  y  descendait  par  le  camp  de 
Weissenhorn. 

Nous  sommes  guidé  dans  notre  course  par  les 
antiquités  et  surtout  par  les  monnaies  qui  ont  été 
trouvées  à  Diedorf,  à  Anhausen ,  sur  le  Sandberg  et 
dans  ses  environs,  à  Kutzenhausen,  à  Steinenkirch 
et  sur  le  Wolfsberg. 

La  situation  de  tous  ces  lieux  ne  permet  pas  de 
douter  qu'arrivée  à  la  Schmutter,  près  de  Dielhkirch, 
la  route  sortie  d'Augusta  se  partageait  en  deux 
branches,  dont  l'une,  par  Kutzenhausen  et  Wolfs- 
berg, était  la  grande  voie  militaire  de  celte  capitale 
à  Finiania,  et  dont  l'autre  devait  nécessairement 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  193 

atteindre  le  Bnschelberg^  près  de  Fischach,  et  par 
le  castel  de  Burg^  aboutir  au  prétoire  des  camps  de 
Viaca. 

Ces  camps,  stratégiquement  placés  pour  défendre, 
comme  je  l'ai  dit,  l'angle  formé  par  la  jonction  de 
riller  et  du  Danube,  étaient  liés  aux  fortifications 
de  Guntia  et  de  ses  environs  par  une  autre  route 
qui,  partant  de  Deissenhausen  ,  passait  par  Obereck, 
Hausen  et  Waldstetten,  près  duquel  l'antique  voie 
romaine,  qui  circule  au  milieu  des  forêts,  sert  encore 
aujourd'hui  aux  communications^. 

Quelques  tours  d'observation,  placées  de  distance 
en  distance,  servaient  aux  signaux,  et  surtout  celle  de 
Kemnath ,  dont  le  nom ,  analogue  à  celui  du  castel  que 
nous  avons  plus  au  sud  visité  près  de  Navoe,  atteste 
la  même  origine  antique,  et  celle  qui,  placée  sur  le 
cône  où,  au  moyen  âge,  les  chevaliers  de  Watlen- 
weiler  bâtirent  sur  ses  ruines  leur  châtel ,  et  dont 
l'emplacement,  aujourd'hui  privé  de  murailles,  a 
cependant  offert  quelques  monnaies  et  quelques 
autres  moindres  antiquités,  pouvait  explorer  tout  le 
val  de  la  Giinz,  à  une  distance  de  six  à  sept  lieues. 

A  l'ouest^  un  autre  embranchement  de  route  abou- 
tissait au  Mont-Caîlius,  forteresse  dont  parlent  à  la 
fois  et  y  Itinéraire  d'Anlonin  et  la  Notice  de  l'Empire  ^ 
et  qui ,  sans  être  aussi  élevée  que  son  nom  semble 

<  Entre  Burgel  Krunibach  furent  aussi  trouvées,  sur  le  territoire  de 
Brunnach  et  de  Mindelzell,  trois  monnaies  d'Adrien,  d'Ântonin-le-Pieux 
et  de  Constantin. 

-  Dans  tous  ces  lieux  et  leurs  environs  ont  été  trouvées  quelques 
monnaies. 

II.  '' 


194  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

l'indiquer,  l'était  cependant  assez  pour  dominer  au 
loin  le  cours  de  l'Iller  dont  elle  défendait  le  pas- 
sage ^ 

Sur  l'emplacement  du  lieu  antique  s'est  perpétué 
le  bourg  de  Kellmiinz,  dont  l'église  est  elle-même 
posée  sur  la  base  inébranlable  d'anciennes  murailles 
romaines.  A  l'exception  cependant  des  monnaies 
trouvées  dans  ce  bourg,  nul  monument  de  l'époque 
romaine  n'en  a  été  retiré,  et  toutes  les  ruines  qui 
nous  y  frappent  encore  datent  du  moyen  âge  qui  a 
substitué  ses  constructions  aux  murs  renversés  d'un 
temps  antérieur. 

Nous  ne  pouvons  juger  de  l'importance  du  lieu  que 
par  la  Notice  de  V Empire,  qui ,  dans sesmuiailles,  fait 
tenir  garnison  à  la  troisième  cohorte  Herculéenne 
des  Pannoniens,  sous  les  ordres  de  leur  tribun^. 

V Itinéraire  d'Antonin^  place  le  Mont-Caelius à  seize 
mille  pas  de  Guntia  et  à  quatorze  mille  de  Campo- 
dunum. 

Il  marque  ensuite  vingt-deux  mille  pas  de  Guntia 
à  Augusta. 

Mais  toutes  ces  distances  sont  trop  faibles. 

Il  faut  que  dans  les  divers  manuscrits  les  nombres 
aient  été  mal  indiqués,  à  moins  qu  aux  milles  mar- 
qués par  eux,  l'on  ne  substitue  des  lieues  [leugœ) 


^  Celle  roule  passait  de  Krunibach  par  Olgisliofen ,  par  le  bois  de 
Schwendi  el  par  Unter-Scliœnegg ,  où  quelques  forlificalions  assuraient 
aussi  le  passage  de  la  Gûnz,  el,  au  delà ,  par  Oslerberg  et  Weiler,  où 
ses  traces  sont  encore  bien  recounaissables. 

2  Not.  dign.  imp.  occid.,  p.  1978,  édil.  cilée. 

3  Édil.  de  Wesseling,  p.  250. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  195 

qui,  d'après  Marcellin,  étaient  de  1500  doubles  pas  ou 
de  7500  pieds  romains;  ce  qui  égaliserait  également 
les  distances  d'Augusla  à  Guntia,  et  de  Guntia  au 
Mont-Cselius,  puisqu'un  mille  est  à  une  leuga  comme 
deux  est  à  trois  ou  comme  quatorze  est  à  vingt 
et  un. 

Nous  aurions  alors  d'Augusta  à  Guntia  vingt- deux 
lieues  ou  trente -deux  mille  pas,  et  de  Guntia  au 
Mont-Cœlius  seize  lieues  ou  vingt-six  milles.  Quant 
à  la  distance  du  31ont-Ca3lius  à  Campodunum,  elle 
aurait  été,  en  suivant  un  des  manuscrits  de  Paris, 
et  en  substituant  toujours  des  lieues  gauloises  aux 
milles  indiqués,  de  vingt -quatre  lieues;  c'est  cette 
distance  qui  sépare,  en  effet,  Kemplen  de  Kell- 
miinz^ 

La  route  du  Mont-Ca3lius  à  Campodunum  paraît 
avoir  eu  deux  embranchements:  l'un,  passant  par 
Memmingen,  parTeisselberg,  dont  les  traces  du  caslel 
sont  encore  visibles,  et  par  Falken  et  le  caslel  d'Hal- 
denwang;  l'autre,  suivant  le  cours  de  llller,  par  Alt- 
hayn,Bronnen,KronbourgelRolhenstein,  tous  lieux 
qui  semblent  avoir  eu  sous  Rome  quelques  fortifi- 
cations; à  Bronnen  se  trouvait  sans  doute  le  passage 
de  llller. 

C'est  là  que  venait  aboutir  la  via  Claudia  de  la 
Table  de  Théodose,  qui,  sans  mentionner  ni  Cam- 

'  Les  autres  manuscrits  qui  tous  portent  le  chififre  XIIII  et  que  l'on 
a  suivi  pour  les  éditions  modeiiies  de  l'Itinéraire ,  ont  incontestable- 
ment une  trop  faible  distance. 

Comparez ,  pour  plus  d'éclaircissements ,  Parthey  et  Pinder,  Itin. 
Ant.,  p.  116  et  120,  et  Wesseling,  p.  237  et  231. 

U.  ''' 


196  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

podunum  ni  le  Mont-Cselius,  conduit  directement 
de  Vemania  à  Viaca,  laissant,  par  conséquent,  à 
droite,  la  première,  à  gauche,  la  seconde  de  ces 
deux  villes. 

Les  castra  Vemania  comprenaient  toutes  les  forti- 
fications jetées  sur  les  deux  rivières  d'Argen  qui ,  pre- 
nant leur  source  l'une  et  l'autre  dans  le  comté  de 
Kœnigseck,  se  réunissent  non  loin  d'Achberg,  et 
coulent  ensemble  dans  le  lac  de  Constance  près  de 
Langenargen. 

Ce  fut  donc  pour  protéger  la  frontière  nord-est 
du  lac  et  couvrir  les  passages  des  Alpes  penniques, 
où  le  Lech  prend  sa  source ,  que  ces  camps  furent 
élevés. 

Ils  s'appuyaient  au  sud  sur  les  deux  places  fortes 
de  TaxgïEtium  et  de  Brigantia,  et  à  l'est  sur  la  for- 
teresse de  Campodunum,  où  nous  avons  vu  que  dans 
les  derniers  temps  de  l'Empire  résidait  le  chef  de  la 
troisième  légion  italique,  dont  le  gouvernement  s'é- 
tendait d  puis  Vemania  jusqu'à  Cassiliacum,  le  mo- 
derne Kislegg'. 

La  seconde  aile  Valérienne  des  Séquaniens  était 
alors  placée  dans  ces  camps  sous  les  ordres  d'un  tri- 
bun. Sans  doute  il  résidait  à  Isny,  qui  sembleen  avoir 
été  le  prétoire,  et  où,  à  une  époque  antérieure,  les 
diverses  cités  des  environs  avaient  ensemble  élevé 


'  Voy.  la  ^ot.  imp.  Il  y  a  peu  d'années  que  tout  près  de  Kislegg  une 
jeune  fille  trouva  à  Unlerhorgen  un  vieux  pot  rempli  de  six  cents  pièces 
romaines  toutes  d'argent.  Elles  étaient  la  plupart  des  règnes  de  Com- 
mode, de  Septime  Sévère,  de  Caracalla,  d'Héliogabale ,  d'Alexandre 
Sévère,  de  Gordien  111,  de  Philippe I,  de  Valérien  et  de  Gallien. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  197 

un  monument  au  divin  Antonin- le -Pieux,  fils 
d'Adrien. 

L'inscription  de  ce  monument  nous  a  été  conservée 
par  la  chronique  de  l'abbaye  d  Isny  et  par  le  moine 
historien  qui  a  laissé  manuscrite  l'histoire  des  dy- 
nastes  de  Trauchbourg'. 

Le  titre  de  cités  donné  aux  villes  qui  en  firent  la 
dédicace,  prouve  toute  leur  importance.  Sans  doute 
celle  d  Isny  comprenait  l'enclave  de  tous  les  camps 
de  Vemania,  dont  faisaient  partie  ceux  de  Wangen'^ 
de  Thaldorf  et  de  Gestraz,  et  les  diverses  tours 
fortes  de  Nellenbruk,  de  Wengen,  d'Alt-Trauch- 
bourg,  et  plusieurs  autres  lieux  peut-être,  sur  les 
décombres  desquels  la  noblesse  allemane  bâtit  plus 
tard  ses  demeures;  car  nul  canton  dans  tout  le  pays 

^  Politisch-statistische  Geschichle  der  Dynastie  Trauchbury . 
Voici  l'inscription  : 

IMP  .  .  .  CAE  .  .  . 

DIVI F.  DIYI.  TRAIAM.  N  .  .  . 

DIV[.  NERYAE.  PRONE. 

ANTOMNO.  AVG.  PIO. 

PONT.  ilAX.  TRli  .  . 

POT.  Vil. 

COS.  IIII.  P.  P. 

CIVITATES. 

Imperatori  Cœsari ,  divi  Hadriani  filio,  divi  Trajani  nepoti ,  divi 
Nervœ  pronepoti,  Ântonino  Augusto  ^  pio,  pontifici  maximo ,  tribu- 
nitia  potestate  FJ/,  consuli  llll  ^  patri  patriœ ,  civitates. 

2  Le  nom  de  Wangen ,  ainsi  que  celui  de  Wengen ,  vient  lui-même 
de  Vemania. 


198  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

n'offre  un  nombre  plus  considérable  de  vieilles  ruines 
et  de  vieux  chàtels. 

S'il  faut  en  croire  une  antique  tradition,  le  nom 
que  porte  la  ville  d  Isny  lui  viendrait  du  culte  d'Isis, 
qui  y  fut  en  honneur,  et  dont  le  temple  s'élevait,  dit- 
on,  sur  la  montagne  qui  domine  le  hameau  de  Burg- 
\vang\  et  où  semble  avoir  été  posé  un  castel  qui 
défendait  le  passage  de  l'Argen.  Tous  les  murs  en 
ont  toutefois  été  rasés.  La  route,  protégée  par  une 
tête  de  pont,  passait  sous  la  tour  d'Ail- Trauch- 
bourg,  où  fut  trouvée  la  pierre  milliaire  dont  j'ai 
donné  l'inscription  en  faisant  la  description  de  Cam- 
podunum,  et  par  le  Wengerthal  s'élevait,  comme 
aujourd'hui,  sur  le  Buchenberg,  où,  au  milieu  du 
bois ,  sont  encore  engloutis  les  murs  d'un  ancien 
camp^. 

Des  monnaies  romaines  trouvées  à  Eschach ,  des 
traces  de  fortifications  dans  les  forêts  de  Kirnach 
et  de  Waldenberg,  peuvent  faire  présumer  qu'un 
chemin  de  traverse  suivait  au  nord -est  celte  direc- 
tion. 

Au  sud -est,  un  autre  chemin  allait  probablement 
par  Goldbùhl  et  Freundholzen ,  lieux  où  l'on  a  trouvé 
quelques  antiquités ,  aboutir  à  llller  dont  il  remontait 
le  cours. 

Quant  à  la  route  de  Vemania  à  Briganlia,  toute 
trace  en  a  disparu ,  et  il  est  impossible  de  préciser 
par  où  elle  passait. 

'  La  Bettmauer. 

2  Voy.  Karrer,  Geschichte  der  Stadt  Kempten,  p.  190. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  199 

Bregenz  a  conservé  le  nom  de  la  ville  antique  de 
Brigantia. 

Il  en  est  parlé  dans  Ptolémée,  dans  Pline  et  dans 
Strabon;  et,  à  en  juger  par  l'étendue  du  sol  où  l'on 
a  trouvé  des  monnaies  et  d'autres  antiquités  romaines, 
ainsi  que  des  fondements  de  bâtisses ,  cette  cité  dut 
être  grande  et  populeuse. 

Des  divers  monuments  qui  la  décoraient,  il  ne 
nous  est  parvenu  qu'une  inscription  burinée  dans  une 
pierre  en  l'honneur  du  dieu  Mercure  Arcecius^ 

Cette  inscription  est  intéressante  en  ce  qu'elle  nous 
indique  que  dans  cette  place  tenait  garnison  une  par- 
tie de  la  troisième  légion  italique,  troupe  qui,  plus 
tard,  dans  les  derniers  temps  de  l'occupation  ro- 


IN.  H.  DD. 

DEO  MERCVRIO 
ARCECIO  EX  VO 

TO  ARAM.  POSVIT 

SEVERIVS  SEVE 

RIANVS  SVB  COS 

LEG  III  ITAL  F 

.  .      GORDIAN  .  .  . 

.  .  PE  .  .  .  CO  .  . 
S.  L. 


.  if.  Ânt.  Gordiano  Augusto  II  et  T.  Cl.  Pompeiano  II  Consu- 

libus.  (An  241  de  Jésus-Christ.) 

Voy.  Welser,  Inscript. ,  fol.  43,  n»  19;  Gruter,  Monument.,  fol.  39, 
nMO. 


200  ÉTABLESSEMENTS  ROMAINS 

maine,  fut  remplacée  par  un  numerus  des  Barba- 
ricaires  '. 

La  Notice  de  l'Empire, qu\  nous  conûrme  ce  dernier 
fait,  dit  expressément  que  le  préfet  qui  les  comman- 
dait^  résidait  à  Briganceou  aux  confluents^,  nom  qui 
n'est  donné  nulle  part  à  ce  lieu  que  dans  cette  occa- 
sion, et  qui  ne  peut  s'expliquer  que  par  sa  position 
rapprochée  de  l'embouchure  de  la  Bregenz  dans  le 
lac  Brigantin.  Son  enclave  devait  s'étendre  au  sud- 
ouest  jusqu'au  Rhin,  où,  près  de  l'entrée  du  fleuve 
dans  le  lac, s'élevait  le  fort  de  Rheineck\  que  Vltiné- 
raire  d'Antonin  ne  mentionne  point,  parce  que,  à 
l'époque  où  ce  routier  fut  rédigé,  il  n'existait  point 
encore ,  mais  qui ,  comme  nous  l'avons  vu,  bâti  plus 
tard  par  Constance  Chlore,  lorsque  cet  empereur 
prit  soin  de  fortifier  tout  ce  côté  du  lac  contre  les 
irruptions  des  Allemanes^  est  placé  sur  la   Table 


*  Voy.  -Vof.  cUgnit.  imp.  occid.,  édit.  citée,  p.  1977,  et  le  Commen- 
taire de  Pancirole,  c.  82,  dans  le  Grœvii  Tàesaur.  antiquit.  roman., 

t.  VII. 

D'après  cet  auteur,  ces  soldats  étaient  ainsi  nommés  ou  de  la  riche 
armure  qui  les  recouvrait ,  ou  parce  que  peut-être  aussi  ils  étaient  en- 
rôlés parmi  les  nations  barbares  non  soumises  à  l'Empire.  Justiuien 
définit  les  Barbaricaires,  arrjenti  tel  auri  distractores  et  officinatores. 
D'après  celte  explication ,  l'on  pourrait  croire  que  c'était  une  compagnie 
de  mineurs  et  qu'elle  portail  ce  nom  parce  que  le  travail  des  mines  et 
la  frappe  de  l'argent  étaient  effectivement  confiés  aux  barbâtes. 

-  Prwfeclus  numeri  Barbaricariorum. 
■>  Confluentibus  siue  Brecantiœ. 

'  Ad  IVienttm. 

'  Tome  1,  p.  189. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  201 

Théodosienne  comme  station  intermédiaire  entre  Bri- 
gance  et  Arbon^ 

Au  nord,  cet  enclave  devait  s'étendre  jusqu'au  fort 
de  Lindau  qui ,  ainsi  que  ses  dépendances,  recouvrait 
les  trois  îlots  où  est  aujourd'hui  située  la  ville  de  ce 
nom ,  baignant  ses  murs  dans  les  flots  bleus  du  lac  que 
dominent  devant  elle,  dans  le  fond  du  tableau,  les  som- 
mets élancés  du  Vorarlberg.  C'est  sans  doute  l'île  dont 
parle  Strabon,  VoQLirjTr^()iov  Ti^c()îov,\e  receplaculum 
Tiherii,  f\or\\.  ce  général  s'était  emparé  sur  les  Vindé- 
liciens,  et  près  duquel  il  les  vainquit  dans  un  combat 
naval  ^. 

De  toutes  les  constructions  que  Rome  y  éleva ,  il  ne 
subsiste  plus  que  les  restes  d'une  tour  forte,  nommés 
indistinctement  par  Ihabitant  le  mur  de  Tibère  et  le 
mur  des  Païens  ^  et  un  autre  pan  de  muraille  qui  sert 
h  fermer  le  port  dans  lîlot  du  Burg,  où  a  du  exister 
un  fort  que  l'on  attribue  à  Constance  Chlore  qui, 
après  avoir  défait  les  AUemanes,  l'éleva  pour  la  sûreté 
des  vaisseaux  qui  y  étaient  amarrés.  Déjà  plus  d'une 
fois  des  monnaies  romaines  ont  été  trouvées  dans  ces 
deux  endroits^. 


•  Tabul.  Theod.,  segni.  lÂBC,  segm.  2A. 

-  Sirabon ,  Géorjr.,  1.  vu,  p.  332  de  l'édit.  de  Bâle. 

3  Gruler  cile  l'inscriplion   suivante  comme  ayant  été  trouvée  à 

Lindau  : 

DUS  MAXIMIS 

BACCHO  ET  SOMNO 

HVMANAE  VITAE 

SYAVISSIMIS 

COjNSERVATOUIB. 

Je  ne  m'en  prévaudrai  pas  comme  d'une  preuve  en  laveur  de  l'an- 


202  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Sous  ce  dernier  empereur  et  sous  ses  successeurs, 
les  camps  de  Brigance  devinrent  surtout  importants 
comme  formant,  au  sud-ouest,  la  frontière  de  l'Em- 
pire contre  les  Lentiens ,  peuplade  allemane  qui , 
comme  nous  l'avons  vu,  s'était  répandue  tout  le  long 
de  la  rive  septentrionale  du  lac  Brigantin. 

Cette  contrée,  aujourd'hui  si  suave  et  d'un  aspect 
si  riant  et  si  fertile,  est  représentée  sous  une  teinte 
bien  différente  par  l'historien  Marcellin,  qui  nous 
dépeint  l'inclémence  de  son  climat  et  la  sombre 
horreur  des  forêts  oii  ces  peuples  s'étaient  retran- 
chés ^ 

Quoique  la  couleur  en  soit  peut-être  outrée^  son 
tableau  n'en  est  pas  moins  digne  de  remarque. 

tiquité  de  ce  lieu  ,  parce  que  l'anliquilé  romaine  de  la  pierre  d'oîi  cette 
inscription  doit  avoir  été  tirée  ne  me  semble  pas  elle-même  assez 
prouvée. 

Le  sommeil  était ,  comme  dieu ,  représenté  sous  les  mêmes  attributs 
à  peu  près  que  Bacchus,  et  il  est  assez  difficile  de  les  distinguer  l'un 
de  l'autre.  Comme  figure  allégorique ,  c'est  sous  les  traits  d'un  jeune 
homme  puisant  dans  une  corne  d'abondance  des  pavots  et  répandant 
les  songes ,  et  quelquefois  aussi  sous  les  traits  d'un  enfant  endormi , 
tenant  un  pavot  à  la  main,  et  ayant  à  côté  de  lui  un  lézard,  qu'il  était 
représenté. 

Du  reste,  le  culte  de  Bacchus  était  répandu  dans  l'Helvétie,  ainsi 
que  le  prouvent  deux  inscriptions  d'Aventicum ,  sur  le  lac  du  même 
nom.  Il  pouvait  aussi  bien  avoir  des  autels  dans  la  Rhétie ,  sur  les  bords 
du  lac  Brigantin. 

^  ...  •<  Rhenus lacum  invadit  rotundum  et  vastum,  quem  Brigan- 

('  tiam  accola  Rhœtus  appellat ,  perque  quadringinta  et  sexaginta  sta- 
adia  longum ,  parique  poene  spatio  late  di/fusum,  liorrore  sylvarum 
nsqualentium  inaccessum,  [nisi  qua  velus  illa  Romana  virtus  et  ^obria 
«iter  composuit  latum)  barbaris  et  natura  locorum  et  cœli  inclementia 
«refragante.»  Aram.  Marcel.,  l.  xv,  c.  4. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  203 

A  l'embouchure  de  l'Argen,  dont  le  cours  lent  et 
boueux  dut,  avant  que  la  culture  eût  élagué  ces 
forêts,  entretenir  les  vastes  marais  qui  avoisinaient 
le  lac^  était  située  Argenlaria,  lieu  dont  ce  seul  his- 
torien ait  aussi  fait  mention  dans  l'antiquité. 

Cette  ville  est  célèbre  par  la  victoire  que  les  deux 
généraux  de  Gratien,  Nannienus  et  Mallobaude,  roi 
des  Francs, et  comte  du  palais, remportèrent  sur  les 
Lentiens,  en  378. 

Cependant  tous  les  chroniqueurs  français  et  d'autres 
historiens,  tels  que  Rhenanus,  Stumpf,  Crusius, 
Schœpflin ,  etc.,  ont  cherché  ce  champ  de  bataille 
sous  les  murs  d'Argentovaria,  en  Alsace,  lieu  cité 
par  \ Itinéraire  d'Anlonin  entre  Rauraque  et  Argen- 
torat. 

Si  l'on  étudie  le  passage  d'Ammien  Marcellin  \  il 

1  Voici  le  texte  de  l'auteur  : 

« Et  jam  Lentiensis  Alatnannicus  populus ,  tractibus  Rœtiarum 

«  con finis,  per  fallaces  discursus  violato  fœdere  dudum  concepto,  col- 
«  limitia  nostra  tentabat  :  quœ  clades  liinc  exitiale  primordium  sumsit 
«Ex  hac  natione  quidam  inter  Principis  armigeros  militans ,  poscente 
anegolio  reversus  in  larem  ,  ut  erat  in  loquendo  effusior,  interrogantes 
iimultos,  quid  ageretur  in  palatio ,  docet  arcessitu  Valentis  patrui 
«Gratianum  Orientemvcrsus  mox  signa  moturum  :  ut  duplicatis  viribns 
«  repellantur  plagarum  terminalium  accolœ,  ad  Romanorum  verum 
«  excidium.  conjurati.  Quibus  avide  Lentienses  acceptis,  ipsi  quoque  fiœc, 
a  quasi  vicini,  cémentes,  ut  sunt  veloces  etrapidi,  conferti  in  prœda- 

u  torios  globos,  Rhenum  gelu  pervium  pruinis  Februario  mense 

«tendentes  prope  cum  Petulantibus  Celtœ  ^  non  sine  sui  jactura  afflic- 
«  tos  graviter  adultis  viribus  averterunt.  Verum  retrocedere  coacti  Ger- 
amani,  atque  noscentes ,  exercitus  pleramque  partem  in  Illgricum,  ut 
ulmperatore  mox  affuturo,  prœgressam,  exarsere  flagrantius  :  majora- 
<c  que  conceptantes ,  pagorum  omnium  incolis  in  unum  collectis ,  cum 


204  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

est  toutefois  évident  que  ce  ne  fut  point  dans  les 
Gaules ,  mais  aux  frontières  mêmes  de  la  province 
romaine,  où  les  Lenliens  habitaient,  que  cette  bataille 
se  donna. 

L'historien,  en  effet,  rapporte  que  ces  peuples, 
d'origine  allemanique,  voisins  de  la  Rhétie,  ayant 
appris  par  un  de  leurs  transfuges,  qui  servait  dans 
l'armée  impériale,  que  Gratien  se  proposait  de  porter 
la  guerre  en  Orient,  passèrent  en  plusieurs  bandes, 
au  mois  de  février,  le  Rhin  sur  la  glace. 

Malheureusement  le  texte  de  l'auteur  est  inter- 
rompu. 

Mais,  malgré  cette  lacune,  on  voit  que,  par  les  efforts 
mêmes  des  Gaulois  qui ,  sans  doute ,  s'opposèrent  aux 
déprédations  des  Lentiens,  ceux-ci  furent  obligés 

«  quadraginta  armatorum  millibus,  vel  septuaginta ,  ut  quidam  laudes 
«  extollendo  Principis  jactitarunt ,  sublati  in  superbiam  nostra  confi- 
((  dentius  irruperunt.  Quibus  Gratianus  cum  formidine  magna  comper- 
«  tis,  revocatis  cohortibus ,  quas  prœmiserat  in  Pannonias  ,  convocatis- 
«  que  aliis ,  quas  in  Galliis  retinuerat  dispositio  prudens ,  Nannieno  ne- 
agotium  dédit  virtutis  sobriœ  duci:  eique  Mallobaudem  junxit  pari  po- 
«  testate  collegam ,  domesticorum  comitem,  regemque  Francorum,virum 
<f  bellicosum  et  fortem.  Nannieno  igitur  pensante  fortunarum  versabiles 
ncasus,  ideoque  cunctandum  esse  censente ,  Mallobaudes  alla  pugnandi 
acupiditate  raptatus ,  ut  consueverat ,  ire  in  liostem  differendi  impa- 
<i  tiens  angebatur.  Proinde  horrifico  adversum  fragore  terrente ,  pri- 
«  mum  apud  Argentariam  signo  per  cornicines  data ,  concurri  est  cœp- 
«  tum,  etc.-»  Amin.  Marcel.,  Annal.,  1.  xxxi,  c.  10. 

Et  plus  loin  : 

«  Ilac  lœli  successus  fiducia  Gratianus  erectus ,  jamque  ad  partes  ten- 
(idens  Hoas ,  lœvorsus  flexo  itinere  latenter  Rheno  transita ,  spe  incita- 
«  tior  bona,universam,  si  id  tentanti  fors  adfuisset ,  delere  staluit  ma- 
ule/idam  et  turbarum  avidam  gentem,  etc.»  L.  XXXI,  c.  10. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  205 

de  reculer  et,  par  conséquent,  de  repasser  le  fleuve; 
car  il  est  dit  ensuite  qu'ayant  eu  connaissance  que 
déjà  la  majeure  partie  de  l'armée  romaine  était  en 
marche  pour  l'Illyrie,  ils  conçurent  des  projets  plus 
hardis,  et  que,  se  réunissant  en  masse  de  toutes 
les  parties  de  leur  pays,  au  nombre  de  quarante  à 
soixante- dix  mille  hommes,  ils  se  ruèrent  sur  la 
frontière  romaine. 

C'est  donc  ici  une  seconde  expédition. 

Le  territoire  qu'ils  vinrent  menacer  ne  pouvait 
être  l'Alsace,  puisque,  pour  atteindre  celte  contrée, 
ils  eussent  été  obligés  de  traverser  l'Abnoba,  et  qu'ils 
eussent,  par  conséquent,  aussi  entraîné  avec  eux 
les  Allemanes  de  la  vallée  du  Rhin,  dont  il  n'est,  au 
contraire,  fait  aucune  mention.  Il  est  certain  que  les 
Lentiens  étaient  alors  seuls  sous  les  armes.  C'est  donc 
le  pays  qu'ils  avoisinaient  et,  par  conséquent,  la 
Rhétie  que,  dans  leur  audacieuse  levée  de  boucliers, 
ils  voulurent  envahir.  C'est  alors  que  les  légions  qui 
étaient  déjà  en  marche  pour  la  Pannonie,  reçuient 
l'oidre  de  rétrograder  afin  de  s'opposer  à  leur  incur- 
sion, et  que,  secourues  par  les  troupes  qui  furent 
envoyées  des  Gaules,  elles  battirent  ces  barbares 
sous  les  murs  d  Argentaria,  lieu  situé  sur  les  rives 
du  lac. 

C'est  tellement  clair,  que  l'historien  dit  ensuite  que 
l'empereur,  qui  était  déjà  en  route  pour  l'Orient  [ad 
partes  tendens  ^oas),  revint  par  un  chemin  détourné, 
et  que,  traversant  le  Rhin,  il  rejoignit  son  armée  el 
commença,  à  la  tète  des  troupes,  la  campagne  qui 
se  poursuivit  contre  les  Lentiens  sur  leur  propre  1er- 


206  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

riloire  et  sur  les  montagnes  où  ils  s'étaient  retran- 
chés, et  où  ils  se  défendirent  si  vaillamment  que  Gra- 
tien  se  vit  forcé  de  renoncer  à  ses  projets  d'exter- 
mination et  de  faire  la  paix. 

L'erreur  des  historiens  modernes  vient  de  ce  que , 
négligeant  le  sens  du  récit  de  l'ancien  écrivain,  ils 
ont  confondu  VArgentovaria  de  la  Germanie  supé- 
rieure avec  \ Argentaria  du  lac  Brigantin.  Aucun 
géographe  de  l'antiquité,  il  est  vrai,  n'a  cité  ce  der- 
nier lieu;  mais  son  nom  s'est  perpétué  dans  celui  de 
Langenargen  que  porte  le  bourg  moderne,  assis  sur 
le  sol  antique  au  bord  du  torrent,  et  qui.  d'après  le 
passage  d'Ammien  Marcellin,  fut  incontestablement 
le  lieu  près  duquel  le  combat  se  donna.  Là ,  sur  ce 
sol  marécageux,  durent  se  heurter  les  légions  et  les 
bandes  de  Priar,  qui  déjà  avaient  envahi  la  frontière 
romaine  de  la  Rhétie.  Là,  les  Romains  assaillis, 
lâchèrent  d'abord  pied,  jusquà  ce  que  de  nouvelles 
troupes  venant  à  leur  secours,  ils  poussèrent  à  leur 
tour  les  barbares  qui,  en  arrière,  s'élevèrent  sur 
leurs  montagnes  et  s'y  retranchèrent.  Là,  sur  ce  sol 
élevé  que  les  forêts  alors  recouvraient,  se  termina  le 
drame  de  cette  guerre  dont  les  conditions  de  paix 
qui  suivirent  permirent  au  jeune  empereur  de  pour- 
suivre, par  Arbor  Félix  et  Lauriacum',  sa  marche 
vers  1  Illyrie. 

La  route  que  Ihistorien  désigne  avec  tant  de  pré- 
cision dans  ses  pages,  marque  bien  l'emplacement 

1  u  Gratianus  exinde  digressus  per  castra,  ^'< i6us  Felicis  Arboris 

"  nomen  est ,  per  Lauriacum  ad  opitulandum  oppresses  parti  porrectis 
vitineribus  ire  tendebat.«  Amni.  Marcel.,  1.  xxxi,  c.  10. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  207 

OÙ  le  second  combat  se  donna  ;  car  Marcellin  n'eut 
point  nommé  la  station  d'Arbor  Félix  ,  sur  les  rives 
du  lac  Brigantin,  comme  la  première  que  Gratien 
toucha,  si,  parti  d'un  autre  point  du  territoire  en- 
nemi, il  eût,  pour  atteindre  ce  lieu,  été  obligé  de 
traverser  d'autres  villes.  L'auteur  a  nommé  cette 
station,  ou  plutôt  la  réunion  des  camps  qui  portaient 
ce  nom,  parce  que  ce  fut  le  premier  établissement 
romain  que  le  souverain  dut  effectivement  toucher, 
au  delà  du  lac,  en  quittant  les  plateaux  de  la  rive 
droite. 

Les  Lentiens ,  peuple  suévique  que  Gratien  venait 
de  vaincre,  avaient  succédé  dans  la  possession  de  ce 
coin  de  la  province  aux  Rhétiens  décimés  par  Tibère, 
et  aux  colons  gaulois,  à  qui  Rome  avait  distribué  des 
terres;  ils  s'y  étaient  établis  en  même  temps  que  la 
vallée  du  Rhin  était  devenue  la  proie  des  autres  tri- 
bus de  la  coalition  allemanique. 

Us  s'étendaient  sur  toutes  les  vallées  situées  entre 
rUler  et  le  lac,  comprises  au  moyen  âge  dans  divers 
cantons,  dont  celui  du  Linzgau  a  conservé  le  nom 
de  ce  peuple. 

Us  y  avaient  porté  leur  culte,  et  avaient  consacré 
à  Wodan  ou  Odin  le  bassin  argenté,  dans  les  flots 
duquel,  aux  jours  solennels,  ils  lançaient  les  chevaux 
indomptés,  offerts  en  sacrifice  à  ce  dieu^  La  culture 

1  Le  mot  allemand  Bodensee ,  nom  que  porte  le  lac ,  est  lui-même  la 
corruption  de  Wodansee,  lac  consacré  à  Wodan  ou  Odin.  Quant  aux 
sacrifices  des  chevaux  qu'on  lançait  dans  les  flots  en  son  honneur, 
voy.  dans  les  Actt.  sanct.  Boll.  Mart.,  t.  I,  p.  433-441 ,  la  vie  de  saint 
Fridolin. 


208  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

que  Rome  avait  portée  sur  les  bords  du  lac  disparut 
en  grande  partie  pour  laisser  croître  de  nouveau 
ces  immenses  forêts  dont  Ammien  Marcellin  nous 
décrit  les  profondeurs,  et  qui,  selon  l'auteur  de  la 
Vie  de  saint  Gai,  existaient  même  encore  lorsque  la 
religion  du  Christ  remplaça,  au  commencement  du 
septième  siècle,  les  sacrifices  de  Wodan. 

A  cette  époque,  cette  partie  de  l'ancienne  province 
romaine  au  delà  du  Rhin  était  devenue  le  centre  de 
l'administration  du  duché  d'Allemanie.  C'était  sous 
la  suzeraineté  des  rois  Francs,  dans  les  murs  d'Ue- 
berlingen,  que  le  duc  Gunzo  (613)  avait  porté  sa  ré- 
sidence, et  avait  placé  le  siège  de  son  gouverne- 
ment ^ 

Celle  ville  n'a  elle-même  rien  offert  qui  rappelât 
l'époque  romaine.  Cependant  il  est  incontestable  que , 
lorsque  le  grand  peuple  fut  maître  du  pays,  le  com- 
merce du  lac,  dont  les  produits  allèrent,  comme 
Pline  l'atteste,  jusqu'au  sein  de  l'Italie,  avait  dû 
exiger  dans  tous  les  parages  de  ce  vaste  bassin  des 
points  de  communication  et  d'échange. 

Le  châtel  de  Wasserbourg ,  entre  Argen  et  Lindau, 
dut  protéger  la  route  qui,  suivant  le  lac  au  nord, 
allait  aboutir  aux  vieux  murs  du  Heidenschloss,  dont 
nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler,  et  à  la  grande 
voie  du  Danube. 

Sur  cette  étendue  considérable  de  côtes  n'est  cité 
dans  lantiquité  que  la  seule  station  romaine  de  Tax- 
gaetium^  par  le  géographe  d'Alexandiie. 

1  Voy.  Wallafrid,  l.  i,  c.  14. 

2  Ta;Y°''^'^'°^- 


DU  UniN  ET  DU  DANUBE.  209 

Ce  nom  que  lui  donne  Ptolémée  n'est  sans  cloute 
que  la  corruption  du  nom  latin  Trajectium;  d'après  la 
position  qu'il  assigne  à  ce  lieu ,  relativement  à  Bri- 
gance  et  aux  sources  du  Danube,  il  devait  être  placé 
entre  ces  deux  points  opposés.  Or,  celte  situation  est 
effeclivement  celle  d'Ueberlingen,  dont  le  nom  alle- 
mand exprime  exactement  l'idée  attachée  au  mot 
Trajectium  (ou  Trajectio),  c'est-à-dire  celle  d'un  lieu 
de  passage  d'un  bord  à  l'autre  du  lac.  C'était  là  sans 
doute  que  s'opéra  le  débarquement  de  Tibère  quand 
il  traversa  le  lac  avec  sa  flotte  pour  gagner  les  sources 
du  Danube. 

Strabon  dit,  en  effet,  que  ce  général,  après  avoir 
débarqué,  se  trouvait  à  une  journée  de  marche  des 
sources  de  ce  fleuve*. 

Pour  que  Tibère  ait  pu  les  atteindre  dans  cet  es- 
pace de  temps,  selon  le  rapport  de  l'historien  géo- 
graphe, il  faut  nécessairement  qu'il  ait  débarqué  aux 
confins  nord-nord-ouest  du  lac.  Or^  c'est  dans  ces 
parages  que  Ptolémée  place,  comme  nous  l'avons  vu, 
Taxgaetium,  près  de  la  tête  du  Rhin,  c'est-à-dire  du 
lieu  d'où  ce  fleuve  commence  son  grand  cours. 

Ces  diverses  circonstances  peuvent  faire  regarder 
la  ville  moderne  d  Ueberlingen  comme  la  cité  alle- 
mane  qui  succéda  à  la  cité  romaine. 

Les  événements  politiques  dont  elle  fut  le  théâtre, 
les  guerres  qu'elle  eut  à  soutenir  au  moyen  âge, 
toutes  ces  raisons  ont  pu  faire  disparaître  les  traces 
de  l'occupation  romaine;  mais  ce  que  nous  venons  de 


<  Strabon,  cité  ci-avanl,  p.  ^il. 

II.  '* 


2t0  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

rapporter  coïncide  si  bien  avec  sa  position,  son  nom 
moderne  répond  si  bien  à  son  nom  antique,  que 
nous  ne  faisons  nulle  difficulté  de  placer  sur  son 
sol  la  ville  romaine,  même  à  défaut  de  toute  ins- 
cription. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  21  1 


QUATRIÈME  PARTIE. 

POLITIQUE    ET    LÉGISLATION. 


Dans  toutes  les  contrées  où  Rome  étendit  sa  do- 
mination, elle  adoucit  l'infortune  des  peuples  vain- 
cus, en  les  associant  à  ses  institutions.  Pour  prix  de 
la  liberté  qu'elle  leur  ravit,  elle  leur  donna  sa  civili- 
sation, et  leur  apporta  ses  lois,  la  pompe  de  son  culte, 
son  commerce  et  son  industrie. 

Avant  que  ses  légions  touchassent  le  Rhin,  tout  le 
cours  de  ce  fleuve  lui  était  inconnu. 

Seulement  elle  avait  appris,  par  la  poétique  imagi- 
nation des  Grecs,  que  le  Rhône  et  le  Pô  prenaient 
leurs  sources  au  sein  de  plusieurs  grands  lacs  qui 
communiquaient  ensemble  et  qui  donnaient  aussi 
naissance  à  un  troisième  fleuve  qui,  au  nord,  allait 
se  jeter  dans  l'Océan'. 

C'était  le  Rhin. 

Ce  qui  donna  probablement  naissance  à  celte 
fable,  ce  fut  la  connaissance  plus  ou  moins  imparfaite 
que  les  habitants  de  Marseille  euieiit  du  lac  Léman 


^  Apollonius  de  Rhodes,  Argonaut.,  1.  iv,  v.  627. 


H. 


l'i. 


212  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  du  lac  Briganlin,  dont  ils  entendirent  parler  dans 
leurs  transactions  commerciales.  Elle  ne  cessa  du 
moins  d'être  reçue  comme  une  vérité  que  lorsque  les 
Gaulois  du  nord  de  l'Italie  eurent  appelé  contre  eux 
les  armes  des  Romains.  Alors  les  vrais  cours  du  Rhône 
et  du  Pô  furent  connus. 

Polybe,  qui  voyagea  dans  les  Gaules  un  siècle  avant 
les  conquêtes  de  César,  décrit  ces  deux  fleuves  en 
témoin  oculaire.  Les  notions  positives ,  mais  bornées , 
qu'il  recueillit  lui-même,  lui  firent  rejeter  comme 
des  fictions  inventées  à  plaisir  tout  ce  que  les  auteurs 
les  plus  anciens  avaient  raconté  de  la  Celtique*.  Mais 
il  passe  le  Rhin  sous  silence. 

Ce  ne  fut  que  lorsque  César  eut  pénétré  dans  les 
Gaules  et  que  ce  général  eut  planté  les  aigles  ro- 
maines sur  les  rives  mêmes  de  ce  fleuve ,  dont  il 
place  les  sources  dans  les  monts  habités  par  les  Lé- 
pontiens^  que  les  Romains  connurent  aussi  son  cours 
jusqu'aux  rives  de  l'Océan. 

Sous  Auguste,  la  puissance  de  Rome  s'étendit  sur 
toute  la  rive  gauche  du  Rhin.  Elle  se  servit  des  éta- 
blissements purement  militaires  qu'elle  y  fonda,  pour 
exercer  son  influence  politique  sur  les  peuples  aux- 
quels, d'après  les  Gaulois,  elle  donna  le  nom  com- 
mun de  Germains. 

Ses  diverses  expéditions,  comme  nous  l'avons  vu, 
la  rendirent  maîtresse  de  tous  les  pays  du  Nord,  de- 
puis la  Lippe  jusqu'à  l'Océan. 

•  Polyb.,  III.  c.  38. 

2  César,  De  Bell.  Gall.^  1.  iv,  c.  10. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  213 

Or,  d'après  la couliime  romaine,  tout  pays  conquis 
devenait  la  propriété  de  lÉtat.  D'après  le  droit  de 
guerre,  tout  ce  que  la  nation  vaincue  possédait, 
même  ses  lieux  sacrés,  même  les  choses  appartenant 
au  culte,  était  à  la  disposition  du  vainqueur.  Ce  der- 
nier était  maître  de  la  vie  et  de  la  propriété  des  ha- 
bitants; il  en  disposait  à  sa  volonté.  S'il  usait  de  ce 
droit  sans  restriction,  tous  étaient  vendus  comme 
esclaves,  ou  entraînés  en  masse,  ou  même,  dans  quel- 
ques cas,  exterminés.  Leurs  biens  étaient  confisqués, 
leurs  terres  devenaient  propriété  du  fisc,  et  l'on  s'em- 
parait même  des  simulacres  des  dieux,  après  les 
avoir  d'abord  évoqués. 

Ainsi  le  peuple  vaincu  cessait  réellement  d'exister. 

Mais  la  dédition  avait-elle  lieu ,  il  échappait  à  l'es- 
clavage en  renonçant  seulement  à  sa  propre  souve- 
raineté. Il  était  obligé  de  donner  des  otages,  de  livrer 
ses  armes  et  de  recevoir  des  garnisons  romaines. 
La  plupart  du  temps  il  conservait  ses  propriétés,  sa 
liberté  individuelle;  c'était  d'après  les  conventions 
stipulées  entre  le  vainqueur  et  lui  qu'étaient  réglés 
les  tributs,  les  contingents  qu'il  s'engageait  à  fournir 
aux  armées,  et  les  autres  charges  qui  lui  étaient  im- 
posées. Il  devenait  même  l'allié  du  peuple  romain, 
qui  en  cette  qualité  lui  devait  aide  et  protection  en 
cas  qu'il  fût  attaqué  par  ses  voisins'. 

Dans  tout  le  nord  de  la  Germanie ,  les  Romains , 


*  Voy.  les  divers  passages  de  Tite-Live,  de  Polybe,  de  Gaius,  de 
Feslus ,  d'Appien ,  de  Denys  d'Halicarnasse ,  de  Pline ,  de  Saluste ,  etc., 
où  ces  diverses  particularités  sont  indiquées. 


214  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

comme  nous  l'avons  vu  en  traçant  l'histoire  de  leurs 
diverses  expéditions,  usèrent  de  ces  deux  modes 
après  la  victoire. 

Les  peuples  de  la  rive  gauche  du  Rhin  qui  se  sou- 
mirent à  eux  conservèrent  la  plupart  leur  liberté  in- 
dividuelle et  leur  territoire;  ils  devinrent  les  alliés 
des  Romains  avant  même  que  tout  leur  pays  fût  ré- 
duit en  province  romaine.  Les  Ubiens,  qui  déjà  de 
l'autre  côté  du  Rhin  avaient  ressenti  Tinfluence  de 
leur  politique  et  s'étaient  mis  sous  leur  protection, 
en  reçurent  du  secours  lorsque  leur  tribu  fut  en 
danger;  ils  acquirent  sur  la  rive  gauche  une  portion 
de  territoire  que  les  riverains  se  virent  obligés  de  leur 
céder.  Les  Sicambres,  au  contraire,  deux  fois  in- 
fidèles à  leurs  serments  et  aux  traités,  furent  répar- 
tis_,  plus  au  nord,  parmi  les  Ménapiens  et  les  garni- 
sons romaines.  Les  premiers,  en  qualité  d'alliés, 
trouvèrent  asile  et  protection  ;  les  seconds ,  domptés 
par  la  force,  furent  arrachés  à  leur  terre  natale  et 
traités  en  esclaves.  C'était  le  sort  qu'avaient  eu  en  par- 
tie à  supporter  les  habitants  de  la  Rhétie  et  de  la 
Vindélicie  subjugués  par  Tibère. 

Cette  politique  adroite  qui ,  d'un  côté,  inspirait  la 
confiance,  de  l'autre, la  terreur,  soumit  aux  Romains 
tout  le  nord  de  la  Germanie  jusqu'à  l'Elbe.  Toute  la 
contrée  depuis  le  Rhin  jusqu'à  ce  lleuve,  occupée 
par  les  légions,  sous  les  ordres  d'un  proconsul,  ne 
forma  point  cependant  une  province,  dans  le  sens 
que  ce  mot  comporte,  quoique,  géographiquement 
parlant,  elle  en  fît  une.  Car  il  fallait  toujours,  pour 
qu'un  pays  conquis  fût  regardé  comme  une  province , 


DU  RHiN  ET  DU  DANUBE.  215 

que  le  sénat  sanclionnât  par  un  décret  la  première 
institution  de  la  part  du  général  qui  en  avait  fait 
la  conquête,  à  moins  qu'avant  la  conquête  même, 
il  n'eût  chargé  le  général  de  cet  acte.  Or,  c'est  ce 
qui  n'avait  pas  eu  lieu  pour  cette  partie  de  la  Ger- 
manie ,  où,  en  effet,  le  pays  ne  fut  jamais  que 
militairement  occupé,  où  jamais  les  Romains  ne  fon- 
dèrent ni  ville  ni  colonie,  et  où  aussi,  par  conséquent, 
jamais  le  régime  romain  ne  fut  établi.  C'est,  au  con- 
traire, pour  avoir  intempestivement  tenté  de  l'intro- 
duire, que  Varus  fit  perdre  à  Rome  tout  le  fruit  de 
ses  victoires,  et  qu'à  la  voix  d'IIermann,  qui,  au 
nom  de  la  liberté  et  de  la  patrie,  sut  réveiller  le 
courage  de  ses  concitoyens  et  les  soulever  contre  la 
tyrannie,  tout  ce  que  les  Romains  avaient  préparé 
pourl'œuvre  civilisatrice  fut  anéanti.  Après  le  combat 
de  Teutobourg  et  le  massacre  des  légions,  tous  les 
pays  du  Nord  recouvrèrent  leur  indépendance,  sans 
que  les  guerres  subséquentes  qui,  momentanément, 
promenèrent  les  armes  romaines  dans  toute  la  con- 
trée, pussent  de  nouveau  y  affermir  le  pouvoir  im- 
périal. 

Dans  le  sud-ouest ,  au  contraire,  la  colonisation 
suivit  de  près  la  conquête. 

Dès  que  Rome  se  vit  maîtresse  delaRhétieet  delà 
Vindélicie  ,  elle  fit  une  province  de  ces  deux  pays  et 
y  transporta  son  administration.  Pour  en  réparer  la 
solitude  et  la  dévastation  ,  et  pour  confier,  d  un  autre 
côté,  à  la  vigilance  des  vétérans  le  dépôt  de  la  nou- 
velle conquête,  elle  établit  la  colonie  d'Augusla,  au 
sud  du  confluent  de  la  Wertach  et  du  Lech. 


*2I6  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Cette  ville  devint  le  siège  du  gouvernement  de  la 
nouvelle  province. 

Elle  reçut  un  légat  Auguste,  avec  le  titre  de  pro- 
préleur,  qui  la  régit  au  nom  de  l'empereur,  à  qu' 
cette  province  appartenait.  En  lui  résidait  à  la  fois  et 
le  pouvoir  civil  et  le  pouvoir  militaire  \ 

A  celte  magistrature  était  ordinairement  adjoint 
un  procureur,  chargé  de  la  rentrée  des  contributions 
dues  à  l'État,  et  quelquefois  aussi  muni  du  pouvoir 
judiciaire. 

Du  temps  de  Galba,  ce  dernier,  dans  la  Rhétie, 
remplaça  le  propréteur  ^. 

Cette  prise  de  possession  d'une  contrée  qui  touchai  t 
aux  montagnes  qu'habitaient  les  Marcomans  ,  et, 
d'un  autre  côté,  l'assiette  déjà  redoutable  que  Rome 
commençait  aussi  à  prendre  sur  le  Taunus  et  sur  le 
Mein,  firent  craindre  à  ces  peuples  pour  leur  indé- 
pendance, et  provoquèrent,  comme  nous  l'avons  vu, 
leur  départ.  Ils  abandonnèrent  l'Abnoba  et  l'Albe,  et 
laissant  au  premier  occupant  une  région  où  ifs 
avaient  trop  à  craindre  pour  leur  liberté,  allèrent  en 
suivant  le  Danube  chercher  de  nouvelles  demeures 
au  milieu  du  bassin  auquel  les  Boïens  avaient  donné 
leur  nom. 

Leur  migration  servit  à  la  fois  la  politique  et  les 
intérêts  des  Romains,  auxquels  les  vallées  que  les 
Marcomans  venaient  de  délaisser  furent  ouvertes. 

•  Voy.  ci-avant,  p.  lOS,  les  noms  do  ces  officiers  généraux  qui  nous 
ont  été  conservés. 

2  Tacite,  Hist  ,    i.  11. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  217 

Sans  combattre,  ils  se  virent  maîtres  de  tout  le  pays 
depuis  laVindélicie  jusqu'au  Rhin,  et  depuis  le  Mein 
jusqu'au  Danube.  Ils  en  prirent  militairement  pos- 
session. 

Sans  faire  une  province  de  cette  contrée,  ils  se 
contentèrent  de  l'enclaver  dans  leurs  provinces  gau- 
loises d'outre-Rhin. 

Nous  avons  dit  que,  sous  la  protection  des  armes 
romaines,  furent  alors  appelés  de  toutes  les  parties 
des  Gaules  de  nouveaux  habitants  à  qui  Rome  assigna 
des  demeures,  et  qui  défrichèrent  les  districts  les 
moins  sauvages,  en  se  mêlant  à  ceux  des  habitants  qui 
n'avaient  point  émigré.  Par  une  ancienne  coutume 
rapportée  par  Appien  ',  les  seules  terres  de  labour 
étaient  mises  en  distribution  lorsque,  sur  les  traces 
d'un  peuple  vaincu,  Rome  étendait  sa  domination  sur 
une  nouvelle  contrée.  C'est  ce  qui  eut  aussi  lieu  dans 
cette  partie  de  la  Germanie,  où  plusieurs  grands  éta- 
blissements furent  alors  fondés  par  elle,  et,  entre 
autres,  les  Autels  Flaviens,  et  surtout  la  colonie  de 
Sumlocène  que  Ihistoire  ne  mentionne  nulle  part , 
mais  dont  l'existence  nous  a  été  attestée  par  ses  ins- 
criptions. Pour  les  peupler,  elle  fit  appel  aux  vétérans 
et  leur  donna  des  terres.  Ensuite  elle  continua  celte 
distribution  de  terres  qui  donna  lieu  à  d'autres  en- 
droits moins  importants^  lesquels  eurent,  comme  les 
colonies,  leurs  décurions  et  leurs  magistrats  présidan  t 

*  Appien,  De  bell.  civil.,  lib.  I,  §  7  (t.  II,  p.  10  et  11  édit.  Schweig- 
hœuser). 

2  Oppida,  concj/taÔM/fl.  Consultez  Livins,xxv,  3,  22;  xxxix,  14  ,  18; 
XL,  19,  37:  xuTi,  U. 


218  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

à  la  justice  el  réglant  les  droits  du  marché',  et  dont 
quelques-uns  mêmes  finirent  par  s'élever  au  rang  de 
municipes.  C'est,  comme  nous  lavons  fait  voir,  du 
mode  suivi  alors,  en  mesurant  le  terrain  pour  en  faire 
la  distribution,  que  toute  la  région  prit  le  nom  de 
champs  décumates. 

De  toutes  ces  villes ,  quelques-unes  devinrent  d'une 
importance  majeure  et  prirent  elles-mêmes  le  nom 
de  république  et  de  cité,  nom  qui  atteste  leur  pré- 
pondérance sur  tous  les  lieux  environnants,  et  qui 
prouve  un  enclave  considérable  et  une  juridiction  qui 
dut  s'étendre  au  loin. 

Strabon,  au  premier  siècle,  et  Dion  Cassius  au 
troisième,  ont,  après  César,  donné  dans  leurs  écrits 
la  démarcation  des  provinces  de  la  Gaule.  Le  premier 
se  contente,  dans  la  description  qu'il  en  fait,  de  citer 
les  quatre  grandes  divisions  d'Aquitaine,  de  Narbon- 
naise,  de  Lyonnaise  et  de  Belgique.  «Au  delà  de 
«  l'Aquitaine  et  de  la  Narbonnaise ,  dit-il  '\  s'étend  une 
«autre  portion  de  pays  qui  embrasse  tout  ce  qui  est 
«compris  entre  la  Loire  et  le  Rhône,  depuis  les 
«sources  de  ce  fleuve,  dont  le  cours  va  atteindre 
«Lyon,  jusqu'au  Rhin.  De  cette  étendue  de  pays,  la 
«partie  supérieure,  située  aux  sources  du  Rhône  et 
«du  Rhin ,  appartient  au  territoire  de  Lyon,  et  le 
«reste,  avec  les  côtes  de  l'Océan,  est  compté  parmi 
«les  régions  que  les  Belges  tiennent  en  propre;»  ce 

*  A  ce  sujet,  consultez Paulus,  Sent,  rec,  iv,  c.  2,  et  les  fragments 
de  la  loi  Manilia,  3  ,  5;  la  lex  rubrica  de  Gallia  cisalp.,  23;  la  lex  ta- 
bul.  heracl.,  p.  11,  lib.  XLV,  et  le  fragment  de  la  loi  Servilia ,  12. 

■^  Strabon ,  Geogr.,  au  commencement  du  livre  iv. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  219 

qui  conGrme  exactement  ce  qu'il  dit  après  :  «qu'Au- 
«guste  partagea  en  deux  tout  le  pays  qui  n'était  pas 
«compris  dans  la  Narbonnaise  et  l'Aquitaine,  et  que 
«la  première  de  ces  deux  parties  qui  s'étendait  jus- 
«qu'au  Haut-Rhin\  appartenait  à  Lyon,  et  que  le 
«reste  appartenait  à  la  Belgique.» 

D'après  ces  deux  passages  de  Strabon,  il  faudrait 
nécessairement  conclure  que  toute  l'IIelvétie  était 
comprise  du  temps  d'Auguste  dans  la  Gaule  lyon- 
naise. 

Mais  Pline ^,  d'un  autre  côté,  et  après  lui  Ptolé- 
mée^  étendent,  au  contraire,  la  Gaule  belgique  jus- 
que dans  IHelvélie;  et  le  premier  cite  parmi  les 
peuples  de  cette  province  les  Séquaniens,  les  Rau- 
raques  et  les  Helvétiens,  assertion  confirmée  par  le 
second,  et,  après  lui,  par  le  périple  de  Marcien,  qui 
l'a  copié;  ils  s'accordent  à  dire  que  la  Belgique  touche 
au  sud  la  Narbonnaise,  les  Alpes  et  le  mont  Adula, 
et  à  l'est  touche  le  Rhin.  Ptolémée  cite  môme  à  celte 
occasion  le  I  orum  Tiberii  et  Ganodurum ,  lieux  qu'il 
assigne  à  l'Helvétie,  en  plaçant  dans  la  Séquanie 
Avenilcum  et  la  Colonia  equestris. 

Quelque  peine  qu'on  se  soit  donnée  pour  concilier 
ces  deux  opinions,  il  existe  à  ce  sujet  trop  d'incerti- 
tude pour  que  la  question  puisse  être  regardée  comme 
irrévocablement  résolue;  le  plus  sage  est  de  penser 
que  la  différence  que  nous  trouvons  entre  elles  pro- 

*  Mi/pi  Twv  avw  ijLspwv  -ou  'Pv^vou. 
2  Pline,  Hist.  nat.,  1.  iv,  c.  17. 
^  Geogr.,  I.  ii,  c.  8. 


220  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

vient  du  point  de  vue  sous  lequel  les  auteurs  l'ont 
considérée,  en  s'attachant  trop  ou  trop 'peu  à  la  di- 
vision ethnologique  et  géographique  des  contrées 
dont  ils  ont  parlé,  reproche  que  Ion  pourrait  faire, 
du  reste,  à  tous  les  géographes  qui  les  ont  suivis  jus- 
qu'à nos  jours  ou  qui  les  ont  commentés. 

Je  ne  m'y  attacherai  pas,  parce  que  la  question 
en  elle-même  est  en  dehors  de  mes  recherches;  il 
me  suffit  d'avoir  tiré  du  passage  de  ces  trois  écri- 
vains la  preuve  que  tout  le  cours  du  Rhin  jusqu'aux 
Rauraques  faisait  partie  de  la  Belgique,  qui  elle- 
même  comprenait  les  deux  Germanies.  D'ailleurs, 
nous  avons  pour  le  confirmer  encore  deux  pas- 
sages d'iEthicus  Ister  et  surtout  d'Orose  et  d'Isi- 
dore, d'une  époque  bien  moins  reculée,  qui  attestent 
que  du  temps  de  Constantin  on  avait  encore  l'ha- 
bitude de  se  servir  de  cette  grande  division;  car  le 
second  dit  expressément ':«  que  la  Rhétie  avait  à 
«  l'ouest  pour  frontière  la  Gaule  belgique,  et  au  nord- 
«  ouest  les  sources  du  Danube  et  le  rempart  qui  sé- 
«pare  la  Gaule  de  la  Germanie;»  et,  plus  loin  «que 
«  la  Gaule  est  séparée  à  lest  de  la  Germanie  par  le 
«  rempart  du  Rhin.»  Il  donne  exactement  pour  fron- 
tière celle  que  nous  avons  décrite,  en  nous  arrêtant 
sur  tous  les  établissements  que  les  Romains  y  avaient 
fondés,  et  où  nous  avons  lu  leurs  diverses  inscrip- 
tions aux  dieux  gaulois  ou  de  Rome. 

Sous  Auguste,  avons-nous  dit,  et  après  les  victoires 
remportées  par  Drusus  et  Tibère,  huit  légions  vinrent 

'  Ofose,  1. 1,  c.  2;  Isidore,  Etymol.,  1.  xiv,  c.  4. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  221 

prendre  possession  de  tout  le  cours  du  Rhin ,  depuis 
la  Rhétie  jusqu'à  son  embouchure,  afin  de  contenir 
à  la  fois  les  Germains  et  les  Gaulois  K  Celte  armée 
prit  le  nom  de  Germanique,  et  fut  partagée  en  deux 
grandes  divisions,  dont  celle  du  Nord  prit  le  titre 
d'armée  de  Germanie  inférieure,  celle  du  Sud  celui 
d'armée  de  Germanie  supérieure.  Il  s'ensuivit  que  le 
pays  occupé  par  elle  prit  les  mêmes  noms,  quoique  non 
encore  formé  en  provinces  particulières  dans  le  sens 
géographique,  mais  continuant  dans  la  division  de 
la  Gaule  à  être  compris  dans  la  Belgique.  A  la  tête 
de  ces  armées  furent  mis  des  généraux  auxquels  1  his- 
toire donne  indifféremment  le  titre  de  légats,  de  pré- 
leurs, de  présidents  ou  de  consulaires^  et  qui ,  aussi 
loin  que  s'étendait  le  rayon  des  quartiers  d'hiver  de 
leurs  troupes,  gouvernèrent  militairement  le  pays; 
je  dis  militairement,  parce  que  la  perception  des  im- 
pôts dut  continuer  à  être  dans  les  attributions  du 
procureur  de  la  Belgique;  ce  qui  nous  expliquerait 
pourquoi  les  inscriptions  font  à  la  fois  mention  de 
procureurs  de  Belgique  et  de  Germanies  supérieure  et 
inférieure,  et  jamais  seulement  de  l'une  ou  de  l'autre 
Germanie,  et  pourquoi ,  à  l'époque  où  la  révolte  eut 
lieu  sur  le  Rhin,  en  faveur  de  Vitellius,  nous  trou- 
vons en  Germanie  Propinquus,  procureur  de  la  Bel- 
gique. 

D'ailleurs,  Ammien  Marcellin ,  en   déroulant   le 

*  Commune  in  Germanos  Gallosque  prwsidium.Tacile,Âr,nal.,ï\.  b. 

2  Tacit.,  Jnnal.;  Suét.,  Domit.,  6;  Dion  Cassius,57,  10;  Vellejus, 
II,  105;  Salmas,  Ad  Jul.  Capit.;  M.  Ant.  PML,  p.  86,  n»9;  p.  93, 
n"  6  ei7:  Digest.,  i,  18;  plusieurs  inscripiions ,  etc. 


222  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

tableau  de  la  division  des  Gaules  avant  Constantin, 
a  eu  soin  de  nous  instruire  que  deux  juridictions 
avaient  existé  en  Belgique  et  dans  les  deux  Germa- 
nies\  juridictions  qu'il  ne  précise  pas,  il  est  vrai, 
mais  que  l'état  des  choses  même  nous  permet  de  pré- 
juger, et  qui  ne  pouvaient  être  que  les  deux  juridic- 
tions civiles  et  militaires  que  nous  avons  signalées,  et 
qui  subsistèrent,  en  effet,  jusqu'à  ce  que  cet  em- 
pereur eût  entrepris  une  nouvelle  organisation  des 
provinces.  Alors  les  deux  Germanies  ne  prirent  plus 
que  le  titre  de  première  et  de  seconde,  et  reçurent 
une  démarcation  de  frontières  fixes,  tandis  qu'au  sud 
la  Séquanie  vint  aussi  s'étendre  en  province  jusque 
vers  le  Haut-Rhin. 

Les  légats  de  la  Germanie  inférieure,  forcés, comme 
nous  l'avons  vu ,  par  les  circonstances  de  se  renfer- 
mer dans  la  limite  du  Rhin,  n'avaient  point,  comme 
nous  l'a  prouvé  la  description  des  établissements 
romains  de  cette  partie  du  fleuve,  placé  bien  loin 
au  delà  de  son  cours  la  ligne  de  leurs  retranche- 
ments. 

La  Germanie  transrhénane  de  leur  gouvernement 
fut  donc  depuis  Varus  d'une  bien  minime  étendue. 
Ceux  de  la  Germanie  supérieure,  au  contraire, 
avaient  successivement,  depuis  le  règne  de  Domitien, 
de  Trajan,  et  surtout  des  Antonins,  placé  leurs 
camps  et  les  postes  fortifiés  de  leurs  troupes  jusque 
sur  le  Danube,  au  lac  de  Constance,  sur  les  Alpes 

'  Superioremet  inferiorem  Germaniam,  Belgasque  tluœ  jurisdictiones 
iisdetn  rexere  temporibus.  Ânini.  Marcel.,  I.  XV,  c.  il. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  223 

suéviques,oùnous  avons  retrouvé  leurs  inscriptions, 
sur  le  31ein  et  sur  le  Taunus ,  où  nous  avons  aussi 
eu  occasion  de  les  signaler.  Leur  gouvernement  s'é- 
tendait donc  depuis  le  revers  occidental  des  Vosges 
et  du  Mont-Tonnerre  jusqu'au  grand  rempart,  dont 
nous  avons  suivi  la  ligne  en  avant  du  Necker  et  du 
Mein,  et  en  longueur  depuis  le  versant  nord  du  Tau- 
nus  jusqu'au  Jura  et  au  bassin  de  l'Aar  chez  les  Hel- 
véliens. 

Il  touchait  ainsi  la  Vindélicie  et  la  Rhétie;  et  on 
peut,  en  tirant  une  ligne  depuis  le  couvent  de 
Lorch,au  grand  rempart,  jusqu'au  Danube, du  côté 
de  Tuttlingen,  et  depuis  ce  lieu  jusqu  à  Pfinn  (l'an- 
tique Fines),  au  delà  du  lac  de  Constance,  avoir  la 
démarcation  exacte  entre  ces  deux  provinces.  Ce 
pouvoir  militaire  s'étendait  même  au  commencement 
jusque  sur  la  Rhétie,  oii  n'existaient  que  des  troupes 
auxiliaires,  et  où  nous  ne  trouvons  point  alors  de 
légats,  mais  simplement  des  procureurs;  ce  qui  ex- 
plique les  diverses  circonstances  des  mouvements 
d'Alienus  Caecina  (qui  pendant  les  guerres  civiles  d'O- 
thon  et  de  Vitellius  tenait  le  parti  du  dernier  et  com- 
mandait les  troupes  de  la  Haute -Germanie),  avec  la 
vingt  et  unième  légion ,  qui ,  comme  nous  l'avons 
vu,  a  laissé  ses  inscriptions  à  Vindonissa  et  à  Téné- 
done.Ce  ne  fut  que  sous  Marc  Aurèle  qu'on  procéda, 
en  Rhétie,  à  l'organisation  de  la  troisième  légion  ita- 
lique. 

La  vingt  et  unième,  du  surnom  de  Rapax,  reçut 
plus  tard  celui  de  Severiana,  de  Septime  Sévère,  qui  la 
rappela  de  Mœsie,  où  elle  était  restée  pendant  les 


224  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

règnes  de  Trajan  et  d'Adrien,  et  les  surnoms  d'^- 
lexandrina  et  de  Claudia ,  d'Alexandre  Sévère  et  de 
Claude-le-Gothique;  sous  ces  derniers  noms  elle  a 
laissé  des  souvenirs  à  Kioten  et  à  Windisch^ 

La  longuesuile  d'inscriptions  qu'on  trouvede  celte 
légion  dans  les  divers  quartiers  qu'elle  occupa,  et  la 
certitude  que  nous  avons  qu'elle  faisait  partie  de 
l'armée  soumise  au  légat  de  la  Haute -Germanie, 
conflrment  donc  le  passage  de  Dion  Cassius,  qui  fait 
toucher  aux  Alpes  le  gouvernement  de  celte  province. 

Mais  cet  état  de  choses  ne  dura  pas  au  delà  du 
temps  où  l'histoire  cesse  de  mentionner  aucun  légat 
de  Germanie  supérieure ,  et  où  des  ducs  des  frontières 
apparaissent  à  la  tête  des  provinces  limitrophes  des 
barbares^.  Posthume  est  cité   en  cette  qualité,  en 

1  OrcUi,  5027,  404,  441, 

-  Les  noms  des  légats  de  cette  province  qui  nous  sont  connus  par 
les  monuments  sont  : 

entre  les  années  138etl61 ,  C.  Popilius,  C.  F.  Carus  Pedo; 

—  —       —      —     C.  Dasumius  Tullius  Tuscus; 

—  —      161  — 180,  Aufidius  Victorinus; 
_  _      198-211) 

ou     247-249  i  ^-  ^*^*''"^  Pudens  ; 

—  —     222    235,  C.  Csesonius,  C.F.MacerRufinianus. 
Le  temps  de  gestion  de  Cociavius  Tidius  Tossianus  Jaonus  Priscus 

est  incertain. 

Entre  les  années  161  el  192  apparaît  le  nom  de  Bassoeus  M.  F.  Ru- 
fus  comme  procureur  de  la  province.  Les  noms  des  autres  procureurs, 
C.  F.  Sabinius  Aquila,  T.  Cl.  Candidus,  T.  Varius  Clemens  et  P.  Pe- 
tronius  M.  F.  Quir.  Honoratus,  nous  ont  été  conservés  sans  date. 

Voy.  Kellerniann,  Vigilum  Roman,  latercula  duo  Cœlimontana , 
n»  247  et  259  ;  Gruter,  Corp.  inscr.,  t.  i,  p.  375 ,  n»  1  ;  381 ,  n"  1  ;  389 , 
n»  2;  457,  n"6;  Bullett.  dell'  inst.  archeoL,  1830,  p.  199;  Annali 
d.  inst.  archeoL,  1832,  p.  152;  Reines.,  Inscr.,  p.  459  et  943;  Mli- 
ralori ,  Thcs   inscr.,  t.  il,  p.  691,  n»  1. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  225 

même  temps  qu'il  était  gouverneur  des  Gaules,  sous 
Valérien  K  H  est  le  premier  à  qui  l'histoire  ait  con- 
cédé cette  dignité.  Nous  trouvons  encore,  comme 
nous  l'avons  vu  à  Augsbourg,  un  duc  de  la  frontière 
rhétique^  Sous  ce  nom,  ces  chefs  militaires  réunis- 
saient pour  les  pays  qu  ils  régissaient  tous  les  pou- 
voirs civils  et  administratifs;  pouvoirs  dont  jouirent 
aussi  les  ducs  sous  Constantin,  quand  cet  empereur 
eut  donné  aux  provinces  une  constitution  stable  et 
régulière. 

C'est  à  l'époque  des  trente  tyrans  que  paraît 
s'être  formée  la  province  de  Séquanie  ou  Grande- 
Séquanaise,  dont  le  chef- lieu  fut  Besançon,  et  qui, 
d'après  la  Notice  de  l'Empire,  s'étendait  jusqu'aux 
Triboques,  et  comprenait  dans  son  sein  tout  le  terri- 
toire des  Rauraques. 

Les  armées  romaines  étaient  alors  victorieuses,  et 
quoique  les  barbares,  au  delà  du  Rhin,  eussent  tout 
mis  à  feu  et  à  sang,  on  n'avait  pas  renoncé  à  la  con- 
servation de  cette  limite  de  l'Empire,  qui  unissait 
le  Rhin  au  Danube;  c'est  en  présence  d'un  ennemi 
de  nouveau  repoussé,  alors  que  l'aigle  planait  encore 
une  fois  sur  le  Mein  et  sur  le  Necker,  et  que  Probe 
relevait  les  tours  fortes  du  rempart, que  les  limites 
respectives  des  trois  provinces  limitrophes  furent 
définitivement  réglées.  La  Séquanie,  en  suivant  au 

^  Transrhenani  limitis  dux  et  Galliœ  prœses.  Trcb.  PolL.XXX.  Tyr., 
De  Posthumio. 

2  Dux  limitis  Rliœtici.  Il  y  avait  aussi  un  dur  limitis  Scxjthici;  uii 
dux  limitis  orientalis  ;  un  dux  limitis  lllyriciani.  Voy.  PoUio  ,  EutropC  , 
Sexlus  Rufus,  Amniien  Marcellin,  Vopiscus,  etc. 

II.  '' 


2-2G  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

delà  du  Rhin  la  ligne  qui  la  séparait  des  Triboques 
sur  la  rive  gauche  du  fleuve,  dut  aller  joindre  les 
sources  du  Necker,  et  comprendre  ainsi  dans  son  sein 
toute  la  partie  méridionale  de  l'Âbnoba,  tandis  que, 
conservant  à  elle  tout  le  reste  des  pays  arrachés  aux 
Allemanes,  la  Germanie  première  s'étendait  depuis 
la  Vindélicie  jusqu'au  versant  occidental  des  Vosges, 
et  depuis  la  Grande-Séquanaise  jusqu'au  versant  nord 
du  Taunus.  Cette  province  ainsi  organisée  avait  une 
superficie  non  moins  grande  que  celle  de  la  seconde 
Germanie.Elle  ne  fut  réduite  à  devenir  une  des  pro- 
vinces les  plus  minimes  des  Gaules  que  lorsque ,  après 
la  mort  de  Probe,  elle  sévit  enlever  tout  ce  que  cet  em- 
pereur, après  Posthume,  avait  de  nouveau  conquis  et 
pacifié. 

Mais  les  passages  d'Orose  et  d'Isidore ,  que  j'ai  cités 
ci-dessus',  prouvent  cependant  que  ce  pays,  quoique 
alors  occupé  parles  Allemanes,  n'en  était  pas  moins 
considéré  comme  faisant  partie  de  l'Empire,  et  que  les 
Romains  regardèrent  toujours,  jusqu'au  cinquième 
siècle,  le  rempart  rhétique  et  le  rempart  transrhénan 
comme  lavraiefrontièrequi  séparait  leur  grande  pro- 
vince des  Gaules  de  la  Germanie  barbare.  Ils  en  reti- 
raient même  des  troupes^  Jl  n'est  donc  pas  étonnant 
que,  sous  Constantin ,  l'état  des  choses,  en  ce  qui  con- 
cerne la  démarcation  de  la  Germanie  première,  n'ait 
pas  été  changé;   c'est  ce  qui  peut  expliquer  com- 


•  Orose,  1. 1,  e.  2;  Isidore,  Etymol.,  1.  xiv.  c.  i. 
'■^  La  Notice  de  l'Empire  cite  les  Brisigavi,  peuple  iiu  Brisgan  ,  qui 
servaient  clans  l'armée  romaine. 


DU  IIIIIIN  ET  DU  DANUBE.  227 

ment  ce  gouvernemenl,  qui,  sous  Auguste  et  sous 
les  premiers  césars,  avait  été  l'un  des  plus  étendus, 
se  trouva,  aux  derniers  temps  de  l'Empire,  res- 
serré dans  la  vallée  du  Rhin,  entre  ce  fleuve  et  les 
Vosges. 

La  Car  le  routière  de  Théodose,  qui  ne  sort  jamais  des 
limites  romaines,  traverse  cependant  le  Danube  pour 
déciire  la  grande  voie  militaire  qui  joignait  la  Grande- 
Séquanaise  à  cette  province,  et  cette  dernière  à  la 
Rlîélie;  c'est  une  preuve  nouvelle  que,  quoique  les 
Ailemanes  occupassent  tout  l'Abnoba,  jamais  traité 
ne  leur  en  avait  officiellement  reconnu  la  posses- 
sion. 

On  comprend  encore  moins  alors  comment  Ammien 
Marcellin  (car  je  ne  veux  pas  parler  d'Ausone  et  de 
Symmaque,  poëte  et  panégyriste,  auxquels  on  per- 
met tout)^  comment,  dis -je,  Ammien  Marcellin,  ce 
soldat  historien ,  a  pu ,  comme  je  lai  fait  observer  en 
m'arrétant  à  Sumlocène,  décrire  si  vaguement  les 
lieux  dont  il  fait  mention,  et  qui,  quoique  temporai- 
rement hors  du  pouvoir  de  Rome,  n'en  étaient  pas 
moins  regardés  comme  faisant  partie  d'une  de  ses 
provinces. 

Ce  furent  les  empereurs  de  la  famille  Flavienne 
qui,  les  premiers,  comme  nous  l'avons  vu,  tentèrent 
la  colonisation  des  pays  décumates^  que  Trajan  réu- 
nit détlnitivement  à  l'Empire. 

*  Comparez  ce  que  dit  à  ce  sujet  K.  L.  Roth  ,  dans  son  mémoire  in- 
titulé :  Die  Vereinigung  Schwabens  mit  dem  roinisc.'ien  Reiche  clurch 
Domitianus ,  inséré  dans  le  Schtveizer.  Uluseum  fUr  hislorische  Wissen- 
schaften,  de  Gerlach,  t.  ii,  p.  30-40. 

n  •  15. 


228  ÉTABLISSEMEINTS  ROMAINS 

La  colonie,  les  cités  qui,  dans  la  succession  des 
temps,  s'y  élevèrent,  comme  les  citésetlesmunicipes, 
qui  partout  surgirent  derrière  l'enclave  du  grand 
rempart,  eurent  alors,  à  quelque  nuance  près,  la 
même  administration,  et  jouirent  des  mêmes  droits 
municipaux  que  les  colonies,  les  cités  et  les  autres 
municipes  des  Gaules. 

Il  doit  y  avoir  eu  dans  l'antiquité  plusieurs  lois  qui 
réglèrent  ces  droits ^ 

Malheureusement  elles  ont  été  perdues,  et  ils 
ne  sont  nulle  part  régulièrement  distingués  et  énu- 
mérés. 

L'histoire  cependant  et  les  inscriptions  indiquent 
les  principales  attributions  dont  jouissaient  les  co- 
lonies et  les  municipes. 

Ainsi,  chaque  ville  avait  la  liberté  de  son  culte. 
Elle  possédait  le  droit  de  régler  tout  ce  qui  s'y  rap- 
portait, et  de  choisir  et  de  nommer  les  ministres 
préposés  aux  autels^. 

Chaque  municipe  avait  également  l'administration 
de  ses  biens  et  de  ses  revenus  particuliers.  C'était  à 
sa  charge  que  s'élevaient  les  édifices  publics.  C'était  à 

1  Voici  quelques  passages  qui  le  prouvent  : 

u  Decuriones  in  albo  ita  scriptos  esse  oportet,  ut  a  lege  municipali 
prœcipitur.»  L.  Decurionis ,  I,  D.,  lib.  50,  til.  3,  De  alto  scrib. 

«  Lege  municipali  cavetur  ne  ordo  non  aliter  habeatur,  quant  duabus 
partibus  adhibitis.»  L.  Iege3,  D.,  lib.  50,  tit.  9,  De  decurion. 

({ Municipii  ita  lege  cautum  est.»  L.  mtmicip.,  6,  D.,  lib.  50,  tit.  9, 
De  decurion. 

^  Rotli ,  De  re  munie.  Bom.,  p.  21,  not.  xxxtv. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  229 

sa  curie  à  les  entretenir  et  à  pourvoir  aux  dé- 
penses des  fêtes,  des  réjouissances  et  des  autres 
solennités  purement  locales.  Les  habitants  nom- 
maient eux-mêmes  les  magistrats  chargés  de  ces 
différents  services  K 

La  police  intérieure  se  trouvait  aussi  entre  les 
mains  des  magistrats  locaux.  Quoique  la  haute  jus- 
lice  se  rendit  sous  les  auspices  du  président  ou  du 
préfet,  chaque  ville  avait  sa  police  municipale  et 
ses  magistrats  jugeant  les  contraventions  aux  rè- 
glements de  la  salubrité  publique,  aux  poids  et 
aux  mesures,  et  réglant  l'ordre  des  ventes,  des  mar- 
chés*, etc. 

Mais,  pour  avoir  part  à  l'exercice  de  ces  droits  mu- 
nicipaux, il  fallait  être  membre  de  la  cité  et  posséder 
surtout  la  quantité  d'arpents  de  terre  stipulés  par  la 
loi. 

Car  les  cités  représentaient  en  petit  le  gouverne- 
ment de  Rome. 

A  leur  tête  étaient  les  duumvirs,  deux  magistrats 
dont  la  charge  correspondait  assez  exactement  à 
celle  de  nos  maires,  et  qui  dirigeaient  l'administra- 
tion intérieure  de  la  cité.  Ils  remplissaient  à  peu  près 
les  mêmes  fonctions  que  remplissent  encore  aujour- 
d'hui dans  les  villes  d'outre-Rhin  les  bourguemestres, 
c'est-à-dire  qu'ils  avaient  une  juridiction  bornée  aux 
affaires  de  peu  de  valeur,  et  exerçaient  une  autorité 
de  police  qui  leur  permettait  d'infliger  des  punitions 


'  Rolh,  p.  "2-2,  not.  xxxviii. 
-  Idem  ,  p.  2i,  not.  xl. 


230  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

légères  aux  esclaves  \  de  saisir  les  fugitifs  et  de  les 
livrer  aux  autorités  du  gouvernement  2. 

Quelquefois  le  nombre  de  ces  magistrats  était  porté 
h  trois  et  même  à  quatre^.  Alors  ils  prenaient  le  titre 
de  irnimvirset  de  ^M«</rMmi'/r5.  Cependant  dans  quel- 
ques localités  ce  dernier  titre  revenait  aussi  aux 
magistrats  spéciaux  chargés  de  veiller  à  la  fabrica- 
tion des  monnaies ,  et  qui  d'abord  avaient  été  nom- 
més triumviri,  à  cause  de  leur  nombre  ^  Depuis  Jules- 
César,  qui  avait  fixé  ce  nombre  à  quatre,  ils  por- 
taient le  titre  de  qualuorviri,  que  prenaient  également 
les  quatre  commissaires  qui  dans  d  autres  villes  for- 
maient, comme  nous  l'apprennent  les  Pandecies,  un 
collège  chargé  de  l'entretien  des  routes. 

Sous  ces  duumvirs,  triumvirs  ouquadrumvirs  mu- 
nicipaux se  trouvaient  les  édiles,  dont  la  magistra- 
ture était  un  peu  inférieure. 

Ils  avaient  l'inspection  des  édifices  publics,  des 
rues,  des  approvisionnements  de  grains,  des  poids 
et  mesures^,  et  ils  étaient  tenus,  conjointement 
avec  les  duumvirs,  de  donner  des  jeux  et  des  fêtes 
publics. 

Venait  ensuite  le  curateur  (de  la  colonie,  de  la 


*  Rolh  ,  De  re  munie.  Rom.,  p.  90-95, 

2  Magistratus  municipales  ad  officium  prœsidis  provinciœ  vel  pro- 
consulis  conprehenses  fugitivos  recte  transmittunt.  L.  Umenarcka;  3, 
D.,  lib.  II,  lit.  4,  De  fugitiv. 

3  Voy.  ci-avant  les  inscriptions  d'Augsbourg. 

^  Voy.  Pline  et  Abot  de  Bazinghen ,  t.  ii ,  p.  66  et  67. 
^  Rolh,  De  re  munie.  Rom  ,  p.  96-98.  —  Fr.  un.  D.,  De  via  publ. 
(43, 10);Fr.  13,  §8,  D.  Locat.  H9,  2);Fr.  17,  D.,  7)e  cowpcH*.  il 6,  2). 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  231 

république  ou  de  la  cité 'y  qui,  comme  l'édile,  exerçait 
aussi  une  certaine  surveillance  sur  les  édifices  pu- 
blics, mais  dont  l'attribution  principale  était  toutefois 
l'administration  financière.  C'était  lui  qui  affermait 
les  biens  du  municipe,  qui  recevait  les  comptes  des 
travaux  publics,  qui  gérait  les  capitaux  de  la  cité, 
ou  qui,  dans  un  cas  voulu,  faisait  un  emprunt-, 

A  ces  charges  honorifiques  il  faut  ajouter  les  em- 
ployés tels  que  le  percepteur  des  impôts,  sous  la  res- 
ponsabilité des  curialesqui  le  nommaient  ^  les  com- 
missaires de  police  chargés  de  la  recherche  et  de  la 
première  poursuite  des  délits  S  les  curateurs  ou  em- 
ployés préposés  à  tel  ou  tel  service  particulier^,  les 
scribes,  les  tabellions,  et  tous  les  autres  moindres 
employés  dont  nos  inscriptions  ne  font  pas  mention, 
il  est  vrai,  mais  qui,  existant  dans  tous  les  lieux  ro- 
mains, durent  aussi  se  trouver  dans  les  villes  romaines 
de  la  Germanie. 

Les  principales  charges  du  moins  se  sont  toutes 
présentées  à  nous  dans  les  inscriptions  que  nous 
avons  transcrites. 

Entre  les  magistrats  et  les  employés,  il  y  avait 
celte   différence  qu'aux    premières  charges  étaient 


•  Curalor  coloniœ  Sum'.ocen.  ;  curator  civilatis  Matliacorum;  cura- 
tor  civium  Mogunt.,  elc.  Voy.  ci-avanl  mes  inscriptions. 

2Rolh,  p.  98-100. 

^  Susceptor.  Rolh  ,  p.  107-109. 

*  Ircnarchœ.  Rolh  ,  p.  109  et  110. 

'"  Curator  frumenti ,  curator  calendarii ,  etc.  Rolh,  111  61112.  Fr, 
18,  §  2,  D.,  De  inunere  (oO ,  i^  :  Fr.  9,  §  7,  8,  9,  D.,  De  adinin.  re- 
ritm  civit.  {f\0,  8j,  c.  1,  r.  Th.  de  rurat.  Kaleitd.    12,  II. 


232  ÉTABLISSEMENTS  KOSIAINS 

attachés  quelques  honneurs  et  une  certaine  juridic- 
tion, tandis  que  les  secondes  ne  conféraient  aucune 
dignité  particulière. 

La  curie  cependant  nommait  aux  magistratures 
comme  aux  emplois. 

Or,  sous  ce  nom  de  curie ^  il  faut  entendre  l'ordre 
des  décurions  ou  des  sénateurs  ^  ordre  qui  formait 
dans  chaque  ville  une  sorte  de  patriciat  municipal, 
et  qui  était  chargé  de  défendre  et  de  surveiller  les 
intérêts  communs  des  citoyens  et  les  affaires  de  la 
cité. 

Assemblée  délibérante,  elle  nommait  parmi  ses 
membres  les  magistrats  qu'elle  munissait  de  ses  pou- 
voirs, et  qui,  à  l'expiration  de  leur  charge,  ren- 
traient dans  son  sein.  La  considération  dont  jouis- 
sait le  décurionat  le  fit  rechercher  comme  un  hon- 
neur. 

Le  grand  nombre  d'inscriptions  qui  nous  restent 
de  cette  dignité  dans  les  divers  lieux  antiques  de  la 
province ,  prouvent  toute  l'importance  de  cette  charge 
aux  yeux  du  gouvernement  comme  aux  yeux  des  ci- 
toyens. 

Ce  fut,  en  effet,  pendant  l'époque  où  le  régime 
municipal  avait  atteint  son  plus  grand  développement, 
que  les  villes  d'outre-Rhin  furent  principalement  flo- 
rissantes. Elles  ne  virent  point  la  crise  que  ce  régime 
eut  à  supporter  sous  Constantin  ,  puisque,  sous  lui, 

*  Savigny,  Geschichte  des  romisclien  Redits,  t.  I,  p.  40  el  SV.  ;  Ilei- 
nec,  Ant.  rom.,  i,  p. 399  et  suiv.,  409.  Ainsi,  quand  Tutor  el  Classi- 
cus  passèrent  le  Rhin ,  ils  étaient  suivis  de  cent  treize  sénateurs  de 
Trêves. 


DU  RIUN  ET  DU  DANUBK.  233 

la  plupart  d'entre  elles  avaient  déjà  depuis  long- 
temps été  renversées  par  les  Allemanes. 

Celles  de  la  Vindélicie  furent  seules  alors  en  con- 
tact avec  les  exigences  du  pouvoir  qui ,  à  mesure  que 
les  barbares  avançaient,  que  la  populace  romaine 
augmentait,  que  les  troupes  étaient  plus  vénales, 
avait  besoin  de  plus  d'argent  pour  acheter  la  paix 
des  uns,  pour  nourrir  la  seconde,  pour  contenir  les 
troisièmes,  et  qui,  pour  subvenir  à  toutes  ces  dé- 
penses, fit  peser  sur  les  villes  un  poids  qui  fut  sur- 
tout onéreux  à  leurs  décurions.  Aussi,  depuis  cette 
époque, cette  dignité,  qui  avait  d'abord  été  si  recher- 
chée, devint  un  joug  auquel  on  chercha,  autant  que 
possible,  à  se  soustraire.  Le  grand  nombre  de  lois 
coercitives  qui  furent  promulguées  alors  pour  faire 
rentrer  dans  la  cuiie  la  multitude  de  ceux  qui  ten- 
tèrent d'en  sortir,  prouvent  combien  cette  charge 
était  devenue  accablante. 

Quant  aux  fonctions  de  cet  ordre,  l'antiquité  nous 
a  aussi  laissé  quelques  documents  à  cet  égard. 

Convoqués  par  le  magistrat  supérieur,  les  décu- 
rions avaient  à  examiner  les  affaires  qui  leur  étaient 
soumises,  concernant  la  cité,  et  à  prononcer  leur 
décision. 

Pour  que  cette  décision  fût  valable,  il  fallait  que 
les  deux  tiers  des  curiales  fussent  présents  à  la  déli- 
bération. 

Les  duumvirs,  chargés  des  fonctions  municipales 
actives,  faisaient  ensuite  exécuter  les  décrets  émanés 
de  l'assemblée. 

D'après  les  inscriptions  et  divers  passages  des  lois 


234  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  des  codes  romains,  on  voit  que  ces  décrets  con- 
cernaient les  récompenses  pécuniaires  à  décerner, 
la  reconnaissance  que  la  cité  exprimait  à  l'un  de  ses 
bienfaiteurs,  la  nomination  aux  diverses  charges 
municipales  et  à  ses  emplois,  l'examen  et  le  choix 
des  professeurs  et  des  médecins,  la  délibération  sur 
les  droits  relatifs  aux  propriétés  municipales,  sur  les 
héritages  revenant  à  la  cité,  sur  les  ventes  et  sur  les 
transactions,  la  cession  du  terrain  nécessaire  pour  les 
monuments  publics,  et  enfin  l'établissement  des  foires 
et  des  marchés  ^ 

Parfois  aussi  la  curie  était  préposée  à  la  garde  et 
à  la  surveillance  des  dépôts  de  subsistances,  dhabil- 
lements  ou  d'armes,  que  l'État  formait  pour  les  be- 
soins de  l'armée  ;  elle  était  de  plus  chargée  des  man- 
sions  on  étapes  militaires  sur  les  grandes  routes. 

Pour  subvenir  aux  frais  de  son  administration, 
chaque  ville  avait  un  patrimoine  ou  domaine  muni- 
cipal, qui  dut  être  plus  ou  moins  considérable,  selon 
1  importance  des  localités.  Ce  patrimoine  se  composait 
de  fonds  de  terres  affermés  à  des  particuliers,  de 
capitaux  prêtés  à  intérêts,  et  du  produit  des  impôts 
sur  le  transport,  l'entrée  et  la  consommation  des 
denrées  et  des  marchandises  dans  les  villes. 

L'emploi  de  ces  fonds  pour  subvenir  aux  dépenses 
était  aussi  discuté  dans  l'assemblée. 

Cependant,  dans  des  cas  graves,  comme  par  exemple 
quand  il  s'agissait  d  aliéner  une  propriété  commu- 
nale, ou  d'envoyer  à  l'empereur  des  députés  chargés 

'  liolli     De  rc  munir.  Uom..  p.  7i. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  235 

de  lui  faire  quelques  représentalions,  la  seule  aulo- 
risalion  de  la  curie  était  insuffisante;  il  fallait  alors 
le  concours  de  tous  les  habitants. 

Or,  la  multitude  d  hommes  qui  constituait  le  peuple 
dans  toutes  les  cités,  était  composée  de  plusieurs 
éléments. 

Après  les  sénateurs  ou  décurions  venaient  les  pro- 
priétaires qui,  possédant  vingt -cinq  journaux  de 
terre,  n'avaient  cependant  point  encore  été  appelés 
à  la  curie. 

Ensuite  ceux  qui,  possédant  un  domaine  d'une 
moindre  étendue,  n'étaient  point,  par  cela  même, 
éligibles  aux  fonctions  de  curiales. 

Puis,  les  juges  des  divers  tribunaux; 

Puis,  les  médecins,  rhéteurs,  professeurs  et  ar- 
tistes; 

Les  cohortales,  les  vétérans  et  les  gardes  de  la 
cité; 

Les  commerçants, négociants,  marchands,  etc.; 

Et  enfin  tous  les  artisans  qui,  formant  le  principal 
noyau  de  la  population,  furent  plus  tard,  sous  le 
lègne  d'Alexandre  Sévère,  distribués  en  corpora- 
tions, sous  la  tutelle  de  protecteurs  spéciaux,  choisis 
parmi  les  personnages  les  plus  distingués ^ 

Ces  agrégations  de  fabricants,  d'artistes,  d'ouvriers 
d'une  même  profession,  qui  d'abord  n'avaient  été  que 


•  Corpora  omnium  constiliiit  vinariorum ,  lupinariorum  ,  calitjario- 
rum  et  omnino  omnium  ariium;  Jusque  ex  sese  defensores  dédisse, 
et  jussisse  quid  ad  quos  judices  pertineret.  Lamprid.,  Alex.  Severus, 
r.  33. 


236  ÉTABLISSEMENTS  ROMAliNS 

tolérées  par  le  gouvernement,  reçurent  alors  une 
organisation  régulière  qu'il  est  d'autant  plus  impor- 
tant de  signaler,  que  c'est  une  des  institutions  des 
Romains  qui  s'est  conservée  la  pins  intacte,  sous 
l'empire  des  peuples  qui  leur  succédèrent,  que  nous 
trouvons  même  établie  au  moyen  âge,  et  qui  aujour- 
d'hui encore  existe  au  delà  du  Rhin. 

Ainsi  constituées,  les  villes  eurent  une  indépen- 
dance d'administration  que  le  gouvernement  non- 
seulement  toléra,  mais  qu'il  était  expressément  dé- 
fendu à  ses  agents  de  blesser. 

Ce  ne  fut  que  lorsque  le  régime  municipal  tomba 
en  décadence  qu  aux  duumvirs  furent  substitués  les 
principales,  et  que  l'indépendance  des  curies  fut  res- 
treinte. Néanmoins ,  pour  procurer  aux  villes  quel- 
que sûreté,  on  donna  à  chacune  d'elles  un  défen- 
seur chargé  de  protéger  le  peuple  contre  l'oppres- 
sion des  officiers  impériaux.  Mais  cette  innovation, 
qui  ne  date  que  de  la  moitié  du  quatrième  siècle,  ne 
regarde  point  les  villes  d  outre-Rhin,  qui  depuis  de 
longues  années  avaient  déjà ,  lors  de  son  introduction , 
été  détruites  ou  avaient  subi  le  joug  étranger;  elle  ne 
toucha  même  que  fort  peu  les  intérêts  locaux  des 
villes  de  la  Vindélicie  qui, elles  aussi,  resseniiient  à 
leur  tour  le  pouvoir  des  barbares. 

Aussi,  de  toutes  les  inscriptions  de  la  province 
transrhénane,  n'en  est-il  aucune  qui  nous  parle  de 
cette  macfistrature. 

Le  droit  de  citoyen  romain,  accordé  par  Caracalla 
indistinctement  h  tous  les  habitants  du  vaste  Empire, 
ne  changea  rien  non  plus  à  la  constitution  intérieure 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE,  '  237 

des  villes  1,  mais  il  égalisa  leuis  droits.  Il  eut  pour 
résultat  de  faire  disparaître  toutes  les  teintes  de  lé- 
gislation qui  les  distinguaient. 

Du  moment  qu'il  y  eut  égalité  de  droit  pour  tout 
citoyen ,  il  dut  nécessairement  y  avoir  égalité  de  droit 
pour  toutes  les  villes.  C'est  cette  égalité  qui  enfanta 
leur  bien-être,  et  c'est  ce  qui  rend  compte  de  cette 
reconnaissance  que  toutes  les  cités  du  Rhin  témoi- 
gnèrent si  souvent  aux  empereurs  de  la  famille  An- 
tonine,  sous  qui  leur  prospérité  grandit. 

Nous  avons  souvent  eu  occasion,  pendant  notre 
course  archéologique,  de  visiter  les  restes  d'anciens 
monuments  publics,  de  temples,  d'aqueducs,  de 
routes,  de  ponts,  de  théâtres;  toutes  ces  construc- 
tions sont  pour  la  plupart  de  l'époque  de  ces  princes. 
Leur  élévation  était  de  la  compétence  définitive  de  la 
curie,  et  elles  furent  bâties  avec  les  deniers  prove- 


1  Cette  mesure  fut  purement  fiscale.  On  sait  qu'Auguste ,  pour  la 
fondation  d'une  caisse  militaire,  avait  institué  un  droit  d'héritage  de 
5  p.  0  0  ou  d'un  vingtième  (vicesima  liœreditalum)  pour  tout  citoyen 
romain  qui  héritait  en  dehors  de  sa  qualité  d'agnat,  stipulée  dans  la  loi 
des  douze  tables.  Les  pauvres  seuls  en  avaient  été  exemptés.  Plusieurs 
empereurs,  après  lui,  mus  par  des  sentiments  plus  humains,  exemp- 
tèrent aussi  de  cet  impôt  tous  les  citoyens  indistinctement  jusqu'à  un 
certain  degré  de  parenté.  Mais  Caracalla,  pour  subvenir  aux  besoins 
du  trésor,  le  rétablit,  et  non-seulement  porta  cet  impôt  à  10  p. 0/0  ou 
au  dixième  des  fortunes  héritées,  mais  encore,  pour  augmenter  les 
revenus  du  fisc,  donna  le  droit  de  citoyen  à  tout  homme  de  condition 
libre  sur  toute  la  surface  du  vaste  Empire.  Macrin,  qui  lui  succéda, 
abolit  cependant  cet  impôt ,  mais  conserva  le  droit  de  cité  établi  par 
son  prédécesseur.  Voy.  Dion  Cass.,  1.  xxviii,  18;  Heinec,  Antiquit. 
rom.,  I,  p.  284  et  suiv.;  Waller,  Geschichte  des  rômischen  Rechts . 
p.  347  et  suiv. 


238  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

liant  des  revenus  de  la  cité  ou  fournis  par  la  mu- 
nificence des  particuliers. 

On  était  fier,  dans  ces  derniers  cas,  du  titre  de 
citoyen.  Éloigné  de  sa  patrie,  on  le  portait  avec 
amour,  on  le  gravait  sur  la  pierre,  comme  un  sou- 
venir rendu  à  la  cité  qui  vous  avait  vu  naître  ou  qui 
vous  avait  adopté. 

Du  reste,  ce  titre  de  citoyen  n'était  pas  propre  aux 
seuls  habitants  de  la  ville  municipale;  il  revenait  à 
tous  les  habitants  des  bourgs  et  villages  qui  y  étaient 
enclavés ^  et  qui  étaient  gouvernés  par  des  officiers 
dont  l'autorité  toute  locale  est  à  peine  signalée  dans 
l'histoire. 

Ainsi,  autant  de  cités,  autant  de  districts,  qui  de 
ce  point  central  recevaient  leur  nom  et  leur  admi- 
nistration civile  et  judiciaire.  Le  pouvoir  supérieur 
émanait  sur  eux  des  villes  oii  siégeait  le  gouverne- 
ment. 

De  toutes  les  cités  Iransrhénanes,  celles  d'Augusta , 
de  Sumlocène,  et  celle  des  Rauraques,  de  ce  côté 
du  fleuve,  furent  les  plus  importantes,  ainsi  que  le 
prouve  leur  titre  de  colonie.  Ce  titre,  pour  la  pre- 

'  C'est  ce  que  prouvent  deux  passages  d'une  loi  romaine  qui ,  quoi- 
que d'une  date  étrangère  à  l'époque  dont  je  m'occupe,  jette  cependant 
(juelque  lumière  sur  ce  sujet. 

Cette  loi  dit  : 

t  Qui  e  vico  ortus  est,  eam  patriam  intelligilur  habere,  cui  ret'pu- 
blicœ  vicus  haberet.)  L.  qui  ex.  D.,  lib.  L,  lit.  \,  Ad  municipalem. 

Et  plus  loin  : 

«  Ejus  civitatis  adscribendi  siint  ordini ,  sub  qua  vicus  ille  ac  pnssessio 
rensetur.»  L.  siquisZ,  cod.  lib.  V,  til.  27,  De  nat.  lib. 


1 


-  DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  239 

mière,  nous  est  attesté  par  Tacite  \  quoique,  dans 
ses  inscriptions,  elle  prenne  seulement  celui  de  mu- 
ni ci  pe. 

La  seconde,  au  contraire,  porte  partout  dans  les 
siennes  le  titre  de  colonie. 

Mais  en  même  temps  nous  y  trouvons  un  président 
ou  préfet ,  autorité  que  possédaient  également  plu- 
sieurs autres  colonies  et  municipes  d'Italie. 

Ces  préfets,  dans  les  temps  antérieurs,  étaient  an- 
nuellement envoyés  de  Rome,  pour  présider  à  l'ad- 
ministration de  la  justice  dans  les  villes  oià,  par  con- 
séquent, n'existaient  point  de  magistrats  chargés  de 
la  rendre. 

Firent-ils  ici  une  exception  h  la  règle?  C'est  ce  qu'il 
ne  nous  est  pas  possible  de  préciser.  Nous  les  trou- 
vons en  fonction  en  200  et  204  de  l'ère  chrétienne, 
sans  que  nous  puissions  dire  si  les  magistrats,  duum- 
virs,  triumvirs  ouquadrunivirs,  dont  les  inscriptions 
de  cette  ville  font  aussi  foi,  ont  existé  avec  eux  à  la 
même  époque,  ou  si  leur  présence  et  leur  élection 
dans  la  colonie  fut  antérieure  ou  postérieure  à  celle 
des  préfets;  car  une  loi  nous  apprend  qu'autrefois 
lesvilles nommèrent  aussi  ces  derniers^qui,  du  reste. 


*  Splendissima  liœtiœ  Provincice  Colonia.  Tacil.,  De  mor.  Germ., 
c.  41. 

2  Prcetores  itaque  très  numéro  in  urbe  rébus  administrandis  ab  eo 
[senalu)  prœficiebantur,  isque  actus  sanctione  legis  procedebat.  Xeque 
vero  in  urbe  solum  ,  sed  in  aliis  etiam  civitatibus ,  a  decurionibus ,  ut 
vocabantur,  prœfecti  quidam  (non  taies,  quales  fiodie  militaris  prœfec- 
tura  novit ,  sed  excellentiores  quidam,  quique  aliatn  curam  demanda- 
tam  haberent),  prœficiebantur.  Léon.,  Novel.  Const.  47,  quod  alius. 


240  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

n'avaient  point  à  se  mêler  de  l'administration  de  la 
cité,  et  qui  n'assistaient  jamais  aux  actes  munici- 
paux. 

C'étaient  purement  des  agents  du  gouvernement, 
chargés  de  présider  à  l'administration  de  la  jus- 
tice. 

C'est  ce  que  nous  confirme  cette  même  loi,  qui 
nous  dit  que  les  fonctions  de  ces  préfets  répondaient 
à  celles  qu'exerçaient  à  Rome  le  préteur  de  la  ville, 
nom  sous  lequel,  comme  nous  l'avons  vu,  est  aussi 
mentionnée  cette  magistrature  sur  une  inscription 
de  Sumlocène^ 

Quant  à  la  colonie  des  Rauraques,  la  perte  de 
presque  toutes  ses  inscriptions  ne  nous  permet  pas 
de  rien  préciser  à  son  sujet.  Sa  fondation,  n'ayant 
toutefois  eu  lieu  que  peu  de  temps  avant  celle  de  la 
colonie  des  Vindéliciens,  tout  porte  h  croire  que  son 
administration  intérieure  fut  la  même  que  celle  de 
celte  ville. 

Lescitésnoncolonies  furent  en  plus  grand  nombre. 
L'immense  quantité  de  ruines  sur  lesquelles  nous 
nous  sommes  assis  nous  l'ont  prouvé,  quoique  ce- 
pendant peu  de  localités  aient  livré  des  preuves 
évidentes  de  l'existence  de  leur  antique  magistra- 
ture. 

Cen'est,eneffet,au  delà  du  Rhin,  qu'à  OEpfach,  à 
Isny,  à  Kœngen,  à  Bûrg,  à  Pfûnz,  à  Heidelberg,  à  Bade, 
à  Cassel  et  à  Heddernheim ,  que  les  inscriptions  que 
nous  avons  eu  occasion  de  lire,  nous  ont  instruit, 

'  AERA  :  SEP  :  PRAE.  VRB.  SVM.  Voy.  ci-avanl,  1. 1,  p.  232. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  241 

avec  quelque  certitude,  de  l'état  normal  de  ces  lieux 
sous  les  Romains. 

Toutefois  les  restes  de  Rollweil,  de  Canstadt  et 
de  Marbach  sur  le  Necker;  ceux  d  Aschaffenbourg 
et  de  Stockstadt  sur  le  Mein;  les  débris  de  Riss- 
tissen ,  de  Gûnzbourg,  de  Xeubourg  et  de  Ratis- 
bonne  sur  le  Danube;  ceux  de  Kelmûnz  et  de 
Kempten  sur  l'Iller;  ceux  de  Brigance,  sur  le  lac  dont 
cette  ville  portait  le  nom  ;  tant  de  vestiges  qui  an- 
noncent limportance  d'autres  lieux  à  l'époque  ro- 
maine, ne  nous  permettent  pas  de  douter  que  le 
nombre  de  ces  cités,  de  ces  municipes,  n'ait  été  très- 
considérable. 

De  toutes  ces  villes,  celle  de  Bade  porta  seule  le  nom 
de  république,  qu'elle  grava  sur  les  pierres  milliaires 
placées  au  bord  des  diverses  routes  qui  débouchèrent 
de  son  enceinte  ;  le  seul  Cassel ,  vis-à-vis  de  Mayence, 
nous  a  à  la  fois  montré  sur  ses  inscriptions  le  nom 
du  peuple  dont  ce  lieu  fut  la  cité,  et  celui  des 
habitants  étrangers  qui ,  à  côté  de  lui,  y  séjour- 
nèrent. 

Nous  avons  eu  occasion  de  citer  les  inscriptions 
qui  confirment  ce  fait  et  qui  prouvent  que  les  habi- 
tants du  Taunus,  quoique  résidant  dans  la  cité  des 
.Mattiaques  et  dans  celle  de  Mayence,  avaient  ce- 
pendant conservé,  au  milieu  de  ces  deux  villes, 
leurs  propres  droits,  et  qu'ils  avaient  leurs  magis- 
trats municipaux,  indépendants  de  ceux  de  ces  der- 
niers. 

Ainsi ,  il  n'est  point  sans  exemple  dans  le  régime 
municipal  romain  de  voir  dans  la  même  ville  deux 
u.  '' 


242  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

espèces  de  citoyens:  les  uns,  actifs  et  donnant  leur 
nom  à  la  cité,  les  autres,  étrangers  et  conservant  le 
nom  de  la  contrée  dont  ils  étaient  venus,  régis  tous 
deux  par  une  administration  séparée. 

Dans  quelques  cas,  les  cités  se  réunissaient  en 
assemblées  générales,  où  elles  étaient  représentées 
par  leurs  députés.  L'histoire  nous  a  conservé  des 
exemples  de  pareilles  assemblées  dans  les  Gaules, 
et  une  inscription  que  nous  avons  rapportée  en 
décrivant  les  environs  d'Isny,  nous  prouve  que  de 
telles  assemblées  eurent  aussi  lieu  au  delà  du  Rhin. 

Cette  inscription,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  exprime 
la  reconnaissance  des  cités  (soit  de  toute  la  province, 
soit  d'une  partie  seulement)  pour  le  divin  empereur 
Antonin-le-Pieux.  Quel  fut  le  but  de  l'assemblée,  et 
quels  intérêts  y  furent  débattus?  C'est  ce  que  le  temps 
a  recouvert  d'un  voile.  H  est  présumable  toutefois 
que  ce  furent  les  intérêts  locaux  de  ces  diverses  villes , 
et  il  est  évident,  d'un  autre  côté,  que  leur  hommage 
n'eût  pas  été  rendu  d'une  manière  si  solennelle,  s'il 
n'avait  pas  été  pris  une  délibération  qui  consacrât  le 
vœu  public. 

Celle  organisation  politique  et  cette  administra- 
lion  civile  et  législative  toute  romaine  (car  nulle 
autre  loi  que  la  loi  romaine  ne  régit  le  pays)  durent  in- 
fluer nécessairement  sur  le  développement  intérieur 
des  villes  de  la  rive  droite  du  Rhin  et  sur  celles  du 
Danube. 

Tout  ce  que  nous  avons  eu  occasion  de  trouver  de 
restes  d  antiquités  dans  la  province,  atteste  la  vie 
active  de  ses  habitants  et  un  commerce  étendu.  Sans 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  243 

avoir,  comme  nos  provinces  méridionales,  à  offrir  des 
temples,  des  théâtres,  des  arcs  de  triomphe  somp- 
tueux, que  les  siècles  respectèrent,  les  ruines  de  plu- 
sieurs de  ces  villes,  qu'il  faut  la  plupart  du  temps 
chercher  sous  terre,  annoncent  cependant  qu'elles 
ne  manquaient  pas  d'un  certain  air  de  grandeur.  Les 
Romains  avec  leur  civilisation  apportèrent  dans  ces 
climats  rudes  et  agrestes  leur  architecture  et  leurs  arts; 
plus  d'un  monument,  tel  que  l'amphithéâtre  d'Au- 
gusla,  près  de  Bâle;  tel  que  le  palais  que  décorait  la 
superbe  mosaïque  de  Rotweil  ;  tel  que  le  bain  antique 
etsomptueuxde  Badenweiler;  tel  enfin  que  le  temple 
qui  s'élevait  à  OEpfach,  et  dont  les  débris  de  co- 
lonnes, de  corniches,  de  frises  et  d'architecture,  les 
unes  de  marbre,  les  autres  de  pierre  calcaire,  tail- 
lées sur  le  modèle  de  celles  du  Panthéon  et  du  Co- 
lysée  de  Rome,  de  celles  de  Pola  et  de  Vérone,  ont 
été  retrouvés  en  fouillant  le  sol,  annonce  un  luxe 
de  bâtisses  digne  du  peuple  qui  l'éleva. 

Pour  déployer  un  tel  luxe,  il  fallait  nécessairement 
que  les  villes  fussent  opulentes.  Or,  l'opulence  des 
cités  ne  vient  jamais  que  des  échanges  du  commerce. 
Et  ce  commerce  dut  être  important  aux  frontières 
d'un  pays  qui  lui-même  manquait  de  fabriques,  et 
où  les  produits  de  lindustrie  romaine  durent  dès  lors 
refluer,  tandis  que  les  produits  bruts  du  sol  refluèrent 
à  leur  tour  vers  l'Italie. 

Ce  commerce  d'échange  entre  les  barbares  et  les 

Romains  consistait  principalement,  de  la  part  des 

premiers,  dans  des  pelleteries,  des  bestiaux,  des 

peaux  de  bison,  des  plumes  d'oie,  dont  Pline  vante 

II. 


16. 


244  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

la  qualité  supérieure'^  du  chanvre  ^  dont  ils  con- 
feclionnaieni  principalement  leurs  habits,  de  blondes 
chevelures,  qui  sevendaient  au  prix  d'or,  et  d'autres 
produits  de  leur  sol,  tels  que  les  lottes  du  lac  Brigan- 
tin,  qui  se  transportaient  jusqu'à  Rome,  à  cause  de 
la  délicatesse  de  leurs  foies ^  et  une  espèce  de  navet 
si  renommé  qu'on  l'expédiait  aussi  jusque  dans  cette 
capitale*. 

Ils  recevaient  des  Romains  des  étoffes,  des  armes, 
des  objets  de  luxe  et  divers  ustensiles  qu'ils  prenaient 
en  échange  et  qui  se  fabriquaient  dans  les  diverses 
villes  du  Rhin  et  de  la  Vindélicie. 

C'était  par  les  Hermondures  que  se  faisait  princi- 
palement ce  commerce;  et  ces  peuplesvenaient  sans 
crainte,  dit  Tacite,  trafiquer  dans  la  colonie  d'Augs- 
bourg,  ville  qui,  par  sa  position  avantageuse,  devint 
l'entrepôt  du  Nord  et  du  Midi. 


1  «  Candidi  ibi  (in  Gerniania)  verum  minores,  gantœ  vocantur.  Prœ- 
atium  plumœ  eorum  in  libros  denarii  quini.»  Pliil.,  Hist.  nat.,  1.  x, 
c.  17  (22j. 

Ce  que  le  célèbre  naturaliste  ajoute  après ,  prouve  que  la  chasse  de 
ces  oiseaux  était  un  des  plaisirs  favoris  des  officiers  romains  dans  leurs 
cantonnements  de  la  Germanie. 

dEt  inde  crimina  plerumque  auxiliorum  prœfectis,  a  vigili  statione 
uad  hœc  aucupia  dimissis  cohortibus  totis.  Eoque  deliciœ  processere , 
«  ut  sine  hoc  instrumento  durare  jam  ne  virorum  quidem  cervices  pos- 
(Lsint.T)  Plin.,  loc.  cil. 

'•^  Plin.,  l.ix,  c.  1. 

^  (Gadus  Iota,  L.)  tJecnrmustelarum,  qiias  [mirum  dictu]  inter  Alpes 
«  quoque  lacus  Rœtiœ  Brigantinus  œmulas  marinis  générât. r>  Plin. ,  Ilist. 
nat.,  1.  IX,  29  (17). 

'  Plin.,  1.  IX,  loc.  cil. 


DU  niIIN  ET  DU  DANUBE.  245 

La  longue  paix  dont  jouit  le  pays  protégea  le  dé- 
veloppement de  son  industrie,  et  il  se  forma  à  la  fois 
dans  ses  villes  bon  nombre  de  fabriques  et  plusieurs 
sociétés  commerciales.  Nous  avons  eu  occasion  de 
citer  à  Sumlocène  une  fabrique  de  manteaux  de 
guerre,  dont  une  inscription  est  venue  nous  confirmer 
l'existence.  Nous  avons  trouvé  à  Augsbourg  un  né- 
gociant trafiquant  avec  la  pourpre;  un  autre,  à  Cassel, 
faisant  la  banque  el  facilitant  par  les  échanges  les 
transactions  commerciales  ;  à  Marbach  était  l'entrepôt 
d'un  collège  de  marchands  étrangers.  Avec  eux  nous 
apparurent  aussi  les  A'aw/cp,  corporation  dont  la  ville 
de  Bade  et  celle  d'Eltlingen  ont  aussi  conservé  deux 
autres  inscriptions  qui  prouvent  tout  le  développe- 
ment que  ces  transactions  mercantiles  avaient  pris 
au  Nord  par  le  Rhin. 

Sous  ce  nom  de  Naulœ ,  il  ne  faut  pas  entendre  les 
seules  associations  de  bateliers,  mais  bien  tous  les 
armateurs,  de  quelque  genre  de  trafic  qu'ils  s'occu- 
passent, qui ,  par  les  lois  de  l'Empire,  avaient  le  pri- 
vilège de  faire  par  eau  le  commerce. 

On  trouve  leur  corporation  à  Rome  et  dans  plu- 
sieurs lieux  d'Italie,  et  dans  la  Gaule^  h  Arles,  à 
Lyon,  sur  la  Saône,  et  surtout  à  Paris,  oîi  ils  jouèrent 
un  rôle  très-important. 

C'était  par  eau,  dans  ces  siècles  éloignés,  que, 
partout  où  une  rivière  navigable  permettait  aux  ba- 
teaux de  circuler,  se  faisaient  les  transports.  La  ville 
de  Bade,  il  est  vrai,  n'était  pas  située  sur  une  telle 
rivière.  Mais  les  divers  torrents  qui,  dans  son  en- 
clave, descendent  des  montagnes,  durent  entretenir 


246  ÉTABLISSEMENTS  P.OMAIINS 

déjà  alors  le  commerce  de  ses  bois,  commerce  qu'il 
est  d'autant  plus  à  propos  de  signaler  ici,  que  les 
compagnies  qui  étaient  autorisées  à  l'exploiter  du 
temps  des  Romains,  semblent  s'être  perpétuées  sous 
l'empire  des  Allemanes  et  des  Francs,  et,  toujours 
intactes  aux  lieux  oii  leur  institution  prit  naissance, 
se  sont  en  partie  conservées  jusqu'à  nos  jours.  Ce 
sont  ces  compagnies  qui,  sous  le  nom  de  Schiffer, 
nom  allemand  qui  correspond  exactement  aux  Nautœ 
des  Romains,  exploitent  aujourd'hui  encore  ces  vastes 
forêts,  et  expédient  les  bois  immenses  qu'ils  en  re- 
tirent jusque  dans  la  Batavie'. 

Rome  dans  cette  île,  soumise  à  ses  armes,  avait 
placé  ses  principaux  arsenaux  de  marine;  et  ce  fut 
là  que,  depuis  la  première  apparition  de  son  pavillon 
dans  les  mers  du  Nord ,  se  rassemblèrent  toujours  ses 
principales  forces  maritimes. 

La  navigation  du  Rhin  était  non  moins  suivie. 

Ni  les  forêts  du  Nord,  ni  celles  de  la  Belgique,  ne 
fournissaient  comme  l'Abnoba  ces  sapins  flexibles, 
aussi  avantageux  pour  la  bâtisse  que  pour  la  mâ- 
ture. L'exploitation  de  ces  bois  et  leur  flottage  devint 
donc  un  desgrandsproduits  des  habitants  de  cesmon- 
lagnes,  et  c'était  alors  comme  aujourd'hui ,  jusqu'à 
Mayence  et  Andernach  que  se  rendaient  ces  radeaux , 
descendant  le  Rhin  et  se  cramponnant  là  aux  an- 
neaux de  cette   grosse  tour  si   pittoresque   d'An- 


^  Voy.  ma  notice  intitulée  :  Les  Nautœ  du  Rhin ,  dans  mes  Mélanges 
historiques  ,  extraits  (lu  Messager  des  sciences  historiques  de  Belgique  , 
année  1842,  p.  332ctsv. 


DU  lUllIN  ET  DU  DANUBE.  ''lïl 

dernach ,  que  les  vagues  du  Rhin  battent  depuis  seize 
siècles  et  dont  elles  n'ont  pu  entamer  la  solidité.  C'est 
de  là  qu'ils  se  rendaient  aussi  à  Cologne  et  à  Vêlera, 
et  enfin  jusque  dans  la  Batavie,  où  se  trouvaient  les 
principaux  chantiers  de  constrnction  pour  la  marine 
romaine. 

Ces  compagnies  jouissaient  toutes  de  très -grands 
privilèges,  et  elles  avaient  d'un  autre  côté  l'obligation 
de  servir  les  transpoits  du  gouvernement  et  de  dé- 
poser d'une  place  de  guerre  à  l'autre  ce  que  l'État 
leur  confiait. 

Les  habitants  des  principales  rivières  qui  dé- 
bouchent dans  le  Rhin,  et  surtout  ceux  du  Necker, 
où  Rome  possédait  le  plus  d'établissements  floris- 
sants, prirent  part  à  cette  navigation. 

Les  villes  du  Rhin  entretenaient  elles-ménips  un 
commerce  de  transit  considérable  que  ces  diverses 
compagnies  du  sud -ouest  de  l'Allemagne  alimen- 
taient en  partie,  rapportant  du  Nord  les  produits  que 
les  riverains  de  la  Meuse  et  de  la  Moselle  leur  li- 
vraient, pour  les  déposer  ensuite  dans  les  diverses 
villes  rhénanes  jusque  chez  les  Rauraques,  au  sein 
de  la  colonie  d'Augusta. 

Les  routes  nombreuses ,  dont  le  réseau  s'étendait 
surtout  le  pays,  entretenaient  d'un  autre  côté  les 
relations  de  l'intérieur,  et,  facilitant  les  communica- 
tions d'une  ville  à  l'autre,  donnaient  à  l'habitant  le 
moyen  de  fréquenter  les  marchés  les  plus  favorable- 
ment situés  et,  par  conséquent,  d'y  transporter  ses 
produits  agricoles. 

Les  hautes  montagnes  de  l'Abnoba,  l'intérieur  de 


248  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

rodenwald,  les  régions  marécageuses  de  rOrtenau 
et  du  lac  de  Brigance,  n'avaient  point  encore  été  dé- 
frichés; ils  ne  le  furent  que  lorsque  de  pieux  céno- 
bites, au  moyen  âge,  y  cherchèrent  une  retraite.  Mais 
autour  de  ces  bois  sombres  et  de  ces  marais,  le  colon 
gaulois  et  le  vétéran  romain  avaient  mis  partout  le 
terrain  à  profit;  et,  selon  toutes  les  données  que  nous 
possédons,  tout  le  pays  colonisé,  recouvert  de  vil- 
lages, autour  des  camps  ou  des  villes  principales, 
dont  le  rayon  s'agrandit  peu  à  peu,  et  qui,  jusqu'après 
le  règne  des  Antonins,  protégées  par  une  longue  paix, 
devinrent  toujours  de  plus  en  plus  florissantes,  était 
couvert  de  moissons  et  de  fruits.  La  culture  des  blés 
y  était  si  avancée  que,  plus  dune  fois,  lorsqu'une 
disette  menaçait  l'Italie,  les  empereurs  firent  venir 
cette  denrée  de  la  Germanie  romaine ^ 

Peut-être  faut-il  aussi  attribuer  aux  Romains  la 
première  culture  de  la  vigne  sur  les  collines  les  plus 
avantageusement  situées  de  la  vallée  du  Rhin,  culture 
qui,  sous  l'empire  de  Probe,  s'étendit  du  moins  sur 
toute  la  Gaule  ^. 

De  tous  les  travaux  que  le  grand  peuple  entreprit 
dans  la  province,  il  n'en  est  point  dont  les  restes 
soient  plus  nombreux,  comme  nous  lavons  vu,  que 
ceux  des  routes  qu'il  y  établit. 

Quelques-uns  de  ces  chemins,  dont  nous  avons 
cité  les  principales  ramifications,  servent  encore  au- 

'  Voy.  à  ce  sujet,  entre  autres,  pour  les  derniers  temps  de  l'Em- 
pire, Claude,  in  Eutrop.,  I,  406. 

'  Vopiscus,  c.  18;  Aurolius  Victor,  in  Cas.,  c.  37. 


DU  lUlIN  ET  DU  DANUBE.  249 

joui'd  hui,  après  dix-huit  siècles,  aux  communica- 
lions. 

Il  y  eu  avait  de  plusieurs  classes,  et  ils  étaient,  se- 
lon leur  importance,  désignés  sous  les  noms  dévoies 
principales  ou  Augustes,  de  voies  militaires,  ou  de 
simples  voies  vicinales ^ 

Sur  les  deux  premières,  qui  correspondaient  à  nos 
grandes  routes  de  poste,  étaient  placées  de  distance 
en  d'islunce  une mcmsion ,  où  le  voyageur  pouvait  s'ar- 
rêter, et  une  mutation^  où  il  trouvait  des  chevaux  de 
rechange. 

A  l'aide  de  cette  institution,  les  agents  du  gouver- 
nement et  ses  courriers  pouvaient  avec  une  rare  cé- 
lérité accomplir  les  plus  longs  trajets. 

L'entretien  de  ces  routes  était  aux  fra"s  de  la 
province,  et  le  légat  en  réglait  le  service  et  les  tra- 
vaux^. 

Toutes,  à  quelque  chose  près,  dans  le  choix  des 
matériaux,  toujours  appropriés  à  ceux  que  présen- 
taient les  localités,  avaient  le  même  piincipe  de  bâ- 
tisse. Toutes  étaient  élevées  en  chaussées,  dont  la 
base  se  composait  d'une  couche  de  gios  blocs  de 
pierre,  soit  calcaires,  soit  de  grès,  soit  de  granit, 
carrément  taillés  et  profondément  enfoncés  dans  le 
sol. 

Ces  blocs  étaient  quelquefois  liés  entre  eux  par 
du  mortier,  du  plâtre  ou  de  la  chaux,  et  souvent 
même  par  des  crampons  de  fer.  Au-dessus  de  cette 


'  Viœ  principales  Âugustœ,  viœ  militariœ ,  vice  diversoriœ. 
-  Voy.  Ciccron,  pro  Fontejo,  4;  ïacit.,  AgricoL,  34 


250  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

base  inébranlable  était  dans  quelques  cas  piétonnée 
une  couche  de  terre  glaise,  sur  laquelle  reposait  un 
empierrement,  soit  de  gravier,  soit  de  calcaire,  et 
parfois  aussi ,  comme  cela  peut  s'observer  à  Both- 
nang,  dans  le  Wurtemberg,  une  couche  de  sable 
mêlé  de  pierres,  au-dessus  de  laquelle  était  placé  un 
second  pavé,  recouvert  lui-même  d'un  dernier  em- 
pierrement. 

Dans  les  lieux  de  marécage,  le  bois  remplaçait 
quelquefois  ces  matériaux.  La  province  rhétique  con- 
serve encore,  dans  les  environs  d'Agalhazell,  les 
restes  d'une  chaussée  qui  aujourd'hui  est  enfouie 
sous  la  tourbe  qui  la  recouvre,  et  dont  la  base  est 
uniquement  composée  de  troncs  d'arbres  d'un  pied 
et  demi  de  diamètre.  Cette  route,  par  sa  pesanteur, 
s'est  peu  à  peu  enfoncée  dans  le  marais  jusqu'à  trois 
ou  quatre  pieds  de  profondeur  \ 

Ce  qui  distinguait  surtout  ces  chaussées  des  nôtres , 
c'est  leur  tracé  qui  suivait  toujours  les  hauteurs  et 
évitait,  autant  que  possible,  les  vallées.  Quand  elles 
descendaient  forcément  dans  un  vallon,  elles  étaient 
protégées  par  des  fortifications  et  elles  remontaient 
de  suite  sur  les  hauteurs  opposées.  En  cas  de  guerre, 
l'ennemi  ne  pouvait  jamais  y  avancer  sans  être  aperçu^ 
et  elles  servaient  d'un  autre  côté  de  remparts  contre 
leurs  attaques.  Aussi,  dans  quelques  localités,  comme 
cela  eut  lieu  sur  celle  qui  liait  le  Mein  à  la  Gers- 
prinz,  étaient-elles  dans  tout  leur  cours  flanquées  de 
tours  fortes. 

*  Voy.  Kr.  IntelligenzBlatter,  année  1829,  p.  4565  et  1566. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  251 

L'extrême  soliciilé  de  construction  de  toutes  ces 
routes  peut  faire  comprendre  comment»  après  tant 
de  siècles,  elles  existent  encore  si  intactes  dans 
beaucoup  de  parties  de  la  province.  Plusieurs , 
comme  celles  du  Taunus,  comme  celles  de  Vérone 
au  Danube,  furent  sans  doute  construites  par  les  lé- 
gions et  datent  de  la  première  prise  de  possession 
du  pays.  D'autres,  comme  celles  du  Rhin  à  la  cité 
Flaviennedu  Necker,  semblent  plus  particulièrement 
appartenir  au  règne  des  empereurs  de  cette  famille. 
Le  plus  grand  nombre,  et  surtout  celles  de  la  vallée 
du  Rhin,  appartiennent  aux  règnes  des  Antonins, 
alors  que  les  villes  eurent  reçu  tout  leur  développe- 
ment administratif. 


'  Les  dislances  sur  toutes  ces  roules ,  ainsi  que  le  prouvent  les  iti- 
néraires qui  nous  restent,  et  que  nous  l'ont  appris  les  pierres  niilliaires 
du  Rhin ,  dont  nous  avons  eu  occasion  de  parler,  se  comptaient  selon 
les  provinces  qu'elles  parcouraient,  et  souvent  aussi,  par  des  raisons 
qui  nous  sont  inconnues,  tantôt  par  lieues  ou  leuçiœ  de  50  au  degré, 
tantôt  par  milles  romains  d'un  tiers  plus  faibles.  Ces  lieues  ou  leugœ, 
que  les  Romains  adoptèrent  dans  les  pays  où  elles  étaient  en  usage, 
sont  indubitablement  les  mesures  que  donne  la  Table  Théodosienne , 
dans  le  parcours  de  la  célèbre  voie  militaire  qui  reliait  le  Rhin  aux 
camps  de  la  Luna ,  depuis  ce  fleuve ,  au  sud ,  jusqu'à  ces  camps ,  c'est- 
à-dire  dans  le  trajet  qu'elle  faisait  à  travers  la  Germanie  supérieure 
avant  que  la  partie  la  plus  méridionale  de  celte  province  fût  encla- 
vée dans  la  Grande-Séquanaise.  Depuis  ces  camps  jusqu'au  Danube, 
c'est-à-dire  dans  le  parcours  que  la  route  faisait  ensuite  à  travers  la 
province  de  Rhélie,  ces  distances  étaient  comptées  par  milles.  C'est 
grâce  à  cette  manière  d'interpréter  les  chiffres  de  la  Table ,  qui  ne  sont 
point  autrement  indiqués,  que  nous  avons  retrouvé  la  plupart  des  dis- 
tances qui  séparaient  l'une  de  l'autre  les  stations  que  nous  avons  par- 
courues, et  dont  nous  avons  donné  une  exacte  description  dans  notre 
course  archéologique.  Grâce  aussi  à  la  précieuse  mosaïque  de  Rott- 


252  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

C'est  aussi  de  cette  époque  florissante  que  nous 
ont  été  conservés  le  plus  grand  nombre  de  mo- 

weil  et  aux  nombreuses  inscriptions  de  Rottenbourg ,  nous  n'avons  pas 
craint  de  doubler  presque  les  distances  qui  séparaient  ces  deux  villes , 
et  de  suivre ,  sans  nous  arrêter  aux  considérations  de  cbiffres ,  ni  à  la 
direction  de  la  route  mal  indiquée  sur  la  Carte  Théodosienne ,  les  ves- 
tiges que  l'antiquité  avait  pour  ainsi  dire  semés  sous  nos  pas. 

Si  quelque  chose  a  pu  nous  étonner  surtout,  c'est  que  V Itinéraire 
d'Antonin  {V Itinerarium  adnotaturtij  ait  gardé  le  Silence  sur  la  grande 
voie  militaire  qui  reliait  la  ville  des  Flaviens  à  la  florissante  colonie  de 
•Sumlocène ,  ainsi  que  sur  les  autres  voies  qui  parcouraient  les  champs 
décumates  et  qui  reliaient  la  colonie  des  Rauraques  à  la  cité  des  Anlo- 
nins  dans  l'Abnoba ,  tandis  qu'à  une  époque  où  ces  villes  étaient  tom- 
bées au  pouvoir  des  Allemanes ,  et  à  laquelle  les  camps  du  grand  rem- 
part, où  les  monnaies  seules  de  Constance  et  de  Constantin  prouvent ,  à 
cette  période  de  l'histoire ,  la  présence  des  cohortes  dans  ces  murs, 
devaient  être  aussi  en  grande  partie  détruits ,  la  Table  Théodosienne 
ou  V  Itinerarium  pictum,  sans  menûonner  les  routes  du  Rhin,  a  cité 
cependant  celle  qui  établissait  une  communication  entre  ces  camps. 

Ne  faudrait -il  pas  penser  dès  lors  que  l'Itinéraire  d'Antonin  a  été 
rédigé  avant  que  ces  voies  aient  reçu  le  titre  de  voies  Augustes,  et 
que  la  Table  routière  a  primitivement  été  tracée  à  une  époque  où  les 
camps  du  grand  rempart  étaient  encore  florissants;  mais  que,  comme 
sous  Constantin  on  ajouta,  ainsi  qu'il  est  évident,  à  Y  Itinéraire,  qui, 
souvent,  cite  des  positions  qui  datent  d'une  époque  postérieure  à  sa 
première  rédaction ,  on  ajouta ,  sous  Théodose ,  à  la  Table  routière ,  dont 
nous  ne  connaissons  point  au  juste  l'origine ,  et  qu'on  y  intercala ,  d'un 
côté, les  positions  des  camps  qui  évidemment  datent  de  l'époque  où  les 
barbares  menaçaient  sous  ce  règne  le  Danube,  et  que,  de  l'autre,  on 
conserva  les  positions  de  la  rive  gauche  du  fleuve,  auxquelles  Rome 
n'avait  point  encore  renoncé,  et  sur  lesquelles  peut-être  elle  méditait 
alors  des  pensées  de  conquête  qu'elle  était  loin  de  pouvoir  réaliser. 

C'est  à  cette  circonstance  sans  doute  qu'on  doit  de  trouver  sur  celte 
carte  qui,  à  n'en  point  douter,  date  du  quatrième  siècle ,  les  positions  de 
celte  époqueelcelles  desépoques  antérieures,  c'esl-à-dire  des  Ântonins 
elde  la  famille  Conslanline.  Les  matériaux  qui  ont  servi  à  la  carte  ma- 
iiuscrite,  qui  seule  nous  est  parvenue,  n'existent  plus.  La  carie  telle 
que  nous  la  possédons  a  été  faite  par  quelque  scribe  (moine  ou  autre)  du 


DU  RHIN  ET  nu  DANUBE.  253 

numents  et  d'objets  d'art  dans  le  sud -ouest  de  l'Al- 
lemagne. 

Les  différentes  dates  des  inscriptions  que  nous 
avons  rapportées, descendent  toutes  plus  ou  moins, 
sur  le  Mein,  sur  l'Odenwald  et  sur  le  Taunus,  jus- 
qu'en 246  de  Jésus -Christ.  C'est  cette  dernière  date 
que  nous  trouvons  aussi  au  nord  sur  la  Wied. 

La  dernière  inscription  trouvée  à  Cassel,  vis-à-vis 
de  Mayence,  était  de  255. 

Dans  toute  la  vallée  du  Rhin  et  sur  le  Necker,  nulle 
inscription  n'a  plus  été  gravée  sur  les  pierres  que 

treizième  siècle  (on  veut  même  que  ce  moine  ait  été  de  Colmar),  d'a- 
près une  carte  plus  antique,  sur  laquelle  il  a  lui-même  brodé,  et  au  texte 
de  laquelle  il  s'est  permis  plus  d'une  interpolation.  On  sent  combien  un 
tel  monument  doit  contenir  d'erreurs.  Mais  l'on  a  outrepassé  l'esprit  de 
critique,  lorsqu'on  a  voulu,  d'un  autre  côté,  révoquer  en  doute  l'au- 
thenticité du  document  antique  qui  lui  a  servi  de  base,  et  qu'on  a  voulu 
considérer  toute  la  facture  de  la  carte  comme  une  œuvre  du  moyen 
âge. 

Les  inscriptions  que  nous  avons  retrouvées  à  Sumlocène,  qui  est  in- 
diqué sur  la  Table  comme  une  ville  de  premier  rang,  et  les  noms  des 
stations,  qu'en  partant  de  cette  localité  nous  avons  presque  tous  re- 
trouvés, ne  permettent  point  un  tel  soupçon.  D'ailleurs,  il  est  cer- 
tain que  les  Romains,  déjà  du  temps  d'Auguste,  mesurèrent  les  pro- 
vinces de  l'Empire,  et  conséquemment  les  distances  qui  séparaient 
une  ville  de  l'autre. 

On  en  a  un  exemple  dans  le  tableau  qu'Agrippa  fit  placer  sous  le 
portique  de  son  palais ,  et  qui  probablement  a  été  gravé  sur  le  bronze 
ou  le  marbre.  Sous  Tbéodose-le-Grand  ces  mesures  furent  renouve- 
lées, ainsi  que  nous  l'atteste  un  auteur  du  neuvième  siècle,  d'après 
de  plus  vieux  documents.  Il  est  probable  qu'à  cette  époque  aussi  fut 
remaniée ,  avec  ces  nouvelles  mesures ,  la  carte  qui  nous  occupe ,  et 
qui  était  du  genre  de  celles  qu'on  donnait  aux  chefs  d'armées  pour  les 
guider  dans  le  parcours  des  diverses  roules  qu'ils  devaient  suivre  et 
leur  fournir  les  noms  des  lieux  d'étapes  avec  l'indication  des  distances. 


254  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

nous  avons  vues  passé  l'an  237,  excepté  dans  la  co- 
lonie de  Sumlocène  où,  en  250,  les  Romains  se  sou- 
tenaient encore. 

Entre  le  grand  rempart  et  le  Danube,  une  pierre 
fut  élevée  dans  le  val  de  la  Lontel  à  l'empereur  Gal- 
lien,  entre  les  années  257  et  267. 

Dans  la  Vindélicie,  c'est  jusqu'au  quatrième  siècle 
que  ces  inscriptions  descendent. 

Toutes  ressemblent  pour  le  style,  la  plupart  du 
temps  elliptique,  à  celles  qui  recouvrent  les  monu- 
ments de  la  Gaule,  de  la  Bretagne,  de  tous  les  pays 
barbares  où  les  Romains  pénétrèrent ^ 

La  plupart  de  ces  autels  sont  assez  grossièrement 
taillés,  quoique  parfois  aussi  Ton  en  rencontre  dont 
le  travail  et  les  sculptures  prouvent  en  faveur  de 
l'artiste  qui  les  exécuta. 

De  toutes  les  statues  des  dieux,  celles  de  Mercure 
sont  les  plus  fréquentes. 

Les  autres  figures  de  divinités  le  plus  souvent  re- 
présentées sont  celles  d'Hercule,  de  Pallas,  de  Diane, 
de  Vesla,  de  Maïa,  de  la  Victoire,  de  Vénus,  de  Vul- 
cain,  de  Saturne  et  de  Neptune,  ainsi  que  celles 

'  J'ai  la  plupart  du  temps  soigneusement  conservé  le  style  lapidaire 
dans  les  explications  que  j'ai  données  des  inscriptions ,  afin  de  ne  rien 
ôter  à  l'intérêt  qu'elles  présentent  sous  le  rapport  philologique.  Cepen- 
dant je  me  suis  abstenu  de  tous  les  détails  de  critique  qui  n'entraient 
point  dans  le  cadre  de  mon  ouvrage.  Quelquefois  j'ai  rempli  les  ellipses 
des  inscriptions;  d'autres  fois,  où  malgré  ces  ellipses  l'inscription 
pouvait  être  comprise ,  je  les  ai  laissé  subsister.  Du  reste ,  pour  l'homme 
qui  ne  s'est  point  occupé  de  cette  partie  de  la  science,  je  le  renvoie 
aux  judicieuses  observations  que  feu  M.  Letronne  a  insérées,  en  1850, 
dans  la  Revue  archéologique  (livr.  de  juillet). 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  255 

(les  matrones;  on  les  trouve  tantôt  taillées  dans  le 
marbre,  tantôt  dans  le  grès  ou  d'autres  pierres. 

D'après  les  inscriptions  qui  nous  restent,  on  voit 
que  Rome  avait  transporté  au  delà  du  Rhin  toute  la 
pompe ,  toutes  les  cérémonies  de  son  culte.  Ses  grands 
dieux  y  eurent  des  temples  et  des  autels.  Tous  les 
dieux  secondaires,  ceux  des  fleuves  et  des  mon- 
tagnes, ceux  des  carrefours,  les  dieux  des  moissons 
et  des  forêts,  les  génies  protecteurs,  y  furent  partout 
adorés. 

Avec  eux  apparaissent  les  dieux  gaulois,  non  point 
tels  qu'ils  furent  primitivement  invoqués  dans  les 
forêts  sauvages  où  le  druide  avait  établi  ses  mystères 
et  où  il  fit  ruisseler  de  sang  humain  leurs  autels, 
implacables  et  terribles,  mais  appropriés  aux  mœurs 
plus  polies  que  la  civilisation  de  Rome  avait  apportées 
dans  la  Gaule,  et  assimilés  dès  lors  aux  dieux  mêmes 
du  grand  peuple. 

Les  Romains  trouvèrent  établi  chez  les  Gaulois  le 
culte  de  Tentâtes,  de  Taranis  et  d'Hésus.  Ils  compa- 
rèrent la  première  de  ces  divinités,  la  principale  des 
peuples  celtiques,  à  leur  dieu  Mercure,  inventeur 
de  tous  les  arts,  et  présidant  au  commerce  et  aux 
communications.  Le  dieu  Taranis  fut  leur  Jupiter. 
Ilésus,  le  dieu  qui  présidait  aux  combats,  fut  assimilé 
au  dieu  Mars. 

A  mesure-que  le  culte  druidique  s'affaiblit,  que  la 
langue  romaine  devint  plus  générale,  les  noms  ro- 
mains de  ces  divinités  furent  aussi  plus  généralement 
adoptés. 

Les   colons   gaulois   qui  vinrent  s'établir  sur  le 


256  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Mein  et  sur  le  Necker,  portèrent  avec  eux  la  religion 
moins  sanglante  que  Rome  leur  avait  fait  prendre, 
et  ils  élevèrent  partout  à  leur  dieu  Mercure  des  statues 
dont  le  manque  des  parties  qui  constituent  le  sexe 
est  significatif,  car  on  sait  que  c'est  un  des  caractères 
distinctifs  du  Mercure  gaulois.  Ils  lui  donnèrent  par- 
fois même  un  nom  local  qui  rappelait  l'endroit  où, 
dans  la  Gaule;  son  culte  était  surtout  célèbre.  Ils  éle- 
vèrent aussi  des  statues  et  des  autels  à  Jupiter,  en 
l'invoquant  sous  le  nom  de  Taramicnus ,  qui  rappelle 
l'antique  culte  de  Taranis.  Ils  invoquèrent  le  dieu 
Mars  qu'on  adorait  aussi  dans  la  Gaule,  et  auquel, 
pour  le  distinguer  du  dieu  Mars  romain,  on  ajouta 
le  surnom  de  la  province  d'où  son  culte  avait  été  ap- 
porté'. 

Il  en  fut  de  même  du  culte  des  matrones  que  nous 
trouvons  établi  sur  le  Rhin,  sur  le  Mein,  sur  le  Xecker 
et  sur  le  Danube.  C'était  un  culte  celtique,  le  culte 
des  fées,  né  des  mystères  du  druidisme,  où  les  prê- 
tresses jouèrent  un  si  grand  rôle.  Avec  les  colons  que 
les  Romains  entraînèrent  à  leur  suite  au  delà  du 
Rhin,  ce  culte  fut  implanté  partout  où  ils  s'arrê- 
tèrent. 

Partout  dans  les  possessions  romaines  d'outre-Rhin 
nous  trouvons  ces  génies  mystérieux  cités  sous  les 
noms  de  Deœ  Maires,  de  Malrœ,  de  Mairœ,  de  Ma- 
tronœ,de  Campesires^et  aussi  sous  ceux  de  Dominœ, 
de  Junones,  de  Nymphœ,  de  Herœ,  de  Sulevœ,  de 


'  Ainsi  nous  avons  vu  une  inscripUon  du  dieu  Mars  Caturix ,  l.  i , 
p.  262. 


DU  «HIN  ET  DU  DANUBE.  257 

5î///œ,  présidant,  selon  ces  noms  différents  et  leurs 
attributs,  aux  moissons,  aux  troupeaux,  aux  forêts, 
à  l'éducation  et  aux  destins  des  hommes  et  des  ani- 
maux. Leur  influence  bienfaitrice  s'étendait  tantôt  sur 
toute  une  contrée ,  comme  celle  des  matrones  des  Pan- 
noniens,  des  Dalmates,  des  Gaules,  invoquées  dans 
ces  différentes  régions  où  des  inscriptions  nous  les 
font  connaître,  tantôt  sur  le  rayon  d'une  simple  com- 
mune, d'une  forêt,  d'un  hameau.  Alors,  déesses  lo- 
cales, elles  prenaient  les  noms  de  ces  locali  tés  mêmes; 
comme  telles  nous  apparaissent  les  Malronœ  Gabiœ, 
Aumenaienœ,  Malvisiœ,  Elraienœ,  AUiœnœ ,  Treverœ 
et  Nehiahenœ;  sous  ces  deux  derniers  noms  elles 
se  sont  présentées  à  nous  à  Xanten  et  à  Neiden- 
slein^ 

Sur  tous  les  bas-reliefs  que  j'ai  eu  occasion  de  voir, 


'  Il  est  incontestable  que  le  nom  de  iVeiden*<em  vient,  comme  nous 
l'avons  avancé  (p.  217  du  1. 1  de  ce  Mémoire]  du  nom  celtique  de  Ne- 
liiaha,  que  devait  porter  pendant  les  périodes  celtique  et  romaine  le 
lieu  moderne  où  l'inscription  qui  parle  des  matrones  de  Nehiaha  a  été 
trouvée.  La  pierre  qui  la  supporte ,  et  qui  fut  dédiée  à  ces  déesses  par 
Julius  Veranus  Superior,  est  encore  aujourd'hui  murée  dans  l'église  du 
lieu.  Plusieurs  localités  dans  les  provinces  rhénanes  ont  conservé  jus- 
qu'aujourd'hui les  noms  que  portaient  les  matrones  dans  ces  mêmes 
localités  (voy.  à  ce  sujet  les  Rkeinlàndiscken  Jahrbucher).  Il  en  a  été 
de  même  à  Neidenstein ,  où  probablement  les  premiers  colons  qui  y 
bâtirent  leurs  demeures,  portèrent  avec  eux  le  culte  des  Nekœ  ou  .Ye- 
kalœ  qui ,  ainsi  que  Nehalennia ,  la  Druis  antistita ,  maniaient  la  longue 
quenouille  (voy.,  sur  ces  divinités,  Keyssler,  Antiq.  sep.,  p.  263  et  sv., 
378etsv.,et  423  et  sv.;  Boxhorn,  De  Dea  Nehalennia,  etc.).  Le  bourg 
lui-même  aura  pris  le  nom  de. ces  divinités,  qui  en  devinrent  les 
déesses  locales ,  comme  nous  l'a  prouvé  le  surnom  de  Nehahenœ , 
qu'elles  y  portent  sur  l'inscription.  Voy.,  sur  les  fées   en   général, 

II.  '' 


258  ÉTABLISSEMENTS  UOMAINS 

c'est  toujours  au  nonibie  de  trois  que  ces  déesses 
sont  représentées.  Si  ce  sont  les  fruits  des  campagnes 
qu'elles  étaient  appelées  à  protéger,  des  épis  ou  des 
rameaux  sont  presque  toujours  répandus  sur  leurs 
girons;  si  ce  sont  les  forêts  (auxquelles  elles  pré- 
sidaient sous  le  nom  de  Sulèves,  ou  compagnes  du 
dieu  Sylvain),  des  pommes  de  pin  forment  leurs  attri- 
buts. Présidaient -elles  aux  jardins,  alors  les  fruits 
des  arbres  remplissent  le  paniei'  que  soutient  une 
de  leurs  mains.  Du  reste,  ces  attributs  changent 
ou  sont  simultanément  donnés  à  l'une  ou  l'autre  de 
ces  divinités,  selon  que,  sous  leur  tutelle,  on  plaçait 
les  jardins^  les  campagnes,  les  forêts,  ou  qu'on  im- 
plorait leur  protection  pour  tous  ces  lieux  réunis. 
Et  ce  qui  prouve  que  sous  les  divers  noms  qu'on  leur 
donnait,  la  protection  qu'on  en  attendait  était  autre, 
c'est  que  le  titre  de  matrones  est  souvent  uni  à  celui 
de  déesses-mères^  ou  h  celui  de  Sulèves,  et  qu'on 
trouve  l'un  et  l'autre  inscrits  sur  les  mêmes  pierres. 
Ce  culte  était  surtout  répandu  dans  1  île  de  Bre- 
tagne et  dans  la  Gaule,  d'où  il  passa  en  Espagne, 
en  Italie,  et  jusqu'en  Pannonie,  c'est-à-dire  partout 
où  des  colons  des  provinces  romaines  de  l'Ouest  et 
d'origine  celtique  suivirent  les  légions. 


Schreiber,  Taschenbuch  fur  Geschtchte  und  Allerthum  in  Siid-Deutsch- 
land,  année  1846,  et  sur  les  matrones,  Martin,  Religion  des  Gaulois, 
t.  Il,  p.  I'i7-199;  Monlfaiicon,  Supplément  à  l'antiquité  expliquée, 
t.  I,  p.  235-237,  pi.  85;  Lamey,  Actt.  Acad.  Tlieod.  Pal.,  t.  vi,  Hist., 
p.  62-78;  Mone,  Gescldchte  des  Heidentkums,  (.  ii,  p  396-399;  Ban- 
nier,  Sur  les  déesses-mères ._  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  Ins- 
criptions, t.  VII ,  p.  34  et  sv.,  etc. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  259 

La  même  religion  que  la  civilisation  romaine  avait 
introduite  dans  la  Gaule  fut  donc  celle  des  provinces 
du  Rhin  pendant  tout  le  temps  que  les  légions  s'y 
maintinrent. 

Déjà  avant  leur  arrivée  dans  la  Vindélicie,  le  culte 
d'isis  y  avait  été  transporté.  Comment  et  par  qui  il  y 
fut  répandu ,  c'est  ce  qu'il  ne  nous  est  pas  donné  de 
découvrir;  on  peut  seulement  présumer  qu'il  y  fut 
introduit  en  même  temps  que^  par  la  colonie  pho- 
céenne de  Marseille,  il  se  propagea  dans  la  Gaule 
méridionale. 

Sous  le  règne  d'Adrien ,  la  secte  de  Milhra  bâtit  des 
temples  sur  le  Mein  ,  sur  le  xXecker  et  sur  le  Danube. 
Déjà  ses  mystérieuses  doctrines  avaient  commencé 
à  pénétrer  en  Italie,  vers  l'an  687  de  Rome,  pendant 
la  guerre  des  pirates;  leurs  progrès,  au  delà  du  Rhin, 
furent  d'autant  plus  rapides  que  les  légions  qui  y 
étaient  cantonnées  lecélaient  dans  leur  sein  un  plus 
grand  nombre  d'Orientaux,  sans  doute  initiés  à  ces 
mystères. 

J'ai  signalé  dans  ma  course  archéologique  les  diffé- 
lents  bas-reliefs  trouvés  dans  la  province,  qui  re- 
pi'ésentent  ledieu  Mithrasur  le  taureau  qu'il  égorge, 
pour  désigner  la  force  du  soleil  lorsqu'il  entre  dans 
ce  signe. 

Si  sous  le  rapport  de  l'art  ces  bas -reliefs  n'offrent 
rien  de  remarquable,  ils  sont  d'autant  plus  intéres- 
sants pour  l'histoire  religieuse  de  ces  contrées,  que 
la  manière  dont  le  dieu  est  représenté  semble  attester 
une  union  intime  du  culte  persan  et  du  culte  phry- 
gien. 

II.  "• 


260  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Déjà  à  une  époque  antérieure,  Jupiter  Dolichène, 
représenté  de  même  sur  le  taureau  comme  dieu  So- 
leiP,  et  Jupiter  Sérapis  ou  Égyptien,  avaient  égale- 
ment eu  des  autels  sur  le  Mein  et  sur  l'Abnoba. 

Ces  deux  cultes  y  furent  sans  doute  apportés  par 
les  légions  qui  de  la  Syrie  et  de  l'Egypte  furent  en- 
voyées sur  le  Rhin. 

Ce  fut  avec  la  propagation  des  idées  mythiques 
attachées  au  culte  de  Sérapis  et  d  Isis,  que  la  semaine 
ou  nombre  de  sept  journées,  consacrées  h  cha- 
cune des  sept  planètes  connues  des  anciens ,  semble 
avoir  été  introduite  dans  lEinpire.  Dion  Cassius  est 
le  premier  des  écrivains  de  Rome  qui,  à  l'occasion 
du  sabbat  des  juifs,  parle  d'une  telle  période  de 
jours  ^. 

Commode  avait,  comme  on  sait,  joué  un  rôle 
sacerdotal  dans  les  mystères  de  ces  deux  divinités. 
Il  est  présumable  que  ce  fut  sous  le  règne  de  ce  prince 
que  la  période  hebdomadaire  commença  à  être 
adoptée.  Ce  ne  fut  que  sous  Alexandre  Sévère  que 
cette  supputation  de  temps  fut  généralement  mise 
en  usage. 

Dion  explique  de  deux  manières  le  rang  qu'oc- 
cupent les  sept  planètes. 

D'abord  par  le  mouvement  visible  du  ciel  et  par 

'  .  .0  01  (ZeÙç)  xaupotdiv  loÉ^ETai.  Lucien,  §31,  p.  448.  C'esl  ainsi , 
conuiie  nous  l'avons  vu  dans  le  l*^'  vol.  de  ce  Mémoire,  p.  300,  qu'il 
est  représenté  dans  le  cabinet  de  Stuttgart,  excepté  que,  pour  mieux 
l'assimiler  au  Jupiter  des  Romains,  l'artiste  a  sous  le  taureau  déployé 
l'aigle  qui  lui  était  consacré  dans  leur  mythologie. 

-  Dion.  Cassius,  Uist.  rom.,  xxxvi ,  18. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  261 

l'harmonie  des  sphères  planétaires,  explication  inys- 
tique  sur  hiquelle  il  s  étend  longnenient,  et  dont 
il  est  facile  de  reconnaître  l'origine  égyptienne,  et 
ensuite  par  le  rapport  que  les  sept  premières  heures 
de  la  journée  ont  avec  les  sept  jours  de  la  semaine, 
explication  qu'il  est  plus  facile  de  comprendre. 

«On  compte,  dit-il,  les  heures  du  jour  et  de  la 
«  nuit  à  commencer  par  la  première  que  l'on  attribue 
«h  Saturne;  la  seconde  l'est  à  Jupiter;  la  troisième 
«l'est  à  Mars;laquatrième,  au  Soleil;  la  cinquième,  à 
«Vénus;  la  sixième,  à  Mercure,  et  la  septième,  à  la 
«  Lune.  C  est  Tordre  que  les  Égyptiens  lui  assignent 
«  dans  le  grand  cercle.  Si  l'on  continue  à  compter 
«jusqu'à  vingt-quatre,  la  première  heure  du  lende- 
«  main  sera  consacrée  au  Soleil.  Ensuivant  le  même 
«mode  pour  les  autres  vingt-quatre  heures,  la  pre- 
«mière  heure  du  troisième  jour  désignera  la  Lune; 
«  et  ainsi  de  suite  chaque  jour  recevra  son  rang  d'a- 
«  près  ce  simple  calcul.» 

Cette  dernière  explication  n'a  pas  besoin  de  com- 
mentaire. 

On  dressa  des  autels  à  ces  divinités  planétaires, 
dont  l'influence  sexerçait  sur  tous  les  jours  de  la 
vie. 

Sur  les  quatre  faces  du  pied  d'un  autel  trouvé  dans 
les  décombres  de  Cassel,  se  montrent,  sur  la  pre- 
mière, la  figure  de  Junon,  tenant  le  sceptre  d'une 
main,  et  de  l'autre  la  coupe  du  sacrifice  dont  elle 
alimente  le  feu  sacré;  sur  la  seconde,  celle  de  Mi- 
nerve, telle  qu'elle  est  ordinairement  représentée; 
ensuite  celle  d'Hercule,  et  enfin  celle  de  Mercure. 


262  ÉTABLISSEiMEiNTS  ROMAINS 

Ces  quatre  diviniiës  résument  toute  la  vie  humaine, 
dont  il  semble  que  la  religion  se  soit  emparée  comme 
d'une  allégorie.  Junon,  toute-puissante,  préside  à  la 
naissance  de  Ihomme  et  le  conduit  en  ce  monde;  la 
déesse  de  la  sagesse  éveille  et  ennoblit  son  génie; 
Hercule  lui  donne  la  force  et  la  santé;  Mercure  enfin 
préside  à  ses  derniers  moments  et  le  conduit  dans 
l'empire  des  ombres. 

Heureux  l'homme  auquel,  à  toutes  les  heures  de 
son  existence,  ces  divinités  étaient  propices! 

Pour  rendre  l'allégorie  plus  complète,  les  figures 
des  sept  dieux  planétaires  ou  de  la  semaine  ornent 
le  couronnement  à  huit  pans  de  lautel.  Sur  le  hui- 
tième est  écrite  celte  comte  inscription  :  En  Vhon- 
neur  de  la  famille  impériale  \ 

C'est  une  prière  muette,  adressée  au  ciel,  afin  de 
demander,  pour  chacun  des  jours  de  cette  vie,  pro- 
tection, salut,  force  et  bénédiction. 

Un  autel  du  même  genre,  mais  plus  petit,  fut  trouvé 
h  Mayence;  un  autre  dans  la  vallée  du  Jaxt;  un  autre 
encore  à  Godramslein.  Sur  tous,  c'est  par  le  samedi 
que  la  semaine  commence,  conformément  au  rite 
égyptien,  et  à  l'opposé  de  la  coutume  des  Juifs,  dont 
ce  jour,  au  contraire^  la  terminait.  Leur  existence, 
dans  les  pays  du  Rhin,  est  d'autant  plus  digne  de 

'  IN 

H 
D.     D. 

lu  konorem  domus  divinœ. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  263 

nous  intéresser  que  c'est  jusqu'ici  la  seule  contrée 
(lu  monde  lomain  où  ce  genre  de  monument  ail  été 
rencontré. 

Ainsi,  sur  ce  sol  réputé  barbare,  furent  implantés 
les  dogmes  religieux  de  toutes  les  civilisations.  A 
mesure  que  les  peuples  étrangers  furent  incorporés 
dans  l'Empire,  leurs  dieux  furent  presque  toujours 
adoptés.  C'était  par  un  décret  spécial  du  sénat  que 
cette  adoption  avait  lieu^ 

Les  Romains  regardaient  la  religion  comme  une 
chose  qui  appartenait  à  la  nation.  Aussi  laissèrent-ils 
à  chaque  peuple  ses  usages,  et  la  loi  défendit -elle 
seulement,  non  pour  cette  nation  de  s'y  conformer, 
mais  par  de  nouvelles  doctrines  de  s'élever  contre 
les  dieux  de  1  Empire.  C'est  ce  qui  fit  prohiber  le 
judaïsme '^  dont  le  spiritualisme  n'admettait  point 
d'autres  dieux  que  le  sien,  et  ce  qui  surtout  mit  en 
dehors  de  la  loi  la  secte  des  chrétiens^  qui,  s'élevant 
contre  l'idolâtrie  païenne,  renversèrent  dans  leur 
enthousiasme  religieux  ses  autels  et  attirèrent  sur  eux 
la  persécution. 

Cette  secte,  au  delà  du  Rhin,  n'a  point  laissé  de 
souvenirs. 

Ni  dans  la  grande  vallée,  ni  dans  celle  du  Necker, 
ni  sur  le  Mein,  ni  sur  l'Odenwald  ,  ni  dans  l'Abnoba, 
ni  sur  le  Danube,  n'a  été  trouvée  une  seule  inscrip- 

^  Livius,  1.  IV,  c.  30;  1.  xxv,  c.  1;  1.  xxxix ,  c.  16;  Cicéron  ,  De 
leg.,  1.  II,  c.  8. 

2  Sparlian.,  Sever.,  17  ;  Paul.,  Sent,  rec,  v,  22,  §  3  cl  -4. 
^  Tacite,  Ann.,  1.  XV,  c.  44;  Sparlian.,  Sever..  17. 


264  ÉTABLISSEMEINTS  ROMAINS 

lion  qui  prouve  que  le  christianisme  y  ait  fait  des 
progrès. 

La  Vindélicie  elle-même,  cette  province  qui  resta 
romaine  jusque  sous  le  règne  de  Valentinienll  inté- 
gralement', lorsque  déjà  depuis  plus  d'un  demi-siècle 
la  croix  avait  remplacé  sur  les  étendards  de  l'Empire 
l'aigle  de  Jupiter,  ne  nous  a  point  oiïert  de  monu- 
ments chrétiens. 

Quoiqu'il  soit  présumable  que,  dans  les  derniers 
temps  de  l'occupation  romaine,  le  christianisme  y 
ait  eu  des  sectateurs,  on  ne  peut  cependant  admettre 
avec  quelques  écrivains  enthousiastes  que  déjà  au 
troisième  siècle  une  communion  chrétienne  y  ait  été 
établie.  Rien  sur  le  Danube  n'atteste  I  implantation  de 
ceculte,  dont  au  contraire  nous  trouvons  des  preuves 
évidentes  dans  les  inscriptions  de  la  rive  gauche  du 
Rhin,  à  Cologne,  à  Bonn,  à  Trêves,  et  dans  d'autres 
cités. 

Ce  ne  fut  que  sous  l'empire  des  Francs  que  le 
paganisme  y  fut  renversé,  et  que,  sur  les  décombres 
des  temples  dédiés  aux  divinités  présidant  aux  di- 
verses fonctions  de  la  nature,  les  églises  des  chrétiens 
s'élevèrent. 

Ces  temples  furent  en  grand  nombre,  ainsi  que 
l'ont  prouvé  leurs  vestiges  et  leurs  inscriptions.  Ceux 
qui  desservirent  leurs  autels  durent  être  non  moins 
nombreux. 

Il  faut  compter  à  côté  d'eux  les  pragmatiques 
sacerdotaux,  mythologues  instruits  dans  toutes  les 

'  Nons  avons  vu  du  moins  la  Notice  de  l'Empire,  à  la  lin  ilu  qua- 
liiènu;  siècle  ,  y  i)lacor  parlout  des  [,'arnisons. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBK.  265 

sublililés  des  différenls  culles  et  qui  présidaient  aux 
sacrifices  domestiques',  et  les  séviis  auguslaliens, 
sorte  de  prêtres  honorifiques,  qui  dans  les  princi- 
pales villes  foimaient  un  collège  de  six  membres  se 
vouant  au  culte  des  empereurs  déifiés. 

Ainsi ,  pour  me  résumer,  l'administration  religieuse 
fut  non  moins  que  l'administration  civile  exactement 
semblable  à  celle  de  la  rive  gauche  du  Rhin. 

Pour  contenir,  non  la  population  qui,  composée 
en  grande  partie  de  vétérans,  eut  intérêt  à  ce  que 
l'ordre  de  choses  établi  se  maintînt,  mais  les  nations 
germaines  voisines  du  grand  rempart,  Rome  tira  un 
cordon  de  troupes  tout  le  long  de  cette  frontière,  et 
en  répandit  d'autres  dans  les  diverses  villes  intérieures 
de  la  province. 

Sous  Alexandre  Sévère,  beaucoup  de  ces  vétérans 
reçurent  des  terres  à  bail  héréditaire.  C'était  une  es- 
pèce de  fief  militaire  qui  leur  fut  donné  pour  récom- 
penser leurs  services,  à  la  condition  cependant  que 
leurs  fils  seraient  soldats^  Ces  colons  militaires  s'u- 
nirent parfois  à  des  femmes  germaines  et  gauloises, 
résidant  dans  le  pays,  et  leurs  descendants  en  cette 
qualité  prirent  à  la  fois  le  titre  de  citoyens  romains 
et  de  citoyens  de  la  tribu  dont  leur  mère  était  issue; 
circonstance  dont  nous  avons  eu  occasion  de  citei- 
quelques  exemples  en  lisant  les  inscriptions  du 
Taunus. 


'  Pline,  Ilist.  nat.,  1.  xxviiF,  c.  3.  Voy.  ci-avant,  t.  i,  p.  320,  les 
inscriptions  de  Casscl. 

2  Lainprid.,  in  Severo  Alexand  ,  58. 


266  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Lorsque  plus  tard  les  Romains  furent  chassés , 
beaucoup  de  ces  demeures  conservèrent  leur  inté- 
grité, soit  que  leurs  propriétaires  en  eussent  été  laissés 
paisibles  possesseurs,  soit  que,  pour  récompenser  des 
services  analogues,  les  nouveaux  conquérants  les 
eussent  données  à  leur  noblesse.  Nous  les  trouvons 
encore  intactes  sous  l'empire  des  Francs,  et  men- 
tionnées sous  le  nom  de  Beunengûter,  c'est-à-dire  de 
domaines  fermés,  en  opposition  des  Builengûler\ 
c'est-à-dire  des  domaines  ouverts,  à  la  possession 
desquels  chacun  pouvait  prétendre  par  achat.  Les 
premiers  appartenaient  à  la  couronne  et,  comme 
domaine  de  l'État^,  étaient  donnés  par  les  princes 
francs  en  bénéfices.  Ils  furent  surtout  en  grand 
nombre  sur  le  Mein  et  sur  le  Taunus,  parce  que  là 
principalement  la  disposition  d'Alexandre  Sévère 
semble  avoir  reçu  sa  sanction  la  plus  étendue.  Les 
militaires  auxquels  ce  partage  de  terres  fut  fait, 
étaient  des  vétérans  légionnaires  ou  cohortales. 

Les  légions  romaines  dont  les  inscriptions  attestent 
leur  présence  prolongée  au  delà  du  Rhin  et  sur  le  Haut- 
Danube,  sont  la  troisième  italique,  la  quatrième,  la 
cinquième ,  la  septième ,  la  huitième ,  du  surnom  à' Au- 
guste, la  onzième,  la  quatorzième,  la  vingt  et  unième  et 
la  vingt-deuxième.  La  troisième,  formée  au  deuxième 
siècle  dans  la  Rhétie,  resta  toujours  dans  cette  pro- 
vince jusqu'aux  derniers  temps  de  l'occupation  ro- 
maine. La  huitième,  la  onzième  et  la  vingt-deuxième 


•  Des  deux  vieux  mots  binncn  (intra)  el  biiiten  {extra). 
-  Posscssioncs  regiœ. 


DL  lUHN  ET  DU  DANUBE.  267 

siirtoul  onl  laissé  le  plus  de  souvenirs  sur  le  Tau- 
nus,  sur  le  Mein,  sur  le  Necker  et  clans  tout  l'Ab- 
noba. 

C'étaient,  avec  les  légions  du  Khinet  du  nord  de  la 
Germanie,  les  troupes  de  l'Empire  qui  avaient  la  re- 
nommée la  mieux  acquise.  Aguerries  contre  des 
peuples  belliqueux  et  forts,  elles  étaient  fières  elles- 
mêmes  de  cette  valeur  dont  elles  avaient  donné  des 
preuves  dans  cent  combats.  Elles  regardaient  comme 
inférieures  à  elles  les  auties  légions  postées  dans 
des  climats  moins  rudes  et  en  présence  de  peuples 
efféminés'.  Cette  supériorité  dont  elles  avaient  la 
conscience,  les  rendait  l'objet  de  la  jalousie  de  ces 
dernières^. 

Ce  qui  contribua  beaucoup  à  entretenir  la  crainte 
qu'elles  inspiraient,  ce  fut  le  grand  nombre  de 
Germains  qui  y  furent  incorporés,  et  dont  la  haute 
stature,  la  voix  puissante,  étaient  devenues  pro- 
verbiales. Beaucoup  d'entre  eux  s'élevèrent  même 
aux  premières  dignités  militaires;  nous  voyons,  sous 
Aurélien,  figurer  parmi  les  généraux  romains  un 
Hartemond,  un  Heldegaste,  un  Hildemond,  un  Ca- 
riovisque^  circonstance  qui ,  du  reste,  ne  doit  pas 
étonner,  si  l'on  songe  que  Maximin  lui-même,  qui 
revêtit  la  pourpre  impériale,  était  Golh  de  nation,  et 
né  en  Thrace  d'une  mère  alane. 

Les  légions  qui  dans  le  principen'étaientcomposées 

•  Vopiscus,  Aurel.,  7. 
-  Tacite,  Hist.,  i,  c.  80. 
^  Vopiscus,  Aurel.,  M. 


268  ÉTABLISSEMENTS  UOMAINS 

que  de  citoyens  romains,  le  furent  donc,  sous  les 
empereurs,  de  soldats  enrôlés  dans  toutes  les  con- 
trées. 

Les  inscriptions  que  nous  avons  eu  occasion  de  lire, 
nous  ont  offert  des  noms  de  toutes  les  parties  du 
monde:  de  l'Afrique,  des  rives  de  la  mer  Noire,  de 
la  Pannonie,  de  l'Asie-Mineure.  Des  cohortes  d'étran- 
gers et  de  provinciaux  leur  furent  adjointes  comme 
auxiliaires.  Marc  Aurèle  alla  jusqu'à  prendre  à  sa 
solde  des  tiibus entières  de  Germains  qu'il  tit  com- 
battre contre  les  Germains  ses  ennemis  \  et  dont  la 
première  cohorte  a  laissé  deux  de  ses  inscriptions  à 
Jaxthausen  et  à  Olnhausen^. 

Toutes  les  troupes  étrangères  que  nous  avons  vues 
postées  au  delà  du  Rhin  furent  prises,  du  reste, 
parmi  les  peuples  renommés  pour  étie  les  meilleurs 
soldats. 

D'après  la  récapitulation  de  nos  inscriptions  et  des 
autres  d'un  moindre  intérêt  que  nous  avons  passées 
sous  silence,  ce  fut  pour  l'infanterie  une  cohorte  de  Dal- 
mates  et  une  autre  d  Asturiens,  nation  qui  passait  pour 
la  plus  belliqueuse  de  toutes  les  Espagnes. Ensuite,  la 
première  cohorte  des  Bretons  et  d'autres  troupes  de 
Bretons  calédoniens  et  de  Bretons  de  Tripulium,  la 
pi'emière  et  la  troisième  cohorte  des  Helvétiens,  une 
cohorte  de  Tréviriens,  du  surnom  d'Alexandhne ,  la 
quatrième  et  la  cinquième  cohorte  des  Vindélicicns, 

'  Emit  et  Germanorum  auxilia  contra  Germanos.  Capitol.,  in  Marco., 
21. 

^Sueliii,  Wirt.  Gescli.,  t.  I,  insciipt.  252  cl  257;  Ilanssclmann , 
ouvr.  cil.,  pi.  XIV,  Ole. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  209 

et  la  deuxième  cohorte  des  Rhétiens;  ce  dernier 
peuple  surtout  était  connu  pour  son  courage  belli- 
queux. 

A  ces  troupes  il  faut  ajouter  la  vingt-quatrième  et 
la  vingt-sixième  cohorte  des  citoyens  romains  volon 
taires,  et  une  autre  cohorte  de  volontaires  portant  le 
numéro  XXXII,  qui  fut  placée  sur  le  Taunus,  ainsi 
qu'une  cohorte  prétorienne,  du  surnom  de  Pieuse 
et  de  Vengeresse. 

La  cavalerie  était  composée  de  la  troisième  et  de 
la  quatrième  cohorte  à  cheval  des  Aquitains,  de  la 
deuxième  cohorte  des  Cyrénaïques,  du  surnom  (X Au- 
guste, et  de  plusieurs  ailes  de  cavalerie,  dont  entre 
autres  celle  du  surnom  de  Picenline ,  deux  autres, 
dans  la  Rhétie,  portant  les  surnoms  de  Flavienne  et 
d'Aurélimne,  sont  inscrites  sur  la  pierre.  Nous  trou- 
vons aussi  dans  cette  dernière  province  une  aile  de 
Singulares  de  l'empereur,  troupe  qui ,  composée  de 
citoyens  romains,  formait  probablement  un  corps 
spécial,  attaché  à  la  personne  du  prince  ^ 

1  L'inscription  qui  nous  les  rappelle  est  citée  par  Avenlin  et  a  été 
expliquée  par  Grotesend,  dans  la  Secbode's  Riblioth.,  1828,  p.  367. 

Nous  l'avons  nous-méme  citée  en  décrivant  les  restes  de  Celeusum, 
où  le  préfet ,  qui  commandait  ce  corps  de  cavalerie ,  la  fit  inscrire  en 
l'honneur  des  divinités  champêtres  et  d'Épone,  déesse  qui  présidait 
aux  écuries  (Juven.). 

La  voici  d'après  cette  explication  : 

Campestribus  et  Eponœ  ala  prima  singularium  imperatoris  ci- 
vium  romanorum  ,  cui  prœest  .Elius  Bassianus ,  Praefectus ,  votum  sol- 
vit,  etc. 

Voy.  ci-avant ,  t.  i ,  p.  322  et  323 ,  ce  que  nous  avons  dit  des  Singu- 


270  ÉTABLISSEMENTS  UOMAINS 

Dans  la  Vindélicie,  la  Notice  de  V Empire  place  avec 
la  troisième  légion,  qui  nous  y  a  laissé  ses  inscrip- 
tions, d'autres  cohortes  de  Bretons,  de  Balaves,  de 
Pannoniens  et  de  Rhétiens,  etc.,  ainsi  que  la  deuxième 
aile  de  cavalerie  Valérienne  des  Séquaniens,  ladeu- 
xième  aile  singulare,  et  la  première  aile  Flavienne 
des  Rhétiens,  diverses  troupes  qui  y  étaient  encore 
aux  derniers  temps  de  l'occupation  romaine ^  Sur 
le  Mein  nous  avons  trouvé  desvexillaireset  une  com- 
pagnie de  pontonniers,  et  sur  la  Wied  une  compa- 
gnie de  soldats  du  train. 

Comme  la  majeure  partie  de  nos  insciiptions  ne 
nous  oflVent  cependant  point  de  dates,  il  ne  nous 
appartient  pas  de  préciser  toujours  l'époque  o\x  cha- 
cune de  ces  troupes  en  particulier  fut  stationnée  dans 
le  pays. 

Ce  qu'elles  nous  apprennent  de  certain ,  c'est 
que  la  quatrième,  la  cinquième,  la  septième  et  la 
quatorzième  légion ,  ainsi  que  les  cohortes  qui  y 
étaient  adjointes ^  occupèrent  les  premières  le  pays 


lares  en  général,  à  l'occasion  des  Singulares  à   pied  que  nous  avons 
trouvés  à  Cassel. 

1  Not.  dign.  imp.  occicl.,  édit.  citée,  t.  vu,  p.  !977  et  1978. 

2  Ces  cohortes  étaient ,  comme  nous  avons  eu  occasion  de  le  voir  par 
le  grand  nombre  d'inscriptions  qu'elles  ont  laissées  sur  le  Rliin  et  su!' 
le  Danube ,  composées  tantôt  de  citoyens  romains  volontaires ,  tantôt 
de  barbares  enrôlés  dans  toutes  les  contrées. 

Borghesi ,  Annal  dell'  inst.  di  corr.  archeol.,\}  ,137,  s'exprime  ainsi 
à  l'égard  des  premiers  : 

0  F.e  espressioni  «  cohortes  civium  romanorum  ,  »  «  voluntariorum  ,o 
«vnhtnlariorium  civium  romanorum  ,n   «  ifalicorum  voluntariorum, n 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  271 

sur  le  Mein  et  sur  le  Taunus;  que  la  onzième  légion 
fut  principalement  répandue  sur  la  partie  sud  de 
l'Abnoba,  depuis  98  jusqu'en  117  de  Jésus- Christ; 
que  la  vingt  et  unième  le  fut  principalement  sur  la 
partie  du  Rhin  qui  coule  depuis  le  lac  jusqu'à  l'an- 
cien territoire  des  Rauraques;  que  la  huitième  enfin 
et  la  vingt-deuxième  occupèrent  le  pays  en  général 
sur  les  traces  de  ces  autres  légions. 

Les  inscriptions  de  la  huitième  descendent  depuis 
148  jusqu'en  213,  celles  de  la  vingt-deuxième  depuis 
186  jusqu'en  230,  époque  vers  laquelle  les  Allemanes 
envahirent  le  pays. 

Nous  trouvons  au  milieu  de  ces  légions  et  des  co- 
hortes qui  en  dépendaient,  des  chefs  et  des  soldats 
de  toutes  les  parties  du  monde  romain.  Les  inscrip- 
tions que  nous  avons  eu  occasion  de  voir  dans  notre 
course  archéologique,  nous  prouvent  toutefois  que 
c'était  dans  les  cohortes  étrangères  que  le  plus  grand 
nombre  de  citoyens  romains,  venusdes  pays  lointains 
où  Rome  avait  plantéses  aigles,  prenaient  du  service. 

■  ingenuorum ,i>  aingenuorum  civium  romanoriim ,»  denotano  lutte  le 
«  medesinie  coorti  che  con  inlera  denoniinazione  furono  doniandate 
.COHORTES.  ITALIC.E.  CIVIV.M.  ROMANORVM.  VOLYxNTARIO- 
iRYM,  corne  appresso  il  Kellermann  Vigiles  nr.  269,  benche  al  solito 
«délie  frasi  troppo  lunghe  se  ne  scorciasse  in  appresso  Tappellazione, 
»ora  in  un  modo,  ora  in  un  altro.  E  realmente  dopo  che  Augusto  per 
i  un  tralto  di  astuta  politica  ebbe  assoluta  l'Italia  d'  ail'  obbligo  del  ser- 
«  vigio  militare ,  siccome  c'  insegna  Erodiano ,  1.  2 ,  c.  1 1 ,  e  1.  3 ,  c.  7, 
«  stà  bene  che  gl'  Italiani ,  i  quali  ciô  non  ostante  seguirono  il  mestiere 

'  deir  armi,  fossero  e  si  chiamassero  voluniarj Di  tali  coorti  sene 

ïConoscoDO  fino  a  trenta  due.» 

Nous  avons  vu  ci  -  dessus  ce  dernier  numéro  indique  sur  une  de 
nos  inscriptions. 


272  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Nous  avons  renconlré  à  Offenbourg'  un  préfet  de 
cohorte,  venu  de  Domana,  dans  la  Petite-Arménie; 
sur  rodenwald  un  centurion  de  la  tribu  PoUia,  com- 
mandant les  Bretons  de  Triputium,  venu  de  Sinope^, 
sur  les  bords  du  Pont-Euxin  ;  un  autre  tribun,  venu  de 
la  province  d'Afrique^,  commandait,  sur  le  Necker, 
une  centurie  d'une  cohorte  de  volontaires.  Les  noms 
romains  de  ces  chefs,  étrangers  aux  climats  d'Europe, 
prouvent  évidemment  qu'ils  sortaient  des  familles 
romaines  qui  allèrent  en  Asie  ou  en  Afrique  peupler 
les  colonies;  car  on  sait,  par  exemple,  qu'après  la 
chute  du  royaume  de  Pont,  fondé  par  Mithridale, 
Sinope,  ville  de  la  province  de  Paphlagonie,  devenue 
capitale  du  royaume,  et  qui  brillait  entre  toutes  les 
autres  cités  sur  le  Pont-Euxin,  fut  dépouillée  de  ses 
richesses  artistiques  par  Lucullus,  et  reçut  ensuite 
une  colonie  romaine  dans  ses  murailles^. 

Nous  avons  remarqué  d'autres  noms,  dont  ceux  qui 
les  portaient,  simples  soldats,  étaient  avec  ces  chefs 
venus  sur  le  Rhin  dans  les  légions  ou  les  cohortes 
formées  en  Orient.  Une  de  ces  cohortes,  composée 
de  Thraces,  était  placée  sur  l'Albe,  près  du  Danube. 
C'est  à  ce  déploiement  de  troupes  qu'il  faut  attri- 
buer l'élévation  de  l'immense  quantité  de  camps  for- 
tifiés, où  elles  étaient  stationnées,  et  dont  nous  avons 
parcouru  les  ruines.  C'est  à  elles  qu'il  faut  attribuer 
aussi  la  construction  de  l'immense  rempart  qui  en- 

»  Tom.  I,  p.  206. 

2  Ou  Senope,  comme  le  porte  notre  inscription.  Voy.  1. 1,  p.  284. 

•'Tom.  I,  p.  252. 

'  Slrabon  ,  Geogr.,  I.  xii. 


DU  UniN  ET  DU  DANUBK.  273 

ferma  le  pays,  el  derrière  lequel  la  colonisation  fit 
Jes  progrès  si  rapides. 

Ainsi,  d'un  côté,  elles  servirent  à  la  sûreté  de 
Rome,  en  contenant  les  peuples  Germains  qui,  sans 
elles,  n'eussent  pas  respecté  cette  frontière,  et,  de 
l'autre,  elles  contribuèrent  au  développement  de  l'in- 
dustrie de  ces  contrées  par  lescommunications  qu'elles 
y  ouvrirent.  Le  gouvernement  donnait  au  soldat  la 
ration  de  pain,  de  biscuit,  de  vinaigre,  d'huile,  de 
vin,  de  sel .  de  lard  et  de  viande  fraîche.  S'il  ne  la 
lui  donnait  point  en  nature,  il  lui  en  remboursait  le 
prix  en  argenté  Cet  argent  circulait  dans  l'enclave 
de  l'endroit  où  se  tenait  la  garnison;  cette  dernière 
contribuait  donc  au  bien-être  de  l'habitant,  dont  elle 
récompensait  le  travail  et  dont  elle  favorisait  les  dé- 
bouchés, soit  de  ses  produits  agricoles,  soit  de  ceux 
de  son  industiie. 

La  circulation  des  espèces  dut  être,  en  effet,  très- 
considérable  dans  tous  les  lieux  où  ces  troupes  ré- 
sidèrent. 

L'immense  quantité  de  monnaies  romaines  trou- 
vées dans  tous  ces  camps  et  dans  les  villes  prin- 
pales  en  est  une  preuve  évidente.  Dans  les  derniers 
temps  de  l'occupation  romaine  sur  le  Danube,  il  pa- 
raît même  que  ces  espèces  se  frappaient  dans  ces 
forteresses,  sous  l'inspection  du  commandant  qui  y 
résidait. 

Dans  plusieurs  du  moins  furent  trouvés  des  mor- 
ceaux de  métal  préparés  pour  recevoir  l'empreinte, 


'  Gothofr.,  Pnrat.,  I.  ad.  C.  Th.,  vu  ,  i ,  p.  259  el  260. 
U. 


18 


274  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

et  qui  ne  la  reçurent  jamais.  C'était  sans  doute  de 
Rome  qu'en  envoyait  les  matrices  nouvelles,  soit 
à  l'occasion  de  l'apothéose  d'un  empereur,  soit  à 
l'avènement  de  son  successeur.  Ces  pièces,  frap- 
pées à  l'effigie  du  nouveau  souverain,  étaient  dis- 
tribuées aux  soldats  et  passaient  d'eux  dans  la  cir- 
culation. 

Le  métal  lui-même  était  en  partie  une  production 
du  pays;  car  nous  avons  des  preuves  irrécusables 
que  déjà  du  temps  des  Romains  les  mines  du  Taunus, 
de  l'Abnoba ,  de  l'Albe  et  d'autres  lieux  furent  ex- 
ploitées. Ces  mines  faisaient  une  partie  des  revenus 
du  trésor,  ainsi  que  les  salines,  dont  le  produit,  si 
nécessaire  à  l'entretien  de  l'homme  et  des  bestiaux, 
était  sans  doute,  comme  en  Italie,  soumis  à  une  taxe 
stipulée  par  le  gouvernement  et  donné  pour  un  prix 
convenu  aux  consommateurs'. 

Les  mines  étaient  exploitées  par  le  gouverne- 
ment lui-même,  ou  affermées  à  des  villes  ou  à  des 
particuliers  qui  devaient  en  payer  le  bail  ^.  Il  ne 
pouvait  y  avoir  à  ce  sujet  de  différence  avec  ce 
qui  se  pratiquait  dans  les  autres  contrées  de  l'Em- 
pire; je  veux  croire  qu'il  en  était  de  même  de  tout 
ce  qui  avait  rapport  aux  péages,  aux  tributs,  aux 
impôts,  qui  au  delà  du  Rhin  durent  être  conformes 
à  ceux  des  provinces  dont  ces  pays  dépendaient. 

^  A  Rome  cela  regardait  le  censeur.  Voy.  Tite-Live,  xxix,  37. 

-  Consultez,  sur  l'administration  des  mines  chez  les  Romains,  Slra- 
bon,  I.  111;  Cicéron ,  pro  lege  lUanil.,  6,  ad  faniiL,\m,  65;  Pline, 
Hist.  nat.,  1.  XXXIII,  21  (4);  XXXIV,  49  (17);  Diodore  de  Sicile, 
y,  36. 


DU  RHIN  ET  DU  DANUBE.  275 

Comme  cependant  il  n'existait  point  encore  à  cet 
égard  de  mesure  fixe,  que  l'impôt  sur  les  terres  et  la 
capitation  ne  furent  uniformément  réglés  pour  tout 
I  Empire  que  sous  le  règne  de  Maximien\  époque 
où  déjà  depuis  longtemps  les  contrées  d'outre- Rhin 
luttaient  avec  peine  contre  les  barbares,  nous  ne 
pouvons  en  parler  que  par  conjecture.  La  Vindélicie 
dut  alors  dans  tous  les  cas  avoir  part  à  cette  dispo- 
sition. 

Tel  était  l'état  normal  de  la  Germanie  romaine 
lorsque  les  Allemanes  en  envahirent  le  territoire. 
Deux  siècles  de  colonisation  avaient,  comme  nous 
venons  de  le  voir,  fait  de  cette  contrée  un  pays  aussi 
florissant  que  bien  cultivé  dans  ses  principales  val- 
lées, et  où  les  empereurs,  et  particulièrement  ceux 
de  la  famille  Antonine,  s'étaient  plu  à  résider,  et 
avaient  à  la  fois  donné  tous  leurs  soins  à  développer 
son  industrie,  à  protéger  sa  défense,  à  le  couvrir  de 
routes,  de  villes ,  de  camps  et  de  tours  fortes,  et  à  ré- 
gulariser dans  ces  villes  le  régime  municipal  comme 
dans  le  reste  de  l'Empiie. 

Ce  bien-être  fut  anéanti  dans  une  seule  cam- 
pagne. 

Tous  les  établissements  que  les  Romains  avaient 
fondés surleNecker,  depuis  le  cours  delà  Fils  jusqu'à 
l'embouchure  du  fleuve,  et  tous  ceux  qu'ils  avaient 
placés  sur  le  Mcin,  sur  l'Odenwald,  sur  l'Abnoba  et 
dans  la  vallée  du  Rhin,  furent  alors  détruits,  sacca- 


'  Aurel.  Victor.,  De  Çœsar. ,  39  ;  Laclance ,  Ve  mort,    persecuto- 
rum ,  26. 


IT. 


18. 


276  ÉTABLISSEMEiNTS  ROMAINS 

gés,  livrés  au  pillage  et  brûlés.  Passé  le  règne  de 
Maximin,  il  n'a  plus  élé  trouvé  dans  toute  cette  éten- 
due de  terre  une  seule  inscription  qui  puisse  prouver 
la  présence  paisible  des  Romains.  Cependant,  re- 
poussés par  cet  empereur,  les  Allemanes  ne  semblent 
point  encore  être  restés  à  demeure  fixe  dans  le  pays. 
Mais  la  chute  de  toutes  les  forteresses,  démantelées 
par  eux,  leur  en  avait  ouvert  les  avenues,  et  ils  en 
profitèrent  depuis  pour  s'y  ruer  à  chaque  occasion  , 
jusqu'à  ce  qu'enfin  dans  les  temps  orageux,  où  les 
trente  tyrans  s'élevèrent  contre  l'autorité  de  Valérien 
et  de  Gallien,  ils  s'avancèrent  à  la  fois  jusqu'au  Rhin 
et  envahirent  la  Rhétie'. 

Le  roi  d'une  des  tribus  de  leur  coalition  passa 
même  dans  la  Gaule,  et,  après  s'être  emparé  de 
Langres,  qu'il  mit  à  feu  et  à  sang,  de  Clermont, 
dont  il  pilla  le  temple,  s'avança  jusque  dans  les  envi- 
rons de  Javoulx  et  d  Arles,  où  enfin, arrêté  par  une 
armée  romaine,  défait  et  pris ,  il  termina  sa  vie  dans 
les  plus  horribles  tourments^. 


1  {Sub  principe  Galieno)  amissa  Rœtia.  Eumène,  Panegyr.   Cons- 
tant., 10. 

2  Horum  [Valeriani  et  Galieni)  tempore  et  Chrocus  ille  Alamannorum 
rex ,  commoto  exercitu  ,  GalUas  pervagavit.  Ilic  autem  Chrocus  miiltœ 
adrogantiœ  fertur  fuisse.  Qui  cum  nonnulla  inique  gessisset ,-  per  con 
silium,  ut  aiunt,  matris  iniques ,  collectam  Alamannorum  gentem,  uni- 
versas  Gallias  pervagatur,  cunclasque  œdes  ,  qucp  antiquitus  fabricatœ 
fuerunt ,  a  fundamentis  subvertit ,  etc.  Greg.  Turon.,  7/**^  Franc,  i, 
30;  \oy.Act.  S.  Privati  in  Actt.  SS.  BoL  Aug.,  l.  iv,  p.  439;  Act.  S.  De- 
sideriiib  Maj.,  l.  V,  p.  244;  Bouquet ,  dans  ses  Fragments  de  l'histoire 
de  France,  II,  464,  en  fait  un  roi  des  Vandales.  Voy.,  sur  celle  con- 
troverse, BoUa.,  Aug.,  t.  IV,  p.  435. 


DU  lUIlN  ET  DU  DANUBE.  277 

Tout  ce  qui  n'avait  point  encore  été  renversé  sous 
Maximin  le  fut  à  cette  époque.  Presque  partout  où 
nous  nous  sommes  arrêté ,  nous  avons  vu  les  traces 
de  l'incendie,  et  tout  ce  que  nous  ont  offert  les  dé- 
combres que  nous  avons  fouillés,  nous  a  prouvé 
avec  quelle  rage  aveugle  l'Allemane  alors  détruisit 
tout. 

Cependant  il  fut  encore  repoussé  au  delà  des  monts 
de  l'Abnoba,  où  Posthume,  pour  mieux  le  contenir, 
fil  élever  les  diverses  tours  fortes  dont  nous  avons 
signalé  les  ruines. 

Mais,  après  la  mort  de  Posthume,  les  Allemanes 
n'en  revinrent  que  plus  audacieux  à  la  charge;  ils 
pénétrèrent  de  nouveau  dans  la  Gaule,  et  s  avan- 
cèrent même  jusque  dans  l'Italie  ^ 

La  bataille  qu'ils  perdirent  sous  les  murs  de  Mi- 
lan, les  força,  il  est  vrai,  à  évacuer  cette  dernière 
contrée,  sans  que  toutefois  les  provinces  gauloises 
pussent  en  être  délivrées. 

Ce  fut  alors  qu'ils  paraissent  s'être  établis  d'une 
manière  fixe  sur  le  Necker,  sur  le  Mein  et  sur  toute  la 
Souabe  occidentale,  dont  leurs  tribus  se  partageaient 
le  territoire,  tandis  que  les  généraux  d'Aurélien  re- 
mettaient au  pouvoir  de  Rome  la  Vindélicie.  Probe 
cependant  les  en  chassa  de  nouveau  et  rétablit  même 
l'antique  ligne  fortifiée  des  Romains;  mais  cette  nou- 
velle prise  de  possession  du  pays  ne  fut  que  momen- 
tanée; à  peine  cet  empereur  eut  cessé  de  vivre,  que 


'  Alumanni,  vaslalis  Galliis,   in   Ualiam  penelraverunt.  Eulrop 
IX,  8. 


278  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

ces  mêmes  tribus  renversèrent  de  nouveau  celle 
limite. 

Le  panégyriste  de  Maximien  '  désigne  le  Rhin 
comme  frontière  de  lEmpire  ;  et,  depuis  lors, 
malgré  les  campagnes  de  Julien  et  de  Valentinien, 
jamais  le  pouvoir  de  Rome  ne  put  se  rétablir  au 
delà. 

Tous  ceux  qui  tenaient  au  gouvernement  romain, 
durent  nécessairement,  lors  de  l'invasion  des  bar- 
bares, quitter  le  sol  germanique.  Mais  les  habitants 
paisibles  qui  se  soumirent  aux  Allemanes  vain- 
queurs furent  épargnés  (du  moins  en  partie),  et  ils 
se  mêlèrent  indubitablement  par  la  suite  aux  con- 
quérants. 

Les  ravages  que  firent  les  hordes  barbares  dans 
leur  débordement  sur  la  province  furent  terribles 
et  sanglants;  mais,  après  la  première  fureur  du 
carnage  et  de  la  dévastation,  lorsqu'à  leur  tour  ils 
réorganisèrent  l'administralion  du  pays  selon  leurs 
lois,  et  qu'avec  la  tranquille  possession  revint  la  paix, 
tous  ceux  de  ces  habitants  que  la  guerre  n'avait  point 
décimés,  revinrent  aux  lieux  où  la  flamme  avait  in- 
cendié leurs  demeures;  ils  les  rétablirent,  ou,  trou- 
vant plus  avantageux  de  les  reconstruire  sur  un  nou- 
veau terrain,  formèrent  souvent  une  nouvelle  bour- 
gade à  côté  de  celle  qui  avait  été  renversée,  et  qui 
avec  le  temps  ne  fut  plus  connue  que  sous  le  nom 
d'AUstadl,  ô'Altheùn ,  tVAKwetler  ou  (ÏAUdorf,  la 
vieille  ville ,  le  vieil  endroit ,  le  vieux  village ,  le  vieux 

'  Maiiierlin.,  l'anegyr.   itaximiniau  .  7. 


DU  miIN  KT  DU  DANUBE.  279 

hameau,  noms  qui  nous  ont  si  souvent  frappé  dans 
notre  course. 

Lorsque  Valentinien  vint  combattre  les  Allemanes 
sur  le  Necker,  le  pays  était  déjà  depuis  une  soixan- 
taine d'années  au  pouvoir  de  ce  peuple.  Cependant, 
dans  la  description  que  l'historien  Ammien  Marcellin 
fait  de  cette  campagne,  il  cite  sous  l'un  des  mêmes 
noms  qu'elle  portait  sous  les  Romains  la  ville  de  Soli- 
cinium,  près  de  laquelle  l'armée  ennemie  fulvaincue. 
Le  poêle  panégyriste  cite  celle  de  Lupodunum  ,  qui, 
toute  dévastée  qu'elle  avait  pu  être,  s'était  donc  aussi, 
en  paitie  du  moins,  relevée  de  ses  ruines. 

Il  en  dut  être  de  même  de  la  plupart  des  établis- 
sements romains,  que  l'Allemane,  avide  de  pillage, 
avait  saccagés,  mais  qui,  sous  linfluence  de  la  paix, 
qui  était  enfin  revenue,  réparèrent  j)lus  ou  moins 
leurs  pertes.  Leur  état  llorissant  fut  incontestable- 
ment anéanti  ;  mais  du  moins  ce  fut  cette  popula- 
tion gauloise,  à  qui  Rome  avait  donné  sa  civilisa- 
lion,  qui  servit  à  adoucir  en  partie  la  barbarie  de 
ses  vainqueui's;  ce  fut  die  aussi  qui  dut  leur  ap- 
prendre les  arts  qu  elle  continua  de  cultiver  et  aux- 
quels les  Allemanes  mêmes  se  livrèrent  par  la  suite 
avec  assez  d'adresse,  si  l'on  consulte  le  nombre  de 
métiers  qui,  lorsqu'enfin  l'écriture  pénétra  chez  eux, 
furent  cités  dans  le  code  qui  leur  servit  de  loi'. 

Ce  code,  qui  n'est  que  le  résumé  des  coutumes 
traditionnelles  de  ce  peuple,  nous  prouve  expres- 


'  Comparez  les  Tit.  39,  63 ,  79 ,  80,  83,  lOi ,  el  les  Capit.  add.  17 
et  44  de  celte  loi. 


280  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

sèment  qu'il  n'assimila  jamais  à  lui-même  par  les 
lois  la  population  conquise.  Il  laissa  cette  dernière 
stationnaire  partout  où  il  la  trouva;  et  une  preuve 
évidente  que  la  population  gauloise  ne  suivit  point 
en  masse  l'aigle  dans  sa  retraite,  c'est  que  l'AUemane 
lui-même,  avec  lequel  elle  finit  par  se  mêler,  nomma 
du  nom  celtique  qu'elle  leur  avait  donné,  les  monts 
et  toutes  les  rivières,  au  sein  des  vallées  desquelles 
elle  s'était  répandue^  et  où  il  se  répandit  à  son  tour 
sur  ses  traces.  Lorsque  les  Romains  évacuèrent  la 
Vindélicie,  l'ordre  fut  donné,  il  est  vrai,  à  tout  ci- 
toyen romain  de  quitter  le  pays^  31ais  cet  ordre  ne 
regarda  pas  le  fond  de  la  population, ni  l'artisan,  ni 
l'agriculteur,  qui  changèrent  de  maîtres,  mais  qui 
n'abandonnèrent  point  leurs  cabanes. 

La  plupart  des  lieux  romains  avaient  en  partie 
conservé  l'enceinte  de  leurs  murailles.  C'est  dans 
ces  enceintes  que  continua  de  vivre  ce  qui  échappa 
aux  désastres  de  la  guerre,  aussi  incendiaire,  du 
reste,  de  la  part  des  Romains,  lorsqu'ils  revinrent 
combattre  les  Allemanes,  qu'elle  l'avait  été  de  la  part 
de  ce  peuple,  lorsqu'il  les  en  chassa. 

Nous  en  avons  une  preuve  rapportée  par  l'his- 
torien de  saint  Gai,  qui,  lorsqu'au  septième  siècle, 
ce  propagateur  de  la  foi  chrétienne  vint  prêcher  sur 
le  lac  de  Constance,  nous  le  représente,  trouvant  en- 
core dans  l'intérieur  des  murs  démantelés  des  an- 
ciennes forteresses,  les  descendants  des  habitants 


'  Universos  jussit  ad  Ituliam  miyrarc  liomanos.  Eu|J:i|)|»ius ,  Vila  s. 
Severini,  c.  30. 


DU  UHIN  ET  DU   DANUBE.  281 

primitifs  et  des  Romains,  associés  aux  Allemanes 
leurs  vainqueurs. 

C'est  ce  qui  rend  compte  du  nombre  considé- 
rable de  villes,  de  villages  et  de  bourgs  qui,  au 
moyen  âge,  exislaienl  encore  sur  les  ruines  des  éta- 
blissements romains,  et  dont  les  habitants  d'abord 
ne  furent  point  ces  mêmes  Allemanesqui  méprisaient 
ces  enceintes  murées,  mais  les  colons  gaulois,  aux- 
quels ils  finirent  par  s'associer,  et  dont  la  fusion 
ne  forma  qu'un  seul  peuple.  Ce  sont  même  les  villes 
que  1  histoire  nous  représente  comme  ayant  le  plus 
souffert,  telles  que  Cologne,  Mayence,  Spire,  Augs- 
bourg,  Ratisbonne,  Xeubourg,  qui  toutes,  lorsque 
les  Francs  exercèrent  à  leur  tour  leur  suzeraineté 
sur  le  Rhin  et  sur  le  Danube,  furent  de  nouveau 
les  plus  florissantes  et  devinrent  les  métropoles  des 
divers  diocèses. 

Cesvilles,  malgré  les  divers  désastres  auxquels  elles 
avaient  été  en  proie,  s'étaient  donc  relevées  chaque 
fois  de  leurs  ruines. 

D'autres,  telles  que  Bade,  Kempten,  Gùnzbourg, 
Rottenbourg,  étaient  du  rang  de  cités  ou  de  muni- 
cipes  descendues  à  celui  de  simples  bourgades  ou 
de  villages. 

La  cité  chez  les  Allemanes  avait,  à  part  la  ville  de 
l'arrondissement,  la  même  signification  que  chez  les 
Romains.  C'était  la  tribu  tout  entière.  Le  territoire 
que  celte  tribu  occupait  fut  partagé  plus  tard  sous  les 
Francs  en  petits  pays  ou  districts,  sous  le  nom  de 
Gaueîi\ 

'  Payi. 


282  ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS 

Ces  Gauen  reçurent  rareineiU  leur  nom  d'un  lieu 
habité  ,  mais  presque  toujours  de  la  rivière,  du  tor- 
rent ou  du  ruisseau  principal  qui  les  arrosait,  ex- 
ceptionnellement aussi  d'un  roc  célèbre,  d'une  mon- 
tagne, ou  de  la  tribu  qui  primitivement  s'y  était  fixée. 
Cela  prouve  bien  la  haine  de  l'Allemane  pour  les  en- 
ceintes murées, où  il  ne  s'était  point  encore  renfermé 
et  où  il  laissa  vivre  seuls  alors  les  malheureux  habi- 
tants que  la  force  des  événements  venait  de  mettre 
sousson  pouvoir,  et  parmi  lesquels  durent  nécessaire- 
ment se  soutenir  en  partie  les  institutions  romaines. 
Je  dis  en  partie,  parce  que  la  fusion  des  deux  peuples 
finit  cependant  par  avoir  lieu,  et  parce  que,  à  mesure 
que  les  Allemanes  vinrent  à  leur  tour  résider  dans  ces 
villes,  leur  langue  finit  par  y  prévaloir  et  àêtreadoptée 
même  par  les  restes  de  la  nation  vaincue.  Le  nom 
des  localités  fut  conservé,  il  est  vrai,  mais  en  adop- 
tant la  forme  germanique.  Nous  avons  eu  l'occasion 
de  citer  plus  d'une  inscription  qui  prouve  cette  trans- 
formation de  nom. 

Cette  fusion  des  deux  peuples  eut  aussi  pour  ré- 
sultat de  substituer,  je  le  répète,  en  partie,  au  régime 
municipal  des  Romains  le  régime  de  la  cité  germa- 
nique. 

Il  est  certain  du  moins  que  sous  les  rois  Francs, 
(|ui  acceptèrent  les  produits  des  changements  sur- 
venus depuis  deux  siècles,  quelques-unes  des  villes 
principales  qui  étaient  restées  debout  avaient  une 
commune,  à  la  tète  de  laquelle  apparaît  presque  tou- 
jours, il  est  vrai,  un  agent  du  gouvernement,  mais 
où  cependant,  counne  un  des  restes  de  l'ancienne 


DU  niim  ET  DU  DANUBE.  283 

indépendance  de  ces  cilés,  appanfissent  aussi  les  cor- 
porations et  tons  leurs  privilèges.  Car,  qu'on  le  re- 
marque bien,  ce  ne  fut  point  le  régime  municipal 
romain  qui ,  comme  on  a  à  tort  voulu  le  prouver, 
se  soutint  intact  avec  son  sénat,  sa  magistrature  et 
ses  employés;  mais  ce  fut  dans  les  villes  romaines 
que  la  franchise  renaquit  plus  tard,  par  l'influence 
qu'y  exercèrent  les  corporations  des  marchands  et 
des  artisans.  Les  murailles  de  ces  cités ,  toutes  déman- 
telées qu'elles  étaient,  prêtèrent  cependant  un  asile 
à  ces  artisans,  dont  les  dilTérenles  associations,  étroi- 
tement liées  entre  elles,  parvinrent  peu  à  peu  ,  grâce 
aux  richesses  qu'elles  acquirent,,  à  jouer  un  certain 
rôle  politique;  les  privilèges  suivirent.  Il  n'est  point 
d'agrégation  d  habitants  qui  puisse  se  maintenir  sans 
le  lien  d'une  association  communale,  en  présence 
d'une  autorité  à  laquelle  est  confiée  le  soin  des  in 
téréts  communs.  Aussi  beaucoup  de  lieux  du  moyen 
âge,  entés  sur  les  débris  romains,  eurent- ils  une 
administration  communale  avant  même  qu'une  charte 
leur  eût  été  octroyée.  Celte  administration  n'élait 
qu'un  reste  des  coutumes  qui  s'étaient  transmises  à 
travers  les  siècles  sous  l'empire  des  Allemanes  et  des 
Francs. 

Comme  la  loi  romaine  redevint  plus  tard  en  vi- 
gueur, h  mesure  que  la  civilisation  chrétienne  se  dé- 
veloppa, il  n'est  pas  étonnant  que  l'influence  des 
institutions  de  Rome  n'ait  pas  été  perdue,  malgré  la 
barbarie  qui  revint  un  moment  s'implanter  sur  ses 
anciennes  possessions,  et  que  nous  trouvions  au- 
jourd'hui encore  des  souvenirs  de  ces  institutions 


284       ÉTABLISSEMENTS  ROMAINS  DU  RHIN  ET  DU  DANUBE. 

là  même  où  ses  ruines  nous  ont  prouvé  sa  colonisa- 
tion. 

Pour  l'écrivain  philosophe  qui  voudra  s'occuper 
de  ces  recherches,  mon  livre  sera  le  guide  le  plus 
fidèle. 


TABLE  DES  MATIÈRES. 


TOME    PREMIER. 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Précis  historique  des  guerres  romaines  sur  le  Rhin  ,  depuis  l'an  de 
Rome  696  jusqu'en  407  de  l'ère  chrétienne     .     .  1 

DEUXIÈME  PARTIE. 

Établissements  romains  sur  le  Rliin. 

§  ler.  Établissements  de  l'Abncba  et  du  N'ecker lôO 

§  2.  Établissements  de  l'Odeimald  et  du  Tauuus -218 


TOME  II. 

§  5.  Établissements  de  la  rive  gauche  du  Rhin • 

TROISIÈME   PARTIE. 
Établissements  romains  du  Danube  et  de  l'Albe lOO 

QUATRIÈME  PARTIE. 
Politique  ellégislation -'* 


I^DEX  GÉOGRAPHIQUE 

DES  POSITIONS   ROMAINES 

INDIQUÉES  SUR   LA   CARTE. 


NB.  Nous  engageons  ceux  de  nos  lecteurs  qui  voudraient  suivre  notre 
récit  dans  tous  ses  détails,  de  se  servir  des  cartes  de  V Atlas  de  l'Europe 
centrale,  du  professeur  J.  E.  Wœrl,  publiées  en  1839  à  Fribourg  (Bade), 
par  l'éditeur  Herder.  Ceux  qui  ne  possèdent  point  cet  Allas,  pourront  se 
procurer  les  cartes  nécessaires  détachées;  ce  sont  celles  de  Constance,  de 
Stuttgartet  Munich,  de  Weiinar,  de  Cologne ,  de  Strasbourg  et  Carlsruhe, 
de  Besançon  et  Bâle.  La  carte  qui  accompagne  ce  Mémoire  suffît  pour  les 
positions  romaines. 


A. 

Abodiacum  ,  H ,  174,  175,  178,  180, 

182. 
Abiioba  ,  m  ,  GO,  130,  133,  163, 105, 

208,  210. 
Abusina,  148;  H.  112,  113,  1G5. 
Ad  Ambre,  H,  172. 
Ad  Fines,  188,  190. 
Ad  Lunam,  II,  135,137. 
Ad  Novas,  II,  177,  181. 
Ad  Rhenum,  189;  II,  200. 
Aduatici ,  p.,  140, 
/Ella  Augusta,  voy.  Augusta  Vin- 

delicorum, 
Alba,m.,  14,60,89,  164;  II,  100 

et  sv. 
Allemani,    Alamanni,    AXa[j.avoi , 

p  ,  77—83, 86—88,  92,  94,  96—98, 

102,  105,  107  109,  111-120,  126, 

128.  129,  147,  154,  155,  163,  182, 

193. 
Aliso  .  casl.,  12,  22,31,32,  355,  359; 

II,  18. 


Alpes  ,  voy.  Alba. 

Alpes  Pœnae,  8;  II,  147. 

Altiaia,  203;  11,62. 

Alla  Ripa,  118.136,  271  ,  275;  II, 

68  ,  70  ,  72  ,  73. 
Amsibari ,  p.,  43. 
Anlunnacum,  139;  II,  11,  38,  39, 

41,  44.  59. 
Aqua;  Malliaca;,  120,  337. 
Aquileia,II,129,  133,   134. 
Arœ  Flaviœ,  195,  202,  203,   221  , 

228  ,  229  ,  231 . 
Arbor  Félix,  189;   II,  206,  207. 
Aredunum  ,  204. 
Aroiiatium  ,  II,  14,  15. 
Arga  ,  F.,   II .  93 
Argentaria,  123;  II,  93,  203 
Argenloralum,  106,  128,  144,  196; 

II,  46,  59.  81,  84,86—01. 
Argenio varia,  184;   II,  93—96, 
Arialbinnum,  183.  184;  II,  96 
Armisscs  ,  Il  ,  143. 
Ascapha  ,  296  ,  209  ,  300. 
Asciburgium  ,  54  ,  155;   II  ,  19. 


INDEX  GÉOGRAPEIIQUE. 


287 


Ascis  ,  294  ,  295. 

.*ttuarii,  p.,15;  II,  12  ils  sont  ainsi 
nommés  par  Ammien  Marcelliii  . 
C'est  le  même  peuple  que  Tacite 
mentioune  sous  le  nom  de  Cha- 
«j/ar!  ,Vellejus  sous  celui  de  Chat- 
tuarii ,  etc.  Voy.  Ditbmar,  Com- 
ment, sur  Tacite. 

Alualuca,  180. 

Auofusla  Rauracorum  .  4,  128,  143, 
171,  172,  177,  184, 188,  193,  195, 
196,  202 

Augusta  Treverorum  colonia,  5,  7, 
46, 58, 63,  93, 95, 97, 99, 100, 127, 
129,  137;  II,  30,  46,48. 

Au^iisla  Vindelicorum  ,  8,  188;  II, 
loi  -  109, 165, 194,  195. 

B. 

Balava  castra  ,  II,  166. 

Ilatavi  ,  p.,  48-51,  65. 

Batarorum  insula  ,  10 ,  31  ,  65 ,  93 , 

95,  97. 
Bethasii  ,  p.,  60  ,  140. 
Hibium  ,  215. 

Bingium,  62;  II,  11,  45,  46-48 
Biriciaiia  castra.  II,  119,  125. 
Bodobriga  ou  Baudobriga,  139;   II, 

46. 
Bonconica  ,  II ,  63,  65. 
Bondobrica  ,  11 ,  44  ,  45 
Bonna,   46.52,53,58,65;  11,11. 

30,  31,33—36. 
Bononia  ,  II ,  34  ,  35. 
Borbetomagus,  128,  137;  11,65 
Bragaduruiii ,  II,  146,  148,  149,  152. 
Brigantia,  189;  II,  152,  196,198, 

199,  200,  202. 
Brisiacum,  139;  II,  38. 
Biigobanne  ,  203,  228,  229,  237 
Broeoraagus,  104,137;  II,  71,81, 

82,  84,  85,  86. 
Bructcri,  p. ,2, 10,  11,  15,23,25,28, 

43,  52,  82,  97. 
Bucinobantes,  p.,  98,  120,  343. 
Budoris,  II,  17—19 
Burginatium  ,  Il ,  14. 
Burgundiones  (Bur;;undij, p.,89,92, 

94, 98,111,  119,  120,  129, 154, 

155. 
Buruncura,  II,  16,  19,  20. 


Caesia  Silva,  24. 

(:a>liusmons,    II,   153,  184,  193, 
194.  196. 


Calidon,  II,  32. 
Caione,  11,  16,  17. 
Cambes,  184,  185;  II,  97. 
Campodunum  ,  181—183,194—196. 
Campi  decumatps,  69,70,  146. 
Canifates,  p.,  15,  50,  57,  64 
Caracates  ,  p.,  61,  78,  331—333. 
Carvone  ,  II ,  14. 
Cassiliacum  ,  II,  196. 
Castra  Herculis,  II ,  11. 
Castellum  Drusi ,  voy.  Civitas  Mal- 

tiacorum. 
Castra  Vetera,  28,  51,52,54,57,58, 

64,  14.3,  146;  II.  1,  6,  10-12,  14- 

17,  30. 
Catii,  p. ,.3,  10,  12,  23,26,  31,  36, 

41,  42,  55,  77,  159,  160,  161. 
Celeusum,II,  113 — 117. 
Cevelum,  II,  15. 
Chamavi,   p.,  43,  81,  97. 
Cherusci,  p.,  3,  1 1 ,  12,  15,  23,  26, 

27,30,32—34,40,41,159. 
(évitas  Aurélia  Aquensis,  195,  211. 
Civitas  Mattiacorum,  318  et  sv. 
Clarenna,  248;  II,  137 
Cœlius  mons,  voy.  Caelius  mons. 
Colonia  Agrippina  ,  4,  42 ,  45 — 47  , 

52,  55,  58,  60,  63,  68,  85,  91,  97, 

103,  104,  124,  128,  161;  II,   14, 

16,  23,  37. 
(Colonia  Trajana,  voy.  Castra  Vêlera. 
Concordia  ,  11  ,  81. 
Condrusi  ,  p.,  131,  1.39,  140. 
Confluenles  Brigantiae ,  II ,  200. 
Confluenles ,  II,  42. 
Confluenles  ,  188. 
Constantia,  189—191. 
Coveliacae,  II  ,  174. 

D. 

Divitia  ,  II,  24. 

Dracuina ,  II,  152. 

Duellium,  II,  148. 

Dumnum  ,  idJ. 

Dunum  ,  230. 

Durnomagus  ,  II ,  16,  19,  21. 


Eburum,  204. 

Epamanduodurum  ,  184  .  II ,  98. 
Escone,  II,  175,  181,  182. 


Fauces,II,  182. 

Finiania  Castra  ,  II,  152,  153,  192. 

Flevo  lacus ,  Il  ,  6. 


288 


INDEX  GÉOGIIAPHIQCE. 


Forum  Tiberii,  l'JO, 
Frisii,  p.,  2,  10.  43,50. 

G. 

Gannodurum  ,  190. 
Gelduba,53,  54;  II,  16,  19. 
Germania  inferior,  C,  40,  42. 

—        superior,  6,  40,  144,  151, 

165. 
Germania  Magna  ,  10. 
Germanicum  ,  II ,  117,  120. 
Gesonia ,  II,  33,  34. 
Gesoriacum  ,  II,  34,  35. 
Grœa,  II,  147. 
Grinario,  242;  II,  137. 
Gugerni ,   p.,  143. 
Guntia,  194;  II,  111,  154,  156,  194, 

195. 

II 

Harudes,  p.,  134;   II,  145. 
Hellenum,  137;  II,  91,  92. 
Helvelii,  p  ,132,171. 
Hermiones,  p.,  2 
Hermunduri,  p  ,  2,  39,  70, 161,  162. 

I. 

Iciniacum,  II,  119,  124—126,  128, 
129. 


Juliomagus,  229. 
Julius  viens  ,  Il ,  77,  78. 
Julhungi,  p.,  87,  98,  109. 


Lacus  Brigantinns  ,   164,188,  193; 

II,  207. 
Langobardi,  p.,  3,15,  38,  41 ,  72,  92. 
Lingoncs,  46,  96;  II,  189. 
Lingones  ,  p.,  44,  61,  96. 
Larga  ,  184. 

Laureacum  ,  150,  152-154  •   Il ,  135. 
Lenlienses,  p.  98,  102,  122;  II,  202 

et  sv. 
Licalii  ,  p.;  II,  102. 
Limes  rhaeticus  ,  152,  163,  166. 

—     transrhenanus  ,  152,  166. 
Losodica  castra  ,  II,  129,  131. 
Lugdunnm  Balaviœ  ,  II,  14. 
I.nna.   F.,  154,  247 
Lnpodunum ,  1 17, 237, 239,271 ,  290. 

M. 

Maniinritium  ,  II,    14. 


Marcoinanni,  p., 2,  10,  14  16,40,68 
69,  71,  73-76,  79,  .S7,  96,  143, 164! 

Marsi,  p.,  24,  26,27,  41. 

Maltiaci,  p. ,3,  26,  27,  55,  159,  160 
318,321. 

.Madiiim,  159 

Mediana  cas  ra  ,  II,  125,  129,  131. 

Mediomatrici,  p..  62,  133. 

Moguntiacum  ,  12,  45  ,  51  ,  53,  55", 
57,58,  62,  66,  80,85,  107,  110, 
120,  128,  143,  158,  159,  326;  II  , 
30,  46,  48. 

Mons  Brisiacus,118,183,  185,196, 
197;  II,  93. 

Murra ,  251 , 

N. 

Nava  ,  F.,  62,  137.  139  ;  II ,  46-48. 

Navoe,  II,  184,  187 

Nehiaha,  217. 

Nemetes,  p.,  8,  133,  134,  136 

Neri  fons  ,  260;  II,  63. 

>eo  ou  \oviomagus  (Neuraagen', 

139;  II,  47. 
Xeo  ou   Noviomagus  CSpire),    128, 

137;  II,  68,  74,75. 
Xovesium,  53,  54,  57  ,  58  ,  64  ,  05, 

354;  II,  11,  16,  17,20,21. 

0. 

Olino,  184;  11,59. 

Opie,  II,  129,  130,133,  139. 


Palas  capellalium;  154. 
Parrodunnin,   vov.  Paithanum. 
ParUianum,  II,  163,  174. 
Phebianis  (Febianis),  voy.  Finiania 

castra. 
Pomoue,  194;II,  130,139, 142, 157,. 

160. 

Q 

Quadi  ,  p.,  3,  68,  71,  73—76,92,  96. 

113,128. 
Qiiadiiburgium  ,  II,  15. 
Quinlana  castra  .  II,  165. 

R. 

Rapis,  II  ,  184,  189. 
Receplaculuni  Tiberii  ,  H,  201. 
Roginum,  147;  II,   111. 
Ripa  prima  ,  II,  171 . 
Roslrum  >'emavi.T,  II,  18-5,  189. 
Rauraci    p.,  132,  133, 


INDEX  GÉOGRAPHIQUE. 


289 


Rhaelia  ,  8  ,  69  ,  7 1 ,  73,  79,  94    1 44 

145,146,151,165 
Rhaeli  ,  p.,  164.  228;  II,  102. 
Rigodulum ,  63. 
Rigola,  204. 

Rigomagus,  104;  II,  36,  37. 
Robur,  177,  181,  182,  185. 


Salolio,  137,  215;  II,  84. 

Salissone,  II,  46 

Salodurum  ,  185. 

Samuloceni^ ,  vo\.  Sumlocene. 

Sanclio,  112    193. 

Scarpona  ,  114 

Sedalum,  II,  119,  121,  128. 

Segorigiom  ,  II  ,  22. 

Segodunum  ,   151,353,355. 

Semnones ,  p.,  3,  38,  74. 

Senotum ,  219. 

Septimiaca  ou  Sepleraiaca  caslra,  II, 

129,  132. 
Sicambri ,  p  ,  2,  6,  7,  9,  10,  11,  13, 

82;  II,  214 
Sicila,  II,  60—62. 
Solicinium  ,  voy.  Sumlocene. 
ftonlium,  II,  21. 
Stabula,  II,  96. 
Suevi,  p.,2,4,5,  U,  12,24,  71,  128, 

158, 182. 
Sumlocene,  116,230,231,236,238, 

241,  243.  250;  II,  144. 
Summontorium  ,  II,  171. 
SuUnum  ,   60. 


Tabernae,  105,  203;  II,  78. 

—  11,69,70,72,77-81. 

—  11,78,81. 
Tabernae  MoselianEe  ,  II,  47. 
Tarodunum  ,   199.  202,  203. 
Taunus    mons  ,   12,  26,  157,  159, 

161,316,  317. 


Tasgsptium  ,  II,  196 

Tenchleri,  p.,2,  6,  7,  11,  13,23  43 

52,157,161. 
Tenedone,  192,  196,  229. 
Tewloburgicn>is  SaKus,  20,  21,  155. 
Tolbiacum  ,  II ,  30. 
Treveri,  p.,  51,  55,60,  62,  133,  139. 
Triboci  ,  p  ,  61  ,  133  136,  171 ,  253, 

332  ;  II ,  84,  85. 
Tribuni  ou  Tribuncum  ,  II,  83. 
Tribur,  335. 

Tricesimae,  voy.  Caslra  votera. 
Tubantes  ,  p.,  25,  43,  97. 
Tubingjum,  241  ;  II,  144. 


Ubii,  p.,  4,  13   31,51,00,  140,  158: 

II,  25,  214.  ' 
l'ninca,  183;  II,  97. 
Urusa  ,  II ,  178. 
Usipf'Ies.  p.,  6,  7,  10,25,43,55,  158, 

160. 


Vallalum,  II,  171       . 
Valenliniani  munimenlum,  271. 
Vangiones,  p  ,8,61,133,  331-333. 
Vargiones,  p.,  332. 
Vemania  castra  ,  II ,  196,  198. 
Venaxamodurum  ,  II ,  163. 
Verona  ,  II ,  34. 

Vetoniania,  11,117.119,123,125. 
Viaca  castra,  II,  152,  184,  191,  193, 

196. 
Viana,  II,  152. 
Vindelicia  ,  8.  88,  145,  163, 165. 
Vindelici,  p.,  8,24,  145,  164,  228; 

II,  102. 
Vindonissa,  58,  144,  183—187,230 
Viludurum  ,  188,  190 
Vosegus  mons  ,  133,  134,  11,81. 
Vosolvia  ,  II,  46. 


il. 


19 


\^iM«tfiiig4f^. 


ERRATA  ET  RECTIFICATIONS. 


TOME  PREMIER. 

Page  1Ô7  ,  ligne  21 ,  Salbourg,  lisez  Saalbouig. 

—  148,  ligne  5,  nord-est,  mettez  nord-ouest. 

—  156,  note,  BuYOvvToi,  mettez  Bouyouvrot. 

—  164,  ligne  15,  desquels,  mêliez  desquelles. 

—  185,  Noie  2,  extructum  ,  lisez  exstructum,  et  après  Nol. 
,  imp.,  ajoutez  [Comment.). 

—  245 ,  ligne  17  ,  cinquième ,  mettez  quatrième. 

TOME  II. 

Page  19.  noie  l>"e,  ligne  2,  23,  lisez  33. 

—  45 ,  note  4 ,  dans  ,  lisez  dans. 

—  111  ,  ligne  2  (noie),  magisque,  lisez  magis  magisque. 

—  114,  ligne  4,  Biricinae,  Biriciansp. 


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Date  due 


T 


^39002  002688^ ÎTb 


/ 


CE  CG   0059 

.G2P55V4  1852  VCC2 

COO   RINGt  MAXIM  NEMOIRE 

ACC^  1C75371 


SUR