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Full text of "Mémoire sur les établissements romains du Rhin et du Danube, principalement dans le sud-ouest de ..."

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MÉMOIRE 



SDR LES 



ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 



DU RHIN ET DU DANUBE. 



MÉMOIRE 



SUR LES 



ÉTABLISSEMENTS 

ROMAINS 

DU RHIN ET DU DANUBE, 



PRINCIPALEMENT 



DANS LE SUD-OUEST DE L'ALLEMAGNE, 



PAR 



MAXIMIL1EN DE JJ1NG, 



Chevalier du Lion-de-Zaebringen } membre de plusieurs sociétés savantes, correspondant du ministère 

de l'instruction publique pour les sciences historiques. 



TOME If 



PARIS, 



CHEZ A. LELEUX , EDITEUR DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUE, 

RUE DES POITEVINS, 11. 

TREUTTEL ET WÛRTZ, LIBRAIRES, RUE DE LILLE, 49. 

STRASBOURG, 

MÊME MAISON, GRAND'RIjE , 15. 

4853. 



* • 



• _ • 



'1/ttf II ***-'( Â^. 



STRASBOURG, IMPRIMERIE DE G. SILBERMANN 



MÉMOIRE 



SUR LES 



ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 



DU RHIN ET DU DANUBE, 



PRINCIPALEMENT 



DANS LE SUD-OUEST DE L'ALLEMAGNE. 



DEUXIÈME PARTIE. 

ÉTABLISSEMENTS ROMAINS SUR LE RHIN. 



'§3. 

ÉTABLISSEMENTS DE LA RIVE GAUCHE DU RHIN. 



La première forteresse que Rome bâtit au nord sur 
le Rhin, fut, comme nous l'avons dit, celle de Ve- 
tera, près des ruines de laquelle s'étend aujourd'hui, 
d'un côté la petite ville de Xanten, de l'autre, le ha- 
meau de Birten. Ce fut Auguste qui , en 737 de Rome, 
fonda cet établissement, lorsque, appelé dans la Ger- ' 
manie inférieure par l'importance de6 événements, 
et surtout par la défaite de Lollius, il mit ce fleuve 
h. * 

426776 



2 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

en état de défense contre les irruptions des peuples 
germains. 

Sur la colline qui domine le sud-est de la ville, et 
dont le Rhin, qui aujourd'hui circule à quelque dis- 
tance, baignait alors le pied 1 , se développe au regard 
une vue lointaine dans toutes les directions; Ton y 
domine, comme d'un vaste belvédère, toute la con- 
trée opposée du fleuve, dont ce fort était surtout 
destiné à protéger le passage. Il s'élevait, comme 
l'écrit Tacite, qui sans doute en parle en témoin ocu- 
laire, du pied du Rhin, qui touchait ses remparts, 
jusque sur le sommet du plateau , où quelques ves- 
tiges de ses fortifications antiques se montrent en- 
core. 

Les habitants se servent encoïe aujourd'hui du 
puits profond, revêtu de pierres de tuf, qui fournissait 
l'eau potable à la forteresse. 

D'après ces faibles restes et l'emplacement connu 
de deux tours fortes qui restèrent intactes jusqu'en 
1670, époque où elles furent démets, il est permis 
de juger de toute l'étendue de l'immense carré que 
formait le mur d'enceinte du camp , qui répond, en 
effet; sur le terrain à la description' qu'en a faite 
Tacite, et où se trouvaient des casernes et des ma- 
gasins assez considérables pour loger et nourrir deux 
légions et , par conséquent , une garnison de douze 
mille hommes. 

Par la suite s'établirent tout autour une foule d'où- 

* Voy. dans Houben , Denkmdler von Castra Vetera , le plan du lien 
antique. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 3 

vriers, de marchands, d'autres particuliers et d'agri- 
culteurs, dont le nombre, peu à peu s augmentant , 
finit par former une commune que le même Tacite 
compare à un municipe. Des temples s'y élevèrent, 
et plus d'un autel, dédié au dieu Mars, à Jupiter 1 , à 
Mercure, à la Fortune 2 , au dieu Silvain 3 et à d'autres 

« I. 0. M. CONSER 

VATORl. terti 

NIVS. VITALIS 



MILES. LEG. XXX. V. V. S. A 
I LIB. PRAEF. PR0. SE 
ET. SVIS, V. S. L. M. 
VI. KAL. MAIAS. 
LVP0 ET M . . . IM0 COS. 

Jovi optimo Maximo, Conservatori, Tertinius Vitalis, miles legionis 
tricesimœ, ulpiœ, victricis, severianœ, alexandrinœ, librarius Prœ- 
fecti, pro se et suis votumsolvit lubens merito, sextum kalendas Maias, 
Lupo et Maximo Consulibus. (An de Jésus-Christ 232.) 

2 FORTVNAE 

SACRVM. 

. SEXTILIVS 
. EPIDVS. VET 
. EG. XXX. V. V. 

.RO. SE. ET. SVIS 
V. S. L. L. M. 

Fortunœ sacrum (.} Sextilius (L)epidus y veteranus (l)egionis trice- 
simœ, ulpiœ, victricis j (p)ro se et suis votum solvit lœtus lubens me- 
rito. 

3 DEO SlLVANO 

CESSORINIVS 
AMMAVSIVS 
VRSARIVS LEG 

XXX V V S A V S. L. M. 

Deo Silvano Cessorinius Ammausius Ursarius, legionis tricesimœ 
... ., • severianœ , alexandrinœ , etc. 

IL '• 



4 ÉTABLISSEMENTS HOMAINS 

divinités 1 , est venu attester le culte antique de ces 

1 ALA'KIYI 

AE. EX 
1VSSV I ;'; 
DIVO. S 
MEDICY 

Aïateiviœ , ex jussu ipsiut , Vivo Medicus. 

Ne serait-ce pas une corruption d'KtXet'Ouiot (llithya), nom que 
Diane , ainsi que nous l'avons dit plus avant , portait comme déesse 
des accouchements , et à laquelle le médecin Divo, d'origine gauloise, 
sacrifia; ou bien Alateivia serait elle une divinité celtique ou ger- 
maine , la même peut-être qu* Alatervia , une' des matrones dout le 
culte fut aussi en honneur sur le Rhin? C'est une question que je ne 
prétends point résoudre. 

DEAE 

HLVDANAE 

SACRVM 

C. TIBERIVS 

VERVS 

Hludana est la même déesse que lilerta ou l'Edda des peuples du 
Nord. Yoy. à ce sujet, De Hludana dea, dans les Exercit. ad, Gertn. 
sacr. Gentil. ; Mûnter, G esc hic ht e der EinfUhrung des Christenthums in 
Danemark , p. 31, et sutout l'écrit que le D r Tholacius , de Copenhague , 
a publié sur cette divinité. 

MATR1BVS 

TREVERIS 
T. PATERNIVS 

PERPETVVS 
CORNICVLAR 

LEG. LEG. 
XXX. VV. L. M. 

Matribus Treveris , T. Paternius Perpetuus , cornicularius legio- 



DU RHIN ET DU DANUBE. 5 

habitants avant que le christianisme ne l'eût ren- 
versé. 

C'est de ce lieu, justement célèbre dans l'anti- 
quité par les divers événements politiques qui se 
passèrent sous ses remparts, que Germanicus, la 
quatorzième année de l'ère chrétienne, ût traverser 
le Rhin aux légions qu'il venait de faire rentrer dans 
le devoir; parcourant avec elles la Germanie, il vengea 
la défaite de Varus par le massacre des Marses. Ce fut 
alors aussi que, pour cette expédition , il fit cons- 
truire sur le fleuve un pont de pilotis. On peut en- 
core très-bien distinguer, au bas de la montagne, 
l'ancien lit que le Rhin remplissait seul du temps des 
Romains, avant celui qu'il se creusa depuis, au moyen 
âge , et qu'une partie du fleuve parcourt même au- 
jourd'hui. 

Souvent dans les basses eaux s'aperçoivent les 
restes des palées de ce pont et les vestiges du port, 
où l'histoire nous apprend que Drusus réunit la flotte 
qui fut en partie construite sur les chantiers de cette 
forteresse, et qui, par le canal qui fut alors creusé, 
fut portée dans l'Océan jusqu'à l'embouchure de 
l'Ems. 

Ce canal , selon l'opinion la plus généralement re- 



narius legionis triceslmœ , ulpiœ , victricis , libenter merito votum 
solvit. 

On appelait Cornicuïaires les soldats qui , pour récompense de leur 
valeur ou de leur bonne conduite , recevaient du général en chef le 
Comiculum , espèce d'ornement en forme de corne , qui s'adaptait au 
casque. Voy. Tit. Liv., I.x,c. 44. Ils étaient, en cette qualité , presque 
toujours attachés à un officier supérieur. Voy. Suét., in Vomit. , 17. 



6 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

çue, serait cette partie de l'Yssel qui d'Ysselort s'é- 
tend jusqu'à Doesbourg. 

Cependant, si Ton considère que cette rivière, du 
temps des Romains, ne se jetait point dans le Zuyder- 
sée, mais qu'elle allait en ligne droite aboutir à la 
mer du Nord, en traversant le pays des Frisons; 
que, d'ailleurs, l'histoire ne la cite jamais, et que 
nul vestige d'établissements romains ne se montre 
sur ses rives, on est porté au doute, et il est plus 
naturel de penser que les traces de ce canal ont été 
perdues et que la majeure partie de son cours a été 
engloutie par le Zuydersée. Ce golfe, à l'époque ro- 
maine, connu sous le nom de lac Flevo, était d'une 
bien minime étendue, comparativement à celle qu'il 
atteignit au treizième siècle, lorsque la mer en- 
gloutit les terres basses sur lesquelles elle creusa son 
bassin. 

Quoi qu'il en soit, cette communication directe 
avec la mer du Nord devait donner une importance ' 
d'autant plus grande à Vetera que c'était la princi- 
pale place de guerre de toute la Germanie inférieure, 
et qu'elle ne descendit au second rang que lorsque 
la cité des Ubiens eut reçu une colonie. Vetera fut, 
comme nous l'avons vu dans la partie historique de 
cet écrit, le théâtre des événements les plus impor- 
tants pendant la guerre de Civilis, époque après la- 
quelle son nom disparaît de l'histoire; il n'est plus 
cité alors que par le géographe Ptolémée , par Y Itiné- 
raire d'Ântonin et par la Table de Théodose. 

Cependant tout porte à croite qu'il se releva alors 
de ses ruines. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 7 

A 1 époque où Varus était venu prendre le com- 
mandement de la Germanie, la dix-huitième et la 
dix-neuvième légion formaient la garnison de Ve- 
tera. 

Ce fut avec ces troupes auxquelles il adjoignit la dix- 
septième légion, qui était dispersée dans le château 
d'Alison et dans les autres camps retranchés de la 
rive droite du Rhin, qu'il entreprit sa malheureuse 
expédition. 

Parmi les monuments funéraires trouvés à Ve- 
tera, il en est un surtout d'intéressant en ce qu'il 
rappelle cette catastrophe. C'est le cénotaphe d'un 
légat de la dix-huitième légion, tombé sous les coups 
des Germains, dans la malheureuse campagne de 
Varus, et à qui ses fidèles affranchis élevèrent ce 
mausolée 1 . 

1 M. CAELIVS M. CAELIVS 

M* L. M* L. 

PR1VATVS. THIAMINVS 

M. CAEL'OT. F. L B M. BoN //// 
//"0. LEG. XIIX. AN*. LUI . s 
////CIDIT. BELLO VARIANO. OSSA 
////NFERRE. LICEBIT. P. CAELIVS. T. F. 

LEM////FRATER. FECIT. 

M.Cœlius, M. libertus, Privatus, M. Cœlius, Jf. libertus, Thiaminus> 
M. Cœlio, T. Filio, Lemonio, Bononia, legato legionis decimœ octavœ, 
annorum quinquaginta trium semis; Cecidit bello*Variano. Ossa in- 
ferre licebit P. Cœlius, T. filius, Lemonio, frater, fecit. 

Voy. Taschenmacher, Annales Cliviœ, p. 48; Dorow, Denkmale 
germanischer und rômischer Zeit, p, 64, pi. XXI ; Fiedler, Romische 
Denkmàler der Gegend von Xanten und Wesel, p. 230 ff., etc. 



8 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

A la mort d'Auguste, la cinquième 1 et la vingt et 
unième légion 3 tenaient garnison dans ces murs. 
Pendant la guerre des Bataves ce furent la cinquième 
etla quatorzième, sous le commandement de Humius 
Lupercus et de Numisius Rufus. 

Du reste, la première 3 , la sixième 4 , la huitième 6 , 
la dixième 6 , la quinzième 7 , la vingt-deuxième 8 et la 
trentième légion 9 ont aussi laissé des souvenirs , 

* LEG V. R. - LEG. V. SATRI. - LEG. V. A. 



« 



LA 

FELIVS. H 

L. VEÎtIvS. L. F. VOL 
REGINVS. AQVILIF 
LEG. XXI. NEPOTI SVO 

PRO pIetate. SVA 

F. C. 

3 L. I. M. (Legio prima , Minervia.) 

* LEG. VI. VIGTR. P. F. (Legio texta victrix, pia, fideli*) 

6 LEG. AVG. {Legio Augusta.) 

6 LEG. X. G. (Legio décima , germanica.) 

7 LEG. XV. (Legio quindecima.) 

8 LEG. XXII. PRI. P. F. (Legio vicesima secunda y primigenia, pia, 
fidelis.) 

9 C'est celle qui a laissé le phis d'inscriptions. Tantôt elle porte l'é - 
pithète d'Ulpia victrix. (LEG. V V.), tantôt celle de SEYERIANA , 
ALEXANDRIna , pia , fidelis , en reconnaissance de sa réorganisation 



DU RHIN ET DU DANUBE. * 9 

soit dans les inscriptions de ce lieu, soit dans celles 
de la colonie de Trajan , qui , sous le règne de ce 
prince, fut fondée à une faible distance de ce 
camp. 

Nous en trouvons aussi d'une légion ciset transrhé- 
nane f , d une cohorte maurilane 2 , de vexîllaires * , 
d'une cohorte de Breuciens , peuple de Panno- 
nie\ de la première aile de cavalerie du Norique 6 , 



sous Alexandre Sévère , et de rattachement qu'elle portait à cet em- 
m pereur. 

Voy., pour ces diverses inscriptions , Lersch, Centralmuseumrhein- 
làndischer lnschriften. 2 e cahier. Die rbmischen Inschriften in Xanten, 
erklârt von Prof. Franz Fiedler. Wesel 1839. in-4°, etc.. 

1 . . . . CISRHENANA*. ...... TRANSRHENANA . . . 

5 . . . . MAVR. 

3 . . . . VEX. 

* . . . . COH. BREVCORVM. 

MACRINVS.SVR 
CONIS. F. BREVCV 



MIL. EX. COH. VIII 
BREVC. ANN. XXXV. 
STIP. XII. H. S. E. 

& C. IVLIO. ADARI. F 

prKio. TREVERO 

EQ. ALM NORIC. 

STATORI. AN. XXVII. 

STIP. VII. H. A. S. F. C. • 

Cajo JuttOy Adari filio. Primo, Trevero 9 , equiti alœ Noricœ, statori, 
annorum XXVll } stipendiorum Vil, hœres œre suo faciendum cu- 
ravit. 



10 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et enfin quelques-unes de toute 1 armée de Germa- 
nie 1 . 

La colonie de Trajan ne nous est connue que par 
la mention qu'en font la Table de Théodose et VI li- 
ttéraire d'Antonin*. 

Aucun des historiens n'en parle; mais tous té- 
moignent des soins que ce grand prince prit de 
fonder des villes dans tout son empire, de cons- 
truire et de rétablir des routes, de créer une foule 
de monuments d'utilité publique. Pendant six ans il 
resta à Cologne comme gouverneur de la Basse-Ger- 
manie. 

Après qu'il fut monté sur le trône, les provinces 
rhénanes furent toujours l'objet particulier de son 
attention. Ce dut être alors vraisemblablement qu'il 
fonda cette colonie, à l'occasion, peut-être, de la 
réorganisation de la trentième légion, qui, comme 
nous l'atteste Dion Cassips , reçut de cet empereur 
le nom d'Ulpia et de Viclrix, et qui, après avoir 
laissé quelques inscriptions sur le Mein\ reçut pour 
garnison Vetera. 

Selon toute probabilité, c'était dans la plaine qui 
s'étend au nord de Xanten, et dont le sol, à quatre 
et à huit pieds de profondeur, présente partout les 
fondements d'anciennes bâtisses romaines, que la 

* EX. GERM. (Exercitus germanicut.) 

2 La première cite de Vetera à Colonia Trajana, XL. M. Cette dis- 
tance est fausse, non moins que celle de XL M., qu'on a voulu lui subs- 
tituer. L'Itinéraire marque simplement M. P., ce qui est, en effet, 
exact. 

3 Voy. t. I de ce Mémoire , p. 309. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 1 

ville s'élevait. Plusieurs de ces décombres et de ces 
ruines attestent une construction colossale. Plusieurs 
aussi montrent encore aux regards les traces du feu 
qui les anéantit. Rien dans l'histoire ne nous per- 
met de préciser le temps où cette catastrophe eut 
lieu. • 

Les nombreuses tombes romaines , ouvertes dans 
les environs de Xanten, sont toutes de l'époque 
d'Auguste, de Dru sus, de Germanicus, de Claude, 
de Caligula, de Néron, de celle des empereurs de la 
famille Flavienne, et de celle des An ton in s 1 . 

Les temps qui suivirent celte dernière période 
semblent avoir été moins florissants pour ces lieux 
qui, toujours les premiers exposés aux déprédations 
de£ Francs , dans les nombreuses irruptions que ces 
peuples firent dans la Gaule, finirent sans doute par 
être enfin anéantis par eux, lorsqu'au quatrième 
siècle ils se répandirent sur tout le Rhin et s'empa- 
rèrent même de Cologne. 

Julien cependant semble avoir relevé ces murailles, 
lorsquen360, après avoir chassé les Francs, il ré- 
tablit, selon le témoignage d'Ammien Marcellin 2 , les 
sept villes de Castra Herculis, aujourd'hui Malbourg; 
de Quadriburgium ,Qualbourg, situé près de Calcar; 
de Tricesimœ, ou du camp de la trentième légion, 
qui ne peut être autre que Vetera ou la colonie Tra- 
jane, et de Novesium, Bonna, Antunnacum et Btngto, 
Neuss, Bonn, Andernach et Bingen. Lui-même passa 



1 Voy. Houben , Denkmâler von Vetera , p. 33 et sv. 

2 L. xviii, c. 2. 



12 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

le fleuve à Tricesimœ, pour châtier les Altuares, 
peuple qui faisait partie de la coalition franque. 

Depuis cette époque le nom de ce lieu disparut 
dans les annales de l'antiquité. 

Sur les ruines de Vetera , de la colonie de Trajan , 
et du fort de Julien, s'éleva, s6us la domination des 
Francs, quand enfin les légions furent obligées de 
quitter les rives du Rhin, la petite ville de Xanlen, 
où le poème des Nibelungeti, cette épopée dont 
l'action nous reporte au cinquième siècle, place le 
palais de Sigismund et de son épouse Siegelinde,qui 
donnèrent naissance à Siegfried, le héros principal 
du poëme. 

Une suite de douze cents monnaies d or romaines, 
depuis Auguste jusqu'à Arcade et Honorius, fufent 
trouvées au bas de la colline qui soutenait Ve- 
tera f . 

Ces monnaies semblent attester une époque où 
l'aigle enfin recula*, et où, dans la précipitation de 
la retraite , ce trésor fut enfoui. 

Les Francs qui s établirent sur le Rhin, et dont 
les rois firent de ce lieu leur résidence , prirent 
le nom de Ripuaires, c'est-à-dire de riverains du 
grand fleuve, pour se distinguer des tribus franques 
qui habitaient les bords de 1 Yssel et de l'Escaut, 
connues sous le nom de Saliens. 

Ce fut du séjour de ces rois Francs sur les ruines 
de la colonie Trajane, dont le nom, par corruption , 
fut changé en celui de Troja, que s'établit la singu- 

1 Houben, ouvr. cité, p. 7. 



DU IU11N ET DU DANUBE. I 3 

« 

lière opinion, que ces peuples qui avaient inondé la 
Gaule descendaient des Troyens; origine que tous 
les chroniqueurs des Pays-Bas et de France, l'abbé 
Trithème, et, après lui, Guagin et Paul -Emile, se 
sont, au moyen âge, efforcés de prouver. Plus tard, 
les documents de cette ville la citent sous le nom de 
Trqja sancla\ de Troja sanctorum, de Troja Fran- 
corum ou Minor, qui avec le temps s'est changé en 
celui de Sancten et Xanlen, qu'elle porte seule en- 
core aujourd'hui. 

Du reste, déjà du temps de l'occupation romaine, 
une fable populaire que la plume de Tacite ne dé- 
daigna pas de nous transmettre 2 , avait mentionné 
le voyage d'Ulysse sur les bords du Rhin , tradition 
qui, pour l'époque où elle fut reçue, n'était pas moins 
extraordinaire que celle de l'origine de ces rois Francs 
établis dans l'ancienne colonie romaine devenue 
Troja, et dont on avait fini par oublier le fondateur 3 . 

m 

1 On trouve même cette dénomination sur une monnaie d'argent 
du onzième siècle, et sur une de cuivre de 1457. La première, battue 
sous Hermann, évêque de Cologne, représente l'église de Xanten 
avec la légende SCA. TROIA. (Sancta Troja) ; l'autre, battue sous Jean, 
duc de Clèves, représente, d'un côté, la figure du prince avec la lé- 
gende IOHANNES. TROIANORVM. REX, et, sur le revers, les armes 
de la ville avec la légende MONETA NOVA TROl NNORIS (Moneta 
nova Trojœ minoris). 

2 Ceterum et Ulixem quidam opinantur longo Mo et fabuloso errore 
in hune Oceanum delatum adisse Germaniœ terras , Asciburgiumque , 
quod (n ripa Rheni situm hodieque incolitur ab illo constitutum } nomi- 
natumque, etc. 

3 Cette fable n'a pas plus de fondement que n'en ont les autres tradi- 
tions mythiques et héroïques, auxquelles donnèrent lieu dans la Gaule 
les plus anciennes colonies grecques, telles que les voyages qu'Hercule fit 



14 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Nul lieu» sur tout le Rhin, n'a peut-être offert un- 
plus grand nombre d'objets d'art de l'époque ro- 
maine. 

Bijoux, camées, figurines de bronze, lacryraa- 
toires, vases cinéraires, tronçons d'armes et autres 
antiquités ornent le musée de celte ville, qui eût pu 
être d'une richesse immense, si tout ce que son sol 
en a livré depuis des siècles eût été conservé, 

Entre Birten et'Grunthal se montrent encore quel- 
ques restes de l'antique route militaire qui reliait 
Vetera à la colonie d'Agi ippine. Cette route allait au 
nord joindre les divers camps et les cités de la Bâ- 
ta vie, tandis qu'un autre embranchement reliât au 
Rhin les établissements de la Niers ou Nira, et au 
delà de cette rivière ceux de la Meuse. Un fragment 
de celte route s'est encore conservé intact près de 
Pont, sous le nom de Hochslrasse*. 

Vltinéraire d'Antomn conduit, au sortir de la co- 
lonie Trajane, à Burginatium, et de là à Arenatio, 
à Carvone, à Mannaritium , etc., jusqu'au Lugdûnum 
Bataviae, qui est le moderne Leyde. 

Burginatium était un camp placé entre Kehrum 
et Calcar, au pied du Mouterberg; il servait de ré- 



dans cette contrée, plus de 2000 ans avant Jésus-Christ; le combat de 
ce dieu contre Albion et Bergion , fils de Neptune ; la fondation qu'on 
lui attribuait d'Héraclée , à l'embouchure du Rhône , et celle de Ne- 
mausus ou Nisraes , que Parthenius de Phocée , cité par Etienne de 
Byzance, attribuait aussi à Nemosus, un des descendants de ce 
dieu. 

i Voy. Schmidt, Untersuchungen Uber die Rdmerstrassen in den 
Tihein - und Moselgegenden. Berlin 1833. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 5 

sidence à l'aile de cavalerie du 'Norique , qui a aussi 
laissé , comme nous l'avons vu, quelques. inscriptions 
à Vetera. 

Arenatium dut être placé près de Qualbourg, dans 
les environs de Clèves, lieu où beaucoup d antiquités 
ont été trouvées , et qui lui-même paraît avoir été 
le prétoire des différents camps fortifiés qui proté- 
geaient cette partie des frontières romaines entre le 
Rhin et la Meuse. 

On en attribue la première fondation à Jules-Cé- 
sar ; il est plus probable que ce fut sous le règne 
d'Auguste que furent élevées les tours qui couron- 
naient le Schlossberg, sur la pente des collines. 
Ces fortifications durent être imposantes, alors que 
Berg-und-Thal , que Donsbrug, que Bed bourg, trois 
autres lieux où Rome a laissé des souvenirs de son 
pouvoir, soutenaient par leurs castels les abords de 
la forteresse. 

Nous trouvons établi à Clèves le culte de Jupiter 1 
et de Mercure 2 , et dans ses environs des autels furent 

« I. 0. M. 

T. GRANIVS. 
VICTORI 

NVS. 

OPTIO. V. S. 

L. M. 

2 MERCVRI 

0. M. C. P. 
V. S. L. M. 



16 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

élevés à Junon, à Minerve 1 el à Martia 2 , nom sous 
lequel sans doute Bellone fut invoquée. 

Dans la direction de Cologne, ¥ Itinéraire ne cite, 
une fois, entre les deux grandes colonies de Trajan 
et d'Agrippine, que les deux établissements de Calone 
et de Novesium, et une autre fois il fait mention entre 
ces deuxvilles de Calone, de Gelduba, de Novesium, 
de Buruncum et de Durnomagus; ce qui permettrait 
de présumer qu'il dut exister deux embranchements 
de routes, dont Tune allait en ligne directe, et dont 
l'autre suivait, en remontant, les sinuosités du Rhin '• 
L'Itinéraire compte de Vetera à Novesium trente-six 
milles, et de là à Cologne seize lieues gauloises, qui 
font aussi vingt-quatre milles. La distance totale est 

« I. O. M. IVNONI. REGINE. 

MINERVAE. T. QVARTINI 
VS. SATVRNALIS. SIGNI 

FER. LEG. XXX. V. V. PRO. SE 
ET. SVIS. V. S. L. M. 



MPDNGORDIANO ET. AVIOLACoSKAL I. 

Monumentum positum, domino nostro Gordiano et Âviola con$u- 

libus, Kalendas Julias. (An 239 de Jésus-Christ.) 

8 MARTIAE. 

SACRVM 

LEG. EX 

V'SV 

T. C. L. F 

\ . o. L. 1j. M. 

3 ltin. Anton., p. 255 et 370. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 17 

donc de soixante milles, que Tacile mentionne aussi 
dans ses Annales * , et qui est , en effet, exacte, puis- 
que cinq milles romains répondent à un mille 
d'Allemagne. 

Comme le même Itinéraire compte, sur la première 
des deux routes, dix-huit milles de Vetera à Calone 2 , et 
dix-huit autres de Calone à No vesium, ilfautnécessai- 
remen t, puisque, comme nous venons de le d i re, la dis- 
tance totale eslexacte, placer l'établissementdeCalone 
entre la hauteur de Meurs et de Crefeld , deux lieux 
dans les environs desquels plusieurs inscriptions ont 
prouvé la présence des Romains. Calone aurait donc 
été probablement placé sur le sol que recouvre au- 
jourd'hui le village de Kalenhousen , qui a en partie 
conservé le nom antique, quoique toute trace ro- 
maine ail disparu. 

En sortant de Vetera, nous visitons sur le Rhin la 
petite ville de Buderich, qui, par elle-même, nest 
pas d'un intérêt majeur, puisque aucun fait historique 
ne s'y rattache , mais qui cependant mérite notre at- 
tention parce qu'elle me semble être Tan tique Budoris, 
dont parle le géographe Ptolémée, et dont onaen vain 
cherché la position dans le sud-ouest de l'Allemagne. 

Les uns ont cité sous ce nom la ville de Durlach , 
au pied de l'Abnoba, d'autres celle dHeidelberg, 
sur les bords du Necker, et d'autres encore celle de 
Dùsseldorf, sur la rive droite du Rhin. 

1 Tacite, Annal., i, 15. 

2 Cité, à cette occasion , aussi sous les noms de Colone , de Callone 
et de Colonies, dans les différents manuscrits qui nous restent de YM- 
néraire. Comp. les édit. de Wesso ling et de G. Parthey et M. Pinder. 

h. a 



18 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Ces opinions contraires, toutes erronées, du reste, 
viennent du respect trop aveugle que les différents 
écrivains qui les ont émises ont porté à l'autorité 
du philosophe d'Alexandrie, et à la différence des 
degrés qui sont marqués sur les diverses éditions 
qu'ils ont consultées. Car on sait que les unes portent 
pour latitude de Budoris le 49 e degré, tandis que 
les autres, sur la rectification d Érasme, portent 
le 51 e . 

On ne peut donc s'en rapporter exactement à leur 
calcul. 

Abstraction faite de cette difficulté, Ptolémée place 
Budoris au sud du château d'Alison, qui, comme 
nous lavons vu dans le chapitre précédent, doit 
avoir été élevé à la jonction de l'Aime, l'antique Alise, 
et de la Lippe. Or, c'est aussi un peu au sud de l'em- 
bouchure de cette dernière rivière que s'étend le 
bourg de Buderich, dont le nom est incontestable- 
ment la continuation du nom antique de Budoris, et 
où la présence du Romain nous est attestée par une 
inscription que son sol a livrée 1 . Il est donc hors de 
doute, ou qu'il y eut deux endroits qui portèrent ce 
nom, l'un sur la rive gauche, l'autre sur la rive 

* i. o. M. 

CL. NERO. 

L. M. S. 

I-. Ô M. 6 

Jovi optimo Maximo , Claudius \ero libero mente (yotutn) solvit 
lubens merito. 

Voy. Fiedler, p. 146; Oorow, p. *00; Sleiner, p. 622; Lorsch, 
p. 9, 2 P cah. 



MJ RHIN ET MJ DANUBE. 1 9 

droite du Rhin, ou que le fleuve, en changeant son 
cours, a jeté sur sa rive gauche ce Ken qui autrefois 
était sur sa rive droite , ou qu'il y a erreur dans te 
texte de Ptolémée. 

Après Budoris nous atteignons Asc i bu rgiom, an- 
cien camp romain, placé sur la hauteur d'Asbourg, 
et qui est à la fois cité par la carte routière de Théo- 
dose çt par Tacite, qui, non -seulement en parla 
comme d'un lieu dont la tradition germanique attri- 
buait l'origine au voyage fabuleux d'Ulysse sur le 
Rhin , mais encore en fait mention en décrivant les 
événements de la guerre de Civilis. Il servait a^oro 
de garnison à une aile de cavalerie, qui fut 'défaite 
par les cohortes de ce général , pendant leur marche' 
sur Gelduba 1 . 

Ptolémée parle aussi d'Ascibourg qu'il place vers 
la même latitude sur la rive droite du Rhin» Y a-t~il 
encore erreur dans le texte de ce géographe, ou le 
Rhin ici a-t-il aussi changé de cours? C'est ce qu'il ne 
nous est pas permis de préciser. 

Quant au castrum de Gelduba, il était de même, 
d'après le témoignage de Pline, posé sur les bords 
dif Rhin 2 , où son nom s'est perpétué dans celui du 
village de Gelb ou Gellep, bâti près des ruines de l'an- 
tique castel. 

Entre ce fort et Neuss était situé Buruncum, sur 



1 Rapiunt in transita Hiberna alœ, Asciburgii sita. Tacite, Hist., 
1. iv, c. 23. 

2 Gelduba castellum Rheno impositum. Pline, Hist. nal. y 1. xix , 
c. 15. 

h. '»• 



4 



20 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

remplacement de Burich , lieu que Y Itinéraire ctAn- 
tonin place à tort entre cette ville et Dorinagen. Les 
deux villages de Niedcr et d'Ober - Cassel , dont" les 
tours se reflètent dans le Rhin, se sont comme lui 
élevés sur les ruines d'antiques castels romains. 

Neuss (ou Nuys) est le Novesium des deux cartes 
routières. Il est cité par Tacite et par Ammien; par 
l'un, en décrivant la guerre de Civilis, par l'autre, 
en mentionnant les campagnes de Julien qui , comme 
nous lavons dit, rétablit les fortifications de cette 
ville. Des monnaies romaines et diverses antiquités 
ont # été retirées de son .sol ; parmi ces dernières 
se trouve une statuette de bronze, surtout remar- 
quable par l'inscription qu'elle porte , dédiée à Mi- 
thra, dont le culte était très-répandu sur cette partie 
du Rhin 1 . La sixième' 2 et la seizième 3 légion y ont 
aussi laissé des souvenirs. 



1 La voici : 

DEOINVfO 

MITHIR 

SECVNDINVS 

DAT. 

La statuette représente un jeune homme tenant un bouclier avec un 
serpent. C'est sur le bouclier que l'inscription est gravée. 

2 IVL. MACRO L. VI. VICTRIX. 

VET. LEG. Vf. VIC 
P. F. 



LEG. XVI. 



(Sur une brique.) 



DU RUINAT DU DANUBE. 21 

La route romaine allait directement de cette ville 
à Durnomagus , laissant à gauche sur les bords du 
fleuve Sontium ! , qui n'est cité que par Tacite. 

Durnomagus est le moderne Dormagen. 

La vingt -deuxième Jégion 2 et l'ailé de cavalerie 
du Norique, ainsi que la légion transrhénane 3 que 
nous avons signalée à Vetera, ont stationné en ce 
lieu , où , comme à Neuss/nous trouvons plusieurs 
inscriptions en l'honneur du soleil invincible Mi-, 
thra 4 . 

1 Aujourd'hui Zons. 

2 IIXXII PRPF. 

* . . . TRANSRFENANA. — . . . NSRHSNANA 

* DEO. J50LI I. M. P. S..ISVRA////S 

DVÊ///4LE. N0R1C0RVM. 

Deo Soli invicto Mithrœ^pro sainte Imperii , Suranus duplaris alœ 
Noricorum, 
Les duplares milites étaient les soldats qui avaient double paie. 

D. S. I. IMP. C. AMANDINIVS 
VERVS. BVC. V. S. L. L. M. 

Deo Soli invicto, Imperii conservatori y Caius Amandinius Verus, bue. 
cinator, votum solvit lœtus lubens merito. 

Ces deux pierres , ainsi qu'une troisième , furent trouvées, en 1821, 
dans les débris d'une vieille bâtisse romaine, sur une voûte que le ha- 
sard fit heurter. Le mythe de Mithra y était représenté. Les parois du 
lieu conservaient encore leur poli , et l'on put très-bien reconnaître les 
traces de la couleur rouge et verte dont elles avaient été badigeonnées. 
Près de ces trois pierres se trouvaient douze boules en tuf, depuis la 
grosseur d'une tête humaine jusqu'à celle d'une bille ; douze monnaies 
d'argent et de cuivre aux types de Nerva, de Trajan, d'Antonin- 
le-Pieux et de Vespasien , et neuf lampes , dont une de bronze et huit 
d'argile. 



22 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

• 

Plus rapproché de Cologne s'étend le bourg de 
Woringen, célèbre par la victoire que le duc de 
Brabaqt, Jean-le- Victorieux , y remporta» le 5 juin 
1288 , sur l'archef Ôque Siegfried et ses alliés '. Wesse- 
ling, d'après' Crombacb , et, après lui, Huepsch et 
Steiner, nous ont conservé une inscription très-in- 
téressante de cet endroit; elle prouve d'une manière 
certaine remplacement du bourg moderne sur le 
bourg antique de Segorigium, dont il retient en partie 
le nom 2 . La pierre qui nous transmet ce fait fut élevée 
à la reine des dieux par les habitants de cette bour- 
gade. Un autre autel, posé pour le salut d'un epapereur 
de la famille Anton i ne, y fut aussi dressé à Jupiter très- 
bon et très-puissant, Nous trouvons en ce lieu une 
aile de cavalerie du surnom ftlndiane % > cavalerie 



1 J'pi décrit cette bataille dans mon Estai historique sur Jean-le- 
Yictorieux , inséré dans le Messager des sciences historiques de Belgique , 
ann^e 1819, p. 465 et sv., et 1850, p. 35 et sv. 

2 H. H. D. D 

DEAE REGIN 

VICANI SE 
GORIGÏENSE8. 

Voy. Wesseling, p. 372; Huepsch, 36, 6; Steiner, 703. 

3 ALBAtfO. vitali 

EQ. ALAE. 1NHANAE 
TVR. BARBI. CIVI 
TREVERO. ANXXXSÎPX 
H* EX. T. F* C. 

Âlbanio Vitali, equiti Alœ Indianœ, turma Barbi, dvi Trevero, anno- 
rum triginta, stipendiorum deoem, hères ex testamento faciendum eu- 
ravit. 

Voy. Galenius, De magnit. Colon., p. 198. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 23 

espagnole, que le roi Indo 1 conduisit au secours de 
César contre Pompée , et qui probablement continua 
de servir dans les armées romaines en retenant le . 
nom du souverain dont elle rappelait les services. 

Vis-à-vis l'embouchure de la Wipper s élevaient 
deux autres castels, sur l'emplacement desquels re- 
posent les deux village et hameau de Rhein-Cassel 
et de Gasselberg. Nous avons du premier une inscrip- 
tion qu'un bénéficiaire du préfet du prétoire (sans 
doute du prétoire des Gaules) fit graver sur la tombe 
d'un de ses collègues, bénéficiaire du commandant 
de la seconde légion, du surnom de PartliiqueK 

Cologne était, comme nous lavons dit, le chef- 
lieu de toute la province de Germanie inférieure ou 
seconde. 

Ce fut Tan de Rome 716, et trente-huit ans avant 
l'ère chrétienne, que les Ubiens, reçus comme alliés 
du peuple romain , commencèrent à bâtir cette ville 
qui devint leur métropole. Dans ces murailles naquit 
Agrippine, fille de Germanicus, que l'empereur Claude 

1 Voy. Oudendorp, Hist. bell. Hisp. y c. 10. 

2 

10. VICTORI . . : 

CIPIS. LEG. II. PARTHIC .... 
EVERVS. BF. PREF. PRET . . . 

J'ai eu occasion de citer à Canstadt, t. 1, p. 248, des inscriptions 
dues à des bénéficiaires de consuls. Les bénéficiaires des préfets et des 
légats jouissaient des mêmes prérogatives. Paulus , dans Festus , s'ex- 
prime ainsi à leur égard : Beneficiarii dieebçtntur milites qui vacaàant 
muneris bene/tcio. J'ai dit, d'après Vegetius, 1. u, c. 7, en quoi con- 
sistaient leurs prérogatives. 



24 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

épousa» et dont celte cité prit le nom, lorsque Rome, 
pour mieux assurer son pouvoir sur le Rhin, y éta- 
blit une colonie de vétérans. 

Ce fut Tan de Rome 803 que celte colonie fut fon- 
dée. Elle reçut, comme Lyon, le droit italique 1 , et 
devint la résidence du légat impérial, qui jusqu'alors 
avait demeuré à Vetera. 

Sous l'influence des institutions romaines , cette 
ville acquit une grande importance. Elle joua surtout 
un rôle historique dans les guerres civiles qui trou- 
blèrent le Rhin, lorsque, après la mort de Vitellius» 
qui avait été salué empereur, les chefs gaulois et 
belges s'y conjurèrent contre Rome. Ce fut aussi 
dans ses murs que Trajan fut proclamé Auguste 
après la mort de Nerva, qui déjà lavait, avec le titre 
de césar, associé à l'empire. Constantin s'y arrêta, 
et il joignit par un pont la ville à la rive droite du 
Rhin, où s'étendait le fort de Divitia*, qui déjà sans 
doute avait été bâti à une époque antérieure, mais 
qu'il releva alors des ruines où l'avaient laissé les 
Germains. Julien reprit Cologne sur les Francs, qui , 
après la mort de Constantin, inondèrent de nou- 
veau la Gaule. 



1 Paulus, De Censibus, 1. vm. 

2 Deutz. Il est cité sous le nom de Divitia dans Grégoire de Tours ; 
sous celui de Duizia dans les Annales des rois Francs. Robert, abbé de 
Deutz, rapporte que, lorsqu'on démolit un mur pour réparer son cou 
vent, on découvrit une pierre dont l'inscription portait.que le fort avait 
été élevé par Constantin, sur le territoire des Francs, afin de préserver 
la Gaule de leurs irruptions. Consultez iEgidius , Belgium romanum , 
p. 232. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 25 

La dernière des inscriptions historiques que les 
monumen/s de cette cité nous présentent est de 
Tan 392, 93 ou 94 , alors qu'en Orient régnait Théo- 
dose , qui sëfait associé à l'empire son fils Ar- 
cade, et que TOccident reconnaissait l'autorité d'Eu- 
gène. 

Cette inscription décorait, à ce qu'il paraît, une 
tour, ou un monument public, que le temps avait 
fait écrouler, et qui fut alors relevé par ^l'ordre du 
comte Arbogaste 1 . 

Sa date la place au rang des dernières inscriptions 
que les Romains ont laissé dans le pays. Près de 
quatre siècles et demi s'étaient écoulés depuis la 
fondation de Cologne par les Ubiens, lorsqu'enfin la 
grande invasion des peuples Germains dans la Gaule, 
en 406, y fit cesser le pouvoir de Rome. * 

De tous les monuments qui la décoraient alors , il 
n'en est auiun qui se soit conservé intact, quoique, 
çà et là , quelques pans de murailles s'en montrent 
encore, et que le souvenir de plusieurs ait survécu 



3 1 IMPERATORIBVS NOST 

SIO. L L. ARCADIO. T. FL. EVGENIO 
T. CONLABSAM. IVSSV. VIftI. CL . . . 
STIS. COMITIS. T INSTANTIA. VC 
MITIS. DOMESTICORVM. E I 

SEX. INTEGRO. OPERE. FACIVN 

VIT. MAGISTER PRAELIVS. 

Imperatoribus nostris Theodosio , Arcadio , et Eugenio , turrem 

conlabsam, jussu viri clarissimi Ârbogastis , etc. 



26 ÉTABLISSEMENTS EOMAINS 

par tradition dans la mémoire du peuple 1 . L'habi- 
tant montre encore la place qu'occupait la porte de 
Jupiter; celle où, sur le Capitole, fut posé le temple 
de ce dieu, et où s'élevait aussi le temple de Vénus; 
la porte de Mars , celle de Junon , celle de Janus, la 
Naumachie , (arsenal , et à coté l'amphithéâtre ; plus 
loin» le prétoire militaire, dont une tour existe en- 
core, remarquable par son extrême solidité et par la 
marqueterie des pierres qui la revêtent; le prétoire 
civil, sur lequel repose l'Hôtel-de- Ville; le temple de 
Mars, le palais et le castel de Drusus, tous lieux dont 
les nouvelles constructions qui les recouvrent n'ont 
pu faire oublier l'antique destination. Le castel de 
Drusus surmontait la colline qui porte encore le nom 
d'Altebourg. 

L'autel qui fut érigé à Auguste, et que des princes 
étrangers se firent même un honneur de desser- 
vir, était posé sans doute sur la plaça élevée qui 
borde le Rhin , et qui autrefois formait une île. 
La rue qui y conduit semble en avoir conservé le 
nom 2 . 

D'autres autels par leurs inscriptions nous attestent 



1 Dans les derniers temps une mosaïque intéressante a été décou- 
verte à Cologne. Elle forme un carré parfait, renfermant lui-môme un 
hexagone , au centre duquel , comme l'indique une inscription grecque, 
dut figurer le buste de Diogène-le-Cynique. Cet hexagone est renfermé 
dans un cercle , et ses six angles sont ornés chacun d'un médaillon , 
dont quatre , encore distincts , contiennent les figures de Sôcrate , de 
Sophocle, de Chilon et de Cléobule ; les deux autres figures sont mé- 
connaissables. 



2 Aregasse, rue de l'Autel. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 27 

le culte des antiques habitants pour Mercure 1 , pour 
Diane 2 , pour le dieu Soleil Sérapis 3 , pour Proser- 
pine 4 , et pour les divinités secondaires, telles que 

* # MERCVRIO MERCVRIO 

T. FLAVIVS CESSONIO 

VICTORI IARI...VS 

. NVS. 0. LEG SEN... A S 

XXX. V. V. V. S. L. M. 
V. S. 

2 DEANAE 

SACRVM . 

A TiTiVS. G. F 

POM. SEVER 

VS. ARRTOO 

y LEGVIVIC. P. F 

• IDEMffVE. VIVARI 

VM. SAEPSIT. 

Trouvé près des décombres de l'amphithéâtre. Voy. Beiblatt zur 
Kôln. Zeitung, 1829, n<> 17. 

3 SOU SERAPI 

CVMSVACLEffi 
IN. H. DD. 

DEXTREtfAIVSTA 
L. DEXTRINIIVSTI 
////iLfA, AGWPP. D. D. 



«•* 



DITI 

PATRI. ET 

PROSERPIN 

SACRVM. 



<& ftTi 

Sém*^ H se* «*w*\ b Victoire*, b Fortoe. les 



**OMEt> l!v> 

KEGCVA PATEILM 
MATEK.MTJL E7 
PACTJL ±RAM M» 

SVIT. 
SVB. >AŒRWTA 
SERAMO C11ALLO 

PATRE 

\j% verni* de SémëLé «tuent Avion** et Agate. 
ici être identique avec b terre < ;•«. tt s 7" : <* qni einliq*e le titre 
4e £*e*r mmtr+tns . donné a se* prétrtsfcc* . qni . qnoiqne li t iges . 
avaient cependant b dignité, et jonissaÀent de la considération des 



* DEAE 

YICTORIAE 
SACRYM. 

O* anlH , enrichi de bas-reliefs sur les quatre* faces , fa tronré à 
Cutagne, en 1606, selon le témoignage de BroMmann ;n # 14} et de 
CrnUr »c, M, H . Transporté de cette \ille à BUnkenbeûn et de là à 
KofMi ., il devint la propriété d'un chanoine , du nom de Pick, qui en £t 
prêtent a ta ville natale , à coédition qu'on en décorerait mie place 
publique. Il orne aujourd'hui la place de Saint-Remi > où il fnt posé 
V; 5 décembre I8Ô9. Voy. Description d'un autel de la Victoire •mo- 
nument antique, érigé sur la place de Saint-Remd è Bonn. Arec estampe. 
Bonn MO. 



OU RHIN ET DU DANUBE. 29 

Matrones 1 , l'Honneur 2 , invoqué aussi comme un 
dieu. 

A ce culte de la nature et des passions personni- 
fiées s'unit, dans les derniers temps, le spiritualisme 
chrétien qui, çà et là , sur une tombe, a aussi inscrit 
sa formule de paix , à la place de l'invocation aux 
Mânes, qui se remarque sur toutes les. tombes 
païennes 3 . 



1 Parmi les diverses inscriptions adressées aux matrones, il en est 
une qui mérite notre attention , parce qu'elle peut servir à soulever une 
question de géographie antique. La voici : 

lAUÔNIS 

AfFANIB. C 

IVL. MVNSVE 

1 VIS. M. L. I. M. 

P. F. V. S. L. M. FV 

FÀDALVTWf 

FLWŒN. SECVS 

MOPT CA/CASI. • 

Matronis Aufanibus Caius Julius Mansuetus, miles legionis primœ, 
Minerviœ, piœ, fidelis , votum solvit lubens merito , fecit voto facto ad 
Alutum flumen secus montem Caucasi. 

On ignore encore quelle est la rivière du Caucase désignée par cette 
inscription. 

2 HONORI 

T UI ORI 
SATVRN 
NIVS. LV 
BVLVS. 

Les Romains élevèrent un temple à l'Honneur dans la ville de Rome. 
Cicéron, De leg., n, 3; P. Victor, Reg. urb n i. Marius lui en éleva un 
à Arezzo. Orelli , inscript. 543. 

3 Voy. Lersch, Centralmuseum rheinlândiseher Inschriften. i*r cah., 
p. 65 et sv. 



30b ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Les troupes dont ces tombes nous attestent la pré- 
sence -à Cologne , sont la sixième , la vingt et unième» 
la vingt-deuxième et la trentième légion , ainsi qu'une 
aile de cavalerie, dont le surnom de Vengeresse de la 
•foi % , qu'elle prend dans ses inscriptions, est surtout 
remarquable. 

Je ne sache pas que l'histoire en ait jamais fait 
mention, ni que dans aucun autre lieu elle ait jamais 
laissé des souvenirs. 

Quatre routes principales aboutissaient à la colo- 
nie. Indépendamment de celle que nous venons de 
suivre depuis Vêlera, il en existait une autre qui 
reliait ces deux villes, et qui, par Juliers, où fut sta- 
tionnée une partie de la vingt et unième légion , allait 
joindre le val de la Meuse. Un troisième embranche- 
ment se dirigeait sur Trêves et atteignait le bourg 
de Tolbiac 2 , célèbre par la victoire que Clovis, le 
conquérant des Galles, y remporta sur les Alié- 
na an es, en 496. 

La quatrième, ou celle de Mayence, était la con- 
tinuation de celle de Vetera. 

C'est cette dernière que nous suivons jusqu'à Bonn, 
visitant sur notre route deux inscriptions intéres- 
santes de Wesseling et d'HerseK La première couvrait 
la tombe quTElia Timoclia fit élever à son époux Eva- 

* APOLLONIAE. VICTORINAE. BESSVLA////// 

VALGASMAIERI. DEC. ALAE. FIDEVINDICIS 
CONIVGI. CARISSIMAE. MEMORIAM. QVEM 
ROGAVIT. FECIT. 

2 Zuipich. On y a trouvé plusieurs inscriptions et monnaies romaines. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 31 

rète le philosophe *, ami de Salvius Julien , célèbre 
jurisconsulte, qui,' sous l'empire d'Adrien, rédigea 
YÉdit'perpétuel 2 ; la seconde fut placée sur la tombe 
d'un des présidents de la province de German:e*in- 
férieure, par quatre centurions de la première légion 
Minervienne 3 . 

Bonn est cité dans l'antiquité par Ptolémée, Stra- 

* . Q AELIO 

EGRILIO 
EVARETO 
• PULOSOHO 
AMICO. SALVI 
IVLIANI AEUA 
T1MOCLIA \XoR 
CVM. FILIS. 

2 Lisez sa vie dans Rutile , Vitœ ICtorum, c. 66, et dans Bertrandus , 
Bio\ vop.ixwv, \ 9 c. 1 er . • 

3 

.... F S . . 

. . A. . . . 

MANIAE. INFER. 
TEM. fflSPAWAE. CITER 
T. FL. DVBITATVS. STRATETVS 
M. ALPMVS. FERMANT///// • 
P. AELIVS MARINVS 
P. IVLIVS MEMORII///\/// 
^0 LEG I MINER 
PRAESIDI SANCTISSIMO. 

Centuriones legionit primœ, Minerviœ, Prœsidi sanctùsimo. 



32 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

bon, les deux Itinéraires, Pline» Tacite et Am- 
mien. 

Le dernier historien fait aussi mention «outre cette 
villtet la cité d'Àgrippine, de l'établissement de Ca- 
lidori,qui probablement recouvrait le sol près du- 
quel s étend Keldenich , et sous lequel aussi sont en- 
fouis d'anciens fondements de bâtisses, san§ que 
toutefois ni monnaies ni inscriptions en aient jus- 
qu'ici été retirées. 

Le fort de Bonn, qui indubitablement fut un des 
cinquante castels bâtis par Drusus au bord du Rhin, 
s'élevait sur la partie centrale que la ville moderne 
recouvre aujourd'hui. Il dominait du côté de 
Coblence et de Cologne les deux embranchements de 
la chaussée antique, au bord de laquelle se grou- 
paient les monuments funéraires des officiers et sol- 
dats de sa garnison. 

D'après les inscriptions qui se lisent sur ceux de 
ces monuments qui ont été retirés du sol , ce furent la 
première, la quinzième et la vingt-deuxième légion, 
ainsi que la cinquième cohorte des Asturiens , qui 
furent successivement postées dans ces murailles. 

Dans l'intérieur de la ville, sur le Beldenberg, sur 
la place Saint- Rémi, sur le Vichelshof, furent déjà 
souvent retrouvés les fondements d'anciennes bâ- 
tisses romaines et divers objets d'antiquités. Une 
grande partie de la rue du Prince est assise sur les 
encombrements d une voûte colossale, et derrière 
les maisons du Marché et de la rue de l'Étoile sont 
encore enfouis les restes des antiques murailles. Le 
caste! semble avoir été partagé en deux parties dis- 



DU RHIN ET DU DANUBE. 33 

tinctes, à l'exemple de plusieurs camps de la Vindé- 
licie; et c'est sur les ruines de ces doubles enceintes 
que se sont, au moyen âge, établis les deux quartiers 
séparés de Bonn et de Bern, donX le dernier paraît 
lui-même avoir dans l'antiquité porté le nom de Ve- 
rona. Nous avons encore une des ordonnances de 
Valentinien, de Valens et de Gratien , signée de Ve- 
ronae, le VIII des Ides de décembre 366 ', époque où, 
d'après le témoignage de l'historien, Valentinien était 
dans les Gaules. Peut-être est-ce sous cet empereur, 
qui entreprit tant de travaux sur le Rhin, et qui le 
fortifia depuis sa source jusqu'à son embouchure, 
que sur les murailles renversées par les Allemanes 
furent relevées celles de ces deux camps réunis. 
Les deux communes qui prirent naissance dans ces 
enceintes continuèrent d'être séparées de nom depuis 
le dixième jusqu'au quatorzième siècle, époque où 
celui de Bern ou Verona disparut tout à fait pour 
laisser subsister seul le nom le plus antique 2 . 

Un passage de Florus cite Bonn comme ayant été 
joint par des ponts à un autre lieu du nom de Ge- 
sonia 3 . 

Ce passage de l'historien guerrier a donné lieu à 
beaucoup de commentaires. 

On a cherché de plusieurs façons à rectifier le texte 



* Codex Theod., I, 9, De vétéran. 

2 Lersch , dans les Jahrbiicher des Vereins von Âlterthumsfreunden 
im Rheiniande, 1 er cah., article Verona, a donné La récapitulation des 
différents diplômes et des différentes monnaies de ces temps qui at- 
testent cette séparation des deux communes. J'y renvoie le lecteur. 

3 Florus, 1. iv, 12, § 26. 

II. 3 



34 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

qui paraît, en effet, avoir été tronqué. Les uns ont subs- 
titué Mogontiacum à Gesonia; les autres ont laissé 
subsister le mot de Gesonia, regardant le hameau 
de Geusen ou Ges&elar, à une. faible distance de la 
rive droite du Rhin, comme étant le lieu antique 
de l'historien. D autres ont substitué Verona à Ge- 
sonia, et l'ont joint à Bonn par des ponts, dont quel- 
ques-unes des voûtes qui se trouvent enfouies sous 
le sol de la ville moderne, et dont j'ai plus haut 
signalé l'existence> seraient les ruines. Cette opinion, 
qui est Tune des plus récentes, est cependant l'une 
des moins soutenables. D autres enfin ont rectifié le 
texte, en substituant aux deux mots de Bonna et de 
Gesonia les deux noms de Bononia et de Gesoriacum, 
et plaçant, par conséquent, les deux endroits, dont, 
selon le passage de FI or us, le général romain pro- 
tégea les abords par des flottes, non sur le Rhin, 
mais sur les côtes de l'Océan , où s'étend aujourd'hui 
le port de Boulogne. 

Sans me rallier à cette dernière opinion, qui ne peut, 
en effet, jamais atteindre l'importance dune vérité 
historique, elle me semble digne d'être approfondie. 

La présence de flottes stationnées en avant des 
deux villes, pour en couvrir les avances 1 , an- 
nonce une place de guerre considérable et un port 
étendu; ce que ne fut jamais Bonn, dont rien dans 
r histoire ne nous atteste une telle importance, et qui 
ne joua jamais, en effet, qu'un rôle secondaire. Nous 
n'avons nulle notice que des flottes aient, Sous le 

* Classibus firmavit. Florus, IV, 42 , § 26. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 35 

gouvernement de Dru s us, parcouru le Rhin. Ce ne 
fut que sous Germanicus que des vaisseaux furent 
construits sur les chantiers de ses principales villes 
riveraines , non toutefois pour stationner sur le fleuve, 
mais pour ensuite descendre jusqu'à l'Océan et porter 
les légions dans le nord de la Germanie 1 . 

Boulogne, au contraire, fut, dès l'arrivée des Ro- 
mains dans la Gaule , une de leurs principales sta- 
tions maritimes sur l'Océan. Ce fut probablement 
de ce port que César passa en Angleterre 2 . Claude, 
suivant Suétone, dirigea de Gesoriacum son expé- 
dition contre cette île 3 . Gesoriacum fut plus tard 
appelé du nom de Bononia 4 , nom qui semble attester 
la réunion des deux lieux. Peut-être du temps de 
Florus étaient-ils séparés par la Lianne. 

Malheureusement toutes ces questions n'éclair- 
cissent point le louche qui continue de régner dans 
le passage de l'historien. 

Le Rhin devant Bonn ne présente aucun vestige 
d'antiques constructions romaines, soit qu'en effet il 
n'en ait jamais existé , soit que le temps ou la main 
des générations postérieures ait renversé jusqu'à la 
dernière pierre que le grand peuple y avait cimentée. 

1 Tacite, Annal., H, 6. 

2 Jpse ciim omnibus copiis in Morinos proficiscilur, quod inde erat 
brevissimus in Brittanniam transjectus. César, De bell. gall., iv. 24. 
Pline, 1. iv, c. 17 et Mêla, 1. u, c. 2, appellent Boulogne Portus 
Morinorum. 

3 Suétode, in Claud., 17. 

4 Bononia, quam Galli prius Gesoriacum vocabant. Atfbnym. Valesii 
script. De Constantino. — Gesogiaco quod nunc Bononia. Table de 
Théod. 

II. 3# 



36 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

La route romaine, en quittant Bonn, suivait, comme 
la route moderne, la direction de Godesberg pour 
atteindre Remagen. Le sommet du Godesberg est 
encore surmonté des ruines d'un châtel du moyen 
âge, construit sur les ruines d'un castel romain 1 . Les 
eaux thermales qui se trouvent au pied de la mon- 
tagne paraissent avoir été connues de bonne heure. 
Une inscription, dédiée à Esculapeet à Hygie, et gra- 
vée sur-une pierre comme un monument de recon- 
naissance, à lërection duquel prit part un légat de la 
première légion, à laquelle Bonn servait de quartier 
dans la septième décade du premier siècle 3 , prouve 
du moins suffisamment que déjà les Romains les 
avaient mises à profit 3 . 

1 II fut construit, en 1210, par Théodoric , archevêque de Cologne, 
ainsi que le prouve un document. Pendant les guerres auxquelles don- 
nèrent lieu la conversion au protestantisme de l'archevêque Gebhard 
et son mariage avec la belle comtesse de Mansfeld , ce prélat plaça 
dans ces murs une garnison hollandaise. Gebhard ayant plus tard été 
démis de son siège, son successeur Ernest, de la maison de Bavière, 
fit sauter le château en 1593. 

2 Bonnam, hiberna primœ legionis. Tacit., Bist. } 1. iv. m 

3 F0RTVN1 # 

SALVTARIBV 
AESCVLAPIO HYG 
Q VENIDIVS RVF 
MARIV// MAXI1 

L. CALVINIANV 
LEG. LEG. I. M. I. 
LEG. AVG. PR///// 
PROVINC. G 1 1 1 

//// 
Fortunis salutaribus , Msculapio , Hygiœ , Quintus Venidius Rufus , 

Marins , Maxtmus, Lucius Calvinianus, legatus legionis primœ, Mi- 

nerviœ % piœ, legatus Augusti , prœtor provinciœ Germaniœ inferioris, 

dedicaverunt. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 37 

Une antique tradition parle d'un temple de Mercure 
qui s'élevait sur la pointe de la montagne, et qui, 
lorsque le christianisme fut introduit, fut remplacé 
par une chapelle dédiée à saint Michel , qui elle-même 
est tombée en ruines. On attribue à Julien la fondation 
du castel romain, quoique, selon toute probabilité, 
ce fut bien antérieurement à ce - prince que ses cré- 
neaux s'élevèrent. Peut-être seulement les releva-t-il 
lorsqu'il reprit sur les Francs, Remagen et Cologne, 
qui pendant dix mois étaient restés au pouvoir- de 
ces peuples 1 . 

Remagen , selon la témoignage d'Àmmien Marcel- 
lin , était alors avec Cologne la seule ville romaine 
qui n'eut pas été anéantie 2 . La terminaison celtique 
de son nom 3 prouve en faveur'de sa haute antiquité , 
comme le titre d'oppidum que lui donne l'historien , 
prouve son importance comme place forte. En 1769, 
on trouva prèsdecejieu deux pierres milliaires , dont 
lune fut posée vers l'an 140, sous Antonin-le-Pieux 4 , et 

1 Juliani epistola ad Senatum , p. 512. 

2 Amm. Marcel., 1. xvi, c. 3, p. 85 de Pédit. de Deux-Ponts. 

3 Rigomagum oppidum. Amm. Marcel., 1. xvi , c. 3, p. 85. 



• 



* HADI 

Wpai 

PRQN 

flbrft 

P MTR 

III P. P. A 

M. P. . . . 

(Imperatore Cœsare, divi) Had(riani /Mo, divi Tra)jani, Par(thici 
nepote, divi Nervœ) pron{epote, Tito Mlio Hadriano A{ntonin(o, Au- 
gusto y pio,) Pontifice maximo , tribunicia (potestate iterum , consuli) 
tertium, pâtre patriœ,a (colonia Agrippina) Milita passuum (triginta). 



38 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

l'autre vers l'an 163 , sous les règnes de Marc Aurèle 
etdeLuciusVerus'. 

Elles servent à indiquer les dates des différentes 
époques où furent mesurées les distances itinéraires 
dans les provinces rhénanes. 

Un fragment d'inscription dune troisième pierre 
milliaire fut aussi trouvé près d'Andernach, sans 
qu'il nous soit permis de juger si elle répond pour 
la date aux deux que nous venons d'indiquer. 

Avant d'atteindre cette dernière ville, nous tou- 
chons Breisig (Brisiacum), lieu celtique, où furent aussi 
trouvées plusieurs monnaies romaines, et Brobl, dont 
les carrières de tuf furent exploitées par le grand 
peuple. 

Plusieurs inscriptions nous prouvent que ce furent 
les soldats des légions, et surtout ceux de la dixième, 
qui furent chargés de 1 extraction de ces pierres, 
qui sans doute servirent alors à la bâtisse des diverses 

1 IMP. CAES 

M. AVREL. ANTO 
NIN0. AVG. PONT 
MAX. TR. POT. XVI 

COS. III ET 
IMP. CAES 

L. AVREL. VERO. AVG. 
TR. POT. C0S II. 
A COL. AGRIPP 
M. P. XXX. 

Cette pierre se trouve présentement à Mannheim. Les Actt. Acad. 
Palat., t. iv, p. 40 , Steiner, p. 761 , et Graeff, p. 8 , citent fausse- 
ment Neumagen comme le lieu d'où elle provient. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 39 

forteresses du Rhin et de la Moselle 1 . Elles nous 
attestent et la vie active du soldat romain et les rudes 
travaux auxquels il était employé. 

Andernacb , que nous trouvons cité dans A mm i en , 



• HERCVLI IN 

VICTO. SAC 
RVM. C. TER 
ENTIVS BASS 

VS > LEG VfVI 
CTRICIS ET VE 
XILATIOLE El 

Legio sexta victrix et vexillatio- 
legionis ejusdem. 



IERCNLI 
SAXANO 
NEXILIATIO 
COHORTIS 

T. C. R 

N4 . S. L. M. 

Cohors prima civium romanorum. 



HERCVLI SAy 
SANO 
QMNLIVS 
PRISCVS y I E 
C X CEMINA 
II COMIL'TONES 
V. S. * 



Legio décima gemina 



HERCVLI SAXA 
NG L LICINIVS . 

FESTV//// LEG XX// 
RAP ET MILITES 
LEG EIVSDEM 
V. L. S. 

Legio unavicesima , rapax. 



Au sujet d'Hercule Saxanus , ou dieu des carrières , voy. Fiedler, 
p. 224 , et Hagenbuch , Antiquitatum Clivensium sive inscriptionum 
Bergendalensium investigatio I, de Hercule Saxsano. Susati 1731. On 
a voulu voir dans cette divinité une identification avec celle mentionnée 
sous le nom de Saxonote, dans une des formules d'abjuration, rédigée, 
en 743 , au concile de Leptines : End ec forsacho allum diabolis wer- 
cum, endwordum, Thunaer ende Woden, end Saxonote ende allem 
them unholdum, the hira genotas sint. c Et je renonce à Joutes les ac- 
ttions du démon, et à ses paroles, à Thor et à Wodan et à Saxonot, 
« et à tous leurs serviteurs, etc.» On a cru que le culte d'Hercule, étant 



40 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et dont le nom parait aussi dans les deux Itinéraires 1 , 
est un des lieux les plus intéressants de tous ceux 
qui bordent la rive gauche du Rhin. Sa situation est 
extrêmement pittoresque. Posée au milieu d'un vaste 
amphithéâtre de montagnes basaltiques, cette ville 
offre au bord du fleuve un aspect antique et sombre. 
Aux débris de ses vieux monuments se rattachent à 
la fois et les souvenirs de Rome et ceux du moyen 
âge. 

Elle fut d'abord fortifiée par Drusus , et elle eut 
ensuite à souffrir pendant les guerres de Civilis. Le 
môle colossal que les Romains avaient élevé pour 
amarrer les bâtiments de guerre dont cette ville pa- 
raît avoir été une des stations du temps de Germa- 
nicus, n'avait point encore tout à fait disparu sous la 
domination des rois d'Austrasie. Les ruines du palais 
de ces princes se découvrent encore, et c'est sur les 
fondements romains que repose la grosse tour du 
Rhin, dont l'aspect pittoresque fait un des principaux 
charmes du joli paysage qu'elle embellit. Une ins- 



en honneur chez les Germains , et que le trouvant établi sur le Rhin , 
lorsqu'ils se ruèrent dans la Gaule , les Francs avaient conservé au 
dieu le surnom sous lequel il était invoqué dans quelques localités par 
les colons gaulois , au milieu desquels ils se mêlèrent. Mais celte sup- 
position me semble hasardée. Le Saxonot flamand , uni au dieu Thor 
et à Odin, me paraît plutôt avoir été une divinité saxonne, dont les 
Flamings, ou émigrés de cette nation, qui vinrent au quatrième siècle 
s'emparer des dunes de Dunkerque, et donner au pays le nom de 
Flandre , et au rivage le nom de Lit tus saxonicum, avaient apporté le 
culte avec eux. 

1 Ammien Marcellin le nomme Antunnacum ; Y Itinéraire d'Antonin 
Antunnaco; la Table de Théodose Autumnacum. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 41 

cription du plus grand intérêt historique , laquelle fut 
trouvée non loin d'Andernach, cite la flotte de Ger- 
maniet 

Elle fut sans doute élevée aux Matrones tutélaires 
du lieu dont le soldat qui leur voua son culte était 
originaire, pendant le temps que les préparatifs, dont 
l'histoire nous entretient, avaient lieu sur le fleuve 
pour (expédition maritime du Nord. 

De toutes les inscriptions connues, c'est la seconde 
qui fasse mention de la flotte dont les opérations 
furent dirigées contre la Germanie 1 . Sous les murs 
de THôtel-de-Ville d'Andernach se remarquent en- 
core de vastes souterrains, restes des bains romains 
qui ornaient la cité 

Une vieille porte , toute criblée de trous de mi- 
traille, et noircie par le temps, est nommée par 
l'habitant la porte romaine, quoique la forme de 
l'arcade indique une origine moins an tique. Les mon- 



1 La première , sur laquelle est cité un trierarque ou capitaine d'une 
trirème de la flotte de Germanie , fut trouvée à Arles. Voy. Mura- 
tori, ii, p. dcccxi, 1. 

Voici celle du Rhin : 

MATRIBVS 

SnjIS 
SIMILI0M1I// 
ES EX C A SSE 6 
RMANICA PED 
PLER CRESIMI 
V. o. L. L. M. 

Matribus suis , Similio, miles ex classe Germanica, etc. 



42 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

naies trouvées sur ce sol sont de toutes les périodes 
du grand peuple. Détruite par les Francs, au qua- 
trième siècle, la ville fut, comme nous l'avons dit, 
rebâtie par l'empereur Julien, et devint, vers les 
derniers temps de l'Empire, le quartier général d'un 
préfet militaire 1 . Au cinquième siècle", ce n'était pins 
qu'un castel, ainsi que nous l'atteste un passage de 
Fortunat*. 

Une autre préfecture militaire était Coblence, lieu 
qui prit son nom de sa position au confluent du Rhin 
et de la Moselle * . 

Nous avons déjà souvent eu occasion de faire re- 
marquer quel soin particulier les Romains mirent 
surtout à fortifier l'entrée des vallées principales. 
Celle de la Moselle, pour eux si importante, et au 
sein de laquelle s'étendait la riche et grande cité de 
Trêves, ville déjà puissante avant leur prise de pos- 
session du pays, et qui devint, sous Constantin, la 
métropole des Gaules, dut de bonne heure fixer leur 
attention. 

Il est donc probable que déjà Drusus bâtit le pre- 
mier castel qui défendit l'embouchure de cette ri- 
vière , lorsqu'il fortifia le cours du grand fleuve. 

Il est probable encore que ce fut sous la protection 
de ce castel que se groupa dans la vallée le primitif 
établissement communal , sur lequel , du reste , nous 



1 Notit. dignit. imp. occid., édit. citée, p. 2001. 

2 Àntonacense castellum. Venant. Fortunatus , De navigio suo , 1. x. 

3 Âpud Confluentes, locum ita cognominatum , ubi amnis Mosella 
confunditur Rheno. A m m. Marc, 1. xvi, 3. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 43 

n'avons aucune nolice , et dont nulle inscription ne 
nous rappelle le régime municipal ni le culte. Les 
murailles romaines renversées servirent à 1 élévation 
des murs d'enceinte de la ville nouvelle que bâtirent 
sur le même sol les premiers rois Francs qui s'éta- 
blirent sur le Rhin. Quelques pans dfe ces murs, res- 
pectés parles siècles, montrent dans leurs matériaux 
des blocs que tailla le ciseau romain ; l'on conserve 
encore dans la salle des conférences du Gymnase 
une de ces pierres qui recouvrit un mausolée, et qui, 
agrès avoir pendant plusieurs centaines d'années 
fait partie du mur d'enceinte qui borde la Moselle, 
en a enfin été extraite, il y a une trentaine d'années, 
pour la préserver d'une ruine totale. Déjà l'inscrip- 
tion en est aux trois quarts effacée 1 . 

La quatorzième 3 et la vingt-deuxième 3 légion sont 
les seules troupes romaines qui aient laissé des sou- 
venirs de leur présence en ce lieu ; dans les derniers 
temps de l'Empire y était placée une cohorte de sol- 
dats défenseurs, sous les ordres d'un préfet 4 . 

^111 1 III III VS////// SIBI VIVVS////////// 
/////////////////////// MONVMENTVM///// 

llllllllllllllllllllllllllllisnmymiiiiiii 

Voy., pour cette pierre , Klein , Herbstprogramm von Koblenz. 1825. 
p. 3 - 12; 1826, p. 19—28, et August. Wilhelm, Die rômische Sta- 
tion Confluentes, dans les Deutschen Alterthiimer , de Kruse, m, 3 , 
p. 1-15. 

3 L XIIII GM. — L XIII(l) GMPF. (August. Wilhelm , ouvr. cité , 
p. 13.) 

3 -LEG. XXII G/ II/. (Klein, Gymnasialprogramm , de 1837 et 1838, 
p. 29 et 33.) 

4 Notit. dignit. imp. occid., édit. cit., p. 2001. 



44 Établissements romains 

Les montagnes qui depuis Andernach bordent le 
Rhin , encaissent le fleuve dans la masse colossale 
de leurs rocs; c'est sur leur pente que déjà dans 
l'antiquité, au moyen de la pioche et du ciseau, avait 
été taillée la route romaine qui, au-dessus du préci- 
pice, circulait efh en suivant les détours. 

Cette route atteignait Boppart, lieu désigné sur 
une colonne milliaire, trouvée près de Tongres, en 
1817 \ sous le nom de Bondobriea, et où les mêmes 
légions qui ont buriné leurs chiffres sur les inscrip- 
tions de Coblence, étaient aussi en partie stationnée% 3 . 

Au dernier temps de l'occupation romaine y étaient 
placés, sous les ordres d'un préfet, les soldats char- 
gés du service des batistes, troupe qui, dans les ar- 
mées de l'Empire, répondait assez exactement à 
notre artillerie. On sait que les balistes étaient des 
armes de jet, propres à lancer à une distance prodi- 
gieuse des pierres, des carreaux ferrés, pesant jus- 



4 Voy. Heonequin , De origine et natura principatus urbis Trajecti 
ad Mosam medio œvo. 

* LEGoIIXXC. 



PRINCEPS. II LEG. XIIII 



GEM. AN. LXIII1 STBP 



XLVI. MILIT. XVI. CVRA 
TORIA. VETERAN. ÏÏÏÏ 
EVOCATIYA Hf. 

Princept secundus legionis decimœ quartœ geminœ, annotum 

s ex ag in ta quatuor, stipendiorum quadraginta sex, militiarum sede- 
ctm, curât orictve ter anorum quarta, evocativa tertia. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 45 

qu'à soixante livres , des flèches , et quelquefois 
même, lorsqu'elles étaient employées dans le siège, 
des torches enflammées, qui devaient porter l'in- 
cendie dans les villes 1 . 

« Les balistes et les onagres, dit Vitruve, manœu- 
« vrés avec activité par des gens habiles , sont au- 
-dessus de tout. H n'^ a contre leurs coups au- 
«cun moyen de défense. Semblables à la' foudre, 
« ils brisent et mettent en poussière tout ce qu'ils 
« frappent.^ 

Chaque légion possédait un certain nombre de ces 
machines de guerre, montées sur des roues, qu'elle 
traînait avec elle dans toutes ses «marches. Par le Livre 
de la Notice, nous voyons que les soldats qui les ser- 
vaient formaient un bataillon à part, placé dans des 
garnisons particulières, où sans doute existait, comme 
aujourd'hui pour notre artillerie, une école qui les 
formait, et où ils s'exerçaient au tir des divers pro- 
jectiles. 

Entre Boppart et Bingen , dernière ville où , à la 
même époque, était placé un préfet commandant les 
soldats qui portaient le nom du lieu même , l'ins- 



' Une baliste n'était qu'une grosse arbalète. Un châssis de charpente 
lui donnait la solidité qui était nécessaire. Son ressort consistait en 
deux écheveaux de cordes de boyaux ou de crins , que deux bras , 
engagés daus le centre, et tirés à l'aide d'un cable et d'un treuil , for- ' 
çaient à se tordre. C'était par cette t rsion progressive que Ton accu- 
mulait une force d'impulsion qui se dégageait tout entière à l'instant 
où le cable qui unissait les deux bras , étant parvenu à l'endroit de la 
détente, se redressait subitement en chassant le projectile devant lui. 

{Encyclop. nouvelle.) 



46 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

cription de la colonne de Tongres cite la mansion de 
Vosolvia ou d'Ober-Wesel '. 

A ce lieu que l'antiquité précise, il faut ajouter Sal- 
zig 2 et le castel de Saint-Goar, ainsi qne celui qui. à 
l'opposé des ruines de Stahleck, dominait la petite 
ville de Bacharacb , que le géographe de Ravenne 
semble avoir voulu désigner,, en citant dans ces en- 
virons un lieu du nom de Boderecas. Tous ces lieux 
ont offert quelques antiquités. 

Le fort de Bingen que Drusus éleva au confluent 
du Rhin et de la Nava, couronna indubitablement 
la hauteur où, sur ses ruines» fut, au moyen âge, 
bâti un couvent. La bourgade qui s'étendait à ses 
pieds, fut plus tard augmentée par Julien, circons- 
tance dont le poëte Ausonne fait allusion dans ses 
vers, lorsque, chantant le voyage qu'il fit, en 368, 
de Mayencé à Trêves, il décrit le cours rapide (te la 



' La Table de Théodose en fait mention sous le nom de Vosavia. 

* On a voulu faire de Salzig le Saliuone de Y Itinéraire dTAnionin , 
cité comme station intermédiaire entre Baudobriga et Bingium , sur 
la route de Trêves à Argentoratum. Les distances indiquées par V Iti- 
néraire s'accordent cependant tellement peu avec celles de ce lieu et 
des villes précisées qu'il faut nécessairement chercher un autre em- 
branchement de route de Trêves à Bingen. Or, les traces de cette route 
se retrouvent encore depuis Trêves jusqu'à la Brims, dans les environs 
de Wadern , où le village de Bubrig paraît avoir conservé la racine du 
nom antique de Bodobrigaou Baudobriga, et de là jusqu'à SienetKefers- 
heim , où le village de Sulzbach paraît avoir conservé celle du nom de 
Salisso. Les distances s'accordent parfaitement avec celles de V Itiné- 
raire. La route allait joindre la Nahe , dont quelques ruines du pont 
antique , par suite du changement que le cours de la rivière a subi , 
sont enfouies sous le gazon des prairies , et suivait l'angle de cette ri- 
vière jusqu'à Bingen. 



DU KHIN ET DU DANUBE. 47 

Nava qu'il traversa, contemplant les -nouvelles mu- 
railles qui avaient été ajoutées au vieux bourg 1 . 
Tacite parle aussi de Bingen' 2 , quand, aune époque 



1 Transieram celerem nebuloso lumine Navam 

Addita mirât us veteri nova mœnia vico : 
Aequavit Latias ubi quondam Gallia Canna» ; 
lnfletœque jacent inopes super arva catervœ. 
Unde iter ingrediens nemorosa per avia solum , 
Et nullathumani specfans vestigia cultus. 
Prœtereo arentem sitientibus undique terris 
Dumnissum, riguasque perenni fonte Tabernas, 
Arvaque Sauromatum nuper metata colonie. 
Et tandem primis Belgarum conspicor oris 
Nivomagum , divi castra inclyta Constantini. 

4 

Purior hic campis aer; etc. 

(Auson., Mosella, i, 2.) 

Le champ de bataille dont parle le poète est celui où Tutor fut vaincu 
avec les Trévi riens et les autres peuples alliés dans sa retraite sur 
Bingen. Tabernae était sans aucun doute placé au bord de la Heiden- 
pfûtze, là où la route romaine forme une bifurcation dont l'embran-* 
chement principal continue sa direction vers Neumagen, et dont l'autre 
va par Haag , Breit , le pont de Bùdelich et Fell aboutir à Trêves. La 
Heidenpfûtze est elle-même cette fontaine d'eau pure dont parle Au- 
sone, et qui fournissait l'eau à Tabernas. Tout autour, Ton trouve des 
briques , et Ton y a même déterré les restes d'une colonne milliaire. 
Voy. Steininger, Geschichte der Trevirer unter dèr Eerrschaft der Bo- 
rner, p. 162 et 163. 

Quant aux colons sarmates, dont parle Ausone, é*t qui étaient ré- 
pandus sur le Hundsrûck , il est probable que , pour réparer la dépo- 
pulation du pays , occasionnée par les irruptions subséquentes des Àlle- 
manes , Gratien y avait transplanté les Sarmates qui , pendant la guerre 
que son père avait porté aux Quades et à leurs alliés, étaient tombés 
au pouvoir des Romains. Il s'agit, dans ces vers, des environs de la 
tour tronquée (des stumpfen Thurmes), de Hag , de Morbach et de Bi- 
schofskron. 

2 Tacite, Hisf.,i\,10. 



48 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

antérieure, déroulant le tableau des guerres de Ci- 
vilis, il nous représente Ttitor, à la tête de ses Tré- 
vi riens, se retirant par le pont de la Nava, devant 
les légions restées ûclèles. * 

Un autel , dédié à Jupiter, et élevé sous le consulat 
d'Alexandre Sévère et de Dion Cassius, en 229 \ et 
un autre, sur les deux faces duquel sont sculptées les 
figures du dieu Mars et de la Victoire, et qui sans 
doute avait été dédié à ces* deux 'divinités 2 , furent 
retirés du sol où le lieu antique se déployait sous la 
protection du castel, un œu plus éloigné du Rhin 
sur la Nahe, que ne Test la petite ville moderne. 
Les monnaies trouvées dans les environs de Bingen 
sont de toutes les époques de la domination ro- 
maine. Placé sur la grande voie militaire du Rhin , 
ce lieu reliait les communications de Trêves et de 
May en ce. 

La route antique; jusqu'à la forteresse rhénane, 
ne longeait pas le Rhin , comme la chaussée moderne, 
mais, traversant en ligne directe le Hasselberg, sur 

1 IN. ii. D. D. 

I. 0. M. PATRONVS 
PATRINVS. ARA 
M. DE. SVO. IN. 
SVO. POSVIT. 

L. L. MEhTO 
D. N. SEVERO. 
ALEXANDRO. III 
ET. DIONE. COS. 

2 Lehoe , inscripl. 88. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 49 

la gauche de Nieder-lngelheim , où ses traces n'ont 
point encore tout à fait disparu, elle partait du cas tel, 
au bas duquel s'étendait le Bingium romain, tandis 
que sur la place qu'occupe la ville moderne, et sur 
le versant de la montagne que recouvrent ses de- 
meures, se groupaient les tombeaux de ses habi- 
tants 1 . C'est en suivant cette direction que nous at- 
teignons Mayence. 

De toutes le» forteresses du Rhin , Mayence fut la 
plus renommée. Son nom celtique désigne sa position 
élevée au-dessus du Mein, qui, en effet, débouche 
dans le Rhin du côté op^sé de la rive où la ville 
s'élève en amphithéâtre et dont elle domine le 
cours. 

La position avantageuse du lieu semble de bonne 
heure avoir porté les premiers habitants du Rhin à 
s'y établir. Soit que la bourgade qu'ils y fondèrent 
eût été renversé par les Germains, lorsque ces der- 
niers s'emparèrent des bords du fleuve, soit que les 
chaumières réunies des deux peuples fussent encore 
groupées quand, à leur tour, les Romains y par- 
vinrent, il est certain que son nom s'était conservé 
parmi la population que ces derniers y trouvèrent, 
et qu'ils le transmirent au castel qui s éleva sur son 
emplacement. 

Ce castel, construit par Drusus , recouvrait la par- 
tie la plus élevée de la ville moderne, sur le Linsen- 
berg. Comme tous les camps romains, sa forme était 

{ On en a retiré une foule d'antiquités , de vases cinéraires , de la- 
crymatoires, etc. 

H. * 



50 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

un carré parfait, aux murailles crénelées et flanquées 
de tours fortes, dans lequel quatre portes donnaient 
entrée. Par celle de gauche principale conduisait la 
route du Haut-Rhin, et par celle de droite, la chaus- 
sée que nous venons de suivre depuis Bingen. Par 
la porte Prétorienne Ton descendait au Rhin, où 
un pont, jeté sur le fleuve, joignait le castel de 
Mayence avec celui de Drusus, bâti sur la rive droite 
chez les Mattiaques; par la porte Décumane, qui lui 
était opposée, on se dirigeait vers Alzey. 

Au temps d'Adrien, deux moindres forts furent 
élevés sur les flancs du camp principal; l'un, dans 
la direction nord, en avant de Gonzenheim, l'autre, 
dans celle du sud, au delà de Weissenau. 11$ flan- 
quaient les abords de la forteresse du côté gauche 
du fleuve, comme nous avons vu que, sur la rive 
droite, deux fortins aussi défendaient, au nord et au 
sud , les approches de la cité des Mattiaques. 

Au sein du caste! s'élevaient le Prétoire, la Questure, 
les Archives 1 , et d'autres monuments publics, ainsi 

1 Construites , ainsi que nous l'atteste une iuscription , en l'an 217, 
sous le consulat de C. Bruttius Praesens et de Titus Messius Exlricatus. 
La voici : 

DEAE. PALLAOI. C. 

AVR. FESTINVS. y 

STRAT. CI. MOC. E. T 

/// GNATIANI. LEG 

TABVLARIAM. PENSI 

LEM. A. SOLO. FECIT 

ADIVTORE. CoSIO 

MARTINO. PRAE/// 

3SE. 3\ EXTRICATO. C. 



DU RHIN ET DU DANUBE» 51 

qu'un temple de Diane, un autre de Pal las, et les au- 
tels de la Fortune de retour 1 , de Minerve, de la For- 
tune et du génie du lieu 2 . 

Devant la porte Décumane était le réservoir de 
Drusus, auquel aboutissait l'aqueduc dont les traces 

1 PRO. SALVTE. IMP. M. AV 

REL. Commodi. ANTOPN 

PI I. FELICIS. 
F0RTVNAE. REDVCl 

LEG. XXÛ PR. P. F. C. GENTL 
IVS. VICTOR. VET. LEG 
XXII. PR. P. F. M. H. M. NEGOT 
IATOR. GIADIARIVS 
TESTÀMENÎO. SVO. FIERI 



IVSSIT. ADII S. N. VIII MIL 

Pro sainte imperatoris Marci Aurelii Commodi Antonini, pii, feli- 
cis, Fortunœ reduci legionis XXII primigeniœ , piœ, fidelis, Cajus Gen- 
tilius Victor , veteranus legionis XXII primigeniœ, piœ, fidelis, missus 
honesta missione, negotiator gladiarius, testamento suo fieri jussit, 
adjeciis ses ter t Us nummis V11L millibus. 

* MINERVAE. FORTV 

NAE REDVCl 
ET GENIO HVI 
VS. LOCI. CET 
ERIS DIS DEA 
BVSQVE. IMMO 
rtalibus 

iiiiiiiiliillliiiiiiii 
ii. *• 



52 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

se découvrent encore, et près des ruines duquel ont 
aussi été retrouvés deux autels, l'un, dédié à Jupiter 
et aux déesses mères 1 , l'autre, aux dieux lares car- 
refouriens 2 . 

Ce fut proche de ce réservoir que, lorsque le poi- 
gnard eut atteint Alexandre Sévère, un cénotaphe 
lui fut érigé. 

La roule antique traversait le village de Zahl- 
bach , et c'est tout le long de son cours que se 
découvrent surtout les tombes de la garnison ro- 
maine, composée, à différentes époques, ainsi que 
nous l'indiquent les inscriptions de ces tombeaux 3 , 
de la première, de la quatrième, de la quatorzième, 
de la seizième, de la vingt et unième et de la vingt- 
deuxième légion, d'une cohorte d'Asturiens et de 

1 covi 

ET MA 
TRIB 
VS. PE 
RPET 
VX. P 
V. S. L L D. S. 

2 LARIBVS 

COMPETALI 
BVS. SIVE 
QVADRIVI 



Voy. Fuchs, Geschichte von Mainz. 

3 Ils sont au nombre de plus de 80. Voy. Lehne , Rdmûche Alter- 
thilmer der Gauen des Donnersbergs , t. I et il. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 53 

Cal laïques, peuple du nord-ouest dé l'Espagne, de la 
première cohorte des Lucen tiens espagnols 1 , de la 
première cohorte des Ituréens, peuple renommé par 
son adresse à tirer l'arc 2 , et de deux ailes de cavalerie 
du Norique et d'Espagne. 

A ces troupes il faut ajouter la cinquième cohorte 
des Dalmates, l'aile Indiane, dont nous avons aussi 
lu une inscription à Woringen, une cohorte préto- 
rienne, une autre de Rhétiens et de Vindéliciens, un 
nombre d explorateurs, une cohorte de Thraces et 
une autre aile de cavalerie, du surnom de Ruson, 
nom qu'elle semble avoir adopté de son fonda- 
teur. 

Sur les tombes de tous ces soldats, la piété d'une 
mère, d'un fils, d un ami, a gravé une inscription 
qui instruit la postérité de leur amour, de leur dou- 
leur ou de leur devoir accompli. 

Le castel inférieur d'Adrien était lié au castel su- 
périeur par un chemin qui circulait au bas de la mon- 
tagne où était posé le camp principal, devant lequel, 
du côté du sud, s'étendait le champ de Mars, et s'é- 
levait le temple de ce dieu. 

A côté de ce temple était placé le mausolée de 
Drusus, dont la ruine immense est encore debout, 
et que n'ont pu anéantir les dix -huit siècles dont il 



4 De Lucentum, le moderne Alicante, ou de Lucus Augusli, aujour- 
d'hui Lugo. 

Voy. Pline, Hist. nat., 1. m, c. 4, § 6. 

2 Cicéron., Philipp., n, M. Ils habitaient la Cœlesyrie, près de 
TAnti -Liban. Strabon, Geogr., I. xvi, c. 2, § 18, 20. Pline, l. v, 
c. 19. 



54 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

a vu passer les générations 1 . Plus loin se développait 
l'ampithéâtre. 

C'est proche des ruines du premier des deux forts 
que je viens de mentionner, que furent trouvés l'autel 
dédié aux sept divinités qui présidaient aux sept jours 
de la semaine, celui d'Hercule et celui du Génie de 
la jeunesse 2 * 

Ce dernier est surtout du plus grand intérêt pour 
l'histoire municipale de Mayence, en ce qu'il nous 
indique un des quartiers qui, autour de l'enceinte 
de ce camp et sous la protection de ses murailles, 
se groupèrent en municipe. 



1 Eu 1828 fut trouvé un bas-relief, représentant le héros avec l'ins- 
cription suivante : IN MEMOMAM DRVSI GERMANICI. Fachs, dans 
son Histoire de Mayence , 1. 1, p. 70, cite un monument à peu près 
semblable. Peut-être est-ce le même monument, le même autel sur 
lequel les habitants des Gaules venaient annuellement sacrifier, et de- 
vant lequel, selon Suétone, les guerriers, sur le champ de Mars, ho- 
noraient par des évolutions et des exercices militaires la mémoire de 
l'illustre Romain. 



IN. H. D. D. 
GEN10. COLLEGl 
IVVENTVTIS. ACVTIVS 
VRSVS. ET ACVTIA. VRSA 
DONVM. DEDERVNT 
IMP. Cœs M. Aurel. 
Antonino, pto, fid. 
Aug. ///. ET COMA 
ZONTE 

COS. /An 220 de Jésus-Christ. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 55 

L'absence de toute inscription autre que celles 
des légionnaires, pendant tout le cours du premier 
siècle, semble être une preuve que, pendant cet es- 
pace de temps, la population de Mayence fut essen- 
tiellement militaire. Ce ne fut que lorsque le repos 
commença à régner sur le Rhin, sous l'empire de 
Nerva, de Trajan, d'Adrien, qu'attirés par les spé- 
culations de commerce, qu'une telle place de guerre, 
défendue par une garnison de près de vingt mille 
hommes, devait nécessairement développer, des ha- 
bitants, soit d'Italie, soit des contrées transrhénanes, 
vinrent s'établir sous ses murailles. 

Alors se formèrent divers quartiers et, entre autres, 
celui auquel se rapporte l'inscription que nous ve- 
nons de signaler, et celui du surnom de Salutaire, 
qui nous est aussi attesté par une autre inscription 1 , 
et qui, se retrouvant à Rome, d après la description 
que Sextus Rufuset Publius Victor font de cette ville, 
laisse présumer que ce fut à limitation des divers 
quartiers de cette capitale que furent nommés ceux 
de Mayence, par les citoyens romains qui s'y éta- 
blirent. 

Le municipe s étendait incontestablement sur le 
versant de la colline, du côté du Rhin, où se groupe 
aujourd'hui en amphithéâtre la ville moderne, et 

1 I. 0. M. ET 

IVNONI. REGINAE 
VICANI. SALVTARES 



Suivent les noms. 



56 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

où furent encore découvertes* il y a peu (Pan- 
nées, trois pierres enrichies d'inscriptions, dont 
Tune est surtout intéressante en ce qu'elle nous 
atteste au sein de la cité la présence des arus- 
pices 1 . 

Les inscriptions qui nous restent nous prouvent, 
d'un autre côté, que, comme à Cassel les habitants 
du Taunus s'étaient mêlés aux Mattiaques, ces mêmes 
habitants s'étaient aussi mêlés à Mayence aux citoyens 
romains, et que ces deux genres de citoyens for- 
maient la population de la cité. Attirés sans doute 
par les Romains au sein de ces deux villes, ces habi- 
tants du Taunus semblent s'y être établis en même 
temps et avoir reçu dans l'une et dans l'autre le pri- 
vilège de leur nationalité. 

Ce titre de citoyen romain de Mayence et de ci- 
toyen du Taunus n'est toutefois inscrit sur la pierre 
que lorsqu'il s'agit des magistrats particuliers aux 



1 La voici : 



T1B. ADN. SEQVENS 
PR0. SALVE. SVA. a\ sas 
. "CETAE. C0N. . . . 

JRVU 

T. SATVRNIN. AVRELIVS 
PRO SALVTE. SVA. ET 
IVNIAE. LVCILIAE 
C0NIVG. ET. TITI. Art 
APOLLINARIS. FILL 
HARVSPICIB. COL. D. D. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 57 

uns .ou aux autres 9 ; car, dans les inscriptions qui 
régardent un acte public, c'est la cité elle-même 
que nous trouvons mentionnée ; elle comprenait sous 
ce titre tous les citoyens qui l'habitaient 2 . 

1 IN H. D. D. C. SERTORIVS. L. F 

DEAE. LVNAE OVF. TERTVLLIANVS 

MARCELLINIYS VETERANVS. LEG XVI 

PLACIDINVS CVRATOR CIVtVM ROMAN 

D. C. R. MOG. MOGVNTIACI. 

ET. MARTINIA 
MARTINA ME 
EX VOTO P. I. 
TACITO. ET AEMÏ 
LIANO COS. (An 276.) 



Decurio civium romanorum Mogvntiaci. 

D. M. 
C. PATERNI. POSTVMINI. DEC. C. TAV 
NENSIVM. VIRl SACERdOTASIS. PRAGMA 
TIC». PATERNIA. HONORAT*. FIL. ET. IIE 
RES. PER SVOS PARENTES 

F. C. 



IN 

IVNONI. . . . . 
MINERVAE . . . 
BVSQVE. IMP . . 
SALVTE. ET. IN . 
DD. NOSTROI . . 
MAXIMIANI . . 
AVGVSTORV* . . 
ET MAXIMI . . 
CIVITAS. MOG . . 

.V LIO. W AS 1 . 

. . \ . . j^TI 



In honorera domus divinœ, Jovi et) Junoni (reginœ), Minervœ, {Su- 



58 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Sur les bonis du Rhin fui trouvé un autel, dédié à Ju- 
piter et au génie du lieu, élevéen 198 de Jésus-Christ, 
par un signifère de la vingt-deuxième légion, qui en 
même temps était inspecteur du port 1 . Un autre 
autel* cité par Mu raton*, était dédié à Junon et au 



mini) busqué imp'erii, pro) soluté et infohtwùtate) éotminorum noetro- 
(rum Diocletiani et) Mcurimiani, \tmtictorum, etufuetorum (Confiant!?) 

et Maximïani cœsantm^ civitas Mog{untiacensi$ ) 

tdedicavit). 

J'ai, ci-dessus, parié de cette inscription dans âne note (t. i, p. 273), 
en décrivant les antiquités de Ladcnbourg. Elle a probablement été buri- 
née sur le marbre en 292 de Père chrétienne. La pierreqni b supportait, 
trouvée à Mayence, avait , comme je l'ai dit, été transportée à Laden- 
bourg et fut plus tard déposée à Mannhcim. J'observera que Scbœpflin , 
qui a cité cette inscription; Gruter, qui Fa insérée dans son recueil; 
Lehne , qui en a fait l'historique , différent dans la leçon qu'ils en ont 
donnée. 

1 I. 0. M. 

ET. GENIO. LOCI 
L. SEPTIM. IVLIVS 

SIG. LEG. XXÏÏ. PR 

0PT10. NAVALIomm 

V. 25>. Li. Li. M. 

SATVRNINO 

ET GALLO. COS. 

2 IVNONI. REG. ET 

GENIO. LOCI. L 
CRESCENTINIVS 
LEG. V. S. L. L. M. 
DED. X. KAL. AVG. 
IMP. D. N. AflONI 

NO. COS. (An 439, 4i0 ou 445 de J. C.) 

Muratori, i, p. cccxxvi, 3. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 59 

génie du lieu , et fut érigé sous Pun des consulats de 
l'empereur Antonin, le 10 des Kalendes d'Auguste, 
le même jour, par conséquent, ou se célébraient les 
Neptuniales, fêtes accompagnées de sacrifices et de 
jeux publics. C était donc là que s'étendait le port, 
donnant abri en même temps aux bateaux que le 
gouvernement pouvait entretenir pour le transport 
de ses troupes sur le Rhin, et aux bateaux de com- 
merce qui descendaient ou remontaient le fleuve. 

A l'époque de Constantin, lorsque, sous lui, l'Em- 
pire fut partagé en quatre grandes préfectures, régies 
chacune par un préteur, et que les trois diocèses 
d'Espagne , de Bretagne et de la Gaule proprement 
dite furent réunis, Mayence continua toujours d'être 
la capitale de la Germanie supérieure ou première , 
une des dix-sept provinces qui constituèrent la Gaule. 
Dans ses murs alors résida un des ducs qui furent 
mis à la tête des douze divisions de l'armée que 
commandait en chef le maître de la cavalerie. Le 
pouvoir de ce duc s'étendait depuis Andernach jus- 
qu'à Selz, où commençait la subdivision militaire 
d'Argentorat, sous les ordres d'un cornes, laquelle 
touchait au sud le territoire sur lequel commandait 
le duc qui résidait à Olino '. La ville romaine de 
Mayence fut démantelée, en 406 , par les Allemanes, 
après avoir eu déjà , sous Constance II , à supporter 
les déprédations de ces peuples. Ce qui avait alors 
été épargné, ce qui avait été de nouveau rebâti, 
fut détruit de fond en comble. 

1 Voy. ci-dessus, t. i, p. 184. 



60 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

C'est sur ces ruines relevées, mais renversées de 
nouveau par les Huns et par les Francs que, lors- 
qu'enfin l'Empire de ces derniers se fut étendu sur 
tout le Rhin, la ville épiscopale de Mayence se déve- 
loppa. 

Aucun reste d'architecture de l'antiquité romaine 
ne s est conservé i n tact dans la ci té. Ce n est qu'en fouil- 
lant ce sol, si souvent remué, que, çà et là, quel- 
ques débris de constructions, un autel, une tombe, 
une statue mutilée, de nombreuses monnaies, ou 
des tronçons d'armes, peuvent être rendus à la 
science. 

Tout près de Mayence sont les deux villages de 
Gonzenheim et de Bretzenbeim. Dans le premier 
furent retrouvées les traces d'un bain antique et d'un 
aqueduc. Bretzenbeim a aussi offert quelques ins- 
criptions 1 . 

Ce dernier lieu reçut son nom des Bretons que 
Rome transplanta sous la forteresse de Mayence. Ils 
y peuplèrent la bourgade de Sicila, qui reçut deux 
le nom de Viens Brittanorum , dernier nom sous le- 
quel les documents du huitième siècle le citent en- 
core 2 . 

Cette transplantation de Bretons sur les bords du 
Rhin a été l'objet du doute de plusieurs savants, 



4 Et entre autres de la deuxième , de la quatrième et de la quator- 
zième légion. Voy. Lehne, inscript., t. n. 

2 In villa nominata Prittonorum ; in monte Prittonorum; in villa 
Brittanorum; in villa Brettanorum. Voy. Schannat., trad. Fuldenses, 
n« 2, 40, 52. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 61 

sans quelle me paraisse cependant plus extraordi- 
naire que celle de colons Sarmates, que le poëte Au- 
sonne cite entre Trêves et Mayence, cultivant les 
sommets du Hundsrùck 1 . C'est une politique que 
Rome suivit trop souvent et dont nous avons trop 
d exemples pour qu elle puisse nous surprendre. Tout 
porte à croire que ce fut à la suite de la quatorzième 
légion, à laquelle Mayence dût l'origine de ses for- 
tifications, et qui, plus tard, envoyée en Bretagne, 
y acquit par sa valeur le surnom de Martia et de 
Victrix, que ces Bretons furent amenés, lorsque cette 
légion fut de nouveau rappelée sur le Rhin par Ves- 
pasien 2 . 

Ce qui donne uneimportance historique à l'endroit 
qui leur fut assigné pour demeure , c'est le meurtre 
qui y fut commis, le 19 mars de l'an 235, sur la per- 
sonne d'Alexandre Sévère. Lampride 3 place le lieu 
de cet assassinat dans la Bretagne, ou , selon d autres, 
dit-il, à Sicila dans la Gaule. Aurelius Victor 4 dit 
que ce fut dans lin bourg de Bretagne, du nom de 
Sicila. 

Jules Capitolin 5 rapporte que l'empereur se trou- 
vait dans la Gaule lorsque le poignard le frappa; 
Eutrope 6 est du même avis. Jornandès 7 enfin cite 



1 Voy. ci-dessus, p. 47. 

2 An 70 de Jésus-Christ. 

3 Alex. Sever., c. 59. 

4 Aurel. Vict., part, n, c. 24. 

5 Jul. Capit.. c. 7. 

6 Eu trop., vu, 12. 

7 Jornandès, De regnor. successione, c. 56. 



62 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Mayence comme le lieu de l'assassinat. Tous ces pas- 
sages, qui semblent se contredire» s'accordent dans 
une vérité, savoir, que ce fut à Sicila, proche de 
Mayence, bourg habité par les Bretons» que cet em- 
pereur fut massacré par les soldats. 

Sicila était placée près du chemin qui de Mayence 
conduisait à Altiaia, lieu antique, qui s est perpétué 
sous le nom d'Alzey , et où Valentinien I, qui y reçut 
une ambassade des Bourguignons , signa une de ses 
ordonnances 1 . 

Nous laissons à droite cette route, et nous sui- 
vons, sur les bords du Rhin, les traces de l'antique 
chaussée romaine, sur laquelle encore, çà et là, cir- 
cule la route moderne. Quelques tombes ont été dé- 
couvertes dans cette direction près de Laubenheim, et 
surtout celle d'une esclave, du nom de Lycnis, que 

1 On y a trouvé trois inscriptions; l'une, dédiée à Minerve, l'antre 
à la Fortune, et la troisième aux Nymphes. Cette dernière, posée le 
10 des Kalendes de décembre, sous le consulat de Maximus et de Pa- 
pyrius iElianus (an de Jésus-Christ 223), est la plus intéressante en 
ce qu'elle confirme le nom antique de l'endroit. 

La voici : 

IN. H. D. D. 

D\ NYMPHIS 

VICANl. AL 

TIAIENSES 
ARAL POSTCR 

CVRA. OSTOtf 

LiBERTI. T. OSTOtf 

CASSL X. K. DEC 

MXiMo. r E. AELiNO. COS. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 63 

je ne cite ici que pour mentionner l'âge extraordi- 
naire auquel parvint la femme que cette pierre re- 
couvrait, et qui, d après l'inscription, vécut au delà 
d'un siècle et demi 1 . 

Cette chaussée conduisait à Bonconica , aujour- 
d'hui Oppenheim, lieu qui n'est cité pendant toute la 
période romaine que par la seule Table de Théodose. 
Le silence que garde de cet endroit la Notice de l'Em- 
pire peut faire présumer, ou qu'il était de peu d'im- 
portance, ou que, détruit par les Allemanes, ce cas- 
tel n'avait point été relevé lorsque cette Notice fut 
écrite. 

Ce qui peut donner quelque poids à cette der- 
nière assertion, c'est que le bain de iNierstein, situé 
tout auprès, et dont la source thermale , mise à profit 
par la population gallo-romaine, a été retrouvée au 
commencement de ce siècle, n'a lui-même offert 
qu'une suite de monnaies qui, remontant jusqu'à 
l'empire de Domitien, cessent avec celui de Pos- 
thume. 

1 LYCNIS 

Q. EPI® 

ANCILL// 
ANN. V. CL. 
ET. MEN 1111 

H. S. E. 

FELIXS 

POSIT. 

Lycnis, Q. Epidii ancilla, annos vixit centum et quinquaginta et 
menses quatuor, hic sita est. Félix suo posuit. 



64 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Ces monnaies, déposées dans la source, entou- 
rées de globules de gypse, et toutes remarquables 
par la beauté de leurs empreintes, sont des témoins 
muets de la reconnaissance de ceux qui un jour vou- 
lurent sans doute consacrer la date des secours 
qu'ils avaient reçus des divinités qui y présidaient; et 
que nous fait connaître un autel dédié à Apollon et 
à Sirona 1 . 

Nous avons déjà lu une inscription sur le Necker 
qui nous parle de cette déesse, la même divinité 
gauloise sans doute que la Diane, reine de Fonde, 
dont parle une autre inscription antique de la Pan- 
nonie*. 

Ces monnaies, selon moi, précisent le temps où 
ces lieux étaient florissants et où, détruits et dévas- 
tés, ils cessèrent d'être en usage. Ce furent les 
Gaulois qui vinrent , pendant la domination romaine, 
s'établir sur les bords du Rhin, qui probablement 
mirent les premiers cette source à profit, et qui lui 
donnèrent le nom de Neri, nom qu'un document du 
huitième siècle lui accorde encore 3 , et qu'un autre 
petit endroit de la Gaule centrale, également célèbre 

* DEO 

AP0LLINI 

ET SIR0NAE 

IVLIA FRON 

TINA. 

V. S. L. L. M. 



2 Voy. Gruter, p. xxxix , 8. 

3 Neri-stein. Eckhart, Comm. dereb. Franciœ orient., 1. 1, p. 39 1 



DU RHIN ET DU DANUBE. 65 

par ses eaux thermales, portait aussi 1 . Tout fait pré- 
sumer que, par souvenir des contrées d'où ils étaient 
sortis, ces colons, en formant ce nouvel établisse- 
ment, lui avaient donné un nom qui leur rappelait 
leur patrie primitive. 

Bonconica formait la station intermédiaire entre 
May en ce et la cité des Vangiones. Dans ses murs fut 
un jour postée l'aile de cavalerie picentine, dont 
quelques tombes ont été trouvées dans ses envi- 
rons. 

La route romaine, au delà de ce fort, a laissé quel- 
ques traces près d'Alsheim.En 1824, fut aussi retirée 
du sol la pierre qui recouvrait en ce lieu la tombe 
d'un singulare à pied consulaire 2 . 

Comme Bonn, Àndernach, Bingen, Mayence, et 
la plupart des autres lieux de la rive gauche du Rhin, 
la métropole des Vangiones ne fut d abord occupée 
parles Romains que militairement. La peuplade ger- 
maine des Vangiones avait indubitablement trouvé 
cette bourgade déjà établie par la population celtique 
qui, antérieurement à elle, habitait cette partie du 
fleuve, et qui l'avait nommée du nom de Borbeto- 
magus 3 ; elle devint sa métropole. Lorsque plus tard, 

1 Aquœ Neri, aujourd'hui Néris en Bourbonnais. 

2 Lehne , inscript., t. n, p. 315. 

3 On la trouve mentionnée aussi sous les noms de Borbitomagus , 
Borgitomagus et Bormitomagus , etc. Bormitomagus semble être la 
leçon la plus récente , si l'on réfléchit à la contraction allemande de 
Worms, que son nom antique a éprouvée. Comp. l'inscription de la 
colonne de Tongres , Hennequin , ouvrage cité ; les variantes de Y Iti- 
néraire d'Antonin, édit. de Parthey et Pinder; la Table de Théo- 
dose, etc. 

h. 6 



66 ÉTAbMSSKMfcMS II DMA ISS 

sous la lulèle de la forteresse que Drusus y bâtit, la 
civilisation romaine y fut implantée, ce fut à la fois 
sous le nom que les habitants primitifs lui avaient 
donné» et sous celui de cité des Vangiones, que le 
municipe qui s'y forma fut désigné. 

Ce titre de cité que portait cette ville nous est attesté 
à la fois par Ammien Marcellin et par l'inscription 
d'une pierre qui fut déposée sur la tombe d'un sévir 
auguslalien de la classe des citoyens âgés 1 . Cette 
classe, comme on sait, comprenait tous ceux qui 
avaient atteint l'âge de quarante-cinq ans, tandis 
que la classe des jeunes hommes comprenait ceux 
qui étaient âgés de dix -sept à quarante -cinq an- 
nées. 

Cette classification des citoyens qui pouvaient avoir 
part aux emplois de la cité, était dans tous les mu- 
nicipes des provinces copiée sur celle qui existait à 
Rome, où celte institution datait de Servi us Tul- 
lius. 

Le sol de celle cité, si cruellement dévasté par les 
Allemanes et par les Vandales, et plus tard, h deux 
reprises, par les Huns et par les Normands, a , dans 
les divers sièges quelle eut alors à supporter, et à la 

* • D. M. 

C. CANDIDIO. MARTINO. IIIIIIVIRO 

AVGVST. C. SENIOR. 
SEVERIA. SEVERA. COMVX 
ET. CANDIDIA. SIVE. MARTINIA 
DIGMLLA. FILIA. FAC. CVR. 

Tirée d'un manuscrit des archives de Worms. 



DU K II I N ET DU DANUBE. 67 

suite desquels l'incendie la dévora, perdu jusqu'aux 
traces des antiques constructions romaines. Elle se 
releva cependant chaque fois de ses ruines, et déjà 
sous les Bourguignons , et plus tard sous l'empire 
des Francs, où elle prit le nom de cité royale\ et où 
elle fut ornée d'un magnifique palais 2 , elle fut encore 
une des villes les plus florissantes du Rhin. 

Au milieu de la poussière des bâtiments romains 
n'ont été trouvées que quelques antiquités, telles que 
des autels où il fut sacrifié aux dieux, des pierres 
mortuaires qui recouvrirent les tombes de légion- 
naires ou de cohortales, des urnes cinéraires, des 
statuettes de diverses divinités, des bijoux, des tron- 
çons d'armes, des monnaies. 

Les inscriptions qui ornent ces pierres parlent de 
la seizième légion et de la cohorte rhétique, de la 
première cohorte de Thrace, de l'aile Indiane, de 
celle d'Espagne, de l'aile Agripiane, et d'une autre, 
commandée par un tribun de la septième légion et 
composée de Scubuliens , peuple dont nous ignorons 
le séjour, si ce ne sont pas des habitants de Scupi, 
sur les bords de l'Axius, dans la Dardanie 3 . 



1 Civitas regia. 
- Insigne palatium. 



C. RABVRIVS 
FESTVS. TRIB. LEG. 



VIL G. F. PRAEF 
ALAE. SCVBVLORVM. 
10VÎ. 



I! 



5. 



68 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Au dernier temps de Poccupalion romaine, la ville 
servit aussi de garnison à la deuxième légion, du 
surnom de Flavienne. Elle portait alors 4e nom de 
Fangionne, nom sous lequel elle est citée par Ammien 
Marcellin et par la Notice de r Empire*. Ce nom ce- 
pendant ne semble plus avoir été en usage sous la 
domination des Bourguignons, qui changèrent son 
nom primitif de Borbelomagus ou Bormitomagus en 
celui de Bormatia, et par contraction en celui de Vor- 
malia, et de Worms, qu'elle portait seul encore du 
temps des Mérovingiens. 

L'Itinéraire d'Ântonin conduit directement de cette 
villeàNoviomagus, sans faire mention du fort d'Alt- 
rippe, qui se trouvait placé sur le Rhin entre les 
deux cités. 

Nous avons déjà eu occasion , en parlant de la for- 
teresse que Valentinien I bâtit à l'embouchure du 
Necker, de citer ce dernier caste!, dont le lit du fleuve 
recouvre, selon toute probabilité, aujourd'hui rem- 
placement, tandis que dans la plaine est posé le petit 
village qui a conservé son nom antique, et qui s'é- 
tend encore sur la place de la bourgade que le fort 
dut dominer des bords du Rhin, ainsi que son nom 
nous l'indique. 

Du sein des décombres du lieu romain, qui est 
cité par le Code de Théodose 2 et par la Notice de V Em- 
pire 2 ', qui y place un préfet militaire, ont été retirées 



1 Arara. Marcel., 1. xvi, c. 2. — Nof. dign. imp. occid n c. 8. 

2 Codex Theodos., leg. 4, tit. 31 , 1. XI. 

3 Grœvii Thesaur. antiq. roman., t. VII, p. 2002. 



DU KEI1N ET DU DANUBE. 69 

plusieurs antiquités du plus grand intérêt. Je citerai 
entre autres un autel, dédié à Jupiter et à Junon, 
du troisième siècle 1 ; un autre monument du même 
genre, consacré au dieu Mars et à la divinité tuté- 
laire des Nemètes, et surtout plusieurs fragments de 
pierres mi Maires, dont les inscriptions sont d'autant 
plus précieuses que l'une d elles 2 nous confirme le 
litre de cité porté par la métropole des Nemètes, 
titre qui nous est aussi attesté par une autre colonne 
milliaii'e, trouvée à une demi-lieue au delà de Sa- 
verne du Rhin. 

C'est de la métropole que les distances sont 
désignées sur les deux pierres. Le lieu où a été 

1 i. o. M 

IVN REG REG 
VS P0 r ENS 
VS X K OCT 
GORDIANO 
. A/G E AVIOLA 
COSS. 

Jovi optimo maximo et Jhnoni Reginœ Reginiut Potensvotumsolvit, 
decimo kalendas octobres , Gordiano Âugusto et Âviola Consultons. 

(An 239 de Jésus-Christ.) 



2 La voici : 



IMP CAES///R 
VALLICUNI' . 
//ICINIOPI 10 
/////NV AVG. 

C N. 

L. II. 



70 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

retirée du sol la pierre d'Alta-Ripa , ne peut avoir été 
toutefois celui où elle fut primitivement placée, vu 
que la distance désignée par elle ne répond point à 
celle qui sépare les deux lieux. Il faut penser que ce 
monument aura été transporté ici pour servir plus 
lard à d'autres bâtisses. La pierre de Saverne, au 
contraire, contient sur son inscription une distance 
conforme à celle qui existe effectivement du lieu où 
elle a été trouvée à l'ancienne cité dont elle fait 
mention 1 . 

Nous voyons par ces deux pierres que sous l'em- 
pire de Licinius on répara cette route, -à l'entre- 
tien de laquelle Trajan, Antonin- le -Pieux, Marc 
Aurèle et Maximin avaient déjà auparavant donné 
leurs soins. 

Il paraît que ce fut de chaque métropole des di- 
vers peuples du Rhin que les distances furent alors 
indiquées. 

Je le préjuge du moins par l'inscription d une 



1 IMPERATORI. CESARI 

VALERIO. LICINIANO ET 
LICINIO NOBILIS 
SIMO. CESARI 
C. N. Iv XIII. 

Imper atori Cœsari Valerio Lieiniano et Licinio nobilissimo Cœsari; 
a Civil ate Nemetum L. XIII. 

La Table de Théodose cite de Noviomagus à Tabernae douze 
lieues gauloises ; la pierre qui nous occupe a été trouvée à une lieue 
plus loin ; la distance marquée par l'inscription est donc exacte. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 71 

autre colonne milliaire de Brumath, dont le point de 
départ était la cité des Triboques 1 . 

Par quel événement le nom de Licinius fut-il ins- 
crit sur ces pierres, lui qui, fait césar par Galère 
Maximien, en 307, et salué empereur en Pannonie, 
un an après , n'eut jamais la Gaule dans son gouver- 
nement? 

C'est une de ces énigmes historiques qu'il est 
difficile de deviner II faut admettre cependant que 
cette voie porta son nom. Comme les mêmes pierres, 
posées en son honneur, se retrouvent jusque dans 
les Alpes pennines 2 , il est à croire qu'il vint de 
l'Italie dans la Gaule, pendant qu'on était, peut-être, 
occupé de la réparation de celte route, et que, par 
déférence pour sa personne, et pour conserver la 

* IMP. CAES. PVB 

LIO. LICINIO 

VALERIANO. PIO 

FELICI. INVICTO 
AVGVSTO. CIV. 

TRIBOCORVM. 
Voy. Schœpflin , Alsat. illustr., t. u , p. 551. 

* IMP CAES. . VA 

. . ICINIANO LICINIO 
P F INVICTO AVG 
F C VALL. OCT. 
M P XVII 

Forum Claudii Vallensium Octodurus. 
Voy. Orelli , Imcript^ n° 337. 



72 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

mémoire de ce voyage, on inscrivit son nom sur ces 
bornes milliaires. 

Ce qui rend surtout précieuses pour l'histoire de 
ces contrées celles d'Altrippe et de Saverne, c'est 
que, posées au nord et au sud de la cité dont elles 
marquent l'éloignement, elles précisent quelle fut la 
métropole des Nemètes, dont il est impossible de 
révoquer en doute l'existence dans la ville de Spire. 
Ce qui ajoute à celte certitude, c est la pierre trouvée 
à Godramstein, avec l'inscription au dieu Visucius, 
de laquelle j ai déjà fait mention en commentant 
celle de Kœngen sur le Necker, adressée à ce même 
dieu. 

Cette pierre nous atteste que le territoire de 
Godramstein était dans l'enclave de la cité des Ne- 
mètes, dont un décurion, qui en même temps était 
médecin de la cité, éleva le temple dédié à Visu- 
cius 1 . 

A ces preuves on peut ajouter l'inscription de Tau- 
tel d'Altrippe, élevé au dieu Mars et à la déesse Ne- 

1 VESVCIO 

AD3M C V M SIGN 
C CANDIDIVS 

CA.PVRMNVS 

D. C. C. SN 'E &BC 

C. IGIE. FEC 

Vesucio œdem cum signo C. Candi dius Calpurnianus, decurio civium 
collegii seniutn et medicus civitatis Nemetum , fecit. 

Comp. ci-avant, 1. 1, p. 245 et 276, les deux autres inscriptions 
adressées à ce dieu. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 73 

metone 1 , divinité locale, qui ne peut avoir été que 
la déesse tutélaire des Nemètes. Le courage de ce 
peuple que les annales historiques nous dépeignent 
entreprenant et guerrier, explique l'association du 
culte de cette divinité et de celui du dieu Mars ro- 
main. 

Toutes ces preuves monumentales, soutenues par 
les textes de Ptolémée , des deux Itinéraires et de la 
Notice de V Empire, détruisent le doute qu'on a cherché 
à élever de nos jours sur la vraie position qu'occu- 
pait cette peuplade 3 . 

Àltrippe, quoique tard mentionnée dans l'histoire, 



1 MARTI ET ŒMETO 

NAE 

SILVINIVSTVS 

'E DVBITATVS 

Y S L L*. 

Marti et Nemetonœ Silvinius Justus et Dubitatus, votum solventes 
lœti , libenter posuerunt. 

2 Entre antres , le baron de Leutsch , Ueber die Belgen des Julius 
Cœsar. Giessen 4844. in-8°. L'auteur, dont nous avons cité le mémoire, 
en parlant des Caracates , s'appuie sur divers passages de Pline et de 
Tacite (Pline, Hist. nat., 1. iv, c. 31; Tacite, Germania, c. 28), où 
ces deux écrivains , en faisant mention des Nemètes , des Triboques 
et des Yangiones , interposent , en effet , dans leur citation les Tri-; 
boqnes entre les'deux autres peuples , pour tirer de ces passages une 
preuve historique et géographique sur la position respective qu'occu- 
paient ces trois nations au bord du Rhin. Il place donc sur la carte qui 
accompagne son mémoire , les Nemètes à Strasbourg , les Triboques à 
Spire, et les Yangiones à Worms. Les inscriptions que nous venons de 
citer détruisent mieux que ne pourraient le faire tous nos raisonne- 
ments les assertions erronées de l'auteur. 



74 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

paraît cependant être d'une origine fort reculée. Un 
autel, dédié au génie des bénéficiaires consulaires 1 
de la Germanie supérieure et à la Concorde du Heu, 
déterré il y a peu d années, nous prouve par son 
inscription, datée du deuxième siècle, que le lieu 
romain existait à cette époque déjà depuis longtemps, 
puisque le temple que décorait cet autel fut alors 
lui-même réparé. Le nom de l'endroit annonce une 
origine essentiellement romaine, et il est permis de 
croire que le castel primitif fut élevé par Drusus. 
Plus tard , Valentinien le rétablit, et il paraît même, 
par un passage de Symmaque, que sous ces murs 
l'empereur attaqua et défit un corps d'Allemanes 2 . 

Spire est située au bord du Rhin, à deux lieues en- 
viron plus au sud qu'Ai trippe. 

Le nom que porte cette ville date de l'époque 



1 I N S~* N 1> D. 

geMo bfcosgset 
loci concordur 

\y I A BCIV. IADV3*TVS 
BF COS IM> ////////////// 
////JVG///3BVRROCS 
VS L LM 
7///TTM REST 

In honorem domus divinœ, Genio beneficiariorum oofuularium Ger- 

maniœ superioris et loci Concordiœ Julius Adventus, be- 

neficiarius consulis, imper at or e M. Aurelio Commodo Antonino Au- 
guslo tertium et Burro Consulibus, volum solvens libens lœlus meriio, 
templum restituit. 

(An 481 de Jésus-Christ.) 

2 Orat. II. laudd. in V aient inian, c. 3, p. 16. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 75 

Pranque, alors que tout le pays fut partagé en diffé- 
rents cantons, qui reçurent presque toujours le nom 
des principales rivières qui les parcouraient. La Spira 
donna le sien au Spirachgau, et ensuite à la ville 
principale de l'arrondissement. Le nom de Neo- ou 
Novtomagus cessa d'être en usage, et celui des Ne- 
mètes disparut même entièrement. 

Peu d'antiquités, comparativement à d'autres lieux 
d'une bien moindre importance, onl été conser- 
vées dans nos musées, provenant de cette ancienne 
cité. 

Un autel, dédié à Jupiter et à Junon 1 ; un autre, sans 
inscription, mais revêtu de bas-reliefs des quatre di- 
vinités présidant à la naissance, à l'éducation, à la 
vie active, et enfin aux derniers moments de l'homme 2 ; 
un autre encore, dédié aux génies des carrefours 3 , 
sont les seules pierres qui nous soient parvenues 



ET IVNONI 

REGIME 

VECCINIVS 

SIMILIS. ET 

SVPERINI 

A. DECVMIL 

LA. V. S. L. L. M. 

2 Junon , Minerve , Hercule et Mercure. 

3 L'inscription de ce dernier autel est exactement la même que celle 
que j'ai transcrite ci-avant, trouvée dans les ruines de Rottweil (t. i, 
p. 222;. Il est à croire que ce fut le même Romain qui éleva "l'un et 
l'autre autel dans ces deux villes , où il parait avoir successivement 
résidé. 



76 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

relatives à son culte. La quatrième légion , du surnom 
de Flavienne, paraît y avoir été postée; nous avons 
trouvé la tombe d'un soldat de cette légion, qui 
prit part, dit l'inscription , à l'expédition de Ger- 
manie. 

Gomme cette légion fut formée en Syrie parVespa- 
sien, lors de la guerre de Judée, et que ce ne fut 
que sous Alexandre Sévère qu'elle vint sur le Rhin, 
il parait probable que l'expédition de Germanie dont 
il est ici fait mention , fut celle de Maximin 1 . 

La Notice de l'Empire cite cette ville comme le 
siège d'un préfet militaire, placé sous les ordres 
du duc de Mayence 2 . Malgré les désastres sans 
nombre auxquels Spire fut livrée, malgré son 

1 Voici l'inscription : 

D. M. 
AVR. VITALI 

MIL. LEG. MI. FL 
ST1P. VII. VfXIT 
AN. XXV. AGENS 
EXPEDITIONE 
GERMANIAE. FL 
AV1VS. PROCL 
VS. MIL. LEG. SS. 
SECVNDVS. HERES 
CONTVBERNALI 
BENE. MEREN. F. C. 

Voy. Steiner, Cod. inscript, rom. Rheni, n° 177. 

2 Notit. dignité édit. citée, p. 2001. 



DU RHIN ET DU DANUffE. 77 

anéantissement total aux temps des Allemanes, re- 
nouvelé dans les guerres du dix-septième siècle, où 
elle resta déserte pendant dix ans, on montre en- 
core, non loin du Rhin, les restes d'une tour qui 
date de l'époque romaine, et non loin du dôme, où 
le cultefrdu Christ succéda au culte de Jupiter, les 
débris dune porte antique que Ton attribue égale- 
ment au grand peuple. 

L'Itinéraire d'Antonin conduit directement de la 
cité des Nemètes au fort de Saverne, sans parler 
du Julius Viens que cite la Notice de V Empire \ 

De Spire à Saverne, le Rhin forme de nombreux 
détours, et le génie militaire des Romains leur ûl 
sentir le besoin de veiller, pour la sûreté de leurs 
grandes forteresses , au passage du fleuve dont la 
disposition, en ces parages, pouvait surtout offrir de 
grandes facilités aux barbares. A l'embouchure de la 
Queich fut donc élevé un castel protecteur, autour du- 
quel une bourgade semble s'être formée, maisqui n'est 
point citée par Y Itinéraire, parce que la grande voie mi- 
li taire, en remontant, laissai là gauche cette position. Ce 
que ce lieu nous a offert de plus intéressant, c'est l'ins- 
cription qui fut placée sur le temple de la déesse Maïa-, 

1 Notit. dignit , p. 2001. 

« DEAE. MAIIAE 

AEDEM. A. SOLO. FE 
CIT. C. ARRIVS. PA 
TRVITVS. BF. COS. 
V. S. L. L. M. 

Deœ Maïœ œdem a solo fecit Cajus Arrius Patruitus , beneficiarius 
comularis, votum solvens libens lœtus merito. 



78 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

cette Pléiade aimée de Jupiter, laquel^ en eut Mer- 
cure, et dont nous avons déjà vu le culte associé 
à celui de son fils sur les bords du Necker. 

La pierre qui la supporte, trouvée sous le sol en 1 834, 
est d'autant plus remarquable que le nom de cette 
déesse est plus rarement cité. C'était elle cependant 
qui donnait son nom au mois consacré à Vénus, et 
pendant lequel se célébrait la fête de Mercure, fête 
à laquelle elle était associée pour l'influence que son 
astre bienfaisant exerçait sur la navigation. 

Saverne est à peu près à la même distance de Ger- 
mersheim, situé sur remplacement de rétablisse- 
ment romain de Julius Vicus, que ee dernier l'est de 
Spire. 

On a aussi trouvé au delà , sur le sol que recouvre 
le village de Herlb, quelques bas-reliefs, provenant 
de l'époque gallo-romaine. 

Trois lieux du nom de Saverne existent encore, 
placés sur les débris des trois Tabernae des Ro- 
mains. 

L'un, celui que nous foulons, est posé dans la 
plaine, non loin du Rhin; et les deux autres sont 
situés au pied des montagnes , sur le revers desquelles 
se dressaient les tours crénelées de leurs castels. Le 
plus célèbre fut celui qui, au-dessus du val de la Zorn, 
dominait toute la plaine d'Alsace, et qui, fortifié par 
Julien, servit à cet empereur de point de départ, et 
en quelque sorte de place d'armes, dans son expé- 
dition contre les Allemanes, qu'il battit sous les murs 
d'Argentorat. De tout temps la route qu'il défendait 
servit de grande voie de communication entre la 



DU niUN ET DU DANUBE. 79 

vallée du Rhin et les vallées de Ta Meuse, de la Marne 
et de Ja Seine. On y a trouvé quelques pierres monu- 
mentales, et entre autres, tout près du lieu, un autel 
qu'un Gaulois, du nom de Magiorix, et un Romain, 
appelé Quintus , élevèrent ensemble à Mercure et à 
Apollon 1 . 

Saverne du Rhin, n'est citée que dans Y Itinéraire 
d'Antonin et par la Notice de l'Empire. Le grand 
nombre d antiquités romaines qui y ont été décou- 
vertes de nos jours, annoncent toutefois que rétablis- 
sement qu y avait fondé le grand peuple, n'était pas 
sans importance. Pour l'étude de lait, sous les Ro- 
mains, ces antiquités, qui surtout comprennent des 
bronzes, des bas-relîefs et de petits autels en terre 
cuite, sont extrêmement précieuses; pour l'histoire 
du lieu , elles ne le sont pas moins , en ce qu'elles nous 
prouvent le commerce considérable de poterie qui 
s'y faisait. S'il faut croire le rapport qu'un habitant 
de l'endroit fit à feu M. Schweighœuser, on y aurait 
trouvé plus de trente fours, destinés à la cuisson de 
la poterie rouge 2 . Les inscriptions demi- barbares 

1 MERCVRIO 

ET APOLLINI 
MAGIORIX. ET 
QV1NTVS. SECVN 
DI. FIL. V. S. L. M. 

* Notice sur les antiquités gallo-romaines de Rheinzabern, par 
Schweighaeuser, dans les Mémoires de la dixième session du Congrès 
scientifique de France, p. 350. — Voy. aussi Antiquités de Rheinzabern, 
publiées par M. Matter, d'après les manuscrits de M. Schweighaeuser. 
in-4°. 



80 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

qui souvent sont inscrites sur ces terres cuites, et les 
noms inconnus des divinités auxquelles souvent aussi 
elles sont adressées, ne forment point la partie la 
moins intéressante de ces objets. 

Déjà à une époque antérieure avait été trouvé à 
Saverne un superbe bas -relief en marbre, repré- 
sentant Apollon, Minerve et Mercure, élégamment 
groupés, un autel consacré à ce dernier dieu 1 , et une 
pierre monumentale, dont l'inscription prouve la 
construction ou réparation des ponts du lieu an- 
tique 2 . 

Il est à regretter que la qualité de celui qui en 
entreprit les travaux n'y soit pas signalée, ce qui 
aurait pu donner quelque lumière sur le régime mu- 
nicipal de l'endroit. 

1 . DE0 

MERCVRIO 
lANSVTVS 
AFRACI. F. 
0CIATIA 
SECVNOA 

Y» O. Lim Lt» M. 

Deo Mercurio Mansuetus, Afraei filius, et Ociatia Secunda votum 
solverunt, etc. 

2 IN H DD. 

L. SILVANIVS 

PR0BVS 

FONTES 

D. S. D. D. 



DU RHIN ET DU DANUBE. S I 

* Le troisième Saverne est situé sur la hauteur qui 
domine à l'entrée des Vosges le cours de l'Erlenbach , 
ruisseau qui baigne aussi le territoire de Saverne du 
Sbin , et qui se jette dans le fleuve non loin de ce 
dernier lieu. 

Quoique l'endroit ne soit nommé par aucun auteur 
romain , son nom et un monument consacré au dieu 
des Vosges qu'on y a trouvé ne peuvent laisser de 
doute sur l'existence d'un établissement du grand 
peuple 1 . 

L'inscription de cette dernière pierre est du plus 
grand intérêt pour l'histoire du culte dans ces régions. 
Le paganisme symbolisait la nature entière; les 
fleuves, les montagnes, tout avait son génie pro- 
tecteur. 

La chaîne des Vosges eut le sien auquel on sacrifia , 
et qui, comme Diane, au sein de l'Abnoba, comme le 
dieu Pennus, dans les Alpes penniques, comme la 
déesse Ardoinna, dans les A rd en nés, y était invoqué 
sous le nom de Fosegus. 

Une seconde route, partant de la cité des Nemètes, 
semble, sous la protection du castel de Tabernae, 
avoir suivi la pente des montagnes et, par Goncordia 
et Brocomagus, avoir joint, comme la route du Rhin , 
la forteresse d'Argentorat. Vllinéraire d'Antonin cile 



* VOSEGO 

MAXSIl 
MINVS 

V* o. 1j, Lj. 

Vosego Maxsiminus votum solvit lubens libenter. 
II. 



8ï ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

du moins cette voie de communication. Quoique toute 
trace de l'antique chaussée ait disparu, la direction 
que Y Itinéraire nous donne de Spire à Brumatb , situé 
sur remplacement de Brocomagus, semble devoir 
nous conduire nous- même au village d'Altstatt sur 
la Lauler, près de Wissembourg, où, en effet, nous 
sommes assuré que les Romains avaient un établis- 
sement. 

La quantité de monnaies, de fragments de po- 
terie et d'autres antiquités , déterrés en ce lieu , et 
une inscription qu'un préposé à la garde dés armures 
de la vingt-deuxième légion, conjointement avec un 
de ses parents 1 , burina sur une pierre consacrée à 
Mercure, et qui, retirée du sol d'Altstatt, fut plus 
tard transportée à Saint-Rémy, ne peuvent laisser 
de doute à ce sujet. 

Il est probable que l'endroit aura été détruit et 
saccagé par le vindicatif Allemane , et abandonné 

1 Ils portaient du moins tous deux le même nom de Magissiut. 

Voici l'inscription : 

IN H D D 
DEO MERCVR 
10. AEDEM. AR 
AM. ATTIAN 
VS. MAGISS. ET 
MAGISSIVS. II 
IBERNVS C. A. 
LEG XXII P. P. F 



In honorem domus divinœ , Deo Mercurio œdem (posuerunt et) aram 
Attianus Magiuius et Magissius Hibernus, custos armorum legio- 
nisXXU primigeniœ, piœ } fidelis. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 83 

par ses habitants. H est probable encore qu'au lieu 
de revenir sur les ruines encore fumantes de leurs 
demeures, ils les transportèrent à quelque distance, 
et que ce fut de ces nouvelles constructions, éclatantes 
de blancheur, que le nouveau lieu fut nommé. Peu 
à peu le nom antique de l'établissement primitif fut 
oublié. 

Toutefois le terrain qu'il avait recouvert ne le 
fut point; et , lorsque avec lé temps d'autres habi- 
tations s'élevèrent sur ces débris, ce fut toujours 
sous le nom d'Altstadt ou de la vieille ville que ce 
groupe de maisons continua de s'appeler. 

Plus rapproché du Rhin, sur le même torrent, 
semble avoir été placé le fort de Tribuni ou Tribun- 
cum, dont parle l'historien Ammien Marcellin. Cet 
auteur, en décrivant la campagne de Julien contre 
les Allemanes, dit, en effet, que Chnodomar, l'un 
de leurs rois, avait posé son camp en ce lieu, afin 
que csi le sort lui était contraire, il pût se réfugier 
à bord de ses embarcations 1 .» Le fort de Tribuni 
devait donc être situé non loin du fleuve. 

Or, près de Lauterbourg, ont déjà souvent été 
trouvés des fondements de bâtisses et des monnaies 
romaines, qui semblent attester que le grand peuple 
y avait un établissement. Il n'est pas sans quelque 
vraisemblance que c'est le même que celui cité par 
l'historien. 



1 castra, quœ prope Tribuncos et Concordiam munimenta Ro- 

mana fixit intrepidus, ut escensis navigiis, dudum paratis ad casus 
ancipites, in secretis se secessibus amandaret. Amm. Marcel., 1. xvi, 
c. 12. 

II. 6 ' 



84 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

V Itinéraire cependant n en fait pas mention , non 
plus que la Carte routière de Théodose. 

Cette dernière conduit directement de Tabernae 
à Saletio, et de là à Brocomagus et à Argentorat, 
tandis que Yllinéraire, comme nous l'avons dit, donne 
deux routes différentes, celle du Rhin et celle des 
montagnes. 

L antique Saletio est en grande partie recouvert 
par le lit du Rhin qui, en se ruant sur les terres d'Al- 
sace, a englouti les décombres de cette ville. Son nom 
cependant s'est perpétué dans le bourg de Selz, que 
les habitants, forcés de fuir le fléau, ont reconstruit 
à quelque dislance. 

Ammiencitece lieu parmi ceux dont les Allemanes 
s'étaient emparés et que l'empereur Julien reprit sur 
eux. 

On le trouve aussi mentionné dans la Notice de 
V Empire, qui y place un préfet militaire, sous les 
ordres du duc de Mayence, du gouvernement duquel 
cette ville formait la limite. 

Au delà s'étendait le territoire des Triboqués, 
dont la cité était Brumath, ainsi que nous Ta indiqué 
la colonne milliaire trouvée près de ce lieu 1 . 

Nul auteur de l'antiquité n'a cependant donné ce 
titre à cette ville; et l'on a pensé que le mot de cité, 
inscrit sur cette pierre , ne* regardait point la ville 
de Brumath particulièrement, mais toute la cité, c'est- 



1 Voy. ci-dessus, p. 71. Un document du moyen âge nomme encore 
ce lieu Bruochmagat , corruption du latin Brocomagus. Voy. Lau- 
rishemense Chronicon, dans la collection de Duchesne, t. m, p. 501. 



BU RpiN ET DU DANUBE. 85 

à-dire la nation des Triboques en général. Toutefois 
c'est une hypothèse qui ne peut être admise , parce 
qu'il est bien apparent, par la colonne milliaire qui 
nous occupe, que c'était une colonne de départ 
des différentes routes romaines dans l'enclave de 
la cité, pierres que Strabon désigne sous le' nom 
de xazeoTrjXofiévrjv , et que, par conséquent , le lieu 
même où elle fut trouvée dut être la métropole de 
la nation. 

Car, quoique le mot de cité comprît toutes les villes et 
châteaux forts situés dans l'enclave de la cité même, 
c'était toujours dans la ville principale de l'arrondis- 
sement qu'était le siège de la juridiction, et c'était 
aussi de ce centre que les distances étaient comp- 
tées. 

Or, sur la pierre milliaire que nous avons devant les 
yeux, il n'existe aucun chiffre; ce qui prouve bien 
que le centre de l'administration de la cité était la 
ville même au sein de laquelle la colonne avait été 
posée. 

Brumath, fondé par la population celtique du Rhin , 
avant même que la peuplade germaine des Triboques 
ne vînt s'asseoir sur cette partie du fleuve, dut donc 
être un établissement d'une importance majeure. 
Nul lieu romain dans toute l'Alsace n'a livré un 
nombre plus considérable d'antiquités de toute es- 
pèce. 

On y a trouvé des monnaies d'or, d'argent et de 
billon de tous les empereurs des quatre premiers 
siècles, des vases de diverses argiles, des urnes ci- 
néraires, des camées, des bijoux de différentes 



86 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

sortes, et plusieurs objets d'art et de sculpture, entre 
autres un autel, sur trois côtés duquel sont repré- 
sentés Vénus , Minerve et Apollon. 

Un autre autel, avec une inscription adressée à Ju- 
piter et à Junon \ est orné sur ses deux faces latérales 
de génies qui, par les emblèmes que leur a donnés 
l'artiste, semblent devoir être Castor et Pollux. 

Comme toutes les villes du Rhin, florissantes sur- 
tout pendant l'époque des Antonins , Brumath eut à 
souffrir plus tard des déprédations des Allemanes , 
lors des différentes irruptions que ces peuples firent 
dans les Gaules. Us étaient en possession de cette 
cité, lorsque Julien, descendant, comme nous l'avons 
dit, de Saverne, et longeant les bords de la Souffel, 
vint leur livrer, sous les murs d'Argentorat, la ba- 
taille sanglante qui en délivra le pays. Au cinquième 
siècle, ils la reprirent et en rasèrent les murailles. 
C'est à côté des ruines du lieu antique que se sont 
relevées plus tard les demeures du lieu moderne, qui 
ne renferme lui-même rien de romain. 

Argentorat n'était situé qu'à vingt mille pas de 
cette cité. 



1 Voici l'inscription : 

I. 0. M. 
ET IVNONI 

REGI ELVC 

INIVS. VICT 
VRVS. EX. V. 

Jovi optimo Maximo et Junoni reginœ Elucinius Victurtu ex voto. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 87 

L'importance de Strasbourg, posé sur remplace- 
ment de rétablissement romain , augmente l'intérêt 
historique qui se rattache à l'origine de cette ville. 

Malheureusement nous n'avons à ce sujet que bien 
peu de données. Nul écrivain de l'antiquité , à l'ex- 
ception du géographe d'Alexandrie, n'en fait mention 
jusqu'à Ammien Marcellin et Eutrope 1 , qui l'un et 
l'autre combattirent dans les armées de Julien, et, 
plus tard, Victor 3 et Zosime 3 ,qui décrivirent aussi les 
guerres de cet empereur. 

Ptolémée y place la huitième légion, dont la pré* 
sence dans cette forteresse -nous est, en effet, con- 
firmée par des inscriptions 4 et plusieurs tombeaux 
romains qui y ont été découverts. Un fragment d'une 
autre inscription, trouvé dans les substruclions de 
l'ancien couvent de Saint-Étienne, et qu'ont cité plu- 
sieurs des écrivains 5 qui ont décrit les antiquités de 
Strasbourg , nous donne pour date le règne de Ju- 
lien. 

Malheureusement il a depuis longtemps dis- 
paru. 

L'inscription avait été burinée sur le marbre, en 

■ 

l'honneur de cet empereur, comme un hommage 
rendu à ce prince par la province de Germanie su- 



1 L. x, c. 7, num. 5. 

2 Epitome , c. XLII. 

3 L. m, c. 3. 

* LEG. VIII. AVG. — EG VIII AVG. — LEC VIII A/G. Sur des 
dalles de terre cuite. 

5 Mabillon, Annal. Bénédictin., 1. 1, p. 493; Kœnigshoven, Chron., 
p. 1124. 



88 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

périeure, sans doute lorsque, vainqueur de l'Àlle- 
manie, il revint triomphant sur les bords du Rhin 1 . 

A cette époque , selon le témoignage de l'historien , 
s'étendait, sous la protection de ce castel, un muni- 
cipe qui dut être assez important, puisqu'il le cite 
avec ceux de Worms, de Spire et de May en ce 2 . 

Une inscription récemment découverte prouve que 
dans ses murs s'élevait un temple dédié à Minerve et 
au génie du lieu, temple qui, en 202 de l'ère chré- 
tienne, sous le consulat de Mucien et de Fabien, fut 
réparé par le lieutenant et le secrétaire du princeps 
qui résidait dans les murs de la cité, mais dont la 
réparation ne fut achevée que Tannée suivante, sous 
le consulat des deux Auguste Sévère et Antonin, aux 
frais et par les soins de Catule, lieutenant du prin- 
ceps, qui avait remplacé le premier 3 . Le fort embras- 

* La voici : 

IVLIAN 

AVG. PR 

OVINC. 

2 Prima Germania y ubi prœter alia municipia Moguntiacus est , et 
Vangiones, et Nemetes et Argentoratus , barbarie cladibus nota. Amm. 
Marcel., I. xv, c. il. 

3 IN. H. D. D. MIVERVAE SAN 
CTE. ET. GENIO. LOCI. C. AMN 
DIVS. FINITVS. OPT. PRINCI . . . 
ET T. CELSIVS. VICTORINVS. 
LIBR. PRINCIPIS. REFECERW 
MVCIANO. ET. FABIANO. COS. 

C. Q. CAY.VS. of. PR. INCHOSVM. D. S. PERFECt 1 . DVOB. 
AVG. SEVERO III ET . . . . ONN. COS. 

In honorem domue divinœ, Mtnervœ eanctœ et Genio loci C.Aman- 



DU RHIN ET DU DANUBL. 89 

sait alors la partie] de Strasbourg qui est le plus à 
Test, baignée au sud par 1*111 , et à l'orient par le bras 
de cette rivière connu sous é le] [nom de canal du 
Faux-Rempart; il se trouvait défendu, au nord et à 
l'ouest , par des murailles et de profonds fossés , au 
delà desquels se développait la voie romaine qui liait 
la cité au camp de Kœnigshofen, qu'occupait la hui- 
tième légion. 

Des fouilles récemment faites dans ce dernier lieu 
ont mis à nu plusieurs autels, des tombeaux, des 
poteries, des statuettes , des monnaies des diverses 
époques de 1 ère romaine. 

, Le princeps qui résidait à Argentorat y était sans 
doute comme subdivisionnaire du chef militaire de 
la province qui résidait à Mayence. Lorsque plus 
tard Constantin établit les quatre grandes prétures , 
Argentorat, comme nous l'avons vu, en parlant de 
Mayence, reçut un comte, dont la charge était pure- 
ment militaire, et qui était préposé à la garde du 
passage que cette forteresse défendait 1 . Car, comme 
aujourd'hui encore, l'importance de sa position avait 
porté les Romains à en faire une place de guerre du 
premier rang , où ils entretenaient des arsenaux , et 
où se fabriquait tout ce qui était nécessaire à l'arme- 
ment des armées 2 . 

dius Finitus, optio Principis, et T. Celsius Victorinus, librarius Prin- 
cipis, refecerunt, Muciano et Fabiano consultons. C. Q.Catulus , optio 
Principis, inchoatum de suo perfecit , duobus Augustis Severo III et An- 
tonino consulibus. 

* Sub dispositions viri spectabilis comitis Argentoratensis tractus 
Argentoratensis. Not. dignit., édit. cit., p. 1947. 

3 Notit. dignit. imperii occident., C. 29. 



90 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Restée intacte sous la puissance romaine, depuis 
l'époque où les légions vinrent planter leurs aigles 
sur le Rhin, cette ville qui, de simple bourgade cel- 
tique, s'était élevée au rang de forteresse et de mu- 
nicipe, tomba en ruines, avec les autres cités rhé- 
nanes, au commencement du cinquième siècle. L'in- 
vasion des Allemanes, sous Alexandre Sévère, celle 
que ces peuples renouvelèrent sous Constantin, et celle 
qui les mit en présence des armes de Julien , n'avaient 
été que des fléaux passagers. Mais l'irruption des Van- 
dales fut plus sanglante pour elle. Elle fut alors sac- 
cagée; ses malheureux habitants furent entraînés en 
esclavage au sein de la Germanie. A la suite des Van- 
dales et des Suèves s'avancèrent les Allemanes qui , 
tandis que les premiers se répandirent dans la Gaule, 
ne laissant derrière eux que des ruines fumantes, se 
mirent en possession de toute la plaine des Vosges et 
du Rhin. 

Alors succéda à la forteresse romaine démantelée 
une nouvelle bourgade qui, toutefois, ne fut de 
nouveau ceinte de remparts que sous l'empire des 
Francs. 

Au huitième siècle existaient encore les ruines ro- 
maines, ainsi que nous l'apprend un document de 
cette époque qui règle la fondation du couvent de 
Saint-Étienne 1 . 

Au nom celtique latinisé avait cependant déjà, au 



1 c ..in parte suœ hœreditatis , quœ sibi pertinuit inter ruinas 

c veteris Ârgentoraci . pro opportunitate solitudinis et juxta fluentis 
tBrusd fluvii.* Charte de Lothaire. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 91 

sixième siècle, été substitué celui de Stratebourg 1 ; ce 
qui semblerait annoncer que l'endroit n avait pas 
cessé d'être habité. Ce nom correspond assez au nom 
celtique d'Argentorat, puisque ce dernier désigne 
un lieu de passage sur un fleuve, et que le mot alle- 
mand de Stratebourg, changé en celui de Stratz- 
bourg 2 , et enfin de Strass bourg , désigne un fort 
placé sur la route qu'il est destiné à défendre. 

Les démolitions romaines servirent sans doute de 
matériaux à fces nouvelles bâtisses que les siècles, les 
guerres , ont depuis si souvent renouvelées ; c'est ce 
qui peut seul expliquer le petit nombre d'inscrip- 
tions qui ont été retirées de ce sol, comparative- 
ment à d autres localités d'une bien moindre impor- 
tance. 

La route romaine conduisait d'Argentorat à Hel- 
lenum, placé au lieu même que recouvre le village 

dm 

Les fouilles qui ont été faites à diverses reprises 
en ce dernier lieu, ont livré une foule de monnaies, 
de vases d'argile, de poteries et d'autres objets de 
terre cuite, ainsi que divers autels ornés des bas-re- 
liefs consacrés à différentes divinités. L'inscription 
de l'un de ces autels est relative au culte des ma- 
trones, et offre le plus grand intérêt. 

Cette inscription , burinée sur le marbre , porte 

4 Ad Argentoracensem urbem , quam nunc Strateburgum vocant. 
Grégoire de Tours, Hist. Francorum, . x, c. 19. 

2 In civitate quœ olim Argent aria vocabatur, nunc autem Stratzburg 
vulgo dicitur. Nithard , au neuvième siècle. 



92 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

qu'un individu, du nom de Sextus, pour l'accom- 
plissement d'un vœu qu'il avait fait, renferma d un 
mur une portion de terrain qu'il dédia aux déesses- 
mères 1 . 

Gomme ce monument ne fait mention ni d'autel 
ni de temple, il est probable que dans l'enceinte que 
le Romain Sextus consacra, n'étaient placées que les 
images de ces divinités. 

Hellenum parait avoir été un de ces camps ro- 
mains qui, peu à peu, s élevèrent au rang de villes. 
Placé sur les bords de 1111, à deux lieues du Rhin, 
il servait à couvrir cette ligne qu'observaient en 
arrière les divers castels élevés sur la crête des 
Vosges. 

Sans doute il aura eu le sort d'Argentorat et de 
Brocomagus, et il aura été ruiné au commencement 
du cinquième siècle, lors de la grande invasion 
des barbares. 

La Table de Théodose, qui donne à ce lieu le nom 
d'Helellum, le place à douze lieues gauloises d'Ar- 
gentorat , ce qui répond assez exactement à la dis- 
tance de Strasbourg au village d Eli. Il est cité sous 
le nom d'Elcebus par Ptolémée 2 , et sous celui d'Hel« 



MATRABVS ACRV 
EX MACERIE CIRC 
VM DVCTVM SEXT 
VS CLEMENTIS FIL 
V S L L M. 



« y EXxY,&><;. Géogr., . H, c. 9. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 93 

vetum par Y Itinéraire cPAntonin, qui indique deux 
routes différentes au sud de cette ville; Tune, allant 
directement joindre Argento varia, l'autre, le rocher 
de Brisach. 

Argentovaria a été le sujet de beaucoup de disser- 
tations de la part de plusieurs savants qui jusqu'ici 
Font toujours confondue avec l'Argentaria d'Ammien 
Marcellin , lieu près duquel les généraux de Gratien 
défirent , en 378 , la peuplade allemane des Lenliens. 

Nous aurons occasion, en décrivant les établisse- 
ments romains du lac Brigantin, de faire voir com- 
bien cette opinion est erronée, et de prouver que 
l'Argentaria dont parle l'historien ne doit nullement 
être confondue avec l'Argentovaria de Plolémée, de 
Y Itinéraire d'Ântonin et de la Carte routière de Théo- 
dose. 

C'étaient deux lieux différents, dont le premier 
était posé sur les bords du lac, à l'embouchure de la 
petite rivière d'Argen, et dont le second était situé 
sur l'Ill, près du village d'Horbourg, lequel, au cin- 
quième siècle , surgit des ruines de l'établissement 
romain. 

Les moissons aujourd'hui recouvrent la plaine où 
cette ville s'étendait, et dont le sol, remué par la 
charrue, livre encore, de temps à autre, quelques 
restes d'antiquités romaines. Le nombre de monnaies 
qui y ont été trouvées est Irès-considérable ; elles se 
succèdent pendant toute la période des quatre pre- 
miers siècles 1 . Plusieurs pierres monumentales en 

1 Rhenanus, Epistola ad Mattiam Erbium, p. 544. 



91 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

ont aussi été retirées; entre autres deux autels en- 
richis d'inscriptions. 

Nous ignorons la divinité à qui 1 un d'eux était 
consacré 1 ; l'autre Tétait à Apollon, du surnom de 
Grannus, et à une autre divinité celtique qui, pour 
la première fois, vient s'offrira nos recherches sous 
le nom de Mogounus 2 . 

C est surtout sur le Danube, comme nous le ver- 
rons plus tard , que les inscriptions d'Apollon , avec 
le surnom de Grannus, sont fréquentes. 11 lui avait 
été donné comme au dieu des sources , auxquelles 
il présidait, ainsi que ce surnom nous l'indique, et 
que nous le confirment les statues et les autels 
qui, partout où des thermes existaient, lui furent 
élevés. 

Son culte s'était répandu jusque dans les pays les 
plus septentrionaux, et jusqu'au sein des montagnes 

1 IN H DD 

ARAM 
BIRRIVS 
MARTIVS 
D. S. D. 

2 APOLLINI. GRAN 

NO MOGOVNO 

ARAM 

Q. LICINIVS. TRIO 

D. S. D. 

Apoîîini Granno et Mogouno aram Q, Licinius Trio de tuo dicat. 



DU RDIN ET DU DANUBE. 95 

• 

des Calédoniens, où était aussi en honneur celui du 
dieuMounusou Moguntius, divinité qui semble avoir eu 
les mêmes attributs que l'Esculape des Grecs. C'est ce 
qui explique son association sur le même monument 
avec Apollon Grannus ou le dieu des sources. Dans 
le cabinet de Munich se trouve, en effet, une sta- 
tuette d'Apollon qui peut servir à éclaircir les attri- 
buts de ce dernier dieu. 

Il est représenté sous les traits d'un jeune homme 
couronné d'une auréole lumineuse à cinq pointes, 
et revêtu d'une légère tunique. 11 supporte du bras 
gauche un vase où , comme dieu de la médecine, et 
présidant à la santé des hommes, il tiejit renfermés 
les baumes qui peuvent servir à la leur rendre. Les 
plis de son manteau recouvrent cette partie du corps, 
tandis que le bras droit est libre et tient levé le cou- 
vercle du vase, comme pour inviter à venir prendre 
part à ses dons. Sur sa robe sont inscrits, en carac- 
tères moitié celtiques, moitié grecs, ces deux mots 
JZeleayto et Eqvvofiai, j'éclaire et je distribue, devise 
qui exprime bien l'éclat et l'action du dieu, en même 
temps que le nom de Grannus, c'est-à-dire du dieu 
qui préside aux sources thermales , donné à Apollon 
sur le piédestal , exprime sa puissance curatrice. 

Or, sur une autre pierre votive , trouvée dans l'an- 
tique Calédonie, est exprimée la reconnaissance d'un 
valétudinaire envers le dieu Moguntius, auquel il 
devait la vie 1 . 

4 Voy. Camden, Brittannia, p. 433; Gorden, Itiner. septentrion., 
p. 98. 



96 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Si nous devons voir dans le dieu Mogounus de l'ins- 
cription d'Argentovaria la même divinité que celle 
que cette pierre mentionne , nul doute que sa puis- 
sance curatrice ne lût égale à celle d'Apollon , et que 
ce fût pour marquer à ces deux dieux toute sa 
reconnaissance que le Romain , du nom de Licinius , 
qui leur éleva l'autel qui nous occupe, les a associés 
dans son vœu. 

Argento varia, elle aussi, fut ruinée au cinquième 
siècle. 

V Itinéraire d'Antonin, sur la route qui, de cette 
ville conduisait à la colonie des Rauraques, cite la 
mansion de ^tabula, lieu qui, selon cet Itinéraire, 
situé à six mille pas de Cambes, et, par conséquent, 
à trois de nos lieues du bourg de Kembs, paraît avoir 
été placé sur le même terrain que recouvre aujour- 
d'hui Bantzenheim. 

« On ne peut remuer le sol en cet endroit, dit Bea- 
« tus Rhenanus 1 , qui vivait au seizième siècle, sans 
« que Ton ne trouve quelques restes d'antiquités ro- 
c maines. Toute la campagne , lorsqu'on la fouille, 
« laisse voir les ruines d'un ancien établissement qui 
« s'étendait jusqu'à l'antique chaussée dont les restes 
« sont encore désignées sous le nom de Hochstrass. 
«Souvent aussi l'on y déterre des sarcophages de 
« pierre.» 

Induit en erreur par ces vestiges, Rhenanus avait 
placé en ce lieu le fort d'Arialbinnum. 

Nous avons toutefois fait voir, en décrivant les an- 

4 Beatus Rhenanus, Rer. Germ n 1. m, p. 278. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 97 

tiquilés de là colonie d'Augusta chez les Rauraques, 
la vraie position de cette forteresse, qui était située 
sur remplacement du moderne Binningen. 

Les ruines que nous foulons ne peuvent donc être 
que celles de Stabula, lieu ou l'empereur Constance y 
pendant le séjour qu'il fit dans les Gaules, signa une 
de ses ordonnances 1 , et d'où, en effet, comme nous 
l'indiquent les deux Itinéraires, nous arrivons bien- 
tôt après au bourg de Kembs qui a conservé en par* 
tie le nom antique de Cambes, et où les ruines sou- 
terraines, qui ont été retrouvées au seizième siècle 2 , 
prouvent aussi remplacement du lieu romain. 

Entre ces deux endroits est situé le village d OU- 
marsbeim, où la tradition place dans l'église que l'il- 
lustre Schœpflin a décrite 3 , et qu'il regarde comme 
les restes d'un temple du paganisme, le culte de 
Mars, dont ce village aurait en partie conservé le 
nom. 

En arrière et séparé du Rhin par les forêts qui 
aujourd'hui encore recouvrent cette partie de la pro- 
vince, et qui devaient être alors bien plus étendues, 
était situé le camp dUrunca, sur les restes duquel 
s'éleva plus tard le Richeneshaim du moyen âge. 

La position du lieu moderne, qui lui a succédé, 
répond exactement à celle que Y Itinéraire assigne 
au lieu antique, puisque, à un mille près, il le 



1 Lege IV. Cod., De oper. publ. 

2 Supra Cambeten, etipsovico, mira vestigia murorum subterra- 
neorum apparent. B. Rhenanus , Rer. Germ., 1. Ilï , p. 277. 

3 Alsat. illustr., 1. 1, p. 504 et suiv. 

II. 7 



98 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

place à distance égale d'Arialbinnum et du Mons Bri- 
siacus, dont il liait la communication. Les traces de la 
chaussée romaine n'ont point encore tout à fait dis- 
paru , non plus que celles de la route qui, de Cambes, 
allait en ligne directe, et en croisant cette chaussée, 
joindre le fort d'Epamanduodurum, lieu situé près 
de Monlbéliard, et où, indépendamment d'autres 
antiquités, fut aussi trouvée une pierre milliaire du 
règne de Trajan 1 . 

Tels furent les principaux établissements que les 
Romains, pendant les quatre siècles qu'ils furent 
maîtres du Rhin, formèrent le long de la rive gauche 
de ce fleuve. 

Toute cette ligne de forteresses, qui devaient faire 
la sécurité des Gaules, était toutefois encore soute- 
nue en arrière par les autres fortifications de la 
Meuse, de la Moselle, du Mont-Tonnerre et des 
Vosges, sur la crête desquels le Celte guerrier avait 
déjà placé les remparts que Rome mit aussi plus 
tard à profit. 

Cependant je ne m éloignerai pas de la frontière 
du Rhin, qui fut celle de la Germanie romaine pen- 
dant la moitié du premier siècle, et qui la redevint 



IMP. NERV.E 

TRAIANO 

CAES. AVG. GER. 

DM. NERVAE. F. 

P. M. TR. P. P. P. CoS. II 

VESANT. M. P. XXXXIIX. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 99 

lorsque, au troisième siècle, Rome eut perdu ses 
conquêtes d'outre-Rhin. Les Romains ne se sou- 
tinrent plus alors dans la Germanie proprement dite 
que sur le Danube. 



ii. 7 - 



100 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 



TROISIÈME PARTIE. 

ÉTABLISSEMENTS ROMAINS DU DANUBE ET DE l'aLBE. 

L'Albe , ou la chaîne des Alpes suéviques , s'étend 
entre le Necker et le Danube, depuis la Scbmiech, 
dont le cours la sépare à une petite distance de la 
Forêt-Noire, jusqu'à la hauteur de Kœnigsbronn. Au 
sud , ces montagnes s'abaissent insensiblement vers 
le grand fleuve, et à Test, vers la rivière de Brenz; 
mais, au nord et à l'ouest, elles s élèvent rapidement 
et forment de vastes plateaux , dans lesquels les val- 
lées sont profondément encaissées. Les principales 
rivières qui y prennent leurs sources sont la Brenz, 
la Rocher, la Rems, la Fils, la Lauter, l'Ems, la Lau- 
chart , l'Aach, la Blau et la Lontel , tous courants d'eau 
qui se jettent soit dans le Danube, soit dans le Necker. 
Prise en ligne droite, la longueur de TAlbe, depuis 
Kœnigsbronn jusqu'à Ebingen , comprend une dis- 
tance de vingt à vingt-deux de nos lieues; nulle part 
sa largeur ne dépasse quatre à huit lieues. 

Les Romains, après leur prise de possession des 
Gaules, envahirent de bonne heure ces plateaux, 
qu'ils enclavèrent dans la province de Rhétie, et en 
avant desquels ils placèrent leur limite.* 

L occupation de ces montagnes et de leurs ver- 
sants fut, comme sur l'Abnoba et sur le Mein, suivie 
de la colonisation qui , tandis que le nord de la Ger- 



OU RHIN ET DU DANUBE. 101 

manie se débattit sous les serres de l'aigle , s'étendit 
ici sous l'influence de plus d'un siècle de paix. Le 
Danube, qui, depuis la jonction des deux petits tor- 
rents de la Breg et de la Brigach , réunis aux sources 
de Donauescbingen , coule dans un val profond, au 
milieu de deux chaînes de rocs calcaires , et qui , plus 
loin , à mesure qu'il s'augmente du tribut de cent 
ruisseaux et de plusieurs torrents et rivières , tels que 
l'Iller, la Gûntz, la Mindel, le Lee h et la Paar, voit 
les hauteurs s'éloigner de ses bords et baigne une 
plaine fertile entrecoupée de coteaux, reçut en ar- 
rière plusieurs grands établissements. 

De toutes les villes qui se fondèrent, soit sur ses 
rives, soit sur ses confluents, la plus considérable 
et la plus florissante fut, comme nous lavons dit, 
celle qui , en l'honneur d'Auguste, reçut de son fon- 
dateur le nom d'Augusta. 

C'estausein de cette ville , située près de la jonction 
du Lech et de laWertach, dont les eaux étreignent 
des deux côtés son territoire, que venaient, comme 
dans un point central, se réunir toutes les voies 
de communication qui reliaient à la fois celte grande 
cité à^'Italie, à la Gaule, au Rhin et à la Pannonie. 

Ce fut sous le règne d'Auguste, et seize ans avant 
l'ère chrétienne que Drusus entreprit sa campagne 
contre les Rhétiens, peuples que leurs Alpes sépa- 
raient de l'Italie, mais qui commençaient à en in- 
quiéter le sol. Il les combattit non loin de Magia , sur 
le même champ de bataille où, quatre-vingt-cinq 
ans auparavant , Marius avait anéanti l'armée des 
Cimbres. Tous les passages des Alpes furent conquis. 



102 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Au nord de ces montagnes s'étendaient les Licatiens 
aux sources du Lech, et sur cette rivière et la Wer- 
lach, les Vindéliciens, dont les diverses tribus, de- 
puis le Danube jusqu'au lac Brigantin, se virent, par 
la défaite des Rhétiens, en présence des légions de 
Drusus. Ce général, conjointement avec Tibère, en- 
voyé, Tannée suivante , avec des renforts pris dans 
les Gaules, commença contre ces peuples une nou- 
velle campagne, qui, menant les Romains aux sources 
du Danube, rendit tributaires tous les peuples du 
lac , et eut pour résultat de mettre sous le joug de 
Rome tout le pays qui s étend entre le Norique et 
l'Abnoba. Toute la contrée devint romaine. Pour 
en assurer la conquête, on établit divers camps, 
où furent placées les légions et les cohortes, et on 
conduisit sur les bords du Lech la colonie d'Auguste, 
dont le nom, plus tard, en l'honneur d'Adrien, fut 
changé en celui dTElia Augusta '. 

1 Nous avons encore l'inscription que la ville reconnaissante con- 
sacra sur un monument en l'honneur de Matidie , belle-sœur de cet 
empereur. 

La voici : 

MATID//////////// 

DIViE MATI/// 
///VGV. FIL. DI 
MARC1ANA///// 
////PTI DIVI//// . 
////NI ABNE//// 

DIVAE SABI/// 

//////////////so// 

Matidiœ , divœ Matidiœ Augustœ filiœ y divœ Marcianœ Âuguttœ nepti, 
divi Trajani abnepti, divœ Sabina> 7 divi Hadriani Augustœ 7 sorori. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 103 

Cette cité devint la métropole de toute la Vindé- 
licie, et la ville la plus florissante de toute la Rhétie, 
d'après le dire de Tacite. 

C'était, comme on sait, avec la plus grande solen- 
nité que l'installation de pareilles colonies avait 
lieu. 

C'était sur le vestige du sillon tracé par la charrue 
sacrée, au joug de laquelle étaient attachés le taureau 
et la génisse blanche, destinés au sacrifice, que leurs 
murailles s'élevaient. Celles de la ville nouvelle em- 
brassèrent un vaste terrain, et ce fut, selon toute 
probabilité, au centre et sur l'emplacement de Saint- 
Ulrich où, en 1606, fut découverte une inscription 
colossale, dédiée à Jupiter 1 , que s éleva le capitole, 
consacré, comme celui de Rome, au maître des 
dieux, à Junon et à Minerve. 

Là où la petite église de Saint -Gai est placée, 
fut posé le temple de Mercure, dont l'inscription 
dédicaloire a aussi été retrouvée au commencement 



Le divin Trajan, dont parle l'inscription, était le père de l'empe- 
reur Trajan. Il est cité dans les fastes consulaires sous le nom de 
M. Ulpius Trajanus. Il eut deux enfants, l'empereur et Marcienne, en 
l'honneur de laquelle , s'il faut en croire Âmmien Marcellin et Jornan- 
dés , la ville de Marcianopol en Mœsie aurait reçu son nom. Matidie , 
fille de Marcienne , eut pour époux Boïonius Proculus. (voy. Reines , 
p. 306,. C'est d'eux que naquit Matidie, sqeur de Sabine, qui épousa 
l'empereur Adrien. Voy. les Tables généalogiques de Lohmeier, 2 e part., 
tabl. 2 et 3 de l'édition de Lunebourg. 1731. 

P M P 

Patvi optimo Maximo posilutn. 



104 ÉTABLISSEMENTS BOMAUtS 

du seizième siècle 1 . Le Forum s étendait sur rem- 
placement de la cathédrale» ainsi que la basilique et 
son portique, dont quelques restes de colonnes el 
une pierre de marbre, supportant dans une niche 
les bustes en relief de deux duumvirs, ont été dé- 
couverts intacts. 



1 MERCVR10 

CVÏVS. SEDES A TERGO 

SVNT 

APPIVS. CL. LATERANVS 

XV. VIR. SACR. FAC 

COS. DESIGN. 
LEG. AVG. PR. PR. 
LEG. UI. ITA. 

V. o. Li» M. 

Mercurio, cujus sedes a tergo sunt, Appius CL Lateranus , quindecim- 
vir sacris faciendis, consul dcsignatus, legatus Augusti, proprœtor 
legionis III italicœ , votum solvit lubens merito. 

Les quindecimvirs avaient l'inspection des livres sybillins, à la garde 
desquels ils étaient préposés. Comme leur emploi les mettait en con- 
tact avec le culte , ils ajoutaient à leur titre les mots de sacris facien- 
dis , comme ayant rapport à leurs fonctions sacerdotales. 

C'était le second grand collège des prêtres de l'Empire Dans les 
temps difficiles, ils devaient consulter les livres sybillins par l'ordre 
des pontifes et faire alors le sacrifice expiatoire que ces livres pres- 
crivaient. A l'origine de leur création leur nombre fut de deux (Dionys., 
iv, 62; Livius, m ,10). Il fut, en 237 de Rome, porté à dix membres, 
dont cinq patriciens et cinq plébéiens (Livius, vi, 37, 42). Plus tard 
il fut encore augmenté de cinq. Enfin, leur nombre ne fut plus stipulé, 
quoiqu'ils continuassent de porter depuis le nom de quindecimvirs iLi- 
vius, xxxin, 42; Cicer., De orat., ni, 19; Festus, Declam. deHarusp. 
resp., 101). 



DU RHIN ET DU DANUBE. 105 

Plus de soixante -dix monuments, portant des 
inscriptions, ont été retirés de ce sol classique. 
Mars et la Victoire 1 , Hercule a et le dieu Silvain 3 , 



IN. H. DD. 

DEO. MARTI 

ET. VICTORLE 

CONTVBERNI 

VM. MARTICVL 

TORVM. POSVE 

RVNT. V. S. 

LL. M. 



2 .... CVLI. STATVAM 

CVM. BASE AVRELIVS 
MVTIANVS. V. P. P. PR. 
PRO. SALVTE. SVA. SVO 

RVMQVE. OMNIVM 

. . SYIT. CVRANTE 

GERVNTIO 

.; MutianuSj vir perfectissimus , proprœtor provinciœ, etc. 



IN. H. D. D. DEO. SILVANO 
TEMPL. CVM. SIGNO. YE 
TVSTATE. CONLABSVM 
SEXT. ATTONIYS. PRIVATVS 
CIVES. TREVER. IlIIlI. VIR 
AVGYSTALIS. PECVNIA. 
SVA. RESTITVIT. 



106 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

les Parques 1 et les autres divinités protectrices de la 
cité*, Isis même*, et, hors de l'antique enceinte, Plu- 
ton et Proserpine', y eurent des autels. 



1 


. ARCI . 






SACR . . 






Ci ... . 






COSSITIVS 






PRIMVS 






V. S. P. 






Lj. \j» M, 




Pat 


rcis sacrum, etc. 
... M. 






• •*».....* 




. . TERN0. SERVATORl 


. . . ETERIS DUS 




DEABVSQVE 


. DEABVSQVE 




VS. LOCI. 


OMNIBVS. 



Jovi optimo Maximo, œterno conservatori , cœterUque Dits, Deabus- 
que hujut loci. 

Manlius, dans Tite-Live (l. vi), s'écrie : •Jupiter optimus maximus, 
c Junoque regina , ac Minerva , cœterique DU Deœque qui capitolium 
c arcemque incolitis h C'est la même invocation qui se retrouve ici 
sur ces deux pierres. 



3 



ISlD(t) 



Fragment d'inscription. 



PLVTONI ET 

PROSERPIN 

AE. FLAVÏA 

VENERIA 

BESSA EX 

VISV iEDEM 

D. S. P. V. I. S. L. M. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 107 

La ville, indépendamment de son titre de colonie» 
eut la constitution d'un municipe 1 . Comme telle elle 
eut à la tête de sa curie desquadrumvirs, ainsi que 
nous l'atteste un fragment d'inscription» adressée 
comme invocation par un décurion à la déesse qui 
devait présider à la sécurité perpétuelle de la cité 2 . 
Les deux bustes de duumvirs que nous avons ci-des- 
sus mentionnés, nous prouvent cependant aussi que» 
à une autre époque que celle d'Adrien , à laquelle 
cette inscription semble appartenir, l'administration 
municipale du lieu était dirigée parde tels magistrats. 
Du reste, les sénateurs ou décurions ont laissé le plus 
de souvenirs. Nous trouvons à côté d'eux les sévirs au- 



MVNICIPI. AEL. AVG. NEGOTIATOR 

N . . . ET . . . AEDEM. 

CVM. SVIS. ORNAMENTIS. SIBI. ET 
ANTONIO. AELIAN0. EQVITI. R0MAN0. 
DECVRIONI. MVN1C. AEL. AVG ... PO. 



DEC. MV . . . 
FRATRIS. El . 

FILIVS 

HERES 
L. D. D. D. 



PERPETVAE SECVRITATI 
C. IVLIANVS. IVLIVS. DEC. MVN. 
HIIVIRALIS . . 



Perpetuœ Securitati, C. Julianius Julius, decurio municipii qua 
tuorviralis. . . . 



1 08 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

guslaliens et toutes les tribus et les diverses classes de 
citoyens qui se rencontraient dans les principaux mu* 
uicipes. Le commerce de la ville était important, et 
parmi les pierres tumulairesqui,de la hauteur de l'an- 
cien lieu de sépulture, près duquel fut. placé le temple 
des dieux infernaux, furent précipitées par les bar- 
bares dans le torrent de la Wertach, plus d'une rap- 
pelle le titre des différents négoces auxquels s étaient 
adonnés ceux dont elles couvrirent les tombes 1 * 

L'un , entre autres, du nom de Tiberius Cleuphas, 
faisait le commerce des étoffes de pourpre. 

Les troupes qui ont laissé quelques souvenirs de 
leur présence à Augusta sont la troisième légion ita- 
lique, dont le chef y faisait sa résidence , la cavalerie 
ef quelques auxiliaires attachés à cette légion , et les 
singulares à cheval , corps d'élite dont "nous avons 
déjà eu occasion de parler, qui servait de garde aux 
généraux et aux consuls. Us formaient ici celle des 
légats ou propréleurs de la province, dont cette ville 
était le siège, et dont quatre d'entre eux ont inscrit 
leurs noms sur des monuments publics. 

Appius Glaudius Laleranus vivait en 196 de Jésus- 
Christ. Nous ignorons l'époque où les trois autres, 
Aurelius Mulianus, P. Dyonisius et Volus Prudens 
Utledianus, furent en fonction. Avec ce titre de légat 
et de propréteur, leur était aussi donné celui de 



1 Voy. Peutinger, lnscript. vêtus t. Roman, et earum fragmenta in 
Augusta Vindelicorum , et Raisser, Die rômischen Alterthiimer zu Augt- 
l>urg, t. 1, p. 72 et suiv., et t. n, p. 61 et suiv. du 3 e cah. Consultez 
aussi les inscriptions de Gruter, d' Appien , d'Orelli , etc. 



DU RHIN ET f>U DANUBE. 109 

recteur ou de président. Sous l'empereur Aurélien , 
Fulvius Bojus était duc de la limite rhétique, et, sous 
le règne de Probe, Bonose était revêtu de la même 
dignité 1 . Le duc de la province remplaça plus tard 
cette charge , et nous voyons par la Notice de i 'Em- 
pire que, vers la fin du quatrième siècle, ce duc com- 
mandait à la fois la première et la seconde Rtaétie 2 . 

Augusta , qui fût fondée Tan 740 de Rome , qua- 
torze ans avant Jésus- Christ, ressentit à plnsieurs 
reprises les secousses que les Allemanes et les autres 
peuples germains donnèrent à l'Empire. Au milieu 
du troisième siècle elle fut investie par eux, et tomba 
enfin en ruines à la fin du quatrième siècle , sans que 
la ligne de fortifications qui s'étendait tout le long 
du Danube, put la préserver de leurs ravages 3 . Tout 
alors fut détruit et saccagé. Les Huns, lors de leur 
passage dans les Gaules , renversèrent encore ce qui , 
malgré tant de désastres, était resté debout; et c'est 
sur ces décombres que s'éleva par la suite la petite 
ville épiscopale d'Augsbourg, à laquelle succéda, au 
moyen âge, la cité qui, sous l'Empire germanique, 
deviyt si florissante. 

Les fortifications danubiennes n'étaient pas tant 
une suite de retranchements, liés entre eux par une 
ligne continue comme le grand rempart, qu'une 

1 Voy. sur ces différents sujets, Raiser, Ober-Donau-Kreis, 3, 71 
et 72; Kogalnitchan , Histoire de la Valachie, t. I, p. 9; Vopisc, Au- 
relian., c. 13; idem, Firro., Saturn., Proeul n Bonos., c. 15. 

3 Notit. dignit. imperii occident., édit. cil 

3 Les monnaies trouvées à Âugsbourg et dans ses environs des- 
cendent depuis Auguste, Tan 30 avant Jésus-Christ, jusqu'à Théo- 
dose-le-Grand et Arcade, son fils aîné, l'an 394 de l'ère chrétienne, 



110 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

suite de camps qui, en arrière du fleuve, se succé- 
daient de dislance en dislance pour en proléger le 
cours. 

Elles furent élevées, sans nul doute, dès la pre- 
mière arrivée des Romains sur le Danube. 

En effet, ce ne fut qu'au commencement du 
deuxième siècle, lorsque, déjà depuis cent ans, le 
pays avait été colonisé, que la limite transdanu- 
bienne fut construite, et que la rive gauche du fleuve 
reçut aussi des établissements romains et de pa- 
reilles fortifications. 

Ces camps formaient plusieurs groupes, chacun 
compris sous un nom collectif. Pour me servir des 
expressions de Schélius, dans ses commentaires sur 
Hygin : «ils n'avaient pas seulement été élevés à 
^ € grands frais contre les attaques de l'ennemi , mais 
« ils avaient encore été disposés à l'intérieur avec le 
c plus grand soin pour la commodité de leurs habi- 
« tants. Souvent la pierre avait été employée pour en 
« élever les murailles, surtout aux confins de l'Em- 
c pire, et en présence de nations turbulentes. L'ad- 
« ministration de ces camps était en partie miljjàire 
« et en partie civile; et, comme ces lieux s agrandirent 
«avec le temps, ils donnèrent souvent naissance à 
« des villes considérables 1 .» 



1 1 Ist a hibernacula non tantùm ex teriusadver sus omnesconatus hostiles 
c magno opère emuniebantur, sedet interius laxius disponebantur mulio 
« paratu multâque cura, Sœpe lapide vel saxo contra inclementiam et 
c injurias aëris œdificabantur, prœsertim quœ in finibus imperii aut 
« ferocibus et nondum satis pacatis nadonibus; sed belli aut servitutis 
ipluriumque annorum hiberna rationem quidem et ordinem castrorum , 



DU RPIN ET DU DANUBE. 1 1 1 

Parmi ces dernières se distinguèrent sur le Da- 
nube les deux cités de Ratisbonne et de Gûnz- 
bourg. 

La première, située vis-à-vis l'embouchure de la 
Regen , dut être un lieu important, si Ton doit s en 
rapporter au dessin de la Table de Théodose. Ses nom- 
breuses inscriptions, dont plusieurs datent de l'é- 
poque des Gordiens 1 , nous prouvent qu'elle eut 
une garnison permanente que composèrent succes- 
sivement une aile de cavalerie 3 et les première, 
troisième et quatrième légions , du surnom à' Ita- 
liques. 

Le nom latin de Reginum, sous lequel cette ville est 
indiquée sur cet itinéraire, s est perpétué jusqu'à 



« eeterum omnia in modum municipii habebant. Ideoque et tractu tem- 
c porit magisque adauctœ, quœdam eorum claris aliquot oppidis origi- 
• nem dederuntn (Thés. Grcfr. Antt. Rom., t. X, p. 1110}. 

1 Voy. Apiani Inscript ion es ; Aventini Chronica ; Gewald, Delineatio 
Noriei; et surtout Zirngibl , dans les Historischen Abhandlungen der 
kbnigl. baier. Académie der Wisxenschaften , t. il, p. 203-250. 

2 DUS MANIBVS 

CL. C. F. .MELI . . 

CLAVD1ANVS 
PRAEF. T. 

Dits ManibuSy Claudio, Caji filio , Melius Claudianus , prœfectus 
turmarum, 

Mayer, dans son Handbuch der rbmischen AlterthUmer, donne à 
chaque aile de cavalerie romaine 300 hommes, subdivisés en 10 turmes 
ou compagnies de 30 chevaux [terdeni), commandées chacune par un 
décurion ; le.préfet commandait l'aile entière. 



1 12 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

nos jours dans celui de Regensbourg que loi donnent 
les Allemands. 

Les routes qui venaient y aboutir du Norique et 
de la Pannonie, et une autre en ligne droite d'Au- 
gusta, jointes à la grande voie militaire du Rhin et 
du Necker, entretenaient ses communications et pro- 
tégeaient son commerce que sa position sur le fleuve, 
dont la navigation lui était ouverte, dut rendre im- 
portant. 

Du moins voyons - nous par une inscription re- 
trouvée en fouillant son sol, qu'une association de 
quelques-uns de ses négociants releva , en 204 de Jé- 
sus-Christ, sous le consulat de Cilon et de Libon, le 
temple de Mercure, dont elle restaura les ornements 
et les autels. 

De cette ville à la station d'Abusina, la Table de 
Théodose marque vingt-deux mille pas. Or, c'est à peu 
près la distance qui existe des rives de l'Abens à 
Ratisbonne. Les vestiges dune redoute romaine, 
près d'Unter-Laiendorf, quelques monuments dé- 
couverts à Abbach 1 , et d'antres antiquités trouvées à 
Gebracbingen , nous montrent, à défaut des traces 
de la route même, le cours qu'elle a dû suivre. Elle 
venait donc joindre le camp d'Einingen en deçà du 
torrent de l'Abens, derrière lequel s'est, après la 
chute de l'établissement romain, élevé Neustadt ou 



1 Ces monuments sont une pierre votive élevée à Jupiter Stator; une 
autre, élevée à Mercure et à la Fortune, qui ramena victorieuses les 
légions , et une troisième pierre qu'un bon fils et époux posa sur la 
tombe de sa mère et de son épouse. Voy. Aventini Ckronica. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 113 

la ville neuve. Une pierre votive» dédiée aux trois 
grandes divinités protectrices du Capitol et au gé- 
nie de la troisième cohorte britannique, en 289, 
sous le consulat de Gentiane et de Bassus 1 ; une 
autre, que l'empereur Seplime Sévère éleva lui-même 
aux dieux et aux déesses suprêmes 2 , et quantité de 
monnaies romaines, de bijoux, d'anneaux et de po- 
teries, retirés de ce sol , annoncent toute son impor- 
tance. 

C'était le principal des divers camps élevés sur le 
Danube pour protéger le cours de l'Abens; il corres- 
pondait avec Gœgging, où se sont retrouvées les 
ruines d'un bain an tique, avec le pont de Siegenbourg 
et avec Neukirch. Sans doute, dans un temps posté- 
rieur à 1 époque florissante de l'occupation romaine, 
ces divers camps servirent à couvrir stratégique- 
ment cette frontière de la Vindélicie du côté du 
nord-est 8 . 

La roule de jonction d'Abusina à Celeusum tou- 
chait Sitling et traversait le Danube proche d'irn- 
sing. Sur les hauteurs qui dominent les rives du 
fleuve peuvent encore s'apercevoir les ondulations de 
terrain formées par les deux redoutes qui , de chaque 
côté du Danube, protégeaient ce passage. La voie se 
partageait en deux branches, dont lune formait la 
route militaire proprement dite, et dont l'autre allait 



i Voy. Raiser, Ober-Donau-Kreis , 3 e part., p. 34. 

2 Verhandlungen des historischen Vereins im Regenkreis. i re année, 
2 e cah., p. 93. 

3 Consultez Buchner, Reisen aufder Teufelsmauer, 3 e cah., p. 13 et 
suiv. 

h. * 



114 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

par Arresting, où se trouvent aussi d'anciens vestiges 
de for ti Beat ions, joindre le grand rempart à Laimer- 
stadt, à Hagenhihl et à Altmanstein. Une pierre 
trouvée dans le sol de lavant- dernier de ces lieux , 
est d'un intérêt majeur en ce que l'inscription qu'elle 
supporte nous prouve tous les soins que l'empereur 
Adrien, à qui le rempart dut en grande partie son 
existence, mit à l'entretien de ces voies de commu- 
nication 1 . 

Geleusum comprenait plusieurs camps, depuis 
l'embouchure de l'Altnrïihl et Kelbeim , qui paraît en 
avoir conservé le nom, jusqu'au Kels,où Aven tin, le 
premier, retrouva les vestiges du camp prétorial 2 . 

Quelques restes de la chaussée antique ont été 
découverts près de Marcbing, où Ton a également 
trouvé des tombes et des monnaies romaines \ Proche 
du Kels, elle reparaît encore intacte. Le fort pré- 
torial lui-même était situé à un demi-quart de lieue 
de Pfœring, sur le champ élevé de Biba, qui do- 
mine au loin tous les alentours. La circonférence de 
ses remparts peut avoir été de mille soixante-seize 
pas, formant, comme tous les camps romains que 
nous avons visités, un carré, dont le côté nord pou- 
vait avoir deux cent quatre-vingts pas, celui du sud 
et celui de l'ouest, chacun deux cent soixante-huit, 
et celui de Test deux cent soixante. Le terrain en 
marque encore très-bien l'emplacement. Les fouilles 

1 Elle se trouve copiée dans les Verhandlungen des historischen 
Vereins zu Regensburg , t. i, cah. Il, p. 88. 

2 Voy. Âventini Chronica 
3 Mayer, 1. c., p. 23 et 24. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 115 

qui y ont élé faites ont eu pour résultat de mener 
sur les fondements de diverses bâtisses, et de remettre 
à nu des restes de corniches et de colonnes, dont 
un chapiteau, entre autres, présente la forme d'un 
panier a fruits.. On y découvrit aussi le torse d'une 
statue en pierre, des fragments de poterie, des 
briques avec l'inscription dune cohorte S et diverses 
monnaies, qui remontent depnis Alexandre Sévère 
jusqu'à Auguste. Aventin nous a conservé quelques 
inscriptions monumentales retirées de ces lieux, 
mais perdues aujourd'hui, dont l'une, entre autres, 
était dédiée aux divinités champêtres et à la déesse 
Épone, et une autre avait été placée sur un temple 
lors de. la restauration qui fut faite 2 de cet édifice. 
Trois autres pierres sépulcrales qui, quoique trouvées 
dansées environs, proviennent sans doute aussi de Ce- 
leusum, n'offrent rien en elles-mêmes de remarquable ; 
je ne les cite ici que pour avoir occasion de parler 

1 C. I . FC. (Cohors prima fecit*) 

* IN HONOR DD. 

T,m A NEVSTAD 
C°N„ABSVM COR 
NEL ROGATV* R 
A3? C°H. L »L SQV . . . ËR 
CONÏ ME r E REST. 

In honorem domus divinœ, iemplum vetustate conlabsum Cornélius 
Rogatus, prœfectus cohortis I militum squamiferorum , confirmât a 
mente restauravit. 

Cette troupe paraii avoir porté ce nom des cottes de mailles dont 
elle était revêtue. 

II. 8# 



116 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

de Tune d'elles qui contient le mot de Cana, circons- 
tance dont on a voulu, comme je lai dit, se préva- 
loir, pour prouver le nom latin que portait la ville de 
Canstadt. D'après cette inscription, ce serait une 
épouse qui aurait placé cette pierre sur la tombe de 
son mari, citoyen de Cana 1 . 

Or, il exislail une ville de ce nom en Éolie, vis- 
à-vis les côtes de l'antique Lesbos 3 . Il en existait en- 
core une autre, faisant un grand commerce, dans 
l'Arabie heureuse, sur les côtes de la mer Ery- 
thrée 3 . 

Il est donc probable que ce fut de la première de 
ces villes que le citoyen dont parle cette épitaphe, 
et dont le nom a quelque chose d'étranger, vint 
avec les légions sur le Danube ; c'est du moins un 
motif suffisant pour m'avoir porté au doute, lorsque 
je citai l'opinion de quelques savants, qui ne crai- 
gnirent pas de faire du nom de Cana , inscrit sur celte 
pierre, celui du moderne Canstadt, dans les envi- 

1 D. M. 

L. OCEANEOLO. MAX 
IMILLIO MIRIO CIVI 
CANAE. ANN XX. . NA 
RENIA. C. C. 

Diis Manibus, L. Oceaneolo Maximillio Mirio , civi Canœ , anno- 
rum viginti , Narenia condi curavit. 

2 Hérodote, Strabon, Pline, Mêla, Tite-Live, Ptolémée, Etienne 
de Byzance. — Le comte de Choiseuil cite l'endroit moderne qui lui a 
succédé sous le nom de Kanot-Koï. 

3 Ptolémée, Geogr., 1. vi, c. 8. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 117 

rons duquel, malgré le grand nombre d'inscrip- 
tions qui, comme nous l'avons vu, y ont été trouvées, 
aucune ne peut faire préjuger que cette ville ait porté 
ce nom. 

La roule, au delà de Celeusum, va aboutir à Teis- 
sing et à Strasshausen, et ensuite au bourg de Kœ- 
sching, dont les murs, élevés au moyen âge, ren- 
ferment une foule de matériaux romains. Le castel 
qui protégeait la cité montre à quelques cents pas à 
l'ouest du bourg ses remparts et ses fossés; il en 
existait encore une vieille tour à la fin du dix-septième 
siècle. 

Une foule de monnaies romaines ont été retirées 
de ce lieu, qui servitun jour de garnison à la première 
aile dé cavalerie Flavienne, troupe qui, en 1 41 de Jésus- 
Christ, y éleva un monument de reconnaissance à 
la mémoire du divin empereur Antonin-le-Pieux 1 . 

C'était là, selon toute probabilité, l'endroit que la 
Table de Théodose cite sous le nom de Germanicum, 
et qui formait la station intermédiaire entre Celeusum 
et les camps deVeloniania. 



. P. CAES. DIVI. HA . . 
NI. FIL. DIVI. TRA . . 
NEP0TI. DIVI. NERV . . 
. RONEPOTI. T. AEL. H 

RIANO. ANTON .... 
AVG. PIO. P. P. PONT . 
TRIB. POT. II1I. C. III 

ALA. I. FL. 0. P. 



Imperatori Cœsari , divi Hadriani filio , divi Trajani nepoti , divi 
Nervœ pronepoti , Tito Aelio Badriano Antonino Augusto , pio , patri 
patriœ, pontifici maximo , tribunitia potestate quarto, consulari 
tertio , ala prima flavia optimo principi. 



1 18 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Cette forteresse était Ton ne peut plus favorable- 
ment située à l'embranchement de deux routes, 
dont Tune est la grande voie militaire du Necker, et 
dont l'autre allait par Hepberg et par le pont de 
l'Altmùhl joindre les fortifications du grand rempart. 

Le principal camp de Veloniania dut être Nassen- 
fels, où une foule d'inscriptions, de monnaies et 
d'autres antiquités ont été retrouvées. 

Avant d'y arriver, nous passons par Wolkertshofen, 
où fut déterrée une pierre de 1 époque de Septime 
Sévère , élevée à cet empereur et à ses fils Caracalla et 
Géta, l'an 208 de Jésus-Christ, par les soldats de la 
cavalerie Aurélienne. Du côté opposé, dans le bois 
d'Ickstœtt, on retira du sol une pierre milliaire, 
élevée de même sous cet empereur, en 202, et por- 
tant le nom du souverain et de son fils Caracalla 1 , 

1 Les voici L'une et L'autre : 

Imp. Cœs. L SEPT SEVERO ; SAR 

. . . ARABIC0 ADIAB P SEVERVS PIVS 

TRIR POT XIX , . G. ARAB 

ET IMP CAES M AVR , . NICVS MAXIM VS 

j4nfoNINO PI0 INVICT1S TRIB. POT VIII 

PRINC1PI TRIB . . P. PROCOS ET 

POT XIIH IMP III COS III MARCVS AVREL 

FEL 

ORD AVR FELIC PRIN 

DomlNs INDVL(7«mtlSSIMIS. 

Imperator Cœsar Severus , 
pius, Augustus, Arabicu», Adiabenicus , Maximus, tribunitia potes- 
tate Vlll, pater patriœ , proconsul, $t Marcùs Aurelius Antoninus 

Au sujet de la première pierre, consultez : Leichtlen, Forschungen 
im Gebiete der Çeschichte , 4 e cah., p. 182; Raiser, Ober-DonaukreU , 
3 e part., p. 10; Topographisches Lexicon von Franken, à l'article Reb- 
dorfj etc. On voit que le nom de Géta a été exprès effacé. 



BU RHIN ET DU DANUBE. 119 

Cette pierre avait été posée à la jonction de deux 
routes, dont Tune, en ligne droite, allait, comme 
le décrit la Table de Théodose, toucher les camps de 
Biricinae et d'iciniacum, et dont l'autre, tournant au 
sud , allait traverser le Danube à Steppberg. Une autre 
route de jonction venait de Pfûnz aboutir à Veto- 
niania, de manière que de ce point central les com- 
munications s'étendaient dans tous les sens. 

Cette position avantageuse dut donner à ce lieu 
quelque importance, ainsi que l'attestent ses inscrip- 
tions qui nous parlent de son culte adressé à Jupiter, 
aux autres grands dieux et à Mercure. Nous voyons 
par elles que les Svdèves y eurent aussi des adorateurs 1 , 
et que Mars et la Victoire virent fumer l'encens sur 
leurs autels, en reconnaissance de la protection que 
sans doute ils accordèrent aux armes romaines 3 . Les 
monnaies trouvées à Nassenfels remontent à près 



SVLEVIS 

SAC 

IVL PATER 

NA PATER 

P S ET S 

V. S. L. L. M. 

• 

MARTI ET V1CT0RÏAE 

VI 

S CVRA 

vi • • • * V ■••• 

IMPERATOR . . . I . . FL . . 
GEMELLINO IMP . . C . 
M . . F . . 



120 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

de trois siècles, et tout ce que son sol a livré annonce 
la vie industrieuse de ses habitants. 

L'autre route qui de Germanicum allait joindre 
les rives de l'Altinûhl, était, à peu de distance de 
celte ville, protégée parle caslel d'Hepberg, dont le 
terrain conserve encore très-bien le tracé, et qui dut 
être dominé par une tour d'observation, qui corres- 
pondait avec une autre tonr placée sur la Hoch- 
warte, lieu, en effet, très -élevé, qui en a conservé 
le nom. 

Cette route aboutissait à Pfiinz , endroit qui fut in- 
contestablement ainsi appelé du pont romain jeté sur 
le torrent. 

Sur une hauteur escarpée qui domine le bourg 
vers le sud , était placé le camp, vaste enceinte, for- 
mant un carré imparfait *, dont les côtés du nord et 
de l'ouest, protégés par des rocs à pic, n étaient 
garnis que d'un mur et d'un fossé, là où le terrain le 
permettait, mais qui, des deux autres côtés, était 
défendu par un triple rempart et un triple fossé. Il 
servait de garnison à la première cohorte britan- 
nique qui, dans cette forteresse , en arrière du grand 
rempart, entretenait elle-même les divers postes 
répandus dans les castels situés sur la limite même, 
et vers lesquels conduisaient d'ici différentes routes 
militaires. 

Car, si l'on se ressouvient de la description que 



* Son enceinte pouvait comprendre 40,000 pieds carrés. Le côté 
sud avait environ 558 pieds , celui de Test 521 , et les deux côtés du 
nord et de l'ouest chacun environ 425. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 121 

j'ai donnée du grand rempart, on sait que, de dis- 
tance en distance, des tours fortes le flanquaient, 
destinées à recevoir quelques soldats, tandis que 
dans les camps principaux que nous décrivons étaient 
placées les garnisons qui fournissaient ces avant- 
postes. 

Ces camps se succédaient en avant du Danube, 
comme se succédaient à l'extrême frontière les forts 
qui protégeaient le rempart, où les vestiges de tous les 
grands travaux qui y ont été faits, surtout depuis 
le Danube jusqu'à Kipfenberg , et vis-à-vis sur le 
Micbelsberg, et à Arnsberg, étonnent véritablement 
l'imagination 1 . 

Près du camp de Pftmz s'élevait un temple dont 
les murs, d'après la tradition, furent, après le dé- 
part des Romains, mis à profit par le christianisme, 
et subsistèrent comme église jusqu'à 1 époque des 
guerres des Suédois. Ses ruines apparaissent encore, 
assises au centre d'une enceinte de terre, où se 
trouvent aussi les restes d'un puits profond qui, 
creusé dans le roc, alteignait le niveau du tor- 
rent. 

Une inscription remarquable fut tirée de ces 
ruines. 

Elle porte que la première cohorte britannique, 
commandée par le décurion Jules Maxime, fit un 



1 Je renvoie pour la description détaillée de ces diverses fortifica- 
tions à l'ouvrage du D r Mayer, intitulé : Beschreibung der rbmischen 
Landmarkung von der Donau bis Kipfenberg , inséré dans le huitième 
volume des Acad. Denkschriften. 



122 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

sacrifice au dieu Sedatus'. Getle divinité ne nous est 
connue que par une autre inscription qui fut trou- 
vée en Garinthie 3 . Peut-être était-ce un génie local, 
au culte duquel les soldats de la cohorte britannique 
étaient restés fidèles, comme on a trouvé à Biden- 
hard (l'antique Bedajum, cité par la Table de Théo- 
dose), près de Séon, deux inscriptions en l'honneur 
du dieu Bedajus 3 , qui, dans d autres endroits, fut 
aussi invoqué 4 . En adoptant cette explication, il fau- 
drait dès lors se ranger à l'opinion de ceux qui ont 
donné au camp de Pfùnz le nom de Sedatum ; ce que 
nous ne faisons toutefois qu'avec la plus grande ré- 
serve. 

Les fondements de plusieurs de ses maisons 
bâties à l'extérieur de ses remparts, le long de la 

« SEDATO 

SACRW 

COHIBRE 

E X V S L 

VSCAIVL 

MAXIM 

0DEC. 

Sedato sacrum (fecit) cohors prima Brittannica, ex voto suscepto; 
libenter votum solvit, C. Julio Maximo decurione. 

2 A Gurckfeld. 
Voici l'inscription : 

SEDATO AVGVSTO SACRVM. P. RACONIVS. AEDEM. ET. ARAM. D. D. 

3 BEDA10 SACRVM. — BEDAIO SANCTO. 

4 Par exemple , près de Salzbourg , où une inscription porte : 

BEDAIO AVG. ET. ALOVNIS. 

Voy. Orelli, Inscript., n° 1964. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 123 

route qui conduisait à Vetoniania 1 , ont été retrouvés 
au commencement de ce siècle, et sur un mon- 
ticule qui domine à gauche la même route, ont 
aussi été fouillées plusieurs tombelles coniques éle- 
vées par la population celtique. L'une délies a offert 
une monnaie de Tibère, sans cependant que cette 
particularité soit une preuve que le camp ait déjà 
été fondé sous ce césar. Gar ce n est que depuis Tra- 
jan que les monnaies trouvées sur cet ancien sol 
romain se succèdent de règne en règne; et, comme 
c'est avec l'époque des Gordiens que leur suite cesse, 
tout porte aussi à croire que ce fut sous ce dernier 
empereur que ce camp , ainsi que la plupart des for- 
tifications de cette partie de la rive gauche du Da- 
nube, tombèrent en ruines 2 . 

Les traces de l'antique chaussée jusqu'à Vetoniania 
ont été retrouvées en plusieurs endroits. 

Nous revenons sur ce lieu, et, après avoir visité 
Altenfeld, où, sur remplacement même de l'église, 
exista une, tour d observation romaine; Unlerstall, 
où fut aussi posé un castel; Joshofen, lieu qui pro- 
bablement doit son nom au culte de Jupiter, qui y 
aura été en honneur, et dont la tour forte pou- 
vait au loin explorer tout le pays; Irgertsheim et 
Dûnzelau, où Mercure eut des temples et des au- 



1 On peut en lire la description et en voir les plans dans les Denk- 
wiirdigkeiten des Ober-Donaukreises. 1824-25. 2 e part., p. 66. Le plan 
du camp y est aussi tracé. 

2 Voy. Raiser, Denkwiïrdigkeiten des Ober-Donaukreises. 1824-25. 
l pe part., p. 65. 



124 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

tels 1 , nous continuons de suivre la grande voie mi- 
litaire jusqu'à Iciniacum. 

Itzing paraît avoir été le noyau des différentes for- 
tifications que la Table de Théodose mentionne sous 
ce nom. Car je crois devoir rappeler au lecteur que 
chaque groupe de ces camps, stratégiquement coor- 
donnés pour défendre telle ou telle position , était 
nommé d'un nom collectif. C'est ce qui rend souvent 
si difficile de faire accorder les dislances marquées 
sur l'itinéraire romain avec celles des lieux dont il y 

« MERCVRIO MERCVRK) 

AEDEM FECIT TEMPLVM 

ET SIGNVM EX VOTO SVS 

POSVIT CEPTO. CLAV . . 

C. TOGIONIVS . . . GYSTANVS 

CVPITVS . . L. L. M. 
C. TOG. SVMVS 
FIL. REFECIT. 

A lrgertsheim fut aussi trouvée une pierre votive dédiée à Jupiter, 
portant cette inscription : 

I. 0. M. 

M. COC. C 

ADIVTOR 

V. S. L. L. M. 

Jovi optimo maximo, M. Cocius, Commentariensis adjutor, votum 
solvit lubens Ub enter merito. 

Les adjuteurs ou adjoints aux commissaires de guerre (Commenta- 
rienses) sont cités dans la Notice de l'Empire, p. 1376; une autre 
classe d'adjuteurs était attachée aux Magistri offlciorum. Voy. Notit. 
imp n p. 1512, édit. citée. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 125 

est fait mention. Par exemple, entre Vetoniania et 
Iciniacum, on trouve la station intermédiaire de 
Biricianae, qui est marquée à dix-huit mille pas du 
premier de ces lieux, et qui ne pouvait nécessaire- 
ment avoir cette distance qu'antant qu'on visitât les 
lieux les plus reculés qui faisaient partie de ce 
groupe. 

Or, cette ligne s'étend principalement sur l'Alt- 
mùhl, tandis que les fortifications d' Iciniacum re- 
couvrent surtout le bassin du petit ruisseau d'Ussel; 
celles de Médian» défendaient le cours de la Wœr- 
nitz. 

Nous avons parlé de la pierre milliaire trouvée dans 
le bois d'Ickstaett. Elle nous guide dans notre direc- 
tion sur Hùtting, lieu qui est placé dans le lit d'un 
ancien bras du Danube, tandis que sur les rocs qui 
s'élèvent au bord du vallon, se montrent comme sus- 
pendues les ruines d'une vieille tour romaine. 

Plus loin, au-dessus du village de Maurn, un 
autre castel était placé sur la sommité des rocs, 
inabordable de trois côtés, et qui, comme le nid 
d'un aigle, planait sur les trois vallées de Wellheim, 
d'Ellenbrunn et de Meilenhofen, qu'il servait à ex- 
plorer 1 . 

Nous atteignons alors en une heure le village de 



1 II porte encore aujourd'hui le nom de Romerschanze. Dans l'église 
de Maurn est enclavée une pierre sépulcrale en relief, représentant 
mari et femme dans le costume romain. Elle est surmontée d'une autre 
pierre arrondie , supportant deux cignes à tête de chien dont les cous 
sont entrelacés. On peut en voir la représentation dans le deuxième 
volume des Neuburgùchen Provinzialblâtter, p. 401 . 



126 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Burkmannshofen , où fut retrouvée une colonne mil- 
liaire analogue à celle du bois d'Ickstaett 1 . 

Il est à regretter que la partie du monument la plus 
intéressante, celle où était gravée la distance, ait été 
brisée. 

Cependant il est à croire que cette distance était 
comptée d'Augusta, ainsi quelle dut l'être aussi sur 
la colonne précédente 2 . 

Nous sommes à l'embranchement de deux routes, 
dont Tune, qui se dirige vers Itzigen, est celle de la 
Table de Théodose, et dont l'autre conduit par Alt- 
heim au milieu des forêts qui s'étendent entre Mœhren 
et Auernbeim, et au sein desquelles sont enfouies 
sous le sol d antiques murailles d'une vaste étendue, 



L. SEPTIMIVS 
PERTINAX AVG . . AB 
. . ADIAB. PARTHICVS MAXIMVS 
PONTIF MAX TRIB POT VIIH 
IMP XII COS II P P PROCOS ET 
IMP CAESAR MARCVS AVREL 
ANTONINVS AVG TRIB 
POT IIH PROCOS 



Imperator Cœsar L. Septimius Pertinax, Augustus, Arabicus, Adia~ 
benicus , Parthicus, Maximus, pontifex maximus , tribunitia potes- 
tate Vllll, Imperator XII, consul 11, pater patriœ, proconsul, et 
Imperator Cœsar Marcus Âurelius Antoninus, Augustus, tribunitia po- 
testate 1111 , proconsul 

* Voy. ci avant, p. 118. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 127 

non moins mystérieuses que rétablissement de Kœn- 
gen sur le Necker, ou que celui du Hagenschieswald 
sur l'Àbnoba. 

Nous atteignons alors Dietfurt, lieu où les Romains 
eurent un passage sur l'Altmuhl , et où furent aussi 
trouvés un fragment d'inscription J et différentes 
monnaies. 

Au delà du torrent, nous visitons Gœhrn, placé 
de même sur les décombres d'un établissement 
romain, où Jupiter et Gères eurent des autels 2 , et 
du sein des ruines duquel , où tout annonce que la 
flamme dévora un jour ce lieu, ont été retirées une 
foule de monnaies, d'armes et d'antiquités de toute 
espèce. 

Arrivé sur la Retzat, nous allons nous asseoir sur les 
ruines du camp d'Emezheim, où Mercure reçut des 



... A. EX. REL. EORV . . 
DE. SVO. PRO. SE. ET. S. 

I. 0. M. 

SACR 

IVL. VI 

ATOR 

V. S. LL. M. 

CERERI SACRVM. 



(Sur une coupe de sacrifice que décorent aussi quelques épis.) 

Voy. Jahrbericht der Âkademie der WUsenschaften in Munchen. 
4829. 



1 28 ÉTABLISSEMENTS ItOMAIKS 

sacrifices 1 , et où les dieux du Nil semblent aussi avoir 
eu des adorateurs 2 . Une aile de cavalerie, du surnom 
â'Aurélienne, y était placée dans la seconde moitié 
du deuxième siècle. Weissen bourg, proche de ce 
lieu ', nous offre aussi une inscription dédiée à Mercure 
et une autre à Jupiter. Nous suivons la route romaine 
qui se déploie derrière les ruines du grand rempart, 
et qui , par Raitenbuch et dominée par la tour d f Al- 
len bourg, allait joindre le camp de Pfûnz que nous 
avons décrit, et d'où , par Dolnstein , nous rentrons 
au sein d'Iciniacum. 

Cinq camps dont fes tracés peuvent encore très-bien 
s'apercevoir, et dont les vestiges des remparts et des 
fossés qui les entouraient n'ont point encore disparu , 
se succédaient en demi -cercle autour du bassin de 



1 PRO SALVTE 

ÀNTONINl. IMP. N. 
MERCVRIO SACRVM 

FL. RAETICVS OPTIO 
EQ. AL. AVR. 
V. S. LL. M. 

2 II existait autrefois dans l'église du lieu deux figures d'isis et d'O- 
siris On les trouve représentées dans l'ouvrage de Falkenstein sur 
les antiquités de ce canton, 1. c, pi. 3; j'y renvoie le lecteur. 

3 MERCViWo) 

ARAM. D. IVL. 

PRISCINVS EX VOTO SVSC(e)PTO 
S. LL. M. 

IN HDD 
I. 0. M. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 129 

TUssel dont ils dominaient les abords. Celui d'Itzing, 
le lieu principal de cette petite colonie, était placé 
de l'autre côté du torrent. Je ne sache pas que dans 
ces environs aient été trouvées des inscriptions; mais 
on y a découvert en foule des monnaies d'or, d'ar- 
gent et de bi lion, des tronçon^ d'armes , des vases , 
des urnes cinéraires, et quantité d'autres ustensiles. 
Quatre puits, creusés dans la vallée, ont aussi altiré 
l'attention, et surtout l'un d'eux, situé dans la direc- 
tion de Mûndling, près duquel ont été retrouvées 
d'anciennes murailles et plusieurs pièces d'or ro- 
maines. 

D'Iciniacum à Aquileia , la Carte routière marque 
quatre stations : celle de Medianis, celle de Loso- 
dica, celle de Septimiaci, et celle d'Opie. 

Aquileia, sans nul doute, a donné son nom à la 
petite ville d'Àalen , située non loin des sources de la 
Rocher. 

Opie semble avoir donné le sien au bourg de 
Bopfingen. 

Il est impossible de préciser d'une manière cer- 
taine les autres stations; dans le doute, on ne peut 
que suivre les traces des diverses routes que le temps 
n'a pas effacées. 

L'une d elles allait, au sud, joindre la chaussée qui 
bordait la rive gauche du Danube , et aboutissait à 
Marxheim , où les vestiges des palées d'un vieux pont 
étaient encore visibles au dernier siècle 1 ; l'autre, 

1 Dans les fossés du château fut trouvée une monnaie de Julia Au- 
gusta. Voy. Jahrbericht des historischen Vereim im Rezatkreis. Année 
1830, p.9,n°U. 

II. 9 



1 30 ÉTABLISSEMENTS BOMAINS 

par Mûndling et Markof, joignait les rives de la 
Wœrnitz, et, selon toute probabilité, la route de 
Poinone à Opie; deux autres enûn allaient, dans la 
direction du nord, circuler par plusieurs ramifica- 
tions sur les hauteurs qui s'étendent entre l'Altmûhl 
et la Wœrnitz jusqq'au pied du grand rempart. Là, 
nous voyons Gnotzbeim et Spielberg; l'un, assis sur 
les débris d'un vieux camp 1 , l'autre, montrant les 
restes d'une tour d observation qui, placée sur un 
sommet élevé, pouvait correspondre par signaux 
avec toutes les tours fortes de la grande limite 3 . La 
chaussée romaine, de Gnotzheim au grand rempart, 
montre encore son pavé assez intact. Au sud , entre 
Ursheim et Hechlingen, elle le laisse également 
apercevoir çà et là. Nous le foulons pour aller visiter 
dans le val de lAltmùhl une inscription qui fut dé- 
terrée sur le territoire de Treuchtlingen, et qui suffit 
pour prouver l'origine romaine de cet endroit, sans 
que toutefois elle puisse servir de preuve à l'assertion 
de quelques observateurs qui , d'après elle, ont voulu 
donner à ce lieu le nom de colonie Aurélienne 3 . 

1 On y a trouvé une foule de monnaies, d'armes, de byoux, de dé- 
bris de poteries et d'autres antiquités. 

3 On y trouve toujours encore de temps en temps quelques vieilles 
monnaies. 

3 Voici cette inscription : 

. . . AVRELtARVM 

EMERITI C0N1VGI 

SABINAE FILtAE 

VERECVNDAE MATRI 

SABINEIVS SABINVS 

KAR1SS1MIS. 



DU MIIN ET DU DANUBE. 131 

Avant d'y arriver, nous nous assurons, près de 
Wettelsheim , de remplacement dune autre tour 
d'observation , dans les décombres de laquelle furent, 
en les déblayant, trouvées quelques monnaies ro- 
maines; Tune d'elles était de Vitellius. 

C'est, selon toute probabilité, cette suite d éta- 
blissements qui s'étendaient entre la Wœrnilz et 
l'Altmûhl qui portait le nom de castra Mediana. 

A l'ouest du premier de ces torrents durent être 
placés ceux de Losodica, dans le bassin qu'arrose la 
rivière d'Eger. Le lieu qui , dans cette dernière sta- 
tion, a laissé le plus de traces de son antique im- 
portance est Gross - Sorbeim , village situé à trois 
quarts de lieue de Ha r bourg. Sur une colline arron- 
die qui le domine, dans la direction de Nœrdlingen, 
s'élevait encore au moyen âge un vieux château , 
situé sur l'emplacement d un camp romain. Ses ruines 
ont succédé aux ruines romaines. Trois colonnes 
antiques, trouvées au bas de la colline, les traces 
d'un aqueduc, quelques fondements de bâtisses, et 
les énormes parties sexuelles d'un Priape,qui y étaient 
enfouies; d'autres colonnettes, des briques, des frag- 
ments de vases et de poteries, et enfin des monnaies 
romaines annoncent qu'un établissement assez con- 
sidérable a dû y exister. La voie romaine liait ce 
lieu à Allerbeim, où, sur le sommet dune montagne, 
était placée une tour d'observation 1 . Plus au nord, 

Ml y a une vingtaine d'années , qu'en en déblayant les décombres , 
Ton découvrit un puits encore très-bien muré qui , à travers la mon- 
tagne, devait atteindre le niveau de la Wœrnitz. C'est incontestable- 
ment un ouvrage romain. 

II. 9 ' 



132 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Wallerstein, Maihingen, et d'autres lieux ont aussi 
offert quelques antiquités provenant du grand 
peuple 1 . 

Nous touchons le territoire des castra Seplimiaca, 
dont le village de Maihingen fut peut-être le lieu 
principal, et dont le réseau s'étendait depuis là jus- 
qu'au grand rempart dans tout le bassin de la 
Sechtach. 

Sur les bords mêmes du torrent, Ton peut encore 
étudier remplacement d'un des castels qui devaient 
protéger la vallée. Aufkirch, Thannhausen, Walx- 
heim, ont également présenté quelques vestiges 
d'antiques fortifications. 

Au delà de la Sechtach se montre sur un haut som- 
met le château de Baldern , que nous avons cité en 
faisant la description du grand rempart, et qui a suc- 
cédé à des constructions du moyen âge qui elles- 
mêmes avaient été posées sur l'emplacement d'un 
castel romain. Un bas-relief, représentant un guer- 
rier, et de nombreuses monnaies, dont plusieurs, en 

* Dans le dernier village fut trouvée une pierre sépulcrale avec une 
inscription en lettres moitié grecques et moitié latines. Elle a été pu- 
bliée par Ilanselmann , t. n , p. 30. 

La voici d'après lui : 

EYnOPOC 
OYPBIKU <t>I 
AI® BENEME 
RENTI 4>HKI 

Euporus Urbico filio benemerenti [hoc monumentum) fecit. 



DU M1IN ET DU DANUBE. 133 

argent, sont du règne de Trajan et de celui d'Adrien , 
ont été retirés de son sol. La position était on ne 
peut plus avantageuse pour l'exploration. Car de cette 
hauteur l'œil embrasse tout le pays dans un rayon 
de douze lieues , et voit se développer les collines et 
les plaines où circule la Riess, et dont la fertilité dut 
appeler de nombreux colons. 

Plusau sud, un autre camp était placé près de Rœt- 
tingen, non loin de la station d'Opie. 

Nous en visitons l'emplacement avant de nous 
rendre dans ce dernier lieu qui, selon toute proba- 
bilité, occupait le sommet élevé de l'Ipf, que les 
Romains avaient nivelé pour y poser leur établisse- 
ment*. Ils avaient aussi vis-à-vis bâti un autre castel 
sur le Flochberg. 

C'est sans doute après la destruction de l'un et 
de l'autre par les Allemanes que leurs matériaux 
servirent aux constructions du bourg de Bopfingen, 
dans la vallée. 

D'Opie à Aquileia, la Table marque dix-huit mille 
pas, et d'AquiIeia,elleen marque vingtmille jusqu'aux 
camps de la Luna, qui devaient embrasser les forti- 
fications de Welzheim, dont nous avons parlé en 
parcourant le grand renjpart, et devant lesquelles 
circulait le petit torrent de la Lein, qui sans doute 
fut la Luna des Romains, et où commençait la grande 
voie romaine qui allait par Sumlocène et Arae Flavia3 
joindre le Rhin a Tenedone. 

1 On y a découvert plusieurs monnaies , dont une entre autres d'ar- 
gent, au type d'Anlonin-le-Picux , et une autre de billon du règne de 
Domitien. 



134 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

La distance totale d'Opie aux camps de la Lima 
était donc de trente- boit mille pas et, par consé- 
quent, conforme à celle qui sépare effectivement le 
sommet de l'Ipf de Welzheim. 

La station d'Aquileia comprenait deux camps prin- 
cipaux. 

Nous ayons, en faisant la description du grand 
rempart , cité celui de Buch , situé à un quart de lieue 
de la limite antique. 

Son tracé est encore entier; çà et là, les murs, 
recouverts de gazon, s'élèvent à trois et quatre pieds 
tout autour de la double enceinte carrée que proté- 
geaient deux fossés profonds. 

Des débris de colonnes, des briques et des frag- 
ments de poterie, joints à une grande quantité de 
monnaies» dont la suite remontait depuis Cons- 
tance jusqu'à Domitien, ont été retirés de ces ruines 
qui malheureusement n'ont point offert d'inscrip- 
tion. 

Au milieu de l'espace que ces restes recouvrent 
est un parallélogramme de cent soixante -dix pieds, 
appelé par les habitants le château 1 . C'était peut-être 
le prétoire. 

L'autre camp était plus en arrière, situé sur lem- 
placement même qu'occupe la petite ville d'Aalen, 
sur la rive droite de la Kocher. Nulle ruine, nulle 
inscription n'en subsiste, et Ion ne peut juger de sa 
position que par le nom de Maueracker que portent 
les champs qu'il recouvrait à l'ouest de la ville , où 

1 Die Burg. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 135 

ses murailles ont dû s'élever, et d'où plus d'une cen- 
taine de monnaies ont été retirées 1 . 

Quelques tours fortes couronnaient les hauteurs. 
Celle d'Oberalfingen qui, de son sommet, pouvait 
correspondre avec celle de Baldern, avec Kapfen- 
bourg, et les tours fortes de la chaîne de l'Albuch, 
était la plus élevée. Ses murailles n'avaient pas moins 
de neuf pieds d épaisseur. Aujourd'hui elle a tout à 
fait disparu. 

Nous suivons les traces de la chaussée romaine 
jusqu'à Lorch , bourg célèbre par l'abbaye que les 
ducs de Franconie et de Souabe , de la maison de 
Hohenstaufen , firent bâtir sur les fondements du 
castel romain. Un fragment d'inscription 2 , des pote- 
ries, dont quelques-unes recouvertes de beaux em- 
blèmes, et dont un vase entre autres était orné du 
triomphe en relief de Bacchus, ont été trouvés dans 
les vieux décombres romains. C'était le camp le plus 
méridional de la station d'ad iMtiam, dont celui de 
Welzheim était le prétoire. C'était le point de sépa- 
ration des gouvernements de la Germanie supérieure 
et de la Rhétie. 

1 Le plus grand nombre est de l'époque d'Adrien et des Antonins; 
cependant on en a aussi trouvé de Constantin et de Constance. Yoy. 
Wtirtembergische Jahr bûcher. 1831. 2 e cah., p. 102 et suiv. 



.... ES DOMO 

NEG. ART. C. (negotiator artis cretariœ.) 

Br^S PARENT 

INCOMPQ 

. . .FIL. DVLC 



136 ÉTABLISSEMENTS R0MA1KS 

Nous avons décrit les établissements romains de 
la première de ces provinces. Nous devons donc 
nous rabattre de nouveau vers le Danube, et, entre 
ce fleuve et le Necker, chercher sur l'Albe les princi- 
pales positions mises à profit par le grand peuple. 

Plusieurs routes durent dans 1 antiquité circuler 
sur ces plateaux et joindre l'un à l'autre les deux bas- 
sins qu'arrosent ce fleuve et cette rivière. 

La première est celle qui s élevait sur les plateaux 
qui dominent la Kocher et la Brenz, d'Aquileia à 
Heidenheim, et qui allait joindre le Danube à Pomone. 
Déjà le nom d'Heidenheim marque un lieu qui fut 
habité du temps du paganisme. Et, en effet, nous y 
trouvons plusieurs inscriptions laissées par la po- 
pulation romaine; lune délies s'adressait à Mer- 
cure ! . 

Le bourg est pittoresquemen t situé ; et les rocs élan- 
cés qui, sourcilleux, s'élèvent au-dessus de lui, sou- 
tiennent encore les débris de murailles d un vieux 
châtel que le moyen âge bâtit sur les vestiges de plus 
antiques fortifications. 

Heidenheim a longtemps été regardé comme l'A- 

* MERCVRtO. 

SAC. EX. VO 
TO . . . FLO 
RENTINVS 
RO SALVTE 
PRIMITIVI 

FILI 
V. S L L M. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 37 

quileia de la Table de Théodose, réunion de camps 
dont nous avons avec plus de raison placé le prétoire 
. près du grand rempart. En le faisant, nous avons 
suivi l'opinion du topographe Paulus qui, commen- 
tant la Table de Peutinger, a donné des raisons extrê- 
mement plausibles pour faire regarder l'embranche- 
ment de route qui, de Sumlocène, traversait les 
hauteurs du Schœnbuch, et liait cette colonie ro- 
maine à Glarenna ou Canstadt, comme étant celui 
de cet Itinéraire. 

Si cette opinion est vraie, comme elle en a toute 
l'apparence , la station d'ad Lunam devait être né- 
cessairement placée, comme nous l'avons dit, aux 
sources dé la Lein ou de la Luna ; et, comme consé- 
quence, celle d'Aquileia, qui était éloignée d'ad Lu- 
nam de vingt mille pas, devait l'être près de la Kocher, 
où la petite ville d'Aalen a conservé le nom à'Aqui- 
leia, seulement contracté. La route militaire qui, de 
la colonie du Necker, passant par Grinario, formait 
une courbe légère sur les plateaux du Schœnbuch, 
traversait donc celte rivière à Canstadt et allait en 
ligne droite, à l'est, lier les stations du grand rem- 
part, dont nous avons décrit les positions. Ce qui a 
surtout portéquelques savants 1 à regarderie moderne 
Heidenheim comme l'Aquileia des Romains, c'est 
une épitaphe trouvée dans les ruines du camp qui 
couronnait ce bourg dans l'antiquité. 



1 Grotesend , Leichtlen , et surtout Buclmer qui , dans un mémoire 
spécial sur les fortifications de Lonsée , s'est à ce sujet laissé aller à 
toute son imagination. 



138 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

L'inscription nous apprend que Flavius Aucus, 
secrétaire et héritier de T. Flavius Vitalis, fit éri- 
ger cette pierre aux mânes de ce citoyen d'Iala 1 . 
Mais nous avons déjà fait observer, en parlant de l'é- 
pi ta phe d'un citoyen de Cana, trouvée à Celeusum, 
que, loin d'être une preuve en faveur du nom de 
Cana qu'a dû porter Canstadt, cette inscription ne 
prouve, au contraire, que le droit de cité qu'eut 
dans l'antique ville de Cana en Eolie, vis-à-vis 
les côtes de Lesbos , celui dont elle rappelle la mé- 
moire. 

Il en est de même de la pierre d'Heidenheim , dont 
I epitaphe indique que celui qu'elle recouvrait était 
citoyen, non d'Aquileia (puisque l'inscription est 
complète), mais bien d'Iala, bourg d'Italie, situé sur 
une petite rivière qui portait le même nom, et qui 
se jette dans le lac de Côine. Elle ne prouve pas plus 
en faveur du nom antique d'Heidenheim que celle 
de Celeusum a pu prouver en faveur du nom de 
Canstadt. 

Les traces de la chaussée romaine sont surtout 
visibles au delà d'Heidenheim, au sein des forêts où, 
près d'Haunsheim, se montrent aussi les vestiges 
d'un castel. Le carré en est parfaitement tracé , et ses 

• 

« D. M. 

T FL VITALIS 

CIVES IAL 

VIX. AN LXX 

FL AVCVS LIB 

ET ERES FACCVR. 

(Librarius et hères.) 



DU RHIN ET DU DANUBE. 139 

remparts sont encore élevés de cinq à dix pieds au- 
dessus du sol, dans une étendue de quatre cent 
soixante-cinq pieds au nord et à l'ouest, et de quatre 
cent six à Test et au sud. Dans ces murailles, dont 
les tours et les créneaux renversés sont aujourd'hui 
enfouis sous les troncs droits de la forêt, était placée 
une cohorte de Thraces, si toutefois l'inscription 
murée dans l'église d'Haunsheim provient de ces 
ruines 1 . 

Le grand nombre de monnaies trouvées dans ces 
environs et sur les territoires d'Herbrechtingen , de 
Giengen, de Burgberg, d'Hermaringen , de Brenz et 
de Sontheim , prouvent combien la colonisation ro- 
maine, que ces camps étaient destinés à protéger, y 
était répandue. 

La route d'Heidenheim à Pomone allait joindre la 
colonie Vindélicienne d'Augusta , et ce transit devait 
nécessairement donner de l'importance aux diffé- 

1 Voy., pour plus de détails, Raiser, Der Ober-Donaukreis unter den 
Aô'mern, n, 6, p. 57. 



Voici l'inscription : 



MVL.ERt INN . . . 
TISSIME. VX0 . . 
SANCTISSIM. . . . 
REGREDER .... 
ANNOS AGE . . . 
LVCIVS NOR . . . 
FORTVNAT .... 
PRAEF. COH. . . . 

TIIACVM posviT. 



140 ÉTABLISSEMENTS KOMA1NS 

rentes mansions qui I abordaient et y agglomérer la 
population. 

Une autre route que nous pouvons appeler une 
en fou rch ure de celle dont nous venons de parler, 
parlait de Pomone et allait dans la direction du nord 
joindre la station d'Opie. Cette route est connue sous 
le nom de Steinstrass, que lui donnent les habitants, 
et qui semble provenir de ce qu'effectivement elle 
est composée d'une couche de pierre calcaire d'un , 
de deux, et même de trois pieds d'élévation. Elle est 
en général , dans tout son cours, large de dix -huit 
pieds. 

Plusieurs points méritent d'être mentionnés sur 
cette voie ou dans le district quelle parcourt, entre 
autres le village de Wittislingen, où fut trouvée une 
inscription adressée à Mercure, et dont le clocher de 
I église repose sur les fondements d'une vieille tour 
romaine, et Oberbaechingen, dans les forêts duquel 
se voient encore les traces d'un vieux camp que sur- 
montait une tour d'observation. Une charmante sta- 
tuette en marbre d'un amour endormi a été retirée 
de ces ruines 1 . 

Je citerai encore Zoschingen, d'où provient un 
fragment de bas- relief représentant Pallas et Mer- 
cure' 2 , et peut-être les deux tours fortes de Stauffen 
et de Katzenstein. 



1 Voy. Raiser, Der Ober-Donaukreis. Ouvrage cité, 2 e part., p. 51 , 
not. 123. 

2 Beschreibung des rUmischen Anliquariums in Augsburg , n° 15, 
p. 65. 



I 



DU ltlllN ET DU DANUBE. 14t 

• 

Sur la droite de Finningen, où est venue s'offrir a 
nous une inscription d'Apollon Grannus\Hochstett, 
Dillingen, Lizheim, dernier lieu où la troisième 
légion italique 2 a laissé quelques souvenirs, et les 
traces du castel qui, entre Finningen et Luzingen, 
couronnait la pointe d'un sommet élevé d'où la 
vue s étend sur tout le val du Danube, et dont les 
signaux pouvaient correspondre avec ceux des autres 
tours qui se succédaient tout le long du fleuve, com- 
plètent la monographie de cette partie de la pro- 
vince. 

Un troisième embranchement de route qui partait 
de Pomone allait, par Gundelfingen et le val de la 
Lontel, aboutir à Lonsée, petit endroit placé aux 
sources de ce torrent, sur le sommet des Alpes sué- 
viques, et qui était lui-même le point de jonction 
de plusieurs autres voies romaines. Gundelûngen a 
livré sur son territoire une pierre portant un frag- 
ment d'inscription adressée à Jupiter, et un pot rempli 
de monnaies d'argent, la plupart de l'époque des 

1 AP0LLINI 

GRANN0 

SABINIVS 

PROVINCIALIS 

L L M. 



LEG ITAL III M. 



Inscriplioo trouvée sur deux briques. On y- a aussi découvert plu- 
sieurs monnaies de Trajan , d'Adrien et des Sévère. 



I 44 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

couronnait un caste! explorateur, d'autres moindres 
antiquités ont été mises au jour. 

Au delà de ce sommet élevé, dans les environs de 
Bœtzingen, les traces de l'an tique voie romaine re- 
paraissent; nous les suivons par Wankhei m jusqu'à 
la colonie de Sumlocène. Une autre route, signalée 
par tradition chez les habitants de Kùsterdingen sous 
le nom de Hœrweg, paraît aussi s'être dirigée sur 
Sumlocène par Metzingen et Tubingùe. 

L'église de Kùsterdingen conserve encore sur son 
portail le reste d'une inscription dédiée à Jupiter et 
à Junon 1 . 

Il est à présumer que la route de Gruorn descen- 
dait à travers le val de l'Emis que nous avons suivi, 
tandis que sans doute du côté opposé un autre em- 
branchement allait par le val de la Lauter aboutir au 
Danube, et que, coupant l'Albe dans ses plateaux les 
•plus élevés et passant sous lesmursdeHohenzollern, 
un * troisième embranchement allait par plusieurs 
ramifications joindre les sources du fleuve et du 
Necker. 

C'est la dernière de ces directions que nous sui- 
vons, et qui nous conduit au bord du Danube sur les 
ruines d'Hombourg (ou d'Honberg), au-dessus de 
Tuttlingen. 



i. 0. M. 

ET IVNO 
REG. SC 

IVN/////// 

VNIIIIIII 

lllllllllll 



DU RHIN ET DU DANUBE. 143 

La roule de l'Albc présente encore quelques-uns 
de ses vestiges jusqu'à la hauteur de Gruorn, village 
au delà duquel il est assez difficile d'en marquer la 
direction. Elle sert toutefois de preuve évidente que 
sur ces plateaux élevés la colonisation s était répan- 
due. 

L'Erms 1 prend sa source non loin de cet endroit» 
et dans sa gorge découpée , célèbre par les ruines 
pittoresques que le moyen âge y a laissées à Uracb , 
plusieurs souvenirs de l'époque romaine ont été re- 
trouvés. 

Deux inscriptions de Melzingen nous prouvent 
qu'il existait sur le terrain où ce village est placé un 
temple qui était commun à tous les habitants de cette 
vallée*. 

Plusieurs bas- reliefs, une figure de Mercure, d.es 
monnaies et d autres antiquités 3 peuvent donner une 
assez haute idée de l'importance de l'endroit. 

A Plezhausen, à Pfullingen, furent aussi découverts 
deux bas-reliefs 4 ; sur le sommet de l'Achalm, que 

1 ArmUia. 

2 I. 0. M. I. 0. M. 

C0NFANES . . VNOtf REGIN. 

SES. ARMI 

SSES. VSL ARMISSES 

L. M. 

3 Voy. Schwàbische Chronik. 1789. n° 418, et Memminger, Be- 
schreibung des Oberamts Urach, p. 16 et sv. 

4 Un potier romain de Pfullingen nous a conservé son nom sur ses 
poteries. Voici son monogramme : 

PRIMITIVoS. 



146 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

connu. Le peuple leur donne le nom d'Altstadt, nom 
qu'il donne aussi à remplacement d'un autre établisse- 
ment romain près de Mœskirch, dont on a prétendu 
faire l'antique Bragadurum cité par Ptolémée. Les 
traces de la route romaine n'ont point encore disparu 
entre l'un et l'autre de ces lieux ; elles reparaissent 
sur les hauteurs qui dominent le -cours de l'Aach, et 
surcellesde la presqu'île du lac, où elle allait aboutir à 
la cité de Constance. Quelques décombresdemurailles, 
auxquels l'habitant donne le nom de Heidenschloss 
(nom qui partout généralement marque la présence 
des Romains), proviennent sans doute des tours fortes 
qui devaient observer ce passage et qui devaient 
veiller à sa sécurité. 

Nous touchons le Hégau, bassin qui s'étend entre 
le lac, le Rhin et le Danube, dominé à l'est par les 
sommités basaltiques du Randenberg, auxquelles les 
ruines du moyen âge, qui couronnent chacune de ces 
pointes, prêtent un caractère si pittoresque. 

Ptolémée, dans sa Géographie , en décrivant les 
frontières de la Rhétie, donne à cette dernière pour 
limites, à l'ouest, le mont Adula et la ligne qui s'é- 
tend depuis le Danube jusqu'au coude formé par 
le Rhin; au nord, le Danube, depuis sa source jus- 
qu'à l'embouchure de l'Inn dans ce fleuve; à Test, 
le cours de cette rivière, et, au sud, les Alpes pen- 
niques. 

C'est dans ces dernières, ajoute -t- il, que l'Iller, 
qui se jette dans le Danube, prend sa source, et elles 
séparent la Rhétie de l'Italie; celles qui s'étendent 
yers Graea sont situées par le 30 e degré de longitude 



DU RHIN ET DU DANUBE. 147 

et le 45 e degré 20 minutes de latitude. Comme c'est 
aux mêmes degrés environ qu'il place la tête du Rhin 
et les deux villes de Brigance et de Taxgaetium , posées 
sur ses rives, il faut croire que le géographe d'A- 
lexandrie voulait désigner par là le commencement 
du grand cours du fleuve à sa sortie du lac Brigantin, 
dont il semble avoir ignoré l'existence. Or, c'est à 
peu près, comme le dit aussi Strabon, à une journée 
de marche environ que les sources du Danube sont 
éloignées du lac Brigantin 1 . 

Il faut donc, d'après cette description du géo- 
graphe d'Alexandrie, que les monts connus au- 
jourd'hui sous le nom d'Arlberg, aient porté dans 
l'antiquité le nom de Penniques 2 , et regarder les 
hauteurs qui s'étendent depuis ces Alpes jusqu'à 
versleHégau, et peut-être aussi les rocs basal- 
tiques de ce canton qui, comme dévastes murailles, 
s'élèvent perpendiculairement au-dessus du bassin 
qu'ils dominent, comme appartenant à la prolon- 
gation de cette chaîne à l'ouest. 

Le nom de Graea 3 se serait perpétué dans elui 
du donjon d'Hohenkraeen qui, au moyen âge, a, se- 
lon toute apparence, été bâti sur de plus antiques 
fondements. 

Il est indubitable du moins que, pour contenir le 
peuple qui habitait ce pays et qui avait une origine 

* 'H^epYjffiov ol drro ttjç Xi'javyk 7cposX9wv ooov Tiêèptoç, eïSe xaç tou 
"Iatpou Tarçàç. Strab., 1. vu. 

* IToivat. Ptol.. Géogr., 1. il, c. 12. 

3 rpai'ai. 

h. ,0 - 



1 48 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

commune avec ces Rhétiens que Drusus et Tibère 
vinrent combattre et soumettre , Rome a dû y bâtir 
des forteresses. 

Tous ces monts du Hégau offraient des positions 
trop importantes sous le rapport stratégique pour 
n'avoir point attiré les regards des ingénieurs ro- 
mains f et il est plus que probable que, comme 
Hohenkraen , bon nombre des châteaux élevés au 
moyen âge par la noblesse allemane, ont eu comme 
ce donjon une origine romaine » et que Hohentwiel \ 
Nellenbourg \ le donjon d'Engen, d'où les vestiges 
d'un chemin antique peuvent encore être étudiés, 
jusqu'au fort dont les ruines couronnent la petite 
ville de Tuttlingen , et peut-être les murs renversés 
de Bodmann, sur une des sommités du lac, ont dû 
leurs premières murailles aux Romains. 

Les traces de l'ancienne voie militaire du Danube 3 
peuvent se suivre sur les plateaux qui dominent la 
rive droite du fleuve, depuis Altstadt, près de Mœs- 
kirch , jusqu'au bord de la Riss, où fut placé l'éta- 
blissement de Risstissen . 



{ Dueîlium? 

' Als die Schlosskirche abgebrochen wurde, fand man im Grande 
Spuren eines eingestûrzten Gebaeudes, auf dessen Trûmmern das 
Schloss gebaut war. Unter diesen Trûmmern fand man zvo Urnen , 
die nebeneinander standen , die aber beim Ausgraben so ùbel behan- 
delt worden sind , dass man ausser der rœmischen Form nichts daran 
entdecken konnte. Topographisches Lexicon von Schtcaben,X. h, p. 225. 
Kolb , Topographisches Lexicon von Badeh, t. Il , p. 310 , répète à peu 
près les mêmes mots. 

3 Die Béer strass. C'est sous ce nom qu'elle est partout désignée. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 149 

D'AHstadt au camp de Beuron a dû exister un 
autre embranchement qui lui-même touchait le 
fleuve à Dietfurt ; à la défense de ce passage veil- 
lait une tour forte, dont les ruines pittoresques 
s'élèvent encore inébranlables sur une pile de 
rocs. 

Nous atteignons la petite ville de Mengen , dans les 
environs de laquelle furent trouvées, près d*Ennen- 
dach,une inscription adressée à Apollon Grannus 
et aux nymphes 1 , ainsi qu'une image en bronze de 
Mercure et des monnaies du grand peuple. 

Plus loin, sur la rive gauche du Danube, apparaît 
le village d'Altheim, dont le nom semble attester son 
origine antique. 

A droite, au fond du tableau, et au delà de la Kan- 
zach, qu'alimente le Federsée, s'élève majestueuse- 
ment le sommet élancé du Bussen, mont élevé, où 
existait une tour romaine, qui, par signaux, pouvait 
même correspondre avec les tours du Hégau. 

A une lieue de la rive gauche du Danube , au pied de 
l'Albe et au confluent de deux ruisseaux, se montrent 
le village et l'abbaye de Zwiefalten. 

Là même où l'église de l'abbaye est posée , était 

1 AP0LLIN1 

GRANNO 
ET NIMPH 
IS. C. VIDIVS 
IVLIVS PRO 
SE ET SVIS 
V. S. LLM. 



150 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

placé, sous l'empire des Romains, un temple dédié 
au dieu Soleil 1 . Nous arrivons à Obermarchthal , 
où des monnaies romaines ont été retrouvées et où 
existait, comme à Dielfurt,uncastel protecteur, des- 
tiné à commander ce passage du Danube. 

Quelques vestiges de chaussée romaine, décou- 
verts dans la région du Federsée , sont une preuve 
évidente, à défaut d'autres antiquités, que dans les 
vallées qui s'étendent entre l'Uleret le lac Brigantin, 
la colonisation avait aussi partout pénétré. 

Si l'on passe le Danube à Marchtbal, l'on retrouve 
la chaussée romaine sous le nom de Hôchstrasse. 

m 

Un embranchement allait joindre le val de la Blau 
et la station du Lonsée; un autre, sans doute, comme 
nous lavons fait entrevoir, remontait le val de la 
Lauter. 

Dans le Blauthal fut découverte à Ehrensteiti une 
statuette en bronze de Jupiter, tandis qu'à Ulm même 



1 DEOi INVICTO 

SOLt. TEMPLVM 

A SOLO. RESTl 

TVIT. VALERIVS 

VENVSTVS. V. P. P 

P'R. SICVÏl. VOTO 

AC MENTE. CON 

CEPERAT. RED 

DITVS. SANITATI 

V. S. L. L. M. 

Deo invicto Soli tempîum a solo restitua Valerius Venustus, vir per- 
fectissimus , pater patrum, etc. 

Celte épithète de pater patrum désigne le pontife supérieur des ini- 
tiés aux mystères de Mithra. 



DU AHIN ET DU DANUBE. 151 

on a retrouvé des monnaies et, près d'Erbach , quel- 
ques restes de bâtisses. 

Nous nous dirigeons sur Risstissen , où une inscrip- 
tion intéressante nous confirme le culte des Romains 
pour le dieu du Danube. La pierre qui la supporte 
est murée dans leglise, où sont de même enclavés 
plusieurs autres bas* reliefs, dont l'un surtout est 
digne de remarque comme représentant le mythe de 
Daphné , ou le symbole de l'entrée dans une autre vie. 

L'inscription porte pour date la première année 
du troisième siècle 1 . C'est dans ces environs que, 
grossi par les eaux de la Riss et de l'Iller, le Danube 
commence à être navigable. 

La personnification de ce fleuve et les autels qui 
lui furent élevés, prouvent tout ce que le» habitants 
de ces rives attendaient de sa protection pour leurs 
transactions commerciales , qui , comme sur le Rhin , 
comme sur le Necker, durent principalement se faire 
par eau. 

Nous passons l'Iller à Unterkirchberg, et nous 
abordons les camps de Finiania, dont Ptolémée fait 



IN H. D. D. 

t.. 0. M. ET DANV 

VIO. EX V0T 

0. PRIMANVS 

SECVNDI. V S L L 

MVCIAN0 ET FABI 



In honorem domus divinœ, Jovi optimo Maximo et Danuvio , ex voto > 
Primanus, Secundifilius, votum solvit lubens libentissime , Muciano 
et Fabiano Consulibus. 

(An 201 de l'ère chrétienft.) 



1 52 ÉTABLISSEMENTS ROMAWS 

mention et que la Notice de l Empire cite aussi sous 
le nom de Phebianis. 

C'est la seule des quatre villes que, dans la des- 
cription qu'il fait de la Rhétie, le philosophe d'A- 
lexandrie place sous le Danube même 1 , dont il nous 
soit possible de préciser la position. 

11 cite avec elle Bragadurum*qu\ , comme nous l'a- 
yons observé , était peut-être l'Altstadt, près de Moes 
kircb; Dracuina, que quelques-uns ont placée à Riss- 
tissen, que nous venons de quitter, et Fiana, que 
les uns ont placée à Wain, et que d'autres ont regardée 
comme étant le même lieu que la Table de Théodose 
[segment 3) mentionne sous le nom de Viaca r sur 
la route de Brigance à Augusta. Si lune de ces deux 
opinions peut avoir quelque fondement , c'est la pre- 
mière , parce que, comme nous le verrons, les canlps 
de Viaca doivent dater dune époque postérieure. 

Ptolémée cite ensuite à la tête du Rhin Taxgsetium 
et Brigantium, et après, dit -il, viennent les quatre 
villes de Vicus, d'Ebodurum, de Drusomagus et 
d'Ectodurum, lieux que Ton a à tort cherché sur les 
bords du Danube (car le géographe n'eût pas sauté 
de ce fleuve. aux rives du Rhin, s'il eût eu à les y 
mentionner), mais qu'il faut chercher aussi dans les 
régions du Rhin même, où, en effet, Wicken, Ben- 
deren , Triesen et Guttenbourg en ont en partie per- 
pétué les noms. 

Nous ne pouvons tenir compte au géographe des 
degrés de latitude et de longitude qu'il assigne à 

i 'Arco uèv auxov tov Savouptov «pwviavdR Ptolém , Gbtgr., I. il, c. 12. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 53 

toutes ces positions, car aucun n'est exact; mais 
nous suivons son récit, et il nous guide dans nos 
recherches. 

La route romaine qui d Unterkirchberg conduit à 
Finningen, village éloigné d'Ulm d'environ un mille 
bavarois, et qui a conservé le nom de l'ancien poste 
militaire de Finiania, montre encore çà et là quelques 
traces de son pavé antique. 

Une maison du village est elle-même assise sur 
cette base inébranlable qui lui sert de fondement. 
Comme toutes ces pierres sont calcaires, on s'en est 
souvent servi pour fabriquer de la chaux; et, comme 
elles sont propres à la bâtisse, on en a employé une 
immense quantité lors de la construction du couvent 
de Roggen bourg. 

Les différentes fortifications qui dépendaient du 
camp de Finningen étaient placées sur les collines 
de Neuhausen et de Holzheim et s'étendaient aussi 
sur riller. 

A Unterkirchberg, sur 4a hauteur où est aujour- 
d'hui placée l'église, se montrent encore les traces 
d'un castel et de fossés profonds 1 . Une tour forte dut 
s'y élever, correspondant avec les autres tours de 
Brand en bourg, de Balzheim et de Kirchberg, près de 
Mont-Cœlius (Kellmùnz), où une autre tête de pont 
existait. 

Ce fut sans doute à 1 époque où les contrées du lac 
et des sources du Danube cessèrent d'être romaines 
que ces travaux stratégiques furent élevés sur la rive 

1 Denkwilrdiykeiten des Ober-Donaukreises, 1™ part., p. 404. 



I 54 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

droite de l'Iller, qui devint, en effet, à l'ouest la fron- 
tière de la Vîndélicie. 

Nous suivons la route romaine, désignée ici sous 
le nom de Heerslrasse ou route militaire. Elle nous 
conduit par Steinheim, Strass, Leipheim et Bubes- 
heim, au sein des murs de Gûnzbourg, une des villes 
dont le nom antique s est le mieux conservé. Elle 
est située sur une colline, placée à l'embouchure de 
la Gùnz dans le Danube, et domine au loin toute la 
contrée. 

Ptolémée n'en fait pas mention; mais elle est 
citée dans l'Itinéraire d'Antonin comme station in- 
termédiaire entre le Mont-Cœlius et Augusta, sur 
la route de cette capitale de laVindélicie à Rau raque 1 , 
par le panégyriste Eu mène, qui parle du passage 
du Danube sous ses murailles 2 , et dans la Notice de 
l'Empire 3 , qui nomme comme tenant garnison dans 
cette ville un corps d'infanterie espagnole des en- 
virons d'Ursa 4 . 

Trois pierres, trouvées dans le Tyrol, nous 
prouvent par leurs inscriptions que ce fut Claude , 
fils de Drusus, qui, en Tan 47 de Jésus - Christ , 
rétablit la route romaine que son illustre père 
avait le premier ouverte à travers les Alpes, et qu'il 



1 Édit. de Wesseling, p. 250. 

1 Panegerici Veteres., p. 208. 

3 Notitia dignitatum imperii occidentis , édit. citée, p. 4977. 

* « Ursa Picenorum est civitas et urbs in Hispania, unde hi milites 
usunt extracti.» Pancirolc, Comment, in Notitiam utriusque imperii, 
c. 84. 



V 

DU RHIN ET DU DANUBE. I 55 

la munit de places forles jusqu'aux rives du Da- 
îube 1 . 

1 Voici ces trois inscriptions : 

Tl. CLAVDIVS CAESAR . . 

AVGVSTVS. GERM 

PONT. MAX. TR1B. POTEST 
COS. DESIG. mi. IMP. XI. P. P. 
VIAM. CLAVDIAM. AVGVSTAM. 
QVAM. DRVSVS. CAESAR. PRIVS 
OBICIB. PATEFACTIS. ITER. EXS I 

M R///ST 

£>..**. .M. P.*. CiV .... 

TI. CLAVDIVS CAESAR . . 
AVGVSTVS. GERMANICVS 
PONT. MAX. TRIB. POT. VI 
COS. DESIG. III!. IMP. XI. P. P. 
VIAM. CLAVDIAM. AVGVSTAM. 
QVAM. DRVSVS. PATER. ALP1BVS 
BELLO. PATEFACTIS. DEREXERAT 
MVNIT. A. FLVMINE PADO. AT [ad) 
WFLVMEN. DANVVIVM. PER 
. . . P . . • Lli 

TI. CLAVDIVS. DRVSI. F 

CAESAR. AVG. GERMA 

NICVS. PONTIFEX. MAXV 

MVS. TRIBVNITIA. POTESTA. 

TE. VI. COS. IlII. IMP. XI. P. P. 

CENSOR. VIAM. CLAVDIAM. AVGVSTAM 

QVAM. DRVSVS. PATER. ALPIBVS. BELLO. PATI 

FACTIS. DERIVAVIT. MVNIT. AB 

ALTINO. VSQVE. AD. FLVMEN 

DANVVIVM. M. P. CCCl. 



1 56 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Peut-être est-ce lui qui éleva les remparts de Gun- 
tia, sur les décombres desquels est placée la ville de 
Gûnzbourg. La tour de l'église est elle-même posée 
sur la base d'une vieille tour romaine. Cette forte- 
resse formait un carré imparfait , conforme à l'iné- 
galité du plateau qu'elle recouvrait. L'on voit encore 
les traces des autres fortifications qu'elle dominait, 
au bord de la Gtînz, où s'élevaient une tour forte et 
plusieurs retranchements destinés à protéger la route 
et le pont 1 , au delà duquel s'étend une plaine où, 
dans la mémoire du peuple, s'est, de génération en 
génération, conservé le souvenir d'une victoire que 
Constance Chlore, père de Constantin, a dû remporter 
sur les Allemanes (peut-être en 297 de l'ère chré- 
tienne) 2 . 

Une pierre dédiée à Neptune * et trouvée dans 
la Gùnz, est surtout remarquable en ce que, près 
de l'endroit où elle fut retirée de Peau, il existe un 
moulin. 

Le mot molinator, inscrit sur l'autel, semble ex- 
primer la qualité de celui qui, un jour, consacra par 
un vœu cette pierre au dieu du liquide élément. Il 
faut donc penser que le moulin moderne s'est re- 
nouvelé pendant seize siècles sur les fondements de 



4 Beitràge fur Kunst und Alterthum im Ober- Donaukreis. 1831. 
p. 2. 

3 Le terrain se nomme encore der Mordschlacht. Pour la date , voy. 
dans le tome premier de ce Mémoire notre précis historique , p. 96. 

3 NEPTV 

SACR 
MOLIN. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 157 

celui dont le toit abrita un jour le meunier qui, 
fidèle à Neptune, grava cette inscription. 

La route romaine va, au delà du Danube, aboutir 
au Lonthal , et par une courbe redescend au fleuve 
vers Pomone. 

La voie principale, celle d'Augusta aux camps de 
Finiania, suivait, selon toute probabilité, les hau- 
teurs qui dominent la rive droite du fleuve, et, par 
Reisensbourg et Rettenbach, touchait de nouveau 
ses rives vis-à-vis de Lauingen 1 . 

A une petite distance de cette ville , nous foulons 
les ruines d'un vieux camp, sous les murs duquel 
s'était par la suite élevé un municipe qui, à en juger 
par les nombreuses inscriptions de Lauingen , ne fut 
pas sans quelque importance. 

Le camp, élevé sur une hauteur et destiné à 
protéger le pont jeté sur le Danube, était d'une vaste 
étendue; Ton peut encore en étudier l'emplace- 
ment. 

Les pierres de taille des vieux murs remplissent 
les fossés; plusieurs ont roulé jusque dans le fleuve; 
quelques-unes, portant des fragments d'inscriptions, 
en ont été retirées 2 . 

Le municipe s'étendait, à un petit quart de lieue 
de la forteresse, sur les bords du Danube, où une in- 
finité de claires fontaines, qui sans doute y furent 



1 Cette route est appelée par l'habitant die Ochsenstrasse. C'est la Via 
Augusta des Romains. L'Allemand, par contraction, en a fait Augs- 
strasse , nom que le peuple , dans son langage bannal , a changé en ce- 
lui d'Ogstrasse, et enfin à' Ochsenstrasse. 

* Neuburgische Provinzialblàtter, t. il, p. 414. 



158 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

mises à profit par les Romains, durent en avoir fait 
un lieu de bain fréquenté. Du moins voyons -nous 
par une inscription adressée à Apollon Grannus, le 
dieu des thermes, qui y était invoqué, conjointe- 
ment avec Hygie, la fille d'Esculape, que ces deux 
divinités y avaient des autels 1 . 

Quatre autres monuments, dont deux proviennent 
de Faimingen, portent de même le nom de ce dieu; 
qui eut des temples dans la forteresse et dans la val- 
lée, et dont une des statues, d'après l'inscription, 
était d'argent 3 . Elle fut inaugurée par un tribun de 
la troisième légion italique, qui sans doute fut en 
garnison dans le fort, ou qui, venu en ces lieux pour 
y prendre les eaux, voulut, après avoir recouvré la 
santé, exprimer au dieu sa reconnaissance. 



1 APOLLINI. GRANN0. ET SANC 
TAE. HYGIAE(cum ornamen)Tl§ 
AEDIVM IPSORVM PR0 SALVTE. SVO 

LVC(<u#) 

La pierre sur laquelle cette inscription est gravée fut retirée des flots 
du Danube. Elle était très-endommagée. A la même place était aussi 
engloutie dans le fleuve une autre pierre, portant de même une ins- 
cription , et un bas-relief représentant Apollon , couronné d'une au- 
réole lumineuse, et assis, comme dieu Soleil, sur le dos d'un lion. 

2 APOLLINI GRANNO 

M. VIPIVS SECVNDVS 

T. LEG. III. ITAL. ARAI 

CVM SIGNO ARGENTEO 

Y. o. L. L. M. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 159 

Un autre de ces autels fut élevé par un des légats 
Augustes y pvopréteu r de la province, duquel nous avons, 
d'après l'inscription qui recouvre cette piei're, rétabli 
le nom parmi ceux de ces officiers généraux qui ont 
dû résider à Augsbourg '. 

A côté de ce culte florissait aussi celui de Mercure , 
dont une inscription nous a été conservée 2 . Parmi 
les pierfes tumulaires, je citerai celle d un aquilifère, 
vétéran de la troisième légion. Quelques autres frag- 
ments de bas -reliefs ont aussi été retrouvés ; l'un, 
entre autres, qui, à la toge dont est recouvert le per- 
sonnage qu*il représente, indique que ce dut être un 
des magistrats du lieu. 

Ce fut sans doute au commencement du deuxième 
siècle, lorsque Adrien plaça la frontière de la Vin- 
délicie au delà du Danube, et qu'il donna à cette 
province le nom de seconde Rhétie, que s'éleva la ville 
de Lauingen. Les monnaies qu'on y trouve descendent 
jusqu'à la fin du règne de Valens, en 378 de Jésus* 

1 APP0LL1NIS GRANNI 

RELr. 



...P.P. dio 
NYSIVS. LEG. AVG. PR. PR. 
. . . KAL. IVNIAS. 
Voy. ci-dessus p. 108. 

2 IN. H. D D. 

MERVCRIO 

VTROC 

VICTOR 

EX. VOT . . PoS 

L. L. M. 



1 60 ÉTABLISSEMENTS ROMACIS 

Christ, et il est à croire que ce fut à cette époque 
que la forteresse fut démantelée et que le vindicatif 
Allemane en rasa les murailles. 

Il est présumable que ce fort faisait partie des re- 
tranchements de Pomone, dont il formait comme 
la télé de pont et dont le prétoire dut être placé en 
deçà du Danube, au lieu même où au moyen âge 
furent construits (sans doute avec ses matériaux) les 
deux donjons de Baumgarten '. Dans les ruines de 
ces châteaux furent trouvées plusieurs monnaies de 
la deuxième légion , et de Constantin , de Constant 
et de Constance. 

Les constructions du moyen âge ont fait disparaître 
les traces de fortifications plus antiques. Mais à Ais- 
lingen ces vestiges reparaissent , et l'on peut très- 
bien encore distinguer le cours d'un double rempart 
et le fossé profond qui entouraient un autre camp , 
destiné à soutenir le premier. Le front de ces mu- 
railles du côté du nord, où était placée la porte dé.- 
curnane , n'avait pas moins de trois cents pieds d'é- 
tendue. A Glœtt, à Dûrr - Lauingen étaient posées 
deux simples tours d'observation.' 

Tous ces travaux stratégiques devaient protéger la 
route, dont les restes sont encore intacts près de 
Mœnstetten, et se liaient aux autres fortifications 
qui, en arrière du fleuve, s'étendaient jusqu'au Lech. 
Car, lorsque Rome eut perdu la limite du grand 
rempart, et que le Danube fut redevenu la frontière 

1 Dans les plus anciens documents aussi nommés Pom et Pawm- 
Ki'irUm , Paumgartcn , etc. Geschichte der Stadt Lauingen, p. 13. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 161 

de la Vindélicie, en présence d'un ennemi qui, tou- 
jours remuant, épiait chaque occasion pour se ruer 
sur cette province , elle redoubla d'efforts pour mettre 
la rive droite dans un état de défense redoutable; 
nous voyons, en effet, que sur toute la chaîne des 
collines , dans un espace de huit lieues , elle mit à 
profit chaque endroit avantageusement placé, pour 
y poser ses fortifications, soit comme lieu de garni- 
son, soit comme simple tour de signal. 

Sur le Schlossberg, près d'Eppisbourg, était placé 
un camp, dont les fossés et le double rempart ont 
encore laissé leurs vestiges du côté du nord et du 
midi. 

A un quart de lieue plus loin, sur le mont Ep- 
pisbourg même, paraissent aussi quelques traces 
d'autres fortifications, ainsi que sur le Hohen-Berg , 
où était placée une tour forte , entourée de quelques 
murailles, et d'où la vue dominait au loin tout le val du 
Danube. Près de Binswangen se retrouvent de même 
les traces d'un carré régulier, précédé d'un plus vaste 
terrain qu'entourait un rempart, et au sein duquel 
fut trouvée une monnaie romaine du règne de Cons- 
tance. 

Une tour d'observation était posée sur la hau- 
teur de Wertingen ; elle pouvait correspondre par ses 
signaux avec le camp de Binswangen et, à droite, avec 
celui qui, posé sur le Dirleberg, avait à la fois un 
emplacement des plus favorables pour la défense 
comme pour l'exploration. La vue, en effet, de ce 
sommet élevé, plane sur tout le cours du Danube» 
depuis Ulm jusqu'à Neubourg , et les divers accidents 
h. " 



162 ÉTABLISSEMENTS ROMAIHS 

du terrain, protégé en avant par le cours des eaux 
et par les marais qui, à (époque romaine, devaient cou- 
vrir tous les bas - fonds qui s'étendent tout le long 
du fleuve, en rendaient l'abord aussi difficile que 
dangereux. Le camp était très- étendu; Ton peut 
encore très-bien distinguer les traces de ses remparts 
du côté du nord-ouest , dans un espace de six cents 
pas; il était protégé par un fossé large de trente pieds , 
et qui en a encore dix de profondeur. Plusieurs mon- 
naies romaines d Agrippa, d'Auguste, de Faustine, 
de Caracalla et de Claude, y ont été trouvées. 

Nous atteignons alors Druisheim \ lieu près du- 
quel était placé le dernier camp de cette ligne.. 

Là, tout annonce un établissement considérable. 

Malheureusement nulle inscription ne nous en a 
été conservée , quoique les matériaux de l'ancien lieu 
romain aient plus tard servi, au moyen âge» à la cons- 
truction de différents châteaux forts et couvents. Mais 
plus de trois cents monnaies romaines des premier, 
deuxième , troisième et quatrième siècles en ont été 
retirées, ainsi que diverses antiquités, des bijoux, 
des ustensiles, des clefs de bronze de toute grandeur 
et de toute façon, un petit aigle du même métal, 
d'un pouce environ d'envergure, des lampes antiques, 
le tronc d'un petit buste d'empereur, des fragments 
de poterie, et quantité de métal fondu, circonstance 
qui semblerait attester que le feu dévora ces dé- 
combres. C'est à côté de l'emplacement du fort, où 



1 Au moyen âge , Trouwensheim , Triushaim , Trousheim , Truighs- 
heim , Trusheim , et enfin Druisheim. 



DU RHIN ET OU DANUBE. 163 

dut s'étendre la ville romaine, que tous ces objets 
antiques et des fondements de bâtisses ont été re- 
trouvés. 

Toute cette ligne de fortifications, depuis la Glœtt 
jusqu'au Lech, a été comprise par quelques auteurs 
modernes sous le nom de Parrodunum, nom que la 
seule Notice de F Empire mentionne, mais qui me 
paraît plutôt devoir être une des dénominations de 
l'endroit que la Table de Théodose cite, plus au sud, 
sous le nom de Tarteno , V Itinéraire d'Antonin sous 
celui de Parthano, le géographe -de Ravenne sous 
celui de Parna 1 . Peut-être faudrait* il plutôt mar- 
quer ici avec Leichllen remplacement de Venaxa- 
modurum, cité par cette même Notice comme étant, 
à l'époque où elle fut écrite, le siège du tribun 
qui commandait la sixième cohorte des Rhétiens. 
D'autres auteurs ont placé ce dernier lieu à Weissen- 
horn 2 . Je ne prétends pas m'arrêter à ce conflit d'o- 
pinions que mon but n'est pas de critiquer, puisque 
nulle inscription ne nous permet de sortir d'incer- 
titude à cet égard. Il suffit à mon sujet d'avoir re- 
trouvé sur toute cette ligne les traces des anciens 
établissements militaires que Rome y posa, et autour 
desquels la colonisation s'était partout répandue 3 . 

1 Aujourd'hui Parthenkirch. 

2 Voy. Raiser, Antiquarische Reise, p. 85; Tschudi , Gallia comata , 
1. il, c. 7, p. 271. 

3 C'est ce que prouve , en tant de lieux , la trouvaille tantôt de quel 
ques monnaies romaines, tantôt de tombeaux gallo-romains, tantôt 
d'antiquités diverses. Consultez à ce sujet les Annales du cabinet 
d'Augsbourg, où toutes ces antiquités ont été en grande partie dé- 
posées. 

h. «•• 



1 64 ÉTABLISSEMENTS ROMAUS 

Qualre routes aboutissaient à la ville, près des 
ruines de laquelle s'est par la suite élevé le vil- 
lage de Druisheim. L'une» la seule dont les traces 
n'aient pas disparu entièrement , suivait le cours de 
la Schmutter et passait sous la tour de Biberbach et 
sous celle de Pfersée avant d entrer à Augusta. Les 
autres ne sont que problématiques; mais Tune d'elles 
doit, par A uchsesheim 1 , avoir couru au nord et avoir 
joint l'embouchure du Lech, près duquel nous avons 
eu occasion de citer le pont antique jeté sur le Da- 
nube à Marxheim. 

On peut encore aujourd'hui voir dans cette direc- 
tion, en avant de l'ancien fort, les vestiges de plu- 
sieurs redoutes, élevées sans doute à l'époque où 
Rome fut obligée d'abandonner la rive gauche du 
fleuve. 

La troisième dut joindre les communications des 
divers lieux que nous venons de parcourir depuis 
Pomone , et s'embrancher sur Allmannshofen , Nor- 
dendorf et Holzheim, où quantité de monnaies ro- 
maines ont été retrouvées 2 . Ce dernier embranche- 
ment traversait le Lech à Test et servait de jonction 
aux divers autres établissements du Danube jusqu'à 
Reginum. 

C'est cette direction que nous allons suivre. 

Nous passons le Lech et, nous dirigeant sur 
Walden, nous allons, près de Wœchlering, visiter 

4 Auchsesheim ne serait -il pas la contraction du mot Venaxa- 
modurum ? 

2 On peut en lire la nomenclature dans Raiser, Ober-Donaukreis 
unter den RVtnern , p. 42 et 43. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 165 

les vestiges de fortifications qui durent couronner le 
Castelberg \ et de là ceux de Walden même. Ces 
vestiges sont à peine reconnaissables. Mais il existe 
une tradition populaire qui place sous le sol de ce 
village et sous celui de Weydorf les ruines d'une 
ville antique. 

La culture, les constructions du moyen âge, ont 
dans ce coin de la province fait disparaître presque 
toutes les traces dune plus antique colonisation; 
mais le peu d'antiquités que le territoire de Rain 
et de ses environs a livrées, prouvent suffisamment 
que cette colonisation n'avait pas été moins répan- 
due sur la rive droite du Lech que nous ne lavons 
trouvée sur la rive gauche. Une route romaine se 
dirigeait vers Augusta en remontant l'Ach, courant 
d'eau qui , à Test , accompagne le Lech dans son cours. 
Elle passait sur le ban des communes de Thier- 
haupten et de Rehlingen, et de ce dernier lieu reliait 
par un embranchement le castel placé derrière une 
tête de pont entre Langweid et Slattenhofen. Faisant 
ensuite une courbe par Schernegg, Affing et Mûl- 
hausen*, elle se dirigeait sans doute vers Augusta, où 
elle venait s'unir à la grande voie citée par Vitinéraire 
d'Antonin, et qui , s'appuyant sur la Paar et sur l'Ilm , 
allait aboutir à Abusina , et joignait les stations de 

1 Mons Castrensis. Il est cité sous ce nom dans le Saalbuch de 
Louis -le- Sévère de Van 1275. 

2 Tous lieux où ont été ouvertes des tombes celto-romaines. Voy. 
Caron Duval, Entdeckungen der Grabhiigel bei Affing } Miilhausen und 
Anwaldingen , dans la Urkundliche Geschichte der Stade Lauingen , du 
D r Raiser, p. 22 et sv. 



1 66 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Qu in tan a ' et de Bâta va 2 , au delà de Reginum. La 
Notice de V Empire place dans lune la première aile 
Flavienne des Rhétiens, dans l'autre une cohorte de 
Balaves nouvellement formée *. 

Nous nous dirigeons sur Strass, village dont le 
nom seul indique qu'il est posé sur une ancienne 
voie romaine. En effet, les restes de cette route, 
connue sous le nom d'Ogslrasse, via Augusta, se 
sont retrouvés près de ce lieu , dans la direction de 
Neubourg. Pour y arriver, nous passons à Gemfing, 
où existait une tour romaine. Elle était posée sur la 
colline en terrasse, où est aujourd'hui placée l'é- 
glise. De là, par Burgheim, près du château du- 
quel furent trouvées un assez bon nombre de mon- 
naies romaines, nous atteignons le Kayserbourg, et 
ensuite le Stettenberg, mont situé vis-à-vis de la tour 
forte qui dominait le village de Steppberg, sur la 
rive gauche du Danube, où nous avons vu que la 
route qui sortait de Vetoniania venait aboutir. Le 
fleuve est encaissé entre ces deux hauteurs, dont les 
fortifications durent être principalement destinées à 
protéger de chaque côté le pont qui sans doute y 
était jeté. Le bas du Stettenberg porte le nom de 
haute rive*; la région supérieure, dont le plan re- 
pose sur des rocs empilés, porte le nom de roche de 
la cité 5 , et sur le sommet, qui lui-même est appelé la 

{ Kûnzing, près du Danube. 

2 Passau. 

a Tribunus cohortis novœ Batavorum Batavis Not dign. imp. occid. 

4 Dos Hochgestad. 

5 Der Stadtfelsen. 



OU RHIN ET DU DANUBE. 167 

ville \ se remarquent encore les Iraces d'un rempart, 
dont le carré, parfaitement conforme à la structure 
des camps romains, a une longueur de quatre à cinq 
cents pas sur deux cents à deux cent cinquante de 
largeur. Si Ton fouille ce terrain , Ton découvre des 
décombres de bâtisses. 

A une demi «lieue de cet endroit est situé le Kai- 
serbourg, ancien castel, dont il n'existe plus qu'un 
simple pan de muraille, et dont les décombres gisent 
au sein des broussailles qui les recouvrent. La route 
romaine qui reliait ce fort à celui d'Altenbourg est 
encore visible. Rien de romain n'y existe cependant; 
toutes ses ruines sont du moyen âge. Mais à Neu- 
bourg nous retrouvons des souvenirs de Rome , et 
nul doute que la partie haute de la ville ne soit bâtie 
sur l'emplacement d'un camp romain. Dans les jar- 
dins qui l'entourent furent déjà souvent déterrés des 
monnaies et des fragments de poteries; d ailleurs 
plusieurs pierres sépulcrales romaines, dont l'une 
couvrit la tombe d'un curateur du lieu 2 , et l'inscrip- 
tion d'une pierre votive élevée à Mercure, ne peuvent 
laisser de doute que les Romains n'aient eu là un 
établissement. 



1 Die Stadt. 



P. AEL. T. SATVRNINVS 
ATILI. CV. ET. CIVIS. VET. 
VIXIT. A. LXXV. 
SATVRNINVS CRESCENS 
IIH KLENDS IAN. 



168 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

La colline sur laquelle la ville est posée, est la 
dernière qui domine le Danube , dont le cours dès 
lors s'élargit et qui coule en avant d'une plaine qui 
s'étend jusqu'à la Paar, et dont le terrain marécageux 
dut être mis à profit par la stratégie romaine. Par 
la facilité que l'Aicha et ses confluents donnaient de 
l'inonder, toutes les dunes que, dans l'antiquité du 
monde, le fleuve avait formées, et que les Romains* 
couronnèrent de tours fortes, pouvaient être isolées 
en cas de danger. 

La tradition qui s'est conservée parmi les habi- 
tants de Feldkirchen, qu'entre ce village et Neu- 
bourg , qui n'est éloigné de cet endroit que d'un quart 
de lieue, a dû exister l'ancienne ville romaine, dont 
les fortifications de Neubourg n'auraient dès lors été 
que la citadelle protectrice, ne repose sur aucun fait 
qui puisse lui donner quelque poids; maison a trouvé 
dans ce village même plusieurs antiquités, telles que 
des monnaies, de vieilles ferrailles , et cinq figurines 
de bronze, dont deux statuettes d'Isis et d'Anubis 
surtout ne sont point sans intérêt. 

Plus en arrière, du côté de Zell , fut trouvée, près 
de la chapelle de Saint- André, une monnaie ro- 
maine, et, à peu de distance de ce lieu, des fonde- 
ments de bâtisses et d'une vieille tour ronde furent 
mis à nu en remuant le sol. Zell même n'a rien offert 
de romain, mais l'on peut à un quart de lieue de cet 
endroit, et au milieu d'un petit bois, distinguer l'an- 
tique chaussée romaine. Nous traversons le Zeller- 
bach, petit ruisseau qui va se jeter dans l'Aicha, et 
non loin de Bruck , sur une colline dont il baigne le 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 69 

côté de l'ouest, nous visitons les vestiges d'un an- 
tique castel; le carré, long de soixante-cinq pas sur 
soixante de large, en est encore bien reconnaissable. 

La contrée qui s'étend sous ses pieds porte le 
nom de See (toc), et il est présumable que ce nom 
vient de l'antique tradition qui a conservé le souve- 
nir du lac qui un jour dut la recouvrir. De l'autre 
côté du fossé qui l'entoure était placée sur une autre 
dune une tour d observation , entourée elle-même 
d un petit rempart et d'un fossé qui est encore au- 
jourd'hui large de dix à quinze pieds. Elle correspon- 
dait avec la tour de Vehering, au centre d'un castel 
situé sur une troisième dune, et dont un des fronts 
m'a offert une longueur de cent pas. En avant de ce 
carré est un autre emplacement, qui sans doute fut 
lié au fort , et dont le côté sud est baigné par l'Aich- 
bach. 

Avant de l'atteindre , nous foulons de nouveau, 
dans l'épaisseur des bois, l'ancienne voie romaine , 
sedessinant au-dessus du sol comme une longue traî- 
née de terre. Elle nous conduit dans la direction de 
Manching qui, placé sur les bords de laPaar, était 
le dernier fort de cette ligne étendue. On peut encore 
marquer remplacement des deux castels qui durent 
s'y élever; l'un , sur le soi-disant Schlossberg, l'autre, 
sur le Burgfeld , dont le sol fut mis à profit connue 
carrière par les habitants pour en extraire les pierres 
de taille. Une ligne retranchée peut encore être 
assez bien étudiée à l'embouchure de la Paar dans 
le Danube, et au sein des forêts, où ses vestiges 
recouverts d'immenses chênes que plus de cinq 



170 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

siècles ont tu croître et verdir, s'élèvent encore à 
huit, à dix , à dix-huit et même à vingt pieds de hau- 
teur. Au sud , elle aboutit de nouveau à la rivière, 
après un cours de plus d un mille, et va joindre une 
dune connue sous le nom de Burghiïgel, et où, d'a- 
prèsquelques traces de murailles, s élevait sans doute 
une tour forte *. 

Quoique ces restes soient bien faibles, il est permis 
déjuger par eux des soins que les Romains (proba- 
blement après avoir perdu la rive gauche du Danube) 
prirent de fortifier cette position qui, en effet, était 
d'une importance majeure, puisque, cette ligne,rom- 
pue, le val de la Paar s'ouvrait devant un ennemi vain- 
queur, et que le Lech et par conséquent, la capitale 
de la Vindélicie se trouvaient menacés. Il était donc 
nécessaire, pour soutenir cette première ligne, 
qu'en arrière le cours de cette rivière, comqpe celui 
de H lin, du Sandrach, du Breitbach, et des autres 
moindres torrents, fût aussi protégé, et que de fortes 
garnisons, capables de se réunir au premier signal, 
veillassent à la sûreté de ce pays ouvert. C'est ce que 
nous savons que Rome fit en effet; et nous voyons 
par la Notice de V Empire 11 que jusqu'aux derniers 



4 Voy., pour plus de détails, Neuburger Wochenblàlter, année 1821, 
n° 42, p. i7i , et n° 43, p. 175. Voy. aussi Buchner, Beise auf der 
Teufelsmauer, art. Vallatum, p. 17 et sv. 

2 Prœfectus legionis iertiœ italicœ partie superioris Castra Regina, 
nunc Vallato. Prœfectus Alœ Secundœ Yaleriœ Singularis, Vallaïo. — 
Equités Stablesiani junior es Submuntorio. — Prœfectus legionis 
III italicœ partis superioris deputatœ Ripœ primœ , Submuntorio. 
Notit* dignit. imp. occid., édit. citée, p. 1978. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 171 

temps de sa possession, elle entretenait un redoutable 
corps de cavalerie et d'infanterie à Summonloriunj , 
à Ripa prima et à Vallatum, dernier groupe de for- 
tifications dont celles qui protégeaient l'embouchure 
de la Paar devaient faire partie. 

Ripa prima, qui lui-même dépendait de Summon- 
torium, comprenait les fortifications danubiennes 

» 

que nous venons de parcourir, entre le Lecb et la 
Paar, tandis que, placé plus en arrière du fleuve, 
entre Augusta et Vallatum, Summontorium s'ap- 
puyait à la fois sur la Paar et sur Film. 

Le terrain sur lequel s'élève , de l'autre côté de cette 
dernière rivière, le Burgstall, à l'opposé de Wall» 
petit endroit situé au milieu des bois, au sud de Gei- 
senfeld , peut être regardé comme l'emplacement du 
principal camp de' Vallatum. Sa distance d'Abusina 
est assez conforme aux dix-huit mille pas que lui as- 
signe Y Itinéraire d'Antonin, qui , entre Augusta et Sum- 
montorium, en marque vingt, et seize de Summonto- 
rium à Vallatum. 

La route romaine qui liait ces divers lieux, et qui 
doit avoir été celle de Vttinéraire, passait sous le 
donjtm d'Hohenwart et près de Scbrobenhausen 1 , 
ville qui , d'après une antique tradition , fut totalement 
détruite par les Huns; la voie dut ensuite prendre 
la direction d' Aichacb pour passer le Lech un peu au- 
dessus d' Augusta. Près de Vallatum elle se bifurquait; 
car nous trouvons au sud , près d'Indersdorf sur la 
Glon , les traces d'une autre route qui allait joindre 

1 Schœnwieser, Ad Itin. Ant., p. 20. 



1 72 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

la station de Vallalum au nord , et dont on peut en- 
core très -bien étudier le parcours jusque dans les 
environs d'un camp romain perdu sur la droite de 
Mm, dans l'épaisseur des forêts, et au sein duquel, 
ainsi que dans ses environs, l'on découvrit une 
grande quantité de monnaies. Le carré du camp est 
très-bien tracé, et il est entouré d'un double rem- 
part, qui en plusieurs endroits s'élève encore à vingt 
pieds de hauteur. De moindres fortifications, dont 
les traces sont encore visibles, s'élevaient près de 
Sigmarshauseu , de Frauenhofen, d'Arnzell et de 
Peterzell, tous lieux où furent aussi trouvées des 
monnaies de l'époque romaine. 

De même, peut-être, il faudrait attribuer à cette 
époque les premières fondations de Raderzbausen , 
sur la cime élevée d'une montagne, et celles sur lés 
ruines desquelles, au douzième siècle, s élevait le 
château de Pfaffenhofen, dont les murs ont dis- 
paru. 

Toutes ces fortifications, qui se soutenaient straté- 
giquement, couvraient au nord-est les abords d'Au- 
gusta et s appuyaient sur la Glon, à gauche de laquelle, 
non loin d Adelshausen , se montrent encore les ves- 
tiges d'un ancien camp romain, destiné à protéger la 
route dont un embranchement allait par Mergentau 
joindre le Lech, et dont un autre, circulant devant 
Euratzbourg , Holzberg , Nannhofen et Gunzelhofen ', 
aboutissait par une courbe à la station (Y ad Ambre. 



1 Dans les murs du château de Gunzelhofen est enclavée une pierre 
m illiai re de Septime Sévère, où se lit distinctement la distance de 



DU imiN ET DU DANUBE. 173 

C'est au bord de l'Animer 1 , en aval du lac 3 que 
cette rivière traverse pour aller, dans la direction 
du nord-est, se joindre à l'Iser, qu'était située cette 
localité. Non loin du village de Schœngeising se 
montre encore l'emplacement du lieu antique dont 
quatre colonnes marquent l'étendue. Les traces de 
ses remparts, de ses fossés se voient encore, et il 
suffît de creuser à deux pieds de profondeur ce ter- 
rain pour retrouver le pavé de ses rues. Sur le Son- 
nenboùrg qui le domine était placée une tour d'ob- 
servation, et en amont de l'Araraer, près de Wilden- 
roth, s'élevait un moindre castel dont la destination 
semble avoir été de couvrir la route du côté d'Abodia- 
cum.Une tête de pont protégeait le passage de la ri- 
vière dans la direction d' Augusta , et Ton peut suivre 
la route romaine jusqu'à Jessenwang 3 d'où, circulant 
sous le castrum de Purck, elle allait joindre le pas- 
sage du Lech que nous avons ci-dessus mentionné , 
et qui était de même défendu par des travaux stra- 
tégiques très-considérables. 

Enfin , une quatrième route aboutissait à ce lieu : 



trente et un mille pas d' Augusta. Comme , d'après Y Itinéraire d'Anto- 
nin, la distance d'ad Ambre à cette colonie est de trente-deux mille pas, 
il faut cependant que cette pierre n'ait pas primitivement été trouvée 
ici, mais à mille pas d'ad Ambre, du côté d'Àugsbourg.EUe aura plus 
tard été transportée à Gunzelhofen lors de la construction du châ- 
teau. 

1 Amber flumen. 

2 Amber lacus. 

3 On y a découvert deux monnaies, l'une de Licinius et l'autre de 
Constantin. 



174 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

c'est celle qui , citée par Y Itinéraire d'Ântonin, sortait 
de Veldidena , et qui , passant par Partbanum , traver- 
sait les ponts Tessins. 

Ces ponts, selon toute probabilité, étaient placés 
près d'Ettbal, où, en effet, leurs vestiges se ren- 
contrent encore 1 . 

La voie militaire passait sous la tour forte d'An- 
decbs, située à environ une demi -lieue de la rive 
droite de lAramer sée , et par Fischen , Paehl , Deuten- 
hausen, Romeck et Murnau, tous lieux où Ton croit 
avoir retrouvé quelques traces de fortifications; elle 
traversait les ponts Tessins jetés sur les marais du 
Loisach pour entrer à Partbanum , où , à la fin du qua- 
trième siècle, était placée la première coborte Hercu- 
léenne des Rbéliens,sous les ordres d'un tribun 2 . 

La Table de Théodose, en citant les diverses étapes 
qui se trouvaient placées entre cette ville et Augusta, 
ne nomme pas ces ponts , mais on y voit indiquées 
les sources de Ticenum , qui ne peuvent s entendre ici 
que de celles de l'Animer même qui, en effet, sort 
des rocs élancés du Kucbel , au sein de Y Ammerwald. 
G est sur ces rocs qu'il faut chercher les fortifications 
de Coveliacœ, fortifications qui ont plus tard, au 
moyen âge, servi de base à divers castels. 

De Parthanum à Coveliacae , la Carte routière que 
nous continuons de citer, marque vingt mille pas. 
Cette distance n'est exacte qu'autant qu'on fait une 
large part aux difficultés du terrain et aux détours 
des montagnes. Les autres distances ne sont plus 

1 Voy. Buchner, ouvr. cité. 

2 Tribunus cohortis primœ herculeœ Rhetorum Parroduno. Not. imp. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 175 

marquées jusqu'à Augusta, et il est assez difficile de 
concilier celles que donne , avec des lacunes , Ylliné* 
raire d' Antonin. Toutefois la route moderne court en* 
cote sur la route anlique depuis Coveliacae jusqu'à 
Reitenbuch, où, se bifurquant, la voie romaine, d'un 
côté 9 joignait à l'ouest, Escone par le pont de Bruck , 
et de l'autre, au nord , touchait le Lecb et le camp qui 
s'élevait sur les rives, vis-à-vis de Schœngau, et tra- 
versait la rivière devant OEpfach. 

Là, nous retrouvons, avec les souvenirs de Rome , 
ses monuments et ses inscriptions. 

OEpfach est l'antique* Abodiacum. Ràti avec les dé- 
combres de l'ancien lieu romain, il offre à nos regards 
curieux ses débris de temples et de palais, ses co- 
lonnes, d'ordre dorique, ses restes de frises élé- 
gantes, de corniches, de pilastres, et d autres orne- 
ments d'architecture, et ces pierres, où une main 
pieuse traça, il y a dix-huit siècles, les noms de morts 
illustres , et prit soin d'instruire la postérité du ré- 
gime administratif qui réglait la cité. 

Abodiacum, ainsi que nous l'indique une de ces 
inscriptions, eut ses décurions 1 , et, comme Augusta, 

1 (d) M. 

(et perpetu)AE SECVR1 
(tati\ SERCIAL. AELIANO 
(decw)RIONI. MVNICIPI. PVBL 
IA CEIONIA. VINDELICA. FIL(i)A 
ET H(éORES. PATRI. SIC 
VD. TESTAMENTO. PRAl 
CEPERAT. SESTERTIS 

VI MILIBVS. FACIENDVM 
CVRAVIT. 



176 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

ce fut un municipe. Ses temples, ses palais sont 
renversés ; mais le peu de débris que son sol nous 
a conservés, nous prouvent toute la magnificence du 
lieu. 

Plusieurs pierres de taille, toutes revêtues de 
fragments d'inscriptions, hautes d'un demi-pied, 
contiennent la dédicace d'un de ses monuments pu- 
blics 1 , et on a retrouvé aussi la statue de marbre 
blanc, mais mutilée de Cérès, qui parait avoir eu un 
temple au sein de ces murailles. 



paTERNVlS CLEMEtu. 
PROC| Àfy 



TRIB. mil. 
LEG 



PRAEF. EQ. AL 
TORQV 



AE. SILlAnI l S. SICCAT 
ATAE. C. R FECIT. 



La tombe do haut personnage, dont il est ici (ait mention , a aussi été 
retrouvée à Œpfacb. Voy. Beitrâge fur Kunst und Alterthum im Ober- 
Donaukreis, 2 e part., p. 6 et 8. La famille Clémentine était floris- 
sante à Augsboarg, où se trouvent plusieurs monuments qui en font 
mention. Un T. Flavius Primanus eut pour épouse une femme de la 
famille Trajane. Un autre Flavius Clemens, fils aussi d'un Primanus, 
fut consul à Rome en 195 de Jésus-Christ. Quant à l'aile de cavalerie , 
du surnom de Siliana , M. Metzger, professeur et conservateur de la 
bibliothèque d'Augsbourg , a fait sur elle un travail qui mérite nos 
éloges. Selon l'auteur, les ailes de cavalerie romaine portaient les noms 
de ceux qui les premiers en avaient pris le commandement lors de leur 
formation , comme les alœ Picentina , Petrina , Scriboniania , Flaviana , 
et Siliana, nom d'une famille qui nous est connue par les lettres de 
Gicéron à Atticus (xii , 27 et 31); ou des nations dont elles étaient com- 
posées , comme les alœ Treverensium, Narciscorum, Vindeliciœ, Panno- 
niœ,Britanniœ, Phrygum; ou bien desmunicipes dont elles sortaient, 
comme les Alœ Cetienses, Comagenenses , Aventicorum, Brigantiœ, et 
d'autres ; ou bien enfin de circonstances diverses , comme les alœ Sin- 
gularium , Scubulorum , Centenariorum , etc. 



OU RHIN ET DU DANUBE. 177 

Tous ces restes de l'époque romaine avaient servi 
de matériaux aux murs d'enceinte qui , au moyen âge, 
avaient été bâtis sur la colline de Saint -Laurent, et 
qui furent démolis en 1830 *. C'était remplacement 
du caste! dominant le pontjetésurle Lech,etqui était 
lui-même défendu du côté opposé de la rivière par 
d'autres fortifications. Sur le Hasslocb s'élevait le 
camp principal, qui veillait sur la vallée où devait 
s'étendre le munieipe, et où déjà des fouilles anté- 
rieures avaient mis à nu quelques pierres qui cou- 
vrirent les restes de soldats de la troisième légion 
italique. 

Une immense quantité de monnaies, provenant 
des ruines d'OEpfach, ornent la collection d'Augs- 
bourg. Elles descendent depuis Auguste jusqu'au 
règne de la famille Constantine, époque où il sem- 
blerait qu Abodiacum ait été détruit par les Alle- 
manes. 

Sur les bords du Lech furent découvertes deux 
pierres milliaires, dont les eaux avaient, en les bai- 
gnant, fait disparaître les inscriptions. H est permis 
de croire cependant que les distances y étaient mar- 
quées depuis Augusta; et cette circonstance porterait 
à penser qu'une route romaine venait, en ligne droite, 
de cette capitale aboutir à ce lieu. 

En effet, en suivant la Table de Théodose, on trouve 
entre Abodiacum et Augusta la station intermédiaire 
d'ad Novas, fortifications postérieures au règne des 



1 Voy. Erster Jahrbericht des historischen Vereins (m Ober-Donau- 
kreis, année 1835, 2 e part., p. 3 et sv. 

H. 



178 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Antonins, puisque le Routier de Caracalla n'en fait 
pas mention. 

Ces fortifications s'étendaient à gauche du Lech , 
depuis Landsberg jusqu'au castrum de Buchloe, 
d'où, se groupant au sud jusqu'à Kurishofen, où 
se distinguent les traces d un ancien camp, et s ap- 
puyant sur Waal et Waalbaupten , où nous trouvons 
encore visibles des restes de retranchements et de 
travaux stratégiques, elles protégeaient les abords 
de la Gennach, tandis que, sur la rive opposée du 
Lech, Landsberg même , et les diverses hauteurs de 
Pûrgen, de Thaining, d'Altenbourg, de Kaufering et 
d'Haldenberg, avaient reçu aussi ou des castels pro- 
tecteurs ou des tours exploratrices. Eggling, Stein- 
dorf , Merching et Mering, tous lieux où Ion décou- 
vrit en assez grand nombre des monnaies romaines, 
semblent devoir nous attester la direction que la 
route antique prit au delà. 

Un second embranchement de communications 
d'Abodiacum , sur la rive droite du Lech, conduisait 
à la fois au sud de l'Ammersée et au nord de ce lac, où 
durent s'étendre les divers camps d'Urusa. La distance 
de douze mille pas, marquée par la Carte routière de 
Théodose y d'Abodiacum à Urusa, sur le chemin qui 
va joindre l'Iser, s accorde assez avec celle qui se 
trouve entre OEpfach et Utting. 

La route, près de ce dernier lieu , porte encore le 
nom de Hochstrasse , nom sous lequel , ainsi que nous 
avons déjà souvent eu occasion de le remarquer, les 
voies romaines, vu leur élévation au-dessus du sol, sont 
désignées par l'habitant. Elle joignait les trois camps 



DU RHIN ET DU DANUBE. 179 

des environs d'Utting, dont deux portent les noms de 
Burggraben* et de Rcemersberg 2 , et dont le troisième 
sans doute était le Itorgr, autre castel d'une plus grande 
extension, placé sur une hauteur élevée, au bord de 
la Windacb, et fortifié par la nature. Un simple rem- 
part le protégeait du côté du sud et de l'orient; un 
double rempart du côté du nord et de l'ouest. Long 
de huit cents pieds sur sept cents de large, il semble 
avoir été le principal lieu de toutes les fortifications 
dIJrusa. 

Sur une montagne située un peu plus au nord se 
remarquent les traces d'un autre castel, le Burgleile*, 
et enfin, à un quart de lieue nord -est, celles d'un 
second camp, long de deux cent quarante-cinq pieds 
sur cent vingt de large, dont les fossés ont quinze 
pieds de profondeur, et dont les remparts s'élèvent 
encore au même nombre de pieds. 

Partout dans ces environs furent trouvées des mon- 
naies d'Auguste, de Domitien, d'Antonin-le-Pieux et 
de Constantin. 

Enfin, en suivant le lac au sud, nous parvenons à 
un lieu nommé Rœmenthal, où nous visitons les ves- 
tiges d'un autre fort et ceux d'un ancien bâtiment qui 
longeait le lac, et dont deux cents pieds de murailles 
laissent encore voir leurs fondements. 

Tout près de cet endroit existait, il y a vingt-deux 
ans, une vieille tour qu'on a prétendu être romaine, 

1 Le fossé du fort. 

2 Le mont des Romains. 

3 On y a trouvé des tronçons dermes. 

ii. "• 



180 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et qu'on fut obligé de démolir, vu qu'elle menaçait 
ruine 1 . 

A ses pieds passait la route romaine de Par- 
thanum, venant de Paehl, et que nous suivons dans 
la direction de Ludenhausen, où ses vestiges se re- 
trouvent. 

Ce dernier lieu est incontestablement romain. Il dut 
y exister un sacellum consacré à Mercure Cimiacinus , 
dont une inscription , qui date de Tan 289 de Jésus- 
Christ, nous a été conservée 3 . Cette inscription est 

A La tour de Diessen.Voy., sur sa destruction , le Baiersehe Landbote 
de 1830, n<> 167, p. 1420. 

2 DEO 

MERCVRIO 

C1MIACINO 

ARAM TVRARIAM 

M. PATERNINVS 

VITALIS. QVI 

AEDEM. FECIT. ET 

SIGNVM. POSVIT 

V. S. L. L. M. 

DEDICAT III KAL. OCTOBR 
GENTIANO ET BÀSSO C S. 

Mercure Cimiacinus ne nous est connu par aucune autre inscription. 
Ou, comme Jupiter porta chez les Grecs, habitants de l'Élide, le nom 
d'ATTOfAuioç, de MuiwStjç et de Muia^po; (de M-uia, musca, mouche) pour 
avoir, selon la fable , délivré cette contrée du supplice des mouches , 
en les chassant au delà de l'Alphée, et comme Apollon porta les noms 
de Muoxtovoç (murium occisor, tueur de souris , de jjwç , mus , souris), 
de Sfuvôeuç (de c^vôoç, mus domesticus, souris domestique- et de 



DU RHIN ET DU DANUBE. 181 

doublement intéressante , et par le surnom qui est ici 
donné au dieu, et parce que nous voyons par elle qu'au 
lieu de répandre le sang des victimes, on y brûlait 
sur ses autels un pur encens. 

Nous avons cité, en parlant des ponts Tessins, la 
route qui d'Abodiacum remontait la rive droite du 
Lecb; il ne nous reste plus qu'à signaler deux autres 
voies romaines qui, de ce municipe, conduisaient, 
l'une à Navoe, l'autre à Escone et à Campodunum. 

La première, dans la direction de l'ouest, atteint 
Helmishofen,et la route qui vient s'y croiser, descen- 
dant par Ostendorf , Blonenhofen , Altenberg et Auf- 
kirch des fortifications A' ad Novas y et qui, par Oster- 
zell, Salabeuern, llsung-Bûbl , lieux où se remarquent 
des vestiges de remparts antiques, et par Kœngets- 
ried et le Schloss-Bùhl , où l'on rencontre des traces 
semblables, aboutissait aux camps d'Escone. 

La seconde passait sous le castel de Kinsau , sous 
le monopyrgium de Hohenfurch, et joignait l'Alten- 
stadt de Schœngau, d'où , longeant le pied du castrum 
de Thannenberg, elle aboutissait aux divers camps 
d'Escone , dont celui placé près de deux fermes , con- 
nues sous le nom d'Echt, paraît avoir été le pré- 
toire. 

Pendant longtemps ce fut dans l'Altenstadt de 

2aupoxTovoç (tueur de lézards, de «raupa, lacert a, lézard), il faut croire 
que les Romains du Lech, pour avoir été délivrés par Mercure du sup- 
plice des punaises , lui avaient par reconnaissance d nné le surnom 
de Cimiacinus {decimex, punaise) ; ou bien ce nom était local, et il dut 
alors avoir été donné à ce dieu du culte particulier qui lui était rendu 
dans une ville , à nous inconnue , du nom de Cimiacum. 



1 82 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Schœngau qu'on chercha cet établissement romain. 
Mais ni la distance de dix-huit mille pas d'Abodiacum 
à Escone , désignée par la Carte routière de Théodose*, 
ni celle de vingt mille pas que la même. carte men- 
tionne de ce lieu à Campodunum, ne s'accordent 
avec la distance qui existe entre OEpfach et Altenstadt, 
ni avec celle d'Altenstadt à Kempten. Il fallait donc 
que l'établissement romain fût plus au centre de ces 
deux lieux. 

Nulle position ne peut être plus en rapport avec 
celle d*Escone que le camp d'Echt, dont le nom mo- 
derne a quelque chose du nom antique. Une tour 
d'observation, placée sur l'Auerberg, explorait à l'est- 
sud-est la route du Lech, qui aboutissait à Bruck. 

Tout porte à croire qu'un chemin de communica- 
tion circulait aussi au sud , conduisant au sein des 
Alpes penniques. Nous trouvons du moins dans cette 
direction, à Rieden, et dans les environs de Fûssen 2 , 
les traces d'anciennes fortifications, dont les dernières 
surtout , fouillées il y a une vingtaine d'années , ont 
livré une suite de monnaies descendant depuis les 
premiers empereurs jusqu'aux règnes des Constan- 
tin» des Valentinien , et même jusqu'à celui d'Arcade 3 . 

A l'ouest, la route d'Escone à Campodunum cir- 
culait sur le territoire de l'ancienne préfecture im- 
périale de Geisenried , où nous visitons les vestiges 

* (Segment 3). 

* Fauces Alpium. 

8 On peut en lire la liste dans les Âusziigen aus den eingesendeten 
Beitrâgen zu Beschreibung und Erhaltung der artistischen und hist. 
Denk\jcilrdigkeiten des Ober-Dvnaukreises. 1829. p. 9 et 46. J'y renvoie 
le lecteur. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 83 

d'un vieux camp, et, traversant la Wertach, passait 
sous le fort d'Hausen , si favorablement placé comme 
point de défense et comme point d'exploration, et 
reliait les divers lieux romains d'Oster-et de Seelen- 
berg, de Burgstal, de Westerried, de Kipfenberg, 
de Thingau et de Wageck. 

Tous offrent encore quelques vestiges de fortifica- 
tions; mais surtout le camp de Kipfenberg qui, posé 
sur le sommet d'une montagne , a une étendue de 
cinq cents pieds de long sur trois cents de large, et 
montre encore la place de ses tours fortes et de ses 
triples, quadruples et quintuples remparts et fossés 1 . 

Campodunum est le moderne Kempten. 

Cette ville est citée par Ptolémée, par Strabon, 
par Y Itinéraire d'Antonin et par la Notice de l'Em- 
pire*. 

La citadelle était assise sur la Burghalde, montagne 
isolée que quelques pans de murailles en ruines, 
d'une époque plus récente, ceignent encore, et dans 
l'enceinte de laquelle , ainsi que dans les Bleicher- et 
Linderberger-OEsch, deux quartiers de la ville mo- 
derne , les monnaies romaines ont été retrouvées en 
plus grand nombre. 

Ces monnaies, qui sont en foule et qui des- 
cendent depuis Auguste jusqu'à Théodose le Grand 3 , 
prouveraient seules le long séjour qu'y firent les Ro- 



1 On y a aussi trouvé des monnaies. 

* Le premier le nomme KajxpoSouvov , le second Ka(/.7roSouvov , 17a- 
néraire Campodunum , la Notice Cambidunum. 

3 On en peut lire la liste dans le Ober-Donaukreis unterden Rdmern, 
du D r Raiser, l re part., p. 42 et sv. 



184 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

mains, quand bien même nul autre monument n'y 
eût été trouvé, et que même nul historien n'en eût 
parlé. 

Malheureusement nous ne possédons qu'une seule 
inscription tirée de ce lieu, encore n'est-ce qu'une 
inscription tumulaire, sans intérêt historique, et qui 
ne nous apprend rien louchant l'administration ni 
le culte de la cité. Mais ce qui prouve l'importance 
de cette ville, c'est une pierre milliaire trouvée près 
d'Isny, et dont la distance est comptée depuis Cam- 
podunum ! . 

C'était encore à la dernière époque de l'Empire 
la principale cité du centre de la Rhétie, et c'était 
dans son sein que résidait le commandant de la lé- 
gion, ayant sous ses ordres les troupes chargées de la 
défense de cette partie de la province^. 

La grande voie militaire qui reliait Gampodunum 
à Augusta, passait par les trois grandes étapes de 
Navoe, de Rostrum et de Rapis. 

Nous les explorerons successivement pour revenir 
ensuite dans cette ville par Viaca et par le Mont- 
Gaelius. 

Navoe n'est pas cité par l'Itinéraire d'Antonin, qui 
conduit d'Augusta à Gampodunum par Rostro Nema- 
viae, tabdis que la Carte routière de Théodose, en sui- 
vant la même route, cite les deux stations de Navoe 
et de Rapis. On ne peut expliquer cette différence 
que par la différence de date que portent les deux 

1 A Campoduno. XI. M. P. 

8 Not. dign. imp. occid., p. 1977. 



OU RHIN ET DU DANUBE. 1 85 

Itinéraires; car les distances marquées par les deux 
routiers sont assez exactes, puisque Yllinératre* 
compte de Campodunum à Augusta cinquante -sept 
milles et que la Table de Théodose en compte 
soixante. 

On ne peut cependant croire avec quelques auteurs 
que Navoe et Rostrum Nemaviae aient été le même 
et unique lieu , puisque le premier est cité dans la 
Carte routière comme étant à dix-huit milles de Cam- 
podunum, tandis que le second est dans Y Itinéraire 
marqué à trente-deux milles, et, par conséquent, à 
quatorze milles plus rapproché d'Augusta; 

Il faut donc comprendre sous le ùom général de 
Navoe tous les castels appartenant au prétoire du 
camp principal que nous placerons à Ober-Gûnz- 
bourg, et qui s étendaient jusqu'à Baisweil, à la 
distance que lui assigne la Carte routière de Théodose, 
et au delà duquel durent commencer les camps de 
Nemaviae, dont le prétoire, en suivant V Itinéraire 
d'Antonin, dut être placé sur le Goldberg, un peu 
au-dessus de la petite ville de Turkheim. 

La route romaine, depuisWageck, courait au nord, 
et, passant sous le monopyrgium de Sollthurn, domi- 
nait le cours de la Gùnz, près d'Ober Gùnzbourg. 
Ce fort défendait l'abord de deux vallées. Surda pointe 
la plus avancée de cette espèce de promontoire était 
placée une tour, séparée du camp par un fossé. Au- 
jourd'hui ce lieu sert de cimetière , et en fouillant le 
terrain, on y a déjà souvent trouvé d'assez nom- 

* Ëdit. de Parthey et Pinder, p. 120. 



186 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

breuses monnaies. Au pied du castel dut s'étendre 
une ville romaine, et, dans la rue moderne, près de 
l'église, fut, en creusant le sol, retrouvé un autel de 
marbre, dédié à Mercure 1 , dont le temple reposait 
peut-être sur la place même que cette église oc- 
cupe. 

Au delà d'Ober-Gûnzbourg, la voie romaine s'élève 
sur la pente escarpée des montagnes, et suit le cours 
de la Gûnz jusque dans les environs des sources de 
la Mindel. On en voit encore les traces, recouvertes 
de bois et de quartiers de roches, détachés des 
grandes masses. De distance en distance se montrent 
les vestiges d'antiques fortifications; nous avons été 
à même de compter huit endroits semblables dans le 
rayon dune lieue autour de l'ancien établissement 
romain. 

Nous atteignons Rœhrwang , village près duquel 
furent déterrés les décombres d'un antique bâtiment 
de la période romaine. De ce lieu au camp de Bais- 
weil, quatre colonnes milliaires furent trouvées à 
distance égale l'une de l'autre; elles marquaient qua- 
rante, quarante et un, quarante-deux et quarante- 
trois mille pas d'Augusta 2 . 



. . . PRO SALVTE 
DËO MËRCVRIO 



. . . vs 



2 Voici l'inscription de Tune d'elles : 

« Imper ator C césar, Lucius Septimius Severus, pius , Pertinax, Au- 
gtutus, ArabicuSy Adiabenictis , Parthieus, Maximus, pontifex maxi- 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 87 

A droite, un embranchement de route conduit à 
Kemnath, lieu dont le nom celto-grec exprime lui- 
même remplacement d'un poste militaire, et dont la 
tour, élevée sur le sommet de rocs élancés, dominait 
le val de la Wertach qu'elle pouvait au loin explorer 
jusqu'à Augusta. Elle correspondait avec toutes les 
tours fortes des environs, et devait être d'une im- 
portance majeure comme point de signal. En arrière 
s'étend une plaine, et sur le penchant de la montagne, 
à une portée de fusil du point culminant, se dis- 
tingue la place d'un ancien camp, espace long de 
deux cents pas, et large de cent vingt, dont les dé- 
bris de remparts et de fossés ont été explorés il y a 
une quinzaine d années. 

H paraît que de Wageck un chemin de communi- 
cation allait par les camps de Westerried, et par 
Wengling et Herschzell, où se montrent aussi quel- 
ques traces de fortifications, joindre le camp de Kem- 
nath, et qu'au nord, par Germaringen et Gutenberg, 
un autre embranchement reliait les différents castels 
de Navoe. 

Le camp de Baisweil, situé, ainsi que l'indique la 
colonne milliaire qui y fut déterrée, à quarante milles 
d'Augusta, fut, d'après une tradition, remplacé au 
moyen âge par un châtel dont les ruines ont elles- 
mêmes disparu. 

«mus, tribunilia potestate VUIl, imper ator XII, consul H, pater 
» patries, proconsul, et imper ator Cœsar Marcus Âurelius Ântoninus, 
« pius , Augustus , tribunitia potestate IIH , proconsul , et imperator 
« Publias Septimius Geta , Augustus , tribunitia potestate , vias et pon- 
« tes restauraverunt ab Augusta M. P. XXXI. » Intelligenzblâtter des 
lllerkreises , année 1814, p. 667-671. 



188 ÉTABLISSEMENTS R0MA1KS 

Toutefois les siècles n'ont pas entièrement auéanti 
les vestiges des fortifications romaines. On distingue 
encore leur tracé et les profonds sillons des fossés 
qui l'entouraient. 

L emplacement que la forteresseoccupait se nomme 
encore aujourd'hui les Burggrœben \ et la plaine qui 
s'étend à ses pieds, le Weiher*; ce qui semblerait 
prouver qu'à l'époque lointaine qui nous occupe, un 
étang recouvrait cette plaine et protégeait les abords 
de la colline où le castel s élevait, dominant les deux 
embranchements de route d'Abodiacumet de Nema- 
viae,et les vallées de la Mindel et de la Flossach, où 
la population celto-romaine a laissé partout de ses 
souvenirs. 

Une immense quantité de tumuli sont encore vi- 
sibles non loin de ce endroit et s'étendent l'espace de 
trois lieues jusqu'au delà de la Wertach. Ils montrent, 
près de Lauchdorf , près de Schliengen , près de Ried , 
près de Ketterschwang et de Gutenberg , leur sphé- 
rique gazonnement. Si on les ouvre, rien ne se pré- 
sente aux regards que des fragments de grossières 
urnes cinéraires. 

Cette circonstance a fait demander à quelques ob- 
servateurs si ces ossements, si, ces cendres ne sont 
pas ceux d'Alleraanes et de Romains, tombés en- 
semble en combattant, et si peut-être ces plaines qu'ar- 
rose la Wertach , ne sont pas celles qu'ensanglanta , 
en 274, la défaite des premiers, sous le règne d'Au- 



4 Le fossé du fort. 
2 Le vivier, l'étang. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 1 89 

/ rélien, ou celles dans lesquelles Constance Chlore, à 
qui cette première victoire fut principalement due, 
battit de nouveau ces peuples, en 298, étant lui- 
même césar 1 . 

Nous visitons près de Wœrishofen les traces d'un 
castel, placé sur les bords de la Flossacb , et, sui- 
vant à gauche la route qui bordait le cours du tor- 
rent , nous nous dirigeons jusqu'au prétoire de Ne- 
maviae. 

Ce camp, placé, comme nous l'avons dit, sur le 
Goldberg, près de Turkheim, fut fouillé à plusieurs 
reprises; chaque fois il a offert des décombres de 
bâtisses et du bois charbonné ; ce qui semblerait an- 
noncer que le feu l'a détruit. 

Le Pœnebourg, autre castel romain, à un quart 
de lieue du premier, montre encore le carré de ses 
antiques remparts et fossés. Trois portes conduisaient 
dans son intérieur, où l'on trouva une monnaie de 
Trajan de Tan 1 16 de Jésus-Christ. 

À Turkheim est placée devant la porte du château 
une pierre milliaire privée d'inscription, soit que 
cette inscription ait été détruite par les siècles, soit 
qu'elle n'ait jamais existé. Dans le premier cas, sa 
distance d'Augusta devait être marquée de vingt- 
cinq mille pas, et, dans le second, la pierre date- 
rait de la première période romaine dans ces con- 
trées. 

De Nemaviae à Rapis, nous suivons de nouveau la 

1 « Quid commémorent Lingonicam victoriam, etiam imperatoris vul- 
«nere gloriosam? Quid Vindonis campos, hostium strage apertos et 
tadhuc ossibus complètes?* Eumène, JPaneg., vi, c. 6. 



190 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Table de Théodose qui, de Navoe à cette station, marque 
vingt-quatre mille pas, et dix-huit mille de Rapis à 
Augusta. 

En nous guidant, d'après cette carte routière, ce 
sera dans les environs de Schwabeck , dont le château 
du moyen âge avait été construit sur l'emplacement 
du fort romain, destiné à protéger le pont jeté sur la 
Wertach, qu'il faudra la chercher. 

Le camp principal était placé à un demi-quart de 
lieue plus au nord-ouest, sur le soi-disant Bùschel- 
grœben, montagne aujourd'hui recouverte de chênes 
que six siècles ont vu croître et verdir. Sur le Burg- 
halden était posé un autre castel. 

Sous ces fortifications se partageait l'embranche- 
ment des deux routes de Guntia et d'Augusta, dont 
la première , par Munster et sous le castel de Brenn- 
bourg, allait sur les bords de la Schmutter aboutir 
au camp du Bùschelberg, près de Fischach. 

Les travaux stratégiques qu'y firent les Romains y 
ont laissé leurs vestiges. 

Au bas de la montagne, une redoute, dont les fossés 
ont été comblés , montre encore ses antiques glacis. 
En arrière, le mont s'élève en trois terrasses, pré- 
sentant les traces des remparts et des fossés qui en 
défendaient alternativement l'abord. Sur le sommet 
s'élevaient le camp proprement dit et sa tour, dont les 
signaux pouvaient au loin être vus de toutes les tours 
fortes environnantes. Elle correspondait avec celle 
du Wolfsberg, en communication avec les diverses 
positions fortes des deux vallées de la Zusam et de la 
Laugna, où de distance en distance se montrent dans 



DU RHIN ET DU DANUBE. 191 

tout leur cours tantôt les traces d'un castel , tantôt 
celles d une tour isolée. 

La route romaine de la rive gauche de laWertach 
est encore assez intacte sur les hauteurs qui dominent 
la rivière. 

En suivant son cours, nous passons sous le Gug- 
genberg, dont le nom seul semble attester qu'il dut 
être surmonté d une tour d'observation, et par Strass, 
auquel la route a donné son nom ; par Pfersée nous 
rentrons à Augusta. 

Cependant la grande voie militaire suivait la rive 
droite de la Wertach et passait par Aitingen , Bo- 
bingen, Inningen et Gœggingen, tous villages où 
furent en plus ou moins grand nombre trouvées des 
monnaies romaines et d autres antiquités. 

Cette rencontre de monnaies, dans une direction 
suivie, est presque toujours une preuve évidente du 
cours d'une antique chaussée, à défaut de ses ves- 
tiges que le temps a fait disparaître. 

Aussi sera-ce notre seul guide pour nous diriger 
sur lescamps de Viaca qui sont marqués sur la Carie 
routière de Théodose à la distance de vingt mille pas 
d' Augusta , et qui , à une époque où l'Empire était 
menacé dans sa barrière du Danube et de l'Uler, 
semblent avoir été élevés pour soutenir, en arrière 
du fleuve et de celte rivière, les approches de la ca- 
pitale de la province. 

C'est ce qui rend compte du silence qu'en garde 
F Itinéraire d'Àntmin, rédigé à une époque antérieure, 
sous le règne de Caracalla , et avant que le grand 
rempart eût jamais été rompu. 



192 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Ces camps s'appuyaient principalement sur la 
Mindel, sur la Kamlach et sur la Gfinz, protégeant 
les diverses routes de Mont-Cœlius, de Guntia et 
de Finiania, qu'ils couvraient de leurs retranche- 
ments. 

Leurs restes se montrent encore à Krumbacb , où 
paraît avoir été le prétoire; àHohen-Raunau et sur le 
Tobel , castels élevés l'un et l'autre à quelque distance 
des deux côtés correspondants de la Kamlach ; à Wal- 
tenberg , à Olgishofen , dernier lieu où furent trouvées 
quantité de monnaies romaines de Gordien III, des 
deux Philippe ,d'Otacilla, l'épouse du premier de ces 
empereurs , de Dèce, de Gallus, de Valérien et de Gai- 
lien; à Breiten thaï, à quelque distance, sur la gauche 
de la Gùnz, où furent de même trouvées quelques 
monnaies de Constance et de Constantin, et, sur la 
rive droite de la même rivière, à Deissenhausen, dont 
le castel était destiné à protéger le passage de la 
route qui de Finiania y descendait par le camp de 
Weissenhorn. 

Nous sommes guidé dans notre course par les 
antiquités et surtout par les monnaies qui ont été 
trouvées à Diedorf, à Anhausen , sur le Sandberg et 
dans ses environs, à Kutzenhausen , à Steinenkirch 
et sur le Wolfsberg. 

La situation de tous ces lieux ne permet pas de 
douter qu'arrivée à la Scbmutter, près de Dietbkirch , 
la route sortie d'Augusta se partageait en deux 
branches, dont l'une, par Kutzenhausen et Wolfs- 
berg, était la grande voie militaire de cette capitale 
à Finiania, et dont l'autre devait nécessairement 



DU RHIN ET DU DANUBE. 193 

atteindre le Buschelberg , près de Fischach, el par 
le castel de Burg 1 aboutir au prétoire des camps de 
Viaca. 

Ces camps, stratégiqucment placés pour défendre, 
comme je l'ai dit, l'angle formé par la jonction de 
Piller et du Danube, étaient liés aux fortifications 
de Guntia et de ses environs par une autre route 
qui, partant de Deissenhausen , passait parObereck, 
Hausen et Waldstetten, près duquel l'antique voie 
romaine , qui circule au milieu des forêts , sert encore 
aujourd'hui aux communications 2 . 

Quelques tours d'observation , placées de dislance 
en distance, servaient aux signaux, et surtout celle de 
Kemnatb , dont le nom , analogue à celui du castel que 
nous avons plus au sud visité près de Navoe, atteste 
la même origine antique, et celle qui, placée sur le 
cône où, au moyen âge, les chevaliers de Watten- 
weiler bâtirent sur ses ruines leur châtel, et dont 
remplacement, aujourd'hui privé de murailles, a 
cependant offert quelques monnaies et quelques 
autres moindres antiquités, pouvait explorer tout le 
val de la Gûnz, à une distance de six à sept lieues. 

A l'ouest, un autre embranchement de route abou- 
tissait au Mont-Caelius, forteresse dont parlent à la 
fois et V Itinéraire d'Anlonin et la Notice de V Empire , 
et qui , sans être aussi élevée que son nom semble 

4 Entre Burg et Krumbach furent aussi trouvées, sur le territoire de 
Brunnach et de Mindelzell, trois monnaies d'Adrien, d'Antonin-le-Pieux 
et de Constantin. 

2 Dans tous ces lieux et leurs environs ont été trouvées quelques 
monnaies. 

H. n 



194 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

l'indiquer, 1 était cependant assez pour dominer au 
loin le cours de l'Iller dont elle défendait le pas- 
sage 1 . 

Sur l'emplacement du lieu antique s est perpétué 
le bourg de Kellmûnz, dont l'église est elle-même 
posée sur la base inébranlable d'anciennes murailles 
romaines. A l'exception cependant des monnaies 
trouvées dans ce bourg, nul monument de l'époque 
romaine n'en a été retiré, et toutes les ruines qui 
nous y frappent encore datent du moyen âge qui a 
substitué ses constructions aux murs renversés d'un 
temps antérieur. 

Nous ne pouvons juger de l'importance du lieu que 
par la Notice de l'Empire, qui , dans ses murailles, fait 
tenir garnison à la troisième cohorte Herculéenne 
des Pannoniens, sous les ordres de leur tribun 2 . 

V Itinéraire d'Antonin* place le Mont-Caelius à seize 
mille pas de Guntia et à quatorze mille de Campo- 
dunum. 

H marque ensuite vingt-deux mille pas de Guntia 
à Augusta. 

Mais toutes ces distances sont trop faibles. 

Il faut que dans les divers manuscrits les nombres 
aient été mal indiqués, à moins qu'aux milles mar- 
qués par eux, l'on ne substitue des lieues {kugœ) 



4 Cette route passait de Krumbach par Olgishofen , par le bois de 
Schwendi et par Unter-Schœnegg , où quelques fortifications assuraient 
aussi le passage de la Gûnz, et, au delà , par Osterberg et Weiler, où 
ses traces sont encore bien reconnaissables. 

2 Not. dign. imp. occid., p. 1978, édit. citée. 

3 Édit. de Wesseling, p. 250. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 195 

qui, d'après Marcellin, étaient de 1500 doubles pas ou 
de 7500 pieds romains; ce qui égaliserait également 
les distances d'Augusta à Guntia, et de Guntia au 
Mont-Caelius, puisqu'un mille est à une leuga comme 
deux est à trois ou comme quatorze est à vingt 
et un. 

Nous aurions alors d'Augusta à Guntia vingt- deux 
lieues ou trente -deux mille pas, et de Gunlia au 
Mont-Caelius seize lieues ou vingt-six milles. Quant 
à la distance du Mont-Caelius à Gampodunum, elle 
aurait été, en suivant un des manuscrits de Paris, 
et en substituant toujours des lieues gauloises aux 
milles indiqués, de vingt -quatre lieues; c'est cette 
distance qui sépare, en effet, Kempten de Kell- 
mûnz 1 . 

La route du Mont-Caeliue à Gampodunum paraît 
avoir eu deux embranchements : l'un , passant par 
Memmingen, parTeisselberg, dont les traces du castel 
sont encore visibles, et par Falken et le castel d'Haï- 
denwang; l'autre, suivant le cours de llller, par Alt- 
hayn , Bronnen , Kronbourg et Rotbenstein , tous lieux 
qui semblent avoir eu sous Borne quelques fortifi- 
cations; à Bronnen se trouvait sans doule le passage 
de llller. 

C'est là que venait aboutir la via Claudia de la 
Table de Théodose, qui, sans mentionner ni Cam- 

1 Les autres manuscrits qui tous portent le chiffre XIIII et que Ton 
a suivi pour les éditions modernes de Y Itinéraire , ont incontestable- 
ment une trop faible distance. 

Comparez , pour plus d'éclaircissements , Parthey et Pinder, ltin. 
Ant., p. 116 et 120, et Wesseling, p. 237 et 251. 

II. 13 ' 



1 96 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

podunum ni le Mont-Caelius, conduit directement 
de Vemania à Viaca, laissant, par conséquent, à 
droite, la première, à gauche, la seconde de ces 
deux villes. 

Les castra Vemania comprenaient toutes les forti- 
fications jetées sur les deux rivières d'Argen qui , pre- 
nant leur source Tune et l'autre dans le comté de 
Kœnigseck, se réunissent non loin d'Achberg, et 
coulent ensemble dans le lac de Constance près de 
Langenargen. 

Ce fut donc pour protéger la frontière nord-est 
du lac et couvrir les passages des Alpes penniques, 
où le Lecb prend sa source , que ces camps furent 
élevés. 

Ils s appuyaient au sud sur les deux places fortes 
de Taxgsetium et de Brigand a, et à Test sur la for- 
teresse de Campodunum, où nous avons vu que dans 
les derniers temps de l'Empire résidait le chef de la 
troisième légion italique, dont le gouvernement s'é- 
tendait d puis Vemania jusqu'à Cassiliacum, le mo- 
derne Kislegg 1 . 

La seconde aile Valérienne des Séquaniens était 
alors placée dans ces camps sous les ordres d'un tri- 
bun. Sans doute il résidait à Isny, qui semble en avoir 
été le prétoire, et où, à une époque antérieure, les 
diverses cités des environs avaient ensemble élevé 



< Voy. la Not. imp. Il y a peu d'années que tout près de Kislegg une 
jeune fille trouva à Unterhorgen un vieux pot rempli de six cents pièces 
romaines toutes d'argent. Elles étaient la plupart des règnes de Com- 
mode, de Septime Sévère, de Caracalla, d'Héliogabale , d'Alexandre 
Sévère , de Gordien III , de Philippe I , de Valérien et de Gallien. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 197 

un monument au divin Antonin- le -Pieux, fils 
d'Adrien. 

L'inscription de ce monument nous a été conservée 
par la chronique de l'abbaye dlsny et par le moine 
historien qui a laissé manuscrite l'histoire des dy- 
nastes de Trauchbourg 1 . 

Le titre de xi tés donné aux villes qui en firent la 
dédicace, prouve toute leur importance. Sans doute 
celle dlsny comprenait l'enclave de tous les camps 
de Vemania, dont faisaient partie ceux de Wangen*, 
de Thaldorf et de Gestraz, et les diverses tours 
fortes de Nellenbruk, de Wengen, d'Alt- Trauch- 
bourg, et plusieurs autres lieux peut-être, sur les 
décombres desquels la noblesse allemane bâtit plus 
tard ses demeures; car nul canton dans tout le pays 

1 Politisch-statistische Geschichle der Dynastie Trauchburg. 
Voici l'inscription : 

IMP . . . CAE . . . 

DIVI F. DIVI. TRAIANI. N . . . 

DH1. NERVAE. PRONE. 

ANTONINO. AVG. PIO. 

PONT. MAX. TRL . . 

POT. VU. 

cos. un. p. p. 

C1VITATES. 

Imperatori Cœsari , divi Hadriani filio , divi Trajani nepoti , divi 
Nervœ pronepoti , Antonino Àugusto , pio, pontifici maximo, tribu- 
nitia potestate Vil , consuli 1111 , patri patriœ , civitates. 

2 Le nom de Wangen , ainsi que celui de Wengen , vient lui-même 
de Vemania. 



1 98 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

n'offre un nombre plus considérable de vieilles ruines 
el de vieux châtels. 

S'il faut en croire une antique tradition, le nom 
que porte la ville d'Isny lui viendrait du culte d'Isis, 
qui y fut en honneur, et dont le temple s'élevait, dit- 
on, sur la montagne qui domine le hameau de Burg- 
wang\ et où semble avoir été posé un castel qui 
défendait le passage de l'Argen. Tous les murs en 
ont toutefois été rasés. La route , protégée par une 
tête de pont, passait sous la tour d'Ail- Trauch- 
bourg, où fut trouvée là pierre milliaire dont j'ai 
donné l'inscription en faisant la description de Cam- 
podunum, et par le Wengerthal s'élevait, comme 
aujourd'hui, sur le Buchenberg, où, au milieu du 
bois, sont encore engloutis les murs d'un ancien 
camp 2 . 

Des monnaies romaines trouvées à Eschach , des 
traces de fortifications dans les forêts de Kirnach 
et de Waldenberg, peuvent faire présumer qu'un 
chemin de traverse suivait au nord -est cette direc- 
tion. 

Au sud -est, un autre chemin allait probablement 
par Goldbûhl et Freundholzen , lieux où l'on a trouvé 
quelques antiquités, aboutir à l'IUer dont il remontait 
le cours. 

Quant à la route de Vemania à Brigantia , toute 
trace en a disparu , et il est impossible de préciser 
par où elle passait. 

1 La Betlmauer. 

4 Voy. Karrer, Geschichte der Stadt Kempten, p. 490. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 199 

Bregenz a conservé le nom de la ville antique de 
Brigantia. 

Il en est parlé dans Ptolémée, dans Pline et dans 
Strabon; et, à en juger par 1 étendue du sol où l'on 
a trouvé des monnaies et d autres antiquités romaines, 
ainsi que des fondements de bâtisses, cette cité dut 
être grande et populeuse. 

Des divers monuments qui la décoraient, il ne 
nous est parvenu qu'une inscription burinée dans une 
pierre en l'honneur du dieu Mercure A r ce ci us 1 . 

Cette inscription est intéressante en ce qu'elle nous 
indique que dans cette place tenait garnison une par- 
tie de la troisième légion italique, troupe qui, plus 
tard, dans les derniers temps de l'occupation ro- 



IN. H. DD. 

DEO MERCVRIO 

ARCECIO EX VO 

TO ARAM. POSVIT 

SEVERIVS SEVE 

RIANVS SVB COS 

LEG III ITAL F 

. . GORDIAN . . . 

. « . mtmU ... \a\) . . 

S. L. 



..M. Ant. Gordiano Augusto 11 et T. Cl. Pompeiano H Consu- 

h bus. (An 241 de Jésus-Christ.) 

Voy. Welser, Inscript., fol. 43, n° 19; Gruter, Monument., fol. 59, 
n°10. 



200 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

maine, fut remplacée par un nutnerus des Bar ba- 



ncaires 1 



La Notice de l'Empire, qui nous confirme ce dernier 
fait, dit expressément que le préfet qui les comman- 
dait 3 , résidait à Briganceou aux confluents*, nom qui 
n'est donné nulle part à ce lieu que dans cette occa- 
sion, et qui ne peut s'expliquer que par sa position 
rapprochée de l'embouchure de la Bregenz dans le 
lac Brigantin. Son enclave devait s'étendre au sud- 
ouest jusqu'au Rbin, où, près de l'entrée du fleuve 
dans le lac, s'élevait le fort de Rheineck 4 , que Y Itiné- 
raire d'Anlonin ne mentionne point, parce que, à 
l'époque où ce routier fut rédigé, il n'existait point 
encore , mais qui , comme nous l'avons vu , bâti plus 
tard par Constance Chlore, lorsque cet empereur 
prit soin de fortifier tout ce côté du lac contre les 
irruptions des Allemanes 5 , est placé sur la Table 



1 Voy. Not. dignit. imp. occid., édit. citée, p. 1977, et le Commen- 
taire de Pancirole, c. 82, dans le Grœvii Thesaur. antiquit. roman., 
t. VII. 

D'après cet auteur, ces soldats étaient ainsi nommés ou de la riche 
armure qui les recouvrait , ou parce que peut-être aussi ils étaient en- 
rôlés parmi les nations barbares non soumises à l'Empire. Justinien 
définit les Barbaricaires , argenti vel auri distractores et officinatores. 
D'après cette explication , l'on pourrait croire que c'était une compagnie 
de mineurs et qu'elle portait ce nom parce que le travail des mines et 
la frappe de l'argent étaient effectivement confiés aux barbares. 

2 Prœfectus numeri Barbaricariorum. 

3 Confluentibus sine Brecantiœ. 
* Ad Rhenum. 

5 Tome i, p. 189. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 201 

Théodosienne comme station intermédiaire entre Bri- 
gance et Arbon 1 . 

Au nord , cet enclave devait s étendre jusqu'au fort 
de Lindau qui , ainsi que ses dépendances , recouvrait 
les trois îlots où est aujourd'hui située la ville de ce 
nom «baignant ses murs dans les flots bleus du lac que 
dominent devant elle, dans le fond du tableau, les som- 
mets élancés du Vorarlberg. C'est sans doute l'île dont 
parle Strabon, YoQfirjvr^iov Tipeçïov, le receptaculum 
Tiberii, dont ce général s était emparé sur les Vindé- 
liciens, et près duquel il les vainquit dans un combat 
naval 2 . 

De toutes les constructions que Rome y éleva, il. ne 
subsiste plus que les restes d'une tour forte, nommés 
indistinctement par l'habitant le mur de Tibère et le 
mur des Païens f et un autre pan de muraille qui sert 
à fermer le port dans l'îlot du Burg, où a dû exister 
un fort que Ton attribue à Constance Chlore qui, 
après avoir défait les Allemanesjeleva pour la sûreté 
des vaisseaux qui y étaient amarrés. Déjà plus d'une 
fois des monnaies romaines ont été trouvées dans ces 
deux endroits 3 . 



1 Tabul. Theod., segm. 1ABC, segm. 2A. 

2 Strabon , Géogr., I. vu, p. 332 de redit, de Bâle. 

3 Gruter cite l'inscription suivante comme ayant été trouvée à 

Lindau : 

DUS MAXIMIS 

BACCHO ET SOMNO 

HVMANAE VITAE 

SVAVISSIMIS 

CONSERVATORIB. 

Je ne m'en prévaudrai pas comme d'une preuve en faveur de l'an- 



202 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Sous ce dernier empereur et sous ses successeurs , 
les camps de Brigance devinrent surtout importants 
comme formant, au sud-ouest, la frontière de l'Em- 
pire contre les Lentiens, peuplade allemane qui, 
comme nous lavons vu, s'était répandue tout le long 
de la rive septentrionale du lac Brigantin. 

Cette contrée, aujourd'hui si suave et d'un aspect 
si riant et si fertile, est représentée sous une teinte 
bien différente par l'historien Marcellin, qui nous 
dépeint l'inclémence de son climat et la sombre 
horreur des forêts où ces peuples s'étaient retran- 
chés \ 

Quoique la couleur en soit peut-être outrée, son 
tableau n'en est pas moins digne de remarque. 



tiquilé de ce lieu , parce que l'antiquité romaine de la pierre d'où cette 
inscription doit avoir été tirée ne me semble pas elle-même assez 
prouvée. 

Le sommeil était , comme dieu , représenté sous les mêmes attributs 
à peu près que Bacchus, et il est assez difficile de les distinguer l'un 
de l'autre. Comme figure allégorique , c'est sous les traits d'un jeune 
homme puisant dans une corne d'abondance des pavots et répandant 
les songes , et quelquefois aussi sous les traits d'un enfant endormi , 
tenant un pavot à la main, et ayant à côté de lui un lézard, qu'il était 
représenté. 

Du reste , le culte de Bacchus était répandu dans l'Helvétie , ainsi 
que le prouvent deux inscriptions d'Aventicum , sur le lac du même 
nom. Il pouvait aussi bien avoir des autels dans la Rhétie , sur les bords 
du lac Brigantin. 

1 ... «Rhenus lacum invadit rotundum et vastum, quem Brigan- 

« tiam accola Rhœtus appellat , perque quadringinta et seœaginta sta- 
o dia longum , parique pœne spatio late diffusum , horrore sylvarum 
«squalentium inaccessum, {nisi qua vêtus illa Romana virtus et sobria 
« iter composuit latum) barbarie et natura locorum et cœli inclementia 
«refragante.n Amm. Marcel., I. xv, c. 4. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 203 

A l'embouchure de l'Argen , dont le cours lent et 
boueux dut, avant que la culture eût élagué ces 
forêts, entretenir les vastes marais qui avoisinaient 
le lac, était située Argentaria, lieu dont ce seul his- 
torien ait aussi fait mention dans 1 antiquité. 

Cette ville est célèbre par la victoire que les deux 
généraux de Gratien,Nannienus et Mallobaude, roi 
des Francs, et comte du palais , remportèrent sur les 
Lentiens, en 378. 

Cependant tous les chroniqueurs français et d autres 
historiens, tels que Rhenanus, Stumpf, Crusius, 
Schœpflin , etc., ont cherché ce champ de bataille 
sous les murs d'Argento varia , en Alsace, lieu cité 
par X Itinéraire d'Ântonin entre Rauraque et Argen- 
torat. 

Si Ton étudie le passage d'Ammien Marcellin 1 , il 

4 Voici le texte de l'auteur : 

« Etjam Lentiensis Alamannicus populus, tractibus Rœtiarum 

«con finis, per fallaces discursus violato fœdere dudum concepto, col- 
a limitia nostra tentabat : quœ clades hinc exitiale primordium sumsit 
m Ex hoc natione quidam inter Principis armigeros militons, poscente 
tnegotio revenus in larem , ut erat in loquendo effusior, interrogantes 
«multos, quid ageretur in palatio, docet arcessitu Valenlis patru% 
«Gratianum Orientemversus mox signa moturum : ut duplicatis viribus 
«repellantur plagarum terminalium accolœ, ad Romanorum verum 
t excidium conjurati. Quibus avide Lentienses acceptis } ipsi quoque hœc, 
a quasi vicini, cémentes, ut sunt veloces etrapidi, conferti in prœda- 

Htorios globos, Rhenum gelu pervium pruinis Februario mense 

« tendentes prope cum Petulantibus Celtœ , non sine sui jactura a/flic- 
« tos graviter adultis viribus averterunt. Verum retrocedere coacti Ger- 
«mam, atque noscentes, exercitus pleramque partem in lllyricum, ut 
ik Imper at or e mox affuturo } prœgressam, exarsere flagrantius : majora- 
«que conceptantes , pagorum omnium incolis in unum collectis , cum 



204 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

est toutefois évident que ce ne fut point dans les 
Gaules , mais aux frontières mêmes de la province 
romaine , où les Lentiens habitaient, que cette bataille 
se donna. 

L'historien, en effet, rapporte que ces peuples, 
d'origine allemanique, voisins de la Rhétie, ayant 
appris par un de leurs transfuges, qui servait dans 
l'armée impériale, que Gratien se proposait de porter 
la guerre en Orient, passèrent en plusieurs bandes, 
au mois de février, le Rhin sur la glace. 

Malheureusement le texte de Fauteur est inter- 
rompu. 

Mais, malgré cette lacune, on voit que, par les efforts 
mêmes des Gaulois qui , sans doute , s'opposèrent aux 
déprédations des Lentiens, ceux-ci furent obligés 



« quadraginta armatorum millibus, vel septuaginta , ut quidam laudes 
« extollendo Principis jactitarunt , sublati in superbiam nostra confi- 
<f dentius irruperunt. Quitus Gratianus cum formidine magna comper- 
c tis, revocatis cohortibus, quas prœmiserat in Pannonias , convotatis- 
« que aliis , quas in Galliis retinuerat dispositio prudens , Nannieno ne- 
tgotium dédit virtutis sobriœ duci: eique Mallobaudem junxit pari po- 
« testate collegam, domesticorum comitem, regemque Francorum, virum 
ttjbellicosumet fortem. Nannieno igitur pensante fortunarum versabiles 
«casus, ideoque cunctandum esse censente , Mallobaudes alta pugnandi 
«cupiditate raptatus, ut consueverat, ire in hostem differendi impa- 
« tiens angebatur. Proinde horrifico adversum fragore terrente, pri- 
a mum apud Argentariam signo per cornicines dato , concurri est cœp- 
« tum, etc.» Âmm. Marcel., Annal., 1. xxxi, c. 10. 

Et plus loin : 

a Hac lœti successus fiducia Gratianus erectus , jamque ad partes ten- 
« dens Eoas , lœvorsus flexo itinere latenter Rheno transito , spe incita- 
« tior bona , universam } si id tentanti fors adfuisset > delere statuit ma- 
« lefidam et turbarum avidam gentem, etc.» L. XXXI, C. 10. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 205 

de reculer et, par conséquent, de repasser le fleuve; 
car il est dit ensuite qu'ayant eu connaissance que 
déjà la majeure partie de l'armée romaine était en 
marche pour l'Illyrie , ils conçurent des projets plus 
hardis, et que, se réunissant en masse de toutes 
les parties de leur pays, au nombre de quarante à 
soixante- dix mille hommes, ils se ruèrent sur la 
frontière romaine. 

C'est donc ici une seconde expédition. 

Le territoire qu'ils vinrent menacer ne pouvait 
être l'Alsace, puisque, pour atteindre cette contrée , 
ils eussent été obligés de traverser l'Abnoba , et qu'ils 
eussent, par conséquent, aussi entraîné avec eux 
les Allemanes de la vallée du Rhin , dont il n est, au 
contraire, fait aucune mention. Il est certain que les 
Lentiens étaient alors seuls sous les armes. C'est donc 
le pays qu'ils avoisinaient et, par conséquent, la 
Rhétie que, dans leur audacieuse levée de boucliers, 
ils voulurent envahir. C'est alors que les légions qui 
étaient déjà en marche pour la Pannonie, reçurent 
Tordre de rétrograder afin de s'opposer à leur incur- 
sion, et que, secourues par les troupes qui furent 
envoyées des Gaules, elles battirent ces barbares 
sous les murs d'Argentaria , lieu situé sur les rives 
du lac. 

C'est tellement clair, que l'historien dit ensuite que 
l'empereur, qui était déjà en route pour l'Orient [ad 
partes lendens Eoas) > revint par un chemin détourné, 
et que, traversant le Rhin, il rejoignit son armée et 
commença, à la tête des troupes, la campagne qui 
se poursuivit contre les Lentiens sur leur propre 1er- 



206 ÉTABLISSEMENTS ROMAIHS 

ritoire el sur les montagnes où ils s'étaient retran- 
chés, et où ils se défendirent si vaillamment que Gra- 
tien se vit forcé de renoncer à ses projets d'exter- 
mination et de faire la paix. 

L'erreur des historiens modernes vient de ce que , 
négligeant le sens du récit de l'ancien écrivain , ils 
ont confondu YArgenlovaria de la Germanie supé- 
rieure avec YArgentaria du lac Brigantin. Aucun 
géographe de l'antiquité, il est vrai, n a cité ce der- 
nier lieu; mais son nom s'est perpétué dans celui de 
Langenargen que porte le bourg moderne, assis sur 
le sol antique au bord du torrent, et qui, d'après le 
passage d'Ammien Marcellin, fut incontestablement 
le lieu près duquel le combat se donna. Là , sur ce 
sol marécageux , durent se heurter les légions et les 
bandes de Priar, qui déjà avaient envahi la frontière 
romaine de la Rhétie. Là, les Romains assaillis, 
lâchèrent d'abord pied, jusqu'à ce que de nouvelles 
troupes venant à leur secours, ils poussèrent à, leur 
tour les barbares qui, en arrière, s'élevèrent sur 
leurs montagnes et s'y retranchèrent. Là, sur ce sol 
élevé que les forêts alors recouvraient, se termina le 
drame de cette guerre dont les conditions de paix 
qui suivirent permirent au jeune empereur de pour- 
suivre, par Arbor Félix et Lauriacum 1 , sa marche 
vers llllyrie. 

La route que l'historien désigne avec tant de pré- 
cision dans ses pages, marque bien remplacement 

1 « Gratianus exinde digressus per castra, quibus Felicis Àrboris 

« nom§n est , per Lauriacum ad opitulandum oppresses parti porrectis 
« itineribus ire tendebat.% Amm. Marcel., 1. xxxi, c. 10. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 207 

où le second combat se donna ; car Marcellin n'eut 
point nommé la station d'Arbor Félix , sur les rives 
du lac Brigan tin, comme la première que Gratien 
toucha, si, parti d'un autre point du territoire en- 
nemi, il eût, pour atteindre ce lieu, été obligé de 
traverser d'autres villes. L'auteur a nommé cette 
station, ou plutôt la réunion des camps qui portaient 
ce nom, parce que ce fut le premier établissement 
romain que le souverain dut effectivement toucher, 
au delà du lac, en quittant les plateaux de la rive 
droite. 

Les Lentiens , peuple suévique que Gratien venait 
de vaincre, avaient succédé dans la possession de ce 
coin de la province aux Rhétiens décimes par Tibère, 
et aux colons gaulois, à qui Rome avait distribué des 
terres; ils s'y étaient établis en même temps que la 
vallée du Rhin était devenue la proie des autres tri- 
bas de la coalition allemanique. 

Us s'étendaient sur toutes les vallées situées entre 
riller et le lac , comprises au moyen âge dans divers 
cantons, dont celui du Linzgau a conservé le nom 
de ce peuple. 

Us y avaient porté leur culte, et avaient consacré 
à Wodan ou Odin le bassin argenté, dans les flots 
duquel, aux jours solennels, ils lançaient les chevaux 
indomptés , offerts en sacrifice à ce dieu 1 . La culture 

1 Le root allemand Bodemee , nom que porte le lac , est lui-même la 
corruption de Wodansee , lac consacré à Wodan ou Odin. Quant aux 
sacrifices des chevaux qu'on lançait dans les flots en son honneur, 
voy. dans les Actt. sanct. Boll. M art., t. i, p. 433-441 , la vie de saint 
Fridolin. 



208 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

que Rome avait portée sur les bords du lac disparut 
en grande partie pour laisser croître de nouveau 
ces immenses forêts dont Ammien Marcellin nous 
décrit les profondeurs, et qui, selon Fauteur de la 
Vie de saint Gai, existaient même encore lorsque la 
religion du Christ remplaça, au commencement du 
septième siècle, les sacriGces de Wodan. 

A cette époque, cette partie de l'ancienne province 
romaine au delà du Rhin était devenue le centre de 
l'administration du duché d Allenianie. C'était sous 
la suzeraineté des rois Francs, dans les murs dlJe- 
berlingen , que le duc Gunzo (613) avait porté sa ré- 
sidence, et avait placé le siège de son gouverne- 
ment 1 . 

Cette ville n'a elle-même rien offert qui rappelât 
l'époque romaine. Cependant il est incontestable que , 
lorsque le grand peuple fut maître du pays , le com- 
merce du lac, dont les produits allèrent, comme 
Pline l'atteste, jusqu'au sein de l'Italie, avait dû 
exiger dans tous les parages de ce vaste bassin des 
points de communication et d'échange. 

Le châtel de Wasserbourg , entre Argen et Lindau, 
dut protéger la route qui, suivant le lac au nord, 
allait aboutir aux vieux murs du Heidenschloss, dont 
nous avons déjà eu occasion de parler, et à la grande 
voie du Danube. 

Sur cette étendue considérable de côtes n'est cité 
dans l'antiquité que la seule station romaine de Tax- 
gaetium 2 par le géographe d'Alexandrie. 

'Voy. Wallafrid, 1. i, c. U. 

' Ta^YOtiTiov. 



DU RHIN ET DU DANUBE, 209 

Ce nom que lui donne Ptolémée n'est sans doute 
que la corruption du nom latin Trajeclium; d'après la 
position qu'il assigne à ce lieu , relativement à Bri- 
ganceetaux sources du Danube, il devait être placé 
entre ces deux points opposés. Or, cette situation est 
effectivement celle d'Ueberlingen, dont le nom alle- 
mand exprime exactement l'idée attachée au mot 
Trajectium (ou Trajectio), c'est-à-dire celle d'un lieu 
de passage d'un bord à l'autre du lac. C'était là sans 
doute que s'opéra le débarquement de Tibère quand 
il traversa le lac avec sa flotte pour gagner les sources 
du Danube. 

Strabon dit, en effet, que ce général, après avoir 
débarqué, se trouvait à une journée de marche des 
sources de ce fleuve 1 . 

Pour que Tibère ait pu les atteindre dans cet es- 
pace de temps, selon le rapport de l'historien géo- 
graphe, il faut nécessairement qu'il ait débarqué aux 
confins nord-nord-ouest du lac. Or, c'est dans ces 
parages que Ptolémée place, comme nous l'avons vu, 
Taxgaetium, près de la tête du Rhin, c'est-à-dire du 
lieu d'où ce fleuve commence son grand cours. 

Ces diverses circonstances peuvent faire regarder 
la ville moderne d'Ueberlingen comme la cité aile- 
mane qui succéda à la cité romaine. 

Les événements politiques dont elle fut le théâtre, 
les guerres qu'elle eut à soutenir au moyen âge, 
toutes ces raisons ont pu faire disparaître les traces 
de l'occupation romaine; mais ce que nous venons de 



* Strabon, cité ci-avant, p. U7. 



210 ÉTABLISSEMENTS ROMA1KS 

rapporter coïncide si bien avec sa position, son nom 
moderne répond si bien à son nom antique, que 
nous ne faisons nulle difficulté de placer sur son 
sol la ville romaine, même à défaut de toute ins- 
cription. 



DU RÏIIN ET DU DANUBE. 211 



QUATRIÈME PARTIE. 



POLITIQUE ET LÉGISLATION. 



Dans toutes les contrées où Rome étendit sa do- 
minalion , elle adoucit l'infortune des peuples vain- 
cus, en les associant à ses institutions. Pour prix de 
la liberté qu'elle leur ravit, elle leur donna sa civili- 
sation, et leur apporta ses lois, la pompe de son culte, 
son commerce et son industrie. 

Avant que ses légions touchassent le Rhin, tout le 
cours de ce fleuve lui était inconnu. 

Seulement elle avait appris, par la poétique imagi- 
nation des Grecs, que le Rhône et le Pô prenaient 
leurs sources au sein de plusieurs grands lacs qui 
communiquaient ensemble et qui donnaient aussi 
naissance à un troisième fleuve qui, au nord, allait 
se jeter dans l'Océan 1 . 

C était le Rhin. 

Ce qui donna probablement naissance à cette 
fable, ce fut la connaissance plus ou moins imparfaite 
que les habitants de Marseille eurent du lac Léman 

1 Apollonius de Rhodes, Argonaute l. iv, v. 627. 

II. "• 



2 (2 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et du lac Brigantin , dont ils entendirent parler dans 
leurs transactions commerciales. Elle ne cessa du 
moins d'être reçue comme une vérité que lorsque les 
Gaulois du nord de l'Italie eurent appelé contre eux 
les armes des Romains. Alors les vrais cours du Rhône 
et du Pô furent connus. 

Polybe , qui voyagea dans les Gaules un siècle avant 
les conquêtes de César, décrit ces deux fleuves en 
témoin oculaire. Les notions positives , mais bornées, 
qu'il recueillit lui-même , lui firent rejeter comme 
des fictions inventées à plaisir tout ce que les auteurs 
les plus anciens avaient raconté de la Celtique 1 . Mais 
il passe le Rhin sous silence. 

Ce ne fut que lorsque César eut pénétré dans les 
Gaules et que ce général eut planté les aigles ro- 
maines sur les rives mêmes de ce fleuve , dont il 
place les sources dans les monts habités par les Lé- 
pon tiens 2 , que les Romains connurent aussi son cours 
jusqu'aux rives de l'Océan. 

Sous Auguste, la puissance de Rome s'étendit sur 
toute la rive gauche du Rhin. Elle se servit des éta- 
blissements purement militaires qu elle y fonda, pour 
exercer son influence politique sur les peuples aux- 
quels, d'après les Gaulois, elle donna le nom com- 
mun de Germains. 

Ses diverses expéditions, comme nous l'avons vu, 
la rendirent maîtresse de tous les pays du Nord, de- 
puis la Lippe jusqu'à l'Océan. 

« Polyb., m, c. 38. 

2 César, De Bell G ail., I. iv, c. 10. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 213 

Or, d'après la cou lu me romaine, tout pays conquis 
devenait la propriété de l'État. D'après le droit de 
guerre, tout ce que la nation vaincue possédait, 
même ses lieux sacrés, même les choses appartenant 
au culte, était à la disposition du vainqueur. Ce der- 
nier était maître de la vie et de la propriété des ha* 
bitants; il en disposait à sa volonté. S'il usait de ce 
droit sans restriction, tous étaient vendus comme 
esclaves, ou entraînés en masse, ou même, dans quel* 
ques cas, exterminés. Leurs biens étaient confisqués, 
leurs terres devenaient propriété du fisc, et Ton s'em- 
parait même des simulacres des dieux, après les 
avoir d'abord évoqués. 

Ainsi le peuple vaincu cessait réellement d'exister. 

Mais la dédition avait-elle lieu, il échappait à l'es* 
clavage en renonçant seulement^ sa propre souve- 
raineté. 11 était obligé de donner des otages , de livrer 
ses armes et de recevoir des garnisons romaines. 
La plupart du temps il conservait ses propriétés, sa 
liberté individuelle;- c'était d'après les conventions 
stipulées entre le vainqueur et lui qu'étaient réglés 
les tributs, les contingents qu'il s'engageait à fournir 
aux armées, et les autres charges qui lui étaient im- 
posées. H devenait même l'allié du peuple romain, 
qui en cette qualité lui devait aide et protection en 
cas qu'il fût attaqué par ses voisins 1 . 

Dans tout le nord de la Germanie , les Romains , 



1 Voy . les divers passages de Tite-Live , de Polybe , de Gaius , de 
Festus , d'Appien, de Denys d'Halicarnasse , de Pline , de Saluste , etc., 
ou ces diverses particularités sont indiquées. 



214 ÉTABLISSEMENTS BOMAWS 

comme nous l'avons yu en Ira ça ni l'histoire de leurs 
diverses expéditions, usèrent de ces deux modes 
après la victoire. 

Les peuples de la rive gauche du Rhin qui se sou- 
mirent à eux conservèrent la plupart leur liberté in- 
dividuelle et leur territoire; ils devinrent les alliés 
des Romains avant même que tout leur pays fût ré- 
duit en province romaine. Les Ubiens, qui déjà de 
l'autre côté du Rhin avaient ressenti l'influence de 
leur politique et s'étaient mis sous leur protection , 
en reçurent du secours lorsque leur tribu fut en 
danger; ils acquirent sur la rive gauche une portion 
de lerriloire que les riverains se virent obligés de leur 
céder. Les Sicambres, au contraire, deux fois in- 
fidèles à leurs serments et aux traités, furent répar- 
tis, plus au nord, parmi les Ménapiens et les garni- 
sons romaines. Les premiers, en qualité d'alliés, 
trouvèrent asile et protection ; les seconds , domptés 
par la force, furent arrachés à leur terre natale et 
traités en esclaves. C'était le sort qu'avaient eu en par- 
tie à supporter les habitants de la Rhétie et de la 
Vindélicie subjugués par Tibère. 

Cette politique adroite qui , d'un côté, inspirait la 
confiance, de l'autre, la terreur, soumit aux Romains 
tout le nord de la Germanie jusqu'à l'Elbe. Toute la 
contrée depuis le Rhin jusqu'à ce fleuve, occupée 
par les légions, sous les ordres d'un proconsul, ne 
forma point cependant une province, dans le sens 
que ce mot comporte, quoique, géographiquement 
parlant, elle en fît une. Car il fallait toujours, pour 
qu'un pays conquis fût regardé comme une province , 



DU RHIN ET DU DANUBE. 215 

que le sénat sanctionnât par un décret la première 
institution de la part du général qui en avait fait 
la conquête, à moins qu'avant la conquête même, 
il n'eût chargé le général de cet acte. Or, c est ce 
qui n'avait pas eu lieu pour cette partie de la Ger- 
manie, où, en effet, le pays ne fut jamais que 
militairement occupé, où jamais les Romains ne fon- 
dèrent ni ville ni colonie, et où aussi, par conséquent, 
jamais le régime romain ne fut établi. C'est, au con- 
traire, pour avoir intempestivement tenté de l'intro- 
duire, que Varus fit perdre à Rome tout le fruit de 
ses victoires, et qu'à la voix d'Hermann, qui, au 
nom de la liberté et de la patrie , sut réveiller le 
courage de ses concitoyens et les soulever contre la 
* tyrannie, tout ce que les Romains avaient préparé 
pour l'œuvre civilisatrice fut anéanti. Après le combat 
de Teutobourg et le massacre des légions , tous les 
pays du Nord recouvrèrent leur indépendance, sans 
que les guerres subséquentes qui, momentanément, 
promenèrent les armes romaines dans toute la con- 
trée, pussent de nouveau y affermir le pouvoir im- 
périal. 

Dans le sud-ouest , au contraire, la colonisation 
suivit de près la conquête. 

Dès que Rome se vit maîtresse de la Rbélie et de la 
Vindélicie , elle fit une province de cçs deux pays et 
y transporta son administration. Pour en réparer la 
solitude et la dévastation , et pour confier, d'un autre 
côté, à la vigilance des vétérans le dépôt de la nou- 
velle conquête, elle établit la colonie d'Augusta , au 
sud du confluent de la Wertach et du Lech. 



2 1 6 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Cette ville devint le siège du gouvernement de la 
nouvelle province. 

Elle reçut un légat Auguste , avec le titre de pro- 
préteur, qui la régit au nom de l'empereur, à qu 1 
cette province appartenait. En lui résidait à la fois et 
le pouvoir civil et le pouvoir militaire % . 

A cette magistrature était ordinairement adjoint 
un procureur, chargé de la rentrée des contributions 
dues à l'État, et quelquefois aussi muni du pouvoir 
judiciaire. 

Du temps de Galba, ce dernier, dans la Rhétie, 
remplaça le proprétéur 2 . 

Cette prise de possession d'une contrée qui touchait 
aux montagnes qu'habitaient les Marcomans, et, 
d'un autre côté, l'assiette déjà redoutable que Rome* 
commençait aussi à prendre sur le Taunus et sur le 
Mein, firent craindre à ces peuples pour leur indé- 
pendance, et provoquèrent, comme nous l'avons vu, 
leur départ. Ils abandonnèrent l'Abnoba et l'Albe , et 
laissant au premier occupant une région où ils 
avaient trop à craindre pour leur liberté, allèrent en 
suivant le Danube chercher de nouvelles demeures 
au milieu du bassin auquel les Boïens avaient donné 
leur nom. 

Leur migration servit à la fois la politique et les 
intérêts des Romains , auxquels les vallées que les 
Marcomans venaient de délaisser furent ouvertes. 

1 Voy. ci-avant , p. 108 , les noms de ces officiers généraux qui nous 
ont été conservés. 

2 Tacite, Hist , i, H. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 217 

Sans combattre, ils se virent maîtres de tout le pays 
depuis la Vindélicie jusqu'au Rhin, et depuis le Mein 
jusqu'au Danube. Ils en prirent militairement pos- 
session. 

Sans faire une province de cette contrée, ils se 
contentèrent de l'enclaver dans leurs provinces gau- 
loises d'outre-Rhin. 

Nous avons dit que, sous la protection des armes 
romaines, furent alors appelés de toutes les parties 
des Gaules de nouveaux habitants à qui Rome assigna 
xles demeures, et qui défrichèrent les districts les 
moins sauvages, en se mêlant à ceux des habitants qui 
n'avaieut point émigré. Par une ancienne coutume 
rapportée par Àppien ', les seules terres de labour 
étaient mises en distribution lorsque, sur les traces 
d'un peuple vaincu, Rome étendait sa domination sur 
une nouvelle contrée. C'est ce qui eut aussi lieu dans 
cette partie de la Germanie, où plusieurs grands éta- 
blissements furent alors fondés par elle, et, entre 
autres, les Autels Flaviens, et surtout la colonie de 
Sumlocène que l'histoire ne mentionne nulle part , 
mais dont l'existence nous a é$é attestée par ses ins- 
criptions. Pour les peupler, elle fit appel aux vétérans 
et leur donna des terres. Ensuite elle continua cette 
distribution de terres qui donna lieu à d'autres en- 
droits moins importants 2 , lesquels eurent, comme les 
colonies, leurs décurions et leurs magistrats présidan t 

1 Appien, De bell. civil., lib. i, § 7 (t. H, p. 10 et il édit. Schweig- 
haeuser). 

2 Oppida, conciliabula. Consultez Livius, xxv, 5, 22 ; xxxix , H , 18 ; 
XL, 19, 37; XLiu, 14. 



218 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

à la justice et réglant les droits du marché 1 , et dont 
quelques-uns mêmes finirent par s'élever au rang de 
municipes. C'est, comme nous lavons fait voir, du 
modesyivi alors, en mesurant le terrain pour en faire 
la distribution, que toute la région prit le nom de 
champs décumates. 

De toutes ces villes , quelques-unes devinrent d'une 
importance majeure et prirent elles-mêmes le nom 
de république et de cité , nom qui atteste leur pré- 
pondérance sur tous les lieux environnants , et qui 
prouve un enclave considérable et une juridiction qui 
dut s'étendre au loin. 

Strabon, au premier siècle, et Dion Cassius au 
troisième, ont, après César, donné dans leurs écrits 
la démarcation des provinces de la Gaule. Le premier 
se contente, dans la description qu'il en fait, de citer 
les quatre grandes divisions d'Aquitaine, de Narbon- 
naise, de Lyonnaise et de Belgique. «Au delà de 
« l'Aquitaine et de la Narbonnaise, dit-il 2 , s étend une 
< autre portion de pays qui embrasse tout ce qui est 
«compris entre la Loire et le Rhône, depuis les 
«sources de ce fleuyp, dont le cours va atteindre 
« Lyon , jusqu'au Rhin. De cette étendue de pays, la 
«partie supérieure, située aux sources du Rhône et 
« du Rhin , appartient au territoire de Lyon , et le 
«reste, avec les côtes de l'Océan, est compté parmi 
«les régions que les Belges tiennent en propre;» ce 

1 A ce sujet, consultez Paulus , Sent, rec, iv, c. 2, et les fragments 
de la loi Manilia , 3 , 5; la lex rubrica de G allia cisalp., 23; la lex ta- 
bul. heracl.y p. il, lib. xlv, et le fragment de la loi Servilia , 12. 

2 Strabon , Geogr., au commencement du livre iv. 



c 
c 



DU RHIN ET DU DANUBE. 219 

qui confirme exactement ce qu'il dit après : c qu Au- 
«guste partagea en deux tout le pays qui n'était pas 
compris dans la Narbonnaise et l'Aquitaine, et que 
la première de ces deux parties qui s'étendait jus- 
c qu'au Haut-Rhin 1 , appartenait à Lyon, et que le 
c reste appartenait à la Belgique.» 

D'après ces deux passages de Strabon, il faudrait 
nécessairement conclure que toute l'Helvétie était 
comprise du temps d'Auguste dans la Gaule lyon- 
naise. 

Mais Pline 2 , d'un autre côté, et après lui Ptolé- 
mée 3 , étendent, au contraire, la Gaule belgique jus- 
que dans l'Helvétie; et le premier cite parmi les 
peuples de cette province les Séquaniens, les Rau- 
raques et les Helvétiens, assertion confirmée par le 
second, et, après lui, par le périple de Marcien, qui 
l'a copié; ils s'accordent à dire que la Belgique touche 
au sud la Narbonnaise, les Alpes et le mont Adula, 
et à l'est touche le Rhin. Ptolémée cite même à cette 
occasion le forum Tiberii et Ganodurum, lieux qu'il 
assigne à l'Helvétie, en plaçant dans la Séquanie 
Aventicum et la Colonia equeslris. 

Quelque peine qu bn se soit donnée pour concilier 
ces deux opinions, il existe à ce sujet trop d'incerti- 
tude pour que la question puisse être regardée comme 
irrévocablement résolue; le plus sage est de penser 
que la différence que nous trouvons entre elles pro- 



1 Ms^pi T(Sv ofvto fxepcov tou c P^vou. 

2 Pline, Hist. nat., 1. iv, c. 17. 

3 Geogr., 1. u, c. 8. 



220 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

vient du point de vue sous lequel les auteurs l'ont 
considérée, en s attachant trop ou trop peu à la di- 
vision ethnologique et géographique des contrées 
dont ils ont parlé, reproche que Ton pourrait faire, 
du reste, à tous les géographes qui les ont suivis jus- 
qu'à nos jours ou qui les ont commentés. 

Je ne m'y attacherai pas, parce que la question 
en elle - même est en dehors de mes recherches ; il 
me suffit d'avoir tiré du passage de ces trois écri- 
vains la preuve que tout le cours du Rhin jusqu'aux 
Rauraques faisait partie de la Belgique, qui elle- 
même comprenait les deux Germanies. D'ailleurs, 
nous avons pour le confirmer encore deux pas- 
sages dVEthicus Ister et surtout d'Orose et d'Isi- 
dore, d'une époque bien moins reculée, qui attestent 
que du temps de Constantin on avait encore l'ha- 
bitude de se servir de cette grande division; car le 
second dit expressément 1 : t que la Rhétie avait à 
c l'ouest pour frontière la Gaule belgique, et au nord* 
< ouest les sources du Danube et le rempart qui sé- 
cpare la Gaule de la Germanie;» et, plus loin «que 
c la Gaule est séparée à lest de la Germanie par le 
c rempart du Rhin.» Il donne exactement pour fron- 
tière celle que nous avons décrite, en nous arrêtant 
sur tous les établissements que les Romains y avaient 
fondés, et où nous avons lu leurs diverses inscrip- 
tions aux dieux gaulois ou de Rome. 

Sous Auguste, avons-nous dit, et après les victoires 
remportées par Drusus et Tibère, huit légions vinrent 

1 Orose, 1. 1, c. 2; Isidore, Etymol., 1. xiv, c. 4. 



DU RHIN ET MI DAHDBE. 221 

prendre possession de tout le cours du Rhin , depuis 
la Rhétie jusqu'à son embouchure, afin de contenir 
à la fois les Germains et les Gaulois ! . Cette armée 
prit le nom de Germanique, et fut partagée en deux 
grandes divisions, dont celle du Nord prit le titre 
d'armée de Germanie inférieure, celle du Sud celui 
d'armée de Germanie supérieure. Il s'ensuivit que le 
pays occupé par elle prit les mêmes noms, quoique non 
encore formé en provinces particulières dans le sens 
géographique, mais continuant dans la division de 
la Gaule à être compris dans la Belgique. A la tête 
de ces armées furent mis des généraux auxquels l'his- 
toire donne indifféremment le titre de légats , de pré- 
teurs, de présidents ou de consulaires 2 , et qui , aussi 
loin que s étendait le rayon des quartiers d'hiver de 
leurs troupes, gouvernèrent militairement le pays; 
je dis militairement, parce que la perception des im- 
pôts dut continuer à être dans les attributions du 
procureur de la Relgique; ce qui nous expliquerait 
pourquoi les inscriptions font à la fois mention de 
procureurs de Relgique et deGermanies supérieure et 
inférieure, et jamais seulement de Tune ou de l'autre 
Germanie, et pourquoi , à l'époque où la révolte eut 
lieu sur le Rhin, en faveur de Vitellius, nous trou- 
vons en Germanie Propinquus , procureur de la Rel- 
gique. 

D'ailleurs , Ammien Marcellin , en déroulant le 

1 Commune in Germanos Gallosque prœsidium. Tacite, Annal., iv, 5. 

2 Tacit., Annal. ; Suét., Vomit., 6; Dion Cassius,57, 10; Vellejus, 
H, 105; Salmas, Ad Jul. Capit.\ M. Ant. Phil n p. 86, n°9; p. 93, 
n° 6 et 7; Digest., î, 18; plusieurs inscriptions, etc. 



222 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

tableau de la division des Gaules avant Constantin, 
a eu soin de nous instruire que deux juridictions 
avaient existé en Belgique et dans les deux Germâ- 
mes 1 , juridictions qu'il ne précise pas , il est vrai, 
mais que létal des choses même nous permet de pré- 
juger, et qui ne pouvaient être que les deux juridic- 
tions civiles et militaires que nous avons signalées, et 
qui subsistèrent, en effet, jusqu'à ce que cet em- 
pereur eût entrepris une nouvelle organisation des 
provinces. Alors les deux Germanies ne prirent plus 
que le titre de première et de seconde, et reçurent 
une démarcation de frontières fixes, tandis qu'au sud 
la Séquanie vint aussi s'étendre en province jusque 
vers le Haut-Rhin. 

Les légats de la Germanie inférieure, forcés, comme 
nous l'avons vu , par les circonstances de se renfer- 
mer dans la limite du Rhin , n'avaient point, comme 
nous Ta prouvé la description des établissements 
romains de cette partie du fleuve, placé bien loin 
au delà de son cours la ligne de leurs retranche- 
ments. 

La Germanie transrhénane de leur gouvernement 
fut donc depuis Varus dune bien minime étendue. 
Ceux de la Germanie supérieure, ati contraire, 
avaient successivement, depuis le règne de Domitien, 
de Trajan, et surtout des Antonins, placé leurs 
camps et les postes fortifiés de leurs troupes jusque 
sur le Danube, au lac de Constance, sur les Alpes 

1 Superiorem et inferiorem Germaniam, Belgasque duœ jurisdictiones 
Us de m rexere t emportons. Amm. Marcel., 1. xv, c. 11. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 223 

suéviques,oùnous avons retrouvé leurs inscriptions, 
sur le Mein et sur le Taunus , où nous avons aussi 
eu occasion de les signaler. Leur gouvernement s'é- 
tendait donc depuis le revers occidental des Vosges 
et du Mont-Tonnerre jusqu'au grand rempart, dont 
nous avons suivi la ligne en avant du Necker et du 
Mein, et en longueur depuis le versant nord du Tau- 
nus jusqu'au Jura et au bassin de 1 Aar chez les Hel- 
vétiens. 

Il touchait ainsi la Vindélicie et la Rhétie ; et on 
peut, en tirant une ligne depuis le couvent de 
Lorch,au grand rempart, jusqu'au Danube, du coté 
de Tutti ingen, et depuis ce lieu jusqu'à Pfinn (l'an- 
tique Fines) y au delà du lac de Constance, avoir la 
démarcation exacte entre ces deux provinces. Ce 
pouvoir militaire s'étendait même au commencement 
jusque sur la Rhétie, où n'existaient que des troupes 
auxiliaires, et où nous ne trouvons point alors de 
légats, mais simplement des procureurs; ce qui ex- 
plique les diverses circonstances des mouvements 
d'Alienus Caecina (qui pendant les guerres civiles d'O- 
thon et de Vitellius tenait le parti du dernier et com- 
mandait les troupes de la Haute -Germanie), avec la 
vingt et unième légion , qui , comme nous l'avons 
vu, a laissé ses inscriptions à Vindonissa et à Téné- 
done.Ce ne fut que sous Marc Aurèle qu'on procéda, 
en Rhétie, à l'organisation de la troisième légion ita- 
lique. 

La vingt et unième, du surnom de Rapax, reçut 
plus tard celui de Severiana, de Septime Sévère, qui la 
rappela de Mœsie, où elle était restée pendant les 



224 ÉTAHJSSEMESTS EOMAIK 

règnes de Trajan et d'Adrien, et les surnoms dU- 
lexanàrina et de Claudia , d'Alexandre Sévère et de 
Claude-le-Gothique; sous ces derniers noms elle a 
laissé des souvenirs à Kloten et à Windisch f . 

La longue suite d'inscriptions qu'on trouve de cette 
légion dans les divers quartiers qu'elle occupa, et la 
certitude que nous avons quelle faisait partie de 
l'armée soumise au légat de la Haute-Germanie, 
confirment donc le passage de Dion Cassius, qui fait 
toucher aux Alpes le gouvernement de cette province. 

Mais cet état de choses ne dura pas au delà du 
temps où l'histoire cesse de mentionner aucun légat 
de Germanie supérieure, et où des ducs des frontières 
apparaissent à la tête des provinces limitrophes des 
barbares 2 . Posthume est cité en cette qualité; en 

« Orelli, 5027,404, 441. 

2 Les noms des légats de cette province qui nous sont connus par 
les monuments sont : 

entre les années 138etl61 , C. Popilius, C. F. Carus Pedo; 

— — — — C. Dasumius Tullius Tuscus; 

— — 161— 180, Auûdius Yiclorinus; 

_ ou 247 -249 1 C ' ^ aecilius Pudens > 

— — 222 235 , C. Caesonius , C. F. Macer Rufinianus. 
Le temps de gestion de Cociavius Tidius Tossianus Jaonus Priscus 

est incertain. 

Entre les années 461 et 192 apparaît le nom de Bassaeus M. F. Ru- 
fus comme procureur de la province. Les noms des autres procureurs, 
C. F. Sabinius Aquila, T. Cl. Candidus, T. Varius Clemens et P. Pe- 
tronius M. F. Quir. Honoralus, nous ont été conservés sans date. 

Yoy. Kellermann, Vigilum Roman, latercula duo Cœlimontana , 
n<> 247 et 259 ; Gruter, Corp. inscr., 1. 1, p. 375 , n° 1 ; 381 , d* 1 ; 389 , 
n° 2; 457, n°6; Bullett. dell' inst. archeol., 1830, p. 199; Annali 
d. inst. archeol. , 4832, p. 152; Reines., Inscr. , p. 459 et 943; Mu- 
ratori , Thés inscr., t. n, p. 691, n° 1. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 225 

même temps qu'il était gouverneur des Gaules, sous 
Valérien*» Il est le premier à qui l'histoire ait con- 
cédé cette dignité. Nous trouvons encore, comme 
nous lavons vu à Augsbourg, un duc de la frontière 
rhétique \ Sous ce nom , ces chefs militaires réunis- 
saient pour les pays qu'ils régissaient tous les pou- 
voirs civils et administratifs; pouvoirs dont jouirent 
aussi les ducs sous Constantin, quand cet empereur 
eut donné aux provinces une constitution stable et 
régulière* 

C'est à l'époque des trente tyrans que paraît 
s'être formée la province de Séquanie ou Grande- 
Séquanaise, dont le chef* lieu fut Besançon, et qui, 
d'après la Notice de V Empire, s'étendait jusqu'aux 
Triboques, et comprenait dans son sein tout le terri- 
toire des Rauraques. 

Les armées romaines étaient alors victorieuses, et 
quoique les barbares* au delà du Rhin, eussent tout 
mis à feu et à sang, on n'avait pas renoncé à la con- 
servation de cette limite de l'Empire, qui unissait 
le Rhin au Danube; c'est en présence d'un ennemi 
de nouveau repoussé, alors que l'aigle planait encore 
une fois sur le Mein et sur le Necker, et que Probe 
relevait les tours fortes du rempart, que les limites 
respectives des trois provinces limitrophes furent 
définitivement réglées. La Séquanie , en suivant au 

1 Tramrhenani limitis dux et Galliœ prœses. Treb. Poil., XXX. Tyr., 
De Posthumio. 

2 Dux limitis Rhœtici. Il y avait aussi un dux limitis Scythici; un 
dux limitis orientant; un dux limitis lllyriciani. Voy.Pollio , Eutrope , 
Sextus Rufus, Ammien Marcellin, Vopiscus, etc. 

h. is 



226 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

delà du Rhin la ligne qui la séparai! des Triboques 
sur la rive gauche du fleuve, dul aller joindre les 
sources du Necker, et comprendre ainsi dans son sein 
toute la partie méridionale de l'Abnoba, tandis que; 
conservant à elle tout le reste des pays arrachés aux 
Àllemanes, la Germanie première s'étendait depuis 
la Vindélicie jusqu'au versant occidental des Vosges, 
et depuis laGrande-Séquanaise jusqu'au versant nord 
du Taunus. Cette province ainsi organisée avait une 
superficie non moins grande que celle de la seconde 
Germanie. Elle ne fut réduite à devenir une des pro- 
vinces les plus minimes des Gaules que lorsque, après 
la mort de Probe, elle sévit enlever tout ce que cet em- 
pereur, après Posthume, avait de nouveau conquis et 
pacifié. 

Mais les passages d'Orose et d'Isidore , que j'ai cités 
ci-dessus 1 , prouvent cependant que ce pays, quoique 
alors occupé par les Allemanes, n'en était pas moins 
considéré comme faisant partie de l'Empire, et que les 
Romains regardèrent toujours, jusqu'au cinquième 
siècle, le rempart rhétique et te rempart transrhénan 
comme la vraie frontièrequi séparait leur grande pro- 
vince des Gaules de la Germanie barbare. Ils en reti- 
raient même des troupes 3 . Il n'est donc pas étonnant 
que, sous Constantin , l'état des choses, en ce qui con- 
cerne la démarcation de la Germanie première, n'ait 

pas été i changé ; c'est ce qui peut expliquer com- 

• 

1 Orose , 1. 1 , e. 2 ; Isidore , Etymol., 1. xrv. c. 4. 

2 La Notïee de l'Empire cite les Brisigavi, peuple du Brisgau ,- qui 
seryaient dans Tannée romaine. 






DU RHIN ET pu DANUBE. 227 

ment ce gouvernement, qui, sous Auguste et sous 
les premiers césars, avait été l'un des plus étendus, 
se trouva, aux derniers temps de l'Empire, res- 
serré dans la vallée du Rhin, entre ce fleuve et les 
Vosges. 

La Cq/r te routière de Théodose, qui ne sort jamais des 
limites romaines, traverse cependant le Danube pour 
décrire la grande voie militaire qui joignait la Grande- 
Séquanaise à cette province, et cette dernière à la 
Rhétie; c'est une preuve nouvelle que, quoique les 
Àlleinanes occupassent tout l'Abnoba, jamais traité 
ne leur en avait officiellement reconnu la posses- 
sion. 

On comprend encore moins alors comment Ammien 
Marcellin (car je ne veux pas parler d'Ausone et de 
Symmaque, poëte et panégyriste, auxquels on per- 
met tout), comment, dis -je, Ammien Marcellin, ce 
soldat historien , a pu , comme je lai fait observer en 
m'arrêlant à Sumlocène, décrire si vaguement les 
lieux dont il fait mention, et qui, quoique temporai- 
rement hors du pouvoir de Rome, n'en étaient pas 
moins regardés comme faisant partie d'une.* de ses 
provinces. 

Ce furent les empereurs de la famille Flavienne 
qui, les premiers, comme nous lavons vu, tentèrent 
la colonisation des pays décumates* que Trajan réu- 
nit définitivement à l'Empire. 



. V 



1 ÇompareZ'Ce que dit à ce sujet K. L. Roth , dans son mémoire in- 
titulé v/lHV TFertjnigùiïg Schwàbens mit déni rômisehen Reiche durch 
f^wi^i^^ 9 ^Ûséré dans le Schweizer- Muséum f%r~ historische Wissen- 

iÀè^etki^M Gerjach, t. n, p. 30-40. 

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228 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

La colonie , les cités qui , dans la succession des 
temps, s'y élevèrent, comme les ci tés et les municipes, 
qui partout surgirent derrière l'enclave du grand 
rempart, eurent alors, à quelque nuance près, la 
même administration , et jouirent des mêmes droits 
municipaux que les colonies, les cités et le* autres 
municipes des Gaules. 

Il doit y avoir eu dans l'antiquité plusieurs lois qui 
réglèrent ces droits 1 . 

Malheureusement elles ont été perdues, et ils 
ne sont nulle part régulièrement distingués et énu- 



mérés. 



L'histoire cependant et les inscriptions indiquent 
les principales attributions dont jouissaient les co- 
lonies et les municipes. 

Ainsi, chaque ville avait la liberté de son culte. 
Elle possédait le droit de régler tout ce qui s'y rap- 
portait, et de choisir et de nommer les ministres 
préposés aux autels 2 . 

Chaque municipe avait également l'administration 
de ses biens et de ses revenus particuliers. C'était h 
sa charge que s'élevaient les édifices publics. C'était à 

1 Voici quelques passages qui le prouvent : 

nDecuriones in albo ita scriptos esse oportet, ut a lege municipal* 
prœcipitur.» L. Decurionis, I, D., lib. 50 ; tit. 3, De alvo scrib. 

« Lege municipali cavetur ne ordo non aliter habeatur, quam duabus 
partibus adhibitis.t* L. lege 3, D., lib. 50, tit. 9, De decurion. 

« Muni cipii it a lege cautum est.» L. municip., 6, D., lib. 50, tit. 9, 
De decurion. 

2 Roth , De re munie. Rom., p. 21 , not. xxxiv. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 229 

sa curie à les entretenir et à pourvoir aux dé- 
penses des fêtes, des réjouissances et des autres 
solennités purement locales. Les habitants nom- 
maient eux-mêmes les magistrats chargés de ces 
différents services 1 . 

La police intérieure se trouvait aussi entre les 
mains des magistrats locaux. Quoique la haute jus- 
lice se rendît sous les auspices du président ou du 
préfet, chaque ville avait sa police municipale et 
ses magistrats jugeant les contraventions aux rè- 
glements de la salubrité publique, aux poids et 
aux mesures, et réglant Tordre des ventes, des mar- 
chés 2 , etc. 

Mais, pour avoir part à l'exercice de ces droits mu- 
nicipaux, il fallait être membre de la cité et posséder 
surtout la quantité d arpents de terre stipulés par la 
loi. 

Car les cités représentaient en petit le gouverne- 
ment de Rome. 

A leur tête étaient les duumvirs, deux magistrats 
dont la charge correspondait assez exactement à 
celle de nos maires, et qui dirigeaient l'administra- 
tion intérieure de la cité. Ils remplissaient à peu près 
les mêmes fonctions que remplissent encore aujour- 
d'hui dans les villes d'outre-Rhin les bourguemëstres, 
c'est-à-dire qu'ils avaient une juridiction bornée aux 
affaires de peu de valeur, et exerçaient une autorité 
de police qui leur permettait d'infliger des punitions 



1 Roth, p. 22, nol. xxxviii. 

2 Idem , p. 24 , not. xl. 



230 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

légères aux esclaves 1 , de saisir les fugitifs et de les 
livrer aux autorités du gouvernement 3 . 

Quelquefois le nombre de ces magistrats était porté 
à trois et même à quatre 3 . Alors ils prenaient le titre 
de triumvirs et de quadrumvirs. Cependant dans quel- 
ques localités ce dernier titre revenait aussi aux 
magistrats spéciaux chargés de veiller à la fabrica- 
tion des monnaies , et qui d'abord avaient été nom- 
més triumviri, à cause de leur nombre 4 . Depuis Jules- 
César, qui avait fixé ce nombre à quatre, ils por- 
taient le titre de quatuorviri, que prenaient également 
les quatre commissaires qui dans d'autres villes for- 
maient, comme nous rapprennent les Pandecles ; un 
collège chargé de l'entretien des routes. 

Sous ces duumvirs, triumvirs ou quadrumvirs mu- 
nicipaux se trouvaient les édiles, dont la magistra- 
ture était un peu inférieure. 

Ils avaient l'inspection des édifices publics, des 
rues, des approvisionnements de grains, des poids 
et mesures 6 , et ils étaient tenus, conjointement 
avec les duumvirs, de donner des jeux et des fêtes 
publics. 

Venait ensuite le curateur (de la colonie, de la 



1 Rolh , De re munie. Rom., p. 90-95. 

2 Magistrat™ municipales ad officium prœsidis provinciœ vel pro- 
consulis conprehenses fugitivos recte transmittunt. L. limenarchœ 3 , 
D., lib. Il, tit. 4, De fugitiv. 

3 Voy. ci-avant les inscriptions d'Augsbourg. 

4 Voy. Pline et Abot de Bazinghen , t. u, p. 66 et 67. 

3 Rolh, De re munie. Rom , p. 96-98. — Fr. un. D., De via publ. 
(43, 10); Fr. 13, §8, D. Locat. (19, 2); Fr. 17, D., De compens. (16, 2). 



DU BHIN ET DU DANUBE. 231 

république ou de la cité 1 ) qui, comme l'édile, exerçait 
aussi une certaine surveillance sur les édifices pu- 
blics, mais dont l'attribution principale était toutefois 
l'administration financière. C'était lui qui affermait 
les biens du municipe, qui recevait les comptes des 
travaux publics, qui gérait les capitaux de la cité, 
ou qui, dans un cas voulu , faisait un emprunt 2 . 

A ces charges honorifiques il faut ajouter les em- 
ployés tels que le percepteur des impôts, sous la res- 
ponsabilité des curialesqui le nommaient 3 , les com- 
missaires de police chargés de la recherche et de la 
première poursuite des délits 4 , les curateurs ou em- 
ployés préposés à tel ou tel service particulier 5 , les 
scribes, les tabellions, et tous les autres moindres 
employés dont nos inscriptions ne font pas mention, 
il est vrai, mais qui , existant dans tous les lieux ro- 
mains , durent aussi se trouver dans les villes romaines 
de la Germanie. 

Les principales charges du moins se sont toutes 
présentées à nous dans les inscriptions que nous 
avons transcrites. 

Entre les magistrats et les employés, il y avait 
cette différence qu'aux premières charges élaient 



1 Curator colonies Sumlocen. ; curator civiiatis Mattiacorum ; cura- 
tor civium Mogunt., etc. Voy. ci-avanl mes inscriptions. 

2 Roth,p. 98-100. 

3 Susceptor. Roth, p. 107-109. 

* Irenarchœ. Roth , p. 109 et 110. 

5 Curator frumenti , curator calendarii, etc. Roth, 111 et 112. Fr. 
18, § 2, D., De munere (50, 4); Fr. 9, § 7, 8, 9, D., De admin. re- 
rurn civit. (50, 8), c. 1, C. Th. de curât. Kalend. (12, M). 



232 ÉTABLISSEMENTS ROM A ISS 

attachés quelques honneurs et une certaine juridic- 
tion, tandis que les secondes ne conféraient aucune 
dignité particulière. 

La curie cependant nommait aux magistratures 
comme aux emplois. 

Or, sous ce nom de curie, il faut entendre l'ordre 
des décurions ou des sénateurs 1 , ordre qui formait 
dans chaque ville une sorte de patriciat municipal , 
et qui était chargé de défendre et de surveiller les 
intérêts communs des citoyens et les affaires de la 
cité. 

Assemblée délibérante, elle nommait parmi ses 
membres les magistrats qu'elle munissait de ses pou- 
voirs, et qui, à l'expiration de leur charge, ren- 
traient dans son sein. La considération dont jouis- 
sait le décurionat le fit rechercher comme un hon- 
neur. 

Le grand nombre d'inscriptions qui nous restent 
de cette dignité dans les divers lieux antiques de la 
province , prouvent toute l'importance de cette charge 
aux yeux du gouvernement comme aux yeux des ci- 
toyens. 

Ce lut, en effet, pendant l'époque où le régime 
municipal avait atteint son plus grand développement, 
que les villes d'outre-Rhin furent principalement flo- 
rissantes. Elles ne virent point la crise que ce régime 
eut à supporter sous Constantin , puisque, sous lui, 

1 Savigny , Geschichte des rômischen Rechts , t. I , p. 40 et sv. ; Hei- 
iicc, Ant. rom.y i, p. 399 et suiv., 409. Ainsi, quand Tutor et Classi- 
cus passèrent le Rhin , ils étaient suivis de cent treize sénateurs de 
Trêves. 



DU KHIN ET DU DANUBE. 233 

la plupart d'entre elles avaient déjà depuis long- 
temps été renversées par les Àllemanes. 

Celles de la Vindélicie furent seules alors en con- 
tact avec les exigences du pouvoir qui , à mesure que 
les barbares avançaient, que la populace romaine 
augmentait, que les troupes étaient plus vénales, 
avait besoin de plus d'argent pour acheter la paix 
des uns, pour nourrir la seconde, pour contenir les 
troisièmes , et qui , pour subvenir à toutes ces dé- 
penses, fit peser sur les villes un poids qui fut sur- 
tout onéreux à leurs décurions. Aussi , depuis cette 
époque, cette dignité, qui avait d'abord été si recher- 
chée, devint un joug auquel on chercha, autant que 
possible, à se soustraire. Le grand nombre de lois 
coercilives qui furent promulguées alors pour faire 
rentrer dans la curie la multitude de ceux qui ten- 
tèrent d'en sortir, prouvent combien cette charge 
était devenue accablante. 

Quant aux fonctions de cet ordre, l'antiquité nous 
a aussi laissé quelques documents à cet égard. 

Convoqués par le magistrat supérieur, les décu- 
rions avaient à examiner les affaires qui leur étaient 
soumises, concernant la cité, et à prononcer leur 
décision. 

Pour que cette décision fût valable , il fallait que 
les deux tiers des curiales fussent présents à la déli- 
bération. 

Les duumvirs, chargés des fonctions municipales 
actives, faisaient ensuite exécuter les décrets émanés 
de l'assemblée. 

D'après les inscriptions et divers passages des lois 



234 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et des codes romains, on voit que ces décrets con- 
cernaient les récompenses pécuniaires a décerner, 
la reconnaissance que la cité exprimait à l'un de ses 
bienfaiteurs, la nomination aux diverses charges 
municipales et à ses emplois, l'examen et le choix 
des professeurs et des médecins, la délibération sur 
les droits relatifs aux propriétés municipales, sur les 
héritages revenant à la cité, sur les ventes et sur les 
transactions, la cession du terrain nécessaire pour les 
monuments publics, et enfin rétablissement des foires 
et des marchés 1 . 

Parfois aussi la curie était préposée à la garde et 
à la surveillance des dépôts de subsistances, d'habil- 
lements ou d'armes, que l'État formait pour les be- 
soins de l'armée ; elle était de plus chargée des nian- 
sions ou étapes militaires sur les grandes routes. 

Pour subvenir aux frais de son administration, 
chaque ville avait un patrimoine ou domaine muni- 
cipal, qui dut être plus ou moins considérable , selon 
l'importance des localités. Ce patrimoine se composait 
de fonds de terres affermés à des particuliers, de 
capitaux prêtés à intérêts, et du produit des impôts 
sur le transport, l'entrée et la consommation des 
denrées et des marchandises dans les villes. 

L'emploi de ces fonds pour subvenir aux dépenses 
était aussi discuté dans l'assemblée. 

Cependant, dans des cas graves, comme par exemple 
quand il s'agissait d'aliéner une propriété commu- 
nale, ou d'envoyer à l'empereur des députés chargés 

1 llolh . De re munie, llotn., p. 74. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 235 

de Fui faire quelques représentations, la seule auto- 
risation de la curie était insuffisante; il fallait alors 
le concours de tous les habitants. 

Or, la multitude d'hommes qui constituait le peuple 
dans toutes les cités, était composée de plusieurs 
éléments. 

Après les sénateurs ou dédirions venaient les pro- 
priétaires qui /possédant vingt -cinq journaux de 
terre, n'avaient cependant point encore été appelés 
à la curie. 

Ensuite ceux qui, possédant un domaine d'une 
moindre étendue, n'étaient point, par cela même, 
éligibles aux fonctions de curiales. 

Puis, les juges des divers tribunaux; 

Puis, les médecins, rhéteurs, professeurs et ar- 
tistes ; 

Les cohortales, les vétérans et les gardes de la 
cité; 

Les commerçants, négociants , marchands , etc. ; 

Et enfin tous les artisans qui , formant le principal 
noyau de la population, furent plus tard, sous le 
règne d'Alexandre Sévère, distribués en corpora- 
tions, sous la tutelle de protecteurs spéciaux, choisis 
parmi les personnages les plus distingués 1 . 

Ces agrégations de fabricants, d'artistes, d'ouvriers 
d'une mêmaprofession , qui d'abord n'avaient été que 

1 Corpora omnium constitua vinariorum , lupinariorum , caligario- 
rum et omnino omnium artium; hisque ex sese defensores dédisse, 
et jussisse quid ad quos judices pertineret. Lamprid., Alex, Severus, 
c. 33. 



236 ÉTABLISSEMENTS R0MA1KS 

tolérées par le gouvernement, reçurent alors une 
organisation régulière qu'il est d'autant plus impor- 
tant de signaler, que c'est une des institutions des 
Romains qui s'est conservée la pins intacte, sous 
l'empire des peuples qui leur succédèrent, que nous 
trouvons même établie au moyen âge, et qui aujour- 
d'hui encore existe au delà du Rhin. 

Ainsi constituées, les villes eurent une indépen- 
dance d administration que le gouvernement non- 
. seulement toléra , mais qu'il était expressément dé- 
fendu à ses agents de blesser. 

Ce ne fut qne lorsque le régime municipal tomba 
en décadence qu'aux duumvirs furent substitués les 
principales, et que l'indépendance des curies fut res- 
treinte. Néanmoins , pour procurer aux villes quel- 
que sûreté , on donna à chacune d'elles un défen- 
seur chargé de protéger le peuple contre l'oppres- 
sion des officiers impériaux. Mais cette innovation , 
qui ne date que de la moitié du quatrième siècle, ne 
regarde point les villes d outre-Rhin, qui depuis de 
longues années avaient déjà , lors de son introduction , 
été détruites ou avaient subi le joug étranger ; elle ne 
toucha même que fort peu les intérêts locaux des 
villes de la Vindélicie qui, elles aussi, ressentirent à 
leur tour le pouvoir des barbares. 

Aussi, de toutes les inscriptions déjà province 
transrhénane, n'en est-il aucune qui nous parle de 
celte magistrature. 

Le droit de citoyen romain, accordé par Caracalla 
indistinctement à tous les habitants du vaste Empire, 
ne changea rien non plus à la constitution intérieure 



DU RHIN ET DU DANUBE. 237 

des villes 1 , mais il égalisa leurs droits. Il eut pour 
résultat de faire disparaître toutes les teintes de lé- 
gislation qui les distinguaient. 

Du moment qu'il y eut égalité de droit pour tout 
citoyen, il dut nécessairement y avoir égalité de droit 
pour toutes les villes. C'est cette égalité qui enfanta 
leur bien-être, et c'est ce qui rend compte de cette 
reconnaissance que toutes les cités du Rhin témoi- 
gnèrent si souvent aux empereurs de la famille An- 
tonine, sous qui leur prospérité grandit. 

Nous avons souvent eu occasion, pendant notre 
course archéologique, de visiter les restes d'anciens 
monuments publics, de temples, d'aqueducs, de 
routes, de ponts, de théâtres; toutes ces construc- 
tions sont pour la plupart de l'époque de ces princes. 
Leur élévation était de la compétence définitive de la 
curie, et elles furent bâties avec les deniers prove- 



1 Cette mesure fut purement fiscale. On sait qu'Auguste , pour la 
fondation d'une caisse militaire, avait institué un droit d'héritage" de 
5 p. 0/0 ou d'un vingtième (vicesima hœreditatum) pour tout citoyen 
romain qui héritait en dehors de sa qualité d'agnat, stipulée dans la loi 
des douze tables. Les pauvres seuls en avaient été exemptés. Plusieurs 
empereurs , après lui , mus par des sentiments plus humains , exemp- 
tèrent aussi de cet impôt tous les citoyens indistinctement jusqu'à un 
certain degré de parenté. Mais Caracalla, pour subvenir aux besoins 
du trésor, le rétablit, et non-seulement porta cet impôt à 10 p. 0/0 ou 
au dixième des fortunes héritées , mais encore , pour augmenter les 
revenus du fisc , donna le droit de citoyen à tout homme de condition 
libre sur toute la surface du vaste Empire. Macrin, qui lui succéda, 
abolit cependant cet impôt , mais conserva le droit de cité établi par 
son prédécesseur. Voy. Dion Cass., 1. xxviii, 18; Heinec, Antiquit. 
rom., i, p. 284 et suiv.; Walter, Geschichte des rëmisehen Rechts : 
p. 347 et suiv. 



238 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

liant des revenus de la cité ou fournis par la mu 
nificence des particuliers. 

On était fier, dans ces derniers cas, du titre d 
citoyen. Éloigné de sa patrie, on le portait avec 
amour, on le gravait sur la pierre, comme un sou- 
venir rendu à la cité qui vous avait vu naître ou quf 
vous avait adopté. 

Du reste, ce titre de citoyen n'était pas propre aux 
seuls habitants de la ville municipale; il revenait à 
tous les habitants des bourgs et villages qui y étaient 
enclavés 1 , et qui étaient gouvernés par des officiers 
dont l'autorité toute locale est à peine signalée dans 
l'histoire. 

Ainsi, autant de cités, autant de districts, qui de 
ce point central recevaient leur nom et leur admi- 
nistration civile et judiciaire. Le pouvoir supérieur 
émanait sur eux des villes où siégeait le gouverne- 
ment. 

De toutes les cités transrhénanes, celles d'Augusta, 
de Sumlocène, et celle des Rauraques, de ce côté 

du fleuve, furent les plus importantes, ainsi que le 

prouve leur titre de colonie. Ce titre, pour la pre- 

1 C'est ce que prouvent deux passages d'une loi romaine qui , quoi- 
que d'une date étrangère à l'époque dont je m'occupe , jette cependant 
quelque lumière sur ce sujet. 

Cette loi dit : 

t Qui e vico or tus est , eam patriam intelligitur habere , cui reipu- 
blicœ vicus habere t.» L. qui ex. D., lib. L, Ut. i, Ad municipalem. 

Et plus loin : 

« Ejus civitatis adscribendi sunt ordini , sub qua vicus ille acpossesHo 
censetur.» L. siquis 3, cod; lib. V, tit. 27, De nat. lib. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 239 

mière, nous est attesté par Tacite 1 , quoique, dans 
ses inscriptions, elle prenne seulement celui de mu- 
ni ci pe. 

La seconde, au contraire, porte partout dans les 
siennes le titre de colonie. 

Mais en même temps nous y trouvons un président 
ou préfet, autorité que possédaient également plu- 
sieurs autres colonies et municipes d'Italie. 

Ces préfets, dans les temps antérieurs, étaient an- 
nuellement envoyés de Rome, pour présider à l'ad- 
ministration de la justice dans les villes où, par con- 
séquent, n'existaient point de magistrats chargés de 
la rendre. 

Firent-ils ici une exception à la règle? C'est ce qu'il 
ne nous est pas possible de préciser. Nous les trou- 
vons en fonctioaen 200 et 204 de l'ère chrétienne, 
sans que nous puissions dire si les magistrats, duum- 
virs, triumvirs ouquadrumvirs, dont les inscriptions 
de cette ville font aussi foi , ont existé avec eux à la 
même époque, ou si leur présence et leur élection 
dans la colonie fut antérieure ou postérieure à celle 
des préfets; car une loi nous apprend qu'autrefois 
les villes nommèrent aussi ces derniers 2 qui, du reste, 



1 Splendissima Rœtiœ Provinciœ Colonia. Tacit., De mor. Germ., 
c. 41. 

2 Prœtores itaque très numéro in urbe, rébus administrandis ab eo 
(senatu) prœficiebantur, isque actus sanctione legis procedebat. Neque 
vero in urbe solum , sed in aliis etiam civitatibus , a decurionibus , ut 
vocabantur, prœfecti quidam (non taies , quales hodie militaris prœfec- 
tura novitj sed exe e Lient ior es quidam , quique aliam curam demanda- 
tam haberent), prœficiebantur. Léon., Novel. Const. 47, quod alius. 



240 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

n'avaient point à se mêler de l'administration de là 
cite, et qui n'assistaient jamais aux actes munici- 
paux. 

C'étaient purement des agents du gouvernement, 
chargés de présider à l'administration de la jus- 
tice. 

C'est ce que nous confirme cette même loi , qui 
nous dit que les fonctions de ces préfets répondaient 
à celles qu'exerçaient à Rome le préteur de la ville, 
nom sous lequel , comme nous l'avons vu , est aussi 
mentionnée celte magistrature sur une inscription 
de Sumlocène*. 

Quant à la colonie des Rauraques, la perte de 
presque toutes ses inscriptions ne nous permet pas 
de rien préciser à son sujet. Sa fondation , n'ayant 
toutefois eu lieu que peu de temps* avant celle de la 
colonie des Vindéliciens, tout porte à croire que son 
administration intérieure fut la même que celle de 
celte ville. 

Les cités non colonies furent en plus grand nombre. 
L'immense quantité de ruines sur lesquelles nous 
nous sommes assis nous l'ont prouvé, quoique ce- 
pendant peu de localités aient livré des preuves 
évidentes de l'existence de leur antique magistra- 
ture. 

Ce n'est, en effet, au delà du Rhin, qu'à OEpfach, à 
Isny, à Kœngen, à Rùrg, à Pfunz, à Heidelberg, à Rade, 
à Cassel et à Heddernheim , que les inscriptions que 
nous avons eu occasion de lire, nous ont instruit, 

< AERA : SEP : PRAE. VRB. SVM. Voy. ci-avant, 1. 1, p. 232. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 241 

avec quelque certitude, de l'état normal de ces lieux 
sous les Romains. 

Toutefois les restes de Rottweil, de Ganstadt et 
de Marbach sur le Necker; ceux d'Aschaffenbourg 
et de Stockstadt sur le Mein; les débris de "Riss- 
tissen, de Gûnzbourg, de Neubourg et de Ratis- 
bonne sur le Danube; ceux de Kelmunz et de 
Kempten sur l'Uler; ceux de Brigance, sur le lac dont 
cette ville portait le nom ; tant de vestiges qui an- 
noncent l'importance d'autres lieux à l'époque ro- 
maine, ne nous permettent pas de douter que le 
nombre de ces cités, de ces municipes, n'ait été très- 
considérable. 

De toutes ces villes, celle de Bade porta seule le nom 
de république, qu'elle grava sur les pierres milliaires 
placées au bord des diverses routes qui débouchèrent 
de son enceinte ; le seul Cassel , vis-à-vis de Mayence , 
nous a à la fois montré sur ses inscriptions le nom 
du peuple dont ce lieu fut la cité, et celui des 
habitants étrangers qui , à côté -de lui, y séjour- 
nèrent. 

Nous avons eu occasion de citer les inscriptions 
qui confirment ce fait et qui prouvent que les habi- 
tants du Taunus, quoique résidant dans la cité des 
Maniaques et dans celle de Mayence, avaient ce- 
pendant conservé, au milieu de ces deux villes, 
leurs propres droits, et qu'ils avaient leurs magis- 
trats municipaux, indépendants de ceux de ces der- 
niers. 

Ainsi , il n'est point sans exemple dans le régime 
municipal romain de voir dans la même ville deux 
n. 16 



2 Va ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

espèces de citoyens: les uns, actifs et donnant leur 
nom à la cité, les autres, étrangers et conservant le 
nom de la contrée dont ils étaient venus, régis tous 
deux par une administration séparée. 

Dans quelques cas, les cités se réunissaient en 
assemblées générales, où elles étaient représentées 
par leurs députés. L'histoire nous a conservé des 
exemples de pareilles assemblées dans les. Gaules, 
et une inscription que nous avons rapportée en 
décrivant les environs d'Isny, nous prouve que de 
telles assemblées eurent aussi lieu au delà du Rhin. 

Cette inscription, ainsi que nous l'avons vu, exprime 
la reconnaissance des cités (soit de toute la province, 
soit d'une partie seulement) pour le divin empereur 
Àntonin-le-Pieux. Quel fut le but de l'assemblée, et 
quels intérêts y furent débattus? C'est ce que le temps 
a recouvert d'un voile. Il est présumable toutefois 
que ce furent les intérêts locaux de ces diverses villes, 
et il est évident, d'un autre côté, que leur hommage 
n'eût pas été rendu dune manière si solennelle , s'il 
n'avait pas été pris une délibération qui consacrât le 
vœu public* 

Celle organisation politique et cette administra- 
lion civile et législative toute romaine (car nulle 
autre.loi que la loi romaine ne régit le pays) durent in- 
fluer nécessairement sur le développement intérieur 
des villes de la rive droite du Rhin et sur celles du 
Danube. 

Tout ce que nous avons eu occasion de trouver de 
restes d'antiquités dans la province, atteste la vie 
active de ses habitants et un commerce étendu. Sans 



DU RHIN ET DU DANUBE. 243 

avoir, comme nos provinces méridionales, à offrir des 
temples, des théâtres, des arcs de triomphe somp- 
tueux, que les siècles respectèrent-, les ruines de plu- 
sieurs de ces villes, qu'il faut la plupart du temps 
chercher sous terre, annoncent cependant qu'elles 
ne manquaient pas d'un certain air de grandeur. Les 
Romains avec leur civilisation apportèrent dans ces 
climats rudes et agrestes leur architecture et leursarts; 
plus d'un monument, tel que l'amphithéâtre d'Au- 
gusta, près de Baie; tel que le palais que décorait la 
superbe mosaïque de Rotweil ; tel que le bain antique 
et somptueux de Badenweiler; tel enfin que4e temple 
qui s'élevait à OEpfach, et dont les débris de co- 
lonnes, de corniches, de frises et d'architecture, les 
unes de marbre, les autres de pierre calcaire, tail- 
lées sur le modèle de celles du Panthéon et du Co- 
lysée de Rome, de celles de Pola et de Vérone, ont 
été retrouvés en fouillant le sol , annonce un luxe 
de bâtisses digne du peuple qui l'éleva. 

Pour déployer un tel luxe, il fallait nécessairement 
que les villes fussent opulentes. Or, l'opulence des 
cités ne vient jamais que des échanges du commerce. 
Et ce commerce dut être important aux frontières 
d'un pays qui lui-même manquait de fabriques, et 
où les produits de l'industrie romaine durent dès lors 
refluer, tandis que les produits bruts du sol refluèrent 
à leur tour vers l'Italie. 

Ce commerce d'échange entre les barbares et les 

Romains consistait principalement, de la part des 

premiers, dans des pelleteries, des bestiaux, des 

peaux de bison, des plumes d'oie, dont Pline vante 

h. 16 - 



24 i ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

la qualité supérieure 1 , du chanvre 2 , dont ils con- 
fectionnaient principalement leurs habits, de blondes 
chevelures, qui sevendaientau prix d'or, et d'autres 
produits de leur sol, tels que les lottes du lac Brigan- 
lin, qui se transportaient jusqu'à Rome, à cause de 
la délicatesse de leurs foies 3 , et une espèce de navet 
si renommé qu'on l'expédiait aussi jusque dans cette 
capitale*. 

Ils recevaient des Romains des étoffes, des armes , 
des objets de luxe et divers ustensiles qu'ils prenaient 
en échange et qui se fabriquaient dans les diverses 
villes du -Rhin et de la Vindélicie. 

C'était par les Hermondures que se faisait princi- 
palement ce commerce; et ces peuples venaient sans 
crainte, dit Tacite, trafiquer dans la colonie d'Augs- 
bourg, ville qui, par sa position avantageuse, devint 
l'entrepôt du Nord et du Midi. 



1 t Candidi ibi (in Germaniâ) verum minores, gantœ vocantur. Prœ- 
ttium plumœ eorumin libros denarii quini.* Plin., Hist. nat., 1. x, 
c. 17 (22). 

Ce que le célèbre naturaliste ajoute après , prouve que la chasse de 
ces oiseaux était un des plaisirs favoris des officiers romains dans leurs 
cantonnements de la Germanie. 

c Et inde crimina plerumque auxiliorum prœfectis , a vigili statione 
o ad hœc aucupia dimissis cohortibus totis. Eoque deliciœ processere , 
tut sine hoc instrumenta dur are jam ne virorum quidem cervices pos- 
«stnf.i Plin., loc. cit. 

2 Plin., 1. îx, c. 1. 

3 (Gadus Iota, L.) t Jecur mus tel arum , quas (mirum dictu) inter Alpes 
c quoque lacus Rœtiœ Brigantinus annulas marinis générât. i Plin. , Hist. 
nat., 1. ix, 29 (17). 

* Plin., 1. ix, loc. cit. 



DU 1U11N KT DU DANUBE. 245 

La longue paix dont jouit le pays protégea le dé- 
veloppement de son industrie, et il se forma à la fois 
dans ses villes bon nombre de fabriques et plusieurs 
sociétés commerciales. Nous avons eu occasion de 
citer à Sumlocène une fabrique de manteaux de 
guerre, dont une inscription est venue nous confirmer 
l'existence. Nous avons trouvé à Augsbourg un né- 
gociant trafiquant avec la pourpre; un autre, à Gassel, 
faisant la banque et facilitant par les échanges les 
transactions commerciales; à Marbach était l'entrepôt 
d'un collège de marchands étrangers. Avec eux nous 
apparurent aussi les Nautœ, corporation dont la ville 
de Bade et celle d'Ettlingen ont aussi conservé deux 
autres inscriptions qui prouvent tout le développe- 
ment que ces transactions mercantiles avaient pris 
au Nord par le Rhin. 

Sous ce nom de Nautœ, il ne faut pas entendre les 
seules associations de bateliers, mais bien tous les 
armateurs, de quelque genre de trafic qu'ils s'occu- 
passent, qui , par les lois de l'Empire, avaient le pri- 
vilège de faire par eau le commerce. 

On trouve leur corporation à Rome et dans plu- 
sieurs lieux d'Italie, et dans la Gaule, à Arles, à 
Lyon, sur la Saône, et surtout à Paris, où ils jouèrent 
un rôle très-important. 

C'était par eau, dans ces siècles éloignés, que, 
partout où une rivière navigable permettait aux ba- 
teaux de circuler, se faisaient les transports. La ville 
de Bade, il est vrai, n'était pas située sur une telle 
rivière. Mais les divers torrents qui , dans son en- 
clave, descendent des montagnes, durent entretenir 



246 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

déjà alors le commerce de ses bois, commerce qu'il 
est d'autant plus à propos de signaler ici, que les 
compagnies qui étaient autorisées à l'exploiter du 
temps des Romains, semblent s'être perpétuées sous 
l'empire des Alleinanes et des Francs, et, toujours 
intactes aux lieux où leur institution prit naissance, 
se sont en partie conservées jusqu'à nos jours. Ce 
sont ces compagnies qui, sous le nom de Schiffer, 
nom allemand qui correspond exactement aux Naulœ 
des Romains, exploitent aujourd'hui encore ces vastes 
forêts, et expédient les bois immenses qu'ils en re- 
tirent jusque dans la Batavie 1 . 

Rome dans cette île, soumise à ses armes, avait 
placé ses principaux arsenaux de marine; et ce fut 
laque, depuis la première apparition de son pavillon 
dans les mers du Nord , se rassemblèrent toujours ses 
principales forces maritimes. 

La navigation du Rhin était non moins suivie. 

Ni les forêts du Nord, ni celles de la Belgique, ne 
fournissaient comme l'Abnoba ces sapins flexibles, 
aussi avantageux pour la bâtisse que pour la mâ- 
ture. L'exploitation de ces bois et leur flottage devint 
donc un desgrands produits des habitants de cesmon- 
tagnes, et c'était alors comme aujourd'hui, jusqu'à 
Mayence et Andernach que se rendaient ces radeaux , 
descendant le Rhin et se cramponnant là aux an- 
neaux de celte grosse tour si pittoresque d'An- 



4 Voy. ma notice intitulée : Les Nautœ du Rhin , dans mes Mélanges 
historiques , extcails du Messager des sciences historiques de Belgique , 
année 1842, p. 332etsv. 



I)U M1IN ET DU DANUBE. 2t7 

dernach , que les vagues du Rhin battent depuis seize 
siècles et dont elles n'ont pu entamer la solidité. C'est 
de là qu'ils se rendaient aussi à Cologne et à Vêlera, 
et enfin jusque dans la Batavie, ou se trouvaient les 
principaux chantiers de construction pour la marine 
romaine. 

Ces compagnies jouissaient toutes de très -grands 
privilèges, et elles avaient d'un autre côté l'obligation 
de servir les transports du gouvernement et de dé- 
poser d'une place de guerre à l'autre ce que l'État 
leur confiait. 

Les habitants des principales rivières qui dé- 
bouchent dans le Rhin, et surtout ceux du Necker, 
où Rome possédait le plus d'établissements floris- 
sants, prirent part à cette navigation. 

Les villes du Rhin entretenaient elles-mêmes un 
commerce de transit considérable que ces diverses 
compagnies du sud -ouest de l'Allemagne alimen- 
taient en partie, rapportant du Nord les produits que 
les riverains de la Meuse et de la Moselle leur li- 
vraient, pour les déposer ensuite dans les diverses 
villes rhénanes jusque chez les Rauraques, au sein 
de la colonie d'Àugusta. 

Les routes nombreuses , dont le réseau s'étendait 
surtout le pays, entretenaient d'un autre côté les 
relations de l'intérieur, et, facilitant les communica- 
tions d'une ville à l'autre, donnaient à l'habitant le 
moyen de fréquenter les marchés les plus favorable- 
ment situés et, par conséquent, d'y transporter ses 
produits agricoles. 

Les hautes montagnes de l'Abnoba, l'intérieur de 



248 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

l'Odenwald, les régions marécageuses de TOrtenau 
et du lac de Brigance, n'avaient point encore été dé- 
frichés; ils ne le furent que lorsque de pieux céno- 
bites, au moyen âge, y cherchèrent une retraite. Mais 
autour de ceâ bois sombres et de ces marais, le colon 
gaulois et le vétéran romain avaient mis partout le 
terrain à profit; et, selon toutes les données que nous 
possédons, tout le pays colonisé, recouvert de vil- 
lages, autour des camps ou des villes principales, 
dont le rayon s'agrandit peu à peu, et qui, jusqu'après 
le règne des Antonins, protégées par une longue paix, 
devinrent toujours de plus en plus florissantes, était 
couvert de moissons et de fruits. La culture des blés 
y était si avancée que, plus dune fois, lorsqu'une 
disette menaçait l'Italie, les empereurs firent venir 
cette denrée de la Germanie romaine 1 . 

Peut-être faut -il aussi attribuer aux Romains la 
première culture de la vigne sur les collines les plus 
avantageusement situées de la vallée du Rhin, culture 
qui, sous l'empire de Probe, s'étendit du moins sur 
toute la Gaule 2 . 

De tous les travaux que le grand peuple entreprit 
dans la province, il n'en est point dout les restes 
soient plus nombreux, comme nous l'avons vu, que 
ceux des routes qu'il y établit. 

Quelques-uns de ces chemins, dont nous avons 
cité les principales ramifications, servent encore au- 

1 Voy. à ce sujet, entre autres, pour les derniers temps de l'Em- 
pire, Claude, in Eutrop., i, 406. 
' Vopiscus, c. 18; Aurelius Victor, in Cœs., c. 37. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 249 

jourd'hui, après dix-huit siècles, aux communica- 
tions. 

Il y en avait de plusieurs classes, et ils étaient, se- 
lon leur importance, désignés sous les noms dévoies 
principales ou Augustes, de voies militaires, ou de 
simples voies vicinales 1 . 

Sur les deux premières, qui correspondaient à nos 
grandes routes de poste, étaient placées de distance 
en distance une mansion, où le voyageur pouvait s'ar- 
rêter, et une mutation, où il trouvait des chevaux de 
rechange. 

A l'aide de cette institution, les agents du gouver- 
nement et ses courriers pouvaient avec une rare cé- 
lérité accomplir les plus longs trajets. 

L'entretien de ces routes était aux frais de la 
province, et le légat en réglait le service et les tra- 



vaux ' 2 . 



Toutes, à quelque chose près, dans le choix des 
matériaux, toujours appropriés à ceux que présen- 
taient les localités, avaient le même principe de bâ- 
tisse. Toutes étaient élevées en chaussées , dont la 
base se composait d'une couche de gros blocs de 
pierre, soit calcaires, soit de grès, soit de granit, 
carrément taillés et profondément enfoncés dans le 
sol. 

Ces blocs étaient quelquefois liés entre eux par 
du mortier, du plâtre ou de la chaux, et souvent 
même par des crampons de fer. Au-dessus de celte 



1 Viœ principales Âugustœ, vice militariœ, vice diversoriœ. 

2 Voy. Cicéron , pro Fontejo , 4 ; Tacit., Agricole 31 



250 ÉTABLISSKMEHTS BOMAISS 

base inébranlable était dans quelques cas piétonnée 
une couche de terre glaise, sur laquelle reposait -un 
empierrement, soit de gravier, soit de calcaire, et 
parfois aussi , comme cela peut s observer à Both- 
nang, dans le Wurtemberg, une couche de sable 
mêlé de pierres, au-dessus de laquelle était placé un 
second pavé, recouvert lui-même d un dernier em- 
pierrement. 

Dans les lieux de marécage, le bois remplaçait 
quelquefois ces matériaux. La province rhétique con- 
serve encore, dans les environs d'Agathazell , les 
restes d'une chaussée qui aujourd'hui est enfouie 
sous la tourbe qui la recouvre, et dont la base est 
uniquement composée de troncs d'arbres d'un pied 
et demi de diamètre. Cette route, par sa pesanteur, 
s'est peu à peu enfoncée dans le marais jusqu'à trois 
ou quatre pieds de profondeur 1 . 

Ce qui distinguait surtout ces chaussées des nôtres , 
c'est leur tracé qui suivait toujours les hauteurs et 
évitait, autant que possible, les vallées. Quand elles 
descendaient forcément dans un vallon, elles étaient 
protégées par des fortifications et elles remontaient 
de suite sur les hauteurs opposées. En cas de guerre, 
l'ennemi ne pouvait jamais y avancer sans être aperçu, 
et elles servaient d'un autre côté de remparts contre 
leurs attaques. Aussi, dans quelques localités, comme 
cela eut lieu sur celle qui liait le Mein à la Gers- 
prins» étaient-elles dans tout leur cours flanquées de 
tours fortes. 

4 Voy. Kr. IntelliyemBlàtter, année 1829, p. 1565 et 1566. 



DU IUIIN ET DU DANUBE. 251 

L'extrême solidité de construction de toutes ces 
routes peut faire comprendre comment» après tant 
de siècles, elles existent encore si intactes dans 
beaucoup de parties de la province. Plusieurs, 
comme celles du Taunus , comme celles de Vérone 
au Danube, furent sans doute construites par les lé- 
gions et datent de la première prise de possession 
du pays. D'autres, comme celles du Rhin à la ché 
Flaviennedu Necker, semblent plus particulièrement 
appartenir au règne des empereurs de cette famille. 
Le plus grand nombre, et surtout celles de la vallée 
du Rhin , appartiennent aux règnes des Antonins , 
alors que Jes villes eurent reçu tout leur développe- 
ment administratif 1 . 



1 Les distances sur toutes ces routes , ainsi que le prouvent les iti- 
néraires qui nous restent, et que nous l'ont appris les pierres milliaires 
du Rhin , dont nous avons eu occasion de parler, se comptaient selon 
les provinces qu'elles parcouraient, e{ souvent aussi, par des raisons 
qui nous sont inconnues , tantôt par lieues ou leugœ de 50 au degré , 
tantôt par milles romains d'un tiers plus faibles. Ces lieues ou leugœ , 
que les Romains adoptèrent dans les pays où elles étaient en usage , 
sont indubitablement les mesures que donne la Table Théodosienne , 
dans le parcours de la célèbre voie militaire qui reliait le Rhin aux 
camps de la Luna , depuis ce fleuve , au sud , jusqu'à ces camps , c'est- 
à-dire dans le trajet qu'elle faisait à travers la Germanie supérieure 
avant que la partie la plus méridionale de celte province fût encla- 
vée dans la Grande-Séquanaise. Depuis ces camps jusqu'au Danube, 
c'est-à-dire dans le parcours que la route faisait ensuite à travers la 
province de Rhétie, ces distances étaient comptées par milles. C'est 
grâce à cette manière d'interpréter les chiffres de la Table , qui ne sont 
point autrement indiqués , que nous avons retrouvé la plupart des dis- 
tances qui séparaient l'une de l'autre les stations que nous avons par- 
courues , et dont nous avons donné une exacte description dans notre 
course archéologique. Grâce aussi à la«précieuse mosaïque de Rolt- 



252 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

C'est aussi de cette époque florissante que nous 
ont été conservés le plus grand nombre de mo- 

m 

weil et aux nombreuses inscriptions de Rottenbourg , nous n'avons pas 
craint de doubler presque les distances qui Réparaient ces deux villes , 
et de suivre , sans nous arrêter aux considérations de chiffres , ni à la 
direction de la route mal indiquée sur la Carte Théodosienne , les ves- 
tiges que l'antiquité avait pour ainsi dire semés sous nos pas. 

Si quelque chose a pu nous étonner surtout , c'est que Y Itinéraire 
d'Antonin (Yltinerarium adnotatum) ait gardé le silence sur la grande 
voie militaire qui reliait la ville des Flaviens à la florissante colonie de 
Sumlocène , ainsi que sur les autres voies qui parcouraient les champs 
décumates et quWreliaient la colonie des Rauraques à la cité des Anto- 
nins dans l'Abnoba , tandis qu'à une époque où ces villes étaient tom- 
bées au pouvoir des Àllemanes , et à laquelle les camps du grand rem- 
part, où les monnaies seules de Constance et de Constantin prouvent , à 
cette période de l'histoire , la présence des cohortes dans ces murs, 
devaient être aussi en grande partie détruits , la Table Théodosienne 
ou Yltinerarium pictum , sans mentionner les routes du Rhin, a cité 
cependant celle qui établissait une communication entre ces camps. 

Ne faudrait -il pas penser dès lors que Y Itinéraire d'Antonin a été 
rédigé avant que ces voies aient reçu le titre de voies Augustes, et 
que la Table routière a primitivement été tracée à une époque où les 
camps du grand rempart étaient encore florissants; mais que, comme 
sous Constantin on ajouta, ainsi qu'il est évident, à Y Itinéraire , qui, 
souvent, cite des positions qui datent d'une époque postérieure à sa 
première rédaction , on ajouta , sous Théodose , à la Table routière , dont 
nous ne connaissons point au juste l'origine , et qu'on y intercala , d'un 
côté , les positions des camps qui évidemment datent de l'époque où les 
barbares menaçaient sous ce règne le Danube , et que , de l'autre , on 
conserva les positions de la rive gauche du fleuve , auxquelles Rome 
n'avait point encore renoncé , et sur lesquelles peut-être elle méditait 
alors des pensées de conquête qu'elle était loin de pouvoir réaliser. 

C'est à cette circonstance sans doute qu'on doit de trouver sur cette 
carte qui, à n'en point douter, date du quatrième siècle, les positions de 
cette époque et celles des époques antérieures , c'est-à-dire des Àntonins 
et de la famille Constantine. Les matériaux qui ont servi à la carte ma- 
nuscrite , qui seule nous est parvenue , n'existent plus. La carte telle 
que nous la possédons a été faite par quelque scribe (moine ou autre) du 



DU RHIN ET DU DANUBE. 253 

numents et d'objets d'art dans le sud-ouest de l'Al- 
lemagne. 

Les différentes dates des inscriptions que nous 
avons rapportées, descendent toutes plus ou moins, 
sur le Mein, sur TOdenwald et sur le Taunus, jus- 
qu'en 246 de Jésus -Christ. C'est cette dernière date 
que nous trouvons aussi au nord sur la Wied. 

La dernière inscription trouvée à Cassel, vis-à-vis 
de Mayence, était de 255. 

Dans toute la vallée du Rhin et sur le Necker, nulle 
inscription n'a plus été gravée sur les pierres que 

treizième siècle (on veut même que ce moine ait été de Colmar), d'a- 
près une carte plus antique, sur laquelle il a lui-même brodé, et au texte 
de laquelle il s'est permis plus d'une interpolation. On sent combien un 
tel monument doit contenir d'erreurs. Mais Ton a outrepassé l'esprit de 
critique, lorsqu'on a voulu, d'un autre côté, révoquer en doute l'au- 
thenticité du document antique qui lui a servi de base, et qu'on a voulu 
considérer toute la facture de la carte comme une œuvre du moyen 
âge. 

Les inscriptions que nous avons retrouvées à Sumlocène , qui est in- 
diqué sur la Table comme une ville de premier rang , et les noms des 
stations , qu'en partant de cette localité nous avons presque tous re- 
trouvés, ne permettent point un tel soupçon. D'ailleurs, il est cer- 
tain que les Romains , déjà du temps d'Auguste , mesurèrent les pro- 
vinces de l'Empire , et conséquemment les distances qui séparaient 
une ville de l'autre. 

On en a un exemple dans le tableau qu'Agrippa fit placer sous le 
portique de son palais , et qui probablement a été gravé sur le bronze 
ou le marbre. Sous Théodose-le-Grand ces mesures furent renouve- 
lées , ainsi que nous l'atteste un auteur du neuvième siècle , d'après 
de plus vieux documents. Il est probable qu'à cette époque aussi fut 
remaniée , avec ces nouvelles mesures , la carte qui nous occupe , et 
qui était du genre de celles qu'on donnait aux chefs d'armées pour les 
guider dans le parcours des diverses routes qu'ils devaient suivre et 
leur fournir les noms des lieux d'étapes avec l'indication des distances. 



25 ï ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

nous avons vues passé Tan 237, excepté dans la co- 
lonie de Sumlocène où, en 250, les Romains se sou- 
tenaient encore. 

Entre le grand rempart et le Danube, une pierre 
fut élevée dans le val de la Lontel à l'empereur Gal- 
lien , entre les années 257 et 267. 

Dans la Vindélicie, c'est jusqu'au quatrième siècle 
que ces inscriptions descendent. 

Toutes ressemblent pour le style, la plupart du 
temps elliptique, à celles qui recouvrent les monu- 
ments de la Gaule, de la Bretagne, de tous les pays 
barbares où les Romains pénétrèrent 1 . 

La plupart de ces autels sont assez grossièrement 
taillés, quoique parfois aussi Ton en rencontre dont 
le travail et les sculptures prouvent en faveur de 
l'artiste qui les exécuta. 

De toutes les statues des dieux, celles de Mercure 
sont les plus fréquentes. 

Les autres figures de divinités le plus souvent re- 
présentées sont celles d'Hercule, de Pal las, de Diane, 
de Vesta, de Maïa, de la Victoire, de Vénus, de Vul- 
cain, de Saturne et de Neptune, ainsi que celles 

1 J'ai la plupart du temps soigneusement conservé le style lapidaire 
dans les explications que j'ai données. des inscriptions, afin de ne rien 
ôter à l'intérêt qu'elles présentent sous le rapport philologique. Cepen- 
dant je me suis abstenu de tous les détails de critique qui n'entraient 
point dans le cadre de mon ouvrage. Qnelquefois j'ai rempli les ellipses 
des inscriptions; d'autres fois, où malgré ces ellipses l'inscription 
pouvait être comprise , je les ai laissé subsister. Du reste , pour l'homme 
qui ne s'est point occupé de cette partie de la science , je le renvoie 
aux judicieuses observations que feu M. Letronne a insérées, en 1850, 
dans la Revue archéologique (livr. de juillet). 



DU 1U1IN ET DU DANUBE. 255 

des matrones; on les trouve tantôt taillées dans le 
marbre, tantôt dans le grès ou d'autres pierres. 

D'après les inscriptions qui nous restent, on voit 
que Rome avait transporté au delà du Rhin toute la 
pompe , toutes tes cérémonies de son culte. Ses grands 
dieux y eurent des temples et des autels. Tous les 
dieux secondaires, ceux des fleuves et des mon- 
tagnes, ceux des carrefours, les dieux des moissons 
et des forêts, les génies protecteurs , y furent partout 
adorés. 

Avec eux apparaissent les dieux gaulois, non point 
tels qu'ils furent primitivement invoqués dans les 
forêts sauvages où le druide avait établi ses mystères 
et où il fit ruisseler de sang humain leurs autels, 
implacables et terribles, mais appropriés aux mœurs 
plus polies que là civilisation de Rome avait apportées 
dans la Gaule, et assimilés dès lors aux dieux mêmes 
du grand peuple. 

Les Romains trouvèrent établi chez les Gaulois le 
culte de Teulatès, de Taranis et d'Hésus. Ils compa- 
rèrent la première de ces divinités, la principale des 
peuples celtiques, à leur dieu Mercure, inventeur 
de tous les arts, et présidant au commerce et aux 
communications. Le dieu Taranis fut leur Jupiter. 
Hésus, le dieu qui présidait aux combats, fut assimilé 
au dieu Mars. 

A mesure que le culte druidique s'affaiblit, que la 
langue romaine devint plus générale, les noms ro- 
mains de ces divinités furent aussi plus généralement 
adoptés. 

Les colons gaulois qui vinrent s'établir sur le 



256 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Me in et sur le Necker, portèrent avec eux la religion 
moins sanglante que Rome leur avait fait prendre, 
et ils élevèrent partout à leur dieu Mdtcure des statues 
dont le manque des parties qui constituent le sexe 
est significatif, car on sait que c'est un des caractères 
distinctifs du Mercure gaulois. Ils lui donnèrent par- 
fois même un nom local qui rappelait l'endroit où , 
dans la Gaule, son culte était surtout célèbre. Ils éle- 
vèrent aussi des statues et des autels à Jupiter, en 
l'invoquant sous le nom de Taranucnus, qui rappelle 
l'antique culte de Taranis. Ils invoquèrent le dieu 
Mars qu'on adorait aussi dans la Gaule, et auquel, 
pour le distinguer du dieu Mars romain, on ajouta 
le surnom de la province d'où son culte avait été ap- 
porté 1 . 

Il en fut de même du culte des matrones que nous 
trouvons établi sur le Rhin, sur le Mein, sur le Necker 
et sur le Danube. C'était un» culte celtique, le culte 
des fées, né des mystères du druidisme, où les prê- 
tresses jouèrent un si grand rôle. Avec les colons que 
les Romains entraînèrent à leur suite au delà du 
Rhin, ce culte fut implanté partout où ils s'arrê- 
tèrent. 

Partout dans les possessions romaines d'outre-Rhin 
nous trouvons ces génies mystérieux cités sous les 
noms de Deœ Maires, de Matrœ, de Matrœ, de Ma- 
tronœ,de Campestres,et aussi sous ceux de Dominée, 
de Junones, de Nymphœ, de Herœ, de Sulevœ, de 



1 Ainsi nous avons vu une inscription du dieu Mars Caturix , t. i , 
p. 262, 



DU ItHIN ET DU DANUBE. 257 

Sulfœ, présidant, selon ces noms différents et leurs 
attributs, aux moissons, aux troupeaux , aux forêts, 
à l'éducation et aux destins des hommes et des ani- 
maux. Leur influence bienfaitrice s'étendait tantôt sur 
toute une contrée , comme celle des matrones des Pan- 
non iens, des Dalmates, des Gaules, invoquées dans 
ces différentes régions où des inscriptions nous les 
font connaître, tantôt sur le rayon d'une simple com- 
mune, d'une forêt, d'un hameau. Alors, déesses lo- 
cales, elles prenaient les noms de ces localités mêmes; 
comme telles nous apparaissent les Matronœ Gabiœ, 
Aumenaienœ, Malvisiœ, Etraienœ, Alliœnœ, Treverœ 
et Nehiahenœ; sous ces deux derniers noms elles 
se sont présentées à nous à Xanlen et à Neiden- 
stein 1 . 

Sur tous les bas-reliefs que j'ai eu occasion de voir, 



** Il est incontestable que le nom de Neidenstein vient, comme nous 
l'ayons avancé (p. 217 du 1. 1 de ce Mémoire) du nom celtique de Ne- 
hiaha , que devait porter pendant les périodes celtique et romaine le 
lieu moderne où l'inscription qui parle des matrones de Nehiaha a été 
trouvée. La pierre qui la supporte , et qui fut dédiée à ces déesses par 
Julius Veranus Superior, est encore aujourd'hui murée dans l'église du 
lieu. Plusieurs localités dans les provinces rhénanes ont conservé jus- 
qu'aujourd'hui les noms que. portaient les matrones dans ces mêmes 
localités (voy. à ce sujet les Rheinlândischen Jahrbilcher). Il en a été 
de même à Neidenstein , où probablement les premiers colons qui y 
bâtirent leurs demeures , portèrent avec eux le culte des Nehœ ou Ne- 
halœ qui , ainsi que Nehalennia , la Druis antistita , maniaient la longue 
quenouille (yoy., sur ces divinités, Keyssler, Antiq. sep., p. 263 et sv., 
378 et sv., et 423 et sv.; Boxhorn, De Dea Nehalennia, etc.). Le bourg 
lui-même aura pris le nom de ces divinités, qui en devinrent les 
déesses locales , comme nous l'a prouvé le surnom de Nehahenœ , 
qu'elles y portent sur l'inscription. Voy., sur les fées en général, 

». « 



258 ÉTABLISSEMENTS UOMAINS 

c'est toujours au nombre de trois que ces déesses 
sont représentées. Si ce sont les fruits des campagnes 
qu'elles étaient appelées à protéger, des épis ou des 
rameaux sont presque toujours répandus sur leurs 
girons; si ce sont les forêts (auxquelles elles pré- 
sidaient sous le nom de Sulèves, ou compagnes du 
dieu Sylvain), des pommes de pin forment leurs attri- 
buts. Présidaient -elles aux jardins, alors les fruits 
des arbres remplissent le panier que soutient une 
de leurs mains. Du reste, ces attributs changent 
ou sont simultanément donnés à Tune ou l'autre de 
ces divinités, selon que, sous leur tutelle, on plaçait 
les jardins, les campagnes, les forêts, ou qu'on im- 
plorait leur protection pour tous ces .lieux réunis. 
El ce qui prouve que sous les divers noms qu'on leur 
donnait, la protection qu'on en attendait était autre, 
c'est que le tifre de matrones est souvent uni à celui 
de déesses-mères, ou à celui de Sulèves, et qu'on 
trouve l'un et l'autre inscrits sur les mêmes pierres. 
Ce culte était surtout répandu dans l'île de Bre- 
tagne et dans la Gaule, d'où il passa en Espagne, 
en Italie, et jusqu'en Pannonie, c'est-à-dire partout 
où des colons des provinces romaines de l'Ouest et 
d'origine celtique suivirent les-légions. 



Schreiber, Taschenbuch filr Geschichte und Alterthum in SUd-Deutsch- 
land, année 1846, et sur les matrones , Martin , Religion des Gaulois, 
t. u, p. 147-199; Montfaucon, Supplément à l'antiquité expliquée , 
1. 1, p. 235-237, pi. 85; Lamey, Actt. Acad. Theod. Pal., t. vi, Hist., 
p. 62-78; Mone, Geschichte des Heidenthums, t. Il, p 396-399; Ban- 
nier, Sur les déesses-mères, dans les Mémoires de l'Académie des Ins- 
criptions, t. vu , p. 34 et sv., etc. 



DU ItHIN ET DU DANUBE. 259 

« 

La même religion que la civilisation romaine avait 
introduite dans la Gaule fut donc celle des provinces 
du Rhin pendant tout le temps que les légions s'y 
maintinrent. 

Déjà avant leur arrivée dans la Vindélicie, le culte 
d'Isis y avait été transporté. Gomment et par qui il y 
fut répandu, c'est ce qu'il ne nous est pas donné de 
découvrir; on peut seulement présumer qu'il y fut 
introduit en même temps que, par la colonie pho- 
céenne de Marseille, il se propagea dans la Gaule 
méridionale. 

Sous le règne d'Adrien , la secte de Mithra bâtit des 
temples sur le Mein , sur le Necker et sur le Danube. 
Déjà ses mystérieuses doctrines avaient commencé 
à pénétrer en Italie, vers l'an 687 de Rome, pendant 
la guerre des pirates; leurs progrès , au delà du Rhin, 
furent d'autant plus rapides que les légions qui y 
étaient cantonnées recelaient dans leur sein un plus 
grand nombre d'Orientaux, sans doute initiés à ces 
mystères. 

J'ai signalé dans ma course archéologique les diffé- 
rents bas-reliefs trouvés dans la proviAce, qui re- 
présentent le dieu Mithra sur le taureau qu'il égorge, 
pour désigner la force du soleil lorsqu'il entre dans 
ce signe. 

Si sous le rapport de l'art ces bas-reliçfs n'offrent 
rien de remarquable, ils sont d autant plus intéres- 
sants pour l'histoire religieuse de ces contrées, que 
la manière dont le dieu est représenté semble attester 
une union intime du culte persan et du culte phry- 
gien. 

ii. "• 



260 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Déjà à une époque antérieure, Jupiter Dolichène, 
représenté de même sur le taureau comme dieu So- 
leil 1 , et Jupiter Sérapis ou Égyptien, avaient égale- 
ment eu des autels sur le Mein et sur l'Abnoba. 

Ces deux cultes y furent sans doute apportés par 
les légions qui de la Syrie et de l'Egypte furent en- 
voyées sur le Rbin. 

Ce fut avec la propagation des idées mythiques 
attachées au culte de Sérapis et d'Isis, que la semaine 
ou nombre de sept journées, consacrées à cha- 
cune des sept planètes connues des anciens, semble 
avoir été introduite dans l'Empire. Dion GassiuS est 
le premier des écrivains de Rome qui, à l'occasion 
du sabbat des juifs, parle d'une telle période de 
jours 2 . 

Commode avait, comme on sait, joué un rôle 
sacerdotal dans les mystères de ces deux divinités. 
Il est présumable que ce fut sous le règne de ce prince 
que la période hebdomadaire commença à être 
adoptée. Ce ne fut que sous Alexandre Sévère que 
cette supputation de temps fut généralement mise 
en usage. * 

Dion explique de deux manières le rangqu*oc- 
cupent les sept planètes. 

D'abord par le mouvement visible du -ciel et par 

1 .. . ô Bï (Zebç) Taupoidiv sçéCetai. Lucien , §31, p. 448. C'est ainsi , 
comme nous l'avons vu dans le 1 er vol. de ce Mémoire, p. 300, qu'il 
est représenté dans le cabinet de Stuttgart, excepté que, pour mieux 
l'assimiler au Jupiter des Romains , l'artiste a sous le taureau déployé 
l'aigle qui lui était consacré dans leur mythologie. 

2 Dion. Cassius, Hist. rom., xxxvi , 18. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 26 1 

Tiiarmonie des sphères planétaires, explication mys- 
tique sur laquelle il s étend longuement, et dont 
il est facile de reconnaître l'origine égyptienne, et 
ensuite par le rapport que les sept premières heures 
de la journée ont avec les sept jours de la semaine, 
explication qu'il est plus facile de comprendre. 

«On compte, dit-il, les heures du jour et de la 
« nuit à commencer par la première que Ton attribue 
cà Saturne; la seconde Test à Jupiter; la troisième 
«l'est à Mars; la quatrième, au Soleil; la cinquième, à 
«Vénus; la sixième, à Mercure, et la septième, à la 
« Lune. C'est l'ordre que les Égyptiens lui assignent 
«dans le grand cercle. Si l'on continue à compter 
«jusqua vingt-quatre, la première heure du lende- 
« main sera consacrée au Soleil. En suivant le même 
«mode pour les autres vingt-quatre heures, la pre- 
«mière heure du troisième jour désignera la Lune; 
« et ainsi de suite chaque jour recevra son rang d'a- 
« près ce simple calcul.» 

Cette dernière explication n'a pas besoin de com- 
mentaire. 

On dressa des autels à ces divinités planétaires, 
dont l'influence s'exerçait sur tous les jours de la 
vie. 

Sur les quatre faces du pied d'un autel trouvé dans 
les décombres de Cassel, se montrent, sur la pre- 
mière, la figure de Junon, tenant le sceptre d'une 
main, et de l'autre la coupe du sacrifice dont elle 
alimente le feu sacré; sur la seconde, celle de Mi- 
nerve, telle qu'elle est ordinairement représentée; 
ensuite celle d'Hercule, et enfin celle dé Mercure. 



262 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Ces qualre divinités résument toute la vie humaine, 
dont il semble que la religion se soit emparée comme 
d'une allégorie. Junon, toute-puissante, préside à la 
naissance de l'homme et le conduit en ce monde; la 
déesse de la sagesse éveille et ennoblit son génie; 
Hercule lui donne la force et la santé; Mercure enfin 
préside à ses derniers moments et le conduit dans 
l'empire des ombres. 

Heureux l'homme auquel, à toutes les heures de 
son existence, ces divinités étaient propices! 

Pour rendre l'allégorie plus complète, les figures 
des sept dieux planétaires ou de la semaine ornent 
le couronnement à huit pans de l'autel. Sur le hui- 
tième est écrite celte courte inscription : En V hon- 
neur de la famille impériale*. 

C'est une prière muette, adressée au ciel, afin de 
demander, pour chacun des jours de cette vie, pro- 
tection, salut, force et bénédiction. 

Un autel du même genre, mais plus petit, fut trouvé 
à Mayence; un autre dans la vallée du Jaxt; un autre 
encore à Godramstein. Sur tous, c'est par le samedi 
que la semaine commence, conformément au rite 
égyptien, et à l'opposé de la coutume des Juifs, dont 
ce jour, au contraire, la terminait. Leur existence, 
dans les pays du Rhin , est d autant plus digne de 

« I N 

H 
D. D. 

In honorent dormis divinœ. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 263 

nous intéresser que c'est jusqu'ici la seule contrée 
du monde romain où ce genre de monument ait été 
rencontré. 

Ainsi, sur ce sol réputé barbare, furent implantés 
les dogmes religieux de toutes les civilisations. A 
mesure que les peuples étrangère furent incorporés 
dans l'Empire, leurs dieux furent presque toujours 
adoptés. C'était par un décret spécial du sénat que 
cette adoption avait lieu 1 . 

Les Romains regardaient la religion comme une 
chose qui appartenait à la nation. Aussi laissèrent-ils 
à chaque peuple ses usages, et la loi défendit -elle 
seulement, non pour cette nation de s'y conformer, 
mais par de nouvelles doctrines de s'élever contre 
les dieux de l'Empire. C est ce qui fit prohiber le 
judaïsme 2 , dont le spiritualisme n'admettait point 
d'autres dieux que le sien, et ce qui surtout mit en 
dehors de la loi la secte des chrétiens 3 qui, selevant 
contre l'idolâtrie païenne, renversèrent dans leur 
enthousiasme religieux ses autels et attirèrent sur eux 
la persécution. 

Cette secte , au delà du Rhin , n'a point laissé de 
souvenirs. 

Ni dans la grande vallée, ni dans celle du Necker, 
ni sur le Mein , ni sur l'Odenwald , ni dans l'Abnoba, 
ni sur le Danube, n'a été trouvée une seule inscrip- 



1 Livius, 1. iv, c. 30; 1. \xv, c. 1; 1. xxxix, c. 16; Cicéron , De 
leg., 1. il, c. 8. 

3 Spartian., Sever., 17; Paul., Sent. rec. } v, 22, § 3 et 4. 

3 Tacite, Ann n l. xv, c. 44; Spartian., Sever., 17. 



264 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

tion qui prouve que le christianisme y ait fait des 
progrès. 

La Vindélicie elle-même, cette province qui resta 
romaine jusque sous le règne de Valentinien II inté- 
gralement 1 , lorsque déjà depuis plus d'un demi-siècle 
la croix avait remplacé sur les étendards de l'Empire 
l'aigle de Jupiter, ne nous a point offert de monu- 
ments chrétiens. 

Quoiqu'il soit présumable que, dans les derniers 
temps de l'occupation romaine , le christianisme y 
ait eu des sectateurs, on ne peut cependant admettre 
avec quelques écrivains enthousiastes que déjà au 
troisième siècle une communion chrétienne y ait été 
établie. Rien sur le Danube n'atteste l'implantation de 
ce culte, dont au contraire nous trouvons des preuves 
évidentes dans les inscriptions de la rive gauche du 
Rhin, à Cologne , à Bonn , à Trêves, et dans d'autres 
cités. 

Ce ne fut que sous l'empire des Francs que le 
paganisme y fut renversé, et que, sur les décombres 
des temples dédiés aux divinités présidant aux* di- 
verses fonctions de la nature, les églises des chrétiens 
s'élevèrent. 

Ces temples furent en grand nombre, ainsi que 
l'ont prouvé leurs vestiges et leurs inscriptions. Ceux 
qui desservirent leurs autels durent être non moins 
nombreux. 

Il faut compter à côté d'eux les pragmatiques 
sacerdotaux, mythologues instruits dans toutes les 

{ Nous avons vu du moins la Notice de l'Empire , à la fin du qua- 
trième siècle , y placer partout des garnisons. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 265 

subtilités des différents cultes et qui présidaient aux 
sacrifices domestiques 1 , et les sévirs augustaliens , 
sorte de prêtres honorifiques, qui dans les princi- 
pales villes formaient un collège de six membres se 
vouant au culte des empereurs déifiés. 

Ainsi , pour me résumer, l'administration religieuse 
fut non moins que l'administration civile exactement 
semblable à celle de la rive gauche du Rhin. 

Pour contenir, non la population qui , composée 
en grande partie de vétérans, eut intérêt à ce que 
l'ordre de choses établi se maintînt, mais les nations 
germaines voisines du grand rempart, Rome tira un 
copdon de troupes tout le long de cette frontière, et 
en répandit d'autres dans les diverses villes intérieures 
de la province. 

Sous Alexandre Sévère, beaucoup de ces vétérans 
reçurent des terres à bail héréditaire. C'était une es- 
pèce de fief militaire qui leur fut donné pour récom- 
penser leurs services , à la condition cependant que 
leurs fils seraient soldats 2 . Ces colons militaires s'u- 
nirent parfois à des femmes germaines et gauloises , 
résidant dans le pays, et leurs descendants en cette 
qualité prirent à la fois le titre de citoyens romains 
et de citoyens de la tribu dont leur mère était issue; 
circonstance dont nous avons eu occasion de citer 
quelques exemples en lisant les inscriptions du 
Taunus. 



1 Pline, Bist. nat. t 1. xxviii, c. 3. Voy. ci-avant, t. i, p. 320, les 
inscriptions de Cassel. 

2 Lamprid., in Severo Alexand , 58. 



266 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Lorsque plus tard les Romains furent chassés, 
beaucoup de ces demeures conservèrent leur inté- 
grité, soit que leurs propriétaires en eussent été laissés 
paisibles possesseurs, soit que, pour récompenser des 
services analogues, les nouveaux conquérants les 
eussent données à leur noblesse. Nous les trouvons 
encore intactes sous l'empire des Francs, et men- 
tionnées sous le nom de Beunengùter, c'est-à-dire de 
domaines fermés, en opposition des Buitengùter * , 
c'est-à-dire des domaines ouverts, à la possession 
desquels chacun pouvait prétendre par achat. Les 
premiers appartenaient à la couronne et, comme 
domaine de l'État *, étaient donnés par les princes 
francs en bénéfices. Ils furent surtout en grand 
nombre sur le Mein et sur le Taunus,. parce que là 
principalement la disposition d'Alexandre Sévère 
semble avoir reçu sa sanction la plus étendue. Les 
militaires auxquels ce partage de terres fut fait, 
étaient des vétérans légionnaires ou cohortales. 

Les légions romaines dont les inscriptions attestent 
leur présence prolongée au delà du Rhin et sur le Haut- 
Danube, sont la troisième italique, la quatrième, la 
cinquième , la septième , la huitième , du surnom d'Au- 
guste, la onzième, la quatorzième, la vingt et unième et 
la vingt-deuxième. La troisième, formée au deuxième 
siècle dans la Rhétie , resta toujours dans cette pro- 
vince jusqu'aux derniers temps de l'occupation ro- 
maine. La huitième, la onzième et la vingt-deuxième 

« 

1 Des deux vieux mots binnen (intra) et buiten (extra). 

2 Possessiones regiœ. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 267 

surtout ont laissé le plus de souvenirs sur le Tau- 
nus, sur le Mein, sur le Necker et dans tout l'Ab- 
noba. 

C'étaient/avec les légions du Rhin et du nord de la 
Germanie, les troupes de. l'Empire qui avaient la re- 
nommée la mieux acquise. Aguerries contre des 
peuples belliquenx et forts, elles étaient fières elles- 
mêmes de cette valeur dont elles avaient donné des 
preuves dans cent combats. Elles regardaient comme 
inférieures à elles les autres légions postées dans 
des climats moins rudes et en présence de -peuples 
efféminés 1 . Cette supériorité dont elles avaient la 
conscience, les rendait l'objet de la jalousie de ces 
dernières *. 

Ce qui contribua beaucoup à entretenir la crainte 
qu'elles inspiraient, ce fut le grand nombre de 
Germains qui y furent incorporés, et dont la haute 
stature, la voix puissante, étaient devenues pro- 
verbiales. Beaucoup d entre eux s'élevèrent même 
aux premières dignités militaires; nous voyons, sous 
Aurélien, figurer parmi les généraux romains un 
Hartemond, un Heldegaste, un Hildemond, un Ca- 
riovisque 3 , circonstance qui , du reste, ne doit pas 
étonner, si l'on songe que Maximin lui-même, qui 
revêtit la pourpre impériale, était Goth de nation, et 
né en Thrace d'une mère alane. 

Les légions qui dans le principen'étaientcomposées 

1 Vopiscus, Aurel.y 7. 

2 Tacite, Hist., î, c. 80. 
:{ Vopiscus, Aurel., H. 



268 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

que de citoyens romains, le furent donc, sous les 
empereurs, de soldais enrôlés dans toutes les con- 
trées. 

Les inscriptions que nous avons eu occasion de Ijre, 
nous ont offert des noms de toutes les parties du 
monde: de l'Afrique, des rives de la mer Noire, de 
la Pannonie, de l'Asie-Mineure. Des cohortes d étran- 
gers et de provinciaux leur furent adjointes comme 
auxiliaires. Marc Àurèle alla jusqu'à prendre à sa 
solde des tribus entières de Germains qu'il lit com- 
battre contre les Germains ses ennemis 1 , et dont la 
première cohorte a laissé deux de ses inscriptions à 
Jaxthausen et à Olnhausen 2 . 

Toutes les troupes étrangères que nous avons vues 
postées au delà du Rhin furent prises, du reste, 
parmi les peuples renommés pour être les meilleurs 
soldats. 

D'après la récapitulation de nos inscriptions et des 
autres d'un moindre intérêt que nous avons passées 
sous silence, ce fut pour l'infanterie une cohorte de Dal- 
mates et une autre d'Asturiens, nation qui passait pour 
la plus belliqueuse de toutes les Espagnes. Ensuite, la 
première cohorte des Bretons et d'autres troupes de 
Bretons calédoniens et de Bretons de Triputium, la 
première et la troisième cohorte des Helvétiens, une 
cohorte de Tréviriens, du surnom d'Alexandrine , la 
quatrième et la cinquième cohorte des Vindéliciens, 

* Emit et Germanorum auxilia contra Germanos. Capitol., in Marco., 
2i. 

2 Staelin, Wirt. Gesch., t. i, inscript. 252 et 257; Hansselmann , 
ouvr. cit., pi. xiv, etc. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 269 

et la deuxième cohorte des Rbétiens; ce dernier 
peuple surtout était connu pour son courage belli- 
queux. 

A ces troupes il faut ajouter la vingt-quatrième et 
la vingt-sixième cohorte des citoyens romains volon 
laires, et une autre cohorte de volontaires portant le 
numéro XXXII, qui fut placée sur le Taunus, ainsi 
qu'une cohorte prétorienne, du surnom de Pieuse 
et de Vengeresse. 

La cavalerie était composée de la troisième et de 
la quatrième cohorte à cheval des Aquitains, de la 
deuxième cohorte des Cyrénaïques, du surnom d'Au- 
guste, et de plusieurs ailes de cavalerie, dont entre 
autres celle du surnom de Picentine, deux autres, 
dans la Rhétie, portant les surnoms de Flavienne et 
d 1 } Aurélienne , sont inscrites sur la pierre. Nous trou- 
vons aussi dans cette dernière province une aile de 
Singulares de l'empereur, troupe qui , composée de 
citoyens romains, formait probablement un corps 
spécial, attaché à la personne du prince ', 



1 L'inscription qui nous les rappelle est citée par Aventin et a été 
expliquée par Grotesend, dans la Secbode's Biblioth., 4828, p. 367. 

Nous Tavons nous-même citée en décrivant les restes de Celeusum , 
où le préfet , qui commandait ce corps de cavalerie , la fit inscrire en 
l'honneur des divinités champêtres et (TÉpone , déesse qui présidait 
aux écuries (Juven.). 

La voici d'après cette explication : 

Campestribus et Eponœ a/a prima singularium imperatoris ci- 
vium romanorum , cui prœest Mlius Bassianus , Prœfectus , votum sol- 
vit, etc. 

Voy. ci-avant , t. i , p. 322 et 323 , ce que nous avons dit des Singu- 



270 . ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Dans la Vindélicie, la Notice de l'Empire place avec 
la troisième légion, qui nous y a laissé ses inscrip- 
tions, d'autres cohortes de Bretons, de Bataves, de 
Pannoniens et de Rhéliens, etc., ainsi que la deuxième 
aile de cavalerie Valérienne des Séquaniens, la deu- 
xième aile singulare, et la première aile Flavienne 
des Rhéliens, diverses troupes qui y étaient encore 
aux derniers temps de l'occupation romaine 1 . Sur 
le Mein nous avons trouvé des vexillaireset une com- 
pagnie de pontonniers, et sur la Wied une compa- 
gnie de soldats du train. 

Gomme la majeure partie de nos inscriptions ne 
nous offrent cependant point de dates , il ne nous 
appartient pas de préciser toujours l'époque où cha- 
cune de ces troupes en particulier fut stationnée dans 
le pays. 

Ce qu'elles nous apprennent de certain , c'est 
que la quatrième, la cinquième, la septième et la 
quatorzième légion, ainsi que les cohortes qui y 
étaient adjointes 2 , occupèrent les premières le pays 



lares en général , à l'occasion des Singulares à pied que nous avons 
trouvés à Cassel. 

1 Not. dign. imp. occid., édit. citée , t t. vu, p. 1977 et 1978. 

2 Ces cohortes étaient , comme nous avons eu occasion de le voir par 
le grand nombre d'inscriptions qu'elles ont laissées sur le Rhin et sui- 
te Danube, composées tantôt de citoyens romains volontaires, tantôt 
de barbares enrôlés dans toutes les contrées. 

Borghesi , Annal delV inst. di corr. archeol n xi , 137, s'exprime ainsi 
à l'égard des premiers : 

t Le espressioni «cohortes civiumromQnorum,» « voluntariorum ,» 
t voluntariorium civium romanorum,» «italicorum voluntariorum ,« 



DU RHIN ET DU DANUBE. 271 

sur le Mein et sur le Taunus; que la onzième légion 
fut principalement répandue sur la partie sud de 
l'Abnoba, depuis 98 jusqu'en 117 de Jésus-Christ; 
que la vingt et unième le fut principalement sur la 
partie du Rhin qui coule depuis le lac jusqu'à l'an- 
cien territoire des Rauraques ; que la huitième enfin 
et la vingt-deuxiçme occupèrent le pays en général 
sur les traces de ces autres légions. 

Les inscriptions* de la huitième descendent depuis 
148 jusqu'en 21 3, celles de la vingt-deuxième depuis 
186 jusqu'en 230, époque vers laquelle les Allemanes 
envahirent le pays. 

Nous trouvons au milieu de ces légions et des co- 
hortes qui en dépendaient, des chefs et des soldats 
de toutes les parties du monde romain. Les inscrip- 
tions que nous avons eu occasion de voir dans notre 
course archéologique , nous prouvent toutefois que 
c'était dans les cohortes étrangères que le plus grand 
nombre de citoyens romains, venus des pays lointains 
où Rome avait planté ses aigles, prenaient du service. 

« ingenuorum,» ningentwrum civium romanorum,» denotano lutte le 
« medesime coorti che con intera denominazione furono domandate 

«COHORTES. ITALIGiE. CIVIVM. ROMANORVM. VOLVNTARIO- 

« RVM , corne appresso il Kellermann Vigiles nr. 269 , benche al solito 
« délie frasi troppo lunghe se ne scorciasse in appresso Pappellazione , 
i ora in un modo , ora in un ajtro. E realmente dopo che Augusto per 
« un tratto di astuta politica ebbe assoluta l'Italia d' air obbligo del ser- 
« vigio militare, siccome c' insegna Erodiano , 1. 2, c. 41, e 1. 3 , c. 7, 
« stà bene che gl' Italiani , i quali ciô non ostante seguirono il mestiere 

« deir armi , fosseri) e si chiamassero voluntarj Di lali coorti sene 

«conoscono fino a trenta due.» 

Nous avons vu ci - dessus ce dernier numéro indiqué sur une de 
nos inscriptions. 



272 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

Nous avons rencontré à Offen bourg 1 un préfet de 
cohorte, venu de Domana, dans la Petite- Arménie ; 
sur l'Odenwald un centurion de la tribu Pollia, com- 
mandant les Bretons de Triputium, venu de Si n ope 3 , 
sur les bords du Pont-Euxin ; un autre tribun, venu de 
la province d'Afrique 3 , commandait, sur le Necker, 
une centurie d'une cohorte de volontaires. Les noms 
romains de ces chefs, étrangersaux climats cT Europe, - 
prouvent évidemment qu'ils sortaient des familles 
romaines qui allèrent en Asie ou en Afrique peupler 
les colonies; car on sait, par exemple, qu'après la 
chute du royaume de Pont, fondé par Mithridate, 
Sinope, ville de la province de Paphlagonie, devenue 
capitale du royaume, et qui brillait entre toutes les 
autres cités sur le Pont-Euxin, fut dépouillée de ses 
richesses artistiques par Lucullus, et reçut ensuite 
une colonie romaine dans ses murailles 4 . 

Nous avons remarqué d'autres noms, dont ceux qui 
les portaient, simples soldats, étaient avec ces chefs 
venus sur le Rhin dans les légions ou les cohortes 
formées en Orient. Une de ces cohortes, composée 
de Thraces, était placée sur l'Albe, près du Danube. 

C'est à ce déploiement de troupes qu'il faut attri- 
buer l'élévation de l'immense quantité de camps for- 
tifiés, où elles étaient stationnées, et dont nous avons 
parcouru les ruines. C'est à elles qu'il faut attribuer 
aussi la construction de l'immense rempart qui en- 

1 Tom. i, p. 206. 

2 Ou Senope, comme le porte notre inscription. Voy. 1. 1, p. 284. 
3 ïom. i, p. 252. 

4 Slrabon , Geogr., I. xn. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 273 

ferma le pays, et derrière lequel la colonisation fit 
des progrès si rapides. 

Ainsi, d'un côté, elles servirent à la sûreté de 
Rome, en contenant les peuples Germains qui, sans 
elles, n'eussent pas respecté cette frontière, et, de 
l'autre, elles contribuèrent au développement de l'in- 
dustrie de ces contrées par les communications qu'elles 
y ouvrirent. Le gouvernement donnait au soldat la 
ration de pain, de biscuit, de vinaigre, d'huile, de 
vin, de sel de lard et de viande fraîche. S'il ne la 
lui donnait point en nature, il lui en remboursait le 
prix en argent 1 . Cet argent circulait dans l'enclave 
de l'endroit où se tenait la garnison; cette dernière 
contribuait donc au bien-être de l'habitant, dont elle 
récompensait le travail et dont elle favorisait les dé- 
bouchés, soit de ses produits agricoles, soit de ceux 
de son industrie. 

La circulation des espèces dut être, ep effet, très- 
considérable dans tous les lieux où ces troupes ré- 
sidèrent. 

L'immense quantité de monnaies romaines trou- 
vées dans tous ces camps et dans les villes prin- 
pales en est une preuve évidente. Dans les derniers 
temps de l'occupation romaine sur le Danube, il pa- 
raît même que ces espèces se frappaient dans ces 
forteresses, sous l'inspection du commandant qui y 
résidait. 

Dans plusieurs du moins furent trouvés des mor- 
ceaux de inétal préparés pour recevoir l'empreinte, 



1 Gothofr., Parât., 1. ad. C. Th., vu , 1 , p. 259 et 260. 

11. ,8 



274 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

et qui ne la reçurent jamais. C'était sans doute de 
Rome qu'en envoyait les matrices nouvelles, soit 
à l'occasion de l'apothéose d'un empereur, soit à 
l'avènement de son successeur. Ces pièces, frap- 
pées à l'effigie du nouveau souverain, étaient dis- 
tribuées aux soldats et passaient d'eux dans la cir- 
culation. 

Le métal lui-même était en partie une production 
du pays; car nous avons des preuves irrécusables 
que déjà du temps des Romains les mines du Taunus, 
de l'Abnoba, de l'Albe et d'autres lieux furent ex- 
ploitées. Ces mines faisaient une partie des revenus 
du trésor, ainsi que les salines, dont le produit, si 
nécessaire à l'entretien de l'homme et des bestiaux , 
était sans doute, comme en Italie, soumis à une taxe 
stipulée pçr le gouvernement et donné pour un prix 
convenu aux consommateurs 1 . 

Les mines étaient exploitées par le gouverne- 
ment lui-même, ou affermées à des villes ou à des 
particuliers qui devaient en payer le bail 2 . Il ne 
pouvait y avoir à ce sujet de différence avec ce 
qui se pratiquait dans les autres contrées de l'Em- 
pire; je veux croire qu'il en était de même de tout 
ce qui avait rapport aux péages, aux tributs, aux 
impôts, qui au delà du Rhin durent être conformes 
à ceux des provinces dont ces pays dépendaient. 

{ A Rome cela regardait le censeur. Voy. Tite-Live, xxix, 37. 

2 Consultez , sur l'administration des mines chez les Romains , Stra- 
bon, 1. m; Cicéron, pro lege Manil., 6, ad /awt7.,xm, 65; Pline, 
Hist. nat., 1. xxxui, 21 (4); xxxiv, 49 (17); Diodore de Sicile, 
v, 36. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 275 

Comme cependant il n existait point encore à cet 
égard de mesure fixe, que l'impôt sur les terres et la 
capitation ne furent uniformément réglés pour tout 
l'Empire que sous le règne de Maximien 1 , époque 
où déjà depuis longtemps les contrées d'outre -Rhin 
luttaient avec peine contre les barbares, nous ne 
pouvons en parler que par conjecture. La Vindélicie 
dut alors dans tous les cas avoir part à cette dispo- 
sition. 

Tel était l'état normal de la Germanie romaine 
lorsque les Allemanes en envahirent le territoire. 
Deux siècles de colonisation avaient, comme nous 
venons de le voir, fait de cette contrée un pays aussi 
florissant que bien cultivé dans ses principales val- 
lées, et où les empereurs, et particulièrement ceux 
de la famille Antonine, s'étaient plu à résider, et 
avaient à la fois donné tous leurs soins à développer 
son industrie, à protéger sa défense, à le couvrir de 
routés, de villes , de camps et de tours fortes, et à ré- 
gulariser dans ces villes le régime municipal comme 
dans le reste de l'Empire. 

Ce bien-être fut anéanti dans une seule cam- 
pagne. 

Tous les établissements que les Romains avaient 
fondés sur le Necker, depuis le cours de la Fils jusqu'à 
l'embouchure du fleuve, et tous ceux qu'ils avaient 
placés sur le Mein, sur l'Odenwald, sur l'Abnoba et 
dans la vallée du Rhin, furent alors détruits, sacca- 



1 Aurel. Victor., De Cœsar.j 39; Lactance, De mort, persecuto- 
rum , 26. 

n. ,8 - 



276 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

gés, livres au pillage et brûlés. Passé le règne de 
Maximin, il n'a plus été trouvé dans toute cette éten- 
due de terre une seule inscription qui puisse prouver 
la présence paisible des Romains. Cependant, re- 
poussés par cet empereur, les Allemanes ne semblent 
point encore être restés à demeure ûxe dans le pays. 
Mais la chute de toutes les forteresses, démantelées 
par eux, leur en avait ouvert les avenues, et ils en 
profitèrent depuis pour s'y ruer à chaque occasion , 
jusqu'à ce qu'enfin dans les temps orageux, où les 
trente tyrans s'élevèrent contre l'autorité de Valérien 
et de Gallien, ils s'avancèrent à la fois jusqu'au Rhin 
et envahirent la Rhétie 1 . 

Le roi d'une des tribus de leur coalition passa 
même dans la Gaule, et, après s'être emparé de 
Langres, qu'il mit à feu et à sang, de Clermont, 
dont il pilla le temple, s'avança jusque dans les envi- 
rons de Javoulx et d'Arles, où enfin, arrêté par une 
armée romaine, défait et pris, il termina sa vie dans 
les plus horribles tourments 2 . 



1 (Sub principe Galieno) amissa Rœtia. Eumène, Panegyr. Cons- 
tant., 10. 

2 Horum (Valeriani et Galieni) tempore et Chrocus ille Alamannorum 
rex, commoto exercitu, G allias pervagavit. Hic autem Chrocus multœ 
adrogantiœ fertur fuisse. Qui cum nonnulla inique gessisset , per con ■ 
silium, ut aiunt, matris iniquœ , co liée tam Alamannorum gentem, uni- 
versas Gallias pervagatur, cunctasque œdes , quœ antiquitus fabricatœ 
fuerunty a fundamentis subvertit , etc. Greg. Turon., Hist. Franc, i, 
30; voy. Act. S. Privatiin Actt. SS. Bol. Âug., t. IV, p. 439; Art. S. De- 
sideriiib Maj. } t. v, p. 244; Bouquet, dans ses Fragments de l'histoire 
de France, n, 464, en fait un roi des Vandales. Voy., sur cetie con- 
troverse, Bolla., Aug., t. IV, p. 435. 



I>U RHIN ET DU DANUBE. 277 

Tout ce qui n'avait point encore été renversé sous 
Maximin le fut à cette époque. Presque partout où 
nous nous sommes arrêté , nous avons vu les traces 
de Tincendie , et tout ce que nous ont offert les dé- 
combres que nous avons fouillés, nous a prouvé 
avec quelle rage aveugle l'AUemane alors détruisit 
tout. 

Cependant il fut encore repoussé au delà des monts 
de l'Abnoba, où Posthume, pour mieux le contenir, 
fit élever -les diverses tours fortes dont nous avons 
signalé les ruines. 

Mais, après la mort de Posthume, les Allemanes 
n'en revinrent que plus audacieux à la charge; ils 
pénétrèrent de nouveau dans la Gaule, et s avan- 
cèrent même jusque dans l'Italie 1 . 

La bataille qu'ils perdirent sous les murs de Mi- 
lan, les força, il est vra\, à évacuer cette dernière 
contrée , sans que toutefois les provinces gauloises 
pussent en être délivrées. 

Ce fut alors qu'ils paraissent s être établis dune 
manière fixe sur le Necker, sur le Mein et sur toute là 
Souabe occidentale, dont leurs tribus se partageaient 
le territoire, tandis que les généraux d'Aurélien re- 
mettaient au pouvoir de Rome la Vindélicie. Probe 
cependant les en chassa de nouveau et rétablit même 
l'antique ligne fortifiée des Romains ; mais cette nou- 
velle prise de possession du pays ne fut que momen- 
tanée; à peine cet empereur eut cessé de vivre, que 



1 Alamanni) vastatis Galliis, in ltatiam penetraverunt . Eutrop , 
IX, 8. 



278 ÉTABLISSEMENTS HUMAINS 

ces mêmes tribus renversèrent de nouveau cette 
limite. 

Le panégyriste de- Maximien 1 désigne le Rhin 
comme frontière de l'Empire; et, depuis lors, 
malgré les campagnes de Julien et de Valentinien , 
jamais le pouvoir de Rome ne put se rétablir au 
delà. 

Tous ceux qui tenaient au gouvernement romain, 
durent nécessairement, lors de l'invasion des bar- 
bares, quitter le sol germanique. Mais les habitants 
paisibles qui se soumirent aux Allemanes vain- 
queurs furent épargnés (du moins en partie), et ils 
se mêlèrent indubitablement par la suite aux con- 
quérants. 

Les ravages que firent les hordes barbares dans 
leur débordement sur la province furent terribles 
et sanglants; mais, après, la première fureur du 
carnage et de la dévastation, lorsqu'à leur tour ils 
réorganisèrent l'administration du pays selon leurs 
lois, et qu'avec la tranquille possession revint la paix , 
tous ceux de ces habitants que la guerre n'avait point 
décimés, revinrent aux lieux où la flamme avait in- 
cendié leurs demeures; ils les rétablirent, ou, trou- 
vant plus avantageux de les reconstruire sur un nou- 
veau terrain, formèrent souvent une nouvelle bour- 
gade à côté de celle qui avait* été renversée, et qui 
avec le temps ne fut plus connue que sous le nom 
AAltstadt, ftAllheim, à'Allweiler ou d'Âltdorf, la 
vieille ville , le vieil endroit , le vieux village , le vieux 

1 Ma mer tin., Panegyr. Maximinian., 7. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 279 

hameau, noms qui nous ont si souvent frappé dans 
notre course. 

Lorsque Valentinien vint combattre les Àllemanes 
sur le Necker, le pays était déjà depuis une soixan- 
taine d'années au pouvoir de ce peuple. Cependant, 
dans la description que l'historien Ammien Marcellin 
fait de cette campagne , il cite sous l'un des mêmes 
noms qu'elle portait sous les Romains la ville de Soli- 
cinium, près de laquelle l'armée ennemie fulvaincue. 
Le poêle panégyriste cite celle de Lupodunum , qui, 
toute dévastée qu'elle avait pu être, s'était donc aussi , 
en partie du moins, relevée de ses ruines. 

Il en dut être de même de la plupart des établis- 
sements romains, que l'Allemane, avide de pillage, 
avait saccagés, mais qui, sous l'influence de la paix, 
qui était enfin revenue, réparèrent plus ou moins 
leurs pertes. Leur état florissant (pt incontestable- 
ment anéanti ; mais du moins ce fut cette popula- 
tion gauloise , à qui Rome avait donné sa civilisa- 
tion, qui servit à adoucir en partie la barbarie de 
ses vainqueurs; ce fut elle aussi qui dut leur ap- 
prendre les arts quelle continua de cultiver et aux- 
quels les Allemanes mêmes se livrèrent par la suite 
avec assez d'adresse, si Ton consulte le nombre de 
métiers qui, lorsqu'enfin l'écriture pénétra chez eux, 
furent cités dans le code qui leur servit de loi 1 . 

Ce code, qui n'est que le résumé des coutumes 
traditionnelles de ce peuple, nous prouve expres- 



1 Comparez les TU. 59 , 65 , 79 , 80 , 83 , 104 , et les Capit. add. 17 
et 44 de cette loi. 



280 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS 

sèment qu'il n'assimila jamais à lui-même par les 
lois la population conquise. Il laissa cette dernière 
stationnaire partout où il la trouva; et une preuve 
évidente que la population gauloise ne suivit point 
en masse l'aigle dans sa retraite, c est que l'Allemane 
lui-même, avec lequel elle finit par se mêler, nomma 
du nom celtique qu'elle leur avait donné, les monts 
et toutes les rivières, au sein des vallées desquelles 
elle s'était répandue, et où il se répandit à son tour 
sur ses traces. Lorsque les Romains évacuèrent la 
Vindélicie, Tordre fut donné, il est vrai, à tout ci- 
toyen romain de quitter le pays 1 . Mais cet ordre ne 
regarda pas le fond de la population, ni l'artisan, ni 
l'agriculteur, qui changèrent de maîtres, mais qui 
n'abandonnèrent point leurs cabanes. 

La plupart des lieux romains avaient en partie 
conservé l'enceinte de leurs murailles. C'est dans 
ces enceintes que continua de vivre ce qui échappa 
aux désastres de la guerre, aussi incendiaire, du 
reste, de la part des Romains, lorsqu'ils revinrent 
combattre les A Hem ânes, qu'elle l'avait été de la part 
de ce peuple, lorsqu'il les en chassa. 

Nous en avons une preuve rapportée par l'his-» 
torien dç saint Gai, qui, lorsqu'au septième siècle, 
ce propagateur de la foi chrétienne vint prêcher sur 
le lac de Constance, nous le représente, trouvant en- 
core dans l'intérieur des murs démantelés des an- 
ciennes forteresses, les descendants des habitants 

1 Universos jussit ad ltaliam migrare Romanos. Eugippius , Vita s. 
Severini, c. 39. 



DU RHIN ET DU DANUBE. 281 

primitifs et des Romains, associés aux Allemanes 
leurs vainqueurs. 

C'est ce qui rend compte du nombre considé- 
rable de villes, de villages et de bourgs qui, au 
moyen âge, existaient encore sur les ruines des éta- 
blissements romains, et dont les habitants d abord 
ne furent point cesmêmes Allemanes qui méprisaient 
ces enceintes murées, mais les colons gaulois, aux- 
quels ils finirent par s'associer, et dont la fusion 
ne forma qu'un seul peuple. Ce sont même Jes villes 
que lhistoire nous représente comme ayant le plus 
souffert, telles que Cologne, Mayence, Spire, Augs- 
bourg, Ratisbonne, Neubourg, qui toutes, lorsque 
les Francs exercèrent à leur tour leur suzeraineté 
sur le Rhin et sur le Danube, furent de nouveau 
les plus florissantes et devinrent les métropoles des 
divers diocèses. 

Ces villes, malgré les divers désastres auxquels elles 
avaient été en proie, s'étaient donc relevées chaque 
fois de leurs ruines. 

D'autres, telles que Bade, Kempten, Gùnzbourg, 
Rottenbourg, étaient du rang de cités ou de muni- 
cipes descendues à celui de simples bourgades ou 
fle villages. 

La cité chez les Allemanes avait, à part la ville de 
l'arrondissement, la même signification que chez les 
Romains. C'était la tribu tout entière. Le territoire 
que cette tribu occupait fut partagé plus tard sous les 
Francs en petits pays ou districts, sous le nom de 
Gauen*. 

* Pagi. 



282 ÉTABLISSEMENTS HOMAINS 

Ces Gauen reçurent rarement leur nom d'un lieu 
habité , mais presque toujours de la rivière, du tor- 
rent ou du ruisseau principal qui les arrosait /ex- 
ceptionnellement aussi d'un roc célèbre, dune mon- 
tagne, ou de la tribu qui primitivement s'y était fixée. 
Cela prouve bien la haine de l'Allemane pour les en- 
ceintes inurées, où il ne s'était point encore renfermé 
et où il laissa vivre seuls alors les malheureux habi- 
tants que la force des événements venait de mettre 
sous soapou voir, et parmi lesquels durent nécessaire- 
ment se soutenir en partie les institutions romaines. 
Je dis en partie, parce que la fusion des deux peuples 
finit cependant par avoir lieu, et parce que, à mesure 
que les Allemanes vinrent à leur tour résider dans ces 
villes, leur langue finit pary prévaloir et à être adoptée 
même par les restes de la nation vaincue. Le nom 
des localités fut conservé, il est vrai, mais en adop- 
tant la forme germanique. Nous avons eu l'occasion 
de citer plus d'une inscription qui prouve cette trans- 
formation de nom. 

Cette fusion des deux peuples eut aussi pour ré- 
sultat de substituer, je le répète, en partie, au régime 
municipal des Romains le régime de la cité germa- 
nique. 

Il est certain du moins que sous les rois Francs, 
qui acceptèrent les produits des changements sur- 
venus depuis deux siècles, quelques-unes des villes 
principales qui étaient restées debout avaient une 
commune, à la tête de laquelle apparaît presque tou- 
jours, il est vrai, un agent du gouvernement, mais 
où cependant, comme un des restes de l'ancienne 



DU RHIN ET DU DANUBE. 283 

indépendance de ces cilés, apparaissent aussi les cor- 
porations et tous leurs privilèges. Car, qu'on le re- 
marque bien, ce ne fut point le régime municipal 
romain qui , comme on a à tort voulu le prouver, 
se soutint intact avec son sénat, sa magistrature et 
ses employés; mais ce fut dans les villes romaines 
que la franchise renaquit plus tard, par l'influence 
qu'y exercèrent les corporations des marchands et 
des artisans. Les murailles de ces cités , toutes déman- 
telées quelles étaient, prêtèrent cependant un asile 
a ces artisans, dont les différentes associations, étroi- 
tement liées entre elles, parvinrent peu à peu , grâce 
aux richesses quelles acquirent^ à jouer un certain 
rôle politique; les privilèges suivirent. Il n'est point 
d'agrégation d'habitants qui puisse se maintenir sans 
le lien d'une association communale, en présence 
d'une autorité à laquelle est confiée le soin des in- 
térêts communs. Aussi beaucoup de lieux du moyen 
âge, entés sur les débris romains, eurent- ils une 
administration communale avant même qu'une charte 
leur eût tëté octroyée. Cette administration n'était 
qu'un reste des coutumes qui s'étaient transmises à 
travers les siècles sous l'empire des Allemanes et des 
Francs. 

Comme la loi romaine redevint plus tard en vi- 
gueur, à mesure que la civilisation chrétienne se dé- 
veloppa, il n'est pas étonnant que l'influence des 
institutions de Rome n'ait pas été perdue, malgré la 
barbarie qui revint un moment s'implanter sur ses 
anciennes possessions, et que nous trouvions au- 
jourd'hui encore des souvenirs de ces institutions 



284 ÉTABLISSEMENTS ROMAINS DU RHIN ET DU DANUBE. 

là même où ses ruines nous ont prouvé sa colonisa- 
tion. 

Pour l'écrivain philosophe qui voudra s'occuper 
de ces recherches, mon livre sera le guide le plus 
fidèle. 



TABLE DES MATIÈRES. 



. TOME PREMIER. 

PREMIÈRE PARTIE. 

Précis historique des guerres romaines sur le Rhin , depuis Tau de 
Rome 696 jusqu'en 407 de l'ère chrétienne . 1 

DEUXIÈME PARTIE. 

Établissements romains sur le Rhin. 

g I e » 1 . Établissements de l'Abnoba et du Necker 150 

g 2. Établissements de l'Odenwald et du Taunus £78 



TOME II. 
§ 3. Établissements de la rive gauche du Rhin 1 

TROISIÈME PARTIE. 
Établissements romains du Danube et de l'AIbo 100 

QUATRIÈME PARTIE. 
Politique et législation 211 



INDEX GÉOGRAPHIQUE 

DES POSITIONS ROMAINES 



INDIQUÉES SUR LA CARTE. 



NB. Nous engageons ceux de nos lecteurs qui voudraient suivre notre 
récit dans tous ses détails, de se servir des cartes de Y Atlas de l'Europe 
centrale, du professeur J. E. Wœrl, publiées en 1859 à F ri bourg (Bade), 
par l'éditeur Ilerder. Ceux qui ne possèdent point cet Atlas, pourront se 
procurer les cartes nécessaires détachées; ce sont celles de Constance, de 
Stuttgart et Munich, de Weimar, de Cologne , de Strasbourg et Carlsruhe, 
de Besançon et Bâle. La carte qui accompagne ce Mémoire suffit pour .les 
positions romaines. 



A. 



Abodiacum , Il , 174, 175, 178, 180, 

182. 
Abnoba , m , 09, 130, 133, 163, 165, 

208,210. 
Abusina, 148; II, 112,113, 165. 
Ad Ambre, II, 172. 
Ad Fines, 188, 190. 
Ad Lunam, II, 135, 137. 
Ad No vas, II, 177, 181. 
Ad Rhenum,189; 11,200. 
Aduatici, p., 140. 
affilia Augusta , voy. Augusta Vin- 

delicorum. 
Alba,m., 14, 69,89 , 164; II, 100 

et sv. 
Allemani , Alamanni, AXafxotvoi, 

p., 77—83,86—88, 92, 94, 96—98, 

102, 105, 107 109, 111-120, 126, 

128, 129, 147, 154, 155, 163, 182, 

193. 
Aliso, cast., 12, 22,31,32, 355, 359; 

II, 18. 



Alpes , voy. Alba. 

Alpes Pœnœ, 8; II, 147. 

Altiaia,203: 11,62. 

Alla Ripa , 118 , 136, 271 , 275; II , 

68,70,72, 73. 
Amsibari , p. , 43. 
Antumiacum, 139; II, 11, 38, 39, 

41 , 44, 59. 
Aquae Matliacae, 120., 337. 
Aquileia,ll, 129, 133, 134. 
Arœ Flaviaî, 195, 202, 203, 221 , 

228,229,231. 
Arbor Félix , 189 ; Il , 206 , 207. 
Aredunum , 204. 
Arenatium, II, 14, 15. 
Arga , F., II , 93 
Argentaria, 123; II, 93, 203 
Argentoratum , 106, 128, 144, 196; 

11,46,59.81,84,86—91. 
Argenlovaria, 184; II, 93—96. 
Arialbinnum, 183. 184 ; II , 96 
Armisses, II ,143. 
Ascapha , 296 , 299 , 300. 
Asciburgium , 54 , 155 ; II , 19. 



INDEX GÉOGRAPHIQUE. 



287 



Ascis , 294 , 295. 

Attuarii, p., 15; 11,12 (ils sont ainsi 
nommés par Ammien Marcellin). 
C'est le même peuple que Tacite 
mentionne sous le nom de Cha- 
suart ;Vellejus sous celui de Chat- 
tuarii, etc. Voy. Dithmar, Com- 
ment, sur Tacite. 

Atualuca, 180. 

Augusta Rauracorum ,4, 128, 143, 
171,172, 177, 184,188, 193, 195, 
196, 202. 

Augusia Treverorum colonia, 5, 7, 
46, 58, 63, 93, 95, 97, 99, 100, 127, 
129,137; 11,30,46,48. 

Auguste Vindelicorum, 8, 188; II, 
101 -109,165,194, 195. 



B. 



Bâta va castra , II, 166. 

Batavi , p., 48-51, 65. 

Batavorum insula , 10 , 31 , 65 , 93 , 

95 , 97. 
Bethasii, p., 60, 140. 
Bibium , 215. 

Bingium , 62 ; Il , 11, 45 , 46-48 
Biriciana castra, II, 119, 125. 
Bodobriga ou Baudobriga, 139 ; II, 

46. 
Bonconica , II , 63, 65. 
Bondobrica , 11 , 44 , 45. 
Bonna , 46. 52, 53, 58, 65; II, 11. 

30,31,33—36. 
Bononia , II, 34 , 35. 
Borbetomagus, 128, 137; 11,65 
Bragadurum , II, 146, 148, 149, 152. 
Brigantia , 189; II, 152, 196, 198, 

199, 200, 202. 
Brisiacura, 139; II, 38. 
Brigobanne , 203, 228, 229, 237 
Brocomagus, 104,137; II, 71,81, 

82, 84, 85, 86. 
Bructeri, p., 2, 10, 11, 15, 23,25, 28, 

43,52,82, 97. 
Bucinobantes, p., 98, 120, 343. 
Budoris, 11,17—19 
Burginatium , II, 14. 
Burgundione» (Burundi], p. ,89, 92, 

94,98,111, 119,120, 129, 154, 

155 
Buruncum, II, 16, 19, 20. 



C. 



Caesia Silva, 24. 

Caeliusmons, II, 153, 184, 193, 
194, 196. 



Calidon, II, 32. 
Galone , II , 16, 17. 
Cambes, 184, 185; 11,97. 
Gampodunum , 181—183, 194—196. 
Campi decumales, 69,70, 146. 
Ganifates , p., 15, 50, 57, 64 
Garacales, p., 61, 78, 331—333. 
Carvone, II, 14. 
Cassiliacum, II, 196. 
Gastra Herculis, II, 11. 
Gastellum Drusi , voy. Ciyitas Mal- 

tiacorum. 
Castra Vêlera , 28, 51 , 52, 54, 57, 58, 

64,143,146; II. 1,6,10-12,14- 

17 30. 
Catli* p.,3, 10, 12,23,26,31, 36, 

41,42,55, 77,159,160,161. 
Celeusum, II, 113 — 117. 
Cevelum, II, 15. 
Chamavi, p., 43, 81, 97. 
Cherusci , p., 3, 11, 12, 15, 23, 26, 

27,30,32—34,40,41,159. 
Ciyitas Aurélia Aquensis, 195, 211. 
Civitas Matliacorum, 318 et sv. 
Clarenna , 248 ; 11,137. 
Cœlius mons, voy. Caelius mons. 
Colonia Agrippina , 4, 42, 45 — 47 , 

52, 55, 58, 60, 63, 68, 85, 91, 97, 

103,104,124, 128,161; II, 14, 

16, 23, 37. 
Colonia Trajana, voy. Castra Vetera. 
Concordia, II , 81. 
Condrusi , p., 131, 139, 140. 
Confluentes Brigantiae , II , 200. 
Confluentes , II , 42. 
Confluentes , 188. 
Conslantia, 189—191. 
Coveliacae, II , 174. 

D. 

Divitia , II, 24. 
Dracuina, II, 152. 
Duetlium, II, 148. 
Dumnum , 139. 
Dunum , 230. 
Durnomagus, II, 16, 19, 21. 

E. 

Eburum, 204. 

Epamanduodurum , 184 , II , 98. 
Escone, II, 175, 181, 182. 

F. 

Fauces,II, 182. 

Finiania Castra , II, 152, 153, 192. 

Flevo lacus , Il , 6. 



288 



INDEX GÉOGRAPHIQUE. 



Forum Tiberii, 100. 
Frisii, p.,2, 10, 43,50. 

G. 

Gannodurum , 190. 
Gelduba , 53, 54 ; II, 10, 19. 
Germania inferier, 0, 40, 42. 

— superior, 0, 40, 144, 151, 

105. 
Germania Magna , 10. 
Germanicom , II , 117, 120. 
Gesonia , II , 33, 34. 
Gesoriacum , II , 34 , 35. 
Graea, 11,147. 
Grinario , 242 ; II, 137. 
Gugerni, p., 143. 
Guntia , 194; II, 111, 154, 150, 194, 

195. 

Il 

Ilarudes, p., 134; II, 145. 
Ilellenum, 137; II, 91,92. 
Helvelii, p ,132, 171. 
Ilermiones , p., 2. 
Hermunduri, p , 2, 39, 70, 101, 102. 

I. 

Iciniacum, II, 119, 124—126, 128, 
129. 



Juliomagus, 229. 
Juïius vicus , II , 77, 78. 
Juthungi,p.,87, 98, 109. 

L. 

Lacus Briganlinus, 164,188, 193; 

11,207. 
Laugobardi, p., 3, 15, 38, 41 , 72, 92. 
Lingones, 46, 96; II, 189. 
Lingones, p., 44, 61, 96. 
Larga , 184. 

Laureacura , 150, 152-154 r II , 135. 
Lentienses , p. 98, 102, 122; II, 202 

et sv. 
Licalii , p. ; II, 102. 
Limes rhœlicus , 152, 163, 166. 

— transrheuanus , 152, 166. 
Losodica castra , II, 129, 131. 
Lugdunum Batavia?, II, 14. 
Luna, F., 154, 247 
Lupodunum, 117,237,239,271,290. 

M. 

Mannaritium, II, 14. 



Marcomanni, p.,2, 10, 14 10, 40, 08, 
09, 71, 73-76, 79, 87, 90, 143, 104. 

Marsi, p., 24, 20,27, 41. 

Mattiaci, p., 3. 26, 27, 55, 159, 160, 
318,321. 

Maltium, 159 

Mediana cas ra, II, 125, 129, 131. 

Mediomatrici, p.. 62, 133. 

Moguntiacum , 12, 45 , 51 , 53, 55, 
57,58,62,06,80,85, 107, 110, 
120, 128, 143, 158, 159, 326; II , 
30, 46, 48. 

VIons Brisiacus,118,183, 185,190, 
197; II, 93. 

Murra, 251. 

N. 

Nava , F., 62, 137, 139; II, 46-48. 

Navoe, II, 184, 187. 

Nehiaha,217. 

Nemetes, p., 8, 133, 134, 136 

Neri fons, 200; II, 63. 

Neo ou Noviomagus (Neun»agen x , 

139; 11,47. h ' 

Neo ou Noviomagus (Spire), 128, 

137 ; II, 68, 74, 75. 
Novesium , 53 , 54 , 57 , 58 , 64 , 65, 

354; 11,11,16,17,20,21. 

O. 

Oiino, 184; 11,59. 

Opie, II, 129,130,133,139. 



Palas capellatium, 154. 
Parrodunum , voy. Parthanum. 
Parlhanum, II, 163, 174. 
Phebianis (Febianis), voy. Finiania 

castra 
Poraoue', 194; II, 130, 139, 142, 157, 

160. 

Q 

Quadi , p., 3, 68, 71, 73—76,92, 96, 

113,128. 
Quadriburgium , II, 15. • 
Quintana castra , II , 165. 

R. 

Rapis, II, 184, 189. 
Receplaculum Tiberii , If, 201. 
Rpginum, 147; II, 111. 
Ripa prima , II, 171. 
Rostrum Nemaviae, II , 184 , 189. 
Rauraci p., 132, 133. 



INDEX GÉOGRAPHIQUE. 



289 



Rtuelia, 8,69, 71. 73, 79,94, 144, 

145,146,151,165 
Rhœli, p., 164,228; II, 102. 
Rigodulum, 63. 
Rigola, 204 

Rigomagus, 104; II , 36, 37. 
Robur, 177, 181, 182, 185. 

S. 

Salplio, 137,215; 11,84. 

Salissone, II, 46 

Salodurum, 185. 

Saraulocenis , voy. Sumlocene. 

Sanclio, 112, 193. 

Scarpona ,114 

Sedalum, II, 119, 121, 128. 

Segorigiura , II , 22. 

Segodunum ,161, 353, 355. 

Semnones , p., 3, 38, 74. 

Senolum, 219. 

Septiraiaca ou Scpleraiaca castra, II, 

129, 132. 
Sicambri , p , 2, 6, 7, 9, 10, 11, 13, 

82; II, 214 
Sicila , II , 60—62. 
Solicinium , voy. Sumlocene. 
fcontium, II, 21. 
Stabula, II, 96. 
Suevi, p.,2,4,5, U, 12,24,71,128, 

158, 182. 
Sumlocene , 116, 230, 231, 236, 238, 

241,243,250: II, 144. 
Summonlorium , II, 171. 
Sulinum , 60. 

• 
T. 

Tabernae, 105,203; II, 78. 

— 11,69,70,72,77-81. 

— 11,78,81. 
Tabernae Mosellana* , II, 47. 
Tarodunum , 199, 202, 203. 
Taunus roons , 12, 26, 157, 159, 

161,316,317. 



Taxgtetium , II , 196 

Tenchleri, p.,2, 6,7, 11, 13,23,43, 

52,157,161. 
Tenedone, 192, 196, 229. 
Teuloburgiensis Saltus, 20, 21, 155. 
Tolbiacum , II , 30. 
Treveri,p.,51,55,60,62, 133, 139. 
Triboci , p , 61 , 133 136, 171 , 253, 

332 ; II , 84, 85. 
Tribuni ou Tribuncum , II, 83. 
Tribur, 335. 

Tricesimae, voy. Castra vêlera. 
Tubantes, p. f 25, 43,97. 
Tubingium, 241; II, 144. 



U. 



Ubii, p., 4, 13. 31,51,60.140, 158; 

II, 25, 214. 
Urunca, 183: 11,97. 
Urusa. II, 178. 
Usipeles, p., 6, 7, 10,25,43,55, 158, 

160. 

V. 

Vallatum, II, 171 

Valentiniani munimentum, 271. 

Vangiones, p ., 8 , 61,133, 331-333. 

Vargiones, p., 332. 

Vemania castra , II, 196, 198. 

Venaxamodurum , II , 163. 

Verona , II , 34. 

Vetoniania , II, 117. 119, 123, 125. 

Viaca castra, II, 152, 184, 191, 193, 

196. 
Viana , II , 152. 
Vindelicia , 8. 88, 145, 163, 165. 
Vindelici, p., 8,24, 145, 164, 228 ; 

II, 102. 
Vindonissa, 58, 144, 183—187, 230 
Yitudurum , 188, 190 
Vosegus mons , 133, 134, 11,81. 
Vosolvia , II, 46. 



II. 



19 



ERRATA ET RECTIFICATIONS. 



:/ 



TOME PREMIER. 

l'âge 137 , ligne 21 , Sa 1 bourg, Usez Saalbouig. 

— 148, ligne 5, nord-est, mettez nord-ouest. 

— 156, note, Bvyovvrol, mettez Bouyouvtoi. 

— 164, ligne 15, desquels, mettez desquelles. 

— 185, Nole3, extructum, lisez exstructum, et après No t. 

imp., ajoutez (Comment.). 

— 245 , ligne 17 , cinquième , mettez quatrième. 

TOME IL 

Page 19 . note 1™ , ligne 2 , 23, lisez 33. 
— ■ 45 , note 4 , daus , lisez dans. 

— 111, ligne 2 (noie), magùque , lisez magis magisque. 

— 114, ligne 4 , Biricinœ, Biricftana?. 






s 



MÉMOIRE 

ÉTABLISSEMENTS 

ROMAINS 

III! RHIN ETUI BAMUIE, 

Il HE«W 

DANS LK SDD-OCIST OE L'ALLEMAGNE, 



MAXIM1LIEN DE RING, 



mu! vfs ncrit vomîmes et ïie u caute : 15 m. 



TOME DEUXIEME. 



PARIS, 

CHEZ A. LELEC», tlWIf.lK HK LA itKVl E ABCHÉuLOaUDE , 

m l'ts l'tiiiliis*, II. 
TKEOTIELIT Wtltl*. 1.1 MUMES, KIÏE M MLLE, IV. 

STRASBOURG, 

-l.imj.s, i.fcAMi'i.i:f . IS. 

1833. I 



MÉMOIRE 

ÉTABLISSEMENTS 






ROMAINS 

1)1 R II I \ ET [il BARDBB, 

OASIS IF. SI D-OIiEST 11F. LALLF.IIAIAT. . 
MWIilll.ll \ DE RING, 



l'mï iir* DW.X v.iuiMT-s rr r.E la carte : 15 rn. 



TOME DEUXIÈME. 





chez a. usLam, tmam de u retob utc&otoGWiB, 

ait* nia njnuij n 

TAHITIELE, WÏIllTZ, UBllAlRES,R(IKI»Kt.lM l 

STBASBOl'RC, 

«Cnif BAHOH, i.itAMi'r.i'K . I'- 

ix;;:i.